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LETTRES,
INSTRUCTIONS DIPLOMATIQUES
ET PAPIERS D'ÉTAT
DU CARDINAL DE RICHELIEU,
RECUEILLIS
ET PUBLIES PAR M. AVENEL.
TOME SIXIÈME.
1638— 1642.-
PARIS.
IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
M DCCC LXVII.
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LETTRES
INSTRUCTIONS DIPLOMATIQUES
ET
PAPIERS D'ETAT
DU CARDINAL DE RICHELIEU
CARDIM. DK niCHELIEC. — ?l.
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LETTRES,
INSTRUCTIONS DIPLOMATIQUES
ET
PAPIERS D'ÉTAT
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
ANNÉE 1638.
I.
Bibl. imp. S'-Germain Harlay, 364". fol. 63. — Copie de la main de Cherré.
[A LA REINE D'ANGLETERRE'.]
[i" janvier i638.]
Madame ,
Comme j'ay receu avec grand respect la lettre qu'il a pieu à V. M.
m'escrire sur le sujet du chevalier de Jars^, ma franchise ne me per-
met pas de luy dissimuler qu'elle m'a apporté quelque estonnement
voyant que V. M. n'a pas esté informée des derniers termes où j'en
suis demeuré avec ceux qui m'en ont parlé de sa part, lesquels ad-
voueront je m'asseure qu'en les asseurant de l'aifection que j'auray
tousjours à servir V. M. je ne leur ay jamais promis la délivrance du
dict chevaHer, qui ne deppend pas de moy. Je ne répète point à V. M.
les raisons qui peuvent rendre cette affaire difficile auprès du roy; il
' La suscription et la date, qui man- (Voy. aux analyses, à la un du volume.)
quent ici, sont données par une lettre que ' Au sujet du chevalier de Jars, voy.
Kichelieu écrivit le même jour à M. de t. V, p. 354, 1090, et ci-après deux lettres
Bellièvre, ambassadeur en Angleterre. du 7 mars i638.
4 LETTRES
me suffit de luy dire que M' de Montagu et moy sommes demeurés
d'accord que le vray et seul temps où j'en devois parler avec espé-
rance de succès esloit lorsqu'il y auroit un bon traitté signé entre les
deux couronnes*. Je n'ay jamais pensé à manquer à cette promesse,
et, comme je m'y suis engagé par pur désir de vous servir, si nous
eussions estimé lors une autre occasion plus propre, je l'eusse prise
tout de mesme. Pourveu que V. M. croie que je n'ay point man-
qué à ce dont j'ay prié M' de Montagu de luy donner asseurance de
ma part, je seray content pour cette heure, protestant ne le vouloir
pas eslre que je n'aye eu occasion de la servir actuellement, soit en
l'afiFaire dont il est question, soit en toute autre qui luy fasse co-
gnoistre que je suis et seray à jamais,
Madame ...
II.
Arch. des AfF. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 5. —
Minute de la main de Cylois.
A M. DE CHARTRES'.
Du 1 1 janvier i638.
Je vous envoyé l'arrest que vous demandés pour les éleuz et gre-
netiers^.
J'écris à M' de Laubardemont, ainsi que vous le désirés, pour le
prier de le faire exécuter, et exercer quelques fois sa charge à Riche-
lieu.
Je luy envoyé aussy la lettre du roypour le razement du chasteau
de Beaufort.
Le lieutenant de Richelieu n'y voulant pas demeurer, et ne l'ayant
mis là qu'à cette charge, vous en retirerés, s'il vous plaist, les provi-
' Sur la négociation de ce traité, voy. ' Ce mot est assez lisible dans a très-
une lettre du i 2 février. — ' Clierré a écrit mauvaise écriture du petit médecin de
au dos le nom et la date. Nous avons parlé Richelieu,
de l'évêquede Chartres , t. V, p. 34 , note 3.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 5
sioDs, et, quand vous serés de retour, nous adviserons à celuy que
nous debvrons mettre en sa place.
Le seigneur Lopès ira au printemps à Richelieu pour donner ordre
aux négligences et malices de Barbet , qui ne se peuvent plus supporter.
Je vous prie cependant d'y pourvoir le mieux qu'il vous sera possible.
Je vous envoyé le contract que j'ay passé avec M"" Vincent, afEn
que vous faciès un petit plan de ce qu'il faudra bastir de nouveau au
logis destiné pour la cure, pour accomoder ses confrères.
J'ay receu la response de M' de Poictiers^ fort civile et fort ho-
neste, dont je suis très satisfait.
Je vous prie de faire faire tout ce qu'il faut pour l'érection de la
cure et des unions {?) nécessaires à celte fin.
Je me rapporte à ce que vous ferés avec tous les menuisiers, ma-
çons, serruriers et autres ouvriers.
Je vous prie de faire haster le marbrier en sorte que tout soit fait
et parfait à Pasques au plus tard.
Je feray désister Lenclassé de son marché, autrement nous ne se-
rons pas cousins, n'estant pas raisonnable que cest honneste homme,
par ime association de Richelieu avec Paris, trouMe les ouvriers qui
peuvent bien travailler sur les lieux.
Je vous remercie du soin que vous avés de faire tenir les foyz et
hommages.
Je suis ravi de ce que vous ne voulés point faire faire d'estoile
dans mon parc , n'aymant point à faire couper du bois.
Vous me ferés plaisir d'achepter les bois de Senesay et Montagu'^
et réduire les coupes à neuf ans.
Je me rapporte au dessein que vous avés pour la fontaine et trouve
bon de faire l'un après l'autre.
' Henri-Louis Chasteigner de la Roche- Pères de la mission à Richelieu. C'est sans
Posay. Nous avons vu, dans une vente doute de cet établissement qu'il s'agit ici.
d'autographes, une lettre de ce prélat au ' Ces deux noms sontdifTicilesà déchif-
cardinal, datée du ao décembre 1637; il frer; pour le dernier on pourrait lire More-
y était question de l'établissement des tagre ou Monlagie plutôt que Montagu.
6 LETTRES
Je seray bien ayse que vous arrestiés la despense de madame de
Combalet , vous déclarant que , depuis que vous estes parti , les arraes^
que vous avés achepté trente et trois livres nous ont esté donnés
pour 2 kl ce qui est reconnu de toute la compagnie estre procédé
plustost d'ignorance et d'incurie que d'aucune ombre de mal engin.
J'ay donné charge à des Roches de faire tenir promptement à Ri-
chelieu les treize mil livres que vous demandés, pour faire, avec ce
que vous avés porté, la somme de 3o mil livres; s'il estoit question
de millions et milliaces je m'en fierois en vous.
Le muscat qui a esté icy apporté de Frontignan est planté à Ruel
et nous n'en avons plus.
Vous m'avés envoyé le nom des tableaux qui vous manquent, mais
non pas la mesure ^.
J'ay prié M'' le marquis d'Aluy de vous faire envoyer les tableaux
qui vous manquent, que vous spécifiés par le billet que j'ay trouvé
avec la lettre de M"' de Poictiers; je croy qu'il le fera. Cependant je
responds plus de mon obéissance à vos ordres que de celle du gouver-
neur de Chartres à son évesque.
111.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 33. —
Mise au net de la main de Cherré^.
[AU P. BINET.]
[Vers ic 20 janvier i638.]
Mon père. Je n'ay pas moins esté touché de la mauvaise conduite
' Ce mot nous semble plus difficile à
comprendre qu'à lire.
^ L'embellissement de son château était
alors pour Richelieu une préoccupation
constante. Au mois de juin de l'année pré-
cédente, Mazarin, qui était à Rome, lui
annonçait l'envoi de plusieurs statues ; Cha-
vigni écrivait le 5 février lôSg à l'ambassa-
deur (le maréchal d'Estrées) : « M*' le car-
dinal a 5o ou 6o statues dans Rome qu'il
souhaiteroit de faire venir pour Richelieu; »
et , peu de semaines après , le 2 1 mars , Ma-
zarin demandait à Chavigni uneinstruction
su r ceque le cardinal désirait encore pour sa
nouvelle galerie : « petli, statue, quadri , stu-
dioli, tavolini e altro. » (Arch. des AfF. étr.
Rome, t. 6o, 8juin 1637; t. 65 et ailleurs.)
' C'est ici une mise au net, préparée
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
du père Caussin que vous me représentés l'estre vous niesme. Tous
ceux de voslre compagnie qui ont pris la peine de me voir depuis
que le roy la esloigné d'auprès de sa personne sont aussy fidèles tes-
moings de cette vérité que du peu de sujet que le dict père Caussin
avoit de se comporter comme il a fait. La faute dans la quelle son
imprudence l'a fait tomber ne regardant point le général de vostre
compagnie, mais seulement son particulier, je vous puis asseurer
qu'elle n'a point altéré la bonne volonté que le roy a toujours eue
pour elle, et qu'elle n'est pas moindre qu'elle a esté par le passé.
Pour mon regard, ayant tous les sujets du monde de m'en louer,
j'auray à contentement singulier les occasions qui me donneront lieu
de la servir, et de procurer ses avantages; comme aussi de vous faire
cognoistre, par effects, que personne ne vous estime ny n'est plus
certainement que moy, mon père,
Vostre très aflTectionnë à vous rendre service.
pour la signature ; la lettre a dû être refaite.
La copie du P. Griffet (t. III, p. 1 19), qui
sans doute a été prise sur l'original, présente
quelques légères variantes. Cette lettre doit
avoir été écrite en réponse à une lettre du
P. Etienne Binet, jésuite, datée de Paris,
le 1 5 janvier 1 638 , laquelle lettre du P. Bi-
net se trouve dans ce ms. f* 10. En voici
un extrait : « Nf, nostre R. P. Général crai-
gnant d'estre importun à V. E. par ses let-
tres trop fréquentes, m'ordonne de luy
faire un digne remercîment de tant de fa-
veurs que nostre petite compagnie reçoit
de sa bonté. Il n'est pas en ma puissance
de faire ce qu'il me commande , parce que
tous tant que nous sommes, quand nous
aurons fait tout ce que nous pouvons,
nous n'aurons véritablement pas fait la-
moitié de ce que nous devons ; surtout
après l'affaire du P. Caussin, où V. É. par
un exccî de magnanimité, nous a tesmoi-
gné plus que jamais sa bénignité et cor-
dialité incom|>arable. Je la publie partout.
et le P. Général comme chef respandra sur
toute nostre petite compagnie les senti-
mens de gratitude que tous les vrais en-
fans de celte compagnie doivent avoir en-
vers un si grand protecteur. • — Dans tout
le reste de la lettre, le P. Binet se confond
en assurances les plus humbles de recon-
naissance et de fidélité. On voit que les jé-
suites avaient été fort effrayés du mécon-
tentement du cardinal contre le P. Caussin ,
que la compagnie livra de fort bonnegrâce ,
en apparence du moins, à la colère de
Richelieu. Cependant le cardinal avait pris
soin de le» rassurer, et en annonçant, dans
la Gazette, le renvoi du père Caussin, il
fil mettre celte phrase de consolation : i Le
desplaisir que ceux de son dit ordre ont
de sa faute est proportionné à la grande
et sincère passion qu'ils ont au bien de
cet estât et au service du roy. • Louange
adroite, oii les jésuites trouvaient à la fois
une satisfaction et le conseil d'infliger un
bh'une public à la conduite de leur con-
LETTRES
IV.
Arch. des AIT. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. Sy. —
Minute de la main de Cherré.
[A M. LE GRAS'?]
[i"] février i638.
Monsieur, Ayant sceu que la reyne a eu assez de bonté pour dire
à M' de Lisieux , et vous tesmoigner à vous-mesme que si elle sçavoit
que j'approuvasse la proposition que M. de Lavaur faict d'un prédi-
cateur, elle l'approuveroit en ma considération, je n'ay pas estimé à
propos de différer davantage sans vous prier de la remercier, avec
toute sorte d'humilité, de tant de bonté, et lui faire cognoistre que,
puisqu'il luy plaist me tesmoigner ne trouver point mauvais que je
favorise la pensée de M. de Lavaur, je le fais de très bon cœur, la su-
pliant de vouloir considérer ses services passés, et la passion avec la-
quelle il désire le succès de la grâce qu'il luy demande. Je prendray
part à cette obligation, ainsy que je le doibs; ce que je vous prie de
représenter, selon que vous l'estimerés à propos, et de me croire. . .
V.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, foi. 52. —
Minute de la main de Cherré.
A M. TUREUFl
Le 9' jour de fcbvrier ' 1 638.
Ce billet est pour prier M' Tubeuf de me mander des nouvelles de
la santé de M' de BuUion, et pour luy faire sçavoir ensuite qu'on m'a
faict cognoistre de chez Monsieur qu'on luy faisoit entendre qu'il ne
frère. [Gazette de 1 687, rubrique ; Paris, à M. de Brassac. Le quantième a aussi dis-
aô décembre, p. 8o4.) paru; la pièce est classée au i" février.
Le papier, déchiré , ne permet pas de ( Voy. sur Le Gras , ci-après , 3 mai 1 638.)
voir le nom de la personne à qui cette lettre ' Il était l'un des trésoriers de France,
est adressée; c'est sans doute au secrétaire ' Cherré a écrit au dos t janvier, » mais
de la reine, M. Le Gras; ce pourrait être en tête il avait mis • febvrier. •
DtJ CARDINAL DE RICHELIEU. 9
lenoil pas à M' de BiiUion que Monsieur n'eust des fonds pour les
bastimens, mais seulement à moy, qui n'en parlois pas audit s' de
Bullion comme il falloit.
Desjà une ou deux fois j'ay esté averty qu'on se servoit de pareils
artifices en d'autres occasions. Je prie M"" de Bullion de tascher de
descouvrir qui sont les imposteurs et les menteurs, et de faire co-
gnoistre, à Monsieur, par effect, en luy faisant donner les 28 mil**
qu'il demande, ce que peut ma recommandation auprès de luy pour
le payement des grâces que le roy a accordées.
On se sert de mesmes impostures chez la reyne; et cependant je
n'ay jamais ouy parler des relranchemens qu'elle apréhende que par
M"^ de Bullion, qui les proposa au roy. Je ne croy pas qu'en Testât au
quel elle est il y ait apparence de penser à telle relTormation, mais je
voudrois bien payer une partie du fonds qu'on a voulu retrancher, et
descouvnr qui sont ceux qui meschament fabriquent telles calom-
nies*. Je prie M"" Tubeuf de travailler de son costé à en prendre co-
gnoissance et de s'asseurer de mon affection.
n
Bibl. imp. Fonds Saint-Germain-Harlay, 264/27, fol. 76. —
Original chiffré, avec décliiffrement.
Arch. des Aff. étr. Angleterre, t. It"/, fol. 18-ao. — Mise au net '.
LETTRIi DU ROY.
MÉMOIRE AU SIEUR DE BELLIÈVRE,
CONSEILLEB DU ROT EH SES CONSEILS ET AMBASSADEUR EH ANGLETERRE.
1 2 ' février i638.
Le s' de Bellièvre fera sçavoir au roy de la G. B. que la sincère
' Cette pièce a subi les transformations dans le tome X, p. 534 et suiv. de l'édi-
qui indiquent l'intention de l'insérer en lion de Petitot.
partie dans les Mémoires de Richelieu; on ' La mise au net des Affaires étrangère.s
en trouve . en effet, quelques paragraphes donne pour date le 18 février.
10 LETTRES
affection que S. M. luy porte lui a faict souffrir jusques à présent avec
peine le long délay des affaires commencées entre L.M. pour le res-
tablissement des P. Palatins ses neveux;
Que S. M. a recogneu que les longueurs provenoient principale-
ment de ce que les alliés qui doivent avoir part aux dicts affaires,
ayant eu quelque cognoissance des articles proposés dans le projet
de ligue offensive n'estiment pas qu'il soit assez clairement et suffi-
samment exprimé en quoy pourront estre employés les 3o vaisseaux
que le dict roy de la G. B. doit fournir.
Ce qui ne doit pas estre seulement pour garder les costes des deux
royaumes, pour s'opposer au passage d'Espagne en Flandres, mais
aussy pour attaquer des places sur les costes des ennemis, selon que
les confédérés en conviendroient ensemble pour le bien commun,
n'estant pas raisonnable que, tandis que S. M. et ses alliés employè-
rent toutes leurs forces pour contraindre les ennemis à une juste
paix par l'attaque de leurs places et de leur pays, ce qui est propre-
ment faire la guerre offensive, les Anglois demeurant tousjours près
de leurs costes, ainsy qu'ils ont accoustumé, s'occupent seulement à
fermer le passage à quelque petit nombre de vaisseaux, qui ne laissent
pas toutefois de s'échapper et de passer à la faveur du vent, et par
quelque surprise, encore qu'ils soient attendus par une grande flotte.
De plus il est à considérer que quand les Espagnols auront envoyé
de bonne heure en Flandres le secours d'hommes et d'argent qu'ils
y ont destiné, ce qu'ils ne manqueront pas de faire cette année pour
n'estre pas surpris, et d'autant plus quand ils sçauront que ce traitté
sera conclu, ce que l'on no pourra celer, estant faict entre tant de
personnes, il sera inutile de garder le passage.
A quoy, si les Anglois objectent qu'ils ne peuvent s'obliger à gar-
der leurs costes, celles des alliés, et à fermer la mer aux Espagnols,
envoyant leur armée au loin pour attaquer des places , il faut rcspondre
que toute la flotte d'Angleterre ne sera pas nécessaire pour cet effect,
mais que, selon les desseins et entreprises dont l'on demeurera d'ac-
cord en signant le traitté, l'on conviendra du nombre des vaisseaux
(&
DU CARDINAL DE RICHELIEU. il
qui seront requis tant d'iine part que d'autre pour la prompte exé-
cution des dicts desseins.
Et au cas que les alliés joignent leurs forces sur mer, celles des
deux rois seront commandées par un chef de leur nation , au nom
de leurs maistres; et, quant aux Hollandois, S. M. ne doute pas qu'ils
n'obéissent aux amiraux de L. M.
Que si l'attaque se faict sur la coste de Flandres, les Angiois sont
si proches qu'ils n'ont rien à craindre pour eux, et, en ce cas, S. M.
sera contente que les places qui seront prises soient tenues et gou-
vernées en forme de République par le commun ami des confédérés,
comme sont les bailliages communs entre les Suisses, lesquelles
places ne seront point rendues aux ennemis par un traitté de paix
que les P. Palatins ne soient restablis.
Et d'autant que S. M. s'est résolue d'envoyer de nouveau, par cour-
rier exprès, presser les confédérés d'envoyer leurs députés à Ham-
bourg, encore que ceux de la couronne de Suède y soient bientost
attendus. Sa dicte Majesté ajugé à propos d'informer de ce que dessus
ie roy de la G. B. pour obvier aux nouvelles longueurs et difficultés
qui pourroient naistre entre les députés, si toutes ces choses n'estoient
bien esclaircies.
Les Angiois n'auront sujet de dire qu'on leur propose maintenant
un traitté nouveau, et qu'il falloit dès le commencement résoudre
ce point, d'autant que lorsqu'on s'oblige ensemble de faire une
guerre offensive à force ouverte, et, par une totale rupture, il n'y
a point de doute que l'attaque des places, et toutes autres hosti-
lités y sont comprises; et, combien que dans les traittés les uns
et les autres s'obligent à quelques points particuliers, comme lors-
que le dict roy promet de garder les costes et de fermer la mer,
cela n'empesche pas l'obligation générale entre les confédérés de
faire toutes autres choses nécessaires pour le bien commun, s'il n'y
estoit dérogé par quelque clause d'exemption spéciale. Toutefois
S. M. ajugé, tant pour la satisfaction des alliés que de soy-mesnie,
de faire entendre ce que dessus avec confiance au dict roy d'Angle-
12 LETTRES
terre, pour oster touts les doutes et empeschemens qui pourroient
retarder la conclusion de ce traitté.
Si les Anglois ne veulent convenir de ce que dessus et qu'ils re-
mettent cette affaire à l'assemblée de Hambourg, pour estre terminée
parle commun avis des confédérés, il se faudra contenter de cela et
ne les presser pas en sorte qu'ils se pussent résoudre à rompre , et à
se joindre avec l'Espagne par désespoir de pouvoir rien faire utile-
ment avec le roy.
Le dict s' ambassadeur représentera tout ce que dessus au roy de
la G. B. avec asseurance que le roy veut sincèrement contribuer tout
ce qui deppendra de S. M. pour faire et conclure le traitté au con-
tentement du roy de la G. B. et le plus diligemment qu'il se poup-a.
Le dict s"^ de Bellièvre insistera sur ce point principalement qu'il
convient, pour le contentement des alliés, qu'il n'y ait point plus
d'un mois entre la signature du traitté auxiliaire et celuy de la ligue
offensive, selon que le dict s"' ambassadeur a faict entendre icy qu'on
s'y disposoit par delà '.
Faict à S' Germain en Laye, le i 2 de février i638.
LOUIS.
BODTHILLIER.
VU.
Bibl. imp. Fonds Béthune, 9279, fol. lU- — Copie.
AU DUC DE VEYMAR.
De Ruel, ce i5 février i638.
Monsieur,
J'estime qu'il seroit inutile que je vous représentasse par ces lignes
la joie extraordinaire que je ressens du bonheur que vous avés en
l'exécution du dessein que vous aviés faict sur la ville, pont et passage
' Nous trouvons dans le manuscrit (P" 43), des observations du père Joseph
des Affaires étrangères cité aux sources sur la négociation avec l'Angleterre; à la
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 13
de Lauffenburg, parce que, cognoissant, comme vous faites, la pas-
sion extresme que j'ay pour la prospérité des affaires du roy et pour
vos intérests particuliers , il vous sera aisé, à mon avis, de la conce-
voir; je me contenteray seulement de dire à Vostre Altesse que Sa
Majesté en a receu un contentement d'autant plus grand, qu'elle se
promet de vostre prudence, de vostre courage et de vostre bonne
conduite qu'un si favorable succès en produira encore de plus avan-
tageux pour ses alliés et pour le bien de la cause commune. Je vous
puis asseurer. Monsieur, que Sa Majesté n'oubliera aucune chose
qui deppende d'elle pour seconder les bons desseins qu'elle sçait que
vous avés pour cela , et pour vous mettre en estât de les exécuter, et
de conserver le poste que vous occupés maintenant, qui vous est de
telle importance que je ne doute point que vous n'en ayés tout le
soin qu'il se peut. En mon particulier, je vous suplie de croire que
je contribueray auprès de Sa Majesté, pour vostre satisfaction, tout
ce qui me sera possible , et que vous pouvés attendre de moy, qui ,
ne souhaitant pas moins l'augmentation de vostre gloire et de vostre
réputation que vous-mesme, seray tousjours très-aise d'avoir occa-
sion de vous faire cognoistre, par effects, que je suis véritablement,
autant qu'on le peut estre.
Monsieur,
Vostre très humble et très aifectionDé serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Au mesme temps qu'on a receu cette nouvelle, on a faict partir
M' de Guébriant pour entrer dans la Franche-Comté ainsy que Vostre
Altesse l'a désiré.
,A suite de ce Mémoire du capucin homme estime qu'il faut envoyer cette négocia-
d'état, de Noyers a écrit : « Le P. Joseph tion à M' de Beliièvre pour y travailler en
est d'advis qu'aux conditions ci -dessus diligence... l'équité des conditions aux-
i^ l'on peut traiter avec l'Angleterre, non au- quelles le roy se soubmet fera voir à tout
trement. A Ruel ce 7 febvrier i638. — le monde que le deffault ne vient pas de
Tout le Conseil est du mesme advis. . . on luy. »
14 LETTRES
VIII.
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 62 \°. —
De la main du cardinal.
[A M. BOUTHILLIER \ ]
[22 février i638].
Vous serés le très bien venu quand il vous plaira venir icy; je n'y
voy pas vostre visage corne fastidioso. Pour vous tesmoigner que per-
sonne ne verra vostre lettre je vous la renvoyé incontinent après l'a-
voir veue. J'approuve tout ce que vous avés dict à madame d'Elbœuf.
Je vous prie ne vous relascher point jusques à ce que nous nous
soyons veus.
NOTA.
Richelieu a écrit les lignes ci-dessus au dos d'une lettre que lui avait adressée
Bouthillier, lettre non signée, mais écrite de la main du surintendant, et datée
de «Paris, le lundy matin, 22 febv. i638. » (F° 61 du manuscrit.)
L'extrait que nous donnons ici de la lettre de Bouthillier dira de quoi il s'agit :
« .. . Je luy tranchay en un mot, avec toute sorte de civilité, que toute personne
qui donnoit parole avec dessein de la tenir ne faisoit point de difficulté de
l'escrire, et qu'il estoit absolument nécessaire qu'elle asseurast à M' son filz la
moitié de louts ses immeubles, tant propres qu'acquêts, si elle désiroit l'accom-
plissement de l'affaire. Je luy parlay en outre de la jouissance d'une partie, et
d'asseurer une partie aussi des meubles, dans lesquels, comme V. E. sçait. est
compris l'argent comptant, ce qu'elle rejecta bien loing; et, comme je la pressay
sur ce que j'aurois à respondre à V. E. elle me demanda du temps, comme elle
avoit fait la première fois; mais elle le prit bien court, voulant que je l'attendisse
ce jourd'hui chez moy à deux heures après midy, quoyque je luy peusse dire
pour me permettre de me rendre en sa maison à ceste mesme heure.
« Je luy ay faict valoir la condescendance de V. E. pour retirer les lettres qui
la blessent du greffe du parlement, dont elle a esté très-contente. Je ne sçaurois
dire le respect et l'affection avec laquelle elle m'a parlé de V. É. . . .
« M' le comte d'Harcourt, qui avoit grande impatience de sçavoir ce qui se seroit
' Cette suscription et la date, qui man- nées par la lettre de Boulhillier dont nous
quent à cette pièce autographe , sont don- faisons mention.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 15
passé, se rendit incontinent après disné chez moy; je luy dis touts les discours
de madame sa mère, et jusques oîi, néantmoins, j'espérois qu'elle viendroit; de
quoy il fut ravi, et me dict que sans le respect qu'elle porte à V. E. et l'honneur
de vostre alliance, elle ne le feroit jamais , qu'il vous seroit redevable de cela (si
elle le faisoit) comme de tout ce qu'il possède au monde, qu'il supplioit, très
humblement à mains jointes, V. E. que madame sa mère ne soit point pressée
davantage, et qu'il espéroit bien d'obtenir d'elle, par l'obéissance et les services
qu'il luy rendra, sa part des meubles. . . Ce qu'l/ faut considérer icy c'est qu'à
la vérité je n'ay jamais veu aucune coustume de France qui donne la moitié de
tous les immeubles de père ou de mère à un cadet
• Je rendrai demain compte du reste à V. E. et ne luy ferai voir aucun visage
importun, luy protestant que je n'aurai jamais rien de plus cher au monde, ni
de plus forte passion que de luy agréer, comme je doibs, en toutes choses. Je
suplie très humblement V. E. que mon Blz ne sache rien de ces quatre lignes. »
IX.
Arch. des AfiF. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 76. —
Original, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR M. BOUTHILLIER,
lUKIIITEIIDAItT DES FIHANCES, À PADIS.
De Ruel, ce 4* mars i638.
Je laisse à voslre option d'aller visiter madame d'Elbœuf ou de
l'attendre chez vous. Sa qualité et son indisposition vous permettent
d'en user ainsy qu'il vous semblera bon; mais il faut tousjours venir
à ncstre compte, c'est-à-dire mettre les parties en estât qu'ilz puissent
vivre sans misère.
J'estime l'alliance de madame d'Elbœuf. Je fais plus de cas de la
personne de M. d'Harcourt que je ne puis vous dire, mais je désire
avec raison que, s'il se marie, il ait de quoy vivre, et vous sçavés
bien que ce que je prétends pour luy-mesme ne passe pas les bornes
de la médiocrité. Vous pouvez asseurer madame d'Elbœuf que, sy ma
cousine avoit assez de quoy soustenir la despense de M'' d'Harcourt,
je recevrois de bon cœur la personne avec .son espée; mais, n'y ayant
16 LETTRES
que Dieu qui puisse faire beaucoup de peu, elle jugera bien, je m'as-
seure, que je ne fais rien que pour le propre bien de M' son filz.
En un mot, je consens par mon inclination à tout ce que veut ma
dicte dame, mais la raison et la nécessité m'enipescbent d'effectuer
ce à quoy je me sens porté par mes premiers mouvemens.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Vous serés le bien venu quand il vous plaira.
X.
Arch. des Afl'. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 82 v". —
Original, sans signature, de la main du secrétaire de nuil.
SUSCRIPTION:
POUR M. ROUTHILUER,
SORtNTENDANT DES FINANCES.
[ 10 mars i638. ]
Je vous remercie du soin que vous avés des affaires contenues en"
ce mémoire \ Je crois qu'on parlera long temps de la première, et
que peut estre elle ne se fera pas'^.
' C'est un mémoire de Bouthillier,
adressé au cardinal, et daté «de Pa;is, ce
mécredy matin, 10° mars, i638. » — Le
cardinal a fait écrire la réponse au dos, re-
plier et recacheter la lettre, de sorte qu'elle
présente deux adresses et quatre cachets.
' Cette première affaire est celle que
Bouthillier négociait avec madame d'El-
beuf ; il envoie au cardinal copie d'une lettre
de cette dame, qui temporise et s'excuse
sur une déjluxion de n'avoir pas été liou-
ver Bouthillier. Dans un billet du 22 mars
(aux Analyses) , Richelieu dità Bouthillier:
«Je laisse l'affaire de madame d'Elbœuf à
vostre conduite. » — On en parla un an ,
mais elle se lit pourtant; la jeune veuve
du duc de Puylaurens , Marguerite du Cam-
hout, fille cadette du baron de Pontchâ-
teau , que Kichelieu avait mariée au duc,
en 1 636 , lorsqu'elle n'avait encore que dix-
sept ans, épousa, en février 1689, Henri
d'Harcourt, second lils du duc d'Elbeuf,
qui devint la lige des comtes d'Armagnac.
La faveur de Richelieu, aidant son mérite
et sa naissance, le mit sur la voie des plus
grands emplois dans l'Etat et des plus hau-
tes dignités de la cour. Il partagea en 1 ôSg ,
avec l'archevêque de Bordeaux, le com-
mandement de l'armée navale de la Médi-
terranée et il succéda, dans ie gouverne-
ment de la Guyenne , au duc d'Epernon , en
1642; enfin, l'année suivante, il obtint la
charge de grand écuyer. I\ichelieu avait
pour lui une véritable affection , malgré les
fautes politiques de son frère aîné , le duc
d'Elbeuf, r^-:-' '^'-^" -' •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 17
Quant à la seconde je désire grandement qu'elle se face prompte-
ment, et vous conjure de n'y oublier rien de ce qui deppendera de
XI.
Bibl. imp. Suppl. franc. 2o36, 54- ' '■ Fol. 124. —
Minute de. la main de Cherré.
A MADAME DE CHEVREUSEl
Un peu avant le 18 mars i638.
Ayant sceu que vous estiés en Angleterre, je prends cette occa-
sion de vous escrire pour vous dire que, puisque vous aviés dessein
d'y aller, je suis très aise que vous y soyés arrivée , et vous donner avis
de ma grossesse, qui est véritable, et dont je ne doute point que vous
n'ayés une extresme joye, pour le bien et l'avantage que ce m'est.
Je suis bien faschée qu'en Espagne vous n'ayés pas esté posada en
palacio. Si mes souhaicts avoient eu lieu, vous pouvés croire qu'on
auroit adjousté ce bon traitement aux autres que vous avés receus.
Je plains plus que je ne vous puis dire la peine que vous avés eue en
un si long voiage, et n'ay peu m'empescher de rire de certaines avan-
tures que j'ay sceu qui vous sont arrivées. Vous avés pris l'alarme
trop chaude. Je vous puis asseurer maintenant qu'on n'a point eu
d'intention de vous (aire mal, mais je sçay bien que d'abord quand
' Voici le passage de la lettre de Bou- en Angleterre, qui n'a pas esté envoyée,
thillier auquel se rapporte celte phrase du Mars 1 638. » La lettre est évidemment
cardinal : — « 11 a tousjours tenu au con- dictée par le cardinal. On se demande la
seil de madame de Brissac que l'on ne se raison qui l'a empêché de l'envoyer. Nous
soit assemblé; il est vrai que c'a esté par trouvons dans une lettre de Richelieu à
l'indisposition et empeschement de Che- Bouthillier, datée du 18 mars, et que nous
raillât, l'un de ses advocals. » — La lettre notons aux analyses, cette recommanda-
autographe de Bouthillier est signée ainsi : ' tion: «Souvenés vous de retirer de M. Le
-5" ^ Gras l'original de la lettre que la reyne
On lit en tète de celle pièce : 1 Copie devoit escrire à madame de Chevreuse ,
d'une lettre que le roy avoit désiré que la que je vous envoyay dernièremenl et que
reyne escrivist a madame de Chevreuse, vous avez donnée au dict s' Le Gras. »
CAnDIN. DE RICllEi.iËC. — VI. 3 ^
18 LETTRES
on a peur tout faîct ombre. Quand ce que vous sçavés fut descou-
vert, la première chose que je fis fut de m'asseurer du cardinal que
vous n'en seriez point en peine, ce qu'il n'eut pas, ce me semble,
beaucoup de peine à me promettre.
Il faut songer à réparer ce qui est faict. L'estat auquel je suis me
donne les pensées que doit avoir une personne qui espère d'estre
bien tost mère d'un dauphin, et partant je vous prie, et pour l'amour
de vous, et pour l'amour de moy, de ne rien faire au pays où vous
estes qui puisse donner de deçà un juste mécontentement de vous;
et je vous avoue qu'en désirant passionnément la paix je serois au
désespoir si l'Angleterre , pendant le temps que vous y serés, ou après
que vous en serés sortie, faisoit quelque chose contre la France.
xn.
Arch. des AfF. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 92. — Copie.
A M. DE LOYNES'.
Ruel, ce xxi* mars i638.
De Loynes s'en yra en Brouage avec le plus de dilligence que il
pourra, et emmènera avec luy le s'^ Chauvin, ingénieur, pour aviser
à ce qui sera à faire pour la conservation des places de mon gouver-
nement; mesme dira à mon oncle le commandeur qu'il mette ledict
Chauvin en l'une des places de mon gouvernement, où il le jugeia
plus utile pour sa conservation.
Des cent milliers de pouldre, qui sont à la Rochelle et que le
s' Sabattier y a envoyées, il en envoyera en Brouage, Olleron et Ré,
ce qu'il advisera avec mon dict oncle pour la seureté des places, soit
par la mer ou par la terre; et ce avec le plus de seureté que faire
se pourra. Et pour les frais de la conduicte des pouldres, l'on fera
' Cherré a écrit au dos de cette pièce : De Loynes était premier commis de la
• Coppie de l'instruction donnée à M' de marine.
Loynes s'en allant en Brouage , le 22 "mars. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 19
advancer des deniers de mon revenu, sauf à m'en faire rembourser
par le roy.
Verra dans toutes les places s'il y a des vivres et munitions de
guerre suffisamment pour leur conservation; et d'aultant que j'ay
apris qu'il y a au fort de la Prée du biscuit qui est vieil et n'a point
esté renouvelle depuis l'année 1 635 , qu'il y 'a esté mis, si il a besoing
d'eslre renouvelle, il en fera faire la mesme quantité qu'il y a, en
fera paier la despence sur les deniers de mon revenu de l'année pas-
sée, duquel je me feray rembourcer de pardeçà, et néantmoings
cette despense estant arrestée, il la fera ordonner par mon oncle le
commandeur.
Si il paroist quelques troupes pour attaquer l'une des places de
mon gouvernement, il faudra prendre des habitans les mieux aguerris
pour garder les dehors, soubz le commandement de l'un des capi-
taines qui sont dans iesdites places.
Les compagnies du régiment de la Melleraye , qui seront mises
dans les isles d'Olleron et Rhez, se rendront dans les forts de chas-
cuue des isles pour y deffendre la place en cas d'attaque, soubz les
ordres de celuy qui y commande.
Et quand Iesdites compagnies seront dans Iesdites isles, ils pren-
dront l'ordre de celuy qui commande aux forts d'icelles, pour esviter
à la confusion qui pourroit arriver.
Verra en quel estât sont les vaisseaux qui sont en Seuidre , et par-
ticulièrement la Couronne, sur laquelle, en cas qu'elle soit encore à
l'eau, il faudra y faire mettre du canon, et faire ce qu'on estimera
pour sa deffence, avec deux cents hommes que on prendra dans les
costes et qui y entreront en garde de vingt-quatre en vingt-quatre
heures, soubz le commandement des officiers de Brouage que mon
oncle jugera le mieux s'en acquiter.
Et en cas que le dict vaisseau la Couronne soit eschoué à Meude-
loup', on fera quelque petit fort en terre tout autour afin de le
' Mot douteux. Nous ne trouvons sur les bords de la Seudre aucun endroit dont le
nom ressemble à celui-là.
20 LETTRES
tenir en seureté; et mesme on y mettra des canons dessus, la quan-
tité que les s" de la Roullerye et Chauvin jugeront pour la deffense;
et générallement de toute la despence qui se fera pour tout ce que
dessus, de Loynes le fera advancer par Gombault, de mon revenu,
par l'ordre susdict;
Fera advancer le travail des cisternes le plus dilligemment qu'il
pourra .
Et d'autant qu'il y a quelques particuliers marchans de la Rochelle,
et autres ouvriers de la Tremblade et Brouage, à qui il est deuh
pour mai'chandises par eux fournies au dernier armement qui s'est
faict à la Rochelle, lorsque M' le comte d'Aicourt et M'' de Bourdeaux
y ont esté, les asseurera que je les feray paier, tant sur les deniers
qui proviendront de la vente des offices de M' le Comte, que des de-
niers de la marine de l'année i636, après que j'en auray veu Testât.
Faict les an et jour dessus.
XIU.
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet, foi. 94. —
Minute de la main de Charpentier.
A M. LE COMMANDEUR DE LA PORTE'.
De Ruel, ce 22 mars j638.
Mon oncle, bien qu'il ne faille pas ajouster foy à tous les avis, n'en
fallant néantmoins négliger aucun, j'envoie Loynes en vos quartiers,
sur ce que j'ay esté averty que les ennemis ont dessein de venir es
isles de Ré et d'Oleron, afin de resveiller tous les esprits, voir exac-
tement les provisions qu'il y a dans les magazins, et les munitions de
guerre, et donner ordre à toutes les choses qui sont nécessaires; en
sorte que, quand bien les ennemis voudroienl exécuter l'entreprise
que l'on veut faire croire qu'ils ont sur les isles, on leur face co-
gnoistre, par effect, qu'il n'y a que des coups à gaigner.
Il faut faire une revue de tous les gens de guerre qui sont dans les
' Cherré a noté au dos de celte pièce sans suscriplion le nom et la date.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. n
isles, les distribuer par compagnies et par régimens de 5 compa-
gnies, et prévoir, en cas d'allarme, ce que chacun devra faire, et qui
commandera le tout.
Je vous prie , s'il arrive quelque chose en Ré , de faire jetter dans le
fort le sieur de la Roulerie et Chauvin, que je renvoie expressément.
Je vous avoue que je n'appréhende rien pour les isles, ne croiant
pas que les ennemis soient assez fous pour y penser; mais je crains
bien qu'ils fissent dessein d'aller brusler la Couronne, qui est dans la
Seudre. Le vray remède à cela est d'y faire passer 5 ou 6 compagnies
de la Melleraie, qui y vivront aussy bien avec leur subsistance qu'ail-
leurs, et y faire faire 2 bonnes bateries en terre à costé de canons
de fer. Je remets le tout à vostre jugement , et vous prie de mettre si
bon ordre à tout vostre petit gouvernement qu'il n'y puisse arriver
d'inconvénient. Cependant je vous avoue que je répète encore une
fois que je ne sçaurois croire que les Espagnols soient si inconsidérés
que de vouloir aller en un lieu bien fortifié et bien gardé.
Tout se porte bien, grâces à Dieu, de deçà. Le porteur vous dira
la grande victoire que le duc de Weimar a obtenue sur les ennemis ' ;
et moy je vous asseureray que je suis . . .
XIV.
Arcli. des Aff. élr. Suède, i63(J à 1 643, t. 5, fol. U- —
Minute de la main de Cherré.
On trouve, au fol. 5i, une mise au nel de la main d'un secrétaire de Chavigni.
RESPONSE
AUX PROPOSITIONS' FAITES PAR M. GROSSIUS'.
[ . . .Mars i638 ? j
SUR LE I *' ET 2* .\RTICLE.
Les trefves d'ordinaire se font à condition que chacune des parties
A LaufTenbourg; voy. ci-dessus la se trouvent au folio 49 de ce manuscrit.
lettre du 1 5 février, p. 1 2. ' Ce savant publiciste lioliandais, ayant
Ces propositions , rédigées en latin , été enfermé dans la forteresse de Loeves-
22
LETTRES
intéressées demeurera en la possession de ce qu'elle tient au jour de
la signature de la trefve , mais, s'il arrive que l'on y demande quelque
restitution de places, il semble que ce doivent estre ceux qui les ont
perdues, et à qui elles appartenoient ajuste tiltre, ce qui n'arrive pas
en ce cas, parce que, les Suédois retenant la Poméranie, ils l'ont
jjrise sur l'Empereur, et le tiltre qu'ils prétendent avoir sur cette pro-
vince, est plustost apparent qu'effectif; de sorte que si l'Empereur a
repris quelque place de celles qui luy avoient esté ostées, on ne luy
en peut pas demander la restitution avec raison. Ce que dessus peut
servir pour le premier et le second article, auxquelz on peut res-
pondre que le roy souhaiteroit que les places y mentionnées fussent
entre les mains de la couronne de Suède, mais que, n'y ayant pas
apparence que l'Empereur veuille rendre celles qu'il aura reprises.,
et qui esloient auparavant soubz sa jurisdiction, Sa Majesté estime
qu'on ne doit demander que la possession des choses qu'on aura entre
les mains jusques à ce que la paix se face, dans laquelle on décidera
tous les intérests. Sa Majesté protestant de vouloir porter ceux de la
couronne de Suède à l'esgal des siens propres.
tein pour ses opinions religieuses, se sauva
de prison en 1621, et se réfugia en France,
où le roi lui donna une pension, et où il
publia son livre De Jure belli ac pacis, en
1625, presque au momenl où I\icliclieu
prenait le gouvernement des affaires du
royaume. Ses premières relations avec le
ministre le firent peu goûter du cardinal ,
et il quitta la France. 11 y revint en i635
avec le litre d'ambassadeur de Suède.
L'intention de Richelieu était sans doute
de mettre bientôt un terme à cette mission ,
qui lui était désagréable, car nous lisons
dans un mémoire envoyé, le 3o janvier
1635, par le roi à Feuquières, alors am-
bassadeur extraordinaire en Allemagne :
« L'on ne traitera point ici avec le s' Gro-
tius , et il sera promptement renvoyé après
sa première audience. » (Lett. et négociât,
du marquis de Feuquières, t. II, p. A/13,
éd. de 1753.) Ce mémoire, contre-signe
lioulhiliier, exprime certainement la vo-
lonté de Richelieu. Cependant Grotius,
qui avait reçu ses instructions d'Oxens-
tiern en janvier, arriva à Paris le mois
suivant; il eut son audience du roi le
19 mars, et depuis il continua de repré-
senter Christine à Paris. Richtiieu fit cé-
der son antipathie à la nécessité de rester
en bonne intelligence avec la Suède; mais
il vécut assez mal avec Grotius, lequel ne
s'entendit pas mieux avec Mazarin, et il
quitia enfin la France en i6/i5. Il mourut
])eu de mois après. Quels que fussent les
talents de Grotius, il n'avait point celte
habileté diplomatique nécessaire pour né-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 23
3* ART. Le roy joindra très volontiers ses offices avec ceux de la
couronne de Suède pour faire que madame la Landgrave et ses en-
fans puissent conserver les choses mentionnées en cet article, Sa
Majesté conservant encore la mémoire des services que feu M'' le
Landgrave a rendus à la cause commune, et considérant avec com-
bien de fermeté et de courage Mad* la Lanèigrave persiste à se tenir
estroitement unie avec la France et la Suède.
4* ART. Les services que M"^ le duc de Weymar rend tous les jours
à la France, et à la cause commune, sont assez considérables pour
obliger les deux couronnes à embrasser ses intérests avec toute sorte
d'affection, ce à quoy le roy s'emploiera de son costé de tout son
pouvoir, comme il croit que la reyne de Suède fera du sien.
5* ART. Le roy estime que la principale condition de la trefve doibt
eslre de traitter la paix incessamment, à laquelle S. M. apportera de sa
part toutes les facilitez qui luy seront possibles, et proteste de ne la
vouloir conclure que conjoinctement avec la couronne de Suède et
tous ses alliés.
6* ART. Il semble que cet article doibve estre entendu plus tost en
cas de paix que de trefve. Et ainsy S. M. s'emploiera très volontiers à
ce que les Estais protestans de l'Allemagne donnent satisfaction aux
armes de Suède.
7* ET 8'' ART. La longue trefve se faisant, la couronne de Suède sera
soulagée de la plus grande partie de la despense de la guerre, et tant
s'en fault qu'elle doibve prétendre deux cent mil richedales par dessus
les quatre cent mil que le roy luy a accordées par le traitté de Wis-
mar ', que Sa Majesté estimeroit estre très bien fondée à demander
d'estre deschargée de fournir aucunes sommes d'argent. Néanlmoins,
pour tesmoigner sa bonne volonté et la facilité qu'elle veut aporter à
establir le repos de la chrestienté, elle demeure d'accord de payer à
la couronne de Suède, pendant le temps de la trefve, la somme de. . .
9* ART. Le roy fera tout ce qui luy sera possible dans le traitté
gocier avec Kichelieu, et son ambassade ' ao mars i636. {Corps diplomatique ,
fut peu utile à la Suède. in- fol. t. VI, partie i", p. ia3 )
24 LETTRES
de paix affin que la Poméranie demeure à perpétuité à la couronne de
Suède '. Comme aussy la couronne de Suède doit faire pareillement
tout son possible à ce que la France puisse retenir tousjours la Lor-
raine et ce qu elle tient en Alsace.
10® ART. Le roy joindra volontiers ses offices avec ceux de la cou-
ronne de Suède pour obtenir l'elFect de cet article.
11*= ART. Il faut considérer si on demandera la liberté de tous les
prisonniers, à cause de ceux que tient M' le duc de Weymar, mais,
en tout cas, Sa Majesté s'emploiera volontiers pour celle du mares-
chal Horn, qu'elle estime et affectionne extresniement.
XV.
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. i56.
Original, sans signature, de la main de Cherré.
r Vers ie 20 avril 1 638 '. 1
Plaise au roy donner au s' de Gamelin une commission qui s'estende par les
ports et havres de France, pour faire saisir les deniers et biens appartenans aux
' Les trois dernières lignes de ce para-
graphe ne sont point dans la minute; elles
ont été ajoutées , de la main de Cherré , sur
la mise au net.
^ L'envoi que fait Richelieu au conseil-
ler d'état François Foucquet du placet de
Gamelin n'a point de date, mais la ré-
ponse de Foucquet, étant du 23 avril, fait
supposer que l^ichelieu lui avait écrit vers
le 20. Cette réponse se trouve au folio 1 32
du manuscrit précité . ..« Gamelin a esté cy
devant fermier des droits de l'admirauté,
il y a eu grande paine à le faire payer, et
après quelques procez par luy intentez
contre V. Em. esquels il a esté condamné,
on a esté contrainct de transiger avec luy
pour moins perdre. Il a néantmoins esté
mis une ou deux fois prisonnier à faute de
payer ce qu'il avoil promis, et à quoy il
estoit obligé , et l'a fallu eslargir quoy qu'il
n'ayt tout payé. Depuis deux mois ou en-
viron il a eu de V. Em. une commission
pour rechercher les droits d'admirauté
desquels il dict n'avoir esté tenu compte
par ceulx qui estoient commis à la recepte
avant sa ferme, quoyque luy-mesme fust
obligé par son bail d'en faire la recepte et
d'en tenir compte. » — Foucquet expose
ensuite les trois afiaires dont il est ques-
tion dans la proposition de Gamelin, et il
ajoute : « . . .Mais de donner à Gamelin
les commissions qu'il demande, j'estime
que ce seroit lui donner un moyen de
vexer grande quantité de personnes, de
tirer de l'argent des coupables et des in-
nocens, et que si S. M. vouloit faire faire
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 25
Espagnols, et pour la sortie de l'or et argent de ce royaume; comme pour les
concussions que commettent les juges royaux de l'admirauté; et plaira à Sa Ma-
jesté d'accorder au s' Gamelin le tiers des sommes qu'il fera revenir, comme aux
simples dénonciateurs.
Proposition faicte au roy par Gamelin. M'Foucquet la verra, s'il luy
plaist, et mandera quel homme c'est que ce Gamelin qu'il cognoist^.
On croit qu'il y a de l'aflronterie en son faict, car, au lieu de s'a-
dresser au conseil de la marine ou au conseil du roy, il s'adresse à
la propre personne du roy, pour tascher à surprendre Sa Majesté, à
mon avis.
XVI.
Arch. des Afif. étr. France, i638, de janvier en juillet , fol. i34 v°.
Minute de la main du secrétaire de nuil.
A M. LE PRINCE'.
■li' avril i638.
Monsieur, Le désir que j'ay que vous servies avec succez au lieu
où vous allés me faict prendre la plume pour vous dire que toutes
les nouvelles que nous avons de ces costez là nous donnent lieu de croire
que vos desseins y pourront réussir heureusement. Ensuilte j'estime
vous debvoir représenter que rien ne vous en peut davantage favo-
riser une bonne issue, que le secret avec lequel vous conduirés ce
que vous voudrés faire.
Pour cet effect, j'estime du tout nécessaire que vous faciès croire
les dictes recherches, il faudroit choisir ' Au dos de celte minute, que le secré-
des personnes desquelles la probité fusl taire de nuil avait laissée sans aucune in-
cogneue el qui ne fussent point dans la dicalion, Cherré a mis le nom et la date-,
misère où est ledit Gamelin A Pari», mais, le chiffre ayont élé mal lu , une uiain
ce 23 avril i638. » Ce document ne man- étrangère a écrit en lêle « a^ avril, » »t In
que pas d'intérêt en ce qui touche les pro- pièce se trouve classée fautivement à celte
cédés de l'adminislralioM du temps. dernière date.
CARDIN. DE RICHELIED. — VI. 4
26 LETTRES
à tout le monde que vous voulés aller ou du costc de Perpignan, ou
droit à Pampelune, ce qui sera plus croyable.
Le déguisement des resolutions que vous prendrés est si impor-
tant qu'il n'y a rien que vous ne debviés faire pour surprendre les
ennemis. M' de Grammont, M' de La Valette et quelques autres se
portent plus à l'attaque de Pampelune qu'à celle d'un autre costé
plus proche de nostre frontière. Pour moy je ne suis pas de leur
advis, estimant que les vivres sont bien difficiles à asseurer jusques
à Pampelune.
Cependant je croy que vous ne sçauriés mieux faire que faire
semblant d'entendre à cette entreprise, et pour cet effect faire faire
des préparatifs de ce costé là. J'ay à ces fins escrit à M"" de Grammont,
qui estimoit cet hiver qu'il n'estoit pas impossible de surprendre le
Bourguet, qui est sur le chemin de Pampelune, que je le conjure de
faire faire maintenant cette entreprise; et, en effect, soit qu'elle réus-
sisse ou qu'elle ne réussisse pas, il est très important de la tenter,
et, si on pouvoil prendre ce petit fort, les ennemis croiroient indu-
bitablement qu'on voudroit aller de ce costé là, ce qui feroit une
bonne diversion et laciliteroit les desseins que vous pourrés prendre
d'un autre costé.
Quand l'amiral de Bonnivet assiégea Fontarabie il n'oublia aucune
ruse de guerre possible pour tascher d'y surprendre les ennemis et
cependant, quoyqu'il ne peust sy bien faire qu'il ne trouvast bon
nombre d'Espagnols qu'il luy fallut combattre au passage de la ri-
vière, il ne laissa pas de prendre cette place. Il deppend de vous.
Monsieur, de faire telle attaque que vous estimerés plus à propos,
et je m'asseure que vous sçaurés prendre de si bons desseins que
vous en aurés bonne issue. Vous sçaurés bien animer, je m'asseure,
tout le pays à bien servir en cette occasion; vostre authorité et acti-
vité seront deux pièces qui ne serviront pas peu en telle rencontre.
Pour moy, Monsieur, j'y contribueray tout ce qui deppendra de
moy, etc.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
27
XVII.
Arch. des Aff. étr. Suède, i638 à 16/43, t. 5, fol. 62.
Mise au net de la main de 6i»*«"ré.
A CHAVIGNY.
[28 avril i638'.]
Monsieur de Chavigny doit voir M'' l'ambassadeur de Suède pour
sçavoir ce que c'est que le pouvoir qu'on luy envoie de traitter de la
trefvc '.
Il luy fera cognoistre que les propositions touchées sur ce sujet par
le s"' Malees sont non recevabies. et luy dira qu'on n'a jamais en ce
cas parlé que de trois cens mille francs, ce dont mesme on n'a pas
parié au roy.
II pénétrera, sans se déclarer, si ledit s' ambassadeur a pouvoir
d'entrer icy en un traitté de trefve au cas que l'occasion s'en présen-
tast, et de plus si, moyennant quelque contribution aux garnisons et
la réserve de ce qu'on possède, ilz entendent qu'on consente à la
trefve, si l'occasion s'en présente-.
' Celte mise au net e^t sans date, mais
on trouve dans le même ms. au folio igi,
la réponse de Cliavigni; elle est datée de
Paris, le ag avril, et comme Richelieu
était alors à l'abbaye de Royaumont, on
peut supposer que la présente lettre était
écrite le 28. Clinvigni disait dans sa ré-
ponse : « Je vis hier M' Grossius, à qui je
parlai conformément à ce que V. Ém. m'a-
voit commandé sur le sujet de l'argent. .
Ledit s' Grossius m'a dit nettement que
son pouvoir estoit général et très ample,
non seulement pour ajuster avec les mi-
nistres du roy les dilTicullés qui se pour-
roient rencontrer sur la trefve, mais
mesme pour la conclure ici, en cas qu'on
la traittasl avec ceux des roys d'Esp'agne
et d'Hongrie. » Cette lettre est classée par
erreur, dans le manuscrit , en i64i.
' Ce fut dans cette conférence que Gro-
lius donna à Chavigni ses propositions; elles
sont, rédigées en latin (langue diploma-
tique des Suédois) , au folio 49 de notre ma-
nuscrit, et, au folio 5i , se trouve le projet
de réponse dressé parChavigni. Ces deux
pièces, en copie, ne sont point datées,
mais nous pouvons leur donner une date
approximative, très-voisine de la véritable.
La lettre de Chavigni, citée dans la note
précédente, nous apprend qu'il avait vu
Grolius le a8 avril; il dut rendre compte
de cette visite à Richelieu presque immé-
diatement, et il n'est pas douteux qu'il ne
soit convenu avec le cardinal delà réponse
à.
28 ' LETTRES
Il faut tascher de tirer un consentement de cela sans tirer une
exclusion.
XVIII.
Arch. des Aff. étr. Suède, i638 à i643, t. 5, fol. 61.
Original, .sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHA VIGNY,
SECRÉTAIRE D'ESTAT À PARIS.
De Boyaumont, ce 29' avril 1 638.
Il faut accommoder les affaires à la santé des hommes, et la santé
des hommes aux affaires. Cela veut dire que voslre rhume requérant
quelque repos, et l'affaire de Suède quelque esclaircissement, inci-
sant [sic) l'humeur du premier, vous taschiés de venir à la décision
de l'autre.
C'est donc à vous, pendant que vous vous droguerés', d'ajuster sy
bien vos heures avec M"' l'ambassadeur de Suède, que vous voyiés
jusques au fond ce qui se peut faire en la commission qu'il vous a dict
avoir.
Cette affaire est importante pour plusieurs raisons que vous pou-
vés juger momentanées [sic).
S'il n'est question que de trois ou quatre cens mil livres pro pre-
sidiis, je croy que le roy les accordera.
Il ne faut rien signer que vous ne nous ayiés envoie premièrement
les projets prétendus. Interea valetudinein cura.
à l'aire à l'ambassadeurdeSuède. Nous trou- que les réponses de Chavigni ont élé écrites
vonsd'ailleurs.danslemanuscrit (fol. 64), l'un des premiers jours de mai, et les ar-
un mémoire du père Joseph , en tête duquel licles'de Grotius le 3o avril ou le 1" mai.
Cherré a écrit : «Compiègne, le 6 may Ces trois pièces sont d'un intérêt réel par
i638. » Or, dans ce mémoire, le révérend rapport aux négociations avec la Suède,
père examine, article par article, la réponse ' Chavigni, dans sa lettre du 29 avril
de Chavigni, et en donne son avis à Riche- à Richelieu, disait qu'il se ferait saigner
lieu. Il résulte de ces diverses circonstances ce jour même.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
29.
XIX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. i46. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A CHAVIGNI'.]
De Royaumont, ce 3o* avril i638.
Je vous manday hier que vous ne vinsiés pas sans premièrement
voir avec M"^ Grossius ^ ce qu'on pouvoit faire avec luy sur le sujet de
iatrefve, si l'occasion s'en présente.
Maintenant je vous refais de nouveau, celte dépesche, pour vous
dire que nous avons veu icy M' Gontraud, ambassadeur de madame
la Landgrave ^. Je luy ay dict qu'au lieu de suivre le roy, comme il
' Le secrétaire n'a pas mis de suscrip-
tion, et Richelieu n'a pas signé cette note;
mais on lit au dos , de la main de Cbavi-
gni , « Monseig* le cardinal. •
* Nous avons ditque Richelieu n'aimait
pas Grotius , qui, de son côté , se défiait du
cardinal; les négociations avec lui étaient
dilHciles, et l'on y allait avec précaution;
nos iDss. nous en fourni>sent plus d'une
preuve. Chavigni, répondant à cette note,
disait : • Je ne manqueray pas de voir
M' l'ambassadeur de Suéde; et je le feray
expliquer dans le fond des nfiaires, sans
rieu conclure avec luy, pour en faire le
rapport à V. Ein. » Dans cette réponse,
datée du même jour, » dernier avril , »
Chavigni ajoutait : • Nous aurons lundy
ou mardy la lettre de change de Sococo**
pour le premier payement de Suède.
S. Em. se peut mettre l'esprit en repos, d
M», cité aux sources , P i A9 ; aux folios 1 7/I
• On donnait à M. de Tercy la qualité de «profes-
seur du roi es histoires et mathématiques;» it fat
attaché sous Itichclieu et sous Mazarin a plusieurs
et 19a se trouvent d'autres mémoires où
Chavigni rend compte au cardinal de la
négociation avec Grotius.
' Nous avons à la Bibl. imp. (suppl. fr.
1 57 a ) une lettre signée Colbert et adressée
le a 7 mars • à M' de Tercy ', estant pour le
service du roy auprès de Mg'd'Avaux, am-
bassadeur extraordinaire de S. M. à Ham-
bourg. » Colbert lui annonce sa récente ar-
rivée à Amsterdam : t J'ay veu , dit-il , M' de
la Boderie et mad. la Lanlgrave, qui est
tousjours bien intentionnée; elle envoie
M' Gontrot et son secrétaire en France pour
y terminer ses affaires avec M" les ministres,
ce qui est un bon signe et tesmoignage de sa
dévotion au bon party. Le traitté de Mar-
purg s'est faict sans son aulhorité et consen-
tement, et elle ne le ratifiera point; la trefve
qu'elle a faicte a esté pour pourvoir à ses
affaires et se donner le loisir de conduire
toutes choses à une bonne tin. La nouvelle
légations de France en Allemagne. Le manuscrit 1 672
contient plusieurs lettres à lui adressées. On le nom-
mait aussi Stella.
30 LETTRES
voiiloit, on vous envoieroit pouvoir de traitter avec luy. Pour cet
efTect, je vous envoie la coppie des articles qu'il m'a donnez avec la
response qu'on y peut faire, afin que, conformément à icelle, vous
traitliés avec luy au plus tost. Vous verres le pouvoir qu'il en a, et,
après que vous aurés arresté les articles dudict traitté, on vous en
envolera un pour insérer dans le traitté comme le sien.
Il est encores besoin, avant que de venir, que M' de Bullion donne
la lettre de change de la somme de cinq cens mil livres qu'il faut en-
voyer à M. d'Avaux, à Hambourg, avec la ratiffication du traitté qu'il
a faict avec les Sxiédois.
Ainsy vous avés quatre choses à faire devant que de venir : vous
guérir, faire l'affaire avec M"" Grpssius, celle de M' Gontraud et la
lettre de change des Suédois.
Nous verrons vostre diligence. Si vous recevés des nouvelles con-
sidérables, vous ne manquerés pas, s'il vous plaist, de me les mander.
XX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 157. — Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGiVY.
De Royaumont , ce i"may i638.
Je vous envoie l'instruction de ce que M' le comte de Harcourt
aura à faire avec l'armée navale du Levant, comme aussy le projet du
de la victoire du duc Bernard l'a infiniment
resjouie, comme aussy le traitté d'Ham-
bourg, dont je luy ay représenté tous les
avantages au mieux que j'ay peu. » (Ce
Colbert est-i! le père de Jean-Baplistei*)
Malgré ce qu'annonce ici Colbert et les
bonnes dispositions de la Landgrave, cette
princesse était encore, trois mois après,
dans une irrésolution qu'explique la diffi-
culié de ses affaires. M. d'Avaux écrivait de
Hambourg à notre ambassadeur en Angle-
terre, M. de Bellièvre, le 3o juillet: iMad.
la landgrave de Hesse n'a pu encore se
résoudre depuis le retour de ses députés ,
quoyqu'ils luy ayent apporté toute satisfac-
tion delà cour ; elle ne s'est pas aussy encore
engagée avec les Impériaux. . . »{Bibl. imp.
Saint-Germ.-Harlai 364^', f" 109. Orig.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 31
traitté qu'il faut faire avec ceux d'Arger, el la coppie de celuy faict par
feu Sanson' pour les adjuster. M"' de Bordeaux, qui s'en retourne à
Paris, vous esclaircira celte affaire, si vous en avés besoin.
Il faut expédier un pouvoir à mon d. s"^ le comte de Harcourl et lui
donner avec son instruction en forme et les projets des dicts traittés.
Dans son pouvoir il y faut comprendre les gallères et les vaisseaux
ronds qui sont dans la mer Méditerranée.
Vous envoyerés quérir le trésorier de la marine, pour sçavoir de
luy, en présence de M' de Bordeaux, si le fonds de la despense et sub-
sistance de l'armée navale du Levant n'est pas entre ses mains pour
toute l'année, et en retirerés une asseurance de luy, par escrit, que
vous ferés voir à M' d'Harcourt et l'envoyercs au s' Le Queux ^, en
Provence.
J'escris à M' le comte de Harcourt sur le sujet de son voiage; vous
luy rendrés ma lettre, luy mettrés entre les mains l'ordonnance cy-
jointé pour toucher ses appointemens et le ferés partir en diligence,
afin de ne perdre pas la belle saison de naviguer.
Il faudra aussy un pouvoir à M' de Bordeaux pour commander
l'armée navale qui sera dans la mer Océane, avec une instruction de
ce qu'il aura à faire ', laquelle je vous envoyé.
Vous me rapporterés des coppies de toutes les instructions que je
vous envoyé el des Iraictés faicts et à faire à Arger.
Il y a si longtemps que je demande à monseigneur'* de La Barde
Voy. t. IV, p. ao6. * Kiclielieii, qui a mis la suscription à
' Celait un employé supérieur de la celte lelire, prend ici la plume, el le reste
marine, que nous avous vu chargé de di- de la missive esl de sa main , saufles mois ,
verses missions. Lecardinal lui écrivait, le t il y a si longtemps que je demande à, »
3o avril de celle même année, que deux lesquels sont de la main de Cherré.
galères de Gênes devaient bientôt revenir ' Jean de La Barde éUiit neveu de Bou-
d'Espagne avec 800 caisses de réaux, et thillier le surintendant, el occupait au-
qu'il eût soin d'en donner avis dans tous' près de lui la place de premier commis
les ports, et de prévenir ses lieutenants des affaires étrangères, qu'il conserva
en l'amiranlé de Provence, afin qu'on se lorsque Léon Boulliillier succéda à son
tienne prêt pour les saisir au passage. père. Il fut envoyé plus tard au congrès
(Ci-après, aux analyses.) d'Osnabruck, et remplit ensuite d'autres
32
LETTRES
les coppies de ce qui s'est faict en 1687 pour l'histoire, que j'en ay
honte pour luy et ses commis; s'il luy plaist me les envoyer il me fera
plaisir.
Vous m'avés aussy promis un livre contenant tous les traictés passés
depuis vostre charge ; je vous prie vous en souvenir.
Le Card. DE RICHELIEU.
XXI.
Arch. des Ail. étr. France, iGSy', de janvier en mai, fol. 639.
Minute de la main de Cherré.
A M. LE GRASl
Du 3 may 16.Î8.
Monsieur, Je vous fais ces trois lignes pour vous prier de dire à
la reine que, suivant le commandement qu'elle m'avoit faict de parler
fonctions diplomatiques. C'était un homme
lettré, qui a écrit en latin une histoire de
son temps, dont une partie seulement (dix
années) a été publiée en 1671, in-4°, sous
le titre de /. Labardaei. . . de Rébus gallicis
historiarum libri decem, ab anno 16Ù3 ad
annum 1652. La Barde fut chargé, en 1 633,
d'une mission à Home concernant les ab-
bayes de Richelieu. (T. IV, p. 45 1.) Nous
avons rencontré quelquefois au courant de
nos manuscrits le nom de La Barde, et,
dans la famille de Bouthiliier, la plaisan-
terie se donnait volontiers carrière sur ce
personnage. En répondant à celte lettre, le
3 mai, Chavigni enchérit encore sur ce
monseigneur. 0 Son Altesse de La Barde
(dit-il) fait travailler incessamment aux dé-
pesches que demande S. Ém. » et il ajoute :
«On continue tousjours à escrire le livre
que je luy ay promis.» (Ms. cité aux
sources, f 174.) La Barde était né la der-
nière année du siècle précédent, et mou-
rut à quatre-vingt-douze ans.
' Par suite d'une erreur du secrétaire,
qui, en mettant au dos de cette pièce le
nom et la date, a écrit 1637, celte lettre
se trouve classée dans un volume auquel
elle n'appartient pas.
' Il était secrétaire des commande-
ments de la reine et intendant de sa mai-
son. Nous le trouvons porté • pour ses ap-
poinctemens et gages du conseil » sur un
état dressé en 16/ii (voy. t. I, préface,
p. XVIII, note 1). Les appointements de
messieurs du conseil nétaienl que de
2,000 livres, sans aucune exception, puis-
que Richelieu lui-même ne recevait, en
cette qualité, que les 3,000 livres attribuées
à ladite charge. M. Le Gras est compris
dans cet état pour 6,000", sans doute à
cause de ses autres fonctions.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 33
au roy pour la liberté de La Porte, à la charge qu'on l'envoyast à tel
lieu qu'il plairoit à Sa Majesté de prescrire, je n'en ay pas perdu l'oc-
casion, estant à la campagne, ce qui a réussy, en sorte que Sa Ma-
jesté, suivant l'inclination qu'elle a pour la reyne, s'est résolue de
laisser sortir le dict La Porte \ pourveu qu'il aille demeurer dans une
ville de son pays, et non ailleurs.
Je suis extresmement aise que la reyne ayt eu, en cette affaire, le
contentement qu'elle a désiré, et qu'elle reçoive, en ce rencontre,
des tesmoignages de l'amitié que le roy luy porte. Pour mon parti-
culier, je tiendray tousjours à très grand honneur de rechercher les
moyens de luy donner preuve de ma très humble servitude. Je vous
suplie de l'en asseurer et de croire que je suis...
Me mandant en quelle ville on pourra prescrire à La Porte de de-
meurer je vous envoyeray l'ordre du roy pour sa deslivrance.
Ce 3 may lôSy.
xxn.
Arch. des Afi'. étr. France, ,i638, de janvier in juillet, fol. 176. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SEChbTAIP.E U'ESTAT, À PARIS.
De Compiègne, ce 5' niay i638.
Je vous renvoieray les articles pour M' Grossius, auxquels je me
trouve bien empesché parce que je ne veoy pas que nous puissions,
les uns ny les autres, nous obhger déterminément à faire faire la trefve
en une certaine façon, cela ne deppendant pas de nous. Nous pouvons
bien la désirer telle que nous voulons, mais non pas l'obtenir si les
parties ne veulent; et si nous nous obligions à la faire à des con-
ditions trop rudes pour nos ennemis, c'est le vray moyen de ne l'a-
' Emprisonné à cause de l'affaire du Val- Bastille fut donné le 1 1 mai.(Voy. aux Ana-
de-Grâce. L'ordre de le faire sortir de la lyses, à cette date, un billet de Richelieu.)
CARDIN. DE aiCBELIEC. — TI. 5
34 LETTRES
voir jamais. Nous penserons tout aujourd'huy à ce qui se peut faire
en cette affaire, et demain nous vous manderons le résultat du con-
seil de Conipiègne.
J'ay veu ce que vous m'avés mandé par vostre précédente dé-
pesche ^ touchant les affaires de Bretagne; je seray fort aise que
Mess" du Parlement sortent ainsy de ces affaires, puisque Mess" du
conseil et eux en demeurent contens.
Je ne sçay que respondre à ce que Mons' de BuUion demande
touchant Monsieur, parce qu'il y a tant de différence en ce que l'un
prétend et ce que l'autre veut donner qu'il est difficile d'y prendre
un tempéramment. C'est ce qui faict que je vous prie tous deux en-
semble de réduire les choses au juste point de l'équilibre , et consi-
dérer plus tost ce qui suffira que ce qui sera voulu.
XXIII.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 182. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNL]
De Compiègne, ce 6 may i638.
Lorsque Sala. ^ sera arrivé, Berthemet aura soin de le mettre en
' Du dernier avril; folio lAg du même
ms.
^ Don Miquel de Salamanca , qui fut
secrétaire du cardinal -infant, vint plu-
sieurs fois en France, chargé par le duc
d'Olivarès de quelque négociation ou plu-
tôt de quelque intrigue diplomatique ,
notamment à l'époque du complot des
princes qui avorta à la Marfée. En ce mo-
ment, il s'agissait de quelque tentative de
négociation avec l'Espagne, mais on pre-
nait les plus grandes précautions afin que
ces mystérieuses conférences fussent te-
nues dans le plus profond secret. Chavi-
gni répondait, le 7 mai, au cardinal :
« Dom Miquel de Salamanca arriva hier,
ainsy que Vostre Éminence aura veu par
mes dépesches, n'ayant receu la sienne
que ce matin, et Berthemet ayant mis un
lieutenant du chevalier du guet auprès de
luy, je n'ay pas creu qu'il fallust l'oster
pour y introduire Daridole , parce que
cela luy eust peu donner quelque soub-
çon ... Si le roy me commande de voir
Sala, il n'en peut arriver d'inconvénient,
parce que, le faisant venir dans mon car-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
35
quelque maison proche de luy, et luy fera entendre qu'il a charge
de tenir quelqu'un près de luy pour esviter qu'il ne soit cogneu.
li sera bon que le s' Daridor' soit commis à cela, qui luy deman-
dera de la part de M' de Chavigny s'il n'a rien à luy dire.
Si Sala, dit qu'il n'a rien à luy dire, mais qu'il est prest d'entendre
ce que M' de Chavigny voudroit luy faire sçavoir, le s' Daridor luy
dira que son maistre luy a commandé de luy dire qu'il n'a autre
charge du roy que de l'escouter, et tesmoigner, de la part de Sa
Majesté, très bonne intention conjoinctement avec ses alliez au repos
de la chrestienté.
Cependant le s' Daridor aura l'œil sur luy jusques à ce qu'il soit
party, en sorte qu'il ne parle et n'escrive à aucune personne.
Si Sala, respond à Daridor qu'il désireroit bien voir M"' de Cha-
vigny, ayant quelque chose à luy dire, M' de Chavigny le fera con-
duire par le s' Daridor chez luy par les portes de derrière, pour
entendre ce qu'il veut dire.
Si M. de Chavigny juge que ce que luy dira Sala, ne conclut rien,
et ne vient point à une décision d'affaires, il luy dira, s'il luy parle
rosse la nuicl et par une porte secrette,
ame vivante au monde n'en aura connois-
sance, et on aura le cœur esclaircy des
intentions du C.-D. (comte-ducd'Olivarès).
Je ne le verray pas néantmoings que je
n'aye responce de Son Etninence sur ce
mémoire, parce qu'il se peut faire que la
lettre de Pujok ayt faicl prendre quelque
nouvelle résolution au roy. ■ — Dans une
nouvelle lettre, du 9 mai, Chavigni an-
nonce à Richelieu que Salamanca a re-
fusé absolument d'entrer en conférence
avec lui , déclarant qu'il avait à proposer
des choses dont on serait satisfait, «nais"
qu'il avait charge expresse de ne traiter
qu'avec le cardinal lui-même. Nous ne
voyons pas ici ce que décida Richelieu,
mais nous savons que cette mission de
dom Miquel n'eut aucun résultat. (Ma-
nuscrit cité aux sources, f" 192 et ao3.)
' C'était le secrétaire intime de Cha-
vigni , dont i] se servait dans les affaires
de confiance et secrètes. Le cardinal esti-
mait sa fidélité et lui en a donné une
preuve manifeste en l'employant dans
une mission à l'occasion de l'affaire de
Cinq-Mars, ainsi qu'on le verra à la date
du i3 mai i6da. Nous trouvons son nom
écrit de plusieurs manières, Daridor et
d'Aridor, comme ici , ou Dalidor et d'Ali-
dor, comme le nomment le cardinal et
Chavigni dans les lettres du 1 3 mai 1 64a .
ou enfin Daridot et Daridol , comme dans
une lettre de Gaston à Chavigni, 18 mai
i636, et ailleurs; mais il semble que la
véritable orthographe est Daridole.
5.
36 LETTRES
de Puj.' comme ayant cognoissance de ce qui se passe delà, que tout
ce qui a esté escrit à Puj. est véritable et procède d'une sincère vo-
lonté, mais qu'il seroit à désirer qu'au lieu d'où il vient l'on fist
de mesme, et que l'on voulust prendre une prompte résolution de
faire les choses nécessaires pour arriver à un bon accord.
Estant évident que l'on ne peut y parvenir, et faire cesser le mal
présent que par une longue trefve, M. de Chavigny en sçait les raisons,
il remarquera ce que Sala, luy dira sur ce sujet, pour descouvrir les
senlimens de delà.
Si M. de Chavigny estime estre nécessaire , sur les ouvertures de
Sala, d'en avertir promptement par deçà, il le fera en diligence,
laissant tousjours d'Aridor pour veiller sur luy.
Si M"" de Chavigny estime qu'il n'y a rien à faire de nouveau sur ses
propositions, il le fera partir au plus tost, luy disant que, puisqu'il n'a
rien à dire outre ce que Puj. a faict sçavoir cy-devant, il suffira que
l'on se serve de cette voye pour faire sçavoir de part et d'autre les
intentions, montrant qu'on ne veut pas rompre le commerce, et que
l'on continue en bonne volonté, pourveu que de leur part ilz lacent
le mesme, avec le secret promis; auquel si Sala, ou les siens venaient
à manquer, ce que l'on ne peut croire, ce seroit oster pour tousjours
la confiance par un sy manifeste tesmoignage de mauvaise foy.
On ne sçauroit rien faire avec M'' Gontraud s'il n'a pouvoir et ne
promet de faire ratiffier le traitté de Wesel à sa maistresse; c'est
pourquoy il faut, s'il vous plaist, que vous luy faciès entendre civile-
ment; et au cas qu'il ny vueille pas entendre, il faudra remettre l'af-
faire en train de le faire revenir à la suitle de la cour quand vous
reviendrés, où, estant tous ensemble, nous tascherons de disposer à
ce qui sera de la raison.
Pujols était un intrigant qui s'était grâce sous couleur de s'employer dans les
réfugié en Espagne pour éviter le cliâli- intérêts de la France. Richelieu ne s'y
ment que lui aurait infligé le cardinal, et fiait pas; il le dit à Chavigni dans une
qui tâchait, en ce moment, de rentrer en autre lettre, du même jour, ci-après p. 38.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 37
XXIV.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. i88. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECHiTAlRB D'ESTAT, À PARIS.
De Compiègne, ce 7* may i638.
Bien que je vous aye escrit ce matin ' par Séneschal , sçachanl la
venue de dom Michel de S. j'adjouste ce mot pour vous dire que,
bien qu'il puisse y avoir de l'artifice au désir qu'il tesmoigne avoir de
parler à Mess" le nonce et ambassadeur de Venise afin que nos al-
liez en puissent prendre quelque ombrage, j'estime toutes fois qu'on
ne luy peust desnier.
Peut estre ne vous a-t-il pas faict encore deslivrer vostre pacquet,
pour voir s'il cognoistra que nous soyons François par l'impatience de
le demander. Vous estes sage et avisé, vous sçaurés bien vous gouver-
ner avec luy, sans froideur, mais avec le flegme requis. Cependant il
faut bien prendre garde qu'il ne voye personne, de peur que quel-
qu'un mal affectionné luy dist de fauces nouvelles, qu'il ne laisseroit
pas de croire pour vrayes.
J'ay veu la response que vous avés faicte à M" le nonce sur le sujet
de la difficulté que l'Empereur faict de faire valoir la déclaration gé-
nérale qu'il veut donner, à ce qu'il soit permis aux princes feudataires
de l'Empire d'envoyer à l'assemblée de Couloigne, pour ceux qui sont
desjà réconciliez avec luy; elle e.st bonne, mais nous n'avons point
d'intérest aux dits réconciliez, lesquels asseurément n'auront pas
recours à la France, puisqu'on effet eux et leurs Estats sont entre les
mains de l'Empereur.
Faites chercher le s' de Quincé partout et l'envoyés en toute dili-
' 11 s'agit de la précédente lettre qui, datée du 6, n'aura été envoyée que le 7.
38 LETTRES
gence à Guise, le sieur Leschelle se meurt et il n'y a personne pour
commander.
XXV.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 190. —
Original, sans signature, de la main de de Noyers.
[A M. DE CHAVIGtVr.]
Du 7' may i638, à Compiègne, à 7 heures du soir.
Aussy tost avoir veu vostre dépesche de Pu. que nous avons trouvée
ridicule, je vous redépesche encores exprès pour vous dire que vous
pouvés voir dom Miguel, conformément à l'instruction qui vous a
esté envoiée; mais nous n'estimons pas à propos qu'il voie M' le
nonce, ny M' l'ambassadeur de Venise, si ce n'est que vous con-
noissiés, par la conférence que vous aurés avec luy, quelque chose
que nous ne voions pas; partant, s'il vous plaist, vous nous manderés,
aussy tost que vous l'aurés veu, ce que vous en aurés tiré, et puis
nous vous manderons s'il luy fauldra permettre de voir M' le nonce
et le dict s" ambassadeur de Venise.
A vous dire le vray, j'ay bien peur que Pu. soit plus attaché au
party contraire qu'au nostre. Toutes fois, ou il fault suspendre son
jugement, ou s'en remettre au temps, qui nous en apprendra davan-
tage, ainsy que dict Nostradamus.
En discours généraux vous pouvés asseurer que l'on désire sincè-
rement la paix, et qu'on honore la personne de M'' le Comte-Duc; et
cependant, après avoir pensé cette nuict à cet affaire, l'on vous en-
verra demain une nouvelle instruction de ce que vous aurés à faire,
et de ce que vous pourrés luy dire de nouveau, y aiant bien de
l'apparence qu'ils n'ont pas dict le fond du pot à Pu. qu'ils tiennent
peult estre aussy fourbe que nous le tenons.
' Ni signature, ni suscription; mais de réception écrite au dos de la main de
l'une et l'autre sont données par la note Cliavigni.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
99
XXVL
Arcb. des AiT. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. igS. —
Mise au nel, devenu minute, de la main de Cherré.
A M. DORADOUR'.
Du 8 raay i638.
Monsieur, Je ne fus jamais plus estonné que quand j'ay appris l'ac-
tion que vous avés commise à l'endroit de mademoiselle Ferrier *.
Comme les plus courtes folles sont toujours les meilleures, je vous
conseille, aussy tost que vous aurés receu cette lettre, de remettre
la demoiselle Ferrier en liberté, la renvoier entre les mains de sa
mère sans lui faire aucune violence. Vous déclarant franchement que
si vous en usés autrement, que vous ne suivies pas en cela l'avis que
je vous donne, et que vous n'essayiés, par toutes sortes de voyes, à
réparer la faute que vous avé» faicte, je n'oublieray rien de ce qui
deppendra de moy pour vous en faire recevoir le chastiment que vous
mérités'. C'est à vous de vous conduire de telle sorte, en cette oc-
casion, que j'aye lieu de vous tesmoigner que je suis,
Monsieur,
Vostre affectionné à vous servir.
' Ce nom est écrit ainsi , avec la date , au
dos de la feuille et dans la leUre de madame
Ferrier ; au bas de la page le secrétaire a
mis : « d'Oradou. »
' Une phrase a été effacée ici : • Je ne
croyois pas que vous deussiés jamais vous
porter à cette extrémité , après ce que vos
meilleurs amis vous avoient représenté
sur ce sujet. •
' La lettre adressée à cette occasion
au cardinal par madame Ferrier, née Isa-
beau de Guiraud , fera connaître quelques-
détails qui ne semblent pas sans intérêt
pour l'histoire des mœurs de ce temps :
— « M*', écrit-elle à Richelieu , Vostre Emi-
nence a faict ceste grâce à feu M. Ferrier,
mon mary , de le tenir au nombre de ses ser-
viteurs. C'est ce qui me donne la hardiesse
d'implorer vostre aydeet secours pour re-
tirer ma fille (qui me reste seule de trois en-
fans qu'il m'a délaissez lors de son décès)
de ceux qui me l'ont ravie et enlevée à
main armée, entre neuf et dix heures du
soir, vendredi dernier, eslans entrés par
force et par violence en ma maison, sise
rue du Temple, en la ville de Paris. Celuy
qui a faict ce rapt et cet enlèvement, ayant
assemblé près de cent cavaliers en l'une
des rues proche ma maison, est M' Dora-
dour, et l'a traisnée et menée dans un ca-
rosse suivyde vingt ou vingt-cinq hommes
d'armes, elle cryant tousjours à l'ayde et
ko
LETTRES
xxvii.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. '201. —
Minute de la main de Clierré.
A M. CHAPELAN'.
Du 9 may i638.
Monsieur, Sa Majesté désirant prévenir les maux qui peuvent ar-
river ^ de la liberté que quelques-uns ^ prennent de glisser, dans les
ouvrages qu'ils mettent au jour, de nouvelles opinions contraires à
celles qui ont esté receues jusques à présent dans l'église , m'a com-
miséricorde par les chemins, ainsy que «Je n'ay point de paroles pour vous ren-
personnes qui les ont rencontrez venans
de Beauvais et Beaumont ont déposé
en justice. Les coups dont ils m'ont na-
vrée et blessée au visage, bras et jambes,
ni'empeschent d'aller en personne me jet-
1er aux pieds de Vostre Eminencepour luy
faire ceste prière, laquelle je vous supplie
très-humblement d'avoir agréable, ayant
pitié de moy et de ma pauvre fille, à ce
que, par vostre faveur, elle me soit ren-
due » Isabeau de Guiraud. — Celle
lettre n'a point de date, et, en consé-
quence, on l'a classée dans le ms. à la fin de
mai (f°2Zi6). On voit par la lettre du car-
dinal qu'elle doit être du commencement
dudit mois de mai. — La demoiselle ne
tarda pas à être rendue à sa mère; ce
volume contient deux lettres de remercî-
menls au cardinal, l'une de la fille, l'autre
de la mère, l'une et l'autre sans date;
mais Cherré a écrit au dos : « i5 mai.»
— La mèie dit au cardinal : « Vostre Émi-
nence m'ayant faicl ceste faveur de faire
remettre ce jourd'huy ma fille entre mes
mains par M' Mayola, je n'ay point de
paroles pour vous en rendre grâce »
(F' 220.) — La lettre de la demoiselle, si-
gnée Marie Ferrier, commence ainsi : —
dre grâces comme je dois de la faveur qu'il
a pieu à Vosti-e Eminence de me fayre en
me faysanl remettre es mains de ma mère ,
où je suis maintenant. . . » (F° 218.) —
Mayola était un officier des gardes de Ri-
chelieu. Nous apprenons par la phrase sup-
primée dans la lettre du cardinal, et que
nous avons citée plus haut, que l'enlève-
ment avait été prévu. On ne dit pas qu'il
ait été puni. On peut même conclure des
dernières paroles de la lettre de Riche-
lieu qu'il a suffi au ravisseur de rendre la
demoiselle pour se tirer d'affaire. Nous
avons quelquefois rencontré le nom d'un
s' Ferrier, officier supérieur d'artillerie ,
et qui mourut à Lyon en décembre 1 63-.
La personne dont il s'agit ici était sans
doute sa fille.
' Le nom et la date ont élé notés au
dos, et à la marge nous trouvons cette
autre note : « Chapelan , docteur et secré-
taire de la faculté de théologie, i'
' Cette première phrase était d'abord
autrement tournée; on a effacé ces mots :
« des nouvelles doctrines de certains es-
prits plus libres qu'il ne seroit à désirer. »
' «Quelques-uns,» de la main de Ri-
chelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
41
mandé de vous escrire qu'elle désire que vous faciès soigneusement
examiner, en Sorbonne, un livre que le père Segnot ' a depuis peu
faict imprimer^, lequel on luy a reporté estre plein d'erreurs'.
Cette affaire est de telle importance, que je vous prie, et conjure
toute la faculté, de tesmoigner en cette occasion le zèle qu'elle a au
bien des âmes et à l'union de l'église, qui pourroit estre troublée par
l'inconsidération ou par la malice de * certains esprits qui affectent
les nouveautés, si on n'y pourvoyoit promptement. Vous m'avertirés,
s'il vous plaist, de ce qui se fera en cette affaire, afin que j'en puisse
rendre compte à Sa Majesté , ainsi qu'elle me l'a ordonne. Ce pendant,
je vous asseure que je suis. . .
XXVIIF.
Arch. des Afl. élr. Suède, i638à i643,l. 5,fol. 75. — Mise au net de la main de Cheiré.
SCSCRiPTlON :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECnéTAIIlF O'ESTAT, À fAf.lS.
De Moiiclii , ce 17* may 1 638.
Monsieur de Chavigny se souviendra , s'il luy plaist, qu'il faut bien
' Richelieu avait déjà demandé à son
confesseur, le doclcur Lescol, son senti-
ment sur le livre du père Séguenot, de
l'Oratoire; nous avons la réponse de Lescol
(Aff.élr. France, t. 88), lequel écrit au car-
dinal le 1 a mai : i Ce livre est défectueux,
il faut le censurer seulement en général et
en gros; il seroit plus diflicile à faire si on
vouloit noter et qualifier chaque proposi-
tion en particulier, à cause de la diversité
des advis qui se rencontre ordinairement en
ces sortes de censures. . . On pourroit dire
que ce livre contient plusieurs propositions '
faulses, téméraires, scandaleuses . contrai-
res au sentiment commun et à la pratique
universelle de l'église, induisantes à er-
reur, et capables d'inquiéter et troubler
les consciences. Je ne pense pas qu'on
puisse aller plus oultre. > La faculté de
théologie condamna le livre du père Sé-
guenot le 1" juin , mais on s'était déjà saisi
de sa personne, et il fut mis à la Bastille
le i/i mai, en même temps qu'on enfer-
mail Saint -Cyran à Vincennes. Il parait
que les opinions reprochées au père Ségue-
not étaient, en elfet, celles de Saint-Cyran.
(Voy. les Mémoires chronologiques el dog-
matiques, t. II, p. 8à et suiv.) Quoi qu'il en
soit le père Séguenot fit une rétractation.
(Bibl. imp. collect. Dupuy, t. 55o, (° 90.}
' « Faict imprimer, » de la main de Ri-
chelieu.
^ 0 Esire plein d'erreurs, » idem.
' D'ici à la fin de la phrase, idem.
CARDIN'. OE HIUUELIËC.
Ii2
LETTRES
prendre garde, dans le traitlé qu'il a à faire avec M. Grossius, de
ne s'obliger pas à faire obtenir la trelve à condition que cliacun de-
meure en possession de ce qu'il a conquis, mais bien à donner tant
pour entretenir les garnisons de ce dont les Suédois demeureront en
possession en Allemagne des conquestes qu'ilz y auront faictes.
Il faut encores prendre garde que l'obligation en laquelle on en-
trera de payer tant pour lesdites garnisons, pendant la trefve, soit
conceue en sorte que les Suédois ne puissent prétendre que ledit
payement doive estre continué pendant la paix.
XXIX.
Arcli. des Aff. élr. Rome, i638, huit premiers mois, l. 63, fol. igi.
Mise au net '.
MEMOIRE
A M. LE MARESCHAL DESTRÉES'.
Du 2 2 may i638, à .S'-Germain-en-Laye '.
Le roi n'a point esté surpris d'apprendre la maladie du pape, non
plus que le danger où est le cardinal Barberin de perdre la promo-
tion, parce que S. M. s'est attendue h l'un et à l'autre, à cause de la
vieillesse de Sa Sainteté et du peu de prudence et de fermeté qu'a
le dit cardinal à la conduite des affaires du Saint-Siégc.
S. M. e.st satisfaite de la diligence qu'a apportée le dicl s' mareschal
' Nous n'avons trouvé ni In minute ni
l'original de cette dépèclie, mais la gra-
vité de la circonstance et le Ion du mé-
moire ne laissent pas douter qu'il n'ait été
dicté par Richelieu.
' C'est la réponse à une dépêche de
l'ambassadeur, du i" mai (même ras.
f° i48), dans laquelle il annonçait une
maladie du pape. On craignit alors pour la
vie du Saint- Père. L'événement parut
même assez prochain pour qu'on ait pré-
paré des lettres du roi à plusieurs cardi-
naux dans le cas de la vacance du Saint-
Siège. Les originaux signés Louis , contre-
signés Boutliillier, adressés aux cardinaux
Biclii, Fr. et Antoine Barberini, Bentivo-
glio, Sainl-Onuphre, Spada, Bagni, sont
encore aux arch. des Afl'. élr. Rome, t. 63 ,
f"' 180-187.
' Cette date est inscrite au dos de la
pièce.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
43
pour luy faire sçavoir ces nouvelles , parce qu'il est très à propos qu'il
reçoive ses ordres le plus souvent qu'il se peut en ces rencontres, y
ayant diverses résolutions à prendre sur la diversité des affaires qui
se présentent, et que cela luy donne temps de préparer les choses
qui sont nécessaires pour faire réussir ses intentions, en cas de siège
vacant. Sa dicte Majesté persiste en celles qu'elle a faict sçavoir au dict
s' mareschal sur le sujet de M"^ le cardinal Bagni, n'estimant point un
sujet plus propre que celui-là, pour remplir le Saint-Siège, tant pour
le bien de la chrestienté en général que pour celuy de ce royaume
en particulier, et donne ordre au dict s' mareschal d'employer son
autorité et tout ce qu'il jugera estre nécessaire pour l'exécution de ce
dessein. Il y a sujet de croire que les Espagnols s'y opposeront, et
qu'ils auront 'mesme assez de pouvoir pour faire l'exclusion du dict
s"^ cardinal par la mauvaise conduite des Barberins, qui perdront peut
eslre l'occasion de faire des créatures par la nouvelle promotion; et
qui ont, par leur imprudence, mescontenté celles qu'ils avaient desjà
faictes. En ce cas le roy a beaucoup de peine à se résoudre sur qui il
doit jeter les yeux, n'y avant presque pas un de tous les cardinaux qui
papagent ' qui ne soit ou attaché à la faction espagnole, ou sy foible
que les Espagnols, estant puissans dans fltalie comme ils sont, n'en
tirent autant d'avantage en l'intimidant que si il deppendoit d'eux.
Si Bagni ne peut arriver au pontificat, S. M. estimeroit que Za-
' Urbain VIII avait déjà été atteint,
l'année précédente, d'une assez grave ma-
ladie, et, à cetlc occasion, le maréchal
d'Estrées avail envoyé à Richelieu un état
des cardinaux qu'il serait utile de gagner
aux intérêts de la France, et un long md-
moire sur les sujets papables. Ces pièces se
trouvent, à la date du 8 juin 1637, dans le
tome 60 des Affaires de Rome. — En ré-
pondant, le J 5 juin, le maréchal d'Estrées
insittait sur les gratifications à faire aux
cardinaux, et nous remarquons que, sur
un coin de ladite lettre, au dos, Riche-
lieu a fait écrire par Clierré : « Continuer
la gratification à Verospi et à Thesous (le
cardinal Bagni) , et mesme je ne croy pas
que, n'estant question que de mil escus,
qu'on la puisse desnier à Scaglia, quoyque
j'en aye tousjours entendu parler comme
d'une personne fort double; mais en ma-
tière d'argent, où il ne s'agit pas de grande
somme, il vaut mieux hasarder quelque
chose que de manquer à gagner faute de
libéralité.» (F" 310 du t. 63 de Rome.)
Cela a dû être employé dans quelque lettre
écrite à cette époque.
6.
44 LETTRES
chetli seroil le meilleur après luy, tout le monde demeurant d'accord
qu'il a do très bonnes qualités; et le s'Mazariii ayant souvent asseuré
le roy, lorsqu'il estoit par deçà, que ce personnage estoit très bien
disposé pour son service. Mais il y a apparence que sa jeunesse et le
peu de confiance que les Espagnols auront en un homme de probité
et de son mérite l'empescheront d'arriver à cette dignité,
Celuy-ci et Bagni estant exclus, le roy se remet au dict s"' mares -
chai à consentir à l'élection de celuy qui sera le moins dangereux, le
moins foible et le plus affectionné qu'il se pourra au bien public, et
à celuy de la France en particulier. Et comme cette affaire est déli-
cate, S. M. luy ordonne d'agir avec sa prudence accoutumée, de la
concerter avec M" le cardinal Bagni et Mazarin, en faisant de mesme
avec le cardinal Antoine, si il juge qu'il s'y doive fier, et s'il per-
siste dans l'affection qu'il doit avoir pour le service de S. M. Si le
cardinal Bichi est à Borne, le dict s' mareschal lui communiquera
de cette affaire autant qu'il jugera le pouvoir et le devoir faixe.
Le roy donne pareillement pouvoir au dict s' mareschal d'exclure
tous ceux qu'il jugera estre attachés entièrement à la faction espa-
gnole, ou désirés par elle, comme sujets foibles, dont ils pourront
venir aisément à bout, et particulièrement le cardinal Pamphillo, qui
s'est déclaré ouvertement du nombre des premiers, et de concerter
aussy, en cette occasion , avec les personnes ci-dessus nommées.
Si le dict sieur mareschal juge que, le pape mourant, le cardinal
Barberin ayt dessein de se porter à servir la France, il fera ce qu'il
luy sera possible pour réunir le cardinal Antoine avec luy, et se servir
de tous les deux pour effectuer les bonnes intentions du roy. Mais si
le dict cardinal Barberin persiste dans la volonté qu'il a eue jusques
à cette heure de s'accommoder avec l'Espagne et de les servir, le dict
sieur mareschal apportera tout ce qui sera de son soin pour séparer
le dict cardinal Antoine d'avec luy, pour s'opposer aux mauvaises ré-
solutions que pourroit prendre son frère, se servant des créatures qu'il
aura acquises pendant le pontificat de son oncle, et attirant à soy
celles que le dict cardinal Barberin aura mécontentées et lesquelles ne
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 45
croiront pas qu'il y aille de leur honneur quand elles suivront les in-
térests d'un des deu\ frères.
Pour effectuer les ordres du roy le dict sieur mareschal se servira
de l'argent que S. M. luy a mis entre les mains, et ne fera nulle dif-
ficulté de l'employer, avec le conseil de ceux qui sont affectionnés au
bien de son service, mesme, s'il juge avec eux qu'il soit besoin d'en
faire tenir une plus grande somme, on le fera en diligence aussitost
qu'on aura receu ses avis.
Le roy trouve bon d'envoyer au dict s' ambassadeur les trois cents
hommes qu'il demande en cas de siège vacant; et, pour cet effet,
S. M. a donné ordre à M. le comte d'Harcourt, qui va commander
son armée navale en Provence, de les faire porter sur un des vais-
seaux de S. M. quand le dict s'' mareschal luy fera sçavoir qu'il en
aura besoin; et avec telles armes et tels ofliciers pour les commander
qu'il jugera à propos. Ce sera donc à luy à prendre son temps et à
donner de ses nouvelles au dict s' comte d'Harcourt, qui ne man-
quera pas d'effectuer ce que le dict sieur mareschal désirera, ponc-
tuellement et avec diligence.
Le roy ne voulant rien oublier pour contribuer à tout ce qui peut
deppendre de luy pour faire que le Saint-Siège ayt un chef tel que
S. M. le peut désirer, c'est-à-dire qui ayt toutes les qualités qui sont
nécessaires pour l'avantage de l'église et de la chrestienté, quoyque
M' le cardinal de La Vallette soit extresmement nécessaire pour l'em-
ploy qu'elle luy a donné en ItaUe, néanmoins, préférant le bien pu-
blic au sien particulier, elle luy donne ordre d'aller en poste à Rome,
en cas de siège vacant, pour agir, dans les occurrences, conjoincte-
ment avec le dict s"" mareschal, et pour assister dans le conclave, et
tenir la main qu'il ne s'y passe rien qui soit contraire au service de
l'Eglise et de Sa Majesté.
Le dict s' cardinal attendra les avis du dict s' mareschal, lequel
aura soin de l'avertir lorsqu'il sera temps qu'il parte; le roy luy com-
mande de s'y en aller sans équipage. Sa Majesté estimant que le dict
s' mareschal le doit loger pendant le peu de séjour qu'il y fera.
^6
LETTRES
S'il arrive, ainsy que le roy le souhailte, que le pape recouvre sa
santé, le dict s' niareschal ne perdra point de temps de presser Sa
Sainteté de faire la promotion , pour les raisons qu'il sait et qui luy
ont esté mandées diverses fois. Il n'est point nécessaire de luy re-
commander le sujet que le roy a nommé \ non plus que les intérests
du s' Mazarin, en ce rencontre, sçachant assez jusques à quel point le
roy affeclionne l'un et l'autre, et comme il ne se départira jamais de
la recommandation qu'il a faicte en leur faveur.
Le dict s"^ mareschal aura vcu à présent les dépesches que le roy luy
a faictes par le courrier Nazin, sur le sujet de l'employ de M. le car-
dinal de La Valette, el n'aura pas manqué de représenter au pape ce
que Sa Majesté luy ordonne; elle trouve que Sa Sainteté a respondu
d'une façon assez estrange lorsque les Espagnols se sont plaints à elle
du commandement qu'avoit le dict s"^ cardinal dans son armée d'Italie,
y ayant beaucoup de différence entre luy, qui a toujours honoré la
personne du pape, et le cardinal Borgia , qui luy a faict le plus sanglant
affront qu'il pouvoit jamais recevoir. Sa Majesté recommande au dict
s' mareschal d'avoir un soin particulier d'empescher que le pape ne
fasse rien au désavantage du dict s*^ cardinal, et contre l'employ dont
elle l'a honoré.
Le roy a trouvé extresmement estrange le procédé de M. le cardinal
Barberin sur l'affaire de Saint-Antoine^, el qu'il ayt écrit une lettre
au nonce de Florence de mettre en possession de la maison quatre
religieux qui y vont de la part de Marchier, et Sa Majesté, ne pou-
' Le père .Joseph, pour lequel on de-
mandait avec instance le cardinalat.
^ C'était une abbaye deRomeetraiïaire
durait depuis longtemps; nous trouvons,
à la date de mars iGSy, plusieurs pièces
sur ce sujet, dans le tome 69 de Rome,
f°' 62-80; et ie roi écrivait au pape, le
4 mars, une lettre, faite sans doute par
Chavigni, pour repousser les prétentions
de ce frère Marchier, « se disant abbé gé-
néral de l'ordre de Saint-Antoine. «Depuis
l'aflaire se poursuit; il en est assez fré-
quemment question dans les dépêches de
l'ambassadeur; une lettre du 27 juin 1687
raconte que , dans ime congrégation tenue
à ce sujet, le cardinal Barberin s'était em-
porté au point de scandaliser l'assemblée
(t. 60 de Rome). Une autre, du 9 juin 1889,
nous apprend que le pape prétendait avoir
le droit d'élire l'abbé (t. 62 de Rome).
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 47
vant soufFrir une telle indignité, luy donne ordre très-exprès de tes-
moigner au dict cardinal de très vifs ressentimens de sa part; de luy
dire que s'il continue à soustenir le dict Marchier contre toute justice
et raison, puisque estant né son sujet il a recherché l'appuy de l'am-
bassadeur d'Espagne, que Sa Majesté est assez puissante pour se faire
raison d'ailleurs et qu'elle ne sçauroit trouver assez estrange que,
dans une affaire où il n'y va que de l'intérest d'un fripon, le dict car-
dinal luy donne sujet de mesconlentement. Enfin le dict s' mares-
chal prendra toutes les voies et tiendra toute la conduite qu'il esti-
mera la plus propre pour faire que Sa Majesté ayt la satisfaction
qu'elle doit attendre en ce rencontre.
Si le pape est en santé le dict s"' mareschal luy tiendra les mesmes
discours qu'au cardinal Barberin.
Le roy ne peut croire que Maraldi ne se soit mis en devoir de
contenter le dict s'' mareschal sur ce qu'il a faict et dict imperti-
nemment au vicaire général de l'ordre de Saint-Antoine en Italie,
et que, le cardinal Antoine s'estanl mesié de cette affaire, il ne l'ayt
terminée avec l'honneur du roy et de son ambassadeur; si néan-
moins elle ne l'estoit pas encore le dict sieur mareschal la poussera
jusques au bout avec fermeté, et fera voir au pape et au cardinal
Barberin combien Sa Majesté est aigrie contre le dict Maraldi, et il
laissera entendre que, lorsque l'on a offensé un grand roy, si on ne
luy faict la raison qui se doit, c'est luy mettre en main de quoy se
la faire soy-mesme.
Si le pape et M. le cardinal Barberin ne font raison au dict s' ma-
reschal , de Maraldi et de Marchier, Sa Majesté luy permet de se la
faire luy-mesme telle qu'il jugera à propos pour réparation des pa-
roles que l'on a dictes au préjudice du dict s' mareschal et de la mau-
vaise conduite et manque de respect de l'autre; Sa Majesté s'asseurant
qu'il en usera comme il faudra et selon sa prudence et conscience.
48 LETTRES
♦ XXX.
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 238. —
Minute de la main de Citoys.
AU PRÉVOST DES MARCHANDS \
Du 25 may i638.
Monsieur, Sa Majesté ne se portant au dessein de faire faire un ca-
nal autour de la ville que pour la commodité qu'on luy a représenté
qu'elle en recevroit, estant par ce moyen garantie des puanteurs
qui engendrent la plus part des maladies qui surviennent, je vous
fais cette lettre pour vous prier de me mander, devant qu'on passe
à l'exécution d'un dessein de telle importance, si vous jugés qu'il
soit nécessaire; et, au cas que vous le jugiés tel, vous conjurer de
faire promptement niveler le tour de la ville, en sorte qu'on puisse
sçavoir certainement si ce que proposent les entrepreneurs est pos-
sible ou non, et si on peut donner assez de pente au dict canal pour
recevoir i'eau de la rivière. Je vous prie de faire travailler diligem-
ment à ce que dessus; et, si cet ouvrage est nécessaire ou possible,
qu'on ne perde pas le beau temps qu'on a maintenant d'y travailler
Monsieur, ayant sceu qu'outre les trois pavillons que vous faictes
vis à vis le logis de M"^ de La Vrillière, il en faut un quatrième pour
empescher entièrement de voir dans mon parc, ce mot est-pour vous
prier de faire faire ce quatrième ainsy que les autres.
' Celle suscription et la date ont été notées parCherré au dos de la minute.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 49
XXXI.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. a 6. — Orig.
Bibl. imp. Fonds Sainl-Germain-Harlay, 347. ^°^- ^1^- — Copie'.
AU CARDINAL DE LA VALETTE.
Ruel, 29 may i638.
Monseigneur,
M" de Chavigny et de Noyers répondent sy particulièrement à
toutes vos dépesches qu'il ne me reste aucune chose à y ajouster par
ces lignes, me contentant seulement devons tesmoigner le contente-
ment que j'ay de sçavoir que vous soyés heureusement arrivé à Turin.
J'ay esté extresmementaise de voir, par vostre lettre, la bonne dis-
position en laquelle vous avés trouvé Madame pour ce qui regarde
les affaires publiques, et le désir quelle vous a tesmoigné avoir de
contenter le roy; vous la pouvés asseurer que Sa Majesté ne désirera
jamais rien d'elle que pour son bien et son avantage, lequel je pro-
cureray tousjours autant qu'il me sera possible en mon particulier,
n'y ayant personne qui l'honore, ny qui ayt une plus forte passion
pour tout ce qui regarde son contentement, que j'auray toute ma vie;
ainsy qu'elle cognoistra par effects en toutes occasions. Le roy trouve
un peu estrange les longueurs et les remises que Son Altesse a ap-
portées jusques ici , en ce qui concerne le renouvellement du traitté,
veu l'intérest qu'elle a, par toutes sortes de considérations, à le pas-
ser pour moy. Je vous avoue qu'en procédant ainsy elle agit beau-
coup plus contre elle mesme et contre son bien que non pas contre
Sa Majesté , qui considère bien plus l'utilité qui luy en peut arriver,
et à messieurs ses enfans, que celle que la France en pourroit recevoir.
' Ce manuscrit a conservé en copie dinal de Richelieu. « Une note du vas. de
plusieurs lettres de Richelieu au cardinal Harlay porte que ces copies ont été faites
de La Valette; en tête de celte série, nous sur l'original. Dupuy a vu ces mêmes let-
lisons : «Lettres retirées de la cassette du très, dont il a fait des extraits. (Voy. ci-
cardinal de La Valette après sa mort, les- après, p. 56.)
quelles luy avoient esté escrites par le car-
CABDIN. DE RICHELIEU. VI. 7
50 Lettres
En un mot l'exlresme passion que j'ay pour la grandeur et raffermis-
sement de Madame me portent à vous dire qu'elle doit tesmoigner
plus de franchise, et faire les choses que Sa Majesté ne désire que
pour son avantage avec un peu plus de confiance; je m'asseure qu'elle
trouvera bon que vous luy en parliés ainsy de ma part, cognoissant,
comme elle faict, mon zèle et mon affection à son service. On ap-
prouve de deçà tout ce que vous avés faict pour Casai.
M' de Noyers a envoyé tous les ordres nécessaires pour les piques
que vous demandés, ainsy qu'il vous a escrit; je m'asseure qu'il vous
faict aussi sçavoir ce qu'il a faict pour le payement de ce qui est deii
de l'année passée aux officiers de vostre armée.
, On fera partir M. de Turenne pour vous aller trouver, selon que
vous le désirés; quant à M' de Palluau je suis bien aise qu'il s'en
revienne me trouver, ainsy que je luy ay ci-devant mandé, M' de Bis-
carat estant à l'armée; j'escris à M" Guiscard, Mercurin et Prat sur
le sujet de l'alfection qu'ils ont tesmoignée en la descouverte de la
trahison de Casai.
Je ne vous mande point ce que nous faisons de deçà, parce que je
suis asseuré que M" de Chavigny ne manque pas de vous informer de
tout ce qui se passe. Je me contente de vous conjurer, Monseigneur,
de n'oublier rien de tout ce que vous pourrés pour l'avantage du ser-
vice du roy et du bien de ses affaires, vous asseurant que je feray
valoir à Sa Majesté vos services ainsy que vous le pouvés souhaitter
d'une personne qui vous estime particulièrement, et qui tiendra tous-
jours à beaucoup de bonheur les occasions de vous faire cognoistre
que je suis véritablement.
Monseigneur,
Vostre très humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 29 mai i638.
Je crois vous pouvoir asseurer que M' de Chastillon investit au-
jourd'huy ou Arras, ou S' Omer, ou Gravelines. . .
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 51
XXXII.
Arch. des Affr. étr. Rome, l. 63 , fol. 197. — Minute de la main deChavigni.
[AU MARÉCHAL D'ESTRÉES,
AIIBAS5ADEDR À ROHB. ]
May i638'.
On ne veult pas vous dissimuler un exlresme desplaisir que nous
avons de la maladie du père Joseph, qui est périlleuse ou pour le pré-
sent, ou certainement dans peu de temps, puisqu'à vous dire le vray,
c'est ou une apoplexie ou les avant coureurs d'icelle, qui sont d'ordi-
naire suivis de fascheux événemens. Il est question de sauver la
place qui luy estoit destinée , et cependant il nous fault avoir quelque
temps pour voir quel succès aura son mal *, et donner loisir au roy
de faire un bon choix s'il arrive faute dud.
Pour cet effect, on estime que, si le pape se porte bien, il fault
retarder la promotion le plus que vous pourrés; et, au cas que vous
ne le peussiés faire, disposer les aflFaires en sorte qu'on laissast les
trois places pour Allemagne, France et Espagne à remplir, le pape
déclarant en plein consistoire que ce sont les trois places des cou-
ronnes, qu'il laisse pour estre remplies dans deux mois au plus tard.
On croit que vous n'aurés pas grand peine à obtenir cela, parce
que le pape pensera obtenir une grande victoire emportant les deux
points qu'il aura tousjours refusez de faire pour la France et pour
i'E.'pagne, à sçavoir la promotion du père Joseph et celle de l'abbé
Perretti.
Le tout est de mesnager cette affaire en sorte que vous ayés quel-
' Sans date, signature, ni suscription. ' Le père Joseph ne mourut que le
On a mis au dos : « Mémoire pour escrirc 18 décembre i638. Dans l'inlervalle, il
à Rome. — N'a point servi. » Et, à la marge, eut des apparences de rétablissement qui
un secrétaire de Chavigni a écrit après empêchèrent de faire usage de cette lettre,
coup : «May i638:> peut-être pour un si, en effet, elle n'a pas été envoyée,
classement.
52 LETTRES
que promesse par escrit qui asseure la place pour la France et de la
remplir quand le roy le voudra.
Ce qu'on vous mande estant encore secret, il vous sera aisé d'o-
bliger le cardinal Barberin sans bourse deslier, et de retirer les asseu-
rances que vous désirerés.
Ce sera à vous de voir ceux à qui vous devrés communiquer cette
maladie et la résolution qu'on prend; mais on estime que vous le
devés faire au cardinal Antoine et Mazarin, parce que tousjours le
sçauroient-ils d'ailleurs.
XXXIII.
Arch. des Aff. étr. Rome, i638, huit premier mois, t. 63, fol. 212. — Mise au nel.
MÉMOIRE
AU SIEUR MARESCHAL D'ESTRÉES,
AIIBASSADEDR EXTRAORDINAIRE À HOME.
18 juin i638, à Fontainebleau'.
Le dict s" mareschal doit estre averti que Sa Majesté a donné un
arrest en son conseil, de la teneur qu'il verra par la copie ci-jointe^;
avant l'exécution duquel le s"" Nonce en ayant eu avis, il a faict de
très grandes instances qu'elle fust surcize jusques à ce que Sa Majesté
sache en quelle disposition le pape sera de la contenter sur les points
mentionnés au dict arrest.
Ce que Sa Majesté luy a accordé pour six semaines, afin de faire
cognoistre d'autant plus à Sa Sainteté que c'estoit avec regret qu'elle
en venoit à ces termes sur les plaintes générales que l'on faisoit dans
ses estats, tant du mauvais traitement que ses sujets recevoient en
' Celle mise au nel n'a ni date, ni si- ^ La copie n'esl poinl dans notre nia-
gnature. La date a été notée au dos. Nous nuscrit. 11 s'agissait des abus commis dans
n'avons encore pour cette pièce ni mi- l'imposition des terres qu'exigeait la chan-
Tiute, ni original. Nous remarquons que cellerie romaine. « Abusi introdolti in Da-
deux paragraphes ont été arrangés pour taria, in pregiuditio délia Francia , » dit
être insérés dans les Mémoires de Riche- Mazarin dans une lettre au cardinal Bichi;
lieu. fa a.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
55
ce qui estoit des expéditions des bénéfices, que pour voir tant de dio-
cèzes sans pasteurs. Outre qu'il estoit très sensible à Sa Majesté de
voir un tesmoignage sy important de son affection vers la maison
Barberine, comme estoit la protection des affaires de France, si peu
considéré par Sa Sainteté et M'' le cardinal Barberin.
Si l'un ou l'autre parlent au dict s' ambassadeur de cet arrest,
comme il y a grande apparence qu'ils ne manqueront pas, il sera bien
préparé pour leur justifier tout l'exposé d'iceluy, selon le mémoire
qu'il a envoyé avec sa dépesche du 1 9 du mois passé , dont il aura
les preuyes en main '.
Il n'y a esté ajousté que le point des bénéfices qui s'expédient or-
dinairement pour les François sur simples signatures, et desquels l'on
veut doresnavant les obliger de prendre bulles, de quoy il y a deux
décisions de rote qui parlent formellement en date du 2 8*^ juin et
27* novembre i63A, lesquelles seront fournies au dict s'" ambassa-
deur par le sieur Eschinard^.
Mais le principal point est celuy de la protection dont on ne permet
pas à M' le cardinal Antoine de faire la fonction, sur quoy tout le
procédé que l'on a tenu, depuis que la comprotection luy fut donnée
' Leras. cité aux sourcesconserve(f° 176)
une lettre de l'ambassadeur au cardinal
de nichelieu, dalée du 18 mai : c'est celle-
là dont il s'agit ici. On avait eu vent à
Rome de ce qui se faisait à Paris, et le ma-
réchal d'Estrées disait à Richelieu : «Le
bruit de l'assemblée du clergé pour aviser
à la proposition des bénéfices de France,
bien qu'elle les ayt mis en grande peine,
je crois qu'ils le seroient encore plus si
V. Ém. trouvoit bon que l'on déclarast de
la part de Sa Majesté que l'on ne veut
plus traitter avec le dataire et Maraldi. »
Deux mois plus lard, les plaintes n'avaient
fait que s'accroître à Rome, et nous lisons
dans une lettre de Mazarin à Cbavigni,
du 1 4 juillet : • ... Doglienze et afilitione
del papa et card. Barberini per l'arresto
fatto; il card. di Bagni ed io liabbiamo
parlato come si doveva , concludendo che
l'intentione del Re era buona, che si do-
veva molto al S. Cardinale-Duca , et al pa-
dre Gioseppe che havevano faite soprase-
dere l'esecutione Les Espagnols s'i-
maginaient déjà voir dans ces dilllcultés
le germe d'une sérieuse désunion entre
la France el Rome : « Li ministri di Spa-
gna, ajoutait Mazarin, hanno fatto, per
cosi dire, più festa dcll' arreslo di S. M.
che délia presa diVercelli. » (F" aao du
même ms.)
" Ë.xpédilionnaire en cour de Rome.
Nous le trouvons dans cet emploi dès
l'année 161 7.
54 LETTRES
jusques à présent, ne peut estre que très sensible à Sa Majesté; et
d'autant plus que le tout a esté faict pour ne désagréer aux Espagnols
en chose qui ne les touche point.
Le dict s"" ambassadeur sçayt que d'abord le pape et le cardinal
Barberin consentirent que- le cardinal Antoine acceptast la compro-
tection; que depuis, sur les plaintes des Espagnols, ils changèrent
d'avis, que le cardinal Barberin renonça, par collusion avec eux, à la
protection de Portugal, parce que c'estoit un exemple formel d'un
neveu de pape qui avoit une charge de protecteur, ce qu'il fera bien
entendre à Sa Sainteté et au dict cardinal Barberin , pour leur montrer
que, depuis le commencement de cette affaire. Sa Majesté a eu pa-
tience et a souffert une conduite continuellement mauvaise de leur
part à son égard, pour ne dire mépris, injure et offense.
H leur pourra toucher ensuite les autres affaires de delà auxquelles
ils apportent de sy grandes et extraordinaires longueurs, comme aussy
celle de Marchier, qu'il semble que l'on ayt voulu maintenir, quoy-
qu'il soit un religieux fripon et discole contre Sa Majesté et son
conseil.
Que Sa Majesté, ne voyant point de fin à un tel procédé vers elle
et ses sujets, s'est enfin portée à donner le dictarrest, duquel, puis-
que l'exécution est surcize. Sa dicte Majesté sera très aise que le
pape luy donne subjet de n'y venir point, en luy accordant, comme
elle se promet, tout le contentement qu'elle prétend avec justice pour
elle et ses dicts sujets; afin que, comme elle conservera tousjours le
respect et la révérence qu'elle porte au Saint-Siège et à la personne
de Sa Sainteté, elle soit obligée par raison à conserver aussy l'affec-
tion qu'elle luy porte par inclination , et qu'elle a pour toute sa mai-
son, dont la protection des affaires de France, qu'elle a mise entre
les mains du dict s'' cardinal Antoine, est une preuve bien certaine
et considérable.
Ainsi Sa Majesté aura agréable, par sa grande prudence et bonté,
d'obvier aux grands inconvéniens qui pourroient naistre de ces com-
mencemens, lesquels elle saura bien considérer.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 55
XXXIV.
Archives de l'Empire, K i3/i, Guyenne, i" partie, p. 22, pièce 61*.
Minute de la main de Cherré.
A M. LE PRINCE.
Lé 20 juin i638.
Le désir que j'ay qu'il fasse quelque chose de grand faict que j'en-
voie Houdinières dans l'armée pour eschauffer tout le monde, selon
qu'il l'estimera à propos.
Que je ne doute pas qu'ayant une belle armée, comme il a, peu
d'ennemis en teste, comme je n'en trouve pas grand nombre, qu'il
ne fasse quelque chose digne de luy. C'est chose qui est tant à dé-
sirer pour pouvoir avoir la paix, et pour sa réputation particulière,
que, si je pouvois estre en divers lieux, je souhailerois estre auprès
de luy, pour luy aider sy bien, grâces à Dieu,
que je m'asseure non seulement qu'il ne fera pas moins que les autres,
mais que je me promets qu'il fera plus. Que je le supplie de se sou-
venir qu'après la bénédiction de Dieu les succès de la guerre sont
d'ordinaire deus à la diligence et à la fermeté.
Comme je sçay qu'il a l'une de ces qualités en évidence, je m'as-
seure qu'il ne manquera pas de l'autre, qui faict surmonter toutes les
sortes de difficultés. Que, comme je suis asseuré qu'il ne manquera
pas de me donner matière de faire valoir ses actions, je le puis as-
seurer que je n'en perdray pas d'occasion.
J'ajouste ce billet pour vous dire que je suis extresmement estonné
de ce que vous n'estes point encore entré dans le pays ennemi , et
vous me pardonnerés bien si je vous dis que tant différer ne peut
aboutir à autre chose que de donner temps aux ennemis de se pré-
parer, et rendre vos entreprises plus difficiles.
Ayant aussi veu par une lettre escrite à M' de Noyers que vous
fondés une partie du bon succès que vous espérés du siège que vous
56
LETTRES
devés faire, sur l'assistance que M' de Bordeaux vous peut donner
par mer, je vous prie de vous souvenir que je vous ay plusieurs fois
prié, comme je fais encores, de ne vous reposer pas là dessus, mais
faire vostre entreprise comme si vous estiés tout seul. Je vous le ré-
pète parce que, bien que Sa Majesté veuille bien que M' de Bordeaux
contribue, s'il se trouve prest assez à temps, ce qu'il pourra à vostre
dessein , cela n'empesche pas qu'il n'ayt une autre tasche distincte de
la vostre, et que les forces que vous avés sont plus que suffisantes
seules pour exécuter ce que vous entreprenés.
XXXV.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 36. — Orig.
Bibl. imp. Fonds Sainl-Germain-Harlay, S/iy, fol. U'jb. -
Dupuy, t. 767, cahier K. k'. (Extrait.)
AU CARDINAL DE LA VALETTE.
Copie '.
Ruel, 2 juillet 1 638.
Monseigneur,
L'action du secours de Verseil donne une telle réputation aux
armes du roy, met ses affaires en sy bon estât', et vous acquiert tant
d'honneur et de réputation tout ensemble, qu'il m'est impossible de
vous représenter la joie extraordinaire que j'en ressens*. J'ay tousjours
attendu ce bon effect de vostre affection, de vostre prudence, et de
' Copie faite sur l'original. (Voyez la
note de la page 49 ci-dessus.)
' Cette partie du manuscrit Dupuy porte
pour titre : « Extrait des lettres retirées de
la cassette du cardinal de La Vallette, après
sa mort, et qui luy avoient esté escrites par
le card. de Richelieu. Année i638. » Ces
copies concernant l'histoire de France el
les affaires d'Italie ne sont point paginées,
mais chaque cahier est marqué de lettres
de l'alphabet, dans l'ordre alphabétique.
' Une relation du secours de Verceil,
qui se trouve dans le ms. de Turin cité
aux sources, a été insérée en partie dans
les Mémoires de Richelieu. Ce même ms.
contient plusieurs lettres du cardinal de
La Valette et de M. d'Hémery sur la prise
de cette place.
* Voy. ci-après, pages 67, 65, et aux
analyses (10 juillet), quel dut être le mé-
compte du cardinal, et avec quelle dou-
ceur résignée son amitié pour le cardinal
de La Valette lui fit supporter le mauvais
succès de Verceil.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 57
vostre conduite, vous cognoissant comme je fais; et j'espère que vous
n'en demeurerés pas là, si vous voyés lieu de porter les choses plus
avant, et d'entreprendre sur les ennemis. M' de Pailuau n'a pas
manqué [de mander]' de deçà la passion avec laquelle vous serves,
dont S. M. a toute la satisfaction que vous sauriés désirer vous-mesme.
Je vous supplie de croire que je n'oublieray rien de ce qui dep-
pendra de moy pour faire valoir vos actions et vos services, et pqur
vous tesmoigner qu'il n'y a personne qui vous estime ni qui soit avec
plus de sincérité et de vérité que moy.
Monseigneur,
De Ruel, le 2 juillet 1618.
Vostre tr^s butnble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
XXXVI.
Arch. des Aff. élr. Turin , t. 26. — Orig.
Bibl. imp. Fondfi Saint-Germain-Harlay, 3/17, fol. 475 v°. — Copie*.
Dupuy, l. 767, cal)ier K. k. (Extrait.}
AU CARDIiVAL DE LA VALETTE.
Ruel, 7 juillet i638.
Monseigneur,
La venue du s' d'Aussy a porté beaucoup de contentement au roy;
la conséquence deVerseil estant sy grande qu'il estoit impossible de
ne demeurer pas en quelque peine jusques à ce qu'on eust pareille
nouvelle à celle qu'il a apportée, qui asseure du salut de la place,
et d'une grande espérance de la ruine et déroute de l'armée des
ennemis'. J'espère que dans peu de temps nous aurons l'accomplis-
' Nous suppléons ces deux mots, qui ne d'être faite; Verceil avait été rendue aux
sont point dans le manuscrit de Hariay ; le- Espagnols, le 5 juillet, par le comte d'O-
manuscrit Dupuy ne donne point ce passage. gliani , qui y commandait pour la duchesse
' Copie faite sur l'original. (Voy. not. i de Savoie. Le secours que le card. de La
de la page A8 et a de la pièce précédente.) Valette était parvenu à y jeter le mois pré-
' Celte prédiction était démentie avant cèdent ne suffit pas à sauver cette place.
CARDIN. DE RICHELIED. — VI. 8
58 LETTRES
sèment de ce que nous désirons de voslre costé, ce qui sera deu à la
bénédiction de Dieu, à vos soins et à vostre prudence.
M'' le comte Guillaume avec un corps de 4 à 5 mil hommes a
esté battu par les Espagnols auprès d'Awen, mais comme l'armée
de M"" le P. d'Orange est demeurée toute entière, cet échec ne lem-
peschera pas de faire quelque chose de considérable le reste de cette
campagne, à mon avis.
Du reste tout va bien. M' de Longueville, après avoir forcé le duc
Charles dans ses retrancliemens auprès de Poligny, et luy avoir des-
fait 8oo hommes et pris 2 pièces de canon, s'est rendu maistre, par
assaut, de la ville et chasteau de Poligny, qui est un poste fort im-
portant, et a contraint le dict duc Charles de se retirer vers Salins,
où M"^ de Longueville le va chercher pour le combattre, s'il ne lasche
le pied, comme il a accoustumé.
M"" le Prince a heureusement commencé sa campagne, ayant battu
ce qui s'est présenté d'ennemis au passage de la rivière, investi Fonta-
rabie et pris au mesme temps, dans le port du Passage, dix gros ga-
lions d'Espagne avec force beaux canons de fonte verte. Le siège
de S'-Omer va fort bien', grâces à Dieu, M' de Chastillon asseurant
que, nonobstant les efforts du prince Thomas et de Piccolomini , il en
rendra bon compte dans ce mois.
Tout est en la main de Dieu, et c'est ce qui me faict espérer bonne
issue de toutes choses, ne doutant point que, comme il cognoist la
justice des armes du roy, il n'y respande sa bénédiction.
Je l'en supplie de tout mon cœur, et vous. Monseigneur, de croire
que je suis et seray tousjours sincèrement,
Vostre très humble et très affectionné serviteur.
Le card. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 7 juillet i638.
' Le siège ne réussit pas , huit jours après les lui a reprochées , notamnaenl dans une
la date de cette lettre, le 1 5 juillet, le mare- lettre du 12 juin, imprimée dans le recueil
chai de Châtillon était obligé de le lever. Ce d'Aubery. Nous notons aux analyses cette
mauvais succès était dû en partie aux fautes lettre, ainsi que plusieurs autres écrites
du vieux général, et Richelieu lui-même par le cardinal au maréchal de Châtillon.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
59
XXXVII.
Arch. des Aff. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 299. —
Minute de la main de Ciloys.
AU ROY'.
«juillet 1 638.
L'insolence des Carmes est venue jusques à ce point que leur im-
punité crie vengeance contre le ciel, Eux-mesmes demandent qu'on
apporte de l'ordre à leur désordre insupportable, et représentent
qu'il ne se peut faire qu'avec main forte, à cause de leur voisinage.
M' le chancelier demande qu'il plaise au roy, à cette fin, de com-
mander à trois compagnies des gardes françoises et suisses de faire
ce qu'il leur dira pour cet effect. Je croy que c'est chose du tout né-
cessaire et que cet œuvre est très agréable à Dieu.
S'il plaist à Sa Majesté, j'iray ce soir coucher à Paris, tant pour
cet affaire que pour donner quelque ordre à mon bastiment. Je ne
partiray point que je ne sache si Sa Majesté l'a agréable. Il luy plaira
de donner le commandement nécessaire à M' de Montigny pour les
gardes.
^ Si elle peut estre donnée à un séculier, ce seroit bien le faict de
M. Lescot, docteur en Sorbonne, qui a sy bien servy en toutes occa-
sions.
' La suscription et la date , que Citoys
avait omises, ont été notées au dos par
Cherré.
' Ce passage est de la main de Clierré ,
et, quoique écrit immédiatement après ce
qui précède, on ne voit pas le rapport
qu'il peut avoir avec le reste de la lettre-
C'était sans doute un mot de souvenir, mis
là par le cardinal pour servir ailleurs. Il
^'agil d'un bénéfice vacant auquel il pen-
sait pour le D' Lescot; nous avons vu ré-
cemment que Richelieu avait voulu avoir
son avis sur un livre du père Séguenot
(ci-dessus, p. Ui)- Quelquefois même il le
consultait en affaires d'état ou de législa-
tion , sur certains cas de conscience , par
exemple , « s'il est das circonstances où les
rois puissent permettre les duels;» ou
bien : • des raisons de punir ceux qui ren-
dent à l'ennemi des places qu'ils pouvoient
défendre. ■■ (Voy. t. V, p. 435 et 5a6.)
00 LETTRES
XXXVIII.
Archives de l'Empire, K i34, Guyenne, i" partie, p. 21 , pièce i 18. —
Mise au net de la main de Cherré.
A M. DE BORDEAUX.
16 juillet i638.
Monsieur, 11 me sera bien aisé de vous faire response à la lettre que
le s"" de Daure m'a rendue de vostre part, puisqu ayant envoyé offrir
ce que vous avés d'infanterie à M'' le Prince, ainsy que vous me l'avés
mandé vous-mesnie par la vostre du 5^ de ce mois\ et qu'il vous la
demande maintenant, il la luy faut envoyer sans délay, veu que si
on la luy refusoit après luy avoir offerte, il pourroit s'excuser de
ne rien faire sur le défaut de ces troupes, et le blasme en tombe-
roit sur vous, ce que vous devés esviler absolument. Mais, ayant
considéré particulièrement tout ce que vous me représentés par vostre
dépesche, j'estime qu'il sera bien à propos, selon que vous me le
proposés, que vous meniés vous mesme tout ce que vous pourrés
d'infanterie et de vaisseaux joindre M"' le Prince, afin d'asseurer de
tout point son entreprise, et les vaisseaux et galions qu'il a gaignés
sur les ennemis. C'est donc à vous à voir ce que vous pouvés faire en
cela, laissant sy bon ordre pour les escadres de Hollande et de Pro-
vence qu'elles vous puissent aller joindre où vous serés, à mesure
qu'elles arriveront aux isles. Celle de Hollande estant arrivée au Havre
dès il y a 4 ou 5 jours, je ne doute point qu'elle ne soit bientosl au
lieu où vous estes maintenant, si le vent a esté propre pour aller de
ce costé-là. Si vous pouvés une fois armer les galions et vaisseaux
gaignés au port du Passage , cela suppléeroit bien au défaut de la meil-
leure de vos escadres. Enfin l'apprébension que vous avés que M' le
Prince s'estonne ne voyant point arriver de forces par mer est fort con-
sidérable, et j'estime que vous ferés fort bien de suivre la pensée
que vous avés d'y aller.
' Nous trouvons cette lettre dans ce manuscrit cotée pièce 116'.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 61
Au nom de Dieu faites diligence.
Quand vous aurés un corps considérable de vaisseaux, et que
vous ne serés point nécessaire au siège de Fontarabie, on vous laisse
libre d'entreprendre à la mer ce que vous estimerés plus à propos.
Quant à l'argent, M"" de Noyers vous y faict response particulière;
mais s'il n'estoit pas tout à faistprest, en baillant quelques intérests
aux receveursqui en font la levée , il croit que vous en recevrés, comme
on a faict partout ailleurs par cette voie; sinon servés-vous des
20,000 escus que vous avés, que vous remplacerés à mesure que la
levée se fera de vos assignations.
XXXIX.
Arcli. des Aff. élr. Rome, i638, huit premiers mois, t. 63, fol. aag. — Mise an iiel '.
MÉMOIRE
AU MÂRESCHAL D'ESTRÉES.
16 juillet i638, à S'-Geriiiain-en-Laye.
Les dernières lettres dudict s' ambassadeur des i5 et 20 juin^
ayant esté soigneusement examinées, et particulièrement ce qui re-
garde l'affaire de la protection, touchant laquelle principalement
l'on a esté ici sur le point d'éclater par l'exécution de l'arrest dont
copie a esté envoyée audict sieur ambassadeur. Sa Majesté veut qu'il
continue ses instances avec vigueur et tesmoignage qu'elle viendra à
l'exécution dudict arrest, si le pape ne luy donne satisfaction.
Et néanlmoins, si on la voulait donner entière à S. M. sur tous les
autres chefs et spécialement touchant la promotion, la faisant promp-
temcnt (qui est ce que S. M. peut désirer pour ce regard, ne faisant
point doute que le pape ne donne la dignité de cardinal au sujet
' Nous n'avons ni la minute, ni l'ori- , ' La lettre du 1 5 juin est conservée
ginal de celle pièce. La date est inscrite au dans ce manuscrit, f° 2 1 o , mais nous n'y
dos. trouvons pas celle du v,o.
62 LETTRES
qu'elle a proposé), comme aussi louchant l'envoi du s' Mazarin en
France pour nonce extraordinaire en sorte qu'il y demeure ordinaire,
Sadicte M. ne s'esloigneroit pas d'accepter l'expédient proposé par
M"^ le cardinal Bagni.
Mais il faudroit insister qu'il n'y eust que le pape qui proposast
les bénéfices de France jusques à la paix, après laquelle M"^ le car-
dinal Antoine feroit cette fonction de protecteur; et cependant toutes
les démonstrations convenables, comme, entre autres, celle de mettre
les armes de France sur la porte de son palais.
Si on ne pouvoit gaigner ce point que le pape proposast tous les
bénéfices de France, Ton se pourroit relascher à ce que M'" le car-
dinal Bichi les proposast, comme comprotecteur, quand il seroit à
Rome, le pape les proposant cependant.
Il seroit peut-estre malaisé audict s' mareschal de traitter cette
affaint et se relascher sur ce qui est de la protection, en se lais-
sant entendre lui-mesme de ces conditions [sic) , sans faire préjudice
au droit que le roy a présentement de poursuivre que ledict s"^ car-
dinal Antoine exerce ladicte protection, et au moyen que S. M. a en
main, très-propre, selon toutes sortes d'apparences, pour obliger le
pape à y consentir.
Il seroit donc à propos que ces expédiens fussent proposés de la
part de Sa Majesté, et que ledict s' mareschal, par adresse et par le
moyen des amis de la France, comme ledict s'' cardinal Bagni, flst
en sorte que le cardinal Barberin lui fist proposer ces deux points de
la prompte promotion et de f envoi du s' Mazarin.
Si l'on veut faire ces deux choses actuellement en sorte que ledict
s' mareschal en ayt asseurance indubitable , il pourra se relascher, au
nom du rôy, ainsy que dessus; mais, s'il n'y a que des paroles sans
certitude des eflfects, il poursuivra tousjours pour ce qui est de la-
dicte protection.
Ledict s"" mareschal verra s'il sera plus à propos, sans escouter ou
au moins accepter aucun expédient, de continuer vivement la pour-
suite de cette affaire, et donner à craindre l'exécution de l'arrest
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 63
susdicl, mais faire savoir par personne tierce et confidente, ou par
lui-mesme, an pape et au cardinal Barberin, qu'il n'y a que le s' Ma-
zarin qui puisse accommoder cette affaire, ainsi que ledict s'' mares-
chal s'en est desjà laissé entendre, et ainsi engager le pape à l'envoyer
en France.
Cette dernière façon de conduire cette affaire semble devoir réus-
sir, d'autant mieux que la poursuite de l'affaire de la protection ne
cesseroit point que ledict s'' Mazarin ne fust icy, et ne seroit point par
après discontinuée que le roy n'eust asseurance qu'il y demeureroit
nonce ordinaire, et que Sa Majesté n'eust contentement dans une
prompte promotion.
S. M. laisse à la prudence dudict s' maresclial de choisir de ces
deux voies celle qu'il jugera devoir plus promptement réussir.
Elle approuve tout ce qu'il a dict au pape et au cardinal Barberin
sur le sujet de ladicte protection, et trouve bon qu'il leur mette en
main l'escrit qu'il en a dressé ; elle approuve aussy les offices qu'il a
faicts pour ledict sieur Mazarin, en rendant les lettres de la main du
roy au pape et audict sieur cardinal.
Quant à ce qui est des sauf-conduits, tant s'en faut que le roy ne
s'esclaircisse pas [sic) assez touchant ceux du roy de Hongrie pour ses
alliés, en Allemagne, qu'au contraire S. M. y a apporté autant et
plus de facilité que l'on ne pouvoit justement attendre d'elle, comme
ledict s' mareschal aura veu par les précédentes dépescbes qui luy
ont esté faictes.
11 faut tousjours faire grand bruit sur les longueurs d'Espagne,
touchant les sauf- conduits pour les députés de M" les Estats,
comme estant un tesmoignage évident que les Espagnols ne se por-
tent pas avec la promptitude qu'ils devroient à la paix générale, qui
désormais n'est différée que par ce retardement.
S. M. trouve bon que ledict s' mareschal en use comme il a résolu,
au cas que les ambassadeurs d'Espagne veulent accompagner celuy
du roy d'Hongrie, ne souffrant point qu'ils mettent le pied au so-
lio {sic), en faisant néantmoins, devant ou après, une protestation
64 LETTRES
suffisante, que c'est sans préjudice de ce que le roy ne peut encore
recognoistre ledict roy d'Hongrie pour empereur.
XL.
Arch. des AIT. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 3io. —
Original, de la main de Cherré,
devenu minute, des changements ayant été faits après la signature apposée.
A M. DE FORTESCUYÈRE'.
DeRuei,ce lyjuillet i638.
M. de Fortescuyère, J'ay esté bien aise d'apprendre, par vostre
lettre du 8 de ce mois, que les travaux du Havre s'avancent. Vous ne
sçauriés, M. Petit et vous, me faire un plus grand plaisir que de les
faire diligenter. Je donneray ordre de vous faire envoyer le reste du
fonds selon que je vous l'ay mandé.
Je trouve bon que La Barre soit ayde major, puisque vous le ju-
gés capable de cette charge; que le frère de Lignery ayt son ensei-
gne qu'avoit vostre nepveu. Vous les establirés en ces charges.
H y a quelque temps que, vous ayant proposé un mariage, vous me
tesmoignastes que vous n'aviés nul dessein de vous y attacher; mais,
comme vous pouvés avoir depuis changé de volonté, mandés moy si
vous sériés maintenant en résolution d'y entendre, et d'espouser une
femme veufve, parce qu'en ce cas je pourrois, à mon avis, vous faire
avoir la fdle du bon homme M' de La Fitte, que vous cognoissés, de
laquelle on m'escrit beaucoup de bien, et qui sera riche, après la
mort du père et de la mère, qui sont fort âgés, de deux cent mil
livres. H y a plusieurs personnes qui la recherchent, mais cela n'em-
peschera pas que nous n'en venions à bout, si vous y voulés en-
tendre. J'attendray, sur cela, vostre résolution, que vous me ferés
sçavoir prompteinent et librement, ne désirant point vous porter au
mariage si vous n'y avés point d'inclination, ny aussy vous en des-
' La suscription manque, mais le nom a été écrit au dos de celte pièce.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 65
tourner si vous cognoissés que ce soit chose qui vous soit nécessaire
ou utile.
Le Gard. DE RICHELIEU.
P. S. 'J'envoye Fontbert qu'il y a longtemps qui est brigadier
dans mes gardes pour faire la charge d'ayde major dans la citadelle.
Et qu'il envoyé La Coste à la mer en l'armée navale si les vaisseaux
ne sont point })artis, et puis je luy bailleray la première enseigne va-
cante. Vous iuy donnerés cent francs en partant pour y subsister.
XLI.
Arch. des Aff. élr. Turin, I. 26. — Orig.
Bibl. imp. Fonds SainlGermain-Harlay, 347, ''*'• ^7^ ^°- — Copie*.
Dupuy, t. 767, cahier R. k. (Extrait. ]
AU CARDINAL DE LA VALETTE.
19 juillet i638.
Monseigneur,
Je vous avoue que je ne fus jamais plus surpris que je l'ay esté
apprenant la perte de Verceil, après les grandes espérances que l'on
nous' avoit données de son salut; mais, comme les événemens sont
en la main de Dieu, il faut vouloir ce qu'il luy plaist, et espérer de
sa bonté qu'il ne nous abandonnera pas dans la suite de nos affaires.
Nous n'avons pas esté plus heureux en Flandres que vous l'avés esté
en Italie, puisqu'encore qu'on ayt desfait une bonne partie de la ca-
valerie des ennemis près Saint-Omer, et ruiné l'autre, M'' de Chas-
tillon n'a pas laissé d'estre contraint de lever le siège qu'il avoit mis
devant la place, quoyqu'il fust logé sur le bord du fossé.
Beaucoup croient que la mésintelligence d'entre luy, M' le mares-
chal de La Force, qui l'avoit joint, et les autres officiers des armées,
' Ces deux paragraphes que nous met- ' Copie faite sur l'original. (Voyez la
Ions en post-scriptum sont placés dans le note 1 de la page 48 et la note 2 de la
manuscrit en marge de la pièce; rien n'in- page 55.)
dique qu'ils dussent y être intercalés. ' Le manuscrit de Harlay a mis « vous. »
CAIIOIN. DE RICIIELIEC. — VI. Q
66 LETTRES
en est la principale cause; pour moy je ne puis qu'en dire, mais il
est certain que la lenteur de M'' le mareschal de Chastillon est la
première origine de nostre mal. Nous allons recom,mencer un autre
siège, qui succédera mieux, s'il plaist à Dieu. Poiu' cet elTect le roy
s'avance en personne sur la frontière pour le favoriser et essayer à
réparer le désordre qui est arrivé. J'espère que .son voyage ne sera
pas inutile.
On vous envoie trois régimens, sçavoir ; Roussillon, Kelus et Mir
repois, outre le reste des troupes de vostre armée qui vous sont
maintenant arrivées, afin de vous fortifier et de vous donner lieu de
réparer le mauvais événement de Verceil par quelqu'autre action.
Asseurés-vous, Monseigneur, que je contribueray à cette fin tout
ce qui deppendra de moy, comme aussy pour vous faire cognoistre
que je suis véritablement.
Monseigneur,
Vostre très liumble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Royaumont, ce 19 juillet i638.
Après avoir vcu M"" de Vignoles, j'adjouste qu'il est impossible de
vous envoyer d'autres troupes que les trois régimens dont je vous ay
parlé ci-dessus, parce qu'en eflect nous n'en avons pas. Le désir qu'on
a de vous secourir faict que M' de Noyers envoie un de ses alliés pour
les conduire les plus forts qu'il se pourra. En efiFect, Monseigneur, si
je pouvois me mettre en quatre je le ferois de très-bon cœur pour
vous secourir; vous congnoissés mon affection, et le feu avec lequel
je sers non-seulement mon maistre, mais mes amis. J'espère, nonobs-
tant tous les embarras où nous sommes, que tout ira bien.
Il faut soigneusement fortifier Casai; vous aurés le fond de la gar-
nison de Bresme où on n'a point touché; j'envoie de mon argent
3o,ooo escus par le s' Colbert, qui est à M'' de Noyers, pour employer
àPignerol et à Casai, sçavoir est 60,000 1. pour Pignerol , et 3 0,0 00 1.
pour Casai; outre cela il prend à Lyon 200,000 1. qu'il porte en di-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. - 67
ligence pour les garnisons de ces mêmes places. En un mot il ne
tiendra pas à vous assister d'argent que toutes choses n'aillent bien
du costé où vous estes; mais, pour des hommes, il nous est impos-
sible de vous en envoyer davantage que les trois régimens cy-dessus.
Si vous en pouvés faire en Italie , on les payera volontiers.
XLII.
Archives de l'Empire, Guyenne, i" partie, K i3/i, p. 63, pièce 76'. — Minute.
A M. LE PRINCE'.
Du 1 g juillet i638.
Monsieur, J'ay
esté extresmement aise d'apprendre par vostre dernier courrier que
vostre siège continue à bien aller ; j'en espère bientost un bon suc-
cès, d'autant plus asseuré que la flotte de Levant est arrivée à la Ro-
chelle le 1 2 de ce mois, et que celle de Hollande a passé au Havre
de Grâce le 1 4 , ce qui faict que M' de Bordeaux sera bientost à vous
avec une armée navale puissante, si il n'y est arrivé auparavant avec
une escadre, selon qu'il m'a mandé qu'il s'y préparoit, estant fortilhé
des galions et vaisseaux acquis au roy par vostre soin et vostre dili-
gence. Toute l'Espagne ensemble ne sçauroit mettre en mer det
forces qui puissent estre considérables auprès de celles-là, et en le.'
privant du port du Passage, on les prive du moyen le plus puissam
qu'ils eussent de se rendre forts de la mer; c'est ce qui faict que j'es-
lime du tout important de conserver ce port, et, pour ce faire, dt
prendre, après Fontarabie, Saint-Sébastien, ce qui vous sera bien aisé
estant fortifié de M' de Bordeaux, et de l'armée navale qu'il coni
mande. Je vous prie donc, Monsieur, de penser à l'exécution de et
dessein, qui ne sera pas difficile nonobstant les milices que les enne-
mis assemblent à Saint-Sébastien. Si ils en ont quelque nombre con
sidérable, ils se voudront opposer à vos^ approche, et de là viendra
à mon avis, vostre avantage, parce que assurément vous les déférés
' Cherré a noté en tête le nom et la date.
68 LETTRES
et Saint-Sébastien attaqué par mer et par terre ne peut tenir. Après
cela vostre campagne sera glorieuse, et vos amis, entre lesquels vous
trouvères bon que je me mette à la tête, n'oublieront pas vos inté-
rests, et conjureront le roy, qui aura beaucoup gagné par la prise de
vaisseaux, de faire que vous ayés lieu de vous louer de ses libéra-
lités. Asseurés-vous, s'il vous plaist, de mon afTection et de mon ser-
vice en toute occasion, et croyés que je suis ravi de vos prospérités,
tant pour le service du roy que pour l'amour de vous-mesme.
XLIII.
Arch. des AIT. étr. France, i638, de janvier en juillet, fol. Sag. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A M. BOUTHILLIER^]
De Clermonl, ce jo' juillet i638.
Je vous remercie du soin que vous prenés du général des gallères.
Il renvoiera la ratilEcation comme il faut.
J'ay parlé au s' Deschamps; je luy ay dict qu'on ne luy commandoit
pas de se retirer, mais qu'on luy permettoit, suivant sa demande.
J'ay dict au Picart, trésorier^, qu'il payast les quatre mil francs
par mois de cette année, ainsy qu'on l'a faict Tannée dernière. Le
d. Picart est en Provence, qui n'y manquera pas. Je prie Dieu que le
général soit plus sage à l'avenir qu'il n'a esté par le passé '.
Vous ne devés point aller chez l'ambassadeur d'Angleterre pour
luy dire la response du roy sur le mariage de mademoiselle de Rohan.
S'il vous la demande vous la luy ferés.
Quant aux humeurs de M' de BuUion, il les faut laisser passer
' Cet original manque de suscription ' Sur les mauvaises affaires de M. du
comme de signature, mais il allait à Bou- Pont de Courlay, et sur les arrangements
tliillier; celte note de réception, écrite au que lui avait fait prendre Richelieu , voyez
dos, •monseig' le card. » est de sa main. le tome V, p. 5o2 , 5o3, et 978, aux ana-
^ Il était trésorier de la marine. lyses, lettre à M. de Forbin.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 69
sans s'en tourmenter quand elles sont mauvaises. Il m'a dict qu'il
approuvoit le règlement; s'il a d'autres pensées il n'a pas raison. Je
vous envoie la coppie, et suis ce que je vous ay tousjours esté, qui
est tout dire.
XLIV.
Arch. des Afi". étr. France, 1 638- 1 63g, fol. loo. —
Original devenu minute à cause de quelques changements.
A M. DE BULLION.
2o juillet i638.
Monsieur, Je suis bien aise que le roy vous ayt faict la bonne chère
que vous me mandés.
Je pensois vous renvoyer le règlement avec les changemens que
vous désirés ', mais Sa Majesté, le voyant, a faict difficulté du dernier
article, sur ce qu'il croit que c'est le code Michaut, et defFunt M'' de
Marillac disoit souvent qu'il ne se pouvoit observer, et ne sçavoit pas
à quelle fin M' d'Effiat l'avoit faict faire.
Vous nous esclaircirés donc sur ce sujet. C4ependant je vous ren-
voyé le reste du règlement avec les changemens que vous avés désirés.
Je désire que les deffaillances que vous avés eues chez le roy n'aient
point de suitte, et que vostre santé, comme tout autre chose, aille
comme nous le pouvons tous souhaitter.
J'ay esté contraint de prendre de la casse cestc nuict, par précau-
tion seulement. Je demeure. Monsieur,
Vostre très affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Richelieu avait d'abord écrit à peu première pensée était celle du cardinal,
près le contraire, il disait: «Je vous ren- puisqu'il avait signé cette lettre. La se-
voiele règlement avec les changemens que conde était celle du roi, qui n'agréait pas
vous désirés, Sa Majesté s'estant trouvé à les changements, et c'est celle-ci qui a
propos en ceste ville pour les luy faire prévalu; le cardinal a dû modifier sa lettre
agréer. Je désire, etc. » — On voit que la après avoir vu le roi.
70
LETTRES
' Depuis cette lettre escrite, il est arrivé une dépesche de Lan-
guedoc qui faict qu'il est besoin d'y pourvoir proinptement. Le loy
le veut ainsy, et outre cela la raison d'Estat le requiert, et je m'as-
seurê que vous n'y manquerés pas; et, en effect, la chose presse de
telle sorte que je vous prie de m'y faire response. M"^ de Noyers vous
escrit sur ce sujet. Vous fecés donner l'argent qu'il faudra envoyer à
M' de Mauroy.
De Clermont, ce 20 juillet i 638.
XLV.
Bibl. imp. 5oo Colbert, n° 46, fol. 10 v°. — Copie*.
Sainl-Germain- Harlay, n° 346, t. a, p. i4- — Copie.
A MADAME DE CHEVREUSE.
24 juillet i638.
Madame, Le roy a volontiers consenti à ce que vous avés désiré.
Puisque vous ne . vous sentes coupable que de vostre sortie du
' Ce post-scriptum est également une
addition faite sur la lettre corrigée.
" « Faite sur une minute originale de
la main de Clierré. » Note du nis. de Col-
bert, reproduite dans le ms. de Harlay. —
Le ras. de Colbert a réuni sur le même
sujet plusieurs pièces, avec ce titre : » Né-
gociation pour faire revenir madame de
Chevreuse d'Angleterre. » Le père Griflet,
dans son Histoire de Louis XIII (t. III,
p. 174), fait mention de cette lettre du ms.
de Colbert n° 46, et il la date du 29 juil-
let; ce n'est qu'une erreur de chiffre; mais
une faute plus grave, c'est que, dans la
courte analyse qu'il donne de cette lettre ,
l'historien, qui sans doute ne l'avait pas
sous les yeux , en change le sens : « Biche-
lieu se contenta, dit-il, de mander à ma-
dame de Chevreuse qu'elle ne pouvoil re-
venir en France sans prendre auparavant
des lettres d'abolition. » La lettre porte, au
contraire , que le roi « donne l'abolition •
et '1 envoie toutes les seurelés que madame
de Chevreuse a désirées. » Les lettres d'a-
bolition ont même été rédigée», et nous
en avons vu le projet aux arch. des Aff.
étr. (France, i638, de janvier en juillet,
f°43o.) La date dcjuiilet manque de quan-
tième, mais le nom de la ville (Amiens),
le donne à peu près ; Richelieu y arriva le
3 1 juillet au soir, et en repartit le 26, il
se pourrait donc que ce projet eût été écrit
le même jour que la présente lettre. Quoi
qu'il en soit, madame de Chevreuse ne se
tint ni satisfaite, ni rassurée; nous ne vou-
lons pas dire que sa défiance fût mal fon-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 71
royaume , il m'a commandé de vous mander qu'il vous en donne de
bon cœur l'abolition, comme il eust faict de toute antre cliose que
vous eussiez tesmoigné avoir sur vostre conscience. Quand le s"^ de
Boispilé vous alla trouver, je luy dis ce que j'estimois pour vostre
service et pour vostre seureté, qui consistoit, à mon avis, à ne tenir
rien de caché, ce à quoy j'estimois que vous vous deussiez porter
d'autant pjus facilement que l'expérience vous a faict cognoistre, par
ce qui s'est passé au faict de M' de Chasteauneuf, qu'en ce qui vous
intéresse, ce dont vos amis ont la preuve en main est plus secret que
s'ils ne l'avoient point. Je vous puis bien asseurer que je n'ay jamais
eu moins d'intention de vous servir aux occasions pressentes qu'en
celle-là; et que tant s'en faut qu'on ayt voulu vous faire avouer une
chose qu'on ne sceustpas, [qu']onvoudroit ne sçavoir pas ce qu'on sçait
pour ne vous obliger à le dire. Tant y a qu'on vous envoie les seu-
retés que vous avés désirées; que si vous en avés besoin de plus
grandes, je vous y serviray volontiers, comme je vous l'ay desjà mandé;
vous asseurant que je seray tousjours'. . .
dée; ses liaisons constantes avec les enne-
mis de la France devaient lui inspirer de
trop légitimes inquiétudes, et nous com-
prenons qu'elle sentît le besoin de bien
prendre se» sûretés; nous voulons seule-
ment maintenir les termes de la lettre de
Richelieu.
' Il n'est pas douteux que la conduite
de madame de Chevreuse en Angleterre
ne fût observée par les agents français que
Richelieu pouvait avoir en cette cour, et
la légèreté naturelle à cette dame a dû lui
inspirer au moins des paroles indiscrètes.
L'ambassadeur Bellièvre se borne à rap-
porter ce qu'il entendait dire, sans pas-'
sion contre madame de Chevreuse, sans
complaisance pour le cardinal. Le a 2 juil-
let il écrit à Chavigni : « Madame de Che-
vreuse lesmoigne eslre bien aise du mau-
vais succès des armes du roy et elle publie
des relations toutes contraires à la vérité...
Si l'Espagne Iraitte, il faut que ce soit par
madame de Chevreuse, car le résident
voit fort peu le roy d'Angleterre et ses mi-
nistres.— Elle reçoit des lettres de France
dans les paquets du père Philippe de l'O-
ratoire, confesseur de la reyne. » — Le
29 juillet Bellièvre écrit qu'on lui a affirmé
que madame de Chevreuse ne traite pas
de politique avec l'Espagne. Elle dit qu'elle
est ré.solue de tèmoignei- respect et obéis-
sance aux commandements du cardinal.
(Arch. des AIT. èlrang. Angleterre, t. 48,
f" i63, 164.) Mais Richelieu s'en rappor-
tait plutôt, sur ce sujut, à ses agents se-
crets qu'à l'ambassadeur, auquel sa posi-
tion interdisait toute relation avec l'intri-
gante duchesse.
72 LETTRES
XLVI.
Dépôt de la guerre , t. 48 , pièce 89*. —
Original devenu minute, le cardinal ayant fait quelque corrections '.
[LETTRE DU ROI
AUX MARÉCHAUX DE LA FORCE ET DE CHÂTILLONl]
Mes cousins, ayant sceu que vous aviés laissé prendre le logement
de Feuguenberghe que vous m'aviés mandé que vous prendriés, j'ay
jugé que les ennemis estant entre vous et Hedin, et par conséquent
entre l'armée que commande mon cousin le mareschal de Brézé et
vous, je debvois luy faire changer sa marche, parce qu'il n'est pas
assez fort pour faire teste aux ennemis luy seul. C'est pourquoy je
l'ay faict advancer droit à [Monstreuil,] afin qu'il soit en lieu où l'on
ne puisse empescher la jonction des troupes [que je vous ay mandé]
que mon cousin le mareschal de Chastillon y debvoit joindre. [Cela
faict, ma pensée n'est pas de confondre toutes mes trois armées en
une, mais bien de les mettre en deux puissans corps, qui se donnent
la main l'un à l'autre , et n'ayant eu autre fin que de] pousser les en-
nemis et les chercher en tous lieux où l'on pourra raisonnablement
les combattre, ne voyant pas qu'il y ayt lieu de se promettre un ad-
vantage par aucun siège qui puisse esgaler celuy d'un combat raison-
nablement entrepris [^ après le succès duquel il me sera libre de faire
entreprendre ce que j'estimeray plus à propos]. Je désire donc que
vous vous proposiés ce but, et tachiés, par tous moyens, d'y parvenir.
Mon cousin le mareschal de Brézé arrivera à Montreuil mercredy
28® de ce mois.
Et afin de vous faire encores mieux comprendre mes intentions,
' Ln première minute, de la main de ^ Il n'y a point de suscription, mais
de Noyers , est cotée pièce 90'. Le cardi- elle est indiquée par la lettre même,
nai, qui paraît l'avoir dictée, y a ajouté ^ Ceci a été ajouté par le cardinal sur
plusieurs choses de sa main; nous enfer- l'expédition signée du roi; les autres pas-
mons ces corrections entre crochets. sagesdesa main étaientécritssurlaminute.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 73
j'envoye mon cousin le s"^ de Melleray, grand maistre de l'artillerie de
France, qui en est particulièrement instruit, pour en conférer avec
vous, désirant que vous luy donniés créance comme vous fériés à
moy-mesme. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ayt, mes cousins, en sa
sainte et digne garde. Escrit à Amiens, ce 2^' juillet i638 ^
LOUIS.
SUBLET.
XLVII.
Arch. des A(T. élr. F'rance, i638, de janvier en juillet, fol. 3o6. —
Mise au net, devenue minute, à cause de divers changements.
MÉMOIRE POUR MADAME DE LANSSAC.
Du25» juillet 1 638.
Madame de Lanssac sçaura que le roy escrit à la reyne pour luy
faire sçavoir le choix qu'il a faict de sa personne pour estre gouver-
nante de l'enfant qu'il plaira à Dieu luy donner, et luy envoie les
expéditions de cette charge, afin qu'elle les deslivre elle-mcsme à
madame de Lanssac, qu'elle envoyera quérir pour cet effect.
Lorsque la reyne envoyera quérir' madame de Lanssac, si Sa Ma-
jesté luy demande si elle ne sçavoit rien de l'honneur qu'il plaist au
roy luy faire, elle luy dira ingénuement que le bruit luy avoit appris*
' Le a8 le roi leur adressait une autre
lettre contre-signée aussi Sublet, où il di-
sait : «Voyant que de tous costés les en-
nemis sont devenus plus insolens depuis
ce qui s'est passé à S' -Orner. . . si vous ren-
contrés des paysans dans les forts qui tien-
nent contre apparence de raison, je veux
que vous les chastiez selon que leur témérité
méritera, et au surplus fassiez tout le dé-
gast et dommage que vous verrez possible
dans le pays ennemi, à la réserve des lieux
saints. • (Mém. de La Force, 111, libi.)
' Clierré , qui a noté au dos de la minute
la suscriplion et la date , a écrit (rès-nelte-
ment • du 35 ; i-mais celui qui a inscrit une
date en tête , pour le classement , a mis 1 5 ,
et la pièce se trouve ainsi faussement clas-
sée au 1 5. — La copie de la provision de~
madame de Lansac est au folio ^og; elle
est aussi datée du 2 5, et d'Amiens; le roi
ni le cardinal n'étaient à Amiens le i5.
' « Lii reyne envoyera quérir, » de la
main de Richelieu.
' I Le bruit luy avoit appris. » Il y avait,
Il elle savoit; ■ cetle correction en surcharge
est de la main de Kichelieu; remarquons
:,;:(■:
CARDIN. DE RICHELIEU. — VI
74
LETTRES
qu'on l'àvoit mise sur le rooUe ^ de celles qui ont esté proposées au
roy pour cette charge '^, que cela l'avoit empeschée de visiter et rendre
ses devoirs à la reyne de crainte^ que son visage fust importun pen-
dant que cette affaire estoit sur le tapis.
Ensuite de cela il est à propos qu'elle dist doucement à l'oreille
de la reyne qu'on luy a rapporté que* sa personne n'estoit pas trop
agréable à Sa Majesté pour cela, mais qu'elle espéroit de s'y con-
duire de telle sorte que Sa Majesté en auroit toute sorte de satis-
faction et de contentement. Qu'elle la suplioit de suspendre le juge-
ment qu'elle peut faire d'elle jusques à ce qu'elle ayt veu la façon
avec laquelle elle se comportera envers Sa Majesté, espérant que Dieu
luy fera la grâce de ne rien faire qui desplaise à la reyne, ny qui luy
donne sujet de^ mauvaise satisfaction. Et que, comme il ne luypouvoit
jamais arriver un plus grand honneur, elle n'oubliera rien pour s'en
qu'il ne se sert pas de la locution vulgaire ,
« le bruit public, d Ce mémoire , écrit pour
une circonstance délicate , a été de sa part
l'objet d'une attention particulière; il en a
pesé chaque mot. Après l'avoir fait mettre
au net par Clierré , il l'a corrigé de sa pro-
pre main , et il a dicté des changements
qu'indique, mieux encore que les sur-
charges, la différence des deux écritures
de Cherré, l'une Irès-soignée dans la mise
au net, l'autre très-expédiée pour les cor-
rections. Nous notons exaetement les sup-
pressions ainsi que les additions; les unes
et les autres nous révèlent le soin minu-
lieux que Richelieu a voulu mettre ici dans
le choix de ses expressions.
' En marge de ce paragraphe se trou-
vent quelques lignes qui expriment tou-
jours la pensée de répondre à un interro-
gatoire, mais aucune marque n'indique
qu'elles dussent être ajoutées au texte, ou
y remplacer quelque phrase; nous les con-
servons ici : I .M' le cardinal ne vous en
a-t-ii rien fait sçavoir? Madame, il y a plus
de trois mois que je ne l'ay veu; dernière-
ment madame d'Esguillon me dist qu'on
me raettoit sur le bureau comme les autres ,
et qu'elle croyoit peut estre que j'y aurois
bonne part. » Cette addition est de l'écri-
ture courue de Cherré.
* Il y avait ici, dans le premier projet,
• et que S. M. ne l'avoit pas eu désagréa-
ble, u Cela a été barré.
' Dans le premier projet, «qu'on ne
s'imaginast qu'elle briguoit et poursuivoit
la dicte charge; » barré aussi et remplacé
par la phrase qui termine le paragraphe,
ajoutée de l'écriture rapide de Cherré.
' « S. M. avoil tesmoigné n'avoir pas d'ag-
grément pour sa personne en cette charge,
mais qu'elle espéroit, etc. a Richelieu a
fait biffer cette phrase du premier projet ,
et mettre à la place : « sa personne , etc. •
' « Désirer une autre personne en sa
place.» Première leçon barrée; on y a
substitué les deux mots qu'on voit ici.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
75
rendre digne et pour faire coguoislre à la reyne l'extresme passion
qu'elle a de luy rendre ses très humbles services.
'Madame de Lanssac fera force civilités à madame de Hautefort,
madame de La Flotte et autres personnes de chez la reyne, le tout
avec sa modestie ordinaire, afin qu'on ne puisse faire apréhender à Sa
Majesté l'humeur de madame de Lanssac, qu'on a représenté hautaine.
XLVm.
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet , fol. 434.
Minute'.
A M. LE GRAS'.
[zSjjuiHel i638.
Monsieur,
Le roy env«ye un gentilhomme exprès à la reyne, avec une lettre
de sa part, pour l'informer du choix qu'il a faict de madame de Lans-
sac pour estre gouvernante de l'enfant qu'il plaira à Dieu luy donner;
' Le mémoire finissait ici; ce dernier
paragraphe est une addition de l'écriture
très-rapide de Cherré.
' Cette minute étant de ta main d'un
secrétaire de Chavigni , on peut se deman-
der si la lettre est réellement du cardinal,
et le mot Monsieur, mis en vedette, pour-
rait faire douter; mais il n'y a pas d'éti-
quette dans un brouillon. La lettre serait
même signée par Chavigni qu'elle pour-
rait encore être du cardinal ; nous avons
montré plus d'une fois qu'il faisait signer
ses propres lettres par quelque secrétaire
d'Etat, et dans cette circonstance il aurait
pu vouloir prendre cette précaution. Quoi
qu'il en soit , le ton de la lettre est évi-
demment le sien et non d'un autre. -^
Une note de la main de Chavigni, qui se
trouve au folio suivant (435), indique la
matière de celle lettre , écrite par ordre
du roi, ainsi que la matière de deux au-
tres missives : l'une adressée à M. de La
Ville- aux -Clerc», afin qu'il expédie les
lettres de gouvernante à M"' de Lansac;
l'autre, du roi à la reine, ainsi conçue:
t J'ay commandé au Gras de vous dire le
choix que j'ay fait de madame de Lanssac
pour estre gouvernante de l'enfant qu'il
plaira à Dieu nous donner. J'ay voulu
qu'elle receust les expéditions de vostre
main; je ne doute point qu'elle ne s'y con-
duise en sorte que vous enaurés autant de
satisfaction que moy. t On voit que toute
cette affaire a été traitée dans le cabinet
du cardinal; tout y est prévu et combiné
comme s'il se fût agi de la plus impor-
tante afi'aire politique.
' Ce nom est écrit à la marge de la mi-
nute. Le quantième manque; mais la lettre
a dû être faite le jour où M"" de Lansac a
été nommée.
76 ' LETTRES
et nioy j'ay eu commandement de Sa Majesté de vous adresser celle
qu'elle escrit à madame de Lanssac, afin que vous la présentiés à la
reyne, et que vous luy disiés que l'intention duroy est qu'elle l'envoie
quérir et qu'elle luy donne elle-mesme la dicte lettre, voulant qu'elle
reçoive cette grâce de ses propres mains.
Le roy commande aussy à M' de La Ville-aux-Clercs de luy porter
les instructions de gouvernante, afin qu'elle les reçoive pareillement
de S. M.
Je ne doubte pas que la reyne ne considère cette civilité que le
roy luy faict comme elle doibt, et que, quelque dégoust qu'elle ayt
tesmoigné avoir de madame de Lanssacj elle ne luy face bonne chère.
Ce sera à vous à mesnager cette entreveue et faire en sorte que les
choses se passent au contentement de Leurs Majestés. Mais s'il arri-
voit que la reyne, ce que je ne puis croire, ne vouli»st pas donner
elle-mesme les dictes lettres à madame de Lanssac, vous luy ferés co-
gnoistre , s'il vous plaist, par les i-aisons que vous sçaurés bien luy
représenter, le tort qu'elle auroit d'en user ainsy, et, si elle persiste,
vous remettrés les lettres entre les mains de M. de La Ville-aux-Clercs
afin qu'il les baille à madame de Lanssac, avec ses expéditions.
Le gentilhomme du roy partira demain au soir, et pourra estre
mardy à S'-Germain. Vous aurés agréable, s'il vous plaist, de vous y
trouver en mesme temps, afin que toutes choses soient bien ajustées.
L'apréhension que j'ay que la reyne ne face en cette occasion
quelque chose qui soit désagréable au roy me faict dire encore une
fois que vous devés faire tout ce qui deppendra de vous pour l'em-
pescher de prendre une mauvaise résolution. La mienne sera tous-
jours de demeurer,
Monsieur. . .
Voici la lettre du roi, dont la minute, de la main de Chavigni, se trouve au
folio /i35 du même manuscrit; cette minute n'a point de quantième; mais elle
doit être du même jour que la lettre au s' Le Gras :
Madame de Lanssac, Les bonnes qualités qui sont en vous et vostre
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 77
bonne conduite m'ont fait jetter les yeux sur vostre personne pour
vous donner le soin de l'éducation de l'enfant qu'il plaira à Dieu me
donner. Pour cet effect je vous fais cette lettre à ce que vous vous dis-
posiés à la charge de gouvernante que je vous en donne; je m'asseure
que vous vous en acquiterés sy bien que j'auray satisfaction entière
de mon choix '.
XLIX.
Bibl. imp. Fonds Saint-Germain-Harlay, 347, fol. ^77 v°. — Copie'.
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE.
27 juillet i638.
Monseigneur,
Je suis ravi quand je pense au dessein que vous mandés avoir au
cas que vous puissiez estre renforcé de 6,000 hommes de pied, bien
que ce renfort ne soit pas aisé de nostre part, et que je le tienne im-
possible de celle de Madame. Je crois cependant qu'en y faisant tout
ce que nous pourrons , vous le pourrés recevoir.
Pour cet effect, outre trois régimens de vostre armée que nous
présupposons ne vous estre pas encore arrivés, nous vous en envole-
rons trois nouveaux, sçavoir ceux de Roussillon, Kelus et de Mire-
poix.
Nous envoyons en outre trois ordinaires du roy à M" d'Alincourt,
comte de Sault et de Polignac en Auvergne, avec argent pour lever
chacun 2,000 hommes. Quelques Italiens, Montferrins ou autres que
vous puissiés lever sur les lieux, nous serons tenus de les payer.
Ainsy je croy que , s'il n'y a bien du malheur, vous aurés du se-
cours de Madame ou du nostre, au moins les 6,000 hommes. Toute
' La reine, dans la pensée que son en- pouvait pas croire que ce bon accueil fût
fanl serait confié à M™ de Lansac, se vil sincère.
forcée de lui faire bon accueil; mais le ' CeUe copie a été faite sur l'original,
cardinal, qui afl'ecta de s'en réjouir (voy. (Voy. la note de la page A9 ci-dessus.)
aux analyses, à la dale du 3 août], ne
78 LETTRES
mon apréliension est que ce secours n'arrive pas à temps , ou arrive
sy mal à propos, l'un après l'autre, que vous n'en puissiés faire l'ef-
fect que vous désirés.
Quant à i'esquipage d'artillerie qu'il nous est du tout impossible de
renforcer de France , M"^ l'ambassadeur de Savoie ne nous a pas plus
tost proposé qu'on pourroit avoir des chevaux à Genève, que nous
avons envoyé un commissaire et de l'argent pour en lever 200. Si
tous nos souhaits ont lieu vous serés secouru comme vous le désirés,
et ferés les effects que vous proposés.
Mais comme nous ne serons pas coupables si nos bonnes intentions
n'ont pas lieu, vous ne serés pas blasmable si vos desseins ne peu-
vent réussir.
Nous n'oublierons rien ny les uns ny les autres de ce qui se pourra
faire à l'avantage du service du roy. A ce propos je ne puis que je ne
vous die que M'' d'Hémery escrit de deçà des lettres qu'on ne peut
comprendre. Il mande qu'il n'a touché que 600,000 livres de cette
année, et que les lettres de change ne sont pas acceptées; et, contre
son dire. M' de Noyers soutient l'acceptation des lettres estre faicte,
et les trésoriers de l'extraordinaire des guerres produisent pour
1,900,000 livres de deniers fournis pour l'Italie, et se soumettant à la
perte de la vie s'ils ne disent vray. . .
Je vous suplie. Monseigneur, de faire travailler soigneusement à
Casai. J'ay envoyé de mes deniers l'argent qu'on a demandé pour cet
effect, avec ordre de n'en souffrir point le divertissement. Si vous
joignes vos ordres à ceux qu'on a envoyés de deçà, je m'asseure qu'on
verra l'effet d'une chose dont il y a longtemps qu'on parle sans eflect.
Quoy qui arrive, je suis et je seray tousjours,
Monseigneur,
Vostre très humble et très obéissant servileur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Airene ', ce 27 juillet i638.
' Airaines, bourg de Picardie entre Amiens et Abbeville.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
76
Bibl. imp. Baluze, pap. des arm. lettres, paq. i , n" i, fol. ga. — Original.
Arch.desAff. étr. France, 1 638, d'août en décembre, fol. A- — Original'.
SUSCRIPTION :
A MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLÉANS,
FRÈHE DNIQDE DU ROY.
Monseigneur,
Le roy désirant un secours, non de la bourse de Vostre Altesse
mais de son pouvoir et de son authorité, je prends la plume pour la
suplier de les vouloir emploier de telle sorte que Sa Majesté puisse
recevoir, dans la fin de ce mois, l'elTect qu'elle désire; ce qui sera
bien aisé à Vosti'e Altesse, employant des personnes entendues et af-
fectionnées pour liiy faire lever deux mil bommes dans l'eslendue de
ses gouvernemens. Ce secours est de telle importance pour faire que
les armées du roy, qui sont en très-bon estât, ne diminuent en sep-
ténèbre, qui est le meilleur temps de faire la guerre, que je suplie
Vostre Altesse d'y apporter tout ce qui deppendra de sa puissance; et
de me faire l'honneur de croire que je suis et seray toute ma vie ,
autant qu'on le peut estre.
Monseigneur,
Son irës humble et tris obéissant serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Abbeville, ce 2'= aoust i638.
' Ces deux originaux, tous deux signés
du cardinal, ne diffèrent entre eux que par
quelques mots qu'il n'est pas nécessaire de
noter. C'est celui de la collectioti Baluze
qui a été envoyé.
80 LETTRES
LI.
Archives de l'Empire, K i34. Guyenne, i" partie, p. 81, pièce 80'. — Minute.
A M. LE PRINCE'.
Du 3 aoust i638.
Faut escrire à M'' le Prince que les ennemis ont Irailté de deçà avec
tant de rigueur, d'injustice et impiété, que Manicamp, qui estoit au
siège de S'-Omer sans le consentement du roy, ayant capitulé dans
un fort où il s'estoit jeté, [à condition] qu'on le remèneroit luy et ses
compagnons dans une place frontière de S. M. sans dire quelle, le
prince Thomas et Piccolomini le firent mener à Metz, au lieu de l'a-
mener à Amiens ou S -Quentin, comme il pensoit; qu'on les fist con-
duire en ce chemin par des Croates, qu'il y en a desjà la plus grande
partie de perdus, ou de misère ou par la malice des paysans, qui les
assomment.
S. M. voudroit bien en prendre revanche, et partant dépesche à
M'' le Prince afin de l'avertir que, si la capitulation de Fontarabie
n'est point encore faicte, il tasche de la faire en sorte, s'il petit, qu'il
soit seulement dict que ceux qui sortiront seront menés en une des
places frontières du roy d'Espagne, ou en une des places frontières
d'Espagne.
Si on y peut couler le premier, sans manquer à sa parole on les
pourra faire conduire dans le Luxembourg, qui est le mesme lieu où
ils mènent Manicamp. Si on n'y met que le second, on les pourra
mener à Perpignan, et par là chercher à débaucher les Irlandois de
façon à débaucher les autres ainsy qu'ils font.
' Le secrétaire qui a mis au dos le nom nom d'un dés courriers dont se servait or-
et la date a écrit « par Saladin ; » c'est le dinairement le cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 8Î
LU.
Archives de l'Empire, K i34, Guyenne, i"parlie, p. 84 et 85, pièces 81 et 86. —
Minute de la main de de Noyers.
3 aoust.
A M. le Prince en conformité de ce que dessus \ pour ce qui est
de prendre S'-Sébastien , chose du tout nécessaire et qui s'exécute
maintenant que M' de Bordeaux est arrivé.
Que la pensée du roy n'est point que M. le Prince aille jusques là;
mais qu'il peult faire exécuter ce dessein par M' de La Valette, M' de
La Force, d'Espenan, et M"' de Bordeaux, pour la mer; et que, s'il voit
que la mauvaise intelligence qui est entre M'" de Bordeaux et M' de
La Valette, peut troubler ce dessein, ce qui est à craindre, eu ce
cas il sufBroit d'y envoyer M' le M. de La Force, le s' d'Espenan et
autres officiers qu'il estimera à propos, comme les s" duc de S'-Si-
mon pour la cavalerie et M"" de Gesvres.
Que S. M. estin)e que M"^ de Grammont peut se pourvoir de la
frontière de ce qu'il faudra. M. le Prince pourroit cependant utilement
faire un voyage dans la province de Guienne , pour donner les ordres
aux recrues de cette armée, et pour sa subsistance.
Qu'il y a icy un homme fort pratique d'Espagne qui dict que si,
ayant pris S'-Séhastien , on ferme 2 passages qui sont dans les mon-
tagnes, les Espagnols ne sçauroient plus venir secourir sa conqueste.
Que je m'asseure qu'il n'oubliera rien pour la conserver, y allant
beaucoup de sa réputation, de sa gloire et de son utilité, que ses
amis et ses serviteurs procureront tousjours très volontiers; que je le
prie donc de considérer que la prise de S'-Sébastien est du tout né-
cessaire.
Je suis bien fasché que les officiers de l'artillerie ne vous servent
Cette minute est écrite sur la même date du même jour. C'est Cherré qui a
page, immédiatement après la minute de mi» la date en tête,
la lettre du cardinal à M. le Prince, en
CARDIN. DR RICHELIEU. — VI. II
82
LETTRES
à vostre mode ; mais l'on n'a peu faire autre chose que de vous don-
ner les munitions que vous aviés demandées et les officiers de la pro-
vince, et un gentilhomme du Grand Maistre pour les faire marcher.
Tout ce que vous paires de vostre argent je m'oblige à vous le
faire rendre.
LUI.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'aoùl en décembre, fol. 3i. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR M. BOUTHILLIER,
SURINTENDANT DES FINANCES , À PABIS.
O'Abbevilie, ce lo'aoust i638.
J'ay esté bien aise de voir par vostre lettre ce qui s'est passé à
Saint-Germain au choix des norices ' el le bon traittement que ma-
dame de Lanssac reçoit de la reyne ^. J'espère que leurs Majestés rece-
vront toute sorte de contentement de sa conduite et de ses services.
Je suis bien fasché de vostre indisposition , je souhailte que vous
' Cependant ces nourrices réussirent
fort mal; le 18 décembre Chavigni écrivait
au maréchal d'Estrées, ambassadeur de
France à Rome : « On a fait courrir de
mauvais bruits de la santé du dauphin,
mais vous ne vous en devez pas mettre en
peine; on a seulement été obligé de lui
changer depuis peu trois nourrices parce
qu'il est de si grande vie qu'il les tarit
toutes.» Et six jours après, le aA, il écri-
vait de nouveau à l'ambassadeur : a 11 a
falu que le dauphin change de huit ou dix
nourrices ; mais il en a à cette heure une
très-bonne.» (Arch. des Aff. étr. Rome,
t. 6/1, f'aaG el 266.)
^ Richelieu fait certainement semblant
de se tromper; il savait fort bien que les
personnes qui avaient sa confiance ne
pouvaient avoir celle de la reine, qui ne
les voyait autour d'elle que comme des
surveillants incommodes. La manière dont
on lui avait imposé, quelques jours aupa-
ravant (voy. au 25 juillet) , la gouvernante
de l'enfant qu'elle allait mettre au monde
n'était pas faite pour diminuer chez elle
ce sentiment de répulsion. Et, quoique
madame de Lansac fût une des femmes
les plus honorables de la cour, elle ne
pouvait pas être bien accueillie par la
reine.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 83
en soyés bientost deslivré et que vous ayés autant de santé que j'en
désire pour moy-mesme. Je vous prie d'en avoir un soin particulier.
M. de Chavigni vous escrivant ce qui se passe en ces quartiers il ne
me reste qu'à vous tesmoigner la joye que j'ay de ce que M' le gé-
néral des gallères s'est enfin résolu d'aller à la mer, et faire ce qu'il
doit; et de ce qu'il a envoyé la ratiffication comme on la pouvoit
désirer.
J'ay bruslé les papiers que vous m'avés envoyez qui faisoient men-
tion de cette affaire.
Asseurés-vous que je seray toute ma vie ce que je vous ay esté
par le passé.
LIV.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'aoùl en décembre, fol. 87 v°. — Copie.
A M. DE BRÉZÉ\
D'Abbeville, ce ii aoust i638.
Mon frère, Une lettre m'apprend vostre peu de santé, vostre peu
de bien, et la résolution que vous avés prise.
Le premier deffaut dépend de vostre constitution naturelle et des
excès que la passion de la chasse vous a faicl faire en vostre jeunesse.
' Au commencement de la campagne
de i638, le cardinal avait fait mettre sur
pied, du côté des- Pays-Bas, trois armées,
commandées l'une par le maréchal de La
Force, l'autre par le maréchal de Chà-
lillon et la troisième par le maréchal de
Brézé. Celui-ci , qui avait la prétention de
commander seul , se plaignit. Le cardinal
n'avait pas assez de confiance en la capa-
cité de son beau-frère pour admettre sa
prétention et n'eut aucun égard à ses
plaintes. Le père Griffet ( Histoire de
Louis XIII, in-4", t. III, p. 129) fait en-
tendre que le maréchal de Brézé aban-
donna son armée sans prévenir ni le roi ,
ni le cardinal. Cette lettre montre que
l'historien était mal informé, et que Brézé
ne partit qu'après divers pourparlers , dont
le résultat fut un con^é, qu'on lui annonce
ici. Cette lettre du cardinal est la réponse à
une missive de Brézé , dont nous donnons
l'extrait , parce qu'elle rectifie l'histoire
du père Griffet, et aussi parce qu'elle est
nécessaire pour faire bien comprendre la
lettre du cardinal. Nous l'avons trouvée en
copie dans le manuscrit des Affaires étran-
84 LETTRES
Le second doibt eslre attribué au mauvais mesnage de vostre
maison, ou aux despences que vos prédécesseurs ont faictes, servant
les roys.
Pour ce qui est de vostre résolution, vostre seule humeur en est
cause.
Comme je ne puis estre responsable du premier de vos maux puis-
que j'en ay ma part moy-mesme, et qu'il n'y a que Dieu qui donne
la santé, vous ne devriés pas, ce me semble, me reprocher le second,
veu les grands biens que je vous ay faicls, ou que vous avés receuz,
par mon moyen, de la grâce du roy; et le mauvais estât au quel
estoient vos affaires lorsque vous estes entré en mon alliance avec
les beaux tiltres dont vous me parlés, mais sy peu de bien qu'entre
ce dont vous jouisses et ce que vous aviés lors il y a différence de
beaucoup à rien.
Quant à vostre résolution, il me semble que vous me devés bien ce
respect de ne la prendre pas sans m'en donner part. Le roy m'a faict
l'honneur de me dire qu'il avoit dict au s"^ Sanguin que, si vous estlés
malade comme vous me le représentés, il seroit plus tost d'advis que
gères , écrite sur la même feuille que la co ■
pie de la lettre du cardinal , folio 87 ; elle est
datée de Vezelay, 2 août. M. de Brézé parle
de ses maux qui l'empêchent de marcher
et de se tenir à cheval. « Pour ce qui est de
la résolution que j'ay prise avec Sanguin
(voy. t. II, p. 58o), elle est conforme à cel-
les que j'ay tousjours eues d'obéir aux vo-
ionlez du roy, qui ne m'ont jamais paru
dissemblables de celles de Vostre Emi-
nence. Sanguin me vint dire de la part de
Sa Majesté qu'elle estoit d'advis que je
me retirasse. Ainsy nomma il la paroUe
qu'il m'aporla; mais moy qui sçay bien
que les conseilz de Sa Majesté sont des
commandemens luy respondis que j'estois
prest d'obéir; que toutesfois ce seroit à
très grand regret, si je me pouvois repro-
clier quelque chose à moy-mesme qui fust
capable de faire rougir un homme de bien
et d'honneur; mais puisque ma conscience
ne me refusoit pas la satisfaction que je
ne pouvois avoir d'ailleurs, que je ne de-
mandois point d'aulre grâce <\\ie celle-là
d'avoir le plus promplement que faire ce
pourroit un ordre de m'-en aller, puis que
je ne pouvois plus demeurer ou j eslois
avec honneur et contentement; et c'est
encore ce que je demande à Vostre Emi-
nence, si ce n'est qu'elle me veuille con-
damner à mourir de langueur pour estre
né avec peu de bonne fortune. " — M. de
Brézé se plaint ensuite des « mauvais
contes n qu'on a faits de lui au roi , et de
ce qu'après vingt ans de services il est
encore sujet aux calomnies.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 85
vous alassiés aux bains pourveoir à vostre santé, que de vous embar-
quer au reste de la campagne , qui requéroit autant de force de corps
comme vous en avés de cœur.
Je veoy bien que vous avés esté bien aise de prendre la consulta-
tion d'un maistre pour un commandement qu'il vous eust aussy bien
faict absolu s'il l'eust voulu faire, comme il n'a «u autre dessein que
de s'enquérir de vostre santé , et consentir que vous y pourveussiés si
vous le jugiés à propos.
En quittant ces quartiers vous aurés voulu quitter mon amitié. Je
consens, quoyque mal volontiers, à la rupture que vous faictes avec
moy, et sans me repentir des biens que vous ne reconnoissés pas, et
dont vous jouisses. Bien que je ne veuille plus avoir de commerce
avec vos inégalités et vos boutades, je vous asseure que je seray tous-
jours, mon frère,
Vostre très afiectionné frère et serviteur.
M' de Chavigny vous porte la permission que vous désirés ^
' Montglat, dansses M^o<m(I,ao3),
touche celte affaire en quelques mots qui
donnent une pauvre idée du maréchal de
Brézé. Le cardinal n'était pas heureux en
parenté. • L'armée du mareschal de Brézé ,
dit Montglat, s'csloil assemblée en Cham-
pagne, et s'estoit avancée vers l'Artois;
mais, après la prise de Renti', ce mares-
chal s'ennuyant du comandement de l'ar-
mée, et pressé du désir de relourner en
sa maison de Milly en Anjou, pour y man-
ger des melons, dont la saison se passoit,
manda au cardinal, son beau-frère, que
s'il ne lui faisoit envoyer son congé par le
roi, il le prendroit et laisseroit l'armée.
Le cardinal fut fort fasché de cette bou-
tade, et connaissant le caprice de son
* La mémoire de Montglat n'est pas ici parfaite-
ment Gdèle ; Reoti fut pris ie i o août , et Brézé n'avait
esprit, il cacha au roi celte mauvaise
humeur, et lui envoya son congé sous
prétexte de maladie. Il enrageoit néan-
moins de voir l'extravagance de son beau-
frère, qui n'avoit aucune complaisance
pour lui, et recevoit, comme malgré lui,
les honneurs qu'il lui procuroit, n'ayant
autre ambition que de demeurer chez lui
pour chasser et persécuter la noblesse sur
la chasse, mesme les plus grands, se liant
sur son autorité. Quoi qu'il fust fort ou-
tré de ce bizarre procédé, il se consola
d'un autre costé sur ce qu'il esloit difficile
qu'il ne mist en sa place quelqu'un qui ne
fust plus capable que lui. Du Hallier fut
choisi pour cet emploi. »
pas attendu cela pour montrer sa mauvaise hameur
et demander a s'en retourner chez lui.
86 LETTRES
LV.
Arch. des AiF. étn France, i638, d'aoûl en décembre, fol. Sg. —
Minute de la main de Cherré.
A M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL.
Du i3 aoust i638.
Monsieur, Je vous ay escrit ce que j'ay pensé estre du bien de
vostre famille, sans autre motif que celuy que vous pourries vous-
mesme prendre en l'affaire ' dont il s'agit.
Pour vous le tesmoigner je vous en prie encore de si bien^ penser
à la conduite que vous y voudrés tenir que vous n'ayés pas lieu de
vous en repentir. Quelque résolution que vous y preniés, je me
tiendray obligé de la façon avec laquelle vous avés receu l'avis que je
vous ay donné, et, après avoir faict une seconde réflexion, si vous
persistes au conseil que vous avés pris avec vous-mesme, vos amis
feront tout ce que vous pourrés désirer d'eux pour vous faire avoir
le contentement que vous pouvés en attendre; ce pendant je vous
suplie de croire ^. . ,
' C'était une querelle qui avait été jus- à son service. Les sentimens qui y sont
qu'aux voies de fait entre M. de Champla- exprimez de l'accident arrivé à l'un de
treux, fils du procureur général, et le fils mes enfans ne me laissent point d'assez
de M. de Nouveau , intendant général des dignes parolies pour luy en rendre les
postes. ( Voy. aux analyses , à la date du actions de grâces. Les conseilz des quels
5 août. ) il luy plaist m'honorer me sont des com-
' « Encore de si bien , » de la main de mandemens si précis que ma plus grande
Ricbelieu. gloire est en l'obéissance. 11 me suffit
' Au folio ho se trouve l'original de la que Vostre Éminence aye voulu voir la
lettre du procureur général, à laquelle vérité de ce qui s'est passé, par l'escrit
celle-ci répond : « Monseigneur, je con- que je luy ay cydevant envoyé. Il ne me
serveray tousjours celle qu'il a pieu à resteroitqu'un soubaii, que le filzde M'de
Vostre Eminence de m'escrire, le 5 de Nouveau feust encore plus coulpable pour
ce mois, come une preuve très asseurée tesmoigner à Vostre Eminence plus de
de la cordialle affection qu'il luy plaist d'à- respect et de soubsmission. L'image des
voir pour une petite famille toute desdiée signalées obligations que je luy ay est si
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
87 •
LVI.
Archivas de l'Empire, K i34, Guyenne, i" partie, p. ii5, pièce 90. —
Minute de la main de Cherré.
M. LE PRINCE.
Du 16 'aoust i638.
Monsieur, Je ne
doute point que vous n'ayés maintenant pris Fontarabie, ensuite de
quoy il faut penser aux choses qui ie peuvent bien conserver, non
seulement en réparant le dommage que vous y avés faict en le pre-
nant, et en y faisant des dehors, mais en outre en taschant de s'as-
surer des lieux circonvoisins.
Je sçay bien qu'il est aisé de se proposer de beaux desseins, et
difficile à les faire.
Aussy ne prélends-je autre chose que vous faire des ouvertures des-
quelles vous jugerés, sur les lieux, ce qui sera possible ou ne le sera
pas.
2
Si vous avés consumé vos munitions, M' de Bordeaux en enverra
quérir de nouvelles à Brouage.
Si vous n'avés pas de blés la province en est pleine , et sur vostre
crédit vous en pourrés tirer.
Si vous manques de gens^
Enfin quelqu'argent qu'il vous faille j'en fais ma propre dette, et
vivement empraiiile en l'ame de mes en-
fans come en la mienne, et la puissance
que Vostre Ëminence a sur tous est si
absolue qu'après la lecture de celle de
laquelle elle m'a honoré , les mouve-
mens des esprits des lins et des aultres
ont esté tout à l'instant changez. .. Les
poursuitles en justice cesseront et toute
autre recherche de nostre part. Et je seray
assez heureux s'il plaist à Vostre Ëmi-
nence se souvenir que je suis et seray toute
ma vie, etc. »
' La date est surchargée; on pourrait
lire 18.
' Ici il y a un blanc d'une demi-page
environ.
^ La phrase est restée suspendue. Ri-
chelieu, en dictant cette lellre, se ména-
geait le moyen d'y faire des additions , mais
je n'ai pas trouvé la pièce complète.
88
LETTRES
l'enverrai à La Rochelle'; pourveu que vous veuilliés et puissiés en-
treprendre quelque chose d'important, comme seroit Saint-Sebastien.
Au nom de Dieu, Mons^ asseurés sy bien vostre conqueste qu'on
ne nous la puisse jamais oster par force, afin qu'ainsy que la prise
de Fontarabie vous est due^, l'honneur de la conservation vous le soit
aussy.
Je suis bien aise que vous ayés remis à M' de Bordeaux *
Vous vous souviendras, s'il vous plaist, quel avantage ce vous seroit
si vous pouviés prendre Saint-Sébastien et avoir conquis toute une
petite province , lorsque de beaucoup d'autres côtés les grands projets
de la France ont manqué.
Je vous asseure que je le désire passionnément non seulement
pour le service du roy et ma satisfaction particulière, mais en outre
pour vostre réputation, vostre gloire et vostre avantage.
LVIl.
Bibl. imp. Saint-Geimain-Harlay, 264/'', fol. i65. — Or'ginal.
Arch. des AflF. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 46. —
Mise au net, de la raain de Cherré,
devenue minute après avoir subi divers changements.
A M. DE BELLIÈVRE*.
[16 août i638.]
Monsieur, bien que MM" de Chavigny et de Noyers vous aient
escrit* amplement sur le sujet de la levée que le roy désire faire
' Mot à peine lisible.
' Richelieu parle comme si Fontarabie
était déjà prise, tant il se croyait assuré de
cette conquête ; on sait que l'entreprise
échoua, et l'on comprend l'irritation ex-
trême que dut lui causer ce mécompte.
' Autre phrase non achevée. Celte mi-
nute est la réponse à une lettre de M. le
Prince , dans laquelle celui-ci disait au car-
dinal : • J'ay mis es mains de M. de Bour-
deaux tous les canons de fer et de fonte,
tous les voiles , cordages , ancres , vaisseaus ,
goudron et autres choses servant à la ma-
rine et à la guerre, pris au Passage, et ce
par invantaire, etc.» (Lettre du 17 août,
p. io3, pièce 85, ms. cité aux sources.)
* Nous trouvons ce nom au dos de la
lettre, qui manque de suscription.
* « Aient escrit,» de la main de Ri-
chelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 89
faire en Escosse, de quelques^ régimens pour le printemps prochain, je
ne laisse pas de prendre la plume pour vous conjurer, en mon particu-
lier, de vous employer avec telle addresse ^ auprès du roy et de la reyne
de la Grande-Bretagne que S. M. obtienne ce qu'elle désire en ce point ^.
Vous sçavés diverses personnes de qualité d'Escosse qui demandent à
faire des levées* pour venir en France. Ce sera à vous , au cas que vous ob-
teniés ce qu'on désire , de choisir celuy ou ceux qui seront les meilleurs.
Il importe, ce me semble, au roy d'Angleterre de rendre ce tes-
moignage de sa bonne volonté à la cause commune, s'il veut qu'on
croie qu'il se puisse porter à faire davantage; et, qui plus est, l'Estat
de l'Escosse, qui est maintenant sur le point de faire quelque
espèce de révolte, faict que c'est l'avantage du roy de permettre qu'on
en tire des soldats. Si vous voyés que ces considérations générales
puissent estre fortifiées par ia mienne particulière, je vous prie de
tesmoigner à la reyne et au roy, s'il en est besoin, que je me tien-
dray grandement obligé s'il veut accorder une levée. Si vous la pouvés'
obtenir de deux régimens escossois, c'est ce que nous demandons. En
tout cas, vous vous contenterés d'un, si on le veut. Je vous conjure,
encores une fois, d'en parler ouvertement, représentant au roy d'An-
gleterre que, s'il se veut rendre esgalement neutre, il doit permettre
cette levée, puisque les Espagnols ont divers régimens de ses sujets
dans leurs armées, et que nous n'avons que celuy d'Héberon. Vous me
ferés, s'il vous plaisl, response sur ce que dessus, et vous asseurerés
cependant que je suis véritablement et seray tousjours, Monsieur,
Vosire 1res alTcctionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Abbeville, ce i6 aoust «638.
' « De quelques , « de la main de Riche- faires qui occupèrent le plus nos ambassa-
lieu. deurs à Londres de i638 à i642, ainsi
' « Avec telle addresse , » idem. qu'on le voit dans les mss. des Aff. étr. Les
' « Que Sa Majesté obtienne ce qu'elle troubles d'Angleterre favorisaientd'un côté
désire en ce point, » idem. ces enrôlements, et de 1 autre y mettaient
* Les levées d'Irlandais et d'Ecossais des obstacles , qui venaient tantôt de l'au-
pour servir en France furent une des af- torilé royale, tantôt du parlement.
CADDIM. DE RICHELIEU. — VI. 12
90
LETTRES
LVIII.
Arcli. des AIT. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 53. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU ROI\]
De Piquigni, ce 18' aousl i638.
Je commencerav ce mémoire par très humbles actions de grâces
des bontés qu'il pleust à S. M. me tesmoigner, par M"^ de Noyeis, eu
s'en allant. Si j'avois mile vies, et qu'elles ne lussent pas toutes con-
sacrées à son service, je ferois en cela de nouveau ce que j'ay faict
il y a longtemps, avouant qu'il n'y eust jamais un meilleur maistre.
J'ay ponctuellement exécuté tout ce qu'il luy a pieu me comman-
der. Les gardes sont parties ce matin d'Abbeville avec les Suisses.
•Saint-Preuil menne cette petite armée joindre M'' du Hailier.
Je suis party en mesme temps d'Abbeville en intention de disner
au Ponldormy -, mais sans effect, parce que le feu s'est mis au chas-
teau, qui en a bruslé une partie, et nous en a chassez et contraincts
de venir manger un morceau à la poste de Flichecourt.
Hier j'instruisis fort au long Lambert. M"' du Hailier est party ce
matin en bonne résolution. Ils ont, en cette armée, neuf à dix n)ille
hommes de pied par leur confession, et trois mil cinq cens chevaux
en comptant mes deux compagnies.
L'armée de MM" de La Force et de Chastillon ne partira que
' Il n'y a point de signature , ni de sus-
criplion. Cliavigni, à qui Richelieu avait
envoyé ce mémoire pour le mettre sous
les yeux du roi, a écrit au dos : « Monsei-
gneur le cardinal. »
' PoiitRemy, village sur la route d'Ab-
beville à Picquigny. Sans doute on le nom-
mait alors Pont-de-t\emy, et Cherré, écri-
vant sous la dictée, aura enlendu comme
il a mis. Le même nom est encore écrit de
la même façon dans la lettre suivante. Au
reste, les noms propres sont à tout mo-
ment orthographiés dans nos manuscrits
autrement qu'aujourd'hui. Dans celle let-
tre, deux lignes plus loin, nous trouvons
Flichecourt très-iisiblement écrit ; c'est
Flijcecourt, autre village sur la même
route.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. n
jeudy, nous ayant mandé que le razement de Ranty requéroit qu'ils
demeurassent jusques à ce jour-là.
On mande de Champagne que le comte de La Moterie est aux en-
virons de Charlemont avec six ou sept mil hommes de pied et quel-
que cavalerie et canon. Nous avons aussy tost dépesché au s' de Bel-
lefonds pour qu'il s'achemine à Rocroy ' pour jetter son infanterie
dans les places qu'il prévoiera pouvoir estre attaquées, et se tenir à la
campagne avec les trois régimens de cavalerie qui sont maintenant
à Réthel. Desjà M' de S'Pol a distribué, dans les places de cette fron-
tière, les troupes qui sont sorties du fort du Bac, et le régiment de
La Rochegiffart; et, au 2-i'' de ce mois, les communes que luy et
M' de Vaubecourt ramassent, chacun de son costé, doivent estre
assemblées. Si on apprend que cet orage grossisse, Vostre Majesté
pourra envoyer deux mil hommes des sept ou huict mil de recrues
qu'on faict, à Bellefonds, pour mesler dans les vieux régimens qu'il
a, ce qui ne laissera pas de faire un bon corps.
On nous a mandé que trois cens hommes levez dans Paris estoient
arrivez à Amiens. Nous avons envoyé les quérir pour les donner au
régiment de Picardie, qui est avec M' du Hallier et ainsy le renforcer.
Je croy que V. M. fera très-bien de mettre le pauvre Goulard
dans Saint-Denis; c'est un homme zélé, qui a esprit et courage.
Quant au guidon dont V. M. a eu quelque scrupule, je ne croy
point qu'elle en doive avoir de mettre un homme dans une charge
où l'autre n'a point servy depuis quatre ans, V. M. se réservant à luy
faire donner quelque récompense, si le cas y eschet.
Les Suisses de vos gardes ne demandent point d'argent pour l'aug-
mentation de leurs compagnies; ils recognoissent qu'on n'en a ja-
mais donné, mais ils capitulent à la suisse, et veulent avoir pour la
solde des cent hommes nouveaux 1,800 livres, qui est à raison de
6 escus par homme, ce qui semble un peu cher. Ils disent que pour
faire celte levée il faut prendre l'occasion du payement des pensions,
qui se va faire dans peu de temps.
' Voyej! aux Analyses, à la dale du i8 août.
92 LETTRES
Un des lieutenans des Suisses représente que douze cens hommes
d'augmentation de cette sorte cousteront, par monstre, 2 i,6oo livres,
et que six nouvelles compagnies, qui feroient les douze cens hommes,
n'en cousteroient que 26,200 tant de livres, ce qui n'est pas consi-
dérable pour l'avantage qu'il y aura d'avoir des officiers qui sont
l'âme des corps; joinct que S. M. s'obligera, comme il le représente,
beaucoup de créatures en Suisse, et que les levées s'en feront bien plus
promplement. Sur ce fondement j'estimerois que S. M. feroit mieux
de mettre son régiment à vingt compagnies, recognoissant de plus
en plus qu'on ne sçauroit s'asseurer de ses places sans de telles gens.
Depuis trois jours encores, les ennemis ont faict recognoistre les
fauxbourgs de Péronne, et deux compagnies de Suisses garantiront
de toutes les apréhensions qu'on pourroit avoir de cette place.
Je croy qu'il est bon que S. M. prenne sa résolution sur ce sujet plus
tost que plus tard. Je croy aussy qu'il est bon que dès cette heure elle
face aller les deux mil hommes que Monsieur faict lever en Champagne
pour joindre et grossir les régimens du sieur de Bellefonds, tant parce
qu'un corps aucunement considérable ostera l'envie aux ennemis de
rien entreprendi-e, que parce que ces troupes là estant refaites, si elles
ne sont utiles là, et qu'on en ayt besoin ailleurs, on les y trouvera.
LIX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 56. —
Original, sans signature, de la main de Clierré. —
Mêmes archives, volume marqué 1 638- 1689, foi. 10. —
Minute, de la main de Citoys et de celle de Cherré.
SUSCRIPTION !
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRÉTAIKF. D'ESTAT.
De Piquigai , ce 18' aoust 1 638.
Je remercie Sa Majesté de toutes les bontés qu'il luy pleut me
tesmoigner à son partement, mais parce que je ne le sçaurois faire
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 93
assez dignement, je vous prie d'adjousler de vive voix, à ma lettre,
ce que vous jugerés bien que j'ay dans le cœur sur ce sujet.
Je ne doute point que Sa Majesté ne soit arrivée en bonne dispo-
sition, telle que je la désire, estant parly gay comme il est.
Quanta nous, nous avons commencé à travailler par un incendie
arrivé au Pontdormy \ mais Bautru m'a tellement mis en teste que
le feu est im bon augure que j'attends un bon événement de ce
mauvais accident.
On nous a dict icy qu'il en est arrivé un au lieutenant civil à
Paris. Si cela est, il est de grande importance de réprimer l'audace
et malice de ceux qui en sont autheurs, estant certain que, si on lais-
soit impunie une entreprise faicte à un magistrat, on pourroit des
uns monter aux autres; sapienii pauca.
M' le chancelier m'a escrit que le serment des eschevins de la ville ,
que l'on a addressé à M' de Montbazon, luy appartient. Je luy mande
que je m'asseure qu'aussy tost que le roy l'aura sceu il aura faict ce
qu'il désire, n'ayant eu aucune intention de blesser sa charge.
M' de Bullion m'escril qu'aussy tost qu'il aura l'ordonnance des
vingt cinq mile richedalles, il donnera la lettre de change : c'est donc
à vous à l'expédier promptement.
De bons religieux m'escrivent de Paris qu'ils ont sceu que M' et
madame la présidente de Bailleui avoient faict quelque résidence à
S' Germain, avec de gi-andes et continues fréquentations avec ma-
dame de Sénecey ^, et confabulations tenues ensuitte avec des personnes
de plus grande qualité. Ils estiment que tous ces conseils ne tendent
pas à bien authoriser les affaires du roy et de ses ministres. Sa Ma-
jesté sçait bien ce qui a esté descouvert de M' Le Bailleui durant le
temps de M' le Premier', et il me suffit qu'elle cognoisse ces bons
esprits et leurs intentions. Elle pourra sçavoir aisément si ces confé-
rences, qui font peur à ces bons religieux, ont esté véritables.
' Voy. la note 3 de la page 90. dail suspecte à Richelieu. Le cardinal la
' Première dame d'honneur de la reine , fera bienlôl disgracier,
que son dévouement à cette princesse ren- ' Sainl-Simon.
9/i LETTRES
LX.
Arcli. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 5o. —
Original, sans signature, de la main de Clierré '.
StJSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SFXRÉTAIRF, D'ESTAT, À PARIS.
De Piquigni , a 1 8' aoast.
Ce billet est pour donner avis au roy , par M'' de Chavigny, que Mani-
camp est arrivé icy, il y a une heure, et entré dans la salle au sortir
du disner, lorsque j'y pensois le moins. Or parce qu'il avoit mandé,
par plusieurs personnes, qu'il avoit apris dans le pays de quoy se van-
ger, après m'avoir conté l'infidélité dont on avoit usé en viciant sa
capitulation, je luy ay demandé quelle descouverle il avoit faicte ; sur
quoy j'ay sceu de luy que tout son dessein abboutit à prendre S* Guil-
lin, qu'il y a sy longtemps que Vercourt propose. Il dict que celuy
qui le conduisoit luy dist que, si ce poste estoit pris, le pays seroit
bien embarrassé. Il dist de plus qu'il y a esté sous le prétexte d'achep-
ter du vin pour ses compagnons, que c'est une petite ville entourée
de iTiurailles et située dans une isle de marais et de rivière, qui la
rendent facile à fortiffier.
Manicamp m'a faict force protestations à son ordinaire, comme vous
pouvés juger; mais j'ay autant de confiance en sa probité que celle
qu'y prend le roy, et, en effect, j'aurois desjà fait exécutter ce qu'elle
a résolu, si je ne pouvois de nouveau attendre sa volonté sans rien
gaster. Il hiy plaira donc, s'il luy pl^st, me la mander, et je ne man-
queray pas de la faire accomplir. Cependant Manicamp viendra, si je
ne suis trompé, avec moy à Amiens, où je luy feray faire un procès-
verbal de tout ce qui s'est passé en sa capitulation.
Vous dires au roy que nous venons de recevoir des lettres de
M'' de La Force, qui nous mande que la démolition de Ranty ne peut
' Lettre en partie chiffrée.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 95
estre iaicte que jeudy au soir, et qu'ainsy ils ne peuvent partir (jue
vendredy. M"^ de La Melleraie uiande que c'est la vérité, et que quand
il est arrivé là il a trouvé les choses peu avancées.
' J'estime qu'au faict du personnage dont je vous escris le roy
doit demeurer in deliberatis, et m'en commander l'exécution par un
mot de sa main.
LXI.
Arch. de» AIT. élr. France, i638, d'aoûl en décembre, loi. 67. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU ROL]
D'Amiens , ce 2 1 aoiist i638.
Je .suis extresmement lasché du mescontentement ([ue le roy a
receu en arrivant à S' Germain. Ce qui me consolle est que je suis
asseuré qu'il n'aura pas continué, ne doutant point que le sexe 1'. ^
ne soit capable d'avoir faict des réflexions qui l'aient porté au point
auquel Sa Majesté le doit désirer par raison.
J'escris à M' de Chavigny au long^ ce qui concerne ses allaires,
et, comme elle verra, je lasche de pourvoir à ce que j'estime qui ne
peut souflrir de délay.
J'envoie à Vostre Majesté un extraict des lettres interceptées im-
portant. Si Dieu donne beaucoup de mauvaises volontés à ses enne-
mis, j'espère qu'il luy donnera un très-grand secours. Je m'esti-
meray heureux s'il me donne lieu de faire voir de plus en plus
l'extraordinaire passion que j'auray toute ma vie pour le meilleur
maistre du monde.
M'' du Hallier arrivera demain où Vostre Majesté a commandé,
et sa grande armée, qui a un peu retardé son partement, à cause
' Ce qui suit est écrit sur uu feuillet se- * Pourquoi ce mot en abrégé ? S'agitil
paré, P 5 1. Etait-ce pour que le roi, à qui de madame de Hautefort (voy. ci-après,
devait élre communiquée cette lettre, ne p. 11 5) ou même de la reine?
le vît pas? ^ ' Voy. la lettre suivante
96 LETTRES
Hu razement de Ranty, marche selon les ordres que Sa Majesté a
donnez.
Les ennemis sont partis de Lillers. On dict qu'ils ont envoie quel-
que partie de leurs troupes vers Arleux.
LXII.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 69. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
S-USCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY.
SECRÉTAIRE D'ESTAT.
D'Amiens, ce 21 aoust i638.
Le roy ayant commandé en partant qu'on fist emmener prisonnier
à Abbeville celuy qui, ayant esté lieutenant de M' de Heilly, l'avoil
faict appelier mal à propos, et contre les ordres de la guerre, depuis
que Sa Majesté est partie M"' de Choisy a déclaré que M"' le mareschal
de Brézé avoit, la veille de son parlement, commandé au provost de le
laisser sortir, ce en quoy il avoit esté religieusement obéy- Il a par
cette action glorieusement couronné sa retraitte '. Je vous en avertis,
non pour que vous le disiés à Sa Majesté, mais afin que M'' Bouth illier
et madame d'Esguillon sçachent la continuation de sa bonne conduite.
Enfin nous avons sceu la vérité de l'entreprise de Doulans et que
le soubçon qu'on avoit de Hcucourt n'estoit pas sans fondement; le
baron de Villeneufve ayant faict une vénérable [sic) mention dudict
Heucourt, auquel le prince Thomas avoit escrit.
Il y a un cappitaine à Paris nommé Scanavel, que vous cognoissés,
qui a accusé le dict Heucourt, lequel est chez le chevaher du guet;
vous nous l'envoyerés, s'il vous plaist, par Le Muet, lieutenant, avec
six archers, qui l'escorteront diligemment icy, afin que nous le fa-
cions confronter^.
M"^ d'Hémery vous aura escrit, comme à moy, la continuation du
' Voy. page 83 ci-dessus. — ' Il eut la lêle tranchée. (Voy. lettre du i3 septembre.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 97
mauvais procédé de Madame, qu'il croit certainement traitter avec
Méiose 11 est d'avis qu'on en parle à l'ambassadeur; c'est pourquoy
j'estime qu'il est à propos que le roy l'envoyé quérir et luy tesmoigne
le juste soubçon qu'il a de la sortie de Pazer^ à cette fin, et des négo-
ciations que Madame peut faire faire par cette voye et par d'autres.
Vous serés auprès de Sa Majesté quand elle luy parlera, afin de n'ou-
blier aucune des circonstances que M' d'Hémery vous mande qu'il
est nécessaire de faire sçavoir au dict ambassadeur.
Par les lettres interceptées nous voyons une insolence extraordi-
naire du Comte D.^ et de son monarque enflez de leurs dernières pros-
pérités. Ils mandent ouvertement au cardinal infant qu'ils amassent
des troupes pour assiéger promptement Fontarabie. Ils veulent en
cela imiter le roy en l'action de Corbie *.
Nous ferons partir demain un homme exprès portant cinquante
mil francs pour fortiffier et pour munir la place comme il faut. Il
plaira au roy dire à M"^ de BuUion qu'il est important de fournir cette
somme comptant, et vous d'avoir soin de la faire mettre entre les
mains du s' de Mauroy. Cependant M" de Lumagne ne lairront pas
de la faire marcher.
' D. Francisco de Melos était envoyé
par le roi d'Espagne en Italie. Mazarin an-
nonçait à Cliavigni l'arrivée de ce diplo-
mate à Rome dans le mois de mai de 1 639,
et ne soupçonnait d'autre objet à sa mis-
sion • ciie prccurare «occorsi per i'Alle-
magna. » (Aff. étr. Rome, t. 65, 19 mai.)
D'Hémery, ambassadeur de France en Sa-
voie, et le cardinal de La Valette, général
de l'armée française à Casai, écrivaient au
contraire à Richelieu et à Chaviijni que
Madame traitait secrètement avec les Es-
pagnols. (Lelt. du card. de La Valette à
Chavigni, du 10 août, arcli. des Aff. élr.
Turin, t. 26.) Il serait trop long de citer
toutes les lettres où ils renouvellent cette
imputation. La situation de la duchesse de
CARDIN. DE RICHELIED. VI.
Savoie était singulièrement dilFicile; d'Hé-
mery et le cardinal de La Valette , dans leur
désir de plaire à Richelieu, n'en tenaient
aucun compte; d'Hémery surtout, par sa
conduite malveillante à l'égard de Madame,
a certainement été cause d'une partie des
fautes qu'il lui reproche.
* Le commandeur Pazer, arrêté sur le
soupçon d'intrigue avec les E.spagnols,
s'était évade, et l'on disait que Madame
avait favorisé son évasion. (Lett. d'Hémery
à Richelieu, du 10 juillet, même ms. )
' Le comte-duc d'Olivarès. On lit à la
marge : « Bruslés cette lettre. »
' On se souvient qu'en i636, à peine
Corbie avait été prise par les Espagnols,
qu'elle fut assiégée et reprise sur eux.
i3
98 LETTRES
Nous dirons à celuy que nous envoyerons, en secret de la confes-
sion, le dessein du roy d'Espagne, sans dire comme nous le sçavons,
et le chargerons du soin des dictes fortiffications et munitions de la
place. Il s'agit en cela d'un coup d'importance, et, si les Espagnols
ruinent en vain leurs forces à ce siège, l'avantage que nous en retire-
rons au printemps ne sera pas petit.
Dès celte heure ilz ont envoyé quérir cinq mil hommes en Italie,
et mandent au cardinal infant qu'au sortir de la campagne il leur en-
voie un bon nombre de troupes pour ce dessein. Par là il est aisé à
juger comme ce qui les touche en Espagne les touche au cœur.
On a donné avis à M"" le marquis de Sourdis de la maladie de l'abbé
de Chaumont, de la vie duquel on désespère. Il suplie le roy, au cas
qu'il vienne à mourir, de luy faire l'honneur de le gratiffier de cette
abbaye, qui vaut k à 5ooo** de revenu, pour un de ses enfans qu'il
a destiné, il y a long temps, à l'église. Vous en parlerés, s'il vous
plaist, à S. M.
' Depuis ce pacquet fermé la bonne nouvelle apportée par M' Strucces
est arrivée.
LXIII.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. le duc d'Aumale'''. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR MM. DE RULLION ET BOUTHILLIER,
8DRINTENDANS DES FINANCES.
D'Amiens, ce 2 i' aoiisl )638.
Messieurs du conseil sçauront, s'il leur plaist, que si doresnavant
' La lellre fermée , on a écrit ce post- le 3 1 (p. ^77) , en lit le récit intitulé : Reki-
scriptum sur le dessus. Il s'agit de la vie- hon de la bataille de Rkinaut. Turenne y
toire remportée par le duc de Weymar sur combattait sous les ordres du duc Bernard,
les impériaux , dont la Gazette du 28 août ^ Voy. sur le manuscrit que possède
publia la première nouvelle (p. 453), et M«Me duc d'Aumale, t. V, p. 496, note 1.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 99
iiz ne prennent garde aux establissemens quilz font es villes fron-
tières, sans considérer leurs nécessitez et les paroles que le l'oy leur
donne, ilz les désespéreront iusques à tel point, que, si on n'y ap-
porte remède, il en peut arriver de grands inconvéniens.
Ceux d'Abbeville ont consenty pour leurs fortiffications un redou-
blement de droict sur leurs vins, à la charge qu'ilz en seroient fer-
miers. Cependant devant que leur ferme ait esté escheue on les en a
privez, et a-t-on estably à perpétuité le droict qu'ilz n'avoient consenty
que pour un temps. Ceux de S' Quentin se plaignent avec raison d'un
autre doublement de droict sur le vin qu'on y a mis, nonobstant les
grandes charges qu'ilz ont, et la somme de cinquante mil livres qu'ilz
ont fournie pour leurs fortiffications, à la charge d'estre deschargez
du droict qu'on leur impose ^
Ces choses sont de telle considération qu'elles doivent estre bien
pesées avant que d'estre faictes. Le roy perd la réputation de sa pa-
role; les habitans, le cœur et l'affection; les villes leur seureté, et
conséquemment le royaume; et le tout pour la satisfaction d'un
Barbier, ou autre partisan. Je sçay bien qu'on dira que, sans ar-
gent, on ne peut faire subsister les affaires; mais ce n'est pas des
pauvres villes frontières, qui portent beaucoup de despences pour
leur conservation, que vient la subsistance du royaume, et c'est
chose bien asseurée que de la perte de l'une d'icelles viendroit la
perte de l'Estat.
Tay souvent ouy dire à M' de BuUion qu'il n'y avoit que la parole
des surintendans qui leur feit trouver de l'argent. Si cela est, ce que
je tiens très véritable. Messieurs du conseil doivent cognoislre qu'il
ny a rien sy nécessaire pour que le roy puisse avoir les cœurs de ses
subjects, que l'observation de la sienne, à laquelle n'oubliant rien
de ce qui deppendra de moy, j'useray de plus grande civilité qu'ilz
ne font pas, en ce que je les avertiray des changemens qu'il est né-
cessaire de faire à leurs résolutions, au lieu que jamais ilz ne nous
En marge de ce paragraphe : t Ceux bien peur que toutes les villes de la ri-
d'Amiens sont en mesmes termes, et j'ay vière de Somme se trouveront de mesme. »
i3.
100 LETTRES
disent mot des traitiez et partis qu'ilz font tous les jours au préju-
dice des promesses de Sa Majesté ^
Le Gard. DE RICHELIEU.
LXIV.
Arch. des Afif. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 78. —
Original, sans signature, de la moin de Cherré.
[AU ROI'.]
D'Amiens, ce 22 aoust i638.
J'ay faict exécuter ce qu'il a pieu au roy me commander tou-
chant M'' de Manicamp, qui est maintenant dans la citadelle de cette
ville '.
Nous eusines hier au soir avis que les ennemis tentèrent le 1 5*^ de
ce mois une entreprise sur Rocroy, dont un bon religieux avoil
averty le gouverneur quelque temps auparavant. Il s'y est passé ce
qui s'en suit :
Les ennemis y arrivèrent à deux heures après minuict, avec pétards
et eschelles pour surprendre la place, et, comme ilz estoient sur le
point d'exécutter leur dessein, ilz apperceurent un mousquetaire des
leurs, assez loin de la contrescarpe, qu'ilz creurent estre des nostres,
posé en sentinelle avancée, qu'ils tuèrent, et, croyant qu'au bruit du
coup de mousquet qu'on luy tira la ville avoit pris l'alarme, ilz se
retirèrent.
Le gouverneur escrit que les ennemis se vantent d'y vouloir re-
' Celte belle lettre mérite d'autant plus pour êlre soumise au roi, à qui elle s'a-
d'ètre remarquée que Richelieu ne s'est dressait. Celte note, écrite au dos par Cha-
pas toujours montré gardien si vigilant vigni : « Monseig' le cardinal , » supplée h
des droits des populations, et conserva- la signature et à la suscription , qui man-
ieur si religieux de la parole royale. quent.
' Cette pièce a été envoyée à Chavigni ' Voy. ci-après, p. 108.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 101
tourner; mais que, s'ilz font cette sotise, il les recevra comme il doit,
ayant mile bons hommes sur les armes.
Nous venons de recevoir une lettre de M' de Chastillon par la-
quelle il nous mande que les ennemis, croyant que l'armée de Vostre
Majesté fust deslogée vendredy sur l'avis que quelque espion leur
avoit donné de la résolution que Ton en a voit prise, vindrent, avec
quatre mil chevaux et deux mile dragons, pour charger l'arrière-garde.
Gassion se trouva lors visitant sa garde, et ayant descouvert les
Cravates il les chargea et les desfit; mais, faisant sa retraitte, il se
trouva envelopé de mil ou douze cens chevaux, où estoit la personne
de Picolomini, d'où il estoit en peine de se desveloper, si Praslin et
La Ferté, qui survindrent bien à propos, avec partie de leurs régi-
mens, ne l'eussent soustenu et desgagé. Hz ont tous deux bien faict
en cette occasion.
Sur l'alarme. M' de Chastillon monta à cheval, avec ce qu'il peut
ramasser de cavalerie, qui revenoit au nombre de 1200 chevaux, et
alla aux ennemis avec le grand maistre de l'^irtillerie.
Les ennemis le voyant venir en bon ordre se retirèrent quoyqu'ilz
fussent le nombre spécifié cy-dessus.
On fust à eux jusques à un certain heu au delà duquel ilz ne purent
passer, à cause de trois ravines que les ennemis avoient devant eux.
M' de La Force venoit aussy pour estre de la partie, qui fut de-
mandé aussy tost.
M" vos généraux jugent par là que les ennemis veulent tenter
beaucoup de choses, mais n'eu hasarder pas avec péril. Hz tesmoignent
sur ce fondement vouloir désormais ne les pas marchander là où ilz
les trouveront.
Je crains bien que Ranty ne soit pas trop bien razé, encores que
ces Messieurs nous escrivent qu'outre les mines qu'ils firent jouer
mercredi et jeudi il en joua encores vendredi vingt-deux.
Nous escrivons à M' de Villequier pour qu'il n'abandonne point
cet ouvrage, et qu'il tienne tousjours^ur pied la cavalerie et l'infan-
terie des Boullonnois, avec l'assistance que M" le comte de Lanoy
102 LETTRES
et Charost luy peuvent donner, et pour faire redoubler son travail
nous luy envoyons de l'argent.
Une partie de la cavalerie de M' du Hallier a investy cette nuict le
Gastelet, et il y arrivera aujourd'huy avec le reste de son armée ponc-
tuellement, ainsy que Vostre Majesté l'avoit commandé.
Nous venons de dépescher à M" de La Force et de Chastillon pour
les prier de s'avancer diligemment pour prendre un poste entre Cam-
bray et le Gastelet, afin que leur retardement ne puisse préjudicier
aux desseins de Vostre Majesté.
Plus on va en avant, plus recognoist-on qu'il ne faut qu'un chef en
une armée et point de conseilz publics. Le bon M"^ d'Angoulesme , cy-
présent, adjouste : peu de mareschaux de camp et beaucoup d'aydes
de camp. Je croy que Vostre Majesté ne trouvera point de difficulté
à cet article ; mais le tout est de trouver des gens telz qu'il fault.
J'iray demain coucher à Chaunes pour me rendre après à Péronne.
Je ne sçay que mander à Vostre Majesté sur le sujet du voiage
qu'elle désire faire en cgs quartiers, après les couches de la reyne,
ou de mon retour auprès d'elle, veu qu'il est impossible de pi-évoir
si, après le Gastelet, on peut faire quelque autre chose; mais je sçay
bien que, si elle ne fust venue visiter sa frontière, les affaires y au-
roient pris une très mauvaise suitte.
Je puis dire de plus que, si elle ne m'eust commandé, de son
propre mouvement, d'y demeurer, peut estre ne pourroit-on pas sy
facilement empescher les désordres des divisions, et remédier au
desbandemenl des troupes, qui ont esté retenues par le respect de
Vostre Majesté, et le peuvent estre encores par celuy de son ombre.
Il peut arriver un instant de bons succès qu'on ne peut prévoir, et
on peut empescher, estant sur les lieux, plusieurs maux qu'on ne
sçauroit prévenir estant esloigné.
Vostre Majesté pensera, s'il luy plaist, à ce que dessus avec sa pru-
dence ordinaire, et ses résolutions seront approuvées et embrassées
de ses créatures avec le zèle et la religion qui leur faict et fera tous-
jours préférer la prospérité de vos affaires à leur propre vie.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
103
LXV.
Dépôt de la guerre, t. 48, pièce sans numéro, placée entre les pièces 3i i et 3i i bis. —
Minute de la main de Cherré '.
PROJET D'INSTRUCTION POUR M. DE NANTES \
2 2 août i638.
Le roy jugeant combien il importe d'asseurer la conqueste de
Fontarabie par toutes sortes de voyes, soit en réparant le dommage
qu'on aura faict au corps de la place pour la réduire au pouvoir de
Sa Majesté et en y faisant des dehors, soit en la munissant de telle
sorte de choses qui sont nécessaires pour la conserver et la deffendre
qu'il n'en puisse arriver aucun inconvénient, a désiré que^ s'en
allast sur les lieux avec de l'argent pour en prendre le soin et y
faire travailler par les ordres et les commandemens de M"" le Prince,
général de son armée en Guienne.
Le plus asseuré moyen de conserver Fontarabie estant de se rendre
maistre des lieux cuconvoisins comme S'-Sébastien et autres, le
dict n'oubliera rien pour disposer M' le Prince à entreprendre
ce dessein, s'il est jugé possible*, luy représentant l'avantage qu'il
aura et la gloire qu'il remportera d'avoir seul conquis toute une
petite province, pendant que d'autres costés les grands projects de
la France ont manqué.
Pour cet efiect, il luy dira qu'il sera assisté de deçà, soit d'argent.
' Sur ce mémoire, le sieur Leroy, pre-
mier commis de de Noyers, secrétaire d'é-
lat de la guerre, a l'oit la minute de l'ins-
truction qui a été signée par le roi, minute
conservée dans ce ms. f°3io; l'expédition
contre-signée Subiet, devenue à son tour '
minute , après avoir été corrigée, est cotée
309. La pièce cotée 3 1 1 est une espèce de
mémento écrit de la main de de Noyers ,
concernant diverses mesures à prendre
relativement à cette atl'aire : ce sont des
indications qui pourraient bien avoir été
dictées par le cardinal.
' Richelieu a écrit ce titre en tête, et
la date a été mise au dos par le premier
commis de la guerre.
' Le nom est resté ici en blanc , comme
un peu plus bas.
* Cette incise est de la main de Riche-
lieu.
104
LETTRES
soit de munitions de guerre, autant qu'il en désirera pour une telle
entreprise, et que, pour des vivres et des soldats pour fortiffier son
armée, il luy sera aisé d'en recouvrer dans la province; y ayant abbon-
dance de bledz maintenant que la récolte est faicte , et obligeant les
régimens qui sont du pays à faire leurs recreues, et faisant lever les
milices de la frontière.
Que comme on ne faict rien de grand sans beaucoup d'efforts et
d'incommodités, il ne faut pas se rebuter pour celles qui paroissent
d'abord à une telle entreprise, mais au contraire essayer de les sur-
monter par une fermeté et une constance généreuse; les plus fins,
en matière d'affaires, estans ceux qui ne se dégoustent pas pour les
difficultés K
Qu'en un mot, si S'-Sébastien se pouvoit prendre, ce seroit le
vray moyen d'asseurer Fontarabie, le Passage^ et tout le pays au deçà
des montagnes. Mais que, s'il ne se peut, il faut voir si on peut con-
sei'ver le Passage , ou au moins en ruiner tellement le port pour le
roy d'Espagne, enfonçant des vaisseaux maçonnés dans fembouchure
d'icelluy, qu'il ne s'en puisse plus servir contre la France; estant cer-
tain que si on ne prenoit pas S*-Sébastien, qu'on ne conservast pas
le Passage, ou qu'on n'en peust ruiner le port, la conservation de Fon-
tarabie seroit bien plus difficile que si Ton peut faire l'une des trois
choses sus dictes. Que le roy se promet de son affection et de son
' Voici commenl, dans la pièce signée
du roi , cette phrase a été arrangée par le
premier commis de de Noyers : « Ceux qui
viennent à bout des affaires ayant accous-
tumé de ne se desgouler par les difficul-
lez qui s'y rencontrent, lesquelles dans
leur suite la générosité faict bien souvent
trouver moindre que la prudence ne les
a faict prévoir. » Assurément, la phrase du
cardinal plus précise et plus nerveuse offre
un sens plus net et plus vif. La compa-
raison de ce brouillon du cardinal, avec la
pièce travaillée dans les bureaux de de
Noyers, esl très-propre à montrer com-
menl les secrétaires d'état, auxquels Ri-
chelieu donnait souvent la matière des
dépêches , développaient la pensée du car-
dinal et en gâtaient l'expiession par leur
style flasque et embarrassé C'est pour cela
que j'ai toujours préféré une simple ma-
tière, cette première œuvre de Richelieu,
aux développements des secrétaires d'état
quand j'ai pu comparer et choisir.
' Le Passage, bon port de mer d'Es-
pagne, province de Guipuscoa, à une lieue
de Saint-Sébastien.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 105
zèle, qu'il fera en cela ce qui se peut, et que surtout il asseurera
tellement Fontarabie que, comme l'honneur de la prise luy est deub,
celuy de sa conservation le sera aussy, et que, quelques efforts que
les ennemis puissent faire, ils n'auront jamais cette place par la voye
qu'ils l'ont perdue.
LXVI.
Arch. de l'Empire, R i34i, Guyenne, i" partie, fol. i3i, pièce gô. — '
Minute de la main de Cherré el de de Noyers.
A M. LE PRINCE'.
Du 23 août i638.
Je juge sy important, aussitost qu'on aura pris Fçntarabie, de le
munir et le fortifier comme s'il devoit estre assiégé le lendemain, que
je fais dépescher le présent porteur, avec 4o,ooo livres pour estre
employées à cette fin , sans pouvoir estre diverties à autre chose. Je
vous ay desjà mandé. Monsieur, que ce ne seroit rien de prendre
Fontarabie, si on n'en asseuroit la conqueste; je vous le répèle encore
une fois, et vous prie y faire pourvoir en sorte qu'il n'en puisse arriver
inconvénient.
Il se pourroit faire que le roy d'Espagne prendroit résolution de
faire la mesnie chose que le roy fist à Corbie, en l'attaquant bientost
après sa prise; c'est pourquoy il ne faut rien oublier pour rendre un
tel dessein inutile, s'il le prenoit.
Le meilleur moyen de le rompre seroit de continuer vos progrès.
Mais comme je sçay qu'il est pcut-estre aussy difficile de le faire,
comme il est aisé de le désirer, au moins faut-il que vous fassiez
faire de puissantes reveues à vos troupes, et les tenir en estât ou de
nouvelle attaque, si le cas y eschet, ou d'une asseurée delTense si les
entreprises des ennemis vous y obligent.
' Au dos de celle minute, le secrétaire a mis la date, avec ces mois : « A M' le Prince,
par M. de Nantes. »
CARDIN. DE RICHELIEU. — VI. l4
106 LETTRES
Au nom de Dieu, Monsieur, ne vous lassés pas, mais continués
nn ouvrage que vous avés sy bien commencé, et vous souvenés que
vous m'avés pour procureur à la cour avec une entière affection à
vostre service.
Il faut faire à Bayonne de grands magasins de blés et de muni-
tions de guerre.
Le blé est maintenant à bon marché et le vray temps d'en faire
acheter; faites en faire des marchés à bon prix, nous ferons pourvoir
à l'argent dès aussitost.
Quant aux munitions , j'escris à M' de Bordeaux qu'il envoyé quérir
des boulets aux places dont il plaist au roy que j'aie la garde' ; vous
me manderés, s'il vous plaist, ce qui vous reste de poudre, et on
pourvoira à en faire un nouveau magasin au dict Bayonne.
Mandés, s'il vous plaist, qui vous estimés propre pour mettre dans
Fontarabie, tant pour l'ordre politique qu'intelligence à défendre les
places.
^ Faut adjouster à M' le Prince l'envoi de Me' l'évesque de Nantes
avec un ingénieur qui n'aura autre soin qu'en la fortiffication de la
place, et que pour luy donner plus de moyens de soutenir ce qu'il a
faict et pousser plus avant, si faire se peut, l'on a envoyé de l'argent
à M' d'Halfuin pour lever le plus qu'il pourra; cinq compagnies de
cavalerie, 4,ooo hommes de pied qui auront ordre de se joindre à
son armée. Outre cela, il peut encores faire estât des régimens de
Cabrières et d'Orgueil; enfin l'on n'oubliera rien pour l'assister et le
fortifier d'hommes.
Richelieu était gouverneur de Çrouage, place à laquelle le voisinage de la Rochelle
donnait alors une grande importance. — ^ Cette fin est de la main de de Noyers.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 107
LXVII.
Bibl. imp. Suppl franc. 3o36^^"-''- fol. 3/i- — Minute de la main du cardinal '. —
Arch. des Aff. é(r. France, i638, d'août en décembre, fol. 80. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNL]
D'Amiens, ce 23°aoust i638.
Je VOUS avoue que je crains bien que, M*^ de Villequier n'ayant peu
bien parachever le razement de Ranty dans le double du temps qu'il
avoit désiré pour le faire entièrement, les ennemis luy donnent une
estreinte^ maintenant que l'armée s'esloigne de luy. Cependant il se
promet estre assez fort pour parachever ce razement. Ce qui le peut
garantir est qu'apparemment les ennemis voudront tousjours costoyer
nostre armée en sa marche, et n'oseront la laisser avancer en leur
pays sans la suivre. Vous ne parlerés point, s'il vous plaist, au roy
de cette crainte dont, avec la grâce de Dieu, nous éviterons le mal
qui peut arriver, faute d'avoir esté juste en son calcul.
Cependant, suivant la résolution que le roy avoit prise auparavant
son parlement, sur la nïarcbe de ses deux armées. M"" du Hallier a in-
vesty le Castelet au jour qui luy avoit esté prescrit, et la grande armée
n'arrivera au poste qui luy avoit esté prescrit ' que trois jours
après le temps qui luy estoit désigné; mais tout ira bien, s'il plaist
à Dieu.
Vous verres ce que j'escris au roy Sur l4 sujet de son retour. Tant
plus je pense aux alfaires, et plus je me confirme en ce que vous
verres, qui est qu'il n'y a pas grande chose à espérer cette année, si
Dieu ne met visiblement la main à nos affaires, mais qu'il y a tout à
' Cette minute ne porte point de date; doute le bon; nous le substituons à «es-
dans l'original, la suscription n'est in- ' Irade ,> que donne l'original , et qui ne pa-
diquée que par une note de réception , raît pas avoir de sens,
écrite de la main de Cliavigni , au dos de la ' Richelieu n'a pas efl'acé celte répéli-
pièce. tion dans la minute écrite de sa main ; on
* Ce mot est de la minute , et c'est sans a mis ■ ordonné » dans l'original.
i4.
108 LETTRES
craindre de nos gens si l'on n'est proche d'eux pour les garantir du
nauffrage. Entre cy et les couches de la reyne nous verrons plus clair.
Je vous prie faire en sorte que M" les surintendans fassent que
les partisans entrent au premier payement de ce qui a esté promis
aux cappitaines suisses licentiez il y a un an ou plus, parce que, par
nécessité, il nous faut faire une levée chez ces boùrguemestres, et
que, sans ce payement, nous ne l'aurions pas. Nous ferons voir à
ces M" que les Suisses ne coustent pas plus qu'un pareil nombre de
François elFectifs.
LXVIII.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'aoûl en décembre, fol. 82. —
Minute de la main de Citoys.
PROJET DE L'INTERROGATOIRE
DE MANICAMP'.
Du 28 aoust i638, à Amiens.
Sçavoir pourquoy estant chargé de la garde des forts de Rheinaut
il ne s'y trouva pas pour les deffendre. S'il n'a pas reconnu par es-
cript d'avoir les choses nécessaires pour la deffense des forts ^ ? ' s'il
dict qu'il s'en alla pour ce qu'il estoit malade, sçavoir quelle mala-
die il avoit, quel médecin le traitta, s'il demeura longtemps au lict
estant à Strasbourg, et combien il y fusl ; et, aussy tost qu'il apprist
la prise de ses forts , s'il ne se trouva pas sain pour se retirer à Colmar *.
S'il ne sçail pas que la vie'' d'un gentilhomme, et particulièrement
' Ce que nous mêlions ici en tilre a été * Les phrases suivantes ont aussi été
écritaudosparCherré. (V'oy.unsecondpro- biffées : «Pourquoy il .s'estoit chargé des
jetd'interrogatoireauâsppterabreciaprès.) forts s'il ne les vouloil deffendre, et pour-
' «Pour la deffense des forts,» de la quoy, s'il le vouloil, il ne l'a pas fait?»
main de Richelieu , ainsi que le mot « long- — « Pourquoy il fist osier le s' de Camp de
temps , » un peu plus bas , et « parce qu'ils , » Scbelestat pour estre maislre de toute l'Al-
au troisième paragraphe. sace puisqu'il vouloil si mal défendre l'en-
Une phrase a été biffée ici : « Ains Iréedupays?»
s'en alla lors qu'il sceut que les ennemis ' Le secrétaire avait écrit «l'advis» el
en approchoienl. » il a mis en surcharge « la vie. » Preuve
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 109
d'un homme de condition, consiste plus en l'honneur qu'en autre
chose, et partant qu'il luy valoit mieux mourir avec ses compa-
gnons que vivre ailleurs?
S'il ne sçait pas que tous ceux qui estoient dans les forts les aban-
donnèrent parce qu'ils estoient abandonnés de luy?
S'il s'en veut rapporter à ce que diront ceux qui estoient dans les
forts ? •
S'il ne sçait pas que Jehan de Vert n'avoit aucun dessein d'attaquer
les dicts forts, mais seulement de luy faire une bravade avant que
d'aller prendre son quartier d'hyver ?
LXIX.
Arch. des AIT. étr. Rome, i638, huit premiers mois, t. 63, fol. ay/i. — Original.
A MAZARIN.
Amieii!, 34 août i638.
Monsieur, Si je ne vous escris sy souvent, me cognoissant comme
vous faictes, vous croirés bien, je m'asseure, que ce n'est pas que je
ne me souvienne tousjours de vous à l'accoutumé. Colmardo' ne peut
estre oublié, particulièrement par le cardinal de Richelieu, qui en
faict un cas très-particulier. J'ay su tout ce qui se passe à Rome sur
vostre sujet, ce qui ne m'estonne pas peu, bien qu'il ne me surprenne
pas comme vous sçavés, je m'asseure. J'ay bien peur qu'à l'avenir
M. le cardinal Barberin ne se trouve pas bien de trop considérer les
passions que les Espagnols ont contre ses vrais serviteurs. Mais, quoy
qui arrive , en persévérant h bien faire vous n'avés rien à craindre ,
ains beaucoup à espérer avec le temps.
Si vos ennemis sont puissans, vostre protection n'est pas foible'^.
que celte pièce élait écrite sous la die- portent à cette époque, aux archives des
lée. Adaires étrangères , sont remplis des soUi-
Nous avons déjà dit que c'était un nom cilations, des plaintes et des inquiétudes
de convenlion donné familièrement à Ma- de Mazarinausujet desa promotion, qu'on
zarin par Richelieu et les intimes. difl'érait continuellement, malgré sa pré-
' Les manuscrits de Rome qui se rap- seiice à Rome; et, en même temps, il
JIO LETTRES
Le roy vous aime, et je seray tousjoius très aise de vous tesmoigner
que je suis véritablement vostre très affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
J'ai esté aussy aise de sçavoir que le petit présent soit arrivé , comme
je suis fasché qu'il n'est pas digne de M' le cardinal Anthoine.
D'Amiens, ce 2 4* a oust i638. ,
LXX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 87. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU ROI'.]
De Chaunes, ce 25°aoust i638.
M' du Hallier me vient de mander qu'il a ouvert ses tranchées au
Castelet, et qu'il espère bien avancer son affaire. Il aura aujourdhuy
sept canons et une couleuvrine qu'on luy menne de Péronne et
S^-Quentin, sans ce qui marche avec M'* de La Force et de Chastil-
lon, qui seront, à ce qu'ils mandent, jeudi à Bertaucourt.
J'envoie à M. de Chavigny, pour faire voir à Sa Majesté, la coppie
d'un billet en chiffre que M'' du Hallier a pris sur un paysan qui
sortoit du Castelet^.
Les ennemis ont envoie quelque cavalerie et infanterie dans Cam-
bray, à ce que le s" d'Hauquincourt, qui dict l'avoir seu d'un messager
de risle, nous l'a rapporté.
affiche parfois à cet égard la plus parfaite
indifférence. Dans une lettre du 3 août, à
laquelle celle-ci , précisément , semble
répondre , nous lisons ce curieux pas-
sage : « Ogni mia consolatione consiste in
questo . . . che sono indifferentissimo a
tutlo ; e che solamente ho passione di e»e-
guire quelle mi sarà ordinato da M'" il
cardinale, qualuiique cosa si sia, quando
ancora fosse di ritirarmi a vivere romito
nella parte più solilaria del monde. »
(T. 63 , f° 247. ) Mazarin ermite ! Il ne pou-
vait pas mieux dire pour exprimer toute
l'étendue de son obéissance aux volontés
de Richelieu.
' Voyez la note 2 de la page 100 , la-
quelle .s'applique également ici.
^ Voy. la pièce suivante.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 111
On n'a point encore d'avis de la marche du corps de leur armée.
M' de Viliequier a esté blessé, à la teste, d'une brique que la mine
de Ranty a faict voiler sy loin que l'on ne croyoit pas qu'elle peust
aller jusques là; mais l'on asseure que ce ne sera rien.
Je ne Si^aurois dissimuler à Vosti'e Majesté que je suis extresme-
ment en peine de sçavoir qu'elle est en guerre au lieu où je luy dé-
sirerois la paix ^ Sa prudence est telle que je m'asseure qu'elle par-
donnera les bronchades aux personnes que je n'estime paç capables
de rien faire par malice. Je condamne leur peu de complaisance, et
ne la puis excuser que dans l'innocence que je croy dans leur esprit.
Je ne doute point que ce petit orage ne soit calmé auparavant que
cette lettre arrive.
M' d'Angoulesme se porte mieux que jamais, grâces à Dieu. Il
nous a faict paroislre depuis deux jours un excès de bon naturel dont
j'avoue que je ne l'eusse pas soupçonné.
Ayant sceu la mort du vieil Monglat, auquel il devoit quelque partie
assez notable, eu esgardà la misère de ce pauvre homme, après avoir
jette deux ou trois soupirs, tesmoignant le desplaisir qu'il avoit de
ne l'avoir pas payé, il nous fist l'honneur de nous dire qu'il vouloit
descharger sa conscience de cette affaire, et, parce qu'il ne jugeoit
pas qu'aucun de ses parens voulust se porter héritier du deffunct, il
vouloit envoier demander une mule qu'il avoit durant sa vie, afin
qu'en la nourrissant il peust tesmoigner sa gratitude et satisfaire au-
cunement à ce qu'il devoit.
Après avoir laissé passer le premier excès de sa douleur, sa sin-
cérité fut telle qu'il nous avoua qu'il vouloit avoir la mule, parce qu'il
sçavoit qu'elle estoit fort bonne. Tous les jours .il arrive quelque
nouvelle histoire dont nous ferons un registre pour en rendre quelque
jour compte à Vostre Majesté.
' On sail que la passion du roi poiir étaient sans cesse attristés et par les l'roi-
M"' de Haulefort s'était réveillée dans le deurs de la belle jeune Qlle, et par les
cœur de Louis XIII depuis la retraite de liommagespassionnés dont l'environnaient
M"* de La Fayette. Mais ces bizarres amours les plus aimables seigneurs de la cour.
112 LETTRES
LXXI.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 91. —
Original, sans signature de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGN^.]
DeChaunes,ce sS'aoust i638.
Le s' de Cachac, gouverneur de Carcassonne, est mort; le roy a
promis ce gouvernement à M' le marquis d'Ambres, vous en ferés
souvenir, s'il vous plaist, Sa Majesté, et donner le commandement, à
M"" de La Vriilière, de luy envoyer les expéditions de la part du roy.
Aussy tost que Manicamp a esté dans la citadelle d'Amiens, il a
espendu beaucoup de larmes, et dict à M" de Cornillon qu'il méri-
loit la mort, qu'il le sçavoit bien.
J'ay creu qu'il estoit à propos que le roy le sceust afin que si ses
amis, vers lesquels il n'aura pas oublié d'envoier, le pressent sur le
sujet de Manicamp, pour le piùer qu'au moins il soit asseuré qu'il
n'aura point de mal, Sa Majesté ait agréable de ne s'engager pas, afin
de pouvoir voir le fond de ce qu'il veut dire. En vérité son esprit
est estrange.
Un espion de M' de Chaunes a rapporté que le prince Thomas avoit
faict pendre le gouverneur de Ranty. Il a attendu à se rendre que la
mine fust faicte et cependant il s'est faict pendre.
En certaines choses les Espagnols sont plus sages que nous, en ce
qu'ils sont plus exacts et plus rigoureux; et sans cette vertu, qui se
convertit en clémence en ce que la punition d'un coulpable empesche
que mile ne s'oublient, les Estats ne peuvent subsister.
Je suis très aise de la résolution que Sa Majesté a prise de faire
chastier les délinquans de sa grande escurie, dont les désordres
pouvoient avoir de fascheuses suittes.
' La note de réception, que Cliavigni pêches sans suscription comme sans si-
écrit souvent lui-même au dos de ces dé- giiature, donne l'indication qui manque.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 113
Quant au parlement, il ne faut, à mon avis, que fermeté, et ne
point faire de nouvelles négociations avec eux pour tascher de les
ramener à leur devoir, en leur donnant contentement sur l'accident
arrivée J'apréhende tous ces contrats qui aboutissent à do at des,
car nous donnons tousjours et nous ne recevons rien.
M' du Hallier me vient d'envoier un billet en chifFre qu'il a pris à
un paysan sortant du Castelet, de la part du gouverneur, pour le porter
à Cambray; vous le ferés voir au roy.
. « Sitiados estamos, y todas las cosas de que tengo avisado nos faltan,
" sin otras muchas que no se hechan aun de ver; V. M""* se sirva de
« aviser dello a Su Alt" que nos otros aca haremos quanto se pudiere.
« De Chatelete, a 22 de ag° i638.»
Quand je propose une cbose au roy, ce n'est pas une demande,
mais une simple proposition. L'abbaye de Caumont, autrement dite
la Piscine, vaut sept à huict rail livres de rente. L'abbé est celuy
mesme qui a donné avis au marquis d'AUuye de sa grande maladie;
je serois bien fasché de troubler ceux à qui le roy la voudra donner.
Comme je n'ay peu refuser au marquis d'Alluye la proposition qu'il
a désiré que je feisse pour un de ses enfans, parce qu'en vérité c'est
un bon homme, je ne voudrois pas estre cause que Sa Majesté révoc-
quast une grâce qu'elle a voulu faire; si ce n'estoit que Sa Majesté
l'accordant au marquis d'Alluye, donnast deux mille francs de pen-
sion au fils du s' du But. Sa Majesté est le maistre en cette affaire,
comme en toute autre, et parlant c'est à elle à faire, par sa prudence,
ce qu'elle estimera plus à propos.
Je suis très fasché de ce que le racommodement de madame de
Hautefort n'est point encore faict, jugeant bien combien cela travaille
l'esprit du roy, le contentement duquel je considère comme ma vie ^.
' Le parlement était mécontent depuis ' de Richelieu, tiré du ms. des Aff. étraog.
quelque temps à cause de la création de t. X. p. SSg de l'édition Petilot.)
t)ouveaux olVices : • Ceux qui s'cstoient le * Lorsque Richelieu écrivait cela, il
plus échappez contre l'autorité royale fu- était sur le point de contraindre le roi à
arreslez et envoyez en divers lieux. [Mém. éloigner de la cour M"' de Hautefort.
■»
CARDIM. DE RKHf.LIBU. — VI.
l5
114 LETTRES
Je ne sçaurois m'empescher de la blasmer en mon cœur de ne faire
pas loul ce qu'elle doit pour contenter Sa Majesté.
Si les mauvais conseilz qui l'abordent luy persuadent que je ne suis
pas pour elle, elle a très grand tort. Cela ne m'empeschera pas d'aller
mon grand chemin et de la servir tousjours, en préférant les conten-
temens du roy, qui sont justes et innocens, à toutes choses.
Je ne croy pas qu'il y ait rien à faire en l'affaire du prince Casimir'
qu'à représenter à son secrétaire, quand il vous parlera, le tort qu'il
a eu de venir passer en France, et en recognoistre la coste, allant
servir en Espagne; et cependant le bien garder.
Quant aux passeports proposez par fambassadeur de Venise pour
Lubec, si on pouvoit disposer les Suédois à venir à Coidoigne ce se-
roit bien le meilleur; mais, ne voyant pas que les affaires prennent ce
Iraiu là, je crois qu'il est bon de demander des passeports pour les
agens du roy et de ses alliez^ qui se trouveront à Lubec, et pour ceux
des Suédois qui se trouveront à Couloigne; mais l'importance est de
voir la coppie des passeports des Hollandois, que le roy d'Espagne
donne charge au cardinal infant d'envoyer à l'ambassadeur de Venise,
afin de sçavoir s'ils sont telz que les Hollandois les puissent accepter.
Je suis très aise de ce que M'' l'ambassadeur de Suède vous a as-
seuré que Banier a pris Gartz^ et commence à jouer des mains.
LXXU.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. io3. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNI*.]
UeChaunes, ce 26' aoust i638.
Les demandes de M' de Weymar vont à deux choses :
' Voy. Mém. de Richel. l.X, p. abSeisu'iw. de Hesse, el pour madame de Savoie, n
* A côté de ce paragraphe, à la marge, ' Voy. la Gazette du 28 août, p. 469.
on lit : « Il en faut pour les agens des * Note de la pièce précédente. Quant à
Hollandois, de M' de Weymar, Landgrave la date, elle a été écrite ici par le cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 115
Au payement de son 3^ quartier, et à quelque renfort de troupes.
Pour le premier point j'en escris à M. de BuUion, qui en traittera
volontiers avec M" Heufft, ayant faict fonds dès le commencement
(le l'année pour tout le payement de mon dict s' de Weymar. Je vous
prie solliciter cette aflaire.
Quant au renfort de troupes, si le roy le trouve bon, nous serions
d'avis qu'on envoyast tous les trois mil trois cens hommes qui se lèvent
dans le département d'Orléans, sous la conduite du s' Renar, en
Champagne, pour fortiflier les régimens du s' de Bellfefons, et les
troupes qui sont revenues du fort du Bac'. Tout ensemble feroit cinq
mil hommes, lesquels pourroient, avec les trois régimens de cavalerie,
aller dans quelque temps (quand on verra qu'il n'y aura rien à craindre
en Champagne), pour nettoyer la Lorraine; et de là, si le cas le requé-
roit, ou en pourroit envoyer deux mile hommes à M' de Weymar.
Si le roy approuve cette proposition, vous ferés tenir la dépesche
à Renar, que M' de Noyers vous envoie.
Vous remercierés, s'il vous plaist. Sa Majesté pour moy de l'abbaye
de S'-Arnoul de Metz, dont il y a six ou sept ans qu'elle m'avoit faict
l'honneur de me donner la coadjutorerie. L'abbé est enhn allé de
cette vie en une meilleure, par le moyen de quoy j'ay lieu de rendre
une nouvelle grâce, comme je fais, à Sa dicle Majesté.
LXXIII.
Arcli. des Aff. élr. France, i638. d'août en décembre, fol. io5. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR LE ROY.
De Chaunes, ce 27' aoust [ i638 *].
Sa Majesté sçaura par le s'' chevalier de' qu'envoie M'' de
' ConstruitdevanlSainl-Omerpourabri- ' L'année manquait à cette dalc; on a
1er les assiégeants; l'ennemi s'en était em- mis en marge i638 pour le classement,
paré le 8 juillet. [Gaz. |). 3.^o, SSg, 379.) ' Le nom est en blanc dans le ms.
116
LETTRES
Beilièvre, comme la reyne sa mère s'en va en Angleterre, sans que
les Espagnols en ayent rien sceu', et, à mon avis, sans que les
Anglois l'ayent consenty. Le roy de la Grande Bretagne a tesmoigné
à M' de Beilièvre avoir beaucoup de desplaisir de cette résolution
de la reyne, et s'en vouloir ressentir contre ceux qui luy ont faict
prendre ^. Il y a grande apparence que madame de Chevreuse et Mon-
tegu peuvent avoir trempé en cette négociation.
Il n'y a aucune noavelle des armées à mander à Vostre Majesté.
Je m'en vas coucher à Péronne afin d'en estre plus proche.
Je suis ravy de sçavoir le racomodement de Vostre Majesté avec
son inclination, qui sera tousjours, selon mon jugement, aussy inno-
cente et exempte de malice , comme parfois il pourra arriver des bron-
chades dignes d'estre excusées.
Fontarabie me tient au cœur quoyque je ne juge pas qu'il y puisse
arriver aucun inconvénient^.
J'envoie un extrait à Sa Majesté des lettres interceptées, et une
' La Gazette du 2 1 août annonçait , sous
\a rubrique de Bruxelles, que la reine
mère était partie de cette ville le 10, mais
sans dire qu'elle allât en Angleterre. Nous
trouvons dans le manuscrit cité aux sour-
ces , f ° 1 1 8 , la missive que le roi lit écrire
par Cliavigni , le ag , en réponse à la pré-
sente lettre. Le roi demande à Richelieu
« de luy faire sçavoir comment il estoil
d'advis que M. de Beilièvre dust se con-
duire avec la reine mère. . . » — « Leroy dé-
sire aussy que M^' prenne la peyne de
luy mander ce qu'il auroit à faire si la
reyne mère luy envoyoit quelqu'un. S. M.
ui'a déjà dict, par advance, que son advis
seroit de ne pas le recevoir. »
' Plusieurs dépêches de M. de Beilièvre
recueillies dans le tome It-j , d'Angleterre,
aux arch. des Aff. etc. disent ce que Riche-
lieu répète ici.
' Celte confiance du cardinal était en-
tretenue par le soin qu'avait le prince de
Condé d'annoncer un succès comme in-
faillible ; «Je veis hier, écrit Chavigni,
dans sa lettre précitée du 27 août, des
lettres de M. le Prince entre les mains de
M"' la Princesse, du 17, par lesquelles il
asseure qu'il sera dans peu de jours maistre
de Fontarabie. . . il n'y a pas d'apparence
qu'il en asseurast si ce n'esloit la vérité. ■>
Les mémoires envoyés par le prince à sa
femme devaient être remis à Richelieu.
Plus le prince de Condé avait donné d'es-
pérance au cardinal , plus le désappointe-
ment de celui-ci fut cruel quand il vit qu'il
fallait abandonner le siège. Il est vraisem-
blable que ce sentiment ne contribua pas
peu à l'aigrir contre le duc de La Valette,
et à lui faire exagérer les fautes qu'il lui
reprochait.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 117
autre copie de la lettre de Gerbier \ par où elle verra tout ce qui
est contenu dans la dernière dépesche. Elle bruslera le tout, s'il luy
plaist, soigneusement et ce billet icy.
LXXIV.
Arcli. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 107. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
POUR MONSIEUR DE CHA VIGNY'.
De Chaunes, ce 27' aoust i638.
Je vous escris fort à la haste, le chevalier dépesche par M' de Bel-
lièvre estant prest à partir.
Je suis très aise du racomodement de madame de Hautefort, je
n'ay jamais creu qu'elle fust capable de malice, et qu'elle peust ne
distinguer pas ses vrays amis des mauvais esprits qui travaillent le
sien. Je prie Dieu que cette afiaire dure et l'espère tout ensemble.
Nos armées ne nous donnent lieu de vous mander aucune chose.
Le retardement des nouvelles de Fontarabie me penne un peu,
et cependant je n'en sçaurois attendre que de bonnes.
Je suis estonné que les couches de la reyne se diffèrent de jour à
autre passé le terme du 28* et demy, que M' Bouvard disoit eslre le
premier. 11 m'a dict que le 28* estoit le dernier. Nous verrons si les
médecins sont bons prophètes naturel/ '.
Quand les Anglois vous auront faict leur proposition, je seray bien
aise de la voir, mais je suis bien trompé s'ils se gouvernent autre-
ment qu'à leur ordinaire.
' Ces lettres ne sont point dans le ma- ' Celte suscription est de la main de de
nuscrit cité aux sources, mais nous les ' Noyers.
avons trouvées dans le tome 47 d'Angle- ' On sait que Louis XIV fit mentir la
terre, f" 168-17 1, et /'as5im. — Gerbierélait prophétie de Bouvard; il naquit le 5 sep-
un agent diplomatique de l'Angleterre , tembre.
alors employé à Bruxelles.
118 LETTRES
LXXV.
Arch. des Aff. étr. France, 1 638, d'août en décembre, fol. 122. —
Original, sans signature, de la main deClierré.
SUSCHIPTION :
POUR LE ROY.
De Péi'onne, ce ag'aoïist i638.
Je suis extresmement aise que Sa Majesté aye le conlentement
qu'elle mérite de ses innocens divertissemens, et prie Dieu de tout
mon cœur qu'il soil de durée, ainsy que je ie souhailte et l'espère.
La lettre que Monsieur a receue de Bruxelles donne lieu de croire
la prise de Guetz et de Savelly, qui est une estrangement bonne nou-
velle, si elle se trouve véritable.
J'escris à M"' de Chavigny ce que je pense sur le voiage que la reyne
mère de Vostre Majesté faict en Angleterre, par la Hollande'.
Si elle envoie un gentilhomme sur le sujet de la naissance de
monsieur le dauphin, je croy que Vostre Majesté le doit recevoir, la
remercier de cet envoy; et, s'il parle à Vostre Majesté d'autre chose,
luy respondre selon la cognoissance qu'elle a de ce qui s'est passé et
sa prudence accoustumée, qui est plus grande que celle de tous ses
serviteurs.
Sa Majesté ne sçauroit mieux faire, à mon avis, que de gratiffier
M' de Lavaur de l'évesché d'Evreux, s'il vient à vacquer. Je luy ay
tousjours veu désirer cet évesché, et mesme il avoit envié de le per-
muter avec le sien , et il n'a en cela d'autre avantage que d'estre dans
le pays de sa naissance, bien qu'avec moins de revenu. Je rends très
humble grâce à Sa Majesté de l'honneur qu'il luy plaist me faire en
ce point, comme en toute autre chose, où elle faict paroistre sa
bonté.
Je souhaitte que le terme que M' du Hallier a mandé à Vostre
' Voy. la pièce suivante.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 119
Majesté de la prise du Castelet soit juste, mais je crains qu'il aille
un peu plus loin.
Nous n'avons point encores de nouvelle de l'armée de M" de La
Force et de Chastillon ; je croy pourtant qu'elle ne doit estre qu'à
quatre, cinq ou six lieues d'icy. J'en attends à toute heure.
Ceux du Castelet n'ont faict depuis le siège qu'une sortie de vingt
hommes, qui ont esté repoussez comme il fault.
Ce matin , trois escadrons de cavalerie sortis de Cambray ont poussé
la garde avancée; mais, aussy tost qu'ilz l'ont veu soutenue, ilz se sont
retirez. Quelques prisonniers pris ont dit que hier il estoit entré i 2
ou 1 5oo chevaux dans Cambray, mais que le soir ;lz en estoient
sortis avec tout leur bagage.
Cette ville est fort bien fortiffiée, il y manque encore des tra-
vaux du tout nécessaires qui "cousteront quarante ou cinquante
mil francs. Mais si Vostre Majesté avoit veu la garnison elle en auroit
pifié. Tout le grand fauxbourg du costé des ennemis n'est gardé
que par dix-huit hommes, ou, pour mieux dire, par dix-huit petits
garçons, qui en leur vie ne portèrent espée que depuis deux mois.
Aussy tost que je sçauray où sera l'armée de M" de La Force et de
Chastillon j'envoyeroy quérir deux compagnies des Suisses de vostre
garde, sans lesquelles il y a tout à craindre en cette frontière.
J'ose dire à Vostre Majesté que ie voiage qu'elle a faict de deçà en
a sauvé la province, sur divers lieux de laquelle les ennemis avoient,
comme elle sçait, diverses entreprises.
J'ose encore l'asseurer que, si elle n'eust esté à Abbeville, toute
.son armée, se fust desbandée, et que, si ceux qui y sont ne croyoient
son retour, auquel le commandement qu'elle m'a faict d'y demeurer
les confirme, il s'en iroit une grande partie.
Je ne sçaurois pas dire asseuremenl ce qu'on pourra faire après le
Castelet, mais je croy qu'il faut tourmenter les ennemis jusques au
j 5* octobre. Apparemment ces M" les généraux ne feront pas plus
par eux-mesmes que par le passé, et partant je croy qu'il ne faut pas
cstre loin d'eux pour leur ayder. Je mande franchement ce que je
120 LETTRES
pense à Vostre Majesté prest en toutes choses à suivre ses volontez
et ses commandemens.
J'ay escrit à M. du Hallier ce que Vostre Majesté m'a commandé
pour empescher les officiers d'aller courre les charges, ce que j'es-
time bien important.
Je suis ravy du tesmoignage qu'il plaist à Sa Majesté me rendre de
l'impatience qu'elle a que je sois auprès d'elle. Je la puis asseurer que
les jours me durent des moys, et que rien n'est capable de me faire
supporter le mal de son absence que ses volontez et son service , que
je préféreray tousjours à tout contentement et à ma vie.
Jouanes le trompette vient d'arriver de l'armée des ennemis, qu'il
représente n'estre pas en infanterie et cavalerie plus de douze ou
treize mil hommes fort espouvantez. Il dict que Picolomini se mocque
ouvertement de la façon avec laquelle nous faisons la guerre, et qu'il
luy a dict à luy-mesme qu'il en estoit estonné; qu'ilz ont pris un sy
grand nombre de fourrageurs, qu'ils en montent maintenant leurs
dragons pour en faire plus aisément des entreprises.
Il a dict au dict Jouanes qu'après qu'il aura pris tous les fourra-
geurs, il prendra après vos cavahers; en un mot il recognoist que
vous avés force brave gens, mais qu'ilz sont bien ignorans du mestier
et qu'ils sont mal conduicts.
J'avoue que comme Nogent sçait que le bonhomme M" de Cham-
pigny ne faisoit que de la bille quand les choses n'alloient pas bien
à son gré, j'en suis de mesme.
M" de La Force et de Chastillon arrivèrent hier 28* à Vauchelle,
qui est entre Cambray et le Castelet.
Après la prise de cette place, il faut par nécessité faire quelque
chose qui couronne la campagne. Vos armées seront renforcées par
les recreues qui viennent. Il ne restera qu'à prendre un bon dessein,
et animer ceux qui le peuvent exécutter.
M' d'Espenan escrit du 1 7* à M"" de Noyers, qu'il espère que, dans
six jours après, Fontarabie sera pris, ce qui me tire d'une grande
peine. M' le Prince en escrit seurement, respondant de l'événement.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 121
Il ne reste plus que la nouvelle de la naissance d'un daulphin que
j'attends et espère de la bonté de Dieu.
Madame d'Efliat me vient d'escrire pour me donner avis de la
mort de M' de Fourcy, et me prie de demander à Vostre Majesté
la charge de surintendant des bastimens pour le jeune Despesses;
mais, ayant toujours accoustumée de préférer le bien de vos affaires
à l'intérest de ceux qui s'addressent à moy, au lieu de faire cette
proposition à Vostre Majesté, j'ose l'asseurer qu'il n'y a homme en
France sy propre â faire cette charge que M'' de Noyers. Je ne la
demande pas pour luy, mais les affaires de Vostre Majesté la deman-
dent, et ce sy absolument, à mon avis et au jugement de tout le
monde, qu'aussy tost que M"^ d'Angoulesme a sceu la mort du s' de
Fourcy, il m'a dict qu'il n'y avoit personne capable de vous donner
satisfaction en celte charge, et restablir toutes vos maisons ruinées,
que le personnage dont il est question.
J'adjouste que si Vostre Majesté avoit esté prévenue par quelqu'un
je donnerois de bon cœur de l'argent pour récompenser cette charge,
tant l'intérest public et ce qui peut contenter Vostre Majesté me touche '.
J'envoie un avis qu'un espion qui a esté dans l'armée des ennemis
m'a rapporté, par lequel Sa Majesté apprendra Testât auquel ilz sont.
LXXVI.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. ia6. —
Original , sans signature , de la main de Cherré.
A M. DE CHAVIGNr.
De Përoiine, ce 29' aousl i638.
Après avoir bien pensé au voiage de la reyne mère en Angleterre,
quoy que mande M"' de Bellièvre, je tiens pour très asseuré qu'elle
ne l'a point entrepris sans le consentement du roy de la Grande-Bre-
tagne, et ce que le dict roy feint de n'en avoir rien sceu est un tes-
moignage de la foiblesse de son procédé.
' De Noyers fut nommé par le roi. — ' Voy. la noie de la lettre à Chavigni du a5 août.
CARDIN. DE RICHELIEU. VI. l6
122 LETTRES
Celte pratique a esté apparamment faicte par les femmes, et Mon-
tegu s'y trouvera meslé, à mon avis.
Ces animaux que le roy sçait sont estranges; on croit quelques fois
qu'ilz ne sont pas capables d'un grand mal parce qu'ils ne le sont
d'aucun bien; mais je proteste, en ma conscience, qu'il n'y a rien
qui soit sy capable de perdre un Estât que de mauvais esprits, cou-
verts de la foiblesse de leur sexe.
Je vous avoue que j'ay de la peine à digérer que le prince d'Orange
ayt reçue et favorisé le passage de la reyne sans en donner avis au
roy, ny sçavoir si Sa Majesté l'agréeroit; Testât où sont les affaires
requéroit bien, ce me semble, qu'il en usast autrement; mais, bien
que cette humeur soit estrange, il la faut dissimuler. Cependant il
est bien difficile de prendre ses mesures avec des esprits qui n'ont
point de sincérité et de franchise.
J'ay veu la proposition des ambassadeurs d'Angleterre, où je ne
trouve rien de nouveau considérable. M' de Bullion m'en avoit en-
voyé une autre dernièrement, par laquelle ilz proposoient que le
roy d'Angleterre s'obligeroit de n'entrer point en paix avec l'Espagne,
que le roy d'Espagne n'eust rendu à S. M. son royaume de Navarre.
Celte proposition seroit quelque chose en apparence, mais ces esprits
ont tant de retours et d'inégalités ensuitte, que je m'asseure qu'ilz
adjousteront tant de conditions à cette ouverture, qu'elle se trouvera
ridicule. Je m'en rapporte cependant à ce qui en sera, et ci'oy qu'il
est bon de voir ce qu'ilz veulent dire.
Cependant il faut marcher avec eux avec civilité, tesmoignant tous-
jours désirer qu'ils entrent dans le traitté, mais avec fermeté, de-
meurant dans les termes de la raison et de l'honneur, sans foiblesse
ny apparence d'icelle. Ce sont de mauvais esprits avec lesquels, jus-
ques à ce qu'ilz soient las des dames [sic) qu'ilz ont receu et reçoivent,
elles feront beaucoup de mal.
L'abbé de Coursan suplie le roy de luy donner un prieuré dep-
pendanl de l'abbaye de Gramond, appelé le prieuré de Nostre-Dame
de Chaisne Gallon, au pays du Perche, vallant quelque quinze cens
DU CARDINAL DE RICHELIEU. . 123
livres. Si Sa Majesté ne l'a point donné, vous luy proposerés le désir
de l'abbé de Coursan et l'appuyerés, s'il vous plaist.
Si la reyne mère du roy envoyé un gentilhomme se resjouir de la
naissance de M' le Dauphin, le roy en doit recevoir le compliment,
se gouvernant cependant fort froidement avec le dict gentilhomme,
qui ne doit estre, à mon avis, gardé qu'un jour, tant parce que Tes-
tât général des affaires le requiert ainsy, qu'affin qu'il voye qu'on
n'aura pas temps d'envoier chercher sa response de deçà. S'il parle
au roy du retour de la reyne, ou d'autres affaires, la cognoissance que
Sa Majesté a de toutes choses luy fournira une prompte response. Je
croy mesme que Sa Majesté luy pourra dire : Les dernières pratiques
qu'elle a encores depuis peu voulu faire, vers Sedan, où elle n'a pas
trouvé son compte , par la bonne disposition de ceux à qui elle s'est
adressée, montrent bien la bonne volonté qu'elle a pour moy.
Quant à la lettre, vous sçaurés bien la dresser telle qu'il faut.
Je croy qu'il est bon de faire prendre garde soigneusement à qui
le dict gentilhomme parlera, et, le dépeschant promptement, comme
j'ay desjà dict, ne luy donner pas lieu de faire grande pratique.
J'escris au roy pour la charge de surintendant des bastimens pour
M' de Noyers. Je ne vous recommande point de faire ce qu'il faut
en cette affaire, parce que je suis asseuré que vous n'y oublierés
rien. Je vous avoue que je désire cette affaire avec passion, pour voir
toutes les maisons du roy deslabrées et ruinées en bon estât comme
elles seront.
LXXVII.
Arch. des Afi". elr. France, i638, d'août en décembre, fol. 129. —
Mise au net, de ia main de Cherré, devenue minute, des changements ayant été faits.
A M. DE MANDE ^
Du 3o aoust i6.?8.
Monsieur, Je suis extresmement fasché que vostre santé soit sy
' Nous avons vu, en 16Q7, MarciUac au le retrouvons ici chargé de fournir des
siège de la Rochelle (t. IL p. 699); nous vivres aux armées opérant dans la Lorraine
16.
124 LETTRES
mauvaise qu'elle vous contraigne à vous faire taiiler. Bien que ce
remède soit très dangereux, j'espère néantmoins qu'il ne vous en ar-
rivera aucun inconvénient, et que vous n'en aurés que le mal, que je
vous conjure de suporter patiemment pour l'amour de Dieu. Cepen-
dant, puisque vous désirez ma bénédiction, je vous l'envoie très vo-
lontiers et vous asseure, par mesme moyen, qu'en quelque estât que
vous soyés j'auray pour vous la mesme affection que j'ay eue jusques
icy. Quant aux mauvais offices que vous croyés qu'on vous a rendus
jîrès de moy, je n'ay autre chose à vous dire sinon que ^ vous ne
devez point estre en peine, personne ne me pouvant faire croire de
vous que ce que j'en cognoislray moy-mesme.
Je me resjouis de voir les senti mens que vous me tesmoignez
avoir de vostre conscience'. En Testât auquel vous estes, vous devés
songer à payer vos debtes, et particulièrement M"" l'abbé de Souillac,
duquel j'ay apris que vous n'avés rien payé de la pension que vous
biy devés depuis que vous estes évesque de Mande.
Travaillés donc à vostre guérison, et asseurés-vous que je suis*. . .
et dans l'Alsace , el l'on ajoutait alors à ses longe. Toutefois, la seule chose que je
litres celui de « général des munitions du demande fermement à V. Em. c'est sa bé-
roy. » Dans ses laborieuses fonctions, tra- nédiction, que je la supplie de ni'envoyer
vaille de la pierre, il déploie encore une par ce courrier.» — Tel est le résumé
activité de jeune homme. Plusieurs vo- d'une longue lettre écrite par l'évéque de
lûmes de Lorraine, aux archives des Af- Mende, la veille d'une opération presque
faires étrangères (du milieu de i635 au toujours mortelle.
milieu de i638, t. 28-3 1 ) , sont remplis * D'ici au mol «croire, » de la main de
de ses lettres à Richelieu, à de Noyers, à Richelieu.
Chavigni, etc. Venu à Paris, il écrivait, le ' On va voir, dans une lettre écrite le
27 août, à Richelieu, qui était alors en Pi- même jour à Chavigni, que Richelieu
cardie : « Me trouvant pressé de me mettre prenait ses précautions avec la conscience
entre les mains des chirurgiens pour me de Marcillac.
faire tailler, je ue puis aller vous de- * Richelieu s'était hâté de répondre au
mander pardon du mécontentement que moribond, qui pourtant ne reçut cette
vous ont causé contre moi les calomnies lettre que le second jour après l'opération;
de mes ennemis. Si Dieu dispose de moy il fit faire aussitôt (le 2 septembre) une ré-
je remets à V. Em. tous les biens que j'ay ponse, qui est signée d'une main défail-
receus d'elle, la priant de laisser à mon lante : «Après Dieu, dit-il, je suis rede-
neveu une petite abbaye que j'ay en Sain- vable de la vie et de Testât auquel je me
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 125
LXXVIII.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. i3a. —
Original, de la main de Clierré.
SOSCBIPTION :
AU ROY.
Sire,
Ce courrier ayant une dépesche de M' de Bordeaux qui s'addres-
soit à moy, me l'est venu apporter en ce lieu. Je le redépesche en
toute diligence à V. M. pour luy porter la nouvelle d'une grande
victoire navale que M' de Bordeaux a remportée sur les Espagnol/,
où ilz ont perdu \lx gros gallions, 3 pataches et plus de 80 cha-
loupes, qui ont esté bruslez, et plus de trois mile Espagnol/, naturels
qui ont esté tuez dans le combat et bruslez avec les dicts vaisseaux.
Le porteur et le plan que j'envoye à V. M. luy apprendront plus de
particularitez que je ne luy en pourrois dire, ne l'ayant pas gardé un
quart d'heure. Il ne me reste qu'à asseurer V. M. que je seray toute
ma vie, Sire, etc.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Péronne, le 3o aoust i638.
LXXIX.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. i3/i- —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECItBTAIftB 0*ESTAT, À SAIJtT-GERHAlH.
De Péronne, ce 3o' aousl i638.
M' d'Hémery m'escrit qu'une lettre que vous luy avés envoiée a
trouve à vostre bénédiction, et à l'asseu- il explique au cardinal comment la récla-
rence de vostre affection ; elles ont esté le malien de l'abbé de Souillac n'est nulle-
plus souverain de tous les remèdes qui ont ment fondée; c'est aux frères de l'abbé
esté employés pour ma guérison. • El puis qu'il a dû payer. (Même ms. pièce 179')
126 LETTRES
arresté le procès du jugement de Monteilz^ Il mande les raisons pour
et contre pour le parachever. Je m'asseure qu'il vous en aura envoie
autant. Je croy que depuis vous luy avés mandé qu'il le devoit faire
juger. En effect, n'ayant pas tout dict ce qu'il sçait de cette affaire,
comme M"' d'Héraery escrit qu'un billet, qui a esté surpris, du dict
Monteilz donne lieu de le croire, la paroUe qui luy a esté donnée à
cette condition n'est rien, et je ne croy pas qu'un ministre puisse lier
et obliger la volonté de son maistre, en promettant une chose sans
pouvoir et sans charge; joint que, comme il est dict cy-dessus, il ne l'a
donnée qu'à une condition, à laquelle il ne paroist pas clairement que
Monteilz aye satisfait. Le père Joseph et vous, estant à Paris, pouvés
aisément consulter M'' Lescot sur ce sujet, et, la conscience du roy
estant à couvert, je croy le chastiment de Monteilz nécessaire pour
asscurer Guiscardy et les autres partisans du roy, et donner terreur
à ses ennemis, et leur oster le moyen d'entreprendre impunément
toutes choses contre son service.
M' d'Hémery se plaint que l'armée n'est pas secourue d'argent;
vous estes sur les lieux pour l'esclalrcir avec M' de BuUion.
Après avoir bien pensé et repensé au retour du roy en ces quar-
tiers, j'estime qu'après les couches de la reyne il luy faut laisser
suivre l'envie qu'il me lesmoigne avoir de ce voyage. Je ne veoy pas
clairement qu'on puisse faire grande chose, mais il est certain que sa
présence conservera son armée et fera entreprendre ce qu'en son
absence on ne feroit pas. La fermeté l'emporte en toutes choses.
' Il se nommait Montiglio et comraan- pour ménager la princesse, il avait rétracté
dail le château de Casai. La princesse ré- une partie de ses aveux. Le ros. des Aff. étr.
gente de Manloue, qui avait le cœur tout Turin, t. 36, cou tient, sur celte affaire, une
espagnol , fut soupçonnée de vouloir livrer curieuse correspondance ; citons une seule
aux ennemis cette place, que la France oc- phrase. Répondant, le 1 3 septembre, au
cupaiten vertu des traités, et l'on crut Mon- cardinal de La Valette, général de noire ar-
liglio l'agent de cette trahison. Il fut arrêté; mée en Italie, lequel , par respect pour la
notre ambassadeur à Turin, d'Hémery, lui parole du roi, conseillait d'accorder la vie,
promit la vie , au nom du roi , s'il avouait. Chavigni lui disait : « Il me semble qu'il eust
Après une longue procédure, il fut con- esté aussy bon de le garder à Pignerol,
damnéàmortetexéculé, sousprétexteque, mais plus de morts, moins d'ennemis. >
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 127
Je concluds donc au retour; mais il est bon que ce soit Sa Majesté
qui le résolve. Je luy escris donnant la pente à cette résolution; ce
sera à vous de parachever l'affaire insensiblement.
Je ne juge pas que le roy puisse partir plus tost que le dixiesme du
mois prochain, la reyne n'estant point encores accouchée. Ainsy son
voiage ne sera qu'une promenade conforme à son humeur, qui le
porte à aymer à marcher; et, quand mesme on ne feroit rien, ce qui
peut arriver, il luy sera honorable d'avoir faict ce qu'il a peu poixr
faire quelque chose.
Il y a icy un envoyé de Pouloigne qui s'en va trouver le roy sur le
sujet de la détention du prince Casimir, lequel ne vous desplaira pas,
estant assez gaillard de sa nature. Vous l'escouterés ; ensuite il luy
faut donner bona verba, et demeurer in deliberalis quant à la détention
du prince Casimir.
Je suis estonné que les couches de la reyne tardent tant; ce qui
me consolle en cela est que, quand les fruits sont mûrs, ils tombent
d'eux-mesmes des arbres, dont on les eust arrachez avec peine au-
paravant.
Avertisses M" les surintendans que si M' de Mande, qui vient de
Lorraine, leur demande quelque chose, sous quelque prétexte que
ce puisse estre, pour ses appointemens ou autres frais, ils ne luy
donnent rien, mais qu'ilz le remettent lorsqu'estant à Paris il m'aura
faict voir le compte de sa gestion.
LXXX.
Arcli. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. i4o.
— Original, sans signature, de la main de Clierré.
— Mise au net de la main de Clierré, devenue minute à cause de suppressions
et de corrections de la main de Richelieu. Communication de M. de Girardot.
[au rol]
De Han, ce 3i' aoust i638.
Le siège du Castelet continue, et M' du Rallier estime qu'il aura la
place le 8" septembre.
128 LETTRES
L'armée de M" de La Force et de Chastillon est logée à Crèvecœur
et à Vauchelle, de façon que M' du Hallier est entièrement couvert et
n'a rien à craindre.
L'armée des ennemis^ est logée derrière Cambray, et leurs Cra-
vattes avancez entre Cambray et Crèvecœur. Les ennemis sont fort
foibles et espouvantez; il semble que cela donne lieu d'entreprendre
quelque chose sur eux; mais il est vray que vos gens ne sont pas
en curée.
Il y a tant de désordres parmy eux que Jouanes, trompette de
Vostre Majesté, ne les peut suporter.
J'ay envoie quérir M' de La Melleraye pour sçavoir par luy leurs
sentimens et voir ce à quoy on les pourra disposer.
L'exemple de M' de Weymar et la dernière action de M' de Bor-
deaux leur doit donner courage, outre qu'ilz sçavent bien que les en-
nemis sont foibles.
Si Fontarabie se prend, comme je n'en doute pas, pour peu qu'on
finisse bien cette campagne^, on seroit en estât d'avoir la paix, et par
après de jouir d'un grand repos pour jamais.
Je le souhaitte plus que ma vie en la chrestienté et, qui plus est,
ensuitte en toute vostre maison; ce que je dis pour respondre à ce
qu'il plaist à Vostre Majesté de me mander, qu'on la veut desjà trou-
bler dans la nouvelle trefve qu'elle a faicte^. Je n'en suis aucunement
estonné, sçachant bien que cela sera tousjours ainsy jusques à ce que
Vostre Majesté y aye pourveu, selon son dessein et sa prudence.
' D'ici à la lin de l'alinéa le passage est ce que la reine mère « est alée à Bolduc
écrit, dans la minute, par Richelieu, en au lieu dalér à Liège, comme elle faisoit
interligne. coure le bruit. » Le billet à Chavigni est
' La minute met ici «de deçà,» mot daté de Saint-Germain, 26 août. Le car-
qui a été oublié dans l'original; Richelieu dinal veut certainement parler de quel-
veut dire la campagne dans la Picardie, ques nouvelles bronckades de madame de
où il était alors. Haulefort, comme dit Richelieu, et les
' Celte lettre du roi n'est pas dans notre derniers mots font allusion au congé que
manuscrit; il y a, au folio 100, un billet Richelieu travaillait alors à faire donner
de Sa Majesté à Chavigni, que le roi charge à cette dame,
de transmettre une lettre au cardinal sur
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 129
Je suis arrivé d'hier au soir en ce lieu, que j'ay trouvé beaucoup
meilleur que je ne pensois, et la garnison fort belle tesmoignent'
l'esprit et le soin du gouverneur.
Je rends grâces très humbles à Vostre Majesté du soin qu'il luy
plaist prendre de ma santé, qui est tousjours à l'ordinaire, grâces
à Dieu. Pourveu que j'en aye assez pour rendre à Vostre Majesté le
service que je luy doibz et que je désire, je seray très content, n'ayant
autre passion que de luy plaire et ne luy estre pas tout à fait inutile ^.
LXXXI.
Arch. des A£F. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 1A2. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SnSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY \
De Han, ce 3i aoust i638.
J'ay tant à vous escrire que je ne sçay par où commencer.
Je commenceray cependant par la victoire et bataille navale, en
suitte de laquelle M' de Bordeaux demande de l'argent pour tascher
de prendre et fortilTier un poste en Espagne, aussy important que
Saint-Sébastien. Je croy qu'il luy faut envoyer au moins, en dili-
gence, soixante mille francs, qui est moins qu'il ne percupe [sic], mais
le moins qu'on luy puisse envoier. La victoire qu'il a eue mérite bien
qu'on le secoure, et qu'on luy donne moyen de tascher d'en tirer un
nouvel avantage. M' de Noyers vous en envoyé l'ordonnance; il est
question de retirer cette partie sans délay d'un jour, et la mettre
entre les mains du s' de Mauroy. M"^ de Bordeaux représente que,
s'il demeure plus longtemps à la radde du Figuier, ce sera un mi-
' Sic, dans la oiinule et dans l'original. demandée touchant un sieur de Moreillan ,
' Il y a dans la minute un dernier pa- et que Richelieu charge Chavigni de faire
ragraphe qui ne se trouve pas dans l'ori- au roi. (Voy. la pièce suivante.)
ginal. C'est une réponse que le roi avait Richelieu a écrit cette suscriplion.
CARDIN. DE RICHF.LIEC. TI. I7
130 LETTRES
racle si l'armée du roy se sauve. Il demande permission de mettre
l'armée navale en seureté, et par mesme moyen d'aller busquer [sic)
sa fortune dans les costes d'Espagne, laissant des vaisseaux sufEsans
pour garder l'entrée de Fonlarabie. Je croy que, devant qu'un cour-
rier soit arrivé, Fontarabie sera pn's, et que, quand il ne le seroit
pas, il luy faut laisser exécutter ce qu'il propose, d'aller à la mer
aux conditions qu'il offre; sçavoir, de laisser une suffisante garde à
l'entrée du canal de Fontarabie.
Le dict s"^ de Bordeaux se plaint fort de la lenteur avec laquelle on
procède de delà, représente que ce qui faict tenir la place est que
ceux qui sont dedans voyent des secours préparez pour eux qu'on
n'ose attaquer. Il adjouste que ce n'est que milice, et qui ne va qu'au
nombre de dix jept mile, qu'il seroit aisé de deffaire, veu princi-
palement qu'ilz sont en divers corps.
Je croy qu'il dict vray, et, en effect, tout le mal des affaires du roy
consiste à n'avoir pas des gens entreprenans.
Il faut que Foucault, qui est venu de delà, y soit de retour devant
le huict™* septembre, afin de donner lieu à l'armée navale de se ga-
rantir des tempestes.
Les désordres de l'armée de deçà, au lieu de diminuer, vont tous-
jours en augmentant. Chacun y est maistre, il n'y a aucune obéissance,
et on peut dire, d'autre part, qu'il n'y a point de commandement.
M"^ d'Orgeval mesme, qui est accoustumé aux longs conseils des par-
ties, ne sçauroit se résoudre à demeurer en ceux qui s'y tiennent,
qui durent quatre et cinq heures sans aucune bonne résolution, et
sans exécution de celles qui s'y prennent.
Quelques fois il ne se pose aucune garde au quartier général,
d'autres fois, après avoir promis à M. du Hallier d'envoyer garder des
passages par où seulz le secours pourroit aller au Castelet, on n'y
envoyé point du tout. Jamais on n'envoyé d'escorte avec les fourra-
geurs; il a esté plusieurs fois résolu et point exécutté.
Les propositions de M'' d'Arpajon augmentent de jour à autre.
II veut maintenant faire faire une circonvallation au Castelet, pour
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 131
garantir l'armée des difBcultez qu'elle trouvera de fourrager au lieu
où ilz sont , afin de fesloigner par après.
Après la prise du Castelet, il propose que l'armée de M"^ de La
Force et de Chastillon aille en la Franche-Comté. Enfin ses projets
vont viste comme le vent, et ses exécutions n'en sont pas plus hastées.
Le secret de l'armée est tel que le roy ayant commandé à M"" de La
Melleraie de dire le dessein d'Arleu à M" de La Force, Chastillon
et d'Arpajon, quand l'armée fut àArras, un curé du pays qui fut pris
prisonnier dict à M'' de La Melleraie et d'Arpajon : « Messieurs vous
allés à Arleu, on le sçait, il y a quatre jours, et M" le comte d'isam-
bourg y a envoie deux régimens et trois cens chevaux. »
Enfin il ne se propose aucune chose dans l'armée qu'il ne soit sceu
aussy tost de tout le monde.
Le désordre va encore plus loin en certaine chose. Je croy devant
Dieu qu'on est obligé d'y remédier. J'avois estimé qu'on pouvoit
attendre jusques à l'année qui vient; mais,.considérant que, si l'armée
se retire dans cette mauvaise habitude, elle pensera pouvoir faire
pis l'année qui vient, et tout entreprendre avec impunité, ce qui fera
qu'il y aura plus à la combattre que les ennemis, j'estime qu'il y faut
remédier dès à présent.
Estant à Abbeville, les premiers mouvemens du roy furent défaire
revenir un des chefs; je croy que la pensée en est fort bonne; et n'es-
time pas devoir continuer à luy représenter qu'il faut attendre à l'an-
née qui vient.
Or, parce que M' de Chastillon est celuy qui est l'autheur de l'o-
rigine de nos maux de cette année, par sa négligence, présomption
et opiniastreté , j'estimerois qu'il seroit à propos de le mander et de
le renvoier en sa maison, sans passer à la cour. Je sousmets cet avis
non-seulement aux volontez de Sa Majesté comme roy, mais en outre
comme prince avisé et prudent. Le cœur me crève de voir la belle
moisson que nous avons sans la pouvoir recueillir.
Si le roy est en la mesme résolution que je l'ay veu , je vous en-
voie deux lettres pour M' de Chastillon; la première luy sera envoiée
'7-
132
LETTRES
dans l'armée par un gentilhomme de S. M. qui ne sçaura point la
seconde, et la seconde me sera addressée pour la luy bailler quand il
passera par icy, ou luy faire tenir, selon que je l'estimeray à propos '.
En ce cas il faut une letli-e à M' de La Force pour commander
toute l'armée, la quelle M" de Noyers luy envoyera.
Je croy que le roy a meilleure raison qvie moy au faict de la reyne
sa mère, et que sa pensée vaut mieux que mon conseil. Cependant
pour oster tout lieu aux meschans d'imputer à quelque rigueur ce
que Sa Majesté feroit avec prudence et justice, bien qu'elle ayt en-
tièrement raison, je pense que ce sera chose sans péril de voir ce
gentilhomme une seule fois, comme je vous l'ay mandé, et se gou-
vernant au surplus ainsy que mon mémoire le porte, rompant toute
sorte de négociations pour l'avenir.
Quant à M. de Bellièvre, je croy que le roy luy peut mander que
quand la reyne sera arrivée il luy aille faire la révérence, pour luy
tesmoigner que le roy veut qu'en quelque lieu qu'elle aille elle soit
honorée et respectée des siens.
Après ce lesmoignage de révérance, M' de Bellièvre ne doit plus
du tout aller chez elle, ny avoir aucune communication avec elle ; et si
Le Coigneux, Fabrony ou autres le veuUent venir voir, il les doit tout
à fait refuser, et dire ouvertement qu'il a deflFense de les voir. Le mesme
doit eslre entendu de S'-Germain'^ et généralement de tous autres.
Je remercie S. M. pour M' de Lavaur de l'évesché d'Evreux^.
Quant à la prétention du s' de S'-Denis, je n'ay rien autre chose à
' Il fut fait comme le cardinal le vou-
lait. Chavigni répondait à la présentelettie
le 3 septembre : « Il n'y a eu nulle peine
à résoudre S. M. à donner cet ordre au
dict s'mareschal, ayant considéré jusqu'à
quel point ses defiauts ont préjudiciécelte
année au bien de ses affaires, et le mal
qu'elles en pourroient encore recevoir à
l'advenir s'il n'y estoit remédié. » (Orig
Bibl. imp. Saint Germain, /ioG-, P 89.)
" Morgues, sieur de Saint -Germain.
(Voy. t. I, p. 700.)
' Que veut dire Richelieu? Abra de
Raconis, nommé évêque de Lavaur en
1687, prit possession le 32 mai 1689; et
le siège d'Evreux fut occupé sans inter-
ruption, de 161 3 à i6i6, par Fr. de Pé-
ricard. Y eut -il quelque projet de mu-
tation dont le Gallia christiana ne parle
pas ?
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 133
dire, sinon que je croy que le roy doit persister à la résolution qu'il a
prise de ne se haster pas de donner les éveschez, afin d'avoir le temps
de faire une bonne perquisition de vita et moribus. Je ne sçay rien à
dire contre M"' de S'-Denis.
Quant à l'abbaye de Caumont, je n'eus jamais pensée de contredire
les volontez du roy, auxquelles je me sousmetz entièrement. Le s"^ de
Moulinet, cappitaine de chevaux légers avoit quasy envie de se fasclier
contre moy, disant que le roy l'avoit donnée à son beau-frère, nommé
d'Alesne, dont je n'ay jamais ouy parler.
Je ne vous responds point à l'article de M. de Fourcy, vous ayant
escrit amplement, par Nazin, ce que j'estime à propos pour le service
du roy sur ce sujet, en quoy je persiste pour le bien public.
Je commence à craindre que le délay de l'accouchement de lareyne
ne nous donne une fdle; toutes fois j'espère mieux.
Quant à mon séjour icy, bien que je n'y voye pas grande chose à
faire, je n'oserois me résoudre à le quitter, voyant beaucoup à perdre
en m'esloignant.
Je vous prie continuer à me mander toutes sortes de nouvelles et
vous asseurer de la fermeté de mon affection.
Je remets le reste à M. de Noyers, qui vous escrit sur le sujet de
Monleilz ', ayant faict faire la consultation de conscience du double
de M' d'Hémery, où l'on ne faict nulle difficulté.
Le roy me commande de luy mander ce qu'on doit faire du s' de
Moreillan. Vous luy dires, s'il vous plaist, que j'estime qu'on le peut
laisser aller en son pays. Son invention peut réussir, mais elle n'est
pas de grand effect. _
M' de La Melleraie estant arrivé depuis cette lettre escrite, il dict
qu'encores que l'effect du secret du s' de Moreillan ne soit pas tous-
jours asseuré, beaucoup de ses boullets crevans, il peut toutes fois
' Il y a dans le ms. P" 1^7 el f° 1^9. des nouvelles de peu d'intérêt. L'une iinit
deux lettres de de Noyers adressées à Glia- ainsi : « S. E. est très aise d'apprendre l'as-
vigni , du 3 1 août ; elles ne font point nien- siduité que vous rendes auprès du roy, la
lion de Monleilz. KUesne contiennent que jugeant absolument nécessaire. »
134 LETTRES
estre utile dans les travaux de terre, et partant son avis est que le
roy retire le dict secret et donne ce qu'il luy plaira pour récompense
au dict s' de Moreillan.
Je vous envoie une relation de la victoire obtenue par M' de Bor-
deaux, à la radde de Gatary, sur les Espagnols; vous Tenvoyerés, s'il
vous plaist, à Renaudot ^
Je vous envoyé aussy la dépesche de M" de Bordeaux, que vous
ferés partir vendredy sans faillir, avec les soixante mil francs dont on
vous envoyé l'ordonnance comptant, dont le s' de Mauroy fera don-
ner lettre de change payable à veue au dict courrier nommé Fou-
cault, commis du Picart, trésorier de la marine, dont vous aurés des
nouvelles chez M"' le marquis de Sourdis, à Paris.
J'ay ouvert la lettre de M' le Prince, pensant qu'elle s'adressast à
moy ; vous la ferés refermer et l'envoyerés.
LXXXII.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 169. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU ROI^]
De Saint-Quenlin, ce 2" septembre i638.
Les vieux et nouveaux bastimens de Sa Majesté la remercieront
dans peu de temps de les avoir mis sous la charge de M. de Noyers ;
et cependant, outre que je me joincts à leur recognoissance , je luy
rends très-humble grâce de la façon avec laquelle 11 luy a pieu l'ho-
norer de cette charge, et des obligeantes paroles qu'il luy plaist me
mander sur ce sujet, avouant que, quand je veoy Sa Majesté en
cette bonne humeur, je ne sens aucune de toutes les incomoditez
que j'ay d'ordinaire.
J'apris hier au soir, par ceux qui viennent du Castelet, que de
' Cette relation, de huit pages, se trouve en effet dans la Gazette, à la date du
3 septembre, p. 485. — ' Voj. la note 1, p. 99 ci-dessus.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 135
tous les officiers qui ont esté blessez à cette attaque , dont j'ay escrit
à Vostre Majesté, il n'y a qu'un cappitaine de Rambures qui le soit
dangereusement ^
Le faubourg du Castelet, qui estoit fortiffié d'un bon parapet, fut
emporté la nuict d'avant-hier, de façon que M' du Hallier ne craint
plus les grands ny les petits secours *.
Il est venu une recreue de /ioo hommes pour les gardes, qui n'a
pas bien réussy, par la faute de celuy qui les conduisoit , qui les a
menez droit à Doulans sans nous en avertir à Amiens, où nous es-
tions. Près de Doulans, il prit une alarme de dix ou douze hommes
de l'armée qu'ilz virent, et, sur cela, il s'en desbanda deux cens; des
autres deux cens, les gardes n'en ont pris que cent ou six vingts, ayant
trouvé les autres trop jeunes. Il plaira à Vostre Majesté commander
que tous les commissaires qui en amèneront s'addressent à M' de
Noyers, et, par ce moyen, nous ferons mettre lesdites recreues entre
les mains des maistres de camp, qui en respondront. Il en vient une
aujourd'huy de 3oo hommes, que je feray mettre entre les mains
de Piedmont, qui en a besoin.
Je supplie très- humblement Vostre Majesté, lorsqu'elle aura nou-
velles de la prise de Fontarabie, de me les faire sçavoir aussy tost,
avouant que cette affaire me tient grandement au cœur.
Je croy que Vostre Majesté ne sçauroit mieux faire que d'accorder
à la reyne le nepveu de M' Seguin pour son médecin, puisqu'elle le
désire, et qu'il est question de la conservation de sa personne, où elle
a plus d'intérest que qui que ce puisse estre. Ce sera un effect de la
bonté de Vostre Majesté, qui n'intéresse point vos affaires.
C'est chose très-véritable que les armées dont Vostre Majesté sera
' A la marge de ce paragraphe Riche- ' Cependant Richelieu envoya le jeune
lieu a fail écrire : • Depuis cet article es- Cinq-Mars, « afiBn de hasler ce siège, dont
crit, Frémicourl, qui vient de l'armée, la longueur nous est très-ennuiente , » dit
asseure qu'il n'y a un seul de tous les ofli- de Noyers, dans une lettre adres.sée à
ciers qui ont esté blessez qui soit hors de Chavigni , le U septembre. ( Ms. cité aux
combat. M' de Longueval nous l'avoit sources,!* 186.)
donnée bien chaude. >
136 LETTRES
fort esloignée ne feront pas grand chose, entre cy et le temps auquel
Vostre Majesté pourroit partir; si elle vient de deçà, je la tiendray
tousjours avertie de Testât des affaires, afin qu'elle puisse mieux
prendre ses résolutions.
LXXXIII.
Arcl). des Aff. élr. Angleterre, t. /jy, fol. 190. — Mise au net de la main de Cherré.
[A CHAVIGNI'].
De Saint-Quentin, 2 septembre i638.
Je VOUS renvoie la proposition que vous m'avés envoyée des am-
bassadeurs d'Angleterre , en laquelle je ne voy autre chose sinon
qu'ils consentent de se trouver à l'assemblée de Lubec, et de faire,
conjointement avec la France et la Suède, de justes propositions de
paix à l'empereur, au lieu qu'auparavant l'Angleterre les devoit faire
seule.
Je ne veoy rien à dire à cet article considéré seul; mais il faut pré-
voir dès à cette heure les difHcultez qui se rencontreront lors à ad-
juster de justes conditions de paix.
Les Anglois, qui ne songent qu'à avoir leur compte, estimeront
juste la restitution de la Lorraine, et mesme celle de la Poméranie,
pourveu qu'on leur rende le Palatinat. Nous nous mocquerons d'une
telle proposition; et ainsy, au lieu d'avoir gagné les Anglois par le
traitté que nous commençons à cette fin, nous les perdrons en efFect,
et ce d'autant plus seurement que la maison d'Autriche, qui, cognois-
sant nostre division, cognoist aussy la foiblesse des Anglois, tesmoi-
gnera, pour les attirer de son costé, ne faire aucune difGculté de
rendre le Palatinat, pourveu que nous rendions la Lorraine, et elle
fera cet offre sans bourse délier, parce qu'elle sçait bien que nous ne
voulons pas rendre la Lorraine.
La suscription manque ; c'est un commis de Chavigni qui a écril au dos : « M*' le
card. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 137
Ainsy, à dire le vray, je ne prévoy que désordre et confusion de
la fin d'un tel traitté avec les Anglois.
Je croy que M. d'Avaux peut dire ouvertement à Salvius qu'il est
tout prest d'entrer dans le traitté proposé par les Anglois, pourveu
qu'ainsy qu'ils veulent que le roy s'oblige à ne point faire la paix sans
la restitution du Palatinal', ils veuillent aussy se joindre aux intérests
de la Suède et de la France, qui requièrent la conservation de la
Poméranie et de la Lorraine à divers tittres justes, lesquels on n'ex-
plique point, parce que M. d'Avaux les sçait.
Voilà ce que je puis dire sur ce sujet, sur lequel M' de Ghavigny
et le R. père Joseph me manderont, s'il leur plaist, leur sentiment,
auparavant que de faire response à M. d'Avaux.
Il n'y a pas de difficulté que nous ne pouvons pas accepter les sauf-
conduits pour nos alliez d'Allemagne en autre forme que ceux qui
sont accordez aux Suédois.
LXXXIV.
Arch. des AIT. élr. France,- i638, d'août en décembre, fol. iGi. —
Original, sans signature, de la main de Clierré.
[A M. DE CHAVIGNI'].
De Saint-Quentin, ce 2' septembre i638.
' Je remercie le roy, comme je doibts, de la charge qu'il a donnée
à M. de Noyers.
Je vous envoie ce que je pense sur l'affaire d'Angleterre.
Je croy bien que M. le prince d'Orange n'a rien sceu du voyage de
' • Est à noder qu'il ne faut point par- ' Voy. p. 1 1 3. Quand Chavigni était au-
ler de i' électoral. » (Ceci est écrit à la près du roi, Richelieu avait grand soin de
marge.) le tenir averti de tout ce qu'il écrivait à
' Voy. p. lia, note de la lettre à Clia- S. M. Chavigni était ainsi préparé à ce qu'il
vigni. devait dire dans l'intérêt de son patron.
CARDIN. DE niCHELlEO. — TI. 1 8
138 LETTRES
la reyne mère; mais je ii'ay pas la mesme opinion d'Angleterre; les
raisons sont du tout différentes.
Il y a icy un ti-ompetle du prince Thomas quidit(|ue les HoUandois
ont encore receu un eschec auprès de Gueldres. Je croy (]u'il faut
qu'il y ayt quelque chose, mais non pas tant qu'il dit. Je n'en mande
rien au roy, parce que cette nouvelle est incertaine.
Quant au désir que la reyne a du neveu de M'' Seguin, je prends la
hardiesse d'escrire au roy que je croy qu'en cette occasion il luy doit
donner contentement, estant bien raisonnable qu'elle choisisse la per-
sonne qu'elle destine pour avoir soin de sa santé.
J'ay mandé au roy qu'une recreue de 4oo hommes pour les gardes
avait été réduite à cent ou six vingtz. Depuis un homme de condition ,
qui vient de l'armée, me vient d'asseurer que les gardes n'en ont
retenu que quatorze. Si cela est, les officiers ont grand tort.
LXXXV.
Arcli. (les AflT. étr. France, i638, d'août en décembre, loi. 177. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[\ M. DE CHAVIGNl'.]
De Saint-Quentin, ce i septembre.
Monsieur de Chavigni escrira, s'il luy plaist, à M' de Bellièvre
qu'il est bon qu'en discours il die au roy de la Grande-Bretagne que
tous ses amis de Paris luy escrivent qu'on s'estonne de ce qu'il reçoit
la reyne mère, et veut entrer en traitté avec la France et l'obliger à
ne point faire la paix sans la restitution du Palatinat,
En effect, cette chose mérite d'eslre relevée, et voir si on en
peut tirer quelque proffit.
M' de Bellièvre taschera d'en obtenir la levée d'un ou de deux ré-
gimens escossois, dont je n'estime point qu'il faille parler aux am-
bassadeurs de Paris, croyant qu'ils s'opposeroient plustostau conten-
tement du roy qu'ils ne le faciliteront; mais si le roy d'Angleteire en
' Voy. la n©le de la lettre à Chavigni, page 112,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 139
faict difficulté, M' de Bellièvre luy doit dire addroitement que la
France verra par là n'avoir pas grande chose à espérer de luy, puis-
qu'au mesme temps qu'il envoyé à Dunquerque toutes les poudres
dont les Espagnolz ont besoin, et qu'il reçoit la reyne mère, il reffuse
si peu de chose. Je ne croy point qu'il doive communiquer ses affaires
à Montegu, tenu grandement double et léger.
Depuis ce que dessus je viens de recevoir vostre dépesche du
a*" septembre.
J'av escrit à M"' le prince qu'il donne liberté à M"^ de Bordeaux
de s'en aller le 8*^ septembre passé, et ce avec toutes les précautions
requises. Vous pouvés, en luy escrivant, luy mander ce que je vous
mande et vous remettre sur ma lettre.
J'attends la prise de Fontarabie avec plus d'impatience que je ne
vous puis dire.
J'estime bien à propos de retenir un courrier d'Espagne publique-
ment, après qu'on aura ouvert ses lettres à l'accoustumé , et mettre le
pacquet entre les mains de M"^ le nonce tout fermé, luy disant qu'on
en veut user ainsy pour qu'il voye la bonne foy qu'on garde en toutes
choses; mais que si on ne nous faict faire raison des pacquetz d'Italie,
nous reprendrons le pacquet qu'on luy donne en garde, l'ouvrira-
t-on et prendra-t-on tous les pacquetz.
Quant au messager pris par M"^ de Villequier, je suis d'avis qu'on
en use de mesme, gardant ses pacquetz sans les ouvrir, estant cer-
tain qu'on n'y verra rien qui nous puisse servir. Par après on en fera
un plat de civilité pour les ambassadeurs d'Angleterre.
Je vous ay desjà mandé comme M' de Noyers a faict consulter le
cas de conscience de M"" d'Hémery ', où les minimes n'ont faict aucune
difficulté, disant que les juges promettent tous les jours la vie aux
criminelz qu'ilz ont en main pour en tirer la vérité, et qu'après ilz les
font punir avec seureté de conscience et sans scrupule.
Je ne sçaurois assez respondre à la civilité de Monsieur. Vous l'as-
seurerés, s'il Vous plaist, de mon affection et de mon service en
' Voy. ci-dessus, pages ia5, ia6.
i8.
140 LETTRES
toutes occasions. J'escris pour le petit secours qu'il désire. Il en faut
dire un mot au roy bien à propos, ensuitte de ce que je luy en escris
comme il faut. Si la reyne n'eust pris la résolution qu'elle a pi-ise
pour ses couches, elle eust eu autant de monde que si elle eust ac-
couché dans la halle.
La bataille de M' de Weymar, dont on apportera les drapeaux au
premier jour ', et la prise de Fonlarabie, méritent bien un bon Te
Deum; cela réjouit les peuples et les enipesche de croire que les af-
faires aillent mal.
Le roy ne désirant pas que les officiers aillent courre les charges
qui vacquent, je vous envoie un mémoire qu'un lieutenant du régi-
ment de Bellenave présente à S. M. Je ne cognois ny son âge, ny son
visage, ny son mérite, j'envoie seulement ledict mémoire afin que
S. M. le refuse oul'intérine [sic), selon qu'elle l'estimera plus à propos.
On estime que M. d'Estampes n'a rien à faire au passage de la
reyne en Hollande, ains qu'il doit tesmoigner qu'il se gouverne ainsy
parce qu'il n'a point d'ordre sur ce sujet. Sa Majesté n'ayant peu pré-
voir une telle résolution.
J'escris à M" de BuUion et Bouthillier pour les presser d'effectuer
diligemment ce qui a esté promis pour l'italie à Fabert. Je vous prie
agir en cela opportune et importune.
Faictes partir le courrier de M"" de Bordeaux diligemment de peur
que les tempestes ne le prennent là où il est.
Les deux paragraphes qui terminent cet original ont été écrils en minute par
Richelieu; nous les trouvons, sur un feuillet séparé, à la Bibliothèque impé-
riale, supplément français 2o36 ^'i.'i'. p 5i_ gj, t^te de ce feuillet Richelieu a
mis : « Faut ajouster à la lettre de M' de Chavigni; » el Ton a écrit au dos : A
M' de Cbavigny et à M" les surintendans, du à septembre i638. •
Dans un coin de ce feuillet le cardinal a écrit ces mots de souvenir : • M' de
Noyers. — Un courrier qui haste le passage des troupes en Italie. — Longue-
' Voy.la Relation de la bataille de Rhinaut, ont perdu li,boo hommes, tout leur canon ,
gagnée sur les généraux de l'empire, Gœulz 83 cornelles et drapeaux, el i,5oo chariots
et Savelli, n où les ennemis, dit la Gazette, de vivres et bagages. » (P. 477 el suiv.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 141
ville. Renard. — 3,ooo hommes en Champagne. — Faire sçavoir aux commis-
saires comme le roy pourvoit des places maintenant. »
Sur ce même feuillet on s'est amusé à dessiner quelques oiseaux ; au-dessus
de l'un deux Richelieu a écrit « Darufe (ou Damfe) arabique. » Ce dessin, exécuté
d'une main tout à fait inhabile, est-il l'œuvre du cardinal? Ce qu'il est facile de
voir du moins, c'est que ces quelques lignes et le dessin sont de la même encre
et de la même plume. ,
LXXXVI.
Arch. des Aff. étr. France, i63S, d'août en décembre, fol. 173. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU ROI\]
De Saint-Quentin, ce 3" septembre i638.
Je fis hier difficulté de mander à Vostre Majesté une nouvelle qu'a
apportée un trompette du prince Thomas, qui est icy, d'un nouvel
eschec qu'il dit que les Holandois ont receu à Gueidres, parce que je
tenois cette nouvelle incertaine, et que les mauvaises viennent tous-
jours assez tosl^.
Aujoiu-d'huy je la mande à Vostre Majesté, non comme du tout
asseurée, mais comme aucunement confirmée par une double salve
de mousquetades et de canonades que le prince Thomas a faict faire
à Cambray avant hier la nuict.
Le trompette représente cet eschec grand, disant qu'il y a cinq ou
six mil hommes deffaicts. Je ne croy pas le mal tel qu'il le dict, mais
je tiens pour asseuré qu'il y a quelque chose d'assez considérable.
Pour prendre revanche de ces canonades. M" de La Force et de
Chastillon en feront faire ce soir un beau salve ^ pour réjouissance de
' Voyez la noie a de la page loo ci- clieuse sur les alTairespubliques.il avoit
dessus. besoin pour lui-même que ce prince n'eût
* Richelieu a fait écrire à la marge de aucune inquiétude, cl il ne veut pas lui
ce paragraphe : • Le roy verra au bas de ce laisser celle-ci seulement le temps d'ache-
mémoire comme cette défaite n'est pas ver la lecture de cette lettre,
grande chose. » — Richelieu prenait grand ' Ce mot était sans doute d'un usage
soin de sauver au roi toute impression fà récent; le dictionnaire de Nicot, imprimé
1/|2 LETTRES
la victoire de M' de Bordeaux. Quand la nouvelle de la prise de Fon-
laral)ic viendra on en fera encore un autre. Telles fcsles réjouissent
cl doinicnt ca;ur aux soldats, et eslonncnl les ennemis.
Gassion poussa hier la garde de l'armée des ennemis, on tua quel-
ques-uns, en prit d'autres prisonniers, et mit en desroulle un corps
d'infanterie qu'ilz avoient avancé. Il dit que, s'il eust eu un autre
corps pour le soustenir, il eust pris un des principaux chefs de l'ar-
mée. Il se plaint furieusement de ce qu'on ne veut point qu'il aille à
la guerre, et qu'on perd de belles occasions. Il a présentement Icy un
gentilhomme pour testnoigner sa douleur.
Je liasle tous les jours M' du llallier par solinitations; il faict tout
ce qu'il peut pour avancer son siège. On doit ce soir prendre la con-
trescarpe, où avant-hier un fourneau joua sans faire l'effect qu'on eust
peu désirer.
Nous avons faict entrer un grand convoy dans Landrechy. Je pen-
sois demain en faire partir un autre, mais les ennemis, qui sont fidèle-
ment avertis de tout ce qui se passe, ayant détaché mile chevaux et
mile mousquetaires ii cheval, à ce que Vantaoux nous a mandé ce
malin, j'ay remis ce convoy à une autre fois, et renvoyé huict cens
chevaux des deux armées qui le dévoient escorter. C'est une estrange
chose des traistres qui se trouvent parmy les sujets de Vostre Majesté.
Il est impossible d'en tarir la source, mais il en faut arrester le cours
par d'extraordinaires rigueurs.
On ne sçauroil faire partir deux cens chevaux de vos armées que
les ennemis n'en soient avertis. Heucourt, qui est dans la citadelle
d'Amiens, a enfin confessé ses trahisons. Je croy que dans peu de
temps son procès luy sera faict et parfaict"''. Il est bon de n'en faire
à In inc'inc (laie que cctlc lettre, ne Iciioiiiie nnciens aussi le fonl féminin. Il n'y a d'ail-
pas. l\iclicliuti, qui vicnl de lu incllrc au leurs nulle apparence que le cardinal ait
léuiinin , le l'ait ici masculin ; eslce à cause voulu parler de cette prière que l'Kglise
du 8cni< de jd/u/, ou bien le genre alors était- cliante en l'honneur de la sainte Vierge,
il douteux? Ce qu'il y a d(^ certain, c'est un salve.
qu'aucun des dictionnaires où nous l'avons ' Il fut mis à mort quelques jours après,
trouvé ne varie sur le genro. et les plus (Voy.plu!>loiiiuneleUredu iSscptembre.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. \kd
pas grand bruicl, afin que cette affaire soit expédiée devant qu'on en
puisse estre importuné.
M' de Bellejambe interrogera aussy le s"" de Manicanip, qui a en-
voyé quérir M' de Thou, en poste, à Forge, où il estoit, pour estre
son soiiciteur auprès de moy. Je m'en démesleray honnestenient, et
le service de Voslre Majesté ne lairra pas d'aller comme il doit.
Je croy que Vostre Majesté entendra un de ces jours parler d'ime
autre insigne trahison que le lieutenant de roy qui commande dans
Antibes vouloit faire en vendant la place. Nous n'en sçavons pas
encore les particularitez, qu'on attend de M' le comte d' Allez, mais
une lettre venue de Lyon par la poste nous a apris en gros ce dont
on sçaura le détail.
11 faut faire de grands exemples cette année pour disposer les
choses à un grand ordre l'année qui vient.
M. de Chavigny me mande que Monsieur désire un don de V. M.
de six mile escus, et qu'il s'attend que je proposeray à V. M. de luy
faire cette grâce; la somme estant modérée comme elle est, je croy
qu'il est du service de V. M. de la luy accorder, principalement en ce
temps où les mauvais espritz taschenl de luy persuader qu'ayant des
enfans vous pourries faire moins de conte de luy que par le passé.
Ses intentions paroissent très-bonnes, et en vérité je les croy telles.
Ily a plus grand nombre de prétendans au gouvernement du Casteiet
qu'il n'y en auroit pour le xhasleau de Milan. Genlis, Longueval, de
Camp, Moulinet, Le Tilloy, lieutenant des chevaux légers, d'Auquin-
court et plusieurs autres de cette nature pensent qu'ilz y serviroient
bien Vostre Majesté. Le vieux Bellefonds, maresclial de camp, a dépes-
ché un courrier à M' de Noyers pour représenter qu'il n'a maison
quelconque où il puisse demeurer, et tesmoigner qu'il se tiendroil
extresmement obligé d'avoir cette place. J'estime que Vostre Majesté
jugera que les autres ne peuvent entrer en comparaison avec luy et
que vostre service vous portera à luy accorder ce qu'il désire. (Cepen-
dant je croy qu'il n'en faut rien déclarer que le Casteiet ne soit pris,
de peur de descourager les autres.
144 LETTRES
Depuis cette lettre escrite je viens d'apprendre, par la confession
niesme de Picoiomini , que la deffaite des Holandois n'est que de mil
ou douze cens hommes, et partant je la tiens moindre.
M' d'Estampes mande à M"" de Noyers, du 2 A aoust, que Lamboy
n'a point passé, et qu'on croit qu'il ne passera point, et qu'il n'a tout
au plus, cavalerie et infanterie, que 4,ooo hommes, ce qui est con-
firmé par L'Eschelle, qui est à Liège.
Picoiomini a dit à Gassion qu'en Italie on avoit assiégé Ast, ce que
je ne croy pas , puisque M' le cardinal de La Valette n'en a rien mandé.
Je croy qu'on luy doit mander, parce qu'encore que cela ne soit pas
c'est im tesmoignage qu'on a dessein de le faire.
Nous avons nouvelles que les régimens de Roussillon, Mirepoix et
de La Rochette sont passez en Italie dès le 16 aoust, et on croit que
Quélus les a suivis. On a avis aussy que les recreues qui se lèvent
en Dauphiné sont passées en partie, et M' le comte de Sault asseure
quelles seront de deux mil hommes.
Il s'en lève autant en Auvergne et autant en Lyonnais; mais la
peste de Lyon en a faict renvoyer une partie qui estoient desjà levez.
La question est qu'il y ayt de l'argent. M"' de Bullion a renvoyé Fa-
bert content, mais on craint que ce ne soit qu'en paroles, ceux
d'Italie l'escrivent ainsy. Cela mérite qu'il plaise à Vostre Majesté
envoyer M"^ de Chavigni à M' de BuUion pour faire effectuer diligem-
ment ce qu'il a promis, autrement les affaires périront.
LXXXVII.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 18a. —
Original, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
AU ROY.
i septembre i638.
Sire,
La nouvelle de vostre indisposition me met en un estât que Vostre
DU CARDINAL DE RICHELIEU. U5
Majesté me pardonnera bien si je ne sçay que luy dire. Si je me
croyois, je serois porteur de la présente, et je la puis asseiirer que
je me lais une extraordinaire violence en ne partant pas pour l'aller
trouver. La passion que j'ay pour vostre personne me donne ces senti-
mens, et la mesme passion me retient pour la nécessité de ses affaires,
selon que j'escris à M' de Chavigny. Cependant, si Dieu nous affli-
geoit tant que de permettre que vostre mal continuast, je partiray
selon ce que j'escris à M' de Chavigny, dont j'attends un courrier ce
soir pour me tirer de peine. J'en ressens une extraordinaire et d'esprit
et de corps; ce qui touche Vostre Majesté me touchant cens fois plus
que la perte de ma propre vie, qui ne me sera jamais chère que pour
tesmoigner à Vostre Majesté que je .suis. Sire, etc.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De S' Quentin, ce ^* septembre i638.
LXXXVIII.
Arch. des A£F. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. i84. —
Orig;inal, sans signature, de la main deCherré.
SUSCHIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY.
Ce 4* septembre, à 9 heures du matin '.
Jamais rien ne m'a tant surpris que l'accès de fiebvre dont vous
m'escrivés. Je vous prometz que j'en suis hors de moy. Par mon incli-
nation et ma passion je partirois tout présentement pour aller trou-
ver Sa Majesté, mais les affaires sont en estât que, si je le fais, tout
ira en grand désordre.
Je considère d'abord tout ce qui se doit considérer en une telle
affaire. Le roy est sans gardes; selon mon mouvement, dès cette
heure, je luy en envoyerois dix compagnies françoises et quatre de
Suisses; mais, si on le faict, le siège du Castelet est troussé.
Pour conclusion, si la fiebvre du roy estoit continue, ce que je ne
' Richelieu a écrit cette date de sa main.
CARDIN. DE HICHELIEI. — VI. • lu
146 LETTRES
croy poinl que Dieu permette, et que mon petit médecin' asseure
qui ne sera point, puisqu'elle Ta pris par un froid, et qu'en cette sai-
son les fiebvres intermittentes courrent, je partiray aussy tost que je
le sçauray, rien ne me pouvant retenir.
Si la fiebvre est intermittente, je croy qu'il faut que j'attende la
Hn du Castelet, prévoyant sans cela plus de désordre et d'estonne-
luent que je ne vous sçaurois dire. En ce cas je feray partir aussy tost
des gardes françoises et suisses, et les deux compagnies du roy, et
partiray moy-mesnie sans considérer ce qui peut arriver ensuitte.
Je vous prie deslivrés-moy de la peine où je suis, que je ne vous
sçaurois exprimer. Je me prometz que je recevray ce soir un cour-
rier de vous qui m'asseurera que l'accez du roy est bien passé.
Quand ce courrier est arrivé j'allois faire partir une dépesche que
vous trouvères cy-jointe*. Il y a une grande lettre au roy qu'il ne
prendra pas la peine de lire, vous la luy lires seulement. Il n'y a rien
qui ne le doive contenter.
Soustenés les aCfaires de vostre costé comme je ferav du mien, car
il faut empescher que le mal du roy n'en apporte à ses affaires.
Les traverses qu'on donne au roy dans ses inclinations sont, à mon
avis, causes de son indisposition.
LXXXIX.
.Arch. des Aff. élr. France, i638. d'août en décembre, fol. igS. — Autographe.
SUSCRIPTIOS:
POUR M. DE CHAVIGM.
Le dimanche 5' [septembre], à une heure apr^ minuict.
Il m'est impossible d'attendre le retour du gentilbomme que j'ay
envoyé pour savoir des nouvelles de la disposition de Sa Majesté,
' Ciloys. dépêche: la lettre au roi, que S. M. ne lira
' C'est sans doute la dépêche du 3 (ci- pas, est également la précédente du 3
dessus p. i38), qui ne fut finie que le à, (p. i&l), mais qui ne dut aussi être en-
ainsi que nous le notons à la tin de ladite voyée que le à-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 147
sans renvoyer M' de La Folene pour en apprendre de nouveau. En
vérité j'av beaucoup d'inquiétude, et plus que je ne vous puis dire;
cependant une lettre de M' Bouvard m'a asseu^é^ me mandant qu'il
ne craint pas, grâces à Dieu, que le mal soit grande chose.
Je n'escris point à Sa Majesté de peur que mes lettres luy fassent
peine, si elles la trouvoient en un accès de tîebvre tierce; mais vous
luy tesmoignerés, de ma part, ma passion et mon sentiment.
Vous luy dires aussv, s'il vous plaist, que je crov que dans cette
semaine il sera maistre du Castelet, croyant que dans trois jours les
mineurs seront attachés aux deux bastions attaqués.
Il est bien important que je sache lestât de la santé du roy, car,
si son mal n'est pas de conséquence, je méditte de voir ce qui se
pourra faire à l'instant de la prise du Castelet, qui abboutit à de
trois choses l'une : à voir si Ton peut attaquer les ennemis, qui ne
sont certainement que dix mil hommes en tout; le second, à tenter
une surprise de place; et le troisième, à assiéger la ville que le rov
s'est proposée luy-mesme avant que partir. Peut estre ne réussira-t-il
aucune chose de ces trois, mais au moins y fera-t-on ce qu'il se
poun-a, et les armées ne se ruyneront pas.
Gassion m'est venu trouver cette après disnée, qui ma dict fran-
chement ses sentimens des généraux en quoy nous nous rapportons
tous. Cest luy qui m'a proposé l'attaque de la cavallerie des ennemis.
Il me reviendra trouver dans deux jours instruict de toutes choses.
Je verray avec luy ce qui se pourra et tascherav d'y porter ce qui de-
meurera icy.
Il n'y aura , s'il vous plaist , que le roy qni voye ce mémoire. Vous
me manderés ses volontés sur ce qu'il contient; mais surtout Testât
de sa santé.
Thomas, le tron)pette du prince Thomas, a avoué à un de mes
gardes qu'il n'y avoit que dix mil hommes en l'armée ennemie.
' Mol pris dans le s«ns de rassurer, acception s'est perdue: il n'y en a guère
« mettre hors de crainte, > dit Monet dans d'autre exemple connu que le vers d'Atha-
son dictionnaire imprimé en 1637. Cette lif : < Mndame. assurez-vous... •
148 LETTRES
J'attends le retour de Joannes, qui m'advertira du retranchement
qu'auront faict les ennemis.
Pourveu que ce mal du roy ne soit qu'une légère fiebvre tierce
j'espère que tout ira bien, au moins fera-t-on tout ce qu'il se pourra
avec les instrumens qui sont en usage, et, avec l'ayde de Dieu, rien
ne dépérira^; mais si la maladie du roy estoit de conséquence, ce que
je ne saurois croire, les bras me tombent. <p(p.
Le Gard. DE RICHELIEU.
XC.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 191. — Autographe.
SUSCniPTION:
AU ROY.
Sire,
5 septembre i638^.
Ces trois mots ne sont que pour faire sçavoir à Vostre Majesté
que le respect m'empesche de luy tesmoigner les sentimens que j'ay
' Le cardinal avait écrit le mot avec deux
p; il l'a effacé pour l'écrire en interligne tel
qu'on le voit ici. Mais le soinqu'il apporte à
l'orthographe ne l'empêche pas d'écrire
quelquefois un même mot de deux façons,
et surtout ne va pas jusqu'à la ponctuation;
il la supprime complètement; une virgule
seulement se voit dans toute celte lettre.
^ Ce jour-là était celui de la naissance,
du dauphin. Richelieu, qui était alors à
Sainl-Quenlin, en fut promptement in-
formé , et , le lendemain 6 , il écrivit au roi
et à la reine deux lettres dont il sudit de
faire mention aux analyses , parce qu'elles
ont été imprimées. On y verra aussi plu-
sieurs missives où Richelieu exprime à tous
ceux à qui il écrit la joie que lui cause
cette heureuse fortune de la France. La
Gazette rapporte, p. 535, sous la rubrique
de Saint-Quentin, que, le roi et la reine
ayant envoyé des courriers au cardinal ,
Son Eminence se rendit aussitôt à l'église
en grand corlége, « où ayant oùy la messe
chantée par l'abbé Chambre, sort aumos-
nier, et le Te Deuin ei Domine salvuin...
il donna la bénédiction à tout le peuple,
qui y esloit en grande affluence. » —
Nous avons trouvé à la Bibliolhèque im-
périale (fonds Saint- Germain -Harlay
364 ^', t^ '70) l'original d'une dépêche
du roi à M. de Bellièvre, ambassadeur en
Angleterre, dalée de cejour 5 septembre,
où le roi lui annonce cet heureux événe-
ment et lui ordonne d'en faire part an roi
et à la reine de la Grande-Bretagne. La
lettre est bien écrite de ce style dont Riche-
lieu aime à se servir pour rappeler les
prospérités de la France sous son minis-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
149
de son mal, et de luy parler de ses affaires, de peur de luy donner
la peine de lire l'un et l'autre en son indisposition, J'espère que Dieu
l'en deslivrera bientost, pourveu qu'il luy plaise se deslivrer de tout
chagrin, comme je l'en conjure; et de croire que je seray éternelle-
ment. Sire, etc.
Ce 5* septembre.
Le Card. DE RICHELIEU.
tère; et à la rigueur il n'y aurait aucune
impossiblilè à ce que le cardinal en eût
envoyé le brouillon le 6 et que la lellre
eût ensuite été antidatée d'un jour; mais
n'ayant découvert ni minute, ni aucune in-
dication matérielle de la participation de
Richelieu à ladite lettre, nous nous bor-
nons à la noter ici. Nous trouvons , dans une
lettre de Chavigni au cardinal, quelques
détails intimes concernant le roi , Mon-
sieur et le cardinal, qui ne seront pas dé-
placés ici : — «... Le roy, écrit Chavigni.
avoit si peur ce matin que Mgr aprist la
nouvelle de l'acoucliemenl de la reyne et
de la naissance de Mgr le dauphin avant
que le frère de La Chesnaye arrivast auprès
de S. Em. que je n'ay eu que le temps de
luy nscrire trois mots à la haste dans le
cabinet de Sa Majesté. — Le Iravail de la
reyne a esté le plus heureux du monde;
elle n'a esté malade que six heures, après
lesquelles est accouchée d'un des plus
beaux princes que l'on sçauroit veoir; le
roy y a tousjours esté présent, et .ses deux
accès de fièvre ne luy ont en rien diminué
ses forces. — Monseigneur verra par la
lettre que Sa Majesté luy escrit la joye
qu'elle a d'estre père; elle est en ellect
extraordinaire. Elle a esté aujourd'huy
<)uatre ou cinq fois dans la chambre de
Mgr le dauphin pour le veoir teter et re-
muer. — Monsieur est demeuré tout
estourdi lorsque madame Péronne luy a
faict veoir, par raison phisique, que la
reyne estoit accouchée d'un fils. Il luy faut
pardonner s'il est un peu mélancolique.
Les six mil escus que le roy luy a accor-
dés, à la prière de Mgr, le consoleront un
peu; et, plus que toutes les choses du
monde , l'asseurance que je luy ay donnée,
de la part de Son Eminence, que rien ne
l'empesclieroit de le servir tousjours. Il
souhaitte passionnément son amitié, et je
responds, sur mon honneur, qu'il n'ou-
bliera rien de ce qu'il faudra faire pour la
conserver » (.Ms. cité aux sources,
f" ail.) — Il est inutile de dire que la
Gazette est toute remplie à cette époque
des transports qu'excita dans le peuple la
nais.sance d'un dauphin, et des réjouis-
sances qui la célébrèrent. Mais on peut re-
marquer qu'on y parie avec enthousiasme
des grandes qualités d'Anne d'Autriche :
•1 Celte reyne , à la(|ucllc il ne nianquoit plus
rien que d'estre mère.» (P. 5oi.) Outre
les feuilles extraordinaires qui y furent
jointes, l'article de Paris, durant plu-
sieurs semaines , n'a guère parlé d'autre
chose. — Richelieu , qui donnait à la Ga-
zette de fréquentes communications, a-t-il
envoyé à ce journal quelque article sur la
naissance du dauphin ? Nous n'en avons
lu aucun où nous l'ayons reconnu , sauf
peut-être quelques lignes de celui du a oc-
150 LETTRES
XCI.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 198. —
Minute de la main de Cherré.
A M. LE MARQUIS DE PRASLIN'.
Du 6' septembre i638.
Monsieur, je vous fais cette lettre pour vous dire que les diverses
plaintes que le roy a eues des grands désordres qui ont esté jusques
icy dans ses armées, l'ayant faict résoudre à tascher, par tous moyens,
d'y apporter la reigle qui est nécessaire, j'ay estimé vous devoir prier,
comme je fais^, de faire tout ce qui est en vous à ce que la cavalerie
vive à l'avenir avec plus de police et d'obéissance qu'elle n'a faict par
le passé. Vous recevrés cette prière et cet avis comme d'une per-
sonne qui vous ayme, et qui en use de la sorte avec vous sur la
cognoissance qu'il a que vous n'estes pas sy dévot et sy sainct que
vous ne le puissiés estre davantage, pour donner sy bon exemple à
ceux qui sont sous vostre charge que vostre conduitte leur soit une
exhortation perpétuelle à faire leur devoir. Quand vous suivrés le
conseil de vos amis en ce point, j'ose vous asseurer que vous vous
en trouvères bien; et, sans cela, je craindrois en vérité que, n'ayant
pas la bénédiction du ciel, vous n'ayés pas celle de la terre.
Le roy a tant de desplaisir de sçavoir que toute sa cavallerie n'est
pas armée comme elle doit estre, qu'[il^j a résolu de ne recevoir,
tobre, publié au retour du cardinal àParis, nier termedeson contentement. »(P. 58o.)
où nous lisons : « Le roy arriva le mer- ' Le nom et la date sont notés au dos
credi à Saint-Germain, où le cardinal duc de cette minute.
se rendit aussi de nos armées le mesme ' «Prier, comme je fais,» de la main
jour et quasi à la mesme heure que S. M. de Hicbelieu.
laquelle il trouva dans la chambre de mon- ^ La minute met • qu'elle , » se rappor-
seigneur le dauphin, où la reyne estoit tant au mot «roi;» plus bas «il» se rap-
aussi. Il seroit malaisé d'exprimer de quels porte au contraire à « Sa Majesté; » ce sont
transports de joye S. Em. fut touchée de ces distractions de dictée tres-fréquentes
voyant entre le père et la mère cet admira- dans les manuscrits de Richelieu , ainsi que
ble enfant, l'objet de ses souhaits et leder- nous l'avons quelquefois fait remarquer.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 151
l'année qui vient, aucune personne à estre du roolle qui n'ayt des
armes; et, pour cette année, de faire chastier ceux qui en auront
receu dans cette campagne et ne les auront pas, n'ayant faict aucun
voiage auquel ils ayent peu les perdre par autre voye que par pure
négligence. Je vous prie tenir la main à l'exécution de la volonté du
roy, et, affin que je luy puisse rendre un compte fidelle de vostre
diligence, vous m'envoyerés, s'il vous plaist, un controole de toute la
cavalerie qui est sous vostre charge , la force de chacque compagnie ,
Testât auquel elle est, c'est-à-dire si elle est armée ou non, et comme
les cavaliers sont montés.
XCII.
Arch. des AfiF. élr. France, i638, d'août en décembre, loi. aoo. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNI'.]
6 septembre i63S.
M' de Rheims envoie sçavoir comme il se doit gouverner aux
couches de la reyne. Je n'ay point apris que personne de sa nais-
sance et de sa condition ayent place en cette occasion. Ma pensée est
qu'il veut seulement sçavoir s'il pourroit avoir lieu de saluer le roy
après cette réjouissance publique. Je luy escris qu'il s'addresse à
vous pour sçavoir les volontez de Sa Majesté, qui, à mon avis, luy
doit faire faire response que quand il sera bon archevesque, ou
qu'il en aura quitté la prétention, il le verra très volontiers, et non
plus tost^.
' Voyez la note de la page 1 1 a. une violation perpétuelle des devoirs que
' Henri de Lorraine, fils du duc de lui imposaient les dignités et l'habit dont
Guise. (Voyez ci-après la note d'une lettre il était revêtu, ces lignes de Richelieu nous
que lui écrit Richelieu , à la date du 8 juin l'apprendraient.
iGSg). Si l'on ne savait que sa vie lut
152 LETTRES
XCIII.
Arch. des AIT. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 21 3. —
Original , sans signature , de la main de de Noyers.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY.
Du 7 septembre i638, à Saint-Quet}tin.
Monsieur le prince tesmoigne, par Saladin, astre mal satisfaict de
M' de La Valette et de M"" de Saint-Simon, aux quels touttes choses
semblent estre indifférentes. Il dict de plus qu'il ne peult avoir ny la
milice, ny la noblesse de Guienne, à raison de quoy il se plainct
fort de M'' d'Espernon, lequel mesme est retoxirné à Cadillac sans
ordre, et contre celuy qu'il avoit eu de demeurer à Plassac.
Pour faire ce voiage, il s'est servi du prétexte d'une lettre qui a
esté envoiée à touts les gouverneurs de France pour faire sortir de
leurs gouvernemens, et venir aux armées, touttes les Irouppes qui y
avoient esté levées ou qui y avoient eu leurs quartiers d'hyver. 11
pouvoit donner ses ordres pour l'exécution de cette dépesche sans
contrevenir à l'ordre qu'il avoit de demeurer à Plassac.
On estime que pour pourvoir au contentement de M' le prince, et
tenir M' d'Espernon dans l'obéissance où il doibt estre. Sa Majesté
luy doibt commander de nouveau de revenir à Plassac, se plaignant
de ce qu'il est retourné sans permission. Le roy commandera, s'il
luy plaist, à M' de La Vrillière', et vous aurés soin qu'elle soit bien.
Je suis ravi de l'espérance que le roy a luy mesme d'estre bientost
guéri. Nous avons faict florès pour la naissance de M" le dauphin, et nos
feux de joye ont esté telz que six maisons de cette ville en ont bruslé.
Il y a deux jours que je croiois que nous ferions quelque chose
de bon après la prise du Castelet; aujourd'huy mes espérances sont
à vau l'eau, et j'ay bien peur que nous soions réduicts à vivre dans
La phrase est boiteuse ; pressé par la mois : « d'écrire une lettre au nom du roi ? »
dictée, de Noyers aura oublié ici quelques ou autre chose en ce sens.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 153
le pays ennemi jusques au sept ou huictiesme d'octobre. Si ceia est,
ce à quoy nous ne nous réduirons pas sans bien examiner ce qui se
pourra, en Testât présent de nos désordres'. Je croy que je seray en
estât d'aller trouver le roy vers le quinziesme de ce mois.
Quand niesme le roy seroit guéri dès aujourd'huy je ne conseil-
lerois pas à Sa Majesté de revenir pour cette année en ces quartiers;
sa santé m'est trop chère, et je voi trop peu de sujet d'un tel voiage.
M*" de Chastillon est icy, qui s'en va chez luy"^. C'est le mesme
que nous l'avons cru, beaucoup de masse et peu de quintessence. Le
bon homme La Force est malade, le Castelet va tousjoursbien. Adieu
pour cette heure.
XCIV.
Arcli. des AIF. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 217. —
Minute de la main de Cherré et de la main du cardinal.
PROJET D'INTERROGATOIRE
A FAIRE A MAMCAMP\
Du 8 septembre i638.
Faut demander au s' de Manicamp comment il s'est ingéré, estant
en la disgrâce du roy comme il estoit, et n'ayant point charge dans
l'armée de M' de Chastillon*, de commander dans le fort du Bac;
et pourquoy, y ayant pris le commandement de luy-mesme, il n'a
pas faict une capitulation qui peust sauver les gens de guerre qui y
esloient jusques au nombre de deux mile, lesquelz il semble qu'il
ayt voulu perdre de gayeté de cœur, ne mettant pas des conditions
dans son traitté qui asseurassent leur vie, en ce que les traisnant par
divers pays, comme on a faict, on ne leur donnoit pas du pain.
' 11 y a encore ici quelque irrégularité ' Ceci estune annotation que nous Irou-
dan.s notre manuscrit. vous au dos de la minute.
' Le roi mécontent le renvoyait chez lui * « De M' de Chastillon. » Ces quatre
dans unesorled'exil.(Voy. ci-dessus, p. i3i, mots sont de la main du cardinal,
et aux Analyses, lettre du 6 septembre).
rARDIN. DE RICHF.LIEC. Yl. ]0
154 LETTRES
Cet interrogatoire contient deux chefs :
L'un, pourquoy il s'est ingéré de commander sans pouvoir?
L'autre, pourquoy il a faict la capitulation autrement qu'il ne de-
voit?
S'il dit au premier qu'il avoit ordre de M' de Chastillon d'en user
ainsy, on luy demandera s'il ne s'en veut pas rapporter à ce qu'en
dira led. s' mareschal; et après, on aura sa lettre pour le convaincre.
Si au second il dit que Picolomini et le baron de Snitz luy avoient
promis de le remettre, avec tous ses gens, dans deux fois vingt-
quatre heures en France , on luy produira les lettres qu'ilz luy escrivent.
' Il luy faut représenter ensuitte qu'il semble qu'il a tousjours eu
dessein d'estre contraire à l'Estal, ce qui se remarque par diverses
actions qu'il a faictes :
L'une quand il donna un soufflet^ en pi-ésence de M" de Chaulne,
gouverneur de la province; ce qu'il ne pouvoil ignorer qui ne bles-
sast l'authorité du roy;
L'autre, quand il batlist ou lit battre le lieutenant ^ ; et
ce avec des circonstances qui aggravent tellement son ciime ([u'il
semble qu'il n'avoit pas seulement intention d'offenser ledict lieute-
nant mais le roy mesme, veu que s'il n'en eust voulu qu'audict*
il le pouvoit trouver en d'autres lieux qu'en son siège, où il n'a peu
le chercher de propos délibéré que pour monslrer qu'il mesprisoit
au dernier point l'authorité royalle '■'.
Une autre fois encores, lorsque, pensant estre exempt de la peine
qu'il mériltoit pour cette violence, par l'intervention de quelques-uns
de ses amis qui empeschèrent ledict procureur du roy de poursuivre
l'action qu'il estoit prest d'intenter contre luy, il battist de nouveau
les archers du sel et celuy qui les commandoit, parce qu'ils f'aisoyent
' Ici le cardinal prend la plume jusqu'à ' Le nom encore en blanc,
la fin. * Le .ins. met, en marge de ce païa-
' Rictielieu avait mis: «à un Gé» et graphe, la plirase suivante: «Faut faire
puis il s'est arrêté et a bifié ce commen- apporter les informations si elles ne sont
cernent d'indication de la personne. point bruslécs. •
' Le nom est resté en blanc dans le ms.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 155
leur charge; voulant parce moyen s'establir une authorité au-dessus
et au mespris de celle du roy, dont il outrageoit les officiers.
XCV.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 222. —
Original, de la main de Cherré.
Mêmes archives, vol. de i638 à 1 639, fol. 20. — Minute de la main du cardinal.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY.
De Saint-Quentin , ce 8' septenibic i638.
Je vous escrivis hier, par Saladin, le courant des affaires.
Je rends un milion de grâces à Monseigneur frère du roy, de l'af-
fection qu'il vous tesmoigne avoir pour moy. Vous le destournerés ,
s'il vous plaist, du voiage qu'il vous a dict vouloir faire icy, et luy
ferés congnoistre que je me tiens plus obligé de la seule pensée qu'il
en a, qu'un autre ne le seroit de l'elîect. Qu'il soit, s'il luy plaist,
exempt de mélancholie; je m'asseure que le roy le traittera sy bien,
qu'il en aura toute sa vie sujet de contentement.
Je vous mandai hier que je croyois vous voir plustost que je ne
pensois; je suis encores aujourd'huy dans cette pensée, et je ne veoy
rien à faire en Testât que sont toutes choses.
11 y a une grande froideur dafns une grande partie de l'armée;
force corps et point de testes ne font que des monstres avec lesquels
on ne peut agir par raison.
Le Castelel sera, à mon avis, la fin de nos conquestes de cette an-
née, en ces costés de deçà. J'espère que l'Espagne nous récompen-
sera et l'Allemagne aussy.
La Flandre triomphe celte année; le siège de Gueldres est levé,
les ennemis nous craignent, mais en vérité nous leur rendons la pa-
reille.
Le Gard. DE RICHELIEU.
156 LETTRES
XCVI.
Arch. des AIT. étr. France, i638, d'août en décembre, fol 22^. —
Original, de la main de de Noyers.
[A M. DE CHAVIGNI'].
Du 8 septembre i638, à Saint-Quentin.
Vous ne mancjuerés pas de mes nouvelles, mais je voudrois bien
vous en donner d'aussy bonnes que je le désirerois; j'ay peur qu'il
.soit difficile.
Arpajolet^ est icy, à qui j'ay l'aict la petite exhortation. Praslin y
est aussy pour luy donner une fraterne, mais tout aboutira en belles
paroles de part et d'autre.
Vous dires au roy qu'il y a grand soupçon dans l'armée qu'il y ayt
quelqu'un qui advertisse les ennemis. Il est vray qu'ils sont bien ad-
vertis; d'abord ils ont esté sans se retrancher; aussytost qu'on a peu
penser à les attaquer, ils se sont retranchés. Piccolomini a aussytost
sceu la retraicte de M' de Chastillon que l'armée. L'affaire du curé
d'Arras est très-notable; il y a grande apparence de trahison, mais
l'on ne sçait de qui se douhter.
Dans l'armée on soupçonne le trompette Joannès; luy-mesme m'a
dict qu'on le soupçonnoit; le fondement du soupçon est qu'il est sou-
vent avec Piccolomini et qu'il désire souvent y aller. Cependant je
ne vois rien d'asseuré; je faicts prendre garde à ses habitudes. Dans
l'armée, enfin, le désordre est extresme, et certainement tout le
monde demeure d'accord qu'on ne peut espérer changement pour
l'advenir que par une grande sévérité envers des chefs, qui sera une
vraie clémence pour tout le monde.
Le baron prétendu de Villeneufve a esté roué; il a déclaré à la
mort que le prince Thomas luy avoit dict et tenoit asseuré que, sans
le siège de Saint-Omer, Dourlans et Abbeville estoient à eux.
' Voy. la noie de la page 1 12 ci-dessus. — " Elail-ce le nom, pris en plaisanterie, de
M. d'Arpajon, intendant généx'al?
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 157
On procède au jugement du procès d'Heucourt, plein de saleté
pour TEstat.
Les François sont estranges; je prie Dieu qu'il convertisse leurs
coGiirs.
Le Gard. DE RICHELIEU.
XCVII.
Arch. des Afi". élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 2i5. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU Ror.]
De Saint-Quentin , ce 8' septembre 1 638.
Je suis ravy que M*^ le Dauphin a les cheveux noirs, et que, d'au-
cuns remarquans qu'il ressemble à Vostre Majesté, les sectateurs
du monde croyent qu'il a quelque chose de l'inclination, car tout
cela signille qu'il ne sera pas camus.
Je prie Dieu de tout mon cœur pour sa conservation, et, en vé-
rité, je croy que, Dieu vous l'ayant donné, il l'a donné au monde
pour grandes choses.
Je ne sçaurois vous tesmoigner la joye que j'ay receue, et par les
lettres de Vostre Majesté, et par celles de M. Bouvard, qui me font
cognoistre que vostre mal ne sera rien qu'un advertissement à Vostre
Majesté de jouir à l'avenir des bonnes influences que produiront les
inclinations, et de ne recevoir pas les mauvaises impressions que les
brouillars qu'ilz exciteront peuvent causer.
J'espère tant de la bonté de Dieu que, pourveu que Vostre Ma-
jesté le veuille, elle sera le plus heureux prince du monde, ce que
je souhaitte cent fois plus que ma vie.
Vostre Majesté fera, s'il luy plaist, par sa bonté extraordinaire,
valoir à la reyne le présent voyage que je prends la hardiesse de
faire faire expressément pour luy rendre les complimens que toute
la France luy doit pour monsieur le Dauphin.
' Voy. ci dessus, p. loo, notes.
158 LETTRES
XCVIII.
Arch. des AfF. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. aSo. —
Original , sans signature , de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGIVr.]
De Saint-Quentin , ce, lo septembre i638.
Le Castelet ne va pas si viste que je le désirerois. Les mines n'y
ont pas faict bon effect, à cause d'une petite gallerie qui, estant dans
les bastions, les a esventées. Les régimens de Poitou et de S'" Fleve
ne firent pas trop bien aussy à un logement qu'il failloit faire dans
feffect de la raine. Le Gué S''= Fleve y a esté fort blessé, mais il n'en
mourra pas^. M' de la Melleraie alla hier coucher au Castelet pour
proposer à M"^ du HalHer de faire faire la mine dans le milieu de la
courtine, où il n'y a point de gallerie. Nous verrons ce qui en réus-
sira. Je vous envoyé un avis , envoyé par M"^ de La Force , par où vous
jugerés que ces M" sont capables de bonnes résolutions, puisque ce
qu'ils proposent au commencement se destruict par tous les incon-
véniens qu'ilz représentent. Tant y a que le roy peut estre asseuré
qu'on fera tout ce qu'on pourra dans le désordre où nous sommes,
et que si on ne faict rien, ce sera qu'on ne pourra rien faire, qui est,
en elfect, par où je croy qu'il faudra passer.
On dit que l'abbé de S'" Croix de Bordeaux est fort malade. Le
grand vicquaire de M"" de Bordeaux a envoie pour la ^ demander pour
son archevesque. Le service qu'il a rendu est considérable; je propose
ce qu'il mande à cause de la victoire.
Je vous prie de représenter au roy, quand il vacquera des abbayes,
qu'il a M' le cardinal Anthoine, M"" le cardinal Bichi, M"" Lescot, à
pourvoir pour son service.
' Voy. la noie de la page 1 1 2 ci-dessus. ' Le mot abbaye, qui n'a pas été dicté ,
' 11 en mourut; voyez plus loin une était, sans aucun doute, dans la pensée
lettre du i3 septembre au roi. du cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 159
Je metz ensuitle M"' de Chaunes, qui en demande une pour un de
ses enfans, et dont la maison est plus engagée qu'il ne semble.
Je ne sçay si vous avés retiré de Mondin la démission de l'abbaye
de Pignerol. Si vous l'avés, vous la donnerés à M"^ de Souvré, et si -
vous ne l'avés pas vous la retirerés du dict Mondin, s'il vous plaist.
M' d'Hémery m'escrit qu'il ne faut pas dilFérer à donner au grand
chancelier du Montferrat. Prat, et au major de Cazal, les terres dont
on luy a envoyé les brevetz. Vous vous en souviendrés, sil vous plaist,
et ferés avec M"^ le chancelier et M" les surintendans ce qu'il faut
faire sur ce sujet.
XCIX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'aoûl en décembre, fol. 2^1. —
Original, sans signature, de la main de Clierré.
[AI ROI'.]
De Saint-Quentin, ce i a' septembre i638.
1.,'asseurance que je viens de recevoir que le mal de Sa Majesté
diminue me donne un contentement extresme, en .souhaittant la lin
avec une grande passion.
Le Castelel va son chemin ordinaire, qui aboutira dans trois jours
à la satisfaction de Sa Majesté. Le colonel des Allemands, qui les
conjmandoit dans la place, fut avant-hier tué d'un coup de canon.
Sur cet accident, ils jettèrent les armes, demandèrent publicquement
à se rendre. Les Espagnolz naturelz les ont remis. Le capitaine es-
pagnol dit ouvertement qu'il juge bien qu'il se faut rendre, mais
qu'il est tellement asseuré d'estre pendu, s'il le faict, que cela le
retient.
Je inanday hier à M' du Hallier qu'il les fist sommer, avec protes-
tation que, s'ils laissoient jouer les mines, il n'y auroit plus de capi-
tulation. Je ne sçay encore ce qu'ils ont respondu à cette sommation.
M' de la Melleraie est allé volontaire en un petit voiage que M' de
' Voy. ci-dessus, page 100, noie 2.
160 LETTRES
Chavigny dira à Voslre Majesté; comme je n'en espère pas grand
fruict, je ne veoy pas aussy qu'il y aye rien à craindre.
J'ay envoyé un trompette à M' le prince Thomas , pour sçavoir s'ii
ne nous veut point rendre les mile hommes de Fouquesols et d'Epa-
gny, qu'il retient prisonniers, en payant le quartier ordinaire, comme
aussy tous les autres prisonniers qu'il tient. J'en attends la response.
Jj'Eschelle est venu de Liège, avec trois cens quarante chevaux.
Il croit qu'il en passera encore autant.
M" le prince d'Orange et le cardinal infant sont campez avec leurs
armées les uns devant les autres. Je croy qu'on peut dire asseurément
que les Hollandois ne feront rien cette année'.
Je prie Dieu qu'il face prospérer les affaires de Vostre Majesté et
qu'il me face la grâce de luy pouvoir tesmoigner de plus en plus quel
est mon zèle et ma passion à son service.
C.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 243. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY'.
De Saint-Quentin , ce 12 septembre i638.
Vostre courrier est arrivé bien à propos pour me tirer de peine en
laquelle je commençois d'estre, pour n'avoir pas de nouvelles du
' Richelieu devinait trop juste. Dès le entrait en Espagne. On en informa le
commencement de l'année on s'était con- prince d'Orange, qui trouva des raisons
cerlé sur les entreprises à faire. Après plu- pour se dispenser d'allaquer Dunkerque.
sieurs allées et venues du comte d'Estrades, Enfin le dernier septembre, c'est-à-dire
de Hollande en France et de France en vers la fin de la campagne, il va assiéger une
Hollande, après l'échange de propositions petite place sans importance. L'année était
et de contre-propositions, on était tombé perdue; on ne pouvait plus que s'entendre
d'accord que le prince d'Orange attaque- pour mieux employer la suivante. (Arch.
rait Dunkerque. Aux incitations la France des Aff. étr. Holl. t. XX, p. 190, el passim.)
joignait l'exemple. Le maréchal de Châ- " Richelieu a écrit la suscription et la
tillon assiégeait Saint-Omer, M. le Prince date.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 161
cinq""' accez du roy. Je suis ravy de sçavoir que son mai est comme
le Castelet, qui tire à sa fin.
J'espère que mardy nous en aurons de bonnes nouvelles.
Les maladies sont en telle abondance dans l'armée qu'il n'est pos-
sible de plus. Cependant elles ne sont pas mortelles.
M' de Chastiilon a emporté une partie du mal de vostre armée,
comme vous le pouvez entendre, mais non pas tout'.
La jalousie demeure si grande dans l'esprit de la vieillesse qui nous
reste'' que c'est un mal iremédiable, et dont il ne faut plus tastcr.
Le bonhomme a eu grande jalousie du bonhomme M' d'Angou-
lesme, qui l'a faict guérir autant qu'il a peu.
Pour ce qui est de M' le grand Maistre^ elle a tousjours esté, et
est encores, jusques là [que] quand il faict un voyage d'icy dans l'ar-
mée il donne beaucoup de matière à la philosophie.
11 partit hier pour aller, sous prétexte de faire une partie contre
les fourageurs des ennemis et d'un convoy à Landrechy, faire tenter
une entreprise sur le Quesnoy *. Je ne croy pas qu'elle réussisse, mais
je ne veoy pas aussy que nous puissions faire perte qui puisse estre mise
en ligne de compte. Vaubecourt est celuy qui passe autheur de l'entre-
prise, comme en effect c'est luy qui l'a proposée, à laquelle on a ad-
jouslé ce qu'on a peu. M' le grand Maistre n'y est que comme volon-
taire, Gassion estant celuy qui mène la partie qu'il a fallu tirer de
l'armée de M' de La Force, sous prétexte des fourrageurs. Il en faut
user ainsy, mais tout cela ne fera pas qu'on puisse faire grande chose.
Le maréchal de Châlillon, en quit- " on le Iraila sévèrement pour avoir quilté
tant le commandement qui lui était ôté, Hannapes. Il a joint à ses Mémoires la
passa par Saint-Quentin, el visita le car- lettre qu'il écrivit le 16 octobre au roi
dinal; Richelieu lui conseilla d'aller droit pour se justifier (p. /I5g).
à sa maison, sans voir le roi, qui était ° C'était, comme on sait, La Meilleraie,
mécontent de lui. dont la proche parenté avec Richelieu ex-
' C'est le maréchal de La Force; il n'a cilail , et non sans cause, la défiance des
pa3 l'air de se douter, dans ses Mémoires ollicicrs qui servaient avec lui.
(p. 320' du tome III), qu'on était à peu ' Richelieu a fait écrire à la marge :« Le
près aussi mécontent de lui que du ma- royne parlera point, s'il luy plaist, de cette
réchal de Cliâtillon. Mais le mois suivant entreprise. » (Voy. aux Analyses, i3 sept.)
CMDI.t. or. niCHELISD. — TI. , }\
162 LKTTRES
Je feray response à la dépesclie de l'unziesme de septembre, que
je viens de recevoir, demain,
M' de Montigny est parly avec sa compagnie et la colonelle du ré-
giment suisse aussy.
• Vaillac , qui estoit maistre do camp d'un régiment , estant pulmonique
et en estât de mourir, son père a dépesché icy pour me prier de su-
plier le roy de luy faire l'honneur d'accorder ce régiment à son second
fils, qui est fort bien faict. Je croy que S. M. ne sçauroit mieux faire
de luy accorder celte grâce. Vous luy en parlerés, s'il vous plaist, et
me ferés sçavoir sa volonté, sans cela le régiment est perdu, et c'est
beaucoup que des personnes de cette qualité le veuillent en celle saison.
On aura bien de la peine à avoir de bonne infanterie, pour l'année
qui vient, le nombre qu'il en faut, car la plus grande part des offi-
ciers négligent tout à faict leurs charges, et ne craignent aucun chas-
timent, qui est ce à quoy il faut remédier.
Je suis extresmement aise de sçavoir que les inclinations du roy
Je contentent. Je désire avec passion la continuation de celte bonne
intelligence.
Le long séjour de la reyne mère du roy à la Haye ne me semble-
roil pas fort utile. Je croy qu'il ne sera pas mauvais que vous escriviés
ù M' d'Estampes que, sous main, il haste son partement autant qu'il
pourra, et qu'il face sçavoir à M' le prince d'Orange que Le Coigneux
a mandé à Bruxelles qu'il feroit voir, par effect, que le passage de la
reyne mère par ces quartiers là ne seroil pas inutile à l'Espagne, ce
qu'il ne peut prétendre que par l'une de [ces] deux façons : ou par quel-
que proposition de trefve cogneue à M' le prince d'Orange, ce à quoy
nous sçavons bien qu'il n'entendra jamais sans la France; ou par quel-
que faction et monopole que ces beaux esprits pourroient faire , don-
nant des impressions à quelques-uns de M'' les Estats contre les in-
tentions de M'' le prince d'Orange '.
' La reine mère, quittant Bruxelles dans que l'ambassadeur de France à la Haye
les derniers jours d'août pour aller en An- avait prévenu de la prochaine arrivée de
glcterre, passa parla Hollande. Richelieu, Marie, fit répondre que cet ambassadeur
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
163
CI.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 257. —
Original, sans signature, de la main de Clierré.
[A M. DE CHAVIGIVI.]
I 3 septembre i638.
Je vous ay desjà mandé que je croyois que M"^ d'Estampes ne de-
voit point voir la reyne; j'y persiste encore de nouveau. Comme elle
est allée en Hollande sans la participation du roy, l'ambassadeur de
S. M. qui y est résident ne doit point avoir d'ordre de l'y visiter.
Il est à propos que M' d'Estampes en parle ainsy ouvertement, et
tesmoigne à M"^ les Estais que le roy a voulu de longtemps donner
à la reyne de quoy vivre selon sa dignité, pourveu qu'elle allast en
son pays natal, selon mesme que le grand duc l'avoit désiré. Que S. M.
avoit jette les yeux sur un tel lieu parce que c'est le seul qui ne doit
point eslre suspect , et auquel elle peut plus aisément trou N-er son repos.
n'avait rien à faire à cette occasion (p. 1 Ao
ci-dessus). Cependant la reine mère rece-
vait en Hollande un accueil dont Richelieu
était vivement contrarié. Nous trouvons
dans une lettre d'un certain Julien Lan-
son, écrite d'Amsterdam à Lopez, le 6 sep-
tembre, un récit de la magnifique récep-
tion que lui faisaient les magistratures des
villes ain.si que les populations : c'était un
véritable triomphe. Le prince et la princesse
d'Orange la traitaient avec le respect qui
convient à la majesté royale et les égards
dus à une grande infortune; les Etals de-
mandaient à Richelieu de mettre un terme
à son exil : « Voslre Eminence , disaient-
ils, aura l'honneur et la gloire d'avoir
contribué plus que personne à une cor-
diale et solide réunion entre le roy et sa
mère. » Ces malencontreuses félicitations ,
aussi bien que les ovations dont la reine
mère était l'objet, irritaient profondé-
ment Richelieu, qui chargea M. d'Es-
tampes (lettre du 8 septembre) d'insinuer
au prince d'Orange les soupçons de trames
secrètes qu'il imputait à Marie de Médicis ,
et d'obtenir» qu'on la list partir au plutost. »
Mais on n'obéissait pas à ces insinuations.
Chavigni, alors à Chantilly auprès du roi,
reçut, le 19, de l'ambassadeur de Hol-
lande à Paris, une nouvelle lettre, qu'il su
hâta d'envoyer à Richelieu, et, le 21, le
cardinal lui répondit d'un ton fort dédai-
gneux pour MM. les Etats (ci-après , p. 1 87) .
La collection de Hollande des Affaires étran-
gères conserve plusieurs documents cu-
rieux sur ce passage de la reine mère dans
ce pays. Malheureusement nous avons
connu ces documents trop lard pour les
placer dans leur ordre chronologique; ils
pourraient être compris dans un supplé-
ment. (Hollande, tome 20, pièces 198, 199,
200 , 209, etc.)
164 LETTRES
Qu'ayant osté longtemps comme elle a esté avec les Espagnols, et
la pluspart de ses gens, qui sont dangereux espritz, ayant pris des
liaisons particulières avec eux, le roy ne peut pas, avec la seurelé de
son Estât, la recevoir en France, ny lavoir en certains lieux contraires
aux liaisons d'Espagne, sans redouter que ces malheureuses gens, qui
ont pris quelque pied sur son esprit, n'y facent quelques trames pré-
judiciables au bien public. M' d'Estampes, parlant ainsy à tout le
monde , destrompera beaucoup de gens , et fera voir la bonté du roy,
qui est encores tout prest de donner à la reyne de quoy soustenir sa
dignité à Fleurance, si elle y veut aller. Le dict s'' d'Estampes pourra
se laisser entendre des diverses entreprises que les gens de la reyne
ontfaicles, depuis qu'elle est en Flandres, sur diverses places de cet
Estât, et sur la vie du cardinal.
Il pourra aussy faire sçavoir comme elle n'a peu compatir avec
Monsieur.
Qu'elle a voulu encores, depuis peu, embarquer des premiers
princes de l'Estat à servir les Espagnolz contre la France, demandant
à ceux à qui il donnera cognoissance de ce que dessus si, après une
telle conduite, le roy y peut prendre confiance, et s'il ne faict pas
plus qu'il ne doit en luy offrant, après tant d'oCfences réitérées, une
pension honorable, proportionnée à sa dignité, en son pays natal.
Cil.
Cabinet de M. Feuillet de Conches. — Minute autographe '.
Arcli. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. aSo. —
Mise au net de la main de Cherré.
POUR LE ROY.
[ i3 septembre i 638.]
Heucourt a esté exéquuté à Amiens ^. Il a avoué avoir traicté avec
' Au dos de la minute , Cherré a écrit : blement celle mise au net qui a été placée
■ Au roy, du 1 3 septembre 1 638. » A celte sous les yeux du roi.
date, en tête de la mise au nel, on a 'De Noyers avait écrit le i3 juin au
ajouté : « De Saint-Quenlin. » C'est proba- maréchal de La Force : « Le roy m'a com-
DU CARDINAf- DE RICHELIEU.
165
le cardinal infant pour le mettre en possession de celte place. Ce misé-
rable estoit enragé contre la France et contre luy-mesme. Il est mort
repentant de cette faute , mais non pas de son hœrésie. Il a faict mine de
se vouloir convertir, mais enfin il a finy comme il a vescu. Cet exemple
fera penser les traistres en leur conscience. Cependant ayant déclaré,
comme il a faict, que ce n'esloit pas luy qui traictoit pour Dourlens,
cette entreprise demeure tousjours sur pied; mais, S'-Preuil demeurant
dans la place avec deux compagnies de cavalerie qui y sont, et Vostre
Majesté ayant trouvé bon qu'on y envoyé deux compagnies de Suisses,
ce que je feray exéquuter après le Catelet^ je ne croy pas qu'il soit
possible d'y entreprendre, principalement faisant faire à la place tout
ce qui se peut imaginer pour la mettre en seureté, et veiller^.
Il faut veiller plus que jamais à toutes les frontières. J'escris sur ce
sujet à M"" de Cbavigny pour suivre sur toutes choses vos volontés.
J'espère que le désordre qui est cette année dans vos armées y
engendrera de l'ordre l'année qui vient. Les François ne sont pas in-
disciplinables; pour leur faire garder une règle il ne faut que le
vouloir fortement, mais le mal est que jusques icy les chefs n'ont pas
esté capables de la fermeté requise en telle occasion; et les faisant
changer en ce point par les ordres exprès que Vostre Majesté leur en
donnera, sur peine de sa disgrâce, tout changera avec l'ayde de Dieu ^.
Le Gué S'®-Fleve vient de mourir de la blessure qu'il avoit receue
au Castelet. Je ne sçay s'il se trouvera personne qui veuille et puisse
maintenir son régiment, qui estoil desjà en assez mauvais estât.
mandé de vous escrire qui' voufoit que
vous fissiez arresler adroitement le s'
d'Heucourt, beau-frère de M' de Feu-
quière, et un nommé Bégas, qui est avec
luy... Il importe de ne les pas faillir, car
ils machinent du mal contre la France
et des trahisons qui infàment noslre na-
tion, a [Mém. de LaForce, t. Ill, p. 445.)
' Dans la mise au net de Cherré il y a :
« après la prise du Castelet. »
' Nous conservons le texte écrit de la
main de Richelieu; mais il a été rectifié
dans la mise au net de Cherré; ces deux
mots « et veiller » ont été remplacés par
les mots Cl en vérité,» qui y commencent
le paragraphe suivant.
' L'autographe finit ici ; le paragraphe
qui suit a été ajouté dans la mise au net
de Cherré.
166 ' LETTRES
cm.
Bibl. imp. Suppl. fr. aoSô"'"', fol. 8. — Minute de la main de Richelieu.
Arch. des AIT. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 202. —
Original, .sans signature, de la main de Clicrré.
A M. DE CHAVIGNI'.
De Saint-Quentin, ce i3°' septembre.
Les ennemis avoyent envoyé deux régimens dans Avennes qu'ils
ont rappelles, à ce que Paloque, qui est dans la Capelle, nous vient
d'avenir. Il nous mande aussy que Lambois, qui esloit avec le car-
dinal infant, a passé pour joindre le prince Thomas. Nous jugeons
par là, ou qu'ils craignent les forces du roy lorsqu'elles seront désoc-
cupées du Calelet, ou qu'ils veulent tenter quelque chose contre
elles, estant animés de la bonne fortune qui les a assistez cette
année.
J'ai averty^ aussy tosl M' de La Force de renforcer le quartier de
Grèvecœur, de redoubler ses gardes et les rendre plus vigilantes
qu'elles n'ont esté par le passé; et, s'il juge avoir besoin d'un ren-
fort de cavallerie , j'ay mandé à M'' du Halier qu'il luy envoyast mil
chevaux. J'ay mesme prié M' d'Angoulesme d'aller conférer avec le-
dict sieur mareschal de ce qui se peut faire contre les ennemis et ani-
mer Arpajolet.
Nous commencerons demain à faire payer la monstre à la cavallerie ,
ce qui ne se fera pas sans peine, y ayant tant de malades qu'on ne
' Cberré a écrit au dos du feuillet le ' Ici on lit à la marge, dans l'original
nom et la date; mais celte dépêche, ainsi des Affaires étrangères : "Depuis cette
que plusieurs autres, n'était adressée à lettre escrite j'ay sceu que Lamboy n'est
Chavigni que pour être communiquée point venu, qu'il n'y a pas pensé, et la
au roi près duquel était ce secrétaire d'é- première pen.séc qu'a eue M' de La Force ,
lat, tandis que Richelieu était en Picardie; quand il a eu la nouvelle de sa venue, a
aussi Chavigni a-t-il mis à la marge, au esté de se retirer au Castelet avec M' du
haut de la dépêche ; • Au roy. » Hallier. » (fol. aSa.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 167
le sauroit croire; la seule compagnie du fils du M' de Chastiilon, qu'il
n'y a que trois semaines qui est arrivée, a 5o cavaliers malades de
■yo qu'elle a. Mais partout on trouve expédient hors my à la mort.
Nous taschons d'accommoder cette frontière, et j'espère qu'elle se
sentira du voyage du roy. J'attends des arrests justes dont j'ay escrit
plusieurs fois à M" les surintendans, pour fortiffier les cœurs comme
les places.
A propos des frontières. Sa Majesté saura, s'il luy plaist, que,
Guise ne valant rien et ne pouvant estre accommodé , la Fère ,
Chaulny et Noyon doivent estre mis en bon estât, et entre les mains
de braves gens. Pour cet effect, il est important de retirer Chaulny et
Noyon des mains du grand duc de Montbason; il donnera ces deux
pièces, qui ne luy valent aucun revenu, à mon advis, pour 5 ou
6 mil escus, et en sera ravy à cause que son fils en a la survivance.
Je supplie le roy, pour son service, de faire faire cette affaire promp-
tement, s'il luy plaist. Ma pensée est ensuitte qu'il donne ces deux
places à deux braves gens qui sachent ce que c'est que de se bien
deffendre; et, moyennant cela devant le printemps, nous y ferons
travailler cet hiver, en sorte qu'au printemps on ne les prendra pas
sans mouffles; ce que je ne vous dis point sans cause, apprenant que
les ennemis veulent mettre, le plustost qu'ils pourront, leurs trouppes
en garnison cette année, pour nous attaquer et chastier au prin-
temps; ce qu'ils ne peuvent aysémenl entreprendre que par cette
teste.
Sa Majesté pourvoyant Bellefonds par le Castelet, qu'il désire, ma
pensée seroit qu'elle donnast Chaulny à Vahnont, qui se faict fort
estimer dans l'année et qui sçait bien remuer la terre.
Pour Noyon, il faudra trouver un homme qui aille de cet air,
mais je n'en cognois point , Sa Majesté s'avisera peut estre de quel-
qu'un.
Je faicts estât de passer par tous ces lieux ', estant aussy animé à
' Dans l'original des affaires étrangères on lil ù la marge, « Je n'y passeray point, » de
la main de Cherré.
168 LETTRES
faire que le desmcnty demeure l'année qui vient à nos ennemis,
qu'eux à casligar estas vcUacos de Franceses.
Je vous prie, ne perdons point de temps à tout ce qui se peut faire.
Je crains que nostre infanterie ne soit pas si bonne l'année qui
vient qu'il seroit à désirer. Sa Majesté songera, s'il luy plaist, aux
inventions qu'elle estimera plus propres pour remédier à ce deflaut.
Après avoir veu soigneusement la despcsche du mareschal des Très ',
je ne sache rien à faire que de remettre toute cette négociation qu'il
a commencée entre le pape et ses deux neveux touchant la protec-
tion, la préconlsation présente des éveschés, la déclaration du card.
Antoine pour les armes du roy sur sa porte, à ce qu'il estimera plus
à propos. Estant sur les lieux, comme il est, il peut en demeurant
ferme ou s'avanceant profiter de certains instans qu'on ne sauroit
sexdement prévoir de loin*.
Bien voudrois-je luy recommander d'agir tousjours avec force , di-
gnité et courage et, particulièrement pour l'affaire de M' Mazarin ^.
Si le card. Barbarin empesche que Sa Sainteté ne prenne l'un des
expédiens proposés par ledict mareschal , lesquels sont spécifiiez dans
sa lettre, je penserois qu'il faudroit qu'il dist fermement au pape,
qu'il ose luy dire comme de luy mesme que, le roy sachant que rien
n'empesche Sa Sainteté de luy donner le contantement qu'il désire
en la nonciature de Mazarin que les Espagnols, Sa Majesté, à son avis,
n'en recevra point d'autre, ains s'en passera jusques à ce qu'il ait
pieu à Dieu luy donner d'autres inspirations que celles que le card.
Barbarin reçoit de ce costé là.
Je ne croy pas qu'il y ait aucun péril à parler aynsi, tant parce
que le mareschal dira tousjours qu'il parle de luy mesme , quoy qu'il
' Le cardinal écrit toujours ainsi ce nom, la nonciature, et bientôt le cardinalat. Les
Cherré a mis « d'Estrée » dans l'original. tomes de Rome , aux archives des Affaires
' A côté des dernières lignes de ce pa- étrangères, renferment sur celte prorao-
ragraphe le cardinal a mis : « Savoir si j'ay lion, qui fut longlemps sollicitée , quelques
escrit à Mazarin. » lettres de Richelieu, et beaucoup de Clia-
' On demanda pour Mazarin d'abord vigni, de i638 à i6/io.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
169
doive laisser croire que la résolution du roy est telle qu'il dira, que
parce que apparemment Sa Sainteté ne voudra jamais rompre avec le
roy, que parce enfin que je ne voy pas d'inconvénient à attendre un
autre pontifficat sans un nouveau nunce.
Nous agissons avec des gens foibles, mais nostre mal [est] que j'ay
peur qu'ils nous pensent aussy peu résoluz qu'eux.
Quant à ce que le mareschal mande qu'il a ouy dire que les Es-
pagnolz solicitent le pape d'avancer la négotiation de la paix , je faicts
peu d'estat de tels bruicts, veu que nous savons mieux leurs pensées
par autre voye, et que, sachant ce qu'ils savent, ils savent bien qu'il
est en leur main de la faire en im mois, pourveu qu'ils ne la veillent
que raisonnable; et, quelques désirs qu'ils ayent de voir finir la guerre
à leur mode, cela est inutile à l'establissement d'un bon repos, S. M.
n'estant point capable de consentir à aucunes conditions injustes
pour estre préjudiciables à son honneur et à l'intérest de ses alliez.
* Les parens de Heucourt, Arnaud '^ sa femme, et principalement
madame de Chaunes, demandent qu'il plaise au roy conserver le bien
à ses enfans'. Si les chicanes n'absorbent tout le bien d'un condamné ,
comme il a paru par l'exemple de M' de Saucourt, nous serions
d'avis d'affecter tout à un hospital eslabli en cette frontière pour les
malades des armées; mais j'estime qu'il vaut mieux se contenter d'y
aifecter seulement une terre de quatre mil ♦*, et donner tout le reste
' Dans la minute conservée à la Biblio-
thèque impériale, le cardinal a laissé ici
la plume à Cherré.
' Arnauld d'Andilly était son parent
par alliance; le 5 septembre il écrivait à
Cbavigni pour lui demander ses bons of-
fices en faveur de l'accusé : «L'affaire de
M. de Hucourt, disait-il, est en mauvais
termes. . . sa femme est ma cousine. . .
je vous supplie d'obliger cette pauvre
femme et ses enfans » (Ms. des Afî.
étr. cité aux sources, P igB.) Lorsque Ar-
nauld d'Andilly écrivait cette lettre, il
CARDIN. DE HICHBtlEC. — VI.
devait conserver peu d'espoir pour son
parent. De Noyers avait mandé à Chavigni
le U septembre, de Saint Quentin, où il
était auprès du cardinal : « Heucourt a
tout confessé, les commissaires n'attendent
plus que la commission que ce courrier va
clierclier pour le juger. » (Même ms. f° 1 86.)
' Après l'exécution de Heucourt, M. de
Feuquières, marié à une demoiselle Ar
nauld, et qui était ainsi beau-frère d'Heu-
court , demanda la confiscation des biens
du condamné; c'était un autre moyen de
les conserver aux enfants.
170 LETTRES
aux enfans. S'il plaist au roy d'en user ainsy, on vous envoyera un
mémoire pour dresser le brevet.
CIV.
Arcli. de l'Empire, K i34, Guyenne, i" partie, i638, p. 78, pièce i3Zi. — Original.
[A M. L'ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX'.]
1 4 septembre 1 638.
Monsieur, Je suis ravi qu'on vous a donné une attaque; je voudrois
qu'on l'eust faict plus tost'^ J'avoue que je vois bien de la honte, mais
d'autant plus de gloire pour vous. 11 faut prendre Fontarabie à quel-
que prix que ce soit, tant pour l'avantage du service du roy que pour
confondre ceux qui s'y sont mal conduits. Surmontés-vous , je vous
suplie; si j'estois aussy robuste que le coun-ier que je vous envoie,
je serois, en sa place, porteur de ma propre dépesche.
J'escris à mon oncle pour euvoiyer la moitié des poudres qui sont
à Brouage; s'il en faut davantage, on donnera tout.
Le marquis vostre frère m'ayant dicl que l'abbé de S''^-Croix de
Bordeaux estoit fort malade, et que cette abbaye vous accommoderoit
fort , je l'ay demandée au roy pour vous , qui vous l'accorde de bon cœur.
M' le Prince escrit des merveilles de vous, et si Fontarabie se
prend, comme je le tiens pour asseuré, vous serés en plus grande
l'éputation que l'archevesque Turpin.
Je ne vous répète point la liberté que vous avés de mettre vos vais-
seaux en seureté, selon et quand vous l'estimerés à propos, parce
que, outre que Foucaut vous en a porté un ordre exprès, la raison
et la lumière naturelle enseignent à un chacun à ne se perdre pas
de gaieté de cœur. Si le siège dure encores,vous pouvés envoyer vos
' Celte lettre, sans suscription, est la donne de grands éloges à M. le Prince,
réponse à une mi.ssive de l'archevêque de (l'ag- 69 du ms. des Archives.)
Bordeaux, en date du 7 septembre, par " M. le Prince avait ôté cette attaque au
laquelle il rend compte du siège de Fon- duc de La Valette pour la donner à l'arche-
tarabie, accuse le duc de La Valette et vcque de Bordeaux. (Ci-après, p. 175.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 171
vaisseaux où bon vous semblera, et demeurer au siège avec vostre in-
fanterie, car, i« ognimodo, il faut prendre la place, et la saison est
bien avancée pour entreprendre quelque chose cette année par mer.
Tout est remis à vostre discrétion; ce pendant je demeure,
Monsieur,
Votre très affectionné à vous rendre service.
Le Ciird. DE RICHELIEU.
De S'-Quentin, lA septembre i638.
CV.
,\rcli. de l'Empire, K i34, Guyenne, i" partie, p. i65, pièce io4- — Original.
SUSCHIPTION:
A M. LE PRI.XCE',
i4 septembre i638.
Monsieur, quelques
difficultés et traverses qu'on vous puisse donner, je ne sçaurois
croire que Fontarabie ne soit maintenant entre vos mains. Je ne sçau-
rois vous dire le desplaisir que j'ay de voir que M' de La Valette ne
vous contente pas, et marche de la façon qu'il vous plaist me mander.
Le roy m'a faict l'Iionneur de m'escrire qu'il avoil envoyé un com-
mandement à M' d'Espernon de revenir à Plassac, ses déportemens
luy déplaisent, et je ne sais ce qu'il prétend par un tel procédé. Pour
mon particulier je n'ay rien à dire là-dessus, sinon que, comme je
porteray tousjours mes amis dans le service du roy, je ne cognois
personne quand on sort des bornes de ce qu'on doit à l'Estat.
Je l'envoie ce courrier en diligence pour vous porter une lettre en
vertu de laquelle vous aurés la moitié de toutes les poudres qui sont
à Brouage et à la Rochelle; on fera partir vostre monstre dans
3 jours; M' de Noyers et moy avons faict acquitter toutes les lettres
de change que M' l'évesque d'Aire a tirées sur luy pour des blés.
' Cherrc a écrit au liaul de cette pièce : courrier de la moitié du che-
• Cetic lettre n'a pas esté rendue, et le min. • (Leblanc existe sur le manuscrit.)
172 LETTRES
Enfin rien ne vous manquera de ce qui deppendra de deçà, car, à
quelque prix que ce soit, il faut prendre Fontarabie.
On envoiera par le premier courrier les provisions du gouverne-
ment de Fontarabie pour M" d'Espenan. Je ne doute point que son
régiment et celuy de Sérignan n'asseurent bien la place. Ne vous
désolés point pour toutes les traverses qu'on vous donne, et vous
asseurés que je suis et seray à jamais,
Monsieur,
Vostre bien bumble et 1res airectioiiné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De S'-Quentin, ilx septembre.
On fera grande provision de poudre pour l'année qui vient.
On vous envoie encore une lettre pour M' d'Espernon pour vous
laire donner les deux tiers des poudres qui sont dans le chasteau
Trompette au cas que vous en ayés besoin,
Et une autre à M' de S' Simon pour celles qui sont à Blaye.
CVL
Arcb. de l'Empire, K i3^, Guyenne, i" partie, p. 167, pièce 106. — Original.
SUSCRIPTION :
.4 M. LE PRINCE'.
1/4 septembre i638.
Monsieur, Depuis
cette dépesche faicte le Castelet a esté pris de force; ceux qui estoient
dedans, ayant voulu au prorata tenir autant que ceux qui sont dans
Fontarabie, ont trouvé des gens qui n'ont pas eu assez de ilegme
pour attendre qu'ils se voulussent rendre, ains ayant faict jouer une
' Comme à la pièce précédente, Cherré \U septembre n'est, en réalité, malgré la
a mis au haut de celle-ci : «Cette lettre n'a double suscription , qu'un post-scriptum
pas esté rendue. » Cette seconde lettre du de la première.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 173
mine qui a faict brèche raisonnable, ils ont esté emportés de vive
force, quoyque quelques uns l'eussent peu trouver de difficile accès.
Je ne doute pas qu'à l'heure que cette dépesche part, Fontarabie ne
soit rendu, ou que vous n'en ayés faict faire autant. Pour le moins,
.sçay-je bien , Monsieur, que , si vos souhaits et vos vœux ont esté suivis ,
la chose se sera passée ainsy que je le présage, et je sçais de plus
que vous avés trop d'autorité pour ne vous faire pas obéir en affaires
sy importantes à l'Estat, et auxquelles vous savés bien que vous serés
puissamment soutenu de la cour. Je m'offre de bon cœur à estre vostre
second en toutes occasions, et particulièrement en celle-cy; vous le
croirés, s'il vous plaist, et que je suis,
Monsieur,
Vostre bien humble et très aOectionnc serviteur.
Le Card. DE RICHELIEU.
De Saint-Quentin , i 4 septembre.
CVII.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. a6i. —
Original de la main de de Noyers.
A M. DE BULLION'.
De Saint-Quentin , ce 1 4* septembre i638.
Je renvoie à M' de Bullion les arrestz que je désire pour S'-Quen-
tin, tels qu'il les fault, n'y ayant plus rien que cela qui m'arresle icy.
Je le prie de me les renvoyer en diligence. Je ne responds point am-
plement à sa lettre, mais je l'asseure que je suis à luy in omnibus et
per omnia.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Venant de recevoir une lettre de M' le Prince qui m'oblige, pour
les affaires du roy, à envoler le s' Lopès à Danzik, je ne le puis faire
' Cherré a écrit ce nom au dos de cet original, où il n'y avait point de suscription.
174 LETTRES
si vous ne le tirés d'affaires, ne pouvant avoir crédit nulle part tandis
qu'il demeure obéré à Paris. Cest' affaire est de très-grande impor-
tance; je vous prie de n'y perdre pas un moment. Outre que vous le
tirerés d'affaire', il fault encore une lettre de i i cents mil ** pour la-
quelle je consens que vous mettiés entre les mains du banquier qui
donnera la lettre de change toute ma vaisselle d'argent, qui vaut da-
vantaige, si vous ne le pouvez faire autrement.
J'escripls un billet à Des Roches pour vous la faire bailler. Ne
faictes point de difficulté d'en user, car pour le service du roy rien
n'est cher, et les affaires nous pressent.
- M' de Noyers escript pour la monstre de M' le Prince, dont véri-
tablement il a tellement besoing que je ne pense pas qu'il faille perdre
im moment pour y satisfaire.
Je fais ce billet à Des Roches pour luy dire que si M' de Bullion
a affaire de toute ma vaisselle d'argent, blanche et dorée, pour une
affaire dont je luy escripls, il la face porter où il luy dira sans délaya.
CVIII.
Arcli. des A£f. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 263. — Minute.
AU ROY\
Du 1^ septembre i63b.
J'ay diféré ce courrier depuis hier au soir pour pouvoir mander à
S. M. l'effect de la mine du Castelet; ou me vient de mander pré-
sentement qu'elle a faict ^
' Le billet que Richelieu écrit à ce su- Noyers, comme la lettre à Bullion, f* 261
jet à Lopès est noté aux Analyses. v° du même manuscrit.
' Nous plaçons à la fin de la lettre ce ' Cherré a mis au dos de la minute ces
paragraphe, qui se trouve ici en marge deux mots et la date,
sans renvoi. ' * La phrase n'est pas achevée ; le secré-
' Ce billet est écrit de la main de de taire a laissé ici deux lignes de blanc.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 175
M'' le Prince a dépesché un homme du marquis de La Force, du
7' du mois. Il a esté contrainl de donner à M' de Bordeaux l'ataquo
qu'avoit M' de La Valette , dont il se plaint fort , tant parce qu'après
que sa mine eut faict un grand effect il n'y fit point de logement ,
quoyque les ennemis s'en fussent retirés, croyans ne pouvoir delfendre
ce poste, que pour plusieurs autres raisons qu'il n'explique pas. Il
ne se loue pas aussy de M' de S'-Simon, qu'il représente peu eschaufé;
il dict que M' de La Valette est tout changé depuis que M"' d'Esper-
non est retourné en Guienne.
Je suis estonné et outré du procéder de ces messieurs. V. M. a
tousjours cogneu ma passion à son service, si aveugle qu'elle ne
cognoist que sa personne; elle le verra de plus en plus, me remet-
tant à l'entretenir de toutes ses affaires lorsque j'auray l'honneur
d'estre auprès d'elle. Je croy cependant qu'outre la dépesché que Sa
Majesté luy a faict faire', elle doibt envoier un gentilhomme des
siens le faire partir de Bordeaux ou de Cadillac, où il est, et retourner
à Plassac; luy tesmoignant ouvertement le mescontentement que vous
avés de son procéder, et luy faisant cognoistre, quelque excuse qu'il
veuille prendre pour demeurer, que V. M. veut estre obéie.
GIX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, loi. 266. —
Original, sans signature, de la main de Clierré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHA VIGNY,
SXCnÉTAIRE D'UTtT.
De Saint-Quentin , ce i5 septembre i638.
Je suis infiniment aise que mon Limasson'-' ayt tesmoigné qu'il a
plus de cœur que d'économie pour ses affaires.
' Le nom de M. d'Épemon est omis * Son neveu Du Pont de Courlay. On
ici; il y a quelque embarras dans ces lignes, a vu comme ses affaires étaient en dé-
qui sont écrites en marge. sordre.
176 LETTRES
Les victoires du roy me ravissent, ce m'est un contentement ex-
tresme de voir que ce qui est particulièrement sous ma charge face
son devoir.
Si la mer est plus heureuse cette année que la terre, je l'attribue
à la venue de M' le Dauphin , qui a porté bénédiction à l'élément où
les dauphins ont leur règne.
Réjouissés-vous avec ma niepce; la gallère du général a pris une
gallère ;
Et les deux miennes chacune une. Je ne sçaurois vous dire le des-
plaisir que j'ay de la mort du chevalier Des Roches, qui est mort vic-
torieux de la Patronne d'Espagne. Ma niepce aura soin de faire dire
cette nouvelle à madame Des Roches et de la consoller.
' Je vous prie de mander à Renaudot qu'il n'imprime rien de cette
action jusques à ce que je luy envoyé la relation. J'en ay veu une qui
n'est pas bien , en ce qu'elle blesse tous les capitaines de nos gal-
1ères ^.
' Ceci est écrit de la main de Cherré
sur un petit carré de papier coté 267, et
joint à la lettre du cardinal.
' Richelieu la fit corriger et l'envoya le
17a Chavigni (voy. p. 180 ci-après). Elle
se trouve dans la Gazette du 20, avec ce
titre : t Le furieux combat des galères de
Fiance et d'Espagne, arrivé près de Gê-
nes. » Le g'énéral n'y est point oublié : « 11
amis, dit la Gazette, la réputation de son
courage à un si haut point qu'il a tesmoi-
gné par là rien ne luy estre impossible, ni
aucun péril considérable, lorsqu'il s'agit de
servir le roy.» (Pag. 537.) Et, le a4, la
Gazette publiait , dans un extraordinaire ,
une seconde relation, où on lit que «la
mer a paru tout autour, pendant quelques
heures, rouge du sang des corps meurtris
et précipités dans ce vaste élément. » On
y nomme plusieurs officiers qui « y firent
des faits d'armes incroyables , » on y cé-
lèbre « la constance au milieu des périls ,
le courage dont le marquis Du Pont de
Courlé. . . usa pendant ce rude et périlleux
combat; se faisant avouer par amis et en-
nemis digne de toucher de consanguinité
au premier des ministres de la France. »
(P. 55o.) Richelieu a voulu consigner,
dans cette relation, ce fait, qui peut servir
à l'histoire de la justice du temps, que,
deux forçats ayant été mis en liberté pour
prix de leur héroïque courage , « on a razé ,
et mis à la chaisne , en leur place , quelques
officiers qui , n'ayans pas fait leur devoir,
empeschèrenl que la victoire ne fust aquise
avec moins de perle de nostre costé. »
(Pag. 55 1.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 177
ex.
Arcl). des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 277. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU Ror.]
De Saint-Quenlin, ce 17* septembre i638.
Le Castelet^ s'est trouvé rneilleur qu'on ne pensoil; les Espagnoiz
l'avoient bienaccomodé, et asseurément, y ayant un bon et brave gou-
verneur, et estant remis en Testât auquel on le remettra, ce sera une
place qui tiendra lin mois. J'adjouste six sepmaines par l'avis de
M' du Hallier^. Elle est fort deslabrée, mais elle se peut remettre
en bon estât.
M'"du Hallier a*fort bien servy en cette occasion là, et je ne doute
pas qu'il ne face de mesme aux autres qui se présenteront. Il s'est
trouvé plus de gens tuez à la prise de la place qu'on ne pensoit. Le
nombre va jusques à cinq cens.
Le gouverneur est prisonnier en cette ville. Il est accompagné de
celuy qui devoit commander après luy, le sergent major de la place,
qui est Espagnol, un autre sergent major des Wallons. Il y a encore
six ou sept cappitaines wallons et autant d'alfiers*. Nous les faisons
ramasser soigneusement pour les eschanger avec ceux que les enne-
mis tiennent.
Colas, qui a le régiment de Rampsau, a pris cent soixante Ale-
niands en son régiment qui ont faicl serment.
Voy. ci-dessus p. 100, note a. • choses, et pique tellement un cliacun de
On dut en partie à Richelieu lui- ce qu'il doibt au service du roy, qu'il n'y
même la prise de cette place, si l'on en a pas un homme d'honneur dans les ar-
croit ce passage d'ufte lettre de de Noyers mées qui ne se jettast dans un feu pour
àChavigni,du 1 5 septembre : «Je ne pus lesmoigner au roy son zèle et sa fidé-
hier vous escrire estant avec S. Em. lors- lilé... ».(IVIs. cité aux sources, (° 27a.)
qu'elle" manda au roy la prise du Caste- ' Cette petite phrase est écrite à la
let. Sa présence l'a en vérité faict prendre marge,
d'assault, car il veille tellement sur toutes ' Enseignes, mot italien : aljieri.
CARDIN. DE RICUELIED. — Tl. . l'S
178 LETTRES
Valmont a pris aussy environ soixante Liégeois nalurelz du pays.
Comme il est impossible d'empescher le pillage aux soldats, ilz
niixent le feu dans des huttes qui esloient couvertes de paille; mais le
dommage n'a pas esté grand.
On commence aujourd'huy à faire la monstre de l'armée de M" le
mareschal de La Force; dans un jour ou deux celle de M' du Hallier
sera en mesmc estât.
Dans six ou sept jours la place sera raccommodée comme on la
peut mettre cet hiver.
M. de INoyers vient de recevoir une lettre de M' de Champigny,
qui est en Provence, qui mande que le combat des gallères a esté en-
cores plus grand que le s' baron de Saint-Jusl ne l'a rapporté. Il escril
que les gallères des ennemis qui sont retournées à Gènes sont des
corps sans âmes, tous les hommes qui estoient «dessus estant tous
perduz.
M' de La Valette vient d'envoyer iey son cscuyer pour me faire
cognoistre le desplaisir qu'il a de l'ordre que M' le Prince luy a donné
de quitter son attaque et d'aller faire teste aux ennemis , après avoir
réduit Fontarabie aux abois, représentant que M'' de Bordeaux ne le
prendra pas par d'autres moyens que ceux qu'il a proposez et qui
sont selon l'ordre de la guerre. Qu'il luy seroil insupportable qu'un
autre aille recueillir le fruict de ses labeurs et de ses soins, s'il ne
préféroil l'avancement du service du roy à toutes autres considéra-
tions. Ces messieurs sont admirables en beaux discours, et sy peu
effectifs en leurs opérations, que j'en ay houle. Il fera bon ouïr
cet hiver M' le Prince sur ceux qui ont bien ou mal faict.
Pourveu que Fontarabie se prenne, comme je n'en doute point,,
il sera bien aisé de mettre ordre aux affaires pour l'avenir.
M"^ du Hallier a esté d'avis de mettre Rambure dans le Castelet,
en attendant que Bellefonds soit de retour. Il plaira à Vostre Majesté
faire envoler les provisions du dict s' de Bellefonds.
On est bien empesché de trouver un lieu où les armées de Vostre
Majesté puissent sidjsister dans le pays ennemi jusques au temps
DU" CARDINAL DE RICHELIEU. 179
qu'ii les faudra mettre en garnison. Dans trois ou quatre jours j'en-
voyeray à Vostre Majesté ce qui se pourra faire sur ce sujet.
Je viens d'aprendre comme Vostre Majesté est entièrement guérie
de sa fiebvre, dont je loue Dieu de tout mon cœur, avouant que cette
indisposition medonnoit plus de peine que je ne sçaurois représenter.
M"" de La Force me vient de mander que l'armée des ennemis est
descampée dès le point du jour. M' d'Arpajon escrit qu'il estoit d'avis
qu'on la suivist, mais M' de La Force ne l'a pas estimé à propos.
Vostre Majesté ne doit rien espérer de ce costé-là.
11 est cerlam que les ennemis n'ont pas plus de trois mil cinq cens
chevaux, et huict à neuf mil liommes de pied.
La response que m'a faicte M' le prince Thomas, sur ce que je luy
avois escrit touchant le quartier des-régimens d'Espagny et de Fou-
quesoJles, est qu'ilz veulent avoir huict hvres pour chacun soldat et
dix solz par jour pour leur nourriture; ce qui monte à soixante et
quinze mil livres pour douze cens hommes qu'ilz disent avoir. Je luy
ay respondu qu'il n'y avoit point d'aparence de faire payer la nourri-
ture des soldats qu'on retenoit par force après avoir offert leur quar-
tier depuis un long temps, et auxquelz on né donnoit qu'un simple
pain de munition. Je l'ay prié de me faire une dernière response,
après laquelle Vostre Majesté ordonnera à ses généraux, tant de
terre que de mer, ce qu'ilz auront à faire ensuitte du procédé qui
sera gardé de leur costé.
CXI.
Arch. des Aff. élr. France , i638, d'août en décembre, loi. 281. —
Original, sans signature , de la main deCberré et de la main du cardinal.
[A M. DE CHAVIGNI'.l
De Saint-Quentin , ce 1 7 septembre.
Monsieur de Noyers ayant la charge de la guerre et moy celle de
' Voy. la note de la page 112, ci-dessus.
23.
180 LETTRES
la mer, les courriers qui viennent des armées s'adressent à l'un ou à
l'autre, et ainsy quelques-uns passent par Paris sans dire ce qu'ils
apportent, ce qui retarde qu'on le puisse sçavoir à la cour qu'un jour
ou deux après leur passage. Pour y donner ordre, il faut dire à
M' de Nouveau qu'il ne laisse point passer de courrier par Paris qu'il
n'aille premièrement rendre compte de son voiage au roy, quand il
y a de bonnes nouvelles. Vous prendrés garde, s'il vous plaist, que
Houdinière, ou autre qui apportera la nouvelle de Fontarabie, face
le mesme.
^ Le frère bastard de madame de Cbaulnes, nommé Saint -Fucien ,
est à l'extrémité; il a une petite abbaye ou prieuré qui vaut 7 à
800**. M' de Chaulnes la demande pour un de ses enfans. Je ne croy
pas que Sa Majesté le voulût donner à un autre; je l'en ay fort as-
seuré, cependant il dit que l'on l'est allé courre ; mais quand Sa Ma-
jesté auroit este prévenue, elle a tout lieu de s'excuser de tout en-
gagement, veu qu'il n'est pas mort, et que c'est un faict privilégié.
Cette affaire met en peine ce bon duc, non tant pour l'importance
de la pièce, comme vous pouvés croire, comme pour le descrédi-
tement.
Je m'en vas aujourd'buy à Magny, le Caslelet estant pris et le
mauvais air me chassant d'icy. Je ne saurois vous dire le nombre des
malades que j'ay; mais, grâces à Dieu, les principaux de ceux qui
sont avec nioy tiennent bon.
Je me trouve bien empesclié^, car encores que je sois bien inutile
partout, beaucoup et presque tous les officiers de l'armée disent que
si je ne fusse demeuré icy après le roy, il n'en fust guères demeuré
dans l'armée.
Au reste, comme il est impossible de rien faire faire de bon à cer-
taines gens, il l'est aifssy de les empescher de faire mal, si on n'est
proche d'eux pour les en destourner à certains momens où ilz sont
capables de prendre des résolutions qui auroient mauvaises suittes.
Je vous envoie la relation du combat des gallères, comme il la
' Ici le cardinal a pris la plume. — ' Le reste de la lettre est de la main de Clierré.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 181
faut donner à Renaudot; je l'ay faict corriger en certaines choses qui
blessoient tous les cappitaines en générai, sans exception de ceux
qui ont le mieux faict. :
En escrivanl ces lignes, je viens d'apprendre par M"^ de Noyers la
misère de Fontarabie; j'en suis outré, elle me perce le cœur et je
ne vous en puis dire davantage.
CXII.
Arch. des AÉF. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 280. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTIO.N :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SEGRÉTAIRr D'ESTAT, À ClIANTILLT.
De Saint-Quentio , ce 1 7 septembre 1 638.
Je renvoie ce gentilhomme exprès pour éprendre des nouvelles de
la santé du roy arrivant à Chantilly. Elle m'est sy chère que je n'au-
ray point de contentement que je ne sache qu'il se trouve bien de
son voiagc.
Ayant veu ce que M' le Prince mande sur le sujet de Fontarabie,
je suis hors de moy. Cette affaire est de grande considération. Je
vous prie me mander les sentimens de Sa Majesté, et de tous vous
autres mess" qui estes auprès d'Elle. Je prie Dieu de tout mon cœur
que tous les mauvais François puissent estre cogneuz et chastiez
comme ilz le méritent.
182 LETTRES
CXIII.
Arcli. des AU. élr Franco, i638, d'août en décembre, fol. 276. —
Original , sans signalûre, de la main de Clierré.
[AU ROI'.]
De Saiiit-f}uentin, ce 17 septembre i638.
La douleur de Fonlarabie me lue.
Sa Majesté verra une lettre que je luy envoie de M'' le Prince"^, et
la conservera, s'il luy plaist, jusques à mon retour. Si j'avois un autre
moy-mesme qui ne fist pas son devoir au service de Sa Majesté, je
serois contre hiy, et partant je la supiie de croire que, quelque ré-
solution qu'elle prenne, je l'y serviray avec la niesme passion et fidé-
lité que j'ay faict par le passé en toutes occasions. Je voudrois pou-
voir estre en deux lieux, mais si présentement j'abandonnois ces
quartiers icy, je craindrois que, dans ce mauvais bruict, ceux qui
sont de deçà prissent un nouvel esbranlement.
L'armée des ennemis a décampé. M' d'Arpajon, qui est icy pré-
sent, se plaint de ce qu'on n'a pas voulu la suivre en sa retraitte.
Quelques escarmoucheurs ont dicl à Gassion qu'ils avoient main-
tenant des affaires du coslé de Bruxelles; cela donne quelque créance
à un bruict qui court d'un grand combat gagné par les Holiandois.
Si cela est, aussy tost que j'en seray averty, je tascheray de faire en-
treprendre quelque chose de nouveau, sçachant que c'est l'intention
de Vostre Majesté.
Revenant à Fontarabie, on n'a jamais veu qu'un lieutenant général
voyant le quartier de son général attaqué ne l'ait secouru. Le cœur
m'en saigne.
' Voy. la note 2 de la page 100, ci-dessus. — ' Cette lettre n'est pas dans ce nianuscril.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
i8;i
ex IV.
i638, d'août en déccmbie, loi. 28^.
Arcli. des AIT. étr. France,
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[AU ROI'.]
De Magny, ce 18 septembre i638.
J'envoie à Sa Majesté la relation du lèvement de siège de Fonta-
rabie ^ qu'il est important quelle voye pour se mieux résoudre à ce
qu'il faut ("aire ensuitte d'une telle action. J'estois hier si estourdy de
ce coup que je ne sentois pas la douleur de mon mal. Aujourd'hiiy
je la^ ressens d'autant plus que plus j'en considère la cause et les
suittes. Je suplie Dieu de tout mon cœur qu'il arrcste le cours de telz
malheurs, consolle M"^ le Prince, qui a faict tout ce qu'il a peu en
cette occasion, et punisse ceux qui ont contribué à un sy mauvais
événement. Quand je sçauray les sentimens de Sa Majesté on ne per
dra point de temps à faire ce qui sera néce.ssaire pour arrester le cours
des suittes de cet accident dont jay le cœur percé*.
■ ' Vôy. ci-dessus, p. 100, note 1.
^ \\ faut remarquer que cette relation
était faite par M. le Prince (ci-après, p. i85).
' Les distractions de la dictée se mon-
trent à tout moment dans rincorrection et
les négligences de ce style ; nous nous bor-
nons à les signaler de temps en temps. Il
y a dans celle ligne deux /a dont le rapport
diiTérent rendrait la phrase presque inin-
telligible, si la force du sens ne corrigeait
l'ambiguïté des mots.
' Le roi ne perdit pas de temps non
plus à faire connaître, sa volonté. Clinvi-
gni , qui était auprès de S. M. à Chantilly,
écrivit au cardinal, le 19 septembre; il lui
disait la colère du roi, et ajoutait : « S. M.
estime qu'ensuite il faut mander M' de La
Valette pour luy venir rendre compte de
ses actions sur les mauvais rapports qu'on
luy a faits de ses comportemens à l'ar-
mée. . . S'il n'obéit pas à cet ordre , ce sera ,
en quel(|ue façon, advouer sa faute, et il
y aura lieu en ce cas de procéder contre
luy comme contre une personne qui a au
moins négligé de rendre le service qu'il
pouvoit, et qui, par son peu d'affection
et de soin a esté cause, en partie, du mal-
heur qui est arrivé à Fontarabie. La pen-
sée de S. M. seroil de prendre cette occa-
sion pour oster le gouvernement de la
Guyenne à M. d'Espernon .. Ce sont les
véritables sentimens de S. M. qui seroit
bipn aise que monseig' luy mande ses avis
sur ce sujet, lesquels elle est résolue de
suivre, comme en toute chose • (Ms.
cité aux sources, P 290.) On exila le duc
d'Epernon dans sa maison de Plassac, sans
fui ôler le litre de gouverneur de Guyenne;
toutefois on le suspendit de ses fonctions et
on en donna la commission au prince de
184 LETTRES
cxv.
Arcli. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 286. —
Original, sans signature, de la main de Cherré. —
La minute, de la main de Citoys, est au volume suivant,
années 1 638 et 1689, fol. 27.
[A M. DE CHAVIGNr.]
De Magni, ce 18' septembre i638.
Je VOUS envoie la relation de ce qui s'est passé au ièvement du
siège de Fontarabie, laquelle il est impossible de lire sans horreur.
Sa Majesté en entendra, s'il luy plaist, la lecture tout au long.
J'ay compassion de M' le Prince, qui a faict tout ce qu'il a peu, et
pendant tout le siège et en celte malheureuse rencontre. Il est besoin
de le consoUer et de pourvoir promptement au désordre où est sans
doute la province à laquelle est arrivé ce désastre. Vous me ren-
voyerés, s'il vous plaist, cette relation après que Sa Majesté l'aura
leue, afin que, sur icelle et ses volontés que vous me ferés sçavoir,
on dresse ce qui sera nécessaire en cette occasion.
CXVI.
Arch. de l'Empire, K 184. Guyenne, 1" partie, i638, p. i43, pièce 23'. —
Minute de la main de Cherré.
A M. LE PRINCE.
A Magny, 20 septembre' [ i638].
Monsieur, Je ne
vous dis rien de l'affliction que le mauvais événement de Fontarabie a
Condé. Quant au duc de La Valette, Riche- ' Voy. ci-dessus , p. 112, noie,
lieu ne se borna pas à cette accusation de * A la suite de celte minute est écrite celle
négligence et de peu d'affection ; on sait la d'une lettre à M. de Bordeaux, et Cherré a
suite : accusé d'un crime deléze-majesté, le mis au dos de la feuille : t M. M. le Prince
duc de La Valette fut condamné à perdre la et de Bordeaux, du 21 septembre i638. »
tête par une commission que présidait le Celte annotation tient lieu de suscriplion.
roi lui-même. Leduc avait prévu cette se- La lettre adressée à M. de Bordeaux sera
vérité et s'était réfugié en Angleterre. mentionnée aux Analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 185
apporté au roy el à ses serviteurs qui sont de deçà , parce que cela
ne serviroit qu'à augmenter la vostre. J'aime mieux vous tesmoigner
que S. M. ne mesure pas les intentions par les événemens. Elle
est très satisfaicte du zèle avec lequel vous avés désiré faire réussir
vostre entreprise, el sçait bien que vous n'avés rien omis de ce que
vous avés jugé nécessaire pour en avoir une bonne issue. Elle a lu
la relation que vous avés envoyée à M' de Noyers, et désire avec
telle passion en avoir esclaircissement, qu'elle vous prie. Monsieur, de
n'oublier aucune chose de ce qui deppend de vos soins pour qu'elle
puisse en avoir une lumière certaine. M' de La Valette a envoyé ex-
pressément icy sur ce sujet. J'ay dict franchement à son gentilhomme
qu'il estoit besoin qu'il se justifiast des impressions que son procédé
lent et froid a données à beaucoup de gens. L'afl'aire est mainte-
nant en ces termes, et vous cognoistrés, je m'asseure, que la seule
justice et la raison auront faveur auprès du roy. Pour moy, Mons',
je vous supplie de croire qu'outre l'intérest public je prends part à
vostre desplaisir pour l'amour de vous-mesme, et que je suis etseray
tousjours. . .
ex VII.
Arch. de l'Empire, K i3/i, Guyenne, i" partie, i638, p. i/i5, pièce a4',
préparée par Cherré pour la signature '.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
Du 3 1 septembre i638.
Monseigneur,
Je ne doute point que vous n'ayez le cœur percé du malheur qui
est arrivé à Fontarabie, et, qui plus est, de ce que les premiers bruits
l'imputent à M' de La Valette, comme vous verres par la copie de la
relation que M' le Prince en a envoyée. Je ne sçaurois croire qu'il
soit coupable en ce sujet; mais je suis au désespoir qu'il n'ait sur-
' Le cardinal ayant efFacé et ajouté quelques mots, la lettre a été écrite de nouveau.
CABOIN. DE BICHELIEC. — VI. 3 4
186
LETTRES
monté la lenteur de son naturel pour, en réparant le cours de i636,
donner une telle cognoissance de son affection et de son zèle au ser-
vice du roy, que personne n'eust lieu d'en douter. En Testât qu'est
l'affaire, M' de La Valette seroit le plus perdu homme du monde s'il
ne se purgeoit de ce qui luy est mis à sus. Je luy en escris de la
sorte, et qu'il est besoin qu'il vienne trouver le roy pour cet effect, à
quoy il s'esloit offert de luy-mesme. S'il est innocent, il trouvera force
amis, et je m'asseure qu'il sera satisfaict de mon assistance; s'il ne
l'est point, ny vous, ny moy ne voudrions pas le soustenir en une telle
faute, dont je désire et ne doute pas qu'il ne se purge '. Quoy qui ar-
rive. Monseigneur, vous croirés, s'il vous plaist, que je suis et seray
tousjours sans changement^,
Monseigneur,
Vosire très bumble et très affectionné serviteur.
cxvin.
Arch. de l'Empire , K 1 34, Guyenne, i" partie, i638, fol. 147, pièce 35'. —
Mise au net de la main de Cherré.
A M. DE LA VALETTE'.
[21 septembre i638.]
Monsieur, Si le mauvais événement du siège de Fontarabie m'a
surpris, je ne l'ay pas moins esté du bruict qui s'est espandu que vous
en estiez la cause. Dans l'affliction que j'en ay receue, les lettres qui
m'ont esté rendues de vostre part par le s'' de Hauniont ne m'ont
pas apporté peu de consolation, en ce qu'elles m'ont faict cognoistre
' Pour qui connaissait Richelieu celte
lettre était peu rassurante. Chavigni écri-
vit en confidence au cardinal de La Valette
que les mauvais ofHces des ennemis du
duc avaient prévalu auprès du roi el du
cardinal (voy. p. i83, note 4); il lui en-
voyait le projet d'une lettre très-soumise,
fi écrire à Richelieu , dans laquelle il aban-
donnait à peu près la cause désespérée
de son frère. (Lettre du a 5 sept. A£F. étr.
Turin, l. a6.)
' Les mots « sans changement, » ajoutés
de la main du cardinal.
' La signature, la suscriplion et la date
manquent; mais on lit au dos : «Copie de
la lettre de M^ le cardinal à M. de La Va-
lette. » Quant à la date, elle doit être la
même que celle de la lettre précédente.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
187
que vous ne prétendes autre protection que celle de vostre innocence '.
Il est vray que le faict dont il s'agit est de telle nature que vous con-
damneriés vous-mesme , je m'asseure, tous ceux qui voudroient as-
sister une personne qui en seroit coupable; le roy désire que vous ve-
niés luy rendre compte de vostre conduite, en ce qui est de tout le
siège de Fontarabie; c'est la mesme chose (jue vous souhaittés et
que vos amis peuvent désirer pour vostre justification. Ce pendant je
demeure^. . .
CXIX.
Arcli. des Affr. élr. France , i638, d'août en décembre, fol. »97. —
Original, sans signature, de la main de Clierré.
[A M. DE CHAVIGM'.]
De Magoi, ce 23' septembre i638.
La lettre de M" des Estatz est assez impertinente; ces bonnes gens
parlent de ce qu'ils ne sçavent pas. Il ne leur faut point faire de res-
ponse, niais bien escrire à M' d'Estampes ce que je vous ay mandé, et
luy donner charge de leur parler en conformité, de la part du roy.
En un mot, il est besoin que tout le monde sache que le roy a
lousjours voulu et veut bien encore donner à la reyne sa mère une
pension convenable à sa dignité, pourveu qu'elle soit en lieu non
suspect *.
' Le mémoire dressé par Richelieu la
veille du jour où il écrivait cette lettre
nous dit nettement sa véritable pensée sur
l'innocence du duc de La Valette; cette
pensée, le duc n'avait pas besoin J'avoir
lu le mémoire pour la deviner. Il savait,
d'ailleurs, avec quel ressentiment le prince
de Condé le poursuivait, et il était bien
assuré, s'il venait à Paris, de n'y trouver
qu'une condamnation.
' Clierré a écrit au dos de cette pièce :
• M. de Chavigny renvoiera ces deux let-
tres. • (Celle-ci, et sans doute aussi celle
du même jour, écrite au cardinal de LaVal-
letle.)
' Voy . la note de la page 1 1 o, ci-dessus ,
du a5 août.
* Nous avons dit, p. i63, comment la
reine mère avait été reçue en Hollande;
l'envoyé de France à la Haye, M. d'E-
tampes , mandait encore , dans une leUre
du 20 septembre, qui ne pouvait pas être
arrivée à Paris lorsque la présente missive
fut écrite : « La princesse d'Orange s'est
laissée entièrement gaigner aux carresses
extraordinaire» de la reyne mère. . . Le Co-
24.
188
LETTRES
Il faut dire franchement que Sa Majesté ne la peut recevoir en
France, ayant les intelligences qu'elle a avec l'Espagne.
Que pour la mcsme raison sa dicte Majesté ne doit pas désirer sa
demeure dans le pays de M'* les Eslatz, estant certain que, tandis
que la France et les Estatz seront conjoints contre l'Espagne, ny l'un
ny l'autre n'ont pas besoin d'un tel hoste. Mais que pour faire voir que
Sa Majesté ne cherche pas d'excuses pour l'empescher de rendre à la
reyne sa mère ce qu'il a tousjours désiré, si elle veut aller à Fleu-
rance, qui est son lieu natal, et où le grand-duc la recevra avec con-
tentement. Elle luy donnera volontiers de quoy y soustenir sa des-
pense honorablement.
Sa Majesté ayme sa personne, mais l'expérience luy a faict cognoislre
qu'elle en doit apréhender les humeurs et particulièrement celles
des mauvais esprits qui sont auprès d'elle.
Voilà comme vous devés parler à l'ambassadeur de M'* les Eslatz
qui est icy, et comme M' d'Estampes doit agir aussy de son costé.
M"" de Grammont a envoyé icy un gentilhomme qui asseure qu'il
n'y a pas plus de 700 morts et 800 prisonniers, ce qui me consolle
un peu en l'imagination que j'avois eue d'une bien plus grande perte
d'hommes, le gentilhomme de M' de La Valette m'ayant dict qu'il y
avoit 3 ou 4,000 prisonniers.
Le dict gentilhomme de M" de Grammont asseure de plus que
M' le Prince a faict faire la reveue de ses troupes depuis ce malheur,
et a trouvé près de douze mile hommes de pied. Cela faict bien co-
gnoislre qu'il y a eu de très-mauvais cappitaines en ces quartiers-là,
puisque douze mile hommes se sont retirez devant une armée où il
gneiix et Fabroni ont esté si iinprudensque
de parler indignement de M^' le cardinal,
en sorte que des personnes principales
de M" des Estats en ont rougy. . . les plus
sages voudroient que la reyne n'y fust
point allée. . . M" d'Amsterdam luy ont faict
un présent d'un bassin et d'une aiguière
dor. .,;.» (Copie; ms. cité aux sources,
f 293.) — M. d'Élampes instruisait exacte-
ment M. de Bellièvre de ce qui se passait en
Hollande à l'occasion du voyage de la reine
mère et des dispositions qui se faisaient
pour le passage de cette princesse en An-
gleterre. (Voy, spécialemcntdeuxleltresori-
ginales, des 1 let iSoclob. Bibl.imp. fonds
Saint-Germ. Harl. 364'% f iA6, i/i8.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 189
n'y en avoil pas plus de sept ou huict miie, et ont laissé perdre leur
canon et leur bagage. La première desroute est de Dieu, et la se-
conde peut eslre attribuée à l'incapacité de tous les cliefs. Vous ferés
voir, s'il vous plaist, au roy la coppie de la lettre que j'escris à M' de
La Valette, et celle que j'escris à M' le cardinal, que vous luy envoye-
rés puis après par le premier courrier que vous luy dépescherés.
P. S. ^ Il faut mander à Renaudot qu'en parlant dans ses gazettes
du lèvement du siège de Fontarabie il exprime la perte des morts à
cinq ou six cens et autant de prisonniers, avec dix canons; ensuitte
de quoy Renaudot n'oubliera pas à remarquer que nous en avons pris
cinq ou six cens cette année, et autant qu'on leur en a faict perdre
dans la mer.
CXX.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. 3o5. —
Original, .sans signature, de la main de Clierré.
[A M. DE CHAVIGNL]
De Magny, ce i a* septembre 1 638.
Je ne sçay quel ordre ceux que Monsieur a employez dans ses gou-
vernemens ont donné avec le com" Renard aux recreues qu'il a faict
faire. On les avoit destinées pour joindre à M"' de Bellefonds, et ce-
pendant il n'y en a point encores d'arrivées, et nous n'avons nouvelles
que d'une petite trouppe qui marche. Vous ferés, s'il vous plaist,
toutes diligences pour faire que ces dites recreues de deux mil hommes ,
et qu'on devoit joindre avec autres douze cens que Renard levoit
ailleurs, marchent promptemeilt à M' de Bellefonds, qui en a besoin
pour réparer les désordres qu'on a laissé faire en Lorraine.
Il sera besoin de mander à ceux qui ne seront point encores passés,
' Nous mettons en post-scriptum un marge du dernier paragraphe, sans indi-
passagc placé, dans notre manuscrit, à la cation de renvoi.
190 LETTRES
qu'ilz envoyent prendre des amies à Paris, que le s' Mauroy leur fera
fournir, suivant l'ordre que M'' de Noyers luy en a envoyé, afin que,
sans crainte des paysans, ilz aillent droit à Toul en diligence.
M" de Chaunes et de La Melleraie viennent de partir pour aller
trouver M" de La Force et du Hallier, pour faire joindre leurs armées,
et voir avec eux les lieux où on les pourra faire subsister jusques à
ce qu'on mette les troupes en garnison.
J'ay aussy renvoyé pour une dernière fois le trompette du roy
trouver M'^ le prince Thomas et Picolomini pour faire résoudre la
deslivrance des prisonniers qu'iiz tiennent et [de] ceux que nous
tenons, qui sont jusques au nombre de 3oo, de ceux du Castelet,
sans les officiers.
Aussy tost que j'auray response de M" de Chaunes et de La Melle-
raie sur la jonction des deux armées, et des lieux où elles demeure-
ront jusques à ce qu'on les sépare pour prendre les quartiers d'hiver,
je partiray pour aller trouver Sa Majesté, satisfaisant à la passion que
j'ay d'estre auprès de sa personne.
Je fais estât d'eslre saniedy à coucher à Mouchy, dimanche à Noinlel,
et lundi je seray à Chantilly, où je fais estât de coucher deux nuits,
s'il plaist à Sa Majesté m'y donner hébergement, ce dont je ne suis
pas en doute.
11 y a un ex" de Flandres à Paris. Je ne sçay si vous avés donné
l'ordre d'envoyer tous les pacquets bien fermés entre les mains de
M' le nonce, et de luy faire dire que, bien que nous peussions les ou-
vrir par droit de représaille des nostres, qu'ils ont pris et ouvertz en
Italie, le roy n'en veut pas user ainsy, mais bien les luy remettre
entre les mains pour qu'il les garde jusques à ce que nous ayons as-
seurance qu'ils lairront passer les nostres en Italie, ainsy que nous
laissons passer les leurs en France. Par ce procédé M' le nonce verra
la bonne foy qu'on garde en France et le respect qu'on porte à S. S.
Je croy, pour cette fois, qu'il faut laisser passer l'ordinaire , qui peut
estre maintenant arrivé à Paris, afin de ne nous priver pas cependant
de l'avantage que nous tirons des dicts courriers.
DU CARDINAL DE RICHELIKU. 191
CXXI.
Arch. do l'Empire, K i34, Guyenne, impartie, i638, p iSg, pièce 22'. —
De la main de Cherré.
COPIE D'UN MÉMOIRE ENVOYÉ A M. DE CHAVIGNY,
SUR LE SUJET DE M" D'ESPERNON ET DE LA VALETTE'.
22 septembre i638.
H faut une lettre du roy à M' de La Valette, signée de M' de La Vrillière^, s'il
est auprès de S. M. telle qu'il s'en suit :
Mon Cousin, les mauvais bruits qui courent à son préjudice sur ce
qui s'estoit passé pendant le siège de Fonlaraliie, et les protestations
qu'il faicl de son innocence, lui donnent lieu de luy commander de le
venir trouver, pour justifier sa conduite et luy rendre compte de ses
actions. Je prie Dieu qu'elles ayent esté telles que je les ay deu attendre
d'une personne de vostre condition , et qu'il vous ayt en sa sainte garde.
Il faut une lettre à M' d'Espernon telle qu'il s'en suit :
Mon Cousin, vostre retour de Plassac à Cadillac sans mon sceu
m'a desjà donné lieu de vous escrire que vous revinssiés au pre-
mier lieu où j'avois désiré que vous demeurassiés, ainsy que vous
l'aurés veu par mes dépesches du S""* de ce mois. J'adjouste maintenant
que ce qui s'est passé au siège de Fonlarabie me donne encore plus
de sujet de vouloir la mesme chose , afin que , n'estant pas en Guienne ,
l'esclaircissement que S. M. pourroit prendre de la conduite du duc
de La Valette fust d'autant moins suspect que ceux qui en auroient
' La matière de ce» diverse» lettres à pièce. Ce volume est fait sans ordre; il
préparer pour la signature du roi était semble que le relieur ait assemblé ces
donnée à la liâle; Richelieu se sert aller- feuillets pêle-mêle.
nalivement et comme au hasard, de la ' Nous avons dit (p. xiv de la préface
première et de la troisième personne. de ce recueil) que Richelieu faisait contre-
Dans le manuscrit des Archives, ces deux signer par Ips secrétaires d'état des lettres
pièces, ainsi que l'avis de la levée du siège que lui-même avait écrites pour le roi.
de Fontarabie (ci dessus), sont mises à la Nous en notons seulement quelques exem-
suite l'une de l'autre et cotées sous un seul pies en passant.
n° 23, comme si ce n'était qu'une seule
192 LETTRES
cognoissance auroient plus de liberté de dire ce qu'ils en sçauroient
en leur conscience. Revenés-vous-en donc, incontinent la présente
reçue, à Plassac, pour y demeurer jusqu'à ce que vous receviés autre
ordre de ma part. Ce pendant, etc.
11 faut une autre lettre à M"^ le Prince, qui luy donne cognoissance des deux
lettres ci-dessus dont on luy envoyera copie, et porte :
Que S. M. désire qu'il demeure en Guienne et gouverne cette pro-
vince en vertu de la commission qu'on luy envoie à cette fin, et que,
parce qu'il est du tout important que S. M. cognoisse clairement ceux
qui ont bien ou mal faict au siège de Fontarabie, Elle désire qu'il
luy en fasse sçavoir ce qu'il en sçait en sa conscience avec une claire
justification de ce qu'il mettra en avant.
Qu'aureste Elle remet à son jugementde mettre les troupes en garni-
son aux lieux où il l'estimera plus à propos tant pour la seureté de la
firontière que pour les refaire , en sorte qu'au printemps elles soient en
estât de le servir plus heureusement qu'elles n'ont faict cette campagne.
CXXII '.
LE PAHFAICT RELIGIEUX EN LA CODr', p. 76.
[AU R. P. FERNANDEZ\ CONFESSEUR DE LA REINE.]
25 septembre i638.
Mon père, la lettre que vous avés pris la peine de m'escrire sur
' Nous conservons celle lellre parce relicjieiix dans le chisire et dans la cour,
qu'elle nous donne l'occasion de faire con- pracitquée par le /}. P. François Fernandez,
naître un personnage dont nous ne croyons cordelier observantin , confesseur de la Reyne
pas qu'aucun mémoire du temps ait parlé , très-chrestienne Anne-Maurice d'Austriche. . .
et qui, après avoir rempli, pendant Ion- par le P. Ch. Magnien, docteur en théo-
gues années, des fonctions délicates à la logie de la Faculté de Paris, vicaire au
cour de Louis XIII, n'aurait pas même grand couvent des p. p. cordéliers de la
laissé son nom, si un religieux de son mesme ville. 1 vol. in-i2, 1 654, Est. Pé-
ordre n'eût écrit sur sa vie un livre qu'on pingué.
ne trouve plus aujourd'hui. ' Ce cordelier de l'Observance, né à
' La vie illustre et exemplaire du parfaict Laejos , dans la Vieille-Castille , en i558,
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
193
la naissance de M"^ le Dauphin, ne m'a pas apporté peu de joye,
apprenant par icelle Testât de sa bonne santé, et l'espérance qu'il
donne de se faire bien nourrir, qui est la chose du monde que je
souhaite plus ardemment, et pour l'avantage de la France, et pour
le contentement de LL. MM. Je vous remercie du soin que vous
avés eu de me faire part d'une sy bonne nouvelle , vous conjurant de
croire que vous ne la pouviés donner à personne qui vous ayme, ny
qui soit plus que moy,
Mon père,
De Magny, ce 26 septembre i638.
Vostre Irës affectionné à vous servir.
Le Gard. DE RICHELIEU.
NOTA.
La mauvaise issue du siège de Fontarabie avait profondément irrité Richelieu.
Elle le surprenait dans le moment où il avait le plus de besoin de succès, et pour
conserver la faveur d'un roi qui ne lui pardonnait pas les revers, et pour apaiser
le mécontentement du peuple, fatigué des souffrances que lui infligeait la guerre.
La conquête de Fontarabie était donc alors pour Richelieu non-seulement une
entreprise d'une grande importance politique autant que militaire , c'était encore
s'était fait une grande répulation de pii^té
et d'excellent religieux dans son ordre.
Lorsquelajeune infante épousa Louis XIII,
le roi d'EspagDe lui donna pour confes-
seur le père François de Arrivas, et pour
le suppléer, en cas de nécessité, le père
Fernandez. Le premier ayant été nommé
évêquede Ciudad-Rodrigo.la reine mit en
sa place le père Fernandez, le a a janvier
i6aa; il conserva ses fonctions jusqu'à
son décès, arrivé le 9 janvier 16 53. 11 mou-
rut dans sa cellule, au grand couvent des
Cordeliers , qu'il n'avait jamais voulu
quitter, et où il vivait dans une humilité
CAnDIX. De niCHELIEU. — VI.
profonde, ayant toujours refusé 1rs dis-
tinctions et les avantages dont jouissent
ordinairement les confesseurs des per-
sonnes royales. Malgré cet éloignemenl
des affaires du monde, on peut s'étonner
encore que ce bon père ail pu resler,
pendant toute la durée du ministère de
Richelieu, auprès d'une reine dont le
cardinal épiait si curieusement l'entou-
rage, à laquelle il était, selon ses inquié-
tudes el sa fantaisie, ses dames et ses ser-
viteurs, et envers laquelle il a usé de
sévérités bien hardies pour surprendre
ses secrets.
35
194 LETTRES
une affaire personnelle , où sa fortune pouvait courir hasard. Il avait conçu
l'espoir dun triomphe, il l'avait promis au roi; il en parle comme d'une chose
assurée dans plus de vingt lettres écrites peu de temps avant l'événement.
Le cardinal avait confié la conduite de l'entreprise au prince de Condé. J-e
duc de La Valette se trouva blessé de se voir sous les ordres d'un prince dont il
prisait peu le génie militaire, qu'il savait malveillant à l'endroit de sa famille,
et dont le commandement était impérieux et difficile. Avec de telles dispositions
et la fierté de caractère qui le distinguait, le duc de La Valette fut aisément
porté à l'insubordination dans un temps où l'insubordination était la plaie de
toute l'armée, et atteignait l'officier aussi bien que le soldat.
Richelieu transforma une faute militaire en un crime politique, crime de
haute trahison et de lèze-majesté. Il fit lui-même une minutieuse enquête; il prit
des informations de tous côtés; il consulta surtout l'accusateur du duc de La Va-
lette, et, grâce à l'accumulation des petits détails, à l'interprétation des moindres^
indices, au sens donné à une parole ou à un sourire, il composa un acte d'accu- ^
sation de douze ou quinze pages, écrites en partie de sa propre main.
Dès le 19 septembre, Richelieu avait rédigé un mémoire intitulé : Sar le lève-
ment du siéqe de Fontarabie , de M''' le cardinal. Nous en avons trouvé à la Biblio-
thèque impériale (suppl. français, 2o36, ^* ""'', f" 3o) une nn"se au net de la
main de Clierré. C'est la copie d'un travail précédent qui, sans nul doute, était
l'œuvre du cardinal, mais qui n'était pas définitif; les lignes en sont espacées
de manière à laisser beaucoup de blanc, et les marges sont fort grandes. Le car-
dinal a fait sur cet exemplaire de nombreux changements, lesquels sont compris
dans une autre mise au net conservée aux Archives de l'Empire (K 1 34 , Guyenne ,
1"^° partie, p. 129, pièce 2 2", de la main de Cherré) , et cette rédaction nouvelle a
été de nouveau corrigée et augmentée de la main du cardinal.
Au dos de la pièce de la Bibliothèque impériale, on lit : • Projet d'avis sur le
lèvement du siège de Fontarabie, du 19* septembre i638, » et la date du 20 a été
mise en tête. Sur la même feuille le cardinal a écrit : « Faut parler à l'escuyer de
M. de La Valette. »
La pièce des Archives a été préparée pour les Mémoires de Richelieu , pour
l'histoire, comme parlait le cardinal.
Dès les premiers jours du mois, le prince de Condé avait envoyé à Richelieu,
par le courrier Saladin, de fâcheux rapports sur le duc de La Valette (ci-dessus,
p. 102, lettre du 7 septembre), et Richelieu avait transmis au roi les dépê
ches de M. le Prince, et des relations de l'événement; il avait ainsi fait partager
à Louis XIII les sentiments de douleur et de colère dont il était animé, et nous
avons vu (note 4 de la page i83) que le roi faisait demander, par Chavigni,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 195
au cardinal ses conseils, qu'il voulait suivre. UAvis dont nous venons dcpailerdul
être envoyé à Chavigni pour obéir à cette demande du roi.
Enfin, dans le même manuscrit, se trouvaient encore quelques pensées déta-
chées, jetées là en attendant qu'on leur donnât place dans quelque mémoire ou
quelque lettre [P 24o bis, 48° pièce).
r^e prince de Condé, dont la coopération au procès était surtout nécessaire,
fut invité à faire connaître tout ce qu'il savait. Richelieu lui envoya un mémoire
intitulé. Faits à justifie'-, où sont énumérés les griefs, et où l'on a eu soin de
mettre en marge de chacun le nom de ceux qui peuvent donner quelques infor-
mations, ainsi que celui des témoins qu'd faut interroger. Ce sont MM. de Lan-
dresse, de Grammont, deBucquoy, Lamet, Davoux , d'Espenan , Le Plessis-Besan-
ron , Houdinit re , Du Val , de La Roncicre , La Rochelle , Dayre, de Basas , de Nantes ,
deCastagnoles, le niaïquis de Gesvres, le père Vilalis, aumônier de la couronne,
Boissac, un sergent blessé de trois coups de pique, les gens qui étaient dans les
tranchées, les mineurs. Cette pièce, écrite de la main de Cherré et de celle du
cardinal , se trouve dans le volume cilé des Archives de l'Empire, p. Sg, pièce 6*.
M. le Prince envoya tout ce qu'on lui demandait; et, de son mémoire, de
ÏAvis, cité plus haut, ainsi que du mémoire intitulé Faits à justifier, le cardi-
nal composa la pièce que nous mettons ici , qu'il semble attribuer au prince de
Condé et où nous remarquons, en effel, beaucoup de passages pris textuellement
dans les deux pièces des Archives dont nous venons de faire mention, ainsi que
dans les lettres du prince.
CXXIIL
Archives de l'Empire, K i34, Guyenne, i" partie, i638, fol. î/ji à 370, ^g* pièce. —
Copie de la main de Cherré'.
FACTUM DU PRINCE DE CONDÉ,
SUR LE LÈVEMKNT DU SIÉGIil DE FONTAl\ABIE^
Vers la fin de septembre i638.
Le prince de Condé impute le mauvais succès du siège de Fonta-
rabie au duc de La Valette.
' Celle copie esl chargée de ratures cl de date; cetle pièce a dû êlre écrite vers la
d'additions de la main de Richelieu, qui fin de septembre, lorsque le cardinal eut
a écrit à la marge : « Sui aulhoris. » Nous réuni les divers lémoignages nécessaires
metlons entre crochets les corrections du pour di esser ce mémoire,
cardinal. Le manuscrit ne donne point ' On vient de voir, p. iga,que, dans
a5.
196 LETTRES
Au contraire le Duc prétend estre non-seulement innocent, mais
avoir beaucoup mérité en cette occasion.
Le principal moyen dont se sertie Prince pour persuader ce qu'il
met en avant est
Que le Duc n'a pas faict donner l'assaut quand il l'a peu et deu
faire , et qu'en effect il ne l'a pas voulu.
Ce qui tombe sous les sens n'ayant pas besoin de preuve, il n'en
faut point pour vérifier que le Duc n'a pas faict donner l'assaut lorsque
la mine eut faict son effect.
Mais il faut voir s'il l'a deu donner et s'il ne l'a pas voulu faire.
Il l'a deu si la brèche a esté raisonnable, et il a deu croire qu'elle
l'estoit, si diverses personnes non ignorantes du mestier luy ont rap-
porté qu'elle estoit telle, et il n'a peu douter de tels rapports si , entre
ceux qui les luy ont faicts, il y en avoit de tellement attachés aux in-
térestsde sa personne que leur ardeur ne pouvoit luy estre suspecte.
Le Duc est en ces termes [ainsy que l'examen de son procédé fera
cognoistre clairement]. Aussytost que sa mine eut joué il envoya Lan-
dresse, son aide de camp, homme qu'il n'estimoit ny n'aimoit point,
pour recognoislre la brèche.
Il luy fit rapport qu'on pouvoit monter à la brèche, mais qu'au
haut il y avoit un retranchement et quelque espèce de palissade,
qu'il a'avoit rien rencontré, ny veu aucuns ennemis sur la brèche;
cependant qu'il estimoil plus sear d'y faire an logement que de hasarder
l'assaal.
Ja lettre dont Richelieu donnait à Chavi-
gni la matière pour écrire au prince de
Condé, le cardinal demande à ce prince
d'envoyer un mémoire sur l' affaire de
Fontarabie. Mais, malgré le titre mis en
tète de cette pièce par une autre main
que celle de Cherré , ce n'est pas là , comme
nous l'avons montré, le factum du prince
de Condé ; c'est une espèce de réquisitoire
pour lequel on s'est servi même des dé-
fenses présentées par le duc de La Va-
lette , qu'on réfute. On voit que Richelieu
se mit à instruire lui-même l'affaire, et à
préparer le factum , avec une activité et
une sorte d'emportement qui témoignent,
tout à la fois, de sa douleur patriotique,
de son zèle pour une justice sévère, et du
dépit cuisant rîe l'homme d'élat dérangé
dans ses desseins et trompé dans ses espé-
rances.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 197
Le Duc, plein de zèle à conserver les gens du roy, fist valoir ce
rapport autant qu'il luy fust possible. Cependant, comme diverses
personnes insistoient qu'il falloit donner, il se résolut, une heure
après, de renvoyer un autre aide de camp, nommé Pressac, pour
recognoistre de nouveau la brèche; il rapporta en termes exprès
qu'elle estoit telle que si de 1,000 hommes on en voulait perdre ÙOO on
pouvait emporter la place. Sur quoy, le Duc disant à Houdinlère
vous voyez ce qu'il dit, il luy respondit : Eh bien. Monsieur, Fantarabie
ne vaut-il pas bien la peine de hasarder ^00 hommes? Mais, quoy qu'on
luy peust représenter, il demeura dans sa première résolution de ne
donner pas.
Ensuite le sieur d'Espenan, inareschal de camp, vint tout blessé et
malade qu'il estoit, et dist au Duc qu'ayant veu la brèche de la bat-
terie qui portoit son nom, d'où on la recognoissoit clairement, i7 la
jugeait très raisonnable, et que s'il ne donnait, il perdait la plus belle occa-
sion du monde, ce dont il s'excusa opiniastrement, sur les rapports de
Landresse et de Pressac.
La Roche, son capitaine des gardes, qui, après avoir veu faire le
rapport de Landresse et de Pressac, avoit voulu voir luy-mesme la
brèche de la susdite batterie , revint au niesme temps pour dire , comme
il list devant tout le monde, et entr'autres en présence de M' de
Grammont, des sieurs d'Avaux, Lamet, d'Espenan, Houdinière et
plusieurs capitaines de Guienne, que la brèche estoit raisonnable, et
qu il falloit donner.
Au mesme instant arriva un lieutenant du régiment de Tonnins
nommé Casemont, qui, par excès de zèle et de cœur, estoit allé de son
chef jusques au haut de la brèche, estant apperceu du Duc, il luy
demanda [par hasard, ainsy que l'événement le fist paroistre] d'où
il venoit; à quoy l'autre respondant qu'il venoit de recognoistre la
brèche, laquelle estoit bien raisonnable, le dit Duc se fascha de telle
sorte qu'iV mist la main sur la garde de son épée comme pour l'en
menacer, et luy dist que c'cstoit un estourdi et qu'il allast à son
poste.
198 LETTRES
Au mesnie temps 2 gentilhommes domestiques du Duc, dont l'un
s'appelle Real, arrivèrent encore et luy dirent, qu'ils venaient de la
brèche et que l'on pouvait monter aisément, sur quoy il se fascha de
nouveau contre eux, et les renvoya comme les autres. Le s' de Buc-
quoy, ayant aussy recogneu la brèche, alla à la tranchée dire au dict
s"" de La Valette qu'elle estoit très raisonnable et qu'il estoit obligé d'au-
tant plus de faire donner promptement l'assaut que l'on voyoit l'armée
navale en très grand péril et qu'elle ne pouvoitplus, sans se perdre,
demeurer en la rade où elle estoit, que l'armée de terre des ennemis
se fortifioit tous les jours et celle du roy s'affoiblissoit, et luy dé-
clara que tout le mal qui pouvoit arriver aux affaires de S. M. ne
pouvoit venir que de son retardement.
Après cela on proposa au Duc d'aller au moins jusques à la batte-
rie, de laquelle on discernoit clairement Testât de la brèche. Y estant,
le s" de La Roche et Houdinière le pressèrent de nouveau défaire donner,
la brèche paraissant très raisonnable , ce qu'il refusa absolument, disant
lors qu'il ne le ferait pas sans ordre de M'' le Prince et sans l'avis de tout le
conseil.
Pour cet effect, après que le Duc eust laissé passer plus de 3 heures
de temps en se défendant de faire donner, il alla trouver M"' le
Prince, qui, outré de douleur de l'occasion qu'on avoit perdue et du
temps qu'on avoit donné aux ennemis, qui d'abord avoient aban-
donné la brèche , de venir la réparer et se présenter pour la défendre ,
ordonna qu'on feroit un logement puisqu'on avoit perdu l'occasion
de mieux faire, et la charge de ce logement fut donnée au s' de La
Rochette, qui ne l'avança pas comme il eust peu, par ce que le Duc ne
luyfist pas donner des yens pour luy aider, ce dont il vint le lendemain
faire plainte ouverte au Prince, ce qui luy donna lieu d'envoyer faire
reproche au Duc et luy commander d'y donner ordre, ensuite de
quoy le dit Duc envoya Filouse, mareschal de logis de ses gardes
pour y travailler.
Sur cela, le Prince proposa au Duc [de donner son attaque à
l'archevesque de Bordeaux, qui vouloit s'obliger, et respondoit sur
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 199
sa vie, de prendre la place dans trois jours, ce que le Duc consen-
tit.]
Depuis, La Roche et plusieurs autres de ses domestiques luy ayant
faict cognoistre le tort qu'il se faisoit, il vint retirer sa parole, s' obli-
geant, en plein conseil, à faire le lendemain l'une des 3 choses, ou
prendre la place, ou faire an grand logement au haut de la brèche, ou y
périr avec ses amis.
Pour effectuer, en apparence, sa parole, le lendemain il fist faire
une attaque, au veu et au sceu des ennemis pour avoir attendu jus-
qucs à 8 heures du matin, contre l'ordre qu'il avoit de donner à la
pointe du jour, pour surprendre les ennemis.
Au reste cette attaque fust si foihle que, s'il se trouve quelques
personnes partisans du Duc qui veuillent dire qu'il ayt voulu ou
emporter la place, ou y faire un grand logement, bien qu'il ne lîst
ny l'un ni l'autre, au moins aucun ne dira-t-il [ce qui est à noter |,
qa'H y ayt voulu périr, n'ayant point esté [seulement] en lieu où il peust
[courre quelque fortune], en échauffant les soldats à bien faire.
A ce que des.sus le Prince ajoute qu'il est aisé à cognoistre que
le Duc n'avoit point d'intention de faire donner l'assaut lorsqu'il fîst
jouer sa mine , en ce qu'il n'avoit pas faict les préparatifs nécessaires
à cet effect.
Il n'avait point faict faire d^ouverture à la tranchée , à ce que tes
soldats peussent en sortir commodément; il n'avoit point fait faire de
place d'armes où ils peussent estre rangés en bataille; [il n'avoit pas
seulement faict nettoyer la tranchée en laquelle on estoit en la boue
jusques à la cheville du pied]. Et il avoit eu sy peu de soin de bien
faire placer les trente qu'il avoit ordonnés pour donner à la brèche
après l'effect de la mine, qu'elle en tua 2^ [ou 26. Sur quoy il faut
remarquer une chose, qui seule est capable de décider le point
de la question , c'est que le sergent et les 4 soldats qui restèrent de
ces 3o, pleins de zèle et de valeur, montèrent sur le haut aassy coura-
geusement que si leurs compagnons morts eussent pu les y suivre, et y
demeurèrent sy longtemps sans estre secourus, qu'encore que d'abord ils n'y
200 LETTRES
trouvèrent aucuns ennemis, ils eurent loisir d'y venir et les en chassèrent ,
le sergent y ayant eu 3 coups de pique, qu'apparemment il n'eastpas receus
s'il eusl esté soastenu.]
H adjouste encores la froideur et l'indifférence avec la quelle le Duc
s'est conduit pendant tout le siège, particulièrement remarquable en
2 choses :
L'une, que, bien que le Prince ayt esté secouru des communes de
Béarn jusques au nombre de 3 et 4-000 hommes, il n'a pas pu l'estre
de celles de Gaienne, ny de la noblesse de cette province, quelque instance
qu'il en a^^t faicte au dit Duc.
L'autre, que luy estant quelquefois représenté pourquoy il n'em-
ployoit pas ses gardes, très-braves gens, il eut l' inconsidération de
respondre qu'ils n'esloient pas payés du roy.
11 adjouste de plus qu'il a retardé le feu de la mine du s'' de Gram-
mont, ne voulant pas qu'elle jouast devant la sienne, bien qu'il fust
inutile de la pousser plus avant à cause de la contre-mine voûtée
qui estoit dans le bastion, laquelle on rencontroit d'autant plus qu'on
s'avançoit davantage.
Il adjouste le mespris qu'il a faict, non-seulement de faire exécutter
ses ordres, mais, qui plus est, ceux du roy, au mespris desquels il n'a ja-
mais voulu se trouver aux conseils de guerre, bien que S. M. en eust
réglé les rangs, et a tôusjours faict payer le régiment de Guienne devant
tous les autres, quoyque S. M. eust ordonné le contraire, et que les règle-
mens généraux de la guerre donnassent le 1" rang à l'ancienneté.
Il adjouste le soin et la prévoyance que le dit Duc eut, contre
toute sorte de raison, d'envoyer i5 jours auparavant son bagage et
tout ce qu'il avoit de meilleur à Bayonne'.
Il adjouste les avis donnés au marquis de La Force par un gentil-
homme sien ami, de la frontière, que les Espagnols disoient qu'un
grand les favorisait, et ensuite les bruits qui coururent que les ennemis
furent Adxeiûs de donner ce jour là, parce qu'on devoit donner l'assaut.
11 adjouste qu'un ordre luy estant porté de sa part de secourir les
Richelieu a écrit en marge de cp paragraphe : ■ Vérifier. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 201
quartiers qui estaient proche du sien, au cas qu'ils /eussent attaqués, il le
refusa, disant qu'il ne voulait ny les secourir, ny estre secouru d'eux; ce
qui donne tout lieu de croire qu'il sçavoit bien comme les choses se
dévoient passer, et que, dans une attaque générale, il ne seroit pas
attaqué.
Il adjouste que les ennemis sortirent du dedans de la ville, par la
brèche, en bataillon, pour charger les nostres à l'instant de l'attaque
générale, ce qui monstre bien que la brèche estoit raisonnable, et
qu'ensuite ceux des nostres qui furent faicts prisonniers furent menés
à cheval dans la ville par la dite brèche.
Il adjouste encores la moquerie ouverte que les ennemis font de la
froideur des François en cette occasion, et les rapports, que font les
prisonniers qui reviennent, des mauvais bruits qui courent parmi les
ennemis.
Il adjouste que ce n'est pas merveille s'il ne jugeoit pas la brèche
raisonnable puisqu'il ne jugea jamais qu'on peust attaquer les enne-
mis dans les forts de Socoa, Bourdeguin et autres qu'ils occupoient,
[l'année passée, bien que tous ceux qui les virent, lorsqu'ils les
eurent abandonnés, jugèrent tous] qu'ils n'estoient pas seulement
deffensables.
Il adjouste enfin la lascheté avec laquelle le Duc a laissé perdre
trois canons qui estoient au deçà de l'eau , bien qu'il eust ordre de
les retirer, ce qu'il n'a sceu faire, à ce qu'il dict, pour n'avoir peu
trouver ny chevaux, ny bœufs, excuse non recevable à un gouverneur
en sa Province, vu principalement qu'il estoit aisé, en deux jours en-
tiers que les dicts canons ont esté là, de les retirer avec les chevaux
de carosse, de charette et de chariot qu'on pouvoit ramasser.
[Ensuite de toutes ces particularités] le prince de Condé repré-
sente que jamais faict de cette nature, où l'on se cache autant qu'on
peut, ne fut fortifié de tant de circonstances sy pressantes que, si
elles ne sont pas suffisantes pour establir une preuve mathématique,
au moins osteut-elles la liberté de croire le contraire de ce qu'elles
persuadent.
CiillDlll. DE RICHELIEU. — VI. 36
202
LETTRES
Continuant sa preuve il met en avant la règle de droit qui veut
que celuy qui une fois a esté convaincu d'un crime soit tousjours
présumé coupable de fautes de pareille nature lorsqu'il en est accusé
de nouveau, d'où il infère que le Duc ne peut estre, au faict du siège
de Fontarabie, jugé innocent d'infidélité, puisqu'il n'y a que 2 ans
qu'il fust convaincu de la plus noire qui ayt jamais esté commise
contre l'Estat^ [Il ne s'estend pas davantage sur ce faict; seulement
supplie-t-il de considérer que, les racines de ce premier] crime n'ayant
pas esté coupées comme la raison le requéroit, ce n'est pas merveille
si elles produisent en i638 mesme fruict qu'elles firent en i636.
Reste à voir quelles sont les deffenses du duc de La Valette.
La principale est fondée sur le rapport de Landresse , mais le
prince de Condé s'asseure qu'un chacun jugera que c'est inutilement
pour deux raisons.
La première est que Landresse ne faict pas la brèche telle qae par son
avis il soit impossible d'y donner, mais seulement sy difficile qu'il jugeoit
plus seur d'y faire un logement qae d'entreprendre d'emporter la place par
assaut^. Sur quoy il est à considérer qu'un homme plein de cœur et
de zèle ne doit jamais refuser un party douteux, bien qu'il soit diffi-
cile, principalement lorsqu'il s'agit d'un faict si important que c'est
gaigner que perdre en le tentant. Il suffit qu'il ne soit pas impossible
pour avoir lieu de hasarder avec raison; et, en tel cas, la témérité
mesme est excusable et tient lieu de vertu, au lieu qu'une trop grande
retenue est criminelle ^.
' Le cardinal fail sans doute allusion
à ceqtii s'était passé aux procès des barons
du Bec et de Saint-Léger, qui furent con-
damnés à être tirés à quatre chevaux pour
avoir rendu à l'ennemi les places qu'ils
commandaient; tous les juges opinèrent
à la mort. Le duc de La Valette seul sou-
tint, contre le sentiment du roi et du
cardinal, que le baron du Bec, ayant ré-
sisté pendant sept jours , n'avait point for-
fait à l'honneur en rendant une place en
si mauvais état que celle qu'il défendait.
Richelieu , que cette contradiction et sur-
tout cette indulgence avaient animé d'une
furieuse colère, en fit au duc de La Va-
lette, dit le père Griffet, «des reproches
dans les termes les plus durs et les plus
outrageans. » (II, 757.)
* Ici Richelieu a écrit en marge : <i A vé-
rifier. »
^ Sur le coin d'une feuille de ce manu.s-
crit, f° -28 v°, on trouve ces lignes de la
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
203
La seconde est que quand mesme Landresse eust rendu l'assaut
impossible, son jugement ne devoit pas estre préféré à tant d'autres
qui disoient le contraire, veu principalement que Pressac, qui avoit
esté sur le haut de la brèche aussy bien que luy, disant que la brèche
estoit difficile, disoit positivement qu'on pouvoit emporter la place,
si de looo soldats on vouloit s'exposer à en perdre 4oo, ce qui n'es-
toit pas considérable au respect de l'avantage que la prise de Fonta-
rabie eust apportée à la France. [Il falloit lors acheter les momenls
non-seulement au prix de l'or, mais du sang des hommes.]
A moins qu'estre insensible ou transporté d'une furieuse passion,
un homme ne pouvoit, en telle occasion, n'estre pas piqué de l'inté-
rest de i'Estat et de celuy de son honneur propre; et c'est chose claire
que le Duc, estant glorieux comme il est, et vaillant comme il veut
qu'on le croie, il n'eust pas perdu l'occasion de se signaler en cette
rencontre, s'il n'eust esté retenu par quelque motif secret et caché,
bien puissant, puisqu'il l'estoit plus que tous ceux de son intérest.
[Quelque flegme que sa conslilution naturelle luy donne, s'il
n'eust esté fortifié de quelque autre ingrédient, il n'eust pas esté
capable de le faire résister aux divers avis de tant de gens de bien
qui luy proposèrent l'assaut.]
Le second moyen dont se sert le Duc pour se descharger du mau-
vais événement du siège de Fontarabie, est de le rejetter sur l'aban-
donnement qui fut faict du port du Passage, qu'il attribue à l'arche-
vesque de Bordeaux, au s' d'Espenan et à Houdinière; mais, outre
que celte excuse faict contre celuy qui la produit, en ce qu'il est clair
que si l'on n'a peu garder les retranchemens de Fontarabie, y ayant
main du cardinal : « Un homme de grand
cœur ne doit jamais refuser un parly dou-
teux quand il y a apparence qu'il puisse
réussir, bien qu'il soil difficile, principale-
ment lorsqu'il s'agit d'un faict si impor-
tant que c'est gaigner que perdre pour le
tenter. En tel cas la retenue et la pru-
dence est (sic) criminelle et la témérité est
vertu. « On voit que ce fragment est em-
ployé ici par le cardinal, avec quelques
légers chaDgements qui lui ont fait perdre
quelque chose de sa vivacité. C'était une
de ces pensées que Richelieu jetait sur le
papier au moment où elles lui traversaient
l'esprit et qu'il réservait pour s'en servir
plus tard.
36.
204 LETTRES
l'amassé toutes les forces du roy, beaucoup moins l'eust on peu
faire en les divisant en deux lieux séparés de trois lieues l'un de
l'autre.
Le Duc ne peut se servir d'un tel moyen sans une extresme malice,
puisque, bien qu'il ne fust pas au conseil où cette résolution fut
prise déterminément , parce qu'il ne voulut jamais s'y trouver depuis
que l'archevesque de Bordeaux fut en l'armée, auparavant son arrivée
il avoit esté plusieurs fois résolu tout d'une voix, luy présent et
consentant, qu'il falloit nécessairement quitter la garde de Port lorsque
les ennemis auroient une armée en campagne, et, en effect, il fau-
droit estre privé de tout jugement pour ne cognoistre pas qu'en tel
cas il n'y avoit point d'autre conseil à prendre que celuy qui fut pris,
dont on vil promptement le fruict, en ce qu'il donna moyen à l'ar-
chevesque de Bordeaux de faire l'effect qu'il fist contre l'armée navale
d'Espagne.
Ensuitte de ces deux moyens, le Duc en met confusément trois
autres en avant [pour faire voir ce qu'il mérite] : la grandeur de sa
maison, sa fidélité particulière et sa vaillance.
Sur le i" point il dict souvent des merveilles, mais bien inutiles
aux fins dont il est question, puisque, quand mesme il viendroit en
droite ligne de l'empereur Charles Quint, le mérite de ses ancestres,
qui n'estoient pas à Fontarabie , ne peut faire qu'il y paroisse resplen-
dissant de gloire, si ses actions l'y couvrent de honte ^
Quelque considération qu'il dust avoir sur ce sujet, il ne laisse
pas de s'emporter souvent jusques à tel point qu'on cognoist bien
par son visage et par ses discours que, si B^. estoit
en vie, il le feroit mourir, quand mesme il ne pourroit le faire
mentir.
On n'empesche pas qu'il emploie le tiltre de la grandeur de sa
maison contt-e le chancelier, auquel il ne veut pas céder; contre les
' En marge de ce paragraphe le car- ' Le manuscrit ne donne que l'initiale
dinal a mis : «Savoir d'où vient la maison de ce nom.
de Candale. >
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 205
mareschaux de France, qu'il veut précéder es conseils de guerre;
contre les archevesques, les gouverneurs de provinces, les lieutenans
généraux d'armée, auxquels il refuse la main chez luy, bien que telles
prétentions l'exposent à la risée du monde et donnent lieu à beau-
coup d'esprits de dire qu'espousant la gloire d'Espagne on peut avec
raison soupçonner qu'il en a le cœur; mais il ne peut sans crime, en
matière de morale, tirer son innocence d'un tel principe, puisqu'il
est des crimes comme des vertus, qui sont toutes personnelles.
Sur le point de sa fidélité, il est difficile de luy respondre, veu la
naissance des tesmoins qu'il met en jeu, estant certain qu'il n'y a
personne qui veuille contredire un frère unique du roy et un prince
de son sang tel qu'est le comte de Soissons, qui font cognoistre clai-
rement jusques à quel point on doit estimer en luy cette qualité dont
il se vante.
Pour ce qui est de sa vaillance, il la relève jusques à tel point que
c'est chose évidente qu'il n'aspire pas à moins qu'à la réputation du
brave mareschal de Biron; mais, son dire estant dépouveu de preuves,
il ne produit autre effect que de Faire croire à beaucoup, et craindre à
ceux qui l'aiment, qu'il mérite la fortune de ce digne héros, dont la
gloire seroit immortelle si sa fidélité avoit correspondu à sa valevu:.
Pour faire voir que le Prince procède sans passion, il ne veut pas
celer une response de roman que le Duc fist en faisant la retraite
après cette déroute, retraite dont il prétend tirer beaucoup de gloire,
bien qu'il ne fusl suivi d'aucun ennemi. La joie qui paraissoit sur son
visage et en ses actions, scandalisant ceux qui s'en apperceurent,
quelques uns ne peurent s'cmpescher de luy en faire reproche, ce
qui luy donna lieu de respondre : Si je ris c'est de peur que les sol-
dats ne s'eslonnent; mais cela n'empesche pas gae je n'aie dans le cœur
la douleur que j'y dois avoir. Sur quoy le prince de Condé remarque
judicieusement qu'il y a grande différence entre tesmoigner un vi-
sage asseuré dans une aflliction, et rire quasi à gorge déployée, et
qu'ainsi que l'un est une preuve de grand cœur, l'autre en est une
indubitable de malice ou de fohe, n'y ayant que les méchans qui
206 LETTRES
soient joyeux dans les calamités publiques, et que les fols qui puissent
rire lorsqu'ils ont sujet de pleurer.
' [Le rire et les deffenses les plus sérieuses du duc de La Valette
prouvent esgalement son crime, et si le droit de la nature l'oblige à se
dire innocent, le Prince tient pour asseuré qu'il se recognoist dans
son cœur juridiquement convaincu de n'estre pas grand capitaine et
d'estre fort mauvais soldat.]
Deux choses restent seulement à décider : sçavoir quelle est la na-
ture particulière du crime [dont il est question], et quelle punition
il mérite.
Aristote nous apprenant qu'on argumente sévèrement a sajjicienti
divisione, concluant nécessairement qu'un effect procède de toutes les
causes qui luy peuvent estre attribuées, c'est chose claire que le mal
dont nous nous plaignons a esté causé ou par trahison et intel-
ligence secrète avec les ennemis; ou par un désir de traverser les
affaires du roy sans leur participation; ou par une jalousie si maligne
qu'elle a destourné le Duc de son devoir [ou par une lascheté infâme,
ou par une ignorance si grossière qu'elle est du tout inexcusable].
Il est clair qu'il ne peut se laver de l'une de ces fautes.
On sçait la lascheté sy esloignée de toute la maison d'où est sorti
le dict s' de La Valette qu'on ne sçauroit l'en accuser sans s'exposer à
estre estimé sans jugement, et, outre que [les lois ordonnent de
sévères peines à ceux qui par manque de cœur manquent à ce qu'ils
doivent au public,] on est asseuré qu'i4 ne voudra pas s'excuser par
cette voie.
[D'autre part, le Duc estant Gascon, et glorieux comme il est, il
aymera mieux estre estimé coupable qu'incapable au meslier de la
guerre, que sa charge de colonel de l'infanterie l'oblige de sçavoir,
outre qu'il ne pourroit esviter par cette voye d'estre au moins privé
de tous employs publics, et pour peine du mal dont son ignorance
inexcusable auroit esté cause, et pour en prévenir beaucoup d'autres
semblables qui pourroyent venir de mesme source.]
' Ce paragraphe, écrit de la main du cardinal, remplace deux paragraphes effacés.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 207
Et parlant, si la preuve des faicts ci-dessus exposés se trouve
bonne, c'est chose claire que le désir de traverser les affaires du roy,
la jalousie ou la trahison sont cause de sa mauvaise conduite.
Le dernier ne peut estre creu sans une conviction manifeste qu'on
ne voit pas, et partant il faudroit estre aveugle pour n'attribuer pas
son mauvais procédé, cause manifeste du mauvais événement du
siège de Fontarabie, ou à sa mauvaise volonté à l'esgard des affaires
publiques, ou à la jalousie qu'il a eue de la gloire de mons"" le Prince ,
ou de ceux qu'il croyoit devoir avoir part aux bons succès de son
entreprise.
S'il estoit convaincu de trahison, il n'y auroit point de supplices
assez exemplaires pour son chastiment.
[Si le désir de nuire aux affaires publiques a esté le motif de sa
faute, il mérite de périr en public pour l'expiation d'icelle '.]
^ [Enfin les passions particulières ne pouvant estre préférées aux
intérests publics sans crime , c'est chose certaine que la jalousie n'a
peu le précipiter en la faute qu'il a commise sans mériter une sévère
punition, plus ou moins austère selon les divers préjudices que l'Es-
tat peut recevoir de son envie, mais qu'on ne peut omettre sans aban-
donner les intérêts publics, et donner lieu à tous les mauvais esprits
de ce royaume d'entreprendre tout ce que leur malice leur pourroit
suggérer pour en traverser les prospérités. Ainsi quoy que puisse
dire le duc de La Valette, il mérite une sévère punition qui iuy est ar-
demment souhaittée par le prince de Condé, par le seul motif des in-
térests de l'Estat. ]
' [Avis :
La vérité des faicts cy-dessus exposez estant supposée, le conseil
' Le cardinal a écrit ceci à la place d'un vis sur le /èwement, etc. lesquels passages
pnragraplie qui se trouve déjà dans l'avis avaient été répétés dnns ce mémoire, et
sur le lèvement du siège, etc. (ci-dessus à entre autres le paragraphe qui commence :
la date du 20 septembre) commençant « La faute qu'il avoit commise, etc. »
ainsi : «S'il l'estoit de iaschelé, etc. » ' Tout ce passage a été presque entiè-
' Ce paragraphe, de la main du car- rement refait de la main de Richelieu,
dinal, remplace plusieurs passages de l'a-
208 LETTRES
du roy, considérant que le duc de La Valette s'est servi de la brèche
de Fontarabie pour en faire une autre à l'Estat, qui ne pourra jamais
estre réparée, au lieu de s'en prévaloir pour réparer celle qu'il fist à
son honneur en i636, et que la bonté et la prudence dont il pleust
à S. M. d'user l'année passée, en son endroict, dissimulant une sy
notable faute, n'a pas esté suivie de l'effect qu'elle s'en devoit pro-
mettre, dict hautement qu'il n'y a plus rien à attendre de la bonne
volonté du duc de La V^alette, et que S. M. est obligée de le chastier
selon la rigueur des lois communes à tous les Estats.]
Rien ne peut estre mis en avant pour divertir d'une telle résolu-
tion que le respect de M' le cardinal de La Valette, qui n'est pas
considérable en cette occasion, parce qu'il est sy zélé au service du
roy qu'il ne voudroit pas que l'Estat [souffrist un préjudice irrépa-
rable] par l'impunité de son frère, el sy judicieux que, sachant ce
qui s'est passé, il croira devoir beaucoup à S. M. si la justice dont
on usera va plus à empescher le coupable de commettre de nouvelles
fautes qu'à le chastier avec rigueur de celles qu'il a commises.
On peut procéder en cette affaire du Duc de deux façons : ou
mandant simplement à M. de La Valette qu'il vienne rendre compte
au roy de cette action , au quel cas , estant venu , S. M. luy peut donner
la 1"= ciosture du bois de Vincennes pour lieu de demeure, pendant
qu'on esclaircira son procédé en présence de S. M. séant en un con-
seil de guerre;
Ou envoyer un pouvoir à M. le Prince de faire arrester M. de La
Valette. Mais, outre que cela embarassera mon dict s'' le Prince, cet
expédient blessera aucunement M. le cardinal de La Valette, au lieu
que, quelque événement que puisse avoir l'autre, il ne sçauroit s'en
plaindre avec raison, estant certain que, si un de ceux qui sont dans
son armée luy avoit faict manquer ime pareille occasion à celle de
Fontarabie, il désireroit luy mesme que le roy en tirast la raison.
Et, en effect, il seroit inutile de faire de grandes armées et de pro-
jeter les plus avantageux desseins qui se puissent faire, si on souflroit
qu'ils vinssent à eschouer par la faute de ceux qui sont destinés à
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
209
leur exécution, et le public ne seroit pas satisfaict du gouvernement
de l'Estat, si on n'avoit un soin particulier de tirer raison de ceux qui
le desservent manifestement.
Quelque résolution que le Roy prenne en ce sujet il faut faire sor-
tir M. d'Espernon de Guienne, ce qu'il doit désirer luy-mesme pour
rendre la justification de son fils moins suspecte, estant certain que,
s'il demeuroit dans la province, on pourroit prétendre que les dépo-
sitions de ceux qu'il faudra interroger ne seroient pas libres.
11 faut, en ce cas, envoyer un pouvoir à M'' le Prince, pour com-
mander dans la Guienne par commission.
Si M' d'Espernon représente que M"" le Prince est partie en cette
affaire , il est trop vieil pour ne sçavoir pas qu'un général d'armée ne
peut estre partie contre son inférieur délinquant aufaict de sa charge,
ce qui se pratique non seulement au faict de la guerre, mais en
toutes autres compagnies, parce qu'autrement les supérieurs ne pour-
roient jamais contenir ceux qui sont sous eux eu leur devoir.
CXXIV.
Bibl. imp. Fonds Bélliune, 92791 fol. 5o. — Copie.
AU DUC DE WEYMAR'.
De Rnel, ce 1" octobre i638.
Monsieur,
La conservation de vostre personne, de vos troupes et de vos pro-
grès en Allemagne est sy chère à Sa Majesté qu'elle ne veut rien oublier
' Celle lellre répond à trois longue.s
dépêcLcs écrites de Colniar, le i5 sep-
tembre, par le duc Bernard, au roi, au
cardinal etau secrétaire d'état de la guerre ,
de Noyers. Dans ces lettres le duc réclame
l'exécution des promesses qui lui avaient
été faites, et demande qu'on lui envoie
sans tarder des secours, qui seuls peuvent
le sauver d'une ruine imminente. (Bibl.
imp. fonds Bélhune 9337, (*" 167, 17/1,
177). Le 3 2, dans une missivede six pages,
adressée au roi, Bernard de Weymar re-
venait à la charge, et peignait ses périls
chaque jour croissants (même manuscrit,
P 170). Il fit un glorieux emploi des se-
cours qu'on lui donna. Dans cette année,
CARDIH. DE nlCHELIEO. — VI.
210 LETTRES
de ce qui luy sera possible pour la maintenir. Le sieur Trucses et
les vostres vous auront faict sçavoir l'ordre qu'elle a donné à ces fins
pour vos payemens. Ils auront aussy informé Vostre Altesse de ceux
qui ont esté envoyés à monsieur de Longueville, de faire partir en
toute diligence deux mille hommes d'élite de son armée pour rendre
la vostre ainsy que vous l'avés désirée. Maintenant on luy mande,
pour la seconde fois, par le dict sieur Trucses, que pour empescher
que vous ne puissiés estre attaqué de deux costés, s'il apprend que
le duc Charles tourne du costé du Rhin, Sa Majesté veut absolument
qu'il le serre et aille droit à vous. Ainsy, Monsieur, V. A. verra qu'on
faict tout ce qui se peut au monde pour la secourir, et luy donner
moyen de conserver ses avantages. Je la supplie de croire que ce
. m'en sera tousjours beaucoup, en mon particulier, de la servir et de
luy faire cognoistre que personne ne l'honore, ny n'est plus passio-
nément que moy.
Monsieur,
Vostre très humble et très affection né serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
aflligée de plus d'un revers, ce fui surtout
le duc de Weymar qui soutint la fortune
de ia France. Il finit l'année avec éclat.
Après plusieurs brillants combats devant
Brisacb , qu'il assiégeait, il s'empara de
cette place le 19 décembre. La douleur de
l'ennemi, mieux encore que les fêtes de
la France, nous dit l'importance de cette
conquête; écoutons ce cri désespéré jeté
par le duc de Lorraine : « Enfin Brisac est
pris , honte immortelle pour l'Empire !
nous y avons notre part; Dieu sçayt qui y
a coulpe. Tout le remède c'est de faire
merveille l'année qui vient. Sy à Viene il
ne répare cest ad'ront par quelque grand
dessein et bien exécuté, il ne faut plus
eslre soldat, mais moine, et laisser l'Em-
pire à qui le prendra. » Le duc envoyait
cette éloquente lamentation au colonel
Mercy. (Autographe; Bibl. imp. Bélhune,
9327, P 161.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
211
CXXV.
Arch. des AS. élr. Angleterre, t. A7. fol. 198. —
Minute de la main de Charpentier',
irap. Fonds Saint-Germ. Harl. 364", fol. 181. — Original.
Bibl.
A M. DE BELLIÈVRE.
Ce 6 octobre 1 638.
Monsieur, Je ne vous dis rien du voiage que la reyne mère du
roy a projeté de faire en Angleterre, [tant] parceque M. de Chavigny
vous aura tousjours faict ample response à ce que vous luy en avés
mandé, [que] parce aussy que ce m'est ime matière sy sacrée^, que
pour n'y faillir pas je me contente de suivre purement et simplement
les mouvemens du roy*. Mais je ne sçaurois vous [celer] que S. M.
a receu un extresme contentement de la joie que le roy et la reyne
' Il y a çà et là, dans cette minute,
quelques mots de la main de Richelieu;
nous les mettons entre crochets. La pièce
est mal classée dans ce manuscrit à cause
de la fausse date du à septembre, mise
sans doute après coup : l'original nous
donne la date véritable.
' Ce feint respect a toujours été une
des adresses de Richelieu , mais il ne
lui a guère servi ; quoique Louis XIII ai-
mât peu sa mère, on sait bien qu'il n'au-
rait jamais usé de tant de rigueurs contre
elle si le cardinal ne les lui eût inspirées.
Lorsque le ministre rassemblait un conseil
pour faire examiner les réclamations de
cette reine exilée, personne n'ignorait que
la docilité de ce conseil ne fût assurée
d'avance au cardinal, et quand Chavigni
écrivait, comme on le dit ici, s'il tenait
la plume , c'était la parole du cardinal qui
la conduisait. Les ambassadeurs de France
dans les cours étrangères surveillaient
avec grand soin toutes les démarches de
Marie de Médicis , comme M. d'Étampes
à la Haye (ci-dessus, p. 187), comme
M. de BcUièvre à Londres. (Voyez une
longue lettre de ce dernier, du a 5 dé-
cembre, Bibl. imp. Béthune gaS/j, f° i3.
copie , dont l'original , en partie chiffré , est
conservé aux Affaires étrangères. Angle-
terre, R 47, f° 3o5.) Sans doute cette sur-
veillance était une précaution politique
dont le caractère et la conduite de la reine
mère avaient fait une nécessité. Mais sou-
vent la surveillance était soupçonneuse
outre mesure, et les ambassadeurs sa-
vaient trop bien qu'ils faisaient leur cour
en interprétant de la pire façon les actions
et les paroles de la reine mère.
' Louis XIII avait écrit à M. de Bel-
lièvre, dès le 3 septembre, au sujet du
voyage projeté de la reirfe sa mère , une
lettre dont la pensée et peut-être aussi le
style étaient de Riclielieu. Bellièvre man-
»7-
212 LETTRES
de la Gr. Br. ont tesmoignée de la naissance de monseig' le Daul-
phin. Il a pris un singulier plaisir à sçavoir les particularitez de ce
qui s'est passé [sur ce sujet] en Angleterre, et n'en a pas un petit
ressentiment. Il a esté aussy très ayse de voir l'espérance que la reyne
d'Angleterre vous donne d'obtenir la permission de la levée des 2 ré-
gimens escossois que vous avés charge de poursuivre. Je m'asseure
qu'elle s'y emploiera d'autant plus volontiers que c'est une affaire où
je prends vm intérest particulier ^ par le commandement que le roy
m'a faict de lever certain nombre d'estrangers, dont je suis asseuré,
à ces deux régimens près. Vous [tesmoignerés], s'il vous plaist, à la
reyne que je recognoistray cette grâce comme si elle louchoit ma
personne particulière, et cependant [je m'asseure quelle voudra bien
considérer] que je la luy demande d'autant plus volontiers qu'il est
avantageux au roy de la Gr. Br. de tirer des Escossois d'Escosse, en
ce temps où il y a du trouble en ce royaume; et, quoy qu'on puisse
penser que ce sont les catholiques qui sortent en telles levées, il est
dait que le roi d'Angleterre l'avait prévenu
du dessein qu'avait formé Marie de Médi-
cis : « Quant à la façon dont vous vous con-
duirez avec la reine ma mère, lui écrivit le
roi, il est à propos, lorsqu'elle sera arri-
vée, que vous la voyiez chez elle et luy fas-
siez entendre que vous estes Irop asseuré
du respect que je luy porte pour douter
que je ne trouve bon que vous luy rendiés
ce devoir; et, après cela, vous ne retour-
nerés plus cliez elle, et n'admettrés chez
vous aucun de ceux qui ont part à ses
affaires, comme Le Coigneux, Monsigot
on autres de ses domestiques; et, quand
vous vous trouvères chez ma sœur, la reine
de la G. B. vous vivres civilement avec
elle, et essayeras de descouvrir le plus
de ses sentimens que vous pourrés, dont
vous m'avertirés en mesme temps. » (Bibl.
imp. S'-Germ. H. 364", f ° 116, original
contre-signe Bouthillier.) — Ajoutons que
la Gazette publia le 1 9 novembre un • ma-
nifeste de la reine mère contenant le sujet
de son départ de Flandres.» (P. 689.) Il
y a là quatre pages de plaintes, où, sans
parler de la France, la reine mère expose
les outrages dont elle et sa maison ont
été l'objet de la part des Espagnols. Cette
pièce est -elle authentique? La Gazette
n'était pas à la disposition de la reine
mère, et ce journal ne pouvait insérer
une telle pièce que par l'ordre, ou du
moins avec l'assentiment du cardinal. Quel
intérêt pouvait avoir celui-ci à appeler l'at-
tention de la France sur des infortunes
qu'on lui reprochait ? Richelieu a-l-il voulu
faire comprendre que la reine mère ne
pouvait vivre nulle part ?
' Cette levée a souffert beaucoup de
difficultés, et il en est fréquemment ques-
tion dans les dépèches que renferme ce
quarante-septième volume d'Angleterre.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
213
certain que la plus part sont protestans. [Oultre^] que, la continua-
tion de la guerre estant avantageuse au roy d'Angleterre, c'est le
moins qu'il puisse faire que de permettre en ses Estats la levée de
quelques gens nécessaires pour la maintenir. Autrement il donneroit
lieu de penser moins à ses intéresls lorsqu'il sera question de [con-
clurre un traicté de paix].
Vous estes sy sage et sy avisé que vous sçaurés bien mesnager
cette affaire, dont je vous prie de tirer la plus prompte response que
vous pourrés, afin que le roy puisse prendre ses mesures. Cependant
vous asseurerés la reyne de mon très humble et très respectueux ser-
vice et croirés que je suis. . .
CXXVI.
Arch. des Aff. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. Z(i5. —
Original , de la main de Cherié.
A MADAME BOUTHILLIER'.
[Après le 5 octobre 1 638.]
Madame, Mons' d'Anguien ayant dépesché
un gentilhomme icy, qui avoit ordre d'aller jusques aux Caves pour
' Au lieu de « oullre » l'original met :
« Elle est aussy trop judicieuse pour ne
cognoistre pas que la continuation, etc. >
* Il n'y a ni suscription, ni date. On a
mis le nom de M"" Bouthillier au bas de
la feuille , et , pour le classement , on a écrit
en tête « Octobre ; • la pièce a été placée
à la fin du mois. Cette lettre doit avoir été
écrite dans la première dizaine d'octobre ;
M"' de Brézé, la nièce de Richelieu, était
alors mnlade chez M'"° Bouthillier, à sa
maison de campagne des Caves. Riche-
lieu lui écrivait le 5 octobre : • Je n'en-
voie pas tant ce gentilhomme aux quar-
tiers où vous estes pour apprendre des
nouvelles de la santé de ma niepce, dont
je ne suis nullement en peine, me repo-
sant sur l'alTeclion que je sçay que vous
avés pour tout ce qui me touche, que
pour vous rendre grâces du soin qu'il
vous plaist en avoir en ma considération. »
Cette lettre, que nous indiquons aux Ana-
lyses, n'était que de compliment. Ce doit
èlre vers le niùnie temps que le fils du
prince de Condé , qui allait bientôt épou-
ser la nièce de Richelieu , envoyait savoir
de ses nouvelles. Dans un billet que Ri-
chelieu écrivait le 32 octobre (aux Ana-
214 LETTRES
apprendre de vos nouvelles et de celles de ma niepce, et luy rendre
une lettre de sa part, je l'ay empesché de continuer son voiage, et
me suis chargé de sa lettre, que j'ay eu la curiosité d'ouvrir pour
en voir le stile. Je vous l'envoie cependant, et pour satisfaire à la
promesse que j'ay faicte à ce gentilhomme, et pour contenter son
maistre, qui seroit fasché qu'elle denieurast en chemin. Vous la mon-
trerés, s'il vous plaist, à ma niepce, et me manderés Testât de vostre
santé et de la sienne, et surtout comme vous vous trouvés maintenant
de vostre bras, dont je suis en peyne. Ce qu'attendant je vous conjure
de faire estât de la continuation de mon affection et de mon service,
et que je suis véritablement,
' Madame ,
Vostre très alTectionué serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CXXVII.
Archives de l'empire, R i3A, Guyenne, i" partie, p. lyS. —
Minute de la main de Charpentier.
Saint-Germain-Harlay, Zh-], fol. /iyS, v". — Copie'.
Dupuy, t. 767, cahier K. k.' — Copie.
A MONSIEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE*.
16 octobre i638.
Monseigneur,
Je ne pense jamais à Fontarabie que je ne sois touché d'une
double douleur, l'une pour le notable préjudice qu'en reçoit la
lyses) à Bouthillier, qui se disposait à aller
aux Caves, il lui disait simplement :« Vous
ferez mes recommandations à ma niepce. »
Il n'était plus question alors de la maladie
de la future princesse de Condé.
' Copie faite sur l'original. Note margi-
nale du manuscrit. (Voy. la note d'une
lettre du 39 mai, au même, p. Ag-)
' Voy. ci-dessus , p. 56, note 2.
' Dès le 2 5 septembre, Ciiavigni, qui
était fort lié avec le cardinal de La Valette,
lui avait écrit, en confidence, la triste nou-
velle de l'accusation portée contre son frère.
(Arch. des AIT. étr. Turin, t. 26.) Le 12 oc-
tobre , Ciiavigni lui écrit de nouveau au su-
jet de la demande qu'il avait faite de venir à
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 215
France, et l'autre à cause de l'intérest de M' de La Valette. Pour sa-
tisfaire à l'ordre que vous me donnés de vous mander ce que j'estime
en cette occasion que vous devés faire, je vous diray franchement
que vous ne pouvés, à mon avis, faire autre chose qu'escrire au roy
que le mauvais succès de Fontarabie vous comble d'une double dou-
leur, l'une à cause du préjudice qu'en reçoivent ses affaires, et l'autre
parce qu'on impute ce malheur à la mauvaise conduite de M' de La
Valette, sur le sujet duquel vous ne pouvés que vous ne luy disiés
franchement qu'ainsy que vous le suppliés très humblement de le
protéger, s'il se trouve innocent, vous ne voudriés pas entreprendre
sa défense, s'il est coupable; que vous ne doutés point que sa pru-
dence ne sache bien distinguer les vérités des calomnies qu'on luy
pourroit mettre à sus, et qu'il n'ait assez de bonté pour le garantir
de la mauvaise volonté de ceux qu'il prétend qui luy en veulent; ce
que vous espérés d'autant plus de sa justice, qu'en luy demandant
cette grâce vous ne prétendes point intercéder pour Mons'' de La Va-
lette, s'il n'est pas innocent, comme il le prétend et le soutient.
Voilà , Monsieur, tout ce que je ferois si j'avois un frère qui fust en
Paris, et luiavouequela mauvaise tournure
que prend l'affaire du duc de La Valette
rendrait sa présence (de lui, cardinal de
La Valette) fort embarrassante pour Riche-
lieu. • Nous avons longlcmps consulté (dit-
il), les Roses vertes*. M"* d'Aiguillon et
moy, sur ce sujet; elles vous escrironl
leur sentiment, et le mien est entièrement
conforme au leur, que vous escriviés au
cardinal que vous ne persistez point à ve-
nir à Paris.» (Manuscrit précité.) Et le
même jour que Richelieu écrivit la pré-
sente lettre au cardinal de La Valette, le
16 octobre, Chavigni lui disait ; « M'' le
cardinal est satisfait au dernier point de
* Ce sont des personnes auxquelles le cardinal de
La ValeUe était fort attackd et dont lui et Chavigni
parlent cointinaellcment dans leurs lettres intimes.
vos lettres. « Chavigni ajoutait : « Je ne
puis imaginer que M' de La Vallette vienne
à la cour estant assez défiant de son natu-
rel , et ce ne sera pas , à mon advis , la plus
mauvaise résolution qu'il puisse prendre-,
mais, s'il sort du royaume et qu'il se con-
duise sagement, le temps p.ourra racom-
moder toutes choses. » (Même manuscrit.)
Sans doute M' de La Valette fit prudem-
ment de se réfugier en Angleterre ; mais il
en alla bien différemment de ce que pré-
sageait Chavigni; on sait qu'il fut con-
damné à }Mrdrc la tète , cl sa fuite hors du
royaume lui fut imputée comme un nou-
veau crime.
Quelques indices nous font supposer que ce sont
peut-être les dames de Rambouillet , mais nous n'en
avons point trouvé de preuves.
216 LETTRES
pareille peine; les intérests publics devant tousjours marcher les pre-
miers.
J'oserois bien respondre que monsieur de La Valette ne se trouvera
pas coupable du dernier genre de crime que les mauvais bruicts d'un
Estât qui perd luy met à sus; mais j'ay peur qu'il ait bien de la peine
à se purger d'une mauvaise jalousie , qui, l'ayant empesché de faire
son devoir, a produit le mesme elFect qu'auroit faict ce dernier degré
de malice, dont je le tiens innocenta Jusques à présent les circons-
tances de cette affaire semblent telles qu'il semble qu'un homme qui
seroit en sa place ne sauroit s'exempter ou de jalousie criminelle, au
sens que je vous l'ay représentée, ou d'une incapacité très grande au
métier de la guerre, ou de moins de hardiesse qu'il n'est à désirer.
Nous verrons comme M"' de La Valette se démeslera de cette af-
faire, qui ne peut estre laissée en Testât auquel elle est sans abandon-
ner entièrement l'Estat.
Le roy est extraordinairement indigné contre luy, mais il n'a rien
à craindre que luy-mesme, S. M. n'ayant jamais, comme vous savés,
aucune pensée qui excède les bornes de la justice.
Pour moy je le serviray volontiers dans l'estendue de ces termes
et non autrement, comme je luy ay mandé franchement^.
' Est ce là ce que s'efforce de prouver piers de Son Einineuce. Le duc de La Va-
Je réquisitoire ? Richelieu tient ici le lan- lette proteste de son innocence. «Je m'en
gage de la raison et de la justice ; dans le vays , dit-il , faire un voyage , par ordre que
réquisitoire, c'est la passion qui parle. j'en ay receu, pour rendre conte de mes
Seulement on voit déjà percer dans cette actions, que je suis asscuré d'esire sy bon-
phrase la pensée d'assimiler une faute nés et sy fort d'homme d'honneur que de
d'insubordination, ou de manque de zèle, ce costé-là je n'ay rien à craindre
à un crime de haute traliison. .l'espère que sy l'on me veut laisser les
^ Il y a, aux arch. des Aff. étr. (France, voyes de justification ouvertes, que je me
d'août à décembre, P Sa 5), une lettre laveray bien des supositions de mes enne-
adressée au cardinal de La Valette, datée mis, et par la sincérité de mes actions, et
d'un chiffre douteux, 3 ou 5 octobre, si- parle tesmoignage de tous les gens de
gnée d'un simple monogramme; c'est bien de cette armée L'honneur de
une lettre du duc de La Valette à son la protection de Son Eminence me (ion-
frère. Celui-ci l'envoya certainement à Ri- nera le moyen de faire voir que je suis
chelieu, puisqu'elle se trouve dans les pa- homme de bien, et mieux nay que ceux
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 217
Pour ce qui vous touche , Monseigneur, vous pouvés disposer de
moy, puisque je suis et seray tousjours sans réserve,
Monseigneur,
Vostre 1res humble et tr^s affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
DeRuel, 1 6 octobre i638.
CXXVIII.
Archives de l'empire, K i34, Guyenne, i" partie, p. 187, pièce Sy'. —
Minute de It main de Charpentier.
A M. LE PRINCE'.
16 octobre [i638].
Monsieur, Je suis
extresniement aise que mes lettres vous aient apporté de la consola-
tion. Si vous en avés receu à proportion de ce (|ue j'ay désiré vous en
donner, je m'asseure que vous n'aurés pas eu grand peine depuis.
qui se veulent descharger de leurs fautes
essentielles sur moy Cela ne peut
se rapporter qu'au prince de Condé, et il
n'est pas besoin de faire remarquer qu'ici
« mieux nay » signifie : avec plus de cœur,
une meilleure nature. Le duc de La Voi-
lette tinit en demandant avec instance à
son frère de lui prêter son appui contre
d'injustes accusations. On voit comment le
cardinal de La Valette s'y prit pour rendre
au duc celle assistance fraternelle, el l'on
voit aussi qu'avec la disposition que ma-
nifeste Richelieu une condamnation était
inévitable. Il est probable que le cardinal
de La Valette fil connaître celte réponse à
son frère, et que celui-ci, qui d'ailleurs
avait déjà dû devinçr par la lettre de Ri-
chelieu lui-même le fond de la pensée de
CARDIN. DR RICHELIED. VI.
Son Ëminence, résolut alors de passer
en Angleterre, au lieu de faire le voyage
qu'il annonce dans sa lettre. Personne n'i-
gnore qne Richelieu fit de ce procès, 011
une commission fut présidée par le roi lui-
même, un des actes judiciaires les plus
scandaleux de ce temps là.
' Au dos de cette minute, qui n'avait
ni suscription , ni date , on a écrit : « A
Messieurs le Prince el de Harcourt, 16 oc-
tobre. • Mais il est évident que la letlre
ne s'adresse qu'au Prince, et l'annotation
indique seulement qu'il a dû être fait
pour M' d'Harcourt une autre lettre, que
nous n'avons pas trouvée. Nous voyons,
dans le mémoire suivant, que Richelieu
propose au roi d'accorder un congé à ce
général.
18
218 LETTRES
tous vos intérests m'estant aussy chers que les miens propres. Pour
vous le tesmoigner je ne veux pas vous celer qu'il est très important
que l'affaire de Fontarabie s'esclaircisse ', parce que, comme les uns
attribuent ce mauvais succès à la mauvaise conduite de M' de La Va-
lette, il se trouve beaucoup de gens de parti contraire qui. l'imputent
à vostre malheur, ce qui me faict d'autant plus désirer qu'on voie
clair au fond de cette affaire, .l'estime de plus, et je m'asseure que
vous le jugerés avec moy, que pour vous remettre de ce mauvais
événement, il vous faut penser à quelque bon dessein que vous puis-
siés réussir l'année qui vient; autrement quelque conviction qu'il
peusty avoir de mauvaise conduite contre les particuliers, le public,
qui regarde tousjours principalement celuy qui est chef d'une entre-
prise, ne lairait pas de vous donner part à ce mauvais événement.
C'est donc à vous, Monsieur, à penser à ce que vous pouvés faire
l'année qui vient, avec deux présuppositions; la première que vous
n'aurés point ceux qui vous ont empesché de faire quelque chose
cette année, et la seconde, qu'on vous donnera ceux que vous jugerés
eslre plus propres à vous seconder en vos desseins.
J'estime qu'après que l'information de ce qui s'est passé à Fonta-
rabie sera toute faicte , et que vous aurés establi tous vos quartiers d'hy-
ver, donné ordre aux recreues pour que les troupes soient en estât
de servir de bonne heure au printemps, il sera nécessaire que vous
fassiés icy un voyage de deux mois, pour résoudre sy bien tout ce
qu'il faudra faire l'année qui vient, que vous puissiés réparer le mal
qui est arrivé sous vostre conduite. Je vous puis asseurer que je vous
y serviray en tout ce qui deppendra de moy, et que je n'auray point
de contentement qu'un bon événement ne donne autant de satisfac-
tion au public qu'il a reçu de despiaisir des mauvais qui vous sont
arrivés. Vous le croirés, s'il vous plaist, et que je suis et seray tous-
jours. . .
' On voit qu'avant que l'afl'aire fût régulière fût commencée, Richelieu se
éclaircie, avant même que l'instruction faisait le second du Prince.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
219
CXXIX.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. SgS. —
Original , sans signature , de la main de Cherré '.
Je trouve bon cet article.
Je suis très aize que M' le
Prince ait eu soin de prou-
ver par escrit ce qu'il avoit
mandé.
AU ROY'.
OeRuel, ce 21 octobre i638.
M. du Hailier escrit que les trouppes
de Picolomini coiiimencent à tirer par
Chariemont vers leurs quartiers d'hi-
ver.
Que jusques icy ils estoient demeurés
en intention d'attaquer Casteau, ou par
surprise, ou par siège, mais que l'en-
trée de Valmont dans Casteau, et les
pluyes qui sont survenues, les ont con-
traincts de retirer leur canon, qu'ils
avoient amené jusques au Quesnoy à
cet efïect.
Le dict s' du Hailier escrit qu'il est
du tout nécessaire d'envoier l'armée de
M' de La Force en garnison; et, s'il
plaist à Vostre Majesté, l'on en fera
partir les dépesches demain matin.
M' le Prince escrit qu'il envoyera
dans quattre jours la preuve de tout
ce qu'il a mis sus à M' de La Vallette.
Si cela est, il y aura lieu, s'il vient icy,
de faire voir à tout le monde, quelque
procédé que prenne Sa Majesté, qu'il
sera juste.
' Les réponses sont écrites en marge
de la main du roi.
' Cet original n'a point de suscription :
on a rois en note , au dos : • Le roy. •
38.
220
Cela est dès bien.
Je le trouve bon.
Nous en parlerons à la pre-
mière vue.
LETTRES
Il mande qu'il met l'armée en garni-
son, et oblige les officiers à rendre les
régimens à i5 ou 16 cenls hommes, à
la fin d'avril '.
Quand on a faict le règlement des
finances. M' de Bullion se tint asseuré
que l'on remplacerait son quod jaslam;
maintenant il m'en faict ressouvenir, et
a grande impatience de le sçavoir. Je
croy qu'en Testai auquel senties affaires,
c'est gaignei- pour Vostre Majesté que
d'en user ainsy. Elle me fera, s'il lui
plaist, sçavoir sa volonté au marge [sic)
de ce mémoire, pour ne la peuer [sic)
pas si elle le trouve bon.
Fontainebleau est en mauvais estât.
Entre autres choses la terrasse de plomb
de la salle du bal faict eau de tous cos-
tez, à ce que le s' Donon dist hier à
M' de Noyers. Je croy que jamais cette
affaire n'ira bien que Vostre Majesté
n'ait déclaré sa volonté sur la charge. Je
croy qu'elle ne sçaurait faire mieux que
ce qu'elle résolut il y a un an.
M"" de Noyers ne le sçait point enco-
res, mais une chose la faict douter que
' A la fin de celte campagne de i638,
l'armée était dans un désordre attesté par
les lettres des généraux, des intendants et
autres fonctionnaires; citons seulement
une dépêche du roi au duc d'Angoulême,
laquelle, à elle seule, peut donner une
idée de l'étendue du mal. Le roi se plaint
de « l'extresme licence des troupes pendant
celle campagne;» et il casse un grand
nombre de compagnies qui sont dans
un délabrement complet. La minute de
celte dépêche esl au Dépôt de la Guerre,
t. 47, pièce 21g. llya quelque incerlilude
sur la date; au bas, c'est le 2 ou 1 1 no-
vembre, el l'on a mis au dos « 2/1 oc-
tobre. »
Je le trouve bon.
Je le trouve bon
Je l'accorde.
On ne sauroit mieux faire,
avec la condition du razement
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 221
vous eussiés cette volonté, qui est qu'on
luy rapporta dernièrement que, Com-
piègne vous ayant demandé les arrérages
des gages de M"* Zamet, Vostre Ma-
jesté avoit respondu : « M"' de Noyers en
aura peut estre disposé, v H m'a demandé
si je ne sçavois point l'explication de ces
paroles, à quoy je respondis en riant
que, s'il y en avoit quelqu'une, le tenjps
luy apprendroit.
J'estime qu'il est temps pour vos af-
faires de faire cognoistre vostre résolu-
tion, et, en ce cas, je croy qu'il sera
raisonnable que le capitaine des chasses
ait les droits honorifiques à l'église de
la paroisse du hourg, el que le cappi-
taine concierge du chasteau les ait seu-
lement dans les chappelles du chas-
teau. Vostre Majesté est le maistre qui
sçaura bien en user comme il luy
plaira.
M' le comte de Harcourt demande
son congé; je croy qu'on luy peut ac-
corder.
Villequier demande aussy permission
de. venir servir les dernières six sepmai-
nes de son quartier; je croy que Vostre
Majesté lui peut aussy permettre.
M' le comte d'AUez demande une
confiscation de gens qui se sont battus
en duel; je n'y voy pas de difficulté.
On dit que Montcavrel est mort; je
croy que le service du roy requiert qu'on
222 LETTRES
en temps de paix, sans ré- joigne le gouvernement d'Estape à ce-
'^onpance. j^j^ jg Bouloigne \ sauf à Sa Majesté
d'ordonner, après la paix, que la place
sera razée ou conservée.
cxxx.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. le duc d'Aumale. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE BULLION,
SDItlNTENDANT DES FINANCES, À PARIS.
De Paris, ce 32* octobre i638.
J'espère rendre bientost à monsieur de Bullion response de tout ce
dont nous avons parlé quand il a esté en ce lieu , pour la disposition
des aCFaires de l'année qui vient. Je n'ay peu encores trouver le roy
en disposition de luy parler de l'intendant qui vous est nécessaire;
mais j'attends l'heure et le moment propre, jugeant bien que, sans
cela, il vous seroit du tout impossible que vous peussiés suporter le
fais des affaires, si vous n'a vies quelqu'un pour vous soulager.
Je lui parleray ensuitte du mariage de vostre lilz, selon ce que
vous le désirés ^, afin de tascher de vous tirer, dans la fin de cette
année, du travail d'esprit que vous peut donner cette affaire^.
Enfin j'auray le mesme soin de ce qui vous touchera que vous
sçauriés avoir vous mesme *.
L'évesque de Mande est sur le point de partir de Paris pour aller
' Le gouverneur était M. de Ville- ' Une ligne est coupée au bas de la
quier. La mesure que le roi approuve page du manuscrit, et une autre, écrite en
fut annoncée, ainsi que la mort de M. de marge, est prise dans la reliure.
Montcavrel, dans la Gazetts du 3o oc- " Dans le manuscrit, ce petit paragraphe
lobre , p. 648. et le suivant sont écrits à la marge.
' Voy. ci-après, 10 janvier iGSg.
. DU CARDINAL DE RICHELIEU. 223
à son évesché. Je vous prie de luy envoyer un des vostres luy dire
que, pour se purger de tout soubçon, il est à propos que devant
qu'il parte il rende compte de l'argent et des bleds qu'il a maniez
pour le roy, et, s'il a quelque chose à vous demander, vous vous don-
nerésbien garde, s'il vous plaist, de luy rien accorder, ny en papier
ny en autre monnoye , qu'il n'ait rendu ledict compte , et , s'il a quelques
assignations du passé, dont il ne soit pas payé, vous en arresterés le
payement'.
CXXXI.
Arch. des Afi". élr. Rome, i638, quatre derniers mois, t. 64, fol. loa. —
Minute corrigée par le cardinal. — Original, en partie chiffré , fol. 96.
LETTRE DU ROI AU MARESCHAL D'ESTRÉES.
Du 2g octobre i638, Saint-Germain-en-Laye.
L'accident du décès de M' le duc de Savoye, arrivé depuis peu''',
donne sujet au roy de considérer que le bien des affaires communes
en Italie ne subsiste plus que sur la vie d'iui prince qui est encore en-
fant, et que, pour l'establir plus solidement, il seroit bien à propos
d'essayer de ramener le cardinal de Savoye à l'affection de la France,
et l'attacher aux intéresls de S. M.
Se .souvenant de ce que le cardinal Bagni avoit dict autrefois au
maréchal d'Estrées, sou ambassadeur extraordinaire, qu'il croyoit que
ledict cardinal de Savoye ne seroit pas fort esloigné de se raccom-
moder avec la France, s'il voyoil jour à estre remis aux bonnes grâces
du roy, S. M. juge que le premier entremetteur pour cette affaire
doit estre ledict cardinal Bagni, ou le s' Mazarin, tous deux ayant
grande habitude avec luy, et qu'il est nécessaire que ny le pape, ny le
' Voy. ci-dessus p. ia4. note 3, et sœur sur cet événement, le 3o octobre,
P' 137. une lettre que nous indiquons aux Ana-
* Le jeune duc François -Hyacinthe lyses.
était mort le 4 octobre. Le roi écrivit à sa
224 LETTRES
cardinal Barberin, ny mesme quelque personne que ce soit, n'en
sache rien, et que la chose soit tenue extraordinairement secrette
pour les traverses que l'on y pourroit apporter.
Lesdicts s" cardinal Bagni et Mazarin pourront représenter audit
cardinal de Savoie que maintenant qu'il est sy proche de la Succes-
sion des Eslats de Savoie et de Piémont qu'il n'y a plus qu'un enfant
qui le précède, il doit penser à se préparer une voie pour y parvenir
paisiblement, s'il avenoit faute du jeune duc son neveu.
Que la contiguïté dcsdicts Estats avec la France et les forces que
le roy a deçà les monts lui doivent bien faire cognoistre qu'il ne
peut entrer en la possession d'iceux, ou s'y maintenir qu'avec de
grandes diifcultés s'il ne se remet bien avec le roy pour estre appuyé
de son assistance et protection; et partant qu'il doit essayer de bonne
heure de rentrer en ses bonnes grâces, sans faire estât de la faveur
et aide ^ju'il pourroit espérer en ce cas du costé d'Espagne; par le
moyen de laquelle, s'il se mettoit en possession des dicts Estats, il
ne les pourroit posséder qu'en guerre, et en misère, par conséquent;
au lieu que, par la France, il les posséderoit d'abord en pleine paix.
Cette affaire se doit négocier en sorte que le cardinal de Savoie prie
celuy des dicts s'* cardinal Bagni ou Mazarin, qui s'en entremettra,
de la tenter ettraicter pour luy avec le dict s' ambassadeur et qu'ainsy
le dict cardinal de Savoie soit recherchant.
Outre les considérations générales ci-dèssus représentées de son
establissement futur, il faut luy proposer un estât présent où il
trouve son compte.
Il faudroit à cette fin qu'il tirast un bon partage de sa maison , en
quoy Madame l'obligeroit; et qu'il se mariast en France, ce qu'on
pourroit faire avec M"* de Bourbon , M. le Prince lui donnant quelque
belle et grande terre proche de Paris, qui luy pourroit servir de di-
vertissement.
Le roy pour le bien traicter luy donneroit une pension égale à
celle de ses princes du sang, auxquels il donne cinquante mille escus
à l'un et quarante mille à l'autre.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 225
On pourroit mesme encores luy donner quelque gouvernement de
province, comme le Maine ou la Touraine, qui sont les plus beaux
lieux du royaume.
Le dict s' ambassadeur sçaura bien, par sa prudence, faire mesnager
cette affaire comme il faut.
Il semble que le s' cardinal Bagni est le plus capable de conduire
cette affaire bien secrettement, mais on craint que, si cela estoit sceu ,
illuypeust nuire. Si le dict s' mareschàl le juge ainsy, il faudra faire
agir le dict s' Mazarin seulement, à condition qu'il n'en parlera point
à qui que ce puisse estre , ce qui est dict en général , non que l'on se
mesfie de M' le cardinal Antoine; mais il est sy important que le
pape, le cardinal Barberin , ny autres ne découvrent rien de cette af-
faire, que c'est jouer au plus seur que de ne la communiquer qu'à
ceux qui la traicteront.
CXXXII.
Arch. des Aff. élr. Rome, i638, quatre derniers mois, t. 6^, fol. 106. —
Minute corrigée de la main du cardinal. — Original , en partie cliilVré, fol. 99.
LETTRE DU ROI AU MARESCHAL D'ESTRÉES.
3 g octobre i638.
Le dict s'' ambassadeur a été amplement informé des intentions de
S. M. sur toutes les affaires de delà par les précédentes dépesches
qui luy ont esté faictes, et nouvellement par celle que Saladin, en-
voyé exprès à Rome, luy aura rendue, selon lesquelles il doit agir
tant pour le regard de la promotion que pour l'envoy du s' Mazarin
en France, ou pour son avancement en la manière qu'il luy a esté
mandé.
Mais, pour ce qui est de la protection, S. M. entend que, sans se
départir de l'espérance qu'elle a qu'enfin le pape permettra à M' le
cardinal Antoine d'en faire la fonction tout entière, le d. s' am-
bassadeur supplie de rechef Sa Sainteté de pourvoir au désordre
CAnOIN. Ue BICRIXIEC. —VI. _ 39
226 LETTRES
et scandale que cause le retardement des bulles pour les personnes
nommées par S. M. aux éveschés, qui demeurent par ce moyen si
longtemps sans pasteurs faute de proposer les d. éveschés en consis-
toire.
Le s' Lebret, qui est icy, a dict à M' le cardinal, de la part de
M. le cardinal Antoine, que, si le roy vouloit consentir que le pape
proposast luy-mesme en consistoire. Sa Sainteté le feroit sans diffi-
culté et sans délay.
A quoy S. M. ne voit pas qu'il y ait lieu d'apporter de difficulté,
puisque Sa Sainteté en a desjà proposé ci-devant, et qu'elle est libre
de le faire.
Toutefois, afin qu'elle ne puisse prétendre aucune excuse sur ce
sujet, le roy ne consent pas seulement, mais prie instamment Sa
Sainteté de le faire, jusques à ce qu'elle trouve bon que telles pro-
positions soient faictes par M' le cardinal Antoine comme protecteur.
Le d. s' marescbal fera donc des instances si pressantes au pape,
sur ce sujet, qu'elles soient suivies de l'effect que S. M. désire pour
le bien des âmes de ses sujets, et si Sa Sainteté ne vouloit point ac-
quiescer à cela contre ce que le d. s' Lebret a dict par deçà, et la
prière que Sa Majesté en faict à Sa Sainteté, elle veut, en ce cas, que
le d. s"" marescbal déclare publiquement le procédé de Sa Majesté
et qu'il dise franchement au pape qu'elle se décharge sur sa personne
de tout le mal qui peut arriver d'un retardement si important au
bien des âmes.
Le peu de satisfaction que le duc de Parme a des Espagnols, à
cause de leurs prétentions sur Plaisance, et le bruit qui s'augmente
de l'escbange que les Espagnols veulent faire avec le duc de Modène
de la Sardaigne pour le Modenois, doivent faire ouvrir les yeux aux
princes d'Italie, spécialement au pape et à la république de Venise,
pour voir la servitude dont ils sont menacés par l'augmentation de
la puissance des Espagnols dans leur voisinage. Il seroit donc bien à
propos que, dans cette conjoncture, Sa Sainteté et la dicte répu-
blique s'accommodassent de leur différend touchant l'inscription,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 227
afin que, par communs conseils, ils contribuassent à divertir telles
nouveautés dont la conséquence est fort dangereuse. Le d. s' mares-
chal agira pour cet effect, sans perdre temps, près du pape, et don-
nera avis au s' du Houssay, ambassadeur à Venise, de faire la mesme
chose vers la République. Il semble que Sa Sainteté ne se devroit
point esloigner de restablir l'inscription réformée en ce qui est de
quelques mots que ses nonces ont faict entendre qu'il trouvoit peu
convenables, et la République se doit contenter qu'elle soit remise
ainsy qu'elle estoit, avec ce peu de changement, selon un projet qui
a esté envoyé ci-devant au d. s"" mareschal.
Si M. le cardinal Barberin peut faire donner à M"" le duc de Parme
le généralat des armes des Vénitiens, cela ne sera que très à propos
pour les engager à prendre intérest en ce qui concerne le dict duc;
mais il seroit bien mieux que le pape voulust faire une ligue entre
luy, la République et les autres princes d'Italie, pour leur commune
deffense, et pour empescher les nouveautés que les Espagnols y veu-
lent faire; et que Sa Sainteté et la d. République fissent prompte-
ment leur accommodement pour plus grande disposition à un sy bon
et nécessaire dessein. C'est par là qu'il faudroit commencer.
Le d. s' mareschal tiendra la main, autant qu'il se pourra, afin
que le pape ne fasse rien de moins, sur le sujet de la naissance de
monseigneur le dauphin , que ce qui s'est faict autrefois par Clé-
ment VIII.
Faict à Saint-Germain-en-Laye, le 29 octobre i638'.
' La réponse du maréchal d'Estrées est dans le mcme manuscrit, à la date du 36 no-
vembre, P 180.
228 LETTRES
CXXXIII.
Arch. des A£F. étr. Rome, i638, quatre derniers mois, t. 64. fol. ii3.
Original , sans signature , de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRÉTAIRE D*ESTAT, À PARIS.
De Rue), ce i" novembre i638'.
M' de Chavigny, dépeschant à Rome, mandera expressément à M. le
mareschal d'Estrées qu'il arreste non seulement les bulles pour l'abbé
de Loyaç, pour l'évesché de TouUon, mais en outre celles du s' de
La Ferté pour l'évesché du Mans. Le roy le veut ainsy pour quelques
considérations qui s'esclairciront avec un peu de temps. Cette affaire
mérite, à mon avis, un courrier exprès, parce que le dict s' de La
Ferté sera asseurément le premier ou des premiers qui obtiendront
ses bulles, si on n'y pourvoit.
Par mesme moyen, il faut tousjours poursuivre le bref demandé
pour contenir les évesques mal vivans par l'appréhension de la re-
cherche de leur vie. M"" le mareschal d'Estrées peut remplir le dict
bref de M" les évesques de Chartres, Senlis, Meaux, Saiz, de Lizieux,
d'Auxerre ; le bref portant que trois d'iceux pourront travailler.
On choisit ceux-là parce qu'ils sont tous gens de bien, et si proches
de Paris que leur résidence ne sera pas interrompue.
Si le pape n'en veut nommer que quatre dans le bref, M' le maré-
chal d'Estrées choisira ceux qu'il lui plaira. En ce cas les plus expédi-
tifs seroient M"^ de Chartres, Senlis, Meaux, Saiz ou Auxerre.
' Celle date esl écrite d'une encre dif- par le cardinal de Richelieu. La pièce du
férente du reste de la pièce , el paraît être folio 89 est une mise au net. De plus
fautive, car, au folio 89, se trouve une celle même lettre se retrouve de nouveau ,
dépêche datée du 22 octobre, et adressée en copie, au folio 121, et sous la date du
au maréchal d'Estrées, laquelle est faite 6 novembre. Les dernières lignes de la dé-
évidemment, et presque mot pour mot, pêche font comprendre l'incertitude des
sur la présente noie, envoyée à Chavigni dates.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 229
11 sera de la prudence de M' le mareschal d'Estrées , si on faict en-
core quelque difficulté sur celle affaire, qui n'a autre fin que la gloire
de Dieu, d'y prendre les expédiens qu'il estimera à propos pour les
surmonter.
M' de Chavigny enverra, par ce mesme courrier, un duplicata de la
dépesche qu'il a faicte pour prier le pape de suppléer, par sa bonté,
au défaut d'un protecteur, à ce que les évesques nommés par le roy
puissent, obtenant leurs bulles, estre en estât de faire leur devoir
dans leurs églises.
Il faut aussy envoyer à M' le mareschal d'Estrées, si on ne l'a desjà
faict, la copie des passeports que le cardinal Infant veut accorder aux
Hollandois, pour empescher que le pape ne soit prévenu par les mau-
vaises raisons que le cardinal Infant mande à Rome sur ce sujet.
Il y aura diverses autres choses à mander à Rome, dont M' de Cha-
vigny se souviendra. Cependant il tiendra toutes ses dépesches prestes,
et auparavant que de faire partir son courrier, il viendra icy pour
voir si on n'aura rien oublié.
CXXXIV.
Arch. des Aff. élr. Turin , t. a6. —
Minute de la main de Clierré. — Original, chiffré, aussi de la main de Clierié.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 347 '"'■ ^79 ^°- — Copie'.
Dupuy, t. 767, cahier K. k'. (Extrait.)
SOSCBIPTION:
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE.
i novembre 1 C38 ^.
Monseigneur,
Je suis extresmement aise de ce que Madame est en meilleure
' ■Faicte sur roriginni,» dit une noie Harlay met i4 novembre, et l'extrait du
en marge du manuscrit. manuscrit Dupuy adopte celte date; nous
' Voy. ci-dessus, page 56, note 2. donnons la véritable.
' Une noie marginale du manuscrit de
230 LETTRES
disposition quelle n'a pas esté par le passé. Je supplie Dieu de tout
mon cœur qu'elle tire un tel profit de l'accident qui luy est arrivé,
qu'elle face tout ce qui est nécessaire pour se garantir de plus fas-
cheux pour l'avenir. Le roy gratifiera volontiers ^ celuy que Madame
met dans la citadelle de Thurin, selon qu'elle le désire.
Vous ferés très bien de tascher de faire que Madame"^ donne le
gouvernement de Carmagnole à quelqu'un des François qui la servent.
Son seul salut consiste à se bien attacher à la France, et le roy ne
prétend autre avantage, en tout ce qu'il aura à démesler avec elle et
pour elle, que la conserver elle et Monsieur son fils en ses Estais.
Quant aux alliances qu'elle propose, nous les apprendrons par
M"^ d'Hémery, que j'apprends cstre party pour s'en venir en cette
cour.
Je suis très aise que vousayés retenu tous les François de delà. As-
seurément l'argent ne vous manquera pas pour leur quartier d'hyver.
Il y a desjà plus de lo jours qu'on a faict partir 100,000 écus expres-
sément pour avoir lieu de les payer par avance et quoiqu'il faille [sic];
pourveu que j'en sois averti à temps, je le feray envoyer sans faillir.
Pœste à vous. Monseigneur, de donner un sy bon ordre que les sol-
dats, estant bien traictés, demeurent en leurs quartiers, et cependant
que vous renvoyiés dès cette heure la moitié des officiers, selon que
vous l'eslimerés à propos, pour faire leurs recreues dans des lieux
qu'on leur donnera dès à présent, afin qu'on les puisse faire partir
au commencement d'avril.
On vous dépesche expressément ce courrier afin que, pour gaigner
le temps, vous faciès promptement partir les dicls oflQciers, vous as-
seurant qu'on ne perdra pas un moment, et qu'on n'espargnera point
l'argent à ce que vous ayés, l'année qui vient, une puissante armée.
Je tiens l'avis que cet Espagnol qui a esté pris prisonnier donne du
dessein qu'ont les ennemis d'assiéger Casai au mois de mars très
' Il y a ici neuf mois chiffrés dans lo- ' Ici encore treize mots en chiffres dont
riginal et dans les copies; nous les avons la minute nous a donné l'explication,
trouvés en clair dans la minute.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 231
considérable. Pour cet effect je vous prie de ne rien espargner à ce
que la place soit en estai que les ennemis y reçoivent un afiront.
L'argent ne manquera point, ny pour achever ce qui restera à faire de
forlifTications, ny pour la fonte des canons, pour les vivres et autres
choses nécessaires; et aussytost que M' d'Hémery sera arrivé ici, je
feray pourvoir actuellement à tout ce qu'il dira estre nécessaire.
Vous aurés, s'il vous plaist, pareil soin des fortiffications de Rous-
signan et de Pont de Sture que de Casai, et de faire munir les dictes
places. M' de Noyers escrit aux s" Lhermitte et Colbert qu'ils tirent
sur le s' Mauroy, son commis, toutes les lettres de change qu'il faudra,
tant pour les dictes fortiffications que munitions des dictes places, et
elles seront aussytost acquittées.
' Je suis bien fasché de n'avoir rien de bon à vous escrire de
M' de La Valette. Je ne comprends point son procédé. Il a envoyé de-
mander congé de venir trouver le roy par un gentilhomme exprès,
party en mesme temps que S. M. luy en avoit envoyé un pour le
convier à ce qu'il tesmoignoit désirer; et puis, au lieu devenir, il s'est
embarqué dans un vaisseau et est sorti du royaume.
Cette conduite donne lieu à tout le monde de le blasmer au der-
nier point, et à moy peut estre plus de sujet de faire le mesme qu'à
aucun autre, ayant tousjours dict à tous ceux à qui j'ay parlé de sa
part que, comme je ne voudrois pour rien du monde l'assister, s'il
est coupable de ce dont il est accusé, je le servirois volontiers s'il es-
toit innocent, et qu'en ce cas il n'avoit rien à craindre.
On dict qu'il est allé en Angleterre, d'autres en Hollande, d'autres
qu'il prétend gaigner Venise. Depuis qu'il n'a pas paru à la veue du
monde d'aucuns avoient cru qu'il tiroit le chemin de Metz, ce dont
on avertit en mesme temps le s"" de Rocquepine , afin qu'il suivist vos
intentions et non les siennes; et le priast de se retirer ailleurs. Sa
mauvaise conduite relève la bonté de la vostre dans l'esprit du roy,
qui vous ayme et vous estime comme vous le pouvés souhailter.
' Ici commence l'extraii du manuscril de Dupuy , jusqu'à la signature inclusive-
ment.
232 LETTRES
Pour moy, Monseigneur, je me tiens sy asseuré de vostre affection,
que je ne croy pas l'estre davantage de moy-mesme. Vous ferés, s'il
vous plaist, le mesme estât de moy, vous asseurant qu'il n'y a rien
au monde qui puisse diminuer la passion avec laquelle vous me co-
gnoistrés tousjours,
Monseigneur,
Vostre très affectionné serviteur.
Le Card. DE RICHELIEU.
De Ruel, A novembre i638.
'Je suplie Vostre Eminence de commettre des personnes particu-
lières à chaque place qui ayent soin de faire avancer les travaux qu'il
y faut faire, et me mander ce qui se fera de temps en temps.
CXXXV.
Arch. des AIT. élr. Turin, t. 26. —
Mise au net de la raain de Clierré, corrigée et devenue minute.
Bibl. imp. Suppl. franc. 920. — Original.
suscniPTiON;
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE.
4 ^ novembre i638.
Monseigneur,
Je reprends la plume de nouveau pour vous dire qu'ayant hier veu
une personne qui prend grand soin de ce qui vous touche par cons-
cience, elle m'en a parlé avec tant de tesmoignages de bon naturel
que vous devés, en cette considération, redoubler vostre dévotion,
non seulement pour l'amour de vous-mesme, mais encore pour luy
procurer l'effect du désir qu'elle a d'estre un jour avec vous au ciel
' Ce post-scriptum n'est point dans la évidente , puisque les premiers mots disent
minute. qu'elle a été écrite à la suite de celle du h,
' La lettre du supplément français est à laquelle elle se trouve jointe dans le ma-
datée du 3 novembre. C'est une erreur nuscrit des Affaires élrangères.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
233
pour louer conjointement et sans fin la bonté divine. En vérité c'est
une très vertueuse personne, très dévote et très affectionnée à vos in-
térests. Elle m'a fort conjuré que le malheur de Mons. de La Va-
lette n'altère rien en l'amitié que j'ay tousjours eue pour vous; je luy
ay mis l'esprit en repos de ce costé-là, luy déclarant qu'il n'y a rien
au monde qui soit capable de l'altérer'. Je vous conjure de le croire,
et que tant s'en faut que la faute de M' de La Valette la diminue,
qu'au contraire j'auray autant de soin qu'il me sera possible de faire
cognoistre à tout le monde que, si elle est capable d'augmentation,
elle en recevra de ma part, comme estant et voulant estre à jamais.
Monseigneur,
Vostre très humble et très afTectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Notre première pensée, en lisant celle
lettre, fut que la personne dont parle ici
Richelieu était la duchesse d'Aiguillon.
Cependant nous étions mis en doute par
la réponse du cardinal de La Valette : • Je
voudrois bien, disait-il, avoir la bonté et
la dévotion que vous et la personne dont
il vous plaist m'escrire me souhaittent ,
car mes prières ne vous seroient pas inu-
tiles J'ose vous suplier très humble-
ment de luy continuer vosire protection ,
car peul estre qu'elle en a maintenant be-
soin. Vous avés raison de la croire ver-
tueuse, car il est certain qu'elle l'est
extresmement. . . » ( 1 1 déc. ms. de Turin
précité). El nous nousdemandions si c'était
de la nièce de Ricnelieu qu'on pouvait
parler ainsi à son oncle, solliciter sa pro-
tection pour cette nièce chérie, et se faire
auprès de lui garant de sa vertu. Mais deux
lettres que nous avons trouvées plus tard
nous semblent dissiper sur ce point toute
incerlilude. Après la mort du cardinal de La
Valette, Chavigni, qui n'avait pas osé an-
noncer cette triste nouvelle à M"''d'Aiguil-
CARDIN. DE niCBELIED. - TI.
Ion , lui écrivail : « Vous savez parfaitement
aymer sans faire tort à la réputation que
vous avez d'une des plus sages et plus ver-
tueuses personnes du monde. . . J'ay ap-
pris de tous ceux qui l'ont assisté qu'il a
eu des sentimens pour Dieu extraordi-
naires, et qu'il ne se peut pas voir une fin
plus chrestienne que celle qu'il a faite, b
(8 oct. 1639 , AIT. étr. f° 407.) Et la du-
chesse répondait le 34 : • Vous avés bien
jugé que la vue de M' de Binoty (?) me seroit
fort sensible, aussy m'a -t -elle touchée
étrangement. Despuis la perle que nous
avons faicte, j'ay tousjours esté mallade ,
et il est impossible que je me puisse re-
mettre. Geste personne m'est tousjours
présente, et je ne puis croire que nous en
soions séparés pour jamais sans une dou-
leur extresmc. . . » Et , après quelques lignes
sur des affaires de famille : < Je vous con-
jure de brusler cesle lettre. » — Quant à
l'amitié dont Richelieu renouvelle ici les
protestations au cardinal de La Valette,
Chavigni la caractérise fort bien dans ce
passage d'une lettre qu'il lui écrivait, le
*3o
234 LETTRES
CXXXVl.
Arch. des AIT. élr. France, i638, d'août en décembre, fol. kkk- —
Minute de la main de Charpentier.
A M. LE CHANCELIER.
Du 8 novembre i638.
J'envoie à M"" le chancelier une lettre que le père Bernard m'a es-
critte sur le sujet des prisonniers. Je vous prie de l'envoyer quérir et
le rendre capable de la raison , parce que ce bon homme peut crier dans
Paris avec un grand zèle, mais quelques fois avec peu de prudence ^
Je ne croy pas qu'il voulust qu'on déllvrast des gens prévenus de
crimes énormes; mais, s'il avoit telle pensée, il luy faut faire conce-
voir que cela est contre la raison et la justice. On m'a dict qu'il ne
parle que des prisonniers insolvables, recogneus tels par la justice ;
vous y tenés le i" lieu, vous sçavés ce qui se doit faire, en quoy je
vous prie de vous porter avec affection.
CXXXVII.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. kkU- — •
Minute de la main de Charpentier.
Bibl. imp. Fonds Dupuy, 584. (Vers la lin.) — Copie.
AU PÈRE RERNARD.
8 novembre i638.
Mon père, j'ay reçu la lettre que vous m'avés escrite sur le sujet
6 décembre. «M*' le cardinal continue à tion en des termes dictés sans doute par Ri-
estre entièrement satisfait de vous, W, cheHeu: n II est besoin que vous vous serviez
et je suis asseuré qu'il a plus de dessein de toute vosire patience, mais vous devez
que jamais de conserver vostre amitié , considérer que vous n'empescheriez pas
mais à sa mode , c'est-à-dire qu'il croit que ces choses quand vous prendriez une autre
toutes choses doivent céder aux raisons conduite. » (Arch. des Aff. étr. Minute.)
d' estât. 11 Chavigni ne lui dissimule pas que ' Le P. Bernard, qui se nommait lui-
le duc de La Valette ne peut échapper à même «le pauvre prêtre,» était un saint
une condamnation; et il lui dit qu'un nou- homme qui s'était voué au soulagement
vel incident vient d'ajouter encore à la co- des malades et surtout des prisonniers.
1ère du cardinal. (Voy. ci-après, p. 262.) Né dans une riche famille de magistrature ,
Chavigni finit en l'exhortant à la résigna- il consacra sa fortune à ces bonnes œu-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 235
de la compassion que vous font les prisonniers; je ne sçaurois assez
louer vostre zèle; mais d'aultant que c'est à monsieur le chancelier à
sçavoir ce qui se pratique particulièrement en ces occasions-là, et ce
qui s'y peut et se doibt l'aire raisonnablement, vous le verres, s'il vous
plaist, et lui ferés entendre vos pensées. Cependant je iuy envoie la
lettre que vous m'avés escrite, et lui recommande cette affaire, que
vous avés à cœur, aultant qu'il m'est possible, vous asseurant que je
suis.
Mon père,
Voslre bien aBeclionné à vous servir.
Le Card. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 8 novembre i638.
Je vous prie de redoubler vos prières pour la paix que je souhaitle
avec tant de sincérité et d'ardeur que je ne crains point de prier Dieu
qu'il punisse ceux qui l'empeschent.
CXXXVIII.
Arcl). des AIT. élr. France, 16.^8, d'août en décembre, fol. l\t\\. —
Minute (le la main de Cliarpentier.
AU ROY'.
Du 8 novembre i638
Si le roy le trouve bon, la reyne arrivant à Saint-Germain, Sa Ma-
jesté Iuy peut dire : Je vous ay mandé que, quand madame de Sé-
necé ni'auroit obéy, je vous escouterois volontiers sur son sujet, si
vres. Il avait, en i638, environ cinquante l'intérêt politique. Le V. Bernard mourut
ans. et, depuis dix-sept ou dix-liuit années, en i64i.
il rachelait par cette vie de cliai'ité, une ' La marquise de Sénecé, première
jeunesse perdue dans la dissipation et les dame d'honneur de la reine, inquiétait le
plai.sirs du monde. L'amitié de saint Vin- cardinal ; les intelligences qu'il avait parmi
cent de Paul fut la récompense des vertus les personnes qui entouraient Anne d'Au-
du pauvre pré Ire > que Uiclielieu juge ici triche, surtout avec M"' de Cbémeraull,
du point de vueoù il jugeait toutes choses, l'une de ses fdles d'honneur, l'avaient ins-
3o.
236 LETTRES
vous avés quelque chose à me dire. Si elle est partie de Paris pour
s'en aller, vous pouvés dire ce qu'il vous plaira, mais, quoy que c'en
soit, je veux que l'obéissance précède.
Si la reyne veut entrer davantage en discours, S. M. luy respon-
dra, s'il luy piaist, selon sa prudence, concluant qu'il luy suffit de
sçavoir qu'il faict les choses avec raison, sans estre obligé d'en rendre
compte.
Après, si elle veut, elle peut ajouster : Vous sçavés autant des im-
pertinences de l'esprit de madame de Sénecé que moy; je vous en ay
veu cent fois rire la première.
Si vous dittes qu'on ne chasse pas les personnes pour des imperti-
nences, je respondray qu'aussy ne l'ay-je pas faict pojir cela, mais
pour des actions qui ne sont pas exemptes de malice. Vous n'ignorés
pas la bonne volonté qu'elle avoit pour ceux que j'employe au ma-
niement de mes affaires; sur ce sujet vous sçavés beaucoup de choses
que je ne sçay pas, mais j'en sçay aussy'que vous ne sçavés pas.
Je sçay des personnes qu'elle a suscitées pour agir contre eux au-
près de moy, quand ilz me trouveroient en mauvaise humeur.
Je sçay de plus des avis qu'elle a faict donner à quelques per-
sonnes que je les voulois faire prendre prisonniers, contre toute vé-
rité; et de cela, si elle eust esté creue, il en pouvoit arriver beau-
coup d'inconvéniens.
Il y a bien d'autres choses, mais je vous demande seulement sur
ces 2 poincts si je seray bien conseillé de garder en ma cour une per-
sonne de cette humeur, bien capable de donner à diverses personnes,
et à vous mesme de belles impressions au préjudice de mes affaires.
Si la reyne, qui a tesmoigné plusieurs fois estre en assez mau-
Iruit que M"* de Sénecé était mêlée aux inrailliblenient s'ensuivre. Richelieu, ne
intrigues qu'il redoutait. Il résolut donc pouvant l'enipêcher, la prévint; et, cooiine
de la faire congédier et n'eut pas de peine à il avait soin de le faire dans certaines
obtenir du roi cette disgrâce. Louis XIII circonstances délicates, où le roi pouvait
écrivit à sa femme un billet fort sec, qu'il se Irouver embarrassé, il lui dicla ce qu'il
chargea Chavigni de commenter. Une aurait à répondre,
explication entre les deux époux devait
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 237
vaise humeur pour le cardinal, dict quelque chose de luy, Sa Majesté
Y respondra bien, s'il luy plaist , par sa bonté et sa prudence. Si la
reyne ' . . .
CXXXIX.
Arch. des AÉF. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 4^48. —
Minute de la main de Cherré.
A M. DE RENNES l
Du 10* novembre i638.
Monsieur, Je ne sçaurois assez m'estonner qu'en vous en retour-
nant de la cour comblé des grâces et des effects de la bonté de Sa
Majesté, vous vous soyés conduit à vostre arrivée aux estatz en sorte
que, quelque prétexte que vous puissiés prendre, vous ne puissiés
vous excuser d'apporter quelque retardement en ses affaires, par le
procédé que vous avés gardé *. Comme vous avés esté maintenu
contre le parlement en ce qui est de la raison, il est de vostre pru-
dence et de vostre sagesse d'estre si despouillé de toute passion à son
esgard que l'équité du roy ne l'oblige pas à estre contre vous en une
autre occasion. Le bruict est venu jusques icy que vous ne secondés
pas tous les bons desseins que M' le grand maistre * a pour le service
' Le manuscrit laisse ainsi lé discours
interrompu. Nous n'avons trouvé rien
autre chose sur cette affaire. La Gazette
du 20 novembre donnait, à l'article Pa-
ris , cette véridique nouvelle ; » La com-
tesse de Brissac, pour ses grands mérites,
a esté nommée par Leurs Majeslez Dame
d'honneur de la Reine, en la place de la
marquise de Sénecey. • H y avait pour-
tant du vrai dans ces lignes ; la marquise
de Brissac était une personne douée de
qualités éminenles.
' Pierre Cornulier; il présida les étals
de Bretagne , qui se tinrent cette année ; il
les avait déjà présidés en i6v et en i636.
' L'évêque avait lancé un interdit qui
contrariait Richelieu. Le cardinal se fit
écrire , à ce sujet , une lettre dont la mi-
nute, de la main de Cherré, se trouve
dans le manuscrit cité aux sources. Cette
minute, sans date, est classée en novem-
bre, t° 485 , et on lit au dos : «Copie de
la lettre que M" de Bretagne doivent es-
crireà Son Eminence pour faire lever l'in-
terdit par M' de Rennes. ■ Nous donnons
aux analyses l'indication de cette lettre.
* Le maréchal de La Meilleraie, cousin
du cardinal.
238 LETTRES
du loy et le bien de la province , comme je me le fusse promis. Je vous
avoue que j'ay beaucoup de peyne à le croire, ne pouvant pas m'i-
maginer que, cognoissant comme vous faictes ce qu'il m'est, et com-
bien je l'ayme, et l'affection particulière que moy et tous les miens
avons pour la province, vous puissiés estre mal avec luy; veu princi-
palement que chacun sçait que je vous ay donné tout sujet d'en user
autrement. Les actions estant ce qui justifie nettement les intentions
et les desseins des hommes, vous trouvères bon que je considère les
vostres, qui me donneront lieu, je m'asseure, d'estre de plus en
plus, etc.
CXL.
Bibl. imp. Saint-Germain-Hariay, 36i", fol. 221. — Original.
[A M. DE BELLIÈVRE.]
i3 novembre i63S.
Monsieur, J'ay esté extresmement aise de voir, par la lettre que vous
m'avés escritte du 28"°® octobre ', l'espérance que vous avés de faire
passer en France, à ce printemps, jusques à 3, 000 hommes effectifs
Escossois, par le moyen de la permission que vous avés obtenue du
' Les nombreuses armées que la qu'on n'envoyait pas de France. Le 7 avril
France avait sur pied se recrulaient dif- de l'année suivante, Bellièvre écrivait en-
ficilement. Outre les corps suisses et aile- core à Cliavigni qu'il demandait « pour la
mands qu'elle avait à son service, Riche- quatrième J'ois» 24,000 francs qui man-
lieu voulut avoir des Ecossais et des quaient. (Même ms. f" Itài.) Et quand
Irlandais; une négociation avait été enta- l'ambassadeur était parvenu à triompher
mée en Angleterre, et notre ambassadeur des diETicultés, c'était en France qu'on en
Bellièvre s'y employa activement. La rencontrait de nouvelles , et le gouverneur
lettre du 28 octobre, dont il s'agit ici, de Calais refusait à ces recrues l'entrée en
est conservée aux Aff. étrang. (Angleterre France. Bellièvre écrivait à de Noyers, le
tom. If], (° 2A4); niais nous n'y trouvons secrétaire d'état de la guerre, le 26 mai :
point cette réponse du cardinal. Les le- a .l'ayfaictpasseràCalaislescapitainesCros-
vées éprouvaient toutes sortes de dilîlcul- bie. . . M' deCharost faict difficulté de re-
lés , tantôt de la part du roi, tantôt de celle cevoir dans son gouvernement les soldats
du parlement; et tantôt c'était l'argent qiiiy arriventparmer... »(Mêmems.f°488.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
239
roy de la Grande Bretagne pour la levée d'un régiment de cette na-
tion. Je vous conjure, avec toute l'airectiou qu'il m'est possible, de
n'oublier aucune chose pour cela, estant certain que vous ne sçauriés
rendre un service plus agréable au roy ', ni ni'obliger davantage en
mon particulier, m'estant chargé envers S. M. de cette levée. Si l'ar-
gent que M"" de Noyers vous a envoyé pour cet effect ne suffit pas
pour avoir le nombre de 3,ooo hommes, j'auray soin moy-mesme
de vous faire envoyer ce que vous désirerés de plus, aussitost que
vous me l'aurés fait savoir. En un mot l'argent ne manquera point,
pourveu que nous soyons asseurés d'avoir des hommes.
Si vous pouvés aussy faire réussir la proposition que vous me faictes
sur le sujet du régiment du colonel Tyrel, ce seroit une bonne affaire,
et pourveu que vous puissiés engager quelques personnes de crédit
et d'autorité à prendre ce régiment, le roy ne fera aucune difficulté
de casser ledict colonel Tyrel, qui a eu fort peu de soin de le mainte-
nir. C'est donc à vous de mesnager cette affaire avec vostre prudence
et vostre adresse ordinaire, et faire en sorte que celuy que vous choi-
sirés pour cet emploi s'en acquitte comme le roy le peut souhaitter,
vous asseurant que S. M. approuvera tout ce que vous ferés en cela
poiu" son service, et que l'argent ne manquera non plus pour ce régi-
ment, pourveu qu'il soit bon et bien fort, que pour celuy d'Escos-
sois. J'attendray, sur le tout, de vos nouvelles et vous asseureray
cependant que je feray valoir vos soins et vos services ainsy que
' Le roi avait, en effet, ces levées fort
à cœur; nous le voyons se plaindre lui-
niême de manœuvres par lesquelles on lâ-
chait de les entraver; il écrivait, le lU mars
de l'année suivante, à un seigneur anglais
qu'on nomme Ersking , lequel s'était
chargé de faire un régiment : « J'ay esté
fort estonné d'apprendre que, sur un faux
rapport de quelques-uns du régiment de
Douglas, qui, par une légèreté et incons-
tance dont vostre nation a tousjours esté
exempte, ont essayé de descrier mon ser-
vice, comme s'ils y estoient maltraités, n
Cette lettre , contre-signée : Sublet , est sans
doute de ce secrétaire d'Etat. J'en ai
inutilement cherché la minute au dépôt
de la guerre, parmi les papiers de ce
temps-là. L'original, dont je ne connais
pas l'écriture , se trouve à la Bibliothèque
impériale, fonds Saint - Germain , Harl.
364", f 289.
240
LETTRES
vous le pouvés désirer d'une personne qui vous aime et qui est véri-
tablement, Monsieur,
Vostre tris affectionné serviteur.
Le Gard. DE lUCHELIEU.
Vous vous souviendrés, s'il vous plaist, de faire faire les levées ci-
dessus de sy bonne heure que nous puissions les avoir à Calais, ou à
Bouloigne, à la fin de mars au plus tard. Je vous redis encore une fois
que vous ne me sauriés obliger d'avantage que de haster ces levées ,
et faire en sorte qu'elles soient du nombre que vous me demandés.
De Ruel, ce i 3^ novembre i638.
CXLI.
Arch. des A£f. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 45 1
SUSCRIPTION :
POUR M. ROUTHILLIER,
Original.
SECRETAIRE D*ESTAT.
Le 1 5 novembre , à 5 heures du soir ', 1 638.
Le courrier d'Espagne est arrivé dès avant-hier. Monsieur de Cba-
vigny doit avoir receu les lettres de Puj ^. Cependant, ne m'en ayant
point parlé aujourd'huy, j'en suis en doute. Je le prie de me man-
der, par un billet, ce qui en est; et, s'il y a quelque chose, de me le
laire sçavoir promptement^ en m'envoyant les lettres mesmes, les
moindres mots estant importans en telles affaires.
La date est de la main de Richelieu.
" Pujol , qui s'était réfugié en Espagne
à la suile de quelque intrigue coupable,
lâchait d'obtenir son pardon , et oflVait ses
services sous prétexte de ménager quelque
aciieminenient à des négociations prépa-
ratoires avec l'Espagne. Le cardinal ne
voulait pas que les alliés en fussent infor-
més, de peur d'éveiller leurs soupçons cl
de les détacher de leur union avec la
France. Il y avait déjà plusieurs mois que
Pujol s'était mis, à ce sujet, en relation
avec Richelieu, qui se méfiait de lui, tout
en essayant de s'en servir. Nous indi-
quons aux Analyses, à la date du 6 avril
et du 7 mai, deux billets adressés à Cha-
vigni concernant ce Pujol.
' D'ici à la fin , de la main de Richelieu ,
qui a signé d'une espèce de parafe ou mo-
nogramme que je n'ai jamais rencontré
dans les letlres du cardinal. Il semble
qu'on pourrait lire J. A. (Jean-Armand);
mais Richelieu se nommait Armand-Jean.
Serait-ce D. R. ? (De Richelieu.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 241
CXLII.
Arch. des AIT. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 478-/182. —
Minute de la main de Cherré'.
A PUJOL'.
[Vers le commencement de la seconde quinzaine de novembre.]
On voit dans [vos dernières] dépesches du'' beaucoup de
paroles qui tesmoignent un grand désir de paix; mais on ne voit pas
qu'on .s'avance à aucune chose pour en venir à l'effect. Cependant la
France croid n'avoir [rien] oublié de sa part qui puisse haster un tel
bien sy nécessaire à la Chrestienté.
[La France] a tousjours tesmoigné franchement qu'elle n'enten-
droit jatnais ny à trefve, ny à paix, sans ses alliez; tant à cause de
l'engagement de sa foy, que parce que c'est le seul moyen de faire
une paix qui ne se puisse rompre.
Et cependant il y a deux ans qu'elle attend et solicite, autant qu'il
luy est possible, les passeportz pour ses [dicts] alliez sans qu'on ail
pu les obtenir.
Bien que la paix soit la seule fin que [la France] désire, elle a
coDsenty à la trefve lorsqu'elle a esté proposée de Sa S"".- [De plus]
pour faire en sorte qu'une trefve n'empeschast pas un accord deffi-
nitif, elle a faict sçavoir [par vostre voye] les conditions ausquelles
la paix se pourroit establir entre les deux couronnes.
Ces conditions ont esté sy avantageuses pour l'Espagne que la
France n'a point faict de difficulté de restituer tout ce qu'elle luy
tient, en cas de paix.
' Un assez grand nombre de mots étant manque. On vient de voir par la lettre
de la main du cardinal, nous les indi- précédente, datée dui5, qu'une dépécbe
quons par des crochets. dePujol devait être arrivée; nous plaçons
' Au dos de cette minute, sans »uscrip- cette réponse vers le commencement de
lion et sans date, nous trouvons cette an- la seconde quinzaine de novembre,
notation : « Brouillard de lettre à Puj. ' Date restée en blanc dans le manus-
du novembre 1 638. > Le quantième crit.
CARDi:f. DE RICBELIED. VI. . 3l
242 LETTRES
[Elles ont aussy esté sy favorables pour l'Empereur'] que, bien que
[la France] eust peu prétendre retenir quelques unes des places qu'elle
tient en Allemagne, elle a esté disposée à les rendre, en cas de paix.
Et bien que, par raison, elle ait deub et puisse prétendre toute la
Lorraine, à raison des divers droitz particuliers qu'elle a dessus, outre
celuyde la guerre qui est général, elle ne s'est pas esloignée de donner
quelque [espèce de] contr'eschange à M' de Lorraine, pour le pouvoir
faire subsister conformément à ce que l'Empereur et le roy d'Espagne
pourroient donner au Palatin et au duc de Wirtemberg.
Si tout ce que dessus n'est pas capable d'avancer la paix, ny de
tesmoigncr le désir qu'en a la France, elle ne voit pas [quelle puisse]
faire aucune chose qui peust donner l'expression de sa sincérité.
Elle ne sçait comme on trouve à redire à la fermeté qu elle a à n'aban-
donner pas les Hollandois, y estant engagée comme elle est par un bon
traicté, dont les causes sont trop cognues pour les mander de nouveau.
Elle ne sçait aussy comme il a peu entrer en la pensée de M' le
Comte-Duc qu'on se soit vanté de traicter secrètement avec luy, et
de vouloir partager la Lorraine, veu qu'on a tousjours eu intention
do la retenir entière [sans que l'Espagne, qui n'y peut avoir aulcune
prétention, y prist part].
Aussy peu peut-on comprendre ce que veulent dire ceux qui ont
voulu persuader à M'' le Comte-Duc que le cardinal veut diviser
l'Empereur d'avec l'Espagne, tant parce qu'en sa conscience il n'y a
jamais pensé, que parce qu'il faudroit eslre fol pour estimer qu'une
telle proposition fust pratiquable.
[On] pourroit bien se plaindre avec raison que dom Miquel de
Salamanque, passant icy, protesta et asseura plusieurs fois que jamais
l'Espagne ne traicteroit [secrètement] avec les Hollandois, ains agiroit
avec eux par le moyen de la France; et cependant il est certain que,
depuis son passage, on a plusieurs fois tasché d'engager les d. Hol-
landois, sous divers prétextes, à des traictés segrets et particuliers.
' Richelieu nomme ici « empereur « le prince qu'il n'appelle jamais que • le roy de
« Hongrie. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 243
Pour sortir d'afiaires il faut abandonner toutes procédures sem-
blables, accorder des passeportz qui soient recevables, se résoudre
à une trefve qui ne portera point de préjudice à la paix et qui n'en
allongera pas le terme, puisqu'on travaillera incessamment à la con-
clure; et, dès cette heure, avoir en l'esprit des conditions de paix rai-
sonnables entre les couronnes, telles que sont celles que la France a
proposées, puisqu'elle veut rendre tout ce qu'elle tient [à l'Espagne].
Par ce moyen on sortira promptement d'affaire et establira-t-on
un bon et durable repos en toute la Chrestienté. Je vous proteste
avec tant de sincérité que la France le souhaitte véritablement que
je ne crains point de désirer malédiction à ceux qui [par des préten-
tions injustes] empescberont une bonne paix '.
Je vous asseure de plus que , si le repos est une l'ois estably, il ne
se rompera jamais de nostre part -.
[On ne respond point à la proposition que faict M. le Comte-Duc]
de nommer des commissaires, et de choisir un lieu pour traicter [en
particulier parce qu'on estime que tel expédient préjudicieroit bien
plustost aux affaires qu'il ne les avanceroit, par la juste jalousie qu'en
concevroyent les alliez] , et ce qui ne se fera point par vostre voye par-
ticulière ne sçauroit se faire par aucune autre. Les conditions d'une
paix ne se peuvent accorder que dans une pleine assemblée, ainsy
que nous l'avons tousjours mandé, mais celles d'une trefve univer-
selle eussent bien peu s'accorder entre les deux couronnes, pourveu
que chacune se fust faict fort de ses alliez, ce qu'elle eust peu sans
leur faire tort, puisque tel traicté, laissant les choses en Testât auquel
ils [sic] sont à leur esgard, laisse la liberté à un chacun de disputer
ses intérests pour la paix.
Le cardinal ne sçauroit assez remercier le Comte-Duc de ses civi-
litez et de ses courtoisies; en revanche des quelles, si la paix est une
' Richelieu écrivait la même chose, à lignes suivantes : «Ce sera maintenant
peu près dans les mêmes termes, au père à M' le Comte-Duc de regarder ce qu'il
Bernard. (Ci-dessus, p. a35.). veut faire puisque la paix est en sa main
Ici .sont effacées dans la minute les par cette voye. •
il.
244 LETTRES
fois faicte, il recherchera passionnément une occasion particulière
deie^..
Comme M"" le Comte-Duc continue à tesmoigner faire plus d'estat
du cardinal qu'il ne vaut, il luy est impossible de manquer aussy à
continuer sa recognoissance et à désirer quelque bonne occasion qui
face cognoislre audit s' Comte-Duc l'estime particulière qu'il faict
de sa personne, et le désir qu'il a d'une bonne paix, pour avoir lieu
de le pouvoir servir comme il le souhaitte sincèrement.
Il y a en marge de ce dernier alinéa , ces mots : « p' respondre à vostre lettre
du je vous diray. » Etait-ce le commencement d'un autre paragraphe
ou d'une autre dépêche? 11 règne quelque désordre dans cette minute; au milieu
des quatre feuillets dont elle se compose, numérotés 478, 479. 48o, h82, le
relieur en a introduit un cinquième écrit aussi de la main de Cherré, lequel,
dans ce volume coté tout récemment, sans examen des pièces, se trouve porter
le n° 481, et qui peut à la rigueur faire partie de la lettre à Pujol;mais rien n'in-
dique où ce feuillet se rattache; était-ce un post-scriptam? Voici le fragment :
Vous apprendrés par d'autres que par nous comme Guestz a esté
traicté à la tentative qu'il a voulu faire pour forcer les retranchemens
que le duc de Weymar a faicts devant Brizac, en laquelle il a perdu
plus de 2 mil hommes sur la place.
Vous apprendrés aussy ce qui est arrivé de nouveau au reste des
troupes du duc de Lorraine, à Anchisen^, ou elles ont esté defFaictes,
le colonel Mercy et divers autres officiers, pris prisonniers.
Et de plus, comme ensuite Savelly, ayant passé le Rhin pour se
venir joindre aud. s'" de Lorraine, a esté sy absolument deffait à
Blamont, par M. de Longueville, que rien ne s'est sauvé de cette def-
faite que luy troisiesme, estant demeuré plus de 80 officiers prison-
niers entre les mains du d. s' de Longueville*.
' Il y a ici, dans cette minute, un blanc ' Ces divers conibals avaient été livrés
(le deux lignes, le paragraphe est resté à la fin d'octobre et au commencement de
inaclievé;devaitil être conlinuéPou Riche- novembre. La Gazette, qui en avaitdonné
lieu voulait-il le faire effacer et le remplacer la nouvelle à leur date, en publia une
par le paragraphe suivant, dont la pensée relation circonstanciée dans des exlraor-
cst à peu près la même? — ' Ensisheim. dinaires des 11, 18 el 22 novembre.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 2/t5
Quelque bon événement qui puisse arriver il ne changera pas la
volonté que la France a tousjours eue du repos de la Chrestienté;
et comme les mauvais succès ne luy feront jamais consentir à la paix
à des conditions déraisonnables, les bons ne luy en feront jamais
désirer d'injustes.
CXLIII.
Arch. des Aff. élr. France, 1 638-1 689 , fol. 78. — Original.
MÉMOIRE ENVOYÉ A M. DE BULLION \
De l'Arcenal , ce 18° novembre 1 63S.
Estant venu en cette ville à dessein de n'en partir point qu'on n'ait
poui"veu à certaines choses du tout nécessaires au service du roy, je
prie M. de BuUion de me respondre, article par article, ce qu'il fera
ellectivement à chacun des points qui seront exprimez cy-après.
Il est impossible de tenir des garnisons si on ne le paye en deniers
comptans. Je sçay bien que M" des finances diront qu'ils en ont faict
estai, mais telz discours sont inutiles si on n"a l'argent par avance,
et présentement je viens d'aprendre qu'ime des places du royaume ,
que les ennemis regardent actuellement, est en fort mauvais estât,
parce que la garnison s'est toute desbandée povu' n'estre point payée.
H est bien plus aisé à M" des finances d'amasser de l'argent, qu'à
nous des gens. L'argent estant amassé ne .se perd pas, mais les soldatz
estans assemblez se dissipent incontinant sans argent.
Les gallères n'ont louché que deux cents mile livres comptant de
toutes les assignations de cette année, nonobstant le service avanta-
geux qu'elles ont rendu; c'est leur oster moyen de bien faire que
de leur donner de mauvaises assignations, n'y ayant point de charge
où l'argent comptant soit si nécessaire qu'à celle-là. Il est besoin de
' Ce (itrc et la date sont notés au dos senal te i5. On sait que l'Arsenal était la
de cette pièce. La Gazette (p. 700) annon- résidence du grand maître de l'artillerie,
çait que Hiclielieu était venu loger à l'Ar- lequel était alors le cousin du cardinal.
246 LETTRES
sçavoir comme on y veut pourvoir pour i'année qui vient, et le faire
actuellement.
Faut pourvoir sur toutes choses au fonds de l'Italie, en sorte que
le manque ou le retardement des fonds ne puisse empescher à l'avenir
que les affaires n'aillent comme il faut; n'y ayant que ce costé-là où
les ennemis puissent aisément prendre de grands avantages sur nous ,
il en faut avoir plus de soin que d'aucun autre.
Il est du tout nécessaire de payer, par avance, le premier terme
promis aux cappitaines suisses du reste de ce à quoy on a arresté ce
qu'on leur doit. Sans cela on ne peut faire les levées nécessaires en
Suisse, et le temps nous presse.
Il est à propos de payer le dernier quartier de M. de Weymar.
M'' de Bullion s'en peut accommoder avec le s' Heufft.
Il est aussy raisonnable de pourvoir en sorte à ce qui reste deub
à M" les Estats de Hollande que M' l'ambassadeur en ait conten-
tement; cet article ne consiste qu'à lui faire voir que ses assignations
sont bonnes et en faciliter le payement.
Le quartier qui est escheu du traicté faict avec la couronne de
Suède presse effectivement. Pour en faciliter le payement, on con-
sent que M" des finances prennent deux cens mil livres sur les de-
niers qui ont esté portez en Hollande pour madame la langrave de
Hesse, le reste devant eslre employé pour empescher que les enne-
mis ne tirent ses trouppes à leur service.
Il est besoin de mieux pourvoir au fonds de l'artillerie ceste année
qu'on ne fist l'année passée. C'est une pitié de voir quelques uns de
ceux qui ont faict des fournitures, tesmoin Begnicourt, ruinez pour
n'estre pas payez. Il faut aussy un bon fonds pour la marine.
Idem pour les fortiffications , et faire valoir les assignations du passé.
Je ne dis rien des fonds nécessaires pour les vivres des armées du
roy, pour l'année qui vient, parce que je croy qu'on y a desjà pourveu,
l'affaire pressant.
Les voUeries sont si fréquentes qu'il ne se peut davantage, et tout
le mal vient de ce qu'on a retranché la moilic des gages aux prévoslz
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 247
des mareschaux et à leurs archers. Sa Majesté estime qu'il vaudroit
bien mieux prendre ceux de M"^ des finances tous entiers , ou au
moins les priver du tour debaston, qui vaut bien mieux que les gages.
Je sçay bien que la première response que j'auray sur ces articles
est une représentation de la dilEcullé qu'il y a à trouver de l'argent.
Je sçay encore que la seconde sera une promesse verballe de tout
exécutter. Mais, comme sur cette dernière on conçoit quelques fois
beaucoup d'espérances sans ePfect, je prie M'^ de BuUion de nous don-
ner des eEFects qui nous ostenl tout lieu de douter si les espérances
seront bonnes.
Je m'asseure qu'il le fera, s'il considère que je désire ce qui
touche les affaires du roy avec mesme passion et mesme ardeur
qu'il faict^ souvent ce qui le touche en son particulier.
Je ne luy dis rien du pavé parce que je m'en chargeray doresnavant,.
au moins en prendray-je un soin primitif , qui fera aller les suballernes.
Je ne parle point aussy des boues, parce que M' le chancelier m'a
promis de s'en rendre chassavant supérieur, mais l'événement doit
faire cognoistre à M" les surintendans combien il importe de ne
changer pas les anciens establissemens, estant certain que, quelque
proffict qu'ils ayent peu tirer du fonds du pavé et des boues, il ne
peut estre comparable au préjudice que le public a souffert et souffre
tous les jours pour son divertissement.
Le pavé des grands chemins de toutes les avenues de Paris est en
tel estât que le louage des charois double -. Si les vins les plus déli-
cats venoient d'Orléans, je prirois Nazin' d'en avoir soin.
' D'ici h la fin de la phrase, de la 1667 (recueil d'Isambert, t. XVI, p. 478),
main de Riclielieti. — C'est une allusion y apporta sans doute peu d'amélioralion ,
au mariage du fils de Biillion, dont nous car nous voyons que, plus d'un an après,
voyons, dans plusieurs lettres, que ce le aa septembre 1 638, un arrct du conseil
surintendant occupait alors beaucoup le édictait des mesures de rigueur sur ce
cardinal. (Ci-dessus, p. 322.) sujet (Delamarre, p. 218), et Richelieu
^ L'entretien du pavé et la propreté n'y voit d'autre remède que d'y mettre la
des rues de Paris, malgré tous les règle- main lui-même.
menls de police, restaient dans un état ' Nazin était le nom d'un de» courriers
déplorable. Une ordonnance du 9 juillet du cabinet.
248
LETTRES
Il y a de grandes plaintes du partage que l'on a faict des grueries,
lesquelles je crois très préjudiciables pour le roy, veu qu'il perd le
droict de supériorité sur le total des bois, et demeure seulement
seigneur particulier de sa part.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CXLIV.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 462. —
Original, sans signature, de la main de Clierré.
SUSCRIPTION:
POUR M. BOUTHILLIER,
SURINTENDANT DES FINANCES , À PARIS.
De Rue! , ce 28 novembre i638.
L'afifaire dont vous m'escrivés ne se peut faire sans sçavoir les
volontez du roy, et je n'estime pas que Sa Majesté veuille que les filles
de M' de Chevreuse viennent demeurer sy procbe de Paris, comme
est l'abbaye de S'-Anthoine; et, qui plus est, madame de S'-Anthoine
y a un notable intérest, en ce que, si des filles de cette qualité vont
en cette maison , elle n'en sera plus la maistresse , parce qu'elles sont
capables de desbaucher quantité d'esprits qui sont dansS'-Antboine,
et d'y attirer une sy grande quantité de visites que ce seroient des
processions continuelles ^ -
' Les fdles de M. de Chevreuse étaient
pour lui un grand embarras; nous avons
une lettre qu'il adressait au cardinal , le
7 août 1641, au sujet d'une promesse de
l'abbaye de Remiremont que lui aurait
faite Richelieu. Les troubles causés par
la révolte du duc de Lorraine avaient ap-
porté du relard à cette affaire. M. de Che-
vreuse demande à Richelieu la permission
d'envoyer une de ses filles à Remiremont.
« Boispillé, disait-il, la conduira et la ra-
mènera aussy tosl qu'elle aura pris labit et
sera apprébandée... Cela estant faict, ce
sera ma seureté. Considérez , Monsieur, que
c'est l'ouvrage de vos mains, et que celte
abbaye entre en celle d'une des plus obéis-
sante et fidelle servante et plus obligée
que vous ayés au monde. Et vous soulagés
un père chargé de filles, dont je suis bien
empesché. V. Ém. en sçayt les rayzons, et
les ingratitudes de la mère, les pertes et
maux qu'elle m'a causés. . . » (Autographe.
.\rch. des Aff. étr. Lorraine, t. Sa, pièce
160.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
249
CXLV.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 476. —
* Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Fonds Dupuy, t. 536, foi. 6/i. — Copie.
A MADAME DE LA VALETTE'.
'ig novembre i638.
Ma Cousine,^ je ne doute point que vostre affection ne soit en
mou endroit telle que vous me la représentés; aussy vous puis-je
asseurer que la mienne envers vous est et sera tousjours telle que
vous la pouvés désirer. Je plains plus que vous ne pensés Testât au-
quel vous estes, non-seulement à cause de vostre personne, mais
en outre à raison de celle de M' de La Valette, que j'affectionnois
dans le service du roy autant que ceux qui me sont les plus proches.
Je suis extresmement fasché qu'il ait suivy les mauvais conseilz qu'il
a pris; mais, comme il n'y a plus de remèdes aux choses faictes, je
vous conjure de prendre vostre mal en patience , vous consoUer, et
vous asseurer que je suis véritablement. . .
De Ruel', ce 29 novembre i638.
' Le nom est noté au dos de cette mi-
nute sans suscriplion.
' Madame la duchesse de La Valette
était une demoiselle de Pontchâteau ; on
a vu que Richelieu l'avait mariée au ûls
du duc d'Epernon.
' Ce nom de Heu n'es) donné que par la
copie du ms. de Dupuy.
CARDm. DE lUCnET.IBD.
33
250
LETTRES
CXLVI.
Arcli. des Aff. étr. Turin, t. 26. — Original de la main de Cherré.
Bibi. imp. Saint-Germain-Harlay, S^y, fol. 482. — Copie.
Dupuy, t. 767, cahier K. k. ' (Extrait).
SnSCRIPTION :
A MONSEIGNEUR, MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE.
1" décembre i638.
Monseigneur,
Ce qui s'est passé depuis peu au lieu où vous estes, sur le sujet
de Madame, m'a tellement surpris qu'il m'est presque impossible de
me persuader qu'il y ait des gens capables d'une malice semblable à
celle qu'on a voulu commettre^. Si un tel procédé n'est capable
d'ouvrir les yeux à Madame et de iuy faire prendre les résolutions
qu'elle doit pour sa conservation et celle de monsieur son filz, je ne
' Voyez ci-dessus page 56, note 2. —
Dans le manuscrit de Harlay on a écrit en
marge : « Fait sur l'original. »
* En ce moment l'émotion était grande
à Turin; les beaux-frères de Madame, le
cardinal de Savoie et le prince Thomas,
qui voulaient lui enlever la régence , pri-
rent l'occasion de la mort du jeune duc,
leur neveu, pour frapper un coup décisif.
Le cardinal de La Valette avait écrit le
5 novembre à Richelieu : « Le cardinal de
Savoie est auprès de Gênes; il est parti dp
Rome vestu en chevalier de Malte. . . » Le
10 il mandait : « Madame a eu avis celte
nuit que le cardinal de Savoie était allé à
Alexandrie se joindre aux Espagnols. » Le
17,11 annonçait une entreprise de ce prince
sur Turin et sur Carmagnol, et le 27, don-
nant les détails de la conjuration : a Elle
allait, dit-il, à se saisir de Madame et de
.ses enfans. » Le 25, la duchesse infor-
mait elle-même Richelieu de cette trahi-
son ; le gouverneur de la citadelle de Turin
avait été gagné, et allait livrer l'entrée de
la ville, où une faction ennemie de la
France conspirait contre la duchesse. Telle
était la situation qui explique ce passage
de la lettre du cardinal. On persuada à
Madame de consentir à ce que le cardinal
de Savoie fût arrêté s'il mettait le pied dans
ses Etats. Chavigni écrivit, sur les mesures
à prendre, une dépêche que nous ne trou-
vons pas, mais que Richelieu annonce au
cardinal de La Valette, dans une lettre du
)3 novembre, indiquée aux analyses. On
envoyait coup sur coup en Italie non-seu-
lement des courriers, mais des hommes
importants et de confiance, le baron de
Paliuau, le comte d'Estrades. (Voyez aux
anal. 11 nov. et 5 déc); enfin le ms. de
Turin, t. 26, est rempli de documents cu-
rieux sur cette crisedes affaires du Piémont.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 251
voys pas par quels moyens on la peut garantir de la mauvaise volonté
de ses ennemis, ny empescher l'efFect de leurs pernicieux desseins.
Je luy escris assez amplement sur ce sujet, et parce que je nay autre
chose à vous mander sur cette fascheuse affaire que ce qui est contenu
dans ma lettre, je vous en envoie copie, afin que vous voyiés si le plus
fidèle serviteur qu'ait Madame luy pourroit donner de meilleurs ny de
plus utiles conseils que ceux que je prends la liberté de luy donner. Je
vous conjure de n'oublier rien de ce qui deppendra de vous pour la
porter à les pratiquer et les suivre, puisqu'elle n'a point d'autre voye
de se maintenir, ainsy qu'elle avouera elle mesme, je nVasseure.
M' de Chavigny vous faict une ample dépesche sur toutes les at-
faires d'Italie, à laquelle il seroit superflu d'adjouster aucune chose,
non plus qu'au récit que M' d'Estrades vous fera de ce qui se passe
en ces quartiers, puisqu'il en a une particulière cognoissance; aussy
n'allongeray-je celle-ci que pour vous asseurer de la continuation
de mon affection et de mon service, et qu'il n'y a personne qui vous
estime ny qui soit avec plus de sincérité que moy, etc.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce i" décembre i638.
Je vous prie, n'oubliés aucune chose de ce que vous pourrés pour
presser Madame à s'asseurer des places de Turin, Nice, Montmélian,
Carmagnole et Suze. Je vous conjure de luy représenter que quand
ses ennemis verront ses principales places entre les mains de gens qui
seroient capables de se donner à des puissances plus grandes que la
leur pour venger la mort de leur maistresse, ils perdont le dessein
d'entreprendre sur elle.
Il est aussy à propos qu'insensiblement vous luy fassiez jeter les
yeux sur des personnes pour mettre en ses charges, qui, luy estant
fidèles, soient affectionnées à la France.
La dépesche de M"' de Chavigny vous faict ouverture d'un mariage
de la fille aisnée de Madame avec le dauphin, et d'envoyer par ce
32.
252 LETTRES
moyen en France la dicte princesse, avec une autre de ses sœurs,
pour estre coadjutrice de Fontevrault. J'estime que Madame doit
estre ravie d'une telle pensée que vous sçaurés bien luy faire désirer
par vostre adresse plus tost que de luy proposer.
Vous cognoissés sy bien l'humeur des dames, vers les quelles il n'y
a que l'occasion qui face les affaires, que vous ne manquerés pas, je
m'asseure, de battre le fer pendant qu'il est chaud.
Je suis très fasché d'estre contrainct de vous mander que la con-
duite de M"" d'Espernon et de M"' de La Valette ne s'amende pas. M' d'Es-
pernon estant soupçonné de nouveau d'avoir faict dévaliser un ordi-
naire qui portoit les paquets du roy, qui luy ont esté pris en laissant
toutes les autres lettres des particuliers. Cette mauvaise action a esté
faicte à i o lieues de Loches , à ce que dit la voix publique , par des gens
de la garnison du d. Loches. On taschera d'esclaircir cette affaire
autant à la justiffication de M" d'Espernon, s'il ne l'a pas faicte,
comme à sa charge, s'il en est auteur. Ce qui est à noter est que ce
courrier apportoit une partie des charges qui se trouvent contre
M' de La Valette. Je ne sçaurois vous dire le desplaisir que m'apportent
toutes ces affaires.
CXLVII.
Arch, des Aff. élr. Turin, t. 26. — Mise au nel de la main de Clierré ,
devenue minute, Richelieu ayant fait de nombreuses corrections.
A la fin du volume, il y a une autre mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Fonds Dupuy tom. 538, fol. i5o; tom. 767, cahier K. k; et tom. 869
(non coté); trois copies. — Saint-Germain-Harlay, 3^7, fol, ^83. — Copie.
A MADAME LA DUCHESSE DE SAVOYE.
[ 1" décembre 1 638'.]
Madame,
C'est à ce coup que vous devés vous réveiller de la léthargie en la-
Cetleminuteest sans date, aussi bien manuscrit. Le Clerc {Vie du cardinal de
que la mise au net donnée par le même Richeliea, III, 73) a cité une partie de
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 253
quelle V. A. trouvera bon que je luy die qu'elle a esté jusqu'à pré-
sant, puisque, si vous ne le faictes promptement , vostre mal sera
enfin irrémédiable. C'est une extraordinaire providence de Dieu
d'avoir permis que vos propres ennemis vous forcent à ce [dont vostre
bonté vous a destournée jusques icy, bien que la raison et vos inté-
rests vous y portassent']. Dieu ne fera pas tous les jours des miracles
semblables à ceux qu'il a faicts pour vous conserver en cette occasion ;
il veut qu'on se serve au cours des affaires humaines de la prudence
qu'il donne, et partant c'est à V. A. à se [prévaloir] du bon esprit
que Dieu luy a donné, à son advantage. La nature vous y convie puis-
que vous ne pouvés conserver M' vostre fils auUrement, et fintérest
de vostre conservation et de vostre honneur vous y oblige; ne pou-
vant vous celer, Madame, que les calomnies de vos ennemis, qui
pourront estre aisément esclaircies à vostre contentement, durant
vostre vie, passeroient pour des vérités [par la force de leur artifice],
s'ils vous avoient faict mourir. A ne vous point dissimuler. Madame ,
vos peuples [ne vous aiment point comme ils doivent], tant parce
que le gouvernement des femmes n'est jamais sy désiré que celuy
des princes, que par leur propre malice. Oultre que V. A. sçait ce
que c'est que prétendre une souveraineté en Italie, elle cognoist l'es-
prit de M' le cardinal de Savoye, sy foible qu'il est aussy aisé de le
porter au mal qu'au bien. J'adjouste que, laissant le père Monod en
Testât qu'il est, et ayant souffert que le Pazer soit sorty de prison,
V. A. luy a donné les plus cruels conseillers qu'il puisse avoir contre
elle-mesme. Au reste. Madame, en agissant foiblement, comme vous
avés faict jusques à présent, en reffusant tous les advis que le roy
vous a donnez [vous avés pris pour Vous les plus mauvaises résolu-
cetle lettre d'après Vitl. Siri [Mem. rec. même jour adressée au cardinal de La
VllI, 6i3) , lequel donne la date du lo no- Valette.
vembre. L'auteur français se trompe ici ' Nous mettons entre crochets les cor-
après l'auteur italien, car cette lettre est reclions assez nombreuses faites de la
du 1° décembre; la date est indiquée main de Richelieu.
d'nne manière certaine par la lettre du
254 LETTRES
lions qui se pouvoient prendre , et les plus favorables pour M' le car-
dinal de Savoye]. Or, parce qu'il seroit inutile de [représenter à V. A.
le mal qui la presse] si on ne venoit au remède, j'ose l'asseurer qu'en
quelque estât qu'elle soit il luy sera aisé de se garantir de ses enne-
mis, d'asseurer sa personne, celle de M"" son fils, son Estât, et, qui
plus est, de mettre à couvert sa réputation, que je considère à l'égal
de tout le reste, si elle veut suivre les conseils qui luy seront donnez
de la part de Sa Majesté, lesquelz ne seront jamais autres que ceux
que la raison et la nature luy doivent inspirer. [Vous debvés mainte-
nant. Madame, sans marchander davantage,] vous asseurer de la per-
sonne du père Monod, faire chastier [promptement] et sévèrement
tous ceux qui seront trouvés avoir trempé en cette abominable cons-
piration; faire condamner le Pazer et Maserati; mettre leurs femmes
et leurs enfans en lieu de seureté [et ne laisser en vos Estatz aucun
de ceux qui sont recogneus de la faction de M' le cardinal de Savoye.
La seureté de M' vostre fils et la vostre requièrent qu'ensuite vous
pourvoyiés à toutes les] places importantes de vostre Estât, en sorte
que les gouverneurs et les garnisons deppendent absolument de vous;
que vous renforciés les régimens de cavalerie et infanterie auxquels
V. A. pourra prendre entière confiance, et que vous ne confiés la
conservation de vos personnes qu'à vos anciennes créatures et à celles
que [vous pourrés faire] de nouveau par beaucoup de bienfaicts, qui
est le seul moyen d'en acquérir en cette occasion. [Par ce moyen
vous ne remédierés pas seulement au mal présent, mais vous pré-
viendrés ceux qui pourroient arriver de nouveau; ce qui est d'autant
plus nécessaire que le moindre redoublement la mettroit hors d'es-
tat et de conseil et de remède. Si V. A. prend cette conduitte] j'ose,
avec l'ayde de Dieu, luy respondre d'un bon succès; à quoy je con-
tribueray ma propre vie, s'il en est besoin.
Si , au contraire , son indulgence luy faict prendre un aultre chemin ,
il m'est impossible de ne luy prédire pas le malheur qui luy en arri-
vera. La suppliant, au mesme temps, de me dispenser de me mesler
davantage de ce qui la touche, pour n'estre pas [en adhérant à ses
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
255
irrésolutions] complice d'un mal [qui luy est] inévitable, si elle ne
s'en garantit par des moiens aussy forts qu'ils sont justes et raison-
nables. J'espère que Dieu lui ouvrira les yeux pour cognoistre le
mauvais estât auquel elle est, et qu'il luy donnera la force de pra-
tiquer les remèdes qui luy sont proposés et qui lui sont absolument
nécessaires. [Je l'en supplie de tout mon cœur, et vous. Madame,
de croire que je suis à jamais de Vostre Altesse']. . .
CXLVIII.
Arch. des Aff. étr. Rome, i638, quatre derniers mois, l. 64, fol. 246. — Original.
A M. MAZARIN.
1 7 décembre 1 638.
Monsignore Colmardo cognoistra, par la dépesche qu'on faict pré-
sentement à Rome ^, combien il faict bon s'attacher au service des
grands princes et bons maistres, comme est celuy que nous servons.
' Une partie de celle pièce a été arran-
gée pour les Mémoires de Richelieu.
* Deux longues dépêches furent faites
pour Rome le 17 décembre, adressées,
l'une à l'ambassadeur, maréchal d'Es-
trées , l'autre à Mazarin ; toutes deux écri-
tes sans doute par Chavigni, la première
en qualité de secrétaire d'élat, la seconde
comme ami de Mazarin; l'une et l'autre
faites sons l'inspiration de Richelieu. Les
minutes , de la main de Chavigni , sont con-
servées aux Affaires étrangères. (Rome,
t. 64, pièces aaG et aSG.) tLe P. Joseph
estant en estât de mourir (disait Chavigni
à Mazarin], comme les médecins le croient ,
dans un jour ou deux, Monseigneur a jeté
les yeux sur vous et vous a proposé au roy
pour vous faire cardinal à la première pro-
motion. • Au maréchal d'Estrées Chavigni
mandait : « S. M . désire qu'on ne diffère
point de rendre à Sa Sainteté et au cardi-
nal Barberin les lettres de révocation du
dict P. Joseph, de peur qu'on ne fust sur-
pris à la promotion , et que le cardinal
Barberin, sachant lestai auquel il est, ne
le ûst malicieusement capdinal pour faire
perdre cette place à la France. » Un ex-
trait de la pièce adressée au maréchal
d'Estrées a été imprimé dans Le véritable
Père Joseph, t. II , p. 188, éd. 1760. Ba-
luze , qui a conservé en copie la lettre
adressée à Mazarin, la date du 18 décem-
bre, jour de l'envoi. (Bibl. imp, arm. v,
paquet 4, n" 2 , P 12.)
256 LETTRES
Il cognoistra ensuite qu'il faictbon avoir de bons amis, et que je ne
suis pas des moindres qu'il ait au monde.
Le Gard. DE RICHELIEU.
DeRueI,ce 17 décembre i638.
CXLIX.
Arch. des Afif. élr. Rome, i638, quatre derniers mois, t. 64, fol. Soq. —
Minute de la main de Cherré, avec des corrections de Richelieu.
MÉMOIRE POUR M. LE NONCE,
TOUCHANT LES PASSEPORTS POUR LA PAIX M 638.
Pour esviter toute difficulté, on envoie à M' le nonce la copie du
passe-port que MM" des Estats d'Hollande désirent du roy d'Espagne,
' La date manque à cette pièce, que
nous trouvons classée en i638. Cette af-
faire des passe-ports pour les envoyés des
puissances protestantes aux assemblées où
devait se négocier la paix a traîné fort
longtemps, et a servi de prétexte d'une
temporisation indéfinie à ceux qui ne vou-
laient pas de traité ou à ceux qui le vou-
laient, comme en France, mais qui vou-
laient en même temps choisir leur moment
pour la faire. Nous avons, aux archives
des Affaires étrangères, dans le volume
de Rome 63, f° 69, un mémoire en ita-
lien en tête dtiquel Richelieu a écrit :
« Proposition faicle par M. le nonce le
22 février i638. » Une autre note du
nonce, également en italien, laquelle est-
sans date, se trouve au f* 3ia du t. 64;
enfin diverses autres pièces qu'il est inu-
tile de citer. Dans les mêmes archives
nous trouvons, aux Affaires d'Allemagne,
t. i5, un mémoire daté de i638, sans
mois ni quantième, coté pièce 77, et,
sous le n° 76, une instruction donnée
au s' de Saint- Georges allant trouver le
comte de Trautsraerstorf, pièce sans si-
gnature, mais de l'écriture qu'on attribue
au père Joseph , et où les noms sont chif-
frés, pièce également sans date; et, parmi
diverses lettres ou mémoires , une missive
de M. d'Avaux , écrite en latin , aux États de
la basse Saxe, assemblés à Lunebourg,
où la mauvaise volonté des Espagnols au
sujet des passe-ports est fort nettement ex-
posée. Cette lettre, cotée pièce 69, est da-
tée du 2 3 décembre i638. Il est difficile
dans cet embarras d'assigner une date pré-
cise à cette pièce , que nous donnons ici
comme rédigée par Richelieu lui-même.
Au reste, cette longue contestation sur les
passe-ports n'a réellement fini qu'à la réu-
nion des plénipotentiaires pour le traité de
Westphalie.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 257
par lequel il paroist qu'ils marchent de bonne foy, puisqu'il n'y a
aucun mot qui puisse blesser la jalousie et les soubçons de l'Espagne.
Quant à la proposition que faict M' le nonce d'envoyer des passe-
ports en blanc, pour les députés du roy de Hongrie ', entre les mains
de M' d'Avaux, le roy y condescendra, sur l'instance de Sa Majesté,
aux conditions proposées par le dicl s' nonce; sçavoir est, que le dict
s' d'Avaux aura charge de ne les remplir, ny les délivrer à M' le lé-
gal que lorsque les passeports du roy de Hongrie, pour les députés
et plénipotentiaires de la couronne de Suède et des Hollandois au-
ront esté délivrés, comme aussy pour les personnes qui seront en-
voyées de la part du landgrave de Hesse et du duc Bernard de Wey-
mar, qui pourront^ estre qualifiés mandalos aat messos, ce qui ne peut
par raison estre refusé du roy de Hongrie, veu que les envoyés ne sont
pas qualifiés plénipotentiaires.
Il faudra en outre une déclaration générale en bonne et due forme
par laquelle il (le roi de Hongrie) donne seureté à tous les autres
alliés de la France en Allemagne, de pouvoir envoyer librement à
Cologne, et tenir des personnes' qualifiées, comme ci-dessus, man-
dalos aat messos, près les plénipotentiaires du roy pour les informer
de leurs intéresls , et que les Espagnols auront donné les passeports
nécessaires pour les Hollandois.
En accordant les passeports tels que désire M"" le nonce, si le roy
de Hongrie refuse ce qui est porté ci-dessus, cesl un tesmoignage
qu'il ne veut ni paix, ni trefve.
' Les mois iilu roy de Hongrie» sont ' D'ici à la (in de l'alinéa, de la main
de la main de Richelieu, qui les a écrits de Richelieu.
à la place du mol « l'Empereur, » dont il ' D'ici au mot • près » cinq mots écrits
s'était servi par mégarde en dictant à par Richelieu.
Cherré.
CARDIN. DE RICHELIEU. — VI. . 33
258
LETTRES
CL.
Bibl. de l'Institut, rolleclion Godefroi, vol. 271. — Minute.
A M. LE COMTE D'ALAIS '.
[Vers la fin de i638»?)
Monsieur, le désir que j'ay que le s' prieur de Saint-Denis de la
Chastre*, que j'affectionne particulièrement, soit agent du clergé de
la province d'Arles, nie faict prendre la plume pour vous conjurer de
vous vouloir employer, en ma considération, à ce qu'il puisse estre
nommé en l'assemblée provinciale qui se doibt (enir dans quelques
temps en Provence pour ce sujet, encore qu'il n'y assiste pas en per-
sonne, le retenant icy pour des affaires très importantes*.
' 11 avait été fait gouverneur de Pro-
vence en remplacement du maréchal de
Vitry, mis à la Bastille le 27 octobre
1687. « Le ïS', dit la Gazette du 3i octo-
bre, le comte d'Alais fut remercier le roi
à Saint-Germain de l'honneur qu'il lui a
fait de le substituer en la place du mares-
chal de Vitry en Provence. »
* Cette minute n'est point datée; nous
l'avons trouvée d'abord parmi des leltres
de 1610, vol. 266 de celle collection ;
plus tard , faisanl de nouvelles recherches ,
nous l'avons retrouvée avec des pièces
d'une autre époque, dans le vol. 271. Les
pièces conservées dans les portefeuilles de
Godefroi avaient élé classées originaire-
ment par ordre chronologique ; mais des
chercheurs peu soigneux, infidèles peut-
être, y ont mis un grand désordre; nom-
bre de pièces ont élé déplacées, de sorte
que l'année inscrite sur un portefeuille
où se trouve maintenant une pièce ne
peut être un indice de la date que cette
pièce devrait porter. La présente lettre
nous paraît appartenir à l'année i638,
vers la tin, ou au commencement de
1639. Le comte d'Alais avait alors eu le
temps d'oblenir dans son gouvernement
le crédil et la considération dont Richelieu
lui fait compliment. — Puisque nous
avons parlé du désordre des portefeuilles
de Godefroi, nous ajouterons que nous
devons à l'obligeance de M. L. Lalanne,
qui a examiné avec beaucoup de soin la
collection tout entière, la connaissance de
plusieurs pièces absentes des portefeuilles,
appartenant à l'époque qui a fait l'objet
de nos recherches.
' Le prieur de Saint-Denis de la Châ-
tre était, en 1639, Charles de Berland,
conseiller et aumônier du roi. Son prédé-
cesseur dans ce prieuré , Gérard de Reco-
quillé, avait été pourvu de ce bénéfice en
i62ii; mais l'époque de sa mort n'est pas
indiquée, non plus que celle de l'élection
de son successeur. [GaH.christ.Vll,bb^.)
' La lutte que Richelieu avait engagée
avec le clergé , au sujet des contributions
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 259
Vous vous estes acquis une telle créance dans vostrc gouvernement
que je ne fais aucun doubte que cet [sic) affaire ne réussisse au con-
tentement du dict s' de Saint-Denis, si vous luy faictes la faveur de
vous entremettre de bonne sorte, ainsy que je vous en supplie; et de
croire qu'en toute autre occasion , où j'auray le lieu de vous lesmoi-
gner le ressentiment que j'en auray, vous cognoistrés, par effect,
que je suis véritablement, Monsieur'. . .
CLI.
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 388 v°. —
De la main du cardinal.
[Fin de i638'.]
L'armée qui servira vers Metz prendra son canon à Danvilliers,
Metz et Verdun, où elle trouvera 87 canons de batterie, pièces de 2 4
ou couleuvrines, et i 3 pièces de campagne '.
L'armée serviroit Charlemont; prendra 2 4 pièces à Danviliers,
Slenay, Verdun.
dont il avait résolu de grever les biens de
l'Eglise, était dans toute sa vivacité en
i638 et 1639; c'est sans doute à cette
grande et difficile aiïaire qu'il emplovail
le dévouement à toute épreuve du prieur
de Saint -Denis. Nous verrons, en i64o,
cet ecclé.^iaslique, attaché enfin à l'agence
du clergé, enlever des archives de son
ordre, alin de les livrer à Richelieu, des
documents dont le cardinal avait besoin
pour faire établir les rôles d'impositions
sur les bénéfices.
' Charpentier a écrit au dos de cette
pièce : « A M' le comte d'Alais et évesque
de Provence. • El la lettre au comte est
suivie dans le manuscrit de plusieurs
missives du cardinal sur la même affaire,
et d'une teneur semblable : A l'évêque de
Sainl-Pol; à l'évêque d'Arles; à MM. du
chapitre de Marseille; à MM. du chapitre
de Toulon; à M. de Goulière? Soulière?
(Le nom n'est pas très lisible.) Richelieu
écrit à ce dernier à cause de l'influence
qu'il exerce sur le chapitre de Toulon. Il
a soin de dire à MM. du chapitre de Mar-
seille et de Toulon, qtie leurs évêques
« se sont engagés envers lui à donner leur
voix au s' prieur de Saint-Denis. >
* On a mis , en tète de cette pièce sans
date, «Fin de juillet i638. » Mais c'est
une simple note de classement. Ce mé-
moire nous paraît se rapporter à la lin de
l'année i638, lorsque le cardinal prépa-
rait la campagne de iGSg.
' En marge de ce paragraphe Richelieu
a écrit : « ao canons. »
33.
260 LETTRES
L'armée qui servira vers Saint-Omer prendra son canon à Calaiz,
Abbeville, Monstreuii et Boulongne, et ses munitions aussy.
L armée qui servira vers Saint-Quentin prendra son canon à Saint-
Quentin, où il y a 1 4 pièces de batterie, 6 couleuvrines et i 2 pièces de
campagne; et à Paris, d'où l'on en tirera 20 pièces sans le desgarnir.
L'armée de Bourgongne prendra son canon en Bourgongne, et.. .
Celte pièce, qui n'est point terminée, se trouve parmi divers états de troupes et
(le munitions qui remplissent une partie du volume cité aux sources. Ce sont des
revues des diverses armées alors sur pied ou des projets d'armées pour lôSg. Ces
états, mis au net, sont surchargés de corrections de la main de de Noyers et de
celle du cardinal.
Le premier porte la date du 2 1 juillet i638 ; d'autres sont sans date ; d'autres
datés de iGSg, et par conséquent sont mal clabsés. Toutes ces pièces montrent
le soin avec lequel Richelieu se plaisait à s'occuper du détail des aflTaires concer-
nant la guerre et la marine. Nous imprimons seulement celle-ci et la suivante,
qui sulfisent à donner une idée des autres, et parce qu'elles sont écrites de la
main du cardinal.
Le mauvais succès de plusieurs des entreprises tentées cette année avait pro-
fondément affligé Richelieu, et son ardeur à prendre une éclatante revanche
en 1689 se manifeste partout dans les correspondances des derniers mois de
i638. On a vu qu'à l'occasion de l'affaire de Fontarabie il exhortait le prince de
Condé à se préoccuper à l'avance de ce qu'il pourrait faire au début de la cam-
pagne prochaine; le 6 octobre, il prescrivait à l'archevêque de Bordeaux, amiral
des (lottes de la Méditerranée, certaines dispositions, en lui ordonnant de les te-
nir prêtes de bonne heure pour l'année qui vient; le 29, il lui écrivait encore :
« Il faut faire quelque bon et beau dessein qui répare le malheur qui est arrivé aux
affaires du roi celte année. " Nous indiquons aux analyses ces deux lettres, qui ont
été imprimées, ainsi qu'une autre du 2à au maréchal de Schomberg, où il lui
disait : « Je vous prie me mander quelle cavalerie vous pourrés avoir l'année qui
vient. » Nous avons donné, à la date du 22 octobre, une lettre adressée à Bullion ,
où il est question des conférences du cardinal avec ce surintendant, toujours
pour les affaires de l'année qui vient. A tout moment ces préoccupations se révèlent
plus sérieuses et plus vives à mesure que l'année s'avance. Cette ardeur à rele-
ver l'honneur militaire de la France, ce sentiment de patriotisme, Richelieu les
inspire à tous; et l'on s'efforçait aussi de les faire partager à nos alliés. Nous avons
vu une lettre écrite, le 19 novembre, au prince d'Orange, par le maréchal de
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 261
CfaàtilloD, que venait de frapper une disgrâce et qui avait perdu le commande-
ment de son armée. Le vieux général, non sans quelque triste retour sur lui-
même, appelle aussi des victoires , dont peut-être il ne partagera pas l'honneur.
• Il faut essayer, écrivait-il au prince, en rappelant la honte de Fontarahie, qui
avait si fort accru l'orgueil de l'Espagne, il faut essayer l'année prochaine de
nous en revancher; la puissance du roy et de ses alliez est assez grande pour
bien donner des affaires à l'Empereur et à l'Espagne. » (Bihl. inip. 5oo Colb.
vol. 118, f" 161 v°, copie.)
CLIL
Arch. des Aff. élr. France, i638, de janvier en juillet, fol. 4o5 v". —
De la main du cardinal.
[i638'.]
Loppès a receu pour les poudres 200"" de France, qui font en
Hollande 160"**.
Il a achepté un navire tout équippé 19" 56^ 1 o'
11 a achepté 4" mousquets avec leurs bando-
llères 33" 2^** 1 2'
11 a achepté 112"''^ de poudre, rendus en
France 69" 206**
1 2 I "287*'
Partant doibt sur ce compte 38" 7 1 3**
Loppez a receu du trésorier de la marine 20"**, nionnoye de
Hollande.
Sur quoy il a achepté la charge de k navires d'aggrès envoyés à
Brest et à la Rochelle 31" 17" 1'
II a achepté 100" 988 de mèche 8''484*^
Il a payé le louage des connestables et charpen-
tiers 26" 209**
' Riclielieu a mi* en tête de cette pièce il écrivait; cependant cette note, ainsi que
• i63g», date de l'année au rnoment où la précédente, a été classée, dans notre
262
LETTRES
Partant luy est deu, sur le compte du trésorier de la marine,
CLIII.
Arch. des Aff. étr. France, i638, d'août en décembre, fol. 553. —
Minute de la main de de Noyers, de Richelieu et de Charpentier.
MÉMOIRE'.
Décembre i638.
S'il plaist à M^ le cardinal demander^ la recherche de ce qui se
pourra recouvrer des débets des estats des années passées, après que
l'espargne en a tiré ce qu'elle a peu durant le courant des dictes
années, comme aussi' le don des deniers du roy qui peuvent estre
indeuement ez mains de deux ou trois personnes depuis la recherche
des financiers, "on se promet de luy en faire toucher une bonne
somme de deniers.
S'il plaist au roy accorder le contenu au i" article on en aura
légitimement ce qui s'y trouvera. *Il en tirera du proffit, s il luy
plaist accorder seulement la moitié de ce qui proviendra du i" ar-
ticle, à la charge que l'autre sera portée à l'espargne. On fera ce que
manuscrit, en juillet i638; et anssi,
comme la pièce précédente, elle se rap-
porte à la fin de ladite année.
' Cherré a écrit , au dos de celte pièce ,
« Coppie d'un mémoire envoyé au roy en
décembre i638. • C'était d'abord une pro-
position de de Noyers, mais que Riche-
lieu s'est appropriée en en modifiant la
forme et les dispositions. Il résulte des
corrections écrites de sa main, ou qu'il a
dictées à Charpentier, qu'au lieu d'em-
ployer les recouvrements dont il s'agit à
faire face aux dépenses de nouvelles levées
et à payer les Suisses, ainsi qu'on l'avait
d'abord proposé , on trouva plus à propos
d'en remplir l'épargne et d'en faire pro-
filer le roi et aussi le cardinal.
' Ces premiers- mots sont de la main de
Richelieu et ont été ajoutés en haut de
de cette pièce, qui commençait ainsi : « La
recherche. . . »
' De Noyers avait écrit ici « item • et
commençait son second alinéa. Richelieu
a remplacé cet item par « comme aussi •
et a lié les deux paragraphes.
' La dernière phrase de ce paragraphe
est écrite à la marge de la main de Riche-
lieu.
' D'ici au mot t la moitié , > idem.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
263
l'on pourra pour en faire faire le recouvrement au proffit de S. M. et
du cardinale
^ Sçavoir si le roy trouvera bon que l'on face une ou deux des
tapisseries sur le patron de celles qui sont dans la galerie pour faire
meubler le palais du cardinal, afin qu'il soit mieux meublé.
Sçavoir si le roy n'a rien de particulier à vouloir faire mettre au
cheval de bronze'; et luy en faire voir l'inscription.
CLIV.
Arch. des Aff. élr. France, 1619 a i6Ai.t. 6, fol. 3 12. —
Original de la main de de Noyers. (Classé après le 3o décembre i638.
MEMOIRE
POUR ESTRE MONSTRE A M- LA DUCHESSE D'ELBEUF,
DE LA PABT DE m' LE C *.
[Fin de i638»?]
La moitié des immeubles propres et acquêts.
' Ce paragraphe, écrit en marge de la
main de Charpentier, sauf les mots que
nous venons de noter comme étant de la
main de Richelieu, remplace celui que
nous transcrivons ici, lequel formait le
troisième et dernier paragraphe de la
pièce écrite de la main de de Noyers :
« M*' le cardinal prétend se servir de par-
tie des dicis deniei-s de ce don pour, les
mettant es mains de Lumagne, faire qu'il
entreprenne de payer, règlement tous les
mois , les nouvelles levées de Suisses sur
les assignations que M' de Bullion luy
donnera. »
' Le reste de la pièce est une addition
à ce mémoire écrite de la main de Char-
pentier. Nous rappelons que de Noyers
avait été nommé récemment intendant des
bâtiments et du mobilier de la couronne.
' C'est le cheval sur lequel fut placée
la statue de Louis XIII , érigée sur la place
Royale. Œuvre de Daniel de Vollerre, il
avait été commandé par Catherine de Mé-
dicis pour un monument qu'elle avait en
l'intention de faire élever à la mémoire de
Henri II. Ce bronze était resté en Italie
jusqu'en 163a; alors Ruccellai l'envoya à
Louis XIII, ainsi que nous l'apprend une
lettre de Sébastien Bouthillier, évêque
d'Aire , lequel était en ce moment à Rome
pour presser l'élection de Richelieu au
cardinalat. Celte lettre est conservée aux
archives des Aff. étr. Rome, tome 28, à la
daleduaS mars. On peut lire, sur le cheval
de bronze, ainsi que sur l'ancienne statue
de LouisXlII,une intéressante notice, pu-
bliée parM. AnatoledeMontaiglonrni85 1 .
• Ce que nous mettons ici en titre est
écrit au dos par de Noyers.
' On a vu, page 16 ci-dessus, que la
26/1
LETTRES
Donnera parole de ne faire point de tort en ses meubles.
Noun-iture, tant de luy que de sa femme et de leur train, tant
qu'ils seront à Paris; ou une somme qui sera réglée présentement
pour leur donner moyen de vivre.
Représenter qu'il n'a aucuns meubles, tapisseries, licts ny pierre-
ries; ny elle aussy'.
Le mariage de la fdle, quatre cents mille livres en argent, rentes
ou pierreries actuellement.
Madame d'Elbœuf considérera, s'il luy plaist, qu'en recevant l'Iio-
neur qu'il luy plaist de faire, l'on estimeroit plus à propos, par res-
pect de sa propre persone, que le mariage ne feust point, bien qu'on
le désire, que de rendre deux persones nécessiteuses, lesquelles
n'aiant pas de revenu pour vivre mangeroient leur fonds en trois
années.
Le Gard. DE RICHKLIEU.
négocialion du mariage de la nièce de Ri-
chelieu avec le comte d'Harcourt se pro-
longea pendant plus d'une année; ne
pouvant fixer l'instant précis de celte né-
gocialion auquel intervint la présente
pièce, nous la plaçons, comme fait notre
manuscrit, à la fin de l'année. L'exacti-
tude rigoureuse de la date importe peu
d'ailleurs pour un document dont le prin-
cipal intérêt est de montrer le soin avec
lequel le célèbre ministre gouvernail les
affaires privées de sa famille.
' On ne coniprend guère comment la
duchesse de Piiylaurens, que le cardinal
appelle ici la fille, était aussi conipléle-
menl dénuée que le dit Richelieu; et com-
ment aussi cela peut s'accorder avec le
mariage dont il est question dans le para-
graphe suivant.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
265
ANNEE 1639.
CLV.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. l\. — Original. — Rome, t. 68. — Copie.
Bibl. imp. S'-Germ.-Harl. S^y, fol 485. — Copie '.
Dupuy, t. 767, cahier M. m. * — Extrait.
A M. LE CARDIÎVAL DE LA VALETTE.
6 janvier 1689.
Monseigneur,
Par celte lettre je respondrai à deux ou trois des vosties à la fois.
Richelieu informe le cardinal de La Valette des mesures prises afin qu'il ne
manque pas d'argent pour son armée, ainsi que pour les garnisons de Casai et
de Pignerol, selon la demande de MM. d'Hémery et d'Argenson^. On lui enverra
au printemps les troupes dont il aura besoin^.
M' de Turenne a ses ordres pour vous aller trouver en Italie. Nous
le secourrons, en passant, d'un extraordinaire pour luy donner
moyen d'y subsister. Je m*en vas à Paris où je feray pourvoir à un
secours de cette nature dont vous avez besoin, à mon avis, pour vous
' Le manuscrit porte, à la marge de
cette pièce , > original. ■ Ce qui signifie sans
doute que c'est sur un original que la
copie a été faite.
' Voyez ci-dessus p. 56, note a.
' D'Argenson fut intendant de l'armée
d'Italie de 1637 à i64o; le tome V de
ses manuscrits , conservés à la bibliothèque
du Louvre, contient les journaux de cet
intendant de i638 à i64o, et d'autres
CARDIN. DE RICHELIEU. — VI.
documents relatifs à l'histoire de celte
époque.
* Le cardinal de La Valette, dans sa
correspondance qui se trouve aux Archives
des Affaires étrangères, se plaignait sans
cesse du manque d'argent et de troupes.
Le 8 janvier, il écrivait encore à Cliavi-
gni : « On nous envoie les plus meschans
régimens que j'aye jamais veus. • (Manus-
crit cité aux sources. )
34
266 LETTRES
donner moyen de supporter la despense que vous faicles. Je suis très
aise que vous fassiés travailler aux fortiffî cations des places. Quelque
i'onds qu'il faille pour cet effect, il ne vous sera ny desnié, ny plaint.
Je ne le suis pas moins que vous fassiés travailler à la fonte des ca-
nons de Casai.
Quant à Madame, j'ay bien peur d'estre en estât de ne me mesler
plus de ses affaires, m'estant obligé envers moy mesme et envers elle,
par la lettre que je luy ay escrite par le s'' d'Estrades, d'en user
ainsy, si elle mesprise les conseils que la lumière naturelle luy doit
donner aux affaires qu'elle a sur les bras. Je prie Dieu qu'il luy ouvre
les yeux, et la fasse penser au péril où elle est, comme elle y est
obligée.
M"" le Prince arrivera demain à Paris. Je l'attends avec impatience
pour le détromper de l'opinion qu'il pourroit avoir que vos affaires
et celles de M' de La Valette soient conjoinctes. Je luy parleray comme
il faut et lui feray cognoistre que vos intérêts et les miens sont insé-
parables, et que je ne feray jamais pour moy ce que je n'entrepren-
drois pas pour vous, toute fois et quant que vostre service le requerra;
vous le croirés, s'il vous plaist. Monseigneur, et que je suis et seray
toute ma vie sans changement.
Monseigneur,
Voslre très humble et très aflectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 6 janvier 1639.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 267
CLVI.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 3^7, fol. 585. — Copie'.
A M. D'ARGE!VSON\
Du g janvier i63g.
La proposition de mettre des Suisses levés exprès dans la ville et
citadelle de Turin, ceux de la citadelle estant payés par le roy et les
autres par les princes, et de faire à ces conditions la trefve jusques à
la fin d'avril, est une proposition sy vaste, sy indigeste et sy esloignée
de toute bonne fin, que la voir et la condamner est une mesme chose.
Elle est en outre d'impossible exécution, veu qu'avant qu'on pust
lever les Suisses le mois d'avril seroit passé.
Enfin elle est sy évidemment contre les intérests de M' le duc de
Savoie et de Madame qu'on n'en peut faire une plus pernicieuse, veu
que par là on dépossède le roy, qui protège Madame et son neveu,
de la citadelle, et ne l'asseure-t-on pas à M' le duc de Savoie qui
n'est pas en âge de penser et de pourvoir à ses aOaires.
Tout accord qui sera proposé par le prince Thomas à autres con-
' Cette copie , sans signature ni adresse, examiner quelques-unes des pièces d'après
porte en tête • Response à M'd'Argenson , ■ lesquelles les transcriptions de Colberl ont
et à la marge cette indication : «De la été faites, et nous avons reconnu que des
main de Chirurgien. » Nous trouvons de copies où se trouve celte indication ,< de la
temps en temps cette même annotation muin de Chirurgien, ■ avaient été faites sur
de Chirurgien ou du Chirurgien dans les dis pièces (minutes ou originaux) écrites
niss. de Harlay et dans la collection des de la main de Charpentier ou d'autres
5oo Colbert, dont les copies ont été faites secrétaires de Richelieu, ou même de
d'après les mêmes originaux; nous ne Chavigni. Nous supposons qu'il y a, dans
croyons pas, ainsi que nous l'avons dit ce mot de Chirurgien, une bévuu de co-
ailleurs, que celui qu'on désigne par le piste, qui aura mal lu le nom de Cha-
mot «chirurgien» fût le médecin Citoys. "ig^Jt noté sur les pièces préparées pour
dont Richelieu se servait quelquefois la transcription.
comme de secrétaire. (Voyeï t. I, préface, * Nous n'avons pas trouvé cette pièce
pages VII et xxvii.) Depuis l'époque de dans la collection de la bibliothèque du
nos premières recherches, nous avons pu Louvre.
34.
268 LETTRES
ditions que celles qui s'en suivent doit estre tenu pour frauduleux et
suspect, et rejette sans en attendre ordre particulier.
Si iVl^le prince Thomas, considérant que le pied que les Espagnols
prennent dans le Piémont est la ruyne de sa maison, et la sienne, veut
s'unir à la P'rance, il n'y a point de conditions raisonnables, hono-
rables et justes qu'on ne luy fasse.
L'escrit donné au s' Masserati est sy clair et sy ample sur ce sujet,
qu'il n'est besoin de dire autre chose, sinon qu'on demeure dans la
résolution qu'on avoit de traicter de bonne foy avec le dict prince,
de procurer ses avantages en tout ce qui vous sera possible.
En un mot, soit qu'on parle de faire trefve particulière entre la
ville et la citadelle, soit trefve générale en Italie, pour un temps ou
pour toujours, la raison ne veut pas qu'on y entende sans que M' le
prince Thomas soitasseuré de l'affection du roy et des conditions du
traitement qu'il en recevra, et le roy, de la foy du dict prince et de
l'exécution de ce qu'il promettra.
La principale chose qu'il y a à faire est de bien munir la citadelle,
et de conserver et espargner soigneusement les munitions.
Faut en outre prendre garde de ne se laisser prévenir par les Es-
pagnols, au printemps, avant que nos troupes soient arrivées, au
dessein qu'ils auroient de faii'e une circonvallation.
Pour cet effect on fera l'impossible de France pour faire que les
recrues soient au commencement de mars en Italie.
Cependant c'est à M"" le comte d'Harcourt avec son conseil à bien
considérer si une trefve particulière entre la ville et la citadelle, qui
donnast liberté aux uns et aux autres de faire entrer dans la ville et la
citadelle ce que chacun estimera à propos de gens de guerre, muni-
tions de bouche et de guerre, sera utile et avantageuse.
En ce cas on donne pouvoir à M' d'Harcourt de la pouvoir con-
clure, mesme générale en Italie, s'il voit que les ennemis la veulent
faire de bonne foy pour le dici lemps; on luy donne encore le mesme
pouvoir, pourveu que, par les conditions de la dicte trefve générale,
il soit permis au roy de faire entrer dans Casai, et toutes autres places
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 269
qui sont tenues par S. M. ou par Madame, tous les gens de guerre,
vivres et autres munitions que S. M. estimera à propos.
Quelque trefve que M"' d'Harcourt puisse faire, il se souviendra
que les François doivent demeurer dans la citadelle, ainsy qu'ils
sont, avec pouvoir au roy d'y en mettre tant qu'il voudra.
Comme S. M. donne pouvoir à M"" d'Harcourt d'entendre à l'un ou
à l'autre des dicls traictés, s'il le juge à propos, avec ceux qui sont
auprès de luy, il luy recommande particulièrement de penser d'y in-
sérer toutes les conditions qui peuvent estre avantageuses.
Entre icelles il ne faut pas oublier que les ennemis ne puissent
avancer aucuns travaux contre la citadelle de Turin, ny parfaire ceux
qui sont commencés, que selon qu'il sera arresté particulièrement.
CLVII.
Cabinet Ae M*' le duc d"Auiiiale. — Minute.
[A M. BOUTHFLLIER '.]
De Paris, ce lo' janvier iGSg.
J'ay esté très aise de recevoir par vous asseurance de la santé du
roy, qui est ce que je désire avec la pa.ssion d'une vraie et passionnée
créature. Je demanderay les extraits que le roy a rendus à M"" de
Chavigny aussytost que je le verray. Il les aura oubliez par me.sgarde;
je ne doute pasqu'ilz ne se trouvent.
Je suis bien fasché que le roy ne reçoit pas les effects de Saint-
Germain qu'il en désire, mais, h vous dire le vray, je crains qu'il y
' La suscription manque. Le destina- ment assez Irisle pour les personnes roya-
laire doit ôlre Boutliillier; ce personnage les qui l'Iiabitaieiit. — Hichelieu, qui
est indiqué par celle phrase de la fin : écrit à un confident aussi bien instruit
• Que luy seul sçail le détail des choses à que lui-même de ce qui se passe, ne parle
démesleravec M' de Bullion. • — Il s'agit qu'à demi-mot. On devine pourtant qu'en
dans celle missive d'une de ces tracasse- ce moment il y avait aussi entre le roi et
ries de ménage qui faisaient du château lui un de ces nuages si fréquents et tou-
de Saint-Germain un séjour ordinaire- jours si promplement dissipés.
270 LETTRES
ait de l'équivoque, en ce que la reyne aura volontiers attendu à sça-
voir les volontez du roy, et quand les s" de Chavigny et de Nogent
revindrent, ilz me dirent tons deux qu'ilz n'avoient aucun ordre du
roy de rien dire à la reyne, et qu'ilz n'avoient conceu autre chose
de Sa Majesté, sinon qu'il falloit laisser faire à la reyne ce que bon
luy sembleroit. Et, pour preuve de leur dire, M' de Chavigny m'a
mesme dit particulièrement que le roy luy avoit dit qu'il n'estoit pas
à propos qu'il se meslast de tout cela, parce qu'à Saint-Germain on
le lenoit suspect, pour estre tout à fait du costé du roy. Aussy la
reyne n'a point esté veue par aucun de ces messieurs, et les choses
sont demeurées en cet estât.
Quant à moy, vous sçavés bien que je suis venu en ce lieu, où il
m'enuye honnestement, pour esviter l'aspect de certaines planètes.
Vous .sçaurés, s'il vous plaist, du roy si, lorsque je m'en seray re-
tourné, ce que je ne feray qu'après avoir receu ses ordres, si au cas
qu'on me vienne visiter, je refTuseray ma porte, et ce que je dois dire
au cas que Sa Majesté veuille que je reçoive la visite. Je ne sçay pas
si la personne dont il est question est en intention de me visiter de
nouveau, n'en aiant rien appris depuis que je suis icy. En un mot
tout ce que le roy voudra sera faict, et non autre chose. Mais sur-
tout je vous prie de m'esclaircir de ses volontez en ce qui touche mon
particulier.
Les gens de M' de Weimar semblent sçavoir plus que ce qu'ilz
ont dit jusqu'à présent sur le suject de Brisac, ils ont voulu parler,
et n'ont pas achevé. Quand vous serés de retour, ilz s'ouvriront vo-
lontiers davantage. Il y a beaucoup de choses à déniesler avec M"^ de
Bullion dont vous sçavés seul le détail.
Aiguenfeld dict qu'il n'a eu ordre, ny argent de lever autre com-
pagnie outre les deux qu'il a. A vostre retour tout s'esclaircira.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 271
CLVIII.
Bibl. imp. Baluze, arm. V, paq. /i , n° a , fol. lo. —
Copie ' de la main de Baluze.
A M. DE BULLION'.
[ lo' janvier iCSg'?]
Avant que de proposer le mariage du fils de M' de BuUion au roy *,
je le prie de résoudre ce qui s'ensuit.
Premièrement, à se despouiller des passions esquelles il se laisse
quelquefois emporter contre le tiers et le quart, et à examiner et ré-
soudre toutes sortes d'affaires par raison.
Secondement, à borner tellement sa fortune au bien qu'il a, qu'il
n'en désire à l'avenir aucun accroissement, ains se contenter, en ser-
vant le roy en la charge en laquelle il est, des gages et appointemens
d'icelle, selon le pied auquel ils ont esté restraints par le règlement
faict par Sa Majesté le i6 juillet i638.
En troisiesme lieu, à restablir l'ordre ancien, suivant lequel on ne
doit expédier aucun comptant, de quelque nature que ce puisse estre,
soit pour raison de dons, affaires secrètes, estrangères ou autres,
ou pour les remises des traictés qui se font au conseil, qu'au mesme
temps on n'en retienne un menu, arresté au conseil de trois en trois
mois, signé de messieurs le chancelier, les surintendans et tous les in-
tendans; duquel menu sera faict trois copies*, l'une pour le trésorier de
l'espargne, la seconde pour messieurs les surintendans et la troisième
pour monsieur le chancelier. Le tout selon qu'il se pratiquoit aupara-
' Baluze, qui a copié lui-même celle ii janvier, nous supposons (|ue la letlre
pièce, ne nous dit pas de quelle main était de Richelieu a pu être écrite la veille,
l'original; seulement il a mis en tête.' « Mé- ' Voyez ci-dessus, p. 22a. Ainsi Riclie-
moire de M' le cardinal de Richelieu pour lieu avait déjà parlé au roi de ce mariage,
M' de BuUion, surintendant des finances. • mais sans doute un peu en l'air.
' Baluze ne donne point d'autre dale ' Note écrite en marge : «Je seray bien
que celle de la réponse. Celle-ci étant du aise d'en avoir une copie. »
272 LETTRES
vant la mauvaise introduction de brusler le menu des dits comptants,
faicte à ce sujet depuis que le s' Cornuel estoit entré dans les affaires.
En quatriesme lieu , à s'appliquer aussy soigneusement à la réfor-
n)ation des finances et au soulagement du peuple qu'il s'est attaché
à ses affaires particulières avant qu'il fust chargé des publiques. Ce
dont il est prié, non seulement à raison des intérests publics, mais
en outre afin qu'il soit un jour aussy opulent au ciel qu'il l'est en
terre; ce qui est le plus avantageux souhait que luy puisse faire une
personne qui l'ayme comme moy.
Ici une noie de Baluze avertit que la réponse qu'il copie à la suite est de la
main de BuUion.
« Je remercie monseigneur le cardinal des bons avis cy-dessus qu'il luy plaist
me donner, que je recognois nécessaires et justes pour le bien de l'Estat et mon
salut particulier. Et luy promets, sur mon honeur, d'observer de point en point
ce qui est convenu au dict mémoire, sans y contrevenir, ny soufrir qu'il y soit
contrevenu en quelque façon que ce puisse eslre. »
« Fait à Paris, ce i i" janvier lôSg. »
« BULLION. •
CLIX.
Arch. des AIT. élr. Angleterre, l. Z17, fol. 335. —
Mise au net, de la main de Cherré, sans signature et sans date.
Bibl. imp. Fonds Béthune, 9284 , fol. 16 v°. — Copie.
Saint-Germain Harlay, 346, t. 2, p. 80. — Copie.
MÉMOIRE
POUR ESCRIRE A M. DE BELLIÈVRE'.
[20 janvier 1 bSg].
Après qu'il a pieu au roy lire soigneusement en particulier
' Ceci est écrit au dos de la pièce dans mère en France, » et à la marge : • Minule
le manuscrit des Affaires étrangères. Le originale. Celte response est escrite de la
manuscrit de Béthune a mis en tête ce main de Cherré, secrétaire du cardinal, et
titre : « Response à la lettre de M' de Bel- dictée par luy. » Celte minute originale, et
lièvre sur le sujet du retour de la reyne sur laquelle on a fait la copie de Béthune ,
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
273
l'extraict cy-dessus des despesches de Monsieur de Bellièvre sur
le subject du désir que la reyne sa mère a lesmoignc au dict
est évidemment la pièce que nous doimons
ici. Le manuscrit de S'-Germain-Harlay
porte la même annotalioii. La lettre faite
d'après ce mémoire est conservée, en ori-
ginal, à la Bibliothèque impériale, dans la
collection de Harlay, vol. 36ii"> fol. 258;
elle est datée de Versailles, ao janvier,
signée Louis, et contresignée Boulliillier
(Chavigni). La minute est aux Adaires
étrangères, P 867 du manuscrit d'Angle-
terre précité, et l'on a mis ;<u dos : «Mé-
moire envoyé à M' de Bellièvre, du 31 jan-
vier » La matière que nous donnons ici
est plus développée que la lettre, et ren-
ferme des arguments qu'on n'y a pas em-
ployés. La lettre, en revanche, offre deux
paragraphes qui ne sont pas dan.s le mé-
moire : ■ 1! y a beaucoup d'autres consi-
dérations (écrit le roi à Bellièvre), que
ledit ambassadeur aura veues par la co-
pie de l'escrit qui fut donné au s' Knut.
Toutes lesquelles n'empeschent pas le roy
tie luy conuiiander de dire à la dite clame
reyne, que c'est avec un exlresmc des-
plaisir que le bien de son royaume ne luy
permet pas de l'y recevoir, veu les cognois-
.'•ances qu'il a de son humeur; que néan-
moins , pour tesmoigner son affection et
son respect envers elle, il persistoit dans
la proposition qu'il luy avoit tousjours
faicte d'aller à Florence, etc.» La lettre
su termine ainsi : «Le dict s' ambassa-
deur n'ira pas chercher la reyne mère
pour luy donner cette response, mais
il attendra qu'elle la luy demande pour
la luy faire; et luy dira qu'encore qu'il
ne se feust point chargé de rendre compte
au roy de ce qu'elle luy avoit dict, que
né.nnmoins il n'a pas laissé de le faire.
CARDlA. DE RICIIELIED. — VI.
l£t ensuite il luy expliquera les senli-
mens du roy, ainsy qu'il est dict cy-des-
sus. » Si l'on compare le mémoire pour
faire la dépèche à la dépèche elle-même,
on voit que le mémoire avait été composé
pour être soumis au roi , faire impression
.sur son esprit et l'amener à consentir à
une réponse négative. Et puis, dans cette
réponse, les arguments les plus vifs, les
raisons les plus déterminantes pour le roi ,
et en même temps les plus blessantes pour
la reine mère, ont disparu. Il n'était pas
besoin de la persuader, elle; l'expression
de la volonté royale sulîisail. Ainsi, dans
la lettre du roi à Bellièvre, on ne trouve
plus, ni le passage qui commence par ces
mots : • Que son esprit ctoit. . . « et linit
par ceux-ci , « son compte en Angleterre ; >
ni cet autre passage : « Qu'estant connue
de l'humeur qu'elle est. . . • jusiju'à ■< la
proposition d'aller à Florence. • Le père
Grilîet s'est trompé lorsqu'il a pris pour la
lettre du roi le mémoire de Richelieu d'a-
près lequel celle lettre a été faite. {His-
toire de Louis XIII , t. III, p. 161, in-/l°.)
Louis XIII n'a signé que la lettre dont
nous avons trouvé l'original aux Affaires
étrangères, et non le mémoire de Riche-
lieu, qui n'était pas fait pour être officiel-
lement produit. El, en effet, le nom de
Louis XIII, au bas d'une pièce où sa
mère était si durement traitée, eût été
une inconvenance aussi révoltante qu'inu-
tile et que Riciielieu n'a pas exigée du
roi. — Faute d'autre date, nous donnons à
ce mémoire celle de la lettre du roi, du
■20 janvier 1689; le mémoire a dû être
écrit peu auparavant.
35
274 LETTRES
ambassadeur avoir de revenir en France aux conditions portées en
yceluy ' ;
Sa Majesté a, de son propre mouvement, dict à son conseil qu'elle
n'estimoit pas qu'il y eust lieu de se fier aux paroiles de la reyne,
veu les profondes dissimulations dont elle avoit usé en son endroict
en diverses occasions.
Que son esprit estoit de cette nature qu'il estoit impossible de le
contenter en quelque lieu qu'il peustestre, qu'elle n'avoit sceu souf-
frir son bonheur en France.
Qu'en Flandre elle avoit tousjours esté mescontente; qu'elle n'a-
voit sçeu compatir avec monsieur le duc d'Orléans, son frère, après
l'avoir faict sortir du royaume, aussy peu avec la princesse Margue-
ritte, dont elle avoit procuré le mariage ; qu'elle n'avoit pas passé en
Hollande sans dessein; que desjà elle ne trouvoit pas son conte en
Angleterre. Que si elle avoit esté mescontente dans fextraordinaire
puissance qu'elle avoit eue auprès du roy auparavant sa retraitte de
ce royaume, il estoit aisé à juger que maintenant qu'il ne pouvoit, par
raison, luy en donner aucune qui approchast de son authorité pre-
mière, elle ne seroit pas satisfaite.
Qu'estant conneue de l'humeur qu'elle est, s'il la recevoit en ce
royaume, elle relèveroit l'espérance de tous les mescontens, ce qui
estoit d'autant plus à considérer que la pluspart de ceux qui le sont
estoient de son temps attachés à elle.
Que les Espagnols, qui l'ont mesprisée dans leurs pays quand ils l'y
ont trouvée, ne manqueroient pas lors de la rechercher et de l'animer
contre le repos de cet Estât, quand ils l'y verroient reslablie.
Qu'ils n'avoient jamais rien tant désiré, depuis qu'ilz l'avoient eue
et cogneue en Flandre, que de la faire rentrer dans le royaume pour
en tirer de l'advantage qu'ils voient bien n'en pouvoir recevoir estant
dehors.
' Cette dépêche est conservée, en ori- bre i638. La copie du ms. de Béthunc
ginal chiffré, dans le tome Ay d'Angleterre, meta5 par erreur.
P 3o5; elle est datée du a3 décem-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 275
Qu'ayant voulu encore depuis sept ou huict mois former, comme
elle avoit faict, un nouveau party à Sedan avec monsieur le comte et
le duc de Bouillon pour les faire entrer à main armée en France avec
Picolominy, il ne voyoit pas que de simples parolles, advancées par
la force de la nécessité et les sollicitations des Anglois, qui ne de-
mandoient autre chose qu'à s'en descharger, luy donnassent lieu de
croire que son esprit fust changé, veu principalement qu'en diverses
occasions, auparavant qu'elle fust sortie du royaume, elle luy en avoit
souvent donné des plus belles du monde qu'il avoit tousjours trouvées
sans eiîect.
Que toutes ces considérations luy faisoient croire qu'il failloit de-
meurer à la proposition qu'il luy avoit tousjours faicte d'aller à Flo-
rence, où il luy donneroit volontiers un entretien proportionne à sa
dignité.
Que par tel offre qu'il estoit prest d'exécutter et qu'il désiroil
qu'elle acceptast, sa conscience et son honneur estoienl à couvert
devant Dieu et devant le monde, et ne s'exposoit point à nouvelles
brouilleries, lesquelles il ne prévoioit pas pouvoir éviter, n'y dans le
royaume n'y dans la court, ny dans son cabinet, si la reyne mère
revenoit en France en quelque lieu que ce peust estre '.
CLX.
Arcli. des Aff. élr. Turin, I. a8, fol. 47- — Original.
Bibl. imp. Sainl-Gerinain-Harlay, 3^7, fol. 485 v°. — Copie.
AU CARDINAL DE LA VALETTE.
2i janvier iGSg.
Monseigneur,
Vostre courrier vous porte contentement sur tous les points que
vous avés désirez. Vous aurés receu maintenant Ayô.ooo 1. pour les
' On trouvera aux analyses l'indication la reine mère à l'occasion de la mission de
de plusieurs lettres écrites sur le sujet de, lord Jerinyn, premiers jours d'avril 1639.
35.
276 LETTRES
garnisons de Pignerol et de Casai , pour les mois de janvier, février
et mars.
On vous envoie 1 00,000 escus, sçavoir 1 00,000 livres que M" Lan-
son vous aura envoyées et 200,000 francs, qui arriveront le 6 fé-
vrier à Turin pour la subsistance des troupes de la campagne, et
35o,ooo francs, qui vous seront envoyés en février et mars pour ia
subsistance des troupes, jusques à la fin du mois d'avril; messieurs
d'Emery, Argenson et Talon ' ayant calculé en ma présence que cela
suOiroit jusques à la fin du dit mois d'avril.
Bien que ce soit chose du tout extraordinaire qu'il y ait divers
sergens de bataille en une armée, le roy le trouve bon parce seule-
ment que vous le désirés. On pourvoiera à vous envoyer prompte-
ment des mousquets et des piques, ou à vous envoyer des fonds
•pour avoir celles de Genève que vous avez trouvées.
Je ne vous dis rien du P. Monot parce que cette affaire n'est pas
encore en Testât auquel elle doit estre pour le service de Madame.
Je suis bien estonné que Madame ne faict plus de justice de ceux
qui estoient de la conspiration de M"^ le cardinal de Savoie. Il est bien
à craindre que l'impunité des principaux donne lieu à plusieurs autres
de faire de semblables entreprises.
Je ne doule point que vous ne soyés bien empesché auprès d'un
esprit pareil à celuy de Madame , et ne manqueray pas de faire valoir
auprès du roy vos services autant que je le pourray.
Monsieur de Turenne est icy, à qui on donnera un ajuste de coste
pour le faire aller en Italie plus commodément.
Le s' de Roque Servière'^ part demain pour aller hasler vos troupes
en Languedoc. Il sera bien à propos que vous y envoyiés encore quelque
aide de camp de ceux qui sont atiprès de vous, afin de haster les re-
creues et de sçavoir à point nommé Testai auquel elles seront.
' Les deux derniers étaieiil intendants camp dont Richelieu parle, dans ses Mé-
de l'armée d'Italie. moires, comme d'un officier de mérite,
' Il avait été employé en Italie, dans I. IX, p. i46.
la campagne de i636; c'était un aide de
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 277
Enfin rien qui puisse deppendre des soins de deçà ne vous man-
quera, et partant j'espère que vostre campagne sera heureuse, ce que
je désire et pour le service du roy et pour vostre contentement parti-
culier, vous asseurant que personne ne sera jamais davantage que moy.
Monseigneur,
Vostre 1res humble et trës affectionné serviteur.
Le Gard. DE mCHELIEU.
De Paris, ce 24 janvier lôSg.
CLXI.
Arch. des Aff. étr. France, 1689 ; supplément, fol. 28. —
Autographe sans signature'.
SUSCRIPTIOS :
POUR M. DE CHAVIGNY,
Ce 3o janvier, à 4 heurts après minuict.
Puisqu'il est vray que M' de V. a commencé une négotiation si im-
portante à son maistre comme est celle qu'on luy avoit commise par
une Infidélité ou malitleuse ou au moins indiscrette, je croy qu'il
est à propos que- le roy sache ce que vous aurés faict avec luy avant
qu'il recommence son voyage; et parlant j'estime que vous le devés
laisser chez vous avec un de vos gens fidèles, et vous retournerés ce
soir luy dire ce qu'il aura à faire.
Peut estre qu'après qu'il aura parlé au père R. * et à son compa-
gnon, il jugera pouvoir et devoir faire autre chose que ce qu'il pen-
soit auparavant. Il est besoin de bien sçavoir du religieux qui a veu le
' La suscriplion même est de la main
du cardinal. Nous n'avons point pénétré
le secret de celte lettre confidentielle.
.Nous ne savons quel est ce M' de V. qu'on
reçoit si mystérieusement et avec tant de
défiance.
' Le nom, qui avait été écrit en tontes
lettres , a été soigneusement effacé ; on a
figuré au dessus une R; mais cette lettre,
qui n'est pas de la main de Richelieu, n'a
pas été mise là sans doute pour aider à
deviner le mot effacé. On avait coutume
de nommer le père Ange le compagnon du
père Joseph , si ce mot désignait ici ce père
Ange, le nom effacé pourrait bien être
celui du célèbre capucin.
278 LETTRES
D. Ch. les propres paroles qu'il luy a dictes affiii de bastir sur un fon-
dement asseuré.
Le s' de V. estimera peut estre avoir besoin d'im autre passeport ou
acte que celuy qu'il a pour son maistre, en quoy on résoudra après
avoir veu ce qu'il faudra faire.
En un mot, si ce bon seigneur n'a point esté malade, ses linesses,
cousues de fd blanc, doivent estre bien suspectes, et, en ce cas, il sera
bon de luy donner un trompette qui le ramène comme on faict d'or-
dinaire tous les prisonniers de guerre qu'on renvoie.
Je croyrois bien que ce bon négotiateur auroit envoyé à l'hostel
proche de vous, mais, pourveu que vous empeschiés qu'il n'y puisse
rien mander de nouveau depuis qu'il sera chez vous, je parleray en
sorte à la maistresse- du logis , au lieu où je la verray aujourd'huy, que ,
sans rien descouvrir de nostre part, je présentiray, à mon avis, ce qui
en sera. Nostra Damus [sic) sçait ce qui s'est passé, et quand nous vous
aurons veu nous nous en douterons et tascherons à apporter remède
au poison qu'il pourra avoir receu des lieux où il pourra avoir envoyé
son valet, s'il luy a faict faire quelque voyage.
' Peut estre ne sera-t-il pas mauvais que vous disiés au s' de V.
qile le roy, ayant sceu le tour qu'il a faict, est maintenant irrésolu
s'il l'envoyera , et qu'il y aura peut estre bien de la peine à le porter
à trouver bon qu'il parachève son voyage.
Vous en userés ainsy que vous l'estimerés plus à propos.
' Ce paragraphe est écrit sur un carré posée; mais il n'est pas douteux qu'il ne
de papier séparé, lequel a été relié entre doive èlre placé à la fin de cette lettre,
les deux feuillets dont cette pièce est coin-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
279
CLXll.
Arch. des Aff. élr. Hollande, t. 21, pièce 26, fol 25 v°. —
Minute de la main de de Noyers, qui a mis en marge : « S. Em. à M. d'Eslampes. »
Bibl. imp. cinq-cents Colberl, n° /(6, fol 12A v°. — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 3/46, t. 2 , p. igS. — Copie.
A M. D'ESTAMPES.
8 février lôSg.
Monsieur, j'ay appris par vos dépesches deux choses qui ne m'onl
pas peu estonné; la première est que vous ayés payé un quartier à
madame la landgrave sans en avoir receu aucun ordre du roy, ny
avoir tiré d'elle la ratification du trailté de Vesel qu'on désiroit^.
La seconde, la proposition que vous avés faite à la dicte dame et à
M"^ le prince d'Orange d'arrester prisonnier une personne dont vous
n'aviés point de charge. Je ne puis m'empescher de vous dire ensuite
que le retardement du voyage du s"" Kenuit donne au moins à soup-
çonner que vous n'ayés pas fait grande instance pour le faire repar-
tir^, ce qui -n'apporte pas peu de préjudice aux affaires communes.
' On lit à la marge : • Copie faite sur
une minute ou brouillard enlièremenl
écrit de la main du cardinal. ■ Et le ma-
nuscrit de Harlay reproduit celle annota-
tion. Les deux manuscrits donnent la co-
pie d'une lettre écrite au prince d'Orange
à peu près sur le même objet. Celle-ci
sera notée aux analy.set.
' D'Elampes adressa dans le temps à
Boulhillier, le surintendant, un mémoire
justiiicalif de sa conduite en cette cir-
constance. Celte pièce, sans date, a été
classée, dans le manuscrit des Affaires
étrangères, à la fin de l'année iGSg,
pièce 22,3.
' Outre plusieurs lettres écrites par
Cliavigni sur ce sujet, en janvier, Uiclie-
lieu se plaignit lui-même au prince d'O-
range (lettre du 18, notée aux analyses) de
ce qu'on ne répondait pas aux propositions
que Knuyt avait portées à la Haye dès le
mois d'octobre de l'année passée. Le 24,
le prince d'Orange mandait (|ue les États
avaient besoi:i du service de Knuyt en
Hollande. La vérité est que les Etats vou-
laient temporiser; il n'y avait là rien à re-
procher à d'Étampes. Au reste, il .était
déjà remplacé au moment oii Richelieu
écrivait cette lettre. Les instructions du
comte d'Estrades sont datées du 6 février.
(Voy. aux analyses ci-aprèj.) D'Etampes
quitta la Hollande le 18; le secrétaire
d'ambassade Brassel armonce son dépail
le 2 1 , dans une lettre où il donne des
nouvelles intéressantes de Hollande. (Aff.
étr. Hollande , t. 2 1 , pièce 32.)
280 LETTRES
Le roy n'ayant point receu de résolution de ce que Messieurs les
Estais doivent faire à la campagne prochaine, je ne saurois croire
que vous leur ayés donné, sans charge, ny sans pouvoir, parole d'un
pareil secours à celuy qu'ils receurent l'année passée, veu que S. M.
n'en a jamais donné espérance au s'Kenuit, ny à personne, qu'au cas
que Messieurs les Eslats fassent quelque chose de considérahle cette
année à l'avantage des affaires communes.
Le mémoire qu'a emporté le s" Kenuit faisant mention de ce se-
cours, et de ce qui se peut faire cette campagne, monstroit bien que
ces deux choses doivent aller d'un mesme pied.
S. M. désire que vous le veniés trouver promptément pour luy
rendre compte de tout ce que dessus, et particulièrement du faict
des troupes de madame la landgrave.
Le plus tost que vous pourrés partir sera le meilleur, attendu que
la saison s'avance. Ce pendant je suis,
Monsieur. . .
CLXIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. 6A. — Original.
Bibl. imp. Saiiit-Germain-Harlay, SAy, fol. 486 v°. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
1 Ix féïrier iGSg.
Monseigneur,
Bien que Messieurs des finances eussent faict dessein, en arrestant
Testât du fonds de l'armée d'Italie, de retrancher le payement des
3,000 hommes d'extraordinaire que le roy a entretenus jusques à pré-
sent à Madame, et que S. A. estoit chargée de tenir en campagne,
outre les troupes qu'elle est obligée par son traicté de fournir de son
chef, sur ce que les dicts 3,oôo h. n'ont point esté jusques ici mis sur
pied, ainsi que des gens de Madame en sont demeurés d'accord eux
mesmes, néanmoins jugeant que ce retranchement ne plairoit peut-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 281
estre pas à S. A. j'ay faict changer cette résolution, et faict en sorte
auprès de S. M. qu'elle a trouvé bon de continuer le payement des
dicts 3,000 hommes dont je veux bien prendre le soin moy mesme
à l'avenir, afin de tesmoigner de plus en plus à Madame la passion
que j'ay pour son contentement et son avantage.
Pour cet effect le fonds nécessaire à cette despense sera mis entre
les mains de celuy qui sera chargé des finances de f armée pour le
faire délivrer de temps en temps aux dictes troupes, à mesure que
S. A. les fera fournir, et qu'elles seront effectivement dans l'armée
et non autrement, estant bien juste de suivre cet ordre, si on ne
veut tomber dans le mesme inconvénient du passé, c'est à dire don-
ner l'argent du roy sans en avoir un homme davantage , ny en tirer
aucune autre utilité.
Par ce moyen Madame aura le contentement qu'elle peut désirer,
qui est de luy payer les troupes qu'elle pourra fournir pour la cause
commune, et S. M. la satisfaction de voir en quoy son argent est
employé. Vous rendrés, s'il vous plaist. Madame capable de cet ex-
pédient, et tiendrés la main à ce qu'il soit ponctuellement cxécutté.
J'ay veu ce que vous m'avés escrit sur le sujet de la levée d'un ré-
giment montferrin. J'estime, comme vous, que ce seroit une bonne
affaire si on en pouvoit venir à bout, et partant je vous conjure d'y
apporter ce qui se pourra. Vous prendrés le fonds de la dicte levée
sur telle nature de deniers que vous estimerés plus à propos, vous
asseurant que le roy approuvera tout ce que vous ferés en cette occa-
sion, et en toute autre pour son service.
M" de Chavigny et de Noyers vous escrivent amplement sur tout le
reste de vos dépesches, ce qui m'empeschera d'allonger celle-ci da-
vantage que pour vous asseurer que je suis et seray toute ma vie, sans
changement.
Monseigneur,
Vostre très humble et 1res affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce i^ février lôSg.
CAnOlN. OE BICHELIEU. TI. . 36
282 LETTRES
CLXIV.
Arch. des Aff. étr. Hollande, t. ai, pièce 29'. — Minute de la main de de Noyers.
Bibl. imp. cinq-cents Colberl, t. 46, fol. laS v°. — Copie '.
Saint-Germain-Harlay, 346, t. a , p. igô. — Copie.
A M. D'ESTRADES.
16 février iBSg.
On faict cette recharge à monsieur d'Estrades sur ies avis nou-
veaux que l'on a eus depuis trois jours très asseurés que la flotte
d'Espagne ne peut venir qu'en may ou en juin, ce qui faict qu'on y
peut aisément entreprendre, en l'attendant proche d'Espagne entre
les Canaries et les Barlingues^ vers le cap Saint-Vincent.
Pour cet effect, le s'' d'Estrades représentera à M'' le prince d'O-
range que si l'on s'estoit, en un temps comme celui-cy, rendu
maistre d'une flotte, les Espagnols en recevroient plus de préjudice
que de la perte de trois places; et partant le dict s' pressera le dict
s"^ prince pour que Messieurs les Estats joignent une partie de leurs
vaisseaux à ceux du roy pour im sy bon dessein, et tout autre qui se
pourra faire sur les costes d'Espagne. Cette afi'aire est de sy grande
importance que je ne crois pas que M'' le prince d'Orange ne l'em-
brasse à bras ouverts; je l'en prie et l'en conjure pour le bien com-
mun, à l'avantage duquel on ne sauroit faire aucune chose qui y soit
plus utile.
Or parce que, pour faire réussir une telle atfaire, il est question
de profiter du temps, estant nécessaire d'estre assemblés au 26 avril,
M' d'Estrades fera savoir à M' le prince d'Orange que l'armée de
France sera assemblée en ce temps à Saint-Martin de Ré ou à Belle-
Isle, afin qu'il donne ordre aux vaisseaux qu'il voudra envoyer de se
' Les deux mss. de la Bibliothèque connaissaient pas l'écriture de de Noyers.
mettent en marge cette annotation : t Co- * lies Berlingas, groupe de rochers,
pie faite sur une minute ou brouillard écrit au milieu desquels est la petite île Ber-
de la main du cardinal. » Les copistes ne linga, sur les côtes de l'Estramadure.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 283
rendre en ce temps à l'un de ces lieux, où ils trouveront l'armée,
qui sera telle qu'avec la conjonction de 26 vaisseaux de A"^' ou au
dessus, de Messieurs les Estais, dont le roy se contentera, nous se-
rons asseurément beaucoup plus puissants que les ennemis, en quel-
qu'estat qu'ils soient.
Il faut que les dicts vaisseaux soient fournis de victuailles pour
6 mois, comme sera l'armée du roy, afin que, si l'on fault le premier
dessein, l'on soit en estât de faire d'autres choses de pareille impor-
tance, ou raesme d'attendre la flotte de septembre.
CLXV.
Arch. des Aff. étr. France, iCSg (supplément), fol. 44- — Original.
A M. DE CHAVIGNY.
De Ruel, ce 18* febvrier 1689.
Monsieur de Chavigny ne fera point de difficulté de deslivrer à
M' le Gras^ l'ordonnance de quatre mile escus que le roy donne tous
les ans à la reyne pour sa foire.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CLXVI.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. a8, fol. 75. — Original.
Bibl. inap. Saint-Germain-Harlay, 3^7, fol. 487 v". — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
ao février lôSg.
Monseigneur,
J'ai veu vos lettres des 2 et 6""* du présent mois, et celle du
s' de Castellan que vous avés envoyée à M. de Noyers. . .
' Ce signe n'est pas nettement formé triche. Fallait-il donc, pour le payemeni
dans le manusicrit. Cela veut-il dire li cents de ce don annuel , l'autorisation de Riche-
(lonneauîc)? lieu ? Est-ce un signe qu'en ce moment on
' Le Gras était secrétaire d'Anne d'Au- n'était pas content de la reine ?
36.
2»4
LETTRES
Mesures prises pour la subsistance et le payement de l'année.
La fourniture des mousquets et des piques.
On hastera autant qu'il se pourra le passage des recrues, mais je crains
qu'elles ne puissent arriver au temps précis auquel vous les demandez , vous
mesnie ayant écrit plusieurs fois qu'il suffisait qu'elles arrivassent en Piémont
pour le dernier avril. On pressera le départ des officiers afin que vous les ayez,
s'il y a moyen, au lô'"" avril, ainsi que vous le désirez.
Je ne vous parle point de ce que vous pouvés et devés faire cette
campagne, le roy vous laissant la liberté entière d'entreprendre ce
que vous estimercs plus avantageux au bien de ses affaires, joinct
que cela deppend de Testai où vous vous trouvères, et de celuy où
seront les ennemis dans le Milanois. Je vous diray seulement que ce-
luy qui commence atousjours l'avantage , et que le seul moyen d'avoir
raison des Espagnols est de les mener chaudement et ne les mar-
chander pas. Vostre prudence, vostre affection et vostre zèle me font
espérer que vous ne perdrés aucune occasion de bien servir. Je vous
en conjure , et de croire que je feray valoir vos actions auprès du roy,
ainsy que vous le pouvés souhaiter d'une personne qui vous estime
et qui sera tousjours véritablement, Monseigneur,
Vostie très humble et très aflectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU'.
De Rue! , ce 30""^ février iGSg.
' Dans un post-scriptum que la copie n'a
pas conservé , Richelieu ajoute : « J'ay veu
l'eslat des fonds nécessaires pour les forti-
fications des places deMontferrat; on vous
enverra tout ce que l'on pourra , selon
que l'escrit plus particulièrement M. de
Noyers. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 285
CLXVIl.
Arcli. des Aff. étr. Hollande, t. 21, pièce 35. — Minute de la main de Charpentier.
Bibl. imp. cioq-cents Colbert, l. 46, fol. i3i v°. — Copie'.
Saint- Germain -Harlay, 346, t. 2 , p. 210. — Copie.
A M. LE PRINCE D'ORANGE.
Du 22 février ibSg.
Monsieur, J'ai faicl voir au roy le tesmoignage que V. A. luy rend
de sa franchise, ce qui i'a d'autant moins surpris qu'il n'en a jamais
douté. Il ne s'est pas aussy trouvé estonné de voir la malice des Es-
pagnolz, parce qu'il l'a tousjours connue telle qu'ils la font paroistre
en cette occasion. Il y a longtemps qu'ils taschent à diviser tous ceux
qui sont justement liés contr'eux. Par la grâce de Dieu, je ne voy
pas qu'ils en puissent ébranler aucun, et j'ose respondre à V. A. que la
France demeurera dans la fermeté à laquelle elle est obligée, et que
vous devés attendre d'elle.
Au mesme temps que le Cardinal Infant vous a faict la dépesche,
dont il vous a pieu m'envoyer la copie ^, le prince Thomas a donné
' Je trouve cette noie en marge des tées pièces a4 et 27. — L'intimité entre la
deux manuscrits de la bibliothèque :« Co- France et la Hollande, si nécessaire au
pie faite sur une minute ou brouillard de triomphe de la cause commune, était sans
la main de Chirurgien. » (Voy. ci-dessus, cesse refroidie par le soupçon dont s'in-
p. 267.) quiétait chacune de ces puissances, que
' Le cardinal-infant, qui avait succédé l'aulre cherchait à s'accommoder en secret
à l'infante Isabelle dans le gouvernement et séparément avec l'Espagne. Cette mé-
des Pays-Bas, avait envoyé au prince d'O- fiance, de la part de la Hollande, était
range, sous prétexte de s'entendre au su- absolument dénuée de fondement; le ca-
jet de la délivrance de pusse-ports aux raclère de Richelieu, le but constant de
députés pour la paix, le docteur curé de sa politique, les maximes de toute sa vie
Loon. Le prince d'Orange donna aussitôt donnaient à cet égard la plus solide ga-
connaiss.tnce de cette mission à Riche- ranlie. Le cardinal-ministre était certaine-
lieu. Sa lettre, datée du 1 1 février, et la ment mieux fondé à douter de la fermeté
copie de celle du cardinal-infant, se trou- et des sentiments secrets des Etats géné-
venl, dans le manuscrit de Hollande, co- raux.
286 LETTRES
charge à un gentilhomme de Madame de Savoie, qu elle luy avoit en-
voyé sur le sujet de la mort du dernier duc son fils, de me tenir
quelque langage qui va à mesme fin; vous cognoistrés sa proposition
par la copie de la response quej'ay faict faire au dict gentilhomme,
laquelle je vous envole.
Le seul moyen de contraindre les ennemis de venir à une bonne
paix est de faire une bonne campagne cette année, et, pour la faire
bonne, j'estime qu'il faut commencer de bonne heure'; et précisé-
ment je supplie V. A. de se souvenir de ces deux poincts par le
moyen desquels nous pouvons avoir de grands avantages sur les en-
nemis.
Si Messieurs des Estais veulent joindre un bon nombre de vais-
seaux à l'armée navale du roy, ainsy que j'ay escrit au s' d'Estrades,
depuis son départ, de vous le proposer, je crois qu'on pourra faire un
grand effect contre les flottes des ennemis. Jamais la France ne fut sy
puissamment armée, ny sy disposée à bien faire qu'elle est mainte-
nant. Je ne doute pas que vous ne fassiés de vostre costé quelque
effort extrordinaire tel qu'il est désiré et attendu de ceux qui vous
honorent comme moy, qui suis . . .
Je ne donneray aucun avis de la dépesche qu'il vous a pieu me faire
à M' d'Estampes; le voyage du s*^ d'Estrades, qui luy porte ordre de
s'en revenir, vous aura faict cognoislre qu'il n'est pas en estât de
cela. Si le dlct s' d'Estrades n'est parti, vous le renvoierés, s'il vous
plaist, le plus tost qu'il se pourra, la saison nous pressant extraordi-
nairement ^.
' Dans une autre lettre au prince d'O- « Celle leUre. — La copie de Pesieux * —
range, du 18 janvier, Richelieu l'avait déjà Duplicata à d'Estrades. » — Les deux ma-
' pressé de prendre une prompte résolution nuscrils delà bibliotlièquecités aux sources
pourlaprochainecaiTipagne.(Auxanalyses.) font mention de celte note, ce qui prouve
'' Au bas de la minute des Aff. étrang. que les copistes ont en effet transcrit d'a-
Richelieu a écrit ces mots de souvenir : près cette minute.
* Voyez ani anslyses, à ia date du 8 février 1639.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 287
CLXVIII.
Arch. des Aff. élr. Turin, I. 28, fol. 77. — Original.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, SA?, fol. 488. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
Du ii février 1689.
Monseigneur,
J'estime qu'il seroit inutile que je vous représentasse par ces
lignes le sensible desplaisir que j'ay receu en apprenant la nou-
velle de la perte que vous avés faite de M' de Caudale, et que la cog-
noissance que vous avés de la véritable et sincère alTeclion que j'ay
tousjours eue pour vous suffit pour vous le faire concevoir au point
qu'il est. Je me contenteray seulement de vous en renouveler les as-
seurances en cette occasion, et de vous protester qu'il ne vous sauroit
Jamais arriver aucune chose à quoyje ne prenne une entière part,ainsy
que vous le cognoistrés de plus en plus, et que je ne considère
vostre maison qu'en vous et pour l'amour de vous.
Je vous ay desjà mandé ' comme il sera bien difficile que toutes vos
recreues soient passées précisément au temps que vous les demandés,
pour les raisons qui sont contenues dans ma lettre. Cependant je n'en
désespère pas tout à fait, ayant envoyé de nouveaux ordres à tous les
officiers des troupes à cette fin. En les attendant vous pouvés faire
estât du régiment du comte de Sault, qui, à mon avis, passe dès
cette heure, du régiment de la Tour, qui a 8 ou 900 hommes, avec
les officiers du régiment d'Orgevil , qui est dans la vallée de Pragelas,
qui entrera présentement, quoyque foible, dans Pignerol , pour en re-
tirer celuy d'Aiguebonne , et y sera par après fortiffié de ses recreues,
et par le régiment de Henrichement, de crainte que la garnison de
cette place ne fust trop foible.
' Lettre du ao février, p. aSS.
288 LETTRES
M' Baronis s'en retournera dans peu de jours avec un entier con-
tentement, tant pour ce qui est des arrérages dus à Madame que
pour les assignations du fonds de la présente année pour toute l'armée.
Je vous ay desjà mandé que les 35o,ooo francs qui restent pour
la subsistance de vos troupes seront envoyés dans tout le mois de
mars au plus tard. Je vous en asseure encore maintenant par ces
lignes, et que j'en auray un soin particulier.
J'envoye présentement un gentilhomme à M"^ de Turenne pour le
prier de partir sans délay pour vous aller trouver; vous aurés sceu
maintenant comme le prince Thomas l'est (parti) pour aller en Italie.
J'espère qu'il ne nous y fera pas grand mal, et que vos soins et vostre
prudence préviendront tous les mauvais desseins des ennemis du roy.
Je suis,
Monseigneur,
Vostre tris humble et trfes affeclionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 2/1'™ février lôSg.
CLXIX.
Arch. des Aff. étr. Rome, t. 65. — Minute de la main de Chavigni.
MÉMOIRE
POUR LES AFFAIRES DE ROME '.
[Vers la fin de février lôSg.]
Sa Sainteté donnant contentement au roy sur le sujet de la pro-
motion, on peut se contenter que M'' le cardinal Antoine se gou-
' Ce mémoire, dont Richelieu a donné lettre est précédée et suivie, dans ce vo-
la matière s'il ne l'a dicté lui-même, est lume non coté, de plusieurs feuillets écrits
un résumé de quelques-unes des nom- aussi de la main de Chavigni, et qui pré-
breuses difficultés qu'on aval! à démêler sentent, soit des réflexions, soil des résul-
en ce moment avec la cour de Rome. Cette tats de délibérations concemani les mêmes
r
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 289
verne, en la protection qu'il a des affaires de France, ainsy qu'il s'en-
suit :
H fera toute la fonction de cette charge, ainsy qu'il sera spécifié
au long; excepté en deux points :
Le premier est qu'il ne proposera point en consistoire présente-
ment ;
Le second est que, présentement aussy, il sera dispensé de
mettre les armes du roy sur la porte de son palais , pour diverses
raisons.
M' le cardinal Bichi proposera, comme comprotecteur, sur les
ordres que le dict cardinal Antoine aura donnés aux banquiers.
Après la paix, le dict cardinal Antoine proposera, et mettra ses
armes, dont le pape et M' le cardinal Barberin donneront paroUe.
Pour ce qui est du pontificat, M' le cardinal Bagni est le premier
objet que le roy a dans l'esprit, pour lequel il désire qu'on emploie
toute adresse et tout moyen légitime.
Si ce sujet ne peut réussir, le roy remet à son ambassadeur, et à
ceux à qui il remet ses affaires dans Rome, de prendre la meilleure
résolution qu'ils estimeront pour son service et pour le bien de la
chrestienté.
Pour l'affaire des minimes, ou un nouveau général, ou un vicaire
général attendant nouvelle eslection.
L'affaire de Saint-Anthoine se peut terminer par l'eslection d'un
affaires, ou quelque autre point à résou- res qu'il n'a pas veu plustost Brissack pris
dre. Ainsi, sur un feuillet on lit : « On es- qu'il n'ait pensé à faire en sorte que ce
time qu'il faut nommer les évesques à qui changement ne luy soit point préjudicia-
on veut faire le procès et alléguer leurs ble. Pour cet effect, il a parlé au roy et à
fautes. • — Sur la page suivante : • On es- M'' le cardinal de Richelieu, qui luy ont
timeàproposqueM'IecardinalBicliiallast tesmoigné beaucoup de bonne volonté
présentement à Rome, où son voyage ne pour led. duc C'est son advantage et
pourroit qu'estre très utile au public et celuy de la chrestienté qu'il soit en bonne
agréable aux cardinaux neveux et au pape. » intelligence avec cette couronne. » Ces es- c'
Suit l'exposé des raisons de cette opinion. pèces de résolutions et autres pareilles
— Sur un autre feuillet : • M' le car- avaient évidemment été concertées avec
dinal Bichi peut escrire à M' de Bavié- le cardinal et rédigées sur ses avis.
CABDIN. D8 RICHBLIED. — TI. " 3-J
290 LETTRES :
nouveau général, qui donnera deux cents escus de pension à Mar-
chier, que le roy ne souffrira jamais, et qui ne se [peut] maintenir
avec aucune apparence de raison.
L'affaire de l'union de Saint-Maur doit estre achevée, le bien de
tout l'ordre estant sy manifeste qu'il faudroit agir contre le sens
commun cl toute raison pour y faire difficulté.
Idem de l'affaire de Cisteaux et de Prémonstré, es quelles le roy
et Monseigneur le cardinal ne recherchent aucun advantage que celuy
de l'Eglise et de la gloire de Dieu.
CLXX.
Bibl. imp. Bélliune, 9265 '.fol. 1, copie; et cinq-cents Golberl, l. 45, fol 233. — Copie.
INSTRUCTION A M. LE MARESCHAL DE SCHOMRERG,
GOUVEnNEUn ET LIEUTENANT GÉNÉRAL POUR SA MAJESTÉ EN LANGUEDOC,
DE CE QU'IL DOIT FAIRE PE.ND.ANÏ LA CAMPAGNE , TANT AD LANGUEDOC QU'ADX PAÏS DE L'ENNEMY
AVEC L'ARMÉE DU ROY,
EN LAQUELLE LE MANDEMENT LUY EST DONNÉ SOUS M' LE PRINCE, GÉNÉRAL D'ICELLe'.
3 mars lôSg.
Le roi ayant désiré recevoir les avis et sentimens du s"^ mareschal
de Schomberg, gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté en
Languedoc, sur Testât de la dicte province et sur ce qui se pourroit
entreprendre contre les ennemis de ce costé-là, l'ayant mandé devers
elle, pour cet effect, a jugé nécessaire de le renvoyer en diligence
en la dicte province, et de luy faire donner le présent mémoire
pour luy servir d'instruction sur les choses qu'il aura à faire.
Le dict s"^ mareschal sçait comme les troupes qui font leurs recreues
en Languedoc sont destinées pour l'armée d'Italie, et partie pour
' On lit au dos de ce volume : « Mé- berg, lieutenant général sous M' le Prince
moires venus de chez M' le cardinal de en l'armée du Roussillon. •
Richelieu. » Et sur la feuille du titre : " Ce que nous mettons ici en litre est
« Emplois de M' le maréchal de Schom- écrit en marge du manuscrit de Colbert.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 291
les armées de Guienne et Languedoc, et combien il importe que les
unes et les autres soient au plustost en estât de servir. Celles de
l'armée d'Italie doivent partir à la fin du présent mois de mars, sans
remise, en sorte que, dans le quinziesme du suivant, elles soient
passées les monts; et les autres doivent estre prestes à marcher à
leur rendez-vous dans le quinziesme du mois d'avril; de sorte qu'il
n'y a pas un seul moment à perdre. Ce que Sa Majesté désire du
dict s' mareschal est qu'aussytost qu'il sera dans le Languedoc il re-
cognoisse bien certainement Testât des troupes, et emploie tout ce
qui est de son autorité et de ses soins pour les faire rendre com-
plettes du nombre auquel les chefs ont promis de les mettre, bien
armées et équipées chacune selon sa qualité, et qu'il commence à
faire filer celles d'Italie suivant ses routes, aussytost qu'il sera dans
la province et qu'elles seront en estât de ce faire.
Que si quelques mestres de camp ou capitaines n'ont etlectué , dans
les derniers jours du présent mois, les conditions des traictés passés
avec eux, il les contraindra à y satisfaire sans délay, et s'il y a quelque
défaut considérable en leurs troupes, il les fera arrester sur le
champ, les fera mettre au pouvoir des intendans de la justice ou
des prévosts, pour les faire punir exemplairement, faisant cependant
remplir en toute diligence leurs troupes du nombre auquel ils ont
promis de les mettre, et ce à leurs despends, et à quelque prix que
ce soit.
Led. s' mareschal s'informera aussy du vrai si le s' Roze, munition-
naire général des armées de Sa Majesté, qui est obligé à mettre dans
la fin du présent mois de mars cinq cents muids de blé dans Nar-
bonne et Limoux, y aura satisfaict; et se fera représenter les récé-
pissés des gardes des magasins, pour justifier la quantité qu'il y en aura.
Il .saura si led. munitionnaire aura faict assembler à Lombez le
nombre de 800 chevaux, dont une partie est ordonnée pour l'armée
de Guienne et le surplus pour celle de Languedoc.
Si l'équipage d'artillerie nécessaire pour l'armée de Languedoc,
qiii se doit dresser à Narbonne, sera en estât de marcher au i 3 avril ,
37.
292 LETTRES
avec l'attirail, de chevaux et la provision de munitions qui sera spé-
cifiée en Testât qui en sera donné au dict s' niareschal.
Led. s"" mareschal donnera, dès son arrivée en son gouvernement,
ses ordres en toute l'eslendue d'icelui, pour l'enrôlement de la milice
par compagnies, et sous des chefs qu'il choisira, gens d'expérience et
de commandement; et pour faire tenir preste toute la noblesse à mon-
ter à cheval et maicherpour servir dans l'armée, suivant le comman-
dement que Sa Majesté a donné en toutes les provinces de son royaume
pour l'arrière-ban, et donnera les rendez-vous à la noblesse et milice
qu'il estimera à propos, pour s'assembler sans que les ennemis ny
autres puissent piendre aucune cognoissance ny soupçon des des-
seins de Sa Majesté; lesquels elle luy a communiqués, et dont, pour
plus grand secret, elle n'a voulu faire une mention plus particulière en
la présente instruction.
M'' le Prince aura le commandement général sur les armées de Lan-
guedoc et de Guienne, et fera marcher les corps desdictes où l'exécu-
tion des desseins de Sa Majesté sera recogneue plus facile.
Led. s"" mareschal fera telle diligence en toutes les choses susdictes
qu'aussy tost que les troupes pourront se mettre à la campagne , et au
plus tard dans le d'avril, il soit prest à joindre le corps des
troupes destiné pour l'exécution du grand dessein qu'elle a du costé
de Languedoc, en cas qu'il reçoive avis et ordre de mon dict s' le
Prince de le faire; sinon, pour aller avec les forces de I^anguedoc faire
l'attaque qu'il a proposée des places de la frontière d'Espagne.
Que si les ennemis s'assembloient sur la dicte frontière, et se met-
toient en estât d'entrer dans le Languedoc et d'y faire quelqu' entre-
prise, le dict s' mareschal s'opposera à leurs desseins, en attendant
qu'il puisse prendre son temps d'exécuter ceux de Sa Majesté.
En cas que le plus grand dessein de Sa Majesté s'exécutte du costé
de Languedoc, led. s'' mareschal aura le principal commandement en
l'armée de Languedoc, sous l'autorité de M' le Prince, auquel Sa Ma-
jesté a ordonné, pour la condition de sa personne, pour la dignité des
armées de Sa Majesté et le bien de son service , de ne se pas esloigner
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 293
du cœur de la province, et de pourvoir de delà à toutes les choses né-
cessaires pour faire agir utilement les armées de Languedoc et de
Guienne.
Et si mond. s' le Prince faict tourner vers la Guienne les forces des-
tinées avec celles de Languedoc pour le dict dessein, led. s"' mareschal
agira, en son gouvernement et en la frontière d'Espagne de ce costé
là, comme il jugera plus utile et avantageux, recevant tousjours, avec
le respect et la déférence convenables , les ordres de mond. a' le Prince ,
qui pourra demeurer en Guienne ou en Languedoc, selon qu'il sera
plus à propos.
Sa Majesté ne veut pas omettre de recommander aud. s' mares-
chal d'establir de toutes parts le bon ordre nécessaire aux étapes des
troupes sur toutes leurs routes, et d'empescher, par tous moyens, le
débandement des soldats et la foule du peuple; faisant suivre les gens
de guerre, non seulement par les prévosts des mareschaux et toutes
leurs compagnies d'archers, mais aussy par la compagnie de ses
gardes, avec ordre bien exprès de faire prendre et punir sévèrement
tous les déserteurs et libertins, et surtout de faire chastier, selon la
plus grande rigueur des ordonnances et déclarations de Sa Majesté ,
les premiers fuyards des troupes, et ceux qui commettront quelques
notables excès ou violences, soit dans les quartiers, soit en marchant,
en sorte que l'exemple de leur punition empesche les autres de tonj-
ber dans des crimes sy préjudiciables au service de Sa Majesté.
H obligera aussy, pour la mesme fin, les commissaires des guerres
auxquels les appointemens ont esté ordonnés pendant ce quartier
d'hiver de suivre les troupes et de ne les point quitter jusques à ce
qu'elles soient au rendez-vous des armées, et de les rendre tous res-
ponsables des désordres qui pourroient arriver par leur faute ou né-
gligence.
C'est ce que Sa Majesté peut prescrire aud. s' mareschal, voulant
bien l'asseurer qu'elle tiendra en très grande considération les ser-
vices qu'il luy rendra en des emplois de sy grande importance. Faict
à Saint-Germain en Laye, ce 3""^ mars i ôSg.
294 LETTRES
CLXXI.
Arch. des AfF. étr. Turin, t. 28, fol. 112. — Original.
Bibl. iinp. Saint-Germain-Harlay, 3/f], fol. 489. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
De Ruel, ce 17 mars iGSg.
Monseigneur,
J'ay veu vos deux lettres des premier et 7'°'' de ce mois' et considéré
ce que vous me mandés sur le sujet du voyage du prince Thomas en
Italie. Je ne doute point qu'il ne fasse tout ce qu'il lui sera possible
pour le rendre utile aux Espagnols, et essayer de porter Madame, par
la crainte, de venir à ses fins, qui est de la tromper; mais je la tiens
trop habile pour se laisser surprendre à leurs artifices, et vous trop
clairvoyant pour ne prévoir et ne prévenir pas, par vostre prudence,
l'elTect de leurs mauvais desseins.
Aussy n'appréhenday-je rien de ce coslé-là pendant que vous y
serés, pourveu que Madame demeure en la bonne disposition où je
vois, par vos dépesches, qu'elle est maintenant, et qu'elle veuille
s'asseurer des principales places de son Estât, particulièrement de
Nice, de Montméhan, comme elle a faict de Turin; vous l'en presse-
rés, s'il vous plaist, pour son propre intérest, qui est ce qui me le
faict souhaiter.
Je vous ay mandé comme le régiment qui doit relever celuy d'Ai-
guebonne est parti, et ce qui a esté faict ensuite pour vous envoyer
lesrecreues de Sault, de Chamblay et d'Alincourt, au temps que vous
les avés demandées. Depuis j'ay dépesché de Graves sur les lieux,
avec 100,000 livres, pour haster leur passage et pour presser toutes
les autres recreues qui sont en Dauphiné et Languedoc de marcher
afin que vous les ayés au plus tost. M" de Schomberg^, qui s'en est
' Elles sont conservées dans le manuscrit des AIT. étr. f" 90 et 102. — ' Voy. la
pièce précédente.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 295
retourné , m'a promis d'avoir un soin particulier de faire partir celles
qui sont dans son gouvernement, et de faire payer les officiers qui
n'auront pas touché leur argent. Ainsy j'espère que tout ira comme
vous le souhaittés.
Je presse autant que je puis i'envoy des 35o,ooo francs qui
restent du fonds de la subsistance de vos troupes. On en a desjà faict
partir 1 00,000 francs, et on me promet que le reste les suivra de
près, à quoy je tiendray soigneusement la main.
On a enfin expédié M"' Baronis, qui s'en va sy satisfaict que je ne
vcoy pas qu'il y ait rien à douter pour le payement de l'armée d'Italie.
M"^ de Turenne est tousjours sy travaillé de sa fièvre qui luy a re-
doublé, que j'appréhende qu'il ne puisse estre si tost près de vous
qu'il seroit à souhaitter et quil le désire luy-mesme.
M' de Noyers m'a asseuré avoir envoyé ordre aux sieurs Colbert et
L'Hermite de fournir pour les fortiffications de Casai, Pontdesture et
Rossignan, outre ce qui a desjà esté deslivré, la somme de 3o,ooo *♦
en attendant qu'on pourvoie à un nouveau fonds pour ces travaux.
Cela estant. Monseigneur, je vous suplie de les haster autant que
vous pourrés , le temps nous pressant extraordinairement de ce costé-là.
Je suis extresmement fasché de la maladie de M' le grand chance-
lier'; s'il meurt, il n'y a autre chose à faire, en attendant que vous
ayés les ordres du roy, qu'à cmpescher, ainsy que vous me le man-
dés, qu'aucun de ceux que Madame de Mantoue pourroit envoyer à
Casai pour estre grand chancelier, ou chef des armes dans le Mont-
ferrat, n'y soient receus pour les raisons contenues dans vos lettres.
M"^ de Chavigny m'a asseuré que les expéditions des domaines que le
roy a accordez tant audicl s' chancelier, comte Mercurin, Prat, major
de Casai, que Solrin, sont envoyées, et qu'ils n'ont plus qu'à en faire
prendre possession, en vertu d'icelles.
Si l'entreprise dont vous m'avés escritpouvoit réussir, ce seroit une
' Guiscardi. Il succomba à celte raala- annonçait la mort du grand chancelier de
die; M. de La Tour, écrivant de Casai an Mantoue. Il était dévoué à la France. (Ms.
cardinal de La Valette, le 29 mars, lui cilé aux sources, T I/I2.
296 LETTRES
bonne afFaire; mais, à vous en parler franchement, je n'y veoy pas
grande apparence, la chose estant si peu secrète comme vous me
mandés qu'elle est.
Je ne doute pas que M"' le prince Thomas ne fasse proposer, aussy-
tost qu'il sera en Italie, une suspension particulière à Madame pour
le Piedmont; mais, comme elle cognoist sa mauvaise volonté en son
endroit je m'asseure qu'elle se donnera bien garde d'y entendre, ny
de rien faire avec luy, ny avec M' le cardinal de Savoie, sans la par-
ticipation et le consentement du roy ', qui affectionne trop la personne
et les intérests de Madame pour consentir jamais à aucime chose qui
luy apporte du préjudice, comme feroit une suspension particulière
({ui seroit sa perte totale. S. M. entendra volontiers à une trefve et
suspension générale pour longues années, dans laquelle tous ses al-
liez soient compris, comme le seul et unique moyen de parvenir à
une bonne paix, qui est la chose du monde qu'elle et ses serviteurs
souhaittent davantage.
Je suis très aise que Mad. et M' le Duc son fils soient en bonne
santé. S'il arrivoit faute de la personne de Madame^, il n'y auroit autre
chose à faire que ce que vous me mandés, sçavoir : de se saisir de
' Le cardinal se fiait peu aux résolu-
tions que pourrait prendre la duchesse;
aussi, le même jour qu'il écrivait celle
lettre, il faisait écrire par le roi au cardi-
nal de La Valelte l'ordre de faire prendre
le prince Thomas, s'il mettait le pied dans
les Étals de la duchesse de Savoie, et de
l'envoyer à Pignerol. La lettre signée du
roielconlre-signée Bouthillier (Chavigni),
est conservée en original dans le ms. des
Aff. étr. cité aux sources, f° 1 1^- Louis XIII
écrivait en même temps à sa sœur la mis-
sive qu'on va lire. La princesse elle-même
avait provoqué celle mesure; une lettre
du cardinal de La Valette à Chavigni , du
2 mars, disait : « Le comte Philippe m'esl
venu dire que Madame désiroit une lettre
du roy déclarant que S. M. ne voudrait
pas qu'elle receust le prince Thomas dans
ses Estais, attendu qu'il est ennemi de la
France, n (Même ms. f° gS.) Mais les vo-
lontés de Madame étaient fort sujettes au
changement, et le cardinal n'était pas bien
sur qu'elle voulût encore au moment de
l'exécution ce qu'elle avait elle-même de-
mandé.
" Les mots t personne de Madame,»
et « se saisir de la personne du duc et de
Turin , » sont chiffrés dans l'original et
dans la copie. Nous avons déjà dit que
nous avons pu reconstruire le chiffre du
cardinal de La Valette avec Richelieu pen-
dant cette campagne d'Italie, à l'aide de
plusieurs autres dépêches.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 297
la personne d» duc et de Turin; mais il n'y faudroit pas manquer, si
la chose est possible. Vous vous en souviendrés, s'il vous plaist, en
temps et lieu.
Quelque dessein que vous ayés, en nous en donnant avis, nous
contribuerons, de nostre costé, tout ce qui deppendra de nous pour
vous donner moyen d'en venir à bout, soit en vous faisant secourir
de vivres, soit en vous faisant fournir des munitions et du canon, si
c'est chose qui se puisse par le moyen de l'armée navale.
La cognoissance qu'a Madame que le pape apréhende que, si
mons' de Savoye venoit à mourir, sa succession tombast à ses filles, la
doit porter à penser sérieusement à s'asseurer sy bien du Piedmont
qu'en un seul cas lesdictes princesses ne fussent pas privées de ce qui
leur appartient. Le vray moyen d'esviter cet inconvénient est de s'as-
seurer des places principales de ses Estats , et entr'autres de Nice et
de Montmélian, ce que je vous répète encores, comme chose très-im-
portante.
M" de Noyers et de Chavigny vous escrivent amplement sur tout
le reste des affaires, ce qui me faict finir cette lettre en vous asseurant
que je suis et seray tousjours sans changement.
Monseigneur,
Vostre très hamble et très aOectionné serviteur.
Le Card. DE RICHELIEU.
CLXXII.
Arch. des Aff. élr. Turin, I. 38, fol. ii5. — Original. — .Au (° 1 17, minute,
liibl. imp. fonds Béthune, 93^7, fol. 39. — Copie.
LE ROY A MADAME LA DUCHESSE DE SAVOYE.
17 mars lôSg.
Ma sœur, Il n'y a personne qui ne cognoisse que la permission
que les Espagnolz ont donnée au prince Thomas d'aller en Italie n'est
à autre intention ou, que de vous embarquer dans une négociation
CtBDIV. DE I1ICIIET.IEU. — VI. ' 38
298 LETTRES
particulière, ainsy qu'a tenté de faire plusieurs fois le cardinal de Sa-
voye, ou de se servir de sa personne, et des int'elligences qu'il peut
avoir dans vos Estais pour vous faire tout le mal qui leur sera possible.
Encore que je sois asseuré que vous n'ignorés pas leur pensée, et les
desseins qu'ils ont contre vous et contre mon neveu le duc de Savoye ,
vostre fds, et que la prudence vous oblige à apporter toutes les pré-
cautions et tous les remèdes qui sont nécessaires pour les prévenir,
la tendresse néanmoins que j'ay pour vous, et la part que je prends
à tous vos intérests me porte à vous dire que, sur toutes choses, vous
devés rejeter les propositions qui vous pourroient estre faictes de la
part du prince Thomas, pour trouver bon qu'il vienne en Piedmont,
quelque prétexte et quelque raison qu'il puisse alléguer, et celles
mesme qui tendront à introduire quelques négociations particu-
lières," ayant desjà éprouvé combien les suittes en estoient dange-
reuses.
Je ne vous puis celer que non seulement la considération de vostre
bien m'oblige à vous donner ce conseil, mais que si ledict prince
Thomas, attaché comme il est aux Espagnolz, estoit dans vos Estats
avec vostre consentement, je n'aurois plus la confiance que j'ay en
vous, et vous ne recevrics plus par conséquent les mesmes tesmoi-
gnages de mon affection que vous avés faict par le passé. Je ne doute
point que, cognoissant combien elle a tousjours esté véritable et sin-
cère en vostre endroit, vous ne défériés à mes avis, puisqu'ils n'ont
pour principal but que vostre avantage et vostre seureté : c'est ce que
mon cousin de La Valette vous représentera encore plus particuliè-
rement, vous priant d'ajouster encore créance à ce qu'il vous dira de
ma part sur ce sujet, et de croire que je suis du meilleur de mon
cœur...
Escrit à S'-Germain en Laye, ce 17 mars 1689.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 299
CLXXIII.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. a63 v°, — Copie.
INSTRUCTION A M. LE PRINCE,
GOOVEBHEDR, LlEDTENAtlT GÉNEKiL PODK LE ROT ES BODKGOGRE, BRESSE ET BEBBI,
S'EN /ILLiUT EN GUTEKNE ET LANGUEDOC.
Le roy ayant recogneu qu'il est très important au bien de ses affaires
que les armées soient commandées par des personnes dont la dignité
et l'autorité puissent contribuer à mettre toutes choses en bon estât,
et à les maintenir, et obliger chacun à faire son devoir, elle a choisi
mond. s" le Prince pour luy donner le commandement de celles qui
seront emploiées, durant la présente année, tant dans la Guyenne,
Béarn, Navarre et pays de Foix, qu'en Languedoc; et a voulu luy
donner le présent mémoire pour l'informer de ses intentions.
Sa Majesté désire que mon d. s' le Prince s'en aille présentement
en Guyenne, pour s'asseurer de Testât auquel seront tous les prépa-
ratifs nécessaires pour faire agir la dicte armée.
Il verra premièrement quelle diligence le s' d'Espenan, mareschal
de camp, aura apportée pour faire mettre les troupes en estât de
servir.
Si les régimens d'infanterie et les compagnies de cavalerie auront
le nombre auquel mon d. s' le Prince a faict obliger les chefs et
officiers par les traictés qu'ils en ont passé avec luy; et, en cas qu'ils
n'ayent satisfaict aux conditions d'iceux , les y fera contraindre ; mesmes
s'il y a quelque manquement notable en leurs troupes, il les fera
arrester sur le champ et punir exemplairement, faisant ce pendan
rendre leurs troupes complettes, en toute dilligence , à leurs despens.
à quelque prix que ce puisse estre.
Il appellera vers luy au mesme temps le s' évesque d'Aire et h
s' de Prouville pour savoir ce qu'ils auront faict pour l'amas des vivre
38.
300 LETTRES
et munitions de bouche, en quel lieu ils auront establi les magasins,
et la quantité de grains qu'ils y auront faict mettre , se faisant repré-
senter les récépissez des gardes qui en seront chargés, pour justifier
s'il y en a suffisamment pour la nourriture des troupes des armées
de Guyenne et de Languedoc pendant six mois.
Il mandera vers luy les commis du s" Roze, munitionnaire général
des armées de Sa Majesté, et leur ordonnera de luy faire voir, à
certain lieu et jour, les chevaux, charrettes, caissons, et sacs dont il
est obligé par son traicté de faii'e provision pour servir es dictes ar-
mées, et, en cette reveue, il fera casser les chevaux qui ne seront
propres à servir, et remplacer ce qui pourroit manquer.
Comme le s"^ de La Melleraye , grand maislre de l'artillerie de France,
ne pourra pas aller es -dictes armées. Sa Majesté remet au d. s' prince
choisir tels officiers que bon luy semblera pour y servir en l'artille-
rie, lesquels y seront envoyés par le d. s' grand maistre sans diffi-
culté, et afin que mon d. s"^ le prince puisse estre asseuré de Tes-
tât auquel seront toutes les choses qui concernent l'artillerie et les
munitions de guerre, il se fera représenter, lorsqu'il sera arrivé en
Guyenne, et toutes fois qu'il le jugera à propos, ou à tel des siens
qu'il voudra commettre, les chevaux, charrois, canons, bouletz,
poudres, la mesche, le plomb et toutes les munitions destinées pour
les dictes armées, suivant Testât qui en a esté arresté avec luy; Sa
Majesté se reposant entièrement sur ses soins de la conservation des
dicts chevaux et munitions, et s'asseurant qu'il les fera mesnager en
sorte que les dicts chevaux ne dépériront aucunement, et qu'il ne sera
fait aucune dissipation ny consommation inutile des dictes munitions.
Mon d. s"^ le Prince sçaura du d. s"" évesque d'Aire quel nombre
de pionniers il aura levez, en quel jour et à quel lieu il aura donné
rendez-vous, quel ordre il aura establi pour leur subsistance, s'il
aura faict enroUer la milice de Guyenne et de Languedoc, quel
nombre Ton s'en peut promettre en cas de besoin, et s'il aura faict
préparer Tarrière ban des dictes provinces, et marcher au premier
ordre qui luy sera donné, el de quel nombre de noblesse ou se peut
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 301
asseurer, suivant la commission que mon d. s'' le Prince sçayt luy
avoir esté donnée sous ses ordres.
Il s'informera du d. s"" évesque d'Aire s'il aura faict préparer les
pionniers, les ponts, pieux ferrés et non ferrés qui doivent estre demi
bruslés par la pointe entrant en terre, les chandeliers et autres ma-
chines pour servir à l'exécution des entreprises où la dicte armée
sera employée, suivant les ordres qu'ils en ont receus.
Si l'amas des batteaux, barques, bares, plates, pontons, chaloup-
pes et autres vaisseaux qui doivent servir à faire des ponts et à porter
des gens de guerre , aura esté faict selon les mémoires qui en ont esté
donnez au d. s"" évesque partant de la cour.
Après que mon d. s' le Prince aura par ses soins mis toutes
choses en estât d'assembler l'armée [il donnera] rendez-vous gé-
néral vers Lombez, près Tolouze, aux troupes qui doivent faire le
corps de l'armée, laissant sur la frontière de Guyenne cinq régimens
d'infanterie, et de la cavalerie à proportion, sous la charge des s"^
comte de Gramont et marquis de Sourdis, lieutenans généraux sous
luy en ladicte armée, et du s' d'Espenan, mareschal de camp; et
envoyant sur la frontière de Languedoc pareil nombre d'infanterie et
de cavalerie sous le commandement des s" mareschal de Schom-
berg, lieutenant généraf en l'armée de Languedoc sous mon d. s' le
Prince, et du sieur vicomte d'Arpajon ', lieutenant en la dicte armée
[tant] sous mon d. s' le Prince que sous le d. mareschal, et des
s" de Lecques et d'Argencourt, mareschaux de camp; auquel lieu
de Lombez mon d. s' le Prince sera, pour faire marcher le corps
de la dicte armée en celle des deux frontières du Languedoc ou de
Guyenne où il sera jugé plus à propos de faire la principalle attaque;
les troupes qui demeureront en l'autre frontière s'occupans ce pen-
dant à faire une notable diversion.
Sa Majesté ayant donné sa lieutenance générale en son armée na-
' Le vicomte d'Arpajon fui désign&()our fut donnée le 26 mars répète quelques
servir comme intendant général dans l'ar- dispositions réglées ici. On la trouvera
niée de M. le Prince; l'instruction qui lui notée aux analyses.
302 LETTRES
valle, en l'absence de M' le cardinal duc de Richelieu, au s"^ arche-
vesque de Bordeaux ', elle entend que , lorsque son employ de la mer
luy permettra de mettre pied à terre, il commande, sous l'auctorité
de mon d. s' le Prince, en l'armée de Guyenne, en qualité de lieu-
tenant général, tout ainsy que le d. . . s*" mareschal de Schomberg en
celle du Languedoc, et que les s" comte de Gramont et marquis de
Sourdis soient lieutenans généraux, et les s" d'Espenan et de Net-
tancourt comme mareschaux de camp.
Et, parce qu'il a esté remarqué que le roy d'Espagne n'employé
pas au commandement de ses armées des personnes qui correspon-
dent à la qualité de M"^ le Prince, Sa Majesté n'entend pas qu'il sorte
des dictes provinces du Languedoc et de Guyenne; et mesme, de
crainte que, tandis que mon d. s'' le Prince voudroit par sa pru-
dence avancer d'un costé les affaires de Sa Majesté, les ennemis n'en-
trassent de l'autre, se prévalant de son absence, elle désire qu'il
demeure tousjours dans le cœur des dictes provinces , dans un poste
où il puisse commodément donner ordre tant à la subsistance des
armées, à la marche des milices et de la noblesse, et à l'envoy de
toutes les choses, en sorte qu'elles ne manquent de rien, qu'à ga-
rantir les peuples de la foxdle qu'ils souffrent ordinairement par les
passages et par le séjour des gens de guerre, et empescher le desban-
dement des officiers et soldats des troupes par toutes les voyes qu'il
estimera à propos; si ce n'est que le d. s' Prince jugeast sa présence
absolument nécessaire pour faire réussir les desseins du roy, au quel
cas Sa Majesté trouve bon qu'il entre dans le païs ennemy, et qu'il y
fasse tout ce qu'il estimera à propos pour y avoir un bon succez; Sa
Majesté déclarant qu'elle ne tiendra pas en moindre considération
les services qu'il luy rendra es dictes provinces, pour le bien des
dictes armées, que s'il y estoit en personne.
Faict à S*-Germain en Laye, le 22* jour de mars iGSg.
' Une lettre écrite à l'archevêque de Bordeaux, du a6 mars , est notée aux analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 303
CLXXIV.
Arch. des Aff. élr. Turin, t. 28, fol. iSy. — Original.
Bibl. imp. S'-Germain-Harl. 347, '"'• ^gov'. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
Rue), 26 mars 1639.
Monseigneur,
Depuis la dernière lettre que je vous ay escrite j'en ay receu deux
de vostre part, du ig"*^ de ce mois, par l'une desquelles vous nie
mandés comme les ennemis se sont rassemblés à Alexandrie, et vous
auprès de Montcalve pour observer leur contenance. Il ne se peut
rien adjouster au soin et à la diligence avec laquelle vous agisses pour
le service duroy aux lieux où vous estes, ny désirer aucune chose au
gré que l'on vous en sçait. Elle se promet non seulement que vous
empescberés les Espagnols d'entreprendre aucune attaque sur le
Piedmont, ny sur le Montferrat, ayant les troupes que vous avés main-
tenant ensemble; mais aussy que vous prendrés revanche du mal
qu'ils nous firent l'année passée. Lorsque toutes vos recreues vous
auront joinct, ce dont on sollicite les officiers autant qu'il est pos-
sible.
Le cardinal répèle ici ce qu'il a déjà écrit au sujet de l'envoi des hommes et
de l'argent. Il ajoute, en marge, que, si l'argent n'arrivait pas à temps, M. Baronis
ne ferait pas diSicullé de l'avancer.
J'ay escrità Madame par les s" de Pesieu et Baronis, qui s'en sont
retournés extresmement satisfaicts sur toutes choses, touchant la ré-
solution qu'elle vous a tesmoigné avoir prise de ne se point séparer
des intérests du roy, et de suivre les conseils que S. M. luy donnera
pour son propre bien; je m'asseure qu'elle sera contente de ma lettre'.
' Je ne lai pas trouvée
304 LETTRES
Puisque vous n'avés pas assez de mareschaux de camp près de
vous, le roy trouve bon que M' de Malissy en serve, en attendant que
M" de Castelan ou de Turenne soient arrivés, ainsy que vous le pro-
posés.
S. M. trouve bon aussy que vous accordiés en son nom jusques à
6,000 livres de pension aux principaux gentilshommes de la ville de
Casai, ainsy que vous l'escrivés, dont on vous enverra les brevets
aussytost que nous saurons les noms, et ce que vous aurés promis à
chacun; ce dont elle se remet à vostrë jugement, comme aussy de
faire aux lieux où vous êtes ce que vous estimerés plus avantageux
au bien de ses affaires, ayant une entière confiance en vostre affec-
tion. Asseurés-vous, s'il vous plaist, de la mienne, pour tousjours, et
que je suis,
Monseigneur,
Vostre très-humble et très affectionna serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CLXXV.
Bibl. imp. Béthune, 9327, fol. 180. — Original. — 9279, fol. 60. — Copie.
Cinq-cents Coibert, n° 46, foi. 871. — Copie.
Saiiil-Germain-Harlay, 346, l. 3, fol. 694. — Copie'.
AU DUC DE VEYMAR.
26 mars i63().
Monsieur,
Je ne saurois vous tesmoigner le de.splaisir que m'a apporté le mal
de Vostre Altesse, que je n'ay appris que par hasard de ceux qui vien-
nent des lieux les moins csloignés de celuy auquel elle est. J'espère
que Dieu luy aura maintenant rendu la santé; au moins l'en priai-je
de tout mon cœur, vous asseurant que je prends autant de part à ce
qui vous louche que vous-mesme. Vostre maladie est un reste des
' Ce ms. tnel en note : « Copie faite sur la minute originale de la ipain du cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 305
grands travaux- de la campagne passée, dont le repos que vous avés
pris est le vray remède. Bien que je n'expérimente pas ce que pro-
duisent les grands travaux de corps, conjoincts à ceux de l'esprit,
comme sont ceux que vous avés eus en vme expédition pareille à celle
de Brissac, je sçay le mal que le faix des affaires apporte à ceux qui
en sont accablés. Quelque grandes que soient celles dont il plaist au
roy que j'aye soin, je les estimeray très heureuses si elles me don-
nent lieu de vous servir comme je le désire. La franchise que j'ay
tousjours professée avec vous m'oblige à vous dire , sur ce sujet, que
le style de la dernière lettre que j'ay receue de vostre part est si diffé-
rent de ccluy des précédentes que je ne sçay à quoy en attribuer les
changemens. Les premières se louent extresmement de la façon avec
laquelle vous avés été secouru et assisté , et la dernière semble chan-
ger de langage et faire des plaintes de ce dont Vostre Altesse s'estoit
louée auparavant. Je la puis asseurer qu'ai nsy que toute la chrestienté
a veu les assistances extraordinaires que le roy luy a données dans
cette dernière occasion, ainsy cognoistrés-vous, en toutes occurrences,
par bons effecls, que l'intérieur de Sa Majesté et de ses serviteurs
est tel pour vous que vous le pouvés souhaitter vous-mesme. Je vous
supplie de le croire, et qu'en mon particulier je seray très aise de
vous tesmoigner que je suis véritablement et cordialement,
Monsieur,
Vostre très liumble et trë« affectioDoë serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Ruel, ce 26 mars 1689.
CARDIN. DB-BICBELIED. — VI. 3g
1
306 LETTRES
CLXXVI.
Bib], iinp. fonds Dupuy, t. 767, cahier Vv. ' — Copie.
Saint-Germain-Hariay, 347. '*''• ^9^- — Copie'.
MÉMOIRE DONNÉ A M. DE CHAVIGNY,
TOUCHANT L'AFFAIRE DE GENNES.
Du 2g mars i63q.
Le roy ayant veu que les advertissemens et inesme les prières
dont il a usé jusques à présent, pour tirer raison des injures qu'il a
receues depuis quelque temps de la république de Gènes, ont esté
du tout inutiles. Sa Majesté a creu qu'il ne luy restoit autre moien
pour parvenir à une fin sy juste et sy raisonnal)le, que de faire décla-
rer à l'amb' qu'elle prend l'action conimise en la personne du cap"*
Hérisse pour rupture, si on ne luy en faicl prompte raison, par la
délivrance du d. cap'" Térisse, de ses compagnons et de son vais-
seau , et par le chastinient de ceux qui commandoient les deux galères
de la seigneurie qui l'ont pris.
Et, parce que le procédé de la dicte république a tout à faict violé
le respect qu'ils doivent à celte couronne. Sa Majesté est bien faschée
de ne pouvoir s'empescher de faire sçavoir ensuite au d. ambassa-
deur qu'elle croit en son particulier avoir de bonnes intentions, qu elle
désire qu'il demeure en son logis luy et les siens jusques à ce que sa
dicte Majesté ayt receu la satisfaction qu'elle doit attendre.
Cependant, pour tesmoigner comme Sa Majesté veut user de bonté
en cette occasion , et plus tost donner lieu à la république de reco-
gnoistre sa faute que de prendre celuy de s'en venger, elle délaisse
au choix du d. ambassadeur de faire cognoistre au public, ou tenir
caché, le désir que le roy a qu'il demeure dans sa maison jusques à
ce qu'il ait eu response de la république. Sa Majesté estant très con-
tente de dissimuler son ressentiment jusques en ce temps, auquel, si
' Voy. ci-dessus, p. 56, noie 2. — ' En marge, le copiste a écrit : «Minute ori-
ginale de la main de Cherré. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 307
elle reçoit contentement de la république, il ne sera point parlé de
la prière qu'elle luy faict de garder le logis, et elle vivra avec elle
comme elle a faict par le passé : sinon elle sera bien aise que tout le
monde sache que sa conduite irrespectueuse en son endroit l'a con-
trainte d'agir comme elle faict avec son ambassadeur. ^
Si la santé de M' de Ghavigny ne luy permet pas de voir l'ambas-
sadeur de Gènes, il y envoiera M' de la Barde, pour luy faire cette
signification, avec toutes les civilités qu'il luy sera possible, avec ins-
tance à faire donner satisfaction à Sa Majesté.
Je ne voy pas mesme qu'il y ayt difficulté à laisser une copie de
ce papier jusques à la marque ^ au d. ambassadeur.
Il faut adviser si l'ambassadeur veut que ce qui se passe soit dissi-
mulé jusques à ce qu'il ayt peu sçavoir si la république veut donner
satisfaction au roy ; il en demeurera d'accord avec celuy qui luy par-
lera, affin que, sur ce fondement, on agisse conformément de deçà,
ne donnant point à cognoistre la résolution du roy.
CLXXVII.
Arch. des Aff. élr. Hollande, t. 2 1 , pièce 6a. —
Mise au net de la main de Cherré, corrigée par le cardinal.
Bibl. imp. Cinqcents Colbert, t. 46, fol. iSy. — Copie'.
Saint-Germain-Hariay, 346, t. 2, p. aaS. — Copie.
A M. LE PRINCE D'ORANGE.
3o mars i63g.
Monsieur,
La maladie du s' d'Estrades l'empeschant de pouvoir retourner sy
tost vers V. Alt. on luy dépesche ce courrier exprès pour luy porter
le traiclé qui a esté passé avec M"" Daustervic, ambassadeur de M" Les
' Leii deux manuscrits de la Bibliothèque uhe minute ou brouillard de la main de
mettent celte annotation : « Copie faite sur Cherré, corrigée par le cardinal. >
39.
3©8 LETTRES
Estais, et Tarticle secret signé, enfermé' dans un pacquet qui luy
sera remis entre les mains. Vous verres par là la confiance que le roy
prend en vostre personne, n'ayant point désigné les lieux qui doivent
estre attaquez, sur ce que le d. s'' d'Estrades luy a faict cognoistre que
V. A. se sentiroit obligée si on remettoit cet article à sa discrétion.
T Je la puis asseurer que nous ne manquerons pas d'estre en cam-
pagne précisément au jour porté par le dict article secret. Je vous con-
jure de faire le mesme, afin que les ennemis soient contraincts de
se partager, ce qui rendra nos desseins de part et d'autre plus faciles.
Je ne parle point des propositions particulières que le s'' d'Estrades
m'a faictes de vostre part pour l'année qui vient, parce qu'il vous en
portera luy-mesme la response, par laquelle V. A. cognoislra ce que
la confiance que j'ay en elle me peut faire faire auprès ^ du roy, et qu'il
n'y a point d'effort dont la France ne soit capable pourveu qu'elle en
espère, avec raison, un bon succès pour la cause commune.
Les divers avis que j'ay de nouveau des progrès qu'on peut faire
contre la flotte des ennemis, si nous sommes puissans à la mer, font
que je vous supplie encores une fois de faire en sorte que MM" les
Estats veuillent envoyer 12 ou 1 5 vaisseaux joindre l'armée navale
de S. M. commandée par M' l'archevesque de Bordeaux, à Belle Isle
ou en Ré, où elle sera asseurément assemblée dans le 20'' du mois
d'avril^. Cette affaire est de grande importance; vous la saurés, je
m'asseure, considérer selon son poids; et ce pendant je demeureray
à jamais.
Monsieur,
Vostre très humble serviteur.
' Depuis le mot « enfermé » jusqu'à la ' La lettre adressée à ce sujet par Ri-
fin de la phrase, delà main de Richelieu, chelieu à l'archevêque de Bordeaux, le
ainsi que le nom «Daustervic» (Oster- 3i mars, est imprimée dans la CoUeclion
wick). des documents inédits sur l'histoire de France.
' « Du roy ; I) ces deux mots ont été écrits [Correspond, de Sourdis, II, 96.) Nous la
par le cardinal à la place de ceux-ci • « de notons aux analyses.
mon maistre , > qu'il a efTacés
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 309
CLXXVIII.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. i54. — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 346 , t. 2 , p. a58. — Copie. —
Supplément français, Syo (vers le premier quart du volume). — Copie.
Arch. des Aff. étr. Hollande, l. 21, pièce 221. — Mise au net.
PROJET D'INSTRUCTION POUR LE SIEUR D'ESTRADES,
ALLANT EN HOLLANDE.
[Vers la fin de mars 1689 '.]
Faut renvoyer le s' d'Estrade avec la copie de la lettre que le
prince Thomas a escrite au s"^ de Pesieu , par où le d. prince recognoist
clairement que la proposition que le d. Pesieu a faicte d'une trefve ou
de la paix vient de luy. Faut de plus que le d. s"^ d'Estrade dise con-
fidemment au d. prince d'Orange que les Espagnolz ont faict savoir à la
France que dès l'année i636 les HoUandois se fussent accommodez
avec l'Espagne, en se séparant de la France, si l'Espagne eust voulu
leur accorder les conditions qu'ils désiroient, n'ayant point faict de
difficulté de promettre ouvertement que, pourveu qu'on les contentast,
ils n'auroient point d'esgard à l'alliance qu'ils avoient avec la France.
Ensuite pour tesmoigner une ouverture de cœur entière, et une
franchise sans réserve, le d. s' d'Estrade dira à M. le prince d'Orange
que quelques uns de ceux qui sont à Bruxelles, avec lesquels nous
avons pris intelligence pendant que la reine mère y estoit, nous ont
faict savoir que le curé de Loon (de l'envoy duquel M' le prince d'O-
' Le manuscrit de Colbert donne celle Iruction , et nous le plaçons à la lin du
annotation , reproduite par le ms. de Har- mois ne pouvant lui assigner sa date pré-
lay : ■ Minute escrite en grosse lettre , fort cise. On vient de voir que Richelieu an-
nette et lisible , de la main de M' le card. nonce la maladie de d'Estrades au prince
de Richelieu, sans aucune rature.» Ces d'Orange le 3o mars; cet ambassadeur
deux copies ont élé prises sur la mise au était alors à la veille de son départ pour
net du manuscrit des AIT. étr. laquelle est la Hollande, et son instruction devait avoir
eu effet écrite en très-grosses lettres, mais élé dressée tout récemment. Celle qui fut
non de la main de Richelieu. Elle ne nous donnée à M. d'Amonlot, qu'on envoya pro
fournil d'ailleurs aucune indication.. visoiremenl à la place de d'Estrades, porte
' La date manque à ce projet d'ins- la date du 1" avril. (Voy. aux analyses.)
31© LETTRES
range nous a faict donner avis) a faict plusieurs voyages pour la Irefve,
qu'il a esté bien receu de M' le prince d'Orange et des députés qu'on
luy a donnés; qu'il est vray qu'on luy a dict en général qu'on ne vou-
loit rien faire sans la France, mais cependant qu'un des députés con-
sentit que les passeports qu'on prendroit pour Cologne ne serviroient
que de prétexte pour aller à cette assemblée, conjoinctement avec
la France, mais qu'en elFect on s'en serviroil pour traicter séparément
et secrètement sans qu'ils le sussent. Que de plus le d. député avoit
mesme passé jusques-là que de dire que la France leur estoit sus-
pecte, et estimé qu'on pourroit s'assembler sans les François à Arnheim ,
sous quelque prétexte spécieux, pour faire un traicté sans eux.
Le roy tesmoigne d'autant plus de confiance en cette occasion qu'il
estimeroit mieux avoir perdu cent mille escus qu'on descouvrist ceux
qui donnent ces avis.
Bien que S. M. ayt esté souvent fidèlement servie par cette voie,
elle a toutefois soupçon que ce dernier avis soit parvenu à elle à la
suscitation des Espagnolz, qui n'ont point de plus grand dessein que
de mettre les Hollandois en soupçon de la France, et la France en
soupçon des Hollandois.
Ce qui donne lieu à S. M. d'un tel soupçon est qu'il luy semble
que, bien que les auteurs du dict avis ne tesmoignent en aucune façon
de luy vouloir donner de l'ombrage, ce qu'ils mandent toutefois est
sy artistement composé qu'il est capable de donner de l'ombrage à qui
ne cognoistroit pas la franchise de M" le prince d'Orange, et celle de
M"^ les Estais, et la cognoissance qu'ils ont de leurs propres intérests.
Comme la négociation que les Espagnolz ont voulu faire pour la
trefve, par le susd. curé, n'est pas seulement cogneue par M' le prince
d'Orange, mais aussy de M" les Eslats, c'est à Mons' le prince d'O-
range de voir le remède qu'on peut apporter aux mauvaises consé-
quences que les Espagnols veulent tirer de la division, qu'ils préten-
dent semer par telle voie.
La meilleure et la plus digne d'un souverain et estats libres,
comme M"^* les Estats, est de rompre tout pareil commerce , et faisant
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
31
cognoistre ouvertement que les portes de devant sont ouvertes, et fer-
mer toutes négociations cachées.
CLXXIX.
Arch. des Aff. élr. Angleterre, t. ^7, fol. 288. — Mise au nel de la main de Cherré.
Bibl. imp. Fonds Béthune, gaSA, fol 18 v°. — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 346, t. 2 , p. 82. — Copie.
Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. 62 v°.
4 avril 1639.
- Monsieur Germain, Je loue ma sœur du bon naturel qu'elle
lesmoigne pour la reyne ma mère, mais le roy de la Gr. Br. et
elle luy ayant facilité le moyen une fois de parler de ses intérests à
mon ambassadeur sans y vouloir estre présens, disans à mon dict
ambassadeur qu'ils le faisoient parce que personne autre que les
miens propres ne se dévoient mesler d'une affaire qui me touche de
sy près, me donnent lieu de pratiquer ce qu'ils ont, avec grande
raison, jugé raisonnable.
' Les deux mss de la Bibliothèque no-
lent, a la marge de la copie qu'ils donnent,
que cette copie a été faite sur une « mi-
nule originale de la main de M. de Cha-
vigny, avec des corrections du cardinal de
Richelieu. »
* On saii que le cardinal avait coutume
de préparer pour Louis XIII les réponses
que le roi devait faire dans certaines cir-
constances délicates; en voici un nouvel
exemple. Un secrétaire de Chavigni a écrit
à la marge du ms des Ail. étr. » Pour
respondre à M' Germain, louchant la
reyne-mère. Dec 1 638. » Kt l'on a classé
la pièce dans le ms. au commencement
de décembre de ladite année. Cette dale
et ce classement sont une double l'rreur.
Lord Jermyn avait été envoyé à Paris en
septembre i638, porteur de félicilalions
sur la naissance du dauphin, et non pour
l'affaire de la reine mère, qui n'était pas
encore en Angleterre. Il fut renvoyé de
nouveau en France, au mois de mars de
1639 (Aff. étr. Angleterre,!. 47, r4i3).
La date du 4 avril , que donne le ms. de Bé-
thune, nous semble pouvoir être adoptée.
Nous ne trouvons pas de trace de cette
conversation avec lord JermyM dans les
Mémoires de Richelieu, nouvelle preuve
que la pièce est postérieure à i638. Le
P. Griffet en cite une partie d'après une
des copies de la Bibliothèque. ( fiisloire de
Louis XIII, t. III.) — Le cardinal, à qui
la reine d'Angleterre avait écrit à cette oc-
ca.siou', lui répondit par un refus enve-
loppé dans l'expression de l'obéissance la
plus entière et du dévouement le plus
passionné. Il lui lit en même temps écrire
par le roi quelques lignes insignihantes,
s'en remettant à ce que lui dirait le s' Ger
312 LETTRES
Je n'ay jamais manqué de bon naturel envers la reyne ma mère,
mais elle a tenté tant de diverses choses contre mon estât, et a pris tant
de liaisons avec ceux qui en sont ennemis déclarés, que je ne sçaurois
prendre autre résolution que de n'en prendre point en ce qui la touche,
jusques à ce que l'establissement d'une bonne paix me donne lieu de
moins soubçonner ses intentions que je ne dois faire maintenant.
Si M. Germain dict que l'attente de la paix n'empesche pas que le
roy ne puisse donner de l'argent à la reyne, S. M. luy pourra res-
pondre, si elle le trouve bon, qu'elle a bien pensé à ce qu'elle luy a
dict, qu'elle ne peut luy respondre autre chose et ne doit pas penser
à faire plus, ne pouvant estre asseuré, pendant la guerre, que ses
domestiques, qui posséderont son esprit, ne se servissent du bien
que S. M. luy pourroit faire, contre le bien de son estât, à la suscita-
tion des Espagnolz, dont le dernier manifeste qu'elle a faict, depuis
qu'elle est en Angleterre, faict bien cognoistre qu'elle n'est pas tout
à fait destachée.
S. M. peut adjouster : Je vous prie ne me contraindre point de me
ressouvenir du passé, pour vous rendre plus capable des raisons que
j'ay de faire ce que je fais. Vous avés assez de cognoissance pour voir
que mon procédé est bien fondé , et je suis bien aise de ne me ra-
fraischir point la mémoire de choses sy désagréables, comme sont
les diverses entreprises qu'on a voulu faire contre moy.
CLXXX.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. 169. — Minute '.
Rome, t. 68, deux copies, dont l'une est datée, par erreur, du 8 avril.
Bibl. imp. Fonds Béihune, 9267, fol. 83. — Copie.
Saint-Germain, 723. — Copie. — Sainl-Germain-Harlay, 3/47, fol. 46 v°. — Copie.
mSTRUCTION AU SIEUR D'HÉMERY.
Du 5 avril 1689.
Le s' d'Hémery ira en diligence à Lion, auquel lieu il fera assem-
main. Ces deux lettres seront notées ci- ' C'est sans doute sur cette minute qu'a
après, aux analyses, date du 7 avril. été faite la copie de Harlay, dont le ma-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
313
hier les s" de Graves, Imbert et autres qui avoient esté commis par
Sa Majesté pour faire passer l'armée d'Italie, desquels il apprendra
Testai des dictes troupes , le temps auquel elles doivent marcher, fera
cesser, autant qu'il pourra, les empeschemens qui se pourroient ren-
contrer, et, afin qu'elles passent plus promptement, il escrira au card.
de La Valletle pour obtenir de Madame passage pour partie des dictes
troupes par ia Savoye.
Il dépeschera aux sieurs comte d'Alais et mareschal de Schomberg
pour faire passer les troupes qui sont en Languedoc et Provence par
Barcelonnette, et à ce que chacun d'eux fasse dresser les estapes dans
l'estendue de leurs gouvernemens nonobstant toutes les difficultés
qu'ils pourroient proposer.
Estant à Lion, il dépeschera aussy à M' le cardinal de La Valette
pour luy donner avis de Testât des choses, et selon les ordres du
s' cardinal il fera avancer ou retarder les troupes.
En cas que Taffaire de Piedmont fust sy pressée qu'on ne pust
différer le passage des dictes troupes jusques à ce qu'elles fussent
complettes, en ce cas il fera passer la moitié des troupes, ou ce qui
sera prest, et arrestera des officiers pour mener le reste des corps
lorsqu'ils seront en estât.
Et parce que les troupes les moins prestes, et à la levée desquelles
il se rencontre plus de difficulté, sont celles du Languedoc, si le d.
d'Hémery le juge à propos, il pourra aller jusques au lieu où est
M' le mareschal de Schomberg pour faciliter le départ des dictes
troupes.
Si le Cengio estoit pris, ou que Taffaire de Piedmont fust par quel-
nuscrit met en marge : « Brouillard fort
raturé, corrigé de la main de Cherré. »
De nombreuses corrections , de longs pas-
sages, sont en effet de la main de ce se-
crétaire. Cette circonstance et, bien plus
encore, l'importance des considérations
politiques qui y sont développées, ainsi
que la gravité des mesures prescrites dans
CARDIN. DE BICUELIEO. — VI.
certaines éventualités prévues, mesures
que le cardinal seul pouvait ordonner, ne
permettent pas de mettre en doute la par-
ticipation directe de Richelieu à celle ins-
Iruclion. La minute conservée aux Affaires
étrangères a été préparée pour entrer dan.s
les Mémoires de Richelieu.
io
314 LETTRES
que nouveau rencontre eu mauvais estât, en ce cas le d. s' d'Hémery
laissera les ordres qu'il jugera nécessaires tant à Lyon, Dauphiné,
que Languedoc, pour le passage des dictes troupes, et passera à Pi-
gnerol , où il apprendra Testât des choses pour y pourvoir autant qu'il
luy sera possible.
Estant à Pignerol, il verra avec les s""^ de Malissy et de La Cour ce
qui se pourra faire pour avancer le travail de la dicte place et la
mettre en telle seureté qu'il n'en puisse arriver d'inconvénient, et,
s'il se peut, à quelque prix que ce soit, faire deux ateliers, l'un à
Pignerol, et l'autre à S'''-Brigide, en sorte que l'un n'allentisse point
l'autre. Il surmontera toutes les difficultez pour parvenir à cet effect
et fournira l'argent nécessaire pour cette despense au s' de La Cour,
et en tirera des lettres de change à Paris, lesquelles seront acquittées;
et où il seroit impossible de faire deux ateliers, en ce cas, il faudra
mettre premièrement la ville de Pignerol en toute seureté, en re-
mettant le revestement des bastions et les autres ouvrages qui ne
servent que d'ornement à un autre temps, et ce pendant mettre le
fort de S"'-Brigide en bonne delTense et celuy de la Perouse.
Après que le d. s'' d'Hémery aura donné les ordres nécessaires au d.
Pignerol, tant pour la dicte fortiffication que pour la seureté de la
place , il s'en ira à Turin auprès de Madame, et, après l'avoir asseurée
de l'affection et protection de Sa Majesté pour elle et ses Estats, il
prendra avec le cardinal de La Valette avis comme il se devra com-
porter avec elle au sujet des rencontres présens.
Sa Majesté estime que si le siège de Cengio est levé, comme on
espère, et que l'affaire du Piedmont soit réduit en un estât ordinaire,
en ce cas, l'on ne doit hasarder aucune proposition sur la remise
des places qu'il seroit à propos, pour le service du roy et seureté de
Pignerol, que Madame remist entre les mains de Sa Majesté, de
crainte que les ennemis de la France ne prolitassent sur l'esprit de
Madame de ces propositions, pour la faire consentir à celles que les
Espagnolz et ses frères luy pourroient faire contre le service du roy
et son bien propre; mais seulement luy insinuer, autant que l'on
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 315
pourra, ces choses par le moyen de ceux qui la gouvernent, ou en
prenant quelque part sur son esprit, ou par les autres moyens que
M. le cardinal de La Valette et le d. s' d'Hémery aviseront pour y
parvenir.
Mais si le Cengio estoit pris, et les affaires du Piedmont, par quel-
que autre rencontre, réduicles au point que la perte du pays fust
à craindre, en ce cas, le d. s' d'Hémery doit remontrer à Madame
que le seul expédient qui luy reste pour s'empescher d'une ruine
totale est de faire entendre aux Espagnolz et à ses frères qu'elle
n'a plus d'autres moyens de se sauver, et ses Estats, que de remettre
son fils et ses places entièrement entre les mains du roy, pour en pré-
venir la perte, et les obliger à rendre celles que les Espagnols ont
prises; estant asseurée, comme elle est, que Sa Majesté les rendra
toutes fois et quantes que les Espagnolz rendront celles qu'ils ont en
leurs mains.
En effect, le d. s' d'Hémery doit non-seulement proposer à Madame
ce moyen pour empescher les Espagnolz de faire plus de progrez en
Piedmont, mais si les affaires sont en tel estât que la perte du pays
soit à craindre, il doit dire à Madame, de la part de Sa Majesté,
qu'autant qu'elle sera en deffiance du roy, comme elle a esté jusques
à présent, non-seulement les places du Piedmont se perdront peu à
peu, comme il est arrivé depuis la mort de Monsieur de Savoie, mais
qu'il seroit impossible au roy d'en prendre la protection avec succez
si Madame ne luy confie certaines places d'icelluy du tout nécessaires
à la conservation du reste. Il faudra faire voir à Madame que ce
moyen est le seul par lequel on peut arrester les mauvais desseins de
ses frères et des Espagnolz : de Messieurs ses frères, par considéra-
tion qu'ils auroient qu'en faisant du mal à Madame la France n'em-
porte une partie de l'Estat auquel ils aspirent; des Espagnolz, par
la force, en ce que cela donnera moyen au roy de s'opposer plus
puissamment à leurs mauvais desseins, pouvant, en tel cas, faire hi-
verner en telles places, sans charger le pays, un corps de troupes
sulïisant pour conserver ses Estats et empescher que les Espagnolz
4o.
316 LETTRES
n'usent plus de surprises au printemps, comme ils ont faict ces deux
dernières années.
Le d. s' d'Hémery, ou autre, faisant telle proposition, oflPrira à Ma-
dame telles asseurances, non-seulement par simples promesses, mais
par lettres du grand sceau qu'elle désirera de Sa Majesté, pour la
restitution des dictes places et de la jouissance des revenus. 11 est de
la prudence du d. s' d'Hémery défaire, s'il se peut, que Madame tombe
tout d'elle-mesme dans cette proposition, auquel cas il pourra tes-
moigner que Sa Majesté très difficilement entendra à ce party, d'au-
tant qu'elle se chargera de grandes despenses pour la conservation
du Piedmont, sans espérance d'aucun fruict, et prendra, s'il se peut,
occasion de luy demander, à tiltre d'eschange , pension ou quelque
autre moyen, les vallées d'Engroigne, S^-Martin et Luzerne, Revel,
Briqueras etCahours, et les terres qui sont au derrière jusques à Pi-
gnerol , comme nécessaires à la subsistance de la dicte place, et capables
de désintéresser, en quelque façon, des frais dans lesquels Sa Majesté
est obligée d'entrer pour la protection que Madame demandera.
Que si Madame est entrée en quelque traicté avec le Pr. cardinal
et le prince Thomas, soit de neutralité, suspension d'armes, ou
autrement, en ce cas le d. s"" d'Hémery luy protesteroit, de la part de
Sa Majesté, qu'elle interprétera semblables traictés pour une rupture
contre elle, et si Madame vouloit traicter avec les d. princes, pour
les tirer du party d'Espagne et les unir au sien et à celuy de la France ,
en ce cas, le d. s' d'Hémery donnera les mains et offrira, de la part
de Sa Majesté, toutes les choses qui pourront contribuer à la fin
de cette négociation, comme mariages pour le prince cardinal, em-
ploys aux charges pour le prince Thomas, restablissement de pen-
sions pour les uns et pour les autres.
Et si le d. s"" d'Hémery apprenoit que Madame négocie avec ses
frères pour la dicte neutralité, suspension, ou union avec l'Espagne,
en ce cas il pourra conférer avec M' le cardinal de La Valette des
moyens pour s'asseurer des places qui conduisent de Pignerol à Ga-
zai, et l'effectuer s'ils peuvent.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 317
Pourra le d. s' d'Hémery distribuer les brevets (tant pour Madame
que ses sujets) qui luy ont esté mis entre les mains, etgaigner d'autres
personnes qu'il jugera nécessaires; et, pour cet elfect, employer les
sommes qu'il verra bon estre, et en tirer des lettres de change à Paris.
Et où il arriveroit occasion que Madame voulust mettre son fils
entre les mains de Sa Majesté, le d. s' d'Hémery le fera recevoir à
Pignerol, et, de là, le conduire dans le royaume, et faire tous les
frais nécessaires pour cette occasion.
Que si Madame veut que l'on fasse entrer des troupes françoises
dans ses places, monsieur le cardinal de La Valette, sans la partici-
pation duquel M' d'Hémery ne fera point telles négociations, les y fera
entrer sans attendre autre ordre de Sa Majesté.
Après que le d. s' d'Hémery aura donné les ordres nécessaires pour
la fortiffication de Pignerol, et faict les propositions cy-dessus à Ma-
dame, en cas que les affaires de Piedmont soient sans péril, Sa Ma-
jesté pemiet au d. s' d'Hémery de s'en revenir quand il le jugera à
propos: cependant il avertira Sa Majesté, le plus souvent qu'il pourra,
de Testât des affaires.
Le d. s"" d'Hémery donnera les ordres nécessaires pour la seureté
de Cazal, et pour faire en sorte que la perte du chancelier Guiscardi
ne fasse pas perdre cœur à ceux qui estoient avec luy conjoinctement
afîidez à la France et aux intérests du jeune duc leur maistre, qui sont
du tout séparez des passions de Madame sa mère.
Pour cet efifect, le d. s' d'Hémery pourra promettre telles pensions
qu'il jugera à propos dans Cazal, et des asseurances qu'au mesme
temps qu'il les aura promises on en envoyera les brevets et le paye-
ment selon qu'il les aura convenus.
Le d. s' d'Hémery donnera ordre à ce qu'au cas que l'évesque de
Cazal veuille demeurer dans la ville présentement le s' de La Tour
luy fasse cognoistre, du consentement des principaux magistrats afîi-
dez au roy, qu'il est à propos qu'il aille à Mantoue, et que sa de-
meure est trop suspecte, en Testât où sont les affaires, pour le pou-
voir souffrir au d. Cazal.
318 LETTRES
CLXXXI.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. \']U- — Original. —
Une mise au net, de la main de Cherré, est au fol. 176'.
Rome, t. 68. — Copie.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, Siy, fol. 5o v" et 4g 1 v°. — Copies.
Béthune, 9267, fol. -jk v". — Copie.
Dupuy, (. 767, cahier M. m. '
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
8 avril 1639.
Monseigneur,
Je ne saurois assez vous tesmoigner la peine que je ressens de celle
en laquelle vous estes , tant à cause des mauvaises suittes qui en peu-
vent arriver aux affaires, que pour l'amour de vous-mesme, vous
asseurant qu'il n'y a rien au monde qui m'empesche d'estre aussy
sensible que vous le sauriés estre en ce qui vous touchera.
La négligence de ceux à qui Madame commet ses places est pi-
toyable et insupportable tout ensemble. Je vous avoue que ce qui
s'est passé à Ghivas me faict plaindre cette pauvre princesse plus que
je ne saurois vous le représenter; cependant il faut apporter tous les
remèdes possibles à ses maux et empescher qu'elle ne se puisse perdre
elle-mesme.
Toutes les diligences possibles pour vous faire passer vos troupes
ont esté faictes; on a envoyé et renvoyé diverses fois de tous costés;
mais, comme vous savez, les hommes n'estant pas corbeaux, ainsy
que disoit M' Hébron, il est impossible de les faire voiler. M' d'Hé-
mery est de nouveau allé à Lyon pour haster toutes choses.
Je ne sçay ce que M' d'Argenson a prétendu en vous mandant qu'on
avoit réduit vostre armée à 1 8 régimens; on n'y a rien changé depuis
le premier project qu'on en a faict, tel que je vous l'envoie. Nous
voudrions la pouvoir grossir, mais il est du tout impossible.
' Celte mise au net avait été préparée ^ Voy. la note 2 de la page 56 ci-des-
pour entrer dans Mémoires de Richelieu sus.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
319
Quand nous*y avons mis le régiment proposé par le Dauphiné sous
le nom de M"" le Dauphin, nous l'avons faict par surabondance, sans
en oster aucun autre qui y eust esté premièrement destiné. En un
mot, je vous proteste devant Dieu qu'il n'y a rien qui soit faisable
qu'on ne veuille faire pour la considération de Madame, dont les in-
térests seront tousjours chers au roy, comme elle le peut désirer.
Pour bien conserver ses Estais , il est du tout nécessaire qu'elle se
résolve à y faire doresnavant hiverner un corps de troupes suffisant
pour sa deffense; autrement les ennemis vous surprendront tousjours
devant que les d. troupes soient passées de France.
Je ne m'estends pas davantage sur ce discours, qui, bon pour l'a-
venir, est inutile pour le présent, auquel Madame a à prendre des
résolutions si fortes, que M" ses frères en puissent apréhender autant
de mal par les suittes comme ils luy en veulent faire'. Vous estes sy
judicieux que vous saurés bien ne perdre pas l'occasion de luy faire
ouvrir les yeux à son propre bien, si la nécessité l'en presse. C'est
ce qui faict que , sans en dire davantage, je vous asseureray seulement
de la sincère et fidèle amitié que j'auray toute ma vie pour vous, et
que j'essaieray de faire paroistre d'autant plus, en toutes occurrences,
que M' de La Vallette travaille de plus en plus à couronner sa mau-
vaise conduite. J'ay communiqué au s' Talon un nouvel incident qui
s'est descouvert sur ce sujet par l'imprudence et la malice de quelque
dame; M' de Chavigny vous en escrit au long^. Tous les desseins de
' Le 5 avril , Richelieu avait déjà écrit
au cardinal de La ValeUe une lettre à ce
sujet. (Ci-aprés, aux analyses.)
* La lettre de Chavigni est conservée
dans le manuscrit de Turin, fol. i 78; elle
est aulographc et datée du 1 1 avril; on y
lit cette phrase : ■ Nous avons appris par
voie très seure et très secrelle que M. de
La Valette Iraitte avec les Espagnols, en
Angleterre, pour leur donner moyen de
surprendre Metz. » Rien n'est moins prouvé
que cette imputation. Écrite de Ruel , cette
lettre ]x>rtail, au troisième (ils du duc
d'Epernon, la pensée de Richelieu, mais
tempérée par l'amitié sincère qui unissait
le cardinal de La Valette et Chavigni. Tou-
tefois celui-ci se gardait bien d'atténuer la
faute du duc, de peur d'encourager son
frère à une défense inutile, et qui aurait
compromis la faveur dont il jouissait. Dans
cette malheureuse affaire, où Richelieu
était décidé à traiter le duc de La Valette
320
LETTRES
telles gens seront, s'il plaisl à Dieu, sans effecl; et je seray éternelie-
ntient,
Monseigneur,
De Riiel, ce 8* avril i 689,
Vostre très humble et très affectionne serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CLXXXII.
Arch. des Aff. élr. Constanlinople, t. 5, de i638 à iGSg ', fol 44-6o. —
Mise au net, avec quelques corrections.
Bibl. inap. Cinq-cents Colbert, n" 45, fol. 425 v°. — Copie.
Saint-Germain-Harlay, 346, fol. 4aa. — Copie.
MÉMOIRE
AU SIEUR DE LA HAYE VENTELET,
S'EN ALLANT AMBASSADEUR EN LEVANT ^
i4 avril 1689^.
L'ambassade de France en Levant n'ayant point esté remplie de-
puis que le s" comte de Marcheville fut obligé par les Turcs à s'en
revenir de Gonstantinople, sous prétexte que sa conduite n'estoit pas
agréable au grand seigneur, les affaires du roy en ces quartiers-là sont
demeurées entre les mains du s'' comte de Cesy, ancien ambassa-
deur, lequel, quoyque le temps de son employ fust fini dès lors que
i^vec la dernière sévérité , Chavigni a beau-
coup contribué à obtenir du cardinal de
La Valette la docilité sans réserve que
Richelieu exigeait de lui , et à laquelle il
a dû sacrifier tous les .sentiments de fa-
mille.
' Nos relations avec l'Orient étaient
peu fréquentes alors; ce manuscrit est
rempli en grande partie de la suite des
mauvaises affaires personnelles du précé-
dent ambassadeur, M. de Césy.
^ Nous ne reconnaissons point le car-
dinal dans le texte verbeux de cette pièce,
qui n'a pas moins de trente-deux pages
in-f°; elle nous semble plutôt l'œuvre, non
de Chavigni lui-même, mais d'un de ses
premiers commis , La Barde ou peut-être
Daridole. Richelieu a bien certainement
donné la pensée principale de cette ins-
truction, et même la matière. Nous nous
bornons à en conserver les points capi-
taux, qui la feront suffisamment con-
naître.
' L'ambassadeur n'arriva à son poste
que l'année suivante; il en donna la nou-
velle par une lettre datée « de Péra, le der-
nier janvier i64o. » (.Arch. des Aff. étr.
fol. 79 du nis. cité aux sources.)
DU CARDINAI. DE RICHEFJEU.
321
le d. s'de Marche ville fust envoyé par delà, néantmoins est demeuré à
Constantinople jusques à présent. . . S. M. a jeté les yeux sur le s' de La
Haye Ventelet pour se servir de luy dans cette ambassade du Levant. . .
Le d. s" ambassadeur doit savoir que le principal sujet de la bonne
intelligence que les rois ont establie avec les empereurs ottomans a
esté la piété et le zèle qu'ils ont eu pour la conservation du nom
chrestlen et de nostre sainte et seule religion, de laquelle plusieurs
font profession dans l'eslendue de l'empire des Turcs, comme aussy
pour conserver aux chrestiens le libre accès en la Terre Sainte, où
tous les mystères de nostre salut ont esté opérés, et où il en reste
diverses marques dignes d'une perpétuelle vénération.
L'autre sujet a esté pour donner moyen à leurs peuples de se pré-
valoir de l'utilité du commerce des marchandises de Levant qu'ils
ont eu longtemps seuls la faculté de transporter en la chrestienté, ou
bien ceux qui trafiquoient sous la bannière de France. . .
L'instruction insiste sur le soin que doit prendre l'ambassadeur de maintenir
la bonne intelligence dans les couvents et parmi les divers ordres de religieux.
Il est de grande conséquence pour le bien de la religion, que le
patriarche grec de Constantinople ne soit pas ennemi de la foy catho-
lique, comme estoit le défunt patriarche Cyrille, qui adhéroit aux
erreurs des hérétiques de deçà, et les faisoit glisser dans l'église
grecque. Dieu ayant permis, par un juste jugement, qu'il soit tombé
en disgrâce près des Turcs, et qu'ils lui ayent faict perdre la vie',
celuy qui luy a succédé au patriarchat est mieux intentionné. . . Il faut
' On lit dans la Gazette de iGSg, ex-
traordinaire du 3o septembre : • Le i a* de
juillet dernier, le patriarche Cyrille d'Yvc-
ria, qui avoit esté arresté vers le commen-
cement du mois passé, lut entièrement
privé de son patriarchat, et mis dans les
basses fosses parmi les plus infâmes vo-
leurs. Aussi est-il accusé d'avoir tiré en
moins d'un an quatre-vingt-seize mil pias-
tres nu palagons de ses diocésains, et le
bruit est qu'il n'a pu rendre conte que do
la moindre partie. Le seigneur Parthéniol,
métropolite d'Andrinople, a esté substitue
à sou patriarchat , du consentement de tous
les autres métropolites, des curez et prin-
cipaux Grecs de cette ville. » ( P. 64a.) Mais
la présente instruction est datée d'«rn7
1 689. Ces deux dates sont contradictoires ;
l'erreur est-elle de notre manuscrit ou de
la Gazette?
CARDIX. DE DICUELIED.
il
322 LETTRES
donc essayer de le maintenir dans sa charge et dans les bonnes incli-
nations qu'il tesmoigne pour la France.
Les dernières dépesches de Lovant portent que depuis peu il se
laisse voir, presque tous les jours, parle résident du roy de Hongrie.
Si le d. s"" ambassadeur cognoist qu'il y ait quelque intelligence par-
ticulière entre eux qui puisse tourner les inclinaisons du costé de la
maison d'Autriche. . . il fera en sorte que cette familiarité du pa-
triarche avec le cl. résident soit remarquée des Turcs, en sorte qu'ils
en conçoivent soupçon. . .
La plus importante affaire qu'il y ayt maintenant à Iraicter et ac-
commoder par delà est une injustice que les Turcs ont faicte aux reli-
gieux latins que l'on appelle Francs, leur estant les clefs des lieux saints
de Bethléem et les donnant aux Grecs qui, sur des écritures fausses,
ont trouvé moyen de se faire mettre en possession des dicts lieux. . .
Il est nécessaire d'agir promptement pour faire remettre les dictes
clefs es mains des religieux francs par lesquels le d. s' ambassadeur se
fera informer plus amplement de tout ce qui pourra servir à cet effect. . .
Pour ce qui est du commerce , il veillera à en conserver la liberté
tant à Constantinople qu'en toutes les échelles de Levant, en sorte
que les capitulations soient inviolablement gardées tant à l'esgard des
sujets du roy que de ceux qui trafiquent sous la bannière de France.
Cela est d'autant plus important que tous chrestiens sujets des
princes et républiques qui n'ont point d'ambassadeurs à Constanti-
nople doivent trafiquer sous ladicte bannière de France, suivant les
capitulations, et recognoistre les consuls françois, ce qui est de l'hon-
neur et réputation du roy. . .
Les avanies que les Turcs font quelquefois aux marchands pour les
mettre à contribution causent grand préjudice. . . ainsi que l'establis-
sement de nouvelles impositions, comme il est faict dans les échelles
d'Alep et d'Alexandrie, où les marchandises sont tellement chargées
d'impositions que le trafic s'y en va ruiné, s'il n'y est bientost remédié;
ou bien il sera dorénavant faict par les Vénitiens et Anglois. . .
Parmi les causes d'interruption du commerce depuis quelques an-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 323
nées, la principale a esté l'aHaire des dettes que le s' de Césy a con- .
tractées pour le bien du dict commerce. . .
Le d. s' de La Haye sçait combien il est important pour le service
du roy et la dignité de cette couronne de terminer cette affaire du d.
s"' de Césy sans longueur ny retardement. . .
Après de très-longs détails sur ces affaires litigieuses de M. de Césy, il est re-
commandé à l'ambassadeur de presser le départ dudit sieur de Césy, qui parais-
sait peu disposé à quitter Constantinople et même le logis de l'ambassade, et on
lui annonce qu'on lui enverra des lettres adressées au Grand Seigneur et à ses
ministres, à l'effet de contraindre le sieur de Césy d'obéir à la volonté de S. M.
Le G. S. est maintenant embarqué en la guerre de Perse, où son
principal but est de reprendre Babylone, sur quoy il est à considérer
que, si Sa Hautesse se trouvoit libre de ce costé là par une paix
entre elle et le roy de Perse, elle seroit en estât de porter ses des-
seins vers la chrestienté, dont la crainte ne seroit peut-estre pas
inutile pour rendre la maison d'Autriche plus prompte à se résoudre
à faire une bonne paix; de sorte qu'il seroit bien à propos que led.
s' ambassadeur donne compte au roy par ses dépêches de ce qui se
fera en cette affaire de Perse.
Cependant il se trouve deux moyens de tirer, dans la guerre que
nous avons avec la maison d'Autriche, quelque avantage de nostre
bonne intelligence avec le G. Seigneur.
Le premier est de proliter d'offres que Mustapha Bâcha a ci-devant
faictes de mener les galères du Grand Seigneur dans les mers de
France et d'Italie pour le service de S. M. . .
L'autre moyen, qui est plus présent, est que Sa Hautesse trouve
bon que Rakocy', prince de Transylvanie, fasse la guerre au prétendu
empereur comme il en a le dessein. . .
Ici l'instruction indique les moyens de faciliter l'entreprise du prince de Tran-
sylvanie.
Le Grand Seigneur doit estre bien aise que, sans qu'il se mesle des
' Racoczi.princedont le petit-fils , Fran- ordinairement Ragolzky, a donné à ce nom
çois Léopold , que nos historiens nomment une certaine célébrité.
4i.
324 LETTRES
affaires de la chrestienté et qu'il rompe la paix avec le prétendu empe-
reur, il luy donne bien de la besogne par la simple approbation du
dessein de Rakocy, lequel, estendant ses limites, esloignera d'autant
plus des frontières de S. Hautesse un prince qu'elle sçait ne maintenir
la paix avec elle que parce qu'il est occupé ailleurs. Par telles ou sem-
blables raisons , l'ambassadeur essaiera d'obtenir du Grand Seigneur ce
que le Transylvain requiert de S. M. pour commencer cette guerre. . .
Il est recommandé à l'ambassad'' d'avoir soin que sa réception se
fasse en la manière accoustumée, et selon qu'il convient au rang que
le roy tient en la chrestienté et à la réputation en laquelle les rois de
France ont tousjours esté près des empereurs ottomans.
On lui donne la substance du discours qu'il doit faire dans cette circonstance.
Le d. s' ambassadeur prendra sujet ensuite de luy faii'e entendre
connue le roy a eu de grandes prospérités pendant ces dernières guerres
contre la maison d'Autriche, ayant poussé ses armes jusques au delà
du Rhin, et estendu son empire jusques à ce fleuve, ayant pris en-
cores depuis peu Brisach, la plus importante place d'Allemagne, et
qui luy donne ouverture à pousser ses conquestes jusques au Danube,
s'il plaist à Dieu de bénir ses armes comme Elle espère.
Que maintenant Elle a des armées en Espagne, aux Pays-Bas, en
Italie, en Allemagne, et deux armées navales sur l'Océan et la mer
Méditerranée pour employer contre ses ennemis. . .
L'ambassadeur insistera sur le renouvellement des 'capitulations, surtout en
ce qui est des saints lieux dont il pressera la restitution.
Une rupture est à craindre entre l'empire turc et la répu])lique de Venise, à
cause de la prise des corsaires d'Alger par les galères vénitiennes. Le roi désire
qu'on étouffe les semences d'une telle guerre, dont les suites, préjudiciables à toute
la chrétienté, pourraient d'ailleurs amener une trop étroite liaison entre Venise
et l'Autriche, dont les domaines héréditaires sont voisins des Etats vénitiens '.
' Un extraordinaire do la Gazette du adouci le sullan, au point que les Véni-
3o septembre annonce que le bayle avait ar- tiens étaient autorisés à poursuivre les cor-
rangé l'afTaire à Constanlinople, le 1 1 juil- saires sur leur golfe, jusqu'à certains
let, et que les sequins de Venise avaient parages déterminés. (P. 64 1, 643.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 325
Le d. s' ambassadeur emploiera donc, autant qu'il pourra, le nom
du roy à la Porte du G. S. et ses offices le plus efficacement qu'il iuy
sera possible pour un accommodement entre Sa Hautesse et la répu-
blique de Venise, agissant en cela selon les sentimens et avis du
s' baile de Venise. . .
L'instruction prescrit à l'ambassadeur la façon dont il doit vivre avec ledit baiie
de Venise, et avec MM. les ambassadeurs d'Angleterre et de Hollande.
Toutes choses doivent estrc conduites par delà avec grande pru-
dence et adresse, et il faut esviter avec grand soin d'y mettre en
compromis l'autorité du roy. . . attendu qu'il seroit très-difficile d'en
faire paroistre les effects en un pays si esloigné. . .
Les Espagnols ont tenté diverses fois d'introduire un ambassadeur
à la Porte du G. S. à quel effect ils se sont servis du résident de l'em-
pereur, sur quoy il est besoin que le d. s' de La Haye ait l'œil ouvert
pour descouvrir leurs menées et empescher qu'elles réussissent, em-
ployant toutes les raisons et les moyens qu'il jugera à propos pour
divertir le Grand Seigneur d'une telle alliance, en quov il sera sans
doute secondé des autres ambassadeurs. . .
Depuis l'instruction ci-dessus dressée, le P. Archange de Fossez,
capucin , est arrivé icy et a présenté au roy une lettre du patriarche
de Constantinople, par laquelle il suplie S. M. de se rendre protec-
teur de l'église d'Orient, et remet en créance sur le d. Père de dire
à S. M. Testât de la d. église, à quoy satisfaisant, il asseure Sa d. M.
que le d. patriarche est entièrement orthodoxe, mesme à l'esgard du
pape et du saint-siége. Ce qui regarde Sa Sainteté et le saint-siége
doit estre tenu secret et mesnagc avec grande prudence pour en tirer
le fruict'que l'on espère avec le temps.
Le d. s' ambassadeur tesnioignera au d. patriarche une affection très
particulière de la part de S. M. et l'asseurera de sa protection et assis-
tance pour Iuy et la d. église d'Orient; et, en effect, n'obmettra rien
de ce qui sera nécessaire pour le Iuy confirmer dans les occasions. . .
Il a esté avisé de faire croire à tout le monde que led. s"' ambassa-
326 LETTRES
deur est envoyé à Constantinople pour le renouvellement des capitu-
lations entre le roy et le G. Seigneur, ce qu'il publiera et fera publier
par ceux qu'il envoyera au d. lieu devant qu'il arrive. . .
ilx avril 1639, ^ S'-Germain en Laye'.
CLXXXIII.
Arcli. des AIT. élr. Turin, t. 28; fol. 21^.— Original chiffré.
Rome , t. 68. — Copie.
Bibl. imp. fonds Bélhune, 9267, fol. 1 18. — Copie.
Saint-Germain-Harlay, 347, ^^^- ^9 ^^ '^Q^- — Copie.s.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
20 avril 1639.
Monseigneur, ces lignes ne
sont pas pour vous faire cognoistre le desplaisir auquel je suis du
mauvais estât des affaires du Piedmont, puisque vous le sçavés, je
m'asseure; mais bien pour vous dire que, pourveu que Madame se
veuille aider, il n'y a rien que le roy ne veuille faire pour la garantir
de l'injuste oppression des Espagnolz et de ses frères^; le tout est de
•donner du temps pour la secourir.
Je vous envoie M. de Chavigny', en qualité d'ambassadeur extra-
' Cette date n'est point dans le nianus- frères avec les Espagnols , et la révolte de
crit des Affaires étrangères. sessujetsrendaientcesmesuresnécessaires.
^ Le manuscrit de Béthune met : « de Richelieu avait réfléchi que d'Hémery ,
ses sujets. II dont la personne était particulièrement
Chavigni écrivit le même jour au car- désagréable à Madame , serait peu propre
dinal de La Valette qu'il partait le lende- à la persuader dans une circonstance si
main en poste. (Ms. des AfF. étr. f° 216.) délicate. «On craint que l'aversion qu'elle
— La mission de Chavigni avait à peu a pour luy ne iuy face recevoir comme
près le même objet que celle d'Hémery, poison ce qui est du tout nécessaire à son
dont on a vu l'instruction ci -dessus, salut.» Cette phrase de l'instruction de
p. 3i2. Il s'agissait de décider la du Chavigni explique son ambassade extraor-
chesse de Savoie à envoyer ses enfants en dinaire lorsque l'ambassadeur ordinaire
France, sous la garde du roi, et à rece- vient de partir, chargé de la même mis-
voir des garnisons françaises dans quel- sion. L'instruction de Chavigni ayant été»
ques-unes de ses places, si les périls dont imprimée, il suffira de l'indiquer aux ana-
elle était menacée par l'union de ses beaux- ly.ses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 327
ordinaire , pouu faire cognoistre à tout le monde la protection qu'il
luy veut donner, et pour l'asseurer que M' de Longueville va à son
secours avec une nouvelle armée. Je crois que vous n'aurés pas man-
qué de pourvoir soigneusement à Carmagnole, et de faire que Ma-
dame s'asseure des places principales de son Estât.
Cony et Revel sont du tout nécessaires pour conserver, avec Pigne-
rol, la teste des vallées. Vous savés d'ailleurs de quelle importance
est Nice et Montmélian.
Nous dépescherons demain un courrier à M' le comte d'Aletz, à ce
qu'ainsi que vous l'avez mandé, il ayt mille hommes prests pour jetter
dans Nice et Villefranche, lorsque Madame l'ordonnera, pourveu qu'il
luy reste assez d'autorité pour faire entrer les garnisons françoises
dans les places.
Si les habitans de Turin tesmoignent une affection tant soit peu
douteuse, il ne faut point marchander à les désarmer.
On va faire toutes sortes d'efforts pour faire porter des troupes à
Pignerol.
Au nom de Dieu, consolés-vous. Monseigneur, et vous asseurés
que, quand il n'y auroit que vostre intérest, il n'y a rien au monde
que je ne veuille faire pour vous aider à sortir de cette affaire avec
avantage, vous asseurant que je seray à jamais.
Monseigneur,
Vostre très humble et très aflectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU'.
De Ruel, ce 20 avril 1689 ^.
' Le copiste de Hariay (f° Ô9) met en
note • sine sub.scriptione; > il n'a donc pas
eu l'original. H ajoute que la pièce est
écrite «de la roain de Chirurgien.» Nous
avons déjà averti qu'il ne fallait pas se
lier à ces sortes d'indications du ros. de
Hariay.
* Deux lettres de Richelieu, datées du
3 1, et dont Chavigni fut porteur, se trou-
vent dans le même ms. l'une (f° aai) est
adressée au cardinal de La Vallette, au-
quel Richelieu se borne à annoncer la mis-
sion de Chavigni , qui est « une lettre par-
lante;» l'autre {(" aaa) va à la duchesse
de Savoie. Le cardinal lit aussi écrire par
le roi une l«ttre dont nous avons trouvé
la minute dans le fonds de Béthune. Ces
trois lettres sont notées aux analyses.
328 LETTRES
CLXXXIV.
Arch. des Aff. élr. Hollande, t. 2 1 , pièce 73. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, n" 46, fol. i52 v°. — Copie.
Saint-GermainHarlay, 346, t. 2 , p. 254. — Copie.
Suppl. français, 370, AiF. d'Angleterre et Hollande. — Copie.
BROUILLARD D'INSTRUCTION
DONNÉE A M. D'ESTRADES,
ALLANT KN HOLLANDE.
23 avril i63().
Mons"" d'Estrades parlera à M' le prince d'Orange conformément à
ce qu'aura faict le s'' d'Amontot, duquel, pour cet efFect, on luy donne
l'instruction'.
De plus il luy tesmoignera que le roy et Monseigneur le cardinal
ont esté très aises de la sincérité qu'il a tesmoignée par le second en-
voy de son courrier^, sur le sujet de la négociation de Trêves, propo-
sée par le cardinal Infant.
Il fera cognoistre que rien n'empesche tant la paix que l'espérance
que l'Espagne a de lasser les coleguez *, et les diviser les uns d'avec
Jes autres.
Qu'en i635 ils taschèrent de traicter avec M" les Estats seuls et
les séparer de la France ;
Que depuis ils ont eu cet artifice de faire savoir plusieurs fois à la
France, par les nonces, que si M'* les Estats eussent peu s'accorder
en ce temps-là avec eux des conditions de la trefve, ils estoient résolus
d'abbandonner la France.
Maintenant, ayant veu qu'ils n'ont peu rien gaigner sur la fermeté du
' M. d'Estrades étant tombé malade au * Une lettre du 22 avril, adressée di-
moment de repartir pour la Hollande à la i-eclement au prince d'Orange, est aussi
fin de mars, on envoya un autre diplo- indiquée aux analyses,
mate, le sieur d'Amontot, auquel on donna ' Mot pris de l'italien : co/fejfl/i, alliésT
une instruction datée du 1" avril. Elle est confédérés,
notée ci-après aux analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 329
roy au préjudice de M" les Estais, ils relournent à M" les Estais,
et taschent de douTier à la France des ombrages de leur sincérité , et
ce par divers moyens, tantost par la lassitude du corps en général,
tantost par la disposition de quelques-uns des députés en particulier,
tantost en taschant de faire croire que M"" le prince d'Orange a pro-
pension à un accord.
Le roy se mocque de tous ces artifices, mais il estime qu'on ne
sauroit rien faire qui avance tant la paix que de faire voir de tous
costés aux Espagnols que telles procédures leur seront inutiles.
Pour cet elFect, S. M. estime qu'il est à propos que de nouveau elle
fasse savoir aux Espagnols, par le nonce, qu'elle ne veut en aucune
façon ouïr parler d'aucun traicté sans les alliés, et qu'au inesme
temps, si le curé de Loon revient, M" les Estats le prient ouverte-
ment de ne revenir plus pour parler d'aucun traicté particulier, et
qu'ainsi ils ne sont pas capables d'y penser. Aussy sont-ils très dési-
reux d'un traicté général, auquel il se portera très-volontiers avec la
France.
Que pour plus grande preuve de la franchise de S. M. elle trouve
bon de passer un nouvel escrit réciproquement avec M" les Estats,
par lequel celuy qui traictera séparément sera déclaré infâme et perdu
de réputation et d'honneur pour jamais.
Ensuite le s' d'Estrades dira à M' le prince d'Orange l'affection
particulière que S. Em. a pour tout ce qui le touche.
De plus il hiy représentera qu'il faict tant d'estat des propositions
qui viennent de luy qu'il a faict agréer au roy celle que le d. s' d'Es-
trades luy a faicte de sa part, pour l'année qui vient, selon les mé-
moires particuliers qu'emporte le d. s' d'Estrades.
Il asseurera madame la princesse d'Orange de l'affection et du ser-
vice de Son Em. et de la véritable liaison qu'il veut avoir avec M' son
mari et elle.
Les mémoires ci-dessus mentionnés, datés du 22 avril, sont conservés aux
arch. des Aff. étr. (ms. cité aux sources, coté 71), dictés au secrétaire d'état de
CARDIN. DE RICHELIEU. — VI. . ^2
330 LETTRES
Noyers, datés de Ruel et signés de Richelieu, qui les a corrigés de sa main, et
qui y a fait une addition, dont une partie est autographe :
« Sur la proposition que Mons' le prince d'Orange m'a faict faire par M' d'Es-
trade qu'il attaqueroit l'année prochaine, que l'on comptera i6/io, les villes, etc. »
L'acte détermine les places que les Hollandais doivent attaquer, ainsi que les
subsides promis par la France, au payement desquels le cardinal s'engage au
nom du roi. Ces conditions expliquées, le cardinal ajoute :
« Je promets en outre, de la part du roy, que M' le marescbal de la Melleraie
sera en campagne avec l'armée de S. M. le premier jour de may, sur peine d'estre
estimé manquer à ce qui est convenu entre M' le prince d'Orange et moy pour
S. M. et M" les Estais ', et qu'il exécutera la diversion projetée par S. M. ou
donnera combat général aux ennemis, et que quand mesme il le perdroit, S. M.
ne laissera pas de tenir une armée puissante dans le pays ennemi. »
Suit le contre-engagenjent du prince d'Orange, écrit de la main de Cherré et,
de même que l'engagement du roi , dicté par Richelieu :
« Projet ou formulaire de promesse à faire par M' le prince d'Orange à M'' le
cardinal. »
Ce projet , conçu à peu près dans les mêmes termes que l'engagement de Riche-
lieu, se termine ainsi :
«Je promets en outre d'estre précisément à la campagne, pour exécuter le
dessein que dessus, le premier jour de may, avec les forces désignées, et d'exé-
cuter tout le contenu en ma promesse, sur peine d'estre estimé manquer à ce
qui a esté convenu entre M'' le cardinal et moy, pour S. M. et M" les Estats. »
Des copies se trouvent à la Bibliothèque impériale, dans la collection des
Cinq-cents Colbert t. 46, f°' 219 et 220, et dans les mss. de S'-Germain-
Harlay, n° 3^6, t. II, p. 4io, avec des indications qui prouvent que ces copies
ont été faites sur notre manuscrit des Affaires étrangères.
' Ici le cardinal a pris la plume; ce qui précède esl de la main de Charpentier.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
331
CLXXXV.
Arch. des Aff. étr. Turin, f. 28. fol. lUU- — Minute'.
Saint-Germain-Harlay, 347, fol. 88. — Copie'.
Dupuy, t. 767, cahier Nn.' (extrait).
MÉMOIRE A M. D'HÉMERY.
Saint-Germain, 36 avril 1639.
Ce qui regarde la demeure ou sortie de Madame hors de Turin,
en cas de siège, se doit résoudre sur les lieux, selon Testât des
affaires, dont l'on peut mieux juger par delà que icy; sur quoy les
considérations que le d. s' d'Hémery faict sont fort bonnes.
Si Madame demeure dans Turin, S. M. juge très à propos que le
comte Philippe en sorte, pour la raison portée par le mémoire au
dict s' d'Hémery.
Il sera bon de persuader à Madame d'envoyer le P. Monod en
France pour le mettre en seureté et hors de danger quil s'échappe,
ou qu'il soit deslivré, en cas que la Savoie fust attaquée par le prince
Thomas, avec lequel, s'il pouvoit estre, il feroit bien des maux,
comme Madame sçait mieux qu'aucun autre.
Pour ce qui est des places, le s' de Chavigny est pleinement ins-
truit de la façon que l'on estime icy que celte affaire doit estre con-
duite, comme aussy pour ce qui est des vallées,
La commimication de Pignerol à Casai estant nécessaire sur toutes
' Cette pièce porte en tète : • Mémoire
au s' d'Hémery pour response à celuy qui
esloit dans la dépcsche du 30 de ce mois. »
Nous n'en avons pas vu l'original; Chavigni
étant absent, elle peut avoir été signée
par Bouthiilier; mais l'importance des ob-
jets dont il s'agit ne permet pas de douter
qu'elle n'ait été dictée parle cardinal , qu'on
y fait parler à la 3' personne et toujours au
nom du roi. Hémery, renvoyé tout récem-
ment dans son ambassade de Turin, avait
écrit de Grenoble; sa lettre expose l'état
des affaires de Piémont, et celle qu'on lui
adresse ici eu fait connaître à peu près le
contenu. Elle est conservée aux AU', étr.
f" ao6 du ms. cité aux sources. Nous re-
marquons qu'elle a subi des transforma -
lions qui indiquent qu'on s'en devait servir
pour la continuation des Mémoires de Ri-
chelieu, ce qui est un signe de plus que
cette pièce lui appartient.
* Le ms. porte que la pièce a été trans-
crite sur une copie de Daridol.
" Voy. ci-dessus, note 2 de la page 56.
42.
332
LETTREES
choses, S. M. approuve que l'on insiste près de Madame, en la manière
dont le d. s' de Chavigny a ordre', pour avoir Carmagnole et Ville-
neuve d'Ast, et mesmeCarignan, lesquels lieux il faudra mettre promp-
tement en estât de deffense, et spécialement Carmagnole et Villeneuve.
Quant à la Savoie, S. M. juge à propos que l'on se serve des rai-
sons portées par le mémoire du dict s'' d'Hémery et par sa lettre, pour
faire résoudre Madame à s'asseurer des places de cette province, de
la mesme sorte que de celles de Piedmont, pour les conservera Elle
et à ses enfans, sans quoy, les envoyaint en France, l'on ne feroit
qu'une partie de ce qui est nécessaire , au lieu qu'il vaut mieux mettre
ensemble leurs personnes et les places en seureté. En un mot, il se-
roit fascheux d'estre chargé des enfans de Madame sans avoir moyen
de les maintenir dans leurs Estats, et de les restablir en ce que les
ennemis auroient occupé.
Si Madame met des François dans les places, il sera aisé de faire
hyverner doresnavant les troupes dans le Piedmont, comme il est
absolument nécessaire.
Le d. s' d'Hémery a bien faict de faire voiturer l'argent de Pigne-
' L'instruction de Chavigni, datée du chelieu; il lui écrivit aussitôt : «Je vous
21 avril, a été imprimée; nous l'indiquons
ci-après aux analyses. Une ordonnance de
payement jointe à cette instruction donna
lieu à un accès de mauvaise 'humeur de
Chavigni, qui, ne s'estimant pas suffisam-
ment rétribué, écrivit à de Noyers : « L'or-
donnance que vous avés pris la peine de
m'envoyer m'a surpris extraordinairement,
ne croyant pas devoir estre tiaittc plus
mal que tous ceux qui ont esté envoyés
ambassadeurs extraordinaires Chose
si honteuse pour moy que j'aymerois
mieux avoir perdu un bras qu'on eusl veu
vostre ordonnance à l'espargne. . . Je l'ay
supprimée, aymant mieux mettre les ba-
gues de ma femme en gage. . » (Ms. des
Afif. étr. P aSo.) On se doute bien que de
Noyers se hâta d'apaiser le favori de Ri-
envoie d'autres ordonnances, sans cholère
ny aigreur, car ce n'est pas le stile des
amys; le mien sera réglé dans les termes
de ce que je vous doibs en qualité de très
humble et très obligé serviteur et confrère.
De Novers. — Je vous prie de brusler ou
de me renvoier la première ordonnance. »
Cbavigni n'a fait ni l'un ni l'autre; cepen-
dant de Noyeis lui avoit renvoyé la lettre
que nous venons d'extraire, puisqu'elle est
encore dans ce ms. On lit, d'ailleurs, ces
mots encore écrits au dos par de Noyers :
«Je vous renvoie le tout.» Ce pelit inci-
dent et d'autres du même genre font assez
bien voir comment vivaient entre eux les
principaux personnages qui entouraient
Richelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 333
roi, de donner avis pour faire travailler incessamment aux fortiffica-
tions de cette place, et ordre pour arrer des blés, comme il est besoin,
pour l'armée qui s'assemblera en ces quartiers.
S. M. a esté bien contente de savoir ce qui s'est passé entre luy et
dom Félix, qu'il est allé voir, et spécialement de ce qu'il luy a dict
touchant Montmélian, tesmoignant au surplus une grande constance
et fermeté au service de Madame et du duc son fils. Elle luy escrit
selon l'avis dud. s' d'Hémery.
Puisqu'il est asseuré de son affection, le roy approuve, au cas que
Madame soit assiégée dans Turin, qu'elle l'autorise et luy donne
pouvoir, registre dans le sénat du dict Turin, pour agir en tout ce
qui sera nécessaire pour la conservation du Piedmont et de la Savoie
avec les ministres de S. M.
Elle donnera ordre pour la levée des 4 régimens dans le Lyonnois
et le Dauphiné , pour servir, en cas de besoin , pour la deffense de
la Savoie. Lorsqu'ils seront levés et que S. M. voudra les faire passer
au d. pays, elle se résoudra pour ce qui sera du commandement, trou-
vant cependant bonne la pensée que le d. s' d'Hémery a eue, qu'il seroit
à propos de le donner au d. dom Félix, mettant sous luy un bon ma-
reschal de camp, à quoy néanmoins il ne faut pas encore s'engager.
Led. s' de Chavigny ayant les ordres nécessaires pour négocier
avec Madame , S. M. approuve que le d. s' d'Hémery s'en retourne à
Grenoble , comme il propose , pour donner ordre à ce que les trouppes
passent le plus promptement et le plus complettes qu'il se pourra.
Mons' le cardinal de La Valette mande que le nonce va et vient
de part et d'autres, pour accommoder les affaires, et qu'il propose
une suspension d'armes en Italie , à quoy le d. s' cardinal n'a point
voulu entendre , mais a dict que , si on parloit d'une générale , il escoute-
roit la proposition qu'on luy feroit. S. M. a trouvé cette réponse bonne.
Depuis ce mémoire escrit, la dépesche du d. s' d'Hémery du 2 1°"=
est arrivée, par laquelle S. M. a appris que Turin est assiégé, et que
Madame est demeurée dans la place, sur laquelle dépesche du 2 1""%
M' le cardinal faict ample response au d. s' d'Hémery.
334
LETTRES
CLXXXVI.
Bibl. iiup. Cinq-cents Colbert, t. /i5, fol. 267 v°. Copie'. —
Sainl-Gerniain-Harlay, 346, t. i, fo1. 276 v°. Copie.
A M. LE PRINCE.
28 avril 1689.
Monsieur, rencontrant
cette occasion de M' le comte de Toulongeon , j'ay estimé en devoir
profiter pour vous faire sçavoir le cours des nouvelles du monde, qui
est tel qu'il s'ensuit :
Le roy, après avoir eu trois accès de fièvre tierce, se porte fort
bien, grâce à Dieu, et en est entièrement deslivré ^. M' le Dauphin est
aussy en parfaicte santé.
Les progrez inopinez que les ennemis ont faicts en Italie ont obligé
le roy à y envoyer M' de Longueville, avec i o régimens et 2 ,000 chevaux.
M"" le grand maistre de l'artillerie entrera, dans quatre jours, dans
le païs ennemy.
L'armée de M' de Feuquières est en estât de voir ce que les en-
nemis feront pour se conduire ainsi que l'occasion le requerra.
Nous gardons M"" de Chastillon pour l'arrière saison.
M'' de Harcourt est parti pour l'armée navalle de Levant; j'envoye
le marquis de Brézé pour commander les gallères cette année.
M' de Veymar est plus satisfaict de la France que jamais et plus
ardent à bien faire.
' Copie faite sur une « minute de la main
du cardinal. » (Note des deu\ manuscrits.)
' C'était une de ces fréquentes indispo-
sitions que les médecins de Louis XIII
menaient assez rudement : « Je suis à celle
heure en bonne santé (écrivait-il, le
21 avril, à Monsieur, qui avait envoyé sa-
voir de ses nouvelles),... J'ay pris trois
médecines et ay esté segné deux fois en
trois jours, ce qui m'a un peu ailoibli;
mais j'espère estre en es.tat de coure le
cerf avec vous quand vous viendrés icy. »
(Fonds Béthune, 9337, f°35 ; autographe.)
Peu de temps après, le 17 septembre, le
roi écrivait encore à Monsieur, se félicitant
de s'a bonne santé, en réponse n un nou-
veau message de Gasion sur une nouvelle
indisposition de Louis XIIL (Même ms.
f° 76.) Nous avons vu souvent des lettres
du même style sur le même sujet. Le roi
affectait autant qu'il pouvait de paraître
bienportant, surtout à l'égard de son frère.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 335
Les HoUandois seront en campagne le 2*= du moys de may.
Bannier faict merveille en Allemagne.
Voilà, au vraV) ce que je sçay des affaires; reste à vous à agir
maintenant selon que vous l'estimerés plus à propos.
Cependant M"^ de Bordeaux ayant ordre de se mettre à la voile pour
aller voir ce qu'il pourra faire dans les costes d'Espagne, je croy, Mon-
sieur, que le meilleur dessein que vous puissiés prendre est d'exé-
cutter le premier que vous avés projette, entrant dans le Roussillon.
En ce cas vous aurés M" d'AUuyn, d'Arpajon, Argencourt, qui m'a
promis de faire des merveilles; Lecques et d'Espenan, si vous voulés;
pour agir sous vous, messieurs de Gramont et d'AUuyn suffisent,
avec quatre mil hommes et quatre à cinq cents chevaux , pour garder
leurs frontières. Tout est remis à vostre jugement, et je vous asseure
que je feray ce que je dois pour faire valoir vostre zèle, vostre affec-
tion et vos services. Surtout je vous conjure, autant que je le puis,
de gaigner temps, et de croire qu'en matière d'entreprise la dilligence
et le secret sont l'âme des bons succès.
CLXXXVII.
Arch. des A£F. élr. France, iGSg, Supplément, fol. iio. —
Minute de la main de Citoys.
AU ROY'.
Ou 3o avril iBSg.
Sire,
J'ay tant d'impatience de sçavoir comme se passa hier la conférence
dont je vis le commencement que je prends la hardiesse d'en envoyer
apprendre des nouvelles. Je désire avec passion que toutes aillent au
contentement de S. M. Je l'espère de la bonté de Dieu, qui connoist
bien combien sa santé est nécessaire à Testât présent des affaires.
Il me semble avoir dict assez clairement que, si Sa Majesté veult
' Citoys avait laissé cette minute sans en tête se trouvent au bas de la pièce,
aucune indication; celles que nous mettons écrites par Cherré.
336 LETTRES
avoir à l'advenir contentement de pareille conférence, sa prudence
requiert qu'elle ne prenne pas garde à certaines évaporations d'esprit
qui d'abord pourroient sembler picoteries, et qui, en effect, ne le
sont pas, à raison de l'intention avec laquelle elles sont dictes. Sans
cela il arriveroit souvent des bronchades qui pourroient donner du
mescontentement à une bonté aussy grande et aussy sensible qu'est
la vostre. Je prie Dieu qu'il conduise les grandes et petites affaires de
Vostre Majesté, et qu'il me fasse la grâce de la servir lousjours avec
autant de succès que de passion, de fidélité et de tendresse.
'Je ne parle point à V. M. de sa fièvre, parce que je désire et es-
time qu'elle ne reviendra point.
CLXXXVIII.
Arcli. des Aff. élr. France, i63g, fol. 1 13. —
Original, sans signature, de la main de Charpentier.
A M. BOUTHILLIER.
De Kuel, ce dernier apvril ifiSg.
11 n'y a que les anges qui pénètrent réciproquement leurs pensées;
Dieu n'a pas faict cette grâce aux hommes. Cela estant, faisant ré-
flexion sur vous-mesme, je vous prie considérer si j'ay peu vous es-
claircir sur les doutes que vous ne m'avés point proposez. Vous ne me
distes, ny ne me tesmoignastes en aucune façon hier que vous eus-
siés dessein de venir chez le roy, vous ne me demandastes point si
vous vous y trouveriés lorsqu'il y auroit des ambassadeurs, vous ne me
parlastes point si vous prendriés les dépesches qui viendroient, ou si
vostre neveu ^ les auroit; je n'avois garde de respondre à des ques-
tions non proposées, et dont la résolution deppend purement de vous.
' Ces lignes se trouvent sur le feuillet semble pas douteux que ce ne soit ici leur
suivant (fol. 1 1 1) , entre deux minutes de place.
lettres , écrites de la même main que la ' M. de La Barde , premier commis des
lettre au roi et le même jour. Il ne Affaires étrangère».
DU CARDINAL DE RICHELIEU. " 337
Vous me distes seulement que vous aviés dessein de tenir pied à
boule à Ruel; je vous respondis qu'il suffisoit que vous y feussiez
quelques fois, et cette response me semble encore telle que je la de-
vois faire, veu que les affaires ne requièrent pas davantage, et que
vostre fds n'y demeure pas autrement. En un mot je ne sçay d'où
vous avés peu tirer le sujet de vostre desplaisir; mais j'ay cette con-
solation que, si j'en suis l'occasion, je n'en suis pas la cause. Quant à
ce que je pris M"' de Noyers en passant, je le fis parce que j'en avois
affaire à S'-Germain , et que la guerre ne permet pas en ce temps qu'on
se passe de luy un seul moment. Au nom de Dieu, trouvés bon que
je vous die que les grandes affaires ne souffrent point les jalousies
que vous pi'enés, que j'appelleray tendresse , si bon vous semble, mais,
qui en effect méritent le premier nom. Je croy que vous devés faire
la charge de vostre fils' comme il l'a faict luy mesme, allant et venant
quand bon vous semblera.
Je ne parle point icy de madame vostre femme, parce que je la
croy trop asseurée de moy pour estre en doute de mon affection^.
CLXXXIX.
Arch. des Aff. élr. Turin, l. 28, fol. 278. —
Mise au net de la main de Chcrré, corrigée et devenue minule.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Hariay, 347, fol. 93 v". — Copie.
[A M. DE CHAVIGNI'.]
De Ruel, ce 3 mai i63g.
Nous avons appris avec contentement la délivrance de Turin, mais
' OnsailqueChavigniélailalorsenltaiie. s'applique à calmer les susceptibilités de
' On a vu ci-dessus (p. 332 , note) la son vieil ami. Il faut lire encore à cette oc-
mauvaise humeur de Chavigni ; voici un casion une autre lettre du 2 i mai au même
petit échantillon de celle de son père, qui Bouthillier.
pourtant était ordinairement un homme ^ Le manuscrit de Turin ne dit point à
facile. Ce que l'on doit surtout remarquer, qui cette lettre est adressée, jnais elle ne
c'est la douceur avec laquelle Richelieu pouvait aller qu'à Chavigni. ■
C*n(>IN. DE niCHF.I.IEU. — VI. . 43
338 . LETTRES
avec beaucoup de desplaisir la perte de Moiilcalve, Pondesture et de
Villeneuve d'Ast, si elle est vraie, comme le bruict le porte.
Le roy n'a jamais creu Turin sy certainement assiégé qu'il n'ayt
craint que ce fust seulement une tentative pour voir ce que le peuple
voudroit faire, avec dessein d'aller ailleurs au cas qu'il ne s'esmust
pas.
Le mauvais ordre qui a esté donné aux places que les Espagnols
emportent avec facilité ou par impuissance, ou par négligence, l'aict
craindre au roy une pareille suitte pour les autres, et conséquemraent
la perte de tous les Estats de Mons"' le duc de Savoie '.
S. M. est bien résolue d'employer toute sa puissance pour garantir
Madame de sa perte; mais, comme c'est chose impossible si elle n'y
veut contribuer ce qu'elle peut, elle désire que vous luy proposiés
franchement le seul remède qui reste à son mal, n'estant plus temps
de marchander, ny différer à luy en faire ouverture, si d'elle mesme
elle n'en a cognoissance.
Si Madame eust mis par le passé diverses places entre les mains
du roy, où il eust peu conserver beaucoup de troupes, elle se lust
apparemment garantie du mal qui luy est arrivé. Si dès le commen-
cement la raison convioit Madame à se servir de ces expédiens, la
nécessité l'y contraint maintenant, parce qu'une mauvaise expérience
l'empesche de se pouvoir confier à l'infidélité ou foiblesse des Pied-
montois qui gardent les places que parce aussy que le roy ne peut
rompre plusieurs des desseins qu'il a en France, pour embarquer
diverses armées dans le Piedmont, s'il n'a des places par le moyen
desquelles il puisse espérer un bon succès.
Celles qui sont du tout nécessaires au roy pour s'asseurer qu'on
Le jour même où Riclielieii écrivait pour le duc de Savoie, lequel n'est pas
cela, le 3 mai, la duchesse écrivait elle- raisonnable qui ce perde en vous servant. .. »
naême au cardinal :• Mon cousin, ma per- (AIT. étr. Turin, lom. 27, pièce i5'.) 11
sonne est échappée d'un grand péril , mais semble que la princesse et le cardinal vont
les Estais de S. A. R. .Mons' mon fils y sont être d'accord, mais les résolutions de Ma-
plus exposés que jamais. . . Si vous ne m'as- dame étaient bien mobiles. (Voy. ci-après
sistezpuissammeni.il niaplusdePiedmont à la da(e du 26 mai.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 339
ne luy puisse ^las couper le passage de Pignerol sont Conis, Revel
et Cahours, s'il y a encores une fortifEcation ^
Sans celles-là le roy ne peut en aucune façon envoyer en Italie les
grands secours qu'il prépare; mais ce qui seroit assez pour S. M. ne
l'est pas ny pour Madame, ny pour le salut de son Estât; il faut par
nécessité quelque chose qui nous porte dans le cœur du pays, et
qui nous fasse un chemin à Casai, comme Carmagnole et Villeneuve
d'Ast, s'il n'estoit point pris, et Montcalve, au deffaut duquel Trin
peut supléer, en chassant les ennemis de Chivas, comme il sera aisé.
C'est à Madame à voir si elle veut se perdre ou se sauver.
Si elle faisoit difficulté de livrer les premières places, savoir
Conis, Revel et Cahours, le roy n'envoiera pas asseurément l'armée
de Mons' de Longueville.
Si elle ne livre pas les autres, quand mesme cette armée ira se
joindre avec celle de M' le cardinal de La Valette, ce sera sans en
pouvoir tirer aucun fruict.
Si elle pratique ce qu'on luy conseille, on espère qu'on la pourra
sauver, et garantir son Estât, le moyen qu'on luy propose estant le
seul qui puisse maintenant arrester l'injuste ambition de ses frères,
par l'apréhension qu'ils auront qu'en voulant usurper les Estats du
duc leur nepveu, ils ne donnent lieu aux Espagnols et aux François
de les partager ensemble.
Et il n'y a point d'autre expédient de faire restituer ce que les
Elspagnols ont pris et prennent maintenant que d'en mettre autant
entre les mains du roy, pour obliger le pape et tous les princes
d'Italie à moyenner que tout ce qui sera nouvellement occupé des
deux parties soit rendu à Madame en contentiint raisonnablement
M" ses frères.
Je dis nouvellement occupé, pour exclure Pignerol, qui ne peut ny
ne doit estre compris dans cette restitution.
Pour faire voir que le roy ne propose ces expédiens à Madame
' En marge du manuscrit : « Revel et estant de petits lieux de nulle importance
Cahours doivent estre comptes pour rien, au Piedmont »
43.
340 LETTRES
qu'aux fins de sou salut, S. M. ne faict nulle difficulté de donner une
promesse authentique de luy remettre toutes les places qu'elle luy
mettra de nouveau entre les mains, lorsque les Espagnols et ses
frères luy remettront tout ce qu'ils auront occupé dans ses Estats.
Par ce moyen Madame pourra d'autant mieux conserver les places
qui luy resteront entre les mains qu'elle sera deschargée de la garde
de quelques unes, et le roy mettra ries gens dans celles qui luy se-
ront commises, qui ne les laisseront pas perdre comme ont faict les
Piedmontois.
Quoy que veuille faire Madame, il est temps qu'elle se résolve
promptement, pai'ce que le roy veut faire travailler aussytost aux
places qui seront déposées entre ses mains.
Cela faict, il est besoin que Madame se résolve d'établir un bon
conseil auprès d'elle, de ceux qui luy auront tesmoigné fidélité en
cette occasion, et qu'elle procure elle-mesme qu'ils reçoivent des
bienfaicts de la France, comme de la seule puissance qui peut con-
server sa personne, celle de monsieur son fils et ses Estats'.
Je n'estime pas qu'on doive parler à Madame de Suze , ny de Veil-
lane, ny d'aucune des places qui sont dans la Savoie, parce que, si
elle veut, elle est capable d'elle-mesme de bien faire garder ces places
en y mettant des gens fidèles, courageux et affectionnés à la per-
sonne de mons' son fils et d'elle; mais il est du tout nécessaire qu'elle
y pourvoie promptement, parce que, s'il arrivoit une autre bourrasque,
il ne seroit plus temps. Cependant, si vous la trouvés disposée à
mieux faire que je ne pense, vous avés la carte blanche, et n'en de-
vés pas perdre l'occasion pour son avantage.
' « Failes-nioi envoyer la lettre pour l'ambassadeur. » (En marge).
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 341
CXC.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. 296. —
Mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, 347, '°'- 97- — Copie. —
Dupuy, t. 767, cahier Nn '. (Extrait.)
[A M. DE CHAVIGNL]
De Rue!, ce 5 mai lôSg.
Depuis cette lettre^ escrite, le s'' de La Motte, capitaine de Néres-
tan, estant venu avec la dépesche de M"^ le cardinal de La Valette
par laquelle, comme aussy par le rapport du s' de La Motte, on voit
de plus en plus la mauvaise affection que les Piedmontois ont pour
Madame et pour M' le duc son fils, et la passion qu'ils ont pour ses
fi'ères; S. M. m'a commandé de vous faire une recharge à ce que
vous luy représentiés qu'elle n'a plus d'autre voie de .salut que de se
rendre maistresse par la force de ceux qui ne sont pas capables de se
conserver en son obéissance par leur bonne volonté, et que pour cet
effect ce que je vous ay mandé cy-dessus ne suffit pas, mais qu'il
faut bien passer outre.
Le roy désire, comme vous devés croire, avec une extraordinaire
passion, que Madame puisse conserver à mons'' son fils tout le Pied-
mont; mais la crainte qu'il a que l'infidélité des Piedmontois rende
ce dessein Ircs-difficilc luy faict estimer qu'au moins faut-il promp-
tement s'asseurer de tout ce qui est au deçà du Pô, et ce qui est
adjacent au delà, pour, par ce moyen, reconquérir le reste.
Dans ce dessein, il faut s'asseurer promptement la main droite de
Carmagnole, Savillan, Fossan^, Cental, Cony et Vulpian, tant pour
' Voy. la note 2 de la page 56. lelte, apportée par le capitaine de La
' Celle du 3 à Chavigni, auquel va aussi Motte, dont il est fait mention ici.
cette espèce de supplément du 5, qui n'a ^ « C'est à vous qui estes sur les lieux à
point de suscription dans le manuscrit. voir s'il vaut mieux fortilTier Fossan que
Entre ces deux pièces du 3 et du 5 se Savillan, ou Savillan que Fossan.» (En
trouve la dépêche du cardinal de La Va- marge.)
342 LETTRES
conserver la communication de France, que pour estre maistre des
greniers du Piedmont parla possession de Savillan, Fossan et Cental.
A la main gauche il faudra chasser les ennemis de Chivas, reprendre
Crescentin , ce qui sera aisé, et fortiffier Yvrée pour oster, par ce
moyen, la communication que les ennemis pourroient avoir avec la
Savoie par le Valdost, et bien fortiffier Vulpian, qui couvrira Turin
d'un costé comme Carmagnole de l'autre ^
Cela estant il y aura espérance de sauver les Estats de M' le duc
de Savoie, et sans cela il se verra bientost despouillé, plus par l'infi-
délité de ses sujets et le mauvais conseil qu'on aura pris pour le def-
fendre, que par la force de ses ennemis.
Ce que dessus est sy nécessaire que le roy m'a commandé de nou-
veau de vous escrire que, si Madame n'y veut pourvoir, il sera contraint
de protester qu'elle veut estre cause de sa perte, et n'envoiera point
de troupes extraordinaires pour périr inutilement avec elle.
Au contraire, si elle se veut aider, il ne plaindra aucune despense
pour la sauver.
J.e s"' de La Moite ayant rapporté que le gouverneur de Carma-
gnole n'avoit pas voulu recevoir les François dans la ville, cette mau-
vaise rencontre me donne lieu de vous escrire qu'il faut que Madame
use de son autorité, tandis qu'elle en a le moyen, et chastie telle dé-
sobéissance, parce qu'autrement il ne luy faudroit point d'antres en-
nemis pour la perdre que ceux qu'elle tiendroit à elle pendant la
bonace, et qui ne le seroient pas pendant la tempeste.
Souvenés-vous que le roy ne veut point de places où il ne soit en-
tièrement le maistre, ne pouvant y avoir de seureté avec un gouver-
neur capable de révolter les habitans contre la garnison quand il
voudra, comme ont faict ceux de Crescentin.
Quand le gouverneur et la garnison seront françois, les places se-
ront seurement et soigneusement conservées, et lors Madame pourra
s'asseurer d'en estre maistresse, au lieu qu'elle est asseurée de ne
l'estre pas, les Piedmontois les gardant.
'. « On peut s'exempter de fortiffier Vulpian , si l'on veut. » ( En marge.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 343
Faictes souvenir Madame qu'auparavant qu'un autre orage puisse
s'exciter, elle s'asseure bien de Nice, de Villefranche, de Montmélian,
de Suze et de Veillane.
M' le comte d' Allez a mandé au gouverneur de Nice qu'il avoit
ordre de luy envoyer mille hommes, (juand Madame l'ordonnera.
M' le comte de Harcourt est en Provence avec ordre de faire aussy
ce qu'il faudra pour Villefranche. C'est à elle à s'asseurer sy bien de
"ce costé-là, si elle peut par elle-mesme, ou par le secours du roy,
qu'il n'en puisse arriver d'inconvénient. S. M. s'ofifrant plus librement
à conserver ce qui est adjacent au Pô, comme plus périlleux, que ce
qui est de la Savoie et des autres places dont je viens de parler, dont
elle désire que Madame s'asseure par des créatures bien affidées.
Seulement la prie-t-il de les bien choisir et de croire que tel fera
bonne mine hors du péril, qui manquera de cœur lorsqu'il s'y trou-
vera.
CXCI.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. q8, fol. 298. —
Mise au net de la main de Cherré, corrigée par Richelieu et devenue minute.
Bibl. imp. Saint-Gerœaiii-Harlay, 347, fol. 99 v°. — Copie.
[A M. DE CHAVIGNI'.]
De Racl , ce 6 mai 1 639.
Ayant repensé à ce que le s' de La Motte nous a dict touchant le
refus que le gouverneur de Carmagnole a faict de recevoir dans la
ville les François qu'on avoit envoyés pour la conserver, j'ai creu vous
devoir dire que, quand mesme les gouverneurs auroient de la répu-
gnance à obéir aux commandemens de Madame, il luy sera bien aisé
de mettre entre les mains du roy les places qu'elle voudra commettre
à sa garde. .
' Les manuscrits ne donnent point de gée de la main de monsieur le cardinal
suscription; celui de la Bibliothèque met de Richelieu. »
en marge : « De la main de Cherré , corri-
344 LETTRES
La première chose qu'il faut tenter est d'envoyer des ordres sy
exprès à une personne de Madame sy autorisée pour mettre de grosses
garnisons dans les dictes places, qu'elle ne puisse estre refusée.
Si cet expédient réussit. Madame pourra rappeler après aisément
les gouverneurs quand vous le jugerés à propos, les bien traicler en
leur prociuant quelques avantages pour n'effaroucher pas les autres.
Si aussy la dureté des Piedmontois requiert un expédient plus puis-
sant. Madame doit partir en personne un matin de Turin, accompa-
gnée de 1 2 ou 1 5oo chevaux, et, sous prétexte de visiter ces places
et rasseurer ses peuples alarmés, aller à Carmagnole, Fossan et Suze,
jusques à Cony, faire les establissemens qu'elle voudra et qui sont sy
absolument nécessaires pour son salut qu'il n'y en a point d'autres.
Elle doit passer aussy à Savillan, Cental et autres lieux, où elle
ne voudra pas mettre garnison, afin qu'une auti*e fois, si la nécessité
la contraint de faire de tels voyages, on ne puisse soupçonner ses
desseins, ny apréhendcr ses visites.
Quand elle sortira de Turin pour faire le voyage, elle y doit laisser
une bonne garnison.
Si Madame marchande doresenavant les Piedmontois qui l'ont mal
servie, elle est absolument perdue, et son salut et cekiy de M"' son
fils requiert qu'elle punisse sévèrement quelques-uns de ceux qui
auront tesmoigné leur mauvaise affection.
Vous noterés, s'il vous plaist, que quand Madame aura mis les
places qu'il faut entre les mains des François, tant s'en faut qu'il en
faille faire la petite bouche, qu'au contraire elle en doit faire ime
déclaration publique, disant ouvertement qu'elle l'a faict parce que
c'est le seul moyen de sauver les Estats de Mons"^ son fils, et sur l'as-
seurance qu'elle a que le roy les luy remettra entre les mains toutes
fois et quantes que les Espagnols luy rendront celles qu'ils occupent.
Ensuitte de tels discours il faudra publier la promesse que le roy
en aura donnée, laquelle, si vousn'avés le loisir de nous envoyer au-
paravant qu'elle voie le jour, vous la concevrés en termes tels qu'ils
doivent estre.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. . 345
C'est à vous qui estes sur les lieux à considérer si, devant que
Madame retire les gouverneurs italiens des places qu'elle voudra
commettre au roy, il ne sera point à propos d'attendre que le roy
soit fort dans le pays avec une puissante armée, qui empeschera
par la considération de sa force, autant que par raison, le pays de le
trouver mauvais.
Rien ne doit empescher de mettre des garnisons françoises fortes
et puissantes dans les dictes places, mais peut-estre ne sera-t-il pas
mauvais d'attendre les forces du roy pour faire la déclaration pu-
blique.
Quoyque je vous mande sans chiffre que l'armée de M' de Longue-
ville ne passera point que Madame n'ait contenté le roy sur le sujet
des places ', on ne laisse pas de la diligenter autant qu'on peut, et on
ne retardera en aucune façon son passage.
CXCII.
Bibi. imp. Cinq-cents Colbert, t. lib, fol. 269. — Copie. —
Saint-Gerinain-Harlay, 346, t. 1, fol. 276 v°. — Copie'.
A M. LE PRIIVCE.
9 mai i63g.
Monsieur, ce
gentilhomme que bien cognoissés vous tesmoignera l'estonnement
auquel il m'a veu de ce que M' d'Aluin m'a mandé n'avoir eu ordre
de se tenir prest pour entrer dans le païs ennemy qu'au premier juin.
Je vous asseure qu'un tel ordre est sy contraire aux intentions du roy
' Celle précaution ne servit de rien; on le duc de Longueville ne laissa pas de
se douta bien à la cour de Turin que, passer les monts.
quelle que fûl la résolution de la duchesse ' Les deux manuscrits mettent en noie :
de Savoie, Richelieu n'abandonnerait ja- «Copie faite sur une minute de la main
mais le Piémont aux Espagnols; Madame du chirurgien du cardinal. » Cette minute
ne consentit point à confier au roi son frère a été envoy,ée à de Noyers , qui a dû écrire
toutes les places qu'on lui demandait, el la letlre.
CAnDIN. DE niCIIELIEC. — VI. • 44
346 LETTRES
et à l'avantage de son service, que je ne sçay comme on a peu prendre
celte résolution. S'il vous eust pieu croire vos amis vous eussiés esté
bien plus tost en estât de réparer les malheurs passez, et correspondre
à l'attente qu'on doit avoir de vous cette année; telles longueurs
donnent tant de temps aux ennemis de se préparer que, si on les aver-
tissoit de ce qu'on veut faire, ils n'auroient pas plus de commodité
de se disposer à rendre nos entreprises vaines.
Je laisse ce discours du passé pour venir au présent. La dépesche
du roy, que vous recevrés par M"" de Noyers, vous fera sy clairement
cognoistre ses pensées que je n'ay rien à y ajouster; tout ce que je
vous prie est de redoubler vostre dilligence pour regaigner le temps
perdu, et de tenir tellement ce que vous voudrés faire secret, que
vous puissiés profiter de la cognoissance que tout le mondre avoit
qu'on se préparoit pour attaquer Fonlarabie de nouveau. La part que
je prends à vos intérests me faict souhaitter avec passio» un bon suc-
cès en vos desseins; vous avés sy suffisamment de quoy les faire
réussir qu'il ne reste qu'à eu bien emploier les moiens. Je ne doute
pas que M"" d'Alluin , M' d'Arpajon , les s" de Lecques et d'Argencourt ne
servent fort bien du costé de Perpignan. Cependant je croy que le
s' d'Espenan y sera bon encore pour agir avec son ardeur accouslumée.
M"^ de Gramont et de Sourdis suffiront, à mon avis, pour demeurer
avec des aides de camp du costé de Bayonne et de la Navarre, bien
que Sa Majesté pense qu'il soil meilleur de porter vostre attaque
principalle dans le Roussillon, tant à cause du voyage que M'^ de Bor-
deaux va faire à la mer, que parce aussy que les meilleures forces
d'Espagne, à ce qu'on mande, sont du costé de Fontarabie. Si toutes
fois vous estimés le contraire , le roy vous laisse libre d'employer ses
forces où vous l'estimerés plus à propos.
Au nom de Dieu, prenés courage; agisses avec ardeur et sans im-
patience, s'il vous plaist, l'une de ces qualités estant aussy capable
d'avancer les affaires que l'autre de les retarder. Cependant, Monsieur,
je feray valoir vos services, etc.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 347
CXCIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. a8, fol. 022. — Mise au net de la main de Cherré'. —
Bibi. iinp. Saint-Germain-Harlay 347, ^° '^^ ^°- — Copie. —
Fonds Dupuy, 767, cahier Nn' (extrait).
A M. D'HÉMERY.
I 3 mai i6ig.
Après avoir veu la dépesche de M' d'Hémery, laquelle a este trouvée
bonne et judicieuse, la response qu'on y faict commence par où elle
finit.
Il demande cinquante mille escus pour la fortifEcation des places
qui seront déposées es mains du roy par Madame, et cinquante mille
escus pour les munir de bledz.Sans attendre ce que M"" de Bullion vou-
dra faire sur ce sujet, je les feray fournir sur mon crédit, et envoieray
la lettre de change dans trois jours à Lyon par hoiTime exprès, afin
que M" de Chavigny et d'Hémery s'en puissent prévaloir aux fins por-
tées cy-dessus, et non autrement.
Le d. s' d'Hémery demande encore cinq cent milliers de poudre,
de mesche et de plomb: on fera fournir 260 milliers de poudre en
coniptant 100 milliers qu'on a faict de nouveau porter à Pignerol et
soixante milliers que M' le comte d'Allez mande avoir envoyés à
Madame pendant le siège de Turin ^.
On fera encore fournir cent cinquante milliers de mesche, et cent
milliers de plomb, en rabattant cinquante milliers de mesche et cin-
quante milliers de plomb que le s' Sabatier a aussy envoyés à Pignerol
durant le siège de Turin.
' Dans le manuscrit des Affaires étran- ' Voy. ci-dessus , note 2 de la page 56. —
gères on lit en tète de cette lettre : « Mé- En lête de l'extrait du manuscrit Dupuy on
moire pour respondre à la dépieschc de Ht : « Response du cardinal de Richelieu à
M' d'Hémery du 3* mai, receue le 10.» M' d'Hémery, du 1 3 mai , dressée en forme
Cette lettre de d'Hémery est conservée en de mémoire, et par articles, selon sa cous-
original dans le même manuscrit, fol. 384; tume. >
elle est curieuse pour les aff°aires du Pié- ' A ia marge du manuscrit : « Restera
mont à ce moment. 90 milliers à fournir. »
44.
348 LETTRES
M' d'Hémery a aussi demandé la résignation d'une abbaye pour
l'abbé de la Monta. J'envoie présentement celle de l'abbaye deHam,
qui est à moy, avec les brevets de nomination et lettres pour Rome,
pour le d. abbé, à condition qu'elles ne seront deslivrées qu'au cas
que Madame, ouvrant les yeux à ce qui est du tout nécessaire à son
salut, contente le roy sur le faict des places dont M'' d'Hémery pro-
pose le dépost par sa dépesche.
H demande encore permission de donner quarante ou cinquante
mille livres de rentes, en domaines, pour lier plus estroitement au
service de Madame et du roy les principaux de l'Estat. S. M. l'accorde,
et dès cette heure fera arrester la vente des dicts domaines pour un
temps, afin d'en distribuer selon que les s" de Chavigny et d'Hémery
auront arresté aux lieux où ils sont'.
Il propose ensuitte de marier Dom Félix en France; S. M. le trouve
encore très-bien et sera bien aise que les d. s" de Chavigny et
d'Hémery donnent avis du party qu'on luy peut procurer.
Les places principales que de deçà on juge estre nécessaires, après
avoir veu la dépesche à laquelle on faict response, sontConis, Revel,
Cahours, Savillan, Quérasque, Carmagnole, Yvrée et Trin ^.
On estime plus à propos que Madame demeure dans Turin que
d'en sortir, l'expérience ayant faict cognoistre, en diverses occasions,
que qui se retire du siège de l'Empire le faict peu souvent sans grand
préjudice; mais, comme la peur qu'elle a de Messieurs ses frères
est juste et légitime, il est raisonnable d'y bien asseurer sa personne,
ce qui se peut faire en chassant de la ville les plus malicieux et mal
affectionnes, et en désarmant le reste des habitans entièrement.
Or, parce que cette exécution ne se peut faire sans grand bruicl,
on croit qu'il faut que Madame ait premièrement livré au roy toutes
' A la marge du manuscrit se trouvent de Tournon; La MareUe; comte S' -Mo-
les lignes suivantes : « Personnes qu'il faut rice. »
obliger: Dom Félix, marquis de Pianesse; ' A la marge du manuscrit : « Il y en
marquis Ville; marquis Bobe; marquis peut avoir d'autres utiles, qucces Mess" qui
de S'Germain; marquis de Lullin; baron sont delà n'oublieront pas. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 349
les places qu'elle veut déposer en ses mains, et qu'après il faut faire
la dicte exécution un beau matin, sans qu'on y pense.
Cette exécution est non-seulement nécessaire pour la seureté de
Madame, mais pour deslivrer Turin d'une grosse garnison qui em-
pescheroit qu'on ne peust rien faire à la campagne, et, quand elle sera
faicte, 600 hommes dans la citadelle et i^ ou i5oo dans la ville,
avec 100 chevaux, l'asseureronl plus qu'une armée entière, les habi-
tans estant armés.
Il y a aussy peu à marchander en cette résolution comme à celle
qu'il faut prendre de chastier tous ceux du pays qui auront mal faict.
Telles punitions, et des bienfaicts à ceux qui voudront bien faire, et
le dépost des places entre les mains du roy sont les seids remèdes
qui peuvent restablir M' de Savoie en tout son Estât.
Si Madame prend le party de se vouloir retirer à Chambéry, après
avoir désarmé les habitans de Turin, remettant en ce cas la place
entre les mains du roy, il la faudra accepter, mais, à dire le vray, j'es-
time plus à propos qu'elle demeure à Turin.
On a bien considéré, comme vous, qu'il faut 1 0,000 hommes pour
entretenir les garnisons des places déposées, mais le roy est résolu
d'en supporter la despense pour le salut de Madame; et la plus grande
difficulté que nous aurons est à trouver des gens. Cependant on fera
toutes sortes d'efforts à cet efiect, et l'expédient que vous proposés,
d'avoir 3, 000 hommes des troupes de Madame, est fort bon.
On approuve aussy celuy dont vous escrivés à M' de Noyers de
faire lever, par les gouverneurs de Dauphiné, Lyonnois, Bourbonnois
et Auvergne, à chacun mille hommes, et on leur envoie présentement
les expéditions nécessaires à celte fin.
Bien que je n'estime point nécessaire de respondre à l'article par
lequel vous désirés savoir si Madame, changeant d'humeur, vouloit
faire sortir les François qui sont dans ses places, on suivroit ses vo-
lontés, parce qu'il faudroit qu'elle eust perdu le sens pour entrer en
telle pensée, je ne laisseray pas de vous dire qu'il faudroit, en tel
cas, imiter les médecins qui contraignent les malades à prendre les
350 LETTRES
remèdes qu'ils estiment leur estre salutaires, quelque répugnance
qu'ils en aient, et, partant, qu'au lieu de retirer les garnisons fran-
çoises, quand mesme elle le voudroit, il faudroit les fortiffier.
Il m'estoit bien vemi en pensée, auparavant que de recevoir vostre
dépesche, que peut-estre scroit-il à propos d'oster les Infantes de
Turin, mais je n'estimois pas à propos qu'il fallust les faire venir en
France; au contraire, je croyois plus tost qu'il les falloit envoyer
à Milan; cependant le roy remet à ce que Madame jugera plus à
propos de les envoyer à Milan ou de les faire venir en France, dans
un monastère, si cela sert à sa seureté; mais j'estime du tout néces-
saire de les oster de Turin.
Je ne parle point du dépost de Montmélian et de Nice, que vous
proposés, parce que, comme vous verres par ma précédente dépesche
envoyée par le s"" de La Tour, capitaine de Nerestan, je n'estime pas
qu'il faille désirer tant de choses de Madame. Cependant, si elle estoit
en humeur de se vouloir descharger de la garde de Nice, qui passe
pour estre du Piedmont, on la recevra très-volontiers avecVillefranche.
En un mot, comme le rov veut une descharge publique si Ma-
dame se veut perdre, S. M. est résolue à tous efforts extraordinaires
et à quelque despense que ce puisse estre si elle se veut sauver.
Ce sera à Mess" les ambassadeurs à luy faire bien cognoistre cet
excès de bonne volonté, et l'asseurer de la diligence avec laquelle je
feray exécutter les intentions de S. M. tant à cause de ce que je luy
dois, que pour l'intérest que je prends en tout ce qui touche Madame.
Je ne vous dis rien sur les traictés proposés à Madame par les Es-
pagnols et ses frères, parce qu'elle n'en sauroit faire hors celuy qu'elle
fera avec le roy, dans une paix générale , sans se perdre.
Si sa personne et celle de Mons"" son (ils estoient entre les mains
de Mess" ses frères, je commencerois dès cette heure de prier Dieu
pour leurs âmes, et ne penserois pas le faire trop tost.
A la fin de cette pièce le roi a écrit :
J'ay veu cette dépesche que je trouve si nessesaire que, voulant
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 351
absolument qu'elle soit diligemment exécutée, quoyqu'il m'en coûte,
je désire que M"^ de Bulion face fournir sans délay tout ce qui est
nessesaire à cet efFect.
Fait à Versaiile, ce 12° may 1639.
LOUIS.
CXCIV.
Arch. des Aff. étr. Turin , t. 28, fol. Sig. — Mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 3^7, fol. iZi5 v°. — Copie. —
Mss. Dupuy 767, cahier Oo (extrait').
A M"' DE CHAVIG.fVY ET D'HÉMERY. ^
De Rnel, ce 17 mai iGSg.
J'ay receu vostre dépesche du xi de ce mois^; je n'y responds
point article par article, parce que celle que vous aurés receue de moy
du 1 2 satisfaict presque à tout, fors en deux points, ce qui me faict en
diligence vous dépescher ce courrier.
Soit que Madame demeure à Turin ou qu'elle n'y demeure pas,
nous jugeons aussy bien que vous qu'il est très à propos d'avoir la
ville et la citadelle de Turin, et partant vous luy ferés concevoir que
sa seureté deppend de là. L'événement de la citadelle d'Ast, entre les
mains de foibles gens, luy devant faire cognoistre Testât qu'elle doit
faire des meilleures places du monde mal gardées.
Persistant à croire qu'il ne faut pas demander à Madame Suze et
Montmélian, nous estimons de très-grande importance d'avoir Nice et
Villefranche, s'il se peut. C'est pourquoy vous y ferés toutes sortes
d'eCForts raisonnables, et n'espargnerés pas quelque argent au marquis
de S'-Germain, qui est dans la citadelle de Turin et qui espère Nice,
si besoin est.
Ayant toutes les places que vous mandés et ces deux-là, je croy
' Voy. la note a de la page 56 ci-dessus. Affaires étrangères , fol. Sog , et en copie
' Cette lettre, signée Cliavigni et Hé- dans le manuscrit Dupuy, avant la lettre
mery, est remplie de détails intéressants; de Richelieu, et aussi dans le manuscrit
elle est en original dans le manuscrit des dn Harlay, fol. 189 v".
352 LETTRES
qu'on peut sauver Madame; sans cela on ne le peut absolument, et le
roy ne veut pas perdre sa réputation.
Je croy qu'il est à propos d'ajouster après ces deux articles que,
si Madame s'aheiute à ne vouloir pas donner Nice, il ne faut pas
s'abstenir de recevoir les autres places du Piedmont, mais la raison
veut qu'elle donne tout le Piedmont.
L'argent, grâces à Dieu, ne vous manquera pas. M' de Chavigni,
ayant conclu le traicté avec Madame, et le dépost des places estant
receu et exécutté , s'en pourra venir sans attendre autre ordre.
Tant s'en faut que M'' le comte de S'-Morice ait peu escrire que
leroy ne vouloit point avoir les places du Piedmont, qu'au contraire je
iuy ay dict positivement que Sa Majesté n'envoieroit point l'armée de
M' de Longueville au secours de Madame sans cela. Mais il peut bien
avoir escrit que je Iuy ay dict que le roy ne vouloit les places que
pour les garder jusques à ce que les Espagnols remissent celles qu'ils
ont prises, ce qui est très-véritable, et il a trouvé cette proposition
sy juste qu'il m'a faict cognoistre que le seul salut de Madame et de
monsieur son fils consistoit à en user ainsy.
M"" le cardinal de La Valette m'escrit sur le sujet du changement
qui a esté faict de quelques officiers de la garnison de Metz, comme
si cette affaire importoit à sa réputation. Je vous prie de Iuy faire
cognoistre que nous n'avons rien faict qu'en une extresme nécessité,
et après avoir consulté le s' Talon, et sceu de Iuy qu'il le trouveroit
bon, et après avoir tiré parole du roy que M"' le cardinal de La Valette
pourroit à son retour changer la garnison , ainsy que bon Iuy semblera.
S'il le désire dès cette heure, je ne manqueray pas de le proposer
au roy, et il aura contentement. Mais je Iuy conseille de laisser passer
cette campagne, et l'hyver il pourra faire ce que bon Iuy semblera.
Depuis ce que dessus escrit, j'ay parlé à M' l'ambassadeur de Sa-
voie, par le discours duquel j'ay bien cogneu qu'il n'avoit osé escrire
ce que je Iuy dis de la part du roy, en sa dernière audience, sur le
deppost que Sa Majesté désiroit des places; il dist pourtant que sa der-
nière dépesche le porte, mais non pas les précédentes. Ce que je juge
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 353
e5t , qu'il craint tellement que la faveur de ceux qui sont de delà trouvent '
à redire à ses dépesches, qu'il n'a osé mander ce que je lui avois dicl,
de peur qu'ils jugeassent qu'il favorisast trop les desseins de la France.
Il m'a asseuré qu'il dépeschera demain un courrier, par lequel il
escrira ce que je luy ay déclaré de la part du roy.
Mais il n'est pas besoin de considérer ce que mande l'ambassadeur
ou ce qu'il ne mande pas. C'est à Madame à voir si elle se peut sauver
par autre voye; et, s'il n'y en a point, comme il faut estre aveugle pour
ne le pas voir, elle la doit suivre plustost aujourd'hui que demain. Le
roy désire estre promptement esclaircy de sa résolution, ne voulant
en aucune façon se consumer en despenses extraordinaires pour tra-
vailler en vain à sauver ceux qui se veulent perdre. Au nom de Dieu,
faictes prendre garde à Nice et à Villefranche , de crainte d'inconvénient.
M' l'ambassadeur dict qu'on luy a mandé que vous demandés que
les habitans des villes qui seront depposées facent serment à Madame ,
au duc son fds et au roy. Je luy ay dict que je voulois perdre tout ce
que j'ay au monde, si on avoit demandé qu'on list serment au roy,
comme souverain, ce qui ne se pouvoit prétendre qu'avec injustice;
mais je ne doutois pas qu'on ne demandas! que les villes fissent ser-
ment de ne rien faire contre le roy et les siens, tandis qu'ils auront
les villes en deppost, ce qui ne se peut aussi desnier qu'avec injustice
et un entier aveuglement.
Si Madame diffère à faire ce que le roy désire, elle perdra encore
la Savoie et tout le reste. Si elle le faict, il faut, après que les armes
du roy seront assemblées, reprendre Chivas, investir et se saisir
d'Yvrée, chastier ceux de la Valdoste, pour asseurer la Savoie et tout
le Piedmont de deçà le Pô; ensuite de quoy on fera ce que Dieu con-
seillera pour le mieux.
Le manuscrit des Affaires étrangères donne, avant la dépêche du cardinal,
(fol. 3/i7), une lettre de cabinet adressée le même jour à la duchesse de Savoie;
' Cette phrase irréguiière semblerait un que l'ambassadeur de Savoie « craint telle-
peu moinit inintelligible s'ily avait» trouve » ment que les favorisde laduchesse trouvent
se rapportant à • faveur; » elle doit signifier à redire à ses dépêches que , etc. »
CARDIN. DE RICUELIEO. VI. 45
354 LETTRES
cette lettre , en original , est signée Louis et contre-signée Suhlet, mais c'est évidem-
ment Richelieu qui parle. Une copie se trouve à la Bibliothèque, dans le manuscrit
précité de Harlay, fol. 1 48 , et un extrait dans le manuscrit de la collection Dupuy .
Nous en donnons ici quelques passages, qui en feront connaître l'esprit :
Ma sœur, bien que les sieurs de Chavigny et d'Hémery vous aient
desjà proposé comme le seul moien d'asseurer vostre personne et
de sauver vostre Estât pour mon nepveu vostre fils, de consigner
entre mes mains les places qui vous restent en Piedniont, je ne laisse
pas de vous tesmoigner que si vous ne prenés cette résolution il m'est
impossible de vous garantir de la mauvaise volonté de vos ennemis,
dont vous ressentes desjà trop d'effects. Je ne désire point avoir ce
deppost des places pour autre advantage que pour celuy d'avoir la
gloire de maintenir vos Estats par la force de mes armes, ou par un
bon traicté, qui oblige les Espagnols à restituer celles qu'ils ont oc-
cupées, au mesme temps que je rendray celles que vous m'aurés
depposées. . . Je fais avancer mon cousin, le duc de Longueville, avec
une nouvelle armée, résolu de rien omettre pour vous faire tirer
raison des outrages que vous avés receus. . . Je désire et vous prie
de donner, aussytost la présente receue, une dernière résolution sur
ce sujet à mes ambassadeurs, afin que sur icelle je prenne mes me-
sures, et face voir à tout le monde que je n'ay peu vous empescher
d'estre seule cause de vostre perte. . .
CXCV.
Arch. des Aff. étr. Pays-Bas, t. i3. —
Minute de la main de de Noyers et de celle de Richelieu.
Bibl, imp. Cinq-Cents Colbert, ii° 45, fol. 85 v°. — Cojjie'. —
Saint-Germain Harlay, 346 , l. i , fol. 88. — Copie.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. n° i86, in-4°, p. ii5'. — Copie.
A M. LE GRAND MAISTRE.
17 mai 1639.
Vous trouvères bon que je vous dise que pour estre trop fin l'on
' Les manuscrits de Colbert et de Harlay sur une minule de la main du cardinal. »
mettent en note que leur copie t est faite ' Ce manuscrit est divisé en plusieurs
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 355
ne l'est quelquefois point du tout; je ne m'estonne pas que vous
n'ayés pas trouvé Aire attaquable, mais je m'estonne extraordinaire-
ment qu'en mandant qu'on ne peut faire ce dessein vous n'en pro-
posiés quelqu'autre , puisque, estant sur les lieux, vous pouvés voir,
mieux que ceux qui en sont esloignés, ce qui se peut faire.
Nous ne voyons de loin autre chose à faire qu'à vous donner la
carte blanche; le roy vous laisse libre d'attaquer telle place que bon
vous semblera, et nous ne pouvons juger d'icy qu'aucune autre puisse
estre attaquée que Saint-Omer, Arras et Hesdin ou Bapaulme.
Nous tenons la première plus que difficile maintenant à cause que
vous ne sauriés plus les surprendre. La dernière, qui est Bapaulme,
nous semble de niesme nature à cause des eaux.
' Hedin est très-bien muni de gens, et par conséquent meurtrier,
et le dessein que les ennemis désirent le plus pour garantir le de-
dans de leur pays. II semble ne vous rester que Arras à attaquer, si
ce n'est que vous aymiés mieux, du mesme costé d' Arras, entrer
parties; celle qui contient les lettres de
Richelieu est intitulée : Extrait de plusieurs
lettres écrites pur AI. le cardinal de Richelieu
à M. de La Meilleraye, grand maître de
l'artillerie, en Vannée 1639, lorsqu'il com-
mandait en Flandres. Malgré ce mot extrait,
presque toutes les lettres sont entières. Le
copiste est fort malhabile; les mots et
surtout les noms propres sont quelquefois
défigurés; néanmoins ce manuscrit n'est
pas sans valeur; outre que, sur cinquante-
cinq lettres qu'il contient , il en est que nous
n'avons pas trouvées ailleurs , nous avons
pu nous convaincre, par la comparaison
que nous avons faite de quelques-unes avec
celles dont la copie existe dans les manus-
crits de Colbert, de Béthune et de Harlay,
que la copie de l'Arsenal est parfois plus
complète. On lit à la fin de la première
lettre de ce manuscrit : • J'avertis le lec-
teur que les originaux de ces lettres sont
écrits et signés de la main du cardinal
de Richelieu. • Ce manuscrit de l'Arsenal
contient, outre ces lettres, les pièces sui-
vantes : Abrégé de la vie du cardinal de
Richelieu. — Abrégé de ia vie d'Alphonse
de Richelieu, son frère. — Les Amours du
cardinal et de Madame de Combalet. Ce sont
des opuscules sans valeur historique et
sans aucun intérêt.
' D'ici jusqu'au mol « entrer, » de la
main de Richelieu , ainsi que le dernier
paragraphe. Le manuscrit de l'Arsenal
offre quelques variantes avec les trois au-
tres manuscrits. Cela vient sans doute
de ce que les copistes de Colbert et de
Harlay ont transcrit sur notre minute, à
laquelle ils sont conformes, tandis que la
copie de l'Arsenal aura été prise sur l'ori-
ginal, que nous n'avons pas trouvé, mais
que nous supposons avoir subi quelques
changements.
45.
356 LETTRES
dans le pays des ennemis pour le ruiner et les attirer à un combat
s'ils ne veulent laisser ruiner en la campagne, et de là voir quelle
place l'on pourra attaquer.
Car je vous redis encore une fois que le l'oy vous laisse la carte
blanche.
Tant y a qu'il faut ou attaquer une place ou prendre un poste sy
avantageux qu'on ruine le pays pendant cette campagne.
Ne vous affligés point, je vous prie, de ce que nostre premier
dessein n'a peu réussir. J'espère que Dieu vous donnera bon succez
en un autre.
CXCVI.
Arch. des Aff. étr. Turin, l. a8, fol. Sya. — Original. —
Au fol. 35A, une minute de la main de Cherré.
BiW. imp. Saint-Germain-Harlay, 8/47, folios i38 v" et ^94 v". — Copies. —
Dupuy, t. 767, cahier Oo '. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
Ruel,.i8 mai lôSg.
Monseigneur,
Ayant veu la lettre que vous m'avez escrite le i 1* de ce mois'^, je
vous diray que le changement que le roy a faict de quelques officiers
de la garnison de Metz estoit sy nécessaire qu'on ne le pouvoit diffé-
rer plus longtemps sans s'exposer à perdre la place. Les avis que
nous avons eus de l'entreprise que les Espagnols avoient sur icelle,
et de leurs intelligences, dont M' de Chavigny n'aura pas manqué de
vous donner cognoissance , estant sy asseurés qu'il n'y avoit pas lieu
d'en douter. Cependant je vous puis dire qu'autre que S. M. n'a pris
la résolution d'envoyer des siens à Metz pour remplir les charges de
ceux qu'on a esté contraint d'oster de la dicte garnison qu'après l'avoir
proposé au sieur Talon, vostre secrétaire, qui, voyant la nécessité
' Voy. la note a de la page 56 ci-dessus. — ^ Cette lettre du 1 1 est dans le manuscrit
de Dupuy, au feuillet précédent.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 357
qu'il y avoit d'en user ainsi, l'approuva luy-mesme et fist cognoistre
que vous le trouviés bon. L'intention de Sa dicte Majesté n'a jamais
esté d'y establir les dicts oflGciers à vostre préjudice, ny vous priver
de la nomination d'iceux, mais seulement d'y faire demeurer ceux
qu'elle y a envoyés et y servir dans l'occasion présente à la conser-
vation de la place.
Ne vous imaginés donc pas, s'il vous plaist. Monseigneur, qu'on
ait eu aucun dessein, en faisant ce changement à Metz, de choquer
vos intérests, ce que vous croirés aisément en vous disant qu'il sera
en vostre liberté de retirer les officiers que S. M. y a envoyés toutes
fois et quantes que vous le désirerés. En mon particulier je vous en
asseure encore par ces lignes, et que S. M. et ses serviteurs n'ont ja-
mais eu plus de confiance en vostre personne qu'ils en ont à présent'.
Pour moy, je veux croire que vous n'en doutés non plus que de la
passion sincère avec laquelle je vous honore et seray tousjours,
Monseigneur,
Vostre très bumble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, le 18 mai lôSg'''.
CXCVII.
Arch. des Aff. élr. Rome, t. 65. — Copie.
Bibl. imp. SaÎDt-Germain-Harlay, 347, fol. 716. — Copie.
A M. LE MARÉCHAL D'ESTRÉES,
AIIBUStDKDK UTKAOlDIllilU k KOHE.
20 mai 1639.
Le roy, ayant veu la dépesche du d. sieur ambassadeur en date
' Cette phrase n'était pas dans la mi- lieu à ménager ceux qu'il affectionnait.
nute, et les légers changements qu'on re- ' On trouve au fol. 388 du manuscrit
marque entre celle-ci et l'original montrent des Affaires étrangères l'original de la ré-
encore le soin attentif que prenait Riche- pense du cardinal de La Valette.
358 LETTRES
du 1 7 du mois passé, a trouvé assez estrange que, cinq mois après la
nomination que S. M. a faicte du s' Mazaiin pour estre cardinal à
la première promotion. Sa Sainteté ait mis en avant des difficultés
dont elle n'a faict aucune mention d'abord, particulièrement pour ce
qui est de la bulle de Pie IV.
S. M. avoit creu jusques icy que l'aversion du pape à l'esgard de
Perreti, qu'il croit ennemi de sa maison, l'avoit empesché de faire une
promotion, et de contenter le roy d'Espagne, qui l'a nommé pour
estre cardinal, et que le cardinal Barberin n'estoit pas dans ce sen-
timent, ains au contraire qu'il faisoit tout ce qui luy estoit possible,
selon l'intérest qu'il a que Sa Sainteté fasse une prompte promotion
pour surmonter les difficultés et longueurs qu'elle y apporte, et Ja
faire enfin résoudre à contenter le roy d'Espagne sur le sujet du d.
Perreti, qui semble seul estre cause du retardement de la promotion.
Toutefois l'on voit par la d. dépesche du 19 que M'' le cardinal
Barberin veut faire un effort en Espagne par le ministère du s'' Fa-
cbineti, qui s'y en va nonce extraordinaire, pour divertir le roy d'Es-
pagne de la nomination du d. Perreti, moyennant quoy il prétendroit
exclure aussy du cardinalat le d. s' Mazarin.
Sur quoy S. M. s'est résolue, selon l'avis du d. s"^ ambassadeur,
de faire appeler le s' nonce, et de luy parler fortement sur ce sujet,
comme aussy d'escrire à M" le cardinal Bicchi afin que luy et le d.
s*^ nonce fassent savoir à Sa Sainteté et à M"' le cardinal Barberin la
résolution de S. M. pour ce regard, et qu'il est certain que, pour
quelque considération que ce soit, elle ne se départira jamais de la
nomination du d. s'' Mazarin, s'y sentant bien fondée comme elle est
et obligée à ne se point relascher et abandonner à la haine de ses
ennemis un sujet sy digne du cardinalat, et qui a sy bien mérité du
public, le cognoissant au surplus très-affectionné à la maison Bar-
berin,
Le d. s' ambassadeur verra la lettre que le roy escrit au s' cardi-
nal Bicchi, par laquelle il sera informé de la sorte que le roy a parlé
au nonce, ayant usé presque des mesmes termes.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 359
Quoique la difficulté fondée sur la bulle de Pie IV tende, ce semble,
à l'exclusion du d. s"^ Mazarin seul, l'on n'estime pas que néantmoins
icy, non plus que les ennemis de la France par delà, que le pape et
le cardinal Barborin voulussent songer à contenter l'Espagne tou-
cbant l'abbé Perreti, et mescontenter la France pour le regard du d.
s'' Mazarin; mais il faut leur faire comprendre, ainsv que le d. s' am-
bassadeur l'a faict jusques icy, que le roy ne considère que la justice
et la raison de sa demande, qu'il prétend obtenir sans se mettre en
peine de ce que le pape fera pour les autres.
Tout ce que dessus est plustost une approbation des sentimens
du d. s' ambassadeur et de sa conduite sur cette affaire qu'un ordre
nouveau, S. M. trouvant bon qu'il continue à la manière comme
il a faict jusques icy, moyennant quoy elle en espère tout bon
succès.
Elle luy ordonne de plus, ou plustost confirme ce qui luy a esté
déjà mandé, de sortir actuellement de Rome, au cas que le pape ne
fasse point le s'' Mazarin cardinal à cette promotion, et pour se forti-
fier en cela, S. M. trouve bon qu'il pienne l'escritque l'ambassadeur
d'Espagne Lespée a ci-devant offert de donner, et que le d. s' am-
bassadeur luy en délivre un semblable, s'il le désire. En quoy il pren-
dra garde de faire le sien relatif à celuy de Lespée, en sorte qu'il
paroisse que c'est luy qui a voulu avoir cette seureté.
C'est tout ce qui restoit à respondre à la susdicte dépesche du i 9.
S. M. recommande aussy au d. s' ambassadeur de continuer d'agir
avec vigueur en cette affaire, et de contribuer tout ce qu'il pourra
par son adresse à faire résoudre le pape et M"" le cardinal Barberin de
faire promptement la promotion que l'on attend icy désormais avec
impatience, et que Sa Sainteté ne doit pas, ce semble, différer, puis-
qu'il y a tant de places vacantes.
20 mars 1689, à Saint-Germain-en-Laye.
360
LETTRES
CXCVUI.
Arch. des Aff. étr. France, lôSg, Supplément, fol. 177. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. ROUTHILLIER,
SDRINTENDAMT DES FINANCES, k PABIS.
De Ruel , ce 2 I mai 1689.
J'ay esté bien aise de sçavoir des nouvelles de ma niepce; j'espère
bien du succès de sa maladie, tant parce que Madame vostre femme
vous mande que sa fièvre diminue, que par l'assistance qu'elle recevra
des médecins lorsqu'ils seront auprès d'elle; et par le soin particulier
que je sçay que madame Bouthillier en prend '.
Quant au voiage, il dépend de vous de le faire ou ne le faire pas.
Je vous dis ouy et non, afin que vous choisissiés ce que vous esti-
merés le plus à propos.
Bien vous diray-je que je ne voy rien qui vous oblige audict voiage
et que le s' de La Barde fera fort bien ce qu'il faut; partant il est en
vostre franc et libéral arbitre de faire eslection du feu ou de l'eau *.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' M"' de Brézé était malade à la cam-
pagne de Bouthillier; Richelieu avait en-
voyé la veille (20 mai) un exprès pour
avoir de ses nouvelles. « Je suis très-fasché ,
écrivait-il à M"' Bouthillier, de la maladie
de ma petite niepce de Brézé, et beancoup
plus encore de la peine que je sçay que
vous en avés, et des inquiétudes qu'elle
vous cause. Je vous prie de ne vous en
point affliger Je vous aurois envoie
M. Ciloys, ainsy que vous avés tesmoigné
le désirer, sans une petite indisposition
qui est survenu à M. le daufin. .. Le dicl
s' Ciloys et les autres médecins qui le
voient asseurent que ce ne sera rien. J'en
prie Dieu de tout mon cœur, et que vostre
petite malade soit bientost en santé pour
vous faire recouvrer le repos qui vous est
nécessaire ...» L'original de cette lettre
est aux archives des Affaires étrangères;
France, 1689; Suppl. P 176, avec la sus-
criplion : « A mad<ime Bouthillier, la surin-
tendanle, aux Caves. « Tout ceci est un
petit détail , sans doute, mais nous saisis-
sons volontiers les occasions de montrer
Richelieu dans les choses privées et en
dehors des grandes affaires. D'ailleurs il
s'agit ici de la jeune fille qui sera bientôt
la femme du grand Condé.
' Voy. une lettre à Bouthillier, p. 336.
DL CARDINAL DE RICHELIEU. 361
CXCIX.
Arch. des AfT. étr. Pays-Bas, t. i3. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Béihune, 9266, foi. 12. — Copie. —
Cinq-Cents Colbert , n°^5, fol. 92. — Copie. — S'-Genn.Harl. 3/i6, t. 1, fol. 98 v°. — Copie'.
Bibl. de l'Arsenal, Histoire, n" 186, in-4°, p. 118. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
De Ruel, 22 mai 1639.
Mon Cousin, Je suis très-aise que vous ayés assiégé Hesdin, n'ayant
peu entreprendre le siège d'Aire, comme, en e£Fect, vous ne le pouviés
sans beaucoup bazarder les armes du roy pour les raisons contenues
au mémoire que vous m'avés envoyé, qui sont fort bonnes^.
S. M. faict estât de partir mercredi pour aller vous aider. J'y vais
gaiement, pensant que nostre petite assistance ne vous sera pas inutile.
Surtout, en faisant les choses nécessaires, conservés vous, je vous
prie, et vous souvenés qu'il y a beaucoup de choses qui ne sont point
d'un général. Je vous conjure encore une fois d'avoir soin de vous.
Ayant un grand corps d'armée ', comme vous avés, vous n'oublierés
pas, je m'asseure, d'envoyer à propos à la guerre pour tascher d'at-
traper les ennemis qui s'assembleront un peu au long, à la Veymarde.
Cette pensée n'est pas un ordre, mais un avis, que vous suivrés selon
que vous le jugerés bon.
Si vous estimés qu'une circonvallation entière soit nécessaire pour
asseurer la prise de Hesdin, il la faut faire, n'y ayant rien à oublier
pour venir à bout de ce dessein, et se rendre maistre de cette place,
qu'il faut, avec l'aide de Dieu, emporter hautement.
' • Minute originale de la main de tant guère que dans le tour de la phrase.
Cherré.» Cette noie est commune au ma- ' LeuianuscrilderArsenalmeten note:
nuscrit de Colbert et à celui de Harlay. lisez «cavalerie.» Le manuscrit de Bé-
' Nous suivons ici le ms. de l'Arsenal , thune dit : i d'artillerie. » La meilleure
qui a copié sur l'original, et qui offre avec le<jon est sans doute celle que donne la
la minute une légère différence ne consis- minute de la main de Cherré.
CARDIN. DE RICHELIED. — VI. Ib
362 LETTRES
Vous n'aurés pas oublié d'envoyer quérir tous les charpentiers des
lieux circonvoisins pour vous aider à couper vos bois; et le bon équi-
page que vous avés à l'artillerie me faict croire que vous ne manquerés
d'aucune chose.
J'espère bien de vostre campagne et m'asseure que le roy aura grand
contentement de vostre personne; il est très-satisfaict de vostre siège.
Soyés donc content et vous asseurés que je suis et seray tousjours,
mon cousin, vostre Irès-aCfectionné cousin et serviteur^.
ce.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. 38^. —
Minule de la main de Cherré.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, 347, f'*'- 1^9- — Copie. —
Dupuy, t. 767, cahier Oo' (extrait).
[A M" DE CHAVIGNY ET D'HÉMERY'].
22 mai 1689.
L'on vous renvoie ce courrier pour vous dire que le roy a aujour-
d'huy parlé comme il faut à M' l'Ambassadeur, le comte Saint-Mau-
' Le manuscrit de l'Arsenal nous donne
la copie d'une lettre du cardinal à La Meil-
leraie, datée du 26 mai, et que nous ne
trouvons pas ailleurs. Cette letlre nous
semble une espèce d'addition à la pré-
sente, ainsi qu'à celle qui suit, du a4 mai :
n Je vous conjure de nouveau, écrit Riche-
lieu à son cousin , de faire le général d'ar-
mée et lion le soldat, et, qui plus est, un
mot plus court, que vous pouvés deviner
sans que je l'escrive. » Et, à la lin de la
lettre, Richelieu ajoute: «Ayés soin de
vous, je vous le recommande encore une
fois , et pour la conservation de vostre per-
sonne, et pour vostre honneur, que vous
perdriez aussy bien en vous -faisant tuer
mal à propos, que d'autres le perdent en
conservant leurs vies sagement.» (P. ia4
du ms. de l'Arsenal.) C'est ce qu'il y a de
plus remarquable dans cette missive, dont
il sera fait mention aux analyses.
' Voy. la note a de la page 56.
' Le manuscrit des Aff. étr. n'indique
aucune suscriplion ; mais pendant l'am-
bassade extraordinaire de Chavigni la plu-
part des lettres écrites à celui-ci étaient
adressées en commun à lui et à l'ambas-
sadeur ordinaire.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 363
rice, du deppost que la nécessité oblige Madame de faire en ses mains
des places du Piedmont'.
Il est certain que si Madame ne se résout à ce qu'elle doit pour
son salut, le roy se résoudra à ce qu'il faut pour sa réputation.
L'ambassadeur m'a asseuré avoir escrit conformément à ce que
je luy dis il y a quatre ou cinq jours, et que son courrier arrivera
demain.
Il asseure encore qu'il escrira ce que le roy luy a dict, et je croy
qu'il le fera.
Vous me mandés que Philippe ne va pas bien, je le crois, et
par ce que vous en avés cogneu, et par ce que j'en sçay par d'autres
voies.
Je croy aussy que l'abbé de la Monta est un esprit qui va de mesme
train; leurs seuls intérests sont capables de les rectifier.
Si Madame n'y prend garde, dans les incertitudes de son esprit,
les Espagnols continueront sans relasche leurs conquestes, en la re-
paissant d'une belle apparence; ils se reposeront jusques au mois de
septembre, et, par après, recommenceront de nouveau sans qu'on
la puisse sauver, parce qu'on n'aura pas le temps de se préparer à
deffendre les places, n'en ayant pas esté en possession.
En un mot, si elle est folle, elle se peut perdre comme telle; si
elle est sage, elle ne peut refuser le moyen qu'on luy propose, n'en
ayant point d'autre pour son salut. Je luy escris une lettre que vous
verres et luy donnerés , si vous le jugerés à propos *.
' Le manuscrit des Aff. étr. contient ne luy proposoit autre chose que de la
(f" 357 et 374) des dépêches de Chavi- despouiller de ce qui luy restoit. ..» L'ir-
gni et d'Hémery écrites de Turin, jes 18 ritation de la princesse, qui dura pla-
et 19 mai; on y voit avec quel méconten- sieurs jours, rendait toute négociation
tement Madame accueillit les premières presque impossible auprès d'elle,
propositions de ce dépôt de places : • Elle ' La lettre à In duchese reproduit les
parut d'abord transportée et hors d'elle, principaux arguments de celle qu'on vient
s'écriaiit qu'après que les Espagnols avoient de lire; elle est en minute dans notre
prb la meilleure partie de ses Estats, au manuscrit des Aff. étr. t° 385; elle a été
lieu de luy raesnager la protection du roy imprimée; on en trouvera l'indication aux
son frère pour les luy faire recouvrer, on analyses.
i6.
364
LETTRES
CCI.
Arch. des Aff. élr. Pays-Bas, t. i3. — Minute autographe.
BiW. de l'Arsenal, Histoire, n° 186, in-i°, p. 120. — Copie.
Bibl. imp. Cinq-Cents Colbert, n°45, fol. gS'. —
Saint- Germain -Harlay, 346, t. 1, fol. 9/1 v°.
Béthunc, 9266, fol. i3, — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
A Riiel, ik mai iBSg '.
Mon Cousin, J'envoye ce gentilhomme^ pour vous tesmoigner que
je suis ravy de ce que Dieu vous a préservé de la mousquelade que
vous avés receue. J'espère que vous n'aurés autre mal en vostre siège,
et en prie Dieu de tout mon cœur; et vous conjure de ne vous ba-
zarder point mal à propos. Comme je ne suis pas capable de vous con-
seiller de perdre une seule occasion de péril où vous serés nécessaire,
le plus grand plaisir que vous me puissiés faire est de ne faire que ce
que doit un général courageux et diligent*. J'espère bien de vostre
' Le manuscrit de Colbert met en noie:
«Copie faite sur une minute originale
escrite, pour la plus grande partie, de la
main de M. le cardinal et l'autre de la
main du chirurgien. » Et celle noie est ré-
pétée par le manuscrit de Harlay.
' La copie du manuscrit de l'Arsenal
donne seule cette date, qu'indique d'ail-
leurs à peu près l'ordre chronologique
dans lequel les manuscrits des Aff. étr. de
Colbert et de Harlay placent cette pièce.
' La réponse de La Meilleraie donne
le nom de ce gentilhomme : M. de la
Rive.
* On a vu, par le passage que nous ci-
tions tout à l'heure d'une lettre du a 6 mai ,
comme Richelieu insiste sur les recom-
mandations de se ménager qu'il fait à son
cousin; il y revient encore dans une mis-
sive du 1 5 juin; après avoir transmis à la
Meilleraie un ordre du roi : «Je vous fais
maintenant ce mot en particulier , de n'aller
point montrer vos travaux à ceux qui sont
nouvellement venus dans l'armée, que
vous vous ferés attraper sans sujet. Tous
ceux qui en reviennent, en se louant de
vos courtoisies, remarquent que ces civi-
lités peuvent causer vostre perte en un ins-
tant. Si ma prière a quelque pouvoir sur
vous vous n'en userés plus de la sorte. . . »
(Voy. aussi une lettre du 10 août, ma-
nuscrit des Aff. étr. t. i3, et manuscrit de
l'Arsenal, p. ii4et a35.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 365
siège, et je tieas pourasseuré que vous en aurés bonne issue. Les' de
Chouppes nous a rendu bon compte de tous vos travaux, que je trouve
bien avancez. Je vous conseille de les faires continuer avec une ex-
traordinaire diligence.
Je crois que vous ne sauriés trop fortifier le fort de Valmont. Par
ma pensée je voudrois y faire un double fossé à la holandoise, et
une bonne pallissade entre deux et un grand abattis de bois pour en
empescber les avenues.
J'estime que vous devés aussy bien prendre garde que les ennemis
ne puissent passer la rivière depuis Monstreuil jusques à Hedin; ce
n'est pas assez de faire garder les guez , veu que les ennemis pourroyent
passer avec deux batteaux suffisans pour faire im pont, si le cours de
la rivière n'estoit bien gardé.
Quant à la forest, vous avés fort bien commencé à faire ce qu'il
faut pour empescber que les ennemis ne puissent venir par là. Je
m'assure que vous n'oublierés aucune chose qui puisse estre faicte à
cette fin. Surtout je vous conjure de ne vous contenter pas d'une
simple deffense aux lieux où vous en pourrés mettre deux et trois.
En vérité, si vous emportés Hedin en peu de temps, comme Chouppes
dict qu'on l'espère dans l'armée, vous aurés une grande gloire. Je
vous asseure qu'il n'y a rien que je ne voulusse y contribuer. S'il n'y
a pas plus de gens dans la place que ce qu'on dit, je ne crois pas que
les ennemis puissent bien deffendre les dehors, et si vous en estes une
fois maistre, je croy que vous aurés bon compte du reste. J'espère
que Dieu bénira cette campagne, veu particulièrement que nous ne
désirons aucun avantage que pour faciliter et mieux asseurer la paix.
' Souvenés-vous que la gloire d'un général est à prendre les villes,
à subsister longtemps avec gloire dans le commandement, et non pas
à faire des actions téméraires qui payent leur hoste tout d'un coup.
Le roy a esté extresmement aise de savoir Testât de vostre siège. 11
vous envoie dix compagnies des gardes pour vous renforcer; vous
aurés maintenant quinze compagnies de Suisses arrivées à Montrcuil,
' D'ici à la fin , la minute est de la main de Charpentier.
366
LETTRES
qui sont destinées pour vostre armée; vous les envoyerés quérir di-
ligemment. Avec cela je ne croy pas qu'il y ayt forces au monde qui
puissent empescher l'effect de vostre dessein.
Sa Majesté a voulu encore qu'on escrive aux sieurs de Launay et
de Mondejeu pour assembler les milices de Ponthieu et du Vimeux,
afin que vous vous en servies si vous en avés besoin ^
Le roy m'a commandé de vous mander de sa pari que vous mesna-
giés mieux vostre personne que vous ne faictes. Il est fort satisfaicf de
vous^, et moy aussy, qui suis, mon cousin,
Vostre très affectionné cousin et serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. Sgg-^oo, — Copie.
Mise au net de ia main de Cherré.
Saint-Germain-Harlay, 347, fol. 167. — Copie'. — Dupuy, t. 767, cahier Oo*. — Exlrail.
A M"' DE CHAVIGNY ET D'HÉMERYl
De Ponloise, ce 26 mai 1639.
Nous avons receu vostre dépesche du 1 8 mai ; on ne sauroit assés
' Le siège de Hesdin intéressait vive-
ment Richelieu à cause de l'importance de
l'entreprise, et aussi parce que c'était son
cousin qui la conduisait; il lui écrivait
presque tous les jours durant ce siège, dont
l'issue, comme on sait, fut heureuse, et
dont on fit un véritable triomphe pour La
Meilleraie, à qui le roi donna le bâton de
maréchal sur la brèche même par où Sa
Majesté entra dans la place, le ag juin.
(Le P. GrifTet raconte cet incident avec de
curieux détails , t. III, p. 197-202.)
' La minute et les trois manuscrits de
la Bibliothèque impériale s'arrêtent ici.
' Une note du ms. dit que cette copie
est faite sur une pièce de la main de Cherré.
* Voy. note 2, p. 56 ci-dessus.
' Le manuscrit des Aff. étr. ne donne
point de suscription, mais on voit que
cette lettre est ia réponse au mémoire
signé Chavigni-d'Hémery, et adressé au
cardinal le 1 8 mai , de Turin. Ce mémoire ,
déjà cité ci-dessus, p. 363, et qui n'a pas
moins de sept pages , expose la situation des
affaires de l'Italie du nord, et de la cour
de la duchesse de Savoie. Le manuscrit
des Aff, étr. montre qu'il avait été pré-
paré, ainsi que la présente lettre, pour
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 367
s'estonner des irrésolutions de Madame, de son aveuglement et de
celuy de son conseil, pour ne dire pas pis'.
J'ay grand peur que Dieu veuille chastier cette misérable princesse
pviisqu'elle ne voit pas ce qu'un enfant de huit ans cognoistroit clai-
rement.
Le roy persiste, sans pouvoir changer, à ne pouvoir entreprendre
la deffense de Madame sans le deppost de ses places.
Comme la perte de la partie du Piedmont que ses frères et les Es-
pagnols ont pris a donné lieu à Conis de se révolter, cette révolte en
excitera d autres, et en peu de temps, pour peu qu'il en arrive de nou-
veau, tout le reste s'en ira.
Si Madame n'est capable de cognoistre ces vérités, il faut songer
à tirer son épingle du jeu.
Nous estimons que vous devés tesmoigner en gros qu'il est impos-
sible que Madame soit dans ses irrésolutions sans estre trompée par
quelqu'un qui luy faict espérer un traicté avec ses frères; sur cela
vous luy pouvés dire que, si elle y trouve seureté pour sa personne,
celle de M' son fils, et pour ses Estats, il ne faut point se cacher du
roy, qui sera tousjours très aise si elle se peut mettre en tel estât de
seureté qu'elle n'eust plus de besoin de sa protection, à laquelle, en
ce cas, elle ne doit point aussy s'attendre.
Après un tel discours, puisque vous avés promis un million de
livres, le roy l'agrée; mais de donner les huit cent mille livres par
dessus, c'est jeter le tout dans le Pô.
Cependant si Madame veut déposer toutes les places entre les mains
du roy, l'on vous permet de vous estendre plus que le million, lais-
sant à vostre discrétion de vous eslargir, selon que vous verres que
le bien des affaires le requerra, en l'obligeant aux conditions les plus
être inséré dans les Mémoires de Riche- doute, mais avec la fennelé qui lui était
lieu; mais on sait que ces Mémoires n'ont ordinaire. La lettre, dont un original cor-
pas été continués après i638. rigé et devenu minute, daté du 22 mai,
' Richelieu avait écrit à la princesse se trouve aux Arch. des AIT. étr. a été im-
elle-méme avec plus de ménagement , sans primée ; elle sera notée aux analyses.
368 LETTRES
avantageuses que vous pourrés; mais ma pensée est qu'il ne faut
rien ofirir de plus , jusques à ce que vous voyés Madame résolue au
deppost des places que l'on doit désirer, et je croy qu elle fera plus
par la peur d'estre tout à faict abandonnée que par l'espérance de
plus ou moins d'argent.
Les places que l'on doit désirer sont Carmagnoles, Quérasque,
Savillan, Conis, Revel, Saint-Pierre, Cahour, Trin, Santhya.
Je ne parle point de Turin parce qu'il faut que Madame soit en
autre estât qu'elle n'est pas pour en prendre la pensée, bien qu'un
tel deppost soit du tout nécessaire à sa conservation.
Je ne parle point aussy de Nice pour la mesme raison.
Je ne parle point encore de Villeneuve d'Ast et des autres places
qu'on pourra reprendre parce que ce seront les armes qui nous les
donneront, non la bonne volonté de Madame, et qu'on ne peut sans
folie douter que le roy les veuille avoir jusques à ce que les Espa-
gnols rendent celles qu'ils ont prises.
Je n'ay jamais peu me persuader que Philippe, estant en Testât
qu'il est, il n'y eust à douter de son procéder, voyant celuy de Ma-
dame : c'est une âme foible. L'abbé de la iMonta a tousjours esté affec-
tionné au cardinal; il est bien à craindre qu'ils ne veuillent avoir deux
cordes à leur arc et qu'ils cherchent quelque moyen de salut avec
les beaux-frères de Madame, bien que, à l'italienne, ils ny puissent
trouver que leur perte.
Dans la longueur d'une négociation Madame perdra tout le reste
duPiedmont; la perte de Conis en est un augure asseuré et qui me
faict craindre Pignerol; pensés-y, au nom de Dieu, et vous serves de
l'argent que vous avés pour le mettre en tel estât qu'il n'y ait rien à
craindre.
Cette dépesche respond à tous les points de la vostre; tout est remis
à vostre prudence.
S'il faut faire quelqu' autre chose, c'est à vous qui estes sur les lieux
à en faire les ouvertures et nous en avertir promptement.
Je veux croire que la lettre que le roy escrit à Madame et que vous
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 369
aurés receiie par Saiadin , et celle que je luy ay escrite par l'un des
vostres ensuitte, luy ouvriront les yeux à son bien. Si ces remèdes ne
produisent pas ce bon effect, je liens la maladie désespérée; sur quoy
je vous répéteray encores que nous examinerons volontiers tous les
expédiens que vous nous proposerés en telle extrémité.
Si Madame ne revient à résipiscence d'elle mesme, je croy que
vous devés luy tesmoigner que, puisqu'il n'y a rien à faire auprès
d'elle, vous allés dépescher un courrier pour demander vostre congé,
et pour faire cognoistre au roy qu'il doit exécutter la résolution
qu'il a prise de ne point faire passer M" de Longueville en Italie,
puisque Madame ne se veut mettre en son devoir; et, en effect, je
ne veoy pas d'autre résolution à prendre que de sortir de cette af-
faire promptement, parce que l'on perd tout dans les longueurs avec
honte.
Sachant bien que vous n'avés pas oublié de représenter cent fois
au comte Philippe que quelques promesses que luy puissent faire le
cardinal de Savoie et prince Thomas, il ne sauroit jamais trouver de
seureté pour sa vie, je ne vous mande point qu'il le faut faire; mais
devant Dieu il mérite les petites maisons s'il n'a cette cognoissance ,
et si, l'ayant, il empesche Madame de prendre le seul conseil qui luy
reste, il mérite tout ce que vous pouvés penser aussy bien que moy.
Je ne veoy pas lieu de mettre en campagne, si Madame ne faict
premièrement ce que le roy désire, puisqu'en tirant les garnisons
on perdroit plus qu'on ne sauroit gagner, et qu'en vain secourroit on
des places qui ne peuvent esviter de se perdre une autre fois, avec
tout Testât, si Madame demeure en la résolution où vous représentés
qu'elle est.
Je vous avoue que j'ay le cœur percé de voir la mauvaise con-
duitte et le malheur de cette pauvre Princesse.
Le roy approuve la déclaration que M' de La Tour propose contre
madame de Mantoue', et croit qu'il est temps de la publier. On vous
l'envoiera par le premier courrier.
' Le manuscrit de Turin, t. a8, donne la pièce cliiffrée de M. de La Tour, fol. 345.
CARDIN. DE niCHELIEC. — VI. . ^7
370
LETTRES
CCIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 28, fol. 897. — Original; et fol. ioS, copie.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, 347, ^°^- ^9^ v°. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
26 mai 1 63t).
Monseigneur,
Je ne saurois assez vous tesmoigner le desplaisir que j'ay de la
peine où les irrésolutions de Madame vous mettent^; je vous avoue
que son aveuglement, pour ne pas dire pis, me surprend et m'estonne
' La veille du jour où Richelieu écrivait
cette dépêche une lettre de Chavigni par-
tait de Turin; on y lit : « Nous n'avons co-
gneu que d'iiyer seulement que Madame
ITisl capable de revenir à la raison par la
conférence que M. le card. de La Valette ,
M. d'Hémery et nioy eusmes avec M" le
marquis d'Aglié et abbé de la Monta. »
Cependant Madame ne se décidait pas, et
trois semaines s'étaient passées lorsque, le
10 juin, Chavigni mandait : « ...Enfin
Madame s'est résolue à mettre entre les
mains du roy Carmagnoles , Savillan , Qué-
rasque et Revel , aux conditions que V. Em.
verra par les escrits joints à cette dépesche.
Les troupes françoises sont dans les trois
premières places et la garnison de la qua-
trième part aujourd'hui.» (Arch. des Aflf.
étr. France, t. gi, fol. 182 et ao8.) Dans
sa missive du 10 juin, Chavigni disait:
« La lettre que V. Em. a escrite à Madame
a extresmement contribué à lui faire pren-
dre la résolution de s'accommoder aux
conseils du roy.» Celte lettre si efficace,
datée du 22 mai, existe aux mêmes ar-
chives (Turin , t. 28 , fol. 385 ) ; c'est un ori-
ginal , corrigé après avoir été signé , et de-
venu minute ; on en trouve une copie à la
Bibliothèque impériale, fonds Saint-Ger-
main-Harlay, 5lfj, fol. i5o. Cette pièce
ayant été imprimée dans les Mémoires
donnés par Aubery, t. V, p. /io8, et dans
le Recueil de 1695, p. 53"], nous nous
bornerons à la citer aux analyses; il faut
pourtant en noter ici quelques mots. Après
' avoir répété à Madame qu'il n'y a de salut
pour elle que dans la protection du roi,
Richelieu ajoute : « V. A. trouvera bon , s'il
luy plaist, que je luy die que le mauvais
estât de ses affaires ne luy permet pas
d'estre irrésolue en une occasion où les
moments sont inestimables, et où la né-
cessité et la raison s'accordent tellement
ensemble que la première oblige tout à
fait à ce que la seconde conseille. Si vous
mesprisés le conseil qu'elle vous donne,
vous en cognoistrés l'utilité lorsqu'il ne
pourra plus avoir d'efi'ect; et si, en, le sui-
vant, V. A. ne s'en trouve bien, je con-
sens qu'elle me décrie dans le monde et
me fasse passer pour tout autre que je ne
suis. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 371
au dernier point, et que je ne la croyois pas capable d'une sy grande
foiblesse que celle qu elle tesmoigne avoir dans la conjoncture pré-
sente. Vous aurés veu, par les dernières despesches que nous avons
faictes à Mess" les Ambassadeurs, comme les pensées de deçà se
rapportent aux vostres touchant la conservation des places que nous
tenons dans le Piedmont, que nous jugeons tç^ement nécessaires au
bien du service du roy et de Madame mesme, que tant s'en faut qu'il
en faille retirer les François qui y sont maintenant, ny une partie,
en Testât où sont les choses, qu'il faudroit plustost augmenter la
garnison, si vous jugiés qu'elle ne fust pas assez forte pour la conser-
vation d'icelles; n'y ayant point d'apparence d'abandonner des places
que nous tenons maintenant, et qvie nous ne pourrions peut-estre pas
ravoir après, pour en secourir d'autres qu'on ne pourroit peut-estre
pas sauver, telles entreprises ne réussissant pas tousjours, et qui,
quand on les garantiroit maintenant, ne peuvent esviter de se perdre
une autre fois avec tout TEstat, si Madame demeure dans la résolu-
tion où elle estoit lorsque vostre courrier est parti. Et partant nous
jugeons que vous ne devés point vous mettre en campagne que Ma-
dame n'ayt premièrement faict tout ce que le roy désire d'elle pour
son propre bien, ou que vous n'ayés assez de forces pour faire quelque
chose sans dégarnir les places que nous tenons, lesquelles il faut, à
quelque prix que ce soit, conserver pour les raisons contenues en
vos despesches.
Vous aurés veu, par la dernière que j'ay faicte à M' de Chavigny,
comme le roy n'a pas voulu pourvoir aux charges qui restoient à
remplir dans la garnison de Metz, dont il vous laisse la disposition;
et la résolution où est S. M. de vous donner toute sorte de contente-
ment pour celles que la nécessité l'a obligé de donner à quelques uns
des siens, pour y servir dans l'occasion présente. En mon particulier,
je vous supplie de croire que j'y tiendray soigneusement la main, et
qu'il ne se passera jamais rien aux lieux où je seray à vostre préjudice.
La plus grande asseurance que je vous puisse donner de la bonne
santé de S. M. est le voyage qu'elle faict en Picardie, où j'ay l'honneur
47-
372 LETTRES
de la suivre. J'espère qu'il ne sera pas inutile, et que les Espagnols ne
seront pas sy heureux de ce costé qu'ils l'ont esté en Italie, où je vou-
drois pouvoir estre, pour partager avec vous la peine et les soins con-
tinuels qu'il faut que vous ayés, comme aussy pour vous asseurer de
vive voix qu'il n'y a personne au monde qui vous estime ny qui soit
avec plus de passion e^de sincérité que mov,
Monseigneur,
Vostre très humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Pontoise, ce 26 mai 1689.
CCIV.
Arch. des AÉF. étr. France, 1689 (supplément), fol. 188. — Minute.
A M. DE CHA VIGNY.
De Pontoise, ce 26° mai i63g.
Bien que vos lettres me fassent trop cognoistre l'aveuglement de
Madame pour en douter, il m'est impossible de le croire. Ceux qui
l'aydent à prendre de sy mauvais conseils sont, ou moins qu'enfans, ou
plus que diables. Asseurément le cardinal de Savoie et le prince Tho-
mas font intimider d'une part Philipes et la Monta, qui, ont autres
fois esté attachez à eux; et d'autre part les flatent de vaines espérances
qui ne peuvent estre receues que par des personnes du tout destituées
de jugement.
Je croy que cette despesche trouvera Madame changée; si elle ne
l'est, je ne sache point d'autre remède que de luy parler franchement
des négociations qu'on peut soupçonner qu'elle faict; de luy dire que,
si elle peut subsister seule, le roy y consentira volontiers, pourveu
qu'elle n'agisse point à cachette , et ensuitte luy faire cognoistre que
vous aurés charge de vous retirer, et le secours du roy quand et quand.
Le procès de M' de La Valette fut hier jugé tout d'une voix'. Le
' On sait que la chose n'alla pas si facilement et si unanimement que Richelieu veut
le faire entendre ici.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 373
roy trouva bo» que je n'y feusse point, à cause de ralliance'. Estant
condamné à mort, comme il l'a esté, son bien est confisqué, mais il
sera réservé pour M' le cardinal de La Valette, comme il le peut
croire. Cette affaire s'est trouvée plus sale que nous ne pensions;
quant à l'autre que vous sçavés, elle continue tousjours.
Les affaires d'Allemagne vont à souhait, et de telle sorte que, si
Madame se veut ayder tant soit peu, j'espère que, devant qu'il soit
un an, nous la remettrons dans tousses Estats. Sinon la main de
Dieu est sur elle.
Nous sommes parjis pour Abbeville, Hedin est assiégé; j'espère
que nous en aurons bonne yssue. M' de La Melleraie , suivant sa lettre,
y a receu une mousquetade, mais sy favorablement qu'ayant percé
son baudrier, la baie est demeurée dans son colet de bufle. M' de
Feuquières est dans le Luxembourg, et je croy qu'au premier jour
nous aurons nouvelles qu'il aura commencé ce que vous sçavés ^.
CCV.
- Arch. des Aff. élr. Turin, t. 28, fol. AyS.
Mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 347, fol. 180 v°.
Copife.
A M. DE CHAVIGNY.
ÂbbevIlle, 2 juin 1639.
Nous avons receu vostre despesche du 2 5 mai '; la response sera
courte, mais satisfaisant à tous les points d'icelle.
' Louis XIII n'eut pas pour lui-même
ce scrupule ; le duc de La Valette , qui était
marié à une petite cousine de Richelieu,
avait épousé en premières noces une sœur
naturelle du roi, et, malgré cette parenté,
non-seulement Louis XIII voulut présider
la commission, mais il imposa aux juges
une condamnation à laquelle plusieurs
résistaient.
' Le siège de Thionville. Feuquières
perdit, le 7 juin, devant cette place, une
bataille, où il fut blessé et fait prisonnier.
Une lettre de M. de Choisy, intendant de
son armée, annonça ce malheur à la mar- .
quise de Feuquières; cette lettre est im-
primée dans le recueil publié par M. Et.
Gallois, t. I , p. 23a.
' Elle est conservée aux Arch. des AU'.
374 LETTRES
Le roy, qui l'a voulu voir, estime que le moindre deppost que Ma-
dame puisse faire entre ses mains est de Carmagnole, Quérasque,
Savillan et Revel.
S. M. a fort approuvé que vous n'avés point voulu par deppost
d'Albe et de S^-Ya pour les raisons que vous mandés; mais elle désire
et entend, ainsy que vous le proposés, que les places que ses armées
prendront ou secourront demeurent entre ses mains, sans plus s'en
confier à Madame, qui les laisseroit perdre, comme elle a faict le
reste. Mais ce n'est point chose qu'il faille mettre dans le traicté; il
suffit qu'il n'y ait rien qui exclue la justice de ce dessein, qu'il faut
exécutter à mesure que l'occasion s'en présentera.
Ayant le deppost des places ci-dessus, il y faut faire travailler soi-
gneusement et diligemment, les munir de vivres et de munitions de
guerre.
Je vous conjure aussy que nous n'ayons plus la teste rompue de
Pignerol, et que l'on y fasse tout ce qui se pourra, puisque nous
consentons que l'on prenne 3o,ooo escus que vous avés demandez.
Dieu veuille que le serment de ceux de Conis soit bien gardé à
Madame; mais, à vous dire le vray, je croy qu'il le sera au plus
jusques à ce qu'ils voyent les ennemis proche d'eux. Si j'estois en sa
place je m'en rendrois maistresse, ce qui ne me sembleroit pas diffi-
cile, pourveu qu'on l'entreprist avec un secret impénétrable.
Quoyque Revel ne soit rien en eflfect, il ne laisse pas d'estre important
pour asseurer aucunement le passage des vallées, et elle ne peut estre
refusée qu'à mauvais dessein, ce qui faict qu'il est important de l'avoir.
Le peu d'asseurance qu'on pourra prendre en la volonté de ceux
de Conis, qui veulent estre maistres d'eux mesmes, et par conséquent
libres de faire ce qu'ils voudront , faict que le roy ne peut en façon
du monde soustenir les affaires d'Italie, sans estre jjossesseur par dep-
post de Savillan, qu'il faut avoir par conséquent.
étr. dans le manuscrit de Turin, P 889. avait écrites les i3 et 17 mai. C'est celle
Cette lettre de Chavigni était elle-même que nous avons citée au commencement
une réponse aux lettres que Richelieu lui de la note de la page 3-jo.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 375
Lorsque je, considère que quand Madame donnera Carmagnole,
Quérasque et Savilian, elle ne donnera rien que les places où les
François sont desjà presque les maistres, je ne tire pas grand argu-
ment du. changement de sa volonté, mais seulement de ce que la
nécessité la contraint de faire semblant de donner volontairement
ce qu elle ne peut plus tenir, et ne le donnant que pour avoir les
conditions qu'elle obtiendra par le traicté; sans lesquelles elle ne
sauroit subsister, de façon que, s'il luy faut donner beaucoup pour
obtenir d'elle les susdites conditions, on achètera bien cher ce que
nous avons desjà en nos mains; mais il faut quelque fois faire des
choses qu'on juge peu raisonnables, parce qu'elles importent à la ré-
putation. Vous saurés bien prendre les avantages du roy au salut de
Madame et de Monsieur son Fils.
Je vous avoue que je me mesfie fort du comte Philippe et de ses
chimères ; s'il est sy misérable et sy aveugle que de traicter avec les
ennemis de Madame, il se perdra certainement et elle aussy, en se
voulant sauver. Je suis bien aise que l'abbé de la Monta change de
conduite; il n'y a salut pour luy, pour sa parenté et pour Madame,
que dans une estroite liaison avec la France.
Si Madame considère ce que le roy faict pour elle et ce qu'elle a
faict contre elle mesme par ses irrésolutions et les foibles conseils
qu'elle a receus et pris, elle verra que, comme elle n'a rien obmis
pour se perdre, le roy n'oublie rien de ce qu'il peut pour la sauver.
Il est à propos de vous souvenir de bien obliger Madame par le
traicté, moyennant ce que le roy luy donne, d'entretenir de sy fortes
garnisons et de gens sy asseurez dans les places dont elle entre-
prendra la garde, qu'il n'en arrive pas d'inconvénient comme il a faict
par le passé.
Souvenés-vous aussy qu'il faut avoir, ainsy que vous avés mandé
que Madame en est demeurée d'accord, pleine liberté de loger les
troupes du roy dans le Piedmont pour la conservation des Estats de
M' de Savoie.
Toutes les despesches que vous avés receues de nous depuis que
376 LETTRES
vous estes parti , vous instruisent sy amplement des pensées que nous
avons de deçà qu'il ne me reste rien à adjouster à celle-cy.
Je suis ravy de voir que M' le cardinal de La Valette espère de re-
prendre Yvrée, munir S*-Ya et secourir Trin.
M'' de Longueville passe asseurément avec ses troupes \
Nous sommes icy à Abbeville au siège de Hesdin, dont la place se
trouve le plus régulièrement fortiffiée du Pays-Bas, et la mieux munie;
et cependant l'armée du roy qui l'investit le 20""" de may a en dix
jours formé la circonvallation , et poussé les attaques delà place sy
vivement que cette nuit on s'est rendu maistre de la contrescarpe des
deux costés. J'espère que dans la Saint-Jean nous penserons à quel-
qu'autre entreprise; il n'y a que d'aller vivement en besogne.
Le lendemain , 3 juin , Richelieu écrivait à Chavigni un billet qui est conmie
le postscriptum de la lettre du 2. Manuscrits cités aux sources : Turin, f° 48o,
minute de la main de Cherré. — Harlay, f" 1 83 , copie.
Je n'adjouste ces trois mots que pour vous asseurer de mon affec-
tion que vous trouvères telle que vous la cogneustes au partir, et vous
dire qu'un mémoire de M"' d'Hémery nous a relevés d'une peine en
la quelle vostre despesche du 26 may nous avoit laissés dans l'incerti-
tude que vous passassiés vostre traicté sans avoir Savillan, ce que le
mémoire du s' d'Hémery faict bien voir que vous tle ferés pas, en ce
qu'il nomme desjà le gouverneur de la garnison qu'il y faudra mettre.
Vostre fils s'est un peu blessé , mais ce n'est rien grâces à Dieu.
CCVI.
Bibl. imp. Fonds Béthune, 9337, fol. 216. — Original.
LETTRE DU ROI AU DUC DE WEYMAR.
3 juin 1639.
Mon cousin, l'intérest et l'affection que je sçay que vous avés au
' «Les troupes de M. de Longueville Richelieu, le 10 juin. (Ms. des A£f. étr.
commencent à arriver, écrivait Chavigni à cité aux sources, foi. 5 18.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 377
progrez de mes armes m'oblige à vous faire part des desseins aux-
quels j'emploie, pour le commencement de cette campagne, mes prin-
cipales armées.
La première est attachée depuis dix ou douze jours au siège de
Hesdin, qui est une des plus fortes places du Pays-Bas, et mon cou-
sin le grand maistre de l'artillerie en avance l'attaque avec telle dili-
gence qu'il a, depuis deux jours, gaigné la contrescarpe. J'ay voulu
aller aujourd'huy moy-mesme recognoistre Testai des lieux et de la
place, aiant résolu d'establir mon séjour en ces quartiers pour ap-
puyer celte entreprise , à laquelle les ennemis vont faire tous leurs
efforts pour s'opposer.
La seconde de mes armées, commandée par le s' de Feuquières,
assiège Th ion ville, dont l'importance vous est sy bien cogneue qu'il
n'est pas besoin de vous dire que ce dessein, aussy bien que celuy
de Hesdin, sont des plus considérables qui se puissent faire, et les
plus capables de donner lieu à mes alliez d'agir puissamment de leur
costé contre les ennemis; et je vais faire presser sy vivement l'un et
l'autre que, Dieu aidant, l'on en verra bientost une heureuse issue.
De quoy j'ay estimé d'autant plus nécessaire de vous informer que
je suis bien averti que l'ambassadeur Grossius, par mauvaise volonté,
ou par une ignorance grossière, qui ne peut recevoir d'excuse, a esté
sy inconsidéré que de mander en divers endroits que mes forces
n'estoient pas en estât de beaucoup avancer les affaires de la cause
commune. Je souhaitte que chacun s'y employé aussy utilement et
avec des résolutions aussy constantes que je fais de ne rien obmettre
pour le bien public.
Pour ce qui est de vous, mon cousin, je suis bien'asseurè que
vous y contribuerès de tout vostre pouvoir, et qu'il n'est pas besoin
de vous exhorter de n'y perdre aucun moment de temps, puisque
un des meilleurs moyens de prendre avantage sur les ennemis est
de les prévenir.
J'allendray désormais avec impatience de savoir vostre marche en
campagne. Et ce pendant je n'adjousteray rien icy que pour prier
CARDIN, ue RICBELIED. — VI. 48
378 LETTRES
Dieu qu'il vous conserve tousjours, mon cousin, en sa sainte et digne
garde.
Escrit au camp devant Hedin, le 3 juin 1689 ^
LOUIS.
SUBLET.
CCVII.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46 , fol. 56 v°. — Copie».
Âbbeville, 8 juin 1689.
A M. DE RHEIMS'.
Monsieur,
Le roy m'a commandé de vous escrire que vostre voyage de Sedan
luy auroit donné autant de lieu de douter de vostre religion , si vous
' Celle lellre est contre-signée par le
secrélaire d'État de la guerre, mais ce n'est
pas là le slyle, souvent embarrassé et tou-
jours emphatique de de Noyers. « Le roy,
parti à 5 heures du malin d' Abbeville pour
PIcsdin, ne fut pas plustost arrivé que l'on
commença les baleries plus rudement que
jamais. . . Le roy, après avoir pris ses repas
avec quelques seigneurs et couché dans la
tente du grand-maistre. . . partit du camp
le lendemain pour celte ville, où il arriva
hier sur les cinq heures du soir, u ( Gazette
du 11 juin, rubrique Abbeville, p. 3o8.)
Louis XIU mil quelque coquetterie à dater
sa lettre du camp, mais la journée qu'il
y passa, toute remplie d'opérations mili-
taires, ne lui permit guère de s'occuper
d'autre chose. Cette lettre , préparée par
le cardinal, fut sans doute signée au re-
tour du roi à Abbeville. Remarquons, en
passant, que Richelieu ne manque jamais
l'occasion de maltraiter Grotius. Nous ajou-
terons que la Gazette nomme tous les per-
sonnages de quelque importance qui se
trouvaient avec le roi ce jour-là au camp
devant Hesdin, et qu'elle ne parle pas de
de Noyers.
^ Nous trouvons , dans le manuscrit de
Colbert , celte note marginale : « Copie faite
sur une minute originale de la main de
Cherré, el aposlillée de la main de M. le
cardinal de Richelieu. »
' Henri de Lorraine, lils de Charles de
Lorraine duc de Guise, alors exilé à Flo-
rence (voy.t. 1, p. 3ai), et de Henriette-
Catherine de Joyeuse. Né à l^aris , en 1 6 1 A,
il fut doté dès le berceau de nombreux
bénéfices; en 162g, âgé de quinze ans à
peine , on le nomma archevêque de Reims ,
mais jamais il n'entra dans les ordres , et
trois évéques firent successivement pour
lui les fonctions archiépiscopales. (Gall.
christ, t. IX , col. 1 60.) — Le cardinal faisait
écrire par le roi au duc de Guise , le 3o no-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
379
n'estïés d'une maison qui a tousjours esté très catholique, comme la
vie que vous avés menée par le passé eust faict cognoistre à tout le
monde que vous ne vouliés point estre ecclésiastique, quand mesme
vous ne l'auriés pas déclaré hautement, comme vous avés faict. S. M.
qui a tousjours eu inclination pour vostre personne, est très faschée
de la conduite que vous avés prise. Pour moy, vous savés bien ce
que je vous en ay dict autrefois en particulier, et les conseils que je
vous en ay donnés en vray ami. Je n'ay rien maintenant à y adjouster;
mais bien à vous tesmoigner, comme je fais, le desplaisir que j'ay de
ce qu'en les mesprisant vous ayés voulu vous rendre auteur de vostre
perte. Je vous puis asseurer qu'aucun n'en sauroit estre plus fasché
que moy, qui suis véritablement.
Monsieur,
Vostre très humble serviteur.
verubre 1 687, que son fils l'archevêque de
Reims ne pouvait attendre aucune grâce,
s'il ne vivait bon ecclésiastique (Bibl. imp.
Clairanibault, I. g4, fol. 63 17). Richelieu a
Tait quelquefois de vertes réprimandes à cet
archevêque; nous avons trouvé une lettre
du duc de Guise, qui remercie le cardinal
de sa sévérité. Écrivant à Son Ém. le
1 3 mars 1 638 , de Florence , le duc disait :
« Je me sens si extresmement obligé aus
bons conseils qu'il vous a pieu donner à
l'arcbevesque de Rheims que je vous pro-
teste de le reconetre par toutes sortes de
servises. Je vous suplie très-humblement de
vouloir continuer à mon fis celé rigidité . . .
vostre protection luy est si nécesscre o
salut de son âme et de sa réputation, que
je le liens absolument perdu si V. Em. ne
continue pas d'en avoir soin*.. .. » On a
vu par une lettre adressée à Chavigni , le
6 septembre i638 (ci-dessus p. i5i ), que
les avertissements de Richelieu avaient
obtenu peu de succès, et l'on voit ici que
le cardinal renonce à donner à ce jeune
homme des conseils inutiles. Celte lettre
nous apprend encore qu'en juin i638
Henri de Lorraine était auprès du comte
de Soissons, lequel s'était retiré mécontent
à Sedan dès 1637; il prit part à la révolte
de ce prince en 1 64 1 , et fui déclaré cri-
minel de lèse-majesté, le 6 septembre de
la même année.après l'affaire de la Marfée.
Il ne rentra en grâce qu'après la mort de
Louis XIII, en août i643. Son père et son
firère aîné, le prince de Joinville, étant
morts, il se nomma duc de Guise et prince
de Joinville, et embrassa la carrière des
armes ; deux fois marié et séparé de sa se-
conde femme, il continua de mener une
vie aventureuse et fort irrégulière jus-
qu'à sa mort, arrivée en 1664. (Voy. le
P. Anselme, 1. 111 , p. 488 , et t. VIII , p. 457.)
* .trchivo des Affaires (étrangères , France , de janvier en juillet , i638, folio 85.
48.
380 LETTRES
CCVIII.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4°, p. iSy. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
D'Abbeville, ce lo'juin 1639.
Mon Cousin, Je vous dépesche ce courrier pour vous donner avis
d'une déroule qui est arrivée à M" de Feuquières par le défaut de sa
cavalerie, qui a tourné le dos au lieu de combattre; l'infanterie a faict
des merveilles, mais un coup de canon , qui emportant le bras à M' de
Feuquières l'a porté par terre, a faict perdre cœur à ceux qui estoient
demeurés avec luy'; la cavalerie s'est toute sauvée. Nous ne savons
encore ce qu'il y a d'infanterie perdue. On dict que Navarre a faict des
merveilles. Vous ferés passer cet accident dans l'armée le plus douce-
ment que vous pourrés. Médavi est dans Metz, qui ramasse l'infanterie
qui se retire. Deux régimens qui n'estoient point au combat ont esté
jetés dans Verdun. M' de Chastillon s'avance à Mesières.
Vous voyés par là ce que vaut la perte d'un chef en une entreprise.
Conservés-vous , je vous prie, ethastés vostre siège le plus que vous
pourrés. ,
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCIX.
Bibl. de l'Arsenal, Hisl. 186, in-à°, p. i4o. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
Abbeviile, ce 12 juin 1639.
Après avoir oui' le s' de Ville, je croy, comme vous, que ce que
' Le bruit avait même couru que Feu- rompu d'un coup de mousquet. Il a faict
quières avait élé tué; dans une lettre du merveille de sa personne, ayant combattu
1 3 , au même La Meilleraie , Richelieu di- plus d'une demi-heure après estre blessé. »
sait : 0 M. de Feuquières n'est point mort, (Lettre indiquée aux analyses.)
il est prisonnier à Thionville avec un bras
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 381
vous avés de retranchemens suffira, puisque je ne croy pas que les
ennemis y viennent; mais ils ne sont pas en estât, s'ils venoient forts,
de pouvoir estre bien deffendus, et partant, puisqu'on n'y v.eut pas
plaindre l'argent, que vous avés abondance de gens et que cela faict
gaigner les soldats, j'estime qu'il faut absolument fortiffier vos lignes
en creusant et eslargissant le fossé et jetant la terre en dedans pour
rendre le parapet fort et plus élevé'. Je vous prie donc absolument
de le faire, comme aussy de racommoder les forts qui en auront
besoin, et rendre la batterie que le roy a ordonnée bonne; je -vous
en prie parce que la raison le veut, et que le roy ira disner mercredi
au camp, si les mines sont prestes à jouer. J'ay donné cbarge au s"" de
Ville de ne bouger de là pour 'aider à avancer les travaux; il y faut
mettre looo ou 1200 Suisses, afin que ie roy trouve cela avancé.
On estime qu'il faut une batterie dans le fort de Gassion, et, si vous
m'en croyés, vous mettrés vos gabions remplis de terre aux heures
où vous les estimerés plus nécessaires. Je vous prie de ne manquer à
ce que dessus pour l'amour de moy. . .
Presque aussitôt après cette lettre écrite, Richelieu- adressait ce billet à M. de
La Meilleraye.
J'ay sy grande envie que les travaux dont je vous ay escrit par le
s' de Ville soient racommodés promptement que je vous envoie
IVi' l'évesque d'Auxerre pour les haster, afin que tout soit en sy bon
estât dans mercredy ou jeudy, que le roy faict estât d'aller à l'armée ,
qu'il n'y puisse trouver à redire et qu'il voie que vous avés faict mer-
veille.
Le Card. DE RICHELIEU.
Il n'est pas sans intérêt de voir avec quel soin un homme occupé de si grandes
affaires s'appliquait à rechercher, jusque dans les moindres détails, ce qui pou-
' Le 1 3 juin La Meilleraie répondait sir de Richelieu , mais qu'il était impos-
que, dès le lendemain, on travaillerait en sible de mettre du canon dans le fort de
diligence à fortifier les lignes, selon le de- Gassion.
382 LETTRES
vait contribuer au succès de ce siège. Nous trouvons encore à la bibliothèque de
l'Ai-senal ce fragment d'une lettre adressée aussi à La Meilieraie :
A voir Je plan de Hesdin comme nous l'avons, il semble que si
vous abattiés les bois, comme vous le proposés fort à propos, entre-
laçant les arbres, et que du costé d'Arras vous faciès des lignes, des
redoutes et quelques forts, depuis la Cancbe jusqu'à la Tournois,
les ennemis ne sçauroient secourir la place, particulièrement si, ren-
forçant la garnison de Dourlans de quelque cavalerie, elle est en
estât d'empescher que de petits secours ne passent entre la Cancbe
et l'Authie, où de grands secours ne sçauroient venir à cause des ma-
rais. Il faut, à mon advis, estre soigneux de couper les guais qui se
trouveront entre Montreuil et Hesdin sur la Cancbe.
Ce fragment, en copie, n'est point daté, et on l'a classé, dans le manuscrit
cité aux sources, entre une lettre du ii juillet et une autre du 12 (p. 200)
c'est évidemment une erreur; Hesdin fut pris le 29 juin, et ce fragment doit
avoir été écrit un peu avant le 16, jour où l'abatis dont parle Richelieu était en
pleine exécution. (Voy. lettre 211, p. 386.)
ccx.
Arch. des Aff. élr. Constanlinople, t. 5, fol. 63. — Mise au net.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. 4/15. — Copie. —
Saint-Germain-Harlay, 346, fol. 437 v°. — Copie.
SUSCRIPTION :
MÉMOIRE AU S" DE LA HAYE,
CONSEILLER DU ROÏ EN SON CONSEIL D'ESTAT ET AMBASSADEUR DE S. M. EN LEVANT.
i3 juin 1639.
Sur ce que le s'' de Cèsy a mandé, par ses dernières dépescbes,
qu'il a eu avis de bonne part que l'intention du Grand Seigneur est
de faire la guerre contre les Vénitiens, ou, s'il les admet à le satis-
faire sur le sujet des galères de Barbarie, que Sa Hautesse ne laissera
pas de porter la guerre dans la Cbrestienté, et que son dessein pour-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 383
roit estre d'attaquer Malthe , S. M. a commandé le présent mémoire
estre envoyé au d. s"' ambassadeur.
Le roy désireroit généralement (jue le G. S. ne tournast point ses
pensées ny ses armes vers la Chrestienté, dont peut-estre il sera di-
verti par la continuation de la guerre de Perse; et spécialement S. M.
seroit bien aise que les Vénitiens ne fussent point attaqués, ainsi que
ce d. s"' ambassadeur sçait, de sorte que, si ce prince est tout à faict
résolu de faire la guerre contre les chrestiens, il faut essayer de dé-
tourner l'orage de dessus les Estats de la république de Venise, s'il
se peut, et le faire tomber ailleurs; mais, comme l'offense qu'il croit
avoir receue d'elle est la première cause de son mouvement à cette
guerre, et que son dessein est d'en tirer raison, il faut trouver un
moyen par lequel il ayt satisfaction , sans qu'il fasse la guerre aux
Vénitiens.
Peut-estre aussy qu'il veut avoir la Candie comme autrefois Selim,
un de ses prédécesseurs, voulut avoir Cyprès, qu'il conquit sur eux,
nonobstant qu'ils fussent ses alliés, à quoy il se pourroit encore
trouver un expédient.
11 faudroit donc représenter au G. S. que c'est un grand avantage
à S. H. pour tout ce qu'elle voudroit entreprendre en la Chrestienté
contre la maison d'Autriche, perpétuellement ennemie de la Porte,
que d'avoir l'empereur de France, le roy d'Angleterre, la république
de Venise et M" les Estats pour alliés; lesquels, dans les guerres
qui luy peuvent survenir avec la d. maison, ne l'assisteront jamais pour
le respect de leur alliance et confédération avec le G. S., quoyqu'elle
leur demande secours, comme si S. H***^ attaquoit le nom chres-
tien et comme si^ la cause estoit commune entre la d. maison et
tous les princes chrestiens; au lieu que si la d. confédération cessoit,
ils assisteroient sans doute la d. maison d'Autriche par mer et par
terre, dans les occasions où elle auroit besoin de secours contre
le G. S.
Que S. H. est donc obligée , par sa parole et promesse inviolable et
pour son propre bien, à observer exactement la d. confédération, et
384 LETTRES
conserver tous les alliés , en sorte que par aucune mésintelligence
ils ne s'en départent.
Il est bien vray aussy qu'ils doivent estre de leur part très soi-
gneux de la garder ponctuellement et ne luy donner aucun sujet de
mescontenlement; que, dans l'affaire dont est question, les Vénitiens
ont esté bien fondés de donner la chasse aux corsaires d'Alger qui
estoient entrés dans le golfe, et, s'il y a quelque chose à leur im-
puter, c'est d'avoir esté emportés de chaleur à poursuivre leur proie
jusques dans un port et sous une forteresse du G. S. Ce qui se peut
néantmoins excuser sur ce que , sans cela , tout leur labeur à' pour-
suivre les dicls corsaires demeuroit infructueux, et mesme ils avoient
à craindre qu'ils vinssent dans leur golfe, à l'impourveu, leur faire
quelque notable dommage.
Quoy que c'en soit, tout ce que pourroit faire le G. S. contre ses
plus capitaux ennemis, pour ressentiment d'une pareille action, seroit
. de leur faire la guerre ; mais il ne semble pas équitable qu'il traicte
de la mesme sorte une république alliée de Sa Porte et qui offre de
luy donner tout contentement.
Que s'il veut porter la guerre dans la chrestienté et y faire des pro-
grès, il peut, sans encourir le blasme d'attaquer une république amie
et son alliée, tourner ses armes contre le royaume de Naples, ou la
Sicile, qui sont à la veue de ses Estats et où il peut faire des con-
questes qui luy seront plus faciles sur les Espagnols que celles qu'il
voudroit faire sur les Vénitiens. La raison est que ceux-cy, n'estant
engaigés à présent en aucune guerre, ont moyen d'opposer toutes
leurs forces au G. S. lesquelles ne sont pas petites, et qu'outre cela
• la nécessité de se deffendre les obligera de se lier avec les Espagnols
pour estre assistés d'eux.
Que cette république remuera ciel et terre pour faire la paix
entre les princes chrestiens afin d'estre plus puissamment secourue
des Espagnols, des rois de Hongrie et de Pologne, du pape, et de
tous les autres princes; au lieu que , s'il tourne ses armes vers le
royaume de Naples ou la Sicile, il n'aura point sur les bras les forces
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 385
de la république , qui demeurera dans son alliance , et il n'aura que
les Espagnols à surmonter, ce qui ne sera pas malaisé , estant occu-
pés comme ils sont par les armes du roy en Italie, aux Pays-Bas et en
Espagne, sy bien qu'ils ont assez de peine à se défendre contre S. M.
en tant de lieux.
Le G. S. ne doit point craindre que le prétendu empereur d'Alle-
magne luy fasse une diversion du costé de la Hongrie , parce qu'il est
aussy de sa part assez occupé à se défendre contre le roy et la reine
de Suède. Et, pour l'occuper encore davantage, le G. S. peut accorder
au Rakocy ^ ce qu'il désire, afin de commencer la guerre contre le d.
empereur d'Allemagne.
Qu'en exécutant ce dessein le G. S. a moyen de tirer satisfaction
des Vénitiens, mais telle qu'il peut exiger d'une république amie, el
s'en prévaloir utilement , l'obligeant à l'assister de toutes ses galères
et galéaces dans l'entreprise de Naples ou de Sicile. Ce sera une très
avantageuse réparation pour luy de la perle des galères de Barbarie
et de l'offense qu'il prétend avoir receue de la d. république.
Si le G. S. est résolu d'avoir la Candie, comme estant proche de
ses Estats, cela se pourroit faire par la conqueste de la Sicile ou du
royaume de Naples, ou de partie de l'un ou de l'autre, qu'il donne-
roit aux Vénitiens en eschange de la Candie, dont la prise luy seroit
beaucoup plus difficile, ayant les forces des Vénitiens opposées et
soutenues de celles d'Espagne et autres, que l'entreprise de Sicile ou
de Naples, les ayant joinctes aux siennes.
La république de Venise doit plus tost consentir à ce parti que se
résoudre à soustenir seule l'elfort du Turc, veu que présentement elle
se mettra à couvert de l'orage et gaignera le temps qu'il faudra pour
venir à bout de cette entreprise, dont mesme la seule crainte doit
obliger la maison d'Autriche à faire la paix, et ainsy la d. république
pourroit sortir de l'affaire où elle est embarrassée , et la Chrestienté
en tireroit un grand fruict.
' Voy. ci-dessus, p. 323.
CAIU>1N. DE mCRELIED. — ÏI. ■ 4g
386 LETTRES
Si les Vénitiens hésitent à joindre leurs forces à celles du G. S. il
les y contraindra sans doute en leur proposant résolument ou la
guerre ou cette jonction.
Le d. S' ambassadeur pourra donner parole au G. S. que, pen-
dant qu'il sera occupé et les Vénitiens avec luy, en la susdicte con-
queste, le roy tiendra dans la mer Méditerranée une puissante armée
navale de galères et galéaces potir empescher les secours que les Es-
pagnols voudroient mener en Sicile, ou au d. royaume, outre que
S. M. leur continuera la guerre puissamment par terre en Italie,
Flandres et Espagne , et contre le roy de Hongrie en Allemagne , comme
feront aussy la reine de Suède,. et M" les Estats généraux.
Les Vénitiens trouveroient leur compte en l'entreprise du royaume
de Naples, l'attaquant par leur golfe, comme il leur seroit fort com-
mode, et au Turc aussy, parce que les places et provinces qui sont
sur le d. golfe seroient fort en leur bienséance.
Le d. S' ambassadeur juge bien que l'intention du roy n'est point
que le royaume de Naples, la Sicile, ou Candie tombent entre les
mains du Turc, mais seulement que fapproche de ses armes con-
traigne la maison d'Autriche à faire la paix.
Il destournera le G. S. de l'entreprise de Malthe, comme plus dif-
ficile qu'aucune autre, parce que tous les princes chrestiens s'inté-
resseroient opiniastrement à la conservation de cette isle et le roy
mesme.
Il prendra la meilleure occasion qu'il pourra pour faire entendre
au G. S. ou au premier visir, ce que dessus. Le s' de Césy a escrit
que S. H. fera demander aux ambassadeurs si, en cas qu'elle fasse
la guerre à la république de Venise, leurs maistres l'assisteront, ce
qui donneroit ouverture au d. s' ambassadeurs de luy parler confor-
mément au présent mémoire, le contenu duquel doit estre tenu fort
secret, en sorte que le bayle n'en puisse rien pressentir. Le s' de Césy
pourra départir ses bons avis au d. s'' ambassadeur pour l'exécution
d'iceluy.
Si le G. S. le presse de dire positivement si le roy assistera la ré-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 387
publique ou non , il respondra qu'il ne peut pas savoir l'intention
précise de S. M. sur ce sujet, mais que son sentiment, pour le bien
et avantage du G. S. et pour la conservation de l'alliance que la ré-
publique a avec luy, est tel que dessus; que si S. H. désire qu'il
escrive à S. M. pour savoir expressément quelle est son intention, il
le fera.
1 3 juin 1689, à Abbeville.
CCXI.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4°, p- 1^8. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
D' Abbeville , ce 1 6 juin lôSg.
J'ay esté très aise de voir M. de Noyers à son retour, et d'apprendre
par luy et l'abattis de bois et les retranchemens que vous faictes faire
entre ia Canche et l'Authie : j'espère par ce moyen, quand toutes les
forces de Piccolomini et du cardinal Infant, joincles ensemble, vien-
droient, qu'ils ne sauroient empescher le succès de vostre siège. Si
vous pouvés vaincre la difficulté qu'il y a à passer voslre fossé, vous
aurés pris la place devant qu'ils puissent estre à vous, et lors nous
serons sur nos pieds pour les aller chercher. Je sçay bien que vous
faictes tout ce qui se peut faire au monde pour surmonter celle dif-
ficulté du fossé, et je ne doute pas qu'en peu de temps vous n'en
trouviés l'invention.
On estime que vous aurés besoin de plusieurs petites pièces de
canon pour mettre dans vos retranchemens en divers lieux, au cas
que les ennemis viennent à vous. Vous y pcnserés, s'il vous plaist, et à
faire faire grand nombre de gabions pour vous en servir en temps ei
lieu de tous costés. 11 n'y a que la longueur du siège qui puisse at-
tirer les ennemis, et si vous pouvés estre maistre de la place dans la
S' Jean je croy que nous ne les verrons point. Cependant nous avons
dépesché un courrier à M' de Chastillon pour luy mander qu'il en-
49-
388 LETTRES
voye en diligence 2000 chevaux à Vervins , lesquels le courrier verra
partir devant que revenir.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Abbeville', 16 juin lôSg.
' Depuis cette lettre escrite nous venons d'avoir avis que Picco-
loniini commence à marcher en deçà, le i 2'"^ Nous croyons que M' de
de Chastillon , qui estoit à Mesières , aussy commence à revenir à nous
le 1 A ou le I 5 ; cependant nous luy avons dépesché pour luy mander
qu'il marche diligemment, et qu'en outre il envoyé devant, à plus
grandes journées, 2000 h. sous la conduite de M"^ de Saligny. Nous
n'oublions rien de ce qui se peut; vous en ferés autant de vostre
costé, et j'espère que nous aurons revanche de Thionvilie.
Le roy désire trois choses déterminément, qui seront toutes iaictes
en deux jours : la première est que vous fassiés doubler la ligne de-
puis le fort de Gassion jusques au bois, où il n'y a pas plus de 60 ou
80 toises, et qu'entre les deux lignes vous fassiés mettre une palissade,
ce que les Suisses feront aisément, le bois estant tout contre.
La seconde est que vous fassiés faire quelqu'épaule dans les angles
du fort de Gassion pour y mettre du petit canon.
La troisième que depuis la redoute de l'Epine jusques à la Ternoy
vous fassiés parachever la ligne, si elle n'est faicte, et si elle est faicte
que vous la fassiez bien fortiffier.
Voilà ce que désire S. M. Pour moy, j'escris à M"^ d'Auxerre pour
continuer vos travaux entre la Canche et l'Authie. Nous avons envoyé
quérir douze petites pièces de canon à Amiens, que nous ferons
rendre au camp, s'il plaist à Dieu, avec des chevaux que nous pren-
drons icy.
Nous travaillons à y envoyer de l'avoine; vous devés y avoir, en
biscuit, à ce que Rose vient de me dire, pour i 2 jours dans le camp;
et il m'a asseuré que, de demain en avant, il y auroit tousjours pour
' Dans le manuscrit de l'Arsenal (p. i^5) séparée, et on l'a classée avant celle dont
on a fait, de celte addition, une lettre elle est une sorte de post-scriptam.
DU CARDINAL DE RICÛELIEU. 389
6 jours d'avoine. Fourvoyés à tout ce qu'il vous faut et ne vous tra-
vaillés pas trop.
CCXII.
Arcli. des AfF. élr. Pays-Bas, t. i3. — Minute de la main de de Noyers.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4°, p. i56. — Copie.
Bibl. inap. Cinq-cents Colberl, n° 45, fol. 1 16 v". — Copie. —
Saint-Germain-Harlay, 346, fol. 1 16 v°. — Copie'.
A M. DE LA MEILLERAIE.
U'Abbeville ^, ce 19 juin 1689.
Le roy dict qu'il estime que ce seroil une bonne précaution pour
empescher l'effort des ennemis du costé de l'abatls, si on faisoit une
redoute au milieu de la grande route qui vient du chemin de S' Orner
droit à Hesdin. Deux costés de la redoute flanqueroient à droite et à
gauche la ligne de l'abatis, et de front arresteroit les ennemis. Cette
redoute se pourroit faire avec force fascines et de la terre, qui se
trouvera plus facilement dans le grand chemin que dans le bois, à
cause des souches et racines qui empeschent de fouiller dans le bois.
Il faut en outre faire une grande tranchée au travers dudict chemin,
au devant de la redoute, affîn que, lorsque les ennemis la voudront
passer, on les puisse mieux mousqueter.
Je conjure M' le grand maistre de faire faire ce que dessus, et le
clayonnage, et ce promptement, à graisse d'argent, car à quelque
prix que ce soit nous voulons, avec l'aide de Dieu, et prendre Hesdin
et battre les ennemis.
J'ay envoyé aujourd'huy M. de Locnjaria' avec quarante de ses
' Une note du manuscrit de Hurlay au nom de lieu, il est donné par la copie
avertit que celte copie a été faite sur une de l'Arsenal, laquelle doit avoir été faite
pièce de la main de de Noyers. d'après l'original.
* De Noyers n'a point daté la minute; ' Il commandait une compagnie de la
Cherré a écrit en tète : « 19 juin »-. quant garde de Richelieu.
390
LETTRES
compagnons. Demain matin partent mes' chevaux-légers, qui doivent
estre"^ soixante. Cavois vous mène sa compagnie tout entière.
Le roy envoyé aussy demain ses mousquetaires et près de deux
cents chevaux de ses deux compagnies. On a envoyé quérir les deux
cents soldats des gardes qui sont à Ardres, qui iront droit à vous
en charriots. Tout ce que dessus bouchera un bon trou, et fera bien,
à mon advis, dans le bois, si les ennemis viennent par là, comme je
le croy.
On a envoyé de plus quérir huit cens hommes à Boulogne et à
Montreuil, et deux cens chevaux de Péronne et de Ham, qui sont
i'ort aguerris. On a envoyé quérir douze cents chevaux de M. de Chas-
tillon; mais je ne croy pas qu'il faille s'y attendre, parce que, si les
ennemis doivent tenter quelque chose, ils fauront faict devant qu'ils
puissent estre arrivez, et nous .sommes assez forts pour les battre"^.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' La minute met «les;» dans la copie
de l'Arsenal, faite sur l'original, il y a :
<mes;» Richelieu dit d'ailleurs lui-même
que cette lettre est de lui, lorsqu'on la
rappelant il écrit, dans sa troisième dé-
pêche du ig juin (ci-après, p. Sgi) : «Je
vous ay mandé, etc. »
' Dans le manuscrit de l'Arsenal il y a :
« combattre. » — On a vu et l'on verra encore
dans les pièces suivantes que le roi suivait
avec une grande attention tous les incir
dents du siège de Hesdin; il donnait con.-
tinuellement ses conseils au général ; Ri-
chelieu en faisait autant; tous deux, et le
roi surtout , avaient l'instinct et le goût des
choses de la guerre, comme on la faisait
le plus souvent alors, la guerre de sièges.
La veille du jouroù cette lettre était écrite ,
Richelieu en avait expédié trois à La Meil-
leraie, à quatre heures, à huit heures du
soir, et enlin une troisième, de Nover.s
tenant la plume. Dans la première, le
cardinal disait : « Picolomini a débandé,
sans que M . de Chastillon le sceust , 1 4 ou
i,5oo chevaux qui ont passé à Avesnes,
pour joindre le cardinal infant. Je ne croy
pas que l'augmentation de cette cavalerie
veuille manger nos retranchemens; mais,
quand ils en auroient envie, nous ne l'au-
rions pas de le souffrir. » Dans la lettre de
huit heures du soir, le cardinal donnait à
La Meilleraie de nouveaux avis pour l'avan-
cement de son siège, et l'encourageait de
son mieux : a Au nom de Dieu, lui disait-
il , ne vous tourmentés point pour la lon-
gueur de vostre siège; nul n'est prophète
pour deviner le temps précis de la prise
d'une ville ; il suffit de savoir, qii'avec
l'aide de Dieu nous la prendrons. » Et il
Unissait la lettre : « Soyez joyeux et vous
conservés pour l'amour de moy, qui vous
en conjure. » — « Depuis tout ce que nous
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 391
CCXIIl.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-/i°, p. 166. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
A Abbeville, ce 19 juin 1639, à /i heures du soir.
J'ai esté très aise d'apprendre que vos mines vont bien de tous
costés; j'espère que Dieu bénira vostre travail bientost. Le roy a esté
très aise de voir que de vous mesme vous ayés résolu de faire faire
une ligne de fascine et de terre derrière le grand abatis.
Ne vous amusés point à me faire response à toutes les lettres que
je vous escris'; mais faictes seulement ce qu'il faut faire, et si vous
avés besoin de quelques choses qui deppendent de nous, demandés-
les; si demain vos mines jouent, et qu'on fasse de bons logemens, je
m'imagineray estre dans. . .
Le Gard. DE RICHELIEU,
CCXIV.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-/i°, p. l'iy. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAIE.
D'Abbeville, ce 19 juin, à huit heures du soir.
Cette troisième lettre est pour vous dire que cette cavalerie qui
est venue à Douay n'est autre chose que le débris des troupes de
vous avons mandé et escrit aujourd'huy, lettre : «Je vous escrits ces lignes, M*' le
(lisait la troisième lettre, nous vous don- cardinal me faisant l'honneur de me les
nons avis qu'il a passé i,5oo chevaux de dicter.» Ces trois lettres sont notées aux
Picolomini , qui pourroient estre aujour- analyses.
d'hui à Arras Tenés-vous sur vos ' Durant ce siège, La Meilleraie écrivait
gardes, etc.! De Noyers terminait ainsi sa continuellement à Richelieu, et deux et
392 LETTRES
M' de Lorraine, qui ne montent pas à 1,000 chevaux, méchans, dé-
labrés et détestables.
L'assemblée des milices est assignée au 26"* de ce mois à S^-Pol.
Vous me mandés que dans trois jours, qui est mardi au soir, vostre
ligne de l'abatis sera faicte. M' d'Auxerre m'escrit que dans 6 jours
les forces des hauteurs d'entre la Canche et l'Authie peuvent eslre
achevés et les lignes aussy. Cela estant, le 2 5™* tout sera faict; et, en
ce cas, je désire que ces Messieurs vous viennent visiter.
Je vous conjure de ne perdre point de temps à faire paracliever
tous ces travaux.
Le roy vous envoyé ses mousquetaires comme je vous ay mandé; il
prétend que, s'il y a combat, ces gens-là soient auprès de vous, pour
que vous les envoyés en tous lieux où il faudra plus de résistance.
Vous n'oublierés pas de faire de grandes caresses à M' de Troisvilles,
qui est bien capable de tenir sa partie en un quartier périlleux.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCXV.
Arch. des Aff. étr. Pays-Bas, t. i3. —
Minute , dont la première page est autographe.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4°, p- lôg. — Copie.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. ii3 v°. — Copie '.
Saint-Germain-Harlay, 346, t. i, fol. iili- — Copie.
MÉMOIRE
POUR M. LE GRAND MAISTRE DE L'ARTILLERIE.
Ce 19 juin 1 63g.
C'est une question bien problématique, sçavoir si les ennemis ten-
teront de secourir Hedin à force ouverte; force raisons doivent faire
trois fois par jour; plusieurs de ses lettres de La Meilleraie aux mois d'avril, mai et
sont datées des heures de nuit. Le tome 1 3 juin.
des Pays-Pas, aux archives des Affaires '"Le manuscrit de Colbert, ainsi que
étrangères, contient beaucoup de lettres ceiindeHarlay,meltentcettenole:« Escrit,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. ' 393
croire qu'ils ne l'entreprendront pas, parce qu'ils ne le peuvent sans
témérité; la seule victoire de Tliionville les peut porter à un tel
dessein.
Mais , quoy qu'ils fassent , M' le grand maistre doibt se persuader
qu'ils viendront à luy avec toutes leurs forces, alïin de donner ses
ordres si précis, pour rendre leur dessein sans effect, que, lorsqu'ils
paroistront, il n'ayt rien à faire.
C'est chose très certaine que les ennemis ne peuvent faire que
dix mil hommes de pied d'infanterie réglée , et quatre mil chevaux.
Us peuvent ajouster à cela les milices qu'ils peuvent ramasser, et celte
nouvelle cavalerie de Forçasse'.
Ma pensée est qu'ils feront teste d'un costé, par exemple entre la
Canche et l'Authie, et qu'ils envoieront, en mesme temps, deux petits
corps pour secourir la place à la desrobée, l'un du costé de Gassion,
pour passer dans les bois par l'abatis; l'autre pour prendre le plus
grand tour qu'ils pourront vers les bois ou passages dont ils croiront
qu'on ne se doute pas, vers l'Authie, pour jeter dans la place cinq ou
six cents mousquetaires.
Il faut commander un corps de gens pour .se porter partout où les
ennemis se pré.senteront inopinément; il faut cavalerie et infanterie^.
Je croy qu'en ce mesme temps ceux de la ville feront la plus puis-
sante sortie qu'ils pourront; voilà, à mon avis, ce qu'il faut craindre.
Pour se prémunir contre tous ces desseins, je prie mons' le grand
maistre, aussitost qu'il aura receu les 18 pièces de canon qu'on luy
envoyé, d'en distribuer ce qu'il jugera à propos, avec leurs boulets
et munitions et officiers nécessaires, dans les forts et les batteries où
il en veut mettre, par exemple dans le Ibrt de Gassion, dans celuy
en partie, de la main de M' le cardinal de ' Ici finit l'écriture de Richelieu; le
Kichelieu. > — Le cardinal a adressé plu- reste est d'une autre main.
sietirs lettres à La Meillcraie le 19 juin, ' Ce paragraphe, donné par la copie
et dans aucune il ne parle de ce mémoire; de l'Arsenal, manque dans les copies de
la date serait-elle inexacte? Le chiffre dans la Bibliothèque impériale.
le manuscrit est douteux.
CAnOIN. DE RICHELIEU. — VI. • 5o
3n LETTRES
de Coislin, dans la batterie d'entre la Ternoy et la Canche, et autres
lieux où il voudra, et en réserver un bon nombre pour mener avec
luy au champ de bataille qu'il voudra prendre.
Je ie prie de destiner le mareschal de camp qui devra défendre la
tranchée, qui, à mon avis, doit eslre M"^ Lambert, avec les gens qu'il
doit avoir. Celuy qui doit défendre tout le costé de l'abatis du bois et
du fort de Gassion tout ensemble, avec aussy les gens qu'il doit avoir.
Celuy qui doit défendre tout Tentre-deux des rivières de la Ternoy
et de la Gauche, pareillement avec les gens qui luy sont nécessaires.
Et choisir les troupes qui iront avec luy au champ de bataille, et les
mareschaux de camp.
Gela faict, je croy qu'il est bon de voir s'il n'y a point quelque
ledoute à faire en quelque lieu pour s'opposer plus aisément aux
sorties que les ennemis pourront faire de la ville.
Il faut ensuite continuer, autant qu'on pourra, tous les travaux
nécessaires entre la Ganche et l'Authie, tant par abatis de bois,
lignes nécessaires en certains lieux que coupement de chemins, se
représentant que, lorsqu'une armée trouve ce qu'elle n'a pas préveu,
il faut peu de chose pour luy faire changer de dessein, tesmoin ce
qui arriva au secours que l'archiduc cardinal voulut faire à Amiens,
lequel ayant esté entrepris parce qu'il croyoit qu'à I-ongpré il n'y
eust ny retranchemens ny canon, il s'en retira aussytost qu'il cognent
le contraire.
M"^ le grand maistre avisera aussy s'il ne se peut rien faire pour
fortiffier le grand abatis du costé du fort de Gassion; savoir si on
ne pourroit pas abattre encore promptenieut des arbres, et les faire
tomber sur les premiers pour embarrasser de plus en plus, particuliè-
rement parle branchage, qui tient beaucoup de lieu, quand il est vert.
Une des choses à quoy il faut autant prendre garde, est à prendre
si avantageusement son champ de bataille que ie canon des ennemis
n'y puisse offenser nos gens, et loger sy bien nostre artillerie que les
ennemis ne s'en puissent garantir.
Je sçay bien que cela est très difficile en beaucoup de lieux, mais
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 395
je le remarque seulement afin que, s'il se peut, M"" le grand maistre
ne s'en oublie pas.
CONCLUSION.
Les ennemis ont battu M'' de Feuquières parce qu'ils l'ont surpris,
parce que les forces estoient en quartiers séparés, parce qu'il n'estoit
point retranché, et parce enfin que sa cavalerie n'a rien faict qui
vaille.
On ne surprendra pas M' le grand maistre, l'armée n'est point
séparée; elle est bien retranchée, el composée de la meilleure infan-
terie et cavalerie qui soit en France.
Et partant, au lieu que les ennemis ont esté battans à Thionville,
j'ose respondre que s'ils viennent à Hesdin qu'ils seront battus.
Il faut envoyer force partis à la guerre et loin, afin d'estre averti
à coup près de la marche des ennemis '.
Si les ennemis veulent tenter un grand secours sans rien hasarder,
ils viendront, à mon avis, prendre les meilleures hauteurs qu'ils
pourront vers le costé du fort de Gassion, et tascheront, tandis qu'ils
canonneront Jedict fort, de faire faire diverses attaques pour forcer
le hois par des mousquetaires qu'ils rafraischiront plusieurs fois.
J'estime que, s'ils prennent cette résolution, il sera aisé de se ga-
rantir de mauvais événement à force de gens qu'on aura à revendre,
s'ils ne font point de grandes attaques entre les rivières de Canche
et d'Authie.
Mons'' de Noyers vient d'ouvrir une invention de planter tout du
long de l'abatis, du costé de Gassion, des pieux, et, avec des
branches des arbres qu'on coupera, clayonner tout du long à la hau-
teur d'un mousquetaire, laissant à la hauteur qu'il faudra deux ou
trois doigts d'espace, pour passer le mousquet en guise de canon-
nière'-'. Cette invention me semble d'autant meilleure qu'elle peut
' Le tas. de Colberl et celui de Har- de Cherré. (Fol. i i6 dans les deux mss. )
lay s'arrêtent ici, el donnent ce qui suit ' La pièce finit ici dans les manuscrits
comme une pièce séparée , écrite de la main de Colbert et de Harlay.
5o.
396
LETTRES
estre exécutée en deux fois vingt-quatre heures par des Suisses, qui
seront bien aises de gagner de l'argent.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCXVI.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, I. 45, fol. 278. — Copie '.
D'Abbeville, ce 19 juin i63g.
Le roy a esté si estonné de sçavoir que ses armes, qui eussent
esté prestes si on eust voulu entrer dans le païs des ennemis à la my-
may, n'y soient pas entrées, ny au premier juin, ny au troisième, ny
au sixième, qui sont les termes qu'on avoit pris, qu'il m'a commandé
d'avoir un soin particulier de sçavoir qui sont ceux qui avancent ou
retardent ainsy ses entreprises. Puisqu'on porte toutes les forces de
Sa Majesté de ces quartiers là dans le Roussillon, il faut, à mon avis,
avoir deux fins devant les yeux : l'une de prendre, avec des brigades
de l'armée, la redoute de S' Ange, Salces* et Aupouls, s'il se peut,
comme on l'a proposé;
L'autre, de combattre, avec le principal corps de l'armée, les forces
des ennemis, qui sont foibles en ces quartiers-là, auparavant qu'elles
se puissent rassembler.
' Faite sur un original «de la main de
Cherré. » (Note du ms. de Colbert.)
' Le manuscrit ne donne point de sus-
cription ; on pourrait croire que cette lettre
était adressée à Mayola_, lieutenant des
gardes du cardinal, envoyé quelques jours
auparavant par Son Eminence en mission
auprès de M. le prince. Toutefois, si c'est
à lui que la lettre fut écrite , il est douteux ,
à cause de l'extrême lenteur des communi-
cations de ce temps-là , qu'elle l'ait trouvé
dans le Roussillon. En effet , il était de re-
tour à Paris avant le 27 juin, puisque ce
jour-là Richelieu le dépêcha au camp de-
vant Hesdin, pour lui rapporter des nou-
velles du siège. (Voy. ci-après, p. /io6.)
^ Bourg à quatre lieues de Perpignan ,
sans importance aujourd'hui, mais où il
reste encore des ruines de fortifications
que se disputèrent plus d'une fois les Fran-
çais et les Espagnols. — Opouls, que je
trouve encore écrit Apouls , dans les géo-
graphies du temps, est un petit village à
une lieue au nord de Salces. Ce village est
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 397
Ce serolt une grande honte de distribuer 26 mil rations de pain,
et emploier une armée de telle force à prendre une misérable place
comme Salées. Je vous escris cette lettre non pour que vous la ca-
chiés, mais afin que vous la monstriés à ceux à qui il appartiendra.
Je m'asseure que M' le Prince fera quelque chose digne de luy, et que
M. d'Aluin y fera ce qui sera de son pouvoir. Mais je ne comprends
pas quelle pensée a eu M. le Prince d'entrer sy tard dans le pays en-
nemy qu'il leur ayt donné le temps de faire la récolte, et de faire ve-
nir les forces qu'ils ont du costé de Fontarabie, pour s'opposer plus
puissamment à ses desseins. Les Espagnolz croyent tellement estre atta-
quez du coslé de la Guyenne que, si M' le Prince fust entré vertement
et de bonne heure dans le Roussillon, il eust eu temps d'y faire tout
ce qu'il eust voulu auparavant que les ennemis eussent peu estre à luy.
Peut-estre y a-t-il quelque secret que je ne sçay pas; mais, s'il n'y
en a point, un tel procédé me feroit volontiers renoncer à tous les
meilleurs projectz qu'on peut faire à cause du peu de soin avec lequel
on les exécute. Animés tout le monde autant que vous pourrés et me
mandés la vérité.
Le Gard. DE RICHEUEU.
CCXVII.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. 277. — Copie. —
Saint-Germain-Harlay, 346, t. 1, fol. a8a. — Copie'.
A M. LE PRINCE.
ig Juin 1639.
'^Le roy est sy estonné d'avoir appris qu'au neuvième du mois vous
adossé à une montagne qui était alors avaient été pris le 1 1 . — ' Une note des
couronnée de quelques ouvrages de dé- deux manuscrits dit que la transcription
fense sur la frontière du Roussillon. Le a été faite f sur une copie de la main de
jour même où Richelieu écrivait cela Cherré. >
Salces capitulait; Opouls et Saint-Ange ' Le ton de sévérité avec lequel Riche-
398 LETTRES
n'eussiez point encores faict entrer ses armes dans le Roussillon que
je ne vous le sçaurois tesmoigner; et, à dire le vray, je ne voy au-
cune raison qui vous ayt peu empescher, ayant une armée à laquelle
vous faictes donner 25,ooo rations de pain, suivant Testât qui en a
esté envoyé à M. de Noyers, de faire beaucoup plus tost l'entrée, ayant
dix rail hommes de pied assemblés. Vous la pouviés faire de bonne
heure plus avantageusement que maintenant avec toutes vos forces,
veu que les ennemis auront eu temps de s'assembler et mesme de
faire venir les troupes qu'ils avoient dans la Navarre et vers Fonta-
rabie.
Au reste, si les ennemis ont eu lieu de faire leur récolte, on ne
sçauroit réparer la perte qu'on aura fuicte par ime telle occasion.
Vous m'avés tesmoigné tant d'ardeur à faire quelque chose digne des
armes du roy et de vous, pour réparer le malheur de l'année passée,
que je m'asseure que vous trouvères bon que je vous en fasse res-
souvenir; je croy qu'il vous est aisé d'abord de faire prendre Salces
et la redoute de S'-Ange par des brigades de vostre armée, et batlre
les ennemis non encore assemblez à la campagne. Je m'asseure que
■si vos commencemens ont esté tardifs, la diligence et la vigueur avec
laquelle vous ferés agir réparera le temps perdu.
Vous sçavés bien que je suis icy pour faire valoir vos actions, au-
tant que je pourray, à vostre avantage , et que cette campagne fera
faire jugement du bonheur que vous estes capable d'avoir avec les
armes du roy. Ce pendant je vous suplie. Monsieur, de vous asseu-
rer de mon affection et de croire, etc.
lieu adresse ses reproches au premier les relations et les lettres envoyées au roi
prince du sang donne à cetle lettre un et au cardinal par le prince de Condé,
intérêt qui nous engage à la conserver, par MM. d'Arpajon , d'Argencour, l'arche-
quoiqu'elle dise en partie ce qu'a déjà dit voque de Narbonne : tout le monde se fê-
la précédente. Cependant les affaires de licitait des heureux commencements de
Roussillon ne tardèrent pas à prendre une l'enlreprise. Richfliiu adressa alors une
tournure plus favorable; nous trouvons lettre de félicitation (aii juin), dont nous
dans le manuscrit de Colbert,f° 2 79 à a84, faisons mention aux analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 399
CCXVIII.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 346, t. I, fol. 325 v°. — Copie'.
Cinq-cents Colbert, n° 45, fol. 218. — Copie.
A M. LE COMTE DE PICCOLOMINI.
3 1 juin 1639.
Monsieur,
Les événemens de la guerre sont d'ordinaire sy différens que , lors-
qu'il nous en est arrivé de bons, j'ay tousjours considéré qu'il en fal-
loit craindre de mauvais. La bonne conduite de Vostre Excellence, et
la mauvaise de beaucoup de ceux qui estoient dans l'armée que com-
mandoit M' de Feuquières, vous a donné un avantage que j'aime
beaucoup mieux qui vous soit arrivé qu'à tout autre qui agisse contre
les armes du roy, à cause de vostre mérite et de vostre particulière
courtoisie. J'aurois volontiers proposé à S. M. le renvoy que vous dé-
sirés de M"^ le baron d'Engheworth, si on n'avoit desjà accordé de
l'eschanger, luy et M' le général Werth , avec M' le mareschal Horn, le
colonel Tubal et Chevalisquy.
Il y a 700 ou 800 prisonniers, officiers, matelots et soldats à
Marseille, qui furent pris l'année passée au combat des galères; le
gouverneur du Chastelet est aussy dans Paris; s'il plaist à Vostre Ex-
cellence, on les eschangera présentement, et le s'de Cornillon, com-
mandant pour le roy dans Amiens, sous M' de Chaulnes, porteur de
cette lettre \ fera payer le quartier que vous voudrés que reçoivent
vos gens pour la rançon de tous les autres. Quant à M' de Feuquières,
je m'asseure que vous trouvères bon de le mettre à une rançon sy
raisonnable qu'il ayt lieu de se louer de vostre bon traiclement, et
' Transcrit • sur une copie de Cherré , • ces, f" aaG. Celte pièce, qui n'ofl're rien
dit une annotation marginale du manus- de remarquable dans sa forme, reproduit
crit de Harlay. quelques phrases de cello lettre et ne
' L'instruction donnée au sieur de Cor- traite que des conditions de l'échange
nillon se trouve, en copie, dans le vo- proposé. Elle doit avoir été rédigée par
lume dcsCinq-cenls Colbert cité aux sour- un commis de Cliavigni ou du secrétaire
400 LETTRES
que vous puissiés vous descharger d'une personne qui ne sauroit de
fort longtemps sortir d'un lict et d'une chambre.
Je me promets. Monsieur, que vostre courtoisie en cette occasion
couronnera le bonheur que vous avcs eu en la journée de Thion-
ville, et je vous asseure qu'en toute autre qui se pourra présenter,
l'exemple que vous donnerés en ce rencontre sera religieusement
suivi, et que je tiendray à faveur de vous tesmoigner par efïect que
je suis,
Monsieur,
Vostre très humble servitenr.
CCXIX.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4". p. 169. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
D'Abbeville, ce 21 juin 1639.
Le roy est très-content de vos travaux. Puisque la redoute du grand
chemin de la forest est inutile, il ne la faut pas faire.
M"" de Noyers est en peine de dix mil escus qu'il a donnés à vostre
trésorier, il y a deux jours. S'il ne les a portez il mérite chastiment.
Il en envoyé encore d'autre.
Il n'y a qu'à continuer ce qui est commencé, faire jouer les mines
quand elles seront prestes , et espérer de Dieu ce que nous désirons.
Je vous envoyé la lettre déchiflrée que vous m'avés envoyée; vous
verres parla que le cardinal Infant exhorte à tenir le plus qu'ils pour-
ront, à ne dissiperpas mal à propos leurs poudres, et à tascher de faire
le retranchement de la gorge du bastion jusqu'à l'eau.
S'il vous plaist de vous servir avec secret d'un petit stratagème que
d'élal de la guerre. La copie de Colbert pour le même objel et pour lui témoigner
ne nous offre aucune indication à cet son déplaisir du malheur qui lui était ar-
égard. Le cardinal écrivit le même jour rivé devant Thionville. « Consolés - vous ,
au maréchal de Châtillon pour l'informer je vous prie, ajoutait le cardinal, et ayés
de la mission de M. de Coniillon. Il écri- soin de vostre santé. » Nous faisons men-
vit aussi à M. de Feuquières une lettre tien de ces deux lettres au.x analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 401
nous avons médité, s'il ne sert il ne nuira pas. L'affaire est que M' Ros-
signol ' a escrit du mesme chiffre l'avis que vous verres en espagnol.
Il les exhorte à tenir bon, mais à faire enfin une telle capitulation
qu'ils conservent leurs gens.
Nous vous l'envoyons lié sur une pierre. Il faut faire semblant de
poursuivre un soldat comme s'il estoit des ennemis, et l'attraper avec
bruit, le plus proche qu'il se pourra du lieu par-où vous jugerés
plus probablement que les gens qui veulent entrer dans la place ont
accoustumé d'aller, et quand il sera en lieu d'où il puisse jeter sa
pierre en sorte que les ennemis la puissent ramasser, vous ferez tirer
deux ou trois coups de mousquet, auquel temps il jettera sa pierre,
se laissera tomber, et sera amené prisonnier.
Le Gard. 1)E RfCHELIEU.
r.cxx.
Bibl. (le l'Arsenal, Hist. 186, in-/l°, p- 171. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
D'Abbeville, ce 21 juin 1689, au soir.
Je suis bien aise que la mine de M' le grand maistre ait joué et
qu'il ayt rattaché ses mineurs; mais une chose me faict peine, sur la-
quelle je le prie de me donner esclarcissement , ou de tirer profit de
ma crainte si elle a fondement, ce que je ne saurois bien juger,
n'ayant pas veu les lieux.
Je doute que vostre pont de fascines soit assez large et assez af-
fermi* pour soustenir le logement que vous ferés dans le bastion,
après que vos seconds fourneaux auront joué.
Je sçay bien qu'il est capable de porter 7, 8, 10, 12 hommes à la
' Nous avons expliqué (I. I, prél". page fui enfoncé, quelques jours après la date
XXII ) quelles étaient les fonctions de Ros- de cette lettre , par les débris d'une mine,
signol dans le cabinet de Richelieu. Il fallut le refaire, ainsi qu'on le voit dans
* Le cardinal prévoyait ce qui arriva ; les relations du siège de Hesdin.
le pont de fascines manquait de solidité et
CARDIN. DB RICHELIEC. VI. ' 5l
^02 LETTRES
fois; mais si la nécessité oblige d'y faire passer grand nombre de gens
à la fois, j'ay peur qu'il ne fust ny assez fort, ni assez large, et, s'il
arrivoit qne les ennemis fissent une forte résistance qui donnast
quelque épouvante à nos soldats, je craindrois qu'il ne s'en noyast en
un retour précipité. Il y a plus, si l'opiniastreté des ennemis oblige à
donner un assaut, asseurément le d. pont est trop étroict pour porter
les hommes qui y devroient aller de front, et trop foible pour en
supporter un nombre suffisant.
A cela il y a deux remèdes, le premier de joindre au pont que vous
avés desjà faict d'autres ponts, soit de masts, soit de bateaux, soit de
fascines, et en si grand nombre que la largeur supplée au manque de
force, en ce ([u'il sera d'autant moins besoin de charger chacun d'eux,
que plus en pourra-t-il passer de front.
Le second remède est de combler tout à faict le fossé avec des fas-
cines chargées de pierres, de petits gabions qui en soient .pleins et
autres inventions que vous pourrés trouver.
Je sçay bien que vous me dires que cet ouvrage n'est pas un ou-
vrage d'un jour; aussy ne le proposé-je qu'autant que le premier ne
lust pas suffisant, et que l'opiniastreté des ennemis fust extraordinaire.
Je désire que nous ayons la place à bon prix; mais quoy qu'elle
couste, soit d'argent, soit de temps, soit de peine, il la faut avoir, et
quand vostre circonvallation sera achevée, qui sera dans 4 jours,
toutes les puissances de la terre ne vous en sauroient empescber,
ayant Dieu de nostre costé, comme je l'espère.
L'armée du roy, du Languedoc, est entrée dans le Roussillon. On
a pris le chasteau d'Aupoulx, qui estoit imprenable qu'avec beaucoup
de peine et de temps \ si ie gouverneur ne se fust estonné. Le gou-
verneur de Perpignan luy a faict couper le col à son arrivée pour
avoir rendu ladicte place.
On a pris le fort S'"- Anne, on a pris la ville de Rivesaltes, et Salces
est assiégée du i4; quand elle sera prise on ira plus loin.
Le Card. DE RICHELIEU.
' Phrase obscure : qui était imprenable, si ce n'est avec
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
403
CCXXI.
Bibl imp. Cinq-cents Colbert, t. ùb , fol. 288. — Copie'. —
Saint-Gerraain-Harlay, 346, 1. 1, fol. agS: — Copie.
A M. D'ARGENCOUR.
[31 ou 22 juin 1639*.]
J'ay receu vostre lettre, qui, au lieu de me donner une grande es-
pérance de progrez, tesmoigne beaucoup d'appréhension'. On a bien
deub sçavoir, devant que d'entreprendre l'entrée du Roussillon, les
trouppes dont on se pouvoit prévaloir en cette occasion. Vous avés le
secours des communes de Languedoc, de la noblesse du pais, et, en
toute extrémité, de celle de la Guyenne; si tout cela ne suffit, je ne
sache rien en France qui le puisse faii'e. Quant à l'artillerie. M' le
Prince a tout ce qu'il a demandé. Il a choisy luy mesme Pontselme;
c'est à un général d'armée à faire agir ceux qui sont sous luy quand il
les a. Pour les vivres, si on peut mourir de fain dans un pais abon-
dant comme le Languedoc et celuy où vous estes et où les vivres se
peuvent porter par eau, il faudroil bien manquer d'esprit et d'ordre.
J'espère, quoy que die vostre lettre, que les armes du roy, comman-
dées par M"" le Prince et tant de braves gens qui servent sous luy,
n'en demeureront pas à Aupoulx, qui s'est rendu, et au fort S'-Ange,
qui s'est trouvé abandonné.
' Faite sur une minute • de la main de
Chcrré. • (Noie commune aux deux mss.)
' Celle lettre est san.s date; elle répond
à une missive de d'Argencour datée du
camp de Ribas haltas, le 1 1 juin. La pré-
sente ietire a dû être écrite après celle du
19 juin, où le cardinal se plaint des len-
leurs des opéralions du prince de Condé,
et avant celle du a4 , où il li' félicite de ses
rteents succès. Nous proposons de la pla-
cer vers le 21 ou le a 2 juin.
^ D'Argencoui-, en annonçant le pre-
mier succès de la campagne, en faisait
pourtant prévoir loutes les difficultés et
les lenteurs forcées. Le manque d'eau ,
l'impossibilité de garder les passages par
où les vivre» doivent arriver, le trop petit
nombre de troupes , sont des obstacles qui
rendent le résultat fort douteux. Il se-
rait nécessaire d'avoir en corps d'armée
16,000 hommes de pied et 3,ooo che-
vaux; et, quoique à la revue de Sijean il
se soil trouvé i3,ooo hommes de pied, les
valets et passe-volants ôtés, il n'en restait
5i.
404 LETTRES
CCXXIJ.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-/l°, p. i^S. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
D'Abbcvilie, ce 24 juin iBSg.
Je suis bien aise que vostre mineur' soit enfin attaché; vous pou-
vez faire jouer la mine de M' Lambert quand bon vous semblera sans
attendre autre moment que celuy auquel elle sera preste. On n'a point
pensé à fortiffier vos lignes à l'épreuve du canon, mais bien à les
mettre en estât que la mousqueterie puisse avoir derrière son jeu
bien libre et bien commode.
Quand aux forts on a estimé qu'il esloit nécessaire de les fortif-
fier, et jamais pour homme un pourpoint ne fit mal sur une camisole.
J'avoue, comme vous, qu'il n'y a pas d'apparence que les ennemis
viennent attaquer un retranchement tandis qu'ils auront deux lieues
de pays ouvert pour secourir une place; mais cela conclut aussy qu'il
faut pouvoir asseurer si bien ce pays ouvert qu'il n'en puisse arriver
inconvénient. Je dois les bons succès que j'ay eus en ma vie premiè-
rement à la bénédiction de Dieu, et, en second lieu, au soin que j'ay
eu de prévenir les mauvais accidens, et à une certaine prudence,
peut-estre timide, mais utile, en ce que m'empeschant de me persua-
der que je fusse à couvert, si ne pleuvant point dans ma chambre une
gouttière pouvoit remplir d'eau mon cabinet, elle a faict que je n'av
pas oublié de bien faire couvrir l'un et l'autre.
Je ne doute point que nous n'ayons bienlost Hesdin; mais vous
verres avec M' de Noyers ce qu'il faut faire pour jouer à jeu seur,
dans cette ouverture de deux lieues, et tout ce que vous résoudrés
pas plus de 1 0,000. Salces , d'ailleurs (dont ' Richelieu écrivit à La Meilleraie qua-
le cardinal avait dit, dans sa lettre du Ire lettres, presque en même temps, au
iQ juin, une misérable place comme Sulces) , sujet des précautions à prendre pour ce.s
« fait contenance de se vouloir défendre, » mines. (Notées aux. Analyses, à la date
ajoute d'Argencour, dont la lettre mérite des 24 et 26 juin )
d'être lue. (F° a8o v" du ms. de Colberl.) *
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
405
avec luy serî^ tenu pour bien laict'. Adieu, asseurés vous de mon
affection.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCXXIII.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-/i°, p. 177. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
D'Abbeville, ce ai juin 1689, au soir.
Ce billet est pour avertir M' le grand maistre que Piccolomini ayant
encore mieux esté frotté à Mouzon^ que nous ne pensions, où il est de-
meuré plus de 1 ,200 hommes sur la place et grand nombre de bles-
sés, voyant ne pouvoir plus rien faire seul, prend sa route de deçà,
et peut arriver aujourd'hui à Ginay'. Si la bonne fortune du roy estoit
telle que dans 4 ou 5 jours on peust estre maistre de Hesdiu, nous
lascherions, avec M"' de Ghastillon, qui le costoie, et l'armée de M' le
grand mai.stre, de leur faire un affront peu auparavant leur conjonc-
tion à Lislers. Cet avis ne fera rien précipiter, mais il servira à faire
avancer les choses autant qu'il se peut.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Plusieurs lettres de Richelieu , rem-
plies de conseils, d'encouragements, sont
notées aux Analyses vers cette époque.
' Le cardinal avait annoncé la veille
(le a3j à M. de La Meilleraie la levée du
siège de Mouzon , par un billet qui sera
indiqué aux Analyses. Une feuille extraor-
dinaire jointe à la Gazette du 2b juin et
intitulée • La levée du siège mis devant
Mouzon par Piccolomini, où il a perdu
douze cents hommes , » a sans doute été en-
voyée à Renaudotdu cabinet de Richelieu.
' Ce nom est très-nettement figuré dans
le tas. Le copiste, qui estropie souvent les
mois, et surtout les noms propres, a-l-il
voulu écrire Giuay pourGivei ? Cette ville.
située à 1 5 lieues environ au nord de Mou-
zon, se trouve, en eilet, dans la direction
que pouvait prendre Piccolomini. Le plan
de ce général et du card. Infant était sans
doute de secourir Hesdin , dont alors La
Meilleraie pressait vivement le siège, et ce
devait être là le motif de la jonction à Lil-
1ers, ville voisine de Hesdin. Le card. In-
fant s'avançait vers Saint-Pol, tandis que
Piccolomini marchait, de son côté, sur
l'Artois. Mais « la bonne fortune du roi »
avait ponctuellement obéi au vœu de Ri-
chelieu ; cinq jours après la date de celle
lettre, le -jg juin, Hesdin était au pouvoir
du roi. Le card. Infant, obligé d'aller faire
tète aux Hollandais en Flandre, laissa à
40ft
LETÏHES
CCXXIV.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, ia-4°, |). 188. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
D'AbbeviUe, ce 28 juin i63f).
Je ne saurois vous dire le desplaisir que j'ay de la mort du pauvre
Maillola^ si on pouvoit le racheter je ferois voir ce que je l'estimois
et ce qu'il valoit. Je vous conjure , et pour l'amour' du service du roy,
et pour vous et pour moy, de vous mesnager autrement que vous ne
faictes. J'apprends que tous les jours vous menés les volontaires aux
travaux; je croyois que, vostre charge ne vous permettant pas de le
faire avec dignité, mes prières vous auroient détourné- de cette cous-
tume; je vous en conjure encore une fois, par ce que vous me devés
et vous devés à vous-mesme. Si vous voulés recevoir tant de volon-
taires comme vous faictes, vous devés faire faire une hutte exprès.
Vous loniberés malade et on se moquera de vous; messieurs les vo-
lontaires diront au vray que vous estes brave, vaillant, ^t que vous
faictes bonne chère; mais que vostre mauvaise santé ne vous rend
pas capable de servir. Au nom de Dieu, croyés-moy, je vous prie^.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Piccolomini le cotnmandemeut des troupes
impériales et espagnoles réunies, et celui-
ci continua , sans trop se presser, son mou-
vement vers l'Artois; nous le voyons, le
34 juillet, se retrancher dans un camp
établi entre Bouchain et Douai.
' A peine arrivé, le matin du 28, à Hes-
din, où Richelieu l'avait envoyé pour lui
rendre compte de l'étal du siège , Mavolafut
tué d'un coup de mousquet auprès de La
Meilleraie , avec qui il visitait les travaux.
Richelieu en fut informé aussitôt. Le len-
demain 2g il déplorait encore la perte de
l'un des siens : « La mort de Frezeliére
achève de m'accabler (écrivait- il à La
Meilleraie). Cependant je me conforme à
la volonté de Dieu et le prie de vou» con-
server.— Quelque capitulation qu'on fasse ,
si elle n'est exécutée aujourd'hui, travail-
lé» jour et nuit plus que jamais et à vos
ponts et à vostre circonvallalion. » (Lettre
mentionnée aux Analyses.)
' On a mis ce mot à la marge; dans le
texte il y a « déterminé, » qui n'a pas de sens.
' La veille Richelieu écrivait : « Ne vous
affligés point si ces premières tentatives
n'ont point réussi; quand nous devrion.^
esire six mois au siège d'Hesdin, il le faut
prendre, avec l'aide de Dieu. Conserves
vostre santé, et dormes plus que vous ne
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 407
ccxxv.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4°, p. 192. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
D'Abbeville, ce 3o juin 1689.
Mon cousin, je suis très-aise de la fin de vos travaux au siège
d'Hesdin et de ce qu'il a pieu au roy tesmoigner l'agrément de vos
services par la charge qu'il vous a donnée. Je vous prie de vous repo-
ser maintenant et reprendre vos forces, et pour cet elFect vous défaire
de vos volontaires.
Je ne double point du desplaisir que vous avés de ceux que j'ay
perdus; je vous advoue que je ne croy pas m'en pouvoir consoler de
longtemps. La première chose que vous avés à faire est ce que vous
me mandés, de rompre promptement vos tranchées, et faire oster sans
péril vos fascines du fossé, ce qui servira bien dans la place. 11 sera
aisé de vuider le fossé en faisant baisser les eaux^ Quant à la cir-
convallation, il n'est point besoin de la rompre que les autres travaux
plus pressez ne soient faicts, et qu'on ne veuille décamper de là. 11
faut munir la place de poudre et faire ramasser les boulets des pièces
qu'on a tirées de la place parce qu'ils sont du calibre.
Je vous prie de me mander, si on le peut sçavoir, combien il y
avoit de poudre dans Hesdin, afin que sur cela nous prenions nos
mesures de ce qu'il en faut pour munir une place de guerre. Si vous
ne le pouvés sçavoir, on en fera la supputation par la quantité que
vous en aurés consumé durant le siège, estimant qu'ils en peuvent
avoir consumé la moitié d'autant que vous.
Après la monstre, donnés ordre à vos prévosts qu'ils empeschent le
desbandement des soldats, et maintenant que vous avés créance
parmy eux, exhortés les chefs à faire leur devoir à les retenir.
faicles, afin de pouvoir subsister durant ' Le mol est douteux dans le manus-
la campagne. > (Lettre du ay, notée aux cril.
Analyses. )
408
LETTRES
M. de Noyers vous ira voir au premier jour, pour voir avec vous ce
qu'il faudra faire aux réparations de la place, que nous prétendons
faire faire entièrement dans le reste de cet esté.
Je ne suis pas d'advis que vous fassiés rompre dans la place les
grands retranchemens que les ennemis ont faicts aux gorges des bas-
tions qu'on attaquoit, parce que c'est une besogne faicte si jamais la
place est attaquée, et qu'un pont sur lesd, retranchemens en donne
la communication.
Ayés soin de vous, je vous conjure, et vous asseurés que je suis
vostre très affectionné cousin et serviteur.
Le Card. DE RICHELIEU.
CCXXVI.
Bibl. tmp. Cinq-cents Colbert, f. /jG, foi. 385. — Copie'.
RAISONS
POUR LESQUELLES LE ROY NE PEUT DONNER A M. DE WEYMAR
LES PLACES QUE S M. TIENT EN ALSACE.
[Fin de juin iBSg *.]
La première, que si le d. duc voyoit que la demande qu'on luy a
faicte de Brisach aboutist à un retour du tout extraordinaire, à luy
' Le manuscrit de Colbert note à la
marge que celle transcriplion a été faile
sur une pièce de la niain de Cherré. Il
donne en même temps le texte de l'instruc-
tion du baron d'Oysonville, au sujet des
prétentions du duc sur les places d'Alsace.
Comme la plupart des instructions di-
plomatiques, celle-ci n'a pas élé rédigée
par Richelieu lui-même; la pensée géné-
rale et les principaux points appartiennent
seuls au cardinal ; nous n'en reprodui-
rons que cela.
. ' Celte pièce n'est point datée ; la date
semble approximativement indiquée par
celle d'nne lettre du duc de Weymar à
Ricbelieu, du 23 juin iGSg. La prise de
Brissac (17 décembre), qui termina glo-
rieusement pour le duc Bernard la der-
nière campagne, avait accru ses préten-
tions. Il ne voulait point remettre Brissac
au roi. Après avoir entendu le colonel
d'Erlack, venu de sa pari à la cour, on
chargea le comte de Guébriant, maréchal
de camp dans son armée, de traiter avec
lui; nous faisons mention aux Analyses de
l'instruction donnée le 3o avril à cet olTi-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 409
donner les dictes places, 11 se moqueroit ensuite de toutes les pro-
positions qu'on luy pourroit faire, lesquelles il estimeroit pouvoir
faire changer ainsy que bon luy sembieroit.
La seconde, qu'en les luy remettant on n'auroit plus rien pour
obliger l'empereur à la paix, en ce qu'on donneroit au d. duc tout
ce dont l'empereur peut espérer la restitution par un traicté de paix
générale, et, au contraire, iceluy duc auroit entre les mains de quoy
faire son parti tel qu'il voudroit , lequel , ayant cogneu nostre foiblesse
en ce point, ne craindroit pas, par après, de nous bien pousser en
d'autres.
La troisiesme, qu'on se priveroit par ce moyen d'un des meilleurs
expédients pour conserver de la Lorraine ce que la raison veut qu'on
y garde, estant certain que le grand désir que l'Espagne et l'Empire
ont de ravoir ce que la France leur tient les portera sans doute à fa-
voriser ses justes intérests en ce sujet.
La quatriesme, que si led. duc estoit voisin de la Lorraine (comme
il le seroit à Saverne et Haguenau), estant de l'humeur qu'il est, on
auroit tons les jours des différends avec luy, plus capables de produire
une rupture que la prétention qu'il a es places d'Alsace; et, en tel
cas, aucun ne désireroit plus que luy que la France restituast la Lor-
raine, parce qu'il aimeroil bien mieux avoir un petit duc pour voi-
sin, avec lequel il pourroit brouiller, qu'un grand roy, qu'il auroit à
cramdre.
La cinquiesme, que le d. duc n'ayant nul droit par aucun traicté
à prétendre les d. places, s'il veut rompre avec le roy il peut bien
prendre le refus qu'on luy en faict pour prétexte, mais ce n'en sauroit
estre la cause véritable, le dernier traicté qui lui laisse le landgraviat
d'Alsace fexcluaut assez clairement de sa prétention, puisqu'il ne
parle en aucune façon des d. places, et qu'on ne luy a point donné
cier. Les dillicullés ne s'étaiil point apla- pour traiter avec le duc conformément à
nies, Kichelieu ordonna à M. d'Oysonville l'instruction dont nous mettons l'extrait à
de se rendre auprès du duc de Weyniar, la suite de cette pièce,
et de s'entendre avec M. de Guébriant
CARDIN. DE niCHELIEl. — Vi. . 53
ÛIO LETTRES
celles qu'on avoit lorsqu'on a passé le dernier Iraicté, ce qu'on eust
faict s'il les eust deu avoir.
La sixiesme, que la France perdroit tellement sa réputation par un
tel procédé qu'on ne la jugeroit pas capable de résister ny à ses amis,
ny à ses ennemis; estant certain que si, au lieu que les Espagnols
maistrisent les princes de Savoie, qui leur mettent leur pays entre
les mains, elle se laissoit maistriser par ceux qui sont sous elle, elle
devroit elle-mesme se recognoistre incapable de tous grands desseins.
Partant il faut demeurer ferme à ne point donner les d. places, et
prétendre tousjours du duc de Weymar ce qu'on luy a demandé par
d'Erlack, sans toutefois le poursuivre avec tant de cbaleur (au cas
qu'il demeure en sa mauvaise humeur), que cela peust produire un
mauvais événement. Seulement faudra-t-il luy représenter, en tel cas,
qu'il pensera une autre fois plus meurement à ce qu'il doit au roy,
et que maintenant il faut travailler aux intérests de la cause publique,
employant cette campagne utilement'.
Extrait de «l'instruction au s"^ baron d'Oysonviile ^ s'en allant trouver M. le
duc de Weymar de la part du roy. » (Même ms. de Colbert, 1"° 382.)
Dans cette instruction, faite en suite des considérations qu'on vient de lire, il
était recommandé à M. d'Oysonville de représenter d'abord au duc « que le roy
estant extraordinairement pressé des Suédois pour le faire entrer en Allemagne,
S. M. le prie de leur donner ce contentement si nécessaire à la cause publique. »
Il fera ensuite entendre au duc que « l'intention de S. M. est de le maintenir
en l'Alsace, afin que ce soit une perpétuelle barrière entre la France et ses en-
nemis. »
Le sieur d'Oysonville doit joindre à la fermeté de ses discours tant de modé-
ration en sa conduite « qu'en ne donnant aud. s' duc aucun sujet de croire qu'on
' On a joint ici dans le manuscrit un du duc de Weymar, après la mort de ce
extrait du dernier traité fait avec M. de général, pour traiter au sujet de son ar-
Weyniar, le 27 octobre i635. mée, était capitaine d'une compagnie de
' Le baron d'Oysonville, que nous ver- clievau-légers.
rons bientôt envoyé au quartier général
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
411
le craint, i} ne Juy tienne aussy aucun langage sur lequel il peust prendre pré-
texte de rupture. »
Si le duc ne parle point des places d'Alsace, il n'en faut rien dire; s'il les de-
mande, il faut lui montrer que le traité par lequel le roi lui laisse le landgra-
viat d'Alsace n'oblige point Sa Majesté à remettre les places entre ses mains.
Bien loin qu'il ait à se plaindre des procédés de la France, il doit reconnaître
que le roi l'a aidé d'argent et de troupes au delà de tous ses engagements.
Les ennemis se vantent d'avoir un traité fait avec M. le duc de Weymar; c'est
un point délicat à toucher; «on n'estime pas qu'il faille lui en parler qu'au cas
qu'on ne puisse le mettre à la raison par une autre voie; celle-ci ne pourroit
estre bonne que lorsque toutes les autres seront inutiles. »
Il faut surtout protester au duc qu'on n'a point cette pensée à la cour, que Sa
Majesté a la plus entière confiance en sa loyauté , « mais qu'il est important pour
sa réputation de dissiper ces mauvais bruits, » et que le meilleur moyen « c'est
de se mettre le plus tost qu'il pourra en campagne, d'entrer en Allemagne et
d'agir bien fortement à l'avantage de la cause commune. »
CCXXVIL
Manuscrit du cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. — Original.
A M. DE BULLION.
D'Abbeville, ce 5'j(tillel iGSg.
Je vous envoie un mémoire que Monsieur de Chavigny m'a donné,
du manque de fonds qui est en Italie. Je vous conjure de me mander
diligemment l'ordre que vous y pouvés donner, et de le faire promp-
tement. Je vous avoue que j'ay le cœur si outré de la mauvaise con-
duite de Madame, qui a voulu encores perdre Revel par sa pure faute ',
' Richelieu, voyant le Piémont sérieu-
sement menacé par les Espagnols, avait
vivement pressé la duchesse de Savoie de
melire entre les mains du roi son frère
quelques-unes de ses place!" les plus consi-
dérables. Les (léliances que la politique de
Richelieu in.«pirait à Madame, et aussi les
suggestions des partisans de l'Espagne,
dont elle était entourée, lui faisaient re-
pousser ce conseil , el elle perdait succes-
sivement la plupart de ses places que l'ar-
mée française était obligée de reprendre.
L'ambassadeur de France à Turin, d'Hé-
mery, écrivait à ce sujet, le 2 8 juin, aucar-
tlinal : ■ Revel estant pris, j'ay demandé
que Cahcurs soit mis à la place entre les
53.
412 LETTRES
que je ne vous en saurois dire davantage '. L'asseurance que M' de
Chavigny m'avoit donnée que les François estoyent dans la place ^
faict que sa perte m'a d'autant plus surpris. Je cognois par là ce
que j'ay toujours creu, que la plus grande linesse des affaires con-
siste non à bien répondre, mais à punctuellement et diligemment
exéquuler.
Le Gard. DE RICHELIEU.
GCXXVIII.
Manuscrit du cabinet de S. A. R- M^ le duc d'Aumale. — Original.
A M. DE BULLION.
D'AbbeviUe, ce 5 [juillet^] lôSg.
Je ne doute point de la joye que vous me tesiTioignés avoir eue de
la prise de Hesdin, ny du contentement particulier que vous avés de
ce que M"" de la Meilleraie a donné satisfaction au roy sur ce sujet.
Si le malheur de M. de Fequières ne fust point arrivé, et que Ma-
dame n'eust pas esté de l'humeur qu'elle est, nous aurions sans doute
bientost la paix, mais il faut se conformer à ce qu'il plaist à Dieu, et
mains du roi . . . J'ay dit à Madame que si
elle ne donne pas Cahours, et que ceUe
ville se perde, on luy demandera Turin
pour couvrir Pignerol. « ( Arcli. des AIT. étr.
Turin, l. 28, f 569.)
' La lettre finissait ici et Richelieu avait
signé. Il a ajouté ce qui suit en passant
sur sa signature, qu'il a répétée à la fin
de la lettre.
^ Cliavigni , qui avait rempli récemment
une mission auprès de la duchesse de Sa-
voie, et qui, à son retour, avait tâché d'a-
paiser la mauvaise humeur de Richelieu,
blessé du démenti que la perte de Rêve!
donnait à ses paroles , écrivait à la duchesse
le 8 juillet : i Tandis qu'à mon aiTivée je
m'efforce de persuader le roy et M. le car-
dinal du dévoûment de Madame, on ap-
prend la prise de Revel , prise parce qu'elle
a refusé de se confier au roy. . . Je vois
avec desplaisir que S. A. continue à se
mesfier de M. d'Hémery. » (Turin, t. 29,
P 22.)
■' Nous mettons juillet, quoique le ma-
nuscrit paraisse donner la date du b juin.
La bataille de Thionville, où Feuquières
fut blessé et pris , avait été livrée le 7 juin ,
et Hesdin fut pris le 29 du même mois;
le 5 juin est une date impossible.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. /ii3
faire des efforts extraordinaires de tous costez pour réparer le mai
que nous avons receu.
Si Dieu veut bénir M"' de Bordeaux, et que les Hollandois et M' de
Weymar facent ce que nous en devons attendre, veu les grandes des-
penses que le roy faict, j'espère que les choses iront en sorte que nos
ennemis n'auront pas l'avantage qu'ilz se pourroient promettre.
Pour les en empescher, je vous conjure de faire le plus d'argent
que vous pourrés, parce qu'on ne sçait ce qui arrive.
Il faut encores faire un autre effort pour soustenir les affaires du
roy.
Il est impossible que nous puissions remettre les vieux régimens
ruinez en la deffaite de M' de Fequières sans une nouvelle rccreue.
Nous ne la scaurions faire dans les provinces pour or ny pour argent,
et partant il faut, par nécessité, venir aux grandes villes, et comnian-
cer par Paris.
Or, parce que, quand on achepte les hommes dans les villes, les
soldats s'en treuvent par après plus renchéris pour la campagne sui-
vante, il faut faire par authorité ce qu'on a faict l'année passée par
pur argent. M' de Noyers vous escrira plus amplement sur ce sujet,
mais, dès cette heure, je vous prie mettre la main à l'œuvre à ce que
nous puissions avoir deux mile hommes de Paris.
J'estime qu'on pourroit, par ordonnance qu'il faut publier, obliger
ceux qui ont esté enroolez l'année dernière et la précédente à venir
servir en leur baillant quatre escus chacun. Pour fexécution de cet
ordre , il faut obliger les commissaires des quartiers d'avertir tous les
maistres des mestiers de déclarer au prévost des marcliands ceux qui
ont porté les armes depuis i635, et ensuitte les envoyer et les faire
conduire par des gentilzhommes du roy armez au rendez-vous.
Le Gard. DE RICHELIEU.
414
LETTRES
CCXXIX.
Arcli. des Aff. étr. Turin, t. 27, fol. 5. — Original, devenu minute après avoir été corrigé.
Bibl. inip. Saint-Gerinain-Harlay, 347, f°^- ^^5 ^°- — Copie'.
Dupuy, l. 767, cahier Pp. Extrait*.
A LA DUCHESSE DE SAVOIE.
Madame ^,
6 juillet 1639.
Le roy se sert de l'occasion du voyage de M"^ Mondain pour vous
tesmoigner que si vous ne sentes vostre mal au point qu'il est, au lieu
' Faite sur une minute de la main de
Cherré. Note marginale du manuscrit de
Harlay.
' Voy. ci-dessus, p. 56, note 2.
■^ Riclielieu écrivait le 1" juillet à la
duchesse : « L'expérience ayant faict co-
gnoislre à V. A. que les conseil» qu'elle a
pris jusqucs icy estant les meilleurs qu'elle
eust sceu prendre pour avancer les affaires
de ses ennemis et perdre entièrement les
siennes, il ne luy reste aucun moyen de
se sauver que de prendre promplement
un chemin tout contraire à celuy qu'elle a
pris jusques à présent, u Et il lui annon-
çait que des communications lui seraient
faites à ce sujet. (La lettre est imprimée;
nous l'indiquons aux Analyses.) Ces com-
munications , nous les trouvons dans le
mémoire au cardinal de La Valette et au
duc de Longueville , ainsi que dans le mé-
moire à Mondin , que nous donnons à la
buile de cette missive. Une lettre particu-
lière de Richelieu à d'Hémery, lettre inté-
ressante, que nous nous bornons à noter
aux Analyses, parce qu'elle a déjà été pu-
bliée, répète une partie des considéi allons
développées dans les deux autres pièces.
Il faut mettre au nombre des documents
qui se rapportent à cette époque une pièce
sans date, mais qui est de la fm de juin
ou du commencement de juillet, conser-
vée dans le même manuscrit des Affaires
étrangères (Turin, t. 28, P 345, mise au
net de la main d'un commis de Chavi-
gni). Celte pièce, au dos de laquelle on a
écrit : Mémoire pour les affaires d'Italie,
expose d'abord ce qu'il convient de faire
pour la conservation des places dont Ma-
dame avait confié je dépôt au roi; traite
du choix des gouverneurs, des garnisons
à y mettre, des munitions nécessaires pour
leur défense. Madame avait longtemps re-
fusé ces places-, la crainte de les voir en-
lever par ses ennemis la décida enfin, et
nous trouvons dans notre manuscrit une
lettre adressée le 10 juin à Richelieu par
Chavigni et d'Hémery, où nous lisons:
• Enfin Madame s'est résolue de mettre
entre les mains du roy Carmagnole, Sa-
villan, Querasque et Revel. » La pensée
du mémoire s'étend sur toutes les parties
de l'Italie occupées alors par la puissance
française, le recrutement de l'armée, sa
subsistance, .son armement; les sommes à
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 415
d'en pouvoir «ntreprendre )a guérison, il sera contrainct, vous voyant
contre vous-inesme, de se départir du dessein qu'il a do vous sauver.
La perte de tant de places que vous avez faite l'une après l'autre es-
tant suivie de celle de Revel, il ne vous reste plus qu'à perdre Turin
et vostre propre personne, ce qui arrivera indubitablement si vous
persistes en ia.mesme humeur que vous avés esté jusques à présent.
V. A. trouvera bon, s'il luy plaist, d'entendre ce que j'ay dit au d.
s' Mondain sur ce sujet, et je proteste. Madame, qu'après vous avoir
plusieurs fois avertie de ce qui vous estoit du tout nécessaire, l'im-
portunité que vous recevrés de moy, en cette occasion, pour vostre
propre bien, sera suivie d'un éternel silence, dans lequel je ne lais-
seray pas d'estre tousjours de cœur et d'affection.
Madame, de Vostre Altesse,
D'Abbcville, 6 juillet iGSq.
ineUre entre les mains du trésorier de
l'extraordinaire des guerres, les subsides
promis à Madame, les récompenses à don-
ner aux personnages importants du Pié-
mont dévoués à la France; les mesures à
prendre pour la sûreté de Casai, dont il
faut chasser les habitants mal alTectionnés.
Ce mémoire n'a pas été rédigé par le car-
dinal, mais il nous paraît être le résultat
d'un travail dont Richelieu avait tracé le
plan à Chavigni et aussi sans doute à de
Noyers , dans les attributions duquel ren-
Le très humble et trës obéissant serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
trait une partie des questions que ce mé-
moire embrasse. Quant aux places re-
mises au roi, Richelieu écrivait trois jours
après à d'Hémery : « J'ay esté exlresme-
ment eslonné d'apprendre par de Graves
que les hnbitans des trois places que Ma-
dame a déposées entre les mains du roy
n'ont pas esté désarmez; si on les veut
perdre, il faut différer, comme on a faict
jusques à présent, à faire tontes les choses
nécessaires pour les asseurer. » (Lettre
notée aux analyses, 9 juillet.)
416 LETTRES
ccxxx.
Arch. des AIT. étr. Turin, t. 19, fol. 22. —
Oi-iginal, signé Louis, contre-signe Bouthillier.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, SAy, fol. 242. — Copie'.
MÉMOIRE
A MESS" LE CARDINAL DE LA VALETTE ET LE DUC DE LONGUEVILLE,
COMHIKDANT LES ARMÉES DO ROI ES ITALIE,
ET AU S' D'HÉMERY,
AMBASSADEUR DE S. M. EN PlÉMOKT.
Ahbeviile, du 6 juillet lôSg.
La révolte de toutes les places de Piedmont doit faire cognoistre
à Madame que ses peuples sont abusés et aigris contre elle, et qu'il
ne s'y faut plus fier; le seul voisinage des armées du roy, et quel-
ques gens de guerre qui sont dans Turin, retiennent les habitans
d'en venir à mesme extrémité; Madame a veu, par diverses expé-
riences, leur aversion et mauvaise volonté, puisque, contre l'obéis-
sance qu'ils luy doivent et ses défenses expresses, ils ont faict des
assemblées de ville et des décrets au préjudice de son autorité, de
sorte que, si les années viennent à s'esloigner, selon que les occa-
sions et le bien des affaires de Madame les y obligeront, il n'y a point
de doute que les dicts habitans de Turin seront pour se révolter et
tout entreprendre.
Madame n'est donc point en seureté parmi ce peuple, le seul
lien qui attache les sujets au souverain, qui est la foy, estant rompu
par le décret du prétendu empereur qui les a dispensés de l'obéis-
sance et de la fidélité qu'ils doivent à S. A. Ils sont confirmés dans
ce sentiment par les ecclésiastiques et religieux, et ainsy il est très-
certain que leurs esprits sont desjà révoltés, et qu'il ne reste plus
qu'à faire esclater leur rébellion, ce qu'ils feront si on ne les prévient;
' Une note marginale dit que la transcription a été faite sur une pièce de la main
de Daridole.
. DU CARDINAL DE RICHELIEU. 417
il faut représenter cela vivement à Madame afin qu'elle cognoisse
et appréhende le péril où elle est, et luy faire entendre que le roy
en est dans une peine extraordinaire et que S. M. n'aura point de
repos qu'elle ne sache que l'on y aura donné ordre.
Le seul moyen pour cet effect est de désarmer les habitans de
Turin, en quoy il faut procéder avec tant de prudence et de secret
qu'au lieu de trouver la seureté de S. A. dans cet expédient, on ne
liastast la rébellion des d. habitans et la confusion de toutes choses
dans Turin.
L'on prendra donc bien le temps propre et les mesures justes pour
cela; un bruit que les ennemis approcheroient de Turin pendant que
M. le duc de Longueville seroit occupé ailleurs, pourroit donner un
sujet plausible de faire approcher l'armée du cardinal de La Valette
près de Turin, et d'y introduire des troupes, garnir les postes plus
avantageux, les portes, les bastions et les places, en sorte que Ma-
dame y fust la plus fort»; et lors on entreprendroit le désarmement
des d. habitans, et on pourra mieux trouver par delà les occasions
propres que l'on ne les sauroit prévoir d'icy.
Suit le détail des mesures à prendre pour ce désarmement.
Pour ce qui est de la citadelle, si le s' de S' Martin y est avec le
régiment lorrain, il senible qu'elle est en seureté; mais comme la
conservation de cette place importe extresmement à Madame, elle
doit en oster tous les Piémontois, s'il y en a, et n'y laisser qui que
ce soit dont il y ayt sujet d'avoir le moindre soupçon.
Aucunes des compagnies des gardes de Madame .sont composées
de Piémontois, et particulièrement celle que le comte Philippe com-
mande; Madame les tiendra à la campagne le plus qu'elle pourra, et
prendra toutes les occasions qui s'offriront d'en changer les hommes,
soit pour estre absens ou pour antres raisons, y substituant des per-
sonnes d'autre nation non suspecte , soit François ou autres.
Madame doit observer de ne laisser point ceux que la seureté de
CARDIN. DE RICHELIEC. — VI. • 53
418 LETTRES
ses affaires la contraindra de mescontenler en lieu, charge ou eni-
ploy où ils s'en puissent ressentir, punissant sévèrement l'infidélité.
Puisqu'il ne luy reste du Piedmont, avec Turin, que Suse et Veil-
liane, elle doit estre d'autant plus soigneuse de conserver les d. lieux,
et d'apporter toutes les précautions nécessaires pour cet effect, y met-
tant des gens affectionnés et fidèles, soit des François qui sont à sa
solde, ou autres.
Si Madame pouvoit, sans rien esmouvoir qui fust de conséquence,
mettre garnison dans le chasteau de Nice, autre que de ceux du pays
et de gens qui luy faussent affidés, ce serait un grand coup; mais il
faut procéder, en cela, avec grande circonspection, et prendre son
temps. M. le comte d'Alais et M. le comte d'Harcourt peuvent aider
et y faire exécuter les intentions de Madame. Pour ce qui est de
Ville Franche, on estime qu'il en faut oster le gouverneur, et ne se
fier point du tout aux Nissars; si Madame oste le gouverneur, elle
doit le récompenser, et faire un bon choix pour y en mettre un
autre.
Est besoin que Madame prenne garde à ne laisser point près du
duc son fils des personnes suspectes, mesme entre les menus offi-
ciers, comme sont tous les Piémontois; mais elle pourra mettre des
Savoyards en leur place.
Ce que dessus a esté concerté pour la plupart avec le s'' marquis de
S' Maurice, dont il ne faut rien faire paroistre.
Depuis ce mémoire escrit, on a eu avis de ce qui est arrivé à Revel,
et de la révolte de Conis et autres lieux, sur quoy le roy juge à pro-
pos que Mons' le duc de Longueville aille, sans perdre temps, assié-
ger le d. lieu de Conis, et que Mons" le cardinal de La Valette tienne
cependant la campagne, pour faire teste aux ennemis. Ils verront l'un
et l'autre ensuite les moyens de faire tomber Revel avec le temps, à
quoy la prise de Conis servira et des autres places qui osteront aux
ennemis toute communication avec celle de Revel; les d. s" travail-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 419
leront, en suke de la prise de Conis, à ouvrii-le passage pour aller à
Casai par la prise d'Ast, Villeneuve d'Ast, ou Verrue.
Faict à Abbeville, le 6^ juillet lôSg.
LOUIS.
BOUTHILLIER.
CCXXXI.
Arch. des Aff. élr. Turin, l. 27, fol. 7. — Copie'.
Bibl. imp. Saint-Germain Harlay, 3^7, fol. 287 v°. — Copie. —
Dupuy, t. 767, cahier Qq. Extrait'.
POINCTS RECOMMANDÉS AU S" MONDAIIV
PAR M. LE CARDINAL DE RICHELIEU.
8 juillet lôSg.
Parler à Madame comme il faut pour la faire agir avec autant de
résolution et de fermeté à l'avenir qu'elle a eu d'inégalités par le passé.
Faire voir au comte Philippe et à ses adhérens qu'ils perdent leur
maistresse par leurs foibles conseils, et qu'il n'y a point de salut pour
eux que dans la protection du roy.
Porter Madame à s'asseurer Turin, Nice et Villefranche sans dif-
férer davantage, veu le grand péril qu'il y a au moindre délay.
Porter les armes du roy à attaquer Conis, s'ils ne l'ont desjà faict,
et ensuitte Ast, Villeneuve d'Ast ou Verrue; il seroit aussy bien impor-
tant d'asseurer le passage d'Yvrée et de desloger les ennemis de Fossan.
Faire bien munir et remplir de gens asseurés Suze et Veillane.
On ne parle point de Cahours, parce qu'il faut bien que ceux qui
sont auprès de Madame aient tout à faict perdu le sens s'ils ne reco-
gnoissent que le roy obligera tellement Madame, si S. M. le veut gar-
der, que c'est se moquer de luy que de luy proposer des conditions
pour luy mettre entre les mains un rocher sans place.
' Clierré a écrit, au dos de cette pièce : ' Voyez note 2 de la page 56 ci-
« Mémoire donné au s' Mondaifi , allant en dessus.
Piémont. >
53.
420 LETTRES
CCXXXII.
Arcli. des Aff. élr. France, iGSg, supp). fol. 236. —
Original , sans signature , de la main de Cherré.
snsCRIPTION:
POUR M. BOUTHILLIER,
SRRINTENDANT DES FINANCES, À PARIS.
D'Abbeville, ce 8* juillet 1639.
Je déslreray tousjours le soulagement de madame d'EIbeuf, et y
contribueray ce qui me sera possible. Mais , n'y ayant point de trouppes
maintenant en Bourgogne, je ne sçay pas le moyen de luy faire don-
ner une garnison aux despens du ray, qui n'en met point dans les
maisons particulières. M' de Noyers a donné ordre pour le payement
du reste du mariage de madame de Harcourt'. Je vous prie, lorsque
M'' de Mauroy^ aura recouvré l'argent pour cet efFect, de le faire faire
avec toutes les formalités requises pour ma seureté et pour celle de
l'argent à l'avantage de ma cousine.
Je ne sçay personne qui soit propre à mettre auprès de M"' de Ne-
mours '. Si je sçavois quelqu'un qui m'eust fort offensé, et que la ven-
geance fust permise, je luy procurerois cette place.
' La veuve du duc de Puylaurens, ré- avant son père, le second, Louis de Sa-
cemment mariée au comle d'Harcourt. voie, prit le nom de duc de Nemours:
(Voyez ci dessus, p. 16 et 263.) c'est celui dont il s'agit ici. Il n'avait
^ Commis de de Noyers. guère que seize à dix-sept ans lorsqu'il
' De la maison de Savoie, petil-fils de perdit sa mère, en i638. Il fut question
celui que Brantôme nommait « la fleur de alors de le marier à la fille du duc de
toute chevalerie,» et second fils de ce Rolian ; Bouthillier se mêla de cette
Henri de Savoie, duc de Nemours, connu affaire; mais, malgré la protection que
surtout par son goût passionné pour les Louis XIIl accordait au jeune duc de
spectacles de danse, et dont Richelieu .Nemours pour celte alliance. M"' de
faisait assez peu d'estime. (Voyez t. I, Rolian répondit résolument qu'elle n'é-
page 323, note 2.) De l'union de Henri pouserait jamais qu'un homme de sa
de Nemours avec Anne de Lorraine, à religion. Il paraît, d'après la présente
laquelle il s'était marié en 1618, il eut lettre, qu'on cherchait pour l'héritier du
quatre fils, qu'il laissa, jeunes encore, nom de Nemours un mentor, dont, s'il
sous la tutelle de leur mère, lorsqu'il en faut croire les paroles de Richelieu,
mourut, en i632. L'aîné étant décédé ce jeune homme avait grand besoin. Cepen-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
421
Vous aurés'bien receu du desplaisir, je m'asseure, de la perte de
Revel \ que vous pensiés comme nous estre asseurée au service du roy.
Il ne reste plus à celte malheureuse princesse que de se perdre elle-
mesme, après avoir perdu pièce à pièce tout son pays par sa faute.
CCXXXIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 29, fol. 17. — Original.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, 347, fol. 496. — Copie.
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE.
Abbeville, 8 juillet i63g.
Monseigneur,
Nous ne recevons nouvelles d'Italie qui ne nous mettent le poignard
dans le sein. Dans l'alfliction de la perle de Revel, qui faict cognoistre
la perte de l'esprit de ceux qui sont auprès de Madame, la prise de
Chivas m'a donné quelque petite consolation. Je ne doute point que
présentement M'' de Longueville n'ayt assiégé Conis, n'y ayant rien de
plus important que de nous conserver toutes les vallées, et un chemin
du Piedmont pour aller à Nice. M' le comte de S' Morice estime que
cette place et Fossan mesme ne sauroient avoir esté garnies et munies
en sorte qu'elles puissent faire une grande résistance. Cela faict, il est
ilanl le cardinal, qui le nomme dans ses
mémoires, à l'occasion de ce projet de
mariage (X, 454), ne laisse paraître au-
cune pensée défavorable au duc de Ne-
mours. Quoi qu'il en soit, il faisait l'an-
née suivante ses premières armes, en
quali'é de volontaire, avec le jeune duc
d'Enghien, au siège d'Arras. Selon Gui-
chenon , sdont l'histoire est un panégy-
rique perpétuel, et parfois ridicule, de
tous les princes de la maison de Savoie ,
le jeune Louis • fit paroistre tant de
courage et de résolution que celte qua-
lité, jointe à l'excellence de son esprit el
n la beauté de sa personne, le faisoit
considérer par toute la France comme un
illustre imitateur de ses prédécesseurs. •
Le duc de Nemours se trouva ensuite
(i64i) au siège d'Aire, où il tomba ma-
lade, et il mourut le 16 septembre, lais-
sant son nom à son frère, Charles Amé-
dée , qui figura dans la Fronde , et fut
tué en duel par son beau-frère, le duc
de Beaufort. Cette branche de la maison
de Savoie, et le nom de Nemours, s'élej^-
gnirenl avec le quatrième fils de Henri I"
de Nemours. On sait qu'après avoir été
archevêque de Reims il. épousa Marie
d'Orléans, fille du duc de Longueville,
qu'il laissa veuve sans enfants, en 1659.
' Revello , ville de la province de Sa-
luées.
422 LETTRES
important de s'ouvrir le chemin de Casai par la voie que vous esti-
merés plus à propos. Je vous plains extraordinairement; mais je m'as-
seure que vous jugés bien que, si vous avés beaucoup de peyne, je
ne suis pas exempt de mal. En quelqu'estat que je sois, je seray tous-
jours,
Monseigneur,
Vostre très liumble et très affectionné serviteur.
Le Card. DE RICHELIEU.
D'Abbeville, ce 8 juillet lôSg.
CCXXXIV.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-A*, p. 201. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
De Péronne, ce i 2 juHlet 1639.
M"^ le grand maistre saura que par l'enqueste qu'on peut faire on
ne trouve aucun lieu, depuis Corbie jusques à Landrecy, où l'armée
puisse vivre; et partant qu'il vaut mieux, s'il le peut seurement, et
avec quelques avantages, suivre le premier dessein qu'il avoit de la
pousser plus avant devant luy. Il est prié de faire recognoistre, tan-
dis qu'il est en repos, par diverses parties de cavalerie, tous les
lieux où il pourra faire quelques campemens, et la facilité ou dilFi-
culté de la marche pour y aller; les avantages qu'on y peut prendre
contre les ennemis, et ceux que les ennemis peuvent avoir.
11 est prié de plus d'envoyer recognoistre la marche qu'auroit à
faire l'armée de Hesdin à Dourlans, de Dourlans à Corbie, de Corbie
à Péronne, et mesme jusques à S' Quentin, ce qu'il peut faire faire ai-
sément par un aide de camp entendu, avec 20 chevaux, qui aille de
ville en ville, sous prétexte de scavoir des nouvelles des ennemis, et
de tous les logemens qui sont estendus du long de la fronlière; ce
dont chaque gouverneur luy pourra donner cognoissance.
Tout ce que dessus est soumis au jugement de M' le grand maistre
pour en faire ce qu'il estimera plus à propos; mais il est be.soin qu'il
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 423
sache qu'on ne croit pas que l'armée puisse vivre dans le pays en-
nemi en autre quartier qu'en celuy où elle est.
11 nous fera sçavoir particulièrement tout ce qu'il pense sur ce sujet,
afin que par telle conférence nous trouvions en effect ce qui se peut faire.
Depuis cette lettre escrite, j'ay receu la vostre du i i de ce mois;
j'ay esté très aise de sçavoir les nouvelles que vous me mandés de la
séparation du cardinal Infant, et du voyage que vous prétendes faire
de conséquence; sans sçavoir ce que c'est, je prie Dieu qu'il ayt bon
succès. En elfect, c'est à vous de voir tout ce que vous pouvés entre-
prendre seurement pour passer le reste de cette campagne dans les
environs du lieu auquel vous estes; ne voyant pas, comme je vous
ay mandé, que deçà il y ayt aucun lieu pour pouvoir faire vivre vostre
armée. Nous attendons le s' de Saintoust avec grande impatience
pour ce que vous sçavés ; vous nous ferés sçavoir souvent de vos nou-
velles, et vous en recevrés fréquemment des nostres.
CCXXXV.
Arch. des Afl'. élr. Allemagne, l. iD, p" i^ô. (Copie'.) Mise au net, même vol. p" 27".
Bibl. imp Cinqcenls Colbeit, n° 46, fol. 296 v°. — Copie'. —
Béthune, gaôft, fol. /|3 à 62 — Copie*.
MÉMOIRE AU S" D'A VAUX,
COnSEILLBn DO KOÎ E» SES COKSF.IIS, COMMAKDEUH DE SES nnDRES ETSON AHBASSADEUH EITnAOBDIN.llHE
EH ALLEMAGNE *,
I 3 juillet 1639.
Bien que le roy ayt eu ci devant avis que M'' le duc Bernard estoit
' Les quatre dernières lignes de cette trouve aussi dans le manuscrit de Bé-
copie , qu'on peut considérer comme une thune, lequel donne en marge ce som-
minute, sont de la main de Richelieu. maire : «Instruction de M. le card. de Hi-
* Celle mise au nel, qui nous paraît chelieu pour M. d'Avaux, louchant les dé-
êlrc de la main de Daridole, est datée du gousls et mesconlenlemens de M. le duc
16 juillet el classée en i638, dale et das- de Weymar contre la France, avec im pro-
semént fautifs. jet de traitté à faire entre les couronnes de
' Au folio 3 1 5 du manuscrit de Colbert France et de Suède. »
la date du mémoire est donnée ainsi : « Pé- ' Il est bien évident que celle longue
renne, 12 juillet lôSg. » instruction, qui occupe vingt à vingt-cinq
' La double dale du 13 el du 16 se pages dans les manuscrits, n'a été ni
424 LETTRES
mal content de la France , qu'il s'en plaignoit de tous costés avec les-
moignage de grands ressentimens, et que ces discours avoient donné
lieu aux ennemis d'espérer de le divertir du bon chemin, et luy faire
abandonner le party, dont mesme le d. s' ambassadeur a touché par
plusieurs fois quelque chose dans ses dépesches, néantmoins S. M.
sachant que le d. s'' duc a eu tousjours sujet de se louer du favorable
traictement qu'il a receu de sa part depuis qu'il s'est attaché à cette
couronne, elle ne pouvoit ajouster aucune croyance à tout ce qui luy
en a esté dict et escrit, ou bien elle croyoit que cela cesseroit après le
tesmoignage qu'elle a eu agréable de luy donner de sa bonté, laissant
Brisach et les villes forestières ' entre ses mains, comme il l'a désiré.
Mais S. M. voyant que, nonobstant cela, il persiste dans ses des-
gousts et dans ses plaintes, et qu'il ne veut point acquiescer aux con-
ditions qu'elle luy a faict proposer touchant les d. places, qu'il compte
pour rien les grandes assistances d'argent qu'il a receues d'elle et les
corps de gens de guerre françois qui ont contribué à tous les succès
qu'il a eus, autant et plus que les Allemands, qu'encore que son ar-
mée ne subsiste que par la solde de S. M. et qu'il la commande sous
son autorité, il prétend que les places qu'il prend lui appartiennent
comme si c'estoit un souverain qui fist des conquestes avec ses troupes;
S. M. ne peut qu'elle n'en soit mal satisfaicte, voulant croire néant-
moins qu'il se rendra capable de la raison et se conformera, après y
avojr pensé, à ses justes intentions.
Cependant comme le bruict de ce qui se passe sur ce sujet pour-
roit faire naistre quelque opinion parmi les alliés de cette couronne
que le duc fust mal ti'aicté de la France, et que S. M. voulust cesser
de contribuer, par son moyen, au bien de la cause commune, elle a
jugé à propos dMnformer le d. s"' ambassadeur de Testât de cette af-
écrile, ni dictée par Richelieu; elle a dû parvenue enlre les mains de M. d'Avaux
être rédigée, dans le cabinet de Cliavigni, q„e le duc de Weymar avait cessé de
sur les notes du cardinal. Nous n'en con- vivre; il mourut le 18 juillet,
servons que la substance et les principaux ' Plusieurs mss. mettent « frotilières; »
passages, c'est-à-dire la pensée de Hiche- le ms. de Bétliune donne la meilleure le-
lieti. Elle n'était peut-être pas encore çon.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 425
faire, afin qu'il en puisse dire vérité aux Suédois, qui, pour fintérest
qu'ils y ont, devront s'employer à ce que le d. duc prenne de meil-
leures résolutions.
Ici l'instruction s'engage dans le récit de tout ce qui s'est passé entre la France
et l'illustre général qu'elle avait pris à son service, depuis le traité fait avec le
duc Bernard au mois d'octobre de l'année 1 635; on joint au mémoire une copie
de ce traité, ainsi que des autres engagements réciproques contractés depuis,
afin que les termes précis en puissent être invoqués au besoin par l'ambassa-
deur, et l'on s'attache à montrer que la France a été plus que fidèle à ses pro-
messes , qu'elle les a accomplies avec une générosité inspirée au roi par l'intérêt de
la cause commune, tandis que le prince est resté au-dessous de ses engagements.
Toutefois, en présence des grands services qu'il a rendus et de la gloire dont il a
couvert les armes alliées, la France s'est montrée indulgente à ces manquements.
Cependant, le s' duc ayant conceu dans son esprit un establissement
de fortune aux despens du roy, il ne s'est plus voulu souvenir qu'il
commandoit son armée sous son autorité, qu'il estoit tenu de l'em-
ployer partout où S. M. voudroit, qu'elle la soudoyoit, que la prise
des places qu'il tient et principalement de Brisach, estoit le fruit des
travaux et du sang des François et des assistances qu'il a eues de S. M.
Bref, il a creu qu'il devoit seul recueillir l'avantage de tout cela, et,
de faict, il a prétendu que Brisach et les autres places lui dévoient de-
meurer, et n'a pas laissé néantmoins de demander, en s'esloignant
tousjours de plus en plus de la raison, que S. M. le rcmboursast
des frais qu'il dict avoir faicts es sièges des dictes places, de leur ra-
vitaillement, munitions et toutes autres choses, quoyque S. M. luy ait
faict fournir extraordinairement 45o,ooo livres en l'année dernière
pour telles despenses.
L'instruction explique la mission du colonel d'Erlack, envoyé au roi, et celle
du comte de Guébriant, chargé de remettre au duc un écrit où le roi témoi-
gnait une généreuse condescendance.
Le premier article du dit écrit concernant Brisach et les villes fores-
tières faict cognoistre la bonté du roi, qui, pour ne relarder le moins
du monde le bien de la cause commune, et n'empescher que le dict
CARDIN. DE RICHELIED. — VI. 54
426 LETTRES
duc y conlribue pendant cette campagne avec l'armée que S. M. luy
soudoie, n'a pas voulu demeurer ferme à ce que Brlsacb fust mis entre
ses mains. . .
Les alliés ont donc grand sujet d'estre très contens de cette pro-
cédure de S. M. qui s'est sy généreusement départie en cela de son
intérest pour la considération du bien public, et spécialement afin de
diligenter la diversion que la couronne de Suède attend de nostre
costé par le moyen de l'armée du d. duc, ce que le d. s' ambassadeur
saura bien faire valoir.
Mais Sa Majesté n'aurait pu, « sans abandonner i'intérest public, » reconnaître
au duc le droit de « disposer des places k son plaisir; » une armée soudoyée par
la France ne pouvait faire de conquête qu'au profit de la France. En laissant au
duc le landgravial d'Alsace, « le roy n'a entendu luy en laisser que le titre et la
jouissance... avec les droits domaniaux, justices et revenus tels que les possé-
doit la maison d'Autriche; » mais les places fortes et le droit d'y mettre garnison
sont expressément réservés au roi.
La conduite du duc de Weymar, ses paroles, le scrupule qu'il témoigne au sujet
du démembrement de l'Empire, éveillent le soupçon qu'il n'ait quelque arrière-
pensée, qu'il ne songe à se lier à « un tiers party dont il a esté souvent parlé. . . au-
quel on voudroit porter Mad' la landgrave et le duc de Lunebourg. » Wicquefort est
allé récemment de la part de Weymar auprès de la landgi-ave.et de Milandre. . .
On recommande à l'ambassadeur d'avoir l'œil ouvert sur ces intrigues politiques.
L'ambassadeur s'appliquera surtout à bien faire comprendre à Salvius, mi-
nistre de Suède , tout ce que dessus , à le convaincre de la sincérité des procédés
du roi, de sa fidélité à la cause commune, ainsi que des bons et généreux traite-
ments qu'a reçus de Sa Majesté, en toute occasion, le duc de Weymar. Il char-
gera les sieurs de Rorté et de Beauregard « de faire la mesme chose en Suède et
auprès du général Bannier. » Il doit « asseurer les Suédois que le roy presse sans
relasche le prince saxon de passer le Rhin et d'agir contre les ennemis com-
muns. » On lui donne, pour l'y déterminer, de larges subventions, et tout ce
qu'il demande pour le recrutement et le ravitaillement de son armée.
Il leur dira que S. M. se rapportera bien volontiers à l'arbitrage
de la couronne de Suède, pour ce qyi est à ajuster entr'elle et le d.
s' duc, tant pour le regard des d. places et de celles qui seront con-
quises ci après, que pour ce qui est de ses demandes, ne doutant
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 427
point que 1» d. couronne ne trouve ses intenlions très justes, et le
traictement qu'elle a faict au d. s'' duc jusques icy très avantageux et
favorable.
Après quelques explications sur une affaire qui faisait bruit en ce moment,
l'échange de prisonniers tels que J. deWerth, le maréchal Uorn et d'autres,
l'instruction touche un point dont s'inquiétait vivement Richelieu. Grotius n'ai-
mait ni le cardinal, ni la France, et Richelieu n'était pas homme à lui pardonner
cette double antipathie; il avait d'ailleurs surpris une correspondance de cet am-
bassadeur pleine de mauvais vouloir contre nous.
On croit que le s' Grotius contribue autant qu'il peut à entretenir
le d. s' duc en son mescontentement, descriant au surplus les affaires
du roy de tous costés. . . publiant que S. M. ne pouvoit et ne vouloit
rien faire cette année au Pays-Bas, ny ailleurs.. . Il n'est pas séant à
des ministres de la couronne de Suède, •alliée de la France, de pu-
blier de mauvais et faux bruicts de nos affaires. . .
L'instruction insiste sur la nécessité de faire rappeler un ambassadeur si mal-
veillant. Ce rappel importe à la Suède aussi bien qu'à la France; mais c'est une
affaire qu'il faut « traicter le plus secrètement et discrètement qu'il pourra. »
Le d. s' d'Avaux doit savoir qu'on lui envoie le présent mémoire
pour estre en estât de prévenir les plaintes que pourroit faire le d.
s' duc de Weymar, et non pour en faire présentement csclat, parce
qu'on n'est pas asseuré que le d. s' duc veuille essentiellement man-
quer à ce qu'il doit en se séparant des intérests du roy et de ses alliés.
Jusques à présent l'on impute son mauvais procédé à la dureté de
son naturel , qui est fort attaché à ses intérests particuliers; mais deux
choses empeschent de croire qu'il le poust porter à changer de party :
l'une, sa réputation, qui luy est chère, et l'autre, les grandes sommes
de deniers qu'il a tirées du roy, lesquelles l'Empire et l'Espagne ne
luy sauroient donner. . .
Il pourra encore dire au s' Salvius que le d. s' duc de Weymar ne
peut s'exempter de blasme s'il refuse de s'obliger à ne rendre jamais
Brisach et les autres places qu'il tient sans le consentement de S. M.
54.
^28 LETTRES
et pour autres fins que pour l'utilité de la cause publique, comme
aussy de faire jurer par serment solennel ceux qui commanderont
dans les d. places, de n'en disposer pas autrement, au cas que le d.
duc vinst à mourir.
Mais il ne passera pas plus avant et ne tesmoignera pas l'appréhen-
sion qu'on pourroit avoir que le d. s'' duc eust une oreille ouverte
pour escouter ce que les ennemis de la cause publique luy voudroient
dire; bien portera-t-il le d. s"" Salvius à envoyer, de la part de la cou-
ronne de Suède, solliciter le d. s"" duc de tout ce qui est utile à la
cause publique.
L'instruction se termine par la commission donnée à d'Avaux de traite avec
Salvius de l'offre que celui-ci avait faite de navires suédois. Richelieu li'était point
parvenu à créer en France des chantiers de construction; nous étions à cet égard
sous la dépendance des nations maritimes, la Hollande surtout nous fournissait
des vaisseaux. Le cardinal charge d'Avaux de tâcher d'en emprunter de la Suède,
ou du moins d'en acheter à meilleur marché qu'en Hollande, et à condition de
ne les payer qu'après la paix; au reste, dit avec sa précision ordinaire, Richelieu,
qui prend ici la plume :
Nous n'en désirons point qui ne soient presque neufs et fort bons
pour la guerre'. Il faut faire savoir particulièrement leur port et leur
âge. 11 les faut tous à peu près de 4 à 5oo tonneaux, et qu'ils n'aient
pas plus de deux ou trois ans de service.
Une nouvelle lettre fut écrite par le roi à M. d'Avaux, le i6 juillet, signée
Louis et contresignée Bouthillier; c'est encore la pensée de Richelieu qui inspire
cette lettre, mais quelques passages seulement lui appartiennent en propre. H
fait assurer les Suédois que les subsides de la France leur seront exactement
payés à l'échéance.
Le roy voulant donner tout contentement à la couronne de Suède,
tant parce que S. M. y est obligée par traicté, que parce qu'elle voit
par les effects que son argent est très utilement employé.
' Ici finissent les copies des Affaires après le mot «guerre,» met immédiate-
étrangères et de Béthune; ce dernier ms. ment la date : « i 2 juillet lôSg, Péronne. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 420
Mais elle a un desplaisir de ce que, nonobstant qu'elle en distribue
bonne quantité à M"^ le duc Bernard de Weymar, il ne se met pas
néantmoins en estât de faire de son costé pour S. M. la diversion
que les Suédois désirent dans l'Allemagne; elle ne désire pas moins
qu'eux qu'il passe le Rhin, et qu'il agisse puissamment contre les en-
nemis, tant pour le bien de la cause commune que pour l'intérest
de la France en particulier, veu que si le d. duc faisoit quelque chose
de considérable en Allemagne, Piccolomini, qui avoit esté rappelé
très expressément par le roy de Hongrie, ne demeureroit pas dans les
Pays-Bas, et Lamboy n'y seroit pas venu de nouveau, comme il a
laict depuis quatre jours.
... 11 est très fascheux que S. M. luy donne tous lesans2,4oo,ooo 1.
et des secours extraordinaires de plus, sans pouvoir faire en sorte
qu'il ayt une armée d'un nombre de gens de guerre proportionné à
cette somme, suivant le traicté faict avec luy, ny disposer de la d. ar-
mée pour l'avantage de la cause commune. En prenant l'argent de
S. M. par chacune année, il ne laisse pas de luy demander des gens
de guerre pour composer la d. armée avec ses Allemans, la solde et
la subsistance des uns et des autres jusqucs au pain.
... Il faut avouer que ce procédé est très injuste et presque insup-
portable; le d. s"" ambassadeur verra s'il y aura quelque moyen de
rendre le duc capable de raison (par l'entremise des Suédois) et plus
eschaulFé pour le bien de la cause commune. Le d. s' d'Avaux parlera
en sorte du d. s' duc qu'en excusant adroitement le roy, il ne le
blesse pas.
La dépêche poursuit en montrant aux Suédois un extrême désir de les satis-
faire. — Le roi • approuve la pensée de l'ambassadeur, • qu'il faut mettre de
grands ménagements en ce qui est du rappel de Grotius, • à cause de l'appuy qu'il
a du chancelier Oxenstierne. . . On eust bien désire icy qu'un autre que Muller eust
esté envoyé vers M. le duc Bernard. . . •
Si la couronne de Suède lient en ces quartiers-ci des gens sy mal af-
fectionnés à la France que Grotius, Mokel et Muller, il est impossible
430
LETTRES
que le concert qui doit estre entre la France et la Suède, comme
aussy avec le d. duc, dure ainsy qu'il est nécessaire.
Le reste de la lettre traite d'affaires diverses. Elle est datée de Saint-Quentin ,
le i'6 juillet. L'original est conservé aux Affaires étrangères, Allemagne, t. i5,
pièce 122, et, dans le môme volume, une mise au net est cotée i3o. Nous en
avons trouvé deux copies à la Bibliothèque impériale , l'une dans la collection des
Cinq-cents Colbert, t. ii6, P 3ii, où l'on a noté que la transcription a été faite
sur une pièce écrite par Daridole, l'un des premiers commis de Chavigni; l'autre
dans le fonds Béthune, 9266, f° 86.
CCXXXVL
Arch. des Aff. étr. Turin, l. 29, fol. 45. — Original.
Bibl. inip. Saint-Germain-Harlay, 347, ^°^- ^*9^ ^°- — Copie.
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE.
là juillet 1639.
Monseigneur,
Le s' de Rocquepine ayant tesmoigné quelqu'ombrage des gens
que le roy a voulu envoyer dans Metz, pour luy ayder à conserver
la place contre les entreprises que les ennemis iorment sur icelle ',
je luy ay escrit la lettre dont je vous envoie copie, pour ra.sseurer
' De secrets rapports inspiraient la
crainte que le duc de La Valelte ne fit
faire une entreprise sur Metz, dont on lui
avait ôlé le gouvernement. Quoiqu'il y eût
peu d'apparence, Richelieu se tenait en
soupçon, et, selon son habitude, était dis-
posé à exagérer les précautions plutôt que
d'en manquer. Il n'avait pas d'ailleurs une
entière conhance en Roquepine , qu'il savait
dévoué à l'ancien gouverneur. Richelieu le
ménageait pourtant, par égard pour le car-
dinal de La Valette , dont il était le protégé.
Roquepine, de son côté, comprenait fort
bien que les gens envoyés « pour luy ayder
à conserver la place » n'étaient en réalité
que des surveillants qu'on lui donnait à
lui-même. On devine dans ces deux lettres
l'embarras de cette complication. Quelques
jours après, le 3o juillet, Richelieu écri-
vait à M. de Choisy qu'on avait avis que le
duc de La Valette avait passé déguisé à
Bruxelles, qu'il était très-certain qu'il pro
mettait au roi d'Espagne de faire une en-
treprise sur Metz, qu'il fallait en avertir
M. de Roquepine. Le cardinal ajoutait
« qu'il restoit dans les compagnies où le
roy avoit envoyé des capitaines de vieux
sergens et caporaux alîeclionnez à M. de
La Valette. . . qu'il falloit esloigner de la
ville.» Celle lettre a élé imprimée; elle
sera notée aux Analv.ses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 431
que, n'ayanU autre dessein que celuy qu'il a luy-mesme, qui est de
garantir cette place des mauvais desseins des ennemis de cet Estât,
il n'en devoit avoir aucun soupçon, ains au contraire y prendre une
entière confiance. Mais comme l'attachement qu'il a à vos intérests
luy faict tout apréhender, j'estime qu'il seroit bien à propos pour
esviter les inconvéniens qui pourroient arriver, s'il continuoit dans
ses défiances, que vous luy envoyassiés ordre exprès de suivre ceux
qu'il recevra de la part du roy touchant la conservation de la d.
place, sur l'asseurance que je vous donne qu'on ne luy en envoiera
aucun qui ne vous soit aussy utile qu'à S. M. mesme, qui n'a nulle
pensée de vous mescontenter. Vous le croirés, s'il vous plaist, et que
je seray tousjours, sans changement,
Monseigneur,
Vostre Irfcs humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Péronne, ce i/j juillet lôSg.
CCXXXVIl.
Bibl. imp. Sainl-Gerroain-Harlay, 3^7, fol. tt^~- — Copie.
A M. DE ROOLEPIÎVE.
1 4 juillet 1639.
Monsieur, ayant sceu qu'on avoit faict courir un bruict dans Metz
que le roy avoit dessein de faire d'autres changemens dans la place
que ceux qu'il y a faicts pour son service, et pour l'avantage de M' le
cardinal de La Valette, je vous fais cette lettre pour vous asseurer que
S. M. n'a d'autre intention que de garantir la dicte place des entre-
prises que les ennemis ont dessein d'y faire, sur l'imagination du
crédit qu'y a eu autrefois M''- de La Valette. Je m'asseure que vous
croyés bien que je seray aussy soigneux des intérests de M' le cardi-
nal de La Valette que des miens propres; et, sur ce fondement, je
vous prie de vivre avec ceux qui iront de la part du roy dans Metz
432
LETTRES
avec pareille confiance que celle que vous prenés en vous-mesme,
vous âsseurant encore une fois qu'ils n'ont autre intention que celle
que je vous ay dict ci-dessus. Je ne doute point que monsMe cardinal
de La Valette ne vous donne des ordres très précis de ce dont je vous
conjuré maintenant. Cependant, comme je vous prie de n'avoir au-
cun ombrage des gens du roy, vous ne sauriés en trop avoir de ceux
des ennemis de cet Estât, et mesme de ceux qui sont afEdés à M' de
La Valette, qui pourroient former des desseins sur la place que vous
gardés. Je vous prie donc de veiller à ce qu'ils ne puissent réussir, et
vous asseurés que je suis véritablement. . .
Depuis cette lettre escrite, j'ay receu la vostre et le mémoire de
M' Talon. M"' de Noyers respond à ce qui est porté dans le dict mé-
moire.
Quant aux hommes dont je vois que vous avés quelque besoin, il
y a esté satisfaict par l'envoy des restes du régiment de Rambures et
celuy de Périgord.
Nous ne craignons pas que vous puissiés eslre assiégé, mais souve-
nés-vous que vous avés à vous garder de surprise et de trahison. Je
ne vous parle pas ainsy sans sujet; on a dict au roy qu'on ne tire ja-
mais la garde des portes de Metz.
Quand je suis entré au gouvernement de Brouage, je l'ay changé
quoyque ce fust ma compagnie qui gardast tousjours la principale
porte; je vous prie de ne pas manquer à en faire autant suivant les
ordres du roy'.
' Celte dépêche ne fut pas expédiée im-
médiatement. Cliavigni, en l'envoyant au
cardinal de La Valette, lui écrivait une
lettre particulière, datée du 21 août, où il
lui donnait des nouvelles de la cour. Un
passage écrit en chiffres a été déchiffré,
.mais on a rendu ce déchiffrement en par-
lie illisible. Nous copions ce qu'on en peut
lire : « M. de La Valette est tousjours plus
enibasté que jamais avec les Espagnols ;
on le sçayt par voies très certaines et non
suspectes... César (La Meilleraie) est le
plus considérable. . Nestor (le cardinal)
n'estime qu'en luy. Le roy a eu un
grand démeslé avec M' le cardinal , et n'est
pas encore bien avec M. le cardinal; mais
cela se pourra raccommoder. Le cardinal
de La Valette tiendra cela fort secret ; le. . .
peut tout. » ( Ms. des Aff. étr. cité aux
sources, P kg.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 433
CCXXXVIII.
Arch. des AfiF. élr. Hollande, 1. 21, pièce 98. —
Mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46 , fol. iZi6 v°. — Copie '. —
Saint'GermainHarlay, 3^6, t. 2 , p. a^i et 3o8. — Copies.
A M. D'AMONTOÏ.
Ham, i5 juillet iGSg.
S. M. ayant veu les trois propositions qu'a faictes M' le P. d'O-
range, est bien faschée qu'on ne puisse s'arrester aux deux premières
à cause que la saison est trop avancée, et qu'il faut beaucoup de
préparatifs qu'il est impossible de faire maintenant pour de tels des-
seins.
La dépesche du d. s"" prince est arrivée fort à propos, parce que
sans icelle S. M, estoit en disposition d'envoyer 6,000 h. qui sont en
Champagne, du corps de M"' de Chastillon, en Italie. Et ayant veu que
M' le P. d'Orange veut et promet dans sa première proposition d'en-
treprendre le siège d'une place considérable, elle s'est résolue, pour
lu Y en faciliter le moyen, de priver Madame, qui est sa propre sœur,
de ce secours, pour estre plus en estât de tenir les ennemis en échec,
tandis que M' le P. d'Orange fera son effect.
Reste à luy maintenant de recognoistre l'extraordinaire bonne vo-
lonté que le roy tesmoigne à M" les Estais et à sa propre personne,
ayant tousjours plus faict qu'il ne leur a promis, et préférant leurs
intéresls, en celte occasion, à son propre sang, et de faire réussir sa
proposition de l'effect de laquelle S. M. s'asseure sur la parole du d.
prince, dont elle faict une estime très particulière ^.
' Le manuscrit de Colbert ni celui de deux manuscrits indiquent la main de
Harlay n'indiquent de quelle main était la Daridole.
pièce sur laquelle ont élé faites leurs co- ' A la suite de cette pièce, les raanus-
pies, mais les pièces qui précèdent ou qui crits de Colbert et de Harlay donnent les
suivent immédiatement celle-ci , dans ces propositions du prince d'Orange. En féli-
CAHDIR. DE RICUELIEC. — VI. ' 55
434 LETTRES
ccxxxix.
Bibl. iinp. Bétliune, 9266, fol. 69. — Copie. — Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. 124. -r-
Copie '. — Sainl-Germain-IIarlay, 346, l. 1, fol. 124- — Copie. —
Bibl. de l'Arsenal. Hist. 186, in-4°, p. 2o5. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
De Sainl-Quenlin, ce 16' juillet 1689.
Le roy approuve la proposition que faict M'' le grand maistre,
d'aller chercher un poste vers la Flandre où l'armée qu'il commande
puisse vivre commodément.
Il estime de plus que celuy de Cassel, qu'il propose, seroit fort
bon si les ennemis estoient foibles.
Mais, d'autant qu'ils ont esté renforcés de Lamboy, on estime que
ce poste de Cassel est trop esloigné d'Ardres et de Ruminguen^, qu'on
veut prendre, pour le pouvoir conserver seurement.
On croit qu'il seroit aisé aux ennemis, se logeant à S' Omer, de
couper absolument les vivres à ceux qui seroient à Cassel, et ainsy
les contraindre de combattre ou de périr, ce qu'il faut esviter cette
année presque également.
On estime qu'en Testât que sont les affaires on se doit contenter
de la moitié de la proposition de M' le grand maistre, et qu'après
cela on peut faire ^ quelque chose de bon.
Sur ce fondement, on croit qu'on peut prendre seurement Rumin-
citant le roi du succès du siège d'Hesdin, de Colbert et de Harlay dit que les copies
le prince proposait à Sa Majesté de faire ont été faites « sur un mémoire écrit de la
le siège de Dunkerque , de Gravelines ou main de Richelieu. •
de Bruges, et il indiquait les entreprises " Rumingheim, petite ville de l'Artois
qu'il pourrait exécuter de son côté, selon (Pas-de-Calais), près de Saint-Omer. Le
que le roi accepterait quelqu'une de ses manuscrit de l'Arsenal omet le nom.
propositions. ' > Et qu' ainsy on ne peut faire
' Une note commune aux manuscrits (Ms. de l'Arsenal.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 435
guen et Hannuin sur la rivière du Ha\ et faire en un de ces deux lieux ,
ou en quelque gros bourg situé entre les deux^ sur la rivière du Ha,
un bon campement par le moyen duquel, ayant des ponts sur la ri-
vière du Ha, il pourra également faire des courses dans la Flandre et
dans l'Artois.
A cela on ne juge aucun péril, ayant Ardres et Calais à son der-
rière pour les vivres, et la rivière d'Ha pour seureté, et si, estant là,
la bonne fortune donnoit le gain de quelque notable combat aux
armes du roy, on pourroit les porter plus * avant.
Le moins qu'on puisse faire en ce dessein est de manger et faire
manger aux ennemis le meilleur de leur pays, et peut estre qu'au lieu
que M'' le grand maistre se proposoit de faire un fort vers Mouchy le
Cayeu* pour s'avancer dans l'Artois, il pourra en faire un au lieu où il
se campera , qui conservera l'entrée de la Flandre et le passage de la
rivière d'Ha, ce qui ne sera pas de petite conséquence.
C'est à M' le grand maistre à juger s'il se peut servir de sa proposi-
tion ainsy racourcie, le roy luy laissant la liberté d'en user ou de n'en
user pas, ainsy qu'il jugera à propos pour son service; mais, pour celle
de Cassel, on la trouve trop périlleuse pour cette heure.
Si M. le grand maistre entreprend ce dessein. Sa Majesté n'em-
barquera l'armée de M. de Chastillon à aucune chose jusqucs à ce
qu'il sache qu'il soit campé; mais il la tiendra tousjours à Retel, où
elle sera bien plus considérée des ennemis, pour ne dégarnir pas les
costés de deçà de toutes leurs forces, que s'ils la voyoient occupée à
un siège de petite considération.
Au mesme temps qu'on auraresponse de M. le grand maistre, le roy,
partant de Guise, y laissera M' de Saligny avec trois régimens d'in-
fanterie et i,5oo chevaux, et luy fera faire des courses le plus avant
' On confiait douze ou quinze rivières de l'Arsenal.) — ' « Les pousser plus. . . »
du nom de^Aa; celle-ci passe à Saint- (Ms. de l'Arsenal.)
Orner et va se perdre à la mer, près de ' Mouchy-le-Cayeux, village à deux
Gravelines. lieue» au nord de Sainl-Pol.
' iS'il y en a entre les deux. . . • (Ms.
55.
^36 LETTRES
qu'il se pourra dans le pays des ennemis, afin de les obliger de laisser
de puissans corps de deçà, et Sa Majesté s'avancera en Champagne
pour leur donner encore ombrage dans le Luxembourg, et du costé
de Metz, où l'on lairra espandre le bruict qu'elle s'en va.
Ainsy apparemment les ennemis ne pourront tous fondre sur les
bras de M. le grand maistre, et quand 'vous nous manderés que
vousserés campé, lors nous pourrons faire ce que vous savés.
Ce sera maintenant à vous à vous résoudre à ce que vous estime-
rés à propos et seur, et à nous le faire savoir afin que tout aille de
concert.
Quoy que vous fassiés, il le faut faire bien secrettement, donnant
des pensées autres aux ennemis, comme le s"^ de Choupes nous l'a
proposé de vostre part, et, par ce moyen, j'espère que ce que vous
entreprendrés vous réussira.
Il est vray, comme nous vous avons mandé, que Lamboy aura
maintenant joint Picolomini; mais il n'a pas la moitié de ce que man-
doit Palloques. Un trompette de Vaubecourt, qui les a vus marcher,
dict qu'il n'y a de bon que trois régi mens de Croattes que nous met-
tons, sçavoir : à 5oo hommes celuy d'isolany, à 4oo chacun des deux
autres. 11 dict qu'il y a encore quelques régimens de cavalerie alle-
mande, qui ne vaut guères, et quelque peu d'infanterie, qu'il ne met
point en ligne de compte. Voilà comme il en parle.
Je crois qu'il faut faire estât que ces troupes peuvent monter, en
cavalerie et infanterie, entre quatre et cinq mille hommes. Sans le
malheiu" de M. de Feuquières, nous parlerions hardiment à ces
messieurs; mais j'espère que, l'année qui vient, nous serons plus
sages et plus heureux que nous n'avons esté en cette première ren-
contre.
' « El quand il nous mandera qu'il sera pêche la phrase est tournée à la troisième
campé. . . » Ici et dans la suite de cette dé- personne dans le manuscrit de l'Arsenal.
DU. CARDINAL DE RICHELIEU. 437
CCXL.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. 161. — Copie. —
Saint-Germain Harky, 346 , t. 1, i64. — Copie*.
AU MARESCHAL DE CHASTILLON.
[20 juillet iCSg'].
Le roy désire savoir si M' le maréchal de Chastillon estime pou-
voir prendre seurement Ivoy, qu'il a desjà pris une autre fois en peu
de jours.
On ne révoque pas en doute que cette place ne soit aisée à em-
porter, au cas qu'elle ne soit point secourue.
Mais S. M. ne voulant pas exposer l'armée du dict s' maréchal à
un pareil accident que celuy du s' de Feuquières, c'est au dict s'
mareschal de Chastillon à considérer s'il sera assez fort, avec la cava-
lerie de Coligny, pour emporter cette place sans courre une pareille
fortune.
Piccolomini estant vers Arleu, comme apparemment il se tiendra
en ces quartiers, il peut estre en 8 ou 9 journées de marche à Ivoy.
11 est certain qu'Ivoy estant le principal lieu d'où il peut tirer dans
le Luxembourg sa principale subsistance, à cause de Sedan, le siège
de cette place feroit que difficilement une grande armée ennemie y
pourroit-elle vivre en ces quartiers.
Mais, d'autant qu'il ne faut qu'une bonne journée pour tenter et
effectuer le secours d'une place, c'est à M' de Chastillon, qui co-
gnoist les environs de cette place, qu'il a desjà assiégée et prise, à
sçavoir si la situation ne donne point quelque avantage qui peut em-
pescher le secours.
' Une note marginale des deux manus- point de date; elle se trouve classée immé-
crits dit que leur copie a été prise « sur diatcment avant le mémoire du roi au
un brouillard entièrement écrit de la main maréchal de Chàtilion , dont nous parje-
de M' le cardinal de Richelieu. » rons tout à l'heure; nous pensons que la
* Celte, pièce non terminée ne porte date doit être la même.
'438 LETTRES
S. M. attendra nouvelles du d. s"^ mareschal, qui luy fera sçavoir di-
ligemment ses pensées sur ce sujet, présupposant pour fondement
très certain qu'elle ne veut point cette année hasarder son armée en
exécutant ce dessein, ny aucun autre.
Si S. M. se résout à l'exécution de ce dessein, après avoir sceu l'avis
de M' de Cliastillon, il faudra le conduire sy secrètement que le d.
s' mareschal soit autour de la place auparavant qu'on puisse soup-
çonner qu'il ayt la pensée de l'assiéger, et mener le siège sy vivement
qu'en huit ou dix jours on en puisse voir la fin.
Partant, il ne parlera à qui que ce puisse estre de cette proposi-
tion et verra avec le porteur si...
A la suite de cette pièce, dans l'un et l'autre manuscrit (f° ^6^ de Colbert,
162 de Harlay), se trouve la copie d'un mémoire du roi au maréchal de Châ-
tillon sur l'entreprise d'Ivoy, copie, disent ces manuscrits, prise sur une pièce de
la main de Cherré. Le mémoire du roi, dont Richelieu avait donné la matière,
et dont nous conservons seulement les points principaux, est une instruction
supplémentaire pour l'entreprise d'Ivoy.
Maintenant que le roy est en lieu de suivre promplement M' le
mareschal de Chastillon. .. il faut qu'il commence le dessein qu'il
sçayt plus tost que plus tard, tandis que M' de La Meilleraie sera en
lieu où il tient les ennemis en doute de ce qu'il veut faire. . .
M" le mareschal de Chastillon peut marcher quand il voudra, sans
attendre plus aucim ordre du roy.
Ce sera un grand avantage s'il peut donner quelque créance qu'il
va d'un autre costé. . .
S'il faict semblant d'investir Montmédy et qu'il l'investisse, en
sorte néantmoins que les ennemis puissent jeter dedans des troupes
qui seront dans Ivoy, ils en envoyèrent la plus grande partie, parce
que Montmédy est de plus grande conséquence qu'Ivoy. . .
Par raison, Piccolomini ne peut penser à quitter l'Artois pour aller
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 439
dans ie Luxwnbourg; et, quand il y voudroit aller, M' de Chastillon
doit avoir faict son dessein devant qu'il puisse estre à luy. . .
C'est en ce cas que le dict s" mareschal doit user de sa prudence
et se servir de sa teste pour prendre le party qu'il estimera plus as-
seuré , ou de lever le siège pour aller à Piccolomini , s'il voit le pou-
voir faire avec avantage, ou de se retirer s'il l'estime à propos.
CCXLI.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 27, fol. i3. — Minute. — ïom. 29, fol. Sa. — Original.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 347, fol. a/ii v° et 497 v°. — Copies '.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
21 juillet 1689.
Monseigneur,
Le roy attend, avec une extresme impatience, le bon succès du
premier dessein que vous aurés entrepris. M"" de Chavigny, à son re-
tour, a tellement asseuré S. M. qu'aussytost que l'armée de M"" de Lon-
gueville et la voslre se pourroient joindre, vous asseureriés pour tous-
jours la communication de Casai par la prise de l'une de trois places :
de Villeneuve d'Ast, ou d'Ast^, ou de Verrue, que S. M. ne doute
point que vous n'ayés suivi ce dessein. Elle estime qu'après un tel
succès le vray repos de vos armées, pendant les grandes chaleurs,
doit estre vers la campagne de Savillan et de Fossan, pour, en se re-
posant, réduire à la raison Conis et Fossan.
Au nom de Dieu. Monseigneur, employés sy bien. M' de Longue-
ville et vous, la vigueur de vos armes que vous puissiés remettre
l'Italie en Testât auquel elle doit estre. Autrement, si vous perdiés
l'occasion de profiter de la première pointe des François, et que vous
' «Transcription faite sur l'original.» village du Piémont, non loin d'Alexan'
(Noie du manuscrit de Harlay.) drie.
' Asti, et Villanuova d'Asti, ville et
440 LETTRES
laissassiés périr de sy belles armées sans un progrès conforme à ce
qu'on s'en promet, non-seulement les affaires du roy seroient-elles
perdues en ces quartiers là, mais partout, estant certain que le lieu
où vous estes est celuy qui réglera toutes les affaires de la chrestienté.
Je ne doute point que nous n'ayons maintenant bien souvent de
bonnes nouvelles de vostre costé. J'en prie Dieu de tout mon cœur
et pour le service du roy, et pour vostre réputation particulière; vous
asseurant que je suis et seray toute ma vie.
Monseigneur,
Vostre très humbie et 1res affectionne serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Guise, ce 21 juillet 1689.
CCXLII.
Arcli. des Aff. étr. Turin, l. 27, fol. i4. — minute.
Bibl. imp. SaintGennain-Harlay, 347, fol. 2^5 v°. — Copie.
A M. DE LONGUEVILLE.
2 I juillet i63g.
Monsieur, Je ne
doute point que vous ne fassiés cognoistre aux Espagnols que vous
estes en Italie; aussy vous avouerois-je que j'aurois un extresme des-
plaisir si, avec de telles armées que vous avés maintenant, monsieur
le cardinal de La Valette et vous, vous ne répariés une partie des
maux que les Espagnols ont faicts avec 6,000 hommes. Le but, à mon
avis, que vous dcvés avoir, est d'ouvrir le chemin de Casai par la prise
d'Ast, ou de Villeneuve d'Ast, ou de Verrue, et par après de loger
vos armées dans la catnpagne duPiedmont vers Savillan, pour ranger
à leur devoir, pendant leur repos, Fossan et Conis, qui apparemment
se réduiront en voyant tous leurs environs occupés par les troupes
du roy. Il est de vos prudences et de vostre zèle d'employer plus
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
tik\
utileiTient que vous pourrés la vigueur et la première pointe de vos
armées ^ Je vous en conjure, autant qu'il m'est possible, et vous
asseure que je feray valoir auprès du roy vos actions et vos services
autant que vous le pouvés désirer de
Vostre, etc.
CCXLIII.
Bibliolh. de l'Arsenal, Hist. 186, in-/j°, p. a 12. — Copie.
Bibl. imp. fonds Béthune, 9266, fol. 67 v°. — Copie.
Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. 129. — Copie*.
Sainl-Gemiain Harlay, 346, t. 1, fol. i3o. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
De Guise, ce 21 juillet ibSg.
Le roy voyant que la seurelé de Hesdin vous oblige à demeurer
au lieu où vous estes jusques au 4* ou 5* du mois qui vient, s'est ré-
solu de faire marcher M' de Chastillon pour ce que vous savés, et en
efFect il marchera demain , et Sa Majesté part aujourd'hui pour se
rendre où il faut.
Déjà Plcolomini a renvoyé 1 200 chevaux en grande diligence dans
le Luxembourg. Je ne sçay s'il n'y en renvoyera pas davantage quand
il saura le roy parti d'icy.
Il est certain qu'il n'a avec luy que deux mil 8 à 900 chevaux et
' Cette lettre était à peine arrivée en
Italie que Richelieu prenait la résolution
de rappeler le duc de Longueville pour
lui donner le commandement de l'armée
d'Allemagne , devenu vacant par la mort
du duc de Weymar. Richelieu en informa
le cardinal de La Valette par une lettre du
1 " août. Mais cette mutation ne se fit pas
immédiatement; le i4 du même mois,
Richelieu écrivait au cardinal de La Va-
lette : • Le roy a tant de confiance en
vous qu'il mande M. de Longueville pour
CAHDIX. DE niCHtLIEO. -
aller en Allemagne.» Et, dans une lettre
du i6, commune aux deux généraux, le
roi annonçait au cardinal de La Valette
qu'il devait prendre le commandement de
toutes les troupes , et qu'il envoyait en
Italie, pour le seconder, le vicomte de Tu-
renne. (Ms. de Turin, cité aux sources,
f"a8, 37, 39.)
' Copie faite sur un « mémoire écrit en-
tièrement de la main du cardinal de Riche-
lieu , avec quelques ratures et apostilles en
marge. ■(Noiedes mss.deColb. etdeHarl.)
56
442- LETTRES
7 mil hommes de pied de ses troupes. Nous n'avons sceu sçavoir si Lam-
boy est venu et s'il y a amené en effect des troupes, car le trompette
de Vaubecourt, qui disoit les avoir vus, parle sy confusément qu'on
ne sauroit faire un jugement certain sur ce qu'il dict. Quoy que c'en
soit, s'il est venu, voilà une partie de ses forces, ou peut-estre toutes,
renvoyées; et, s'il n'est point venu, Piccolomini se scroit fortaffoibli
envoyant les i 200 chevaux qui passent dans le Luxembourg.
Le roy approuve vostre dessein de vous retrancher au lieu que
vous le proposés, mais il ne vous oblige "pas à le faire; seulement Sa
Majesté désire-elle que vous preniés un poste dans le pays ennemi
où l'armée que vous commandés puisse vivre seureraent.
II juge bien, comme vous, que celuy-là est fort bon; mais, si vous
y trouvés quelque difficulté en l'exécution, il sera de vostre prudence
d'en prendre un autre. Tant y a que c'est à vous de voir si estant là
on ne peut point vous couper la communication d'Ardres et de Calais,
ce qu'il faut empescher, vous répétant encores, ce que je vous ay dict
et mandé plusieurs fois, que cette année il ne faut rien hasarder.
Après avoir bien considéré la désignation du pays que vous m'avés
envoyée, il semble que, si vous vous résolves à ce dessein, vous devés
attaquer Hannuin avec le fort de vostre armée, premier que les autres
forts, veu que celuy-là vous est du tout nécessaire pour conserver la
communication d'Ardres, ainsy que vous le représentés, et s'il est
vray que vous puissiés vous loger sur la rivière d'Aa, entre les en-
nemis et le fort, il y a grande apparence que vous l'emporterés.
Cependant c'est à vous à faire la guerre à l'œil et ne vous embar-
quer qu'à ce que vous jugerés à propos et raisonnablement pouvoir
faire.
On propose d'attaquer Hannuin le premier, parce que c'est chose
très-certaine que, si les ennemis voyent attaquer Ruminguen et Eper-
lecqucs, ils jetteront aussytost des gens dans Hannuin , après quoy l'at-
taque en seroit dangereuse et pas faisable à la vue d'une armée forte '.
' Ce paragraphe et le suivant manquent ajoutés à la marge dans les manuscrits de
dan» le manuscrit de Béthune ; ils ont été Coibert et de Harlay ; la copie de l'Ar-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 4/l3
Peut-estre que Rumlnguen et Eperlecques^ pourront estre em-
portés par des parties de l'armée, au mesme temps que le gros sera
à Hannuin; mais on ne peut donner aucun conseil en ce sujet, ne
sachant pas ponctuellement ny la situation du pays, ny la force des
lieux.
Il y a grande apparence que les ennemis, vous voyant à Hannuin
plutost qu'ils ne l'auront pensé, songeront àBourbourg et au corps de
Flandres, au lieu de passer la rivière pour venir à vous, auquel cas
vous pourrés, ce me semble, seurement faire voslre dessein; mais s'ils
se résolvoient de passer à Saint-Omer pour venir à vous, si vous ne
trouvés que la situation vous soit sy favorable qu'ils ne puissent venir
à vous qu'en défilant à vostre vue, ou autre pareil désavantage no-
table, en ce cas il ne faut point faire difEciilté de se retirer à Ardres,
ce que je ne vois pas qu'ils vous puissent empescber de faire seu-
rement.
Tant y a que tout est remis à vostre prudence sans vous obliger à
autre chose que de trouver moyen de faire vivre l'armée du roy seu-
rement dans le pays ennemi. Encore si c'estoit chose extraordinaire-
ment diHicile et dangereuse, Sa Majesté aimeroit mieux qu'elle
vescust dans sa frontière que de hasarder mal à propos ses forces.
J'estime que vous pourries envoyer quérir M' de Lermont sur
quelque prétexte, et luy conférer [sic) vos pensées avec grande re-
commandation de secret; il sçait le pays et vous jugerés bien avec luy
si vostre dessein se peut tenter seurement ou non.
Il est vray que si vous le pouvés faire il embarrassera fort les en-
nemis, et si nous pouvions sy bien fortiGer cette teste sur la rivière
d'Aa qu'on la peust garder, ce seroil une bonne affaire; mais beau-
senal ne nous en donne qu'un lexle in- texte el oui transformé « Esperlec» en « Es-
correcl et qui parfois n'a pas de sens , paler. » Ruminghem el Eperlecques sont
mettant « faisable ■ au lieu de • pas faisa deux villages voioins el au nord de Saint-
ble,i et «exposer» au lieu de i Eperlec- Orner.
ques. • Ce dernier nom est aussi défiguré ' Le manuscrit de l'Arsenal, ne nom-
par les copistes de Colberl el de Harlay, inant pas Eperlecques, mel le verbe au
qui , apparemment, n'ont pas pu lire leur singulier : « pourroit estre. »
56.
lilik LETTRES
coup de choses sont à désirer qu'il ne faut pas entreprendre à cause
de la difficulté de leur exécution.
Voilà tout ce qu'on vous peut mander sur ce sujet. Sur quoy vous
nous ferés souvent sçavoir de vos nouvelles par gens qui viennent par
chemins asseurés écartés de la frontière à peine de faire une journée
davantage. Le roy sera à Retel dans trois jours, dans six à Mézières,
dans la fin du mois à Mouzon'.
Je vous prie nous faire sçavoir ce que vous penserés pouvoir faire
devant que vous parties du heu où vous estes; je croy que, quand
vous aurés veu M'^ de Lermont^, si vous le jugés à propos, vous serés
entièrement esclairci de ce que vous pouvés.
Ce sera à vous à voir avec luy si , au mesme temps , luy et M' de Cha-
rost ne peuvent point vous aider en vostre dessein , emportant un des
forts au mesme temps que vous attaquerés les autres, ce que je ne
vous propose que comme une pensée vague dont vous ne ferés estât
qu'autant que vous jugerés le devoir faire.
CCXLIV.
Arcli. des Aff. étr. Turin, t. 27, fol. 21. — Mise au net. — ïom. 29, fol. b^. — Original.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 347, fol. 25o et /198. — Copies.
A M. LE CÂRDIfVAL DE LA VALETTE.
■i!i juillet 1639.
Monseigneur,
Lorsque M'' de Chavigny revint, il asseura tellement le roy que les
troupes de M' de Longueville ne seroient pas plus tost ensemble qu'il
' Les trois mss. delà Bibliothèqueimpé- sans indication de la pièce à laquelle il
riale terminent ici cette lettre; lafin, qu'on peut appartenir. (Béthune, 9366, fol. 67.
lit danslems.de l'Arsenal, se trouve dans — Cinq-cents Colbert, 45, fol 129. —
les autres mss. mais ils donnent ce passage Saint-Germ.-Harl. 346 , t. I, fol. 129 v°.)
comme un fragment isolé , sans date et ^ 11 était gouverneur d'Ardres.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 445
n'allast droit à Conis, qu'agissant sur ce fondement on escrivit lors
qu'il estoit nécessaire de s'asseurer promptement de cette place.
Depuis, estant venues nouvelles par diverses voies que vous faisiés
estât de faire le voyage de Casai devant que de penser à aucune autre
chose, sur cette présupposition on vous a faict une dépesche, vous
exhortant à prendre premièrement une place qui asseurast le pas-
sage de Casai pour tousjours, et à réduire ensuite à la raison les
places de Conis, Fossan, Revel et autres petites de ces quartiers-là,
cependant que l'armée du roy se reposera durant les grandes chaleurs
du mois d'aoust.
De peur que vous ne preniés ces diversités pour des ordres con-
traires, qui parconséquent vous embarrasseroient, je vous fais la pré-
sente dépesche pour vous dire qu'outre que ce qui s'escrit au loing
doit tousjours estre submis à la prudence de ceux qui , estant sur les
lieux, voient ce qui se peut exécuter et ce qui est impossible, S. M. n'a
jamais eu autre intention, sinon que de vous faire cognoistre qu'il
falloit employer chaudement ses armes et à réduire les places qui
s'estoient révoltées au deçà du Pô en l'obéissance de Madame, et à
prendre une place qui asseure la communication de Casai, laissant
à vostre liberté de commencer par un bout ou par l'autre, ainsy que
vous l'estimerés plus à propos.
S. M. a esté extraordinairemenl aise d'apprendre la reddition de
Fossan , de Bene ', de Saluce, et l'espérance que vous avés que Conis
et Revel feront le mesme, et espère d'im tel commencement le resta-
blissement des affaires d'Italie, sur lesquelles je juge du tout impor-
tant que vous sachiés ses intentions, qui sont telles qui s'en suit :
Elle ne prétend point mettre aucun gouverneur dans les places qui
seront réduites en leur devoir par les seules troupes de Madame,
ny mesme en celles qui seront réduites par ses propres armes, si elles
ne sont du tout nécessaires pour l'asseurance des vallées, et pour la
communication de Casai; ce qui a esté jugé sy raisonnable que Ma-
' Bene ou Beiia , petite ville de Piémont Beine : ce nom est écrit de cinq ou six
que l'original cité aux sources nomme manières par les copis(es.
446 LETTRES
dame mesme est demeurée d'accord , à ce que me dist hier M' de
Chagny, que si on reprenoit Ast ou une autre place sur le chemin
de Casai, qu'elle demeurast entre les mains du roy.
Si elle a jugé nécessaire que la communication de Casai fust entre
ies mains du roy, elle doit faire le mesme de la conservation des
vallées, puisque de ces deux seurelés déppend également son salut,
et que S. M. ne désire des places en ces deux postes différents que
pour mieux faciliter la paix et les luy remettre, lorsque par icelle les
Espagnols feront le mesme de celles qu'ils ont occupées depuis la
mort de M' de Savoie.
Sur ce fondement si Conis est repris par ies forces du roy, ce qu'il
faut tascher de faire, S. M. désire le garder; s'il l'est par les forces
de Madame , si elle est sage , elle consentira que le rOy y mette garnison ;
si cependant estant réduit par ses forces elle ne le veut pas, vous la
lairrés faire , tenant la main seulement qu'elle y mette un gouver-
neur et une bonne garnison de ses troupes françoises, et qu'elle fasse
désarmer les habitans, comme leur rébellion les doit porter à s'y con-
damner d'eux-mêmes. L'intention du roy n'est point quand vous
prendriés tout le Piedmont, de le faire garder par ses troupes; sa
pensée est que vous remettiés toutes les places entre les mains de
Madame, si elle les peut garder, à la réserve des cinq places que Ma-
dame a déposées. Carmagnoles, Savillan et Quérasque, et de ce que
je vous viens de dire ci-dessus qui, au pis aller, aboutit d'un costé à
Conis et à Hevel, et de l'autre à Ast, Villeneuve d'Ast ou Verrue.
Si vous attaqués Villeneuve d'Ast, ou Ast pour avoir un chemin
ouvert à Casai du costé des montagnes, le roy, ayant ses places qui
asseurent le chemin de Casai de ce costé là, consentira de remettre
Chivas entre les mains de Madame; mais, si vous attaqués et prenés
Verrue, Chivas est nécessaire pour y pouvoir aller commodément. Si
Madame ne se contente de l'équité d'un tel procédé, il la faut laisser
dire tout ce que bon luy semblera, et faire ce qui est nécessaire, soit
qu'elle le trouve bon ou mauvais.
Surtout faictes, au nom de Dieu, qu'elle asseure sy bien lesdictes
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 447
places quelle- aura entre ses mains par de bonnes garnisons et le dé-
sarmenaent des habitans qu'il ne puisse arriver d'inconvénient.
Espérant par vos précédentes dépesches que, quand celle-ci vous ar-
rivera, Revel sera peut-estre réduit en son devoir, et peut-estre par
les seules armes de Madame, vous lui ferés sçavoir que S. M. n'en
veut point aux conditions auxquelles elle vouloit premièrement re-
mettre cette place entre ses mains; mais que, si elle veut la luy re-
mettre simplement, S. M. la fera garder soigneusement comme les
trois autres déposées jusques à mie bonne paix.
Et, en effect, quelqu'instance qu'elle puisse faire d'y mettre des
François aux premières conditions vous n'y consentirés point, S. M.
estant si lasse et si bonteuse des injustes défiances que Madame tes-
nioigne, qu'elle aime mieux qu'elle garde cUe-mesme cette place,
ainsy que bon luy semblera, que de la luy remettre en apparence,
sans le faire en effect.
Reste à vous. Monseigneur, d'employer promptement les forces
que vous et M' de Longueville commandés, puisque c'est le seul
moyen par lequel vous poiivés reslablir les aifaires d'Italie, les Fran-
çois ayant une pointe qu'il ne faut pas perdre. C'est tout ce que je
vous diray maintenant, et que je suis et seray tousjours.
Monseigneur,
Vostre trës-liumble et très afTectionné serviteur.
Le Card. DE RICHELIEU.
De Rethel, ce 2/1 juillet 1619.
Dans la copie du folio 260, à la suite de celle dépêche, où se trouvent sup-
primées la formule de politesse, la signature et la date, on lit immédiatement
après ces mots, • qu'il ne faut pas perdre : •
On ne sauroit assez s'estonner de la demande de poudres qu'on
faict pour l'ItaUe, vu la grande fournitvire qu'on a faicte, et le peu
d'occasions qu'on a eues de les consumer'.
' Le total des fournitures énumérées dans ce posl-scriplutn monte à /l5/i,3oo livres.
448 LETTRES
CCXLV.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-^°, p. 220. — Copie.
Bibl. imp. Cinq-cents Colberl, t. /|5, fol. i33 v°. — Copie.
— Saint-Germain-Harlay, 346, tom. I, fol. i34 v°. — Copie'.
A M. DE LA MEILLERAIE.
Du 27 juillet iGSg, à Mezières.
J'ay receu vostre lettre du 2 3 de ce mois, où je vois la résolution
que vous avés de partir le 2 ou 3* du mois qui vient pour exécuter
vostre dessein.
J'ay peur que, si vous attaqués Esperlec et Ruminguen ^ les pre-
miers, vous ne donniés lieu aux ennemis de jeter du monde dans
Hanuin; et par souhait je désirerois que , Calais, Boulogne et Ardres
vous fortifiant de 2,000 h. de pied, vous peussiés faire les trois at-
taques en mesme temps. Je sçay bien que vous me dires peut-estre
que c'est beaucoup entreprendre , mais j'estime que Ruminguen ne
pouvant tenir que 2 jours, comme vous le supposés, et peut-estre
moins, si vous faictes vostre attaque^ secrètement, les ennemis ne
sauroient venir à vous qu'ils ne soient pris, et par après vous joindrés
toutes vos forces à Hanuin, que vous aurés investi en mesme temps
que les deux autres.
Vous vous souviendrés, s'il vous plaist, que ce que je vous dis ne
sont que mes pensées particulières, dont vous ne ferés estât qu'autant
que vous recognoistrés le devoir faire , par la particulière cognois-
sance que vous aurés des lieux.
Il sera de vostre prudence de ne vous embarquer pas en des lieux
sy favorables aux ennemis qu'ilz vous y peussent faire courre fortune,-
' Les manuscrits de Colbert et de Har- de l'Arsenal ne nomme que ce dernier
lay notent en marge que leur transcription village.
a été faite sur « un mémoire de la main de ' Les deux manuscrits de la Biblio-
M. de Noyers. » ihèque impériale mettent « affaire. »
' Ici et un peu plus loin le manuscrit
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 449
et, par l'avantage que ia situation leur donneroit, et par la difficulté
que la disposition du pays donneroit à vostre retraite.
Si vous apprenés qu'Hanuin fust un siège de longue haleine, que
les ennemis eussent de l'avantage à vous y combattre , et vous presque
de l'impossibilité à vous en retirer, il sera de vostre prudence de ne
vous y embarquer pas. Ce seroit, en ce cas, à vous à voir si, à la
faveur de Ruminguen et Esperlec, vous ne sauriés faire un campe-
ment asseuré au pont à Caigne ou autre lieu, pour passer le mois
d'aoust dans le pays ennemi.
Cependant je vous diray qu'une carte fort particulière, que M'' Le
Rasle m'a donnée, faicte de sa main, de tout le pays reconquis du
gouvernement d'Ardres et de tous les lieux adjacens, marque Ha-
nuin sur une rivière qui vient tomber dans le Haa, et sans désigner
aucune digue jusques à Ardres. Il sçait de plus qu'au dict Hanuin se
vient joindre un ruisseau qui part de Calais, bordé de petits forts
qui sont au roy, par derrière lesquels il semble que, si l'on estoit
pressé, la retraite seroit asseurée à Calais.
Je vous envoie expressément celle carte afin que vous la voyiés et
en confcriés, si bon vous semble, avec le s' le Rasle; après quoy vous
me la renvoyerés, s'il vous plaist.
Quand on vous mande que le roy désire que vous ne hasardiés
rien, ce n'est pas que S. M. vous défende absolument de combattre,
mais son intention n'est pas que vous donniés un combat général, si
ce n'est avec une notable espérance de gain pour l'avantage qu'une
favorable situation vous pourroit donner.
Nous avons à nous conserver celte année, dans la fin de laquelle
j'espère que nous réparerons les mauvais commencemens de la cam-
pagne.
Enfin Salces a esté, par la grâce de Dieu, emporté par assaut. Le
gouverneur a voulu mourir sur ia bresche et a réussi à son dessein.
Tout ce qui s'est Irouvé non retiré dans le dernier dongeon a eslé
passé au fil de l'espée.
Le mesme a esté faict au fort de Bene en Italie, que M'' de Lon-
CARDIN. DE RICUELIEt. — VI. ■ $7
450 LETTRES
gueville a emporté par force. Fossan et Saluées se sont aussy rendus
à la seule approche de l'armée de mon dict s" de Longueville.
Toutes les bonnes nouvelles qui seront suivies, Dieu aidant, d'autres
nousresjouiroient extresmement sans la mort de M' de Weymar, qui
nous a bien surpris. Le pauvre prince est mort de peste en trois jours à
Neufbourg, entre Brisach et Basle. Le roy et toute la cour en pren-
nent le deuil. J'espère que ses troupes demeureront fermes dans le
service du roy.
Je ne saurois vous dire le regret que j'ay, en mon particulier, de la
perte de ce prince.
Samedi se commencera l'affaire que voussavés.
Nous n'avons nulles nouvelles que Lamboy soit passé, et demeu-
rons dans la croyance que c'estoit le reste des troupes et le bagage
de Piccolomini, sans toutefois le sçavoir certainement.
Bek est icy qui n'a que 5ooo h. de pied et tout au plus i ooo che-
vaux.
'Depuis ce que dessus escril, je me suis enquis bien particulière-
ment du s' de S' Estienne, qui n'est qu'à quatre lieues de Givay, et
du s' de Goffreville, gouverneur de Rocroy, du passage de Lam-
boy; ils m'ont tous dict qu'ils n'en ont ouy parler en façon du
monde, et croyent que c'est une fable, et moy avec eux; et partant
j'espère bien de vostre entreprise, si la carte que je vous envoie dict
vray.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Nous trouvons dans le manuscrit de l'Arsenal, à la page 226, une lettre qui,
malgré la différence de la date, semble le post-scriptum de celle du 27 juillet;
elle n'est point dans les deux manuscrits de la Bibliothèque impériale :
De Donchery, ce 3o juillet itiSp.
J'adjouste ce billet à M" le Grand maistre pour le conjurer d'avoir
' Ce dernier paragraphe manque dans les deux manuscrits de la Bihliothèque im-
périale.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. Ii5\
soin de sa personne, et de poui'voir si bien à la seureté de Hesdin,
avant que de le quitter, qu'il n'en puisse arriver aucun inconvénient,
laissant, comme il fera, deux compagnies de cavalerie dans la place.
C'est au gouverneur à s'en servir pour inquietter continuellement les
places voisines, et obliger les ennemis à y laisser de la cavalerie, qui
les affaiblira tousjours.
Je le conjure ensuite pendant son voyage d'apprendre, autant qu'il
pourra , la situation du pays de tous costez , et Testât des places voi-
sines.
Après cela il ne me reste qu'à luy recommander tousjours de bien
prendre garde de ne pas hasarder cette année nostre marchandise en
gros, espérant que nous ferons assez de profit en détail sans vouloir
gaigner davantage, et nous mettre en péril de perdre tout. J'ay grande
espérance du meslange que M' le Grand maistre fera de sa prudence
et de son couraee.
Le Card. DE RICHELIEU.
CCXLVI.
Arch. des Afl'. élr. Allemagne, t. i5, pièce 192. — Mise au net.
Bibl. imp. Cinq-cenU Colbert, t. ^6, fol. 388 v". — Copie. —
Saint-Germain-Harlay, 3i6, t. a, p. -aa. — Copie.
[AUX COLONELS DU FEU DUC DE WEYMAR.]
[29JuilM.639'.]
Lettre à M. le général Ochen, au colonel Rose, au général major
Chembech , au comte de Nassau, et autres lettres en blanc à tous les
colonels^, leur tesmoignant l'extresme desplaisir que le roy a de la
mort de S. A. et les priant de n'abandonner pas la cause publique
' La date manque, mais nous trouvons partit pour aller en Allemagne, etc. « Il lut
cette note, de la main du cardinal, en chargé des lettres de condoléance. (Voyez,
marge d'une instruction à M. de Choisy , à la date du 19 août, une seconde lettre
du 1" août : « Le roy sceust à Mézières la écrite aux colonels.)
mort de M. de VVeymar, le 2- de juillet ' Cette pièce contient l'indication de plu-
1689, au soir. Le 29 le s' d'Oysonville sieurs lettres à faire. Cherré amis au dos
57.
452 LETTRES
pour laquelle ils sçavent bien la passion qu'avoit S. A. laquelle' le roy
veut d'autant plus maintenir, ce que S. A, avoit commencé soubz son
autorité.
Le roy ne doubte point qu'ilz ne continuent d'autant plus volon-
tiers que c'est le seul moyen pour maintenir la cause pour laquelle
ilz ont desjà versé tant de sang, et qu'ils doivent attendre de luy non-
seulement le mesme traittement qu'en avoit S. A. mais encore de
plus avantageux^.
cette annotation : « Matière sur laquelle a
esté faite une dépesche aux colonels de
feu M. de Weymar. n On voit que la pré-
sente dépêche est la seule qu'indique
Cherré. Cependant avant cette matière le
secrétaire a écrit en trois lignes le sujet
d'une lettre à M. d'Erlach, et à la suite
nous lisons : « Faut quatre ou cinq provi-
sions en blanc pour les gouverneurs de
toutes les villes forestières , pour Thanes ,
mandant cependant au s' de Guébriant
qu'il relire {sic) autant qu'il pourra Thanes
et les autres petites places qui sont au
deçà du Rhin. » — Et encore : « Escrire à
M. du Hallier l'accident qui est arrivé, et
que si M. de Guébriant estime à propos
qu'il s'advance vers luy, qu'il le face sui-
vant la lettre qu'il en recevra de luy. —
Enfin :« mander àGuébriant que nous l'es-
timons assez fort pour, avec les volontez
du roy, rallier les troupes de M. de Wei-
mar, niesnager la volonté des chefs, et
soustenircet employ {sic), qui est le plus
grand et plus important de l'Estal, et que
le roy luy destine s'il le juge assez fort
pour cet effect. — Qu'on ne luy peut dire
d'abord ce qu'il offrira à chacun des chefs
principaux , comme Oclien , d'Erlach ,
Chembech et les autres de cette condi-
tion , parce que c'est à luy, qui est sur les
lieux , à recognoistre la portée de chacun
d'eux , et comme on peut satisfaire à leurs
prétentions, sans que les uns soient mes-
conlens {sic) pour l'amour des autres. « Les
diverses lettres dont Richelieu donne ici la
matière ont été faites par de Noyers, ainsi
que le dit une lettre de Richelieu à M. de
Guébriant, du 28 juillet, laquelle sera
mentionnée aux analyses.
' A quoi rapporter ce relatif dans cette
phrase confuse et embarrassée? La gram-
maire dit : à S. A. Est-il besoin d'avertir
qu'il faut entendre ici : «la cause pu-
blique?»
* La minute de la lettre «aux colonels,»
faite sur celte matière , et écrite de la main
de Cherré, est dans le même manuscrit,
feuillet non coté, entre 198 et 194.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
453
CCXLVII.
Arch. des Aff. élr. Allemagne, i5, pièce igS. —
Mise au nei, devenue minute, de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. SSg v°. — Copie'. —
Saint-Germain-Harlay, 346, l. 2, fol. 7a4- — Copie.
A M. D'ERLACl
29° juillet 1639.
Monsieur, le roy a esté si sensiblement touché de la mort de
M'' le duc Weymar qu'il me seroit imposible de vous le représenter
par ces lignes. Je ne vous dis point le desplaisir extresme que j'en
ressens en mon particulier, parce qu'il vous sera aysé de le juger par
l'estime que je faisois et de sa personne et de son mérite. Ce n'a pas
esté une petite consolation à S. M. dans ce fascheux accident, de
sçavoir que vous estes dans Brizak , se reposant tellement en vostre
affection, et en l'asseurance que vous avés donnée de garder cette
place pour son service, qu'elle ne doute nullement que vous ne le
faciès et que vous n'aportiés toutes les précautions nécessaires à cette
' « Faite sur une pièce de la main de
Cherré. » Note des deux manuscrits de la
BiBliothèque.
' Cherré a mis au dos de cette pièce le
nom et la date. La lettre à d'Erlach a dû
être portée par M. d'Oysonville , chargé
d'aller à Brisach traiter avec les colonels.
Elle était également adressée à M. de
Guébriant , ainsi qu'on le voit par le
texte même. Il s'agissait de négocier avec
les gouverneurs des places tenues par le
duc de Weymar, ainsi qu'avec les chefs
de l'armée weymariennc pour assurer cette
armée à la France. Pensions, emplois, di-
gnités, on ne ménageait rien pour obtenir
ce résultai; toutes ces conditions sont mi-
nutieusement énumérées dans cette ins-
truction ; et il était spécialement recom-
mandé aux plénipotentiaires de faire voir
aux chefs de cette armée qu'en vertu d'un
article secret, dont on leur envoyait copie,
le duc de Weymar lui-même ne reconnais-
sait que le roi; «la raison ne permet pas
qu'il facenl en cela moins que luy. » Cette
pièce diplomatique, datée de Mézières, le
37 juillet , se trouve en copie aux archives
des Affaires étrangères (Allemagne, t. i5,
pièce i3ij et à la Bibliothèque impériale
(Cinq-cents CoJbert, t. 46, f° 890 v°.) Il en
sera fait mention aux analyses. Il convient
de remarquer que l'ambassadeur devait
' suivre en tout les avis et les mouve-
mens de M. Guébriant sans qu'il s'en dé-
parle en quelque manière que ce soit. »
454
LETTRES
fin. Vous sçaurés de M. de Guébriant le bon traictement que le roy a
lésolu de vous faire'. Pour moy j'ose vous respondre que vous en re-
ceverés, en tout temps, des traictemens si avantageux et si favorables
que vous aurés tout sujet de vous louer de sa bonté, et d'estre sa-
tisfaict de ceux à qui elle donne sa principale confiance; entre les-
quels vous me trouvères tousjours très-disposé de vous servir et de
vous tesmoigner, en toutes occasions, que je suis véritablem*^
Je m'asseure que vous n'oublierés pas d'asseurer tous ces Mes-
sieurs de la bonté et de l'affection du roy et de mon service'.
C'était une affaire importante de ce temps-là et pleine de difficultés que d'at-
tacher à ia France l'armée aguerrie et victorieuse de M. de Weymar; le cardinal
y mit toute l'activité de son caractère et toutes les habiletés de sa politique; il
n'y épargna ni argent, ni compliments, ni caresses. Il ne se contenta pas des
lettres écrites aux colonels de cette armée , à d'Erlach , l'ami et le bras droit du
feu duc, il charga coup sur coup d'Oysonville , Guébriant, Choisy de cette épi-
neuse négociation; enfin il se hâta de faire venir pour la commander le duc de
Longueville, alors employé en Italie. L'instruction donnée à M. de Choisy,
datée de Mouzon le 2 août, est pressante; il faut qu'il se rende en toute dili-
gence, et « par le plus court chemin, » à Bâle, et qu'il unisse ses efforts à ceux
des deux plénipotentiaires que nous venons de nommer. Le duc, par son tes-
tament, avait disposé de son armée. L'instruction de M. de Choisy explique
avec beaucoup de clarté, et prouve avec une grande force que, formée en
partie de recrues envoyées par le roi, levée, nourrie, entretenue à grands frais
avec l'argent de la France , cette armée ne pouvait pas être considérée coname
' Celle dernière phrase remplace cinq
lignes qui ont été barrées dans la mise
au nel, où le cardinal disait à M. d'Er-
lach : « S. M. vous envoie les provisions
du gouvernement de Brisac, pour la te-
nir en son nom , pour le bien de la cause
commune et des asseurances si particu-
lières, etc. »
* Nous trouvons à la Bibliothèque im-
périale une lettre sans suscription , et
qu'on donne pour être adressée par Ri-
chelieu « à quelqu'un des officiers de feu
M. de We^'mar, ou à plusieurs d'eux. » La
date manque à cette copie, mais on l'a
classée à la fin de juillet. Cinq-cents Col-
bert, t. 46, fol. Sgo, copie; et Saint-Ger-
main-Harlay, 346, t. 2, p. 725; copie.
Nous la notons aux analyses,
' Cette espèce de post-scriptum a été écrit
par Cherré après coup, en tête de la mise
au net, n'y ayant plus de place au bas de
la page.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
455
la propriété païticulière du général qui la commandait au nom du roi. Cette
instruction, conservée dans plusieurs manuscrits à la Bibliothèque impériale, a
été imprimée par Aubery; nous nous bornons à en donner une idée générale
dans une note de la lettre du 19 août, p. 48o ci-après, et à la citer, dans son
ordre chronologique, aux Analyses.
CCXLVm.
Arch. des AfF. élr. Hollande, t. 21, pièce 116. —
Minute de la main de Cherré et d'un autre secrétaire.
Bibl. inip. Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. 177. — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 346, t. 2, p. 3 19. — Copie.
A M. LE P. D'ORANGE.
3o juillet iBSg*.
Monsieur,
J'ay receu les dernières copies des passe-ports du curé de Loon ',
qu'il vous a pieu m'envoyer. Le roy, à qui je les ay communiquées,
a esté bien ayse de voir la continuation de la franchise de V. A. et
de M" les Estats, de la bonne foy desquelz S. M. se tient très-as-
seurée. Elle attend quelque bon effect de leurs armes, tel que les
dernières propositions qui luy ont esté envoyées de vostre part luy
donnent lieu d'espérer.
' « Faite sur une minute ou brouillart
de laninin de Cherré. » (Note du manuscrit
deColberl.)
' La minute cl les deux copies man-
(|ueiit de date; on a mis aprè.s coup et au
crayon, en tête du manuscrit des .VITaires
étrangères : « 3o juillet 1639. •
' I.e curé de Loon était un agent du
cardinal infant que ce gouverneur espa-
gnol des Pays-Bas envoyait en Hollande,
avec la mission secrète de détacher de la
France le prince d'Orange et les Etals Les
passe-ports que l'Espagne et l'Empereur
devaient donner aux députés des pays alliés
de la France, pour se rendre aux négo-
ciations de Cologne, et dont la teneur fut
un si long sujet de discussion servaient de
prétexte aux voyages du curé de Loon vers
le prince d'Orange. Celui-ci , sincèrement
uni à la France et qui tenait à éloigner de
lui tout soupçon de négociation suspecte,
avertissait le cardinal des visites du curé.
Richelieu répond ici à une lettre que le
prince lui avait écrite le 1 1 à ce sujet.
Cette lettre, ainsi qu'une autre adressée
par le prince au roi, se trouve aux ar-
chives des Affaires étrangères, manuscrit
de Hollande, cité aux sources, f°' 91 el 98.
456 LETTRES
Cependant, Monsieur, je suis bien aise de vous pouvoir mander
que celles du roy font tousjours quelques progrès aux lieux où elles
sont. L'armée de S. M. en Languedoc, commandée par M"' le Prince,
ayant pris Salces par assault, où tout ce qui s'estoit trouvé d'abord a
esté tué à la chaude, estant demeuré seulement 5oo hommes de
guerre prisonniers, entre lesquels le gouverneur et huit ou neuf offi-
ciers se sont trouvez. Cette place avec Opoulz, et le fort S*-Ange,
donnent un grand pied dans tout le Roussillon, dans lequel les forces
de S. M. ne demeureront pas oysives le reste de cette campagne.
En Italie, grâces à Dieu, les affaires se racommodent, où les armes
du roy, après avoir emporté Chivas à la vue des ennemis , qui perdirent
.1,200 hommes sur la place en la voulant secourir, ont ensuitte ré-
duit Fossan et Saluées en l'obéissance de Madame, et emporté de
nouveau Besne par force, où tout ce qui estoit dedanz a esté tué.
V. A. se peut asseurer que tout ce qui vous a esté mandé pour
response à vos dernières propositions sera ponctuellement exécutté,
par où vous pourrés cognoistre la grandeur de la bonne volonté du
roy pour les affaires de ses alliés, puisqu'il a changé le dessein de
renforcer ses armes d'Italie pour estre en estât de divertir celles que
ses ennemis ont de deçà, et vous donner plus de moyen de faire les
progrès que vous vous promettes; ce que je désire avec passion comme
estant, etc.
' Le roy a tant d'envie de favoriser vos desseins, qu'ayant laissé
l'armée de M' le mareschal de la Meilleraie du costé de la Flandre,
il est venu, avec celle que commande M' de Chastillon et ce qu'il
meine tousjours avec luy, dans le Luxembourg, où il commença
hier à faire attaquer Yvoy, afin de contraindre les ennemis de diviser
de plus en plus leurs forces.
Depuis cette lettre escrite nous venons de savoir l'asseurance que
vous avés donnée aux s" d'Estrades et d'Amontot d'exécutter la troi-
siesme proposition que vous avés faicte, ce dont S. M. ne doute en
aucune façon.
' Celte addition est de la main de l'autre secrétaire.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
457
CCXLIX.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-/(°, p. 227. — Copie.
AU MARESCHAL DE LA MEILLERAYE.
De Doncliery, ce 3i juillet 1639.
M"' de Cornillon est revenu de trouver Piccolominl qui, avec force
belles paroles, n'a encore rien conclu pour nos prisonniers'. J'ay
estimé à propos de vous faire sçavoir ce qu'il rapporte des forces de
Piccolomini^. . .
Il rapporte que Lamboy est véritablement avec le dict Piccolomini ,
mais qu'il ny est venu qu'avec 1 000 cbevaux au plus et sans infanterie. . .
Que Piccolomini est puissamment retranché, et sy apprébensif en
sa foiblesse qu'il ne permet à personne de voir son retranchement. . .'
Je prie Dieu que vous preniés si bien vos mesures que vous puis-
siés faire quelque chose, et en vérité j'ay bonne espérance pour vous
et pour le reste des armes du roy.
' M. de Cornillon avait été envoyé la
veille, 3o juillet, vers Piccolomini avec
une lettre où le cardinal mandait au gé-
néral allemand que, malgré leur exagéra-
tion, on acceptait ses propositions concer-
nant les officiers et les soldats, « espérant
qu'il se trouvera quelque autre occasion
où les armes de la France seront plus
heureuses qu'elles n'ont esté à Thionville. »
Quant à M. de Feuquières, «V. Ex. veut,
à mon avis, prendre prétexte de le rete-
nir longtemps prisonnier, ce que luy et
ses amis supporteront avec patience , tant
qu'on ne proposera pas des conditions rai-
sonnables pour sa liberté. • Dès le 10 juin,
une instruction avait été donnée à M. de
Cornillon (qu'on y qualilie «d'ayde des
camps et armées du roy»), pour traiter
CARDIN. DE niCHELIEU. TI.
avec Piccolomini de la rançon des prison-
niers. On a vu ci-dessus, p. 399, la lettre
écrite à cette occasion par hichelieu au
comte Piccolomini. (Voir aussi aux ana-
lyses , à la date des 30 , a 1 juin , et 3o juil-
let.)
' Nous omettons le contrôle assez long
et Irès-détaillé des troupes de Piccolomini
et de celles du cardinal infant. Le total des
soldais allemands monte à 4, 000 hommes ,
celui des troupes espagnoles et wallonnes
à 3 ou 4.000, et toute la cavalerie réunie
de Piccolomini et de l'infant s'élève tout
nu plus à 4<ooo chevaux.
' Nous supprimons encore ici une liste
d'officiers généraux de l'armée impériale
et de l'armée espagnole qui accompagent
le cardinal infant.
58
458 LETTRES
M'' de Chastillon a aujourd'liui investi Ivoy, el il se promet quen
8 jours il aura troussé son aifalre.
M"" le Prince se révolte jusqu'à ce point qu'il espère faire encores
quelque chose de bon dans la campagne de Roussillon, où il y a di-
verses autres petites places capables de bien incommoder Perpignan.
Ayés soin de vostre santé, et croyés que je vous seray ce que je vous
ay tousjours esté et ce que vous savés que je vous suis.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCL.
Arcli. des AfF. étr. Allemagne, l. i5, pièce i33. — Mise au net '.
Bijjl. imp. Cinq-cents Colbert, l. 46, fol. 333. — Copie.
— Bélhune, 9265 , fol. 65. — Copie.
INSTRUCTION DONNÉE PAR LE CARDINAL DE RICHELIKl
AU SIEUR DE HEPPE.
3i juillet 1 dii).
Le roy ayant sceu du s"" de Heppe qu'il s'en retourne trouver ma-
dame la princesse de Poméranie, et qu'il passera à Francfort, où se
tient à présent une diète électorale, S. M. a trouvé bon qu'il tesmoi-
gnast à M" les électeurs ses bonnes et sincères intentions pour la paix,
comme aussy l'affection qu'elle a tousjours eue, et qu'elle veut con-
server pour l'Empire.
C'est de quoy le d. s' de Heppe s'acquittera, faisant entendre aux
d. s" électeurs tout ce dont il a esté informé de vive voix par ordre
de S. M.
Elle se promet aussy qu'ils y adjousteront aisément foy puisque
' Nous n'avons point trouvé l'original seize pages dan» le manuscrit des Affaire»
de cetle longue instruction. Le manuscrit étrangères, mais il est facile de voir qu'il
de Coibert averiil que sa transcription a en a donné la matière. Nous y cherchons
été faite d'après une copie de Daridole. Il sa pensée en en reproduisant quelque.",
es! inutile de dire que Richelieu n'a pas fragments. Le titreque nous mêlions en tête
dicté ce mémoire, qui n'a pas moins de de celte pièce est pris du ms. de Béthune.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 459
tout son procédé, pendant cette guerre, a faict assez paroistre qu'elle
n'a eu autre dessein que d'empescher la maison d'Austriche d'abuser
des forces de l'Empire pour opprimer les auti-es princes, soit dans
l'Italie,, ou dans l'Allemagne mesme.
L'on a peu aussy cognoistre par la facilité et promptitude qu'elle
a apportée touchant les sauf-conduits qui luy ont esté demandés'pour
les députez de tous les princes qui voudroient envoyer aux assem-
blées, qu'elle désire véritablement de voir une bonne paix establie,
ce que le d. s' de Heppe déduira plus au long ^ S. M. a jette les
yeux sur luy parce qu'elle le cognoist très-désireux du bien public et
du repos de sa patrie, joinct qu'estant de nation allemande il aura
plus de facilité que n'auroit im François pour se trouver en la d. as-
semblée. . . Il fera entendre aux d. électeurs que S. M. peut seule
garantir les princes de la chrestienté contre l'oppression de la mai-
son d'Austriche, qui s'est tousjours servie de la puissance impériale
pour les assujettir.
C'est ce que faisait l'empereur défunct en faveur des Espagnols,
pour ruiner le défunct duc de Mantoue, lorsque S. M. entendit à la
diversion qui luy fut proposée par le moyen du roy de Suède. Tant
que les Espagnols attaquèrent le d. s' duc dans le Monlferrat, S. M. le
défendit par la puissance de ses armes, mais quand le d. empereur
s'en mesla, et qu'il attaqua le Mantouan, dont il prit la ville capitale,
cet Estât estant trop avant dans l'Italie pour y faire passer aisément
du secours de France, S. M. se trouva obligée d'agréer la diversion
du roy de Suède, sans laquelle led. empereur et le roy d'Espagne
n'eussent point faict la paix de Qucrasque, et eussent rendu la guerre
perpétuelle dans l'Italie.
Que dans cette rencontre d'affaires S. M. a faict cognoistre bien
clairement qu'elle ne vouloil point contrevenir à l'affection que ses
prédécesseurs et elle ont eue tousjours pour l'Empire, et particuliè-
rement pour les électeurs qui en font le premier et principal ordre,
' Ces quatre premiers paragraphes ont le manuscrit des All'aires étrangères et
été donnés comme une pièce à part dans dans celui de Colbert, fol. SSg.
58.
460 LETTRES
en ce qu'il fist consentir ledict defunct roy de Suède à une neutralité
avec M' le duc de Bavière et les autres électeurs et princes catho-
liques; et, pour ce qui est des protestans, ils estoient en assez bonne
intelligence avec ledict roy sans que S. M. s'interposast pour eux.
Depuis M' l'électeur de Tresves ayant eu recours à son interposi-
tion et assistance, elle le garantit de la ruine, dont il estoil menacé
par les armes dud. roy de Suéde.
Cela estant ainsy, comme chacun sçayt, les s" électeurs ne peuvent
douter que S. M. n'a eu aucun dessein particulier contre eux pendant
toute cette guerre, ny contre l'Empire; mais qu'ayant veu leurs armes
employées contre elle, en faveur des Espagnols dans les Pays-Bas et
la Franche-Comté, et leur perpétuelle adhérence à la maison d'Austri-
che, elle n'a peu qu'elle n'ayt agi hostilement contre leurs troupes. . .
Lesdicts électeurs peuvent juger s'il leur importe qu'on ne lein-
puisse imputer à crime d'implorer, dans la nécessité, l'assistance des
rois et princes voisins et amis de l'Empire
Leur connivence à approuver la violence que les Espagnols ont
l'aicte à M' l'électeur de Tresves ne va à rien moins qu'à abandonner
aux passions de la maison d'Austriche sinon tout le collège élec-
toral, au moins chacun électeur en particulier, qui ne voudra pas
donner son suffrage pour perpétuer l'Empire en cette race
Le s' de Heppe leur monstrera combien il leur importe, lors d'un
traicté de paix, de rendre leurs personnes et leurs dignités invio-
lables. ....
11 leur représentera les Espagnols , sous prétexte des droits de
l'Empire, usurpant les fiefs tenus par le duc de Mantoue et
jusque dans l'Allemagne où ils détiennent le bas Palatinat ils
ont encore pris prétexte des droits de 1 Empire pour troubler Ma-
dame dans la tutelle que la nature et toutes les lois luy donnent de
la personne et des Estais du duc son fds Ce qui a donné
sujet à son Altesse de mettre quelques places du Piedmonl entre
les mains du roy, estant résolue que, plus les Espagnols en pren-
dront ou feront soulever, plus elle en déposera à S. M. pour faire
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 461
un contrepoids esgai, ce qui ne peut que rendre la paix d'autant plus
difficile, si les Espagnols ne se résolvent à rendre celles qu'ils ont
occupées.
Qu'il a ouï dire en France que le roy ne désire retenir aucune
place en Italie que Pignerol, qu'il a acquis légitimement de M' le duc
de Savoie
Qu'il ne suffît pas de faire la paix, il faut avec cela la rendre seure
et de durée, tant dedans l'Empire que dehors Les d. s"^ élec-
teurs y pourvoiront, en se conservant l'autorité qui leur appartient
sur les forces de l'Empire, en sorte qu'elles ne puissent estre em-
ployées au dedans ny au dehors qu'après meure délibération et ré-
solution prise entr'eux en une diète, et que les empereurs ne donnent
aucun décret contre les princes tenant des lîefs de l'Empire, qui ten-
dent à les mettre au ban impérial et à les priver des dicls fiefs qu'avec
la mesme solennité.
Qu'une bonne union entre les d. électeurs est très-nécessaire
pour maintenir la grandeur de leur dignité et leur autorité, que la
maison d'Austriche essaiera tousjours d'abaisser.
Que le plus excellent moyen qu'il y auroit de rendre la paix as-
seurée et de longue durée seroit de faire une ligue entre tous les
princes de la chrcstienté pour quelques années, pendant laquelle les
collègues seroienl obligés de faire la guerre à celuy des d. princes qui
voudroit contrevenir aux conditions de la paix, après que l'on auroit
essayé de l'en empescher par négociation
I^e s' de Heppe pourra faire entendre aux électeurs que le roy ne
désire rien tant que de les voir jouir pleinement de l'autorité qui
appartient à la dignité qu'ils soutiennent
Si dès à présent les d. électeurs ou aucun d'eux vouloient faire
ligue, trefve, ou neutralité avec S. M. le d. s' de Heppe en escoutera
les propositions pour les luy faire sçavoir, et mesme il les y pourra
induire par cette considération que la guerre se faict à leurs
seuls despens, parce que les Estats de la maison d'Austriche sont sy
esloignés qu'ils n'en souffrent aucune incommodité, pendant qu'eux
462 LETTRES
s'affoiblissent de telle sorte qu'elle pourroil bien en profiter à leur
dommage
Si on luy parle de la Lorraine, il pourra dire que c'est une alfaire
qui n'a rien de commun avec les générales, le roy ayant attaqué le
duc Charles pour des offenses particulières
Si on luy demande ses sentimens pour l'Alsace , il dira que le
décès de M' le duc Bernard pourra faciliter cette affaire; il tesmoi-
gnera à tout le monde le regret que S. M. a de sa perte, dont elle
et toute sa cour sont en deuil
S'il se trouve que l'on conçoive de grandes difficultés à adjuster
tant d'intéresls différons, comme il faudra faire dans une paix, il es-
saiera de leur faire venir en pensée qu'une trefve générale de longues
années seroit plus aisée à faire, à quoy le duc de Bavière, l'électeur
de Mayence, et autres qui détiennent quelques terres au Palatin ne
devront pas eslre contraires
Led. s' de Heppe ne doit point agir de la part de S. M. \ mais comme
personne affectionnée au bien et repos de sa pairie, qui sert un prince
neutre, qui a apris, par occasion, les sentimens de deçà, et qui est
bien aise d'en informer les d. électeurs pour procurer, en tant qu'à
luy est, la tranquillité de l'Empire. 11 pourra tousjours nommer le roy
de Hongrie empereur, puisqu'il ne parle point comme ministre de
Sa Majesté.
Dernier juillet lôSgà Mouson.
' La mission du s' de Heppe n'avait,
comme on voit, rien d'officiel; il n'était
point au service de France, et ne pouvait
s'entremettre qu'officieusement. Dans un
des passages que nous avons omis vers le
commencement de cette pièce , il était
dit : « Le s' de Heppe fera entendre aux
électeurs qu'il a demeuré en celte cour
quelque temps pour les affaires du jeune
duc de Croy dont il a le soin, et que, pre-
nant congé de S. M. pour s'en revenir à
Francfort, elle luy a dict que, puisqu'il se
rencontreroit en lad. ville pendant la tenue
de l'assemblée électorale , elle auroit agréé
qu'il asseurast les électeurs de ses bonnes
et sincères intentions pour procurer et
asseurer le repos de la chreslienté , comme
aussy de l'alFection de S. M. vers l'Em-
pire, et spécialement vers les d. s" élec-
teurs. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 463
CCLl.
Arch. d(.s Aff. élr. Turin, 1. 27 , fol. 28. — Minute de la main de Cherré.
t. 2g, fol. 6A. — Original.
Bibl. imp. Saint-Germain-Hariay, 347, ^°'- ^^^ ^^ ^°^- ~~ Copies '. —
Dupuy, t. 767, cahier Qq. * (extrait).
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE LA VALETTE,
1"^ août 1 63y.
Monseigneur,
Le roy rappelant d'Italie M' de Longueville pour l'envoyer en
Allemagne commander les troupes de M"" de Weymar, que la peste
nous a ravi , toutes les aflaires d'Italie demeurent en vos mains comme
elles estoient, et parlant c'est à vous à les conduire en sorte que le
succès en soit heureux. Je vous supplie d'avoir deux choses en teste,
le reste de cette campagne :
L'une est de contraindre Conis, Revel, et autres petites places de
ces quartiers là, de se rendre en leur devoir; l'autre de prendre ou
Verrue, ou Asl, ou Villeneuve d'Ast, pour vous ouvrir le chemin de
Casai. Moyennant cela je croy que les allaires iront bien en Italie et
que nous n'y aurons rien perdu ; sans cela je vous avoue que je ne
croirois pas que la campagne se passast heureusement à l'esgard des
eBbrls que nous avons faicts pour l'Italie, et du grand nombre de
troupes que nous y avons envoyé. J'espère que M*^ de La Motte, que
M' de Longueville a ordre de vous laisser, vous servira fort bien.
Vous avés quantité d'excellens officiers; je sçay quel est vostre cœur
et votre zèle, et partant je vous promets, Monseigneur, ce que vous
mcsme sauriés désirer pour le service du roy et pour vostre léputa-
tion que je souhaite autant que vous mesme; vous asseurant que vous
' Une annotation du manuscrit de Har- l'original, et celle du folio a56surunecopie
la\ porte que la première copie est prise sur deCherré. — * Voy. ci-dessus p. 56, note 2.
464 LETTRES
n'aurés jamais tant d'affection pour ce qui vous touche que je vous
en tesmoigneray en toutes occasions, comme estant,
Monseigneur,
Voslre irès humble et très affectioniK! serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Mouson, ce i" aoust 1689.
CCLII.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. 186, in-4°, p. 23 1. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
De Mouzoo , ce g aoust i ôSg.
Je ne saurois vous tesmoigner la joye que j'ay du bon succès de
vostre combat que le roy luy-mesme a qualifié de bataille avec rai-
son, puisque les deux généraux y estoient, qu'il y avoit infanterie et
cavalerie et canon. Je prie Dieu que la suitte en soit telle que le com-
mencement, et me le promets par sa bonté, par vostre conduite et
vostre bonne fortune; ne doutant point que vous n'ayés pris le meil-
leur parti que vous aurés pu prendre après un si bon événement.
J'ay faict valoir autant qu'il m'a esté possible auprès du roy la gé-
nérosité de tous ceux qui se sont signalés, ainsy que vous me l'avés
mandé.
Je ne vous saurois dire combien je plains la blessure de M' de
Monteclair, et la consolation que j'ay d'avoir esté asseuré, par le s' de
Chouppes, que si son mal estoit douloureux il ne seroit pas dange-
reux. Je luy escris et luy envoyé un petit secours que le s' de Chouppes
luy remettra; je ressens aussy beaucoup de douleur des autres oflG-
ciers qui se sont perdus en cette occasion , mais le succès a esté sy
bon qu'encores peut-on dire que vous l'avés eu à bon marché.
Je vous prie de tesmoigner à M" de Gassion et de La Ferlé, qui
estoient en cette occasion, l'estime que je fais de la conduite et du
cœur qu'ils y ont tesmoigné; et dire au gros M' de La Ferté que nous
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 465
n'avons pas oublié d'exhorter le bon homme à soustenir le lustre de
sa maison en sa personne.
Au mesme temps que nous avons receu vostre lettre et la bonne
nouvelle, nous avons eu aussy avis que M" le cardinal de La Valette
et de Longueville estoient entrés dans la citadelle de Turin avec un
léger combat. On nous mande qu'ils espèrent forcer dans la ville le
P. Thomas et le marquis de Leganes, qui s'y sont retranchés. Si
Dieu nous donne ce bon succès, comme ceux qui nous escrivent n'en
doutent point, nous luy devrons de grandes grâces du bonheur de
nostre campagne, qui, mal commencée par le malheur de M' de Feu-
quières, sera bien achevée par la bénédiction que Dieu verse sur vous
et sur tous les généraux du roy. Piccolomini est à Arlon avec toute
son armée et celle de Beck; ils craignent le siège de Thionville, auquel
nous pensons, comme vous savés; je croy qu'il se di.spensera de nous
faire du mal, et, si M' de Chastillon a quelque bénédiction hugue-
notte, peut-eslre luy en pourra-t-il faire.
Le rasement de nostre conqueste luxembourgeoise sera achevé
après demain; Ivoy aura esté et ne sera plus; pour moy, je seray
tousjours ce que je vous suis, qui est à dire ce que vous avés cognu
par le passé, et ce que vous cognoistrés en toutes occasions.
' Le Gard. DE RICHELIEU.
CCLIII.
Arch. des AIT. étr. Pays-Bas, l. i3. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. i4i. — Copie'.
Bibl.de l'Arsenal, Hist. 186 in-4°, p. 235. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
De Mouzon, ce lo' aoust iGSg '.
Je dois vous dire en très-grand secret, par ce porteur, dont le
' Le manuscrit de Colbert met, à la nal de Richelieu; minute originale de la
marge de sa copie, cette annotation : a Mé- main de Cherré. • — "Le nom de lieu est
moire à M. de la Meilleraie par le cardi- donné par le manuscrit de l'Arsenal.
CAHDIM. DE niCHELIEl). — VI. . DQ
466 LETTRES
voyage estasseuré, que le roy faicl eslal, aussytost qu'il aura la nouvelle
qu'il espère du chassement^ des ennemis de la ville de Turin, de
partir pour s'y en aller. Cela faict que je seray très aise que nous sa-
chions, devant, ce que vous aurés faict, et ce que vous ponvés faire;
vous conjurant de vous souvenir, en nostre absence, du précepte que
je vous ay donné plusieurs fois, de ne rien hasarder cette année, et
de conserver vostre personne. Je vous en conjure autant qu'il m'est
possible, et en vostre considération et en la mienne.
Nous vous laissons deux régi mens pour vous renforcer, sçavoir est
Brosse qui est près de vous, et du Tôt qui n'en est pas loin, estant
en Normandie. Vous aurés soin de les envoyer solliciter de vous
joindre, si vous en estes pressé. On leur a donné leur route pour aller
à Ardres, ce que vous changerés selon les lieux où vous irés.
Nous recevrons encores de vos nouvelles devant que de nous esloi-
gner, et vous en aurés dos nostres.
J'ay sceu le péril que vous et M'' de Coislin avés couru du canon
des ennemis; au nom de Dieu conservés-vous tous deux, je vous en
prie.
CCLIV
I Communication de M. de Guitaut. — Original.
A M. LE COMMANDEUR DE GUITAUT \
GOUVERNKUR DFS ISLrs SA'NTE-MARGUEBITE ET SAINT-HONOr.AT DE LERINS.
10 aousl 1639.
Monsieur, ayant veu, par ce que vous avés escrit à Cherré, la
peyne où vous estes de sçavoir comme quoy vous devés faire poser
' Depuis le mol chassement jusqu'au second fils de François de Cominges , sei-
raot aller, ce passage est clii£Fré, sans dé- gneur de Guitaut. Le père Anselme ne dit
chiffrement, dans le manuscrit de l'Arse- rien de lui, sinon qu'il était gouverneurdes
nal , dont la copie doit avoir été faite sur îles Lerins. Toutes les lettres que Riclie-
l'original. lieu lui adresse prouvent que lo cardinal
'Charles de Pechpeirou et de Cominges, faisait de Charles de Guitaut une grande
chevalier de Malte, commandeur d'Astres, estime, et comptait sur sa capacité, ainsi
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 467
les armes du«roy el les miennes, que vous avés faict faire à Gennes
sur les portes de la place où vous estes, je vous fais cette lettre pour
vous dire que je désire que vous faciès mettre sur chacune des
dictes portes les armes de S. M. et les miennes au dessous, et non
pas les unes sur une porte et les autres sur l'autre, comme vous le
proposiés.
J'ay parlé à M'' de Noyers pour sçavoir s'il y auroit moyen de
vous envoyer des fonds pour la continuation de vos fortiffications.
Il m'a dict qu'il n'y avoit pas de fonds à présent, mais qu'il esloit
deu, par les terres adjacentes, la somme de quarante mil livres, que
M"" de Charapigny ' a ordre de faire payer, qu'on destine pour la def-
fense des places de la couronne, et dont vous aurés vostre paît
comme les autres, et en attendant qu'on en envoie d'ailleurs.
Vous faictes fort bien de ne donner point congé aux officiers de
vostre garnison d'aller chez eux durant l'esté, pour ne pas affoiblir
la garde; mais je trouveray bon que vous donniés permission à ceux
qui auront des affaires d'y aller mettre ordre pendant l'hiver, pourveu
que vous ne laissiés sortir que deux ou trois officiers à la fois, et
que vous différiés d'en laisser sortir d'autres que les premiers soient
revenus dans la place.
Je suis bien fasché de voir que le s' de Hérisson ne se conduit pas
envers vous comme il devoit. S'il n'e-stoit point porté par mon oncle
le grand prieur, dont vous cognoissés l'humeur, j'y apporterois l'ordre
que vous pouvés désirer, mais la considération de ce grand homme ,
(jue je respecte, me retient et me faict vous prier d'en souffrir et pour
que sur son zèle pour le service du roi.
Dans une lettre du 26 janvier i6ltO, le
cardinal , le remerciant de son affection,
ajoute : • Vous n'en pouvés avoir pour
personne qui vous aime et honore davan-
tage que je fais.» (Lellre notée aux Ana-
lyses. ) — Richelieu rapporte , dans ses
Mémoires, qu'au siège de la Rochelle le
chevalier de Guilaut captura un des bâti-
ments de la flotte anglaise qui tentait
de ravitailler la ville assiégée, et que le
roi lui donna la cargaison , évaluée
10,000 écus.
' 11 était intendant de justice, police
el finances en Provence. Dans une autre
lettre adressée à M. de Guitaul , écrite
vers la fin de 1689, nous le voyons fai-
sant un acte de police judiciaire.
59.
468 LETTRES
l'amour de luy, et pour l'amour de moy, autant que vostre honneur,
et la seurelé de vostre place vous le peuvent permettre'. Vous m'o-
bligerés d'y pourvoir de sorte que, quand vous serés obligé d'en
sortir pour faire voStre visite de l'isle et de la coste, il n'en puisse
arriver d'inconvénient en vostre absence.
Au reste, n'appréhendés point que l'on vous puisse rendre de
mauvais offices, ny qu'on vous puisse nuire auprès de moy; outre
que je vous tiens homme d'honneur, j'ay trop de confiance en vostre
lidélité et vostre affection envers moy, pour croire aucune chose qui
vous puisse estre préjudiciable Ayés donc l'esprit en repos de ce
costé là, continués à servir comme vous avés faictjusques icy, songes
à la conservation de la place où vous estes, et vous asseurés de mon
affection, et que je seray lousjours,
Monsieur,
Vostre plus affectionné à vous servir.
Le Gard. DE RICHELIEU.
1 o aoust 1 689.
CCLV.
Arch. des Aff. élr. Turin, t. 27, fol. 36. — Minute autographe.
Bibl. imp. Saint-Gcrmain-Harlay, 3^7. fol. 203 v°. — Copie'. —
Dupuy, l. 767, cahier Qq. (extrait) \
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
i4 aousl 1639.
Monseigneur,
Le roy juge l'affaire de Turin sy importante qu'aussystost qu'il a
' M. de Guitauteul égard à cette recom- ciers de ia garnison des isles. • Cette lettre,
mandation de Richelieu, qui lui écrivait, .sans date, sera mentionnée aux .Analyses,
vers la fin de lôSg : « Mon oncle le grand ' Une note marginale avertit que cette
prieur m'a tesmoigné avoir grande satisfac- transcription est faite sur une «copie
lion du bon traiclement que vous faicles escrile de la main de M. le cardinal luy-
au s' de Hérisson, et de l'union et inlelli- mesme. »
gence qui e^t entre vous et tous les ofli- ' Voy. ci-dessus, p. 56, note a.
• DU CARDINAL DE RICHELIEU. /i69
creu qu'elle pouvoit tirer de longue, il s'est résolu de s'avancer jus-
ques à Pignerol. Il mène avec luy i ,200 chevaux et toutes ses gardes
françoises et suisses; en sorte que, ramassant ce qui se prépare vers
l'Auvergne et le Lyonnois, nous passerons, s'il plaist à Dieu, avec
10,000 hommes de pied.
Je prie Dieu qiie vous puissiés chasser sytost 4es Espagnols de la
ville de Turin que nous ayons à nous occuper à autre chose; si cela
est, j'espère que les affaires d'Italie prendront un fort bon chemin.
Le roy ny ses serviteurs ne peuvent croire que Madame se soit
opiniastrée à vouloir demeurer dans la citadelle de Turin, où sa
personne ne peut qu'estre à très grand embarras.
Si elle est sy contraire à elle mesme, au moins ne refusera-t-elie
de faire, par le conseil d'un si bon frère, ce que la raison devoit desjà
luy avoir faict faire.
La meslîance qu'elle a jusques icy tesmoignée de S. M. faict qu'il ne
passera point par la Savoie; c'est à elle de voir si elle veut voir le roy
à Grenoble, ou à Pignerol. Je croy qu'il luy sera plus commode à
Grenoble, ne jugeant qu'elle puisse maintenant choisir une autre de-
meure que la Savoie avec M' son fils, si ce n'est qu'elle voulust ache-
ver de perdre ses affaires, comme elle a bien commencé '.
Je ne vous dis rien de ce que nous jugeons que vous puissiés
faire pour chasser les ennemis de Turin, parce que de loin on juge
fort mal des choses au prix de ceux qui en sont près. Seulement es-
timé-je qu'à toute extrémité, les ennemis ne vous sauroient empes-
cher de mettre le feu aux plus proches maisons de la citadelle, ce
qui, par un bon vent que vous sauriés bien choisir, le peut porter
' Le roi écrivit le même jour, i4, à la Je m'avance en personne ver» Lyon pour
iluchesse de Savoie une lettre autographe, empescher que vos ennemis n'achèvent
évidemment dictée par Richelieu : « Bien de vous perdre. J'espère vous revoir dans
que voslre conduite envers moy m'osie les Estais de mon neveu, vostre lils, aussy
toute facilité de vous assister, lui disait puissante que la raison veut que vous
I^ouis XIII, mes senlimens de frère ne soyés. • Celte lellre sera notée aux Ana-
me permettent pas de vous a!;andonner. iyses.
470 LETTRES
bien avant dans la ville, et vous faciliter, par ce moyen, celiiy d'en
cliaser pied à pied les ennemis.
Je sçay bien que vous n'oubiierés, etc.
CCLVl.
Arcl). des Aff. étr. Turin, l. 29, fol. io4 (original!, et t. 27, fol. Sy. — Minute'.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 3^7, fol. 5oi v°. — Copie*.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
S"Menehould, 16 aoust lôSg.
Monseigneur,
La dépesche que le roy vous faict porte tout ce qu'on vous peut
mander de particulier^. Seulement vous conjureray-je par cette lettre
de ne demeurer pas les bras croisés, et de loger vostre armée en lieu
sy commode, proche de la citadelle de Turin, qu'elle ne se dis.sipo
point et que vous puissiés estre en estât de combattre les ennemis
en mesme temps qu'ils viendront entreprendre une circonvallation de
la citadelle. Par ce moyen nous nous résoudrons à la patience, et,
fournissant bien la citadelle de toutes choses, il sera impossible aux
ennemis de la prendre , ayant tousjours une armée proche pour la ra-
fraischir.
Au nom de Dieu, Monseigneur, mettés-vous cette fin en teste, et
songes à tous les moyens qui pourront y servir. Il y va de vostre ré-
putation, qui m'est aussy chère qu'à vous mesme; et de là deppend le
bon succès de toutes les affaires de la chrestienté.
Le roy a tant de confiance en vous qu'il mande M'' de Longueville
pour aller en Allemagne. M. de Turenne, que j'ay sceu estre passé à
' Celte minute porte la date du 1 4 août, '' « Faite d'après l'original. <i (Noie mar-
i'original ne fut signé que deux jours plus giuale du manuscrit.)
tard. La pièce avait été préparée pour la ' Nous n'avons pas celte dépêclie.
continuation des Mémoires de Richelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 471
Lyon, vous pourra beaucoup soulager; il vous laisse aussy M"" de la
Molle jusques à la fin de cette campagne.
Souvenés-vous, je vous supplie, que la diligence, la fermeté aux
résolutions, et la hardiesse à exécuter, sont l'âme des affaires de la
guerre; ce que je vous remarque d'autant plus volontiers que je sçay
que vostre naturel vous porte à ce que je vous propose. En vérité.
Monseigneur, vous ne sauriés croire la grande tendresse que j'ay pour
vous, et combien je désire un grand succès pour vostre avantage.
Le roy a donne la compagnie du pauvre Campelz à son neveu, pour
l'amour de vous. J'ay creu que vous ne sériés pas lasché que je sol-
licitasse cette affaire avec le major de Metz, qui s'en est retourné
bien content. J'ay faicl cognoistre aux habitans de Metz devant luy la
confiance que le roy a en vostre personne, dans la défiance qu'il doit
avoir de M' de La Valette.
Je crois que les mauvais desseins qu'il peut avoir de ce costé-là
seront sans effect, le s' de Campelz s'en estant retourné bien instruit
de ce que M' de Roquepine et luy doivent (aire pour s'en garantir.
L'argent ny les munitions ne vous manqueront pas; mais c'est à
vous à bien mesnager vos hommes, et à les sy bien traicler qu'ils ne
se dissipent pas.
M'' de Chavigny est retourné vers Madame; il vous advertira do ce
qu'il fera avec elle. Ce pendant je vous asseureray que je suis et se-
ray, en tout temps et en tous lieux ,
Monseigneur,
Vostre très humble el très all'ectioiiiié serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Madame n'estant plus en estât de soudoyerle régiment de Senantes,
vous luy ferés faire le serment au nom du roy et le retiendrés à sa
solde,
De Sainte Ménehould, le 16 aoust lôSg.
472 LETTRES
CCLVIl.
Arcli. des Aff. élr. Turin, t. 27, fol. 56. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Saint-Gerraain-Harlay, SAy, fol. 287 v°. — Copie.
A MADAME DE MANTOUE.
18 aoiisl 1639.
Madame,
J'ay esté exlresmement aise de voir, par la lettre qu'il a pieu à V. A.
m'escrire de sa propre main\ les bons sentimens auxquels elle est pour
les intérests de M"^ le duc de Mantoue, son fils. Jay tousjours bien
creu que quand elle considéreroit ce qui estoit de son avantage, elle
ne voudroit pas le priver de la protection de la France , qui a tant
faict, comme elle sçait, pour deffendre ses Estats. Mais maintenant j'en
suis plus qu'asseuré par les protestations qu'il luy plaist en faire par
ses lettres, auxqu'elles s'adjouste tant de foy, que je seray volontiers
caution de ses paroles auprès de S. M. qui a sy bien receu ce que je
luy ay dit de voslre part , qu'il ne se pouvoit mieux. Je fais tant d'estat
de vostre bon esprit, Madame, que je ne doute point que V. A. co-
gnoissant, comme elle faict, cequi est de son propre bien, ne sache
pratiquer les moyens les plus convenables pour empescber que sa
maison ne se trouve enfin accablée dans l'oppression de toute l'halie.
Je prie Dieu que tous ceux que sa bonté y a rendus souverains sachent
aussy bien prévoir et prévenir le mal qui peut arriver en ce sujet que
V. A. dont j'estime, comme je dois, le jugement, la conduite et le
courage. Je tiendray la main à ce qu'il n'arrive point de changement
essentiel au bien que M' le duc de Mantoue vostre fils a eu France
' La lettre de la duchesse de Mantoue service du roi; elle se recommande aussi
est conservée aux archives des Affaires au cardinal : «Hnvendo io setnpre avuta
étrangères, manuscrit cité aux sources, particolar confidenza nella prolezione di
folio 53; elle est datée du ag juin, et la V. Em. » dit-elle. Kiclielieu fait de son
duchesse dit, en effet, au cardinal qu elle mieux pour engager la duchesse envers
a voulu l'écrire de sa propre main pour la France, mais il savait au fond à quoi
l'assurer elle-même de son dévouement au s'en tenir.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 473
jusquesà ce que celuy queV. A. veut y envoyer, pour terminer toutes
choses à l'amiable, soit arrivé. Je conjure V. A., de le faire venir le
plus proniplement qu'il se pourra , l'asseurant , par la cognoissance
que j'ay des afiaires, que c'est son bien d'en sortir ainsy, et non par
procès, qui seront immortels, ou qui, dans peu de temps, la ren-
dront déchue de ce qu'elle prétend, les loix et les coustumes de la
France lui estant contraires. V. A. cognoistra mon affection par ma
franchise, qui sera suivie des effects, en toutes occasions, pour luy
lesmoigner. . .
CCLVIII.
Arcli.'des Afl. étr. Turin, I. 27, fol. 61 v". — Minute de la main de Cherré.
Bibl. irap. Saint-Germain-Harlay, 347, fol. 398 v°. — Copie.
A MADAME DE SAVOIE'.
Du 18 aoust 1639.
Le roy ayant commandé à M' de Chavigny de vous proposer le
deppostde deux places que l'expérience vous doit faire cognoistre qu'il
vous est impossible de pouvoir conserver sans luy, et lequel est du
tout nécessaire pour disposer les Espagnols à rendre celles qu'ils ont
usurpées dans vos Estats, la passion que j'ay au restablissement de
M"^ vostre fils m'oblige de reprendre la plume pour supplier V. A. de
ne faire aucune dilliculté à ce deppost sy important à vostre bien; vous
protestant sur ma conscience et sur mon honneur que c'est le vray
moyen de réduire vos ennemis à ce que vous souhaittés, que le roy ne
le désire que pour cette fin, et que S. M. n'oubliera rien de ce qu'elle
pourra pour faire qu'elle en soit promptement deschargée par un
accommodement qui vous remette non seulement en possession de
toutes ces places, mais de tout le Piedmont.
Je conjure V. A. de me croire en cette occasion, et consens qu'elle
me deshonore, en vertu de cette lettre, si le conseil que je luy donne
' lîne partie de cette lettre a été arrangée pour les Mémoires de Richelieu.
CARDIN. DE RICHELIEU. VI. 6o
474 LETTRES
est préjudiciable pour l'cvénement, et si, au contraire, il ne liiy esl du
tout salutaire.
Je supplie Dieu, de tout mon cœur, qu'elle ne cognoisse pas, en
cette occasion, comme elle a faict en plusieurs autres par le passé,
l'utilité des avis qu'on lui a donnés par le mal qui luy en est arrivé
pour ne les avoir pas suivis.
Il s'agit de son salut ou de sa perte; je m'asseure qu'elle y aura les
yeux ouverts, et qu'elle cognoistra par effects que je suis et seray toute
ma vie avec passion . . .
CCLIX.
Aich. des Ad', étr. Turin, t. 27, fol. 67. ^^
Mise au net de la main d'un nouveau secrétaire de Kiciielieu.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, 3^7, fol. 288 v°. — Copie. —
Dupuy, t. 7'i7, cahier Qq. — Exirait '.
INSTRUCTIONS A M. DE CHAVIGNY
ALLANT VERS MADAME DE SAVOIE DE LA PART DU ROY'.
iS août i63g.
Le s"^ de Chavigny va trouver madame la duchesse de Savoie pour
luy tesmoigner le desplaisir qu'a S. M. du mauvais estât auquel elle
se trouve, et poursçavoir si elle veut pratiquer les derniers remèdes
qui luy restent pour se garantir de son entière ruine.
11 luy représentera que tous ses maux luy sont arrivés pour n'avoir
pas voulu se confier en S. M. ny sceu se deslier de ses ennemis.
fl luy fera une entière éniuiiération des diverses desfiances qu'elle
a lesmoigné publiquement avoir des François, en toutes occasions, ce
qui a passé jusques à telle extrémité qu'elle n'a pas craint d'offenser
diverses fois S. M. par ses mauvaises procédures, et par plusieur-s
discours qu'elle a faicts assez librement au préjudice de ce qu'elle luy
doit.
' Voy. ci-dessus p. 56, no[e 2. parée pour entrer dans la continuation <le!
' Cette pièce tout entière avait été pré- Mémoires de Richelieu.
DU CAKDINAL DE RICHELIEU. 475
Il luy dira, franchemenl que c'est à elle à choisir déterminément
l'un des deux partis, ou do se jetter entre les bras du roy, ou de se
confier entièrement aux Espagnols et à ses frères.
Que jusques à présent, pour vouloir demeurer en un estât moyen,
elle a perdu tout son Estât pièce à pièce.
Il iuy représentera qu'elle n'a jamais voulu commettre Turin à la
garde du roy, lorsqu'il se pouvoit conserver aisément, et, par ce
moyen, ravoir le reste de son Estât; et qu'elle luy a remis la citadelle
seulement lorsqu'elle a pensé qu'elle ne se pouvoit plus sauver; ce
qui a paru ouvertement en ce qu'elle fa livrée despourvue de toutes
choses, et qu'elle ne voulut jamais permettre {|ue farniée du roy
passast dedans pour faire plus aisément l'attaque de la ville.
11 luy dira ensuitte qu'il ne luy reste que deux choses à conserver :
la Savoie et Nice et Villefranche.
Que le roy désireroit qu'elle peusl conserver le tout sans que per-
sonne luy aidast, mais qu'après qu'elle a perdu toutes ses places et Tu-
rin, quoyqu'elle fust dedans, il faudroit qu'elle fust privée de l'esprit
que Dieu luy a donné, pour penser garder ce qui sera esloigné d'elle.
Qu'en cette considération le roy, la conjurant de bien garder la Sa-
voie avec dom Félix, luy offre de prendre la garde de Nice et de Vil-
lefranche, avec toutes les précautions et seuretés nécessaires pour la
restitution desd. places.
Qu'il faut qu'elle soit plus qu'aveugle si elle croit que cette pro-
position puisse avoir autre fm que son propre bien, n'y ayant per-
-sonne qui peusl juger que S. M. voulust perdre sa réputation à sy peu
de prix que celuy d'une place, en la retenant injustement.
Qu'il désire le deppost de ces deux, qui ne sont qu'une, pour deux
raisons; l'une parce qu'il sçail certainement qu'elles se perdront à la
première occasion que les ennemis pourront s'en approcher, ensuitte
de quoy il ne restera plus aucune espérance de restitution d'Kstats à
Madame.
L'autre qu'estant en ses mains il sera deslivré de fapréhension que
les ennemis n'entrent en Provence par ce costé-là, et dégagé de l'en-
Go.
476 LETTRES
tretien d'une armée navale qui n'a maintenant autre but que de ga-
rantir ces deux places, et sera par conséquent plus en estât de por-
ter puissamment ses forces en Italie.
Cette proposition est sy juste et sy raisonnable pour l'avantage de
Mons' et de Madame de Savoie, que S. M. désire que le s"" de Cha-
vigny la fasse ouvertement à Madame, en présence du seigneur
dom Félix et du comte Philippe, leur en faisant voir la justice et la
nécessité.
Si Madame en faict difficulté et s'opiniastre, selon son procédé
passé, à ne vouloir pas ce qui luy est plus salutaire, après que le
s' de Chavigny aura faict toute instance possible pour la destourner
d'une sy mauvaise résolution , il luy représentera avec prudence que
S. M. cognoisf par là que Madame veut s'accommoder avec ses enne-
mis, puis qu'autrement elle ne luy desnieroit pas les moyens de la
delTendre, ce qui faict qu'elle ne peut plus, sans s'exposer à estre
blasmée d'une extraordinaire imprudence, faire , à l'avenir, des efforts
sy puissans qu'elle a faicts par le passé, tous inutilement, à cause
que Madame a faict ce qu'elle a peu pour en empescher l'effect.
Il adjoustera qu'il vaut beaucoup mieux qu'elle traicte ouvertement
ce que jusques à présent elle a négocié à cachette, sans besoin ,
puisque, comme le roy ne luy veut pas conseiller un accord où elle
soit trompée, il ne la veut pas anssy empescher de le faire, veu qu'en
ne se portant pas à ce qui la peut garantir, il entreprendroit sa def-
fense sans succès.
Que lier les bras, comme elle faict, à ceux à qui elle demande se-
cours, n'est pas le moyen d'en recevoir'.
' La duchesse de Savoie avait écrit à
Richelieu , le /( août, que la ville de Turin
était au pouvoir de .ses beaux-frères et des
Espagnols ; qu'elle s'était jetée dans la ci-
tadelle , « où j'avois faict résolution de mou-
rir. » Mais les ministres du roi qui sont
auprès d'elle, lui ayant fait instance de
pourvoir à la sûreté de sa personne, elle
se relire en Savoie, et laisse le coninian-
dement delà citadelle «à M. de Castellan,
que je sray qui est vostre créature,» dit-
elle à Richelieu. Aussitôt que Christine se
voyait mal dans ses affaires elle demandait
l'assistance , du roi, dont ses confidents la
détournaient d'user dès qu'elle se sentait
un peu assurée. Mais, dans la crise actuel le,
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
477
Qu'il n'y a personne au monde qui ail jugement qui ne soit con-
Irainct de recognoistre que les Espagnols occuperont éternellement
ses Estais, sans en restituer aucune chose, s'ils n'y sont contraincts
par l'apréhension qu'ils auront que les François s'y rendent aussy
puissans qu'eux, et cependant qu'elle n'a jamais voidu donner aucune
place qu'avec des conditions qui empeschent quasi qu'on n'en puisse
garder aucune; ce qui sera aisé à concevoir à tous ceux qui considé-
reront, qu'en donnant Carmagnole, Savillan et Quérasque, elle n'a
pas voulu donner aucun passage derrière, tesmoin ce qui s'est passé à
Revel et à Conis, qu'elle a lousjours refusé, jusques à ce que, sachant
qu'elles estoient au pouvoir de ses ennemis, elle sceut aussy qu'il
n'estoit plus en son pouvoir de les livrer, et que, quand elle auroit
donné la plus grande partie du Piedmont en perdant Turin, comme
elle a faict par sa faute, et ne livrant pas les passages qui peuvent ai-
der à le conserver, c'est plus donner occasion de recevoir des af-
fronts que des moyens de ravoir son pays.
Que, n'eslanl plus temps de faire de telles fautes, le roy luy a com-
mandé de représenter particulièrement toutes celles qui se sont pas-
sées en sa conduite, comme aussy les moyens de les réparer, qui ne
consistent qu'en ce qu'il luy a proposé.
Qu'il a charge de retirer response par escrit, afin que S. M. puisse
justifier à toute la chrestienté que, si Madame sa sœur s'est perdue,
ce n'a pas esté manque de secours, mais à faute d'en vouloir tirer
profit.
Ensuitte de ce que dessus, il luy représentera que le roy, ayant
il ne lui restait que cette ressource , et elle
redoublait ses instances. Trois letiresd'elle
se croisèrenl avec celle-ci. Le i 5 elle écri-
vait au roi et au cardinal; à Richelieu,
elle disait : «Je suis preste de sacrifier le
reste pluslost que de me séparer des iiité-
rests de la France. • Le 20 elle renouvelait
ses demandes cl ses protestations. (Ces
lettres sont conservées dans notre manus-
crit des AfTaircs étrangères, l'olios^g, 5o,
84) Le raisonnement de Richelieu était
sans réplique, ou plutôt il n'y en avait
qu'une seule , que la duchesse n'osait dire :
c'est qu'elle se déGait de la politicjue du
cardinal , et qu'elle craignait de perdre
avec la France, aussi hien qu'avec l'Es-
pagne , ce qu'elle aurait livré.
!i7S LETTRES
sceii les inesfiances qu'elle a tesmoigné avoir, en quelques occasions ,
qu'on voulust se saisir de la personne du petit duc de Savoie, n'a pas
voulu passer jusques à Grenoble, afin quelle n'eust pas lieu de tes-
moigner ses injustes soupçons, en ne le menant pas au roy; qu'il de-
meurera à Lyon, où il la prie, si elle vient voir S. M. de ne l'y amener
point, sous prétexte de la longueur du voyage et de la tendresse de
son âge.
En quelque disposition que soit Madame, M'' de Chavigny luy par-
lera avec autant de civilité que de sincérité et de ft-anchise à luy dire
les choses nécessaires.
Si elle se dispose à ce que le roy désire pour son propre bien, il
luy fera cognoistre comme il le faut exécutter, avec grand secret, ime
extresme diligence , et ce par la personne du seign' dom Félix , qui
peut aller à Nice plauslblement, sous prétexte de porter de l'argent
à la garnison et d'y establir l'ordre qui doit y estre gardé.
Si elle ne veut pas ce qui paroist sy visiblement luy estre du tout
nécessaire, il mettra en la meilleure forme qu'il pourra la propo-
sitioïi qu'il luy aura faicte, conformément à cette instruction, et la
priera de signer sa proposition et sa response; ensuitte de quoy il
viendra trouver le roy à Lyon, ou plus avant, si S. M. n'y est encore
arrivée.
CCI.X.
Arch. des Afl'. étr. Turin, l. 27, fol. 61. — Minute.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 8^7, fol. 292 v°. — Copie.
A M. DE CHAVIGNY.
18 aoiist 1639.
Je vous envoie vostre instruction, selon ce que je vous l'ay pro-
mis; elle suppose que, lorsque vous parlerés ouvertement à Ma-
dame , vous aurés premièrement parlé ou faict parler au comte
Philippe et au seigneur Dom Félix, pour leur faire concevoir la
DU CARDINAL DK RICHELIEU. 479
justice de ce que vous aurés à dire, et leur intérest dans le salut de
Madame.
Il m'est venu en pensée que Philippe pourroit estre assez foible
pour prendre peut-estre jalousie de l'avantage de la maresch'' ' pour
le seigneur Dom Félix; vous verres si cela peut estre, et considére-
réssi, en ce cas, Mondain ne seroit point plus propre à en faire la
première proposition aud. s' Dom Félix, comme de luy mesme, que
l'abbé de la Monta, qui indubitablement la conquéroit au comte Phi-
lippe auparavant, estant seur de luy '. Ce sera à vous à faire la guerre
à l'œil.
Si Madame veut exécutter la proposition que vous luy ferés, il
faudra que vous envoyés quérir à Lyon, en poste, i o ou i 2,000 escus
que vous pourrés asseurer en passant, si cette dépesche vous trouve
auparavant que vous soyés arrivé, afin que led. Dom Félix parte avec
autant de diligence que de secret.
Le député de l'armée de M' de Weymar est arrivé icy avec des
propositions telles qu'on les peut désirer. Si Madame n'estoit point
ennemie d'elle mesme, il y auroit Heu de bleu espérer des alfa ires
publiques.
CCLXI.
Arch. des Ail', élr. Turin , I. 37 , fol. 64. — Minute de la main de Cherré,
avec quelques mois de la main de Richelieu.
Bibl. imp. Saint-Gennain-Harlay, 347, fol. ag/j v*. — Copie'.
A M. DE CHAVIGNY.
De S'-l)iiier, ce 19 aoust 1639.
Depuis le paquet ci-dessus fermé est arrivée une dépesche de
Celle phrase, assez obscure jusqu'à la avec le mot qui précède et celui qui suit,
lin, estdesdeux manuscrits. On ne voit pas Au reste, nous ne proposons qu'avec une
le sens de l'abréviation ■ lamarescli'. » Faut- grande hésitation des corrections de texte,
il lire : • la démarche?» Ce mot, qui cou- ' Transcrite, dit une note marginale,
viendrait pour le sens, ne s'arrange guère sur une copie de la main de Cherré.
480 LETTRES
M' raml)assadeur de Savoie, qui nous apprend, comme vous verres
par la copie que vous en envoie M' de La Barde, qu'il y a une sus-
pension d'armes en Italie. Je ne sçày à quelles conditions ' , mais je
suis seur que M'^ le cardinal de La Valette et M'' de Longueville ne l'au-
roient pas consentie, si elle n'estoit raisonnable. Pour moy, je veux
bien espérer de ce commencement, qui me surprend d'autant moins
que vous sçavés ce que je vous dis auparavant vostre partement.
Si cette suspension est faicte , vous ne devés pas parler du deppost
porté par l'instruction que je vous envoie, mais seulement tesmoi-
gner à Madame que le roy vous a envoyé pour luy faire cognoistre le
desplaisir qu'il a du mauvais estai auquel elle est, l'avertir du voyage
qu'il faict à Lyon pour tascber d'y remédier, et la conjurer de don-
ner si bon ordre à Veillane, à Suze, qu'elle ne les perde pas.
Il sera bon que vous luy fassiés cognoistre qu'à vostre avis rien n'a
tant porté les Espagnols à cette suspension que le deppost de la cita-
delle de Turin entre les mains du roy, d'où elle peut conclure que,
si elle eust remis dès le commencement lad. citadelle et la ville de
Turin entre les mains du roy, elle seroit maintenant peut-estre en
estât de voir la restitution de tous ses Estais. Ce discours sera un
préparatif au deppost de Nice, si la suspension n'a point de suitte^.
Au nom de Dieu, faictes que Madame envoie munir Suze, Veil-
lane, Villefranche et Nice, comme il faut, et y mette des gens har-
dis et asseurés, et que, pendant la suspension, on soit plus que ja-
mais sur ses gardes, ne veniant Romani.
' Richelieu ne larda pas à en êlre in- celte su.spension. (Ms. de» Affaires étran-
formé par une lettre du cardinal de La gères cité aux sources, fol. /n.)
Vaielte, du i3 août, où sont exposées les " Ce paragraphe a été préparé pour la
raisons qui avaient déterminé à conclure continuation des Mémoires de Richelieu.
DU CARDINAL DE KIGHELIEU. /i81
CCLXII.
Arch. des Aff. étr. Allemagne , t. 1 5 , pièce 1 4 1 • — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. Aoo. — Copie. —
Saint-Germain -Harlay, 346, t. 2 , p. 7^3. — Copie'.
A M" D'ERLACH, HEIM ET DE NASSAU ^
■ 9 aoust 1639.
Messieurs, bien que je vous aye desjà tesmoigné parle s^'d'Oyson-
ville' la part que je prends à la perte que vous avés faicte de M"^ le
duc de Weymar, je ne puis néantnioins laisser retourner M. le colo-
nel Flersheim sans vous faire encores cognoistre, par ces lignes, l'ex-
tresme desplaisir que je ressens de sa mort. Je ne vous dis point
combien l'envoy que vous avés faict vers le roy de la personne dud.
s'" colonel luy a esté agréable et la satisfaction que S. M. a receue des
asseurances de vostre fidélité et de vostre affection à son service qu'il
luy a données de vostre part, parce que vous l'apprendrés beaucoup
mijeux de sa bouche, et par les lettres que le roy vous escrit sur ce
.sujet, que non pas par celle-ci '. Je me contenteray seulement de vous
asseurer que S. M. a une entière confiance en vos personnes, qu'elles
luy seront tousjours en très singulière recommandation, aussy bien
que vos intérests, et que vous n'aurés rien à désirer de sa bonté en
ce sujet, ny en aucun autre où il "s'agira de vostre avantage, que je
ne m'y emploie auprès d'elle avec autant d'affection que je suis vé-
ritablement.
Messieurs,
Vostre très affectionné serviteur.
' Le» deux manuscrits de la biblio- * En suite de la mission du colonel
tlièque portent en marge que leur trans- Flersheim, le roi envoya à l'année du
criplion a été faite isur la minute origi- duc de Weymar, ainsi qu'on l'a vu, trois
nalede la main de Cherré. • députés : MM. de Giiébrianl, de Clioisy
Ces noms sont écrits au dos, ainsi et d'Oysonville. L'instruction qui leur fut
que la date. donnée expose, en quatre points prin-
\'oy. ci-dessns, p. 45i, lettre du cipaux, l'objet de leur mission et de l'ar-
29 juillet. rangement à faire avec les colonçls des
CARDIN. DE RICHELIEU. - VI. • 61
482
LETTRES
ccLxm.
Bibl. de l'Arsenal, Hisl. 186, in-4°, p. 287. — Copie.
AU M" DE LA MEILLERAYE.
De Chanmont pn Bassigiiy, ce 23 aoust lôSg.
Je conjure M. de la Meilleraye de me mander nettement qui est le
régiment qui n'a pas voulu donner, celuy qui porta ses ordres, et les
personnes particulières à qui ils furent donnés. Cette affaire est de
trop grande importance pour la laisser à Testât qu'elle est; une ani-
madversion rendra tout le monde sage. Au reste ce qu'on fera sera
faict de telle sorte, sous le nom du roy, que l'envie n'en tombera point
sur aucun officier de l'armée.
Je prie encore une fois M' le grand maistre de ne manquer à me
mander toutes les particularités de cette affaire.
J'ay esté entièrement aise d'apprendre le bon estât auquel estvostre
armée, et la bonté du liey où vous estes placé; j'espère que la réso-
lution que vous avés d'inquiéter les ennemis produira de bons effecls,
ce dont je prie Dieu de tout mon cœur.
Vous aurés la monstre dans le temps que vous la demandés.
Vous aurés sceu la petite conqueste qu'a faicle M"^ de Saigny,
troupes (lu duc de Weymar pour les con-
server au service de France; on enjoint
aux commissaires de s'entendre de tout ,
au préalable , avec le baron d'Erlach , qui ,
ayant eu l'entière confiance du feu duc,
se montre sincèrement affectionné à la
France. Une aflaire que les députés auront
soin de ménager avec lui, c'est l'établisse-
ment de gouverneurs français dans Rhein-
feld et Neubourg ou Fribourg, en conten-
tant les gouverneurs actuels au moyen
d'une bonne pension. Quant à réclamer la
remise de Brisach entre les mains du roi ,
ledit sieur d'Erlach témoigne tant de dé-
vouement aux intérêts de la France, il est
d'ailleurs si capable de commander dans
une telle place que, s'il y veut demeurer.
Sa Majesté estime n'y pouvoir mettre per-
sonne qui y serve mieux que lui. Celle ins-
Iruction n été imprimée; on en trouvera la
menlionauxAnalyses, àladaledu aoaoïit,
et aussi celle d'une leltre écrile par le car-
dinal au baron d'Erlach, également im-
primée, et par laquelle Richelieu lui ex-
prime le gré que lui sait le roi de ses
procédés. Sa Majesté prend autant de con-
liance en lui «qu'en ses naturels et plus
affidés sujets. •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 483
proportionnée à ses troupes, laquelle ne laissera pas d'estre fort utile
au pays.
Les malheurs de Madame continuent. Le roy n'ira que jusques à
Lyon. En quelque lieu que je sois je vous seray tousjours plus affec-
tionné que je ne devrois, si je pèse toutes choses à la rigueur de la
justice; mais pas tant que je dois, si je les balance selon l'affection que
je porte à vostre maigre personne.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCLXIV.
Dépôt de la guerre, l. 53, pièce h-]&. — Minute de la main de Cherré,
pomcTS
SUR LESQUELS IL EST NÉCESSAIRE QUE LE S' DU PLESSIS
REMPOBTB HESPONSE '.
Les choses estans en Testât qui
a esté déduit, tant au regard des
ennemis qu'au nosire, il fauit ré-
solutions sur les propositions qui
ont esté faictes d'agir du coslé
d'Elna^ ou du Confluens et Sai-
daigne.
' Les réponses dictées par le cardinal
sont écrites de la main de Cherré. Cette
ininiile, envoyée au secrétaire d'Elal de
la guerre, a été expédiée dans ses bu-
reaux, et la dépêche a été adressée à M. le
Prince. On remarque quelques change
luents de peu d'iaiporlauce faits de la
main du premier commis de la guerre sur
cette seconde minute, au bas de laquelle
on lit : « Faict à Langres ce xxiv' d'aousl
1639. ■ Elle est numérotée Ayà dans ce
ms. et le titre , qui était pareil à celui de
24 août i63g.
Après avoir ouy au long le s'' Du
Plessis Bezançon sur la d"' proposi-
tion, son avis et la raison semblent
ne permettre pas qu'on puisse , cette
année, penser au dessein d'Elna, et
partant il semble qu'il ne reste que
celuy de Sardaigne à exécutter.
la pièce n° /t76 , a été changé comme suit :
« Mémoire présenté par le s' du Plessis
Bezançon, sur lequel il demande, de la
part de M. le Prince, les responses qu'il
plaira au roy de luy donner. » Ces derniers
mots font présumer que cette réponse,
écrite de la main de Cherré, et préparée
par le cardinal, a été signée par le roi.
' Elne, petite ville de l'ancien Rous-
sillon (déparlement des Pyrénées-Orien-
tales], à trois lieues et demie environ au
sud de Perpignan. — La Cerdagne, con-
61.
2.
Si on fera venir de la frontière
de Biscaye les régimens de Na-
vaiiles, Xaintonge, el Poictou, et
les compagnies de chevaux légers
de S' Simon" Orgères el Morin,
ces trouppes eslans nécessaires en
Roussillon?
3.
Résolution sur la tenue de l'as-
semblée de Guienne et des estats
de Languedoc, que l'on juge très
nécessaire, affin de pourvoir de
bonne heure à la subsistance des
trouppes qui pourront demeurer
en Roussillon pendant l'hyver, ou
repasser en France.
à.
Une monstre pour l'armée dans
le XV septembre, par le moyen
de la quelle on fera subsister les
trouppes jusques au i5 novembre
et 4 mois pour les officiers d'ar-
mée pour les payer jusques à la
fin d'octobre.
5.
. Résolution sur le rasement du
fort S' Ange, lorsqu'on abandon-
nera le costé de la mer pour aller
au Confluens et Sardaigne.
LETTRES
Ces trouppes estans nécessaires en
Roussillon pour rexécution du des-
sein de Sardaigne, on les peut faire
venir, laissant les régimens de Béarn ,
Rabat et de la couronne, et les com-
munes de Guienne, pour garantir la
frontière avec la compagnie de M' de
Gramond et celle de S** Croix.
On trouve bon la d"* assemblée
lorsque les ordres en seront envoyez
par le roy après la résolution prise
dans son conseil, afin qu'on agisse
d'un mesme pied par toute la France.
Le roy a résolu de tout temps
d'envoyer la d'^ monstre , et on escrira
à M. de Bullion pour qu'il l'envoie
au temps demandé.
Irée située à l'autre extrémité du même
flépartement, arrondissement de Prades,
sur la frontière d'Espagne. — Le pays
Si M" le Prince et ceux qui sont
sous sa charge estiment à propos de
ruiner le fort, comme il y a grande
apparence , on trouve bon qu'il le face
faire, et désire-t-on qu'il soit faict
en sorte qu'il ne reste aucun vestige
de fort.
de Confient , autre petite contrée du
Roussillon , à l'ouest et voisine de la Cer-
dagne.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
485
.6.
Si M' d'Espenan demeurera à
Salces; et avec quelles trouppes;
ou s'il agira dans l'armée le reste
(le la campagne?
Si l'on fera deux corps pour agir
du costé de la Sardaigne, et du
Confluens en mesme temps, ou
un tout seul pour le Confluens
seulement? Au premier cas, qui
commandera ces corps séparez ?
8.
Si , après avoir mis en train l'ex-
pédition du Confluens , M' le Prince
pourra venir faire un tour à la
cour pour en solliciter luy-mesme
et remporter les expéditions né-
cessaires pour l'establisseraenl et
subsistance des trouppes durant
l'hyver?
Après ce qui a esté dict au re-
gard des fortiffications de Clerac
et de Canet, sçavoir si l'on veult
On croit que M'' d'Espenan doit
laisser un bon lieutenant dans Salces,
avec toutes choses nécessaires à la con-
servation de la place , et qu'il doit agir
dans l'armée le reste de la campagne.
Ces questions sont à résoudre par
M' le Prince, qui sçaura bien choisir
ceux qui devront commander les
corps qu'il voudra employer.
Cette proposition est la meilleure
qu'on puisse faire pour empescher
l'exécution des desseins qu'on pro-
pose. M' le Prince ne doit penser à
venir à la cour que cet hiver, après
avoir estably toutes ses trouppes en
quartier d'hiver, ce qu'il est prié de
faire le plus qu'il se pourra à la des-
charge des sujets du roy, establis-
sant le plus grand nombre qu'il
pourra de nos garnisons dans le pays
ennemy; et ne faisant payer en au-
cun lieu les d'" trouppes que selon
le nombre effectif qu'ils auront, sans
faire aucuns traitiez qui réussirent sy
mal l'année dernièref que le roy n'y
veut plus, entendre.
Le roy remet de forliffier Clerac
et Canet, ou ne les fortifller pas, au
jugement de M' le Prince et de ceux
qui servent sous sa charge , ne pou-
48(i LE
qu'on s'atiacheà fortiflierceslieux,
contre l'opinion de la pluspart de
ceux qui composent le conseil de
l'armée? et, en ce cas, fonds pour
cela.
lO.
Si l'intention de la cour estoit
de n'agir doresnavant en Roussil-
lon que par diversion seulenienl,
M. le P. estime que le soin de cette
entreprise peull eslre commis à
un autre ; mais si l'on veult la con-
tinuer puissamment, il s'y offre,
non qne son âge et ses incommo-
dilez luy puissent permettre de
demeurer ordinairement dans le
camp, mais à telle distance qu'il
s'y rendra tousjours, à toutes les
occasions nécessaires et capitalles.
11.
Des ordres à ceux des vivres de
maintenir leur équipage en lestât
qu'ils sont obligez , aveo les moyens
et le fonds nécessaires pour cela,
et mesme, à M. dePonlselrae, au
regard de l'artillerie.
12.
Fonds pour payer les gendarmes
d'Arpajon, S'Geran et Ambres, qui
sont troisbonnestrouppes, mais qui
se ruinent faute d'avoir esté trait-
tées comme tout le reste de la caval-
lerie.
TTRES
vans juger de loin ce qui est plus
à propos, en ce sujet, pour son ser-
vice. Et, si on prend résolution de
quelque fortiffication. M' le Prince
peut la faire commencer sur l'asseu-
rance qu'on luy donne d'envoyer le
fonds au premier avis qu'il en don-
nera.
En vain auroit-on commencé l'af-
faire de Roussillon si on ne faisoil
estât de la poursuivre avec la mesme
chaleur qu'elle a esté commencée,
et partant, puisque M"^ le Prince en
veut prendre le soin , c'est à luy de
projetter les desseins dès cette heure
pour l'année qui vient, et de les
conduire si secretlement que les en-
nemis n'en puissent avoir le vent, par
quelque voye que ce puisse estre.
On pourvoira pour l'année qui
vient à ce qui est désiré, en sorte
qu'il y aura plustost plus que moins.
Il y a esté pourveu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
487
CCLXV.
Bibl. de l'Arsenal, Hist. i86, in-4°, p. aSg. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
De Langres, ce aS" aoiist itjSy.
Les ennemis ayant esté sy impudens d'espendre dans leurs ga-
zettes t|u'ils n'avoient perdu que 300 hommes au combat de S'-Ni-
colas et 3 ou li officiers, sans parler en aucune façon du canon, je
vous prie me mander déterminément combien vous avés eu de prison-
niers sains ou blessés, combien d'officiers, quel nombre a esléceluy
des morts tués ou noyés, tant par ce qu'on a peu compter que par
le rapport des prisonniers; quel canon vous est resté, combien il en
a esté jeté dans l'eau, quel esquipage d'artillerie et quel bagage a esté
pris, enlin toutes les particularités de vostre avantage ', alin que, par
la différence qui se trouvera entre ce que disent Ifs ennemis et la
' Dans un extraordinaire du 11 aoù(,
la Gazette avait donné un récit succinct du
combat de Sainl-Nicolas, «où (disait ce
journal) les ennemis furent poussés rude-
ment jusques à la rivière avec grande tue-
rie de leurs officiers et soldats, n Le i3,
la Gazette ajoute quelques détails ; « Dans
laquelle bataille nous avons gangné cinq
pièces de canon aux ennemis, perdu
3o officiers, et eu plus de i5o soldats
tués ou blessés , mais les ennemis n'y ont
eu gaères moins de 2,000 soldats tués ou
noyés. Nous leur avons fait 3oo prison-
niers, entre lesquels se trouvent dix capi-
taines, cinq alfières et quarante-cinq au-
tres officiers, la pluspart Espagnols natu-
' Nous reman]uons que , dans celle nonvelle re-
lalion, on rectifie la date donnée d'alwrd par la
Gaxelte : «Cette illustre journée, dit le narrateur,
lels. • Et, le 18, ce journal publiait encore
une lettre qui lui était adressée par « un
cavalier françois, » lequel repoussait le re-
proche que nous faisaient les ennemis,
d'exngérer le succès, et déclarait qu'au
contraire les relalion.s faites jusqu'alors
avaient plutôt o amoindri » nos avantages '.
Mais Richelieu voulait des détails plus pre'-
cis que ceux de la Gazette; il entendait .sa-
voir autre chose que ce qu'.'ii jugeait à
propos de faire savoir au public. Quoi
qu'il en soit, les inforniitions qu'on a pu
lui donner, il les a gardées pour lui-
même. Nous ne voyons pas que la Gazette
ait parlé du combat do Saint-Nicolas pos-
térieurement à la date de cette lettre.
Tut la b,' et non la 5* de ce mois comme on a cru.»
(p 5o/i.)
488 LETTRES
vérité de celte affaire , on puisse juger Testât qu'on devra faire à l'a-
venir de leurs vanteries.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCLXVI.
Arch. des Aff. étr. Turin, l. 27, fol. 90. — Mise au net.
Bibl. imp. Saint-Geimain-Harlay, 347, loi. 3og v°. — Copie. —
Dupuy, t. 767, cahier Qq. — Extrait '
. I
AU CARDINAL DE LA VALETTE.
35 acût 1639.
Je ne veux pas dissimuler que d'abord que le roy sceut la suspen-
sion il s'en trouva extresmement surpris, tant à cause de son voyage,
qu'il avoit entrepris en vos quartiers en suitte d'une de vos lettres à
M' de Chavigny, qui portoit que, s'il ailoit jusques à Grenoble, 11 se-
roit maistre de toutes choses, que parce aussy qu'il s'estoit promis
des merveilles en la jonction de l'armée de M'' de Longueville et la
vostre.
Mais, trois heures après, je luy fis concevoir que les affaires estant
en Testât que vous le mandés, la citadelle de Turin dépourvue de
toutes choses , les ennemis sy bien retranchez dans la ville que
vous ne pensiés pas qu'on les peust emporter, et Tesprit de Madame
aussy contraiie à elie-mesme qu'elle avoit esté jusques à présent,
vous né pouviés mieux faire que ce que vous aviés faict, et que, s'il y
avoit quelque chose à redire en vostre procédé, de vous et de M' de
Longueville, il ne consistbit pas à avoir faict la suspension, mais à
ne Tavoir pas faicte assez longue, ce que vous n'aviés osé, de peur de
luy déplaire; il demeura très satisfaict, et très content de ce que je
pris la hardiesse de luy représenter sur ce sujet.
Le lendemain. M' le nonce Bologneti, qui, depuis quelques jours,
nous soUicitoit très instaixmient pour consentir une trefve absolue dans
l'Italie , ayant sceu celle qui s'estoit faicte de deux mois , prist cette
' Voy. ci-<lessus p. 56, note 2.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 489
occasion de renouveler sa première poursuite, disant mesme avoir
ordre du pape de demander que les places occupées dans le Piedmont
par la France et par l'Espagne fussent mises en deppost entre les mains
des princes neutres, ou des Suisses, jusques à la conclusion de la paix.
Je pris cette occasion de reparler au roy et de luy faire cognois-
tre que je n'estimois point de meilleur remède aux affaires d'Italie
qu'une longue trefve qui nous garantist de la malédiction qui est sur
Madame et sur toutes ses affaires, et le fis consentir aux poursuites
de Mons'' le nonce, quant à la trefve, et non quant au deppost <les
places occupées entre les mains des Suisses, veu le bon tour qu'ils
avoient faict à Turin'.
Monsieur le nonce faict donc présentement une dépesche au nonce
de Turin, où il luy mande assez ingénuement, ce me semble, ce qui
s'est passé de deçà. 11 m'en a confié une copie que je vous envoie,
alin que vous puissiés prendre plus claire lumière de la conduitle
que vous devés avoir pour parvenir à une plus longue trefve, sans que
la poursuitte en vienne de vous, ny qu'il semble que vous la désiriés.
Il est vray que puisque la jonction des forces de M"^ de Longue-
ville et les vostres n'a peu chasser les ennemis de Turin, et que
vos nécessités vous ont contrainct de commencer la trefve, il est vray,
dis-je , que la continuer plus longtemps est le meilleur expédient
qu'on puisse prendre.
' Ici le secrétaire des Méoioires île Ri-
chelieu, qui avait préparé celte pièce pour
faire partie de la continuation desdits Mé-
moires, avait ajouté ; i Où ils estoient de
garnison, et ne firent point de résistance. «
Ces mots, nécessaires pour les lecteurs
des futurs Mémoires ne pouvaient pas être
écrits au cardinal de La Valette, qui sa-
vait l'affaire tout aussi bien et mieux que
Riclielieu. Le copiste de Harlay a trans-
crit cette phrase dans le texte, comme si
elle était du cardinal, en ajoutant cepen-
dant à la marge : Hœc suni adiila altéra
manu, iiempe hisloriographi. Ce même secré-
taire avait barré le paragraphe suivant, qui
ne devait pas être conservé dans les Mé-
moires ; le copiste de Harlay l'a barré à son
tour, après l'avoir copié, et il a mis en
marge : Sic cancellatum ab hisloriographo ,
ut conjicere est. Ce que le copiste de Harlay
ne faisait que conjecturer, nous savons
maintenant que c'est un fait constaté; ces
pièces ainsi préparées devenaient le pre-
mier brouillon de l'histoire du cardinal,
écrite par lui-même.
CARDIN. DE niCRELIED.
490 LETTRES
J'ay cette pensée pour trois raisons :
La première < parce qu'il sera plus difficile que jamais de vous en-
voyer à l'avenir autant d'hommes que vous en aurés besoin.
La seconde, parce que nous ne sommes pas seulement combattus
des ennemis, mais du Piedmont, et, qui pis est, de l'esprit de Madame
et de ses confidens.
La troisième, parce qu'une longue trefve est le seul expédient qui
peut non seulement nous donner moyen d'accommodement avec le
P. Tbomas, mais, en outre, temps de nous ajuster sy bien que nous
puissions tirer le fruict désiré de sa réunion.
Ce sera donc à vous à conduire les affaires en sorte que les Espa-
gnols reviennent dans le désir qu'ils avoient d'une plus longue trefve,
pour la conclure du moins jusques au printemps.
La poursuitte de M"" le nonce et l'intervention de l'abbé Vasquez.
qui a tousjours tesmoigné que M' le marquis de Leganez la désiroit
longue', ou celle de Messerati ^, qui de luy mesme ne peut que voir
qu'elle est du tout nécessaire pour faciliter l'accommodement et l'a-
justement du P. Thomas, auquel on veut entendre tout de bon, vous
donnera lieu de venir à vos fins.
En un mot , que la trefve estant utile aux ennemis comme elle est ,
et l'ayant tousjours désirée ardemment comme ils ont faict, vostre
adresse saura bien mesnager les affaires, en sorte qu'on ne cognoisse
pas qu'elle est désirée de deçà, ce qui n'est, en effect, que depuis qu'on
a veu qu'estant maistre de la citadelle de Turin on n'a peu emporter
la ville.
' Tout Espagnol qu'il élail, Leganez ^ Le comte Baltazar Messerati, ou Mas-
faisait grand cas de Richelieu; le cardinal serati, ou Macerali, — nos manuscrits
deLa Valette écrivait à celui-ci le 16 août: écrivent son nom des trois façons, — est
«Le marquis de Leganez m'a dict qu'il n'y qualifié tantôt de général des postes, lan-
avoit point de personne au monde de si tôt de « maistre d'hostel du prince Tho-
grand mérite que Richelieu; qu'il vouloit mas. » Ce personnage avait foute la con-
unir avec luy le comte d'Olivarez, que ce- fiance du prince; il est souvent question
lui-ci le désiroil, et qu'il avoit mis dans de lui dans les correspondances de Turin
sa chambre la peinture du cardinal. ■■ (Ms. de cette époque,
des Aff. clr. fol. 5).)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
491
Quant à l'accommodement du P. Thomas, il est certain que c'est
une chose très désirable', et je vous avoue que je le désire grande-
ment en mon particulier; il me larde fort que Mondain ne soit arrivé
pour savoir les particularités qu'il a à dire sur ce sujet-. Cependant je
vous escris une lettre particulière sur ce sujet, que vous pouvés faire
A'oir à Macerati pour luy en faire rapport.
Quant au désir que l'abbé Vasquez a de me voir, je ne vois nulle
apparence de le voir en secret, mais je ferois moins de difficulté de
le voir publiquement, si je savois qu'il eust des propositions justes et
raisonnables, et possibles pour avancer la paix'; tant parce que si les
dictes propositions sont justes, elles ne préjudicieront ny aux Sué-
dois, ni aux Hollandois, auxquels nous mourrions plus tost que de
manquer de foy, que par ce aussy que nous en donnerions telle part
qu'il faudroit. Cette entrevue non cachée pourroit se faire ainsy qu'il
s'ensuit :
Le marquis de J^eganez demanderoit un passe-port pour faire pas-
ser un courrier par le Languedoc, et le d. abbé, estant ce courrier,
pourroit proposer, en passant à Lyon, ce que bon luy sembleroit.
' Dans une lettre cliiQ'rée, du ao août,
le cardinal de La \ aletle niandail à Riche-
lieu : • Le prince Thomas désire un ac-
commodenient parliculier. . . Il m'a dit
que si le roy avoit agréable de marier le
duc de Savoie avec la lille dud. prince, et
son fils avec M"' de Longuevillu, il se dé-
clareroil pour le roy. » (Même ms. fol. 69.)
' L'abbé Mondini est compté par Gui-
cheiion parmi les personnages considéra-
bles de la cour de Turin, p. gSG. On a vu
(ju'ayant été dépêché en France par la du-
chesse de Savoie, le cardinal le renvoya
en Italie (8 juillet, p. 419). pour porter
à la princesse les conseils et les représen-
tations du roi son frère. — Le cardinal de
La Valette écrivait à Richelieu , le 1 5 août :
• Le s' Mondin dira beaucoup de choses
qu'a laissé entendre le prince Thomas. »
(Même ms. fol U 1 .) Cet envoyé revint, en
effet, vers la fin d'août, apportant des let-
tres de sa maîtresse, du ao. (Môme ms.
fol. 84.) C'est en réponse à ce message
que le roi écrivait à sa sœur, le a sep-
tembre, qu'il lui renvoyoit l'abbé Mondin
avec des instructions; elles sont du 6 sep-
tembre. L'une et l'autre pièce seront no-
tées, à leur date, aux Analyses.
' « L'abbé Vasquez, leur confident (d'O-
livarès et de Leganez) est dans le dessein
de vous aller trouver. » Lettre du cardinal
de La Valette à Richelieu, du 16 août; et,
le 30, il répétait la même chose, en ajou-
tant : « L'abbé Vasquez voudi'oit une paix
générale et non partielle. « (Même ms.
fol. 5i et 65.)
tja.
492 LETTRES
Cependant, pour ne rien mettre au hasard, ce seroil bien Je meil-
leur qu'il voulust se confier en vous, el vous dire ce qu'il voudroit
proposer, sur quoy je vous ferois prompte et sincère response.
Je vous escris encore un mémoire que vous pouiTes luy faire voir
pour l'induire à cet expédient, et je vous prie, au cas qu'il ne vous
veuille rien dire , ne vous engager pas à nostre entrevue jusques à ce
qu'ayant du temps pour y penser, je vous aie faicl response à ce que
vous m'aurés escrit sur ce sujet.
Je ne saurois faire aucun jugement des intentions de M"" le prince
Thomas que lorsque j'auray veu Mondain; s'il marche sincèrement, il
vaut mieux entendre à sa négociation qu'à celle de Vasquez; mais si
son intention n'est pas bonne, il faut se rendre soigneux de savoir ce
que veut dire l'abbé Vasquez, quand il propose qu'il ne faut pas s'ar-
rester aux intérests des petits princes pour la paix, mais que l'Kmpire
doit seulement considérer l'Espagne, et la France, les Hollandois et
les Suédois.
En tout cas il faut sçavoir secrètement du P. Thomas, par Masse-
rati et ceux d'Espagne, et du marquis de Leganez, par Vasquez', et,
après que vous aurés faict ce que vous pouvés en cette affaire, je
vous manderay s'il y aura lieu à l'entrevue de l'abbé Vasquez ou non.
Souvenês vous qu'il vaut mieux qu'il y ail une grosse garnison dans
Turin durant la trefve qu'une petite, tant parce qu'ils mangeront
leurs vivres, que, en maltraictant les habitans, ils en aliéneront les
cœurs.
Au nom de Dieu n'oubliés rien de ce que vous pourrés pour bien
faire munir la citadelle de Turin, et les places que vous avés en main,
de toutes choses; comme aussy pour y faire travailler selon que vostre
suspension le permettra.
Je viens de voir ce que vos dernières lettres du -20"'" de ce mois
m'apprennent que Macérât i vous a dict des desseins du Pr. Tho-
mas. Maintenant je doute de sa bonne intention, voyant que toutes
' La plirase est incomplèie dans le manuscrit dt^s Affaires étrangères aussi bien que
dans la copie de Harlav.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 493
ses pensées Vont à ses intérests particuliers. Il nous estime bien
simples, s'il croit qu'on le voulust establir dans le Piedmont par un
accord avec Madame, sans estre asseuré de sa déclaration contre les
Espagnols, avec lesquels il pourroit, par après, faire de Madame ce
que bon luy sembleroit.
Il faut voir prudemment le fond du pot, et traicter avec les deux
parties; mais je vous avoue que la proposition de l'abbé Vasquez, qui
dict que l'Espagne doit considérer l'Empire, et la France, la Suède
et les Bollandois, me touche grandement au cœur, désirant la paix
générale comme je fais plus que ma vie.
Je ne vous fais point de nouvelles civilités parce que je croy que
vous n'estes non plus en doute de moy que de vous mesme; seule-
ment vous diray-je, en deux mots, que ce qui vous louchera me
touchera toute ma vie, plus que mes propres intérests.
Madame, à mon avis, a faict une très grande faute d'aller à Saluées,
si elle n'a pris ce chemin pour aller à Nice, et sauver tout à faict cette
place, qui mérite bien sa présence. Si elle est asseuréé de Montnié-
lian, elle ne sauroit mieux faire que d'aller à Nice; si elle ne l'est
pas, elle est bien misérable de se mettre en un lieu où on la peut
surprendre aisément, et laisser perdre deux choses si importantes
comme la Savoie et Nice, et Villelranche; il la faut faire résoudre à
aller à Nice, si elle est asseuréé de Doni F'élix , et de Montmélian et de
Suse, par le bon ordre qu'elle aura mis dans la place et les bons
hommes qu'elle y aura establis.
Au nom de Dieu, dites-luy, s'il vous plaist, de ma part, que, si
elle ne se veut perdre elle-mesme, qu'elle pourvoie à ce qui luy reste,
et qu'elle se souvienne que, si ses frères se rendent maistres de Nice
et de Villelranche, elle ne doit jamais espérer son restabhssement.
Je vous conjure de luy faire sçavoir sy ouvertement ce que je luy
mande, et à ses confidens aussy, que personne n'en puisse douter '.
A Langres, du 26 aoust 1689.
' Dan.-! le manuscrit de la Bibliothèque. suivie de deux pièces écriies parRiclielieu
cette lettre au cardinal de La Valette est dans le dessein d'inculquer au prince
494
LETTRES
ccLxvn.
Manuscrit du cabinet de M*' le duc d'Aumale. — Minute de la main de Gherré.
[A MESSIEURS DU CONSEIL.]
De Langres, ce 37' aoust lôSg.
Messieurs du conseil trouveront bon, s'il leur plaist, que je leur
die qu'il est de leur prudence de regarder si bien doresnavant aux
Thomas et à l'abbé Vasquez ce qu'il dési-
rait leur persuader de ses sentiments au
sujet des affaires actuelles. 11 est curieux
de les comparer à la lettre où Richelieu
dit au cardinal de La Valette sa véritable
pensée. Peut-être ne furenl-elles pas com-
muniquées aux personnages pour qui elles
furent faites, le cardinal de La Valette ayant
été atteint, dès les premiers jours de sep-
hre, de la maladie dont il mourul. Elles
méritent d'être conservées , et nous les don-
nons ici en note. Nos copies ne sont point
datées, mais les lettres doivent avoir été
écrites le môme jour que la missive au
cardinal de La Valette, à la suite de la-
quelle le manuscrit de la Bibliothèque les
a placées.
«i.ettrf: qdi peot estre uonstrée au prince tkomas.
' J'oy veu tout ce que vous mandés du
désir qu'on vous a tesmoigné qu'a M' le
P. Thomas de s'accommoder avec la
F'raiice. — Je vous avoue que j ay esté
estonné jusques à présent de voir que ,
pour avancer trop les affaires des Espa-
gnols, il reculoit les siennes, que je ne
savois où estoit ta prudence; maintenant
il me semble voir que la seule nécessité
du mauvais estât où esloient ses affaires
l'a porté à commencer ce qu'il a faict , et
queson jugementle retient présentement,
cognoissant bien que s'il poussoit les af-
faires plus avant, en faisant celles des
Espagnols , il perdroit absolument les
siennes. — Je loue Dieu qu'il soit en la
disposition que vous m'escrivés; j'attends
Mondain avec impatience pour en savoir
les particularités. Cependant je vous dé-
clare qu'estant détaché des Espagnols et
sinrèrement altaclié à la France, il est
raisonnable qu'il ayl part à la conduitte du
Piedmont, qu'il soit recogneu légitime hé-
ritier des dicts Estats, au cas où le petit
duc vienne à mourir; et si cela arrive je
vous puis asseurerque le roy le maintien-
dra aussy franchement dans les dicts Es-
lats, comme les Espagnols 1 en tiendroient
dépouillé, si les places qu'ils ont demeu-
roienl en leurs mains. — Ce sera main-
tenant à M' le P. Thomas à voir par quels
moyens il peut asseurer la France de son
affection , alln que , trouvant des expédiens
qui lèvent de part et d'auire tous soup-
çons, on puisse plus infailliblement faire
réussir ce qui est du tout nécessaire pour
les uns et pour les autres. — J'atlendray
sur ce sujet ce que vous apprendrés de
nouveau, avec le grand désir de contri-
buer, par ce moyen, tout ce qui deppen-
dra de moy pour conserver le Piedmoni
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 495
establissemeHS nouveaux qu'ils voudront faire, qu'il n'en puisse arri-
ver d'inconvéniens pareils à ceux de Normandie'.
Le nom de gabelle est si odieux, et le fruicl de l'establissement
qu'ils ont voulu faire de si peu de conséquence, que je ne sçaurois
assez m'estonner comme ils ont vouUu faire une adjonction à la ferme
des gabelles, qui peut apporter tant de trouble et si peu de proflit.
On pouvoit, ce me semble, considérer qu'il failloit estre d'autant
plus retenu en telles affaires que l'esloingnement du roy pouvoit don-
ner hardiesse aux mescbans de faire esclorre leurs mauvais desseins.
el la Savoie à leurs princes légitimes, et
en priver les Espagnols. »
«PODB KAIRE VOIR À L'\BBE VASQttEZ.
« J'ay veirce que vous me mandés de la
bonne intention qu'a M' le marquis de Le-
ganezde porter les aflaires à la paix.el le
désir que M. l'abbé Vasquez vou< a les-
moigné qu'il auroit de me voir en parti.-
cidier; je me sens obligé à l'un et à l'autre
de la bonne disposition qu'ils ont et aux
affaires publiques cl à mon esgard, el vous
conjure de les en faire remercier. — Quant
à l'entrevue du d. s' abbé, vous répondrés
bien, je ra'asscure, que je la désirerois
autant que luy, sans la crainte que j'ay
qu'elle donnast de l'ombrage aux princi-
paux alliés du roy, qui, leur voulanl gar-
der inviolablement sa foy, doit esviter les
occasions qui leur pourroieni donner les
moindres .soupçons. — La paix se peut
taire raisonnable et avantageuse à l'Es-
pagne, à la France eX à l'Empire, sans
qu'on nous fasse aucune proposition qui
soit préjudiciable aux Suédois et aux Hol-
landois, et à la foy que le roy le^r a don-
née, el je me resjouis d'apprendre par
vostre lettre que ce sont les senlimens
.du d. s' abbé. — Si M' l'abbé Vasquez a
quelque proposition de celle nature, il
vous peut parler franchement, en vertu
de celte lettre, dans laquelle vous luy
pouvés faire voir que j ay autant de con-
liance en vous que en moy-mesme, el que
je désire de tout mon cœur la paix géné-
rale. J'attendray une response sur ce su-
jet , elle nous trouvera entre cy el Gre-
noble, ou le roy est résolu de s'arresler
depuis la nouvelle qu'il a eue de vostre
suspension. » ( Bibl. imp. fonds S'-Gcr-
main-Harlay, .347, fol. '6iU v° et 3i5 v°.
— Copies. )
Les conférences avec l'abbé Vasquez
n'avancèrent point les affaires; le 37 sep-
tembre , d'Argenson , intendant de l'armée
d'Italie, écrivait : «Je vais à la cassine du
comte de Verrue, ou se doibt trouver
M' l'ab. Vasquez pour résoudre les choses
du Monlferral. • El nous lisons dans une
lettre du même d'Argenson, envoyée le
lendemain a8 : « Toute la conférence qui
se fit hier avec l'abbé Vasquez, où estoit
M' le nonce avec le commandeur Pazer,
se passa en chicannes de la part des Es-
pagnols. • (Tom. 29 de Turin, fol. 278 et
284.)
' La révolte des Nu-Pieds.
^96 LB^TTRES
Toutefois et c|uantes qu'on en usera ainsy, on rapellera dans la mé-
nnoire des peuples le souvenir de tout ce qui les blesse, et, bien que
la dernière nouveauté soit la vraye cause de leur inouvemeni , pour
rendre leur cause plus plausible, ils l'imputeront à tout ce qui leur
est à charge.
Je supplie Messieurs du conseil de considérer l'avenir par le passé
et ne s'embarquer plus dans des affaires dont les conséquences soient
si mauvaises qu'on ne puisse jamais apaiser la rébellion qu'en révo-
quant avec honte ce qu'on a faict.
Le roy crainct que le parti (ju'on veut faire de l'arrière ban ne pro-
duise encores un plus mauvais effect, et ne veut point en effect, par
son propre'mouvement, qu'on le fasse, jugeant, comme je fais avec
luy, que cela révoltera une partie de la noblesse.
Sa Majesté apréhende aussy que la taxe nouvelle des ,aysez des
petites villes fasse encores un mauvais effect. Je ne puis respondre
que, si on l'estend dans les places frontières, il en arrivera tel incon-
vénient qu'on ne le pourra pas par après réparer.
Je sçay bien que Messieurs les surintendans diront aussytost qu'on
ne faict rien de rien, et que la nécessité oblige à faire beaucoup de
choses qu'ilz condamneroient eux mesmes en une autre saison; mais
je les prie de croire que celles qui peuvent donner non seulement
des cœurs, mais des places à nos ennemis, sont condamnables en^
tous temps.
Touttes les villes où nous avons passé' sont au désespoir d'estre
privées de tous leurs deniers d'octroy, et d'estre contraintes d'aban-
donner tout ce qui peut ayder à leur conservation ; je ne condamné
pas ce qu'on a faict, puisque la nécessité y a contrainct, mais j'ose
bien dire que c'est chose du tout nécessaire non seulement de leur en
' Bichelieu avait vu enfin , et il s'était arrêté ses regards sur tes affaires de l'inté-
instruit à ce speclacle des populations fou- rieur, il s'était trop peu occupé du sort du
lées et souffrantes. Mais depuis quinze ans peuple. C'est pourquoi son administration
qu'il gouvernait la France avec un pou- est restée si inférieure à sa politique. C'est
voir absolu, et qu'il tenait les yeux alla- une vérité historique sur laquelle il n'est
chés sui' l'Europe entière, il avait trop peu peulèlre pas inutile d'insister.
DU CARDINAL DE KICHELIEU.
497
donner d'autres, mais de restablir la réputation du con**, aux parolles
duquel elles adjoustent peu de foy.
Il faut essayer de remédier à l'affaire de Normandie, par prudence
et par adresse , le mieux que l'on pourra; car d'espérer maintenant des
gens de guerre pour cet effect, c'est chose du tout impossible'.
CCLXVIII.
Bibl. imp. Suite de Dupuy, t. XV, fol. a64- — Original ^ —
Béthune, 92^1, fol. i56, et 9349, fol. 178. — Copies'.
Arch. de l'Enip. K i3/i. Guyenne,]" partie, fol. 1 33, pièce 2o3. —
Mise au net de la minute '. — Imprimée : Correspondance de Sourdis, II, p. 127 '.
SOSCBIPTION :
A MONS. M. L'ARCHEVESQUE DE RORDEAIX,
UEDTEIJIIIT GÉNÉRAL DE L'ARHÉE.
28 août 1639.
Monsieur, je ne sçaurois assez vous tesmoigner la joye que j'ay eue
de l'avantage que vous avés remporté sur les ennemis aux costes d'Es-
pagne. Je reçois cette victoire comme un augure d'autres bons événe-
mens qui vous arriveront, estant asseuré que vous n'oublierés rien de
ce que vous pourrés pour n'en demeurer pas là.
' On en trouva bientôt pourtant; on
sait l'expédition de Gassion contre Avran-
clies, et celle du chancelier Séguier, à
Houen , où il était accompagné du même
Gassion, à la fîn de 1639 et au commen-
cement de 16A0. — Au dos de cette mis-
sive à Messieurs du Conseil , on lit : « Cop-
pie de deux lettres de deffnnt Monseig' le
cardinal à Messieurs du conseil. » Cette
note, écrite après la mort de Richelieu,
ne paraît pas être de la main de l'un de
ses secrétaire» ; elle ne semble se rapporter
qu'à la présente lettre. Le copiste aurait-il
réuni deux lettres en une ?
' Cet original offre certaines différences
avec la minute du manuscrit des Archives;
nou.5 en notons quelques-unes.
CAHblM. DE BICHELIED. — VI.
' En marge de la copie du vol. 9241
on lit : « De la main de Chirurgien » (Voir
sur cette indication la note de la page 267,
ci-dessus.)
* Cette minute était sans doute difiicile
à lire, car la mise au net offre plusieurs
fautes qui ont été corrigées par Cherré ,
lequel a mis la date du a8 août au haut
de la pièce.
' Trois vol. in-4°, dans la Collection des
documents inédits. Nous devons réimpri-
mer cette pièce parce que la première pu-
blication est très-fautive; l'éditeur n'a pas
toujours su lire les manuscrits , et il a cons-
tamment falsifié les nombres, faute de
comprendre les signes dont on se servait
alors.
63
498 LETTRES
J'ay veu par vostre relation le sujet que le roy a d'estre content de
tous ceux qui ont servi en cette occasion, que j'ay faict valoir autant
qu'il m'a esté possible. Je vous prie de leur tesmoigner le contentement
que j'ay de l'honneur qu'ils ont acquis, et le désir qiie j'auray tousjours
de les servir, en revanche de ce qu'ils ont faict.
Pour respondre aux divers points de vostre lettre je vousdiray, pre-
mièrement, que je n'estime pas que vous déviés penser à fortiffier l'é-
minence de Laredo', où ilseroit impossible de faire rien de bon pour
ce qu'il n'y a point d'eau.
Quant à ce qui a esté pris, le gahon, tous les canons, munitions
de guerre et agrez, en un mot ce que vous jugerés nécessaire au roy
estant réservé, vous pouvés partager le reste entre tous ceux qui y
doivent avoir part , ce que j'estime très raisonnable ^.
M. de Noyers^ vous faict response particulière pour ce qui est des
monstres, du désarmement et des lieux où vous mettrés vos gens en
garnison*.
Vous me mandés qu'il faut pourvoir à Belle-lsle. On a desjà escrit
à M. de Retz qu'il y prenne soigneusement garde. Je luy escriray de
nouveau, et je vous prie, en vous en revenant de la mer, de luy faire
une dépesche sur ce sujet , luy offrir deux ou trois cents hommes de gar-
nison , et, s'il les accepte, les luy envoyer de ceux que vous ramenerés.
Le roy trouve bon que les pavillons que vous luy avés envoyez
soient portés à Bordeaux et mis dans vostre église, pour marque à
vos ouailles que , tandis que vous n'avés peu les paistre actuellement
en terre, vous acquérés des lauriers sur la mer.
J'ay veu ce que vous demandés pour les prests et pain^ des régi-
mens qui sont sur vos vaisseaux et pour deux monstres de leurs ofii-
ciers, et ce pour cent quatre vingt deux jours, le tout revenant à cent
Petit port «les côtes de Biscaye. La Cor- lançay près Dijon, 3o aoiist,» se trouve
respondancede Sourdisamis: « La Bede. » dans le manuscrit de la suite de Dupuy,
' n y a dans la minute : « Entre les fol. a68.
cappitaines, et j'estime du tout à propos ' Ce paragraphe n'est pas dans la Cor-
d en user ainsy. » respondance de Sourdis.
' La lettre de de Noyers, datée de >Gha- ' «Prêle-pain.» {Corresp. de Sourdis.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 499
soixante treize mille livres', sur quoy le trésorier a receu cinquante
trois mille livres^; présentement' on luy faict encore donner fonds de
soixante cinq mille livres*, moyennant quoy l'on s'asseure que vous
aurés de quoy satisfaire aux prestz des soldats effectifs qui se trouve-
ront aux régimens, et aux deux monstres des officiers.
Quant aux quatre cent seize mille livres que le trésorier prétend
qu'il avoit de mauvaises assignations, M. de Bullion a mandé à M. de
Noyers, sur cet article, qu'il donneroit contentement au Picart^ aussy
tost qu'il le verroil. Ainsi je crois que vous aurés sujet d'estre satisfait,
et, en effect, il faut accoustumer les soldats à l'estre de la raison,
et ceux qui les commandent de ne demander pas pour- eux plus que
ce qui se peut.
Il ne seroit pas raisonnable de payer le pain aux soldats sur la mer
au prix que le roy le paye sur la terre , à cause des voitures , sans les-
quelles il ne couste que i8 deniers en terre, au lieu qu'on vous le
paie à raison de deux sols. Aussy peu y a-t-il apparence de bailler
une monstre aux soldais outre leurs prestz et leur pain qu'ils auront
eu sans perdre un jour tout du long de la campagne.
Le roy faisant estât de bien payer cet hiver tous les soldats qui se-
ront effectifs dans les lieux où ils auront leurs quartiers, cette con-
sidération et celle que vous me mandés que les Espagnols peuvent
faire des desseins sur Belle-Isle ne pouvant avoir autant de lieu sur
nos costes que sur cette isle, faict que S. M. désire que vous mettiés
A ou 5 compagnies en garnison dans Belle-Isle, si M. de Retz les
veut recevoir*'; cinq ou six à Brest, autant à Blavet, et le reste en Ré,
Oleron et autres lieux proches de la Rochelle, où aussi tost que
nous aurons receu de vos nouvelles nous envoyerons un trésorier
avec de l'argent, pour payer par avance les prestz aux soldats et aux
' • Mille sept cenllrente-neufliv. • (Cor- ' « Mille septcent soixante neuf. • (/ii(£.)
respondance de Sourdis. ) Notez qu'il s'ngil ' Payeur de la marine,
du pain et de la solde de plusieurs régi- " Henry de Gondy, duc de Retz, pair
menls pendant près de trois mois. de France; il était seigneur de Belle-Ue,
' • Cinq cent trente-neuf liv. • [Ibid.) érigée en marquisat, et il en avait le gou-
' «Premièrement.» {Ibid.) vernement.
63.
500 LETTRES
capitaines et officiers, dont lesd. capitaines ont un escu par jour, et
les autres au prorata ^
Quand vous ferés vos désarmemens vous envoyerés les grands
vaisseaux du roy à Brest, huit au Havre et trois ou quatre petits à
Brouage. J'ay faict partir le s' Petit pour aller à Brest expressément
faire mettre le port en tel estât que la chambre soit seure pour les
vaisseaux du roy, et que, la fermant avec de bonnes chaînes, les en-
nemis n'y puissent faire mal ny par effort, ny par feu.
- M. de Noyers vous escrivant amplement sur le reste des affaires,
je ne vous feray cette lettre plus longue que pour vous asseurer de la
continuation de mon affection, que vous trouvères tousjours telle en-
vers vous que vous la pouvés désirer de celuy qui est véritablement,
Monsieur,
Vostre affectionné confrère à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Langres, ce 29* aoust 1689.
ccr,xix.
Arch. des AIT. élr. France, i63g, Supplément, fol. 3a8. — Original.
SOSCRIPTION:
POUR M. ROUTHILLIER,
LE SDRINTBIIDART.
/ De Langres, ce 28° aoust 1639.
J'ay sceu les désordres de Rouan, mais je ne sçay pas le remède,
estant impossible de trouver les gens de guerre qui sont demandés,
si on ne veut perdre toutes les affaires du roy, et abbandonner la
France aux estrangers. Et encore , quand on voudroit s'exposer à cet
inconvénient, vous ne sçauriés avoir ce remède de deux mois, et le
mal que nous en recevrions ne seroil pas si tardif.
' A la marge de ce paragraphe, l'ori- les bien payant, l'expérience nous faisant
ginal donne celte addition , que je ne cognoistre que c'est là le meilleur ordre
trouve pas dans la minute : « Le roy fait qu'on puisse garder. »
loger cette année toutes ses armées, pen- ' Ce dernier paragraphe n'est pas dans
dant l'hyver, dans les villes frontières, en la minute.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
501
Je vous avoue que je ne sçay comme vous ne pensés un peu plus
que vous ne faictes aux conséquences des résolutions que vous prenés
dans vostre conseil des finances. Il est aisé de prévenir les maux
niesme les plus incurables, et quand ils sont arrivez ils se trouvent
sans remède.
Il faut, à mon avis, que le temps et la bonne conduite de ceux qui
sont sur les lieux remédient à ceux-là.
Je vous prie me tirer de l'affaire de madame de Harcourt, dont
mons"^ de Mauroy ' a l'argent tout prest, et de bien prendre vos seu-
retez de gens bien solvables, ne désirant point avoir aucune affaire à
démesler avec la pi'incipauté, ny masle, ni femelle.
J'ay esté bien aise de voir par vostre seconde lettre que le mal de
Rouan n'ait pas esté tel que vos premières le représentoient'^.
J'ay receu le pacquet de Puj '.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCLXX.
Arch. des Aff. étr. Allemagne, t. i5, pièce il\b. —
Minute de la main de Cherré.
Bibl. irap. Cinq-cenI» Colberl, t. 45, fol. a3i. — Copie'. —
Saint-Germain-Harlay, 346 , t. i , fol. aSg. — Copie.
A M. DE PICOLOMINI.
Du 2 septembre lôSg.
Je ne sçay si j'entends bien la langue italienne, mais je sçay bien
' C'était l'un des principaux commis de
de Noyers.
* Le surintendant, qui se trouvait com-
promis dans les mesures Gnancières que
blâme Richelieu , tâchait d'atténuer la gra-
vité de l'insurrection; on sait de quelles
tristes conséquences elle fut suivie. Le
cardinal ne tarda pas à voir que les pre-
mières informations étaient plus exactes
que les secondes.
' Nous trouvons aux Affaires étran-
gères, dans les manuscrits d'Espagne
( t. 1 g non coté) , des lettres de Piijol, des
8 et ao juillet, contenant une réponse du
comte d'Olivarez à une comnmnication
qu'il avait été chargé de lui faire. C'est tou-
jours à Cliavigni que Pujol adresse ses
lettres, et ce sont sans doute celles que
nous indiquons qui formaient le paquet
dont Richelieu accuse réception.
' Les deux manuscrits de h Biblio-
thèque disent : «Transcrite sur une copie
de la main de Cherré. •
502 LETTRES
qu'en François prétexte n'est pas un mot qui puisse, en façon quel-
conque, desplaire à ceux envers lesquels on en use. Je sçay de plus
que cent mil escus n'est point une rançon proportionnée à la qualité
de lieut' g"' de M. de Fequières, et beaucoup moins au bien qu'il
possède. Et partant, je croy, ou que V. E'=^ ne désire pas le deslivrer,
ou qu'elle le, mettra à une rançon qui ayt du rapport à son bien et à
sa qualité.
Quant aux autres prisonniers, le s' de Cornillon vous dira ce qu'il
a charge de S. M. Seulement vous remarqueray-je qu'ayant en Nor-
mandie bon nombre d'Espagnols pris sur mer, et beaucoup à Calais
de ceux qui furent pris à la journée de S' Nicolas, entre lesquels il y
a plusieurs officiers , et quelques uns restés de l'enlèvement du quar-
tier desCrovales' arrivé depuis peu, ce que V. E"^ pratiquera envers
les nostres sera observé envers tous.
Comme je ne doute point ny de son équité, ny de sa courtoisie,
elle se peut asseurer qu'eUe trouvera tousjours ces deux qualitez dans
l'esprit des François, et qu'en particulier je tiendray à faveur de vous
tesmoigner que je suis...
CCLXXI.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 37, fol. 1 15. — Mise au net'.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, S/iy.fol. 33o v°. — Copie'. —
Dupuy, t. 767, cahier Rr. (Extrait*.;
A M. LE CARDIIVAL DE LA VALETTE.
2 septembre i63g.
Monseigneur,
Je ne saurois mieux vous faire cognoistre ce que le s"' Mondain
' Les deux copies écrivent « Crouates, » transcription a élè. faite sur une « copie de
ce qui est la même chose; on disait aussi la main de Chirurgien. » (Voyez page 267,
alorsCravates , et Croates , nom qui estresté. ci-dessus. )
' Cette pièce a été préparée pour la ' Voyez la noie 2 de la page 56 de ce
continuation des Mémoires de Richelieu. volume.
' Le manuscrit de Harlay dit que sa
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 503
retourne faire en Piedmont qu'en vous envoyant copie de son ins-
truction.
H n'est plus question de délibération mais d'exécution.
Le roy désire absolument de Madame ce qu'il luy mande ', partant
S. A. ayant asseuré led. s"' Mondain qu'elle feroit tout ce que S. M.
voudroit, nous ne doutons point de l'exécution. Vous ferés donc, s'il
vous plaist, recevoir Veillane et Suse, et y mettrés des gens capables
d'en respondre. Au nom de Dieu, Monseigneur, faites travailler en
diligence à toutes les places que le roy lient en Piedmont, et surtout
à la citadelle de Turin; la passion que j'ay à cette affaire faict que
nous envoyons expressément le s"" de Chanteloup, l'un des commis
de M"" de Noyers, avec de l'argent; il est entendu et diligent, et je
croy que, sous vostre autorité, il n'aidera pas peu à presser ces ou-
vrages.
Le roy envoie, par le mesme s' de Chanteloup, dix mille escus à
Madame pour luy donner moyen de faire son voyage à Nice et de n'y
entrer pas sans un teston. Mais led. s' de Chanteloup a charge ex-
presse de ne délivrer point le dict argent, si elle ne se résout à ce qui
est porté dans la dicte instruction, et si elle n'en commence l'exécu-
tion par Veillane et Suze. Ce sera donc à vous à luy dire quand il devra
délivrer cet argent.
Mondain m'a dict la proposition que l'abbé Vasquez faict de me
voir, sur quoy je ne luy ay rien respondu , me contentant de vous
avoir mandé ce que j'ay faict de Langres, que vous devés mesnager
particulièrement. Je croy qu'en demandant un passeport pour passer
en Espagne, c'est chose qui se pourra faire; mais je vous en maiide-
ray la dernière résolution après avoir receu vostre response sur la
dépesche que je vous ay faicte sur ce sujet; à mon avis que le désir
qu'a cet abbé de me voir pourra faciliter la prolongation de la Irefve;
si vous savés quelque moyen capable de luy faire concevoir, comme
' Ce même jour, 2 septembre, le roi tioii donnée à J'abbé Mondini. il sera t'ail
écrivait à la duchesse sa sœur une lettre menlion de celte lettre aux Analyses,
de quelques lignes, se référant à l'instruc-
504 LETTRES
de luy-mesme, qu'il n'y a pas d'apparence de faire une telle entrevue
pour tomber trois jours après dans la guerre.
Après avoir ouï Mondain, je ne vois pas qu'il y ait beaucoup à espé-
rer du P. Thomas. C'est un homme qui va audacieusementà ses fins,
et qui ne demande à s'accommoder avec Madame que pour la man-
ger plus aisément par après. Nous escouterons pourtant ce qu'il vou-
dra dire.
Je vous prie nous envoyer le s' Fabert afin qu'on puisse juger ce
qui se pourra faire, au cas que la trefve ne se prolonge pas.
Madame allant à Nice, il est besoin que quelqu'un aille avec elle de
la part du roy; si les troupes se peuvent passer de M' d'Argenson,
nous estimons qu'il seroit très propre pour faire ce voyage; en tout
cas, si c'est chose impossible, quand nous saurons qu'elle devra ar-
river à Embrun nous luy envoyerons quelqu'un, ne jugeant pas que
M"' de La Cour puisse quitter Pignerol.
GCLXXII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. ay, pièce 1 1 1 . —
Minute de la main de Cherré.
Bibi. imp Sainl-Germain-Hariay, 347, '^'- 2*7 ^°- — Copie. —
Dupuy, t. 767, cahier Rr '. — Copie.
LrVSTRUCTION DONNÉE PAR S. M.
AU SIEUR MONDAIN ,
ALLANT VERS MADAME DE SAVOIE '.
2 septembre iBSg.
Le roy voulant, autant qu'il peut, perdre la mémoire des fautes qui
se sont faictes en la conduite de Madame, du peu d'estat qu'elle a
faict de ses conseils, et des malheurs qui luy sont arrivés par l'ex-
traordinaire méfiance qu'elle a tousjours eue de S. M. ne veut point
luy remettre le passé devant les yeux, mais il luy suffit de la prier
' Voy. ci-dessus, note 2 de ia page b6. — ' Celte pièce était préparée pour entrer
dans les Mémoires de Richelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 505
de considère!* les affaires en Testât qu'elles sont présentement pour
ne se tromper pas aux remèdes qu'on y doit apporter.
Il reste à Madame de sauver la Savoie, Veillane, Suze, Nice et
Villefranche. On ne dit rien de Cahours, parceque le s' Mondain a
asseuré que Madame y a pourveu. C'est à elle et à son conseil de voir
comme elle le peut faire, profitant des malheurs qui luy sont arrivés
pour penser, avec trop de crédulité, conserver sans peine ce dont
elle devoit prévoir la perte asseurée.
Si Madame peut conserver par elle seule ce qui luy reste, S. M. luy
conseille de n'en user pas autrement.
Si elle estime ne le pouvoir faire sans l'assistance de S. M. elle la
luy offre ainsy et en telle façon qu'elle la désirera.
Mais sa dicte M. veut qu'elle sache déterminément de sa part
qu'elle achèvera de perdre le reste de ses Estats, ses enfans et elle-
mesme si elle ne pourvoit autrement à ses places qu'elle a faict par le
passé, et si elle ne s'en asseure sy certainement qu'il n'en puisse arri-
ver d'inconvénient.
Le peu d'affection et de fermeté que les Piedmontois ont tesmoigné
au service de Madame faict que S. M. ne faict point de difficulté de
luy dire qu'elle doit metti'e des garnisons françoises dans Veillane et
dans Suze, commandées par des chefs bien résolus, qui soient aussy
François, et sy bien munir les d. places de toutes choses nécessaires
qu'elles ne s'en trouvent pas dépourvues au besoin , comme a faict la
citadelle de Turin , qu'on asseuroit ne manquer de quoy que ce pust
estre; et, si elle n'en peut faire la despense, S. M. s'offre à faire gar-
der les d. places, pourveu qu'elles luy soient remises sans délay, et
non à l'extrémité, comme la citadelle de Turin. Ce deppost est d'au-
tant plus raisonnable qu'il est du tout nécessaire pour la conservation
de la citadelle de Turin , et pour fermer aux ennemis, par ce costé-là,
le passage de la Savoie'.
' La fin de ce paragraphe a été ajoutée vante prouve qu'il a copié sur notre origi-
par Richelieu ; le copiste de Harlay l'a en- nal : i Haec quae sunt iiiclusa duobus semi
fermée entre parenthèses , et la note sui- • circulis , adscripla sunt in margine manu
CARDIN. DE RICHELIEU. ïl'. 64
506
LETTRES
Quant à la Savoie le roy ne doute point que la qualité et la pro-
bité de don Félix, et les asseurances qu'il a données à Madame de sa
fidélité , ne soient suivies des effects qu'elle en peut désirer.
Pour ce qui est de Montmélian, S. M. estime que Madame y doit
mettre, sans attendre un moment, un gouverneur du tout asseuré à
sa personne , à celle de Mons' son fils et à ceux qui seuls le peuvent
protéger. Madame estant entièrement asseurée de la maison d'Aillé,
elle pourroil mettre le marquis de Saint-Germain dans le Montmélian.
Quant à Nice on ne croit point que Madame puisse trouver d'autre
expédient que de s'y transporter en personne» ce qu'elle peut en ve-
nant passer de Pignerol par auprès d'Ambrun pour entrer dans la
Provence et se rendre au chasteau de Nice, selon les asseurances
qu'elle a de la fidélité du gouverneur'.
Quand Madame sera bien establie dans Nice, elle y pourra faire ve-
nir M" ses enfans selon qu'elle l'estimera plus à propos.
Voilà le dernier conseil que le roy veut donner à Madame, et le
meilleur qu'elle puisse recevoir, sur quoy S. M. n'attendra pas seule-
lement response, mais exécution de ce que Madame voudra faire,
pour ensuitte seconder sa conduitte si elle est bonne , ou se laver hau-
tement et publiquement de tout le mal qui luy pourra arriver, si
elle mesprise les avis de S. M. comme elle a faict par le passé en
toutes choses.
Le roy désire que le s' Mondain luy rapporte promptement réso-
lution et exécution de tout ce que dessus, afin que S. M. puisse voir
ensuitte quelle route elle doit prendre.
« ipsius D. carclinalis Rich. » Cette note la-
tine du manuscrit de Haiiay est mise en
fiançais dans le manuscrit de Dupuy.
' Malgré ces assurances on crut néces-
saire de faire sonder ce gouverneur, le com-
mandeur de Sales, lequel répondit que,
« sans quo Madame pristia peine d'aller là,
il gardoroit fidèlement la place à M' son
lils. » — « Celte response semble bien am-
biguë,» écrivit Richelieu à Mondini, au-
quel il se bâta d'envoyer un courrier : « Si
Madame a quelques asseurances particu-
lières du d. commandeur, que nous ne
sachions point, qui luy ostent loul doute
de sa fidélité, il vaut mieux qu'elle vienne
droit à Cliarabéry pour asseurer Monlmé-
liam. » Cette lettre, datée du 6 septembre,
sera notée aux Analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 507
CCLXXIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 27, foi. 1 14. — Minute autographe.
Bibl. inap. Saint-Germain-Harlay, 347> fol. 33o. — Co|)ie'.
A MADAME DE SAVOIE.
2 septembre i63g.
Madame, ces trois lignes sont pour dire à V. A. que le roy luy
renvoie le s"' Mondain pour luy faire savoir le seul moyen qui luy
reste de sauver les débris de son naufrage. Je la conjure de mettre
la main à l'œuvre aussytost qu'elle l'aura entendu, sans perdre un
moment; moyennant cette diligence je ne désespère pas de ses affaires,
mais je la puis asseurer que, sans cela , elle est perdue sans ressource.
11 n'est plus temps de délibérer; il faut venir aux exécutions, si vous
ne voulés, en vous abandonnant vous mesme, donner lieu à celuy
seul qui vous peut protéger, après Dieu, de suivre vostre exemple.
J'implore de tout mon cœur l'assistance du ciel pour vous, et suplie
la bonté divine qu'elle vous rende capable de vous laisser servir à
ceux qui sont comme moy de V. A '^
CCLXXIV.
Archives de Condé Communication de S. A. R. Mgr le duc d'Aumale. Original.
A M. LE PRINCE.
& septembre.
Monsieur, Je
commenceray cette lettre par les bonnes qualité?, de Mons' le duc
d'Anguien, qui sont telles que vous en devés demeurer contant. Il a
' Une note marginale du ms. de Harlay ' Le cardinal jugea nécessaire que le
dil : «Copie escrile di; la main de Riche- roi écrivît le même jour, 2 septembre,
lieu. > C'est sans doute la minute des Af- une lettre à Madame. La minute est de la
faires étrangères que le copiste indique main de Cherré. Il en sera fait mention
ainsi. La pièce avait été préparée pour aux Analyses,
les Mémoires de Richelieu.
64.
508
LETTRES
beaucoup d'esprit, de discrétion et de jugement ^ Il est creu de plus
de deux doigts et croistra encores, autant qu'on peut juger, de beau-
coup. Le respect qu'il a pour vous paroist en toutes ses actions. Je
croy qu'il sera de vostre prudence de luy choisir cet hiver un vieil
gentilhouime bien expérimenté en la guerre ^, et luy donner avec luy
plus de liberté en sa conduite. Pour la campagne qui vient, ma pen-
sée est que vous ne voudrés pas qu'il la passe sans la voir, et que
vous devés luy permettre de la voir avec le plus vieil mareschal de
' Le duc d'Enghien , né le 8 septembre
1 6a i , touchait à sa dix-huitième année. On
se plaît à recueillir ces premières espé-
rances d'une vie qui, à trois ans de là,
était déjà glorieuse. En faisant cet éloge
du jeune duc, Richelieu n'était pas tout à
fait désintéressé; nous avons vu, dés le
mois d'octobre de l'année précédente (ci-
dessus, p. ai3) ,que le duc d'Enghien était
autorisé à écrire à M"' de Brézé. Du reste,
tout le monde parlait de Louis de Bourbon
comme en parle ici le cardinal. Le bruit
courait même qu'on allait lui donner à com-
mander une armée. Je lis dans une corres-
pondance manuscrite du temps , enire gens
du grand monde, à la date du a octobre
1 ôSg : « On dit M' le duc d'Anguin des-
tiné pour le commandement de l'armée
de Piedmont II est certain que M' le car-
dinal dit au ro^, en présence de M' d'An-
guin , qu'il esloil trop grand pour le laisser
là sans rien faire, et qu'il le falloit mettre à
la teste d'une armée. » L'armée de Piémont
était celle que venait de quitter le duc de
Longueville pour aller commander les
troupes du feu duc de Weimar. Ce fut au
comte d'Harcourt que Richelieu en donna
le commandement; il savait bien que,
quelles que fussent les heureuses disposi-
tions du jeune prince pour la guerre, il
avait un apprentissage à faire; le cardinal
le dit lui-même nettement dans cette let-
tre. Aussi ne songeait-il encore pour le duc
d'Enghien qu'aux succès des salons, non
aux triomphes du champ de bataille. La
correspondance manuscrite que nous ci-
tions tout à l'heure, après avoir nommé
les personnes qui devaient être du ballet
de Mademoiselle, dont les apprêts occu-
paient toute la cour, ajoute : « On croit^
que M' d'Anguin en sera, M' le cardinal
en demanda, pour Mademoiselle, la per-
mission à Monsieur, avec grande instance. «
(Leitredu 1 8 janvier i64o.) — Au reste,
l'alliance ne tarda pas à être publiquement
déclarée. C'est ce que nous apprend encore
notre correspondance manuscrite , à la date
du 2 2 février : « Madame la princesse, à la
collation de chez M. le cardinal, avait au-
près d'elle M"° de Brézé; elle dict ces mots
à Madame d'Esguillon : J'ay bien soing de
ma belle Jille. •
■ Le prince de (jondé ne manqua pas
de suivre ce conseil , et le choix du menlor
fut laissé au cardinal, qui mit auprès du
jeune prince M. de Mégrin. Nous avons
trouvé aux Affaires étrangères (France,
t. g3, P" 187 et 189) une lettre de Louis de
Bourbon et une de M. de Mégrin, écrites
toutes deux à Chavigni le même jour
(ai mai \6/\o). Le jeune homme et le
mentor paraissent également satisfaits l'un
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 509
France qui commande les armées du roy, afin qu'il sache mieux l'ins-
truire en ce que doit un prince de sa qualité.
de l'autre. Nous croyons qu'on ne lira pas
sans intérêt la lettre du prince, l'un des
premiers autographes qu'on puisse avoir
du grand Condé *. — « Monsieur, si j'ay
différé jusqu'à présent de vous asseurer
de mon service, ce n'est pas que je me sois
oublié de ce que je dois à l'affection que
vous ui'avés tousjours tesmoignée. J'en-
voie ce gentilhomme pour asseurer Mon-
sieur le cardinal de mon très humble ser-
vice. Je vous supplie très humblement me
faire l'honneur de me mander par luy ce
que je dois faire si le roy el Monsieur le
cardinal s'avancent, si je dois leur aler faire
la révérance à Mesière , ou si je dois atten-
dre qu'ils viennent à l'armée. Pardonnes
moy si je pran cette liberté là auprès de
vous, et me faites l'honneur de croire que
je suis avec passion , Monsieur, Vostre très
affectionné à vous servir.
Louis db Bourbon.
Au camp d'Agimont", ce ai raay 16/40.
« Monsieur de Mégrin m'a tesmoigné
l'affection que vous me portés, dont je vous
suis extresmement obligé; c'est un brave
gentilhomme el qui vault beaucoup, et
* On reoiarquera le ton d'citréme déférence de
celte letUe. OuU« ia jeunesse du prince et la diguité
du secrétaire d'Etal , ce ton s'explique par l'ancienne
et intime amitié qui unissait la famille Bouthillicr
au cardinal. De plus madame Boutlullier prenait un
soin tout particulier de M"' de Brézé. Nous l'avons
vue malade chez elle en octobre 1 638 et en mai 1 63ij.
; Ci-dessus , pages j 1 3 et 36o.) Cette nièce de Riclie-
licu, qui, toute jeune encore, avait perdu sa mère,
cl dont le père était continuellement retenu («r ses
emplois, avait été confiée à madame Routbillier ; elle
résidait pres([ue toujours aux Caves, maison de cam-
pagne de cette dame, qui était réellement jwur la
me lesmoigne beaucoup d'affection, et je
me sans particulièrement obligé à Mons' le
cardinal de l'avoir choisy pour le mettre
auprès de moy. » — M de Mégrin, de son
côté , après quelques lignes de politesse et
l'assurance queleprincen est extresmement
amy » de Chavigni, ajoute : « Il ne bouge
des lieux où une personne de sa condition
doit eslre, soit dans les conseils ou dans
les partis de la guerre. Il se trouva , il n'y
a que quatre jours , au passage de la Muse ,
oii nous fesions noslre pont de bateaux ;
les ennemis y vindrent pour nous empes-
clier nostre travail; il vinst quantité de
inousquetades tirées de part el d'autre;
M. le duc s'y trouva des premiers et se re-
tira des derniers, sy bien qu'il y eust un
gentilhomme qui fut blessé auprès de luy
et un autre qui eust son cheval lue entre
M' le raareschal et M. le duc *". Je vous
puis asseurer que ce prince se fait admirer
de tout le monde ; et , outre ses nobles q iia-
lités.je remarque tous les jours qu'il a une
inrlinalion naturelle pour M*' le cardinal.
Cela me donne une satisfaction très grande
d'estre auprès de luy. » Mégrin ajoute en
P. S. « J'oseray prendre la liberté de vous
jeune Clémence comme une seconde mère. Je crois
d'ailleurs que" Richelieu aimait mieux la voir la qu'à
Milly, chez son père, homme d'honneur et d'esprit
sans doute, mais d'une humeur singulièrement fan-
tasque.
*• Cette date est la même que celle de la lettre
de M. de Mégrin. Agimont, qui a disparu de nos
cartes, était un petit village avec titre de comté, si-
tué sous la forteresse de Charlemont.
"■ On verra, à la date du j8 mai i64o , comment
Bichelieu parle de la même affaire, dans une lettre
à la duchesse d'Aiguillon.
510 LETTRES
Prenant part comme je fais à tous vos inléresta, je croy que vous
approuverés la liberté dont j'use en cette occasion, vous disant fran-
chement mon avis. Je vous puis asseurer que vous n'en recevrés jamais
de personne qui soit tant que moy,
Monsieur,
Votre bien bumble et très obéissant serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Chaalons-sur-Saône , le 4 septembre 1689 ^
CCLXXV.
Arch. des Aff. étr. Turin, l. 37, fol laZi. — Minute de la main de Clierré.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 347, fol. SSg v". — Copie.
[A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE. 1
Pour respondre à vostre lettre
dire qu'il i a un jésuite auprès de M' le
duc, qui est un des plus honesles hommes
du monde, et fort serviteur de M*' le car-
dinal. C'est une personne de grand esprit
et de grande [irobité , et qui ne laisse perdre
aucune occasion sans tesmoigner son af-
fection. »
' Le lendemain, 5 septembre, Riche-
lieu écrivait à la princesse de Condé une
lettre qui n'est presque qu'une copie de
celle-ci; il n'y a d'omis que le conseil d'en-
voyer bientôt le duc d'Enghien à l'armée.
On .sait que madame la Princesse étail alors
à Paris, tandis que son mari comman-
dait une armée en Roussillon. Nous avons
une lettre d'elle, du ao août, adressée
à Chavigni, où l'on voit avec quel amour
de mère elle suivait les premiers pas du
jeune prince dans la carrière où il entrait,
et ambitionnait pour ce fds bien-aimé la
6 septembre 1689.
du 20 aoust je vous diray que nous
faveur de Richelieu. Après quelques lignes
d'excuses sur ses importunilés et de remer-
cîments pour la bonté extrême de Chavigni :
<' J'ay encore à vous suplier, lui dit-elle, de
vouloir avertir M. de Mégrin de ne dire pas
à M' mon mary, ni à ses gens, qu'il mel"
escrit si souvan , car je craindres qu'il n'an
fust pas salisfect, et que cela neluy donnât
quelque movese humeur contre luy ; et que
je suis en mon particulier très salisfete,
mes je cres qu'il ne san fault pas vanter ny
luy ny moy, qui suis ravie de joie de ce que
vous me mandés de mon fds , que je souele
passionnément que M. le cardinal luy face
l'honneur de lemer et de le tenir o près
de luy. S'il n'a pas ce bonheur, je cres
qu'il s'an retournera en Bourgongne. . .
si M' le cardinal ne le retien avec luy, ou
ne luy ordonne otre chose. Voilà ce que
j'ay apris sur ce subjegl. Je vous suplie de
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 511
avons tousjours jugé l'accord de M' le P. Thomas fort important; mais
nous n'avons pas creu jusques à présent que ses pensées fussent fort
sincères. U y a maintenant plus d'apparence d'en bien juger, encores
qu'on n'y voie pas de certitude.
La condition que vous proposés que le roy garde la citadelle de
Turin avec 2 ,000 hommes et que l'on fasse une esplanade raisonnable
entre la citadelle et la ville est sy judicieuse que, moyennant cela, on
peut consentir à ce que le d. P. Thomas désire quant au reste, sa-
voir est : qu'il demeure dans Turin et qu'il signe comme consulteur
les affaires d'importance.
Pour montrer au d. prince que le roy va franchement en besogne,
on ne faict nulle difficulté d'offrir la restitution entière des places que
le roy tient en Piedmont, moyennant que les Espagnols en fassent
autant.
Mais, quelque condition que l'on fasse avec le d. P. Thomas, il
faut qu'il soit obligé à se déclarer ouvertement aussytost que l'accord
sera faict entre Madame et luy, sous l'autorité du roy, et que les Es-
pagnols auront refusé la restitution des places.
Et , parceque les d. Espagnols pourroient différer sans rendre res-
ponse déterminée, il faut qu'il soit dict que si, dans un mois après
la proposition faicle de la restitution des places, ils ne l'acceptent et
exécutent en mesme temps, le d. P. Thomas n'attendra pas davantage
à faire sa déclaration.
La seule ciiose à quoy il faut autant prendre garde est que le
P. Thomas ne se veuille défaire des François et des Espagnols, pour
se rendre maistre de l'Estat au préjudice de Madame et de son fds;
à quoy on ne voit autre remède que celuy de la citadelle, ainsy que
vous le proposés.
On vous envoie un project de traicté avec M"^ le P. Thomas auquel
brûler sele leUre, el de me donner un Monlmorancy. »(Arch. des Aff. étr. France,
peu de part an vos bonnes grâces... 'de i64o.)
* Elle se nonimait Charlotte Marguerite; mais, dans sa signature, soti nom est toujours précédé d'un
mooogramme qui ressemble à une X.
512 LETTRES
on peut ajouster, changer ou diminuer, selon qu'il sera jugé à
propos.
Ce sera à vous de le proposer au Masserati sur les discours que
vous avés eus avec luy, sans tesmoigner qu'on vous l'ait envoyé d'icy.
Estante Lyon, comme le roy sera dans huit ou dix jours, ou sera
en lieu d'où on pourra savoir de vos nouvelles pour reculer ou avan-
cer le d. traicté, selon qu'il se trouvera des difficultés qui y obli-
geront.
Quant à l'abbé Vasquez persistant au désir qu'il a de me voir, et la
prudence voulant qu'en de grandes affaires on ait deux cordes en son
arc, je croy qu'il en faut passer par là.
La difficulté est seulement à savoir s'il doit venir à cachette, ou
ouvertement, sur un passeport pour aller en Espagne.
Je persiste à penser qu'il faut qu'il passe ouvertement à Lyon, sur
un passeport, qu'il me voie publiquement une fois en une visite de
cérémonie qui soit courte, et que nous ayons la nuit conférence en-
semble à l'insu de tout le monde.
Vous pouvés donc, sans attendre, vous engager à faire donner un
passeport, lequel nous vous envoyons exprès pour vous en servir se-
lon votre prudence.
Le roy sera à Lyon le 1 4 ou 1 5 septembre.
Je ne voy pas que M' le P. Thomas se puisse plaindre du change-
ment de Cahours, veu que cette meschaate place est de nulle consé-
quence pour luy, et qu'elle fut promise au roy, au lieu de Revel ,
dont la délivrance, que Madame en devoit faire faire, fut empeschée
par les pratiques que luy et M' le cardinal de Savoie y ont faict
faire.
Comme la suspension n'empesche pas qu'ils ne puissent changer
quelques unes de leurs garnisons, et de mettre des Espagnols où il
y a des AUemans ou Napolitains, elle ne doit pas aussy empescher
que, dans nostre parti , on ne change les garnisons comme on voudra.
Mais on auroit bien plus tost à se plaindre de ce que M. le cardi-
nal de Savoie faict empescher, par les habitans de la ville de Nice,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 513
depuis la suspension, que les gens de Madame n'aient sy libre com-
munication au chasteau qu'ils devroient.
La continuation des pourparlers de Macerati pour le traicté du
P. Thomas donne lieu asseuré, ce me semble, à continuer la trefve,
estant impossible de bien conclure et afifermir cette affaire dans les
premiers deux mois arrestés. Ce n'est pas qu'il ne faille conclure le d.
traicté du P. Thomas au plus tost, mais ensuite il faudra du temps
pour offrir la restitution des places du Piedmont aux Espagnols , et
avoir la response devant que le d. P. Thomas se déclare.
D'un autre costé le dessein de l'entrevue que l'abbé Vasquez dé-
sire faire avec moy donne encore lieu de la prolongation de la dicte
suspension, pour ce que, pour bien faire, il faut qu'il ait le temps
de passer en France, d'aller en Espagne et de revenir
Le roy trouve bon que vous reteniés dans son service le colonel
Croil, dont vous m'escrivés, aux meilleures conditions que vous
pourrés.
Je n'estime point à propos que M' le P. Thomas voie Madame, de
peur qu'il ébranle quelqu'un de ceux qui sont auprès d'elle, dont la
fermeté n'est pas grande. * •
Je ne doute point que le marquis de Leganez ne vous donne satisfac-
tion sur la contravention faicte à la suspension au préjudice de Casai.
Tant plus je considère la plainte que le P. Thomas faict de Ca-
hours, je la trouve injuste, estant certain que la suspension empesche
bien qu'un parti n'entreprenne sur l'autre, mais non pas qu'un mesnie
parti change ses garnisons comme bon luy semble.
Si le P. Thomas s'accorde avec nous de bonne foy, la continua-
lion de la suspension n'est nécessaire qu'autant de temps qu'il luy
faut pour retirer d'Espagne sa fem'me et ses enfans, qu'il n'aura pas
sitost qu'il pense, à mon avis, et pour offrir aux Espagnols de restituer
de part et d'autre toutes les places occupées dans le Piedmont et avoir
leur response.
Mais si le dict accord ne se faict point , j'estime qu'il est meilleur
de continuer la suspension pour longtemps que ne le faire pas.
r.ARDIK. DE RICHEt.IF.D. — VI. 65
514 LETTRES
Comme appendice à cette dépêche nous mettons ici le projet d'accommode-
ment que Richelieu envoya en Italie le même jour, 6 septembre. La pièce, mise
au net par Cherré, a été corrigée de la main de Richelieu; elle est conservée dans
les archives des Affaires étrangères, volume de Turin cité aux sources, f° 128'.
Il en existe une copie à la Ribl. imp. fonds S'-Germ. Harl. t. 347, ^ ^^^ verso.
Monsieur le P. Thomas ayant faict lesmoigner au roy le despiaisir qu'il a de
voir perdre les Estats de sa maison, et qu'il estimoit que le meilleur remède,
pour arresicr ce mal, estoit un bon accord entre Madame et mons'' le duc de Sa-
voie son fils, et luy, sous l'autorité de S. M.
Sa M. a trouvé bon ce qui s'en suit :
Que le d. s'P. Thomas, quittant le party des Espagnols, rentrera tout à fait dans
les intérests de S. M. en s'attachaut à la France, de laquelle seule despend sa
maison ;
Qu'il demeurera dans la ville de Turin, et signera comme consulteiir, con-
joinctement avec Madame, les expéditions des affaires plus importantes du d.
Estât;
Que le d. P. jouira de tous ses apanages, ainsy qu'il faisoit avant qu'il fust passé
en Flandre du vivant du défunt duc Victor Amédée;
Que s'il arrivoit faute du duc présent Charles Emmanuel, la succession des
Estats appartiendra à M' le cardinal de Savoie et ensuite au d. P. Thomas et à
ses eufans.
Le tout suivant les luis et coustumes du pays; et que S. M. maintiendra es
dicts droicts les d. s" princes, cardinal, Thomas et ses enfans, par son autorité et
par sa puissance.
Pour faire voir à toute la chrestienté la franchise et la justice du procédé du
roy, S. M. offre et désire remettre toutes les places qu'elle tient enPiedmont, de-
puis la mort du duc Victor Aniédée, entre les mains de madame la duchesse de
Savoie sa sœur, comme elles estoient auparavant, à condition que les Espagnolz
en feront autant de toutes celles qu'ils ont occupées depuis ledict temps.
De plus, pour tesmoigner aud. s'' P. Thomas, le bon traictement que S M. luy
veut faire, elle luy donnera 100,000** de pension bien et actuellenjent payées, et
moyennera le mariage du P. de Garignan, son fds aisné, avec la fille de M' de
' Le cardinal a écrit en marge du ma- le lr.iicté. Si le Iraiclé s'av.mce, on l'en-
nuscrit : «Ce projet est imparfaicl; on voiera plus poli, selon ce t]u'<)n apprendra
l'envoie seulement pour remarquer les de M' le cardinal de La Valetle, qui en
principales choses qu'il faut mettre dans pourra convenir. •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 515
Longueville, et donnera au d. s'' P. de Carignan 5o,ooo i. de pension , pour s'en-
tretenir auprès de S. M.
Et, d'autant qu'il importe d'asseurer de toutes parts le présent traicté, il a esté
convenu que la citadelle de Turin demeurera entre les mains de S. M. pour estre
fidèlement gardée, soit pour led. duc Charles Emmanuel, soit pour le cardinal
de Savoie, le d. s' P. Thomas et ses enfans, et ce jusques à ce que le d. duc
Charles Emmanuel soit en âge de gouverner son Estât luy-mesme, ou deux ans
après sa mort, si Dieu venoit à en disposer.
Il a esté arresté de plus qu'il sera faict une esplanade entre la ville de Turin
et la d. citadelle, d'estendue convenable pour la seurelé d icelle.
Ce que dessus a esté juré sur les Saintes Evangiles, de part et d'autre'.
GCLXXVI.
Cabinet de S. A. R. M*' le duc d'Aumale. — Minute de la main de Charpentier.
[A M. DE BULLION.]
De Cbaalons-sur-Saône, le 'septembre iSSg.
Je ne doute point que vous n'ayés beaucoup de raison aux choses
que vous faictes pour trouver de l'argent, puisque la nécessité con-
traincl à plus que vous ne voudriés.
Je sçay bien que, si tous les officiers faisoient leur devoir dans
les provinces , les émotions qui y arrivent ne s'y verroient point.
Mais, estant impossible d'esteindre la malice des hommes , il est de
la prudence de ceux qui conduisent les Estais de la considérer pour
en empescher les mauvais événemens.
11 est impossible en ce temps de ne faire que des choses agréables
aux peuples. Il faut seulement avoir grand esgard à ne faire que celles
qui peuvent le moins désagréer.
' Ce dernier paragraphe est écrit de la ' Le qua.ntième manque; Richelieu
main de Richelieu, dans le ms. des AIT. vint coucher à Chalon-sur-Saône le U
élr. Ce que l'écrivain de Harlay a noté à septembre et en partit le 1 1 ; c'est dans
la marge de sa copie. cet intervalle que cette lettre a été écrite.
ti.i.
516 LETTRES
Il y en a certaines qu'il est aisé de prévoir qui seront insuportables
à ceux à qui on les impose.
Je croy que celles que les partisans' du sel ont fait couler dans
leur bail estoient de cette nature^.
Le traicté de l'arrière ban en est aussy asseurément. Beaucoup
d'autres sont de difficile digestion; mais, comme on ne s'en peut pas-
ser, il faut les mesnager le mieux qu'on peut.
Mess" du clergé ont envoie icy leur agent sur le sujet des divers
ecdictz qu'on a faicts sur le clergé.
M"" de Noyers vous en a escrit amplement, à ce qu'il m'a dicl. Je
vous prie me mander sincèrement ce à quoy peuvent monter lesd.
ecditz, et ce en effect à quoy vous pourries vous contenter, afin qu'on
voye à les disposer à trouver de l'argent par autre voye que celles
qu'ils estiment leur estre préjudiciable.
Si Madame de Savoie ne nous eust point ruinez, je croy que nous
serions cette année en estât d'avoir la paix, mais cette misérable prin-
cesse semble avoir voulu se perdre, de gayeté de cœur, en perdant
les affaires de la chrestienté.
M"' Grossius, qui ne nous est pas fort affectionné, a tort de se
plaindre de la suspension d'Italie.
Elle a esté faicte sans le sceu du roy par ceux qui commandoient
ses armes , et , s'ils ne l'eussent faicte , ils n'eussent sceu conserver quatre
jours la citadelle de Turin, où il n'y a voit pas un parapet, un moulin,
un four, un boisseau de farine ou de bled , ny pas quatre miliers de
poudre^. La façon avec laquelle on a pourveu au Gouvernement de
Suède , après la mort du feu roy , n'y donnant aucun pouvoir à la
reyne, luy doit assez faire cognoistre ce que c'est que le gouverne-
ment d'une femme, et par conséquent ce n'est pas merveille si on faict
' Les fermiers. ' Hiclielieu se hâla de profiler de la sus-
' Ici, à la marge, sont écrits ces mots pension pour faire ravitailler la citadelle
de souvenir de la main de Bullion : «Il de Turin. Il écrivit à ce sujet, le ii sep-
n'y a qu'une alFiche pour le bail de i64o. lembre, au cardinal de La Valette, une
— Arrière ban. » lettre fort détaillée. (Voy. aux Analyses.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 517
beaucoup de choses qu'on ne voudroit pas pour remédier à leurs
delTaultz.
Il me semble que nos alliez ont beaucoup à se louer de nous, par-
ticulièrement cette année, au lieu de s'en pouvoir plaindre. S'ilz
considèrent ce que nous avons faict en Picardie, en Champagne, en
Roussillon et sur la mer, ils croiront que nous n'avons pas perdu
temps. Vous sçaurés bien traicter cet esprit comme il faut.
Quant aux Anglois, vous pouvés dire au comte Leycester que vous
avés charge d'escouter tout ce qu'il voudra proposer, et que, si le roy
de la Grande-Bretagne veut entrer, dès à présent, en ligue offensive
et deffensive avec la France , le roy s'engagera à ne faire point la paix
sans la restitution du Palatinal.
Nous venons de recevoir des lettres de Hollande qui portent que
M"" le prince d'Orange ne fera aucun siège cette année'. Je seray bien
aise que vous voyiez l'ambassad' et luy tesmoigniés que nous aurions
grand sujet de nous plaindre de ce procédé, mais que nous ne le fai-
sons pas, croyant que, s'il n'a rien faict, c'est qu'il ne l'a pas peu, et
que nous ne doutons pas que l'année qui vient il ne répare ce man-
quement, en prenant ses mesures autrement qu'il ne l'a faict cette
année.
Vous luy ferés aussy voir que, sans la trefve d'Itahe, l'imprudence
de Madame de Savoie avoit mis les affaires en estât de ne pouvoir
estre restablies en aucune façon.
Le roy est un peu malade , mais ce n'est qu'un flux de ventre , qui
est le mal que tout le monde a et que je tiens à grande santé. Guéris-
ses vostre goutte, au nom de Dieu, et vous asseurés de mon affection
in omnibus et per omnia.
Mes recommandations, s'il vous plaist, au sexe féminin.
Je vous remercie de ce que vous m'escrivés touchant
(La suite manque.)
' Voy. la pièce suivante.
518 LETTRES
CCLXXVII.
Arch. des Afif. étr. Hollande, t. 21, pièce 126. — Orig. sans suscription. —
Pays-Bas, t. i3. — Copie.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. 180'. —
Saint-Geruiain-Harlay, 3i6, t. a, fol. 826, et t. 347, fol. 353. — Copies*.
[A M. D'ESTRADES.]
De Chalons-sur-Saone, 10 septembre iGSg.
Les dernières dépesches de Hollande nous ayant appris la retraite
des troupes de M' le prince d'Orange de devant Gueidres, avec le des-
sein de ne rien entreprendre le reste de cette campagne, je fais ce
mémoire à M' d'Estrades pour le prier de voir S. A. sur ce sujet, et
luy faire cognoistre adroitement l'estonnement où a esté le roy d'ap-
prendre la résolution qu'elle a prise après les asseurances qu'elle avoit
données à S. M. de réparer, par quelque grand effect sur la fin de
la campagne, le temps qu'elle avoit perdu au commencement, ainsy
qu'il luy estoit très facile par le moyen des puissantes diversions que
les armes de S. M. ont faictes de tous costés, et l'occupation qu'elles
ont donnée aux ennemis dans l'Artois et dans le Luxembourg, ce
qu'elles font encores à présent.
Que, pour luy en donner plus de moyen, S. M. après la prise de
Hesdin , avoit faict entrer l'armée que commande M"" de la Meilleraie
dans le pays des ennemis, pour les y attirer de son costé; ce qui a
succédé sy heureusement pour elle qu'après avoir pris divers lieux
fortiffiés, qu'ils gardoient soigneusement, leur avoir donné bataille à
S' Nicolas, où elle a remporté un avantage signalé, le d. s"^ de la Meil-
leraie leur a encores enlevé depuis peu un quartier de Croates, où
1 200 ont esté desfaits, et 600 sont demeurés sur la place avec perle
«Copie faite sur un original de la main ' La copie du loiue 3^7 est imparfaite;
de Cherré. > (Note des mss. de la Biblio- la fin manque,
thèque.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 519
de tout leur équipage, ensuilte de quoy il continue de tenir la d. ar-
mée dans le pays ennemi.
Qu'elle ne s'est pas contentée de cela, mais qu'elle a voulu elle-
mesme donner jalousie à Picolomini, en visitant toutes ses villes fron-
tières de Picardie et de Champagne, afin de luy oster le moyen de
se joindre au cardinal Infant, ny d'entreprendre aucune chose sur
m" les Estats, ce qui a eu tel effect qu'elle a attiré led. Picolomini
vers le haut de la Meuse, et luy a mis M"" le mareschal de Chastillon
en teste, avec une armée beaucoup plus forte que la sienne, pour
l'occuper.
Que S. M. auroit grand sujet de.se plaindre si M' le P. d'Orange
ne demeuroit en campagne jusques à la Toussaints, parce qu'autre-
ment elle auroit toutes les forces des ennemis sur les bras.
Led. s"" d'Estrades engagera, s'il y a moyen, par escrit ou au moins
de paroles, led. s"' P. d'Orange à ne se retirer pas plus tost, luy re-
présentant, s'il en usoit autrement, que le roy auroit occasion d'estre
très mal satisfaict de luy, après les grands eflbrts que S. M. a faicls
cette année, pour réduire les ennemis communs à la raison, et luy
donner moyen de faire de notables progrès contre eux.
Ensuitte de ce que dessus M' d'Estrades ajoustera que S. M. ne doute
point que M'' le P. d'Orange ne veuille récompenser l'année pro-
chaine, par quelques entreprises considérables, le temps qui n'a pas
esté employé, pendant ces deux dernières, sy avantageusement que
luy mesme auroit souhaitté, et qu'elle ne doute point que, s'il eust
peu faire davantage, il ne s'y fust porté avec la chaleur et l'affection
qu'il a pour le bien de la cause commune.
Il luy fera aussy cognoistre que tout le mal qui luy est arrivé vient
de qu'il ne se met pas assez tost en campagne, et qu'il donne temps
aux ennemis d'estre sur pied devant qu'il soit attaché à un dessein ;
jm lieu que, s'il faisoit comme la France, entrant à jour prélix comme
elle, il emporteroit asseurément une place importante, comme elle
a faict.
On pourroit s'expliquer davantage sur ce sujet, mais M' le P. dO-
520 LETTRES
range ayant proposé au s' d'Estrades de l'envoyer en France à la fin
de la campagne, on se réserve à luy en dire davantage.
Led. s' d'Estrades fera aussy savoir à mon d. s' le P. d'Orange le
sujet du voyage du roy à Lyon, qui n'a pour fin que le restablisse-
ment des affaires d'Italie, qui n'ont esté réduites en Testât où elles
sont maintenant que pour n'y avoir pas faict passer 6,000 hommes
de renfort, que S. M. y avoit destinez, et dont elle n'a esté retenue
que par la considération de M"" le P. d'Orange, et pour luy donner
plus de moyen d'exécutter le dessein qu'il avoit surGueldres, ou sur
l'une des places de la Meuse qu'il proposoit d'emporter en peu de
temps.
Que le manque de renfort en Italie, et le peu de soin que les gens
de madame de Savoie ont eu de munir la citadelle de Turin' (qu'elle
a remise entre les mains du roy lorsqu'elle ne la pouvoit plus garder),
dans laquelle il ne s'est pas trouvé un grain de blé, et sy peu de
munitions qu'il n'y en avoit pas pour la deffendre quatre jours, ont
porté M" les généraux d'armée de S. M. en Italie d'entendre à la pro-
position qui leur a esté faicte, de la part des ennemis, d'une sus-
pension d'armes durant deux mois, dont il y en a près d'un expiré,
alin de profiter de ce temps pour munir et fortifBer la d. citadelle,
et les autres places que le roy lient en Piedmont, et faire passer les
recreues-et les nouvelles troupes qu'on a levées sur les frontières
d'Italie pour renforcer l'armée.
Led. s'' d'Estrades n'oubliera pas de faire valoir à M' le P. d'Orange
les grands progrez que les armes du roy ont faicts dans le Roussillon ,
dont nous occupons maintenant la meilleure partie, et le voyage que
l'armée navale de S. M. sous la conduite de M' de Bordeaux, a faict
aux costes d'Espagne, où elle a empesché fort longtemps celles d'Es-
pagne et de Dunkerque, qui estoient dans le port de la Corogne,
d'en sortir, et a depuis bruslé, dans le port de la Redde^, un grand
galion d'Espagne de 1,200 tonneaux, pris un autre galion amiral de
' Voyez ci-dessus, p. 5i6, dernier paragraphe. — ' Laredo. (Voyez la note 1 de la
page/igS.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 521
même port avec le pavillon d'Espagne et pillé le d. port et la ville de
la Redde, dont il s'estoit rendu maistre.
Il avertira ensuitte M' le P. d'Orange que nous savons certainement
que les Espagnols font estât, après le mois de septembre, de faire
entrer leur flotte dans Dunkerque, afm qu'il donne les ordres qu'il
estimera à propos pour les en empescher, ce qui luy sera fort aisé
de faire, à mon avis, et d'enti-eprendre ensuitte sur la d. flotte, ce qui
récompenseroit hautement le temps qu'il a perdu cette campagne.
Cette affaire doit estre en très singulière recommandation, et je prie
M' d'Estrades de soliciter M"" le P. d'Orange à ce qu'il donne les
ordres à son amiral de ne point quitter les costes de Flandres.
Ces trois mots de ma main que j'ajouste à ce mémoire asseureront
M' d'Estrade de mon afî"ection et de mon service ^
Le Gard. DE RICHELIEU.
NOTA.
lo septembre iG3g.
Il y eut en ce lemps-là de graves sujets de mésintelligence entre la France et
la cour de Rome; le cardinal Barberini (François), l'aîné des neveux du pape,
et qui dirigeait le gouvernement pontifical, tout animé de sentiments espagnols,
éprouvait pour la France et surtout pour Richelieu une antipathie que dissimu-
laient à peine les formes conventionnelles d'une diplomatie prudente. D'un autre
côté, l'ambassadeur que le cardinal avait envoyé à Rome, le maréchal d'Estrées,
homme d'un caractère altier, roide et ombrageux, était particulièrement désa-
' Le jour ou celle lettre était adressée
au comte d'Estrades, une autre dépêche
était faite à M. d'Amontot, pour informer
les Etals de la suspension des armes en
Italie, et pour «se plaindre doucement de
la part du roy au prince d'Orange» (ce
sont les termes de la lettre) de ce qu'il a
laissé passer cette campagne sans rien faire
contre l'ennemi commun. Celte missive à
d'Amontot, où sont reproduits, avec un
CAROm. DE niCtIEUED. — VI.
peu plus de développement (elle occupe
huit pages du manuscrit) les arguments
déjà employés dans la lettre adressée à
d'Estrades, a été, non dictée par Riche-
lieu, mais donnée, en matière, à Chavi-
gni, qui sans doute l'a rédigée. La pièce
conservée aux Affaires étrangères est une
mise au net de la main d'un des commis
de ce secrétaire d'état. Il en sera fait men-
tion aux Analyses. (Date du lo septembre.)
66
522
LETTRES
gréable à Urbain VIII; le pape et le cardinal-neveu se souvenaient que jadis, pen-
dant son ambassade de Suisse et dans l'affaire de la Valteline, le marquis de
Cœuvres (depuis maréchal d'Estrées) avait soutenu la politique de la France
avec une énergie et des procédés dont on avait été blessé à Rome.
Cette disposition à une malveillance réciproque envenimait les moindres
incidents et augmentait singulièrement l'aigreur et l'irritation dans les choses
qui par elles-mêmes présentaient déjà un caractère de gravité.
Par une espèce de revanche de la présence du maréchal d'Estrées à Rome, Ur-
bain VIII envoya à Paris, en qualité de nonce extraordinaire, le prélat Scoli,
dans l'intention de lui faire exercer la nonciature ordinaire, d'où le pape rappe-
lait le nonce Bologneti , sans qu'on eût préalablement informé de cet envoi et de
ce rappel le roi de France ni son ambassadeur.
Ce procédé insolite parut une tacite et brusque réponse aux insinuations du
désir qu'on avait de voir le pape accréditer Mazarin en qualité de nonce près la
cour de France. De plus Scoti était connu comme l'un des plus ardents parmi
ceux de la faction espagnole à Rome.
Dès qu'il fut informé que cet envoyé du pape était en France, Richelieu se
hâta de dépêcher à sa rencontre un des employés supérieurs des Affaires étran-
gères, pour lui faire connaître l'étonnement que causait à la cour de France
cette violation des usages diplomatiques les plus ordinaires'; et, à son arrivée à
' L'instruction donnée par Richelieu se
trouve, en minute, aux archives des Af-
faires étrangères (Home, I. 66), écrite de
la main de Cherré. Nous nous bornons à
en faire mention parce qu'elle a été im-
primée. On la trouve dans le recueil
d'Aubery (t. IV, p. 34o de l'éd. in- 18) :
« Relation de ce qui a esté dit et b.4illé par
escrit par M. de La Barde à M. le nonce
Scoli , dans Dijon , le dernier d'aousl
1639.» Aubery a pris son texte clans la
collection Dupuy, où sont réunies, en co-
pie, diverses pièces relatives à l'affaire du
nonce Scoti. (Bibl. imp. t. 535 de la col-
lection.) Dans la minute des ACaires
étrangères, nous avons un dernier para-
graphe que Dupuy n'a pas fourni à Au-
bery : — « Led. s' de La Barde ajoustera
qu'il a charge expresse de fuy donner
cette response par escrit, afin que Sa
Sainteté puisse cognoistre plus clairement
le respect que S. M. luy porte, et le res-
sentiment qu'elle a du mauvais traitte-
ment qu'elle reçoit. » — L'imprimé, ainsi
que la pièce du manuscrit Dupuy, cons-
tate seulement que celte formalité a été
remplie : « Le d. s' de La Barde (y est-il
dit) a donné ce que dessus par escrit à
mon d. .s' Scoli, qui l'a receu à Dijon, le
d' aousl 1639.» La collection de Harlay
à la Bibliothèque impériale contient aussi
une copie de l'instruclion donnée à La
Barde (t. 34?, fol. 666 v°), oùd est noté
que la copie a été faite « sur la minute ori-
ginale (le Cherré. » Nous remarquons
que, bien que cette minute soil datée du
3o août, Cherré a mis au dos 3i : c'est la
date de l'expédition.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 523
Paris, il fut reçu avec une froideur qui touchait à l'impolitesse, jusque-là que
Chavigni, le secrétaire d'étal des Affaires étrangères, ne lui rendit point sa pre-
mière visite. On verra bientôt les embarras que causa la mission de Scoli; mais
on comprend tout d'abord que personne n'était moins propre que ce nonce inat-
tendu à ramener la conciliation et à adoucir les aigreurs dont souffraient jlepuis
quelque temps les relations entre la France et Rome.
Après avoir refusé à Richelieu le généralat de Cîteaux et de Prémonlré, la
cour pontificale s'était obstinée à ne pas donner au père Joseph un chapeau de-
mandé avec instance; elle montrait une égale mauvaise volonté à l'égard de Ma-
zarin, pour lequel on avait vainement désiré la nonciature de Paris comme
un acheminement au cardinalat, et dont en ce moment on affectait d'éluder la
promotion sous un frivole prétexte.
C'est lorsqu'on en était venu à cette situation fâcheuse où tout était difficulté
et mauvais vouloir, qu'arrivèrent successivement l'affaire de la Trinité-du-Mont
et l'assassinat de Rouvray, écuyer de l'ambassadeur de France. Il sera plus tard
question du meurtre de Rouvray ; mais c'est l'affaire de la Trinité-du-Mont qui
fut l'occasion de la dépèche qu'on va lire. Ce n'est pas une lettre signée du car-
dinal, mais c'est évidemment Richelieu qui parle par la bouche de Chavigni, et
plus librement qu'il ne l'aurait pu faire dans un écrit où il devait élre continuel-
lement question de sa personne et des affaires qui le touchaient. Il lui était beau-
- coup plus commode de guider la plume de Chavigni que de tenir la plume lui-
même.
Toutefois, la missive n'étant pas en son noui, nous ne classons point cette
dépêche au nombre des lettres de Richelieu , mais nous devons la faire con-
naître, parce que, quant au fond du moins, elle lui appartient, et aussi à
cause de l'importance des choses qui y sont traitées, enfin parce qu'elle est
nécessaire à l'intelligence de plusieurs autres lettres où il s'agit des démêlés du
nonce Scoti avec le gouvernement de Louis XIII.
Le couvent français de la Trinité-du-Mont, maison de fondation royale, avait le
roi de France pour protecteur, et possédait un droit d'asile. Quelque déraisonnable
que fût ce droit, surtout lorsqu'il avait pour effet d'ouvrir un refuge où des cri-
minels étrangers pouvaient braver impunément la justice du pays, c'était alors
un droit réel et publiquement reconnu. Si le gouvernement romain pouvait en
procurer l'abolition par une négociation régulière, il ne pouvait, sans outrage
pour le gouvernement français, faire ou laisser violer l'asile à force ouverte. Or
cinq esclaves turcs, échappés du palais de l'ambassadeur d'Espagne, s'étant réfu-
giés dans le couvent de la Trinité-du-Mont, ils en furent enlevés par des agents
de la police romaine, auxquels prêtèrent main-forte les soldats de la garde corse.
G(i.
524
LETTRES
L'ambassadeur se plaignit à Rome, et rendit compte à sa cour; Richelieu lui fit
écrire la lettre suivante :
AU MARÉCHAL D'ESTRÉES.
' « Le roy s'estant fait lire la relation que le d. s' ambassadeur a envoyée^ du
procédé que Ton a tenu à Rome dans l'affaire des esclaves qui ont esté tirés du
couvent de la Trinité du Mont, a jugé très à propos qu'il pousuivefort et ferme,
au nom de Sa d. Majesté, et comme en ayant ordre très exprès de sa part, ta satis-
faction qui Iny est due pour l'entreprise faicle par le vice gèrent, les sbires et les
Corses, contre l'immunité du d. couvent.
« La d. satisfaction pourroil eslre que le pape fist tenir en sa présence la con-
grégation de l'immunité ecclésiastique, et que Sa Sainteté déclarast que les d.
sbires et Corses n'ont esté envoyés à la Trinité du Mont que pour asseurer la
conduite des d. esclaves depuis le d. couvent jusques aux catéchumènes, afin que
par les rues il n'arrivast aucun inconvénient, et qu'il ne fust rien tenté de la part
des Espagnols pour les reprendre; que le vice gèrent n'a eu aucun ordre d'em-
ployer les d. sbires et Corses pour tirer les esclaves du d. couvent contre leur
gré et contre celuy soit de l'ambassadeur du roy, soit des religieux de la Trinité
du Mont; que Sa Sainteté désavoue la violence que le vice gèrent a faicte, pour
tirer les d. esclaves du d. lieu, comme ayant outrepassé son ordre en cela, et
que, pour preuve que son intention n'a esté autre que dessus, elle veut que les d.
esclaves soient ramenés à la Trinité du Mont et qu'ils n'en sortent que du con-
sentement du d. s' ambassadeur et des religieux.
"Le pape en ayant ainsy usé, et les esclaves estant actuellement remis dans
le d. couvent. M' le marescbal d'Estrée et les religieux consentiront que les d.
esclaves en soient tirés et ramenés aux catéchumènes.
" S. M. donne pouvoir au d. s"^ ambassadeur de se relascher de ce qu'il estimera
pouvoir estre omis en ce qui est de la d. satisfaction telle que dessus, pourveu
qu'il juge que le tort qui a esté faict à la dignité du roy et à la protection que
' Arch. des Afî. élr. Rome, t. 66. Mise
au net de la main d'un secrétaire de Cha-
vigni. — Bibl. imp. Salnt-Germain-Har-
lay, 347, fol. 717 v°. — Copie.
^ On conserve aux archives des Af-
faires étrangères, dans le tome 66 de
Rome précité, outre les lettres de l'am-
bassadeur, plusieurs pièces parmi les-
quelles se trouvent les suivantes : « Rela-
lione fidelissiraa del successo circa il ré-
fugie nel monasterio délia Trinità de'
Monti, lo 1° d'agosto 16.39, *^^'' »chiavi
batlezzati , dal dura di Monlallo. » Et :
» Relation de ce qui s'est passé de cinq
esclaves que le duc de Montalte avoit
amenés à Rome. — 1 a aoust. •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 525
S. M. est obligée d'avoir du d. couvent, soit suffisamment réparé; ou de prendre
queiqu'autre expédient sur ce sujet.
«li a esté fermement parlé à M' le nonce Bologneti sur l'affaire ci dessus, et
niesme on luy a déclaré la satisfaction que le roy désire.
• Le roy envoie au d. s' ambassadeur les communications pour le régiment ita-
lien, le rendez-vous duquel sera en Provence, où l'on a expédié M' le comte
d'Alais, afin qu'il le fasse recevoir à son débarquement.
« M' le Donce Scoti a receu, par le courrier du pape, deux brefs de Sa Sain-
teté, un pour le roy et l'autre pour nions' le cardinal, par lesquels Sa Sainteté
donne avis au roy et à Son Éminence qu'elle révoque M' Bologneti delà non-
ciature ordinaire et veut qu'elle soit doresenavant exercée par le s' Scoti.
« Aussytost qu'il les eust receues il fist demander audience à S. Em. à laquelle
il se présenta avec le rochet et la mocelte, sans faire avertir S. Em. pourquoy il
venoit en cet habit.
« Incontinent après il prisl audience de S. M. et comme il avoit usé de surprise
vers elle et vers S. Em. il ne fut receu, en l'une et en l'autre audience, comme
l'on reçoit les nonces ordinaires, savoir : chez le roy les gardes estant sous les
armes, et luy conduit par un prince à l'audience de S. M. et chez S. Em. dans
la cérémonie ordinaire, qui est qu'elle porte son rochot, son camail et son
bonnet.
• De plus.il vint à ces audiences sans estre accompagné, ainsy qu'il est accous-
lumé, de l'ancien nonce.
• Cette façon de procéder sy subite et sy prompte a donné à penser qu'elle se
faisoit pour quelque dessein particulier, et peut estre afin qu'eu remplissant la
nunciature ordinaire on ostast au roy le moyen de la procurer à M' Mazarin, en
sorte que, si le roy ne le faisoit point cardinal, S. M. ne pust persister en l'ins-
tance qu'elle a ci devant faicte de l'avoir pour nonce ordinaire.
• Sur quoy S. M. a jugé à propos de luy faire parler aux termes que le d. s' am-
bassadeur verra par l'escrit ci joinct, duquel mesnie il a esté donné copie au d.
s' nonce.
« Cet escrit servira à deux fins : la première pour faire déclarer promptement
le pape touchant la promotion de M' Mazarin , selon que led. ambassadeur le juge
nécessaire; la seconde afin de tenir en suspens l'exercice de la d. nunciature or-
dinaire pour laquelle ce que le d. s' Scoti a faict jusqu'ici paroistre de son hu-
meur et façon d'agir, ne donne pas sujet de croire qu'il soit fort propre en cette
cour.
• Le d. s' ambassadeur doit savoir qu'il s'est meslé de parler de faire revenir
M' le comte en France par l'intervention du pape, en luy donnant seureté dont
526 LETTRES
S. M. seroit caution , ce que le d. s' ambassadeur juge bien esire fort extravagant ,
et qu'un nonce ne se doit point mesler de telles affaires.
« Il propose l'affaire de la préfecture, et pour y rendre monseigneur le cardinal
favorable, il luy a insinué que, moyennant cela, on le pourroit faire légat en
France, ce qui est sy peu au goust de Son Em. que, pour quoy que ce fust au
monde, elle ne voudroil de cette dignité.
« Il a donné à entendre, en parlant à monseigneur le cardinal, qu'il seroit à
propos, pour le service du roy, que le d. s' mareschal ne demeurast pas plus
longtemps à Rome.
« Enfin c'est un homme dont iaconduitte est fort estrange,etdonton a icy grand
sujet de ne pas faire fort bon jugement. Le d. s'' ambassadeur doit donc voir, avec
M' Mazarin, en grande confiance, s'il y a lieu de se fier en luy, et feront savoir
icy s'ils le cognoissent bien , et s'ils en sont asseurés.
« L'escrit qui a esté donné au d. .s' nonce tiendra cette affaire en suspens, afin
que si M' le mareschal d'Estrces et le d. s' Mazarin estiment qu'il faille insister
pour avoir un autre nonce ordinaire, il y ait lieu de le faire.
« Monseigneur le cardinal a parlé au d. s' nonce avec grande fermeté sur le su-
jet du d. s' Mazarin, luy déclarant que si Sa Sainteté ne donne au roy, en cela,
le juste contentement que S. M. espère. M' le mareschal d'Estrées sortira de
Rome, et qu'il n'y aura plus d'ambassadeur de France par delà; que la piété dn
roy est telle qu'il ne peut rien survenir au monde qui luy pust donner la moindre
pensée de se séparer du S' Siège; mais que S. M. s'abstiendroit avec raison, si
on la traictoit si indignement que de luy refuser le cardinalat pour M' Mazarin,
sachant bien que ce ne seroit qu'afin de fonder le refus que le pape feroit au
roy d'Espagne du cardinalat pour Perreti pour des considérations particulières.
« Quant à l'affaire du patriarche de Constantinople, le roy veut que le d. s' ma-
reschal fasse entendre au pape que S. M. trouveroit fort mauvais que s'estant
adressée à son ambassadeur en Levant et au P. Archange de Follez, voire mesme
à S. M. par lettre expresse dont copie a esté exhibée à Sa Sainteté, l'affaire en
question se fist par une autre entremise que la sienne et celle de ses ministres
en Levant. L'on sçait assez qu'il n'y en peut avoir une plus puissante et moins
suspecte à l'empereur des Turcs, ce qui est nécessaire pour réunir les Grecs à
l'église romaine, et pour l'cstablir solidement et la maintenir cy après. Cela es-
tant connu au pape et à tout le monde, il ne veut que celte affaire passe par
cette entremise ; S. M. ne peut qu'elle ne croie que Sa Sainteté le fait par quelque
considération trop favorable pour ses ennemis, qui aimeroient mieux que la re-
ligion catholique fust entièrement ruinée en quelque lieu que ce soit, que de la
voir soutenue ou promue par S. M. Bref elle se tiendra offensée très sensible-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 527
ment si le pape luy veut oster le moyen de contribuer à la gloire de Dieu et aug-
mentation de l'église en Levant comme elle désire.
• Si Sa Sainteté ne veut pas admettre le P. Archange à traicter de cette affaire ,
le d. s' ambassadeur en pourra conférer avec elle, ou autres, à qui elle trouvera
bon qu'elle soit communiquée, et, pour cet effect, il en prendra information du
d. P. Archange, lequel se devra donner patience et attendre que cette affaire
soit engagée sous le nom du roy, après quoy il y travaillera selon la cognoissance
qu'il en a, soit à Rome, soit à Constantinople.
« 10 •j^" 1639. A Chalons sur Saône. »
CCLXXVIII.
Arch. des Aff. élr. Turin ,t. 27, fol. i35. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Fonds Dupuy, t. 767, cahier Rr'. — Copie.
Saint-Germain -Harlay, 3A7, fol. 347 ^°- — Copie'.
A MADAME DE SAVOIE.
1 5 septembre 1 âSg.
Madame,
Mons' le marquis de S' Germain retournant trouver V. A.* il iuy
dira comme le roy s'avance jusques à Grenoble, pour luy donner
moins de peine en le venant voir. Je ne sçaurois vous représenter jus-
ques à quel point j'ay le cœur percé de la perte que vous avés faicte
de Nice*; cela me faict vous supplier de plus en plus de faire ce
qu'il faut pour empescher que le dernier malheur que vous devés
craindre ne vous arrive, lorsque vous y penserés le moins. Je n'ay
sur ce sujet qu'à vous conjurer par vous-mesme, et par M"^ vostre
' Voy. ci-dessus, noie 2, p. 56. dont il était chargé, datée du 3o août, se
' Le manuscrit de Harlay dit que la trouve aux Aff. étr. ms. cité aux sources ,
pièce e.sl transcrite sur une «copie delà fol. i34- Une copie est dans le ms. de
main de Chavigni. » Harlay, fol 346 v°.
' La duchesse avait envoyé le marquis ' Le 29 août el le 3o, le cardinal de
de Saint-Germain vers le roi pour savoir La Valette avait écrit trois lettres où il
où Louis XIII et le cardinal désiraient faisait un triste tableau des affaires d'Ita-
qu'eiie vînt à leur rencontre. La lettre lie. (Aff. étr. Turin, t. 29, fol 136-1/46. 1
528 LETTRES
fils, d'effectuer, sans perdre aucun moment de temps, ce que le
s' Mondin vous aura représenté de la part du roy.
Quand V. A. aura une créature fidèle dans Monmelian, avec une
garnison qui deppende absolument d'elle, elle sera maistresse de la
Savoie, et donnera moyen au roy de maintenir M' le duc de Savoie
en ses estats. Sans cela elle se trouvera en un instant privée de li-
berté, monsieur son fils de tous ses estats et de vie tout ensemble. Je
vous suplie. Madame, de vous en souvenir, comme du seul conseil
qui reste à vous donner et sans la prompte exécution duquel V. A. est
absolument perdue'. Je désire sa conservation à l'esgal de ma vie.
' La sûreté de la ville de Monlmélian,
où la duchesse de Savoie s'était réfugiée
avec ses enfants, après l'occupation de
Turin par le prince Thomas, était de
grande conséquencepourelle, et aussi pour
la France. Elle comprit qu'elle devait à
cet égard écouter les conseils de Richelieu,
et elle donna pour gouverneur à Mont-
mélian le marquis de Saint-Germain , qui
était notoirement affectionné à la France.
La nomination de ce gouverneur de Monl-
mélian dut suivre de près la réception de
cette dépêche, car nous voyons, par une
lettre de Chavigni , qu'il était en posses-
sion de son gouvernement avant le 23 sep-
tembre. (Ms. de Turin, t. 27, fol. i5i.)
Ce dut être un peu avant cette date que
furent rédigés divers engagements dont
nous trouvons les projets dans nos ma-
nuscrits; sans doute ils avaient été prépa-
rés par le cardinal dans la prévision de
l'entrevue de Grenoble; et, sans en don-
ner ici le texte, il convient de les faire
connaître : — L'un porte en tête : Projet
de promesse à faire par Madame de Savoie au
roy. — « Nous Chrestienne de France. . .
promettons et jurons au roy que nous fe-
rons gardera l'avenir la place de Montme-
lian ainsi qu'il s'en suit. — Le marquis de
S" Germain en sera gouverneur. . . ce-
luy qui y commandera , sous la charge
du d. marquis, sera S' Martin , maistre de
camp françois, qui est, dès le temps de
feu S. A. nostre mary , à nostre service. —
La garnison sera compoiiée moitié de nos
sujets reconnus fidèles, et moitié de Fran-
çois. — Nous promettons en outre faire
déposer dans le lô" de ce mois, entre les
mains de ceux qu'il plaira au roy com-
mettre à cet effect, les chasieaux de Char-
bonnières et de Miolans, pour estre gardés
par S. M . . . jusques à une bonne paix
qui nous fasse remettre tout nostre Estât
entre les mains. ... Nous promettons en-
suite que, s'il entre quelques troupes des
princes nos beaux - frères , ou des Espa-
gnols , dans la Savoie, ou que, sans y en-
trer, il y arrive, à la suscilation des uns ou
des autres, une grande sousievation . . .
nous ferons remettre la place de Monlmé-
lian entièrement entre les mains du roy,
pour la conserver jusques à ce que, par
un bon Iraicté de paix, les Espagnols et
nos beaux- frères remettent au duc nostre
fils ce qui se trouve estre occupé par eux;
auquel temps le roy remettra aussy . . .
DU CARDINAL DE RJCHELIEU. 529
que j'emploiray volontiers, pour luy faire paroistre, en toutes les oc-
casions, que je suis, etc.
toutes les places qui auront pu luy estre
déposées » (Arch. des Aff. étr. Turin,
t. 27, fol. 167. Celle minulc est de la main
d'un nouveau secrétaire de Richelieu; un
double, de la même écriture , est au
fol. i63, et les deux pièces, sans date,
son! classées, dans ce manuscrit, à la fin
de septembre. Il s'en trouve une copie à
la Bibliothèque impériale, fonds Saint-
Germain-Harlay, 347, fol. 896 v°. — Il
parait que Richelieu n'entendait pas se
contenter de l'engagemenlqu'ilexigeaitde
Madame; il en voulait un autre du mar-
quis de Saint-Germain, et il le dicte lui-
même. Nous en trouvons le texte dans le
manuscrit précité des Affaires étrangères ,
fol. 166 : «Je soussigné Dom Olta\io de
S' Martin d'Aillé, marq de S' Germain.. ,
promets à Mad. la duchesse de Savoie
qu'au cas que S. A. ou celle de M. le duc
de Savoie son fils, ou l'un sans l'autre,
vinssentà décéderou estre pris prisonniers,
je ne renieltray jamais le cliasleau et la
ville de Montmelian entre les mains de qui
que ce puisse estre, que selon les ordres
qu'elle en aura laissés par escrit. . » La
pièce est de la main de Cherré, et après
les mots « Fait à Montmelian, > Richelieu a
ajouté : « Par moy soussigné , qui ay voulu ,
pour plus grande seureté , escrire la pré-
sente de ma main et la caclietier de mon
cache!. » Dans la copie que le manuscrit de
Harlay (347, fol. 896) conserve à la Biblio-
thèque, on a soin de noter cette dernière
circonstance : ■< Hœc verba usque ad finem
sunt scripta manu 0. cardinalis de Riche-
lieu »— Le cardinal ne croyait jamais avoir
assez de garanties contre les défiances et
les légèretés de la duchesse de Savoie. Un
troisième engagement avait été préparé;
on y lit : « Je promets à S. M. par le com-
mandement de M°" la duchesse de Sa-
voie. . . que j'ayderay à garder fidèlement
la place de Montmelian pour M' et Mad.
de Savoie (ici est répétée une partie de la
pièce précédente) ... et que je ne consen-
tiray jamais que lad. place soit remise
entre les mains de M" les princes de Sa-
voie, ou d'autres pour eux, que du con-
sentement de S. M. par un traicté de paix
faict avec elle. . . » Nous trouvons cette
pièce en copie, à la Bibliothèque, dans
le fonds de Saint-Germain -Harlay, 347,
fol. 395 v°. — A la marge du manuscrit,
on lit : « Ce projet de promesse est d'un
qui seroit dans le chasteau de Montme-
lian commandant, sous le gouverneur, la
moitié (le la garnison dud. chasteau, qui
seroit de François. • Ce personnage, qu'on
ne nomme pas ici, était le Saint-Martin
de la première promesse. A ces projets de
promesses rédigés avant que le marquis
de Saint-Germain fût installé dans le gou-
vernement de Montmelian, Richelieu en
ajouta un nouveau , après cette installation ,
contenant les mêmes conditions. La mi-
nute, de la main de Cherré, est aux Af-
faires étrangères, t. 27 de Turin, f° 169'.
Nous remarquons que, dans cette der-
nière pièce, sont réservés les droits des
princesses, tilles de la duchesse, en cas
de mort d'elle et de son fils. Les précé-
Une copie de cette pièce et de la suivante se trouve dans le fonds de Saint-Gcrinain-Harlay, U 3^7,
fol. 397 v' et 398 r*.
C.tnDIN. DE niCHELIEC.
67
530
LETTRES
CCLXXIX.
Arcli. de l'Emp. K, i34. Guyenne, i" partie, fol. iSg, pièce 2o5. —
Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp Fonds Bédiune, 92^1, fol. 160 v°, et gS^g, fol. 180. — Copies.
A M. DE BORDEAUX.
17 septembre 16S9 '.
Monsieur, je suis extresmement estonné de la teneur, etc.
Vous me mandés, elc.^ et vous savés bien que je vous laisse dispo-
ser du fonds comme bon vous semble; que je vous ay laissé un fonds
de soixante mille livres expressément pour vous subvenir en cas de
nécessité; que vous m'avés mandé par le s' de Baure que vous aviés
porté des victuailles extraordinaires pour quinze jours, et que vous
sériés tout le mois de septembre à la mer pour tascher de réparer, par
vostre assiduité à la mer, le temps que le mauvais temps vous avoit
faict perdre.
Au reste vous n'avés point si peu de crédit dans toute la Guienne,
sous vostre nom et sous le mien, que vous n'eussiés peu trouver pour
trois semaines de victuailles pour désespérer l'Espagne, comme vous
me mandés que vous pouvés faire.
Cognoissant vostre bumeur comme je fais, je prends vostre lettre
dents engagements ne faisaient aucune
mention de ces princesses. Un projet d'en-
gagement du roi , pour le payement des
troupes de la duchesse, et des garnisons
des places remises par elle , se trouve dans
le manuscrit des Affaires étrangères, à la
suite de celui de Madame, fol. J70. —
Tous ces documents, que négligent d'or-
dinaire les historiens, sont instructifs, el
ils ont surtout cet intérêt qu'ils font con-
naître, mieux que toute autre chose, les
procédés de Richelieu dans certaines né-
gociations , et le caractère précis de ses re-
lations avccla duchesse sœurde Louis XIII.
' La minute des archives ne porte point
de nom de lieu ; la copie met : « De Ruel ; »
c'est une erreur; le 1 7 septembre 1689 le
cardinal était à Lyon.
" L'archevêque de Bordeaux parle du
manque de vivres, dans deux lettres au
cardinal, écrites à bord de l'amiral, à la
rade de Saint-Oigne', l'une du 2a août,
l'autre du 26. Au dos de cette dernière,
Cherré a écrit : » du 4 septembre; » c'est
sans doute la dale de la réception. Dans
cette lettre , l'archevêque mande qu'il ira
à Brest faire faire divers travaux.
* Sanloûa, petit port de la province de Santander.
Dû CARDINAL DE RICHELIEU. 531
comme escritfe en mauvaise humeur et ne doute point que la bonne
volonté' que vous aurés tousjours au service du roy ne vous ait em-
pesché de perdre ies occasions dans lesquelles vous aurés jugé pou-
voir nuire aux ennemis.
CCLXXX.
Arch. des Aff. étr. Turin, l. 29, fol. 229. — Original.
Bibl. imp. Saint-Gerniain-Harlay, 3à~, loi. 5o3 v°. — Copie.
A M. LE CARDINAL DE LA VALETTE.
18 septembre i63ij.
Monseigneur,
La nouvelle de vostre maladie'^ m'a tellement surpris que je ne
m en saurois remettre, ce que vous croirés aisément, je m'asseure,
cognoissant, comme vous faictes, l'affection sincère que j'ay pour
vostre personne, et la part que je prends à tout ce qui vous touche.
Je renvoie Saladin pour savoir Testât auquel vous estes mainte-
nant, et m'en rapporter des nouvelles que j'attendray avec impa-
tience. Il vous mène un médecin de cette ville estimé pour un des
plus capables, afin de vous assister. Tay tm désir sy exlresme de vous
savoir délivré de vostre mal, que je me résoudrois volontiers d'aller
moy-mesme au lieu où vous estes, si je croyois par ma présence con-
tribuer quelque chose à vostre soulagement. Enfin, Monseigneur,
Le mol • volonté • n'est point clans la Richelieu à cet ami , qui lui avait été d4-
copie du manuscrit 11° gS/tg, lequel est voué ju.squ'à abandonner pour lui son
ordinairement plus soigné et plus correct père et son frère. Quoique Richelieu fût
que le manuscrit n° 9241; el ce mol alors au plus mal avec le duc d'Épernon,
manque, en effet, dans la minute origi- il lui écrivil sur celle morl une lettre
nale, oublié par Cherré, écrivant rapide- de condoléance, le 19 octobre. «Si on
ment sous la dictée de Richelieu. pouvoil racheter un tel ami par son
Le cardinal de La Valette avail été sang, disait Richelieu, j'en donnerois
attaqué, le 11 seplen>bre, d'une lièvre beaucoup du mien pour le recouvrer.»
pernicieuse dont il mourut le a8. Cette (Il sera fait mention de celle lettre aux
lettrt' est la dernière que nous ayons de Analyses. )
(•,7.
532 LETTRES
croyés que je ressens comme je dois vostre indisposition et qu il-n'y a
rien que je ne voulusse faire pour vous en garantir, et pour vous faire
cognoistre de plus en plus que je suis, autant qu'on le peut estre,
Monseigneur,
Vostre très liumbie et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Lyon, ce i8 7'"* lôSg.
CCLXXXI.
Arch. des Afî. étr. Turin, t. 37, fol. i43. — Pièce autographe'.
Bibl. imp. Saint-Gerinain-Harlay, 3^7, fol. 366 v°. — Copie'.
Fonds Dupuy, t. 767, cahier Rr. — Extrait'.
MÉMOIRE
POUR M. DE CHAVIGNY».
1 9 septembre 1 63g.
Va pour avertir Madame qu'elle peut venir.
Pourveu qu'auparavant Montmélian soit absolument asseuré, le roy
ne désirant pas qu'elle l'abandonne sans cela.
Nisse faict plus craindre que si le gouverneur avoit esté tué, comme
on le disoit.
^ Cbangement absolu. Autrement nulle seureté en un temps si dan-
geieux comme ceiui-cy. Madame se doit souvenir comme elle a esté
traictée dans Thurin, par quelques uns de ceux qui ont attendu à se
' On voit, aux nombreuses corrections, * Une note écrite par Ciierré, au dos
au caractère de l'écriture, que ces notes' de celte pièce, dit qu'elle fut donnée
ont été jetées à la hâte sur le papier. « à M' de Chavigny s'en allant en Savoie. •
■ Une note du manuscrit de Harlay dit ' A la marge de ce paragraphe, Riche
que sa copie a été faite sur un autographe lieu a écrit : « Ce que dict S' .\iaurice du
de Richelieu. sergent major. « Le comte de Saint- Mau-
' Voy. ci-dessus, note 2, p. 56. . rice était ambassadeur de Savoie à Paris.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 533
déclarer contr'elle à coup seur\ et comme sa présence n'a pas asseuré
la place.
Faut que tous les parens asseurés du gouverneur soyent dedans.
Asseurer de plus en plus à Madame le seigneur Dom Félix. Grande
croix, la^"** de rente aux bénéfices.
Déclarer à tous les seigneurs qui sont proches de Madame le bon
traictement que le roy leur veut faire : Bobe, Lhulin, Ardouin et
autres.
Si Madame a peine à l'exéquution , il luy en faut donner tous les
expédiens.
Faire sortir la garnison pour aller à Chambéry, et amener les chefs
avec elle.
Si cet expédient ne luy suilist, qu'elle demeUre là sans en sortir; et
le roy ira. Mais cet expédient est le dernier, où il faut venir à toute
extrémité, de peur de donner de l'ombrage sans sujet. Mais s'ils le
proposoyent, comme ne pouvant sortir d'aflaire autrement, le roy
iroit.
Plaincte douce de ceux qui n'ont nul secret pour eux mesnies.
Fort de Jalasse et autre '^ deslivré à des Sui.sses qu'on y envoyera.
Faut représenter comme chose qui doibt eslre tenue très véritable,
que l'opiniastreté qu'a le père Monot à ne sortir pas de Montmélian
est un signe asseuré qu'il se promet quelque accident et changement
dans la Savoye, et dans celte place, qui le peut délivrer.
On pourrait lire : « à coup près ; » ces en marge de sa copie : a Ce sont sans doute
trois mots sont presque indéchiffrables dans les forts de Gelasse et du Jaillon dont il
l'autographe-, dans le ms. de Harlay le co- est fait mention en la dépesche de M' de
piste a laissé la place en blanc. Chavigny du a i 7'"°, immédiatement sui-
' Un mol est resté ici en blanc; l'écri- vante.» La lettre de Chavigni suit, en
vain de Harlay, qui a entre les mains le effet, dans notre ms. de Turin, le mémoire
manuscrit des Affaires étrangères, a écrit autographe de Richelieu. (F' i^^.)
534
LETTRES
GCLXXXII.
Artli. (les Afl'. étr. Turin, l. 27, fol. i83. — De la main de Richelieu'.
Bibl. irap Fonds Dupuy, t. 767, cahier Ss. — Copie'.
Saint - Germain - Harlay, 3^7, fol. 4o8 v°. — Copie'.
[Un peu avant le 2 4septeDibre 1689 '. ]
^ Le cardinal doibt d'abord s'excuser à Madame de luy donner aucun
avis; et, comme elle l'en pressera, il luy peut dire ingénuement :
Qu'on luy a représenté son esprit si escarté du droict chemin, si
séparé de la France, si contraire à elle mesme, que, croyant quasi
impossible de l'ayder, il s'est résolu de se contanter de la plaindre, et
es'couter ce que son esprit luy suggère pour son salut, avec dessein de
luy dire franchement ce qu'il estimera pour le bien de son service.
H faut demeurer toute la première entrevue dans cette froideur. Et,
à une seconde, estant pressé de parler, il luy dira son avis, si elle
n'entre d'elle mesme dans ce qu'on luy voudroit dire.
' Cet autographe est sans titre dans le
manuscrit des Affaires étrangères. La co-
pie de Dupuy met en têle : « Mémoire de
ce qui estoit à dire par M. le cardinal de
Richelieu à madame de Savoie aux pre-
mières entrevues. »
' Voy. ci-dessus la note a , p. 56.
' A la marge du manuscrit de Harlay,
on lit que la copie a été faile sur un « mé-
moire tout escrit de la main de M. le-car-
dinal. »
' La date manque, mais la première
entrevue du loi et de la duchesse sa sœur
eut lien le samedi 2 A septembre; Chavi-
gni, qui était auprès de Madame, écrivait
à Richelieu , le 2 j , pour lui annoncer le
prochain départ de Christine (folio 1^4
du manuscrit des Affaires étrangères) et
elle arriva le a4 à Grenoble, où le roi l'at-
tendait. Richelieu en fit mettre le récit
dans un extraordinaire de la Gazette du
5 octobre, p. 658 et suiv.
' Nous avons vu plus dune fois que Ri-
chelieu ne voulait pas exposer au hasard
de l'improvisation un entretien dont il
pressentait la gravité, et il avait pour ha-
bitude de fixer à l'avance sur le papier ses
principales idées. Il prenait la même pré-
caution pour le roi, dont il dictait les pa-
roles. Nous en trouvons une nouvelle
preuve dans le soin qu'il prit de préparer,
pour Louis Xlll comme pour lui, la con-
versation qu'ils devaient avoir avec la du-
chesse de Savoie, attendue à Grenoble au
rendez-vous que lui avait donné Sa Ma-
jesté.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
535
Si Madame n'ameine pas M"" son fils', on s'en peut prévaloir pour
justiffier qu'elle est contraire à elle mesme, puisqu'elle ne pouvoitrien
faire qui peust luy estre plus préjudiciable que de tesmoigner une telle
mesfiance , par laquelle ses ennemis cognoissent qu'elle est capable
de toute chose contraire à son salut ^.
On luy peut représenter que le roy est venu de 200 lieues pour
luy tesmoigner son bon naturel; que c'est à elle à tirer un notable
profict de son voyage, parce que, si elle ne le faict, ses ennemis re-
prendront double cœur contre elle , et ses sujets redoubleront le mes-
pris qu'ils ont pour elle; ce qui produira en un instant de si mau-
vais effects qu'ils seront incapables de remèdes.
'Les conseillers de Madame ne sont excellens qu'à craindre ce qui
ne leur arrivera pas, et à ne prévoir aucun des maux qui les acca-
bleront.
A les ouïr ce sont des lions, et ils se trouvent en «(Tet poltrons
comme des lièvres.
Ils savent se mesfier de leurs amis et s'armer contre eux, et ne
rien appréhender de leurs ennemis, et leur ouvrir l'estomacli.
Ils se consolent en la perte de leur maistresse pourveu qu'ils pen-
' Elle ne l'amena pas; obéissant aux
mauvais conseils de ceux qui l'enlou-
raient et à ses propres défiance:) , en se
séparant de lui pour venir à Grenoble
trouver le roy, elle le laissa dans la forte-
resse de Montmélian, et le confia au gou-
verneur, avec des recommandations où
elle manifestait Irès-clairemenl la crainte
qu'on ne le lui enlevât par surprise.
* A la marge de ce paragraphe , Riche-
lieu a écrit, sons indiquer aucun renvoi,
celle réflexion : « Le roy est intéressé à la
conservation deM'son fils, et elle le craint.
Les princes sont intéressés à sa perle, et
elle le laisse en lieu où ils peuvent espé-
rer de le perdre, n Le manuscrit de Harlay
a mis cette addition marginale entre deux
parenthèses, et l'a intercalée dans le texte
avec celle note : • Qua; sequuntur inclusa
duobus semicircuiissun! adscripla in uiar-
ginc, eadem manu D. card. •
^ Le manuscrit des Affaires étranjfères
donne cette seconde pièce , écrite aussi , de
la propre main de Bichelieu, sur le feuil-
let suivant (t° i8/i). Le manuscrit de Hai-
lay annonce que sa copie a été transcrite
.sur l'aiilograplie, ce qui n'empêche pas
qu'elle ne soit fautive.
536 LETTRES
sent avoir de fausses raisons, pour se dlscoulper devant le monde',
bien que devant Dieu et devant les hommes ils en soyent la vraye et
la seule cause.
Nous joignons à cette pièce quelques pensées détachées, écrites de la main de
Richelieu, non datées, mais qui se rapportent évidemment aux entretiens qui!
devait avoir avecMadame, et particulièrement à l'avM qu'on lira ci-après, page 556.
Si Madame refuse le deppost il faut proposer un autre expédient,
savoir : que le marquis Saint-Germain soit maistre absolu de la cita-
delle sans contredict, et que Madame donne seureté dé luy et d'elle
en mettant ambassadeur, auprès du roy, El hermano^.
Si Madame s'oppiniaslre à ne rien faire, il faut liiy demander que
cet avis soit leu en présence des principaux de son conseil et de son
estât : marquis d'Aillé, comte Philippes, marquis de Lulain, le chan-
celier, dom Félix, Bobe, Saint-Maurice.
Je la veux prier premièrement en mon nom de le faire.
Il faut luy praedire le mal qui luy arrivera et la faire souvenir qu'on
luy a tousjours praedict le passé qui luy est arrivé faute de vouloir
croire; qu'on luy en dicl encores autant.
' «Se discoulper devant le monde» a de droit, le frère germain. Il arrive parfois
été écrit par Richelieu en interligne sur à Richelieu d'employer un mot espagnol ou
les mots « s'en excuser, » qu'il avait mis italien ; c'est quelquefois une plaisanterie,
d'abord, et qu'il n'a pas effacés. Est-ce ici un jeu de mots sur le nom de
^ « Le frère , » et comme on dit , en termes Sainl-Germain ?
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 537
CCLXXXIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 27, fol. i85 v°. —
De la main de Hichelieu.
Bibl. imp. Fonds Dupuy, t. 767, cahier Ss. — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 3^7, fol. 4 10. — Copie'.
MÉMOIRE POUR LE ROY.
[Un peu avant le 24 septembre 1689 '. ]
Le roy doibt dire à Madame qu'il est venu de 200 lieues pour luy
faire voir combien il l'ayme.
Qu'il auroit bien à se plaindre des mauvaises résolutions qu'elle a
prises en toutes occasions, mais qu'il ne luy veut point parler du
passé, mais seulement voir avec elle ce qui se peut faire pour son
salut.
Et que, parce qu'il craindroit qu'en examinant ce qui est nécessaire
pour l'avenir cela rappelast la pensée des fautes qui ont esté faictes,
il ayme mieux que le cardinal traitte avec elle de tout ce qui se peut
faire pour son salut, que de le faire luy-mesme.
Ensuitte Sa Majesté ajoustera : 11 est vray, ma sœur, que je ne puis
que je ne me plaigne , en passant, à vous mesme , de la mesfiance que
vous avés tesmoignée de moy en plusieurs choses; comme si j'eusse
esté capable de vouloir usurper vos Estats. Le desplaisir que j'ay re-
ceu d'une telle pensée m'arrache cette plainte, qui sera courte, car
je ne vous en diray pas davantage.
Mon dessein est de vous sauver si je puis, sinon de me laver les
mains de vos affaires*.
' Voy. la noie a de la page 56 ci-dcs- ' Pour le titre ainsi que pour la date,
sus. voir les noies A et 5 de la pièce précé-
' Le manuscrit de Harlay avertit, dénie, p. 534.
comme pour la pièce précédente, que sa * Ce dernier paragraphe n'est pas dans
copie est faite sur l'autographe. le manuscrit de Dupuy.
CARDIN. DE BICBELIED. — VI. " 68
538
LETTRES
CGLXXXIV.
Arch. des Aff. étr. Turin, t. 27, fol. 228-266. —
Mise au net, écrit en très-gros caractère.
Bibl. imp. Fonds Sainl-Germain-Harlay, 3/I7, fol. A30-434. — Copie'. —
Fonds Dupuy, t. 767, cahier Ss. — Extrait '.
VOYAGE DU ROY A GRENORLE,
POUR VOIR MADAME LA DUCHESSE DE SAVOIE,
EN 1639 '■
[28 septembre 1639*. j
La mort de Victor Amédée ne fut pas plus tost arrivée qu'on ne
vist le commencement de la perte du Piedmont, et peu de temps après
son entière ruine.
' La copie de Harlay, faite sur le ma-
nuscrit des Affaires étrangères, porte à la
marge : « Affaire de Savoie lôSg — escril
delà main de Chirurgien, en belle grosse. »
Cette écriture est différente de celle que
le copiste de Harlay indique ailleurs
comme l'écriture de Chirurgien; nouvelle
preuve de l'erreur de cette indication.
(Note de la page 267.)
" Voyez note 2 , page 56.
•' Ce titre est écrit delà main deCherré,
sur un feuillet blanc, coté 228. On peut
croire que cet exposé des affaires de la
duchesse de Savoie à cette époque, et des
relations de la France avec le Piémont,
était destiné à être inséré dans les Mé-
moires du cardinal de Richelieu , pour
l'année lôSg; la promesse de continuer
ces Mémoires, faite en terminant le récit
de l'année i638, n'élait pas une promesse
en l'air. Les nombreuses pièces que nous
avons eues entre les mains se rapportant
aux années qui suivent 1 638, et que nous
avons trouvées préparées, comme l'étaient
celles qui ont servi à la composition des
Mémoires pour les années antérieures , ont
été pour nous la preuve irrécusable que
celte continuation a sérieusement occupé
Richelieu et celui qu'il avait spécialement
chargé de ce travail. Ce fragment que nous
donnons, où Richelieu, après avoir ex-
posé l'état des choses , parle à la première
personne : 'ije m'y employai...» — «je
leur fis cognoistre. . . » — je leur dis. . . «
fournit un spécimen remarquable, de la
continuation des Mémoires, et offre ici
cet intérêt qu'on peut le comparer avec
les pièces originales et les matériaux pri-
mitifs, conservés dans le même manuscrit
des Affaires étrangères. Nous ne donne-
rons point le texte de ces pièces, qui ferait
ici double emploi ; nous nous bornerons
à l'indiquer. Disons aussi que cette rela-
tion , écrite de ce style négligé et redondant
que souffrent les mémoires, a été resserrée
et réduite à cinq ou six pages dans le Tes-
tament politique , 1. 1 , p. 64-70 , éd. de I 764.
* La plupart des pièces dont Richelieu
s'est servi pour composer cette espèce de
relation sont sans dale,"quelques-unes sont
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 539
Ce changement surprist les plus judicieux, avec d'autant plus d'es-
tonnement qu'estant aisé de l'empescher il fut du tout impossible
d'en retarder le cours.
Si madame la duchesse de Savoie et son conseil eussent suivi
l'exemple et les ordres" du prince quils venoient de perdre, on l'eust
empesché aisément.
S'ils eussent voulu ou faire ce qui estoit du tout nécessaire pour
prévenir leur mal, ou le laisser faire au roy, ils s'en fussent garantis
sans peine.
Mais tant s'en faut qu'on les peust réduire à ce poinct qu'au con-
traire les uns et les autres n'oublièrent rien de ce qui put avancer la
ruine de cette princesse.
La foiblesse de son sexe, la légèreté de son esprit, rempli d'au-
tant de présomption qu'il estoit dénué de jugement, l'aversion que
tout son pays avoit de sa conduitte, la lascheté et l'infidélité des Pied-
monlois, le peu d'expérience de quelques uns de son conseil, la ti-
midité des autres et le désir que tous eurent de se conduire en sorte
qu'ils peussent aussy bien trouver leur compte avec ses frères, s'ils
venoient à leurs fins, comme avec elle si leurs desseins demeuroient
sans eCfect, furent cause de sa perte.
Outre que le gouvernement des femmes est d'ordinaire le -malheur
des Estats , celle-ci avoit tant de mauvaises qualitez pour conduire
des peuples, qu'il fut impossible de la porter à ce qui estoit du tout
nécessaire pour se bien acquitter d'une telle charge.
Pour empescher l'effect des mauvais desseins de ses ennemis, elle
devoit, après la mort du duc son mari, prendre une entière con-
fiance au roy son frère, ainsy qu'il luy avoit conseillé en sa maladie;
et tant s'en faut qu'elle en usast ainsy, qu'elle entra, par l'artifice de
datées du a8 septembre, jour où fut donné mais il est vraisemblable qu'elle a été ré-
l'avis laissé à Madame. Nous plaçons ce ré- digée à loisir, au retour du voyagf de Gre-
cil à cette dernière date, faute de pouvoir noble.
en assigner une tout à fait exacte à celte ' « El les ordres;* ces mots manquent
réunion de pièces écrites en divers temps; dans le manuscrit de Harlay.
- • 68.
540 LETTRES
quelques mauvais esprits, en telle mesfiance des François que les portes
de Verceil, qui leur estoient ouvertes pendant la vie du d. duc, leur
furent fermées à l'instant de sa mort.
Elle devoit bannir d'auprès d'elle ceux, qu'elle savoit bien n'avoir
autre dessein que de luy donner des conseils à sa ruine, et au lieu de
laisser sans employ le P. Monod, qu'elle abliorroit durant la vie du
duc son mary, jusques à tel point que de son confesseur il estoit
devenu son ennemi, elle luy donna sa principale confiance, et receut
le poison qu'il voulut verser dans son esprit comme des remèdes les
plus salutaires.
La créance qu'elle eut en ce misérable luy fist faire un sy grand
nombre de fautes qu'il est presque impossible de les rapporter.
Elle la confirma, non sans préjudice de sa réputation, en la con-
fiance qu'elle avoit en un jeune Piedmontois', insolent, avare, et des-
titué de cœur, d'honneur, et de toute expérience.
Elle luy fist commettre toute l'administration de ses affaires à sa
famille, peu estimée en son pays, pensant qu'à leur ombre il tiendroit
le timon du vaisseau, et le conduiroit à sa teste.
Elle luy fist entretenir des intelligences secrettes avec ses frères
et avec les Espagnols, bien que ce procédé fust du tout contraire au
bon succès de ses affaires.
Elle luy fist consentir févasion d'un secrétaii*e si passionné aux in-
térests d'Espagne , que le feu duc n'avoit peu s'en asseurer que par
une prison.
' Le comte Filippo d'Aglie , que Riclie- Une relation, datée du i" janvier 16/I1,
Heu fil arrêter l'année suivante (3i dé- fut immédiatement envoyée à Richelieu,
cembre i64o) au milieu d'une fête, chez et se trouve dans le tome 33 (fol. à) de
M. de Monlpezat, où il avait été invité. Turin, aux Affaires étrangères. Le P. Grif-
Ce favori de Madame n'était assurément fel , qui apparemment n'a pas connu celle
ni un habile polilique, ni un grand ami relation, dit que Philippe d'Aglié fut ar-
de la France, mais il ne méritait pas les rêlé chez le comte du Plessis-Praslin. Ce
injures que la colère de Richelieu lui pro- petit guet-apens de salon , exécuté chez
digue. Il fut amené prisonnier à Vincennes. l'un des généraux de l'armée française ,
Mazarin, qui avait les ordres et les ins- eût élé quelque chose de plus grave en-
tructions du cardinal, conduisit l'affaire. core.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 541
Elle luy fist relascher le cardinal de Savoie, qui, estant venu dans
son Estai pour la perdre, tomba à Quiers entre les mains des siens,
qui le reconduisirent hors du Piedmont au lieu de l'arrester.
Elle luy fist refuser l'entrée de ses places à toutes les garnisons
françoises qu'on proposa d'y envoyer, bien que l'événement luy ait
faict cognoistre, à son préjudice, que c'estoit le seul moyen de les
sauver.
Elle luy fist mescontenter en un instant tous les plus grands de
ses Estats, les privant de toutes leurs charges, sous prétexte de les
obliger davantage par de meilleurs establissemens, qu'elle ne leur
donna pas.
Enfin elle l'empescha de faire tout ce qui estoit nécessaire à son
salut, et la porta à tout ce qui la pouvoit perdre.
L'incontinence de sa langue ofFensoit beaucoup de gens, et'ceux
mesmes qui exposoient tous les jours leur vie pour son service.
Le peu de retenue dont elle usoit en ses actions en scandalisoit
d'autres, et son procédé déplaisoit à tous.
Comme les meilleurs services estoient sans récompense, les plus
signalés desservices estoient sans punition.
Si elle eust esté prudente en sa conduitte, si elle eust tesmoigné
de la bonté à ses sujets affectionnez, et de la sévérité aux autres, ses
beaux frères n'eussent jamais gaigné leurs cœurs, ny pris pied dans
son Estât. Mais elle leur donna tant de prise qu'on peut dire, avec
vérité, que ses deffauts ont plus avancé leurs desseins que leur in-
dustrie et les forces des Espagnols.
Lorsque ia lascheté, l'infidélité, et l'aversion des siens eurent donné
lieu à ses frères d'emporter en un instant les meilleures places du
Piedmont, qui sont au delà du Pô, le vray remède qu'elle pouvoit
prendre estoit de mettre toutes celles qui luy restoient entre les mains
du roy, pour faire craindre à ses frères que leur injuste ambition ne
donnast lieu aux François et aux Espagnols de se rendre maistres du
Piedmond, tandis qu'ils le vouloient eslre, et pour obliger les Espa-
gnols, qui ne craignent rien tant que les François aient grand pied en
5/j2 lettres
Italie, à rendre ce qu'ils avoient pris dans le Piedmont, à condition
que les François en feroient autant.
L'exemple de Philibert Emmanuel, aïeul de ses enfans, qui sauva
son Estât par cette voie, lorsqu'il en avoit perdu la plus grande par-
tie', la convioit à se servir de ce remède.
Il falloit estre aveugle pour ne cognoistre pas que c'estoit l'unique,
proportionné à la grandeur du mal dont il estoit question. Et il falloit
estre plus meschant qu'aveugle pour soupçonner qu'en se confiant à
la foy du roy, en cette occasion, Madame s'exposast à sa perte.
Et quand mesme on eust peu faire avec raison ce jugement, la
prudence vouloit qu'elle passast par dessus, parce qu'il valoit mieux
que les Estats du duc son fils demeurassent entre les mains des Fran-
çois et des Espagnols, que des seuls Espagnols, veu que, tandis qu'ils
eussent esté partagés entre deux grandes puissances, on en devoit es-
pérer la restitution par un accord, au lieu questant entre les mains
des seuls Espagnols, le recouvrement en estoit impossible.
Ces raisons, qui estoientplus que suffisantes pour porter toute per-
sonne non privée de sens à son propre bien, furent inutiles à l'esprit
de Madame et des siens, qui, prenant tousjours l'ombre pour le corps,
estoient plus propres à se repaistre de chimères qu'à recourir aux
solides moyens de leur salut.
Ils savoient craindre tout ce qui ne pouvoit leur faire du mal , et
n'appréhendoient pas ce qui les devoit perdre. Leur aveuglement es-
toit tel qu'ils n'avoient pas plus tost faict une perte notable qu'ils n'en
fussent consolez, si leur esprit et leur malice leur suggeroit quelque
raison apparente, bien que fausse, pour en rejeter la faute sur ceux
qui les en eussent garantis, s'ils eussent voulu suivre leurs conseils.
; Dans cette mauvaise conduitte, cette misérable princesse perdit eu
dix mois la plus grande partie de ses Estats, sans vouloir se résoudre
aux seuls moyens qui luy restoient de sauver le reste.
La nécessité luy fist voir enfin que le deppost de ses places entre les
mains du roy estoit chose du tout nécessaire.
' H y avail ; «lorsqu'il l'avoit perdu n La correction est de Richelieu, en inlerligne.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 543
Mais la timidité ou la malice de son conseil l'erapescha d'y en
mettre aucune de celles qui estoient capables d'arrester le cours des
mauvais desseins de ses beaux frères.
Luy parler du deppost de Nice et de Turin estoit un crime; penser
seulement à Conis, place de beaucoup moindre importance, mais né-
cessaire pour fermer le chemin de Nice et pour conserver l'entrée de
plusieurs vallées qui aboutissent en France, fut réputé de cette prin-
cesse et des siens à entreprise insupportable. Et cependant un mois
après qu'on luy eut proposé de les remettre, elle en cognust la né-
cessité par la perte qu'elle fist de ce qu'on vouloit luy conserver.
On ne put jamais luy faire désarmer la ville de Turin, ou y laisser
pour sa défense un corps des François qui estoient à la solde du roy.
Divers voyages que S. M. fist faire vers elle pour la disposer à l'un
de ces cxpédiens furent sans effect, et, comme elle difFéroit à se ser-
vir de remèdes sy salutaires, douze cents hommes emportèrent celte
place où elle estoit présente, sans que mile Suisses, qu'elle avoit de-
dans, et presqu'autant d'autres garnisons de ses troupes fissent aucun
effort pour la deffendre. Seulement quelques cavaliers de ses sujets
y tesmoignèrent-ils leur fidélité et leur courage, mais sans Cruict,
pour n'estre secondez par aucuns de ceux qui le dévoient faire, et
estre trahis par quelques autres.
Ainsy cette malheureuse princesse perdit, en un instant, le siège
et l'opulence de son Empire, par la perte qu'elle fist de sa ville capi-
tale, et de grand nombre de meubles sy riches et sy beaux que ceux
des grands roys n'en surpassoient pas la magnificence.
Peu s'en fallut qu'elle n'y perdist sa liberté, dont elle eust esté
privée si elle ne se fust retirée dans la citadelle de la place, qu'elle
trouva aussy despourvue de toutes cho.ses nécessaires à sa conser-
vation, qu'elle l'estoit elle-mesme. Ceux en qui elle s'estoit fiée du
soin de ses affaires i'avoient sy mal servie que cette place ne se
trouva pas en estât d'estre defl'endue trois jours. Comme elle estoit
sur le poinct de se rendre à ses ennemis capitaux, les armes du roy
la secoururent, et ceux qui les commandoient la portèrent à sortir
544
LETTRES
d'un sy mauvais lieu, qu'elle leur consigna entre les mains par ce
seulement qu'elle en creut la deffense du tout impossible.
Si , après avoir esté contrainte de sortir du Piedmont, elle eust faict
de la Savoie ce qu'elle devoit faire de Turin auparavant que de le
perdre, elle eust conservé cette province, asseuré sa personne et celle
de son fils, donné moyen de conserver ce qui luy restoit dans le
Piedmont, et peut-estre de recouvrer le reste. Mais elle ne demeura
pas seulement irrésolue entre sa folie et sa malice, entre la foiblesse
de quelques-uns de ses conseillers et l'artifice de beaucoup d'autres,
qui, partisans des intérests des princes, pour ne pouvoir asseurer les
leurs avec elle, luy agitoient continuellement l'esprit; mais elle s'af-
fermit tellement à n'embrasser pas les conseils qui pouvoient la sau-
ver, qu'il fut impossible de les luy faire suivre.
I.e roy s'avança jusques à Grenoble pour la tirer de son aveugle-
ment; mais sa présence, son autorité et toutes les raisons de son con-
seil ne purent jamais la destourner de tout ce qui pouvoit avancer sa
perte.
Auparavant que de luy parler d'affaires, pour la disposer plus ai-
sément à son propre bien, S. M. trouva bon que je fisse cognoistre
ses bonnes intentions à ceux de la maison de S. A. en qui elle avoit
plus de confiance. Je m'y employay avec toute l'adresse que sy peu
d'esprit qu'il a pieu à Dieu me donner me put suggérer.
' Je leur dis que le roy ne vouloit point parler à madame sa sœur
de sa conduitte passée, bien qu'elle eust esté si mauvaise, qu'elle la
devroit pleurer de larmes de sang, mais que S. M. s'estoit avancée
' A partir d'ici , les 26 pages qui suivent
sont à peu près copiées de la pièce intitu-
lée : «Advis donné à M"' la duchesse de
Savoie par le cardinal de Richelieu , à
Grenoble, le . . . de septembre 1689 » (Tu-
rin, I. 37, f° 172-183). C'est une mise au
net, copiée elle-même sur un premier
brouillon très- informe, écrit de plusieurs
mains, principalement de celle de Cherré
■et surtout de celle du cardinal (f* 190 du
même ms ). — J'ai trouvé à la Bibliothè-
que imp. deux copies de celte pièce : fonds
Saiut-Germ. Harl. 3^7, f 4oo, et fonds
Dupuy, 767, cahier Hr; l'un et l'autre de
ces mss. mettent en note : «Copie escrile
de la main de Chirurgien, corrigée de la
main de M. le cardinal de Richelieu. » Le
ms. de Harlay endonne.un exlrail,f°/ii3.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 545
jusques en ce. lieu, pour examiner avec elle tous les tnoyens qui se
pouvoient trouver d'asseurer ce qui restoit de son débris, et de re-
gagner ce qu elle avoit perdu.
Je leur fis cognoistre que la première fin de S. M. estoit de voir
si sa présence pourroil donner à Madame ce que les conseils n'a voient
peu faire de loin, c'est-à-dire la disposition, la résolution, et la fer-
meté qui luy estoit si nécessaire pour se tirer du mauvais estât où la
légèreté de son sexe, les irrésolutions de son esprit, et les mesfiances
dont on l'avoit rendue susceptible l'avoient mise.
Je leur dis que, si elle pou voit se rendre capable de son propre
bien, il n'y avoit rien que S. M. ne voulust faire pour la sauver,
quelque difficulté qui s'y pust rencontrer; au lieu que, si elle vouloit
demeurer dans sa foiblesse et dans les mauvais conseils qu'elle a pris
jusques à présent, son seul but (de S. M.) estoit de se tirer du pair,
la laissant terminer ses affaires ainsy qu'elle l'estimeroit plus à pro-
pos, après luy avoir représenté les inconvéniens où elle toniberoit
indubitablement si elle persévéroit en sa première conduitte.
J'adjoustay que si elle croyoit trouver seureté en ses beaux frères
pour son establissement, pour la vie de mons' son fils, et pour celles
de ses créatures plus afGdces, S. M. ne s'opposeroit pas à son dessein
bien qu'elle ne voulust pas luy donner un tel conseil.
Mais que, si elle jugeoil la protection du roy luy estre nécessaire,
sa fin devoit estre de se servir utilement de sa puissance, et non
comme elle avoit faict jusques alors, en sorte que, n'en pouvant retirer
aucun fruict par sa faute, elle engageas! S. M. non seulement en de
grands frais inutiles, mais qui plus est en la perte de sa réputation,
comme si c'estoit son impuissance qui fempeschast d'arrester le cours
de sa ruine, dont sa mauvaise conduite estoit la seule cause.
Je leur représentay que, tandis que les Espagnols croiroient pou-
voir garder ce qu'ils tenoient du Piedmont, ils ne se résoudroient
jamais à le rendre, et qu'en Testât qu'estoient les affaires, tandis que
le cardinal de Savoie et le P. Thomas les assisteroient, on ne sauroit
reprendre ce qu'ils occuperoient, parce que tout le pays 1«8 favorisoit,
CABDIN. DE niCIIELIEL. — Tl. • (ig
. 546 LETTRES
et qu'estant contraire aux armes du roy, elles y agissoient avec trop
de désavantage.
Passant outre je leur fis cognoistre que, si les Espagnols et ses
beaux frères demeuroient conjoints, il se trouveroit plus de diffi-
cultez qu'on ne sauroit penser à conserver les places du Piedmont,
déposées entre les mains du roy, pour le mauvais estât auquel elles
avoient esté livrées, et que peut-estre seroit-il du tout impossible.
Ils demeurent d'accord avec moy que, pour asseurer le salut de
- Madame et de monsieur son fils, il estoit du tout nécessaire de des-
tacber les princes de l'Espagne.
Ils demeurèrent d'accord avec moy qu'ainsy que c'estoit chose très
certaine que tandis qu'ils ne verroient point la France en estât de les
empescher du dessein qu'ils avoient de priver leur neveu de ses
Estats, et qu'ils ne la croiroient pas assez puissante pour contraindre
les Espagnols à la restitution de ce qu'ils en tenoient, jamais ils ne se
sépareroient de l'Espagne. Aussy pouvoit-on dire, presque avec égale
certitude, qu'ils la quitteroient lorsqu'ils verroient la France avoir
tout autre pied en ItaHe que celuy auquel les obstacles qui luy avoient
esté faicts, par ceux qui dévoient la favoriser, l'avoient réduite.
Je leur fis avouer ensuitte qu'ils n'ignoroient pas que ces deux
princes cognoissoient la foiblesse de Madame, l'aversion que ses Estats
avoient de sa conduitte, et la disposition en laquelle ils estoient de
les recevoir à raison des faussetés dont ils les avoient imbus.
Ils recognurent ingénuement qu'ils savoient bien l'opinion que ces
princes avoient de la naissance du jeune duc leur maistre, bien que
sans fondement, et la prétention en laquelle ils estoient de donner
couleur à leur calomnie par une fausse preuve.
Nous conclusmes de là tous ensemble que, tant qu'ils croiroient
pouvoir s'en defifaire, ils n'auroient autre but que de l'envoyer en
paradis; que tous les accords qu'ils proposeroient en Testât auquel
estoient les affaires ne seroient que pour en faciliter le moyen, et
que rien ne leur feroit cbanger de dessein que l'impuissance en la-
quelle il lesfalloit mettre de faire le mal qu'ils avoient projette.
DU CARDINAF. DE RICHELIEU. 547
Nous nou» confirmasiues en cette vérité par la considération des
pratiques qu'ils avoient parachevées dans Nice, à l'ombre de la sus-
pension; par l'arrest du sénat de Turin, qui avoit en ce temps dé-
claré Madame incapable de la régence; et par les menées qu'ils (ceux
de la maison de Madame) avoient descouvert qu'ils (les princes) fai-
soient pour disposer celuy de Savoie à suivre l'exemple de l'autre.
Je leur dis ensuitte que tous les remèdes qui avoient esté pratiquez
jusques alors n'avoient aucune proportion au mal de madame la du-
chesse de Savoie; que nous avions faict comme les médecins qui,
voyant leurs malades affermis à ne faire pas ce qui leur est du tout
nécessaire, avoient recours aux remèdes palliatifs qui, à proprement
parler, ne sont que remèdes trompeurs, en ce qu'ils adoucissent la
douleur sans en ester la cause; mais qu'il n'estoit plus temps de se
tromper, et que si l'on différoit davantage à recourir à des remèdes
puissans, seuls suflisans pour la guérison du mal dont il estoit ques-
tion, il se rendroit incurable.
Je les pressay de m'ouvrir leur cœur et leurs pensées sur un sujet
sy important; mais le nepveu ne s'y pouvant porter, et empeschant
mesme que son oncle n'usast en ce sujet de la franchise qui paraissoit
luy estre naturelle, je fus contraint de leur dire ingénuement qu'il
sembloit que le seul moyen de tirer Madame du mauvais estât où
elle estoit, consistoit à mettre M' le duc de Savoie et le reste de ses
Estats entre les mains du roy, et à attacher ceux qui esloient, en ces
occasions, demeurez fidèles.à la mère et au fils, à leur service, autant
par les bienfaits du roy qu'ils l'estoient par leur vertu et par leur
naissance.
Je leur dis ensuitte que je ne leur faisois pas cette ouverture comme
une pensée à laquelle on voulust s'attacher, si Madame et son conseil
y trouvoient à redire, mais qu'il estoit bien vray que je n'estimois
point qu'il y eust de moyen plus asseuré de tirer Madame du mau-
vais estât auquel elle estoit, et que je croyois, en ma conscience,
que si le cardinal de Savoie et le P. Thomas voyoient ces trois
poincts accomplis, ils se résoudroient à changer de procédé, parce
69.
548 LETTRES
qu'en ce cas ils ne sauroient plus espérer gain de cause par leurs
pratiques.
Ils ne pourroient plus se promettre d'avoir la Savoie par leurs né-
gociations, ainsy qu'ils avoient usurpé tout le Piedmont.
Ils ne prétendroient plus pouvoir attenter à la vie de leur nepveu ,
parce qu'il seroit en lieu de seureté, et en lieu de seureté d'autant
plus avantageux que rien n'estoit sy capable de justifier sa naissance
dans le monde, que de le voir eslevé soigneusement et honorable-
ment auprès de mons"" le dauphin.
Ils n'auroient plus moyen de tirer, comme ils avoient faict, de no-
tables avantages des mesfiances que Madame avoit prises de la France
par leur propre artifice.
Ils ne croiroient plus, en la prenant elle ou les siens, ou eux sans
elle, fobliger à leur donner les places, et à remettre mons' son fils
entre leurs mains, par un accord qui , trois mois après, leur donneroit
moyen de perdre la mère d'honneur, et d'oster la vie au fils.
Ils ne se persuaderoient plus pouvoir ravoir aisément les places
que le roy tient en deppost dans le Piedmont, parce que la puissance
qu'il auroit en Savoie pourroit beaucoup aider à les conserver, rien
n'ayant tant contribué à la perte d'une partie du Piedmont que les
oppositions que les forces du roy y avoient reçues par ceux qui dé-
voient les seconder'.
Ils perdroient l'espérance qu'ils avoient, bien que mal fondée, de
pouvoir vaincre la générosité et la fidélité de ceux qui servoient
Madame, par le mauvais estât de leurs affaires, puisque le secours du
roy les empescheroit d'estre réduits à f extrémité.
A la marge de ce paragraphe le ma- ne pourront jamais en retirer celte pro-
nuscrit des Affaires étrangères donne ce vince paf la force, ce qu'ils ne croiront
qui suit: « Est à noter que le deppost de ia pas du Piedmont, veu la foiblesse des
Savoie est plus capable de ramener le car- places, et la commodité que les Espagnols
dinal de Savoie et le P. Thomas en leur ont d'y faire la guerre avec eux » (Le ms.
devoir, que celuy de la moitié du Pied- de Harlay a également mis ce passage à
mont, parce qu'ils sauront bien que, Mont- la marge de sa copie,)
niélian estant enire les mains du roy, ils
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 549
Qu'ainsy n'ayant plus rien à espérer de leur malice, la nécessité
les contraindroit à ce à quoy la raison ne les portera jamais.
Poursuivant ce discours, je leur dis que bien que cet expédient me
semblast du tout nécessaire, que bien que les enfans et les aveugles
fussent capables d'en recognoistre l'utilité, que le conseil que M' de
Savoie donna, en mourant, à Madame, de suivre ceux de la France,
et de se jetter entre les bras du roy, la deust porter à l'embrasser,
S. M. s'abstiendroit de le proposer à madame sa sœur à cause de la
mesfiance en laquelle elle avoit esté jusques alors.
Je leur fis voir clairement, à mon avis, que le roy avoit trop d'in-
térest à la conservation de mons"' de Savoie pour avoir dessein de
profiter de sa ruine.
Je leur représentay que, sans perdre sa réputation, il ne pouvoit
dépouiller une sœur et un nepveu.
Je les priay de considérer qu'au lieu que le cardinal de Savoie et
le prince Thomas prétendoient meschamment que le jeune duc n'es-
loit pas leur nepveu, le roy savoit certainement que c'esloit le sien;
que comme l'intérest des uns alloit à perdre ce jeune prince, celuy
du roy le portoit entièrement à le conserver; que, s'il n'estoit point
au monde, S. M. ne sauroit sans injustice apparente retenir les Estats
qui luy auroient esté déposez, et que, s'il le vouloit faire, la guerre '
dont il désire la Gn serait éternelle.
Qu'il luy estoit beaucoup plus utile d'avoir un jour un duc de
Savoie restabli en ses Estats, uni à ses intérests, que d'usurper une
pallie de ses dicts Estats, les Espagnols ayant l'autre.
Poursuivant, j'adjoustay qu'ils avoient encore à considérer, en leur
particulier, que les mauvais bruicts que les ennemis de Madame
avoient espandus contre ceux qu'ils croyoient luy estre plus aflidez
obligeoient le roy à prendre un soin particulier de leurs personnes,
parce que, s'il faisoit autrement, il donneroit lieu de. croire qu'il
auroit quelque impression de la médisance qu'on auroit espandue
au préjudice de sa réputation.
Après avoir donné temps à ces messieurs de faire réflexion sur
550 LETTRES
ce que je leur avois représenté, des raisons je vins aux exemples,
rapportant celuy de Charles de Lorraine, demeuré orphelin en son
bas âge, que le roy Henri II fist nourrir avec ses enfans, et auquel il
rendit ses Estats entiers lorsqu'il fut grand, et luy donna une de
ses filles en mariage; ce qui niontroit clairement que la France sait
conserver et protéger rehgieusement les souverains, au lieu que les
Espagnols manquent peu à se revestir de leurs despouilles.
J'adjoustay que ce seroit un crime de penser que le roy, dont la
piété estoit connue, voulust moins faire pour son propre nepveu que
ses prédécesseurs pour des princes qui n'avoient pas l'honneur de
leur appartenir, veu principalement qu'il a desjà luy-mesme une fois
restitué la Savoie au duc Victor Amédce, et que le roy son père avoit
esté d'une pareille bonté envers le duc Charles Emmanuel, après
l'avoir justement conquise par les armes.
Enfin je leur dis que, pour oster tout sujet de crainte, si S. M. re-
cevoit le deppost de la Savoie , elle s'engageroit , par escrit authentique
à madame sa sœur, de la luy remettre de bonne foy, avec toutes les
places qu'elle luy avoit consignées dans le Piedmont, toutefois et
quantes les Espagnols en voudroient faire autant de ce qu'ils ont oc-
cupé en ses Estats depuis la mort de feu M. le duc de Savoie Victor
Amédée; et que, pour avancer cette remise réciproque, S. M. en-
voieroit aussytost la proposer, sous la caution d'une ligue de tous les
princes d Italie, qui avoient trop d'intérest à oster la guerre de leur
voisinage pour ne favoriser pas, en ce point, les justes intentions du
roy, qui seroient sans doute non seulement considérées du cardinal
de Savoie et du P. Thomas, s'ils voyoient la France en la possession
de la Savoie et d'une partie du Piedmont, mais en outre des Espa-
gnols, qui n'y consentiront pas en Testât où sont les affaires.
Après trois heures de conférence, qui me donnèrent lieu de re-
présenter tout ce qui est cy-dessus exprimé à diverses reprises, il me
sembla cognoistre que l'oncle^ estoit persuadé, mais que l'esprit du
-it marquis
d'Aglié.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 551
nepveu ' ne l'estoit pas, et qu'il n'avolt pas assez de cœur pour porter
sa maistresse à une résolution proportionnée à son mal.
Trois jours se passèrent en l'attente de ce que ces messieurs au-
roient faict auprès de leur maistresse; mais n'en recevant point de
response et apprenant, par diverses voies, que l'un des deux luy ai-
grissoit plus tost l'esprit que de l'adoucir, et qu'elle avoit mesme pris
résolution de ne point faire venir son fils à Grenoble, bien qu'à son
arrivée elle eust dit le contraire à S. M. on estima qu'il estoit de la
prudence du roy de modérer les propositions qui avoient esté faictes
en particulier au marquis d'Aillé et au comte Philippe son nepveu,
et de faire entendre à Madame, en présence de tout son conseil, ce
que S. M. estimoit pour son bien.
Pour cet efîect, on luy proposa ce qui ensuit, et luy laissa-t-on
par escrit, afin qu'elle en peust mieux considérer la teneur et l'im-
portance'^.
PROPOSITION FAICTE PAR LE ROÏ A MADAME SA SOECR,
LE a8 SEPTEMBRE iGSq, A GRENOBLE.
En Testât où sont les affaires de madame la duchesse de Savoie,
il faut qu'elle se sauve ou par elle-mesme, ou par ses ennemis, ou
par le roy.
Si elle le peut par elle-mesme, S. M. sera ravie qu'elle en ait le
moyen, et la prie de luy en donner cognoissance.
Si elle pense pouvoir trouver son salut en se confiant en ses frères,
sans luy donner un tel conseil, le roy y consentira, si elle en veut
prendre le hazard.
Mais, si elle estime ne pouvoir sortir de ses affaires que par son
autorité, il ne la peut tirer du mauvais estât auquel elle est que par
' Le comte Philippe d'Aglié. quelle est écrit, de la main de Richelieu:
' Ici la relation du Voyage, etc. se cou- « Proposition, etc. » C'est une minute ou
linue au moyen d'une pièce qui se trouve mise au net; la Bibliothèque impériale en
au folio 1 59 du manuscrit des Affaires conserve une copie, fonds Saint-Germaiii-
étrangères (Turin, t. 27), en tête de la- Hflriay, 3^7, fol. SgS.
552 LETTRES
l'un de ces trois moyens : ou par un traicté d'accord, ou par la guerre,
ou par le deppost des Estais qui luy restent, lesquels elle ne sauroit
conserver par elle-mesme.
En Testât que sont les affaires, tout accord est impossible avec les
Espagnols, parce qu'ils font la guerre avec trop d'avantage, le Pied-
mont les favorisant, à cause de l'union des princes de Savoie avec
eux.
Il n'est pas plus aisé de s'accorder avec les Princes, parce qu'ils
n'en ont pas la volonté, et que, quand ils l'auroient, ils désirent des
conditions qui ne s'accordent pas avec la seureté de Madame.
Il est impossible aussy d'espérer de grands progrez par la guerre,
pour le mauvais estât auquel sont tout le Piedmont et les places que
Madame a depposées.
Ainsy il faut recourir au troisième moyen, qui donnera grande
facilité à un accord, en ce qu'apparemment il ramènera les princes à
raison; ensultte de quoy la guerre sera aisée à soustenir contre les
Espagnols, s'ils ne veulent rendre, en vertu d'un traicté, ce qu'ils
posséderont dans le Piedmont, le roy faisant le mesme de tout ce
qui luy aura esté depposé.
Ce remède est celuy qui a esté pratiqué sy heureusement par
l'aïeul de M'^ de Savoie qu'il obtint, par ce moyen, le restablissement
de ses Estats perdus.
L'événement en est d'autant moins à craindre qu'il est hors d'ap-
parence qu'un grand roy peust vouloir despouiller sa sœur et son
nepveu d'un Estât qu'il a rendu au duc son père, l'ayant conquis par
les armes.
Cependant si Madame le craint, pour s'accommodera la foiblesse
de son sexe, S. M. demeure d'accord que ce deppost ait plus d'appa-
rence que d'effect, pourveu qu'il en ail autant que le bien de ses
affaires le requiert.
Elle estime, en ce cas, comme en tout autre, que le s' Doni Félix
doit demeurer gouverneur général de la Savoie; elle pense aussy que
le marquis de S'-Germain doit commander dans Montmélian; mais
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 553
qu'il faut composer la garnison de gens qui soient affidez audict
marquis de Saint-Germain, gouverneur, et de Suisses et de François
qui soient au roy.
Elle estime ensuitte que le seigneur Dom Félix doit avoir une gar-
nison dans Chambéry pour tenir le Sénat et la ville en leur devoir.
Qu'en tous les chasteaux qui peuvent asseurer le pays, il doit y avoir
des François, et qu'à l'entrée de la vallée d'Aoste il faut entretenir
deux mil hommes effectifs en deux régimens, dont l'un soit au roy et
l'autre à Madame, sous un mareschalde camp de S. A. qui sache bien
deffendre l'entrée de la Savoie.
' Si Madame ne se résout à l'exécution de ce que dessus, le roy,
prévoyant, sans y pouvoir apporter remède, sa perte asseurée, celle
de la Savoie et du duc son fils tout ensemble, désire qu'en le dispen-
sant d'entreprendre sa deffense elle pourvoie à sa seureté par autre
voie, et qu'elle trouve bon qu'il fasse cognoistre à toute la chres-
tienté ce qu'il a faict pour elle , et les mauvais conseils qu'elle a voulu
prendre, déclarant qu'il la laisse en sa conduite, parce qu'elle n'en
veut pas suivre une meilleure, et qu'elle aime mieux se perdre par
sa teste que se sauver par le conseil et la puissance d'un frère qui
l'aime tendrement^.
Comme il estoit impossible de contester ce conseil par raison, à
peine pust-on en tirer une response déterminée.
Ce qui sembloit im jour estre arresté, estoit révoqué le lendemain,
et quinze jours se passèrent sans qu'on pust avoir aucune résolution.
' Richelieu avait eu l'idée de rendre ie semenl considéré, elle ne veut pas se ser-
refus de la duchesse plus autiienlique, en vir des expédients qui luy sont proposez
lui faisant donner, à cel égard, une signa- pour son salut. Ensuitte de quoy le roy la
ture. Nous lisons ces lignes dans la pièce priera de trouver bon , etc. i
intitulée y4uii, etc. dont nous avons déjà faii ' Celte pièce se termine ici dans le nia-
mention (pièce qui se trouve au fol. 172 nuscrit des Affaires étrangères, l. 37 de
du manuscrit deTurin, l. 27) : «Si elle re- Turin, fol. 18a; mais elle a dans le ma-
fuse de suivre un avis sy salutaire comme nuscrit de Harlay (fol. 43i) une continua-
est celuy-cy, elle ne peut refuser designer lion qui a été employée dans la présente
son refus,c'esl-à-dire de mettre au pied de relation : Voyage, etc.
ce papier qu'après l'avoir leu et soigneu-
CAHDIN. DE niCUELlED. VI. " 70
554 LETTRES
En cette extrémité, S. M. agita plusieurs fois si elle devoit aban-
donner une personne sy abandonnée d'elle mesme, comme estoit
cette princesse.
Il estoit avantageux au roy d'en user ainsy pour se justiffier des
mauvais événemens dont il estoit impossible de se garantir, mais
cette résolution estoit sy préjudiciable à cette misérable femme , qui
ne pouvoit estre ' abandonnée du roy sans estre délaissée de tout le
monde, que S. M. fut conseillée de laisser plus tost la réputation de
sa puissance en compromis, qu'en voulant la sauver, avancer d'un
moment la perte d'une personne que la nature avoit rendue sa sœur,
bien qu'elle fust indigne de son sang.
Il fut proposé d'arrester le comte Philippe ^, principale cause de la
perte de cette princesse. Mais, outre qu'une telle action eust autorisé
la calomnie qu'on luy mettoit à sus, on jugea que si on la privoit de
cet homme elle tomberoit entre les mains de certains esprits dan-
gereux qui s'accorderoient plus aisément que luy avec ses beaux-
frères à ses propres despens.
D'autres firent ouverture de se saisir de tous ceux qu'on cognois-
soit luy suggérer de mauvais conseils; mais cet avis fut rejette comme
le premier parce qu'il eust esté préjudiciable à la réputation du roy,
et qu'on n'avoit personne auprès de cette princesse qui pust ensuitte
guérir son esprit ulcéré, et le conduire adroitement à ce qui luy
estoit du tout nécessaire.
Ainsy S. M. fut contrainte de se contenter de ce qu'elle put aira-
cher de l'opiniastreté de ce mauvais esprit, bien qu'il n'y eust rien
qui peust asseurer sa personne et le reste de ses Estats.
Elle promit de composer la garnison de Montmélian de Savoyards
et de François entretenus de longtemps à son service. Elle s'obligea
d'en mettre autant des uns que des autres dans le haut et le bas fort
de cette place; elle promit de depposer entre les mains du roy le chas-
Richelieu a écrit cette variaule à la * On revint à ce dessein et on l'exécuta
marge : «Délaissée de voslre main sans plus tard, ainsi que nous l'avons dit ci-
l'eslre de tout le monde. »(Ms. des Aff.étr.) dessus, p. iZio, note.
"r
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 555
teau de Charbonnières en Savoie et celuy de Benne et de Fossan en
Piedmont avec la ville d'Albe.
Elle promit de faire sy bien garder l'entrée de la val d'Aoste que
les ennemis ne se sauroient servir de ce passage; et cependant que
s'il arrivoit qu'ils entrassent en Savoie, et qu'ils fissent souslever et
révolter cette province, sans y entrer à main armée, elle feroit entrer
plus grand nombre de François dans Montraélian.
Elle promit enfin d'asseurer sa personne et celle de son fils par une
bonne garnison qu'elle tiendroit dans Cbambéry.
Celte résolution ne fut pas plus tost prise que le roy se résolut de
s'en aller. Son départ fut accompagné de beaucoup de larmes de la
part- de Madame, mais S. M. sachant, comme elle en estoit bien in-
formée, qu'elle pleuroit quand bon luy sembloit, et qu'un moment
après elle rioit et se moquoit de ceux qu'elle avoit abusés par les
larmes, son affliction dissimulée ne produisit pas l'effect qu'elle pré-
tendoit.
Prenant congé d'elle, je luy représentay qu'elle demeuroit en un
estât plus dangereux que celuy auquel on l'avoit trouvée, parce que
ses ennemis, cognoissant qu'elle s'estoit rendue incapable des seuls
remèdes qui la pouvoient garantir de tous périls, poursuivroient
d'autant plus hardiment sa perle, qu'ils la sauroient non-seulement
destituée du cœur de ses sujets, mais de la puissance du roy, dont
elle n'avoit pas voulu se prévaloir.
Je luy représentay qu'elle estoit aux termes de ceux qui ne faisant
qu'une partie de ce qu'ils doivent, selon la loy de Dieu, ne font rien
qui puisse opérer leur salut, bien qu'ils fassent beaucoup.
Je luy représentay que ceux qui avoient manqué d'esprit à la bien
conseiller manqueroient de cœur pour la deffendre.
Je luy représentay que la plus part de ceux qui la destournoient
de suivre les conseils du roy avoient intérest d'en user ainsy, afin de
se rédimer de leur perte par la sienne.
Enfin , je répétay en peu de mois tout ce qui luy avoit esté dicl
plusieurs fois pour la destourner de sa ruine.
70.
556
LETTRES
Et d'autant que ce qu'on considère à loisir faict quelquefois plus
d'impression que ce qui passe promptenient, pour estre dict de vive
voix, je la priay de jetter quelquefois les yeux sur un papier que je
luy iaissay, auquel esloit contenu ce qui s'en suit :
AVIS DONNÉ k MADAME LA DUCHESSE DE SAVOIE PAR LE CARDINAL DE RICHELIEU '.
Madame la duchesse de Savoie n'a point d'autre moyen de se
sauver du naufrage auquel son malheur l'a précipitée qu'en prenant
une conduite du tout contraire à celle qu'elle a suivie jusques à
présent.
Elle s'est tousjours mesfiée de la France et a pris plaisir de le
faire paroistre; elle doit s'y confier au dernier point, et s'estudier à
le faire cognoistre à tous ses ennemis , afin qu'ils perdent l'espérance
d'achever de la perdre par le mesme artifice qu'ils ont commencé.
La révolte du Piedmont est arrivée parce qu'elle a laissé le pays
en puissance de la faire. Il faut prévenir celle de la Savoie en la met-
tant en estât de ne la pouvoir faire.
On luy a pris ses meilleures places, faute d'y mettre des François.
Elle doit asseurer toutes celles qui luy restent en les y mettant.
Elle a craint que la France luy enlevast son fils; elle n'a point de
lïioyen de le sauver qu'en suppfiant le roy de le recevoir en sa pro-
tection et en sa garde, ce qui n'asseurera pas seulement une personne
' Cet avis que Richelieu donnait à la
duchesse de Savoie en désespoir de cause,
el lorsque , après avoir refusé de subir les
conditions que l'on mettait aux secours
qu'elle avait demandés au roi, elle se dis-
posait à quitter Grenoble, est une pièce
longtemps méditée et fort étudiée par Ri-
chelieu ; on en rencontre divers fragments
(^à el là dans ce tome 27 du manuscrit
de Turin, et deux textes, dont l'un est
coté 187. C'est une mise au net de la main
d un nouveau secrétaire du cardinal , char-
gée de ratures, de corrections et d'addi-
tions de la main de Richelieu; l'autre est
la présente version , qui termine la relation
du Voyage , etc. et qui offre de nombreuses
différences avec le texte du fol. 187, déjà
si travaillé. Au reste on trouve répétée,
dans cette double rédaction de Yavis, une
foule de pensées et de conseils qu'on a re-
marqués dans les lettre» que Richelieu écri-
vait depuis plusieurs mois à la duchesse
et aux ministres du roi envoyés près d'elle.
Le manuscrit de Harlay Sli-j, fol. dSg,
donne une copie de l'avis conforme à ce-
lui qu'on va lire.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 557
qui luy est sy chère, mais la sienne propre, les Estais qui leur res-
tent et la réputation de tous les deux, en ce que rien ne peut mieux
justifier la naissance de ce petit prince, que ses oncles révoquent
publiquement en doute, que de voir qu'il soit nourri avec honneur
avec mens' le dauphin'.
Elle s'est perdue pour alîecler de ne deppendre que d'elle mesme,
ce qui n'est bon qu'aux grands et puissans roys.
Messieurs ses beaux frères se sont soumis contre leur gré à l'Es-
pagne pour faire les progrez qu'ils ont faicts contre elle; et partant
la raison et la nécessité lui font voir qu elle n'a point d'autre moyen
d'arrester le cours de sa ruine que de pratiquer à l'esgard de la
France ce que ses frères font au respect de l'Espagne, qui est tout le
contraire de ce qu'elle a faict jusques à présent.
Si elle dict qu'elle a déféré à beaucoup des conseils du roy, elle est
priée de considérer qu'outre qu'elle ne l'a jamais faict à temps, comme
un malade qui, par son opiniastreté ou son aversion aux remèdes, ne
prend que la moitié de ceux qui luy sont ordonnez, augmente son
mal au lieu de le diminuer, en ce qu'il esmeut les humeurs et ne les
purge pas, ainsy s'est-elle tousjours faict plus de mal que de bien
en ne pratiquant qu'autant des conseils du roy qu'il en falloit pour
aigrir la malice de ses ennemis, et mesprisant le reste, qui en pouvoil
arrester le cours.
Le mal que Madame a receu pour laisser beaucoup de services sans
récompense et tout desservice sans punition, l'oblige à pratiquer
le contraire, et particulièrement à recognoistre les services des per-
sonnes de qualité qui luy sont demeurez fidèles par la puissance de
la France , si elle n'est pas en estât de le faire d'elle mesme.
' Les manuscrits mettent à la marge les siens, et que mons' son lils sera dan»
de ce paragraphe : « Tandis que le car- ses Estais , on ne leur fera pas |)erdre Tes-
dinai de Savoie et le P. Thomas espè- pérance d'avoir les unes et de perdre
refont pouvoir faire souslever la Savoie l'autre, veu le mauvais soin qu'ils savent
et attraper le jeune duc, ils n'ont garde , que Madame et les siens ont de ses aiïaires:
de s'accommoder avec Madame; et tandis ut ainsy jatnais on ne les séparera des Es-
fjue les places ne seront gardées que par pagnols. »
558 LETTRES
Les mauvaises impressions qu'on a données de la vie et de la con-
duitte de Madame ayant esté le vray fondement de sa ruine, c'est à
elle à faire une vie sy exemplaire que les apparences la remettent,
dans l'esprit des peuples, en la réputation qu'elle y doit estre, et que
la vérité attire sur elle la bénédiction de Dieu, sans laquelle tout
secours des hommes luy sera inutile. Mais comme il n'y a rien qui
rende sy criminel devant Dieu, ny sy infâme devant les hommes que
l'hypocrisie, qui porte souvent à violer les choses les plus saintes,
pour paroislre ce qu'on n'est pas, elle doit avoir un soin très-parti-
cuher de se conduire en sorte que la liberté de ses paroles ne dé-
mente pas la bonté de ses actions.
Madame s'estant mal trouvée jusques à présent des conseils qu'elle
a receus, ou de sa seule teste, ou de quelques-uns des siens peu ca-
pables de luy en donner, elle doit renoncer à l'avenir aux uns et aux
autres, et suivre ceux qui luy seront donnés par des gens de capacité
recognue, de probité éprouvée, et tels qu'ils ne puissent avoir d'autres
intérests que les siens propres.
On adjousteroit bien qu'elle devroit esloigner de sa personne ceux
qui jusques à présent, sous prétexte de la servir, l'ont desservie et
par leur incapacité, et par leur vanité, et par leur imprudence; mais
on ne va pas à cette extrémité, tant parce qu'on ne juge pas que son
esprit soil capable d'un remède sy puissant, que par ce aussy qu'elle
en peut prendre de plus tempérez qui produiront l'effect désiré pour
son avantage, sans faire aucun désordre en desraciuant la cause du
mal avec quelque violence.
Enfin Madame est suppliée de considérer soigneusement le passé
et l'avenir, au lieu qu'il semble que jusques icy elle n'a regardé que
le présent.
Elle verra au passé ce qu'ont faict les prédécesseurs de mons' son
fils, qui ont esté au mesme estât qu'elle est, et leur sage procédé;
celuy de feu mons"' son mary, et les derniers conseils qu'elle en a
receus, luy donneront lieu de régler sa conduitte.
D'ailleurs, regardant l'avenir, elle trouvera qu'un seul coup de To-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 559
rage qui est eslevé contre elle la peut précipiter au fond du précipice
sur le bord duquel elle est maintenant; et qu'ainsy que, si elle se
perd en n'oubliant rien de ce qu'elle doit pour s'en garantir, l'hon-
neur et la réputation du roy l'obligent à la recevoir et la traicter di-
gnement en ses Estats; si elle tombe en l'extrémité de ce malheur
par le mespris de ses conseils, le mesme honneur de ce prince ne luy
permettra pas de luy donner autre retraite que celle d'un cloistre
pour y pleurer ses péchés le reste de sa vie avec fruict, et se repentir
inutilement de sa mauvaise conduitte.
Cet avis ne fist pas plus d'effect que tous les autres; le cœur de
cette princesse estoit trop endurci et trop insensible à son mal pour
pouvoir estre esmeu et destourné de sa perte; et celuy qui seul avoit
part en sa tendresse estoit sy lasciic, qu'aveuglé plus de crainte que
d'autre passion, bien qu'il en fust accusé, rien n'estoit capable de le
faire résoudre à porter sa- maistresse à ce qui les pouvoit sauver tous
deux.
Alors on coguust clairement qu'il n'y avoit que Dieu qui pcust re-
lever les affaires de cette princesse par un coup extraordinaire de sa
main; qu'il le falloit attendre patiemment de sa puissance et de sa
bonté, et se résoudre à voir un exemple aussy juste que funeste des
chastimens qu'il envoie à ceux qui, suivant leur sens et non la raison,
mesprisent non seulement les lois de Dieu et celles de la prudence,
en leur conduitte particulière, mais, qui plus est, en celle du pubhc
dont ils sont chargez.
NOTA.
L'entrevue de Grenoble, où Madame s'était montrée si peu docile, avait singu-
lièrement mécontenté Richelieu. Depuis longtemps, comme on l'a vu, il donnait
à la duchesse de Savoie des conseils qu'elle ne suivait pas, et qu'elle ne pouvait
pas suivre. Pour gouverner ses Etats comme le cardinal voulait qu'elle les gou-
5()0 LETTRES
veroât, il aurait fallu qu'elle eût, sinon le génie de Richelieu, au moins le ca-
ractère de Richelieu lui-même; il lui aurait fallu son inflexible sévérité et cette
fermeté de résolution qui marche au but sans se laisser surprendre par aucun
sentiment d'affection, sans s'arrêter devant aucune considération de personnes ou
de choses. Il n'y avait donc pour elle qu'un moyen de satisfaire Richelieu; c'était
de le laisser gouverner le Piémont avec la même autorité qu'il avait en France;
de lui donner à garder ses places ferles et sa capitale, de lui abandonner tous les
personnages qui lui étaient suspects pour les enfermer à Pignerol , à la Bastille
ou à, Vincennes; enfin de lui livrer ses propres enfants, non à la vérité pour les
claquemurer dans une prison d'État, mais afin de les tenir honorablement em-
prisonnés à la cour de Louis XIII.
Madame était d'ailleurs dans une perplexité cruelle. Ainsi que Richelieu le lui
répétait sans cesse, seule elle ne pouvait se sauver; il lui fallait donc choisir
entre la t'rance et l'Espagne; elle n'avait pas le cœur espagnol, et elle redoutait
l'âpre ambition de l'Espagne. Elle eût pu se confier à la bonne foi de son frère,
et se livrer à la France; mais c'était à Richelieu qu'il fallait se livrer. Elle ne se
fiait point à ses promesses, et, si elle ne pouvait craindre qu'il disposât du Pié-
mont comme d'une conquête, elle craignait cet inexorable patriotisme, capable
de sacrifier elle, son fils et ses Etats, si l'intérêt de la France exigeait ce sacrifice.
Presque tous les personnages importants qui entouraient Madame, qui crai-
gnaient le cardinal pour eux-mêmes, répétaient sans cesse à la duchesse qu'elle
était perdue si elle donnait la main à ce redoutable protecteur. Elle y risquait,
d'ailleurs, le reste d'amour que lui conservait son peuple. Richelieu, qui n'était
pas aimé en France, était détesté des étrangers, et il donnait à l'Italie peur de la
France autant au moins qu'elle avait peur de l'Espagne. Le reproche qu'il
adiessait sans cesse à Chrétienne de se uiéûer d'un frère qui l'aimait, la touchait
peu; elle savait bien que l'amitié de Louis XIII ne sauvait personne de ceux que
son ministre avait résolu de perdre.
La duchesse de Savoie, à qui la mort avait enlevé, en moins d'un an, son mari
et l'aîné de ses Gis, qui voyait tout l'avenir de sa maison reposer désormais sur
un enfant au berceau, dépouillée de la moitié de ses Etats, devenus la proie des
Espagnols et de ses deux beaux-frères, chassée de sa capitale par une faction
ennemie, sans argent, presque sans soldats, perdant tout espoir sans perdre son
courage. Chrétienne repoussa des conditions de salut qu'on mettait à trop haut
prix, et demeura inébranlable devant toutes les promesses comme devant toutes
les menaces.
Malheureusement les hommes qui s'étaient emparés de son esprit ne méri-
taient sa confiance ni par leur habileté, ni par leur dévouement; elle sentait
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 561
l'impuissance de leurs conseils et l'incapacité de leur politique; elle voyait suc-
cessivement tomber au pouvoir de l'ennemi les places qu'elle leur avait données
à défendre. Et pourtant, ai! milieu de tous ces désastres, on comprend sa répu-
gnance à faire Richelieu maître de sa personne ainsi que de ses États. Et puis,
après tout, n'était-elle pas lille de France ? Et, si elle comptait peu sur la tendresse
de son frère, elle ne pouvait croire que l'intérêt de la France fût jamais de lui
préférer ses beaux-frères. Richelieu en eut cependant la pensée, ou du moins en
fit le semblant.
Il avait déterminé Louis Xlll à ce long voyage dans l'espoir que l'autorité de
ses conseils, accrue de la présence du roi, forcerait la volonté de Madame. Son
amour-propre blessé et sa politique déçue le poussèrent à une résolution extrême..
Quand il fut bien convaincu que la duchesse ne se mettrait jamais à sa merci, il
tourna vers les deux princes toutes les adresses de sa politique. Sans doute il ne
pouvait leur abandonner ouvertement la sœur et le neveu du roi de France,
mais il essaya de les gagner par l'espoir d'un partage entre eux et la duchesse; il
leur offrit le Piémont en laissant à Chrétienne la Savoie, et il leur garantit l'hé-
ritage entier de la maison de Savoie, à l'exclusion de Chrétienne et de ses filles,
au cas où le jeune Charles-Emmanuel, âgé de cinq ans à peine, viendrait à
manquer.
Mais, en même temps qu'il présentait cet appât à leur ambition, il prenait
contre eux de si habiles précautions, il les liait si étroitement dans les conces-
sions mêmes qu'il leur faisait, les engagements réciproques qu'il avait préparés
les mettaient si prudemment à la discrétion de la France qu'ils se défièrent; on
ne put s'entendre, les engagements ne furent pas signés, et la guerre continua.
Cet exposé de la situation facilitera l'intelligence des pièces que nous allons
bientôt donner et de celles que nous ne pouvons faire connaître que par de
simples indications.
CCLXXXV.
Arch. des AIT. élr. Turin, tom. 17, fol. ib-j. — Minute.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay , 347, fol. 388 v". — Copie.
A M. LE MARQUIS DE LEGANEZ.
3o septembre i63(j.
Monsieur,
Aussytost qiie j'ay sceu la mort de M"^ le cardinal de La Valette, et
CARDIN. DE RICDEMED. Tt. ' 7I
562 LETTRES
quej'ay apprise par M' d'Argenson que les discours que luy a tenus
M'' l'abbé Vasquez sembloient aller, de vostre part, à la rupture de la
trefve, sous couleur que V. Excellence n'avolt pas encore receu la
ratification de Madame, et qu'elle avoit changé les garnisons de Suze
et de Veillane, je luy dépesche ce gentilhomme pour luy dire que je
ne croy point, non seulement qu'un général de l'armée du roy d'Es-
pagne, mais que M"^ le marquis de Leganez, dont la réputation est
cognue dans le monde, et à haut point dans mon esprit, voulust faire
une action laquelle y peust estre mal interprétée.
Encore que V. Ex. n'ayt pas receu la ratification de Madame, il
suffit qu'elle ayt esté faicte, qu'elle n'ayt commis aucune action contre
la suspension, et qu'elle ayt esté envoyée aussytost que nous avons eu
cognoissance que vous ne faviés pas receue.
Quant au changement de garnison de Suze et de Veillane, la
suspension empesche bien que chaque party ne puisse entreprendre
sur les places de l'un et de l'autre, mais elle n'empesche pas qu'il ne
puisse changer les garnisons ainsy que bon luy semble. V. Ex. a peu
mettre des Espagnols où il n'y avoit que des Piedmonlois, mais le
changement qui est arrivé à Nice est bien d'autre conséquence, puis-
que cette place a changé de party. L'arrest qui a esté donné à Turin
contre Madame est encores de tout autre nature, puisque par iceluy
un party agit contre fautre.
Je ne doute point que V. E\. n'empesche qu'on ne viole ce à quoy la
foy publique f oblige, jugeant bien que, si elle n'estoit rehgieusement
gardée de part et d'autre, ce seroit fermer la porte à toutes négocia-
tions et traictés entre les couronnes. Le terme de la suspension estant
expiré, il sera libre à un chacun d'agir ainsy que bon luy semblera.
Je tiendray la main à ce que, de nostre part, il n'y ayt rien à désirer
en la sincérité que vous en devés attendre.
Je me promets la mesme chose d'une personne que j'ay tousjours
estimée, comme V. Ex. de qui je suis,
Monsieur,
Vostre IrJss affectionné serviteur.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 563
Je ne doute point que V. Ex. n'ayt faict maintenant exécuter ce
qui estoit porté dans le traicté de la suspension pour le faict de Casai.
S'il n'estoit encores accompli, je la conjure, pour elle-mesme, de faire
qu'il y soil promptement satisfaict.
NOTA.
Sous le ministère du cardinal de Richelieu les relations entre la république
de Gènes et la France furent peu amicales; mais, surtout depuis la déclaration de
guerre à l'Espagne, les inclinatinns espagnoles de Gênes augmentèrent encore
la froideur.
A raison des possessions d'Espagne en Italie, Gênes, Etat intermédiaire, ne pou-
vait guère se tenir dans une exacte neutralité, et dans ses procédés la France se
voyait continuellement sacriGée à l'Espagne; de sorte que, sans être en guerre
ouverte, les deux Etats se trouvaient à fégard fun de l'autre dans une situation
assez malveillante et presque hostile.
J. B. Saluzzo, accrédité, depuis le mois de septembre 1637, comme ambassa-
deur extraordinaire près la cour de France, n'était pas honmie à aplanir les dif-
ficultés et à concilier les différends'. Cette môme année, l'affaire d'une galère
prise aux Espagnols par le comte d'Harcourt, et que les Génois avaient aidé les
Espagnols à reprendre, devint, avec quelques autres incidents, un sujet de que-
' Nous avons à ce sujet le témoignage
du secrétaire de la légation de France à
Gênes, le sieur Bidaud, qui, en l'ab-
sence de l'ambassadeur, écrivait à Chavi-
gni : • M' f ambassadeur Salasse a envoyé
icy les plaintes et les résolulions que vous
luy avez données de la part du roy, mais
avec des senlimens, à ce qu'on m'a dicl,
qu'on ne doit point condescendre dans
celte conjoncture aux désirs trop violans
de la France et de ses ministres. On a tenu
ensuite conseil et je ne croy pas qu'on ayt
intention (le donner (présentement qu'ils
estiment les aflaires du roy ruinées en
Italie) aulcune satisfaction à S. M. sur
quoy que ce soit. . . L'ambassadeur a icy
donné advis de la maladie du roy, que
S. M. rcstoildans une grande mélancolie,
et dans une extresme confusion , on m'as-
seure que ce sont ses mesmcs mots; il ne
fault pas doubter s'ils sont participez aux
ennemys, et, quoyqu'il ne soit pas véri-
table, cela ne laisse pas de préjudicier
grandement au service du roy par toute
l'Italie, l'ndvis venant de sa main. Il y a
quelque apparence que ce soil de là, et
des espions qu'il a auprès de luy, que les
ennemys ont esté et sont .sy bien informez
du lemps que nos trouppes pouvoient ar-
river en Piedmont et de Testât des affaires
de France. • (Lelt. du 10 mai iBSg. Arch.
des Aff. étr. Gênes, t. a, fol. 449- )
564 LETTRES
relies interminables '. L'embarras de la république était grand; elle était amie des
Espagnols, et voulait les servir; elle était sous la main de la France et la redou-
tait; sans être amie, elle craignait de devenir ennemie déclarée. La France, de
son côté, préférait encore cette paix équivoque à la guerre, qui eût créé un obs-
tacle de plus à nos rapports avec l'Italie.
Vers le temps où se produisit l'incident de la galère espagnole, des difficultés
d'étiquette et de cérémonial eurent lieu à l'occasion du passage à Gênes de M. du
Hou.ssay allant à l'ambassade de Venise^.
L'année suivante , il fallut des négociations pour que l'escadre française, com-
mandée par le comte d'Harcourt, fût reçue dans les ports de la république; mais
l'entrée du port de Gênes lui fut interdite. Nous avons une lettre écrite à ce sujet
par le doge à Louis XIII : . Li porli délie nostre rivière che sogliono essere aperli
agli amici di questa republica saranno liberi patenti all'armata navale délia V. M.
Quando il sig. conte d'Arcourt... risolva d'havere in essi l'ingresso eccettuandone
il porto di Genova nel quale, per le nostre leggi, li vascelli con infanteria non
sono amessi. » Le doge s'excuse ensuite, sur la stérilité du pays, de ce qu'on ne
peut fournir à la flotte française les rafraîchissements dont elle pourrait avoir
besoin.
La lettre est datée du i3 septembre i638 (manuscrit précité, fol. 355), et nous
y remarquons un remercîment pour une lettre du roi du 3 mai, où l'on voit la
rareté et le mauvais vouloir des relations entre les deux cours.
Toute cette année i638 se passa en défiances et en chicanes diplomatiques.
Nos manuscrits conservent une lettre autographe de l'ambassadeur, comte de
Sabran, adressée à Cbavigni, où nous lisons : «Il est très-important que je vous
entretienne, et mesme S. Em. s'il m'est possible, sur ce qui se passe entre la
seigneurie de Gennes et M. le C'° de HarcourI, vous asseurant que c'est un
grand démeslé où le délay est de grand péril, l'armée navale en Testât qu'elle est
y périclitant par deux raisons, si les ordres du roy ne sont diligemment envoyés
à Gennes. » (Fol. 383.)
Sous la pression de la France, Gênes semblait parfois se prêter à une meil-
leure entente et désirer des relations plus intimes, mais c'était une feinte à la-
quelle Richelieu ne se laissait pas prendre. Un mémoire de M. de Sabran disait :
• La seignerie de Gennes estoit, lorsque je partis, au mois de jan\ier, dans des
ressentimens toujours plus grands contre l'Espagne et dans une disposition en-
tière vers la France mais depuis, le marquis de Leganez, don Francisco de
' t Mémoire concernant une gallère " Mémoire sur la réception de M. du
prise par M' le comte d'Harcourt.» (Ma- Houssay à Gênes. (Manuscrit précité,
nuscrit précité, fol. 829.) fol. 325.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
565
Melos et le cotnle de Monterey, y ont obtenu , pour les galères d'Espagne, la pra-
tique des ports, etc. » (Fol. 385.)
Nous avons une autre pièce sans date, mais composée un peu plus tard^ où se
trouvent à mi-marge les prétentions de Gênes et les observations de l'ambassa-
deur de France; et enfin un mémoire, écrit sans doute sous l'inspiration de Ri-
chelieu, dont la minute est de la main de Chavigni, et où sont résumées les
• conditions au moyen des quelles l'accommodement de la république de Gennes
avec le roy se pourroit faire. » (Fol. 428.) Toutes ces pièces, qui ne portent point
de date, appartiennent à l'année i638.
L'année suivante on en était encore au même point, ainsi que le prouve un
mémoire de la main de l'ambassadeur, comte de Sabran , conservé dans notre
manuscrit, fol. 444, et daté du 26 février 1689, sous ce litre : Esclaircissement
des moyens que l'on peut tenir sur les desseins et affaires de Gennes, pour S. Em.
par le s' de Sabran.
Un incident nouveau vint compliquer encore une situation déjà fort embar-
rassée : « Deux galères de Gennes, après cinq heures de combat ont. pris, es ma-
rines des Espagnols, le capitaine Térisse, qui avoil l'estendart de France, et sa
barque armée en guerre avec patente de S. Em. Il a esté conduit dans le port
de Gennes, et, nonobstant les instances du s' Bidaud, secrétaire*, mis à la cadene
avec 45 mariniers ou soldais. » C'est ce que nous apprend un mémoire que nous
trouvons au folio 446 do noire manuscrit et au dos duquel on lit : <■ Advis de
Gennes du 1" mars 1639^. •
Cependant on ne voulait pas interrompre toute relation avec la république,
el dans ce même temps on s'occupait d'établir un consulat de France à Gênes*;
et l'on décidait qu'en l'absence de l'ambassadeur le secrétaire Bidaud resterait
chargé des affaires de l'ambassade.
Ce secrétaire écrivait le 24 mai à Chavigni, qui était alors en Italie, et avec
' « Ce que M'I'ambassadeui' de Gennes
prétend en faveur des Génois pour estre
restitué, etc. » (Manuscr. précité, fol. 394.)
' Il prenait le lilre de «conseiller du
roy, secrétaire résident pour S. M. consul
général de la nation françoise dans la cité
et Estais (le la république de Gennes. i
(Arch. des AIT. élr. Gênes, l. 3, fol. i4)
' Celle pièce, sans signature, est de la
main du comte de Sabran , qui sans doute
écrivait des nouvelles que lui-même avait
reloues , car nous venons de voir qu'il avait
qin'tlé Gênes; et, en effet, s'il y eût été, ce
n'est pas le secrétaire de la légation qui
fût intervenu dans celle grave circons-
tance.
* Les lettres patentes du i4 février
1639, avec le mandement du cardinal de
Richelieu, comme grand maître et surin-
tendant de la navigalion et du commerce,
datées du 19 avril, sont conservées dans
notre manuscrit, fol. 447.
566 LETTRES
lequel il avait ordre de correspondre : « Les galères Doria se préparent en dili-
gence, on dit pour Espagne. .. je croy que c'est pour Nisse et Viilefranche, où les
Espagnols font courir le bruit que Madame ira en personne, dès que l'armée
navale du roy sera à la mer. » (Fol. 456.)
Cependant la république sembla de nouveau vouloir donner quelque satisfac-
tion à la France; une promesse à ce sujet avait été faite à Gènes au comte d'Har-
courf, et l'ambassadeur Saluzzo avait eu ordre de porter à Paris de bonnes pa
rôles. Richelieu se bâta de faire répondre :
« Le roy, aiant veu le mémoire de M' l'ambassadeur de Gênes, a jugé à propos
que M' Bouthillier et M' Fouquet eussent une conférence avec Iny pour luy dire
que S. M. a esté bien aise d'apprendre que cette république eust commencé à
luy donner satisfaction en deslivrant le capitaine Térisse, sa barque, ses gens et
ses marchandises, et en ayant faict condamner ceux qui s'estoient trouvés cou-
pables d'avoir aydé aux Espagnols à reprendre leur barque patronne en Arassi;
qu'elle ne doute pas que la république ne continue à la satisfaire sur les autres
choses donttlle luy a faict faire des plaintes avec tant de justice et de raison, et
particulièrement sur le sujet de la d. galère patronne d'Espagne, suivant la pro-
messe qu'elle en fit à M'' le comte d'Harcourt; que S. M. verra volontiers le d. am-
bassadeur lorsqu'elle sera de retour à Saint-Germain, s'asseurant qu'en ce temps-là
la d. république aura achevé de donner ordre à tout ce que S. M. luy a tesmoigné
désirer d'elle (Fol. 491.)
Celte pièce, datée du 11 juillet lôSg, signée de Chavigni, qui se trouve en ori-
(jiiial dans les papiers de Richelieu, n'a-t-elle donc pas été envoyée à l'ambassa-
deur de Gênes? Atoii su, avant l'expédition de la lettre, que les promesses faites
au comte d'Harcourt n'avaient pas été exécutées comme, en effet, elles ne le fu-
rent pas, ainsi que nous l'apprend un mémoire , daté du 1 1 août, un mois après
l'autre. La minute de ce mémoire du \ 1 août, écrite de la main de Chavigni, si
elle n'a pas été dictée par Richelieu, est bien évidemment l'expression de sa
pensée :
« M. le comte d'Harcourt sçaura que l'ambassadeur de Gennes estant venu en
diligence pour se plaindre à Monseig' le cardinal, et, par luy, au roy, de la dé-
tention de la gallère de la république qu'a faicle ledict s' Comte, S. Em. luy a
respondu que S. M. estoit bien faschée de n'avoir pas lieu de blasmer l'action de
M' le comte d'Harcourt... ledict comte avoit mandé à S. M. qu'il avoit recognu
ne pouvoir espérer aucune raison de l'offense qui avoit esté faicte au roy l'année
passée par la délivrance que la république avoit faicte aux Espagnols de la gallère
qui leur avoit esté prise par la France; ny de l'injure particulière qu'il avoit re-
ceue de la république, en ce qu'elle n'avoit pas exécutté ce qu'elle luy avoit
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 567
promis par escrit, faisant recevoir à S. M. la juste satisfaction qu'ils luy deb-
voient^. » On avertissait en même temps le comte d'Harcourt qu'on avait eu
nouvelle que les Génois avaient saisi plusieurs barques françaises; et on lui re-
commandait, si la nouvelle était vérifiée, de n'oublier rien pour tirer raison
d'une telle offense; mais, si la nouvelle n'est pas vraie, et si les Génois consentent
à se conduire • avec le respect qu'ils doivent au roy, » le comte d'Harcourt
prendra grand soin de ne rien faire qui puisse apporter plus d'aigreur et accroître
la mauvaise iutelligence. Il semble au reste qu'on ne jugeait pas inutile de con-
seiller au comte la circonspection, car l'instruction ajoute : « M'' le comte d'Har-
court demeurera ponctuellement dans les termes de celle response. »
Nous indiquerons encore ici plusieurs pièces relatives aux dispositions des
Génois à un accommodement, contenant des propositions pour régler les litiges,
et la demande faite à l'ambassadeur d'une promesse : « Déclarant, au nom de la
république, que toutes autres demandes pour le passé cesseront, et qu'il est sa-
tisfait de ce que S. M. luy a accordé. »
Parmi les litiges était une affaire de renies saisies, dont les Génois deman-
daient la restitution; réclamation mal fondée, au sujet de laquelle Richelieu fit
ajouter aux instructions ce paragraphe : « Il faul dire à l'ambassadeur de Gennes -«p
que, quand les autres afiaires auront esté décidées dans les quelles il y a quelque
espèce de justice, on pensera à celle-ci, qui est de pure grâce. Et qu'au cas qu'en
ce temps il se trouve des Gennois qui se veulent embarquer dans les affaires de la >
France, on leur donnera contentement 2. »
Mais, malgré toutes les réclamations d'une part, toutes les promesses de
l'autre, on n'obtint aucune satisfaction. Richelieu prit enfin à l'égard de l'am-
bassadeur génois des mesures qui témoignaient du mécontentement de la France.
Nous trouvons aux archives des Affaires étrangères un mémoire sans date, classé
en 1689 , et qui a dû être écrit dans les circonstances que nous venons d'exposer.
Il nous semble que l'on peut le placer vers le commencement d'octobre de ladite
année.
Comme c'est la preinière fois que le nom de la république de Gênes parait
dans celle correspondance, nous avons pensé qu'il convenait de présenter ici
un résumé de la situation des relations de la France et de Gênes à ce moment.
' Manuscrit précité, fol. 496. sont classées «n lôSg, la troisième en
' Ces diverses pièces, de la main des se- i64o. (Affaires étrangères. Gênes, t. a,
crélairesdeCliavigni, ne sont point datées; fol. i36 et /»38; et t. 3, fol. liiliS.) Au
la plus importante se trouve dans nos ma- dos des pièces classées dans ce 3* vol. le
nuscrits en minute (t. a, fol. 435) avec la secrétaire a mis celte note : «tous ces
mise au iiel rn triple expédition; deux écrits n'ont point servv. >
568 LETTRES
CCLXXXVI.
Arch. des Aff. élr. Gênes, t. a, fol. 5 18. — Mise au net.
A M. DE CHAVIGNY,
POUR PARLER X L'AMBASSADEUR DE GENNES.
[Vers ie commencement d'octobre iCSg.]
Le roy ayant veu que les avertissemens et niesme les prières dont
il a usé jusques à présent pour tirer raison des injures qu'il a re-
ceues depuis quelque temps de la république de Gennes ont esté du
tout inutiles,
S. M. a creu qu'il ne luy restoit autre inoyen pour parvenir à une
fin ey juste et sy raisonnable que de faire déclarer à l'ambassadeur
qu'elle prend l'action comise en la pei'sonne du capitaine Térisse pour
jfc rupture, si on ne luy en faict prompte raison, par la deslivrance du
d. cappitaine Térisse, de ses compagnons et de son vaisseau, et par
le chastiment de ceux qui commandoient les deux gallères de la sei-
gneurie qui l'ont pris.
Et, parce que le procédé de la d. république a tout à faict violé
le respect qu'elle doit à cette couronne, S. M. est bien fascbée de ne
pouvoir s'cmpescher de faire savoir ensuite au d. ambassadeur (qu'elle
croit en son particulier avoir de bonnes intentions), qu'elle désire
qu'il demeure en son logis luy et les siens, jusques à ce que S. d. M.
ayt receu la satisfaction qu'elle doit attendre.
Cependant pour tesmoigner comme S. M. veut user de bonié en
cette occasion, et pluslost donner lieu à la république de recognoistre
sa faute que de prendre celuy de s'en venger, elle laisse au choix du
d. ambassadeur de faire cognoistre au public, ou tenir cacbp, le
désir que le roy a qu'il demeure dans la maison jusques à ce qu'il
ayt eu response de sa république, S. M. estant très-contente de dis-
simuler son ressentiment jusques en ce temps auquel, si elle i-eçoit
contentement de la république, il ne sera point parlé de la prière
qu'elle luy faict de garder le logis, et elle vivra à l'avenir avec elle
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 569
comme elle a faict auparavant. Sinon elle sera bien ayse que tout le
nionde sache que sa conduilte irrespectueuse en son endroit l'a con-
trainct d'agir corne elle a faict avec son ambassadeiu- ^.
Si la santé de M' de Chavigny ne luy permet pas de voir le d. am-
bassadeur il y envoiera M' de La Barde pour luy faire cette signifi-
cation, avec toutes les civililez qu'il luy sera possible, et en le con-
viant avec instance de faire donner satisfaction à S. M. Je ne veoy
pas mesme qu'il y ayt difTicullé à laisser une coppie de ce papier au
d. ambassadeur jusques à la marque suivante : È
Si le d. ambassadeur veut que ce qui se passe soit dissimulé jus-
ques à ce qu'il ayt peu sçavoir de sa république si elle veut donner
satisfaction au roy, il en demeurera d'accord avec celuy qui luy par-
lera, afin que sur ce fondement on agisse conformément de deçà, ne
donnant point à cognoistre la résolution du roy.
Sans doute Richelieu n'attendait pas un résultat bien satisfaisant de ces me-
sures extrêmes dont la sévérité était à peine tempérée par les ménagements du
langage. 11 préparait en secret des moyens plus efficaces pour réprimer les in-
sultes de la république et mettre la France à l'abri de ses fourdes attaques. Il
semble qu'on peut placer à ce moment une pièce diplomatique qui ne porte ni
date, ni suscription, mais qui est évidemment une instruction donnée par Ri-
chelieu au secrétaire d'état des Affaires étrangères sur la conduite à tenir à l'égard
de Gènes; elle est écrite de la main de Cherré, et on l'a mise, dans un nouveau
classement, en l'année lôSg. Nous la donnons immédiatement après la présente
lettre de Richelieu à Chavigni, faute de pouvoir lui assigner une date rigoureu-
sement exacte.
CCLXXXVII.
Arch. des Aff. élr. France, 1689, t. 19, fol. 33. —
Mise au net de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNI.]
Vers le commencement d'octobre lôSg.
Tenir la résolution de prendre sur les Génois, par mer, tout ce
CARDIN. DE BICIIEI.IED. VI. 72
570 LETTRES
qui se pourra, si secrette qu'il n'y ait personne qui en ail cognois-
sance que ceux qui seront chargez de l'exécution des ordres du roy
sur ce sujet, afin de surprendre la république.
Faire cognoistre à son ambassadeur que la seigneurie, rendant sa
conduitte moins partiale et plus respectueuse envers la France, trou-
vera en elle tousjours beaucoup de disposition en sa faveur, et qu'on
se promet de luy qu'il persuadera la seigneurie à donner satisfaction
à la France sur tous les sujets de plaintes qu'elle faict contre eux.
Demander à l'ambassadeur pourquoy il a escrit à la seigneurie que
le roy estoit satisfaict de sa procédure touchant la gallère patrone
d'Espagne, et que S. M. feroit réprimande à M'' le comte de Har-
court.
Lorsque les Génois se plaindront des courses et prises que la
France fera sur eux, l'on leur pourra dire que le roy a esté averty
que les sujets d'Espagne ne trafliquentque sous leur nom et banière,
et renvoyer à la cour les plaintes qui en seront faictes en Provence,
et de la cour aux officiers de la marine.
Laisser à Gênes le secrétaire qui y est, afin qu'il paroisse que la
France n'a nul dessein de rompre avec eux.
Le d. secrétaire y sera nécessaire pour asseurer la liberté des
courriers.
Que tout ce que l'ambassadeur de Gênes promettra et mesme sur
le sujet particulier de la résidence, qu'il n'aura pas escrit et signé de
la part de la seigneurie sera inutile.
Que comme il n'y a pas de François accommodez dans Gênes, il
n'y a pas non plus de Génois en France qui ayent beaucoup de biens,
dont on puisse faire représaille s'ils venoient à maltraicter les Fran-
çois.
Qu'il faut voir la conduitte et la contenance des Génois sur ce sujet
auparavant que de rien faire, y ayant aparence qu'ayant plus à perdre
que les François, ils ne commenceront pas.
Les gallères et brigantins que l'on veut employer contre les Gé-
nois, et pour surprendre celles qui apportent l'argent et les dépes-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 571
ches d'Espagne, doivent faire leurs courses en haute mer vers la
Corse.
Leur retraitte pour estre bonne et seure, et estre toujours en estât
de faire courses, doit estre vers nos isles et Villefranca, Monaco se
trouvant entre deux.
Il sera à propos d'aller au-dessous de Gênes commencer les courses
par la haute mer, vers la Corse , parce que vers la rivière de Levant
on aura bien moins de desfiance de nous.
Il faudra que nos d. gallères s'informent soigneusement où seront
celles d'Espagne et de Gênes, et combien elles seront, etc.
Un tel procédé obligera les Génois à satisfaire le roy sur tous les
sujets de plaintes qu'il faict contre eux, et à modérer leur paitia-
Hté, etc.
Que les Provençaux et les Languedociens ont trop d'habitudes
et de communication avec le prince de Monaco et avec Louan ^
On songea, à ia fin de l'année lôSg, à remplacer le comle de Sabran , lequel ,
comme on l'a vu, avait quitté l'ambassade de Gênes, laissant le secrétaire Bi-
daud chargé des affaires de la France. Le commandeur de Vireviiie fut choisi, et
nous avons trouvé aux archives des Affaires étrangères un projet d'instruction où
l'état des relations entre les deux États est exposé en détail. (Tom. 2, de Gênes,
fol. 5 10-517.) La pièce est une mise au net de la main d'un commis deChavigni ,
et la pièce elle-même doit être l'oeuvre de ce secrétaire d'État. La date manque .
mais une note du commandeur de Vireviiie (fol. 620 dumèmemanuscr.) dit qu'il
• entra dans l'emploi en novembre et décembre 1639.» Il semble cependant
qu'il ne l'a jamais exercé; nous ne voyons, dans le volume de Gênes qui se rap-
porte aux années i64o-i642, aucun indice de la présence de ce diplomate à la
légation de France à Gênes; nous trouvons au contraire que c'est le secrétaire
Bidaud qui continue d'écrire à Chavigni. Les relations entre les deux pays ne
s'amélioraient pas, la malveillance ne cesse de se produire dans de sourdes prati-
ques, et l'on était toujours sur le point de rompre ouvertement. Nous trouvons,
à la date du 12 août i64i. une lettre d'un commandant de marine, le sieur
Baumes, qui entrelient Mazarin d'une entreprise sur Gênes projetée par l'escadre
* Lovano ou Loano, petit port près de Final.
7a.
572
LETTRES
française, entreprise qui ne fut pas exécutée. « Si l'on estoit résolu de rompre, dit
Beaumes, il n'en faudroit descouvrir le dessein que par quelque coup d'impor-
tance... » (Tom. 3, fol. 7^.) Enfin, en 16A2, M. d'Amontot fut envoyé à Gênes,
et sans doute en qualité d'ambassadeur; mais nous ne trouvons ni lettre de
créance ni instruction. Toutefois nous voyons qu'il écrit à Mazarin (alors auprès
de Richelieu) de Lyon, le 12 janvier, et d'Aix le 21; dans cette dernière lettre
nous lisons : « Le cardinal Bichi a passé icy, il m'a fort parlé des affaires de
Gènes, et de la conduite que j'y dois tenir, conformément à ce que V. Ém. m'a
faict l'honneur de me prescrire. » Une autre lettre, du 17 février, est datée de
Gênes, d'où M. d'Amontot continue de correspondre avec Mazarin. Du reste,
pendant ces trois dernières années, nous n'avons, dans les papiers de Gênes
aux Affaires étrangères, aucune pièce signée de Richelieu, ou qu'on puisse lui
attribuer.
CCLXXXVIIl.
Arch. de Condé. — Original. — Communication de M^ le duc d'Aumale.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. i45, fol. 3.38 v". — Copie'. —
Saint-GermainHarlay, 346, l. 1, fol. 338 v°. — Copie.
A M. LE PRINCE.
6 octol)re 1689.
Vos lettres m'ont extresmemenl resjouy en représentant le bon estât
du siégo de Salces^ et la confiance que vous avés que les ennemis
' Faite sur une « minule de !a main de
Chirurgien, en partie; en partie, de celle
de Clierré; corrigée de la main du car-
dinal. » (Note des deux roanuscriis de la
bibliothèque. )
* Un courrier envoyé par M. le Prince
au secrétaire d'Élat de la guerre avait ap-
porté la nouvelle que Salces était assiégée;
le cardinal se hâta d'écrire au Prince :
«Je vous supplie de faire tout ce qui se
pourra au monde pour empescher que
les ennemis ne viennent à bout de leur
dessein , et pour leur faire recevoir un
pareil traitement devant Salces que nous
en receusmes l'année dernière devant
Fontarabie. Je le souhaitte avec une ex-
tresme passion, et pour la réputation des
armes du roy et pour la vostre, qui me
sera lou.sjours aussy chère qu'à vous-
mesme. » Celte lettre était du a 4 septem-
bre. Le 28 Richelieu écrit de nouveau :
« Il importe tellement à la réputation des
armes du roy et au bien général des af-
faires de S. M. de conserver Salces, qu'en-
core que je vous aye desjà conjuré par
Houdinière de presser autant que vous
pourrés tout ce qui est nécessaire pour le
secours de cette place, je ne laisse pas
néantmoins de reprendre encore la plume
à cette fin » Le 29 nouvelle lettre,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 573
seront deffaits ou réduits à s'enfuir'. J'attends cet événement de la
bénédiction de Dieu , de vostre diligence et de vostre zèle au service
nouveaux encouragemcnls : « Je me pro-
mets ce bon événement (la défaite des en-
nemis) de voslre bonne conduitte , de vostre
courage et de ceux qui servent sous vostre
authorilé... la place estant munie comme
elle est de toutes choses et de gens de
guerre, et estant commandés par un sy
brave homme comme est M. d'Espenan ;
vous aurés lieu de ramasser toutes les
communes de Languedoc et de Guyenne;
et les ennemis ne pourront tenir leur ca-
valerie avec leur infanterie à cause que le
pays a esté mangé par les armées du roy . . .
Je vous conjure, Mons', de resveiller toutes
vos dilligences pour promptement mettre
les choses en estât de faire quitter prise
aux Espagnols.» Enfin, le 3 octobre, Ri-
chelieu mandait encore : « Je vous conjure
de continuer à faire ce que vous avez sy
bien commencé pour la gloire du roy et
l'avantage de son service. Aînsy j'espère
que tout ira bien et que vous aurés l'iion-
n€ur d'avoir défait les ennemis, ce que je
feray valoir auprès du roy autant que vous
le devés attendre > Ces lettres seront
mentionnées aux Analyses à la date des
34. 28, ag septembre, et 3 octobre.
' Salces avait été prise le 29 juillet par
le prince de Condé. (Voy. aux Anal, une
lettre du 1 2 août. ) Le Prince en s'éloignant
laissa le soin de conserver cette conquête
au maréchal de Schomberg. Celui-ci ren-
força la garnison sans la fournir suffisam-
ment de vivres. Les Espagnols résolurent
de reprendre Salces et vinrent l'assiéger à
leur tour le ao septembre. Tout le monde
se mit à l'œuvre en Languedoc pour courir
au secours : les seigneurs amenaient les
soldats qu'ils avaient recrutés; les gentils-
hommes volontaires accouraient en foule ;
et l'on vit l'archevêque de Narbonne et
ses suffragants d'Alby, de Mende , de Mont-
pellier, de Nîmes et de Viviers conduire
eux-mêmes les contingents de leur diocèse.
Grâce à celte vaillante et patriotique ar-
deur, l'armée du prince de Condé s'éleva
tout à coup à 22,000 hommes de pied et
/i,ooo chevaux. Le cardinal le félicitait,
le \k octobre, des dispositions qu'il avait
prises, et en concevait les meilleures espé-
rances. (Aux Analyses.) Non content d'é-
crire lettre sur lettre à M. le Prince, Ri-
chelieu excitait encore l'ardeur de ceux
qui pouvaient le seconder. Le 28 sep-
tembre, il écrivait au maréchal de Schom-
berg : « Il importe tellement à la réputa-
tion des armes de S. M. et au bien général
de .ses affaires de sauver cette place , qu'il
ne faut rien oublier de tout ce qui se peut
humainement pour parvenir à cette fin. . .
J'i-spère que, si les Espagnols ont assez
d'audace pour attendre l'armée du roy,
ils cognoislront encore, à leur honte, ce
que vous valés. . . Faicles , au nom de Dieu ,
l'impossible à ce que les Espagnols reçoi-
vent de la honte en leur entreprise »
(Cette lettre a été imprimée et mention en
sera faite aux Analyses.) Tout le monde
était rempli d'une espérance que le car-
dinal partageait. C'est dans ce sentiment
qu'il écrivit la présente lettre; mais l'évé-
nement démentit cet espoir et ces pré-
sages; l'armée du prince de Condé fut mis2
en déroute devant Salces , \\ a novembre,
par les Espagnols sous la conduite deSpi-
nola. (Voy. ci-après, lettre du 28 nov.)
574 LETTRES
du roy, et vous asseure, Monsieur, qu'arrivant, je m'en resjouiray
non-seulement pour les intérests publics, mais pour le vostre parti-
culier, qui me sera tousjours cher comme à vous-mesme. Je vous
advoue que, sans l'apostile que vous avés mise au bas de vostre lettre,
par laquelle vous me mandés que le comm'^ de l'artillerie met de l'eau
dans son vin, j'en serois bien en peine.
Je ne sçay quelles sont ses intentions, mais sa conduitte mérite
qu'on y prenne garde ; il m'escrivit ces jours passez qu'il apréhen-
doit extresmement d'estre maltraicté de vous; je luy fis response, à ce
que j'apprens par ce que vous m'avés mandé, telle qu'il estoit néces-
saire, luy mandant que je le priois, si vous luy aviés dit quelque
chose, de ne prendre pas garde aux humeurs que ne pouvoient
esviter ceux qui estoient accablés d'affaires comme vous\ et que je
m'asseurois qu'en vous allant trouver, il en recevroit tout bon traic-
tement. Maintenant que vous nous faictes voir ce qu'on ne voyoit pas,
il faut pourvoir à cette affaire , selon l'instruction qui vous en est en-
voyée de la part du roy^.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. SSg. — Copie, —
Saint-Germain-Harlay, 3^6, t. i, fol. SSg. — Copie.
INSTRUCTION A M. LE PRINCE,
SUR LE SUJET DU SIEUR DE S.41NT-AUNAIS».
11 y a divers expédiens pour prévenir i'effect des mauvaises inten-
' Richelieu donnait un semblable aver- instruction pour le prince de Condé,
tissement au maréchal de Schombeig, sans date, mais qui dut accompagner la
dans la lettre du 28 septembre que nous lettre du 6 octobre; elle ne fut pas écrile
citions tout à l'heure : «Je vous prie de à cette date, puisqu'il y est dit que le roi
ne point prendre garde à certaines hu- était alors à Lyon, et Louis XJII avait
meurs promptes de M. le Prince, qui quitté Lyon le 19 septembre pour se ren-
n'est pas maistre dans une armée de cer- dreà Grenoble, d'où il n'était retourné à
tains mouvemens dont sa constitution na- Lyon que le 1 3 octobre. Au reste l'intérêt
turelle et l'aflection qu'il a au service du de celte instruction n'est point dans la
roy sont la source.» précision de la date.
' Dans l'un et l'autre manuscrit, le ^ Saint-Aunais était neveu du maréchal
feuillet qui suit cetie pièce contient une de Toiras! ce n'était pas une recommaii-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 575
tions du s' de S' Aunais : Tun est que le roy luy donne rescompensc
de gré à gré; mais ce n'est pas une affaire à lenter tandis qu'il est
dans la place, avec l'intention que M' le Prince a représentée.
L'autre est de faire en sorte qu'il vienne trouver le roy pour se
justifier du mescontentement qu'il dict que M"^ le Prince a eu de luy,
et que le père entre dans la place avec la garnison ordinaire, tirant
le corps du régiment pour aller à l'armée lorsqu'on ira attaquer les
ennemis, et si cet expédient est aggréé par M"^ le Prince. M' le car-
dinal luy escrit une lettre dont il envoyé la coppie, afin de luy donner
lieu d'aller trouver M"' le Prince \ et de se rendre de là auprès du
roy, à Lion.
On peut encores se servir de quelque invention de le faire sortir
dation auprès de Richelieu, qui en avait
toujours usé à l'égard de l'oncle avec plus
de passion que de justice. Au reste Sainl-
Aunais était, à ce qu'il paraît, un assez peu
digne neveu de l'intègre et illustre maré-
chal ; le tome 45 des Ciuqcents Colbert con-
tient, coiitrelui , diverses accusations (lettre
de La Houdinière à Richelieu du a i mai ,
fol. 38i), dont il ne se justiGe pas suffi-
samment. Poussé par son mauvais naturel,
ou aigri par les rigueurs dont il était l'ob-
jet, il linil même par se mettre au service
de l'Espagne. Nous lisons, dans la Gazette
de 1 84o , sous la rubrique de Leucate : « Le
37 aoust dernier, les ennemis parurent
au nombre de soixante niaistres, conduits
parle sieur de Saint-Aunais, qui vinrent
jusques au bas de noslre montagne pour
recourre des prisonniers, que le sieur
d'Espenan, nostre gouverneur, envoyoit
au mareschal de Schombcrg. » {P. 65o.)
' Cette copie est conservée dans les ar-
chives de Coudé, avec cette incription :
• A M' de S'-Aulnaeis, gouverneur pour le
roy à Leucalte. > — «Monsieur, la mau-
vaise intelligence en laquelle j'ay appris
que vous esles avec M. le Prince faict que,
vous aymanl comme je fais, je vous con-
seille de l'aller trouver, estant très-asseuré
que vous n'eu recevres point de mauvais
Iraiclemenl. J'estime qu'ensuite vous devés
venir trouver le roy à Lyon , où je feray
valoir vostre innocence, comme vous le
pouvés désirer d'une personne qui est,
Monsieur, vostre très-affectionné à vous
rendre service, le Gard, de Richelieu.»
• 'Venant trouver le roy, vous devés prier
M. de Barry, vostre père, de demeurer
dans Leucate. » Cette lettre est datée de
Grenoble, le 1" octobre. Le 3, Richelieu
écrivait à M. le Prince : • M. de S'-Aunais
apréhcnde vostre indignation; je l'ay as-
scuré qu'en se gouvernant comme je m'as-
seure qu'il fera , vous l'aymerés comme il
le peut désirer.» Et le i4: "Je suis très-
aysc que M. de S' Aimais se soit remis en
son devoir, et qu'il vous ayt esté trouver
pour vous tesmoigner le repentir qu'il a de
sa faute. • (Aux Analyses, à la date des 3 et
1 4 oct.) — Je trouve la minute d'une lettre
à écrire par le roi à M. le Prince, datée
du 5 octobre, où Louis XIII lui enjoint
576 LETTRES
de la place pour venir trouver M' le Prince ; le faire arrester, et lors
traicter avec luy de sa récompense, et ne le laisser point aller qu'il
n'eust faicl remettre la place devant. Pour cet elFect, si M' le Prince
juge à propos de se servir de cet expédient, on luy envoyé un ordre
pour le faire arrester, mais il se souviendra de le faire garder bien
seurenient, au cas qu'il le soit, et, lorsqu'il sera arresté, s'il ne s'ac-
comode aussytost avec M"' le Prince, il le doit envoyer dilligemment,
avec bonne garde, dans la citadelle de Montpellier, retirant promesse
de M' de Schomberg d'en respondre, et chargeant le s'' mar*' de le
faire enfermer dans une chambre bien grillée, dont il ne sorte poinct.
A toute extrémité, s'il faict le mauvais après que l'armée des
ennemis aura esté deCfaite, ou se sera retirée avec honte, comme on
l'espère, il faudra l'investir et le contraindre de remettre la place;
mais il ne faiit user de cet expédient qu'à toute extresmité, n'y en
ayant point d'autre qu'il ne faille tenter premièrement avec jugement
et prudence pour le tirer de là
M' le Prince mande que garder le secret c'est chose du tout néces-
saire. Il se souviendra, sur ce sujet, qu'en l'alFaire qu'il entrepristde
M' de Rohan , il fut fort mal gardé.
Il est de sa prudence et de son zèle au service du roy de bien ter-
miner cette affaire, et on l'en conjure afin qu'on n'ayt point cet hyver
aucune espine aux pieds en ces quartiers-là.
Quant à Aupouls, tant plus je considère les difficultés que vous
représentés qu'il y a à y faire demeurer les garnisons, plus estimay-
je que vous le devés remettre entre les mains de M''d'Aluyn, pour
qu'il choisisse un gouverneur de la fidélité et du cœur duquel il
puisse respondre. Et il est besoin que cette place soittousjours munie
pour trois mois.
de se saisir secrètement de Saint-Aunais, que je ne luy imputeray point les fautes
de se rendre maîlre de la place dont le de son fils. « (Aff. étr. France, 1689, sup-
commandemenl lui était confié, >en pro- plément fol. Aoi.) Mais il paraît, d'après
mettant au père dudit Saint-Aunais, de ma les dépêches du 6 octobre, que ceileci.
part, la récompense du gouvernement, et préparée par Chavigni, ne fut pas envoyée.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
577
CCLXXXIX.
Arch. des AIT. élr. Venise, t. 62 (non coté). — Mise au net.
Bibl. imp. Fonds Saint-Gerniain-Harlay, 347, ^°^- ^^^- — Copie.
MÉMOIRE AU SIEUR DU HOUSSAY ',
COHSEILLER OO BOT EN SES CONSEILS ET SON AMBASSADEUR k VENISE.
16' octobre lôSg.
' Led. s' ambassadeur rendra à la république la lettre que le roy
luy escrit en créance sur luy, et fera considérer à ces Mes" que le roy
a souslenu les affaires puissanament en Italie depuis plusieurs années,
mesmes au plus fort des guerres qu'il avoit dans ses Eslats contre les
hérétiques el factionnaires.
Que l'occupation que S. M. avoit chez soy ne l'a pas empeschée de
protéger le duc de Mantoue, que les Espagnols vouloient opprimer,
' Nous avons vu en I §35 et 1 636 (t. V,
p. 377 et 964), M. du Houssay, intendant
de» vivres de l'armée, chargé de faire des
approvisionnements considérables pour la
campagne de Lorraine. En 1637, il fut
désigné pour l'ambassade de Venise, où il
alla remplacer M. de La Thuillerie. Le 24
décembre, il écrivait de Lyon à Chavigni ,
qu'il partait le lendemain pour se rendre
à son poste, en passant par Turin. Les dé-
pêches qui lui furent adressées en 1 638
nous ont été connues trop tard pour
être placées à leur ordre chronologique ,
et pourront faire partie d'un supplément.
Du Houssay ayant perdu sa femme vers
le milieu de i64o, et se voyant menacé
de cécité, obtint son rappel, et quitta Ve-
nise en laissant les aiTaircs de l'ambassade
au secrétaire de légation , le sieur Braque.
Il fut remplacé, en i64o, par M. Desba-
CARDIl». DF niCUELIEU. — VI.
meaux, parent, par sa femme (une de-
moiselle Ardier) , de la famille du secré-
taire d'étal d'Herbauit. *
* Le secrétaire qui a écrit la pièce des
Affaires étrangères a mis au dos : « Il a
esté faict semblable coppie du mémoire
pour M' le mareschal d'Esirées, du 17 oc-
tobre 1639. u Et c'est aussi la date que
donne, au mémoire adressé au sieur du
Houssay, la copie de la collection de Har-
lay; c'est sans doute celle du jour de l'expé-
dition
' Cette pièce présente diverses consi-
dérations et certains développements qui
se retrouvent dans quelques autres dé-
pêches; pour éviter les répétilions, nous
conservons .seulement de celle-ci les pas-
sages principaux où la pensée et l'ex-
pression de Richelieu semblent plus appa-
rentes.
73
578 LETTRES
et de rompre le dessein qu'ils avoient de se rendre maistres de
Casai , dont la prise seroit le dernier coup de la liberté de l'Italie.
Que S. M. voyant lors Mantoue occupée par les Impériaux, fut
obligée d'entendre à la diversion que le roy de Suède a depuis faicte
en Allemagne, afm que le défunt Empereur retirast ses armes d'Italie,
et entendist à une paix, pour les employer en sa propre deffense,
estant certain que, sans celte nécessité, luy, ni le roy d'Espagne,
n'eussent jamais consenti à la paix, qui fut faicte à Quérasque, mais
eussent continué à se servir de toutes leurs forces pour subjuguer
toute l'Italie, ou au moins une partie.
Que dans le commencement de cette diversion, ou dans la suitte,
si les princes d'Italie eussent voulu concourir avec S. M. comme il
estoit expédient pour leur bien, on eust mis la maison d'Autriche
en estât de ne plus troubler le repos de la cbreslienté, comme elle
fera éternellement par son ambition.
Que l'on a veu pendant la vie du duc de Savoie, Victor-Amédée,
les affaires des Espagnols souventes fois assez esbranlées, et si les
autres se fussent mis de la partie, il n'y a point de doute qu'on les
eust réduicts à la raison.
Depuis son décès les choses ont tellement changé de face dans le
Piedmont, que tous les peuples se sont révoltés contre Madame; les
gouverneurs des places les ont rendues volontairement aux ennemis.
Madame a esté contrainte d'abandonner Turin', et touttes choses
sont tombées dans ces quartiers-là en une telle confusion, que les
maux ont presque surmonté les remèdes qui pouvoient procéder de
la prudence et de la force.
Dans cette conjoncture, S. M. n'a rien oublié de ce qui dépend
de l'une et de l'autre, faisant maintenant passer en Italie plus de
10,000 h. et dix compagnies du régiment de ses gardes françaises,
quatre des gardes suisses, et quelques régimens levés en ces quartiers-
' Turin, dont s'était emparé le prince iGSg, demeura en son pouvoir jusqu'au
Thomas, beau-frère de Madame, aidé des 19 septembre 16/io.
Espagnols , dans la nuit du a6 au 27 juillet
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 579
cy; et, d'autre costé, comme les princes de Savoie ont mis diverses
places du Piedmont entre les mains des Espagnols, et ainsy dissipé
les Estais du duc de Savoie, leur neveu (chacun sachant assez s'il est
possible de retirer de leurs mains ce qu'ils tiennent une fois) ; Ma-
dame, de sa part, pour conserver d'autant plus puissamment les
places qui luy restent , en a confié la garde aux gens de guerre de S. M.
C'est Testât auquel sont les affaires en ces quartiers-cy, pendant
la supension d'armes.
Après cet exposé de l'état des affaires en Italie, l'instruction rappelle que les
Espagnols ont contrevenu aux conditions de la trêve, notamment en tenant Casai
bloquée comme pendant les hostilités. . . Elle s'étend sur cette pensée que les pro-
cédés des Espagnols prouvent qu'ils ne veulent pas sincèrement la paix. . . Elle eu-
joint à l'ambassadeur d'avertir qu'en une telle conjoncture ils doivent avoir l'œil
ouvert... S'ils veulent faire une dernière épreuve, qu'ils pressent les Espagnols
de se déclarer nettement, s'adressant à l'ambassadeur d'Espagne qui est à Venise,
et au marquis de Leganez , qui se dit parfaitement instruit des intentions de son
maître.
Cette offre pourroit estre soustenue par l'approche des troupes
que la république de Venise a maintenant sur pied et qu'elle avoit
préparées contre le Turc.
Le sieur du Houssay fera considérer à la répubUque que le roy
n'a pas tant de sujet que ses ennemis de désirer la fin de la guerre,
S. M. tenant la Lorraine, l'Alsace et des places importantes dans les
frontières d'Espagne et des Pays-Bas; que dans le Piedmont mesme
elle a maintenant entre ses mains les meilleures places et plus voi-
sines de la France; mais que S. M. est sy disposée à la paix, que,
pour le particuher des places de Piedmont que Madame a mises entre
ses mains, elle veut bien donner parole à la république, comme
led. s' ambassadeur fera, qu'elle les quittera aussytost que les Espa-
gnols voudront rendre à S. A. et au duc, son fils, celles qu'ils occupent.
Si les ennemis refusent un sy juste parti, ils mériteront que tout
le monde se déclare contre eux. . .
,3.
580 LETTRES
Le roy envoyé ordre ^ M' le mareschal d'Estrées de représenter au
pape les mesmes choses que led. s' du Houssay fera à la république. . .
Le 16 octobre 1689, ^ I-'yon.
CCXC.
Arcli. des Aff. élr. Turin, t. ag, fol. 396. — Mise au nel.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, S/iy, fol. 5o5. — Copie.
INSTRUCTION POUR M. LE COMTE D'HARCOURT '.
I 7 octobre i ôSg.
La première chose que le s' comte d'Harcourt doit faire arrivant
en Piedmont est la revue de toutes les troupes, visiter toutes les gar-
nisons des places, et les mettre en estât de ne rien craindre.
Ensuitte il doit disposer ses troupes en sorte et en heux sy propres ,
sy commodes et sy seurs que les ennemis, sur la fin de la suspen-
sion^, ne les puissent surprendre et tailler en pièces dans les quar-
tiers, et que le 26 octobre à la pointe du jour il ptiisse se loger à
Moncalier.
Estant là, il verra s'il peut prendre Quiers, au cas que les ennemis
n'y soient pas; et, s'ils y sont, s'il sera en estât de les en chasser; et,
s'il peut l'un ou l'autre, il doit le faire brusquement.
On luy proposeroit bien d'avoir pour fin le siège de Turin, mais
les difficultés qu'on y prévoit en Testât que sont les choses font
qu'on ne croit pas qu'il y doive penser, si premièrement il ne gaignoit
quelque grand combat sur les ennemis.
Pour cet effect c'est le principal but qu'il doive avoir, et auquel
' Il avait été choisi pour remplacer feu piquait Richelieu , et elle est écrite dan»
le cardinal de La Valette dans le coniman- cet esprit de rare prévoyance qui le dis-
denient de l'armée d'Italie. Nous n'avons tingiie et que demandait, surtout en ce
trouvé ni la minute ni l'original de cette moment, la périlleu.se situation des affaires
instruction, mais on y remarque ce soin de Piémont,
curieux des affaire» de la guerre dont se ' Elle finissait le iU octobre.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 581
apparemment il parviendra, pourveu que les ennemis ne descouvrent
pas que c'est la fin.
Ceux qui ont veu plusieurs fois la ville de Quiers estiment que,
quand mesrne les ennemis préviendroient l'armée du roy à prendre ce
poste, ils ne sauroient s'en prévaloir et en tirer avantage qui em-
pesche qu'on ne les puisse aisément combattre en ce lieu, pourveu
qu'ils ne fassent point de retranchement devant eux, ce qu'ils ne
feront pas asseurément, si le dessein dud. s"^ comte leur est incognu.
Si led. s' comte d'Harcourt apprend sur les lieux que le rapport
qui a esté faict au roy de Quiers soit véritable, il ne perdra pas l'oc-
casion d'y combattre les ennemis.
Si aussy il trouve de la difficulté à suivre ce dessein, il peut, en
feignant le siège de Turin, contraindre les ennemis de quitter
Quiers pour s'y jeter; ensuite de quoy il se rendra aisément niaislre
de ce poste; ou en feignant le siège de Villeneuve d'Asl, que les
ennemis voudront asseurément secourir, les attirer an combat, qui
apparemment luy sera avantageux, le donnant avec sy bon ordre que
les bonnes troupes de l'armée soient à la teste.
Si les ennemis, voyant l'armée du roy à Villeneuve, veulent assié-
ger Chivas, Carmagnoles ou Savillan, l'armée de S. M. sera en estât
d'y aller pour les combattre.
Les ennemis iroient inutilement à Quérasque, la place estant très-
bonne.
Ils n'iront pas aussy attaquer Albe avec toutes leurs forces, tandis
qu'ils croiront Turin en péril, pourveu qu'ils ne soient pas asseurès
qu'en lad. place il n'arrive |)as les mesmes trahisons qui sont arrivées
aux autres qui estoient entre les mains de Madame.
Si les ennemis, voulant éviter un combat général, divisent leurs
forces en deux, à dessein de faire teste, avec leur principal corps, à
l'armée du roy, et d'attaquer avec le moindre le reste des places que
Madame tient en Piedmont, sachant bien qu'ils n'y trouveront pas
grande résistance, led. s' d'Harcourt doit faire pareille division des
siennes, à ce que, s'il ne peut rien attaquer le reste de cette cam-
582 LETTRES
pagne, au moins puisse-t-il se garantir de rien perdre de ce qu'on
possède maintenant.
Led. s' comte d'Harcourt doit aussy soigneusement penser au se-
cours de Casai. Il est difficile de l'entreprendre avec toute l'armée
sans péril, à cause qu'il faut douze jours de temps à aller et venir,
pendant lesquels les ennemis peuvent faire une circonvallation à la
citadelle de Turin.
Et partant led. s"^ comte estant sur les lieux verra si on ne pourroit
point y envoyer l'argent qui est destiné pour lad. place, avec une
partie de 5o chevaux, qui pourroient peut-estre aller et venir en seu-
reté , pourveu que le dessein qu'on en fera soit secret.
Il y a une autre voie de secourir Casai, qui peut asseurément
réussir, si elle est menée secrètement : elle consiste à mettre i ,000 h.
de pied et 200 chevaux en garnison dans Chivas, sous la charge de
quelque personne bien résolue, comme si on craignoit simplement
que cette place dust estre assiégée, et donner charge, à celuy qui au-
roit le commandement de cette partie, de partir inopinément pour
aller à Casai, lorsqu'il verroit que les ennemis seroient décampés de
Quiers, pour suivre l'armée du roy, ou vers Turin, si on les y attire,
ou vers Villeneuve d'Ast.
Si led. s' comle d'Harcourt trouve quelques autres moyens de se-
sourir Casai, ou de combattre les ennemis, ou de faire quelques
autres progrez en Italie, S. M. luy en laisse le pouvoir.
A la fin de la campagne led. s"" comte aura soin d'establir les quar-
tiers de ses troupes en de sy bons lieux qu'elles puissent subsister
aisément et seurement.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
583
CCXCI.
Arch. des Aff. étr. Angleterre, t. 47. fol. 677. — Minute' et fol. 589, mise au net.
Bibl. imp. Fonds Saint-Germain-Harlay, 36^/27, fol. SgS. — Original. —
Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. 77. — Copie'. —
Supplément français, 870. — Copie (vol. non chiffré, vers le premier quart).
MÉMOIRE A M. DE BELLIÈVRE,
CONSBILLEH DO ROT EH SES COHSEILS ET SOI! AUBASSADED» EN ANGLETERRE '.
18 octobre 1689.
Pour response à la dépesche du sieur ambassadeur du 9"^ de ce
mois, S. M. a commandé le présent mémoire luy estre envoyé, par
lequel il apprendra ses intentions.
S. M. approuve ce que M. de Bellièvre a répondu au roi de la Grande-Bre-
tagne touchant la flotte d'Espagne.
Jamais prince ne fut plus perdu de réputation que le d. roy se-
roit s'il assistoit cette flotte contre les intérests de ses alliés et de son
propre neveu.
Les conditions du traité proposé par le roi de la Grande-Bretagne ne sont
pas acceptables.
Cependant l'ambassadeur doit entretenir et continuer la négocia-
' La minute, de la main de Chavigni,
ne nous semble pas dictée par Richelieu;
mais il n'est pas douteux que ce mémoire,
auquel on a mis la signature du roi, ne
soit l'expression de la pensée du cardinal,
lidèlement conservée dans divers pas-
sages; et c'est cette pensée que reproduit
l'extrait que nous donnons ici. Au reste,
cette dépêche, au bas de laquelle on ht,
« Par M. le chevalier de Bellegarde, • pa-
raît n'avoir pas été envoyée. (Voy. ci-
après, p. 600, note 4.) Une letlre d'envoi ,
qui avait été préparée par Chavigni, se
trouve, en original, au folio Sga du ma-
nuscrit de Harlay.
' «Faite sur une copie de la main de
Daridol,» dit l'écrivain de Colbert, qui a
copié sur la mise au net du manuscrit des
Affaires étrangères.
' Le manuscrit des Affaires étrangères
donne, sous la date des 9, i3 et i4 oc-
tobre, des lettres de Bellièvre à Bultion
et à Chavigni.
584 LETTRES
tion qu'il a commencée avec le roy, afin de rompre celle des Espa-
gnols, et donner lieu au temps et aux Hollandois de ruiner leur
flotte.
Il peut dire au roy de la Grande-Bretagne que , s'il veut entrer,
dès cette heure, en ligue offensive et defïensive avec le roy et ses
alliés contre l'Espagne, et entretenir au prince Palatin six mil hommes
de pied en Allemagne. . . le d. prince Palatin ne sera pas oublié , ny
l'obligation de le faire remettre dans ses Estats ^ Si le roy d'An-
gleterre faict sauver la flotte des Espagnols, ils se moqueront de luy
comme faisoit Gondomar du défunt roy Jacques, son père, lorsqu'ils
prenoient toutes les villes du Palatinat, l'amusant de vaines promesses
de les faire restituer.
Si le dict roy de la Grande-Bretagne veut contribuer ce qu'il peut
pour faire perdre la flotte des Espagnols en sorte qu'en effect elle pé-
' Ct'tle vague promesse ne satisfaisait
pas le roi d'Angleterre, qui lui-même était
fort peu précis dans ses conditions, et, de
plus, il élevait une autre prétention. Bel-
lièvre avait écrit à BuUion , le g oclobre :
« Jeudy dernier, après s'eslre expliquée avec
le roy, la reyiie d'Angleterre me dit qu'il
estoit fort enclin à s'accommoder avec les
Espagnols, vu les offres granJes et avan-
tageuses qu'ils luy faisoient; que l'affaire
estoit sy avancée qu'elle ne savoit com-
ment la rompre, si je ne luy l'aisois des
offres qui esgalassent celles des Espa-
gnols... qu'il faudroil proposer de mettre
\b Palatin à la teste de l'armée que com-
maiuloit le feu duc de Weymar. » La
même proposition fut ensuite renouvelée
à Bellièvre p.ir le roi d'Angleterre; mais
on sait que Richelieu jugeait plus utile
et plus sûr de mettre cette bonne armée
au service de la France. (Arch. des Aff.
étrangères, Anglet. I. 47, fol. 558, orig.
de la dépêche de Bellièvre. ) Bullion , en
l'envoyant à Chavigni pour la communi-
quer au cardinal , lui disait : « M. le C" de
Leicester m'a mandé qu'il attendoit im
courrier de la part de son maislrc, mais,
après avoir veu celle belle dépesche, il ne
se fault promettre autre chose, sinon des
longueurs, embarras et mauvaise foy. ■
(Arch. des Aff. élr. France, lôSg, suppl.
fol. 4i4 ) Bientôt on apprit que le prince
Palatin avait résolu de passer incognito
en France, pour négocier lui même avec
les capitaines de l'armée vveymarienne.
Et Bullion, transmettant à Chavigni, le
18 octobre, une nouvelle lettre de Lon-
dres, disait: « Monsieur, je vous envoie
la dépesche de M' de Bellièvre sur le sujet
du p" Palatin. En attendant la response,
je feray l'impossible pour le faire arrester
le plus doucement queje pourray. » (Arch.
des Aff. élr. France, I. Sg, fol. 428, sup-
plément.) On verra ci-après, p. 601, un
exposé de l'équipée du prince Palatin.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
585
risse, le d. s' ambassadeur luy peut donner parole de la part du roy,
sans toutefois rien escrire, que S. M. ne fera point la trefve, ny la paix
sans y comprendre les intérests du Palatin, c'est-à-dire, pour parler
plus clairement, que S. M. ne consentira jamais à la conclusion de la
paix sans que ce prince soit restabli dans ses Estats. . .
En donnant celte parole, il faudra tirer celle du roy de la Grande-
Bretagne de faire ce que dessus touchant la flotte, et que luy ny le
Palatin n'auront aucune négociation et ne feront aucun traicté avec
les Espagnols, ou la maison d'Autriche et leurs adhérens'...
Fait à Lyon, le i 8 octobre 1639.
LOUIS.
BOOTHILHER.
CCXCII.
Arch. des AfT. élr. Turin, l. 29, fol. /ii6 v°. — De la main d? Richelieu.
Bibl. imp. Fonds Saint-Gertnain-Harlay, 347, fol. 609 v". — Copie*.
ACCORD SECRET'
DE LA PART DU hOY.
[Vers le 22 octobre 1689*.
Recognoissance de succession.
Promesse de protection en cas que le petit duc meure.
' Le copiste des Cinq-cents Colbert et
celui du Supplément français ont fait de
cette pièce deux mémoires; ils ont brouillé
les dates; enlm ils ont ajouté des .som-
maires dont l'un ne peut se rapporter qu'à
la pièce du 39 octobre qu'on trouvera ci-
aptès.
' La copie de Harlay a été faite sur l'au-
tographe des Affaires étrangères, comme
on voit par cftle note mise en marge :
• Ce mémoire abrégé est escrit de la main
de M' le card. de Richelieu. ■
^ Cet arrangement devait, ainsi que
CAIU)l:«. DE HICIIEUEII. — VI.
nous l'avons dit, être négocié et conclu à
l'insu de la duchesse de Savoie. Richelieu
a pris le soin d'en écrire lui-même, en peu
de lignes, les conditions essentielles, et
cet autographe a servi de matière au mé-
moire qu'il a dicté ensuite et dont plu-
sieurs passages sont aussi écrits de sa propre
main ; nous plaçons donc cet accord avant
le mémoire ; c'est à tort que le manuscrit
des Affaires étrangères l'a mis à la suite.
' La pièce n'est point datée; elle doit
«voir été écrite à peu près au même mo-
ment que l'/lv«.
7à
586 LETTRES
Promesse de mariage avec l'héritière, s'il se peut.
Pension au cardinal '.
Pension au père ^.
Pension au fils.
Promesse de restitution présente soubs la caution d'une ligue.
DE LA PART DES PRINCES.
Intelligence présente et certaine, quoyque non ouvertement dé-
clarée.
Du costé de Nice, nulle guerre.
Présentement secours de Casai favorisé et asseuré, en ne conjoi-
gnant point leurs forces aux Espagnols, et n'attaquant aucune place
ny du roy, ny de Madame.
Si dans cet hyver le P. Thomas ne peut retirer sa famille d'Espagne ,
il ne laissera pas de se déclarer contre les Espagnols, refusant la res-
titution que le roy offrira sur la caution de ia ligue.
Reste à chercher asseurance des princes.
On ne doute pas qu'ils ne vueillent estre inesbranlables en leur
résolution. Mais les affaires de cette nature requièrent une asseurance
telle que, quand ils voudroyent changer, ils ne le puissent, princi-
palement en ruinant tout à faict le party auquel on les aura receus
pour le bien commun.
La première asseurance est un escrit réciproque, publiable en cas
de manquement de part et d'autre.
La seconde, qu'il favorise et facilite quelque notable succez contre
l'Espagne, par l'asseurance qu'il ne peut plus estre à son préjudice.
' Le prince Maurice de Savoie. son bien. » Nous conservons le slyle in-
- « Le père ne voudra peut-eslre pas se correct de celte observation , écrite en
lier ou à ne se marier pas, ou à priver un marge de la main de Richelieu.
fils, s'il en avoit, de la plus belle pièce de
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
587
CCXCIII.
Arch. des Aff. étr. Turin, l. 29, fol. ^1 i-4i5. — Minute'.
Bibl. imp. Saint- Germain -Harlay, SAy, fol. 607. — Copie.
AVIS
SUR L'ACCOMMODEMENT DES PRINCES DE SAVOIE AVEC LE ROY '.
3 2 octobre 1639.
On peut proposer trois sortes de moyens de s'accommoder avec le
prince Thomas :
Le premier est qu'il se déclare ouvertement contre l'Espagne et
se joigne à la France, laissant absolument Madame en sa tutelle [el
vivant avec elle comme il faisoit avec feu M' de Savoie].
Mais comme ce moyen n'est point à espérer du P. Thomas, par
plusieurs raisons, [et Madame n'y trouveroit pas sa seureté, si le d.
Prince demeuroit avec Elle, veu qu'elle a perdu les cœurs du Pied-
mont et qu'il les a acquis];
Le second est que le P. Thomas soit adjoint à la régence de Ma-
dame, soit en qualité de conluteur, ou simplement d'assistant, avec
pouvoir de signer avec Elle les affaires les plus importantes. [Et ce party
est beaucoup plus à craindre pour Madame que le premier, veu que
ce Prince, estant non -seulement dans le Piedmont, mais qu'y estant
avec authorité, il pourroit plus facilement, s'il le vouloit, se prévaloir
de son pouvoir au préjudice de Madame, qui ne sauroit s'empescher
de donner beaucoup de prise sur Elle par sa conduitte imprudente '.]
' Cette minute , de la main d'un secré-
taire intime de Richelieu , offre un passage
de quelques lignes et, çà et là, quelques
mots de la main du cardinal; nous les
mettons entre crochets. On lit à la marge
du manuscrit de Harlay : 1 Mémoire escrit
de la main de Chirurgien, corrigé de la
main de M' le card. de Richelieu. — Mi-
nute originale. • C'est, en effet, sur la mi-
nute des Affaires étrangères que la copie
du manuscrit de Harlay a été faite-, nou-
velle preuve que celle indication, «de la
main de Chirurgien , i> est donnée au ha-
sard par le copiste de Harlay.
' Ce titre est écrit de la main de Cherré ,
en tête de la mmute.
' Ces deux premiers moyens ne sont mis
là que pour la forme, et afin de préparer
74.
588 LETTRES
Le troisième seroit que le P. Thomas se liast tout à fait à la France
ainsy qu'il s'ensuit :
Qu'on luy donnast 5o,ooo escus de pension ; que son fils fust marié
avec la princesse de Savoie ou une autre en France ; que le d. fils eust
5o,ooô francs de pension du roy, et fust nourri avec M"" le Dauphin ;
que le roy consente à la restitution des places qu'il tient en Piedmont.
Sur le refus que les Espagnols feront de restituer tout ce qu'ils
tiennent en Piedmont; — qu'en ce cas il (le prince Thomas) se dé-
clare contre eux et serve le roy [ouvertement] dans ses armées.
Mais outre que le P. Thomas ne peut disposer de sa femme et de
ses enfans , qui sont en Espagne, quand mesme il voudroit passer
par-dessus cette considération , on ne voit pas quelle seureté il peut
donner de sa persévérance en l'union de la France, en la fidélité qu'il
promettroit à Madame et à Mons"^ son fils, veu qu'il pourroit changer
quand il voudroit, et [de plus] s'emparer [tout d'un coup] et du petit
duc et de Madame, et de toutes les places du Piedmont ahénées de
Madame par sa conduitte.
11 semble que toutes ces difficultez mettent les affaires hors d'ac-
commodement entre Madame et le P. Thomas. Cependant la néces-
sité et l'intérest des uns et des autres les obligent d'en faire :
Madame, parce qu'elle a mis son pays en estât qu'il est presque
impossible de le défendre ;
I.,e P. Thomas, parce que, si les Espagnols prennent plus grand
pied dans le Piedmont, ils y voudront au moins conserver les prin-
cipales places, et, par ce moyen, assujettir les ducs de Savoie à des-
pendre de la couronne d'Espagne absolument.
Leur procédé avec led. prince l'empesche de pouvoir ignorer leur
intention en ce sujet, et l'acte qu'ils ont faict passer à la princesse de
Carignan, en Espagne, le justifie clairement.
Tout ce que dessus présupposé, la raison veut que Madame et le
le troisième, qui stipule l'abandon actuel que pour faire adopter celui-ci par le roi,
et à peu près complet des intérêts de la il fallait lui donner à choisir entre plu-
duchesse de Savoie. Richelieu sentait bien sieurs moyens dont un seul fût possible.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 589
P. Thomas s'accordent sous l'authorilc du roy secrètemenl ' , ainsy
qu'il s'ensuit :
Que le roy déclare par escrit aux princes que , si le duc, son neveu ,
vient à mourir, il les recognoist pour légitimes successeurs aux Estais
de Piedmont et de Savoie, et [leur] promette, en ce cas, sa protection ;
Qu'il stipule le mariage du petit prince de Carignan avec une prin-
cesse de France, et donne pension : au père de 5o,ooo escus; de
5o,ooo francs [au fils];
Qu'il promette de rendre les places qu'il tient en Piedmont, soit
à son neveu le jeune duc, soit aux princes, au cas qu'il vienne à
mourir; les Espagnols faisant le mesme;
Que, dès cette heure, [S. M. offre] de rendre les places qu'il tient,
sous la caution d'une ligue de tous les princes d'Italie, les Espagnols
faisant le mesme, auquel cas Madame demeurera régente, [et] les
princes assistans, [quoyque] séparés de demeure; [que S. M. soit]
caution de la foy de Madame et desd. princes les uns envers les autres,
ayant pour seureté de la foy du P. Thomas le prince son fils, nourri
et marié en France.
Les princes, de leur part, promettront n'avancer point les affaires
des Espagnols, ains au contraire faire ce qu'ils pourront pour en re-
tarder les progrès, particulièrement la perle de Casai, qui, oslant
toute crainte aux Espagnols pour le Milanois, ne leur laisseroit plus
d'autres pensées que la conquesle du Piedmont*.
NOTA.
Il convient de résumer ici, en indiquant diverses pièces que nous ne don-
nons pas, la situation où se trouvent, à ce moment, les aiTaires respectives de
France et de Piémont.
Nous avons dit, p. 56 1, que, l'entrevue de Grenoble avortée, Richelieu avait
sougé à s'accommoder avec le cardinal de Savoie et avec le prince Thomas. Ce-
lui-ci avait envoyé auprès du roi et du cardinal le comte Masserati, son maître
' L'accord devait être fait par le roi , ' Richelieu a écrit à la marge de ce
sans la participation de Madame, et êlre paragraphe : « Nice demeurera en paix
ensuiie imposé à celle prinresse. avec la France. »
590 LETTRES
(l'hôtel et son diplomale de confiance. Quand la négociation fut engagée, Riche-
lieu écrivit à la dnchesse que des propositions faites par ses beaux-frères avaient
été favorablement accueillies, mais sans lui dire les conditions. (Lett. du 25 oc-
tobre ci-après.) Déjà il avait envoyé à l'ambassadeur de France auprès de Ma-
dame, le s' de La Cour, une instruction où lui était tracée la conduite qu'il avait
à tenir dans ces circonstances délicates. (Ci-après, p. 594.)
Fidèle à son habitude de rédiger lui-même les engagements qui devaient lier
ceux avec qui il traitait, Richelieu fit un projet de promesse, lequel a été con-
servé aux archives des AIT. étr. t. 27, de Turin, fol. 199-208; c'est une mise
au net de la main d'un secrétaire intime de Richelieu, sur laquelle des correc-
tions ont été faites et plusieurs passages ont été ajoutés de la main du cardi-
nal ; Cherré a écrit au dos : « Projet de ce que la France veut faire pour les
princes de Savoie '. » Cet engagement commence ainsi : « M" les princes feront,
dès celte heure, savoir au minisire d'Espagne l'offre que le roy faict, etc. »
Mais lette pièce, emportée par le plénipotentiaire des princes de Savoie, ne
sembla pas encore assez précise à Richelieu ; et , deux jours après le départ de
Masserati , le 27 octobre, il envoyait à M' d'Argenson, intendant de l'armée en
Italie, pour le faire signer aux princes, rengagement lui-même, dans la forme
exacte qu'il devait prendre pour recevoir leur signature : «Nous, le cardinal de
.Savoie et le prince Thomas, déclarons, etc. » C'est Id reproduction fidèle du pro-
jet daté du 20, avec un peu plus de développement dans le préambule. Nous
l'avons trouvée aux archives des AfT. étr. Turin, t. 29, fol. 6i3, m.ise au net de
la main d'im des principaux comniisde Chavigni, avec des corrections de la main
du caidinal et de celle de Cherré. La pièce, n'étant point datée, a été renvoyée à
la fin du volume. Le manuscrit de ilarlay, fol. 6 1 9 , en conserve une copie, éga-
lement non datée, mais qui s'y trouve classée à sa date véritable, le 27 octobre.
Cette copie a dû être faite sur la pièce des Aff. étr. assez clairement désignée par
celte annotation marginale : « Le titre est de la main de Cherré, le corps de l'es-
crit est de la main de Chirurgien. •• fVoy. sur ce dernier mol, la note page 267.)
' Celle mise au nel, devenue luinute folio /i2 5; une seconde copie, classée dans
originale, n'est point datée; deux copies, le même tome 99, fol. 437, porte en tête :
laites par des secrélaires de Ciiavigni, se «A Rohannes, le 27 octobre 1689, n et au
trouvent dans le tome 29 de Turin, l'une dos : 1 Envoyée à M" d'Argenson et d'Har-
en tète do laquelle Cherré a écrit Coi)ie couri. » Dans ces deux copies, la pièce ori-
du papier qu'a emporté M. Masserait , conle- pinate a été séparée par les copistes en
nanl ce que M" les princes de Savoie doivent deux pièces, sans qu'on sache pourquoi.
promettre au roy, moyennant ce que S. M. 11 existe, à la Bibliothèque impériale, fonds
leur veut uussy promettre de son costé. Cette de Harlay , fol. 5 1 5 , une autre copie faite
copie est datée du 3 5 octobre et cotée sur la minute îles Affaires étrangères.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 591
L'engagement du roi euvers les princes se trouve également clans nos manus-
crits en projet, sous la date du 2 5 octobre. (Ms. des Aff. étr. Turin, t. 29, fol. /127,
et ms. de Harlay, fol. 5i6, avec l'apostille marginale : " Le titre est de la main
de Cherré, le corps de i'escrit est de la main de Daridole. ») Et dans sa forme dé-
finitive : «Nous, Louis, promettons, etc. » aux arcli. des Aff. éfr. de la main de
Cherré, fol. 609 du tome 29 de Turin, sans date, mais envoyé à d'Argenson,
le 27 octobre.
Nous trouvons, dans cet engagement du roi, une clause nouvelle et digne d'at-
tention , ainsi que nous l'avons déjà remarqué : Turin est abandonné aux princes
beaux-frères de la duchesse, qui gouverneront en qualité de ses adjoints, tandis
que la duchesse doit rester en Savoie, et se trouve ainsi, en vertu de l'arrange-
ment et avec le consentement du roi, exclue de sa capitale, que les princes ne
tenaient encore que par un fait de guerre. Bien que ces stipulations ne fussent
établies que jusqu'à la paix, et qu'on donnât pour motif la sûreté même de Ma-
dame, qui, est-il dit, ne pouvait sans péril résider à Turin , ce n'était pas moins
un fait capital que cette reconnaissance, consentie par le roi de France, aux en-
nemis de la duchesse, du droit d'occuper Turin.
• Pour remédier (est-il dit dans l'engagement signé par le roi) à la crainte que
nostre d. sœur peut avoir pour sa personne et pour celle du duc son fils, nostre
neveu, nous estimons qu'elle ne doit point sortir de Savoie pendant la guerre; et
<[ue nos susd. cousins ses beaux-frères pourront, sans venir en Savoie, demeurer
dans la ville de Turin , où ils agiront en ce qui concernera les affaires du gouver-
nement, en qualité d'assistans, avec ceux qui seront députés de nostre d. sœur,
et avec les généraux de nos armées, et autres qui pourront avoir commission de
nous, en ce qui sera des affaires de la guerre '. »
On comprend que de telles conditions ne pouvaient satisfaire la duchesse de
Savoie, aussi les négociateurs avaient-ils ordre de les tenir fort secrètes : «Il ne
faut pas (écrivait Richelieu au comte d'Harcourt) que Madame puisse descouvrir
le fonds de ce traité, estant sy malheureuse pour elle-mesme qu'elle le romproit
asseurément. . . il la faudra repaistre de la continuation des négociations générales
sans luy dire rien du fonds*.
' Arch. des Aff. étr. Turin, tome 29, de la lettre au comte d'Harcourt se trouve
fol. 609 ; mise au net de la main de Cherré. transcrit dans la collection Dupuy, I. 767,
Sans date et classée à la fin du volume. cahier Tt, et on l'a daté du 20 octobre.
Une copie se trouve à la Bibl. imp. fonds C'est une fausse date; le roi était à Lyon
Saint-Germain-Harlay , 'Slfj, fol. bai, pla- le 30, et il n'alla que quelques jours plus
cée au 37 octobre. lard à Montargis,où il se trouvait pendant
' Voy. plus loin , p. 6o5. Ce fragment les fêtes de la Toussaint.
592 LETTRES
Quoique les documents que nous venons de citer soient l'œuvre même de lU-
chelieu , nous nous bornons à en faire celte simple mention ; les donner in extenso
ne serait qu'une répétition, les engagements réciproques étant contenus presque
textuellement dans YAvis sur l'accommodement, etc. que nous donnons p. 687.
En envoyant à M. d'Argenson (ci-après, p. 699), pour les remettre au comte
d'Harcourl, les modèles d'engagements, Richelieu yjoignit les projets d'une double
promesse, l'une portant que le comte déclarerait « avoir pouvoir de S. M. de pro-
mettre, en son nom, que celuy qui luy porteroit l'engagement signé des princes
leur rapporteroit l'engagement du roy, signé de S. M. ' »
L'autre, contenant la déclaration des princes que, « sur l'engagement que pren-
droit M' d'Harcourt au nom du roi , ils lie laisseroient pas d'exécuter ce qu'ils pro-
meltroient, bien assurés que S. M. ne feroit point de dilliculté en la signature et
l'exécution de ce qui leur estoil promis de sa part. • La copie de ce double projet
se trouve à la Bibliothèque, fonds de Saint Germain-Harlay, 347, ^^^- ^^^ recto et
verso, avec cette annotation : « De la main de Chirurgien. »
Les concessions que Richelieu faisait aux princes ne lui servirent pas; le prince
Thomas refusa tout. 11 se fiait peu aux promesses de Richelieu, et, pour rien au
monde, il ne voulait se brouiller avec l'Espagne. Les Espagnols, de leur côté, ne
ménageaient aucune avance pour le retenir.
Au reste, le cardinal ne se pressait pas de traiter avec Masserati, il voulait
prendre son temps; il laissa partir le roi de Grenoble, et différa d'autant les
engagements que l'envoyé des princes était venu chercher. Nous avons vu aux
archives des Aflaiies étrangères dans le tome 29 deTurin,foi. /Ii6^,ce fragment
isolé et sans date, écrit de la main de Richelieu, et qui se rapporte évidemment à
cette affaire : « M' Macerati peut suivre le roy, disant avoir trouvé le roy sur son
partement, ce dont il se plaindra, représentant toutefois n'en avoir pas sujet, en
ce que le roy, qui avoit envie de s'en aller après six mois d'absence, a trouvé mau-
vais que huit jours se feiissent passez depuis le temps qu'on disoit qu'il venoit. Et
ce pendant dépescher un courrier. » Mais Richelieu, qui, dans un accès de mau-
vaise humeur, avait pu concevoir la pensée de faire repentir la duchesse de Savoie
de ses résistances, avait l'esprit trop pénétrant pour compter beaucoup sur cette
négociation équivoque; et, au moment même où il rédigeait les projets d'enga-
gement qu'emporta Masserati, il faisait écrire par Chavigni au comte d'Harcourt,
' On avait prévu l'absence du cardi- force que .si elle estoil signée de tous
nal de Savoie; dans ce cas, dit le pro- deux.»
jtt : «Le prince Thomas se fera fort de ' Nous avons aussi trouvé le même frag-
M' le cardinal de Savoie, son frère, el ment à la Bibliothèque, fonds Sainl-Ger-
déclarera que la promesse aura mesme main-Harlay, 347, '^^''- ^''9'
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
593
2 3 octobre : «Le roy désire que vous agissiés en la mesme sorte que si Masserati
et Barouis n'estoient point venus icy faire des propositions. . . H ne doit pas réus-
sir grand effect de leur négociation. » (Fol. !\ lo du t. 29, de Turin.) Et, le 27, Cha-
vigni écrivait encore au même comte d'Harcourt:» Escoutés Masserati, mais sans
vous détourner un seul moment de faire ce que vous aurés entrepris. » (Fol. 44 1 .)
En même temps, la duchesse de Savoie , qui se doutait qu'on jouait un double
jeu avec elle, essaya successivement avec ses deux beaux-frères quelques négocia-
tions secrètes, qui n'aboutirent pas davantage. (Guichenon, p. 9^3.)
Au milieu de toutes ces intrigues également impuissantes, et où les habiles ne
réussirent pas mieux que les maladroits, les choses se trouvèrent, à la fin de l'an-
née suivante, au même point à peu près qu'elles étaient auparavant. Le prince
Thomas ayant été forcé de capituler, le comte d'Harcourt occupa Turin le 2ii sep-
tembre, et la duchesse y fit son entrée le 18 novembre', grâce à la valeur et au
talent du comte d'Harcourt, qui avait chassé les Espagnols de devant Casai, et le
prince Thomas de Turin; la duchesse de Savoie échappa ainsi aux humiliations
dont l'avaient menacée la révolte de ses beaux-frères , l'ambition des Espagnols et la
protection équivoque du roi son frère , obéissant à la politique irritée de Richelieu. •
CCXCIV.
Bibl. imp. Fonds Sainl-Germain-Harlay, S/iy, fol. 5 1 3. — Copie '.
MÉMOIRE
POUR M. LE DUC DE PARME".
A Lyon, 22 octobre 1639.
Le roy sçail plus de gré à M' le duc de Parme de ses bonnes in-
tentions que S. M. ne le peut exprimer.
' La Gazette du 7 décembre 16A0 fit
un pompeux récit de cette fêle triomphale ,
dans laquelle le nom de Richelieu ne fut
pas oublié.
' Faite « sur une copie de Daridole. »
(Note marginale du ms. de Harlay.)
' Le duc de Parme , après avoir conclu ,
en i635, untraité d'alliance avecla France
CARDIN. DE niCHELIEI). VI.
et les princes d'Italie contre l'Espagne,
avait été contraint de faire la paix avec
celle puissance en 16.37. ^* France, ne
pouvant alors lui donner uneassislanceefli-
cace, l'avait autorisé à se réconcilier avec
l'Espagne , qui le menaçait d'une ruine com-
plète. Nous ne trouvons rien dans nos ma-
nuscrits qui se rapporte au nouveau projet
75
594 LETTRES
Il se peut asseurer que jamais elle ne les oubliera, et qu'elle l'aura
toute sa vie en singulière recommandation et protection.
S. M. raffectionne tellement que si le dessein qu'il propose le peut
mettre en quelque péril elle ne veut pas qu'il l'entreprenne; mais
s'il peut réussir à son contentement, elle l'y assistera puissamment.
Sa d. M. ne faict pas de difficulté de faire une despense raison-
nable et nécessaire pour un tel dessein; mais elle estime qu'il y aura
bien de la peine à trouver des gens.
11 est impossible de faire passer de France un corps si puissant
qu'il seroit nécessaire, tant parce que les affaires d'Italie obligent le
roy à tenir une puissante armée dans le Piedmont, que parce que,
quand mesme il auroit des gens à revendre, il est presque impos-
sible de les faire passer jusques au lieu où M"^ le duc de Parme s'en
veut servir, de les rafraiscbir comme il faudroit, et de leur fournir
des vivres et munitions de guerre.
C'est donc à M"' le duc de Parme à voir si l'on peut faire de delà une
armée de lo ou 12,000 bommes de pied et 3, 000 cbevaux, ce que
S. M. ne prévoit pas; et, au cas que ce soit cb ose qui se puisse, sa d. M.
en estant bien informée, avisera à toute la despense qu'il faudra faire.
CCXCV.
Arcli. des Aff. étr. Turin, t. 29, fol. 602. — Mise au net.
BibJ. imp. Sainl-Germaiii-Harlay, Sa"], fol. 47 1- — Copie '.
MÉMOIRE AU SIEUR DE LA COUR.
24 octobre.
Quelques lignes de préambule sur la capacité et les emplois de M. de La Cour.
Personne ne peut mieux que lui s'acquitter de l'ambassade près de Madame et de
pour lequel le duc réclame l'appui de la une entreprise que l'esprit aventureux de
France. On voit au ton de cette curieuse ce prince recommandait mal à la politique
réponse, que le gouvernement français, prudente et perspicace de Richelieu,
tout en conservant sa bienveillance pourle ' ,0n lit à la marge du manuscrit : « Ce-
duc de Parme , avait peu de confiance dans pie Daridol. •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 595
M. le duc de Savoie, son fils, ayant eu part de tout ce qui s'est passé avec Ma-
dame depuis quelques mois qu'il a été continuellement près de Leurs Altesses.
Ce qu'il y a maintenant à y négocier, ou pluslost presser, est l'exé-
cution de ce que Madame a promis au roy à Grenoble touchant les
garnisons de Montmélian et Miolans, luy faisant cognoisire que les
instances qu'il en fera sont seulement pour le bien et intérest de
Leurs AA., S. M. n'en prenant aucun en leurs affaires que par l'affec-
tion qu'elle leur porte et le désir qu'elle a de les restablir au meilleur
estât qu'aient esté jamais celles de la maison de Savoye.
Si le nonce du pape se trouve près de Leurs AA. il vivra civile-
ment avec luy, sans luy tesmoigner aucune confiance, parce que sa
conduitte a faict cognoisire jusques icy qu'il a inclination pour les en-
nemis de S. M.
Il devra donner avis au roi de toute proposition d'accommodement, de trêve
ou suspension d'armes, qui pourrait être faite par le nonce, ou de la part du roi
d'Espagne ou des princes de Savoie. Il est vrai que telles négociations ayant pris
leurs cours en Piémont, et se conduisant près de M. le comte d'Harcourt, ou es-
time qu'elles s'y doivent continuer. Toutefois il en aura part, afin qu'il puisse
• ester les ombrages à Madame qu'elle en pourroit prendre. »
Ceux qui sont près de Madame voulant conduire les affaires par
des voies qui ne sont pas celles que S. M. désireroit pour parvenir au
but qu'elle se propose de restablir Madame et le duc de Savoie son fds,
promptement et pleinement dans leurs Estais \ le d. s' de La Cour
sera réservé à prendre confiance en eux, sans toutefois leur en faire
rien paroistre, en quoy il se conduira selon sa prudence et adresse.
' On voit que Richelieu ne mettait pas Allohroges , gênas hominum semper et nbique
l'envoyé du roi dans l'entière confidence in/îrfiim, ne feroit rien qui vaille; et , si l'on
de la négociation, et c'était favis de tout ne s'asseure par la force, il ne s'en fault
le conseil d'user de dissimulation avec la rien promettre. Mais c'est très grande pru-
duchesse de Savoie, fiullion disait à Clia- dence de ne faire cognoisire le mescon-
vigni : • J'ay tousjours creu que Madame, lentement qu'on en peut avoir etc. »
soit de son humeur, soit conduitte par (Leil. du 19 oct. déjà citée.]
75.
596 LETTRES
Le séjour de Madame et de M' le duc de Savoye son fils doit estre
en Savoie pour ne point se rejeter dans les confusions qui sont à
présent en Piedmont; ou si Madame prenoit résolution de s'en re-
tourner, le d. s' de La Cour l'en dissuadera , et s'y opposera autant
qu'il pourra pour le bien des affaires de S. A. donnant cependant
avis au roy d'une telle résolution, pour savoir ses intentions.
11 est recommandé au s' de La Cour de bien maintenir la dignité de son rang;
de traiter Madame et M' le duc de Savoie d'Altesse, « ainsy qu'il est accoustumé,
sans y adjouster le mot de royale, comme l'on faict en ces quartiers-là; » enfin de
tenir bonne correspondance avec les ambassadeurs et autres ministres de S. M.
Du 2 4 octobre lôSg, à Lyon'.
CCXGVL
Arch. des Aff. élr. Pays-Bas, t. i3. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45 , fol. i5G v°. — Copie'.
Saint-Germain Harlay, 346, t. i, fol. 169. —
Béihune, 9266, fol. 107 v°. — Copie.
A M. DE LA MEILLERAYE.
Vers le ai octobre lôSg'.
Le roy part le 26* de ce lieu* pour se rendre le 3" novembre à
Fontainebleau.
Quand vous aurés mis l'armée en garnison et que les pluies et le
mauvais temps, qui est peut-estre desjà venu en vos quartiers, asseu-
reront Casteau, alors vous pourrés aller à Chelles; mais je ne croy
pas que vous soyés plustost en cet estât que nous à Paris.
' Celte date est donnée par la copie de ^ La minute met en tête un chiffre dou-
Harlay; la pièce n'est point datée dans le leux: 24 ou plutôt 25. La date manque
manuscrit des Affaires étrangères. dans les autres manuscrits.
' Faite sur une « minute de la main * Le nom de lieu n'est pas dans nos
de Cherré.» (Note des mss. de Colbert et mss. mais le roi et le cardinal étaient à
de Harlay. ) Lyon le 2 4-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 597
Je vous prie de sy bien establir les garnisons pour l'hiver que , quel-
ques entreprises que les ennemis puissent faire l'hiver sur ledict
Casteau, il y ait assez de troupes proches pour le secourir.
Nous attendons des nouvelles de Salces avec impatience; pourveu
qu'elles soyent sy bonnes que celles de Brisac tout ira bien.
La guerre se recommancera en Italie le 26 ' de ce mois.
J'ay sceu^ quel est le régiment qui manqua à son devoir à la journée
de Saint-Nicolas; je n'en parleray point; et, si le roy l'apprend, il faut
que ce soit d'autres que de vous et de moi. Je ne saurois assez
m'estonner de cet accident; nous en discourerons de la cause quand
nous serons ensemble.
Je suis très aise de la joie que M' de Chaunes a eue de son abbaye ,
mais extraordinairement fasché de la mort de M"^ le cardinal de La
Valette qui [la] luy a donnée*.
Il sera temps à nostre retour de songer aux provisions de l'artillerie
pour l'année qui vient. Si toutes celles qui restent de cette année sont
bien mesnagées, commeje n'en doute pas, nous n'en manquerons pas,
s'il plaist à Dieu.
Ayés soin de vostre santé, et vous asseurés que je vous seray tous-
jours ce que je vous ay esté jusques icy.
' Le chiffre est un peu clouleux dan» la qu'il a effacé ensuite : « J'ay sceu du C' de
ruinule. Les mss. de Béthune, de Colberl Ch. .. t le reslc du nom n'est pas lisible.
etdeHarlay mellentle27 :c'estuncerreur. ' Le cardinal de La Valette possédait de
La guerre dut recommencer le a 5. (Voyez nombreuses abbayes, qui furent ardem-
ci-dessus l'instruction donnée au comte ment disputées après sa mort. Le mot « la »,
d'Harcourt, du 17 octobre.) que nous substituons ici, manque dans
' Richelieu avait d'abord dicté un nom tous les manuscrits
598
LETTRES
CCXCVII.
Arcli. des AfT. élr. Turin, t. 29, fol. li5o. —
Mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Fonds Saint-Germain-Hnilay, 347, fol. 5i2 v°. — Copie.
Dupuy, t. 767, cahier Tt'. — Copie.
A MADAME DE SAVOIE.
25 octobre i63q'.
Madame,
Il ne se peut rien adjouster aux bonnes qualités du seigneur dom
Félix. J'ay esté d'autant plus aise de le voir que plus je l'ay trouvé
plein de zèle à vostre service et de capacité à vous en rendre'. Le
s' Masserati nous a fait des propositions générales d'accommodement
entre Vostre Altesse et Messieurs ses beaux-frères; elles ont esté
favorablement escoutées, tesmoignant que, pourveu qu'il se trouvast
une seurelc qui vous garanti.st des justes apréhensions que vous
devés avoir pour la personne de M" vostre fils et pour ses Estats, le
roy y entendroit volontiers, et s'emploieroit vers Vostre Altesse à ce
qu'elle y consentist. On verra s'il dira quelque chose de nouveau
ci-après; et, en toute occasion, le roy se conduira selon que les in-
térêts de Vostre Altesse le requièrent. Si elle en a autant de soin
que S. M. et ses serviteurs en prendront, j'espère qu'elle sera plus
contente à l'avenir qu'elle n'a esté par le passé.
' Voyez noie 2 , p. 56 ci-dessus.
' C'est une réponse à une lettre de la
duchesse de Savoie, du 20 octobre.
' Richelieu se loue encore de la fidélilc
de dom Félix 0 à poursuivre l'exécution
des choses promises,» dfins une lettre
adressée, le i/i décembre, au ministre de
France à Turin, M. de La Cour, et, en
même temps, il renouvelle ses plaintes au
sujet de la duchesse : « Je ne sçaurois assez
m'estonner de la continuation de l'aveu-
glement de Madame, puisqu'il est jusques
à tel point qu'il l'expose tousjours à sa
ruine. Je ne sçay ce qui la peut empescher
d'exéculer re.-tabli.ssement qu'elle a pro-
mis de faire dans Montmélian et dans la
Savoye, puisque sans cela elle n'y peut
avoir de seurelé.. . » Cette lettre, qui a été
imprimée, sera mentionnée à sa date dans
nos Analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 599
CCXCVJII.
Arcli. des AfT. olr. Turin, t. 39, fol. 435. —
Minute de la main de Cherré.
Bibl. iaip. Fonds Saint-Germain-Harlay, 347, '°^- •''•7- — Copie'.
A M. D'ARGENSON.
De Sainl-Saphorin, ce 27 octobre iBSg.
On a escouté favorablement le .s"^ Masserati en toutes ses proposi-
tions, et, après luy avoir respondu en sorte qu'on s'asseure qu'il est
demeuré content de la civilité avec laquelle on a procédé avec luy,
le résultat de tout ce qui s'est dict de part et d'autre est contenu aux
deux projets que vous verres en chiffre, l'un concernant ce que
Messieurs les princes de Savoye doivent promettre et tenir au roy,
et l'autre ce que S. M. leur doit promettre.
La diflBcuIté qu'on trouve en cette affaire consiste au peu de seu-
relé physique qu'on trouve que M' le P. Thomas peut donner de ses
bonnes intentions.
Cependant s'il veut signer le papier qui concerne la promesse que
luy et M' le cardinal son frère doivent faire, tel qu'on vous l'envoie,
on croit qu'on peut prendre confiance qu'il ne manquera pas à ce qui
touche le voyage de Casai.
On ne prescrit point à M"' d'Harcourt d'entreprendre ce voyage sur
cela, mais on le lai.sse libre de le faire, si Casai est en péril, .sans iceluy.
Si on peut y jetter des gens sans y mener tout le corps de l'armée
c'est le meilleur; mais si c'est chose qui ne se puisse, et que, sans
nouvelles gens, Casai soit en péril, en ce cas il faudra se confier en
la promesse du P. Thomas pourveu qu'il la veille donner par escrit,
comme je vous ay desjà dicl'^. . .
Si M' le P. Thomas trouve à changer au projet de la promesse
' • Minute originale de la main de ' Nous omettons ici trois paragraphes
Cherré.» (Note en marge de la copie de où le cardinal prescrit au comte d'Harcourt
Harlaj.) ' la même conduite qu'à d'Argenson; celle
600 LETTRES
qu'il doit faire tel qu'on vous l'envoie, vous luy ferés savoir que
M"' d'Harcourl n'a point le pouvoir d'admettre aucun changement,
mais qu'en ce cas il est besoin de renvoyer le s' Masserati, si le d.
prince l'estime ainsy à propos.
Cependant si la nécessité de Casai requiert un prompt secours, et
que le d. prince veille bien signer les articles qui touchent ledict
secours, remettant à adjuster le reste avec le roy, par un voyage du
d. s' Masserati , en ce cas on se peut fier à la promesse que le d. prince
aura donnée par escrit, et sur icelle faire ce qui sera jugé nécessaire
pour le service du roy, considérant tousjours que, si le secours de
Casai' se peut faire sans y mener le corps de l'armée, il est incom-
parablement meilleur, mais que si cette place estoit au hasard de se
perdre, si on n'y alloit pas en corps d'armée, c'est en ce cas qu'il y
faut aller avec farmée.
CCXCJX.
Arcb. des AfF. étr. Angleterre, t. U'], fol. 3a4. — Mise au net'.
Bibl. itnp. Saint-Germain-Harlay, SG/i/ay, fol. 38i. — Original.
Cinq-cents Colbert, I. 46, fol. 78 v". — Copie'.
Supplément français, 870. — Copie. (Volume non chiffré, vers le quart du vol.)
MÉMOIRE AU SIEUR DE BELLIÈVRE,
CONSEILLER DU ROY EN SES CONSEILS ET SON AMBASSADEBri EN ANGLETERRE*'.
29 octobre iCSg.
Le d. s'' de Bellièvre dira au roy d'Angleterre qu'incontinent après
dépêche devait lui être communiquée , et
Richelieu l'en prévient dans une lettre de
quelques lignes, écrite le même jour que
la dépêche à d'Argenson. (Aux Analyses.)
' Ce secours avait été proposé par Fabert.
' Cette pièce a été classée fautivement
au mois de janvier.
' « Faite sur une copie de la main de
Daridole. > (Annotation du manuscrit de
Colberl. )
' Chavigni , qui a joint au présent mé-
moire une lettre d'envoi , y a ajouté ce post-
scriplum : «Vous verrez que je vous avois
dépesché M. le ch. de Beliegarde dans le
temps que vous aviez marqué, mais que
M. de Buliion l'a retenu très à propos pour
vous porter de nouveaux ordres du roy, les
premiers qu'il vous envoya n'estant plus
de saison.» (Voy. ci-dessus, p. 583.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
601
que S. M. eul faict response aux propositions qu'il luy avoit envoyées
sur le sujet de l'armée navale des Espagnols et du prince Palatin, la
nouvelle vint que le d. prince Palatin avoit esté arresté à Moulins,
passant déguisé par la France ^
Que le roy, ne le voulant pas croire, y envoya en diligence pour
le savoir.
' Le prince Palatin, dont le dessein
était de tâcher de s'approprier l'armée du
duc de VVeymar, et de se substituer à cet
illustre général dans le commandement
que sa mort laissait vacant, comprenait
bien qu'il ne devait pas confier à l'avance
ce projet au roi, ni au cardinal, et il réso-
lut de passer en France sans en informer
personne. On eut soin en Angleterre de
ménager à l'avance une explication à cet
étrange procédé, mais de la donner de
manière qu'elle arrivât tardivement. Notre
ambassadeur à Londres, Bellièvre, écrivait
à Chavigni , le 1 4 octobre : « Le prince Pala-
tin est parti ; il va à Paris chez Leycester; il
ne peut voirie roy, craignant de n'estre point
Iraiclé en Electeur. Le roy d'Angleterre
dit qu'il va en Allemagne, .l'ay remonslré
à S. M. l'inconvénient de faire ainsy passer
son neveu par la France sans en préve-
nir le roY. Il en convient et m'a dict qu'il
avoit chargé Leycester de pourvoir à ce
qui seroit nécessaire; qu'avant son départ
le palatin avoit passé chez moy, mais que ,
ne m'ayant pas trouvé, il avoit chargé un
gentilhomme de me venir faire ses ex-
cuses*. > Celte lettre écrite après le départ
du palatin ne pouvait être promptement
dans les mains du cardinal , qui était en ce
moment avec le roi sur la route d'Italie à
Paris. Toutefois, cette précaution n'em-
pêcha pas que le prince travesti ne fût re-
connu et arrêté. Aussitôt que Leycester en
• Arch. de» Aff. étrang. Angt. t. Ix-j , fol. 586. — "
CARDIN. DE niCUELlEC. — VI.
fut informé il se bâta de présenter une nou-
velle excuse, mais il se garda bien de par-
ler du commandement de l'armée weyma-
rienne. «Le prince Palatin, écrivit-il le
3 novembre, a passé en France, le roy
d'Angleterre a chargé son ambassadeur
de dire qu'il n'a pu baiser les mains au
roy, Sa Majesté estant en Dauphiné. Il
prie qu'on l'excuse et qn'on le recom-
mande à l'armée du duc de Weymar, en
laquelle il a intention de se mettre pour
le présent comme volonlaire. Il demande,
avant tout, qu'on le mette en liberté". »La
chose n'alla pas si vite. L'Angleterre insis-
tait vivement; on envoya de Londres, spé-
cialement pour cette affaire, un jeune
diplomate, le fils du secrétaire d'état Win-
debanck. La captivité du Palatin se pro-
longea et ce fut une difficulté de plus dans
les relations, alors si peu amicales, entre
la France et l'Angleterre. Parmi les letlres
que conserve le ms. des Affaires étrangères
où il est question de la captivité du prince
Palatin , il y en a une surtout assez pi-
quante dans laquelle Leycester rend
compte au ministre anglais Cooke d'une
conversation qu'il eut avec Chavigni, où
celui-ci, dans le dessein d'éluderles récla-
mations pour la liberté du prince Palatin,
s'imagine de persuader à l'ambassadeur
anglais que Vincennes est bien plutôt une
résidence royale qu'une prison*".
Ms. précité , fol, 698. — '•* W.fol. 6o5,
76
602 LETTRES
Que le d. prince ayant desnié sa qualité par l'interrogatoire qui luy
a esté faict, cela a faict juger à S. M. qu'il en usoit ainsy pour cacher
quelque dessein qu'il avoit contre la France, en son voyage, ce qui a
faict que Sa d. Majesté n'a peu prendre aucune pensée pour le d.
prince Palatin àl'esgard de son armée d'Alsace; joinct aussy qu'il y a
desjà plus de six semaines que Mons' de Longueville est recognu chef
de l'armée, et que le roy est maistre des places de Brisac et autres
que tenoit M'' de Weymar.
Que tout ce mauvais procédé du Palatin n'empesche pas que le roy
ne veuille demeurer avec le roy d'Angleterre aux mesmes termes
d'amitié et de négociation qu'il a esté auparavant, pour faire un bon
traicté à l'avantage de la cause commune.
Que mesme S. M. luy donne charge de conjurer le roy d'Angleterre
de considérer que, demeurer aux termes où il est, c'est perdre les
Estais de son neveu et l'occasion d'acquérir beaucoup de réputation.
Que S. M. est toute preste de porter tous ses alliés d'entrer con-
joinctement avec elle en ligne offensive et defTensive avec luy, et de
s'obliger à ne faire point la paix sans la restitution du Palatinat.
Si le roy d'Angleterre dict qu'il a procuré un grand effect en la def-
faite de la flotte espagnole, le s' de Bellièvre luy respondra que tant
s'en faut qu'il y ait contribué aucune chose , qu'au contraire il a permis
que les Espagnols , qui ont despouillc son neveu , ayent receu de grandes
assistances dans ses Estats, où ils ont esté rafraischis de vivres, de
poudres, de cordages, et, qui plus est, de divers vaisseaux qui ont
porté deux ou trois mil hommes des leurs à Dunkerque.
Il adjoustera de plus que les d. Espagnols se vantent de tous costés
qu'ils sont près de faire un traicté avec le roy d'Angleterre pour avoir
dix mil Irlandois, moyennant une somme notable qu'ils offrent de luy
prester, ce qui est sy contraire aux desseins qu'il tesmoigne avoir de
rcslablir son neveu dans ses Estats, que si le traicté estoit véritable il
seroit impossible d'en faire un avec luy à l'avantage de la cause com-
mune.
A l'occasion de ce que dessus le s' de Bellièvre fera ce qu'il pourra
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 603
pour tirer parole du roy d'Angleterre qu'il ne donnera point ces
Irlandois aux Espagnols, luy tesmoignant que, quand le roy ne seroit
point en traicté avec luy, Sa Majesté fera tousjours de bonne volonté
envers ses alliés ce qu'elle pourra, à ce que tous ensemble favorisent
ses affaires, en ce qui sera en leur pouvoir, aux occasions qui s'en
présenteront.
•Le d. s"^ de Bellièvre parlera de toutes ces choses à la reine, luy
faisant cognoistre quelle honte ce seroit au roy d'Angleterre que,
moyennant un prest d'argent, il livrast une armée aux Espagnols pour
agir contre luy-mesme.
Le s"" de Bellièvre verra ce que le roy d'Angleterre iuy dira sur la
détention du P. Palatin, et luy fera cognoistre qu'il n'en doit pas estre
surpris, puisqu'il luy a déclaré à luy-mesme que, s'il passoit en France,
comme il avoit projeté, il courroit cette fortune.
Il asseurera le roy d'Angleterre qu'on le traictera avec toute la
civilité qui se doit à une personne de sa naissance, jusques à ce que
S. M. ait descouvert le dessein qu'il avoit, passant incognu, comme
il a faicl, dans ses Estais, contre ce qu'on a accoustumé de pratiquer
envers les grands princes.
Fait à Desizes, le 29* octobre 1689.
LOUIS.
IlOLTHILUEB.
CGC.
Arch. des Aff. élr. Turin, I. 39, fol. 456. — Mise au net.
Bibl. imp. Fonds Saiiit-Gerniain-Ilarlay, 347, fol. 565. — Copie.
Fonds Dupuy, t. 767, Tt. — Extrait'.
MÉMOIRE A M. LE COMTE D'HARCOURT,
L1E^TE^ANT GÉNÉRAL DO BOT EN SON ABMF.E D'ITALIE.
A Monlargi», du dernier oclobre lôSg.
On ne peut sans perdre l'honneur entrer en continuation de
' Voy. ci-dessus, p. 56, note a.
76-
604 LETTRES
trefve avec les Espagnols , s'ils n'exécutent premièrement tout ce qu'ils
ont promis par la première suspension sur le sujet de Casai.
Ils concluroient de là, et avec raison, que les François sont capa-
bles de toutes offenses, et qu'ils (les Espagnols) pourroient impuné-
ment violer toutes sortes de traictés faicts avec eux, et ce mesme sans
qu'ils en eussent aucun ressentiment.
On croit pénétrer certainement que les Espagnols ne demandent
la continuation de la trefve de dix jours que pour attendre l'événe-
ment de Salces, où nous savons que leurs galères sont pour charger
de l'infanterie , pour la leur porter.
Ainsy cette proposition de dix jours de trefve est du tout inutile;
car devant qu'elle soit résolue, l'affaire de Salces sera terminée; si le
succez en est bon pour eux, ils ne voudront plus de trefve jusques
au printemps, et, s'il nous est favorable, ils nous estimeroient impru-
dens au dernier point, si nous la consentions.
Partant toutes sortes de raisons d'honneur et de prudence veulent
qu'on n'entende à aucune trefve de peu de jours, que premièrement
les Espagnols ne réparent les manquemens par eux faicts, dans l'exé-
cution de la première, au faict de Casai; ny à celle jusques au prin-
temps, sans establir clairement tout ce qui est nécessaire pour la sub-
sistance de Casai, pour l'entrée des vivres, munitions de guerre et
autres choses nécessaires, et des gens de guerre qu'on voudra y en-
voyer.
Quant à la paix particulière d'Italie aux conditions proposées par
le Nonce, qui suppose par ce moyen le rasement de Casai et la de-
meure de Verceil enti-e les mains des Espagnols, la proposition en
est sy ridicule et sy honteuse pour la France qu'il n'y a lieu de l'es-
couter, ny moyen de s'empescher de dire à ceux qui la font qu'ils
ont ou peu de jugement, ou peu d'affection aux intérests pubUcs,
qui doivent estre mesnagés avec une juste balance.
On ne répond rien sur l'affaire que négocie le s' de Vignoles; il
faut la conduire avec prudence; le retardement et le désir d'avoir de
l'argent par avance en font avoir quelque mauvaise opinion.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 605
Pour ce qiH est de l'affaire du s"" Masserati, on attend icy la res-
ponse; le s" comte d'Harcourt et le s' d'Argenson avertiront particu-
lièrement de ce qu'ils pénétreront, sur les lieux, des intentions des
Princes. Il seroit grandement à désirer que cet accommodement se
puisse achever avec sincérité, et pour le bien de Madame, et pour
Mons'" le P. Thomas, en tant que c'est le seul moyen de sauver les
Estats de la maison de Savoye.
Il ne faut pas que Madame puisse descouvrir le fonds de ce traicté,
estant sy malheureuse pour elle-mesme qu'elle le romproit asseuré-
ment. Elle sçait bien que Masserati a faict icy des propositions géné-
rales d'accommodement entre les Princes et Elle, lesquelles luy ont
esté faicles souvent à elle-mesme; et comme il est malaisé d'empes-
cher qu'elle sache qu'il y ait quelque négociation entre Masserati et
les d. sieurs, il la faudra repaistre de la continuation des dictes pro-
positions générales, sans luy dire rien du fonds que le roy se réserve
à luy faire proposer, quand il le verra raisonnablement ajusté avec
le P. Thomas.
ceci.
Ai'ch. de Condé. — Communicalion de S. A. R. M*' le duc d'Aumale. — Original.
Bibl. imp. Cinq - cents Colbert, t. 45, fol. 36a v°. — Copie'.
Sainl-Germain-Harlay, 346, t. i, fol. 36 1. — Copie.
A M. LE PRirVCE.
i" novembre iHSg.
Monsieur, Bien
que j'espère de la bonté de Dieu, de la justice des armes du roy, de
voslre cœur et de celuy de tant de braves gens qui sont auprès de
vous, que devant que ce courrier vous arrive vous aurés faict quelque
effect avantageux pour le secours de Salses, je ne laisse pas de le
despescher pour vous conjurer, quand mesme le grand effort que
' Faite sur une t minute originale de la main de Cherré. • (Note du ins. de Colbert et
du ms. de Harlay.)
606 LETTRES
vous aurés tenté ne vous auroit pas réussy, de ne vous descourager
pas, estant certain qu'en Testât où sont les ennemis, si vous pouvés
prendre un poste qui leur couppe ou incommode ieiirs vivres, il est
impossible qu'ils achèvent leur siège, qu'il faut quasy qu'ils recom-
mancent de nouveau, vostre courrier nous ayant rapporté que les
eaux les ont contraints de quitter et le fossé et leurs tranchées.
Je sçay bien qu'on pourra peut estre dire qu'il vous sera très-dif-
ficile d'avoir des vivres au poste que vous voudrés choisir, mais les
grands desseins ne se font point sans peine, et celle qu'aura vostre
armée ne sera pas comparable à celle que souffriront les ennemis.
Il s'agit d'une affaire si importante à la paix qu'il n'y a rien qu'il ne
faille faire pour en venir à bout; et je ne voy rien, à mon avis, qui
en puisse empescher le succez que le manque de patience. Je m'as-
seure que tous ceux qui sont auprès de vous ne se contenteront pas
de faire paroistre leur valeur en une occasion pressante, mais qu'ils
seront ravis de faire encores voir leur fermeté.
Tout ce que je vous dis, Monsieur, n'est pas pour vous donner
lieu de ne tenter pas le grand elTort que je présuppose que vous
aurés desjà tenté, mais pour vous porter, au cas qu'il ne vous eust
pas réussy, à ne vous désister pas de vostre entreprise.
Je suis extresmement aise que vous n'ayés pas pris une ré.solution
de faire tenter un secours particulier qui, à mon advis, n'auroit autre
elFect que de n'en avoir point de bon pour nous et de faire perdre
courage au reste de l'armée; et c'est chose bien évidente que, si on
peut espérer que 4,ooo hommes et 1,200 chevaux puissent forcer
un retranchement, l'armée tout entière le fera bien plus aysément,
principalement en faisant diverses attaques, selon que vostre prudence
sçaura fort bien l'ordonner. Les Espagnols n'ont rien pardessus nous
que la constance; si vous commancés à les vaincre en ce point vous
acquerrés beaucoup de gloire, avec tous ceux qui servent sous vos
commandemens.
Je les conjure tous. Monsieur, avec vous, de n'oublier rien de ce
qui peut servir à cette fin, et les asseure que je feray valoir auprès
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
607
du roy leurs services ainsy qu'ils le peuvent désirer. La précipitation
avec laquelle je vous dcspesclie ce courrier, après avoir veu la vostre
qui est allée trouver le roy, faictque je n'ay autre loisir que de vous
escrire cette lettre, vous suppliant d'en faire part à ceux qui en doi-
vent avoir cognoissance , et de croire que je suis, etc.'
ccai.
Arch. des Aff. élr. France, 1689, Supplément, fol. 45 1 . — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. BOUTHILLIER,
SUniNTENDANT DES FIIAHCES , k PARIS.
De Briare, ce 2' novembre i63g.
La main non encores cogneue dont je vous escrivis de Lyon est
attachée au corps d'un nouveau secrétaire que j'ay, qui ne vous est
pas encores cogneu. Comme le caractère en est passable , la mine n'en
est pas fascheuse; et la fidélité n'en est pas doiûiteuse.
J'ay rcceu les pièces que vous m'avés envoiées touchant les aflaires
de mon nepveu Du Pont, dont je vous remercie, comme aussy du
soin que vous voulés prendre de ce qui me touche^.
' Aussilôt la réception de cette lettre,
M. le Prince assembla un conseil de
guerre , qui , après avoir examiné les
moyrns de secourir Salces proposés parie
cardinal, jugea la chose absolument im-
possible d'un commun avis. M. le Prince
envoya au cardinal le résultat des déli-
bérations de ce conseil, signé de tons les
membres : Henry de Bourbon ; C. de Rebé ,
archev. de Narbonne; Gilles, év. d'Aire;
B. Macbau; Dupré; Scliomberg; Arpajon;
Lecques; Argencourt; Tonnerre; Le Pies-
sis-Besançon ; Prouville. La lettre de M. le
Prince est écrite de Narbonne le 6 no-
vembre. Les deux mss. de la bibliothèque
notés aux sources sont tout remplis de dé-
tails sur cette affaire, et sur la campagne
de Uoussillon. [Emploi de M. le mareschal
de Schoniberg. Cinq-cents Colb. fol. 233-
/|02 ;Harlay, 346, fol. a43-4o3.) — Voy. ci-
après lettre du a8 novembre.
' Ce M. Du Pont-Courlay désolait toute
sa famille. Nous avons vu la sévérité des
reproches que lui adressait parfois Riche-
lieu. Voici ce que la duchesse d'Aiguillon ,
sa sœur, mandait en confidence à Chavlgni
le 21 octobre : «Je ne puis m'empescher
de vous dire la croix que j'ay démon frère
608
LETTRES
Je ne doute pas qu'il ne désire une terre tiltrée,mais je ne sçays'il
sçay t qu'il faut les mériter de celte nature pour les obtenir en ce temps.
Comme il désire de la gloire, je luysouhaitte desactions qui l'en rendent
digne, et sans ce moyen sa fin sera dans son désir et jamais eneffect.
Aussytost que je seray à Fontainebleau, je donneray ordre au
payement de madame d'Harcourt. Si mes eaues se sont trouvées basses,
la mesme raison qui les rendoit blanches au puyts des Caves, aupa-
ravant que vous eussiés une fontaine, en est la cause, c'est qu'on en
a trop tiré pour le public. Ainsy que depuis cet accident vous avés
trouvé une fontaine, si je puis trouver quelque source utile au ser-
vice du roy ce me sera une grande consolation '.
qui est pis que jamais, ses extravagances
m'eslanl insupportables. M' vostre père ne
le cognoist pas. Au nom de Dieu , voyés
adroitement quels sont les sentimens de
S. Em pour luy, car de le laisser icy, c'est
le plus grand mal que l'on puisse faire. Il
m'a pensé faire tourner la cervelle pour si-
gner des papiers que S. Em.'a désirés, qui
estoient très raisonnables. 11 parle pitoya-
blement de S. Em. devant tout le monde;
cela me faict mourir d'ennui. » (Manuscrit
cité aux sources, fol. 43o, lettre auto-
graphe.) En ce moment Boutbillier était
fort embarrassé pour mettre en ordre les
affaires d'argent , très-dérangées, de ce ne-
veu peu digne d'un tel oncle.
' Nous avons déjà dit que les Caves était
le nom delà maison de campagne de Bou-
tbillier. Le cardinal parle ici, presque en
plaisantant, à l'un des surintendants des
fmances, d'embarras graves, dont l'antre
surintendant se désespérait. Bullion écri-
vait sans cesse à Bicbeiieu les lettres les
plus lamentables à ce sujet; et encore il gar-
dait, en s'adressant au premier ministre,
des ménagements dont il ne prenait pas
la peine d'user avec d'autres. Nous avons
plusieurs lettres qu'il adressait à Chavigni ,
alors en mission à Turin, toutes remplies
de ses inquiétudes et des misères du trésor
public; ce passage d'une seule suffira à don-
ner une idée des au très : «... Je ne fus jamais
si outré que je suis, et avec un tel mespris
des affaires , et un chagrin indicible, voyant
où nous en sommes. Je m'expliqueray da-
vantage en présence, Dieu aydant. Il fault
quej'advoue que les affaires de finances sont
en très-mauvais eslat. La despense du con-
tent monte à quarante millions au moins;
les trailans nous abandonnent , et les peu-
ples ne veulent rien payer, ny les droits
antiens, ny les nouveaux. Nous sommes
maintenant au fond du pol, n'ayant plus
de moyen de choisir entre les bons et mau-
vais advis. Et je crains que nostre guerre
estrangère ne dégénère en une guerre ci-
vile. S. Em. quand elle verra la vérité des
affaires y prendra quelque bon expédient;
mais je vous confesse que je suis bien em-
pesché et n'y voy aucun jour. . . » (Manus-
crit cité aux sources, fol. /i36.) Cette lettre
était écrite le ib octobre, huit jours
avant la présente lettre à Boutbillier.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 609
Je suis xavy de Ja santé de madame vostre femme, et prie Dieu
qu'il la continue à toute vostre famille, que j'aimeray tousjours comme
j'ay faict, avec distinction de ce que je veux rendre aux enfans et de
ce qui est deub à l'ancienneté des progéniteurs.
Le Card. DE RICHELIEU.
CCCIII.
Arch. des Aff. élr. Turin, t. 29. fol. Siy. — Minute. —
Au folio 5 1 g, mise au net'.
Bibl. inap. Saint-Germain- Flarlay, 347. '"*''• •'61. — Copie'.
Fol. 555 v°, autre copie.
-MÉMOIRE A M. LE COMTE D'HARCOURT'.
Un 20 novembre lôSg.
Les propositions faictes par le nonce, touchant la paix générale
d'Italie, pour les suspensions jusques au printemps, ou pour 1 5 jours,
.sont ridicules par les conditions qu'il y veut mettre.
Quant aux propositions faictes par Masserati et Baronis, dont la
première regarde l'accommodement des frères avec S. M. il est à
propos d'en remettre les résolutions jusques à ce que Masserati vienne
en France, ou que le P. Thomas envoie des conditions raisonnables
pour cet accommodement, comme ils l'ont faict espérer.
Cependant M'' d'Argenson a bien respondu en disant qu'il ne se-
roit pas raisonnable que le roy restituast les places (ju'il a à Madame
et aux frères; au cas que les Espagnols ne vovdussent restituer celles
' La minute est écrite de la main d'un était commune aux deux personnages,
secrétaire, avec des additions de la main '-Cette copie datée du 19, et qui met
de Richelieu et de celle de Cherré. Cette la suscription «à M' d'Argenson,» a été
minute est datée du 19 novembre; on lit faite sur la minute, ainsi que l'indique
au dos : « A M' d'Argenson, • tandis que une note marginale,
le nom de M. d'Harcourt est écrit sur la ' Voyez sur la même affaire un autre
mise au net, laquelle porte la date du ao, mémoire, adressé aussi au comte d'Har-
sans doute jour de l'envoi. La dépêche court, le 3 1 octobre.
CABDIN. DE RICHELIEU. — VI. 77
610 LETTRES
qu'ils ont, quand mesme l'accommodement des d. frères se feroit
avec S. M. par la raison que y a adjousté le d. s"^ d'Argenson, que si
le roy ne se trouvoit saisi d'aucune place de Piedmont quand on trai-
teroit la paix générale, et que les Espagnols fussent saisis de celles
qu'ils occupent aujourd'huy, S. M. en recevroit un notable préjudice,
et la maison de Savoye aussy.
En cas que l'accommodement entre le roy et les princes se fist, on
pourroit prendre un expédient sur la restitution des places, qui seroit
que, les Espagnols ne restituant point celles qu'ils occupent, le roy
gardast celles qui luy ont esté mises entre les mains, promettant tou-
tefois de les restituer à mesure qu'on en reprendroit de celles que
tiennent les Espagnols, en sorte qu'il en demeure autant au roy et
d'aussy bonnes qu'aux Espagnols, pour faire le contrepoids dans un
accommodement général.
Au cas que les Espagnols ne veillent pas restituer Verseil, ou que
les princes ne se portent pas à le leur demander, el'qu'ils offrent de
restituer toutes les autres places qu'ils tiennent à la charge que le roy
fera la mesme chose, le roy y pourroit consentira condition que Ma-
dame, les Princes et les Espagnols, laissent entre les mains de S. M.
une des places qu'elle tient dans le Piedmont, selon qu'il sera avisé,
autre que Pignerol , et que le P. Tliomas donne pour seureté de luy
sa femme et ses enfans'.
Mais tout ce que dessus ne se peut bien accommoder qu'on n'ayt
veu ce qu'escrira Masserati, en suite de son voyage de Nice, ou qu'on
n'ayt parlé c^ luy, s'il vient à la cour. Néantmoins, il est bien à propos
que M"' d'Harcourt en ayt cognoissance , affin qu'il puisse faire pa-
roistre en général les justes intentions du roy, pour obliger d'autant
plus les Princes à traicter avec S. M.
A la marge de ce paragraphe, sur la Espagnols ou autrement, pourroient en
rainule.Cherré a écrit: t Sans celte seureté un instant se rendre maistres de toutes
demandée au prince Thomas un tel ac- les places du Piedmont où madame de Sa-
cord pourroit estre captieux, en ce que les voie n'est point aimée. »
frères, par conventions secrettes avec les
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 611
Pour ceKjiii regarde la proposition de la suspension jusques au prin-
temps : après avoir veu ce qu'escrit M'' le comte d'Harcourt de Testât
de ses troupes, de l'impossibilité qu'il y a de faire subsister la cava-
lerie dans le Piedmonl, et de la foiblesse des garnisons qui seront
dans les places, il semble qu'on pourroit consentir à la d. suspension
pourveu qu'elle durast jusques à la lin d'avril; que le roy eust liberté
de pourvoir de munitions et d'bommes Casai et les autres places qu'il
a dans le Montferrat par un chemin qui seroit marqué, la mesme
chose estant accordée aux Espagnols pour ce qui regarde Turin', mais
avec celle précaution pour esviter pareille tromperie que celle du
passé ^ [et qu'il n'entre rien dans Turin qu'il n'en entre autant dans
Casai].
Ensuitte de quoy il doit estre aussy dict clairement, pour ne tomber
pas aux inconvéniens des prétextes qu'on a voulu prendre pour
rompre la suspension passée, qu'ainsy qu'il sera libre aux Espagnols
et aux frères de changer la garde et les garnisons des places qu'ils
tiendront dans les Estais de M' le duc de Savoye, ainsy le roy et Ma-
dame pourront-ils faire le mesme .sans qu'on puisse imputer tels
changemens contraventions à la d. suspension.
Les avantages qu'auront les Espagnols pour munir et fortiffier la
ville de Turin seront récompensés pai- la liberté que le roy aura de
faire la mesme chose à Casai el aux autres places qu'il a dans le
Piedmont, qui ne sont pas en trop bon estât. Outre que la négocia-
tion qui est introduite avec les Princes se terminera plus facilement.
' Cependant si on pouvoil commodément se passer de la d. sus-
pension, puisque les Espagnols la demandent, c'est un signe asseuré
qu'ils ont quelque grande incommodité dans Turin, à laquelle ils
veulent pourvoir à la faveur de la suspension.
' La fin du paragraphe et le paragra- * Il y a, dans la minute, > de l'avenir; »
plie suivant sont écrits en marge, dans la mais c'est évidemment une distraction de
minute, de la main de Cherré, sauf la Cherré.
phrase que nous enfermons entre crochets , ' Ce dernier paragraphe est de la main
laquelle a été ajoutée p.ir Richelieu. de Cherré dans la minute.
77«
612
LETTRES
CCCIV.
Imprimée : Mém. de l'Académie de Tuulouse , 3' série, t. III, p. i55.
A M. LE BARON D'AMBRES'.
2 2 novembre i GSg.
Monsieur, bien que je ne doute point que la qualité et le mérite de
M' de Lavaur^ vous convie à l'estimer et aimer tout ensemble, je m'as-
' Voyez tome V, p. 734, note 1.
' Charles-François d'Abra de Raconis,
qui avait été nommé évêque de Lavaur
en 1637, ne fut sacré que le 29 mai 1 689 ,
et l'on voit qu'il ne prit possession de son
évêché que six mois plus lard. C'était un
de ces catholiques de conversion rccenle
qui se faisaient remarquer par l'ardeur de
leur zèle théologique, et leur inépuisable
faconde dans la controverse. Le fatras de
sa polémique lui a mérité une place dans
l'épopée satirique de Boileau Ami du
P. Joseph, il élait l'un des courtisans les
plus empressés du cardinal de Richelieu;
Tallemant des Réaux (IV, i5) nous le
montre assidu à grossir la foule de ceux
qui suivaient le cardinal dans ses prome-
nades auxTuileries , et se disputaient l'hon-
neur de faire sa partie de ballon La vanité
naturelle au caractère de Raconis, gonflée
encore du venl de cette faveur, lui fil beau-
coup d'ennemis dans sa ville épiscopale,
(Gallia christ, t. XIV); et, malgré la lettre
de Richelieu, le baron d'Ambres ne craignit
pas de se mettre à la tête delà cabale sou-
levée contre l'évèque. Non-seulement il ne
lui rendit pas sa visite, mais il ne lui épar-
gnait aucune mortification. Le vieux châ-
teau des barons d'Ambres élait voisin de
Lavaur; cette ville d'ailleurs se trouvait
située dans la petite province de Laura-
guais, dont le baron était sénéchal, et la
grande influence de ce personnage dans
la contrée rendait ses démêlés avec Ra-
conis très-désagréables pour l'évèque, qui
s'en plaignit vivement à Richelieu. On
verra bienlôl que celui-ci n'abandonna
pas son protégé, et, aussi, que le baron
d'Ambres persista dans ses procédés in-
sultants malgré la protection du cardinal.
Cette lutte d'un simple gouverneur d'une
petite province contre le premier ministre ,
à l'époque de sa puis.sance la plus absolue,
est curieuse et donne à cette lettre une
importance qu'elle n'aurait pas par elle-
même; c'est ce qui nous engage à lui faire
une place dans ce recueil, d'autant que
celui où elle est imprimée est fort peu ré-
pandu. Richelieu fut obligé de réitérer plus
d'une fois ses recommandations au baron
d'Ambres, qui, malgré les prières du car-
dinal, continuait de vivre assez mal avec
l'évèque de Lavaur. (Voy. ci-après aux
dates du 8 septembre i64o et du 9 février
1 64 1 .) On trouve dans les mss. de la Bibl.
imp. (fonds Baluze, papiers des armoires,
lettres, paquet V, n"' 4 et 5) une série de
lettres adressées , pendant toutes ces brouil-
leries, à Charpentier, par l'évèque de La-
vaur d'une part , et par le baron d'Ambres
de l'autre; chacun plaide sa cause auprès
du secrétaire du cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 613
seure que tous vous y porlerés encore dadvantage quand vous sçaurés
qu'il est de mes amis particuliers, et que comme tel je vous conjure
de le considérer pour l'amour de moy, qui auray à contentement de
vous tesmoigner en touttes occasions que je suis,
Monsieur,
Voslre très affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 22 novembre 1689.
CCCV.
Arch. des Aff. élr. Hollande, t. ai, pièce 210. — Mise au nel'.
Bibl itnp. Cinq-cenls Colbert, t. 46, fol. 2i3. — Copie'. —
Saint-Germain-Harlay, 346, t. 2, fol. SgS. — Copie.
INSTRUCTION DE M. D'ESTRADES'.
23 novembre iGSg.
Monsieur le prince d'Orange a tant de coguoissances des affaires
du monde qu'on ne doute point qu'il ne sache les excessives des-
' La pièce des Affaires étrangères, n'é-
tant point datée, a été classée à la fin de
l'année.
' Faite sur une minute • de la main de
Chirurgien. ■ (Noie de chacun des deux
mss. de la Bibliothèque.)
' Un traité d'alliance offensive et dé-
fensive avait été conclu entre la France et
la Hollande, le 24 mars 1689 *. Les Étals
de Hollande montrèrent peu d'empresse-
ment à l'exécuter; il y eut des hésitations
et des explications qui se prolongèrent
pendant plusieurs mois". Cependant des
engagements réciproques avaient été pris
* L'original el une copie de ce trailé se trouvent
aux .AfTaircs étrangères dans un volume de Hol-
lande, classé hors série, et au dos duquel on lit
1575-1663, pièce» 71 el 72. Un autre texte est con-
dès le 23 avril iGSg, mais on n'en conti-
nuait pas moins les négociations, et nous
trouvons, à la date du 24 octobre, une
lettre du prince d'Orange à Richelieu , avec
un • mémoire de ce que fera la Hollande
en i64o, si le roy de France assiste les
Estais de 1,600,000 livres**'. • Elle 22 no-
vembre la présente instruction est donnée
à d'Estrades; à la date du 24, les enga-
gements stipulés en avril sont textuelle-
ment reproduits (ci-après, p. 620) et enfin ,
le 23 décembre, des promesses formelles
sont définitivement conclues. (Ci-après,
p. 667.)
scrvf: dans ia coliectiun de Hollande, t. 21, pièce 69.
" Voyez plusieurs pièces du tome 2 1 précité ,
entre autres les pièces 60, 6j, 79.
*•* Pièces iSg et lio.
614 LETTRES
penses que le roy est confrainct de faire pour la guerre, qui sont telles
qu'elles ne reviennent pas à moins de cinquante millions, lesquels
joincts à vingt que coustent les autres despenses de l'Eslat, il faut
trouver tous les ans soixante-dix millions, bien que le revenu ordi-
naire du royaume ne soit que de la moitié.
Ces considérations font qu'il est du tout impossible au roy d'ac-
corder à M" les Estats, pour l'année i6/io, la somme de 1,600,000 liv.
désirée par M' le P. d'Orange, en monnoye de Hollande, qui revient
à deux millions, monnoye de France.
Par le premier traicté faict entre la France et M" les Estats, sur
le sujet de la rupture arrivée en i635, le roy est deschargé du
secours d'argent qu'il donnoit auparavant à M" les Estats pour leur
aider à soutenir les despenses de la guerre, et eux demeurent chargés
d'entretenir une puissante armée jusques à la paix, pour faire, ainsy
que S. M. y est obligée de sa part, la guerre offensive aux ennemis.
Nonobstant cette descharge, le roy, par excès de zèle au bien des
affaires communes et celuy de M" les Estats, leur a donné en i636,
1687, '638 et 1639, de grands secours extraordinaires, à ce qu'ils
puissent faire des entreprises considérables et plus qu'ordinaires.
Comme l'effet de tels secours ne s'est pas tousjours ensuivi tel qu'on
eust peu le désirer, quelques-uns qui pensent à l'espargne du royaume
avoient faict penser qu'il falloit demeurer dans les termes généraux
des traictés qui obligent chacun de faire, la guerre à ses despens.
Cependant la confiance que M' le cardinal prend aux promesses de
M"' le P. d'Orange luy a faict faire de nouveaux efforts vers S. M. pour
la porter, comme il a faict, à donner encores cette année un secours
extraordinaire à M" les Estats, et ce plus grand qu'à l'accoustumée,
à raison des grands desseins auxquels mon d. s'' le P. d'Orange veut
s'obliger.
Pour cet effect, M" les Estats peuvent s'asseurer de la somme de
1,600,000 livres, monnoye de France, en quatre termes, somme
d'autant plus considérable que les monnoyes légères sont maintenant
deffendues en France.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 615
On estime les desseins auxquels M"' le prince d'Orange veut s'obli-
ger pour l'année qui vient Irès-importans; mais, ne sachant pas les
raisons particulières qui les luy font estimer faisables, on les trouve
de difficile et douteuse exécution. Cependant S. M. défère tant au
jugement et à l'expérience du d. s'' Prince, que sur l'asseurance de ces
desseins, et la promesse qu'il veut faire par escrit de les exécuter,
elle ne faict pas difficulté de s'engager au secours susdit d'argent, et
de s'obliger aussy par escrit à faire une puissante diversion qui ne
sera pas de moindre eflfect pour le dessein de M" les Estats que celle
des années passées.
Pour avoir bon succès de quelque entreprise qu'on veuille faire de
part et d'autre il faut mettre à la campagne de bonne heure, et estre
sy religieux au temps arresté, à celte fin, que les deux armées de
S. M. et de M" les Estats y entrent précisément à mesme jour.
L'expérience et la raison font voir si clairement que, sans ces deux
points, on ne sauroitrien faire, que S. M. déclare franchement qu'elle
n'entre maintenant au nouvel engagement du secours extraordinaire
qu'elle veut faire à M" les Estats, que sur l'asseurance que M' le
P. d'Orange luy donne qu'il entrera sans faillir, avec l'armée de M"'" les
Estats, le premier jour de may; auquel S. M. s'oblige aussy de faire
entrer son armée commandée par M' le mareschal de la Meilleraie '.
Quelque dessein que fassent M" les Estats, S. M. désire qu'ils
aient une armée de 3o à 4o vaisseaux au travers de Calais, pour em-
pescher que les places des ennemis, qui sont sur la coste, ne puissent
estre secourues, au cas que S. M. ou M" les Estats viennent à les atta-
quer, et asseurer le passage des vivres de France et de Hollande, selon
les divers vents, à ceux qui voudront faire ime telle entreprise.
Afin que le manque ou délay de la conclusion d'un traicté pour
cette année ne puisse donner prétexte, aux uns et aux autres, de
' Nous trouvons ce qui suit à la marge à la cainpagnu au i" uiay, que, par le
du ms. des Affaires étrangères ; « M' d'Es- traicté faict en 1 635 , il s'estoit obligé d'y
Irades représentera à M' le P. d'Oronge, esire en mars. >
au cas qu'il fasse didicullé de se mettre
616 LETTRES
n'estre pas prests d'entrer en campagne de bonne heure et à mesme
jour, le roy donne pouvoir au S" d'Estrades , soit qu'il conclue un traicté
particulier en son nom, soit qu'il demeure dans les ternies du général
de 1 635, qui oblige la France et M" les Estats à faire la guerre offen-
sive dans le pays des ennemis, de promettre pour S. M. qu'elle fera '
entrer précisément dans le pays des ennemis son armée, commandée
par M"" le mareschal de laMeilleraie , le premier may, déclarant à M"^' les
Estats que si , en satisfaisant aux obligations des traictés faicts avec la
France, ils veulent faire quelque chose de considérable^, ils doivent
estre en campagne en mesme temps, ainsy que le roy le désire et s'y
attend^.
CGC VI.
Arch. des Aff. étr. Hollande, l. 2 i , pièce lig. — Minute de la main de Cherré
et de celle de Charpentier. —
Mise au net de la main d'un secrétaire de Chavigni, pièce iSa.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, n° 46, fol. 2i5 v°. — Copie*. —
Saint-Germain-Harlay, 346, t. 2, p. /|00. — topie.
INSTRUCTION PARTICULIÈRE
POUR MONS' D'ESTRADES.
Du 2 2 novembre iCSg.
Si Mons* le prince d'Orange s'opiniastre à vouloir avoir plus d'ar-
gent que les 1,600,000 livres monnoye de France, portées par l'ins-
truction publique du s' d'Estrades, pour luy oster tout lieu d'ex-
cuse, le s' d'Estrades luy peut dire qu'il ne faut point en espérer
davantage, du consentement de M" les surintendans des Finances,
' 11 y avait «d'obliger S. M. à faire. » Ri- ' Celte dépêche était faite pour être
chelieu a effacé cette petite phrase et a communiquée au prince d'Orange. On va
écrit en surcharge celle qu'on voit ici. voir l'instruction secrète envoyée en même
' Ces dernières lignes sont presque en- temps à l'ambassadeur,
tièrement de la main de Richelieu dans la ' Faite sur une pièce » de la main de
pièce des Affaires étrangères, où l'on re- Cherré. » (Note des mss. de Colbert et de
marque çà et là d'autres traces de l'écri- Harlay.)
lure du cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 617
mais qu'il * veu M' le cardinal sy afFeclionné à son contentement,
qu'il luy dist en partant : Si M'' le P. d'Orange est bien asseuré de
l'exécution de son dessein; s'il ne tient qu'à deux ou trois cent mille
livres, je les feray donner sans que les surintendans le sachent, les
bonnes grâces du roy me donnant assez de crédit pour cela.
Ensuitte le d. s' d'Estrades luy ajoustera que, sur cette parole, il ne
fera point de difficulté de s'engager à la somme de i A ou 1 5oo,ooo liv.
monnoye de Hollande, pourveu qu'il luy donne parole que, s'il venoit
à manquer l'exécution de son dessein, il ne prétendra point le paye-
ment des derniers termes, sans que toutefois il puisse, en y renon-
çant, estre libre de la promesse qu'il faict d'exécuter son dessein'.
Le d. s" d'Estrades portera insensiblement le d. s' Prince à presser
le roy d entreprendre le siège de Dunkerque ou de Gravelines, et de
promettre, en ce cas, vaisseaux pour empescher le secours et autant
de vivres, en payant, qu'on pourra avoir besoin, et promettra au d.
s' Prince de porter autant qu'il pourra le cardinal à faire entreprendre
ce dessein; ce qu'il fera cependant avec tant de précaution que M' le
P. d'Orange demeurera d'accord avec luy, que, sur ce sujet, il ne
s'engagera à rien pour S. M. mais demeurera seulement chargé de
faire ouverture de cette entreprise au roy et à M" de son conseil.
^ Le d. s' d'Estrades saura que la proposition qu'on sera bien aise
qu'il fasse du siège de Dunkerque n'est pas que l'on juge que le roy
doive maintenant entreprendre cette place pour le bien de la cause
commune, mais seulement à ce que, si le cours des affaires porte S. M.
à cette résolution, les d. sieurs des Estats luy en aient grande obli-
gation, et soient obligés de le secourir en ce dessein autant qu'ils
pourront.
Les mauvais succès qu'ont eus les Pays-Bas cette année par terre,
à raison des avantages que les armées du roy ont remportés sur eux ,
et par mer, à cause de la bataille navale gagnée par M" les Estats, font
qu'on en doit espérer de grands l'année qui vient, pourveu que l'on
' A la marge des trois rass. on lit : <i Monsieur d'Estrades conviendra au meilleur
marché qu'il pourra. • — ' Ici Charpentier prend la plume.
C&BDIX. DE RICBELIEC. VI. " 78
618 LETTRES
sache bien se servir de l'occasion; el ce d'aulantplus que le mauvais
estât des affaires de l'Empereur a tiré Piccolomini en Allemagne.
Dans la foiblesse des ennemis, si les forces du roy et celles de
M" les Estats attaquent proche l'un de l'autre, il semble qu'on leur
donne tout l'avantage qu'ils sauroient désirer, leur donnant moyen
d'unir toutes leurs forces et de résister à la France et aux Hollandois,
selon que les occasions le requerront.
Au lieu que, si les attaques de la France et de M'' les Estats sont
fort esloignées l'une de l'autre, il faudra, par nécessité, qu'ils divisent
leurs forces en deux , et qu'ils soient foibles partout.
En cette considération, je croy que. M' le P. d'Orange attaquant
Dam e't Bruges, ce ne seroit pas prudence d'attaquer en mesnie temps
Dunkerque par les forces du roy, et que la raison veut qu'on porte
ses desseins plus loin.
' Mons' d'Estrades verra s'il n'est point à propos qu'il dise un jour,
sous prétexte de grande franchise, à Mons" le P. d'Orange, ce qui suit :
Monsieur, je pense avoir une preuve de la grande affection que
M"" le cardinal a pour les affaires de cet Estât , laquelle est indubi-
table, et ensuitte de laquelle vous devés, à mon avis, vous surpasser
vous mesme, pour faire quelque chose de grand. On n'a communiqué
aucune chose du dessein de V. A. à Mess" du Conseil, mais seulement
que vous demandés un grand secours du tout extraordinaire pour
faiie aussy quelque chose de grandement considérable. Quelqu'un
qui alloit à l'espargne dict qu'il estoit à craindre que ce grand secours
fust la cause de vostre perte, en ce que si, après tant d'asseurances de
faire quelque chose de grand, vous ne faisiez rien, la crainte que
vous auriés que la France n'en demeurasl tout à fait desgoustée et
offensée, vous portast à traicter avec les Espagnols, comme on avoit
faict en 1 636. Mons'^ le cardinal ayant ouï cette raison dist qu'elle luy
avoit passé par la fantaisie, mais qu'il n'estimoit pas qu'elle dust em-
pescher d'entrer au secours dont il estoit question, pour deux raisons :
La première fust qu'il vous tenoil trop généreux pour souffrir une
' Cherré reprend ici.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 619
inficlélilé pareille à celle qui se feroit si M" les Estais Irailoient sans
le roy;
Et la seconde, que vous esliés trop habile pour ne voir pas que,
quelque traicté que les Estais peussent faire seuls avec l'Espagne, ils
n'y sauroient trouver de scureté, estant clair que, toules les fois que
la France voudroil se joindre à leurs ennemis contre eux, ils luy
feroient telle condition que bon luy sembleroit, parce qu'en tel cas
ils penseroienl estre asseurés de la perte de M" les Estais.
Ces raisons ramenèrent M" du Conseil, et leur firent dire qu'ils ne
pensoient pas que M'* les Estais voulussent jamais, par une infidélité
qui les désbonnoreroit sans remède, donner sujet au roy, qui les avoit
tousjours puissamment protégés, de se tourner contre eux. Ensuitte il
ajousla que quand mesme M" les Estais seroient capables d'une telle
lascheté, ce qu'ils ne feroient jamais, il osait dire au roy qu'il valloit
mieux la souffrir, après leur avoir donné moyen de faire quelque grand
effect, que d'en user autrement'.
ADDITION D'INSTRUCTION ^.
Mons' d'Estrades doit dire à M" le P. d'Orange qu'il s'asscure qu'il
est trop raisonnable pour prétendre pouvoir estre deschargé devant
le monde de l'exécution du dessein qu'il propose, quand il y sera
' Lorsque celle instruction fui donnée qu'il portera peut-eslre des plaintes d'a-
à M. d'Estrades, Richelieu avait dû être bord, qui se termineront en adoucisse-
informé qu'un ambassadeur exlraordi- ments. » (Bibl. imp. S'-Germ. Harl. 36/i*,
naire était allé à Londres de la pari des fol. a66 Us, orig.) Quoique la France et la
États. M. Brassel, secrétaire de la légation Hollande fussent souvent en soupçon que
française en Hollande, avait écrit, le 3 1 oc- chacune de ces puissances pouvait traiter
tobre, à M. de Bellièvre, ambassadeur en secrètement avec l'Angleterre ou avecl'Es-
.^ngleterre: «Depuis ma dernière du ay, pagne pour finir la guerre aux dépens
l'on a pris icy résolution d'envoyer un am- de leur allié, il ne paraît pas probable que
bassadeur extraordinaire en Angleterre, Richelieu fil ici allusion à l'avertissement
dont le choix esl tombé en la personne de qu'avait donné M. Brassel ; le nom du plé-
M. d'Arsens Sommerdik , qui s'en est fort nipolcntiaire désigné n'éveillait pas les in-
excusé, mais enfin le service de la patrie, quiétudes du cabinet français,
et les persuasions de M le prince d'Orange ' Celte addition est écrite, sur un
ont prévalu. C'esl sur le sujet des flottes feuillet séparé, de la main de Cherré.
78.
620
LETTRES
obligé, quand mesme il y trouveroit de l'impossibilité , ou qu'un léger
combat l'en empescheroit, que par l'exécution d'un autre dessein dans
la Flandre, de pareille importance.
Fa qu'il vaudroit beaucoup mieux qu'il ne l'entreprist pas et demeu-
rast dans les termes du traicté de 1 635 , où chacun doit faire la guerre
à ses despens; ou que, s'il juge ne pouvoir l'aire qu'un dessein de moin-
dre considération, il se contentastd'un moindre secours, comme il a eu
les années précédentes, lequel toutefois il n'a demandé et ne luy a esté
accordé qu'en considération qu'il feroitquelque chose d'extraordinaire ^
Voici le texte de l'engagemeut dont il est question dans les deux instructions
données le 22 novembre au comte d'Estrades :
PROMESSE KÉCIPROQUE ENTRE LE CARDINAL DE RICHELIEU ET LE PRINCE D'ORANGE 2.
Sur la proposition que M' le prince d'Orange m'a faict faire par le s' d'Estrades
qu'il attaquerait l'année prochaine, que l'on comptera i64o, les villes de Dam et
de Bruges , tout à la fois les forts du canal jusques à Blanc-en-Berghe et Blanc-en-
Berghe mcsme, moyennant que le roy luy donnast, rendues en Flandres, les
sommes nécessaires pour la levée de [douze]' mil hommes de pied, et six mois
' Le cardinal chargea d'Estrades de
remettre au prince d'Orange une lettre où
il disait : <i Vous verres , par la response que
vous porte M' d'Estrades, le désir qu'a
S. M. de favoriser vos bons projets, et ce
qu'elle veut faire pour en facililer l'exé-
cution et par sa bourse et par ses armes.
Pour moy, Monsieur, je m'y porterayavec
d'autant pins d'ardeur que j'espère que
nous ne serons pas moins heureux l'année
qui vient que la présente , et que l'armée
de mon cousin le mareschal de La Meil-
leraie divertira aussy puissamment les en-
nemis qu'elle a faict cette année. » Puis ,
en promettant la ponctuelle exactitude de
La Meilleraie, Richelieu ajoutait: «Sy peu
d'expérience que j'ay me faict croire du
tout impossible de faire aucune chose de
considération si on ne surprend et pré-
vient les ennemis. » La minute de cette
lettre, de la main de Charpentier, est sans
date el on l'a classée à la fin de décembre
(Hollande, t. 21, pièce 189). Deux copies
se trouvent à la bibliothèque, avec la date
du 23 décembre; c'est une erreur évi-
dente; elle fut écrite pour accompagner
cette instruction ; c'est donc novembre qu'il
fallait mettre (voy. aux analyses, 28 nov.);
d'ailleurs, nous trouvons que d'Estrades
était de retour en Hollande au commen-
cement de décembre.
' La minute , de la main de de Noyers,
de Charpentier et de Richelieu, est dans
le ms. de Holl. l. 21, pièce 71.
' Il y avait « dix; » Richelieu a effacé et
mis «douze» en interligne. Nous enfer-
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
621
de gages, [o«tre l'entreteneinent des Iroupes extraordinaires qui furent levées
pour l'année du siège de Maestric]
Après avoir l'aict savoir ce dessein au roy, et receu ses ordres et commande-
mens sur iceluy, je promets à M' le prince d'Orange, au nom de Sa Majesté, de
luy faire payer la somme de ' [seize cent mile livres, payables en quatre termes,
de trois mois en trois mois, dont le premier sera en janvier.] Moyennant que
M' le prince d'Orange me donne aussy sa promesse d'exécuter la proposition
cy-dessus, et que, pour cet efïect, il fasse lever [et entretenir] extraordinairement
les [trouppes] cy-dessus spécifiées pour l'exécution dudict dessein, outre ce que
M" les Estats ont accoustumé d'avoir sur pied.
Et aiTm que toutes choses soient ponctuellement exécutées de part et d'autre ,
je promets de faire payer les sommes cy-dessus, en quatre payements égaux, le
premier eschéant au mois de janvier prochain, et les trois autres de [trois] mois
en [trois] ^ mois, franches et quittes de tout change, dans Amsterdaui^.
Je promets en outre, de la part du roy, que M' le mareschal de la Melleraye
sera en campagne, avec l'armée de Sa Majesté, le premier jour de may, sur peine
d'estre estimé manquer à ce qui est convenu entre M' le prince d'Orange et moy,
pour Sa Majesté et M" les Estats, [et qu'il exéquutera la diversion projettée par
Sa Majesté, ou donnera combat général aux ennemis; et que, quand mesine il
le perdroit, Sa Majesté ne laîrra pas de tenir une armée puissante dans le pays
des ennemis*.]
Faict à Ruel, le 2 4' jour de novembre 1639.
tnons entre crochets , le» corrections et ad-
ditions faites de la main de Richelieu.
' De Noyers avait écrit « treize cents
quarante, » et Cherté, «quinze. »
' De Noyers avait laissé en blanc le mot
trois aux deux places.
' Ici , sui la minute , nous trouvons :
«Faict à Ruel, le vingt -deuxième jour
d'avril i63g. » — « Le cardinal de Riche-
lieu. » — Le quantième 2a*, écrit en toutes
lettres par le cardinal, dans un espace
laissé en blanc par de Noyers'. — Après la
signature, Charpentier et le cardinal «ni
écrit à la suite de l'engagement : «Je pro-
mets en outre, etc. »
' La minute originale finit ici; celle se-
conde date (a4 novembre) esl donnée par
la mise au net du secrétaire de Chavigni ,
pièce i5o, et par la plupart des autres co-
pies; quelques-unes ne reproduisent qu'un
des engagements; tous deux se Irouvenl
réunis dans les pièces cotées id4, i56,
ainsi que dans la copie du volume de Hol-
lande, xbji a 1663. La première minute
seule , pièce 7 1 , porte la date du 22 avril ;
nous voyons, par cette différence de date,
* Ces négociations avaient pour but de donner
plus de précision aux clauses d'un projet de traité
daté du î i mars , et dont l'original , avec les cachets ,
est suivi d'une copie dans le ins. de Hollande,
1571 à iG63, pièces 71 et 72.
622
LETTRES
' Je promels [au cardinal de Richelieu]^, moyennant l'exécution de ce que
dessus, de faire lever [les troupes spécifiées dans sa promesse,] outre toutes les
troupes qu'ont accoustumé d'avoir M" les Estais, pour faire un corps si puissant
qu'avec iceiuy je puisse attaquer tout à la fois les places de Dam et de Bruges [et
les forts qui sont aux environs de l'Escluse et Blanc-en-Ber}^he] mcsme, et
accomplir entièrement la proposition cy-dessus spécifiée, faicte de ma part, par
le s"' d'Estrades. Ce à quoy je m'oblige en foy , et parole de prince [sans pouvoir
prétendre estrc en ce sujet desgagé de ce à quoy m'oblige cet escrit, que par
l'exéquution dudict dessein, ou un combat général donné aux ennemis, qui se
présenteront pour m'en empescher]. Et ensuitte d'iceluy l'entreprise de quelque
nouveau dessein de grande importance en Flandres, au cas qu'il nie reste, après
le combat, des forces suffisantes pour cet effect^.
* Je promets en outre estre précisément à la campagne, pour exéculter le des-
sein que dessus, le premier jour de may, avec les forces cy-dessus désignées,
et d'exécutter tout le contenu en ma promesse, sur peine d'estre estimé manquei-
à ce qui a esté convenu entre M' le cardinal et moy, pour Sa Majesté et M" les
Estais ^
que la convention faite et signée par Riche-
lieu en avril ne fut reprise que sept mois
après. La pièce 188, de la main de Cherré,
est faite sur la minute , seulement la date y
est resiée en blanc.
' Minute écrite de la main de de Noyers,
de Charpentier et de Richelieu , comme la
pièce 71', que celle-ci doit suivre immé-
dialemenl, car toutes deux ont été écrites
en même temps par le cardinal. Cepen-
dant celte dernière est tout à fait séparée
de l'autre dans ce ms. où elle est cotée
209*. Une mise au net de la main de
Cherré, se trouve en continuation d'une
pièce cotée 187, laquelle est une lettre de
Richelieu, que nous donnons ci-après,
page 657 ; elle est datée du 23 décembre;
il avait fallu le temps d'envoyer en Hol-
lande le modèle de la promesse dicté par
* Nous avons remarqué que Richelieu a écrit au
dos de celte minute le» notes suivantes : «ïrouppes
de M" tes Estais ; 3 régîmens escossois , — 5 (rançois ,
Richelieu. Une autre mise au net, de la
même main, sans date, est cotée pièce 208.
' Dans la minute (pièce 209) de Noyers
avait écrit : «Je promets au roy ; » Riche-
lieu a mis a la place « au cardinal de Ri-
chelieu. »
' La fm de ce paragraphe depuis « Et
ensuitte » est ajoutée de la main de
Cherré dans la minute; elle n'est pas dans
le ms. de M. le duc d'Aumale.
' Ce dernier paragraphe est de la main
de Charpentier. On voit, par tout ce que
Richelieu a fait ajouter et a ajouté lui-
même sur la minute, avec quel soin at-
tentif et prévoyant il s'applique à lier le
prince d'Orange le plus étroitement pos-
sible.
' Ce double engagement , dicté par Ri-
chelieu, dont il a écrit lui-même une par-
— i allemand , — 2 v^allon , — régimens du pays , 8 ,
— 80 compagnies d'infanterie, levées à Mastric, 20
de cavalerie , levée aussy à Mastric. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
623
CCCVIL
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. ù6 ', fol. 341. — Copie.
irVSTRL'CTIOîV '
AU SIEUR DOYSONVILLE,
LIEUTENANT AD GOUVERNEIIENT DE BRISACH.
23^ novembre iGSg.
Le (1. s' d'Oysonville saura que, M"" le cardinal Blchi* ayant faict
cognoistre au roy que Mons'' le duc de Bavière luy avoit escrit qu'il
désiroit se remettre bien avec S. M. et qu'il estoit prest d'entendre
à toutes les choses qui luy en pourroient faciliter les moyens, on luy
fîst response que S. M. avoit bien agréable la bonne disposition dans
laquelle estoit le d. s' duc, et qu'elle se résoudroit volontiers à en-
voyer un des siens à Strasbourg.
lie, et dont il a fait multiplier les copies
par ses secrétaires, se trouve dans plu-
sieurs manuscrits : Arch. des AIT. élr. Hol-
lande, l. 21, outre la minute cotée 71,
une mise au net de la main de Cherré,
pièce 188; )5o, autre mise au net de la
main d'un secrétaire de Cliavigni; i54,
i56 et ailleurs, plusieurs copies. — Hol-
lande, 1673 à 166.?, pièce 72*. — Copie.
— Manuscrit du cabinet de S. A. R. le duc
d'Aumale. — Copie de la main de Cherré.
— A la Bibl. imp. Cinq-cents Colbert,
t. 46 , fol. 219. — Copie. S'-Genu. Harl.
346, tome 1, fol. tioS. — Copie.
' Ce manuscrit de Colbert est divisé en
plusieurs parties qui ont chacune une ru-
brique pariiculière. On a classé cette pièce
et quelques autres sous ce titre : « Dili-
gences pour la paix. »
* Cette instruction, que le recueil de
Colbert donne d'après une copie de Dari-
dole, l'un des premiers commis des Af-
faires étrangères, a sans doute été rédigée
dans le cabinet de Chavigni. Elle est fort
longue; san.s en transcrire le texte, nous
donnons une idée de l'ensemble, et nous
en conservons quelques dispositions prin-
cipales, où la pensée de Richelieu est ex-
pliquée par le secrétaire d'Etat. Le manus-
crit transforme le nom d'Oysonville en
Ausonville.
' Au lieu du 23, nous trouvons 28 à
la lin de la pièce.
* Ce cardinal servit d'intermédiaire dans
celte négociation. On peut voir dans le
ms de Colbert, à la date du 7 novembre,
une pièce intitulée : « Avis sur une entrevue
à faire entre un député du roy et un du
duc de Bavière, pour conférer ensemble
de quelque accommodement, à l'ermitage
de Einsiedel en Suisse. !■ (fol. 827 v°. )
624 LETTRES
Pour tenir la négociation plus secrète, le duc de Bavière, au lieu de Stras-
bourg, désigna «il Sacro Eremo deila Madona, à Einsiedel i, où il promet de
faire trouver le s' Giovanni Hugone, qui est à luy... avant l'ouverture du cou-
vent électoral, qui est convoqué à Nuremberg le 5 du mois prochain. .
Le plénipotentiaire de France était chargé d'assurer le sieur Hugone du désir
qu'avait le roi
de contribuer à luy procurer tous les avantages qu'il pourra désirer
raisonnablement dans une paix générale, quoyque S. M. n'ait pas
eu autant de sujet d'estre satisfaicte de sa conduitte qu'elle le dust
attendre . . .
Il prendra occasion de luy faire cognoistre que le roy a tousjours
souhaitté, avec une égale passion, le repos de la chrestienté, et que,
si tous ceux qui y ont intérest eussent marché du niesme pied , on en
auroit à présent l'establissement, qui semble encore bien esloigné ,
par les artifices de ceux qui , en le troublant pour satisfaire à leur
ambition, ont essayé, par toutes sortes de moyens, de n'en parolstre
pas les auteurs.
Il déduira au long toutes les raisons qui sont dans le mémoire ci-
joint^, pour justiffier les intentions du roy pour la paix, et prendra
soin de bien esclaircir les manquemens des Espagnols, et mesme de
rejetter sur eux ceux du roy de Hongrie, parce qu'il sera ainsy mieux
receu du duc de Bavière, qu'on sçait n'avoir pas sujet d'estre content
de leur procédé envers luy Il montrera comment la modération
du roy de France n'a fait que confirmer les Espagnols dans leurs
mauvaises intentions, parce qu'ils ont creu que S. M. faisoit, par foi-
blesse, ce à quoy elle ne se portoit que par le zèle qu'elle a pour la
tranquillité publique Il dira au d. s' Hugone que le roy a faict
non-seulement tout ce qu'il a peu pour faire commencer l'assemblée
de Cologne, mais que S. M. a souvent pressé les ministres du pape et de
la république de Venise de proposer une trefve de lo ou 12 années,
pendant laquelle on fust expressément obligé de Iraicter la paix dans
' Einsiedeln , bourg du canton de Schwilz. — * Nous n'avons pas trouvé ce mémoire.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 625
une assemblée, sans la pouvoir rompre qu'elle ne fust conclue, et
que, cependant, on donneroit une provision aux princes despouillés
de part et d'autre, pour subsister jusques à ce que leurs intérests
feussent décidés. . .
On ne doute pas que le duc de Bavière ne désire la trefve , parce
qu'il seroit maintenu par là en la possession de ce qu'il a acquis ... II
doit, pour le bien de l'empire et le sien en particulier, proposer la
dicte trefve dans le couvent électoral. . .
Quoiqu'il y ait apparence que Mons' le duc de Bavière soit mieux
informé que personne de Testât des affaires d'Allemagne, le d. s"^
d'Oysonville ne laissera pas de faire considérer au d. s" Hugone
les grands progrès qu'a faicts le général Bannier, ceux qu'il doit
espérer par la force et le courage de son armée, accoustumée à
vaincre, le grand eslablissement qu'a le roy sur le Rhin, qu'il pré-
tend non-seulement maintenir par l'extraordinaire soin qu'il prendra
de l'armée de feu M' le duc de Weymar, commandée par M"^ le
duc de Longueville, mais de faire avec elle de nouvelles et considé-
rables conquestes dans l'Allemagne, sans désirer pourtant en tirer
d'autre utilité que celle d'eslre plus en estât de pouvoir contribuer à
la paix.
Quant à la neutralité de la Bavière à l'égard de la Suède, si le duc la désire,
le chargé d'affaires de France
agira de telle sorte que le duc de Bavière sache que c'est une chose
à luy accorder, et non pas à luy offrir. On ne croit pas non plus qu'il
voulust renouveler le traicté de ligue deflfensive qui avoit esté arresté
le 3o may i63i, avant que la guerre eust esté déclarée; on ne laisse
pas néanlmoins d'en donner une copie aud. s' d'Oysonville, afin qu'il
soit informé de tout ce qui s'est passé avec le d. duc. S'il arrive pour-
tant queled. s' Hugone fasse quelques propositions de lasusdicte ligue,
le d. s' d'Oysonville en donnera avis en toute diligence , parce qu'il
y aura des choses à changer dans le projet qu'il porte, et particuliè-
rement dans l'article qui parle de l'électorat, qu'il faudroit coucher
CARDIN. DE RICHELIEU. VI. . 79
626
LETTRES
d'une autre sorte, la France estant entrée dans d'autres intérests que
ceux qu'elle avoit en i 63 i .
Le sieur d'Oysonville insistera donc à ce que M. le duc de Bavière propose
Ja trêve dans la diète électorale, comme le meilleur moyen d'arriver à la paix,
et d'engager le roi de soutenir les justes prétentions du duc; faisant comprendre
au sieur Hugone qu'il serait nécessaire, dans l'intérêt public, qu'une secrète in-
telligence s'établît entre ledit duc et S. M.
Il reviendra immédiatement rendre compte à la cour; s'il juge avoir besoin
d'une réponse de S. M. il restera auprès de M. Meliand ', sous quelque prétexte,
comme pour les affaires d'Allemagne,
Si le député du d. s' duc désire savoir comme quoy on pourroit,
dans une paix, traicter le duc Charles, le d. s' d'Oysonville luy dira
qu'il n'en sçayt pas le particulier, mais qu'il croit que le roy a assez de
bonté pour se relascher grandement au revenu des Estats qu'il possé-
doit, en luy ostant tout moyen de mal faire , selon sa coustume, en se
réservant les places fortes des d, Estats \ . .
' Ambassadeur de France en Suisse.
' Des négociations étaient alors enga-
gées avec le duc de Lorraine; mais, les
diverses pièces que nous avons sur celle
affaire ayant été imprimées, nous n'en
ferons ici qu'une mention succincte. Le
cardinal , en adressant des instructions à
M. du Hallier, le i" novembre, lui écrit
qu'il essaye de faire agréer le projet de
traité au duc, « en sorte pourtant que cela
ne le cabre pas. . . : qu'il tasche que le d.
duc Charles demande les choses qui sont
portées par les modifications , affiin qu'on
puisse conclure plus promptement , et
qu'il y ayt moins de difficulté lorsque le
duc croira qu'on luy aura accordé ce qu'il
aura désiré.» Et puis, dans le mémoire
joint à la lettre, Richelieu dit : « Le peu
de scurclé qu'il y a avec M. de Lorraine. . .
faict que M. du Hallier doit avoir un soin
particulier de suivre religieusement tous
les lernies du traicté qui luy est envoyé,
sans y faire aucun changement. » Dans
une autre instruction datée du même jour,
mais dont la date doit être inexacte : « On
peut adoucir le traiclé en deux points,»
dit Richelieu, qui explique avec détail ces
adoucissements. Mais, comme le cardinal
l'avait deviné , les lentes négociations du
duc de Lorraine couvraient des pratiques
secrètes ; il méditait une entreprise sur
Nancy , et ne ménageait un arrangement
avec le roi que pour le cas où « celle en-
treprise viendroil à faillir. » Riclielieu en
avertit M. du Hallier, dans un nouveau
mémoire du 20 novembre, et lui recom-
mande la plus active vigilance. Toutefois,
ne jugeant pas à propos de rompre en ce
moment la négociation du traité : « Pour
le présent, dit-il, je ne vois rien à faire
en iceluy que de demeurer in deliberatis. •
Et, en effet, nous verrons l'année suivante
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 627
Le s. d'Oysonville insistera sur l'insupportable ambilion des Espagnols, qui
veulent tenir la chrestienté en sujétion et en perpétuelle guerre; et sur ce
que l'intérest des électeurs est de s'accommoder avec la France, sans l'Espagne,
au cas qu'elle veuille demeurer en son opiniastreté.
Il verra, avec l'agent bavarois, le moyen de procurer au duc de Bavière
quelques avantages dans « les couquestes du roy faictes et à faire sur le Rhin et
lieux circonvoisins.
28 novembre 1689, à S'-Germain-en-Laye.
CCCVIII.
Archives de Condé. — Communication de M'' le duc d'Aumale. — Original.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 45, fol. 383 v". — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 3^6, t. 1, fol. 38 1 v°. — Copie.
A M. LE PRINCE.
a 5 novembre iBSg', ,
Monsieur, j'ay
différé longtemps à ouïr le s"" de Rogle* pax'ce que j'estimois que c'es-
toit chose inutile en suitte de ce qui s'est passé, et que sa relation
ne feroit que renouveller ma douleur; mais madame vostre femme
m' ayant faict cognoistre qu'il importoit pour vostre satisfaction que je
Tescoutasse, je l'ay faict et appris par luy beaucoup de malheurs. Je
n'accuse la conduitte de personne, mais, en vérité, les affaires de la
guerre requièrent une grande dilligence, et donner temps aux enne-
mis, c'est leur donner le moien de venir à leurs fins. Je suplie Dieu
qu'il destourne son ire de dessus nous et qu'il mette les affaires en
estât que la chrestienté puisse avoir la paix. C'est ce que je désire
les pourparlers se continuer avec le duc ' Nos deu.x copies manquent de dale.
Charles. L'indication des diverses insiruc- ' Nous le trouvons dans le récit du 3 no-
tions données à du Hallier pendant le mois vembre (voy. la note suiv.), où on lit :
de novembre se trouve aux Analyses. « M' le Prince avoit auprès de luy M"d'Am-
' Copie faite sur une «minute de la bres, de Rogles, chevalier de la Bouvière,
main du cardinal et de celle du chirur- La Garde, Monsolens, et vingt autres gen-
gien. » ( Note commune aux deux manus- tilshommes, lousjours dans le péril du
crits de la bibliothèque.) canon.
79-
628 LETTRES
avec plus de passion que ma vie. Il ne me reste rien qu'à vous asseu-
rer que je suis et seray toujours \
Monsieur,
Vostre bien bumbie et trfes affectîonné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Rueil, ce 25' novembre lôSg.
' Nous avons dit, p. 373, note 1, que
l'armée de M. le Prince avait été défaite
devant Salces le 2 novembre; la mauvaise
humeur de Richelieu perce dans cette mis-
sive , et quoique , par égard pour un homme
de la qualité de M. le Prince, il dise, «je
n'accuse personne, » la lettre suivante dé-
couvre sa véritable pensée, et montre que
loin d'imputer au second de M. le Prince,
le maréchal de Schomberg, ce mauvaissuc-
cès, c'est sur ce dernier qu'il compte pour le
réparer. Il lui écrit encore le 2^ décembre :
u La confiance que j'ay en vostre cœur, en
vostre affection et en vostre vigilance me
faicl sy bien espérer de cette entreprise,
que j'en tiens le succès comme infaillible,
et que Dieu voudra bénir sous vostre con-
duite les justes armes du roy. » (Cette lettre,
qui est imprimée , sera notée dans nos Ana-
lyses.) Schomberg nejustilia pas cette pré-
vision ; Salces capitula presque au moment
où il recevait, vers la fin de décembre,
l'expression des espérances de Richelieu.
Cependant Espenan, qui y commandait,
avait mis cette condition, qu'il ne sortirait
de la place que le 6 janvier, et dans le cas
où elle ne serait pas secourue avant ce
jour : elle ne le fut pas. Bassorapierre ra-
conte que le roi dépêcha le marquis de
Coislin vers M. le Prince « pour luy or-
donner de faire une nouvelle tentative, à
quoy il se prépara pour le jour de l'an sui-
vant. » (Mémoires, t. III, p. AiQ-) Nous
ne voyons nulle part que cette tentative
ait été ni ordonnée , ni faite ; Bassompierre ,
prisonnier alors à la Bastille , et qui d'ail-
leurs n'a écrit plus tard que sur des sou-
venirs, n'a pas su le fond des choses; la
lettre suivante à Schomberg , et celle que
nous donnons après, adressée à M. le
Prince lui-même, laissent comprendre
que Richelieu, en gardant tous les ména-
gements de langage qui convenaient à l'é-
gard d'un prince du sang, entendait que
Schomberg restât seul chargé du secours
de Salces. M. le Prince était alors en mau-
vaise intelligence avec ce maréchal; Ar-
nault écrivait à son ami le i3 novembre,
qu'on recevait de mauvaises nouvelles de
Salces, et qu'il y avait une grande brouil-
lerie entre M. le Prince et Schomberg ; et , le
3o du même mois , il mandait encore : « On
croit M. le Prince mal à la cour. » — Nous
avons trouvé, dans le manuscrit des Aff.
étr. France , t. 92 , un « récit de ce qui s'est
passé au secours de Salces, jusqu'au 3 no-
vembre. » C'était le lendemain de la dé-
faite du prince de Condé. Ce récit fut en-
voyé à Richelieu par le prince lui-même;
sans doute , le cardinal n'en fut pas per-
suadé, puisque, quelques jours plus tard ,
il adressait au prince la présente missive,
et puisque, de son côté, M. le Prince écri-
vait à Chavigni , le 2 7 novembre , une lettre
où il lui demandait ses bons offices « pour
faire cognoistre à M. le cardinal la malice
de ceux qui ont voulu m'imputer quelque
chose du mauvais succès du secours de
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
629
GCCIX.
Bibl. imp. Cinq-cenls Colbert, t. àb, fol. 384. — Copie.
Saint-Germain-Harlay, 346, t. i, fol. 38a. — Copie'.
A M. DE SCHOMBERG.
28 novembre 1639.
Monsieur, je vous dépesche ce courrier en dilligence pour vous
conjurer, à présent que vous serez seul dans vosire gouvernement, et
que le roy a envoyé à M' le Prince sou congé, de voir tous les moiens
par lesquels vous pourries secourir M"^ d'Espenan; et, s'il y en a
quelqu'un de possible, mettre aussy tost la main à l'œuvre. Je sçay
bien qu'il est bien tard de songer à cette affaire, et que'peut-ettre
Salses sera rendu auparavant que vouspuissiés préparer les choses qui
seroient nécessaires pour sauver cette place; mais comme celuy qui la
défend tiendra tout autant qu'il aura des vivres^, j'ay mieux aimé
bazarder la despense d'un courrier que de manquer à vous proposer
de rendre le plus important service à Testât qu'il ayt receu depuis
Salces. J'espérois de recevoir des remercie-
mons de mes soings, et de la consolation
de mon desplabir, et non pas de me voir
chargé des plus noires calomnies dont on
aye jamais usé envers personne. » Et, après
avoir signé cette lettre, le prince ajoutait :
• Pardonnes à ma graveUe si je ne vous
escrits de ma main. » — n Je pensois aussy
que l'on me sçauroit gré de Locale , que
j'ay conservé à la France. Dieu soit loué
de tout! Je ne puis me tenir de vous dire
qu'encore que les orages m'aient empesché
de secourir Salces, je croiois eslre parfai-
tement bien dans l'esprit de M. le cardi-
nal ; j'ay eu prospérité cinq mois en toutes
choses, j'ay pris Salces en cinq semaines et
ay esté en personne à l'assaut. Ceste mesme
place lient depuis trois mois, et a défait
une armée de trente mille hommes, qui
seroit en Italie. Il me reste de mes con-
questes Haupouls et Toutavelle. J'ay esté
par tous périls, j'ay exposé ma personne
à tout; mes troupes, les plus belles du
royaume , ont bien servi ; le régiment de
mon fils est dans Salces; j'ay fait deux
armées pour la secourir, et bien cela n'a
pas réussi ; niéritai-je disgrâce ou louange ?
Obligez-moi de dire ceci à M. le cardinal
ou à M. vostre père.» (Aff. étr. France,
1639, suppl. fol. 473). Ces documents
nous semblent mériter d'être connus.
' Faite sur une « minute de la main de
Cherré, corrigée de la main du cardinal. »
(Note des deux manuscrits.)
' On vient de voir qu'il tint jusqu'au
6 janvier.
6.^0 LETTRES
que la guerre est commencée, et d'aquérir le plus grand honneur qui
vous pourroit jamais arriver. Si j'avais moins de confiance en vostre
affection, en vosli'e courage et en voslre zèle, je ne vous parlerois pas
de cette sorte; mais, comme je sçay que vous ne souhaités rien tant
que de rencontrer des occasions d'en rendre des preuves, j'ay cru que
je vous ferois plaisir de vous proposer celle-cy, comme celle qui peut
mettre vostre réputation au plus haut point où elle puisse monter. Je
vous conjure de ne la pas négliger, si vous voyés qu'il y ayl apparence
de la faire réussir, et de croire que je vous seray plus obligé, en mon
particulier, du soin que vous y apporterés que si vous me donniés la
vie, n'ayant rien de si cher que l'avantage de Testât et la prospérité
des affaires du roy. Vous le croirés, s'il vous plaist, et que je suis.
Monsieur,
Vostre très affectionné serviteur.
cccx.
Archives de Condé, n° 91. — Communication de M^' Je duc d'Auraale. — Original.
A M. LE PRINCE.
i" décembre 1639.
Monsieur, aiant
veu la lettre que M. d'Espenan vous a envoyée, par laquelle il mande
qu'il peut encore tenir plus d'un mois, j'ay creu qu'il n'y a rien qu'il
ne fale faire pour le secourir. J'envoye M' de Coasiin pour prendre
part à la feste. J'escrits k M"' le mareschal de Schomberg comme il
faut sur ce suiet; je vous conjure de rassembler tout ce que vous
pourrez de trouppes, et quand il n'y auroit que six, sept ou huit
mille hommes et deux raille chevaux, les ennemis estans affaiblis et
abbatus comme ils sont, c'est plus qu'il ne faut pour tenter un secours
contre une armée presque ruinée. Il sera de vostre prudence de voir
si vous y devés aller, ou si , aiant ramassé les trouppes qui se pourront,
vous devés laisser faire M' de Schomberg avec les autres chefs de
l'année, vous contentant d'estre à Narbonne pour faire fournir tout
ce dont on aura besoing. Cette occasion est nécessaire pour la France,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 631
pour voslre»répulalion et pour la satisfaction de vos amis, elle peut
réparer tous vos mailieurs passez, et vous remetre au plus haut degré
de gloire que vous puisslés désirer. M*^ de Noyers vous rend compte
de tous ceux à qui il escrit pour vous assister, et de tous les ordres
que le roy envoyé de tous costez à cet effect. C'est ce qui faict. Mon-
sieur, qu'il ne me reste qu'à vous conjurer de nouveau, comme je fais,
de contribuer en cette rencontre si importante pour toutes les con-
sidérations cy-dessus représentées, ce qu'a lieu de s'en promettre,
Monsietu',
Vostre bien humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
M. de Noyers vous envoyé le congé que le roy vous donne. Si
après que vous aurés, ou rassemblé les trouppes qui se pourront amas-
ser, ou donné les ordres pour ce faire, vous estimés à propos de vous
eu servir, laissant toute la charge de l'exécution à M' de Schomberg,
vous le pouvés faire, et je vous conseille d'en user ainsy si vous
cognoissés que ledit sieur de Schomberg le désire.
De Ruel, ce i*' décembre 1689.
^ CCCXL
Bibi. imp. Cinq-cenls Colbert , t. 45 , fol. 455. — Copie '. —
Sainl-Germain-Harlay, 346, fol. 448. — Copie.
INSTRUCTION A JEAN-BAPTISTE COSQUIEL',
TOUCHANT LES TRAICTÉS PROJETES AVEC CEUX DE TUNIS ET D'ALGER '.
2 d(5cenibre 1639.
• Morato Daï, chef de la milice de Tunis, a tesmoigné, par sa lettre qu'il a
' « Copie Daridoi. • (Noie mise à la marge les bureaux de Chavigni; nous en conser-
des deux mss.) vous seulement la substance, qui donne
' Les mss. écrivent encore ce nom : une idée des relations de la France avec
Gocqueil, de Coqueil el du Cosquiel. les Barbaresques à cette époque, et les
' Celte instruction, assez longue, dont principales dispositions, qui témoignent
nous n'avons trouvé ni l'original ni la nii- de la par'.icipation directe du cardinal,
nule, nous semble avoir été écrite dans — Nous trouvons à la Bibliothèque im-
632
LETTRES
escrite au roy, du aS"" aoust dernier, toute bonne disposition à la liberté de
coninierce. Et, d'autre costé, les pacha et aga de la milice d'Alger ont aussy
faict paroistre semblable disposition, par lettres expresses escriles à S. M. de
sorte qu'il y a sujet de croire que l'on pourra Iraicter maintenant avec les uns et
les autres , à conditions raisonnables et seures. . . »
Quant àTunis, un projet a déjà été comnmniqué à Morato Dai, qui n'est pas éloi-
gné des conditions proposées; mais il se rencontre trois principales difficultés :
« La première est que le d. Morato ne prétend rendre que les François qui
ont esté pris sur les vaisseaux marchands portant la bannière de France, et l'in-
tention du roy est qu'il rende tous les François, sur quelques vaisseaux qu'ils
aient esté pris. Espagnols, Maltois, Florentins, et autres, comme aussy sur des
vaisseaux de guerre françois. . . »
Et si , la paix faite , des Français étaient pris sur des vaisseaux de nation en guerre
avec le grand seigneur «ils mériteront d'eslre traictés en ennemi»; ce que l'on
peut laisser entendre verbalement au d. Morato Dai, sans l'insérer dans le traicté. ■
Et s'il arrivait que des vaisseaux de France et de Tunis s'attaquassent en mer,
les prisonniers ne seraient pas esclaves et devraient être renvoyés « en leur pays
avec la preuve de leur contravention au traicté, pour en estre faict justice bien
sévère et exemplaire, et les vaisseaux et marchandises prises aux attaquans leur
seront rendus. . . »
La seconde difficulté vient de la mauvaise foi présumée des Barbaresques
dans la restitution réciproque des esclaves. «Sur cela, il faudroit voir si Morato
Dai se contenteroit que les François fussent ramenés en Provence avant que les
Turcs fussent conduits à Tunis, le d. Cosquiel demeurant comme garant et os-
périale (suite de Dtipuy, t. 17, fol. 661)
un billet de Richelieu , sans date et sans
signature : c'est un original de la main de
Cherré. Le cardinal dit à l'archevêque de
Bordeaux : « Je vous envole la coppie des
traictés que le s' Coqueil a faicts pour la
restitution du bastion , et pour le rachapt
des esclaves qui sont en Alger, afin que
vous voyez ce qui est faict et ce qui reste
à faire. » — L'archevêque de Bordeaux
avait été chargé, dès le commencement de
l'année i64o, de se rendre avec sa flotte
à Alger, pour régler les affaires en litige
avec les États barbaresques. Retenu long-
temps sur les côtes de l'Italie et de la Ca-
talogne, il finit par envoyer à sa place le
vice-amiral Monligny; il en informa le
s' Cosquiel, le i3 octobre, en lui donnant
ordre de communiquer à cet officier l'état
de ses négociations. Celte lettre de l'ar-
chevêque, ainsi que le billet de Richelieu,
a été imprimée dans la Correspondance de
Sourdis (documents inédits), où sont ré-
sumées, dans le chapitre x du livre V, les
affaires de la France avec Alger et Tunis,
pendant les années 1687 à i64i (p- 38o-
445). On y trouve, p. 4i4. le texte d'un
projet de traité, fait par le s' Cosquiel , avec
les Barbaresques, accompagné des obser-
vations de Richelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 633
tage jusques à ce qu'ils fussent arrivés...» outre «qu'il ne faut se fier que de
bonne sorte à la parole d'un Turc, la dignité du roy requiert que le d. Morato
commence à restituer. » Si cette condition ne peut « estre obtenue, il faut chercher
avec M' le comte d'Alais et le s' Bailly de Fourbin le moyen de n'estre point
trompé en cette affaire. »
« La troisième difficulté est que Morato Dai ne parle point, dans son projet, de
remettre au cap Nègre et autres lieux du royaume de Tunis, des François comme
il y en eu ci-devanl, pour y restablir le mesme commerce qu'ils y faisoient au-
trefois; de quoy il faut convenir, autrement cette paix ne seroit pas fort fruc-
tueuse aux sujets du roy. •
Il faut convenir qu'un consul français continuera de résider à Tunis, et que
ceux dudit Tunis en établiront un à Marseille. . .
• Le cardinal, comme chef de la navigation et commerce de France, a faict
traicter icy favorablement un neveu du d. Moralo, sur bonne quantité de mar-
chandise dont il estoit question, ce qui le rendra sans doute plus facile en ce
qui est du d. traicté, pour lequel ou ne luy propos^ rien que de juste. »
Quant à la paix à conclure avec Alger, ceux du d. Alger la désirent, ainsi qu'il
paraît, par les lettres qu'ils ont écrites à S. M. • Le projet du traiclé informera
bien précisément le s' Cosquiel des intentions du roy. . . • Les précautions à
prendre pour l'échange des esclaves de part et d'autre sont les mêmes que dans
le traité avec Tunis. . .
« Pour ce qui est de l'affaire particulière du Bastion , le roy ne veut point qu'elle
se négocie qu'avec le traiclé de paix, dans lequel on en fera quelque article sui-
vant le susdit projet. . . ■
Les Algériens avaient pris et démoli le Bastion, ils avaient réduit en esclavage
la garnison qui le défendait : • ils ont pillé et ruiné un magasin de trafic qui sub-
sistoit sous la foy publique et celle des traictés faicts avec eux, pour ce regard. »
Le s' Cosquiel demandera la restitution des hommes, ainsi que de tout ce qui
a été pris, ■ et à toute extrémité il se contentera que le Bastion puisse estre res-
labli. . .
Le s' Cosquiel est chargé , comme dans le traité avec Tunis, de communiquer
son instruction au comte d'Alais et au commandeur de Forbin, à l'effet de s'en-
tendre sur la négociation et l'exécution du traité.
Le 2 décembre 1689, à Saint-Germain-en-Laye.
CARDIN. DE RICHELIEC. — TI. • 8o
634
LETTRES
CCCXII.
Arch. des Aff. étr. France, 1689 (supplémenl) , fol. igS. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. BOUTHILLIER
.SURINTENDANT DI;S FINANCr.S, A PAHIS.
3 décembre 1689.
J'ay rcceu la grande lettre ' qus vous m'avcs escrite sur un sujel
dont je n'ay jamais ouy de plaintes. Si nions'' de La Melleraye vous a
donné sciemment sujet de mescontentement, j'en suis exlresmement
fasché, mais j'ay de la peine à croire qu'il en ayl eu l'intention, ny
qu'il ayt esté volontairement capable d'une incivilité envers madame
vostre femme, laquelle il honore sans doute extresmement. Je ne suLs
pas maislre des humeurs de madame de Brissac"-*; si son mari propre
n'est pas en ces termes, un gendre, à mon advis, ne le doibt pas pré-
tendre. Quoy que c'en soit, je ne croy point que M'' de La Melleraye
ne vous trouve pas estre de ses meilleurs amis; et il m'a parlé plu-
sieurs fois de l'obligation qu'il vous avoit sur son dernier contract de
mariage^, auquel il eust esté trompé sans vous. Au nom de Dieu, ne
vous mettes point dans l'esprit des choses qui vous travaillent sans
fondement, et vous asseurés de mon affection pour jamais.
A Ru el, ce 3 décembre 1639.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' CeUe lettre de Boulhillier est conservée
dans le même ras. fol 498, en minute au-
tographe; elle est fort longue, en effet;
Boiitliillier énumère tous les services qu'il
a rendus à La Meilleraye dans la négo-
ciation de ses deux mariages, ainsi que
les griefs qu'il prétend avoir contre ce
cousin de Richelieu. Il se plaint surtout
d'une impolitesse envers madame Bou-
thillier, qui serait fort grossière si l'ima-
gination du mari n'est pas pour quelque
chose dans ce récit. Au reste, Richelieu
s'empressa de calmer le chagrin de son
ami ; sa lettre est datée du même jour que
celle de Bouthillier.
* Guyonne Huellan , lille de Gilles Rtiel
lan , seigneur de Roger-Porlail , femme de
François de Cossé, duc de Brissac
' iM. de La Meilleraye avait épousé, en
i63o, Marie Ruzé d'Elfiat, qui mourut
trois ans après; il se maria, en secondes
noces, le 26 mai 1637, à l'une des fdies
du duc de Brissac, Marie de Cossé.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
635
CCCXIII.
Arch. des Aff. étr. Rome, l- 67 (non coté). — Mise au net'. —
Une copie se trouve vers la fin de ce même tome 67.
BibL irap. Saint-Germain-Harlay, 347, fol. 721. — Copie.
MEMOIRE
A M. LE MARESCHAL D'ESTRÉES.
SUR LA MORT DE BOUVRAY ^.
g décembre 1639.
Après avoir veu la relation qui a esté envoyée de Rome de ce qui
' Ni la mise au net ni la copie ne sont
dalées; on a écrit, après coup, «9 dé-
cembre « en léte et au dos de la mise au
net, et l'on a mis, au dos de la copie,
• 7 décembre,» sans donner raison de
l'une ni de l'autre date.
' Parmi les complications d'affaires qui
troublaient alors les relations de la France
et de Rome, l'assassinat d'unécu^erdu ma-
réchal d'Eslrées, le s' de Rouvray, n'était
pas une des moins fâcheuses. Le récitqu'en
a donné le père Grifl'et (t. III, p. a^o) est
composé sur les pièces officielles , et nous y
renvoyons le lecteur. Il suffit de dire ici
qu'un domestique de cet écuyer, qui, mal-
gré les défenses de la police romaine , te-
nait une sorte de (ripot public dans l'hôtel
de l'ambas.'ade, fut tiré violemment, par
le s' de Rouvray, des mains des sbires,
qui avaient eu ordre de l'arrêter. Peu de
jours après, la police prit sa revanche
contre l' écuyer. Après l'avoir assassiné, oir
lui coupa la têle et on la jeta dans un
égout, ou le bourreau avait coutume de
jeter la tête des criminels. L'ambassadeur
demanda vainement à Rome la réparation
de cette sanglante insulte ; et l'on en parla
à Paris au nonce Scoti , que d'autres in-
cidents avaient mis dans une situation
des plus difficiles auprès de Richelieu et
de la cour de France, où il lui était inter-
dit de paraître. — Le père Valerio, visi-
teur des Carmes déchaussés, fut chargé
de faire au cardinal le récit de l'affaire, et
de rectifier la relation de l'ambassadeur
qu'on arguait d'infidélité. On a écrit que
Richelieu lui avait refusé une audience;
ce refus peu vraisemblable est, d'ailleurs,
démenti par une pièce restée iuconnue
et que nous allons donner. Le père Va-
lerio désira voir le roi; il est impossible
d'admettre que Richelieu ail facilité cette
audience avant d'avoir vu lui-même ce
religieux. Le cardinal, en effet, prit soin
de s'enquérir de ce que le père Valerio
dirait à S. M. et il composa la réponse
jjue le roi aurait à lui faire. La pièce
n'étant point datée, nous ne savons si
l'audience eut lieu avant ou après la rédac-
tion de l'instruction envoyée à l'ambassa-
deur; nous la plaçons à la suite de celte
instruction.
636 LETTRES
s'est passé en l'assassinat de Rouvray, il est impossible de ne dire pas
que le roy est entièrement obligé à en tirer raison'.
Il serait à désirer que la première origine de ce différend fust
autre qu'elle n'est; mais, considérant que la mesme liberté des bre-
lans, qui a esté entretenue en la maison du s"" mareschal d'Estrées l'a
aussy tousjours esté en celles de l'ambassadeur de l'empereur et de
Venise, et mesme en celles de M" les cardinaux Antoine, de Savoie
et de Florence, on ne peut justifier une si noire action, comme est
celle de cet assassinat, par le prétexte de son principe.
La piété du roy et le tiltre de très chrestien qu'il porte luy oste
le moyen de pouvoir tirer une raison de cette injure proportionnée
à sa grandeur, parce qu'il est difficile d'en trouver une de cette na-
ture, qui ne mist quelqu'un sur le carreau; pour revanche d'un pareil
affront , dans les limites de la loy de Dieu , on ne voit autre chose à
faire que deffendre au mareschal d'Estrées d'aller à l'audience du pape
et du cardinal Barberin, jusques à ce que le roy ayt receu satislac-
tion, et d'interdire aussy au nonce [l'audience du roy et du cardinal'-*];
' Le meurire de Rouvray avait été com-
mis le 28 oclobre; l'ambassadeur envoya
le s' Brachel, son secrétaire, chargé de
rendre compte au roi de cet événement;
quelques jours après, il envoya son méde-
cin Guillet au cardinal, «pour informer
S. M. et V. Em. écrivait-il, de tout ce qui
s'est passé ici depuis l'envoi du secrétaire. »
La relation dont était porteur le médecin
Guillet n'a pas moins de seize pages; elle
n'est point datée et on l'a placée, au ha-
sard, vers la fin de notre manuscrit de
Rome. Une autre pièce, Mémoire sur l'as-
sassinat de Rouvray, également sans date,
est, dans le même manuscrit, voisine de la
relation. Indiquons encore un récit de toute
l'affaire, écrit en italien, et qu'on a classé
mal à propos à l'année i636, dans le
tome 58 de Rome, foi. 365 , La vera rela-
tione, etc. — 11 n'est pas hors de propos de
rappeler, à l'occasion de cotte affaire, le
principe que nous trouvons établi , presque
à la même époque, dans une lettre du
chancelier Séguier à Chavigni; il s'agissait
de gens que réclamait l'ambassadeur de la
république de Venise : « J'ay fait sortir du
Chastelet, dit Séguier au secrétaire d'Etat
des affaires étrangères , ceux que l'ambas-
sadeur de Venise dict estre de ses domes-
tiques, quoyque ce ne soient que des la-
quais. M" les ambassadeurs doivent estie
fort considérés mais leurs gens ne
doivent pas prétendre impunité de leurs
violences , autrement la liberté de mal faire
seroit bien grande. » (Lell. du 1 3 octobre
i64i. France, I. 97, fol. 4i2.)
■ Ces mots, nécessaires au sens, man-
quent dans les manuscrits.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 637
et cependant, parce qu'elle ne iuy est permise que pour les affaires
de la paix, et que ceux qui ne cognoissent pas les bonnes intentions
du roy pourroient dire que, par ce moyen, S. M. fermeroit la porte à
ceux par lesquels on pourroit procurer le repos de la chrestienté, tant
désiré des gens de bien, on estime qu'en Iuy portant l'interdiction de
toute audience, il faut Iuy dire que toutes les fois qu'il aura quelques
propositions à faire qui puissent avancer effectivement la paix, S. IVf.
trouve bon qu'il les fasse faire au s' de Chavigny par son auditeur.
Outre ce que dessus, donner tous les ordres nécessaires aux expé-
ditionnaires' de France, soit à Paris, soit à Rome, pour empescher
que dorénavant on paye les expéditions sur un autre pied que sur
celuy qui a esté arresté par le concordat.
Cela faict du costé de deçà, on ne sçait rien à adjouster, sinon de
donner ordre au d. s' mareschal d'Estrées de faire faire toutes les si-
gnifications nécessaires à la Daterie pour le règlement des annates,
et Iuy laisser la liberté de pratiquer tous les moyens que la conscience,
la réputation du roy et la sienne pourront permettre pour avoir rai-
son d'une telle injure ; Iuy commandant de se gouverner en cela avec
une telle prudence qu'il n'entreprenne rien qu'il ne puisse maintenir,
parce qu'autrement il engageroit de nouveau l'autorité du roy au
lieu de tirer raison de l'offense qu'il a receue.
Le d. s' mareschal doit faire cognoistre par M' le cardinal Bichi,
et autres affectionnés à la France, que le roy demande raison de ce
qui a esté faict, comme d'un violement du droit des gens, qui met
non seulement les ambassadeurs, mais en outre tous ceux de leur
maison, en telle seureté en tous Estats qu'ils ne sont justiciables que
de leurs maistres.
Si les ministres du pape disent à cela qu'ils ont demandé justice
au d. s' mareschal d'Estrées, il faut respondre que, s'il l'a desniée,
ils la dévoient demander au roy.
' C'étaient des fonctionnaires chargés Gcal. Notre expéditionnaire en cour de
du tout ce qui concernait les taxes qui Rome était le s' Échinard, donl il a été
étaient prélevées au profil du trésor ponti- parlé tome I.
638 LETTRES
S'ils disent qu'ils en ont faict parler par le nonce , on respondra
qu'ils ont bien parlé du désordre arrivé à Rome, mais n'en ont ja-
mais formellement demandé justice, et tesmoigné qu'ils lussent capa-
bles de se la faire eux-mesmes contre le droit des gens.
Outre cela, le d. s"^ mareschal d'Estrées soutiendra qu'il ne la
jamais refusée, et avec raison, ains au contraire a tousjours dict qu'il
esloit prest à oster son brelan, pourveu que la loy fust générale, et
que les ambassadeurs de l'empereur, de Venise et de Savoie, et les
cardinaux lissent le mesme.
Le d. s' mareschal d'Estrées priera aussy M' le cardinal Bichi de
se plaindre au pape, de la part de S. M. du tort qui a esté faict à la
mémoire de M'' le cardinal de La Valette par la difficulté intervenue
de faire les mesmes prières pour luy qu'on a accoustumé de faire pour
tous les cardinaux lorsqu'ils meurent; faisant cognoistre à Sa Sainteté
et à M' le cardinal Barberin combien elle se sent offensée d'un tel
procédé, dont elle luy demande réparation, avec d'aulant plus de
justice que le d. s"" cardinal n'a rien faict qui n'ayt esté pratiqué et
approuvé, ou au moins souffert par beaucoup d'autres.
MÉMOIRE POUR LE KOY,
POUR RESPONDItli AC PERE VAI.iillË,
DEMANDANT AUDIENCE DE LA PART DU CAI\nlNAI, BAnBEBIN ',
Le P. Valère demandant audience au roy pour luy parler de la pari
de Mons' le cardinal Barberin sur les affaires de Rome , et estimant
que S. M. la luy peut accorder demain, si elle l'a agréable, je luy en-
voie le présent mémoire pour l'informer de ce que le d. père Valère
aura à luy dire et de ce qu'elle aura agréable de luy respondre.
Le d. p. Valère dira au roy : que M'' le cardinal Barberin desnie
que la teste de Rouvray ayt esté exposée en qualité de celle de caval-
Cette pièce est conservée aux archi- d'un des secrétaires de Cliavigni, en tête
vos des Affaiie» élrang. Rome, tome 58, de laquelle un litre a été écrit d'une autre
foi. 346 i c'est une n>ise au net de la main
luam.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 639
lerizzQ delC 'uinbasciatore di Francia, et qu'il n'avoit jamais promis
d'aller voir M""' la mareschale d'Estrées pour faire excuse de ce qui
s'esloit passé à la Trinité-du-Mont.
Sur quoy le roy luy respondra, s'il luy plaist, que c'est une chose
sy publique qu'à la recognoissance de la teste de Rouvray il a esté
qualifié, et par les tesmoins, el par les ministres de la justice, caval-
lerizzo delï ambascialore di Francia, qu'il n'y a pas lieu d'en douter,
et que cette circonstance blesse tellement sa l'éputation qu'il ne peut
s'imaginer- que cela soit arrivé avec la participation du pape. Ce qu'il
ne croit pas de M' le card. Barberin, parce qu'autrement il en auroit
laict faire desjà la satisfaction en chastiant ceux qui auroient commis
un tel manquement à son iusceu.
Et que S. M. sçait bien que M' le cardinal Barberin s'esloit engagé
à voir madame la mareschale d'Estrées, ainsy qu'il avoit faict l'amb™
d'Espagne en pareille rencontre; ce qui auroit accommodé l'affaire
de la Trinité-du-Mont, et auroit empesché le désordre qui est arrivé
sur le faict de Rouvray; ce que ledict s' cardinal Barberin auroit pu
encore esviter s'il eusl faict faire plainte à S. M. de l'action de Rou-
vray, à quoy elle eust aussytost apporté le remède qui auroit esté
nécessaire.
Que S. M. a commencé de tesmoigner son ressentiment en la
personne de M' le Nonce, qui, par ses discours imprudens, l'a con-
trainct d'aller plus avant qu'elle n'avoit résolu.
Qu'elle attend la réparation que M"^ le card. Barbarin luy doit d'un
tel procédé, et que, s'il ne se dispose à la faire, il se peut asseurer
que, sans manquer au respect qu'il doit au sainl-siége et au pape, et
sans rien diminuer de l'affection qu'il a pour la personne de Sa Sain-
teté, qui luy est très chère, il sçaura fort bien la distinguer d'avec
celle de M' le card. Barberin, et fera voir à tout le monde qu'il n'a
pas raison de l'offenser, el qu'il est assez puissant pour se la faire
luy-mesme.
M' de Chavigny verra demain S. M. sur le sujet du présent mé-
moire avant que le P. Valère ayt son audience.
640
LETTRES
CCCXIV.
Bibl. iinp. Supplément français, t. 87, fol. sA-
Copie.
INSTRUCTION' AUX S"' D'INFREVILLE,
COMMISSAIRE GENERAL DE LA MARINE;
DE CAEN,
SERGENT DE BATAILLE DE L'ARIIEE NAVALE DC P.OY ;
ET DANIEL,
CAPITAINE DE MARINE.
10 décembre lôSg.
Pour ensemblement se transporter dans la ville de Calais, où es-
tant, ils prendront avec eux le s"^ Régnier Sensse le jeune, ingénieur
du roy, ou son père , et s'en iront le long des cosles de Picardie ^ et
Normandie et jusques à Cherbourg.
Verront le long des d. costes quel lieu ils trouveront plus propre
et commode pour bastir et construire un port , afin d'y retirer les
vaisseaux du roy.
' Le cardinal ayant formé le dessein de
faire creuser, dans la Manche, un port ca-
pable de contenir de grandes floltes, fil vi-
siter les côtes de France, depuis Calais jus-
qu'à Cherbourg. Le manuscrit cité aux
sources contient tous les détails de cette
opération dans vingt cartes et plans, ac-
compagnés de plusieurs pages de texte. La
première pièce est un procès-verbal dressé
par Louis Le Roux , seigneur d'Infreville ,
auquel la présente instruction fut remise,
à Rouen , le 24 décembre , par M. de Gaen ;
et, dès le même jour, d'Infreville partit
pour accomplir sa mission, accompagné
des deux ofliciers qui lui étaient adjoints.
Ce procès verbal contient le récit des opé-
rations de chaque jour. Ensuite se trou-
vent exposées les propositions diverses de
ce qui se peut faire, avec les devis des
dépenses présumées. Enfin le manuscrit
est terminé par une description des cô-
tes, laquelle se rapporte aux cartes qui
précèdent.
* Le projet du cardinal était d'abord
plus restreint, il ne s'occupait point de la
Picardie. Une ordonnance, signée Riche-
liea et contre-signée Cherré, datée de Ruel ,
le i4 novembre, portait: «Nous ordon-
nons au s' d'Infreville, commissaire général
de la marine , de se transporter prompte-
ment tout le long de la coste de Nor-
mandie, avec tels pilotes, hydrographes
et autres gens de mer qu'il estimera à
propos, pour visiter tous les endroits aux-
quels on pourra, dans l'estendue de cette
coste, faire un port capable d'y tenir
toutes sortes de grands vaisseaux, pour
ensuite nous en venir faire un sy exact et
fidèle rapport, etc. » (ms. cité aux source»,
fol. a3.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 641
Remarqueront les estendues des lieux qu'ils Irouveronl le fond de
dedans, et les sonder, et le fond de dehors, poiu- savoir si les rades
seront bonnes et propres pour de grands vaisseaux. Si dans les poi'ls
qu'ils trouveronl les vaisseaux y peuvent entrer et sortir de toute
marée; combien il y a d'eau dans les d. ports pour y tenir les vais-
seaux à flolj
Si aux d. lieux il se peut bastir des magasins, et si, pour en faire,
il se trouvera des granges et autres lieux dont on se puisse servir ;
leur valeur; et si, ny trouvant point de bastimens, combien pourront
couster les d. magasins.
Feront un dessein et devis des ports qu'ils trouveront et le projet
des despenses qu'il y conviendra faire à chacun, tant pour les jetées
qu'en avenues ; et de tout en feront un bon procès-verbal qu'ils nous
rapporteront pour, iceluy veu, estre ordonné par S. M. ce qu'il ap-
partiendra par raison.
Faict à Ruel, le lo'^jour de décembre lôSg.
Le cardinal DE RICHELIEU.
Par mon dict seigneur,
DE LofNE.
CCCXV.
Arch. des Ad. élr. France, iSSg (supplément], fol. 5i i. — Original.
AU ROY.
De Ruel ', 1 1 décembre i63g.
Il m'est impossible de n'estre point en peine quand je croy que
Vostre Majesté n'est pas contente; c'est ce qui faict que j'envoie ce
matin pour sçavoir Testât de sa disposition, m'aiant semblé qu'elle
partit hier d'icy sans estre bien satisfaicte en elle-mesme. Sur cela
je la suplie de croire et de tenir pour asseuré que, si elle ne se
résout de dire ses mescontentemens quand elle en aura, et ses vo-
' Une déchirure du papier n'a laissé de la date que le nom de lieu ; le quantième
a été noté au dos de la pièce.
CARDIN. BB HICBELteO. Tl. ' 8l
6'i2 LETTRES
lontés à M"" le Grand, elle sera souvent en des peines qu'elle pouira
esviter, sans doute, si elle veut en user comme je luy propose. Il est
impossible d'estre jeune et tout à faict sage; c'est à Vostre Majesté à
suplécr au défaut de ses créatures, en les conduisant par ses advis
et par ses conseils. Je la suplie d'en prendre la résolution pour son
repos, m'asseuranl qu'elle le trouvera en cette conduite, si elle la
peut prendre, comme je l'en conjure de tout mon cœur; et de
croire que je seray, jusques au dernier souspir de ma vie, cent fois
plus à elle qu'à moy-mesme.
Le Gard. DE RICHELIEU.
NOTA.
Voici ia première fois que nous rencontrons le jeune d'Effial dans ce recueil;
quelques mots à son sujet, et la publication de quelques documents inédits le
concernant, ne seront pas ici hors de propos. Vus d'un homme que le cardinal
aimait et estimait, enfant d'un extérieur prévenant et d'un esprit agréable, il
avait été élevé presque sous les yeux de Richelieu. Il sortait à peine de l'enfance
que, par ia protection du cardinal, il eut une compagnie dans les gardes de
Louis XIll ; et le 27 mars i638, avant de compter dix-huit ans, il obtint la
charge de grand maître de la garde-robe du roi, laissée vacante par la démis-
sion du marquis de La Force, fils aîné du vieux maréchal. L'année suivante, et
peu de temps avant la date de lalettre qu'on vientdc lire, le roi récompensait pour
lui, comme on disait alors, la charge de grand écuyer'; il était déjà à l'apogée
de sa faveur. Nous en suivons le progrès dans la correspondance manuscrite de
l'évêque Arnauld, qui en raconte, presque jour par jour, toutes les vicissitudes.
Nous y lisons, dès le 27 juillet lê'àg : « M' de S' Mars EfTiat est desjà fort avant
dans les bonnes grâces du roy. . . • Et le i4 août : « On juge que la Dame (M'"" de
Hautefort) n'est plus bien; aussy est-il constant que la faveur de M. de S' Mars
est toute déclarée. » Un mois après, le 1 8 septembre : « La faveur de W de S' Mars
augmente tous les jours;» i5 octobre et 2 novembre : «Progrès sans cesse
croissans de cette faveur; » et le 6 : « La faveur du jeune d'Effiat est arrivée au
point qu'on n'en a jamais veu de pareille. » — « On ne peut pas encore bien
' On eut c|uelque peine à décider le nenl les lettres de ce duc des 2 5 octobre
duc de Bellegarde, alors en disgrâce et et 1 1 décembre. (Arch. des AtF.étr. France,
fort besoigneux, à la vendre, et le roi ia 1689, supplément, foi. /|3A et Sog.)
lui paya assez mai, comme nous l'appren-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. • 643
juger (avait mandé yVrnauld) ce que deviendra Mad' de Auteforl; quelques
lettres qu'elle escrivoit à son père, pour les faire voir au roy, pour remerciinent
d'un estui qu'il luy avoit envoyé de Langres, se sont trouvées perdues. » On devine
qu'elles ne l'étaient pas pour tout le monde, et cjiie les agents du caidinal n'a-
vaient pas manqué de les intercepter. Rien ne montre mieux que cette corres-
pondance intime d'Arnauld comme les personnes curieuses des petits mystères
de la cour étaient attentives à observer l'élévation de la faveur du grand écuyer
u mesure que déclinait celle de la dame d'atours.
Chavigni, soigneux d'informer Mazarin , alors à Rome, des nouvelles de Saint-
Germain, lui mandait le 26 octobre : « Nous avons uu nouveau favori à la cour,
qui est M. de S' Mars, fils de feu M. le mareschal d'Efliat, dépendant tout à
fait de monseig'' le cardinal. Jamais le roy n'a eu passion plus violente pour per-
sonne que pour luy. S. M. rescompense la charge de grand escuyer de France
qua M. le duc de Bellegarde pour la luy donner. Ce n'est pas un trop vilain
début pour un homme de 19 ans'. •
Notons, dans la correspondance déjà citée, cet incident : « Le roy est de retour
à Fontainebleau depuis le ji udi 3 novembre. La reine s'est empressée de s'y
rendre... Elle a amené avec elle Mad" de Autefort, ce que l'on ne croyoit pas.
On a grande curiosité de sçavoir de quelle laçon se sera passé l'entrevue. . . M. de
S' Mars est plus puissant que n'a jamais esté aucun de ses prédécesseurs... sa
faveur est inouïe. • (Lettre du 3 novembre.) Trois jour%âprès, le 9 : « Je viens
d'apprendre que le roy avoit, hier au soir, dict nettement à Mad" de Autefort
qu'elle ne devoit plus prétendre à sou adection, qu'il l'avoit toute donnée à
M. de S' Mars. »
Et le favori, avec tout l'orgueil du triomphe, toute la présomption de la jeu-
nesse, commençait à croire (|u'il ne devait rien qu'à luimênie, et qu'il pouvait,
au gré de ses caprices, dédaigner maître et protecteur. Ce vertige de vanité ne
lui permettait pas de s'apercevoir qu'une complaisance assidue auprès du roi,
une dépendance entière du cardinal étaient les conditions nécessaires du main-
tien de sa faveur. Les décevantes illusions de cette fortune si prodigieuse et si
soudaine ne l'invitaient qu'à la dissipation. L'ambition , cette passion de l'âge mûr,
trouvait diflicilement sa place dans un cœur tout rempli de passions plus jeunes
et moins sérieuses. Il aimait trop le plaisir pour aimer beaucoup la gloire; et il
se livrait avec emportement à toutes les jouissances du luxe et de la volupté. De
somptueux équipages, des vêtements magnitiques, les profusions d'une table
délicate*, les soirées du Marais, les nuits de Marion de Lorme, et vingt ans! . . .
' Arcli. des Aff. étr. Rome, t G6, orig. Bibl. imp. arm. V, p.iquet 4. n' 2 , fol. ^9.
chiffré. — G>pie de la main de Baluze, ' Un jour Arnauld écrivait ;« M' le Grand
81.
644 • LETTRES
Qu'on s'élonne (|ue le favori, emprisonné dans sa faveur, trouvât longues les
journées passées clans l'intimité d'un maître dont l'amitié sècbe et monotone, la
mélancolie maladive, le poursuivaient sans relâche de conseils chagrins, d'un
maître qui lui deniandail des' mœurs austères, l'application aux affaires, et aussi
la distraction de ses ennuis et de ses tristesses; qu'on s'étonne de voir l'ardenl
jeune homme chercher dans la liberté de la nuit un dédommagement à l'escla-
vage du jour. On raconte, en effet, qu'après le coucher du roi, et tandis que
Louis XIII le croyait dans son appartement, on aurait pu le voir galopant sur la
route de Saint-Germain à Paris, arriver en toute hâte chez ses amis du Marais,
ou chez la belle Marion , pour retourner dès la pointe du jour à sa royale chaîne.
Le roi se plaignait sans cesse à Richelieu de l'humeur légère et de l'indocilité
de son protégé ; et le protégé trouvait ensuite à Ruel les réprimandes sévères et
les durs reproches d'un protecteur mécontent de le voir si n)al répondre aux
espérances qu'il avait fondées sur une faveur créée par lui et pour lui. Parfois
même, railleur jusqu'à l'insulte, le cardinal semblait avoir moins à cœur de cor-
riger que d'humilier ce présomptueux étourdi.
Ces réprimandes continuelles, cette insupportable contrainte, cette servitude
sans relâche irritaient de plus en plus l'impatience de Cinq-Mars, son humeur
fâcheuse cioissait avec sa fortune, et à peine il la crut assurée qu'il la mit en
péril par les mécontentements de tous les jours qu'il donnait à Louis XIII.
Richelieu n'était occupé qu'à solliciter l'indulgence du roi et à recommander la
docilité au favori. On voit, par la lettre même qu'on vient de lire , comme , à cette
époque encore, les panles du cardinal au roi touchant Cinq-Mars étaient indul-
gentes et presque paternelles. Ce fut à l'occasion d'une de ces brouilleries que
Louis XIII écrivait à Richelieu, le 27 novembre : "Je vous remercie du soing
que vous prenez d'envoyer sravoir de mes nouvelles; je me suis un peu trouvé
mal cette nuit, ce qui m'a contraint de prendre re matin un petit remède;
peut-eslre prendraije médecine ce soir. Vous verres, par le certificat que je vous
envoie, en quel estai est le racommodement que vous Gstes hyer; quand vous
vous meslés d'une affaire elle ne peut mal aller. Je vous donne le bon jour.
. LOUIS »
a faict faire un des plus superbes ameuble- traite ce soir le roi à S' -Germain, » lettre
men.s que l'on ait guerre veus. n L'n autre du i3 novembre. Un peu plus tard, nous
jour : « On n'a jamais veu à la cour une table lisons encore : • Le roy s'est mis en collère
mieux servie que celle de M' le Grand » contre M' le Grand de ce beau carrosse...
(8 février 16/I0; ii décembre 1639), et il ne l'a point voulu voir., il dit que c'est
le favori y recevait le roi : « M' de S' Mars un despencier. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 645
El le cerliGcat mérile d'être cilé :
«Nous, ci-dessous signés, certifions à qui il appartiendra estre très-conlens
et salisfaicts l'un de l'autre, et n'avoir jamais esté en sy parfaicte intelligence
que nous sommes à présent. En foy de quoy nous avons signé le présent certificat.
« FaicI à S'-Germain, ce 26 novembre 1689.
. LOUIS.
I Et, par mon commandement,
Effut de Cinq-Mabs'. »
Mais en dépit de l'acte sous seing privé, les brouilleries recommencèrent bien-
tôt. Un mois ne s'était pas écoulé que, le i4 décembre, Arnauld écrivait : «11 y
a eu encore brouillerie entre le roy et M"^ le Grand ; cela recommence souvent. •
Et le i4 janvier i64o : « H y eut avant hier un raccommodement entre le roy et
M' le Grand; ils avoient esté quatre ou cinq jours en froideur; ce fut M' de Noyers
qui fut l'entremetteur. «Le 25 : « H y a eu de nouvelles brouilleries entre le roy
et M' le Grand. • Huit jours après, la paix n'était pas encore faite : » M' le Grand
s'est mis en possession de ne plus du tout aller à la chasse avec le roy (dit notre
correspondance, le 5 février), on ne luy en parle mesme plus. • Et puis, le 12 :
• M' le Grand est plus en faveur qu'il n'ait jamais esté. • Ce fut à ce moment,
en effet, que le roy lui donna le comté de Dammartin, toutefois avec réserve de
l'usufruit^ pour Louis XIII et de réversibilité à la couronne faute de mâles; ce
qui faisait dire à Cinq-Mars : • Je suis l'héritier du roy et il l'est de moy. • (Let-
tres des 19 et 26 février ) 11 est probable que Richelieu n'approuvait pas cette
nouvelle faveur; un billet qu'il écrivait de Ruel à Chavigni, le 29 février, laisse
percer, dans sa sèche ironie, un certain mécontentement contre le favori : «Je
suis très-aise, dit le cardinal, du raccommodement de M' le Grand; je tiendrois
à faveur, comme vous pouvés penser, de le voir avant le partement du roy, mais
je ne juge pas à propos qu'il vienne icy; je reçoy la volonté pour l'efTect. » (Ce
billet sera noté aux Analyses.) Quoi qu'il en soit, les nuages s'épaissirent de nou-
veau; le 2 0 mars, Arnauld mandait : • Il y a deux jours, on croyoit M' le Grand
ruiné; ce sont des intrigues qui ne peuvent bien s'expliquer par une lettre; vous
aurez veu quelqu'un qui vous aura compté des choses mystérieuses. » Nous avons
lieu de croire que ce quelqu'un était Bautru, l'un des familiers du cardinal. Le
bruit de la mésintelligence de Richelieu et de Cinq-Mars commençait d'ailleurs
' Manuscrit de Baluze précité, fol. ^7 Arnauld écrivait: «On m'a dict que le roy
verso et 5o. a desjà donné à M' le Grand l'usufruit de
* il parait que le roi abandonna bien- DainniarCiii, qu'il s'estoit réservé.»
tôt cette singulière réserve ; le i o juin ,
646 LETTRES
à percer, ainsi qu'on ie voit clans une autre lettre d'Arnauid, du 8 août : «Il
semble que M' le Grand ne soit pas si bien du costé de Ruel; il y a là dedans des
mislères que le temps descouvrira. • El ces bruits prenaient consistance. Le
•1 décembre, Arnauld répétait : «On continue à dire qu'il y a quelques nuages
entre le cardinal et M' le Grand qui pourroient avoir suite. » Il y a\ait, en effet,
pour Richelieu, des motifs sérieux de se méfier de celui dont il avait édifié la
fortune. Il reconnaissait et que Cinq-Mars manquait de l'habileté nécessaire pour
lui être utile auprès du roi, et que, de plus, eût-il eu cette habileté, il s'en serait
servi contre son protecteur. Ghavigni écrivait à Mazarin , alors en mission à Turin :
« Le roy, M'ie cardinal et M' le Grand sont tousjours comme vous les avés veus à
Amiens, excepté que S. M. a tesmoigné depuis peu de très mauvaises humeurs
contre le cardinal duc. Pour moy, je vousadvoue que j'en crains les suittes;mais
M' de Noyers asseiire tousjours que ce n'est rien. Il y a plusieurs particularitez
sur ce sujet, que je ne vous puis escrire, qui sont eslranges. » Cette lettre de Gha-
vigni, datée du i3 août, est aux Affaires étrangères, Turin, t. 3i, fol. 216. Le
2 novembre, Ghavigni écrivait encore : « Je suis mieux que jamais avec Mons' le
cardinal... Il me dit à cette heure ses sentimens sur le personnage que vous
sçavés, et cognoist bien que son insuffisance l'a mis dans un grand embarras; je
ne puis pas vous en escrire plus particulièrement, je m'asseure que vous m'en-
tendes bien. » (Même ms. fol. 326.) Enfin, le 11, Ghavigni ajoute à une nouvelle
lettre à Mazarin, un feuillet en italien, où nous remarquons ce passage : «Le
« cose délia corte sono piu imbrogliate che mai; il maie che s'era scoperto a
« Amiens cresce per ogni giorno; e adesso che il padrone di Golmardo (Colmardo
«était le sobriquet de Mazarin dans le langage intime) è risoluto affatto di ri-
« mediarlo non si vede la strada sicura. » ( Fol. tioo.) Cinq-Mars n'est pas nommé
dans ces lettres, mais il s'agit évidemment de lui.
Cependant le roi, malgré ses fâcheries, usait, à l'égard de son favori, d'une
complaisance inouïe; nous eu avons la preuve dans un nouvel engagement réci-
proque que nous avons trouvé aux archives des Affaires étrangères', et qui n'est
guère moins curieux que le certificat du 29 novembre :
« Aujourd'huy neufviesrne mai i64o, le roy estant à Soissons, Sa Majesté a eu
agréable de promettre à Mons'' le Grand que, de toulte ceste campagne, elle
n'aura aulcune cholère contre luy ; et que, s'il arrivoit que le d. s' le Grand luy
en donnast quelque léger suject, la plainte en sera faicte par Sa Majesté à
Monsieur le Cardinal, sans aigreur, affm que, par l'advis de S. Em. le d. h' le
' France i6/io, sept premiers mois, copie, laquelle est conservée parmi ses
fol. iSg. C'est un original de la main de manuscrits à la Bibliothèque impériale,
de Noyers. Baluze l'a vu et en a pris une arm. V, paquet 4, n" 2, fol. Ag-
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DU CARDINAL DE RICHELIEU. fi/j?
Grand se corrige de tout ce qui pourroit desplaire au roy, et qu'ainsy louttes ses
créatures trouvent leur repos dans celuy de Sa Majesté. Ce qui ' a esté promis
réciproquement par le roy et Mons' le Grand, en présence de Son Éminence.
. LOUIS.
« Effiat de Cinq-Mars^. »
On voit que le cardinal était perpétuellement jjrésenté à Cinq-Mars comme
un mentor fâcheux et le censeur assidu de sa conduite. Ce fut là une des causes
de Tanlipathie profonde que lui inspira Richelieu.
(Jependant les conseils et les réprimandes, loin de corriger le favori, ne fai-
saient que l'aigrir et l'irriter davantage; son indocilité devenait de l'insolence.
Aubery nous en a conservé un témoignage donné par le roi lui-même, et qui
nous a semblé trop curieux pour ne pas être reproduit ici, quoiqu'il ait été déjà
imprimé :
DD BOI AU CARDINAL DE RICHELIEU.
De Sainl-Gemiaiii, ce 5 janvier, à 4 h. du soir, 164 i.
« Je suis bien marry de vous importuner sur les mauvaises humeurs de M. le
Grand. A son retour de Ruel il m'a baillé le paquet que vous luy avez donné;
je l'ay ouvert et l'ay leu. Je luy ay dit : Monsieur le cardinal me mande que vous
luy avez témoigné avoir grande envie de me complaire en toutes choses, el cependant
vous ne le f aides pas sur un chapitre de quoyje l'ay prié de vous parler, gai est sur
vostre paresse. Il m'a respondu que vous luy en aviez parlé, mais que pour ce
chapitre-là qu'il ne se pouvoit changer, et qu'il ne feroit pas mieux que ce qu'il
avoit faict. Ce discours m'a fâché. Je luy ay dit : Un homme de vostre condition,
qui doit songer à se rendre digne de commander des armées, et qui m'avez témoigné
avoir ce dessein-là, la paresse y est du tout contraire. Il m'a répondu brusquement
qu'il n'avoit jamais eu cette pensée, ny n'y avoir point prétendu. Je luy ay ré-
pondu que si, et n'ay pas voulu enfoncer ce discours. Vous sçavez bien ce qu'il
en est*. J'ay repris ensuitte le discours sur la paresse, luy disant que ce vice
rendoit un homme incapable de toutes bonnes choses, et qu'il n'estoit bon qu'à
• Qui» est de la copie de Baluze; le étaient rendus en foule, el dont il prit le
papier est déchiré ici dans l'original. rommaiidemenl ( voyez ciaprès, au ■» août
Celte seconde signature est écrite à i6yio); il s'y élail comporté en homme de
la marge. cœur, et en même temps il avait laissé
VI. le Grand alla au siège d'Arras paraître la vaniteuse prétention des hauts
avec les volontaires de la cour, qui s'y emplois militaires.
648
LETTRES
ceux du Marais, où il avoil esté nourry, qui esloient du tout adonnez à leurs
plaisirs, et que s'il vouloit continuer cette vie, qu'il falloit qu'il y retournast. Il
m'a répondu arogamnient qu'il esloit tout prest. Je luy ay répondu : Si je n'estois
plus sage que vous, je sçay bien ce quej'aurois à vous répondre là-dessas. Easuitte de
cela je luy ay dit que, m'ayanl les obligations qu'il m'a, il ne devoit pas me
parler de la façon. Il m'a répondu son discours ordinaire, qu'il n'avoit que
faire de mon bien, qu'il estoit tout prest à me le rendre, et qu'il s'en passeroit
fort bien, et seroit aussy content d'estre Cinq-Mars que Monsieur le Grand, et
que pour changer de façon de vivre, qu'il ne pouvoit vivre autrement. Et en-
suitle est venu toujours me picotant, et moy luy, jusques dans la cour du chas-
teau, où je luy ay dit qu'estant en l'humeur où il estoit, il me feroit plaisir de
ne me poinct voir. Il m'a témoigné qu'il le feroit volontiers. Je ne i'ay poinct veu
depuis. Tout ce que dessus a esté en la présence de Gordes.
. LOUIS.
» J'ay montré à Gordes ce mémoire, avant que vous l'envoyer, qui m'a dit
n'avoir rien leu que de véritable '. »
Les choses continuèrent d'aller sur le même pied, et, dix-huit mois plus tard,
l'échafaud de Lyon voyait le dénoûment de cette orageuse amitié.
CCCXVI.
Bibl. imp Suite de Dupuy, t. i5, fol. 290. — Original, sans signature.
POUR M. L'ARCHEVESQUE DE RORDEAUX,
À PARIS.
DeRuel, ce 16' décembre iGSg.
M' le nonce seroit plus fin qu'il n'est s'il pouvoit faire changer de
thèse. Il n'est pas question ny des bulles deCisteaux^, ny de Prémon-
tré, ny du controlle des bénéfices; les deux premières affaires ne sont
' Tome V, p. 36 1 de l'édition in- 18.
Aubery n'indique point où il a trouvé ce
document, dont nous n'avons pu décou-
vrir le manuscrit.
' Une entrevue de Chavigni et de Scoti
avait eu lieu le 7 décembre dans le cloître
des Cordeliers, où rendez-vous avait été
pris , le nonce n'allant pas chez Chavigni.
Scoti, récriminant contre les plaintes du
secrétaire d'État, avait dit que les préten-
tions du cardinal de Richelieu étaient la
principale cause des démêlés qui trou-
blaient la bonne harmonie entre les deux
cours, et que, si le pape n'avait pas refusé
au cardinal les bulles de Cîteaux et de
Prémontré , on se serait facilement entendu
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 649
demandées de personne; il y a plus de deux ans que l'ambassadeur
a charge de n'en parler point; et la Iroisiesme est faicle et exécuttée.
Mais il s'agit de l'injure que le roy a receue en la Trinité du Mont' ;
de celle qu'on luy a faicte en la personne de feu M' le cardinal de
La Valette, et de l'outrage faicl à sou ambassadeur par l'assassinat
de son escuyer.
Le roy ne veut faire que ce qui est nécessaire pour convier le pape
à luy faire raison.
Quant à l'arrest du parlement et autres poursuites que faict le
clergé, elles sont sy justes que le seul motif de la poursuitte qu'on
en faicl est leur équité.
Je sçauray tantost la volonté du roy au sujet du commerce qu'il
voudra qui soit gardé avec Mons' le nonce. Je m'asseure que ce bon
seigneur cognoistra, avec le temps, et la justice de la France et sa
fermeté quand elle a bonne cause.
sur tout le reste. Cette même année iGSg,
le cardinal avait écrit , clans un Mémoire sur
les affaires de Rome (ci-dessus, p. 290):
«l'affaire de Cisteaux et de Prémonlré
doileslre achevée. » — La relation de l'en-
trevue du cloître des Cordeiiers se trouve
aux archives des Affaires étrangères, dans
les manuscrits de Rome t. 67 (noncoté),
à la date du 9 décembre, et il y en a dans
ce même volume plusieurs autres copies;
ainsi qu'à la IMbliolhèque impériale dans
le.s collections de Harlay, de Dupuy ,
de Gaignieres, etc. Elle a été imprimée
dans le livre des frères Dupuy, Les libertés
de l'E(j\ise Gallicane, parmi les pièces
jointes aux mémoires de Talon , tome IV,
page 3o de l'édition Petilol, et ailleurs.
Richelieu envoya celte relation au cardi-
nal Bagni, cjui, on le sait, était dévoué
a la France et au premier ministre. La
lettre que lui écrivait Richelieu, le 17 dé-
cembre, pour se plaindre de la conduite
CAUDIN. DK RICHELIEU. — VI.
du nonce, a été imprimée, et il en sera
fait menlion ci-après, aux Analyses, «.le
veux croire, mandait Richelieu à Bagni ,
que ce bon prélat a beaucoup de zèle,
mais certainement il cognoisl si mal la
France et défère si peu aux bonnes ins-
Iriiclions que vous luy avés données ,
qu'asseurément il luy sera plus préjudi-
ciable qu'utile, s'il ne se modère. » Quant
à l'imputai ion qui louchait directement
Richelieu, celui-ci ajoutait : «Je ne consi-
dère point, comme vous pouvés croire,
ce qu'il luy plaist de dire à mon désad-
vantage, tant parce que, quand il pour-
roil me porter préjudice, je l'oublierois de
bon cœur, pour l'amour de Dieu, que
parce qu'estant cogneu, comme je suis,
dans le monde, on sçayt bien qu'il n'y a
point d'intéresl particulier, quelque grand
qu'il puisse estre, qui soit capable de me
faire passer pardessus le moindre del'estal. »
' Voyez, ci-dessus, p. 52 1.
83
650 LETTRES
CCCXVII.
Arcli. des Aff. élr. Rome, t. 67 (non coté).' — De la main de Cliavigni.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 347, f'"'- ^9^' — Copie.
Collection Dupuy, t. 535. — Copie.
16 décembre 1639.
DE PAR LE ROY,
H est ordonné aux agens du clergé de faire entendre, à tous les
s'^'* évesques et prélats qui sont dans Paris que deux raisons portent
S. M. à leur deffendre d'avoir aucune communication avec le s"" Scoti,
nonce extraordinaire en ce royaume.
La première est que le d. s' Scoti ayant esté envoyé par S. S.
nonce extraordinaire en France, où S. M. ne l'a receu qu'en cette
qualité, pour entendre, par son moyen, les propositions que Sa S"
voudroit faire pour la paix; il n'a aucune fonction ordinaire en vertu
de laquelle il doive avoir communication avec eux.
La seconde, que S. M. luy ayant faict savoir ces jours passés, par
le s' de Chavigny, secrétaire d'Estat, que l'offense que son ambassa-
deur avoit receue à Rome par l'assassinat commis en la personne d'un
de ses domestiques, ensuitte des grands mesconlentemens qui ont
esté donnés à Sa d. M. sur le faict de la Trinité du Mont, et de la
mémoire de feu M' le cardinal de La Valette, l'ayant contraint à ne
désirer plus que son d. ambassadeur allast à l'audience de S. S. jusqu'à
ce que l'injure qu'il avoit receue eust esté réparée, elle ne pouvoit
aussy la luy donner jusques au mesnie temps '. Au lieu de recevoir
cet expédient avec le respect qu'il devoit en tant qu'il ouvroit le
chemin à un accommodement, il fut si peu considéré de dire au s' de
Chavigny qu'il avoit cœur et esprit pour agir, et qu'il le feroit en sorte
que la pluspart des évesques de France se Irouveroient pour Sa S.
' L'ordre donné par le roi à ce sujet nianuscrils de la Bibliothèque impériale
est daté de Saint-Germain en-Laye le 8 dé- cités aux sources; et il est imprimé dans
cembre; il est contre-signe Boutliillier le IV° volume d'Aubery, page 344-
(Cliavigni); on le trouve en copie dans les
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 651
contre le rby. Ensuitte de quoy S. M. n'a peu moins faire que de
defFendre la dicte communication à tous les prélats de son royaume,
non par aucune mesfiance qu'elle ayt de leur affection et de leur zèle
à son service, dont elle est très asseurée, mais pour faire voir au
d. s' Scotti que non seulement la bonne intention des d. prélats rendra-
t-elle ses mauvais desseins A'ains et inutiles, mais que mesme il n'aura
pas lieu de tascher à les mettre à exécution, ny, par conséquent, de se
divertir des seules pensées qu'il doit avoir pour l'avancement de la
paix, qui est tant désirée de S. M. que, nonobstant l'offense receue
par son ambassadeur à Rome, et le mauvais procédé du s"^ Scoti en
cette cour, elle ne laisse pas de luy laisser la liberté de faire faire
au d. s' de Chavigny, par son auditeur, toutes les propositions qui
pourront avancer un sy bon œuvre.
Faict à Saint-Germain-en-Laye, le iG décembre 1689.
LOUIS.
SUBLET '.
' Celte déclaration , signée du roi et con-
trcsignée par de Noyers, avait été écrite
dans le cabinet de Richelieu. Elle a servi
de thème à une leltre de cachet, adrasée au
parlement , ayant le même objet et rédigée
presque dans les mûmes termes. Celle-ci
est imprimée dans le recueil d'Aubery,
avec la date de décembre , sans quantième ,
d'après une copie du manuscrit Dupuy,
précité, tome 535. — Richelieu prit la
précaution d'iDdiquer par écrit à Chavi-
gni tout ce qu'il avait à faire au sujet de
cet ordre , qui devait être signifié aux pré-
lats par les deux agents du clergé, La
Barde et son collègue. Richelieu permet-
tait que les évêques en prissent copie , « les
uns pour leur satisfaction , et les autres
pour le faire voir au s' nonce. » — « Je
seray bien ayse, ajoutait-il, que vous le
fassiés voir à M" le chancelier, Bullion et
Boulhillier, ahn que, s'ils estiment qu'il y
ayt quelque chose à ajousler ou à changer,
on le fasse avant que de le faire voir ausd.
prélats. Vous me ferés plaisir de le mons-
Irer aussy à M' le procureur général , et
luy dire que j'ay désiré qu'il le vist aupa-
ravant qu'on le publias!. • — Cet ordre,
disait encore Richelieu , donne assez di;
coiinoissance de ce qui s'est passé à Rome
« pour empcscher de prendre une mau-
vaise impression du procédé du roy. » Du
reste, le cardinal ne négligeait aucun
moyen d'assurer l'exécution d'une mesure
dont il comprenait toute la gravité. < Il faut
donner ordre au chevalier du guet d'estre
plus au guet que jamais à la porte du
d. s' nonce, et d'arrester, au sortir de son
logis, tous ceux qui iront à heure indue,
c'est-à-dire depuis que la nuit sera fermée.
— Si par hazard il s'y rencontroit quelques
uns de ceux que vous sçavés, il y auroit
plai.sir à en recevoir des nouvelles le len-
82.
652
LETTRES
CCCXVIH.
Bibl. imp. Suite de Dupuy, t. i5, fol. 289. —
Original, sans signature, de la main de Charpentier.
POUR M. L'ARCHEVESQUE DE RORDEAUX.
Ce J7 décembre lOSg.
La lesponse ambiguë que faict M'"ie cardinal de La Rocheloiicauld
tesmoigne ouvertement qu'il ne permettra pas la signature du procès-
verbal, et je croy qu'on ne vous y veut mener que pour faire un acte
au désavantage des bien intentionnés au service du roy, et au bien de
l'église ^
demain matin, après qu'ils auroient cou-
ché chez le d. chevalier du guet. — S'il y a
lieu d'arrester quelqu'un , il ne le doit pas
iaire prociie le logis du d. s' nonce, mais
dans le retour de la rue de la Harpe*, ou
(le Saint-Jacques, afin que le bruici n'en
aille pas dès le soir jusqucs au d. s' nonce. »
— Hemarquons que dans celte affaire le
cardinal prit surtout grand soin de mon-
trer que le nonce Scoti n'était en aucune
façon protégé par le caractère diplom a tique
que lui aurait donné la qualité de nonce or-
dinaire. — Celte instruction est conservée ,
écrite de la main de Cherré, aux archives
des Affaires élrangèrcs dans le volume 67
de Rome, à la date du 16 décembre. Je
l'ai trouvée en copie à la Bibliothèque im-
périale , collection Dupuy, 5.^5 , fol. 83 , et
dans le fonds de Saint- Germain -Harlay,
347, fol. 694 v°; elle a été imprimée
dans Aubery, tome IV, p. 34G, et dans
le recueil de iGgS, p. 200.
* Scoli élail sans doute logé à l'abbaye de Cluny.
'* Histoire da cardinal duc de Richelieu ^ par Au-
bery, t. II, ch. xLV, édit. in-18. ■ — Le cardinal fit
mettre dans la Gazette du 17 décembre que, par
' Quelle est l'affaire dont parle cette
lettre ? Parmi les dilBcuUés qui surgissaient
alors, assez nombreuses, entre la cour de
France et celle de Kome, quelle est celle
dont il s'agit? Vers ce temps-là, le pape
avait refusé de recevoir l'information de
vie et mœurs de l'évêque nommé de Corn-
minges, faite selon la coutume de France
par l'évêque diocésain. Le saint père ima-
gina d'exiger que cette information fiit
faite par le nonce. Dans une assemblée
réunie le i"décemhre à l'abbaye de Sainte-
Geneviève, dont le cardinal de La Roche-
foucauld, partisan des doctrines ultraraon
laines, était abbé, on s'occupa de cette
prétention contraire aux usages et aux li-
bertés de l'Eglise gallicane". — D'un au-
tre côté, nous lisons dans les Mémoires
chronologiques et dogmatiques : « Le cardinal
de Richelieu. . . pour chagriner le pape. . .
lit porter un arrêt du conseil par lequel il
étoit défendu d'aller chercher des expédi-
arrété du parlement, donné le 1 2 , défense élail laite
à ceux qui «auront obtenu nomination du roy de
s'aider d'autres informations que celles des évêques
dincézains, etc. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 653
Partant rnon avis n'est point que vous y faciès assemblée de nou-
veau, que premièrement on n'ayt asseuré que le procès-verbal sera
signé sans contestation.
Sans cette asseurance , je suis d'avis ou que vous assenibliés chez
M' de Bourges, ou que vous ne faciès point d'assemblée du tout;
laissant l'affaire comme elle est comme terminée.
Pour sçavoir si M'' le cardinal de La Rochefoucauld voudra signer
le procès-verbal, ou non, M' de Chartres y peut aller; mais, à mon
advis, le d. s' cardinal ne le signera pas.
Quant au papier qu'on veut ravoir, cela tesmoigne la bonne inten-
tion avec laquelle on procède ', et je le garderay soigneusement, non
pour faire aucun mal à celuy qui l'a Faict, tant parceque je n'en ay
pas l'intenlion que parcequ'il n'est pas mauvais en soy-mesme, mais
afin que l'autheur ne perde pas la mémoire de ce qu'il a faict.
lions à Rome, et d'y envoyer de l'argent.
Il mil ensuite quelques prélats en mouve-
ment pour demander la révocation ou au
moins la modération des annales , et la te-
nue d'un synode qui réprimât les entrepri-
ses de la cour de Rome ; mais , l'évêque do
Beauvais ayant fait apercevoir au cardinal
de La Rochefoucauld et à plusieurs de ses
confrères le plége qu'on leur tendait, l'af-
faire ne passa point à l'assemblée du
clergé '. » Le Vassor, dont il ne faut pas
du reste invoquer le témoignage sans tenir
compte de sa passion anticatholique, ne
nous donne pas de l'affaire une explica-
tion plus précise ni plus claire. « Le car-
dinal, dit-il, lit exciter, sous main, les
évèques et les autres ecclésiastiques zélés
pour la réformation de plusieurs abus in-
troduits par la cour de Rome , à crier con-
tre elle et à parler de la convocation d'un
concile national. Les prélats qui se trou-
voieut à Paris s'assemblèrent extraordinai-
rement chez le cardinal de La Rochefou-
cauld à Sainte-Geneviève. Les agents du
clergé furent chargés de faire certaines
propositions sur lesquelles on devoit déli-
bérer.! Le Vassor suppose que le cardinal
de La Rochefoucauld agissait sous l'in-
fluence du nonce Scoti". — Quant au
P.GrifTet et à Bazin , ils ne disent rien des
réunions chez les chanoines réguliers de
Sainte -Geneviève. Quoi qu'il en soit du
sens de cette lettre, elle a cet intérêt de
nous monlrer comment, dans certaines
occurrences , ce ministre si absolu jugeait
plus sage de tourner et d'esquiver les dif-
ficultés que de s'y heurter de front.
' L'ironie est évidente; mais quel est
ce papier qu'on voudrait bien ravoir et
que Richelieu garde si soigneusement ?
* Torae M. p. 106. — *' Histoire ttt Louis XIII , liv. \LV, a* partie du lom»? I\, (>. 3&y.
654 LETTRES
CCCXIX.
Arch. des Aff. étr. Rome, t. 67 (non coté). — Mise au net.
Bibl. imp. SaintGermain-Harlay, 3^7, fol. 723. — Copie. —
MÉMOIRE
A M. LE MARKSCHAL D'ESTRÉES'.
20 dicembie )63g.
Le roi envoie à l'ambassadeur la relation de l'entrevue de Chavigni et du
nonce Scoti (ci-dessus, p. 6/i8, note 2). On le charge d'en donner une copie au
cardinal Bichi, afin qu'il la fasse voir au pape et à M. le cardinal Barberin.
M' le cardinal Bichi peut asseurer Sa Sainteté qu'il ne s'est rien
passé en cette conférence de plus ou de moins que ce qui est porté
par la d. relation.
Il est nécessaire que le d. s"" cardinal fasse remarquer à Sa Sainteté
et au d. s'' cardinal Barberin les ternies dont le d. s"' nonce a usé,
disant que Sa Sainteté estoit maistre absolu dans Rome pour faire
chastier qui il luy plaisoit, sans distinction, et la response qui a esté
faicte au d. nonce sur ce discours.
Ces termes n'exceptent pas mesme de chastiment les personnes
publiques, comme les ambassadeurs, les quels et leurs familles ont,
de tout temps, esté inviolables et exempts de la juridiction des princes
près desquels ils sont, ce qui se pratique mesme parmi les nations
les plus barbares.
Il faudra faire ensuitte remarquer à Sa Sainteté et au d. s'' cardinal
jusques à quel point le nonce s'est eschappé, disant qu'il avoit de
bons avis de ce qui se passoit dans Paris, et le reste qui s'en suit
' Les pièces précédentes, qui ont fait fut chargé d'exposer l'afiaire au gouver-
connaître la situation et les procédés du nement de Sa Sainteté. La pièce a été faite
nonce extraordinaire à l'égard du gouver- sur un mémoire du cardinal , mais nous
nement du roi , nous permettent de donner n'avons pas d'indice qu'il l'ait dictée en
seulement en extrait la dépèche par la- entier. — On peut voir, sur le nonce Scoti,
quelle l'ambassadeur de France à Rome le recueil d'Aubery, t. V, p. 3^o-348.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 655
dans sa d." relation; mais particulièrement son insolence doit estre
bien représentée dans ce qu il a dict qu'il se moquoit de la pensée
qu'il croit que l'on a eue d'un concile national, et qu'en ce cas « il papa
metterebbe il re sotto ' ; » paroles sy estranges que Sa Sainteté et le
d. cardinal peuvent aisément juger quels mouvemens elles doivent
exciter dans les esprits de deçà.
Il faudra aussy faire cognoistre à Sa Sainteté le sujet que le
d. nonce a donné au roy de croire qu'il faict, ou veut faire des pra-
tiques dans Paris; ce qui est tellement contre le devoir d'un ministre
public, qu'il n'y a rien qui dispense plus légitimement de le re-
cognoislre pour tel qu'une semblable conduitte.
Après avoir fait considérer au Saint-Père qu'il eût été convenable que le nonce
voulût bien écouter le secrétaire d'Étal de France, ledit card. Bichi pourra faire
voir à Sa Sainteté et au cardinal Barberin la copie de ce que le s' Chavigni était
chargé de lui lire, ajoutant que le refus qu'a fait le nonce Scoti de prendre l'écrit
• a esté cause que l'on a usé d'une autre voie pour le luy faire recevoir^. •
Le pape cl le cardinal Barberin parleront sans doute au d. s"^ car-
dinal de l'arrest du parlement, touchant l'information de vie et
mœurs, sur quoy il leur fera remarquer que, pour avoir voulu attirer
entièrement cette fonction aux légats et nonces en France, au lieu
que l'on souffroil qu'elle se fist indifféremment par eux ou par les
évesques de ce royaume, ils sont cause que l'on a donné cet arrest,
fondé sur les ordonnances, sur les privilèges de l'église gallicane et
sur l'usage ancien.
Le cardinal Bichi doit parler comme de lai-ménie, non de la part du roi.
11 n'est pas besoin que le d. s"^ ambassadeur communique au
d. s' cardinal Bichi la résolution signée du roy, d'autant que l'on n'a
' Le jiape forcerait bien le roi à se sou- ambassadeurs, assisté d'un huissier. Le
metlre. procès-verbal des incidents de celle figni-
II lui avait élè signifié, le 1 1 décem- lication est imprimé dans Auberv, l. IV,
bre, par M. de Bcrlize, introducteur des p. 34â.
(55(3 LETTRES
rien encore faict en exécution d'icelle, touchant les aH'aires de da-
lerie, sur quoy le d. s' ambassadeur attendra l'ordre de S. M. pour
les significations et défenses aux banquiers de Rome et à la daterie.
Le d. s' ambassadeur, suivant la résolution signée du roy, verra
que l'intention de S. M. est qu'il n'aille plus à faudience du pape,
ny du cardinal Barberin, jusques à ce qu'elle ait roceu les satisfac-
tions qui luy sont deues. 11 se pourroit faire qu'aussy tost que l'avis
sera arrivé à Rome, que S. M. a défendu l'audience au s'' Scoti,
Sa Sainteté voudroit faire la mesme chose à l'esgard du d. s' ambas-
sadeur; mais il aura soin de déclarer Tordre exprès qu'il a eu de
S. M. afin que le cardinal Barberin n'ait pas lieu de se satisfaire sur
ce point.
Ensuitte de la menace que le d. s"^ Scoti a faicle de gaigner des
prélats contre le roy, S. M. a estimé à propos de delfendre aux
d. prélals la communication du d. s' nonce, par un ordre donné aux
agents du clergé, dont copie sera ci-jointe'.
Nonobstant tous les sentimens que le roy faict paroistre , le d. s"^ ma-
reschal se pourra laisser entendre (sans pourtant faire cognoistre
qu'il en a eu ordre exprès), que le roy n'est pas esloigné d'accom-
moder les affaires, pourveu qu'on luy propose des satisfactions qui
mettent son honneur à couvert, et informera S. M. de ce qui luy
sera dict sur ce sujet.
Le d. s"" mareschal a fort bien faict de ne point faire entreprendre
sur les personnes des assassins de Rouvray, ainsy qu'il luy avoit esté
proposé, parce que l'affaire a pris un autre train, et qu'il en faut sortir
par une autre voie. Le roy a tant de confiance en l'alfection et pro-
bité de M'' le cardinal Antoine, qu'il est bien esloigné de croire que
le d. s"' cardinal ait esté capable d'avoir part dans une telle action; le
d. s' mareschal a raison de juger que ce sont artifices dont on use
pour essayer de le brouiller avec la France.
20 décembre 1689, à S'-Germain-en-Laye.
' Voy. ci-dessus, p. 65o.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 657
CCCXX.
Arch. des Aff. étr. Hollande, t. ai, pièce 186. — Minute de la main de Cherré.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. /i6, foi. 2a5. — Copie'.
Saint-Germain-Harlay, 346, t. a, p. 4a 1. — Copie.
A M. D'ESTRADES.
s 2 décembre' lôSg.
C'est une affaire de telle importance d'achever de ruiner l'armée
navale d'Espagne, et d'empeschcr les trajetz qu'ils veulent faire de
Flandre en Espagne et d'Espagne en Flandre, pour rapporter des
soldats, qu'il n'y a rien qu'on ne doive faire pour en venir à bout.
Si M"' le P. d'Orange veut faire un effort extraordinaire à cette fin,
il peut asseurémenl mettre les affaires en estât que la campagne qui
vient se passera avec grand avantage.
Nous avons avis certain que le cardinal Infant faicl travailler puis-
samment en Angleterre et à Dunkerque pour remettre le débris de
son armée navale en estât d'aller en Espagne avec les vaisseaux de
Dunkerque, et qu'il prétend la faire partir en janvier, au premier
temps favorable d'est ou de nord-est.
L'amiral Tromp, avec 3o vaisseaux, peut assurément achever ce
qu'il a commencé. Pressés-en M' le P. d'Orange, M" les Estats et
l'amiral; vous pouvés dire au d. amiral et à M' le P, d'Orange qu'on
luy envolera au premier jour une lettre de noblesse, avec un vais-
seau pour armes et une fleur de lys. On luy faict faire aussy une
médaille avecun revers sur sa victoire, pour attacher à une chaisne;
mais je voudrois bien qu'il la receust après le second combat qu'il
donnera. Cependant vous luy donnerés cette nouvelle, qui l'eschauf-
fera à bien faire.
' «Faite sur une copie ou brouillard, porte en têle, de la main de Cherré : «A
de la main de Cherré.» (Note du ms. de M' d'Estrades, a3 décembre. • Le 3 est
Colbert el du ms. de Harlay.) en surcharge; il y avait aa; 23 est sans
' Le manuscrit des Affaires étrangères doute la date de l'expédition.
CARDIN. DE RICHELIEO. VI. 83
658 LETTRES
Je vous recoramande encores une fois de presser cette affaire ex-
Iraordinairement, comme du tout importante à M" les Estats et à
la France.
Si ranùral a nombre de bruslots avec luy, il se peut faire que, par
un temps favorable, il aura commodité de brusler les vaisseaux enne-
mis au lieu où il les trouvera, entre Dunkerque et Mardick.
Je sçay certainement que, si un tel coup avoit succédé, nous ferions
réussir, avec l'aide de Dieu, nos desseins l'année qui vient.
Salces tient encore, et si les ordres du roy eussent esté observés,
les ennemis en seroient bien loin. On renvoyé une seconde fois
tenter un secours, dont le bon événement deppend de Dieu, la chose
estant bien difficile.
Je croy que M"^ les Estais doivent prendre garde à ne laisser point
vendre en leur Estât des vaisseaux aux Espagnols, lis en cherchent à
achepter de tous costés; si on ne les en empesche, ils en tireront de
Hollande.
Ny ayant rien à perdre en la proposition de beaucoup d'affaires, et
estant nécessaire d'en projetter beaucoup pour en faire quelque
bonne, je seray bien aise que vous vous esclaircissiés, avec M' le
P. d'Orange, si, au cas qu'on ne fasse pas le siège de Dunkerque cette
année, M" les Estats pourroient joindre une escadre de 12 vaisseaux
à ceux du roy, pour faire quelqu'entreprise, ou à la coste d'Espagne,
ou au destroit, ou aux isles des Açores, ou des Canaries.
Ou si le d. s'' Prince voudroit former de son chef quelque grande
entreprise, où S. M. contribueroit avec pareille escadre de vaisseaux.
Ou si M" les Estats voudroient, avec les forces de la compagnie
des Indes occidentales, et une partie de celles du roy, entreprendre
quelques desseins aux Indes ou sur Carthagène et Porto Bello,
lieux auxquels la flotte d'Espagne va tous les ans, ou sur la flotte
mesme; en ce cas, il faudroit savoir quelles forces de part et d'autre
il faudroit avoir, et le temps qu'il faudroit demeurer à la mer.
Vous pourrés pénétrer les sentimens de M' le P. d'Orange sur ce
sujet et nous en rendre compte.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 659
CCCXXI.
Arch. des AiF. élr. HoMande, t. ai, pièce 187. —
Mise au net de la main de Cherré. —
Autre mise au net de la main d'un secrétaire de Chavigni, pièce igS.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, t. 46, fol. 323 v°. — Copie '.
Saint-Germarn-Harlay, 346, t. 2 , p. 4i8. — Copie.
A M. D'ESTRADES.
23 décembre iGSg.
Apiès avoir veu toute voslre dépesche du i i* de ce mois ^ je n'ay
autre chose à vous dire sinon que le roy trouve bon que vous ajous-
tiés à la promesse que vous avés portée, signée de moy, pour M' le
P. d'Orange, les deux articles dont vous avés envoyé le projet, tels
qu'ils s'ensuivent :
" Je promets, en vertu du pouvoir que le roy m'a donné, de con-
certer des desseins de l'année i64o, avec M' le P. d'Orange, que
S. M. fera un siège de considération cette campagne prochaine.
« Je promets en outre , au nom du roy, que , les places de Dam ou
de Bruges estant prises par les armes de M" les Eslats en 1 64o , elles
seront gardées par M" les Estats jusques à ce que les conquestes du
Pays-Bas projetées parle traicté de i635 seront faites, selon la teneur
du d. traité^. »
S. M. approuve aussy les deux nouveaux articles que vous avés
proposés à M' le P. d'Orange, et qu'il demeure d'accord de signer,
outre le projet que vous avés emporté d'icy de la promesse qu'il doit
faire :
* Je promets aussy que M" les Estats entretiendront 3o ou 4o vais-
' «Faile sur une minute de la main de ' Les deux promesses du cardinal et
Cherré. »(Notedums.Colb.el(lums.Harl.) du prince d'Orange, écrites de la main
' La lettre autographe de M. d'Estrades de d'Estrades et chiffrées , sont conservées
e.st conservée aux Affaires étrangères, ma- dans le tome ai de Hollande, pièces 196
nuscrit de Hollande cité aux sources. et 197.
p. 179-185.
83.
660 LETTRES
seaux au travers de Calais, pour empescher que les places des enne-
mis qui sont sur la coste ne puissent estre secourues, au cas que le
roy ou M" des Estais viennent à les attaquer, et asseurer le passage
des vivres de France et de Hollande, selon les divers vents, à ceux
qui voudront faire une telle entreprise.
« Je promets de plus qu'il sera déduit à Paris, sur le dernier
terme, la somme de 71,600^ à quoy se montent les gratifications
destinées par S. M. pour les officiers françois qui servent M" les
Estais. »
On a ajoiisté au projet que vous avés emporté de la promesse que
doit faire M' le P. d'Orange les propres termes que vous mandés,
dans vostre lettre, de ce qu'il veut faire, au cas qu'il donnast un
combat aux ennemis qui s'opposeroient à son premier dessein , ainsy
que vous verres par la copie de la dicte promesse qui est ci-après ^
CCCXXII.
Archives de Condé, n° 90. — Communication de S. A. R. IW le duc d'Aumale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
37 décembre iBSg.
Monsieur, bien
que les amis de M' l'abbé de Saintaoust l'ayent voulu porter à recher-
cher la depputation du clergé de la province de Berry, pour assister
à l'assemblée générale qui se doit tenir dans quelque temps, comme
il n'est pas capable de penser à cette affaire, ny à aucune autre de
cette nature, sans savoir auparavant si vous l'auriés agréable, et sans
estre appuyé de vostre protection et de vostre recommandation, de
laquelle deppend le bon succez qu'il en peut attendre, je vous fais
En continuation de cette pièce 187, la main de Cherré. C'est une mise au net
le manuscrit de Hollande cité aux sources de la minute que nous avons donnée ci-
met l'engagement du prince d'Orange de dessus, p. 620.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 661
celte lettre pour vous suplier de luy faire l'honneur, en ma consi-
dération, non seulement de trouver bon qu'il poursuive cette deppu-
tation, en laquelle je suis asseuré qu'il servira dignement la province,
mais aussy de l'appuyer de vostre pouvoir et de vostre aulhorité
pour la faire réussir à son contentement. Luy et toute sa famille ont
desjà receu tant de faveur et tant de grâces de vostre bonté, que
je veux croire que vous ne luy reifuserés pas celle-cy, à laquelle l'af-
fection que je leur porte, et particulièrement à M' de Saintaoust,
lieutenant de l'artillerie, dont vous cognoissés le mérite, me fera
prendre une telle part que je ne vous en seray pas moins obligé
que si j'en recevois l'effect moy mesme, ainsy que vous cognoistrés,
Monsieur, aux occasions qui me donneront lieu de vous en tesmoi-
gner mon ressentiment et vous faire voir que je suis.
Monsieur,
Vostre très humble et très aflectionné servi leur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 27 décembre iGSg.
CCCXXIII.
Bibl. imp. Sainl-Germain-Harlay, 347, fol. 687. — Copie.
Archives des Affaires élrangères. Venise, t. 5a.
A M. D'ARGENSOiN'.
»7 décembre iCîg.
" L'ambassadeur de la république de Venise en cette Cour a pro-
'. Le vas. de Harlay met en marge de * Chavigiii écrivait à Richelieu le a3 dé-
cette pièce l'annotation suivante : « Mé- cembre : « Je vis hier au soir, arrivant à
moire envoyé par M' le cardinal de Riche- Paris , M' l'ambassadeur de Venise. . . Nous
lieu à M' d'Argenson touchant le renou- demeurasnies d'accord qu'on escriroit à
vellement d'une trefve en Italie. Copie de M'du Houssay qu'il Ost l'office au nom du
Oaridol.» (Nous avons dit que c'était un roy, afin que la république ne rappelasl
des principaux commis de Chavigni.) pas ses ambassadeurs, tant d'Allemagne,
662
LETTRES
posé de l'aire une nouvelle trefve en Italie; sur quoy il liiy a esté res-
pondu que, les Espagnols ayant formellement violé la première, le
roy n'a pas grand sujet d'entendre à une seconde, si S. M. n'avoit
tellement asseurance qu'elle ne pust douter qu'ils l'observeroient re-
ligieusement.
Que pour cet cffect l'on estimeroit à propos qu'il se flst une ligue
entre les princes d'Italie, qui recevroient la parole de S. M. et du roy
d'Espagne, et s'obligeroient de prendre les armes contre celuy qui
romproit la trefve.
Mais, parce qu'il faudroit beaucoup de temps pour composer et
conclure cette ligue, on pourroit prendre un plus prompt expédient
que le pape et la république receussent la parole des deux rois et se
d'Espagne que de France, parce que, si
on ne parloit que de luy, cela le pourroit
rendre suspect. . . Pour ce qui regarde la
trefve d'Italie, il est demeuré d'accord que
nous escrivissions conformément au mé-
moire ci-joint, que nous avons dressé en-
semble. . . J'altendray ce queV. Em.' m'or-
donnera sur ledit mémoire. » Cette lettre
autographe, datée de six heures du malin,
est conservée aux Affaires étrangères (Tu-
rin, t. ag, fol. 589), ainsi que l'écrit ré-
digé en commun, lequel est également
de la main de Chavigni. C'est donc d'après
les instructions demandées ici par Cha-
vigni au cardinal que fui écrite, quaire
jours après (le 27 décembre), la présente
lettre à d'Argenson , et un mémoire envoyé
à M. du Houssay, où se trouve reproduite
une partie de la dite lettre avec de plus
amples développements, conformes à ce
qui avait été convenu entre Chavigni et
l'ambassadeur de Venise. Nous ne rappel-
lerons de ce mémoire que quelques lignes
qui en indiquent la pensée. On s'attachait
principalement à encourager Venise à per-
sévérer dans une conduite qui s'accordait
avec les vues de la France. « L'ambassa-
deur, dit le mémoire, représentera à la
république qu'elle acquiert une grande
obligation sur tous les princes et peuples
de la Chrestienté , faisant voir par de con-
tinuels effecls l'affection et le zèle qu'elle
a pour y reslablir la paix. » On exprime
une vive satisfaction • de ce que les ambas-
sadeurs de la république ont faict jusques
icy pour avancer un si bon œuvre;» et
Cornaro à Paris, et Grimani à Vienne, et
Contarini, «qui s'est employé pendant
qui! a esté en France, avec beaucoup de
soin, de prudence et de conduite, ce qu'il
continue de faire en Espagne. » Ce mé-
moire se trouve aux archives des Affaires
étrangères. (Venise, t. 52.) C'est une
mise au net de la main d'un commis
de Chavigni. Une copie est conservée à
la Bibliothèque, dans le fonds Harlay,
t. 3/I7, fol. 357, où l'on avertit qu'elle
est transcrite sur une pièce de la inain de
Daridol.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 663
déclarassent de prendre les armes contre celuy qui roniproit ladicle
trefve.
Qu'avec l'une de ces deux conditions S. M. est toute preste de con-
sentir à une trefve dans le Piedmont jusques à la fin du mois de may,
et mesme pour plus de temps.
Si le nonce du pape qui est par delà faict une proposition sem-
blable à M'' le comte d'Harcourt, ou au s"' d'Argenson, ils luy feront
une response conforme à ce que dessus pour ce qui est de la seureté
de la d. trefve, suivant au surplus les mémoires qui ont esté ci-devant
envoyés sur ce sujet.
Le susd. ambassadeur de Venise désiroit que le roy tesmoignast de
vouloir consentir à un accommodement des affaires d'Italie, moyen-
nant la d. ligue et sous la caution d'icelle, les différens de Madame
avec les princes de Savoie estant préalablement ajustez. Mais la con-
sidération des alliés de la France, qui entreroient sans doute en om-
brage de cet accommodement, ne permet pas au roy d'y entendre. On
a trouvé bon néantmoins, que le d. s'' ambassadeur de Venise escrivist
à la république qu'il n'est pas hors d'espérance que S. M. ne fasse
consentir ses alliés à un tel accommodement. Ainsy, sans que S. M.
soit engagée, l'on verra quel train prendront les affaires, pour se ser-
vir de celte ouverture selon le temps et les occasions. Ceci est seule-
ment pour l'information de M"" le comte d'Harcourt et du d. s' d'Ar-
genson, n'estant point besoin qu'ils se laissent entendre au nonce
sur ce dernier point; mais quand il les en entretiendra, ils pourront
le faire parler pour descouvrir pays, et voir quelles seroient les pen-
sées des Espagnols pour les conditions d'un tel accommodement;
finissant tousjours la conférence par celte considération des alliés de
cette couronne, laquelle semble devoir empescher S. M. d'en traicter
quand elle y auroit toute la disposition du monde, si ce n'estoitque
l'espérance d'estre plus puissamment assistés d'elle en Allemagne et
aux Pays-Bas les y fisl consentir.
Toutefois que, comme cela ne serviroit qu'à transférer la guerre
d'Italie ailleurs, il semble qu'il seroit tousjours cependant très-utile
664 LETTRES
([ue S. S. employast fort et ferme ses offices et sa médiation pom- la
paix générale, qui vraisemblablement se peut aussytost conclure qu'un
tel accommodement.
27 décembre iSSg, à Saint-Germain-en-Laye.
NOTA.
Nous devons faire précéder l'instruction que nous allons donner de quelques
éclaircissements sur l'affaire du prince palatin.
Le prince palatin Charles-Louis, neveu du roi d'Angleterre, et dépouillé de
sa couronne par l'Empereur, pouvait, à ce double titre, espérer la protection de
l'Angleterre et de la France; et son nom paraissait sans cesse dans les fréquentes
négociations qui, sous le gouvernement de Richelieu, intervinrent entre ces
deux pays, mais sans que sa cause fût efficacement embrassée par l'une ni l'autre
des deux couronnes. Dans cet abandon, l'occasion de jouer un rôle sembla
s'offrir à l'ambition oisive et inquiète de ce prince. La mort du duc Bernard
de Saxe-Weymar laissa sans chef une armée vaillante et souvent victorieuse
dans la lutte de la France contre l'Empire; le palatin imagina de s'en emparer.
Toutefois, jugeant avec grande raison qu'il n'obtiendrait pas, pour ce dessein,
l'assentiment de Richelieu, il crut devoir user de surprise. Richelieu, en effet,
considérait comme appartenant à la France une armée recrutée en partie d'étran-
gers, il est vrai, mais qui avait été levée pour servir la France, combattait sous
ses drapeaux et était soldée de son argent. Il n'aurait certainement pas voulu la
mettre entre les mains d'un prince dont la jeunesse, d'ailleurs sans aucune illus-
tration, avait été nourrie dans des sentiments d'affection pour l'Angleterre et
d'antipathie contre la France. De plus, Richelieu imputait au prince le dessein
de s'emparer de Brisach , en même temps que de l'armée weyinarienne.
Le prince palatin partit donc d'Angleterre sans voir l'ambassadeur de France,
pour se rendre secrètement à l'armée du feu duc de Weymar, sur les bords du
Rhin, et il traversa la France sous un déguisement. Le roi d'Angleterre, qui ne
pouvait manquer d'être dans la confidence de l'étrange projet de son neveu , se
garda bien d'en rien dire à l'ambassadeur de France, et essaya même de lui
faire prendre le change. Bellièvre écrivait à Chavigni, le iii octobre : « Le prince
palatin al parti, il va à Paris chez Leycesler (l'ambassadeur d'Angleterre); il ne
verra point le roy, craignant, dit-il, de n'estre point traité en électeur. Le roi
d'Angleterre dit qu'il va en Allemagne. J'ay renionstré à Sa Majesté l'inconvé-
nient de faire ainsy passer son neveu par la France, sans en prévenir le roy. Il
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 665
en convient et m'a dit qu'il avoit chargé Leycester de pourvoir à ce qui seroit
nécessaire. Qu'avant son départ le palatin avoit passé chez moy, mais que, ne
m'ayant pas trouvé, il avoit chargé un gentilhomme de me venir faire ses
excuses '. »
Sur cet avis, l'arrivée du prince fut surveillée ; on l'arrêta, et voici la tournure
que l'ambassadeur d'Angleterre essaya de donner à l'affaire, dans une lettre du
3 novembre, dont nous donnons seulement le sens : Le prince palatin a passé en
France. Le roi d'Angleterre a chargé son ambassadeur de dire qu'il n'a pu baiser
les mains du roi, Sa Majesté étant en Dauphiné. Il prie qu'on l'excuse, et qu'on
le recommande à l'armée du duc de Weymar, en laquelle il a intention de se
mettre , pour le présent, comme volontaire. Cependant il a été arrêté à Moulins ;
l'ambassadeur demande qu'il soit mis en liberté.
Richelieu fit insérer, dans la Gazette du 5 novembre, ce petit article, sous la
rubrique de Moulins, le dernier octobre: • Ces jours passés, le comte palatin estant
parti d'Angleterre sans en donner avis au roy, et passant déguisé par la France,
soupçonné d'avoir des desseins qui intéressent le service de S. M. a esté ici
arresté par ordre du roy, et tient-on qu'il sera conduit vers Paris. » On le mrna,
en effet, à Vincennes, où on le retint sans aucun égard pour la réclamation de
l'ambassadeur. Cependant, le i8 novembre, Leycester rendit compte, au secrétaire
d'Etat anglais Cooke, d'une longue conversation avec Chavigni et avec le roi, où
il avait obtenu, pour toute satisfaction, cette réponse : «que si le palatin avoit
demandé un passe-port il auroit esté reçu avec honneur... et qu'avant de le mettre
en liberté il falloit s'assurer qu'il n'a pas eu de mauvais desseins en voulant passer
furtivement. » — On voit dans cette lettre, assez curieuse, que Chavigni avait
commencé par vouloir persuader à Leycester . que Vincennes cstoit plustost une
résidence royale qu'une prison. »
Cependant on trouvait, en Angleterre , que le séjour du palatin dans cette mai-
son royale était un peu long, et le secrétaire d'Étal Windebank envoya son fds
en France, avec la mission spéciale de traiter de l'affaire du prince palatin 2. Le
jeune homme arriva à Paris au commencement de décembre;il n'eut son audience
du roi que le dimanche 17, fut reçu deux jours après àRuel.et, le 23, il écrivait
à son père : « Le cardinal m'a traicté avec infinis respects. » Le cardinal était fort
poli, mais en même temps il tâchait, selon sa coutume, de faire tourner au profit
Archives des Affaires étrangères, An- peu : t Ce ne sera pas l'éloquence, la sulli-
gleterre, l. 47, fol. 568. sance, ny la vivaciié de l'esprit de celuy
' L'ambassadeur de Bellièvre l'annonça qui vous est envoyé qui obtiendra de vous
le 2 décembre, dans une lettre à Chavi- ce qu'il prétend.. (Arcli. des Aff. étrang.
gni, en termes qui le recommandaient Angl. t. ^7, fol. 622 )
CARDIN. DE niCUELIEO. VI. 84
666 LETTRES
de la France le mauvais cas où s'était mis l'étourdi palatin. Leycester s'en aper-
çut, et, le même jour 23, il mandait au roi d'Angleterre, eu rendant compte
de l'audience du diplomate novice : « Le cardinal a parlé à M' Windebank du
traiclé de ligue offensive et deffensive. .. C'est leur but de se servir du motif de
la liberté du prince pour faire consentir le roy d'Angleterre à la ligue. »
Mais les Anglais étaient peu disposés à acheter à ce prix la liberté du prince.
« La France, écrivait le secrétaire d'État Windebank à son fils, a intention de se
servir de la liberté du prince électeur pour établir « une plus estroite conjonction »
entre l'Angleterre et la France; » mais, s'ils ont dessein de retenir le prince élec-
teur jusques à ce que S. M. descende si bas au-dessous de luy-mesme, le pauvre
prince sera en pourre estât, mais ce à quoy ils s'attendent leur manquera certai-
nement '. »
Cependant on accorda au jeune Windebank la permission , longtemps sollici-
tée, de voir le prince palatin; ce fut l'occasion d'une instruction donnée à Cba-
vigni le i""^ janvier. La visite de .Windebank à Vincennes dut avoir lieu quelques
jours après. Nous avons le récit, fait à Ricbelieu par Chavigni, d'un entretien
avec un sieur Auger (ou Oger), accent de l'Angleterre à Paris, sur le sujet du
prince palatin; ce récit est daté du 3 janvier i6Ao, le jour même de la con-
versation avec ledit Auger. Chavigni dit au cardinal : « J'attendray la response
de V. Em. pour mener le s' Windeban au bois de Vincennes. » (Arch. des Aff.
étr. Angleterre, t. 48, fol. 9.)
' Archives des Afifaires étrangères, An- puisque cette traduction se trouve dans
gleterre, t. 48, P 636. La lettre de Win- les papiers du cardinal,
debank avait sans doute été décachetée,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 667
ANNEE \6à0.
CCCXXIV.
Arch. des Aff. étr. Angleterre, t. 48, fol. i. —
Minute de la main de Cherré. — Mise au net par le même, fol. 4.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, n° 46, fol. 97. — Copie'.
— Sainl-Germain-Harlay, 346 , t. 2 , fol. i/jo. — Copie ^
*
INSTRUCTION A M. DE CHAVIGNY
SUR LA DÉTENTION DU P. PALATIN \
Premier janvier i64o.
La première chose qu'il faut faire est de dire au s'' Windebank,
que le roy luy permet de voir le prince palatin en présence de M. de
Chavigny, * et luy faire cognoistre qu'il reçoit en cela un tesmoi-
gnage bien particulier de la faveur avec laquelle S. M. veut recher-
cher les moyens de contenter le roy de la Grande Bretagne^.
La seconde est de voir avec M. de Leycester et le d. s' de Win-
debank les moyens qu'il y a de faciliter la sortie du prince palatin.
Le roy l'a faict arresler justement, tant pour l'irrévérence com-
mise en sa personne, passant dans son royaume sans l'en avoir averti,
que pour le juste lieu que S. M. a eu de soupçonner que les avis
qu'on luy avoit donnés, qu'il passoit pour aller desbaucher son armée
d'Allemagne, n'estoient pas sans fondement, ce qui pouvoit mettre
' On voit par une indication des ma- de la Bibliothèque; on lit en tête de cha-
nuscrits de Colbert et de Harlay que ces cune de ces pièces : « Mémoire pour l'af-
copies ont été faites sur la minute origi- faire d'Angleterre concernant le prince
nale. Elles ne sont point datées. palatin. »
* L'affaire de la délenlion du prince ' D'ici au mot aun tesmoignage, > de la
palatin occupe trente feuillets de ce vo- main de Richeliea
lume delà collection Harlay, fol. 13 1-149. ' Cherré a mis ici en marge: «D faut
' Ce titre se trouve à la marge des co- prier M' de Windebank de ne parler que
pies conservées dans les deux manuscrits françois. »
84.
668 LETTRES
le roy en doute des intentions du roy de la Grande Bretagne, sans les
quelles il n'y avoit pas d'apparence qu'il eust entrepris un tel dessein.
On pourroit conjurer le roy de la Grande Bretagne de prendre la
résolution, sur laquelle il y a longtemps qu'il délibère, d'entrer en
ligue offensive et deffensive avec ses alliez, pour le restablissement
des Estats du prince Electeur son neveu, mais on ne luy propose
pas de peur qu'il trouve quelque chose à redire en une telle proposi-
tion, en cette occasion, bien que nous estimions qu'il est tousjours
temps de se porter à ce qui est sy important aux affaires qu'il semble
nécessaire.
Il reste à pratiquer l'un des trois moyens pour la liberté dud. prince :
Le premier seroit qu'il plust au roy de la Grande Bretagne donner
au prince palatin moyen de lever des troupes pour agir, de son chef-,
vers la Westphalie, comme il avoit commencé, ce qui donneroit lieu
au roy de lui rendre sa liberté, après avoir receu asseurance § qu'il
n'a point eu dessein de desbaucher son armée d'Allemagne, et que,
pour rien du monde, il ne voudroit penser à une telle chose.
I^e second moyen contient la seconde branche du précédent mar-
quée S, et qu'il pleust au roy de la Grande Bretagne asseurer qu'il ne
donnera point de troupes aux ennemis , ny permission d'en lever dans
son Estât; et qu'il fermera les yeux à celles que S. M. y voudra lever
oy-après, pour estre employées tant en Allemagne qu'ailleurs, pour
l'avantage de la cause commune et le particulier du prince son neveu.
Le troisième moyen ne contient autre chose que la susdicte se-
conde branche du premier, (|ui consiste en ce que le prince palatin
donne asseurance au roy, en foy de prince, qu'il n'a eu, ny ne vou-
droit, pour rien du monde, avoir à l'avenir aucun dessein de divertir
l'armée que le roy a en Allemagne, qui estoit commandée par M"' de
Weymar, de l'obéissance qu'elle a jurée à Sad. M. et à ceux qui la
commandent et qui la commanderont par ses ordres'.
' A la marge de ce paragraphe a été dernier expédient, afin que le roy demeure
ajoutée cette réflexion : » M' de Cliavigny libre d'aviser s'il se doit conlenter de sy
ne donnera lieu à aucune ouverture de ce peu de chose. ■
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 669
Que tant s'en faut qu'il soit capable d'avoir de telles pensées, qu'au
contraire il n'obmettra rien de ce qui deppendra de luy pour agir
de son costé aux fins de sa dicte Majesté, qu'il a tousjours recognue
désirer le restablissement des affaires d'Allemagne, et le sien parti-
culier, ce que le roy de la Grande Bretagne confirmera pour luy.
Si les Anglois sont sy desraisonnables qu'ils ne veuillent aucune
de ces conditions, on ne sauroit sans une extraordinaire foiblesse,
qui feroit bresche à la réputation du roy, mettre le d. prince palatin
en liberté.
En ce cas il faut donner avis de ce qui se sera passé en cette négo-
ciation, en Suède, en Hollande, en l'armée d'Allemagne, que com-
mande M' de Longueville, et à tous les autres alliez de S. M. les-
quels tous sans doute recognoistront la justice et la générosité du
procédé de S. M. et le peu de raison dont est accompagné celuy ' des
autres.
Si le roy de la Graude Bretagne consent à une de ces conditions ,
je croy qu'il vaut mieux deslivrer le palatin que de le retenir.
Pour négocier cette affaire M' de Chavigny doit envoyer quérir
Auger, luy faire cognoislre la bonne volonté qu'on a en cette affaire, et
luy dire que le cardinal a parlé au roy, qu'il a desjà disposé à trouver
bon que le s' de Windebank voie le Palatin, et, ^qu'ensuitte il a aussy
désiré qu'il vist avec le d. Auger quels moyens on pourroit proposer
au roy pour le porter à consentir à la liberté dud. prince.
Ensuilte d'un tel discours général, il faudra tascher de le faire
venir aux expédients proposez par ce mémoire, commençant par les
plus avantageux , ^qu'il faut plus tost insinuer que proposer, l'humeur
des Anglois estant telle, qu'ils ne veulent quasi jamais ce qui ne vient
pas d'eux.
Je croy qu'il est à propos que M. de Chavigny se plaigne civile-
ment à Oger de ce qu'on nous mande d'Angleterre, que quelques
uns veulent donner soubçon au roy de la Grande Bretagne que le
' « Donl est .accompagné celuy. . . • de ' Idem, d'ici au mol « avec. •
la main de Richelieu. ' Idem, d'ici an mot « l'humeurj»
670 LETTRES
roy ait (juelque intelligence avec les huguenots d'Escosse, et fomente
leur rébellion, ce que M. de Chavigny luy jurera estre non-seule-
ment faux, mais tel que, si le roy croyoit que le roy de la Grande
Bretagne son frère eust une telle impression, il s'en tiendroit gran-
dement offensé.
Il l'asseurera, à ce sujet, que ce que j'en dis à M' Germain quand
il estoit icy est très véritable, et que, pour rien du monde, on ne
voudroit faire une chose contraire aux asseurances qu'on donne.
CCCXXV.
Arch. des AfF. élr. Angleterre, l. 48, fol. i8. —
Mise au net de la main de Cherré.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, 346", fol. i44 v°. — Copie '.
Cinq- cents Colberl, n" 46, fol. loo v°. — Copie.
[POUR M. DE CHAVIGNL]
MÉMOIRE SUR LA NÉGOCIATION FAICTE PAR LES ANGLOIS,
POUR LA LIBERTÉ DU PRINCE PALATIN.
i8 janvier i6/lo.
Bien qu'il n'y ayt pas lieu d'apréhender que la détention du prince
palatin^ puisse porter le roy d'Angleterre à rupture avec la France,
veu qu'il n'a pas faict la guerre au roy d'Espagne quand il a des-
pouillé son neveu du Palatinat.
Qu'il ne la faict pas à l'empereur parce qu'il retient le prince Ro-
bert prisonnier, ce qui justifie clairement que , s'il la faisoit , il faudroit
qu'il en eust pris la résolution d'ailleurs, et que ce sujet en fust
seulement le prétexte , au défault duquel il ne manqueroit pas d'en
trouver un autre. Il ne laisse pas d'estre à propos de terminer cette
' t Faite sur une minute originale de la palatin , laissait conjecturer les difficul-
main de Cherré. » (Note du ms. de Harlay tés qui pouvaient la relarder. On verra
et du ms. de Colbert. ) même, à la date du i4 février, qu'on crut
' L'instruction du commencement de avoir des motifs de le resserrer plus étroi-
janvier, en même temps qu'elle semblait tement encore. H ne fut mis en liberté
annoncer la liberté prochaine du prince que vers la fin de mars.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 671
affaire à soh contentement, s'il se trouve quelque moyen honorable
de le faire.
Pour cet effect M' de Chavigny ira à Paris, verra les ambassadeurs
de Suède, de Hollande, et leur dira avoir charge du roy d'aviser
avec eux les moyens qu'ils estiment raisonnables pour tirer le Palatin
de prison , et attirer le roy d'Angleterre à une plus forte liaison avec
S. M. pour le bien de la cause commune; il leur fera entendre qu'il
y a deux moiens pour parvenir à cette fin.
Le premier est la ligue offensive et deffensive dont on ne parle
point parce qu'on sçait que le roy de la Grande Bretagne en a tant faict
de difficulté, par le passe, qu'il n'y a pas lieu de croire qu'il la veuille
faire maintenant ' . . .
Et il vaut mieux faire toutes ces demandes toutes ensembles, afin
de donner lieu aux Anglois, qui ne veulent jamais ce qu'on leur pro-
pose, d'accorder moins que ce qui leur sera demandé.
Ensuitle il verra l'avis desdicts ambassadeurs et leur dira qu'il a
charge de proposer cet expédient, et qu'il en a desjà dict quelque
chose à l'ambassadeur d'Angleterre, qui luy a respondu que le roy
de la Grande Bretagne pourroit volontiers y entendre, mais qu'il ne
le fera jamais si son neveu n'est en liberté dans Paris , sur la pro-
messe qu'il donnera de n'en sortir point sans la permission du roy.
S'ils disent qu'ils sont d'avis que le roy use de cette bonté, M' de
Chavigny leur représentera que tousjours faut-il trouver quelque ex-
pédient pour faire voir que, comme le roy l'a pris avec sujet, il le
laisse avec réparation d'iceluy.
Le plus doux expédient est celuy des promesses du roy de la
Grande Bretagne et du prince palatin, telles qu'elles sont dressées.
Il faut ensuitte leur faire ouverture de la teneur desdicles promesses
pour les leur faire approuver sur l'asseurance que l'ambassadeur d'An-
gleterre donne qu'estant en cet estât le roy son maistre traittera une
plus estroite liaison avec le roy et ses alliez.
' Ici le cardinal répèle à peu près ce vier, ci-dessus, de la ligne 18', p. 668,
qu'il a écrit dans l'instruction du 1" jan- jusqu'à la fin de cette page.
672
LETTRES
Le d. s' de Chavigny fera cognoistre aux Hollandois que le roy
sera bien ayse detraitter favorablement le palatin en cette occasion,
pour porter le roy d'Angleterre à s'adoucir sur la defTaite de la flotte
d'Espagne, et à rompre les trailtés que les Espagnols font avec les
Anglois pour le commerce d'Espagne.
Il dira aussy à l'ambassadeur de Suède que le roy sera bien ayse
de se servir de cette occasion pour tascher de retirer le roy d'Angle-
terre de la façon avec laquelle il s'est gouverné jusques à présent,
tesmoignant estre en apparence pour la cause commune, et assistant
en effect les Espagnols'.
Or, parce que rien ne falot les affaires que la négociation, et que
le plus souvent, quand elles languissent, le deffaut vient de ce qu'il
ne se trouve point de médiateurs, et qu'elles sont par conséquent
froidement maniées, si messieurs les ambassadeurs de Suède et de
' Ici les manuscrits donnent le texte de
la déclaration du prince palatin, et de
celle de l'ambassadeur d'Angleterre, l'une
et l'autre formulées dans le sens et presque
dans les mêmes termes qu'indique l'ins-
truction du i"janvier dictée par Richelieu
(ci-dessus, p. 668). A propos de ces décla-
rations, le cardinal adressait à Chavigni
une note qui montre les précautions que
prenait Richelieu pour ne pas froisser la
susceptibilité de ceux avec qui il négociait:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECuéTAIllE O'ESTAT, À PABIS.
De Ruel, ce 26 janvier i6io.
« Je croy que M' de Chavigny doit aller
voir pour une dernière fois M' Grotius et
M' l'ambassadeur de Venise pour leur
dire que, si cemotdedesbaucher les trou-
pes qui estoient en l'armée de M' le duc
de Weymar leur déplaist, on peut mettre
le mot de destourner les troupes du ser-
vice du roy. — En un mot, il est besoin
de leur faire au moins concevoir la jus-
lice et la courtoisie du procédé du roy
aQn qu'ensuilte on puisse justifier, avec
leur aveu, à nos alliez, que le roy n'a
rien obmis de ce qu'il a peu, pour sortir,
mesme à son préjudice , d'une affaire qu'on
avoit entreprise contre luy. — Pourveu
que M" les ambassadeurs de Suède , de
Venise et d'Hollande conçoivent que nous
avons raison, quelque événement qui en
arrive '. . . patience. »
* Une déchirure du manuscrit a enlevé la suite de
cette phrase, dont il ne reste que le dernier mot.
Cet original, sans signature, est conservé aux archives
des Air. étr. Frauce, i66o,sept premiers mois, fol. 2a.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
673
Hollande' approuvent l'ouverture cy-dessus, ce qu'ils feront indubi-
tablement, tant parce qu'elle est juste, que parce aussy que n'estant
pas de difficile exécution il leur sera aysé, en la faisant réussir, d'ac-
quérir de la réputation au gré du roy de la Grande Bretagne et de
tous les protestans, il fault faire en sorte qu'ils s'en rendent d'eux-
mesmes entremetteurs; et peut estre seroit-il bon qu'ils entreprissent
de la faire désirer à l'ambassadeur d'Angleterre, sans que M' de Cha-
vigny le vist davantage sur ce sujet, les Anglois estant de cette nature
qu'ils ne voudront presque jamais ce qu'ils sauront pouvoir estre
volontairement consenly par ceux avec lesquels ils auront à traitter^.
CCCXXVI.
Arch. de Condé, n° i45. — Communication de S. A. R. M*' le duc d'Aumale. —
Copie.
4***S
•i3 lanvier.
Messieurs^ je ne sçaurois assez louer le zèle avec lequel j'ay veu
par vostre lettre que vous vous employez pour arrester le cours des
maux que les roigneurs et faux monoyeurs ont causés dans la pro-
vince où vous estes, par le chastiment que vous preltandés faire de
ceux qui en sont, et seront cy-après convaincus" Je vous puis asseu-
' Il y a Venise dans ia pièce originale
de la main de Cherré, mais c'est une dis-
traclion qui a passé dans la copie du ma-
nuscrit de Harlay; le manuscrit de Col-
bert l'a rectifiée en raetlanl Hollande. On
voit, en effet, au commencement de la
pièce que c'est avec les ambassadeurs de
Suède et de messieurs les Etats que la
conférence a dû avoir lieu.
' C'était un sentiment très-profond chez
Riclielicu, qui en a plusieurs fois répété
l'expression.
C\RDIN. DE RICHELIEU. -
' A qui va cette espèce de circulaire .••
est-ce aux intendants de province, qui
avaient, comme on sait, dans leurs attri-
butions, la justice en même temps que la
police et les finances? N'est-ce pas plutôt
aux membres de la cour qui avaient con-
damné le président La Lanne ?
' Ce crime ne pouvait être poursuivi
avec trop de sévérité ; les rogneurs de pis-
toles, comme on les appelait, se trouvaient
dans tontes les classes, les magistrats eux-
mêmes en donnaient l'exemple; une con-
85
674 ■ LETTRES
ler que le roy vous sçait beaucoup de gré du soin que vous en prenés,
et que vous ne sçauriés rendre vm service plus agréable à Sa Majesté
que de pousser cest affaire jusques au bout; et qu'elle ne donnera
aucune abolition du crime à ceux de vostre corps qui se trouveront
si misérables que d'y estre tombés au lieu d'en arrester la suitte.
En mon particulier, je vous conjure de croire que je n'oublieray rien
de ce qui deppendra de inoy pour la confirmer en cette résolution,
et pour la porter à appuyer par son authorité l'exécution d'un si juste
dessein, sur l'asseurance que j'ay que vous n'y agirés pas à l'advenir
avec moins de diiligence et d'alTection que vous avés faict jusques icy,
et que vous tesmoignerés, par effect, en ce rencontre, la passion
que vous avés au bien de l'Estat. Je vous en conjure encore de re-
chef, autant qu'il m'est possible, et de croire que je feray valoir au
roy vostre procédé, et vostre conduitte en cette occasion, ainsy que
vous le pourrés désirer d'une personne qui a tousjours particuUière-
ment estimé vostre compagnie, et qui est véritablement,
Messieurs,
Vostre affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Ruel, ce 22"' janvier 16I10.
CCCXXVII.
Bibl. imp. Suile de Diipuy, t. 17, fol. 12. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR MOIVS. L'ARCHEVESQUE DE RORDEAUX,
À PitRIS.
Oe Ruel, ce 29 janvier i64o.
Je serois bien aise que M"^ des Gouttes et quelques autres mari-
damnation infamante avait tout récemment le mal. Nous lisons dans la correspondance
frappé le président La Lanne du parlement d'Arnauld , à la date du 7 mars : « On sera
de Bordeaux, qui avait pris la iuile avec bientost contrainct de faire aussy pezer
trois conseillers. Il fut exécuté en effigie l'argent, sur lequel les rogneurs com-
(«en fantosme,» disent les nouvelles du mencent à s'exercer, ne le pouvant plus
temps). Le châtiment même n'arrêtait point faire sur l'or. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 675
niers facent des nottes sur le mémoire envoie de Hollande ', afin de
faire voir que nous sçavons les costes plus exactement que leurs
mariniers. Il faut, à mon avis, mettre les dictes nottes et observations
au marge d'un mémoire bien escrit.
Il n'est point besoin que M" les prélats viennent icy pour leurs rangs.
Je trouve bon, pour les contenter, qu'on fasse deux commissions,
ainsv que vous le proposés. Vous n'avés qu'à en parler de ma part à
M'' de Cbartres et à M"' d'Hémery, qui la feront réformer sans difficulté.
Quant aux assignations de la marine, j'aymerois bien autant les
avoir sur d'autres choses que sur le fonds des admoltissemens , et la
considération que vous faictes est bien raisonnable, mais c'est chose si
fascheuse de passer pour difficile dans le monde, qu'en vérité je n'ose
en faire difficulté de les recevoir'-. Il sera bon d'en dire un mot à M'' de
Noyers, afin qu'il tasche doucement d'en faire changer une partie.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCXXVIII.
Arcli. des Afî. étr. France, i64o, sept premiers mois, fol. 58. — Original.
SUSCRIPTION ;
POUR M. DE CHAVIGNY,
SBCRF.TAIIIE D'ESTAT, À PARIS.
De Ruel , ce li'febvrier 16^0.
M' de Chaviguy se souviendra, s'il luy plaist, qu'il faut bien ins-
truire le s"" d'Estrades de ce qui se passe au faict du prince palatin, el
iuy donner charge d'en parler à M' le prince d'Orange, et mcsme
à la reyne de Bohesme, afin que son procédé, et celuy que l'Angle-
' Ce mémoire n'est pa» dans le manus- cardinal lui-même était obligé d'en accep-
crit de Dupuy. 1er qu'il aurait bien voulu refuser; et en-
Ceci offre le sujet d'une double re- suite l'on voit que ce caractère impérieux
marque , dont l'hi.sloire peut faire son pro- et despotique, que l'on se représente tou-
fit : dans le mauvais élal des finances, jours comme si inflexible et si absolu, se
lorsque l'épargne délivrait si souvent des résignait pourtant à céder, et éprouvait
assignations qui n'étaient pas acquittées , le parfois la crainte de paraître trop exigeant.
85.-
676 LETTRES
terre veut garder à son esgard, soit condamné de ses amis et de ses
parens; ce qui sera indubitablement, si les desseins qu'il avoit sont
cogneus, et la bonté dont le roy a voulu user.
Il faut escrire amplement sur ce sujet à M'' d'Avaux ', et bien ins-
truire Rorté sur le mesme sujet.
M' de Chavigny donnera ordre à Boiscourt de faire en sorte que le
palatin ne puisse recevoir aucunes nouvelles de l'ambassadeur d'An-
gleterre, n'y d'autre personne quelle qu'elle puisse estre.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCXXIX.
Arch. des Aff. étr. Angleterre, t. 48, fol. ii. —
Copie de la main d'un secrétaire de Chavigni.
Bibl. imp. Saint-Gerraain Harlay, t. 36A", fol. ^la v°. — Copie'.
POUR M. DE BELLIÈVRE.
V [Vers la fin de février i64o. ]
M' de Bellièvre peut respondre au gentilhomme envoie qu'en son
particulier il a grande inclination à ce qu'il ayt contentement.
Que c'est chose très certaine que la France aime extraordinaire-
' Il avait alors une mission en Alle-
magne avec la qualité d'ambassadeur ex-
traordinaire (ci^dessus, p. ^23). Quant à
M. de Rorlé, nous l'avons déjà vu, au
commencement de iGSy (t. V, p. 743),
chargé d'une mission en Suède, et nous
avons une lettre du secrétaire de M. d'A-
vaux, datée de Hambourg, le i.'i avril
i64o, qui dit : «M. de Rorté part dans 3
ou 4 jours pour s'en retourner en Suède. »
C'était un diplomate qui fut surtout em-
ployé dans les cours du nord. La Biblio-
thèque impériale conserve (fonds de Har-
lay, 229') un manuscrit intitulé «Letlres
des sieurs Brasset, résident, de Cbarnacé,
d'Estampes et de la Tliuillerie, ambassa-
deurs en Hollande, au s' de Rorté, em-
ployé, pour le service du roy, en Alle-
magne, Suède, Pologne et Uanemarck. >
Ce recueil se compose de 2 1 3 pièces ori-
ginales, dont la première est datée du
3 août i635, et la dernière du 6 février
1 645. Il est bon de savoir que M. de Rorté
signait aussi Malpierre.
' Cette copie n'est point datée , elle est
(ilacée, dans le volume de Harlay, entre
une lettre adressée, par divers Écossais,
au cardinal de Richelieu, d'Edimbourg,
le 1 9 février 1 64o , et une lettre de de
Noyers du 16 mars.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
677
ment les Escossois, et que le roy y a une inclination particulière.
Cependant qu'il ne luy conseille pas de donner ses dépesches, parce
que présentement la disposition des affaires n'est pas telle qu'il pour-
roit désirer pour avoir une favorable response, non par manque d'af-
fection, mais par manque d'occasion et de sujet légitime.
Que le roy est si consciencieux et si scrupuleux en matière d'hon-
neur qu'il ne voudroit pour rien du monde agir contre qui que ce
puisse estre sans sujet.
Pour cet effect, il seroit à craindre que, si on luy faisoit la pro-
position qu'il désire maintenant, il n'en peust avoir une bonne issue,
au lieu qu'en la différant, comme il luy conseille (s'offrant mesme à
garder la dépesche pour la présenter lorsque le temps le permettra),
il y a apparence d'en pouvoir recevoir une favorable, en ce que les
anglois, qui traittent continuellement sous main avec les Espagnols',
viendront peut estre à faire avec eux quelque traitté ouvert, ou de ma-
riage, ou sur le stijet de la restitution du Palatinat, ce qui, en tel cas,
donnera lieu de faire sans peyne ce qu'il désire maintenant, veu, ainsy
qu'il l'a représenté, que S. M. ne manque pas de bonne volonté pour
l'Escossc, mais de sujet et de prétexte, qu'elle aura lors tout entier.
M'' de Bellièvre faisant addroitement cette ouverture, elle sera indu-
bitablement acceptée, et par ce moyen le roy ne s'engagera à rien,
ce qu'il faut éviter absolument; le gentilhomme escossois s'en retour-
nera avec espérance de pouvoir avoir contentement , lequel , en effect,
on luy donneroit si le roy d'Angleterre se déclaroit pour l'Espagne*.
' Nous trouvons, à la Bibliothèque Idî-
périaie, une lettre chiffrée d'un certain
Forsler, qui donnait des inrormations à
l'ambassadeur de France à Londres. Celte
lettre, sans date, est du mois de février,
et adressée à l'ambassadeur de Bellièvre,
en ce moment à Paris. Forster avertit que
pour traiter avec les Anglais il faudrait
que le roi leur offrît • une bonne somme
d'argent; iqu'un envoyé d'Espagne à Lon-
dres en promet beaucoup; «la nécessité,
ajoute l'Anglais Forsler, nous pourra porter
à contenter les dits Espagnols. «Gel homme
regrette qu'en ce moment il n'y ail point
d'ambassadeur de France à Londres.
(Saint-Germain-Harlay, 364", fol. 282.)
' La Gazette du 3 mars annonçait, sous
la rubrique de Londres, le i4 février, que
les Ecossais fortifiaient leurs frontières et
faisaient de grands préparatifs de guerre.
678 LETTRES
cccxxx.
Bibl. iinp. Suite de Dupuy, l. 17, fol. 16. — Original.
suscniPTiON:
POUR M. L'ARCHEVESQUE DE RORDEAUX,
À PARIS.
De Ruel , ce 7* mars 1 64o.
Je suis extresmement fasché de vostre indisposition ; je vous con-
jure d'user de tous les remèdes ordinaires et nécessaires à un tel
mai.
Quant au lieutenant des galères S' Martin, mon avis est qu'on ne
peut luy desnier do l'entendre, mais qu'après il faudra l'envoyer à la
Bastille pendant le temps qu'on envoyera commission sur les lieux
pour informer contre son capitaine, qu'il charge. Cependant on peut
faire ou venir le forçat, ou donner commission au lieutenant général
de Molins pour l'entendre sur les faicts qui iuy seront envoyés. Cette
affaire est de grande conséquence, le service du roy requiert un
exemple pour fermer la porte à pareil procédé à l'avenir; c'est pour-
quoy je désire que Mess" du conseil de la marine usent de toutes les
rigueurs que la justice permettra. Je vous prie d'en avoir soin et
n'oublier rien de ce qui pourra contribuer à vostre guérison. J'envoye
ce gentilhomme pour sçavoir de vos nouvelles.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCXXXI.
Bibl. inip. Suite de Dupu), t. 17, fol. 17. —
Original, san.s signature, de la main de Clierré.
SUSCRIPTION :
POUR MONS. L'ARCHEVESQUE DE RORDEAUX,
A PARIS.
De Ruel, ce 1 1' mars i6io.
Je suis bien aise de .sçavoir que vous vous portiés mieux . ce
DU CARDINAL DE RICHEL[EU.
679
nue tous dteux qui sont venus de Paris m'ont confirmé K M"" de
Noyers donnera les ordres nécessaires pour faire sortir de toutes
les prisons les forçats qui y sont détenus, ainsy que vous le pro-
posés.
Quant à ce que vous m'escrivés qu'avec la chaisne qui partira de-
main de deux cent forçats et celle que vous espérés avoir dans un
mois, on pourra armer jusques à quatorze gallères renforcées, j'ay à
vous dire que M" de Forbin et Le Queux m'ont escrit que, sans au-
cuns forçats que ceux qui sont maintenant sur les gallères, on en peut
armer jusques à dix-sept du nombre qui est nécessaire pour tenir la
mer autant que les vaisseaux ronds, et qu'avec six cents forçats de
plus que ce qui y est on pourroit armer les vingt-deux gallères en-
tières.
Il reste donc à sçavoir dans tous les parlemens quel nombre de
forçats en on peut tirer, et quand *, afin qu'on essaye à armer toutes
les vingt-deux gallères, ce que je désire avec passion.
' Le i3 mars Richelieu écrit de nou-
veau à l'archevêque de Bordeaux, pour
quelques aiïaircs de détail , une lettre qui
sera indiquée aux Analyses, et dans la-
quelle il se réjouit (le son rétablissement,
d'autant plus que cette guérison lui per-
mettra de s'en aller. Malgré ce viT désir
que montre Richelieu de le voir partir,
l'archevèque-amiral ne se hâtait pas. Une
troisième lettre (du a4) aiguillonne encore
cette lenleur : • \ vous dire le vray, rien
ne me faict itpréhender un mauvais suc-
cez en vostre voyage que la crainte que
j'ay que vous n'arriviés [Vas àJa lin d'avril
en Provence, comme c'est chose absolu-
ment nécessaire, si vous voulés faire quel-
que chose de bon rien ne sera plus
contraire au bon événement que vous de-
vés vous promettre que manquer d'estre
prest assez à tomps. • Une instruction lui
fut donnée le 23; elle a été imprimée dans
la correspondance de Sourdis , et elle sera
notée à la lin de ce volume, ainsi que la
lettre de Richelieu du a4, et un billet de
la fm du même mois, où Richelieu té-
moigne, comme il fait en toute occasion,
du soin extrême qu'il mettait aux prépa-
ratifs qui de toutes parts ménagent le suc-
cès : « le vous envoie aiissy, disait-il à Cha-
vigni, un mémoire pour escrire à M' de la
Thuiilerie (alors envoyé en Hollande) et
une lettre que je luy escris moy-mesme.
Il n'y a plus de temps à perdre pour se
préparer de part et d'autre pour la cam-
pagne; ce qui requiert qu'on sache ce que
voudront faire M" les Estais. »
' Richelieu écrivait à l'archevêque de
Bordeaux, le a8 avril : t Passant à Bor-
deaux et à Tholoze, je vous prie faire
marcher tous les forçais que vous trouvères
dans les prisons, vous asseurant que, si
vous faicles avancer de l'argent pour telle
680
LETTRES
CCCXXXII.
Arch. des Alî. élr. Angleterre, t. iJS, fol. 86. —
Minute de la main de Cherré '.
POUR L'AMBASSADEUR D'ANGLETERRE.
[22? mars i64o.]
Faut respondre qu'ayant esté refusé en Angleterre de traitter l'am-
bassadrice de France aiusy que Madame de Chevreuse, à laquelle on
a donné le tabouret, sans le vouloir donnera ladicte ambassadrice
de France, bien qu'en France le Roy traitte les ambassadrices à l'égal
des duchesses, S. M. ne peut changer l'ordre qu'elle a pris, à l'exemple
d'Angleterre, de distinguer les duchesses d'avec les ambassadrices.
CCCXXXIII.
Arch. des Aff. étr. Hollande, t. 21, pièce 299'. — Minute.
Bibi. imp. Clairambault, Mélanges, 696 , p. 877. — Original chiffré.
Bibl. imp. Mss. Dupuy, t. 74/1, fol. 19/!. — Copie.
A M, D'ESTRADES.
Du i4 avril i64o.
Monsieur, je vous dépesche expressément ce courrier pour vous as-
occasion , je le feray rembourser par le
Picard, à lettre vue.» L'archevêque était
encore à la Rochelle, et Richelieu ne se
lassait pas de le presser d'arriver à sa des-
tination ; « Je vous prie de vous en aller en
diligence , sans vous arrester en aucun lieu ,
droit en Provence , où voslre présence est
plus que nécessaire, n II sera fait mention
aux Analyses de cette lettre , déjà imprimée.
' Cette minute se trouve sur un feuillet
envoyé par le comte de Leycester, et à la
suite de ces lignes écrites par ledit am-
bassadeur : « On désire .sçavoir si quelque
chose empesche que madame l'ambassa-
drice d'Angleterre ne puisse avoir l'hon-
neur de voir la reyne très - chrestienne ,
de mesme qu'ont fait les autres ambassa-
drices. » Ce feuillet porte en tête : « Mé-
moires de l'ambassadeur d'Angleterre ,
20 mars. » Celle date indique à peu près
celle de la réponse.
^ Le ms. des Aff. étr. mel au dos de cette
pièce : 11 Lettre de M' le cardinal de Riche-
lieu... envoyée par Saladin le ll^ avril. »
L'original est daté du i3. La copie Dupuy
donne la fausse date du 10.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 681
seurer que les armes du roy n'entreront pas seulement dans le pays
des ennemis au jour que vous sçavés avoir esté arresté, mais ils y se-
ront certainement quatre jours plus tost. Ce que j'ay estimé vous de-
voir faire sçavoir affin d'en avertir M"" le prince d'Orange, et vous
donner lieu de le solliciter d'en faire autant, s'il se peut, ou au moins
d'être si ponctuel à ce qu'il a promis, qu'il ne manque pas au jour
préfix par le traitté dont vous avés esté entremetteur.
Vous luy dires, s'il vous plaist, que l'armée de M' de La Melleraie
sera de plus de 20 mille hommes de pied effectifs, et 7 mille che-
vaux; et qu'outre cette armée M" de Chaunes et de Chastillon en
commanderont une autre qui regardera la Flandre, qui sera de plus
de 1 5 mille hommes de pied et quatre mille cinq cens chevaux. Outre
cela, M"^ du Halier aura quinze cens chevaux et six à sept mil hommes
de pied, en Lorraine, du costé du Luxembourg; et le marquis de
Villeroy autant en Bourgogne. Voilà Testât de nostre campagne, pour
ce qui est de la France, à l'esgard des costes de deçà, où je ne com-
prends point la Guienne, et le Languedoc, qui ont pour faire ime ar-
mée de I 5 mille hommes de pied et de 3 mille chevaux.
Pour ce qui est des pays estrangers, les recreues arrestées, payées
etasseurées, pour le cours de cette année en Italie, viennent à plus
de 3o mille hommes, sans compter huict à neuf mille hommes de
pied et douze cents chevaux, que M"" de Bourdeaux aura en Provence,
avec une armée navale de 22 galères et de 5o vaisseaux destinés pour
le secours de l'Italie.
Je ne vous dis rien de l'armée de M' de Longueville et de l'unioii
de madame la Landgrave, parce que vous en sçavés autant que nous ';
' M. d'Amontot, plénipolentiairedu roi
de France pour (railer avec madame la
Landgrave de Hesse, venait de conclure
avec M. Grosie, chargé des affaires de
celte princesse en Hollande, un arrange-
ment dont l'ambassadeur de France à la
Haye avait été inrormé. On était convenu
de donner un subside de i5o,ooo reichs-
CARDIN DE RICBEUEr. — VI.
thalers à la Landgrave, qui devait joindre
ses lrou()esà celles que commandait le duc
de Longueville en Allemagne. Il esl fré-
quemment question de cette négociation
dans le manuscrit des Affaires étrangères
cité aux sources. (Mémoires au s' d'A-
montot; pièces a/ja, 277, février et mars
i64o, et plus tard.)
86
682 LETTRES
seulement dois-je vous faire sçavoir qu'on luy envoie 4 mille hommes
de pied et mille chevaux de recreues.
Je vous avoue qu'on vous escrivant ce que je fais, j'ay de la peine
à le croire, mais cependant c'est chose si véritable que je puis vous
asseurer que le tout sera effectif; et qu'otitre tout ce que dessus, le
marquis de Brezé, assisté de bons tuteurs pour apprendre son mes-
tier, sera en la mer Océane avec ilx bons vaisseaux de guerre et
io brusiots.
Je m'asseure que, comme nous faisons beaucoup plus que ce que
nous avions faict espérer, M'' le prince d'Orange fera aussy le mesme
de son costé.
Quand nous serons en campagne nous ne manquerons de vous
faire avertir soigneusement, de temps en temps, de tout ce qui se
passera. Je vous prie d'estre soigneux de faire le mesme , et de nous
envoler un courrier le lendemain du mois' prochain pour nous ad-
vertir que M'' le prince d'Orange sera entré dans le pays des ennemis,
car je vous asseure encore une fois que nous ne manquerons pas d'y
estre quatre jours devant.
CCCXXXIV.
Arch. des Aff. étr. France, i64o, sept premiers mois, fol. 109. —
Original sans signature; tonl est écrit de la main du cardinal, même la suscription.
SUSCRIPTION :
POLIR M. DE CHAVIGNY.
De Ruel, à 4 heures du matin, cejeudy 19 avril iti^o.
M' de Ghavigny, n'oubliera pas, s'il luy plaist, d'escrire à Florence^
pour faire représenter au grand duc qu'il ne peut estre obligé de
donner secours aux Espagnols pour le siège de Gazai , et que ses in-
' iSi'c, dans la minute comme dans les ^ On lit à la marge dans le manuscrit :
co[)ies. C'est sans doute, le lendemain du «S'il y a un résident de Florence à Paris,
i" du mois qu'on a voulu dire. il est à propos de luy parler. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 683
térestsl'en doivent destourner pour plusieurs raisons qu'il sçait mieux
qu'on ne peut les luy représenter.
Il est aussy à propos d'escrire au secrétaire de Sabran à Gennes
pour tenir, autant qu'il se pourra, la république en la disposilion
qu'elle doit estre sur ce sujet.
Il faut voir l'ambassadeur de Gennes et luy parler, tant pour voir
si la république ne pourroit pas nous donner moyen de faire tenir de
l'argent dans Gazai', que pour nous asseurer les passages dont nous
pouvons avoir besoin, en cette occasion, pour le salut de l'Italie, au-
quel ils doivent prendre bonne part.
Il est besoin d'escrire à M' le cardinal Bichi^ à ce qu'il fasse, s'il
luy plaisl, les offices envers le pape et le cardinal Barberin, qui sont
mentionnés dans la despescbe de Rome que vous emportastes hier.
Vous n'oublierés aussy aucune lettre nécessaire pour le voyage de
Mondin.
CCCXXXV.
Arch. des Aff. élr. France, i64o, vept premiers mois, fol. i lo. —
* Original, .sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
^ «ECltéTAIFlE D*ESTAT, À PARIS.
De Rnel, ce 19° avril i64o.
Je n'ay pas dict un seul mot à M'' de Chevreuse, ny à ses gens, de
' Chavigni écrivit à ce sujet , le 34 avril ,
à J. B. Saluzzo; cet ambassadeur lui ré-
pondit le 27, que la chose était irapos.si-
ble : • Non c'è potuto sovvenire il modo
di farlo, non sapendo che da Gennua vi
sia corrispondenza alcuna in materia de
negotii » (Arch. des Aff. étr. Gènes, t. 3,
fol. I.) On trouvait toujours mauvais vou-
loir à Gènes , surtout lorsqu'il s'agissait
(le l'aire quelque chose qui pût déplaire
a l'Espagne. (Voir ci-dessus Nota vers le
commencement d'octobre 1 689 ; et ci-
après, aux Analyses, un bille! à Chavigni
du 19 avril.)
* On a vu , en plus d'une occasion,
que ce cardinal était l'un des membres
du Sacré collège les plus dévoués à la
France.
86.
684
LETTRES
la main levée de ses pensions , ains au contraire j'ay lousjours dict
que le roy entendoit bien qu'il les touchast, mais les réparations
préalablement faictes. S'il veut tromper comme sa femme il le peut
faire, mais je ne suis point d'avis qu'on luy donne autre chose jus-
ques à ce qu'il ait faict son voiage '. Je vous conseille de parler sec à
Boispillé^, ensuitte de quoyils feront ce qu'ils voudront, c'est-à-dire
ils iront ou n'iront pas, comme bon leur semblera.
' Le séjour de madame de Chevreuse à
Londi'es donnait beaucoup de souci au
cardinal, surtout au moment où s'y trou-
vaient réunis la reine ms're el les intri-
gants qui avaient sa confinnce, le duc de
La Valette et d'autres mécontents. On ima-
gina de lui dépêcher son mari pour la ra-
mener en France : c'était assurément le
meilleur moyen de ne pas obtenir ce que
désirait Richelieu ; et l'on ne comprend
guère qu'on l'ait essayé. Aussitôt que ma-
dame de Chevreuse fut informée que son
mari devait venir à Londres, elle lui écrivit
pour se plaindre de la violence qu'on vou-
lait lui faire, et déclara qu'il perdrait sa
peine et qu'on ne la forcerait jamais à le
suivre. En effet, à peine le duc arrivait en
Angleterre qu'il apprit que sa femme ve-
nait de se réfugier à Bruxelles. Nous avons
dans nos manuscrits de curieuses lettres
relative.^ à cette affaire conjugale et po-
litique à la fois, moitié sérieu.se et moilié
grotesque. On voit, par la correspondance
d'Arnauld , que les salons de Paris s'en
occupaient plus d'un mois auparavant.
(Lettre du k mars.) Un des émissaires
que Richelieu avait en Angleterre , el qui
écrivait de Grenuche (Greenwich.'') sous le
pseudonyme de Tilus, lui donnait à celle
époque des informations sur madame de
Chevreuse. « Elle fait chez elle, mandait-il,
de grands préparatifs pour recevoir l'am-
bassadeur extraordinaire d'Espagne. Elle
faict accommoder un cabinet paré de la
plus belle tapisserie et tableaux que le
s' de Montaigu luy a recherchés et em-
pruntés de tous costez; tout le reste suit
de mesme pour l'ameublement el pour
les beaux habits qu'elle aura à rechanger.
On m'a asseuré qu'elle ne reçoit point de
pension des Espagnols, mais des présens
qui valent bien la pension, laquelle celuy
qui sçail ses affaires m'a dict qu'elle sera
contraincle d'accepler, si elle ne jouit
point de son bien en France. Quant à
l'abbé du Dorai, il ne gaignera rien au-
près d'elle, estant résolue, comme elle a
dict, de ne point relourner en France, et
croy que M' de La Valette et Le Coigneux ,
qui sont compaignons de fortune et liés
d'amitié , servent grandement à la des-
tourner et à luy donner de mauvais con-
seils. » (Ms. cité aux sources, fol. 96.) El
pendant que madame de Chevreuse se
donnait des airs de princesse, les biens de
son mari , grevés de délies , étaient séques-
trés, et il demandait à Richelieu des ab-
bayes pour ses filles du ton d'un père de
famille fort embarrassé.
^ Boispillé avait écrit à Chavigni , le k du
mois d'avril , pour les affaires de M. de Che-
vreuse, et allirmait que le duc lui avait dit
la vérité au sujet de ses dettes et celles de
mesdemoiselles ses filles. (Fol. 92.)
DtJ CARDINAL DE RICHELIEU. 685
Je vous ay envoyé la lettre pour M' de Wintebank, vous mettrez
le dessus comme il faut.
Je ne suis point d'avis que vous luy donniés ce galland que vous
emportastes hier. Il lui faut donner quelque boiste de mil escus, qui
paroisse davantage.
CCCXXXVI.
Arcli. des Afi". élr. France, i64o, sepl premiers mois, fol. /i3i. —
Original, sans signature, de la main de Cherré.
[A M. DE CHWIGNI'.]
[Fin d'avril ou oommencement de mai i6ào'.]
Le roy m'a conunandé de faire sçavoir à M"^ de Chavigny qu'il aver-
tisse M" les ambassadeurs qui auront à le suivre, que la route qu'ils
doivent prendre est celle de Soissons.
En ce nombre sont M" les ambassadeurs de Venise, de Savoie et
M' le nonce.
Quant à M" les ambassadeurs d'Angleterre et de Suède, il ne faut
pas leur dire qu'ils ne suivent pas, mais n'aians pas suivy l'année
passée, et n'aians point d'affaires qui pressent apparemment, ils ne
penseront pas à partir de Paris. En ce cas, il leur faut faire sçavoir
(ju'ils pourront traitter avec M" le chancelier, Bullion et Bouthillier,
des affaires qui se présenteront en leur charge.
Ne doutant point que M' le nonce ne face ce qu'il pourra pour ne
partir pas de Paris, il faut procéder avec luy ainsy qu'il s'ensuit.
Il faut envoier quérir l'abbé Paul Fiesque, et luy dire que M' le
nonce l'ayant choisy pour faire sçavoir au roy pendant Testât auquel
' Celle pièce, sans suscription, allnilà ' On a écrit après coup, en tète de ce
Chavigni, qui a mis au dos : i Mémoire mémoire, «juillet i64o. • C'est une fausse
sur le sujet du nonce el des ambassa- date; le roi partit pour se rendre à Sois-
deurs. » sons dans les premiers jours de mai.
686 LETTRES
il est\ ce qu'il voudroit faire cognoistre sur le sujet du repos de la
chiestienté , S. M. vous a commandé de faire sçavoir par luy au d.
s' nonce, que le roy en désire tant l'avancement que, pour ne perdre
aucun moment qui puisse contribuer à un sy bon dessein , S. M. dé-
sire que le d. s' nonce soit tousjours en lieu proche d'elle pendant
son voyage. Pour cet effect, qu'ainsy qu'elle a faict avertir M'Mes am-
bassadeurs qui peuvent avoir des affaires à négocier pour le mesme
sujet, de la suivre en son voiage, elle hiy faict donner le mesme avis;
et ce d'autant plus précisément qu'il a couru quelque bruict que le
d. s' nonce affectoit de demeurer dans Paris, ce qui sembleroit ne
pouvoir avoir auti-e fin que de faire croire qu'en ne luy permettant
pas de suivre S. M. on luy interdiroit les moyens d'avancer la paix,
tant désirée de Sa d. Majesté.
Que comme elle soubaitte en effect (ju'il ait de bonnes propositions
à faire sur ce sujet, elle veut que tous ses peuples voyent, en le
voyant à sa suitte, qu'il a pleine et entière liberté d'agir par l'inter-
position des siens à l'avancement d'un sy grand bien.
Le d. s"" Paul Fiesque ira civilement dire le contenu de ce mé-
moire à M' le nonce, et luy représenter comme en cela il est traitté
comme les autres ambassadeurs qui peuvent avoir affaire au roy. Si
le d. s' nonce veut venir, il ne faut point luy faire aucune significa-
tion. S'il refuse de faire le voiage, M' de Chavigny mettra le susdict
mémoire en bonne forme, retirera un récépissé d'iceluy du d. s' Paul
Fiesque, qui recognoistra l'avoir receu pour le mettre entre les mains
du d. s'' nonce; et on se gouvernera par après selon que les cora-
porlemens du d. s' nonce en donneront occasion.
M' de Chavigny dira au chevalier du guet qu'il ail tousjours des
espions pour voir ceux qui entreront chez luy, et s'il y peut attraper
de ceux qui n'y doivent pas aller, parla deffense générale que le roy
leur en a faicte, il les garde honnestement chez luy.
On se souvient qu'il n'élaitpas reçu à lions directes avec le ministre des aflFaires
la cour, et n'avait point de communica- étrangères.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 687
CCGXXXVII.
Arcli. des AfT. étr, Angleierre, t. 48, loi. 102. ^
Mise au net de la main de Charpentier.
A M. DE CHAVIGNY.
De Reaumont, ce y raay i64o.
J'envoye à monsieur de Chavigny une lettre que le roy d'Angleterre
a escrite au roy et que l'ambassadeur luy a envoyée à Chantilly, bien
qu'elle soit escrite du 1" décembre 1689. Le stile en est fascheux ,
et sembleroit par là qu'il chercheroit noise, si on ne cognoissoit leur
insolente façon d'agir. Je ne sçay ce que c'est que l'affaire dont il
parle'; vous sçaurés, .s'il vous plaist, de M' de Bellièvre ce qu'il en
sçait, et de plus, de M" d'Haligre et de Loines, s'ils en ont rien veu
au conseil de la marine.
Il se faut gouverner en sorte, en cette affaire, que ces insolens ne
pensent pas qu'on prenne allarme de leur procédé.
Je croy que vous pouvés envoier quérir Auger pour luy dire que le
roy vous a envoyé une lettre, laquelle est de 5 mois de datte, que
vous ne savés ce que c'est de cette affaire là, et que, s'il en fait co-
gnoistre la justice, on en fera raison au particulier qui y a intérest.
Je vous envoyé la lettre toute rompue, parce que je n'ay peu fou-
vrir autrement.
' Celait sans doute une affaire de peu intérêt à conserver cette lettre à cause du
d'importance puisqup Richelieu n'en av.iit ton doni Richelieu parle des Anglais,
aucun souvenir; néanmoins il y a quelque
688
LETTRES
CCCXXXVIII.
Arch. des Aff. élr. Angleterre, t. 48, fol. 108, —
De la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNL]
[Avant le 4 mai i64o.]
En tête de la pièce on lit les lignes suivantes sans signature, mais venant de
l'ambassadeur d'Angleterre, ainsi que l'annonce une note mise au dos :
« On demande pouvoir et authorité de prendre Guillaume ColviiP, Escossois.
et de l'envoyer en Angleterre. »
Faut respondre qu'on n'a aucune cognoissance que Colvill soit cri-
minel au respect du roy d'Angleterre , son souverain. Que s'il n'est
accusé d'autre chose que d'avoir négocié avec les ministres de France
S. M. le sçait innocent parce qu'il ne l'a pas faict.
Qu'au reste, quand il seroit coulpable, le roy d'Angleterre donne
l'exemple de ne le pas rendre, en retenant le duc de La Vallette, Le
Coigneux et La Vieuville, non seulement accusez de crime, mais con-
vaincus de crimes de leze-majesté et condamnés pour iceux.
' Ce CoUeville serv«it d'intermédiaire
entre les Ecossais et l'abbé Cbambre, au-
mônier du cardinal, pour la correspon-
dance secrète que Richelieu avait établie
entre lui et les mécontents de la Grande-
Bretagne. On voit par la lettre de Riche-
lieu à Chavigni, du 4 mai, que CoUeville
était, à cette date, arrêté en Angleterre,
pour le fait de ladite correspondance. Cette
lettre est donc antérieure au U mai , à
moins qu'on ne suppose que CoUeville s'é-
tait échappé et que c'est après celte éva-
sion que l'ambassadeur d'Angleterre le ré-
clame. Il faudrait pouvoir éclaircir ce point
pour fixer la date précise de cette lettre.
N'ayant aucun moyen de la classer régu-
lièrement, nous la rapprochons de celles
du 4 et du 5 mai , où il est question de
cette affaire.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 689
CCCXXXIX.
Arch. des Aff. élr. Angleterre, t. 48, fol. io3. —
Mise au net de la main de Charpentier.
A M. DE CHAVIGNY.
De Reaumont , ce i mai i6io.
J'envoye à monsieur de Chavigny une lettre qu'on a envoyée d'An-
gleterre à de Chambre \ qu'on dict estre la copie de celle que le
lieutenant d'Erskih a apportée à M' de Bellièvre.
Le roy d'Angleterre a faict prendre le sieur de Colvile ^, qui esloit
porteur de l'original de la d. lettre, pareille à celle qu'a l'homme de
M' de Bellièvre. Led. roy en a faict lecture publique en son conseil,
ensuitte de quoy il a dict qu'il croyoit que le roy n'en sa voit rien, et
qu'il se tenoit asseuré de son amitié.
Par l'événement M' de Bellièvre cognoistra que nous avons esté
plus sages que luy.
On sçait en Angleterre que le gentilhomme qui l'est venu trouver
est icy, c'est à luy à prendre garde qu'on ne le prenne au retour,
' Dans le manuscrit cité aux sources se rester, Rolhes , Monlro$e, Nfontgomeri.
trouve (fol. 93) une pièce au dos de laquelle ' Richelieu fil annoncer par la Gazette
on lit : a Traduction de l'instruction don- du la mai, sous la rubrique de Londres,
née au s' Colvil, envoyé par les seigneurs 30 avril, l'arreslation de ce personnage :
d'Escosse. » C'est sans doute la lettre dont « Les Escossois ont fait une déclaration qui
il est ici question. Dans celte instruction a esté bruslée par autliorité du magistrat,
sans date, et classée avant le 17 avril, les et d'autant que le s' de Colvil, frère du
Ecossais exposent au roi très-chrétien leurs baron deCleische, du raesme pays, s'en
griefs contre le roi d'Angleterre, et ils lui est trouvé saisi, il a esté mis dans la tour
demandent assistance , au nom de l'an- de celle ville avec le milord Lowdoun
cienne amitié qui unit les deux pays. — Cambell , l'un des quatre députés d'Es-
Une copie de la lettre qui accrédite Colvil cosse. • Mais la Gazelle se tait, comme on
auprès du roi est également conservée peut croire, sur la letlre dont il est ici
dans notre manuscrit (fol, 90). Cette co- question et qui se rapportait aux relations
pie est sans date ; les seigneurs qui ont que Richelieu pouvait avoir, par l'interroé-
signé sont : Leslee, Mar, Loudoun, Fo- diaire de l'abbéChambre, avec les Écossais
CARDIN. DE niCIIELIF.U. — VI. ' 87
690 LETTRES
et, à M' de Chavigny, à luy faire une response sy précaulionée que, si
elle vient à estre descouverte, elle ne puisse eslre mal interprétée.
Monsieur de Chavigny avisera, avec le d. s" de Bellièvre, s'il faudra
retenir la d. lettre, ou la renvoyer. Je croy qu'en Testât où sont les
choses il vaut mieux la renvoyer, et donner bonnes paroles, telles
toutesfois qu'elles ne puissent estre mal expliquées du roy d'Angle-
terre, si elles viennent à estre descouvertes.
CCCXL.
Arch. des Aff. étr. Angleterre, i64o-i64i, t. 48, fol io5. —
Mise au net de la main de Charpentier.
[A M. DE CHAVIGNI.]
De ReaumoDt, ce 5 inay i64o.
Depuis vous avoir escrit hier sur le sujet du s'' de Colville arresté
prisonnier en Angleterre, l'espion que vous sçavez qui nous donne
de bons avis, nous a confirmé le premier que nous en avions eu.
Si l'homme qui a parlé à M' de Bellièvre n'est point encore party,
comme je ne le croy pas, il est besoin de luy faire sçavoir qu'on
l'attend dans tous les ports pour le prendre, et que son compagnon,
c'est-à-dire celuy qui avoit eu pareille commission que luy, nommé
Colville, est desjà pris. 11 ne faut pas que cette nouvelle luy soit dicte
par M' de Bellièvre, mais par quelque autre, afin que, si venant à estre
arresté il dict la response qu'on luy aura faicte, on ne croie pas qu'on
luy aura faicte telle qu'il l'aura receue , parce qu'on sçavoit desjà qu'il
estoit descouvert. "
Quant à la response, il est certain que, plus j'y pense, plus faut-il
estre soigneux de la rendre telle que les Anglois n'y puissent trouver
à redire. Je vous prie donc d'y bien penser, et instruire si bien M' de
Bellièvre qu'il ne mette pas enjeu une production de son esprit, au
lieu de ce que la prudence doit suggérer en cette occasion.
Je vous escrivis aussy hier de la lettre que l'ambassadeur d'Angle-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 691
terre avoit envoyée au roy. J'attribue le style à l'élégance de cette
nation et non à autre dessein, le d. espion nous faisant cognoistre
qu'ils n'ont pas envie de se brouiller avec aucune des couronnes.
CCCXLI.
Arcli. des Aff. étr. France, i64o, sept premiers mois , fol. i33. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. MAZARINI,
À PARIS.
De Naiiteuil, ce 8° may iSio.
Le roy envoyant en Italie le s'' de Chanlelou, commis de M' do
Noyers, pour faire recherche des plus exceliens peintres, sculpteurs,
architectes et autres fameux artisans, et les faire venir en France, je
conjure monsieur Mazarin de luy vouloir donner des lettres pour ses
amis à Rome, afin d'as.sister le dict Chantelou et faciliter l'exécution
du commandement que S. M. luy a faict sur ce sujet.
Je le conjure aussy de faire retarder le deppart de M'' son beau-
frère, pour un jour ou deux seulement, afin que le dict s' de Chan-
telou puisse avoir l'honneur d'aller avec luy jusques à Rome.
Le Gard. DE RICHELIEU.
«
CCCXLIF.
Arch. des Aff. étr. France, i64o, sept premiers mois, fol. i63. — ■
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION:
POUR M. ROUTHILLIER,
SCnlNTBNDAKT DES FINANCES, À PAHIS '.
De Soissons, ce iS' may 16^0.
Vous me ferés très-grand plaisir d'asseurer la reyne que, quoy
' La lettre de Boulbillier à laquelle cel- des Affaires étrangères au fol. 227; on l'a
le-ci répond se trouve dans le manuscrit classée à la fin du mois de mai parce qu'elle
. • 87.
692
LETTRES
qu'on me die d'elle, je ne croiray que ce que je devray, n'y ayant
personne qui me peust porter à aucune chose qui luy puisse estre
désagréable. Je respecte sa personne et sa qualité pour beaucoup de
considérations sy puissantes, qu'il me seroit impossible, quand je
voudrois, de faire autre chose que ce à quoy je suis résolu, qui est
de la servir en toutes occasions, comme je doibs.
Je remercie M' de Brassac et M"^ Le Gras du soin qu'ils ont de m'y
rendre de bons offices, et prie Dieu qu'il me face la grâce de la pou-
voir servir. Je m'asseure que sa conduitte sera telle qu'elle n'en aura
point besoin, ou qu'au moins elle donnera lieu à ses serviteurs de
luy rendre les bons offices auprès du roy qu'elle pourra souhaitler'.
Le roy part demain pour aller à Charleville. Je croy que M"^ de
La Melleraie ouvre sa tranchée aujourd'huy.
manque de quantième, maison voit qu'elle
a été écrite un peu avant le 1 8. Cette lettre
de Boutliillierdilàpeuprèsia même chose
que celle de M. de Brassac que nous adlons
citer.
' Richelieu se hâta décrire cette lettre
après en avoir reçu une, du même jour,
de M. de Brassac; celui-ci mandait : «La
reyne a donné charge à M' Le Gras (secré-
taire des commandements d'Anne d'Au-
triche) dedireàM.Bouthillier, à ma femme
et à moy, qu'elle avoitsceu queV.Em. avoit
beaucoup de mescontentement d'elle, sur
ce qu'onjuy avoit rapporté qu'après l'af-
faire de Chemerault, elle avoit faict beau-
coup du plaintes de V. Em. et lesmoigné
de grands ressentimens , sur quoy elle pro-
testa aud. s' Le Gras, les larmes aux yeux,
que jamais elle n'avoit parlé de cela, ni
seulement eu la pensée; et que si elle avoit
sceu que c'estoit l'avis de V. Em. et que
plustost le roy luy eust faicl paroistre son
intention, elle ne se fust point opiniastrée
de la faire mettre sur son estât. Elle ajousta
beaucoup de doléances touchant ceux qui
font ces rapports, sans les nommer
L'opinion de Jasmin ( M' de Brassac ) ,
d'Aminte iM""de Brassac] , el de La Rose
(M' Le Gras), est qu'elle dict vray en cet
affaire , qui l'a bien fort touchée. . . » Quatre
jours après, le aa mai; M. de Brassac
écrivait de nouveau : n La joyeque la reyne
faict paroistre sur son visage depuis tant de
tesmoignage de bonne volonté que S. Em.
luy rend, faict voir le contentement qu'elle
a. Hier au soir Aminte, entretenant Diane
(la reine) après qu'elle eut escrit à Marc-
Antoine (le cardinal), luy dist qu'afin que
sa satisfaction fust fousjours grande elle
devoit laisser ces petits entretiens de peu
de conséquence, puisque sa condition,
son agr. Testât où elle esloi t requéroient des
choses plus solides, ce qu'elle advoua, ay-
dant à dire les raisons, el combien les
bonnes volontés de Marc-Antoine luy es-
toient nécessaires; à quoy l'autre adjousta
que, pour son seul bien, il y falloit une
confiance absolue . . Les chrisoHtes sont
dans une obéissance telle qu'on sçauroit
désirer, estant toutes icy à leur devoir, et
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
693
CCCXLIII.
Arch. des Aff. étr. Elspagne, l. ao. — Copie.
Bibl. imp. Mélanges de Colberl , t. 27, fol. 56 v°. — Copie.
A M. PAUL FIESQUE.
Du 20" may i6io.
Monsieur, l'Eslat auquel M' Scoti est avec le roy ne me permet-
tant pas de luy escrire comme je ferois sans cela, je m'adresse à vous
à ce que vous luy fassiés entendre la response que je puis faire à la
lettre qu'il m'a faict la faveur de m'escrire; je désire la paix avec tant
de passion qu'il n'y a rien que je ne veuille faire en mon particulier
pour une sy bonne fin.
femme à luy escrire. Ayant continué de me
parler en la mesme façon et en la mesnie
disposition , voire encores meilleure , s'il se
peut, que j'ay eu l'honneur de vous man-
der par cy-devant Saint -Germain ce
2 5 juin. » M""deChevreuse était alors plus
suspecte que jamais. On avait fait récem-
ment d'inutiles tentatives pour la ramener
en France (ci-dessus, p 687), elle s'était
sauvée de Londres dans les Pays-Bas*"; et
c'est de là qu'elle avait écrit à la reine.
Comment sa lettre passait-elle par les mains
de Richelieu ? L'avait-il interceptée? Dans
tous les cas, s'il avait voulu tenter une
épreuve en la faisant remettre à Anne
d'Autriche, ce n'est pas de M. de Brassac
qu'il se aérait servi. La reine, à son tour,
était trop prudente pour se laisser prendre
à un piège ainsi tendu.
ce changement faict bien paroistre com-
bien Amarilis * troublait toute la troupe ". »
Le mois suivant M. de Brassac rendait de
nouveau bon témoignage des dispositions
de la reine, dans une lettre assez cuiieuse,
que nous trouvons encore dans notre ma-
nuscrit (fol. 3 10) : « Monseigneur, j'ay
recen à ce soir celle qu'il vous a pieu me
faire l'honneur de m'escrire, et, suivant
voslre commandement, j'ay présenté à la
reyne la lettre que M"' de Chevreuse luy
escrit, de laquelle à peine a elle leu le
dessus qu'elle me l'a rendue, et m'a dict
qu'elle n'avoit garded'ouvrir la lettre d'une
personne qui se gouvernoit comme elle
faict, et qui estoit au lieu où elle est. Et
tout aussy tost s'est résolue d'escrire à
V. Ém. sur cela, et de renvoier cette des-
pesche close. Elle a adjoustéqu'elle nesçayt
quelle fantaisie , ou artifice , a poussé cette
* kLcs chrisolitcs » sonL sans doute tes fîllps d'hon-
neur de la reine , et Amarilis , M"° de Chemcr.iult ,
qui avait ëté rt-cemmcnt renvoyée clicz elle.
'* Les deux lettres de M. de Brassac sont conservées
dans le manuscrit cit aux sources, fol. iG6 et iç^i.
•*• Nous lisons dans la correspondance de Henri
.Arnauld, <|ue nous avons ptuï>ieurs fois citée : «Mad.
de Chevreuse n'a point voulu aller à Bruxelles; ou
luy a donné Bruges pour sa demeure.» [Date du
3o mai, fol. gS.)
694 LETTRES
J'ay représenté au roy ce que M' le Nonce d'Espagne dict luy avoir
esté respondu par M' le comte d'Olivarez sur le sujet de la proposi-
tion de la trefve générale qui luy a esté faicte, par ordre de S. S.,
S. M. persistant tousjours en un mesme dessein, contribuera volon-
tier ce qui deppendra d'elle pour procurer la d. trefve, qui produira
infailliblement la paix.
Deux difficultés s'y rencontrent présentement à ma cognoissance ,
qui ne me mettent pas en peine parce qu'elles sont aisées à lever;
l'une est la concession des passeports à M" les Estats d'Hollande qui
ne les ont pas encores du cardinal infant à leur satisfaction; et l'autre
est le déni qu'on a faict jusques à présent de celuy de M' l'électeur
de Trêves, ce qui intéresse d'autant plus S. S. que c'est un électeur
non seulement, mais ecclésiastique, qu'elle a pris en sa protection,
et auquel le roy d'Hongrie ne peut refuser, avec une apparence de
justice, ce qu'on demande en sa faveur.
Je m'asseure que S. S. fera vider aisément la difficulté qui regarde
M' l'électeur de Trêves ; et que les Espagnols voudront d'eux-mesmes
donner satisfaction à M" les Estats; je présuppose qu'on ait satisfaict
aux demandes de la couronne de Suéde, sur le sujet de leurs passe-
ports et de leurs alliez en Allemagne, ce dont M"' le légat peut avoir
particulière cognoissance. Le roy avertira sans délay ses alliez du con-
tenu en la response du roy d'Espagne pour les disposer à passer plus
outre, lorsque les difficultés seront levées; les plénipotentiaires de
S. M. sont tous prests. Pour moy, je souhaitte sy passionnément la
paix que, s'il ne tcnoit qu'à donner de mon sang pour l'establir elle
le seroit bien tost; vous le croirés, je m'asseure, et, de plus, que je
suis. . .
Faict à Soissons, le 20 mai i64o.
DU CAFfDINAL DE RICHELIEU.
695
CCCXLIV.
Arch. des AIT. élr. France, 16A0, sept premiers mois, fol. 224- —
Original , sans signature, en partie de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGM'.]
. . .May i64o.
Après avoir leu toute la despesche envoyée par P. ^ je ne veoy point
d'autre response à luy faire que de luy envoyer le passeport pour le
s" Jacques Brecht^, en la forme qu'il s'en suit :
Le roy ayant esté requis d'octroyer un passeport au s^ Jacques Brecht
pour passer d'Espagne en Flandres mande et ordonne, etc. '
On vous envoie la lettre pour Puj. toute faicte, vous n'aurés qu'à
mettre le d. passeport dans le paquet que vous cachetterés du cachet
que Ross.* vous envoie, avec les enveloppes escrites de sa main.
' Celle pièce n'a ni signature, ni sus-
criplion ; les mots : « mgr le cardinal , »
écrits au dos par Cfaavigni, tiennent lieu
de l'une et de l'autre.
' Sur Pujol, vovez ci-dessus, p. a4o.
J'ai trouvé dans les archives de Simanca.s
beaucoup de pièces relatives aux négocia-
lions secrètes de ce Pujol (que les Espa-
gnols écrivent Puxol) ; ce sonl des lettres ,
mémoires ou noies de Boulliillier (Clia-
vigni), du comte-duc, que Pujol trans-
met, soit dans leur texte, soit en traduc-
tion, quelquefois en simple analyse, et
accompagnées de ses réflexions. Presque
tous ces documents sont réunis sans ordre
dans les liasses A 3 1 et Sa . Arch . de l' Em-
pire , K i36a.
' Celait un agent dont se servait Pu-
jol; il ne larda pas à arriver en France;
Chavigui lui écrit le 6 juin : « Deux
heures après avoir receu voslre lettre ,
qui m'a esté rendue ce malin, on des-
pesche ce gentilhomme pour vous con-
duire au lieu où vous voulés venir. Vous y
serés le très-bien receu, et on escoutera
fort favorablement ce qu'il vous plaira de
dire. . . • Chavigni ajoute que les lettres de
Pujol des 8 , 16 et ik mai n'ont pas
averti de l'arrivée de Brecht , « sans cela
il auroit trouvé un homme pour l'allendre
à son arrivée à Orléans.» (Arch. des Aff.
étr. Espagne, t. ao.) Le même manuscrit
donne une : i Relation de l'entrevue de
M' Brecht, envoyé d'Espagne, avec le car-
dinal, le i3 juin. » On y voit que Brecht
pnrtit de Blérancourt à deux heures du
matin. C'est une pièce de neuf feuillets,
mise au net par un secrétaire de Chavigni.
Elle est suivie d'un « avis du cardinal sur
ce sujet » Pièce de huit pages écrite de
la main de Cherré. La relation envoyée à
Madrid se trouve dans les archives de Si-
mancas (liasse citée, pièce 17').
' Ici Cherré quitte la plume.
' Rossignol ; on sait que c'était le se-
crétaire du chiffre dans le cabinet de Ri-
696 LETTRES
CCCXLV.
Arch. de Condé, n° 1^6. — Communicalion de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. —
Original.
SUSCRIPTION;
A M. LE PRINCE.
lojuin i64o.
Monsieur, , Il
est impossible de douter de vostre affection, après le soin que vous
apportés aux quartiers où vous estes pour le service du roy et le
bien de ses affaires. M' de Noyers vous faict sçavoir particulièrement
la satisfaction qu'en a Sa Majesté, et les résolutions qu'elle a prises
sur le contenu de vos dépesches, ce qui m'empesche de vous en
mander aucune chose par ces lignes. Je me contenteray seulement,
Monsieur, de vous parler de mons"" le duc d'Anguien, duquel vous
devés avoir une entière satisfaction. M' de La Mclleraie ne m'escrit
jamais qu'il ne me rende un si bon tesmoignage de sa conduitte, de
sa prudence et de son courage, qu'il ne s'y peut rien adjouster. Il a
esté depuis peu couvert de sang d'un coup de canon qui donna dans
la fesse du cheval de M' de La Meilleraie, dont il estoit fort proche '.
Je ne veui pas aussy oublier à vous mander que la guerre ne l'em-
pesche pas de penser à sa petite maistresse, et qu'il luy a faict l'hon-
neur de luy escrire depuis peu, avec beaucoup de civilité. Enhn
toutes les qualitez qu'on peut désirer en un prince de son âge se
rencontrent en luy en un degré tel que vous en aurés tousjours beau-
coup de contentement. Le plus grand que je pourrois recevoir seroit
de rencontrer de bonnes occasions de le servir, et de vous tesmoigner,
chelieu (Voy. la préface, p. xxu.) Ajou- tements assez considérables pour l'époque,
tons que nous le trouvons porté sur un ' La Gazelle du 2 juin en avait donné
étal de gages d'offices, de l'année i54i. la nouvelle sous la rubrique de Soissons,
pour six mille écus. C'étaient des appoin- 28 mai.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 697
en vostre particulier, l'estime que je fais de vostre personne, et que
je suis véritablement, autant qu'on le peut estre.
Monsieur, -
Vostre bien humble et très affecliouné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU'.
De Blérancourt ^, ce lo juin i64o.
CCCXLVI.
Arch. des Aff. élr. France, i6/4o, sept premiers mois, fol. 257. — Original.
SUSCRIPTION:
A MADAME BOUTHILLIER,
LA StHINTENDANTE ACX CAVt.S.
. 12 juin.
Madame, Ayant apris que les méde-
cins qui vous traitent vous ont ordonné de prendre les bains de
Bourbon, et qu'ilz estiment tous que ce remède est le plus souverain
' Quelques jours auparavant , le 38 mai ,
Kiclielieu avait chargé' la duchesse d'Ai-
guillon de dire à madame la Princesse,
' que M' d'Anguin se conduit dans l'armée
avec tout le lesmoignage d'esprit, de ju-
gement et de courage qu'elle sçauroil dé-
sirer. Il a esté depuis six jours tout cou-
vert de sang Il ne quitle jamais M' de
La Meilleraiequand il fault alleren quelque
lieu périlleux, quelque instance que M' de
La Meilleraie luy en face. . . Vous luy dires
encore que la guerre ne l'euipesche pas
de songer à l'amour. Il a cscript à sa mais-
tresse, et avoit envoyé un gentilhomme
pour l'aller trouver, lequel j'ay arresté icy,
me contentant de luy envoyer sa lettre,
ce que j'ay faict » (Arch. de Gondé j
^ Le villagp de Blérancourt est situé sur
la limite des anciennes provinces de l'Ile-
de-France et de Picardie , non loin de Com-
piègne. Bernard Potier en était seigneur.
Richelieu a été quelquefois l'hôte du châ-
teau ; nous l'y trouvons en ce moment
pendant plus d'un mois, et nous avons
une de ses lettres adressée à M"" de Blé-
rancourt elle-même vers la lin de juin
« La lettre qu'il vous a plu m'escrire , lui
dit-il, m'a donné une joye d'autant plus
grande, qu'elle me faict cognoistre que
vous n'avés pas désagréable le long séjour
que je fais à Blérancourt, non plus que la
liberté que j'ay prise de vous convier de
l'achever. Un sy beau commencement mé-
rite de recevoir sa perfection de vostre
main; et, si je désire qu'il n'y ait rien a
refaire en vostre maison , je demande à
Dieu qu'il en soit de mesme en vostre
santé , que je vous souhaitle entière , comme
e.>itant, etc. » (Notée à la fin du volume.)
CARni.XI. DE niCHr.l.lKU
88
698 LETTRES
dont vous puissiés user en Testât où vous estes, pour vostre guérison,
je vous fais cette lettre pour vous conjurer, non seulement de vous
conformer à leurs avis et les suivre , mais aussy de n'y perdre aucun
temps et de partir le plus tost que vous pourrés, puisque de ce voiage
deppend le recouvrement de vostre santé, et celuy de l'usage de
vostre bras '. Je ne vous dis point le desplaisir extresme que j'ay des
douleurs que vous ressentes, et de l'incomodité que vous en recevés,
parce qu'il vous sera aisé de le juger par l'affection que j'ay tousjours
eue pour vous et pour tout ce qui vous louche. Je vous conjure de
croire qu'elle sera tousjours telle que vous la pouvés désirer d'une
personne qui est véritablement,
Madame,
Vostre très aBectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Blérancourt, ce i 2 juin i6/to.
Ma niepce de Brézé trouvera icy le souvenir que j'ay d'elle, et le
désir que j'ay qu'elle croisse en beauté et en sagesse.
CCCXLVn.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. M«' le duc d'Aumalo. — Original.
SUSCRIPTION :
A MONSIEUR MONS. DE BULLION,
CONSEILLER DU ROY EN SES CONSEILS ET SURINTENDANT DES FINANCES, À PARIS.
18 juin.
Monsieur, je ne veux pas manquer de me resjouir, avec vous, de
l'accouchement de vostre belle lille, qui, vous ayant donné les pré-
mices de son sexe, vous donnera ensuite ce que vous pouvés désirer.
Ensuitte, en vous donnant avis du siège d'Arras, commencé le
' Dans une autre lettre du cardinal à (p. 31 4) , il est déjà question de ce mal
M"" Bouthillier, du mois d'octobre i638 de bras, «dont je suis en peine, ? disait-il.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 699
I 3 de ce mois, je vous conjure d'envoyer en poste ce coquin de Roze '
à Amiens et à Dourlans, où il n'y a ny un grain de bled de sa part,
ny un sol pour en acheter. Je confesse rjue tels gens sont capables
de faire perdre la tramontane au plus prudent pilote du monde, et,
passé cette année, rien au monde n'est capable de me faire fier en
de telz affronteurs. Faites-le, s'il vous plaist, et vous asseurés que
je suis.
Monsieur,
Vostre très affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
A Blérancourt, ce 18 juin i64o.
CCCXLVIII.
Cabinet de S; A. R. M*' le duc d'Aumaie. —
Original, sans signature, de ia main de Cherré.
[A M, DE NOYERS^^
DeMagni, ce iSjiiin i6âo.
Je suis très aise que les affaires d'Arras s'avancent comme vous
me le mandés.
J'espère que vostre voiage à Amiens hastera et les voitures du pain,
et pourvoiera sy bien aux charrois que nous en aurons à revendre.
Il ne se peut mieux pourvoir que vous avés faict aux six mile
hommes qu'on demandé.
Après avoir pensé aux costez de deçà, il ne faut rien oublier pour
pourvoir aux affaires d'Italie, dont la longueur du siège de Thurin
me fasche par prévoyance '.
' L'afiaire fit du bruit à Paris, Henri '' La suscriplion manque. De Noyers
Arnauld écrivait au conseiller Barillon, était en ce moment à Amiens,
dès le a5 mai; «Roze a couru fortune ' Le9dejuinIUcl1elieuecrivailaM.de
d'eslre ruiné, pour avoir laissé manquer LaCour,envoyédeFranceprèsladucliesse
de pain l'armée de M' de La Meilleraie. d de Savoie, lequel avait mandé que « Ma-
88.
700 LETTRES
S'il se peut adjouster quelque chose aux diligences pour faire passer
les six régimens de M' de Bordeaux et le reste des recrues , il le faut faire.
Si mesme il y avoit lieu d'y en faire passer davantage , j'y donne-
rois les mains de bon cœur, sans réserver le régiment de Normandie,
que je voudrois qui y fust sauté comme les autres ^
Si les secretz que vous avés de diligence vous fournissent quelques
expédiens en ce sujet, je vous conjure de vous en servir. M' d'Har-
court m'escrit aussy pour quelque manque qu'il y a à l'argent dont
il dict qu'il vous escrit au long, je vous prie d'y donner ordre, et
mesme , s'il faut pour une telle affait-e plus de fonds qu'on n'a préveu,
je m'asseure que M' de Bull ion, cognoissant l'importance de Turin,
ne fera point de difficulté de le fournir; et, s'il ne le peut pas faire,
je consens qu'il soit pris de nostre petit fonds, et vous prie ne i'es-
pargner pas. Vous asseurant, comme vous sçavés bien, que je don-
nerois de bon cœur de mon sang pour que ces deux entreprises de
Thurin et d'Arras réussissent à l'avantage du service du roy.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Je seray ravy que le bénéfice que mons' Le Roy^ désire pour son
frère réussisse à son contentement.
Rossignol travaille à deschifFrer les lettres que vous avés envolées.
dame esloil maintenant en disposition de fesse que j'en suis outré, et que je ne sçays
s'unir entièrement aux intérests du roy, et plus quel jugement faire des intentions de
de suivre les conseils que S. M. et ses ser- Madame après un tel abandonnemenl. Je
yiteurs luy donneront pour son bien — » vous conjure de luy représenter le préju-
« Mais,disaitRichelieu,elleyaestéjusques dice qu'elle faict aux affaires générales et
iey si peu sensible, que j'apréliende que aux siennes par une telle conduitte, la-
ie changement qui paroist en son esprit quelle est capable de faire perdre l'entre-
ne soit que dans l'apparence, et qu'elle prise de Turin , etc. ..» Celle lettre à M. de
ne veuille pas en effect sortir du précipice La Cour, que nous noterons aux Analyses ,
où elle est tombée par sa faute. » Richelieu a été imprimée.
se plaint que la duchesse n'assiste pas ' Richelieu avait écrit à l'archevêque
comme elle devrait M. le C. d'Harcourt, de Bordeaux qu'on lui laissait le régiment
« en l'exécution d'un dessein où S. A. a le de Normandie, ainsi qu'il le désirait. (Ci-
principal intéresl... cette négligence me après, aux Analyse.^ , lettre du lo juin.)
touche si sensiblement que je vous con- ' Premier commis de dé Noyers.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 701
CCCXLIX.
Cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. — Original.
SnSCRIPTION:
POUR M. DE NOYERS,
À AMIENS.
De Chaulnes, ce ig [juin], à 3 heures du matin.
Je croy que l'advence que monsieur de Noyers a faict à Amiens
sera grandement utile pour Arras, dont le bon événement deppend
de la seureté des convois et de l'abondance des vivres que nous
pouvons mettre dans le camp.
Quoyque nous ayions mandé à M" les généraux que les travaux
pourroyent estre faicts par les soldats, je suis d'advis que nous leur
envoyions le plus de paysans qu'il sera possible, le plustost que nous
pourrons, et avec bonne escorte, et partant je conjure mons' de Noyers
de faire ses diligences à celte fin.
J'advoùe que Turin commance à me donner de l'inquiétude; je
conjure M' de Noyers de faire pourvoir à l'argent qu'il jugera y estre
nécessaire, ainsy que je luy manday hier, soit par M' de Bullion, soit
par nous.
Quant aux troupes qui passent, je le prie aussy de ne plaindre
pas un courrier pour mander à M' le Prince qu'il ne craigne pas de
joindre Normandie aux six régimens qu'il doit faire passer delà les
monts, selon le dernier ordre qu'on luy a envoyé; ou, s'il n'a point
changé le premier ordre qu'il avoit eu de comprendre Normandie au
nombre des six régimens destinés au secours de Turin, qu'il le suive,
s'il luy plaist, et cela plus diligemment qu'il pourra. Le bon succès
du siège de cette place deppendant du temps.
En un mot, Turin et Arras doivent estre l'objet qu'on doit avoir
devant les yeux pendant cette campagne. Il ne faut rien oublier de ce
qui se pourra pour avoir bonne fin de ces deux affaires, dont les
commencemens sont fort beaux.
702 LETTRES
Monsieur de Noyers se souviendra, s'il luy plaist, qu'il n'aura ja-
mais Luzignan et les autres régimens qu'il faut faire venir à temps,
s'il n'envoyé des commissaires exprès pour les faire partir et les con-
duire tout au long du chemin.
Il faut sommer M"' de Saligny de la promesse qu'il a faicte d'en-
voyer deux mil hommes de Normandie avec le régiment de Mont-
mege. Je croy bien qu'il ne l'accomplira pas, mais nous verrons son
effort.
Le Gard. DE RICHELIEU,
CCCL.
Arch. de Contlé. — Communication de S. A. R. M'' le duc d'Aumale. —
Original.
SUSCRIPTION :
A MONSIEUR MONSIEUR LE PRINCE.
20 juin i6'io.
Monsieur, Le siège
de Turin est de telle importance, non seulement pour l'Italie, mais
aussy pour le général des affaires du roy, que je ne puis que je ne
vous conjure encores de nouveau par ces lignes de faire en sorte que
les troupes que vous avés eu ordre d'y faire passer soient les plus
fortes et les plus complettes qu'il se poui-ra. Si vous pouvés vous
mesme les conduire jusques à Grenoble, et joindre, aux six régimens
qu'on a destinez pour fortiffier M'' le comte de Harcourt, celuy de
Normandie, et quelques autres de ceux qui sont en Languedoc, au
cas qu'ilz soient pretz, ce seroit un coup de partie, parce que vostre
authorité et vostre présence empescheront que les dicts régimens ne
se desbandent par les chemins, et feront haster les officiers qui ne
peuvent trop tost rendre leurs corps dans l'armée qui, en vérité, a
besoin de ce renfort. Je vous conjure, Monsieur, de prendre cette
peyne, et de faire en sorte qu'il passe six mile hommes effectifz en
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 703
Italie. Je ne manqueray pas de faire valoir ce voiage au roy comme
il fault, et aussy tost que vous serés arrivé à Grenoble, vous pourrés
retourner en tel lieu qu'il vous plaira.
Je ne vous mande point que le siège d'Arras est commencé, et
que nous en espérons fort bonne issue '. Sans flaterie, M' d'Anguien
y tesmoigne toute la bonne conduitte, le cœur et la sagesse qu'on
sçauroit désirer, et, en vérité, j'espère que vous en aurés grand con-
tentement. Je vous conjure encore une fois de satisfaire au contenu
de la présente, et de croire que je suis et seray tousjours vérita-
blement.
Monsieur,
D'Amiens, ce 20 juin i64o^
Vostre bien humble et irfs affeclionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Une letire d'encouragement pour le.s
travaux du siège fui écrite aux généraux,
ce même jour ao juin , par de Noyers, se-
crétaire d'Etat de la guerre ; cette lettre est
faussement attribuée à Richelieu par Au-
béry (t. IV, p. ^Bg) et par les compila-
teurs qui le copient (recueil de 1696,
1. 1, p. 207). Celte lettre, datée d'Amiens,
commence ainsi : « Messieurs , le roy receut
hier, en arrivant en celte ville, un grand
contentement lorsque je luy dis les dili-
gences que vous apportés au travail de
vostre circonvallalion. » Or Kichelieu n'é-
tait pas à Amiens le 19 juin, il n'y arriva
que le lendemain ; de Noyers , lui , s'y trou-
vait avec le roi.
' Par une seconde lettre, Richelieu in-
dique à M. le Prince un chemin plus court
de trois journées que celui de Grenoble
pour faire passer les troupes en Italie.
(Ci-après, aux Analyses.) — Le cardinal
était arrivé ce jour ao juin à Amiens, et il
y demeura jusqu'au i" septembre. Il des-
cendit à la maison du gouverneur, qu'on
nommait le logis du roy, où M. le Premier
lui fit la harangue. Les anciens registres
de l'hôtel de ville d'Amiens conservent une
espèce de journal du séjour du roy et du
cardinal à Amiens. Nous en avons sous
les yeux un extrait que M. H. Dusevel a
envoyé nu Comité historique du ministère
de l'instruction publique.
704 LETTRES
CCCLI.
Arch. de Coudé, n° gS. — Communication de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. —
Original.
SUSCRIPTION :
A MADAME MADAME LA PRINCESSE.
26 juin.
Madame,
La part que je prends à vos contentemens ne me permet pas de
vous celer plus longtemps celuy que je ressens, en mon particulier,
de la bonne conduitte de M' le duc d'Anguien, et de l'estime qu'il
s'est acquise dans l'armée, où il ne laisse passer aucune occasion sans
tesmoigner ce qu'il vault. Il en a rendu depuis peu une nouvelle
preuve, dans un grand combat qui s'est donné entre le quartier de
M' de La Meilleraie et celuy de Lamboy, où, en vérité, il a faict tout
ce qu'on pouvoit attendre d'une personne de sa naissance et de son
courage. Je ne vous en mande point les particularitez , me contentant
de vous asseurer. Madame, que l'avantage est tout entier du costé du
roy ; que Monsieur vostre fils se porte fort bien, et que je suis et seray
lousjours, autant qu'on le peut estre.
Madame,
Vostre très liunibie et très afieclionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Amiens, ce 26" juin i64o.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 705
CCCLII.
Arch. des AIT. étr. Angleterre, t. 48, fol. i36 '. —
Mise au net de la main de Charpentier.
Bibl. imp. Baluze, arm. V, paq. 4 , n° 2 , foi. 19. —
Copie de la main de Baluze '.
[POUR M. DE CHAVIGNI?]
[ Fin de juin , ou juillet. ]
Il est certain qu'on ne sçauroit ny par raison, ny par bienfaits, ny
en quelque façon que ce puisse estre, s'asseurer d'un Anglois.
La personne de Montaigu doit estre fort suspecte, tant à raison
de son humeur, la condition de son esprit, que du peu de temps
qu'il y a qu'il s'est faict catholique, et du sujet qu'il y a de craindre
qu'il ne l'ait faict que pour plaire à la reyne, et pour parvenir aux
grandeurs ecclésiastiques.
Lenox a le vice général de sa nation, il est frère du duc de Lenox,
qui est tenu Espagnol en Angleterre, et qui a esté faict grand d'Es-
pagne, chose du tout extraordinaire à un estranger de telle condition,
qui est sujet d'un autre roy.
Ainsy il est non seulement difficile, mais du tout impossible de
prendre quelque seurelé que ce puisse estre dans l'un de ces deux
sujets, ny autre Anglois, quel qu'il puisse estre.
Ce qui seroit à désirer est que le grand aumosnier de la reyne,
neveu du cardinal du Perron, qui porte son nom, fust recommandé.
Outre que le nom de son oncle luy est avantageux, il est homme
sage, de fort bonnes lettres, bon prédicateur, très dévost, et très
affectionné au saint siège, et duquel on peut respondre que la maison
barbarine pourroit faire autant d'estat que s'il estoit Italien.
' Dans le ms. des Affaires étrangères la tien, il a seulement écrit en lête de sa
pièce n'est point datée, et elle est classée copie : « Mémoire du cardinal de Pùche-
entre juin et juillet de l'année i64o. lieu, touchant la nomination au cardinalat
' Baluze n'indique ni dale ni suscrip- pour un Anglois.»
CARDIN. DE HICHELIF.D. — VI. 89
706 LETTRES
La reyne a donné espérance au dict s' du Perron de le recomman-
der conjointement avec les autres; si cela se peut, on peut respondre
à la Dame qu'il recevra tout service de ce personnage, comme de
ceux qui luy sont du tout asseurez.
Au cas que le dict s' du Perron ne puisse estre recommandé de la
reyne ', on est obligé de dire en conscience, que, pour ne point faire
de préjudice à l'Esglise , le pape doit plustost retenir la place qu'il veut
donner à l'Angleterre in petto, que de faire [cardinal] l'un des deux
Anglois susdicts, qui pourroient estre grandement préjudiciables aux
catholiques en Angleterre, les puritains s'irritant d'autant plus contre
eux, qu'ils voient que le roy et la reyne recherchent et reçoivent des
grâces de Rome, et establissent une correspondance entre eux.
Cette dernière raison, qui doit estre de très grand poids en l'esprit
de Sa Saincteté, favorise tout à fait le s"" du Perron, parce que, n'estant
pas sujet du roy d'Angleterre, les puritains n'ont pas la mesme prise
contre luy, ce qui n'empesche pas qu'il ne soit tout à la reyne, et
qu'il ne puisse en cette considération favoriser grandement le party
des catholiques en Angleterre.
CCCLIII.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. M*' le duc d'Auuiale. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE BILLION,
SDBJNTENnANT DES FINANCES, À PARIS.
D'Amiens, ce 3 juillet 1 6^0.
Ce billet est pour parler à Monsieur de BuUion de deux affaires
' Il y a ici, dans le manuscrit des Aff. clinalion vers la France. » Si ce passage a
étr. un passage qui a été barré, el où il été omis dans l'original, que nous n'avons
est question d'un qualrième candidat : « Le pas trouvé, c'est sans doute que la candi-
P. Philips, confesseur de la reyne, lequel, dature de ce père, recommandée par le car-
eslant Escossois, ne donne pas sujet de dinalBagni, aura été abandonnée. Au reste,
craindre qu'il ait liaison avec Espagne, veu j'ai plus d'une fois rencontré des passages
que celte nation a tousjours eu plus d'in- barrés seulement par le fait des copistes.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 707
que j'estime* de grande considération, et sur lesquelles je le conjure
de faire la réflexion qu elles méritent.
La première est celle des curez et autres ecclésiastiques que l'on
veut mettre à la taille, laquelle est capable de révolter tous les es-
prits les mieux alfectionnez au temps, et donner lieu aux mauvais
d'en proffiter'.
' Une requête signée de dix curés de
Paris avait élé adressée à Richelieu, le
3o juin : I Nous avons recours à
V. Em. (dbaienl-ils), sur la nouvelle en-
treprise qui est faicte du 1 5 de ce mois de
juin, contre nos personnes, nos biens,
ceux de nos prestres habituez et des autres
ecclésiastiques du royaume, par laquelle
nous sommes tous déclarez taillables ainsy
que le tiers estât, nonobstant nos décimes,
qui sont tailles volontaires, et les immunilez
de tous temps accordées à l'Esglise. . . ■
Un certain M* Jean Paleologo , munition-
oaire des vivres es armées et garnisons du
roi, leur envoie des exploits en vertu d'un
arrêt du conseil du dernier mars , rendu
en conséquence dune déclaration de S. M.
du mob de février. Us se sont adressés
d'abord à M. le prieur de Suint-Denis de
la Chartre, l'un des agents du clergé, du-
quel ils apprirent que cette mesure élait
prise contre les intentions du cardinal;
ils ont été voir M. le chancelier et M. de
BollioD, qui leur assurèrent que ce n'était
qu'une surprise de traitants. « Mais ayant
sceu depuis que M. de Bullion prélendoit,
sans remise, nous faire lous contribuer à
celte nouvelle taille, nous nousjettons tons
à vos pieds, M'', pourimplorervoslreautho-
rité contre cette usurpation manifeste sur
les droits et franchises de l'Esglise. . . > Dans
cette longue supplique les requérants ne
manquent pas d'invoquer l'opinion de Ri-
chelieu lui-même et • celte excellente re-
monstrance » qu'il prononça aux Etats de
i6i4' • Nous supplions très-humblement
V. Ém. nous permettre seulement d'em-
ployer vos mesmes raisons auprès de vous
pour obtenir du roy la descharge de ces
taxes si extraordinaires. . . » ( Arch. des AIT.
étr. France, i6Ao, sept premiers mois,
fol. 3i8. Original.) — Bullion se hâta de ré-
pondre à cette dépêche. • . . . Les deux af-
faires dont il a pieu à V. Em. m'escrire sont
de considération; M. le chancelier et moy
sommes demeurez d'accord que devant
trois ou quatre commissaires et un inten-
dant on apportera une surséance, aOîn
qu'au retour de la campagne le roy et
V. Em considèrent de plus près ce qu'il
faudra faire. > Bullion explique la question
ecclésiastique, et pour retarder la décision
il répète : • L'affaire mérite que V. Em. en
entende le menu affin de résoudre tout
ce qu'il plaira à V. Em. commander. • —
■ Pour la noblesse de Normandie, il faut
y apporter des précautions, et n'ataquer
ceulx qui portent les armes; et peut-estre
faudra-l-il user de surséance, à quoy on
travaillera au plus losl après avoir ouï les
commissaires députez. Nosire malheur est
que nous ne sommes plus au choix des
bonnes affaires à cause des despenses pas-
sées, et les despenses présentes ne peuvent
aller sans moyens extraordinaires; il fault
tous les ans trouver près de quarante
89.
708 LETTRES
La seconde est la recherche de nobles de Normandie, sur la-
quelle on doit avoir d'autant plus d'esgard, que M' de Saligny, qui
est sur les lieux, escrilque la province, qui estoiten repos, commence
à se retroubler sur ce sujet, et qu'il est à craindre que cette recherche,
qui apportera peu d'avantage, ne produise beaucoup de mal en un
temps comme celuy-cy, où la plus part des nobles servent actuelle-
ment dans les armées.
jyjonsr (jg BuUion ne doute point, je m'asseure, que. je ne désire le
soulager, autant qu'il m'est possible, mais je m'asseure qu'il re-
cognoislra que c'est le faire que de le prier de ne penser pas à cer-
taines affaires capables d'allumer des feux qu'on ne sçauroit esteindre'.
Je le conjure donc de contenter M" du clergé aux justes préten-
tions qu'ilz ont en l'affaire dont il est parlé cy-dessus, et de donner
l'ordre qu'il estimera, avec M''* du conseil, estre nécessaire à celle
de Normandie.
Le Gard. DE RICHELIEU.
millions à cause des advances pour le con-
tant Il y a plus de six jours que j'ay
escril à M. de Noyers que pour soulager
l'esprit de V. Em. je faisois un effort ex-
traordinaire. . . » Suit l'exposé de tous les
payements auxquels il a été pourvu ; Bul-
lion continue : « Ayant tant d'argent et en
tant de divers lieux à distribuer, la plupart
du temps je suis hors de moy et entre
quasi en désespoir de pouvoir soustenirle
fardeau Mais dans la protection de
V.Ém.jeferay l'impossible, et prends pour
ma véritable devise : Te stante virebo. » Celte
lettre sur laquelle nous nous sommes un
peu arrêté , parce qu'elle donne de curieux
détails sur les embarras financiers du
temps, est conservée, en original auto-
graphe dans la collection France, tome gS,
à la date du 6 juillet. Malgré ces belles
protestations de BuUion, le décourage-
ment le reprenait sans cesse; le 39 août il
écrivait encore à Richelieu. « . ..En vérité
je suis obligé de dire à V. Em. que j'apré-
hende que nous ne puissions satisfaire aux
despenses de la seconde monstre à cause
que l'ordre que V. Em. avoit résolu pour
l'an 1 64o a esté excédé de plusieurs mil-
lions et que nostre recepte manque , n'ayant
peu venir à bout des offices des maistres
des requestes de nouvelle création, ny de
la Chambre des comptes , les officiers estant
plus revesches et plus attachez à la faction
que jamais... » (Arch. des Aff. étr. France,
lettres des ministres, fol. i45.)
' Les séditions éclataient alors en
France dans la plupart des provinces, ac-
cablées du fardeau des impôts, toujours
croissanis, et BuUion était en butte à une
haine qui se manifesta à sa mort parmi la
population deParis. (Voy. ci-après, p. 7.35.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
709
CCCLIV.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. M** ie duc d'Aumale. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE BULLION,
SORINTENOiNT DES FINANCES, À PARIS.
D'Amiens, ce 1 4° juillet i6iio.
Je suis tellement satisfaict des soins et des diligences de Mon-
sieur de Bullion aux aflaires desquelles le service du roy et le bien
de l'Estat deppendent présentement, que je ne luy sçaurois assez
tesmoigner. IW de Chavigny luy envoie les ordonnances nécessaires
pour M' le prince d'Orange, pour la Suède et pour madame La
Landgrave. Je le prie d'effectuer le dessein qu'il a pris de satisfaire
h ces parties, en sorte que chacun en soit content.
Nostre siège d'Arras va fort bien, vous le verres par une lettre que
m'escrit M. de Chaslillon, laquelle vous me renvoyerés, s'il vousplaist,
après l'avoir veue. Nous travaillons icy à ce qu'il faut pour les convoys;
il y a de la difficulté \ mais j'espère, par la grâce de Dieu, que nous
la surmonterons, et, cela estant, le succez du siège sera asseuré.
Je vous avoue que je suis bien las de la guerre, tant pour la peine
' Les convois et les vivres de l'armée
onl alors sérieusement préoccupé Riche-
lieu, qui répétait sans cesse que le succès
du siège d'Arras en dépendait. Outre cette
dilTiculté des convois, la dilapidation des
vivres l'inquiétait beaucoup; il écrivait
à M. de Grémonville, intendant de l'ar-
mée ; « Les munitionnaires ayant rapporté
que le pain qu'on fournit à l'armée pour
sept jours , à raison de trente deux mille
rations par jour, est consommé en quatre
ou cinq , je vous fais ce mot pour vous
prier de tenir la main à ce que cela n'ar-
rive plus à l'avenir, parce que, si cela
avoit lieu, il seroit impossible de fournir
l'armée et de donner moyen à. M" les gé-
néraux d'achever leur siège sans crain-
dre le manque de pain, à cause de la dif-
Cculté des convoys, qui ne peuvent pas
partir plus souvent qu'ils ne font. . . • Cette
lettre, qui sera citée aux Analyses, n'est
point datée; elle a été écrite lorsque le
siège d'Arras tirait à sa fin : cette place
se rendit le lo août. (Voy. au sujet de la
dilapidation des vivres , ci-après , p. 734
et note.)
710 LETTRES
qu'il y a, que pour d'autres considérations que vous pouvés bien
juger. Ma consolation sera tousjours de regarder Dieu, et me tenir
le plus joyeux que je pourray, en faisant tout ce qui se peut faire
pour le bien de l'Estat et pour le service du roy.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Je vous remercie de ce que vous me mandés de l'affaire de M. Ros-
signol ^
CCCLV.
Bibl. imp. Cinq-cents Colberl, t. 6, fol. 270. — Original.
SUSCRIPTION I
A M. MOLE,
CONSEILLER DU BOÏ EN SES CONSEILS D'ESTAT ET PKIVÉ, ET PnOCDREUn GÉNÉRAL EN SA COUR DE PARLEUENT.
À PARIS.
16 juillet i64o.
Monsieur, Ayant apris le dessein que Madem"*" de La Forest a
faict d'abjurer l'hérésie et d'embrasser la vraye religion, et que,
pour cet effect, elle s'est retirée dans l'hostel des nouvelles catho-
liques, dont madame de La Forest sa mère, qui est de la rehgion
prétendue réformée , prétend la retirer conlre sa volonté, employant
à cette lin toutes sortes de moyens, je vous fais cette lettre pour vous
dire que le d. hostel, qui est sous ma protection, ayant esté estably
pour une retraite asseurée de celles qui se veulent convertir à la
foy, vous ne devés pas permettre que la d. Dam^'^ en sorte contre son
intention, ny mesme qu'elle soit troublée en son bon dessein par
les violences de sa mère^. Le roy ayant permis par ses édicts la li-
' Ceci répond à une lettre du 12 juillet, ' Le manuscrit des archives des Affaires
où Bullion écrivait à Richelieu : «Quant étrangères (Frauce, i64o, sept premiers
à M. Rossignol, j'ay parlé à M. Galand, mois, fol. SgS) nous donne la réponse de
qui m'asseure qu'il cerche de touls cos- Mole, datée du 22 juillet. M"' de La Forest
tezpour trouver quelque chose qui puisse avait fait abjuration la veille; sa mère s'é-
réussir. Je ne manqueray d'y tenir la main. tait pourvue à la Chambre de l'édit, mai» ,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 711
berté de coûscience donl jouissent ceux de la R. P. R. il ne seroit
pas juste d'en priver ceux qui veulent suivre la véritable religion, que
vous avés tousjours sy puissamment protégée, que je ne doute nule-
ment que vous n'apportiés en cette occasion tout ce qu'on peut attendre
de vostre piété. Je vous en conjure, et de croire que je suis,
Monsieur,
D'Amiens, ce 16 juillet i64o.
Vostre afiectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
NOTA.
Le siège d'Arras fut un des événements les plus considérables de l'année i64o ,
et nous avons un certain nombre de lettres du cardinal aux généraux , qui prou-
vent l'importance que Richelieu attachait à cette entreprise. Presque toutes ayant
été imprimées, nous ne ferons que les indiquer en quelques mots à la fin du
après lui avoir inutilement conseillé de se
désister d'après diverses considérations ,
Mole lui lit voir la lettre de Richelieu, et
la dame abandonna sa poursuite; «elle
vous conjure néantmoins, ajoute Mole,
de comender qu'elle soit mise avec quel-
ques dames de condition pour y estre nor-
rie et élevée selon que sa naissance le
mérite. • Mole insinue avec discrétion au
cardinal qu'il serait juste d'avoir celte
condescendance pour la mère de M"* de
La Forest : • Cet hostel des nouvelles ca-
tholiques, dit-il à Richelieu, semble estre
destiné pour retirer celles qui se veulent
convertir, les faire instruire et leur faire
faire profession de foy, et non pas pour les
retenir tousjours. « Et pour faire passer
le conseil, Mole le fait précéder d un com-
pliment : « Les actions de piété que V. Ém.
exerce publiquement, el le secours qu'elle
demande continuellement au ciel en tire-
ront tousjours de nouvelles laveurs pour
le bonheur de la France. . . » Mo'é fit plus
encore, ainsi qu'on le voit par une nou-
velle lettre de Richelieu , dont mention
sera faite aux Analyses, à la date du a6
juillet. « Monsieur {dit le cardinal) , ayant
veu par la lettre que m'a apportée M. de
La Forest de votre part, que vous estimés
que. M"" sa î-œur luy estant remise entre
les mains, elle sera hors de péril d'estre
violentée et tourmentée par Mad' sa mère
sur le sujet de sa conversion , ces trois
mots sont pour vous dire que je me rap-
porte entièrement à ce que vous jugés de-
voir esire faict en cette affaire » La
haute société de Paris s'occupait beaucoup
de cette conversion. Nous lisons dans la
correspondance de Henri Arnauld avec
Barilion, à la date du 32 juillet : « 11 y
eust hier à Saint-Victor (c'estoit la feste)
une musique d'importance, il y avoit un
monde estrange; M. de Paris y officia et y
receut l'abjuration de M"* de La Forest,
qui est une fdle de condition de Nor-
mandie. »
712 LETTRES
volume, ce qui rend nécessaire de donner ici une idée succincte de la corres-
pondance relative à cette affaire.
L'armée française se réunit devant Arras sous le commandement des maré-
chaux de Chaulnes et de Châtillon, le i3 juin; le 17, Richelieu se hâtait de
féliciter les généraux des bons commencements de leur siège et les engageait
à presser la circonvallation. Le 21 il leur écrivait deux lettres; il s'agissait d'or-
ganiser des convois plus forts qu'ils ne l'avaient fait jusqu'alors et d'envoyer de
la cavalerie à M. de Saint-Preuil , gouverneur de Doullens, afin qu'il pût leur
fournir une puissante escorte. En se réjouissant du bon état où les travaux
étaient parvenus le 28 juin, Richelieu pressait les généraux d'ouvrir les tran-
chées sans perdre un moment, et il leur annonçait une montre attendue avec
impatience. Les reproches se mêlent aux félicitations; ce billet est pour dire à
MM. les généraux (leur écrivait le cardinal, à la date du 1" juillet, 9 heures
du soir), que le roi s'étonne extrêmement qu'ils n'aient envoyé à Doullens que
1 ,000 chevaux et 600 hommes de pied pour faire l'escorte du grand convoi qu'on
leur a plusieurs fois annoncé devoir arriver sans faillir les derniers jours de
juin : «J'avoue que si ces messieurs n'ont une révélation par laquelle Dieu leur
donne asseurance que ledict convoy ne sera point attaqué des ennemis, je ne sçay
quelle raison ils peuvent avoir de hasarder une affaire sy importante avec sy peu
de seureté. » En même temps le cardinal leur faisait écrire coup sur coup deux
lettres par de Noyers : « \ vray dire, leur mandait le secrétaire d'Etat de la
guerre, il n'y a point d'apparence de bazarder une chose de cette importance,
qui vault plus d'un million d'or. »
Enfin le maréchal de Châtillon ayant informé Richelieu que la circonvalla-
tion était tout à fait terminée : « Je ne vous tesmoigne pas par ces lignes la joie
que j'en ressens, lui mande le cardinal, et la satisfaction que j'ay de voir que
les François, qu'on n'avoit pas jusques icy tenus autrement propres à sy bien re-
muer la terre, aient au moins esgalé les HoUandois en celte occasion, qui n'en
firent jamais une telle estendue en sy peu de temps. » (du 1" juillet.)
Le cardinal-infant entreprit vers la fin de juin de faire lever le siège. Le ma-
réchal de La Meilleraie proposa, dans un conseil, de sortir des lignes pour aller
attaquer les Espagnols; le maréchal de Châtillon fut d'un avis opposé. « Le seul
expédient que l'on trouva pour les accorder, dit le père Griffet dans son Histoire
de Louis XIII, fut de donner un excellent coureur au s' Fabert, pour aller trou-
ver le cardinal, qui éloit alors à Dourlens, afin d'avoir son avis. Fabert rapporta
pour toute réponse un billet de Son Eminence, qui était conçu en ces termes : »
'< Je ne suis point homme de guerre ni capable de donner mon avis sur ce sujet.
U est vray que j'ay beaucoup lu, mais je n'ay pas trouvé que l'on soit sorti des
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 713
lignes pour combattre les ennemis, après avoir demeuré dix-huit jours entiers à
les faire. Lorsque le roy vous a donné à tous trois le commandement de ses ar-
mées, il vous a cru capables, et il luy importe fort peu que vous sortiez ou que
vous ne sortiez pas : mais vous répondrez de vos têtes si vous ne prenez point la
ville d'Arras. » Je n'ai trouvé nulle part ce billet manuscrit; l'historien qui le
cite, d'après les mémoires de Puységur, fait observer que ce style diffère du lan-
gage ordinaire de Richelieu. Il aurait pu ajouter que peut-être le cardinal n'aurait
point parlé sur ce ton d'un conseil donné par La Meilleraie ; cependant, tout en
exprimant un doute, on ne peut pas aller jusqu'à affirmer que ce billet est sup-
posé. Le cardinal, qui souhaitait ardemment la prise d'Arras, a pu parler ici avec
quelque vivacité, et, quoiqu'il ne fût pas sans prétention à la science du général,
il a pu dire, « Je ne suis point homme de guerre, «dans une circonstance où, pour
laisser toute la responsabilité aux trois maréchaux , il refusait de donner un ordre ,
ou seulement un conseil direct, car au fond il donne un avis d'une façon détournée,
et un avis basé sur l'étude des choses de la guerre. Quoi qu'il en soit, il ne faudrait
point passer sous silence ce curieux billet dans la correspondance du cardinal. 11
n'est point daté, mais il ne peut avoir été écrit que dans les premiers jours de
juillet, puisqu'il y est dit que les travaux du siège avaient été commencés depuis
dix-huit jours. Richelieu ne cessait pas de suivre avec la vigilance la plus attentive
toutes les opérations de l'armée assiégeante, ni de prendre de loin une part active
au siège par ses conseils de tous les jours. Le 1 4 juillet , il écrivait aux généraux :
• Il faudroit estre aveugle pour ne voir pas que, si les ennemis eussent eu dessein
d'attaquer la circonvallation , ils l'eussent faict d'abord, et maintenant ils n'y
peuvent plus penser sans faire une extravagance inconcevable, laquelle ne con-
vient ny il l'humeur espagnole, ny à Testât présent des Pays-Ras, qui seroient
perdus s'ils avoient perdu un combat général.. . le dessein des ennemis ne peut
estre autre maintenant que de traverser les convois. . . donc le principal but que
M" les généraux doivent avoir de leur costé, et nous du nostre, est de faire passer
un grand convoi par le moyen duquel la prise d'Arras soit asseurée. . . » Et le car-
dinal leur prodigue les avis, il les presse, les supplie, les conjure (ce sont ses
expressions) de faire tous les efforts possibles pour s'emparer d'Arras, « qu'il faut
prendre à quelque prix que ce puisse estre. » Le 17, Richelieu envoie un cour-
rier avec une dépêche en chiffre, pour modifier certaines dispositions qu'il avait
recommandées dans sa lettre du i4 ' : « La nuit du mercredi au jeudi M. de La
' On peut voir aussi deux mémoires impériale, fonds Béthune, gaôi , fol. ia8
chiffrés et aux mêmes dates, 1 4 et 19 juil- verso, i4a verso, et 5oo Colbert, lao,
let, envoyés par de Noyers aux maréchaux fol. 63 et 66 verso.) L'un et l'autre sont
deChâtillon et deChaulnes (Bibliothèque imprimés dans Aubery (t. IV, p. 607, 618).
CAUDIX. DE niCHEI.IED.
90
714
LETTRES
Meilleraie doit sortir du camp, avec trois mille cinq cents chevaux, ainsy que
s'il vouloit venir à Miraumont, et cependant il tournera droit vers Vaux, sur le
chemin de Péronne; au mesme temps nous ferons partir nos troupes de Corbie
pour aller à Miraumont. . . et nous ferons partir un faux convoy de Doullens qui
ira jusques sur la montagne; par ce moyen les ennemis ne penseront apparem-
ment qu'à ce qui partira de Doullens et de Corbie. . . » Le surlendemain ig , autre
dépêche chiffrée : « On renvoie Chouppes pour avoir par luy une dernière réso-
lution sur la jonction, laquelle on exécutera ponctuellement, selon le rapport
qu'il fera. De peur qu'il ne soit pris, vous enverrés un duplicata de ce qu'il rappor-
tera, par deux voies différentes... » Enfin le cardinal donne de nouvelles instruc-
tions pour la sûreté des convois et la jonction des corps d'armée; il prescrit di-
verses mesures selon diverses éventualités. Le lendemain Richelieu adresse aux
généraux une troisième dépêche chiffrée; celle-ci n'a pas été imprimée, nous la
donnons in extenso; toutes celles que nous ne faisons qu'extraire ici seront notées
ci-après aux Analyses.
CCCLVI.
Bibl. imp. Fonds Bélhune, 9261, fol i5o. — Copie.
Cinq-cenls Colbert, n" 120, fol. 70 — Copie.
[AUX MARÉCHAUX DE CHAULIVES ET DE CHATILLON'.]
20 juillet i64o.
Si les ennemis sont à Miraumont, comme on dict, la jonction est.
impossible par Corbie, et très-difficile par Péronne, parce qu'ils
seront à deux lieues de Frémicourt, où il se faudroit joindre : en ce
cas, il n'y a point d'autre expédient que de pousser le temps à
l'espaule, ménageant les vivres et vivant d'orge et de seigle^, ou par
' Les manuscrits de la Bibliothèque
mettent en tète de celte pièce : « Mémoire
en chiffres, du cardinal de Richelieu.»
' Le roi écrivait ce même jour, 20, aux
maréchaux, une lettre de reproche pour
la négligence avec laquelle on laissait pas-
ser les convois de vivres du cardinal-in-
fant, et l'on peut considérer cette missive
comme étant du cardinal. — Dans celte
même lettre le roi recommandait aux ma-
réchaux de faire durer quinze jours les
vivres qui dans toute nuire circonstance
seraient dépensés en huit ; et , la lettre finie ,
il ajoutait ce postscriptum : " Ces trois mots
sont pour vous dire que ce que dessus est
absolument ma volonté, bien plus aujour-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 715
quelque autre voie extraordinaire, en sorte que les vivres du camp
durent jusques à la fin du mois.
On tiendra des blés à Hesdin et à Doullens pour que messieurs les
généraux les envoient quérir selon que la marche des ennemis leur
en donnera le moyen '.
On croit que, tenant le corps de nos troupes tousjours à Corbie,
les ennemis auront une telle jalousie du passage de Miraumont que
Messieurs les généraux auront moyen d'envoyer à Doullens quinze
cents chevaux quérir cent cinquante charrettes que nous y tiendrons
prestes à partir, chargées de vivres, et ce convoy semblera asseuré
envoyant de l'armée trois autres mille chevaux pour le recevoir.
Ils peuvent encore envoyer à Hesdin telle quantité de charrois
qu'ils voudront, où l'on leur fera donner du blé et de la farine.
d'hui encore qu'hier pour l'accidenl arrivé
à Leschelle *. » (Ms. de Colbert, cité aux
sources, fol. 69 verso.) Leschelles avait
été pris par l'ennemi. [Ibid. fol. 67 verso.)
' Richelieu , craignant que ses ordres à
ce sujet ne fussent pas assez ponctuellement
exécutés, les fit réitérer par de Noyers, le
a3 juillet : « S. Em. en conjure M" les géné-
raux par l'amitié qu'ils luy portent, et le
roy le leur commande. » De Noyers disait
encore : i Le roy vous conjure par la prise
d'Arras et vous commande comme mais tre.»
(Ms. de Colbert, cité aux sources, fol. 71.)
Richelieu écrit aussi le même jour à sept
heures du soir : « Ce billet est pour dire à
M" les généraux quelapei'rque j'ay que le
convoy qu'ils ont receu leur fasse perdre
temps à se pourvoir encore de vivres me
faict les conjurer de ne perdre pas un mo-
ment d'envoyer quérir à Hesdin les farines
qui les attendent. . . Au nom de Dieu , mes-
sieurs, exécultés ce que dessus, je vous en
conjure, et comme je m'oblige de faire va-
loir vos services, je proteste contre vous
tous si vous perdes aucun temps , et si vous
négligés aucun moyen de vous secourir
vous-niesmes. » Et le lundi aA : « Je conjure
M" deChaslillon et de Chaulnes de se sou-
venir que la prise d'Arras ne deppend pas
seulement de leur faire fournir des vivres ,
mais en oultre d'avancer tellement leurs at-
taques que les ennemis , se voyant pressés ,
aient occasion de se rendre sans attendre
l'cxlrémilé. — Je les prie de se souvenir de
l'importance de ce billet , et de me mander
bienlost de bonnes nouvelles sur ce sujet.
Lecard.DE Richelieu. • — Ces deux lettres
du cardinal, des 2 3 et a4 juillet, seront
notées à la fin du volume. — C'était ainsi
que le cardinal faisait de l'administration ,
en priant, conjurant, répétant dix fois la
même chose, en faisant donner par le roi
et par les secrétaires d'Etat les ordres qu'il
avait donnés lui-même, ou en ajoutant
ses supplications à ses ordres. Et malgré
tout cela l'organisation de celte adminis-
tration était si défectueuse que bien sou-
vent Richelieu était mai obéi.
' Petit village de Picardie, canton de >;ouvion (Aisne).
90.
716 LETTRES
C'est à Messieurs les généraux à ne perdre aucun moment pour
envoyer à Doullens et à Hesdin quérir des vivres, selon qu'ils y ver-
ront ouverture; parce que, ne pouvant remuer nos forces de Corbie
sans que les ennemis les suivent se mettant entre elles et le camp,
c'est aux forces du camp à venir prendre leurs vivres aux lieux qui
leur seront ouverts.
A Amiens, ce 20 juillet 16/io.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCLVII.
Arch. des AIT. élr. France, i64o, cinq derniers mois, fol. 3. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. ROUTHILLIER,
SURINTENDANT DES FINANCES, À PARIS.
D'Amiens, ce 2 aoust i64o.
Ce billet est pour vous dire que, par la grâce de Dieu, l'armée
de M. du Hallier, composée de dix-neuf mille hommes effectif, est
arrivée au camp avec i,5oo chariots de vivres et de munitions.
Elle a passé à la barbe des ennemis, qui n'ont osé entreprendre de
l'attaquer'.
' C'était une fausse nouvelle-, au mo-
ment même que Richelieu la donnait à
Boutliillier, l'armée française était aux
prises avec l'armée ennemie et soutenait
un combat meurtrier. Les troupes de
M. du Hallier, conduisant un convoi,
avaient fait leur jonction avec celles du
maréchal de La Meilleraie , qui était venu
à leur rencontre, le malin du 2 août, jus-
qu'à Beaufort, à trois lieues environ des
lignes de circonvallalion , et l'on se hâta de
dépêcher au roi un courrier pour lui an-
noncer que cette jonction s'était faite sans
coup férir. Les deux armées réunies se
dirigèrent alors vers le camp. « Le mares-
chal de La Mesleraye fil faire halte et un
grand déjeuner de campagne, où tous les
chefs et les princes firent une rude charge,
tesmoignans qu'ils avoient plus d'une faim ,
la principale néantmoins estant celle de
combattre. Pour laquelle appaiser aussi
en son lieu : Voicy un cavalier qui apporte
avis à toute bride, de la part du mareschal
de Chasiillon , que les ennemis atlaquoient
nos lignes. . . A celle nouvelle nostre armée
vola plustost qu'elle ne courut. . . • Le com-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 717
J'ose voiîs dire maintenant que je tiens la prise d'Arras as-
seurée.
Le Gard. DE RICHELIEU.
On me vient d'asseurer qu'il est
au camp.
bat dura jusqu'à la nuit. Ceci est extrait
d'un récit très-circonstancié , imprimé dans
la Gazette du lo août, envoyé sans doute
par Richelieu. Il rectifie et complète un
premier récit donné le 8 par ce journal.
— On voit quelle était la lenteur des
communications d'alors; Richelieu, qui se
trouvait auprès du roi à Amiens , à peu
de distance d'Arras, ne put informer la
Gazette assez à temps pour prévenir l'in-
sertion de la nouvelle qu'elle donna, le
à août, en ces termes : » ... Dieu planta
la frayeur au cœur des ennemis à un tel
point que ces nombreuses troupes espa-
gnoles accourues là de toutes parts ne de-
meurèrent pas seulement immobiles et
comme percluses, niais se retirèrent de
leurs postes de Rivière et autres lieux dans
leur païs, sans avoir ozé rien (enter contre
nos armées, qui se rendirent sans aucune
rencontre au camp devant Arras. » Heureu-
sement la nouvelle n'était qu'à moitié
fausse; l'attaque des ennemis n'avait pas
empêché le convoi d'arriver devant la ville
assiégée, et l'on put dès lors compter sur
le succès du siège. Le 8 août le cardinal
de Richelieu écrivit aux maréchaux de
Chaulnes et de Châlillon : o Si à graisse
d'argent vous pouvés avancer vostre ou-
vrage, ne le plaignes point , je vous en prie ;
il y va du tout. ■ De son côté, le maréchal
de Châlillon mandait le même jour à de
Noyers : « Ceux d'Arras viennent de faire
la chamade à la bresche de la mine de
M. le maréchal de La Meilleraie. . . nous
passé plus de deux mille chariots
somtnes après à lier la capitulation. » Celte
capitulation fut signée le g ; le texte en
est conservé dans le même ms. (Fol. 8g.)
Avant de la connaître, Richelieu en féli-
citait le général : « M. lui écrivait-il le 9, Je
ne saurois vous dire la satisfaction qu'a le
roy de la prise d'Arras, et le contentement
que j'ay, en mon particulier, de ce que
vous avés faict paroistre ce que vous valés.
J'ay tousjours attendu ce bon succès et de
la bénédiction de Dieu, et du soin et du
courage de ceux qui y ont servi. » (Ces
lettres seront mentionnées aux Analyses.)
Les Français entrèrent dans Arras le lo
août; la Gazette du i6 publiait les articles
de la capitulation; le numéro du i3 avait
donné la nouvelle de celle victoire dans
un article de quatre pages, qui apparem-
ment était de la façon de Renaudot. Mais
le 17, la Gazette en donnait un second
d'un tout autre style, il est intitulé : Rela-
tion succincte da siège et reddition d'Arras,
envoyée d'Amiens. (P. 677.) On l'atlri-
bua généralement à Richelieu. Henri Ar-
nauld écrivait au président de Barillon
le 19 août : «On croit que l'imprimé que
l'on vous aura envoyé, intitulé Relation
succincte du siège d'Arras, est faict par
M. le cardinal mesme. » On conserve à la
Bibliothèque impériale un Mémoire de
la main du roy pendant le siège d'Arras.
(Mss. de Béthune, 9837, fol. 46.) Il fut
écrit durant le séjour du roi à Amiens.
Dès le la août le roi ordonnait aux maré-
chaux les mesures qu'il jugeait néces-
718
LETTRES
CCCLVIII.
Bibl. imp. Collection Dupuy, t. ql\l\ , fol. aaô. — Copie de la main de Dnpuy.
A MONS, L'ARCHEVESQUE DE BORDEAUX.
Du 8 août i6Ao.
Monsieur, J'ay esté bien estonné et plus fasché d'avoir veu, par
vostre lettre du 2 7 juillet ', que les galères d'Espagne ayent débarqué
saires à la conservation de cette place im-
portante ; le a4 et le 2 5 de Noyers et Riche-
lieu écrivaient de longues lettres où ils
s'attachaient à tout prévoir et à tout conseil-
ler. La lettre de Richelieu sera notée à la fin
du volume. — Ce combat du a août était
d'une importance capitale; tout ce qu'il y
avait de noblesse auprès du roi avait voulu
accompagner l'armée de M. du Hallier, et
Cinq-Mars s'était rais à la tète de ce corps
de volontaires, qui ne comptait pas moins
de 1,200 hommes*. On lit dans la corres-
pondance d'Arnauld, à la date du 5: « M. le
Grand a eu un cheval tué sous luy : il a
esté très-heureux de s'estre trouvé là. Le
roy avoit eu beaucoup de peine à le laisser
aller. « Et le 8 : « M. le Grand est revenu à
Amiens avec tous les volontaires de la
Cour, où il n'estoit demeuré personne.
M. deBautrumesmeestoilallé. » — « M. de
Thou s'est trouvé au combat d'Arras et s'y
est extresmement signalé. 11 ne se peult
empescher de se trouver en ces occasions-
là. » Nous avons remarqué que le nom de
M. de Thou ne se trouve point parmi ceux
que citent avec éloge les divers récits de
la Gazette. Quant à Cinq-Mars, une parti-
cularité qui mérite d'être notée, c'est que
dans la première nouvelle que donna la
Gazette du secours du convoi, le 8 août,
il était fait mention de lui en termes ma-
gnifiques et qui semblaient lui promettre
le bâton de maréchal de France : « Nos vo-
lontaires estoient conduits par le grand
escuyer de France, lequel s'y porta de si
bonne grâce, qu'il n'y avoit celuy qui le
voyant affronter les escadrons ennemis ne
le jugeast digne héritier des titres comme
des vertus de ce généreux mareschal , qui,
mesnies en mourant, a fait redouter en
qualité de générai les armes du roy dans
l'Allemagne. » Le gazetier avertissait que
cette relation n'était pas officielle. Celle
qu'on attribua à Richelieu et qui parut
huit jours après, le 17, en parlant du
convoi ne nomme pas même le grand
écuyer. Faut-il expliquer ce silence par
cette petite nouvelle , que nous lisons dans
la lettre précitée d'Arnauld : i 11 y a eu
brouillerie entre le roy et M. le Grand , qui
a esté mal receu à son retour, de ce que ,
pendant son voyage , il n'a point escript
à S. M. .
' Un extrait de cette lettre de M. de
Bordeaux est dans le manuscrit cité aux
sources, fol. 1 97.
Voyez ci<lessns, p. 662 , sur Cinq-Mars.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 719
l'infanterie et la cavalerie qu'ils avoient en Vay '. Le plus considérable
et quasi le seul service que vous pouviés rendre esloit d'empescber
leur descente. Dans le desplaisir que j'ay que vous ne l'aycs pas faict,
ce m'a esté une grande consolation de voir que si vous en pouviés
rejetter la faute sur moy vous le fériés; et il me semble qu'estant sur
les lieux avec M' de Fourbin, il vous estoit plus aysé de mettre ordre
que les galères eussent pour 1 5 jours de vivres davantage qu'à moy
qui en suis esloigné. Vous sçavés bien qu'ainsy que je vous ay dict
plusieurs fois, je m'attends à pareilles galanteries aux occasions qui
s'en présenteront. Cependant vous trouvères bon que je vous die que
sachant ce que vous vouliés faire, c'estoità vous à vous pourvoir des
moyens convenables à vos fins. Outre que je ne suis point en doute
que M' de Fourbin n'eust trouvé sur son crédit pour i5 jours de
victuailles dans Marseille, quand il n'eust point eu d'argent, vous
avés 20" escus de mon fond entre les mains pour vous en servir en
pareilles rencontres^.
' Vaye.petileradesiirlacôle de Gênes.
(La Martinière )
' Richelieu fut longtemps , pour l'arche-
vêque de Bordeaux, un protecteur bien-
veillant et plein d'indulgence; ce qui ne
l'empêchait pas de lui adresser dans l'oc-
casion des reproches mérités. Le cardinal
finit par lui retirer sa faveur. Nous trou-
vons, jointe à la copie du manuscrit Du-
puy, une annotation où la conduite de
l'archevèque-amiral est appréciée avec une
justice un peu rigoureuse : • Cet arche-
vesque ne lit rien toute cette campagne,
la despense fut effroyable , l'instruction et
l'exécution estoient semblables, rien de so-
lide, toutes chimères.» — Nous faisons
mention aux Analyses de lettres datées des
4, 5 et 18 août, où l'on ne trouve aucune
trace de ce mécontentement de Richelieu.
Seulement , le a 1 septembre , dans une mis-
sive encore amicale pourtant, il lui disait :
« Je suis extresmement fasché du mauvais
succès qu'a eu tout vostre employ de cette
année. » [Lettre notée à la fin du volume. )
720 LETTRES
CCCLIX.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. M'' le duc d'Aumale. — Original.
SDSCRIPTION:
POUR M. DE NOYERS,
SECBÉT^lBE D'ESTAT.
D'Amiens, ce ig'aoust i64o.
Ce billet est pour prier monsieur de La Melleraie et monsieur de
Noyers de ne manquer pas à venir droit descendre chez le roy\ pour
luy rendre compte de toutes choses, auparavant que voir celuy qui
sera à jamais l'esclave de leurs vertus.
Le Card. DE RICHELIEU.
CCCLX.
Arch. de la famille d'Esneval. — Communication de M. Chéruel. — Original.
A M. DE GRÉMONVILLE\
CONSEILLER DL EOY EN SES CONSEILS, HAISTRE DES BEQUESTES DE SON HOS'IEL ET INTENDANT DE LA JDSTICft
ET POLICE EN L'ABUÉE DO ROT.
i septembre.
Monsieur, Renvoyant à Mons"" le mareschal de Chastillon cent ou
' Richelieu avait écrit aux maréchaux " Nicolas Brelel, seigneur de Grémon-
de Chaulnes et de Chàlillon , le i5 août: ville , et (ils d'un président au pariement de
a Ces trois mots sont pour vous dire que Normandie, avait été nommé conseiller
M' de Noyers ira demain coucher à Dour- d'État en 1682 , puis intendant en Cham-
ians, d'où il partira vendredi 17, à quatre pagne et près de l'armée du Nord. C'était
heures du matin, avec l'escorte qui luy « l'un des bons et particuliers amis «de Cha-
sera donnée par M' du Hallier, qui le con- vigni, qui le recommande en ces termes
duira jusques à la teste de Canche , où je à M. de Brézé , le 20 juillet 1 64 1 ; de Noyers
vous prie de ne manquer pas d'envoyer l'avait déjà recommandé le 18. Richelieu
mille chevaux pour le conduire au camp. » le fit nommer intendant du Languedoc en
C'était sans doute du résultat de celte vi- i642. — Le château d'Esneval, où se
site au camp qu'il fallait informer le roi. trouvent les originaux ou les copies aulhen-
Notons la précaution que prend ici Riche- tiques des lettres de Richelieu à M. de Gré
lieu ; c'était à lui d'ordinaire qu'on rendait monville, est situé près de Pavilly (Seine-
compte d'abord. Inférieure). (Note fournie par M. Ché-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 721
six vingts déserteurs de son armée qui ont esté arrestez en cette ville ,
entre lesquelz il y a plusieurs officiers, afin de les juger au conseil de
guerre, je vous fais cette lettre pour vous dire que l'intention du
roy est non-seulement que vous teniés la main à ce que l'on ne
perde aucun temps au dict jugement, mais aussy à ce que vous pre-
niés le soin de le faire exécutter comme chose absolument nécessaire
au service de Sa Majesté. Elle désire surtout qu'on face un exemple
des officiers, parce que sans cela il est impossible de maintenir les
armées. Vous vous en souviendrés, s'il vous piaist, et que je me
descharge sur vous de cette affaire, de laquelle vous me rendrés
compte , afiin que j'en puisse informer le roy, vous asseurant qu'ainsy
que je seray tousjours très aise de luy faire valoir vos services, lors-
qu'il le mériteront, je ne me pourrois pas empescher de luy faire
sçavoir la négligence dont on pourroit user aux choses qui regardent
son service. Je me prometz que vous m'obligerés plus tost au pre-
mier qu'au dernier, et sur cette asseurance je demeure,
Monsieur,
Voslre Irijs affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Amiens, ce h^ septembre i64o.
CCCLXI.
Arch. des Aff. élr. Hollande, t. ai, pièce S/ji. —
Mise au net de la main de Cherré.
[A M. DE CHAVIGNI'.]
[6? septembre i64o.]
Faut escrire à M' d'Estrades conformément à ma lettre, c'est-à-
ruel.) — Nous avons cité, à la date du a6 ' Celte noie, en tête de laquelle est
avril 1637, une lellre par laquelle le car- écrit, «Mémoire de M' le cardinal, » n'a
dinal remercie le père de M. de Grémon- ni date, ni suscriplion; elle devait s'adres-
ville de l'enregistrement des lettres pa- ser à Chavigni, lequel écrivit, le 7 sep-
tenles pour sa charge de grand maître de tembre au comte d'Estrades, la missive
la navigation. (Tom. II, p. 445.) dont Richelieu donne ici la matière. Celte
CARDIN. DE RICUELIED. Tl. ' 9»
722
LETTRES
dire pour qu'il face en sorte, auprès de M' le P. d'Orange, qu'il ne
mette point en garnison qu'au commencement de novembre, ainsy
qu'il fist à mon avis en i636 K
Faut escrire conformément à M' d'Amontol^ pour en parler à
M" les Estats, et leur représenter le grand sujet que le roy auroit de
se plaindre, si, après avoir donné tant d'argent, non-seulement leurs
armes n'avoient elles rien faict, mais qu'elles vinssent en outre à mettre
de sy bonne heure en garnison que le cardinal infant peust se préva-
loir des forces qu'il y avoit opposées, et s'en servir contre la France.
CCCLXII.
Manuscrit du cabinet de S. A. R. M^ le duc d'Aumale.
Original '.
AU ROI.
D'Amiens, ce 7* septembre 16A0.
Je suis d'avis qu'on n'en baille II se trouve une difficulté en la
point aux gardes , ou bien que ils distribution du pain d'Arras. Il couste
date du 7 indique à peu près celle que
nous proposons. L'affaire était d'impor-
tance; le prince d'Orange, qui avait com-
mencé tard la campagne , paraissait vouloir
la iinir de bonne heure, el la France élaif
menacée d'avoir à supporter tout l'effort
du cardinal-infant, que n'inquiéterait plus
le prince d'Orange. On dépêcha le courrier
Saladin ; « Nous avons avb, mandait Ciia-
vigni à d'Estrades, que le cardinal-infant
a dessein de faire quelque effort vers la fin
de la campagne, et de joindre, pour cet
effect, à l'armée qu'il a vers ces quartiers-
cy, celle du comte de Fontayne; ce qu'il
feroit infailliblement sans péril si S. A.
iogeoit ses troupes dans les quartiers d'hy-
ver pluslosl que led. mois de novembre. »
(L'original de la lettre de Chavigni se
trouve à la Bibl. imp. Mélanges de Clai-
rambault , 696 , p. 554 ; et la minute dans
le ms. cité aux sources, pièce 334.) Le
prince d'Orange lit droit à cette réclama-
lion, car Chavigni eut ordre de l'en re-
mercier, et nous avons une lettre du
10 octobre où il exprime au prince la sa-
tisfaction du roy et du cardinal pour « l'as-
seurance qu'il donne de ne pas mettre ses
troupes en quartier avant le 1" du mois
prochain. » (Pièce 344 du ms. desAff. étr.)
' Nous n'avons sur ce sujet d'autre
lettre de Richelieu que ce billet.
'' La dépêche que Chavigui a dû écrire
à d'Amonlot n'est pas dans noire ms.
' On lit au dos : • Mémoire envoyé au
roy par S. Ém. et respondu de la main du
roy..
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
723
le preignent^u prix commun que
on le vent clans la ville; puisque
les Suisses n'en prennent point, à
ce que m'a dit Rose , je croy que les
gardes s'en passeroient bien. Pour
la quantité, je ne le puis pas savoir,
je croy qu'ils font toutes ces diffi-
cultés afin que on les tire de là.
à Sa Majesté près de trois solz sur
les lieux. Les gardes qui ont dix
monstres n'en prétendent payer qu'un
soi, et, à cause de ce bon prix, ils en
prendroient volontiers plus qu'il ne
leur en faut, parce que les sergens
ont grand gain à le revendre.
Il plaira au Roy régler le prix sur
lequel il veut que les gardes payent
le pain, et la quantité de pain qu'on
leur doit donner par jour '.
' C'était une singulière administration
que celle qui faisoit descendre la majesté
royale à de tels détails. Richelieu, dans
toute la plénitude de sa puissance absolue,
appelle encore le roi à son aide pour lixer
le prix du pain et régler la distribution ! Il
est vrai que l'entretien des armées était
alors si mal ordonné, que leur nourriture
ne s'obtenait souvent que par le pillage
des particuliers ou la ruine du trésor pu-
blic. Trois jours avant la date de cette let-
tre, le A septembre, Richelieu avait écrit
au maréchal de Châlillon : « J'ay esté si
estonné quand j'ay appris que vous n'avés
pas encore retranché vostre pain , et qu'il
s'en dbtribue tous les jours plus de
So.ooo rations, que je ne puis que je ne
prenne la plume pour >ous représenter
qu'en user ainsy est mellre le désordre
dans les armées du roy et réduire la guerre
à des difficultés insurmontables.» Dès le
lendemain, 5, le maréchal de Châtillon
répondait : • Depuis six jours nous n'avons
peu faire aucun bon ni mauvais mesnage ,
parce que l'on ne nous a pas envoyé du
pain pour nourrir le tiers de l'armée, la
plus part des soldats aiant esté quaire jours
entiers sans en manger. . . Il ne faut donc
pas s'estonner si, dans un tel deffault, les
soldats s'ennuyent et quittent l'armée , la
plus part n'ayant vescu depuis quelques
jours que de mauvaises pommes qu'ils
trouvent dans les villages. . . Quelques of-
ficiers mesme tombent dans une telle las-
cheté, qu'ils quittent leur charge et s'en
vont sans congé. . . > Toute cette lettre, de
quatre pages, est curieuse pour la connais-
sance qu'elle donne du régime des armées
à celte époque. Il n'y avait pas de jour
que Richelieu n'écrivît quelque lettre de
blâme au maréchal ; dans une seconde
missive du U , c'étaient les désertions im-
punies : • Je vous prie de vous souvenir
que les officiers doivent servir d'exemple. >'
Le 6 , c'élait le pillage des charretiers qui
faisaient les transports pour le service de
l'armée à Arras : i Ils disent que depuis la fin
du siège les Allemands leur ont pris plus
de 3o,ooo escus. . . Si vous ne donnés en-
tière seuretéaux charticrs, aux vivandiers
et aux marchands qui vont et viennent,
il sera impossible de faire subsister vos
troupes et de munir Arras comme le roy
l'a commandé. » Le 8 et le lo, nouvelles
724
LETTRES
J'ai la copie de la lettre de Dou-
vre; je ne doute nullement que ce
qu elle porte ne soit vray. M' de
Brulon m'a dit ce matin que on
luy mande de Nantes les mesmes
nouvelles.
injonctions au sujet de la mauvaise disci-
pline, des désertions, des subsistances.
Dans une autre lettre, sans date, mais
qu'on peut mettre au lo ou ii septem-
bre , Richelieu disait au maréchal de Châ-
tillon : « Il seroit inulile d'avoir pris Arras
si l'on n'apportait tous les moyens néces-
saires pour le conserver. » Et le cardinal
indiquait les divers logements qu'il con-
venait d'assigner à l'armée, les mesures à
prendre pour le ravitaillement d' Arras; il
multipliait les ordres et les conseils; il
mettait à faire munir Arras et à le con-
server toute l'activité qu'il avait déployée
pour le prendre. Enfin le ai Richelieu
mandait au maréchal : « Je vous conjure
de faire tout ce qui vous sera possible
pour bien remettre vostre cavalerie. . . à ce
qu'elle puisse estre en estai de servir en
certaines occasions que la folie des ennemis
le pourroit requérir, s'ils entreprennent de
nous tourmenter à Arras. » Toutes ces let-
tres , dont nous présentons ici l'ensemble
dans une mention succincte, ont déjà été
publiées, et seront indiquées à leur ordre
chronologique à la Un de ce volume. —
La nouvelle que le narquis de
Brezé a faict quelque chose vient de
tant de lieux, que, bien que je n'en
sache rien de certain, pour n'ob-
mettre à donner aucun avis à Sa
Majesté de ce qui nous arrive, je
luy envoie la coppie de l'extrait
d'une lettre qui a esté écrite à M'' de
Charost de Douvre, le 30"= du mois
passé.
M" de Vaubecour et de Vantau
ont faict une entreprise sur un chas-
Nous avons donné, à la date du Ix sep-
tembre, une lettre adressée à M. de Gré-
monville, intendant de l'armée, au sujet
du châtiment à infliger aux déserteurs. Le
même jour, U, le cardinal lui en écrivait
une seconde, et plus sévère encore, sur
le mauvais ménage du pain : «... Je vous
fais ces trois lignes, non pour vous de-
mander à quelle raison vous le souffres,
puisqu'il n'y en peut avoir, mais pour
vous dire qu'en faisant torl au roy vous
vous en faictes un très-signalé à vous-
mesme, qui pourroit donner lieu de vous
juger moins capable des employs que vous
ne Testes en eflect. M. le mareschal de
Chastillon disant qu'il n'a que i5 mil
hommes de pied effectifs, c'est un desrè-
glement insuporlable de donner plus de
trente mil rations tous les jours. Je vous
prie d'y pourvoir aussytost la présente re-
ceue, autrement S. M. seroit conlraincte
d'y mettre la main et de s'en prendre à
vous. . . » La date de l'année manque , mais
la lettre fut écrite le même jour que celle
du cardinal au maréchal de Châtillon sur
le même sujet.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 725
teau qui est auprès de Monts, la-
quelle ils ont exécuttée heureuse-
ment avec 3oo chevaux et ont faict
un grand butin de bestail. Le comte
de Buquoy, en aiant esté adverty, les
a atendus au retour avec 600 che-
vaux et 4oo mousquetaires. Vaube-
cour avoit faict mettre 200 mousque-
taires en embuscade, qui demeurè-
rent sy bien cachez, à 3 00 pas du
lieu où estoit Buquoy, qu'il ne les
apperceut jamais. D'abord que les
vostres et les ennemis vindrent aux
mains, cette embuscade fit sa dé-
charge si à propos, que les ennemis,
s'en voiant surpris, se mirent en des-
route. Ainsy le passage fut libre à
, M" de Vaubecour et à Vantau et à
tout leur butin qu'ils ont amené heu-
Je suis bien fâché de blessure reusem en t; mais Vantau s'y est trouvé
de Vaniaut. Si ii venoit à mourir. blessé dangereusement, aiant la cuisse
nous serions bien en peine à rem- , > ,.,
plir sa place. cassée. Je ne sçay encore s il pourra
reschaper, mais, s'il meurt. Sa Ma-
jesté fera une perte très-grande.
Le 3* convoy partant aujourd'hui,
je fais estât d'aller demain à Chaunes,
oîi le seigneur du lieu , qui est guéry,
est desjà allé.
Le Gard. DE RICHELIEU. .
726
LETTRES
CCCLXIII.
Imprimée : Mémoires de l'Académie de T'oitfoiwe, 3' série, t. III, p. lôg'.
A M. LE BARON D'AMBRES.
8 septembre i64o.
Monsieur, je vous asseure que je n'eusse jamais estimé que vous
eussiés faict si peu d'çstat de mes recommandations que de vivre
avec M. révesque de Lavaur comme vous avés faict ^.
' Voyez tome V, p. gSA, la source in-
diquée, et note i sur M. d'Ambres.
' Voyez, sur les démêlés du baron
d'Ambres et de l'évêque de Lavaur, la note
de la page 612 ci-dessus. Sans connaître
au juste les torts réciproques des deux an-
tagonistes, on se figure aisément les que-
relles de vanité qui pouvaient s'élever
dans une petite ville de province entre un
gentilhomme influent par ses vieilles re-
lations de famille et un nouvel évêque ,
qui , de son côté, prétendait à l'influence.
— On voit par celte lettre que l'usage
d'une porte de la ville que voulait se ré-
server l'évêque, et sa prétention de faire
arriver ses créatures aux emplois munici-
paux, étaient les principaux prétextes de
ces démêlés. — Il faut noter ici le soin que
prend le cardinal d'appuyer ses recomman-
dations sur le droit, ainsi que ses paroles
favorables à la liberté des élections munici-
pales. 11 convient toutefois de ne pas ou-
blier que dans cette circonstance le can-
didat était agréable à Richelieu. Au reste,
quand celte missive arriva, les choses
étaient sans doute en voie d'accommode-
ment, car parmi les lettres du baron d'Am-
bres que nous avons citées, page 612,
* Arcliivcs des Affaires étrangères, France, i6io, cinq derniers mois, 0)1. 176
archives.
il s'en trouve une, du 1 1 septembre, dans
laquelle le baron d'Ambres dit au secré-
taire du cardinal que, «faisant profession
d'honorer tout ce qui est aimé de mon-
seigneur, il s'est reconcilié avec M' de La-
vaur, dont le procédé a esté très-offensif. »
De son côté, l'évêque annonçait à Riche-
lieu celte réconciliation par une lettre de
septembre (sans quantième)*. Mais les
brouilleries ne lardèrent pas à recom-
mencer, ainsi que le prouve nne nouvelle
lettre du cardinal au baron d'Ambres".
L'épître de l'évêque que nous citions tout
à l'heure commence: «Mon très -bon et
unique maisire. . . » elle finit: « Vostre très-
humble, très-obéissant et très-fidèle servi-
teur et filz. » Cette formule , un peu étrange ,
se reproduit dans plusieurs missives de
Raconis. Les chroniques du temps le re-
présentent comme un des suivants les plus
assidus de Richelieu, et lui-même se
montre, dans ses lettres, flatteur intré-
pide ; nous en avons une entre autres où ,
pour donner plus de vif à ses louanges,
il a soin de vanter la pénétration de son
esprit : «Ma veue s'affoiblit, écrit-il le
6 novembre , et je me voy réduit aux lu-
nettes , mais mon esprit se fortifie et de-
9 février 16/ii , mêmes
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
727
La ville de Lavaur n'estant point frontière, le service du roy n'est
point intéressé à l'ouverture de la porte que la ville luy a accordée ,
et c'est chose si raisonnable, que Sa Majesté désire qu'il en jouisse
paisiblement et n'y soit troublé par personne.
Pour ce qui est des consuls, le roy désire que la ville les élise
librement, comme elle a faict par le passé, et je vous conseille,
comme vostre amy, de ne les y troubler point, et ne vous opposer
pas à l'eslection du médecin dont M. de Lavaur se sert, si les voix
de la ville le portent à cette dignité.
Quant à la visite que vous n'avés pas rendue à monsieur de Lavaur,
vous trouvères bon que je vous dise que les civilités qu'on rend à
ceux de sa condition, ayant Dieu pour dernier objet, elles sont tou-
jours très-honorables à ceux de vostre profession et à tous autres.
Je vous prie de sy bien vivre avec M. de Lavaur, que l'avenir répare
le passé, et que tout le monde recognoisse vostre piété et vostre
courtoisie, et Testât que vous faictes de la recommandation d'une
personne qui vous a tousjours aimé, et qui veut continuer à estre,
Monsieur, vostre très-allectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Amiens, ce 8 septembre 16^0.
vient plus pénétrant qu'il n'a jamais esté . . »
Puis racontant ses lectures, qui ne sont
pas toutes de théologie : « Parfois , dit-il ,
je prends quelques pièces nouvelles des
poêles académiques. . . J'en ay leu deux ,
entre les autres, la Roxane et l'Alcionée,
grandement approuvées par S. Ém. . . J'en-
tends les discours de ces nouveaux. . . avec
mortification après avoir esté assez heu-
reux d'escouter les vostres. . . » Alcionée ou
Combat de l'honneur et de l'amour, tragédie
de Pierre Du Ryer, avait été jouée en
1639; et la Roxane, représentée l'année
suivante , était de Desmarets. Il est pro-
bable que Corneille comptait parmi « ces
nouveaux. «Selon une anecdote du temps,
le cardinal aurait eu grande part à la com-
position de Roxane; si l'anecdote dit vrai ,
rien ne pouvait être plus malencontreux
que le compliment de Raconis.
728
LETTRES
CCCLXIV.
Arch. des AfT. élr. France, i64o, cinq derniers mois, fol. i58.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNI,
Original.
SECRETAIRE D'ESTAT, A PARIS.
De Chaulaes, ce 23* septembre i64o.
Le roy m'a escrit qu'il faict estât de venir à Compiègne jeudi '. La
saison ny ses affaires ne permettent plus qu'on s'esloigne de Paris,
' Le roi avait quitté l'armée dans les
premiers jours de seplembre; le 7, il écri-
vait de Saint-Germain, au cardinal : «Je
suis arrivé aujourd'huy en ce lieu, oùj'ay
trouvé la reyne et mon fils en très bonne
santé. Mon fils est exlresmement embelly,
mais très opiniastre ; je ne suis nullement
résolu de luy soulTrir ces mauvaises hu-
meurs. » Ces trois lignes nous sont expli-
quées par une lettre de M. de Brassac,
écrite le 10 septembre au cardinal. (AfF.
étr. France, i64o, cinq derniers mois,
fol. 122.) Nous avons dit dans quelle in-
tention M. et M"' de Brassac avaient été pla-
cés par Richelieu auprès de la reine ; « Un
des services que je puis et que je dois
rendre, mande Brassac, est de faire sça-
voir à S. Em. fidèlement les choses qui se
passent ity. Alexandre * y arriva la veille de
Nosire-Dame, assez gay, ce qui a duré
jusques à hier au soir, que passant par
la chambre de i'OEillet", pour le voir,
celui-cy, estonné de voir plus de gens
qu'il n'avoit accoustumé, Scipion "' le
voulant caresser, il se prit à crier. Aussy-
lost Alexandre parut fort couroucé
* Le roi. — ** Le dauphia. — *** Cinq-Mars.
""•* M. de Brassac. — *"*"* Le cardinaL
En se retirant dans sa chambre, il ren-
contra Diane"'*, à laquelle il s'arresla et
luy dist, avec un visage fort plein de pas-
sion: I'OEillet ne peut souffrir ma veue;
c'est une eslrange nourrilureque la sienne ,
mais j'y mettray ordre. Cela dicl , il la
laissa grandement estonnée, et quand elle
fut retirée les larmes luy sortaient des
yeux, et dist à Aminte ""*, qu'elle souf-
froit bien innocente et qu'elle jugeoit bien
à quoy cela tendoit, à sçavoir, de luy es-
ter I'OEillet; et de faict, ce quedict après
Alexandre alloit là. Scipion , Nogent et le
Jasmin "**" taschèrent d'adoucir au mieux
qu'ils purent l'affaire, mais Alexandre
demeura en ceste humeur Hier au
soir, Diane, en se couchant, dist à Aminte
qu'Alexandre avoit escrit à Marc-An-
thoine ""***, et que son espérance esloit
que la bonté qu'il luy faisoit paroislre em-
pescheroist qu'elle ne receust l'affliction
de se voir séparée de I'OEillet, et qu'elle
s'asseiiroit que quand il se la représente-
roit, elle luy feroit compassion. Il verra
bien, se dist-ellc, ma misère dans mon
ressentiment, et dans l'opinion de tout le
- "" La reine. — '"" Madame de Brassac. —
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
729
où cent occasions pécuniaires requièrent une présence assidue. Tout
ce qui se peut faire à Arras de nostre part est faict. L'intention de
Sa Majesté n'est pas que ses armées facent davantage cette année, et,
par conséquent, je ne veoy rien qui la puisse faire raprocher de deçà,
s'il n'a quelque dessein de quelque nouvelle entreprise que nous ne
sçavons pas, et dont je ne prévoy pas la possibilité en ce temps.
Incontinent la présente receue, M. de Cbavigny ira trouver Sa
Majesté, qui doit partir mercredi, à ce qu'elle me mande, pour luy
porter la lettre que je luy escris, et agir en conformité à la présente.
monde. L'autre luy respondit qu'elle avoil
raison d'avoir espérance en Marc-An-
thoine, qui luy tesmoignoit tous les jours
tant de bonne volonté. — Voilà ce que le
Jasmin a cru devoir dire à son maistre;
ne s'estant passé autre chose. • Cependant
la reine voulut écrire elle-même au car-
dinal , pour lui demander ses bons oiTicc s
en cette occurrence. Le Gras, son secré-
taire, en envoyant à Chavigni, le i3 sep-
tembre, celte lettre de la reine, lui disait :
« Elle a esté aucunement consolée ce ma-
tin, par les caresses que M*' le Dauphin a
l'aictes au roy, l'ayant embrassé vingt fois,
l'appelant papa et couru après lui pour luy
embrasser les jambes, enfin la tristesse
s'est changée en joye. • Celte scène d'in-
térieur a son intérêt ; nous y voyons l'in-
fluence souveraine de Richelieu dans le
sanctuaire de la famille, non moins que
dans les affaires du royaume; la mère,
aussi bien que la reine, subissait ce rude
despotisme. Le Dauphin n'était pas encore
né que le cardinal s'en était, pour ainsi
dire, emparé, en lui donnant une gou-
vernante de son choix, et il avait imposé
M'"deLan8»ac à la reine, qui ne la voulait
pas; aussi la gouvernante semblait appar-
tenir à Richelieu plus encore qu'à Anne
d'Autriche. Nous avons d'elle des lettres
où elle informe minutieusement le car-
dinal de tous les petits incidents de celte
première enfance. A peine l'enfant com-
mence-t-il à parler, il faut que Richelieu
sache quelles prières on lui fait dire le ma-
tin, le soir, avant et après le repas; on se
plaint à lui de l'antipathie du jeune prince
pour l'a b c, de son peu de vivacité d'es-
prit, des mauvaises humeurs, des puérils
caprices de cet enfant de quatre ans. —
Dans sa lettre d u 7 , après les lignes que j'ai
rapportées plus haut , le roi écrivait avec
détail des affaires , il annonçait des mesures
prises pour une levée de io,5oo hommes
et pour l'organisation de plusieurs régi-
ments, pour leur marche et pour certains
approvisionnements de munitions; il ré-
formait les propositions de Bullion ; « voici,
disait-il à Richelieu , le projet que j'ay
faict, » et il demandait l'avis du cardinal.
Louis XIII était bien aise , d'ailleurs , qu'on
sût qu'il s'occupait de la guerre; et, en
effet, on en parlait dans le monde bien
informé; Henri Arnauld mandait précisé-
ment, le 9 septembre, à Barilion : «Le
roy travailla hier toute l'après disnée à
faire des roules pour les nouvelles levées
que l'on faict, et à ordonner des estapes
.sur leur passage. >■
CARDIN. DE RICHELIEC. — VI.
9'
730 LETTRES
Comme je demeurerois cent ans en un lieu s'il estoit besoin, aussy
avouay-je que des caracols inutiles ne sont plus bons pour un homme
de mon âge, qui va droit à ses fins.
Response demain au soir, s'il vous plaist^
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCLXV.
Arch. des Aff. élr. France, i64o, cinq derniers mois, fol. iSg. —
Original.
SUSCRIPTIONs
AU ROY.
2 5 septembre.
Sire,
Je ne sçaurois assez me resjouir de la prise de Thurin, dont il a
pieu à Vostre Majesté me donner avis. Ces bénédictions de Dieu mé-
ritent d'estre recogneues et secondées. Je ne doute point que Vostre
Majesté ne face le premier, et c'est à nous à faire le second, sous ses
ordres. Pour cet elFect, Vostre Majesté n'ayant plus dessein de rien
faire de deçà avec ses armées, j'estime du tout nécessaire que vostre
conseil soit aux environs de Paris, tant pour pourvoir au présent
qu'à l'avenir, avec M" des finances, sans lesquels on ne peut rien
faire pour asseurer Arras, Thurin et Cazal, qui seront en perpétuel
péril et nécessité, si, sans augmenter la despense, on ne trouve
moyen d'envoyer sur les lieux, par avance, les mesmes fonds qu'on y
envoie inutilement après coup. Ces raisons me font croire que le
voiage que Vostre Majesté veut faire à Compiègne doit estre remis en
un autre temps, et qu'il vault mieux que je l'aille trouver au lieu
où elle est, ce que je feray aussy tost que j'auray receu de ses nou-
velles^.
' Les trois derniers mots sont ajoutés ce 26 septembre i64o. » — ».lc viens de
de la main du cardinal. recevoir de vos nouvelles par Boigency,
' Le roi répondit aussitôt au cardinal puisque vous estes d'avis que je ne passe
par un billet autographe daté « d'Écouan , pas plus outre , je m'en vas courber à
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 731
11 est besoin de faire chanter solennellement le Te Deum pour
un sy grand effect comme celny de la prise de Thiirin. Je supplie
Dieu qu'il donne tousjours à Vostre Majesté de semblables fortunes,
et à moy de nouvelles occasions de luy tesmoigner que je suis,
Sire,
Son très humble, très obéissant, très fidèle et très obligé sujet et serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Cbaune, le 26 septembre i6/4o.
CCCLXVI.
Arci). des Aff. étr. France, i64o, cinq derniers mois, fol. 162. —
Original.
SUSCRIPTlOSi:
POUR M. DE C HA VIGNY,
SECRÉTAIRE D'ESTAT.
DeChauiies, ce 26' septembre i6/(0.
Je vous escrivis hier ce que je pensois sur le voiage de Compiègne,
qui me semble maintenant hors de saison, les roys ne devant s'ap-
procher de leurs armées que lorsqu'ils ont lieu d'y faire quelque
chose. Les aflFaires du roy requièrent présentement qu'on soit à Paris,
ou aux lieux proches. J'ai pris la liberté de l'écrire au roy.
Il y a tant d'ordres à donner pour Thurin, pour Gazai, pour la
Catalogne, et pour les fonds nécessaires à faire subsister toutes les
troupes l'hiver, qu'il est impossible de s'esloigner maintenant de Paris.
Partant je croy que le roy ne doit point passer Chantilly ', s'il y est
Chantilly, où je vous attandray ; ce qui me
faisoit avancer jusque» à Compiègne estoit
i'irapaliance que j'avois de vous voir. —
Louis. — (Ms. cité aux sources, fol. 161.)
' La sociélé de Paris s'occupa de cet
incident; Arnauld écrivait à son ami, le
aG septembre : « Le roy partit hier de
S' Germain pour aller coucher à Ëscouan,
aujourd'hui à Chantilly el demain à Com-
piègne, où M*' le cardinal se trouvera. 11
le fallut porter dans son carosse estant
encore incommodé de la goutte. Cela faicl
grand peine à toute la cour de le voir
partir en cet estât là. On ne peut pas
juger si ce voyage sera long; les ennemis
sont très-forls aux eovirons d'Arras. . . • Et
9a.
732 LETTRES
arrivé, et, s'il n'y est pas, s'esloigner de S' Germain. Je suis Irès-
aise que Mad^ Bouthillier se porte mieux'.
Le Gard. DE RICHELIEU.
GGCLXVII.
Bibl. imp. Manuscrits Dupuy, t. y^A, fol. lyg. — Copie.
A L'ARCHEVESQUE DE RORDEAUX.
lo novembre i64o'.
Monsieur, Je vous envoie la response surtout ce que vous désirés,
tant du traicté d'Arger que du nombre des vaisseaux qui doivent re-
le 3o : « M. de Chavigny alla dire eu roy,
à Escouan, que M. le cardinal revenoit
et estoit bien marry que S. M. fust partie
dans l'incommodité de sa goutte. Il ne
laissa pas d'aller jusques à Chantilly, où
M. le cardinal arriva iiier, au moins à
Royaumont, pour demain venir coucher
à Argenteuil, et le lendemain aller voir la
reyne et M. le duc d'Anjou... Le roy se
doibt rendre en mesme temps à S' Ger-
main. I) Ainsi le roi se conforma au désir
du cardinal, qui mit tout en œuvre pour
obtenir de Sa Majesté ce qu'il désirait.
Nous lisons dans une lettre conlldentielle
de BuUion à Chavigni, du 26 septembre :
«Je receus hier une lettre du roy que je
vous envoie. J'avois escrit à S. M. que
M*' le cardinal estoit en peine de sçavoir
de ses nouvelles et altendoit son com-
mandement pour venir trouver S. M. Vous
verrez ce que le roy m'escript, et vous
supplie de me rendre la susdite lettre à
nostre première veue. A bon entendeur,
salut; vous sçaurez mieux deschifrer que
personne la susdite lettre. Launay, qui
estoit venu d'auprès mon d. seigneur le
cardinal, me dit qu'il avoit faict entendre
au roy que les postes estoient toutes rom-
pues et qu'il estoit impossible d'avoir des
chevaux. » (Ms. cité aux sources, fol. 166.)
' Richelieu avait écrit le 21 à Chavigni:
Cl M' le prince m'ayant faict mad. Bouthil-
lier plus malade que je ne pensois, j'en-
voie expressément le s' de Pallière pour
luy tesmoigner le desplaisir que j'en ay et
m'en rapporter des nouvelles. Je vous prie
de luy faire cognoistre l'affection que j'ay
pour elle et le désir que j'ay qu'elle n'ou-
blie rien de ce qu'elle pourra pour se gué-
rir. Je la conjure de laisser toute mélan-
colie à part et de se représenter que, si
elle a quelque affliction, elle passera as-
surément. H n'y a rien que je peusse con-
tribuer à sa guérison que je ne feisse vo-
lontiers. »
^ Je n'ai pas trouvé l'original de cette
lettre parmi la correspondance de l'arche-
vêque de Bordeaux, conservée dans le
tome 27 de la suite de Dupuy, mais la ré-
ponse de Richelieu, dont la présente lettre
fait mention, s'y trouve fol. 53 1 ; c'est un
original de la main de Cherré, avec ce titre :
« Ordre de S. Èm. sur les vaisseaux (|ui
ont à repasser du Ponant, ceulx qu'il faut
vendre ou mettre en bruslots , avec le pro-
jet des armemens du Ponant et du Levant
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 733
passer, le quel j'ay faict avec M' Desgouttes , comme intelligent en
cette affaire.
Quant aux bruits que vous me mapriés qui courent que vous estes
en ma disgrâce, terme que je répelte après vous, je n^en ay ouï par-
ler à qui que ce puisse estre. J'ay bien ouï dire qu'en diverses occa-
sions vous avés parlé plus librement qu'il ne seroit à désirer pour
vous-mesme; mais n'arrivant rien en ce genre que je n'aye préveu,
ainsy que je vous l'ay dict plusieurs fois, je ne suis pas résolu de me
brouiller avec ceux que j'aime , pour ce sujet '. Il faut que chacun agisse
selon sa nature. Cependant, si vous me croies, vous penserés deux fois
à ce que vous voudrés dire à l'advenir, de crainte que vous ne trouviés
pas tousjours des personnes sy endurantes que moy, qui veux estre,
Monsieur,
Vostre bien affectioDné confrère à vous rendre service.
pour l'année 16A1 - > Cet ordre est daté de
Ruel, 10 novembre, ainsi que la présente
Ictlre. Nons en avons vu une copie aux
archives des Affaires étrangères, Espagne,
I. 30, et il a été imprimé dans la Corres-
j)oii(hnce de Sourdis. C'est une espèce d'in-
ventaire de tous les vaisseaux de la marine
française. Richelieu désigne par leur nom
ceux qui ne sont bons qu'à faire des brû-
lots , ceux qu'il convient de vendre au com-
merce; «de tout le reste, il faut compo-
ser deux armemcns, l'un pour le Levant
( I 5 vaisseaux et 30 galères) ; l'autre pour
le Ponant (30 vaisseaux)... Quant à l'ar-
gent, ajoute Richelieu, j ay chargé le Pi-
card, qui ne voudroit pas et n'oseroit pas
me manquer, de fournir tout ce qui sera
nécessaire Et quant au voyage de Bar-
barie , le s' des Gouttes , qui est père de la
mer, dict qu'il nest plus temps d'y penser
pourcetle année; on verra l'année qui vient
ce qu'il faudra faire , et les moyens qu'il
iiiiudra tenir pour réformer le traicté d'Ar-
ger. » (Aux Analyses.) — Un autre mé-
moire, contenant une série de questions à
résoudre par le cardinal et répondues par
lui à mi-marge , est conservée dans le ma-
nuscrit de Dupuy, fol. bSS, immédiatement
après celui dont nous venons de parler.
Il ne porte d'autre date que ces mots,
d i3 novembre i64o,i mis à la marge
après coup et comme pour le classement.
Il concerne les mômes affaires, auxquelles
d'autres points on t été ajoutés ; on voit qu'il
a été écrit avant que l'archevêque eût reçu
le mémoire du 1 o novembre. Ce second mé-
moire a été placé, dans la correspondance
imprimée de Sourdis , immédiatement
après le premier, comme dans le manuscrit.
' Le cardinal ne dit pas ici toute sa
pensée; si l'archevêque de Bordeaux n'élail
pas publiquement disgracié, il l'était dans
le cœur de Richelieu ; el cette disgrâce , qui
n'éclatera qu'en septembre i64i, on en
verra bienlôt des indices que dissimuleront
mal quelques paroles amicales, resie de
vieux souvenirs peut-être, ou plutôt peu
sincères.
♦
73/1 LETTRES
CCCLXVIII.
Archives de Condé, n° \k']- — Communication de S. A. R. M*' le duc d'Aumale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
1 8 novembre.
Monsieur, Je
vous escrivis dernièrement pour vous conjurer de faire l'impossible
pour grossir les troupes qui doivent entrer en la Catalogne '. Je prends
encore de nouveau la plume pour vous faire la mesme prière. Celte
affaire est de telle importance, et la promptitude si nécessaire, que
je m'asseure que vous vous surmonterés vous-mesme en cette occasion.
On envoyé de l'argent à M'' de Serignan pour mettre son régiment
à 3o compagnies; vostre crédit et vostre authorité vous feront faire
aisément la mesme chose. Ainsy ces deux régimens augmentez de la
sorte, et ceux de Toneins, d'Espenan, de Lecques et de Grignoles,
feront asseurément plus de 5 mille hommes effectifs. Quant à la ca-
valerie , l'occasion mérite bien que les gens d'armes de M" de Schom-
berg, d'Arpajon et d'Ambres soient promptement mis sur [)ied pour
cet effect, s'ils n'y sont; veu principalement que les Catalans les
j)ayeront bien.
La diligence est grandement requise en une telle affaire. Je vous
conjure de n'en oublier aucune, et vous asseurer que je suis.
Monsieur,
Vostre bien humble et trës affectionné serviteur. ■
Le Gard. DE RICHEUEU.
De Ruel, ce i8 novembre i64o.
Vous vous souviendrés, s'il vous plaist, qu'il faut qu'il y ayt tous-
jours mil bons hommes dans Narbonne du reste des autres régimens
' Je n'ai pas trouvé ceUe première lettre. à ce sujet ses exhortations, avec l'insistance
J'en indiquerai, aux Analyses, une troi- qu'il met toujours aux choses d'où peut
sième, dans laquelle Hichelieu renouvelle dépendre le succès de ses entreprises.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
735
qui estoient. en Languedoc, les quels vous avés réformez à trois ou
quatre compagnies chacune
CCCLXIX.
Arch. des A£f. élr. France, i64o, cinq derniers mois , fol. a84. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRETAIRE D'ESTAT, A PARIS.
De Ruel, ce 2 décembre i64o, au soir.
J'ay escrit à M' de Bullion pour l'ordonnance des ao mille risse-
dales pour envoyer à M' d'Avaux. Je vous prie, ne vous précipiter
point de venir icy; guérisses vous à loisir^; je vous le recommande
' Celte espèce de post-scriplum est écrit ,
sur l'original, dans l'espace blanc qui avait
été laissé entre la dernière ligne de la
lettre et la formule finale.
' Henri Arnauld écrivait au président
de Barillon ce même jour a décembre :
« Pendant cinq ou six jours que M deCba-
vigny a gardé le lit, M. de Bullion l'a esté
voir deux fois et ont esté enfermés long-
temps; M. de Noyers leur donne des af-
faires. iLe même avail écrit, peu de temps
auparavant (le 7 et le 1^ octobre) : «La
faveur de M. île Noyers près de M. le car-
dinal est une chose incompréhensible. . .
sa puissance augmente tous les jours ; tout
fléchit, jusqu'à M. de Bullion.» Les divers
témoignages que nous avons recueillis
confirment celui-ci. Bullion, au contraire,
devenait extrêmement incommode. • Il en-
Ireprend tous les jours (mandait encore
H. Arnauld, le la décembre) des affaires
contre les intentions de S. Em. ■ Mais Bul-
lion était au terme de sa carrière; il mou-
rut vingt jours après la date de cette lellre.
« M. de Bullion est mort cette nuit d'une
goutte remontée, dit encore le journal
épistolaire de H. Arnauld; M*' le cardinal
vint hier soir pour le voir. S. Em. tes-
moigne en eslie touchée. Le roy, qui estoit
à Ruel quand W le cardinal en partit,
paroissoit extresmement gay. Le peuple
en tesmoigne joye. » Empruntons encore
à cette curieuse corre.spondance quelques
traits concernant ce personnage , qui a joué
un rôle important dans le gouvernement
de Richelieu : • On n'a oié enterrer le del-
funct publiquement, de crainte du peuple ,
qui tesmoigne une joye extresnie de sa
moi t. On le porta la nuict dans un caresse
aux cordeliers. Le roy en a parlé comme
estant fort esloigné d'y avoir regret. Il
laisse au moins 5oo mil liv. de rentes. » _
(26 décembre) Et, quant à la sensibilité
de Richelieu, dont parlait tout à l'heure
II. Arnauld , elle ne tarda pas à se dissiper.
« M^' le cardinal n'a nullement regretté
736 LETTRES
d'autant plus qu'en ce temps les meilleurs remèdes n'opèrent que
lentement.
Aies soin de vous s'il vous plaist.
Le Càrd. DE RICHELIEU.
' Depuis cette lettre escrite j'ay receu la voslre'''; songes à vous
guérir, et ne venés point icy. Si le roy va dehors, je feray un tour à
Paris.
1 5 décembre.
CCCLXX
Bibl, imp. Fonds Dupuy, t. 549 , ^°^- ^^"J- — Copie.
A M. LE COMTE.
Monsieur,
Le s' de Campiou s'est acquitté de la charge que vous luy avés
donnée; il est certain que le roy a des advis bien differens de ce
qu'il a dict de vostre part. Je seray extresmement aise que le temps
fasse cognoistre la sincérité de vos intentions, et qu'il me donne lieu
de vous tesmoigner que je suis, etc. '
De Ruel, ce i5 décembre i6Ao.
M. de BuHion , » dit-il le 2 janvier. Le bruit
courut un peu plus tard que « le roy avoit
quelque dessein de partager avec les en-
fants de M. de Bullion , » et ferait recher-
cher les sources de la grande fortune que
iaissail le surintendant; mais Amauld.qui
donnait cette nouvelle, n'y croyait guère,
et remarque que cette sévérité n'était pas
du siècle. Il noie, à la date du 2 juin, une
visite de la famille de M. de Bullion au
cardinal : peut-être avait-elle pour objet le
bruit qu'on répandait alors.
' Ceci a été écrit après la lettre fermée
et sur le côté opposé à celui de l'adresse.
' Cette lettre de Chavigni n'est pas dans
le manuscrit.
' Ce billet, court et sec, fait assez en-
tendre qu'on ne donnait aucune confiance
aux protestations que Campion avait ap-
portées. Richelieu répétait ici ce qu'il avait
déjà fait écrire par le roi. Le manuscrit
de Bélliune «"9337, fol. 17, conserve la
minute de la lettre de S. M. « Mon cou-
sin , j'ay volontiers entendu Campion , qui
m'a parlé fort différemment des avis que
j'ay d'ailleurs. J'ay jusques icy creu que
vostre esprit se conliendroil dans les termes
que je pouvois désirer pour l'amour de
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
737
CCCLXXI.
Arch. des Aff. élr. Espagne, t. 20. — Minute de la main de Cherré.
A M. DE PUJOLS'.
21 décembre i64o.
Pour response à vostre dépesche du 19 novembre, je n'ay rien à
voiis-mesme. Maintenant j'en prie Dieu de
tout mon cœur, comme aussy que vous
me donniés lieu de vous tesmoigner mon
afiTeclion , et qu'il vous ayt en sa sainte
garde. » — • Escrit à Versailles, le 1 3 dé-
cembre 16^0.» Celte minute est de la
main de Charieiitier. Campion dit, dans
ses mémoires, qu'une lettre du cardinal,
remise au roi pendant son audience, chan-
gea tout à coup les dispositions de S. M.
pour M. le comte (p. 35a). Campion au-
rait dû savoir que le roi était tout natu-
rellement et très-justement mal disposé à
l'égard de M. le comte. On verra un peu
plus loin que le roi avait, en ce moment
même, un nouveau grief contre .'on parent.
Le P. GriCTet, qui, sans donner le texte de
la lettre du roi ni de celle du cardinal, les
cite, ainsi que les missives du comte de
Soissons, auxquelles les autres répondent,
remarque avec raison que Richelieu , loin
de provoquer les mauvaises dispositions
de M. le comte pour l'exciter à la révolte
et le perdre, ainsi que l'ont écrit Le Vas-
«or et d'autres, conseilla à Louis XIII d'ac-
cepter se.s excuses, en prenant toutefois
les précaulions nécessaires pour s'assurer
de la réalité des complots qu'on pouvait
tramer à Sedan. Il raconte encore que
Richelieu voulut se servir de Gassion
pour en avoir la preuve irrécusable ; qu'il
CARDIN. DE RICHELIEU. — VI.
essaya de tenter l'ambition du colonel ,
jeune encore, mais déjà célèbre, par les
promesses d'une grande fortune , à condi-
tion qu'il lui livrerait les secrets de la ré-
bellion à laquelle M. le comte pourrait
vouloir l'associer, et dans laquelle il fein-
drait de s'engager. Le P. Griffet cite même ,
à cet égard , des lettres de Richelieu , ses
conversations avec Gassion , et les termes
formels des propositions qu'il lui fit. Mais
le P. Griffet n'invoque d'autre autorité
que VHistoire de Gassion, par l'abbé de
Pure; et j'avoue que, lorsqu'il s'agit d'un
fait de cette gravité, le témoignage de
l'abbc de Pure ne me persuade pas. Je
n'en ai pas trouvé la moindre trace dans
tous les manuscrits que j'ai vus ; et , de plus ,
Richelieu était un trop habile connaisseur
du caractère des hommes auxquels il avait
affaire, pour s'être adressé à Gassion , qui
n'était pas moins tenu pour homme d'hon-
neur que pour intrépide soldat. { Hist. de
IoawX///.t. III,p. 345.)
' J'ai dit quelques mots de Pujol, ci-
dessus, page 2/io, note 3. Depuis ladite
note écrite, j'ai trouvé, aux Affaires étran-
gères, dans les manuscrits d'Espagne, de
nouveaux documents sur ce Pujol. On a
vu (p. 38, 7 mai i638) que Richelieu,
sans avoir confiance en lui , ne laissait pas
de s'en servir. Les relations officielles entre
93
738 LETTRES
vous dire, sinon qu'à vous asseurer de nouveau de la continuation du
la France et l'Espagne étant interrompues
par la guerre, ie cardinal élablissait, au
moyen de cet agent, non accrédilé, mais
non désavoué, des relations indirectes et
suivies avec le premier ministre d'Espagne.
Olivarez en usait de même, sans se (ter
davantage à Pujol. Toutefois il le savait
mécontent de la France, où il ne pouvait
rentrer, et il tenait ce réfugié sous sa main :
c'était une garantie que n'avait pas Riche-
lieu. Le cardinal correspondait avec ce
banni , sans que sa correspondance, connue
seulement du cabinet espagnol , risquât de
ie compromeltro à l'égard des alliés de
la France. Richelieu n'écrivait pas lui-
même à cet agent subalterne, qui adres-
sait ses lettres à Chavigni, et les réponses
qu'il avait fort à cœur de faire croire à
tout le monde : que si la paix ne se faisait
pas , la faute en retombait sur nos ennemis.
— Quoique ces lettres fussent ordinaire-
ment chiffrées, Pujol ne les confiait pas
à toutes mains ; aussi sa correspondance
se faisait par des voies extrêmement lentes.
Il écrivait, le 9 janvier i638, une lettre
qui ne parvint à Chavigni que le 31 fé-
vrier : a J'attends avec impatience vos com-
mandemens , les poires sont meures. . . »
disait-il; mais on ne se pressait pas de les
cueillir; et ce ne futqu'après plusieurs mis-
sives que Chavigni lui répondait : « Tout ce
que vous mandez a esté bien considéré... •
(29 juillet). Mais, au même moment, Pu-
jol, contrarié de tant de lenteurs, écrivait
étaient faites au nom de ce secrétaire dé- - (le 3o juillet) : « Depuis le 27 mai, je n'ay
tat; mais les minutes étaient écrites par
Cherié, et le cardinal, qui en donnait la
matière quand il ne les dictait pas lui-
même, n'y paraissait jamais qu'à la troi-
sième personne. Nos manuscrits conser-
vent maintes preuves de la part directe
que prenait Richelieu à ces négociations ,
en apparence non ofTicielles. Pujol trans-
mettait ordinairement dans ses lettres le
texte espagnol des réponses d'Olivarez, et
il les accompagnait de ses propres commu-
nications. Richelieu se ménagea de celle
sorte, pendant plusieurs années de guerre,
des intelligences dans le cœur de l'Espagne,
ainsi que des ouvertures à un accommo-
dement qui put être avantageux à la
FVance; et si, par ces voies secrètes, il ne
parvint point à une paix , qui ne se lit pas
de son vivant, du moins il en obtenait
quelquefois des informations utiles, et oiV
il trouvait des incidents à l'appui d'une
déclaration qu'il répétait sans cesse , et
pas receu de lettres; le Comte-duc en con-
clut que sa négociation est rompue . . » Et
en envoyant (27 août) la réponse du duc
d'Olivarez à cette lettre du 3o juillet, Pu-
jol demandait l'autorisation de venir en
France; il était indispensable de l'ouir.
disail-il , pour comprendre l'importance de
ce qu'il aurait à faire savoir. Cependant il
ne se dissimule pas qu'il n'inspire nulle
confiance au cardinal; il s'en plaint, il s'en
indigne : « Sije suis un imposteur, s'écrie-
t-il, je me soumets à la grefve; si bon et
fidèle serviteur, je ne capitule pas. » Mais
le Comte-duc, soupçonnant de son côté
qu'on ne voulait que l'amuser par des
semblants d'accommodement, se lassa de
ce jeu, et Pujol mande à Chavigni, le
8 septembre : « Le Comte-duc m'u dit que
si, par le premier courrier, ma négocia-
tion ne changeoit pas de face, il falloit me
résoudre à avoir près de moy un homme
de sa part, pour estre tesmoin de mes ac-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 739
désir qu'on a de la paix, qu'on souhaitte autant qu'on fist jamais avec
toute sincérité ' .
Le projet que vous m'avés envoyé est sy impraticable en deux ar-
ticles, que je ne l'ay osé monstrer à S. Em.^, qui auroit très-mauvaise
opinion de vous, si vous ne sçaviés que les lois fondamentales du
lions. . . » Nous voyons se prolonger celle
manœuvre équivoque jusqu'en 1 642 , et
Pujoi écrire, le a 2 aoûl de ladite an-
née: «J'ay 6i ans, je suis infirme, je
risque d'estre emprisonné ou tué , je suis
entre les mains du Comle-duc, et le prix
d'assassiner un étranger ou l'ampoyson-
ner est une pistoUe et moins... Je n'ay à
me conseiller qu'avec la rage el le déses-
poir. » (Mss. d'Esp. I. 32 , fol. 264.) Enfin
on lui permit de rentrer en France, et
Cliavigni écrivait à de Noyers, le 26 aoùl ;
«S. M. trouve bon qu'on fasse revenir Pu-
jols el qu'on l'assiste, ainsi que Monseig'
le propose. » (France, 1. 101, fol. 55g.) Ori
lui envoya donc des passe-ports el de l'ar-
gent: e( le 39 novembre, cinq jours avant
la date célèbre du 4 décembre 1 6/ia , Pujol
était a Oleron , d'où il mandait à Chavigni :
« Le Comte-duc m'a retenu un mois , me re-
mettant du soir au matin. Enfin il responl
paroles à vostre dernière, et de bouche m'a
fait six propositions qui sont moyens pour
s'esclaircirdu succès que pourront prendre
les affaires par où il pense justifier à Mon-
seigneur combien il a d'affection et bonne
intention de s'accommoder... .l'iray loger
a Paris, près de vostre hostel. AvanI m'a-
zarder de vous voir, je vous advertiray,
pour suivre vos commandemeiis ponctuel-
lement. » {Ibid. fol. 324.) Pujol n'était pas
encore arrivé à Paris que Richelieu avait
cessé de vivre , et la mort du cardinal mit
fin à sa mission ; mais on voit que ces
sourdes et pacifiques communications se
continuaient à Madrid, tandis que Riche-
lieu prenait aux Espagnols Hesdin et Arras
dans les Pays-Bas, gagnait en Italie les
batailles de Casai etdeChieri, battait leurs
flottes à Gattari et devant Gênes, faisait
son beau-frère vice-roi de Catalogne , ac-
compagnait le roi de France au siège de
Perpignan, et donnait la main au duc de
Bragance, qui enlevait le Portugal à l'Es-
pagne. Nous ne croyons pas qu'aucun his-
torien ait fait mention de cette négociation
singulière, qui a duré plusieurs années,
et dont les archives des Affaires étrangères
conservent les irrécusables témoignages.
' La lettre de Pujol du ig novembre,
dont il est ici question, se trouve dans le
manuscrit cité aux sources ; elle manque de
signature et est, en partie, écrite en espa-
gnol et chiffrée : 1 Afin que vous jugiés de
celte response par toutes ces circonstances ,
ajoute Pujol , je vous dirai qu'un des ta-
lens de M. le Comte- duc est de sçavoir
bien parler à la fason des oracles. » Pour
connaître plus nettement la pensée du duc
d'Olivarez, «je représenlay à M. Carnero
que, s'il plaisoit au Comte-duc envoyer un
projet de paix ou de trefve, cela gagncroit
du temps, n'y ayant à disputer que du
plus ou du moins. »
' Il ne faut pas oublier que cette lettre
a dû être signée par Chavigni , et l'on peut
penser que ce secrétaire d'état ne se seraii
pas permis de soustraire une lettre de Pujol
à la connaissance du cardinal non plus
que la réponse qu'il<^ faisait.
93.
740 LETTRES
royaume, telles qu'est la loy Salique, sont du tout inviolables, en sorte
qu'il n'est pas en la puissance du roy d'y apporter changement; et si
S. Em. croyoit que vous peussiés penser que le roy fust capable de con-
sentir à ce que Madame sa sœur demeurast despouillée de ses Eslats.
Il y a certaines choses qui, blessant le droit de la nature, blesse-
roient tellement l'imagination de tous les hommes, qu'il ne fault point
y penser.
Les intentions du roy sont sy justes, que non-seulement ne vou-
droit-il pas, pour rien du monde, ruiner la maison de Savoie, mais
que mesme il ne désire point la ruine de l'Espagne ; et je vous puis
asseurer que S. Em. en son particulier, désire de tout son cœur la
conservation de la bonne fortune de M' le comte d'Olivarez , et la
grandeur d'Espagne, pourveu qu'elle ne soit point au préjudice de
celle de la France.
Quand le roy d'Espagne voudra tout de bon faire réussir une
bonne paix , M' le Comte-duc sçaura bien en trouver les moyens, dans
les avantages raisonnables que chacun devra avoir, selon Testât auquel
il se trouvera.
Je vous ay desjà mandé plusieurs fois que d'envoyer des hommes
sur la frontière ce seroit chose non-seulement inutile, mais préjudi-
ciable aux fins qu'on se propose.
Je persiste encore à vous le dire, d'autant plus certainement que
je suis asseuré qu'il ne se peut apporter aucun changement dans la
résolution qu'on a prise de ne le faire pas, et qu'on ne peut faire
sçavoir aucune chose par ceux qui s'y aboucheroient, qu'on ne puisse
faire cognoistre sans péril par la voye que vous avés d'escrire en
chiffres.
Quant au secret, on ne doute point que M' le Comte-duc ne le garde,
tant à cause de sa propre fidélité, que parce qu'il y [sic] a autant d'in-
lérest à le garder que personne, veu que, s'il y manquoit, il nous
osteroittout lieu de croire qu'on peust jamais faire aucun traitté avec
luy, ce qu'il ne peut faire, à mon avis, aff'ectionnant les iutérestz de
son maistre comme il faict.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 741
Après cela il ne me reste rien à vous dire, sinon que vous pouvés
.encore asseurer M"' le Comte-duc que S. Em. désire de tout son cœur
pouvoir contribuer avec luv au repos de toute la chrestienté, pour, par
après, pouvoir, conjoinctenient avec iuy, porter les armes des deux
couronnes contre le ïurq.
CCCLXXII.
Archive» de Condé, n° 1 18 — Communication de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. —
Original.
A M. LE PRINCE'.
2 3 décembre.
Monsieur, L'assemblée
que le roy a accordée au clergé pour trouver les moyens de secourir
Sa Majesté dans la nécessité de ses affaires, estant convoquée au i 5* de
février prochain , je vous fais cette lettre pour vous conjurer d'employer
le crédit et l'authorilé que vous avés dans le Languedoc pour faire que
M' l'évesque de Nismes soitdepputé pour la province de Narbonne, et
M" de Pamiers le neveu*, ou de Lombez, pour celle de Thoulouze;
comme aussy M' l'évesque d'Alby pour celle de Bourges. On vous ob-
jectera peut-estre que quelques-uns de ces M" estoient depputez à la
dernière assemblée; mais, outre que ceux qui n'ont autre intention
que du bien jugent que ce sont ceux qui peuvent le mieux servir
l'E.stat, en cette occasion, en servant l'Eglise, qui ne peut deçnier à
Sa Majesté un secours sy raisonnable comme celuy qu'elle désire,
' Richelieu ci rivait en même temps , au fonl souhaitter, etc. » Cette lettre du a dé-
maréchal de Sciiomberg, f d'employer son cambre à M. le prince, de même que la
authorité coiijoinctement avec celle de lettre à Schomberg, .sera not(''e aux Ana-
M. le prince, pour le mesme objet.» Le lyses.
cardinal avait déjà écrit le a décembre à * Jean de Sponde, évêque in partibus,
M. le prince, pour lui recommander de neveu de Henri de Sponde; celui-ci était
faire élire l'abbé de Sainl-Aoust trésorier l'un de» plus savanis prélats de France, el
de la Sainte-Chapelle de Bourges : • Outre mourut dans un âge avancé , en 1 643. De-
qu'il a toutes les qualités nécessaires, l'es- puis 1689, el pendant une longue ab-
li.T.e que je fais de M. de Saint-Aou't .son sence de sou oncle, .lean de Sponde fai-
frcre, et raiïeclion que je Iuy porte, me sait à Pamiers les fonctions épiscopales.
lui
LETTRES
vous sçaiirés, s'il vous plaist, que les règlemens taicts pour la dep-
putation des évesques veulent qu'on ne prenne point garde au tour
ny à l'ordre. Je vous coulure aussy de vouloir prendre cognoissance
de Tesleclion qui se fera dans ces provinces des depputez du second
ordre, afin qu'elle soit de personnes paisibles et faciles à gouverner,
et de ne tesmoigner à aucun que je vous aye escrit de cette affaire,
que je ne doute point qui ne réussisse par vostre entremise, ainsy
qu'il est à souliaitter pour le bien du service du roy '. Je feray valoir
' Nous avons eu plus d'une fois l'occa-
sion de remarquer l'exlrême pénurie du
trésor; vers la fin de celte année 16^0,
on était à bout de ressources, et le cardi-
nal était sérieusement préoccupé des be-
soins de l'année qui allait commencer. Il
fallait user de toutes sortes de moyens
pour faire face à des dépenses excessives.
On songea à faire payer aux exempts ,
comme à tout le monde , la taille et les
antres contributions ; à établir l'impôt
d'un sou par livre sur toutes sortes de
denrées, bormis le pain, impôt dont la
perception obligeait de faire chez les mar-
cbands des visites qui e.Kcilèrentun mécon-
tentement universel ; de plus on fonda une
des principales ressources sur ce qu'on
pourrait tirer des biens du clergé, auxquels
il était alors si difficile de toucber. Les trai-
tants, qui étaient à la fois une ressource
et un fléau dans les détresses de l'épargne
royale, se mirent promptement à l'œuvre.
Nous lisons dans le journal épistolaire
d'Arnauld, qui nous fournit à cet égard
de curieux renseignements : • Un certain
Paléologue, munitionnaire italien, a pris
un parly pour mettre à la taille et à toutes
sortes d'impôts et de taxes tous les ecclé-
.siastiques non nobles; cela faict une es-
tran<;e rumeur. » — Un arrêt du conseil éta-
blit d'abord, sur le revenu des bénéfices.
une taxe du tiers. Un autre traitant .
nommé Barbier, offrait dix -sept millions
de ce tiers. On commença à faire des sai-
sies, «et (dit encore Arnauld) le nonce
fail grand bruit de celte affaire; mais cela
n'est pas capable d'estonner M' de Bul-
lion.. . L'évesque de Senlis en voulut par-
ler au conseil; mais M' de Bullion le fil
taire avec sa courtoisie ordinaire , » et Ar-
nauld raconte la scène qui se passa à ce
sujet. Cependant, en face des résistances
qui s'élevaient de toutes parts, Bullion
imagina de demanderau clergé une somme
fixe de cinq millions pour le rachat de la
taxe du tiers ; et Arnauld nous apprend
qu'il resta quatre jours à Ruel pour s'oc-
cuper, avec le cardinal, de cette épineuse
affaire. Cependant les évéques deman-
dèrent à délibérer dans une assemblée
générale du clergé , comme il était d'u-
sage , sur la contribution qu'ils pouvaierft
fournir. On voit, par la présente lettre,
comment Richelieu s'y prenait pour avoir,
de cette assemblée, la décision qui lui
convenait. Il ne se bornait point, d'ail-
leurs, à employer l'autorité des gouver-
neurs de province; il ne laissait pas de se
servir lui-même de son crédit auprès des
députés du clergé : « Plusieurs évesques
vont à Ruel, le cardinal les fait disner
avec luy, et il 1rs prie de consentir pour
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 743
à Sa Majesté celuy que vous luy rendrés en cette occurrence, ainsy
que vous le pouvés souhaitter d'une personne qui est vérilablenient
conf)n)e moy,
Monsieur,
De Ruel, ce 2 3 décembre 16A0
Vostre bien liumhie et très aUectioimë serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
/
l'amour de luy,» dit Arnauld, dans une
lettre du 5 décembre. Quelques-uns des
chefs du clergé mettaient, de leur côté,
une grande activité dans leur opposition;
l'archevêque de Bordeaux lui-même , long-
temps l'un des plus dociles instruments
de la politique du cardinal, l'un de ceux
qui avaient reçu les marques les plus écla-
tantes de sa pro'.cction, se distingua dans
cette lutte. On peut se fier sur ce point au
trnioignagc de Moiilclial, qui nous le re-
présente quittant son escadre, se mettant
deux fois en roule pour venir faire des re-
présentations à la cour, recevant deux fois
en chemin l'ordre de retourner en Pro-
vence, allant à Arles, allant à Aix, écrivant
à Toulon, enfin usant de toute son in-
fluence pour faire élire des députés ardents
à la résistance. (T. 1, p. i36.) Ce fut là,
sans nul doute, une de» raisons de sa dis-
grâce, qu'on a attribuée à d'autres causes.
Cependant, en attendant la réunion de
l'assemblée générale, on s'elforçail de mé-
nager un arrangement et de préparer des
propositions. Bullion écrivait à Richelieu,
le 1 a décembre : • . . M. de Chavigny fera
voir à V. Em. le projet du traiclé que nous
avons arresté sur l'affaire du clergé »
Nos manuscrits de cette époque témoi-
gnent des soucis que celle affaire causait a
Hichelieu; sa résolution habituelle en pa-
raît fatiguée; il cherche de tous côtés des
éclaircissements et des conseils. Naus
trouvons , dans le tome 95 de la collection
France, aux Affaires étrangères, quatre
pièces touchant l'imposition à mettre sur
les biens du clergé, en marge desquelles
le cardinal a écrit : Avis de M. de Dordeaiu: ,
Avis de M. de Chartres, Avis de M. Lescot ,
Avis da P. Rabardeau, et une cinquième,
où Cherré a mis Avis du P. Morin. Riche-
lieu lui-même avait composé un mémoire ,
que nous avons inutilement cherché , mais
dont une lettre du P. Dinet au cardinal
constate l'existence : iM*\ écrit ce père,
la matière sur laquelle vous m'avés com-
mandé de vous donner mon advis est si
dignement disputée dans l'escril que vous
en avés dicté, que je ne sçay bonnement
qu'y adjousler après une simple approba-
tion. < Toutefois, le P. Dinet ne laisse pas
d'examiner la question dans une disserta-
tion de quatre pages (t. OfU de la collec-
tion France). Enfin nous trouvons, dans
le tome gS précité, une remontrance qui
commence ainsi : tSiie, les archevesques ,
évesques et aulres ecclésiastiques, repré-
sentant le clergé de France, assemblez
par la permission de V. M. etc. » C'est un
'cahier de 1 8 feuillets , signé « Sourdis , ar-
clievesque de Bordeaux, président, » avec
le contre-seing des secrétaires de l'assem-
blée. Celle pièce, sans date, ne peut se
rapporter qu'à l'assemblée qui devait se
réunir rn février de i64i. De celle grande
affaire, qui occupait alors tout le monde.
'U
LETTRES
CCCLXXIII.
Archives de la famille d'Esneval. — Communication de M. Cliéruel. —
Original'.
A M. DE GRÉMONVILLE,
LOKSEIILER DU ROY EH SES CONSEILS, UAI5TKE DES REQUE8TES DE SON IIOSTBL ET INTENDANT DE LA JUSTICE
ET POLICE EN L'ARMÉe 1)0 ROY.
i64o.
DOVENNE DE POIX.
Bergicourt [a]^ prophané les sacremens, rompu les vaisseaux et
la Gazette, dirigée par Riclielieu, ne dit
pas un mot, et ne fit qu'annoncer en six
lignes, le a4 novembre, une déclaration
du roi , qui avait été publiée la semaine
d'auparavant, portant que tous les bénéfi-
ciers de France devaient payer un dixième
de leur revenu. Nous remarquons, dans
la lettre d'Arnauld du 5 décembre, que
nous venons de citer, cette plirast- : « M. le
chancelier dist hier aux pré.sidens de la
cour des aydes qu'il falloil que le roy trou-
vasl six-vingt millions pour les despenses
de l'année prochaine ; » et presque au
même moment, le ii décembre, Bullion
écrivait à Chavigni : « La faulte de fonds
de 32,000,000 de francs pour l'année pro-
chaine me met en extresme peine. «Bullion
n'écrit pas une lettre au cardinal ou à Cha-
vigni qu'il ne témoigne le trouble extrême
que lui cause la détresse de l'épargne ; et
celte continuelle et violente agitation d'es-
prit abrégea sans doute sa vie; il mourut,
le 23 décembre, d'une goutte remontée,
le jour même où la présente lettre était
écrite. — 11 se trouve aux Affaires étran-
gères, dans les papiers de Richelieu for-
manl la collection France , beaucoup de
pièces concernant les finances : des étals
de recette et de dépense , des comptes
de toute sorte, des projets de budget
pour plusieurs années. Tout cela est con-
fus et incomplet; on ne peut se former
une idée nette ni de la législation en
matière de finances, ni des sources des
revenus publics, ni de l'emploi qu'on en
faisait , ni des principes sur lesquels était
fondée l'administration financière, ni des
procédés dont elle usait, ni des résultats
qu'il était possible d'obtenir. Nous don-
nerons, comme échantillon, le fac-similé
d'une pièce qui se rapporte à cette année
i64o ; c'est une des plus claires que nous
ayons trouvées. On y remarquera surtout
le peu d'ordre, l'absence des détails pré-
cis, l'obscurité des comptans , qui com-
prennent, pour cette année, plus du tiers
de la dépense totale, et où l'on n'indique
ni l'objet, ni l'attribution des sommes
payées.
' La date manque; la pièce se trouve
classée, dans les archives d'Esneval, en
i64o, après une lettre du à septembre.
Nous plaçons celle-ci à la fin de l'année,
rien ne nous indiquant une date précise.
(Voy. ci-dessus, p. 720.)
' Ce petit mot manque dans l'original.
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DU CARDINAL DE RICHELIEU. 745
faict ordure dans les fons, dont information a esté faicte par les
archers de la connestablie, et niise entre les nnains de M. de Grémon-
ville; M' de Bellejambe en a receu la plainte.
La Vaquerie, du régiment de Huns {sic), a prophané les vaisseaux,
rompu les images avec dérision, jette les hosties consacrées au nombre
de quatre et foulé aux pieds, rompu les fons, et jette des ordures
dedans, comme il paroist par l'information ffiicte par le juge royal de
Granissiers(?) à la requeste du chapitre d'Amiens et mise entre les
mains de M"" de Grémonville.
A Courcelles sous Thoix , mesmes prophanations et informations par
le mesme; à Pierrepont, mesme chose; et en beaucoup d'autres lieux.
M' de Grémonville verra par le mémoire y dessus, que je luy
envoie, les prophanations qui ont esté faictes aux lieux qui y sont
exprimez par quelques particulliers qui sont dans l'armée, et sçaura,
par mesme moyen, que l'intention du roy est que ceux qu'on pourra
descouvrir soient arrestez et cTiastiez ensuitle si sévèrement que
leur punition serve d'exemple pour retenir les autres de commettre
de semblables fautes. Le dict s' de Grémonville a la pluspart des in-
formations entre les mains, sur lesquelles il peut faire le procès aux
accusez. Je le prie de n'y perdre point de temps et de me faire sçavoir
les diligences qu'il y apportera.
Le Gard. DE RICHELIEU.
ANNÉE 1641.
GCCLXXIV.
Bibl. imp. Fonds Béthune, 9387, fol. a4- —
Minute de la main de Charpentier?
LETTRE DU ROI A M. LE COMTE.
3 janvier.
Mon cousin, j'ay receu vostre lettre par laquelle vous m'asseurés
CARDIN. DE BICHELieC. — Tl. gi
746
LETTRES
de vostre innocence, laquelle voulant croire, je n'ay à vous dire autre
chose, sinon que je sauray tousjours donner à ceux de mes sujets
qui manqueront à ce qu'ils doivent à ma personne et à mon Estât, les
juges qui doivent prendre cognoissance de leurs actions. Je m'asseure
que vostre conduitte sera tousjours telle que je la puis souliaitter; et,
en cette considération , je vous asseureray de mon affection , et prie
Dieu qu'il vous ait en sa s^" garde ^
A S' Germain, du 3* janv' i64i.
' Nous avons déjà dit que les mauvaises
dispositions du comte de Soissons contre
le gouvernement de Richelieu et ses liai-
sons avec les ennemis de la France n'é-
taient ignorées d'aucun de ceux qui étaient
au courant des affaires publiques. Notons
ici un incident qui fit surveiller de plus
près encore sa conduite. Un gentilhomme,
nommé La Rainville, venu d'Angleterre,
accusait le duc de La Valette d'entretenir
en France des intelligences criminelles,
et nomma M. le Comte dans ses dénon-
ciations. La chose fit bruit ; la comtesse de
Soissons s'en plaignait tout haut, en s'ef-
forçant de justifier son fils. Le jeune prince
en écrivit au roi et au cardinal, le 5 dé-
cembre, des lettres qu'il envoya par Cam-
pion. (Rcc. d'Aubery, t. V, p. 358 et suiv.)
Il s'indigne des sourdes accusations dont
il est l'objet et supplie qu'on pousse à
bout l'accusation , et qu'elle soit mise de-
vant le parlement. Nous avons donné ci-
dessus, p. 786, les réponses que lui firent
le roi et le cardinal; le prince écrivit en-
core le a 1 au roi et à Son Eminence ; dans
ces deux lettres, qu'Aubery a également
publiées, M. le Comte réclame de nouveau
une instruction solennelle. Henri Arnauld
dit, dans son journal épistolaire, le 3 jan-
vier : « M' Campion ayant porté à M'' le
cardinal une seconde lettre de M*' le
comte, par laquelle il continuoit à deman-
der que l'on renvoyast au parlement ceux
qui l'avoienl voulu brouiller dans l'affaire
de La Rainville, Son Eminence s'emporta
exiresmement et renvoya le porteur de la
lettre avec des paroles rudes. » On voit
que , dans la dépêche qu'il fit signer au roi ,
Richelieu mit une fermeté plus calme.
M. le Comte s'empressa de répondre à
Louis XIII : « J'ay eu grande joie d'ap-
prendre, par la lettre qu'il a plu à V. M. de
m'escrire, qu'elle croyoitmon innocence, •
et il remercia le cardinal « d'avoir fait
connoistre au roy cette vérité.» (Aubery,
p. 36o.) Le style du roi n'était pourtant
pas de nature à causer beaucoup de satis-
faction à M. le Comie; le fait est que les
assurances de fidélité que ce prince en-
voyait au roi et à Richelieu ne trouvaient
aucun crédit. A quelques mois de là il
était en révolte ouverte; on s'y attendait
et on se préparait. Nous lisons encore dans
une lettre d'Arnauld, du 27 janvier : «II
esclatlera sans doubte bientost quelque
chose; on esludie les procez faicts aux
princes du sang. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 747
CCCLXXV.
Arch. des Aff. étr. Lorraine, l. Sa, pièce 5*. —
Minute de la main de Charpentier.
[AU ROI\]
Du 17 janvier i64 i.
Les extraordinaires et fréquentes légèretez du duc de Lorraine ne
permettent pas qu'on entende â aucun accord avec luy qu'avec toutes
sortes de précautions.
La proposition qu'il faict maintenant ne doit pas estre seulement
suspecte comme estant d'événement incertain; mais il faudroit estre
aveugle pour ne voir pas qu'il n'en peut arriver un bon.
Le duc Charles changeant tous les jours de pensées et de paroles,
il n'y a point d'apparence de luy mettre une place entre les mains
dont il pourra abuser, ou sur quelque explication imaginaire, ou par
le manquement ordinaire de sa foy, qu'il n'a point gardée en aucun
traitté qu'il ayt faict avec le roy.
Au reste, le d. duc avoit jusques icy demandé au roy toutes con-
ditions desraisonnables pour se remettre en son devoir; il est hors de
doute qu'estant fortifié d'une place, il en demanderoit encores de
moins recevables. De dire que le dépost de ses colomnels soit une
seureté, c'est chose ridicule, tant parce qu'ilz sont de nulle considéra-
tion au respect de la place, que parce que le roy veut esviter la ri-
gueur qu'il seroil contrainct d'exercer, si le d. duc venoit à manquer
de foy, en leur faisant couper la teste.
L'exemple de l'infidélité du s' de Ville, qui n'a faict nulle difficulté
de violer sa parole, faict voir le peu d'asseurance qu'on doit prendre
et en celle des colomnels proposez pour ostages, et en celle de leur
maistre.
' Charpentier n'avait donné ni suscrip- pièce est une espèce de rapport qui dut
tien, ni date; mais Cherré a écrit au dos, être soumis au roi, et dont on se servit
• M. du Hallier, sur le sujet de M. de Lor- ensuite pour faire à M. du Hallier une
raine,» et il a mis la date en tête. Cette lettre que nous n'avons pas trouvée.
94
748 LETTRES
Ainsy que ces considérations ne permettent pas d'adhérer aux pro-
positions faites par le s"" de S' Martin de la part du duc Charles, aussy
la raison d'estat ne veut-elle pas qu'on perde l'occasion de luy donner
tout ce qui luy est nécessaire pour venir trouver le roy, si bon luy
semble, avec seureté, et conclure un traitté raisonnable s'il a bonne
intention.
Pour cet effect il faut envoyer à M' du Hallier un passe-port bien
ample et tel que le d. duc n'y puisse rien désirer davantage pour sa
seureté , et une lettre de S. Em. au d. duc par laquelle il luy man-
dera avoir commandement du roy de luy donner sa parole qu'il peut
venir seurement à la cour pour traitter avec Sa Majesté, et s'en re-
tourner avec toute seureté au cas qu'il ne conclue rien avec elle, ce
dont il luy donne parole '.
Faire moins que cela seroit perdre une occasion qui semble devoir
réussir; faire plus seroit une témérité qui, en matière d'estat, feroit
commettre une faute irréparable.
' Le duc vint en effet; un traité fui
conclu, le 29 mars, entre le cardinal de
Richelieu , pour le roi , et le duc de Lor-
raine (voy. ci-après, p. 766). Après les ser-
ments prêles, le 2 avril, le prince resta
une quinzaine de jours à Paris, où on le
traita magnifiquement ; il partit enfin , « fort
satisfait de la cour. » [Gazette du 20 avril )
« Ses sujets le reçurent avec des transports
de joie, qu'il serait difficile d'exprimer,»
dillepèreGriffet (p. Sig) *. — Le 17' cha-
pitre de l'Histoire de la réunion de la Lor-
raine à la France, fav M. le comte d'Haus-
sonville , contient sur ces événements des
détails intéressants. — Le duc de Lorraine
ne tarda pas à justifier les méfiances que le
cardinal avait exprimées dans la présente
lettre ; il manqua à tous les engagements
* Selon l'historien de Louis XIII, qui ne parle
pas des fêtes de Paris et qui met celles de Lorraine
au 10 avril, le duc se serait bâté de quitter Paris
qu'il avait pris , et, dès le mois d'août, il
était en pleine révolte. Le 27, il publiait
une déclaration portant qu'on lui avait fait
violence en France et que les actes revêtus
de sa signature lui avaient été extorqués.
Nous avons dans le fonds de Béthune, à la
Bibliothèque impériale , une lettre du roi à
la duchesse de Lorraine , où Sa Majesté se
plaint de cette trahison du duc : « Il est
vrai , dit le roi , que quoyque je le co-
gneusse léger et inconstant, je n'eusse ja-
mais attendu de luy une si grande mescon-
noissance. Je prie Dieu qu'il le rende sage
selon luy et selon le monde. » La lettre a
été dictée à Cherré par le cardinal ; elle sera
notée à la fin du volume. Les manuscrits
de Lorraine aux Affaires étrangères nous
ont été connus trop lard pour que nous
presque aussitôt la paix jurée. La version vraie
fait mieux ressortir la dissimulation du prince lor-
rain.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 749
CCCLXXVI.
Arch. des Aff. étr. France, i64i, six premiers mois, fol. 37. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
5ECRBTA1BE D*ESTAT.
De Ruei , ce 1 8 janvier 1 64 1 .
Jugeant que M' le coadjuleur de Troye', fils de M' du Houssay,
pourra utilement servir le roy en l'assemblée générale du clergé, je
prie M' de Chavigny de l'aller trouver de ma part et luy tesmoigner
ie désir que j'ay qu'il soit depputé pour la province de Sens, en la
d. assemblée. Que pour cet effet il faut qu'il se face depputer à Troye,
pour se trouver à l'assemblée provinciale de Sens, où M' d'Auxerre
se rendra pour l'assister en cette occasion. M' de Chavigny parlera
aussy, s'il luy plaist, à M' de Chanvalon de ma part, et luy dira que
je le prie de faire sçavoir à M' de Rouen qu'il me fera très grand
plaisir de faciliter la depputation de M. de Constances pour l'assem-
blée générale du clergé. Et, au cas que le d. s' de Constances ne puist
estre depputé, de procurer la nomination de M' d'Evreux^. M' de
ayons pu placer à leur ordre chronologique Normandie, il paraît que Richelieu, dou-
les pièces que nous y avons trouvées; elles tant de son obéissance, avait un instant
pourront entrer dans un supplément. cliangé de pensée, car nous lisons dans
' François Malier du Houssay, qui suc- une lettre de l'évèque de Lisieux au car-
céda cette même année à René de Breslay. dinal , du ay janvier : t . . . Mais mainte-
Celui-ci mourut le 2 novembre âgé de n«nt. M*', voici d'autres nouvelles, car
quatre-vingt-quatre ans; le coadjuteur en M' de Chartres nous faict sçavoir que
avait lui-même soixante-sept. Il était d'une V. £m. ne se fie ny en mon d. seigneur
famille dévouée au cardinal. d'Evreux, ny en moy, et veut qu'on luy
' L'évèque de Coutances, Léonor de en nomme un troisiesme. » Pour lui
Matignon, avait signé la censure du pam- (évêque de Lisieux), il a la goutte, et ne
phlet 0/)<aftu ^a//u$, ce qui le rccomman- pourrait se rendre à l'assemblée; «mais
dail auprès de Richelieu, cependant il ne quant à M' d'Evreux, je proteste devant
fut pas député à l'assemblée de Mantes. Dieu que, s'il estoit connu de V. Em.
Quant à l'évèque d'Evreux, François de comme je le cognois, elle ne souffriroit
Péricard, d'une famille parlementaire de jamais qu'on lui list cest affront; il est
750
LETTRES
Chavigny priera M. de Clianvalon d'envoier exprès à Rouen pour avoir
la response de M' son frère ; et M'' de Chavigny fera payer la course
de celuy qui ira de la part de M' de Chanvalon, afin que nous ayons
prompte response.
Le Gard. DE RICHE [JEU '.
CCCLXXVII.
Arch. des AfF. étr. France, i64i, six premiers mois, fol. 28.
SCSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
Original.
SBCn^T&IRF. D'EST\T, À PARIS.
De Rue! , ce 1 8 janvier 1 6à 1 .
M. de Chavigny ira, s'il luy plaist, trouver Monsieur, de ma part,
et luy dira que, maintenant que le temps du mariage de M' d'Anguien
approche^, je l'ay prié de sçavoir de luy s'il l'aura agréable, ne voulant
rien faire en cela , ny en autre chose , qui luy peust déplaire , et dési-
aussy peu capable de s'esloigner de vos
volontez qu'aucun de la province. . . » (Ms.
cité aux sources, fol. 27.) Richelieu se
laissa-t-il persuader par cette protestation,
ou ne put-il empêcher l'élection de l'évéque
d'Evreux ? Quoi qu'il en soit, l'événement
prouva qu'il connaissait son monde mieux
que ne faisait l'évéque de Lisieux; M' d'E-
vreux fut un des plus fermes opposants
dans l'assemblée de 1 64 1 ; il se servit même
de paroles que Richelieu avait prononcées
aux étals de 161 A, pour repousser les de-
mandes que celui-ci faisait en ce moment
au clergé; nous verrons son nom parmi
ceux des prélats que le cardinal fit expulser
de l'assemblée et renvoyer dans leurs dio-
cèses. — Nos manuscrits conservent mainte
preuve de l'influence souveraine qu'exerça
Richelieu sur la nomination des députés.
(Voy. p. 74 1.) Citons seulement ici quel-
ques lignes d'une lettre du coadjuteur de
Tours (frère de Bouthillier) : « Pour l'as-
semblée provinciale ceux qu'il a pieu à
V. Em. décommander y ont esté nommés,
et cela s'est faict d'un consentement una-
nime et par le respect que tous les députez
ont voulu rendre aux volontez de V. Em.
lesquelles me serviront tousjours (Je lois
inviolables, puisque je suis sa créature.»
(Mênie ms. fol. 55.) Malgré cela, les déli-
bérations de l'assemblée donnèrent de
grands embarras à Richelieu.
' Cette signature diffère un peu de la
signature ordinaire du cardinal ; la place ,
ici très-étroite , l'a fait abréger.
' Le bruit était alors que le mariage
était résolu pour le carnaval. (Journal
épistolaire d'Arnauld , du 1 3 janvier. )
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
751
rànt vivre avec luy avec tant de respect que d'avoir son agrément
après avoir receu les volontés du roy.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCLXXVIII.
Arch. des AfF. étr. France, i6ii, six premiers mois, fol. a/j. — Original.
SUSCniPTION:
POUR M. ROUTHILLIER,
SURINTENDANT DES FINANCES, À PARIS.
De Ruel, ce 3o janvier 16/11.
Monsieur le prince aura peut-estre trouvé quelque mot dans les
articles' plus qu'il ne désireroit, en ce que ma niepce renonce mesme
à ma succession en faveur des filles provenantes de la ligne de ma
sœur aisnée, au cas que les masles vinsent à manquer. Si cela grève
son esprit, je ne m'esloigne pas de le dégrever.
S'il ne trouve rien à redire aux articles que vous luy avés donnés,
vous ne dires rien.
. Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCLXXIX. '
Dépôt de la guerre, l. 6.3, p. /io6. —
Original, devenu minute, une correction ayant obligé de refaire celle dépêche.
LETTRE DU ROY AUX ÉVÊQUES.
20 février.
.Monsieur l'évesque de comme mon cousin le cardinal de
' Nous avons dans le ms. des Affaires
étrangères cité aux sources deux co-
pies du contrat de mariage du duc d'En-
ghien avec Claire -Clémence de Maillé-
Brezé, et un premier projet, en brouillon
fort raturé, de la main de Bouthillier,
fol. 78- 101. Richelieu donnait à sa nièce les
terre» d'Anssac , Mouy, Carabronne et Ples-
sis-Billebault, et la somme de 300,000**;
au lieu de ce chiffre, d'autres et le brouil-
lon de Bouthillier mettent 600,000**;
mais il faut remarquer que, dans ce brouil-
lon, les terres ne sont point mentionnées.
« Moyennant cette donation led. seigneur
cardinal-duc déclare î'On intention que lad.
demoiselle, future épouse, ne puisse rien
752 ' LETTRES
Richelieu ne se contente pas de soulager mes soins par les siens con-
tinuels et par ses veilles, pour tout ce qui regarde l'advantage et la
gloire de cet Estât, mais par une piété et charité dignes de son rang
dans l'Eglise et de son zèle pour le bien public, porte aussy ses pen-
sées à tout ce qui peut advancer la gloire de Dieu et le bien spirituel
de mes sujets, m'ayant faict entendre le dessein qu'il a d'establir des
missions de pères de la compagnie de Jésus en tous les lieux de
mon royaume où ilz pourront s'employer utilement à l'instruction
chrestienne et à l'édification de mes sujets, et de pourvoir de son
bien à tous les frais de ces missions, en sorte qu'elles ne seront à au-
cune charge ny despense au peuple, ny à quelque personne que ce
puisse estre, j'ay grandement approuvé un sy louable et sy utile
establissement. Et, bien que je ne doubte pas que vous ne soyés de
vous-mesme assez disposé à le faire réussir en tout ce qui peut des-
pendre de vous, néantmoins j'ay bien voulu vous tesmoigner, par
cette lettre, comme je désire grandement d'en voir les bons effects
que l'on en doibt attendre, et que mon intention est que, pour cet
effect, vous receviés, sans aucune difficulté, les pères de ladicte com-
pagnie qui seront envoyés en vostre diocèze par leurs supérieurs,
pour l'exercice de ladicte mission; que vous leur donniés toute l'as-
sistance et l'apuy es choses qui sont de vostre auctorité, dont ils au-
ront besoin et dont ils vous pourront requérir; et que vous les favo-
risiés, en tout ce qui sera de vostre pouvoir, pour leur donner moyen
de s'acquitter aussy dignement de ce saint employ que la capacité et
bonne conduitte de ceux de cet ordre le peuvent faire espérer. Aquoy
ne doubtant pas que vous ne soyés bien ayse de contribuer, et de
prendre part au mérite de ce bon œuvre, je ne vous en diray pas
prétendre en sa succession et biens, etc. » Ville aux Clercs, aflRn que je le puisse voir
Le contrat fut présenté au roi le 7 fé- demain matin , avant que de le porter au
vrier, ainsi que nous l'apprenons d'un Louvre. — Ce mercredy au soir 6 février
billetde Riclielieu àChavigni : « M. deCha- i64i.» — (Original, sans signature, de
vigny se souviendra de retirer le contrat la main de Le Masle; ms. cité aux sources,
de mariage de M. d'Anguien, de M. de la fol. 77.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
753
davantage et ne vous feray la présente plus longue que pour prier
Dieu qu'il vous ayt, M' l'évesque de en sa sainte garde.
Escrit à S* Germain en Laye, le febvrier i64i'-
LOUIS.
CCCLXXX.
Arch. des A£F. élr. France, i64i, six premiers mois, fol i \!t. — Copie.
INSTRUCTION
AUX SIEURS DE LÉON,
CONSEILLER AD CONSEIL D'ESTAT,
ET D'HÉMERY,
COISIILLEK iD DIT COHSRIL, IHTEMDAIIT ET COHTBOLLEDK GIÉHÉBAL DES FINANCES,
Commissaires depputés par Sa Majesté pour assister, de sa part, en l'assemblée du clergé
qui est convoquée en la ville de Mantes '.
3 I février.
Les d. s" commissaires se transporteront en la d. ville de Mantes
' Un commis de de Noyers a mis au
dos de cette pièce : • Dépesche généralle
aux évesques du département de M''; du
XX* febvrier i64i. » — On sait qu'alors il
n'y avait pas de ministère de l'intérieur;
l'administration des provinces était parta-
gée entre les secrétaires d'état.
' Bouthillier a mis au dos de cette co-
pie un litre plus succinct; et un secrétaire
de Chavigni a ajouté des sommaires aux
marges. — On lit peu les Mémoires de
Montchal, qui ne sont que le journal de
celte assemblée, sauf les cinquante pre-
mières pages, dont l'auteur a fait un pam-
phlet contre Richelieu. Cette espèce d'in-
troduction, très-passionnée, est peu capable
d'inspirer confiance dans la relation qui
suit. Montchal, archevêque de Toulouse,
avait été expulsé avec violence de l'assem-
CARDIN. DE RICHEUED. — T(.
blée de Mantes, dont il était l'un des pré-
sidents; ce souvenir doit être présent à
ceux qui le lisent; il faut le lire pourtant,
car il y a plus d'un détail curieux. Dans
l'aperçu qui précède sur le gouvernement
de Richelieu , à de justes reproches se
mêlent des imputations sans preuves et
des calomnies évidentes. — L'abbé deCou-
rayer, en annonçant , dans l'Europe savante
de novembre 1718, ces Mémoires , qui ve-
naient de paraître à Rotterdam et dont il
possédait un manuscrit meilleur que celui
de l'imprimeur de Hollande, dit : a Ala fin
de ce ms. nous avons trouvé la dissertation
suivante, qui sans doute est de M. de Mont-
chal, et qui cependant n'est point impri-
mée : Ce qui suit sont les preuves comme les
puissances séculières ne peuvent imposer au-
cunes tailles, taxes, subsides et autres droits
95
754 LETTRES
el, feront entendre à M"* du clergé la satisfaction que S. M. a receue
(lu choix qui a esté faict de leurs personnes pour assister en lad. as-
semblée; espérant qu'ils se porteroient à luy donner toute sorte de
contentement et secours en la nécessité présente de ses affaires.
Ils feront en outre entendre aux d. s" du clergé, que l'intention
du roy est qu'ilz travaillent incessament à prendre la résolution du
secours qu'ils doivent donner. Avant laquelle résolution faicte Sa Ma-
jesté ne veult pas qu'ilz puissent vacquer ny délibérer aucunes autres
affaires de quelque nature et qualité quelles soient, la d. assemblée
n'ayant esté convocquée que pour le seul effect.
ils remonstreront aussy aux d. s"** du clergé, de la part de Sa
Majesté, qu'elle pourroit avec grande raison prétendre d'eulx une
plus grande et notable somme de deniers que celle de six millions
six cens mille livres, qui a esté promise par aucuns d'eulx à Sa d.
Majesté, sur les fins de laquelle promesse elle a permis la d. as-
semblée, quoy qu'elle eust peu, avec juste tiltre, et par une posses-
sion immémoriale, à l'exemple des roys ses prédécesseurs, taxer les
biens el revenus du d. clergé selon qu'en sa conscience elle croiroil
et verroit estre à faire, le royaume estant dans une guerre ouverte el
nécessaire comme elle est, et tous les autres ordres ayant tellement
contribué aux nécessités de Testât qu'il est impossible d'en plus tirer
des secours sans leur totalle ruine.
Les d. s" commissaires déclareront à la d. assemblée que le roy
ne veult point entendre d'aultres propositions que celles pour rai-
son de quoy ils ont esté convocquez, qui est de payer dans la pré-
sente année et la prochaine à Sa d. Majesté les d. six millions six
cens mille livres, par taxes qui seront faictes sur eulx et payables
sans le consentement de l'Eglise, t Celle pré- lions à mellre sur les biens considérables
tention de ne parliciper aux cbarges de que possédait alors l'église de Fiance. C est
l'Etat que selon qu'il plairait au clergé d'y la relation de ce qui se passa dans l'assem-
conlribuer doit être prise en considération blée de Mantes, qu'on a imprimée, lon^-
quand on apprécie la lutte qui s'établit temps après, sous le titre de Mémoires de
entre Richelieu et les opposants de l'as- Montchal; nous indiquons, p. 768 (sous-
semblée de Mantes, au sujet des imposi- note), les manuscrits que nous avons vus.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 755
es dictes années, tout autre moyen estant contre eulx et contre Sa
Majesté mesme; d'autant que, s'ils se portoient à ofTrir une partie
de leurs revenus, la liquidation et recouvrement d'iceux constitue-
roient les bénéficiers à tant de frais, et feroient tirer le d. recouvre-
ment en tant de longueurs qu'il n'y auroit que ceulx qui seroient
employés à l'exécution de cest affaire qui en tireroient de l'advan-
tage, ainsi que les d. s" du clergé ont peu recognoistre quand ils
ont esté obligés de fournir leurs déclarations; ce qui a donné lieu au
changement du tiers du revenu en la taxe des d. 6,600,000^, dont
il est à présent question. Et, si on rentroit dans la perception du d.
tiers ou quelques autres propositions, les d. commissaires n'en rece-
vront aucune autre que la taxe des d. 6,6oo,ooo*t.
Ils représenteront aux d. s" du clergé Testât de l'affaire, et ce qui
s'y est passé jusques à présent, et les offres qui ont esté faictes à
Sa Majesté jusques à 26 ou 3o millions de livres si elle eust voulu
tirer à la rigueur tout ce qui luy pouvoit estre légitimement deub
pour les d. droicts d'amortissement, par les raisons que les d. com-
missaires sçauront leur faire entendre particulièrement.
Et où les d. s" du clergé feroient quelques propositions en exé-
cution de la d. taxe, comme d'y comprendre les cures et nouvelles
religions exceptées par les déclarations de Sa Majesté, ou quelques
autres moyens, ilz remettront le tout à Sa d. Majesté et luy en don-
neront advis, pour sçavoir son intention.
Et si, après la proposition généralle faicte par les d. s" commis-
saires, les d. s" du clergé demandent quelques jours pour délibé-
rer, après quoy ils feront leur responce à Sa Majesté, les d. s"^" com-
missaires pourront revenir à Paris pour donner advis et rendre
compte à Sa d. Majesté de la disposition qu'ilz auront trouvée en la
d. assemblée pour son service'.
Faict à Paris ce xxi* jour de febvrier mil six cent quarante et un ;
signé Louis et plus bas de Loménie.
' En vertu de cette instruction les denx l'assemblée du clergé, réunie à Manies,
commissaires se présentèrent le 1" mars à Le P. GrifFet a raconté dans son tome III
95-
756
LETTRES
CCCLXXXI.
Arcli. des Aff. étr. Angleterre, t. 48, fol. a33. —
Mise au net, en marge de laquelle est écrit ; « Ordre de M' le cardinal. «
[POUR M. DE CHAVIGM'.]
[ 2' quinzaine de février lO.'ii.]
Fault dire à Forster et mander à Montereul que le roy ne recevroit
pas seulement la reyne, sa sœur, en France, au cas que sa santé l'o-
bligeast à y faire voiage, mais qu'il seroil bien fasché qu'elle n'y vinst
pas. Mais que, comme l'affection que S. M. a pour la reyne de la
de l'Histoire de Louis XIII les principaux
incidents qui en firent une des affaires
les plus curieuses de celte année, p. Sai-
33o. L'historien a pris les faits dans les
mémoires de Montchal sans en prendre
l'esprit , qui perce dès le début. L'arche-
vêque se plaint du choix des commissaires :
« La compagnie fut surprise, dit-il , de voir
le mépris avec lequel on traittail le clergé ,
depuis que le cardinal avait la conduitte
des affaires , car encores que le s' Brulard
(le prieur de Léon) fust un personnage
de grand mérite, et l'un des plus anciens
conseillers d' estai, néanmoins le roy avait
accoustumé d'envoyer aux assemblées du
clergé des personnages de plus haute con-
sidération, n
' Cette pièce n'a ni signature, ni sus-
cription, ni date-, mais il n'est pas douteux
qu'elle ne soit du cardinal, et ce n'est
qu'au secrétaire d'étal des affaires étran-
gères qu'elle pouvait aller. Quant à la date ,
elle est donnée approximativement par
une lettre du 3 février, où Forster se plaint
àChavigni de la difficulté de le rencontrer;
et par un billet de Richelieu aussi à Cha-
vigni, daté du i4 février, où l'on voit
qu'à celte date Forster n'avait pas encore
sa réponse : • C'est au roy, dit le cardi-
nal , à résoudre la proposition de Forster. »
(Aff. étr. France, i64i, six prem. mois,
fol. loA.) Nous avons une lettre de la reine
d'Angleterre à Chavigni concernant la mis-
sion qu'elle a donnée à Forster; mais cette
lettre est de février, sans quantième. (Fol.
2i4 et 220 du ms. précité.) Notons encore
une déclaration dudit Forster, dans la-
quelle celui-ci prend soin de constater les
propres paroles que lui a dites le cardinal.
Celle déclaration a été dictée par Chavi-
gni et écrite en partie par lui-même. (Fol.
2 4o.) — On a vu que c'était un Anglais
attaché à la reine de la Grande-Bretagne;
il recevait une pension de la France, et
je le trouve encore, en 1642, parmi les
étrangers qui figurent sur l'état que
Louis XUl avait fait dresser de lous ceux
que le trésorier de l'épargne avait ordre
de payer. On sait aussi que M. de Mon-
treuil était le secrétaire de l'ambassade de
France à Londres , alors chargé d'affaires
en l'absence de l'ambassadeur.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 757
Grande-Bretagne luy donne ces sentimens, la part qu'elle prend à ses
intérests faict qu'elle ne peut ne luy dire pas qu'il faut bien qu'elle
se donne garde de venir mal à propos en France, dans la conjonc-
ture des affaires présentes.
Qu'en telles occasions qui quitte la partie la perd ; que sa sortie
d'Angleterre tirera indubitablement après elle la ruine des catho-
liques, et peut estre la sienne propre pour tousjours et celle du roy
son mary, et de ses enfans. Que dans de sy grands changemens
comme sont ceux qui sont en Angleterre, il faut craindre qu'on passe
aux dernières extrémités incapables par après de touts remèdes.
Que c'est à la reyne de se donner un peu de patience jusques à
ce que le mal qui la presse soit sur son retour, auquel cas, ce qui
aigriroit maintenant son mal seroit capable d'y apporter une entière
guérlson. En un mot, que le roy cognoist la pensée d'un tel voiage
sy considérable pour la reyne qu'il croiroit eslre responsable devant
Dieu s'il ne le luy représentoit ^
' Les motifs qu'allègue Richelieu sont
fort justes et ses réflexions sont très-sages;
mais il avait encore une rai.son de donner
ce conseil , et c'est la principale qu'il ne
dit pas : le séjour à Paris de la reine Hen-
riette-Marie l'aurait fort embarrassé dans
ses relations avec l'Angleterre. — Au reste,
cette princesse avait abandonné le projet
d'un voyage en France. Un s' de La Ma-
sure, de la suite de la reine mère, et qui,
voulant obtenir la permission de revenir
en France , s'était fait l'espion du cardinal ,
par" l'intermédiaire du P. Carré, mandait
ce changement de dessein dans une lettre
du a8 février. Il informait en même temps
le cardinal de certaines intrigues des gens
de la reine mère, et dans une nouvelle et
très-longue lettre du 9 mai, également
chiffrée, en même temps qu'il continue
«es rapports sur ce qui se passait dans la
maison de la reine mère , il donnait au
cardinal des informations touchant les
Français réfugiés à Londres. On voit dans
cetle dernière que La Masure excitait beau-
coup de défiance dans l'entourage de la
reine mère ; ses relations ténébreuses
étaient éventées , et il supplie qu'on lui en-
voie un passe-port pour rentrer en France.
(Aff. étr. France, i64i, six prem. mois,
fol. 123 et 3oa.)
758
LETTRES
CCCLXXXll.
Arch. de la famille Boulhillier. — Original sans signature.
[A M. BOLTHILLIER'.]
De Rue! , ce 20' mars 1 64 1 .
Je demeure in deliberatis avec M" du clergé parce que c'est la
raison •'.
' Poinl de suscription ; une noie écrite
au dos par Bouthillier en tient lieu.
' Après la séance du 1" mars, où s'é-
taient présentés les commissaires du roi ,
l'assemblée de Mantes délibérait avec une
lenteur dont Richelieu était mal satisfait. 11
cherchait toutes sortes de moyens d'arriver
à une conclusion et de faire payer le clergé
sans trop le mécontenter. 11 écrivait le 1 5
mars ; « Je croy que Messieurs du clergé ne
doivent point faire de difficulté d'accorder
au roy, trois ans durant , si la guerre dure
autant, deux millions de livres, pour cha-
cune année, de secours extraordinaires
payables aux termes des décimes. » Et il
ajoutait qu'il s'engageait à obtenir du roi
une mesure au moyen de laquelle cette
charge serait allégée. (Pièce notée aux
Analyses.) Cependant, le 19 du même
mois, « l'archevesque de Sens Ht entendre
à l'assemblée que les commissaires pres-
saient extraordinairement de conclure l'af-
faire du roy, avec menace de prendre le
bien du clergé, et tesmoignant tousjours
les mauvais desseins de M" des finances,
qu'ils disoient n'estre retenus que par le
respect du cardinal , qui prenoit le clergé
sous sa protection. . . * n On voit que le
clergé affectait de paraître ménager Riche-
* Relation de ce qui s'est passé en l'assemblée du
clergé tenue à Mantes , en iôii. (Bîbl. imp. ras. df
lieu et de s'attaquer dans ses plaintes aux
agents des finances, qu'il était pins com-
mode de mettre en jeu. Sur l'observa-
tion de l'archevêque de Sens, l'évêque
de Nantes donne lecture de la lettre du
cardinal dont nous venons de citer quel-
ques lignes. Et c'est sans doute au sujet de
cette circonstance que BouthiHier mandait
le lendemain à Richelieu qu'il était resté
in deliberatis avec M" du clergé. C'est qu'en
effet rien n'était décidé. L'évêque d'Auxerre
s'était empressé d'écrire, le 19 mars, une
lettre datée de Mantes , à 3 heures : « Ce
matin l'affaire du roy a esté résolue sui-
vant le conseil qu'il a pieu à Monseigneur
faire l'honneur à l'assemblée de luy envoyer
par escript; » et l'évêque de Nantes man-
dait, aussi le 19, la même nouvelle. De
plus, nous lisons dans un protès-verba! .
daté toujours du 19 et signé La Barde, le
secrétaire de l'assemblée : « A esté résolu
que, suivant l'avis de M^'le cardinal, l'as-
semblée accorde au roy quatre millions de ■
livres par imposition, en trois années , si la
guerre dure autant. . . • (Ces diverses pièces
sont données par le ms. des .Aff. élr. 1 64 1 ,
six premiers mois, fol. 169, 171, 173.) Mais
le procès-verbal ne parlait que de quatre
millions, et Richelieu en voulait six; de
Harlay, Saint-Germain, n° i4/i. — Quelques frag-
ments sont dans 500 Colbert, i56, el Dupuy, bgo.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 759
Quant à l'affaire de Lyon, je croy en ma conscience que le meil-
leur seroit de n'y employer point mon frère , qui ne peut sans un grand
contrecœur presser ceux qu'il aime comme ses ouailles.
Pour ce qui est du s' Sabatier, il a parlé ce matin à M' de Noyers.
Il fait estât de vous donner contentement, et ma pensée est que
pourveu que le roy trouve son compte, vous avés intérest d'empes-
cher sa ruine.
Je parleray à M' de Nouveau comme vous le désirés.
plus, l'évêque de Nantes, dans une lettre du
I 7, avait fait pressentir au cardinal d'autres
difficultés. (Même ms. fol. iô5.) Le cardinal
ne négligeait rien pour les vaincre. Il fit
venir, le a8, une députation de l'assem-
blée, et Montchal a recueilli cette curieuse
conversation , que nous indiquons sans tou-
tefois en garantir la fidélité; nous ne l'avons
point trouvée dans nos mss. Cependant
Léonor d'Étampes, évéque de Chartres,
autre créature de Richelieu , lui écrivait en
confidence, le 12 avril : «Nous estimons
qu'il est temps que M" les commissaires
viennent pour se rendre icy dimanche, et
entrer iundy dans l'assemblée, en laquelle
ils se plaindront de ce que, depuis deux
mois qu'on est assemblé , l'affaire des six
millions n'a encores esté résolue; > et il
suggère au cardinal les nrguments dont les
commissaires du roi doivent user, ainsi que
les menaces qu'ils peuvent faire. « V. Em.
ajoutait-il, donnera ordre aux commis-
saires de n'agir et dire que selon ce que
M. d'Auxerre ou moy leur dirons. » Ces
sourdes intelligences de quelques évêques
un peu trop dévoués ne pouvaient être en-
tièrement ignorées de leurs confrère.s moins
dociles, et ne contribuaient pas à concilier
ceux-ci aux volontés du cardinal. — Nous
remarquons ce passage dans la lettre de
l'évêque de Chartres: « La province de Bor-
deaux ne manquera pas nussi de continuer
ses fougues et .ses impertinences, en ayant
veu les ordres exprès dans une lettre de
M' l'archevesque, qni escrit au doyen de
son église qu'il le loue des généreuses ré-
solutions de sa province et l'exhorte à con-
tinuer, asseurant que, quand bien elle se-
roit seule, il sera content et satisfait de son
courage. » Cette lettre est datée du jour de
Pâques, au cap de Quiers, d'où il « escrit
aussi à l'évesque de Bazas el autres de ses
amis de l'assemblée. » On peut croire que
ce rapport n'a pas peu contribué à la dis-
grâce dont fut frappé 1 archevêque, qui
avait joui si longtemps de la faveur de
Richelieu. Le cardinal s'abstint d'adresser
en ce moment aucun reproche à mon-
sieur de Bordeaux, occupé alors de la
jjuerre maritime sur les côtes d'Espagne;
mais, à un mois de là, le 8 juin, û lui
écrivait un billet relatif aux affaires de
la guerre, et où, sans que la colère éclate
encore, on devine un sourd mécontente-
ment. Richelieu termine ainsi ce billet :
a Vous sçaurés par ailleurs des nouvelles
de l'assemblée, où quelques uns de vos plus
aifîdez ont aussy mal faict pour le clergé
que |)our le service du roy, ce qui n'eni-
pesche pas que les affaires ne s'y soient
passées comme il faull. » — Le cardinal
DE RiCHELIED.
760 LETTRES
CCCLXXXIII.
Arch. des Aff. élr. France, i64i,six premiers mois, fol. 178. —
Original, sans signature, de la main de Charpentier.
A M. DE CHAVIGNI.
De Ruel , ce 2 3 mars 1 64 1 .
Monsieur de Chavigny dira au s"" de Bonnefons ^ que le roy a esté
louché de ia lettre que le d. Bonnefons a escrite à M" le cardinal.
Qu'aiant esté par la d. lettre aucunement esclaircy des justes
soubçons que ia conduitte passée de la reyne luy peuvent donner,
que son esprit ne soit pas encore tout à fait revenu au point où il
doit estre, il s'est volontiers porté à commander qu'on luy donnast
les cent mille francs qu'il a charge de luy faire donner.
Cependant que l'incertitude qui reste encore à Sa Majesté que la
reyne sa mère soit vraiment repentante, et ait tout à fait quitté l'es-
prit de vengeance, a faict qu'il n'a pas voulu voir le d. Bonnefons,
ny estimé à propos que M'' le cardinal le veist, ce à quoy le d. s'
cardinal a estimé devoir déférer sans résistance, parce qu'outre que
le doute du roy est bien fondé, veu qu'autres fois la reyne a parlé
quasy mesme langage qu'elle faict maintenant, lorsque ses gens ma-
chinoient de mauvais desseins, en user ainsy luy donne plus de moyen
de servir la reyne en sa nécessité.
11 dira ensuitte au d. Bonnefons confidemment, que le roy a dict
que la bonne ou mauvaise disposition de l'esprit de la reyne parois-
troit clairement par faccomplissement ou l'inexécution de ce que le
d. Bonnefons a proposé de sa part, touchant son voyage d'Italie^,
' 11 était aumônier de la reine mère , et gner des frontières de France, où elle
avait été autrefois confesseur de M°° de entretenait aulour d'elle une réunion
Combalet. La reine mère l'avait envoyé à d'hommes ennemis déclarés du cardinal ,
Paris dans les premiers jours de février. et dont quelques-uns même étaient accu-
' Depuis longtemps on exigeait de la ses d avoir formé le dessein d'attenter à sa
reine mère qu'elle se retirât à Florence; il vie. Aussi l'on voit avec quel empressement
importait beaucoup à Richelieu de l'éloi- on fournit à Marie de Médicis les moyens
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 761
et que, si elle y va, Sa Majesté est lors résolue de recevoir ses lettres,
de voir ses gens et d'avoir commerce avec elle à la veue de tout le
monde, parce que lors il aura lieu de croire qu'on ne pourra plus
avoir de mauvais desseins en France sous l'ombre de la reyne.
11 luy dira qu'en tel cas le roy est résolu de luy donner cent mille
escus par an, avec lesquels elle fera une despence qui paroistra plus
en Italie qu'elle ne feroit en France avec trois cens mille.
Il luy dira encore qu'afin qu'elle ne face pas ce voyage mesquine-
ment, S. M. luy envoyera cent mille francs par avance lorsqu'elle
voudra partir.
Il adjoustera qu'elle peut faire ce voiage avec moins d'incommo-
dité qu'il ne semble, parce qu'elle peut aller de Londres jusques à
Rotredan par mer, de Rotredan jusques à Cologne dans les yaques,
vaisseaux fort commodes et bien dorez de M"^ le prince d'Orange, de
Cologne jusques à Brisac et Basle, en remontant sur le Rhin dans un
bateau bien fermé, de Basle jusques à Constance en litière, de Cons-
d'aller en Italie , et la précaution que prend
le cardinal de lui tracer son itinéraire.
Mais cette résolution de la reine mère pa-
rait n'avoir été qu'un prétexte pour obte-
nir de l'argent ; au moins , n'a-t-elle jamais
été exécutée. Toutefois Richelieu avait pris
ses précautions pour n'être pas dupe. Nous
trouvons aux Affaires étrangères, dans
le tome 4? d'Angleterre (fol. 260), une
pièce de la main d'un commis de Chavi-
gni, et que ce secrétaire d'état n'a pu
écrire que par l'ordre du cardinal. Nous y
voyons que l'intention de la reine mère était
avant tout de retirer ses bagues mises en
gage; mais dans ce document, qui porte en
tête « Response au mémoire de la reyne
mère, » Chavigni dit nettement : « Le roy
a entendu avancer cent mille livres à la
reyne, sa mère, pour les frais de son
voyage d'Italie, et non pour autre chose. »
CAKDIN. DE RICUELIED. VI.
Le mémoire ajoute : « Quant à ce qui est
des 58,4oo et tant d'escus pour lesquels
les bagues de la reyne sont engagées,
S. M. ne peut payer une si grosse somme;
tout ce qu'elle peut promettre par sa bonté
ce seroit de payer une année des intérests,
afin que les marchands ne les vendent pas
h vil prix, i Et puis Chavigni revient en-
core au voyage d'Italie : • Au liei| de faire
faire carosscs et chariots, il faut vendre
tous ceux qu'elle a ; les canaux d'Hollande
porteront tous ses bagages jusqu'à Colo-
gne...» (Ici une nouvelle indication d'iti-
néraire.) « Les cent mille livres accordée-^
doivent faire face à tout cela. » Cette
pièce, sans date, est classée dans le ma-
nuscrit d'Angleterre immédialement après
le 28 mrfrs; il semble qu'elle doit avoir
été écrite à une date plus éloignée du 33
mars.
96
762
LETTRES
tance jusques à Venise, moitié par eau, moitié en litière, de Venise
jusques à Bologne par eau, et de Bologne à Florence*.
Monsieur de Chavigni dira, comme de luy-mesme, au s' de Bonne-
fons qu'il rendra un service très-agréable au roy s'il peut donner
nouvelles certaines des mauvais discours que M' de Vendosme a
tenus, soit à la reyne, soit à d'autres, en Angleterre, depuis qu'il y
est arrivé. M. de Chavigny sçayt bien ce que c'est. Il peut dire à
Bonnefons, encor comme de luy-mesme, que la reyne ne doit pas
s'enivrer en cela d'une fausse générosité, qui l'empesche de dire ce
qu'elle sçaura, puisqu'elle se veut réconcilier avec Sa Majesté,
CCCLXXXIV.
Arch. des Aff. étr. Angleterre, t. 48, fol. a64. —
De la main de Cherré'. — Copie, même volume, fol. 26a.
AU P. SUFFREN.
[Vers le a3 mars i64i '].
Mon Rév. Père , comme la passion que j'auray toute ma vie au
service de la reyne m'oblige à ne perdre pas l'occasion de luy en don-
ner des preuves en un temps auquel elle en a besoin, le respect que
je dois à sa personne ne me permettant pas de respondre à la lettre
' Ici finit la lettre dans notre ms. Nous
y trouvons une autre lettre, de la même
tiate , également adressée à Chavigni , con-
cernant aussi le s' de Bonnefons; c'est évi-
demment une addition à la lettre qu'on
vient de lire , sur un point qu'on avait ou-
blié. Cette espèce de post-scriptum est
classé au feuillet 177, et donné comme si
c'était une lettre séparée, écrite avant
l'autre; il est de la main de Charpen-
tier.
' C'est une lettre préparée pour la signa-
ture, mais qui, ayant subi quelques cor-
rections , a été refaite et est devenue mi-
nute.
' Cette pièce n'est point datée; il sem-
ble qu'elle doive avoir à peu près la même
date que la précédente.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 763
dont il luy a pieu m'honorer, pour ne luy mettre pas devant les yeux
un nom qui luy a esté desagréable, je m'adresse à vous pour vous
prier de luy faire cognoistre le ressentiment que j'ay de l'honneur
qu'il luy a pieu me faire. J'ay tousjours espéré de la bonté de Dieu
que Sa Majesté verroit enfin que, si j'ay esté malheureux à son esgard,
mon malheur a esté sans crime. J'ay pris part à toutes ses peines, et
Dieu sçait qu'elles m'eussent esté beaucoup plus sensibles qu'à elle
mesme, si je n'eusse eu cette consolation de n'avoir rien oublié de
ce qui a despendu de moy pour la garantir des malheurs où elle a
esté précipitée par de mauvais conseils. Rien ne m'a mesme diverty
de la servir en ce mauvais estât, que son propre intérest, c'est-à-dire
celuy du roy, qui par l'ordre du ciel m'est et m'a deu estre plus cher
que tout autre. En vérité, mon Père, sa personne m'a tousjours esté
en telle vénération, que j'en ay respecté l'ombre en ceux qui ont
voulu se servir de son nom pour me perdre.
Je loue Dieu de tout mon cœur de sçavoir qu'elle est maintenant
en disposition de chercher son repos, que je souhaitte avec d'autant
plus de passion, que je n'estimeray jamais en avoir, tandis qu'elle en
sera privée.
Ayant faict entendre au roy ce que le s"' de Bonnefons a proposé
pour luy en procurer, le bon naturel de Sa Majesté l'a aussytost porté
à faire mettre entre les mains du dict s"" de Bonnefons cent mille francs
à ce qu'on puisse promptement pourvoir à ses Incomoditez présentes
et plus pressantes. Elle m'a commandé en outre de vous escrire que
si la reyne sa mère persiste à vouloir se mettre en lieu où elle puisse
vivre contente, comme le s' de Bonnefons en a fait ouverture de sa
part, les despenses de la guerre ne l'empescheront pas de luy don-
ner tous les ans de quoy s'y entretenir selon sa dignité.
Ainsy, le roy satisfaisant à ce que les considérations du ciel et de la
terre requièrent de luy en la nécessité où la reyne se trouve, il est
en elle de se deslivrer pour jamais de toutes inquiétudes, et de mener
une vie heureuse à l'avenir. J'auray à grand honneur de la servir à
cette fin auprès du roy, et de luy rendre ce qu'elle peut attendre d'une
96.
764 . LETTRES
personne qui demande ardemment à Dieu son contentement en ce
monde , et son salut en l'autre , et qui est véritablement ,
Mon R. Père,
Vostre très affectionné à vous rendre service '.
' La réponse du P. Suffren se trouve
en copie dans le ms. cité aux sources,
fol. 382 *. Le Père mande à Richelieu
qu'aussitôt la réception de sa lettre il en
a dit le contenu à la reine mère; que
c'est en toute sincérité que cette prin-
cesse veut se réconcilier, qu'elle remercie
le cardinal des bons offices qu'il a com-
mencé à lui rendre ; « elle m'a aussy com-
mandé de vous escrire qu'elle persiste en
la résolution qu'elle a faict entendre au
roy par M' de Bonnefons , se persuadant
qu'ayant faict de son costé ce qu'elle a
peu , qu'aussy le bon naturel du roy ne
manquera, du sien, de iuy donner les
moyens de l'exéculer. . . elle n'ayant rien
et le roy ayant son bien entre les mains. »
— Le P. Suffren ajoute : « Ceux qui , comme
moy, ont eu le bien de cognoistre V. Em.
sont tesmoins de la tendresse de vostre
cœur, tesmoignée par les larmes qui dé-
coulent de vos yeux en la vue des misères
des aultres peut est're la divine Provi-
dence disposera que les afflictions de la
reyne mère finissent par vous. . . • Le bon
Père attaque Richelieu par un endroit où
il était peu vulnérable, et semble prendre
au sérieux ce qui ne l'était guère de part
ni d'autre. La reine mère n'a jamais eu
réellement l'intention de se retirer à Flo-
rence, ni Richelieu le dessein de lui four-
nir des ressources , dont il craignait qu'elle
n'usât contre lui-même. Cette disposition
aux larmes , dont le P. Suffren loue ici Ri-
chelieu , a été remarquée par plusieurs, et
lui a été imputée à reproche. L'archevêque
de Toulouse, dont nous avons cité les
Mémoires, rapportant une de ses conver-
sations avec Richelieu, dans l'affaire de
l'assemblée de Mantes, raconte que le
cardinal , s'efforçant de vaincre son oppo-
sition, le pressait de lui promettre son
amitié, qu'il désirait depais longtemps; «et
disant ces mots il tira son mouchoir et
essuya ses yeux, qui étaient moites, avec
ces paroles : la tendresse me surprend. . . »
L'archevêque ajoute qu'il se trouva fort
surpris de ce discours, sachant que le car-
dinal avait contre lui une antipathie qui
datait de loin. — La reine mère, dans ses
colères contre son ancien favori , le com-
parait au crocodile, précisément à cause
de ces pleurs hypocrites, qu'il savait ré-
pandre à volonté, disait-elle.
* Cette copie a été faite par un secrétaire de Chavigni; elle n'est point datée et on l'a classée dans le ma-
nuscrit , au 1 9 avril ; la lettre a , sans doute , été écrite avant cette date.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
765
CCCLXXXV.
Arch. des Aff. élr. France, 1619a i64ii t. 6 , fol. 3i4- — Original.
SCSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY.
[Fin de mars i6i 1 '.]
Je suis bien aise que toutes choses soient signées comme il fault'^.
Je feray parler au roy pour les prisonniers lorrains qui sont dans
la Bastille.
Je ne croy pas qu'il y ait difficulté à les rendre.
Il y a bien un Vineuil dans la Bastille qui y a esté mis pour estre
accusé d'avoir tué sa femme; celuy-là ne se peut rendre, mais il est
François et ce n'est pas celuy-là que M" de Lorraine demande.
Il est à propos que vous voyés Mad^ de Lorraine^ pour luy dire
' Celle pièce sans date, classée à la fin
de 1 638 , est de la fin de mars 1 64 1 •
' Il s'agit de la soumission du duc de
Lorraine; nous avons déjà dit (ci-dessus,
p. 7^8) que le traité fut signé le 39 mars.
Plusieurs copies sont conservées aux Af-
faires étrangères dans les manuscrits de
Lorraine, t. Sa. L'une est une espèce de
minute, écrite par un secrétaire de Clia-
vigni, avec quelques mois de la main de
Richelieu , et des passages ajoutés , en
marge , par Cherré. La Gazette ne le pu-
blia que le 18 septembre, avec un petit
préambule que fit mellre Richelieu afin
d'expliquer celte publicité tardive : « Pour
ce qu'il y avoit plusieurs articles qui dé-
voient demeurer secrets (fait-on dire au
gazetier) , j'avois différé de vous faire part
de tout; et serois encore à présent dans
le silence si , l'inconstance de ce prince
ayant donné sujet aux armes du roy de
reprendre sur luy presque toutes les places
que sa bonté luy avoit rendues, je n'avois
creu devoir justifier aux yeux de tout le
monde le procédé de S. M. en faisant voir
de quelle part est venue la contravention à
ce traité. > El à la suite dudit traité Riche-
lieu fil imprimer les actes du serment preste
par le duc entre les mains du roi à Sainl-
Germain , le 1 avril , et ensuite ratifié le 2 1 ,
dans sa ville de Bar. (p. 633-6Ao.) Ce
traité a aussi été donné par Aubery,
Mém. t. V, p. 19-34, et depuis dans di-
vers recueils.
' La princesse Nicolle, que le duc avait
quittée depuis quatre ans. Sans attendre
les dispenses du pape, et comme s'il eût
pu casser son mariage de sa propre auto-
rité, il s'était remarié en 1637 à Béatrix
de Cusance, princesse de Cantecroix, qui
le suivait dans toutes ses expédiiions mi-
litaires, et que, pour cette raison sans
doute, le peuple nommait sa femme de
campagne. Sa femme légitime, qui récla-
766 LETTRES
ce qui s'est passé particulièremeut en ce qui touche ses intérests.
Vous luy ferés cognoistre comme 11 luy est avantageux que son pro-
cès soit remis au jugement du pape purement et simplement.
J'envoyeray aujourd'hui sçavoir du roy s'il veult que ce soit
mardy ' ou mercredy que se face le serment. Cependant M. le Chan-
celier mandera à M. de Meaux qu'il se trouve mardy à midy à S'-
Germain. Je crois qu'il est bon que vous soyés nanti de tout ce qu'il
fault pour faire faire la foy et hommage^, vous ou Mons"" de La Ville
aux Clercs; c'est-à-dire celuy à qui c'est de le recevoir, affin que si
S. M. qui appréhende souvent telles cérémonies, veult absolument
qu'on termine celle-là à mesme jour que le serment, elle soit satis-
faite.
Si vous ne cognoissiés le secrétaire, aussy mauvais escrivain que je
veux croire qu'il est bon médecin ', je ferois ses excuses.
Le Gard. DE RICHELIEU.
niait à Rome contre la dissolution de son
mariage, s'était retirée en France, où on
lui faisait une pension.
' De Noyers répondit à Ghavigni, le
1 " avril , que le serment serait prêté , entre
les mains du roi , le lendemain mardi , à
vêpres. Selon le père Grififet, qui met au
27 mars la signature du traité, le serment
aurait été prêté le même jour. Cependant
ce fut bien le 39 mars que le traité fut
signé , par Richelieu , à Paris , hors la pré-
sence du roi , tandis que le serment fut
prêté dans la chapelle du château de Saint-
Germain, le 2 avril.
' Le père Hugo, auteur d'une vie ma-
nuscrite du duc Charles , citée dans Y His-
toire de la réunion de la Lorraine à la
France, t. II, p. ia4, raconte une scène
burlesque qu'aurait jouée le duc de Lor-
raine pour interrompre la cérémonie, et
dans le dessein d'invalider un serment
qu'il ne prêtait qu'à contre-cœur; s'il en
faut croire le père Hugo, cette scène di-
vertit beaucoup l'assistance , et le roi lui-
même se serait pris à rire de cette sour-
noise plaisanterie. Cette scène est peu
vraisemblable, et la gaieté du roi moins
vraisemblable encore. Le père Hugo aura
pris au sérieux un conte imaginé après
coup par le duc de Lorraine pour consoler
sa vanité de l'acte de foi et hommage qu'il
avait été contraint de faire. Ce qui paraît
plus certain, c'est qu'en même temps que
ce prince signait un traité avec le roi,
il déposait secrètement chez un notaire
une protestation contre sa propre signa-
ture. (D. Calmet, t. VI, p. 299; M. le
comte d'Haussonville , t. II, i3i.)
' Celte lettre est de la main de Ci-
toys.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 767
CCCLXXXVl.
Arch. de Condé , n° 1 1 3. — Original. — Communication de S. A. R. M*' le duc d'Aumale.
Arcli. des Aff. élr. France, i. 98. — Minute de la main de Cherré.
A M. LE PRINCE.
3 avril.
Monsieur, je
croy que vous aurés sceu maintenant le desordre qui est anùvé dans
la maison de M"^ vostre fdz, par l'insolence d'un maistre d'bostel, qui
prétend donner la serviette au préjudice de la charge en laquelle
vous avés establi M. de Maigrin.
La suitte de cette affaire ayant esté telle que le dict s'' de Maigrin
a cuidé estre assassiné ' par diverses personnes qui , au lieu de séparer
les parties qui avoient querelle , ont mis l'espée à la main contre le s' de
Maigrin; je les aurois promptement faict prendre prisonniers si, estant
sy proche comme vous estes, je n'avois estimé plus à propos de vous
dépescher ce gentilhomme pour sçavoir vostre volonté. Je vous diray
franchement que, si on ne maintient dans une maison les supérieurs
contre les inférieurs, il est impossible d'y faire garder aucun ordre.
Je m'asseure que vous n'obniettrés rien pour faire chastier une sy
mauvaise action comme celle qui est arrivée en cette occasion. Quand
je sçauray vostre intention, je feray apporter l'ordre requis, ce qui
touche M. vostre filz m'estant aussy cher que ce qui me touche moy-
mesme^. Vous le croirés, s'il vous plaist, et que je suis et seray tous-
jours,
Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 3 avril i64i.
' Le prince de Condé était alors sur les Catalogne. • La pièce, datée du 2 mars, est
frontières d'Espagne; nous avons, au Dé- de la main d'un commis de la guerre,
pôt de la guerre , une « Instruction à M. le t. 63 , pièce 47 1 •
Prince s'en retournant en Languedoc pour ' Lorsque le duc d'Engliien épousa la
y commander les armées de Roussillon et nièce de Richelieu, M' le Prince, que ce
768
LETTRES
CCCLXXXVII.
Arch. des Aff. élr. France, i64i , six premiers mois, fol. 3o6.
Original, sans signature, de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRÉTAIRE D'ESTAT, À PARIS.
De Ruel, ce 6" avril iC4i.
Je suis bien fasché de l'indisposition des ambassadeurs de Portu-
gal. Quand leur santé leur permettra de conférer avec vous, il n'y a
point de temps à perdre, estant besoin de voir si nous devons armer
ou non
mariage comblait de joie , usant de toutes
sortes d'égards pour le cardinal , lui avait
laissé le soin de désigner plusieurs des
principaux oflPiciers de la maison du jeune
duc. Richelieu, qui déjà avait mis M. de
Mégrin , comme un mentor auprès de lui ,
lorsqu'on l'envoya faire ses premières ar-
mes , le proposa pour conduire celle mai-
son, où entrait sa nièce, et M. le Prince le
nomma premier gentilhomme de la cham-
bre de M. le duc d'Enghien. 11 semble
que le prince faisait ce choix avec une cer-
taine répugnance. Dans une note, écrite de
sa main, où il stipule les conditions de la
place qu'il lui donne , nous lisons : « Je veux
bien qu'il commande aux valets de cham-
bre, et néanmoins je le prie de prendre
garde d'user modestement avec mon fils de
ce commandement.» (Aff. élr. t. 96, fol.
189, note classée à la fin de janvier 16I11.)
Cependant, trois mois après, M. de Mégrin
fut assassiné, et on soupçonna des gens de
la maison d'avoir commis ce crime. Le
surlendemain de la date de la présente
lettre, le 5 avril, eut lieu une instruction
que nous trouvons dans le tome 98 de
la collection France, intitulée ; « Informa-
tion sur l'assassinat du s' de Mesgrin faite
par Louis Davyd , escuyer du s' du Petit
Puy, conseiller du roy, prévost général de
l'Isle-deFrance et gouvernement de Paris. •
Il résulte de celle instruction que, la der-
nière fête de Pâques, M. de Mégrin sortant
du petit hôtel de Condé, à cheval, entre
cinq et six heures du soir, fut attaqué, rue
deTournon, par deux hommes, dont l'un
lui donna un coup d'épée dans les reins,
et qu'il aurait sans doute succombé si l'on
ne fût venu à son secours. On le reporta à
l'hôlel de Condé. L'instruction ne dit ni le
motif de ce guel-apens, ni le nom des
assassins. Cependant, M. de Mégrin étant
mort de ses blessures, Richelieu écrivit
à M. le Prince, le i5 mai, une nouvelle
lettre , où perce à chaque phrase un mé-
contentement contenu, et il fait entendre
Irès-clairement , quoique avec certaine pré-
caution de style, qu'il ne veut plus se mê-
ler du gouvernement d'une maison si mai
ordonnée.
' La révolution qui émancipait le Por-
tugal était accomplie à la fin de i64o;
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
769
M' de la Thuillerie a travaillé inutilement envers M' le prince
d'Orange, puisque, comme vous le sçavés, il y a longtemps que nous
avons jugé, vous et moy, qu'il n'estoit point besoin d'aucune lettre
du d. prince.
Aussy tost que M' de Lorraine pourra faire partir ses gens pour
nous trouvons aux A£f. élr. dans le tome 20
d'Espagne, un mémoire daté du 34 jan-
vier 1641, intitulé Avvisi di Spagna, où
nous lisons : «Tutte le città e altri luo-
ghi di Porlogalo si sono resi al duca di
Braganza. » Les lelalions officielles entre
la France et le nouveau roi s'établirent
aussitôt. 11 n'y a , dans nos archives étran-
gères, touchant le Portugal, aucun docu-
ment antérieur à 1 64 1 . Le premier dans
ce volume est un mémoire transcrit de la
main d'un commis de Chavigni , établissant
les droits de Jean IV au trône où il venait
de monter. Nous trouvons ensuite des
lettres signées de ce roi, l'une du ai jan-
vier, pour Richelieu, la seconde, datée du
33 et adressée à Louis XIII', est la lettre
de créance des ambassadeurs que Jean IV
envoyait en France, D. Antonio Coelho de
Carvalho, du conseil du roi et du conseil
de son parlement suprême, et D. Fran-
ciscodcMello, aussiduconscildu roietson
grand veneur". Cependant ces ambassa-
deurs n'arrivaient pas; on s'inquiéta de ce
retard , et Louis XIII écrivit au roi Jean IV
le 6 mars ; • Nous avons eu avis, de divers
lieux , qu'en suite de vostre promolion à la
couronne de Portugal vous avés envoyé
un ambassadeur vers nous, duquel n'ap-
prenant point de nouvelles, nous avons
sujet de craindre qu'il ne luy soit arrivé
quelque accident. . . » Louis XIU ajoutait
qu'un ordre avait été donné • au s' de S"-
* Arch. des AIT. étr. Portugal, t. i , fol. lo et 1 1,
Etcuyer.
Pé, consul de la nation française à Lisbon ne,
de s'y en retourner prompteraent. » ( Ms.
précité, fol. 1.^ et i4) Les inquiétudes
étaient prématurées; une lettre du com-
mandeur de la Porte , l'oncle de Richelieu,
écrite de la Rochelle le 4 mars, informait
le cardinal du passage des ambassadeurs
portugais, et la Gazette du a3 annonçait
au public qu'ils élaient arrivés l'avanl-
veille à Bourg-la-Reine. — L'instruction
du s' de S'Pé,qui a été imprimée plusieurs
fois, sera notée aux Analyses. Remarquons
seulement qu'Aubery, et Le Vassor après
Aubery, la datent du i6 mars. Cependant
Louis XIII, dans sa lettre du 6, que nous
venons de citer, dit que S'-Pé a reçu l'ordre
de partir. Au lieu du 16 ne faudrait-il pas
lire le ô ? Celte conjecture paraît d'autant
mieux fondée qu'on voit, dans celte ins-
truction, qu'au moment où elle fut écrite
on ignorait encore que des ambassadeurs
portugais fussent envoyés en France; or,
malgré la lenteur des courriers , on devait
avoir reçu à Paris, le 16, une lettre écrite
de la Rochelle le 4. — Les ambiissadeurs
eurent leur audience du roi à S'-Gcrmain
le 27, et Richelieu les reçut le lendemain
au palais Cardinal. — Un traité fut signé
le i" juin. Les mss. de Portugal conservés
aux Affaires étrangères nous ont été con-
nus trop tard pour que nous puissions
placer ici , à leur rang chronologique , les
pièces qu'ils contiennent.
- ** Un autre document lui donne le litre de Grand
CARDIN. DE RICIIF.LIEU. -
97
770
LETTRES
Ratisbonne et pour M"" de Bavière ce sera le meilleur. Il ne faut qu'un
quart d'heure entre vous et moy pour voir l'instruction.
Je m'estois bien douté que madame de Lorraine avaleroit avec
amertume la pilule du traitté ^
Je suis très-aise que vous ayés adjusté l'alFaire d'Angleterre avec
M" du conseil; il est important de faire une bonne dépesche au s' de
Montreuil. Je vous prie aussy n'oublier pas de retirer de Forster un
mémoire signé de luy, contenant la response que nous luy avons
faicte touchant la reyne d'Angleterre.
J'ay veu les lettres de Pujols qui sont des chansons^.
CCCLXXXVIII.
Dépôt de la guerre, t. 64, p. 222. — Minute de la noain de Cherré'.
LETTRE DU ROY.
Le 1 2 avril i64i.
Mons' le Grand Prévost *, je vous fais cette lettre pour vous don-
ner avis de l'arrest que j'ay faict faire du s' d'ffocjuincourt vostre filz'
et vous faire cognoistre une partie du sujet que j'en ay eu, qui con-
siste en ce que ceux de Sedan ont persuadé aux Espagnols qu'il pou-
' La duchesse NicoHe avait espéré que,
dans ce traité, on s'occuperait de ses inté-
rêts ; mais se déclarer contre la princesse
de Cantecroix , c'était risquer de rendre dès
l'abord tout accommodement impossible;
on prit le parti de remettre l'affaire à l'ar-
bitrage du pape (ci-dessus, p. 766), se
réservant d'appuyer- fortement, dans l'oc-
casion , les droils de l'épouse légitime. El ,
en efi'et, lorsqu'au mois d'avril 16^2 le
pape déclara nul le second mariage du
duc de Lorraine, l'intervention de la
France n'avait pas manqué à la duchesse
Nicolle.
' Nous n'avons point ces lettres; la dcr
nière que donnent nos mss. d'Espagne est
du 24 décembre i64o. Sans doute on ne
répondit pas à celles dont parle ici Riche-
lieu, car le 17 mai Pujol mandait à Cha-
vigni qu'il était dans la misère, et se plai-
gnait qu'on ne lui eût pas écrit depuis six
mois.
' L'original, signé Louis, contre-signe
Sublet, offre quelques différences avec cette
Illimité; nous notons les principales. Au
reste, celoriginal.ayantencore subi unecor-
rcclion, est devenu minute à son tour et
se trouve dans ce manuscrit sous le n° 236.
* a M' d'Hoquincourt , je vous fais, etc. »
(Lettre signée par le roi.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 771
voit' faire entreprise surPeronne, ensuitte de quoy ils ont jette dans
leurs places les plus proches du dict Peronne force gens de guerre
poiic l'exécution de ce dessein.
Bien que je veille croire que- la seule pensée [de ces bons esp*-its]
se trouvera criminelle, [vous jugerés bien que] je n'ay peu moins
faire que de mettre vostre fds [en estât qu'il ne peust donner couleurs
à leurs mauvaises imaginations]'.
Le temps , qui esclaircira ceste affaire , donnera lieu à vostre dict filz
de rendre sa conduite meilleure en vostre endroit quelle n'a esté
depuis quelque temps.
Vous sçavés si bien quelle est mon affection eu vostre endroit, et
la confiance que j'ay en vostre fidélité, que je n'ay pas besoin de vous
en donner de nouvelles asseurances. Vous aurés soin particulier de
voir s'il y a quelques personnes dans Péronne qui ayent esté capables
de donner fondement aux imaginations de ceux qui veulent repaistre
les ennemis de cet Estât de belles espérances, auquel cas vous y
donnerés l'ordre requis. Ce pendant je prie Dieu...
CCCLXXXIX.
Arch. des Aff. élr. France, i6/ii, six premiers mois, fol. 337. —
Original, sans signature, de la main de Charpentier.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECBÉTAInE D'ESTAT, À PAniS.
De Ruel, ce i5 apvril i6/ii.
Monsieur de Chavigny n'oubliera pas, avant le partement de M' de
Lorraine, d'ajuster toutes choses avec luy.
Je ne parle point des ratifications qu'il envoyera de Bar, parce que
c'est une chose qu'il n'a garde d'oublier.
' «Leur aider à faire.» (Lettre signée mauvais dessein, néanlmoins vous juge-
par le roi.) rvi, etc. » (Lettre signée par le roi.)
' «Ceux qui ont eu cette pensée se ' Ce paragraphe est presque entière-
trouveront seuls dans le crime d'un si ment de ia main de Richelieu.
97-
772
LETTRES
Mais il faut aviser avec luy que le 1 5" de may il soit dans le
Luxembourg, ou sur la frontière, prest à y entrer avec toute sa ca-
valerie et infanterie.
Il ne faut pas oublier de donner les mil escus au s"" de S'-Marlin.
Item, ce qu'il faut donner aux fourniers qui ne vont pas du pair
avec luy.
Il faut faire partir M' d'Estrades, avec copie de l'instruction en-
voyée à M"" de la Thuilerie pour le traicté des Portugais, afin qu'il sol-
licite de son costé le traiclé des Hollandois avec les Portugais, duquel
deppend la ruine d'Espagne, s'il est bientost faicl et qu'on l'exécutte.
M. d'Estrades n'a point de temps à perdre, car à peine arrivera-
t-il à temps pour soliciter que M'" le prince d'Orange soit à la cam-
pagne au temps qu'il l'a promis, ce qui est de telle importance que
delà deppand le bon enfournement de noslre campagne'.
' Richelieu renouvelait ses recomman-
dations au secrélaire d'élat des Aff. étr. Je
23 avril : « M. deChavigny n'oubliera pas,
mandait-il, d'escrire tout ce qu'il pourra
en Hollande pour porter M" les Estais à
considérer l'imporlance de l'affaire de
Portugal, (]ui est telle qu'en la mainte-
nant on ruine l'Espagne, et ce à l'avan-
tage de M" les Estais, à cause de» Indes,
dont apparemment on déboulera aisément
l'Espagne*, les Portugais en estant non-
seulement séparez, mais unis avec les
Hollandois. J'ay receu le traitté et le re-
verray encores, rien n'en pressant la con-
clusion puisqu'il est bon de ne le passer
qu'avec les Hollandois.» (Ms. cilé aux
sources, fol. 267. Ce billet sera noté aux
Analyses.) C'était pour la France, dans sa
guerre contre l'Espagne, une affaire de
grande importance que la liaison de la
Hollande et du Porlugnl. M. de La Tiiuil-
* Les Indes occidentales. Nous avons vu s'accom-
plir cette prévision de Richelieu, mais il a fallu pour
lerie , notre ambassadein-, s'y employa de
son mieux. Il avait écrit, de la Haye, le
18 février ; «Les Estais se préparent de
bonne sorte pour le Portugal; sur mes
instances, ils ont arresté d'envoyer 23 vais-
seaux de guerre, et les admirautez i5,
qui font 38.» (Aff. étr. Hollande, t. 23,
pièce 3o*. ) Ces premières promesses fu-
rent un peu modiGées, et La Tbuillerie
écrivait le 29 avril : «Les Estais ont ac-
cordé à l'ambassadeur de Portugal vingt
vaisseaux. » [Ibid. pièce 67'.) Toutefois une
étroite alliance entre les deux pays n'était
pas chose facile ; nous trouvons aux mômes
archives un projet de traité : « Poincts et
articles accordez à l'ambassadeur de Por-
tugal, D. Tristan de Mendoza Furtado,
sur sa proposition, par M" les Estais gé-
néraux des provinces unies des Pays-Bas. »
(Portugal, t. 1, fol. 27.) Mais l'affaire ne
fut pas encore conclue, et La Thuillerie
cela près de deux siècles et des évt^nements extraor-
dinaires, qu'assurément Kichelieu ne prévoyait pas.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
773
CCCXC.
Arch. des A£f. étr. France, i64i, six premiers mois, fol. 248. — Original.'
[A M. DE CHAVIGîVL]
Ce 16 avril 16/11.
J'ay veu le project du traitté de Portugal , où j'ay adjousté ce que
j'ay estimé à propos, qui n'est pas grand chose ^. Vous verres main-
tenant si les ambassadeurs de Portugal en seront contens.
J'ay aussy veu le mémoire de Fabrony et la response.
J'estime que le s' de Bonnefons^ doit escrire au père Suffren qu'on
a trouvé icy d'autant plus estrange ces parties envoyées par le s'' Fa-
brony que ce procédé est bien contraire à celuy qu'il avoit faict co-
gnoistre vouloir estre gardé par la reyne. Qu'il faut penser mainte-
nant à tirer la reyne de nécessité, et la mettre en lieu de repos et
à son aise, et non pas à proposer des choses qui sont capables de
refroidir, avec raison, la bonne volonté qu'on a pour la personne de
la reyne, et non pour ce qu'on pourra croire pouvoir tourner à i'in-
térest des siens'. Qu'il ne désespère pas qu'avec le temps on ne
puisse dégager les pierreries de la reyne, mais que l'occasion n'y est
pas propre pendant une guerre qui consume tant d'argent.
mandait à Richelieu, le 3 juin : • L'am-
bassadeur de Portugal ne sçauroit sur
quoy apuyer les condilions d'une iilliance
avec les Estais, il se contente d'establir
bonne correspondance. ..• (AIT. étr. Hol-
lande, t. 23, pièce 83.)
' Divers projets de traité, où se trou-
vent des corrections de la main de Riche-
lieu, sont conservés dans le lome 1 des
mss. de Portugal aux AIT. étr. fol. 23, et
suiv. et aussi divers mémoires et lettres
louchant les aflaires de Portugal. Nous
avons connu tardivement ces documents,
et nous ne pouvons les placer dans le rang
que leur date leur assigne. Ils pourront
être compris dans un supplément.
' Voy. ci-dessus, p. 769.
' C'était là une des préoccupations de
Richelieu dès qu'il s'agissait de secourir
la reine mère; ces parties, ces mémoires
et comptes de dépenses, lui semblaient
considérables; il craignait que les gens
dont elle était entourée, qu'il tenait pour
ses ennemis personnels, et conséquem-
ment pour ennemis de l'Élat, ne s'empa-
rassent des sommes envoyées à celte prin-
cesse pour le succès de leurs mauvais des-
seins, oa tout au moins pour s'enrichir.
11k
LETTRES
Il mandera aussy au père Suffren qu'il ne luy peut pas dissimuler
qu'on a trouvé fort estrange la proposition du voiage de Mad* Fa-
brony à Paris, parce que la reyne peut faire faire par qui bon luy
semblera ce que la dicte Fabrony feroit. Qu'il croit le devoir avertir
qu'il fault se prévaloir plus doucement de la bonne volonté que le
malhem- de la reyne a faict naistre de deçà, et la cultiver en sorte
qu'au lieu de la faire diminuer elle augmente de plus en plus.
Je vous escrivis hier ce que j'estimois à propos sur le voiage du
s' d'Estrades, à qui il faut donner cognoissance de l'importance de
l'affaire de Portugal, afin que M" les Estats se hastent de résoudre
ce qu'ils estimeront à propos.
J'ay veu la lettre de madame de Puj. qui m'envoie une marque
avec l'autre moitié de laquelle quelqu'un doit venir de la part de son
mary^
Le Gard. DE RICHELIEU.
Je vous ay mandé de n'oublier rien de ce qui est à faire avec
M' de Lorraine, et de faire faire la gratiffication nécessaire au s' de
S'-Martin^.
> N'oubliés pas la dépesche du s"^ Stella^, qui, en partant avec M'^ de
Lorraine iroit seurement jusques à Brisach par l'escorte qu'il luy peut
faire donner par quelques carabins des siens ou un trompette de sa
part.
' Sans cloute le s' Brecht, qui vint en
juin de la part de Pujol , et auquel Cha-
vigni écrivait le 6 : « On dépesche ce gen-
tilhomme pour vous conduire au lieu où
vous voulez venir ; vous y serez le très-bien
receu et on escoutera fort favorablement ce
qu'il vous plaira dire. » Chavigni ajoute
qiie , si l'on avait été prévenu , Brecht aurait
trouvé un homme pour l'attendre à son arri-
vée à Orléans. (Arch. desAIF. élr. Espagne,
t. 20.) Il paraît que celte dame de Pu-
jol, qui signe Catherine Dufaur, écrivait
à Richelieu lorsque son iils, ordinairement
chargé de ces comnmnications, se trouvait
absent. C'est ce que nous apprend une autre
lettre d'elle à Chavigni, du 8 janvier.
' C'était un conseiller d'état du duc.
^ Ce personnage , dont il a déjà été
parlé , mérite de notre part quelque atten-
tion parce qu'il parait avoir eu la confiance
de Uichelieu. Né de parents fort pauvres,
il était parvenu à des emplois assez éle-
vés. On le nomme encore Tercy, et il
ajoutait quelquefois à son nom celui de
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
775
CCCXCI.
Bibl. imp. Saint-Germain-Harlay, iA4'.
Copie.
(Vol. non chiffré vers le milieu.)
AUX PRÉSIDENTS DE L'ASSEMRLÉE DU CLERGÉ.
De Rucl, ce 18 avril i6'n.
Le roy s' ennuyant des longueurs que messieurs de rassemblée ap-
portent à la résolution des six millions de livres qui luy ont esté pro-
la terre seigneuriale de Morimont. Moilié
savant, moitié diplomate, on lui donne
tantôt la qualité de « professeur du roy es
histoires et mathématiques,» tantôt celle
de député et conseiller du roi en Alle-
magne, premier secrétaire de la légation
de France. 11 était employé à Hambourg en
1 689 , et un s' Genesie lui écrivait le 2 5 fé-
vrier : «M. Rossignol, ayant esté chargé
d'une petite commission de la cour, m'a
commandé de vous faire ce petit mot pour
vous donner avis que M^ le card. .. a fait
expédier les ordres pour vostre retour. . .
Nous savons de bonne part que M'' vous
emploiera près de sa personne et de bonne
sorte. Je n'ose dire davantage et vous con-
jure de n'en tesmoigner mot à personne,
autrement je suis perdu. » Stella était un
des protégés de la famille deChavigni. Le
ms. de ia Bibl. imp. suppl. français 1672,
contient plusieurs lettres concernan t Stella.
' C'est un ms. des mémoires de Mont-
chal, auquel les mémoires imprimés ne
sont pas toujours conformes; ainsi la
somme de 100,000'*, mentionnée ici, de-
vient .3o,ooo'* dans l'imprimé. On voit dans
ces mémoires que l'archevêque de Sens
reçut celte lettre du cardinal le 20 avril et
la mit entre les mains du secrétaire pour
la lire à l'assemblée. L'évêque de Chartres,
dans sa lettre du 12, avait jugé qu'il était
temps d'user d'autorité , et de faire des me-
naces. Richelieu ne se presse pas d'obéir à
ce conseil , il écrit le samedi 1 3 avril à Bou-
thillier : « Ce billet est pour dire à M. le
surintendant qu'il est temps que M" de
Léon et d'Emery parlent pour aller à
Mantes, où il est du tout nécessaire qu'ils
soient dimanche au soir, pour entrer lundi
dans l'assemblée. .. ils se plaindront que
depuis deux mois qu'on est assemblé l'af-
faire des six n'a encore esté résolue. . . que
sur l'asseurance de cette partie, si elle a
mis en campagne nombre de puissantes
armées, — que dans la sepmaine elle de-
sire avoir résolution, et quelle leur donne
encore ce temps là, après lequel ils juge-
ront bien eux mesmes qu'il est temps que
l'assemblée se sépare. » (Billet mentionné
aux Analyses.) Dans la présente lettre en-
core il se contente d'une simple insinuation
à l'endroit des traitants; il continue à tem-
poriser et, selon sa coutume, que nous
avons plus d'ime fois remarquée, en même
temps qu'il ne recule jamais devant un
coup d'autorité devenu nécessaire, il ne
veut avoir recours à la violence qu'à la
dernière extrémité.
776 LETTRES
mis, et dont S. M. ne se peut relascher en esgard aux grandes affaires
qu'elle a sur les bras, aussy importantes à l'Esglise qu'à l'Estat, je fais
ce billet à messieurs les présidens pour les conjurer de prier de ma
part messieurs de l'assemblée de prendre, sans délay, une résolution
pour les deux millions restans '.
Et, après avoir veutous les moyens que l'on propose, je ne crains
point de leur dire que le meilleur, à mon avis, qu'ils puissent choi-
sir pour n'estre pas à charge au clergé, est l'engagement de la charge
de receveur général avec attribution de 100,000 I. de gages dont le
clergé retirera i,/ioo,ooo livres.
Si, avec ce moyen extraordinaire, ils veulent imposer les 600,000 I.
restant avec les A, 000, 000 desjà accordez, le roy aura les 6,000,000
de livres qu'il désire , et messieurs de l'assemblée la satisfaction d'avoir
contenté S. M. et esyitera par ce moyen que messieurs des finances
ne proposent d'autres moyens au roy pour le secourir qui pourroient
blesser leurs libertés, ce que je sçays qu'ils veulent faire. Messieurs de
l'assemblée doivent se porter d'autant plus volontiers à l'imposition
de ces 600,000 1. qu'on propose un moyen de tirer 200,000 livres
sans imposition sur les frais de leur assemblée.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Je supplie M" de l'assemblée de croire que je leur dis ce que j'es-
time , en ma conscience , estre avantageux à l'Estat et à l'Esglise tout
ensemble , et qu'il n'y a personne qui désire plus que moy les servir
en général et en particulier. M" les présidens m'obligeront d'y res-
pondre à la compagnie, et de tenir pour assenré que je suis entière-
ment à eux.
Le Gard. DE lUCHELIEL'.
' Sur les six millions demandés, le clergé n'en avait accordé que quatre. (Ci-dessus,
p. 758.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 777
CCCXCII.
Arch. des Aff. élr. France, i64i, six premiers mois, fol. 268. — Original.
[A M. DE CHAVIGNI'.]
De Rue! , ce i g* avril 1 64 1 .
Hier une personne tierce bien intentionnée m'avertit que le ma-
reschal de Brézé avait eu la civilité de n'envoyer point visiter M' de La
Meillcraie en sa maladie, bien qu'il n'y ait que dix lieues de Saumur
à La Meilleraie, et qu'en cette considération le mareschalde La Meil-
leraie n'estoit point résolu de l'aller voir à Paris le premier. J'ay
estimé vous en devoir donner avis, pour vous prier, quand le ma-
reschal de Brézé sera arrivé, de faire remédier à ce défaut selon
que vous mesme le jugerés à propos. Ma pensée est qu'il ne se fera
pas tort de réparer ce défaut de civilité, ordinaire non-seulement
entre les alliez, mais entre les chrestiens, et peut-estre mesme entre
les Turcs, par une visite brusque et inopinée, à laquelle vous me
fercs plaisir d'assister, pour faire que toutes choses s'y passent avec
civilité.
Je vous prie ne négliger pas cette affaire^.
Le Gard. DE RIGHEUEU.
' A défaut de suscriplion, je trouve au M. de Brézé était l'un dos plus incom-
dos de la pièce, écrits do la main de Clia- modes; celle fois il se conforma sans doule
vigni, ces mots : • Monseig' le cardinal, t aux désirs du cardinal, car nous voyons,
' Richelieu a toujours mis beaucoup de dans un billet de Richelieu à Chavigni ,
soin à tenir ses parents en bonne inlelli- du 32 avril : «Je suis bien aise que M. de
gence entre eux; et l'humeur (le quehjucf- Brézé face ce qu'il doit, comme je n'en
uns a rendu pour lui cette lâche difllcile. doule pas. »
r.AHDIN. DE BICHELIF.U. — VI. 98
778
LETTRES
CCCXCJII.
Arch. des Aff. étr. France, i64i, six premiers mois, fol. 269. — Original.
Mêmes archives, Angleterre, t. à8, fol. 283. — Copie.
A M. DE CHAVIGNY.
DeRuel,ce 19 avril iUlti.
J'envoye à M*" de Chavlgny un nouveau mémoire de Fabrony ', qui
l'estonnera et fera voir clairement à Bonnefons que l'on se moque
de luy. Fabrony faict paroistre, par ses mémoires, ce qu'il a esté et ce
qu'il est.
Le roy trouvant très-mauvais le procédé de cet honneste homme,
Mons" de Chavigny dira à Bonnefons que le roy a deffendu à madame
d'Aiguillon de plus se mesler de cette affaire.
J'estime de plus que Bonnefons doit s'en retourner en Angleterre
pour couper broche à toutes ses prétentions, et dire ingénuement ce
que le roy peut faire; parler fortement au Père Suffrant pour luy
faire concevoir que le roy veut faire ce qu'il doit en conscience, mais
non pas engraisser Fabrony et autres gens de pareille nature ^.
' Ci-dessus, p. 773.
' La Mazure, l'un des Français qui
avaient été avec la reine mère en Angle-
terre, faisait à Richelieu des rapports qu'il
envoyait par l'entremise du P. Carré. Il
écrivait le aS mai : « . . . Pour ce que S. Em.
désire sçavoir en quoy Fabroni a employé
l'argent que le roy a envoyé à la royne sa
mère : il a tout pris par devers luy, fors
9000** qu'il avoit employées pour retirer
quelques bagues de la reyne mère que
Fabrony avoit engagées, ce disoil-il, à
Londres. Puis d'une autre partie, il a payé
deux mois aux principaux officiers; cela
peut monter à 4,ooo **. Voilà en quoy ce
bon éconosrae emploie l'argent du roy de
France, et clans l'instant qu'il l'a receu il
a retranché la plus grande partie des ser-
viteurs de la royne mère, sans leur rien
donner, afin que cela fist plus d'esclat
malicieusement contre le roy de France et
Monseigneur^ faisant courre le bruict que
l'un ny l'autre ne vouloient pins donner
d'argent à la royne mère , si elle ne vouloit
aller en Italie...» (Ms. cité aux sources,
fol. 16g.) Il faut avouer, si le rapport de
l'espion n'est pas mensonger, que de tels
procédés n'étaient pas faits pour adoucir,
à l'égard de Marie de Médicis, la dureté
de Richelieu. Mais en même temps il con-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 779
11 peut mesme faire cognoistre au Père Suffrant que, tant qu'il y
aura des esprits comme Fabrony auprès de la reyne, elle n'aura pas
grand contentement.
La liberté que Fabrony demande d'assigner tout ce que bon leur
sembleroit sur les arrérages du bien de la reyne iroit à l'infiny.
Il faut dire francbement qu'aussy tost que l'entreprise que la reyne
fist faire sur Ardres par la Louvière fut découverte, le roy destina le
revenu de la reyne à fortifier toutes les garnisons des places fron-
tières pour les garantir de pareilles entreprises que celle qu'on avoit
tentée sur Ardres.
Les prétentions de cet honeste homme ne sont pas seulement in-
justes, mais desnuées de toute apparence de raison. Il n'y a personne
qui en puisse trouver à ce qu'au mesme temps que la reyne a esté
hors du royaume desfraiée aux despens des Espagnols, et qu'elle em-
ployoit toute son industrie et son crédit pour nuire à la France, à
l'avantage de ses hostes, son revenu luy fust mis en réserve pour le
distribuer, par après, ainsy que bon luy sembleroit, à ceux qui l'au-
roient sei-vie en de si mauvais desseins.
Cet honeste homme désire que la reyne aille en Italie, et, non con-
tent d'obtenir ses fins parce qu'il pense que nous souhaittons la
mesme chose, il veut tirer d'un sac deux moulures.
Il faut dire franchement à Bonnefons que la reyne fera ce qu'il
luy plaira; que quand elle a proposé d'aller en Italie le roy l'a bien
voulu, et que maintenant qu'elle met en avant des conditions impos-
sibles, elle faict bien paroistre qu'elle a envie de demeurer en An-
gleterre, ce que le roy n'empesche pas.
Quant à ses meubles, qu'elle veut tous emporter, il faut respondre
que le roy ne peut pas faire injustice à ses créantiers, n'y empescher
qu'ils s'opposent au transport d'iceux jusques à ce qu'ils soient payez.
vient de rappeler que le dqnneiir d'avis sociés : il demande un passe-port pour ve-
etait mécontent : • Le pauvre M. do la Ma- nir en France; il en escrit à Mad* la du-
zure, voslre bon serviteur, est accablé par chesse et à unoy. • (Le P. Carré au cardinal,
la puissance de Fabroni et de ses deux as- 1 5 mai , fol. Sao du ms. cité aux sources.^
98.
780 LETTRES
Que, bien que Sa Majesté ne puisse payer maintenant ses debtes à
cause des grandes despenses de la guerre, elle veut bien acquitter un
jour celles qu'elle a faictes dans le royaume , mais non pas celles
quelle a faictes pendant qu'elle estoit en lieu où l'on agissoit, sous
son nom , contre l'Estat.
Ensuitte de tout ce que dessus, M. de Chavigny fera voir à Bonne-
Ions la response que le roy me vient de faire au pied du mémoire de
Fabrony' <I"6 je luy avois envoie.
II gardera bien ce mémoire-cy avec l'autre, et sçaura de Bonnefons
s'il est vray, comme le mémoire le porte, que la reine en ait donné
autant à Bonnefons avant que de partir, et au cas que cela ne soit
pas, comme je le croy, il en tirera une recognoissancc do Bonnefons
escrite et signée de sa main '-.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCXCIV.
Arch. des Aff. étr. France, t. 99 (non coté). —
Mise au net, de la main de Charpentier.
AVIS
SqR LE SUJET DE M. LE COMTE , ET DE M" DE GUISE ET DE BOUILLON '.
[Vers la lin d'avril i64i '.]
Le roy estant esclaircy des desseins que M. le Comte, M. de Reins
' Nous n'avons point trouvé ce mé-
moire.
' Richelieu écrivit encore à Chavigni
un billet sur ce sujet, le 2 3 avril : «Je
prie M. de Chavigny, devant que le s' de
Bonnefons s'en aille, de retirer de luy
une petite recognoissance de ce qu'il vous
a dici, sçavoir est que Fabrony luy avoit
voulu donner, lorsqu'il partit d'Angleterre
pour venir en France, un pareil mémoire
à celuy que led. Fabrony a envoyé depuis
à M"" la duchesse d'Aiguillon, lequel il
refusa , parce qu'il jugea qu'il n'esloit pas
raisonnable. — Si la reyne luy a dicl
quelque chose qui face voir que sou sen-
timent n'est pas conforme aud. mémoire,
il le mettra dans son escrit. » (Ce billet
sera noté aux Analyses.}
■' Ce titre est de la main de Cherré.
* Le comie de Sois.sons, relire depuis
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 781
et M. de Bouillon ont de s'unir avec l'Espagne pour exciter quelque
révolte en France, et sachant par le prisonnier de la Bastille, par
M. le mareschal de La Force et par ce que l'on a appris de Paris des
P. P. qu'on travaille sous main pour tascher de faire esclorre leurs
projets,
Il est de la prudence de S. M. de bien peser cette affaire, et de
prendre résolution de la façon avec laquelle elle se veut conduire en
ce sujet.
Il faut par nécessité ou le dissimuler et leur laisser faire toutes leurs
négociations, qui seront peut-estre suivies de quelque effect, dans la
Champagne, aux villes de laquelle il faut soigneusement prendre
garde et avoir des gens partout;
' Ou, dès cette heure, prévenir le mal par la voye suivante:
Il faut envoyer à Mad" la Comtesse M. Bouthillicr luy dire que.
quatre ans à Sedan , comme clans un exil
volontaire et avec la qualité déclarée de mé-
content, allirail l'attention de Riclielicu,
bien plus encore que s'il eût été à S'-Ger-
main ou à Fonlaincbleau. Les intelligences
que le cardinal entretenait parlout, prin-
cipalement aux lieux où l'on se cachait
davantage, sans l'informer très-netlement
des prali(jues que la petite cour de Sedan
dissimulait de son mieux, lui révélaient
les symptômes inquiétants d'une sourde
agitation, et le travail souterrain de com-
plots d'autant plus près d'éclater que les
factieux afFeclaicnt une soumission plus dé-
monstrative. On a vu qu'à la fln de i64o
M. le Comte avait envoyé son confident le
plus intime, le s' de Campion, pour porter
au roi de nouvelles assurances de ^a fidé-
lité. Le roi et Richelieu firent connaître à
M. le Comte, en termes très-explicites,
qu'on avait à Paris des informations tout
• Hitloin de Lomt XIII, L III, p. iià. — •
pièce 77.
opposées aux protestations dont Can)pion
avait été ciiargé. Cet avis n'arrêta point le
progrès des pratiques criminelles dont on
peut lire le récit dans le P. Grill'et'. C'est
quand le cardinal en eut la certitude qu'il
donna au roi le présent avis. Il n'est [lotnt
daté, mais il a certainement été écrit vers
la fin d'avril i64i. En voici une double
preuve : nous avons trouvé aux arch. des
AfT. étr. la réponse de la duchesse de Guise
à la lettre que le cardinal propose ici d'é-
crire à cette dame"; elle est datée du 28
avril; et une lettre de M. d'Estrades"*,
ambassadeur en Hollande, datée du l'à
mal, laquelle fut écrite peu de jours après
la réception de celle qui doit être envoyée
au prince d'Orange en sui le du présent avis;
or celte date du i3 indique également la
fin d'avril pour la lettre adressée au prince
et aux États.
' A la marge de ce paragraphe est écrit ,
France, t. 96, fol. 577. — *** Hollande, t. 23,
782 LETTRES
le roy ayant sceu , par la capture de quelques gentilshommes qui sont
venus d'Angle.krre pour corrompre diverses personnes de ses sujets,
les projets que les Espagnols font, tant d'un costé avec M" de La Va-
lette et de Soubise , que de l'autre avec M' le Comte , d'exciter quelques
troubles en son royaume, et l'engagement auquel ils entrent à cette
fin, contraignant le roy d'y pourvoir, il ne l'a pas voulu faire sans luv
en donner advis et luy faire cognoistre le desplaisir qu'il a que la
mauvaise conduitte de M"" le Cotnte et de ceux qui sont avec luy l'y
aient contrainct.
M"' Bouthillier dira ensuitte à Mad^ la Comtesse que le roy luy a
commandé de luy dire qu'une des choses qui le hastent de mettre
ordre en celte affaire esl le mauvais conseil que M"' le Comte a pris
d'escrire une lettre au roy qui semble estre hors des termes d'un
sujet qui ne peut prescrire à son roy les voyes les plus avantageuses
pour luy pour faire paroistre une innocence affectée.
Cela faicl, le roy doit donner tel ordre qu'il luy plaira dans sa
maison, sans avoir esgard à ce qu'a faict M' le Comte.
Il doit ensuitte mettre un homme de qualité dans le gouvernement
de Champagne, faire deffenses à toutes les villes de recognoistre M' le
Comte.
On peut faire le mesme en Dauphiné; et, si le roy veut, il peut
aussy s'en abstenir. Au mesme temps, il f<iut le priver de ses pensions
et de la jouissance de ses bénéfices.
Il faut ensuitte envoler un homme de créance à M"" de Turenne
pour luy donner part de la mauvaise conduitte de son frère, et luy
faire cognoistre que le roy ne veut point la ruine de sa maison, mais
sans marque de renvoi : «H faut sçavoir
quand finit la permission que le roy a
donnée à M. le Comte de demeurer quatre
ans à Sedan, et voir si, finissant présen-
tement, il vaut point mieux que le roy luy
envoyé dire que, son sesjour à Sedan luy
estant suspect, il désire qu'il vienne à la
cour. » On comprend que dans une telle
occurrence le comte de Soissons pût
craindre d'être mis dans une prison d'Etat
s'il revenait à Paris; mais on comprend
mieux encore que, ses mauvaises disposi-
tions bien connues, il était impossible de
le laisser maître d'une place forte, surtout
d'une place située sur une frontière mal
assurée , la Lor.-aine.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 783
bien de l'infidélité de son d. frère ^ Il luy faut faire entendre que le
roy est disposé à luy conserver tout le bien, pourveu qu'il le veuille
accepter, et se mettre en estât de le conserver.
Il faut au mesme temps priver M' de Bouillon de l'efifect de la pro-
tection de la jouissance de tout le bien qu'il a en France, et delFendre
toute sorte de commerce avec Sedan, et le faire observer sy exacte-
ment qu'il n'y entre pas un grain de bled.
Il faut donner part à M' le P. d'Orange et à M" les Estats de la
mauvaise conduitte de M' de Bouillon et concevoir les lettres aux
termes les plus avantageux pour le roy.
Il faut escrire à madame de Guise le desplaisir que l'on a de la
mauvaise conduitte de M' de Reins, et iiiy tesmoigner le desplaisir
qu'a S. M. qu'aux premières fautes -de légèretés où il s'estoit laissé
aller, il y en ait voulu adjousler d'infidélité.
Faut escrire à M"' d'Espernon une lettre par laquelle le roy luy tes-
moigne qu'il est bien fascbé d'avoir lieu de l'advertir que le s"" de La
Valette son fils, non content de ses premières fautes, ait voulu se por-
ter dans de nouveaux crimes, par les traictez ausquels le s'^de Soubize
et luy sont entrez avec les ambassadeurs du roy d'Espagne, au préju-
dice de ce qu'il doit à S. M. et du repos de l'Estat; qu'il luy en donne
avis afin qu'il rompe toute sorte de communication avec luy, et ne
luy envoie aucun argent, ce dont n'ayant pas besoin pour sa subsis-
tance, à cause qu'il en tire du roy d'Espagne, il ne luy pourroit ser-
vir qu'à luy donner moyen d'entretenir des prati(|ues à son propre
préjudice.
Ici à la marge : « Faber sera Irès-propre à cette commission.»
784
LETTRES
CCCXCV.
Arcli. des Aff. étr. France, l. 98 (non coté). — Minute de la main de Chavigni. —
Copie, t. 99.
MÉMOIRE AU ROY,
POUR RESPONDRE A M. L'ÉVESQUE DE BAZAS,-
DÉPUTÉ DE L'ASSEMBLÉE DU CLERGÉ '.
[Veis la fin d'avril ou le commencement de mai i64i.]
M" de Cisteron et de Bazas arrivant auprès du roy, S. M. doit d'a-
bord dire :
M' de Cisteron, je vous reçois comme député de l'assemblée, et
' Cette allocution, composée pour le
roi par Richelieu , n'est point datée , ce qui
fait qu'on l'a classée à la fin du volume.
Quelle date lui faut-il donner, et à quel
incident se rapportetelle dans l'histoire
de l'assemblée du clergé à Mantes? La re-
lation de M' de Montchal n'en fait aucune
mention , et l'on ne voit pas le moment où
l'évêque de Bazas aurait été d'une députa-
tion conduite au roi par l'évêque de Siste-
ron. H se peut donc que, préparée à l'a-
vance, dans la prévision d'unu audience,
qui ensuite n'eut pas lieu , l'allocution n'ait
jamais été prononcée. Néanmoins il n'est
pas sans intérêt delà conserver, et , à défaut
d'une date certaine, nous en cherchons une
vraisemblable. Il est évident qu'elle n'au-
rait pu trouver place avant le 18 avril, où
Ton a vu que les choses n'étaient pas encore
arrivées à cette extrémité; il est également
certain qu'elle a été composée antérieu-
rement à la séance d'expulsion , où l'on
verra l'évêque de Bazas recevoir, comme
les autres prélats opposants, l'ordre de se
retirer dans son diocèse, preuve que cet
ordre ne lui avait pas été déjà intimé. Ce
n'est donc que dans les derniers jours d'a-
vril ou le commencement de mai que ce
discours a pu être préparé. — Nous trou-
vons, dans un autre ms. de la même col-
lection , ime pièce assez curieuse concer-
nant cette assemblée du clergé, et se
rapportant au même temps à peu près de
ses délibérations; elle est intitulée : Rela-
tion de ce qui s'est passé dans l'assemblée
touchant l'imposition de 700 mil livres de
don gratuit. Manies le 15 mai 16U1. C'est
l'évêque de Charires, avant toujours l'évê-
que de Nîmes pour secrétaire, qui rend
compte au cardinal des paroles pronon-
cées par chacun des membres de l'as.sem-
blée; il note avec soin ceux qui sont
manifestement dociles, ceux qui font une
frai:che opposition, ceux enfin dont, mal-
gré les apparences, il convient de se dé-
fier. (France, i64i, six prenàers mois,
fol. 3 18.) C'est une copie; le premier
feuillet de l'original , de la main de l'évêque
de Nîmes, est seul conservé dans ce ms.
fol. 3 16.1
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 785
non l'évêquie de Bazas; je permets cependant qu'il vous escoute
comme particulier, puis il sçaura ma volonté.
M" de Cisteron ayant faict sa harangue, et le roi respondu, il dira
à l'évesque de Bazas :
Qu'il est bien fasché que ses comportemens l'obligent à luy dire
que c'est un ingrat et mescognoissant, non seulement de ce qu'il luy
doit\ mais de ce qu'il doit à Dieu, dont le service et la gloire re-
qviicrent que le clergé concourre aux bons desseins de S. M.
Que, n'ayant convoqué cette assemblée que pour le secours que
l'Eglise luy doit donner en cette occasion, il ne peut estre député
puisque sa procuration lui deffcnd expressément de rien accorder
au roy.
Qu'en cette considération le roy deffend à l'assemblée de le rece-
voir plus en leur corps, et luy commande très expressément de partir
dès le lendemain, pour s'en aller dans son évesché, pour faire péni-
tence de ses fautes avec son archevesque (celui de Toulon).
S'il respond qu'il a instruction ou lettres autres que sa procuration ,
le roy luy dira que son instruction ou ses lettres ne sont que des mé-
moires particuliers; mais que la procuration est un titre public scan-
daleux , qui ne peut estre réparé par aucun autre particulier.
Le roy respondra à M' de Cisteron qu'il reçoit volontiers les com-
pliraens de l'assemblée; mais qu'il en attend des elTects solides, cor-
respondans aux nécessités de son Estât et aux promesses des seize
évesques qui se sont engagés à Paris de faire donner les six millions
dans trois ans.
Je rapproche de ce projet de discours l'extrait d'une autre pièce concernant a
même affaire, et également non datée, mais dont la date est approximativement
donnée par cette circonstance que le roi était à Abbeville les derniers jours de mai.
' Ceci s'explique par ce passage des mé- la compagnie de lui permettre de se re-
moires de Moniclial où il est dit que l'é- tirer dans son diocèse , mais que l'assem-
vêque de Bazas, qui avait été promu par le Liée, approuvant sa conduite, l'obligea de
propre mouvement du roi, afin d'éviter demeurer. (P. 3oa.)
les fâcheux reproches qu'il prévoyait, pria
CARDIN. DE ntCUELIED. Yl. 99
786 LETTRES
C'est une espèce de statistique conjecturale des opinions des députés des di-
verses provinces ecclésiastiques, où l'on combine les moyens d'avoir une majorité
sûre; travail commun de Richelieu et de de Noyers, qui prennent lour à tour la
plume.
L'affaire du clergé se peut terminer en l'une des trois façons :
• Ou toulte la compagnie, ou du moins les présidens revenant à la raison
ce qui n'aura pas lieu. »
Ou s'assurant de nouvelles voix... et obligeant la compagnie par les commis-
saires du roi à délibérer de nouveau... « moyen qui semble infaillible. »
Ou si ces deux expédients ne suffisent pas. . . envoyer commandement à l'as-
semblée de suivre le roi à Abbeville Si les présidents refusent de venir...
«tous les bons y viendront et tiendront l'assemblée. Si, estans là, ils veulent se
retirer sur quelque occasion , on les laissera faire. •
M. de Noyers divise les provinces en trois catégories :
« Provinces asseurées; » il en compte sept;
«Provinces caduques, (par l'absence de quelques députés), quatre;
Il Provinces contre le roy, » quatre.
Ici Richelieu prend la plume, il écrit le nom de chaque province caduque ou
opposée, et il met, après le nom de chacune, le noni d'un ou deux députés « qui
rendent la province bonne. »
Cette pièce, travail commun de de Noyers et de Richelieu, écrite de la main
de tous deux, se trouve aux arch. des AfT. étr. France, tome gg, vers le milieu
du volume non coté.
CCCXCVI.
Arch. des Aff. étr. France, i64i, six premiers mois, fol. 3 12. —
Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRÉTAIRE D'ESTAT, À PARIS.
De Rue! , ce 1 4 inay [ 1 64 1 j.
' Ce billet est pour donner avis à Mons' de Chavigny que je n'ay
dict à M' Goulas sinon que nous avons esté avertis de Sedan qu'on
' Avant l'entretien que le cardinal an- avait pensé à faire une tentative directe
nonce avoir eu avec Goulas, Richelieu auprès de Monsieur. H écrivait à Chavigni
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 787
envoyait un gentilhomme à Monsiem- et qu'il se devoit acidresser au
petit Dumonl, et que je conseillois à Monsieur de prendre cette
occasion de faire valoir au roy sa fidélité et son affection au bien de
l'Estat, tirant la créance de ce gentilhomme par escrit, et envoyant,
par après, ses lettres et la dicte créance au roy.
M"" Goulas, m'ayant représenté qu'il craignoit que Monsieur fist dif-
ficulté à envoier le gentilhomme au roy, après avoir im peu contesté
sur ce sujet, je luy ay dict que, pour s'accomoder à l'esprit de Mon-
sieur, je porterois le roy à se contenter que Monsieur fist prendre ce
gentilhomme et donnasl ordre à trois de ses gardes qui l'amèneroient
à la cour, de le laisser sauver à trois lieues de Blois. 11 a approuvé cet
expédient; reste, pour l'exécution, que M"^ Goulas aille à Blois, et que
M' de la Barde me vienne trouver pour adjuster, avec Vauselle, comme
il se conduira*. M' Goulas nç sçait point que Vauselle soit icy, qu'il
vous ayt parlé, ny qu'il s'entende avec nous^. Valetudinem taam cura.
Le Gard. DE RICHELIEU.
une iellre que nous trouvons sans dale ,
mais qui doit être de peu de jours anté-
rieure à celle que nous donnons ici. Le
cardinal mandait à Cliavigni de faire en
sorte d'oblenir de Monsieur qu'il aidât à
convaincre les conjurés de Sedan des
trames qu'ils avaient ourdies. « Pour cet
cffect, écrivait Richelieu, il est à propos
que vous envoyés quelque personne de
confiance à Monsieur, pour luy dire que
nous sçavons qu'il est party un gentil-
homme de Sedan, de la part de M. le
Comte, ou de M. de Rlieims, pour tascber
de l'embarquer dans leur beau parly ; qu'il
est important pour son service qu'il en-
voyé les lettres toutes fermées au roy, et
qu'il face cognoistre qu'il n'est poidl ca-
pable de prester l'oreille à de telles pro-
positions. Vous me renvoyerés demain
M. de La Barde après que vous vous se-
rés esclaircy de toutes les parlicularitez
que sçait ce gentilhomme , et de tous les
moyens qu'il y a de le mettre en estât de
servir, et Monsieur de faire paroislre son
affection.» (Mention de celte lettre sera
faite à la fin du volume, un peu avant
le i4 mai.)
' Nous avons une lettre autographe de
Gaston à Cliavigni, datée de Chambord,
2 1 mai , où nous lisons : > J'ay suivi ponc-
tuellement les conseils de S. Em. que je
pouvois appeler prophéties, car la chose
s'est passée comme il l'avoit creu. J'envoie
toutes les choses que S. Em. a désirées.
Mais priés encore, de ma part, M. le car-
dinal qu'en cette occasion je ne puisse
point passer pour délateur, ni pour les-
moin contre des gens qui me sont si
proches. Je suis extresmement aise que la
chose ayt mieux réusi que je ne pensois. »
(Ms. cité aux sources, fol. Sag.)
' Voy. ci-après, p. 796.
99-
788
LETTRES
CCCXCVII.
Arcli. de Condé, n° 1 14- — Original.
Arch. des Aff. 6tr. France, t. 98, non coté. —
Minute de la main de Cherré.
A M. LE PRINCE.
I 5 mai.
Monsieur, Il y
a lanl de désordre et si peu de dignité dans la maison de M"" d'An-
guin, que je me sens obligé de vous en donner avis ^ La mort du
' Nous continuons à recueillir avec un
soin curieux, et nous croyons en cela ne
pas déplaire au lecteur, toutes les particu-
larités touchant les premières années de
la jeunesse du grand Condé, son union
avec la nièce du cardinal, ainsi que les
procédés de Richelieu dans celte grande
affaire domestique. Il faudrait ne pas con-
naître Richelieu pour douter qu'il désirât
ardemment une alliance qui mettait sa
famille dans la famille royale; mais il
s'arrangea de sorte que , dans les appa-
rences , il parût n'avoir pas été le pre-
mier à la rechercher. Sans doute la du-
chesse d'Aiguillon, fort bien accueillie
dans la maison de Condé, prépara les
voies; mais, dans ce que le public connut
de cette négociation, les rôles sont com-
plètement intervertis ; c'est le cardinal qui ,
en y mettant toutes les formes convenables ,
semble tenir le haut du pavé, et c'est le
prince du sang qui paraît l'obligé. Rien
n'est plus propre à montrer la grande
place que Richelieu tenait alors dans l'Elat
et dans l'opinion des personnages les plus
émlnents, lorsqu'ils n'étaient pas ses en-
nemis. Dès les premiers temps de la
recherche, M. le prince et M°" la princesse
font les avances; la correspondance de
Henri Arnauld , à laquelle nous avons
déjà fait quelques emprunts, nous fournit
à cet égard des détails piquants. « M. le
prince (écrit-il le i/t mars i64o) fait pour
le mariage toutes les instances que vous
sçauriés vous imaginer. M. le cardinal
respond que M'"° sa niépce est encore
trop petite; on tient que cela est remis
à un an d'icy. » — Le 28 : « M. le grand
maislre (le cousin de Richelieu) part
pour l'armée la semaine prochaine
il aura assurément M' d'Anguin pour
volontaire. M. le prince luy a dict qu'il
le luy donnnit pour domestique, et Mad.
la princesse luy a esté faire sur cela de
grands complimcns. » Le 1" avril : « M. le
prince dict dernièrement à M. le cardi-
nal qu'il n'avoit point encore faict la mai-
son de M' son lilz, affm que S. Em. peust
mettre auprès de luy telles personnes
qu'elle voudroit. » Le 4 : « M. d'Anguin
verra icy une fois ou deux M'"' de Brezé,
et puis Mad' Bouthillier la ramènera aux
Caves.» — Le 1 1 : « M. le prince alla,
avant que partir d'icy, visiter M'"°deBrezé,
à laquelle il dict qu'il luy venoit tesmoi-
gner l'impatience qu'îF avoit qu'elle fust
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
789
pauvre M'' de Maigrin m'ayant faict cognoistre, par expérience, que
tous ceux qui y sont employez doivent y estre mis d'une raesme main,
sa belle-fille, et qu'il l'asseuroit qu'elle
seroit dame el maistresse chez iuy; elle
entend fort bien tout cela , et porte desjà
bien liault la croyance certaine qu'elle sera
bienlost princesse du sang. « — Le 18 :
« M. le prince doit parlir bienlosi; il dict
à M*"''deBiezé, eu Iuy piésentant M. d'An-
guin, que M. le cardinal luv avoit faict
l'iionneur de trouver bon qu'il la rrclier-
cliasl, ft qu'il l'asseuroil quelle ne pour-
roit jamais espouser personne qui lui ren-
dis! plus de re.-pect ny plus di. tesmoignage
d'amitié ;el, comme on vouloit donner une
grande chaise à bras à M. d'Anguin , il Iuy
dici : Ce n'est pas là ht place d'un serviteur;
allez vous mettre sur un petit placet auprès
de voslre maistresse. Estant ces jours passés
dans le carrosse de M. le cardinal, il Iuy
dist tout bault, il y avoit encore d'autres
personnes qui l'ouïrent , qu'il ne vouloit
rien pour le dol (qui est de 200,000 escus) ,
pourveu qu'il pleust à S. Eip. que le ma-
riage s'accomplist présentement. Et en-
suitle il venoit sur tes louanges de M. le
cardinal et sur les obligalions infinies que
la France lus avoit, et que, si elle le per-
doit, elle se (rouveroil dans un estât sy mi-
sérable qu'en ce cas il choisiroit pluslosl
d'eslre gentilhomme vénitien avec a, 000**
de rente que d'eslre ce qu'il estoit. » Le
mariage fut célébré en février i6/ii;le
mois suivant, le jeune prince fut atteint
d'une dangereusf maladie, qui .«e prolon-
gea dans le mois d'avril, et qui fit craindre
pour ses jours et aussi pour son intelli-
gence, s'il en faut croire le journal d'Ar-
* Iji lettre était signée, suivant l'usage des grandes
«De Montmorency.»
nauld. Nous ne le suivrons point dans
tous les détails où il entre, nous dirons
seulement qu'à l'occasion du meurtre de
M. de Mégrin il nous apprend que « M. le
prince a mandé que l'on chasse tous ceux
que voudra M' le cardinal; on a com-
mencé par le maistre d'hostel , qui se
nomme Damours, et qui le sert il y a
3o ans. n (7 avril.) On voit, au ton de la
présente lettre, que le cardinal ne jugea
pas d'abord celte satisfaction suffisante;
toutefois nous ne trouvons pas qu'il soit
donné aucune suite à celte alfaire ; nous
voyons même que Richelieu ne se refusa
pas à mettre encore lui-même quelqu'un
auprès du ducd'Engliien (lettre du 8 juin,
ci-après). La princesse de Condé lui écrit
-toujours sur le même ton de profonde re-
connaissance. Elle lui dit : « La pasion que
j'ay d'eslre conservée dans l'onneur de vos
bonnes grases. . . vous n'en pouvés hono-
rer personne qui ait plus de pasion que
moy pour voslre servise très-humble. . . » el
dans une autre lettre, • l'estresme bonté que
vous avés pour toute nostrc meson * est si
grande. . . » (Lettres autographes des 2 et 7
juin.) Dans celle dernière elle entretient
le cardinal de sa nièce , à qui il avait donné
en la quittant des conseils tout paternels :
« Je vous puis asseurer. Monsieur, qu'elle
est très soigneuse d'obéir à tout se que
vous Iuy avés commandé an partant; elle
écrit et lit tous les jours, et pour la danse
se ne sera cune fois la semene durant les
grandes chaleurs. . . j'espère qu'à voslre
retour vous serés très contant. . . pour mon
dames d'alors du seul nom de famille de la princesse
790 LETTRES
vous penserés, s'il vous plaist, à y remettre qui vous estimerés plus à
propos. Cette considération m'eust desjà faict retirer le s"^ de Beaure-
gard, si je n'eusse creu vous en devoir avertir auparavant. Vous pour-
voirés, s'il vous plaist, à tout, selon que vous ie jugerés pour le
mieux, vous asseurant encore une fois que, pour le bien de Mons""
vostre filz, que j'estime et ayme autant que vous, il faut que sa con-
duitte soit aydée et dirigée par un seul esprit. Sa disposition envers
vous est telle que vous le pouvés souhaitter. Reste de luy inspirer
une conduitte qui puisse estre aprouvée de tout le monde, et for-
mer sa maison en sorte que le bon ordre qui y sera gardé luy ayde
à acquérir l'estime en laquelle il doit vivre. Vous estes sv prudent
que vous sçaurés bien, je m'asseure, pourvoir à ce que vous sçaurés
estre plus avantageux à une personne qui vous est sy chère. C'est ce
qui faict que je ne m'estendray pas davantage sur ce sujet, me con-
tentant de vous asseurer que je suis et seray tousjours.
Monsieur,
Vostre très humble et très affectionné serviteur.
Le cardinal DE RICHELIEU.
De Ruel, ce i5 may i64i-
fils , j'espère qu'il se randra digne do l'on- personnes de ce lemps-Jà. Elle était douée
neur que vous luy fêles , et je prie Dieu qu'il d'ailleurs d'heureuses qualités ; toute jeune
panse à emploier sa vie à vous randre les elle plaisait. « Je la trouvay hier en un
servises qu'il vous doit. » — La jeune du- lieu où j'allay, mande Arnauld; elle est
chesse écrit de son côté à Richelieu qu'elle agréable de visage et a de l'esprit beau-
s'applique de son mieux à la lecture et à coup; mais elle est fort petite. » (Lettre du
l'écriture; et une demoiselle de La Croix, 22 avril i64o.) La plupart des historiens
parenle de Bouthillier, que le cardinal avait ont écrit que la famille de Condé s'élait
mise auprès de sa nièce, afin d'être fidèle- opposée à ce mariage, que M. le prince y
ment informé de tout ce qui se passerait, répugnait beaucoup, quoiqu'il n'osât point
écrit à Richelieu pour confirmer ce qu'ont rejeter nettement la demande du cardinal ;
dit les deux princesses. (Vol. précité 98.) que celui-ci avait même été obligé d'em-
L'instruction de M'"' de Brezé avait été, ployer l'autorité du roi pour contraindre
a ce qu'il paraît, fort négligée, puisqu'on le prince de Condé à accepter pour belle-
la mettait ainsi à l'école après son ma- fille la nièce de Richelieu. La vérité est
riage. Cependant ses lettres au cardinal dans ces témoignages contemporains que
sont d'un caractère ni bon ni mauvais, et fournissent les manuscrits originaux et
l'orthographe est celle de la plupart des autographes.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 791
CCCXCVIII.
Bibl. imp. Cinq-cents Colbert, n" lo, fol. 364 v°. — Copie. —
Saint-Germain-Hariay, l\'], t. 4i (bl. 35. — Copie. —
Dupuy, 690, fol. i32. — Copie'. — Bélhune, 9271, fol. 109 v°. — Copie.
A M. LE CHANCELIER.
17 mai.
Monsieur, les intérests de l'Estat ayant tousjours esté les seuls
que j'ay eus devant les yeux, j'estime maintenant que le public doit
estre aucunement satisfaict par la cognoissance du mauvais dessein
que M' de Vendosme s'estoit mis dans l'esprit, et que je puis, sans
préjudicier au service du roy, suplier S. M. de pardonner à M' de
Vendosme, et d'approuver la résolution que j'ay prise, en mon par-
ticulier, de ne me souvenir jamais du mal qui a esté projette contre
moy. La clémence dont il plaira au roy d'user en cette occasion n'es-
tant accordée qu'à ma très-humble supplication, on ne sçaiiroit pen-
ser, à mon avis, qu'elle puisse donner lieu à une pareille entreprise,
qui est, selon la cognoissance que j'ay de la bonté de S. M. la seule
considération qui la peut arrester. Je vous conjure, sur tous les plai-
sirs que vous me sçauriés faire, d'obtenir d'elle l'entérinement de ma
supplication, et de croire que je suis. Monsieur,
Voslre très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, le vendredi matin, 17 mai i6/4i.
NOTA.
Dès le mois de décembre i64o, le lieutenant criminel avait instruit une ac-
cusation de fausse monnaie contre deux hommes, que les papiers du temps ap-
' Le ms. de Dupuy ajoute celte note : parlement la lettre de M. le cardinal pour
• L'on remarquera que M. le président de demeurer à la postérité. »
Nestnond fut d'avis d'enregistrer dans le
792
LETTRES
pellent deux hermites '. Le i5 janvier 16/I1, ces misérables, appliqués à la ques-
tion, déclarèrent qu'on avait voulu les acheter pour attenter à la vie du cardinal
de Richelieu, et ils nommèrent le duc de Vendôme. Cette dénonciation était sans
aucune vraisemblance. Malgré de fréquentes et fort humbles protestations, le
prince n'était certainement pas des amis du cardinal , et l'on pouvait faire plus
d'un reproche à son caractère, mais personne ne l'a jamais cru capable d'un
crime. Néanmoins la déposition des ermites donna tout de suite à leur obscur
procès l'importance d'une aflaire d'état, et ils furent transférés du grand Ciiâ-
telet à la Bastille. Le chancelier les interrogea lui-même, el, quoiqu'ils n'eussent
pas d'autre preuve à fournir que leur méprisable témoignage, on ne laissa pas
d'avoir l'air d'y croire assez pour donner ordre au prince de venir se justifier.
Tout en protestant de son innocence, Vendôme craignait la prison, et ne venait
pas sans quelque méfiance se mettre entre les mains de ses ennemis. Arrivé aux
portes de Paris il se décida à n'y pas entrer, et prit la roule d'Angleterre. Alors
ou résolut de juger le prince par contumace; et le 17 mai les commissaires nom-
més par le roi se réunirent à Saint-Germain 2. Louis XIII, qui avait déclaré qu'il
faisait de cette affaire son affaire personnelle, voulut présider le tribunal assemblé
pour venger son ministre et condamner son frère. Le conseiller d'état Talon, rap
porteur, expliqua l'état de la procédure el demanda la condamnation par défaut.
Dans l'étude que nous avons faite de celte affaire criminelle, nous n'avons pu
trouver rien autre chose que de vagues accusations envoyées d'Angleterre au car-
dinal , où l'on impute au duc de Vendôme la fréquentation des Français suspects,
et des propos rapportés par des espions, et dont rien ne constate la vérité. Main-
tenant, laissons parler le procès-verbal : «Après que les commissaires eurent
donné leur avis, conforme aux conclusions du procureur général, un des valletz
de chambre seroit venu donner advis au roy que le s' Cherré, secrétaire de mon-
sieur le cardinal duc de Richelieu, estoit à la porte du cabinet, qui demandoit à
parler à monsieur le chancellier; sur quoy SaMnjeslé ayant commandé de le faire
entrer, il se seroit aproché de mon d. s"^ le chancellier et luy auroit présenté une
' Procédure contre Poirier, hermite, na-
tif d' Issoudun. (Arch. des AfF. étr. France,
t. 96, fol. 18 ) L'autre ermite accusé de
complicité se nommait Louis Allaiz.
' Le 16 mai, après dîner, de Noyers
écrivait de Ruel : « Je vous prie de faire
souvenir le roy qu'il a trouvé bon de don-
ner demain une heure de son temps pour
quelque formalité de l'affaire de M. de
Vendostne. Cela estant, il plaira à S. M.
de commander aux officiers de tenir le
disner prest pour Messieurs du parlement ,
qui seront, comme je croy, huit ou dix en
nombre. . . » La pièce manque de suscrip-
tion ; il est probable qu'elle était adressée
à Cliavigni. L'original, de la main de de
Noyers est conservé dans la collection de
Béthune, 9337, fol. Aa. On avait composé
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 793
lettre de ia part de mon d. s' le cardinal; et, à l'instant, l'ayant ouverte et leue et
ensuitle dict quelques paroles au roy. Sa Majesté se seroit levée et auroit dict :
« Messieurs, demeurez à vos places, je reprendray incontinent la mienne; » et, en
inesme temps , il a faict approcher de luy en un coin du cabinet monsieur le chan-
celier avec messieurs Boulhillier, surintendant des finances, et des Noyers, secré-
taire d'estat, ausquelz il a parlé un bon quart d'heure avec action. Après quoy Sa
Majesté ayant repris sa place a dict : « Messieurs , c'est monsieur le cardinal qui me
prie de pardonner à monsieur de Vandosme; ce n'est pas mon advis. Je doibs la
protection à ceux qui me servent avec affection et fidélité, conmie faict monsieur le
cardinal; et si je n'ay soin de faire punir les entreprises qui se font contre sa per-
sonne, il sera difficile que je trouve des ministres pour prendre soin de mes af-
faires avec le courage et fidélité qu'il faict. Je me suis donc résolu de prendre un
expédient que j'ay proposé à monsieur le chancelier, de retenir le procès criminel
de monsieur de Vandosme, à ma personne, et d'en suspendre le jugement diffini-
tif; et, selon,qu'il se conduira envers moy, j'useray de bonté envers luy et luy par-
donueray si ses actions le méritent. » Sur quoy monsieur le chancelier auroit dict
au roy: « Sire, je suis obligé de répéter à Voslre Majesté que monsieur le cardinal
m'a donné ordre par sa lettre de demander avec instance le pardon de monsieur
de Vandosme; je croy que Voslre Majesté le peult acorder sans blessiT son auclo-
rité. » Sur quoy le roy auroit reparly qu'il ne vouloil point pardonner présente-
ment, mais qu'il estoit résolu de suspendre le jugement du procès, et seréserv<'rde
faire graceà monsieur de Vandosme si sa conduitle à l'advenir estoit telle qu'elle le
mérilast. Ce faict, le roy a dict à monsieur le chancelier : « Lisez la lettre que mon-
sieur le cardinal vous a escrile. «Ce qu'il auroit faict; ensuitte de quoy le roy s'est
levé et Messieurs qui estoient assemblez ont pris congé de luy et se sont retirez. »
Il était évidemment impossible de condamner sur les vagues imputations
faites au duc de Vendôme, et l'on ne voulait pas déclarer l'innocence; c'était un
ingénieux moyen de se tirer d'embarras, de suspendre le procès qu'en réalité on
ne pouvait pas faire, et de ménager en même temps au cardinal tous les hon-
neurs de la magnanimité.
Ce procès-verbal peint mieux que ne pourrait le faire aucun récit la scène
jouée en cette occasion au moyen de la lettre du cardinal. — Au reste la famille
du duc de Vendôme voulut en paraître reconnaissante; le roi écrivait au cardinal
le 23 mai : «Je vous envoie trois lettres que M' de Lisieux me'donna hier au
soir, de ma foeur de Vendosme et de ses deux enfans, en remerciement de ce
cette commission extraordinaire de vingt- voyait figurer des maréchaux de France,
cinq membres; outre les conseillers au des grands ofliciers de la couronne, entre
paricment et les conseillers d'état , on y autres Cinq-Mnrs.
CARDll). DE RICnF.I.IEl'. VI. ' I OO
794
LETTRES
qui s'est passé; je ne les ay voulu ouvrir venant de la main de persones qui ne
vous aiment point. » (Afî. élr. France, i64i , six premiers mois, fol. 33 1.)
CCCXCIX.
Arch. des Aff. étr. France, i64i , six premiers mois, fol. 335. —
Original.
SUSCniPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRÉTAIRE D'ESTAT, À PARIS.
De Vigny ', ce 2 4 niay 1 64 1 .
Ce billel est pour dire à M"" de Chavigny que, si l'évesque de Por-
tugal"^, qui va à Rome me veut voir, je le recevray volontiers au lieu
où il pourra nous attraper. Si c'est chose aussy qu'il ne désire pas,
ou qu'il ne puisse. Monsieur de Chavigny se souviendra de l'interro-
ger de toutes les particularités qui peuvent servir^. En quel estât il
a laissé le royaume de Portugal quand il est party ? Quelles forces
' Le village de Vigny, non loin de Pon-
toise, possède un antique château bâti par
le cardinal d'Àmboise. Hichelien , parti le
matin de Ruel , y était venu rejoindre le
roi , en passant par Saint-Germain , où il
avait salué la reine et les enfans de France.
Le roi et le cardinal partaient pour le
voyage de Picardie.
' D. Miguel de Porlugal, neveu du
roi ; il élait évêque de Lamego. Le com-
mandeur de La Porte en annonçant à Ri-
ciielieu, le 2 mai, le passage de cet am-
bassadeur par la Rochelle, disait : «C'est
un homme dn grande considération , frère
du comte de Vimiose, capitaine général
du royaume. . . son père a esté ami intime
du père de V. Em. » La Porte ajoutait :
« Outre sa mission d'ambassadeur il va
pour rendre l'obédience à S. S. au nom
de tout le royaume. » Et après avoir carac-
térisé en quelfjties mots les personnages
de cette ambassade, La Porte disait : «Ils
ont un ordre exprès de leur maistre de se
conformer entièrement aux volontés du
roy et aux conseils de V. Em. aussy bien
à Rome qu'en France. » (Aff. étr. Porlugal,
t. I, fol. 3o.) Chavigni répondait, le 26,
à la présente lettre de Richelieu : «L'é-
vesque de Portugal m'a dict qu'il n'estoit
venu à Paris que pour voir Mouseig'; il
m'a prié de sçavoir si M*' trouveroit bon
qu'il allasl à Abbeville. »
^ A cela Chavigni répond : «Il m"a as-
seuré que le royaume de Portugal est en-
tièrement uni an service de son maistre;
que leur roy a une très-puissante armée
sur pied; que l'on fortifie incessamment
les places frontières; que les marchands
commencent à faire leur négoce comme
avant la révolte, cl qu'il y aura vingt gal-
bons presls à Lisbonne quand l'année du
roy y arrivera. » ( Vis. précilé fol. 3 1 .)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 795
le roy a sur pied? Quelle union il y a dans l'Estat? Ce que font les
marchans, si on fortifie les frontières, quels vaisseaux il y a en la mer,
et s'ils seront prests quand le marquis de Brezé y arrivera? Quelles
gens ont esté punis' depuis peu sur la descouverte de ce Jacobin? En-
fin toute autre chose imaginable.
M' de Chavigny se souviendra aussy de donner ordre de faire re-
venir l'homme qui est allé de Blois de Sedan ^ à Abbeville, afin que
nous ajustions bien ce qu'il faudra faire.
J'ay envoyé un billet à M"^ Bouthillier pour le prier de donner une
bonne assignation de 4ooo" à M' Sardiny, eu esgard à sa nécessité et
à son affection'. Monsieur de Chavigny luy tesmoignera de ma part
que c'est chose, à mon avis, qui est à propos. Il né faut pas oublier
les présens pour M"" le nonce et M' l'ambassadeur de Venise.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCC.
Arch. des Aff. étr. France, i6/ii, six premiers mois, fol. 34 1. — Autographe.
[A M. DE CHAVIGM.]
25 mai [i64i].
Vous pouvés dire à M' de Montaigu que le roy trouve bon que
' Cliavigni ne répond point à cet ar-
ticle; un peu plus tard il aurait eu une
réponse; S'-Pé lui écrivait le i" septembre:
« Le roy a fait trancher la leste au marquis
de Villarcal.au duc de Gamine, son lils,
au comte d'Armemar, et à Dom Augustin
Manuel ; il a fait pendre sur la mesme place
Pierre de Baesse, et trois autres chevaliers
pour conspiration. . . On fait le procès à huit
autres, qui seront exécutés dans peu de
jours. • (Ms. cité aux sources, fol. 1 15.) Et
ver» le commencement de l'année suivante,
le 6 avril , le roi se donna à lui et à la reine
le speclacle d'un aulo-da-fe : • Aujour-
d'imy, mandait l'intendant Lasnier à Cha-
vigni, s'est faict l'acte de la foy, la justice
souveraine et exemplaire de l'inquisition,
avec grande porape et maje.sté, en pré-
sence du roy et de la reyne; ung vieil et
très-fameux médecin dogmatiste, deux
hommes et trois femmes ont esté bruslez.
de 6o hommes et quareiite femmes qu'il
y avoit. » (Ibid. fol. i36.)
' Sic. Le manuscrit est parfaitement li-
sible.
' Est-ce le même que celui qui avait
mécontenté Richelieu à l'occasion de l'af-
faire de Chalais ? (tom. 1, p. 698. )
796 LETTRES
M' Germain ' vienne à Paris; en Testât auquel il est, la générosité ne
permet pas de luy faire autre response.
M'' Goulas vous dira ce qui s'est passé entre luy et moy^ qui
exorte Monsieur à quitter ses foiblesses qui ne luy peuvent estre
que désavantageuses.
Sans donner la peine au gentilhomme qui est maintenant entre
vos mains de venir à Abbeville, après avoir bien pensé à son affaire,
il ne sauroit nous donner aucun avis de Sedan sans se mettre au ha-
zard de se faire pendre par des gens fols et violens.
Pour le garenlir d'un tel malheur, il faut luy persuader qu'il vaut
beaucoup mieux qu'il trouve bon que nous le fassions prendre au
sortir de Paris et le mettre au bois de Vincenne' entre vos mains,
en luy donnant paroUe, comme vous pouvés faire, qu'il n'aura aucun
mal , et qu'au contraire on luy fera du bien.
Cette affaire est importante pour convaincre M' de Rheims sans
que Monsieur puisse paroistre cause de sa conviction. Je vous prie la
faire réussir, soit que le gentilhomme y consente (ce qu'il fera, à
mon avis), soit qu'il n'y consente pas. Expedit, expedit. Je suis à
vous à l'accoustumé, c'est-à-dire comme vous le pouvés désirer.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Ce 2 0 may.
' Lord Jerinyn , qui fui plus lard comte
rie Sainl-Alban. 11 élait connu pour être
une de.s personnes les plus allachées à la
reine d'Angleterre , qui elle-même élait sur
le point de se sauver de Londres.
^ Voy. ci-dessus, p. -jSb.
Chavigni répondit le lendemain à Ri-
chelieu : « L'iionnne sera aujourd'liuy dans
leboisde Vincennes .. cela donnera moyen
de satisfaire à la fantaisie de Monsieur. »
(Archives des Aff. étr. Portugal, t. l, fol.
3i.) Richelieu le nomme dans une lettre
du 28; c'était un s' de Vaacelles.
DU CARDINAL DE RICHELfEU.
797
CCCCI.
Arrii. des AfiF. étr. France, i64i. six premiers mois, fol. 355.
Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. DE CHAVIGNY,
SECRÉTAIIE D'ESTAT À PARIS.
Je vous envoie un courrier que
pesché K
' Monlreuii avait récemment écrit à
Cliavigni deux dépêches chiffrées, l'une
du 16 mai, l'autre du aS*; toutes deux
contiennent d'imporiantes nouvelles sur
les affaires d'Angleterre. Dans la première ,
Montreuil dit : «Ce qui se passa hier an
parlement vous fera cognoistre qu'on n'est
pas sans jalousie du séjour de Montagu
à la cour, et sans crainte que la France
veuille s'entremettre des affaires de ce
pays, à quoy... ont donné lieu l'équipe-
ment des vaisseaux pour le Portugal aux
ports de Bretagne, et le bruit que les do-
mestiques de la reyne d'Angleterre font
courir sourdement que M. le cardinal ne
voudra pas que l'autorité royale fe dé-
truise en ce pays.. . j'essaie de détromper
le peuple, qui a la première part au gou-
vernement d'Angleterre. » On voit que
dans la présente lettre Richelieu répond à
cet article. Montreuil expose encore dans
la missive du 16 l'affaire de Strafford, et
mande que le roi a déclaré au parlement
que le lieutenant d'Irlande était coupahle
de beaucoup de choses , « mais non du
crime de leze majesté, et qu'il ne consenti-
• Arcli. dc$[Aff. élr. Angleterre, 1. 48, fol. 3o5 et 3o(j.
D'Abbeville , ce 3o may 1 64 i .
le s"^ de Montreuil vous a dé-
roitjamais qu'il raourust pour ce sujet. «Le
peuple (ajoute Montreuil) «a esté extres-
mement irrité de cette déclaration. » Le roi
avait fait une faible lentative de fermeté,
Richelieu inflige à sa conduite le reproche
de « pitoyable ;b le reproche serait bien
mieux appliqué aux tristes tergiversations
marquées dans la lettre du a3; mais Ri-
chelieu ne l'avait pas encore reçue lors-
qu'il écrivait cette première lettre du
3o mai. Montreuil mande, le a3, que le
bruit courait à Londres • que les François
s'esloient emparés des isles deGersay et de
Grenezay. . . je courus à la cour, où je Irou-
vay que l'alarme y estoit plus grande qu'on
ne ni'avoit dit; tous les domestiques de la
reyne avoienl pris avec eulx toiits ce qu'ils
avoient de plus précieux; les carosses de
cette princesse attendoient au pied de l'es-
calier, en apparence pour la mener à Wi-
millhon, mais, en effet, à Porihmulh. »
Cependant la reine changea de pensée et
ne partit pas. Montreuil insiste sur ce qu'il
a fait pour persuader à tout le monde que
le cardinal ne saurait penser à laisser là
ses desseins contre l'Autriche pour atta-
798 LETTRES
Tay ouvert ses dépesches.
Bien qu'il y ail du chiffre, j'ay à peu près pénétré ce qu'il vous
mande. Vous m'envoyerés cependant un extraict de ce que je n'ay
peu voir.
La fureur de ces peuples est grande et la conduitte du roy pi-
toiable.
La première chose que j'ay à vous dire est que vous mandiés à
M' de La Ferté' qu'en quelque lieu qu'il soit qu'il s'arresle, et qu'il
ne passe point en Angleterre sans en avoir ordre.
La seconde est que, comme les bruicts qu'on faict courre de la
descente d'une armée Françoise sont du tout faux, vous mandiés à
Montreuil qu'il les destrompe autant qu'il pourra, sans faire aucune
bassesse à cette fin, dont je ne croy pas qu'il soit capable de luy-
mesme, ses dépesches semblant assez judicieuses.
Il est important d'avertir Montreuil de ce qui s'est passé en l'affaire
de la reyne mère; comme on luy a envoyé de l'argent, et que, sur
l'offre qu'elle avoit faict d'elle-mesme de vouloir aller en Italie, on
luy a offert de l'entretenir là selon sa dignité, et d'envoier à Cou-
loigne cent mile livres pour son voiage; et ensuite de la mauvaise^
conduitte de ses gens.
On peut permettre au s' de Bonnefons d'aller à Liège , ainsy qu'il
le demande.
J'escris au marquis de Brezé qu'il parte le dix"^ de juin pour s'en
aller. Cela estant, il est besoin d'expédier promptement les ambassa-
quer l'Angleterre. Enfin il raconte les vio-
lences du parlement à l'efifet d'obtenir que
Slrafford soit livré au supplice , les per-
plexités du roi , qui assemble un conseil de
conscience pour savoir s'il peut consenlir
à la mort de ce ministre, puis une réu-
nion de jurisconsulles, etfinilpar donner
son consentement. — Ricbelieunedil que
deux mots dans la lettre suivante sur cette
fin tragique d'un bomme qui avait été le
premier ministre du roi d'Angleterre. Ces
deux mots, d'une étrange sécheresse, et où
la pensée semble se cacher à dessein dans
une réflexion banale, ne laissent pas de-
viner le vrai sentiment de Richelieu, qu'on
désirerait cependant de connaître.
' C'était le nouvel ambassadeur de
France auprès du roi de la Grande-Bre-
tagne.
' Mot ajouté par Richelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 799
deiirs de Portugal, sur quoy je vous ay envoyé tout ce que je puis
dire et ce qu'il y a à faire en ce sujet.
Le Card. DE RICHELIEU.
L'Illers s'est rendu '
CCCCII.
Arch. des Aff. élr. France, i64i, six premiers mois, fol. 367. —
Original.
[A M. DE CHAVICNI']
D'Abbeville, ce 3o may.
Je VOUS renvoyé vostre lettre d'Angleterre. Le vice-roy d'Irlande a
esté et il n'est plus; nous sommes présentement et un jour nous ne
serons plus.
S'il plaist à Dieu ne rendre pas la santé à M' de S'-Brieu, pour le-
quel je la luy demande de tout mon cœur, je parleray au roy de son
abbaye pour son frère.
Les ambassadeurs de Portugal qui sont en France, ou celuy qui
est en Hollande, se trompent ou nous trompent; ceux-cy disant qu'il y
a 20 galbons en Portugal, et l'autre disant qu'il y en a 10, qui avec
les 20 qu'il doit acbepler ou fretter en Hollande, feroient au moins
trente. Cependant pourveu qu'ils s'obligent à vingt vaisseaux, galbons
ou autres non moindres de 3 à 4oo tonneaux, il s'en faut contenter.
Il n'y a rien à mettre dans le traité toucliant les vituailles, ainsy
que je vous l'ay desjà mandé; il les faut seulement convier à en faire
préparer en Portugal, que chacun prendra à ses despens s'il en a
besoin.
Celle ligne est de la main du cardi- Cliavigni qui a mis au dos de celle mi-
nsi- nute : « Monseigneur le cardinal. 1
La suscription manque, mais c'est
800
LETTRES
Après avoir veu la copie de l'article passé entre nous et les Hollan-
dois touchant les honneurs qu'ils doivent à l'admirai de France, je
n'estimerois pas, par mon sens\ qu'il y eust autre chose à faire. Ce-
pendant le bonhomme M' des Gouttes, entendant la mer beaucoup
mieux que nous, M*" de la Thuillerie peut sonder dextrement la pro-
position comme de luy-raesme, sans tesmoigner en avoir ordre, qu'il
fera cognoistre, si bon luy semble, au cas qu'il juge pouvoir obtenir
davantage que ce qui a esté convenu.
Vous donnerés, s'il vous plaist, un copie de l'article pa^sé avec les
Hollandois au marquis de Brezé, signé de vous.
Je craindrois que le discours que Madame la princesse d'Orange a
faict à d'Estrade, disant qu'aussy tost qu'il aparoistra que M' de
Bouillon aura signé le traitté avec i'flspagne, M' le prince d'Orange
le despouillera de ses charges, fust captieux; si avoir voulu entre-
prendre sur le mont Olimpe, faire des levées publiquement de l'ar-
gent d'Espagne, voir M"^ de Guise son associé au traitté dans Bruxelles,
et sa femme dans Namur, n'estoit une preuve sy évidente de sa mau-
vaise volonté et de son engagement avec f Espagne, qu'il n'en faut pas
davantage ^.
Demain, aveci'ayde de Dieu, la lettre pour les parlemens et les pro-
vinces sera faicte^.
N'oubliés pas, s'il vous plaist, de faire prendre le valet de Modène
' Nous trouvons dans les mss. de Hol-
lande (tome 23, pièce 81) une note de
Richelieu, sans signature, de la main de
Charpenlier : • Je ne sçay point sy certai-
nement ce que M. des Gouttes mande lou-
chant la flamme qu'il dict que les vais-
seaux de Hollande doivent seulement
arborer au cas que l'amiral ne soit pas en
personne, que j'en sois tout à fait asseuré.
— M. de Cliarnacé avoit bien accordé
l'ordre qui se devoit observer, toutes les
civilitez désirables estoient stipulées pour
le pavillon du roy... Il faut envoyer à
M. de la Thuillerie le concert cy-dessu,s
mentionné, et qu'il ajuste le resle raison-
nablement. »
* M. d'Eslrades avait mandé, de La
Haye, le i3 mai, à Chavigni, que le
prince d'Orange lui avait promis, que si,
en effet, M. de Bouillon avail signé un
traité avec les Espagnols, «les Estais luy
osteroient ses charges.» (Alï. élr. Hol-
lande, t. 30, pièce 77.)
" Elle ne fut publiée que quelques jours
plus lard. (Voy. ci-après, à la dale du ii
juin.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU, 801
comme vous me le mandés. 11 parlera sans doute comme Vauselle^ et
cela fera une preuve plus entière.
Le Card. DE RICHELIEU.
CCCCIII.
Arcli. des Aff. étr. France, i64i, six premiers mois, fol. 354. —
Minute de la main de Charpentier.
A MM. LE CHAIVCELIER ET LE SURINTENDANT.
D'Abbeville , ce 3o may 1 64 1 -
J'envoye à Messieurs le cLanceller et le surintendant ce que nous
estimons devoir estre faict en l'afTaire de Mes" du Clergé ^, qu'il faut
conduire avec force puisque nous avons droict de le faire'. En un mot,
on a jugé qu'il valoit mieux, puisque les esprits mutins s'estoient mis
' PrisoniiieràVincennes. (Voy. p. 796.)
' Sans doute l'instruction préparée pour
les commissaires du roi , allant à Mantes,
laquelle est datée du dernier mai; c'était
un vendredi; les commissaires devaient
être à Mantes le dimanche suivant.
' Richelieu résolu à ce coup d'autorité
le prépara par tous les moyens dont il
pouvait disposer; et en mèiue temps qu'il
le tenait secret pour l'un des commis-
saires du roi lui-même, comme on le voit
par la présente lettre, il en prévenait ses
amis, qui ne manquèrent pas à l'appel.
L'évêque de Nîmes , Denis Cohon , écri-
vait au cardinal , le ai mai de Mantes : —
• Nous arrivasmes hier au soir icy, M. de
S'-uenys (le prieur de la Châtre) et moy en
ceste ville, où nous estions attendus avec
impatience des serviteurs fidelles. . . — Ce
matin nous avons arresté, par une courte
mais courageuse conférence , d'aller à l'as-
semblée pour voir la contenance et la
marche des ennemis , qui trouveront en
leur chentin à qui parler, s'ils entrepren-
nent quelque chose, ce que l'on ne croit
pas. — Tant y a que S. Em. peut et doit
s'asseurer que ceux qui sont à elle sont
plus fermes que des rochers, et que leur
affection, au lieu de s'alenlir, paroistplus
vive et plus ardente de moment en mo-
ment. — M. de Tolose depuis son retour,
cathéchise avec soin ceux qu'il croit péné-
trables à sa faulse doctrine. . . il tire des
prognostics de malheur de nostre opposi-
tion, laquelle, à son compte, est un acte
d'impiété qui ne va pas moins qu'à des-
truire l'église. Mais après lont ses lieux
communs luy demeurent en pure perte, et
son venin ne peut glisser dans le cœur de
nos disciples, qui sont bien conGrmez. . »
(Lelt. autographe. Ms. cité aux sources,
fol. 333.)
CARDIN. DE niCHELIED. ÏI.
802 LETTRES
eux-mesmes hors de l'assemblée, on relFiisant de faire les fonctions
de leur députation, leur fernaer la porte en sorte qu'ils n'y rentrent
pas, pour faciliter d'autant plus l'exécution de ce qui reste à faire
par l'assemblée qu'elle sera composée de gens de bien et affectionnez
au service du roy.
Je prie donc Messieurs le chancelier et le surintendant de faire
que M" les commissaires, ou M"^ d'Hémery seul, si l'autre est ma-
lade, soit dimanche au soir à Mantes, pour expédier lundy matin le
contenu en ce mémoire , le tout par concert avec M"* de Chartres et
d'Auxerre. Le secret est si nécessaire au succez de cette affaire que,
si M' de Léon a tant soit peu d'indisposition, je croy qu'il vaut mieux
qu'il n'y ait que M"" d'Hémery qui face le voiage de Mantes '.
CCCCIV.
Arch. des AIT. étr. France, i64i. six premiers mois, foi. 363. —
Original, devenu minute, à cause des corrections.
INSTRUCTION POUR M. D'HÉMERY.
Du dernier may.
La première chose qu'il faut faire, au retour de M"^ les prélats à
l'assemblée est, à mon ad vis, que M" de Chartres et d'Auxerre et
autres depputez faisant le rapport de ce qui s'est passé, tesmoignenl
que le roy s'est contenté de la somme qu'ils luy ont offerte, bien
qu'il leur ait dict que la nécessité de ses affaires en requist davantage.
Qu'il leur a faict cognoistre avoir une particulière satisfaction de
ceux qui, en servant l'Estat et leur ordre, en cette occasion, se sont
portez, par la dernière délibération, à subvenir aux pressantes néces-
' Après une telle insinuation, le prieur même à l'ordre du clergé, d'être de moi-
de Léon ne pouvait se dispenser d'être lié dans la commission, foit désagréable
malade; et en effet il ne parut pas à cette pour les prélats, dont M. d'Hémery était
séance; il est très-vraisemblable d'ailleurs chargé,
qu'il se souciait peu, appartenant lui-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 803
sites des affaires. Qu'il jugeoit bien que ceux qui avoient esté d'un
autre ad vis ne pouvoieut avoir de bons desseins, mais qu'avec l'aide
de Dieu ils n'empescheroient pas le cours de la prospérité de ses
affaires.
Ensuittc de ce que dessus Mons' d'Hémery doit entrer et parler
aux mesmes termes, et dire que le roy luy a commandé de remercier
le corps de l'assemblée de ce qu'ils ont faict, nonobstant les traverses
qui leur ont esté données par quelques-uns.
Kt parce que Sa Majesté a sceu qu'il y a eu quelques prélats qui,
au préjudice de tout ce qui se pratique dans les compagnies réglées, ■
se sont retirez contre leur devoir, les présidens refusans de signer
la résolution prise à la pluralité des voix, et les autres les accompa-
gnans en leur retraicte, elle l'a particulièrement chargé de leur dé-
clarer que, s'eslant d'eux-mesmes déportez des fonctions de leurs
charges, et conséquemment despouillez du pouvoir qu'ils avoient
d'assister à l'assemblée, elle leur commande de se retirer dès le jour
mesme de la ville de Mantes, et s'en aller chacun en son évesché,
avec ordre d'y faire aussy bien leur charge particulière, sans se
mesler d'autre chose, qu'ils ont' mal faict leur devoir en ladicte as-
semblée'.
' Loin d'atténuer, clan» l'action , la vi- tiens , et qui , soubs prétexte de zèle advan-
gueur de ces injonctions, d'Hémery les tageux à l'Eglise, avés voulu arrester le
rendit plus blessantes encore par l'accent cours de ses victoires par le refus du se-
, de sa voix et la tournure de son discours , cours qu'il demande avec tant de justice. . .
qu'il semblait s'étudier à rendre plus di- et vous surtout. Messieurs les archeves-
rectenient provocatrice. Nos manuscrits ques de Sens et de Thoulouse, qui, ou-
nous ont conservé la forme de cette orai- bliant vostre devoir et ignorans dans
son ; nous y lisons ces passages : « Le roy vos charges , avés refusé séditieusement
m'a commandé de dire à vous , Messieurs de signer une délibération qui a passé
les archevesques de Sens et de Thoulouse , par la pluralité de voix , le roy vous croit
et à vous , Messieurs les évesques d'Evreux , indignes de l'honneur qu'avés d'estre pré-
de Maillezais , de Bazas et de Toulon , qui , sidens de cette compagnie, et de l'entrée
par un esprit de ligue et de faction , avés dans l'assemblée du clergé. . . 11 ' vous
malicieusement contrarié ses justes inten- commande de sortir dès à cette heure et
* Les Mc^moires (le Montchal, csag(^rant la dureté vous ordonne à vous, M. de Sens, à vous M. de
de ce langage, rapportent que d'Hémery dit : tJe Thoulouse... de me suivre et de sortir, etc.»
804
LETTRES
Mons' d'Hémery doit ajouter en cet endroit : Messieurs, je vous
prie de bien remarquer ce que signifient mes paroles, sur ce que
quelques prélats se sont d'eux-mesmes desj)0uillez de leur députation
en ce qu'ils ont refusé d'en faire les fonctions, Sa Majesté leur, com-
mande de se retirer chacun en son diocèse, et de ne s'y mesler que
de sa charge particulière.
Ensuitte de ce que dessus M' d'Hémery dira, à Mess" de l'assem-
blée, que le roy désire qu'ils continuent ladicle assemblée, et la
de me suivre; et si un faict opposition
ou autre chose semblable contre le ser-
vice du roy , vous en respondrés de vos
testes*. . . » Nos relations disent que « M. de
Sens a respondu avec une grande modes-
tie. . . I) Ce n'est pas ce que nous appren-
nent les mémoires de Montchal, où nous
lisons : « L'archevesque de Sens respondit
qu'il recevoit avec respect tout ce qui luy
venoit de la part du roy, mesme les pa-
roles injurieuses. « D'Hémery l'interrom-
pit en disant qu'il n'y avait point de
paroles injurieuses de ia part du roi.
Donnez-moi le temps d'achever^ reprit l'ar-
chevêque de Sens, et vous entendrez que
je les appelle injurieuses venant de vostre
bouche. Et, après quelques contestations,
d'Hémery sortit, se croyant suivi de l'ar-
chevêque; mais celui-ci était demeuré
dans la salle, ainsi que l'archevêque de
Toulouse, pour dire quelques mots d'a-
dieu à l'assemblée ; d'Hémery, qui s'é-
tait arrêté entre deux portes, pria l'évê-
que de Boulogne de rentrer pour dire
aux deux présidents qu'il les attendait.
Les prélats frappés d'exclusion partirent
pour leurs diocèses, selon l'ordre du roi.
La scène fut vive; l'évêque de Nîmes,
Gohon, qui, comme on vient de le voir,
s'y était préparé d'un air intrépide, et
* Dnpuy, Sgo, fol. lio. — S'-Germ. Harl. lii. —
qui en fit le récit trois jours après au
cardinal de Lyon , frère de Richelieu ,
lui mandait : u M' d'Hémery, entrant dans
l'assemblée , prononça des mots qui nous
mirent tous en frisson. » Cohon convient
que d'Hémery se servit o de beaucoup de
termes pleins d'aigreur; » et il ajoute que
« le contre coup de la verge qui a frappé
les prélats frappe toute l'Eglise. » La lon-
gue lettre de l'évêque de Nîmes est con-
servée aux Affaires étrangères, dans le
manuscrit cité aux sources, fol. aSa. J'en
ai trouvé des copies à la Bibliothèque im-
périale , dans le fonds de Saint-Magloire ,
n, p. i65(), et de Dupùy, Stjo, fol. i36.
Dès le lendemain, d'Hémery, de retour à
Paris , rendait compte au cardinal de l'ac-
complissement de sa mission (lettre auto-
graphe du 4 juin), pour lequel il reçut
de Richelieu une complète approbation,
ainsi qu'on le voit par la lettre suivante
à M. Bouthillier. Louis XIII, malgré sa
piété, souffrait impatiemment cette résis-
tance du clergé. Il écrivait à Richelieu ,
le 2U inai au soir, en approuvant le travail
préparatoire de cette instruction : « Mes-
sieurs du clergé seront bien surpris et
faschés quand ils liront la lettre que
M' d'Hémery leur porte.» (Ms. cité aux
sources, fol. 33a.)
Cinq cents, Coibert, ]S6.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 805
finissent, le plustost qu'il se pourra, à l'avantage du clergé et de
l'Estat.
Il faudra dresser de bons procès-verbaux de tout ce qui se passera,
et les coucher sy bien qu'ils puissent estre veus de tout le monde,
et que tous ceux qui les verront puissent juger la justice du procédé
du roy et de ses serviteurs.
Mons' d'Hémery faisant commandement à chacun des évesques
révoltez de partir dès l'heure et se retirer en son dioceze, leur fera
particulièrement defFense de passer par Paris. Et affin qu'ils ne puis-
sent relFuser d'obéir aux volontés du roy, pour ne voir aucun ordre
de Sa Majesté par oscrit, on envoyera à M' d'Hémery des lettres en
blanc pour les prélats qui persisteront en leur mauvaise conduitte de
la teneur qui se trouvera cy-après.
M' d'Hémery dira à M' de Toulouse qu'il a charge du roy de luy
ordonner de remetre entre les mains du secrétaire de l'assemblée
la cassette dans laquelle sont enfermez les papiers du clergé et le
département de l'an i588, et autres papiers du clergé qu'il a. Et en
effect le d. s' d'Hémery yra avec le secrétaire de l'assemblée et ceux
qui ont les clefs de la dicte cassette, pour la faire remettre entre les
mains du d. secrétaire avec les autres papiers du clergé.
Mon-s' l'arcbevesque de Sens, aiant .sceu que vous avés reffusé de
signer la dernière délibération qui fut prise lundy 26' de ce mois en
l'assemblée du clergé tenue à Mantes, bien que toutes les loix des
compagnies réglées obligent à defférer à ce qui .se résout par la plu-
ralité des voix, et que vous eussiés d'autant moins de sujet d'en use^
ainsy que vous aviés mis l'affaire en délibération, et faict relire le
résultat de la d° délibération, et qu'il ne fust question, en cette
séance, que d'augmenter de 700 mille livres l'imposition de 4 mil-
lions ([ui m'avoit desjà esté accordée par la dicte assemblée, la cognois-
sance que vous avés donnée à tout le monde, par un tel procédé, que
vous vous estiés départy, contre vostre devoir, de vcstre députation
806 LETTRES
pour des desseins particuliers qui s'esclairciront avec le temps, faict
que je vous ordonne, par la présente, de vous retirer, sans délay,
de Mantes, et vous en aller en vostre évesché, y faire aussy bien
vostre charge particulière, sans vous niesler d'autre chose, que vous
vous estes mal acquitté de vostre députation en la d* assemblée
Ce pendant je prie Dieu qu'il vous donne une meilleure conduilte,
et vous ail en sa saincte garde'.
CCCCV.
Arcli. de la famille Boulliillier. — Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. LE SURINTENDANT DES FINANCES,
A PARIS.
D'Abbevilie.ce 6'juin i6ii.
Vous m'avés (aict très-grand plaisir de m'avcrtir de ce qui s'est
passé à l'assemblée, dont je n'avois aucune cognoissance. Je suis
très-aise que les choses soient exécutées au contentement du roy, et
que M'' d'Hémery se soit acquité courageusement de sa commission,
en laquelle il s'est conduit avec prudence et vigueur tout ensemble.
Je ne scay point le détail de ce qu'on vous demande pour les
religieux et religieuses de Lorraine. Tandis que la Lorraine a
esté entre les mains du roy, il a esté de bonté et d'obligation ce
semble de les faire subsister. Maintenant qu'elle est entre les mains
de M"" de Lorraine, ce qui estoit auparavant d'obligation ne peut
plus estre que charité pour quelque temps. Vous en conférerés, s'il
vous plaist, avec Mad° d'Aiguillon, qui sçait plus que moy de cette
affaire.
Quant aux quinze mile livres de M"" le comte de Brionne, je n'en
ay aucune cognoissance.
' On a vu que M. d'Hémery était muni duisît, au besoin, à chacun des prélats
de lettres du roi de la même teneur, avec exclus,
la suscription en blai)c, afin qu'il les pro-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 807
Mess" de Mesme et de Bailleul n'ayant pas donné satisfaction au
roy, je croy que la raison veut qu'ils se dispensent d'estre payez de
leurs pensions.
Les d. pensions estant données pour le service, M"^ de Bonnelle '
n'estant point encores en exercice de la charge de président, il se
doit abstenir de la prétendre.
Je désirerois que tout ce qui concerne la charge de la mer se
peust faire sans surcharge de l'Espargne; mais, à dire le vray, c'est
chose du tout impossible. Présentement M' le Prince escrit qu'on
envoie de nouvelles gallères à M' de Bordeaux, le d. s"" de Bordeaux
a un- courrier exprès icy pour ce sujet ^, et sans argent il est impos-
sible de satisfaire à leurs prétentions, qui, en effect, sont sy raison-
nables que de la force de la mer deppend le. succès de Catalogne.
Ainsy, après avoir tout considéré, je croy, en vérité, que vous devés
donner fonds au trésorier pour l'intérest de l'avance des derniers
cinq cens mil livres des gallères, à la charge qu'à la fin de l'année il
vous justifiera les avances effectives qu'il aura faictes. Je remets à
M'' de Noyers à vous escrire du particulier de la garnison de Metz.
Il faut bien se donner garde de retaxer M' de Tholoze. Il faut se
réserver celte pièce pour faire voir le zèle avec lequel ces M" ont
considéré leurs intérêts particuliers pluslosl que les généraux de
rÉghse.
Le Gard. *E RICHELIELi.
' Fils de feu le surintendant Bulliuii. de ravitailler les places de Catalogne et
' Nous avons plusieurs lettres de Riche- du Roussillon. Plusieurs ont été impri-
lieu à l'aichevèque de Bordeaux pleines niées; nous citerons enti-e autres celle
de promesses de secours, et de recom- du 12 avril, notée ci- après aux Ana-
mandations pour empèclier les Espagnols lyses.
m
808
LETTRES
CCCCVl.
Bibl. imp. Fonlelte, portefeuille 5a, n° 8. — Original. —
Arch. des AfiF. étr. France, lôAi, six premiers mois, fol. 48i. -^
Mise au net, devenue minute, de la main de Cherré, avec des corrections
de la main de Charpentier et de celle de Richelieu '. —
Même volume, fol. 4o4. — Original.
Dépôt delà guerre, t. 65, pièces 62', 63', 64, 65 \ —
Expéditions avec certaines modifications que rendaient nécessaires
leurs destinations diverses.
Bibl. inip. Fonds Dupuy, t. ôgo, fol. il\b. — Copie. —
Saint-Magloire, tome II, p. i655. — Copie.
Bibl. de l'Arsenal, collection Conrart, in-fol. l. VII, p. 1905. — Copie. '
SDSCRIPTION
A NOS AMEZ ET FÉAUX LES GENS
TENANT NOSTRE COUR DE PARLEMENT DE DIJON.
DE PAR LE ROI.
8 juin i6ii
Chers et bien amés, la crainte que nous avons que certains bruits
qui s'espandent depuis quelque temps des nouvelles factions que
quelques-uns de nos sujets taschent de faire pour troubler le repos
de nostre Estât, vous donnent de l'appréhension^ pour n'en sçavoir
' Cette lettre , adressée aux parlements ,
aux gouverneurs de province et autres,
porte des suscriptions différentes; celle
de l'original des archives des Affaires
étrangère est : « A ma cousine la princesse
Marie, gouvernante et ma lieutenante gé-
nérale en Nivernois. » Les dates aussi sont
diverses, sans doute selon les jours où
elle a été expédiée , tantôt le 8 juin *, tantôt
le 11", le 12*" ou le i3"". La copie de
Saint-Magloire est datée fautivement du
1 1 avril. Au dos de l'original de Fontette
on a mis : « Veu, le 17 juin, les chambres
• CoUection de Fontette et celle de Dupuy.
" A£F. étr. fol. 4oi.
assemblées. » La minute des Affaires étran-
gères, n'ayant point de quantième, a été
classée à la fin du mois de juin.
^ « Dépesche générale aux intendans
de la justice dans les provinces du dépar-
tement de M^' de Noyers, n
' « Dépesche générale aux principales
villes du département du d. de Noyers. »
' « Dépesche générale à M' le grand
maistre et autres. »
^ « Pourroient donner de l'apréhension
à mes peuples. . » (Aff. étr.)
**' Dépôt de la guerre.
•*** Original de la collection Fontette.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
809
pas les parlieularilés, nous a fait résoudre de vous en donner advis'
el vous faire connoistre au niesme temps que, la descouverte estant
un des principaux remèdes de tels maux, vous n'avez^, grâces à Dieu,
rien à craindre des mauvais desseins qui se descouvrent maintenant.
Dieu, qui a faict paroistre en diverses occasions la singulière pro-
tection qu'il prend de ce roiaume, a permis que depuis un an quel-
ques-uns de ceux qui ont esté envoies, par les s" de Soubize et de La
Valette, pour corrompre la fidélité de diverses personnes de nos sujets,
soient tombés entre nos mawis, et que par leur moien nous ayons
appris que les d. s" de Soubize et de La Valette, faisans croire au roy
d'Espagne qu'ils pouvoient faire souslever quelques-unes de nos pro-
vinces, quoyque leur fidélité soit entièrement asseurée, traitoient
avec luy pour faire avec ses armes une descente en Bretagne, en
Aulnis ou en la rivière de Bourdeaux; que au mesme temps que ce
projet, ourdi dès le temps que la dame' de Chevreuse estoit en
Espagne, auroit son effcct, on leur faisoit espérer que du costé de
Sedan une armée, conduitte par d'autres de nos sujets, entreroit dans
la Cbampagne ensuitte des négociations faicles à cette lin par l'abbé
de Mercy*, qui, sous diCTérens prétextes, a faict diverses ailées et
venues en Allemagne, à Sedan et à Bruxelles.
' t Je me suis résolu de faire cognoistre
au mesme temps, ainsy que je fais par
une despesche généralle, que la descou-'
verte... » (.Aff. étr.)
' «Il n'y aura, grâces... » (AIT. élr.)
' La dame duchesse de... (Dupuy.)
' Nous trouvons à la Bibliothèque im-
périale un fragment de lettre de cet abbé
de Mercy, qui donne à l'ennemi des ren-
seignements sur le maréchal de Châtillon :
« foible et avec de mauvaises troupes; » qui
annonce « des merveilles du baron de
Lambdy ; » qui indique la route à suivre :
« qu'on se haste , dit-il , et qu'on ne re-
larde plus, p II n'y a d'autre date h ce
CARDIN. DE RICHELIEU. TI.
fragment que « ce dimanche après minuit
1 6i4 1 ; » mais cela a dû être écrit peu avant
la bataille de la Marfée (ms. de Bethune,
9263, fol. 80.) — Par une lettre intercep-
tée le duc de Bouillon , qui signe Claude
le Batelier, mande à un sieur d'Orchimont :
« Je vous prie nous ffiire passer quelqu'un
la nuit prochaine avec le plus de particula-
ritez qu'il se pourra de ('estât de l'armée ; »
il montre par cette lettre même, datée du
16 juin à une heure après minait, qu'il
a déjà les meilleures informations. ( Ma-
nuscrit de Béthune précité.) Le manuscrit
des Affaires étrangères cité aux sources
conserve (fol. 3()8) un interrogatoire
810 LETTRES
Nous aurions mesprisé et teu ces desseins comme impuissans, ainsy
que nous avons faict depuis deux ans des sollicitations faictes à des
mestres de camp tant de pied que de cheval de nos armées pour les
faire manquer à la fidélité qu'ils nous doivent, les offres de brusler
nos vaisseaux, l'envoi faict à Brest pour en recognoistre les moiens,
et une entreprise sur Metz, que le duc de La Valette vouloit faire
tomber entre les mains des Espagnols au préjudice de son propre
sang, nosire cousin le cardinal son frère, dont la fidélité estoit telle
que beaucoup attribuent sa mort au desplaisir qu'il conceut d'une
telle trahison, si leur continuation ne nous fçiisoit cognoistre que ce
que nous attribuyons au commencement à légèreté est une suite
d'une malice noire et enracinée, à laquelle nous sommes d'autant
plus obligé de remédier, que ceux qui en sont autheurs ont toujours
abusé de nostre indulgence.
Nous n'eussions jamais cru qu'après avoir pardonné au comte de
Soissons, nostre cousin, la mauvaise trame qu'il fist contre nostre
service en i636, lorsque nous confiions nos armes entre ses mains,
il se fust embarqué de nouveau dans des desseins pareils à ceux qui
sont venus depuis quelque temps à nostre cognoissance. Mais la
capture de divers esprits factieux envoies dans nos provinces pour y
lever des gens de guerre contre nostre service, desbaucher ceux qui
qu'Isaac de Laffémas fit subir, le samedi vrir la cabale de son cousin. Son logis en
8 juin, à une nommée Anne Goberl, qui cette ville toucbe la muraille de voslre
dépose sur divers incidents des complots jardin. » Ricbelieu demanda le mot de
dont Sedan était le foyer. De toutes parts cette énigme au P. Carré , qui lui répon-
venaient à Richelieu les preuves des tra- dit, le 25 : «Pour response aux articles
mes ourdies contre la France, ce qui n'a que V. Em. m'escrit ignorer, la cousine
pas empêché Le Vassor de prétendre que du Sédentaire, vostre voisine à Paris, est
tout avait été fomenté par Richelieu. Quel- Mad. la comtesse de La Rocheguion , cou-
quefois les informations se trouvaient en sine de M. le comte de Soissons. i. Mais ici
défaut. Le P. Carré écrivait au cardinal, le P. Carré revient sur sa dénonciation; il
le i4 juin : «J'advertis V. Em. quantes a vu deux fois M°" de La Rocheguion, et,
fois la cousine du Sédentaire s'estoit fort bien qu'elle soit fort attachée à son cou-
intriguée avec luy, et portoit ceux qu'elle sin , elle blâme sa conduite et prévoit sa
pouvoit à s'y lier... Je ne sçay si je la ruine. ( Ms. précité des AIT. étr. fol. ^25 et
dois aller voir aux champs pour descou- 458.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 811
sont enroUés 'dans nos troupes, et esbranler la fidélité de nos sujets,
les levées publiques qui se font au Liège sous le nom et sous les
commissions de nostre dict cousin;
Les hostilités commises contre les corps de garde establis par
nos gouverneurs dans nos frontières, jusques à tuer des soldats qui
n'avoient autre ordre que d'empescher la sortie des bleds de nostre
royaume;
L'entreprise ouverte sur le mont Olympe, dont le complot a esté
non-seulement faict dans Sedan, mais qu'on a tasché, par deux ibis,
d'exécutter avec les troupes qui sont en cette place jointes à celles du
roy d'Espagne, ce que la notoriété a faict cognoistre à toute nostre
frontière de Champagne, et qui est authentiquement vérifiée par
lettres originales, par la capture de quelques particuliers emploies à
cette affaire, et par la déposition de ceux qu'on a voulu corrompre à
cette fin;
L'envoy d'un nommé Vaussellc^ à nostre très cher et très amé
frère le duc d'Orléans, qui semble n'avoir esté permis que pour nous
donner lieu de recevoir de nouveaux tesmoignages de la fidélité de
nostre dict frère , et des preuves d'autant plus notoires de la malice
de ceux qui le vouloient perdre, que le d. Vausselle estant tombé
entre nos mains lorsque, s'en retournant à Sedan, il pensoit avoir
esvité tout péril, recognoist avoir esté envoie pour faire sçavoir à
nostre d. frère que le comte de Soissons, le duc de Guise et le duc
de Bouillon ont Iraicté avec le cardinal infant pour le roy d'Espagne;
que le d. cardinal leur promet de notables sommes de deniers, dont
ils ont desjà touché partie pour faire des levées de gens de guerre,
qui, jointes à d'autres troupes, doivent agir contre la France, et
qu'au cas que nostre dict frère refuse le commandement de cette
armée, le d. s"" comte de Soissons en doit estre le chef;
Le voyage public du duc de Guise à Bruxelles^, pour plus grande
' Le prisonnier de Vincennes, p. 796. société de Paris sur ce voyage : « M. de
* La correspondance de l'évéque Ar- Guise est à Bruxelles. . . cette action passe
nauld nous apprend l'opinion de la iiaute pour une des plus grandes folies dont
812 LETTRES
seiirelé de ce traiclé, nous ont donné une si claire cognoissance de
ce donl nous estions bien aises de douter, que nous n'avons peu,
sans manquer à ce que nous devons à nostre Estât et à nous-mesmes,
différer davantage de vous faire sçavoir que le dict comte de Soissons,
les ducs de Guise et de Bouillon , s'estant déclarez nos ennemis par
les actions cy-dessus spécillées, actions d'autant plus infâmes qu'elles
les unissent à ceux qui n'ont autre fin que la ruine de cet Estât, nous
voulons qu'ils soient recognus de tous nos sujets pour en eslre
ennemis déclarez, si, dans un mois, ils ne recognoissent leur fauUe
et n'ont recours à nostre clémence.
Comme le soin que nous devons avoir de ce roiaume nous oblige
à n'oublier aucune précaution nécessaire à la conservation de son
repos, l'asseurance que nous avons de vostre fidélité faict que nous ne
doublons point que vous ne faciès ce que nous pouvons désirer de
vostre vigilance, à ce que s'il se descouvre quelques suittes de ces
malbeureuses trames dans l'estendue de voslre ressort \ ceux qui y
tremperont soient sy promptement saisis que leurs mauvais desseins
ne soient pas plus tost esclos que chastiez. Moiennant cette conduitte
de vostre part et la bénédiction de Dieu, à qui nous recognoissons
devoir tous les bons succez qui nous arrivent, nous ne craignons
point (ie vous asseurer que la malice de ces mauvais esprits ne fera
tort qu'à eiix-mesmes, et que vous en relirerés^ un grand advantage,
en ce que les ennemis de cet Estât, se destrompans à leurs despcns
un homme pouvoit esire capable. » (Lettre
(lu 2 juin.) Mais on ne se préoccupait
guère d'une extravagance de plus de l'ex-
archevêque de Reims. La conduite du
comte de Soissons était un sujet autrement
grave d'inquiétude; la même correspon-
dance nous le dit encore : « On ne parle
icy que de l'affaire de Sedan. . . tous les
lions François ne se peuvent consoler d'y
voir M*'' le comte embarqué. . . à ce qui
en a paru, jamais affaire n'a tant fait
de peine à M** le cardinal.» (Lettre du
28 avril.) Et lei" mai : «L'esprit du roy
est extraordinairement aigry contre M^ le
comte; il faut prier Dieu que tout cela se
puisse accommoder, et que la France ne
perde point ce prince , qui luy peult rendre
de grands services. »
' « Dans l'eslendue de voslre gouver-
nement. » (Aff. élr. original adressé à la
princesse Marie.) — «Aux provinces où
vous estes.» (Bibl. imp. Dupuy).
' « Et que mes peuples en retireront. . . »
(Aff. étr. à la prince.sse Marie.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 813
(les espérances qu'ils ont peu concevoir jusques à présent des vaines
propositions qui leur ont esté faictes par les susnommés, se rendront
aussy disposez à une bonne paix qu'ils s'en sont esloignez jusques
à celte heure, demandant ce bonheur à Dieu de tout nostre cœur, je
le prie, etc.
Escrit à AbbeviUe, le 8* jour de juin i64i'-
CCCCVII.
Arcli. i!e la famille Bouthiilier. — Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. LE SURINTENDANT DES FINANCES,
À rAHIS.
D'Abbeville, ce 8' juin i6ii.
Je vous ay faict response par Pajot.
On donnera au gouverneur de Joinville des provisions du roy. Il
s'est fort bien conduit; vous tesmoignerés à M" l'ambassadeur de Malte
le gré qu'on luy en sçait, et aviserés avec Mons' le chancelier en
quelle forme il fault concevoir une dépesche que le gouverneur de
Joinville fera au roy, pour l'avertir des solicitations que M' de Guise
lui a faict faire, en sorte que la dicte dépesche puisse tenir lieu de
déposition au procès.
J'ay trouvé un expédient pour vous descharger présentement de
l'avance des cinq cens mile francs qu'on vous avoit demandés pour les
gallères. Consentant que le s'' Le Picart se serve du fonds qu'il a entre
les mains, à moy, provenant des prises faictes en mer. Je croy que
vous devés contenter M" des enquestes pour leurs gages; il n'est pas
question de grande chose, et vous me ferés plaisir de leur tesmoi-
gner que je vous en ay prié.
Je suis très-aise que vous batliés monnoye comme vous faictes.
Vous vous asseurerés, s'il vous plaist, de mon affection pour l'avenir
comme pour le passé.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Dans les originaux que nous avons vus , la signature Louis est contresignée Phelypeaux.
814 LETTRES
CCCCVIII.
Arcli. de Condé, n° i lo. — Communicalion de S. A. R. M*" le duc d'Auiuale.
A M. LE PRmCE.
Sjuin.
Monsieur, le s"" de
S'-Germain d'Achon a fort contenté le roy, l'esclaircissement de beau-
coup de difficultez rapportées par un autre courrier qui i)ous avoient
tous mis en peyne.
M"' de Bordeaux m'escrit devant que les vaisseaux de Provence
l'eussent joinct, que s'il reçoit tant soit peu de secours de ce costé-
là, il battra asseurément les ennemis. Ainsy en le prenant au mot,
je les tiens desjà battus, puisqiie de dix vaisseaux qui avoient esté
préparez à Toulon neuf l'ont desjà joinct.
J'ay donné tous les ordres nécessaires pour y faire aller encores
trois gallères, qui est tout ce qui se peut faire maintenant, et tout
ce qu'il a demandé luy-mesme. Il m'a escrit pour luy faire envoier
5o milliers de poudre, laquelle il recevroit promptement, s'il ne me
mandoit qu'il n'en veut point de Provence, de façon qu'il la faut faire
partir de Lyon, ce qui rend la voiture un peu plus longue. Cependant
je vous supplie, au cas qu'il en eust besoin, luy faire fournir de celle
que vous pouvés avoir, sur l'asseurance que je vous donne qu'elle
vous sera remplacée aussy tost. Vous m'obligerés de luy mander que
s'il a besoin vous luy en ferés donner'.
' Richelieu écrivait à l'amiral -arche- ragone; «il n'y a rien que vous ne déviés
vêque de Bordeaux , le Sjuin , pour l'infor- faire pour l'aider. » Nous remarquons cette
mer que M' le Prince était chargé de lui phrase : « Si je pouvois me rendre vaisseau
envoyer les poudres dont il avait besoin; moy-mesnie, je le ferois volontiers pour
et le 2 du même mois le cardinal lui an- vous ayder à faire teste aux ennemis à l'a-
nonçail l'envoi de tout ce qu'il avait de- vanlage du service du roy. » — Il sera fait
mandé; il lui rappelait l'importance de mention de ces deux lettres du cardinal
l'entreprise de M' de La Motte contre Tar- aux Analyses.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 815
Si M"" de La Motte peut estre assez heureux pour conduire à bonne
fin l'entreprise qu'il a faicte de faire périr l'armée d'Espagne dans Tar-
ragone, vous serés maistre de toutes choses dans le Roussillon, c'est
pourquoy il ne faut rien oublier de tout ce qui pourra favoriser son
dessein. J'escris à M' de Bordeaux qu'il face l'impossible à cette fin,
et que rien ne le divertisse de concourir à un si bon dessein tant
qu'il le pourra faire, et j'ay esté extrcsmement aise d'avoir sceu par
le s" de S'-Gerniain qu'il avoit escrit à M" de La Motte que, cognois-
sant la valeur de son entreprise il faudroit qu'il fust bien lasche, et
bien peu affectionné au service du roy pour manquer à la favoriser
constamment, empeschant les secours que les ennemis voudroient
donner par mer à ceux de Tarragone. De là deppend tout, et ce
qui est de la Catalogne, et ce qui est du costé du Roussillon, dont
vous aurcs bonne issue si cette première affaire réussit.
Si vous estiés assez heureux pour gaigner celuy qui commande
dans Coulioure, comme le s' de S'-Germain nous en a donné espé-
rance, vos affaires se trouveroient bien accourcies. J'en prie Dieu de
tout mon cœur, ne désirant rien avec plus de passion que de voir un
coup comme celuy-là, ensuitte duquel nous puissions espérer la paix.
Vous verres, par la lettre que le roy escrit aux parlemens et aux
provinces sur le sujet de l'aiTaire de Sedan ', en quel estât elle est.
Je vous conjure de prendre garde à toutes les factions qui se peuvent
faire aux lieux où vous estes, et n'en avoir pas pluslost cognoissance
qu'elles ne soient chastiées.
La ville d'Aire est assiégée. C'est une place de très-grande consé-
quence, plus forte beaucoup qu'on ne crdyoit, y ayant neuf bastions,
une fort bonne contrescarpe fossoyée et nombre de demyes lunes.
A l'heure que je vous escris la circonvallation est formée, et j'espère
tout bon succez de ce dessein.
M' de Chaslillon nous mande qu'il ne veut pas estre inutile aux
lieux où il est, et qu'il fera tout ce qui se pourra entreprendre de
ce costé-là.
' Ci-dtssu9, p. 808.
8H) LETTRES
Les Hollandois sont en campagne.
Il n'y a rien qui vaille en Allemagne.
Quant à l'argent que vous demandés, iW do Noyers vous respond
en sorte que vous serés content. Je n'ay point receu la lettre que
vous me mandés m'avoir escrite sur le sujet de Mons' vostre lilz, je
lui ay conseillé de passer i 2 ou 1 5 jours à Merlou à prendre du lait
d'anesse pour guérir sa toux, qui le travailloit tousjours un peu. Quant
à sa maison, je ne sçay en vérité personne qu'on luy puisse conseiller
de prendre. Je sçay bien que tout y va fort mal; estant capable de
beaucoup meilleures choses, vous sçaurés bien y mettre tel ordre
que vous eslimerés plus à propos. Cependant si après le siège d'Aire
je puis descouvrir quelqu'un capable de le servir, je vous en donneray
avis et à luy aussy. Après cela il ne me reste qu'à vous asseurer que
je seray tousjours,
Monsieur,
Vostre bien humble et très afFectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Abbeville , ce 8'^ juin 1 64 1 •
Depuis cette lettre escrite nous avons Tait entrer un convoy dans la
circonvallation d'Aire, dans .laquelle il y a pour deux mois et demy
de vivres pour nourir toute l'armée.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
817
CCCCIX.
Bibl. imp. Dupuy, Bgo. — Cinq-cents Colbert, i56. —
Saint-Germain-Harlay, xUU- — Copie. (Dans le dernier quart du vol. non colé.)
MÉMOIRE
ADRESSÉ PAR RICHELIEU A L'ASSEMBLÉE DE MANTES.
[Vers le lojuin i64i '.]
- Messieurs, les intérests du clergé me toucheront tousjours très-
' Nous donnons approximativement
cette date , que nous ne trouvons point
dans les mss. La députalion fut reçue le
7 juin, et le mémoire fut lu à Mantes par
l'évêque de Chartres, le 12. On peut sup-
poser que Richelieu l'écrivit le 9 ou le 10.
' Les députés expulsés le 3juin avaient
obéi; ils étaient retournés dans leurs dio-
cèses. Cette espèce de coup d'état avait pro-
fondément ému, dans Paris, tout ce qu'il
y avait d'hommes s'occupant alors des af-
faires publiques. A Mantes les députés les
plus dévoués ne pouvaient se dissimuler
que le corps tout entier venait d'être frappé
dans la personne de quelques-uns. L'é-
vêque Cohon lui-même le reconnaissait,
et aux premiers mots de sa lettre à l'ar-
chevêque de Lyon, que nous citions tout
à l'heure (p. 8o4) , nous lisons : • L'assem-
blée du clergé se trouve maintenant en
confusion et en désordre. » Il sentait le
besoin t de justifier ceux que l'on accuse
d'avoir été souples et complaisans aux
desseins de la cour. » La première pensée
de l'assemblée, après l'exil de quelques-uns
* Extrait dn procès-verbal signé du secrétaire de
l'assemblée, La Barde. (Arcb. des AfT. étr. France,
1 6^1, six premiers mois, fol. 696.) L'n duplicata , éga-
CUIDIII. DE RICHELIED. VI.
de ses membres, fut de solliciter leur rap-
pel. tElle a jugé à propos, dit le procès-
verbal , d'avoir recours à la bonté et pro-
tection de M*' le cardinal , « et envoyant
vers le roi les évêques de Chartres et de
Nantes, les abbés de Vie et de Basoches,
« leur a donné plein pouvoir de faire toutes
les inslances nécessaires, et, pour éviter
toute difficulté, est convenue de garantir
en tant que besoin seroil les d. seigneurs
deppulez de la parole qu'ils donneront à
V. Ém. que les d. seigneurs prélats estant
rappelez et de retour en l'assemblée feront
tout ce qui leur sera ordonné par icelle". »
Etrange garantie pour laquelle on n'avait
pas demandé l'aveu des bannis, et dont le
cardinal se moquait quelque peu. Com-
ment, en effet, la députation était-elle at-
tendue à la Cour ? S'il en faut croire notre
relation : «Le vendredy 7 juin, le cardi-
nal vit le roy, qui estoit le matin sur son
lit travaillé de la goutte, et l'entretint du
sujet de la députation, et préoccupa son
esprit luy disant que cette députation n'es-
toit que jeu, et tournant en risée ce que
lement signé, est au folio ^96. C'est saus doute
l'extrait qui fut apporté au cardinal par la dépu-
tation.
io3
818 LETTRES
sensiblement, mais je dois distinguer ceux des particuliers de ceux
du générai, et les intérests déraisonnables des particiUiers des justes
intérests du corps de l'Eglise.
Le sujet de vostre voyage intéresse bien quelques-uns de vostre
corps, mais non pas le général; si ceux pour qui vous parlés se trou-
vent blessés, c'est seulement d'eux-mêmes, ou tant qu'ils ont agi sans
raison et contre la raison.
Et tant s'en faut que le procédé du roy intéresse et l'Eglise et le
général du clergé, qu'au contraire il luy est avantageux en ce qu'il
apprend aux membres de ne se séparer pas de leurs corps.
Depuis quand est-ce que les présidents peuvent refuser de signer
une résolution juridique d'une compagnie? Si cela est supporté, il
ne faut plus d'assemblée.
Ceux qui se sont séparés de cette compagnie ont esté mus d'un
mauvais esprit en leur conduitle; le roy, faisant ce qu'il a faict pour
réprimer leur entreprise, n'a eu autre motif que celuy de la justice
et de l'avantage de l'Eglise.
les députés luy dévoient dire. M. de Lian-
court, genlilbomme delà Chambre, esloit
présent et M. Jasin? aumosnier, el Picot,
maistre de musique de S. M. . . » La rail-
lerie de Richelieu nous semble assez vrai-
semblable, toutefois il convient d'ajouter
que, malgré la citation de ces témoins,
nous tenons cette relation pour suspecte,
au moins dans certains détails, évidem-
ment controuvés et que nous ne rappor-
terons pas. Quoiqu'il en soit, les députés
n'obtinrent rien, et s'en retournèrent avec
le présent mémoire dont celte relation
nous donne la copie. — Cependant la tem-
pête soulevée le 3 juin, selon l'expres-
sion de Denis Cohon , s'apaisa peu à peu ,
el l'évêque d'Auxerre, l'un des plus ab-
solument dévoués à Richelieu parmi les
prélats députés, lui mandait le i3 juin :
« Noslre assemblée commence à bien aller,
j'espère que M'' en aura satisfaction. Ceux
qui s'en sont allez n'ont pas la voix des
peuples. . . sans doute ils eussent tousjours
brouillé...! (Ms. des AIT. étr. précité,
fol. 417.) Et, en effet, l'affaire n'éprouva
plus que des difficultés sans importance
de la part de l'assemblée, qui n'était plus
guère composée que de prélats qu'on aurait
pu dire députés du cardinal plus encoreque
du clergé. On verra ci-après (16 juillet),
par une lettre adressée à Boulhillier, que
le cardinal prenait facilement son parti des
petites contradictions qu'il eut encore à ren-
contrer dans les discussions subséquentes.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 819
CCCCX.
Arch. de Condé, n° 109. — Communication de S. A. R. M^''le duc d'Aumale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
i4 juin.
Monsieur, bien que
je vous aye desjà conjuré, par une lettre que j'envoyay par un cour-
rier exprès pour attraper le s"' de S'-Germain depuis son partement,
de considérer que la principale chose que vous avés à faire estoit de
fortiffier M' de La Motte, en sorte qu'il peust faire périr les ennemis
dans Terragonne selon le dessein qu'il en a faict; bien que vos ins-
tructions générales vous facent cognoistre que le principal but que
vous devés avoir est celuy-là, je ne laisse pas de vous dépescher en-
cores ce courrier pour vous dire que tout ce que vous faictes dans le
Roussillon estant inutile si vous n'estes premièrement possesseur de
Coulioure, place qu'on ne peut attaquer par force avec seureté sans
une armée navale, que vous ne pouvés avoir qu'après qu''on aura vu
la fin que pourra avoir le dessein de M' de La Motte, la seule chose
que vous ayés à faire présentement est de fortiffier M' de La Motte
en sorte, et de troupes et d'argent, que la nécessité ne le puisse con-
traindre à quitter son entreprise, et qu'il puisse battre les ennemis
par terre s'ilz viennent à luy avec de nouvelles forces, comme on
le dit.
S'il alloit de ma vie en cette affaire je ne vous suplirois pas avec
tant d'affection que je fais d'envoyer de l'argent à M"' d'Argenson pour
faire subsister les troupes, et de nouvelles forces à M"" de La Motte
pour s'opposer et battre les ennemis. Je vous en conjure par toutes
les considérations qui vous doivent estre les plus fortes. Si quelqu'un
vous veut destourner de ce dessein, croyés qu'il est ignorant, ou
moins bien intentionné qu'il n'est à désirer. Au nom de Dieu , Mon-
io3.
820 LETTRES
sieur, ne perdes pas un moment de temps à faire ce dont je vous sup-
plie. Nous aprenons que M' de La Motte a besoin d'équipage d'artil-
lerie, je vous prie de luy envoyer ce qui luy est nécessaire, ce que
vous pouvés d'autant plus aisément que vous avés tout l'équipage que
vous avés désiré de M" le grand maistre.
Si le dessein de M'' de La Motte réussit par sa fermeté, et par la
constance que doit avoir M' de Bordeaux à empescher le secours de
mer, les affaires du roy ne sauroient que bien aller cette campagne.
Monsieur d'Anguien se porte fort bien. 11 se conduit sy bien icy
que vous devés estre content. Pour moy, je suis et seray tousjours.
Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Abbeville, ce i A® juin i64i-
CCCCXI.
Bibl. du Louvre. Emplois de M. d'Argenson, F SaB, t. X, fol. 90. —
Original.
SUSCRIPTION :
A MONSIEUR MONSIEUR D'ARGENSON,
CON.SEILLER DC ROY EN SON CONSEIL D'ESTAT, ET INTENDANT DE LA JUSTICE, POLICE ET FINANCES,
EN SON ARMÉE DE CATALOGNE '.
ili juin.
.Monsieur, bien que j'escrive à Mons' le Prince pour le conjurer de
' Les pouvoirs donnés à M. d'Argen- nutes de la main du premier commis de
son , pour traiter avec le Principal de la guerre , portant même date que les pou-
Catalogne, sont datés du i8 février; ils voirs, sauf la deuxième lettre, qui est du
se trouvent au Dépôt de la guerre, ainsi 1" mars; ces pièces sont cotées /io3, /loi,
que son instruction, et deux lettres du roi 4o5 et ^07.
au Principat. (Tome 63.) Ce sont des mi-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 821
ne laisser manquer M' de La Motte' ny d'argent, ny d'artillerie, ny
d'hommes, s'il en a besoin, je vous fais ces trois mots pour vous prier
de l'en soliciter puissamment, de ma part, en toutes occasions. Ce-
pendant j'envoie trente mile francs de mon argent à M' de La Motte
pour s'en servir aux rencontres les plus pressées. Pourveu que Mons'
le Prince n'en sache rien (ce qu'il luy faut cacher absolument^), et
qu'on aye soin, lorsqu'on aura entamé ce fonds, de le remplacer
quand mon d. s' le Prince aura envoie l'argent du roy, on aura tous-
jours cette somme devant soy pour subvenir aux nouvelles nécessitez
qui pourront arriver. Je vous conjure de n'oublier rien de tout ce qui
peut favoriser l'exécution des bons desseins du roy, et vous asseurer
que je suis.
Monsieur,
Vostre très aSectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Abbeville, ce 1 4* juin 16A1.
CCCCXII.
Arch. de la famille Bouthillier. — Original.
SnSCRlPTION :
POUR MONSIEUR LE SURINTENDANT,
À PARIS.
D'Abbeville , ce 19* juin lôiii.
Je suis très-aise que vous ayés envoie les commissaires pour la
' Outre la lettre à M. le prince, Riche- prise (le siège de Tarragone), je le ferois
lieu écrivit encore le même jour à M. de trè.s-volontiers. »
La Motle-Houdancourt une lettre qui n'est ' Le secret ne fut point gardé ; le prince
guère qu'une répétition de celle-ci; nous de Condé sut que Richelieu avait envoyé
la renvoyons aux Analyses. On y remarque de l'argent sans lui en parler, et il écrivit
cette phrase : • Si je pouvois donner de à ce sujet au cardinal. ( Ci-après , p. 849- )
iiK>n sang pour faire réussir vostre entre-
822
LETTRES
subvention. Estant sages et bien instruicts ils mesnageront les aflec-
tions des peuples au lieu de les aigrir^.
Je n'empesche pas que vous n'envoyés en Bretagne aux mesmes
fins, mais je vous prie de sy bien choisir celuy que ^ous y envoyerés,
qu'estant personne agréable, adroit, et cognoissant les humeurs du
pays , il puisse faire réussir doucement ce que vous désirés.
Les prétentions d'Heuff dont vous m'escrivés ne sont pas raison-
nables ^.
Le s" Loppes a tort de vouloir faire passer pour ^"^ÇÇ** de toilles
furtivement et sans payer, et bien plus de faire forcer les gardes;
telle entreprise n'est pas à souffrir.
Les gages du conseil de M. de Bordeaux ne peuvent estre refusés
en ce temps.
Quant aux autres dont vous m'escrivés, la prétention n'en est pas
trop juste, mais je sçay bien qu'il y a beaucoup de choses dont on
ne peut se garantir.
La procédure du Picart ^ et la demande qu'il vous faict des inté-
rests de l'avance des cinq cens mil livres pour les gallères n'est pas
bonne. Je luy en ay escrit comme il fault.
Je vous prie d'employer l'argent que vous eussiés donné pour ces
intérestz à faire fonds pour cinq'^ miliers de poudre que M" de Bor-
' Parmi les plaintes que Richelieu re-
cevait de toutes parts à ce sujet, nous
distinguons cette lettre de son oncle le
commandeur de la Porte : » Je suplie très-
humblement V. Ém. quelle commande
que les commis pour l'establissement de
ce nouvel impost (le sou pour livre) n'a-
busent de leur commission, et qu'ils n'ex-
lorquent plus que ne portera le tarif. M. de
Viliemontée* vient d'arriver de Xainles
pour l'establir. V. Em. feroit un coup
digne d'elle faisant diminuer de fort peu
la laille pour faire supporter doulcemenl
ce nouvel establissement au peuple, qui
cognoistra qu'il n'y a que les riches à le
payer. » Lettre du 17 juin **; mais Riche-
lieu ne l'avait pas encore reçue au moment
où il écrivait.
' Bouthillier a écrit ici pour expliquer
la pensée : «C'est touchant le sol pour
livre de poudre, i'
^ Payeur de la marine.
* C'était un intendant de province. — ** Arcli. des Aff. étr. Portugal , tome I , fol.
99-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 823
deaux nous demande avec telle presse qu'il semble que tout est perdu
sans cela.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCXIII.
Arch. de Condé, n° 112. — Communication de S. A. R. M^ le duc d'Aumale. —
Copie.
A M. LE COMTE DE GRAMMONT.
20 juin.
Monsieur, j'adjouste ces trois mots à la lettre que je vous escrip-
vis ces jours passés ', pour vous tesmoigner encore de nouveau ie
contentement que j'ay d'avoir aprins, par M' i'évesque de Bayonne, la
laçon avec laquelle vous vous estes comporté dans l'occasion de l'émo-
tion qui arriva dernièrement dans vostre ville, et le courage avec
lequel vous vous estes employé pour empescher qu'elle n'eust aucune
suitte. S. M. qui est extraordinairement satisfaicte de vostre conduitte
dans ce rencontre, se promet que vous sçaurés mesnager de sorte
les esprits de vos bourgeois qu'ils demeureront dans leur devoir à
l'advenir; ce que je soubaitte pour leur propre advantage. Vostre
cher héritier se porte fort bien^; il faict paroistre le courage des
Gramonts au siège d'Aire, dont j'espère que nous aurons un heureux
succez. Asseurés-vous de mon affection pour tousjours, et que je
suis véritablement
Voslre affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DUC DE RICHELIEU \
A Abbeville, ie 20 juin i64i-
' Je n'ai pas cette première lettre. ' Nous avons déjà rencontré celte signa-
'' Le comte de Guiche, parent du car- ture dans une lettre tirée d'un recueil im-
dinal par son alliance avec M'"* de Pont- primé. ( Voy. t. IV, p. 78 , noie 1 .) Je ne crois
château. pas avoir vu aucun original signé ainsi.
824 LETTRES
CCCCXIV.
Arch. de la famille Bouthillier. — Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. LE SURINTENDANT DES FINANCES,
À PARIS.
D'Abbeviile , ce 2 î" juin 1 64 1 .
J'ay veu les mémoires que vous m'avés envoyés touchant l'afifaire
de Bayonne. Je ne doute point que les habitants n'ayent beaucoup
de tort, et qu'ils ne méritent chastiment, mais le temps ne permet
pas d'y penser. Je suis très-aise que vous ayés accomodé cette affaire.
r&y escrit à M" de Chartre touchant l'affaire de Malte K Ce que
vous me proposés sur ce sujet me semble raisonnable; reste à ces
M" de le vouloir faire.
Je suis bien aise de vostre voiage des Caves puis qu'outre l'inté-
rest du service du roy, vous n'aurez pas esté fasché de voir vostre
maison et Madame Bouthillier, que je suis bien aise estre deshvrée
de l'apréhention qu'elle a eue en y allant. Je la conjure de se con-
server, et vous de croire que je suis ce que j'ay tousjours esté.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCXV.
Bibl. imp. Dupuy, 6/19, fol. 271. — Copie ^ Fontanieu, P. t. igi. — Copie.
Cinq-cents Colbert, vol. A87, fol. 2o4. — Copie.
Saint- Germain -Harlay, S^g, pièce A3. — Copie.
Bibl. de l'Arsenal, collect. Conrart, in-fol. t. 7, p. 1909. — Copie.
A MONS" LE MARESCHAL DE CHASTILLON.
22 juin '.
Monsieur, vostre garde s'en retournant vous retrouver, je vous fais
Bouthillier a mis au dos : « Touchant je suis celle de Dupuy, laquelle est de la
la taxe de Messieurs de Malthe. » main de Bouquet et la meilleure.
Les diverses copies sont peu exactes; ' Richelieu avait écrit le 12 au mare-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 825
cette lettre pour vous dire que le temps et l'occasion de faire le siège
de Bouillon, auparavant que les ennemis eussent assemblé leurs
forces, est maintenant perdu. Comme il n'y a plus d'aparence de pen-
ser à cette affaire , ainsy que vous jugerés aussy bien que moy, il n'y
a pas lieu non plus de penser à la circonvallation de Sedan. N'estant
plus question d'avoir présentement ces deux desseins, il semble que,
si vous ne pouvés attaquer le corps de Lamboy ou de Gildas séparé-
ment, vous n'avés autre cliose à faire, en attendant le renfort que le
roy vous mènera en personne, en Champagne, après la prise d'Aire,
qu'à vous mettre en lieu où vous puissiés empescher que les ennemis
n'entrent en France, et conserver vostre corps sain et entier jusques
à la venue de Sa Majesté. Ce n'est pas que, s'il se présente quelque
autre occasion ou chose à faire si manifestement advantageuse que
l'événement ne semble pas doubteux, le roy ne trouve bon que vous
l'entrepreniés; mais, à moins d'un grand avantage, du tout évident,
il ayme mieux que vous empeschiés aux ennemis l'entrée de la
France, et que vous conserviés vos trouppes, en attendant, (jue de
faire autre chose. C'est donc à vous à suivre ses intentions; à quoy
chai de Cliàliiion ; il lui disait : « Le roy
vous envoie M' Fabcrl pour vous faire co-
gnoistre de nouveau qu'il approuve bien
le dessein que vou< luy avés proposé pour
Sedan, mais qu'il veut auparavant qu'on
prenne Bouillon. . . sa pensée est si raison-
nable que c'est à vous à faire voir qu'en
y déférant vous déférés à la raison... Sou-
venez-vous, M', qu'il y va du vostre de
laisser les armes du roy oisives lorsque
vous pouvés les faire agir contre des gens
qui entreprennent des choses, à vostre
vue, qu'ils ne sçauroient soustenir. . . •
■(Aux Analyses.) Cet avertissement n'avait
point fait cesser l'inaction du maréchal;
et maintenant que l'armée du comte de
Soissons et de M. de Bouillon avait eu le
temps de se rassembler, Hichelieu recom-
CARDIX. DE niCHLLIEU.
mande an maréchal la plus grande cir-
conspection. Le maréchal semble n'avoir
pas tenu plus de compte de cet avis que
de l'autre, et il engagea la bataille de Se-
dan (la Marfée) dans des conditions défa-
vorables, si l'on en croit Puységur; on sait
qu'il la perdit. C'était le 6 juillet, quatorze
jours après que celte lettre fut écrite. Ce-
pendant Richelieu, de son côté, aussitôt
que la complicité du duc de Bouillon fut
avérée, avait fait envoyer une commission
du roi au parlement, à l'efl'et de «procé-
der pour crime de lèze-majesté contre le
duc de Bouillon et M. de Guise. » (La pièce
est en copie aux AflF. étr. France, I. 97,
fol. 9.) Et la Gazette du 6 juillet annonçait
que « le chancelier avait été au parlement
les 3 et 5 du mois pour faire le procès. «
lOl,
826 LETTRES
je vous convie autant que je puis, et de me croire tousjours,
Monsieur,
Vostre très bumble et aiTectioiiniï serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'Abbeville, ce 2 2"= juin i6Ai.
CCCCXVI.
Arch. de Condé, n° 111. — Cominunicalion de S. A. R. M*' le duc d'Auraale. —
Original.
A MADAME LA PRINCESSE.
24juin-
Madame,
Craignant que vous ne soyés en peyne de M' d'Anguin, je prend.s
la plume pour vous dire qu'il est depuis deux jours à Hesdin, en at-
tendant que M' de La Meilleraie luy puisse envoyer une escorte pour
se rendre seurement à l'armée, à quoy vous pouvés croire qu'il ne
manquera pas. Il est party d'icy en très-bonne santé ', et s'y est con-
duit avec tant de jugement et de prudence que vous n'en devés pas
avoir peu de satisfaction^. Pour moy, Madame, j'en auray tousjours
beaucoup de vous faire cognoistre, par elTects, la sincérité avec la-
quelle je suis véritablement.
Madame,
Vostre très'humble et très aOectioimé serviteur.
Le Gard. DE RIGHELIEU.
D'Abbeville, ce 2/1 juin i64i.
Le duc d'Eiighien relevait d'une ma- témoignages à la jjrincesse de Condé, qui
ladie qui avait donné beaucoup d'inquié- lui répondait le 21 juin : « . . . Vous m'a-
tude à sa mère. Je lis dans une lettre de vez donné une grande joie de m'avoir asu-
l'abbé de la Rivière à Cliavigni, écrite de rée que mon fils se conduit au gré de
Blois le 22 juin. « ... Nous attendons dans M. le cardinal, et qu'il luy faict ionneur
dix jours madame la princesse, qui va de lemer; je vous asure que set la pins
rendre à NosIre-Dame-des-Ardilliers le grande pasion que j'aye que mon Cils se
vœu qu'elle a faict pour la santé de M*' le rande digne de ses bonnes grases. Je vous
duc Danguin. » (Arch. des Aff.étr. France, suplie, Monsieur, de luy donner quel-
i64i , six premiers mois, fol. 456.) que fois vos avis, je vous en oré une ex-
Cliavigni avait déjà donné ces bons tresme obligasion.» (Ms. précité, fol. 45o.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
827
CCCCXVII.
Arch. des Aff. étr. France, i64i, six derniers mois, fol. 26. —
Minute en partie de la main de Charpentier.
A M. LE CHANCELIER.
Du «juillet i64i.
Les ennemis ont envoyé demander permission de faire passer le
corps de M" le Comte '. On estime la response que doit faire M' de
Chastillon estre qu'il n'a pas pouvoir de donner cette permission,
mais que, dans trois jours que le roy sera à Rheims, il luy en fera
la proposition.
Le roy estant à Rheims, si on faict encore la mesme demande-, on
' La bataille de la Marfée avait été livrée
le 6 ; le comte de Soissons y fut tué , et l'on
ignore. encore aujourd hui comment il suc-
comba. Le P. Griffet a résumé avec soin
les témoignages contemporains ; il a cité
les documents divers, et n'a pu jeter au-
cune lumière sur cet obscur événement.
A ces témoignages ajoutons celui de Fn-
bert, l'un des généraux de l'armée de
Champagne; il écrivait le 9 juillet à M. Ta-
lon , prieur de S'-Paul " : « La bataille estoit
perdue lorsque les gens d'armes de la reyne
et de Monsieur, au nombre de 220 mais-
tres, chargeant l'aisle gauche des enne-
mis, la rompirent toute, et M. le Comte,
qui estoit derrière la cavalerie, qui s' estoit
couverte de l'infanterie, fut tué en cette
charge. » Celte lettre très-curieuse ne nous
semble pas avoir été connue des histo-
riens. Le P. Griffet nomme bien Faberl,
mais il lui fait dire tout autre chose.
' La demande fut faite de nouveau par
M. de Longueville, qui envoya un de ses
gentilshommes, M. de la Croisette, vers
le cardinal. Il le suppliait d'obtenir du
roi que le corps de son parent fût rendu
à -sa famille. A cette lettre , datée de Co-
lomniiers le 9 juillet , Richelieu répon-
dit le 1 1, au nom de Louis XIII ; « Que,
M. le Comte ayant esté rebelle à sa patrie
et à son roy, la plus grande bonté dont
S. M. puisse user envers luy est de laisser
son corps où il a commis son crime, afin
que la mémoire de sa faute y soit ense-
velie avec luy, » et le cardinal terminait
sbn billet par quelques paroles de condo-
léance. 11 écrivit à la mère du prince une
lettre beaucoup plus sèciie : «Madame, lui
disait-il , je ne sçaurois assez vous faire
cognoistrc le desplaisir que j'ay tou.sjours
eu de ce que vous n'estiés pas maistresse
des volonlezde M. vostrefils; s'il vous eust
voulu croire, vous n'auriés pas l'affliction
que sa faute et sa mort vous donnent tout
ensemble. Je supplie Dieu de tout mon
ca'ur qu'il luy plaise vous consoler. « (Ms.
cité aux sources, fol. 35, 87, 61.) La com-
tesse de Soissons répondit au cardinal sur
* Lettre autographe, conservée à ta BiblJotIu-(|uc impériale, fonds dit Supplément français ^ 920'.
ici.
^
828 LETTRES
croit que' Sa Majesté peut respondre que, M' le Comte ayant esté
rebelle à sa patrie et à son roy, la plus grande bonté dont il puisse
user envers luy est de laisser son corps où il a commis son crime, afin
que la mémoire de sa faute y soit ensevelie avec luy.
M"' le chancellier mandera quel est son advis sur ce sujet, et fera
regarder par les S" de Godefroy et du Puy si les registres ne nous
apprendront rien en cette matière. Il n'oubliera rien aussy de ce qu'il
faut faire maintenant pour faire condamner le crime du deffunct^;
chose du tout nécessaire^, et d'autant plus aisée que la bataille est
une preuve notoire du crime, et qu'on se porte plus aisément à agir
contre un mort que contre un vivant.
M"" le chancellier me fera prompte response '.
le même Ion , !ui faisant entendre qu'elle
n'avait pas besoin de ses lettres de condo-
léance : «M', écrivait- elle, je croy que
vous ne doutez point que ma douleur ne
soit exlresmç et qu'elle surpasse tout ce
qui se peut imaginer; c'est pourquoy je
supplie la divine bonté de me donner la
force de la pouvoir supporter. C'est d'elle
de qui je l'attends , et à qui je la demande ,
et à vous, de croire, etc. ^ (Mss. de Bé-
tliinie, 926/J, fol. i54', copie sans date.)
Une lettre du roi , dictée sans doute par
Richelieu , est un peu moins dure que celle
(lu ministre; elle est dalée du 17 juillet;
ce doit être aussi la date de la lettre de
Hichelieu. Quelques mois après, le car-
dinal visita madame la Comtesse après
avoir fait pressentir si elle l'aurait agréable :
1 Elle estoit sur son lict (mande Arnauld
le i" décembre) et ne respondit aux com-
plimens que par ses larmes. »
' a On croit que,» de la main du car-
dinal.
' «Chose du tout nécessaire, n (Idem.)
Ici Charpentier a pris la plume.
' Je n'ai pas trouvé la réponse du chan-
celier, mais, aCn de satisfaire à cette né-
cessité invoquée ])ar le cardinal, des lettres
patentes furent adressées au parlement le
20 juillet, « pour faire le procès a la mé-
moire du comle de Soissons, tué à la
journée de Sedan.» On y rappelle les
poursuites dirigées contre les ducs de
Guise ef de Bouillon, et bien que dès
lors (dit le roi) «nous eussions certaine
cognoissance des mauvaises intentions du
défunt comte de Soissons, et que nous
n'ignorassions pas qu'il fust complice de
leurs crimes, et mesmo plus coupable
qu'eux, estant l'auteur et le chef du party
qui se formoit au préjudice de nostre Estât,
néanmoins nous avions résolu de faire
surseoir, pour un temps , à faire procéder
contre luy, pour luy donner moyen de se
recognoistre et avoir recours à nostre clé-
mence, désirant le conserver comme un
prince de nostre sang. Mais, au lieu de re-
cognoistre sa faute , ce prince , allié des
Espagnols, s'est mis en révolte ouverte. Et
néanmoins comme il a pieu à Dieu de punir
• Au verso se trouve la réponse de madame la Comtesse au roi.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
829
CCCCXVIII.
Arch. des Aff. élr. France, i64i, six derniers mois, fol. 29. —
Original de la main de Charpenlier et de celle de Clierré'.
SUSCRIPTION:
POUR M. LE SURINTENDANT,
À PAnis.
De Péronue, ce 9' juillet i64i.
Mons' de Chaslillon s'est laissé battre; M' le 'Comte y a esté tué-
son crime par sa mort, nous nous serions
volonliers relasché de la rigueur qu'il mé-
rite; mais ce que nous devons à nostre
Estât ne nous permettant pas de suivre
les sentiraens de la nature, il nous est
impossible de nous dispenser de la sévé-
rité des loix, qui veulent que la punilion
des crimes de Lèse-Majesté ne se termine
pas à la personne de ceux qui les com-
metlent, mais s'élendent jusques à leur
mémoire. A ces causes nous vous man-
dons et ordonnons par ces présentes, si-
gnées de nostre main , que sur les charges
et informations sur lesquelles vous avez
cy-devant décrété contre les ducs de Guise
et de Bouillon , ensemble sur les autres
qui pourroicnt estre faictes à la requeste
de nostre procureur général , vous ayés à
faire le procès extraordinaire à la mémoire
dudict comte de Soissons et procéder au
jugement d'iceluy, toutes autres affaires
cossanles*. » Cependantces lettres patentes,
dressées par le chancelier sous l'inspiration
du cardinnl et fous l'impression de l'effroi
qu'avait causé la prise d'armes du comte de
Soissons, ne furent pas suivies d'effet; la
mort de M' le Comte suffisait à Richelieu.
Impitoyable dès qu'il croyait avoir quelque
chose à craindre pour l'Etat ou même pour
sa personne, on l'a vu aussi dédaigner
des rigueurs sans profit. Et puis il crut
prudent dans cette circonstance de ne pas
irriter, par une exécution aussi odieuse
qu'inutile, les nombreux amis du prince
mort. Si l'on en croit le témoignage de
Puységur, ce fut le cardinal lui-même
qui lui aida à obtenir du roi d'être clé-
ment envers ce cadavre, que Louis XIII
s'obstinait à faire traîner sur la claie, et
ce fut sur les instances de Puységur, ap-
puyées p«T Richelieu et par de Noyers,
que le roi consentit à arrêter les pour-
suites. Le duc de Bouillon en faisait d'ail-
leurs une des conditions de l'arrangement
conclu avec lui (ci-après, p. 853). M"* la
Comtesse put alors faire inhumer son lil»
à Gaillon, dans la sépulture de sa fan)ille.
Le P. Griffet, adoptant le témoignage de
Puységur, raconte la scène curieuse qui
se passa à cette occasion dans le cabinet
du roi. (T. III, p. 369.)
' Cherré a pris la plume à la seconde
ligne.
' Les deux nouvelles ne parvinrent pas
Arcb. des Aff. élr. France , 1 6i 1 , si» derniers mois , toi. 111, copie. — BibKothèque de l'Arsenal , collec-
lion Conrart , in-(bl. t. 8 , p. igSS, copie.
830
LETTRES
Le roy part pour aler à Rheinis empescherle cours des mauvais des-
«eins des ennemis.
J'escris à M"^ le chancellier d'une affaire dépendante de ce que des-
sus, dont vous commvmiquerés ensemble. Il faut qu'il y ait aux affaires
de l'amer et du doux ^
Le Gard. DE RICHELIEU.
délivré, il recevait de tous côtés des avis
qui, bien que visiblement exagérés, pou-
vaient lui donner à penser que le péril
avait été plus grand qu'il ne l'avait cru.
Tubeuf, homme assez considérable dans
les finances , mandait à Chavigni dès ie 9 :
« La déroute de M. de Chastillon avoit un
peu estonné ce matin les esprits de celte
ville, mais la mort de M. le comte de
Soissons, dont la nouvelle est arrivée à
midi , les a restablis. » — a Si M. le Comte
n'eust esté tué (écrivait quelques jours
après au cardinal le P. Carré , l'un de ses
espions les plus féconds en rapports) , il
eust esté bien receu de la moitié de Paris;
c'est le sentiment commun de tout le
monde, et que toute la France se fust
joincte à luy, à cause du sol pour li\re et
autres vexations que les partisans font au
peuple, qui est très mesconteni » Le
P. Carré écrivait encore : « . . Deux liommes
bien faits apprenant la niortde M. leComte...
ont dit que Messieurs de Monlauban les
avaient envoyés pour asseunr led. S' Comte
de leur t ille. . . » El puis il mettait en scène
le duc de Vendôme, " pour lequel la Nor-
mandie s'alloit armei'. » Une autre fois, il
donnait cette preuve de la liaison intime
du duc d'Orléans avec feu M. le Comte ;
« Une personne suivante de Mademoiselle
a dit que M. son père l'avoit promise en ma-
riage à M' le Comte. » Enliii il avertissait
en même temps à la cour. M. de Brassac,
qui; comme on sait, rendait compte à
Kiclielieu de tout ce qui se passait cliez la
reine, se hâta d'informer le cardinal de
l'impression qu'y produisit la double nou-
velle : le premier jour douleurs de Diane
(la reine); joie mal dissimulée de Sisine,
(mad. de La Flotte), a Le lendemain la
chance tourna, car on porta la nouvelle
de ce qui esloil arrivé au fils d'Orante (la
comtesse de Soissons), et je puis assurer
V. Em. que, bien que Diane se servist de
la discrétion , si est-ce qu'elle feisl co-
gnoistre de la joie; et, Sisine luy disant
que c'estoit un grand malheur, elle respon-
dit tout haut, devant Amintbe (mad" de
Brassac) et toules les Sybilles (les filles
d'honneur) , qu'à considérer ce personnage
en ce qu'il esloil de naissance, il estoil à
plaindre; mais quand on s'imaginoit qu'il
estoit mort dans la rébellion, et les armes
à la main contre son maistre, il n'y avoit
nul sujet de le plaindre, si non pour son
ame. Le soir elle tint les mesmes discours
au Jasmin (M. de Brassac) et à Aminlhe,
et leur disl qu'elle n'envoyeroit point vi-
siter Orantc sans les avis de Marc-Anthoine
(Richelieu), le conseil duquel elle vouloil
tousjours suivre. . . » (Ms. cité aux sources ,
fol. 55.)
' «1 Le doux, » c'est la mort de M. le
Comte. Le cardinal n'ignorait pas qu'il
avait, en ce prince, un ennemi personnel
et redoutable; depuis que la mort l'en avait
S. Eiii. d'un complot qui s'était révélé
dans une querelle de cabaret, à la porte
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
831
CCCCXIX
Arch. des A£F. étr. France , 1 64 1 , six ilerniers mois , fol. 43. —
Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. LE SURIMENDAiNT DES FINANCES',
De Roye, ce lo' juillet i64i-
Madame de Chastillon compte sans son hosle quand elle vous dict
que les ennemis avoient quatorze mile hommes, et que le fort em-
portoit le foible.
Les ennemis avoient sept mile hommes de pied au plus, et deux
mile à deux mile cinq cens chevaux; M' de Chastillon avoit trois
mile chevaux effectifs^, et, si vous voulés juger son infanterie par le
pain, il donnoit dix-huit mile rations à son armée, qui cependant ne
Bucy, « pour enlever M*" le dauphin et
M. d'Anjou, lorsqu'on les promenoit dans
le parc de S'-Germain. • Comme tous le»
espions, le bon père voulait asstirément
se faire valoir par l'importance de ses rap
ports; mais, en les réduisant à leur juste
valeur, il est facile de se figurer que, dani-
l'état de sédition où se trouvaient alors
plusieurs des villes les plus considérables
de France, une victoire complète rem-
portée par an prince qui non-seulement
avait un grand crédit parmi les ennemis
du cardinal, mais qui jouissait dans toute
la France d'une répulation de haute capa-
cité, aurait pu avoir de dangereuses suites.
«On ne parle ici, écrivait Henri Arnauld
dès le :i8 avril , que de l'aiTaire de Sedan. . .
toas les bons Français ne se peuvent con-
soler d"y voir M** le Comte embarqué...
à ce qui en a paru , jamais alTaire n'a tant
ftàcl de peine à M'' le cardinal... • et trois
jours après : « L'esprit da roy est extraor-
dinairement aigry contre M' le Comte; il
faut prier Dieu que tout- cela se puisse
accommoder, et que la France ne perde
point an prince qui luy peult rendre de
grands services. •
' La réponse du surintendant , datée du
la, ne se renferme pas dans le sujet de
cette lettre; Boutbillier y rend compte au
cardinal d'une réunion avec les députés
du clergé. « Nous avons concerté le con-
Iract que V. Em. nous a faicl l'honneur d"
nous renvoyer, pour l'examiner avec eu» »
L'explication des questions débattues dans
cette conférence occupe une grande par-
lie de cette longue missive. (Ms. cité aux
sources, fol. 64.)
' Le cardinal voulut que ce blâme fût
public , en l'atténuant toutefois , et en at-
Iribunnt à nue grande pluie le relard qu'il
impute ici à la létargie perpétuelle du ma
réchal. (Voy. la Gazette du i3 juillet,
p. 4i6.)
832 LETTRES
faisoit de soldats effectifs que neuf mile hommes. Ainsy nous avions
douze mile hommes effectifs contre neuf ou neuf mile cinq cens. Nous
avions en outre une rivière devant nous dont il estoit fort aisé d'em-
pescher le passage.
Mais les ennemis avoient beaucoup de vigilance et d'industrie, et
nous beaucoup de paresse, point de prévoyance, et encores moins
de sçavoir faire.
M' de Chastillon avoit choisy le jour auparavant un champ de ba-
taille avantageux pour prendre les ennemis à demy-passés; mais, s'il
eust assez de lumière pour voir qu'il en falloit user ainsy, sa pesan-
teur et sa létargie perpétuelle ' donna lieu aux ennemis non-seulement
dépasser, mais mesme de prendre le champ de bataille qu'il avoit
choisy le jour auparavant. Je ne parle point du mauvais ordre qu'il y
eut dans le combat, parce que le temps nous en apprendra les par-
ticularités.
Je vous ay escrit ce matin '^, à M"' le chancellier et à vous, pour avoir
' Richelieu clil nelteruent à Boutliillier
sa pensée sur le maréchal de Châlillon ;
il y avait mis la veille un peu plus de pré-
caution, sans pourtant s'abstenir de la
laisser entrevoir dans la lettre qu'il écri-
vait au maréchal lui-même. Je ne fais que
l'indiquer ici, parce qu'elle a déjà été im-
primée : « ...Dieu a voulu chaslier M. le
Comte, et nous donner un coup de fouet ;
nous l'avons tous bien mérité pour nos
péchés particuliers, et vous, pour l'irréso-
lution que vous avés de longtemps , à faire
ce que vous savés bien pouvoir et devoir
en votre conscience; je vous prie d'y penser
sérieusement en cette occasion . »
" Ce billet, qui se trouve en original
dans le ms. cité aux sources (fol. I12) ,
sera noté aux Analyses, «il est besoin, dit
Richelieu, que M. de Chavigni renvoie
préscnlement un courrier à Monsieur, pour
le prier, de la part du roy, de choisir entre
les siens trois mestres de camp , et qu'il
face lever dans l'estendue de ses appanages
et gouvernemens 2,4oo h. aliu de leur
en donner à chacun 800 à comman-
der. . »Monsieur,ilansceUe circonstance ne
pouvait faire autrement que de se mon-
trer zélé; il écrivit aussitôt à Chavigni (le
i3 juillet) qu'il allait partir, au moment
où il reçut l'ordre de faire trois régiments ;
il y va travailler sur-le-cliauip... » Le désir
qu'en a M. le cardinal m'obligera de faire
beaucoup d'efforts, jusques à leur donner
de mon argent, qui est tout vous dire. «
( Ms. ciléauxsources.fol. 70.) 1'onsceu.\de
la cour de Monsieur s'efforçaient de per-
suader au cardinal que ce prince était
animé en ce moment des sentiments les
plus dévoués; voici un échantillon de ces
protestations : «S. A. R. (écrivait à Chavi-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 833
des levées; je vous prie de n'y perdre aucun temps, comme chose du
tout nécessaire ^
Vous me ferés plaisir de montrer cette lettre à madame d'Aiguil-
lon, et de tesmoigner à madame de Chastilion qu'elle feroit mieux
d'attendre le boiteux devant que de parler et réveiller le chat qui
dort 2.
Je vous prie de faire en sorte qu'on nous envoyé en diligence de
la poudre, de Paris à Chaalons, allant vous mesme à l'arsenal pour
les faire partir^.
Le Gard. DE RICHELIEU.
gni l'abbé de la Rivière , aumônier du
prince) , est tout à fait confirmée dans les
bons sentimens qu'elle veut croire S.Ém.
aveuglement en toutes choses, et quand
tous les Filistins seroient conjurés ensem-
ble, qu'il est devenu Samson pour eux... »
(Aff. étr. France, i64i, six premiers mois,
fol. ài5, lettre datée de Blois le i3 juin.)
' tj'asseure V. Ém. que dès aujour-
d'iiuy matin M. le cliancellier, M. de Mont-
bazon, M. de Léon, M" les intcndans et
moy avons esté assemblés pour aviser à la
levée de 8,000 h. de pied ; nous avons com-
mencé par les moyens de trouver les fonds
(c'était la grande difficulté). . . si M" les pre-
miers présidens des compagnies eussent
esté en ville, nous eussions tous conféré
ensemble cette après disnée, etc. » On voit
quels personnages étaient appelés à ces con-
férences et quelle matière on y discutait;
il y a dans les explications que donne Bou-
tliillier au cardinal des détails instructifs
sur les procédés de l'administration en ce
temps-là,
' Bouthillier ne dit rien de M' de Châ-
lillon, mais il justifie la maréchale : « Elle
me parla, dit-il, très-modestement et sa-
gement du désastre de son mary, et je
doibs rendre ce tesmoignage à la vérité
qu'elle ne me parla point du tout du plus
grand nombre. . . »
' Bouthillier répond : • Sitost que j'eus
receu la dernière de V. Em. du 1 o , au soir
bien lard, je fus à l'arsenal où le control-
leur de l'artillerie Clapisson . . . m'asseura
que dès demain degrand malin il feroit par-
tir 5o milliers de poudre, et le reste que
V. Em. a demandé , et que le tout pourroil
esire dans dix ou doiue jours, au plus
tard, à Chalons par la rivière de Marne. »
CARDIN. DE niCIIELIED. — VI.
loS
834
LETTRES
ccccxx.
Arch. de la famille, de Brézé. — Original.
Dépôl de la guerre, t. 65, pièce 25o. — Minute de la main de Cherté'.
INSTRUCTION
AUX SIEURS MAIŒSCHAUX DE CHASTILLON ET DE BRÉZÉ ^
1 5 juillet.
Le roy désirant que led' S' mareschal de Brézé demeure en l'armée
que commande présentement led. S'' mareschal de Chaslillon, jusqu'à
ce que l'employ auquel il est destiné en Catalogne l'y appelle, Sa Majesté
a commandé d'expédier le présent mémoire pour leur faire cognoistre
ce qui est de son intention.
Lesd'* S" mareschaux agiront conjoinctement au commandement
de l'armée avec toute l'union et l'intelligence qui est [sic] nécessaire
pour le service du roy, ainsy qu'ilz ont desjà faict en l'armée de Flandres
alternativement.
Leur principal but sera d'empescher les ennemis de faire aucuns
progrez en France , ce qui leur est d'autant plus aysé que les rivières
de Bar^ et d'Aine et ia bonté des places auxquelles les ennemis pour-
royent s'attacher favorisent ce dessein.
' Richelieu envoya celte minute au se-
crétaire d'Étal de la guerre, qui fit faire
la dépêche dans ses bureaux et la con-
ire-signa.
' La mort du comte de Soissons n'avait
pas complètement rassuré Richelieu. Le
maréchal de Cliàtillon , réfugiée Rcthel, y
rassemblait à grande peine les débris de
son armée, et il avait encore devant lui
une armée victorieuse et le duc de Bouil-
lon. Richelieu songea donc à donner un
mentor ou vieux maréchal ; dès le 8 juillet
il avait fait écrire par Chavigni à M. de
Brézé; en lui annonçant la déroute de la
Marfée , il lui disait : « . . .Ce mauvais succez
a faict prendre la résolution au roy de par-
tir dès demain pour aller en toute diligence
à Rhins , où S. Em. m'a commandé expres-
sément de vous escrire, de sa part, qu'elle
désiroit que vous vous rendissiez sans délay
avec tout vostre équipage par le plus court
chemin. Vous jugés bien. M', dans quelle
peine elle doitestre, etc.. » (Autogr. arch.
de Brézé. ) Chavigni ne dit pas à de Brézé
quelle était l'intention de Richelieu ; il
savait que ce maréchal n'aimait pas à par-
lager le commandement et disait de lui-
même qu'il n'était pas bêle d'attelage.
' C'est sans doute l'Aube que Richelieu
appelle ainsi à cause delà ville de Bar; car
je ne pense pas que ce soit l'Ornain, ri-
vière sur laquelle est située Bar-le-Duc.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
835
Hz doivent avoir un soin particulier d'empescher que les ennemis
ne puissent se rendre inaistres des passages de Retliel ou de Ghas-
teau-Portien, ce qui est d'autant plus facile que la proximité de ces
deux lieux donne moyen à l'armée, qui peut se camper derrière, de
soustenir et raffraischir les garnisons qui seront dedans.
Pour le pouvoir faire plus aisément, lesd. S" mareschaux feront
promptement faire aux susd. lieux les travaux qu'ils estimeront né-
cessaires, sans y perdre aucun moment.
De quelque costé que les ennemis tournent teste, lesd. S" mares-
chaux les suivront, prenant toujours les seuretez et les advantages que
la situation des lieux leur pourront [sic) permettre K
Faict à Rheims, 1 5*= juillet i64i^.
LOUIS.
SuBLET.
CCCCXXI.
Arch. des AIT. étr. France, i64i, six derniers mois, fol. 169. —
Minute de la main de Charpentier.
[Vers le 1 5 juillet i6/ii.]
Si M. de Bouillon* veut sincèrement rentrer en la grâce du roy,
' Le 17, l\ichelieu écrit de nouveau; il
annonce aux généraux qu'on leur envoie
des troupes, du canon, des mousquets» -
des objets d'équipement, enfm, de l'argent
que leur portait M. de Gremonville pour
remettre en élat les soldats dévalisés, en
attendant la montre, qui viendra dans
quinze jours. « Je prie M" les généraux, dit
le cardinal , de prendre un soin particulier
de faire restablir les corps tant d'infanterie
que de cavalerie, qui ont eslé deflaits,
parlant à tous les chefs, et animant un
chacun à se raccommoder et désirer pren-
dre revanche. .. Je les conjure d'envoyer
si souvent des partis à la guerre que les
ennemis ne puissent faire aucune marche
qu'ils n'en soyent aussylost advertis. . . §
Cette lettre , qui a été imprimée , sera notée
aux Analyses.
' Ceci n'est pas dans la minute.
' Ce mémoire , sans suscriplion , devait-il
être communiqué au duc de Bouillon, ou
n'élail-il fait que pour l'instruction de
ceux qui traitaient avec lui PCIierré a écrit
au dos : Journal de M. de Bouillon; ces
mois signifient seulement que la pièce
était classée dans le cabinet de Richelieu
parmi un ensemble de documents concer-
nant le duc de Bouillon. Elle n'est point
datée, et se trouve dans notre manuscrit
io5.
836 LETTRES
comme il le dict, s'estant desjà depuis 7 ou 8 ans déclaré par deux
fois contre Sa Majesté et contre la France, la raison veut qu'il donne
toutes les seuretés, justes et raisonnables, de la fidélité avec laquelle
il vivra à l'avenir. En cette considération luy, sa femme ou ses en-
fans pourroient venir demeurer à Paris.
S'il n'aggrée pas cet expédient, il en peut prendre un autre, qui
est de rompre avec les Espagnols par une action sy offensante , qu'ils
soient incapables de réconciliation ; et ensuite aller servir dans l'Italie
entre une pièce du 5 août et une autre
du 6 ; c'est la date de l'arrangement conclu
avec le duc de Bouillon, mais ce ne peut
être celle d'un mémoire qui se rapporte
évidemment au temps où l'on commen-
çait la négociation. On sait que c'est Puy-
ségur qui fut employé en cette circons-
lance; or, je trouve dans le manuscrit des
Affaires étrangères, fol. 26Ô v°, une « lettre
du s' P. au duc de Bouillon , n laquelle
commence ainsi : « J'ay veu le roy et M"^ le
cardinal, auxquels j'ay tesmoigné le désir
que vous aviés de vous remettre dans l'o-
béissance ; ils m'ont fait cognoislre en avoir
un grand ressentiment, et vous tendent
les bras comme à une personne dont ils
font grande estime...» Et Puységur, car
c'est certainement lui que ce P. désigne,
explique les conditions possiblesd'un par-
don accordé parle roi. Cette lettre est da-
tée du 1 5 juillet ; c'est donc vers le milieu
dudit mois que Richelieu a dû écrire ce
mémoire. — Il est certain qu'aussitôt que
la mort de M. le Comte eut ruiné les espé-
rances de son parti, des négociations se-
crètes s'entamèrent. Cbavigni écrivait le
1^7 juillet au maréchal de Brézé , qui avait
été donné pour collègue au maréchal de
Châtillon dans le commandement de l'ar-
mée de Champagne : «11 est important,
.s'il vous plaist, Monsieur, que vous disiez
publiquement du bien de M. de Bouillon ,
et que vous vous louiez de sa courtoisie,
et du bon traitlement qu'il fait aux prison-
niers qu'il tient, parce qu'on est en termes
de traiter avec luy par voye secrelte, ce
dont vous ne ferez pas semblant, s'il vous
plaist. » (Arch. de la maison de Brézé. )
On pria aussi le duc de Longueville de
s'entremettre dans cette négociation , dont
l'une des conditions avait pour objet la
suppression des poursuites commencées
contre la mémoire de M. le Comte. C'est
à quoi se rapporte sans doute une lettre
de Richelieu au duc de Longueville, qu'on
lui envoyait, à ce qu'il paraît, par la per-
sonne qui se rendait près de M. de Bouil-
lon. Cette lettre est datée de Reims, le
18 juillet : « Monsieur, le présent porteur
vous communiquera le sujet de son voyage ,
qui est si conforme aux senlimcns et aux
intérests dans lesquels vous estes, et à ce
que doit désirer madame la Comtesse, que
je ne doute point que vous ne soyés ires-
aise d'avoir occasion de faire paroistre eji
ce sujet vostre zèle au bien de cet Estât.
La suffisance du porteur m'empesche du
vous dire autre chose.. . » — Au bas de
celte minute Charpentier a mis tournez,
et sur le second feuillet se trouve écrite,
aussi de sa main, la minute d'une lettre
que le duc de Longueville devait adresser
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
837
de lieutenant général sous M. le comte de Harcourt, selon qu'il a
tesmoigné désirer de l'employ.
S'il trouve quelque chose à dire à rompre avec les Espagnols par
une action offensante, le roy peut se contenter que le dict s' de
Bouillon aille servir en Italie et, au lieu de pardonner dès cette heure
à la mémoire de M. le Comte, ce que le dict s'' duc de Bouillon de-
mande, promettra seulement de le faire après la paix, au cas que le
dict s' de Bouillon demeure en son devoir.
Gomme M de Bouillon ne peut refuser l'un de ces trois partys pour
estre du tout raisonnables. Sa Majesté ne peut luy pardonner sans
l'un d'iceux pour estre du tout nécessaire pour la garantie d'une troi-
sième recheute du dict s' duc, d'autant plus apparente qu'il est léger
au duc de Bouillon; c'est la preuve que
Richelieu avait dicté lui-même celle leltre.
En voici le texte :
« Monsieur, après vous avoir tesmoigné
la sensible douleur que j'ay de la mort de
M. le Comte, je m'estimerois et mauvais
François, et peu affectionné à ce qui vous
touche, si je ne vous faisois cognoistre
que le plustot qu'on peut sortir d'un mau-
vais pas est le meilleur, et ne vous con-
seillois ensuitte de n'oublier rien de tout
ce que vous pourrés pour rentrer aux
bonnes grâces du roy, sans que la consi-
dération des intéresis du party auquel
vous vous estiez jette avec M. le Comte
vous en puisse empescher. Je vous puis
assurer que madame la Comtesse est dans
les mesmes senlimens que je vous tes-
moigné , et qu'elle ne désire rien tant .dans
l'excès de son affliction , que de voir que
l'embarras auquel M' son fils s'estoit mis
n'aye point de suiltes. > (Ms. cité aux
sources fol. 97.) La lettre n'est point datée ,
mais elle est du 18 juillet ainsi que celle
de Richelieu, dont la minute est écrite
sur la même feuille. Remarquons que ,
deux jours après la date de ces lettres, le
20 juillet, le roi envoyait au parlement une
commission pour faire le procès à la mé-
moire du comte de Soissons : c'é'ait un
moyen de presser le duc de Bouillon de
conclure son accommodement. La pièce est
en copie, dans le ms. cité aux sources
fol. 1 1 1. — Cependant le corps de M. le
Comte resta à Sedan jusqu'en 1642. Nous
lisons, dans une leltre adressée le 18 mai
par le gouverneur de Donchery au mar-
quis Isaac de Feuquières : « Le corps de
feu M. le Comte fut emmené jeudy dernier
(c'était le 16 mai) au Mont-Dieu, sans
cérémonie que celle d'un convoi de 4o
ou 5o prestres, qui le conduisirent depuis
l'église de Sedan jusques hors deTorcy,
chantant par les rues, ce qui n'avoit point
encore esté faicl ; et de Torcy il ne fut ac-
compagné, le reste du chemin, que par
M" de Mezières, de Garge, de Vignolles,
le Roy secrétaire, Deselle argentier, et
l'aumosnier de madame la Comtesse. .. »
[Lettres inédites des Feuquières, publiées par
M.Gallois, t I,p. 3i4.)
838 LETTRES
et changeant de sa nature , qu'il est possédé par sa femme , qui a le
cœur du tout espagnol, et qu'il ne sçauroit mieux faire cognoistre
qu'il veut seulement esviter le péril présent auquel il se trouve,
qu'en refTusant de donner desasseurances raisonnables de sa sincérité
future.
Le roy considérant qu'il lui est important d'oster tout lieu aux
mescontens, qui se trouvent tousjours dans un royaume, de pouvoir
former un party , ne doit rien oublier de ce qu'il pourra pour estouffer
la rébellion de M. de Bouillon, s'il le peut faire avec seureté ; mais
il est de sa prudence d'agir en cette occasion en sorte qu'on ne perde
pas la commodité qu'on a de faire un grand fort à la teste de Sedan,
qui empesche que cette place ne puisse nuire à l'avenir à la France, si
M. de Bouillon donne lieu de juger que le repentir qu'il tesmoigne ne
soit autre chose qu'une dissimulation qui luy donne moyen d'attendre
une nouvelle occasion de traverser les prospérités de cet Estât ^
CCCCXXII.
Arcli. de la famille de Bouthillier. — Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. LE SURINTENDANT,
À PARIS.
De Reins, ce 16* juillet i64i.
Je vous escrivis hier par Mess" du Clergé, avec lesquels j'ay con-
testé comme vous fériés vous-mesme. Vos fabriques sont sauvées^.
Vostre marc d'or demeure en l'usage selon lequel les choses ont esté
auparavant que vous fussiés en charge.
Quant aux amphitéoses, ces M'^ soustiennent qu'ils n'ont jamais
' Les soupçons de Richelieu ne furent sus, p. 83 1) , Boulhillier avait dit au car-
que trop justifiés; une nouvelle occasion dinal : «Je m'estends un peu sur cet ar-
s'offrit, et la troisième rechute ne se lit licle très -important, y allant, sur mon
guère attendre; on sait la complicité du honneur, de deux millions pour les fa-
duc de Bouillon dans la conspiration de briques seulement. Je supplie Irès-hum-
Cinq-Mars. blement V. Em. d'y tenir bon. •
' Dans sa lettre du 12 juillet (cides-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 839
pensé à les donner, et qu'ils n'ont pas droict de le faire. Cela estant,
je croy que vous n'en avés pas de le prétendre. Cependant je me re-
mets de tout à ce que monsieur le Chancelier et vous, ferés ; mais
je vous conjure de nous tirer promptement d'affaires.
Je suis très-aise de voir que vous hastiés les levées. J'espère, avec
l'aide de Dieu, que l'irruption de M" de Sedan ne nous empeschera
pas de finir cette campagne heureusement.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCXXIIl.
Archives de Condé, n° 98. — Communication de M*' le duc d'Auraale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
1 9 juillet.
Monsieur, Je
suis très-aise de la perte que les ennemis ont fait des 12 galères,
selon la relation que M'' de Bordeaux nous en a envoyée \ et bien
fasché qu'il ait esté deschargé des vivres à Tarragonne. Mais puisqu à
la guerre on ne faict pas tout ce qu'on veut, il faut se contenter de
l'avantage qu'il a pieu à Dieu nous donner.
Il est impossible de iuger de loing quel doit estre l'événement de
l'affaire de M. de La Motte ^. Il faudroit estre sur les lieux pour sça-
voir les particularitez de ce qu'on y peut apprendre pour donner un
iugement définitif en cette affaire. Si l'armée qui est enfermée dans
Tarragonne peut périr par la faim, nous en retirerons autant d'avan-
tage que de sa perte par une autre voye.
' Un extraordinaire de la Gazelle, dalé faite des Castillans, devant Tarragone, par
du 18 juillet, contient la relation de « L'a- l'armée du roy, sous la charge du s' de
vantage remporté sur les galères d'Es- La Molle-Houdancourt. • C'est l'addition
pagne par l'armée du roy, commandée à une première relation donnée par la
par l'archevesque de Bordeaux, où les Gazelle du 9 : « La défaile dos Castillans
ennemis ont perdu douze galères.» Et: devant Tarragone, parles armées du roy. »
«quelques particularités obmiscs en la dé- ' Ce même jour 19, Richelieu écrit à
840
LETTRES
Je sçay bien que vous devés avoir de grandes impatiences pour la
prise de Coiioure , et pour voir ensuitte si on peut faire tomber Per-
pignan entre les mains du Roy; mais quand je considère que, selon
vos lettres, les places que vous avés prises depuis Coiioure iusques à
Perpignan sont capables d'empescher que cette ville ne reçoive des
vivres qui pourront estre apportés à Coiioure, et de plus que quand
M' de La Motte quiteroit son entreprise, et vous envoyeroit la pluspart
de ses forces, si les ennemis peuvent du débris de leur armée, de ce
qu'a le marquis de Leganez, et du renfort qui est sur les galères,
former une nouvelle armée considérable, il faudra aussy tostque vous
renvoyiés tout ce que vous aurés à M' de La Motte pour s'y opposer,
je n'estime pas que, quand il quiteroit son dessein, vous eussiés
grand avantage pour la prise de Coiioure ^
Si l'armée qui est à Tarragone périt, vous aurés assez de temps
pour prendre Coiioure, sans que le nouvel amas que les ennemis
pourront faire du costé de la Catalogne puisse rappeler les forces
dont vous vous servirés; sans cela je croy que ce que dessus est à
M. de La Motte-Houdancourt une lettre
où , pour l'encourager apparemment , illui
parle sur un Ion de satisfaction el d'es-
pérance qu'il ne conserve pas avec M. le
Prince. «Monsieur, dit Richelieu, cette
lettre vous lesmoignera la joie que je re-
ceus, lorsque le s' du Perron me rapporta
de vostre part l'extrémité en laquelle les
ennemis estoient réduits dans Tarragone,
et l'espérance que vous avés d'en avoir
raison dans le lo de ce mois. Les vivres
que les galères y peuvent avoir jetés pro-
longeront asseurément ce terme, mais je
veux espérer qu'elles n'empescheront pas
que vjous n'en ayés bonne issue. . . je désire
si ardemment que vos desseins réussissent ,
que si les souhaits ont lieu, je ne doute
point que vous n'en ayés contentement. . . »
Cette lettre sera mentionnée aux Analyses.
' Richelieu écrit, quatre jours après, à
M. le Prince : « La place de Coiioure estant
très-imporlaiiteau bien des affaires du roy,
je vous fais cette lettre pour vous dire que
S. M. aura très-agréable que vous faciès
faire, en toute diligence, la levée de trois
mille hommes de pied , dans le Languedoc ,
pour servir au siège de cette place. . . j> Ri-
chelieu lui explique ensuite comment on
pourvoirai la dépense de cette levée. Dans
sa lettre du 19 juillet Richelieu semble
croire que M. le Prince a assez de troupes;
dans celle du 23 il l'engagea faire prompte-
ment de nouvelles recrues. Une missive
écrite par de Noyers au maréchal de Brézé
nous donne le mot de cette apparente con-
tradiction : « M. le Prince nous a dépeschè
un courrier pour avoir les ordres du roy
et de S. Ém. sur une proposition qui luy
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 841
considérer. Eu un mot, cette affaire est de difficile discution, et l'exé-
cution n'en est pas aisée; pourvu qu'on agisse selon des principes rai-
sonnables en ce qu'on entreprend, on en doit espérer un bon événe-
ment, et il faut recevoir de Dieu celuy qu'il luy plaira envoyer. Estant
-sur les lieux comme vous estes , vous pouvés mieux prendre vos mesures
que nous ne sçaurions vous les donner d'icy, des momens et des
circonstances qui périssent eu moins de temps qu'il n'en faut pour
envoyer à la cour estant souvent celles sur lesquelles il faut décider
telles affaires.
Je ne vous dis point le contentement que i'ay de la prise d'Elue ',
parce que vous sçavez la part que ie prends à tout ce à quoy vous
contribués.
Je ne vous mande point aussy de nouvelles, parce que vous les
sçaurés d'ailleurs.
M' de Chastillon a perdu une bataille. M' le Comte est mort, nous
en avons gagné une autre en Alemagne beaucoup plus importante.
Le siège d'Aire va bien. Quand il sera fmy nous deslogerons, avec
l'aide de Dieu, les mauvais François et les Espagnols du bord de la
Meuse, où ils sont; par après nous n'oublierons rien de ce qui se
pourra pour avancer la paix, que je soubaitte de tout mon cœur.
Monsieur voslre fils se porte bien; et ie suis,
Monsieur,
Vostre très humble et très aflectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Reins, ce ig"" juillet i64i.
a esté faicte par M" d'Arpajon, E.spenan, a demandées pour ceteffect. » (Papiers de
Argencourt et le Plessis-Besançon , qui est la maison de Brezé.)
que nooiénanl que le roy luy permette de ' Elne, petite forteresse qui alors n'était
lever trois mil hommes, il espère, avec ce pas sans quelque importance à cause de
qu'il a, prendre Colioure sans destourner sa proximité de Perpignan, avait capitulé
les troupes de Catalogne ny l'armée na- le 47 juin. La Gazette du 10 juillet, en
vale. Cela a esté reçeu avec mille joies et donnant le texte de cette capitulation,
je iuy envoie toutes les expéditions qu'il insiste, dans un récit de trois pages, sur
CARDIR. DE niCHELIEU. — VI. lo6
842 LETTRES
Je vous prie d'avoir soin de la ville de Lavaur et de la vouloir
exempter de logement de gens de guerre, en considération de son
évesque, qui m'en conjure.
Archives de Condé, n° 99.
CCCCXXIV.
Communication de S. A. R. M^' le duc d'Aumale.
Original.
A MONSIEUR MONSIEUR LE PRINCE.
22 juillet.
Monsieur, Je
ne doute point que vous n'ayés reccu la mort de M. le Comte ainsy
que vous me le tesmoignés : sa faute estoit telle qu'en plaignant son
crime il est impossible de plaindre le chastiment que Dieu en a voulu
faire. Je parleray au roy quand il sera temps pour M. le prince de
Conty'. Vous asseurant que vos intérests me seront tousjours très-
chers. Je ne doute point que vous ne faciès tout ce qui dépendra de
vous pour bien faire réussir les affaires de vostre costé; je vous en
conjure autant que je le puis, et pour vous y convier je vous diray
qu'elles vont, par la grâce de Dieu, extresmement bien, et en Alema-
gne, et en Champagne et à Aire.
Depuis la bataille gagnée contre les Impériaux en Alemagnc'^, ils
l'ulililé de celle conquête du prince de
Condé.
'La princesse de. Condé avait écrit à
Cliavigni , le 9 juillet , de prier le cardinal
de se souvenir de ses enlants à l'occasion
« des charges et des bénéfices que la mort
de M. le Comte laisse à donner. » Le sur-
lendemain la princesse écrit de nouveau
à Chavigni ; « Je ne me puis empeschcr
de vous dire le desplaisir que j'ay resu
d'avoir esté contrainte d'escrire à M. le
cardinal et à vous sur le subjcct des
charges et des bénéfices de M. le Comte.
Lomme que vous saves qui est isi et à
qui je n'oseres contredire me l'a fect ferc
et me l'a dictée. Coyque se fut contre ma
volonté, qui n'est point d'importuner
M. le cardinal. . . » La princesse sentait
le besoin d'excuser un tel empressement
àdemnnder la dépouille d'un parent, mort
d'une façon si tragique il y avait deux
jours à peine. Les deux lettres de la prin-
cesse sont conservées aux Aff. étr. France ,
1 64 1 , six derniers mois , fol. 3o et 5 1 .
^ Combat de Wolfenbuttel , dont la Ga-
zette donna deux relations (19 et 3 6 juillet).
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 843
ont encore perdu un autre combat où ils ont laissé 1600 morts sur
la place, et 26 drapeaux ou comètes prises, et on poursuit tousjours
le reste de leur armée avec de très-grands avantages.
Les ennemis qui estoient en Champagne ont pris la peine d'en
sortir quand ils ont veu le roy proche d'eux et en estât de les en
chasser. Ils tirent vers Aire, pour se joindre au cardinal infant; mais,
avec le secours du ciel, qui nous assiste visiblement, i'espère qu'ils ne
nous feront pas grand mal.
Le siège d'Aire est en tel estât qu'aujourd'huy que je vous escrits
deux mines doivent jouer dans les deux bastions ataquez, et ceux qui
se cognoissent en telles affaires mandent que, dans la fin du mois,
la place changera de maistre '; ce que je demande à Dieu pour nous
faciliter une bonne paix.
M' le prince d'Orange, qui avoit assiégé Guenep, pourra penser à
autre chose, la place devant esire maintenant rendue^. C'est ce que
vous peut mander pour le présent.
Monsieur,
Vostre bien bumble et très aflectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHEUEL.
De Reins, ce 22' juillet 16/n '.
' Aire fut prise le 26 juillet.
' Elle capitula le 27.
^ Nous trouvons à la Bibliothèque im-
périale une lettre de la même dote adres-
sée par Richelieu à l'archevêque de Bor-
deaux. Cette lettre, qui sera notée aux
Analyses, est une addilion à une lettre
précédente ; elle reproduit mot pour mot
les quatre derniers paragraphes de la
présente épître à M. le Prince. Nous ren-
voyons également aux Analyses la mention
d'une autre dépêche du cardinal au même,
datée du ig, laquelle a été imprimée.
Richelieu félicite l'archevêque-amiral de
sa victoire navale , où douze galères espa-
gnoles ont été prises ou détruites. Le car-
dinal lui ordonne de suspendre les offi-
ciers qui ont manqué à leur devoir : • Si
vous m'aviés mandé leurs noms et la qua-
lité, et spéciBé les fautes, vous recevriés
avec cette dépesche des ordres plus pré-
cis pour le chastiment particulier des offi-
ciers qui ont mal fait je juge,
comme vous, du tout nécessaire de pur-
ger les galères de tous ceux qui sont plus
aspres au revenu qu'au péril.» Et, après
des détails de service, Richelieu continue :
« J'ay esté bien en peine de vostre mala-
106.
844
LETTRES
CCCCXXV.
Arcb. des Aff. élr. France, i64i, six derniers mois, fol. \k-j. —
Minute de la main de Clierré.
A M. DE CHARTRES.
Du i" aoust 1 64i.
Monsieur, M' Bouthillier m'ayant faict sçavoir les difficultés sur
die. Ayant aprins par le présent porteur
que vous vous portiés mieux à son parte-
ment, je veux croire que l'arrivée des
galères d'Espagne, ou au moins les douze
qu'ils ont perdues vous auront guéri. » 11
semble que ce succès ait aussimis Richelieu
en meilleure humeur à l'égard de l'arche-
vêque de Bordeaux. Nous avons remar-
qué depuis quelque temps, dans les lettres
du cardinal , une froideur à laquelle il
n'avait pas habitué cet ancien ami, et nous
en avons dit les motifs. Cette même dis-
position peu bienveillante , nous l'avon.s
vue encore dans une longue lettre du 8
juillet*. « Monsieur (commence Richelieu) ,
il est impossible de pouvoir satisfaire un
esprit qui, en peu de temps, conçoit di-
verses pensées comme le vostre. Je n'ay
jamais pensé le pouvoir faire; mais j'ay
bien faict estât de ne rien obmettre de
tout ce qui sera nécessaire pour vous don-
ner contentement aux fins du service du
roy. El puis le cardinal représente à
M' de Bordeaux tous les embarras qui
résultent de son humeur dillicile; il lui
rappelle tout ce qu'on a fait pour le mettre
en élat de bien servir; pour les difficultés
qu'on ne peut résoudre de loin, Riche-
lieu le renvoie au prince de Condé, auquel
l'archevêque se souciait peu d'avoir af-
faire , et la lettre , commencée en re-
proche, finit de même : » Il ne me reste
qu'à vous prier de vous rendre le plus
compatible que vous pourrés, ■ lui dit assez
sèchement Richelieu. — Cette lettre du
8 juillet .semble avoir été écrite sous l'im-
pression de divers rapports faits au car-
dinal contre l'archevêque de Bordeaux.
Nous citerons seulement ce fragment
d'une lettre du maréchal de Brézé à Cha-
vigiii, du 19 juin : « . . .L'on m'a aujour-
d'hui montré trois lettres de trois officiers
de l'armée de Catalogne, en date du 6' du
courant , par lesquelles ils marquent qu'il
y a très -grande nécessité et beaucoup
de maladie parmi leurs troupes, que les
ennemis attendent de très-grandes forces
par mer, et que l'on ne se promet rien
de bon de M. de Bordeaux , qu'on mande ,
en termes exprès ne faire contenance
d'homme de cœur, ni bien intentionné...
Ces nouvelles , qui ne sont pas trop bonnes ,
m'obligent à aller chez M°" deCavoys pour
sçavoir celles que M. de Cérignan luy
aura mandées. ..» (France, i64i,six pre-
miers mois, fol. 443.)
£Ue a aussi été imprimée ; nous nous bornerons donc à en donner l'indication à la fin du volume.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
845
lesquelles vous vous estes arrestez , et qui ont empesché la conclusion
du contrat du clergé ', je vous fais cette lettre pour vous conjurer
de contribuer tout ce qui dépendra de vos soins et de vostre adresse
pour les surmonter, et faire en sorte, avec Mess" les prélats qui agis-
sent avec vous en cette affaire, qu'elle soit terminée au plus tost,
sans s'arrester à des chefs qui, n'estant de nule conséquence au gé-
néral du clergé, le seroient beaucoup aux affaires du roy, ainsy que
M" des finances vous l'ont représenté. Il y a si longtemps que l'assem-
blée devroil estre finie, que je vous avoue que la continuation des-
plaisl infiniment à Sa Majesté et ne peut estre utile au clergé mesme.
Je vous conjure de faire voir à Mess" de l'assemblée la supplication
que je leur fais de s'accomoder avec M" du conseil, en sorte qu'on
la puisse finir'^. Il n'y a personne qui ne juge bien, je m'asseure.
' Boulhillier avait écrit au cardinal, le
3o juillet, une longue lettre où il expo-
sait par le menu les difficultés relatives
aux remboursements, aux emphytéoses,
aux preslimonies, toutes aflaires aujour-
d'hui peu intelligibles et surtout peu in-
téressantes. Boutliillier ajoute que, dans
le» conférences chez M. de Léon et
chez M. le chancelier, il n'a pas manqué
de mettre les traitants en présence des
députés de l'assemblée. «Ces députés,
dit-il en terminant, partiront demain ou
jeudi, pour aller, à mon jugement, faire
ce qu'ils pourront pour le service du roy
et le contentement de V. Em. Je croy
qu'une de vos lettres achèvera le tout. •
(Minute autog. de Bouthillier, ms. cité
aux sources, fol. i35.)
' Dans cette lettre, faite sur l'invitation
de Boulhillier, le cardinal parle au clergé
de conciliation. 11 écrit coup sur coup à
Bouthillier lui-même, tant il a hâte d'en
tinir. Le 3 août Richelieu lui dit : >Je
vous ay déjà escrit , comme j'ay escrit à
M' de Chartres, pour prier Me.'isieurs de
l'assemblée de s'accommoder avec vous
le plus raisonnablement qu'ils pourront
en la passation du contrat. Je vous con-
jure de la mesme chose, estant impor-
tant de faire finir la dicte assemblée. »
(Aux Analyses, 3 août.) Kt le lendemain U
Richelieu, qui ne craint jamais de trop
répéter, ni supplier, quand il veut être
obéi , dit encore au surintendant : « Je
vous ay conjuré déjà plusieurs fois de
vouloir mettre la dernière main à cer-
taines difficultés, sur lesquelles • il m'est
impossible de les condamner vous
conjurant de vous relascher de ce que
vous pourrés à ce que les affaires soient
terminées, ainsy que je fais à M" du cierge
de leur part. Le service du roy, aussy bien
que les intérests de M" du clergé , requiert
qu'on voye la fin de cette assemblée. El,
en vérité, il est important pour vous
qu'on ne croye pas que vous soyés de la
mesme humeur qu'esloit M. de Bullion
en ce sujet; ce que je vous dis, non pour
vous empescher de recevoir ce que la
raison vous doit faire attendre , mais pour
846
LETTRES
qu'après avoir duré six mois, comme elle a fait, il n'y a plus lieu de la
continuer.
CCCCXXVI.
Bibl. du Louvre, manuscrits de d'Argenson, t. XII, fol. 359. —
Copie de la main de Cherré.
AU MARQUIS DE RRÉZÉ \
[i"aoi'it 1641 ^?1
Mon neveu, nous avons avis deGenes^ que l'escadre de Naplesse
vous donner Heu de ne vous affermir pas
à certaines circonstances entièrement rui-
neuses pour les affaires du roy et inutiles
à celles de M" du clergé. » (aux Analyses,
à août.)
' Il n'y a point de suscription , mais
Cherré a mis au dos de cette pièce : « Cop-
pie de la lettre escrile à M' le marquis de
Brézé. » — Armand de MaiUé-Brézé était
fils du maréchal de ce nom et de la plus
jeune sœur de Richelieu. Il avait à peine
vingt et un ans lorsqu'en 1689 il eut le
commandement d'une escadre. L'année
suivante , « il attaqua et défit proche de Ca-
dix la flotte d'Espagne pour les Indes. . . ce
qui , dit Aubery , incommoda tellement les
Espagnols, qu'ils ne purent cette année
envoyer aux Indes occidentales. » (Liv. .VI,
p. 238 , Hist. de Richelieu.) De son côté, le
cardinal célèbre cet exploit de son neveu
dans la succincte narration dont on a fait
le premier chapitre du Testament politique
(p. 87 du 1" vol. édii. 1764). On sait que
ce jeune amiral fut tué d'un coup de ca-
non, sur son vaisseau, en 1646.
^ Celte copie n'est point datée. Ainsi
que nous allons le montrer tout à l'heure;
des nouvelles venues de Gênes semblent
autoriser la date que nous proposons. On
a mis après coup, en tète, pour le classe-
ment, une fausse date : « 1642. »
' M' d'Amontol, résident de France à
Gènes, correspondait avec d'Argenson,
ainsi qu'avec les généraux employés alors
en Provence et avec le marquis de Brézé,
qui commandait l'escadre ; Amonlot était
. chargé de les tenir au courant des prépa-
ratifs d'expéditions maritimes que faisaient
les Espagnols dans les ports d'Italie. Nous
trouvons dans ce tome 1 2 des mss. de
d'Argenson une suite de lettres du d. d'A-
montot sur ce sujet. Les nouvelles qu'il
donnait sur ce qu'il voyait à Gênes et d'a-
près les informations qui lui venaient
d'autres ports d'ilalie, étaient le plus sou-
vent incertaines, contradictoires même,
et se démentaient ou se rectifiaient d'une
lettre à l'autre. Parmi ces dépêches, celle
dont les renseignements se rapportent le
mieux aux circonstances rappelées dans
cette lettre de Richelieu est daté du à
juillet ; Amonlot y annonce que les vais-
seaux et galères venant de Naples et d'ail-
leurs, réunies à Ligourne, pourront faire
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 847
doit rendre à Llgoiirne le 3 , 4 ou 5 de ce mois. Elle est composée
de i3 gallères de Sicile et de Naples, et de k de Doria, de 20 vais-
seaux dont il n'y a que six de guerre, le reste estant vaisseaux mar-
chands qui portent des vivres et de l'infanterie et [\ ou 5oo chevaux
pour desbarquer à Tarragone ou à Rose. Je vous donne cet avis afin
que vous sachiés ce qui se passe.
Cependant je vous diray que la principale fin que vous devés avoir
est de favoriser la prise de Perpignan ; ce qui fait que si les ennemis,
au lieu d'aller à nous, vont droit débarquer leurs gens à Rose, comme
il y a apparence, ce sera à vous à faire ce que vous pourrés pour les
y aller incommoder, le port estant fort ouvert. Vous ferés le mesme
en cas qu'ils aillent à Tarragone ' ou à Tortose, pour fortifïler l'in-
fanterie de l'armée qu'ils destinent au secours de Perpignan.
Je suis sy asseuré que vous n'oublierés rien, avec bon conseil, de
ce qui se pourra pour avancer le service du roy, que je n'ay rien à
vous dire davantage.
voile ensemble vers « le commencement
du mois qui vient. > C'est ce qui nous fail
penser que la présente lettre qui parledu
rendez-vous de Ligourne pour les pre-
miers jours du mois courant, doit avoir
été écrite le i" d'août. (Dans ce temps-
là on disait Ligourne ou Livourne, et
plus souvent Ligourne.) — Nous trouvons
aussi dans le tome 3 des manuscrits de
Gènes, aux AIT. élr. (fol. 7^), qu'un sieur
Baumes embarqué sur la flotte, écrivant
à Mazarin le la août, date sa lettre, «De
devant Gênes, d'où nous parlons pour
Ligourne. >
' Un s' de Lavergne, attaché au mar-
quis de Brézé, écrivait au père du jeune
amiral une lettre datée : «De la nier vers
le cap St-Vincent, a5 septembre i64i-»
Il lui rend compte de leur navigation de-
puis leur départ de Lisbonne ... « Le roy
de Portugal nous avoil aussi proposé d'au-
tres desseins et empesché roesme , pour les
exécuter, de passer le destroit et d'aller
à Tarragone, selon que M** le cardinal
avoit témoigné à M. le marquis de le dé-
sirer, et dont M. le marquis et tous les
principaux de cette flotte avoient aussy un
extresme désir. Mais nous avons enfin
trouvé que ces projets de Portugal estoient
des desseins mal digères, et qui, à nostre
très-grand regret , n'ont peu réussir , et des-
quels pour s'expliquer davantage il fau-
drait un chiffre, ou avoir l'honneur de
le vous dire de bouche. » Le s' Lavergne
explique ensuite au maréchal de Brézé ce
que fera la flotte avant de revenir sur les
côtes de France. (Lettre originale, arcli.
de la famille de Brézé.)
848
LETTRES
CCCCXXVII.
Arch. de Condé, n° loi. — Communication de S. A. R. M*' le duc d'Aumale.
A MONSIEUR MONSIEUR LE PRINCE.
4 aoust.
Monsieur, L'importance
de l'affaire de Tarragone estant telle que vous sçavés, je prends la
plume pour vous conjurer de nouveau, ainsy que j'ay déjà faict plu-
sieurs fois, de n'oublier aucune chose de ce que vous pourrés à ce
qu'on en puisse avoir un bon succez ^
' Richelieu écrivait le même jour à
l'archevêque de Bordeaux, au sujet de la
même affaire : « M', le succez de l'entreprise
de Tarragone est de telle conséquence
pour mettre les affaires des Espagnols en
estât qu'ils soient contraincts de consentir
à une paix raisonnable, à laquelle jus-
qu'à présent ils n'ont peu se résoudre,
que le roy désire et veut que ses vais-
seaux el ses galères facent l'impossible
pour contribuer au dessein pris de faire
périr l'armée d'Espagne dans Tarragone. »
Puis Richelieu fait remarquer à l'amiral
qu'ayant pris sur cette côte plusieurs
ports il peut s'en servir, comme faisaient
les ennemis, pour rester à la mer, même
dans une saison avancée. Le cardinal
témoigne son étonnement de ce que
M. de Bordeaux se plaigne qu'on n'ait
point pourvu à la subsistance des galères,
le commis du s' Picard ayant porté à
Barcelone tout l'argent que l'amiral a de-
mandé. . . « le dessein auquel vous et M. de
La Motte estes embarquez, ajoute le car-
dinal , est de telle considération qu'il n'y
a rien qu'il ne faille faire pour le conduire
à bonne fin, et vous pouvés faire voir en
cettelettre,à tous ceux qui sont sous vostre
charge, que le roy ne pardonneroit ja-
mais à quiconque manqueroit à faire tout
ce qui est possible en une telle occasion. »
Enfin Richelieu donne à entendre à l'ar-
chevêque de Bordeaux que, comme on
n'a rien épargné pour lui fournir tous les
moyens de succès , il serait sans excuse
de n'en pas profiter. H y a, dans ce sé-
vère avertissement, une pensée qui tour-
mentait Richelieu, et qu'il n'exprime pas
nettement, mais que font deviner d'autres
documents ; ainsi, dès le 2 juillet, Chavi-
gni écrivait au maréchal de Brézé : « On
doute fort ici des intentions de M. de
Bordeaux, mais on ne sçait comment y
remédier; vous pouvez vousasseurerqu'on
ne perdra aucun temps pour le faire. »
(Arch. de Brézé.) Et bientôt on verra que
le mauvais événement de l'affaire de Tar-
ragone fut la cause principale de la dis-
grâce de l'archevêque de Bordeaux, pour
qui Richelieu fut longtemps un si actif
protecteur et un si utile ami. Cette impor-
tante et longue lettre ayant été impri-
mée dans la correspondance de Sourdis,
nous ne ferons que l'indiquer aux Ana-
lyses, mais nous avons dû en donner ici
le résumé.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 849
Sçachant, comme vous faictes, que les Catalans ne souffrent pas
que nos soldats soient un jour dans leur pays sans payer, je vous
prie de faire en sorte que M' d'Argençon ne soit jamais sans fonds,
du tout nécessaire à l'armée que commande M"' de La Motte.
On vous a mandé que nous y avons envoie soixante mil livres d'ex-
traordinaire sans que vous le sceussiés. Celuy qui vous a donné cet
avis a augmenté la somme de la moitié. Il est vray quej'ay envoie
trente mil livres de mon argent à M' d'Argençon pour erapescher
qu'en de petites choses extraordinaires un dessein si important vinst à
manquer faute d'argent, mais cela n'est point pour la subsistance de
l'armée, et c'est si peu de chose qu'elle ne vous doit point destourner
d'user de toutes vos diligences accoustumées à ce que les fonds que
vous y devés envoier préviennent tousjours leurs nécessitez.
Les capitaines des gallères ont dépesché icy un courrier pour de-
mander permission de se retirer en Provence à cause des maladies
qui travaillent la plus part des chiourmes, mais on n'a pas jugé à pro-
pos de la leur accorder, tant parce que l'armée navale dont elles font
la meilleure partie est du tout nécessaire au lieu où elle est jusques
à ce que l'affaire de Tarragone soit achevée, à quoy il ne faut rien es-
pargner, que parce aussy que, ayant quantité de porls en cette coste
dans lesquels les galères ennemies ont toujours subsisté, et de plus
ceux de Barcelonne, Palamos, et Cap de Quiers, les nostres s'y pour-
ront retirer lorsque la saison et le mauvais temps les y contraindra,
sans faire un si grand traject comme seroit celuy de Marseille.
Au reste, s'il estoit vray qu'au lieu d'avoir envoie cinquante miliers
de poudre à M' de Bordeaux, comme vous m'en avés asseuré par vos
lettres, vous ne luy en ayés envoie que vingt miliers, ainsy qu'il me
l'escrit, je ne me pourrois empescher de me plaindre de vous en ce
sujet, comme je fais du dict s"" de Bordeaux, s'il ne dict pas vray.
Cependant, craignant qu'il n'en puisse encores avoir besoin, je vous
conjure, lorsque vous aurés remplacé les cinquante miliers que je
veux croire que vous iuy avés faict fournir de pareil nombre que je
vous ay faict envoier de Lyon , de luy en envoier encores vingt-cinq
CAIUJIN. DE RICUELIED. — VI. I 07
850 LETTRES
niiliers, afin de luy oster tout lieu de se plaindre. Vous promettant
que j'auray soin moy-mesnie de les faire remplacer au plus tost.
Vous sçaurés maintenant la prise d'Aire qui ne se sçauroit assez es-
timer, le recouvrement de Donchery, que les ennemis avoient pris
sur cette frontière; et, à mon grand regret, la perte que j'ay faicle
de M' ie marquis de Coislin, dont je suis tellement affligé que je
ne vous en sçaurois dire d'avantage', remettant à M"^ de Noyers
à vous rendre un compte plus particulier de tout ce qui se passe.
Asseurés-vous tousjours de mon affection et de mon service, et que
je suis.
Monsieur,
Vostre ti'ës humble et trës affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Mezières, ce 4" aoust.
' La mort de cet ami , dont Richelieu
s'élait fait un parent par alliance, l'avait
singulièrement louclié ; il n'écrit pas de
lettre un peu intime qu'il n'en parle ; la
veille il mandait à Boutliillier : » Je ne
sçaurois vous tesmoigner l'oflliclion que
j'ay de la mort du pauvre M. de Coislin;
c'est un escliantillon des avantages que je
puis retirer de la guerre. Je prie Dieu de
tout mon cœur qu'il nous donne la paix,
et me remets entièrement à toutes ses vo-
lontés. » (Aux Analyses). — « M. le cardi-
nal (dit Arnaiild dans sa correspondance,
1 1 août) est très-sensiblement touché de la
mort de M. le marquis de Coislin, il en a
pris le deuil; le roy a esté aussylostle voir
pour le consoler. » — Et quant à la paix,
on commençait à croire que Richelieu
la désirait véritablement. «On dit (c'est
encore Arnauld qui l'écrit) que M*' le
cardinal songe tout de bon à la paix géné-
rale,» a8 juillet ; et le ao octobre: «Il
est asseuré que M'' le cardinal travaille
tous les jours aux instructions de l'an:-
bassade de la paix. Maz-arin mènera plus
de 8o personnes en son voyage. » C'était
ce grand traité de Westplialie que Riche-
lieu méditait et ébauchait alors.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
851
CCCCXXVIII.
Arch. des Aff. étr. France, iC^i, six derniers mois, fol. 168, copie':
fol. 17^, mise au net de la main de Cherré (non datée) ; fol. 1 66, copie' ; fol. 261 , copie.
Bibl. imp. Béthune, QsSy, fol. 109-112. — Copie.
5 aoust.
* Monsieur le duc de Bouillon estant venu très-humblement suplier
le roy de vouloir iuy pardonner la faute qu'il a faicte de se séparer
de la fidélité et de l'obéissance naturelle qu'il Iuy doict, traittant avec
les Espagnols et prenant les armes avec eux contre son service , en
considération de M' le comte de Soissons ;
Après avoir tesnioigné un extresme repentir d'un tel crime, déclare
qu'il renonce à tous les traittés qu'il a faicts soit avec le roy de Hon-
grie, soit avec le roy d'Espagne et le cardinal infant, par leurs mi-
nistres, et protesté qu'il aymeroit mieux mourir non seulement que
d'y retomber jamais, mais mesme que de despiaire ainsy qu'il avoit
faict par le passé, à Sa d. Majesté, en recevant, en sa place de
Sedan, sans son consentement, des personnes mescontentes de Sa
Majesté et mal affectionnées à son service , Sa d. Majesté ne doublant
point de la vérité du repentir que tesmoigne le d. s' duc, et croyant
' De la main d'un commis de de
Noyers, et cette copie vaut un original,
attendu qu'elle porte la signature de Su-
blet après le mol coUationné.
' Cette antre copie est aussi de la main
d'un commis de de Noyers; Cherré a mis
au dos : iCoppie de l'escril particulier
donné par M' le duc de Bouillon pour
demander pardon au roy d'avoir Iraiclé
avec les ennemis et porté les armes contre
son service, dont la forme Iuy avoil esté
envoyée, signée du roy, et conlre-signée
de M. de Noyer», du 5* aoust i64i. • Le
feuillet 167, où était cette annotation de
Cherré, ne se trouve plus dans ce volume,
qui, dans le nouveau classement, porte le
numéro 97.
' Les manuscrits ne donnent point de
titre à celte pièce; seule la copie de Bé-
thune mel en tète : Premier accommode-
ment de M. le duc de Bouillon avec le roy.
Ce mot de « premier » s'explique par cela
que le manuscrit fait suivre cette pièce du
traité conclu pour la cession de Sedan
après la conspiration de Cinq-Mars, traité
que ledit manuscrit intitule Second accom-
modement. »
I09.
852
LETTRES
que sa fidélité sera à l'avenir telle qu'il le promet, luy a pardonné et
pardonne volontiers, en cette considération, comme aussy à tous les
gentilshommes ou autres particuliers qui pourroient estre recherchez
pour avoir trempé en son crime, soit en sa considération soit en celle
de feu M*^ le Comte, et déclare, par le présent escrit, vouloir à fad-
venir avoir sa personne et sa place en la mesme protection qu'il les
a eues jusques à présent, ainsy que le d. s' duc fen a supplié. En
considération de quoy Sa d. Majesté fera expédier au d. s'' duc toute
abolition nécessaire en bonne et valable forme à ce qu'il ne puisse
estre recherché du crime auquel son malheur l'a porté contre le ser-
vice de S. M.' Faict à Mezières, le 5 aoust lô^i. Signé Louis, et
plus bas : Su blet.
Je promets au roy de satisfaire fidellement aux conditions expri-
mées cy-dessus, en considération desquelles il plaist à Sa Majesté
de me pardonner. Faict à Sedan, cinquième^ jo^'' d'aoust i64i.
Signé F. M. de la Tour^.
' Pourveu que les restes du party que feu M"^ le comte de Soissons
avoit formé contre le service du roy demeurent esteintz par la fidélité
que M. de Bouillon proteste et promet de rendre au roy, S. M. veut
bien déférer à la prière que madame la Comtesse, M' le duc de Lon-
' Il Registrée en la cour du parlement. »
Celte phrase se lit dans la copie signée
Sublel, fol. 173.
' «Le sixième,» dans la même copie
collationnée et signée Sublet, ainsi que
dans l'autre copie, fol. 261, ms. des Aff.
élr. C'est la véritable date.
' Cette promesse est également trans-
crite dans la copie du ms. des Aff. élr. avec
cette annotation : nEt au dessoubz est
escrit de la main de M' le duc de Bouillon :
Je promets , etc. »
' Ce qui suit n'est poinl dans le ms.
des Aff. étr. aux folios 166 et 17/1 ; mais
on le trouve aux folios 176 et 179, de la
main d'un commis de de Noyers. Cette
copie est signée Sublet, après le mot colla-
tionné; c'est évidemment la suite de la
pièce du folio 168, quoiqu'elle en soit sé-
parée par cinq feuillets. Aux folio.s 277 et
282 du même manuscrit sont deux copies
de cette partie de la pièce, depuis n pour-
veu que, »elc. Ily a quelques inexactiludes
dans la copie de Béthune; nous n'en avons
maixjué que deux. La d. copie d'ailleurs
contient un paragraphe qui n'est pas ici.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 853
gueville et IVT de Bouillon luy font d'user de sa bonté envers la
mémoire de feu M"" le comte de Soissons, en faisant cesser les pour-
suittes que Sa Majesté a ordonné estre faictes en son parlement contre
le d. s' Comte, et permettant que son corps soit porté en France pour
y estre enterré', ce que Sa Majesté n'accorde qu'à condition que
M' de Bouillon demeure dans la fidélité qu'il promet au roy.
Le roy trouve bon de pardonner à tous les gentilshommes, officiers
et autres particuliers nobles ou non, qui se sont unis à feu M"" le
comte de Soissons et au d. s" duc de Bouillon et duc de Guise contre
le service de Sa Majesté, depuis que M"" le Comte est entré dans Se-
dan ; et les restablir en leurs biens, en Testai qu'ils se trouveront à
présent*, à l'exception du baron du Bec.
S. M. ne trouve point mauvaise la supplication que M. de Bouillon
luy a faicte en faveur de M"' de Guise; mais, ayant encore tesmoigné
la mauvaise volonté qu'il a pour la France depuis la mort de M"' le
Comte, il n'y a personne qui ne doive juger que la raison veut que
S. M. face distinction de la conduite de M' de Bouillon et de celle de
M' de Guise, pardonnant au premier et non au second.
Le roy fera observer la protection accordée par Sa Majesté à M' le
duc de Bouillon pour sa personne et la souveraineté de Sedan en
mil six cens seize, et envoyera le renouvellement de la d. protection
en son parlement de Paris; recommandant à ses officiers d'y faire
favorablement ce que la justice pourra permettre.
Le roy maintiendra M' le duc de Bouillon au rang qui luy peut
appartenir '.
' Au lieu de la fin de ce paragraphe sa persévérance en son devoir jusques à
la copie du folio 377 met : • mais d'autant la paix, »
qu'il seroit honteux à S. M. d'user de ' Les derniers mots de ce paragraphe
telles grâces si les troubles commencez à sont omis dans la copie du folio 277, ainsi
Sedan venoient à se renouveler s. d. m. que tout le paragraphe suivant,
ne s'oblige de se relascher en ce point ' La copie du folio 377 ajoute :« et que
qu'au cas que le d. s' de Bouillon de- les siens et luy ont eu en France jusqu'à
meure en la fidélité qu'il doit et promet présent. »
au roy, dont elle se tiendra asseurée par
854 LETTRES
' S. M. fera jouir les habitans de Sedan et du vicomte de Turenne
des privilèges qui leur ont esté accordez par ses prédécesseurs.
Le roy ordonnera à M"" Bouthiliier, surintendant de ses finances,
d'examiner les assignations qui ont esté données pour la protection
de Sedan depuis 1687, et, au cas qu'elles ne soient pas bonnes, il
luy commandera de les faire valoir. Et si mesme il ne reste, comme
dict le d. s' duc que vingt-deux mil quatre cens livres^ des années
I 635 et 36, qu'il ne soit entièrement satisfaict de ce qu'il prétend
luy estre deub des dictes années, Sa Majesté trouve bon qu'ils luy
soient payez actuellement.
Le roy trouve bon de faire payer actuellement la moitié de tout
le canon qui a esté pris en la journée de Marphée ^ et dans la place de
Donchery, le d. s' de Bouillon déclarant, comme il faict, qu'il ren-
droit tout sans aucun prix, si la moitié du d. canon ne luy avoit esté
laissé en deppost par Lamboy.
M' de Bouillon déclarant qu'entre tous les prisonniers qui sont à
Sedan, il y en a 20 ou 3o qui appartiennent au d. Lamboy, à la
prière des quels il s'est rendu respondant envers luy de leur quar-,
tier, au cas que S. M. en veuille establir un avec le d. Lamboy pour
tous les prisonniers qui seront pris de part et d'autre à i'advenir,
S. M. a trouvé bon que le d. quartier soit establi avec le d. Lam-
boy, mareschal de camp du roy de Hongrie, ainsy qu'il a désiré, et
qu'en cette considération le quartier des prisonniers qui luy appar-
tiennent soit actuellement payé à M' de Bouillon pour luy faire
tenir.
Lorsque M' de Bouillon viendra auprès du roy, avec la résolution
qu'il proteste vouloir avoir, il y sera très-bien receu, et Son Eminence
se rendra volontiers caution, auprès de Sa Majesté, que le d. s*^ duc
rompra tout commerce, et n'aura jamais aucune intelligence avec les
ennemis; qu'il licentiera les troupes qui avoient esté levées tant par
Ce paragraphe manque dans la copie fol. 2775 « trente trois, • copie de Béthune.
du folio 277. ' Le copiste de Béthune a estropié ce
' « Dix ou douze mille livres , » copie du nom , qu'il a écrit ; « Manpl. "
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 855
luy que par feu M'' le Comte ', eu la meilleure forme qui sera con-
certée et arrestée entre Son Eminence et le d. s"' duc de Bouillon,
en sorte que Sa Majesté n'en soit point desservie.
* Je déclare que le roy a trouvé bon que je promisse en son nom
à M' le duc de Bouillon le contenu cy-dessus. Ce que je promets, de
sa part, faire exécuter religieusement. Faict à Mezières, le cinquième
aoust rail six cens quarante un. Signé le cardinal de Richelieu.
Je déclare estre satisfaict de la promesse cy-dessus que me faict
monsieur le cardinal duc de Richelieu, le quel je conjure de respondre
au roy de ma fidélité, luy prolestant, sur ma foy et sur mon hon-
neur, que je mourrois plus tost que d'y manquer, en quoy que ce
puisse estre. Faict à Sedan le sixième jour d'aoust mil six cens qua-
rante un.
Signé T. M. de l\ Tour ^.
Coilatioimé
SCBLET.
Les diverses pièces de la négociation faite avec le duc de Bouillon ont été
réunies dans le ms. des AIT. ctr. cité aux sources, fol 261 — 297, et l'on conserve
au Dépôt de la guerre, en original sur parchemin, la «Requeste du duc de
Bouillon au roy, en mettant ses Estats sous la protection de S. M. « et le texte
du serment prêté par le duc. La première pièce est datée du 1 2 août et la se-
conde du 12 octobre. (Tome 67, pièces 181 et 21 5.)
' Ici, dans la copie du folio ^77, au Ion, en le faisant précéder de ces mois :
lieu de ce qui siiil, on a mis quelques « A l'expédition des articles fournis à M' de
délails de la suite de la négociation. On y Bouillon il y a au bas : Je déclare, etc. »
trouve aussi la copie delà créance donnée ' En conséquence de celte promesse,
par le duc de Bouillon à M. de Real, et la une déclaration du roi fui enregistrée au
copie de deux leltns de de Noyers à parlement le a septembre et publiée dans
M' de la Croiselte, ainsi que d'une lettre la Gazelle du 1 1, p. Gof). Et dans la Gn-
de celui-ci à de Noyers. zette du 1 4 on lit : « L'unzième de ce mois
' Ce paragraphe n'est point dans le fut atlaclié par l'exécuteur de la haulejus-
ms. des AO. élr. fol. 176, mais il est lice, en la place de Grève, le tableau con-
dans l'autre copie, fol. 261. Dans la copie tenant l'arresl de condamnation de naori
du folio 282 on l'a daté du 6 août, et on contre le duc de Guise, pour crime de
l'a mis fipris la signature de M. de Bouil- lèze majesté. » (P. 620.)
856
LETTRES
CCCCXXIX.
Archives de la famille de Bouthillier. — Original.
[A M. BOUTHILLIER'.]
De Roye , ce 18' aoust 1 64 1 .
J'ay receu vos dépesches des i 2 et i5"* de ce mois, par lesquelles
ayant veu qu'enfin les affaires du clergé sont achevées^, et le contract
signé avec M"^* les commissaires du conseil, je n'ay point d'autre res-
ponse à vous faire, sur ce sujet, sinon que je suis très-aise que vous
en soyés sorty comme vous avés faict.
Pour ce qui est de ia déclaration accordée à M" du clergé en fa-
veur de leurs fermiers et receveurs, j'estime, comme vous, qu'il n'y a
nulle apparence d'y adjousler l'exemption des subsistances pour les
raisons que vous m'avés mandées, et qu'il la fault laisser en la sorte
qu'elle a esté cy devant donnée. J'escris, sur ce sujet, à M"^ de
Chartres, ainsy que vous l'avés désiré, et vous envoie ma lettre. J'avois
déjà sceu l'émotion arrivée à Grenoble sur le sujet de l'establissement
de la subvention générale dans la ville, dont j'ay eu beaucoup de
desplaisir. Je croy qu'il n'y a rien à faire maintenant en cette affaire
et en celle de la Bourgoigne que ce qu'a desjà faict Mons"' le chancelier
et ce que vous me mandés.
J'ay esté extresmement aise de voir que vous ayés satisfait à toutes
' Il n'y a point d'indication de la sus-
cription , mais Bouthillier a mis au dos la
note de réception.
^ L'assemblée de Mantes s'avançait vers
son terme; un contrat avait été passé le
i4 août', et l'évêque de Chartres écrivait
* « Contract fait et passé entre le roy et le clergé de
France, assemblé par permission de S. M. en la
ville de Mantes, le i li" jour d'aoust i6ii, à Paris
chez Antoine Vitray, in-4°. Il est passé devant no-
au cardinal le a 1 : « Nou.s signasines hier
le département, et demain je dois dire la
messe de la conclusion de l'assemblée ; et
après cela chacun se séparera. Ainsv la
voilà finie, grâce à Dieu! » (AIT. élr. France,
16^1, six derniers mois, fol. 246.)
taire, et signé, est-il dit, des seigneurs du clergé
et des seigneurs commissaires du roy. Ce document
est conservé aux arch. des Atf. étr, France , tome 97,
fol. 196.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 857
les despenses'dont M" de Noyers vous a escrit pour le service du roy.
La diligence que vous apportés tousjours en telles affaires m'oblige
et me satisfait plus que je ne vous le sçaurois dire. Je ne vous convie
point à la continuer, sachant bien que vous n'y manquerés pas. Puisque
vous jugés avoir besoin du s' Besançon pour faire payer ceux de Tours
de ce qu'ils doivent, on vous l'envoiera le plustost qxi'il se pourra.
Pour ce qui est des 1 8,000^ que vous avés promis pour distribuer,
sous main, à quelques particuliers de l'assemblée', sous prétexte de
gages du conseil, je n'ay rien à dire sinon que vous le devés faire
puisque vous vous y estes engagé, mais prenés garde qu'il n'y ait de
la friponnerie en celte affaire, que vous devés empescher autant que
vous pourrés, prenant cognoissance de ceux à qui on deslivrera cette
somme.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Le manuscrit met : « par"' ; » s'agil-il
de membres de l'assemblée ou de simples
agents? La vénalité était dans les mœurs
de ce temps -là; nous avons ici de cu-
rieuses révélations à cet égard. Nous li-
sons dan» la lettre précitée de l'évêque
de Chartres : « La violence a passé jus-
ques-là qu'on vouloit chasser le s' de Lor-
maison de sa charge malgré luy, et luy
donner pour commis Calcavy. Il n'y a
voye que l'on n'aye tenlée pour m'amener
à cette opinion; les justes (louis d'or, de
Louis le Juste) m'ont esté offerts pour
consentir à cette injustice, et jusques à
vingt sept mil livres d'argent content,
oultre quelques douceurs. . . Ce n'est pas
que de ces grandes offres ( ajoute Léonor
d'Étampes avec une inlenlion assez peu
déguisée) je veuille me prévaloir de mé-
riter que V. Em. songe à mes intérests ,
au contraire » (M. de Chartres n'y
perdra pas, Hichelieu lui donnera bientôt
l'archevêclié de Reims, l'un des plus riches
de France). « Tous les autres de l'assemblée
ont esté tentez par les mesmes voyes. ..
Les offres d'argent à ceux de l'assemblée
ont esté accompagnées de menaces, et
l'un d'eux a parti de son carosse avec ses
gens portant bastons pour excéder Lor-
maison, et, sans que cela fust descouvert,
il l'eust faict assommer. » Et puis l'évêque
de Chartres raconte l'affaire de l'agence
de Hugues, dont il sera question tout à
l'heure.
ctr.DiN. m: richklikIj.
M.
108
858 LETTRES
ccccxxx.
Archives de la famUle de Bouthillier. — Original.
SUSCRIPTION:
POUR MESSIEURS LE CHANCELIER ET LE SURINTENDANT,
À AMIENS.
D'Amiens, ce 2 2 aoust 16/11.
Les désordres que nous avons rencontrés en Champagne et en Pi-
cardie sur le sujet non pour restablissernenl du sol pour livre quant
au principal, mais sur la demande que les traitans font de la taxe
qu'ils prétendent devoir lever à l'esgard du passé pour l'inventaire
des boutiques, m'obligent à prendre la plume pour dire à messieurs
du conseil que, s'ils ne tempèrent leurs traitans au desrèglement de
leur demande, il est impossible d'esviter une révolte.
Le désordre est tel qu'on n'a point eu de honte de demander cent
cinquante mille livres pour l'inventaire des boutiques en Picardie,
qui ne porte que cent mille livres d'impost principal par an. Nous
avons trouvé tel particulier condamné à 5oo** pour le dit inventaire
dont la taxe d'un an ne peut aller k 2^^.
La grandeur des sommes qu'on veut exiger des peuples sur ce su-
jet les met au désespoir et met au hasard le principal du sol pour
livre que les provinces veulent souffrir volontairement.
Je croy mesme que l'on porteroit les villes et les peuples à payer,
pour le dict inventaire, quatre mois du passé sur le prix de la taxe
qui leur est faicte pour l'année entière.
Si Messieurs du conseil en demandent davantage, je croy qu'ils au-
ront tort; et non-seulement doivent-ils accepter promptement l'offre
qui leur est faicte, mais donner ordre à faire aussy promptement ces-
ser l'appréhention qu'ont les peuples qu'on continue les vexations
qu'on leur a faictes sur ce sujest'.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Bouthillier répondit au cardinal le sujet de les blasmer (les traitants du sou
■2~ août « V. Em. n'a que trop de pour livre), et elle aura, s'il liiy plaist ,
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 859
CCCCXXXI.
Arch. des Aff. étr. France, i64i, six derniers mois, foi. 25i. —
Original.
snSCRIPTION :'
POUR M. LE SURINTENDANT,
À PABIS.
D'Amiens, ce 28* aoust i6ii.
Ce billet est pour faire sçavoir à M"" le surintendant que M" de
Brézé et de La Melleraie ont heureusement commancé leur diversion
dans la Flandre, et que nous espérons, avec l'ayde de Dieu, que la
suite en sera bonne.
M"^ de Brézé a pris en vingt-quatre heures une ville nommée Lens,
qui s'est rendue par estonnement, et qui pouvoit tenir huict jours.
Et M' de La Melleraie en a pris une autre en soixante heures, ap-
pelée la Bassée, quoyqu'il y eust plus de 1,600 hommes de guerre,
sans les habitans, qu'elle soit fortifiée de 8 bastions, et en une sci-
tuation sy avantageuse que, si les travaux estoient parachevés, ce qu'on
peut faire aisément, la place ne vaudroit guère moins qu'Aire.
. On fera ensuille tout ce qu'on pourra pour incommoder les enne-
mis; Dieu par sa bonté fera le reste; nous travaillerons comme s'il
n'estoit point de la partie et nous nous confierons en luy comme s'il
avoit entrepris de faire seul nostre besoigne.
Vostrc héritier ' est arrivé icy en bonne santé, parle retour duquel
j'ay esté bien aise d'aprendre que vous soyés en pareil estât.
Le Gard. DE RICHELIEU 1.
agréable que je luy dise, que desjà, sur au quartier d'hiver prochain, tout ce que
semblables plaintes, nous avons donné un nous pourrons pour ne rien émouvoir;
arresl général pour arrester la poursuite mais cncores faut-il essaier d'en tirer
de toutes les taxes qu'ils ont faicles, sur quelque soulagement, dans le besoin que
lesquelles nous suivrons i'advis de V. Em. l'on en a.» (Archives des Affaires étran-
comme un commandement très-juste... gères, France, i64i> six derniers mois,
Nous ne manquerons pas d'apporter, en fol. a5o.)
celte sorte d'affaire très-délicate jusques ' M. de Chavigni.
108.
860
LETTRES
CCCCXXXII.
Arch. de Ja maison de Brézé. — Mise au nel de la main de Cherré.
[28 août i64i "?]
Nous niareschal de LaMelleraie , lieutenant général d'une des armées
du roy qui sont présentement en Flandres, déclarons, de la part du
roy, que toutes les villes qui voudront se tirer de la puissance d'Es-
pagne, et prendre la protection de Sa Majesté demeureront libres et
recevront un sy favorable traitement, que non-seulement leurs privi-
lèges leur seront-ils conservés, mais en outre leur seront augmentez;
qu'ils ne recevront aucune vexation des gens de guerre, qu'il ne sera
.pris aucun denier sur eux, Sa Majesté ne désirant autre chose sinon
qu'ilz luy donnent asseurance de n'adhérer plus à l'avenir aux ennemis
de son Estât, et de se délivrer du mal qu'ilz en reçoivent^.
Au dos de cette pièce M. de Brézé
cril à M" de Lisle. » Ce projet avait été
' Le manuscrit ne donne point de date
à cette pièce; nous la mettrons au 28 août,
veille du jour où les généraux ont écrit
celle qu'ils y ont substituée.
' Richelieu ne négligeait aucun moyen
de mettre à profit, contre les Espagnols,
J'heureuse rencontre de succès qui favo-
risait en ce moment la cause de la France.
11 espérait surtout, pour les affaires du
nord, en la coopéralion de la Hollande,
et il s'efforçait de communiquer au prince
d'Orange, ainsi qu'aux Etats, ce zèle ac-
tif et cette chaleureuse ardeur dont lui-
même était animé. Nous notons aux Ana-
lyses deux dépêches écrites le même jour
( I a août ) à M. de La Thuillerie , ambassa-
a mis : « Projet sur lequel nous avons es-
envoyé par le cardinal aux deux généraux , ,
deur de France à la Haye, et à M. d'Es-
trades , dont la mission extraordinaire avait
pour objet de presser, dans celte circons-
tance, l'exécution des engagements pris
par eux. a Bien que je ne doute point,
écrivait Richelieu au comte d'ENlrades,
que les iiiléresls de M" les Estais et
de M' le prince d'Orange ne les por-
tent à faire quelque entreprise fort con-
sidérable en une conjoncture si favo-
rable pour eux, pressés -le; jamais il
n'aura une si belle occasion nous
ferons de nostre part plus que nous ne
promettons j'ay respondu au roy
que le prince fera ce qu'on en sauroit
attendre. •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 861
qui ont trouvé*bon d'y faire quelques changements. Il ne nous semble pas sans
intérêt de montrer comment ces messieurs ont corrigé la pensée si nette, si pré-
cise de Richelieu; le brouillon de leur contre-projet se trouve joint à cette pièce;
il est de la main de M. de Brézé, qui a mis au dos :
« Copie du projet pour envolera Lisle, le 29° aousl i64i. »
• Les mareschaux de La Melleraye et de Brézé, généraux des deux armées
du roy :
« Sa Majesté très-chrestienne nous aiant envoies ici avec deux grandes armées
pour deslivrer les provinces du Pays-Bas de l'oppression soubs laquelle elles vi-
vent depuis si longtemps, après nous eslre saisiz des passages de la Bacée, Pont-
avendin et Lens, nous avons creu estre obligez, avant que de passer plus avant
dans le pays, de faire savoir à un chacun que ce n'est point l'intention du roy
noslre maistre que ses armes facent aucun mal à qui que ce soit qu'à ses enne-
mis, de sorte que, s'il y a quelques villes qui veillent quiter ceste qualité là et
accepter la neutralité, après nous en avoir donné les assurances sur ce nécessaires,
nous serons tous près d'esloigner les troupes, en sorte qu'ils n'en recevront au-
cun doumage , noslre dessein estant de les tourner seulement contre ceux qui
ne voudroient pas accepter ce parti, qui leur est si avantageux, exersant en ce
cas là tous les actes d'hostilité à leur endroit. — Fait ce 29° aousl. » — Dans
celte flasque paraphrase les généraux ont supprimé précisément l'article prin-
cipal de la déclaration : « Toutes les villes qui voudront se tirer de la puissance
d'Espagne, et prendre la protection de S. M. demeureront libres... »
NOTA.
3o août.
Après la clôture de l'assemblée de Mantes, les députés dont elle était compo-
sée durent, selon la coutume, aller prendre congé du roi, le 3o août. S. M. se
trouvait alors à Amiens, ainsi que Richelieu. L'évêque de Grenoble (Paul Scar-
ron) était chargé de complimenter le roi et le cardinal. Deux mémoires furent
préparés pour la réponse du roi, l'un où l'affaire était exposée avec quelques dé-
tails, l'autre plus succinct; il est probable que ce fut ce dernier que Louis XllI
prononça ; le premier avait sans doute pour objet de bien lui rappeler les faits :
.MÉMOIRE POUR LE ROY.
• Lorsque M" du clergé auront achevé la harangue, ils présenteront à S. M.
M" de Grignan et Hugues, agens nouveaux.
862 LETTRES
« Le roy dira, s'il iiiy plaisl, que, par les lettres qu'il escrivit l'année passée aux
provinces d'Ambrun et d'Arles, il leur commanda de ne nommer point d'agens,
et qu'ils différassent jusques en l'année i645 à faire la d. nomination. Et leur
ayant escril cette année il leur manda qu'il convoque une assemblée du clergé
pour traiter du secours qu'ils doivent donner à S. M. sans pouvoir traiter d'autres
allaires. Au prc^udice de quoy la province d'Arles a esté convoquée, tant pour
aviser aux affaires du roy que pour nommer un agent, et ont nommé M. l'abbé
de Grignan.
« Et quant à la province d'Ambrun , l'archevesque n'a point voulu convoquer sa
province, n'en ayant aucun ordre du roy, et les deffenses portées par ses lettres
de l'année passée n'estant point levées ; nonobstant quoy, la d. province assem-
blée a nommé deux agens, sçavoir: la pluralité des voix a nommé le s' Gassendy,
et deux voix seulement ont nommé le s' Hugues. Lesquels agens se sont trouvés à
l'ouverture de l'assemblée générale de Mantes, où moyennant 8 mille livres
données à Gassendy par Hugues, et ce par l'entremise de M. de Tolose, le d.
Hugues est demeuré agent. . . c'est pourquoy le roy deffend aux agens d'Arles
et d'Ambrun d'en exercer la charge. Que, pour ne point préjudicier au clergé et
au droit des provinces, il escrira aux archcvesques d'Arles et d'Ambrun, et leur
donnera permission de convoquer leurs provinces pour nommer des agens, avec
cet ordre néanlmoins qu'il ne désire pas que le s' Hugues soit nommé, ayant
achepté sa place sans aucun droit; et mesnie qu'il a osé dire à M. d'Hémery, lors-
qu'il luy parla des affaires da roy pendant l'assemblée, qu'il estoit engagé, et
qu'il ne luy pouvoit accorder pour le roy ce qu'il lui demandoit.
■ Et qu'en attendant que le roy envoie ses ordres dans lesd. provinces, afin que
les affaires du clergé ne demeurent pas, il commande au prieur -de St-Denis,
l'un des anciens agens, d'exercer la d. charge, sachant qu'il s'en acquittera digne-
ment i. (Arch. des Aff. étr. France, t. 99. Mise au net de la main de Charpen-
tier.)
• Il faut une lettre de cachet pour le d. s"^ de St-Denis en ces termes : « Nostre
amé et féal , n'aiant pu recevoir les agens du clergé nommés par la province d'Ar-
ras et d'Amiens ^- . . je vous fais cette lettre pour vous commander d'exercer ce-
pendant la d. chaîne, sachant que vous vous en acquitterés dignement. »
MÉMOIRE POUR LE ROY'.
[3o août i64i.]
Messieurs, comme j'ay esté niescontenl de quelques-uns de vostre
' Richelieu a rais en quatre lignes les ' Minute de la main de Cberré (ois.
raisons déduites dans le mémoire. précilé.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 863
compagnie, je suis très-satisfaict de vostre corps ; je l'affecticHne et le
protégeray en toutes occasions.
Après cela les depputez présenteront les agens suppliant le roy de
les recevoir. — Lors le roy dira :
Je ne puis recevoir ces agens parce qu'ils ont été faicts sans ma
permi.ssion, et contre toutes les formes, et que celuy d'Ambrun a
donné de l'argent,
M"" le cliancelier vous fera sçavoir à Paris l'ordre qui devra estre
tenu pour une nouvelle eslection. Et, en attendant, je désire que le
prieur de St-Denis face les affaires. (Min. de la main de Clierré, ms.
précité.)
Les deux harangues de i'évêque de Grenoble furent publiées; celle qui s'adres-
sait au cardinal était d'un bout à l'autre un panégyrique complet et parut telle
qu'elle avait été prononcée. Quant au discours adressé au roi, et f|ui, selon
l'u.sage, devait être en forme de remontrance, comme le titre l'indique, il y fallut
quelque précaution. Richelieu, mandant à Séguier ce qui s'était passé en l'au-
dience donnée par le roi aux députés, terminait ainsi sa lettre :
Monsieur le chancelier saura que M' de Grenoble a dit, dans sa
harangue, des choses assez mal à propos. Je l'ay averti, de la part
du roy, de ne la pas faire imprimer sans estre tout à faict corrigée;
il l'a promis fort volontairement. Monsieur le chancelier la deman-
dera et la corrigera devant que de luy en permettre l'impression.
Cette lettre datée d'Amiens , le 2 septembre, a été imprimée dans les mémoires
de Montchal ', nous n'en avons point trouvé l'original. Nous n'avons pas non plus
celui de la harangue prononcée devant le roi, que nous aurions voulu comparer
avec le texte corrigé.
Le cardinal fit payer argent comptant les complaisances de quelques-uns des
députés de l'assemblée. Le bruit courut qu'il avait été distribué 5o,ooo écus à
ceux qui avaient bien servi le roi. La somme était sans doute exagérée, mais
tout ne fut pas payé en écus ; les riches bénéfices et autres dons valaient mieux
' Edition de 1718, où elle est rejelée à la fin des mémoires, p. 789, avec la fausse
date du 27 novembre.
864 LETTRES
que l'aident. Si l'on ne savait qu'en pareil cas la générosité est discrète, il en
faudrait beaucoup rabattre, selon une lettre de Boulhillier au cardinal du i" oc-
tobre : « Monseigneur, dit le surintendant, suivant le commandement de V. Em.
les quatre capitulans nommés par une des lettres^ qu'il vous a pieu de m'escrire
ont receu chacun mil livres ; M" les évesques de Sisteron , de Senès, de Grenoble,
de Nantes, de Boulogne ont receu le premier quatre, et les autres chacun deux
mil livres; c'est en tout 16 mil livres, qui est deux mil liv. de moins que M. de
Chartres m'avoit dict qu'il seroit à propos de distribuer à ceux de l'assemblée qui
serviroient bien le roy, com.me véritaljlement ceux-là ont faict. M' de Vabres a
demandé ; j'ay creu qu'il se debvoit contenter de ce qui luy a esté ordonné
sur son dioceze pour restablir son église et la maison épiscopale ; joinct la pro-
vision qu'il porte tousjours avec luy dans son carosse. J'eusse bien volontiers refusé
M' de Grenoble, mais il a demandé en aumosne, disant que le roy ne ponvoit
donner à plus pauvre qu'à luy, et je croy qu'il dit vray par sa mauvaise con-
duite; il pleuroit comme un enfant que l'on chastie. Le seul évesque d'Authun
s'est conduit en vray gentilhomme et n'a rien demandé, quoyque je luy aye
donné lieu de le faire; au contraire il s'en est esloigné, et il a très-bien servi.
Il désire seulement la coadjutoi-erie d'une abbaye de filles qu'a une sienne tante
fort âgée pour une de ses nièces, (ille du comte de Songes, son frère... » (Arch.
des AIT. étr. France, i64i , six derniers mois, fol. 378.) On voit que chacun se
faisait sa part, même les plus désintéressés.
' Les archives de la famille de Bou- ses prétentions à Ij graiificalion, «distri-
thillier nous onl donné trois de ces lettres; buùesous main sous prétexte de gages du
dans l'une, du 1" septembre, le cardinal conseil.» (Ci-dessus, p. 867.) Quant à
mandait au surintendant : «Les o" abbez .M. de Vabres, qui demandait encore, une
de Saint-Lo, de Tenailles, doyen de Mas- troisième lettre, du 2 septembre, nous ap-
con, et de Haiel, archidiacre de Tours, prend ce qu'il avait déjà eu : «Le roy
ay ans, en servant le clergé, tesmoigné par- aiant accordé à M. l'éves jue de Vabres la
ticulièrement , en leur assemblée dernière, somme de quarante mille livres à prendre
le zèle qu'ils ont au service du roy, l'in- sur le pajs, pour la réparation de son
tenlion de S. M. est de les gratifier clia- église et de sa maison épiscopale, je con-
cun de mil livres, desquelles M' le surin- jure M. le surintendant de le favoriser
tendant leur fera donner contentement, n autant qu'il pourra pour luy faciliter l'exé-
Voilà les quatre capitulants. Dans une au- culion de cette levée. Ce que je fais d'au-
tre lettre du même jour, nous voyons que tant plus volontiers cju'il a fort bien servi
pour l'évéque de Grenoble il s'agissait de S. M. en rassemblée dernière du clergé. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 865
CCCCXXXIII.
Archives de Condé, n° io3. — Communication de S, A. R. M^' le duc d'Aumale.
A M. LE PRINCE. -
i" septembre.
Monsieur, Je
me remets à ce que monsieur de Noyers vous respond sur les affaires.
Je ne doute point que vous n'ayés faict toutes les choses possibles
pour le secours de M'' de La Moite. Je vous prie de continuer aux
occasions qui s'en pré.senteront, son affaire estant de telle importance
qu'on auroit un regret éternel si on y avoit oublié aucune chose.
J'ay veu le peu d'espérance que vous en avés, et cependant tous ceux
qui escrivent de plus loing donnent lieu d'en attendre une bonne is-
sue. Pour moy, après avoir veu tout ce qui s'en mande de toutes parts,
si M' de Bordeaux n'est forcé à la mer, je croy qu'il y a lieu de bien
espérer, M'' de Bordeaux lu'ayant mandé luy mesme que les vaisseaux
peuvent demeurer en la coste où il est, quoy qu'il ayt escrit quelque-
fois le contraire. Le roy luy donne ordre de n'oublier rien de ce qui
peut deppendre de luy pour voir la fin d'une sy importante entre-
prise'. Je prie Dieu que vous soyiés heureux en la vostre de Col-
lioure, qui avancera bien la besoigne de Perpignan. Si les desseins
de vostre costé réussissent et les nostrcs de deçà, je croy que les
Espagnols seront contraints de venir à la paix.
Le cardinal infant a assiégé Aire, et prétend la prendre par famine,
ce à quoy il luy faudra beaucoup de patience espagnole. M' de la
Melleraie y ayant laissé des vivres pour plus de quatre mois, pen-
dant lesquels M. de Brézé et luy ravagent leur pays. Ils ont pris la
Bassée et I..ens, la première fortifiée de huit bastions royaux et qui
donne l'entrée dans la Flandre qu'on appelle Galicane, c'est-à-dire
qui va à Lisle et à Bruxelles. M' le mareschal de Brézé demeure à la
Bassée avec une armée, et, à l'heure que je vous parle. M' de La
' Huit Jours après l'archevêque de Bordeaux était envoyé en exii à Avignon.
CARO». DE BICUEUEC. — VI. IO9
866 LETTRES
Mellerale est devant Lisle. M" le comte d'Harcourt a assiégé Conis,
comme vous sçaurés, dont je croy que nous aurons de bonnes nou-
velles au premier jour.
Le marquis de Brézé est, il y a longtemps, en Portugal.
Les affaires vont fort bien, grâces à Dieu, en Allemagne.
M"" le prince d'Orange après avoir pris Guenep descend en Flandres
vers Hulsl, où je croy qu'il est desjà arrivé.
Voilà en peu de mots le cours du temps; à quoy je n'adjousteray
rien sinon que monsieur vostre fds se porte fort bien et que je suis et
seray lousjours,
Monsieur,
Vostre bien liumble el Irès affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
D'yViiiicns, ce i" septembre i G4 • •
CCCCXXXIV.
Arch. des Aff. élr. France, j61\\, six derniers mois, fol. 3i3. —
Original.
SUSCIUPTION:
POUR M. LE SURINTENDANT,
À PARIS.
D'Amiens , ce g septembre 1 64 1 .
Ce billet est pour prier monsieur le surintendant d'avoir foy en
certains saincts qui sont de longtemps en son mémento, c'est-à-dire
de croire en ce que luy mande M' de Noyers (qui se béatilie tous les
jours ' ) sur le sujet des vaisseaux et des galères du Levant'-. De Loines
' Depuis quelque temps, de Noyers la grâce de chercher en luy sa consolalionl
commeiiçail ou lerminail fréquemment , «es je vous la souhnitte de celle sorte, et je
lettres par des pensées dévoles, qui, mêlées vous conjure de luy demander la mesmc
aux affaires, sciid)laienl une alleclation de faveur pour vostre amy sincère et très
piété peu à sa place. Citons seulement celle liiinible serviteur. » ( Voy. ci-après, p. 91 3.)
conclusion d'ur;c lettre adressée à Chavi- ' Bouthillier répondit le 1 3 septembre :
gni :« Heureux est celuy auquel Dieu faict «.le n'avois osé cscrire à V. Em. sur le
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
867
l'esclaircira de Testât auquel sont les affaires du trésorier que M"^ le
surintendant fera compter, s'il luy plaist.
Monsieur de Bordeaux a si mal corespondu à ce que le roy atten-
doit de luy, que Sa Majesté, pour esclaircir l'afTaire, l'envoyé de-
meurer au comtat d'Avignon'. C'est une eslrange pitié que, faute
sujet du mauvais succez de Tarragone,
dont elle impute avec très-grande raison
la faule à M*' l'arclievesque de Bordeaux;
j'en ay eu plus de desplaisir que je ne
puis dire. La résolution de remettre
promptemenl l'armée navale en mer me
l'a beaucoup diminué, et je puis asseurer
V. Em. sur mon honneur, que, sytost
que j'eus receu la lettre de M. de Noyers
sur ce subjet, avant que d'avoir receu la
vo!>trc du 9, j'avois mandé les s" de
Loynes et le Picarl, etc.» et Boulliiilier
explique toules lis mesures financières
qu'il va prendre, et au moyen desquelles
«nous parviendrons, dit-il, à sortir de
tout. • (M», cité aux sources, fol. 3a6.) Ri-
chelieu se li.ile de lénioignorà Bouthiilier
toute la satisfaction qu'il éprouvait de
sa diligence a pourvoir à l'expédition des
affaires dans ces graves circonstances.
(Lettre du 17 sept, aux Analyses.)
' La lelticdu 4 août (ci-dessus, p. 848,
note) iaisait pressentir celte disgrâce; Ri-
chelieu l'annonça lui-même à l'archevêque
de Bordeaiix le cj septembre.
« Je suis extresmement fasclié , lui man-
dait-il, de la grande dillérence qui se
trouve entre ce qui s'est passé selon vos
relations, et ce qui en est rapporté d'ail-
leurs. J'ay creu qu'on ne pouvoit rien
faire de plu» avantageux pour vous que
d'esclaircir la vérité. En cette considéra-
tion le roy vous mande que vous alliés
demeurer à Carpentras, à ce que cepen-
dant on puisse avoir lieu de la cognoistre.
Il est vray qu'il se trouve beaucoup de
variété en vos paroles et en voslre pro-
cédé. Je prie Dieu que vos actions ayenl
esté telles que le roy en doive avoir con-
lenlenient. Pour moy, j'en auray tous-
jours quand en servant S. M. j'auray
lieu de vous tesmoigner que je suis, etc. »
Cette lettre du roi qu'annonce Riche-
lieu, écrite le même jour et dans le même
sens que celle du cardinal, a .sans doute
été dictée par lui-même ; elle est impri-
mée dans la Correspondance de Sourdis,
l. III, p. 71. — Le lendemain 10 sep-
tembre, Richelieu, auquel M. de Bordeaux
avait envoyé un homme de confiance avec
un mémoire, lui écrit de nouveau :
• Monsieur, sitost que le s' Baptiste fut
arrivé je fis entendre au roy ce qu'il rap-
porloit, et le crus tout ensemble. Depuis
estant venu d'autres nouvelles bien esloi-
gnées de voslre compte, je n'ay rien à vous
dire, sinon que je suspends mon juge-
ment. Vous aurés maintenant sceu les vo-
lontés de S. M. sur ce sujet. C'est ce qui fait
qu'il ne me reste rien à vous dire, sinon
(lu'afTeclionnant l'Estat plus que ma vie,
je seray bien aise que vous me donniés
lieu d'estre à l'avenir, comme j'ay tous-
jours esté. M', voslre, etc. »
On voit que les justifications de M. de
Bordeaux avaient produit peu d'effet sur
l'esprit du cardinal; on le voit plus nette-
ment encore dans la lettre qui ya suivre,
109.
868
LETTRES
de gens tels qu'ils seroient à désirer les affaires du roy manquent
de bons succès aux principales occasions. Noslradamus apprenant
aux vieilles que Dieu est par sur tout pour ne me tromper pas au ju-
gement des hommes, c'est la meilleure chose que je puisse dire, en
vous asseurant de mon affection et de mon service.
adressée à M. le Prince. On pense bien
que l'archevêque de Bordeaux n'accepta
pas en silence celte disgrâce si inaUendiie ;
il écrÏTail, réclamait, sejusiiliait, il accu-
sait tout le mondf, et de Noyers le pre-
mier, d'ourdir un complot contre lui; il
se plaignait qu'on dénaturât ses actions
et qu'on lui imputât faussement des pa-
loles contre le roi et le cardinal. A ce*
récriminations Richelieu répondil, le 25
novembre, une lettre que nous mention-
nons seulement eti note parce qu'elle a
été publiée :
« Le plus grand desplaisir qui me puisse
arriver est quand ceux que je propose au
roy pour le servir ne réussissent pas à
son contentement. Je me suis tousjours
mocqué des diverses licences qu'on m'a
rapporté que vous doruiiés à vosire langue
lorsqu'il n'estoit question que des particu-
liers comme moj; mais, ne pouvant faire
le mesme en ce qui est de l'Estat, vous de-
vés esire bien aise qu'on vous donne lieu ,
et qu'on prenne le temps d'esclaircir celles
dont, on vous accuse en ce genre. ,Ie prie
Oieu de tout mon cœur qu'en ce sujet vos
paroles ajenl esté telles qu'on n'ayt pns oc-
casion de mal juger de vos intentions.
Fn mon particulier, je les interpréterai
tousjours à bien quand elles seront dou-
* C'est la formute ordinaire adoptée par l\iclie-
lieu avec les membres de 1 episcopat. M. Eugène
Suc, dans la Conespomlance de Sourdis met à toutes
les lettres du cardinal comme Jrère , au lieu de
confrère. J'ai cherché d'où pouvait venir cette étrange
leuses , vous asseurant que de vous à moy
vous me trouvères tousjours. M', vostre
trè.s-afl'ectionné confrère* à vous rendre
service. »
Après la lettre du 2 5 novetnbre, nous
n'en trouvons plus qu'une seule adressée
par Richelieu à l'archevêque de Bordeaux
le 28 février i642, elle est absolumen
dans le seiis de celle-ci. L'instruction com
nicncée contre ce prélat marcha lentemen
et semblait oubliée à la mort de Richelieu ,
soit que les fautes qu'il avait pu commettre
ne fussent pas de nature à motiver une
condamnation , soit que Richelieu , par un
reste de son ancienne amitié, ait préféré ce
pardon tacite à un dénoûment plus sé-
rieux. Il nous semble, après avoir lu les
accusations et les mémoires de l'accusé,
que ses ennemis avaient grossi ses fautes,
et envenimé quelques paroles indiscrètes,
il est d'ailleurs évident que l'opinion de
l'archevêque de Bordeaux, au sujet de l'af-
faire de Tarragone, avait élé, dès le début ,
complètement opposée à celle de Richelieu
et à celle de La MoUe-Houdancourt, que
[\ichclicu avait chargé du commandement
de l'armée de terre assiégeante; d où l'on
peut croire que l'arclievêque-amiral mit
dans ses opérations tout au moins de la
mauvaise volonté. Quoi qu'il m soit, à la
Ibrmule, et j'ai trouvé que presque toujours, dans
les manuscrits des lettres do Uiclielieu , on a écrit co-
frérc, avec un trait de plume joignant i'o à l^et des-
tiné à suppléer 1';» ; ce trait est plus ou moins enjo-
livé par le secrétaire, mais il ne peut signifier rien
DU CARDINAL DE RICHELIEU
869
Quand M'" le marquis de Nouant sera mort, si Dieu l'appelle, on
pensera à ce qui se pourra faire en son affaire'.
Vous jugés bien, je m'asseure, la response que le roy peut avoir
faicte sur l'affaire de madame la Princesse, qui aboutit, entre vous
et moy, à ce que, si madame la Princesse faict des debtes c'est à elle
à les payer •^; et que, faisant la guerre comme il est contrainct de
morl de Richelieu il fut rendu à son dio-
cèse, ou il leruiiiia sa vie dans les fonc-
tions de l'épiscopal, sansjamais avoir re-
pris son emploi d'amiral. — Le tioisième
volume de la Correspondance de Sourdis
(Documentsin édits) contient beauionp de
pièces concernant toute cette affaire, et,
enire autres, plusieurs mémoires produits
par l'archevêque de Bordeaux , et une
attestation qu'il se lit donner par ses oUi-
ciers intitulée : Vérités que les capitaines des
vaisseaux de V armée navale da Levant s'obli-
gent sur leurs lestes de vériffier. (Mss. Du-
puy, t. 590, fol a 10.)
' Bouthillier avait écrit le 6 au cardi-
nal : « Le marquis de Nouant s'est cassé la
cuisse et est en danger ; c'est une maison
de gens de bien; il a fort bien servi le roy.
11 a une lieutenance particulière dan» le
bailliage d'Evrenx et d Alençon ; on de-
mande la chaige pour son fils encore en-
fant, mais son otjcle le baron de Bouffey
pourroil la faire. (Ms. cité aux sources,
foi. 3i 1.) Mais le marquis de Nonant .se
rétablit et Piiclielieu s'en réjouit dans sa
lettre n Bouthillier du 1 7 septembre.
' Dans celte même lettre du 6 sep-
tembre Bouthillier disait : « V. Em. sçait
combien M' le Prince est peu libéral en-
antre cbose que l'ii; lorsque le mot est écrit en toutes
lettres, c'est toujours confrère; une seule fois il y a :
comjrère ( I^e Tellier Louvois , fol. 90 } , lûais c'est évi-
demment an lapau» de plume. J'ai dû donner cette
vers madame sa femme; elle a quelques
petites dettes d'environ 3o, 000 livres pour
lesquelles elle est recherchée. Elle a trouvé
un advis qui importe fort peu au roy, et
de chose dont nous ne faisions pas d'es-
tal, laquelle néanmoins seroit suflisante
à Mari' la Princesse pour acquitter ses
dettes. Elle a désiré que j'en escrivisse à
V. Em. » — Richelieu avait pris de l'hu-
meur de cette demande; il y revient en-
core dans le post-scriptum d'une lettre à
Bouthillier du 17 septembre : «Si Mad' la
princesse se fasche sans sujet, elle se def-
faschera , je m'asseure, avec raison. » Et le
môme jour il se montra beaucoup plus fa-
cile au sujet d'une sollicitation pareille :
s M. de Chaumont (mandait-il à Bouthil-
lier) m'a dict qu'il y a quelque temps que
le roy luy a faict un don pour ayder à ma
ricr sa &lle aisnée, sur certain avis que je
ne sçay pas. Le don esloit de dix mile es-
cus. Il rccogiioist que cette sonmie est
trop grosse en ce temps, et voudroit bien
jouer avec vous à la prime , où l'on faict
composition du tout à la moitié. Il a dé-
siré que je vous recommandasse celle af-
faire, ce que je fais d'autant plus volon-
tiers que je l'ay tousjours trouvé fidelle et
affectionné. »
explication, parce qu'on s'est demandé quelle était
la pensée de Richelieu en se servant de cette façon
singidière de terminer ses lettres à l'arehevêque
.Sourdis.
870 LETTRES
fîiire, c'est à luy de mesnager tous les petits advis qui se peuvent
rencontrer pour faire un grand fonds'.
Sa Majesté a trouvé mauvaise la promptitude avec laquelle madame
la princesse et toute sa famille s'est couverte de deuil en la mort de
M' le comte-. Cela passera comme le monde, qui finira un jour.
Le Gard. DE RICHELIEU.
La lettre ayant été fermée le cardinal a fait mettre par Cherré, sur le côté
opposé à celui où se trouve la suscription :
« J'ay demandé au roy la charge de M. le marquis de Nonan pour son filz, la-
quelle il luy a accordée. »
CCCCXXXV.
Archives de Condé, n° lo/j. — Communicalion de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. —
' Original.
A M. LE PRINCE.
lo septembre.
Monsieur, Vous
verres par ce que vous mande M"" de Noyers comme le roy est résolu
de soutenir les affaires de Catalogne plus que jamais; si vous pouvés
faire de nouvelles levées, je vous supplie de ne vous y espargner pas,
sur l'asseurance que je vous donne de vous faire rembourser de
toutes les avances que vous ferés ou ferés faire pour ce sujet.
Le roy donne l'ordre qui est nécessaire pourl'esclaircissement de
la conduitte de M' de Bordeaux, sy préjudiciable à l'Estat qu'elle ne
peut estre soufferte sans tascher de voir le fonds.
' Les pelils avis oui été lort à la mode l'empressement dt; M. le Prince à récla-
alors et depuis. Molière en a stigmatisé le mer l'héritage du dél'unl. Mais il faut dire
ridicule dans une jolie scène des FdcAeucr. que tout le monde en usait ainsi, et cet
' 11 semble que si le roi devait se cho- usage du temps était comme un correctif
quer de quelque chose, c'était plutôt de de cette inique loi de la confiscation.
DU CARDINAL DE RICHEFJEU. 871
J'ay envoyé à Marseille à ce que les vaisseaux et les gallères ne
désarment point, et fais estât de les tenir armées tout l'Iiyver sous un
autre commandant, pour les employer au secours de la Catalogne,
selon que le temps et les occasions le permettront.
11 est du tout nécessaire de renvoier à M. de l^a Motte les mile
hommes que M*" de Bordeaux luy a emmenez, et le forlifïier de cava-
lerie. On a donné trois compagnies d'augmentation au régiment de
cavalerie de Merinville; vous en hasterés, s'il vous plaist, la levée.
Quant aux troupes du Roussillon , je m'asseure, Monsieur, que vous
n'oublierés rien pour y maintenir les six mile hommes de pied qui y
doivent esire, et fortilTier vostre cavalerie par quelques nouvelles levées.
Enfin il faut faire toutes sortes d'efforts pour mettre l'Espagne en
Testât auquel elle eust esté si M'' de Bordeaux y eust agy avec succez.
Le siège d'Aire continue, les ennemis en ont pour plus de trois
mois. Lens et la Bassée sont pris, et la dernière de ces places n'est de
gueres moins d'importance qu'Aire. Bapaume est assiégé; vous en
cognoissés l'importance pour la Picardie; Jonvelle l'est aussy en
Bourgoigne. Je croy qu'on aura bon succez de ces deux costez, comme
aussy de Conis, qui sera bientost es main du roy, s'il ne l'est desjà.
Tous les environs de I.isie sont ruinez; après cela je vous prie de
considérer, quand inesme nous ne sauverions pas Aire, quelle a esté
la campagne. Les places de Lorraine sont reprises excepté la Motte ^
M' vostre filz se porte bien, et moy je suis et seray tousjours.
Monsieur,
Voslre bien humble et très alFectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Corbie, ce i o" septembre i (54 i •
-Le roy envoie M. de Bordeaux demeurer au comté d'Avignon, et
' La Molle, l'orleresse sur la Meuse; elle fut prise en )6/|5 et rasée. — '' Ceci a
été écrit sur l'original dans l'espace blanc laissé entre le mot « Monsieur » et la formule
de politesse.
872 LETTRES
cependant il veut prendre cognoissance très exacte de sa conduitte.
Je vous prie de n'oublier rien de ce que vous pourrés à ce que nous
soyons esclairés de tout ce qui s'est passé, et que nous voyons le
fond du pot.
CCCCXXXVI.
Archives de Condé, n° io5. — Communication de S. A. R. M*' le duc d'Aumale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
1 9 septembre".
Monsieur, vous
ayant mandé, par le retour de vostre courrier, la résolution que le
roy a prise de soutenir puissamment les affaires de Catalogne, et
conjuré, comme je fais encores, d'y contribuer de vostre costé tout
ce qu'il vous sera possible, je vous diray maintenant par ces lignes
{ue Sa Majesté faict préparer une escadre de vaisseaux et une autre
le galères, pour envoler hiverner dans le port de Barcelone, ou autres
ieux de la coste de Catalogne qui seront jugés plus à propos, afin
d'empescher que les Catalans ne reçoivent du mal du costé de la
mer, et faict tenir le reste des vaisseaux et des gallères armées dans
les ports de Thoulon et de Marseille, pour les faire agir durant
l'hyver à l'avantage des dicts Catalans, selon que le temps et les occa-
sions le requerront.
Vous aurés sceu par ma dernière dépesche comme le roy a envoie
ordre à Mons' de Bordeaux d'aller demeurer à Carpentras, en atten-
dant qu'on aye esclaircy son procédé et sa conduitte dans l'occasion
du secours de Tarragonne, où on ne rapporte pas qu'il ayt faict tout
ce qu'il pouvoit et devoit faire pour l'empescher. Vous aurés sceu
aussy le siège de Bapaume; vous en apprendrés maintenant la prise
par force , les armes du roy aiant contrainct en sept jours le gouver-
neur de la luy remettre avec telle capitulation qu'il luy a voulu
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 873
donner, après avoir faict jouer la mine et faict une brèche de près
de quarante pas.
M*^ d'Anguien a esté au commencement de ce siège, mais l'apré-
hension que j'avois qu'il ne tombast malade, m'obligea à le prier de
s'en aller aux eaux de Forges où il est maintenant. Je ie vis en pas-
sant en la meilleure santé du monde.
M' de Noyers vous escrit amplement sur toutes les affaires, tant
de ces quartiers icy que de ceux où vous estes, ce qui m'empeschera
de vous faire cette lettre plus longue que pour vous asseurer que je
suis et seray tousjours.
Monsieur,
Vostre bien liumble et très afieclionné scrvileur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Chaunes, ce i g" septembre 1 64i .
CCCCXXXVII.
Bibl. du Louvre, emplois de d'Argenson, t. lo, fol. igS. —
Original.
SCSCRIPTION :
A MO^S. D'ARGENSON,
COMBILLEH DO ROI EN SES CORSEILS D'ESTAT ET PRIVÉ, ET INTENDANT DE LA JUSTICE ET FINANCES
EN SON ARMÉE DE CATALOGNE.
ig septembre 164 1.
Monsieur, le principat de Catalogne cognoistra pareffect,je m'as-
seure, que le roy n'oublie aucune chose pour sa conservation, en ce
qu'aussitost qu'il a sceu le secours de Tarragone, la mauvaise satis-
faction qu'il a de la conduitte de M' de Bordeaux l'a faict résoudre
de l'envoier dans ie comté d'Avignon, jusques à ce qu'il ayl esclair-
cissement de son action.
Au mesme temps S. M. a donné ordre de préparer une escadre
de vaisseaux et une autre de galères, pour retourner hiverner dans
le port de Barcelone, ou autres lieux des costes de Catalogne, qui
CARDIN. DF. niCIIELIEU. — VI. IIO .
874 LETTRES
seront estimez plus à propos; et a relire M"' le mareschal de Brézé
de l'une de ses armées, dont il avoit le commandement, pour l'en-
voier promptement joindre M' le Prince aux Uns de passer ensuitte
en Catalogne en qualité de vice-roy.
Mais, comme il ne peut parachever son voiage que tout ce qu'il
devra jurer au nom du roy ne soit bien arresté, c'est à vous de faire
si bien adjuster toutes choses qu'il ne trouve point de difficulté à son
arrivée.
Nous avons examiné soigneusement le projet de traitté que vous
avés envoie ' ; il y a beaucoup d'articles ausquelz on pourroit faire
difficulté avec raison, principalement par ce qu'ilz sont plus désavan-
tageux que ce qui se pratiquoit avec le roy de Castille; mais comme
le roy n'a autre but que la liberté des Catalans, nous n'avons trouvé
à redire qu'à ceux qui osteroient tout moyen à S. M. de la leur con-
server. Telz sont les articles 8" et i 5'', où on a apporté des modéra-
tions si tempérées et si raisonnables, que je ne croy pas qu'elles
puissent estre estimées changement ny contestées de personne,
puisque tout va à l'avantage du pays.
Aussitost qu'elles seront arrestées, M' de Brézé partira de Nar-
bonne pour aller à Barcelonne. Sans cela vous jugés bien qu'il y seroit
inutile et que la dignité du roy ne peut permettre qu'un officier de
la couronne, envoie pour estre vice-roy, aille en la dicte ville sans
estre asseuré de sa réception. Je m'asseure que M''* du princlpat con-
sidéreront qu'il est mon beau-frère, et qu'en cognoissant par là le
soin que je veux prendre de les servir, ilz le recognoistront par un
procédé qui m'oblige de plus en plus à faire pour eux ce que je me
suis proposé à leur avantage.
' Nous trouvons, dans le tome ao des Nous avons aussi une lettre de d'Argen-
mss. d'Espagne aux Affaires étrangères, son écrite du 28 à Chavigni, peut-être en
et à cette même date du 1 9 septembre, le réponse à celle-ci. D'Argenson dit les bons
«traité de Louis XllI avec les Eslats gé- ell'ets qu'ont produits les lettres du roi;
néraux de la principauté de Catalogne et «mais cela ne suiTit pas: il faut envoyer
des comtés de Roussillon et de Cerdagne. » promptement le mareschal de Bréié. •
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 875
H n'est point parlé dans le traitté ce que le roy doit retirer du
pays. Ce sera à vous de l'esclaircir, ce qui est du tout nécessaire,
afin que le roy en puisse faire estât pour partie de la despense des
gens de guerre. S'il y avoit quatre fois autant qu'on en tirera, S. M.
ne voudroit pas s'en prévaloir à autre fin que pour la conservation et
avantage du pays.
Je m'asseure que quand M" du principal feront réflexion sur la
bonté dont le roy veut user envers eux, et sur le soin que ses prin-
cipaux serviteurs veulent prendre de leurs intérestz, ilz feront beau-
coup plus qu'on ne désire pour leur avantage. Vous les asseurerés,
s'il vous plaist, de mon service, dont ilz recevront des preuves par
cette lettre que vous leur pouvés faire voir.
M' de Noyers vous escrit si amplement sur tout le reste des af-
faires' que je ne vous feray celle-cy plus longue que pour vous asseu-
rer de la continuation de mon affection, et que je suis,
Monsieur,
Voslre 1res affectionné à vous rendre service.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Cbaunes, ce 19* septembre i64i.
CCCCXXXVIII.
Musée britannique, Bibl. harléieniie, n' 44^9 . fol. 69 '. — Original.
Bibl. imp. Bréquigny, 101. — Copie. — Vers ie tiers du volume non coté
SUSCBIPTION :
POUR M. LE CHANCELIER,
De Cbaulnes, ce 20 septembre 16&1 .
J'envoie à monsieur le chancelier la nouvelle bulle qui devoit venir
La lellre de de Noyers , datée du ao , ' C'est le numéro donné par la copie
e>>t, au folio 1 96 de ce manuscrit. de Bréquigny. Une autre copie , faite éga-
876 LETTRES
de Rome refformée, laquelle M' le nonce m'a donnée comme telle;
et laquelle toutesfois est pire que la première.
Je luy envoie aussy les remarques que j'ay faict faire sur les dictes
bulles par M' Lescot'.
Vous verres comme il est important d'y mettre ordre, et ce par le
parlement; autrement, d'icy à vingl ans les mauvais prélatz de France
s'en serviront- pour se garantir contre la juste authorilé du roy.
Mons"" le nonce faict estât de vous aller voir sur ce sujet, et de
vous offrir des modifications; mais son dessein estant, à mon avis,
conformément à ses instructions de Rome, de tirer l'affaire en lon-
gueur, vous l'escouterés et luy dires d'aussy belles parolles qu'il vous
en donnera, sans toutesfois que cela empesche de faire faire par le
pailement ce qui est nécessaire; ensuite de quoy vous considérerés
si ses modifications sont recevables, ou non.
Le roy désire que mons'' le procureur général ne perde aucun
temps en cette affaire. Les privilèges de l'église gallicane y estant
touchés, je croy qu'il y sera assez animé. Comme je voudrois mourir
pour maintenir l'authorité spirituelle du pape, je n'oublieray rien de
ce qui deppeiidra de moy pour empescher les entreprises mal fon-
dées contre l'authorité du roy.
Je vous envoie encores deux autres décrets que le pape a faicts,
qu'il adresse à tous les archevesques qui prétendent y estre intéres-
sez, parce qu'il les sousmet à l'inquisition de Rome. Mons' le procu-
reur général fera son devoir en tout^.
lement sur l'original, et envoyée à M. le aux archevêques et évêques qui auraient
ministre de l'instruction publique, porte reçu la bulle de la publier, «sous peine
fol. 274 el 2-5. d'estre déclarés rebelles au roy. » — Cette
' La bulle imprimée et les remarques bulle, « intitulée Co/w(i(H(ioju^e7-^rÉEfe7T)«-
du docteur Lescot sont dans le manuscrit lionejuriumsedisapostolicœ, datée du b juin
du Musée britannique. i64i, donne une nouvelle autorité à celle
^ Copie transmise au ministère de Tins- qu'on appelle In cœna Domini. . . change les
truction publique; la copie de Bréquigny lois et les ordres du royaume, Ole les pri-
mel : « s'en serviroient. » viléges , prérogatives et prééminences de
' Un arrêt du parlement, rendu sur la la couronne, abolit les libertés de l'église
requête du procureur général, fit défense gallicane. . . » Ce sont les paroles de l'arrêt.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 877
Je vous ai demandé un abrégé des droits du roy sur Milan, sur
Naples, sur Cicile, sur le Piedmont et lieux adjacens; connue aussy
ce que nous avons à dire pour nous deffendre des prétentions que les
ennemis ont sur le duché de Bourgogne. Je vous prie de me les envoier
promptement, parce que j'en ay besoin pour Finslruction de la paix.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCXXXIX.
Bibl imp. de Saint-Pétersbourg. Collection Dumbrowsky. —
Communication du ministère de l'instruction publique'. — Original.
MÉMOIRE POUR LE CHANCELIER.
33 septembre i64 1.
Maintenant que Tarrest est donné contre la bulle, si M' le nonce
va trouver M' le chancelier, comme il m'a dict, il est besoin qu'il
luy parle en fulminant; c'est-à-dire que ce qu'a faict le parlement
pendant les vacations n'est qu'un commencement de ce qu'il fera
ensuitte. Que cette bulle est d'autant plus à considérer, qu'elle a esté
mise en cours en mesme temps que la faction de M"" le comte se
déclara à Sedan; et qu il semble qu'au lieu que les papes sont pères
communs, on ait voulu, en ce pontificat, affecter de s'opposer aux
droits des rois. Que, comme tous les chrestiens sont obligez de re-
cognoistre la puissance spirituelle des papes par la conscience, ils
sont aussy obligez de recognolstre la puissance temporelle des rois par
le mesme principe. En un mot, monsieur le chancelier tesmoignera
et fera apréhender à M' le nonce que, si le pape continue dans le
mesme chemin qu'il a commencé, le parlennent suppliera le roy de
di.«penser son royaume de beaucoup de sujétions temporelles et pé-
cuniaires dont le pape jouit. Il en faut user ainsy pour réduire la
cour de Rome à la raison.
Le Card. DE RICHELIEU.
' Voy. t. IH, p. 25a.
878
LETTRES
CCCCXL.
Communication de M. de Guilaut. — Original.
A M. LE COMMANDEUR DE GUITAUT".
Monsieur, le roy envoyant M'
prendre cognoissance et esclaircir
' Voy. ci-dessus, p. 466.
' L'nrclievêque de Bordeaux , dans ses
mémoires justilicatifs, traite avec un grand
mépris le s' de Bezançon, qu'il considère
comme un ennemi personnel. « Arrivé à
Avignon, dit-il, il concerte avec le comte
d'AUetz et Baumes, qui y estoient allés à
ce dessein ; de là il va à Aix, où le bailli
de Forbin , Lequeux et le chevalier de
Guilaullse rendirent, et résolurent, avec
le commissaire, les moyens de perdre
l'arcbevesquc de Bordeaux Pour cet
effet, on montra des commissions fulmi-
nantes contre le d. arclievesque, pour luy
faire son procès, avec des abolitions pour
ses complices, pourveu qu'ils voulussent
révéler, envoyant partout des copies im-
primées des lettres injurieuses adressées
au bailli de Forbin, de la part du cardi-
nal de Richelieu , pour épouvanter tout le
monde; le tout faux et supposé*. » (P. 3îi.)
Quoi qu'en dise l'arclievêque , on jugera
qu'elles sont fort authentiques si on les
rapproche de quelques lettres de Riche-
lieu, noiamment de celle que nous don-
nons ici. — La cour de Rome se mêla aussi
des affaires de l'archevêque en disgrâce;
* K Moyens tenus par M. de Noyers pour brouiller
l'archevesque de Bordeaux avec le cardinal de I\i-
cl^elieu.» Cet opuscule est conservé a la Bibliothè-
i" octobre i64i.
de Bezançon e» Provence pour
la conduite de M. de Bordeaux-,
le secrétaire de l'ambassade de France,
M. Board, écrivait le lo février 1642 :
« L'on a enfin tenu la congrégation sur le
sujet de M. l'archevesque de Bordeaux.
Ils ont décrété une commission à M" les
évesques de Cavaillon, Vaison et Orange,
pour cognoisire de deux points. . . l'un , de
n'avoir pas obéi à la bulle de résidence;
l'autre, d'y avoir contrevenu pour porter
les armes sans la permission du pape. »
La congrégation donnait plus qu'on ne
lui avait demandé; ce dernier grief attei-
gnait un peu le cardinal lui-môme; aussi
le secrétaire d'ambassade ajoute t-il : « Ce
qui a esté fait pour ce regard est tout con-
traire aux intentions de S. M. et aux or-
dres qu'en a reccus M. l'ambassadeur. »
Ainsi, attaqué de tous côtés, le pauvre ar-
chevêque suppliait partout; il écrivait, à
Rome, aux cardinaux Barberini, Fran-
çois et Antoine ; il s'ailres.sa sans doute aussi
à Richelieu, car celui-ci lui écrivait, le
28 février :
« Monsieur, vous me cognoissés trop
pour douter que je puisse estre en mau-
vaise disposition pour vostre personne ;
mais aus.'iy la mcsme cognoissance que
que impériale, suile de Dupuy,t. iS; il a été im-
primée dans la Correspondance de Sourdis , t. 111,
p. s6.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 879
je vous escrîs cette lettre non-seulement pour vous prier de prendre
créance en ce que le d. s' de Bezançon vous dira sur ce sujet, mais
aussy de luy déclarer ingénuement tout ce que vous sçaurés des pro-
cédés du d. s"' de Bordeaux, duquel S. M. a tant de mescontente-
ment qu'elle m'a commandé expressément d'avoir un soin particulier
de n'employer jamais à ma charge des personnes qui luy ressem-
blent. Comme elle a cette affaire extresmement à cœur, je ne doute
point que vous n'aportiés à l'esclaircissement de la vérité tout ce qui
deppendra de vous, et ce que j'ay lieu de me promettre et de vostre
affection au service du roy et de celle que je sçay que vous avés pour
moy, qui vous donneray de nouvelles preuves de la mienne en quoy
j'auray moyen de vous faire voir que je suis.
Monsieur,
Vostre très affectionné à vous servir.
Le Gard. DE RICHELIEU,
i" octobre i64i •
CCCCXLl.
Arch. des Aff. étr. France, i64i> six dernier» mois, fol. 38o. —
Original.
SUSCRIPTION :
POUR M. LE SURINTENDANT,
À riBis.
D'Amiens, ce 3* octobre i64i.
Monsieur de Noyers vous envoyé une lettre pour desmander
M' d'Estrade. Quand on Fa escrite on croioit qu'elle eust esté con-
certée par M' de La Nauve '.
vous avés de nioy ne voiis permet pas de que j'ay pour l'Estat me le peut permet-
penser que je puisse approuver vostre tre • (Bibi. imp. suite de Dupuy, t. 22,
conduite si elle est telle qu'on la repré- p. 706.) Cette lettre a été imprimée dans
sente. Le temps esclaircira toutes choses, la Correspondance de Sourdis, t. III; c'est
et vous fera cognoistre que je suis tous- la dernière lettre que nous ayons de Ri-
jours le mesme, c'est-à-dire du tout affec- clielieu à cet ancien ami.
lionne à mes amis, en tant que la passion * Richelieu avait mandé ce même
880 LETTRES
Il est fort à propos que M"^ le surintendant voie M' de Nemours '
pour luy dire, de la part du roy, ce qu'il estimera à propos pour sa
conduitle, luy conseillant de demeurera l'académie encore un an.
On n'a point pensé de deçà à faire mettre un nouvel intendant
en la place de M"" du Houssay; il y a longtemps que je sçay bien
qu'en ce genre trois font autant que quatre ^.
jour à de Noyers : « M. Bouthillier escril quand je luy ay dicl qu'il falloit attendre
qu'il n'est pas à propos de faire revenir
M. d'Estrades auprès de M. de Nemours,
que luy et tout son mesnage luy coustoienl
douze mil fr. par an, et que la demande
qu'on en a fait faire par M. de Nemours a
esté parmonopoled'unparentdu d. s' d'Es-
trades, et d'un secrétaire, qui l'ont cir-
convenu J'escriray à M. Bouthillier
qu'il voye M. de Nemours sur ce sujet
pour i'empescher qu'il ne s'escliape par
les mauvais advis des gens qui le pour-
roient surprendre. (Celte lettre sera notée
aux Analyses.)
' Charles Amédëe était le troisième fils
de Henri de Nemours et d'Anne de Lor-
raine; on a vu ci-dessus (p. /j20 note 3)
quelques détails sur cette maison. Charles
Amédée était tout récemment devenu
chef de la famille, par la mort de son
frère Louis, décédé le 16 septembre. Or-
phelin, tout jeune encore, cet enfant
de la maison de Savoie était consi-
déré comme un pupille du roi de France ;
Richelieu et Bouthillier s'occupaient de
ses affaires ainsi qu'aurait pu le faire un
tuteur. Le lendemain du jour où cette
lettre était écrite, Bouthillier mandait
au cardinal : « M. de Nemours m'est
venu voir; c'est un enfant qui a l'esprit
très-bon, mais qui n'a pas encore le dis-
cernement des choses qui lui sont pro-
pres; il me parla avec artifice pour son
âge il m'a respondu fort sagement
le commandement du roy, que luy feroit
sçavoir V. Em. qui avait eu tant de bon-
tés pour sa maison.» (Lettre du 4 oc-
tobre.) Le 9 Bouthillier écrivait de nou-
veau à Richelieu : « M' le duc de Nemours
a reçu avec beaucoup de respect les com-
mandemens du roy et les conseils de
V. Em. et, en effet, il fera tout ce qui
luy a esté proposé de la part de S. M. et
de la vostre; à moins que cela il n'eust
pas repris le chemin de l'académie, luy
faschant assez de quitter l'Iiostel de Ne-
mours, d'où il n'estoit pas sorti depuis
la mort de deffunt M' son frère. Il est à
propos qu'il ayl deux gentilhommes, dont
l'un soit le chevalier de Marcé . . . qui a
ko ans et s'est très-bien conduit avec le
défunt M' de Nemours. (Ms. cité aux
sources fol. 383 et 4oi). Nous voyons
dans des nouvelles manuscrites du mois de
mars de cette même année que «le petit
duc de Nemours estoit d'une certaine co-
médie latine faite par les jésuites et jouée
sur le théastre du palais cardinal. » Ainsi
Richelieu faisait représenter chez lui des
pièces en latin moderne ; c'est là un sou-
venir à noter pour l'histoire de ce théâtre.
^ Richelieu, qui a plusieurs fois avoué
qu'il n'entendait rien en finances, répond
ici dans le sens que lui avait écrit Bou-
thillier : « M. du Houssay est mort je
croy du service du roy et du meilleur
ordre des finances de n'en mettre point
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 881
Quant à l'affaire de La Moriniere ' je vous l'ay recommandée comme
je fais toutes choses, c'est-à-dire autant que vous la trouvères juste,
avantageuse pour le service du roy et pour le clergé, et j'y adjouste
que vous y aies bon pied bon œil pour prendre toutes vos seuretez ^.
Quant à M'' d'Autun, on fera tout ce que l'on pourra en son af-
faire. Il reste à voir ce qui sera juste et ce qui sera possible^.
Aies soin de vostre santé, continués à faire comme vous avés faict,
afin qu'un jour vous parveniés aux choses célestes par le mespris des
terrestres.
Le Gard. DE RICHELIEU.
GCCCXLII.
Archive» de la famille de Boulhillier. — Original.
SCSCRIPTION:
POUR MESSIEURS LE CHANCELIER ET SURINTENDANT,
D'Amiens, ce lo* octobre i64i.
Si Messieurs du Conseil continuent à laisser la liberté aux fer-
miers et traitans de traiter les sujets du roy selon leur appétit desré-
glé, certainement il arrivera quelque desordre à la France, pareil à
ceux d'Espagne.
d'autre, non plus que de contrôleur gé-
néral des finances; les (rois 'intendans
que nous avons sont capables, en bon
âge de bien servir, et véritablement ils le
font. Si V. Em. le veut. ..je séparerai entre
eux trois le département qu'avoit M. du
Houssay, sans leur donner plus d'appoiii-
lemens qu'ils n'en ont.» (Ms. cité aux
sources, fol. 378).
' Il s'agissait de lui donner de l'emploi
dans l'affaire des impositions mises sur
les biens du clergé. L'évêque de Chartres
avait écrit au cardinal le 30 septembre :
« Le s' de La Moriniere a traitlé avec le
s' de Lormaison ; il exécutera sa charge
sous luy en qualité de commis. (Ms. cité
aux sources, fol. 345.) La chose avait dû
être emportée de haute lutte; on voulait
mettre là un s' Calcavi , ainsi qu'on l'a vu
dans une lettre précédente.
' Boutliillier répondait le 9 : a Pour ce
qui est de l'affaire de M' de La Moriniere
le billet seul de V. Em. m'y a servi de loy ;
et véritablement il a très bonne répula-
lioD...i (Ms. précité, fol. 4oi.)
' Voyei ci-dessus, p. 864-
CARDIN. DE RICRELIEC. -
882 LETTRES
L'affaire des Sables en est un exemple. J'en pourrois rapporter
plusieurs autres qu'ils sçavent aussy bien que moy.
Présentement la Rochelle a envoie au roy pour se plaindre avec
grande raison de ce que les fermiers du sol pour livre, au préjudice
mesme de la déclaration, ont voulu lever le droit sur les marchan-
dises venant des pays estrangers qui en sont nomément exemptées
par la dicte déclaration, de laquelle exemption ceux de Rouen sont
en paisible jouissance.
En voulant trop avoir on réduira les affaires à ne rien avoir du
tout, et banissant le commerce on privera la France de ce qui la
faict principalement subsister.
Je me descharge sur Messieurs du Conseil des desordres qui
peuvent arriver par la malice des trailans en pareils sujets, et les
conjure d'en faire chastier quelques-uns en sorte que les autres soient
retenus par leur exemple.
Au faict dont il s'agit je les prie de donner tout contentement à
ceux de la Rochelle, tant pour la justice de leur cause que par la
recommandation que j'en fais.
Le Gard. DE RICHELIEU.
Nous mettons ici la réponse de Bouthillier à cette lettre, qu'elle fait mieux
comprendre, et à cause des détails qu'elle contient sur l'administration des
finances du temps.
De Paris, ce jeudi soir i 7 octobre i6i 1.
Monseigneur,
J'ay veu la lettre que V. Em. nous a faict l'honneur de nous escrire à M' le
chancelier et à moy, sur laquelle je diray en un mot que nous différons l'esta-
blissement de la subvention générale à Limoges et aux Sables d'Olonne, voians
bien qu'il est à propos que ces lieux là profitent de leur rébellion pour un
temps ; si cela duroit V. Em. jugera ce que l'on se pourroit promettre de cet
affaire important, qui doibt produire, ainsy que l'on a creu, tant d'avantage
pour le bien des affaires, et donner moien de soulager les peuples en ce qui est
de la capitation, c'est-à-dire de la taille, taiilon et autres impositions qui se font
par teste, ce que je n'exagererois pas si il n'estoit question que de la généralité
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 883
de Limoges, bien que fort grande, et des Sables d'Olonne ; mais V. Ém. sçait
que cet establissemenl est smcis en Guyenne, en Languedoc, en Daulphiné,
en Bourgougne, en Bretagne, en Béarn, et n'est point faict non plus en la plus
pari du Poictou, et beaucoup d'autres lieux des provinces et généralités d'es-
lectioD.ll y en a aussy où véritablement elle est establie; mais si les peuples
de ces lieux en voient les autres deschargés ils prétendront indubitablement
la mesme chose avec le temps, n'y ayant rien qui désespère d'avantage que l'iné-
galité des charges, qui se trouvent plus légères quand elles sont bien séparées.
Je prends la liberté de remarquer cela à V. Em. et ne laisse de considérer
les inconvéniens dangereux dont nous voyons les exemples à nostre avantage
chez les ennemis, lesquels les pourroient voir semblables chez nous sans la
prudence de V. Em. qui sçaura prendre les temps propres pour subvenir aux
nécessités de l'Estat, qui enveloppe tous les intérestz particuliers, et pour la con-
servation duquel il ne faut rien espargner. Tant y a, monseigneur, que nous ne
remuerons rien aux villes, provinces et généralités que je viens de nommer,
jusques au retour du roy, et de V. Em, qui sçaura lors diverses propositions
qui se font pour descharger les provinces refusantes, qui est à dire, en effect,
pour ruiner l'allaire de la subvention générale que V. Em. jugera debvoir estre
d'autant plus appuiée que ce sont les plus riches du royaume qui la paient
comme consommans incomparablement plus que les pauvres des denrées et
marchandises qui y sont subjectes.
Pour ce qui est de la Rochelle, nous la traicterons comme la ville de Rouen,
encore qu'il y avt beaucoup de différence; nous y ferons consentir le fermier,
ou luy esterons la ferme. J'ay dict aux députés de la Rochelle ce que V. Em.
nous en a commandé pour le service du roy. Ils en sont ravis. Paris et beaucoup
d'autres villes sont desjà accoutumées à ce droict, et, tenans ferme, tout le reste
du royaume s'y acconiodera, ce qui sera un très-bon affaire si il est une fois
bien eslabli (Aroh. des Aff. étr. Francei64i, six derniers mois , fol. 419.)
CCCCXLIII.
Archives de la famille de Boiitliillier. — Original.
SUSCRIPTION:
POUR M. LE SURINTENDANT.
De Chaunes, ce 19* octobre i64i.
J'ay veu vostre lettre et le bon ordre auquel vos soins et vostre
884 LETTRES
prévoyance mettent les affaires du roy. Comme il faut choyer les
peuples, d'une part de peur d'aigrir ces humeurs farouches, je sçay
bien que d'autre la nécessité veut que vous trouviés de l'argent.
11 ne se peut diligenter davantage les payemens nécessaires que
vous faictes'.
Je suis très-aise de l'accomodement que vous avés faict d'une terre
pour l'eschange dont vous m'escrivés.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCXLIV.
Arch. de Condé, n° 106. — Communication de S. A. R. M"' le duc d'Auniale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
22 octobre.
Monsieur, ayant
apris qu'au procès que vous faictes faire à ceux qui ont porté des
vivres aux ennemis, il s'est trouvé diverses charges contre M"' d'Es-
penan, je vous fais cette lettre pour vous prier de me mander parti-
culièrement ce qui en est, et, au cas que cela soit, pourvoir sy bien
à la place de Leucatte, qu'il n'en puisse arriver d'inconvénient. Après
vous avoir avoué que le service du roy m'estant plus cher que ma propre
vie, je ne suis jamais à repos quand la seureté d'une de ses places est
en compromis. Je vous diray franchement ensuitte, qu'affectionnant
M"^ d'Espenan comme je fais, je désire le tirer de cette affaire sans que
sa personne courre aucun hazard. Comme ce point deppend du cré-
dit qu'il plaist au roy me donner auprès de luy, la seureté de Leucatte
deppend de vostre soin particulier. Estant sur les lieux comme vous
estes, vous sçaurés bien y faire entrer des troupes, si vous jugés que
' La lettre de Bouthillier qu'on vient envoyées M. de Noyers pour le service de
de lire se terminait par l'annonce de l'ex- la guérie,
pédition de diverses ordonnances qu'avoit
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 885
ce qui s'est passé le requiert. Pour tirer le d. s' d'Espenan de peyne,
sans que son honneur y soit intéressé, jeluy escris une lettre pour le
prier de faire un voyage icy. Vous en verres la copie, et de Mance,
que j'envoie expressément, fera en ce sujet ce que vous luy ordon-
nerés. Il vous asseurera de vive voix, de ma part, ainsy que jo fais
par cette lettre, de la continuation de mon affection et de mon ser-
vice, et que je suis et seray tousjours,
. Monsieur,
Vostre bien humble et 1res afTectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Chaunes, ce 20" octobre lôAi-
Ma chère niepce vostre belle-lille a la petite vérole, mais, grâce à
Dieu, elle n'est point dangereuse '.
CCCCXLV.
Arch. de Condé, n° i48. — Communication de S. A. R. M*' le duc d'Aumale, —
Original.
A M. LE PRINCE.
s novembre.
Monsieur, Aiant
receu vos lettres par le s' de La Roussière, pour ne perdre aucun
' Celte espèce de postscriptum est écrit ,
sur l'original , dans l'espaceblanc laissé en-
treleinoli Monsieur > et la iormulede poli-
te.sse. — Le 2 5 oclobre le cardinal man-
dait au prince : > Toute vostre famille se
porte, grâces à Dieu, fort bien , ce que je
vous dis d'autant plus volontiers que de-
puis peu j'avois eu apréhension de la ma-
ladie de ma chère niepce, qui a eu la
petite vérole, dont elle est parfaitement
guérie. > Et le i4 novembre Richelieu écrit
de nouveau que, quoiqu'il y ait dans Pa-
ris beaucoup de personnes qui ont eu
la petite vérole, rien n'empêche Mad. la
princesse et sa maison d'y revenir, « mais
qu'il sera de sa discrétion et de la vostre
de n'aller pas à Saint-Germain et autres
lieux où on a sujet de craindre cette ma-
ladie. Pour moy, vous sçavés que je ne la
crains pas et que je seray tousjours dési-
reux de vous lesmoigner que je suis, etc. »
(Ces deux lettres seront notées à la lin
du volume.)
886 LETTRES
temps, j'ay aussy tost escrità M" de Saint-Simon, de Maude, de La
Motte et de Merinville, pour les convier d'avancer les levées de leurs,
trouppes avec la mesme diligence que s'il y alloit de ma propre vie ;
ce qui faict que je ne doute point qu'ils ne contribuent à cette fin tout
ce qui leur sera possible.
J'ay veu la proposition, dont vous avés escrit à Monsieur de Noyers,
de faire faire un régiment de six compagnies, ce que le roy accepte
volontiers; mais je ne puis que je no vous die qu'il est impossible de
donner plus pour la levée que ce que l'on a accouslumé, sçavoir est
six mil livres pour la dicte levée, et i5oo** pour le lieu d'assemblée.
Mesnageant l'intérest de Sa Majesté comme vous faictes, vous ne
voudriés pas, je m'asseure, faire faire une ouverture sy préjudiciable
comme seroit celle de donner dix mille livres, qui seroit une consé-
quence insuportable. Je vous conjure de faire passer celuy qui veut
entreprendre cette levée par-dessus cette difficulté, ne doutant point
que par vpstre authorité vous n'en veniés à bout, l'asseurant qu'en
mon particulier je prendray revanche de l'effort qu'il fera en cette
occasion. Ce à quoy il doit se porter d'autant plus volontiers, que le
roy se contentera que ses compagnies soient de 5o hommes chacune,
mais si effectifs que Sa Majesté face son compte sur pied. On fait
venir le régiment de cavalerie d'Anguien d'Italie, y aiant plus de trois
sepmaines qu'il a esté mandé.
Pour ce qui concerne l'infanterie, vous trouvères bon, s'il vous
plaist, que je vous die que je m'en repose sur vostre soin. M' de
Noyers m'aiant dict que vous luy avés mandé que vous en viendrés
bien à bout.
En un mot. Monsieur, le service du roy requiert que l'on face
toute sorte d'efforts pour empescher que les Espagnols ne secourent
le Roussillon, ce qui ne se peut que par terre, en les combatant
auparavant qu'ils aient joint les forces qu'ils ont dans ce pays '.
Richelieu, à cette époque, écrivait recommandations et les mêmes conseils,
fréquemment au prince de Condé, et de- Nous renvoyons à la tin du volume l'in-
vait nécessairement insister sur les mêmes dication de deux lettres, l'une du 18 oc-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 887
Après que vous aurés mis toutes choses de delà en Testât qu'il est
à désirer pour le bien des affaires de Sa Majesté, laissant le comman-
dement de ses armes dans le Roussillon à M' d'Arpajon et aux ma-
reschaux de camp qui y sont, Elle vous permet de revenir de deçà',
où je vous asseureray de vive voix, comme je fais par ces lignes, que
je suis certainement.
Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
De Ruel, ce 8'^ novembre i6/ii.
tobre, où il disait : «Le roy désire pas-
sionnément fortifier M. de La Motte, et
tenir cet hiver cinq mille hommes de
pied effectifs, et 7 à 800 chevaux dans le
Roussillon, pour empeschor qu'on ne
puisse ravitailler Perpig;nan. Je vous con-
jure d'y tenir soigneusement la main
comme à la chose la plus importante qui
soit maintenant sur le bureau pour le
service du roy. » Le cardinal le conjurait
de ne rien oublier pour « remplir » plu-
sieurs régiments de .son armée, et il
ajoute : « .le me promets que vous ferés
paroistre en cette occasion que vous estes
monsieur le Prince, c'est-à-dire im prince
actif et effectif tout ensemble. • — Dans
l'autre lettre du 26 octobre, Richelieu
recommandait à M. le prince les affaires
de Catalogne et de Roussillon. «Il est de
telle importance, lui répétait-il, de forti-
fier M. de La Motte, que vous m'obli-
gerés extresmement si vous pouvés m'as-
seurer qu'il le sera bienlost. J'estimerois
en mon particulier do vous en estre re-
devable. Si aussy vous pouvés laisser des
troupes dans le Roussillon suffisamment
pour empescher le ravitaillement de Per-
pignan, vous rendrés un service signalé
au roy, à Testât et à la chreslienté, qui, à
mon avis, ne peut espérer la paix que les
Espagnols ne soient humiliez tout à fait,
et en estât de ne point troubler le repos
des Catalans. »
' La saison avancée suspendait ou ra-
lentissait partout les opérations militaires;
le roi et le cardinal étaient revenus de
l'armée, et Richelieu avait annoncé leur
retour dans ces lignes écrites pour la Ga-
zette : • Cette semaine le roy est arrivé
à Chantilly et S. Em. à Ruel, après une
campagne si pleine d'heur et de gloire
que, nonobstant les orages, presque aus-
sitost dissipez que soulevez en cet Estât,
S. M. venant recréer de sa présence tant
désirée la reyne et sa famille royale , après
avoir esté partout victorieuse , a le con-
tenlement de voir ses ennemis réduits à
un tel point que toute leur consolation de
ceUe année n'aboutit qu'à la seule espé-
rance de recouvrer le tiers des conquestes
qu'elle a naguères faites sur eux en une
seule de leurs province.». » ( Gazette du
a nov. p. 808.)
888 LETTRES
Je ne vous respond rien sur l'armée navale que vous demandés,
parce que vous sçavés bien que c'est chose impossible en ce temps.
7 grands vaisseaux sont à la mer pour aller à Barcelone, 7 galères y
doivent aller aussy après. C'est tout ce qui se peut faire sur la mer
pendant l'hiver, et il faut se fonder sur les forces de la terre, qu'il est
aisé d'avoir, au lieu que celles de la mer sont du tout impossibles.
CCCCXLVI.
Arch. de Condé, n° i/i4. — Communication de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. —
Original.
A M. LE PRINCE.
29 noveinbre.
Monsieur, Je
suis extresmement fascbé que vous n'aies pas toute la satisfaction de
ceux qui commandent dans le Roussillon qu'il seroit à désirer pour
le service du roy. Vous sçavés bien que vous ne pouvés vous en
prendre qu'à vous mesme qui avés désiré leur employ. L'exemple de
M'' de La Motte les devroit convier à faire autrement que vos dépes-
ches ne tesmoignent qu'ils font. Monsieur le mareschai de Brézé nous
escrit avec tant d'asseurance du bon événement qu'on doit attendre
des affaires du Roussillon que je ne doute j^oint que la continuation
de vos soins ne les face réussir à souhait. L'instance pressante avec
laquelle vous demandés un chef faict que, bien qu'il soit difficile de
vous en envoler sans desgarnir les lieux où ils sont employés, le roy
s'est résolu de vous envoier M' de Gassion pour le reste de cet hiver.
Je sçay bien que sa religion est une mauvaise condition pour ces
pays- là, mais. Sa Majesté ne l'y employant que pour cet hiver, ces
peuples recevront du bien de sa vaillance, et n'auront pas lieu de
craindre aucun préjudice de sa mauvaise religion. En un mot. Mon-
sieur, c'est un coup de partie de garantir le Roussillon du secours
qu'on y veut jetter ; et, si on en vient à bout cet hiver, le roy y
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 889
pourvoiera tellement au printemps que vous aurés lieu d'en estre
satisfaict.
L'affaire de Monaco doit donner courage , à tous ceux qui servent
aux quartiers où vous estes, de faire quelque chose de bon, afin de
n'estre pas seulz à n'augmenter pas les progrez des armes du roy.
Toute vostre famille se porte fort bien, grâces à Dieu, qui est
tou ce que je vous puis dire, sinon que je suis,
Monsieur,
Vostre bien liumble et très affectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHELIEU.
DeRuel, ce ag*" novembre i6/m.
CCCCXLVII.
Arch. des Aff. étr. France, i64i> six derniers mois, fol. 522. —
Original.
A M. MAZARIN.
Ce 3' décembre 16/11.
Monsieur Mazarin fera payer, s'il luy plaist, les deux mil francs qui
sont deubz à celuy qui nous a vendu la Vénus de bronze et les
huict testes, s'il ne l'a desjà esté; et afin que le zèle qu'il a à ce qui
touche ses amis ne le précipite pas à faire payer cette somme de son
argent, je luy envoie un billet pour la tirer de M' de Mauroy.
Il se souviendra des boistes avec des diamans pour mon porlraict.
Si le s' Loppez a de petites chaisnes, il les acheptera comme pour
luy, afin que je n'aye rien à démesler avec le seigneur Hebreo.
Il envoira voir chez Varin si son buste en piastre est achevé '.
Le Gard. DE RICHELIEU.
' Richelieu conserve le goût des arls c'est presque toujours Mazarin qu'il charge
parmi ses plus graves préoccupations, et de ses acquisitions.
CARDIX. DE BICIIELIEU. — VI. lia
890
LETTRES
CCCCXLVIII.
Arch, des Aff. étr. France, i64i, six derniers mois, fol. 532. —
Minute.
[A L'ARCHEVESQUE DE RHE1\IS\]
i5 décembre [i64i].
J'ay veu vostre lettre de très-bon œil; je croy que vous avés envie
de bien faire, et prie Dieu qu'il vous en fasse la grâce. Je laisse la
charge de vostre directeur au père Hayneuve^, mais j'accepte celle de
vostre précepteur pour vous bien estriller si vous manques à ce que
vous debvés à Dieu, et à ce que vous promettes solennellement par
vostre lettre^.
De Rucl, ce i5 décembre.
' Léonore d'Étampes de Valençay, évê-
que de Chartres (Voy. t. V, p. 34), avait
été nommé, le i8 novembre i64i , arche-
vêque de Rlieims, siège abandonné par
Henri de Lorraine (voy. ci-dessus, p. 3^8 ) ,
et qui fut pour l'évêque de Chartres la ré-
compense de son zèle dans la dernière
assemblée du clergé. Il ne prit possession
de ce siège qu'en i643. {Gall. christ).
'Julien Heneufve, recteur du collège
des jésuites à Paris. Nous trouvons son
nom parmi ceux des signataires d'une
enquête sur les désordres du couvent
Sainle-Croix de la Bretonnerie à la date
du i" octobre de cette même année. (Dé-
pôt delà guerre, t. 67, p. 16.)
' Cet évêque , qui s'était montré si do-
cilement obéissant aux volontés de Ri-
chelieu lorsqu'il s'agissait de contraindre
* Henri Arnauld mandait le 2 2 décembre : « On
me parle d'une grande brouilierle, en présence de
Mgr le cardinal, enire M. de Rheims et M. d'É-
mery, qm en vindrent jnsques aux injures san-
glantes. Mon auteur n'est pas assez bon pour vous
les députés de l'assemblée de Mantes à
prendre les décisions qu'on exigeait d'eux,
semble s'être montré moins souple lors-
que, devenu archevêque, il fallut en ve-
nir à l'exécution. Nous trouvons une
lettre, à la date du 3o août, où il dit :
«Suivant l'ordre de V. Em. je luy envoie
les mémoires instructifs touchant les deux
affaires, du clergé dont jeluy parlayjeudy.
— Quant au premier point, qui regarde
les aliénations, le traitté qu'en ont faict
M" du conseil est tellement contraire à
l'article de nostre conlracl qu'il ne se peut
davantage. . . quant au second, qui regarde
les aydes on ne leur tient rien de ce
qu'on leur a promis par le contract. n
L'évêque fait une longue énumération des
griefs du clergé ; il se plaint amèrement
de M' d'Emery*, avec lequel il se trouvait
asseurer cela.» Arnauld mettait une grande circons-
pection dans les nouvelles qu'il donnait; on voit que
celle-ci tire une certaine vraisemblance de la lettre
de l'archevêque.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
891
CCCCXLIX.
Bibl. imp. Fonds Béthune gaSi, fol. 83. — Copie.
MÉMOIRE
AU SIEUR DE LYONNE,
S'EN ALLANT DE LA PART DU ROV TRODVEB M. LE DUC DE PARME
ET DE LÀ AUPRÈS DU S' MARQUIS DE FOXTENAY,
AMBASSADEUR DE SA MAJESTÉ, À ROME.
[Vers la fin de i64i.]
Le roy considérant comme les affaires de M' le duc de Parme
tirent en longueur, et ne voulant oublier aucun moyen de tous ceux
qui seront en son pouvoir pour raccommoder avec Sa Sainteté ce
prince, qui a fait paroislre depuis si longtemps une affection extraor-
dinaire et inesbranlabie pour la personne de Sa Majesté et pour les
intérests de cet Estât, Sa dicte Majesté a jugé à propos de luy dé-
pescher en toute diligence le dict s' de Lyonne pour luy faire sçavoir
ses sentimens et le porter à rendre de telles soumissions à Sa Sain-
$i bien d'accord pour imposer à l'assem-
blée les volontés du maître; enlin il ter-
mine sa lettre par une vive supplication :
«Au nom de Dieu, M*', pourvoies s'il
vous plaist à ce que nostre pauvre clergé
ne soit pas accablé et mesprisé de cette
sorte. . . » (Ms. cité aux sources, fol. 5i i .) —
Richelieu a-til répondu à cette lettre ?
Nous n'avons point trouvé de réponse, mais
nous avons une seconde lettre de l'arclie-
véque, écrite quinze jours après, et d'un
tout autre style. Il avait reçu les brevets
et les œconomats de son arclievcchc, et de
l'abbaye de Saint-Martin de Ponloise. Il
remercie avec effusion le cardinal de lui
avoir procuré le plus beau et le plus ho-
norable bénéfice du royaume. « Je vous
demande pardon , dit-il , de ma vie passée ,
qui vous a peu desplaire ; j'ay du regret
d'avoir donné subjet à vos plaintes, et
désormais je fais dessein de n'eslre plus
auprès de V. Em. cet ancien évesque de
Chartres, mais un archevesque nouveau
de Rlieims. ..> 11 demande au cardinal
d'être son protecteur et son précepteur
pour se conduire; «et, affîn de bien réus-
sir, il vous plaira me donner, par escripl,
l'ordre que jedois tenir dans ma vie, dans
ma charge, et le règlement que je dois
apporter à ma maison et mesmes [à mes]
domestiques . . . • Celte explication fera
mieux comprendre la réponse de Riche-
lieu qu'on vient de lire.
892 LETTRES
teté qu'elles puissent ou produire son accommodement avec elle, ou
justifier son procédé envers tous les princes de la chreslienté.
Le dict s'' de Lyonne ira donc droit à Parme sans s'arrester en au-
cun lieu Il dira au dict s' duc que Sa Majesté luy conseille de
se porter à rendre tous les respects qu'il doit au pape, et comme son
seigneur et comme chef de l'Eglise et père commun de tous les
chrestiens, qui est une qualité qui oblige tous les plus grands princes
de l'Europe à une très particulière révérence, .... Le pape demande
que le duc de Parme vienne à Rome en personne et qu'il désarme
Sa Majesté juge très à propos qu'il contente Sa Sainteté en tout ce
qui se pourra, mais sans s'exposer à aucun péril et lorsqu'il n'y
aura plus à douter de la bonne volonté du pape en son endroict.
Le dict s"^ de Lyonne fera entendre à S. A. qu'il a ordre
d'aller à Rome après estre informé de ses sentimens et qu'il porte
à M' le marquis de Fontenay, ambassadeur de Sa Majesté, des ordres
réitérez et très précis pour agir en cette affaire, de telle sorte que le
pape et M"^ les cardinaux Barberins soient bien informés que Sa Ma-
jesté ne souhaitte rien plus ardemment que de voir un bon accom-
modement entre Sa Sainteté et le dict s'' duc
On fera savoir au mareschal d'Estrées que le roy veut si absolu-
ment qu'il sorte des Estais de M' le duc de Parme, qu'on ne recevra
aucune excuse icy de celles qu'il pourroit alléguer pour y demeurer
davantage
NOTA.
Nous ne trouvons rien dans le style de cette pièce qui sente la manière de
Richelieu, et, dans le manuscrit, aucun indice matériel de sa participation; ce
mémoire a dû être rédigé dans le cabinet, probablement avec le concours de Ma-
zarin , très au fait de la contestation , et à qui Lionne était attaché. Toutefois la
pensée générale est de Richelieu. Cette considération, jointe à l'importance de
l'affaire, nous a engagé à donner ici de ce long mémoire un extrait succinct, ainsi
que quelques détails nécessaires pour donner l'intelligence de la situation.
A la suite de quelques différends survenus entre la cour de Rome et le duc de
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
893
Parme, les troupes de l'Église s'étaient emparées de Castro, en octobre 16A1.
Richelieu avait fort à cœur de pacifler cette mésintelligence, qui gênait sa poli-
tique dans sa lutte contre l'Espagne. 11 envoya, à cet effet, en Italie, M. de Lionne
que Mazarin recommanda pour cette mission. On a vu que Lionne eut ordre
d'aller droit à Parme, afin de disposer le duc à donner satisfaction au saint-père,
et de se rendre ensuite à Rome pour achever la négociation. La pièce dont on
vient de lire l'extrait n'est point datée; elle a dû être rédigée vers la fih de l'année
x6-ii. Nous avons inutilement cherché la minuteet l'original dans les manuscrits
des Affaires étrangères, mais nous y rencontrons une lettre de Lionne à Mazarin ,
où il le félicite de son élévation au cardinalat. Celle-ci est datée de Lyon le 2 jan-
vier 1642; ainsi l'instruction a été faite un peu auparavant. Nous avons de plus
un projet de lettre du 4 décembre i64i, écrit de la main de Chavigni (Aff. étr.
Rome, t. 76, fol. 569), lequel mande à M. de Fontenay que «si le pape l'a
agréable, le roy envoiera un ambassadeur pour faire publiquement la soumission
du duc de Parme. » Cette double circonstance autorise la date approximative que
nous proposons. — De Lionne, qui avait à peine trente ans, commençait la car-
rière diplomatique où il s'est illustré; il attendait sa fortune de Mazarin, et il lui
écrit sur ce ton de soumission absolue et de sensibilité exagérée à la mode alors
à l'égard de protecteurs puissants : « L'honneur que j'ai d'eslre à V. Em. et celle
de ses créatures qui lay est le plus sensiblement obligée, » le mettent dans le
ravissement. ..Ha versé des larmes de joie : « M' le comte Santis, qui m'en donna
le premier avis, me sera tesmoin que j'en versay en abondance pendant demye
heure que dura mon premier transport. » (Rome, t. 80, fol. 20, lettre autogr.)
La lettre suivante est écrite d'Antibes le 12 janvier; et après avoir fait quelque
séjour à Parme, d'où il adressa à Mazarin une longue lettre, dont je n'ai pas le
texte, il se rendit à Rome, où nous le trouvons le i5 février. Lorsqu'il y ariiva,
la situation étaitdevenue plus grave encore; le pape avait lancé, dès le i3 janvier,
contre le protégé de la France, un monitoire avec injonction de se rendre à Rome
sous peine d'exconmiunication. Le manuscrit de Béthune, cité aux sources,
contient diverses pièces relatives aux démêlés du pape avec le duc de Parme, et
aux négociations de M. de Lionne du 6 février au 6 septembre. — Le volume 80
de Rome, aux Affaires étrangères, nous montre de Lionne occupé durant toute
l'année 1642 de cette négociation, allant continuellement d'auprès du duc de
Parme à Rome, et de Rome vers le duc, sans rien accommoder. Enfin tout le
résultat de tant d'allées et venues ce fut, pour l'année 1642 , où nous nous arrê-
tons, une plainte du nonce à Chavigni contre les procédés de l'envoyé de
France : Votre seigneurie, dit le nonce, sera convaincue, par la lecture de toute
la négociation du s' de Lionne , « che non puo esser ministro utile per proseguire
894 LETTRES
la medesima negoziazione, essendosi l'istesso signore di Lionne mostrato più
partegiano del sig. duca di Parnia che mediatore e minisiro di si gran Rè. » Et,
trois jours après, le 27 décembre, le nonce écrit de nouveau, pour demander
que le roi, par sa désapprobation, calme la douleur que le pape peut ressentir,
■ dal veder un ministro del Rè far quasi l'instigatore appresso i principi contro
lo stalo ecclesiastico. » Le nonce prie Chavigni de brûler sa lettre. La précaution
a été bien inutile; c'est la lettre originale elle-même que nous avons sous les
yeux. (Fol. 654 du ms. des Aff. étr.) Nos historiens, Aubery, le père Griflet, Le
Clerc, Jay, Razin, ne parlent pas de cette mission de M. de Lionne; c'est pour
nous une raison d'insister ici sur ce fait oublié.
Nous devons aussi indiquer une pièce intitulée : Mémoire da cardinal touchant le
différend da pape avec le duc de Parme, touchant Castro. Nous n'avons ni la mi-
nute, ni l'original, seulement nous avons vu deux copies à laRibliothèque impé-
riale, l'une dans le fonds de Saint-Germain-Harlay, 349, pièce 49°; l'autre dans
les mss. de Cangé, n° 80. La pièce nous paraît être le premier crayon d'un tra-
vail qui n'est même pas achevé et qui pourrait bien avoir été composé pour
entrer dans la continuation des Mémoires de Richelieu.
ANNÉE 1642.
CCCCL.
Arch. des Aff. étr. Rome, t. 80, non coté. —
Mise au net de la main de Cherré et de celle de Charpentier.
MÉMOIRE
DRESSÉ POUR BESPONDRE k CE QDE M. LE CARDINAL BARBERIN A MANDE,
PAR LE s' DE MONTREUL, TOUCHANT L'ANGLETERRE,
BCQDEL M. DE FONTENAÏ SE SERVIRA SELON QU'IL JUGERA LE DEVOIR FAIRE '.
27 jaiiviei-.
La reyne d'Angleterre ne peut estre secourue que par deux moyens,
Cherré a écrit au dos : « Dépesche à les premières lignes exprimaient un senti-
M' de Fontenay, touchant l'Angleterre, ment de vif intérêt pour la reine d'Angle-
du 27 janvier 1642. » — Celle pièce avait terre; ces lignes ont été barrées et rem-
d'abord été rédigée en forme de lettre, et placées parle titre qu'on vientdelire; nous
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 895
par sa bonne conduite et par la force. Le premier dépend d'elle , et le
second d'autruy.
Il est vray que jusques icy sa conduitte a esté mauvaise, et qui plus
est, qu'il est difficile de luy en faire prendre une meilleure.
Il seroit aisé de luy en conseiller une bonne; mais, outre que le
naturel des femmes les porte plustost à suivre leurs humeurs que la
raison, la constitution particulière de cette princesse faict qu'elle est
peu capable de suivre d'autres avis que ceux qu'elle puise en son
propre esprit, ou qui luy sont suggérez par d'autres, aussy peu ca-
pables de la servir en de pareilles affaires que celles où elle se trouve
présentement, qu'ils ont bonne intention de le faire.
Le mauvais estât de l'Angleterre requiert un procédé aussy pru-
dent que patient pour en sortir. En telles extrémitez les moindres
fautes sont mortelles; et partant, estant presque difficile que les
dames n'en fassent point, il n'y a pas grand lieu d'espérer que la
bonne conduitte de cette princesse puisse remettre ses affaires sy
déplorées.
Quant à la force. Testai présent des affaires de la chrestienté oste
tout lieu d'espérer qu'on s'en puisse prévaloir en ce temps auquel
chacun a tant affaire pour soy, qu'il est difficile qu'il puisse, par ce
moyen, pourveoir aux affaires d'aulruy.
Le seul moyen de réduire les choses en estât qu'on se puisse ser-
vir de cet expédient pour restablir les affaires d'Angleterre, est de
mettre l'Espagne sy bas qu'elle ne puisse s'opposer aux efforts qu'on
fera à cette fin; autrement c'est chose très-certaine que ceux qui s'en
prévaudront ne feront autre chose que lier les ennemis du roy et de
les reproduisons en note; on peut êlre eu- les divers molirsquile portent à eslre tou-
rieux de les comparer à la rédaction nou- ché de compassion du mauvais eslat où
velle : «Monsieur, cetle lettre vous fera est la roy ne d'Angleterre, l'honneurqu'elle
cognoïstre combien les bons sentimensqu'a a d' eslre sœur du roy m'en est un sy puis-
M' le cardinal Barberin pour l'Angleterre sant qu'il ne se peut rien adjousler à la
m'ont touché. Je ne sçaurois assez louer tendresse que j'ay pour elle. » Et la pièce
son zèle, ny assez désirer que les bonnes continuait : «elle ne peut estre secou-
pensées qu'il a. puissent avoir effet. Outre rue, etc.»
896 LETTRES
la reyne d'Angleterre, et ceux de la religion catholique aux Espa-
gnols et à leurs partisans.
Si certains bruicts qui s'espandent sourdement dans le monde, que
Sa Sainteté veut se servir de la force pour faire rendre au patrimoine
de l'Église ce dont elle est privée en Italie contre toute sorte de
raison, estoient véritables, il y auroit lieu d'espérer que, dans peu de
temps, Sa Sainteté pourroit avoir la gloire d'establir une bonne paix
dansla chrestienté, telle que la raison le requiert, et de restablir la
religion en Angleterre.
C'est à Sa Sainteté et à M''le cardinal Barberln de considérer d'eux-
mesmes s'ils doivent prendre une telle résolution. La France ne pré-
tend point de part en leur conseil en ce sujet, tant parce qu'elle doit
estre supecte, à cause de Testât présent auquel elle est avec l'Es-
pagne, que par ce aussy que la grande expérience qu'a Sa Sainteté
des affaires du monde le rend plus que capable de puiser chez luy
ce qu'il ne doit pas rechercher chez autruy.
La justice du droit des armes qu'auroient celles de Sa Sainteté
est sy évidente qu'il n'y a personne qui soit capable d'en douter. Et
le pape ayant desjà faict une bonne promotion, comme celle qui a
esté faicte depuis peu, et en pouvant faire une seconde, qui rendra
M"^ le cardinal Barberin absolument maistre du premier conclave, il
semble que beaucoup de choses qui, sans ces précautions, devroient
estre grandement appréhendées, ne sont aucunement considérables,
puisque, par ce moyen, Dieu et les hommes concourroient indubi-
tablement à l'eslection d'un pape qui soustiendroit les actions de son
prédécesseur lorsqu'il plairoit à Dieu de l'appeler de ce monde.
C'est à M"' le cardinal Barberin à juger s'il doit inspirer ces pen-
sées à Sa Sainteté, et comme la France recognoist que la raison ne
veut pas qu'elle ayt part en un tel conseil, si Sa Sainteté la prenoit
d'elle-mesme , c'est à elle à l'y assister; ce qu'elle pourroit faire aisé-
ment avec vingt-cinq gallères et cinquante vaisseaux, et ce dans six
semaines", temps auquel Sa Majesté se rendra en ses provinces de
Provence et de Languedoc expressément pour considérer de plus près
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 897
ses affaires d'Italie, et servir le saint siège et la maison de Sa Sain-
teté es bons desseins qu'ils peuvent prendre pour le bien et l'avan-
tage de la chrestienté.
' Ensuitte de ce que dessus, M'' de Fontenay représentera, s'il luy
plaist, à Sa Sainteté et à M"" le cardinal Barberin que M" le duc de
Parme pourroit grandement servir en cette affaire. Sa Sainteté l'ayant
remis en sa grâce ; ce qui luy produiroit double gloire , l'une d'avoir
restabli un prince, et l'autre de l'avoir faict en sorte qu'il s'attache
au dessein de Sa Sainteté, et le serve au restablissement du patri-
moine de l'Eglise.
Quand mesme sa dicte Sainteté ne pensera point à retirer des Es-
pagnols ce qu'ils usurpent au saint siège, la gloire de son pontificat
requiert qu'elle oublie ce qu'il peut y avoir eu de mauvais en la con-
duilte de M"^ de Parme, et luy pardonner comme père commun.
•r , _
CCCCLI.
«
Arcli. de la famille de Boulhiilier. — Original.
ffUSCRIPTION- :
POUR MONSIEUR LE SURINTENDANT,
À PARIS.
De Moulins, ce i3' febviier i6'|2.
On dit d'ordinaire qu'il faut parler comme plusieurs, et eslre de
l'opinion du petit nombre, mais je prends le parly contraire en l'affaire
dont vous m'escrivés, laquelle a esté agitée au conseil. Je suis du sen-
timent commun et non de celuy de M' le Prince , et du s' de Machaut
qui ne sont qu'un. Si on oste le sol pour livre de Languedoc et de
la Bourgoigne, il le faut oster de toute la France, et si on le laisse
au reste de la France il faut, par nécessité, qu'il soit en ces provinces
comme aux autres. Les raisons en seroient trop longues à vous escrire,
vous les sçavés aussy bien que moy. La contrariété qui se trouve entre
' Ici Charpentier a pris la plume.
CARDIN. DE BICHELIED. VI. 1 l3
898 LETTRES
les lettres que M' le Prince vous a escrites de Languedoc et ce qu'il
dit maintenant le condamnent \
Je suis bien aise que l'afFaire de M' de Nemours se soit bien passée.
Pour ce qui est de M'' de Charnisay je ne [décide]^ point, mais si c'est
chose qu'on veuille faire il faudroit que M' de Nemours escrivist au
roy pour sçavoir s'il trouveroit bon qu'il l'eust avec luy^.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CGCCLII.
Archives de Condé, ii° 121. — Communication de S. A. 1\. M*' le duc d'Aumale.
Original.
A M. LE PRINCE.
20 février.
Monsieur, C'est
avec beaucoup de desplaisir que je vous mande que le régiment de cava-
lerie de monsieur vostre fils, dont vous avés pris le soin des recreues,
est le seul qui ne se trouve point de deçà en estât de servir, et qui,
à mon avis, n'y peut eslre de trois sepmaines ou d'un mois. Je vous
avoue que ce qui vous touche m'estant aussy cher que ce qui me
touche moy mesme, je voudrois que vous eussiés donné beaucoup, et
que ce ne fust pas. Je parle ainsy parcequ'à vous dire le vray, je vous
tiens sy grand mesnager en certaines choses, où il ne faut plaindre
' Bouthillier répondant au cardinal ,
le 17, disait : «S. Era. sur ce sujet dit plus
en une page que ne perlent tous les avis
sur lesquels Elle a respondu. » Dans celte
lettre du 17 et dans une autre du ai, le
surintendant donne de longs et intéressants
détails sur cet impôt et sur les résistances
qu'il rencontrait dans les provinces et
jusqu'aux portes de Paris. (Arch. des AU',
étr. France, janv. en mai, fol. /ig et 62.)
'' Ici le manuscrit est déchiré; nous
proposons le mot décide.
' Dans une lettre du 28 février, Ri-
chelieu écrit à Bouthillier qu'il s'abslieni
de décider au sujet d'une affaire con-
cernant la ferme générale des aydes à
cause de son éioignemeni, et, ajoute le
cardinal : « Veu principalement le peu
d'expérience que j'ay dans les affaires de
finances. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 899
ny ses peynes, ny son argent, que je ne doute point que vous n'eus-
siés pu faire davantage si vous eussiés pris plus de soin, et eussiés esté
plus libéral, en un faict qui ne touche pas moins vostre honneur
qu'il est important au service du roy. C'est à vous. Monsieur, de re-
médier à ce désordre, quoyque vous ne puissiés regaigner le temps.
Les officiers de ce corps n'ayant point esté jusques icy en leur gar-
nison, il estoit impossible que vous peussiés rien faire de boa. Je
vous conjure aussy de mettre autre ordre aux recreues des régimens
d'infanterie d'Anguyen et de Conty que vous n'avés faict, où j'aprends
que l'on ne lève que des milices par les éveschez, qui, après avoir
beaucoup cousté au pays, se dissipent auparavant que d'estre à l'ar-
mée, ou n'y tiennent pas quand elles y sont arrivées. Cette façon de
faire des recreues aux régimens est de telle conséquence qu'on ne
sçauroit plus faire de levées pour le roy en ce pays, où des soldatzqui
ont quarante et cinquante francs des éveschez, outre l'argent du roy,
ne voudroient pas aller pour ce que Sa Majesté donne d'ordinaire.
Le seul remède qui vous reste, tant pour vostre cavalerie que pour
vostre infanterie, est de faire des levées en Bourgoigne, et de les en-
voier promptement quoy qui vous couste. La bonté dont le roy use
en vostre endroit, augmentant la pension de monsieur vostre fdz,
sans retrancher la vostre, mérite bien que vous faciès quelque des-
pense pour son service, proportionnée au rang que vous tenés dans
lestât. Je vous conjure de me faire response plus par effect encore
que par lettres', et de me croire véritablement,
Monsieur,
Vostre très liumbie et très airectionné serviteur.
Le Gard. DE RICHEUEU.
De Lyon, ce 20'' febvrier 16A2.
' Le ton sévère de celle lettre, fort dit- entre le duc d'Enghien et le cardinal Ma-
tèrent du style dont Richelieu use ordi- zarin, dont parle H. Arnauld, dans son
nairement à l'égard de M' le Prince , révèle Journal épistolaire , à la date du 1 2 février,
quelque sujet de mécontentement. Il s'agil et dont on verra les suites plus lard, ci-
sans doute d'une difficulté de préséance après, p. 902.
]i3.
900 LETTRES
CCCCLIII.
Arch. de la famiile de Boutillier. — Original.
[A M. BOUTHILLIER'.]
De Beaucairc, ce 6* mars 1642.
Voyant que la monstre des armées de Catalogne et de Roussiilon
ne sont ny arrivées, ny en estât de l'estre, et que cependant il est im-
possible de faire subsister les troupes es dicts pays un seul jour sans
argent, en un pays qu'il importe de conserver, et où il faut mesnager
les peuples, gaigner les cœurs aussy bien que leurs places; je vous
envoie ce courrier exprès en diligence pour vous prier de faire venir
la monstre en volant, et pour remédier à pareils inconveniens à
l'avenir, en une occasion où la personne et la réputation du roy sont
engagées, je vous prie d'escrire à F^yon, à M" du Gué et Vidault en
telle sorte qu'ils ne fassent aucune difficulté de nous fournir aux occa-
sions ce que je leur demanderay pour le service du roy. Je vous puis
asseurer que je n'employeray point leur crédit qu'en choses du tout
nécessaires, et qu'on ne fera aucunes despenses superflues. Sans cet
expédient, qui est l'unique que vous puissiés prendre pour faciliter
les affaires , je prévoy qu'il arrivera beaucoup de manquemens du
costé de l'argent, qui seroit mesme presque inutile quand vous l'en-
voieriés effectivement, n'arrivant pas à temps.
Envoyant diligemment la monstre et cet ordre, j'espère que tout
ira bien.
Il ne faut point que vous espériés maintenant des troupes pour en-
voier en Guienne ^; à peyne en avons nous de deçà ce qu'il en faut
pour agir en Espagne.
Si vous approuvés l'expédient dont je vous ay escrit de Lyon, à
M"" le chancelier et à vous, pour l'establissement de la subvention
La suscriplion manque, mais c'est ' Afin de faire payer le sou pour livre,
Boulhillier qui a mis au dos la note de autrement, la subvention,
réception
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 901
générale, vous n'en aurez pas de besoin, à mon avis, espérant que
nous l'establirons du consentement des peuples '.
Je parleray au roy de la liberté de Nargonne dont vous m'escrivés'-.
Je ne doute point que vous n'ayés le soin de laire réparer les che-
mins comme vous le pourrés.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCLIV.
Arch. de la famille de Bouthillier. — Original.
SUSCRIPTIOS :
POUR MONSIEUR LE SURINTENDANT.
De Narboniie, ce 19* mars 16^2.
J'ay esté bien aise de voir par vostre lettre^ que vous approuvés
pour les pays d'estat la proposition que je vous fis de Lyon, sur le
sujet de la subvention générale. Aussytost que M' de Narbonne sera
arrivé nous tascbcrons de la bien establir en celte province.
Vous me mandés par la mesme lettre que vous n'estimés pas qu'il
en faille user ainsy pour les pays d'esleclion, et je ne crains point de
vous dire que je croy que vous n'y trouverez pas vostre compte, en
ces temps icy, par une autre voye. Le vray moyen d'establir les choses
doucement estant celuy qui vous a esté proposé , d'autant meilleur
qu'il n'empesche pas que ce droit ne reçoive les augmentations qu'il
doit avoir parle temps puisque les partis intéressés s'y sousmettent.
La province de Bordeaux vient en intention de demander l'eslablis-
sement du dit droit de la sorte. A mon avis, le consentement des
' Nous trouvons dans une lettre de « Narf^onne prisonnier depuis six ans chez
Bouthillier du 10 mars, en réponse à qua- le chevalier du guet , pour la capitulation
tre lettres du cardinal des 20, a4, 25 et de Caslelet, et qui porte la peine de la
28 de février, des renseignemenlsinléres- poltronnerie des autres, demande sa li-
sants pour l'administration des finances de berté. C'est un franc gentilhomme, et qui
ce temps-là. (Arch. des AIT. étr. France, porte les marques de sa bravoure surtout
de janv. en mai, fol. 88.) le corps.» (Même ms. fol. 62.)
* Bouthillier avait écrit le a/i février : ' Lettre précitée, du 10 mars.
902
LETTRES
peuples en un temps pareil à celuy-cy vaut mieux que toute la force
dont on sçauroit user en un autre. Je vous prie de bien repenser à
cette affaire, et, après l'avoir mûrement examinée, M"^ le chancelier
et vous, m'envoier vostre avis signé de tous deux, afin que, le faisant
voir au roy, il ayt plus d'occasion de s'y conformer, s'il est contre ses
premières pensées , et celles de ses serviteurs qui sont de deçà. Vostre
dit avis viendra assez tost à ce que nous l'ayons devant que les dep-
putés de Bordeaux soient icy.
Il ne se peut rien adjousler à la diligence que vous avés faite pour en-
voier la monstre, et à celle avec laquelle vous avés escrit à M" du Gué
et Vidault à Lyon pour nous fournir les sommes dont on aura besoin.
La monstre venant comme vous me l'escrivés, j'espère que vous n'aurés
pas beaucoup de peyne de payer ce que nous prendrons à Lyon.
Le Gard. DE RICHELIEU.
CCCCLV.
Arch. des AfT. élr. France, 16^2, de janvier en mai, fol. ao4- — Original
SUSCRIPTION:
A M. LE PRINCE,
Narbonne, 20° avril idlti.
Monsieur, J'ay
grand sujet de me plaindre de vous, d'avoir voulu donner instruction
à M' voslre fils de me faire un affront jusques chez moy\ et en Tes-
tât auquel je suis. J'espère que Dieu me rendra assez de santé pour
' Quelle est la cause de ce inéconlente-
menl de Richelieu contre M' le Prince ?
et quel est l'affront dont il se plaint ? Voici
ce que le Journal épistolaire de H. Arnauld
raconte , à la date du 1 2 février : « M'' d'An-
guin n'a voit pas voulu céder à M' le car-
dinal Mazarin , quoy que luy eust pu dire
sur cela M' le cardinal. Mais M*' le Prince
estant arrivé bientost après, quoiqu'il
eust lesmoigné approuver ce que M' son
lils avoit fait en cela, néantmoins, M' le
cardinal luy en ayant parlé, il a cédé aussy
lost, et a fait céder M' son fils, auquel,
entre autres choses, S. Ém. ayant dict,
« Vous me cédés bien à moy, il faut bien
que ce soit comme cardinal , car sans cela
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 903
me garantir de tant de bonnes volontez, et pour servir le roy à em-
pescher qu'on n'entreprenne rien au préjudice de sa dignité et du bien
de son estât. C'est tout ce que je vous puis dire pour cette heure,
sinon que je suis,
Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné serviteui- '.
^ Dicté mot à mot par monseigneur,
à Narbonne, ce 20^ avril 16A2.
Cherré.
je ne suis qu'un simple gentilhorame, et
vous estes un grand prince , » il eut poirr le?-
ponse : « Je considère en vous des qualités
éminenles et extraordinaires, et les obliga-
tions infinies que toulemaMaisonvousa... »
Le cardinal vivement blessé, et profilant
d'une prétention d'étiquette qu'il désap-
prouvoil de la part du prince de Condé, fit
rendre à Narbonne, le 17 avril, une décla-
ration royale où il est dit que le roi ayant
sceu les diiriciiltés que M' le duc d'Enghien
faisait par l'ordre de M' le Prince, son
père, de céder à M' le cardinal Mazarin ;
ayant esté aussy adverty que mon dit sieur
le Prince, assislani dernièrement au Te
Deum sollemnellement chanté en l'église
de Paris. . . prisl place au-dessus de la cour
de Parlement, et au lieu mesme qui eusl
esté préparé pour Sa ^Iajeslé, si elle eusl
cstélor3 à Pari». . . Elle a déclaré. . . qu'elle
veut que les princes de son sang cèdent
la préséance, en tous lieux, à M" les car-
dinaux... et, pour le particulier de mon
dit sienr le Prince... son intention est
qu'il demeure, dans les cérémonies, dons
le mc»me rang que les princes du sang
ont tenu par le passé. . . El pour que ce bre-
vet serve de règlement à l'avenir, • le roi
a écrit de sa main , au bas : ce que dessus est
ma volonté; il a signé et a fait contre signer
par trois secrétaires d'état. La pièce origi-
nale, en parcliemin, est conservée aux
arcli. des .\ff. élr. ms. cité aux sources,
loi. 191. — Après l'affaire de février paci-
fiée, M. le Prince avait voulu que son fils
allât rejoindre le roi et le cardinal, partis
pour la frontière d'Eapagne : « M' d'An-
guin pari dans peu de jours pour aller à
la cour (écrivait H. Arnauld, le 9 mars).
M' le Prince le presse extresmement. »La
déclaration du 17 avril aurait-elle provoqué
l'affront dont .se plaint Richelieu ?
' Depuis celle lettre de mauvaise hu-
meur nous n'en trouvons aucune adressée
à M' le Prince jusqu'au 3o juin. Dans cet
intervalle le mécontentement de Richelieu
s'était sans doute apaisé; il écrit au Prince
de son ton ordinaire au sujet des félicita-
lions qu'il en avait reçues sur la décou-
verte de la conspiration de Cinq-Mars :
• Sachant la part que vous prenés aux in-
térests du roy, à ceux de son Estai, et, si
j'ose adjouster, aux miens propres, vous
ne serés point trompé si vous me faites le
bien de croire, comme je vous en conjure,
que je considéreray tousjours les vosires
autant que de quelque personne que ce
puisse estre. . . » (Aux Analyses.)
' Ceci est à la marge dans le manus-
crit. La dernière lettre que nous ayons
904
r.ETTRES
CCCCLVI.
Arch. des AIT. élr. France, i6/i2, de janvier en mai, fol. 2 i5. —
Mise au net, devenue minute, la pièce ayant été corrigée.
[AU Ror.]
ANarbonne, ie 23" avril i6i2.
Ce biilet est pour faire sçavoir au roy que M'' le comte de Brion le
va trouver de la part de Mousieur, pour se resjouir avec Sa Majesté
des bons succez de Catalongne, et de la prise de Colioure; et pour
luy dire que la goûte, qui l'a repris depuis peu, l'empesche non seu-
lement de venir en Languedoc, mais qu'elle l'oblige d'aller aux bains
de Bourbon par l'advis des médecins.
Monseigneur le cardinal estime que Sa Majesté doibt dire d'abord
à M"^ le comte de Brion, quand il la saluera : Et bien quand mon frère
viendra-t-il? 11 ne manquera pas de respondre que Monsieur a la goûte,
et qu'il est bien fasché qu'elle l'empesche de se rendre aussi tost au-
près de sa personne, [ce] qu'il eust bien désiré. Sur quoy elle adjous-
tera, si elle le juge à propos : Je l'ay eue assez forte, mais quand il
est question d'agir pour le bien de mes affaires, et d'acquérir de la
gloire , il n'y a point de maladie qui me puisse retenir. Sa Majesté
ensuitte aura agréable, s'il luy plaist, de traitter assez indifféremment
le Brion , de le renvoyer le plus tost qu'il se pourra , et de luy com-
mander de dire à Monsieur qu'il pense à se guérir puisqu'il est ma-
lade, sans tesmoigner qu'elle désire qu'il vienne, ou qu'il ne s'en
trouvée signée de Richelieu est datée du
20 mars; le 2 avril il faisait écrire au bas
d'une missive adressée au maréchal de
Guébriant : « Monseigneur le cardinal n'a
peu signer celte lettre à cause de l'incom-
modité de son bras. » Désormais ses lettres
ne seront plus signées : nous le disons ici
une fois pour toutes.
' Cette lettre est écrite par Chavigni,
qui y parle du cardinal à la troisième per-
sonne , et même , vers la iin , en son propre
nom ; mais c'est Richelieu seul qui peut
dicter ainsi au roi le langage que doit tenir
Sa Majesté, et lui envoyer les réponses
« qu'elle doit faire. » Cette pièce est donc,
sans nul doute, l'œuvre du cardinal.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 905
soucie pas'. J'envoie à S. M. la response qu'elle doibt faire à la lettre
de Monsieur, quoyque je ne l'aye pas veue. Cela me servira, s'il
luy plaist, d'excuse auprès d'elle si elle y trouve quelque chose à
redire^.
Bien que je sache que le roy est adverty à toute heure de la santé
de S. Em. je ne laisseray pas de l'asseurer qu'après le coup de ciseau
qu'on luy a donné aujourd'huy elle s'est très bien portée ce soir,
et qu'elle a meilleur visage et plus de force qu'elle n'avoit quand
S. M. est partie.
Le duc de Bracciano, qui désire s'attacher au service du roy avec
M' le cardinal Ursin , son nepveu , souhaitte que Sa Majesté ayl agréable
de luy accorder une compagnie royale pour un bastard qu'il a, qu'il
eslève comme si c'estoit son fdz légitime, et à qui il donne beau-
coup de bien; si Sa Majesté trouve bon de luy faire cette grâce, elle
l'obligera sensiblement, et pourra par ce moyen avoir un bon corps
d'Italiens à son service, outre celuy que faict M' le cardinal de
Mazarin.
' Dans cette indifférence affectée que
Richelieu conseille au roi on peut recon-
naître le signe d'une sérieuse préoccupa-
tion qui s'était emparée de l'esprit du car-
dinal. Malade, séparé du roi, il savait que,
protîtant de ces circonstances fâcheuses,
Cinq - Mars reprenait sa pernicieuse in-
fluence et travaillait avec acharnement à sa
perle. Le favori était lié avec le duc d'Or-
léans, et la présence de ce prince eût été
un danger de plus pour Richelieu. On sait
d'ailleurs que cette goutte servait de pré-
texte à Monsieur pour ne pas se rendre
en ce moment auprès du roi, contre qui il
conspirait.
' Le cardinal écrivit, de son côté, à
Monsieur, par le comte de Brion. Dans
cette lettre, de simple politesse, Riche-
lieu .se borne à remercier le prince de la
part qu'il lui donne dans la gloire des
succès dont il félicite le roi. «C'est, dit
le cardinal, un effect de la continuation
de l'honneur de vostre bienveillance en
mon endroit, que je ressens comme je
dois. » Cette lettre est datée de Narbonne
le 29 avril.
CAnOin. DE BICHELIED.
>>i
906
LETTRES
CCCCLVII.
Cabinet de S. A. R. M»' le duc d'Aumale. —
Original de la main de Cherré.
AU ROY.
De Narbonne, ce 28' avril lôis.
Je ne sçaurois assez rendre grâce à Vostre Majesté des tesnioigna-
ges qu'il luy plaist me donner de la continuation de son souvenir et
de sa bienveillance en naon endroit, ny luy exprimer le véritable res-
sentiment que j'en ay. Elle sçait bien que je ne suis pas en estât de
luy faire un long discours, mais quand il aura pieu à Dieu me ren-
voier ma santé, je la consacreray de nouveau, avec le reste de ma
vie, au service de Vostre Majesté', qui me fera, s'il luy plaist, l'hon-
neur de croire que je ne souhaitle l'une et l'autre que pour les em-
ploier à cet usage ^.
' Richelieu n'eut la preuve du crime
de haute trahison commis par Cinq-Mars
que dans les premiers jours de juin , mais
au moment où il écrivait il était parfaite-
ment instruit de la dangereuse intrigue
ourdie autour du roi contre lui ; aussi nous
allons le voir, dans celte nouvelle crise de
sa fortune, redoubler de démonstrations
de fidélité et d'affection pour Louis XIII.
En évitant de le fatiguer de protestations
directes, il le fait entretenir à toute heure
de la tendresse, des mérites et des ser-
vices du cardinal , par les amis qu'il a soin
de tenir continuellement auprès du roi,
et dont il trace la conduite et dicte les pa-
roles, dans des lettres qu'il leur adresse
chaque jour, et même deux et trois fois
par jour. Dans ce corps que la fièvre mine
et que brise la douleur, l'esprit semble
s'animer dune activité nouvelle , et le cœur
d'un plus ferme courage.
' Chavigni qui était en ce moment au-
près de Richelieu écrivait au roi une lettre
du détail des affaires et il n'y oubliait pas
le cardinal; rien ne pouvait arriver à Per
pignan plus à propos ; Richelieu l'apprit le
lendemain lorsqu'il reçut de fie Noyers une
lettre qui commençait ainsi : » J'arrivay icy
hier a8, où je trouvay que les brouillards
des Pirénées estoient descendu/, jusques
sur la cour. . . Pleust à Dieu que le soleil
de qui les clartez en ont dissipé tant d'au-
tres feust en estât de se montrer seule-
ment , il l'eroit bientost renaistre le serein. »
(AlF. étr. France, de janv. en mai, fol. 222
el 228.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
90'
CCCCLVIII.
Cabinet de S. A. R. M'' le duc d'Aumale. —
Original de la main de Charpentier.
A M. DE NOYERS*.
Du i" may 1642.
Il est du tout nécessaire qu'il plaise au roy de recommander et
commander à M"'' le comte de Harcourt et maréchal de Guiche de
faire faire une exemplaire justice de ceux qui se trouveront coulpa-
hles de la lasche reddition de Lens. Le cœur, la probité et le sça-
voir faire des gouverneurs contribuent beaucoup au bonheur ou
malheur des royaumes, principalement durant la guerre.
Les députez de Catalogne se sont plaints civilement de ce qu'on
n'a pas mis un gouverneur catalan dans Colioure; on leur a respondu
que le roy le feroit avant (pie partir du pays et qu'on tiendroit reli-
gieusenienl ce qu'on leur a promis.
' A la Ictlre par laquelle Chavigni Irans-
nietlait celle-ci à de Noyers il ajoutait
un billet qu'il ne fallait pas laisser voir
au roi. Le cardinal mandait à de Nojer.s
que, si le roi avait de la répugnance à
niellre Fabert dans Perpignan, il fallait
tâcher d'y mettre Guitaut el de ne pren-
dre l'allernalive que s'il était impossible
de faire autrement. — Il s'agissait aussi
delà reine nicre : « Il sera bon (faisait écrire
Richelieu ) que vous liriez adroitement
quelque déclaration du roy, sur ce que
Rioiand (c'était le médecin de Marie de
Médicis) mande qu'il désire que la reyne
sa Dière soit en France. Il suffit qu'après
vous avoir dit tout ce qu'il a accoustumé
de dire sur ce sujet vous preniés la peine
de me le raauder. • Ainsi le roi avai! pour
habitude, lorsqu'il s'agissait de la reine sa
mère, de prononcer par respect humain
quelques paroles filiales, que Richelieu de
son côté, prenait pour ce qu'elles valaient;
ce qui dura jusqu'à la mort de cette prin
cesse , arrivée à deux mois de là. La sup-
plique du médecin fut sans doute la der-
nière prière de l'exilée. — Enfin , dans celte
lettre confidentielle, Chavigni disait en-
core : • S. Em. a très bien compris ce que
vous m'escrivez des brouillards des Piré-
nées; elle vous met, pour cet effet un ar-
ticle dans sa lettre qui est, ce me semble,
très à propos. » Est-ce le posl-scriptum ?
Au reste, depuis plusieurs mois, la mé-
sintelligence entre M. le Grand et le maré-
chal de la Meilleraie était connue de tout
le monde.
114.
908 LETTRES
Celte plainte m'a fait penser qu'il faudra mettre un gouverneur
catalan dans Perpignan. Partant c'est un coup de partie absolument
jiécessaire de choisir un esprit pour eslre gouverneur des armes si
flegmatique et si destitué de feu qu'il puisse suporter cette supério-
rité apparente, en sorte que le dict gouverneur catalan demeure con-
tent de luy sans Et que luy se conduise si doucement avec les
habitans et les peuples qu'ils ayent sujet de s'en louer.
Après avoir bien pensé et repensé en cette affaire depuis la plainte
susdite des députez, je ne voy point qu'il y ait aucun esprit en toute
l'armée qui soit si propre à cela que M' Faber, pourveu qu'il se veuille
soumettre à celte domination apparente du gouverneur catalan, ce
qu'il doit faire, si le roy le désire.
Du bon choix que le roy fera de celuy qui entrera là dedans dé-
pend la seureté de sa conquesle, autrement j'oserois bien dire que
deux ans ne se passeront point sans estre exposé à de pareils change-
ments à ceux qui ont mis la Catalogne entre les mains du roy.
Les appréhensions que l'humeur chaude de M' de Saint-Preuil
nous ont données plusieurs fois, le désespoir où sa conduite avoit
mis les habitans d'Arras, et l'extrémité où il a fallu venir, font une
trop bonne leçon en ce sujet pour retomber en pareils inconvéniens.
Vous ferés voir mes pensées au roy, qui ne les improuvera pas, jo
m'asseure, puisqu'il s'agit d'un coup de partie, et qu'elles n'auront
jamais autre but que son service.
Je vous prie d'escrire à M. de Mauroy qu'il rembourse de mon ar-
gent le sieur Sauvé de tous les frais qu'il a faits ponr amener icy
M'' Juif et pour s'en retourner.
Je suis ravy que le roy se porte bien au heu où il est , et de la
continuation de sa bonté et de sa tendresse envers moy.
Ce que dessus a esté dicté par Son Eminence'.
Charpentier.
Celle précaution prise lorsque le car- lot abandonnée; Richelieu dicla toujours,
dinal commença à ne plus signer fut bien- mais on cessa d'en avertir.
DU CARDINAL DE R1CHB:LIEU. 909
S'il est vray qu'il y ayl eu quelque chose à démesler entre M' le
Grand et M' de la Melleraie, comme il en est venu icy quelque bruit,
au nom de Dieu, faites que cela se racommode par l'authorilé du
roy, afin que tout marche avec bonne intelligence.
Je croy qu'on vous a envoyé les plans de Ruel; si vous les avés.
vous me ferés plaisir de me les envoyer.
CCCCLIX '.
A M. DE NOYERS.
De Narbonne, eu 2' niay, à 8 heures du soii .
La lettre que vous avés escrite à M' Citoys qui porte que le roy
est malade, sans spécifier le mal, veu qu'il n'est venu aucune lettre
de M"" Bouvart, comme vous le mandés, m'a mis en une extresme
peine. J'envoie en diligence en sçavoir des nouvelles. Cependant de-
main matin à la pointe du jour partiront M" Chicot et Bontemps -,
qui estoient demeurez auprès de moy, et le s"" Baralis, qu'on m'a dict
estre en cette ville. Si j'eslois en estât d'en aller apprendre des nouvelles
je dispenserois ce gentilhomme de la commission que je luy donne.
Au nom de Dieu, tirés-moy de peine, car je vousasseure que celle
que j'ay du mal du roy surpasse de beaucoup celle que je ressens du
mien propre '.
Ce que dessus a esté dicté par Son Eminence.
CHAnPENTIEli.
' Celle lellre et les dix .luivaiites sont trelui, et de les faire loiirner à la coiifu-
tirées du même ms. que la lettre 458. sion de ses ennemis. A ce point de vue la
' L'un des médecins et l'un des cliirur- monotonie des leUres de F^icheliuu à ce mo
giens du cardinal. raeni n quelque chose de .singulièrement
' Durant tout ce mois et une partie caractéristique. N'est-ce pas aussi quelque
du suivant Riclielieu, en apparence, n'a chosed'étrangequecebulletindela maladie
qu'une pensée, la santé du roi , et en ré:i- écrit par le malade lui-même, où l'on suit
lilé, sa pensée dominnnto, sinon unique, la décomposition progressive qui chaque
c'est de déjouer les intrigues ourdies con- jour marque un pas vers la mort? Sans ce
910
LETTRES
GCCCLX.
A M. DE NOYERS.
De Narbonne, ce 3 may 16/12.
J'envoie pour la Iroisiesme fois ce gentilhomme pour avoir deux
fois le jour des nouvelles de la santé du roy '.
Je vous avoue que jamais peine ne fut pareille à la mienne. Je me
console cependant avec Dieu, ne croiant point qu'il veuille permettre
que le roy ail une mauvaise ou longue maladie.
Cette nouvelle me surprit tellement hier qu'il ne se peut dire da-
vantage. J'ay eu une fort mauvaise nuit. J'espère que vous nous man-
derés des nouvelles capables de nous consoler.
Le roy croira bien, je m'asseure, que si j'estois en estât de pouvoir
marcher je ne perdrois pas un moment pour me rendre auprès de
luy, mais mon malheur est, quoyque mes plaies aillent bien, à ce que
disent les chirurgiens, qu'on ne me peut porter d'un lit à un autre
.sans d'extraordinaires douleurs.
fidèle témoignage on se ferait cliQiclleaient
l'idée des souffrances physiques qu'endu
rait le cardinal , ainsi que de l'énergie de
cet esprit, qui, dévoré en même temps de
mille soucis, conserve parmi ces épreuves
toute sa vigueur. Accablé de ses propres
affaires , il ne s'occupe pas moins des affaires
de 1 Etat, il y porte toujours sa résolution
prompte et fei-me, et celle volonté habile
à se faire obéir par le roi, en paraissant
obéir elle-même.
' De Noyers écrivit à Chavigni , le len-
demain 4, de Perpignan, au sujet de
cette missive : «S. M. a csié sensiblement
touchée de la lettre que S. Eni. m'envoia
hier, et des soins extraordinaires qu'elle a
pris d'envoier sçavoir des nouvelles de sa
santé. . » Il ajoutait : « L'estat auquel s'est
trouvé le roy durant vingt-quatre heures
m'a fait descouvrir quelques mouvemens
qu! ne se peuvent escrire; je vous en en-
Ireliendray à la première vue. . . » (Aff.
étr. ms. précité, fol. 278.) Ce sont ces
moavemens dont l^ichelieu voulait être in-
formé autant au moins que de la santé
du roi.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 911
CCCCLXl.
A M. DE NOYERS,
De Naibonnc, ce 6* may 1642.
(Jommeje pensois entrer au port, ii est venu une nouvelle tempesle
qui m'en jette bien loin.
Il s'est fait une nouvelle fluxion sur mon bras, et l'ancienne ouver-
ture que Dieu et la nature avoienl laite s'est rouverte, a jette de nou-
veau pus en assez bonne quantité. On parle maintenant, pour me con-
soler, de jouer de nouveau des couteaux, à quoy j'auray bien de la
peine à me résoudre, n'ayant plus ny force ny courage pour cela Je
suplie Dieu qu'il m'en donne pour me conformer à sa volonté.
Je vous remercie de ce que vous m'avés mandé de la santé du
roy, qui est la chose du monde que je désire le plus.
Je suis dans la foiblesse où vous fustes dans vostre maladie de
Lyon, incapable de suporler les divers retours des affaires. Je me
sousmotz tousjours cependant à la volonté de Dieu.
CCCCLXII.
A M. DE NOYERS.
De iNarbonne, ce 8* may 1642.
Si je ne préférois, comme j'ay tousjours fait, le service du roy à
mon contentement, je serois infiniment aise que vous feissiés un tour
icy. Mais il faut finir Perpignan, qui ne durera pas longtemps, à mon
avis.
Il y a longtemps que je cognois les soins du roy telz qu'iiz sont,
et j'en ay devant Dieu les ressentimens que je doibz.
Vostre silence me fait bien cognoistre qu'il n'a pas aprouvé ce que
je vous ay escrit pour son service, sur le sujet des qualitez que doit
912 LETTRES
avoir celuy qui comniaudera les armes dans Perpignan. Ne soyés point
en peine de celle que vous pensés peut-estre que je puis avoir sur ce
sujet. Ce m'est assez d'avoir satisfait à ce que j'ay creu devoir à ma
conscience. Reste à S. M. qui est le maistre, à en user comme bon
lui semblera.
J'ay souHerl d'extraordinaires douleurs cette nuit.
11 est arresté qu'il me faut faire une ouverture dans le ply du bras.
On craint cependant de rencontrer et couper la veine. Je suis en la
main de Dieu.
Je voudrois bien avoir acbevé mon testament, mais je ne le puis
sans vous, et vous ne pouvés désemparer que Perpignan ne soit fini '.
CCCCLXm.
A M. DE rVOYERS.
Dp Narboiuie, ce lo'may i6'i2.
Le rov m'a fait l'honneur de m'escrire en termes si extraordinai-
remenl ohligeans qu'il m'est impossible de ne le tesmoigner pas, et
de n'en avoir pas un ressentiment inexprimable^. Il me fait en outre
' Le testament fut fait et signé devant mieux que clans un récit, la situation se
nolaire.le 23 de mai. peindra d'elle-même, si, des paroles de
' Pendant que la maladie tenait le car- Hichelieu , nous rapprochons une lettr^
dinal loin du roi, l'influence momenta- de de Noyers écrite à Chavigni le i4 mai
nément sans rivale de M. le Grand, qui « du camp devant Perpignan. »
tourmentait si cruellement Richelieu, né- « Nous pouvons bien chercher la paix et
tait pourtant pas tellement puissante sur le repos dans les créatures, mais il est cer-
Louis XIII, que ce pauvre roi iiicessam- tain que nous ne l'y trouverons jamais,
ment tiraillé tantôt d'un côté, tantôt de Les dernières nouvelles de la santé de
l'autre, par le caprice de ses affeclions Monseigneur me faisoient espérer de le
ambulatoires, n'eût vers son ministre des voir bientost en estât de calmer tous ces
retours dont le favori s'alarmait à son tour. orages par sa santé cl sa prudence , et voilà
Tandis que Richelieu exprime cette joie qu'il me fait escrire qu'il est en mesme
triomphante dans ses épanchements avec estât de soulTrance; et vous m'en dites
de Noyers , Cinq-Mars fait ce même de assez pour me confirmer cette créance.
Noyers confident de ses tribulations. Bien Où irons-nous donc, sinon à celuv à qui
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 913
l'honneur de in'ofFrir ses médecins et ses chirurgiens, mais vous neu-
ves penser quel desplaisir ce me seroit s'ilz estoient un seul jour
absens de sa personne, et qu'il en eust affaire.
Cependant vous le remercierés de ma part de la volonté comme
si j'en acceptois l'effect.
M' de Chavigny me dist hier par discours que M'' de Nouaiiles avoit
demandé auroyle gouvernement de Perpignan, ce que je ne sçaurois
croire. J'avoue que sa qualité, sa fidélité et son humeur douce me le
feroient préférer à celuy dont je vous escrivis il y a quelque temps',
sans dessein formé. Le roy sçaura bien choisir ce qu'il Itiv faudra.
Mais il est vray que, s'il peut mettre un homme de qualité en cette
place, ainsy qu'a fait le roy de Castille, et un homme qui tienne table
pour les Catalans, et ayt un train qui leur donne dans la veue, ce
sera le meilleur.
Surtout quiconque y soit ne doit point avoir dedans de troupes
qui soient à luy, mais bien des Suisses de la garde bien choisis par
Sa Majesté, et un vieux régiment. Le roy est le maistre et sy judi-
cieux qu'il sçaura bien trouver son compte, et faire sy bien cette
affaire qu'il n'y faille jamais retomber.
saint Augustin disoil : Tu solas reqaies?
• Avant hier au soir, N. ayant esté long-
temps avec le roy, me vint voir sur les dix
heures du soir, et feust trois quarts d'heure
avec moy, en discours plus amiables qu'in-
dilTérens; me dist que depuis deux jours
il avoit esprouvé trois charges de la mau-
vaise humeur du roy; qu'il les endurcit
parce que Testât où Sa Majesté se retrou-
voit ne luy permettoit pas d'en user autre-
ment, mais que , s'il estoit en santé, il luy
en diroit ses sentimens. Je n'entray point
du tout en matière et passay tout ce temps
là en civilitrz et railleries. Il me sembla
qu'il n'estoit point venu sans dessein, et
qu'il eust bien voulu que j'eusse parlé
de raccommodement. Mais pour les rai-
C4RDIN. DE BICHELIE0. — VI.
sons que vous sçavez je me lins quoy. Ce
volage a esté remarqué , bien qu'il semble
qu'il l'ayt voulu couvrir du voile de la
nuict.. ..(Ms. des Aff.étr. précité, fol. 33o.)
Le i6, de Noyers continue son rapport:
«Tout est icy en Testât que je vous ay
mandé. Il y a eu un grand jour, la froi-
deur et l'aversion a duré six jours et la
chaleur n'est pas revenue. Si nous pou-
vons obtenir que Ton demeure trois moi»
ensemble à Fontainebleau , il n'y a rien
que S. Em. ne face certainement, mais il
lault cela, autrement ce que nous édifions
en un entretien d'une heure se détruit en
huict jours qu'il a les coudées libres pour
Iravailler.» (Même ms. fol. 363.)
' Fabert ? (Voy. ci-dessus, p. 907.)
ii5
914 LETTRES
CCCCLXIV.
AU ROY.
De Narbonne, ce ii* may 1642.
Bien que mon mal me soit bien sensible, la moindre incomodité
que reçoit Voslre Majesté me l'est bien davantage. C'est ce qui fait
qu'ayant apris que Vostre Majesté estoit travaillée de ses émoroïdes,
j'envoie ce gentilhomme pour en apprendre des nouvelles, la supliant
de croire que personne ne sçauroit jamais recognoistre ses bontez
avec tant de tendresse que moy, qui ne désire la vie et la santé que
pour employer l'une et l'autre à son service.
CCCCLXV.
A M. DE NOYERS.
De Narbonne, ce 1 1' may lèii.
J'envoie savoir des nouvelles du roy sur ce qu'on m'a dict qu'il es-
toit travaillé de ses émoroïdes. Les moindres de ses maux me tou-
chent sy sensiblement qu'il n'est pas possible de plus.
M' Juif et ses confrères me donnent espérance d'une plus prompte
guérison qu'ilz ne croyoient il y a quatre jours; ilz disent que le fond
de ma plaie d'en haut est sy proche du cinus, qui est en bas contre
le ply du bras, que dans trois jours ilz seront joints ensemble, au-
quel cas je seray en estât de prompte guérison. M' Bontemps vous
expliquera bien tout ce mistère.
M' le mareschal Ilorn va à Richelieu. Je ne sçay si nous y avons
envoie la vaisselle d'argent qui a esté faite pour ce heu; je vous prie
me le mander'
I\ictielieu avait voulu que son parent, liquemeiit le maréchal Horn ; et il til écrire
le maréchal de La Meilleraie, traitât uiagni- par Chavigni à de Noyers que, le mare-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 915
M' de La Forest Toiras apréhendant que quelqu'un ne demande au
roy la prévosté de Montpellier qu'avoit feu son frère, laquelle il a
résignée il y a plus de quatre mois à un de ses neveux nommé Claude
de Remon de Brignon, auquel le Pape a accordé les expéditions, à
ce qu'il dict, suplie très humblement S. M. de luy en vouloir accorder
un brevet du d. bénéfice pour son d. neveu, pour empescher qu'il
n'y puisse estre troublé; vous en dires, s'il vousplaist, un mot à S. M.
CCCCLXVI.
A M. DE NOYERS.
De Narbonne, ce 12' may 1642.
Je suis tousjours en mesme estât; un jour j'espère, l'autre je suis
en doute, et toutes les nuicts me sont très mauvaises. Dieu me don-
nera ce qui m'est nécessaire, et ce qu'il a ordonné c'est ce que je
désire.
Le roy a sy bien trouvé en jettant les yeux sur le jeune Vaube-
court, que je ne croy pas qu'il en faille chercher d'autre. Il a toutes
les qualitez requises, et je ne sçaurois assez louer S. M. d'un sy bon
choix. C'est ainsy qu'il faut faire les affaires, ne considérant en choses
sy importantes que la raison. S. M. persistant en ce choix, il est temps,
à mon avis, de mander ledict s"" de Vaubecourt, et de penser au gou-
verneur que le roy voudra mettre à Landrechy, sans remuer, pour
cette campagne, la garnison, composée d'une partie du d. régiment.
Ma pensée est qu'il vaudra mieux faire servir ce régiment à la cam-
pagne en Picardie, et en mettre un des vieux dans Perpignan. Cepen-
dant le roy est maistre pour faire ce qu'il luy plaira, mais je le suplie
de considérer Perpignan comme la place du royaume laquelle il doit
chai venant visiter le roi, il représentât Allemagne, et qui mérite exlraordinaire-
à Sa Majesté: • Combien il est important ment d'elle-mesme u (Ms. des AIT. étr. pré-
qu'elle face bonne chère à une personne cité, fol. 358, lettre du 3 mai.)
qui doit commander l'armée de Suède en
ii5.
916 LETTRES
plus asseurer, et contre le roy d'Espagne , et contre toutes sortes de
pensées semblables à celles qui avoient passé dans l'esprit du pauvre
Saint-Preuil.
Si vous avés des nouvelles de Picardie, je vous prie de m'en
mander.
CCCCLXVII.
A M. DE NOYERS.
De Narbonne , ce i3' may 1642.
Prévoyant que dans huit ou dix jours les armées navales de Po-
nant et de Levant seront jointes à Cap de Quiers, il faut voir à quoy
il faut les employer pour ne les rendre pas inutiles. Pour cet effect,
il fault diligemment escrire à M' de La Motte pour sçavoir si ladicte
armée peut favoriser les desseins en Valence, soit pour prendre le
port de Vineros, soit pour Tortose. Elle ne peut servir qu'à cela ou
au siège de Rose, quand le roy voudra le faire faire, ce qui me semble
nécessaire cette année, pour mettre le Rousillon, tandis qu'on y est,
en estât de ne pouvoir estre jamais attaqué. On a à aller chercher
les vaisseaux et les galères du roy de Castille, dont il veut composer
cette grande armée de laquelle Toralte a parlé, es lieux où ils seront,
devant qu'estre tous assemblez.
Quand vous aurés response de M" de La Motte, il vous sera
aisé d'escrire au marquis de Brézé ce qu'il aura à faire présen-
tement.
Le mar*' de Brézé est icy en un estât pitoyable. 11 est pris depuis
les pieds jusques à la teste. Il est certain qu'il a un corps incapable
d'employ. Je croy qu'il faudra, par nécessité^ que le roy, partant
de ces pays, qu'il pense à un autre vice-roy, qui ne peut estre, à mon
avis, que le mar^' de La Motte; la raison et l'expérience ne permet-
tant pas qu'on eslablisse, en une mesmc province, deux personnes
de mesme qualité. M' Mazarin ne veut point de vaisseau pour aller
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
917
à Rome, et partant il faut mander à celuy qui commande celuy qu'on
luy a réservé pour cela, qu'il aille joindre l'armée à Cap de Quiers.
Je vous prie de me mander, si vous le sçavés, où M' le Prince a pris
place dans Nostre-Dame au dernier Te Deum '.
CGCCLXVIII.
A M. DE NOÏERS.
De Narbonne, ce 17* may i643.
J'ay esté deux jours sans vous faire sçavoir de mes nouvelles,
parce que je ne sçavois que vous mander. Les chirurgiens disoient
que mon mal alloit bien, et je ne m'en apercevois point.
Hier je fus en une extresme peine d'nn petit abcès nouveau qui s'est
fait dans le ply du bras, au-dessus de la première ou^'ertiire. L'apré-
hension de l'ouverture et la difficulté de la faire, et la lassitude qu'a
un malade de la fréquence de pareils accidens ne me tenoient pas
en petite inquiétude. Cette nuict ce petit abcès a commencé à prendre
passage le long de la peau du premier trou, ce qui me donne espé-
rance qu'il ne faudra point jouer des cousteaux.
Je vous avoue que sans la grâce de Dieu la longueur et les acci-
dens d'un si fascheux mal m'osteroient tout cœur*. Mais, considé-
' Voyez ci-dessus, lettre au prince de
Condé du ao avril.
* Le cardinal semble être dans une de
ces crises de découragement qui saisissent
parfois les plus fermes, et qui pour lui
ne duraient guère. C'est alors qu'il écrit
à l'un de ses confidents les plus fidèles ,
le comte d'Estrades, une lettre que nous
ne donnons pas in extenso parce qu'elle a
été imprimée, mais dont il convient de
citer un passage: t Vous sçauréS que Cinq-
Mars a conspiré contre moy, qq'il veut
prendre ma place auprès du roy et que
Dieu a permis que son ingratitude luy ayt
osté le jugement, en luy faisant prendre
des mesures qui ont fait voir au roy mou
innocence et mes bonnes intentions. Quoy-
que cet ingrat soit encore près du roy, et
qu'il ayl fait ce qu'il a peu pour empes-
cher le voyage de Sa Majesté en Boussillon ,
que je luy ay conseillé comme estant né-
cessaire à son service, il ne laisse pas de
pratiquer des gens de la cour contre moy,
comme ïréville, Tilladel ci autres pour
qui le roy a de l'estime. J'ay mesme sujet
de croire que Monsieur et M' le duc de
918
LETTRES
rant qu'à l'égard du ciel les espines sont des roses, je me soiismetz
de bon cœur à la volonté et à la providence de celuy qui sçail bien
ce qu'il me faut.
Bouillon sont de la partie, et que ce der-
nier, estantneveu de M' leprince d'Orange ,
il pourroit bien l'engager à estre contre
moy, ce qui m'oblige de vous dépescher
D ilidor pour prévenir M' le prince d'O-
range , et vous prier de vous servir, en cetle
rencontre, de tout le crédit que vous avés
sur son esprit, pour le porter à faire pa-
roistre qu'il conserve pour moy la mesrae
estime et la mesme amitié qu'il m'a tous-
jours lesmoignées. Il suffira pour cela que
vous le fassiés souvenir qu'il vous a dict
souvent que c'est principalement la con-
fiance qu'il a dans mes soins qui le tient
attaché aux intéresls de la France, et luy
fait rejeter les offres de l'Espagne. Que les
sentimens qu'il a pour moi sur cetle ma-
tière sont assez connus de tous ceux qui
entrent dans les affaires , et qu'ainsi , pen-
dant qu'on s'efforce iny de blesser ma ré-
putation et de noircir ma conduitte auprès
du roy, il est de mon avantage et, en quel-
que façon, démon honneur de continuer
à s'expliquer en ma faveur, et à tesmoi ■
gnerparses paroles et par ses actions qu'il
ne s'attache à mes intéresls que par la
seureté qu'il croit qu'on peut trouver dans
ma conduitle, et par la sincérité qu'il a
tousjours remarquée dans mes intentions,
et que, comme il est persuadé que je suis
tousjours le mesme, il continue aussy
d'eslre pour moy dans les mesmes senti-
mens. Cette manière de s'expli(|uer dans
un prince aussy éclairé que luy me seroit
avantageuse, et comine il en reviendroit
icy quelque chose, elle feroit un bon effect
pour moy. «Celle prolixité dans les recom-
mandations montre combien Richelieu dé-
sire et croit avoir besoin que le prince
vienne à son secours. — La lettre, datée
du i3 mai (et de Ruel par une étrange
bévue des copistes ) , a été publiée en 1 7 1 8 ,
page 65 des Ambassades et négociations de
M' le comte d'Estrades. Et Chavigni , dans
une lettre qu'il joignit à celle du cardinal,
ne crut pas inutile d'ajouter : « Je dois vous
dire que monseigneur, me parlant hier
de vous , me dit qu'il comptoit sur vostre
amitié comme sur celle de M' le mareschal
de La Meilleraie, et je ne doute pas que
vous ne receviés bien de la joie d'appren-
dre les senlimens qu'il a pour vous. Il
m'a envoie chercher présentement et m'a
ordonné de voir le s' Mathieu Hœuft, et
d'en tirer une lettre de change jusqu'à dix
mille livres pour esire délivrée et payée
suivant nos ordres; vousjugerés parla de
la grande confiance que S. Em. prend en
vous...» Le comte d'Estrades répondit à
Richelieu le 10 juin, et dans sa lettre,
pleine d'encouragement, il répétait la dé-
claration, qu'il avait déjà transmise du
prince d'Orange que, si le cardinal n'avoit
en main les affaires de la France, il accep-
teroit les offres que luy faisait le roy d'Es-
pagne et s'accomoderoit avec cette couronne.
D'Estrades ajoutoit : « M'ie prince d'Orange
m'a paru avoir une telle horreur de l'in-
gratitude de M' de Cinq-Mars , et entrer si
avant dans les intérests de V. Em. que je
la puis asseurer qu'elle peut compter sur
son amitié, et sur la manière avantageuse
dont il se dispose à s'en expliquer dans les
occasions. » — On va voir, dans un mé-
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 919
Je ne vous responds point sur l'arlicle de Cangé parce que je ne
sçay ce qu'il faut faire; Montigni, qui est en la flotte du marquis de
Brézé, en estant vice-amiral, je croy qu'il vaut mieux laisser les
choses comme elles sont, M"^ de Forbin donnant les ordres jusques
à ce que le marquis de Brézé soit arrivé, où, par l'avis du bon-
homme des Gouttes, tous les rangs des prétendans aux charges se
pourront vuider plus aisément.
CCCCLXIX.
A M. DE NOYERS.
De Narbonne, ce 18' may 1642.
Les longueurs de mon mal estant trop grandes pour en juger une
fin proche, et les chaleurs, dans lesquelles on ne peut arriver en
Italie sans péril, commençant à la Saint-Jean, j'ay enfin faict résou-
dre M' le cardinal Mazarin à s'en aller, parce que s'il demeuroit
huict jours davantage il faudroit qu'il passast l'esté icy, et perdist
l'occasion de servir le roy à Rome, et que, comme vous sçavés,
je préféreray toute ma vie les intérests de Sa Majesté à mon conten-
tement.
Demain matin M' Juif ouvrira de nouveau le petit abcès qui s'est
faict à mon bras, d'autant que le passage qui s'est faict n'est pas assez
grand.
Jugeant que le roy n'aura pas grand besoin de voslre service pen-
dant les complimens du prince Morgues, et les cérémonies qu'il
faudra faire pour luy donner l'ordre ', je vous prie de luy demander
moire du a5 mai, que Hichelieu se pré- fait à Aix, le 3o avril, une pompeuse récep-
vaut à l'av.ince des sentimenis du prince lion; il arriva au camp le 21 mai, elle
d'Orange à son égard. lendemain le roi lui donna , en grande cé-
' Honoré de Grimaldi, prince de Mo- rémonie, l'ordre du Saint-Esprit, après
naco, ayant quitté la proleclion d'Espagne l'avoir fait chevalier de Saint-Michel dans
pour celle de France, vint trouver le roi son cabinet. Entin, le il^, le prince fit sa
au camp devant Perpignan. On lui avait visite à Narbonne. Pour le dédommager
920
LETTRES
congé pour venir un jour icy seulement. Vous apporterés, s'il vous
plaist, les papiers que vousavés receus de Paris pour moy, ne pou-
vant estre à repos que je n'aye passé authentiquement ce que je veux
faire pour les miens '.
Vous ne croirés pas, s'il vous plaist, par là que je croye estre en
péril quelconque, mais vous jugerés seulement que la grâce et la
raison veulent, lorsqu'on est malade, qu'on pourvoie promptement
à sa conscience et à ses affaires pour n'estre point surpris et pour
avoir l'esprit à repos, ce qui ne sert pas peu à la guérison de la ma-
ladie en laquelle on est.
Après avoir repensé à l'affaire de Cangé, je croy, si le roy le trouve
bon, qu'on ne luy peut desnier présentement le pouvoir de vice-admi-
ral sur les vaisseaux de Levant; et il me semble que l'autre fois que
les vaisseaux de Ponant passèrent en Levant celuy qui estoit vice-
admiral en Levant fut contre admirai en toute l'armée, à cause de l'an-
cienneté plus grande de celuy qui avoit esté faict vice-ad mirai en
Ponant.
Je ne vous prie point de me mander des nouvelles de la santé du
de la perte des biens queJe roi d'Kspagne
lui avait confisqués dans le royaume de
Naples, Louis XIII érigea, en sa faveur,
le duché de Valenlinois en duché-pairie.
Les lettres patentes, datées du mois de
mai, furent enregistrées le 18 juillet. Une
copie est conservée aux.Aflaires étran-
gères, France, janvier en mai, fol. 45 1.
' De Noyers ne manqua pas à cet appel;
nous le trouvons à Narbonne le 22 , d'où
il écrit à Chavigni , qui avait été le rem-
placer auprès du roi : « Je travaillé hier,
depuis une heure jusques à minuict, à
dresser l'affaire que vous sçavés, sui-
vant l'intention de nostre cher malade.
J'espère que ce soir l'on signera tout, ou
demain au malin, pour le plus tard; que,
cela faict, il ne songera plus à quoy que
ce soit qui luy puisse faire peine, remet-
tant lout entre les mains de Dieu. » On
voit dans cette même lettre de de Noyers,
comme les amis de Richelieu s'inquié-
taient de son mal, et aussi comme ils
reprenaient facilement une sécurité trom-
peuse : « Je feus désolé hier toute la jour-
née, tant S. Em. me sembla en mauvais
estât; et, en effeci, toute nostre faculté
(lerante estoit bien embarassée. Mais ce
matin ils ont repris cœur à la veue des
plaies et de tout le bras qu'ils ont, à ce
qu'ils disent, trouvé mieu.ic qu'il n'a en-
core esté. • Ces raédecins-là ont dû recon-
naître plus tard que les plaies du bras
n'étaient qu'un accident, que le principe
du mal était ailleurs, et leur était resté
profondément caché.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 921
roy parce que vous m'en rapporterés, et, j'espère, de bonnes, les dé-
sirant plus que ma propre vie.
Au nom de Dieu, conjurés Sa Majesté, de ma part, de n'aller point
au soleil.
CCCCLXX.
Arch. des Aff. étr. France, t. 102,
pièce sans numéro, classée entre le 2 et le 3 juin, et les fol. 10 et 11. —
Minute de la main de Charpentier.
MÉMOIRE DE M. LE CARDINAL'.
[A M". DE CHAVIGIVI ET DE NOYERS.]
[Vers le 2 5 mai i64a '.]
Dieu s'est servi de l'occasion d'une porte non barrée qui me donna
lieu de me defFendre lorsqu'on taschoit de faire conclure l'exécu-
tion de ma ruine '.
Laisser attaquer une place non fortiffiée sans la secourir, c'est le
moyen de la perdre.
On est très certain qu'on attaque mon innocence , ne rien dire est
donner moyen aux meschans de venir à leurs fins.
' Ce titre semble être de la main d'un phrase , Richelieu semble s'adresser lui-
secrétaire de Chavigny. même au roi.
' Le cardinal partit de Narbonne le ' La journée des Dupes. — On rap-
27 mai, et ce mémoire a dû être écrit peu porte que la reine mère avait coutume de
avant son départ. 11 n'y a point de sus- dire «que, si elle n'avait pas négligé de
cription; mais cette pièce confidentielle, fermer un verrou ,1e cardinal élait perdu »
destinée à servir de texte pour une con- Ce mémoire de Richelieu , qui confirme la
versation avec le roi, ne pouvait s'adres- parole attribuée à Marie de Médicis, dé-
ser qu'à Chavigni et à de Noyers, aux- ment la version controuvée de Vittorio
quels, comme on l'a vu, le cardinal Siri, qui prétend que le cardinal fut intro-
écrivait en commun lorsqu'ils étaient tous duit dans le cabinet où le roi le fit appeler
deux auprès du roi, et qui tous deux [Memor. recoud, tome VII, p. 285.) Le
signaient ensemble parfois les réponses. P. Griffet, en citant V. Siri, parle d'une
Le cardinal trace ici les propres paroles femme de chambre nommée Zuccole, qui
que ses deux confidents doivent dire à aurait ouvert la porte à Richelieu, (t. II,
Louis XIII; et, dans le tour vif de sa. p. 61.)
CAnOIN. DE RICHELIBD. — Vt. Il6
922 LETTRES
On estime qu'il faut prendre des moyens innocens el qui obligent
le roy pour rompre les mauvais desseins.
L'un est de faire parler Mathusalem ^ à propos, et comme il peut
et doit.
L'autre est que M" de Chavigny et de Noyers parlent au roy et luy
disent que le cardinal voulant partir de Narbonne, suivant son con-
seil, pour changer d'air, et ne sachant quel changement son trans-
port apporteroit à son mal, qui reçoit souvent diverses altérations, il
a voulu luy tesmoigner l'extresme confiance qu'il a en S. M. en luy
descouvrant ce qui s'apprend de toutes parts.
Les lettres du prince d'Orange, lesgazett.es de Bruxelles, celle de
Cologne, les préparatifs de la royne-mère pour venir, les litières el mu-
lets acheptez, ce qui s'escrit par lettres seuresde Mad. de Chevreuse,
ce qui s'escrit encore de tous costez de la France , les bruits qu'il y dans
toutes les armées, les advis qui viennent de toutes les cours d'Italie, les
espérances des Espagnols, soit du costé d'Espagne, soit de Flandres;
La résoKition que Monsieur a prise de ne venir point contre ce qu'il
avoit promis, attendant peut-estre l'événement du tonnère ;
Toutes ces choses ont obligé à en avertir le roy, affin qu'il mette
tel ordre qu'il luy plaira à des bruits qui ruinent ses affaires.
M. de Chavigny adjoustera que M. le cardinal luy a dict qu'il ne
doute point que le roy ne face comme il a tousjours faict;
Qu'il l'advertit des desseins de la royne-mère et y mit ordre;
Qu'il en fit autant du P. Caussin quand S. M. veit que ses desseins
alloient trop avant;
Qu'il se tient asseuré qu'il fera encore le mesme.
' Nous pensons que ce nom désigne Richelieu étant une Rochechouarl. Nous
Gabriel de Rochechouart , marquis de avons vu plusieurs lettres manuscrites du
Mortemart, gentilhomme de la chambre marquis de Mortemart adressées, à celte
du roi, qui, sans être favori déclaré, corn- époque, aux deux minisires créatures de
mençail à plaire à Louis XIII. Il était Richelieu , lesquels, dans ces circonstances
entièrement dans les intérêts du cardi- périlleuses pour le cardinal , se servaient
nal, avec lequel il avait quelque degré de ce gentilhomme, qu'ils appelaient le
de parenté, la grand'mère paternelle de fidèle.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 923
On verra ce que dira le roy, et de quelle façon il agira de son mou-
vement.
Le moindre remède est qu'il déclare qu'ayant appris ces bruits,
il veut que tout le monde sache qu'il est très satisfaict du service du
cardinal, et que, si quelqu'un est contre luy, il le tient eslre contre
sa propre personne ; et que, si quelqu'un est assez meschant pour luy
en vouloir, il le secondera.
Ensuitle il faut faire esloigner M'' de Tliou et Chavagnac.
Ensuitte je croy que M" de Chavigny et de Noyers peuvent dire
franchement à M. de Schomberg, sur les civilitez qu'il leur fera,
qu'estant tel qu'il le dict, il le doit déclarer ouvertement, sans de-
meurer amphibie en l'opinion de tout le mondée
Le cardinal a bien sceu dès Paris qu'on taschoit à vous donner de
l'ombrage de luy, à cause de l'alliance de M. le Prince, mais il mes-
prisa cela , tant par la cognoissance de vostre bon jugement que par
l'expérience que vous avés qu'il ne cognoist point ses alliez où il va
de l'intérest de l'Estat.
Et il faudroit estre privé de jugement pour ne voir pas qu'un
homme ne peut pas entreprendre une affaire au profit d'un autre en
s'exposant à sa vengeance pour le crime dont il recevroit le fruict, veu
qu'il ne luy seroit pas moins glorieux et avantageux de se venger que
recevoir la succession qu'on luy auroit procurée.
Si Dieu eust appelé le cardinal, V. M. eust expérimenté ce qu'elle
eust perdu; ce seroit bien pis si vous le perdiés par vous-mesme,
veu que, le perdant ainsy, V. M. perdroit toute la créance que l'on a
en elle. Et il faut estre aveugle , ou d'une grande passion contre luy,
ou d'une grande ignorance pour pouvoir dire le contraire.
' La conduite du maréchal de Schoni- gence qui paroist entière entre M. de
berg , qui avait de grandes obligations Scliomberg et M. le Grand exerce bien
au cardinal, était alors fort suspecte à l'esprit des spéculatifs et des plus habiles
l'Emincnce. On croyait ce maréchal inti- courtisans, qui sont réduits à attendre
memenl lié avec Cinq-Mars; on le disait l'avenir pour juger ce que c'est que cette
et on s'en occupait à la cour et à Paris. intrigue.» ( Bibl. imp. Béthune gayS ,
H. Arnauld écrivait le 21 mai : t L'intelli-. fol. 1 1 1.)
116.
924
LETTRES
Enfin il faut ne rien dire au roy qui ne l'oblige, et qui ne iuy tes-
moigne confiance.
CCCCLXXI.
Cabinet de S. A. R. M*" le duc d'Aumale. — Original de la main de Gherré.
AU ROY.
De Narbonne, ce 27' may ifi42.
Je parts en suivant le conseil de Vostre Majesté, dont je ne pense
pas me pouvoir mal trouver venant d'un si bon maistre'. Cependant,
puisqu'il Iuy plaist prendre part à ce qui me touche, comme elle faict,
je Iuy diray franchement que je ne prevoy pas que la fin de mon mal
puisse estre de longtemps; et que, bien que les médecins et les chi-
rurgiens me dient assez souvent que mes plaies ne vont point mal, je
ne ressens point l'amendement qu'ils me promettent tous les jours
depuis un mois.
Quelqu'événement qu'il plaise à Dieu donner à mon mal, je le re-
cevray, avec l'aide de sa grâce, avec patience et seray très-content
pourveu que je sache que Vostre Majesté se porte bien, et qu'elle ait
pris Perpignan. Ce sont maintenant les deux choses que j'ay le plus en
teste, lesquelles j'espère de la bénédiction de Dieu sur vostre règne.
' Les médecins jugeaient le séjour de
Narbonne pernicieux pour Richelieu , et
cependant ils n'avaient osé lui conseiller
(le partir, 0 à cause qu'ils n'ont pas voulu
prendre l'événement sur eux et qu'ils
craignent pour S. Ém. l'agitation du che-
min... le conseil du roy l'a fait passer sur
cette considération. . . nous eussions eu
bien de la peine à Iuy faire faire sans le
nom du roy. • C'est qu'aussi (ce qu'on ne
dit pas) Richelieu avait grande répugnance
à s'éloigner du roi. Dans celte même lettre,
écrite à de Noyers par Chavigni , celui-ci ,
qui semble inquiet pour la sûreté du car-
dinal, ajoutait : «C'est au roy à juger s'il
n'eslimeroit pas à propos de renvoyer la
compagnie de chevaux légers de M*' le
cardinal avec M. de Paluau pour accom-
pagner S. Em. de Béziers à Pezenas , et là
demeurer auprès d'elle, parce qu'elle sera
assez seule et plus esloignée de S. M. qu'elle
n'est. 11 (Lettre du 2 5 mai, fol. iio3 du
manuscrit des Aff. étr. France, de janvier
en mai.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 925
CCCCLXXII.
Arch. des Aff. étr. France, juin-août, fol. a3. —
Original de la main de Cherré.
AU ROY.
D'Agdc, ce 4' juin 10-42.
Je recevray avec contentement les tesmoignages de l'affection de
Vostre Majesté par qui que ce puisse estre , mais je n'en ay point besoin
pour m'en tenir asseuré, en ayant tousjours receu des effects pour le
passé en toutes les occasions où on tasche le plus puissamment de
l'esbranler. En recognoissance de cette obligation, je n'ay jamais rien
oublié de ce qui m'a esté possible pour son service, et je ne désire
la vie et la santé que pour faire le mesme à l'avenir.
Les médecins et les chirurgiens continuent à me dire qu'ils me
guériront bientost; les incommodités que je ressens parfois me font
souvent douter de leurs paroles. Cependant j'espère que Dieu me re-
mettra en estât de contribuer, par sa bénédiction, à autant de bons
événements à l'avenir comme il en a donné par le passé à la vertu de
Vostre Majesté et aux soins qu'elle a voulu prendre de ses affaires.
CCCCLXXIII.
Cabinet de S. A. R. M'' le duc d'Aumale. — Original de la main de Cbcrré.
A M. DE NOYERS.
D'Agde, ce 4" juin i64a. '
Venant d'apprendre le malheur arrivé au mareschal de Guiche',
dont je ne sçay pas les particularitez, je croy qu'il est bon de consi-
dérer si sa deffaite est sy grande que le reste de ses troupes et M' d'Har-
court ne puissent avec doute garantir la frontière; s'il ne faudroit point
mander à M' du Hallier qu'il retinst seulement autant de troupes qu'il
luy en faut pour la defiFensive, et qu'il envoyast M' de Médavy, avec
le reste, joindre M" les généraux de Picardie.
' La perte de la bataile de Honnecourt.
926
LETTRES
En Testât où je suis je ne décide point cette affaire , ny aucune autre,
mais je la propose seulement pour estre résolue par le roy.
11 faut, à mon avis, mander à M' le Prince et à M" de Paris de lever
si\ mille hommes, comme on fit au temps de Corbie ', quoy qu'il
couste, bien que telles gens ne soient pas de grand effect. Les grandes
affaires ont toujours des espines.
Si j'estois sain il me semble que je ne serois pas tout à faict inu-
tile. Faut vouloir ce qu'il plaist à Dieu.
M' de La Vallée dict que M'' d'Argenson le mande pressement. Je
voudrois qu'il fust desjà près de M' de La Motte pour le soulager.
CCCCLXXIV.
Cabinet de S. A. R. M*^' le duc d'Aumale. — Original de la main de Cherré.
[AU ROL]
DeMarslHan, ce 5*juin i642.
Je n'ay rien à respondre aux boutez qu'il plaist au roy me lesmoi-
gner par sa lettre, ny à celles que j'ay receues par le rapport de M"' de
' Le souvenir de Corbie , où Paris fut
frappé d'une grande terreur, peut donner
a penser qu'au .sentimenl de Richelieu la
circonstance était grave. Le roi ne laissa
pas d'écrire , sur ce revers , au cardinal , un
billet daté du 3 juin et qui Unissait ainsi :
« Quelque faux bruit qu'on fasse courir, je
vous aime plus que jamais ; il y a trop long-
temps que nous sommes ensemble pour
estre jamais séparés.» Ainsi, malgré les
mauvais offices de Cinq-Mars , le roi éprou-
vait pour son ministre, même après un
désastre, un surcroît de confiance, qui
dans son expression prenait même les ap-
parences d'une affection véritable. Riche-
lieu, de son côté, écrivait une lettre toute
remplie des plus amicales consolations au
maréchal de Guiche, pour lequel il sentait
d'ailleurs la plus tendre bienveillance :
«Les hommes, lui mandait-il, font ce que
la prudence et les occasions pressantes leur
suggèrent, mais les événements sont en la
main de Dieu. 11 n'y a point de capitaine
au monde qui ne puisse perdre un com-
bat, et, quand ce malheur arrive, on doit
estre consolé quand on a faict tout ce qu'on
a pu et deu pour le gaigner. Consolés vous
donc, mon pauvre Comte, et n'oubliés
rien de ce qui dépendra de vous pour faire
que l'accident qui vous est arrivé n'ait
point de mauvaises suites. Si j'avois un
bon bras je vous l'offrirois ; mais , en quel-
que estât que je sois , je suis entièrement
à vous. • (Notée aux Analyses, 5 juin.)
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 927
Chavigny^ Ma response est dans mon ressentiment, qui «st tel que
le roy le doit attendre, et que le peut rendre unc.vraye et fidelle
créature.
Je ne sus que hier le malheur arrivé à M' le mareschal de Guiche;
aussytost j'escrivis à M" de Noyers et de Chavigny- que mon petit avis
estoit qu'on se pouvoit servir de la plus grande partie des troupes de
M"" du Hallier, s'il en estoit besom.
Qu'on pouvoit faire faire des levées dans Paris par M. le Prince,
et en Normandie par M. de Longueville. Que Sa Majesté jugeroit si
on se pouvoit servir des quinze cents hommes qu'elle a envoyé lever
par le s' de Varennes en Anjou.
Qu'on pouvoit renvoyer le régiment de La Chapelle-Baslon, qui est
en chemin, et les autres troupes qui ne sont point encore venues, les-
quelles on avoit destinées pour Perpignan.
Les premières nouvelles qui sont venues de Paris rendoient la def-
faite plus grande; les secondes mandent qu'il s'estoit desjà ralié
4,5oo hommes, et que le mar^ de Guiche s'estoit jette dans Guise.
M. le Prince escrit à M' d'Anguien qu'il n'y a rien à craindre , et on
demeure d'accord que M"" d'Harcourt est aussy fort ou plus fort
que dom Francisque de Mello, le comte de Fontaine s'estant des-
taché pour aller contre M. le prince d'Orange.
M' de Chavigny m' ayant dict la résolution qu'a prise V. M. de con-
tinuer son siège je ne puis que je ne la loue, les raisons qu'il m'a
diles de sa part estant fort bonnes. Les lettres qu'elle escrit à la reyne
sont bien à propos ', bien que je ne juge pas que présentement il y
ayt rien à craindre.
' C'est Chavigni qui avait été chargé qu'elle ne consentirait jamais à celte sé-
par le roi de remettre à Hiclielieu le billet paralion. On ne sait qui avait donné ce
cité dans la note de la page précédente. conseil à Louis XIII, mais on ne l'allri-
' Lettre du 5 juin. (Aux Analyses.) buait pas à Richelieu (lett. de H. Arnauld).
' Quelque temps auparavant le roi avait Quoi qu'il en soit, le roi revint sur celte
eu la pensée de séparer ses enfants de résolution et la reine en fit remercier
leur mère, en envoyant la reine demeurer Richelieu par M. de Brassac. Celui-ci
•I Fontainebleau. La reine avait déclaré écrivit de Saint-Germain au cardinal, le
928 . LETTRES
Il ne se peut prendre une meilleure résolution pour Perpignan que
d'y mettre quatre compagnies de Suisses et le rég* de Champagne.
Je crois S'-Ange du tout nécessaire à Rossignan, qu'un autre que luy
ne sçauroit sy bien deffendre, et qui est du tout nécessaire pour Casai.
Ma santé est tousjours en mesme estât; les chirurgiens m'en don-
nent toute bonne espérance, mais mes incommoditez ne changent
point. Cependant je detl'ère plus à leur jugement qu'au mien.
Je suis venu en ce lieu pour me mettre sur l'estang ', selon le con-
seil de Voslre Majesté, dont M' de Chavigny m'escrivit estant arrivé
auprès d'elle. Je ne sçay encore où je m'arresteray. Je déféreray au
jugement des médecins et chirurgiens pour le bon air.
CCCCLXXV.
Cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Auinale. — Original de la uiain de Cherré.
POUR M. DE NOYERS,
SECnÉTAIRE D'ESTAT.
D'Arles, ce lo'juin i64î.
Ce billet est pour dire à M' de Noyers que je suis en peyne de ne
sçavoir point quel ordre le roy a donné à Paris, pour pourvoir au
malheur arrivé à M' le mareschal de Guiche. S. M. me mande que
M"" de Noyers me fera sçavoir tout ce qu'elle a faict ; et cependant ny
M' de Noyers, ny M' de Dangu ne m'en mandent rien, ce qui ne met
pas en petite peyne une personne ([ui a passion pour l'Estat comme
moy. Je prie l'un de ces deux messieurs, qui ne sont qu'un ^ de con-
i5 juin, dans le jargon convenu entre satisfaite, et eut un tel ressentiment d'obli-
eux : «Le lendemain que le Jasmin" eut gation , que je croy que ny elle, ny Ui',
dépesché un gentilhomme, le Rosmarin'' ny le Jasmin, ne sauroienl le représenter
vint an Lyon d'Or', et porta la lettre comme il est. » (Arch des Aff. étr. France,
qu'Alexandre'' escrit à Diane*, par la- t. io4.)
quelle il luy mande de ne partir du Lyon ' Allant à Frontignan, d'où est datée
d'Or, ni d'auprès de l'Œillet' et du Ser- la lettre au mar"' de Guiche, citée p. 926.
poulet ''. 10' voyant ce témoignage d'allée- ' Richelieu est en veiiie de gaieté, il
tion que luy rendoit hi\ fut tellement a découvert le mystère, il lient son en-
■ M. deBrassac. — ' M. de Boutliilliers. — 'Saint- pliin. — ' Le duc d'Anjou. — ' La reine. — ' Le
Germain. — ''Le roi. - - * La reine. — ' Le dau- cardinal. — ' Boutliilliers.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
929
tinuer à m'escrire comme ils faisoient auparavant, afin que je sois in-
formé du cours du monde, et que je puisse contribuer quelque chose
aux justes mesures que le roy doit prendre.
CCCCLXXVl.
Cabinet de S. A. R. M** le duc d'Aumalc. — Original de la main de Cherré.
SUSCRIPTION :
POUR M. DE NOYERS.
[i 1 juin.]
Le sujet du voyage de M' de Chavigny vous estonnera; Dieu assiste
le roy par des descouvertes merveilleuses '.
neiiii. Pour comprendre la plaisanterie, il
faut savoir que de Noyers possédait un châ-
teau à Dangu. — La terre de Dangu , non
loin de Gisors, avait titre de baronnie.
' Celte découverte merveilleuse, celle
du traité conclu au nom de Monsieur avec
l'Espagne, les historiens n'en ont pas en-
core deviné le mystère. Sans oser espérer
cl'êtie beaucoup plus heureux, essayons
pourtant de faire pénétrer un faible rayon
dans cette obscurité. Les historiens ont
lait plusieurs conjectures peu acceptables,
même au jugement de ceux qui les fai-
saient. On peut lire , à cet égard, le com-
mencement du cinquantième livre de Lt-
vassor, et trois pages du P. Griflet, 4oo-
403. On a soupçonné quelques-unes des
personnes attachées à Monsieur, parce que
plusieurs étaient plus ou moins créatures
(lu cardinal-, mais ce prince connaissait,
presque comme nous les connaissons, ces
serviteurs peu fidèles; et, malgré sa légè-
reté, ce n'est pas certaiiiemeat à ceux-là
qu'il aurait confié un tel secret. Quelques-
uns ont accusé le maréchal de Scliomberg
d'avoir feint une vive amitié pour Cinq-
Mars afin de pénétrer ses secrets et de les
livrer à Richelieu. Le P. Griffet, sans rien
affirmer, semble, ainsi que Le\assor, trou-
ver à celte accusation quelque vraisem-
blance. Mais ni l'un ni l'autre de ces his-
toriens ne connaissait la pièce que nous
avons donnée ci-dessus (p. gaf)), où Ri-
chelieu dit assez clairement que les in-
tentions de Schomberg à son égard lui
sont fort suspectes. — Un personnage qui
est demeuré caché aux historiens dans les
obscurités d'une mission secrète, et dont
les manuscrits d'Espagne, aux Affaires
élrangères, nous ont fait connaître l'exis-
tence équivoque cl les mystérieuses pra-
tiques , ce Pujol que nous avons déjà
signalé (ci-dessus, p. 787 ) ne pourrait-il
pas nous mettre sur la voie ?. — Un sieur
Berthemet, que nous trouvons employé
par le cardinal dans diverses affaires se-
crètes et qui avait un chiffre avec Daridol ,
l'un des premiers commis des Affaires
étrangères, écrivait, de Corbie, à Cliavi-
gni, le 1" juin : 0 Monseigneur, j'ay pris
la liberté de vous envoler depuis 6 jours
deux dépesches de Pujol< , lesquelles ,
i;ARD1\. f)E IIICHIXIKU.
"7
930
LETTRES
On m'a dict qu'on lève à Paris, mais je crains que cela aille len-
tement. Au nom de Dieu, envoyés courrier sur courrier, par ordre
du roy, à M' le Prince pour faire faire Icsdictes levées diligemment, et
en outre celles que le roy aura résolues en Normandie.
comme j'espère , vous auront eslé rendue?,
n se renconlie une occasion bien impor-
tante de dépescher au lieu où vous estes
sur le sujet du contenu au papier ci-joint ..
.l'oseray vous supplier d'avoir agréable de
déchiffrer ce papier, estant nécessaire que
vous en ayés la peyne vous-mesme. » (Aff.
élr. juin -août, fol. 6.) Ces lettres d'Es-
pagne, qu'on recevait en Picardie pour
être envoyées en Languedoc, venaient par
les Pays-Bas, voie détournée, mais moins
suspecte à Pujol , dont on interceptait
quelquefois la correspondance. J'ai vu aux
Affaires élrangères vingt- quatre lettres
de Pujol pour la seule année 1642. et
je n'ai point trouvé les dépêches trans-
mises à Richelieu par Berlhemet. .le n'ai
vu, d'ailleurs, dans les dépêches posté-
rieures de Pujol, rien qui y fil allusion;
et nous savons par Richelieu lui-même
que ceux qui lui avaient donné connais-
sance du traité, ne voulaient pas être
nommés. C'eût été, en effet, un grand
péril pour Pujol, qui était alors à la dis-
crétion du ministre espagnol. — Si l'on
demandait comment Pujol aurait pu avoir
connaissance du traité négocié par Fon-
trailles, nous réjiondrions que, sans être
un [)ersonnnge dont le cabinet espagnol
fil grand cas, Pujol était en relation ha-
bituelle avec le secrétaire d'Etat Andréas
Roçaz, et le secrétaire des conunandemenls
Carnero; il fréquentait d'ailleurs toute la
société politique de Madrid. S'd y avait
en France si peu de mystère sur les ma-
nœuvres de Cinq-Mars*, il devait y avoir
à Madrid encore bien plus d'indiscrétion.
— Nous lisons dans une lettre adressée à
Chavigni par le maréchal de Brézé, alors
vice -roi de Catalogne (i5 mars 16A2):
iiJ'ay re;eu hier au soir à minuit des
lettres de nostre confident à Madrid. »
Quel était ce confident, si ce n'est Pujol!*
Ce dernier écrivait à Chavigni, le 20 mai ,
vers le moment où avaient été écrites les
d'jpéclies transmises par Berlhemet : » 11
se murmure qu'il y a quelque pièce de
cabinet en campagne.» Et, dans la même
lettre : «Carnero (le secrétaire des com-
mandements du roi) m'a dit que la lin des
personnes donnoit fin aux affaires. » (Arch.
des Aff. étr. Esp. t. 22, fol. 226.) Dan.'i
de telles circonstances, le séjour de Fon-
traille» à Madrid, sous un nom supposé,
dut attirer toute son attention el éveiller
ses soupçons. On verra bientôt que le roi ,
dans ses longues réflexions, agité de ses
doutes incessants, demanda <î de Noyers,
si c'était bien Cinq-Mars qu'on avait dési-
gné, et si l'on n'aurait pas mis un nom
pour un autre; il esl bien évident que le
roi n'aurait pas pu faire cette question si
les informations étaient venues des gens
de Monsieur, de Schomberg, ou de toute
autre personne de la cour, tandis que le
doute de Louis XIII se comprend dans le
cas où les révélations seraient venues de
Madrid. Enfin nous voyons que Richelieu
' On sait que la princesse Marie lui avait écrit : «Votre atTaire est sue à Paris comme on y sait (luc la Seine
passe sous le Pont-Neuf.»
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
931
On mande de Paris qu'il est besoin de foitiffier M'' le comte de
Harcourt. Je croy que M'' le mareschal de Guiche peut s'aller joindre
à iuy quand ce ne seroit qu'avec trois mille hommes, laissant remettre
le reste de ses troupes dans les garnisons '.
Si le roy s'en va, comme je n'en doute pas, il est besoin de pour-
voir à la continuation du siège de cette place, en sorte qu'elle n'es-
chape pas'^. Il ne se peut faire aucunes nouvelles levées en Guyenne,
dans le Dauphiné, Lionnois et la Provence. Il faut aussy bien pourvoir
à l'armée navale, car asseurément le roy d'Espagne en prépare une
grande qui viendra^, et avec laquelle on ne peut esviter de combattre,
si on ne faisoit comme fist l'année passée M"" de Bordeaux *. Vous
ferés, s'il vous plaist, donner des ordres bien distincts et bien précis
au marquis de Brézé, et je m'asseure qu'il les suivra ponctuellement
et courageusement ^.
dont Pujol sollicitait en vain son rappel
depuis plusieurs années, lui accorda, vers
ce temps, la permission de rentrer en
France, où il était de retour au mois de
novembre. Sans doute il n'y a pas dans
tout cela des preuves directes puisque je
n'ai pas trouvé les lettres de Pujol , mais
il y a des indices qu'il faut recueillir.
' C'était le résumé de diverses li'llres
écrites de Paris par M. de Brienne , par
M"" d'Aiguillon, que nous trouvons à la
date des 3 et 4 juin, et qui ont dû arriver
au cardinal peu avant la date que nous
proposons pour cette lettre.
' Richelieu, quand il écrivaitceci, avait
encore une autre préoccupation ; il était
impalient de savoir où Chavigni rencontre-
rait le roi; il avait reçu de de Noyers deux
lettres datées toutes deux du 7 juin; l'une,
écrite le matin , disait : a Le roi lient plus
que jamais à rester au siège. ■ La seconde,
écrite le soir, disait ali contraire : « Le roy
a maintenant la pensée aux eaux de Mori-
i'rain, à cause de son indisposition de ce
matin, et il parle d'en aller prendre à Be-
ziers ouàPezenas » C'est sur cette dernière
lettre que le cardinal faisait sa conjecture.
^ Pujol avait écrit à Chavigni le 20 mai :
0 On dit l'armée de Cadix partie, composée
de soixante galions et quarante galères. »
(Aiï. étr. Espagne, t. ao.)
' Voyez ci-dessus, pages 848 et 867.
' En même temps que Richelieu écri-
vait cette lettre, il en adressait une à Mon-
sieur; nous V lisons : 0 Bien que ma santé
ne soit pas encore au point que je la puis
désirer, ainsi que M' Desouches le pourra
représenter à V. A. j'esjjère néantraoins
de la bonté de Dieu qu'il me la renvoiera
entière, et qu'elle me donnera lieu de me
rendre digne, par mes actions, de toutes
les faveurs qu'il vous a pieu medepparlir
sur le sujet de ma maladie » (Notée
aux Analyses. ) Le cardinal , qui savait tout
ce que Gaston avait fait pour le perdre,
termine sa lettre par les plus chaleureuses
117.
932 LETTRES
Les grandes afFaires ne sont point sans grandes difficiiltez ; mais
Dieu aiant faict la descouverte qu'il a faicte, j'espère que le roy vien-
dra à bout de tout.
Je suis en peyne du bon père Sirmond ' ; je vous prie luy tesmoi-
prolestations de reconnaissance pour ce
prince. On verra bienlôl (p. giia) le rao
tif de cette espèce de comédie, qui se joua
durant quelques jours pour tromper Gas-
ton; le 25jnin, c'est une nouvelle lettre
plus alTectiicuse encore : « Je s^;ay il y a
Irop longtemps quelle est l'affection dont
il plaist à V. A. m'Iionorer pour en pou-
voir jamais douter Le genlilliomme
qui me l'a rendue luy pourra tesmoigner
avec quelle joie je l'ay receue, et le res-
sentiment que j'ay de la continuation de
ses faveurs et de ses bonlez en mon en-
droit. » Mais dès que la ruse est devenue
inutile, la sévérité du cardinal reparaît
dans tout son naturel : « Monseigneur,
écrit-il le oojuin, puisque Dieu veut que
les hommes ayeiil recours à une ingénue
et entière confession pour estre absous de
leurs fautes en ce monde , il * vous en-
seigne le chemin que vous devés tenir
pour vous tirer de la peine en laquelle
vous estes. > El maintenant on va en user
avec Monsieur sans ménagenieiK.
* L'éditeur des Mémoires de Montrésor, qui le pre-
mier a public cette lettre , a mis , Je vous cnseiçjne ,
leçon assez impertinente, copiée par les historiens
qui, à leur tour, ont donné cette pièce. — Ces
Mémoires sont curieux, parce que Montrésor raconte
des événements où il a été mêlé; mais, précisément
à cause de cela , il faut se tenir sur ses gardes , et y
faire attention avant d'accepter son témoignage.
Knnemi personnel de Richelieu , complice dans les
projets d'assassisiat tramés contre lui, nous devons
le tenir pour suspect dans l'exposé des faits, aussi
bien que dans le jugement qu'il en porte. H faut
se souvenir aussi que ces Mémoires ont été publiés
après sa mort, par un libraire de Cologne, éditeur
' Ce confesseur de Louis XLIl avait la
réputation de ne s'occuper, dans ses déli-
cates fonctions, que des affaires de son
ministère. Richelieu ne laissait pas d'avoir
recours à son influence. Il y a aux Affaires
étrangères (France, de janvier en mai,
fol. 4oi) une pièce chiffrée où nous li-
sons : « J'ay faict auprès du P. Sirmond ce
que M*' le cardinal m'a chargé ; je l'ay
Irouvé très bien disposé et il m'en a pro-
mis (ilus que je ne luy en ay demande, et
avec grand amour pour S. Em. et m'a dit
nettement qu'il fera tout ce qu'il estime
devoir en conscience , quand il devroit estre
chassé. » Le pelit carré de papier ou est
écrite cette note n'a ni signature, tii date;
il semble avoir été adressé à Chavigni par
de Noyers ; il a été classé , au hasard , vers
la fin de mai. Cet incident se rapporte
évidemment aux inquiéludes que Cinq-
Mars donnail alors à Richelieu, mais nul-
lement à l'arrestation du favori, puisque,
lorsqu'elle eut lieu , la préscnîe lettre elle-
même nous l'apprend , le P. Sirmond élait
de pamphlets , qui ne dit point quels manuscrits il a
eus, et qui se montre peu soigneux de la pureté des
textes. Les nombreuses pièces qu'on y a jointes sont
toutes prises sur des copies; confrontées avec les
originaux, nous les avons trouvées en général peu
exactes, quelquefois interrompues par des lacunes,
<;t souvent défigurées par des fautes grossières ;
ainsi cet éditeur mettra Tycrn pour Trévoux, Bo-
biole pour Ijoriol, etc. Le libraire lui-même l'a re-
connu; et, dans un avertissement mis en tête du
second volume , publié un an après le premier, il
dit : «L'accueil que l'on a fait aux .Mémoires de l'eu
M. le comte de Montrésor, quoyque vèritablpment
imparfaits f etc. »
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 933
gner la part que je prends en sa maladie, et le désir que j'ay qu'il
plaise à Dieu luy rendre sa santé.
Je suplie le roy ne s'affliger point, et de mettre de plus en plus sa
confiance en Dieu, en qui j'espère qu'avec sa grâce je meltray la mienne
toute ma vie '.
malade. Cela n'empêche pas Levassor de
raconter, avec sa facilité à prendre des
on-dit pour des faits assurés, que, « le roi
auroil plus longtemps résisté à donner son
consenlement si le P. Sirmond ne le lui
eût enfin arraché. » El il fait jouer, à cette
occasion « à ce vieux Jésuite » une scène
de dévotion tout à fait inventée. (X, 648.)
' Cette lettre ne porte ni quantième,
ni lieu de date; si nous avions ces indi-
cations, elles nous serviraient à éclaircir
un des points restés obscurs dans celle
affaire de la découverte du traité fait avec
l'Espagne, je veux dire le moment précis
où Richelieu reçut le paquet contenant la
révélation. En rapprochant toutes les cir-
constances recueillies dans les lettres du
cardinal, de Chavigni, de de Noyers, et
dans tous les documents que nous avons
pu consulter, nous croyons pouvoir établir
que Richelieu, pendant son voyage de
Narbonne à Tarascon , fut informé le lundi
g juin, à Arles, où Chavigni l'attendait,
(lettre du 8 juin). Le cardinal passa deux
jours à Arles. Avant de rien révéler au roi
auprès duquel Cinq-Mars exerçait encore
une influence que redoutait extrêmement
Richelieu, celui-ci, qui n'avait pas l'ori-
ginal du traité, pas même peut-être une
copie , prit le temps d arranger les docu-
* Arcb. des Aff". étr. France, juin-août, fol. iS.
*' Le r*. Griffelditque Chavigni alla trouver le roi
au camp devant Perpignan (lit p. ^60 et ^63};
il taxe Cinq-Mars d'impnidencc pour avoir suivi le
roi à Narbonne , malgré les longues conférences que
S. M. avait eues avec Chavigni à Perpignan. On voit .
inents propres à convaincre Louis XIU de
la trahison de son favori, et dut concer-
ter avec Chavigni toutes les circonstances
de la délicate mission qu'il allait lui con-
fier. H fit d'abord écrire par Chavigni à
de Noyers, qui était auprès du roi, une
lettre que nous n'avons point trouvée, mais
qui était datée du 9 juin, et dont on
peut deviner l'importance par la réponse
qu'y fit immédiatement de Noyers : « Nar-
bonne ce XI juin iQù-i. — Je viens de re-
cevoir vostre despesche datée du 9' à
Arles. Ce que j'apprends par icelle m'o-
blige à vous prévenir de ce mot , pour vous
dire que S. M. s' estant trouvée encore plus
mal ceste nuit que la précédente elle a
résolu de s'en aller droit à Montfrein ou
Meyne pour y prendre des eaux durant
XV jours, afin de trouver remède aux in-
tempérées chaleurs qui luy bruflent les
intestins '. • Et de Noyers donnait à Cha-
vigni l'itinéraire que devait suivre le roi.
Dans sa lettre du 9, Richelieu avait évi-
demment laissé pressentir à de Noyers
quelque communication d'une haute gra-
vité , sans l'informer précisément de ce
dont il s'agissait, puisque, dans la pré-
sente lettre; il parle de l'étonnement que
lui causera la nouvelle que porte Chavigni.
Celui-ci trouva Louis XIII à Narbonne '*;
(|ue les conférences eurent lieu à Narbonne, et la
résolution d'arrêter Cinq-Mars fut prise aussitôt , bien
loin que le roi v ne pûtse résoudre à le sacrifier, » (46à)
il ne fallut que le temps de trouver Tasile où il s*était
caché.Les hésitations vinrent ensuite, mais , au premier
moment, l.i r<:solutioii du roi fut |ïromj>U-' et lornie.
934
LETTRES
CCCCLXXVII.
Cabinet de S. A. R. M*' le duc d'Aumale. — Original de la main de Cherré.
AU ROY.
De Tai-ascon, ce 1 3' juin i6/ij.
Aiissytost que j'ay sceu que Sa Majesté se trouvoit mal, j'envoie
pour apprendre des nouvelles. Les médecins aiant recogneu que l'air
du Roussillon est trop intempéré pour la constitution de sa personne,
elle ne pou voit mieux faire que d'en sortir. Je la conjure d'avoir un
soin particulier de sa personne, en quoy consiste le salut de la France,
et peut estre de toute la chrestienté.
Je ne luy mande point ce que je pense qu'elle a à faire, parce que
je ne doubte point qu'elle n'ait pris promptement ses résolutions sur
ce qu'elle aura appris par M'' de Chavigny ', qui est trop important
pour en négliger un moment.
il y arriva le 1 2 de grand matin ; Louis XIII
dormait encore. Aussitôt son réveil, Clia-
vigni fut introduit. — Après une longue
conférence avec Sa Majesté, les deux se-
crétaires d'Etat écrivirent à Hichelieu la
lettre suivante : «A Narbonne, ce 12 juin
à 10 '' du matin lô^a. — M' de Cliavigiii
est arrivé ce matin une beure avant que le
roy fust éveillé. M' do Noyers et luy, après
avoir conféré ensemble ont esté trouver
S. M. à laquelle ils ont rendu conte bien
au long de toutes les afl'aires, dont elle a
leu elle-mesme les mémoires. Toutes les
* M' de Castelan n'était donc pas, en ce moment,
en Italie, ainsi que le prétend Levassor, suivi par
le P. Griffct. Je trouve dans les mss, de Turin, aux
Aff. élr. (t.36, fol. 1 5 a), une lettredelui àChavigni ,
datée du 1 5 juin, où il annonce sou arrivée à Turin.
11 ne me semble pas douteux qu'il ne fut porteur de
cet ordre d'arrêter le duc de Bouillon. En voici une
preuve : Du Plcssis IVaslin , l'un des généraux de
l'armée d'Itulic, ayant reçu cet ordre, se rendit du
camp à Casai , où le duc était depuis deux jours; in-
résolutions ont esté prises conformes aux
senlimens de S. Em. et les dépescbes s'en
feront ce soir sans faillir. — Le roy ap-
prouve le voyage de M' de Castelan en Pié-
mont*. — Chavigni ; De Noyebs". » —
Ainsi le 9 juin Richelieu se liàle d'annon-
cer à de Noyers une communication d'im-
porlance, il venait donc de recevoir la ré-
vélation ; le 11, après avoir soigneusement
préparé le message destiné au roi, il dé-
pêche Chavigni ; la présente lettre a donc
été écrile le 1 1 au matin.
' Lorsque Richelieu écrivait cela, le roi
formé que M. de Praslin était dans cette ville et ne
s'était pas encore rendu près de lui , le duc de Bouil-
lon soupçonna quelque mystère, et son premier mol
fut : «M. de Castelan est-il avec avec lui ?» On lui ré-
pondit afTirmativemciit , et, comme M. de Castellan
arrivait de la cour, le doute du duc fut changé en cer-
titude et il se sauva, La question du duc n'aurait pas
de sens si M. de Castellan eût été depuis quelque
temps a l'armée.
** Arcli. des Au', élr. France, juin -août, fol. 5/i.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
935
J'avoue que la malice de l'affaire m'a accablé. Mais j'espère que
V. M. y apportant diligemment les remèdes requis, en tirera avantage.
Je ne doubte point que les ennemis n'aillent à M"" de Guébrianl,
faisait arrêter M. le Grand. L'ordre avait
été donné le 12 dans la soirée, et ce fut
seulement le lendemain qu'on le trouva
dans la maison où il s'était caché. Mais à
ce premier mouvement de fermeté succé-
dèrent bientôt les incertitudes ordinaires
du roi; après avoir quitté Narbonne, sa
pensée n'était occupée que de la catas-
trophe de son favori. Richelieu prévoyait
ces troubles d'esprit, et s'en inquiétait.
On voit dans cette lettre, et dans une autre
du i4*, son insistance sur les résolutions
que le roi doit prendre, et le besoin qu'il
a d'en être prompteraenl informé. Il s'ef-
force d'éveiller les préoccupations du roi
sur la gravité des affaire» présentes, aux-
quelles, au contraire, le roi semble rester
tout à fait indifférent. De Noyers avait soin
d'instruire le cardinal des moindres pa-
roles qu'il entendait, même des pensées
qu'il essayait de deviner. Le 1 5 au matin,
il écrivait de Marseillan : » .le pense que
l'on sera contraint de chercher le moyen
de faire parler au roy M' de M. ", car il
luy revient d'eslranges pensées en l'esprit.
il me dict liyer qu'il avoit doubté si l'on
n'auroit point mis un nom pour l'autre.
J'ay dict là dessus tout ce que vous pou-
vés imaginer, mais le roy est tousjours
dans une profonde resveric./i De Noyers
* Le cardinal mandait à de Noyers : «J'ay receu te
billet qne m'a apporté le frère de M' de Mauroy j'en
attends l'accomplissement.» Mauroy était un des
premier» commis de de Noyers; et le billet disait sans
doute que le roi avait résolu de faire arrêter M' le
Grand.
" Le man|uis de Mortemarl.
'" Dans sa lettre précitée du i/j, laquelle sera no- •
chercheà délournerla pensée de Louis XIII,
il lui parle de nouvelles importantes arri-
vées d'Italie **", » sur quoy S. M n'a faict
aucune reflexion ; et elle m'a dict quel
saalt a faict M' le Grand; et cela deux ou
trois fois de suitte; à qui j'ay réparty ; 1/
est vray, sire, mais le plus grand sault que
puisse faire un sujet est celuy de l'infidélité;
ce qui n'a point faict d'impression. » —
L'après-midi du même jour i5, de Noyers
écrivait encore, clans une lettre datée De
dessus l'estang allant à Frontignan : « J'es-
time que le plustost que M*' le cardinal
Mazarin pourroit venir icy ce seroit le
meilleur, car en vérité je recognois que
S. M. a besoing de consolation, et qu'elle
a le cœur fort serré. » (Ms. précité, fol. 69
et 71) — On se figure quel effet produi-
sit à Paris l'arrestation de M. le Grand;
ta Gazette l'annonçj le 21, mais la pre-
mière nouvelle, encore imparfaite, avait
été apportée dans la nuit du 17 au 18 juin,
pardeux courriers, l'un du ducd'Enghien ,
lequel arriva le premier, l'autre du roi.
Henri Arnauld mandail dans une lettre du
18 juin : « Le roy ayant voulu faire arres-
ter M' le Grand, il s'est sauvé; on faisoit
chercher par toutes les maisons de la ville,
y ayant apparence qu'il esloit caché quel-
que part, d'autant que les portes de la
tée aux Analyses, Riciielieu avait donné ces nou-
velles à de Noyers. 11 s'agissait d'un avis envoyé
j)ar le cardinal de Savoie sur quelques desseins de
l'ennemi contre la Provence, et sur les des Sainte-
Marguerite. Le cardinal indiquait au secrétaire
d'Etat de la guerre les mesures à prendre; et il ajou-
tait (ju'il comptait, en cette occasion, sur M. de
Guitault.
93() LETTRES
ce qui me met en peyiie. Mais considérant qu'il aura receu les secours
des Bretons et de Hollande, et qu'il a de bonnes places à ïohry des-
quelles il se peut camper, j'espère bien, quoyque non sans crainte.
lime semble que, pendant cette marche des ennemis, M"^ de Har-
court doit entrer, le plus avant qu'il pourra, dans leur pays, et y ra-
vager; et M' le mareschal de Guiche, costoyer toutes les places vers
lesquelles ils pourroient se rabattre. Vostre Majesté sçaura mieux ré-
soudre toutes ces choses que personne. Je ne luy en mande point da-
vantage , parce que je ne doubte point que , sur ce que M"^ de Chavigny
luy aura rapporté, je ne reçoive ce soir un courrier par lequel j'ap-
prendray de nouvelles résolutions qu'elle aura prises.
Surtout je la suplie de ne s'affliger point , avoir soin de sa personne ,
et moyennant cela j'espère bien.
CCCGLXXVIll.
Cabinet de S. A. I^. M*' le duc d'Aumale. — Original de la main de Gliarpenlier.
[A M. DE NOYERS.]
De Taraseon, ce 17' juin 16^3.
L'avis qu'il a pieu prendre à S. M. que vous m'escrivés dans vostre
lettre est tel que je n'ay rien à y adjouster.
Je croy que doresnavant que ses sentimens ne seront point traver-
sez, quej'auray l'honneur de me rencontrer tousjours dans ses pensées.
Je vous renvoie vostre letli'e, afin que vous voyés mieux ce que
vous .m'aves mandé, qui est tout ce qu'il faut respondre'.
ville avoienl esté fermées Ce malin , de Noyers qufe le cardinal lui renvoie ; con-
au conseil, M'' le Prince a faillira ces tenait-elle, entre antres choses, les détails
lettres loiilhaul; et puis M. le chancelier de l'arrestation de Cinq-Mars et l'indication
a dicl : « Ce n'est plus une affaire de par- des mesures prises à cette occasion ? Je ne
«.ticulier à particulier, mais une affaire qui vois rien de cela dans aucune des missives
'I regarde l'Estal.» (Bibl. imp. Bélhune , de de Noyers, ni de Chavigni, qui pour-
9373, fol. i3i.) tant en ont dû faire à Richelieu un récit
' Je n'ai point trouvé cette lettre de circonstancié.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 937
♦
J'estime qu'il est très à propos de renvoier quérir les galières qui
sont à Marseille, au moins celle de Baunce(?), et la dernière qui est
allée avec elle, M" le prince de Mourgues se contentant de la Forbine "
pour le porter; et il faut mander à la Forbine quaussytosl qu'elle
aura faicl ce voyage elle se rende promptement à l'armée.
Je croy qu'il est très-bon que l'armée navale du roy aille chercher
les ennemis à Mayorque, devant qu'ilz soient assemblez, ou autre
lieu où ils penseront les pouvoir combatire avec avantage, ainsy que
le marquis de Brézé le propose. Enfin le roy leur doit permettre et
commander de faire tout ce qu'ils estimeront à propos pour prendre
avantage sur les ennemis.
Pourveu que le roy se porte bien tout ira bien.
Pour abréger, M"^ de Chavigni vient de dépescher un courrier à
Marseille pour porter ordre aux deux galières d'aller promptement
au cap de Quiers, et à la troisième, aussylost que M'' le prince de
Mourgues sera passé.
Je vous prie remercier le roy de la gallère qu'il luy a pieu accorder
à M' de La Pellière. Je l'envoie pour remercier luy-mesmc S. M. et
s'en aller prendre possession de ladicte gallère et y servir. Cependant
pour faire voir au roy qu'on agit avec bonté par dessus la justice,
j'ay porté ledict s"^ de La Pellière à donner quelque rescompense aux
héritiers dudict s"' de Cabris jusques à quinze mil livres.
CCCCLXXIX.
Arcl). des AIT. étr. France, i643 , juin-août, fol. loi. —
Mise au net de la main de Chcrré.
Cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. — Original de la main de Clierré.
AU ROY\
De Tarascon , ce 19 juin 1643.
Venant d'apprendre que les incommoditez du roy continuent,
' Cette lettre de Richelieu dut arriver à peu négligé; de Noyers écrivant à Chavigni
propos; il paraît que le roi se trouvait uo • De Lunel, le 19 juin à 10 h. du matin , >
CABDIN. DE RICUELIEU. — VI. I I 8
938
LETTRES
j'envoie en diligence pour en sçavoir des nouvelles, priant Dieu de
tout mon cœur qu'on me les puisse apporter telles que je les sou-
haitte. Je la conjure, autant qu'il m'est possible, de prendre soin de
sa santé, et de ne s'affliger point des grandes affaires qu'on luy a mises
de nouveau sur les bras, osant assurer Sa Majesté que, pourveu
qu'elle se porte bien, elle sortira de tout avec gloire. C'est ce que je
demande à Dieu de tout mon cœur, et qu'il me donne le moyen de
faire paroistre à Sa Majesté, pendant tout le cours de ma vie, les obli-
gations que j'ay à sa bonté '.
CCCCLXXX.
Cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. — Original de la main de Charpentier.
A M. DE NOYERS.
DeTarascon, 19" juin 1642.
Je ne manqueray pas d'envoier tous les jours sçavoir des nouvelles
du roy. Si je pouvois y aller je n'aurois point d'autre messager que
moy mesme^. Je croy que S. M. ne sçauroit mieux faire que de faire
passer ses gardes devant elle à mesure qu'elles viennent, et ce le plus
diligemment qu'elle pourra, les affaires de delà requérant autant de
diligence que celles que nous avons faites pour cmpescber que les
mauvais desseins d'Italie ne réussissent^.
lui disait: «J'attends tousjours quelqu'un
qui vienne visiter le roy de la part de
M^', et S. Em. me pardonnera si je luy
dis que j'estime qu'en la conjoncture
présente il seroil à propos qu'elle y en-
voyast tous les jours quelqu'un, soit des
officiers de ses gardes, enseignes ou lieu-
tenans, soit de ses autres gentilshommes.
(Ms. des Aff. étr. fol. 102.)
' Dans la mise au net des Affaires étran-
gères, le sens ne finit pas au mot ■' bonté , »
après lequel se trouvent une virgule et ces
mots : « particulièrement par la fermeté... »
Le cardinal allait évidemment rappeler ici
l'arrestation de Cinq-Mars ; il a réfléchi
qu'il valait mieux ne pas insister sur te
point délicat , et laisser faire aux amis qu'il
avait auprès de Louis XUI. La grande cir-
conspection qu'il mettait dans sa corres-
pondance avec le roi se remarque partout.
' C'est la réponse à la lettre que de
Noyers avait écrite le matin, réponse faite
pour être lue au roi. Richelieu ne perd
pas de temps pour profiter de l'avis.
^ La prompte arrestation du duc de
Bouillon.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 939
Vous ne m'avés point mandé si on lève des troupes en Norman-
die, ce que j'estime du tout à propos, craignant qu'à l'autone il
vienne des troupes d'Allemagne à quoy nous ne pensons pas.
CCCCLXXXI.
Cabinet de S. A. R. M*' le duc d'Aiimale. — Oiiginal de la aiain de Clierré^
A M. DE NOYERS.
De Tarascon, le 20 juin ifiiia.
La santé du roy m'estant plus chère que ma vie, il m'est inipos-
.sible d'estre en repos que je ne sache qu'il soit deslivré de toute in-
commodité. J'envoie ce gentilhomme pour sçavoir s'il ne s'est point
mal porté pour avoir touché les malades, etl'asseurer que le meilleur
remède à mon mal est de le sçavoir aussy sain et aussy content que je
le désire.
CCCCLXXXII.
Cabinet de S. A. H. M*' le duc d'Aumale. — Original de la main de Cberré.
A M. DE NOYERS.
De Tarascon , le 24juini6ii2.
Bien que j'aye envoie apprendre Testât de la santé du roy, vous
m'avés faict un singulier plaisir de m'en mander des nouvelles. Pou-
vant dire avec vérité que s'il est permis à un serviteur de faire quelque
comparaison avec son maistre, comme le roy m'a faict l'honneur de
vous tesmoigner que, pourveu que je me porte bien, il ne sçauroit
mal se porter, aussy pourveu que la santé de S. M. soit au poincl que
je la souhaitle, la mienne en recevra le plus grand soulagement que
j'y puisse avoir.
11 faut envoler en diligence en Catalogne sçavoir de M"^ de La Mote
si, en luy donnant trois mil hommes d'augmentation, il peut entre-
ii8.
940 LETTRES
prendre le siège de Torlose avec succez, l'armée navale l'assistant;
ou si, envoiant trois mil hommes de l'infanterie qu'il a en Pioussillon
au siège de Rose , il peut soustenir avec le reste les efforts que le
roy d'Espagne peut faire contre luy.
Il faut mander à M"" de La Mëlleraie qu'il sçache particulièrement
de M'" de Schomberg et de M'' de Turenne si, en leur donnant trois
mil hommes de pied plus qu'ils n'ont, ils peuvent entreprendre le
siège de Rose, l'armée navale les servant. Après cela il sera aisé de
prendre résolution, sur quoy il y a beaucoup à dire que je réserve
lorsque j'auray l'honneur de voir le roy.
CCCCLXXXIII.
Cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Aumale. — Original de la main de Charpentier.
A M. DE NOYERS.
De Tarascon , le 25 juin i6i2.
Monsieur de Noyers se souviendra, s'il luy plai.st, dans les lettres
qu'il plaira au roy escrire aux provinces et aux Parlemens, en me
laissant derrière luy en ces quartiers, il y faut mettre, à mon avis,
qu'iiz recevront les ordres et les dépesches qui seront faictes par celuy
de ses secrétaires d'Estat qu'il laisse auprès de moy, comme si elles
estoient faites d'auprès de luy'.
Je ne sçay si cela a jamais esté faict, mais, sans cela, il me semble
que des dépesches qui seroient faictes sans cela n'auroient point de
force , le roy estant esloigné.
Ce que je mande me semble d'autant plus nécessaire que je ne suis
point en estât de signer aucunes dépesches, et que je prévoy que
les affaires requerront peut estre qu'on en face.
Je prie M'' de Noyers de faire response à M'' le grand prieur^, auquel
' On verra ci-après, p. 957, une lettre ^ Le commandeur de la Porte, oncle
du roi à ce sujet. de Richelieu.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 941
je croy qu'il ne seroit point mauvais d'envoyer deux ou trois commis-
sions de chevaux légers en blanc, luy mandant que vous luy respondés
de la levée s'il les met sur pied. Et luy escrire que, pour ce qui est
de l'infanterie, qu'il mette ses compagnies à cent hommes. Le tout
est de sçavoir si, dans la coste d'Espagne, à Saint-Sébastien el autres
lieux, il y a des troupes assemblées, et des vaisseaux pour les porter,
ce que je ne croy pas. Si cela estoit j'envoierois cinq ou six gentils-
hommes d'auprès de moy pour servir de chefs dans les isles. M" de
Chavigny en peut sçavoir quelque chose de M"^ le Nonce et de l'am-
bassadeur de Venise. Je croy qu'il faudra adresser l'ordre de faire
partir madame d'Effiat à M' le Prince '.
Je ne mets rien en ce mémoire pour le roy parce que j'ay envoie
sçavoir de ses nouvelles par de Maine.
CCCCLXXXIV.
Cabinet de S. A. R. M"^' le duc d'Aumale. — Original de la main de Charpentier.
A M. DE NOYERS.
DeTarascon, ce 26' juin 1642.
Depuis le mémoire qvie je vous feis ce matin, j'ay parlé à M"" le
comte d'Allez sur le sujet du premier président d'Aix. Nous avons
avisé qu'il ne seroit pas mieux chez luy qu'à Aix, et qu'il vaut mieux
l'envoier à Bourges. Vous en parlerés, s'il vous plaist, au roy; et, si
S. M. l'approuve, j'estime qu'il vaut autant le faire dès à présent que
d'attendre que S. M. soit à Lyon ^.
M' de Chavigny sçaura, s'il luy plaist, du roy, s'il ne veut pas que
M"' de Bordeaux demeure tousjours à Cavaillon, sans en partir.
' H. Arnauld écrivait le 2a juin , et répé- ' Ce premier président était M. du Ber-
lail le 29 que M"' d'Efiîat était dangereu- net. L'ordre lui fut sans doute donné im-
semenl malade, que les médecins déses- médiatemeni, caria Gazelle du 12 juillet
péraient de sa vie, et qu'on n'avait point dit qu'il parlit d'Aix le 27 juin.
osé lui apprendre le malheur de son fils.
942 LETTRES
NOTA.
Lorsque Richelieu eut la preuve que c'était au nom de Monsieur que Cinq-
Mars avait ourdi la conspiration et négocié le traité d'Espagne, l'un de ses pre-
miers soins fut de faire croire à ce prince qu'on ignorait sa participation au com-
plot; bien convaincu qu'au moindre soupçon Monsieur s'enfuirait en Espagne
et que le principal conjuré allait lui échapper. Non qu'il eût aucun dessein de le
faire punir, mais il comptait sur lui pour l'aider à faire punir les autres. Riche-
lieu fit donc écrire par le roi, à Gaston, une lettre où Sa Majesté lui annonçait
qu'elle le nommait général en chef de l'armée de Champagne, afin d'aller promp-
tenient faire tête à l'ennemi victorieux à Honnerourt et dont on craignait l'inva-
sion. Et puis, par une seconde lettre écrite le soir du même jour ( i 3 juin) , le roi
informait son frère de l'arrestation de Cinq-Mars, en imputant seulement au favori
« les insolences extraordinaires qu'il a commises en mon endroit. » (Bibl. imp. ma-
nuscrits français, n° 3843, fol. 54.) Grâce à la discrétion de ce double message,
le prince coupable se persuada qu'on n'avait point pénétré son secret. La rumeur
publique l'avait pourtant inquiété; il écrivait à Chavigni, le i5 juin, en appa-
rence pour s'informer de la santé du cardinal : « Je ne luy ay point escrit, disait-il,
ne sçachant en quels termes je le devois faire, à cause de tous les bruits qui
courent, dont je ne sçais pas la vérité, laquelle je vous prie de me mander; et,
en attendant, asseurer S. Em. de mon affection, en la façon que vous le jugerez à
propos. » Et deux jours après, le 17, pour mieux éloigner de lui tout soupçon d'in-
telligence avec le grand écuyer, il adressait au cardinal une lettre où il s'indignait
"delà conduite de ceméconnoissaiUM'le Grand; c'est l'homme du monde le plus
coupable de vous avoir (Jespleu après tant d'obligations. . . Et vous avez bien
creu, je m'asseure que, si je l'ay considéré, ce n'a esté que jusqu'aux autels.
Aussi est-ce pour vous, mon Cousin, que je conserve mon amitié toute entière.
Et comme je cognois que vous m'y avés tout nouvellement obligé par l'honneur
que S. M. m'a fait de me donner le commandement de son armée de Champagne,
je vous prie de croire que vous ne sçauriez jamais avoir de plus véritable, ny de
plus fidèle amy que moy^. "Tout le monde s'étonnait de ce singulier incident;
nous trouvons dans une des lettres de H. Arnauld : « On ne comprend pas ce que
c'est que l'ordre qu'a receu Monsieur de se tenir prest pour venir commander
l'armée de Champagne; cela est mystérieux.» (Bibl. imp. Béthuno, 9273,
fol. i35.) Ce pauvre prince n'y voit qu'un motif de profonde sécurité. Mais, dès
' Bibl imp. Saint-Gèrm. Harl. 35 1 , foi. 106 v°.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 943
qu'il apprend que sa complicité est découverte, son assurance l'abandonne tout à
fait, et il ne songe, comme dans toutes ses autres révoltes, qu'à se mettre à l'abri
aux dépens de ceux qui avaient conspiré en son nom. Nous avons de lui cinq
lettres, écrites le même jour, dans le premier moment de sa surprise et de son
effroi. Ces lettres, datées du 25 juin, sont adressées au roi, au cardinal de Riche-
lieu , au cardinal Mazarin , à de Noyers et à Chavigny. Il s'excuse auprès du roi ,
et supplie les autres d'obtenir son pardon. Pour se faire une idée du degré d'hu-
miliation où descend le duc d'Orléans dans ses supplications, il suffit de lire la
lettre qu'il écritàChavigni. (Arch. des Aff.étr. France, juin-août, fol. 182, copie de
la main de Cherré '.) II fit porter ces lettres par l'abbé de La Rivière , son aumônier.
Avant que ce messager eût son audience du roi, alors à Monfrin, le cardi-
nal, qui était à Tarascon, fit remettre à Louis XIII le mémoire suivant, où il
cherche quelles pourront être les excuses de Monsieur, et dicte la réponse que
le roy y devra faire.
CCCCLXXXV.
Bibl. imp. fonds Saint-Germain -Harlay, 35 1, pièce 1 16. — Copie. —
Saint-Germain, io23, fol. 55. — Copie.
Missions élrai)gères, 170 (copie), volume non chiffré
[MÉMOIRE POUR LE ROLJ
[Vers le 26 juin'.]
0 u M' de La Rivière vient avec un simple compliment de parolle
et une confession de faute desguisée, ou il vient avec charge de des-
couvrir une partie de ce qui s'est faict.
Si le premier, le roy doit tesmoigner, adjouster foy à ce qu'il dit,
et respondre qu'il pardonne volontiers à Monsieur, et que M' de La
Rivière luy rapporte ce qu'il a sur la conscience et qu'il n'en doit
point estre en peyne.
' Par conséquent aullicntique. D'autres mais nous savons que l'abbé de La Rivière
copies sont à la Bibliothèque impériale; on était parti de Moulins le 2 5 juin. Le car-
y remarque de légères diflerences. (Fonds dinal lit aussitôt ses conjectures sur le
Saint-Germain, ioa3, fol. 49 v° — Saint- message que cet abbé devait apporter, et
Germain-Harlay, 35 1, fol. 111. — Mis- il se bâta de les envoyer à Cliavigni, qui
sions étrangères, 170.) dut voir l'abbé de la Rivière le a6 ou le
' Les copies ne donnent point de date; . 27 juin.
944 LETTRES
Si le deuxlesme , il doit encore luy tesmoigner de croire que tout
ce qu'il dict est tout, et respondre : Ce que vous descouvrés nie sur-
prend et ne me surprend pas.
Il me surprend parce que je n'eusse pas attendu ce nouveau tes-
moignage de manque d'affection de mon frère; il ne me sur prend pas,
parce que M' le Grand, estant pris, s'enquierl fort si on ne l'accuse
point d'intelligence avec Monsieur.
M' de La Rivière, je vous parleray franchement; ceux qui ont
donné de mauvais conseils à mon frère ne doivent rien attendre
de moy que la rigueur de la justice. Pour mon frère, s'il me des-
couvre tout ce qu'il a faicl, sans réserve, il recevra des effecls de
ma bonté comme il en a desjà receu plusieurs fois par le passé.
Quelque instance que La Rivière fasse d'avoir promesse d'un par-
don général sans obligation de descouvrir tout ce qui s'est passé, le
roy demeurera dans sa première response, luy disant qu'il ne vou-
droit pas luy mesme luy conseiller de faire plus que Dieu, qui re-
quiert un vray repentir et une ingénue recognoissance, pour par-
donner; qu'il luy doit suffire qu'il l'asseure que Monsieur recevra
des effects de sa bonté s'il se gouverne envers Sa Majesté comme il
doit, c'est-à-dire ainsy qu'il est dicl cy-dessus.
Ensuitte de ce que dessus, le roy doit dire à l'abbé de La Rivière
qu'il veut que son procédé soit sy net et sy justifié devant tout le
monde, en une affaire qui le touche de sy près comme celle de son
sang, qu'il désire que La Rivière mette par escrit tout ce qu'il luy
a dict. Ensuitte de quoy Sa Majesté y fera mettre sa response, et,
quoyque La Rivière s'en excuse, il faut luy faire faire ce qu'il ne
sçauroit, ny n'oseroit refuser par raison.
Sur ce qui se passera avec La Rivière on dressera ensuitte un mé-
moire de ce qu'on estimera devoir estre faict'.
' Le roi ainsi endociriné, el qui de faite, s'il en faut croire Cliavigni, qui était
plus eut un entrelien avec le cardinal, le à Montfrin, auprès de Louis XIII, et qui
28 juin, reçut l'abbé de La Rivière le 29, rend compte de l'audience au cardinal,
et répéta fort bien la leçon qui lui avait été dans une lettre du dernier juin (Bibl. imp.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
965
CCCCLXXXVI.
Original.
Arch. des Aff. élr. France, i6iia, juin-août, fol. 346.
Bibl. inip. fonds Saiiil-Germain-Harlay, 35i, fol. 107. — Copie
Saint-Germain, 1028, fol. 45'. — Copie. —
Missions étrangères, 170, volume non chiffré. - — Copie.
A M" DE NOYERS ET DE CHAVIGNY.
27 juin 1642 '.
Si Monsieur de Bouillon est pris il est question de faire veoir
pron)plement que Ton l'a pris avec justice.
Pour ce faire, ou il en faut descouvrir les autheurs de M'"*" de
Clievreuse qui en ont donné advis, ce que la dame ne voudroit pas',
ou trouver quelque autre invention par laquelle on puisse faire co-
gnoistre qu'on a eu cette descouverte.
S'-Genn. Harl. 35 1, fol. 11 3.) La sévérité dication mise au hasard. Les copies don-
dictée au roi fut si bien exprimée et fit si
grande peur à ce pauvre aumônier • qu'il
Iny prist presque unedéfaillance, et ensuite
une espèce de choiera morbus, dont il a
esté guéry en luy rassurant l'esprit.» Ce
sont les paroles de Chavigni. — Cepen-
dant on tira de La Rivière l'écrit que le car-
dinal avait demandé; Chavigni l'envoya à
Richelieu, avec une lettre du 3o juin.
(Cet écrit se trouve au fui. 1 17 v" du nis.
de Harlay, n° 35 1.) — En même temps
Chavigni envoyait au cardinal la réponse
qui devait être mise par le roi en bas de l'écrit
de I a Rivière (ci-après, p. 966, note 1).
' Ce manuscrit, qui contient la rela-
tion de Fontrailles , reproduit cette partie
du manuscrit de Harlay, 35i ; mais, quoi-
qu'il vienne originairement de la biblio-
thèque de Séguier, il est moins correct
que le manuscrit de Harlay, où l'on a cor-
rigé quelques-unes des fautes du premier.
' L'original ti'est point daté; une main
étrangère a écrit «juillet;» c'est une in-.
nent une date vraisemblable dans ce litre
qu'elles placent en tête de la pièce : " Mé-
moire de S. Eui. du 37 juin iGAa; à
M" de Chavigny et de Noyers estant près
du roy. » L'arrestation du duc, qui eut
lieu à Casai le 23 juin, ne fut connue à
Tarascon que le 28 au soir, ou dans la
matinée du 29, puisque le roi, qui avait
visité Richelieu le 28, lui écrivait le len-
demain : « Je ne me trouve jamais que bien
de vous voir Je me porte beaucoup mieux
depuis hier, et ensuite de la prise de M' de
Bouillon , qui est un coup de partie, r
' Celte phrase, que j'ai soigneusement
vérifiée sur la pièce originale de la main
deCherré, est évidemment fautive et par
suite très-obscure. Que peut signifier • les
autheurs de M"' deChevreuse ? »Faut-il en-
tendre des gens informés par M"" de Che-
vreuse, qui ne se défiait pas d'eux ? Car sup-
poser que Richelieu veut ici parler (ce qui
pourtant serait plus dans le sens des mots)
de personnes qui auraient fait à M°" do
CAHDIN. DE mCHELIED. TI.
946 LETTRES
On le peut faire en resserrant de toutes parts les prisonniers, sans
permettre de parler à personne, parce que, par ce moyen, on pourra
faire croire aux uns que les autres ont dict ce qu'on sçait, ce qui leur
donnera lieu de le confesser, et à tout le monde de le croire.
Sans l'un de ces deux expédiens, quoyque ce qu'on a faict ne se
peust esviter, on passera pour avoir faict une violence à M'' de Bouillon
pour le chastier des choses pardonnées, ce qui est très-faux, et dont
il faut esviter la réputation.
Fault arrester Cioujac', qu'on dict avoir des papiers secretz.
Fault retirer la cassette des cheveux et amourettes qu'a M' de Choisy.
Fault représenter au roy qu'il est très-important de ne dire pas qu'il
ayt bruslé tous les papiers, et en effect on croit qu'il ne l'a pas faict.
Si M' de Bouillon est pris , il fault pourveoir promptement l'Italie
d'un chef de grande qualité ^ pour plusieurs raisons qui pressent.
Il en fault un en Guienne, et un dans le Roussillon; estant douteux
si M"" de Turenne voudra servir, et si on le doit laisser seul. Le roy
y pensera , s'il luy plaist.
Fault sçavoir du roy si, en choses importantes et pressées, le car-
dinal donnera les ordres de ce qu'il estimera plus à propos pour son
service, ainsy que S. M. luy a commandé plusieurs fois par le passé;
el , au cas qu'elle le veuille, elle luy escrira par un mot de son propre
mouvement*.
N'y ayant rien de plus dangereux que de faire les affaires à demy*.
Chevreuse des confidences que celle-ci
aurait trahies, c'est ce que ne peuvent
guère admettre ceux qui connaissent le
caractère de celle dame. Que signilient en-
core ces mots : « Ce que la dame ne votidroit
pas , » qui se rapportent si bien à ce que Ri-
chelieu écrivait le 7 juillet à de Noyers et à
Chavigni, « Si ceux qui savent beaucoup de
particularilez de celle affaire vouloient estre
allégués , on n'aurai! pas tant de peine. »
' C'est i'habilant de Narbonne chez le-
quel , d'après une des versions, fut tiouvé
M. le Grand. Dans une lettre au roi , du
1 3 juillet, le cardinal écrit uSiongeac, u el
le P. Griffel le nomme Siouzac. Les copies
de la Bibliothèque le nomment encore au-
trement. Il y a d'ailleurs dans ces copies
plusieurs inexaclitudes. Siouzac fui quel-
ques jours après recherché pour une ten-
tative d'évasion de Cinq-Mars.
" Les deux mss. de Saint-Gcrmaln, et
de Harl. mettent : i fidélité. »
^ Ci-après , p. 967.
' La copie du manuscrit de Scint-Ger-
DU CARDINAL DE RICilELIEU.
947
j'estime que le roy doit envoyer promptement une compagnie des
gardes françoiscs et une autre de Suisses, de celles qui sont advancées
à Lion, garder le passage de Tréou ', parce ce que c'est le moyen
de réduire Monsieur de desclarer, on de gré ou de force, ce qu'il sçayl.
Fault niesnager M""' de Savoye dans le bon traictement qu'on luy
faict pour sçavoir ce qu'elle sçaNt^.
CCCCLXXXVII.
Cabinet de S. A. R. M'' le duc d'Aumale. — Minute de la maiu do Charpenlier.
[Avant le 2S juin i64 2 '.
Faut parler de l'aflaire de M. Desdiguièrcs* en passant.
main fail, de la première ligne de ce para-
graplie, la (in du paragraphe précédent;
et sans doute la pensée exprimée dans
cette ligne se rapporte très-bien au sens
dudil paragraphe. Cependant nous suivons
le texte des Affaires étrangères, écrit de la
main de Clierré et conservé dans les pa-
piers de Richelieu. C'est aussi la leçon du
manuscrit de Harlay. Quant au manuscrit
des missions, il met les d>'ux paragraphes
en un seul et sans autres poncttiatinn
qu'une virgule après « demy. «
' Trévoux, capitale de la principauté
de Dombes, dont jouissait Monsieur.
' Il paraît que Richelieu eut la pensée
de mêler la duchesse de Savoie à la cons-
piration de Cinq-Mars. Nous voyons que
dans le premier interrogatoire que l'inten-
dant du Dauphiné, Henri de La Guette,
seigneur de Chazé, fil subir à M. de ïhou,
le 6 juillet, on lui demanda «s'il ne lui
avoit pas été dit que madame de Savoie
étoit à demi gagnée et qu'elle le seroit bien-
tôt tout à fait. • Question répétée à Cinq-
Mars dans son interrogatoire du 20. Or
nous savons, par Richelieu lui-même, que
ce fut lui qui prépara les questions que.
devait faire M. de Chazé. (Voy. aussi la
noie 2 de la page 969. )
' Celle pièce, sans date, est classée dans
le manuscrit entre deux lettres du 2 juillet,
mai» il est évident qu'elle a été écrite dans
les derniers jours de juin, ot un peu avant
l'entrevue du roi et du cardinal, qui eut
lieu le 28 ; je la classe immédiatement avant
ce jour, faute de pouvoir donner la date
précise. C'est une sorte de mémorial des
choses dont Richelieu voulait entretenir
le roi, et dont plusieurs furent exécutées,
en effet , après l'entrevue. Celte pièce , ainsi
que beaucoup d'autres, prouve ce que
nous avons déjà dit, que, malgré les plus
anxieuses préoccupations d'esprit et les
douleurs physiques les plus aiguës, Riche-
lieu n'abandonna jamais la direction du
gouvernement, que M. Bazin se trompe
lorsqu'il dit, «la main engourdie du car-
dinal avait cessé de conduire l'Etat,» et
lorsqu'il prétend que, durant sa maladie,
Richelieu «renvoyait sans cesse au roi
l'ennuyeux souci des affaires. » (T. IV,
p. 367 et 388.)
' Il devait accompagner le roi jusqu'à
Lyon. — Il s'agit sans doute ici du gou-
948 LETTRES
Idem de M. de Roussillon^
Faut laisser ordre à tous les gouverneurs de provinces, places et
parlements, en vertu duquel ils obéissent à ce qui leur sera mandé
de la part du roy^.
11 vaut mieux conduire jusqu'à Lyon les prisonniers, que les laisser
en ces pays'.
Abbayes de cinq ou six * à Laffemas.
Abbaye grande, Mazariny.
Brissac, abbaye.
Bontemps, abbaye.
Faut pourvoir à la seureté de Laon, y envoyant M. de Nangis, si
desjà on ne Ta faict.
Idem, de Chauny, faisant avancer les fortiffications autant que l'on
pourra.
Idem, à Rbetel.
Faut avoir grand soin des levées qui se doivent faire à Paris et
en Normandie, et du restablissement de l'armée du mar*^ de Guicbe.
On ne parle point du lieu où le roy voudra envoyer de ses gardes
et de ses Suisses, parce que cela deppendra de sa prudence, et des
lieux ou paroistront les ennemis.
Mon avis est que la personne du roy ne doit bouger de Fontai-
nebleau, et de S'-Germain, et qu'il doit retenir avec luy ses gen-
darmes, chevau-légers et mousquetaires, six compagnies de ses
vernement du Dauphiné, avec quelques
restrictions. (Voy. ci-après, p. Q^à-)
' Le cardinal lui avait promis la lieule-
nance du roi du Dauphiné; le roi la lui
donna le 4 juillet.
■ Voy. ci-dessus, p. Q^o, 9^6, et ci-
après, p. 967.
' « J'emraèneray M. deïhou avec moy,
et feray partir, 5 ou 6 jours après, M. Le
Grand avec la cavalerie qui a amené M. de
Bouillon d'Italie, • mandait Richelieu, de
Tarascon, le i5 août; et dans une lellre
du 3 septembre , daîée de Condrieux , il dit :
« M. Le Grand arrive demain à Lyon. » Ce
fut aussi le jour que Richelieu y arriva.
On verra, dans une lettre du i5 juillet,
comment le cardinal explique toutes les
précautions qu'il prendra pour que Cinq-
Mars ne se sauve pas dans le trajet de
Montpellier à Lyon.
' Sans doute : cinq ou six mille livres.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 949
gardes françoises et quatre de ses Suisses, et envoyer le reste pour
lorlifiier l'armée qu'il jugera en avoir besoin.
On estime qu'il faut envoyer Ballon en Guyenne, et M. d'Arpajon
avec pouvoir d'amasser la noblesse, et des lettres aux principaux sei-
gneurs affectionnez, pour mettre leurs amis sur pied.
Il est du tout nécessaire d'envoyer M"'^ d'Effiat en ses maisons de
Touraine \ avec son fils l'abbé , en ayant tousjours usé ainsy en pareil cas.
Faut faire prendre i'aumosnier de M. le Grand pour sçavoir quels
sont les ministres qu'il a faict parler à son maistre.
Faut parler au roy de M. de Lauzon. ,
Escrire au premier président de Provence estant à Lyon'^.
CCCCLXXXVIII.
Arch. des Aff. étr. France, i64a , juin-août, fol. i4/i. — Orij^inal, de la main de Cherré.
Minute de la main' de Chavigni , même ms. fol. 343*.
Bibl. imp. fonds SaintGermain-Harlay, 35i, fol. 119. — Copie.
Saint-Germain, io23, fol. 58 v°. — Copie. —
Missions étrangères ,170, volume non chiffré. — Copie.
A M" DE CHAVIGIVY ET DE NOYERS*.
[27 ou 28 juin ?]
La proposition de M'" de La Rivière est que, si Monsieur confesse
tout sans réserve, le roy trouve bon que, sans le veoir, il sorte du
royaume pour aller vivre à Venize.
Il tesmoigne croire absolument que, si on luy veut donner la li-
berté, il donnera ingénue et entière confession de toutes choses.
' Voy. ci-dessus, p. 941. même temps à de Noyers. — Richelieu
" Ce premier président avait été exilé avait envoyé à Chavigni, vers le 26 juin
à Bourges. (Ci-dessus, même page.) (p. 943), ses prévisions sur le contenu
^ Celte minute esl classée, par erreur, du message que devait apporter l'abbé
au 17 juillet, dans le volume 101, où elle de La Rivière; maintenant il a vu ce mes-
est maintenant. sager, et il adresse à Chavigni ses réflexions
' Les manuscrits ne donnent ni sus- sur les propositions de Monsieur. Cette
criplion, ni date. La lettre est évidemment lettre peut donc être mise au 27 ou au
adressée à Chavigni , et sans doute en. 28 juin.
950 LETTRES
Il m'a demandé plusieurs fois ma paroUe sur ce sujet, je nay osé
la luy donner, ne sachant pas si le roy l'agréra; mais ma pensée est
qu'il n'y a pas de difficulté à le faire, parce que ou Monsieur en-
volera une bonne et entière confession, ou une mauvaise et deffec-
tueuse.
S'il l'envoie deffectueuse on le poursuivra avec des trouppes selon
la résolution prise; et cependant la dicte confession, qnoyque mau-
vaise, servira à la conviction de ses complices, et à celle de sa propre
personne.
S'il l'envoie bonne, on s'en servira encore mieux et le roy ne sera
obligé qu'à le laisser aller à Venize, et ne le priver pas de la liberté,
ce qui n'empeschera pas qu'on ne fasse ensuitte ce qu'il faudra |Jour
l'Estat.
Mon advis est donc que vous disiés à M' de La Rivière : M' le car-
dinal ne vous a pas voulu donner paroUe que le roy laissast aller li-
brement Monsieur à Venize sans le veoir, au cas qu'il luy envoyast
une entière confession de ce qu'il sçait , et cependant, pour vous mons-
trer qu'il faict tousjours plus qu'il ne promet, il m'a escrit pour con-
seiller au roy de donner ce consentement à Monsieur, ce que je feray
fidellement. El, en ce cas, je vous donneray, par commandement
de S. M. la parollo de Son Éminence. Ainsy il ne tiendra qu'à Mon-
sieur qu'il ne sorte encore une fois du mauvais pas auquel il est,
selon vostre proposition, par l'intervention de M"' le cardinal.
J'ay donné parolle à M' de La Rivière qu'on ne dira point à Mon-
sieur que sa confession est delfectueuse faucement; je luy ay dict
qu'il faut que la desclaration de Monsieur .soit signée de luy et contre-
signée de M"" Goulas.
Il eust bien désiré en avoir un project, mais j'ay estimé qu'il vaut
mieux que ces messieurs agissent à leur mode.
Je vous advoue que je ne croy point que Monsieur desclare la vé-
rité ; et, en ce cas, il faudra faire advancer les trouppes vers luy sans
y perdre aucun temps; et je croy mesme qu'en attendant la descla-
ration, il ne fault pas ditférer leur marche.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 951
Je croy qu'il est bon que M"" Goulas apporte la desclaralion avec
M' de La Rivière.
CCCCLXXXIX.
Cabinet de S. A. R. M^' le duc d'Aiimale. — Original de la main de Charpentier.
[AU Ror?j
De Tarascon, ce 29" juin 16/I2.
J'envoie sçavoir comment Sa Majesté se porta hier de son voiage ,
priant Dieu de tout mon cœur qu'il luy ayt produit un aussi bon
effect que j'en ay receu de l'honneur de sa visite, qui me soulagea
tellement qu'en me faisant panser à six heures, je levay mon bras
tout seul, à la veue de toute la faculté.
Pourveu qu'il plaise à Sa Majesté se tenir l'esprit content, comme
il luy a pieu me le promettre, je ne doute point qu'elle ne se tire
' Celle pièce manque de suscription ;
s'adresse-l-elle à de Noyers, ainsi que la
plupart des lettres composant le maniiscril
où elle est conservée ? Je pense que c'est à
Louis XUI lui-même que Richelieu écrit,
bien qu'il parle du roi à la troisième
personne, forme dont j'ai de fréquents
exemples. Richelieu avait d'ailleurs à re-
mercier Louis XIII de sa visite, ef il la
tourne en manière de miracle. Le roi , ma-
lade aussi, s'était fait porter de Monlfrin à
Tarascon; le cardinal, au lit, fit préparer
un autre lit auprès du sien pour recevoir
le roi; ils étaient éloignés l'un de l'autre
depuis plusieurs mois, et leur entrevue
ne se fit pas sans larmes; on peut en
lire un récit assez curieus dans l'histoire
du P. Grin'et,p. AyS. Richelieu ne mniiqua
pas de faire informer le publ'c de cette vi-
site, en même temps que de sa prochaine
guérison : « Le roy ayant confirmé sa santé
par l'usage de.- eaux de Meyne, qu'il a.
prises à Monfrsin, a visité le cardinal-duc
dans Tarascon, duquel honneur et con-
tentement receu par S. Em. sa sanlé, qui
va tousjours se fortifiant, a esté encore ac-
creue, de sorte qu'elle se prépare à se
mettre en chemin pour suivre S. M. » (Ga-
zette du 5 juillet.) Cette visite, qui tenait
si fort à cœur à Richelieu, il avait cru un
instant qu'elle ne pourrait avoir lieu, et
il prit ses précautions pour ne pas perdre
le bénéfice qu'il s'en promettail. Il fit écriir
par Chavigni à de Noyers, qu'il priait Sa
Maje.sié de ne pas risquer sa santé poui
venir le voir; «ce n'est pas, ajoutait-il.
que S. Em. ne désirast que le roy en les-
moignast quelque envie devant le monde,
et qu'il parust que, s'il n'avoit pas pris ce
détour, la supplication de S. Em. de ne
se point remettre dans un aussy mauvais
air que ccluy de Narbonne, l'en avoit em-
pesché. » (Lettre du i5 may, Aff. étrang.
France, janvier-mai, fol. 338.)
952 LETTRES
bientost de son mal, et j'ose luy respondre qu'elle sortira heureuse-
ment des mauvaises affaires qu elle a maintenant.
Sa Majesté ayant autant de tendresse pour ses créatures qu elles ont
d'excès de passion pour sa personne, et autant de confiance en elles
qu'elles en prendront éternellement en sa bonté, elles mettront avec
contentement mile vies, si elles en avoient autant, pour le servir
et pour luy plaire. Elle adjoustera, s'il luy plaist, d'autant plus de
foy à cette vérité qu'elle sera confirmée par toutes leurs actions.
CCCCXC.
Bibl. iinp. fonds Sainl-Germain-Harlay ', 35i, foi» 102. — Copie.
Saint-Germain, loaS, fol. Sg. — Copie.
Missions étrangères, 170, volume non chiffré. — Copie.
[MÉMOIRE POUR LE ROI'.]
[Dans les derniers jours de juin.l
Le roy n'ayant point accoustumé de partir des lieux où il porte sa
personne sans pourveoir à tout ce qui est néce.ssaire à leur seureté ,
la prudence veult qu'il continue plus que jamais cette pratique en
cette occasion.
Pour cet efîect, il est absolument nécessaire de faire tout ce qui
est requis pour s'asseurer la Catalongne et le Roussillon; et, qui plus
est, pour garantir ces provinces de la ruine que le roy d'Espagne
y pouroit faire, quand mesme il ne pouroit e.sbranler leurs esprits et
leurs cœurs.
Deux choses sont grandement nécessaires : l'establissement d'un
vice-roy qui est faict [sic] comme celuy des Gouverneurs des Pays-
Bas dans les places, ce qui fera veoir au peuple que le roy luy veult
absolument tenir sa paroUe.
Je suivrai la copie de Harlay, à moins ^ Le roi quitta Montfrin le 3o juin; ce
que les autres ne donnent par hasard un mémoire, auquel les mss. ne donnent point
sens plus exact. (Voy. p. 945, note 1.) dedate.dutluiêtreenvoyépeuauparavant.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 953
Ensuitte il est à considérer que jamais la Catalongne el le Rous-
sillon ne seront entièrement asseurez au roy qu'on n'ayt pris Tor-
toze, Tarragone et Roze. Or, comme ces trois choses sont impossi-
bles ensemble, la question est par l'attaque de laquelle il faut com-
mancer.
Beaucoup estiment que c'est par Roze. Je serois de prime abord
de leur advis; mais considérant que, jusques à ce que Tortoze et Tar-
ragone soient pris, ou au moins Tortoze, les Catelans seront en per-
pétuelle appréhension d'estre opprimez, et ne pourront subsister
sans beaucoup de gens de guerre qui , vivans en leur pays pour les
deffendre, ne le sçauroient faire sans les incommoder (cette raison
est d'autant plus pressante que Barcelonne et tout le pays n'est es
mains du roy qu'en tant que ses habitans luy seront affectionnez),
j'estime qu'il vault mieux commencer par l'alfaque de Tortoze que
par Roze.
Une seconde raison me confirme en cette opinion, qui est que le
siège de Roze ne se pouvant faire sans diminuer l'armée de M' de La
Mothe apparemment, ensuitte il ne seroit pas assez fort pour résis-
ter à tous les esforts que l'Espagne pouroit faire au préjudice de la
Catalongne.
Or parce que ce n'est pas assez de garantir la Catalongne de ruine ,
mais qu'il en faut faire autant du Roussillon, j'estime que, pendant
le siège de Tortoze, M'' de Turenne doit demeurer dans le Rous-
sillon, avec trois mil hommes de pied et quatre cens chevaux, pour
faire faire bien dilligemment un bon fort au lieu que luy-mesme
a recogneu proche de Roze, par le moyen duquel tous demeurent
d'accord que les ennemis ne sçauroient faire aucune course dans
le pays.
Tout ce qui est à craindre dans ce dessein , et que je croy inévitable ,
est que, quelque fort qu'il fasse, il sera seulement bon pour résister à
la garnison ordinaire de Roze, mais non aux forces estrangères qui
pourroient descendre par mer, si ce n'est qu'il y ait un bon corps
d'infanterie retranché derrière.
CABDIH. DE BICBELIED. VI.
954 LETTRES
Cet advis est d'autant plus fondé que, par le moyen de deux naille
chevaux qui sont dans le Roussillou, on acquiert la liberté de dis-
poser de quinze cens, nécessaires soit en Guienne, soit en Bour-
gongne, soit pour pousser Monsieur, s'il ne veut ny venir trouver le
roy, ny sortir des lieux où il peut faire mal.
Cet advis est soubmis à celuy que Sa Majesté voudra prendre après
avoir receu celuy que M" les généraux qui commandent dans le Rous-
sillon et Catalongne estimeront sur ce sujet.
11 n'y a rien à faire pour le Languedoc , la province estant couverte
de la Catalongne et du Roussillon, et tous les esprits y estans en la
disposition qu'on les peut souhaitter.
Quand à la Provence, M'' le comte d'Alaix n'y souhaitte que deux
choses, l'esloignement du premier président, et la fortiffication de
Toulon et d'Antibes. Le roy a pris résolution sur le faict du premier
président^; reste à pourveoir aux fortiffications, ce que je croy qu'il
faut faire.
11 me semble qu'il est fort aisé de mettre le Dauphiné en Testât
qu'on le peut souhaitter, le temps présent ne requérant autre chose
sinon que le roy exécutte une résolution qu'il prist dès la mort de
M"" le Comte, de donner le gouvernement à M" de Lesdiguière, en se
réservant la prononciation des arrests, et la nomination aux charges
et offices.
Le Parlement désireroit bien que le gouverneur fust aussy privé
de la préséance qu'il a sur luy, mais je n'estime pas que le service
du roy le requière, cette compagnie ayant plus tost besoin d'estre
abhaissée qu'eslevée.
Si Sa Majesté veut ensuitte pourveoir de la lieutenance du roy
dans le Roussillon, je croy qu'elle fera tout ce qu'elle peut faire pour
son service, en cette province, y laissant un gouverneur et un lieu-
tenant du roy du tout affectionné.
Il n'y a rien à faire pour le Lionnois, le roy ayant de nouveau obligé
' Ci dessus, p. g/il.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 955
le marquis de Villeroy à bien servir pour le bienfaict qu'il vient de
recevoir de Sa Majesté.
L'Auvergne requiert un chef, mais je n'en sçay point en France
capable d'une si grande charge; et cependant il sera du tout néces-
saire d'y pourveoir. Sur ce sujet le temps donnera plus de lumières
qu'on n'en a à présent.
■ Pour ce qui est de la Guienne, si les ennemis y font une descente
M' d'Arpajon n'est point capable de souslenir cet esfort.
La personne du mareschal de La Force pouroit passer dans la pen-
sée; mais outre que l'expérience a faict cognoistre que son âge a beau-
coup diminué sa capacité, il me semble qu'il est bon d'esviter, tant
qu'on pourra , de mettre des forces qui seront presque toutes hugue-
noltes entre les mains d'un chef zélé à cette religion, principalement
en un lieu fort esloigné de Sa Majesté et où elle n'a point de corps
d'armée composé de ses vieilles troupes catholiques, ensuitte de la
cognoissance qu'on a que M' le Grand a tasché d'esmouvoir leurs
esprits de tous costez.
CCCCXCI.
Arcli. des Aff. élr. France, i6/i3, juin-août, loi. i(i~. —
Original de la main de Charpentier.
Bibl. imp. fonds Sainl-Germain-Harlay, 35i, fol. i i4 v°. —
Saint-Germain, ioa3, fol. 53 v°. —
Missions étrangères ,170, volume non chiffré. — Copie.
A M" DE CHAVlGiM ET DE NOYERS'.
DeTarascon, ce dernier juin 1642.
Je prie Dieu que le roy fasse bon voyage et ceux qui l'accompagnent
aussv.
' L'original ne porte point de suscrip- pi.sles de Harlay et de Sainl-Gerinain ont
tien ; mais une noie de réception est écrite rais en tète le nom des deux secrétaires
au dos , de la m.iin de Cliavigni , et les co- d'état.
956
LETTRES
L'escrit de M' de La Rivière est bien. J'ay veu la response qu'il faut
mettre en bas; j'y ay changé seuUement un comme en ainsy, bien
que le comme fust en mon premier mémoire et qu'il ne fust pas
mauvais ^
Je ne fais point de difficulté, si le roy le trouve bon, de donner
parolle à M' de La Rivière, que Monsieur desclarant au roy tout ce
qu'il sçait, par escrit, sans réserve, venant voir Sa Majesté devant que
sortir du royaume, selon la proposition que vous en a faicte ledict
s"" de La Rivière , Sa Majesté le laissera aller librement sans qu'il reçoive
mal, s'il sort du consentement du roy. Venize est une bonne demeure;
et, en ce cas, il faut que la permission qu'il demandera au l'oy de
sortir porte : " Pour ne venir en France que lorsqu'il plaira au roy
nous le permettre et nous l'ordonner. »
Quand à l'argent, je croy qu'il se doit contenter de ce que le roy
d'Espagne luy devoit donner, sçavoir est, dix mil escus par mois;
car luy donner plus c'est luy donner moyen de mal faire. Et le roy
ne pouvant consentir qu'il mène avec luy les mauvais esprits qui l'ont
perdu, il n'a pas besoin de davantage pour luy et pour les gens de
bien. Cependant^ s'il faut luy faire toucher jusques à 4o mille livres
je ne croy pas qu'il faille s'arrester pour peu de chose.
' Voici cette réponse qu'avait dictée
Riclu'lieu à Chavigni, pour être transcrite
par le roi ; c'est la première version , la
correction du comme en ainsy que n'a pas
encore été faite : « Après ce que le s' de
La Rivière m'a déclaré de la part de mon
frère, je désire qu'il le retourne trouver
pour luy dire que , s'il m'envoie , par escrit ,
toutes les choses dans lesquelles il s'est
engagé et ausqudtes on l'a voulu porter
contre mon service, et qu'il me déclare
franchement tout ce qu'il sçait, sans rien
réserver, il recevra des effects de ma bonté,
comme il en a desjà receu plusieurs fois
* Le roi parût ce m^me jour de Montfrin.
par le passé. Je désire que ied. s' de La Ri-
vière m'apporte promptement response,
et qu'il vienne au devant de moi *. Du
3ojuin 16/42. » — Cetle minute, sans date,
a été classée par erreur au 17 juillet dans
le ms. des AIT. élr. France, 101 ; elle se
trouve en copie à la Bibl. imp. dans les
trois mss. cités aux sources.
' «S'il faut pousser jusques à quatre
cens mil livres » (copies des manuscrits de
Harlay et de Saint Germain). C'est, en
d'autres termes, ce que dit notre origi-
nal ; Zio.ooo " ajoutées à 10,000 écus par
mois.
DU CARDINAL DE RICHELIEU.
95:
J'allendray la lettre que vous me mandés du roy ' ; plus il me don-
nera d'authorité et me fera de grâces, plus en useray-je avec modé-
ration. Je suis entièrement à ceux qui m'aiment comme vous^.
ccccxcn.
Bibl. irup. fonds Saint-Gennain-Harlay, 35 1, fol. lai v°. — Copie. —
Saint-Germain, loaS, fol. 64- — Copie. —
Missions étrangères, 170, volume non chiffré. — Copie.
[A M. DE CHAVIGM?]
De Tarascon, ce dernier juin ' ibia.
Quoy qu'on ayt faict pour porter Monsieur à donner une ingénue
' Chavigni avait écrit à Richelieu le
malin du 3o juin , avant le départ de Mont-
frin , pour lui envoyer la réponse du roi
à mettre au bas du mémoire apporté par
l'abbé de La Rivière. « Le roy, mandait
Chavigni , escrira très-volontiers la lettre
que je luy ay proposée d'envoyer à Mon-
steigneur pour le laisser en toute autorité;
et il le fait de la meilleure grâce du monde.
M*' le cardinal Mazarin la perlera demain
à S. Em. » (Manuscrits cités aux sources.)
Le soir du même jour, Louis XIII, arrivé
à Bagnols, signa cette lettre attendue avec
quelque impatience. Le roi y transmet tem-
porairement à son minisire presque tous les
pouvoirs de la royauté : • Ayant une con-
fiance entière en vous, mon intention est
que vous faciès en ce pays les choses qui
regarderont mon service avec la mesme
autorité que si j'y estois; que les ordres
que vous envoierés , soit dans les pro-
vinces de deçà , soit au dehors de mon
royaume, à mes lieutenans généraux d'ar-
mée, ou à mes ministres, soient aussy
punctuellement exécutés que les miens
propres; et que vous pourvoies aux choses
pressées sans m'en donner advis. » — Si
Richelieu n'a pas dicté cette lettre , il en a
du moins indiqué aux confidents qu'il avait
auprès du roi les points principaux. (Voy.
ci-dessus les lettres à de Noyers, p. 940,
et à Chavigni, p. 946.) — La minute, de la
main de Chavigni, est conservée aux Aff.
étr. France ,101, sans date , et classée fau-
tivement, comme le projet de réponse à
La Rivière, au 17 juillet, fol. 343. Une co-
pie, qui se trouve dans le même volume,
fol. i46,donnelavéritabledate. Laminule,
de la main de Chavigni, est sur la même
page où ce secréiaire d'État avait déjà ?crit
la réponse du roi au message de La Rivière.
Le P. GriiFet a imprimé cette curieuse lettre
de Louis XIII; Aubery l'avait di'jà publiée,
t. V de lédition in-ia des mémoires.
^ On a mis dans les copies la signature
ordinaire de Richelieu ; c'est une addition
inintelligente des copistes, qui n'ont pas
fait attention que depuis plusieurs mois
Richelieu ne signait plus.
' Nous n'avons trouvé ni la minute, ni
958 LETTRES
confession, bien que La Rivière ayt intérest qu'il la donne, la cognois-
sance que j'ay de ce personnage faici que je ne puis croire qu'il le
fasse. Ou il desguisera le traicté d'Espagne, ou il en taira les princi-
pales conditions, ou il ne' dira pas ses complices; enfin ma pensée
est que sa confession sera delTectueuse. Auquel cas il fault que M' de
Nouailles ' parle sans perdre un moment de temps, estant besoin,
pour cel effect, qu'on le fasse advancer autant qu'on pourra, en un
poste advantageux pour le juste dessein qu'a le roy, au tas que Mon-
sieur ne veuille pas faire ce qu'il doit.
Si Monsieur donne une bonne et entière confession, deux choses
sont à remarquer; la première, qu'il fault qu'il donne l'original du
traicté qu'il a faict, au deffaul de quoy la confession ne peut estre esti-
mée entière. La deuxiesme est qu'il y a grande différence entre laisser
sortir Monsieur du royaume, et luy donner de quoy vivre estant de-
hors, ou autoriser sa sortie par acte, et convenir avec luy, par mesme
voye, qu'on luy donnera ce qu'il recevra; il fault faire le premier et
non le second.
Monsieur doit demander permission de sortir, et le roy doit res-
i'origiiial de celte lettre, à laque'le les co-
pistes donnent la date du dernier juin.
Ecrite quelques heures après la précé-
dente, elle témoigne du peu de confiance
qu'avait Richelieu dans le caractère de
Monsieur, et dans l'intervention de La Ri-
vière. Ce pauvre négociateur avait encore
donné sa mesure la veille dans une au-
dience du roi , doniChavigni rend compte
à Richelieu : « Le roy parla hier à M.' de La
Rivière aussy bien etaussy fortement qu'on
le pouvoil désirer. Il luy fist mettre par
escrit et signer tout ce qu'il luy dist de la
part de Monsieur, ainsy que S. Em. verra
par la copie que je luy envoie; et lorsqu'il
fist difficulté d'obéir aux commandemens
de S. M. elle luy parla en niaistrc; et il
eut si grande peur qu'on l'urresla-t qu'il
luy prist presque une défaillance, et en-
suittc une espèie de choiera niorbiis dont
il a esté guéry en luy rassurant l'esprit. »
Celte lettre de Chavigni, écrite avant le
départ de Montfrin, dès le malin du
3ojuin, fut remise à Richelieu avant qu'il
eût fait ses Icllres du môme jour. On la
trouve, en copie, à la Bibl. imp. dans les
trois manuscrits cités aux sources, ainsi
qu'une autre lettre datée de Bagiiols', le
i" juillet, où Chavigni disait; «Tout ce
qui est dans le deuxiesme mémoire de
S. Em. du dernier juin sera fait de point
en point. »
' Le manuscrit du fonds de Saint-
Germain met ; « M' de Navaillcs. • C'est
une erreur que l'aulre manuscrit a
évit' e.
DU CARDINAL DE RICHELIEU. 959
pondre que le meilleur conseil qu'il devroit prendre est de le venir
trouver; mais qu'il a la bonté de ne l'y pas forcer; et, en ce cas, don-
ner ordre aux passages qu'on le laisse passer'.
Vous estes trop clairvoyant pour ne pas juger qu'il en faut user
ainsy affin d'avoir la liberté d'asseurer le royaume, et le garantir
pour jamais de pareilles légèretés à celles où Monsieur est tombé
par cinq fois.
M' le comte de La Trinité va trouver le roy de la part du prince
Thomas; je l'ay veu et entretenu : il promet merveilles de la part
de son maistre^
' On voulait bien donner à Monsieur la
permission de sortir du royaume, mais on
craignait beaucoup qu'il ne la prit. De
Noyers qui, le 3o juin au soir, informait
Richelieu de l'arrivée du roi à Bagiiols,
m^-tlait dans sa lettre : « L'on fait les ordres
partout pour empesclier la sortie de Mon-
sieur hors du royaume.» (Mss. cités aux
sources.)
' Un traité avait été conclu récemment
entre la France et la Savoie; il y en a plu-
sieurs copies, dans les tomes 35 et 36 des
manuscrits de Turin, aux archives des Af-
faires étrangères. La ralilicalion du roi, en
original sur parchemin ,contre-signée Bou-
ihiilier et datée de Monlfrin, le 22 juin,
est classée au fol. 170; et celles du cardinal
de Savoie et du prince Tiiomas sont aux
fohos i65 et 169. Après la visite dont
il est ici question, Richelieu écrivit au
prince Thomas pour le féliciter de l'ac-
commodement conclu entre les princes de
Savoie et Madame; il en fit aussi compli-
ment à cette princesse, obicn qu'il y ait
beaucoU|) à redire au traité qui a esté
failavec M" vos beaux-frères, u — Richelieu
profite de l'occasion pour tâcher d'avoir
un témoin de plus contre le duc de Bouil-
lon. «Nous ayant esté raporté confidem-
ment, écrit-il à la duchesse, que M' de
Bouillon espéroit porter V. A. à favoriser
ses mail vais desseins , je me sentirois extres-
mement obligé, en mon particulier, si elle
me vouioil faire la faveur de me faire part
des discours qu'il luy a tenus sur ce sujet,
et ce qu'elle a peu pénétrer de ses inten-
tions, u Ces deux lettres sont sans date; je
les classe aux Analyses vers le commence-
ment de juillet. (Voy. ci-dessus, p. 947,
note a.)
FIN DU SIXIEME VOLUME.
TABLE DES MATIÈRES.
NUMEROS
des
PIÈCES.
DATES.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
I.
II.
m.
IV.
V.
VI.
vu.
VIII.
IX.
X.
XI.
XII.
XIII.
XIV.
XV.
XVI.
XVII.
XVIII.
XIX.
XX.
XXI.
XXII.
XXIII.
XXIV.
XXV.
i" janvier.
I I janvier.
Vers le 30 janvier.
[i] février.
9 février.
I 2 février.
i5 février.
[22 février.]
U mars.
[10 mars.]
Un peu avanl le
18 mars.
2 I mars.
2 3 mars.
. . . mars.
Vers le 20 avril.
22 avril,
a 8 avril.
3() avril.
3o avril,
i" mai.
3 mai.
5 mai.
6 mai.
7 mai.
7 mai.
ANNEE 1638.
[Lellre à la reine d'Angleterre].
Lettre à M. de Chartres
[Lettre an père Binel]
[Letire à M. Le Gras ?]
Lettre à M. Tubeuf
Letire du roi à M. de Bellièvre .
Lellre au duc de Weymar
[Lettre à M. Boulliillier]
Pour M. Boulliillier
Pour M. Bouthillier
Letire à madame de Chevreuse.
Leltre à M. de Loynes
Leltrc à M. le commandeur de La Porte .
Response aux propositions faites par
M. Grotius
Letire au roy
Lettre à M. le Prince
Leltre à M. de Cliavigny
Pour M. de Cliavigny
Pour M. de Chavigiiy
Pour M. de Cliavigny . . . .
Lellre à M. Le Gras
Pour M. de Cliavigny
[Leltre à M. de Cliavigni].
Pour M. de Chavigny
[Lellre à M. de Chavigni].
3
k
6
8
8
9
12
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16
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18
20
21
24
25
27
28
29
3o
32
33
37
38
CAIIDIN. Di; niCIIELIEC.
962
TABLE DES MATIERES,
NUMEROS
des
PIÈCES.
XXVI.
XXVII.
XXVIII.
XXIX.
XXX.
XXXI.
XXX il.
XXXIII.
XXXIV.
XXXV.
XXXVI.
XXXVIJ.
XXXVIII.
XXXIX.
XL.
XLI.
XLII.
XLIII.
XLIV.
XLV.
XLVI.
XLVII.
XL VIII.
XLIX.
L.
LI.
LU.
LUI.
LIV.
LV.
LVI.
LVII.
LVIII.
LIX.
LX.
DATES.
8 mai.
9 mni.
1 7 mni.
2 2 mai.
3 5 mai.
29 mai.
. . . mai.
18 juin.
20 juin.
2 juillet.
7 juillet,
8 juillet.
iG juillet.
16 juillet.
17 juillet.
19 juillet.
19 juillet.
20 juillet.
20 juillet.
20 juillet.
24 juillet.
25 juillet.
[26] juillet.
27 juillet.
2 août.
3 août.
3 août.
10 août.
1 1 août.
i3 août.
16 août.
16 août.
18 août.
18 août.
. 18 août.
SIISCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Lettre à M. Doradour
Lettre à M. Chapclan
Pour M. de Chavigny
Mémoire à M. le mareschal d'Estrées. .
Lettre au prevo."!! des marchands
Lettre au cardinal de La Valette
Lettre au mareschal d'Estrées
Lettre au mareschal d'Estrées
Lettre à M. le Prince
Lettre au cardinal de La Valette
Lettre au cardinal de La Valette
Lettre au roy
Lettre à M. de Bordeaux
Mémoire au mareschal d'Estrées
Lettre à M. Fortescuyère
Lettre au cardinal de La Valette
Lettre à M. le Prince
[Lettre à M. Bouthillier]
Lettre à M. de BulHon
Lettre à madame de Chevreuse
Lettre du roy aux mareschaux de La Force
et de Chastillon
Mémoire pour madame de Lanssac ....
Lettre à M. Le Gras
Lettre à M^' le cardinal de La Valette. .
Lettre à M*' le duc d'Orléans
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le Prince
Pour M. Bouthillier
Lettre à M. de Brézé
Lettre à M. le procureur général
Lettre à M. le Prince •
Lettre à M. de Bellièvre
[Lettre au roi]
Pour M. de Chavigny
Pour M. de Chavigny
PAGES.
39
4o
lx\
hi
48
^9
5i
52
55
56
57
59
60
61
64
65
67
68
69
72
73
75
77
79
«o
81
82
83
86
87
88
90
92
9^
TABLE DES MATIÈRES.
963
NUMEROS
des
DATES.
riECKS.
LXI.
2 1 août.
LXll.
ai noûl.
LXIII.
2 1 août.
LXIV.
22 août.
LXV.
22 août.
LXVI.
23 août.
LXVIf.
23 août.
LXVUI.
23 août.
LXIX.
2 4 août.
LXX.
25 août
LXXI.
25 août.
LXXII.
26 aoûl.
LXXIII.
27 aoûl.
LXXIV.
37 août.
LXXV.
2 g août.
LXXVJ.
2g aoûl.
LXXVII
3o août.
Lxxvin.
3o août.
LXXIX.
3o août.
LXXX.
3i aoûl.
LXXXI.
3i août.
LXXXII.
3
septembre.
LXXXIII.
3
septembre.
LXXXI V.
2
septembre.
LXXXV.
3
septembre.
LXXXVI.
. 3
septembre.
LXXXVII.
4
septembre.
LXXXVilI
/i
septembre ,
ap
h. du matin.
LXXXIX
5
septembre,
à il.
.après minuit.
xc.
5
septembre.
XCI.
6
septembre.
XCII.
6
septembre.
XCIII.
7
septembre.
XCIV.
8
septembre.
SUSCRIPTIOXS ET SOMMAIRES.
[Lettre au roi]
Pour M. (le Chavigny
Pour MM. fie BuUion et Bouthillier . .
[Lettre au roi]
Projet d'instruction pour M. de Nantes
Lettre à M. le Prince
[Lçttre à M. de Cliavigni]
Projet de l'interrogatoire de Manicamp.
Lettre à Mazarin
[ Lettre au roi]
[Lettre ci M. de Chavigni]
[ Lettre à M. de Chavigni]
Pour le roy
Pour M. de Chavigny.
Pour le roy
Lettre à M. de Chavigny
Lettre à M. de Mande
Lettre au roy
Pour M. de Chavigny
[Lettre au roi]
Pour M. de Chavigny
[Lettre au roi]
[ Lettre à Chavigni]
[Lettre à Chavigni]
[ Lettre à Chavigni]
[ Lettre au roi]
Lettre au roy
Pour M. de Chavigny
Pour M. de Chavigny
Lettre au roy
Lettre à M. le marquis de Praslin
[Lettre à M. de Chavigni ]
Pour M. de Chavigny
Projet d'interrogatoire à faire à M anicaiDp
PAGES.
95
96
98
100
io3
io5
107
108
109
1 10
1 13
ii4
ii5
117
118
121
123
135
135
127
129
lu
i36
.37
i38.
ai
i44
i45
i46
i48
1 5o
i5i
l53
i53
964
TABLE DES MATIERES.
NUMEROS
des
PIÈCES.
xcv.
XCVI.
XCVII.
XCVIII.
XCIX.
c.
Cl.
cil.
cm.
civ.
cv.
CVI.
CVII.
CVIII.
CIX.
ex.
CXI.
CXII.
CXIII.
CXIV.
cxv.
CXVI.
CXVIJ.
CXVIII.
CXIX.
cxx.
CXXI.
GXXII.
CXXIII.
CXXIV.
CXXV.
CXXVI.
CXXVII.
DATES.
8 septembre.
8 septembre.
8 sepleinbrc.
I o sepiembre.
12 septembre.
12 septembre.
1 3 septembre.
[i3 septembre.]
i3 septembre,
i/i sepiembre.
1^ septembre.
i4 septembre.
là septembre.
i4 septembre.
i5 sepiembre.
17 sepiembre.
1 7 septembre.
1 7 septembre.
1 7 septembre.
18 sepiembre.
18 sepiembre.
20 sepiembre.
2 1 septembre.
2 1 sepiembre.
22 septembre.
22 septembre.
22 septembre.
25 septembre.
Vers la fin de sept.
1" Octobre.
6 octobre.
Après le 5 octobre.
16 octobre.
SUSCBIPTIONS ET SOMMAIRES.
Pour M. de Cliavigny
[Lettre à M. de Chavigni]
[Lettre au roi]
[Lettre à M. de Chavigni]
[Lettre au roi]
Pour M. de Chavigny
Pour M. de Cbavigny
Pour le roy
Lettre à M. de Cbavigny. . . :
[Lettre à M. rarclievèque de Bordeaux].
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. de Bullion
Lettre au roy
Pour M. de Chavigny
[Lettre au roi]
[Lettre à M. de Chavigni]
Pour M. de Chavigny
[ Lettre au roi]
[Lettre au roi]
[Lettre à M. de Chavigni]
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
Lettre à M. de La Valette
[Lettre à M. de Chavigni]
[Lettre à M. de Chavigni]
Copie d'un mémoire envoyé à M. de Cha-
vigny
Lettre au !\. P. Feriiandez, confesseur
de la reine
Factum du prince de Condé sur le siège
de Fontarabie
Lettre au duc de Vk'eymar
Lettre à M. de Bellièvre
Lettre à madame Bouthillier
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
PAGES.
i55
i56
157
i58
159
)6o
i63
.64
16O
170
171
172
173
174
175
>77
«79
181
182
i83
18/i
i84
i85
186
■ 87
.89
'9'
192
195
209
31 1
2l3
2l4
TABI,E DES MATIERES.
965
NUMEROS
des
PIÈCES.
CXXVIII.
CXXIX.
cxxx
CXXXI.
CXXXII.
CXXXIII.
CXXXIV.
CXXXV.
CXXX\I.
CXXXVII.
CXXXVIll.
CXXXIX.
CXL.
CXLI.
CXLII.
CXLIII.
CXLIV.
CXLV.
CXLVI.
CXLVII.
CXLVIII.
CXLIX.
CL.
GLI.
CLII.
CLIII
CLIV.
DATES.
16 octobre.
2 I octobre.
22 octobre.
29 octobre.
2 g octobre.
i" novembre
4 novembre.
4 novembre.
8 novembre.
8 novembre.
8 novembre.
10 novembre.
i3 novembre.
i5 novembre,
i b heures du soir.
Vers le conmi' do
la a* quinz* de nov.
18 novembre.
23 novembre,
ag novembre,
i" décembre.
[ I " décembre.]
17 décembre.
Vers la lin de 1 638
Fin de i638.
SUSCRIPÏIONS ET SOMMAIRES.
Décembre.
[Fin de i638.]
Lettre à M . le Prince
Lettre au roy
Pour M. de Bullion
Lettre du roy au mareschal d'Estrées. . .
Lettre du roy au mareschal d'Estrées. . .
Pour M. de Chavigny
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . . .
Lettre à M. le cardinal de La Valette . . .
L'ttre à M. le chancelier
Lettre au P. Bernard
Lettre au roy
Lettre à M. de Rennes
[Lettre à M. de Bellièvre]
Pour M. Bouthillier
Lettre à Pujol.
Mémoire envoyé à M. de Bullion
Pour M. Bouthillier . .
Lettre à madame de La Valette
Lettre à M*' le cardinal de La Valette. . .
Lettre à madame la duchesse de Savoie.
Lettre à Mazarin
Mémoire pour M. le nonce, touchant les
passe-ports pour la paix
Lettre à M. le comte d'Alais
Comptes de Loppès.
Mémoire
Mémoire pour estre montré à madame la
duchesse d'Elbeul'
PAGES.
217
219
222
223
225
228
229
202
234
2 34
235
237
238
2 4o
24l
245
248
249
25o
a52
a55
a56
2 58
259
261
262
263
CLV.
CLVL
ANNEE 1639.
6 janvier. Lettre à M. le cardinal de La Valette . . .
9 janvier. Lettre à M. d'Argenson
265
267
966
TABLE DES MATIERES.
ÎSUMÎiUOS
des
DATES.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
PAGES.
PIÈCES.
CLVII
10 janvier.
[ lo janvier.]
[20 janvier.]
[Lettre à M. Bouthillicr]
269
271
CLVIII.
Lettre à M. de Bullion
CLIX.
Mémoire pour escrire à M. de Bellièvre.
273
CLX.
24 janvier.
Lettre au cardinal de La \'alette
276
CLXI.
.3ojanv. à 4 heures
après luinuil.
Pour M. de Chavigny
277
CLXII.
8 féviier.
Lettre à M. d'Estampes
279
280
CLXIII.
ik février.
Lettre au cardinal de La Valette
CLXIV.
CLXV.
CLXVL
16 féviier.
18 février.
20 février.
Lettre à M. d'Estrades
282
283
284
Lettre à M. de Chaviçnv
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . . .
CLXVn.
22 février.
Lettre à M. le prince d'Orange
285
CLXVIIL
ik février.
Lettre fi M. le cardinal de La Valette. . . .
287
CLXIX.
Vers la fin de fév.
Mémoire pour les alTaires de Rome
288
CLXX.
3 mars.
Instruct. à M. le mareschal de Scliomberg.
290
CLXXL
17 mars.
Lettre à M. le cardinal de La Valette . . .
294
CLXXn.
17 mars.
Le roy à madame la duchesse de Savoye.
297
CLXXUI.
CLXXIV.
2 2 mars.
26 mars.
Instruction à M. le Prince
299
3o3
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
CLXXV.
26 mars.
Lettre au duc de Weymar
3o4
CLXXVI.
29 mars.
Mémoire donné à M. de Chavigny, tou-
CLXXVII.
3o mar.«.
chant l'affaire de Gennes
3o6
307
Lettre à M. le prince d'Orange
CLXXVIII.
Vers la fin de mars.
Projet d'instruction pour le &' d'Estrades,
CLXXIX.
4 avril.
allant en Hollande
309
[Paroles préparées pour le roi, donnant
CLXXX.
CLXXXI.
5 avril.
8 avril.
audience à M. Germain]
3ii
3i2
3i8
Instruction au s' d'Hémery
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
CLXXXII.
\k avril.
Mémoire au s' de La Haye Ventelel, am-
CLXXX m.
20 avril.
bassadeur en Levant
320
326
Lettre à -M. le cardinal de La Valette . .
CLXXXIV.
2 3 avril.
Brouillard d'instruction donnée à M. d'Es-
trades, allant en Hollande
328
CLXXXV.
26 avril.
Mémoire à M. d'Hémery
33 1
CLXXXVI.
28 avril.
Lettre à M. le Prince
334
CLXXXVII.
3o avril.
Lettre au roy
335
TABLE DES MATIÈRES.
967
MIMÉROS
des
DATES.
piF.(;i;s.
CLXXXVIII.
Dernier avril.
CLXXXIX.
3 mai.
CXC.
b mai.
CXCI.
6 mai.
CXCII.
9 mai.
CXCllI.
i3 mai.
CXCIV.
1 1 mai.
CXCV.
1 7 mai.
CXCVI.
i8 mai.
CXCVII.
2 0 mai.
CXCVIII.
2 1 mai.
CXCIX.
3 3 mai.
ce.
23 mai.
CCI.
2 4 mai.
CCII.
a6 mai.
CCIII.
26 mai.
CCIV.
26 mai.
CCV.
3 juin.
CCVI.
3 juin.
CCVil.
8 juin.
CCVIII.
10 jum.
CCIX.
13 juin.
CCX.
i3 juin.
CCXl.
16 juin.
CCXII.
ic| juin.
CCXllI.
19 juin,
à A lieurcs du soir.
CCXIV.
19 juin,
à 8 heures du soir
CCXV.
19 juin.
GCXVI.
19 juin.
CCXVII.
19 juin.
CCXVIII.
■2 1 juin.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Lettre à M. Boutliillier
[Lettre à M. de Cliavigni] ..... ...
[Lettre à M. de Cliavigni]
[Lettre à M. de Cliavigni]
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. d'Hémery
Lellre à MM. de Cliavigny et d'Hémery.
Lettre à M. le grand mai.stre
Lettre à M. le cardinal de La Valette ....
Lettre à M. le maresclial d'Estrées, am-
bassadeur extraordinaire à Rome., . .
Pour M. Boutliillier, surintendant des
finances , à Paris ,
Lettre à M. de La Meilleraie ,
Lettre à MM. de Cliavigny et d'Hémery
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à MM. de Cliavigny et d'Hémery.
Lettre à M. le cardinal de La Valette.
Letti-e à M. de Chavigny
Liltrc à M. de Cliavigny
Lettre du roy au duc de Weymar
Lettre à M. de Hlicims
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. de La Meilleraie
Mémoire au sieur de La Haye, ambassa-
deur en Levant
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. de La Meilleraie.
Mémoire pour M. le grand maistre de l'ar-
tillerie
Lettre à*"
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le comte de Piccoloniini. . . .
336
337
34 1
343
Ub
347
35 1
354
356
357
36o
36i
363
36/j
366
370
372
373
376
378
38o
38o
382
387
389
39.
391
392
396
968
TABLE DES MATIERES.
NUMÉROS
des
PIÈCES.
DATES.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
PAGES.
CCXIX.
ccxx.
CCXXI.
CCXXII.
CCXXIII.
CCXXIV.
ccxxv.
CCXXVI.
CCXXVII.
CCXXVIII.
CCXXIX.
CCXXX.
CCXXXI.
CCXXXII.
CCXXXIII.
CCXXXIV.
CCXXXV.
CCXXXVI.
CCXXXVII.
CCXXXVIII.
CCXXXIX.
CCXL.
CCXLI.
CCXLII.
CCXLIII.
CCXLIV.
CCXLV.
CCXLVI.
2 1 juin.
2 1 juin au soir.
2 1 ou 2 2 juin.
24 juin.
•i.k juin au soir.
28 juin.
3o juin.
Fin (le juin.
5 juillet.
5 [juillet].
6 juillet.
6 juillet.
8 juillet.
8 juillet.
8 juillet.
12 juillet.
1 2 juillet.
\k juillet.
1 4 juillet.
1 5 juillet.
16 juillet.
[20 juillet.]
21 juillet.
21 juillet.
2 1 juillet.
ik juillet.
27 juillet.
[29 juillet.]
Lettre à M. de La Meilleraie
4oo
4oi
4o3
kok
4o5
4o6
407
4o8
An
4l2
4 16
419
420
421
422
423
43o
43.
433
434
437
439
44o
44 1
444
.448
45 1
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M d'Areencour
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. de La Meilleraie
Lctire à M. de La Meilleraie
Rai.sons pour lesquelles le roy ne peut
donner à M. de Weymar les places que
S. M. tient en Alsace
Lettre à M. de Bullion
Lettre à M de Bullion
Lettre à la dutliesse de Savoie
Mémoire à MM. le cardinal de La Valette
et le duc de Longueville, comman-
dant les armées du roy en Italie, et au
s' d'Hémery, ambassadeur de S. M. en
Piémont
Points recommandés au s' Mondain par
M. le cardinal de Richelieu
Pour M. Bouthillier
Lettre <à M*^' le cardinal de La Valette. . .
Lettre à M. de La Meilleraie
.Mémoire au s' tl'Avaux, ambassadeur
extraordinaire en Allemagne
Lettre à M«' le cardinal de La Valette. . .
Lettre à M. de Roquepinc . .
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre au mareschal de Cliaslillon
Lettre à M. le ciirdlnal de La Valette. . .
Lettre à M. de Longueville
Lettre à M. de La Meilleraie
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
Lettre à M de La Meilleraie
[Lettre aux colonels du feu duc de Wey-
mar ]
TABLE DES MATIERES.
969
NUMÉROS
des
DATES.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
PAGES.
PIÈCES.
CCXLVII.
GCXLVIII.
29 juillet.
30 juillet.
Lettre à M. d'Erlac
Z,53
/.55
Lettre à M. le prince d'Orange
CCXLIX.
3i juillet.
Lettre au mareschal de La Meilleraie. . .
A57
CCL.
3i juillet.
Instruction donnée au s' de Heppe
lihd,
CCLI.
1" août.
Lettre à M*' le cardinal de La Valette. .
463
CCLII.
g août.
Lettre à M. de La Meilleraie
464
CCLllI.
CCLIV.
10 août.
10 août.
Lettre à M de La Meilleraie
465
Lettre à M. le commandeur de Guitaut,
gouverneur des isles de Sainte-Mar-
guerite et Saint-Honorat de Lerins . .
466
CCLV.
I /| août.
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
468
CCLVl.
1 6 août.
Lfttre à M. le cardinal de La Valette. . .
470
CCLVII.
18 août.
Lettre à madame de Mantoue
472
CCLVIII.
18 août.
Lettre à Madame de Savoie
473
CCLIX.
18 août.
Instruction à M. de Cbavigny allant vers
madame de Savoye
474
CCLX.
18 août.
Lettre à M. de Chavigiiy . .
478
CCLXl.
1 9 août.
Lettre à M. de Chavigjiy.
A79
CCLXIl.
19 août.
Lettre à MM. d'Erlach,Heim et de Nassau.
48 1
CCLXIII.
23 août.
Lettre au mareschal de La Meilleraie.. .
48a
CCLXIV.
2^ août.
Points sur lesquels il est nécessaire que
le s' Du Plessis remporte response . . .
483
CCLXV.
CCLXVI.
25 août.
2 5 août.
Lettre à M. de La Meilleraie
487
488
Lettre au cardinal de La Valette
CCLXVII.
27 août.
[Lettre à M" du Conseil]
49A
CCLXVUl.
28 août.
Lettre à M. l'Archevesque de Bordeaux,
lieutenant général de l'année
^97
CCLXIX.
28 août.
Lettre pour M. Boutliillier, le surinten-
CCLXX.
2 septembre.
2 septembre.
dant
5oo
5oi
Lettre à M. Picolomini
CCLXXI.
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . ,
5o2
CCLXXII.
2 septembre.
Instruction donnée par S. M. au s' Mon-
dain, allant vers madame de Savoye.
5o4
ccLXXin.
2 septembre.
Lettre à madame de Savoye
507
CCLXXIV.
k septembre.
6 .septembre.
Lettre à M. le Prince
507
5io
CCLXXV.
[Lettre à M. le cardinal de La Valette].
CCLXXVl.
. . . septembre.
[Lettre à M. de Bullion]
5i5
CAHDIN. OB niCHELIED. — VI.
-970
TABLE DES MATIERES.
N'UMÉROS
des
DATES.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
TAGES.
PIÈCKS.
CCLXXVII.
lo septembre.
10 septembre.
Lettre à M. d'EsIrades
5i8
Nota
52 1
CCLXXVIII.
i5 septembre.
17 septembre.
18 septembre.
Lettre à madame de Savoye
527
CCLXXIX.
Lettre à M. de Bordeaux
53o
CCLXXX
Lettre à M. le cardinal de La Valette. . .
53 1
CCLXXXI.
CCLXXXII.
CCLXXXIII.
CCLXXXIV.
1 9 septembre.
Un peu avant
le 24 septembre.
Un peu avant
le 24 septembre
[18 septembre.]
Mémoire pour M. de Chavigny
532
534
537
538
Mémoire pour le roy
Voyage du roy à Grenoble pour voir ma
dame la duchesse de Savoye en iGSg
Nota
559
56i
563
568'
569.
CCLXXXV.
3o septembre.
Lettre à M. le marquis de Leganez
Nota
CCLXXXVI.
CCLXXX VII.
[Vers le commenc'
d'octobre.]
[Vers le commenc'
d'octobre. ]
Lettre à M. de Chavigny pour parler à
l'ambassadeur de Gennes
[Lettre à M. de Chavigni]
GCLXXXVIII.
6 octobre.
Lettre à M. le Prince
Instruction à M. le Prince sur le sujet
du s' de Saint-Aunnis
572
574
577
5 80
GCLXXXIX.
CCXC.
16 octobre.
1 7 octobre.
Mémoire au s' Du Houssay, ambassadeur
à Venise
Instruction pour M. le comte d'Harcourt.
CCXCI.
18 octobre.
Mémoire à M. de Bellièvre, ambassadeur
en Angleterre
583
CCXCII.
[Vers le 22 octob.]
Accord secret
585
ccxcm.
22 octobre.
Avis sur l'accommodement des princes
de Savoye avec le roy
587
589
593
Nota
Mémoire pour M. le duc de Parme. . . .
ccxciv.
22 octobre.
ccxcv.
24 octobre.
Mémoire au s' de La Cour
594
ccxcvi.
Vers le 24 octobre.
Lettre à M. de La Meilleraie
596
ccxcvii.
2 5 octobre.
Lettre à madame de Savoye
598
ccxcviii.
27 octobre.
Lettre à M. d'Argenson . . . j
599
ccxcix.
29 octobre.
Mémoire au .s' de Belhèvre , ambassadeur
en Angleterre
600
TABLE DES MATIÈRES.
971
CCCXV.
CCCXVI.
CCCXVIl.
NUMEROS
.
des
DATES.
l'ifecF.S.
CGC.
Dernier octobre.
ceci.
i" novembre.
CCCII.
2 novembre.
CCCIII.
20 novembre.
CCCIV.
22 novembre.
CCCV.
22 novembre.
CCCVI.
22 novembre.
CCCVII.
a 3 novembre.
CCCVIII.
a 5 novembre.
CCCIX.
28 novembre.
CCCX.
1" décembre.
CCCXI.
2 décembre.
CCCXII.
3 décembre. '
CCCXIII.
9 décembre.
CCCXIV.
10 décembre.
1 1 décembre.
1 6 décembre.
16 décembre.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Mémoire à M. le comte d'HarcourI , lieu-
tenant général du roy en son armée
d'Italie '
Lettre à M le Prince
Pour M. Boutiiillier, surinlendant des
finances , à Paris
Mémoire à M. le comie d'HarcourI. . . .
Lettre à M le baron d'Ambres
Instruction de M. d'Estrades
Instruction particulière pour M. d'Es-
trades
Addition d'instruction
Promesse réciproque entre M. le cardinal
de Richelieu et le prince d'Orange . .
Inslruclion au s' d'Oysonville , lieutenant
au gouvernement de Brisacli
Lettre à M. le Prince
Lellre à M. de Scbomberg
Lettre à M. le Prince
Instruction à Jean-Baptiste Cosquiel , tou-
chant les traités projetés avec ceux de
Tunis et d'Alger
Pour M. Boulhillier, surintendant des
finances
Mémoire à M. le maresclial d'Estrées sur
la mort de Rouvray
Mémoire pour le roy, pour respondre an
père Valère , demandant audience de
la part du cardinal Barberin
Instruction aux s" d'Infreville, commis-
saire général de U marine, de Caen,
sergent de bataille de l'armée navale ,
et Daniel, capitaine de marine
Lettre au roy
Nota
Pour M. Tarcbevesque de Bordeaux, à
Paris
[Ordonnance du roi concernant le nonce
Scolil
PAGES.
6o3
607
609
612
6i3
O16
619
620
623
627
629
63o
63 1
634
635
638
6/10
64i
642
6/18
65o
972
TABLE DES MATIERES.
NUMEROS
des
PIÈCES.
CCCXVIII
CCCXIX.
cccxx.
CCCXXl.
CCCXXII.
CCCXXIIl.
DATES.
1 7 décembre.
20 décembre.
2 2 décembre.
23 décembre.
27 décembre.
27 décembre.
SU.SCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Pour M. l'archevesque de Bordeaux. .
Mémoire à M. le maresclial d'Estrées.
Lettre à M. d'Estrades
Lettre à M. d'Eslrades
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. d'Argenson
Nota
GCCXXIV.
CCCXXV.
CCCXXVl.
CCCXXVII.
CCCXXVIII.
CCCXXIX.
cccxxx.
cccxxxi.
CCCXXXII.
CCCXXXIII.
CCCXXXIV.
cccxxxv.
CCCXXXVI.
CCCXXXVII.
cccxxxvm.
cccxxxix.
CCCXL.
1 janvier.
18 janvier.
22 janvier.
29 janvier.
i4 février.
Vers la fin de févr.
7 mars.
ANNEE 1640.
Instruction à M. de Cliavigny sur la dé-
tention du prince Palatin
[Pour M. de Chavigni]
Mémoire sur la négociation faictcpar les
Anglais , pour la liberté du prince Pa
latin
Lettre à A"*
Pour M. l'archevesque de Bordeaux, à
Paris
Pour M. de Chavigny, secrétaire d'Estat,
à Paris
Pour M. de Bellièvre
22 mars (?).
1 U avril.
1 9 avril ,
à 4 h. du matin.
19 avril.
Fin d'avril,
ou comm' de mai.
3 mai.
Avant le 4 mai-
4 mai.
5 mai.
Pour M. l'archevesque de Bordeaux, à
Paris
Pour M. l'archevesque de Bordeaux, à
Paris
Pour l'ambassadeur d'Angleterre
Lettre à M. d'Estrades
Pour M. de Chavigny
Pour M. de Chavigny, secrétaire d'Estat,
à Paris
[Lettre à M. de Chavigni]
Lettre à M. de Chavigny. .
[ Lettre à M. de Chavigni] .
Lettre à M. de Chavigny. .
[Lettre à M. de Chavigni] .
PAGES.
652
654
657
659
660
661
664
667
670
67^
673
674
675
676
678
678
680
680
682
683
685
687
688
689
690
TABLE DES MATIÈRES.
973
NUMEROS
des
PlècES.
DATES.
CCCXLI.
8 mai.
CCCXLII
18 mai.
CCCXLIII.
ao mai
CCCXLIV.
mai.
CCCXLV.
10 juin.
CCCXLVI.
12 juin.
CCCXLVIl.
18 juin.
CCCXLVIII.
18 juin.
CCCXLIX.
19 juin,
à 3 h. du matin.
CCGL.
aojuin.
CCCLI.
26 juin.
CCCLII.
[Fin de juin,
ou juillet.]
CGCLIII.
3 juillet.
CCCLIV.
1 4 juillet.
CCCLV.
16 juillet.
CCCLVI.
ao juillet.
CCCLVII.
a août.
CCCLVIII.
8 août.
CCCLIX.
1 9 août.
CCCLX.
4 septembre.
CCCLXI.
CCCLXII.
CCCLXIII.
6 septembre (?)
7 septembre.
8 septembre.
CCCLXIV.
a5 septembre.
CCCLX V.
a5 septembre.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Pour M. Mazarini, à Paris
Pour M. Bouthillier, surintendant des
finances , à Paris
Lettre à Paul Fiesque
[Lettre à M. de Chavigni]
Lettre à M. le Prince
Lettre à madame Bouthillier, la surinten-
danle , aux Caves
Lettre à monsieur mons' de Bullion,
conseiller du roy en ses conseils et sur-
intendant des finances, à Paris
[Lettre à M. de Noyers]
Pour M. de Noyers , à Amiens
Lettre à monsieur monsieur le Prince. . .
Lettre à madame madame la Princesse. .
[ Pour monsieur de Chavigni ]
Pour M. de Bullion, surintendant des
finances, à Paris
Pour M. de Bullion, surintendant des
finances à Paris
Lettre à M. Mole, procureur général . . .
Nota
[Lettre aux maréchaux de Chaulnes et
de Cbâtillon]
Pour M. Bouthillier, surintendant des
finances
Lettre à M. l'archevesque de Bordeaux.
Pour M. de Noyers, secrétaire d'Estat. .
Lettre à M. de Gremonville, intendant
en l'année
[Lettre à M. de Chavigni]
Lettre au roy
Lettre à M. le baron d'Ambres
Pour M. de Chavigny , secrétaire d'Estat,
à Paris
Lettre au roy
PAGES.
691
691
693
695
696
697
698
701
70a
704
705
706
710
711
714
716
718
720
730
731
722
736
728
73o
974
TABLE DES MATIÈRES.
NUMEROS
des
PIÈCES.
CCGLXVJ.
CCCLXVII.
CCCLXVIII.
CCCLXIX.
CCCLXX.
CCCLXXI.
CCCI.XXII.
CCCLXXIII.
DATES.
a6 septembre.
I o novembre.
18 novembre.
3 décemb. au soir
j 5 décembre.
21 décembre.
2. '5 décembre.
CCCLXXIV.
3 janvier.
CCCLXXV.
17 janvier.
CCCLXXVI.
18 janvier.
CCCLXXVII.
18 janvier.
CCCLXXVIII.
3o janvier.
CCCLXX IX.
20 février.
CCCLXXX.
2 1 février.
CCCLXXXI.
1' quinzaine
de février.
cccLxxxn.
20 mars.
CCCLXXX m.
28 mars.
CCCLXXXIV.
23 mars.
CCCLXXXV.
Fin de mars.
CCCLXXXVL
3 avril.
CCCLXXXVIL
6 avril.
cccLxxxvin.
12 avril.
CCCLXXXIX.
1 5 avril.
cccxc.
16 avril.
CCCXCL
18 avril
SLSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Pour M. deCliavigny , secrélaire d'Estat.
Lettre à l'archevesque de Bordeaux. . . .
Lellre à iM. le Prince
PourM. de Cliavigny, secrétaire d'Estat,
à Paris
Lellre à M. le Comte
Letireà M. de Pujol
Lellre à M. le Prince
Fac-similé
Lettre à M. de Gremonville, intendant
en l'armée
• ANNEE 1641.
Lettre du roy à M. le Conile
[Leitre au roi]
Pour M. de Cliavigny, secrétaire d'Estat.
Pour M. de Chavigny, secrétaire d'Eslat.
Pour M. de Bouibillier, surintendant des
finances
Lettre du roy aux évesques
Instruction aux s" de Léon , conseiller du
roy , et d'Hémery, intendant et control-
leur général des finances
[Pour M. de Cliavigni]
Letire à M. Boutbillicr
Lettre à M. de Chavigny
Lellre au père SuiTreu
Pour M. de Chavigny
Lettre à M. le Prince
Pour M. de Chavigny, secrétaire d'Estat.
Lettre du roy au grand prévosi
Pour M. de Chavigny, secrétaire d'Estat.
[Lettre à M. de Chavigni] . ;
[Lettre aux présidents de l'assemblée du
clergé]
PAGES.
731
73;,
736
737
741
-ikk
745
7A7
75i
761
753
756
768
762
765
767
768
770
77'
o
77-'
77a
TABLE DES MATIÈRES.
975
NUMÉROS
des
DATE.S.
SCSCRII'TIONS ET SOMMAIRE.S.
PAGES.
PIECES.
CCCXCII.
CCCXCIII.
19 avril.
19 avril.
f Lettre à M. de Chavignil
777
778
Lettre à M. de Chavi^ny
CCCXCIV.
Vers la fin d'avril.
Avis sur le sujet de M. le Comte, et de
M" de Guise et de Bouillon
780
CGCXCV.
Vers la lin d'avril
ou comni' de mai.
Mémoire au roy pour respondre à M. l'é-
vesque duBiizas , député de l'as?emblée
du clergé
784
• CCCXCVl.
i4 mai.
Pour M. de Cliavigny, secrétaire d'Kstat,
à Paris
786
788
79'
CCCXCVII.
CCCXCVIII.
ib mai.
1 7 mai.
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le chancelier
Nota . .
791
CCCXCIX.
24 mai
Pour M. de Cliavigny, secrétaire d'Eslat,
à Paris
79^
795
CCCC.
a5 mai.
[Lettre à M. de Chavigni]
CCCCI.
3o mai.
Pour M. deChavigny, secrétaire d'Estat,
à Paris
797
CCCCII.
CCCCIII.
3o mai.
3o mai.
[Lettre à M. de Cliavigni]
799
Lettre à MM. le Chancelier et le surinten-
CCCCIV.
Dernier mai.
dant
801
802
Instruction pour M. d'Hémery
ccccv.
6 juin.
Pour M. le surintendant des finances, à
GCCCVl.
8 juin.
Paris
806
Lettre à nos amez et féaux , les gens tenant
nostre cour de parlement à Dijon. . . .
808
CCCCVII.
8 juin.
Pour M. le surintendant des finances, à
ccccvm.
8 juin.
Paris
8i3
8i4
Lettre à M. le Prince
CCCCIX.
Vers le 10 juin.
Mémoire adresse à l'assemblée de Manies.
817
ccccx.
CCCC XI.
i4 juin.
i4 juin.
Lettre à M. le Prince
819
Lettre à Mons' d'Argenson . intendant à
l'armée de Catalogne
820
CCCCXII.
19 juin.
Pour jM. le surintendant , à Paris
821
CCCCXIII.
ao juin.
Lettre à M. le comte de Grammont. . . .
823
CCCCXIV.
33 juin.
Pour M. le surintendant des finances, à
Paris
824
ccccxv.
33 juin.
Lettre à M. le mareschal de Chastillon. .
824
ccccxvi.
24 juin
Lettre à madame la Princesse
826
976
TABLE DES MATIERES.
NUMEROS
des
PIÈCES.
CCCCXVII.
CCCCXVIII.
CCCCXIX.
ccccxx.
ccccxxi.
CCCCXXII.
CCCCXXIII.
CCCCXXIV.
CCCCXXV.
CCCCXXVI.
CCCCXXVII.
CCCCXXVIIl.
CCCCXXIX.
CGGCXXX.
GCCCXXXI.
CCCCXXXII.
CCCCXXXIII.
CCCCXXXIV.
CCCCXXXV.
CCCCXXXVI.
CCCCXXXVII.
CCCCXXXVIII
CCCCXXXIX.
CCCCXL.
CCCCXLI.
CCCCXLII.
ccccxLin.
CCCCXLIV.
CCCCXLV.
CCCCXLVI.
DATES.
8 juillet.
9 juillet.
1 o juillet.
i5 juillet.
Vers le 1 5 juillet,
1 6 juillet.
19 juillet.
22 juillet.
1" août.
[i"aoûl.]
A août.
5 août.
18 août.
22 août.
28 août.
[38 août.]
3o aoûl.
1" septeuibre.
9 septembre.
10 septembre.
19 septembre.
1 9 septembre.
20 septembre.
23 septembre.
1" octobre.
3 octobre.
10 octobre.
19 octobre.
22 octobre.
8 novembre.
29 novembre.
SUSCRIPTIONS ET SOM.VIAIRES.
Lettre à M. le chancelier
Pour M. le surintendant, à Paris
Pour M. le surintendant des finances, à
Paris
Instruction aux s" marescliaux de Cbas-
lillon et de Brézé
Pour M. le surintendant, à Paris
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. de Chartres
Lettre au marquis de Brezé
Lettre à M. le Prince
Lettre au duc de Bouillon
[Lettre à M. Bouthillier]
Pour M" le chancelier et le surintendant,
à Amiens
Pour M. le surintendant, à Paris
Nota
Lettre à M. le Prince
Pour M. le surintendant, à Paris
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. d'Argenson, intendant à
l'armée de Catalogne
Pour M. le chancelier à Paris
Mémoire pour le chancelier
Lettre à M. le commandeur deGuitaut .
Pour M. le surintendant, à Paris
Pour M" le chancelier et le surintendant,
à Paris
Pour M. le surintendant
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le Prince
Lettre à M. le Prince
PAGES.
827
829
83 1
834
835
838
839
842
844
846
848
85i
856
858
859
8G0
861
865
866
870
872
873
875
877
878
879
881
883
884
885
888
TABLE DES MATIÈRES.
977
NUMEROS
des
PIÈCKS.
CCCCXLVII.
CCCCXLVIIl.
CCCCXLIX.
DATES.
3 décembre.
I 5 décembre.
Vers la fin de iGiii.
SUSCRIPTIONS ET SOMMAIRES.
Lettre à M. Mazarin
[Lettre à l'archevesque do Rlieims].. . .
Mémoire au s' de Lvonne , allant vers M. le
duc de Panne , et le s' marquis de Fon-
tenay
Nota
PAGES.
889
890
891
892
ANNEE 1642.
CCCCL.
CCCCLI.
CCCCLII,
ccccLin.
CCCCLIV.
CCCCL V.
CCCCLVL
CCCCL\ H.
CCCCLVIII.
CCCCLIX.
CCCCLX.
CCCCLXL
CCCCLXII.
CCCCLXIH.
CCCCLXIV.
CCCCLXV.
CCCCLXVL
CCCCLXVIL
CCCCLXVJU.
CCCCLXIX.
CCCCLXX.
CCCCLXXL
CCCCLXXIL
CCCCLXXIU.
CCCCLXXIV.
37 janvier.
i3 février.
20 février.
6 mars.
19 mars.
20 avril.
23 avril.
28 avril.
1" mai.
amai.àSh.dusoir.
3 mai.
6 mai.
8 mai.
10 mai.
1 1 mai.
1 I mai.
12 mai.
i3 mai.
17 mai.
18 mai.
Vers le 25 mai.
27 mai.
4 juin.
4 juin.
5 juin.
Mémoire pour respondre au cardinal
Barberin, touchant l'Angleterre
Pour M. le surintendant, à Paris
Lettre à M. le Prince
[Lettre à M. Boulhiilier.]
Pour M. le surintendant
Lettre à M le Prince
[ Lettre au roi ]
Lettre au roy
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers. ... !
Lettre au roy
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Mémoire de M. le cardinal [à M" de Cha-
vigui et de Noyers]
Lettre au roy
Lettre au roy
Lettre à M. de Noyers
[Lettre au roi]
894
897
898
900
901
90a
903
906
907
909
910
9"
9'i
912
9.4
914
916
916
9'7
9'9
921
924
925
925
926
1
CARDIN. DE RICHELIEC.
n3
978
TABLE DES MATIÈRES.
NUMEROS
des
PIÈCES.
ŒCCLXXV.
GCGCLXXVI.
CCCCLXXVII.
CCCGLXXVm.
CCCCLXXIX.
CCCCLXXX.
CCCCLXXXI.
CCCCLXXXII.
GCCCLXXXIII.
GCCCLXXXIV.
CGCCLXXXV.
CCCCLXXXVI
CCCCLXXXVIl
CCCCLXXXVIII
CCCCLXXXIX.
ccccxc.
GCCCXCI.
CCCCXCII.
DATES.
10 juin.
1 1 juin.
i3 juin.
17 juin.
19 juin.
19 juin.
30 juin.
2A juin.
25 juin.
26 juin.
Vers le 26 juin.
27 juin.
Avant ]e 28 juin.
27 ou 28 juin.
29 juin.
Dans les derniers
jours de juin.
Le dernier juin.
Le dernier juin.
SUSCRIPTiaNS ET SOMMAIRES.
Pour M. de Noyers, secrétaire d'Eslal .
Pour M. de Noyers
Lettre au roy
[Lettre à M. de Noyers]
Lettre au roy
Lettre à M. de .Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Lettre à M. de Noyers
Nota
[Mémoire pour le roi]
Lettre à MM. de Noyers et de Chavigni
Mémoire
Lettre à MM. de Chavigni et de Noyers
[Lettre au roi ?]
[ Mémoire pour le roi ]
Lettre à MM. de Chavigni et de Noyers
[Lettre à M. de Chavigni ?]
PAGES.
928
929
934
936
938
939
939
9/io
9^1
942
943
945
9^7
9^9
951
952
955
9^7
CORRECTIONS ET ADDITIONS.
Nota. Les Analyses des lettres que nous n'avons pas données in extenso , et dont la date
se rapporte à la période comprise dans ce sixième volume (î638. — Six premiers mois de
i64a), n'ayant pu trouver place ici, seront reportées au volume suivant. Ainsi, toutes
les fois qu'on lira ce renvoi: Notée aux Analyses, à la fin du volame, ou simplement :
aux Analyses, c'est au tome Vil qu'il faudra recourir.
Page 3 , aux sources. — 36i", lisez 364"'.
Page 17. avant la siucription. mettez : PROJET DE LETTRE DE LA REINE.
Page 1 7, notes , 1 " colonne. — f S barrée doit être fii/urée comme à la page 1 5.
Page 17, notes, 1' colonne. — Bouthiliier, lisez . Boutbillier fils (Chavigni).
Page J7, ligne 3. — Aprks le mol trefïe ', lapprimez le 1 .
Page 34 . — Ajoutez aux sources : Espagne , t. 1 9 ( non coté ). Minute de l' écriture du père Joseph
et de celle de Cherré. — Cette minute ne donne pas le dernier paragraphe qui se trouve dan»
roriginal.
Page 46, noie, dernière ligne. — 62 , lisez 63.
Page 48, dernière ligne. — Aprh le mot autres, mettez cette note : Le jardin du Palais-Royal, qui
maintenant est séparé de l'ancien liotel de La Vrillière par la rue de Valois et la rue Neuve-des-Bons-
Enfants, était alors contigu aux jardins de cet hôtel. Je n'ai point trouvé de plan de Paris qui donne
l'état des lieux à celle époque précise de 1 638. L'excellent plan de Gomboust ( 1 649 ) est de °°*^ ""'
postérieur; et dans cet intervalle l'aspect des lieux avait dû changer. Dans ce plan, la rue des Bons-
Enfants est tracée , mais non bâtie ; c'était , à ce moment , la seule séparation qui existât entre les deux
jardins. Quant aux trois ou quatre pavillons dont il s'agit ici , il n'y en a pas trace sur le plan de Gom-
boust. Avaient-ils été démolis après la mort de Richelieu? Pour intercepter la vue de l'hôlel de
La Vrillière sur ce que Richelieu appelle son parc, ils devaient être élevés sur l'emplacement de la
rue Neuve-des-Bons-Enfants, depuis fendroit oix se trouve le passage de Rodziuil jusqu'à celui qu'oc-
cupait le passage Noir, qu'on démolit, en même temps que la rue Baillif, au moment où nous écri-
vons (1866).
Page 7î. — A la fin du premier paragraphe, mette: cette note : Le m», du Dépôt de la guerre , cité
aux sources, contient ( loi. 9 1 ) un billet dicté à Clicrré par le cardinal , et qui s'adressait sans doute à
de Noyers. Ce billet se rapporte à la présente pièce : « M. de La Mcilleraie a icy six vingts chevaux
d'artillerie qui peuvent mener à Montreuil les armes que demandent les généraux d'armée. Je vou-
drois bien revoir la dépescbe qu'on faict à M" les marescbaux de La Force et de Chastillon, afin d'y
adjouster un mot. • Ce mot ajouté est sans doute le dernier paragraphe.
ia3.
980 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
Page 77, ligne 8 de la ietlro XLIX. — Ajoutez cette note 3 : Richelieu écrivait le 20 du même mois
de juillet, au maréchal de Schomberg, qu'on lui laisserait ces trois régiments, quoique auparavant
on les eût destinés pour servir ailleurs. (Lettre imprimée dans Aubery, et notée aux Analyses.)
Page 83 , aux sources. — Apris les mots : Arcli. des Aff. étr. mettez : Pays-Bas, t. 1 3 , minute de la
main de Cherré, datée du 1 2 août.
Page 83, 1" ligne de la lettre LIV. — Une, /ii«z vostre.
Page 83, note, 2° colonne, demlire ligne. — Au lieu de: En copie, dans le ms. des AIT. ctr.
mettez : Autographe dans le nis. des AIT", étr. Pays-Bas, t. i3, avec la date du /i août, et, en copie,
dans les mêmes archives : France, écrite, etc.
Page 84 , à la fia de la note. — Ajoutez : Le cardinal écrivait, le i3, au maréchal de Bréié, une
nouvelle lettre pour lui exprimer encore son mécontentement. Celle-ci , ayant été imprimée , sera seu-
lement mentionnée aux Analyses.
Page 96. — Ajoutez à la note 1 ; Richelieu ne voulut pas que le public, et sans doute aussi le roi,
fussent informés de cette espèce de coup de tête de son beau-frère ; il fit mettre, dans la Gazette de ce
même jour 2 1 , que le maréchal de Brézé , malade , avait obtenu du roi un congé pour se rendre aux
eaux, qu'il n'était resté à Paris que 6 heures, et que M. du Hallier allait prendre, à sa place, le
commandement de l'armée de Champagne.
Page 1 13, note, 2' colonne, ligne 1 .— Effacez tiré du et mettez: ms. des Aff. étr. t. 8, p. agi de
l'année i638.
Page 124, note 3. — Ajoutez : et que , malgré l'assurance qu'il lui donne , il semble ne lui pas
croire les mains très-nettes. L'abandon que Marsillac fait ici, en cas de mort, de tous les biens que
lui ont donnés ses fonctions, était-il donc une restitution in extremis.
Page 120. — Note pour la ligne 7 du texte de la lettre au roi : Ce fut dans la vide de Gattari que l'ar-
chevêque de Bordeaux brûla la flotte des Espagnols. Le père Griffet évalue leur perte à quatre ou
cinq mille hommes; il n'est pas probable que Richelieu l'atténue ici. Le récit du père Griffet diflcre,
en quelques circonstances, de cette lettre, qu'il ne connaissait pas. H cite Bassompierre, lequel était
enfermé dans la Bastille à cette époque , dont il se souvenait mal quand il l'a racontée.
Page 127, hgne 23. — Ajoutez en note : Voyez ci-après, p. 222 , lettre à Bullion.
Page 1 33 , ligne 21. — Ajoutez : La duchesse régente de Mantoue , ayant eu dessein de livrer Casai
aux Espagnols, s'était servie, pour l'exécution, du commandant du château , nommé Montiglio : d'Hé-
mery, ambassadeur de France à Turin, écrivait, de Pignerol , le 6 mai i638, au cardinal : «Enfin
j'ay descouvert la plus haulte trahison que l'on menoit contre le roy à Casai , qui puisse jamais
tomber en l'esprit d'une personne si obligée qu'est la princesse de Mantoue au roy...» (Aff. étr.
Turin , t. 26.) A la suite de celte lettre, le manuscrit donne un Mémoire de choses à résoudre, fait par
Chavigni et annoté par le cardinal; on y lit : «M. d'Hémery a fait croire à Monteil que le roy luy
accorderoit la vie s'il confessoittout; mais il pense que la vie de cette personne est au dessoubz de ces
considérations. » Richelieu n'a rien mis à la marge de ce paragraphe. L'affaire traîna pendant plu-
sieurs mois. Chavigni écrivait le 16 juillet, par ordre de Richelieu, au cardinal de La Valette qui,
en même temps qu'il commandait l'armée d'Italie , remplissait une sorte de mission diplomatique
auprès de la duchesse de Savoie : « S. M. désire estre esclaircie par vous et par M. d'Hémery, si vous
estimés que vostre parole oblige S. M. de donner la vie à Montiglio. D'un costé il seroit juste que son
crime ne demeurast pas impuni , de l'autre S. M. ne voudroit pas engaiger sa conscience on chose oi'i
il va de la mort d'un homme. »
Cependant Montiglio, fidèle à la princesse de Mantoue, la ménageait tant qu'il pouvait dans ses
aveux : «Il veut descharger la princesse,» écrivait d'Hémery au cardinal, le 19 juillet, «et par là je le
tiens deschu de la promesse que je luy faisois d'espérer la vie.»
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 981
*
La consultation faite au docteur Lescot, qui fut confesseur de Richelieu, acheva démettre en
repos la conscience du roi et celle du cardinal ; l'exc^cution de Montigiio fut décidte. Ce fut le poète
Voiture qui en porta l'ordre, allant en Italie annoncer la naissance du Daunliin.
Le cardinal de La Valette avait écrit à Chavigni le 26 août : «Je pense qu'on doit faire condamner
Monteil et luy donner ensuite la vie, à cause de la parole donnée au nom du roy, et puis le tenir
prisonnier en France. • Mais on n'admit pas à Paris ce tempérament, et Chavigni nous révèle, dans
des tei-mes qui caractérisent naïvement la justice du temps et particulièrement celle de Jiichelicu, la
raison de cette sévérité ; il répondit au cardinal de La Valette : « M. de Voiture vous porte la décision
du roy sur Monteil ; il me semble qu'il euî-t esté aussy bon de le i^arder à Pignerol , mais plus de morts
moins d'ennemis. » ( Lettre du 1 3 septembre , même manuscrit. )
Le 1" novembre, le cardinal de La Valette écrit à Chavigni : « Monteil est mort selon l'ordri- du
roy; il s'est fort plaint du manquement de parole. » ( Loc. ci(.)
Des terres dont |)lusieurs de 6,000 liv. de renie, avec titre de marquis, furent données par le roi
à ceux qui avaient révélé le projet de trahison.
Page 1 35 , note, 1" colonne. — Ajoutez : dans sa lettre du 1" septembre citée aux Analyses.
Page 1 37, ligne 8. — Tittres , lisez tiltres.
Page i4o, ligne 27. — Mettez des yuUlemils <waitt l'k qui termine la ligne.
Page lài, ligne 8. — Ajoutez : Nous notons ce frivole incident parce qu'il nous rappelle un sou-
venir de Napoléon , qui , pendant les discussions du conseil d'État , traçait quelquefois , du bout de sa
plume, sur le premier papier qu'il trouvait devant lui, ce que les enfants appellent des bons-hommes.
Le secrétaire général de ce temps-là nous a jadis montré une de ces feuilles qu il avait conservée.
Page 1 42 , ligne 25. — Au mol « Heucourl » un alinéa.
Page i42 , note, 2' colonne. — 2 , lisez 1 .
Page 1/17. — Ajoutez à la note : et deux ou trois autres vers de Racine.
Page i54, note, 1" colonne, ligne 3. — Gé, lisez Ge.
Page 174, dernière ligne du texte. — Effacez le point, laplirase n'est pas achevée.
Page 180, ligne 10. — Chaulnes, mettez : Cbaulne.
Page 180, ligne 12. — Enfans, mettez : enfants.
Page 180, ligne 20. — Castelet, mettez: Catelet. Les trois mots Chaulue, enfants, Catelet, sont
ainsi écrits par Richelieu.
Page 207, ligne 20. — Intérêts, lisez inléresti.
Page 211, notes, s* colonne, ligne 9. — R, lisez tome.
Page 3 I 4 , ligne 3 des sources. — Mettez : Bibl. imp.
Page 226, dernière ligne. — Ajoutez celte note : L'inscription dont il s'agit avait été placée dans
la salle royale du Vatican, pour perpétuer la mémoire du combat naval de Pirano, gagné par
l'amiral vénitien Ziani sur la flotte imjiériale, en i 177, victoire à laquelle le pape Alexandre III
avait dû son rétablissement sur le siège pontifical, ainsi que l'attestaient les derniers mots : <Ita
[H>ntinci sua dignitas Veneta; reipublicœ benelicio rcstituta. a A la suite de quelques différends survenus
entre la cour deRome et la République de Venise, et pendant fabsence de l'ambassade vénitienne,
Urbain VIII avait fait effacer l'inscription. C'était pour la République une insulte qui occasionna
une longue querelle; Urbain VIII mourut avant de la voir finir; ce fut son successeur, Innocent X,
qui y mit fin, en restaurant l'inscription. Le tome 768 de la collection de Dupuy, à la Bibliothèque
impériale, est rempli de correspondances diplomatiipies concernant cet incident.
Page 228. — Ajouter aux sources : Bibl. imp. Clairambault, mélanges, 696 , p. 73 , mise au net,
de la main de Cherrë.
Page 229, ligne 19. - — Réciproquement, Usez réciproque. Leçon du ms. de Clairambault.
982 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
Page 229, ligne 20. — Au lieu de la ligne imprimée, lise: : « par lequel il sera porté que, si l'ane
des parties tréùttoit séparément , elle sera déclarée infasuie Correction faite delà main de Riche-
lieu. (Ms. de Clairambault. ]
Page 237, note 3. — Au lieu de la dernière phrase , lisez : Celte lettre sera donnée dans un supplément.
Page 24i . — Ajouter celte note à la pièce ii2 : Depuis que cette pièce a été imprimée, j'ai trouvé
aux Affaires étrangères , dans les volumes d'Espagne , une nouvelle minute faite après le brouillon
conservé dans la collection Fronce, et qui présente plusieurs différences qu'il faut indiquer : ilox
sources, mettez en première ligne : Arch. de Aff. étr. Espagne, t. 1 9 (non coté) , mise au net de la main
(le Cherré, retouchée par le cardinal de Richelieu, et devenue minute. — Au lieu de la date approxi-
mative, il faut : da novembre i638. — On a mis en tête, et d'une autre main . «Partie par un
extraordinaire du 29 novembre. »
Première ligne du texte : Cette mise au net commençait comme le brouillon; mais Richelieu a fait
ajouter en marge cet autre commencement :
« Comme M. le comte-duc continue à tesmoigner faire plus d'estat du cardinal qu'il ne vaut, il luy
est impossible de manquer aussy à continuer sa recognoissance , et à désirer quelque bonne occasion
qui face cognoistre aud. s' comte-duc l'estime particulière qu'il faict de sa personne et le désir qu'il
a d'une bonne paix, pour avoir lieu de le pouvoir servir, comme il le souhaitte sincèrement.
» Je ne doubte point que M. le comte-duc n'ayt eu de la resjouissance de la naissance de M. le Dau-
phin, comme en vérité S. Em. en a eu de celle de l'Infante d'Espagne; et ce d'autant plus que ces
deux naissances, arrivées presque en mesme temps, pourront causer un jour une grande union, et
un grand bien à la chrestienté.
«Si nous estions en estât de pouvoir faire des complimens publics sur ce sujet, nous les ferions
réciproquement, avec autant desclat et de magniGcence comme nous en avons un véritable senti-
ment dans le cœur.
« Pour respondre à vostre lettre du 22 octobre, je vous diray qu'on y voit beaucoup de paroles. . . »
Page 2 i 2 . — Le premier paragraphe ( trois lignes ),est burré dans la mise au net.
Page 242 , lignes 7 et 8. — « Quelque espèce de contr'escbange à M. de Lorraine pour le pouvoir. »
Cette ligne a été effacée par le cardinal, qui a mis à la place « à M. de Lorreyne de quoy le. »
Page 242 , ligne 12. — L'expression, lisez impression.
Page 242 , ligne 26. — Que, lisez de ce que.
Page 243 , ligne 1 . — ^11 faut, lisez il faudroit.
Page 2 43, ligne 9. — Après le mot chrestienté, mettez : « ; ensuitle duquel la France s'engagera très
volontiers dès cette heure à une bonne guerre contre les infidèles. » Phrase ajoutée, en interligne, par
hichelieu.
Page 243 , ligne 19. — Et ce, lise: et que ce.
Page 243, ligne 20. -- . L, lisez , 1.
Page 243 , ligne 21. — - Peuvent, lisez pouvant.
Page 243, ligne 27. — Après le paragraphe qui jinit par ces rnoti : pour la paix , vient tmWiiiatement ,
dans la mise au net , le paragraphe de la page 2ii,quicomiiience : « Vous apprendrei , par d'autres, etc.»
et la pièce finit comme nous l'avons imprimée.
Enfin, le dernier paragraphe de la page 243 est barré dans la mise au net, et le premier de la
page 244 est devenu , ainsi qu'on vient de le voir, le commencement de la dépêche.
Page 247, note 2. — Effacer ce qui suit les mots : plus d'un an après, et mettre à la place en
aoiit i638 , un nouvel édit fut rendu , lequel ne put être enregistré à la cour des comptes qu'en avril
i64o. Et, en attendant qu'il fût mis en viguettr, un arrêt du conseil, du i3 novembre (cinq jours
avant la date de la présente lettre) , enjoignait aux trésorier» de France de contraindre les débitetirs
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 983
à payer les taxes dues. Cette mesure avait sans doute été prise par Bullion, sans consulter Richelieu,
qui paraît ne pas l'approuver. Vers la fin du dernier règne , en 1 609 , un édit avait établi , sur les
vins, un droit d'entrée, spécialement affecté à l'entretien du pavé des rues de Paris, dont les bour-
geois se trouvaient ainsi déchargés; c'est là sans doute «l'ancien estabiissement » que Richelieu
regrette. Au reste, l'étude de cette branche de l'administration montre qu'en changeant continuelle-
ment d'expédients, on ne parvint pas sous le ministère du cardinal à rien établir de bon. On en était
arrivé à ce que Richelieu n'y trouve d'autre remède que d'y mettre la main lui-même, ce que pour-
tant nous ne voyons pas qu'il ait fait.
Il en fut des mesures de voirie relatives au balayage et à la propreté de la ville, comme du pavé;
ces deux affaires, qui ont entre elles une si intime relation, n'étaient pas mieux réglées l'une que
l'autre. Précisément à cette même époque, le as septembre i638, un arrêt du conseil dictait de»
mesures de rigueur au moyen desquelles on ne parvint pas même à obtenir « le nettoyement des rues. »
Le Traité de la police, de Delaraare, donne à ce sujet de bonnes informations. (T. III, p. 1 76-1 77, et
p. 218-222.)
Page 257, ligne 28. — Cest, Usez c'est.
Page 261. — Le signe qui doit signifier mi//e est mal figuré, voir t. III, p. 6g5, note 2.
Page 262 , ligne 2. . — Mettre en note : Voyez aux Analyses , date du 5 décembre.
Page 265. — Après la seconde ligne des sources, ajoutez ; Saint-Germain, 708. Copie, sans date.
— Bétimne, 9267, fol. 1. Copie.
Page 267, notes, 1" colonne, ligne 1 5, XXVII, lisez : XX\l.
Page 272 , aux sources. — Ajoutez : Supplément français, 370. Copie. ,
Page 279, aux sources. — Ajoutez : Supplément français, 870. Copie.
Page 282 , aux sources. — Ajoutez : Clairambault, 696 , fol. 87. Original. — Et m noie : Cet ori-
ginal est daté de Ruel , le 1 6 février. Le même manuscrit donne , fol. 45 , un second original portant
en tête le mot duplicata ; il est écrit , comme l'autre , de la main de Cherré , mais il est daté du 2 3 fé-
vrier. Dans l'original , Richelieu a un peu modifié le texte de la minute que nous avait donnée le ma-
nuscrit des Affaires étrangères, sur lequel ont été faites les copies de la Bibliothèque. Nous n'avons
connu cet original que tardivement, sans quoi nous l'aurions préféré à la minute.
Page a85 , aux sources. — Ajoutez : Supplément français, 870. Copie.
Page 286, ligne 5. — Ajoutez cette note : Le gentilhomme chargé du message du prince Thomas se
nommait Pesieux. De peur qu'il ne rendît pas un compte assez fidèle des paroles du cardinal , S. Em.
eut soin de dicter la lettre que Pesieux devait écrire. La copie se trouve dans le ms. de la Bibl. imp.
Suppl. franc. 870; elle y est précédée de cette annotation : < C'est la copie prise sur la minute origi-
nale, escrite de la main de Cherré, de la lettre escritte par Icd. Pesieux au prince Thomas, 8 fé-
vrier 1 689 , » et à la marge est ajouté : « Cette lettre a été composée par le cardinal de Richelieu. »
Nous la donnons ici pour cette raison, et aussi parce qu'on y voit combien le cardinal avait à cœur
de persuader à tout le monde qu'il voulait sincèrement la paix :
« Monseigneur,
«.l'ay estimé ne devoir partir d'icy sans dire à V. A. que lorsque j'ay rapporté à M. le cardinal
qu'en parlant à V. A. du malheur de la guerre , et du bonheur que la paix causeroit tant en Piémont
qa'en toute la chrestienté, elle m'avoit dictque, si la France y avoit la disposition que je pensois y
avoir cognue en mon passage, il seroil aisé à M. le cardinal de la procurer bientosl, S. A. i'asseu-
rantd'y pouvoir disposer tellement ses affaires de voslre costé qu'il ne s'y trouveroit pas de difficulté.
11 me respondit nettement que la France s'y disposoit si sincèrement qu'il ne craignoit pas de prier Dieu
qu'il envoyast malédiction à ceux qui, tesmoignant la désirer, ne la souhaitoient pas dans le cœur.
984 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
et qui ne la voudroient pas consentir lorsqu'elle se proposeroit à conditions justes et raisonnables.
Il m'ajousta ensuitte que la fermeté qu avoit la France à ne se vouloir pas séparer de ses alliés , devoit
estre receue comme un tesmoignage asseuré que, quand la paix seroit faite, elle seroit seure et de
durée inviolable. Il me dist en outre que, quand on avoit proposé une longue trefve de la part de S. S.
la France y avoit disposé , autant qu'elle avoit peu , ses alliés , pour ce qu'elle avoit creu que c'estoit
le seul moyen de parvenir à une bonne paix.
« Après tout cela , il finit en disant qu'on n'avoit rien oublié de la part de la France pour la faciliter ;
qu'elle avoit donné , il y avoit longtemps , tous les passeports qu'on avoit demandés pour aller à Co-
logne, mais qu'on estoit encore à attendre ceux de MM. les Estats des Provinces unies des Hollandois
l't qu'on y faisoit des difficultés avec si peu de fondement, qu'ils avoient eu lieu de croire qu'en par-
lant de la paix l'on avoit voulu la continuation de la guerre. »
P. 291, ligne 4. — Ajoutez cette note : Je substitue le mot «suivant» au mot « présent, «que donnent
les deux manuscrits , mais qui fait un contre-sens.
Page 3o3, ligne 11 de la lettre. — Passée, Lorsque, lisez passée, lorsque.
Page 3o4, ligne 10. — Etes, lisez estes.
Page 307, aux sources. — Ajoutez : Suppi. franc, 370. Copie.
Page 3i 1, aux sources. — Et aprh fol. 62 v°, ajoutez : Copie.
Page 320, aux sources, ligne 4. — Après 346, mettez : tom. 1".
Page 32 2 , ligne 16. — francs, lisez Francs.
Page 323, ligne 18. — Dépêches , Usez depesches.
Page 326, aux sources. — Ajoutez : Imprimée. Histoire du ministère du cardinal de Richelieu [par
Vialard] , t. II, p. 67 du supplément.
Page 328, aux sources. — Ajoutez après la première ligue : Bibl. imp. Clairambault, Mélanges,
696 , p. 73. Mise au net de la main de Cherré.
Page 329, ligne 20. — Après par lequel, ajoutez : « il sera porté que si l'une des parties traittoit
séparément, elle sera déclarée. . . » (Cette correction est mise, en interligne , de la main de Richelieu ,
dans le manuscrit de Clairambault. )
Page 829 , ligne dernière. — Cotés, lisez fol.
Page 333, ligne 3o. — Ajoutez cette note: La lettre d'Héraery est conservée aux \ff. élr. Turin,
I. 28 , fol. 219.
Page 333, ligne 33. — Mettez cette note : La réponse que Richelieu annonce ici sera notée aux
Analyses, à la date du 26 avril (t. VII').
Page 344, ligne 5. — «Quand vous le jugerez à propos, » mettez en note : De la main de Richelieu.
Page 344, ligne 17. — «Pour faire le voyage, » mettez en note : De la main de Richelieu.
Page 345. — Mettez aux sources • Arch. de Condé. Communication de S. A. R. M^ le duc d'Au-
niale. — Original.
Page 345. — Ajoutez à la note 2 : Voy. ci-dessus, p. 267, note 1 .
Page 346, ligne i3. — Mondre, lisez : monde. ,
Page 346, ligne 22. — Après le mot Navarre, mettez: . Bien.
Page 346 ligne 26. — Après le mot Fontarabie, mettez : , si.
Page 346, dernière ligne. — Après le mot services, mettez : «ainsi que vous le sçauriés désirer
d'une personne qui est véritablement...» et ajoutez en note : Voyez aux Analyses, 12 mai i63g.
Page 35 1, ligne 3 de la lettre 194, du 12. — Mettez en note ; C'est celle qui est ici datée du i3,
dont Richelieu avait fait la minute le 1 2.
Page 353. — Ajoutez à la note . C'est là une de ces mésaventures de dictée auxquelles Richelieu
ne prenait pas garde , et que ne corrigeaient pas ses secrétaires.
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 985
Page 354. — MT le grand maistre. Ajoutez cette note : Voici la première fois que nous voyons
ce titre. C'est La Meilleraie, le cousin de Richelieu, fait grand maître de l'artillerie, à la place
de Sully.
Page 356, li° ligne du texte, à partir d'en bas. — Qu'autre, lisez qu'outre.
Page 36o, à la fin de la note i, ajoutez : Voyez aux Analyses, à la date du 18 mai.
Page 364. — Ajoutez à la note 1 : Voy. ci-dessus, p. 267, note 1.
Page 374, ligne i. — N'avés, lisez n'ayës.
Page 375, ligne i5. — Aveugle, lisez aveuglé. ' jj,
Page 376 , note, 1" colonne, ligne 2. — Fermer les yuillemets aprh le mot arriver.
Page 377, ligne 5. — Au mot : mon cousin, mettez cette note : Il faut remarquer ce titre de cousin
donné par Louis XIU à La Meilleraie. Le roi traitait de cousin les maréchaux de France, mais
La Meilleraie ne fut fait maréchal que quelques jours plus tard , après la prise de Hesdin. Est-ce là
une distraction de Richelieu , qui , en dictant la minute de cette lettre, parle comme s'il écrivait en
son nom , habitué qu'il était à nommer La Meilleraie : mon cousin.
Page 379, notes, 1" colonne, ligne 3. — Vivait bon, &e2 vivait en bon.
Page 382, i" ligne de la lettre aie. — Au nom de Cézy, mettez cette note : Ancien ambassadeur
de France à Constantinople , et qui y résidait encore, quoique sa mission officielle eût cessé.
Page 391 , notes, 1" colonne, 6" ligne. — Sa, lisez la.
Page 399, aux sources. — Mettez : Arch. des AIT. étr. Allemagne, t. 16, pièce 98'. Minute de la
main de Clierré. ( Cette pièce a été classée par erreur, dans le manuscrit , en l'année 16/11.
Page 399 , ligne 1 4 du texte. — Chastelet, lisez Castelet.
Page 407, ligne 8. — Aprh le mot a longtemps » alinéa.
Page 4o8, notes, 2° colonne, ligne g. — Erlack, lisez Erlach.
Page 4i4, note 1. — Mettez des guillemets à la premiire phrase.
Page 417, avant-dernière ligne. — Suspecte, lisez suspectes.
Page 428 , ligne 11. — Traite, lisez traiter.
Page 45 1, ligne 6. — Affaiblira, Usez affoiblira.
P. 457, notes, 2' colonne, ligne pénultième. — Accompageat, lisez accompagnent.
Page 48 1 , suscription : Heim. — Ajoutez cette note : Le nom que Cherré a écrit ainsi est sans
doate celui du colonel du duc de Weimar, dont le nom se trouve dans nos manuscrits orthographié
de diverses manières , mais qu'on nomme le plus souvent Ohem.
Page 482 , dernière ligne. — Saigny, lisez Saligny.
Page 496 , ligne 16. — Ajoutez cette note : Il y a quelque embarras dans cette phrase ; il semble qu'au
lieu de , • il en arrivera , • il faudrait : i il n'en arrive. » — Quant à la taxe des aisés , nous devons noter
encore ce passage , dans un billet du 7 septembre , dont il'sera fait mention aux Analyses : « Je ne vous
dis rien de la taxe des ayseï des villes, parce que cette affaire est remise à vos prudences, ne dou-
tant pas que vous ne consideriés bien tout ce qui sera le plus utile au service du roy, aux occasions
qui s'en présenteront.
Page 5o4 , 1" ligne des sources. — Pièce, lisez fol.
Page 5o4, avant dernière ligne. — Méfiance, lisez mesfiance.
Page 5o6, notes, 2' colonne, ligne pénultième. • — Montméliam, liiez Montmélian.
Page 5o8, notes, 1" colonne, ligne i4. — Au lieu de : dans une correspondance manuscrite du
temps, entre gens du grand monde, lisez: Dans la correspondance manuscrite de Henri Arnauld,
et ajoutez celte sous-note : Henri Arnauld, connu longtemps sous le nom de l'abbé de Saint-Nicolas,
avait à peine vingt ans lorsque Bentivoglio, nonce en France, le prit en amitié et l'emmena à Rome.
Ce fut pendant son séjour dans celle ville que son frère aîné, Arnauld d'Andilly, obtint pour lui l'ab-
CABDIN. DE B;CHEUEU. VI. ' 124
986 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
baye dont H prit le nom. De retour en France , il vécut on homme du grand monde et fréquenta
l'hôtel de Rambouillet. Durant l'exil de quelques membres du parlement, de lôSg à i643, Henri
Arnauld mandait au président Barilion, retiré à Amboise, toutes les nouvelles de Paris. Ses lettres,
écrites régulièrement deux fois par semaine, le dimanche et le mercredi, forment une espèce de
journal épistolaire qui est conservé , en original , dans la collection de Béthune. Ce journal nous fournira
à l'occasion d'utiles renseignements. Ainsi que son frère d'Andilly et d'autres membres de sa famille ,
il trouva le secret d'être ami de certains mécontents sans se brouiller avec Richelieu. Sous le mi-
^ nistère deMazarin, l'abbé de Saint-Nicolas remplit diverses missions diplomatiques, où il s'acquit
la réputation d'un politique habile, mais assez peu scrupuleux. Enfin, dégoûté des affaires, il se
retira à Port-Royal, dont il adopta les opinions, et bientôt, en iCig, il fut élu évéque d'Angers.
Page 5 1 8 , aux sources. — ;4joH(ez : Bibl. imp. Clairambaull, Mélanges, t. 2,6g6,p. i5i. Origi-
nal chiffré. — Il y a un double original; les duplicata sont fréquents dans ia correspondance de
Richelieu avec d'Estrades, envoyé en Hollande. Une pièce où les parties chiffrées sont expliquées se
trouve jointe à cet original. — Bibl. imp. Suppl. franc. 870. Copie. — A la 3' ligne des sources,
5oo Colbert, ajoutez : Copie.
Page 521. — Les deux lignes qui terminent la lettre dans l'original de Clairambault sont écrites
de la main de Richelieu , avec un léger changement de rédaction.
Page 52 1. — 11 faut un grand filet, le Nota ne se rapportant point à la pièce qui précède.
Page 523, ligne 11. — On, lisez la cour de Rome.
Page 525, ligne 26. — Le roy. Usez le pape.
Page 526, ligne 34. — Il , lisez s'il. Et dans la ligne suivante, après «entremise, «mettez une «ir^uic.
Page 529, notes, 1'" colonne, ligne 3. — Après i67,/érniez la parenthèse.
Page 53o, ligne 2. — Après elc. mettre en note : ces deux, etc. sont du manuscrit.
Page 533, notes, 1" colonne, avant-dernière ligne. — Qui a, Usez qui a eu.
Page 563. — Il faut un long filet.
Page 564, ligne 33. — Seignerie, iuez seigneurie.
Page 575 , notes , ligne 2. — Inscription , Usez suscription.
Page 579, ligne i3. — lis doivent, lisez ils (les Vénitiens) doivent.
Page 58i , notes, 1" colonne, ligne pénultième. — Fol. 558 , orig. lisez : orig. fol. 558.
Page 5go, note, 2' colonne, ligne pénultième. — Après Harlay, mettez : 3^7.
Page 59g , 2° ligne à partir d'en bas : effacez les points après le mot dict et intercalez Us trois para-
yraphes suivants, qui ont été supprimés à tort :
« Quelque parole qu'on porte à M. d'Harcourt de la part du prince Thomas , il ne doit point s'ar-
rcsler de faire ce qu'il estimera à propos, selon ses premiers projetz pour le service du roy, mais si
led. s' prince Thomas signe le papier qu'on vous envoyé, en ce cas M. d'Harcourt prendra ses
mesures sur ce qu'on pourra concerter avec luy pour ce qu'il estimera plus avantageux.
I Surtout il doit avoir devant les yeux que, si le secours proposé par le sieur Fabert et par le cap*
Guay peut réussir, il est cent fois meilleur que d'y mener l'armée, qui, en ce cas, demeurera libre
pour agir entièrement, ou selon les projetz que M. d'Harcourt aura pris conformément à ses ins-
tructions, ou selon ce que les occasions luy en donneront lieu.
a Au cas que M' le prince Thomas veuille signer le papier qu'on vous envoie, M' d'Harcourt ne
fera point difficulté de signer celuy qu'on vous envoie aussy au pied du projet des promesses que
le roy consent de faire. »
Page 599, note 2; à la place des quatre premières lignes, mettez seulement : Celte dépêche devait
être communiquée au comte d'Harcourt.
Page 602 , ligne 1 7. — Ligne, Usez ligue.
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 987
Page 61 3, aux sources. — En iéte : Bibl. imp. Clairambault, Mélanges, 2, n° 696, p. i83. —
Original.
Page 6i5, dernière ligne des sources. — Ajoutez : Suppl. franc. 870, extrait.
Page 6i5, notes, 1" colonne. — Aprh le mot: marge, ajoutez • de l'original et aussi de la pièce
des affaires étrangères.
Page 6 1 6 , à la fin de la pièce. — Ajoutez : « Faict à Ruel , le vingt quatriesme de novembre mil
six cents trente neuf. Le Cardin, de Richelied. » Cette date, écrite en toutes lettres, a été mise après
coup, sans doute au moment de l'expédition , c'est ce qui explique la différence du 22 au a4.
Page 616, aux sources. — En tète: Bibl. imp. Clairambault, Mélanges, 696, p. 191. Original.
Richelieu a écrit de sa main, au dos de cet original, les mots que le secrétaire a écrits, en titre , sur
la minute. — Aux sources , 6' ligne. — Ajoutez : Suppl. franc. 870 , extrait.
Page 617, ligne 8. — « Pourveu qu'il iuy donne parole,» Richelieu a effacé ces mots et il a mis en
interligne : « mais qu'il s'asseure. »
Page 617, ligne 20. — Dans l'original la pbrase est restée imparfaite, les huit derniers mots
manquent.
Page 6 1 7, Ifgne 28. — Qu'ont eus les Pays-Bas cette année , Richelieu a effacé ces mots et a mis :
«qu'ont eus les ennemis cette année en Pays-Bas. »
Page 617, note. — Aprh le mot : « mss. ■ ajoutez : « ainsi que sur l'original. »
P. 619. ^ — ■ Ajoutez à la note 2 .- Dans l'original, elle fait corps avec l'instruction qu'elle termine,
mais elle est précédée des lignes suivantes :
« D'autant que M. le prince d'Orange demande caution , dans Amsterdam , de l'argent qu'il plaira
au roy Iuy promettre, ne faict point de difficulté d'en donner, pourveu qu'il Iuy plaise en donner une
solvable dans Paris, pour respondre de l'exécution de ses propositions. »
Page 620 , notes, 2* colonne, ligne 8. — Elle , lisez la lettre.
Page 622, notes, 1" colonne, ligne 3. — «La pièce 1 88, etc. Supprimez cette derniire phrase et
mettez à la place : Ces engagements , longtemps médités et souvent modifiés , furent envoyés de nou-
veau à M. d'Estrades, par Richelieu; sa lettre, dont l'original ."se trouve dans les Mélanges de Clai-
rambault ( 696 , p. 2 2 9 ), est de la main de Cherré , et une mise au net , écrite de la même main , est
auxAff. étr. Hollande, t. 21, fol 187. Cette mise au net nous donne la date du 28 décembre qui
manque à l'original de Clairambault. Dans cette rédaction, la promesse de Richelieu n'est pas tout à
fait conforme à celle du ms. des Aff. étr. tandis que le texte de la promesse du prince d'Orange est
identiquement le même. Au contraire, une autre pièce de la main de d'Estrades, datée de La Haye
le 17 janvier i64o, et conservée dans le manuscrit précité de Clairambault, p. 2 65, donne, pour la
promesse de Richelieu , le même texte que celui qu'on vient de lire, tandis que, dans la promesse du
prince d'Orange, deux paragraphes ont été ajoutés :
« 1* Le Prince promet que messieurs les Estais entretiendront 3o ou 4o vaisseaux au travers de
Calais, pour empescher que les places des ennemis ne soient secourues. . . et pour asseurer le passage
des vivres de France et de Hollande.
« 2° Il sera réduict à Paris 7 1 ,5oo livres , montant des gratifications destinées par S. M. pour les
ofllciers françois qui servent M" les Estats. »
Page 6 2 3 , notes , 1 " colonne , ligne 1 4 . — Tom. 1 , lisez tom. 2 .
Page 627 , ligne 3. — Avant le mot est, oatirir des guillemets, et les fermer à la fin delà phrase.
Page 628, notes, ligne i. — 873, lisez 578.
Page 628, notes, 2* colonne, ligne i4. — Arnault, lisez Arnauld.
Page 633 , ligne 3o. — Aprh le mot restabli ,/crmer les guillemets.
Page 64o, aux sources. — T. lisez n°, c* 24, Usez 44.
988 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
Page 64o, ligne 2. — Sensseî lisez Jenssc.
Page 64o, dernière ligne de la note. — 28 , lisez 43.
Page 642, ligne i3. — L'évesque Arnauld, lise: Henri Arnauld. (Voy. l'erratum delà page 5o8. )
Page 643 , ligne 2. — Père, lisez frère.
Page 645, ligne 10. — Le i4janvier, lisezle 4-
Page 646, ligne i5. — août, lisez octobre.
Page 646 , ligne 16. — Le 2 novembre, lisez le 6.
Page 655 , ligne 1. — Sa, lisez la.
Page 607. — Ajoutez aux sources, première ligne : Bibl. imp. Clairambault, Mélanges, t. 696.
Original. — Et en dernière ligne : Suppl. franc. 870. Copie.
Page 658, ligne 23. — Des Açores ou des Canaries. Dans l'original et la minute il y a ; Essores et
Canaries.
Page 658, ligne pénultième. — Âprh le mot : Prince d'Orange, la lettre finit ainsi dans l'original .
• Sur tout ce que dessus, et nous mander à quoy vous cognoistrés qu'il se pourroit porter. Cepen-
dant vous ne vous engagerés à aucune chose déterminée sur ce sujet; désirant avoir du temps pour
y penser, ayant sceu leurs intentions. Je suis. Monsieur, vostre très affectionné à vous servir.
Le Cardin, de Richelieu. »
Page 659, aux sources. — Ajoutez : Suppl. franc. 370. Copie.
Page 670. — Ajoutez aux sources : Suppl. franc. 870. Copie.
Page 671 , ligne i3. — Ensembles, lisez ensemble.
Page 672, notes ^ 1 " colonne , ligne 5. — Effacez le mot mesmes.
Page 678 , notes, 2' colonne, ligne 1 1. — Les, lisez des.
P. 676 , ligne 3. — Au mot n user, » indiquer cette note : Cbavigni écrivit en conséquence à d'Es-
trades le 1 8 février ; « La détention du Prince palatin ayant fait grand bruit parmi les proteslans
d'Allemagne et les calvinistes, il est important d'informer un ebacun des justes et importantes rai-
sons qui ont mis S. M. dans la nécessité d'en user ainsi. . . » A cette lettre était joint un mémoire qui
a dû être envoyé à plusieurs ambassadeurs; le nom de d'Estrades et celui du prince d'Orange, auquel
il devait être communiqué, ayant été mis après coup dans un espace laissé en blanc par l'expédition-
naire. — La lettre originale de Cbavigni , ainsi que le mémoire, sont conservés à ia Bibl. imp. Clai-
rambault, Mélanges, t. 2 , n° 696, pièces 8o5 et 80g.
P. 676 , ligne 6. — Boiscourt , lisez Boislouet. C'est un exempt des gardes que nous voyons souvent
employé par le cardinal lorsqu'il s'agit de l'arrestation ou de la garde de quelques prisonniers d'im-
portance. ( Voy. t. IV, p. 428 et 683; et t. V,p. 449.)
Page 679, ligne i5. — En on, lisez on en.
Page 681, ligne 8. Après le point , mettez en note ; Cbavigni confirmait cette nouvelle le 1 5 avril ; il
écrivait à M. d'Estrades : «... Le roy a résolu de partir le 2 ou 8 du mois qui vient pour appuyer, par
sa présence et celle de M. le cardinal, le grand dessein que l'on entreprendra dans les Pays-Bas. »
Clairambault, Mélanges, 696, p. 891 .
Page 681, note, 1" colonne, ligne 4. — Grosie, lisez Grosic.
Page 696, note, 1" colonne, ligne 3. — • i54i, lisez i64i. ~
Page 725, ligne 18. — A Vautau , lisez de.
Page 728 , note, 2'^ colonne, ligne i3. — Au nom de Nogent, mettez cette sous-nole : Parmi tous
ces noms déguisés, celui-là est le nom même de la personne; il faut se souvenir que Nogent était le
frère de Bautru.
Page 788, à la fin de la note 1. — Ajoutez: Déjà même on a pu remarquer, dans la correspon-
dance du cardinal , une certaine aigreur très-peu dissimulée, p. 7 1 8 , lettre du 8 août.
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 989
Page 789, noie i , ligne 3. — Après le mot « sources , » supprimer deux lignes et mettre : Elle n'a pour
signature qu'une espèce d'5 barrée , comme dans presque toutes les lettres de Pujol ; et, comme c'est
aussi son habitude, il transcrit dans ie texte espagnol même la réponse d'Olivarez, en partie chiffrée.
Page 7 il. — Ajoutez à la note 2 : L'évêque de Lombez était Jean Daffiz, d'une famille parle-
mentaire.
Page 7 ;') 1 . — Note à ajouter à la lettre 378 . Le prince ne fit alors aucune objection ; on voit que ,
s'il en eût fait, Hichelieu était disposé aie satisfaire; l'union était vivement désirée des deux parts et
chacun aurait craint de la rompre. Mais, lorsqu'un peu plus tard le cardinal fit son testament, les
mêmes considérations n'existaient plus, et il écrivit avec l'autorité d'un mourant: «Je ne fais
aucune mention, en ce mien testament, de ma niepce, la duchesse d'Anguien, d'autant que, par
son contract de mariage, elle a renoncé à ma succession, moyennant ce que je luy ay donné en dot,
dont je veux et ordonne qu'elle se contente. » Mais le beau-père de M"' de Brezé se montra peu dis-
posé à obéir à ces ordres posthumes. «M. le Prince, écrit (juy- Patin (8 mars i6/*4), s'en va plaider
contre madame d' .aiguillon , afin de faire casser le testament du cardinal , son oncle , au nom de sa
bru, la duchesse d'Enghien. La duchesse d'Aiguillon cherche la paix et, tâchant d'avoir composi-
tion, a offert un million deux cent mil livres and. Prince, qui ne veut pas boire à si petit gué. »
(T. I, p. 324.)
Page 753, notes, 2' colonne. — De Courayer, lisez le
Page 754 , ligne 10. — Le seul, lisez ce seul.
Page 759, notes, 1" colonne, ligne 7. — Après conversation, mettez : (p. 3o3).
Page 769, texte, 4' ligne. — Ajouter cettenole surSabatier: C'était un hoœme d'affaires assez mal
famé et que protégeait Richelieu. Trésorier des parties casuelles, receveur des consignations du
Châtelet, il avait acheté ces charges et d'autres au prix de 800, 1 100 et 1 joo mille livres. «Cela
serait incompréhensible , mande H. Arnauld ( 20 avril 1 63g ), si on ne tenoit pour asseuré qu'il ne
fait que prester son nom. » L'année suivante, il acheta la charge de receveur des consignations du
parlement, et, à celte occasion, un arrêt ordonna une information de vie et mœurs. Sur quoi H. Ar-
nauld écrivait encore : « Jugez ce que c'est de mettre tout l'argent des consignations entre les mains
de Sabbatier, lequel a sur sa teste cette charge, qui luy revient, avec falternatif et le triennal, à dix-
neuf cent mille livres et plus... cela est tout à fait prodigieux.» (Lettre du 9 mai i64o.) On voit
qu'avec toutes ces affaires gigantesques Sabbatier s'était mis dans une position difficile et suspecte.
Il s'en tira pourtant, sans doute à l'aide de la protection que nous lui voyons accorder ici. Nous
lisons dans la chronique épistolaire de H. Arnauld, à la date du 16 février 1642 : « Sabbatier feit , il y
a quatre jours, une magnificence estrange à Montrouge, au baptesme de sa fille. . . Il y eut comédie. . .
c'est une chose honteuse de souffrir que cet homme triomphe ainsy après avoir volé tout le monde. »
— Cette histoirede Sabbatier est curieusepour la connaissance des mœurs financières de ce temps-là.
Page 773, note 2. — 739. H^^^ 760.
Page 775, note, 2' colonne, ligne i3. — Six, lisez six millions.
Page 775, 2' colonne, ligne i4. — Si elle, lisez S. M.
Page 776 , ligne 4 du P. S. — D'y, lisez d'en.
Page 778, notes, 2° colonne, ligne 11. — 169, Usez 369.
Page 785, ligne 16. — • Toulon, foez Toulouse.
Page 785, ligne 26. — A, lisez ta.
Page 789, sous note. — Ajoutez : Elle parle sans doute des bontés présentes, mais comment, en
signant ce nom, ne pas se souvenir de 1 632 ?
Page 790, note, 2* colonne, dernière ligne. — Ajoutez : que nous venons de citer.
Page 796 , note 1 . — Ajoutez : Ce fut pourtant l'année suivante seulement qu'elle fit un voyage en
990 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
Hollande. Mais la reine sa mère se disposait à y passer en allant à Cologne ; les ambassadeurs bollan-
daisà Londres engageaient leur gouvernement à l'en dissuader; ils disaient a d'effrayer ceux qui le luy
conscilloient, en leur montrant le péril qu'ils couiToient, à cause de l'estroite alliance de i'estat avec
la France, et du grand nombre de ceux qui estiment beaucoup l'amitié de M. le cardinal. » ( Groen
van Prinsterer, Arch. de la maison de !^assau, t. III, p. 449-)
Page 796, note a. — P. 785, lisez 786.
Pa^e 798, 4' ligne. — L'Ilicrs, effacez l'apostrophe: il n'y en a point dans le mot écrit par Ri-
chelieu , qui, selon un usage assez commun de son temps, omettait presque toujours la ponctuation;
mais il a mis l'i majuscule, ce qui suppose l'apostrophe.
Page 799 « 5* ligne. — «Sonder»; ce mot ne se comprend guère : il est d'adleurs douteux dans le
texte, où. ton pourrait lire fonder, ce qui du reste n'est pas beaucoup plus clair.
Page 799, 7° ligne. — Après le mot cognoistre, mettez avoir.
Page 801, note 3, 6' ligne d'en bas. — , après tout, entre deux virgules.
Page 808, sous-note. — Effacez : de Fontette et celle; et mettez à la date, au lieu du 8, le 1 3,
( date de la pièce de Fontette) ■
Page 811, note 2. — L'évêque Arnauld, lisez Henry Arnauld.
Page 81 4, ligne 2. — Avant le mot l'esclaircissement un mot doit avoir été oublié: par, donnant , ou
autre.
Page 824, notes, 2' colonne, ligne 2. — Bouquet, lisez Jacques.
Page 828. — La note n° 2 doit être numérotée 3 , et la note 3 doit être numérotée 2.
Page 845, notes , 2" colonne , ligne 12. — Effacez les guillemets.
Page 846, notes, 2' colonne, ligne i4. — Dud. lisez du s'.
Page 862 , ligne 27. — Effacez le chiffre de renvoi i .
Page 862, note, ligne 1. — Après mis, ajoutez : ici.
Page 871, ligne 22. — Excepté La Motte, lisez à La Motte près.
Page 889 , ligne 7. — Deux lettres sont tombées au premier mot: lisez tout.
Page 896, ligne 5 (d'en bas). — La , lisez le.
Page 897, 1" ligne. — Ses, lisez : les.
Page 928 , sous-notes *■ et '. — M. de Bouthilliers , lisez M. BouthiUier.
Page 933 , note, 2* colonne, ligne 22. — Après le roi , ajoutez : « Prenez vos mesures là dessus, >
lui disait-il.
Page 946. — Ajoutez à la note concernant madame de Clievreuse : Au reste, il parait qu'entre cette
dame, qui était alors hors de France, et le cardinal, il y avait précisément à cette heure quelque
pourparler de rapprochement qui pouvait donner carrière aux conjectures. H. Arnauld écrivait le
4 juin, quelques jours avant la découverte du traité d'Espagne : «On murmure de quelque accom-
modement de M"" de Chevreuse de deçà, et l'on s'imagine que c'est pour cela que Boispiié est allé
trouver M. le cardinal. » On a vu que ce Boispiié était un serviteur attaché à la maison de Chevreuse.
Page 962 , 3' ligne du texte, à partir d'en bas. — Effacez [sic).
Page 954 ■ 2° ligne du texte , à partir d'en bas. — Affectionné , lisez affectionnés.
Page 962. — La date de la lettre XLV, 20 juillet, lisez ; 24 juillet.
^
DC
Richelieu, Armand Jean du
123
Plessis, Cardinal, duc de
.9
Lettres, instructions
R$M
diplomatiques et papiers
1853
d'état
t.6
PLEASE DO NOT REMOVE
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■-(S^M: