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Full text of "Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'état, recueillis et publiés par M. Avenel"

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LETTRES, 

INSTRUCTIONS   DIPLOMATIQUES 

ET    PAPIERS    D'ÉTAT 

DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU, 


RECUEILLIS 


ET  PUBLIES   PAR  M.  AVENEL. 


TOME   SIXIÈME. 

1638—  1642.- 


PARIS. 

IMPRIMERIE    IMPÉRIALE. 


M  DCCC  LXVII. 


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LETTRES 

INSTRUCTIONS  DIPLOMATIQUES 


ET 


PAPIERS  D'ETAT 

DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU 


CARDIM.  DK    niCHELIEC.  —  ?l. 


*■ 


LETTRES, 

INSTRUCTIONS  DIPLOMATIQUES 

ET 

PAPIERS   D'ÉTAT 

DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU. 
ANNÉE  1638. 


I. 

Bibl.  imp.  S'-Germain  Harlay,  364".  fol.  63.  —  Copie  de  la  main  de  Cherré. 

[A  LA  REINE  D'ANGLETERRE'.] 

[i"  janvier  i638.] 

Madame , 
Comme  j'ay  receu  avec  grand  respect  la  lettre  qu'il  a  pieu  à  V.  M. 
m'escrire  sur  le  sujet  du  chevalier  de  Jars^,  ma  franchise  ne  me  per- 
met pas  de  luy  dissimuler  qu'elle  m'a  apporté  quelque  estonnement 
voyant  que  V.  M.  n'a  pas  esté  informée  des  derniers  termes  où  j'en 
suis  demeuré  avec  ceux  qui  m'en  ont  parlé  de  sa  part,  lesquels  ad- 
voueront  je  m'asseure  qu'en  les  asseurant  de  l'aifection  que  j'auray 
tousjours  à  servir  V.  M.  je  ne  leur  ay  jamais  promis  la  délivrance  du 
dict  chevaHer,  qui  ne  deppend  pas  de  moy.  Je  ne  répète  point  à  V.  M. 
les  raisons  qui  peuvent  rendre  cette  affaire  difficile  auprès  du  roy;  il 

'  La  suscription  et  la  date,  qui  man-  (Voy.  aux  analyses,  à  la  un  du  volume.) 
quent  ici,  sont  données  par  une  lettre  que  '  Au  sujet  du  chevalier  de  Jars,  voy. 

Kichelieu  écrivit  le  même  jour  à  M.  de  t.  V,  p.  354,  1090,  et  ci-après  deux  lettres 

Bellièvre,    ambassadeur    en   Angleterre.  du  7  mars  i638. 


4  LETTRES 

me  suffit  de  luy  dire  que  M'  de  Montagu  et  moy  sommes  demeurés 
d'accord  que  le  vray  et  seul  temps  où  j'en  devois  parler  avec  espé- 
rance de  succès  esloit  lorsqu'il  y  auroit  un  bon  traitté  signé  entre  les 
deux  couronnes*.  Je  n'ay jamais  pensé  à  manquer  à  cette  promesse, 
et,  comme  je  m'y  suis  engagé  par  pur  désir  de  vous  servir,  si  nous 
eussions  estimé  lors  une  autre  occasion  plus  propre,  je  l'eusse  prise 
tout  de  mesme.  Pourveu  que  V.  M.  croie  que  je  n'ay  point  man- 
qué à  ce  dont  j'ay  prié  M'  de  Montagu  de  luy  donner  asseurance  de 
ma  part,  je  seray  content  pour  cette  heure,  protestant  ne  le  vouloir 
pas  eslre  que  je  n'aye  eu  occasion  de  la  servir  actuellement,  soit  en 
l'afiFaire  dont  il  est  question,  soit  en  toute  autre  qui  luy  fasse  co- 
gnoistre  que  je  suis  et  seray  à  jamais, 
Madame ... 


II. 

Arch.  des  AfF.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  5.  — 
Minute  de  la  main  de  Cylois. 

A  M.  DE  CHARTRES'. 

Du  1 1  janvier  i638. 

Je  vous  envoyé  l'arrest  que  vous  demandés  pour  les  éleuz  et  gre- 
netiers^. 

J'écris  à  M'  de  Laubardemont,  ainsi  que  vous  le  désirés,  pour  le 
prier  de  le  faire  exécuter,  et  exercer  quelques  fois  sa  charge  à  Riche- 
lieu. 

Je  luy  envoyé  aussy  la  lettre  du  roypour  le  razement  du  chasteau 
de  Beaufort. 

Le  lieutenant  de  Richelieu  n'y  voulant  pas  demeurer,  et  ne  l'ayant 
mis  là  qu'à  cette  charge,  vous  en  retirerés,  s'il  vous  plaist,  les  provi- 

'  Sur  la  négociation  de  ce  traité,  voy.  '  Ce  mot  est  assez  lisible  dans    a  très- 
une  lettre  du  i  2  février. —  '  Clierré  a  écrit  mauvaise  écriture  du   petit  médecin  de 
au  dos  le  nom  et  la  date.  Nous  avons  parlé  Richelieu, 
de  l'évêquede  Chartres ,  t.  V,  p.  34 ,  note  3. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  5 

sioDs,  et,  quand  vous  serés  de  retour,  nous  adviserons  à  celuy  que 
nous  debvrons  mettre  en  sa  place. 

Le  seigneur  Lopès  ira  au  printemps  à  Richelieu  pour  donner  ordre 
aux  négligences  et  malices  de  Barbet ,  qui  ne  se  peuvent  plus  supporter. 

Je  vous  prie  cependant  d'y  pourvoir  le  mieux  qu'il  vous  sera  possible. 

Je  vous  envoyé  le  contract  que  j'ay  passé  avec  M""  Vincent,  afEn 
que  vous  faciès  un  petit  plan  de  ce  qu'il  faudra  bastir  de  nouveau  au 
logis  destiné  pour  la  cure,  pour  accomoder  ses  confrères. 

J'ay  receu  la  response  de  M'  de  Poictiers^  fort  civile  et  fort  ho- 
neste,  dont  je  suis  très  satisfait. 

Je  vous  prie  de  faire  faire  tout  ce  qu'il  faut  pour  l'érection  de  la 
cure  et  des  unions  {?)  nécessaires  à  celte  fin. 

Je  me  rapporte  à  ce  que  vous  ferés  avec  tous  les  menuisiers,  ma- 
çons, serruriers  et  autres  ouvriers. 

Je  vous  prie  de  faire  haster  le  marbrier  en  sorte  que  tout  soit  fait 
et  parfait  à  Pasques  au  plus  tard. 

Je  feray  désister  Lenclassé  de  son  marché,  autrement  nous  ne  se- 
rons pas  cousins,  n'estant  pas  raisonnable  que  cest  honneste  homme, 
par  ime  association  de  Richelieu  avec  Paris,  trouMe  les  ouvriers  qui 
peuvent  bien  travailler  sur  les  lieux. 

Je  vous  remercie  du  soin  que  vous  avés  de  faire  tenir  les  foyz  et 
hommages. 

Je  suis  ravi  de  ce  que  vous  ne  voulés  point  faire  faire  d'estoile 
dans  mon  parc ,  n'aymant  point  à  faire  couper  du  bois. 

Vous  me  ferés  plaisir  d'achepter  les  bois  de  Senesay  et  Montagu'^ 
et  réduire  les  coupes  à  neuf  ans. 

Je  me  rapporte  au  dessein  que  vous  avés  pour  la  fontaine  et  trouve 
bon  de  faire  l'un  après  l'autre. 

'  Henri-Louis  Chasteigner  de  la  Roche-  Pères  de  la  mission  à  Richelieu.  C'est  sans 

Posay.  Nous  avons  vu,  dans  une  vente  doute  de  cet  établissement  qu'il  s'agit  ici. 
d'autographes,  une  lettre  de  ce  prélat  au  '  Ces  deux  noms  sontdifTicilesà  déchif- 

cardinal,  datée  du  ao  décembre  1637;  il  frer;  pour  le  dernier  on  pourrait  lire  More- 

y   était  question  de   l'établissement   des  tagre  ou  Monlagie  plutôt  que  Montagu. 


6  LETTRES 

Je  seray  bien  ayse  que  vous  arrestiés  la  despense  de  madame  de 
Combalet ,  vous  déclarant  que ,  depuis  que  vous  estes  parti ,  les  arraes^ 
que  vous  avés  achepté  trente  et  trois  livres  nous  ont  esté  donnés 
pour  2 kl  ce  qui  est  reconnu  de  toute  la  compagnie  estre  procédé 
plustost  d'ignorance  et  d'incurie  que  d'aucune  ombre  de  mal  engin. 

J'ay  donné  charge  à  des  Roches  de  faire  tenir  promptement  à  Ri- 
chelieu les  treize  mil  livres  que  vous  demandés,  pour  faire,  avec  ce 
que  vous  avés  porté,  la  somme  de  3o  mil  livres;  s'il  estoit  question 
de  millions  et  milliaces  je  m'en  fierois  en  vous. 

Le  muscat  qui  a  esté  icy  apporté  de  Frontignan  est  planté  à  Ruel 
et  nous  n'en  avons  plus. 

Vous  m'avés  envoyé  le  nom  des  tableaux  qui  vous  manquent,  mais 
non  pas  la  mesure  ^. 

J'ay  prié  M''  le  marquis  d'Aluy  de  vous  faire  envoyer  les  tableaux 
qui  vous  manquent,  que  vous  spécifiés  par  le  billet  que  j'ay  trouvé 
avec  la  lettre  de  M"'  de  Poictiers;  je  croy  qu'il  le  fera.  Cependant  je 
responds  plus  de  mon  obéissance  à  vos  ordres  que  de  celle  du  gouver- 
neur de  Chartres  à  son  évesque. 

111. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  33.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré^. 

[AU  P.  BINET.] 

[Vers  ic  20  janvier  i638.] 

Mon  père.  Je  n'ay  pas  moins  esté  touché  de  la  mauvaise  conduite 


'  Ce  mot  nous  semble  plus  difficile  à 
comprendre  qu'à  lire. 

^  L'embellissement  de  son  château  était 
alors  pour  Richelieu  une  préoccupation 
constante.  Au  mois  de  juin  de  l'année  pré- 
cédente, Mazarin,  qui  était  à  Rome,  lui 
annonçait  l'envoi  de  plusieurs  statues  ;  Cha- 
vigni  écrivait  le  5  février  lôSg  à  l'ambassa- 
deur (le  maréchal  d'Estrées)  :  «  M*'  le  car- 


dinal a  5o  ou  6o  statues  dans  Rome  qu'il 
souhaiteroit  de  faire  venir  pour  Richelieu;  » 
et ,  peu  de  semaines  après ,  le  2 1  mars ,  Ma- 
zarin demandait  à  Chavigni  uneinstruction 
su  r  ceque  le  cardinal  désirait  encore  pour  sa 
nouvelle  galerie  :  «  petli,  statue,  quadri ,  stu- 
dioli,  tavolini  e  altro.  »  (Arch.  des  AfF.  étr. 
Rome, t.  6o,  8juin  1637;  t.  65  et  ailleurs.) 
'  C'est  ici  une  mise  au  net,  préparée 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


du  père  Caussin  que  vous  me  représentés  l'estre  vous  niesme.  Tous 
ceux  de  voslre  compagnie  qui  ont  pris  la  peine  de  me  voir  depuis 
que  le  roy  la  esloigné  d'auprès  de  sa  personne  sont  aussy  fidèles  tes- 
moings  de  cette  vérité  que  du  peu  de  sujet  que  le  dict  père  Caussin 
avoit  de  se  comporter  comme  il  a  fait.  La  faute  dans  la  quelle  son 
imprudence  l'a  fait  tomber  ne  regardant  point  le  général  de  vostre 
compagnie,  mais  seulement  son  particulier,  je  vous  puis  asseurer 
qu'elle  n'a  point  altéré  la  bonne  volonté  que  le  roy  a  toujours  eue 
pour  elle,  et  qu'elle  n'est  pas  moindre  qu'elle  a  esté  par  le  passé. 
Pour  mon  regard,  ayant  tous  les  sujets  du  monde  de  m'en  louer, 
j'auray  à  contentement  singulier  les  occasions  qui  me  donneront  lieu 
de  la  servir,  et  de  procurer  ses  avantages;  comme  aussi  de  vous  faire 
cognoistre,  par  effects,  que  personne  ne  vous  estime  ny  n'est  plus 
certainement  que  moy,  mon  père, 

Vostre  très  aflTectionnë  à  vous  rendre  service. 

pour  la  signature  ;  la  lettre  a  dû  être  refaite. 
La  copie  du  P.  Griffet  (t.  III,  p.  1 19),  qui 
sans  doute  a  été  prise  sur  l'original,  présente 
quelques  légères  variantes.  Cette  lettre  doit 
avoir  été  écrite  en  réponse  à  une  lettre  du 
P.  Etienne  Binet,  jésuite,  datée  de  Paris, 
le  1 5  janvier  1 638 ,  laquelle  lettre  du  P.  Bi- 
net se  trouve  dans  ce  ms.  f*  10.  En  voici 
un  extrait  :  «  Nf,  nostre  R.  P.  Général  crai- 
gnant d'estre  importun  à  V.  E.  par  ses  let- 
tres trop  fréquentes,  m'ordonne  de  luy 
faire  un  digne  remercîment  de  tant  de  fa- 
veurs que  nostre  petite  compagnie  reçoit 
de  sa  bonté.  Il  n'est  pas  en  ma  puissance 
de  faire  ce  qu'il  me  commande ,  parce  que 
tous  tant  que  nous  sommes,  quand  nous 
aurons  fait  tout  ce  que  nous  pouvons, 
nous  n'aurons  véritablement  pas  fait  la- 
moitié  de  ce  que  nous  devons  ;  surtout 
après  l'affaire  du  P.  Caussin,  où  V.  É.  par 
un  exccî  de  magnanimité,  nous  a  tesmoi- 
gné  plus  que  jamais  sa  bénignité  et  cor- 
dialité incom|>arable.  Je  la  publie  partout. 


et  le  P.  Général  comme  chef  respandra  sur 
toute  nostre  petite  compagnie  les  senti- 
mens  de  gratitude  que  tous  les  vrais  en- 
fans  de  celte  compagnie  doivent  avoir  en- 
vers un  si  grand  protecteur.  •  —  Dans  tout 
le  reste  de  la  lettre,  le  P.  Binet  se  confond 
en  assurances  les  plus  humbles  de  recon- 
naissance et  de  fidélité.  On  voit  que  les  jé- 
suites avaient  été  fort  effrayés  du  mécon- 
tentement du  cardinal  contre  le  P.  Caussin , 
que  la  compagnie  livra  de  fort  bonnegrâce , 
en  apparence  du  moins,  à  la  colère  de 
Richelieu.  Cependant  le  cardinal  avait  pris 
soin  de  le»  rassurer,  et  en  annonçant,  dans 
la  Gazette,  le  renvoi  du  père  Caussin,  il 
fil  mettre  celte  phrase  de  consolation  :  i  Le 
desplaisir  que  ceux  de  son  dit  ordre  ont 
de  sa  faute  est  proportionné  à  la  grande 
et  sincère  passion  qu'ils  ont  au  bien  de 
cet  estât  et  au  service  du  roy.  •  Louange 
adroite,  oii  les  jésuites  trouvaient  à  la  fois 
une  satisfaction  et  le  conseil  d'infliger  un 
bh'une  public  à  la  conduite  de  leur  con- 


LETTRES 


IV. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  Sy.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  LE  GRAS'?] 

[i"]  février  i638. 

Monsieur,  Ayant  sceu  que  la  reyne  a  eu  assez  de  bonté  pour  dire 
à  M'  de  Lisieux ,  et  vous  tesmoigner  à  vous-mesme  que  si  elle  sçavoit 
que  j'approuvasse  la  proposition  que  M.  de  Lavaur  faict  d'un  prédi- 
cateur, elle  l'approuveroit  en  ma  considération,  je  n'ay  pas  estimé  à 
propos  de  différer  davantage  sans  vous  prier  de  la  remercier,  avec 
toute  sorte  d'humilité,  de  tant  de  bonté,  et  lui  faire  cognoistre  que, 
puisqu'il  luy  plaist  me  tesmoigner  ne  trouver  point  mauvais  que  je 
favorise  la  pensée  de  M.  de  Lavaur,  je  le  fais  de  très  bon  cœur,  la  su- 
pliant  de  vouloir  considérer  ses  services  passés,  et  la  passion  avec  la- 
quelle il  désire  le  succès  de  la  grâce  qu'il  luy  demande.  Je  prendray 
part  à  cette  obligation,  ainsy  que  je  le  doibs;  ce  que  je  vous  prie  de 
représenter,  selon  que  vous  l'estimerés  à  propos,  et  de  me  croire. . . 


V. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  foi.  52.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  TUREUFl 

Le  9'  jour  de  fcbvrier  '  1 638. 

Ce  billet  est  pour  prier  M'  Tubeuf  de  me  mander  des  nouvelles  de 
la  santé  de  M'  de  BuUion,  et  pour  luy  faire  sçavoir  ensuite  qu'on  m'a 
faict  cognoistre  de  chez  Monsieur  qu'on  luy  faisoit  entendre  qu'il  ne 

frère.  [Gazette  de  1 687,  rubrique  ;  Paris,  à  M.  de  Brassac.  Le  quantième  a  aussi  dis- 

aô  décembre,  p.  8o4.)  paru;  la  pièce  est  classée  au    i"  février. 

Le  papier,  déchiré ,  ne  permet  pas  de  ( Voy.  sur  Le  Gras ,  ci-après ,  3  mai  1 638.) 

voir  le  nom  de  la  personne  à  qui  cette  lettre  '  Il  était  l'un  des  trésoriers  de  France, 

est  adressée;  c'est  sans  doute  au  secrétaire  '  Cherré  a  écrit  au  dos  t  janvier,  »  mais 

de  la  reine,  M.  Le  Gras;  ce  pourrait  être  en  tête  il  avait  mis  •  febvrier.  • 


DtJ  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  9 

lenoil  pas  à  M'  de  BiiUion  que  Monsieur  n'eust  des  fonds  pour  les 
bastimens,  mais  seulement  à  moy,  qui  n'en  parlois  pas  audit  s'  de 
Bullion  comme  il  falloit. 

Desjà  une  ou  deux  fois  j'ay  esté  averty  qu'on  se  servoit  de  pareils 
artifices  en  d'autres  occasions.  Je  prie  M""  de  Bullion  de  tascher  de 
descouvrir  qui  sont  les  imposteurs  et  les  menteurs,  et  de  faire  co- 
gnoistre,  à  Monsieur,  par  effect,  en  luy  faisant  donner  les  28  mil** 
qu'il  demande,  ce  que  peut  ma  recommandation  auprès  de  luy  pour 
le  payement  des  grâces  que  le  roy  a  accordées. 

On  se  sert  de  mesmes  impostures  chez  la  reyne;  et  cependant  je 
n'ay  jamais  ouy  parler  des  relranchemens  qu'elle  apréhende  que  par 
M"^  de  Bullion,  qui  les  proposa  au  roy.  Je  ne  croy  pas  qu'en  Testât  au 
quel  elle  est  il  y  ait  apparence  de  penser  à  telle  relTormation,  mais  je 
voudrois  bien  payer  une  partie  du  fonds  qu'on  a  voulu  retrancher,  et 
descouvnr  qui  sont  ceux  qui  meschament  fabriquent  telles  calom- 
nies*. Je  prie  M""  Tubeuf  de  travailler  de  son  costé  à  en  prendre  co- 
gnoissance  et  de  s'asseurer  de  mon  affection. 


n 

Bibl.  imp.  Fonds  Saint-Germain-Harlay,  264/27,  fol.  76.  — 

Original  chiffré,  avec  décliiffrement. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Angleterre,  t.  It"/,  fol.  18-ao.  —  Mise  au  net  '. 

LETTRIi  DU  ROY. 
MÉMOIRE   AU    SIEUR    DE    BELLIÈVRE, 

CONSEILLEB  DU  ROT  EH  SES  CONSEILS  ET  AMBASSADEUR  EH  ANGLETERRE. 

1  2  '  février  i638. 

Le  s'  de  Bellièvre  fera  sçavoir  au   roy  de  la  G.  B.  que  la  sincère 

'  Cette  pièce  a  subi  les  transformations  dans  le  tome  X,  p.  534  et  suiv.  de  l'édi- 

qui  indiquent  l'intention   de  l'insérer  en  lion  de  Petitot. 

partie  dans  les  Mémoires  de  Richelieu;  on  '  La  mise  au  net  des  Affaires  étrangère.s 

en  trouve .  en  effet,  quelques  paragraphes  donne  pour  date  le  18  février. 


10  LETTRES 

affection  que  S.  M.  luy  porte  lui  a  faict  souffrir  jusques  à  présent  avec 
peine  le  long  délay  des  affaires  commencées  entre  L.M.  pour  le  res- 
tablissement  des  P.  Palatins  ses  neveux; 

Que  S.  M.  a  recogneu  que  les  longueurs  provenoient  principale- 
ment de  ce  que  les  alliés  qui  doivent  avoir  part  aux  dicts  affaires, 
ayant  eu  quelque  cognoissance  des  articles  proposés  dans  le  projet 
de  ligue  offensive  n'estiment  pas  qu'il  soit  assez  clairement  et  suffi- 
samment exprimé  en  quoy  pourront  estre  employés  les  3o  vaisseaux 
que  le  dict  roy  de  la  G.  B.  doit  fournir. 

Ce  qui  ne  doit  pas  estre  seulement  pour  garder  les  costes  des  deux 
royaumes,  pour  s'opposer  au  passage  d'Espagne  en  Flandres,  mais 
aussy  pour  attaquer  des  places  sur  les  costes  des  ennemis,  selon  que 
les  confédérés  en  conviendroient  ensemble  pour  le  bien  commun, 
n'estant  pas  raisonnable  que,  tandis  que  S.  M.  et  ses  alliés  employè- 
rent toutes  leurs  forces  pour  contraindre  les  ennemis  à  une  juste 
paix  par  l'attaque  de  leurs  places  et  de  leur  pays,  ce  qui  est  propre- 
ment faire  la  guerre  offensive,  les  Anglois  demeurant  tousjours  près 
de  leurs  costes,  ainsy  qu'ils  ont  accoustumé,  s'occupent  seulement  à 
fermer  le  passage  à  quelque  petit  nombre  de  vaisseaux,  qui  ne  laissent 
pas  toutefois  de  s'échapper  et  de  passer  à  la  faveur  du  vent,  et  par 
quelque  surprise,  encore  qu'ils  soient  attendus  par  une  grande  flotte. 

De  plus  il  est  à  considérer  que  quand  les  Espagnols  auront  envoyé 
de  bonne  heure  en  Flandres  le  secours  d'hommes  et  d'argent  qu'ils 
y  ont  destiné,  ce  qu'ils  ne  manqueront  pas  de  faire  cette  année  pour 
n'estre  pas  surpris,  et  d'autant  plus  quand  ils  sçauront  que  ce  traitté 
sera  conclu,  ce  que  l'on  no  pourra  celer,  estant  faict  entre  tant  de 
personnes,  il  sera  inutile  de  garder  le  passage. 

A  quoy,  si  les  Anglois  objectent  qu'ils  ne  peuvent  s'obliger  à  gar- 
der leurs  costes,  celles  des  alliés,  et  à  fermer  la  mer  aux  Espagnols, 
envoyant  leur  armée  au  loin  pour  attaquer  des  places ,  il  faut  rcspondre 
que  toute  la  flotte  d'Angleterre  ne  sera  pas  nécessaire  pour  cet  effect, 
mais  que,  selon  les  desseins  et  entreprises  dont  l'on  demeurera  d'ac- 
cord en  signant  le  traitté,  l'on  conviendra  du  nombre  des  vaisseaux 


(& 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  il 

qui  seront  requis  tant  d'iine  part  que  d'autre  pour  la  prompte  exé- 
cution des  dicts  desseins. 

Et  au  cas  que  les  alliés  joignent  leurs  forces  sur  mer,  celles  des 
deux  rois  seront  commandées  par  un  chef  de  leur  nation ,  au  nom 
de  leurs  maistres;  et,  quant  aux  Hollandois,  S.  M.  ne  doute  pas  qu'ils 
n'obéissent  aux  amiraux  de  L.  M. 

Que  si  l'attaque  se  faict  sur  la  coste  de  Flandres,  les  Angiois  sont 
si  proches  qu'ils  n'ont  rien  à  craindre  pour  eux,  et,  en  ce  cas,  S.  M. 
sera  contente  que  les  places  qui  seront  prises  soient  tenues  et  gou- 
vernées en  forme  de  République  par  le  commun  ami  des  confédérés, 
comme  sont  les  bailliages  communs  entre  les  Suisses,  lesquelles 
places  ne  seront  point  rendues  aux  ennemis  par  un  traitté  de  paix 
que  les  P.  Palatins  ne  soient  restablis. 

Et  d'autant  que  S.  M.  s'est  résolue  d'envoyer  de  nouveau,  par  cour- 
rier exprès,  presser  les  confédérés  d'envoyer  leurs  députés  à  Ham- 
bourg, encore  que  ceux  de  la  couronne  de  Suède  y  soient  bientost 
attendus.  Sa  dicte  Majesté  ajugé  à  propos  d'informer  de  ce  que  dessus 
ie  roy  de  la  G.  B.  pour  obvier  aux  nouvelles  longueurs  et  difficultés 
qui  pourroient  naistre  entre  les  députés,  si  toutes  ces  choses  n'estoient 
bien  esclaircies. 

Les  Angiois  n'auront  sujet  de  dire  qu'on  leur  propose  maintenant 
un  traitté  nouveau,  et  qu'il  falloit  dès  le  commencement  résoudre 
ce  point,  d'autant  que  lorsqu'on  s'oblige  ensemble  de  faire  une 
guerre  offensive  à  force  ouverte,  et,  par  une  totale  rupture,  il  n'y 
a  point  de  doute  que  l'attaque  des  places,  et  toutes  autres  hosti- 
lités y  sont  comprises;  et,  combien  que  dans  les  traittés  les  uns 
et  les  autres  s'obligent  à  quelques  points  particuliers,  comme  lors- 
que le  dict  roy  promet  de  garder  les  costes  et  de  fermer  la  mer, 
cela  n'empesche  pas  l'obligation  générale  entre  les  confédérés  de 
faire  toutes  autres  choses  nécessaires  pour  le  bien  commun,  s'il  n'y 
estoit  dérogé  par  quelque  clause  d'exemption  spéciale.  Toutefois 
S.  M.  ajugé,  tant  pour  la  satisfaction  des  alliés  que  de  soy-mesnie, 
de  faire  entendre  ce  que  dessus  avec  confiance  au  dict  roy  d'Angle- 


12  LETTRES 

terre,  pour  oster  touts  les  doutes  et  empeschemens  qui  pourroient 
retarder  la  conclusion  de  ce  traitté. 

Si  les  Anglois  ne  veulent  convenir  de  ce  que  dessus  et  qu'ils  re- 
mettent cette  affaire  à  l'assemblée  de  Hambourg,  pour  estre  terminée 
parle  commun  avis  des  confédérés,  il  se  faudra  contenter  de  cela  et 
ne  les  presser  pas  en  sorte  qu'ils  se  pussent  résoudre  à  rompre ,  et  à 
se  joindre  avec  l'Espagne  par  désespoir  de  pouvoir  rien  faire  utile- 
ment avec  le  roy. 

Le  dict  s'  ambassadeur  représentera  tout  ce  que  dessus  au  roy  de 
la  G.  B.  avec  asseurance  que  le  roy  veut  sincèrement  contribuer  tout 
ce  qui  deppendra  de  S.  M.  pour  faire  et  conclure  le  traitté  au  con- 
tentement du  roy  de  la  G.  B.  et  le  plus  diligemment  qu'il  se  poup-a. 

Le  dict  s"^  de  Bellièvre  insistera  sur  ce  point  principalement  qu'il 
convient,  pour  le  contentement  des  alliés,  qu'il  n'y  ait  point  plus 
d'un  mois  entre  la  signature  du  traitté  auxiliaire  et  celuy  de  la  ligue 
offensive,  selon  que  le  dict  s"'  ambassadeur  a  faict  entendre  icy  qu'on 
s'y  disposoit  par  delà  '. 

Faict  à  S'  Germain  en  Laye,  le  i  2  de  février  i638. 

LOUIS. 

BODTHILLIER. 


VU. 

Bibl.  imp.  Fonds  Béthune,  9279,  fol.  lU-  —  Copie. 

AU  DUC  DE  VEYMAR. 

De  Ruel,  ce  i5  février  i638. 

Monsieur, 

J'estime  qu'il  seroit  inutile  que  je  vous  représentasse  par  ces  lignes 
la  joie  extraordinaire  que  je  ressens  du  bonheur  que  vous  avés  en 
l'exécution  du  dessein  que  vous  aviés  faict  sur  la  ville,  pont  et  passage 

'  Nous  trouvons  dans  le  manuscrit  (P"  43),  des  observations  du  père  Joseph 
des  Affaires  étrangères  cité  aux  sources        sur  la  négociation  avec  l'Angleterre;  à  la 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  13 

de  Lauffenburg,  parce  que,  cognoissant,  comme  vous  faites,  la  pas- 
sion extresme  que  j'ay  pour  la  prospérité  des  affaires  du  roy  et  pour 
vos  intérests  particuliers ,  il  vous  sera  aisé,  à  mon  avis,  de  la  conce- 
voir; je  me  contenteray  seulement  de  dire  à  Vostre  Altesse  que  Sa 
Majesté  en  a  receu  un  contentement  d'autant  plus  grand,  qu'elle  se 
promet  de  vostre  prudence,  de  vostre  courage  et  de  vostre  bonne 
conduite  qu'un  si  favorable  succès  en  produira  encore  de  plus  avan- 
tageux pour  ses  alliés  et  pour  le  bien  de  la  cause  commune.  Je  vous 
puis  asseurer.  Monsieur,  que  Sa  Majesté  n'oubliera  aucune  chose 
qui  deppende  d'elle  pour  seconder  les  bons  desseins  qu'elle  sçait  que 
vous  avés  pour  cela ,  et  pour  vous  mettre  en  estât  de  les  exécuter,  et 
de  conserver  le  poste  que  vous  occupés  maintenant,  qui  vous  est  de 
telle  importance  que  je  ne  doute  point  que  vous  n'en  ayés  tout  le 
soin  qu'il  se  peut.  En  mon  particulier,  je  vous  suplie  de  croire  que 
je  contribueray  auprès  de  Sa  Majesté,  pour  vostre  satisfaction,  tout 
ce  qui  me  sera  possible ,  et  que  vous  pouvés  attendre  de  moy,  qui , 
ne  souhaitant  pas  moins  l'augmentation  de  vostre  gloire  et  de  vostre 
réputation  que  vous-mesme,  seray  tousjours  très-aise  d'avoir  occa- 
sion de  vous  faire  cognoistre,  par  effects,  que  je  suis  véritablement, 
autant  qu'on  le  peut  estre. 

Monsieur, 

Vostre  très  humble  et  très  aifectionDé  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Au  mesme  temps  qu'on  a  receu  cette  nouvelle,  on  a  faict  partir 
M'  de  Guébriant  pour  entrer  dans  la  Franche-Comté  ainsy  que  Vostre 
Altesse  l'a  désiré. 


,A  suite  de  ce  Mémoire  du  capucin  homme  estime  qu'il  faut  envoyer  cette  négocia- 
d'état,  de  Noyers  a  écrit  :  «  Le  P.  Joseph  tion  à  M' de  Beliièvre  pour  y  travailler  en 
est  d'advis  qu'aux  conditions  ci -dessus  diligence...  l'équité  des  conditions  aux- 
i^  l'on  peut  traiter  avec  l'Angleterre,  non  au-  quelles  le  roy  se  soubmet  fera  voir  à  tout 
trement.  A  Ruel  ce  7  febvrier  i638.  —  le  monde  que  le  deffault  ne  vient  pas  de 
Tout  le  Conseil  est  du  mesme  advis. . .  on  luy.  » 


14  LETTRES 


VIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  62  \°.  — 
De  la  main  du  cardinal. 

[A  M.  BOUTHILLIER  \  ] 

[22  février  i638]. 

Vous  serés  le  très  bien  venu  quand  il  vous  plaira  venir  icy;  je  n'y 
voy  pas  vostre  visage  corne  fastidioso.  Pour  vous  tesmoigner  que  per- 
sonne ne  verra  vostre  lettre  je  vous  la  renvoyé  incontinent  après  l'a- 
voir veue.  J'approuve  tout  ce  que  vous  avés  dict  à  madame  d'Elbœuf. 
Je  vous  prie  ne  vous  relascher  point  jusques  à  ce  que  nous  nous 
soyons  veus. 


NOTA. 


Richelieu  a  écrit  les  lignes  ci-dessus  au  dos  d'une  lettre  que  lui  avait  adressée 
Bouthillier,  lettre  non  signée,  mais  écrite  de  la  main  du  surintendant,  et  datée 
de  «Paris,  le  lundy  matin,  22  febv.  i638.  »  (F°  61  du  manuscrit.) 

L'extrait  que  nous  donnons  ici  de  la  lettre  de  Bouthillier  dira  de  quoi  il  s'agit  : 

« .. .  Je  luy  tranchay  en  un  mot,  avec  toute  sorte  de  civilité,  que  toute  personne 
qui  donnoit  parole  avec  dessein  de  la  tenir  ne  faisoit  point  de  difficulté  de 
l'escrire,  et  qu'il  estoit  absolument  nécessaire  qu'elle  asseurast  à  M'  son  filz  la 
moitié  de  louts  ses  immeubles,  tant  propres  qu'acquêts,  si  elle  désiroit  l'accom- 
plissement de  l'affaire.  Je  luy  parlay  en  outre  de  la  jouissance  d'une  partie,  et 
d'asseurer  une  partie  aussi  des  meubles,  dans  lesquels,  comme  V.  E.  sçait.  est 
compris  l'argent  comptant,  ce  qu'elle  rejecta  bien  loing;  et,  comme  je  la  pressay 
sur  ce  que  j'aurois  à  respondre  à  V.  E.  elle  me  demanda  du  temps,  comme  elle 
avoit  fait  la  première  fois;  mais  elle  le  prit  bien  court,  voulant  que  je  l'attendisse 
ce  jourd'hui  chez  moy  à  deux  heures  après  midy,  quoyque  je  luy  peusse  dire 
pour  me  permettre  de  me  rendre  en  sa  maison  à  ceste  mesme  heure. 

«  Je  luy  ay  faict  valoir  la  condescendance  de  V.  E.  pour  retirer  les  lettres  qui 
la  blessent  du  greffe  du  parlement,  dont  elle  a  esté  très-contente.  Je  ne  sçaurois 
dire  le  respect  et  l'affection  avec  laquelle  elle  m'a  parlé  de  V.  É. . . . 

«  M' le  comte  d'Harcourt,  qui  avoit  grande  impatience  de  sçavoir  ce  qui  se  seroit 

'  Cette  suscription  et  la  date,  qui  man-  nées  par  la  lettre  de  Boulhillier  dont  nous 
quent  à  cette  pièce  autographe  ,  sont  don-        faisons  mention. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  15 

passé,  se  rendit  incontinent  après  disné  chez  moy;  je  luy  dis  touts  les  discours 
de  madame  sa  mère,  et  jusques  oîi,  néantmoins,  j'espérois  qu'elle  viendroit;  de 
quoy  il  fut  ravi,  et  me  dict  que  sans  le  respect  qu'elle  porte  à  V.  E.  et  l'honneur 
de  vostre  alliance,  elle  ne  le  feroit  jamais ,  qu'il  vous  seroit  redevable  de  cela  (si 
elle  le  faisoit)  comme  de  tout  ce  qu'il  possède  au  monde,  qu'il  supplioit,  très 
humblement  à  mains  jointes,  V.  E.  que  madame  sa  mère  ne  soit  point  pressée 
davantage,  et  qu'il  espéroit  bien  d'obtenir  d'elle,  par  l'obéissance  et  les  services 
qu'il  luy  rendra,  sa  part  des  meubles.  .  .  Ce  qu'l/  faut  considérer  icy  c'est  qu'à 
la  vérité  je  n'ay  jamais  veu  aucune  coustume  de  France  qui  donne  la  moitié  de 

tous  les  immeubles  de  père  ou  de  mère  à  un  cadet 

•  Je  rendrai  demain  compte  du  reste  à  V.  E.  et  ne  luy  ferai  voir  aucun  visage 
importun,  luy  protestant  que  je  n'aurai  jamais  rien  de  plus  cher  au  monde,  ni 
de  plus  forte  passion  que  de  luy  agréer,  comme  je  doibs,  en  toutes  choses.  Je 
suplie  très  humblement  V.  E.  que  mon  Blz  ne  sache  rien  de  ces  quatre  lignes.  » 


IX. 

Arch.  des  AfiF.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  76.  — 
Original,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  BOUTHILLIER, 

lUKIIITEIIDAItT  DES  FIHANCES,  À   PADIS. 

De  Ruel,  ce  4*  mars  i638. 

Je  laisse  à  voslre  option  d'aller  visiter  madame  d'Elbœuf  ou  de 
l'attendre  chez  vous.  Sa  qualité  et  son  indisposition  vous  permettent 
d'en  user  ainsy  qu'il  vous  semblera  bon;  mais  il  faut  tousjours  venir 
à  ncstre  compte,  c'est-à-dire  mettre  les  parties  en  estât  qu'ilz  puissent 
vivre  sans  misère. 

J'estime  l'alliance  de  madame  d'Elbœuf.  Je  fais  plus  de  cas  de  la 
personne  de  M.  d'Harcourt  que  je  ne  puis  vous  dire,  mais  je  désire 
avec  raison  que,  s'il  se  marie,  il  ait  de  quoy  vivre,  et  vous  sçavés 
bien  que  ce  que  je  prétends  pour  luy-mesme  ne  passe  pas  les  bornes 
de  la  médiocrité.  Vous  pouvez  asseurer  madame  d'Elbœuf  que,  sy  ma 
cousine  avoit  assez  de  quoy  soustenir  la  despense  de  M''  d'Harcourt, 
je  recevrois  de  bon  cœur  la  personne  avec  .son  espée;  mais,  n'y  ayant 


16  LETTRES 

que  Dieu  qui  puisse  faire  beaucoup  de  peu,  elle  jugera  bien,  je  m'as- 
seure,  que  je  ne  fais  rien  que  pour  le  propre  bien  de  M' son  filz. 

En  un  mot,  je  consens  par  mon  inclination  à  tout  ce  que  veut  ma 
dicte  dame,  mais  la  raison  et  la  nécessité  m'enipescbent  d'effectuer 
ce  à  quoy  je  me  sens  porté  par  mes  premiers  mouvemens. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Vous  serés  le  bien  venu  quand  il  vous  plaira. 


X. 

Arch.  des  Afl'.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  82  v".  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  du  secrétaire  de  nuil. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  ROUTHILUER, 

SORtNTENDANT  DES   FINANCES. 

[  10  mars  i638.  ] 

Je  vous  remercie  du  soin  que  vous  avés  des  affaires  contenues  en" 
ce  mémoire  \  Je  crois  qu'on  parlera  long  temps  de  la  première,  et 
que  peut  estre  elle  ne  se  fera  pas'^. 


'  C'est  un  mémoire  de  Bouthillier, 
adressé  au  cardinal,  et  daté  «de  Pa;is,  ce 
mécredy  matin,  10°  mars,  i638.  » —  Le 
cardinal  a  fait  écrire  la  réponse  au  dos,  re- 
plier et  recacheter  la  lettre,  de  sorte  qu'elle 
présente  deux  adresses  et  quatre  cachets. 

'  Cette  première  affaire  est  celle  que 
Bouthillier  négociait  avec  madame  d'El- 
beuf  ;  il  envoie  au  cardinal  copie  d'une  lettre 
de  cette  dame,  qui  temporise  et  s'excuse 
sur  une  déjluxion  de  n'avoir  pas  été  liou- 
ver  Bouthillier.  Dans  un  billet  du  22  mars 
(aux Analyses) ,  Richelieu dità  Bouthillier: 
«Je  laisse  l'affaire  de  madame  d'Elbœuf  à 
vostre  conduite.  »  —  On  en  parla  un  an , 
mais  elle  se  lit  pourtant;  la  jeune  veuve 
du  duc  de  Puylaurens ,  Marguerite  du  Cam- 
hout,  fille  cadette  du  baron   de  Pontchâ- 


teau ,  que  Kichelieu  avait  mariée  au  duc, 
en  1 636  ,  lorsqu'elle  n'avait  encore  que  dix- 
sept  ans,  épousa,  en  février  1689,  Henri 
d'Harcourt,  second  lils  du  duc  d'Elbeuf, 
qui  devint  la  lige  des  comtes  d'Armagnac. 
La  faveur  de  Richelieu,  aidant  son  mérite 
et  sa  naissance,  le  mit  sur  la  voie  des  plus 
grands  emplois  dans  l'Etat  et  des  plus  hau- 
tes dignités  de  la  cour.  Il  partagea  en  1  ôSg , 
avec  l'archevêque  de  Bordeaux,  le  com- 
mandement de  l'armée  navale  de  la  Médi- 
terranée et  il  succéda,  dans  ie  gouverne- 
ment de  la  Guyenne ,  au  duc  d'Epernon ,  en 
1642;  enfin,  l'année  suivante,  il  obtint  la 
charge  de  grand  écuyer.  I\ichelieu  avait 
pour  lui  une  véritable  affection ,  malgré  les 
fautes  politiques  de  son  frère  aîné ,  le  duc 
d'Elbeuf,  r^-:-'        '^'-^"  -'       • 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  17 

Quant  à  la  seconde  je  désire  grandement  qu'elle  se  face  prompte- 
ment,  et  vous  conjure  de  n'y  oublier  rien  de  ce  qui  deppendera  de 


XI. 

Bibl.  imp.  Suppl.  franc.  2o36,  54-  ' '■  Fol.  124.  — 
Minute  de.  la  main  de  Cherré. 

A  MADAME  DE  CHEVREUSEl 

Un  peu  avant  le  18  mars  i638. 

Ayant  sceu  que  vous  estiés  en  Angleterre,  je  prends  cette  occa- 
sion de  vous  escrire  pour  vous  dire  que,  puisque  vous  aviés  dessein 
d'y  aller,  je  suis  très  aise  que  vous  y  soyés  arrivée ,  et  vous  donner  avis 
de  ma  grossesse,  qui  est  véritable,  et  dont  je  ne  doute  point  que  vous 
n'ayés  une  extresme  joye,  pour  le  bien  et  l'avantage  que  ce  m'est. 
Je  suis  bien  faschée  qu'en  Espagne  vous  n'ayés  pas  esté  posada  en 
palacio.  Si  mes  souhaicts  avoient  eu  lieu,  vous  pouvés  croire  qu'on 
auroit  adjousté  ce  bon  traitement  aux  autres  que  vous  avés  receus. 
Je  plains  plus  que  je  ne  vous  puis  dire  la  peine  que  vous  avés  eue  en 
un  si  long  voiage,  et  n'ay  peu  m'empescher  de  rire  de  certaines  avan- 
tures  que  j'ay  sceu  qui  vous  sont  arrivées.  Vous  avés  pris  l'alarme 
trop  chaude.  Je  vous  puis  asseurer  maintenant  qu'on  n'a  point  eu 
d'intention  de  vous  (aire  mal,  mais  je  sçay  bien  que  d'abord  quand 

'  Voici  le  passage  de  la  lettre  de  Bou-  en  Angleterre,  qui  n'a  pas  esté  envoyée, 

thillier  auquel  se  rapporte  celte  phrase  du  Mars    1  638.  »  La   lettre   est  évidemment 

cardinal  :  —  «  11  a  tousjours  tenu  au  con-  dictée  par  le  cardinal.  On  se  demande  la 

seil  de  madame  de  Brissac  que  l'on  ne  se  raison  qui  l'a  empêché  de  l'envoyer.  Nous 

soit  assemblé;  il  est  vrai  que  c'a  esté  par  trouvons  dans  une  lettre  de  Richelieu  à 

l'indisposition  et  empeschement  de  Che-  Bouthillier,  datée  du  18  mars,  et  que  nous 

raillât,  l'un  de  ses  advocals.  » —  La  lettre  notons  aux  analyses,  cette   recommanda- 
autographe  de  Bouthillier  est  signée  ainsi  :  '       tion:  «Souvenés  vous  de  retirer  de  M.  Le 

-5"  ^  Gras  l'original  de  la  lettre  que  la  reyne 

On  lit  en  tète  de  celle  pièce  :  1  Copie  devoit  escrire  à  madame  de  Chevreuse , 

d'une  lettre  que  le  roy  avoit  désiré  que  la  que  je  vous  envoyay  dernièremenl  et  que 

reyne  escrivist  a  madame  de  Chevreuse,  vous  avez  donnée  au  dict  s'  Le  Gras.  » 

CAnDIN.  DE  RICllEi.iËC.  —  VI.  3   ^ 


18  LETTRES 

on  a  peur  tout  faîct  ombre.  Quand  ce  que  vous  sçavés  fut  descou- 
vert, la  première  chose  que  je  fis  fut  de  m'asseurer  du  cardinal  que 
vous  n'en  seriez  point  en  peine,  ce  qu'il  n'eut  pas,  ce  me  semble, 
beaucoup  de  peine  à  me  promettre. 

Il  faut  songer  à  réparer  ce  qui  est  faict.  L'estat  auquel  je  suis  me 
donne  les  pensées  que  doit  avoir  une  personne  qui  espère  d'estre 
bien  tost  mère  d'un  dauphin,  et  partant  je  vous  prie,  et  pour  l'amour 
de  vous,  et  pour  l'amour  de  moy,  de  ne  rien  faire  au  pays  où  vous 
estes  qui  puisse  donner  de  deçà  un  juste  mécontentement  de  vous; 
et  je  vous  avoue  qu'en  désirant  passionnément  la  paix  je  serois  au 
désespoir  si  l'Angleterre ,  pendant  le  temps  que  vous  y  serés,  ou  après 
que  vous  en  serés  sortie,  faisoit  quelque  chose  contre  la  France. 


xn. 

Arch.  des  AfF.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  92.  —  Copie. 

A  M.  DE  LOYNES'. 

Ruel,  ce  xxi*  mars  i638. 

De  Loynes  s'en  yra  en  Brouage  avec  le  plus  de  dilligence  que  il 
pourra,  et  emmènera  avec  luy  le  s'^  Chauvin,  ingénieur,  pour  aviser 
à  ce  qui  sera  à  faire  pour  la  conservation  des  places  de  mon  gouver- 
nement; mesme  dira  à  mon  oncle  le  commandeur  qu'il  mette  ledict 
Chauvin  en  l'une  des  places  de  mon  gouvernement,  où  il  le  jugeia 
plus  utile  pour  sa  conservation. 

Des  cent  milliers  de  pouldre,  qui  sont  à  la  Rochelle  et  que  le 
s'  Sabattier  y  a  envoyées,  il  en  envoyera  en  Brouage,  Olleron  et  Ré, 
ce  qu'il  advisera  avec  mon  dict  oncle  pour  la  seureté  des  places,  soit 
par  la  mer  ou  par  la  terre;  et  ce  avec  le  plus  de  seureté  que  faire 
se  pourra.  Et  pour  les  frais  de  la  conduicte  des  pouldres,  l'on  fera 

'  Cherré  a  écrit  au  dos  de  cette  pièce  :        De  Loynes  était  premier  commis  de  la 
•  Coppie  de  l'instruction  donnée  à  M'  de         marine. 
Loynes  s'en  allant  en  Brouage ,  le  22  "mars.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  19 

advancer  des  deniers  de  mon  revenu,  sauf  à  m'en  faire  rembourser 
par  le  roy. 

Verra  dans  toutes  les  places  s'il  y  a  des  vivres  et  munitions  de 
guerre  suffisamment  pour  leur  conservation;  et  d'aultant  que  j'ay 
apris  qu'il  y  a  au  fort  de  la  Prée  du  biscuit  qui  est  vieil  et  n'a  point 
esté  renouvelle  depuis  l'année  1 635 ,  qu'il  y  'a  esté  mis,  si  il  a  besoing 
d'eslre  renouvelle,  il  en  fera  faire  la  mesme  quantité  qu'il  y  a,  en 
fera  paier  la  despence  sur  les  deniers  de  mon  revenu  de  l'année  pas- 
sée, duquel  je  me  feray  rembourcer  de  pardeçà,  et  néantmoings 
cette  despense  estant  arrestée,  il  la  fera  ordonner  par  mon  oncle  le 
commandeur. 

Si  il  paroist  quelques  troupes  pour  attaquer  l'une  des  places  de 
mon  gouvernement,  il  faudra  prendre  des  habitans  les  mieux  aguerris 
pour  garder  les  dehors,  soubz  le  commandement  de  l'un  des  capi- 
taines qui  sont  dans  iesdites  places. 

Les  compagnies  du  régiment  de  la  Melleraye ,  qui  seront  mises 
dans  les  isles  d'Olleron  et  Rhez,  se  rendront  dans  les  forts  de  chas- 
cuue  des  isles  pour  y  deffendre  la  place  en  cas  d'attaque,  soubz  les 
ordres  de  celuy  qui  y  commande. 

Et  quand  Iesdites  compagnies  seront  dans  Iesdites  isles,  ils  pren- 
dront l'ordre  de  celuy  qui  commande  aux  forts  d'icelles,  pour  esviter 
à  la  confusion  qui  pourroit  arriver. 

Verra  en  quel  estât  sont  les  vaisseaux  qui  sont  en  Seuidre ,  et  par- 
ticulièrement la  Couronne,  sur  laquelle,  en  cas  qu'elle  soit  encore  à 
l'eau,  il  faudra  y  faire  mettre  du  canon,  et  faire  ce  qu'on  estimera 
pour  sa  deffence,  avec  deux  cents  hommes  que  on  prendra  dans  les 
costes  et  qui  y  entreront  en  garde  de  vingt-quatre  en  vingt-quatre 
heures,  soubz  le  commandement  des  officiers  de  Brouage  que  mon 
oncle  jugera  le  mieux  s'en  acquiter. 

Et  en  cas  que  le  dict  vaisseau  la  Couronne  soit  eschoué  à  Meude- 
loup',  on  fera  quelque  petit  fort  en  terre  tout  autour  afin  de  le 

'  Mot  douteux.  Nous  ne  trouvons  sur  les  bords  de  la  Seudre  aucun  endroit  dont  le 
nom  ressemble  à  celui-là. 


20  LETTRES 

tenir  en  seureté;  et  mesme  on  y  mettra  des  canons  dessus,  la  quan- 
tité que  les  s"  de  la  Roullerye  et  Chauvin  jugeront  pour  la  deffense; 
et  générallement  de  toute  la  despence  qui  se  fera  pour  tout  ce  que 
dessus,  de  Loynes  le  fera  advancer  par  Gombault,  de  mon  revenu, 
par  l'ordre  susdict; 

Fera  advancer  le  travail  des  cisternes  le  plus  dilligemment  qu'il 
pourra . 

Et  d'autant  qu'il  y  a  quelques  particuliers  marchans  de  la  Rochelle, 
et  autres  ouvriers  de  la  Tremblade  et  Brouage,  à  qui  il  est  deuh 
pour  mai'chandises  par  eux  fournies  au  dernier  armement  qui  s'est 
faict  à  la  Rochelle,  lorsque  M' le  comte  d'Aicourt  et  M''  de  Bourdeaux 
y  ont  esté,  les  asseurera  que  je  les  feray  paier,  tant  sur  les  deniers 
qui  proviendront  de  la  vente  des  offices  de  M' le  Comte,  que  des  de- 
niers de  la  marine  de  l'année  i636,  après  que  j'en  auray  veu  Testât. 

Faict  les  an  et  jour  dessus. 


XIU. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  foi.  94.  — 
Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

A   M.  LE  COMMANDEUR  DE  LA  PORTE'. 

De  Ruel,  ce  22  mars  j638. 

Mon  oncle,  bien  qu'il  ne  faille  pas  ajouster  foy  à  tous  les  avis,  n'en 
fallant  néantmoins  négliger  aucun,  j'envoie  Loynes  en  vos  quartiers, 
sur  ce  que  j'ay  esté  averty  que  les  ennemis  ont  dessein  de  venir  es 
isles  de  Ré  et  d'Oleron,  afin  de  resveiller  tous  les  esprits,  voir  exac- 
tement les  provisions  qu'il  y  a  dans  les  magazins,  et  les  munitions  de 
guerre,  et  donner  ordre  à  toutes  les  choses  qui  sont  nécessaires;  en 
sorte  que,  quand  bien  les  ennemis  voudroienl  exécuter  l'entreprise 
que  l'on  veut  faire  croire  qu'ils  ont  sur  les  isles,  on  leur  face  co- 
gnoistre,  par  effect,  qu'il  n'y  a  que  des  coups  à  gaigner. 

Il  faut  faire  une  revue  de  tous  les  gens  de  guerre  qui  sont  dans  les 
'  Cherré  a  noté  au  dos  de  celte  pièce  sans  suscriplion  le  nom  et  la  date. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  n 

isles,  les  distribuer  par  compagnies  et  par  régimens  de  5  compa- 
gnies, et  prévoir,  en  cas  d'allarme,  ce  que  chacun  devra  faire,  et  qui 
commandera  le  tout. 

Je  vous  prie ,  s'il  arrive  quelque  chose  en  Ré ,  de  faire  jetter  dans  le 
fort  le  sieur  de  la  Roulerie  et  Chauvin,  que  je  renvoie  expressément. 

Je  vous  avoue  que  je  n'appréhende  rien  pour  les  isles,  ne  croiant 
pas  que  les  ennemis  soient  assez  fous  pour  y  penser;  mais  je  crains 
bien  qu'ils  fissent  dessein  d'aller  brusler  la  Couronne,  qui  est  dans  la 
Seudre.  Le  vray  remède  à  cela  est  d'y  faire  passer  5  ou  6  compagnies 
de  la  Melleraie,  qui  y  vivront  aussy  bien  avec  leur  subsistance  qu'ail- 
leurs, et  y  faire  faire  2  bonnes  bateries  en  terre  à  costé  de  canons 
de  fer.  Je  remets  le  tout  à  vostre  jugement ,  et  vous  prie  de  mettre  si 
bon  ordre  à  tout  vostre  petit  gouvernement  qu'il  n'y  puisse  arriver 
d'inconvénient.  Cependant  je  vous  avoue  que  je  répète  encore  une 
fois  que  je  ne  sçaurois  croire  que  les  Espagnols  soient  si  inconsidérés 
que  de  vouloir  aller  en  un  lieu  bien  fortifié  et  bien  gardé. 

Tout  se  porte  bien,  grâces  à  Dieu,  de  deçà.  Le  porteur  vous  dira 
la  grande  victoire  que  le  duc  de  Weimar  a  obtenue  sur  les  ennemis  '  ; 
et  moy  je  vous  asseureray  que  je  suis .  .  . 


XIV. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Suède,  i63(J  à  1 643,  t.  5,  fol.  U-  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

On  trouve,  au  fol.  5i,  une  mise  au  nel  de  la  main  d'un  secrétaire  de  Chavigni. 

RESPONSE 

AUX  PROPOSITIONS'  FAITES  PAR  M.  GROSSIUS'. 

[ .  .  .Mars  i638  ?  j 
SUR  LE    I  *'  ET    2*   .\RTICLE. 

Les  trefves  d'ordinaire  se  font  à  condition  que  chacune  des  parties 

A   LaufTenbourg;    voy.   ci-dessus   la         se  trouvent  au  folio  49  de  ce  manuscrit. 

lettre  du  1 5  février,  p.  1  2.  '  Ce  savant  publiciste  lioliandais,  ayant 

Ces  propositions ,  rédigées  en  latin ,         été  enfermé  dans  la  forteresse  de  Loeves- 


22 


LETTRES 


intéressées  demeurera  en  la  possession  de  ce  qu'elle  tient  au  jour  de 
la  signature  de  la  trefve  ,  mais,  s'il  arrive  que  l'on  y  demande  quelque 
restitution  de  places,  il  semble  que  ce  doivent  estre  ceux  qui  les  ont 
perdues,  et  à  qui  elles  appartenoient  ajuste  tiltre,  ce  qui  n'arrive  pas 
en  ce  cas,  parce  que,  les  Suédois  retenant  la  Poméranie,  ils  l'ont 
jjrise  sur  l'Empereur,  et  le  tiltre  qu'ils  prétendent  avoir  sur  cette  pro- 
vince, est  plustost  apparent  qu'effectif;  de  sorte  que  si  l'Empereur  a 
repris  quelque  place  de  celles  qui  luy  avoient  esté  ostées,  on  ne  luy 
en  peut  pas  demander  la  restitution  avec  raison.  Ce  que  dessus  peut 
servir  pour  le  premier  et  le  second  article,  auxquelz  on  peut  res- 
pondre  que  le  roy  souhaiteroit  que  les  places  y  mentionnées  fussent 
entre  les  mains  de  la  couronne  de  Suède,  mais  que,  n'y  ayant  pas 
apparence  que  l'Empereur  veuille  rendre  celles  qu'il  aura  reprises., 
et  qui  esloient  auparavant  soubz  sa  jurisdiction,  Sa  Majesté  estime 
qu'on  ne  doit  demander  que  la  possession  des  choses  qu'on  aura  entre 
les  mains  jusques  à  ce  que  la  paix  se  face,  dans  laquelle  on  décidera 
tous  les  intérests.  Sa  Majesté  protestant  de  vouloir  porter  ceux  de  la 
couronne  de  Suède  à  l'esgal  des  siens  propres. 


tein  pour  ses  opinions  religieuses,  se  sauva 
de  prison  en  1621,  et  se  réfugia  en  France, 
où  le  roi  lui  donna  une  pension,  et  où  il 
publia  son  livre  De  Jure  belli  ac  pacis,  en 
1625,  presque  au  momenl  où  I\icliclieu 
prenait  le  gouvernement  des  affaires  du 
royaume.  Ses  premières  relations  avec  le 
ministre  le  firent  peu  goûter  du  cardinal , 
et  il  quitta  la  France.  11  y  revint  en  i635 
avec  le  litre  d'ambassadeur  de  Suède. 
L'intention  de  Richelieu  était  sans  doute 
de  mettre  bientôt  un  terme  à  cette  mission , 
qui  lui  était  désagréable,  car  nous  lisons 
dans  un  mémoire  envoyé,  le  3o  janvier 
1635,  par  le  roi  à  Feuquières,  alors  am- 
bassadeur extraordinaire  en  Allemagne  : 
«  L'on  ne  traitera  point  ici  avec  le  s'  Gro- 
tius ,  et  il  sera  promptement  renvoyé  après 


sa  première  audience.  »  (Lett.  et  négociât, 
du  marquis  de  Feuquières,  t.  II,  p.  A/13, 
éd.  de  1753.)  Ce  mémoire,  contre-signe 
lioulhiliier,  exprime  certainement  la  vo- 
lonté de  Richelieu.  Cependant  Grotius, 
qui  avait  reçu  ses  instructions  d'Oxens- 
tiern  en  janvier,  arriva  à  Paris  le  mois 
suivant;  il  eut  son  audience  du  roi  le 
19  mars,  et  depuis  il  continua  de  repré- 
senter Christine  à  Paris.  Richtiieu  fit  cé- 
der son  antipathie  à  la  nécessité  de  rester 
en  bonne  intelligence  avec  la  Suède;  mais 
il  vécut  assez  mal  avec  Grotius,  lequel  ne 
s'entendit  pas  mieux  avec  Mazarin,  et  il 
quitia  enfin  la  France  en  i6/i5.  Il  mourut 
])eu  de  mois  après.  Quels  que  fussent  les 
talents  de  Grotius,  il  n'avait  point  celte 
habileté  diplomatique  nécessaire  pour  né- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  23 

3*  ART.  Le  roy  joindra  très  volontiers  ses  offices  avec  ceux  de  la 
couronne  de  Suède  pour  faire  que  madame  la  Landgrave  et  ses  en- 
fans  puissent  conserver  les  choses  mentionnées  en  cet  article,  Sa 
Majesté  conservant  encore  la  mémoire  des  services  que  feu  M''  le 
Landgrave  a  rendus  à  la  cause  commune,  et  considérant  avec  com- 
bien de  fermeté  et  de  courage  Mad*  la  Lanèigrave  persiste  à  se  tenir 
estroitement  unie  avec  la  France  et  la  Suède. 

4*  ART.  Les  services  que  M"^  le  duc  de  Weymar  rend  tous  les  jours 
à  la  France,  et  à  la  cause  commune,  sont  assez  considérables  pour 
obliger  les  deux  couronnes  à  embrasser  ses  intérests  avec  toute  sorte 
d'affection,  ce  à  quoy  le  roy  s'emploiera  de  son  costé  de  tout  son 
pouvoir,  comme  il  croit  que  la  reyne  de  Suède  fera  du  sien. 

5*  ART.  Le  roy  estime  que  la  principale  condition  de  la  trefve  doibt 
eslre  de  traitter  la  paix  incessamment,  à  laquelle  S.  M.  apportera  de  sa 
part  toutes  les  facilitez  qui  luy  seront  possibles,  et  proteste  de  ne  la 
vouloir  conclure  que  conjoinctement  avec  la  couronne  de  Suède  et 
tous  ses  alliés. 

6*  ART.  Il  semble  que  cet  article  doibve  estre  entendu  plus  tost  en 
cas  de  paix  que  de  trefve.  Et  ainsy  S.  M.  s'emploiera  très  volontiers  à 
ce  que  les  Estais  protestans  de  l'Allemagne  donnent  satisfaction  aux 
armes  de  Suède. 

7*  ET  8''  ART.  La  longue  trefve  se  faisant,  la  couronne  de  Suède  sera 
soulagée  de  la  plus  grande  partie  de  la  despense  de  la  guerre,  et  tant 
s'en  fault  qu'elle  doibve  prétendre  deux  cent  mil  richedales  par  dessus 
les  quatre  cent  mil  que  le  roy  luy  a  accordées  par  le  traitté  de  Wis- 
mar  ',  que  Sa  Majesté  estimeroit  estre  très  bien  fondée  à  demander 
d'estre  deschargée  de  fournir  aucunes  sommes  d'argent.  Néanlmoins, 
pour  tesmoigner  sa  bonne  volonté  et  la  facilité  qu'elle  veut  aporter  à 
establir  le  repos  de  la  chrestienté,  elle  demeure  d'accord  de  payer  à 
la  couronne  de  Suède,  pendant  le  temps  de  la  trefve,  la  somme  de. . . 

9*  ART.   Le  roy  fera  tout  ce  qui  luy  sera  possible  dans  le  traitté 

gocier  avec  Kichelieu,  et  son  ambassade  '   ao  mars   i636.  {Corps  diplomatique , 

fut  peu  utile  à  la  Suède.  in-  fol.  t.  VI,  partie  i",  p.  ia3  ) 


24  LETTRES 

de  paix  affin  que  la  Poméranie  demeure  à  perpétuité  à  la  couronne  de 
Suède  '.  Comme  aussy  la  couronne  de  Suède  doit  faire  pareillement 
tout  son  possible  à  ce  que  la  France  puisse  retenir  tousjours  la  Lor- 
raine et  ce  qu  elle  tient  en  Alsace. 

10®  ART.  Le  roy  joindra  volontiers  ses  offices  avec  ceux  de  la  cou- 
ronne de  Suède  pour  obtenir  l'elFect  de  cet  article. 

11*=  ART.  Il  faut  considérer  si  on  demandera  la  liberté  de  tous  les 
prisonniers,  à  cause  de  ceux  que  tient  M'  le  duc  de  Weymar,  mais, 
en  tout  cas,  Sa  Majesté  s'emploiera  volontiers  pour  celle  du  mares- 
chal  Horn,  qu'elle  estime  et  affectionne  extresniement. 


XV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  i56. 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 


r  Vers  ie  20  avril  1 638  '.  1 


Plaise  au  roy  donner  au  s'  de  Gamelin  une  commission  qui  s'estende  par  les 
ports  et  havres  de  France,  pour  faire  saisir  les  deniers  et  biens  appartenans  aux 


'  Les  trois  dernières  lignes  de  ce  para- 
graphe ne  sont  point  dans  la  minute;  elles 
ont  été  ajoutées ,  de  la  main  de  Cherré ,  sur 
la  mise  au  net. 

^  L'envoi  que  fait  Richelieu  au  conseil- 
ler d'état  François  Foucquet  du  placet  de 
Gamelin  n'a  point  de  date,  mais  la  ré- 
ponse de  Foucquet,  étant  du  23  avril,  fait 
supposer  que  l^ichelieu  lui  avait  écrit  vers 
le  20.  Cette  réponse  se  trouve  au  folio  1 32 
du  manuscrit  précité . ..«  Gamelin  a  esté  cy 
devant  fermier  des  droits  de  l'admirauté, 
il  y  a  eu  grande  paine  à  le  faire  payer,  et 
après  quelques  procez  par  luy  intentez 
contre  V.  Em.  esquels  il  a  esté  condamné, 
on  a  esté  contrainct  de  transiger  avec  luy 
pour  moins  perdre.  Il  a  néantmoins  esté 
mis  une  ou  deux  fois  prisonnier  à  faute  de 


payer  ce  qu'il  avoil  promis,  et  à  quoy  il 
estoit  obligé ,  et  l'a  fallu  eslargir  quoy  qu'il 
n'ayt  tout  payé.  Depuis  deux  mois  ou  en- 
viron il  a  eu  de  V.  Em.  une  commission 
pour  rechercher  les  droits  d'admirauté 
desquels  il  dict  n'avoir  esté  tenu  compte 
par  ceulx  qui  estoient  commis  à  la  recepte 
avant  sa  ferme,  quoyque  luy-mesme  fust 
obligé  par  son  bail  d'en  faire  la  recepte  et 
d'en  tenir  compte.  »  —  Foucquet  expose 
ensuite  les  trois  afiaires  dont  il  est  ques- 
tion dans  la  proposition  de  Gamelin,  et  il 
ajoute  :  «  .  .  .Mais  de  donner  à  Gamelin 
les  commissions  qu'il  demande,  j'estime 
que  ce  seroit  lui  donner  un  moyen  de 
vexer  grande  quantité  de  personnes,  de 
tirer  de  l'argent  des  coupables  et  des  in- 
nocens,  et  que  si  S.  M.  vouloit  faire  faire 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  25 

Espagnols,  et  pour  la  sortie  de  l'or  et  argent  de  ce  royaume;  comme  pour  les 
concussions  que  commettent  les  juges  royaux  de  l'admirauté;  et  plaira  à  Sa  Ma- 
jesté d'accorder  au  s'  Gamelin  le  tiers  des  sommes  qu'il  fera  revenir,  comme  aux 
simples  dénonciateurs. 


Proposition  faicte  au  roy  par  Gamelin.  M'Foucquet  la  verra,  s'il  luy 
plaist,  et  mandera  quel  homme  c'est  que  ce  Gamelin  qu'il  cognoist^. 

On  croit  qu'il  y  a  de  l'aflronterie  en  son  faict,  car,  au  lieu  de  s'a- 
dresser au  conseil  de  la  marine  ou  au  conseil  du  roy,  il  s'adresse  à 
la  propre  personne  du  roy,  pour  tascher  à  surprendre  Sa  Majesté,  à 
mon  avis. 


XVI. 

Arch.  des  Afif.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet ,  fol.  i34  v°. 
Minute  de  la  main  du  secrétaire  de  nuil. 


A  M.  LE  PRINCE'. 

■li'  avril  i638. 

Monsieur,  Le  désir  que  j'ay  que  vous  servies  avec  succez  au  lieu 
où  vous  allés  me  faict  prendre  la  plume  pour  vous  dire  que  toutes 
les  nouvelles  que  nous  avons  de  ces  costez  là  nous  donnent  lieu  de  croire 
que  vos  desseins  y  pourront  réussir  heureusement.  Ensuilte  j'estime 
vous  debvoir  représenter  que  rien  ne  vous  en  peut  davantage  favo- 
riser une  bonne  issue,  que  le  secret  avec  lequel  vous  conduirés  ce 
que  vous  voudrés  faire. 

Pour  cet  effect,  j'estime  du  tout  nécessaire  que  vous  faciès  croire 

les  dictes  recherches,  il  faudroit  choisir  '   Au  dos  de  celte  minute,  que  le  secré- 

des  personnes   desquelles  la  probité  fusl  taire  de  nuil  avait  laissée  sans  aucune  in- 

cogneue  el  qui  ne  fussent  point  dans  la  dicalion,  Cherré  a  mis  le  nom  et  la  date-, 

misère  où  est  ledit  Gamelin A  Pari»,  mais,  le  chiffre  ayont  élé  mal  lu  ,  une  uiain 

ce  23  avril  i638.  »  Ce  document  ne  man-  étrangère  a  écrit  en  lêle  «  a^  avril,  »  »t  In 

que  pas  d'intérêt  en  ce  qui  touche  les  pro-  pièce  se  trouve  classée  fautivement  à  celte 

cédés  de  l'adminislralioM  du  temps.  dernière  date. 

CARDIN.  DE  RICHELIED.  — VI.  4 


26  LETTRES 

à  tout  le  monde  que  vous  voulés  aller  ou  du  costc  de  Perpignan,  ou 
droit  à  Pampelune,  ce  qui  sera  plus  croyable. 

Le  déguisement  des  resolutions  que  vous  prendrés  est  si  impor- 
tant qu'il  n'y  a  rien  que  vous  ne  debviés  faire  pour  surprendre  les 
ennemis.  M'  de  Grammont,  M'  de  La  Valette  et  quelques  autres  se 
portent  plus  à  l'attaque  de  Pampelune  qu'à  celle  d'un  autre  costé 
plus  proche  de  nostre  frontière.  Pour  moy  je  ne  suis  pas  de  leur 
advis,  estimant  que  les  vivres  sont  bien  difficiles  à  asseurer  jusques 
à  Pampelune. 

Cependant  je  croy  que  vous  ne  sçauriés  mieux  faire  que  faire 
semblant  d'entendre  à  cette  entreprise,  et  pour  cet  effect  faire  faire 
des  préparatifs  de  ce  costé  là.  J'ay  à  ces  fins  escrit  à  M""  de  Grammont, 
qui  estimoit  cet  hiver  qu'il  n'estoit  pas  impossible  de  surprendre  le 
Bourguet,  qui  est  sur  le  chemin  de  Pampelune,  que  je  le  conjure  de 
faire  faire  maintenant  cette  entreprise;  et,  en  effect,  soit  qu'elle  réus- 
sisse ou  qu'elle  ne  réussisse  pas,  il  est  très  important  de  la  tenter, 
et,  si  on  pouvoil  prendre  ce  petit  fort,  les  ennemis  croiroient  indu- 
bitablement qu'on  voudroit  aller  de  ce  costé  là,  ce  qui  feroit  une 
bonne  diversion  et  laciliteroit  les  desseins  que  vous  pourrés  prendre 
d'un  autre  costé. 

Quand  l'amiral  de  Bonnivet  assiégea  Fontarabie  il  n'oublia  aucune 
ruse  de  guerre  possible  pour  tascher  d'y  surprendre  les  ennemis  et 
cependant,  quoyqu'il  ne  peust  sy  bien  faire  qu'il  ne  trouvast  bon 
nombre  d'Espagnols  qu'il  luy  fallut  combattre  au  passage  de  la  ri- 
vière, il  ne  laissa  pas  de  prendre  cette  place.  Il  deppend  de  vous. 
Monsieur,  de  faire  telle  attaque  que  vous  estimerés  plus  à  propos, 
et  je  m'asseure  que  vous  sçaurés  prendre  de  si  bons  desseins  que 
vous  en  aurés  bonne  issue.  Vous  sçaurés  bien  animer,  je  m'asseure, 
tout  le  pays  à  bien  servir  en  cette  occasion;  vostre  authorité  et  acti- 
vité seront  deux  pièces  qui  ne  serviront  pas  peu  en  telle  rencontre. 
Pour  moy,  Monsieur,  j'y  contribueray  tout  ce  qui  deppendra  de 
moy,  etc. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


27 


XVII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Suède,  i638  à  16/43,  t.  5,  fol.  62. 
Mise  au  net  de  la  main  de  6i»*«"ré. 


A  CHAVIGNY. 

[28  avril  i638'.] 

Monsieur  de  Chavigny  doit  voir  M''  l'ambassadeur  de  Suède  pour 
sçavoir  ce  que  c'est  que  le  pouvoir  qu'on  luy  envoie  de  traitter  de  la 
trefvc  '. 

Il  luy  fera  cognoistre  que  les  propositions  touchées  sur  ce  sujet  par 
le  s"'  Malees  sont  non  recevabies.  et  luy  dira  qu'on  n'a  jamais  en  ce 
cas  parlé  que  de  trois  cens  mille  francs,  ce  dont  mesme  on  n'a  pas 
parié  au  roy. 

II  pénétrera,  sans  se  déclarer,  si  ledit  s'  ambassadeur  a  pouvoir 
d'entrer  icy  en  un  traitté  de  trefve  au  cas  que  l'occasion  s'en  présen- 
tast,  et  de  plus  si,  moyennant  quelque  contribution  aux  garnisons  et 
la  réserve  de  ce  qu'on  possède,  ilz  entendent  qu'on  consente  à  la 
trefve,  si  l'occasion  s'en  présente-. 


'  Celte  mise  au  net  e^t  sans  date,  mais 
on  trouve  dans  le  même  ms.  au  folio  igi, 
la  réponse  de  Cliavigni;  elle  est  datée  de 
Paris,  le  ag  avril,  et  comme  Richelieu 
était  alors  à  l'abbaye  de  Royaumont,  on 
peut  supposer  que  la  présente  lettre  était 
écrite  le  28.  Clinvigni  disait  dans  sa  ré- 
ponse :  «  Je  vis  hier  M'  Grossius,  à  qui  je 
parlai  conformément  à  ce  que  V.  Ém.  m'a- 
voit  commandé  sur  le  sujet  de  l'argent. . 
Ledit  s'  Grossius  m'a  dit  nettement  que 
son  pouvoir  estoit  général  et  très  ample, 
non  seulement  pour  ajuster  avec  les  mi- 
nistres du  roy  les  dilTicullés  qui  se  pour- 
roient  rencontrer  sur  la  trefve,  mais 
mesme  pour  la  conclure  ici,  en  cas  qu'on 
la  traittasl  avec  ceux  des  roys  d'Esp'agne 


et  d'Hongrie.  »  Cette  lettre  est  classée  par 
erreur,  dans  le  manuscrit ,  en  i64i. 

'  Ce  fut  dans  cette  conférence  que  Gro- 
lius  donna  à  Chavigni  ses  propositions;  elles 
sont,  rédigées  en  latin  (langue  diploma- 
tique des  Suédois) ,  au  folio  49  de  notre  ma- 
nuscrit, et,  au  folio  5i ,  se  trouve  le  projet 
de  réponse  dressé  parChavigni.  Ces  deux 
pièces,  en  copie,  ne  sont  point  datées, 
mais  nous  pouvons  leur  donner  une  date 
approximative,  très-voisine  de  la  véritable. 
La  lettre  de  Chavigni,  citée  dans  la  note 
précédente,  nous  apprend  qu'il  avait  vu 
Grolius  le  a8  avril;  il  dut  rendre  compte 
de  cette  visite  à  Richelieu  presque  immé- 
diatement, et  il  n'est  pas  douteux  qu'il  ne 
soit  convenu  avec  le  cardinal  delà  réponse 

à. 


28         '  LETTRES 

Il  faut  tascher  de  tirer  un  consentement  de  cela  sans  tirer  une 
exclusion. 


XVIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Suède,  i638  à  i643,  t.  5,  fol.  61. 
Original,  .sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHA VIGNY, 

SECRÉTAIRE  D'ESTAT  À  PARIS. 

De  Boyaumont,  ce  29'  avril  1 638. 

Il  faut  accommoder  les  affaires  à  la  santé  des  hommes,  et  la  santé 
des  hommes  aux  affaires.  Cela  veut  dire  que  voslre  rhume  requérant 
quelque  repos,  et  l'affaire  de  Suède  quelque  esclaircissement,  inci- 
sant [sic)  l'humeur  du  premier,  vous  taschiés  de  venir  à  la  décision 
de  l'autre. 

C'est  donc  à  vous,  pendant  que  vous  vous  droguerés',  d'ajuster  sy 
bien  vos  heures  avec  M"'  l'ambassadeur  de  Suède,  que  vous  voyiés 
jusques  au  fond  ce  qui  se  peut  faire  en  la  commission  qu'il  vous  a  dict 
avoir. 

Cette  affaire  est  importante  pour  plusieurs  raisons  que  vous  pou- 
vés  juger  momentanées  [sic). 

S'il  n'est  question  que  de  trois  ou  quatre  cens  mil  livres  pro  pre- 
sidiis,  je  croy  que  le  roy  les  accordera. 

Il  ne  faut  rien  signer  que  vous  ne  nous  ayiés  envoie  premièrement 
les  projets  prétendus.  Interea  valetudinein  cura. 


à  l'aire  à  l'ambassadeurdeSuède.  Nous  trou-  que  les  réponses  de  Chavigni  ont  élé  écrites 

vonsd'ailleurs.danslemanuscrit  (fol.  64),  l'un  des  premiers  jours  de  mai,  et  les  ar- 

un  mémoire  du  père  Joseph ,  en  tête  duquel  licles'de  Grotius  le  3o  avril  ou  le  1"  mai. 

Cherré  a  écrit  :  «Compiègne,  le  6  may  Ces  trois  pièces  sont  d'un  intérêt  réel  par 

i638.  »  Or,  dans  ce  mémoire,  le  révérend  rapport  aux  négociations  avec  la  Suède, 
père  examine,  article  par  article,  la  réponse  '  Chavigni,  dans  sa  lettre  du  29  avril 

de  Chavigni,  et  en  donne  son  avis  à  Riche-  à  Richelieu,  disait  qu'il  se  ferait  saigner 

lieu.  Il  résulte  de  ces  diverses  circonstances  ce  jour  même. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


29. 


XIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  i46.  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  CHAVIGNI'.] 

De  Royaumont,  ce  3o*  avril  i638. 

Je  vous  manday  hier  que  vous  ne  vinsiés  pas  sans  premièrement 
voir  avec  M"^  Grossius  ^  ce  qu'on  pouvoit  faire  avec  luy  sur  le  sujet  de 
iatrefve,  si  l'occasion  s'en  présente. 

Maintenant  je  vous  refais  de  nouveau, celte  dépesche,  pour  vous 
dire  que  nous  avons  veu  icy  M'  Gontraud,  ambassadeur  de  madame 
la  Landgrave  ^.  Je  luy  ay  dict  qu'au  lieu  de  suivre  le  roy,  comme  il 


'  Le  secrétaire  n'a  pas  mis  de  suscrip- 
tion,  et  Richelieu  n'a  pas  signé  cette  note; 
mais  on  lit  au  dos ,  de  la  main  de  Cbavi- 
gni ,  «  Monseig*  le  cardinal.  • 

*  Nous  avons  ditque  Richelieu  n'aimait 
pas  Grotius ,  qui,  de  son  côté ,  se  défiait  du 
cardinal;  les  négociations  avec  lui  étaient 
dilHciles,  et  l'on  y  allait  avec  précaution; 
nos  iDss.  nous  en  fourni>sent  plus  d'une 
preuve.  Chavigni,  répondant  à  cette  note, 
disait  :  •  Je  ne  manqueray  pas  de  voir 
M' l'ambassadeur  de  Suéde;  et  je  le  feray 
expliquer  dans  le  fond  des  nfiaires,  sans 
rieu  conclure  avec  luy,  pour  en  faire  le 
rapport  à  V.  Ein.  »  Dans  cette  réponse, 
datée  du  même  jour,  »  dernier  avril ,  » 
Chavigni  ajoutait  :  •  Nous  aurons  lundy 
ou  mardy  la  lettre  de  change  de  Sococo** 
pour  le  premier  payement  de  Suède. 
S.  Em.  se  peut  mettre  l'esprit  en  repos,  d 
M»,  cité  aux  sources ,  P  i  A9  ;  aux  folios  1 7/I 

•  On  donnait  à  M.  de  Tercy  la  qualité  de  «profes- 
seur du  roi  es  histoires  et  mathématiques;»  it  fat 
attaché  sous  Itichclieu  et  sous  Mazarin  a  plusieurs 


et  19a  se  trouvent  d'autres  mémoires  où 
Chavigni  rend  compte  au  cardinal  de  la 
négociation  avec  Grotius. 

'  Nous  avons  à  la  Bibl.  imp.  (suppl.  fr. 
1 57  a  )  une  lettre  signée  Colbert  et  adressée 
le  a  7  mars  •  à  M' de  Tercy  ',  estant  pour  le 
service  du  roy  auprès  de  Mg'd'Avaux,  am- 
bassadeur extraordinaire  de  S.  M.  à  Ham- 
bourg. »  Colbert  lui  annonce  sa  récente  ar- 
rivée à  Amsterdam  :  t  J'ay  veu ,  dit-il ,  M' de 
la  Boderie  et  mad.  la  Lanlgrave,  qui  est 
tousjours  bien  intentionnée;  elle  envoie 
M' Gontrot  et  son  secrétaire  en  France  pour 
y  terminer  ses  affaires  avec  M"  les  ministres, 
ce  qui  est  un  bon  signe  et  tesmoignage  de  sa 
dévotion  au  bon  party.  Le  traitté  de  Mar- 
purg  s'est  faict  sans  son  aulhorité  et  consen- 
tement, et  elle  ne  le  ratifiera  point;  la  trefve 
qu'elle  a  faicte  a  esté  pour  pourvoir  à  ses 
affaires  et  se  donner  le  loisir  de  conduire 
toutes  choses  à  une  bonne  tin.  La  nouvelle 

légations  de  France  en  Allemagne.  Le  manuscrit  1 672 
contient  plusieurs  lettres  à  lui  adressées.  On  le  nom- 
mait aussi  Stella. 


30  LETTRES 

voiiloit,  on  vous  envoieroit  pouvoir  de  traitter  avec  luy.  Pour  cet 
efTect,  je  vous  envoie  la  coppie  des  articles  qu'il  m'a  donnez  avec  la 
response  qu'on  y  peut  faire,  afin  que,  conformément  à  icelle,  vous 
traitliés  avec  luy  au  plus  tost.  Vous  verres  le  pouvoir  qu'il  en  a,  et, 
après  que  vous  aurés  arresté  les  articles  dudict  traitté,  on  vous  en 
envolera  un  pour  insérer  dans  le  traitté  comme  le  sien. 

Il  est  encores  besoin,  avant  que  de  venir,  que  M'  de  Bullion  donne 
la  lettre  de  change  de  la  somme  de  cinq  cens  mil  livres  qu'il  faut  en- 
voyer à  M.  d'Avaux,  à  Hambourg,  avec  la  ratiffication  du  traitté  qu'il 
a  faict  avec  les  Sxiédois. 

Ainsy  vous  avés  quatre  choses  à  faire  devant  que  de  venir  :  vous 
guérir,  faire  l'affaire  avec  M""  Grpssius,  celle  de  M'  Gontraud  et  la 
lettre  de  change  des  Suédois. 

Nous  verrons  vostre  diligence.  Si  vous  recevés  des  nouvelles  con- 
sidérables, vous  ne  manquerés  pas,  s'il  vous  plaist,  de  me  les  mander. 


XX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  157.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGiVY. 

De  Royaumont ,  ce  i"may  i638. 

Je  vous  envoie  l'instruction  de  ce  que  M'  le  comte  de  Harcourt 
aura  à  faire  avec  l'armée  navale  du  Levant,  comme  aussy  le  projet  du 


de  la  victoire  du  duc  Bernard  l'a  infiniment 
resjouie,  comme  aussy  le  traitté  d'Ham- 
bourg, dont  je  luy  ay  représenté  tous  les 
avantages  au  mieux  que  j'ay  peu.  »  (Ce 
Colbert  est-i!  le  père  de  Jean-Baplistei*) 
Malgré  ce  qu'annonce  ici  Colbert  et  les 
bonnes  dispositions  de  la  Landgrave,  cette 
princesse  était  encore,  trois  mois  après, 
dans  une  irrésolution  qu'explique  la  diffi- 


culié  de  ses  affaires.  M.  d'Avaux  écrivait  de 
Hambourg  à  notre  ambassadeur  en  Angle- 
terre, M.  de  Bellièvre, le  3o juillet:  iMad. 
la  landgrave  de  Hesse  n'a  pu  encore  se 
résoudre  depuis  le  retour  de  ses  députés , 
quoyqu'ils  luy  ayent  apporté  toute  satisfac- 
tion delà  cour  ;  elle  ne  s'est  pas  aussy  encore 
engagée  avec  les  Impériaux. . .  »{Bibl.  imp. 
Saint-Germ.-Harlai  364^',  f"  109.  Orig.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  31 

traitté  qu'il  faut  faire  avec  ceux  d'Arger,  el  la  coppie  de  celuy  faict  par 
feu  Sanson'  pour  les  adjuster.  M"'  de  Bordeaux,  qui  s'en  retourne  à 
Paris,  vous  esclaircira  celte  affaire,  si  vous  en  avés  besoin. 

Il  faut  expédier  un  pouvoir  à  mon  d.  s"^  le  comte  de  Harcourl  et  lui 
donner  avec  son  instruction  en  forme  et  les  projets  des  dicts  traittés. 

Dans  son  pouvoir  il  y  faut  comprendre  les  gallères  et  les  vaisseaux 
ronds  qui  sont  dans  la  mer  Méditerranée. 

Vous  envoyerés  quérir  le  trésorier  de  la  marine,  pour  sçavoir  de 
luy,  en  présence  de  M'  de  Bordeaux,  si  le  fonds  de  la  despense  et  sub- 
sistance de  l'armée  navale  du  Levant  n'est  pas  entre  ses  mains  pour 
toute  l'année,  et  en  retirerés  une  asseurance  de  luy,  par  escrit,  que 
vous  ferés  voir  à  M'  d'Harcourt  et  l'envoyercs  au  s'  Le  Queux  ^,  en 
Provence. 

J'escris  à  M'  le  comte  de  Harcourt  sur  le  sujet  de  son  voiage;  vous 
luy  rendrés  ma  lettre,  luy  mettrés  entre  les  mains  l'ordonnance  cy- 
jointé  pour  toucher  ses  appointemens  et  le  ferés  partir  en  diligence, 
afin  de  ne  perdre  pas  la  belle  saison  de  naviguer. 

Il  faudra  aussy  un  pouvoir  à  M'  de  Bordeaux  pour  commander 
l'armée  navale  qui  sera  dans  la  mer  Océane,  avec  une  instruction  de 
ce  qu'il  aura  à  faire  ',  laquelle  je  vous  envoyé. 

Vous  me  rapporterés  des  coppies  de  toutes  les  instructions  que  je 
vous  envoyé  el  des  Iraictés  faicts  et  à  faire  à  Arger. 

Il  y  a  si  longtemps  que  je  demande  à  monseigneur'*  de  La  Barde 

Voy.  t.  IV,  p.  ao6.  *  Kiclielieii,  qui  a  mis  la  suscription  à 

'  Celait  un  employé  supérieur  de  la  celte  lelire,  prend  ici  la  plume,  el  le  reste 

marine,  que  nous  avous  vu  chargé  de  di-  de  la  missive  esl  de  sa  main ,  saufles  mois  , 

verses  missions.  Lecardinal  lui  écrivait,  le  t  il  y  a  si  longtemps  que  je  demande  à,  » 

3o  avril  de  celle  même  année,  que  deux  lesquels  sont  de  la  main  de  Cherré. 

galères  de  Gênes  devaient  bientôt  revenir  '  Jean  de  La  Barde  éUiit  neveu  de  Bou- 

d'Espagne  avec  800  caisses  de  réaux,  et  thillier  le  surintendant,  el  occupait  au- 

qu'il  eût  soin  d'en  donner  avis  dans  tous'  près  de  lui  la  place  de  premier  commis 

les  ports,  et  de  prévenir  ses  lieutenants  des    affaires    étrangères,    qu'il    conserva 

en  l'amiranlé  de  Provence,  afin  qu'on  se  lorsque  Léon  Boulliillier  succéda  à  son 

tienne  prêt  pour  les  saisir  au  passage.  père.  Il  fut  envoyé  plus  tard  au  congrès 

(Ci-après,  aux  analyses.)  d'Osnabruck,  et  remplit  ensuite  d'autres 


32 


LETTRES 


les  coppies  de  ce  qui  s'est  faict  en  1687  pour  l'histoire,  que  j'en  ay 
honte  pour  luy  et  ses  commis;  s'il  luy  plaist  me  les  envoyer  il  me  fera 
plaisir. 

Vous  m'avés  aussy  promis  un  livre  contenant  tous  les  traictés  passés 
depuis  vostre  charge  ;  je  vous  prie  vous  en  souvenir. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


XXI. 

Arch.  des  Ail.  étr.  France,  iGSy',  de  janvier  en  mai,  fol.  639. 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 


A  M.  LE  GRASl 

Du  3  may  16.Î8. 

Monsieur,  Je  vous  fais  ces  trois  lignes  pour  vous  prier  de  dire  à 
la  reine  que,  suivant  le  commandement  qu'elle  m'avoit  faict  de  parler 


fonctions  diplomatiques.  C'était  un  homme 
lettré,  qui  a  écrit  en  latin  une  histoire  de 
son  temps,  dont  une  partie  seulement  (dix 
années)  a  été  publiée  en  1671,  in-4°,  sous 
le  titre  de  /.  Labardaei. . .  de  Rébus  gallicis 
historiarum  libri  decem,  ab  anno  16Ù3  ad 
annum  1652.  La  Barde  fut  chargé,  en  1 633, 
d'une  mission  à  Home  concernant  les  ab- 
bayes de  Richelieu.  (T.  IV,  p.  45 1.)  Nous 
avons  rencontré  quelquefois  au  courant  de 
nos  manuscrits  le  nom  de  La  Barde,  et, 
dans  la  famille  de  Bouthiliier,  la  plaisan- 
terie se  donnait  volontiers  carrière  sur  ce 
personnage.  En  répondant  à  celte  lettre,  le 
3  mai,  Chavigni  enchérit  encore  sur  ce 
monseigneur.  0  Son  Altesse  de  La  Barde 
(dit-il)  fait  travailler  incessamment  aux  dé- 
pesches  que  demande  S.  Ém.  »  et  il  ajoute  : 
«On  continue  tousjours  à  escrire  le  livre 
que  je  luy  ay  promis.»  (Ms.  cité  aux 
sources,  f  174.)  La  Barde  était  né  la  der- 


nière année  du  siècle  précédent,  et  mou- 
rut à  quatre-vingt-douze  ans. 

'  Par  suite  d'une  erreur  du  secrétaire, 
qui,  en  mettant  au  dos  de  cette  pièce  le 
nom  et  la  date,  a  écrit  1637,  celte  lettre 
se  trouve  classée  dans  un  volume  auquel 
elle  n'appartient  pas. 

'  Il  était  secrétaire  des  commande- 
ments de  la  reine  et  intendant  de  sa  mai- 
son. Nous  le  trouvons  porté  •  pour  ses  ap- 
poinctemens  et  gages  du  conseil  »  sur  un 
état  dressé  en  16/ii  (voy.  t.  I,  préface, 
p.  XVIII,  note  1).  Les  appointements  de 
messieurs  du  conseil  nétaienl  que  de 
2,000  livres,  sans  aucune  exception,  puis- 
que Richelieu  lui-même  ne  recevait,  en 
cette  qualité,  que  les  3,000  livres  attribuées 
à  ladite  charge.  M.  Le  Gras  est  compris 
dans  cet  état  pour  6,000",  sans  doute  à 
cause  de  ses  autres  fonctions. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  33 

au  roy  pour  la  liberté  de  La  Porte,  à  la  charge  qu'on  l'envoyast  à  tel 
lieu  qu'il  plairoit  à  Sa  Majesté  de  prescrire,  je  n'en  ay  pas  perdu  l'oc- 
casion, estant  à  la  campagne,  ce  qui  a  réussy,  en  sorte  que  Sa  Ma- 
jesté, suivant  l'inclination  qu'elle  a  pour  la  reyne,  s'est  résolue  de 
laisser  sortir  le  dict  La  Porte  \  pourveu  qu'il  aille  demeurer  dans  une 
ville  de  son  pays,  et  non  ailleurs. 

Je  suis  extresmement  aise  que  la  reyne  ayt  eu,  en  cette  affaire,  le 
contentement  qu'elle  a  désiré,  et  qu'elle  reçoive,  en  ce  rencontre, 
des  tesmoignages  de  l'amitié  que  le  roy  luy  porte.  Pour  mon  parti- 
culier, je  tiendray  tousjours  à  très  grand  honneur  de  rechercher  les 
moyens  de  luy  donner  preuve  de  ma  très  humble  servitude.  Je  vous 
suplie  de  l'en  asseurer  et  de  croire  que  je  suis... 

Me  mandant  en  quelle  ville  on  pourra  prescrire  à  La  Porte  de  de- 
meurer je  vous  envoyeray  l'ordre  du  roy  pour  sa  deslivrance. 

Ce  3  may  lôSy. 


xxn. 

Arch.  des  Afi'.  étr.  France,  ,i638,  de  janvier  in  juillet,  fol.  176.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SEChbTAIP.E    U'ESTAT,    À   PARIS. 

De  Compiègne,  ce  5'  niay  i638. 

Je  vous  renvoieray  les  articles  pour  M'  Grossius,  auxquels  je  me 
trouve  bien  empesché  parce  que  je  ne  veoy  pas  que  nous  puissions, 
les  uns  ny  les  autres,  nous  obhger  déterminément  à  faire  faire  la  trefve 
en  une  certaine  façon,  cela  ne  deppendant  pas  de  nous.  Nous  pouvons 
bien  la  désirer  telle  que  nous  voulons,  mais  non  pas  l'obtenir  si  les 
parties  ne  veulent;  et  si  nous  nous  obligions  à  la  faire  à  des  con- 
ditions trop  rudes  pour  nos  ennemis,  c'est  le  vray  moyen  de  ne  l'a- 

'  Emprisonné  à  cause  de  l'affaire  du  Val-        Bastille  fut  donné  le  1 1  mai.(Voy.  aux  Ana- 
de-Grâce.  L'ordre  de  le  faire  sortir  de  la        lyses,  à  cette  date,  un  billet  de  Richelieu.) 

CARDIN.  DE  aiCBELIEC.  —  TI.  5 


34  LETTRES 

voir  jamais.  Nous  penserons  tout  aujourd'huy  à  ce  qui  se  peut  faire 
en  cette  affaire,  et  demain  nous  vous  manderons  le  résultat  du  con- 
seil de  Conipiègne. 

J'ay  veu  ce  que  vous  m'avés  mandé  par  vostre  précédente  dé- 
pesche  ^  touchant  les  affaires  de  Bretagne;  je  seray  fort  aise  que 
Mess"  du  Parlement  sortent  ainsy  de  ces  affaires,  puisque  Mess"  du 
conseil  et  eux  en  demeurent  contens. 

Je  ne  sçay  que  respondre  à  ce  que  Mons'  de  BuUion  demande 
touchant  Monsieur,  parce  qu'il  y  a  tant  de  différence  en  ce  que  l'un 
prétend  et  ce  que  l'autre  veut  donner  qu'il  est  difficile  d'y  prendre 
un  tempéramment.  C'est  ce  qui  faict  que  je  vous  prie  tous  deux  en- 
semble de  réduire  les  choses  au  juste  point  de  l'équilibre ,  et  consi- 
dérer plus  tost  ce  qui  suffira  que  ce  qui  sera  voulu. 


XXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  182.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNL] 

De  Compiègne,  ce  6  may  i638. 

Lorsque  Sala.  ^  sera  arrivé,  Berthemet  aura  soin  de  le  mettre  en 


'  Du  dernier  avril;  folio  lAg  du  même 
ms. 

^  Don  Miquel  de  Salamanca ,  qui  fut 
secrétaire  du  cardinal -infant,  vint  plu- 
sieurs fois  en  France,  chargé  par  le  duc 
d'Olivarès  de  quelque  négociation  ou  plu- 
tôt de  quelque  intrigue  diplomatique , 
notamment  à  l'époque  du  complot  des 
princes  qui  avorta  à  la  Marfée.  En  ce  mo- 
ment, il  s'agissait  de  quelque  tentative  de 
négociation  avec  l'Espagne,  mais  on  pre- 
nait les  plus  grandes  précautions  afin  que 
ces  mystérieuses  conférences  fussent  te- 


nues dans  le  plus  profond  secret.  Chavi- 
gni  répondait,  le  7  mai,  au  cardinal  : 
«  Dom  Miquel  de  Salamanca  arriva  hier, 
ainsy  que  Vostre  Éminence  aura  veu  par 
mes  dépesches,  n'ayant  receu  la  sienne 
que  ce  matin,  et  Berthemet  ayant  mis  un 
lieutenant  du  chevalier  du  guet  auprès  de 
luy,  je  n'ay  pas  creu  qu'il  fallust  l'oster 
pour  y  introduire  Daridole ,  parce  que 
cela  luy  eust  peu  donner  quelque  soub- 
çon ...  Si  le  roy  me  commande  de  voir 
Sala,  il  n'en  peut  arriver  d'inconvénient, 
parce  que,  le  faisant  venir  dans  mon  car- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


35 


quelque  maison  proche  de  luy,  et  luy  fera  entendre  qu'il  a  charge 
de  tenir  quelqu'un  près  de  luy  pour  esviter  qu'il  ne  soit  cogneu. 

li  sera  bon  que  le  s'  Daridor'  soit  commis  à  cela,  qui  luy  deman- 
dera de  la  part  de  M'  de  Chavigny  s'il  n'a  rien  à  luy  dire. 

Si  Sala,  dit  qu'il  n'a  rien  à  luy  dire,  mais  qu'il  est  prest  d'entendre 
ce  que  M'  de  Chavigny  voudroit  luy  faire  sçavoir,  le  s'  Daridor  luy 
dira  que  son  maistre  luy  a  commandé  de  luy  dire  qu'il  n'a  autre 
charge  du  roy  que  de  l'escouter,  et  tesmoigner,  de  la  part  de  Sa 
Majesté,  très  bonne  intention  conjoinctement  avec  ses  alliez  au  repos 
de  la  chrestienté. 

Cependant  le  s'  Daridor  aura  l'œil  sur  luy  jusques  à  ce  qu'il  soit 
party,  en  sorte  qu'il  ne  parle  et  n'escrive  à  aucune  personne. 

Si  Sala,  respond  à  Daridor  qu'il  désireroit  bien  voir  M"'  de  Cha- 
vigny, ayant  quelque  chose  à  luy  dire,  M'  de  Chavigny  le  fera  con- 
duire par  le  s'  Daridor  chez  luy  par  les  portes  de  derrière,  pour 
entendre  ce  qu'il  veut  dire. 

Si  M.  de  Chavigny  juge  que  ce  que  luy  dira  Sala,  ne  conclut  rien, 
et  ne  vient  point  à  une  décision  d'affaires,  il  luy  dira,  s'il  luy  parle 


rosse  la  nuicl  et  par  une  porte  secrette, 
ame  vivante  au  monde  n'en  aura  connois- 
sance,  et  on  aura  le  cœur  esclaircy  des 
intentions  du  C.-D.  (comte-ducd'Olivarès). 
Je  ne  le  verray  pas  néantmoings  que  je 
n'aye  responce  de  Son  Etninence  sur  ce 
mémoire,  parce  qu'il  se  peut  faire  que  la 
lettre  de  Pujok  ayt  faicl  prendre  quelque 
nouvelle  résolution  au  roy.  ■  —  Dans  une 
nouvelle  lettre,  du  9  mai,  Chavigni  an- 
nonce à  Richelieu  que  Salamanca  a  re- 
fusé absolument  d'entrer  en  conférence 
avec  lui ,  déclarant  qu'il  avait  à  proposer 
des  choses  dont  on  serait  satisfait,  «nais" 
qu'il  avait  charge  expresse  de  ne  traiter 
qu'avec  le  cardinal  lui-même.  Nous  ne 
voyons  pas  ici  ce  que  décida  Richelieu, 
mais  nous  savons  que  cette  mission  de 


dom  Miquel  n'eut  aucun  résultat.  (Ma- 
nuscrit cité  aux  sources,  f"  192  et  ao3.) 
'  C'était  le  secrétaire  intime  de  Cha- 
vigni ,  dont  i]  se  servait  dans  les  affaires 
de  confiance  et  secrètes.  Le  cardinal  esti- 
mait sa  fidélité  et  lui  en  a  donné  une 
preuve  manifeste  en  l'employant  dans 
une  mission  à  l'occasion  de  l'affaire  de 
Cinq-Mars,  ainsi  qu'on  le  verra  à  la  date 
du  i3  mai  i6da.  Nous  trouvons  son  nom 
écrit  de  plusieurs  manières,  Daridor  et 
d'Aridor,  comme  ici ,  ou  Dalidor  et  d'Ali- 
dor,  comme  le  nomment  le  cardinal  et 
Chavigni  dans  les  lettres  du  1 3  mai  1 64a . 
ou  enfin  Daridot  et  Daridol ,  comme  dans 
une  lettre  de  Gaston  à  Chavigni,  18  mai 
i636,  et  ailleurs;  mais  il  semble  que  la 
véritable  orthographe  est  Daridole. 

5. 


36  LETTRES 

de  Puj.'  comme  ayant  cognoissance  de  ce  qui  se  passe  delà,  que  tout 
ce  qui  a  esté  escrit  à  Puj.  est  véritable  et  procède  d'une  sincère  vo- 
lonté, mais  qu'il  seroit  à  désirer  qu'au  lieu  d'où  il  vient  l'on  fist 
de  mesme,  et  que  l'on  voulust  prendre  une  prompte  résolution  de 
faire  les  choses  nécessaires  pour  arriver  à  un  bon  accord. 

Estant  évident  que  l'on  ne  peut  y  parvenir,  et  faire  cesser  le  mal 
présent  que  par  une  longue  trefve,  M.  de  Chavigny  en  sçait  les  raisons, 
il  remarquera  ce  que  Sala,  luy  dira  sur  ce  sujet,  pour  descouvrir  les 
senlimens  de  delà. 

Si  M.  de  Chavigny  estime  estre  nécessaire ,  sur  les  ouvertures  de 
Sala,  d'en  avertir  promptement  par  deçà,  il  le  fera  en  diligence, 
laissant  tousjours  d'Aridor  pour  veiller  sur  luy. 

Si  M""  de  Chavigny  estime  qu'il  n'y  a  rien  à  faire  de  nouveau  sur  ses 
propositions,  il  le  fera  partir  au  plus  tost,  luy  disant  que,  puisqu'il  n'a 
rien  à  dire  outre  ce  que  Puj.  a  faict  sçavoir  cy-devant,  il  suffira  que 
l'on  se  serve  de  cette  voye  pour  faire  sçavoir  de  part  et  d'autre  les 
intentions,  montrant  qu'on  ne  veut  pas  rompre  le  commerce,  et  que 
l'on  continue  en  bonne  volonté,  pourveu  que  de  leur  part  ilz  lacent 
le  mesme,  avec  le  secret  promis;  auquel  si  Sala,  ou  les  siens  venaient 
à  manquer,  ce  que  l'on  ne  peut  croire,  ce  seroit  oster  pour  tousjours 
la  confiance  par  un  sy  manifeste  tesmoignage  de  mauvaise  foy. 

On  ne  sçauroit  rien  faire  avec  M''  Gontraud  s'il  n'a  pouvoir  et  ne 
promet  de  faire  ratiffier  le  traitté  de  Wesel  à  sa  maistresse;  c'est 
pourquoy  il  faut,  s'il  vous  plaist,  que  vous  luy  faciès  entendre  civile- 
ment; et  au  cas  qu'il  ny  vueille  pas  entendre,  il  faudra  remettre  l'af- 
faire en  train  de  le  faire  revenir  à  la  suitle  de  la  cour  quand  vous 
reviendrés,  où,  estant  tous  ensemble,  nous  tascherons  de  disposer  à 
ce  qui  sera  de  la  raison. 

Pujols  était  un  intrigant  qui  s'était  grâce  sous  couleur  de  s'employer  dans  les 

réfugié  en  Espagne  pour  éviter  le  cliâli-  intérêts  de  la   France.    Richelieu   ne  s'y 

ment  que  lui  aurait  infligé  le  cardinal,  et  fiait  pas;  il  le  dit  à  Chavigni  dans  une 

qui  tâchait,  en  ce  moment,  de  rentrer  en  autre  lettre,  du  même  jour,  ci-après  p.  38. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  37 


XXIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  i88.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECHiTAlRB   D'ESTAT,  À  PARIS. 

De  Compiègne,  ce  7*  may  i638. 

Bien  que  je  vous  aye  escrit  ce  matin  '  par  Séneschal ,  sçachanl  la 
venue  de  dom  Michel  de  S.  j'adjouste  ce  mot  pour  vous  dire  que, 
bien  qu'il  puisse  y  avoir  de  l'artifice  au  désir  qu'il  tesmoigne  avoir  de 
parler  à  Mess"  le  nonce  et  ambassadeur  de  Venise  afin  que  nos  al- 
liez en  puissent  prendre  quelque  ombrage,  j'estime  toutes  fois  qu'on 
ne  luy  peust  desnier. 

Peut  estre  ne  vous  a-t-il  pas  faict  encore  deslivrer  vostre  pacquet, 
pour  voir  s'il  cognoistra  que  nous  soyons  François  par  l'impatience  de 
le  demander.  Vous  estes  sage  et  avisé,  vous  sçaurés  bien  vous  gouver- 
ner avec  luy,  sans  froideur,  mais  avec  le  flegme  requis.  Cependant  il 
faut  bien  prendre  garde  qu'il  ne  voye  personne,  de  peur  que  quel- 
qu'un mal  affectionné  luy  dist  de  fauces  nouvelles,  qu'il  ne  laisseroit 
pas  de  croire  pour  vrayes. 

J'ay  veu  la  response  que  vous  avés  faicte  à  M"  le  nonce  sur  le  sujet 
de  la  difficulté  que  l'Empereur  faict  de  faire  valoir  la  déclaration  gé- 
nérale qu'il  veut  donner,  à  ce  qu'il  soit  permis  aux  princes  feudataires 
de  l'Empire  d'envoyer  à  l'assemblée  de  Couloigne,  pour  ceux  qui  sont 
desjà  réconciliez  avec  luy;  elle  e.st  bonne,  mais  nous  n'avons  point 
d'intérest  aux  dits  réconciliez,  lesquels  asseurément  n'auront  pas 
recours  à  la  France,  puisqu'on  effet  eux  et  leurs  Estats  sont  entre  les 
mains  de  l'Empereur. 

Faites  chercher  le  s'  de  Quincé  partout  et  l'envoyés  en  toute  dili- 
'  11  s'agit  de  la  précédente  lettre  qui,  datée  du  6,  n'aura  été  envoyée  que  le  7. 


38  LETTRES 

gence  à  Guise,  le  sieur  Leschelle  se  meurt  et  il  n'y  a  personne  pour 
commander. 


XXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  190.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  de  Noyers. 

[A  M.  DE  CHAVIGtVr.] 

Du  7'  may  i638,  à  Compiègne,  à  7  heures  du  soir. 

Aussy  tost  avoir  veu  vostre  dépesche  de  Pu.  que  nous  avons  trouvée 
ridicule,  je  vous  redépesche  encores  exprès  pour  vous  dire  que  vous 
pouvés  voir  dom  Miguel,  conformément  à  l'instruction  qui  vous  a 
esté  envoiée;  mais  nous  n'estimons  pas  à  propos  qu'il  voie  M'  le 
nonce,  ny  M'  l'ambassadeur  de  Venise,  si  ce  n'est  que  vous  con- 
noissiés,  par  la  conférence  que  vous  aurés  avec  luy,  quelque  chose 
que  nous  ne  voions  pas;  partant,  s'il  vous  plaist,  vous  nous  manderés, 
aussy  tost  que  vous  l'aurés  veu,  ce  que  vous  en  aurés  tiré,  et  puis 
nous  vous  manderons  s'il  luy  fauldra  permettre  de  voir  M'  le  nonce 
et  le  dict  s"  ambassadeur  de  Venise. 

A  vous  dire  le  vray,  j'ay  bien  peur  que  Pu.  soit  plus  attaché  au 
party  contraire  qu'au  nostre.  Toutes  fois,  ou  il  fault  suspendre  son 
jugement,  ou  s'en  remettre  au  temps,  qui  nous  en  apprendra  davan- 
tage, ainsy  que  dict  Nostradamus. 

En  discours  généraux  vous  pouvés  asseurer  que  l'on  désire  sincè- 
rement la  paix,  et  qu'on  honore  la  personne  de  M''  le  Comte-Duc;  et 
cependant,  après  avoir  pensé  cette  nuict  à  cet  affaire,  l'on  vous  en- 
verra demain  une  nouvelle  instruction  de  ce  que  vous  aurés  à  faire, 
et  de  ce  que  vous  pourrés  luy  dire  de  nouveau,  y  aiant  bien  de 
l'apparence  qu'ils  n'ont  pas  dict  le  fond  du  pot  à  Pu.  qu'ils  tiennent 
peult  estre  aussy  fourbe  que  nous  le  tenons. 

'  Ni  signature,  ni  suscription;  mais  de  réception  écrite  au  dos  de  la  main  de 
l'une  et  l'autre  sont  données  par  la  note        Cliavigni. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


99 


XXVL 

Arcb.  des  AiT.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  igS.  — 

Mise  au  nel,  devenu  minute,  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  DORADOUR'. 

Du  8  raay  i638. 

Monsieur,  Je  ne  fus  jamais  plus  estonné  que  quand  j'ay  appris  l'ac- 
tion que  vous  avés  commise  à  l'endroit  de  mademoiselle  Ferrier  *. 
Comme  les  plus  courtes  folles  sont  toujours  les  meilleures,  je  vous 
conseille,  aussy  tost  que  vous  aurés  receu  cette  lettre,  de  remettre 
la  demoiselle  Ferrier  en  liberté,  la  renvoier  entre  les  mains  de  sa 
mère  sans  lui  faire  aucune  violence.  Vous  déclarant  franchement  que 
si  vous  en  usés  autrement,  que  vous  ne  suivies  pas  en  cela  l'avis  que 
je  vous  donne,  et  que  vous  n'essayiés,  par  toutes  sortes  de  voyes,  à 
réparer  la  faute  que  vous  avé»  faicte,  je  n'oublieray  rien  de  ce  qui 
deppendra  de  moy  pour  vous  en  faire  recevoir  le  chastiment  que  vous 
mérités'.  C'est  à  vous  de  vous  conduire  de  telle  sorte,  en  cette  oc- 
casion, que  j'aye  lieu  de  vous  tesmoigner  que  je  suis, 
Monsieur, 

Vostre  affectionné  à  vous  servir. 


'  Ce  nom  est  écrit  ainsi ,  avec  la  date ,  au 
dos  de  la  feuille  et  dans  la  leUre  de  madame 
Ferrier  ;  au  bas  de  la  page  le  secrétaire  a 
mis  :  «  d'Oradou.  » 

'  Une  phrase  a  été  effacée  ici  :  •  Je  ne 
croyois  pas  que  vous  deussiés  jamais  vous 
porter  à  cette  extrémité ,  après  ce  que  vos 
meilleurs  amis  vous  avoient  représenté 
sur  ce  sujet.  • 

'  La  lettre  adressée  à  cette  occasion 
au  cardinal  par  madame  Ferrier,  née  Isa- 
beau  de  Guiraud ,  fera  connaître  quelques- 
détails  qui  ne  semblent  pas  sans  intérêt 
pour  l'histoire  des  mœurs  de  ce  temps  : 
—  «  M*',  écrit-elle  à  Richelieu ,  Vostre  Emi- 
nence  a  faict  ceste  grâce  à  feu  M.  Ferrier, 


mon  mary ,  de  le  tenir  au  nombre  de  ses  ser- 
viteurs. C'est  ce  qui  me  donne  la  hardiesse 
d'implorer  vostre  aydeet  secours  pour  re- 
tirer ma  fille  (qui  me  reste  seule  de  trois  en- 
fans  qu'il  m'a  délaissez  lors  de  son  décès) 
de  ceux  qui  me  l'ont  ravie  et  enlevée  à 
main  armée,  entre  neuf  et  dix  heures  du 
soir,  vendredi  dernier,  eslans  entrés  par 
force  et  par  violence  en  ma  maison,  sise 
rue  du  Temple,  en  la  ville  de  Paris.  Celuy 
qui  a  faict  ce  rapt  et  cet  enlèvement,  ayant 
assemblé  près  de  cent  cavaliers  en  l'une 
des  rues  proche  ma  maison,  est  M'  Dora- 
dour,  et  l'a  traisnée  et  menée  dans  un  ca- 
rosse  suivyde  vingt  ou  vingt-cinq  hommes 
d'armes,  elle  cryant  tousjours  à  l'ayde  et 


ko 


LETTRES 


xxvii. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  '201.  — 
Minute  de  la  main  de  Clierré. 

A  M.  CHAPELAN'. 

Du  9  may  i638. 

Monsieur,  Sa  Majesté  désirant  prévenir  les  maux  qui  peuvent  ar- 
river ^  de  la  liberté  que  quelques-uns  ^  prennent  de  glisser,  dans  les 
ouvrages  qu'ils  mettent  au  jour,  de  nouvelles  opinions  contraires  à 
celles  qui  ont  esté  receues  jusques  à  présent  dans  l'église ,  m'a  com- 
miséricorde  par  les  chemins,  ainsy  que        «Je  n'ay  point  de  paroles  pour  vous  ren- 


personnes  qui  les  ont  rencontrez  venans 
de  Beauvais  et  Beaumont  ont  déposé 
en  justice.  Les  coups  dont  ils  m'ont  na- 
vrée et  blessée  au  visage,  bras  et  jambes, 
ni'empeschent  d'aller  en  personne  me  jet- 
1er  aux  pieds  de  Vostre  Eminencepour  luy 
faire  ceste  prière,  laquelle  je  vous  supplie 
très-humblement  d'avoir  agréable,  ayant 
pitié  de  moy  et  de  ma  pauvre  fille,  à  ce 
que,  par  vostre  faveur,  elle  me  soit  ren- 
due  »  Isabeau  de  Guiraud.  —  Celle 

lettre  n'a  point  de  date,  et,  en  consé- 
quence, on  l'a  classée  dans  le  ms.  à  la  fin  de 
mai  (f°2Zi6).  On  voit  par  la  lettre  du  car- 
dinal qu'elle  doit  être  du  commencement 
dudit  mois  de  mai.  —  La  demoiselle  ne 
tarda  pas  à  être  rendue  à  sa  mère;  ce 
volume  contient  deux  lettres  de  remercî- 
menls  au  cardinal, l'une  de  la  fille,  l'autre 
de  la  mère,  l'une  et  l'autre  sans  date; 
mais  Cherré  a  écrit  au  dos  :  «  i5  mai.» 
—  La  mèie  dit  au  cardinal  :  «  Vostre  Émi- 
nence  m'ayant  faicl  ceste  faveur  de  faire 
remettre  ce  jourd'huy  ma  fille  entre  mes 
mains  par  M'  Mayola,  je  n'ay  point  de 

paroles  pour  vous  en  rendre  grâce » 

(F'  220.)  —  La  lettre  de  la  demoiselle,  si- 
gnée Marie  Ferrier,  commence  ainsi  :  — 


dre  grâces  comme  je  dois  de  la  faveur  qu'il 
a  pieu  à  Vosti-e  Eminence  de  me  fayre  en 
me  faysanl  remettre  es  mains  de  ma  mère , 
où  je  suis  maintenant.  .  .  »  (F°  218.)  — 
Mayola  était  un  officier  des  gardes  de  Ri- 
chelieu. Nous  apprenons  par  la  phrase  sup- 
primée dans  la  lettre  du  cardinal,  et  que 
nous  avons  citée  plus  haut,  que  l'enlève- 
ment avait  été  prévu.  On  ne  dit  pas  qu'il 
ait  été  puni.  On  peut  même  conclure  des 
dernières  paroles  de  la  lettre  de  Riche- 
lieu qu'il  a  suffi  au  ravisseur  de  rendre  la 
demoiselle  pour  se  tirer  d'affaire.  Nous 
avons  quelquefois  rencontré  le  nom  d'un 
s'  Ferrier,  officier  supérieur  d'artillerie , 
et  qui  mourut  à  Lyon  en  décembre  1  63-. 
La  personne  dont  il  s'agit  ici  était  sans 
doute  sa  fille. 

'  Le  nom  et  la  date  ont  élé  notés  au 
dos,  et  à  la  marge  nous  trouvons  cette 
autre  note  :  «  Chapelan ,  docteur  et  secré- 
taire de  la  faculté  de  théologie,  i' 

'  Cette  première  phrase  était  d'abord 
autrement  tournée;  on  a  effacé  ces  mots  : 
«  des  nouvelles  doctrines  de  certains  es- 
prits plus  libres  qu'il  ne  seroit  à  désirer.  » 

'  «Quelques-uns,»  de  la  main  de  Ri- 
chelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


41 


mandé  de  vous  escrire  qu'elle  désire  que  vous  faciès  soigneusement 
examiner,  en  Sorbonne,  un  livre  que  le  père  Segnot  '  a  depuis  peu 
faict  imprimer^,  lequel  on  luy  a  reporté  estre  plein  d'erreurs'. 

Cette  affaire  est  de  telle  importance,  que  je  vous  prie,  et  conjure 
toute  la  faculté,  de  tesmoigner  en  cette  occasion  le  zèle  qu'elle  a  au 
bien  des  âmes  et  à  l'union  de  l'église,  qui  pourroit  estre  troublée  par 
l'inconsidération  ou  par  la  malice  de  *  certains  esprits  qui  affectent 
les  nouveautés,  si  on  n'y  pourvoyoit  promptement.  Vous  m'avertirés, 
s'il  vous  plaist,  de  ce  qui  se  fera  en  cette  affaire,  afin  que  j'en  puisse 
rendre  compte  à  Sa  Majesté ,  ainsi  qu'elle  me  l'a  ordonne.  Ce  pendant, 
je  vous  asseure  que  je  suis.  .  . 


XXVIIF. 
Arch.  des  Afl.  élr.  Suède,  i638à  i643,l.  5,fol.  75.  —  Mise  au  net  de  la  main  de  Cheiré. 

SCSCRiPTlON  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECnéTAIIlF   O'ESTAT,   À    fAf.lS. 

De  Moiiclii ,  ce  17*  may  1 638. 

Monsieur  de  Chavigny  se  souviendra ,  s'il  luy  plaist,  qu'il  faut  bien 


'  Richelieu  avait  déjà  demandé  à  son 
confesseur,  le  doclcur  Lescol,  son  senti- 
ment sur  le  livre  du  père  Séguenot,  de 
l'Oratoire;  nous  avons  la  réponse  de  Lescol 
(Aff.élr.  France,  t.  88),  lequel  écrit  au  car- 
dinal le  1  a  mai  :  i  Ce  livre  est  défectueux, 
il  faut  le  censurer  seulement  en  général  et 
en  gros;  il  seroit  plus  diflicile  à  faire  si  on 
vouloit  noter  et  qualifier  chaque  proposi- 
tion en  particulier,  à  cause  de  la  diversité 
des  advis  qui  se  rencontre  ordinairement  en 
ces  sortes  de  censures. . .  On  pourroit  dire 
que  ce  livre  contient  plusieurs  propositions  ' 
faulses,  téméraires,  scandaleuses .  contrai- 
res au  sentiment  commun  et  à  la  pratique 
universelle  de  l'église,  induisantes  à  er- 
reur, et  capables  d'inquiéter  et  troubler 


les  consciences.  Je  ne  pense  pas  qu'on 
puisse  aller  plus  oultre.  >  La  faculté  de 
théologie  condamna  le  livre  du  père  Sé- 
guenot le  1"  juin ,  mais  on  s'était  déjà  saisi 
de  sa  personne,  et  il  fut  mis  à  la  Bastille 
le  i/i  mai,  en  même  temps  qu'on  enfer- 
mail  Saint -Cyran  à  Vincennes.  Il  parait 
que  les  opinions  reprochées  au  père  Ségue- 
not étaient,  en  elfet,  celles  de  Saint-Cyran. 
(Voy.  les  Mémoires  chronologiques  el  dog- 
matiques, t.  II,  p.  8à  et  suiv.)  Quoi  qu'il  en 
soit  le  père  Séguenot  fit  une  rétractation. 
(Bibl.  imp.  collect.  Dupuy,  t.  55o,  (°  90.} 

'  «  Faict  imprimer,  »  de  la  main  de  Ri- 
chelieu. 

^  0  Esire  plein  d'erreurs,  »  idem. 

'  D'ici  à  la  fin  de  la  phrase,  idem. 


CARDIN'.  OE  HIUUELIËC. 


Ii2 


LETTRES 


prendre  garde,  dans  le  traitlé  qu'il  a  à  faire  avec  M.  Grossius,  de 
ne  s'obliger  pas  à  faire  obtenir  la  trelve  à  condition  que  cliacun  de- 
meure en  possession  de  ce  qu'il  a  conquis,  mais  bien  à  donner  tant 
pour  entretenir  les  garnisons  de  ce  dont  les  Suédois  demeureront  en 
possession  en  Allemagne  des  conquestes  qu'ilz  y  auront  faictes. 

Il  faut  encores  prendre  garde  que  l'obligation  en  laquelle  on  en- 
trera de  payer  tant  pour  lesdites  garnisons,  pendant  la  trefve,  soit 
conceue  en  sorte  que  les  Suédois  ne  puissent  prétendre  que  ledit 
payement  doive  estre  continué  pendant  la  paix. 


XXIX. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Rome,  i638,  huit  premiers  mois,  l.  63,  fol.  igi. 

Mise  au  net  '. 


MEMOIRE 

A  M.  LE  MARESCHAL  DESTRÉES'. 

Du  2  2  may  i638,  à  .S'-Germain-en-Laye '. 

Le  roi  n'a  point  esté  surpris  d'apprendre  la  maladie  du  pape,  non 
plus  que  le  danger  où  est  le  cardinal  Barberin  de  perdre  la  promo- 
tion, parce  que  S.  M.  s'est  attendue  h  l'un  et  à  l'autre,  à  cause  de  la 
vieillesse  de  Sa  Sainteté  et  du  peu  de  prudence  et  de  fermeté  qu'a 
le  dit  cardinal  à  la  conduite  des  affaires  du  Saint-Siégc. 

S.  M.  e.st  satisfaite  de  la  diligence  qu'a  apportée  le  dicl  s'  mareschal 


'  Nous  n'avons  trouvé  ni  In  minute  ni 
l'original  de  cette  dépèclie,  mais  la  gra- 
vité de  la  circonstance  et  le  Ion  du  mé- 
moire ne  laissent  pas  douter  qu'il  n'ait  été 
dicté  par  Richelieu. 

'  C'est  la  réponse  à  une  dépêche  de 
l'ambassadeur,  du  i"  mai  (même  ras. 
f°  i48),  dans  laquelle  il  annonçait  une 
maladie  du  pape.  On  craignit  alors  pour  la 
vie  du  Saint- Père.  L'événement  parut 
même  assez  prochain  pour  qu'on  ait  pré- 


paré des  lettres  du  roi  à  plusieurs  cardi- 
naux dans  le  cas  de  la  vacance  du  Saint- 
Siège.  Les  originaux  signés  Louis ,  contre- 
signés Boutliillier,  adressés  aux  cardinaux 
Biclii,  Fr.  et  Antoine  Barberini,  Bentivo- 
glio,  Sainl-Onuphre,  Spada,  Bagni,  sont 
encore  aux  arch.  des  Afl'.  élr.  Rome,  t.  63 , 
f"'  180-187. 

'  Cette  date  est  inscrite  au  dos  de  la 
pièce. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


43 


pour  luy  faire  sçavoir  ces  nouvelles ,  parce  qu'il  est  très  à  propos  qu'il 
reçoive  ses  ordres  le  plus  souvent  qu'il  se  peut  en  ces  rencontres,  y 
ayant  diverses  résolutions  à  prendre  sur  la  diversité  des  affaires  qui 
se  présentent,  et  que  cela  luy  donne  temps  de  préparer  les  choses 
qui  sont  nécessaires  pour  faire  réussir  ses  intentions,  en  cas  de  siège 
vacant.  Sa  dicte  Majesté  persiste  en  celles  qu'elle  a  faict  sçavoir  au  dict 
s'  mareschal  sur  le  sujet  de  M"^  le  cardinal  Bagni,  n'estimant  point  un 
sujet  plus  propre  que  celui-là,  pour  remplir  le  Saint-Siège,  tant  pour 
le  bien  de  la  chrestienté  en  général  que  pour  celuy  de  ce  royaume 
en  particulier,  et  donne  ordre  au  dict  s'  mareschal  d'employer  son 
autorité  et  tout  ce  qu'il  jugera  estre  nécessaire  pour  l'exécution  de  ce 
dessein.  Il  y  a  sujet  de  croire  que  les  Espagnols  s'y  opposeront,  et 
qu'ils  auront  'mesme  assez  de  pouvoir  pour  faire  l'exclusion  du  dict 
s"^  cardinal  par  la  mauvaise  conduite  des  Barberins,  qui  perdront  peut 
eslre  l'occasion  de  faire  des  créatures  par  la  nouvelle  promotion;  et 
qui  ont,  par  leur  imprudence,  mescontenté  celles  qu'ils  avaient  desjà 
faictes.  En  ce  cas  le  roy  a  beaucoup  de  peine  à  se  résoudre  sur  qui  il 
doit  jeter  les  yeux,  n'y  avant  presque  pas  un  de  tous  les  cardinaux  qui 
papagent  '  qui  ne  soit  ou  attaché  à  la  faction  espagnole,  ou  sy  foible 
que  les  Espagnols,  estant  puissans  dans  fltalie  comme  ils  sont,  n'en 
tirent  autant  d'avantage  en  l'intimidant  que  si  il  deppendoit  d'eux. 
Si  Bagni  ne  peut  arriver  au  pontificat,  S.  M.  estimeroit  que  Za- 


'  Urbain  VIII  avait  déjà  été  atteint, 
l'année  précédente,  d'une  assez  grave  ma- 
ladie, et,  à  cetlc  occasion,  le  maréchal 
d'Estrées  avail  envoyé  à  Richelieu  un  état 
des  cardinaux  qu'il  serait  utile  de  gagner 
aux  intérêts  de  la  France,  et  un  long  md- 
moire  sur  les  sujets  papables.  Ces  pièces  se 
trouvent,  à  la  date  du  8  juin  1637,  dans  le 
tome  60  des  Affaires  de  Rome.  —  En  ré- 
pondant, le  J 5  juin,  le  maréchal  d'Estrées 
insittait  sur  les  gratifications  à  faire  aux 
cardinaux,  et  nous  remarquons  que,  sur 
un  coin  de  ladite  lettre,  au  dos,  Riche- 


lieu a  fait  écrire  par  Clierré  :  «  Continuer 
la  gratification  à  Verospi  et  à  Thesous  (le 
cardinal  Bagni) ,  et  mesme  je  ne  croy  pas 
que,  n'estant  question  que  de  mil  escus, 
qu'on  la  puisse  desnier  à  Scaglia,  quoyque 
j'en  aye  tousjours  entendu  parler  comme 
d'une  personne  fort  double;  mais  en  ma- 
tière d'argent,  où  il  ne  s'agit  pas  de  grande 
somme,  il  vaut  mieux  hasarder  quelque 
chose  que  de  manquer  à  gagner  faute  de 
libéralité.»  (F"  310  du  t.  63  de  Rome.) 
Cela  a  dû  être  employé  dans  quelque  lettre 
écrite  à  cette  époque. 

6. 


44  LETTRES 

chetli  seroil  le  meilleur  après  luy,  tout  le  monde  demeurant  d'accord 
qu'il  a  do  très  bonnes  qualités;  et  le  s'Mazariii  ayant  souvent  asseuré 
le  roy,  lorsqu'il  estoit  par  deçà,  que  ce  personnage  estoit  très  bien 
disposé  pour  son  service.  Mais  il  y  a  apparence  que  sa  jeunesse  et  le 
peu  de  confiance  que  les  Espagnols  auront  en  un  homme  de  probité 
et  de  son  mérite  l'empescheront  d'arriver  à  cette  dignité, 

Celuy-ci  et  Bagni  estant  exclus,  le  roy  se  remet  au  dict  s"'  mares - 
chai  à  consentir  à  l'élection  de  celuy  qui  sera  le  moins  dangereux,  le 
moins  foible  et  le  plus  affectionné  qu'il  se  pourra  au  bien  public,  et 
à  celuy  de  la  France  en  particulier.  Et  comme  cette  affaire  est  déli- 
cate, S.  M.  luy  ordonne  d'agir  avec  sa  prudence  accoutumée,  de  la 
concerter  avec  M"  le  cardinal  Bagni  et  Mazarin,  en  faisant  de  mesme 
avec  le  cardinal  Antoine,  si  il  juge  qu'il  s'y  doive  fier,  et  s'il  per- 
siste dans  l'affection  qu'il  doit  avoir  pour  le  service  de  S.  M.  Si  le 
cardinal  Bichi  est  à  Borne,  le  dict  s'  mareschal  lui  communiquera 
de  cette  affaire  autant  qu'il  jugera  le  pouvoir  et  le  devoir  faixe. 

Le  roy  donne  pareillement  pouvoir  au  dict  s'  mareschal  d'exclure 
tous  ceux  qu'il  jugera  estre  attachés  entièrement  à  la  faction  espa- 
gnole, ou  désirés  par  elle,  comme  sujets  foibles,  dont  ils  pourront 
venir  aisément  à  bout,  et  particulièrement  le  cardinal  Pamphillo,  qui 
s'est  déclaré  ouvertement  du  nombre  des  premiers,  et  de  concerter 
aussy,  en  cette  occasion ,  avec  les  personnes  ci-dessus  nommées. 

Si  le  dict  sieur  mareschal  juge  que,  le  pape  mourant,  le  cardinal 
Barberin  ayt  dessein  de  se  porter  à  servir  la  France,  il  fera  ce  qu'il 
luy  sera  possible  pour  réunir  le  cardinal  Antoine  avec  luy,  et  se  servir 
de  tous  les  deux  pour  effectuer  les  bonnes  intentions  du  roy.  Mais  si 
le  dict  cardinal  Barberin  persiste  dans  la  volonté  qu'il  a  eue  jusques 
à  cette  heure  de  s'accommoder  avec  l'Espagne  et  de  les  servir,  le  dict 
sieur  mareschal  apportera  tout  ce  qui  sera  de  son  soin  pour  séparer 
le  dict  cardinal  Antoine  d'avec  luy,  pour  s'opposer  aux  mauvaises  ré- 
solutions que  pourroit  prendre  son  frère,  se  servant  des  créatures  qu'il 
aura  acquises  pendant  le  pontificat  de  son  oncle,  et  attirant  à  soy 
celles  que  le  dict  cardinal  Barberin  aura  mécontentées  et  lesquelles  ne 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  45 

croiront  pas  qu'il  y  aille  de  leur  honneur  quand  elles  suivront  les  in- 
térests  d'un  des  deu\  frères. 

Pour  effectuer  les  ordres  du  roy  le  dict  sieur  mareschal  se  servira 
de  l'argent  que  S.  M.  luy  a  mis  entre  les  mains,  et  ne  fera  nulle  dif- 
ficulté de  l'employer,  avec  le  conseil  de  ceux  qui  sont  affectionnés  au 
bien  de  son  service,  mesme,  s'il  juge  avec  eux  qu'il  soit  besoin  d'en 
faire  tenir  une  plus  grande  somme,  on  le  fera  en  diligence  aussitost 
qu'on  aura  receu  ses  avis. 

Le  roy  trouve  bon  d'envoyer  au  dict  s'  ambassadeur  les  trois  cents 
hommes  qu'il  demande  en  cas  de  siège  vacant;  et,  pour  cet  effet, 
S.  M.  a  donné  ordre  à  M.  le  comte  d'Harcourt,  qui  va  commander 
son  armée  navale  en  Provence,  de  les  faire  porter  sur  un  des  vais- 
seaux de  S.  M.  quand  le  dict  s''  mareschal  luy  fera  sçavoir  qu'il  en 
aura  besoin;  et  avec  telles  armes  et  tels  ofliciers  pour  les  commander 
qu'il  jugera  à  propos.  Ce  sera  donc  à  luy  à  prendre  son  temps  et  à 
donner  de  ses  nouvelles  au  dict  s'  comte  d'Harcourt,  qui  ne  man- 
quera pas  d'effectuer  ce  que  le  dict  sieur  mareschal  désirera,  ponc- 
tuellement et  avec  diligence. 

Le  roy  ne  voulant  rien  oublier  pour  contribuer  à  tout  ce  qui  peut 
deppendre  de  luy  pour  faire  que  le  Saint-Siège  ayt  un  chef  tel  que 
S.  M.  le  peut  désirer,  c'est-à-dire  qui  ayt  toutes  les  qualités  qui  sont 
nécessaires  pour  l'avantage  de  l'église  et  de  la  chrestienté,  quoyque 
M' le  cardinal  de  La  Vallette  soit  extresmement  nécessaire  pour  l'em- 
ploy  qu'elle  luy  a  donné  en  ItaUe,  néanmoins,  préférant  le  bien  pu- 
blic au  sien  particulier,  elle  luy  donne  ordre  d'aller  en  poste  à  Rome, 
en  cas  de  siège  vacant,  pour  agir,  dans  les  occurrences,  conjoincte- 
ment  avec  le  dict  s""  mareschal,  et  pour  assister  dans  le  conclave,  et 
tenir  la  main  qu'il  ne  s'y  passe  rien  qui  soit  contraire  au  service  de 
l'Eglise  et  de  Sa  Majesté. 

Le  dict  s'  cardinal  attendra  les  avis  du  dict  s'  mareschal,  lequel 
aura  soin  de  l'avertir  lorsqu'il  sera  temps  qu'il  parte;  le  roy  luy  com- 
mande de  s'y  en  aller  sans  équipage.  Sa  Majesté  estimant  que  le  dict 
s'  mareschal  le  doit  loger  pendant  le  peu  de  séjour  qu'il  y  fera. 


^6 


LETTRES 


S'il  arrive,  ainsy  que  le  roy  le  souhailte,  que  le  pape  recouvre  sa 
santé,  le  dict  s'  niareschal  ne  perdra  point  de  temps  de  presser  Sa 
Sainteté  de  faire  la  promotion ,  pour  les  raisons  qu'il  sait  et  qui  luy 
ont  esté  mandées  diverses  fois.  Il  n'est  point  nécessaire  de  luy  re- 
commander le  sujet  que  le  roy  a  nommé  \  non  plus  que  les  intérests 
du  s'  Mazarin,  en  ce  rencontre,  sçachant  assez  jusques  à  quel  point  le 
roy  affeclionne  l'un  et  l'autre,  et  comme  il  ne  se  départira  jamais  de 
la  recommandation  qu'il  a  faicte  en  leur  faveur. 

Le  dict  s"^  mareschal  aura  vcu  à  présent  les  dépesches  que  le  roy  luy 
a  faictes  par  le  courrier  Nazin,  sur  le  sujet  de  l'employ  de  M.  le  car- 
dinal de  La  Valette,  el  n'aura  pas  manqué  de  représenter  au  pape  ce 
que  Sa  Majesté  luy  ordonne;  elle  trouve  que  Sa  Sainteté  a  respondu 
d'une  façon  assez  estrange  lorsque  les  Espagnols  se  sont  plaints  à  elle 
du  commandement  qu'avoit  le  dict  s"^  cardinal  dans  son  armée  d'Italie, 
y  ayant  beaucoup  de  différence  entre  luy,  qui  a  toujours  honoré  la 
personne  du  pape,  et  le  cardinal  Borgia ,  qui  luy  a  faict  le  plus  sanglant 
affront  qu'il  pouvoit  jamais  recevoir.  Sa  Majesté  recommande  au  dict 
s'  mareschal  d'avoir  un  soin  particulier  d'empescher  que  le  pape  ne 
fasse  rien  au  désavantage  du  dict  s*^  cardinal,  et  contre  l'employ  dont 
elle  l'a  honoré. 

Le  roy  a  trouvé  extresmement  estrange  le  procédé  de  M.  le  cardinal 
Barberin  sur  l'affaire  de  Saint-Antoine^,  el  qu'il  ayt  écrit  une  lettre 
au  nonce  de  Florence  de  mettre  en  possession  de  la  maison  quatre 
religieux  qui  y  vont  de  la  part  de  Marchier,  et  Sa  Majesté,  ne  pou- 


'  Le  père  .Joseph,  pour  lequel  on  de- 
mandait avec  instance  le  cardinalat. 

^  C'était  une  abbaye  deRomeetraiïaire 
durait  depuis  longtemps;  nous  trouvons, 
à  la  date  de  mars  iGSy,  plusieurs  pièces 
sur  ce  sujet,  dans  le  tome  69  de  Rome, 
f°'  62-80;  et  ie  roi  écrivait  au  pape,  le 
4  mars,  une  lettre,  faite  sans  doute  par 
Chavigni,  pour  repousser  les  prétentions 
de  ce  frère  Marchier,  «  se  disant  abbé  gé- 


néral de  l'ordre  de  Saint-Antoine.  «Depuis 
l'aflaire  se  poursuit;  il  en  est  assez  fré- 
quemment question  dans  les  dépêches  de 
l'ambassadeur;  une  lettre  du  27 juin  1687 
raconte  que ,  dans  ime  congrégation  tenue 
à  ce  sujet,  le  cardinal  Barberin  s'était  em- 
porté au  point  de  scandaliser  l'assemblée 
(t.  60  de  Rome).  Une  autre,  du  9  juin  1889, 
nous  apprend  que  le  pape  prétendait  avoir 
le  droit  d'élire  l'abbé  (t.  62  de  Rome). 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  47 

vant  soufFrir  une  telle  indignité,  luy  donne  ordre  très-exprès  de  tes- 
moigner  au  dict  cardinal  de  très  vifs  ressentimens  de  sa  part;  de  luy 
dire  que  s'il  continue  à  soustenir  le  dict  Marchier  contre  toute  justice 
et  raison,  puisque  estant  né  son  sujet  il  a  recherché  l'appuy  de  l'am- 
bassadeur d'Espagne,  que  Sa  Majesté  est  assez  puissante  pour  se  faire 
raison  d'ailleurs  et  qu'elle  ne  sçauroit  trouver  assez  estrange  que, 
dans  une  affaire  où  il  n'y  va  que  de  l'intérest  d'un  fripon,  le  dict  car- 
dinal luy  donne  sujet  de  mesconlentement.  Enfin  le  dict  s'  mares- 
chal  prendra  toutes  les  voies  et  tiendra  toute  la  conduite  qu'il  esti- 
mera la  plus  propre  pour  faire  que  Sa  Majesté  ayt  la  satisfaction 
qu'elle  doit  attendre  en  ce  rencontre. 

Si  le  pape  est  en  santé  le  dict  s"'  mareschal  luy  tiendra  les  mesmes 
discours  qu'au  cardinal  Barberin. 

Le  roy  ne  peut  croire  que  Maraldi  ne  se  soit  mis  en  devoir  de 
contenter  le  dict  s''  mareschal  sur  ce  qu'il  a  faict  et  dict  imperti- 
nemment  au  vicaire  général  de  l'ordre  de  Saint-Antoine  en  Italie, 
et  que,  le  cardinal  Antoine  s'estanl  mesié  de  cette  affaire,  il  ne  l'ayt 
terminée  avec  l'honneur  du  roy  et  de  son  ambassadeur;  si  néan- 
moins elle  ne  l'estoit  pas  encore  le  dict  sieur  mareschal  la  poussera 
jusques  au  bout  avec  fermeté,  et  fera  voir  au  pape  et  au  cardinal 
Barberin  combien  Sa  Majesté  est  aigrie  contre  le  dict  Maraldi,  et  il 
laissera  entendre  que,  lorsque  l'on  a  offensé  un  grand  roy,  si  on  ne 
luy  faict  la  raison  qui  se  doit,  c'est  luy  mettre  en  main  de  quoy  se 
la  faire  soy-mesme. 

Si  le  pape  et  M.  le  cardinal  Barberin  ne  font  raison  au  dict  s'  ma- 
reschal ,  de  Maraldi  et  de  Marchier,  Sa  Majesté  luy  permet  de  se  la 
faire  luy-mesme  telle  qu'il  jugera  à  propos  pour  réparation  des  pa- 
roles que  l'on  a  dictes  au  préjudice  du  dict  s'  mareschal  et  de  la  mau- 
vaise conduite  et  manque  de  respect  de  l'autre;  Sa  Majesté  s'asseurant 
qu'il  en  usera  comme  il  faudra  et  selon  sa  prudence  et  conscience. 


48  LETTRES 


♦  XXX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  238.  — 
Minute  de  la  main  de  Citoys. 

AU  PRÉVOST  DES  MARCHANDS \ 

Du  25  may  i638. 

Monsieur,  Sa  Majesté  ne  se  portant  au  dessein  de  faire  faire  un  ca- 
nal autour  de  la  ville  que  pour  la  commodité  qu'on  luy  a  représenté 
qu'elle  en  recevroit,  estant  par  ce  moyen  garantie  des  puanteurs 
qui  engendrent  la  plus  part  des  maladies  qui  surviennent,  je  vous 
fais  cette  lettre  pour  vous  prier  de  me  mander,  devant  qu'on  passe 
à  l'exécution  d'un  dessein  de  telle  importance,  si  vous  jugés  qu'il 
soit  nécessaire;  et,  au  cas  que  vous  le  jugiés  tel,  vous  conjurer  de 
faire  promptement  niveler  le  tour  de  la  ville,  en  sorte  qu'on  puisse 
sçavoir  certainement  si  ce  que  proposent  les  entrepreneurs  est  pos- 
sible ou  non,  et  si  on  peut  donner  assez  de  pente  au  dict  canal  pour 
recevoir  i'eau  de  la  rivière.  Je  vous  prie  de  faire  travailler  diligem- 
ment à  ce  que  dessus;  et,  si  cet  ouvrage  est  nécessaire  ou  possible, 
qu'on  ne  perde  pas  le  beau  temps  qu'on  a  maintenant  d'y  travailler 


Monsieur,  ayant  sceu  qu'outre  les  trois  pavillons  que  vous  faictes 
vis  à  vis  le  logis  de  M"^  de  La  Vrillière,  il  en  faut  un  quatrième  pour 
empescher  entièrement  de  voir  dans  mon  parc,  ce  mot  est-pour  vous 
prier  de  faire  faire  ce  quatrième  ainsy  que  les  autres. 

'  Celle  suscription  et  la  date  ont  été  notées  parCherré  au  dos  de  la  minute. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  49 


XXXI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  a 6.  —  Orig. 
Bibl.  imp.  Fonds  Sainl-Germain-Harlay,  347.  ^°^-  ^1^-  —  Copie'. 

AU  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

Ruel,  29  may  i638. 

Monseigneur, 

M"  de  Chavigny  et  de  Noyers  répondent  sy  particulièrement  à 
toutes  vos  dépesches  qu'il  ne  me  reste  aucune  chose  à  y  ajouster  par 
ces  lignes,  me  contentant  seulement  devons  tesmoigner  le  contente- 
ment que  j'ay  de  sçavoir  que  vous  soyés  heureusement  arrivé  à  Turin. 

J'ay  esté  extresmementaise  de  voir,  par  vostre  lettre,  la  bonne  dis- 
position en  laquelle  vous  avés  trouvé  Madame  pour  ce  qui  regarde 
les  affaires  publiques,  et  le  désir  quelle  vous  a  tesmoigné  avoir  de 
contenter  le  roy;  vous  la  pouvés  asseurer  que  Sa  Majesté  ne  désirera 
jamais  rien  d'elle  que  pour  son  bien  et  son  avantage,  lequel  je  pro- 
cureray  tousjours  autant  qu'il  me  sera  possible  en  mon  particulier, 
n'y  ayant  personne  qui  l'honore,  ny  qui  ayt  une  plus  forte  passion 
pour  tout  ce  qui  regarde  son  contentement,  que  j'auray  toute  ma  vie; 
ainsy  qu'elle  cognoistra  par  effects  en  toutes  occasions.  Le  roy  trouve 
un  peu  estrange  les  longueurs  et  les  remises  que  Son  Altesse  a  ap- 
portées jusques  ici ,  en  ce  qui  concerne  le  renouvellement  du  traitté, 
veu  l'intérest  qu'elle  a,  par  toutes  sortes  de  considérations,  à  le  pas- 
ser pour  moy.  Je  vous  avoue  qu'en  procédant  ainsy  elle  agit  beau- 
coup plus  contre  elle  mesme  et  contre  son  bien  que  non  pas  contre 
Sa  Majesté ,  qui  considère  bien  plus  l'utilité  qui  luy  en  peut  arriver, 
et  à  messieurs  ses  enfans,  que  celle  que  la  France  en  pourroit  recevoir. 

'  Ce  manuscrit  a  conservé  en  copie  dinal  de  Richelieu.  «  Une  note  du  vas.  de 
plusieurs  lettres  de  Richelieu  au  cardinal  Harlay  porte  que  ces  copies  ont  été  faites 
de  La  Valette;  en  tête  de  celte  série,  nous  sur  l'original.  Dupuy  a  vu  ces  mêmes  let- 
lisons  :  «Lettres  retirées  de  la  cassette  du  très,  dont  il  a  fait  des  extraits.  (Voy.  ci- 
cardinal  de  La  Valette  après  sa  mort,  les-  après,  p.  56.) 
quelles  luy  avoient  esté  escrites  par  le  car- 

CABDIN.  DE  RICHELIEU. VI.  7 


50  Lettres 

En  un  mot  l'exlresme  passion  que  j'ay  pour  la  grandeur  et  raffermis- 
sement de  Madame  me  portent  à  vous  dire  qu'elle  doit  tesmoigner 
plus  de  franchise,  et  faire  les  choses  que  Sa  Majesté  ne  désire  que 
pour  son  avantage  avec  un  peu  plus  de  confiance;  je  m'asseure  qu'elle 
trouvera  bon  que  vous  luy  en  parliés  ainsy  de  ma  part,  cognoissant, 
comme  elle  faict,  mon  zèle  et  mon  affection  à  son  service.  On  ap- 
prouve de  deçà  tout  ce  que  vous  avés  faict  pour  Casai. 

M'  de  Noyers  a  envoyé  tous  les  ordres  nécessaires  pour  les  piques 
que  vous  demandés,  ainsy  qu'il  vous  a  escrit;  je  m'asseure  qu'il  vous 
faict  aussi  sçavoir  ce  qu'il  a  faict  pour  le  payement  de  ce  qui  est  deii 
de  l'année  passée  aux  officiers  de  vostre  armée. 

,  On  fera  partir  M.  de  Turenne  pour  vous  aller  trouver,  selon  que 
vous  le  désirés;  quant  à  M'  de  Palluau  je  suis  bien  aise  qu'il  s'en 
revienne  me  trouver,  ainsy  que  je  luy  ay  ci-devant  mandé,  M'  de  Bis- 
carat  estant  à  l'armée;  j'escris  à  M"  Guiscard,  Mercurin  et  Prat  sur 
le  sujet  de  l'alfection  qu'ils  ont  tesmoignée  en  la  descouverte  de  la 
trahison  de  Casai. 

Je  ne  vous  mande  point  ce  que  nous  faisons  de  deçà,  parce  que  je 
suis  asseuré  que  M"  de  Chavigny  ne  manque  pas  de  vous  informer  de 
tout  ce  qui  se  passe.  Je  me  contente  de  vous  conjurer,  Monseigneur, 
de  n'oublier  rien  de  tout  ce  que  vous  pourrés  pour  l'avantage  du  ser- 
vice du  roy  et  du  bien  de  ses  affaires,  vous  asseurant  que  je  feray 
valoir  à  Sa  Majesté  vos  services  ainsy  que  vous  le  pouvés  souhaitter 
d'une  personne  qui  vous  estime  particulièrement,  et  qui  tiendra  tous- 
jours  à  beaucoup  de  bonheur  les  occasions  de  vous  faire  cognoistre 
que  je  suis  véritablement. 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  29  mai  i638. 

Je  crois  vous  pouvoir  asseurer  que  M'  de  Chastillon  investit  au- 
jourd'huy  ou  Arras,  ou  S'  Omer,  ou  Gravelines. . . 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  51 


XXXII. 
Arch.  des  Affr.  étr.  Rome,  l.  63  ,  fol.  197.  —  Minute  de  la  main  deChavigni. 

[AU  MARÉCHAL  D'ESTRÉES, 

AIIBAS5ADEDR  À  ROHB.  ] 

May  i638'. 

On  ne  veult  pas  vous  dissimuler  un  exlresme  desplaisir  que  nous 
avons  de  la  maladie  du  père  Joseph,  qui  est  périlleuse  ou  pour  le  pré- 
sent, ou  certainement  dans  peu  de  temps,  puisqu'à  vous  dire  le  vray, 
c'est  ou  une  apoplexie  ou  les  avant  coureurs  d'icelle,  qui  sont  d'ordi- 
naire suivis  de  fascheux  événemens.  Il  est  question  de  sauver  la 
place  qui  luy  estoit  destinée ,  et  cependant  il  nous  fault  avoir  quelque 
temps  pour  voir  quel  succès  aura  son  mal  *,  et  donner  loisir  au  roy 
de  faire  un  bon  choix  s'il  arrive  faute  dud. 

Pour  cet  effect,  on  estime  que,  si  le  pape  se  porte  bien,  il  fault 
retarder  la  promotion  le  plus  que  vous  pourrés;  et,  au  cas  que  vous 
ne  le  peussiés  faire,  disposer  les  aflFaires  en  sorte  qu'on  laissast  les 
trois  places  pour  Allemagne,  France  et  Espagne  à  remplir,  le  pape 
déclarant  en  plein  consistoire  que  ce  sont  les  trois  places  des  cou- 
ronnes, qu'il  laisse  pour  estre  remplies  dans  deux  mois  au  plus  tard. 

On  croit  que  vous  n'aurés  pas  grand  peine  à  obtenir  cela,  parce 
que  le  pape  pensera  obtenir  une  grande  victoire  emportant  les  deux 
points  qu'il  aura  tousjours  refusez  de  faire  pour  la  France  et  pour 
i'E.'pagne,  à  sçavoir  la  promotion  du  père  Joseph  et  celle  de  l'abbé 
Perretti. 

Le  tout  est  de  mesnager  cette  affaire  en  sorte  que  vous  ayés  quel- 

'  Sans  date,  signature,  ni  suscription.  '  Le  père  Joseph  ne  mourut  que  le 

On  a  mis  au  dos  :  «  Mémoire  pour  escrirc  18  décembre  i638.  Dans  l'inlervalle,  il 

à  Rome. — N'a  point  servi.  »  Et,  à  la  marge,  eut  des  apparences  de  rétablissement  qui 

un  secrétaire  de  Chavigni   a  écrit  après  empêchèrent  de  faire  usage  de  cette  lettre, 

coup  :  «May   i638:>  peut-être  pour   un  si,  en  effet,  elle  n'a  pas  été  envoyée, 
classement. 


52  LETTRES 

que  promesse  par  escrit  qui  asseure  la  place  pour  la  France  et  de  la 
remplir  quand  le  roy  le  voudra. 

Ce  qu'on  vous  mande  estant  encore  secret,  il  vous  sera  aisé  d'o- 
bliger le  cardinal  Barberin  sans  bourse  deslier,  et  de  retirer  les  asseu- 
rances  que  vous  désirerés. 

Ce  sera  à  vous  de  voir  ceux  à  qui  vous  devrés  communiquer  cette 
maladie  et  la  résolution  qu'on  prend;  mais  on  estime  que  vous  le 
devés  faire  au  cardinal  Antoine  et  Mazarin,  parce  que  tousjours  le 
sçauroient-ils  d'ailleurs. 


XXXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Rome,  i638,  huit  premier  mois,  t.  63,  fol.  212.  —  Mise  au  nel. 

MÉMOIRE 

AU  SIEUR  MARESCHAL  D'ESTRÉES, 

AIIBASSADEDR  EXTRAORDINAIRE  À  HOME. 

18  juin  i638,  à  Fontainebleau'. 

Le  dict  s"  mareschal  doit  estre  averti  que  Sa  Majesté  a  donné  un 
arrest  en  son  conseil,  de  la  teneur  qu'il  verra  par  la  copie  ci-jointe^; 
avant  l'exécution  duquel  le  s""  Nonce  en  ayant  eu  avis,  il  a  faict  de 
très  grandes  instances  qu'elle  fust  surcize  jusques  à  ce  que  Sa  Majesté 
sache  en  quelle  disposition  le  pape  sera  de  la  contenter  sur  les  points 
mentionnés  au  dict  arrest. 

Ce  que  Sa  Majesté  luy  a  accordé  pour  six  semaines,  afin  de  faire 
cognoistre  d'autant  plus  à  Sa  Sainteté  que  c'estoit  avec  regret  qu'elle 
en  venoit  à  ces  termes  sur  les  plaintes  générales  que  l'on  faisoit  dans 
ses  estats,  tant  du  mauvais  traitement  que  ses  sujets  recevoient  en 

'  Celle  mise  au  nel  n'a  ni  date,  ni  si-  ^  La  copie  n'esl  poinl  dans  notre  nia- 

gnature.  La  date  a  été  notée  au  dos.  Nous  nuscrit.  11  s'agissait  des  abus  commis  dans 

n'avons  encore  pour  cette  pièce  ni  mi-  l'imposition  des  terres  qu'exigeait  la  chan- 

Tiute,  ni  original.  Nous  remarquons  que  cellerie  romaine.  «  Abusi  introdolti  in  Da- 

deux  paragraphes  ont  été  arrangés  pour  taria,    in  pregiuditio  délia  Francia  ,  »  dit 

être  insérés  dans  les  Mémoires  de  Riche-  Mazarin  dans  une  lettre  au  cardinal  Bichi; 

lieu.  fa  a. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


55 


ce  qui  estoit  des  expéditions  des  bénéfices,  que  pour  voir  tant  de  dio- 
cèzes  sans  pasteurs.  Outre  qu'il  estoit  très  sensible  à  Sa  Majesté  de 
voir  un  tesmoignage  sy  important  de  son  affection  vers  la  maison 
Barberine,  comme  estoit  la  protection  des  affaires  de  France,  si  peu 
considéré  par  Sa  Sainteté  et  M''  le  cardinal  Barberin. 

Si  l'un  ou  l'autre  parlent  au  dict  s'  ambassadeur  de  cet  arrest, 
comme  il  y  a  grande  apparence  qu'ils  ne  manqueront  pas,  il  sera  bien 
préparé  pour  leur  justifier  tout  l'exposé  d'iceluy,  selon  le  mémoire 
qu'il  a  envoyé  avec  sa  dépesche  du  1 9  du  mois  passé ,  dont  il  aura 
les  preuyes  en  main  '. 

Il  n'y  a  esté  ajousté  que  le  point  des  bénéfices  qui  s'expédient  or- 
dinairement pour  les  François  sur  simples  signatures,  et  desquels  l'on 
veut  doresnavant  les  obliger  de  prendre  bulles,  de  quoy  il  y  a  deux 
décisions  de  rote  qui  parlent  formellement  en  date  du  2 8*^  juin  et 
27*  novembre  i63A,  lesquelles  seront  fournies  au  dict  s'"  ambassa- 
deur par  le  sieur  Eschinard^. 

Mais  le  principal  point  est  celuy  de  la  protection  dont  on  ne  permet 
pas  à  M'  le  cardinal  Antoine  de  faire  la  fonction,  sur  quoy  tout  le 
procédé  que  l'on  a  tenu,  depuis  que  la  comprotection  luy  fut  donnée 


'  Leras.  cité  aux  sourcesconserve(f°  176) 
une  lettre  de  l'ambassadeur  au  cardinal 
de  nichelieu,  dalée  du  18  mai  :  c'est  celle- 
là  dont  il  s'agit  ici.  On  avait  eu  vent  à 
Rome  de  ce  qui  se  faisait  à  Paris,  et  le  ma- 
réchal d'Estrées  disait  à  Richelieu  :  «Le 
bruit  de  l'assemblée  du  clergé  pour  aviser 
à  la  proposition  des  bénéfices  de  France, 
bien  qu'elle  les  ayt  mis  en  grande  peine, 
je  crois  qu'ils  le  seroient  encore  plus  si 
V.  Ém.  trouvoit  bon  que  l'on  déclarast  de 
la  part  de  Sa  Majesté  que  l'on  ne  veut 
plus  traitter  avec  le  dataire  et  Maraldi.  » 
Deux  mois  plus  lard,  les  plaintes  n'avaient 
fait  que  s'accroître  à  Rome,  et  nous  lisons 
dans  une  lettre  de  Mazarin  à  Cbavigni, 
du  1 4  juillet  :  •  ...  Doglienze  et  afilitione 


del  papa  et  card.  Barberini  per  l'arresto 
fatto;  il  card.  di  Bagni  ed  io  liabbiamo 
parlato  come  si  doveva ,  concludendo  che 
l'intentione  del  Re  era  buona,  che  si  do- 
veva molto  al  S.  Cardinale-Duca ,  et  al  pa- 
dre  Gioseppe  che  havevano  faite  soprase- 
dere  l'esecutione Les  Espagnols  s'i- 
maginaient déjà  voir  dans  ces  dilllcultés 
le  germe  d'une  sérieuse  désunion  entre 
la  France  el  Rome  :  «  Li  ministri  di  Spa- 
gna,  ajoutait  Mazarin,  hanno  fatto,  per 
cosi  dire,  più  festa  dcll'  arreslo  di  S.  M. 
che  délia  presa  diVercelli.  »  (F"  aao  du 
même  ms.) 

"  Ë.xpédilionnaire  en  cour  de  Rome. 
Nous  le  trouvons  dans  cet  emploi  dès 
l'année  161  7. 


54  LETTRES 

jusques  à  présent,  ne  peut  estre  que  très  sensible  à  Sa  Majesté;  et 
d'autant  plus  que  le  tout  a  esté  faict  pour  ne  désagréer  aux  Espagnols 
en  chose  qui  ne  les  touche  point. 

Le  dict  s""  ambassadeur  sçayt  que  d'abord  le  pape  et  le  cardinal 
Barberin  consentirent  que-  le  cardinal  Antoine  acceptast  la  compro- 
tection;  que  depuis,  sur  les  plaintes  des  Espagnols,  ils  changèrent 
d'avis,  que  le  cardinal  Barberin  renonça,  par  collusion  avec  eux,  à  la 
protection  de  Portugal,  parce  que  c'estoit  un  exemple  formel  d'un 
neveu  de  pape  qui  avoit  une  charge  de  protecteur,  ce  qu'il  fera  bien 
entendre  à  Sa  Sainteté  et  au  dict  cardinal  Barberin ,  pour  leur  montrer 
que,  depuis  le  commencement  de  cette  affaire.  Sa  Majesté  a  eu  pa- 
tience et  a  souffert  une  conduite  continuellement  mauvaise  de  leur 
part  à  son  égard,  pour  ne  dire  mépris,  injure  et  offense. 

H  leur  pourra  toucher  ensuite  les  autres  affaires  de  delà  auxquelles 
ils  apportent  de  sy  grandes  et  extraordinaires  longueurs,  comme  aussy 
celle  de  Marchier,  qu'il  semble  que  l'on  ayt  voulu  maintenir,  quoy- 
qu'il  soit  un  religieux  fripon  et  discole  contre  Sa  Majesté  et  son 
conseil. 

Que  Sa  Majesté,  ne  voyant  point  de  fin  à  un  tel  procédé  vers  elle 
et  ses  sujets,  s'est  enfin  portée  à  donner  le  dictarrest,  duquel,  puis- 
que l'exécution  est  surcize.  Sa  dicte  Majesté  sera  très  aise  que  le 
pape  luy  donne  subjet  de  n'y  venir  point,  en  luy  accordant,  comme 
elle  se  promet,  tout  le  contentement  qu'elle  prétend  avec  justice  pour 
elle  et  ses  dicts  sujets;  afin  que,  comme  elle  conservera  tousjours  le 
respect  et  la  révérence  qu'elle  porte  au  Saint-Siège  et  à  la  personne 
de  Sa  Sainteté,  elle  soit  obligée  par  raison  à  conserver  aussy  l'affec- 
tion qu'elle  luy  porte  par  inclination ,  et  qu'elle  a  pour  toute  sa  mai- 
son, dont  la  protection  des  affaires  de  France,  qu'elle  a  mise  entre 
les  mains  du  dict  s''  cardinal  Antoine,  est  une  preuve  bien  certaine 
et  considérable. 

Ainsi  Sa  Majesté  aura  agréable,  par  sa  grande  prudence  et  bonté, 
d'obvier  aux  grands  inconvéniens  qui  pourroient  naistre  de  ces  com- 
mencemens,  lesquels  elle  saura  bien  considérer. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  55 


XXXIV. 

Archives  de  l'Empire,  K  i3/i,  Guyenne,  i"  partie,  p.  22,  pièce  61*. 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  LE  PRINCE. 

Lé  20  juin  i638. 

Le  désir  que  j'ay  qu'il  fasse  quelque  chose  de  grand  faict  que  j'en- 
voie Houdinières  dans  l'armée  pour  eschauffer  tout  le  monde,  selon 
qu'il  l'estimera  à  propos. 

Que  je  ne  doute  pas  qu'ayant  une  belle  armée,  comme  il  a,  peu 
d'ennemis  en  teste,  comme  je  n'en  trouve  pas  grand  nombre,  qu'il 
ne  fasse  quelque  chose  digne  de  luy.  C'est  chose  qui  est  tant  à  dé- 
sirer pour  pouvoir  avoir  la  paix,  et  pour  sa  réputation  particulière, 
que,  si  je  pouvois  estre  en  divers  lieux,  je  souhailerois  estre  auprès 
de  luy,  pour  luy  aider  sy  bien,  grâces  à  Dieu, 

que  je  m'asseure  non  seulement  qu'il  ne  fera  pas  moins  que  les  autres, 
mais  que  je  me  promets  qu'il  fera  plus.  Que  je  le  supplie  de  se  sou- 
venir qu'après  la  bénédiction  de  Dieu  les  succès  de  la  guerre  sont 
d'ordinaire  deus  à  la  diligence  et  à  la  fermeté. 

Comme  je  sçay  qu'il  a  l'une  de  ces  qualités  en  évidence,  je  m'as- 
seure qu'il  ne  manquera  pas  de  l'autre,  qui  faict  surmonter  toutes  les 
sortes  de  difficultés.  Que,  comme  je  suis  asseuré  qu'il  ne  manquera 
pas  de  me  donner  matière  de  faire  valoir  ses  actions,  je  le  puis  as- 
seurer  que  je  n'en  perdray  pas  d'occasion. 

J'ajouste  ce  billet  pour  vous  dire  que  je  suis  extresmement  estonné 
de  ce  que  vous  n'estes  point  encore  entré  dans  le  pays  ennemi ,  et 
vous  me  pardonnerés  bien  si  je  vous  dis  que  tant  différer  ne  peut 
aboutir  à  autre  chose  que  de  donner  temps  aux  ennemis  de  se  pré- 
parer, et  rendre  vos  entreprises  plus  difficiles. 

Ayant  aussi  veu  par  une  lettre  escrite  à  M'  de  Noyers  que  vous 
fondés  une  partie  du  bon  succès  que  vous  espérés  du  siège  que  vous 


56 


LETTRES 


devés  faire,  sur  l'assistance  que  M'  de  Bordeaux  vous  peut  donner 
par  mer,  je  vous  prie  de  vous  souvenir  que  je  vous  ay  plusieurs  fois 
prié,  comme  je  fais  encores,  de  ne  vous  reposer  pas  là  dessus,  mais 
faire  vostre  entreprise  comme  si  vous  estiés  tout  seul.  Je  vous  le  ré- 
pète parce  que,  bien  que  Sa  Majesté  veuille  bien  que  M'  de  Bordeaux 
contribue,  s'il  se  trouve  prest  assez  à  temps,  ce  qu'il  pourra  à  vostre 
dessein ,  cela  n'empesche  pas  qu'il  n'ayt  une  autre  tasche  distincte  de 
la  vostre,  et  que  les  forces  que  vous  avés  sont  plus  que  suffisantes 
seules  pour  exécuter  ce  que  vous  entreprenés. 


XXXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  36.  —  Orig. 
Bibl.  imp.  Fonds  Sainl-Germain-Harlay,  S/iy,  fol.  U'jb.  - 
Dupuy,  t.  767,  cahier  K.  k'.  (Extrait.) 

AU  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 


Copie  '. 


Ruel,  2  juillet  1 638. 

Monseigneur, 

L'action  du  secours  de  Verseil  donne  une  telle  réputation  aux 
armes  du  roy,  met  ses  affaires  en  sy  bon  estât',  et  vous  acquiert  tant 
d'honneur  et  de  réputation  tout  ensemble,  qu'il  m'est  impossible  de 
vous  représenter  la  joie  extraordinaire  que  j'en  ressens*.  J'ay  tousjours 
attendu  ce  bon  effect  de  vostre  affection,  de  vostre  prudence,  et  de 


'  Copie  faite  sur  l'original.  (Voyez  la 
note  de  la  page  49  ci-dessus.) 

'  Cette  partie  du  manuscrit  Dupuy  porte 
pour  titre  :  «  Extrait  des  lettres  retirées  de 
la  cassette  du  cardinal  de  La  Vallette,  après 
sa  mort,  et  qui  luy  avoient  esté  escrites  par 
le  card.  de  Richelieu.  Année  i638.  »  Ces 
copies  concernant  l'histoire  de  France  el 
les  affaires  d'Italie  ne  sont  point  paginées, 
mais  chaque  cahier  est  marqué  de  lettres 
de  l'alphabet,  dans  l'ordre  alphabétique. 

'  Une  relation  du  secours  de  Verceil, 


qui  se  trouve  dans  le  ms.  de  Turin  cité 
aux  sources,  a  été  insérée  en  partie  dans 
les  Mémoires  de  Richelieu.  Ce  même  ms. 
contient  plusieurs  lettres  du  cardinal  de 
La  Valette  et  de  M.  d'Hémery  sur  la  prise 
de  cette  place. 

*  Voy.  ci-après,  pages  67,  65,  et  aux 
analyses  (10 juillet),  quel  dut  être  le  mé- 
compte du  cardinal,  et  avec  quelle  dou- 
ceur résignée  son  amitié  pour  le  cardinal 
de  La  Valette  lui  fit  supporter  le  mauvais 
succès  de  Verceil. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  57 

vostre  conduite,  vous  cognoissant  comme  je  fais;  et  j'espère  que  vous 
n'en  demeurerés  pas  là,  si  vous  voyés  lieu  de  porter  les  choses  plus 
avant,  et  d'entreprendre  sur  les  ennemis.  M'  de  Pailuau  n'a  pas 
manqué  [de  mander]'  de  deçà  la  passion  avec  laquelle  vous  serves, 
dont  S.  M.  a  toute  la  satisfaction  que  vous  sauriés  désirer  vous-mesme. 
Je  vous  supplie  de  croire  que  je  n'oublieray  rien  de  ce  qui  dep- 
pendra  de  moy  pour  faire  valoir  vos  actions  et  vos  services,  et  pqur 
vous  tesmoigner  qu'il  n'y  a  personne  qui  vous  estime  ni  qui  soit  avec 
plus  de  sincérité  et  de  vérité  que  moy. 

Monseigneur, 


De  Ruel,  le  2  juillet  1618. 


Vostre  tr^s  butnble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


XXXVI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin ,  t.  26.  —  Orig. 

Bibl.  imp.  Fondfi  Saint-Germain-Harlay,  3/17,  fol.  475  v°.  —  Copie*. 

Dupuy,  l.  767,  cal)ier  K.  k.  (Extrait.} 

AU  CARDIiVAL  DE  LA   VALETTE. 

Ruel,  7  juillet  i638. 

Monseigneur, 

La  venue  du  s'  d'Aussy  a  porté  beaucoup  de  contentement  au  roy; 
la  conséquence  deVerseil  estant  sy  grande  qu'il  estoit  impossible  de 
ne  demeurer  pas  en  quelque  peine  jusques  à  ce  qu'on  eust  pareille 
nouvelle  à  celle  qu'il  a  apportée,  qui  asseure  du  salut  de  la  place, 
et  d'une  grande  espérance  de  la  ruine  et  déroute  de  l'armée  des 
ennemis'.  J'espère  que  dans  peu  de  temps  nous  aurons  l'accomplis- 

'   Nous  suppléons  ces  deux  mots,  qui  ne  d'être  faite;  Verceil  avait  été  rendue  aux 

sont  point  dans  le  manuscrit  de  Hariay  ;  le-  Espagnols,  le  5  juillet,  par  le  comte  d'O- 

manuscrit  Dupuy  ne  donne  point  ce  passage.  gliani ,  qui  y  commandait  pour  la  duchesse 

'  Copie  faite  sur  l'original.  (Voy.  not.  i  de  Savoie.  Le  secours  que  le  card.  de  La 

de  la  page  A8  et  a  de  la  pièce  précédente.)  Valette  était  parvenu  à  y  jeter  le  mois  pré- 

'  Celte  prédiction  était  démentie  avant  cèdent  ne  suffit  pas  à  sauver  cette  place. 

CARDIN.  DE  RICHELIED.  —  VI.  8 


58  LETTRES 

sèment  de  ce  que  nous  désirons  de  voslre  costé,  ce  qui  sera  deu  à  la 
bénédiction  de  Dieu,  à  vos  soins  et  à  vostre  prudence. 

M''  le  comte  Guillaume  avec  un  corps  de  4  à  5  mil  hommes  a 
esté  battu  par  les  Espagnols  auprès  d'Awen,  mais  comme  l'armée 
de  M""  le  P.  d'Orange  est  demeurée  toute  entière,  cet  échec  ne  lem- 
peschera  pas  de  faire  quelque  chose  de  considérable  le  reste  de  cette 
campagne,  à  mon  avis. 

Du  reste  tout  va  bien.  M'  de  Longueville,  après  avoir  forcé  le  duc 
Charles  dans  ses  retrancliemens  auprès  de  Poligny,  et  luy  avoir  des- 
fait 8oo  hommes  et  pris  2  pièces  de  canon,  s'est  rendu  maistre,  par 
assaut,  de  la  ville  et  chasteau  de  Poligny,  qui  est  un  poste  fort  im- 
portant, et  a  contraint  le  dict  duc  Charles  de  se  retirer  vers  Salins, 
où  M"^  de  Longueville  le  va  chercher  pour  le  combattre,  s'il  ne  lasche 
le  pied,  comme  il  a  accoustumé. 

M""  le  Prince  a  heureusement  commencé  sa  campagne,  ayant  battu 
ce  qui  s'est  présenté  d'ennemis  au  passage  de  la  rivière,  investi  Fonta- 
rabie  et  pris  au  mesme  temps,  dans  le  port  du  Passage,  dix  gros  ga- 
lions d'Espagne  avec  force  beaux  canons  de  fonte  verte.  Le  siège 
de  S'-Omer  va  fort  bien',  grâces  à  Dieu,  M'  de  Chastillon  asseurant 
que,  nonobstant  les  efforts  du  prince  Thomas  et  de  Piccolomini ,  il  en 
rendra  bon  compte  dans  ce  mois. 

Tout  est  en  la  main  de  Dieu,  et  c'est  ce  qui  me  faict  espérer  bonne 
issue  de  toutes  choses,  ne  doutant  point  que,  comme  il  cognoist  la 
justice  des  armes  du  roy,  il  n'y  respande  sa  bénédiction. 

Je  l'en  supplie  de  tout  mon  cœur,  et  vous.  Monseigneur,  de  croire 
que  je  suis  et  seray  tousjours  sincèrement, 

Vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  card.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  7  juillet  i638. 

'  Le  siège  ne  réussit  pas ,  huit  jours  après  les  lui  a  reprochées ,  notamnaenl  dans  une 

la  date  de  cette  lettre,  le  1 5  juillet,  le  mare-  lettre  du  12  juin,  imprimée  dans  le  recueil 

chai  de  Châtillon  était  obligé  de  le  lever.  Ce  d'Aubery.  Nous  notons  aux  analyses  cette 

mauvais  succès  était  dû  en  partie  aux  fautes  lettre,  ainsi  que  plusieurs  autres  écrites 

du  vieux  général,  et  Richelieu  lui-même  par  le  cardinal  au  maréchal  de  Châtillon. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


59 


XXXVII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  299.  — 
Minute  de  la  main  de  Ciloys. 

AU  ROY'. 

«juillet  1 638. 

L'insolence  des  Carmes  est  venue  jusques  à  ce  point  que  leur  im- 
punité crie  vengeance  contre  le  ciel,  Eux-mesmes  demandent  qu'on 
apporte  de  l'ordre  à  leur  désordre  insupportable,  et  représentent 
qu'il  ne  se  peut  faire  qu'avec  main  forte,  à  cause  de  leur  voisinage. 
M'  le  chancelier  demande  qu'il  plaise  au  roy,  à  cette  fin,  de  com- 
mander à  trois  compagnies  des  gardes  françoises  et  suisses  de  faire 
ce  qu'il  leur  dira  pour  cet  effect.  Je  croy  que  c'est  chose  du  tout  né- 
cessaire et  que  cet  œuvre  est  très  agréable  à  Dieu. 

S'il  plaist  à  Sa  Majesté,  j'iray  ce  soir  coucher  à  Paris,  tant  pour 
cet  affaire  que  pour  donner  quelque  ordre  à  mon  bastiment.  Je  ne 
partiray  point  que  je  ne  sache  si  Sa  Majesté  l'a  agréable.  Il  luy  plaira 
de  donner  le  commandement  nécessaire  à  M'  de  Montigny  pour  les 
gardes. 


^  Si  elle  peut  estre  donnée  à  un  séculier,  ce  seroit  bien  le  faict  de 
M.  Lescot,  docteur  en  Sorbonne,  qui  a  sy  bien  servy  en  toutes  occa- 
sions. 


'  La  suscription  et  la  date ,  que  Citoys 
avait  omises,  ont  été  notées  au  dos  par 
Cherré. 

'  Ce  passage  est  de  la  main  de  Clierré , 
et,  quoique  écrit  immédiatement  après  ce 
qui  précède,  on  ne  voit  pas  le  rapport 
qu'il  peut  avoir  avec  le  reste  de  la  lettre- 
C'était  sans  doute  un  mot  de  souvenir,  mis 
là  par  le  cardinal  pour  servir  ailleurs.  Il 
^'agil  d'un  bénéfice  vacant  auquel  il  pen- 
sait pour  le  D'  Lescot;  nous  avons  vu  ré- 


cemment que  Richelieu  avait  voulu  avoir 
son  avis  sur  un  livre  du  père  Séguenot 
(ci-dessus,  p.  Ui)-  Quelquefois  même  il  le 
consultait  en  affaires  d'état  ou  de  législa- 
tion ,  sur  certains  cas  de  conscience ,  par 
exemple ,  «  s'il  est  das  circonstances  où  les 
rois  puissent  permettre  les  duels;»  ou 
bien  :  •  des  raisons  de  punir  ceux  qui  ren- 
dent à  l'ennemi  des  places  qu'ils  pouvoient 
défendre.  ■■  (Voy.  t.  V,  p.  435  et  5a6.) 


00  LETTRES 


XXXVIII. 

Archives  de  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  i"  partie,  p.  21 , pièce  i  18.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  DE  BORDEAUX. 

16  juillet  i638. 

Monsieur,  11  me  sera  bien  aisé  de  vous  faire  response  à  la  lettre  que 
le  s""  de  Daure  m'a  rendue  de  vostre  part,  puisqu  ayant  envoyé  offrir 
ce  que  vous  avés  d'infanterie  à  M''  le  Prince,  ainsy  que  vous  me  l'avés 
mandé  vous-mesnie  par  la  vostre  du  5^  de  ce  mois\  et  qu'il  vous  la 
demande  maintenant,  il  la  luy  faut  envoyer  sans  délay,  veu  que  si 
on  la  luy  refusoit  après  luy  avoir  offerte,  il  pourroit  s'excuser  de 
ne  rien  faire  sur  le  défaut  de  ces  troupes,  et  le  blasme  en  tombe- 
roit  sur  vous,  ce  que  vous  devés  esviler  absolument.  Mais,  ayant 
considéré  particulièrement  tout  ce  que  vous  me  représentés  par  vostre 
dépesche,  j'estime  qu'il  sera  bien  à  propos,  selon  que  vous  me  le 
proposés,  que  vous  meniés  vous  mesme  tout  ce  que  vous  pourrés 
d'infanterie  et  de  vaisseaux  joindre  M"'  le  Prince,  afin  d'asseurer  de 
tout  point  son  entreprise,  et  les  vaisseaux  et  galions  qu'il  a  gaignés 
sur  les  ennemis.  C'est  donc  à  vous  à  voir  ce  que  vous  pouvés  faire  en 
cela,  laissant  sy  bon  ordre  pour  les  escadres  de  Hollande  et  de  Pro- 
vence qu'elles  vous  puissent  aller  joindre  où  vous  serés,  à  mesure 
qu'elles  arriveront  aux  isles.  Celle  de  Hollande  estant  arrivée  au  Havre 
dès  il  y  a  4  ou  5  jours,  je  ne  doute  point  qu'elle  ne  soit  bientosl  au 
lieu  où  vous  estes  maintenant,  si  le  vent  a  esté  propre  pour  aller  de 
ce  costé-là.  Si  vous  pouvés  une  fois  armer  les  galions  et  vaisseaux 
gaignés  au  port  du  Passage ,  cela  suppléeroit  bien  au  défaut  de  la  meil- 
leure de  vos  escadres.  Enfin  l'apprébension  que  vous  avés  que  M'  le 
Prince  s'estonne  ne  voyant  point  arriver  de  forces  par  mer  est  fort  con- 
sidérable, et  j'estime  que  vous  ferés  fort  bien  de  suivre  la  pensée 
que  vous  avés  d'y  aller. 

'   Nous  trouvons  cette  lettre  dans  ce  manuscrit  cotée  pièce  116'. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  61 

Au  nom  de  Dieu  faites  diligence. 

Quand  vous  aurés  un  corps  considérable  de  vaisseaux,  et  que 
vous  ne  serés  point  nécessaire  au  siège  de  Fontarabie,  on  vous  laisse 
libre  d'entreprendre  à  la  mer  ce  que  vous  estimerés  plus  à  propos. 

Quant  à  l'argent,  M""  de  Noyers  vous  y  faict  response  particulière; 
mais  s'il  n'estoit  pas  tout  à  faistprest,  en  baillant  quelques  intérests 
aux  receveursqui  en  font  la  levée ,  il  croit  que  vous  en  recevrés,  comme 
on  a  faict  partout  ailleurs  par  cette  voie;  sinon  servés-vous  des 
20,000  escus  que  vous  avés,  que  vous  remplacerés  à  mesure  que  la 
levée  se  fera  de  vos  assignations. 


XXXIX. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Rome,  i638,  huit  premiers  mois,  t.  63,  fol.  aag. — Mise  an  iiel '. 

MÉMOIRE 

AU  MÂRESCHAL  D'ESTRÉES. 

16  juillet  i638,  à  S'-Geriiiain-en-Laye. 

Les  dernières  lettres  dudict  s'  ambassadeur  des  i5  et  20  juin^ 
ayant  esté  soigneusement  examinées,  et  particulièrement  ce  qui  re- 
garde l'affaire  de  la  protection,  touchant  laquelle  principalement 
l'on  a  esté  ici  sur  le  point  d'éclater  par  l'exécution  de  l'arrest  dont 
copie  a  esté  envoyée  audict  sieur  ambassadeur.  Sa  Majesté  veut  qu'il 
continue  ses  instances  avec  vigueur  et  tesmoignage  qu'elle  viendra  à 
l'exécution  dudict  arrest,  si  le  pape  ne  luy  donne  satisfaction. 

Et  néanlmoins,  si  on  la  voulait  donner  entière  à  S.  M.  sur  tous  les 
autres  chefs  et  spécialement  touchant  la  promotion,  la  faisant  promp- 
temcnt  (qui  est  ce  que  S.  M.  peut  désirer  pour  ce  regard,  ne  faisant 
point  doute  que  le  pape  ne  donne  la  dignité  de  cardinal  au  sujet 

'  Nous  n'avons  ni  la  minute,  ni  l'ori-  ,  '  La  lettre  du  1 5  juin  est  conservée 
ginal  de  celle  pièce.  La  date  est  inscrite  au  dans  ce  manuscrit,  f°  2  1  o ,  mais  nous  n'y 
dos.  trouvons  pas  celle  du  v,o. 


62  LETTRES 

qu'elle  a  proposé),  comme  aussi  louchant  l'envoi  du  s'  Mazarin  en 
France  pour  nonce  extraordinaire  en  sorte  qu'il  y  demeure  ordinaire, 
Sadicte  M.  ne  s'esloigneroit  pas  d'accepter  l'expédient  proposé  par 
M"^  le  cardinal  Bagni. 

Mais  il  faudroit  insister  qu'il  n'y  eust  que  le  pape  qui  proposast 
les  bénéfices  de  France  jusques  à  la  paix,  après  laquelle  M"^  le  car- 
dinal Antoine  feroit  cette  fonction  de  protecteur;  et  cependant  toutes 
les  démonstrations  convenables,  comme,  entre  autres,  celle  de  mettre 
les  armes  de  France  sur  la  porte  de  son  palais. 

Si  on  ne  pouvoit  gaigner  ce  point  que  le  pape  proposast  tous  les 
bénéfices  de  France,  Ton  se  pourroit  relascher  à  ce  que  M'"  le  car- 
dinal Bichi  les  proposast,  comme  comprotecteur,  quand  il  seroit  à 
Rome,  le  pape  les  proposant  cependant. 

Il  seroit  peut-estre  malaisé  audict  s'  mareschal  de  traitter  cette 
affaint  et  se  relascher  sur  ce  qui  est  de  la  protection,  en  se  lais- 
sant entendre  lui-mesme  de  ces  conditions  [sic) ,  sans  faire  préjudice 
au  droit  que  le  roy  a  présentement  de  poursuivre  que  ledict  s"^  car- 
dinal Antoine  exerce  ladicte  protection,  et  au  moyen  que  S.  M.  a  en 
main,  très-propre,  selon  toutes  sortes  d'apparences,  pour  obliger  le 
pape  à  y  consentir. 

Il  seroit  donc  à  propos  que  ces  expédiens  fussent  proposés  de  la 
part  de  Sa  Majesté,  et  que  ledict  s'  mareschal,  par  adresse  et  par  le 
moyen  des  amis  de  la  France,  comme  ledict  s''  cardinal  Bagni,  flst 
en  sorte  que  le  cardinal  Barberin  lui  fist  proposer  ces  deux  points  de 
la  prompte  promotion  et  de  f  envoi  du  s'  Mazarin. 

Si  l'on  veut  faire  ces  deux  choses  actuellement  en  sorte  que  ledict 
s'  mareschal  en  ayt  asseurance  indubitable ,  il  pourra  se  relascher,  au 
nom  du  rôy,  ainsy  que  dessus;  mais,  s'il  n'y  a  que  des  paroles  sans 
certitude  des  eflfects,  il  poursuivra  tousjours  pour  ce  qui  est  de  la- 
dicte protection. 

Ledict  s""  mareschal  verra  s'il  sera  plus  à  propos,  sans  escouter  ou 
au  moins  accepter  aucun  expédient,  de  continuer  vivement  la  pour- 
suite de  cette  affaire,  et  donner  à  craindre  l'exécution  de  l'arrest 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  63 

susdicl,  mais  faire  savoir  par  personne  tierce  et  confidente,  ou  par 
lui-mesme,  an  pape  et  au  cardinal  Barberin,  qu'il  n'y  a  que  le  s'  Ma- 
zarin  qui  puisse  accommoder  cette  affaire,  ainsi  que  ledict  s''  mares- 
chal  s'en  est  desjà  laissé  entendre,  et  ainsi  engager  le  pape  à  l'envoyer 
en  France. 

Cette  dernière  façon  de  conduire  cette  affaire  semble  devoir  réus- 
sir, d'autant  mieux  que  la  poursuite  de  l'affaire  de  la  protection  ne 
cesseroit  point  que  ledict  s''  Mazarin  ne  fust  icy,  et  ne  seroit  point  par 
après  discontinuée  que  le  roy  n'eust  asseurance  qu'il  y  demeureroit 
nonce  ordinaire,  et  que  Sa  Majesté  n'eust  contentement  dans  une 
prompte  promotion. 

S.  M.  laisse  à  la  prudence  dudict  s'  maresclial  de  choisir  de  ces 
deux  voies  celle  qu'il  jugera  devoir  plus  promptement  réussir. 

Elle  approuve  tout  ce  qu'il  a  dict  au  pape  et  au  cardinal  Barberin 
sur  le  sujet  de  ladicte  protection,  et  trouve  bon  qu'il  leur  mette  en 
main  l'escrit  qu'il  en  a  dressé  ;  elle  approuve  aussy  les  offices  qu'il  a 
faicts  pour  ledict  sieur  Mazarin,  en  rendant  les  lettres  de  la  main  du 
roy  au  pape  et  audict  sieur  cardinal. 

Quant  à  ce  qui  est  des  sauf-conduits,  tant  s'en  faut  que  le  roy  ne 
s'esclaircisse  pas  [sic)  assez  touchant  ceux  du  roy  de  Hongrie  pour  ses 
alliés,  en  Allemagne,  qu'au  contraire  S.  M.  y  a  apporté  autant  et 
plus  de  facilité  que  l'on  ne  pouvoit  justement  attendre  d'elle,  comme 
ledict  s'  mareschal  aura  veu  par  les  précédentes  dépescbes  qui  luy 
ont  esté  faictes. 

11  faut  tousjours  faire  grand  bruit  sur  les  longueurs  d'Espagne, 
touchant  les  sauf- conduits  pour  les  députés  de  M"  les  Estats, 
comme  estant  un  tesmoignage  évident  que  les  Espagnols  ne  se  por- 
tent pas  avec  la  promptitude  qu'ils  devroient  à  la  paix  générale,  qui 
désormais  n'est  différée  que  par  ce  retardement. 

S.  M.  trouve  bon  que  ledict  s' mareschal  en  use  comme  il  a  résolu, 
au  cas  que  les  ambassadeurs  d'Espagne  veulent  accompagner  celuy 
du  roy  d'Hongrie,  ne  souffrant  point  qu'ils  mettent  le  pied  au  so- 
lio  {sic),  en  faisant  néantmoins,  devant  ou  après,  une  protestation 


64  LETTRES 

suffisante,  que  c'est  sans  préjudice  de  ce  que  le  roy  ne  peut  encore 
recognoistre  ledict  roy  d'Hongrie  pour  empereur. 


XL. 

Arch.  des  AIT.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  3io.  — 

Original,  de  la  main  de  Cherré, 

devenu  minute,  des  changements  ayant  été  faits  après  la  signature  apposée. 

A  M.  DE  FORTESCUYÈRE'. 

DeRuei,ce  lyjuillet  i638. 

M.  de  Fortescuyère,  J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre,  par  vostre 
lettre  du  8  de  ce  mois,  que  les  travaux  du  Havre  s'avancent.  Vous  ne 
sçauriés,  M.  Petit  et  vous,  me  faire  un  plus  grand  plaisir  que  de  les 
faire  diligenter.  Je  donneray  ordre  de  vous  faire  envoyer  le  reste  du 
fonds  selon  que  je  vous  l'ay  mandé. 

Je  trouve  bon  que  La  Barre  soit  ayde  major,  puisque  vous  le  ju- 
gés capable  de  cette  charge;  que  le  frère  de  Lignery  ayt  son  ensei- 
gne qu'avoit  vostre  nepveu.  Vous  les  establirés  en  ces  charges. 

H  y  a  quelque  temps  que,  vous  ayant  proposé  un  mariage,  vous  me 
tesmoignastes  que  vous  n'aviés  nul  dessein  de  vous  y  attacher;  mais, 
comme  vous  pouvés  avoir  depuis  changé  de  volonté,  mandés  moy  si 
vous  sériés  maintenant  en  résolution  d'y  entendre,  et  d'espouser  une 
femme  veufve,  parce  qu'en  ce  cas  je  pourrois,  à  mon  avis,  vous  faire 
avoir  la  fdle  du  bon  homme  M'  de  La  Fitte,  que  vous  cognoissés,  de 
laquelle  on  m'escrit  beaucoup  de  bien,  et  qui  sera  riche,  après  la 
mort  du  père  et  de  la  mère,  qui  sont  fort  âgés,  de  deux  cent  mil 
livres.  H  y  a  plusieurs  personnes  qui  la  recherchent,  mais  cela  n'em- 
peschera  pas  que  nous  n'en  venions  à  bout,  si  vous  y  voulés  en- 
tendre. J'attendray,  sur  cela,  vostre  résolution,  que  vous  me  ferés 
sçavoir  prompteinent  et  librement,  ne  désirant  point  vous  porter  au 
mariage  si  vous  n'y  avés  point  d'inclination,  ny  aussy  vous  en  des- 

'  La  suscription  manque,  mais  le  nom  a  été  écrit  au  dos  de  celte  pièce. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  65 

tourner  si  vous  cognoissés  que  ce  soit  chose  qui  vous  soit  nécessaire 
ou  utile. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

P.  S.  'J'envoye  Fontbert  qu'il  y  a  longtemps  qui  est  brigadier 
dans  mes  gardes  pour  faire  la  charge  d'ayde  major  dans  la  citadelle. 

Et  qu'il  envoyé  La  Coste  à  la  mer  en  l'armée  navale  si  les  vaisseaux 
ne  sont  point  })artis,  et  puis  je  luy  bailleray  la  première  enseigne  va- 
cante. Vous  iuy  donnerés  cent  francs  en  partant  pour  y  subsister. 


XLI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  I.  26.  —  Orig. 

Bibl.  imp.  Fonds  SainlGermain-Harlay,  347,  ''*'•  ^7^  ^°-  — Copie*. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  R.  k.  (Extrait. ] 

AU  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

19  juillet  i638. 

Monseigneur, 

Je  vous  avoue  que  je  ne  fus  jamais  plus  surpris  que  je  l'ay  esté 
apprenant  la  perte  de  Verceil,  après  les  grandes  espérances  que  l'on 
nous'  avoit  données  de  son  salut;  mais,  comme  les  événemens  sont 
en  la  main  de  Dieu,  il  faut  vouloir  ce  qu'il  luy  plaist,  et  espérer  de 
sa  bonté  qu'il  ne  nous  abandonnera  pas  dans  la  suite  de  nos  affaires. 
Nous  n'avons  pas  esté  plus  heureux  en  Flandres  que  vous  l'avés  esté 
en  Italie,  puisqu'encore  qu'on  ayt  desfait  une  bonne  partie  de  la  ca- 
valerie des  ennemis  près  Saint-Omer,  et  ruiné  l'autre,  M''  de  Chas- 
tillon  n'a  pas  laissé  d'estre  contraint  de  lever  le  siège  qu'il  avoit  mis 
devant  la  place,  quoyqu'il  fust  logé  sur  le  bord  du  fossé. 

Beaucoup  croient  que  la  mésintelligence  d'entre  luy,  M' le  mares- 
chal  de  La  Force,  qui  l'avoit  joint,  et  les  autres  officiers  des  armées, 

'  Ces  deux  paragraphes  que  nous  met-  '  Copie   faite  sur  l'original.  (Voyez  la 

Ions  en  post-scriptum  sont  placés  dans  le  note  1  de  la  page  48  et  la  note  2  de  la 

manuscrit  en  marge  de  la  pièce;  rien  n'in-  page  55.) 

dique  qu'ils  dussent  y  être  intercalés.  '  Le  manuscrit  de  Harlay  a  mis  «  vous.  » 

CAIIOIN.    DE    RICIIELIEC. —  VI.  Q 


66  LETTRES 

en  est  la  principale  cause;  pour  moy  je  ne  puis  qu'en  dire,  mais  il 
est  certain  que  la  lenteur  de  M''  le  mareschal  de  Chastillon  est  la 
première  origine  de  nostre  mal.  Nous  allons  recom,mencer  un  autre 
siège,  qui  succédera  mieux,  s'il  plaist  à  Dieu.  Poiu'  cet  elTect  le  roy 
s'avance  en  personne  sur  la  frontière  pour  le  favoriser  et  essayer  à 
réparer  le  désordre  qui  est  arrivé.  J'espère  que  .son  voyage  ne  sera 
pas  inutile. 

On  vous  envoie  trois  régimens,  sçavoir  ;  Roussillon,  Kelus  et  Mir 
repois,  outre  le  reste  des  troupes  de  vostre  armée  qui  vous  sont 
maintenant  arrivées,  afin  de  vous  fortifier  et  de  vous  donner  lieu  de 
réparer  le  mauvais  événement  de  Verceil  par  quelqu'autre  action. 

Asseurés-vous,  Monseigneur,  que  je  contribueray  à  cette  fin  tout 
ce  qui  deppendra  de  moy,  comme  aussy  pour  vous  faire  cognoistre 
que  je  suis  véritablement. 

Monseigneur, 

Vostre  très  liumble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Royaumont,  ce  19  juillet  i638. 

Après  avoir  vcu  M""  de  Vignoles,  j'adjouste  qu'il  est  impossible  de 
vous  envoyer  d'autres  troupes  que  les  trois  régimens  dont  je  vous  ay 
parlé  ci-dessus,  parce  qu'en  eflect  nous  n'en  avons  pas.  Le  désir  qu'on 
a  de  vous  secourir  faict  que  M'  de  Noyers  envoie  un  de  ses  alliés  pour 
les  conduire  les  plus  forts  qu'il  se  pourra.  En  efiFect,  Monseigneur,  si 
je  pouvois  me  mettre  en  quatre  je  le  ferois  de  très-bon  cœur  pour 
vous  secourir;  vous  congnoissés  mon  affection,  et  le  feu  avec  lequel 
je  sers  non-seulement  mon  maistre,  mais  mes  amis.  J'espère,  nonobs- 
tant tous  les  embarras  où  nous  sommes,  que  tout  ira  bien. 

Il  faut  soigneusement  fortifier  Casai;  vous  aurés  le  fond  de  la  gar- 
nison de  Bresme  où  on  n'a  point  touché;  j'envoie  de  mon  argent 
3o,ooo  escus  par  le  s'  Colbert,  qui  est  à  M''  de  Noyers,  pour  employer 
àPignerol  et  à  Casai,  sçavoir  est  60,000  1.  pour  Pignerol ,  et  3 0,0 00 1. 
pour  Casai;  outre  cela  il  prend  à  Lyon  200,000  1.  qu'il  porte  en  di- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.      -  67 

ligence  pour  les  garnisons  de  ces  mêmes  places.  En  un  mot  il  ne 
tiendra  pas  à  vous  assister  d'argent  que  toutes  choses  n'aillent  bien 
du  costé  où  vous  estes;  mais,  pour  des  hommes,  il  nous  est  impos- 
sible de  vous  en  envoyer  davantage  que  les  trois  régimens  cy-dessus. 
Si  vous  en  pouvés  faire  en  Italie ,  on  les  payera  volontiers. 


XLII. 
Archives  de  l'Empire,  Guyenne,  i"  partie,  K  i3/i,  p.  63,  pièce  76'.  —  Minute. 

A  M.  LE  PRINCE'. 

Du  1  g  juillet  i638. 

Monsieur,  J'ay 

esté  extresmement  aise  d'apprendre  par  vostre  dernier  courrier  que 
vostre  siège  continue  à  bien  aller  ;  j'en  espère  bientost  un  bon  suc- 
cès, d'autant  plus  asseuré  que  la  flotte  de  Levant  est  arrivée  à  la  Ro- 
chelle le  1  2  de  ce  mois,  et  que  celle  de  Hollande  a  passé  au  Havre 
de  Grâce  le  1 4 ,  ce  qui  faict  que  M'  de  Bordeaux  sera  bientost  à  vous 
avec  une  armée  navale  puissante,  si  il  n'y  est  arrivé  auparavant  avec 
une  escadre,  selon  qu'il  m'a  mandé  qu'il  s'y  préparoit,  estant  fortilhé 
des  galions  et  vaisseaux  acquis  au  roy  par  vostre  soin  et  vostre  dili- 
gence. Toute  l'Espagne  ensemble  ne  sçauroit  mettre  en  mer  det 
forces  qui  puissent  estre  considérables  auprès  de  celles-là,  et  en  le.' 
privant  du  port  du  Passage,  on  les  prive  du  moyen  le  plus  puissam 
qu'ils  eussent  de  se  rendre  forts  de  la  mer;  c'est  ce  qui  faict  que  j'es- 
lime  du  tout  important  de  conserver  ce  port,  et,  pour  ce  faire,  dt 
prendre,  après Fontarabie,  Saint-Sébastien,  ce  qui  vous  sera  bien  aisé 
estant  fortifié  de  M'  de  Bordeaux,  et  de  l'armée  navale  qu'il  coni 
mande.  Je  vous  prie  donc,  Monsieur,  de  penser  à  l'exécution  de  et 
dessein,  qui  ne  sera  pas  difficile  nonobstant  les  milices  que  les  enne- 
mis assemblent  à  Saint-Sébastien.  Si  ils  en  ont  quelque  nombre  con 
sidérable,  ils  se  voudront  opposer  à  vos^  approche,  et  de  là  viendra 
à  mon  avis,  vostre  avantage,  parce  que  assurément  vous  les  déférés 

'  Cherré  a  noté  en  tête  le  nom  et  la  date. 


68  LETTRES 

et  Saint-Sébastien  attaqué  par  mer  et  par  terre  ne  peut  tenir.  Après 
cela  vostre  campagne  sera  glorieuse,  et  vos  amis,  entre  lesquels  vous 
trouvères  bon  que  je  me  mette  à  la  tête,  n'oublieront  pas  vos  inté- 
rests,  et  conjureront  le  roy,  qui  aura  beaucoup  gagné  par  la  prise  de 
vaisseaux,  de  faire  que  vous  ayés  lieu  de  vous  louer  de  ses  libéra- 
lités. Asseurés-vous,  s'il  vous  plaist,  de  mon  afTection  et  de  mon  ser- 
vice en  toute  occasion,  et  croyés  que  je  suis  ravi  de  vos  prospérités, 
tant  pour  le  service  du  roy  que  pour  l'amour  de  vous-mesme. 


XLIII. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  Sag.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  BOUTHILLIER^] 

De  Clermonl,  ce  jo' juillet  i638. 

Je  vous  remercie  du  soin  que  vous  prenés  du  général  des  gallères. 

Il  renvoiera  la  ratilEcation  comme  il  faut. 

J'ay  parlé  au  s'  Deschamps;  je  luy  ay  dict  qu'on  ne  luy  commandoit 
pas  de  se  retirer,  mais  qu'on  luy  permettoit,  suivant  sa  demande. 

J'ay  dict  au  Picart,  trésorier^,  qu'il  payast  les  quatre  mil  francs 
par  mois  de  cette  année,  ainsy  qu'on  l'a  faict  Tannée  dernière.  Le 
d.  Picart  est  en  Provence,  qui  n'y  manquera  pas.  Je  prie  Dieu  que  le 
général  soit  plus  sage  à  l'avenir  qu'il  n'a  esté  par  le  passé  '. 

Vous  ne  devés  point  aller  chez  l'ambassadeur  d'Angleterre  pour 
luy  dire  la  response  du  roy  sur  le  mariage  de  mademoiselle  de  Rohan. 
S'il  vous  la  demande  vous  la  luy  ferés. 

Quant  aux  humeurs  de  M'  de  BuUion,  il  les  faut  laisser  passer 

'  Cet  original  manque  de  suscription  '  Sur  les  mauvaises  affaires  de  M.  du 

comme  de  signature,  mais  il  allait  à  Bou-  Pont  de  Courlay,  et  sur  les  arrangements 

tliillier;  celte  note  de  réception,  écrite  au  que  lui  avait  fait  prendre  Richelieu ,  voyez 

dos,  •monseig'  le  card.  »  est  de  sa  main.  le  tome  V,  p.  5o2 ,  5o3,  et  978,  aux  ana- 

^  Il  était  trésorier  de  la  marine.  lyses,  lettre  à  M.  de  Forbin. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  69 

sans  s'en  tourmenter  quand  elles  sont  mauvaises.  Il  m'a  dict  qu'il 
approuvoit  le  règlement;  s'il  a  d'autres  pensées  il  n'a  pas  raison.  Je 
vous  envoie  la  coppie,  et  suis  ce  que  je  vous  ay  tousjours  esté,  qui 
est  tout  dire. 


XLIV. 

Arch.  des  Afi".  étr.  France,  1 638- 1 63g,  fol.  loo.  — 
Original  devenu  minute  à  cause  de  quelques  changements. 

A  M.  DE  BULLION. 

2o  juillet  i638. 

Monsieur,  Je  suis  bien  aise  que  le  roy  vous  ayt  faict  la  bonne  chère 
que  vous  me  mandés. 

Je  pensois  vous  renvoyer  le  règlement  avec  les  changemens  que 
vous  désirés  ',  mais  Sa  Majesté,  le  voyant,  a  faict  difficulté  du  dernier 
article,  sur  ce  qu'il  croit  que  c'est  le  code  Michaut,  et  defFunt  M''  de 
Marillac  disoit  souvent  qu'il  ne  se  pouvoit  observer,  et  ne  sçavoit  pas 
à  quelle  fin  M'  d'Effiat  l'avoit  faict  faire. 

Vous  nous  esclaircirés  donc  sur  ce  sujet.  C4ependant  je  vous  ren- 
voyé le  reste  du  règlement  avec  les  changemens  que  vous  avés  désirés. 

Je  désire  que  les  deffaillances  que  vous  avés  eues  chez  le  roy  n'aient 
point  de  suitte,  et  que  vostre  santé,  comme  tout  autre  chose,  aille 
comme  nous  le  pouvons  tous  souhaitter. 

J'ay  esté  contraint  de  prendre  de  la  casse  cestc  nuict,  par  précau- 
tion seulement.  Je  demeure.  Monsieur, 

Vostre  très  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

'  Richelieu  avait  d'abord  écrit  à  peu  première  pensée  était  celle  du  cardinal, 

près  le  contraire,  il  disait:  «Je  vous  ren-  puisqu'il  avait  signé  cette  lettre.  La  se- 

voiele  règlement  avec  les  changemens  que  conde  était  celle  du  roi,  qui  n'agréait  pas 

vous  désirés,  Sa  Majesté  s'estant  trouvé  à  les  changements,  et  c'est  celle-ci  qui  a 

propos  en  ceste   ville  pour  les  luy  faire  prévalu;  le  cardinal  a  dû  modifier  sa  lettre 

agréer.  Je  désire,  etc.  »  —  On  voit  que  la  après  avoir  vu  le  roi. 


70 


LETTRES 


'  Depuis  cette  lettre  escrite,  il  est  arrivé  une  dépesche  de  Lan- 
guedoc qui  faict  qu'il  est  besoin  d'y  pourvoir  proinptement.  Le  loy 
le  veut  ainsy,  et  outre  cela  la  raison  d'Estat  le  requiert,  et  je  m'as- 
seurê  que  vous  n'y  manquerés  pas;  et,  en  effect,  la  chose  presse  de 
telle  sorte  que  je  vous  prie  de  m'y  faire  response.  M"^  de  Noyers  vous 
escrit  sur  ce  sujet.  Vous  fecés  donner  l'argent  qu'il  faudra  envoyer  à 
M'  de  Mauroy. 

De  Clermont,  ce  20  juillet  i  638. 


XLV. 

Bibl.  imp.  5oo  Colbert,  n°  46,  fol.  10  v°.  — Copie*. 
Sainl-Germain- Harlay,  n°  346,  t.  a,  p.  i4-  —  Copie. 

A  MADAME  DE  CHEVREUSE. 

24  juillet  i638. 

Madame,  Le  roy  a  volontiers  consenti  à  ce  que  vous  avés  désiré. 
Puisque  vous   ne .  vous    sentes    coupable   que   de  vostre  sortie    du 


'  Ce  post-scriptum  est  également  une 
addition  faite  sur  la  lettre  corrigée. 

"  «  Faite  sur  une  minute  originale  de 
la  main  de  Clierré.  »  Note  du  nis.  de  Col- 
bert, reproduite  dans  le  ms.  de  Harlay. — 
Le  ras.  de  Colbert  a  réuni  sur  le  même 
sujet  plusieurs  pièces,  avec  ce  titre  :  »  Né- 
gociation pour  faire  revenir  madame  de 
Chevreuse  d'Angleterre.  »  Le  père  Griflet, 
dans  son  Histoire  de  Louis  XIII  (t.  III, 
p.  174),  fait  mention  de  cette  lettre  du  ms. 
de  Colbert  n°  46,  et  il  la  date  du  29  juil- 
let; ce  n'est  qu'une  erreur  de  chiffre;  mais 
une  faute  plus  grave,  c'est  que,  dans  la 
courte  analyse  qu'il  donne  de  cette  lettre , 
l'historien,  qui  sans  doute  ne  l'avait  pas 
sous  les  yeux ,  en  change  le  sens  :  «  Biche- 
lieu  se  contenta,  dit-il,  de  mander  à  ma- 


dame de  Chevreuse  qu'elle  ne  pouvoil  re- 
venir en  France  sans  prendre  auparavant 
des  lettres  d'abolition.  »  La  lettre  porte,  au 
contraire ,  que  le  roi  «  donne  l'abolition  • 
et  '1  envoie  toutes  les  seurelés  que  madame 
de  Chevreuse  a  désirées.  »  Les  lettres  d'a- 
bolition ont  même  été  rédigée»,  et  nous 
en  avons  vu  le  projet  aux  arch.  des  Aff. 
étr.  (France,  i638,  de  janvier  en  juillet, 
f°43o.)  La  date  dcjuiilet  manque  de  quan- 
tième, mais  le  nom  de  la  ville  (Amiens), 
le  donne  à  peu  près  ;  Richelieu  y  arriva  le 
3  1  juillet  au  soir,  et  en  repartit  le  26,  il 
se  pourrait  donc  que  ce  projet  eût  été  écrit 
le  même  jour  que  la  présente  lettre.  Quoi 
qu'il  en  soit,  madame  de  Chevreuse  ne  se 
tint  ni  satisfaite,  ni  rassurée;  nous  ne  vou- 
lons pas  dire  que  sa  défiance  fût  mal  fon- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  71 

royaume ,  il  m'a  commandé  de  vous  mander  qu'il  vous  en  donne  de 
bon  cœur  l'abolition,  comme  il  eust  faict  de  toute  antre  cliose  que 
vous  eussiez  tesmoigné  avoir  sur  vostre  conscience.  Quand  le  s"^  de 
Boispilé  vous  alla  trouver,  je  luy  dis  ce  que  j'estimois  pour  vostre 
service  et  pour  vostre  seureté,  qui  consistoit,  à  mon  avis,  à  ne  tenir 
rien  de  caché,  ce  à  quoy  j'estimois  que  vous  vous  deussiez  porter 
d'autant  pjus  facilement  que  l'expérience  vous  a  faict  cognoistre,  par 
ce  qui  s'est  passé  au  faict  de  M'  de  Chasteauneuf,  qu'en  ce  qui  vous 
intéresse,  ce  dont  vos  amis  ont  la  preuve  en  main  est  plus  secret  que 
s'ils  ne  l'avoient  point.  Je  vous  puis  bien  asseurer  que  je  n'ay  jamais 
eu  moins  d'intention  de  vous  servir  aux  occasions  pressentes  qu'en 
celle-là;  et  que  tant  s'en  faut  qu'on  ayt  voulu  vous  faire  avouer  une 
chose  qu'on  ne  sceustpas,  [qu']onvoudroit  ne  sçavoir  pas  ce  qu'on  sçait 
pour  ne  vous  obliger  à  le  dire.  Tant  y  a  qu'on  vous  envoie  les  seu- 
retés  que  vous  avés  désirées;  que  si  vous  en  avés  besoin  de  plus 
grandes,  je  vous  y  serviray  volontiers,  comme  je  vous  l'ay  desjà  mandé; 
vous  asseurant  que  je  seray  tousjours'. . . 


dée;  ses  liaisons  constantes  avec  les  enne- 
mis de  la  France  devaient  lui  inspirer  de 
trop  légitimes  inquiétudes,  et  nous  com- 
prenons qu'elle  sentît  le  besoin  de  bien 
prendre  se»  sûretés;  nous  voulons  seule- 
ment maintenir  les  termes  de  la  lettre  de 
Richelieu. 

'  Il  n'est  pas  douteux  que  la  conduite 
de  madame  de  Chevreuse  en  Angleterre 
ne  fût  observée  par  les  agents  français  que 
Richelieu  pouvait  avoir  en  cette  cour,  et 
la  légèreté  naturelle  à  cette  dame  a  dû  lui 
inspirer  au  moins  des  paroles  indiscrètes. 
L'ambassadeur  Bellièvre  se  borne  à  rap- 
porter ce  qu'il  entendait  dire,  sans  pas-' 
sion  contre  madame  de  Chevreuse,  sans 
complaisance  pour  le  cardinal.  Le  a 2  juil- 
let il  écrit  à  Chavigni  :  «  Madame  de  Che- 
vreuse lesmoigne  eslre  bien  aise  du  mau- 


vais succès  des  armes  du  roy  et  elle  publie 
des  relations  toutes  contraires  à  la  vérité... 
Si  l'Espagne  Iraitte,  il  faut  que  ce  soit  par 
madame  de  Chevreuse,  car  le  résident 
voit  fort  peu  le  roy  d'Angleterre  et  ses  mi- 
nistres.—  Elle  reçoit  des  lettres  de  France 
dans  les  paquets  du  père  Philippe  de  l'O- 
ratoire, confesseur  de  la  reyne.  »  —  Le 
29  juillet  Bellièvre  écrit  qu'on  lui  a  affirmé 
que  madame  de  Chevreuse  ne  traite  pas 
de  politique  avec  l'Espagne.  Elle  dit  qu'elle 
est  ré.solue  de  tèmoignei-  respect  et  obéis- 
sance aux  commandements  du  cardinal. 
(Arch.  des  AIT.  èlrang.  Angleterre,  t.  48, 
f"  i63,  164.)  Mais  Richelieu  s'en  rappor- 
tait plutôt,  sur  ce  sujut,  à  ses  agents  se- 
crets qu'à  l'ambassadeur,  auquel  sa  posi- 
tion interdisait  toute  relation  avec  l'intri- 
gante duchesse. 


72  LETTRES 


XLVI. 

Dépôt  de  la  guerre ,  t.  48 ,  pièce  89*.  — 
Original  devenu  minute,  le  cardinal  ayant  fait  quelque  corrections  '. 

[LETTRE  DU  ROI 
AUX  MARÉCHAUX  DE  LA  FORCE  ET  DE  CHÂTILLONl] 

Mes  cousins,  ayant  sceu  que  vous  aviés  laissé  prendre  le  logement 
de  Feuguenberghe  que  vous  m'aviés  mandé  que  vous  prendriés,  j'ay 
jugé  que  les  ennemis  estant  entre  vous  et  Hedin,  et  par  conséquent 
entre  l'armée  que  commande  mon  cousin  le  mareschal  de  Brézé  et 
vous,  je  debvois  luy  faire  changer  sa  marche,  parce  qu'il  n'est  pas 
assez  fort  pour  faire  teste  aux  ennemis  luy  seul.  C'est  pourquoy  je 
l'ay  faict  advancer  droit  à  [Monstreuil,]  afin  qu'il  soit  en  lieu  où  l'on 
ne  puisse  empescher  la  jonction  des  troupes  [que  je  vous  ay  mandé] 
que  mon  cousin  le  mareschal  de  Chastillon  y  debvoit  joindre.  [Cela 
faict,  ma  pensée  n'est  pas  de  confondre  toutes  mes  trois  armées  en 
une,  mais  bien  de  les  mettre  en  deux  puissans  corps,  qui  se  donnent 
la  main  l'un  à  l'autre ,  et  n'ayant  eu  autre  fin  que  de]  pousser  les  en- 
nemis et  les  chercher  en  tous  lieux  où  l'on  pourra  raisonnablement 
les  combattre,  ne  voyant  pas  qu'il  y  ayt  lieu  de  se  promettre  un  ad- 
vantage  par  aucun  siège  qui  puisse  esgaler  celuy  d'un  combat  raison- 
nablement entrepris  [^ après  le  succès  duquel  il  me  sera  libre  de  faire 
entreprendre  ce  que  j'estimeray  plus  à  propos].  Je  désire  donc  que 
vous  vous  proposiés  ce  but,  et  tachiés,  par  tous  moyens,  d'y  parvenir. 
Mon  cousin  le  mareschal  de  Brézé  arrivera  à  Montreuil  mercredy 
28®  de  ce  mois. 

Et  afin  de  vous  faire  encores  mieux  comprendre  mes  intentions, 

'  Ln  première  minute,  de  la  main  de  ^  Il  n'y  a  point  de  suscription,  mais 

de  Noyers ,  est  cotée  pièce  90'.  Le  cardi-  elle  est  indiquée  par  la  lettre  même, 

nai,  qui  paraît  l'avoir  dictée,  y  a  ajouté  ^  Ceci  a  été  ajouté  par  le  cardinal  sur 

plusieurs  choses  de  sa  main;  nous  enfer-  l'expédition  signée  du  roi;  les  autres  pas- 

mons  ces  corrections  entre  crochets.  sagesdesa  main  étaientécritssurlaminute. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  73 

j'envoye  mon  cousin  le  s"^  de  Melleray,  grand  maistre  de  l'artillerie  de 
France,  qui  en  est  particulièrement  instruit,  pour  en  conférer  avec 
vous,  désirant  que  vous  luy  donniés  créance  comme  vous  fériés  à 
moy-mesme.  Sur  ce,  je  prie  Dieu  qu'il  vous  ayt,  mes  cousins,  en  sa 
sainte  et  digne  garde.  Escrit  à  Amiens,  ce  2^' juillet  i638  ^ 

LOUIS. 

SUBLET. 


XLVII. 

Arch.  des  A(T.  élr.  F'rance,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  3o6.  — 
Mise  au  net,  devenue  minute,  à  cause  de  divers  changements. 

MÉMOIRE  POUR  MADAME  DE  LANSSAC. 

Du25»  juillet  1 638. 

Madame  de  Lanssac  sçaura  que  le  roy  escrit  à  la  reyne  pour  luy 
faire  sçavoir  le  choix  qu'il  a  faict  de  sa  personne  pour  estre  gouver- 
nante de  l'enfant  qu'il  plaira  à  Dieu  luy  donner,  et  luy  envoie  les 
expéditions  de  cette  charge,  afin  qu'elle  les  deslivre  elle-mcsme  à 
madame  de  Lanssac,  qu'elle  envoyera  quérir  pour  cet  effect. 

Lorsque  la  reyne  envoyera  quérir'  madame  de  Lanssac,  si  Sa  Ma- 
jesté luy  demande  si  elle  ne  sçavoit  rien  de  l'honneur  qu'il  plaist  au 
roy  luy  faire,  elle  luy  dira  ingénuement  que  le  bruit  luy  avoit  appris* 


'  Le  a8  le  roi  leur  adressait  une  autre 
lettre  contre-signée  aussi  Sublet,  où  il  di- 
sait :  «Voyant  que  de  tous  costés  les  en- 
nemis sont  devenus  plus  insolens  depuis 
ce  qui  s'est  passé  à  S' -Orner. . .  si  vous  ren- 
contrés des  paysans  dans  les  forts  qui  tien- 
nent contre  apparence  de  raison,  je  veux 
que  vous  les  chastiez  selon  que  leur  témérité 
méritera,  et  au  surplus  fassiez  tout  le  dé- 
gast  et  dommage  que  vous  verrez  possible 
dans  le  pays  ennemi,  à  la  réserve  des  lieux 
saints.  •  (Mém.  de  La  Force,  111,  libi.) 

'  Clierré ,  qui  a  noté  au  dos  de  la  minute 


la  suscriplion  et  la  date ,  a  écrit  (rès-nelte- 
ment  •  du  35  ;  i-mais  celui  qui  a  inscrit  une 
date  en  tête ,  pour  le  classement ,  a  mis  1 5 , 
et  la  pièce  se  trouve  ainsi  faussement  clas- 
sée au  1 5.  —  La  copie  de  la  provision  de~ 
madame  de  Lansac  est  au  folio  ^og;  elle 
est  aussi  datée  du  2  5,  et  d'Amiens;  le  roi 
ni  le  cardinal  n'étaient  à  Amiens  le  i5. 

'  «  Lii  reyne  envoyera  quérir,  »  de  la 
main  de  Richelieu. 

'  I  Le  bruit  luy  avoit  appris.  »  Il  y  avait, 
Il  elle  savoit;  ■  cetle  correction  en  surcharge 
est  de  la  main  de  Kichelieu;  remarquons 


:,;:(■: 


CARDIN.  DE  RICHELIEU.    —  VI 


74 


LETTRES 


qu'on  l'àvoit  mise  sur  le  rooUe  ^  de  celles  qui  ont  esté  proposées  au 
roy  pour  cette  charge  '^,  que  cela  l'avoit  empeschée  de  visiter  et  rendre 
ses  devoirs  à  la  reyne  de  crainte^  que  son  visage  fust  importun  pen- 
dant que  cette  affaire  estoit  sur  le  tapis. 

Ensuite  de  cela  il  est  à  propos  qu'elle  dist  doucement  à  l'oreille 
de  la  reyne  qu'on  luy  a  rapporté  que*  sa  personne  n'estoit  pas  trop 
agréable  à  Sa  Majesté  pour  cela,  mais  qu'elle  espéroit  de  s'y  con- 
duire de  telle  sorte  que  Sa  Majesté  en  auroit  toute  sorte  de  satis- 
faction et  de  contentement.  Qu'elle  la  suplioit  de  suspendre  le  juge- 
ment qu'elle  peut  faire  d'elle  jusques  à  ce  qu'elle  ayt  veu  la  façon 
avec  laquelle  elle  se  comportera  envers  Sa  Majesté,  espérant  que  Dieu 
luy  fera  la  grâce  de  ne  rien  faire  qui  desplaise  à  la  reyne,  ny  qui  luy 
donne  sujet  de^  mauvaise  satisfaction.  Et  que,  comme  il  ne  luypouvoit 
jamais  arriver  un  plus  grand  honneur,  elle  n'oubliera  rien  pour  s'en 


qu'il  ne  se  sert  pas  de  la  locution  vulgaire , 
«  le  bruit  public,  d  Ce  mémoire ,  écrit  pour 
une  circonstance  délicate ,  a  été  de  sa  part 
l'objet  d'une  attention  particulière;  il  en  a 
pesé  chaque  mot.  Après  l'avoir  fait  mettre 
au  net  par  Clierré ,  il  l'a  corrigé  de  sa  pro- 
pre main ,  et  il  a  dicté  des  changements 
qu'indique,  mieux  encore  que  les  sur- 
charges, la  différence  des  deux  écritures 
de  Cherré,  l'une  Irès-soignée  dans  la  mise 
au  net,  l'autre  très-expédiée  pour  les  cor- 
rections. Nous  notons  exaetement  les  sup- 
pressions ainsi  que  les  additions;  les  unes 
et  les  autres  nous  révèlent  le  soin  minu- 
lieux  que  Richelieu  a  voulu  mettre  ici  dans 
le  choix  de  ses  expressions. 

'  En  marge  de  ce  paragraphe  se  trou- 
vent quelques  lignes  qui  expriment  tou- 
jours la  pensée  de  répondre  à  un  interro- 
gatoire, mais  aucune  marque  n'indique 
qu'elles  dussent  être  ajoutées  au  texte,  ou 
y  remplacer  quelque  phrase;  nous  les  con- 
servons ici  :  I  .M'  le  cardinal  ne  vous  en 


a-t-ii  rien  fait  sçavoir?  Madame,  il  y  a  plus 
de  trois  mois  que  je  ne  l'ay  veu;  dernière- 
ment madame  d'Esguillon  me  dist  qu'on 
me  raettoit  sur  le  bureau  comme  les  autres , 
et  qu'elle  croyoit  peut  estre  que  j'y  aurois 
bonne  part.  »  Cette  addition  est  de  l'écri- 
ture courue  de  Cherré. 

*  Il  y  avait  ici,  dans  le  premier  projet, 
•  et  que  S.  M.  ne  l'avoit  pas  eu  désagréa- 
ble, u  Cela  a  été  barré. 

'  Dans  le  premier  projet,  «qu'on  ne 
s'imaginast  qu'elle  briguoit  et  poursuivoit 
la  dicte  charge;  »  barré  aussi  et  remplacé 
par  la  phrase  qui  termine  le  paragraphe, 
ajoutée  de  l'écriture   rapide  de  Cherré. 

'  «  S.  M.  avoil  tesmoigné  n'avoir  pas  d'ag- 
grément  pour  sa  personne  en  cette  charge, 
mais  qu'elle  espéroit,  etc.  a  Richelieu  a 
fait  biffer  cette  phrase  du  premier  projet , 
et  mettre  à  la  place  :  «  sa  personne ,  etc.  • 

'  «  Désirer  une  autre  personne  en  sa 
place.»  Première  leçon  barrée;  on  y  a 
substitué  les  deux  mots  qu'on  voit  ici. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


75 


rendre  digne  et  pour  faire  coguoislre  à  la  reyne  l'extresme  passion 
qu'elle  a  de  luy  rendre  ses  très  humbles  services. 

'Madame  de  Lanssac  fera  force  civilités  à  madame  de  Hautefort, 
madame  de  La  Flotte  et  autres  personnes  de  chez  la  reyne,  le  tout 
avec  sa  modestie  ordinaire,  afin  qu'on  ne  puisse  faire  apréhender  à  Sa 
Majesté  l'humeur  de  madame  de  Lanssac,  qu'on  a  représenté  hautaine. 


XLVm. 
Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet ,  fol.  434. 


Minute'. 


A  M.  LE  GRAS'. 

[zSjjuiHel  i638. 

Monsieur, 

Le  roy  env«ye  un  gentilhomme  exprès  à  la  reyne,  avec  une  lettre 
de  sa  part,  pour  l'informer  du  choix  qu'il  a  faict  de  madame  de  Lans- 
sac pour  estre  gouvernante  de  l'enfant  qu'il  plaira  à  Dieu  luy  donner; 


'  Le  mémoire  finissait  ici;  ce  dernier 
paragraphe  est  une  addition  de  l'écriture 
très-rapide  de  Cherré. 

'  Cette  minute  étant  de  ta  main  d'un 
secrétaire  de  Chavigni ,  on  peut  se  deman- 
der si  la  lettre  est  réellement  du  cardinal, 
et  le  mot  Monsieur,  mis  en  vedette,  pour- 
rait faire  douter;  mais  il  n'y  a  pas  d'éti- 
quette dans  un  brouillon.  La  lettre  serait 
même  signée  par  Chavigni  qu'elle  pour- 
rait encore  être  du  cardinal  ;  nous  avons 
montré  plus  d'une  fois  qu'il  faisait  signer 
ses  propres  lettres  par  quelque  secrétaire 
d'Etat,  et  dans  cette  circonstance  il  aurait 
pu  vouloir  prendre  cette  précaution.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  le  ton  de  la  lettre  est  évi- 
demment le  sien  et  non  d'un  autre.  -^ 
Une  note  de  la  main  de  Chavigni,  qui  se 
trouve  au  folio  suivant  (435),  indique  la 
matière  de  celle  lettre ,  écrite  par  ordre 
du  roi,  ainsi  que  la  matière  de  deux  au- 


tres missives  :  l'une  adressée  à  M.  de  La 
Ville- aux -Clerc»,  afin  qu'il  expédie  les 
lettres  de  gouvernante  à  M"'  de  Lansac; 
l'autre,  du  roi  à  la  reine,  ainsi  conçue: 
t  J'ay  commandé  au  Gras  de  vous  dire  le 
choix  que  j'ay  fait  de  madame  de  Lanssac 
pour  estre  gouvernante  de  l'enfant  qu'il 
plaira  à  Dieu  nous  donner.  J'ay  voulu 
qu'elle  receust  les  expéditions  de  vostre 
main;  je  ne  doute  point  qu'elle  ne  s'y  con- 
duise en  sorte  que  vous  enaurés  autant  de 
satisfaction  que  moy.  t  On  voit  que  toute 
cette  affaire  a  été  traitée  dans  le  cabinet 
du  cardinal;  tout  y  est  prévu  et  combiné 
comme  s'il  se  fût  agi  de  la  plus  impor- 
tante afi'aire  politique. 

'  Ce  nom  est  écrit  à  la  marge  de  la  mi- 
nute. Le  quantième  manque;  mais  la  lettre 
a  dû  être  faite  le  jour  où  M""  de  Lansac  a 
été  nommée. 


76  '  LETTRES 

et  nioy  j'ay  eu  commandement  de  Sa  Majesté  de  vous  adresser  celle 
qu'elle  escrit  à  madame  de  Lanssac,  afin  que  vous  la  présentiés  à  la 
reyne,  et  que  vous  luy  disiés  que  l'intention  duroy  est  qu'elle  l'envoie 
quérir  et  qu'elle  luy  donne  elle-mesme  la  dicte  lettre,  voulant  qu'elle 
reçoive  cette  grâce  de  ses  propres  mains. 

Le  roy  commande  aussy  à  M'  de  La  Ville-aux-Clercs  de  luy  porter 
les  instructions  de  gouvernante,  afin  qu'elle  les  reçoive  pareillement 
de  S.  M. 

Je  ne  doubte  pas  que  la  reyne  ne  considère  cette  civilité  que  le 
roy  luy  faict  comme  elle  doibt,  et  que,  quelque  dégoust  qu'elle  ayt 
tesmoigné  avoir  de  madame  de  Lanssacj  elle  ne  luy  face  bonne  chère. 
Ce  sera  à  vous  à  mesnager  cette  entreveue  et  faire  en  sorte  que  les 
choses  se  passent  au  contentement  de  Leurs  Majestés.  Mais  s'il  arri- 
voit  que  la  reyne,  ce  que  je  ne  puis  croire,  ne  vouli»st  pas  donner 
elle-mesme  les  dictes  lettres  à  madame  de  Lanssac,  vous  luy  ferés  co- 
gnoistre ,  s'il  vous  plaist,  par  les  i-aisons  que  vous  sçaurés  bien  luy 
représenter,  le  tort  qu'elle  auroit  d'en  user  ainsy,  et,  si  elle  persiste, 
vous  remettrés  les  lettres  entre  les  mains  de  M.  de  La  Ville-aux-Clercs 
afin  qu'il  les  baille  à  madame  de  Lanssac,  avec  ses  expéditions. 

Le  gentilhomme  du  roy  partira  demain  au  soir,  et  pourra  estre 
mardy  à  S'-Germain.  Vous  aurés  agréable,  s'il  vous  plaist,  de  vous  y 
trouver  en  mesme  temps,  afin  que  toutes  choses  soient  bien  ajustées. 

L'apréhension  que  j'ay  que  la  reyne  ne  face  en  cette  occasion 
quelque  chose  qui  soit  désagréable  au  roy  me  faict  dire  encore  une 
fois  que  vous  devés  faire  tout  ce  qui  deppendra  de  vous  pour  l'em- 
pescher  de  prendre  une  mauvaise  résolution.  La  mienne  sera  tous- 
jours  de  demeurer, 

Monsieur. . . 

Voici  la  lettre  du  roi,  dont  la  minute,  de  la  main  de  Chavigni,  se  trouve  au 
folio  /i35  du  même  manuscrit;  cette  minute  n'a  point  de  quantième;  mais  elle 
doit  être  du  même  jour  que  la  lettre  au  s'  Le  Gras  : 

Madame  de  Lanssac,  Les  bonnes  qualités  qui  sont  en  vous  et  vostre 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  77 

bonne  conduite  m'ont  fait  jetter  les  yeux  sur  vostre  personne  pour 
vous  donner  le  soin  de  l'éducation  de  l'enfant  qu'il  plaira  à  Dieu  me 
donner.  Pour  cet  effect  je  vous  fais  cette  lettre  à  ce  que  vous  vous  dis- 
posiés  à  la  charge  de  gouvernante  que  je  vous  en  donne;  je  m'asseure 
que  vous  vous  en  acquiterés  sy  bien  que  j'auray  satisfaction  entière 
de  mon  choix  '. 

XLIX. 

Bibl.  imp.  Fonds  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  ^77  v°.  —  Copie'. 

A  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

27  juillet  i638. 

Monseigneur, 

Je  suis  ravi  quand  je  pense  au  dessein  que  vous  mandés  avoir  au 
cas  que  vous  puissiez  estre  renforcé  de  6,000  hommes  de  pied,  bien 
que  ce  renfort  ne  soit  pas  aisé  de  nostre  part,  et  que  je  le  tienne  im- 
possible de  celle  de  Madame.  Je  crois  cependant  qu'en  y  faisant  tout 
ce  que  nous  pourrons ,  vous  le  pourrés  recevoir. 

Pour  cet  effect,  outre  trois  régimens  de  vostre  armée  que  nous 
présupposons  ne  vous  estre  pas  encore  arrivés,  nous  vous  en  envole- 
rons trois  nouveaux,  sçavoir  ceux  de  Roussillon,  Kelus  et  de  Mire- 
poix. 

Nous  envoyons  en  outre  trois  ordinaires  du  roy  à  M"  d'Alincourt, 
comte  de  Sault  et  de  Polignac  en  Auvergne,  avec  argent  pour  lever 
chacun  2,000  hommes.  Quelques  Italiens,  Montferrins  ou  autres  que 
vous  puissiés  lever  sur  les  lieux,  nous  serons  tenus  de  les  payer. 

Ainsy  je  croy  que ,  s'il  n'y  a  bien  du  malheur,  vous  aurés  du  se- 
cours de  Madame  ou  du  nostre,  au  moins  les  6,000  hommes.  Toute 


'  La  reine,  dans  la  pensée  que  son  en-  pouvait  pas  croire  que  ce  bon  accueil  fût 

fanl  serait  confié  à  M™  de  Lansac,  se  vil  sincère. 

forcée  de  lui  faire  bon  accueil;  mais  le  '  CeUe  copie  a  été  faite  sur  l'original, 

cardinal,  qui  afl'ecta  de  s'en  réjouir  (voy.  (Voy.  la  note  de  la  page  A9  ci-dessus.) 
aux  analyses,  à  la  dale  du  3  août],  ne 


78  LETTRES 

mon  apréliension  est  que  ce  secours  n'arrive  pas  à  temps ,  ou  arrive 
sy  mal  à  propos,  l'un  après  l'autre,  que  vous  n'en  puissiés  faire  l'ef- 
fect  que  vous  désirés. 

Quant  à  i'esquipage  d'artillerie  qu'il  nous  est  du  tout  impossible  de 
renforcer  de  France ,  M"^  l'ambassadeur  de  Savoie  ne  nous  a  pas  plus 
tost  proposé  qu'on  pourroit  avoir  des  chevaux  à  Genève,  que  nous 
avons  envoyé  un  commissaire  et  de  l'argent  pour  en  lever  200.  Si 
tous  nos  souhaits  ont  lieu  vous  serés  secouru  comme  vous  le  désirés, 
et  ferés  les  effects  que  vous  proposés. 

Mais  comme  nous  ne  serons  pas  coupables  si  nos  bonnes  intentions 
n'ont  pas  lieu,  vous  ne  serés  pas  blasmable  si  vos  desseins  ne  peu- 
vent réussir. 

Nous  n'oublierons  rien  ny  les  uns  ny  les  autres  de  ce  qui  se  pourra 
faire  à  l'avantage  du  service  du  roy.  A  ce  propos  je  ne  puis  que  je  ne 
vous  die  que  M''  d'Hémery  escrit  de  deçà  des  lettres  qu'on  ne  peut 
comprendre.  Il  mande  qu'il  n'a  touché  que  600,000  livres  de  cette 
année,  et  que  les  lettres  de  change  ne  sont  pas  acceptées;  et,  contre 
son  dire.  M'  de  Noyers  soutient  l'acceptation  des  lettres  estre  faicte, 
et  les  trésoriers  de  l'extraordinaire  des  guerres  produisent  pour 
1,900,000  livres  de  deniers  fournis  pour  l'Italie,  et  se  soumettant  à  la 
perte  de  la  vie  s'ils  ne  disent  vray.  . . 

Je  vous  suplie.  Monseigneur,  de  faire  travailler  soigneusement  à 
Casai.  J'ay  envoyé  de  mes  deniers  l'argent  qu'on  a  demandé  pour  cet 
effect,  avec  ordre  de  n'en  souffrir  point  le  divertissement.  Si  vous 
joignes  vos  ordres  à  ceux  qu'on  a  envoyés  de  deçà,  je  m'asseure  qu'on 
verra  l'effet  d'une  chose  dont  il  y  a  longtemps  qu'on  parle  sans  eflect. 
Quoy  qui  arrive,  je  suis  et  je  seray  tousjours, 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  servileur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
D'Airene  ',  ce  27  juillet  i638. 

'   Airaines,  bourg  de  Picardie  entre  Amiens  et  Abbeville. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


76 


Bibl.  imp.  Baluze,  pap.  des  arm.  lettres,  paq.  i ,  n"  i,  fol.  ga.  —  Original. 
Arch.desAff.  étr.  France,  1 638,  d'août  en  décembre,  fol.  A-  —  Original'. 

SUSCRIPTION : 

A  MONSEIGNEUR  LE  DUC  D'ORLÉANS, 

FRÈHE  DNIQDE  DU   ROY. 

Monseigneur, 

Le  roy  désirant  un  secours,  non  de  la  bourse  de  Vostre  Altesse 
mais  de  son  pouvoir  et  de  son  authorité,  je  prends  la  plume  pour  la 
suplier  de  les  vouloir  emploier  de  telle  sorte  que  Sa  Majesté  puisse 
recevoir,  dans  la  fin  de  ce  mois,  l'elTect  qu'elle  désire;  ce  qui  sera 
bien  aisé  à  Vosti'e  Altesse,  employant  des  personnes  entendues  et  af- 
fectionnées pour  liiy  faire  lever  deux  mil  bommes  dans  l'eslendue  de 
ses  gouvernemens.  Ce  secours  est  de  telle  importance  pour  faire  que 
les  armées  du  roy,  qui  sont  en  très-bon  estât,  ne  diminuent  en  sep- 
ténèbre,  qui  est  le  meilleur  temps  de  faire  la  guerre,  que  je  suplie 
Vostre  Altesse  d'y  apporter  tout  ce  qui  deppendra  de  sa  puissance;  et 
de  me  faire  l'honneur  de  croire  que  je  suis  et  seray  toute  ma  vie , 
autant  qu'on  le  peut  estre. 

Monseigneur, 

Son  irës  humble  et  tris  obéissant  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


D'Abbeville,  ce  2'=  aoust  i638. 

'  Ces  deux  originaux,  tous  deux  signés 
du  cardinal,  ne  diffèrent  entre  eux  que  par 
quelques  mots  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de 


noter.  C'est  celui  de  la  collectioti  Baluze 
qui  a  été  envoyé. 


80  LETTRES 


LI. 
Archives  de  l'Empire,  K  i34.  Guyenne,  i"  partie,  p.  81,  pièce  80'.  —  Minute. 

A  M.  LE  PRINCE'. 

Du  3  aoust  i638. 

Faut  escrire  à  M''  le  Prince  que  les  ennemis  ont  Irailté  de  deçà  avec 
tant  de  rigueur,  d'injustice  et  impiété,  que  Manicamp,  qui  estoit  au 
siège  de  S'-Omer  sans  le  consentement  du  roy,  ayant  capitulé  dans 
un  fort  où  il  s'estoit  jeté,  [à  condition]  qu'on  le  remèneroit  luy  et  ses 
compagnons  dans  une  place  frontière  de  S.  M.  sans  dire  quelle,  le 
prince  Thomas  et  Piccolomini  le  firent  mener  à  Metz,  au  lieu  de  l'a- 
mener à  Amiens  ou  S -Quentin,  comme  il  pensoit;  qu'on  les  fist  con- 
duire en  ce  chemin  par  des  Croates,  qu'il  y  en  a  desjà  la  plus  grande 
partie  de  perdus,  ou  de  misère  ou  par  la  malice  des  paysans,  qui  les 
assomment. 

S.  M.  voudroit  bien  en  prendre  revanche,  et  partant  dépesche  à 
M''  le  Prince  afin  de  l'avertir  que,  si  la  capitulation  de  Fontarabie 
n'est  point  encore  faicte,  il  tasche  de  la  faire  en  sorte,  s'il  petit,  qu'il 
soit  seulement  dict  que  ceux  qui  sortiront  seront  menés  en  une  des 
places  frontières  du  roy  d'Espagne,  ou  en  une  des  places  frontières 
d'Espagne. 

Si  on  y  peut  couler  le  premier,  sans  manquer  à  sa  parole  on  les 
pourra  faire  conduire  dans  le  Luxembourg,  qui  est  le  mesme  lieu  où 
ils  mènent  Manicamp.  Si  on  n'y  met  que  le  second,  on  les  pourra 
mener  à  Perpignan,  et  par  là  chercher  à  débaucher  les  Irlandois  de 
façon  à  débaucher  les  autres  ainsy  qu'ils  font. 

'  Le  secrétaire  qui  a  mis  au  dos  le  nom  nom  d'un  dés  courriers  dont  se  servait  or- 
et  la  date  a  écrit  «  par  Saladin  ;  »  c'est  le        dinairement  le  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  8Î 


LU. 

Archives  de  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  i"parlie,  p.  84  et  85, pièces  81  et  86.  — 
Minute  de  la  main  de  de  Noyers. 

3  aoust. 

A  M.  le  Prince  en  conformité  de  ce  que  dessus  \  pour  ce  qui  est 
de  prendre  S'-Sébastien ,  chose  du  tout  nécessaire  et  qui  s'exécute 
maintenant  que  M'  de  Bordeaux  est  arrivé. 

Que  la  pensée  du  roy  n'est  point  que  M.  le  Prince  aille  jusques  là; 
mais  qu'il  peult  faire  exécuter  ce  dessein  par  M'  de  La  Valette,  M'  de 
La  Force,  d'Espenan,  et  M"'  de  Bordeaux,  pour  la  mer;  et  que,  s'il  voit 
que  la  mauvaise  intelligence  qui  est  entre  M'"  de  Bordeaux  et  M'  de 
La  Valette,  peut  troubler  ce  dessein,  ce  qui  est  à  craindre,  eu  ce 
cas  il  sufBroit  d'y  envoyer  M'  le  M.  de  La  Force,  le  s'  d'Espenan  et 
autres  officiers  qu'il  estimera  à  propos,  comme  les  s"  duc  de  S'-Si- 
mon  pour  la  cavalerie  et  M""  de  Gesvres. 

Que  S.  M.  estin)e  que  M"^  de  Grammont  peut  se  pourvoir  de  la 
frontière  de  ce  qu'il  faudra.  M.  le  Prince  pourroit  cependant  utilement 
faire  un  voyage  dans  la  province  de  Guienne ,  pour  donner  les  ordres 
aux  recrues  de  cette  armée,  et  pour  sa  subsistance. 

Qu'il  y  a  icy  un  homme  fort  pratique  d'Espagne  qui  dict  que  si, 
ayant  pris  S'-Séhastien ,  on  ferme  2  passages  qui  sont  dans  les  mon- 
tagnes, les  Espagnols  ne  sçauroient  plus  venir  secourir  sa  conqueste. 

Que  je  m'asseure  qu'il  n'oubliera  rien  pour  la  conserver,  y  allant 
beaucoup  de  sa  réputation,  de  sa  gloire  et  de  son  utilité,  que  ses 
amis  et  ses  serviteurs  procureront  tousjours  très  volontiers;  que  je  le 
prie  donc  de  considérer  que  la  prise  de  S'-Sébastien  est  du  tout  né- 
cessaire. 

Je  suis  bien  fasché  que  les  officiers  de  l'artillerie  ne  vous  servent 

Cette  minute  est  écrite  sur  la  même        date  du  même  jour.  C'est  Cherré  qui  a 
page,  immédiatement  après  la  minute  de        mi»  la  date  en  tête, 
la  lettre  du  cardinal  à  M.  le  Prince,  en 

CARDIN.  DR  RICHELIEU.  —  VI.  II 


82 


LETTRES 


à  vostre  mode  ;  mais  l'on  n'a  peu  faire  autre  chose  que  de  vous  don- 
ner les  munitions  que  vous  aviés  demandées  et  les  officiers  de  la  pro- 
vince, et  un  gentilhomme  du  Grand  Maistre  pour  les  faire  marcher. 
Tout  ce  que  vous  paires  de  vostre  argent  je  m'oblige  à  vous  le 
faire  rendre. 


LUI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'aoùl  en  décembre,  fol.  3i.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  BOUTHILLIER, 

SURINTENDANT  DES  FINANCES  ,    À    PABIS. 

O'Abbevilie,  ce  lo'aoust  i638. 

J'ay  esté  bien  aise  de  voir  par  vostre  lettre  ce  qui  s'est  passé  à 
Saint-Germain  au  choix  des  norices  '  el  le  bon  traittement  que  ma- 
dame de  Lanssac  reçoit  de  la  reyne  ^.  J'espère  que  leurs  Majestés  rece- 
vront toute  sorte  de  contentement  de  sa  conduite  et  de  ses  services. 

Je  suis  bien  fasché  de  vostre  indisposition ,  je  souhailte  que  vous 


'  Cependant  ces  nourrices  réussirent 
fort  mal;  le  18  décembre  Chavigni  écrivait 
au  maréchal  d'Estrées,  ambassadeur  de 
France  à  Rome  :  «  On  a  fait  courrir  de 
mauvais  bruits  de  la  santé  du  dauphin, 
mais  vous  ne  vous  en  devez  pas  mettre  en 
peine;  on  a  seulement  été  obligé  de  lui 
changer  depuis  peu  trois  nourrices  parce 
qu'il  est  de  si  grande  vie  qu'il  les  tarit 
toutes.»  Et  six  jours  après,  le  aA,  il  écri- 
vait de  nouveau  à  l'ambassadeur  :  a  11  a 
falu  que  le  dauphin  change  de  huit  ou  dix 
nourrices  ;  mais  il  en  a  à  cette  heure  une 
très-bonne.»  (Arch.  des  Aff.  étr.  Rome, 
t.  6/1,  f'aaG  el  266.) 


^  Richelieu  fait  certainement  semblant 
de  se  tromper;  il  savait  fort  bien  que  les 
personnes  qui  avaient  sa  confiance  ne 
pouvaient  avoir  celle  de  la  reine,  qui  ne 
les  voyait  autour  d'elle  que  comme  des 
surveillants  incommodes.  La  manière  dont 
on  lui  avait  imposé,  quelques  jours  aupa- 
ravant (voy.  au  25  juillet) ,  la  gouvernante 
de  l'enfant  qu'elle  allait  mettre  au  monde 
n'était  pas  faite  pour  diminuer  chez  elle 
ce  sentiment  de  répulsion.  Et,  quoique 
madame  de  Lansac  fût  une  des  femmes 
les  plus  honorables  de  la  cour,  elle  ne 
pouvait  pas  être  bien  accueillie  par  la 
reine. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  83 

en  soyés  bientost  deslivré  et  que  vous  ayés  autant  de  santé  que  j'en 
désire  pour  moy-mesme.  Je  vous  prie  d'en  avoir  un  soin  particulier. 
M.  de  Chavigni  vous  escrivant  ce  qui  se  passe  en  ces  quartiers  il  ne 
me  reste  qu'à  vous  tesmoigner  la  joye  que  j'ay  de  ce  que  M'  le  gé- 
néral des  gallères  s'est  enfin  résolu  d'aller  à  la  mer,  et  faire  ce  qu'il 
doit;  et  de  ce  qu'il  a  envoyé  la  ratiffication  comme  on  la  pouvoit 
désirer. 

J'ay  bruslé  les  papiers  que  vous  m'avés  envoyez  qui  faisoient  men- 
tion de  cette  affaire. 

Asseurés-vous  que  je  seray  toute  ma  vie  ce  que  je  vous  ay  esté 
par  le  passé. 


LIV. 
Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'aoùl  en  décembre,  fol.  87  v°.  —  Copie. 

A  M.  DE  BRÉZÉ\ 

D'Abbeville,  ce  ii  aoust  i638. 

Mon  frère,  Une  lettre  m'apprend  vostre  peu  de  santé,  vostre  peu 
de  bien,  et  la  résolution  que  vous  avés  prise. 

Le  premier  deffaut  dépend  de  vostre  constitution  naturelle  et  des 
excès  que  la  passion  de  la  chasse  vous  a  faicl  faire  en  vostre  jeunesse. 


'  Au  commencement  de  la  campagne 
de  i638,  le  cardinal  avait  fait  mettre  sur 
pied,  du  côté  des- Pays-Bas, trois  armées, 
commandées  l'une  par  le  maréchal  de  La 
Force,  l'autre  par  le  maréchal  de  Chà- 
lillon  et  la  troisième  par  le  maréchal  de 
Brézé.  Celui-ci ,  qui  avait  la  prétention  de 
commander  seul ,  se  plaignit.  Le  cardinal 
n'avait  pas  assez  de  confiance  en  la  capa- 
cité de  son  beau-frère  pour  admettre  sa 
prétention  et  n'eut  aucun  égard  à  ses 
plaintes.  Le  père  Griffet  (  Histoire  de 
Louis  XIII,  in-4",  t.  III,  p.  129)  fait  en- 


tendre que  le  maréchal  de  Brézé  aban- 
donna son  armée  sans  prévenir  ni  le  roi , 
ni  le  cardinal.  Cette  lettre  montre  que 
l'historien  était  mal  informé,  et  que  Brézé 
ne  partit  qu'après  divers  pourparlers ,  dont 
le  résultat  fut  un  con^é,  qu'on  lui  annonce 
ici.  Cette  lettre  du  cardinal  est  la  réponse  à 
une  missive  de  Brézé ,  dont  nous  donnons 
l'extrait ,  parce  qu'elle  rectifie  l'histoire 
du  père  Griffet,  et  aussi  parce  qu'elle  est 
nécessaire  pour  faire  bien  comprendre  la 
lettre  du  cardinal.  Nous  l'avons  trouvée  en 
copie  dans  le  manuscrit  des  Affaires  étran- 


84  LETTRES 

Le  second  doibt  eslre  attribué  au  mauvais  mesnage  de  vostre 
maison,  ou  aux  despences  que  vos  prédécesseurs  ont  faictes,  servant 
les  roys. 

Pour  ce  qui  est  de  vostre  résolution,  vostre  seule  humeur  en  est 
cause. 

Comme  je  ne  puis  estre  responsable  du  premier  de  vos  maux  puis- 
que j'en  ay  ma  part  moy-mesme,  et  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  donne 
la  santé,  vous  ne  devriés  pas,  ce  me  semble,  me  reprocher  le  second, 
veu  les  grands  biens  que  je  vous  ay  faicls,  ou  que  vous  avés  receuz, 
par  mon  moyen,  de  la  grâce  du  roy;  et  le  mauvais  estât  au  quel 
estoient  vos  affaires  lorsque  vous  estes  entré  en  mon  alliance  avec 
les  beaux  tiltres  dont  vous  me  parlés,  mais  sy  peu  de  bien  qu'entre 
ce  dont  vous  jouisses  et  ce  que  vous  aviés  lors  il  y  a  différence  de 
beaucoup  à  rien. 

Quant  à  vostre  résolution,  il  me  semble  que  vous  me  devés  bien  ce 
respect  de  ne  la  prendre  pas  sans  m'en  donner  part.  Le  roy  m'a  faict 
l'honneur  de  me  dire  qu'il  avoit  dict  au  s"^  Sanguin  que,  si  vous  estlés 
malade  comme  vous  me  le  représentés,  il  seroit  plus  tost  d'advis  que 


gères ,  écrite  sur  la  même  feuille  que  la  co  ■ 
pie  de  la  lettre  du  cardinal ,  folio  87  ;  elle  est 
datée  de  Vezelay,  2  août.  M.  de  Brézé  parle 
de  ses  maux  qui  l'empêchent  de  marcher 
et  de  se  tenir  à  cheval.  «  Pour  ce  qui  est  de 
la  résolution  que  j'ay  prise  avec  Sanguin 
(voy.  t.  II,  p.  58o),  elle  est  conforme  à  cel- 
les que  j'ay  tousjours  eues  d'obéir  aux  vo- 
ionlez  du  roy,  qui  ne  m'ont  jamais  paru 
dissemblables  de  celles  de  Vostre  Emi- 
nence.  Sanguin  me  vint  dire  de  la  part  de 
Sa  Majesté  qu'elle  estoit  d'advis  que  je 
me  retirasse.  Ainsy  nomma  il  la  paroUe 
qu'il  m'aporla;  mais  moy  qui  sçay  bien 
que  les  conseilz  de  Sa  Majesté  sont  des 
commandemens  luy  respondis  que  j'estois 
prest  d'obéir;  que  toutesfois  ce  seroit  à 
très  grand  regret,  si  je  me  pouvois  repro- 


clier  quelque  chose  à  moy-mesme  qui  fust 
capable  de  faire  rougir  un  homme  de  bien 
et  d'honneur;  mais  puisque  ma  conscience 
ne  me  refusoit  pas  la  satisfaction  que  je 
ne  pouvois  avoir  d'ailleurs,  que  je  ne  de- 
mandois  point  d'aulre  grâce  <\\ie  celle-là 
d'avoir  le  plus  promplement  que  faire  ce 
pourroit  un  ordre  de  m'-en  aller,  puis  que 
je  ne  pouvois  plus  demeurer  ou  j  eslois 
avec  honneur  et  contentement;  et  c'est 
encore  ce  que  je  demande  à  Vostre  Emi- 
nence,  si  ce  n'est  qu'elle  me  veuille  con- 
damner à  mourir  de  langueur  pour  estre 
né  avec  peu  de  bonne  fortune.  "  —  M.  de 
Brézé  se  plaint  ensuite  des  «  mauvais 
contes  n  qu'on  a  faits  de  lui  au  roi ,  et  de 
ce  qu'après  vingt  ans  de  services  il  est 
encore  sujet  aux  calomnies. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  85 

vous  alassiés  aux  bains  pourveoir  à  vostre  santé,  que  de  vous  embar- 
quer au  reste  de  la  campagne ,  qui  requéroit  autant  de  force  de  corps 
comme  vous  en  avés  de  cœur. 

Je  veoy  bien  que  vous  avés  esté  bien  aise  de  prendre  la  consulta- 
tion d'un  maistre  pour  un  commandement  qu'il  vous  eust  aussy  bien 
faict  absolu  s'il  l'eust  voulu  faire,  comme  il  n'a  «u  autre  dessein  que 
de  s'enquérir  de  vostre  santé ,  et  consentir  que  vous  y  pourveussiés  si 
vous  le  jugiés  à  propos. 

En  quittant  ces  quartiers  vous  aurés  voulu  quitter  mon  amitié.  Je 
consens,  quoyque  mal  volontiers,  à  la  rupture  que  vous  faictes  avec 
moy,  et  sans  me  repentir  des  biens  que  vous  ne  reconnoissés  pas,  et 
dont  vous  jouisses.  Bien  que  je  ne  veuille  plus  avoir  de  commerce 
avec  vos  inégalités  et  vos  boutades,  je  vous  asseure  que  je  seray  tous- 
jours,  mon  frère, 

Vostre  très  afiectionné  frère  et  serviteur. 

M'  de  Chavigny  vous  porte  la  permission  que  vous  désirés  ^ 


'  Montglat,  dansses  M^o<m(I,ao3), 
touche  celte  affaire  en  quelques  mots  qui 
donnent  une  pauvre  idée  du  maréchal  de 
Brézé.  Le  cardinal  n'était  pas  heureux  en 
parenté.  •  L'armée  du  mareschal  de  Brézé , 
dit  Montglat,  s'csloil  assemblée  en  Cham- 
pagne, et  s'estoit  avancée  vers  l'Artois; 
mais,  après  la  prise  de  Renti',  ce  mares- 
chal s'ennuyant  du  comandement  de  l'ar- 
mée, et  pressé  du  désir  de  relourner  en 
sa  maison  de  Milly  en  Anjou,  pour  y  man- 
ger des  melons,  dont  la  saison  se  passoit, 
manda  au  cardinal,  son  beau-frère,  que 
s'il  ne  lui  faisoit  envoyer  son  congé  par  le 
roi,  il  le  prendroit  et  laisseroit  l'armée. 
Le  cardinal  fut  fort  fasché  de  cette  bou- 
tade, et   connaissant  le  caprice   de   son 

*  La  mémoire  de  Montglat  n'est  pas  ici  parfaite- 
ment Gdèle  ;  Reoti  fut  pris  ie  i  o  août ,  et  Brézé  n'avait 


esprit,  il  cacha  au  roi  celte  mauvaise 
humeur,  et  lui  envoya  son  congé  sous 
prétexte  de  maladie.  Il  enrageoit  néan- 
moins de  voir  l'extravagance  de  son  beau- 
frère,  qui  n'avoit  aucune  complaisance 
pour  lui,  et  recevoit,  comme  malgré  lui, 
les  honneurs  qu'il  lui  procuroit,  n'ayant 
autre  ambition  que  de  demeurer  chez  lui 
pour  chasser  et  persécuter  la  noblesse  sur 
la  chasse,  mesme  les  plus  grands,  se  liant 
sur  son  autorité.  Quoi  qu'il  fust  fort  ou- 
tré de  ce  bizarre  procédé,  il  se  consola 
d'un  autre  costé  sur  ce  qu'il  esloit  difficile 
qu'il  ne  mist  en  sa  place  quelqu'un  qui  ne 
fust  plus  capable  que  lui.  Du  Hallier  fut 
choisi  pour  cet  emploi.  » 


pas  attendu  cela  pour  montrer  sa  mauvaise  hameur 
et  demander  a  s'en  retourner  chez  lui. 


86  LETTRES 


LV. 

Arch.  des  AiF.  étn  France,  i638,  d'aoûl  en  décembre,  fol.  Sg.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  LE  PROCUREUR  GÉNÉRAL. 

Du  i3  aoust  i638. 

Monsieur,  Je  vous  ay  escrit  ce  que  j'ay  pensé  estre  du  bien  de 
vostre  famille,  sans  autre  motif  que  celuy  que  vous  pourries  vous- 
mesme  prendre  en  l'affaire  '  dont  il  s'agit. 

Pour  vous  le  tesmoigner  je  vous  en  prie  encore  de  si  bien^  penser 
à  la  conduite  que  vous  y  voudrés  tenir  que  vous  n'ayés  pas  lieu  de 
vous  en  repentir.  Quelque  résolution  que  vous  y  preniés,  je  me 
tiendray  obligé  de  la  façon  avec  laquelle  vous  avés  receu  l'avis  que  je 
vous  ay  donné,  et,  après  avoir  faict  une  seconde  réflexion,  si  vous 
persistes  au  conseil  que  vous  avés  pris  avec  vous-mesme,  vos  amis 
feront  tout  ce  que  vous  pourrés  désirer  d'eux  pour  vous  faire  avoir 
le  contentement  que  vous  pouvés  en  attendre;  ce  pendant  je  vous 
suplie  de  croire  ^. . , 

'  C'était  une  querelle  qui  avait  été  jus-  à  son  service.  Les  sentimens  qui  y  sont 

qu'aux  voies  de  fait  entre  M.  de  Champla-  exprimez  de  l'accident  arrivé  à  l'un  de 

treux,  fils  du  procureur  général,  et  le  fils  mes  enfans  ne  me  laissent  point  d'assez 

de  M.  de  Nouveau ,  intendant  général  des  dignes  parolies   pour  luy   en   rendre  les 

postes.  (  Voy.  aux  analyses ,  à  la  date  du  actions  de  grâces.  Les  conseilz  des  quels 

5  août.  )  il  luy  plaist  m'honorer  me  sont  des  com- 

'  «  Encore  de  si  bien ,  »  de  la  main  de  mandemens  si  précis  que  ma  plus  grande 

Ricbelieu.  gloire  est  en   l'obéissance.   11   me    suffit 

'  Au  folio  ho  se  trouve  l'original  de  la  que  Vostre  Éminence  aye  voulu  voir  la 

lettre  du   procureur  général,  à  laquelle  vérité  de  ce  qui  s'est  passé,  par  l'escrit 

celle-ci   répond  :  «  Monseigneur,  je   con-  que  je  luy  ay  cydevant  envoyé.  Il  ne  me 

serveray   tousjours   celle  qu'il   a   pieu   à  resteroitqu'un  soubaii,  que  le  filzde  M'de 

Vostre  Eminence  de  m'escrire,  le  5  de  Nouveau  feust  encore  plus  coulpable  pour 

ce  mois,  come  une  preuve  très  asseurée  tesmoigner  à  Vostre  Eminence   plus  de 

de  la  cordialle  affection  qu'il  luy  plaist  d'à-  respect  et  de   soubsmission.  L'image  des 

voir  pour  une  petite  famille  toute  desdiée  signalées  obligations  que  je  luy  ay  est  si 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


87    • 


LVI. 

Archivas  de  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  i"  partie,  p.  ii5,  pièce  90.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

M.  LE  PRINCE. 

Du  16  'aoust  i638. 

Monsieur,  Je  ne 

doute  point  que  vous  n'ayés  maintenant  pris  Fontarabie,  ensuite  de 
quoy  il  faut  penser  aux  choses  qui  ie  peuvent  bien  conserver,  non 
seulement  en  réparant  le  dommage  que  vous  y  avés  faict  en  le  pre- 
nant, et  en  y  faisant  des  dehors,  mais  en  outre  en  taschant  de  s'as- 
surer des  lieux  circonvoisins. 

Je  sçay  bien  qu'il  est  aisé  de  se  proposer  de  beaux  desseins,  et 
difficile  à  les  faire. 

Aussy  ne  prélends-je  autre  chose  que  vous  faire  des  ouvertures  des- 
quelles vous  jugerés,  sur  les  lieux,  ce  qui  sera  possible  ou  ne  le  sera 

pas. 

2 

Si  vous  avés  consumé  vos  munitions,  M'  de  Bordeaux  en  enverra 
quérir  de  nouvelles  à  Brouage. 

Si  vous  n'avés  pas  de  blés  la  province  en  est  pleine ,  et  sur  vostre 
crédit  vous  en  pourrés  tirer. 

Si  vous  manques  de  gens^ 

Enfin  quelqu'argent  qu'il  vous  faille  j'en  fais  ma  propre  dette,  et 


vivement  empraiiile  en  l'ame  de  mes  en- 
fans  come  en  la  mienne,  et  la  puissance 
que  Vostre  Ëminence  a  sur  tous  est  si 
absolue  qu'après  la  lecture  de  celle  de 
laquelle  elle  m'a  honoré ,  les  mouve- 
mens  des  esprits  des  lins  et  des  aultres 
ont  esté  tout  à  l'instant  changez. ..  Les 
poursuitles  en  justice  cesseront  et  toute 
autre  recherche  de  nostre  part.  Et  je  seray 
assez  heureux   s'il  plaist  à  Vostre  Ëmi- 


nence se  souvenir  que  je  suis  et  seray  toute 
ma  vie,  etc.  » 

'  La  date  est  surchargée;  on  pourrait 
lire  18. 

'  Ici  il  y  a  un  blanc  d'une  demi-page 
environ. 

^  La  phrase  est  restée  suspendue.  Ri- 
chelieu, en  dictant  cette  lellre,  se  ména- 
geait le  moyen  d'y  faire  des  additions ,  mais 
je  n'ai  pas  trouvé  la  pièce  complète. 


88 


LETTRES 


l'enverrai  à  La  Rochelle';  pourveu  que  vous  veuilliés  et  puissiés  en- 
treprendre quelque  chose  d'important,  comme  seroit  Saint-Sebastien. 

Au  nom  de  Dieu,  Mons^  asseurés  sy  bien  vostre  conqueste  qu'on 
ne  nous  la  puisse  jamais  oster  par  force,  afin  qu'ainsy  que  la  prise 
de  Fontarabie  vous  est  due^,  l'honneur  de  la  conservation  vous  le  soit 
aussy. 

Je  suis  bien  aise  que  vous  ayés  remis  à  M'  de  Bordeaux  * 

Vous  vous  souviendras,  s'il  vous  plaist,  quel  avantage  ce  vous  seroit 
si  vous  pouviés  prendre  Saint-Sébastien  et  avoir  conquis  toute  une 
petite  province ,  lorsque  de  beaucoup  d'autres  côtés  les  grands  projets 
de  la  France  ont  manqué. 

Je  vous  asseure  que  je  le  désire  passionnément  non  seulement 
pour  le  service  du  roy  et  ma  satisfaction  particulière,  mais  en  outre 
pour  vostre  réputation,  vostre  gloire  et  vostre  avantage. 


LVIl. 

Bibl.  imp.  Saint-Geimain-Harlay,  264/'',  fol.  i65.  —  Or'ginal. 

Arch.  des  AflF.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  46.  — 

Mise  au  net,  de  la  raain  de  Cherré, 

devenue  minute  après  avoir  subi  divers  changements. 

A  M.  DE  BELLIÈVRE*. 

[16  août  i638.] 

Monsieur,  bien  que  MM"  de  Chavigny  et  de  Noyers  vous  aient 
escrit*  amplement  sur  le  sujet  de  la  levée  que  le  roy  désire  faire 


'  Mot  à  peine  lisible. 

'  Richelieu  parle  comme  si  Fontarabie 
était  déjà  prise,  tant  il  se  croyait  assuré  de 
cette  conquête  ;  on  sait  que  l'entreprise 
échoua,  et  l'on  comprend  l'irritation  ex- 
trême que  dut  lui  causer  ce  mécompte. 

'  Autre  phrase  non  achevée.  Celte  mi- 
nute est  la  réponse  à  une  lettre  de  M.  le 
Prince ,  dans  laquelle  celui-ci  disait  au  car- 
dinal :  •  J'ay  mis  es  mains  de  M.  de  Bour- 


deaux  tous  les  canons  de  fer  et  de  fonte, 
tous  les  voiles ,  cordages ,  ancres ,  vaisseaus , 
goudron  et  autres  choses  servant  à  la  ma- 
rine et  à  la  guerre,  pris  au  Passage,  et  ce 
par  invantaire,  etc.»  (Lettre  du  17  août, 
p.  io3,  pièce  85,  ms.  cité  aux  sources.) 

*  Nous  trouvons  ce  nom  au  dos  de  la 
lettre,  qui  manque  de  suscription. 

*  «  Aient  escrit,»  de  la  main  de  Ri- 
chelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  89 

faire  en  Escosse,  de  quelques^  régimens  pour  le  printemps  prochain,  je 
ne  laisse  pas  de  prendre  la  plume  pour  vous  conjurer,  en  mon  particu- 
lier, de  vous  employer  avec  telle  addresse  ^  auprès  du  roy  et  de  la  reyne 
de  la  Grande-Bretagne  que  S.  M.  obtienne  ce  qu'elle  désire  en  ce  point  ^. 

Vous  sçavés  diverses  personnes  de  qualité  d'Escosse  qui  demandent  à 
faire  des  levées*  pour  venir  en  France.  Ce  sera  à  vous ,  au  cas  que  vous  ob- 
teniés  ce  qu'on  désire ,  de  choisir  celuy  ou  ceux  qui  seront  les  meilleurs. 

Il  importe,  ce  me  semble,  au  roy  d'Angleterre  de  rendre  ce  tes- 
moignage  de  sa  bonne  volonté  à  la  cause  commune,  s'il  veut  qu'on 
croie  qu'il  se  puisse  porter  à  faire  davantage;  et,  qui  plus  est,  l'Estat 
de  l'Escosse,  qui  est  maintenant  sur  le  point  de  faire  quelque 
espèce  de  révolte,  faict  que  c'est  l'avantage  du  roy  de  permettre  qu'on 
en  tire  des  soldats.  Si  vous  voyés  que  ces  considérations  générales 
puissent  estre  fortifiées  par  ia  mienne  particulière,  je  vous  prie  de 
tesmoigner  à  la  reyne  et  au  roy,  s'il  en  est  besoin,  que  je  me  tien- 
dray  grandement  obligé  s'il  veut  accorder  une  levée.  Si  vous  la  pouvés' 
obtenir  de  deux  régimens  escossois,  c'est  ce  que  nous  demandons.  En 
tout  cas,  vous  vous  contenterés  d'un,  si  on  le  veut.  Je  vous  conjure, 
encores  une  fois,  d'en  parler  ouvertement,  représentant  au  roy  d'An- 
gleterre que,  s'il  se  veut  rendre  esgalement  neutre,  il  doit  permettre 
cette  levée,  puisque  les  Espagnols  ont  divers  régimens  de  ses  sujets 
dans  leurs  armées,  et  que  nous  n'avons  que  celuy  d'Héberon.  Vous  me 
ferés,  s'il  vous  plaisl,  response  sur  ce  que  dessus,  et  vous  asseurerés 
cependant  que  je  suis  véritablement  et  seray  tousjours,  Monsieur, 

Vosire  1res  alTcctionné  serviteur. 


Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


D'Abbeville,  ce  i6  aoust  «638. 


'  «  De  quelques ,  «  de  la  main  de  Riche-  faires  qui  occupèrent  le  plus  nos  ambassa- 

lieu.  deurs  à  Londres  de  i638  à  i642,  ainsi 

'  «  Avec  telle  addresse ,  »  idem.  qu'on  le  voit  dans  les  mss.  des  Aff.  étr.  Les 

'  «  Que  Sa  Majesté  obtienne  ce  qu'elle  troubles  d'Angleterre  favorisaientd'un  côté 

désire  en  ce  point,  »  idem.  ces  enrôlements,  et  de  1  autre  y  mettaient 

*  Les  levées  d'Irlandais  et  d'Ecossais  des  obstacles ,  qui  venaient  tantôt  de  l'au- 

pour  servir  en  France  furent  une  des  af-  torilé  royale,  tantôt  du  parlement. 

CADDIM.  DE  RICHELIEU.  —  VI.  12 


90 


LETTRES 


LVIII. 

Arcli.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  53.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROI\] 

De  Piquigni,  ce  18'  aousl  i638. 

Je  commencerav  ce  mémoire  par  très  humbles  actions  de  grâces 
des  bontés  qu'il  pleust  à  S.  M.  me  tesmoigner,  par  M"^  de  Noyeis,  eu 
s'en  allant.  Si  j'avois  mile  vies,  et  qu'elles  ne  lussent  pas  toutes  con- 
sacrées à  son  service,  je  ferois  en  cela  de  nouveau  ce  que  j'ay  faict 
il  y  a  longtemps,  avouant  qu'il  n'y  eust  jamais  un  meilleur  maistre. 

J'ay  ponctuellement  exécuté  tout  ce  qu'il  luy  a  pieu  me  comman- 
der. Les  gardes  sont  parties  ce  matin  d'Abbeville  avec  les  Suisses. 
•Saint-Preuil  menne  cette  petite  armée  joindre  M''  du  Hailier. 

Je  suis  party  en  mesme  temps  d'Abbeville  en  intention  de  disner 
au  Ponldormy -,  mais  sans  effect,  parce  que  le  feu  s'est  mis  au  chas- 
teau,  qui  en  a  bruslé  une  partie,  et  nous  en  a  chassez  et  contraincts 
de  venir  manger  un  morceau  à  la  poste  de  Flichecourt. 

Hier  j'instruisis  fort  au  long  Lambert.  M"'  du  Hailier  est  party  ce 
matin  en  bonne  résolution.  Ils  ont,  en  cette  armée,  neuf  à  dix  n)ille 
hommes  de  pied  par  leur  confession,  et  trois  mil  cinq  cens  chevaux 
en  comptant  mes  deux  compagnies. 

L'armée  de  MM"  de  La  Force  et  de  Chastillon  ne  partira  que 


'  Il  n'y  a  point  de  signature ,  ni  de  sus- 
criplion.  Cliavigni,  à  qui  Richelieu  avait 
envoyé  ce  mémoire  pour  le  mettre  sous 
les  yeux  du  roi,  a  écrit  au  dos  :  «  Monsei- 
gneur le  cardinal.  » 

'  PoiitRemy,  village  sur  la  route  d'Ab- 
beville à  Picquigny.  Sans  doute  on  le  nom- 
mait alors  Pont-de-t\emy,  et  Cherré,  écri- 
vant sous  la  dictée,  aura  enlendu  comme 


il  a  mis.  Le  même  nom  est  encore  écrit  de 
la  même  façon  dans  la  lettre  suivante.  Au 
reste,  les  noms  propres  sont  à  tout  mo- 
ment orthographiés  dans  nos  manuscrits 
autrement  qu'aujourd'hui.  Dans  celle  let- 
tre, deux  lignes  plus  loin,  nous  trouvons 
Flichecourt  très-iisiblement  écrit  ;  c'est 
Flijcecourt,  autre  village  sur  la  même 
route. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  n 

jeudy,  nous  ayant  mandé  que  le  razement  de  Ranty  requéroit  qu'ils 
demeurassent  jusques  à  ce  jour-là. 

On  mande  de  Champagne  que  le  comte  de  La  Moterie  est  aux  en- 
virons de  Charlemont  avec  six  ou  sept  mil  hommes  de  pied  et  quel- 
que cavalerie  et  canon.  Nous  avons  aussy  tost  dépesché  au  s'  de  Bel- 
lefonds  pour  qu'il  s'achemine  à  Rocroy  '  pour  jetter  son  infanterie 
dans  les  places  qu'il  prévoiera  pouvoir  estre  attaquées,  et  se  tenir  à  la 
campagne  avec  les  trois  régimens  de  cavalerie  qui  sont  maintenant 
à  Réthel.  Desjà  M'  de  S'Pol  a  distribué,  dans  les  places  de  cette  fron- 
tière, les  troupes  qui  sont  sorties  du  fort  du  Bac,  et  le  régiment  de 
La  Rochegiffart;  et,  au  2-i''  de  ce  mois,  les  communes  que  luy  et 
M'  de  Vaubecourt  ramassent,  chacun  de  son  costé,  doivent  estre 
assemblées.  Si  on  apprend  que  cet  orage  grossisse,  Vostre  Majesté 
pourra  envoyer  deux  mil  hommes  des  sept  ou  huict  mil  de  recrues 
qu'on  faict,  à  Bellefonds,  pour  mesler  dans  les  vieux  régimens  qu'il 
a,  ce  qui  ne  laissera  pas  de  faire  un  bon  corps. 

On  nous  a  mandé  que  trois  cens  hommes  levez  dans  Paris  estoient 
arrivez  à  Amiens.  Nous  avons  envoyé  les  quérir  pour  les  donner  au 
régiment  de  Picardie,  qui  est  avec  M'  du  Hallier  et  ainsy  le  renforcer. 

Je  croy  que  V.  M.  fera  très-bien  de  mettre  le  pauvre  Goulard 
dans  Saint-Denis;  c'est  un  homme  zélé,  qui  a  esprit  et  courage. 

Quant  au  guidon  dont  V.  M.  a  eu  quelque  scrupule,  je  ne  croy 
point  qu'elle  en  doive  avoir  de  mettre  un  homme  dans  une  charge 
où  l'autre  n'a  point  servy  depuis  quatre  ans,  V.  M.  se  réservant  à  luy 
faire  donner  quelque  récompense,  si  le  cas  y  eschet. 

Les  Suisses  de  vos  gardes  ne  demandent  point  d'argent  pour  l'aug- 
mentation de  leurs  compagnies;  ils  recognoissent  qu'on  n'en  a  ja- 
mais donné,  mais  ils  capitulent  à  la  suisse,  et  veulent  avoir  pour  la 
solde  des  cent  hommes  nouveaux  1,800  livres,  qui  est  à  raison  de 
6  escus  par  homme,  ce  qui  semble  un  peu  cher.  Ils  disent  que  pour 
faire  celte  levée  il  faut  prendre  l'occasion  du  payement  des  pensions, 
qui  se  va  faire  dans  peu  de  temps. 

'  Voyej!  aux  Analyses,  à  la  dale  du  i8  août. 


92  LETTRES 

Un  des  lieutenans  des  Suisses  représente  que  douze  cens  hommes 
d'augmentation  de  cette  sorte  cousteront,  par  monstre,  2  i,6oo  livres, 
et  que  six  nouvelles  compagnies,  qui  feroient  les  douze  cens  hommes, 
n'en  cousteroient  que  26,200  tant  de  livres,  ce  qui  n'est  pas  consi- 
dérable pour  l'avantage  qu'il  y  aura  d'avoir  des  officiers  qui  sont 
l'âme  des  corps;  joinct  que  S.  M.  s'obligera,  comme  il  le  représente, 
beaucoup  de  créatures  en  Suisse,  et  que  les  levées  s'en  feront  bien  plus 
promplement.  Sur  ce  fondement  j'estimerois  que  S.  M.  feroit  mieux 
de  mettre  son  régiment  à  vingt  compagnies,  recognoissant  de  plus 
en  plus  qu'on  ne  sçauroit  s'asseurer  de  ses  places  sans  de  telles  gens. 

Depuis  trois  jours  encores,  les  ennemis  ont  faict  recognoistre  les 
fauxbourgs  de  Péronne,  et  deux  compagnies  de  Suisses  garantiront 
de  toutes  les  apréhensions  qu'on  pourroit  avoir  de  cette  place. 

Je  croy  qu'il  est  bon  que  S.  M.  prenne  sa  résolution  sur  ce  sujet  plus 
tost  que  plus  tard.  Je  croy  aussy  qu'il  est  bon  que  dès  cette  heure  elle 
face  aller  les  deux  mil  hommes  que  Monsieur  faict  lever  en  Champagne 
pour  joindre  et  grossir  les  régimens  du  sieur  de  Bellefonds,  tant  parce 
qu'un  corps  aucunement  considérable  ostera  l'envie  aux  ennemis  de 
rien  entreprendi-e,  que  parce  que  ces  troupes  là  estant  refaites,  si  elles 
ne  sont  utiles  là,  et  qu'on  en  ayt  besoin  ailleurs,  on  les  y  trouvera. 


LIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  56.  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré.  — 

Mêmes  archives,  volume  marqué  1 638- 1689,  foi.  10.  — 

Minute,  de  la  main  de  Citoys  et  de  celle  de  Cherré. 

SUSCRIPTION ! 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECRÉTAIKF.   D'ESTAT. 

De  Piquigai ,  ce  18'  aoust  1 638. 

Je  remercie  Sa  Majesté  de  toutes  les  bontés  qu'il  luy  pleut  me 
tesmoigner  à  son  partement,  mais  parce  que  je  ne  le  sçaurois  faire 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  93 

assez  dignement,  je  vous  prie  d'adjousler  de  vive  voix,  à  ma  lettre, 
ce  que  vous  jugerés  bien  que  j'ay  dans  le  cœur  sur  ce  sujet. 

Je  ne  doute  point  que  Sa  Majesté  ne  soit  arrivée  en  bonne  dispo- 
sition, telle  que  je  la  désire,  estant  parly  gay  comme  il  est. 

Quanta  nous,  nous  avons  commencé  à  travailler  par  un  incendie 
arrivé  au  Pontdormy  \  mais  Bautru  m'a  tellement  mis  en  teste  que 
le  feu  est  im  bon  augure  que  j'attends  un  bon  événement  de  ce 
mauvais  accident. 

On  nous  a  dict  icy  qu'il  en  est  arrivé  un  au  lieutenant  civil  à 
Paris.  Si  cela  est,  il  est  de  grande  importance  de  réprimer  l'audace 
et  malice  de  ceux  qui  en  sont  autheurs,  estant  certain  que,  si  on  lais- 
soit  impunie  une  entreprise  faicte  à  un  magistrat,  on  pourroit  des 
uns  monter  aux  autres;  sapienii  pauca. 

M' le  chancelier  m'a  escrit  que  le  serment  des  eschevins  de  la  ville , 
que  l'on  a  addressé  à  M'  de  Montbazon,  luy  appartient.  Je  luy  mande 
que  je  m'asseure  qu'aussy  tost  que  le  roy  l'aura  sceu  il  aura  faict  ce 
qu'il  désire,  n'ayant  eu  aucune  intention  de  blesser  sa  charge. 

M'  de  Bullion  m'escril  qu'aussy  tost  qu'il  aura  l'ordonnance  des 
vingt  cinq  mile  richedalles,  il  donnera  la  lettre  de  change  :  c'est  donc 
à  vous  à  l'expédier  promptement. 

De  bons  religieux  m'escrivent  de  Paris  qu'ils  ont  sceu  que  M'  et 
madame  la  présidente  de  Bailleui  avoient  faict  quelque  résidence  à 
S'  Germain,  avec  de  gi-andes  et  continues  fréquentations  avec  ma- 
dame de  Sénecey  ^,  et  confabulations  tenues  ensuitte  avec  des  personnes 
de  plus  grande  qualité.  Ils  estiment  que  tous  ces  conseils  ne  tendent 
pas  à  bien  authoriser  les  affaires  du  roy  et  de  ses  ministres.  Sa  Ma- 
jesté sçait  bien  ce  qui  a  esté  descouvert  de  M'  Le  Bailleui  durant  le 
temps  de  M' le  Premier',  et  il  me  suffit  qu'elle  cognoisse  ces  bons 
esprits  et  leurs  intentions.  Elle  pourra  sçavoir  aisément  si  ces  confé- 
rences, qui  font  peur  à  ces  bons  religieux,  ont  esté  véritables. 

'   Voy.  la  note  3  de  la  page  90.  dail  suspecte  à  Richelieu.  Le  cardinal  la 

'  Première  dame  d'honneur  de  la  reine ,        fera  bienlôl  disgracier, 
que  son  dévouement  à  cette  princesse  ren-  '  Sainl-Simon. 


9/i  LETTRES 


LX. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  5o.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré  '. 

StJSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SFXRÉTAIRF,    D'ESTAT,    À    PARIS. 

De  Piquigni ,  a  1 8'  aoast. 

Ce  billet  est  pour  donner  avis  au  roy ,  par  M''  de  Chavigny,  que  Mani- 
camp  est  arrivé  icy,  il  y  a  une  heure,  et  entré  dans  la  salle  au  sortir 
du  disner,  lorsque  j'y  pensois  le  moins.  Or  parce  qu'il  avoit  mandé, 
par  plusieurs  personnes,  qu'il  avoit  apris  dans  le  pays  de  quoy  se  van- 
ger,  après  m'avoir  conté  l'infidélité  dont  on  avoit  usé  en  viciant  sa 
capitulation,  je  luy  ay  demandé  quelle  descouverle  il  avoit  faicte  ;  sur 
quoy  j'ay  sceu  de  luy  que  tout  son  dessein  abboutit  à  prendre  S*  Guil- 
lin,  qu'il  y  a  sy  longtemps  que  Vercourt  propose.  Il  dict  que  celuy 
qui  le  conduisoit  luy  dist  que,  si  ce  poste  estoit  pris,  le  pays  seroit 
bien  embarrassé.  Il  dist  de  plus  qu'il  y  a  esté  sous  le  prétexte  d'achep- 
ter  du  vin  pour  ses  compagnons,  que  c'est  une  petite  ville  entourée 
de  iTiurailles  et  située  dans  une  isle  de  marais  et  de  rivière,  qui  la 
rendent  facile  à  fortiffier. 

Manicamp  m'a  faict  force  protestations  à  son  ordinaire,  comme  vous 
pouvés  juger;  mais  j'ay  autant  de  confiance  en  sa  probité  que  celle 
qu'y  prend  le  roy,  et,  en  effect,  j'aurois  desjà  fait  exécutter  ce  qu'elle 
a  résolu,  si  je  ne  pouvois  de  nouveau  attendre  sa  volonté  sans  rien 
gaster.  Il  hiy  plaira  donc,  s'il  luy  pl^st,  me  la  mander,  et  je  ne  man- 
queray  pas  de  la  faire  accomplir.  Cependant  Manicamp  viendra,  si  je 
ne  suis  trompé,  avec  moy  à  Amiens,  où  je  luy  feray  faire  un  procès- 
verbal  de  tout  ce  qui  s'est  passé  en  sa  capitulation. 

Vous  dires  au  roy  que  nous  venons  de  recevoir  des  lettres  de 
M'' de  La  Force,  qui  nous  mande  que  la  démolition  de  Ranty  ne  peut 

'  Lettre  en  partie  chiffrée. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  95 

estre  iaicte  que  jeudy  au  soir,  et  qu'ainsy  ils  ne  peuvent  partir  (jue 
vendredy.  M"^  de  La  Melleraie  uiande  que  c'est  la  vérité,  et  que  quand 
il  est  arrivé  là  il  a  trouvé  les  choses  peu  avancées. 

'  J'estime  qu'au  faict  du  personnage  dont  je  vous  escris  le  roy 
doit  demeurer  in  deliberatis,  et  m'en  commander  l'exécution  par  un 
mot  de  sa  main. 


LXI. 

Arch.  de»  AIT.  élr.  France,  i638,  d'aoûl  en  décembre,  loi.  67.  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROL] 

D'Amiens ,  ce  2  1  aoiist   i638. 

Je  .suis  extresmement  lasché  du  mescontentement  ([ue  le  roy  a 
receu  en  arrivant  à  S'  Germain.  Ce  qui  me  consolle  est  que  je  suis 
asseuré  qu'il  n'aura  pas  continué,  ne  doutant  point  que  le  sexe  1'.  ^ 
ne  soit  capable  d'avoir  faict  des  réflexions  qui  l'aient  porté  au  point 
auquel  Sa  Majesté  le  doit  désirer  par  raison. 

J'escris  à  M'  de  Chavigny  au  long^  ce  qui  concerne  ses  allaires, 
et,  comme  elle  verra,  je  lasche  de  pourvoir  à  ce  que  j'estime  qui  ne 
peut  souflrir  de  délay. 

J'envoie  à  Vostre  Majesté  un  extraict  des  lettres  interceptées  im- 
portant. Si  Dieu  donne  beaucoup  de  mauvaises  volontés  à  ses  enne- 
mis, j'espère  qu'il  luy  donnera  un  très-grand  secours.  Je  m'esti- 
meray  heureux  s'il  me  donne  lieu  de  faire  voir  de  plus  en  plus 
l'extraordinaire  passion  que  j'auray  toute  ma  vie  pour  le  meilleur 
maistre  du  monde. 

M''  du  Hallier  arrivera  demain  où  Vostre  Majesté  a  commandé, 
et  sa  grande  armée,  qui  a  un  peu  retardé  son  partement,  à  cause 

'  Ce  qui  suit  est  écrit  sur  uu  feuillet  se-  *    Pourquoi  ce  mot  en  abrégé  ?  S'agitil 

paré,  P  5 1.  Etait-ce  pour  que  le  roi,  à  qui  de  madame  de  Hautefort  (voy.  ci-après, 

devait  élre  communiquée  cette  lettre,  ne  p.  11 5)  ou  même  de  la  reine? 
le  vît  pas?               ^  '  Voy.  la  lettre  suivante 


96  LETTRES 

Hu  razement  de  Ranty,  marche  selon  les  ordres  que  Sa  Majesté  a 
donnez. 

Les  ennemis  sont  partis  de  Lillers.  On  dict  qu'ils  ont  envoie  quel- 
que partie  de  leurs  troupes  vers  Arleux. 


LXII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  69.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

S-USCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY. 

SECRÉTAIRE   D'ESTAT. 

D'Amiens,  ce  21  aoust  i638. 

Le  roy  ayant  commandé  en  partant  qu'on  fist  emmener  prisonnier 
à  Abbeville  celuy  qui,  ayant  esté  lieutenant  de  M'  de  Heilly,  l'avoil 
faict  appelier  mal  à  propos,  et  contre  les  ordres  de  la  guerre,  depuis 
que  Sa  Majesté  est  partie  M"'  de  Choisy  a  déclaré  que  M"'  le  mareschal 
de  Brézé  avoit,  la  veille  de  son  parlement,  commandé  au  provost  de  le 
laisser  sortir,  ce  en  quoy  il  avoit  esté  religieusement  obéy-  Il  a  par 
cette  action  glorieusement  couronné  sa  retraitte  '.  Je  vous  en  avertis, 
non  pour  que  vous  le  disiés  à  Sa  Majesté,  mais  afin  que  M'' Bouth illier 
et  madame  d'Esguillon  sçachent  la  continuation  de  sa  bonne  conduite. 

Enfin  nous  avons  sceu  la  vérité  de  l'entreprise  de  Doulans  et  que 
le  soubçon  qu'on  avoit  de  Hcucourt  n'estoit  pas  sans  fondement;  le 
baron  de  Villeneufve  ayant  faict  une  vénérable  [sic)  mention  dudict 
Heucourt,  auquel  le  prince  Thomas  avoit  escrit. 

Il  y  a  un  cappitaine  à  Paris  nommé  Scanavel,  que  vous  cognoissés, 
qui  a  accusé  le  dict  Heucourt,  lequel  est  chez  le  chevaher  du  guet; 
vous  nous  l'envoyerés,  s'il  vous  plaist,  par  Le  Muet,  lieutenant,  avec 
six  archers,  qui  l'escorteront  diligemment  icy,  afin  que  nous  le  fa- 
cions  confronter^. 

M"^  d'Hémery  vous  aura  escrit,  comme  à  moy,  la  continuation  du 

'  Voy.  page  83  ci-dessus.  —  '  Il  eut  la  lêle  tranchée.  (Voy.  lettre  du  i3  septembre.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  97 

mauvais  procédé  de  Madame,  qu'il  croit  certainement  traitter  avec 
Méiose  11  est  d'avis  qu'on  en  parle  à  l'ambassadeur;  c'est  pourquoy 
j'estime  qu'il  est  à  propos  que  le  roy  l'envoyé  quérir  et  luy  tesmoigne 
le  juste  soubçon  qu'il  a  de  la  sortie  de  Pazer^  à  cette  fin,  et  des  négo- 
ciations que  Madame  peut  faire  faire  par  cette  voye  et  par  d'autres. 
Vous  serés  auprès  de  Sa  Majesté  quand  elle  luy  parlera,  afin  de  n'ou- 
blier aucune  des  circonstances  que  M'  d'Hémery  vous  mande  qu'il 
est  nécessaire  de  faire  sçavoir  au  dict  ambassadeur. 

Par  les  lettres  interceptées  nous  voyons  une  insolence  extraordi- 
naire du  Comte  D.^  et  de  son  monarque  enflez  de  leurs  dernières  pros- 
pérités. Ils  mandent  ouvertement  au  cardinal  infant  qu'ils  amassent 
des  troupes  pour  assiéger  promptement  Fontarabie.  Ils  veulent  en 
cela  imiter  le  roy  en  l'action  de  Corbie  *. 

Nous  ferons  partir  demain  un  homme  exprès  portant  cinquante 
mil  francs  pour  fortiffier  et  pour  munir  la  place  comme  il  faut.  Il 
plaira  au  roy  dire  à  M"^  de  BuUion  qu'il  est  important  de  fournir  cette 
somme  comptant,  et  vous  d'avoir  soin  de  la  faire  mettre  entre  les 
mains  du  s'  de  Mauroy.  Cependant  M"  de  Lumagne  ne  lairront  pas 
de  la  faire  marcher. 


'  D.  Francisco  de  Melos  était  envoyé 
par  le  roi  d'Espagne  en  Italie.  Mazarin  an- 
nonçait à  Cliavigni  l'arrivée  de  ce  diplo- 
mate à  Rome  dans  le  mois  de  mai  de  1 639, 
et  ne  soupçonnait  d'autre  objet  à  sa  mis- 
sion •  ciie  prccurare  «occorsi  per  i'Alle- 
magna.  »  (Aff.  étr.  Rome,  t.  65,  19  mai.) 
D'Hémery,  ambassadeur  de  France  en  Sa- 
voie, et  le  cardinal  de  La  Valette,  général 
de  l'armée  française  à  Casai,  écrivaient  au 
contraire  à  Richelieu  et  à  Chaviijni  que 
Madame  traitait  secrètement  avec  les  Es- 
pagnols. (Lelt.  du  card.  de  La  Valette  à 
Chavigni,  du  10  août,  arcli.  des  Aff.  élr. 
Turin,  t.  26.)  Il  serait  trop  long  de  citer 
toutes  les  lettres  où  ils  renouvellent  cette 
imputation.  La  situation  de  la  duchesse  de 

CARDIN.  DE  RICHELIED.  VI. 


Savoie  était  singulièrement  dilFicile;  d'Hé- 
mery et  le  cardinal  de  La  Valette ,  dans  leur 
désir  de  plaire  à  Richelieu,  n'en  tenaient 
aucun  compte;  d'Hémery  surtout,  par  sa 
conduite  malveillante  à  l'égard  de  Madame, 
a  certainement  été  cause  d'une  partie  des 
fautes  qu'il  lui  reproche. 

*  Le  commandeur  Pazer,  arrêté  sur  le 
soupçon  d'intrigue  avec  les  E.spagnols, 
s'était  évade,  et  l'on  disait  que  Madame 
avait  favorisé  son  évasion.  (Lett. d'Hémery 
à  Richelieu,  du  10  juillet,  même  ms.  ) 

'  Le  comte-duc  d'Olivarès.  On  lit  à  la 
marge  :  «  Bruslés  cette  lettre.  » 

'  On  se  souvient  qu'en  i636,  à  peine 
Corbie  avait  été  prise  par  les  Espagnols, 
qu'elle  fut  assiégée  et  reprise  sur  eux. 

i3 


98  LETTRES 

Nous  dirons  à  celuy  que  nous  envoyerons,  en  secret  de  la  confes- 
sion, le  dessein  du  roy  d'Espagne,  sans  dire  comme  nous  le  sçavons, 
et  le  chargerons  du  soin  des  dictes  fortiffications  et  munitions  de  la 
place.  Il  s'agit  en  cela  d'un  coup  d'importance,  et,  si  les  Espagnols 
ruinent  en  vain  leurs  forces  à  ce  siège,  l'avantage  que  nous  en  retire- 
rons au  printemps  ne  sera  pas  petit. 

Dès  celte  heure  ilz  ont  envoyé  quérir  cinq  mil  hommes  en  Italie, 
et  mandent  au  cardinal  infant  qu'au  sortir  de  la  campagne  il  leur  en- 
voie un  bon  nombre  de  troupes  pour  ce  dessein.  Par  là  il  est  aisé  à 
juger  comme  ce  qui  les  touche  en  Espagne  les  touche  au  cœur. 

On  a  donné  avis  à  M""  le  marquis  de  Sourdis  de  la  maladie  de  l'abbé 
de  Chaumont,  de  la  vie  duquel  on  désespère.  Il  suplie  le  roy,  au  cas 
qu'il  vienne  à  mourir,  de  luy  faire  l'honneur  de  le  gratiffier  de  cette 
abbaye,  qui  vaut  k  à  5ooo**  de  revenu,  pour  un  de  ses  enfans  qu'il 
a  destiné,  il  y  a  long  temps,  à  l'église.  Vous  en  parlerés,  s'il  vous 
plaist,  à  S.  M. 

'  Depuis  ce  pacquet  fermé  la  bonne  nouvelle  apportée  par  M' Strucces 
est  arrivée. 


LXIII. 

Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  le  duc  d'Aumale'''.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

POUR  MM.   DE  RULLION    ET  BOUTHILLIER, 

8DRINTENDANS  DES  FINANCES. 

D'Amiens,  ce  2  i'  aoiisl  )638. 

Messieurs  du  conseil  sçauront,  s'il  leur  plaist,  que  si  doresnavant 

'  La  lellre  fermée ,  on  a  écrit  ce  post-  le  3 1  (p.  ^77) ,  en  lit  le  récit  intitulé  :  Reki- 

scriptum  sur  le  dessus.  Il  s'agit  de  la  vie-  hon  de  la  bataille  de  Rkinaut.  Turenne  y 

toire  remportée  par  le  duc  de  Weymar  sur  combattait  sous  les  ordres  du  duc  Bernard, 

les  impériaux ,  dont  la  Gazette  du  28  août  ^  Voy.  sur   le  manuscrit   que  possède 

publia  la  première  nouvelle  (p.  453),  et  M«Me  duc  d'Aumale,  t.  V,  p.  496,  note  1. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  99 

iiz  ne  prennent  garde  aux  establissemens  quilz  font  es  villes  fron- 
tières, sans  considérer  leurs  nécessitez  et  les  paroles  que  le  l'oy  leur 
donne,  ilz  les  désespéreront  iusques  à  tel  point,  que,  si  on  n'y  ap- 
porte remède,  il  en  peut  arriver  de  grands  inconvéniens. 

Ceux  d'Abbeville  ont  consenty  pour  leurs  fortiffications  un  redou- 
blement de  droict  sur  leurs  vins,  à  la  charge  qu'ilz  en  seroient  fer- 
miers. Cependant  devant  que  leur  ferme  ait  esté  escheue  on  les  en  a 
privez,  et  a-t-on  estably  à  perpétuité  le  droict  qu'ilz  n'avoient  consenty 
que  pour  un  temps.  Ceux  de  S'  Quentin  se  plaignent  avec  raison  d'un 
autre  doublement  de  droict  sur  le  vin  qu'on  y  a  mis,  nonobstant  les 
grandes  charges  qu'ilz  ont,  et  la  somme  de  cinquante  mil  livres  qu'ilz 
ont  fournie  pour  leurs  fortiffications,  à  la  charge  d'estre  deschargez 
du  droict  qu'on  leur  impose  ^ 

Ces  choses  sont  de  telle  considération  qu'elles  doivent  estre  bien 
pesées  avant  que  d'estre  faictes.  Le  roy  perd  la  réputation  de  sa  pa- 
role; les  habitans,  le  cœur  et  l'affection;  les  villes  leur  seureté,  et 
conséquemment  le  royaume;  et  le  tout  pour  la  satisfaction  d'un 
Barbier,  ou  autre  partisan.  Je  sçay  bien  qu'on  dira  que,  sans  ar- 
gent, on  ne  peut  faire  subsister  les  affaires;  mais  ce  n'est  pas  des 
pauvres  villes  frontières,  qui  portent  beaucoup  de  despences  pour 
leur  conservation,  que  vient  la  subsistance  du  royaume,  et  c'est 
chose  bien  asseurée  que  de  la  perte  de  l'une  d'icelles  viendroit  la 
perte  de  l'Estat. 

Tay  souvent  ouy  dire  à  M'  de  BuUion  qu'il  n'y  avoit  que  la  parole 
des  surintendans  qui  leur  feit  trouver  de  l'argent.  Si  cela  est,  ce  que 
je  tiens  très  véritable.  Messieurs  du  conseil  doivent  cognoislre  qu'il 
ny  a  rien  sy  nécessaire  pour  que  le  roy  puisse  avoir  les  cœurs  de  ses 
subjects,  que  l'observation  de  la  sienne,  à  laquelle  n'oubliant  rien 
de  ce  qui  deppendra  de  moy,  j'useray  de  plus  grande  civilité  qu'ilz 
ne  font  pas,  en  ce  que  je  les  avertiray  des  changemens  qu'il  est  né- 
cessaire de  faire  à  leurs  résolutions,  au  lieu  que  jamais  ilz  ne  nous 

En  marge  de  ce  paragraphe  :  t  Ceux        bien  peur  que  toutes   les  villes  de  la  ri- 
d'Amiens  sont  en  mesmes  termes,  et  j'ay        vière  de  Somme  se  trouveront  de  mesme.  » 

i3. 


100  LETTRES 

disent  mot  des  traitiez  et  partis  qu'ilz  font  tous  les  jours  au  préju- 
dice des  promesses  de  Sa  Majesté  ^ 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


LXIV. 

Arch.  des  Afif.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  78.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  moin  de  Cherré. 

[AU  ROI'.] 

D'Amiens,  ce  22  aoust  i638. 

J'ay  faict  exécuter  ce  qu'il  a  pieu  au  roy  me  commander  tou- 
chant M'' de  Manicamp,  qui  est  maintenant  dans  la  citadelle  de  cette 
ville  '. 

Nous  eusines  hier  au  soir  avis  que  les  ennemis  tentèrent  le  1 5*^  de 
ce  mois  une  entreprise  sur  Rocroy,  dont  un  bon  religieux  avoil 
averty  le  gouverneur  quelque  temps  auparavant.  Il  s'y  est  passé  ce 
qui  s'en  suit  : 

Les  ennemis  y  arrivèrent  à  deux  heures  après  minuict,  avec  pétards 
et  eschelles  pour  surprendre  la  place,  et,  comme  ilz  estoient  sur  le 
point  d'exécutter  leur  dessein,  ilz  apperceurent  un  mousquetaire  des 
leurs,  assez  loin  de  la  contrescarpe,  qu'ilz  creurent  estre  des  nostres, 
posé  en  sentinelle  avancée,  qu'ils  tuèrent,  et,  croyant  qu'au  bruit  du 
coup  de  mousquet  qu'on  luy  tira  la  ville  avoit  pris  l'alarme,  ilz  se 
retirèrent. 

Le  gouverneur  escrit  que  les  ennemis  se  vantent  d'y  vouloir  re- 


'  Celte  belle  lettre  mérite  d'autant  plus  pour  êlre  soumise  au  roi,  à  qui  elle  s'a- 
d'ètre  remarquée  que  Richelieu  ne  s'est  dressait.  Celte  note,  écrite  au  dos  par  Cha- 
pas  toujours  montré  gardien  si  vigilant  vigni  :  «  Monseig'  le  cardinal ,  »  supplée  h 
des  droits  des  populations,  et  conserva-  la  signature  et  à  la  suscription ,  qui  man- 
ieur si  religieux  de  la  parole  royale.  quent. 

'  Cette  pièce  a  été  envoyée  à  Chavigni  '  Voy.  ci-après,  p.  108. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  101 

tourner;  mais  que,  s'ilz  font  cette  sotise,  il  les  recevra  comme  il  doit, 
ayant  mile  bons  hommes  sur  les  armes. 

Nous  venons  de  recevoir  une  lettre  de  M'  de  Chastillon  par  la- 
quelle il  nous  mande  que  les  ennemis,  croyant  que  l'armée  de  Vostre 
Majesté  fust  deslogée  vendredy  sur  l'avis  que  quelque  espion  leur 
avoit  donné  de  la  résolution  que  Ton  en  a  voit  prise,  vindrent,  avec 
quatre  mil  chevaux  et  deux  mile  dragons,  pour  charger  l'arrière-garde. 

Gassion  se  trouva  lors  visitant  sa  garde,  et  ayant  descouvert  les 
Cravates  il  les  chargea  et  les  desfit;  mais,  faisant  sa  retraitte,  il  se 
trouva  envelopé  de  mil  ou  douze  cens  chevaux,  où  estoit  la  personne 
de  Picolomini,  d'où  il  estoit  en  peine  de  se  desveloper,  si  Praslin  et 
La  Ferté,  qui  survindrent  bien  à  propos,  avec  partie  de  leurs  régi- 
mens,  ne  l'eussent  soustenu  et  desgagé.  Hz  ont  tous  deux  bien  faict 
en  cette  occasion. 

Sur  l'alarme.  M'  de  Chastillon  monta  à  cheval,  avec  ce  qu'il  peut 
ramasser  de  cavalerie,  qui  revenoit  au  nombre  de  1200  chevaux,  et 
alla  aux  ennemis  avec  le  grand  maistre  de  l'^irtillerie. 

Les  ennemis  le  voyant  venir  en  bon  ordre  se  retirèrent  quoyqu'ilz 
fussent  le  nombre  spécifié  cy-dessus. 

On  fust  à  eux  jusques  à  un  certain  heu  au  delà  duquel  ilz  ne  purent 
passer,  à  cause  de  trois  ravines  que  les  ennemis  avoient  devant  eux. 

M'  de  La  Force  venoit  aussy  pour  estre  de  la  partie,  qui  fut  de- 
mandé aussy  tost. 

M"  vos  généraux  jugent  par  là  que  les  ennemis  veulent  tenter 
beaucoup  de  choses,  mais  n'eu  hasarder  pas  avec  péril.  Hz  tesmoignent 
sur  ce  fondement  vouloir  désormais  ne  les  pas  marchander  là  où  ilz 
les  trouveront. 

Je  crains  bien  que  Ranty  ne  soit  pas  trop  bien  razé,  encores  que 
ces  Messieurs  nous  escrivent  qu'outre  les  mines  qu'ils  firent  jouer 
mercredi  et  jeudi  il  en  joua  encores  vendredi  vingt-deux. 

Nous  escrivons  à  M'  de  Villequier  pour  qu'il  n'abandonne  point 
cet  ouvrage,  et  qu'il  tienne  tousjours^ur  pied  la  cavalerie  et  l'infan- 
terie des  Boullonnois,  avec  l'assistance  que  M"  le  comte  de  Lanoy 


102  LETTRES 

et  Charost  luy  peuvent  donner,  et  pour  faire  redoubler  son  travail 
nous  luy  envoyons  de  l'argent. 

Une  partie  de  la  cavalerie  de  M'  du  Hallier  a  investy  cette  nuict  le 
Gastelet,  et  il  y  arrivera  aujourd'huy  avec  le  reste  de  son  armée  ponc- 
tuellement, ainsy  que  Vostre  Majesté  l'avoit  commandé. 

Nous  venons  de  dépescher  à  M"  de  La  Force  et  de  Chastillon  pour 
les  prier  de  s'avancer  diligemment  pour  prendre  un  poste  entre  Cam- 
bray  et  le  Gastelet,  afin  que  leur  retardement  ne  puisse  préjudicier 
aux  desseins  de  Vostre  Majesté. 

Plus  on  va  en  avant,  plus  recognoist-on  qu'il  ne  faut  qu'un  chef  en 
une  armée  et  point  de  conseilz  publics.  Le  bon  M"^  d'Angoulesme ,  cy- 
présent,  adjouste  :  peu  de  mareschaux  de  camp  et  beaucoup  d'aydes 
de  camp.  Je  croy  que  Vostre  Majesté  ne  trouvera  point  de  difficulté 
à  cet  article  ;  mais  le  tout  est  de  trouver  des  gens  telz  qu'il  fault. 

J'iray  demain  coucher  à  Chaunes  pour  me  rendre  après  à  Péronne. 

Je  ne  sçay  que  mander  à  Vostre  Majesté  sur  le  sujet  du  voiage 
qu'elle  désire  faire  en  cgs  quartiers,  après  les  couches  de  la  reyne, 
ou  de  mon  retour  auprès  d'elle,  veu  qu'il  est  impossible  de  pi-évoir 
si,  après  le  Gastelet,  on  peut  faire  quelque  autre  chose;  mais  je  sçay 
bien  que,  si  elle  ne  fust  venue  visiter  sa  frontière,  les  affaires  y  au- 
roient  pris  une  très  mauvaise  suitte. 

Je  puis  dire  de  plus  que,  si  elle  ne  m'eust  commandé,  de  son 
propre  mouvement,  d'y  demeurer,  peut  estre  ne  pourroit-on  pas  sy 
facilement  empescher  les  désordres  des  divisions,  et  remédier  au 
desbandemenl  des  troupes,  qui  ont  esté  retenues  par  le  respect  de 
Vostre  Majesté,  et  le  peuvent  estre  encores  par  celuy  de  son  ombre. 

Il  peut  arriver  un  instant  de  bons  succès  qu'on  ne  peut  prévoir,  et 
on  peut  empescher,  estant  sur  les  lieux,  plusieurs  maux  qu'on  ne 
sçauroit  prévenir  estant  esloigné. 

Vostre  Majesté  pensera,  s'il  luy  plaist,  à  ce  que  dessus  avec  sa  pru- 
dence ordinaire,  et  ses  résolutions  seront  approuvées  et  embrassées 
de  ses  créatures  avec  le  zèle  et  la  religion  qui  leur  faict  et  fera  tous- 
jours  préférer  la  prospérité  de  vos  affaires  à  leur  propre  vie. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


103 


LXV. 

Dépôt  de  la  guerre,  t.  48,  pièce  sans  numéro,  placée  entre  les  pièces  3i  i  et  3i  i  bis.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré  '. 

PROJET  D'INSTRUCTION  POUR  M.  DE  NANTES  \ 

2  2  août  i638. 

Le  roy  jugeant  combien  il  importe  d'asseurer  la  conqueste  de 
Fontarabie  par  toutes  sortes  de  voyes,  soit  en  réparant  le  dommage 
qu'on  aura  faict  au  corps  de  la  place  pour  la  réduire  au  pouvoir  de 
Sa  Majesté  et  en  y  faisant  des  dehors,  soit  en  la  munissant  de  telle 
sorte  de  choses  qui  sont  nécessaires  pour  la  conserver  et  la  deffendre 
qu'il  n'en  puisse  arriver  aucun  inconvénient,  a  désiré  que^  s'en 
allast  sur  les  lieux  avec  de  l'argent  pour  en  prendre  le  soin  et  y 
faire  travailler  par  les  ordres  et  les  commandemens  de  M""  le  Prince, 
général  de  son  armée  en  Guienne. 

Le  plus  asseuré  moyen  de  conserver  Fontarabie  estant  de  se  rendre 
maistre  des  lieux  cuconvoisins  comme  S'-Sébastien  et  autres,  le 
dict  n'oubliera  rien  pour  disposer  M'  le  Prince  à  entreprendre 

ce  dessein,  s'il  est  jugé  possible*,  luy  représentant  l'avantage  qu'il 
aura  et  la  gloire  qu'il  remportera  d'avoir  seul  conquis  toute  une 
petite  province,  pendant  que  d'autres  costés  les  grands  projects  de 
la  France  ont  manqué. 

Pour  cet  efiect,  il  luy  dira  qu'il  sera  assisté  de  deçà,  soit  d'argent. 


'  Sur  ce  mémoire,  le  sieur  Leroy,  pre- 
mier commis  de  de  Noyers,  secrétaire  d'é- 
lat  de  la  guerre,  a  l'oit  la  minute  de  l'ins- 
truction qui  a  été  signée  par  le  roi,  minute 
conservée  dans  ce  ms.  f°3io;  l'expédition 
contre-signée  Subiet,  devenue  à  son  tour  ' 
minute ,  après  avoir  été  corrigée,  est  cotée 
309.  La  pièce  cotée  3 1 1  est  une  espèce  de 
mémento  écrit  de  la  main  de  de  Noyers , 
concernant  diverses  mesures  à   prendre 


relativement  à  cette  atl'aire  :  ce  sont  des 
indications  qui  pourraient  bien  avoir  été 
dictées  par  le  cardinal. 

'  Richelieu  a  écrit  ce  titre  en  tête,  et 
la  date  a  été  mise  au  dos  par  le  premier 
commis  de  la  guerre. 

'  Le  nom  est  resté  ici  en  blanc ,  comme 
un  peu  plus  bas. 

*  Cette  incise  est  de  la  main  de  Riche- 
lieu. 


104 


LETTRES 


soit  de  munitions  de  guerre,  autant  qu'il  en  désirera  pour  une  telle 
entreprise,  et  que,  pour  des  vivres  et  des  soldats  pour  fortiffier  son 
armée,  il  luy  sera  aisé  d'en  recouvrer  dans  la  province;  y  ayant  abbon- 
dance  de  bledz  maintenant  que  la  récolte  est  faicte ,  et  obligeant  les 
régimens  qui  sont  du  pays  à  faire  leurs  recreues,  et  faisant  lever  les 
milices  de  la  frontière. 

Que  comme  on  ne  faict  rien  de  grand  sans  beaucoup  d'efforts  et 
d'incommodités,  il  ne  faut  pas  se  rebuter  pour  celles  qui  paroissent 
d'abord  à  une  telle  entreprise,  mais  au  contraire  essayer  de  les  sur- 
monter par  une  fermeté  et  une  constance  généreuse;  les  plus  fins, 
en  matière  d'affaires,  estans  ceux  qui  ne  se  dégoustent  pas  pour  les 
difficultés  K 

Qu'en  un  mot,  si  S'-Sébastien  se  pouvoit  prendre,  ce  seroit  le 
vray  moyen  d'asseurer  Fontarabie,  le  Passage^  et  tout  le  pays  au  deçà 
des  montagnes.  Mais  que,  s'il  ne  se  peut,  il  faut  voir  si  on  peut  con- 
sei'ver  le  Passage ,  ou  au  moins  en  ruiner  tellement  le  port  pour  le 
roy  d'Espagne,  enfonçant  des  vaisseaux  maçonnés  dans  fembouchure 
d'icelluy,  qu'il  ne  s'en  puisse  plus  servir  contre  la  France;  estant  cer- 
tain que  si  on  ne  prenoit  pas  S*-Sébastien,  qu'on  ne  conservast  pas 
le  Passage,  ou  qu'on  n'en  peust  ruiner  le  port,  la  conservation  de  Fon- 
tarabie seroit  bien  plus  difficile  que  si  Ton  peut  faire  l'une  des  trois 
choses  sus  dictes.  Que  le  roy  se  promet  de  son  affection  et  de  son 


'  Voici  commenl,  dans  la  pièce  signée 
du  roi ,  cette  phrase  a  été  arrangée  par  le 
premier  commis  de  de  Noyers  :  «  Ceux  qui 
viennent  à  bout  des  affaires  ayant  accous- 
tumé  de  ne  se  desgouler  par  les  difficul- 
lez  qui  s'y  rencontrent,  lesquelles  dans 
leur  suite  la  générosité  faict  bien  souvent 
trouver  moindre  que  la  prudence  ne  les 
a  faict  prévoir.  »  Assurément,  la  phrase  du 
cardinal  plus  précise  et  plus  nerveuse  offre 
un  sens  plus  net  et  plus  vif.  La  compa- 
raison de  ce  brouillon  du  cardinal,  avec  la 
pièce  travaillée  dans   les  bureaux  de  de 


Noyers,  esl  très-propre  à  montrer  com- 
menl les  secrétaires  d'état,  auxquels  Ri- 
chelieu donnait  souvent  la  matière  des 
dépêches ,  développaient  la  pensée  du  car- 
dinal et  en  gâtaient  l'expiession  par  leur 
style  flasque  et  embarrassé  C'est  pour  cela 
que  j'ai  toujours  préféré  une  simple  ma- 
tière, cette  première  œuvre  de  Richelieu, 
aux  développements  des  secrétaires  d'état 
quand  j'ai  pu  comparer  et  choisir. 

'  Le  Passage,  bon  port  de  mer  d'Es- 
pagne, province  de  Guipuscoa,  à  une  lieue 
de  Saint-Sébastien. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  105 

zèle,  qu'il  fera  en  cela  ce  qui  se  peut,  et  que  surtout  il  asseurera 
tellement  Fontarabie  que,  comme  l'honneur  de  la  prise  luy  est  deub, 
celuy  de  sa  conservation  le  sera  aussy,  et  que,  quelques  efforts  que 
les  ennemis  puissent  faire,  ils  n'auront  jamais  cette  place  par  la  voye 
qu'ils  l'ont  perdue. 


LXVI. 

Arch.  de  l'Empire,  R  i34i,  Guyenne,  i"  partie,  fol.  i3i,  pièce  gô.  —  ' 
Minute  de  la  main  de  Cherré  el  de  de  Noyers. 

A  M.  LE  PRINCE'. 

Du  23  août  i638. 

Je  juge  sy  important,  aussitost  qu'on  aura  pris  Fçntarabie,  de  le 
munir  et  le  fortifier  comme  s'il  devoit  estre  assiégé  le  lendemain,  que 
je  fais  dépescher  le  présent  porteur,  avec  4o,ooo  livres  pour  estre 
employées  à  cette  fin ,  sans  pouvoir  estre  diverties  à  autre  chose.  Je 
vous  ay  desjà  mandé.  Monsieur,  que  ce  ne  seroit  rien  de  prendre 
Fontarabie,  si  on  n'en  asseuroit  la  conqueste;  je  vous  le  répèle  encore 
une  fois,  et  vous  prie  y  faire  pourvoir  en  sorte  qu'il  n'en  puisse  arriver 
inconvénient. 

Il  se  pourroit  faire  que  le  roy  d'Espagne  prendroit  résolution  de 
faire  la  mesnie  chose  que  le  roy  fist  à  Corbie,  en  l'attaquant  bientost 
après  sa  prise;  c'est  pourquoy  il  ne  faut  rien  oublier  pour  rendre  un 
tel  dessein  inutile,  s'il  le  prenoit. 

Le  meilleur  moyen  de  le  rompre  seroit  de  continuer  vos  progrès. 
Mais  comme  je  sçay  qu'il  est  pcut-estre  aussy  difficile  de  le  faire, 
comme  il  est  aisé  de  le  désirer,  au  moins  faut-il  que  vous  fassiez 
faire  de  puissantes  reveues  à  vos  troupes,  et  les  tenir  en  estât  ou  de 
nouvelle  attaque,  si  le  cas  y  eschet,  ou  d'une  asseurée  delTense  si  les 
entreprises  des  ennemis  vous  y  obligent. 

'  Au  dos  de  celle  minute,  le  secrétaire  a  mis  la  date,  avec  ces  mois  :  «  A  M' le  Prince, 
par  M.  de  Nantes.  » 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  —  VI.  l4 


106  LETTRES 

Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  ne  vous  lassés  pas,  mais  continués 
nn  ouvrage  que  vous  avés  sy  bien  commencé,  et  vous  souvenés  que 
vous  m'avés  pour  procureur  à  la  cour  avec  une  entière  affection  à 
vostre  service. 

Il  faut  faire  à  Bayonne  de  grands  magasins  de  blés  et  de  muni- 
tions de  guerre. 

Le  blé  est  maintenant  à  bon  marché  et  le  vray  temps  d'en  faire 
acheter;  faites  en  faire  des  marchés  à  bon  prix,  nous  ferons  pourvoir 
à  l'argent  dès  aussitost. 

Quant  aux  munitions ,  j'escris  à  M' de  Bordeaux  qu'il  envoyé  quérir 
des  boulets  aux  places  dont  il  plaist  au  roy  que  j'aie  la  garde'  ;  vous 
me  manderés,  s'il  vous  plaist,  ce  qui  vous  reste  de  poudre,  et  on 
pourvoira  à  en  faire  un  nouveau  magasin  au  dict  Bayonne. 

Mandés,  s'il  vous  plaist,  qui  vous  estimés  propre  pour  mettre  dans 
Fontarabie,  tant  pour  l'ordre  politique  qu'intelligence  à  défendre  les 
places. 

^  Faut  adjouster  à  M' le  Prince  l'envoi  de  Me'  l'évesque  de  Nantes 
avec  un  ingénieur  qui  n'aura  autre  soin  qu'en  la  fortiffication  de  la 
place,  et  que  pour  luy  donner  plus  de  moyens  de  soutenir  ce  qu'il  a 
faict  et  pousser  plus  avant,  si  faire  se  peut,  l'on  a  envoyé  de  l'argent 
à  M'  d'Halfuin  pour  lever  le  plus  qu'il  pourra;  cinq  compagnies  de 
cavalerie,  4,ooo  hommes  de  pied  qui  auront  ordre  de  se  joindre  à 
son  armée.  Outre  cela,  il  peut  encores  faire  estât  des  régimens  de 
Cabrières  et  d'Orgueil;  enfin  l'on  n'oubliera  rien  pour  l'assister  et  le 
fortifier  d'hommes. 

Richelieu  était  gouverneur  de  Çrouage,  place  à  laquelle  le  voisinage  de  la  Rochelle 
donnait  alors  une  grande  importance.  —  ^  Cette  fin  est  de  la  main  de  de  Noyers. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  107 


LXVII. 

Bibl.  imp.  Suppl   franc.  3o36^^"-''-  fol.  3/i-  —  Minute  de  la  main  du  cardinal  '.  — 

Arch.  des  Aff.  é(r.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  80. — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A   M.  DE  CHAVIGNL] 

D'Amiens,  ce  23°aoust  i638. 

Je  VOUS  avoue  que  je  crains  bien  que,  M*^  de  Villequier  n'ayant  peu 
bien  parachever  le  razement  de  Ranty  dans  le  double  du  temps  qu'il 
avoit  désiré  pour  le  faire  entièrement,  les  ennemis  luy  donnent  une 
estreinte^  maintenant  que  l'armée  s'esloigne  de  luy.  Cependant  il  se 
promet  estre  assez  fort  pour  parachever  ce  razement.  Ce  qui  le  peut 
garantir  est  qu'apparemment  les  ennemis  voudront  tousjours  costoyer 
nostre  armée  en  sa  marche,  et  n'oseront  la  laisser  avancer  en  leur 
pays  sans  la  suivre.  Vous  ne  parlerés  point,  s'il  vous  plaist,  au  roy 
de  cette  crainte  dont,  avec  la  grâce  de  Dieu,  nous  éviterons  le  mal 
qui  peut  arriver,  faute  d'avoir  esté  juste  en  son  calcul. 

Cependant,  suivant  la  résolution  que  le  roy  avoit  prise  auparavant 
son  parlement,  sur  la  nïarcbe  de  ses  deux  armées.  M""  du  Hallier  a  in- 
vesty  le  Castelet  au  jour  qui  luy  avoit  esté  prescrit,  et  la  grande  armée 
n'arrivera  au  poste  qui  luy  avoit  esté  prescrit  '  que  trois  jours 
après  le  temps  qui  luy  estoit  désigné;  mais  tout  ira  bien,  s'il  plaist 
à  Dieu. 

Vous  verres  ce  que  j'escris  au  roy  Sur  l4  sujet  de  son  retour.  Tant 
plus  je  pense  aux  alfaires,  et  plus  je  me  confirme  en  ce  que  vous 
verres,  qui  est  qu'il  n'y  a  pas  grande  chose  à  espérer  cette  année,  si 
Dieu  ne  met  visiblement  la  main  à  nos  affaires,  mais  qu'il  y  a  tout  à 

'  Cette  minute  ne  porte  point  de  date;  doute  le  bon;  nous  le  substituons  à  «es- 
dans   l'original,  la  suscription    n'est  in-  '   Irade  ,>  que  donne  l'original ,  et  qui  ne  pa- 
diquée  que   par  une  note  de  réception ,  raît  pas  avoir  de  sens, 
écrite  de  la  main  de  Cliavigni ,  au  dos  de  la  '  Richelieu  n'a  pas  efl'acé  celte  répéli- 
pièce.  tion  dans  la  minute  écrite  de  sa  main  ;  on 

*  Ce  mot  est  de  la  minute ,  et  c'est  sans  a  mis  ■  ordonné  »  dans  l'original. 

i4. 


108  LETTRES 

craindre  de  nos  gens  si  l'on  n'est  proche  d'eux  pour  les  garantir  du 
nauffrage.  Entre  cy  et  les  couches  de  la  reyne  nous  verrons  plus  clair. 
Je  vous  prie  faire  en  sorte  que  M"  les  surintendans  fassent  que 
les  partisans  entrent  au  premier  payement  de  ce  qui  a  esté  promis 
aux  cappitaines  suisses  licentiez  il  y  a  un  an  ou  plus,  parce  que,  par 
nécessité,  il  nous  faut  faire  une  levée  chez  ces  boùrguemestres,  et 
que,  sans  ce  payement,  nous  ne  l'aurions  pas.  Nous  ferons  voir  à 
ces  M"  que  les  Suisses  ne  coustent  pas  plus  qu'un  pareil  nombre  de 
François  elFectifs. 


LXVIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'aoûl  en  décembre,  fol.  82.  — 
Minute  de  la  main  de  Citoys. 

PROJET  DE  L'INTERROGATOIRE 

DE  MANICAMP'. 

Du  28  aoust  i638,  à  Amiens. 

Sçavoir  pourquoy  estant  chargé  de  la  garde  des  forts  de  Rheinaut 
il  ne  s'y  trouva  pas  pour  les  deffendre.  S'il  n'a  pas  reconnu  par  es- 
cript  d'avoir  les  choses  nécessaires  pour  la  deffense  des  forts  ^  ?  '  s'il 
dict  qu'il  s'en  alla  pour  ce  qu'il  estoit  malade,  sçavoir  quelle  mala- 
die il  avoit,  quel  médecin  le  traitta,  s'il  demeura  longtemps  au  lict 
estant  à  Strasbourg,  et  combien  il  y  fusl  ;  et,  aussy  tost  qu'il  apprist 
la  prise  de  ses  forts ,  s'il  ne  se  trouva  pas  sain  pour  se  retirer  à  Colmar  *. 

S'il  ne  sçail  pas  que  la  vie''  d'un  gentilhomme,  et  particulièrement 

'  Ce  que  nous  mêlions  ici  en  tilre  a  été  *  Les   phrases  suivantes  ont  aussi  été 

écritaudosparCherré.  (V'oy.unsecondpro-  biffées  :  «Pourquoy  il  .s'estoit  chargé  des 

jetd'interrogatoireauâsppterabreciaprès.)  forts  s'il  ne  les  vouloil  deffendre,  et  pour- 

'  «Pour  la  deffense  des  forts,»  de  la  quoy,  s'il  le  vouloil,  il  ne  l'a  pas  fait?» 

main  de  Richelieu ,  ainsi  que  le  mot  «  long-  —  «  Pourquoy  il  fist  osier  le  s' de  Camp  de 

temps ,  »  un  peu  plus  bas ,  et  «  parce  qu'ils ,  »  Scbelestat  pour  estre  maislre  de  toute  l'Al- 

au  troisième  paragraphe.  sace  puisqu'il  vouloil  si  mal  défendre  l'en- 

Une  phrase  a  été  biffée  ici  :  «  Ains  Iréedupays?» 

s'en  alla  lors  qu'il  sceut  que  les  ennemis  '  Le  secrétaire  avait  écrit  «l'advis»  el 

en  approchoienl.  »  il  a  mis    en    surcharge  «  la  vie.  »  Preuve 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  109 

d'un  homme  de  condition,  consiste  plus  en  l'honneur  qu'en  autre 
chose,  et  partant  qu'il  luy  valoit  mieux  mourir  avec  ses  compa- 
gnons que  vivre  ailleurs? 

S'il  ne  sçait  pas  que  tous  ceux  qui  estoient  dans  les  forts  les  aban- 
donnèrent parce  qu'ils  estoient  abandonnés  de  luy? 

S'il  s'en  veut  rapporter  à  ce  que  diront  ceux  qui  estoient  dans  les 
forts  ?  • 

S'il  ne  sçait  pas  que  Jehan  de  Vert  n'avoit  aucun  dessein  d'attaquer 
les  dicts  forts,  mais  seulement  de  luy  faire  une  bravade  avant  que 
d'aller  prendre  son  quartier  d'hyver  ? 


LXIX. 
Arch.  des  AIT.  étr.  Rome,  i638,  huit  premiers  mois,  t.  63,  fol.  ay/i.  —  Original. 

A  MAZARIN. 

Amieii!,  34  août  i638. 

Monsieur,  Si  je  ne  vous  escris  sy  souvent,  me  cognoissant  comme 
vous  faictes,  vous  croirés  bien,  je  m'asseure,  que  ce  n'est  pas  que  je 
ne  me  souvienne  tousjours  de  vous  à  l'accoutumé.  Colmardo'  ne  peut 
estre  oublié,  particulièrement  par  le  cardinal  de  Richelieu,  qui  en 
faict  un  cas  très-particulier.  J'ay  su  tout  ce  qui  se  passe  à  Rome  sur 
vostre  sujet,  ce  qui  ne  m'estonne  pas  peu,  bien  qu'il  ne  me  surprenne 
pas  comme  vous  sçavés,  je  m'asseure.  J'ay  bien  peur  qu'à  l'avenir 
M.  le  cardinal  Barberin  ne  se  trouve  pas  bien  de  trop  considérer  les 
passions  que  les  Espagnols  ont  contre  ses  vrais  serviteurs.  Mais,  quoy 
qui  arrive ,  en  persévérant  h  bien  faire  vous  n'avés  rien  à  craindre , 
ains  beaucoup  à  espérer  avec  le  temps. 

Si  vos  ennemis  sont  puissans,  vostre  protection  n'est  pas  foible'^. 

que  celte  pièce  élait  écrite  sous  la  die-  portent  à  cette  époque,  aux  archives  des 

lée.  Adaires  étrangères ,  sont  remplis  des  soUi- 

Nous  avons  déjà  dit  que  c'était  un  nom  cilations,  des  plaintes  et  des  inquiétudes 

de  convenlion  donné  familièrement  à  Ma-  de  Mazarinausujet  desa  promotion,  qu'on 

zarin  par  Richelieu  et  les  intimes.  difl'érait  continuellement,  malgré  sa  pré- 

'  Les  manuscrits  de  Rome  qui  se  rap-  seiice  à  Rome;  et,  en   même   temps,  il 


JIO  LETTRES 

Le  roy  vous  aime,  et  je  seray  tousjoius  très  aise  de  vous  tesmoigner 
que  je  suis  véritablement  vostre  très  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

J'ai  esté  aussy  aise  de  sçavoir  que  le  petit  présent  soit  arrivé ,  comme 
je  suis  fasché  qu'il  n'est  pas  digne  de  M'  le  cardinal  Anthoine. 
D'Amiens,  ce  2  4*  a  oust  i638.  , 


LXX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  87.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROI'.] 

De  Chaunes,  ce  25°aoust  i638. 

M'  du  Hallier  me  vient  de  mander  qu'il  a  ouvert  ses  tranchées  au 
Castelet,  et  qu'il  espère  bien  avancer  son  affaire.  Il  aura  aujourdhuy 
sept  canons  et  une  couleuvrine  qu'on  luy  menne  de  Péronne  et 
S^-Quentin,  sans  ce  qui  marche  avec  M'*  de  La  Force  et  de  Chastil- 
lon,  qui  seront,  à  ce  qu'ils  mandent,  jeudi  à  Bertaucourt. 

J'envoie  à  M.  de  Chavigny,  pour  faire  voir  à  Sa  Majesté,  la  coppie 
d'un  billet  en  chiffre  que  M''  du  Hallier  a  pris  sur  un  paysan  qui 
sortoit  du  Castelet^. 

Les  ennemis  ont  envoie  quelque  cavalerie  et  infanterie  dans  Cam- 
bray,  à  ce  que  le  s"  d'Hauquincourt,  qui  dict  l'avoir  seu  d'un  messager 
de  risle,  nous  l'a  rapporté. 


affiche  parfois  à  cet  égard  la  plus  parfaite 
indifférence.  Dans  une  lettre  du  3  août,  à 
laquelle  celle-ci ,  précisément ,  semble 
répondre ,  nous  lisons  ce  curieux  pas- 
sage :  «  Ogni  mia  consolatione  consiste  in 
questo .  .  .  che  sono  indifferentissimo  a 
tutlo  ;  e  che  solamente  ho  passione  di  e»e- 
guire  quelle  mi  sarà  ordinato  da  M'"  il 
cardinale,  qualuiique  cosa  si  sia,  quando 


ancora  fosse  di  ritirarmi  a  vivere  romito 
nella  parte  più  solilaria  del  monde.  » 
(T.  63 ,  f°  247.  )  Mazarin  ermite  !  Il  ne  pou- 
vait pas  mieux  dire  pour  exprimer  toute 
l'étendue  de  son  obéissance  aux  volontés 
de  Richelieu. 

'  Voyez  la  note  2  de  la  page  100  ,  la- 
quelle .s'applique  également  ici. 

^  Voy.  la  pièce  suivante. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  111 

On  n'a  point  encore  d'avis  de  la  marche  du  corps  de  leur  armée. 

M'  de  Viliequier  a  esté  blessé,  à  la  teste,  d'une  brique  que  la  mine 
de  Ranty  a  faict  voiler  sy  loin  que  l'on  ne  croyoit  pas  qu'elle  peust 
aller  jusques  là;  mais  l'on  asseure  que  ce  ne  sera  rien. 

Je  ne  Si^aurois  dissimuler  à  Vosti'e  Majesté  que  je  suis  extresme- 
ment  en  peine  de  sçavoir  qu'elle  est  en  guerre  au  lieu  où  je  luy  dé- 
sirerois  la  paix  ^  Sa  prudence  est  telle  que  je  m'asseure  qu'elle  par- 
donnera les  bronchades  aux  personnes  que  je  n'estime  paç  capables 
de  rien  faire  par  malice.  Je  condamne  leur  peu  de  complaisance,  et 
ne  la  puis  excuser  que  dans  l'innocence  que  je  croy  dans  leur  esprit. 
Je  ne  doute  point  que  ce  petit  orage  ne  soit  calmé  auparavant  que 
cette  lettre  arrive. 

M'  d'Angoulesme  se  porte  mieux  que  jamais,  grâces  à  Dieu.  Il 
nous  a  faict  paroislre  depuis  deux  jours  un  excès  de  bon  naturel  dont 
j'avoue  que  je  ne  l'eusse  pas  soupçonné. 

Ayant  sceu  la  mort  du  vieil  Monglat,  auquel  il  devoit  quelque  partie 
assez  notable,  eu  esgardà  la  misère  de  ce  pauvre  homme,  après  avoir 
jette  deux  ou  trois  soupirs,  tesmoignant  le  desplaisir  qu'il  avoit  de 
ne  l'avoir  pas  payé,  il  nous  fist  l'honneur  de  nous  dire  qu'il  vouloit 
descharger  sa  conscience  de  cette  affaire,  et,  parce  qu'il  ne  jugeoit 
pas  qu'aucun  de  ses  parens  voulust  se  porter  héritier  du  deffunct,  il 
vouloit  envoier  demander  une  mule  qu'il  avoit  durant  sa  vie,  afin 
qu'en  la  nourrissant  il  peust  tesmoigner  sa  gratitude  et  satisfaire  au- 
cunement à  ce  qu'il  devoit. 

Après  avoir  laissé  passer  le  premier  excès  de  sa  douleur,  sa  sin- 
cérité fut  telle  qu'il  nous  avoua  qu'il  vouloit  avoir  la  mule,  parce  qu'il 
sçavoit  qu'elle  estoit  fort  bonne.  Tous  les  jours  .il  arrive  quelque 
nouvelle  histoire  dont  nous  ferons  un  registre  pour  en  rendre  quelque 
jour  compte  à  Vostre  Majesté. 

'   On  sail  que  la  passion  du  roi  poiir  étaient  sans  cesse  attristés  et  par  les  l'roi- 

M"'  de  Haulefort  s'était  réveillée  dans  le  deurs  de  la  belle  jeune  Qlle,  et  par  les 

cœur  de  Louis  XIII  depuis  la  retraite  de  liommagespassionnés  dont  l'environnaient 

M"*  de  La  Fayette.  Mais  ces  bizarres  amours  les  plus  aimables  seigneurs  de  la  cour. 


112  LETTRES 


LXXI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  91.  — 
Original,  sans  signature  de  la  main  de  Cherré. 

[A   M.  DE  CHAVIGN^.] 

DeChaunes,ce  sS'aoust  i638. 

Le  s'  de  Cachac,  gouverneur  de  Carcassonne,  est  mort;  le  roy  a 
promis  ce  gouvernement  à  M'  le  marquis  d'Ambres,  vous  en  ferés 
souvenir,  s'il  vous  plaist,  Sa  Majesté,  et  donner  le  commandement,  à 
M""  de  La  Vriilière,  de  luy  envoyer  les  expéditions  de  la  part  du  roy. 

Aussy  tost  que  Manicamp  a  esté  dans  la  citadelle  d'Amiens,  il  a 
espendu  beaucoup  de  larmes,  et  dict  à  M"  de  Cornillon  qu'il  méri- 
loit  la  mort,  qu'il  le  sçavoit  bien. 

J'ay  creu  qu'il  estoit  à  propos  que  le  roy  le  sceust  afin  que  si  ses 
amis,  vers  lesquels  il  n'aura  pas  oublié  d'envoier,  le  pressent  sur  le 
sujet  de  Manicamp,  pour  le  piùer  qu'au  moins  il  soit  asseuré  qu'il 
n'aura  point  de  mal,  Sa  Majesté  ait  agréable  de  ne  s'engager  pas,  afin 
de  pouvoir  voir  le  fond  de  ce  qu'il  veut  dire.  En  vérité  son  esprit 
est  estrange. 

Un  espion  de  M' de  Chaunes  a  rapporté  que  le  prince  Thomas  avoit 
faict  pendre  le  gouverneur  de  Ranty.  Il  a  attendu  à  se  rendre  que  la 
mine  fust  faicte  et  cependant  il  s'est  faict  pendre. 

En  certaines  choses  les  Espagnols  sont  plus  sages  que  nous,  en  ce 
qu'ils  sont  plus  exacts  et  plus  rigoureux;  et  sans  cette  vertu,  qui  se 
convertit  en  clémence  en  ce  que  la  punition  d'un  coulpable  empesche 
que  mile  ne  s'oublient,  les  Estats  ne  peuvent  subsister. 

Je  suis  très  aise  de  la  résolution  que  Sa  Majesté  a  prise  de  faire 
chastier  les  délinquans  de  sa  grande  escurie,  dont  les  désordres 
pouvoient  avoir  de  fascheuses  suittes. 

'  La  note  de  réception,  que  Cliavigni  pêches  sans  suscription  comme  sans  si- 
écrit  souvent  lui-même  au  dos  de  ces  dé-        giiature,  donne  l'indication  qui  manque. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  113 

Quant  au  parlement,  il  ne  faut,  à  mon  avis,  que  fermeté,  et  ne 
point  faire  de  nouvelles  négociations  avec  eux  pour  tascher  de  les 
ramener  à  leur  devoir,  en  leur  donnant  contentement  sur  l'accident 
arrivée  J'apréhende  tous  ces  contrats  qui  aboutissent  à  do  at  des, 
car  nous  donnons  tousjours  et  nous  ne  recevons  rien. 

M'  du  Hallier  me  vient  d'envoier  un  billet  en  chifFre  qu'il  a  pris  à 
un  paysan  sortant  du  Castelet,  de  la  part  du  gouverneur,  pour  le  porter 
à  Cambray;  vous  le  ferés  voir  au  roy. 

.  «  Sitiados  estamos,  y  todas  las  cosas  de  que  tengo  avisado  nos  faltan, 
"  sin  otras  muchas  que  no  se  hechan  aun  de  ver;  V.  M""*  se  sirva  de 
«  aviser  dello  a  Su  Alt"  que  nos  otros  aca  haremos  quanto  se  pudiere. 

«  De  Chatelete,  a  22  de  ag°  i638.» 

Quand  je  propose  une  cbose  au  roy,  ce  n'est  pas  une  demande, 
mais  une  simple  proposition.  L'abbaye  de  Caumont,  autrement  dite 
la  Piscine,  vaut  sept  à  huict  rail  livres  de  rente.  L'abbé  est  celuy 
mesme  qui  a  donné  avis  au  marquis  d'AUuye  de  sa  grande  maladie; 
je  serois  bien  fasché  de  troubler  ceux  à  qui  le  roy  la  voudra  donner. 
Comme  je  n'ay  peu  refuser  au  marquis  d'Alluye  la  proposition  qu'il 
a  désiré  que  je  feisse  pour  un  de  ses  enfans,  parce  qu'en  vérité  c'est 
un  bon  homme,  je  ne  voudrois  pas  estre  cause  que  Sa  Majesté  révoc- 
quast  une  grâce  qu'elle  a  voulu  faire;  si  ce  n'estoit  que  Sa  Majesté 
l'accordant  au  marquis  d'Alluye,  donnast  deux  mille  francs  de  pen- 
sion au  fils  du  s'  du  But.  Sa  Majesté  est  le  maistre  en  cette  affaire, 
comme  en  toute  autre,  et  parlant  c'est  à  elle  à  faire,  par  sa  prudence, 
ce  qu'elle  estimera  plus  à  propos. 

Je  suis  très  fasché  de  ce  que  le  racommodement  de  madame  de 
Hautefort  n'est  point  encore  faict,  jugeant  bien  combien  cela  travaille 
l'esprit  du  roy,  le  contentement  duquel  je  considère  comme  ma  vie  ^. 

'  Le  parlement  était  mécontent  depuis  '    de  Richelieu,  tiré  du  ms.  des  Aff.  étraog. 

quelque  temps  à  cause  de  la  création  de  t.  X.  p.  SSg  de  l'édition  Petilot.) 

t)ouveaux  olVices  :  •  Ceux  qui  s'cstoient  le  *  Lorsque   Richelieu    écrivait   cela,   il 

plus  échappez  contre  l'autorité  royale  fu-  était  sur  le  point  de  contraindre  le  roi  à 

arreslez  et  envoyez  en  divers  lieux.  [Mém.        éloigner  de  la  cour  M"'  de  Hautefort. 

■» 


CARDIM.  DE  RKHf.LIBU.  —  VI. 


l5 


114  LETTRES 

Je  ne  sçaurois  m'empescher  de  la  blasmer  en  mon  cœur  de  ne  faire 
pas  loul  ce  qu'elle  doit  pour  contenter  Sa  Majesté. 

Si  les  mauvais  conseilz  qui  l'abordent  luy  persuadent  que  je  ne  suis 
pas  pour  elle,  elle  a  très  grand  tort.  Cela  ne  m'empeschera  pas  d'aller 
mon  grand  chemin  et  de  la  servir  tousjours,  en  préférant  les  conten- 
temens  du  roy,  qui  sont  justes  et  innocens,  à  toutes  choses. 

Je  ne  croy  pas  qu'il  y  ait  rien  à  faire  en  l'affaire  du  prince  Casimir' 
qu'à  représenter  à  son  secrétaire,  quand  il  vous  parlera,  le  tort  qu'il 
a  eu  de  venir  passer  en  France,  et  en  recognoistre  la  coste,  allant 
servir  en  Espagne;  et  cependant  le  bien  garder. 

Quant  aux  passeports  proposez  par  fambassadeur  de  Venise  pour 
Lubec,  si  on  pouvoit  disposer  les  Suédois  à  venir  à  Coidoigne  ce  se- 
roit  bien  le  meilleur;  mais,  ne  voyant  pas  que  les  affaires  prennent  ce 
Iraiu  là,  je  crois  qu'il  est  bon  de  demander  des  passeports  pour  les 
agens  du  roy  et  de  ses  alliez^  qui  se  trouveront  à  Lubec,  et  pour  ceux 
des  Suédois  qui  se  trouveront  à  Couloigne;  mais  l'importance  est  de 
voir  la  coppie  des  passeports  des  Hollandois,  que  le  roy  d'Espagne 
donne  charge  au  cardinal  infant  d'envoyer  à  l'ambassadeur  de  Venise, 
afin  de  sçavoir  s'ils  sont  telz  que  les  Hollandois  les  puissent  accepter. 

Je  suis  très  aise  de  ce  que  M''  l'ambassadeur  de  Suède  vous  a  as- 
seuré  que  Banier  a  pris  Gartz^  et  commence  à  jouer  des  mains. 


LXXU. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  io3.  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI*.] 

UeChaunes,  ce  26'  aoust  i638. 

Les  demandes  de  M'  de  Weymar  vont  à  deux  choses  : 

'  Voy. Mém. de  Richel. l.X, p.  abSeisu'iw.  de  Hesse,  el  pour  madame  de  Savoie,  n 

*  A  côté  de  ce  paragraphe,  à  la  marge,  '  Voy.  la  Gazette  du  28  août,  p.  469. 

on  lit  :  «  Il  en  faut   pour   les  agens  des  *  Note  de  la  pièce  précédente.  Quant  à 

Hollandois,  de  M' de  Weymar,  Landgrave  la  date,  elle  a  été  écrite  ici  par  le  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  115 

Au  payement  de  son  3^  quartier,  et  à  quelque  renfort  de  troupes. 

Pour  le  premier  point  j'en  escris  à  M.  de  BuUion,  qui  en  traittera 
volontiers  avec  M"  Heufft,  ayant  faict  fonds  dès  le  commencement 
(le  l'année  pour  tout  le  payement  de  mon  dict  s'  de  Weymar.  Je  vous 
prie  solliciter  cette  aflaire. 

Quant  au  renfort  de  troupes,  si  le  roy  le  trouve  bon,  nous  serions 
d'avis  qu'on  envoyast  tous  les  trois  mil  trois  cens  hommes  qui  se  lèvent 
dans  le  département  d'Orléans,  sous  la  conduite  du  s'  Renar,  en 
Champagne,  pour  fortiflier  les  régimens  du  s'  de  Bellfefons,  et  les 
troupes  qui  sont  revenues  du  fort  du  Bac'.  Tout  ensemble  feroit  cinq 
mil  hommes,  lesquels  pourroient,  avec  les  trois  régimens  de  cavalerie, 
aller  dans  quelque  temps  (quand  on  verra  qu'il  n'y  aura  rien  à  craindre 
en  Champagne),  pour  nettoyer  la  Lorraine;  et  de  là,  si  le  cas  le  requé- 
roit,  ou  en  pourroit  envoyer  deux  mile  hommes  à  M'  de  Weymar. 

Si  le  roy  approuve  cette  proposition,  vous  ferés  tenir  la  dépesche 
à  Renar,  que  M'  de  Noyers  vous  envoie. 

Vous  remercierés,  s'il  vous  plaist.  Sa  Majesté  pour  moy  de  l'abbaye 
de  S'-Arnoul  de  Metz,  dont  il  y  a  six  ou  sept  ans  qu'elle  m'avoit  faict 
l'honneur  de  me  donner  la  coadjutorerie.  L'abbé  est  enhn  allé  de 
cette  vie  en  une  meilleure,  par  le  moyen  de  quoy  j'ay  lieu  de  rendre 
une  nouvelle  grâce,  comme  je  fais,  à  Sa  dicle  Majesté. 


LXXIII. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i638.  d'août  en  décembre,  fol.  io5.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR  LE  ROY. 

De  Chaunes,  ce  27'  aoust  [  i638  *]. 

Sa  Majesté  sçaura  par  le  s''  chevalier  de'  qu'envoie  M'' de 

'  ConstruitdevanlSainl-Omerpourabri-  '  L'année  manquait  à  cette  dalc;  on  a 

1er  les  assiégeants;  l'ennemi  s'en  était  em-        mis  en  marge  i638  pour  le  classement, 
paré  le  8  juillet.  [Gaz.  |).  3.^o,  SSg,  379.)  '  Le  nom  est  en  blanc  dans  le  ms. 


116 


LETTRES 


Beilièvre,  comme  la  reyne  sa  mère  s'en  va  en  Angleterre,  sans  que 
les  Espagnols  en  ayent  rien  sceu',  et,  à  mon  avis,  sans  que  les 
Anglois  l'ayent  consenty.  Le  roy  de  la  Grande  Bretagne  a  tesmoigné 
à  M'  de  Beilièvre  avoir  beaucoup  de  desplaisir  de  cette  résolution 
de  la  reyne,  et  s'en  vouloir  ressentir  contre  ceux  qui  luy  ont  faict 
prendre  ^.  Il  y  a  grande  apparence  que  madame  de  Chevreuse  et  Mon- 
tegu  peuvent  avoir  trempé  en  cette  négociation. 

Il  n'y  a  aucune  noavelle  des  armées  à  mander  à  Vostre  Majesté. 

Je  m'en  vas  coucher  à  Péronne  afin  d'en  estre  plus  proche. 

Je  suis  ravy  de  sçavoir  le  racomodement  de  Vostre  Majesté  avec 
son  inclination,  qui  sera  tousjours,  selon  mon  jugement,  aussy  inno- 
cente et  exempte  de  malice ,  comme  parfois  il  pourra  arriver  des  bron- 
chades  dignes  d'estre  excusées. 

Fontarabie  me  tient  au  cœur  quoyque  je  ne  juge  pas  qu'il  y  puisse 
arriver  aucun  inconvénient^. 

J'envoie  un  extrait  à  Sa  Majesté  des  lettres  interceptées,  et  une 


'  La  Gazette  du  2 1  août  annonçait ,  sous 
\a  rubrique  de  Bruxelles,  que  la  reine 
mère  était  partie  de  cette  ville  le  10,  mais 
sans  dire  qu'elle  allât  en  Angleterre.  Nous 
trouvons  dans  le  manuscrit  cité  aux  sour- 
ces ,  f °  1 1 8 ,  la  missive  que  le  roi  lit  écrire 
par  Cliavigni ,  le  ag  ,  en  réponse  à  la  pré- 
sente lettre.  Le  roi  demande  à  Richelieu 
«  de  luy  faire  sçavoir  comment  il  estoil 
d'advis  que  M.  de  Beilièvre  dust  se  con- 
duire avec  la  reine  mère. . .  »  —  «  Leroy  dé- 
sire aussy  que  M^'  prenne  la  peyne  de 
luy  mander  ce  qu'il  auroit  à  faire  si  la 
reyne  mère  luy  envoyoit  quelqu'un.  S.  M. 
ui'a  déjà  dict,  par  advance,  que  son  advis 
seroit  de  ne  pas  le  recevoir.  » 

'  Plusieurs  dépêches  de  M.  de  Beilièvre 
recueillies  dans  le  tome  It-j  ,  d'Angleterre, 
aux  arch.  des  Aff.  etc.  disent  ce  que  Riche- 
lieu répète  ici. 


'  Celte  confiance  du  cardinal  était  en- 
tretenue par  le  soin  qu'avait  le  prince  de 
Condé  d'annoncer  un  succès  comme  in- 
faillible ;  «Je  veis  hier,  écrit  Chavigni, 
dans  sa  lettre  précitée  du  27  août,  des 
lettres  de  M.  le  Prince  entre  les  mains  de 
M"'  la  Princesse,  du  17,  par  lesquelles  il 
asseure  qu'il  sera  dans  peu  de  jours  maistre 
de  Fontarabie. . .  il  n'y  a  pas  d'apparence 
qu'il  en  asseurast  si  ce  n'esloit  la  vérité.  ■> 
Les  mémoires  envoyés  par  le  prince  à  sa 
femme  devaient  être  remis  à  Richelieu. 
Plus  le  prince  de  Condé  avait  donné  d'es- 
pérance au  cardinal ,  plus  le  désappointe- 
ment de  celui-ci  fut  cruel  quand  il  vit  qu'il 
fallait  abandonner  le  siège.  Il  est  vraisem- 
blable que  ce  sentiment  ne  contribua  pas 
peu  à  l'aigrir  contre  le  duc  de  La  Valette, 
et  à  lui  faire  exagérer  les  fautes  qu'il  lui 
reprochait. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  117 

autre  copie  de  la  lettre  de  Gerbier  \  par  où  elle  verra  tout  ce  qui 
est  contenu  dans  la  dernière  dépesche.  Elle  bruslera  le  tout,  s'il  luy 
plaist,  soigneusement  et  ce  billet  icy. 


LXXIV. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  107.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

POUR  MONSIEUR  DE  CHA VIGNY'. 

De  Chaunes,  ce  27'  aoust  i638. 

Je  vous  escris  fort  à  la  haste,  le  chevalier  dépesche  par  M'  de  Bel- 
lièvre  estant  prest  à  partir. 

Je  suis  très  aise  du  racomodement  de  madame  de  Hautefort,  je 
n'ay  jamais  creu  qu'elle  fust  capable  de  malice,  et  qu'elle  peust  ne 
distinguer  pas  ses  vrays  amis  des  mauvais  esprits  qui  travaillent  le 
sien.  Je  prie  Dieu  que  cette  afiaire  dure  et  l'espère  tout  ensemble. 

Nos  armées  ne  nous  donnent  lieu  de  vous  mander  aucune  chose. 

Le  retardement  des  nouvelles  de  Fontarabie  me  penne  un  peu, 
et  cependant  je  n'en  sçaurois  attendre  que  de  bonnes. 

Je  suis  estonné  que  les  couches  de  la  reyne  se  diffèrent  de  jour  à 
autre  passé  le  terme  du  28*  et  demy,  que  M'  Bouvard  disoit  eslre  le 
premier.  11  m'a  dict  que  le  28*  estoit  le  dernier.  Nous  verrons  si  les 
médecins  sont  bons  prophètes  naturel/  '. 

Quand  les  Anglois  vous  auront  faict  leur  proposition,  je  seray  bien 
aise  de  la  voir,  mais  je  suis  bien  trompé  s'ils  se  gouvernent  autre- 
ment qu'à  leur  ordinaire. 


'  Ces  lettres  ne  sont  point  dans  le  ma-  '  Celte  suscription  est  de  la  main  de  de 

nuscrit  cité  aux  sources,  mais  nous  les  '  Noyers. 

avons  trouvées  dans  le  tome  47  d'Angle-  '  On  sait  que  Louis  XIV  fit  mentir  la 
terre,  f"  168-17 1, et /'as5im. —  Gerbierélait  prophétie  de  Bouvard;  il  naquit  le  5  sep- 
un  agent  diplomatique  de  l'Angleterre  ,  tembre. 
alors  employé  à  Bruxelles. 


118  LETTRES 


LXXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  1 638,  d'août  en  décembre,  fol.  122.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  deClierré. 

SUSCHIPTION : 

POUR  LE  ROY. 

De  Péi'onne,  ce  ag'aoïist  i638. 

Je  suis  extresmement  aise  que  Sa  Majesté  aye  le  conlentement 
qu'elle  mérite  de  ses  innocens  divertissemens,  et  prie  Dieu  de  tout 
mon  cœur  qu'il  soil  de  durée,  ainsy  que  je  ie  souhailte  et  l'espère. 

La  lettre  que  Monsieur  a  receue  de  Bruxelles  donne  lieu  de  croire 
la  prise  de  Guetz  et  de  Savelly,  qui  est  une  estrangement  bonne  nou- 
velle, si  elle  se  trouve  véritable. 

J'escris  à  M"'  de  Chavigny  ce  que  je  pense  sur  le  voiage  que  la  reyne 
mère  de  Vostre  Majesté  faict  en  Angleterre,  par  la  Hollande'. 

Si  elle  envoie  un  gentilhomme  sur  le  sujet  de  la  naissance  de 
monsieur  le  dauphin,  je  croy  que  Vostre  Majesté  le  doit  recevoir,  la 
remercier  de  cet  envoy;  et,  s'il  parle  à  Vostre  Majesté  d'autre  chose, 
luy  respondre  selon  la  cognoissance  qu'elle  a  de  ce  qui  s'est  passé  et 
sa  prudence  accoustumée,  qui  est  plus  grande  que  celle  de  tous  ses 
serviteurs. 

Sa  Majesté  ne  sçauroit  mieux  faire,  à  mon  avis,  que  de  gratiffier 
M'  de  Lavaur  de  l'évesché  d'Evreux,  s'il  vient  à  vacquer.  Je  luy  ay 
tousjours  veu  désirer  cet  évesché,  et  mesme  il  avoit  envié  de  le  per- 
muter avec  le  sien ,  et  il  n'a  en  cela  d'autre  avantage  que  d'estre  dans 
le  pays  de  sa  naissance,  bien  qu'avec  moins  de  revenu.  Je  rends  très 
humble  grâce  à  Sa  Majesté  de  l'honneur  qu'il  luy  plaist  me  faire  en 
ce  point,  comme  en  toute  autre  chose,  où  elle  faict  paroistre  sa 
bonté. 

Je  souhaitte  que   le  terme  que  M'  du  Hallier  a  mandé  à  Vostre 

'  Voy.  la  pièce  suivante. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  119 

Majesté  de  la  prise  du  Castelet  soit  juste,  mais  je  crains  qu'il  aille 
un  peu  plus  loin. 

Nous  n'avons  point  encores  de  nouvelle  de  l'armée  de  M"  de  La 
Force  et  de  Chastillon  ;  je  croy  pourtant  qu'elle  ne  doit  estre  qu'à 
quatre,  cinq  ou  six  lieues  d'icy.  J'en  attends  à  toute  heure. 

Ceux  du  Castelet  n'ont  faict  depuis  le  siège  qu'une  sortie  de  vingt 
hommes,  qui  ont  esté  repoussez  comme  il  fault. 

Ce  matin ,  trois  escadrons  de  cavalerie  sortis  de  Cambray  ont  poussé 
la  garde  avancée; mais,  aussy  tost  qu'ilz  l'ont  veu  soutenue,  ilz  se  sont 
retirez.  Quelques  prisonniers  pris  ont  dit  que  hier  il  estoit  entré  i  2 
ou  1 5oo  chevaux  dans  Cambray,  mais  que  le  soir  ;lz  en  estoient 
sortis  avec  tout  leur  bagage. 

Cette  ville  est  fort  bien  fortiffiée,  il  y  manque  encore  des  tra- 
vaux du  tout  nécessaires  qui  "cousteront  quarante  ou  cinquante 
mil  francs.  Mais  si  Vostre  Majesté  avoit  veu  la  garnison  elle  en  auroit 
pifié.  Tout  le  grand  fauxbourg  du  costé  des  ennemis  n'est  gardé 
que  par  dix-huit  hommes,  ou,  pour  mieux  dire,  par  dix-huit  petits 
garçons,  qui  en  leur  vie  ne  portèrent  espée  que  depuis  deux  mois. 

Aussy  tost  que  je  sçauray  où  sera  l'armée  de  M"  de  La  Force  et  de 
Chastillon  j'envoyeroy  quérir  deux  compagnies  des  Suisses  de  vostre 
garde,  sans  lesquelles  il  y  a  tout  à  craindre  en  cette  frontière. 

J'ose  dire  à  Vostre  Majesté  que  ie  voiage  qu'elle  a  faict  de  deçà  en 
a  sauvé  la  province,  sur  divers  lieux  de  laquelle  les  ennemis  avoient, 
comme  elle  sçait,  diverses  entreprises. 

J'ose  encore  l'asseurer  que,  si  elle  n'eust  esté  à  Abbeville,  toute 
.son  armée,  se  fust  desbandée,  et  que,  si  ceux  qui  y  sont  ne  croyoient 
son  retour,  auquel  le  commandement  qu'elle  m'a  faict  d'y  demeurer 
les  confirme,  il  s'en  iroit  une  grande  partie. 

Je  ne  sçaurois  pas  dire  asseuremenl  ce  qu'on  pourra  faire  après  le 
Castelet,  mais  je  croy  qu'il  faut  tourmenter  les  ennemis  jusques  au 
j  5*  octobre.  Apparemment  ces  M"  les  généraux  ne  feront  pas  plus 
par  eux-mesmes  que  par  le  passé,  et  partant  je  croy  qu'il  ne  faut  pas 
cstre  loin  d'eux  pour  leur  ayder.  Je  mande  franchement  ce  que  je 


120  LETTRES 

pense  à  Vostre  Majesté  prest  en  toutes  choses  à  suivre  ses  volontez 
et  ses  commandemens. 

J'ay  escrit  à  M.  du  Hallier  ce  que  Vostre  Majesté  m'a  commandé 
pour  empescher  les  officiers  d'aller  courre  les  charges,  ce  que  j'es- 
time bien  important. 

Je  suis  ravy  du  tesmoignage  qu'il  plaist  à  Sa  Majesté  me  rendre  de 
l'impatience  qu'elle  a  que  je  sois  auprès  d'elle.  Je  la  puis  asseurer  que 
les  jours  me  durent  des  moys,  et  que  rien  n'est  capable  de  me  faire 
supporter  le  mal  de  son  absence  que  ses  volontez  et  son  service ,  que 
je  préféreray  tousjours  à  tout  contentement  et  à  ma  vie. 

Jouanes  le  trompette  vient  d'arriver  de  l'armée  des  ennemis,  qu'il 
représente  n'estre  pas  en  infanterie  et  cavalerie  plus  de  douze  ou 
treize  mil  hommes  fort  espouvantez.  Il  dict  que  Picolomini  se  mocque 
ouvertement  de  la  façon  avec  laquelle  nous  faisons  la  guerre,  et  qu'il 
luy  a  dict  à  luy-mesme  qu'il  en  estoit  estonné;  qu'ilz  ont  pris  un  sy 
grand  nombre  de  fourrageurs,  qu'ils  en  montent  maintenant  leurs 
dragons  pour  en  faire  plus  aisément  des  entreprises. 

Il  a  dict  au  dict  Jouanes  qu'après  qu'il  aura  pris  tous  les  fourra- 
geurs, il  prendra  après  vos  cavahers;  en  un  mot  il  recognoist  que 
vous  avés  force  brave  gens,  mais  qu'ilz  sont  bien  ignorans  du  mestier 
et  qu'ils  sont  mal  conduicts. 

J'avoue  que  comme  Nogent  sçait  que  le  bonhomme  M"  de  Cham- 
pigny  ne  faisoit  que  de  la  bille  quand  les  choses  n'alloient  pas  bien 
à  son  gré,  j'en  suis  de  mesme. 

M"  de  La  Force  et  de  Chastillon  arrivèrent  hier  28*  à  Vauchelle, 
qui  est  entre  Cambray  et  le  Castelet. 

Après  la  prise  de  cette  place,  il  faut  par  nécessité  faire  quelque 
chose  qui  couronne  la  campagne.  Vos  armées  seront  renforcées  par 
les  recreues  qui  viennent.  Il  ne  restera  qu'à  prendre  un  bon  dessein, 
et  animer  ceux  qui  le  peuvent  exécutter. 

M'  d'Espenan  escrit  du  1  7*  à  M""  de  Noyers,  qu'il  espère  que,  dans 
six  jours  après,  Fontarabie  sera  pris,  ce  qui  me  tire  d'une  grande 
peine.  M'  le  Prince  en  escrit  seurement,  respondant  de  l'événement. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  121 

Il  ne  reste  plus  que  la  nouvelle  de  la  naissance  d'un  daulphin  que 
j'attends  et  espère  de  la  bonté  de  Dieu. 

Madame  d'Efliat  me  vient  d'escrire  pour  me  donner  avis  de  la 
mort  de  M'  de  Fourcy,  et  me  prie  de  demander  à  Vostre  Majesté 
la  charge  de  surintendant  des  bastimens  pour  le  jeune  Despesses; 
mais,  ayant  toujours  accoustumée  de  préférer  le  bien  de  vos  affaires 
à  l'intérest  de  ceux  qui  s'addressent  à  moy,  au  lieu  de  faire  cette 
proposition  à  Vostre  Majesté,  j'ose  l'asseurer  qu'il  n'y  a  homme  en 
France  sy  propre  â  faire  cette  charge  que  M''  de  Noyers.  Je  ne  la 
demande  pas  pour  luy,  mais  les  affaires  de  Vostre  Majesté  la  deman- 
dent, et  ce  sy  absolument,  à  mon  avis  et  au  jugement  de  tout  le 
monde,  qu'aussy  tost  que  M"^  d'Angoulesme  a  sceu  la  mort  du  s'  de 
Fourcy,  il  m'a  dict  qu'il  n'y  avoit  personne  capable  de  vous  donner 
satisfaction  en  celte  charge,  et  restablir  toutes  vos  maisons  ruinées, 
que  le  personnage  dont  il  est  question. 

J'adjouste  que  si  Vostre  Majesté  avoit  esté  prévenue  par  quelqu'un 
je  donnerois  de  bon  cœur  de  l'argent  pour  récompenser  cette  charge, 
tant  l'intérest  public  et  ce  qui  peut  contenter  Vostre  Majesté  me  touche  '. 

J'envoie  un  avis  qu'un  espion  qui  a  esté  dans  l'armée  des  ennemis 
m'a  rapporté,  par  lequel  Sa  Majesté  apprendra  Testât  auquel  ilz  sont. 

LXXVI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  ia6.  — 
Original ,  sans  signature ,  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  DE  CHAVIGNr. 

De  Përoiine,  ce  29'  aousl  i638. 

Après  avoir  bien  pensé  au  voiage  de  la  reyne  mère  en  Angleterre, 
quoy  que  mande  M"'  de  Bellièvre,  je  tiens  pour  très  asseuré  qu'elle 
ne  l'a  point  entrepris  sans  le  consentement  du  roy  de  la  Grande-Bre- 
tagne, et  ce  que  le  dict  roy  feint  de  n'en  avoir  rien  sceu  est  un  tes- 
moignage  de  la  foiblesse  de  son  procédé. 

'  De  Noyers  fut  nommé  par  le  roi.  —  '  Voy.  la  noie  de  la  lettre  à  Chavigni  du  a5  août. 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  VI.  l6 


122  LETTRES 

Celte  pratique  a  esté  apparamment  faicte  par  les  femmes,  et  Mon- 
tegu  s'y  trouvera  meslé,  à  mon  avis. 

Ces  animaux  que  le  roy  sçait  sont  estranges;  on  croit  quelques  fois 
qu'ilz  ne  sont  pas  capables  d'un  grand  mal  parce  qu'ils  ne  le  sont 
d'aucun  bien;  mais  je  proteste,  en  ma  conscience,  qu'il  n'y  a  rien 
qui  soit  sy  capable  de  perdre  un  Estât  que  de  mauvais  esprits,  cou- 
verts de  la  foiblesse  de  leur  sexe. 

Je  vous  avoue  que  j'ay  de  la  peine  à  digérer  que  le  prince  d'Orange 
ayt  reçue  et  favorisé  le  passage  de  la  reyne  sans  en  donner  avis  au 
roy,  ny  sçavoir  si  Sa  Majesté  l'agréeroit;  Testât  où  sont  les  affaires 
requéroit  bien,  ce  me  semble,  qu'il  en  usast  autrement;  mais,  bien 
que  cette  humeur  soit  estrange,  il  la  faut  dissimuler.  Cependant  il 
est  bien  difficile  de  prendre  ses  mesures  avec  des  esprits  qui  n'ont 
point  de  sincérité  et  de  franchise. 

J'ay  veu  la  proposition  des  ambassadeurs  d'Angleterre,  où  je  ne 
trouve  rien  de  nouveau  considérable.  M'  de  Bullion  m'en  avoit  en- 
voyé une  autre  dernièrement,  par  laquelle  ilz  proposoient  que  le 
roy  d'Angleterre  s'obligeroit  de  n'entrer  point  en  paix  avec  l'Espagne, 
que  le  roy  d'Espagne  n'eust  rendu  à  S.  M.  son  royaume  de  Navarre. 
Celte  proposition  seroit  quelque  chose  en  apparence,  mais  ces  esprits 
ont  tant  de  retours  et  d'inégalités  ensuitte,  que  je  m'asseure  qu'ilz 
adjousteront  tant  de  conditions  à  cette  ouverture,  qu'elle  se  trouvera 
ridicule.  Je  m'en  rapporte  cependant  à  ce  qui  en  sera,  et  ci'oy  qu'il 
est  bon  de  voir  ce  qu'ilz  veulent  dire. 

Cependant  il  faut  marcher  avec  eux  avec  civilité,  tesmoignant  tous- 
jours  désirer  qu'ils  entrent  dans  le  traitté,  mais  avec  fermeté,  de- 
meurant dans  les  termes  de  la  raison  et  de  l'honneur,  sans  foiblesse 
ny  apparence  d'icelle.  Ce  sont  de  mauvais  esprits  avec  lesquels,  jus- 
ques  à  ce  qu'ilz  soient  las  des  dames  [sic)  qu'ilz  ont  receu  et  reçoivent, 
elles  feront  beaucoup  de  mal. 

L'abbé  de  Coursan  suplie  le  roy  de  luy  donner  un  prieuré  dep- 
pendanl  de  l'abbaye  de  Gramond,  appelé  le  prieuré  de  Nostre-Dame 
de  Chaisne  Gallon,  au  pays  du  Perche,  vallant  quelque  quinze  cens 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.   .  123 

livres.  Si  Sa  Majesté  ne  l'a  point  donné,  vous  luy  proposerés  le  désir 
de  l'abbé  de  Coursan  et  l'appuyerés,  s'il  vous  plaist. 

Si  la  reyne  mère  du  roy  envoyé  un  gentilhomme  se  resjouir  de  la 
naissance  de  M'  le  Dauphin,  le  roy  en  doit  recevoir  le  compliment, 
se  gouvernant  cependant  fort  froidement  avec  le  dict  gentilhomme, 
qui  ne  doit  estre,  à  mon  avis,  gardé  qu'un  jour,  tant  parce  que  Tes- 
tât général  des  affaires  le  requiert  ainsy,  qu'affin  qu'il  voye  qu'on 
n'aura  pas  temps  d'envoier  chercher  sa  response  de  deçà.  S'il  parle 
au  roy  du  retour  de  la  reyne,  ou  d'autres  affaires,  la  cognoissance  que 
Sa  Majesté  a  de  toutes  choses  luy  fournira  une  prompte  response.  Je 
croy  mesme  que  Sa  Majesté  luy  pourra  dire  :  Les  dernières  pratiques 
qu'elle  a  encores  depuis  peu  voulu  faire,  vers  Sedan,  où  elle  n'a  pas 
trouvé  son  compte ,  par  la  bonne  disposition  de  ceux  à  qui  elle  s'est 
adressée,  montrent  bien  la  bonne  volonté  qu'elle  a  pour  moy. 

Quant  à  la  lettre,  vous  sçaurés  bien  la  dresser  telle  qu'il  faut. 

Je  croy  qu'il  est  bon  de  faire  prendre  garde  soigneusement  à  qui 
le  dict  gentilhomme  parlera,  et,  le  dépeschant  promptement,  comme 
j'ay  desjà  dict,  ne  luy  donner  pas  lieu  de  faire  grande  pratique. 

J'escris  au  roy  pour  la  charge  de  surintendant  des  bastimens  pour 
M'  de  Noyers.  Je  ne  vous  recommande  point  de  faire  ce  qu'il  faut 
en  cette  affaire,  parce  que  je  suis  asseuré  que  vous  n'y  oublierés 
rien.  Je  vous  avoue  que  je  désire  cette  affaire  avec  passion,  pour  voir 
toutes  les  maisons  du  roy  deslabrées  et  ruinées  en  bon  estât  comme 
elles  seront. 


LXXVII. 

Arch.  des  Afi".  elr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  129.  — 
Mise  au  net,  de  ia  main  de  Cherré,  devenue  minute,  des  changements  ayant  été  faits. 

A  M.  DE  MANDE ^ 

Du  3o  aoust  i6.?8. 

Monsieur,  Je  suis  extresmement  fasché  que  vostre  santé  soit  sy 

'  Nous  avons  vu,  en  16Q7,  MarciUac  au        le  retrouvons  ici  chargé  de  fournir  des 
siège  de  la  Rochelle  (t.  IL  p.  699);  nous        vivres  aux  armées  opérant  dans  la  Lorraine 

16. 


124  LETTRES 

mauvaise  qu'elle  vous  contraigne  à  vous  faire  taiiler.  Bien  que  ce 
remède  soit  très  dangereux,  j'espère  néantmoins  qu'il  ne  vous  en  ar- 
rivera aucun  inconvénient,  et  que  vous  n'en  aurés  que  le  mal,  que  je 
vous  conjure  de  suporter  patiemment  pour  l'amour  de  Dieu.  Cepen- 
dant, puisque  vous  désirez  ma  bénédiction,  je  vous  l'envoie  très  vo- 
lontiers et  vous  asseure,  par  mesme  moyen,  qu'en  quelque  estât  que 
vous  soyés  j'auray  pour  vous  la  mesme  affection  que  j'ay  eue  jusques 
icy.  Quant  aux  mauvais  offices  que  vous  croyés  qu'on  vous  a  rendus 
jîrès  de  moy,  je  n'ay  autre  chose  à  vous  dire  sinon  que  ^  vous  ne 
devez  point  estre  en  peine,  personne  ne  me  pouvant  faire  croire  de 
vous  que  ce  que  j'en  cognoislray  moy-mesme. 

Je  me  resjouis  de  voir  les  senti  mens  que  vous  me  tesmoignez 
avoir  de  vostre  conscience'.  En  Testât  auquel  vous  estes,  vous  devés 
songer  à  payer  vos  debtes,  et  particulièrement  M""  l'abbé  de  Souillac, 
duquel  j'ay  apris  que  vous  n'avés  rien  payé  de  la  pension  que  vous 
biy  devés  depuis  que  vous  estes  évesque  de  Mande. 

Travaillés  donc  à  vostre  guérison,  et  asseurés-vous  que  je  suis*. . . 

et  dans  l'Alsace ,  el  l'on  ajoutait  alors  à  ses  longe.  Toutefois,  la  seule  chose  que  je 

litres  celui  de  «  général  des  munitions  du  demande  fermement  à  V.  Em.  c'est  sa  bé- 

roy.  »  Dans  ses  laborieuses  fonctions,  tra-  nédiction,  que  je  la  supplie  de  ni'envoyer 

vaille  de  la  pierre,  il  déploie  encore  une  par  ce  courrier.»  —  Tel  est  le  résumé 

activité  de  jeune  homme.   Plusieurs  vo-  d'une  longue  lettre  écrite  par  l'évéque  de 

lûmes  de  Lorraine,  aux  archives  des  Af-  Mende,  la  veille  d'une  opération  presque 

faires  étrangères  (du  milieu  de  i635  au  toujours  mortelle. 

milieu  de  i638,  t.  28-3 1  ) ,  sont  remplis  *  D'ici  au  mol  «croire,  »  de  la  main  de 

de  ses  lettres  à  Richelieu,  à  de  Noyers,  à  Richelieu. 

Chavigni,  etc.  Venu  à  Paris,  il  écrivait,  le  '  On  va  voir,  dans  une  lettre  écrite  le 

27  août,  à  Richelieu,  qui  était  alors  en  Pi-  même  jour   à  Chavigni,   que    Richelieu 

cardie  :  «  Me  trouvant  pressé  de  me  mettre  prenait  ses  précautions  avec  la  conscience 

entre  les  mains  des  chirurgiens  pour  me  de  Marcillac. 

faire  tailler,  je    ue   puis  aller  vous   de-  *  Richelieu  s'était  hâté  de  répondre  au 

mander  pardon  du  mécontentement  que  moribond,  qui   pourtant  ne  reçut  cette 

vous  ont  causé  contre  moi  les  calomnies  lettre  que  le  second  jour  après  l'opération; 

de  mes  ennemis.  Si  Dieu  dispose  de  moy  il  fit  faire  aussitôt  (le  2  septembre)  une  ré- 

je  remets  à  V.  Em.  tous  les  biens  que  j'ay  ponse,  qui  est  signée  d'une  main  défail- 

receus  d'elle,  la  priant  de  laisser  à  mon  lante  :  «Après  Dieu,  dit-il,  je  suis  rede- 

neveu  une  petite  abbaye  que  j'ay  en  Sain-  vable  de  la  vie  et  de  Testât  auquel  je  me 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  125 


LXXVIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  i3a.  — 

Original,  de  la  main  de  Clierré. 

SOSCBIPTION : 

AU  ROY. 

Sire, 

Ce  courrier  ayant  une  dépesche  de  M'  de  Bordeaux  qui  s'addres- 
soit  à  moy,  me  l'est  venu  apporter  en  ce  lieu.  Je  le  redépesche  en 
toute  diligence  à  V.  M.  pour  luy  porter  la  nouvelle  d'une  grande 
victoire  navale  que  M'  de  Bordeaux  a  remportée  sur  les  Espagnol/, 
où  ilz  ont  perdu  \lx  gros  gallions,  3  pataches  et  plus  de  80  cha- 
loupes, qui  ont  esté  bruslez,  et  plus  de  trois  mile  Espagnol/,  naturels 
qui  ont  esté  tuez  dans  le  combat  et  bruslez  avec  les  dicts  vaisseaux. 
Le  porteur  et  le  plan  que  j'envoye  à  V.  M.  luy  apprendront  plus  de 
particularitez  que  je  ne  luy  en  pourrois  dire,  ne  l'ayant  pas  gardé  un 
quart  d'heure.  Il  ne  me  reste  qu'à  asseurer  V.  M.  que  je  seray  toute 

ma  vie,  Sire,  etc. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Péronne,  le  3o  aoust  i638. 


LXXIX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  i3/i-  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECItBTAIftB  0*ESTAT,  À  SAIJtT-GERHAlH. 

De  Péronne,  ce  3o'  aousl  i638. 

M'  d'Hémery  m'escrit  qu'une  lettre  que  vous  luy  avés  envoiée  a 

trouve  à  vostre  bénédiction,  et  à  l'asseu-  il  explique  au  cardinal  comment  la  récla- 
rence  de  vostre  affection  ;  elles  ont  esté  le  malien  de  l'abbé  de  Souillac  n'est  nulle- 
plus  souverain  de  tous  les  remèdes  qui  ont  ment  fondée;  c'est  aux  frères  de  l'abbé 
esté  employés  pour  ma  guérison.  •  El  puis  qu'il  a  dû  payer.  (Même  ms.  pièce  179') 


126  LETTRES 

arresté  le  procès  du  jugement  de  Monteilz^  Il  mande  les  raisons  pour 
et  contre  pour  le  parachever.  Je  m'asseure  qu'il  vous  en  aura  envoie 
autant.  Je  croy  que  depuis  vous  luy  avés  mandé  qu'il  le  devoit  faire 
juger.  En  effect,  n'ayant  pas  tout  dict  ce  qu'il  sçait  de  cette  affaire, 
comme  M"'  d'Héraery  escrit  qu'un  billet,  qui  a  esté  surpris,  du  dict 
Monteilz  donne  lieu  de  le  croire,  la  paroUe  qui  luy  a  esté  donnée  à 
cette  condition  n'est  rien,  et  je  ne  croy  pas  qu'un  ministre  puisse  lier 
et  obliger  la  volonté  de  son  maistre,  en  promettant  une  chose  sans 
pouvoir  et  sans  charge;  joint  que,  comme  il  est  dict  cy-dessus,  il  ne  l'a 
donnée  qu'à  une  condition,  à  laquelle  il  ne  paroist  pas  clairement  que 
Monteilz  aye  satisfait.  Le  père  Joseph  et  vous,  estant  à  Paris,  pouvés 
aisément  consulter  M''  Lescot  sur  ce  sujet,  et,  la  conscience  du  roy 
estant  à  couvert,  je  croy  le  chastiment  de  Monteilz  nécessaire  pour 
asscurer  Guiscardy  et  les  autres  partisans  du  roy,  et  donner  terreur 
à  ses  ennemis,  et  leur  oster  le  moyen  d'entreprendre  impunément 
toutes  choses  contre  son  service. 

M'  d'Hémery  se  plaint  que  l'armée  n'est  pas  secourue  d'argent; 
vous  estes  sur  les  lieux  pour  l'esclalrcir  avec  M'  de  BuUion. 

Après  avoir  bien  pensé  et  repensé  au  retour  du  roy  en  ces  quar- 
tiers, j'estime  qu'après  les  couches  de  la  reyne  il  luy  faut  laisser 
suivre  l'envie  qu'il  me  lesmoigne  avoir  de  ce  voyage.  Je  ne  veoy  pas 
clairement  qu'on  puisse  faire  grande  chose,  mais  il  est  certain  que  sa 
présence  conservera  son  armée  et  fera  entreprendre  ce  qu'en  son 
absence  on  ne  feroit  pas.  La  fermeté  l'emporte  en  toutes  choses. 

'  Il  se  nommait  Montiglio  et  comraan-  pour  ménager  la  princesse,  il  avait  rétracté 

dail  le  château  de  Casai.  La  princesse  ré-  une  partie  de  ses  aveux.  Le  ros.  des  Aff.  étr. 

gente  de  Manloue,  qui  avait  le  cœur  tout  Turin,  t.  36,  cou  tient,  sur  celte  affaire,  une 

espagnol ,  fut  soupçonnée  de  vouloir  livrer  curieuse  correspondance  ;  citons  une  seule 

aux  ennemis  cette  place,  que  la  France  oc-  phrase.  Répondant,  le  1 3  septembre,  au 

cupaiten  vertu  des  traités,  et  l'on  crut  Mon-  cardinal  de  La  Valette,  général  de  noire  ar- 

liglio  l'agent  de  cette  trahison.  Il  fut  arrêté;  mée  en  Italie,  lequel ,  par  respect  pour  la 

notre  ambassadeur  à  Turin,  d'Hémery,  lui  parole  du  roi,  conseillait  d'accorder  la  vie, 

promit  la  vie ,  au  nom  du  roi ,  s'il  avouait.  Chavigni  lui  disait  :  «  Il  me  semble  qu'il  eust 

Après  une  longue  procédure,  il  fut  con-  esté  aussy  bon  de  le  garder  à  Pignerol, 

damnéàmortetexéculé,  sousprétexteque,  mais  plus  de  morts,  moins  d'ennemis.  > 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  127 

Je  concluds  donc  au  retour;  mais  il  est  bon  que  ce  soit  Sa  Majesté 
qui  le  résolve.  Je  luy  escris  donnant  la  pente  à  cette  résolution;  ce 
sera  à  vous  de  parachever  l'affaire  insensiblement. 

Je  ne  juge  pas  que  le  roy  puisse  partir  plus  tost  que  le  dixiesme  du 
mois  prochain,  la  reyne  n'estant  point  encores  accouchée.  Ainsy  son 
voiage  ne  sera  qu'une  promenade  conforme  à  son  humeur,  qui  le 
porte  à  aymer  à  marcher;  et,  quand  mesme  on  ne  feroit  rien,  ce  qui 
peut  arriver,  il  luy  sera  honorable  d'avoir  faict  ce  qu'il  a  peu  poixr 
faire  quelque  chose. 

Il  y  a  icy  un  envoyé  de  Pouloigne  qui  s'en  va  trouver  le  roy  sur  le 
sujet  de  la  détention  du  prince  Casimir,  lequel  ne  vous  desplaira  pas, 
estant  assez  gaillard  de  sa  nature.  Vous  l'escouterés  ;  ensuite  il  luy 
faut  donner  bona  verba,  et  demeurer  in  deliberalis  quant  à  la  détention 
du  prince  Casimir. 

Je  suis  estonné  que  les  couches  de  la  reyne  tardent  tant;  ce  qui 
me  consolle  en  cela  est  que,  quand  les  fruits  sont  mûrs,  ils  tombent 
d'eux-mesmes  des  arbres,  dont  on  les  eust  arrachez  avec  peine  au- 
paravant. 

Avertisses  M"  les  surintendans  que  si  M'  de  Mande,  qui  vient  de 
Lorraine,  leur  demande  quelque  chose,  sous  quelque  prétexte  que 
ce  puisse  estre,  pour  ses  appointemens  ou  autres  frais,  ils  ne  luy 
donnent  rien,  mais  qu'ilz  le  remettent  lorsqu'estant  à  Paris  il  m'aura 
faict  voir  le  compte  de  sa  gestion. 


LXXX. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  i4o. 

—  Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

—  Mise  au  net  de  la  main  de  Clierré,  devenue  minute  à  cause  de  suppressions 

et  de  corrections  de  la  main  de  Richelieu.  Communication  de  M.  de  Girardot. 

[au  rol] 

De  Han,  ce  3i'  aoust  i638. 

Le  siège  du  Castelet  continue,  et  M'  du  Rallier  estime  qu'il  aura  la 
place  le  8"  septembre. 


128  LETTRES 

L'armée  de  M"  de  La  Force  et  de  Chastillon  est  logée  à  Crèvecœur 
et  à  Vauchelle,  de  façon  que  M'  du  Hallier  est  entièrement  couvert  et 
n'a  rien  à  craindre. 

L'armée  des  ennemis^  est  logée  derrière  Cambray,  et  leurs  Cra- 
vattes  avancez  entre  Cambray  et  Crèvecœur.  Les  ennemis  sont  fort 
foibles  et  espouvantez;  il  semble  que  cela  donne  lieu  d'entreprendre 
quelque  chose  sur  eux;  mais  il  est  vray  que  vos  gens  ne  sont  pas 
en  curée. 

Il  y  a  tant  de  désordres  parmy  eux  que  Jouanes,  trompette  de 
Vostre  Majesté,  ne  les  peut  suporter. 

J'ay  envoie  quérir  M'  de  La  Melleraye  pour  sçavoir  par  luy  leurs 
sentimens  et  voir  ce  à  quoy  on  les  pourra  disposer. 

L'exemple  de  M'  de  Weymar  et  la  dernière  action  de  M'  de  Bor- 
deaux leur  doit  donner  courage,  outre  qu'ilz  sçavent  bien  que  les  en- 
nemis sont  foibles. 

Si  Fontarabie  se  prend,  comme  je  n'en  doute  pas,  pour  peu  qu'on 
finisse  bien  cette  campagne^,  on  seroit  en  estât  d'avoir  la  paix,  et  par 
après  de  jouir  d'un  grand  repos  pour  jamais. 

Je  le  souhaitte  plus  que  ma  vie  en  la  chrestienté  et,  qui  plus  est, 
ensuitte  en  toute  vostre  maison;  ce  que  je  dis  pour  respondre  à  ce 
qu'il  plaist  à  Vostre  Majesté  de  me  mander,  qu'on  la  veut  desjà  trou- 
bler dans  la  nouvelle  trefve  qu'elle  a  faicte^.  Je  n'en  suis  aucunement 
estonné,  sçachant  bien  que  cela  sera  tousjours  ainsy  jusques  à  ce  que 
Vostre  Majesté  y  aye  pourveu,  selon  son  dessein  et  sa  prudence. 

'   D'ici  à  la  lin  de  l'alinéa  le  passage  est  ce  que  la  reine  mère  «  est  alée  à  Bolduc 

écrit,  dans  la  minute,  par  Richelieu,  en  au  lieu  dalér  à  Liège,  comme  elle  faisoit 

interligne.  coure  le  bruit.  »  Le  billet  à  Chavigni  est 

'  La  minute  met  ici  «de  deçà,»  mot  daté  de  Saint-Germain,  26  août.  Le  car- 

qui  a  été  oublié  dans  l'original;  Richelieu  dinal   veut  certainement  parler  de  quel- 

veut  dire  la  campagne  dans  la  Picardie,  ques  nouvelles  bronckades  de  madame  de 

où  il  était  alors.  Haulefort,   comme  dit  Richelieu,  et  les 

'  Celte  lettre  du  roi  n'est  pas  dans  notre  derniers  mots  font  allusion  au  congé  que 

manuscrit;  il  y  a,  au  folio  100,  un  billet  Richelieu  travaillait  alors  à  faire  donner 

de  Sa  Majesté  à  Chavigni,  que  le  roi  charge  à  cette  dame, 
de  transmettre  une  lettre  au  cardinal  sur 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  129 

Je  suis  arrivé  d'hier  au  soir  en  ce  lieu,  que  j'ay  trouvé  beaucoup 
meilleur  que  je  ne  pensois,  et  la  garnison  fort  belle  tesmoignent' 
l'esprit  et  le  soin  du  gouverneur. 

Je  rends  grâces  très  humbles  à  Vostre  Majesté  du  soin  qu'il  luy 
plaist  prendre  de  ma  santé,  qui  est  tousjours  à  l'ordinaire,  grâces 
à  Dieu.  Pourveu  que  j'en  aye  assez  pour  rendre  à  Vostre  Majesté  le 
service  que  je  luy  doibz  et  que  je  désire,  je  seray  très  content,  n'ayant 
autre  passion  que  de  luy  plaire  et  ne  luy  estre  pas  tout  à  fait  inutile  ^. 


LXXXI. 

Arch.  des  A£F.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  1A2.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SnSCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY  \ 

De  Han,  ce  3i  aoust  i638. 

J'ay  tant  à  vous  escrire  que  je  ne  sçay  par  où  commencer. 

Je  commenceray  cependant  par  la  victoire  et  bataille  navale,  en 
suitte  de  laquelle  M'  de  Bordeaux  demande  de  l'argent  pour  tascher 
de  prendre  et  fortilTier  un  poste  en  Espagne,  aussy  important  que 
Saint-Sébastien.  Je  croy  qu'il  luy  faut  envoyer  au  moins,  en  dili- 
gence, soixante  mille  francs,  qui  est  moins  qu'il  ne  percupe  [sic],  mais 
le  moins  qu'on  luy  puisse  envoier.  La  victoire  qu'il  a  eue  mérite  bien 
qu'on  le  secoure,  et  qu'on  luy  donne  moyen  de  tascher  d'en  tirer  un 
nouvel  avantage.  M'  de  Noyers  vous  en  envoyé  l'ordonnance;  il  est 
question  de  retirer  cette  partie  sans  délay  d'un  jour,  et  la  mettre 
entre  les  mains  du  s'  de  Mauroy.  M"^  de  Bordeaux  représente  que, 
s'il  demeure  plus  longtemps  à  la  radde  du  Figuier,  ce  sera  un  mi- 

'  Sic,  dans  la  oiinule  et  dans  l'original.  demandée  touchant  un  sieur  de  Moreillan  , 

'  Il  y  a  dans  la  minute  un  dernier  pa-  et  que  Richelieu  charge  Chavigni  de  faire 

ragraphe  qui  ne  se  trouve  pas  dans  l'ori-  au  roi.  (Voy.  la  pièce  suivante.) 
ginal.  C'est  une  réponse  que  le  roi  avait  Richelieu  a  écrit  cette  suscriplion. 

CARDIN.  DE  RICHF.LIEC. TI.  I7 


130  LETTRES 

racle  si  l'armée  du  roy  se  sauve.  Il  demande  permission  de  mettre 
l'armée  navale  en  seureté,  et  par  mesme  moyen  d'aller  busquer  [sic) 
sa  fortune  dans  les  costes  d'Espagne,  laissant  des  vaisseaux  sufEsans 
pour  garder  l'entrée  de  Fonlarabie.  Je  croy  que,  devant  qu'un  cour- 
rier soit  arrivé,  Fontarabie  sera  pn's,  et  que,  quand  il  ne  le  seroit 
pas,  il  luy  faut  laisser  exécutter  ce  qu'il  propose,  d'aller  à  la  mer 
aux  conditions  qu'il  offre;  sçavoir,  de  laisser  une  suffisante  garde  à 
l'entrée  du  canal  de  Fontarabie. 

Le  dict  s"^  de  Bordeaux  se  plaint  fort  de  la  lenteur  avec  laquelle  on 
procède  de  delà,  représente  que  ce  qui  faict  tenir  la  place  est  que 
ceux  qui  sont  dedans  voyent  des  secours  préparez  pour  eux  qu'on 
n'ose  attaquer.  Il  adjouste  que  ce  n'est  que  milice,  et  qui  ne  va  qu'au 
nombre  de  dix  jept  mile,  qu'il  seroit  aisé  de  deffaire,  veu  princi- 
palement qu'ilz  sont  en  divers  corps. 

Je  croy  qu'il  dict  vray,  et,  en  effect,  tout  le  mal  des  affaires  du  roy 
consiste  à  n'avoir  pas  des  gens  entreprenans. 

Il  faut  que  Foucault,  qui  est  venu  de  delà,  y  soit  de  retour  devant 
le  huict™*  septembre,  afin  de  donner  lieu  à  l'armée  navale  de  se  ga- 
rantir des  tempestes. 

Les  désordres  de  l'armée  de  deçà,  au  lieu  de  diminuer,  vont  tous- 
jours  en  augmentant.  Chacun  y  est  maistre,  il  n'y  a  aucune  obéissance, 
et  on  peut  dire,  d'autre  part,  qu'il  n'y  a  point  de  commandement. 
M"^  d'Orgeval  mesme,  qui  est  accoustumé  aux  longs  conseils  des  par- 
ties, ne  sçauroit  se  résoudre  à  demeurer  en  ceux  qui  s'y  tiennent, 
qui  durent  quatre  et  cinq  heures  sans  aucune  bonne  résolution,  et 
sans  exécution  de  celles  qui  s'y  prennent. 

Quelques  fois  il  ne  se  pose  aucune  garde  au  quartier  général, 
d'autres  fois,  après  avoir  promis  à  M.  du  Hallier  d'envoyer  garder  des 
passages  par  où  seulz  le  secours  pourroit  aller  au  Castelet,  on  n'y 
envoyé  point  du  tout.  Jamais  on  n'envoyé  d'escorte  avec  les  fourra- 
geurs;  il  a  esté  plusieurs  fois  résolu  et  point  exécutté. 

Les  propositions  de  M''  d'Arpajon  augmentent  de  jour  à  autre. 
II  veut  maintenant  faire  faire  une  circonvallation  au  Castelet,  pour 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  131 

garantir  l'armée  des  difBcultez  qu'elle  trouvera  de  fourrager  au  lieu 
où  ilz  sont ,  afin  de  fesloigner  par  après. 

Après  la  prise  du  Castelet,  il  propose  que  l'armée  de  M"^  de  La 
Force  et  de  Chastillon  aille  en  la  Franche-Comté.  Enfin  ses  projets 
vont  viste  comme  le  vent,  et  ses  exécutions  n'en  sont  pas  plus  hastées. 
Le  secret  de  l'armée  est  tel  que  le  roy  ayant  commandé  à  M""  de  La 
Melleraie  de  dire  le  dessein  d'Arleu  à  M"  de  La  Force,  Chastillon 
et  d'Arpajon,  quand  l'armée  fut  àArras,  un  curé  du  pays  qui  fut  pris 
prisonnier  dict  à  M''  de  La  Melleraie  et  d'Arpajon  :  «  Messieurs  vous 
allés  à  Arleu,  on  le  sçait,  il  y  a  quatre  jours,  et  M"  le  comte  d'isam- 
bourg  y  a  envoie  deux  régimens  et  trois  cens  chevaux.  » 

Enfin  il  ne  se  propose  aucune  chose  dans  l'armée  qu'il  ne  soit  sceu 
aussy  tost  de  tout  le  monde. 

Le  désordre  va  encore  plus  loin  en  certaine  chose.  Je  croy  devant 
Dieu  qu'on  est  obligé  d'y  remédier.  J'avois  estimé  qu'on  pouvoit 
attendre  jusques  à  l'année  qui  vient;  mais,.considérant  que,  si  l'armée 
se  retire  dans  cette  mauvaise  habitude,  elle  pensera  pouvoir  faire 
pis  l'année  qui  vient,  et  tout  entreprendre  avec  impunité,  ce  qui  fera 
qu'il  y  aura  plus  à  la  combattre  que  les  ennemis,  j'estime  qu'il  y  faut 
remédier  dès  à  présent. 

Estant  à  Abbeville,  les  premiers  mouvemens  du  roy  furent  défaire 
revenir  un  des  chefs;  je  croy  que  la  pensée  en  est  fort  bonne;  et  n'es- 
time pas  devoir  continuer  à  luy  représenter  qu'il  faut  attendre  à  l'an- 
née qui  vient. 

Or,  parce  que  M'  de  Chastillon  est  celuy  qui  est  l'autheur  de  l'o- 
rigine de  nos  maux  de  cette  année,  par  sa  négligence,  présomption 
et  opiniastreté ,  j'estimerois  qu'il  seroit  à  propos  de  le  mander  et  de 
le  renvoier  en  sa  maison,  sans  passer  à  la  cour.  Je  sousmets  cet  avis 
non-seulement  aux  volontez  de  Sa  Majesté  comme  roy,  mais  en  outre 
comme  prince  avisé  et  prudent.  Le  cœur  me  crève  de  voir  la  belle 
moisson  que  nous  avons  sans  la  pouvoir  recueillir. 

Si  le  roy  est  en  la  mesme  résolution  que  je  l'ay  veu ,  je  vous  en- 
voie deux  lettres  pour  M'  de  Chastillon;  la  première  luy  sera  envoiée 

'7- 


132 


LETTRES 


dans  l'armée  par  un  gentilhomme  de  S.  M.  qui  ne  sçaura  point  la 
seconde,  et  la  seconde  me  sera  addressée  pour  la  luy  bailler  quand  il 
passera  par  icy,  ou  luy  faire  tenir,  selon  que  je  l'estimeray  à  propos  '. 

En  ce  cas  il  faut  une  letli-e  à  M'  de  La  Force  pour  commander 
toute  l'armée,  la  quelle  M"  de  Noyers  luy  envoyera. 

Je  croy  que  le  roy  a  meilleure  raison  qvie  moy  au  faict  de  la  reyne 
sa  mère,  et  que  sa  pensée  vaut  mieux  que  mon  conseil.  Cependant 
pour  oster  tout  lieu  aux  meschans  d'imputer  à  quelque  rigueur  ce 
que  Sa  Majesté  feroit  avec  prudence  et  justice,  bien  qu'elle  ayt  en- 
tièrement raison,  je  pense  que  ce  sera  chose  sans  péril  de  voir  ce 
gentilhomme  une  seule  fois,  comme  je  vous  l'ay  mandé,  et  se  gou- 
vernant au  surplus  ainsy  que  mon  mémoire  le  porte,  rompant  toute 
sorte  de  négociations  pour  l'avenir. 

Quant  à  M.  de  Bellièvre,  je  croy  que  le  roy  luy  peut  mander  que 
quand  la  reyne  sera  arrivée  il  luy  aille  faire  la  révérence,  pour  luy 
tesmoigner  que  le  roy  veut  qu'en  quelque  lieu  qu'elle  aille  elle  soit 
honorée  et  respectée  des  siens. 

Après  ce  lesmoignage  de  révérance,  M' de  Bellièvre  ne  doit  plus 
du  tout  aller  chez  elle,  ny  avoir  aucune  communication  avec  elle  ;  et  si 
Le  Coigneux,  Fabrony  ou  autres  le  veuUent  venir  voir,  il  les  doit  tout 
à  fait  refuser,  et  dire  ouvertement  qu'il  a  deflFense  de  les  voir.  Le  mesme 
doit  eslre  entendu  de  S'-Germain'^  et  généralement  de  tous  autres. 

Je  remercie  S.  M.  pour  M'  de  Lavaur  de  l'évesché  d'Evreux^. 

Quant  à  la  prétention  du  s'  de  S'-Denis,  je  n'ay  rien  autre  chose  à 


'  Il  fut  fait  comme  le  cardinal  le  vou- 
lait. Chavigni  répondait  à  la présentelettie 
le  3  septembre  :  «  Il  n'y  a  eu  nulle  peine 
à  résoudre  S.  M.  à  donner  cet  ordre  au 
dict  s'mareschal,  ayant  considéré  jusqu'à 
quel  point  ses  defiauts  ont  préjudiciécelte 
année  au  bien  de  ses  affaires,  et  le  mal 
qu'elles  en  pourroient  encore  recevoir  à 
l'advenir  s'il  n'y  estoit  remédié.  »  (Orig 
Bibl.  imp.  Saint  Germain,  /ioG-,  P  89.) 


"  Morgues,  sieur  de  Saint -Germain. 
(Voy.  t.  I,  p.  700.) 

'  Que  veut  dire  Richelieu?  Abra  de 
Raconis,  nommé  évêque  de  Lavaur  en 
1687,  prit  possession  le  32  mai  1689;  et 
le  siège  d'Evreux  fut  occupé  sans  inter- 
ruption, de  161 3  à  i6i6,  par  Fr.  de  Pé- 
ricard.  Y  eut -il  quelque  projet  de  mu- 
tation dont  le  Gallia  christiana  ne  parle 
pas  ? 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  133 

dire,  sinon  que  je  croy  que  le  roy  doit  persister  à  la  résolution  qu'il  a 
prise  de  ne  se  haster  pas  de  donner  les  éveschez,  afin  d'avoir  le  temps 
de  faire  une  bonne  perquisition  de  vita  et  moribus.  Je  ne  sçay  rien  à 
dire  contre  M"'  de  S'-Denis. 

Quant  à  l'abbaye  de  Caumont,  je  n'eus  jamais  pensée  de  contredire 
les  volontez  du  roy,  auxquelles  je  me  sousmetz  entièrement.  Le  s"^  de 
Moulinet,  cappitaine  de  chevaux  légers avoit  quasy  envie  de  se  fasclier 
contre  moy,  disant  que  le  roy  l'avoit  donnée  à  son  beau-frère,  nommé 
d'Alesne,  dont  je  n'ay  jamais  ouy  parler. 

Je  ne  vous  responds  point  à  l'article  de  M.  de  Fourcy,  vous  ayant 
escrit  amplement,  par  Nazin,  ce  que  j'estime  à  propos  pour  le  service 
du  roy  sur  ce  sujet,  en  quoy  je  persiste  pour  le  bien  public. 

Je  commence  à  craindre  que  le  délay  de  l'accouchement  de  lareyne 
ne  nous  donne  une  fdle;  toutes  fois  j'espère  mieux. 

Quant  à  mon  séjour  icy,  bien  que  je  n'y  voye  pas  grande  chose  à 
faire,  je  n'oserois  me  résoudre  à  le  quitter,  voyant  beaucoup  à  perdre 
en  m'esloignant. 

Je  vous  prie  continuer  à  me  mander  toutes  sortes  de  nouvelles  et 
vous  asseurer  de  la  fermeté  de  mon  affection. 

Je  remets  le  reste  à  M.  de  Noyers,  qui  vous  escrit  sur  le  sujet  de 
Monleilz  ',  ayant  faict  faire  la  consultation  de  conscience  du  double 
de  M'  d'Hémery,  où  l'on  ne  faict  nulle  difficulté. 

Le  roy  me  commande  de  luy  mander  ce  qu'on  doit  faire  du  s'  de 
Moreillan.  Vous  luy  dires,  s'il  vous  plaist,  que  j'estime  qu'on  le  peut 
laisser  aller  en  son  pays.  Son  invention  peut  réussir,  mais  elle  n'est 
pas  de  grand  effect.    _ 

M'  de  La  Melleraie  estant  arrivé  depuis  cette  lettre  escrite,  il  dict 
qu'encores  que  l'effect  du  secret  du  s'  de  Moreillan  ne  soit  pas  tous- 
jours  asseuré,  beaucoup  de  ses  boullets  crevans,  il  peut  toutes  fois 

'  Il  y  a  dans  le  ms.  P"  1^7  el  f°  1^9.  des  nouvelles  de  peu  d'intérêt.  L'une  iinit 

deux  lettres  de  de  Noyers  adressées  à  Glia-  ainsi  :  «  S.  E.  est  très  aise  d'apprendre  l'as- 

vigni ,  du  3 1  août  ;  elles  ne  font  point  nien-  siduité  que  vous  rendes  auprès  du  roy,  la 

lion  de  Monleilz.  KUesne  contiennent  que  jugeant  absolument  nécessaire.  » 


134  LETTRES 

estre  utile  dans  les  travaux  de  terre,  et  partant  son  avis  est  que  le 
roy  retire  le  dict  secret  et  donne  ce  qu'il  luy  plaira  pour  récompense 
au  dict  s'  de  Moreillan. 

Je  vous  envoie  une  relation  de  la  victoire  obtenue  par  M'  de  Bor- 
deaux, à  la  radde  de  Gatary,  sur  les  Espagnols;  vous  Tenvoyerés,  s'il 
vous  plaist,  à  Renaudot  ^ 

Je  vous  envoyé  aussy  la  dépesche  de  M"  de  Bordeaux,  que  vous 
ferés  partir  vendredy  sans  faillir,  avec  les  soixante  mil  francs  dont  on 
vous  envoyé  l'ordonnance  comptant,  dont  le  s'  de  Mauroy  fera  don- 
ner lettre  de  change  payable  à  veue  au  dict  courrier  nommé  Fou- 
cault, commis  du  Picart,  trésorier  de  la  marine,  dont  vous  aurés  des 
nouvelles  chez  M"'  le  marquis  de  Sourdis,  à  Paris. 

J'ay  ouvert  la  lettre  de  M' le  Prince,  pensant  qu'elle  s'adressast  à 
moy  ;  vous  la  ferés  refermer  et  l'envoyerés. 


LXXXII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  169.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROI^] 

De  Saint-Quenlin,  ce  2"  septembre  i638. 

Les  vieux  et  nouveaux  bastimens  de  Sa  Majesté  la  remercieront 
dans  peu  de  temps  de  les  avoir  mis  sous  la  charge  de  M.  de  Noyers  ; 
et  cependant,  outre  que  je  me  joincts  à  leur  recognoissance ,  je  luy 
rends  très-humble  grâce  de  la  façon  avec  laquelle  11  luy  a  pieu  l'ho- 
norer de  cette  charge,  et  des  obligeantes  paroles  qu'il  luy  plaist  me 
mander  sur  ce  sujet,  avouant  que,  quand  je  veoy  Sa  Majesté  en 
cette  bonne  humeur,  je  ne  sens  aucune  de  toutes  les  incomoditez 
que  j'ay  d'ordinaire. 

J'apris  hier  au  soir,  par  ceux  qui  viennent  du  Castelet,  que  de 

'  Cette  relation,  de  huit  pages,  se  trouve  en  effet  dans  la  Gazette,  à  la  date  du 
3  septembre,  p.  485.  —  '  Voj.  la  note  1,  p.  99  ci-dessus. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  135 

tous  les  officiers  qui  ont  esté  blessez  à  cette  attaque ,  dont  j'ay  escrit 
à  Vostre  Majesté,  il  n'y  a  qu'un  cappitaine  de  Rambures  qui  le  soit 
dangereusement  ^ 

Le  faubourg  du  Castelet,  qui  estoit  fortiffié  d'un  bon  parapet,  fut 
emporté  la  nuict  d'avant-hier,  de  façon  que  M'  du  Hallier  ne  craint 
plus  les  grands  ny  les  petits  secours  *. 

Il  est  venu  une  recreue  de  /ioo  hommes  pour  les  gardes,  qui  n'a 
pas  bien  réussy,  par  la  faute  de  celuy  qui  les  conduisoit ,  qui  les  a 
menez  droit  à  Doulans  sans  nous  en  avertir  à  Amiens,  où  nous  es- 
tions. Près  de  Doulans,  il  prit  une  alarme  de  dix  ou  douze  hommes 
de  l'armée  qu'ilz  virent,  et,  sur  cela,  il  s'en  desbanda  deux  cens;  des 
autres  deux  cens,  les  gardes  n'en  ont  pris  que  cent  ou  six  vingts,  ayant 
trouvé  les  autres  trop  jeunes.  Il  plaira  à  Vostre  Majesté  commander 
que  tous  les  commissaires  qui  en  amèneront  s'addressent  à  M'  de 
Noyers,  et,  par  ce  moyen,  nous  ferons  mettre  lesdites  recreues  entre 
les  mains  des  maistres  de  camp,  qui  en  respondront.  Il  en  vient  une 
aujourd'huy  de  3oo  hommes,  que  je  feray  mettre  entre  les  mains 
de  Piedmont,  qui  en  a  besoin. 

Je  supplie  très- humblement  Vostre  Majesté,  lorsqu'elle  aura  nou- 
velles de  la  prise  de  Fontarabie,  de  me  les  faire  sçavoir  aussy  tost, 
avouant  que  cette  affaire  me  tient  grandement  au  cœur. 

Je  croy  que  Vostre  Majesté  ne  sçauroit  mieux  faire  que  d'accorder 
à  la  reyne  le  nepveu  de  M'  Seguin  pour  son  médecin,  puisqu'elle  le 
désire,  et  qu'il  est  question  de  la  conservation  de  sa  personne,  où  elle 
a  plus  d'intérest  que  qui  que  ce  puisse  estre.  Ce  sera  un  effect  de  la 
bonté  de  Vostre  Majesté,  qui  n'intéresse  point  vos  affaires. 

C'est  chose  très-véritable  que  les  armées  dont  Vostre  Majesté  sera 

'   A  la  marge  de  ce  paragraphe  Riche-  '  Cependant  Richelieu  envoya  le  jeune 

lieu  a  fail  écrire  :  •  Depuis  cet  article  es-  Cinq-Mars,  «  afiBn  de  hasler  ce  siège,  dont 

crit,  Frémicourl,  qui  vient  de  l'armée,  la  longueur  nous  est  très-ennuiente ,  »  dit 

asseure  qu'il  n'y  a  un  seul  de  tous  les  ofli-  de  Noyers,  dans   une   lettre  adres.sée   à 

ciers  qui  ont  esté  blessez  qui  soit  hors  de  Chavigni ,  le  U  septembre.  (  Ms.  cité  aux 

combat.    M'  de   Longueval   nous    l'avoit  sources,!*  186.) 
donnée  bien  chaude.  > 


136  LETTRES 

fort  esloignée  ne  feront  pas  grand  chose,  entre  cy  et  le  temps  auquel 
Vostre  Majesté  pourroit  partir;  si  elle  vient  de  deçà,  je  la  tiendray 
tousjours  avertie  de  Testât  des  affaires,  afin  qu'elle  puisse  mieux 
prendre  ses  résolutions. 


LXXXIII. 

Arcl).  des  Aff.  élr.  Angleterre,  t.  /jy,  fol.  190.  —  Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

[A  CHAVIGNI']. 

De  Saint-Quentin,  2  septembre  i638. 

Je  VOUS  renvoie  la  proposition  que  vous  m'avés  envoyée  des  am- 
bassadeurs d'Angleterre ,  en  laquelle  je  ne  voy  autre  chose  sinon 
qu'ils  consentent  de  se  trouver  à  l'assemblée  de  Lubec,  et  de  faire, 
conjointement  avec  la  France  et  la  Suède,  de  justes  propositions  de 
paix  à  l'empereur,  au  lieu  qu'auparavant  l'Angleterre  les  devoit  faire 
seule. 

Je  ne  veoy  rien  à  dire  à  cet  article  considéré  seul;  mais  il  faut  pré- 
voir dès  à  cette  heure  les  difHcultez  qui  se  rencontreront  lors  à  ad- 
juster  de  justes  conditions  de  paix. 

Les  Anglois,  qui  ne  songent  qu'à  avoir  leur  compte,  estimeront 
juste  la  restitution  de  la  Lorraine,  et  mesme  celle  de  la  Poméranie, 
pourveu  qu'on  leur  rende  le  Palatinat.  Nous  nous  mocquerons  d'une 
telle  proposition;  et  ainsy,  au  lieu  d'avoir  gagné  les  Anglois  par  le 
traitté  que  nous  commençons  à  cette  fin,  nous  les  perdrons  en  efFect, 
et  ce  d'autant  plus  seurement  que  la  maison  d'Autriche,  qui,  cognois- 
sant  nostre  division,  cognoist  aussy  la  foiblesse  des  Anglois,  tesmoi- 
gnera,  pour  les  attirer  de  son  costé,  ne  faire  aucune  difGculté  de 
rendre  le  Palatinat,  pourveu  que  nous  rendions  la  Lorraine,  et  elle 
fera  cet  offre  sans  bourse  délier,  parce  qu'elle  sçait  bien  que  nous  ne 
voulons  pas  rendre  la  Lorraine. 

La  suscription  manque  ;  c'est  un  commis  de  Chavigni  qui  a  écril  au  dos  :  «  M*'  le 
card. » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  137 

Ainsy,  à  dire  le  vray,  je  ne  prévoy  que  désordre  et  confusion  de 
la  fin  d'un  tel  traitté  avec  les  Anglois. 

Je  croy  que  M.  d'Avaux  peut  dire  ouvertement  à  Salvius  qu'il  est 
tout  prest  d'entrer  dans  le  traitté  proposé  par  les  Anglois,  pourveu 
qu'ainsy  qu'ils  veulent  que  le  roy  s'oblige  à  ne  point  faire  la  paix  sans 
la  restitution  du  Palatinal',  ils  veuillent  aussy  se  joindre  aux  intérests 
de  la  Suède  et  de  la  France,  qui  requièrent  la  conservation  de  la 
Poméranie  et  de  la  Lorraine  à  divers  tittres  justes,  lesquels  on  n'ex- 
plique point,  parce  que  M.  d'Avaux  les  sçait. 

Voilà  ce  que  je  puis  dire  sur  ce  sujet,  sur  lequel  M'  de  Ghavigny 
et  le  R.  père  Joseph  me  manderont,  s'il  leur  plaist,  leur  sentiment, 
auparavant  que  de  faire  response  à  M.  d'Avaux. 

Il  n'y  a  pas  de  difficulté  que  nous  ne  pouvons  pas  accepter  les  sauf- 
conduits  pour  nos  alliez  d'Allemagne  en  autre  forme  que  ceux  qui 
sont  accordez  aux  Suédois. 


LXXXIV. 

Arch.  des  AIT.  élr.  France,-  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  iGi.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI']. 

De  Saint-Quentin,  ce  2'  septembre  i638. 

'  Je  remercie  le  roy,  comme  je  doibts,  de  la  charge  qu'il  a  donnée 
à  M.  de  Noyers. 

Je  vous  envoie  ce  que  je  pense  sur  l'affaire  d'Angleterre. 

Je  croy  bien  que  M.  le  prince  d'Orange  n'a  rien  sceu  du  voyage  de 

'  •  Est  à  noder  qu'il  ne  faut  point  par-  '  Voy.  p.  1 1 3.  Quand  Chavigni  était  au- 

ler  de  i' électoral.  »    (Ceci  est  écrit  à  la  près  du  roi,  Richelieu  avait  grand  soin  de 

marge.)  le  tenir  averti  de  tout  ce  qu'il  écrivait  à 

'  Voy.  p.  lia,  note  de  la  lettre  à  Clia-  S.  M.  Chavigni  était  ainsi  préparé  à  ce  qu'il 

vigni.  devait  dire  dans  l'intérêt  de  son  patron. 

CARDIN.  DE  niCHELlEO.  —  TI.  1  8 


138  LETTRES 

la  reyne  mère;  mais  je  ii'ay  pas  la  mesme  opinion  d'Angleterre;  les 
raisons  sont  du  tout  différentes. 

Il  y  a  icy  un  ti-ompetle  du  prince  Thomas  quidit(|ue  les  HoUandois 
ont  encore  receu  un  eschec  auprès  de  Gueldres.  Je  croy  (]u'il  faut 
qu'il  y  ayt  quelque  chose,  mais  non  pas  tant  qu'il  dit.  Je  n'en  mande 
rien  au  roy,  parce  que  cette  nouvelle  est  incertaine. 

Quant  au  désir  que  la  reyne  a  du  neveu  de  M''  Seguin,  je  prends  la 
hardiesse  d'escrire  au  roy  que  je  croy  qu'en  cette  occasion  il  luy  doit 
donner  contentement,  estant  bien  raisonnable  qu'elle  choisisse  la  per- 
sonne qu'elle  destine  pour  avoir  soin  de  sa  santé. 

J'ay  mandé  au  roy  qu'une  recreue  de  4oo  hommes  pour  les  gardes 
avait  été  réduite  à  cent  ou  six  vingtz.  Depuis  un  homme  de  condition , 
qui  vient  de  l'armée,  me  vient  d'asseurer  que  les  gardes  n'en  ont 
retenu  que  quatorze.  Si  cela  est,  les  officiers  ont  grand  tort. 


LXXXV. 

Arcli.  (les  AflT.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  loi.  177.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[\  M.  DE  CHAVIGNl'.] 

De  Saint-Quentin,  ce  i  septembre. 

Monsieur  de  Chavigni  escrira,  s'il  luy  plaist,  à  M'  de  Bellièvre 
qu'il  est  bon  qu'en  discours  il  die  au  roy  de  la  Grande-Bretagne  que 
tous  ses  amis  de  Paris  luy  escrivent  qu'on  s'estonne  de  ce  qu'il  reçoit 
la  reyne  mère,  et  veut  entrer  en  traitté  avec  la  France  et  l'obliger  à 
ne  point  faire  la  paix  sans  la  restitution  du  Palatinat, 

En  effect,  cette  chose  mérite  d'eslre  relevée,  et  voir  si  on  en 
peut  tirer  quelque  proffit. 

M'  de  Bellièvre  taschera  d'en  obtenir  la  levée  d'un  ou  de  deux  ré- 
gimens  escossois,  dont  je  n'estime  point  qu'il  faille  parler  aux  am- 
bassadeurs de  Paris,  croyant  qu'ils  s'opposeroient  plustostau  conten- 
tement du  roy  qu'ils  ne  le  faciliteront;  mais  si  le  roy  d'Angleteire  en 

'  Voy.  la  n©le  de  la  lettre  à  Chavigni,  page  112, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  139 

faict  difficulté,  M'  de  Bellièvre  luy  doit  dire  addroitement  que  la 
France  verra  par  là  n'avoir  pas  grande  chose  à  espérer  de  luy,  puis- 
qu'au  mesme  temps  qu'il  envoyé  à  Dunquerque  toutes  les  poudres 
dont  les  Espagnolz  ont  besoin,  et  qu'il  reçoit  la  reyne  mère,  il  reffuse 
si  peu  de  chose.  Je  ne  croy  point  qu'il  doive  communiquer  ses  affaires 
à  Montegu,  tenu  grandement  double  et  léger. 

Depuis  ce  que  dessus  je  viens  de  recevoir  vostre  dépesche  du 
a*"  septembre. 

J'av  escrit  à  M"'  le  prince  qu'il  donne  liberté  à  M"^  de  Bordeaux 
de  s'en  aller  le  8*^  septembre  passé,  et  ce  avec  toutes  les  précautions 
requises.  Vous  pouvés,  en  luy  escrivant,  luy  mander  ce  que  je  vous 
mande  et  vous  remettre  sur  ma  lettre. 

J'attends  la  prise  de  Fontarabie  avec  plus  d'impatience  que  je  ne 
vous  puis  dire. 

J'estime  bien  à  propos  de  retenir  un  courrier  d'Espagne  publique- 
ment, après  qu'on  aura  ouvert  ses  lettres  à  l'accoustumé ,  et  mettre  le 
pacquet  entre  les  mains  de  M"^  le  nonce  tout  fermé,  luy  disant  qu'on 
en  veut  user  ainsy  pour  qu'il  voye  la  bonne  foy  qu'on  garde  en  toutes 
choses;  mais  que  si  on  ne  nous  faict  faire  raison  des  pacquetz  d'Italie, 
nous  reprendrons  le  pacquet  qu'on  luy  donne  en  garde,  l'ouvrira- 
t-on  et  prendra-t-on  tous  les  pacquetz. 

Quant  au  messager  pris  par  M"^  de  Villequier,  je  suis  d'avis  qu'on 
en  use  de  mesme,  gardant  ses  pacquetz  sans  les  ouvrir,  estant  cer- 
tain qu'on  n'y  verra  rien  qui  nous  puisse  servir.  Par  après  on  en  fera 
un  plat  de  civilité  pour  les  ambassadeurs  d'Angleterre. 

Je  vous  ay  desjà  mandé  comme  M'  de  Noyers  a  faict  consulter  le 
cas  de  conscience  de  M""  d'Hémery ',  où  les  minimes  n'ont  faict  aucune 
difficulté,  disant  que  les  juges  promettent  tous  les  jours  la  vie  aux 
criminelz  qu'ilz  ont  en  main  pour  en  tirer  la  vérité,  et  qu'après  ilz  les 
font  punir  avec  seureté  de  conscience  et  sans  scrupule. 

Je  ne  sçaurois  assez  respondre  à  la  civilité  de  Monsieur.  Vous  l'as- 
seurerés,  s'il  Vous  plaist,  de  mon  affection  et  de   mon  service   en 

'  Voy.  ci-dessus,  pages  ia5,  ia6. 

i8. 


140  LETTRES 

toutes  occasions.  J'escris  pour  le  petit  secours  qu'il  désire.  Il  en  faut 
dire  un  mot  au  roy  bien  à  propos,  ensuitte  de  ce  que  je  luy  en  escris 
comme  il  faut.  Si  la  reyne  n'eust  pris  la  résolution  qu'elle  a  pi-ise 
pour  ses  couches,  elle  eust  eu  autant  de  monde  que  si  elle  eust  ac- 
couché dans  la  halle. 

La  bataille  de  M'  de  Weymar,  dont  on  apportera  les  drapeaux  au 
premier  jour ',  et  la  prise  de  Fonlarabie,  méritent  bien  un  bon  Te 
Deum;  cela  réjouit  les  peuples  et  les  enipesche  de  croire  que  les  af- 
faires aillent  mal. 

Le  roy  ne  désirant  pas  que  les  officiers  aillent  courre  les  charges 
qui  vacquent,  je  vous  envoie  un  mémoire  qu'un  lieutenant  du  régi- 
ment de  Bellenave  présente  à  S.  M.  Je  ne  cognois  ny  son  âge,  ny  son 
visage,  ny  son  mérite,  j'envoie  seulement  ledict  mémoire  afin  que 
S.  M.  le  refuse  oul'intérine  [sic),  selon  qu'elle  l'estimera  plus  à  propos. 

On  estime  que  M.  d'Estampes  n'a  rien  à  faire  au  passage  de  la 
reyne  en  Hollande,  ains  qu'il  doit  tesmoigner  qu'il  se  gouverne  ainsy 
parce  qu'il  n'a  point  d'ordre  sur  ce  sujet.  Sa  Majesté  n'ayant  peu  pré- 
voir une  telle  résolution. 

J'escris  à  M"  de  BuUion  et  Bouthillier  pour  les  presser  d'effectuer 
diligemment  ce  qui  a  esté  promis  pour  l'italie  à  Fabert.  Je  vous  prie 
agir  en  cela  opportune  et  importune. 

Faictes  partir  le  courrier  de  M""  de  Bordeaux  diligemment  de  peur 
que  les  tempestes  ne  le  prennent  là  où  il  est. 


Les  deux  paragraphes  qui  terminent  cet  original  ont  été  écrils  en  minute  par 
Richelieu;  nous  les  trouvons,  sur  un  feuillet  séparé,  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale, supplément  français  2o36  ^'i.'i'.  p  5i_  gj,  t^te  de  ce  feuillet  Richelieu  a 
mis  :  «  Faut  ajouster  à  la  lettre  de  M'  de  Chavigni;  »  el  Ton  a  écrit  au  dos  :  A 
M'  de  Cbavigny  et  à  M"  les  surintendans,  du  à  septembre  i638.  • 

Dans  un  coin  de  ce  feuillet  le  cardinal  a  écrit  ces  mots  de  souvenir  :  •  M'  de 
Noyers.  —  Un  courrier  qui  haste  le  passage  des  troupes  en  Italie.  —  Longue- 

'  Voy.la  Relation  de  la  bataille  de  Rhinaut,  ont  perdu  li,boo  hommes,  tout  leur  canon , 
gagnée  sur  les  généraux  de  l'empire,  Gœulz  83  cornelles  et  drapeaux,  el  i,5oo  chariots 
et  Savelli,  n  où  les  ennemis,  dit  la  Gazette,        de  vivres  et  bagages.  »  (P.  477  el  suiv.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  141 

ville.  Renard.  —  3,ooo  hommes  en  Champagne.  —  Faire  sçavoir  aux  commis- 
saires comme  le  roy  pourvoit  des  places  maintenant.  » 

Sur  ce  même  feuillet  on  s'est  amusé  à  dessiner  quelques  oiseaux  ;  au-dessus 
de  l'un  deux  Richelieu  a  écrit  «  Darufe  (ou  Damfe)  arabique.  »  Ce  dessin,  exécuté 
d'une  main  tout  à  fait  inhabile,  est-il  l'œuvre  du  cardinal?  Ce  qu'il  est  facile  de 
voir  du  moins,  c'est  que  ces  quelques  lignes  et  le  dessin  sont  de  la  même  encre 
et  de  la  même  plume.  , 


LXXXVI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i63S,  d'août  en  décembre,  fol.  173.  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROI\] 

De  Saint-Quentin,  ce  3"  septembre  i638. 

Je  fis  hier  difficulté  de  mander  à  Vostre  Majesté  une  nouvelle  qu'a 
apportée  un  trompette  du  prince  Thomas,  qui  est  icy,  d'un  nouvel 
eschec  qu'il  dit  que  les  Holandois  ont  receu  à  Gueidres,  parce  que  je 
tenois  cette  nouvelle  incertaine,  et  que  les  mauvaises  viennent  tous- 
jours  assez  tosl^. 

Aujoiu-d'huy  je  la  mande  à  Vostre  Majesté,  non  comme  du  tout 
asseurée,  mais  comme  aucunement  confirmée  par  une  double  salve 
de  mousquetades  et  de  canonades  que  le  prince  Thomas  a  faict  faire 
à  Cambray  avant  hier  la  nuict. 

Le  trompette  représente  cet  eschec  grand,  disant  qu'il  y  a  cinq  ou 
six  mil  hommes  deffaicts.  Je  ne  croy  pas  le  mal  tel  qu'il  le  dict,  mais 
je  tiens  pour  asseuré  qu'il  y  a  quelque  chose  d'assez  considérable. 

Pour  prendre  revanche  de  ces  canonades.  M"  de  La  Force  et  de 
Chastillon  en  feront  faire  ce  soir  un  beau  salve  ^  pour  réjouissance  de 

'  Voyez  la  noie  a  de  la  page  loo  ci-  clieuse  sur  les  alTairespubliques.il  avoit 

dessus.  besoin  pour  lui-même  que  ce  prince  n'eût 

*  Richelieu  a  fait  écrire  à  la  marge  de  aucune  inquiétude,  cl  il  ne  veut  pas  lui 

ce  paragraphe  :  •  Le  roy  verra  au  bas  de  ce  laisser  celle-ci  seulement  le  temps  d'ache- 

mémoire  comme  cette   défaite  n'est  pas  ver  la  lecture  de  cette  lettre, 

grande  chose.  »  —  Richelieu  prenait  grand  '  Ce  mot  était  sans  doute  d'un  usage 

soin  de  sauver  au  roi  toute  impression  fà  récent;  le  dictionnaire  de  Nicot,  imprimé 


1/|2  LETTRES 

la  victoire  de  M'  de  Bordeaux.  Quand  la  nouvelle  de  la  prise  de  Fon- 
laral)ic  viendra  on  en  fera  encore  un  autre.  Telles  fcsles  réjouissent 
cl  doinicnt  ca;ur  aux  soldats,  et  eslonncnl  les  ennemis. 

Gassion  poussa  hier  la  garde  de  l'armée  des  ennemis,  on  tua  quel- 
ques-uns, en  prit  d'autres  prisonniers,  et  mit  en  desroulle  un  corps 
d'infanterie  qu'ilz  avoient  avancé.  Il  dit  que,  s'il  eust  eu  un  autre 
corps  pour  le  soustenir,  il  eust  pris  un  des  principaux  chefs  de  l'ar- 
mée. Il  se  plaint  furieusement  de  ce  qu'on  ne  veut  point  qu'il  aille  à 
la  guerre,  et  qu'on  perd  de  belles  occasions.  Il  a  présentement  Icy  un 
gentilhomme   pour  testnoigner  sa  douleur. 

Je  liasle  tous  les  jours  M'  du  llallier  par  solinitations;  il  faict  tout 
ce  qu'il  peut  pour  avancer  son  siège.  On  doit  ce  soir  prendre  la  con- 
trescarpe, où  avant-hier  un  fourneau  joua  sans  faire  l'effect  qu'on  eust 
peu  désirer. 

Nous  avons  faict  entrer  un  grand  convoy  dans  Landrechy.  Je  pen- 
sois  demain  en  faire  partir  un  autre,  mais  les  ennemis,  qui  sont  fidèle- 
ment avertis  de  tout  ce  qui  se  passe,  ayant  détaché  mile  chevaux  et 
mile  mousquetaires  ii  cheval,  à  ce  que  Vantaoux  nous  a  mandé  ce 
malin,  j'ay  remis  ce  convoy  à  une  autre  fois,  et  renvoyé  huict  cens 
chevaux  des  deux  armées  qui  le  dévoient  escorter.  C'est  une  estrange 
chose  des  traistres  qui  se  trouvent  parmy  les  sujets  de  Vostre  Majesté. 
Il  est  impossible  d'en  tarir  la  source,  mais  il  en  faut  arrester  le  cours 
par  d'extraordinaires  rigueurs. 

On  ne  sçauroil  faire  partir  deux  cens  chevaux  de  vos  armées  que 
les  ennemis  n'en  soient  avertis.  Heucourt,  qui  est  dans  la  citadelle 
d'Amiens,  a  enfin  confessé  ses  trahisons.  Je  croy  que  dans  peu  de 
temps  son  procès  luy  sera  faict  et  parfaict"''.  Il  est  bon  de  n'en  faire 

à  In  inc'inc  (laie  que  cctlc  lettre,  ne  Iciioiiiie  nnciens  aussi  le  fonl  féminin.  Il  n'y  a  d'ail- 
pas.  l\iclicliuti,  qui  vicnl  de  lu  incllrc  au  leurs  nulle  apparence  que  le  cardinal  ait 
léuiinin  ,  le  l'ait  ici  masculin  ;  eslce  à  cause  voulu  parler  de  cette  prière  que  l'Kglise 
du  8cni<  de  jd/u/,  ou  bien  le  genre  alors  était-  cliante  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge, 
il  douteux?  Ce  qu'il  y  a  d(^  certain,  c'est  un  salve. 

qu'aucun  des  dictionnaires  où  nous  l'avons  '  Il  fut  mis  à  mort  quelques  jours  après, 

trouvé  ne  varie  sur  le  genro.  et  les  plus  (Voy.plu!>loiiiuneleUredu  iSscptembre.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  \kd 

pas  grand  bruicl,  afin  que  cette  affaire  soit  expédiée  devant  qu'on  en 
puisse  estre  importuné. 

M'  de  Bellejambe  interrogera  aussy  le  s""  de  Manicanip,  qui  a  en- 
voyé quérir  M'  de  Thou,  en  poste,  à  Forge,  où  il  estoit,  pour  estre 
son  soiiciteur  auprès  de  moy.  Je  m'en  démesleray  honnestenient,  et 
le  service  de  Voslre  Majesté  ne  lairra  pas  d'aller  comme  il  doit. 

Je  croy  que  Vostre  Majesté  entendra  un  de  ces  jours  parler  d'ime 
autre  insigne  trahison  que  le  lieutenant  de  roy  qui  commande  dans 
Antibes  vouloit  faire  en  vendant  la  place.  Nous  n'en  sçavons  pas 
encore  les  particularitez,  qu'on  attend  de  M'  le  comte  d' Allez,  mais 
une  lettre  venue  de  Lyon  par  la  poste  nous  a  apris  en  gros  ce  dont 
on  sçaura  le  détail. 

11  faut  faire  de  grands  exemples  cette  année  pour  disposer  les 
choses  à  un  grand  ordre  l'année  qui  vient. 

M.  de  Chavigny  me  mande  que  Monsieur  désire  un  don  de  V.  M. 
de  six  mile  escus,  et  qu'il  s'attend  que  je  proposeray  à  V.  M.  de  luy 
faire  cette  grâce;  la  somme  estant  modérée  comme  elle  est,  je  croy 
qu'il  est  du  service  de  V.  M.  de  la  luy  accorder,  principalement  en  ce 
temps  où  les  mauvais  espritz  taschenl  de  luy  persuader  qu'ayant  des 
enfans  vous  pourries  faire  moins  de  conte  de  luy  que  par  le  passé. 
Ses  intentions  paroissent  très-bonnes,  et  en  vérité  je  les  croy  telles. 

Ily  a  plus  grand  nombre  de  prétendans  au  gouvernement  du  Casteiet 
qu'il  n'y  en  auroit  pour  le  xhasleau  de  Milan.  Genlis,  Longueval,  de 
Camp,  Moulinet,  Le  Tilloy,  lieutenant  des  chevaux  légers,  d'Auquin- 
court  et  plusieurs  autres  de  cette  nature  pensent  qu'ilz  y  serviroient 
bien  Vostre  Majesté.  Le  vieux  Bellefonds,  maresclial  de  camp,  a  dépes- 
ché  un  courrier  à  M'  de  Noyers  pour  représenter  qu'il  n'a  maison 
quelconque  où  il  puisse  demeurer,  et  tesmoigner  qu'il  se  tiendroil 
extresmement  obligé  d'avoir  cette  place.  J'estime  que  Vostre  Majesté 
jugera  que  les  autres  ne  peuvent  entrer  en  comparaison  avec  luy  et 
que  vostre  service  vous  portera  à  luy  accorder  ce  qu'il  désire.  (Cepen- 
dant je  croy  qu'il  n'en  faut  rien  déclarer  que  le  Casteiet  ne  soit  pris, 
de  peur  de  descourager  les  autres. 


144  LETTRES 

Depuis  cette  lettre  escrite  je  viens  d'apprendre,  par  la  confession 
niesme  de  Picoiomini ,  que  la  deffaite  des  Holandois  n'est  que  de  mil 
ou  douze  cens  hommes,  et  partant  je  la  tiens  moindre. 

M'  d'Estampes  mande  à  M""  de  Noyers,  du  2  A  aoust,  que  Lamboy 
n'a  point  passé,  et  qu'on  croit  qu'il  ne  passera  point,  et  qu'il  n'a  tout 
au  plus,  cavalerie  et  infanterie,  que  4,ooo  hommes,  ce  qui  est  con- 
firmé par  L'Eschelle,  qui  est  à  Liège. 

Picoiomini  a  dit  à  Gassion  qu'en  Italie  on  avoit  assiégé  Ast,  ce  que 
je  ne  croy  pas ,  puisque  M' le  cardinal  de  La  Valette  n'en  a  rien  mandé. 
Je  croy  qu'on  luy  doit  mander,  parce  qu'encore  que  cela  ne  soit  pas 
c'est  im  tesmoignage  qu'on  a  dessein  de  le  faire. 

Nous  avons  nouvelles  que  les  régimens  de  Roussillon,  Mirepoix  et 
de  La  Rochette  sont  passez  en  Italie  dès  le  16  aoust,  et  on  croit  que 
Quélus  les  a  suivis.  On  a  avis  aussy  que  les  recreues  qui  se  lèvent 
en  Dauphiné  sont  passées  en  partie,  et  M' le  comte  de  Sault  asseure 
quelles  seront  de  deux  mil  hommes. 

Il  s'en  lève  autant  en  Auvergne  et  autant  en  Lyonnais;  mais  la 
peste  de  Lyon  en  a  faict  renvoyer  une  partie  qui  estoient  desjà  levez. 
La  question  est  qu'il  y  ayt  de  l'argent.  M"'  de  Bullion  a  renvoyé  Fa- 
bert  content,  mais  on  craint  que  ce  ne  soit  qu'en  paroles,  ceux 
d'Italie  l'escrivent  ainsy.  Cela  mérite  qu'il  plaise  à  Vostre  Majesté 
envoyer  M"^  de  Chavigni  à  M'  de  BuUion  pour  faire  effectuer  diligem- 
ment ce  qu'il  a  promis,  autrement  les  affaires  périront. 


LXXXVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  18a.  — 
Original,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

AU  ROY. 

i  septembre  i638. 

Sire, 
La  nouvelle  de  vostre  indisposition  me  met  en  un  estât  que  Vostre 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  U5 

Majesté  me  pardonnera  bien  si  je  ne  sçay  que  luy  dire.  Si  je  me 
croyois,  je  serois  porteur  de  la  présente,  et  je  la  puis  asseiirer  que 
je  me  lais  une  extraordinaire  violence  en  ne  partant  pas  pour  l'aller 
trouver.  La  passion  que  j'ay  pour  vostre  personne  me  donne  ces  senti- 
mens,  et  la  mesme  passion  me  retient  pour  la  nécessité  de  ses  affaires, 
selon  que  j'escris  à  M'  de  Chavigny.  Cependant,  si  Dieu  nous  affli- 
geoit  tant  que  de  permettre  que  vostre  mal  continuast,  je  partiray 
selon  ce  que  j'escris  à  M'  de  Chavigny,  dont  j'attends  un  courrier  ce 
soir  pour  me  tirer  de  peine.  J'en  ressens  une  extraordinaire  et  d'esprit 
et  de  corps;  ce  qui  touche  Vostre  Majesté  me  touchant  cens  fois  plus 
que  la  perte  de  ma  propre  vie,  qui  ne  me  sera  jamais  chère  que  pour 
tesmoigner  à  Vostre  Majesté  que  je  .suis.  Sire,  etc. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

De  S'  Quentin,  ce  ^*  septembre  i638. 


LXXXVIII. 

Arch.  des  A£F.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  i84.  — 
Orig;inal,  sans  signature,  de  la  main  deCherré. 

SUSCHIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY. 

Ce  4*  septembre,  à  9  heures  du  matin  '. 

Jamais  rien  ne  m'a  tant  surpris  que  l'accès  de  fiebvre  dont  vous 
m'escrivés.  Je  vous  prometz  que  j'en  suis  hors  de  moy.  Par  mon  incli- 
nation et  ma  passion  je  partirois  tout  présentement  pour  aller  trou- 
ver Sa  Majesté,  mais  les  affaires  sont  en  estât  que,  si  je  le  fais,  tout 
ira  en  grand  désordre. 

Je  considère  d'abord  tout  ce  qui  se  doit  considérer  en  une  telle 
affaire.  Le  roy  est  sans  gardes;  selon  mon  mouvement,  dès  cette 
heure,  je  luy  en  envoyerois  dix  compagnies  françoises  et  quatre  de 
Suisses;  mais,  si  on  le  faict,  le  siège  du  Castelet  est  troussé. 

Pour  conclusion,  si  la  fiebvre  du  roy  estoit  continue,  ce  que  je  ne 

'  Richelieu  a  écrit  cette  date  de  sa  main. 

CARDIN.  DE  HICHELIEI.  —  VI.  •  lu 


146  LETTRES 

croy  poinl  que  Dieu  permette,  et  que  mon  petit  médecin'  asseure 
qui  ne  sera  point,  puisqu'elle  Ta  pris  par  un  froid,  et  qu'en  cette  sai- 
son les  fiebvres  intermittentes  courrent,  je  partiray  aussy  tost  que  je 
le  sçauray,  rien  ne  me  pouvant  retenir. 

Si  la  fiebvre  est  intermittente,  je  croy  qu'il  faut  que  j'attende  la 
Hn  du  Castelet,  prévoyant  sans  cela  plus  de  désordre  et  d'estonne- 
luent  que  je  ne  vous  sçaurois  dire.  En  ce  cas  je  feray  partir  aussy  tost 
des  gardes  françoises  et  suisses,  et  les  deux  compagnies  du  roy,  et 
partiray  moy-mesnie  sans  considérer  ce  qui  peut  arriver  ensuitte. 

Je  vous  prie  deslivrés-moy  de  la  peine  où  je  suis,  que  je  ne  vous 
sçaurois  exprimer.  Je  me  prometz  que  je  recevray  ce  soir  un  cour- 
rier de  vous  qui  m'asseurera  que  l'accez  du  roy  est  bien  passé. 

Quand  ce  courrier  est  arrivé  j'allois  faire  partir  une  dépesche  que 
vous  trouvères  cy-jointe*.  Il  y  a  une  grande  lettre  au  roy  qu'il  ne 
prendra  pas  la  peine  de  lire,  vous  la  luy  lires  seulement.  Il  n'y  a  rien 
qui  ne  le  doive  contenter. 

Soustenés  les  aCfaires  de  vostre  costé  comme  je  ferav  du  mien,  car 
il  faut  empescher  que  le  mal  du  roy  n'en  apporte  à  ses  affaires. 

Les  traverses  qu'on  donne  au  roy  dans  ses  inclinations  sont,  à  mon 
avis,  causes  de  son  indisposition. 


LXXXIX. 

.Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638.  d'août  en  décembre,  fol.  igS.  —  Autographe. 

SUSCRIPTIOS: 

POUR  M.  DE  CHAVIGM. 

Le  dimanche  5'  [septembre],  à  une  heure  apr^  minuict. 

Il  m'est  impossible  d'attendre  le  retour  du  gentilbomme  que  j'ay 
envoyé  pour  savoir  des  nouvelles  de  la  disposition  de  Sa  Majesté, 

'  Ciloys.  dépêche:  la  lettre  au  roi,  que  S.  M.  ne  lira 
'  C'est  sans  doute  la  dépêche  du  3  (ci-  pas,  est  également  la  précédente  du  3 
dessus  p.  i38),  qui  ne  fut  finie  que  le  à,  (p.  i&l),  mais  qui  ne  dut  aussi  être  en- 
ainsi  que  nous  le  notons  à  la  tin  de  ladite  voyée  que  le  à- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  147 

sans  renvoyer  M'  de  La  Folene  pour  en  apprendre  de  nouveau.  En 
vérité  j'av  beaucoup  d'inquiétude,  et  plus  que  je  ne  vous  puis  dire; 
cependant  une  lettre  de  M' Bouvard  m'a  asseu^é^  me  mandant  qu'il 
ne  craint  pas,  grâces  à  Dieu,  que  le  mal  soit  grande  chose. 

Je  n'escris  point  à  Sa  Majesté  de  peur  que  mes  lettres  luy  fassent 
peine,  si  elles  la  trouvoient  en  un  accès  de  tîebvre  tierce;  mais  vous 
luy  tesmoignerés,  de  ma  part,  ma  passion  et  mon  sentiment. 

Vous  luy  dires  aussv,  s'il  vous  plaist,  que  je  crov  que  dans  cette 
semaine  il  sera  maistre  du  Castelet,  croyant  que  dans  trois  jours  les 
mineurs  seront  attachés  aux  deux  bastions  attaqués. 

Il  est  bien  important  que  je  sache  lestât  de  la  santé  du  roy,  car, 
si  son  mal  n'est  pas  de  conséquence,  je  méditte  de  voir  ce  qui  se 
pourra  faire  à  l'instant  de  la  prise  du  Castelet,  qui  abboutit  à  de 
trois  choses  l'une  :  à  voir  si  Ton  peut  attaquer  les  ennemis,  qui  ne 
sont  certainement  que  dix  mil  hommes  en  tout;  le  second,  à  tenter 
une  surprise  de  place;  et  le  troisième,  à  assiéger  la  ville  que  le  rov 
s'est  proposée  luy-mesme  avant  que  partir.  Peut  estre  ne  réussira-t-il 
aucune  chose  de  ces  trois,  mais  au  moins  y  fera-t-on  ce  qu'il  se 
poun-a,  et  les  armées  ne  se  ruyneront  pas. 

Gassion  m'est  venu  trouver  cette  après  disnée,  qui  ma  dict  fran- 
chement ses  sentimens  des  généraux  en  quoy  nous  nous  rapportons 
tous.  Cest  luy  qui  m'a  proposé  l'attaque  de  la  cavallerie  des  ennemis. 
Il  me  reviendra  trouver  dans  deux  jours  instruict  de  toutes  choses. 
Je  verray  avec  luy  ce  qui  se  pourra  et  tascherav  d'y  porter  ce  qui  de- 
meurera icy. 

Il  n'y  aura ,  s'il  vous  plaist ,  que  le  roy  qni  voye  ce  mémoire.  Vous 
me  manderés  ses  volontés  sur  ce  qu'il  contient;  mais  surtout  Testât 
de  sa  santé. 

Thomas,  le  tron)pette  du  prince  Thomas,  a  avoué  à  un  de  mes 
gardes  qu'il  n'y  avoit  que  dix  mil  hommes  en  l'armée  ennemie. 

'  Mol  pris  dans  le  s«ns  de  rassurer,  acception  s'est  perdue:  il  n'y  en  a  guère 
«  mettre  hors  de  crainte,  >  dit  Monet  dans  d'autre  exemple  connu  que  le  vers  d'Atha- 
son  dictionnaire  imprimé  en  1637.  Cette         lif  :  <  Mndame.  assurez-vous...  • 


148  LETTRES 

J'attends  le  retour  de  Joannes,  qui  m'advertira  du  retranchement 
qu'auront  faict  les  ennemis. 

Pourveu  que  ce  mal  du  roy  ne  soit  qu'une  légère  fiebvre  tierce 
j'espère  que  tout  ira  bien,  au  moins  fera-t-on  tout  ce  qu'il  se  pourra 
avec  les  instrumens  qui  sont  en  usage,  et,  avec  l'ayde  de  Dieu,  rien 
ne  dépérira^;  mais  si  la  maladie  du  roy  estoit  de  conséquence,  ce  que 
je  ne  saurois  croire,  les  bras  me  tombent.  <p(p. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


XC. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  191.  —  Autographe. 

SUSCniPTION: 

AU  ROY. 


Sire, 


5  septembre  i638^. 


Ces  trois  mots  ne  sont  que  pour  faire  sçavoir  à  Vostre  Majesté 
que  le  respect  m'empesche  de  luy  tesmoigner  les  sentimens  que  j'ay 


'  Le  cardinal  avait  écrit  le  mot  avec  deux 
p;  il  l'a  effacé  pour  l'écrire  en  interligne  tel 
qu'on  le  voit  ici.  Mais  le  soinqu'il  apporte  à 
l'orthographe  ne  l'empêche  pas  d'écrire 
quelquefois  un  même  mot  de  deux  façons, 
et  surtout  ne  va  pas  jusqu'à  la  ponctuation; 
il  la  supprime  complètement;  une  virgule 
seulement  se  voit  dans  toute  celte  lettre. 

^  Ce  jour-là  était  celui  de  la  naissance, 
du  dauphin.  Richelieu,  qui  était  alors  à 
Sainl-Quenlin,  en  fut  promptement  in- 
formé ,  et ,  le  lendemain  6 ,  il  écrivit  au  roi 
et  à  la  reine  deux  lettres  dont  il  sudit  de 
faire  mention  aux  analyses ,  parce  qu'elles 
ont  été  imprimées.  On  y  verra  aussi  plu- 
sieurs missives  où  Richelieu  exprime  à  tous 
ceux  à  qui  il  écrit  la  joie  que  lui  cause 
cette  heureuse  fortune  de  la  France.  La 
Gazette  rapporte,  p.  535,  sous  la  rubrique 


de  Saint-Quentin,  que,  le  roi  et  la  reine 
ayant  envoyé  des  courriers  au  cardinal , 
Son  Eminence  se  rendit  aussitôt  à  l'église 
en  grand  corlége,  «  où  ayant  oùy  la  messe 
chantée  par  l'abbé  Chambre,  sort  aumos- 
nier,  et  le  Te  Deuin  ei  Domine  salvuin... 
il  donna  la  bénédiction  à  tout  le  peuple, 
qui  y  esloit  en  grande  affluence.  »  — 
Nous  avons  trouvé  à  la  Bibliolhèque  im- 
périale (fonds  Saint- Germain -Harlay 
364  ^',  t^  '70)  l'original  d'une  dépêche 
du  roi  à  M.  de  Bellièvre,  ambassadeur  en 
Angleterre,  dalée  de  cejour  5  septembre, 
où  le  roi  lui  annonce  cet  heureux  événe- 
ment et  lui  ordonne  d'en  faire  part  an  roi 
et  à  la  reine  de  la  Grande-Bretagne.  La 
lettre  est  bien  écrite  de  ce  style  dont  Riche- 
lieu aime  à  se  servir  pour  rappeler  les 
prospérités  de  la  France  sous  son  minis- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


149 


de  son  mal,  et  de  luy  parler  de  ses  affaires,  de  peur  de  luy  donner 
la  peine  de  lire  l'un  et  l'autre  en  son  indisposition,  J'espère  que  Dieu 
l'en  deslivrera  bientost,  pourveu  qu'il  luy  plaise  se  deslivrer  de  tout 
chagrin,  comme  je  l'en  conjure;  et  de  croire  que  je  seray  éternelle- 
ment. Sire,  etc. 
Ce  5*  septembre. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


tère;  et  à  la  rigueur  il  n'y  aurait  aucune 
impossiblilè  à  ce  que  le  cardinal  en  eût 
envoyé  le  brouillon  le  6  et  que  la  lellre 
eût  ensuite  été  antidatée  d'un  jour;  mais 
n'ayant  découvert  ni  minute,  ni  aucune  in- 
dication matérielle  de  la  participation  de 
Richelieu  à  ladite  lettre,  nous  nous  bor- 
nons à  la  noter  ici.  Nous  trouvons ,  dans  une 
lettre  de  Chavigni  au  cardinal,  quelques 
détails  intimes  concernant  le  roi ,  Mon- 
sieur et  le  cardinal,  qui  ne  seront  pas  dé- 
placés ici  :  —  «...  Le  roy,  écrit  Chavigni. 
avoit  si  peur  ce  matin  que  Mgr  aprist  la 
nouvelle  de  l'acoucliemenl  de  la  reyne  et 
de  la  naissance  de  Mgr  le  dauphin  avant 
que  le  frère  de  La  Chesnaye  arrivast  auprès 
de  S.  Em.  que  je  n'ay  eu  que  le  temps  de 
luy  nscrire  trois  mots  à  la  haste  dans  le 
cabinet  de  Sa  Majesté.  —  Le  Iravail  de  la 
reyne  a  esté  le  plus  heureux  du  monde; 
elle  n'a  esté  malade  que  six  heures,  après 
lesquelles  est  accouchée  d'un  des  plus 
beaux  princes  que  l'on  sçauroit  veoir;  le 
roy  y  a  tousjours  esté  présent,  et  .ses  deux 
accès  de  fièvre  ne  luy  ont  en  rien  diminué 
ses  forces.  —  Monseigneur  verra  par  la 
lettre  que  Sa  Majesté  luy  escrit  la  joye 
qu'elle  a  d'estre  père;  elle  est  en  ellect 
extraordinaire.  Elle  a  esté  aujourd'huy 
<)uatre  ou  cinq  fois  dans  la  chambre  de 
Mgr  le  dauphin  pour  le  veoir  teter  et  re- 
muer.  —  Monsieur    est   demeuré    tout 


estourdi  lorsque  madame  Péronne  luy  a 
faict  veoir,  par  raison  phisique,  que  la 
reyne  estoit  accouchée  d'un  fils.  Il  luy  faut 
pardonner  s'il  est  un  peu  mélancolique. 
Les  six  mil  escus  que  le  roy  luy  a  accor- 
dés, à  la  prière  de  Mgr,  le  consoleront  un 
peu;  et,  plus  que  toutes  les  choses  du 
monde ,  l'asseurance  que  je  luy  ay  donnée, 
de  la  part  de  Son  Eminence,  que  rien  ne 
l'empesclieroit  de  le  servir  tousjours.  Il 
souhaitte  passionnément  son  amitié,  et  je 
responds,  sur  mon  honneur,  qu'il  n'ou- 
bliera rien  de  ce  qu'il  faudra  faire  pour  la 

conserver »   (.Ms.  cité  aux  sources, 

f"  ail.)  —  Il  est  inutile  de  dire  que  la 
Gazette  est  toute  remplie  à  cette  époque 
des  transports  qu'excita  dans  le  peuple  la 
nais.sance  d'un  dauphin,  et  des  réjouis- 
sances qui  la  célébrèrent.  Mais  on  peut  re- 
marquer qu'on  y  parie  avec  enthousiasme 
des  grandes  qualités  d'Anne  d'Autriche  : 
•1  Celte  reyne ,  à  la(|ucllc  il  ne  nianquoit  plus 
rien  que  d'estre  mère.»  (P.  5oi.)  Outre 
les  feuilles  extraordinaires  qui  y  furent 
jointes,  l'article  de  Paris,  durant  plu- 
sieurs semaines ,  n'a  guère  parlé  d'autre 
chose.  —  Richelieu ,  qui  donnait  à  la  Ga- 
zette de  fréquentes  communications,  a-t-il 
envoyé  à  ce  journal  quelque  article  sur  la 
naissance  du  dauphin  ?  Nous  n'en  avons 
lu  aucun  où  nous  l'ayons  reconnu ,  sauf 
peut-être  quelques  lignes  de  celui  du  a  oc- 


150  LETTRES 


XCI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  198.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  LE  MARQUIS  DE  PRASLIN'. 

Du  6' septembre  i638. 

Monsieur,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  dire  que  les  diverses 
plaintes  que  le  roy  a  eues  des  grands  désordres  qui  ont  esté  jusques 
icy  dans  ses  armées,  l'ayant  faict  résoudre  à  tascher,  par  tous  moyens, 
d'y  apporter  la  reigle  qui  est  nécessaire,  j'ay  estimé  vous  devoir  prier, 
comme  je  fais^,  de  faire  tout  ce  qui  est  en  vous  à  ce  que  la  cavalerie 
vive  à  l'avenir  avec  plus  de  police  et  d'obéissance  qu'elle  n'a  faict  par 
le  passé.  Vous  recevrés  cette  prière  et  cet  avis  comme  d'une  per- 
sonne qui  vous  ayme,  et  qui  en  use  de  la  sorte  avec  vous  sur  la 
cognoissance  qu'il  a  que  vous  n'estes  pas  sy  dévot  et  sy  sainct  que 
vous  ne  le  puissiés  estre  davantage,  pour  donner  sy  bon  exemple  à 
ceux  qui  sont  sous  vostre  charge  que  vostre  conduitte  leur  soit  une 
exhortation  perpétuelle  à  faire  leur  devoir.  Quand  vous  suivrés  le 
conseil  de  vos  amis  en  ce  point,  j'ose  vous  asseurer  que  vous  vous 
en  trouvères  bien;  et,  sans  cela,  je  craindrois  en  vérité  que,  n'ayant 
pas  la  bénédiction  du  ciel,  vous  n'ayés  pas  celle  de  la  terre. 

Le  roy  a  tant  de  desplaisir  de  sçavoir  que  toute  sa  cavallerie  n'est 
pas  armée  comme  elle  doit  estre,  qu'[il^j  a  résolu  de  ne  recevoir, 

tobre, publié  au  retour  du  cardinal  àParis,  nier  termedeson  contentement.  »(P.  58o.) 

où  nous  lisons  :  «  Le  roy  arriva  le  mer-  '  Le  nom  et  la  date  sont  notés  au  dos 

credi  à  Saint-Germain,  où  le  cardinal  duc  de  cette  minute. 

se  rendit  aussi  de  nos  armées  le  mesme  '  «Prier,  comme  je  fais,»  de  la  main 

jour  et  quasi  à  la  mesme  heure  que  S.  M.  de  Hicbelieu. 

laquelle  il  trouva  dans  la  chambre  de  mon-  ^  La  minute  met  •  qu'elle ,  »  se  rappor- 

seigneur  le  dauphin,  où  la  reyne  estoit  tant  au  mot  «roi;»  plus  bas  «il»  se  rap- 

aussi.  Il  seroit malaisé  d'exprimer  de  quels  porte  au  contraire  à  «  Sa  Majesté;  »  ce  sont 

transports   de  joye  S.  Em.    fut   touchée  de  ces  distractions  de  dictée  tres-fréquentes 

voyant  entre  le  père  et  la  mère  cet  admira-  dans  les  manuscrits  de  Richelieu ,  ainsi  que 

ble  enfant,  l'objet  de  ses  souhaits  et  leder-  nous  l'avons  quelquefois  fait  remarquer. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  151 

l'année  qui  vient,  aucune  personne  à  estre  du  roolle  qui  n'ayt  des 
armes;  et,  pour  cette  année,  de  faire  chastier  ceux  qui  en  auront 
receu  dans  cette  campagne  et  ne  les  auront  pas,  n'ayant  faict  aucun 
voiage  auquel  ils  ayent  peu  les  perdre  par  autre  voye  que  par  pure 
négligence.  Je  vous  prie  tenir  la  main  à  l'exécution  de  la  volonté  du 
roy,  et,  affin  que  je  luy  puisse  rendre  un  compte  fidelle  de  vostre 
diligence,  vous  m'envoyerés,  s'il  vous  plaist,  un  controole  de  toute  la 
cavalerie  qui  est  sous  vostre  charge ,  la  force  de  chacque  compagnie , 
Testât  auquel  elle  est,  c'est-à-dire  si  elle  est  armée  ou  non,  et  comme 
les  cavaliers  sont  montés. 


XCII. 

Arch.  des  AfiF.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  loi.  aoo.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI'.] 

6  septembre  i63S. 

M'  de  Rheims  envoie  sçavoir  comme  il  se  doit  gouverner  aux 
couches  de  la  reyne.  Je  n'ay  point  apris  que  personne  de  sa  nais- 
sance et  de  sa  condition  ayent  place  en  cette  occasion.  Ma  pensée  est 
qu'il  veut  seulement  sçavoir  s'il  pourroit  avoir  lieu  de  saluer  le  roy 
après  cette  réjouissance  publique.  Je  luy  escris  qu'il  s'addresse  à 
vous  pour  sçavoir  les  volontez  de  Sa  Majesté,  qui,  à  mon  avis,  luy 
doit  faire  faire  response  que  quand  il  sera  bon  archevesque,  ou 
qu'il  en  aura  quitté  la  prétention,  il  le  verra  très  volontiers,  et  non 
plus  tost^. 

'  Voyez  la  note  de  la  page  1 1  a.  une  violation  perpétuelle  des  devoirs  que 

'  Henri  de   Lorraine,   fils  du  duc  de  lui  imposaient  les  dignités  et  l'habit  dont 

Guise.  (Voyez  ci-après  la  note  d'une  lettre  il  était  revêtu,  ces  lignes  de  Richelieu  nous 

que  lui  écrit  Richelieu  ,  à  la  date  du  8  juin  l'apprendraient. 

iGSg).   Si  l'on  ne  savait  que  sa  vie  lut 


152  LETTRES 


XCIII. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  21 3.  — 
Original ,  sans  signature ,  de  la  main  de  de  Noyers. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY. 

Du  7  septembre  i638,  à  Saint-Quet}tin. 

Monsieur  le  prince  tesmoigne,  par  Saladin,  astre  mal  satisfaict  de 
M'  de  La  Valette  et  de  M""  de  Saint-Simon,  aux  quels  touttes  choses 
semblent  estre  indifférentes.  Il  dict  de  plus  qu'il  ne  peult  avoir  ny  la 
milice,  ny  la  noblesse  de  Guienne,  à  raison  de  quoy  il  se  plainct 
fort  de  M''  d'Espernon,  lequel  mesme  est  retoxirné  à  Cadillac  sans 
ordre,  et  contre  celuy  qu'il  avoit  eu  de  demeurer  à  Plassac. 

Pour  faire  ce  voiage,  il  s'est  servi  du  prétexte  d'une  lettre  qui  a 
esté  envoiée  à  touts  les  gouverneurs  de  France  pour  faire  sortir  de 
leurs  gouvernemens,  et  venir  aux  armées,  touttes  les  Irouppes  qui  y 
avoient  esté  levées  ou  qui  y  avoient  eu  leurs  quartiers  d'hyver.  11 
pouvoit  donner  ses  ordres  pour  l'exécution  de  cette  dépesche  sans 
contrevenir  à  l'ordre  qu'il  avoit  de  demeurer  à  Plassac. 

On  estime  que  pour  pourvoir  au  contentement  de  M'  le  prince,  et 
tenir  M'  d'Espernon  dans  l'obéissance  où  il  doibt  estre.  Sa  Majesté 
luy  doibt  commander  de  nouveau  de  revenir  à  Plassac,  se  plaignant 
de  ce  qu'il  est  retourné  sans  permission.  Le  roy  commandera,  s'il 
luy  plaist,  à  M'  de  La  Vrillière',  et  vous  aurés  soin  qu'elle  soit  bien. 

Je  suis  ravi  de  l'espérance  que  le  roy  a  luy  mesme  d'estre  bientost 
guéri.  Nous  avons  faict  florès  pour  la  naissance  de  M"  le  dauphin,  et  nos 
feux  de  joye  ont  esté  telz  que  six  maisons  de  cette  ville  en  ont  bruslé. 

Il  y  a  deux  jours  que  je  croiois  que  nous  ferions  quelque  chose 
de  bon  après  la  prise  du  Castelet;  aujourd'huy  mes  espérances  sont 
à  vau  l'eau,  et  j'ay  bien  peur  que  nous  soions  réduicts  à  vivre  dans 

La  phrase  est  boiteuse  ;  pressé  par  la        mois  :  «  d'écrire  une  lettre  au  nom  du  roi  ?  » 
dictée,  de  Noyers  aura  oublié  ici  quelques         ou  autre  chose  en  ce  sens. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  153 

le  pays  ennemi  jusques  au  sept  ou  huictiesme  d'octobre.  Si  ceia  est, 
ce  à  quoy  nous  ne  nous  réduirons  pas  sans  bien  examiner  ce  qui  se 
pourra,  en  Testât  présent  de  nos  désordres'.  Je  croy  que  je  seray  en 
estât  d'aller  trouver  le  roy  vers  le  quinziesme  de  ce  mois. 

Quand  niesme  le  roy  seroit  guéri  dès  aujourd'huy  je  ne  conseil- 
lerois  pas  à  Sa  Majesté  de  revenir  pour  cette  année  en  ces  quartiers; 
sa  santé  m'est  trop  chère,  et  je  voi  trop  peu  de  sujet  d'un  tel  voiage. 

M*"  de  Chastillon  est  icy,  qui  s'en  va  chez  luy"^.  C'est  le  mesme 
que  nous  l'avons  cru,  beaucoup  de  masse  et  peu  de  quintessence.  Le 
bon  homme  La  Force  est  malade,  le  Castelet  va  tousjoursbien.  Adieu 
pour  cette  heure. 


XCIV. 

Arcli.  des  AIF.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  217.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré  et  de  la  main  du  cardinal. 

PROJET  D'INTERROGATOIRE 

A  FAIRE  A  MAMCAMP\ 

Du  8  septembre  i638. 

Faut  demander  au  s'  de  Manicamp  comment  il  s'est  ingéré,  estant 
en  la  disgrâce  du  roy  comme  il  estoit,  et  n'ayant  point  charge  dans 
l'armée  de  M'  de  Chastillon*,  de  commander  dans  le  fort  du  Bac; 
et  pourquoy,  y  ayant  pris  le  commandement  de  luy-mesme,  il  n'a 
pas  faict  une  capitulation  qui  peust  sauver  les  gens  de  guerre  qui  y 
esloient  jusques  au  nombre  de  deux  mile,  lesquelz  il  semble  qu'il 
ayt  voulu  perdre  de  gayeté  de  cœur,  ne  mettant  pas  des  conditions 
dans  son  traitté  qui  asseurassent  leur  vie,  en  ce  que  les  traisnant  par 
divers  pays,  comme  on  a  faict,  on  ne  leur  donnoit  pas  du  pain. 

'  11  y  a  encore  ici  quelque  irrégularité  '  Ceci  estune  annotation  que  nous  Irou- 

dan.s  notre  manuscrit.  vous  au  dos  de  la  minute. 

'  Le  roi  mécontent  le  renvoyait  chez  lui  *  «  De   M'  de  Chastillon.  »  Ces  quatre 

dans unesorled'exil.(Voy. ci-dessus, p.  i3i,  mots  sont  de  la  main  du  cardinal, 
et  aux  Analyses,  lettre  du  6  septembre). 

rARDIN.  DE  RICHF.LIEC. Yl.  ]0 


154  LETTRES 

Cet  interrogatoire  contient  deux  chefs  : 

L'un,  pourquoy  il  s'est  ingéré  de  commander  sans  pouvoir? 

L'autre,  pourquoy  il  a  faict  la  capitulation  autrement  qu'il  ne  de- 
voit? 

S'il  dit  au  premier  qu'il  avoit  ordre  de  M'  de  Chastillon  d'en  user 
ainsy,  on  luy  demandera  s'il  ne  s'en  veut  pas  rapporter  à  ce  qu'en 
dira  led.  s'  mareschal;  et  après,  on  aura  sa  lettre  pour  le  convaincre. 

Si  au  second  il  dit  que  Picolomini  et  le  baron  de  Snitz  luy  avoient 
promis  de  le  remettre,  avec  tous  ses  gens,  dans  deux  fois  vingt- 
quatre  heures  en  France ,  on  luy  produira  les  lettres  qu'ilz  luy  escrivent. 

'  Il  luy  faut  représenter  ensuitte  qu'il  semble  qu'il  a  tousjours  eu 
dessein  d'estre  contraire  à  l'Estal,  ce  qui  se  remarque  par  diverses 
actions  qu'il  a  faictes  : 

L'une  quand  il  donna  un  soufflet^  en  pi-ésence  de  M"  de  Chaulne, 
gouverneur  de  la  province;  ce  qu'il  ne  pouvoil  ignorer  qui  ne  bles- 
sast  l'authorité  du  roy; 

L'autre,  quand  il  batlist  ou  lit  battre  le  lieutenant  ^  ;  et 

ce  avec  des  circonstances  qui  aggravent  tellement  son  ciime  ([u'il 
semble  qu'il  n'avoit  pas  seulement  intention  d'offenser  ledict  lieute- 
nant mais  le  roy  mesme,  veu  que  s'il  n'en  eust  voulu  qu'audict* 
il  le  pouvoit  trouver  en  d'autres  lieux  qu'en  son  siège,  où  il  n'a  peu 
le  chercher  de  propos  délibéré  que  pour  monslrer  qu'il  mesprisoit 
au  dernier  point  l'authorité  royalle  '■'. 

Une  autre  fois  encores,  lorsque,  pensant  estre  exempt  de  la  peine 
qu'il  mériltoit  pour  cette  violence,  par  l'intervention  de  quelques-uns 
de  ses  amis  qui  empeschèrent  ledict  procureur  du  roy  de  poursuivre 
l'action  qu'il  estoit  prest  d'intenter  contre  luy,  il  battist  de  nouveau 
les  archers  du  sel  et  celuy  qui  les  commandoit,  parce  qu'ils  f'aisoyent 

'  Ici  le  cardinal  prend  la  plume  jusqu'à  '  Le  nom  encore  en  blanc, 

la  fin.  *  Le  .ins.  met,  en  marge  de  ce  païa- 

'  Rictielieu  avait  mis:  «à  un  Gé»  et  graphe,  la  plirase  suivante:  «Faut  faire 

puis  il  s'est  arrêté  et  a  bifié  ce  commen-  apporter  les  informations  si  elles  ne  sont 

cernent  d'indication  de  la  personne.  point  bruslécs.  • 

'  Le  nom  est  resté  en  blanc  dans  le  ms. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  155 

leur  charge;  voulant  parce  moyen  s'establir  une  authorité  au-dessus 
et  au  mespris  de  celle  du  roy,  dont  il  outrageoit  les  officiers. 


XCV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  222.  — 

Original,  de  la  main  de  Cherré. 

Mêmes  archives,  vol.  de  i638  à  1  639,  fol.  20.  —  Minute  de  la  main  du  cardinal. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY. 

De  Saint-Quentin ,  ce  8'  septenibic  i638. 

Je  vous  escrivis  hier,  par  Saladin,  le  courant  des  affaires. 

Je  rends  un  milion  de  grâces  à  Monseigneur  frère  du  roy,  de  l'af- 
fection qu'il  vous  tesmoigne  avoir  pour  moy.  Vous  le  destournerés , 
s'il  vous  plaist,  du  voiage  qu'il  vous  a  dict  vouloir  faire  icy,  et  luy 
ferés  congnoistre  que  je  me  tiens  plus  obligé  de  la  seule  pensée  qu'il 
en  a,  qu'un  autre  ne  le  seroit  de  l'elîect.  Qu'il  soit,  s'il  luy  plaist, 
exempt  de  mélancholie;  je  m'asseure  que  le  roy  le  traittera  sy  bien, 
qu'il  en  aura  toute  sa  vie  sujet  de  contentement. 

Je  vous  mandai  hier  que  je  croyois  vous  voir  plustost  que  je  ne 
pensois;  je  suis  encores  aujourd'huy  dans  cette  pensée,  et  je  ne  veoy 
rien  à  faire  en  Testât  que  sont  toutes  choses. 

11  y  a  une  grande  froideur  dafns  une  grande  partie  de  l'armée; 
force  corps  et  point  de  testes  ne  font  que  des  monstres  avec  lesquels 
on  ne  peut  agir  par  raison. 

Le  Castelel  sera,  à  mon  avis,  la  fin  de  nos  conquestes  de  cette  an- 
née, en  ces  costés  de  deçà.  J'espère  que  l'Espagne  nous  récompen- 
sera et  l'Allemagne  aussy. 

La  Flandre  triomphe  celte  année;  le  siège  de  Gueldres  est  levé, 
les  ennemis  nous  craignent,  mais  en  vérité  nous  leur  rendons  la  pa- 
reille. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


156  LETTRES 


XCVI. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol  22^.  — 
Original,  de  la  main  de  de  Noyers. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI']. 

Du  8  septembre  i638,  à  Saint-Quentin. 

Vous  ne  mancjuerés  pas  de  mes  nouvelles,  mais  je  voudrois  bien 
vous  en  donner  d'aussy  bonnes  que  je  le  désirerois;  j'ay  peur  qu'il 
.soit  difficile. 

Arpajolet^  est  icy,  à  qui  j'ay  l'aict  la  petite  exhortation.  Praslin  y 
est  aussy  pour  luy  donner  une  fraterne,  mais  tout  aboutira  en  belles 
paroles  de  part  et  d'autre. 

Vous  dires  au  roy  qu'il  y  a  grand  soupçon  dans  l'armée  qu'il  y  ayt 
quelqu'un  qui  advertisse  les  ennemis.  Il  est  vray  qu'ils  sont  bien  ad- 
vertis;  d'abord  ils  ont  esté  sans  se  retrancher;  aussytost  qu'on  a  peu 
penser  à  les  attaquer,  ils  se  sont  retranchés.  Piccolomini  a  aussytost 
sceu  la  retraicte  de  M'  de  Chastillon  que  l'armée.  L'affaire  du  curé 
d'Arras  est  très-notable;  il  y  a  grande  apparence  de  trahison,  mais 
l'on  ne  sçait  de  qui  se  douhter. 

Dans  l'armée  on  soupçonne  le  trompette  Joannès;  luy-mesme  m'a 
dict  qu'on  le  soupçonnoit;  le  fondement  du  soupçon  est  qu'il  est  sou- 
vent avec  Piccolomini  et  qu'il  désire  souvent  y  aller.  Cependant  je 
ne  vois  rien  d'asseuré;  je  faicts  prendre  garde  à  ses  habitudes.  Dans 
l'armée,  enfin,  le  désordre  est  extresme,  et  certainement  tout  le 
monde  demeure  d'accord  qu'on  ne  peut  espérer  changement  pour 
l'advenir  que  par  une  grande  sévérité  envers  des  chefs,  qui  sera  une 
vraie  clémence  pour  tout  le  monde. 

Le  baron  prétendu  de  Villeneufve  a  esté  roué;  il  a  déclaré  à  la 
mort  que  le  prince  Thomas  luy  avoit  dict  et  tenoit  asseuré  que,  sans 
le  siège  de  Saint-Omer,  Dourlans  et  Abbeville  estoient  à  eux. 

'  Voy.  la  noie  de  la  page  1 12  ci-dessus.  —  "  Elail-ce  le  nom,  pris  en  plaisanterie,  de 
M.  d'Arpajon,  intendant  généx'al? 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  157 

On  procède  au  jugement  du  procès  d'Heucourt,  plein  de  saleté 

pour  TEstat. 

Les  François  sont  estranges;  je  prie  Dieu  qu'il  convertisse  leurs 

coGiirs. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


XCVII. 

Arch.  des  Afi".  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  2i5. — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  Ror.] 

De  Saint-Quentin ,  ce  8'  septembre  1 638. 

Je  suis  ravy  que  M*^  le  Dauphin  a  les  cheveux  noirs,  et  que,  d'au- 
cuns remarquans  qu'il  ressemble  à  Vostre  Majesté,  les  sectateurs 
du  monde  croyent  qu'il  a  quelque  chose  de  l'inclination,  car  tout 
cela  signille  qu'il  ne  sera  pas  camus. 

Je  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur  pour  sa  conservation,  et,  en  vé- 
rité, je  croy  que,  Dieu  vous  l'ayant  donné,  il  l'a  donné  au  monde 
pour  grandes  choses. 

Je  ne  sçaurois  vous  tesmoigner  la  joye  que  j'ay  receue,  et  par  les 
lettres  de  Vostre  Majesté,  et  par  celles  de  M.  Bouvard,  qui  me  font 
cognoistre  que  vostre  mal  ne  sera  rien  qu'un  advertissement  à  Vostre 
Majesté  de  jouir  à  l'avenir  des  bonnes  influences  que  produiront  les 
inclinations,  et  de  ne  recevoir  pas  les  mauvaises  impressions  que  les 
brouillars  qu'ilz  exciteront  peuvent  causer. 

J'espère  tant  de  la  bonté  de  Dieu  que,  pourveu  que  Vostre  Ma- 
jesté le  veuille,  elle  sera  le  plus  heureux  prince  du  monde,  ce  que 
je  souhaitte  cent  fois  plus  que  ma  vie. 

Vostre  Majesté  fera,  s'il  luy  plaist,  par  sa  bonté  extraordinaire, 
valoir  à  la  reyne  le  présent  voyage  que  je  prends  la  hardiesse  de 
faire  faire  expressément  pour  luy  rendre  les  complimens  que  toute 
la  France  luy  doit  pour  monsieur  le  Dauphin. 

'   Voy.  ci  dessus,  p.  loo,  notes. 


158  LETTRES 


XCVIII. 

Arch.  des  AfF.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  aSo.  — 
Original ,  sans  signature ,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGIVr.] 

De  Saint-Quentin ,  ce,  lo  septembre  i638. 

Le  Castelet  ne  va  pas  si  viste  que  je  le  désirerois.  Les  mines  n'y 
ont  pas  faict  bon  effect,  à  cause  d'une  petite  gallerie  qui,  estant  dans 
les  bastions,  les  a  esventées.  Les  régimens  de  Poitou  et  de  S'"  Fleve 
ne  firent  pas  trop  bien  aussy  à  un  logement  qu'il  failloit  faire  dans 
feffect  de  la  raine.  Le  Gué  S''=  Fleve  y  a  esté  fort  blessé,  mais  il  n'en 
mourra  pas^.  M'  de  la  Melleraie  alla  hier  coucher  au  Castelet  pour 
proposer  à  M"^  du  HalHer  de  faire  faire  la  mine  dans  le  milieu  de  la 
courtine,  où  il  n'y  a  point  de  gallerie.  Nous  verrons  ce  qui  en  réus- 
sira. Je  vous  envoyé  un  avis ,  envoyé  par  M"^  de  La  Force ,  par  où  vous 
jugerés  que  ces  M"  sont  capables  de  bonnes  résolutions,  puisque  ce 
qu'ils  proposent  au  commencement  se  destruict  par  tous  les  incon- 
véniens  qu'ilz  représentent.  Tant  y  a  que  le  roy  peut  estre  asseuré 
qu'on  fera  tout  ce  qu'on  pourra  dans  le  désordre  où  nous  sommes, 
et  que  si  on  ne  faict  rien,  ce  sera  qu'on  ne  pourra  rien  faire,  qui  est, 
en  elfect,  par  où  je  croy  qu'il  faudra  passer. 

On  dit  que  l'abbé  de  S'"  Croix  de  Bordeaux  est  fort  malade.  Le 
grand  vicquaire  de  M""  de  Bordeaux  a  envoie  pour  la  ^  demander  pour 
son  archevesque.  Le  service  qu'il  a  rendu  est  considérable;  je  propose 
ce  qu'il  mande  à  cause  de  la  victoire. 

Je  vous  prie  de  représenter  au  roy,  quand  il  vacquera  des  abbayes, 
qu'il  a  M'  le  cardinal  Anthoine,  M""  le  cardinal  Bichi,  M""  Lescot,  à 
pourvoir  pour  son  service. 

'  Voy.  la  noie  de  la  page  1 1 2  ci-dessus.  '  Le  mot  abbaye,  qui  n'a  pas  été  dicté , 

'  11   en  mourut;  voyez  plus  loin  une        était,  sans  aucun  doute,  dans  la  pensée 
lettre  du  i3  septembre  au  roi.  du  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  159 

Je  metz  ensuitle  M"'  de  Chaunes,  qui  en  demande  une  pour  un  de 
ses  enfans,  et  dont  la  maison  est  plus  engagée  qu'il  ne  semble. 

Je  ne  sçay  si  vous  avés  retiré  de  Mondin  la  démission  de  l'abbaye 
de  Pignerol.  Si  vous  l'avés,  vous  la  donnerés  à  M"^  de  Souvré,  et  si  - 
vous  ne  l'avés  pas  vous  la  retirerés  du  dict  Mondin,  s'il  vous  plaist. 

M'  d'Hémery  m'escrit  qu'il  ne  faut  pas  dilFérer  à  donner  au  grand 
chancelier  du  Montferrat.  Prat,  et  au  major  de  Cazal,  les  terres  dont 
on  luy  a  envoyé  les  brevetz.  Vous  vous  en  souviendrés,  sil  vous  plaist, 
et  ferés  avec  M"^  le  chancelier  et  M"  les  surintendans  ce  qu'il  faut 
faire  sur  ce  sujet. 


XCIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'aoûl  en  décembre,  fol.  2^1.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

[AI    ROI'.] 

De  Saint-Quentin,  ce  i  a'  septembre  i638. 

1.,'asseurance  que  je  viens  de  recevoir  que  le  mal  de  Sa  Majesté 
diminue  me  donne  un  contentement  extresme,  en  .souhaittant  la  lin 
avec  une  grande  passion. 

Le  Castelel  va  son  chemin  ordinaire,  qui  aboutira  dans  trois  jours 
à  la  satisfaction  de  Sa  Majesté.  Le  colonel  des  Allemands,  qui  les 
conjmandoit  dans  la  place,  fut  avant-hier  tué  d'un  coup  de  canon. 
Sur  cet  accident,  ils  jettèrent  les  armes,  demandèrent  publicquement 
à  se  rendre.  Les  Espagnolz  naturelz  les  ont  remis.  Le  capitaine  es- 
pagnol dit  ouvertement  qu'il  juge  bien  qu'il  se  faut  rendre,  mais 
qu'il  est  tellement  asseuré  d'estre  pendu,  s'il  le  faict,  que  cela  le 
retient. 

Je  inanday  hier  à  M'  du  Hallier  qu'il  les  fist  sommer,  avec  protes- 
tation que,  s'ils  laissoient  jouer  les  mines,  il  n'y  auroit  plus  de  capi- 
tulation. Je  ne  sçay  encore  ce  qu'ils  ont  respondu  à  cette  sommation. 

M'  de  la  Melleraie  est  allé  volontaire  en  un  petit  voiage  que  M'  de 

'  Voy.  ci-dessus,  page  100,  noie  2. 


160  LETTRES 

Chavigny  dira  à  Voslre  Majesté;  comme  je  n'en  espère  pas  grand 
fruict,  je  ne  veoy  pas  aussy  qu'il  y  aye  rien  à  craindre. 

J'ay  envoyé  un  trompette  à  M'  le  prince  Thomas ,  pour  sçavoir  s'ii 
ne  nous  veut  point  rendre  les  mile  hommes  de  Fouquesols  et  d'Epa- 
gny,  qu'il  retient  prisonniers,  en  payant  le  quartier  ordinaire,  comme 
aussy  tous  les  autres  prisonniers  qu'il  tient.  J'en  attends  la  response. 

Jj'Eschelle  est  venu  de  Liège,  avec  trois  cens  quarante  chevaux. 
Il  croit  qu'il  en  passera  encore  autant. 

M"  le  prince  d'Orange  et  le  cardinal  infant  sont  campez  avec  leurs 
armées  les  uns  devant  les  autres.  Je  croy  qu'on  peut  dire  asseurément 
que  les  Hollandois  ne  feront  rien  cette  année'. 

Je  prie  Dieu  qu'il  face  prospérer  les  affaires  de  Vostre  Majesté  et 
qu'il  me  face  la  grâce  de  luy  pouvoir  tesmoigner  de  plus  en  plus  quel 
est  mon  zèle  et  ma  passion  à  son  service. 


C. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  243.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY'. 

De  Saint-Quentin ,  ce  12  septembre  i638. 

Vostre  courrier  est  arrivé  bien  à  propos  pour  me  tirer  de  peine  en 
laquelle  je  commençois  d'estre,  pour  n'avoir  pas  de  nouvelles  du 

'  Richelieu  devinait  trop  juste.  Dès  le  entrait  en  Espagne.  On   en    informa   le 

commencement  de  l'année  on  s'était  con-  prince  d'Orange,  qui  trouva  des  raisons 

cerlé  sur  les  entreprises  à  faire.  Après  plu-  pour  se  dispenser  d'allaquer  Dunkerque. 

sieurs  allées  et  venues  du  comte  d'Estrades,  Enfin  le  dernier  septembre,   c'est-à-dire 

de  Hollande  en  France  et  de  France  en  vers  la  fin  de  la  campagne,  il  va  assiéger  une 

Hollande,  après  l'échange  de  propositions  petite  place  sans  importance.  L'année  était 

et  de  contre-propositions,  on  était  tombé  perdue;  on  ne  pouvait  plus  que  s'entendre 

d'accord  que  le  prince  d'Orange  attaque-  pour  mieux  employer  la  suivante.  (Arch. 

rait  Dunkerque.  Aux  incitations  la  France  des  Aff.  étr.  Holl.  t.  XX,  p.  190,  el  passim.) 

joignait  l'exemple.  Le  maréchal  de  Châ-  "  Richelieu  a  écrit  la  suscription  et  la 

tillon  assiégeait  Saint-Omer,  M.  le  Prince  date. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  161 

cinq""'  accez  du  roy.  Je  suis  ravy  de  sçavoir  que  son  mai  est  comme 
le  Castelet,  qui  tire  à  sa  fin. 

J'espère  que  mardy  nous  en  aurons  de  bonnes  nouvelles. 

Les  maladies  sont  en  telle  abondance  dans  l'armée  qu'il  n'est  pos- 
sible de  plus.  Cependant  elles  ne  sont  pas  mortelles. 

M'  de  Chastiilon  a  emporté  une  partie  du  mal  de  vostre  armée, 
comme  vous  le  pouvez  entendre,  mais  non  pas  tout'. 

La  jalousie  demeure  si  grande  dans  l'esprit  de  la  vieillesse  qui  nous 
reste''  que  c'est  un  mal  iremédiable,  et  dont  il  ne  faut  plus  tastcr. 

Le  bonhomme  a  eu  grande  jalousie  du  bonhomme  M'  d'Angou- 
lesme,  qui  l'a  faict  guérir  autant  qu'il  a  peu. 

Pour  ce  qui  est  de  M'  le  grand  Maistre^  elle  a  tousjours  esté,  et 
est  encores,  jusques  là  [que]  quand  il  faict  un  voyage  d'icy  dans  l'ar- 
mée il  donne  beaucoup  de  matière  à  la  philosophie. 

11  partit  hier  pour  aller,  sous  prétexte  de  faire  une  partie  contre 
les  fourageurs  des  ennemis  et  d'un  convoy  à  Landrechy,  faire  tenter 
une  entreprise  sur  le  Quesnoy  *.  Je  ne  croy  pas  qu'elle  réussisse,  mais 
je  ne  veoy  pas  aussy  que  nous  puissions  faire  perte  qui  puisse  estre  mise 
en  ligne  de  compte.  Vaubecourt  est  celuy  qui  passe  autheur  de  l'entre- 
prise, comme  en  effect  c'est  luy  qui  l'a  proposée,  à  laquelle  on  a  ad- 
jouslé  ce  qu'on  a  peu.  M' le  grand  Maistre  n'y  est  que  comme  volon- 
taire, Gassion  estant  celuy  qui  mène  la  partie  qu'il  a  fallu  tirer  de 
l'armée  de  M'  de  La  Force,  sous  prétexte  des  fourrageurs.  Il  en  faut 
user  ainsy,  mais  tout  cela  ne  fera  pas  qu'on  puisse  faire  grande  chose. 

Le  maréchal  de  Châlillon,  en  quit-    "     on  le  Iraila  sévèrement  pour  avoir  quilté 

tant  le  commandement  qui  lui  était  ôté,  Hannapes.  Il  a  joint  à   ses  Mémoires  la 

passa  par  Saint-Quentin,  el  visita  le  car-  lettre  qu'il  écrivit  le  16  octobre  au   roi 

dinal;  Richelieu  lui  conseilla  d'aller  droit  pour  se  justifier  (p.  /I5g). 
à  sa  maison,  sans  voir  le  roi,  qui  était  °  C'était,  comme  on  sait,  La  Meilleraie, 

mécontent  de  lui.  dont  la  proche  parenté  avec  Richelieu  ex- 

'  C'est  le  maréchal  de  La  Force;  il  n'a  cilail ,  et  non  sans  cause,  la  défiance  des 

pa3  l'air  de  se  douter,  dans  ses  Mémoires  ollicicrs  qui  servaient  avec  lui. 
(p.  320' du  tome  III),  qu'on  était  à  peu  '  Richelieu  a  fait  écrire  à  la  marge  :«  Le 

près  aussi  mécontent  de  lui  que  du  ma-  royne  parlera  point,  s'il  luy  plaist,  de  cette 

réchal  de  Cliâtillon.  Mais  le  mois  suivant  entreprise.  »  (Voy.  aux  Analyses,  i3  sept.) 

CMDI.t.  or.  niCHELISD.  — TI.  ,  }\ 


162  LKTTRES 

Je  feray  response  à  la  dépesclie  de  l'unziesme  de  septembre,  que 
je  viens  de  recevoir,  demain, 

M'  de  Montigny  est  parly  avec  sa  compagnie  et  la  colonelle  du  ré- 
giment suisse  aussy. 

•  Vaillac ,  qui  estoit  maistre  do  camp  d'un  régiment ,  estant  pulmonique 
et  en  estât  de  mourir,  son  père  a  dépesché  icy  pour  me  prier  de  su- 
plier  le  roy  de  luy  faire  l'honneur  d'accorder  ce  régiment  à  son  second 
fils,  qui  est  fort  bien  faict.  Je  croy  que  S.  M.  ne  sçauroit  mieux  faire 
de  luy  accorder  celte  grâce.  Vous  luy  en  parlerés,  s'il  vous  plaist,  et 
me  ferés  sçavoir  sa  volonté,  sans  cela  le  régiment  est  perdu,  et  c'est 
beaucoup  que  des  personnes  de  cette  qualité  le  veuillent  en  celle  saison. 

On  aura  bien  de  la  peine  à  avoir  de  bonne  infanterie,  pour  l'année 
qui  vient,  le  nombre  qu'il  en  faut,  car  la  plus  grande  part  des  offi- 
ciers négligent  tout  à  faict  leurs  charges,  et  ne  craignent  aucun  chas- 
timent,  qui  est  ce  à  quoy  il  faut  remédier. 

Je  suis  extresmement  aise  de  sçavoir  que  les  inclinations  du  roy 
Je  contentent.  Je  désire  avec  passion  la  continuation  de  celte  bonne 
intelligence. 

Le  long  séjour  de  la  reyne  mère  du  roy  à  la  Haye  ne  me  semble- 
roil  pas  fort  utile.  Je  croy  qu'il  ne  sera  pas  mauvais  que  vous  escriviés 
ù  M'  d'Estampes  que,  sous  main,  il  haste  son  partement  autant  qu'il 
pourra,  et  qu'il  face  sçavoir  à  M' le  prince  d'Orange  que  Le  Coigneux 
a  mandé  à  Bruxelles  qu'il  feroit  voir,  par  effect,  que  le  passage  de  la 
reyne  mère  par  ces  quartiers  là  ne  seroil  pas  inutile  à  l'Espagne,  ce 
qu'il  ne  peut  prétendre  que  par  l'une  de  [ces]  deux  façons  :  ou  par  quel- 
que proposition  de  trefve  cogneue  à  M' le  prince  d'Orange,  ce  à  quoy 
nous  sçavons  bien  qu'il  n'entendra  jamais  sans  la  France;  ou  par  quel- 
que faction  et  monopole  que  ces  beaux  esprits  pourroient  faire ,  don- 
nant des  impressions  à  quelques-uns  de  M''  les  Estats  contre  les  in- 
tentions de  M''  le  prince  d'Orange  '. 

'  La  reine  mère,  quittant  Bruxelles  dans  que  l'ambassadeur  de  France  à  la  Haye 
les  derniers  jours  d'août  pour  aller  en  An-  avait  prévenu  de  la  prochaine  arrivée  de 
glcterre,  passa  parla  Hollande.  Richelieu,         Marie,  fit  répondre  que  cet  ambassadeur 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


163 


CI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  257.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

[A  M.  DE  CHAVIGIVI.] 

I  3  septembre  i638. 

Je  vous  ay  desjà  mandé  que  je  croyois  que  M"^  d'Estampes  ne  de- 
voit  point  voir  la  reyne;  j'y  persiste  encore  de  nouveau.  Comme  elle 
est  allée  en  Hollande  sans  la  participation  du  roy,  l'ambassadeur  de 
S.  M.  qui  y  est  résident  ne  doit  point  avoir  d'ordre  de  l'y  visiter. 

Il  est  à  propos  que  M'  d'Estampes  en  parle  ainsy  ouvertement,  et 
tesmoigne  à  M"^  les  Estais  que  le  roy  a  voulu  de  longtemps  donner 
à  la  reyne  de  quoy  vivre  selon  sa  dignité,  pourveu  qu'elle  allast  en 
son  pays  natal,  selon  mesme  que  le  grand  duc  l'avoit  désiré.  Que  S.  M. 
avoit  jette  les  yeux  sur  un  tel  lieu  parce  que  c'est  le  seul  qui  ne  doit 
point  eslre  suspect ,  et  auquel  elle  peut  plus  aisément  trou  N-er  son  repos. 


n'avait  rien  à  faire  à  cette  occasion  (p.  1  Ao 
ci-dessus).  Cependant  la  reine  mère  rece- 
vait en  Hollande  un  accueil  dont  Richelieu 
était  vivement  contrarié.  Nous  trouvons 
dans  une  lettre  d'un  certain  Julien  Lan- 
son,  écrite  d'Amsterdam  à  Lopez,  le  6  sep- 
tembre, un  récit  de  la  magnifique  récep- 
tion que  lui  faisaient  les  magistratures  des 
villes  ain.si  que  les  populations  :  c'était  un 
véritable  triomphe.  Le  prince  et  la  princesse 
d'Orange  la  traitaient  avec  le  respect  qui 
convient  à  la  majesté  royale  et  les  égards 
dus  à  une  grande  infortune;  les  Etals  de- 
mandaient à  Richelieu  de  mettre  un  terme 
à  son  exil  :  «  Voslre  Eminence  ,  disaient- 
ils,  aura  l'honneur  et  la  gloire  d'avoir 
contribué  plus  que  personne  à  une  cor- 
diale et  solide  réunion  entre  le  roy  et  sa 
mère.  »  Ces  malencontreuses  félicitations , 
aussi  bien  que  les  ovations  dont  la  reine 
mère    était    l'objet,    irritaient   profondé- 


ment Richelieu,  qui  chargea  M.  d'Es- 
tampes (lettre  du  8  septembre)  d'insinuer 
au  prince  d'Orange  les  soupçons  de  trames 
secrètes  qu'il  imputait  à  Marie  de  Médicis , 
et  d'obtenir»  qu'on  la  list  partir  au  plutost.  » 
Mais  on  n'obéissait  pas  à  ces  insinuations. 
Chavigni,  alors  à  Chantilly  auprès  du  roi, 
reçut,  le  19,  de  l'ambassadeur  de  Hol- 
lande à  Paris,  une  nouvelle  lettre,  qu'il  su 
hâta  d'envoyer  à  Richelieu,  et,  le  21,  le 
cardinal  lui  répondit  d'un  ton  fort  dédai- 
gneux pour  MM.  les  Etats  (ci-après ,  p.  1 87) . 
La  collection  de  Hollande  des  Affaires  étran- 
gères conserve  plusieurs  documents  cu- 
rieux sur  ce  passage  de  la  reine  mère  dans 
ce  pays.  Malheureusement  nous  avons 
connu  ces  documents  trop  lard  pour  les 
placer  dans  leur  ordre  chronologique;  ils 
pourraient  être  compris  dans  un  supplé- 
ment. (Hollande,  tome  20,  pièces  198, 199, 
200 ,  209,  etc.) 


164  LETTRES 

Qu'ayant  osté  longtemps  comme  elle  a  esté  avec  les  Espagnols,  et 
la  pluspart  de  ses  gens,  qui  sont  dangereux  espritz,  ayant  pris  des 
liaisons  particulières  avec  eux,  le  roy  ne  peut  pas,  avec  la  seurelé  de 
son  Estât,  la  recevoir  en  France,  ny  lavoir  en  certains  lieux  contraires 
aux  liaisons  d'Espagne,  sans  redouter  que  ces  malheureuses  gens,  qui 
ont  pris  quelque  pied  sur  son  esprit,  n'y  facent  quelques  trames  pré- 
judiciables au  bien  public.  M'  d'Estampes,  parlant  ainsy  à  tout  le 
monde ,  destrompera  beaucoup  de  gens ,  et  fera  voir  la  bonté  du  roy, 
qui  est  encores  tout  prest  de  donner  à  la  reyne  de  quoy  soustenir  sa 
dignité  à  Fleurance,  si  elle  y  veut  aller.  Le  dict  s''  d'Estampes  pourra 
se  laisser  entendre  des  diverses  entreprises  que  les  gens  de  la  reyne 
ontfaicles,  depuis  qu'elle  est  en  Flandres,  sur  diverses  places  de  cet 
Estât,  et  sur  la  vie  du  cardinal. 

Il  pourra  aussy  faire  sçavoir  comme  elle  n'a  peu  compatir  avec 
Monsieur. 

Qu'elle  a  voulu  encores,  depuis  peu,  embarquer  des  premiers 
princes  de  l'Estat  à  servir  les  Espagnolz  contre  la  France,  demandant 
à  ceux  à  qui  il  donnera  cognoissance  de  ce  que  dessus  si,  après  une 
telle  conduite,  le  roy  y  peut  prendre  confiance,  et  s'il  ne  faict  pas 
plus  qu'il  ne  doit  en  luy  offrant,  après  tant  d'oCfences  réitérées,  une 
pension  honorable,  proportionnée  à  sa  dignité,  en  son  pays  natal. 


Cil. 

Cabinet  de  M.  Feuillet  de  Conches.  —  Minute  autographe '. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  aSo.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

POUR  LE  ROY. 

[  i3  septembre  i  638.] 

Heucourt  a  esté  exéquuté  à  Amiens  ^.  Il  a  avoué  avoir  traicté  avec 

'  Au  dos  de  la  minute ,  Cherré  a  écrit  :  blement  celle  mise  au  net  qui  a  été  placée 

■  Au  roy,  du  1 3  septembre  1 638.  »  A  celte  sous  les  yeux  du  roi. 
date,  en   tête  de  la  mise  au  nel,  on   a  'De  Noyers  avait  écrit  le  i3  juin  au 

ajouté  :  «  De  Saint-Quenlin.  »  C'est  proba-  maréchal  de  La  Force  :  «  Le  roy  m'a  com- 


DU  CARDINAf-  DE  RICHELIEU. 


165 


le  cardinal  infant  pour  le  mettre  en  possession  de  celte  place.  Ce  misé- 
rable estoit  enragé  contre  la  France  et  contre  luy-mesme.  Il  est  mort 
repentant  de  cette  faute ,  mais  non  pas  de  son  hœrésie.  Il  a  faict  mine  de 
se  vouloir  convertir,  mais  enfin  il  a  finy  comme  il  a  vescu.  Cet  exemple 
fera  penser  les  traistres  en  leur  conscience.  Cependant  ayant  déclaré, 
comme  il  a  faict,  que  ce  n'esloit  pas  luy  qui  traictoit  pour  Dourlens, 
cette  entreprise  demeure  tousjours  sur  pied;  mais,  S'-Preuil  demeurant 
dans  la  place  avec  deux  compagnies  de  cavalerie  qui  y  sont,  et  Vostre 
Majesté  ayant  trouvé  bon  qu'on  y  envoyé  deux  compagnies  de  Suisses, 
ce  que  je  feray  exéquuter  après  le  Catelet^  je  ne  croy  pas  qu'il  soit 
possible  d'y  entreprendre,  principalement  faisant  faire  à  la  place  tout 
ce  qui  se  peut  imaginer  pour  la  mettre  en  seureté,  et  veiller^. 

Il  faut  veiller  plus  que  jamais  à  toutes  les  frontières.  J'escris  sur  ce 
sujet  à  M""  de  Cbavigny  pour  suivre  sur  toutes  choses  vos  volontés. 

J'espère  que  le  désordre  qui  est  cette  année  dans  vos  armées  y 
engendrera  de  l'ordre  l'année  qui  vient.  Les  François  ne  sont  pas  in- 
disciplinables;  pour  leur  faire  garder  une  règle  il  ne  faut  que  le 
vouloir  fortement,  mais  le  mal  est  que  jusques  icy  les  chefs  n'ont  pas 
esté  capables  de  la  fermeté  requise  en  telle  occasion;  et  les  faisant 
changer  en  ce  point  par  les  ordres  exprès  que  Vostre  Majesté  leur  en 
donnera,  sur  peine  de  sa  disgrâce,  tout  changera  avec  l'ayde  de  Dieu  ^. 

Le  Gué  S'®-Fleve  vient  de  mourir  de  la  blessure  qu'il  avoit  receue 
au  Castelet.  Je  ne  sçay  s'il  se  trouvera  personne  qui  veuille  et  puisse 
maintenir  son  régiment,  qui  estoil  desjà  en  assez  mauvais  estât. 


mandé  de  vous  escrire  qui'  voufoit  que 
vous  fissiez  arresler  adroitement  le  s' 
d'Heucourt,  beau-frère  de  M'  de  Feu- 
quière,  et  un  nommé  Bégas,  qui  est  avec 
luy...  Il  importe  de  ne  les  pas  faillir,  car 
ils  machinent  du  mal  contre  la  France 
et  des  trahisons  qui  infàment  noslre  na- 
tion, a  [Mém.  de  LaForce,  t.  Ill,  p.  445.) 

'  Dans  la  mise  au  net  de  Cherré  il  y  a  : 
«  après  la  prise  du  Castelet.  » 


'  Nous  conservons  le  texte  écrit  de  la 
main  de  Richelieu;  mais  il  a  été  rectifié 
dans  la  mise  au  net  de  Cherré;  ces  deux 
mots  «  et  veiller  »  ont  été  remplacés  par 
les  mots  Cl  en  vérité,»  qui  y  commencent 
le  paragraphe  suivant. 

'  L'autographe  finit  ici  ;  le  paragraphe 
qui  suit  a  été  ajouté  dans  la  mise  au  net 
de  Cherré. 


166  '  LETTRES 


cm. 

Bibl.  imp.  Suppl.  fr.  aoSô"'"',  fol.  8.  —  Minute  de  la  main  de  Richelieu. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  202.  — 

Original,  .sans  signature,  de  la  main  de  Clicrré. 

A   M.  DE  CHAVIGNI'. 

De  Saint-Quentin,  ce  i3°'  septembre. 

Les  ennemis  avoyent  envoyé  deux  régimens  dans  Avennes  qu'ils 
ont  rappelles,  à  ce  que  Paloque,  qui  est  dans  la  Capelle,  nous  vient 
d'avenir.  Il  nous  mande  aussy  que  Lambois,  qui  esloit  avec  le  car- 
dinal infant,  a  passé  pour  joindre  le  prince  Thomas.  Nous  jugeons 
par  là,  ou  qu'ils  craignent  les  forces  du  roy  lorsqu'elles  seront  désoc- 
cupées  du  Calelet,  ou  qu'ils  veulent  tenter  quelque  chose  contre 
elles,  estant  animés  de  la  bonne  fortune  qui  les  a  assistez  cette 
année. 

J'ai  averty^  aussy  tosl  M'  de  La  Force  de  renforcer  le  quartier  de 
Grèvecœur,  de  redoubler  ses  gardes  et  les  rendre  plus  vigilantes 
qu'elles  n'ont  esté  par  le  passé;  et,  s'il  juge  avoir  besoin  d'un  ren- 
fort de  cavallerie ,  j'ay  mandé  à  M''  du  Halier  qu'il  luy  envoyast  mil 
chevaux.  J'ay  mesme  prié  M' d'Angoulesme  d'aller  conférer  avec  le- 
dict  sieur  mareschal  de  ce  qui  se  peut  faire  contre  les  ennemis  et  ani- 
mer Arpajolet. 

Nous  commencerons  demain  à  faire  payer  la  monstre  à  la  cavallerie , 
ce  qui  ne  se  fera  pas  sans  peine,  y  ayant  tant  de  malades  qu'on  ne 

'  Cberré  a  écrit  au  dos  du  feuillet  le  '  Ici  on  lit  à  la  marge,  dans  l'original 

nom  et  la  date;  mais  celte  dépêche,  ainsi  des   Affaires    étrangères  :    "Depuis   cette 

que  plusieurs  autres,  n'était  adressée  à  lettre  escrite  j'ay  sceu  que  Lamboy  n'est 

Chavigni   que    pour   être   communiquée  point  venu,  qu'il  n'y  a  pas  pensé,  et  la 

au  roi  près  duquel  était  ce  secrétaire  d'é-  première  pen.séc  qu'a  eue  M'  de  La  Force , 

lat,  tandis  que  Richelieu  était  en  Picardie;  quand  il  a  eu  la  nouvelle  de  sa  venue,  a 

aussi  Chavigni  a-t-il  mis  à  la  marge,  au  esté  de  se  retirer  au  Castelet  avec  M'  du 

haut  de  la  dépêche  ;  •  Au  roy.  »  Hallier.  »  (fol.  aSa.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  167 

le  sauroit  croire;  la  seule  compagnie  du  fils  du  M'  de  Chastiilon,  qu'il 
n'y  a  que  trois  semaines  qui  est  arrivée,  a  5o  cavaliers  malades  de 
■yo  qu'elle  a.  Mais  partout  on  trouve  expédient  hors  my  à  la  mort. 

Nous  taschons  d'accommoder  cette  frontière,  et  j'espère  qu'elle  se 
sentira  du  voyage  du  roy.  J'attends  des  arrests  justes  dont  j'ay  escrit 
plusieurs  fois  à  M"  les  surintendans,  pour  fortiffier  les  cœurs  comme 
les  places. 

A  propos  des  frontières.  Sa  Majesté  saura,  s'il  luy  plaist,  que, 
Guise  ne  valant  rien  et  ne  pouvant  estre  accommodé  ,  la  Fère , 
Chaulny  et  Noyon  doivent  estre  mis  en  bon  estât,  et  entre  les  mains 
de  braves  gens.  Pour  cet  effect,  il  est  important  de  retirer  Chaulny  et 
Noyon  des  mains  du  grand  duc  de  Montbason;  il  donnera  ces  deux 
pièces,  qui  ne  luy  valent  aucun  revenu,  à  mon  advis,  pour  5  ou 
6  mil  escus,  et  en  sera  ravy  à  cause  que  son  fils  en  a  la  survivance. 
Je  supplie  le  roy,  pour  son  service,  de  faire  faire  cette  affaire  promp- 
tement,  s'il  luy  plaist.  Ma  pensée  est  ensuitte  qu'il  donne  ces  deux 
places  à  deux  braves  gens  qui  sachent  ce  que  c'est  que  de  se  bien 
deffendre;  et,  moyennant  cela  devant  le  printemps,  nous  y  ferons 
travailler  cet  hiver,  en  sorte  qu'au  printemps  on  ne  les  prendra  pas 
sans  mouffles;  ce  que  je  ne  vous  dis  point  sans  cause,  apprenant  que 
les  ennemis  veulent  mettre,  le  plustost  qu'ils  pourront,  leurs  trouppes 
en  garnison  cette  année,  pour  nous  attaquer  et  chastier  au  prin- 
temps; ce  qu'ils  ne  peuvent  aysémenl  entreprendre  que  par  cette 
teste. 

Sa  Majesté  pourvoyant  Bellefonds  par  le  Castelet,  qu'il  désire,  ma 
pensée  seroit  qu'elle  donnast  Chaulny  à  Vahnont,  qui  se  faict  fort 
estimer  dans  l'année  et  qui  sçait  bien  remuer  la  terre. 

Pour  Noyon,  il  faudra  trouver  un  homme  qui  aille  de  cet  air, 
mais  je  n'en  cognois  point ,  Sa  Majesté  s'avisera  peut  estre  de  quel- 
qu'un. 

Je  faicts  estât  de  passer  par  tous  ces  lieux  ',  estant  aussy  animé  à 

'  Dans  l'original  des  affaires  étrangères  on  lil  ù  la  marge,  «  Je  n'y  passeray  point,  »  de 
la  main  de  Cherré. 


168  LETTRES 

faire  que  le  desmcnty  demeure  l'année  qui  vient  à  nos  ennemis, 
qu'eux  à  casligar  estas  vcUacos  de  Franceses. 

Je  vous  prie,  ne  perdons  point  de  temps  à  tout  ce  qui  se  peut  faire. 

Je  crains  que  nostre  infanterie  ne  soit  pas  si  bonne  l'année  qui 
vient  qu'il  seroit  à  désirer.  Sa  Majesté  songera,  s'il  luy  plaist,  aux 
inventions  qu'elle  estimera  plus  propres  pour  remédier  à  ce  deflaut. 

Après  avoir  veu  soigneusement  la  despcsche  du  mareschal  des  Très  ', 
je  ne  sache  rien  à  faire  que  de  remettre  toute  cette  négociation  qu'il 
a  commencée  entre  le  pape  et  ses  deux  neveux  touchant  la  protec- 
tion, la  préconlsation  présente  des  éveschés,  la  déclaration  du  card. 
Antoine  pour  les  armes  du  roy  sur  sa  porte,  à  ce  qu'il  estimera  plus 
à  propos.  Estant  sur  les  lieux,  comme  il  est,  il  peut  en  demeurant 
ferme  ou  s'avanceant  profiter  de  certains  instans  qu'on  ne  sauroit 
sexdement  prévoir  de  loin*. 

Bien  voudrois-je  luy  recommander  d'agir  tousjours  avec  force ,  di- 
gnité et  courage  et,  particulièrement  pour  l'affaire  de  M'  Mazarin  ^. 
Si  le  card.  Barbarin  empesche  que  Sa  Sainteté  ne  prenne  l'un  des 
expédiens  proposés  par  ledict  mareschal ,  lesquels  sont  spécifiiez  dans 
sa  lettre,  je  penserois  qu'il  faudroit  qu'il  dist  fermement  au  pape, 
qu'il  ose  luy  dire  comme  de  luy  mesme  que,  le  roy  sachant  que  rien 
n'empesche  Sa  Sainteté  de  luy  donner  le  contantement  qu'il  désire 
en  la  nonciature  de  Mazarin  que  les  Espagnols,  Sa  Majesté,  à  son  avis, 
n'en  recevra  point  d'autre,  ains  s'en  passera  jusques  à  ce  qu'il  ait 
pieu  à  Dieu  luy  donner  d'autres  inspirations  que  celles  que  le  card. 
Barbarin  reçoit  de  ce  costé  là. 

Je  ne  croy  pas  qu'il  y  ait  aucun  péril  à  parler  aynsi,  tant  parce 
que  le  mareschal  dira  tousjours  qu'il  parle  de  luy  mesme ,  quoy  qu'il 


'  Le  cardinal  écrit  toujours  ainsi  ce  nom,  la  nonciature,  et  bientôt  le  cardinalat.  Les 

Cherré  a  mis  «  d'Estrée  »  dans  l'original.  tomes  de  Rome ,  aux  archives  des  Affaires 

'  A  côté  des  dernières  lignes  de  ce  pa-  étrangères,  renferment  sur  celte  prorao- 

ragraphe  le  cardinal  a  mis  :  «  Savoir  si  j'ay  lion,  qui  fut  longlemps  sollicitée ,  quelques 

escrit  à  Mazarin.  »  lettres  de  Richelieu,  et  beaucoup  de  Clia- 

'  On  demanda  pour   Mazarin  d'abord  vigni,  de  i638  à   i6/io. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


169 


doive  laisser  croire  que  la  résolution  du  roy  est  telle  qu'il  dira,  que 
parce  que  apparemment  Sa  Sainteté  ne  voudra  jamais  rompre  avec  le 
roy,  que  parce  enfin  que  je  ne  voy  pas  d'inconvénient  à  attendre  un 
autre  pontifficat  sans  un  nouveau  nunce. 

Nous  agissons  avec  des  gens  foibles,  mais  nostre  mal  [est]  que  j'ay 
peur  qu'ils  nous  pensent  aussy  peu  résoluz  qu'eux. 

Quant  à  ce  que  le  mareschal  mande  qu'il  a  ouy  dire  que  les  Es- 
pagnolz  solicitent  le  pape  d'avancer  la  négotiation  de  la  paix ,  je  faicts 
peu  d'estat  de  tels  bruicts,  veu  que  nous  savons  mieux  leurs  pensées 
par  autre  voye,  et  que,  sachant  ce  qu'ils  savent,  ils  savent  bien  qu'il 
est  en  leur  main  de  la  faire  en  im  mois,  pourveu  qu'ils  ne  la  veillent 
que  raisonnable;  et,  quelques  désirs  qu'ils  ayent  de  voir  finir  la  guerre 
à  leur  mode,  cela  est  inutile  à  l'establissement  d'un  bon  repos,  S.  M. 
n'estant  point  capable  de  consentir  à  aucunes  conditions  injustes 
pour  estre  préjudiciables  à  son  honneur  et  à  l'intérest  de  ses  alliez. 

*  Les  parens  de  Heucourt,  Arnaud '^  sa  femme,  et  principalement 
madame  de  Chaunes,  demandent  qu'il  plaise  au  roy  conserver  le  bien 
à  ses  enfans'.  Si  les  chicanes  n'absorbent  tout  le  bien  d'un  condamné , 
comme  il  a  paru  par  l'exemple  de  M'  de  Saucourt,  nous  serions 
d'avis  d'affecter  tout  à  un  hospital  eslabli  en  cette  frontière  pour  les 
malades  des  armées;  mais  j'estime  qu'il  vaut  mieux  se  contenter  d'y 
aifecter  seulement  une  terre  de  quatre  mil  ♦*,  et  donner  tout  le  reste 


'  Dans  la  minute  conservée  à  la  Biblio- 
thèque impériale,  le  cardinal  a  laissé  ici 
la  plume  à  Cherré. 

'  Arnauld  d'Andilly  était  son  parent 
par  alliance;  le  5  septembre  il  écrivait  à 
Cbavigni  pour  lui  demander  ses  bons  of- 
fices en  faveur  de  l'accusé  :  «L'affaire  de 
M.  de  Hucourt,  disait-il,  est  en  mauvais 
termes.  .  .  sa  femme  est  ma  cousine.  .  . 
je   vous    supplie    d'obliger  cette    pauvre 

femme  et  ses  enfans »  (Ms.  des  Afî. 

étr.  cité  aux  sources,  P  igB.)  Lorsque  Ar- 
nauld  d'Andilly  écrivait   cette  lettre,   il 

CARDIN.  DE  HICHBtlEC.  — VI. 


devait  conserver  peu  d'espoir  pour  son 
parent.  De  Noyers  avait  mandé  à  Chavigni 
le  U  septembre,  de  Saint  Quentin,  où  il 
était  auprès  du  cardinal  :  «  Heucourt  a 
tout  confessé,  les  commissaires  n'attendent 
plus  que  la  commission  que  ce  courrier  va 
clierclier  pour  le  juger.  »  (Même  ms.  f°  1 86.) 
'  Après  l'exécution  de  Heucourt,  M.  de 
Feuquières,  marié  à  une  demoiselle  Ar 
nauld,  et  qui  était  ainsi  beau-frère  d'Heu- 
court ,  demanda  la  confiscation  des  biens 
du  condamné;  c'était  un  autre  moyen  de 
les  conserver  aux  enfants. 


170  LETTRES 

aux  enfans.  S'il  plaist  au  roy  d'en  user  ainsy,  on  vous  envoyera  un 
mémoire  pour  dresser  le  brevet. 


CIV. 

Arcli.  de  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  i"  partie,  i638,  p.  78,  pièce  i3Zi.  —  Original. 

[A  M.  L'ARCHEVÊQUE  DE  BORDEAUX'.] 

1 4  septembre  1 638. 

Monsieur,  Je  suis  ravi  qu'on  vous  a  donné  une  attaque;  je  voudrois 
qu'on  l'eust  faict  plus  tost'^  J'avoue  que  je  vois  bien  de  la  honte,  mais 
d'autant  plus  de  gloire  pour  vous.  11  faut  prendre  Fontarabie  à  quel- 
que prix  que  ce  soit,  tant  pour  l'avantage  du  service  du  roy  que  pour 
confondre  ceux  qui  s'y  sont  mal  conduits.  Surmontés-vous ,  je  vous 
suplie;  si  j'estois  aussy  robuste  que  le  coun-ier  que  je  vous  envoie, 
je  serois,  en  sa  place,  porteur  de  ma  propre  dépesche. 

J'escris  à  mon  oncle  pour  euvoiyer  la  moitié  des  poudres  qui  sont 
à  Brouage;  s'il  en  faut  davantage,  on  donnera  tout. 

Le  marquis  vostre  frère  m'ayant  dicl  que  l'abbé  de  S''^-Croix  de 
Bordeaux  estoit  fort  malade,  et  que  cette  abbaye  vous  accommoderoit 
fort ,  je  l'ay  demandée  au  roy  pour  vous ,  qui  vous  l'accorde  de  bon  cœur. 

M'  le  Prince  escrit  des  merveilles  de  vous,  et  si  Fontarabie  se 
prend,  comme  je  le  tiens  pour  asseuré,  vous  serés  en  plus  grande 
l'éputation  que  l'archevesque  Turpin. 

Je  ne  vous  répète  point  la  liberté  que  vous  avés  de  mettre  vos  vais- 
seaux en  seureté,  selon  et  quand  vous  l'estimerés  à  propos,  parce 
que,  outre  que  Foucaut  vous  en  a  porté  un  ordre  exprès,  la  raison 
et  la  lumière  naturelle  enseignent  à  un  chacun  à  ne  se  perdre  pas 
de  gaieté  de  cœur.  Si  le  siège  dure  encores,vous  pouvés  envoyer  vos 

'  Celte  lettre,  sans  suscription,  est  la  donne  de  grands  éloges  à  M.  le  Prince, 

réponse  à  une  mi.ssive  de  l'archevêque  de  (l'ag-  69  du  ms.  des  Archives.) 
Bordeaux,  en  date  du  7  septembre,  par  "  M.  le  Prince  avait  ôté  cette  attaque  au 

laquelle  il  rend  compte  du  siège  de  Fon-  duc  de  La  Valette  pour  la  donner  à  l'arche- 

tarabie,  accuse  le  duc  de  La  Valette  et  vcque  de  Bordeaux.  (Ci-après,  p.  175.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  171 

vaisseaux  où  bon  vous  semblera,  et  demeurer  au  siège  avec  vostre  in- 
fanterie, car,  i«  ognimodo,  il  faut  prendre  la  place,  et  la  saison  est 
bien  avancée  pour  entreprendre  quelque  chose  cette  année  par  mer. 
Tout  est  remis  à  vostre  discrétion;  ce  pendant  je  demeure, 
Monsieur, 

Votre  très  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Ciird.  DE  RICHELIEU. 
De  S'-Quentin,  lA  septembre  i638. 


CV. 
,\rcli.  de  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  i"  partie,  p.  i65,  pièce  io4-  —  Original. 

SUSCHIPTION: 

A  M.  LE  PRI.XCE', 

i4  septembre  i638. 

Monsieur,  quelques 

difficultés  et  traverses  qu'on  vous  puisse  donner,  je  ne  sçaurois 
croire  que  Fontarabie  ne  soit  maintenant  entre  vos  mains.  Je  ne  sçau- 
rois vous  dire  le  desplaisir  que  j'ay  de  voir  que  M'  de  La  Valette  ne 
vous  contente  pas,  et  marche  de  la  façon  qu'il  vous  plaist  me  mander. 
Le  roy  m'a  faict  l'Iionneur  de  m'escrire  qu'il  avoil  envoyé  un  com- 
mandement à  M'  d'Espernon  de  revenir  à  Plassac,  ses  déportemens 
luy  déplaisent,  et  je  ne  sais  ce  qu'il  prétend  par  un  tel  procédé.  Pour 
mon  particulier  je  n'ay  rien  à  dire  là-dessus,  sinon  que,  comme  je 
porteray  tousjours  mes  amis  dans  le  service  du  roy,  je  ne  cognois 
personne  quand  on  sort  des  bornes  de  ce  qu'on  doit  à  l'Estat. 

Je  l'envoie  ce  courrier  en  diligence  pour  vous  porter  une  lettre  en 
vertu  de  laquelle  vous  aurés  la  moitié  de  toutes  les  poudres  qui  sont 
à  Brouage  et  à  la  Rochelle;  on  fera  partir  vostre  monstre  dans 
3  jours;  M'  de  Noyers  et  moy  avons  faict  acquitter  toutes  les  lettres 
de  change  que  M' l'évesque  d'Aire  a  tirées  sur  luy  pour  des  blés. 

'  Cherrc  a  écrit  au  liaul  de  cette  pièce  :        courrier  de  la  moitié  du  che- 

•  Cetic  lettre  n'a  pas  esté  rendue,  et  le         min.  •  (Leblanc  existe  sur  le  manuscrit.) 


172  LETTRES 

Enfin  rien  ne  vous  manquera  de  ce  qui  deppendra  de  deçà,  car,  à 
quelque  prix  que  ce  soit,  il  faut  prendre  Fontarabie. 

On  envoiera  par  le  premier  courrier  les  provisions  du  gouverne- 
ment de  Fontarabie  pour  M"  d'Espenan.  Je  ne  doute  point  que  son 
régiment  et  celuy  de  Sérignan  n'asseurent  bien  la  place.  Ne  vous 
désolés  point  pour  toutes  les  traverses  qu'on  vous  donne,  et  vous 
asseurés  que  je  suis  et  seray  à  jamais, 

Monsieur, 

Vostre  bien  bumble  et  1res  airectioiiné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

De  S'-Quentin,  ilx  septembre. 

On  fera  grande  provision  de  poudre  pour  l'année  qui  vient. 

On  vous  envoie  encore  une  lettre  pour  M'  d'Espernon  pour  vous 
laire  donner  les  deux  tiers  des  poudres  qui  sont  dans  le  chasteau 
Trompette  au  cas  que  vous  en  ayés  besoin, 

Et  une  autre  à  M'  de  S'  Simon  pour  celles  qui  sont  à  Blaye. 


CVL 

Arcb.  de  l'Empire,  K  i3^,  Guyenne,  i"  partie,  p.  167,  pièce  106.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

.4  M.  LE  PRINCE'. 

1/4  septembre  i638. 

Monsieur,  Depuis 

cette  dépesche  faicte  le  Castelet  a  esté  pris  de  force;  ceux  qui  estoient 
dedans,  ayant  voulu  au  prorata  tenir  autant  que  ceux  qui  sont  dans 
Fontarabie,  ont  trouvé  des  gens  qui  n'ont  pas  eu  assez  de  ilegme 
pour  attendre  qu'ils  se  voulussent  rendre,  ains  ayant  faict  jouer  une 

'  Comme  à  la  pièce  précédente,  Cherré  \U  septembre  n'est,  en  réalité,  malgré  la 
a  mis  au  haut  de  celle-ci  :  «Cette lettre  n'a  double  suscription ,  qu'un  post-scriptum 
pas  esté  rendue.  »  Cette  seconde  lettre  du        de  la  première. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  173 

mine  qui  a  faict  brèche  raisonnable,  ils  ont  esté  emportés  de  vive 
force,  quoyque  quelques  uns  l'eussent  peu  trouver  de  difficile  accès. 
Je  ne  doute  pas  qu'à  l'heure  que  cette  dépesche  part,  Fontarabie  ne 
soit  rendu,  ou  que  vous  n'en  ayés  faict  faire  autant.  Pour  le  moins, 
.sçay-je  bien ,  Monsieur,  que ,  si  vos  souhaits  et  vos  vœux  ont  esté  suivis , 
la  chose  se  sera  passée  ainsy  que  je  le  présage,  et  je  sçais  de  plus 
que  vous  avés  trop  d'autorité  pour  ne  vous  faire  pas  obéir  en  affaires 
sy  importantes  à  l'Estat,  et  auxquelles  vous  savés  bien  que  vous  serés 
puissamment  soutenu  de  la  cour.  Je  m'offre  de  bon  cœur  à  estre  vostre 
second  en  toutes  occasions,  et  particulièrement  en  celle-cy;  vous  le 
croirés,  s'il  vous  plaist,  et  que  je  suis, 

Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  très  aOectionnc  serviteur. 
Le  Card.  DE  RICHELIEU. 

De  Saint-Quentin ,  i  4  septembre. 


CVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  a6i.  — 
Original  de  la  main  de  de  Noyers. 

A  M.  DE  BULLION'. 

De  Saint-Quentin ,  ce  1 4*  septembre  i638. 

Je  renvoie  à  M' de  Bullion  les  arrestz  que  je  désire  pour  S'-Quen- 
tin,  tels  qu'il  les  fault,  n'y  ayant  plus  rien  que  cela  qui  m'arresle  icy. 
Je  le  prie  de  me  les  renvoyer  en  diligence.  Je  ne  responds  point  am- 
plement à  sa  lettre,  mais  je  l'asseure  que  je  suis  à  luy  in  omnibus  et 
per  omnia. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Venant  de  recevoir  une  lettre  de  M'  le  Prince  qui  m'oblige,  pour 
les  affaires  du  roy,  à  envoler  le  s'  Lopès  à  Danzik,  je  ne  le  puis  faire 
'  Cherré  a  écrit  ce  nom  au  dos  de  cet  original,  où  il  n'y  avait  point  de  suscription. 


174  LETTRES 

si  vous  ne  le  tirés  d'affaires,  ne  pouvant  avoir  crédit  nulle  part  tandis 
qu'il  demeure  obéré  à  Paris.  Cest'  affaire  est  de  très-grande  impor- 
tance; je  vous  prie  de  n'y  perdre  pas  un  moment.  Outre  que  vous  le 
tirerés  d'affaire',  il  fault  encore  une  lettre  de  i  i  cents  mil  **  pour  la- 
quelle je  consens  que  vous  mettiés  entre  les  mains  du  banquier  qui 
donnera  la  lettre  de  change  toute  ma  vaisselle  d'argent,  qui  vaut  da- 
vantaige,  si  vous  ne  le  pouvez  faire  autrement. 

J'escripls  un  billet  à  Des  Roches  pour  vous  la  faire  bailler.  Ne 
faictes  point  de  difficulté  d'en  user,  car  pour  le  service  du  roy  rien 
n'est  cher,  et  les  affaires  nous  pressent. 

-  M'  de  Noyers  escript  pour  la  monstre  de  M' le  Prince,  dont  véri- 
tablement il  a  tellement  besoing  que  je  ne  pense  pas  qu'il  faille  perdre 
im  moment  pour  y  satisfaire. 


Je  fais  ce  billet  à  Des  Roches  pour  luy  dire  que  si  M'  de  Bullion 
a  affaire  de  toute  ma  vaisselle  d'argent,  blanche  et  dorée,  pour  une 
affaire  dont  je  luy  escripls,  il  la  face  porter  où  il  luy  dira  sans  délaya. 


CVIII. 
Arcli.  des  A£f.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  263.  —  Minute. 

AU   ROY\ 

Du  1^  septembre  i63b. 

J'ay  diféré  ce  courrier  depuis  hier  au  soir  pour  pouvoir  mander  à 
S.  M.  l'effect  de  la  mine  du  Castelet;  ou  me  vient  de  mander  pré- 
sentement qu'elle  a  faict  ^ 

'  Le  billet  que  Richelieu  écrit  à  ce  su-  Noyers,  comme  la  lettre  à  Bullion,  f*  261 

jet  à  Lopès  est  noté  aux  Analyses.  v°  du  même  manuscrit. 

'   Nous  plaçons  à  la  fin  de  la  lettre  ce  '  Cherré  a  mis  au  dos  de  la  minute  ces 

paragraphe,  qui  se  trouve  ici  en  marge  deux  mots  et  la  date, 
sans  renvoi.             '  *  La  phrase  n'est  pas  achevée  ;  le  secré- 

'  Ce  billet  est  écrit  de  la  main  de  de  taire  a  laissé  ici  deux  lignes  de  blanc. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  175 

M''  le  Prince  a  dépesché  un  homme  du  marquis  de  La  Force,  du 
7'  du  mois.  Il  a  esté  contrainl  de  donner  à  M'  de  Bordeaux  l'ataquo 
qu'avoit  M'  de  La  Valette ,  dont  il  se  plaint  fort ,  tant  parce  qu'après 
que  sa  mine  eut  faict  un  grand  effect  il  n'y  fit  point  de  logement , 
quoyque  les  ennemis  s'en  fussent  retirés,  croyans  ne  pouvoir  delfendre 
ce  poste,  que  pour  plusieurs  autres  raisons  qu'il  n'explique  pas.  Il 
ne  se  loue  pas  aussy  de  M'  de  S'-Simon,  qu'il  représente  peu  eschaufé; 
il  dict  que  M'  de  La  Valette  est  tout  changé  depuis  que  M"'  d'Esper- 
non  est  retourné  en  Guienne. 

Je  suis  estonné  et  outré  du  procéder  de  ces  messieurs.  V.  M.  a 
tousjours  cogneu  ma  passion  à  son  service,  si  aveugle  qu'elle  ne 
cognoist  que  sa  personne;  elle  le  verra  de  plus  en  plus,  me  remet- 
tant à  l'entretenir  de  toutes  ses  affaires  lorsque  j'auray  l'honneur 
d'estre  auprès  d'elle.  Je  croy  cependant  qu'outre  la  dépesché  que  Sa 
Majesté  luy  a  faict  faire',  elle  doibt  envoier  un  gentilhomme  des 
siens  le  faire  partir  de  Bordeaux  ou  de  Cadillac,  où  il  est,  et  retourner 
à  Plassac;  luy  tesmoignant  ouvertement  le  mescontentement  que  vous 
avés  de  son  procéder,  et  luy  faisant  cognoistre,  quelque  excuse  qu'il 
veuille  prendre  pour  demeurer,  que  V.  M.  veut  estre  obéie. 


GIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  loi.  266.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHA VIGNY, 

SXCnÉTAIRE  D'UTtT. 

De  Saint-Quentin ,  ce  i5  septembre  i638. 

Je  suis  infiniment  aise  que  mon  Limasson'-'  ayt  tesmoigné  qu'il  a 
plus  de  cœur  que  d'économie  pour  ses  affaires. 

'  Le  nom  de  M.  d'Épemon  est  omis  *  Son  neveu  Du  Pont  de  Courlay.  On 

ici;  il  y  a  quelque  embarras  dans  ces  lignes,        a  vu  comme  ses  affaires   étaient  en   dé- 
qui  sont  écrites  en  marge.  sordre. 


176  LETTRES 

Les  victoires  du  roy  me  ravissent,  ce  m'est  un  contentement  ex- 
tresme  de  voir  que  ce  qui  est  particulièrement  sous  ma  charge  face 
son  devoir. 

Si  la  mer  est  plus  heureuse  cette  année  que  la  terre,  je  l'attribue 
à  la  venue  de  M' le  Dauphin ,  qui  a  porté  bénédiction  à  l'élément  où 
les  dauphins  ont  leur  règne. 

Réjouissés-vous  avec  ma  niepce;  la  gallère  du  général  a  pris  une 
gallère  ; 

Et  les  deux  miennes  chacune  une.  Je  ne  sçaurois  vous  dire  le  des- 
plaisir que  j'ay  de  la  mort  du  chevalier  Des  Roches,  qui  est  mort  vic- 
torieux de  la  Patronne  d'Espagne.  Ma  niepce  aura  soin  de  faire  dire 
cette  nouvelle  à  madame  Des  Roches  et  de  la  consoller. 

'  Je  vous  prie  de  mander  à  Renaudot  qu'il  n'imprime  rien  de  cette 
action  jusques  à  ce  que  je  luy  envoyé  la  relation.  J'en  ay  veu  une  qui 
n'est  pas  bien ,  en  ce  qu'elle  blesse  tous  les  capitaines  de  nos  gal- 
1ères  ^. 


'  Ceci  est  écrit  de  la  main  de  Cherré 
sur  un  petit  carré  de  papier  coté  267,  et 
joint  à  la  lettre  du  cardinal. 

'  Richelieu  la  fit  corriger  et  l'envoya  le 
17a  Chavigni  (voy.  p.  180  ci-après).  Elle 
se  trouve  dans  la  Gazette  du  20,  avec  ce 
titre  :  t  Le  furieux  combat  des  galères  de 
Fiance  et  d'Espagne,  arrivé  près  de  Gê- 
nes. »  Le  g'énéral  n'y  est  point  oublié  :  «  11 
amis,  dit  la  Gazette,  la  réputation  de  son 
courage  à  un  si  haut  point  qu'il  a  tesmoi- 
gné  par  là  rien  ne  luy  estre  impossible,  ni 
aucun  péril  considérable,  lorsqu'il  s'agit  de 
servir  le  roy.»  (Pag.  537.)  Et,  le  a4,  la 
Gazette  publiait ,  dans  un  extraordinaire , 
une  seconde  relation,  où  on  lit  que  «la 
mer  a  paru  tout  autour,  pendant  quelques 
heures,  rouge  du  sang  des  corps  meurtris 
et  précipités  dans  ce  vaste  élément.  »  On 


y  nomme  plusieurs  officiers  qui  «  y  firent 
des  faits  d'armes  incroyables ,  »  on  y  cé- 
lèbre «  la  constance  au  milieu  des  périls , 
le  courage  dont  le  marquis  Du  Pont  de 
Courlé. . .  usa  pendant  ce  rude  et  périlleux 
combat;  se  faisant  avouer  par  amis  et  en- 
nemis digne  de  toucher  de  consanguinité 
au  premier  des  ministres  de  la  France.  » 
(P.  55o.)  Richelieu  a  voulu  consigner, 
dans  cette  relation,  ce  fait,  qui  peut  servir 
à  l'histoire  de  la  justice  du  temps,  que, 
deux  forçats  ayant  été  mis  en  liberté  pour 
prix  de  leur  héroïque  courage ,  «  on  a  razé , 
et  mis  à  la  chaisne ,  en  leur  place ,  quelques 
officiers  qui ,  n'ayans  pas  fait  leur  devoir, 
empeschèrenl  que  la  victoire  ne  fust  aquise 
avec  moins  de  perle  de  nostre  costé.  » 
(Pag.  55 1.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  177 


ex. 

Arcl).  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  277.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  Ror.] 

De  Saint-Quenlin,  ce  17*  septembre  i638. 

Le  Castelet^  s'est  trouvé  rneilleur  qu'on  ne  pensoil;  les  Espagnoiz 
l'avoient  bienaccomodé,  et  asseurément,  y  ayant  un  bon  et  brave  gou- 
verneur, et  estant  remis  en  Testât  auquel  on  le  remettra,  ce  sera  une 
place  qui  tiendra  lin  mois.  J'adjouste  six  sepmaines  par  l'avis  de 
M'  du  Hallier^.  Elle  est  fort  deslabrée,  mais  elle  se  peut  remettre 
en  bon  estât. 

M'"du  Hallier  a*fort  bien  servy  en  cette  occasion  là,  et  je  ne  doute 
pas  qu'il  ne  face  de  mesme  aux  autres  qui  se  présenteront.  Il  s'est 
trouvé  plus  de  gens  tuez  à  la  prise  de  la  place  qu'on  ne  pensoit.  Le 
nombre  va  jusques  à  cinq  cens. 

Le  gouverneur  est  prisonnier  en  cette  ville.  Il  est  accompagné  de 
celuy  qui  devoit  commander  après  luy,  le  sergent  major  de  la  place, 
qui  est  Espagnol,  un  autre  sergent  major  des  Wallons.  Il  y  a  encore 
six  ou  sept  cappitaines  wallons  et  autant  d'alfiers*.  Nous  les  faisons 
ramasser  soigneusement  pour  les  eschanger  avec  ceux  que  les  enne- 
mis tiennent. 

Colas,  qui  a  le  régiment  de  Rampsau,  a  pris  cent  soixante  Ale- 
niands  en  son  régiment  qui  ont  faicl  serment. 

Voy.  ci-dessus  p.  100,  note  a.  •    choses,  et  pique  tellement  un  cliacun  de 

On   dut  en   partie  à   Richelieu   lui-  ce  qu'il  doibt  au  service  du  roy,  qu'il  n'y 

même  la  prise  de  cette  place,  si  l'on  en  a  pas  un  homme  d'honneur  dans  les  ar- 

croit  ce  passage  d'ufte  lettre  de  de  Noyers  mées  qui  ne  se  jettast  dans  un  feu  pour 

àChavigni,du  1 5  septembre  :  «Je  ne  pus  lesmoigner  au  roy  son    zèle  et  sa  fidé- 

hier  vous  escrire  estant  avec  S.  Em.  lors-  lilé...  ».(IVIs.  cité  aux  sources,  (°  27a.) 

qu'elle"  manda  au  roy  la  prise   du  Caste-  '  Cette   petite    phrase   est  écrite    à   la 

let.  Sa  présence  l'a  en  vérité  faict  prendre  marge, 

d'assault,  car  il  veille  tellement  sur  toutes  '  Enseignes,  mot  italien  :  aljieri. 

CARDIN.  DE  RICUELIED.  —  Tl.  .  l'S 


178  LETTRES 

Valmont  a  pris  aussy  environ  soixante  Liégeois  nalurelz  du  pays. 

Comme  il  est  impossible  d'empescher  le  pillage  aux  soldats,  ilz 
niixent  le  feu  dans  des  huttes  qui  esloient  couvertes  de  paille;  mais  le 
dommage  n'a  pas  esté  grand. 

On  commence  aujourd'huy  à  faire  la  monstre  de  l'armée  de  M"  le 
mareschal  de  La  Force;  dans  un  jour  ou  deux  celle  de  M'  du  Hallier 
sera  en  mesmc  estât. 

Dans  six  ou  sept  jours  la  place  sera  raccommodée  comme  on  la 
peut  mettre  cet  hiver. 

M.  de  INoyers  vient  de  recevoir  une  lettre  de  M'  de  Champigny, 
qui  est  en  Provence,  qui  mande  que  le  combat  des  gallères  a  esté  en- 
cores  plus  grand  que  le  s'  baron  de  Saint-Jusl  ne  l'a  rapporté.  Il  escril 
que  les  gallères  des  ennemis  qui  sont  retournées  à  Gènes  sont  des 
corps  sans  âmes,  tous  les  hommes  qui  estoient «dessus  estant  tous 
perduz. 

M'  de  La  Valette  vient  d'envoyer  iey  son  cscuyer  pour  me  faire 
cognoistre  le  desplaisir  qu'il  a  de  l'ordre  que  M' le  Prince  luy  a  donné 
de  quitter  son  attaque  et  d'aller  faire  teste  aux  ennemis ,  après  avoir 
réduit  Fontarabie  aux  abois,  représentant  que  M''  de  Bordeaux  ne  le 
prendra  pas  par  d'autres  moyens  que  ceux  qu'il  a  proposez  et  qui 
sont  selon  l'ordre  de  la  guerre.  Qu'il  luy  seroil  insupportable  qu'un 
autre  aille  recueillir  le  fruict  de  ses  labeurs  et  de  ses  soins,  s'il  ne 
préféroil  l'avancement  du  service  du  roy  à  toutes  autres  considéra- 
tions. Ces  messieurs  sont  admirables  en  beaux  discours,  et  sy  peu 
effectifs  en  leurs  opérations,  que  j'en  ay  houle.  Il  fera  bon  ouïr 
cet  hiver  M'  le  Prince  sur  ceux  qui  ont  bien  ou  mal  faict. 

Pourveu  que  Fontarabie  se  prenne,  comme  je  n'en  doute  point,, 
il  sera  bien  aisé  de  mettre  ordre  aux  affaires  pour  l'avenir. 

M"^  du  Hallier  a  esté  d'avis  de  mettre  Rambure  dans  le  Castelet, 
en  attendant  que  Bellefonds  soit  de  retour.  Il  plaira  à  Vostre  Majesté 
faire  envoler  les  provisions  du  dict  s'  de  Bellefonds. 

On  est  bien  empesché  de  trouver  un  lieu  où  les  armées  de  Vostre 
Majesté   puissent  sidjsister   dans  le  pays   ennemi  jusques  au  temps 


DU"  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  179 

qu'ii  les  faudra  mettre  en  garnison.  Dans  trois  ou  quatre  jours  j'en- 
voyeray  à  Vostre  Majesté  ce  qui  se  pourra  faire  sur  ce  sujet. 

Je  viens  d'aprendre  comme  Vostre  Majesté  est  entièrement  guérie 
de  sa  fiebvre,  dont  je  loue  Dieu  de  tout  mon  cœur,  avouant  que  cette 
indisposition  medonnoit  plus  de  peine  que  je  ne  sçaurois  représenter. 

M""  de  La  Force  me  vient  de  mander  que  l'armée  des  ennemis  est 
descampée  dès  le  point  du  jour.  M'  d'Arpajon  escrit  qu'il  estoit  d'avis 
qu'on  la  suivist,  mais  M'  de  La  Force  ne  l'a  pas  estimé  à  propos. 
Vostre  Majesté  ne  doit  rien  espérer  de  ce  costé-là. 

11  est  cerlam  que  les  ennemis  n'ont  pas  plus  de  trois  mil  cinq  cens 
chevaux,  et  huict  à  neuf  mil  liommes  de  pied. 

La  response  que  m'a  faicte  M'  le  prince  Thomas,  sur  ce  que  je  luy 
avois  escrit  touchant  le  quartier  des-régimens  d'Espagny  et  de  Fou- 
quesoJles,  est  qu'ilz  veulent  avoir  huict  hvres  pour  chacun  soldat  et 
dix  solz  par  jour  pour  leur  nourriture;  ce  qui  monte  à  soixante  et 
quinze  mil  livres  pour  douze  cens  hommes  qu'ilz  disent  avoir.  Je  luy 
ay  respondu  qu'il  n'y  avoit  point  d'aparence  de  faire  payer  la  nourri- 
ture des  soldats  qu'on  retenoit  par  force  après  avoir  offert  leur  quar- 
tier depuis  un  long  temps,  et  auxquelz  on  né  donnoit  qu'un  simple 
pain  de  munition.  Je  l'ay  prié  de  me  faire  une  dernière  response, 
après  laquelle  Vostre  Majesté  ordonnera  à  ses  généraux,  tant  de 
terre  que  de  mer,  ce  qu'ilz  auront  à  faire  ensuitte  du  procédé  qui 
sera  gardé  de  leur  costé. 


CXI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France  ,  i638,  d'août  en  décembre,  loi.  281.  — 
Original,  sans  signature ,  de  la  main  deCberré  et  de  la  main  du  cardinal. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI'.l 

De  Saint-Quentin ,  ce  1 7  septembre. 

Monsieur  de  Noyers  ayant  la  charge  de  la  guerre  et  moy  celle  de 
'  Voy.  la  note  de  la  page  112,  ci-dessus. 

23. 


180  LETTRES 

la  mer,  les  courriers  qui  viennent  des  armées  s'adressent  à  l'un  ou  à 
l'autre,  et  ainsy  quelques-uns  passent  par  Paris  sans  dire  ce  qu'ils 
apportent,  ce  qui  retarde  qu'on  le  puisse  sçavoir  à  la  cour  qu'un  jour 
ou  deux  après  leur  passage.  Pour  y  donner  ordre,  il  faut  dire  à 
M'  de  Nouveau  qu'il  ne  laisse  point  passer  de  courrier  par  Paris  qu'il 
n'aille  premièrement  rendre  compte  de  son  voiage  au  roy,  quand  il 
y  a  de  bonnes  nouvelles.  Vous  prendrés  garde,  s'il  vous  plaist,  que 
Houdinière,  ou  autre  qui  apportera  la  nouvelle  de  Fontarabie,  face 
le  mesme. 

^  Le  frère  bastard  de  madame  de  Cbaulnes,  nommé  Saint -Fucien , 
est  à  l'extrémité;  il  a  une  petite  abbaye  ou  prieuré  qui  vaut  7  à 
800**.  M'  de  Chaulnes  la  demande  pour  un  de  ses  enfans.  Je  ne  croy 
pas  que  Sa  Majesté  le  voulût  donner  à  un  autre;  je  l'en  ay  fort  as- 
seuré,  cependant  il  dit  que  l'on  l'est  allé  courre  ;  mais  quand  Sa  Ma- 
jesté auroit  este  prévenue,  elle  a  tout  lieu  de  s'excuser  de  tout  en- 
gagement, veu  qu'il  n'est  pas  mort,  et  que  c'est  un  faict  privilégié. 
Cette  affaire  met  en  peine  ce  bon  duc,  non  tant  pour  l'importance 
de  la  pièce,  comme  vous  pouvés  croire,  comme  pour  le  descrédi- 
tement. 

Je  m'en  vas  aujourd'buy  à  Magny,  le  Caslelet  estant  pris  et  le 
mauvais  air  me  chassant  d'icy.  Je  ne  saurois  vous  dire  le  nombre  des 
malades  que  j'ay;  mais,  grâces  à  Dieu,  les  principaux  de  ceux  qui 
sont  avec  nioy  tiennent  bon. 

Je  me  trouve  bien  empesclié^,  car  encores  que  je  sois  bien  inutile 
partout,  beaucoup  et  presque  tous  les  officiers  de  l'armée  disent  que 
si  je  ne  fusse  demeuré  icy  après  le  roy,  il  n'en  fust  guères  demeuré 
dans  l'armée. 

Au  reste,  comme  il  est  impossible  de  rien  faire  faire  de  bon  à  cer- 
taines gens,  il  l'est  aifssy  de  les  empescher  de  faire  mal,  si  on  n'est 
proche  d'eux  pour  les  en  destourner  à  certains  momens  où  ilz  sont 
capables  de  prendre  des  résolutions  qui  auroient  mauvaises  suittes. 

Je  vous  envoie  la  relation  du  combat  des  gallères,  comme  il  la 

'  Ici  le  cardinal  a  pris  la  plume.  —  '  Le  reste  de  la  lettre  est  de  la  main  de  Clierré. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  181 

faut  donner  à  Renaudot;  je  l'ay  faict  corriger  en  certaines  choses  qui 
blessoient  tous  les  cappitaines  en  générai,  sans  exception  de  ceux 
qui  ont  le  mieux  faict.  : 

En  escrivanl  ces  lignes,  je  viens  d'apprendre  par  M"^  de  Noyers  la 
misère  de  Fontarabie;  j'en  suis  outré,  elle  me  perce  le  cœur  et  je 
ne  vous  en  puis  dire  davantage. 


CXII. 

Arch.  des  AÉF.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  280.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTIO.N  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SEGRÉTAIRr   D'ESTAT,   À  ClIANTILLT. 

De  Saint-Quentio ,  ce  1 7  septembre  1 638. 

Je  renvoie  ce  gentilhomme  exprès  pour  éprendre  des  nouvelles  de 
la  santé  du  roy  arrivant  à  Chantilly.  Elle  m'est  sy  chère  que  je  n'au- 
ray  point  de  contentement  que  je  ne  sache  qu'il  se  trouve  bien  de 
son  voiagc. 

Ayant  veu  ce  que  M'  le  Prince  mande  sur  le  sujet  de  Fontarabie, 
je  suis  hors  de  moy.  Cette  affaire  est  de  grande  considération.  Je 
vous  prie  me  mander  les  sentimens  de  Sa  Majesté,  et  de  tous  vous 
autres  mess"  qui  estes  auprès  d'Elle.  Je  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur 
que  tous  les  mauvais  François  puissent  estre  cogneuz  et  chastiez 
comme  ilz  le  méritent. 


182  LETTRES 


CXIII. 

Arcli.  des  AU.  élr  Franco,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  276.  — 
Original ,  sans  signalûre,  de  la  main  de  Clierré. 

[AU  ROI'.] 

De  Saiiit-f}uentin,  ce  17  septembre  i638. 

La  douleur  de  Fonlarabie  me  lue. 

Sa  Majesté  verra  une  lettre  que  je  luy  envoie  de  M''  le  Prince"^,  et 
la  conservera,  s'il  luy  plaist,  jusques  à  mon  retour.  Si  j'avois  un  autre 
moy-mesme  qui  ne  fist  pas  son  devoir  au  service  de  Sa  Majesté,  je 
serois  contre  hiy,  et  partant  je  la  supiie  de  croire  que,  quelque  ré- 
solution qu'elle  prenne,  je  l'y  serviray  avec  la  niesme  passion  et  fidé- 
lité que  j'ay  faict  par  le  passé  en  toutes  occasions.  Je  voudrois  pou- 
voir estre  en  deux  lieux,  mais  si  présentement  j'abandonnois  ces 
quartiers  icy,  je  craindrois  que,  dans  ce  mauvais  bruict,  ceux  qui 
sont  de  deçà  prissent  un  nouvel  esbranlement. 

L'armée  des  ennemis  a  décampé.  M'  d'Arpajon,  qui  est  icy  pré- 
sent, se  plaint  de  ce  qu'on  n'a  pas  voulu  la  suivre  en  sa  retraitte. 

Quelques  escarmoucheurs  ont  dicl  à  Gassion  qu'ils  avoient  main- 
tenant des  affaires  du  coslé  de  Bruxelles;  cela  donne  quelque  créance 
à  un  bruict  qui  court  d'un  grand  combat  gagné  par  les  Holiandois. 
Si  cela  est,  aussy  tost  que  j'en  seray  averty,  je  tascheray  de  faire  en- 
treprendre quelque  chose  de  nouveau,  sçachant  que  c'est  l'intention 
de  Vostre  Majesté. 

Revenant  à  Fontarabie,  on  n'a  jamais  veu  qu'un  lieutenant  général 
voyant  le  quartier  de  son  général  attaqué  ne  l'ait  secouru.  Le  cœur 
m'en  saigne. 

'  Voy.  la  note  2  de  la  page  100,  ci-dessus.  —  '  Cette  lettre  n'est  pas  dans  ce  nianuscril. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


i8;i 


ex  IV. 

i638,  d'août  en  déccmbie,  loi.  28^. 


Arcli.  des  AIT.  étr.  France, 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROI'.] 

De  Magny,  ce  18  septembre  i638. 

J'envoie  à  Sa  Majesté  la  relation  du  lèvement  de  siège  de  Fonta- 
rabie  ^  qu'il  est  important  quelle  voye  pour  se  mieux  résoudre  à  ce 
qu'il  faut  ("aire  ensuitte  d'une  telle  action.  J'estois  hier  si  estourdy  de 
ce  coup  que  je  ne  sentois  pas  la  douleur  de  mon  mal.  Aujourd'hiiy 
je  la^  ressens  d'autant  plus  que  plus  j'en  considère  la  cause  et  les 
suittes.  Je  suplie  Dieu  de  tout  mon  cœur  qu'il  arrcste  le  cours  de  telz 
malheurs,  consolle  M"^  le  Prince,  qui  a  faict  tout  ce  qu'il  a  peu  en 
cette  occasion,  et  punisse  ceux  qui  ont  contribué  à  un  sy  mauvais 
événement.  Quand  je  sçauray  les  sentimens  de  Sa  Majesté  on  ne  per 
dra  point  de  temps  à  faire  ce  qui  sera  néce.ssaire  pour  arrester  le  cours 
des  suittes  de  cet  accident  dont  jay  le  cœur  percé*. 


■    '   Vôy.  ci-dessus,  p.  100,  note  1. 

^  \\  faut  remarquer  que  cette  relation 
était  faite  par  M.  le  Prince  (ci-après,  p.  i85). 

'  Les  distractions  de  la  dictée  se  mon- 
trent à  tout  moment  dans  rincorrection  et 
les  négligences  de  ce  style  ;  nous  nous  bor- 
nons à  les  signaler  de  temps  en  temps.  Il 
y  a  dans  celle  ligne  deux  /a  dont  le  rapport 
diiTérent  rendrait  la  phrase  presque  inin- 
telligible, si  la  force  du  sens  ne  corrigeait 
l'ambiguïté  des  mots. 

'  Le  roi  ne  perdit  pas  de  temps  non 
plus  à  faire  connaître,  sa  volonté.  Clinvi- 
gni ,  qui  était  auprès  de  S.  M.  à  Chantilly, 
écrivit  au  cardinal,  le  19  septembre;  il  lui 
disait  la  colère  du  roi,  et  ajoutait  :  «  S.  M. 
estime  qu'ensuite  il  faut  mander  M'  de  La 
Valette  pour  luy  venir  rendre  compte  de 
ses  actions  sur  les  mauvais  rapports  qu'on 
luy  a  faits  de   ses  comportemens  à   l'ar- 


mée. . .  S'il  n'obéit  pas  à  cet  ordre ,  ce  sera , 
en  quel(|ue  façon,  advouer  sa  faute,  et  il 
y  aura  lieu  en  ce  cas  de  procéder  contre 
luy  comme  contre  une  personne  qui  a  au 
moins  négligé  de  rendre  le  service  qu'il 
pouvoit,  et  qui,  par  son  peu  d'affection 
et  de  soin  a  esté  cause,  en  partie,  du  mal- 
heur qui  est  arrivé  à  Fontarabie.  La  pen- 
sée de  S.  M.  seroil  de  prendre  cette  occa- 
sion pour  oster  le  gouvernement  de  la 
Guyenne  à  M.  d'Espernon  ..  Ce  sont  les 
véritables  sentimens  de  S.  M.  qui  seroit 
bipn  aise  que  monseig'  luy  mande  ses  avis 
sur  ce  sujet,   lesquels  elle  est  résolue  de 

suivre,  comme  en  toute  chose •  (Ms. 

cité  aux  sources,  P  290.)  On  exila  le  duc 
d'Epernon  dans  sa  maison  de  Plassac,  sans 
fui  ôler  le  litre  de  gouverneur  de  Guyenne; 
toutefois  on  le  suspendit  de  ses  fonctions  et 
on  en  donna  la  commission  au  prince  de 


184  LETTRES 


cxv. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  286.  — 

Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré.  — 

La  minute,  de  la  main  de  Citoys,  est  au  volume  suivant, 

années  1 638  et  1689,  fol.  27. 

[A  M.  DE  CHAVIGNr.] 

De  Magni,  ce  18'  septembre  i638. 

Je  VOUS  envoie  la  relation  de  ce  qui  s'est  passé  au  ièvement  du 
siège  de  Fontarabie,  laquelle  il  est  impossible  de  lire  sans  horreur. 
Sa  Majesté  en  entendra,  s'il  luy  plaist,  la  lecture  tout  au  long. 

J'ay  compassion  de  M' le  Prince,  qui  a  faict  tout  ce  qu'il  a  peu,  et 
pendant  tout  le  siège  et  en  celte  malheureuse  rencontre.  Il  est  besoin 
de  le  consoUer  et  de  pourvoir  promptement  au  désordre  où  est  sans 
doute  la  province  à  laquelle  est  arrivé  ce  désastre.  Vous  me  ren- 
voyerés,  s'il  vous  plaist,  cette  relation  après  que  Sa  Majesté  l'aura 
leue,  afin  que,  sur  icelle  et  ses  volontés  que  vous  me  ferés  sçavoir, 
on  dresse  ce  qui  sera  nécessaire  en  cette  occasion. 


CXVI. 

Arch.  de  l'Empire,  K  184.  Guyenne,  1"  partie,  i638,  p.  i43,  pièce  23'.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  LE  PRINCE. 

A  Magny,  20  septembre'  [  i638]. 

Monsieur,  Je  ne 

vous  dis  rien  de  l'affliction  que  le  mauvais  événement  de  Fontarabie  a 

Condé.  Quant  au  duc  de  La  Valette,  Riche-  '  Voy.  ci-dessus ,  p.  112,  noie, 

lieu  ne  se  borna  pas  à  cette  accusation  de  *  A  la  suite  de  celte  minute  est  écrite  celle 

négligence  et  de  peu  d'affection  ;  on  sait  la  d'une  lettre  à  M.  de  Bordeaux,  et  Cherré  a 

suite  :  accusé  d'un  crime  deléze-majesté,  le  mis  au  dos  de  la  feuille  :  t  M.  M.  le  Prince 

duc  de  La  Valette  fut  condamné  à  perdre  la  et  de  Bordeaux,  du  21  septembre  i638.  » 

tête  par  une  commission  que  présidait  le  Celte  annotation  tient  lieu  de  suscriplion. 

roi  lui-même.  Leduc  avait  prévu  cette  se-  La  lettre  adressée  à  M.  de  Bordeaux  sera 

vérité  et  s'était  réfugié  en  Angleterre.  mentionnée  aux  Analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  185 

apporté  au  roy  el  à  ses  serviteurs  qui  sont  de  deçà ,  parce  que  cela 
ne  serviroit  qu'à  augmenter  la  vostre.  J'aime  mieux  vous  tesmoigner 
que  S.  M.  ne  mesure  pas  les  intentions  par  les  événemens.  Elle 
est  très  satisfaicte  du  zèle  avec  lequel  vous  avés  désiré  faire  réussir 
vostre  entreprise,  el  sçait  bien  que  vous  n'avés  rien  omis  de  ce  que 
vous  avés  jugé  nécessaire  pour  en  avoir  une  bonne  issue.  Elle  a  lu 
la  relation  que  vous  avés  envoyée  à  M'  de  Noyers,  et  désire  avec 
telle  passion  en  avoir  esclaircissement,  qu'elle  vous  prie.  Monsieur,  de 
n'oublier  aucune  chose  de  ce  qui  deppend  de  vos  soins  pour  qu'elle 
puisse  en  avoir  une  lumière  certaine.  M'  de  La  Valette  a  envoyé  ex- 
pressément icy  sur  ce  sujet.  J'ay  dict  franchement  à  son  gentilhomme 
qu'il  estoit  besoin  qu'il  se  justifiast  des  impressions  que  son  procédé 
lent  et  froid  a  données  à  beaucoup  de  gens.  L'afl'aire  est  mainte- 
nant en  ces  termes,  et  vous  cognoistrés,  je  m'asseure,  que  la  seule 
justice  et  la  raison  auront  faveur  auprès  du  roy.  Pour  moy,  Mons', 
je  vous  supplie  de  croire  qu'outre  l'intérest  public  je  prends  part  à 
vostre  desplaisir  pour  l'amour  de  vous-mesme,  et  que  je  suis  etseray 
tousjours.  .  . 


ex  VII. 

Arch.  de  l'Empire,  K  i3/i,  Guyenne,  i"  partie,  i638,  p.  i/i5,  pièce  a4', 
préparée  par  Cherré  pour  la  signature  '. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

Du  3  1  septembre  i638. 

Monseigneur, 

Je  ne  doute  point  que  vous  n'ayez  le  cœur  percé  du  malheur  qui 
est  arrivé  à  Fontarabie,  et,  qui  plus  est,  de  ce  que  les  premiers  bruits 
l'imputent  à  M'  de  La  Valette,  comme  vous  verres  par  la  copie  de  la 
relation  que  M'  le  Prince  en  a  envoyée.  Je  ne  sçaurois  croire  qu'il 
soit  coupable  en  ce  sujet;  mais  je  suis  au  désespoir  qu'il  n'ait  sur- 

'  Le  cardinal  ayant  efFacé  et  ajouté  quelques  mots,  la  lettre  a  été  écrite  de  nouveau. 

CABOIN.  DE  BICHELIEC.  —  VI.  3 4 


186 


LETTRES 


monté  la  lenteur  de  son  naturel  pour,  en  réparant  le  cours  de  i636, 
donner  une  telle  cognoissance  de  son  affection  et  de  son  zèle  au  ser- 
vice du  roy,  que  personne  n'eust  lieu  d'en  douter.  En  Testât  qu'est 
l'affaire,  M'  de  La  Valette  seroit  le  plus  perdu  homme  du  monde  s'il 
ne  se  purgeoit  de  ce  qui  luy  est  mis  à  sus.  Je  luy  en  escris  de  la 
sorte,  et  qu'il  est  besoin  qu'il  vienne  trouver  le  roy  pour  cet  effect,  à 
quoy  il  s'esloit  offert  de  luy-mesme.  S'il  est  innocent,  il  trouvera  force 
amis,  et  je  m'asseure  qu'il  sera  satisfaict  de  mon  assistance;  s'il  ne 
l'est  point,  ny  vous,  ny  moy  ne  voudrions  pas  le  soustenir  en  une  telle 
faute,  dont  je  désire  et  ne  doute  pas  qu'il  ne  se  purge  '.  Quoy  qui  ar- 
rive. Monseigneur,  vous  croirés,  s'il  vous  plaist,  que  je  suis  et  seray 
tousjours  sans  changement^, 
Monseigneur, 

Vosire  très  bumble  et  très  affectionné  serviteur. 


cxvin. 

Arch.  de  l'Empire ,  K  1 34,  Guyenne,  i"  partie,  i638,  fol.  147,  pièce  35'.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  DE  LA  VALETTE'. 

[21  septembre  i638.] 

Monsieur,  Si  le  mauvais  événement  du  siège  de  Fontarabie  m'a 
surpris,  je  ne  l'ay  pas  moins  esté  du  bruict  qui  s'est  espandu  que  vous 
en  estiez  la  cause.  Dans  l'affliction  que  j'en  ay  receue,  les  lettres  qui 
m'ont  esté  rendues  de  vostre  part  par  le  s''  de  Hauniont  ne  m'ont 
pas  apporté  peu  de  consolation,  en  ce  qu'elles  m'ont  faict  cognoistre 


'  Pour  qui  connaissait  Richelieu  celte 
lettre  était  peu  rassurante.  Chavigni  écri- 
vit en  confidence  au  cardinal  de  La  Valette 
que  les  mauvais  ofHces  des  ennemis  du 
duc  avaient  prévalu  auprès  du  roi  el  du 
cardinal  (voy.  p.  i83,  note  4);  il  lui  en- 
voyait le  projet  d'une  lettre  très-soumise, 
fi  écrire  à  Richelieu ,  dans  laquelle  il  aban- 
donnait à  peu  près  la  cause  désespérée 


de  son  frère.  (Lettre  du  a 5  sept.  A£F.  étr. 
Turin,  l.  a6.) 

'  Les  mots  «  sans  changement,  »  ajoutés 
de  la  main  du  cardinal. 

'  La  signature,  la  suscriplion  et  la  date 
manquent;  mais  on  lit  au  dos  :  «Copie  de 
la  lettre  de  M^  le  cardinal  à  M.  de  La  Va- 
lette. »  Quant  à  la  date,  elle  doit  être  la 
même  que  celle  de  la  lettre  précédente. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


187 


que  vous  ne  prétendes  autre  protection  que  celle  de  vostre  innocence  '. 
Il  est  vray  que  le  faict  dont  il  s'agit  est  de  telle  nature  que  vous  con- 
damneriés  vous-mesme ,  je  m'asseure,  tous  ceux  qui  voudroient  as- 
sister une  personne  qui  en  seroit  coupable;  le  roy  désire  que  vous  ve- 
niés  luy  rendre  compte  de  vostre  conduite,  en  ce  qui  est  de  tout  le 
siège  de  Fontarabie;  c'est  la  mesme  chose  (jue  vous  souhaittés  et 
que  vos  amis  peuvent  désirer  pour  vostre  justification.  Ce  pendant  je 
demeure^.  .  . 


CXIX. 

Arcli.  des  Affr.  élr.  France  ,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  »97.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

[A  M.  DE  CHAVIGM'.] 

De  Magoi,  ce  23'  septembre  i638. 

La  lettre  de  M"  des  Estatz  est  assez  impertinente;  ces  bonnes  gens 
parlent  de  ce  qu'ils  ne  sçavent  pas.  Il  ne  leur  faut  point  faire  de  res- 
ponse,  niais  bien  escrire  à  M'  d'Estampes  ce  que  je  vous  ay  mandé,  et 
luy  donner  charge  de  leur  parler  en  conformité,  de  la  part  du  roy. 

En  un  mot,  il  est  besoin  que  tout  le  monde  sache  que  le  roy  a 
lousjours  voulu  et  veut  bien  encore  donner  à  la  reyne  sa  mère  une 
pension  convenable  à  sa  dignité,  pourveu  qu'elle  soit  en  lieu  non 
suspect  *. 


'  Le  mémoire  dressé  par  Richelieu  la 
veille  du  jour  où  il  écrivait  cette  lettre 
nous  dit  nettement  sa  véritable  pensée  sur 
l'innocence  du  duc  de  La  Valette;  cette 
pensée,  le  duc  n'avait  pas  besoin  J'avoir 
lu  le  mémoire  pour  la  deviner.  Il  savait, 
d'ailleurs, avec  quel  ressentiment  le  prince 
de  Condé  le  poursuivait,  et  il  était  bien 
assuré,  s'il  venait  à  Paris,  de  n'y  trouver 
qu'une  condamnation. 

'  Clierré  a  écrit  au  dos  de  cette  pièce  : 
•  M.  de  Chavigny  renvoiera  ces  deux  let- 
tres. •  (Celle-ci,  et  sans  doute  aussi  celle 


du  même  jour,  écrite  au  cardinal  de  LaVal- 
letle.) 

'  Voy .  la  note  de  la  page  1 1  o,  ci-dessus , 
du  a5  août. 

*  Nous  avons  dit,  p.  i63,  comment  la 
reine  mère  avait  été  reçue  en  Hollande; 
l'envoyé  de  France  à  la  Haye,  M.  d'E- 
tampes ,  mandait  encore  ,  dans  une  leUre 
du  20  septembre,  qui  ne  pouvait  pas  être 
arrivée  à  Paris  lorsque  la  présente  missive 
fut  écrite  :  «  La  princesse  d'Orange  s'est 
laissée  entièrement  gaigner  aux  carresses 
extraordinaire»  de  la  reyne  mère. . .  Le  Co- 

24. 


188 


LETTRES 


Il  faut  dire  franchement  que  Sa  Majesté  ne  la  peut  recevoir  en 
France,  ayant  les  intelligences  qu'elle  a  avec  l'Espagne. 

Que  pour  la  mcsme  raison  sa  dicte  Majesté  ne  doit  pas  désirer  sa 
demeure  dans  le  pays  de  M'*  les  Eslatz,  estant  certain  que,  tandis 
que  la  France  et  les  Estatz  seront  conjoints  contre  l'Espagne,  ny  l'un 
ny  l'autre  n'ont  pas  besoin  d'un  tel  hoste.  Mais  que  pour  faire  voir  que 
Sa  Majesté  ne  cherche  pas  d'excuses  pour  l'empescher  de  rendre  à  la 
reyne  sa  mère  ce  qu'il  a  tousjours  désiré,  si  elle  veut  aller  à  Fleu- 
rance,  qui  est  son  lieu  natal,  et  où  le  grand-duc  la  recevra  avec  con- 
tentement. Elle  luy  donnera  volontiers  de  quoy  y  soustenir  sa  des- 
pense honorablement. 

Sa  Majesté  ayme  sa  personne,  mais  l'expérience  luy  a  faict  cognoislre 
qu'elle  en  doit  apréhender  les  humeurs  et  particulièrement  celles 
des  mauvais  esprits  qui  sont  auprès  d'elle. 

Voilà  comme  vous  devés  parler  à  l'ambassadeur  de  M'*  les  Eslatz 
qui  est  icy,  et  comme  M'  d'Estampes  doit  agir  aussy  de  son  costé. 

M""  de  Grammont  a  envoyé  icy  un  gentilhomme  qui  asseure  qu'il 
n'y  a  pas  plus  de  700  morts  et  800  prisonniers,  ce  qui  me  consolle 
un  peu  en  l'imagination  que  j'avois  eue  d'une  bien  plus  grande  perte 
d'hommes,  le  gentilhomme  de  M'  de  La  Valette  m'ayant  dict  qu'il  y 
avoit  3  ou  4,000  prisonniers. 

Le  dict  gentilhomme  de  M"  de  Grammont  asseure  de  plus  que 
M' le  Prince  a  faict  faire  la  reveue  de  ses  troupes  depuis  ce  malheur, 
et  a  trouvé  près  de  douze  mile  hommes  de  pied.  Cela  faict  bien  co- 
gnoislre qu'il  y  a  eu  de  très-mauvais  cappitaines  en  ces  quartiers-là, 
puisque  douze  mile  hommes  se  sont  retirez  devant  une  armée  où  il 


gneiix  et  Fabroni  ont  esté  si  iinprudensque 
de  parler  indignement  de  M^'  le  cardinal, 
en  sorte  que  des  personnes  principales 
de  M"  des  Estats  en  ont  rougy. . .  les  plus 
sages  voudroient  que  la  reyne  n'y  fust 
point  allée. . .  M"  d'Amsterdam  luy  ont  faict 
un  présent  d'un  bassin  et  d'une  aiguière 
dor. .,;.»  (Copie;  ms.  cité  aux  sources, 


f  293.)  —  M.  d'Élampes  instruisait  exacte- 
ment M.  de  Bellièvre  de  ce  qui  se  passait  en 
Hollande  à  l'occasion  du  voyage  de  la  reine 
mère  et  des  dispositions  qui  se  faisaient 
pour  le  passage  de  cette  princesse  en  An- 
gleterre. (Voy,  spécialemcntdeuxleltresori- 
ginales,  des  1  let  iSoclob.  Bibl.imp.  fonds 
Saint-Germ.  Harl.  364'%  f  iA6,  i/i8.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  189 

n'y  en  avoil  pas  plus  de  sept  ou  huict  miie,  et  ont  laissé  perdre  leur 
canon  et  leur  bagage.  La  première  desroute  est  de  Dieu,  et  la  se- 
conde peut  eslre  attribuée  à  l'incapacité  de  tous  les  cliefs.  Vous  ferés 
voir,  s'il  vous  plaist,  au  roy  la  coppie  de  la  lettre  que  j'escris  à  M'  de 
La  Valette,  et  celle  que  j'escris  à  M' le  cardinal,  que  vous  luy  envoye- 
rés  puis  après  par  le  premier  courrier  que  vous  luy  dépescherés. 

P.  S.  ^  Il  faut  mander  à  Renaudot  qu'en  parlant  dans  ses  gazettes 
du  lèvement  du  siège  de  Fontarabie  il  exprime  la  perte  des  morts  à 
cinq  ou  six  cens  et  autant  de  prisonniers,  avec  dix  canons;  ensuitte 
de  quoy  Renaudot  n'oubliera  pas  à  remarquer  que  nous  en  avons  pris 
cinq  ou  six  cens  cette  année,  et  autant  qu'on  leur  en  a  faict  perdre 
dans  la  mer. 


CXX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  3o5.  — 
Original,  .sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNL] 

De  Magny,  ce  i  a*  septembre  1 638. 

Je  ne  sçay  quel  ordre  ceux  que  Monsieur  a  employez  dans  ses  gou- 
vernemens  ont  donné  avec  le  com"  Renard  aux  recreues  qu'il  a  faict 
faire.  On  les  avoit  destinées  pour  joindre  à  M"'  de  Bellefonds,  et  ce- 
pendant il  n'y  en  a  point  encores  d'arrivées,  et  nous  n'avons  nouvelles 
que  d'une  petite  trouppe  qui  marche.  Vous  ferés,  s'il  vous  plaist, 
toutes  diligences  pour  faire  que  ces  dites  recreues  de  deux  mil  hommes , 
et  qu'on  devoit  joindre  avec  autres  douze  cens  que  Renard  levoit 
ailleurs,  marchent  promptemeilt  à  M'  de  Bellefonds,  qui  en  a  besoin 
pour  réparer  les  désordres  qu'on  a  laissé  faire  en  Lorraine. 

Il  sera  besoin  de  mander  à  ceux  qui  ne  seront  point  encores  passés, 

'  Nous  mettons  en  post-scriptum  un  marge  du  dernier  paragraphe,  sans  indi- 
passagc  placé,  dans  notre  manuscrit,  à  la        cation  de  renvoi. 


190  LETTRES 

qu'ilz  envoyent  prendre  des  amies  à  Paris,  que  le  s'  Mauroy  leur  fera 
fournir,  suivant  l'ordre  que  M''  de  Noyers  luy  en  a  envoyé,  afin  que, 
sans  crainte  des  paysans,  ilz  aillent  droit  à  Toul  en  diligence. 

M"  de  Chaunes  et  de  La  Melleraie  viennent  de  partir  pour  aller 
trouver  M"  de  La  Force  et  du  Hallier,  pour  faire  joindre  leurs  armées, 
et  voir  avec  eux  les  lieux  où  on  les  pourra  faire  subsister  jusques  à 
ce  qu'on  mette  les  troupes  en  garnison. 

J'ay  aussy  renvoyé  pour  une  dernière  fois  le  trompette  du  roy 
trouver  M'^  le  prince  Thomas  et  Picolomini  pour  faire  résoudre  la 
deslivrance  des  prisonniers  qu'iiz  tiennent  et  [de]  ceux  que  nous 
tenons,  qui  sont  jusques  au  nombre  de  3oo,  de  ceux  du  Castelet, 
sans  les  officiers. 

Aussy  tost  que  j'auray  response  de  M"  de  Chaunes  et  de  La  Melle- 
raie sur  la  jonction  des  deux  armées,  et  des  lieux  où  elles  demeure- 
ront jusques  à  ce  qu'on  les  sépare  pour  prendre  les  quartiers  d'hiver, 
je  partiray  pour  aller  trouver  Sa  Majesté,  satisfaisant  à  la  passion  que 
j'ay  d'estre  auprès  de  sa  personne. 

Je  fais  estât  d'eslre  saniedy  à  coucher  à  Mouchy,  dimanche  à  Noinlel, 
et  lundi  je  seray  à  Chantilly,  où  je  fais  estât  de  coucher  deux  nuits, 
s'il  plaist  à  Sa  Majesté  m'y  donner  hébergement,  ce  dont  je  ne  suis 
pas  en  doute. 

11  y  a  un  ex"  de  Flandres  à  Paris.  Je  ne  sçay  si  vous  avés  donné 
l'ordre  d'envoyer  tous  les  pacquets  bien  fermés  entre  les  mains  de 
M'  le  nonce,  et  de  luy  faire  dire  que,  bien  que  nous  peussions  les  ou- 
vrir par  droit  de  représaille  des  nostres,  qu'ils  ont  pris  et  ouvertz  en 
Italie,  le  roy  n'en  veut  pas  user  ainsy,  mais  bien  les  luy  remettre 
entre  les  mains  pour  qu'il  les  garde  jusques  à  ce  que  nous  ayons  as- 
seurance  qu'ils  lairront  passer  les  nostres  en  Italie,  ainsy  que  nous 
laissons  passer  les  leurs  en  France.  Par  ce  procédé  M'  le  nonce  verra 
la  bonne  foy  qu'on  garde  en  France  et  le  respect  qu'on  porte  à  S.  S. 

Je  croy,  pour  cette  fois,  qu'il  faut  laisser  passer  l'ordinaire ,  qui  peut 
estre  maintenant  arrivé  à  Paris,  afin  de  ne  nous  priver  pas  cependant 
de  l'avantage  que  nous  tirons  des  dicts  courriers. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIKU.  191 


CXXI. 

Arch.  do  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  impartie,  i638,  p    iSg,  pièce  22'.  — 

De  la  main  de  Cherré. 

COPIE  D'UN  MÉMOIRE  ENVOYÉ  A   M.  DE   CHAVIGNY, 
SUR  LE  SUJET  DE  M"  D'ESPERNON  ET  DE  LA  VALETTE'. 

22  septembre  i638. 
H  faut  une  lettre  du  roy  à  M'  de  La  Valette,  signée  de  M'  de  La  Vrillière^,  s'il 
est  auprès  de  S.  M.  telle  qu'il  s'en  suit  : 

Mon  Cousin,  les  mauvais  bruits  qui  courent  à  son  préjudice  sur  ce 
qui  s'estoit  passé  pendant  le  siège  de  Fonlaraliie,  et  les  protestations 
qu'il  faicl  de  son  innocence,  lui  donnent  lieu  de  luy  commander  de  le 
venir  trouver,  pour  justifier  sa  conduite  et  luy  rendre  compte  de  ses 
actions.  Je  prie  Dieu  qu'elles  ayent  esté  telles  que  je  les  ay  deu  attendre 
d'une  personne  de  vostre  condition ,  et  qu'il  vous  ayt  en  sa  sainte  garde. 

Il  faut  une  lettre  à  M'  d'Espernon  telle  qu'il  s'en  suit  : 

Mon  Cousin,  vostre  retour  de  Plassac  à  Cadillac  sans  mon  sceu 
m'a  desjà  donné  lieu  de  vous  escrire  que  vous  revinssiés  au  pre- 
mier lieu  où  j'avois  désiré  que  vous  demeurassiés,  ainsy  que  vous 
l'aurés  veu  par  mes  dépesches  du  S""*  de  ce  mois.  J'adjouste  maintenant 
que  ce  qui  s'est  passé  au  siège  de  Fonlarabie  me  donne  encore  plus 
de  sujet  de  vouloir  la  mesme  chose ,  afin  que ,  n'estant  pas  en  Guienne , 
l'esclaircissement  que  S.  M.  pourroit  prendre  de  la  conduite  du  duc 
de  La  Valette  fust  d'autant  moins  suspect  que  ceux  qui  en  auroient 

'   La  matière  de  ce»  diverse»  lettres  à  pièce.  Ce  volume  est  fait  sans  ordre;  il 

préparer  pour  la  signature  du  roi   était  semble  que   le  relieur  ait  assemblé  ces 

donnée  à  la  liâle;  Richelieu  se  sert  aller-  feuillets  pêle-mêle. 

nalivement  et  comme  au  hasard,  de  la  '  Nous  avons  dit  (p.  xiv  de  la  préface 
première  et  de  la  troisième  personne.  de  ce  recueil)  que  Richelieu  faisait  contre- 
Dans  le  manuscrit  des  Archives,  ces  deux  signer  par  Ips  secrétaires  d'état  des  lettres 
pièces,  ainsi  que  l'avis  de  la  levée  du  siège  que  lui-même  avait  écrites  pour  le  roi. 
de  Fontarabie  (ci  dessus),  sont  mises  à  la  Nous  en  notons  seulement  quelques exem- 
suite  l'une  de  l'autre  et  cotées  sous  un  seul  pies  en  passant. 
n°  23,  comme  si  ce  n'était  qu'une  seule 


192  LETTRES 

cognoissance  auroient  plus  de  liberté  de  dire  ce  qu'ils  en  sçauroient 
en  leur  conscience.  Revenés-vous-en  donc,  incontinent  la  présente 
reçue,  à  Plassac,  pour  y  demeurer  jusqu'à  ce  que  vous  receviés  autre 
ordre  de  ma  part.  Ce  pendant,  etc. 

11  faut  une  autre  lettre  à  M"^  le  Prince,  qui  luy  donne  cognoissance  des  deux 
lettres  ci-dessus  dont  on  luy  envoyera  copie,  et  porte  : 

Que  S.  M.  désire  qu'il  demeure  en  Guienne  et  gouverne  cette  pro- 
vince en  vertu  de  la  commission  qu'on  luy  envoie  à  cette  fin,  et  que, 
parce  qu'il  est  du  tout  important  que  S.  M.  cognoisse  clairement  ceux 
qui  ont  bien  ou  mal  faict  au  siège  de  Fontarabie,  Elle  désire  qu'il 
luy  en  fasse  sçavoir  ce  qu'il  en  sçait  en  sa  conscience  avec  une  claire 
justification  de  ce  qu'il  mettra  en  avant. 

Qu'aureste  Elle  remet  à  son  jugementde  mettre  les  troupes  en  garni- 
son aux  lieux  où  il  l'estimera  plus  à  propos  tant  pour  la  seureté  de  la 
firontière  que  pour  les  refaire ,  en  sorte  qu'au  printemps  elles  soient  en 
estât  de  le  servir  plus  heureusement  qu'elles  n'ont  faict  cette  campagne. 


CXXII  '. 

LE  PAHFAICT  RELIGIEUX  EN  LA  CODr',  p.  76. 

[AU  R.  P.  FERNANDEZ\  CONFESSEUR  DE  LA  REINE.] 

25  septembre  i638. 

Mon  père,  la  lettre  que  vous  avés  pris  la  peine  de  m'escrire  sur 

'  Nous   conservons   celle   lellre  parce  relicjieiix  dans   le  chisire  et  dans  la  cour, 

qu'elle  nous  donne  l'occasion  de  faire  con-  pracitquée  par  le  /}.  P.  François  Fernandez, 

naître  un  personnage  dont  nous  ne  croyons  cordelier  observantin ,  confesseur  de  la  Reyne 

pas  qu'aucun  mémoire  du  temps  ait  parlé ,  très-chrestienne  Anne-Maurice  d'Austriche. . . 

et  qui,  après  avoir  rempli,  pendant  Ion-  par  le  P.  Ch.  Magnien,  docteur  en  théo- 

gues  années,  des  fonctions  délicates  à  la  logie  de  la  Faculté  de  Paris,  vicaire  au 

cour  de   Louis  XIII,  n'aurait  pas  même  grand  couvent  des  p.  p.  cordéliers  de  la 

laissé  son   nom,  si  un  religieux  de  son  mesme  ville.  1  vol.  in-i2,  1 654,  Est.  Pé- 

ordre  n'eût  écrit  sur  sa  vie  un  livre  qu'on  pingué. 

ne  trouve  plus  aujourd'hui.  '  Ce  cordelier  de  l'Observance,  né  à 

'  La  vie  illustre  et  exemplaire  du  parfaict  Laejos ,  dans  la  Vieille-Castille ,  en  i558, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


193 


la  naissance  de  M"^  le  Dauphin,  ne  m'a  pas  apporté  peu  de  joye, 
apprenant  par  icelle  Testât  de  sa  bonne  santé,  et  l'espérance  qu'il 
donne  de  se  faire  bien  nourrir,  qui  est  la  chose  du  monde  que  je 
souhaite  plus  ardemment,  et  pour  l'avantage  de  la  France,  et  pour 
le  contentement  de  LL.  MM.  Je  vous  remercie  du  soin  que  vous 
avés  eu  de  me  faire  part  d'une  sy  bonne  nouvelle ,  vous  conjurant  de 
croire  que  vous  ne  la  pouviés  donner  à  personne  qui  vous  ayme,  ny 
qui  soit  plus  que  moy, 


Mon  père, 


De  Magny,  ce  26  septembre  i638. 


Vostre  Irës  affectionné  à  vous  servir. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


NOTA. 


La  mauvaise  issue  du  siège  de  Fontarabie  avait  profondément  irrité  Richelieu. 
Elle  le  surprenait  dans  le  moment  où  il  avait  le  plus  de  besoin  de  succès,  et  pour 
conserver  la  faveur  d'un  roi  qui  ne  lui  pardonnait  pas  les  revers,  et  pour  apaiser 
le  mécontentement  du  peuple,  fatigué  des  souffrances  que  lui  infligeait  la  guerre. 
La  conquête  de  Fontarabie  était  donc  alors  pour  Richelieu  non-seulement  une 
entreprise  d'une  grande  importance  politique  autant  que  militaire ,  c'était  encore 


s'était  fait  une  grande  répulation  de  pii^té 
et  d'excellent  religieux  dans  son  ordre. 
Lorsquelajeune  infante  épousa  Louis  XIII, 
le  roi  d'EspagDe  lui  donna  pour  confes- 
seur le  père  François  de  Arrivas,  et  pour 
le  suppléer,  en  cas  de  nécessité,  le  père 
Fernandez.  Le  premier  ayant  été  nommé 
évêquede  Ciudad-Rodrigo.la  reine  mit  en 
sa  place  le  père  Fernandez,  le  a  a  janvier 
i6aa;  il  conserva  ses  fonctions  jusqu'à 
son  décès,  arrivé  le  9  janvier  16  53.  11  mou- 
rut dans  sa  cellule,  au  grand  couvent  des 
Cordeliers ,  qu'il  n'avait  jamais  voulu 
quitter,  et  où  il  vivait  dans  une  humilité 

CAnDIX.  De  niCHELIEU.  —  VI. 


profonde,  ayant  toujours  refusé  1rs  dis- 
tinctions et  les  avantages  dont  jouissent 
ordinairement  les  confesseurs  des  per- 
sonnes royales.  Malgré  cet  éloignemenl 
des  affaires  du  monde,  on  peut  s'étonner 
encore  que  ce  bon  père  ail  pu  resler, 
pendant  toute  la  durée  du  ministère  de 
Richelieu,  auprès  d'une  reine  dont  le 
cardinal  épiait  si  curieusement  l'entou- 
rage, à  laquelle  il  était,  selon  ses  inquié- 
tudes el  sa  fantaisie,  ses  dames  et  ses  ser- 
viteurs, et  envers  laquelle  il  a  usé  de 
sévérités  bien  hardies  pour  surprendre 
ses  secrets. 

35 


194  LETTRES 

une  affaire  personnelle ,  où  sa  fortune  pouvait  courir  hasard.  Il  avait  conçu 
l'espoir  dun  triomphe,  il  l'avait  promis  au  roi;  il  en  parle  comme  d'une  chose 
assurée  dans  plus  de  vingt  lettres  écrites  peu  de  temps  avant  l'événement. 

Le  cardinal  avait  confié  la  conduite  de  l'entreprise  au  prince  de  Condé.  J-e 
duc  de  La  Valette  se  trouva  blessé  de  se  voir  sous  les  ordres  d'un  prince  dont  il 
prisait  peu  le  génie  militaire,  qu'il  savait  malveillant  à  l'endroit  de  sa  famille, 
et  dont  le  commandement  était  impérieux  et  difficile.  Avec  de  telles  dispositions 
et  la  fierté  de  caractère  qui  le  distinguait,  le  duc  de  La  Valette  fut  aisément 
porté  à  l'insubordination  dans  un  temps  où  l'insubordination  était  la  plaie  de 
toute  l'armée,  et  atteignait  l'officier  aussi  bien  que  le  soldat. 

Richelieu  transforma  une  faute  militaire  en  un  crime  politique,  crime  de 
haute  trahison  et  de  lèze-majesté.  Il  fit  lui-même  une  minutieuse  enquête;  il  prit 
des  informations  de  tous  côtés;  il  consulta  surtout  l'accusateur  du  duc  de  La  Va- 
lette, et,  grâce  à  l'accumulation  des  petits  détails,  à  l'interprétation  des  moindres^ 
indices,  au  sens  donné  à  une  parole  ou  à  un  sourire,  il  composa  un  acte  d'accu-  ^ 
sation  de  douze  ou  quinze  pages,  écrites  en  partie  de  sa  propre  main. 

Dès  le  19  septembre,  Richelieu  avait  rédigé  un  mémoire  intitulé  :  Sar  le  lève- 
ment  du  siéqe  de  Fontarabie ,  de  M'''  le  cardinal.  Nous  en  avons  trouvé  à  la  Biblio- 
thèque impériale  (suppl.  français,  2o36,  ^*  ""'',  f"  3o)  une  nn"se  au  net  de  la 
main  de  Clierré.  C'est  la  copie  d'un  travail  précédent  qui,  sans  nul  doute,  était 
l'œuvre  du  cardinal,  mais  qui  n'était  pas  définitif;  les  lignes  en  sont  espacées 
de  manière  à  laisser  beaucoup  de  blanc,  et  les  marges  sont  fort  grandes.  Le  car- 
dinal a  fait  sur  cet  exemplaire  de  nombreux  changements,  lesquels  sont  compris 
dans  une  autre  mise  au  net  conservée  aux  Archives  de  l'Empire  (K  1 34 ,  Guyenne , 
1"^°  partie,  p.  129,  pièce  2 2",  de  la  main  de  Cherré) ,  et  cette  rédaction  nouvelle  a 
été  de  nouveau  corrigée  et  augmentée  de  la  main  du  cardinal. 

Au  dos  de  la  pièce  de  la  Bibliothèque  impériale,  on  lit  :  •  Projet  d'avis  sur  le 
lèvement  du  siège  de  Fontarabie,  du  19*  septembre  i638,  »  et  la  date  du  20  a  été 
mise  en  tête.  Sur  la  même  feuille  le  cardinal  a  écrit  :  «  Faut  parler  à  l'escuyer  de 
M.  de  La  Valette.  » 

La  pièce  des  Archives  a  été  préparée  pour  les  Mémoires  de  Richelieu ,  pour 
l'histoire,  comme  parlait  le  cardinal. 

Dès  les  premiers  jours  du  mois,  le  prince  de  Condé  avait  envoyé  à  Richelieu, 
par  le  courrier  Saladin,  de  fâcheux  rapports  sur  le  duc  de  La  Valette  (ci-dessus, 
p.  102,  lettre  du  7  septembre),  et  Richelieu  avait  transmis  au  roi  les  dépê 
ches  de  M.  le  Prince,  et  des  relations  de  l'événement;  il  avait  ainsi  fait  partager 
à  Louis  XIII  les  sentiments  de  douleur  et  de  colère  dont  il  était  animé,  et  nous 
avons  vu  (note  4  de  la  page  i83)  que  le  roi  faisait  demander,  par  Chavigni, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  195 

au  cardinal  ses  conseils,  qu'il  voulait  suivre.  UAvis  dont  nous  venons  dcpailerdul 
être  envoyé  à  Chavigni  pour  obéir  à  cette  demande  du  roi. 

Enfin,  dans  le  même  manuscrit,  se  trouvaient  encore  quelques  pensées  déta- 
chées, jetées  là  en  attendant  qu'on  leur  donnât  place  dans  quelque  mémoire  ou 
quelque  lettre  [P  24o  bis,  48°  pièce). 

r^e  prince  de  Condé,  dont  la  coopération  au  procès  était  surtout  nécessaire, 
fut  invité  à  faire  connaître  tout  ce  qu'il  savait.  Richelieu  lui  envoya  un  mémoire 
intitulé.  Faits  à  justifie'-,  où  sont  énumérés  les  griefs,  et  où  l'on  a  eu  soin  de 
mettre  en  marge  de  chacun  le  nom  de  ceux  qui  peuvent  donner  quelques  infor- 
mations, ainsi  que  celui  des  témoins  qu'd  faut  interroger.  Ce  sont  MM.  de  Lan- 
dresse,  de  Grammont,  deBucquoy,  Lamet,  Davoux , d'Espenan ,  Le Plessis-Besan- 
ron ,  Houdinit  re ,  Du  Val ,  de  La  Roncicre ,  La  Rochelle ,  Dayre,  de  Basas ,  de  Nantes , 
deCastagnoles,  le  niaïquis  de  Gesvres,  le  père  Vilalis,  aumônier  de  la  couronne, 
Boissac,  un  sergent  blessé  de  trois  coups  de  pique,  les  gens  qui  étaient  dans  les 
tranchées,  les  mineurs.  Cette  pièce,  écrite  de  la  main  de  Cherré  et  de  celle  du 
cardinal ,  se  trouve  dans  le  volume  cilé  des  Archives  de  l'Empire,  p.  Sg,  pièce  6*. 

M.  le  Prince  envoya  tout  ce  qu'on  lui  demandait;  et,  de  son  mémoire,  de 
ÏAvis,  cité  plus  haut,  ainsi  que  du  mémoire  intitulé  Faits  à  justifier,  le  cardi- 
nal composa  la  pièce  que  nous  mettons  ici ,  qu'il  semble  attribuer  au  prince  de 
Condé  et  où  nous  remarquons,  en  effel,  beaucoup  de  passages  pris  textuellement 
dans  les  deux  pièces  des  Archives  dont  nous  venons  de  faire  mention,  ainsi  que 
dans  les  lettres  du  prince. 


CXXIIL 

Archives  de  l'Empire,  K  i34,  Guyenne,  i"  partie,  i638,  fol.  î/ji  à  370,  ^g*  pièce.  — 

Copie  de  la  main  de  Cherré'. 

FACTUM  DU  PRINCE  DE  CONDÉ, 

SUR  LE  LÈVEMKNT  DU  SIÉGIil  DE  FONTAl\ABIE^ 

Vers  la  fin  de  septembre  i638. 

Le  prince  de  Condé  impute  le  mauvais  succès  du  siège  de  Fonta- 
rabie  au  duc  de  La  Valette. 

'  Celle  copie  esl  chargée  de  ratures  cl  de  date;  cetle  pièce  a  dû  êlre  écrite  vers  la 

d'additions  de  la  main  de  Richelieu,  qui  fin  de  septembre,  lorsque  le  cardinal  eut 

a  écrit  à  la  marge  :  «  Sui  aulhoris.  »  Nous  réuni  les  divers  lémoignages  nécessaires 

metlons  entre  crochets  les  corrections  du  pour  di  esser  ce  mémoire, 
cardinal.  Le  manuscrit   ne  donne  point  '  On  vient  de  voir,  p.  iga,que,  dans 

a5. 


196  LETTRES 

Au  contraire  le  Duc  prétend  estre  non-seulement  innocent,  mais 
avoir  beaucoup  mérité  en  cette  occasion. 

Le  principal  moyen  dont  se  sertie  Prince  pour  persuader  ce  qu'il 
met  en  avant  est 

Que  le  Duc  n'a  pas  faict  donner  l'assaut  quand  il  l'a  peu  et  deu 
faire ,  et  qu'en  effect  il  ne  l'a  pas  voulu. 

Ce  qui  tombe  sous  les  sens  n'ayant  pas  besoin  de  preuve,  il  n'en 
faut  point  pour  vérifier  que  le  Duc  n'a  pas  faict  donner  l'assaut  lorsque 
la  mine  eut  faict  son  effect. 

Mais  il  faut  voir  s'il  l'a  deu  donner  et  s'il  ne  l'a  pas  voulu  faire. 

Il  l'a  deu  si  la  brèche  a  esté  raisonnable,  et  il  a  deu  croire  qu'elle 
l'estoit,  si  diverses  personnes  non  ignorantes  du  mestier  luy  ont  rap- 
porté qu'elle  estoit  telle,  et  il  n'a  peu  douter  de  tels  rapports  si ,  entre 
ceux  qui  les  luy  ont  faicts,  il  y  en  avoit  de  tellement  attachés  aux  in- 
térestsde  sa  personne  que  leur  ardeur  ne  pouvoit  luy  estre  suspecte. 

Le  Duc  est  en  ces  termes  [ainsy  que  l'examen  de  son  procédé  fera 
cognoistre  clairement].  Aussytost  que  sa  mine  eut  joué  il  envoya  Lan- 
dresse,  son  aide  de  camp,  homme  qu'il  n'estimoit  ny  n'aimoit  point, 
pour  recognoislre  la  brèche. 

Il  luy  fit  rapport  qu'on  pouvoit  monter  à  la  brèche,  mais  qu'au 
haut  il  y  avoit  un  retranchement  et  quelque  espèce  de  palissade, 
qu'il  a'avoit  rien  rencontré,  ny  veu  aucuns  ennemis  sur  la  brèche; 
cependant  qu'il  estimoil  plus  sear  d'y  faire  an  logement  que  de  hasarder 
l'assaal. 


Ja  lettre  dont  Richelieu  donnait  à  Chavi- 
gni  la  matière  pour  écrire  au  prince  de 
Condé,  le  cardinal  demande  à  ce  prince 
d'envoyer  un  mémoire  sur  l' affaire  de 
Fontarabie.  Mais,  malgré  le  titre  mis  en 
tète  de  cette  pièce  par  une  autre  main 
que  celle  de  Cherré ,  ce  n'est  pas  là ,  comme 
nous  l'avons  montré,  le  factum  du  prince 
de  Condé  ;  c'est  une  espèce  de  réquisitoire 
pour  lequel  on  s'est  servi  même  des  dé- 


fenses présentées  par  le  duc  de  La  Va- 
lette ,  qu'on  réfute.  On  voit  que  Richelieu 
se  mit  à  instruire  lui-même  l'affaire,  et  à 
préparer  le  factum ,  avec  une  activité  et 
une  sorte  d'emportement  qui  témoignent, 
tout  à  la  fois,  de  sa  douleur  patriotique, 
de  son  zèle  pour  une  justice  sévère,  et  du 
dépit  cuisant  rîe  l'homme  d'élat  dérangé 
dans  ses  desseins  et  trompé  dans  ses  espé- 
rances. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  197 

Le  Duc,  plein  de  zèle  à  conserver  les  gens  du  roy,  fist  valoir  ce 
rapport  autant  qu'il  luy  fust  possible.  Cependant,  comme  diverses 
personnes  insistoient  qu'il  falloit  donner,  il  se  résolut,  une  heure 
après,  de  renvoyer  un  autre  aide  de  camp,  nommé  Pressac,  pour 
recognoistre  de  nouveau  la  brèche;  il  rapporta  en  termes  exprès 
qu'elle  estoit  telle  que  si  de  1,000  hommes  on  en  voulait  perdre  ÙOO  on 
pouvait  emporter  la  place.  Sur  quoy,  le  Duc  disant  à  Houdinlère 
vous  voyez  ce  qu'il  dit,  il  luy  respondit  :  Eh  bien.  Monsieur,  Fantarabie 
ne  vaut-il  pas  bien  la  peine  de  hasarder  ^00  hommes?  Mais,  quoy  qu'on 
luy  peust  représenter,  il  demeura  dans  sa  première  résolution  de  ne 
donner  pas. 

Ensuite  le  sieur  d'Espenan,  inareschal  de  camp,  vint  tout  blessé  et 
malade  qu'il  estoit,  et  dist  au  Duc  qu'ayant  veu  la  brèche  de  la  bat- 
terie qui  portoit  son  nom,  d'où  on  la  recognoissoit  clairement,  i7  la 
jugeait  très  raisonnable,  et  que  s'il  ne  donnait,  il  perdait  la  plus  belle  occa- 
sion du  monde,  ce  dont  il  s'excusa  opiniastrement,  sur  les  rapports  de 
Landresse  et  de  Pressac. 

La  Roche,  son  capitaine  des  gardes,  qui,  après  avoir  veu  faire  le 
rapport  de  Landresse  et  de  Pressac,  avoit  voulu  voir  luy-mesme  la 
brèche  de  la  susdite  batterie ,  revint  au  niesme  temps  pour  dire ,  comme 
il  list  devant  tout  le  monde,  et  entr'autres  en  présence  de  M'  de 
Grammont,  des  sieurs  d'Avaux,  Lamet,  d'Espenan,  Houdinière  et 
plusieurs  capitaines  de  Guienne,  que  la  brèche  estoit  raisonnable,  et 
qu  il  falloit  donner. 

Au  mesme  instant  arriva  un  lieutenant  du  régiment  de  Tonnins 
nommé  Casemont,  qui,  par  excès  de  zèle  et  de  cœur,  estoit  allé  de  son 
chef  jusques  au  haut  de  la  brèche,  estant  apperceu  du  Duc,  il  luy 
demanda  [par  hasard,  ainsy  que  l'événement  le  fist  paroistre]  d'où 
il  venoit;  à  quoy  l'autre  respondant  qu'il  venoit  de  recognoistre  la 
brèche,  laquelle  estoit  bien  raisonnable,  le  dit  Duc  se  fascha  de  telle 
sorte  qu'iV  mist  la  main  sur  la  garde  de  son  épée  comme  pour  l'en 
menacer,  et  luy  dist  que  c'cstoit  un  estourdi  et  qu'il  allast  à  son 
poste. 


198  LETTRES 

Au  mesnie  temps  2  gentilhommes  domestiques  du  Duc,  dont  l'un 
s'appelle  Real,  arrivèrent  encore  et  luy  dirent,  qu'ils  venaient  de  la 
brèche  et  que  l'on  pouvait  monter  aisément,  sur  quoy  il  se  fascha  de 
nouveau  contre  eux,  et  les  renvoya  comme  les  autres.  Le  s'  de  Buc- 
quoy,  ayant  aussy  recogneu  la  brèche,  alla  à  la  tranchée  dire  au  dict 
s""  de  La  Valette  qu'elle  estoit  très  raisonnable  et  qu'il  estoit  obligé  d'au- 
tant plus  de  faire  donner  promptement  l'assaut  que  l'on  voyoit  l'armée 
navale  en  très  grand  péril  et  qu'elle  ne  pouvoitplus,  sans  se  perdre, 
demeurer  en  la  rade  où  elle  estoit,  que  l'armée  de  terre  des  ennemis 
se  fortifioit  tous  les  jours  et  celle  du  roy  s'affoiblissoit,  et  luy  dé- 
clara que  tout  le  mal  qui  pouvoit  arriver  aux  affaires  de  S.  M.  ne 
pouvoit  venir  que  de  son  retardement. 

Après  cela  on  proposa  au  Duc  d'aller  au  moins  jusques  à  la  batte- 
rie, de  laquelle  on  discernoit  clairement  Testât  de  la  brèche.  Y  estant, 
le  s"  de  La  Roche  et  Houdinière  le  pressèrent  de  nouveau  défaire  donner, 
la  brèche  paraissant  très  raisonnable ,  ce  qu'il  refusa  absolument,  disant 
lors  qu'il  ne  le  ferait  pas  sans  ordre  de  M''  le  Prince  et  sans  l'avis  de  tout  le 
conseil. 

Pour  cet  effect,  après  que  le  Duc  eust  laissé  passer  plus  de  3  heures 
de  temps  en  se  défendant  de  faire  donner,  il  alla  trouver  M"'  le 
Prince,  qui,  outré  de  douleur  de  l'occasion  qu'on  avoit  perdue  et  du 
temps  qu'on  avoit  donné  aux  ennemis,  qui  d'abord  avoient  aban- 
donné la  brèche ,  de  venir  la  réparer  et  se  présenter  pour  la  défendre , 
ordonna  qu'on  feroit  un  logement  puisqu'on  avoit  perdu  l'occasion 
de  mieux  faire,  et  la  charge  de  ce  logement  fut  donnée  au  s'  de  La 
Rochette,  qui  ne  l'avança  pas  comme  il  eust  peu,  par  ce  que  le  Duc  ne 
luyfist  pas  donner  des  yens  pour  luy  aider,  ce  dont  il  vint  le  lendemain 
faire  plainte  ouverte  au  Prince,  ce  qui  luy  donna  lieu  d'envoyer  faire 
reproche  au  Duc  et  luy  commander  d'y  donner  ordre,  ensuite  de 
quoy  le  dit  Duc  envoya  Filouse,  mareschal  de  logis  de  ses  gardes 
pour  y  travailler. 

Sur  cela,  le  Prince  proposa  au  Duc  [de  donner  son  attaque  à 
l'archevesque  de  Bordeaux,  qui  vouloit  s'obliger,  et  respondoit  sur 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  199 

sa  vie,  de  prendre  la  place  dans  trois  jours,  ce  que  le  Duc  consen- 
tit.] 

Depuis,  La  Roche  et  plusieurs  autres  de  ses  domestiques  luy  ayant 
faict  cognoistre  le  tort  qu'il  se  faisoit,  il  vint  retirer  sa  parole,  s' obli- 
geant, en  plein  conseil,  à  faire  le  lendemain  l'une  des  3  choses,  ou 
prendre  la  place,  ou  faire  an  grand  logement  au  haut  de  la  brèche,  ou  y 
périr  avec  ses  amis. 

Pour  effectuer,  en  apparence,  sa  parole,  le  lendemain  il  fist  faire 
une  attaque,  au  veu  et  au  sceu  des  ennemis  pour  avoir  attendu  jus- 
qucs  à  8  heures  du  matin,  contre  l'ordre  qu'il  avoit  de  donner  à  la 
pointe  du  jour,  pour  surprendre  les  ennemis. 

Au  reste  cette  attaque  fust  si  foihle  que,  s'il  se  trouve  quelques 
personnes  partisans  du  Duc  qui  veuillent  dire  qu'il  ayt  voulu  ou 
emporter  la  place,  ou  y  faire  un  grand  logement,  bien  qu'il  ne  lîst 
ny  l'un  ni  l'autre,  au  moins  aucun  ne  dira-t-il  [ce  qui  est  à  noter  |, 
qa'H  y  ayt  voulu  périr,  n'ayant  point  esté  [seulement]  en  lieu  où  il  peust 
[courre  quelque  fortune],  en  échauffant  les  soldats  à  bien  faire. 

A  ce  que  des.sus  le  Prince  ajoute  qu'il  est  aisé  à  cognoistre  que 
le  Duc  n'avoit  point  d'intention  de  faire  donner  l'assaut  lorsqu'il  fîst 
jouer  sa  mine ,  en  ce  qu'il  n'avoit  pas  faict  les  préparatifs  nécessaires 
à  cet  effect. 

Il  n'avait  point  faict  faire  d^ouverture  à  la  tranchée ,  à  ce  que  tes 
soldats  peussent  en  sortir  commodément;  il  n'avoit  point  fait  faire  de 
place  d'armes  où  ils  peussent  estre  rangés  en  bataille;  [il  n'avoit  pas 
seulement  faict  nettoyer  la  tranchée  en  laquelle  on  estoit  en  la  boue 
jusques  à  la  cheville  du  pied].  Et  il  avoit  eu  sy  peu  de  soin  de  bien 
faire  placer  les  trente  qu'il  avoit  ordonnés  pour  donner  à  la  brèche 
après  l'effect  de  la  mine,  qu'elle  en  tua  2^  [ou  26.  Sur  quoy  il  faut 
remarquer  une  chose,  qui  seule  est  capable  de  décider  le  point 
de  la  question ,  c'est  que  le  sergent  et  les  4  soldats  qui  restèrent  de 
ces  3o,  pleins  de  zèle  et  de  valeur,  montèrent  sur  le  haut  aassy  coura- 
geusement que  si  leurs  compagnons  morts  eussent  pu  les  y  suivre,  et  y 
demeurèrent  sy  longtemps  sans  estre  secourus,  qu'encore  que  d'abord  ils  n'y 


200  LETTRES 

trouvèrent  aucuns  ennemis,  ils  eurent  loisir  d'y  venir  et  les  en  chassèrent , 
le  sergent  y  ayant  eu  3  coups  de  pique,  qu'apparemment  il  n'eastpas  receus 
s'il  eusl  esté  soastenu.] 

H  adjouste  encores  la  froideur  et  l'indifférence  avec  la  quelle  le  Duc 
s'est  conduit  pendant  tout  le  siège,  particulièrement  remarquable  en 
2  choses  : 

L'une,  que,  bien  que  le  Prince  ayt  esté  secouru  des  communes  de 
Béarn  jusques  au  nombre  de  3  et  4-000  hommes,  il  n'a  pas  pu  l'estre 
de  celles  de  Gaienne,  ny  de  la  noblesse  de  cette  province,  quelque  instance 
qu'il  en  a^^t  faicte  au  dit  Duc. 

L'autre,  que  luy  estant  quelquefois  représenté  pourquoy  il  n'em- 
ployoit  pas  ses  gardes,  très-braves  gens,  il  eut  l' inconsidération  de 
respondre  qu'ils  n'esloient  pas  payés  du  roy. 

11  adjouste  de  plus  qu'il  a  retardé  le  feu  de  la  mine  du  s''  de  Gram- 
mont,  ne  voulant  pas  qu'elle  jouast  devant  la  sienne,  bien  qu'il  fust 
inutile  de  la  pousser  plus  avant  à  cause  de  la  contre-mine  voûtée 
qui  estoit  dans  le  bastion,  laquelle  on  rencontroit  d'autant  plus  qu'on 
s'avançoit  davantage. 

Il  adjouste  le  mespris  qu'il  a  faict,  non-seulement  de  faire  exécutter 
ses  ordres,  mais,  qui  plus  est,  ceux  du  roy,  au  mespris  desquels  il  n'a  ja- 
mais voulu  se  trouver  aux  conseils  de  guerre,  bien  que  S.  M.  en  eust 
réglé  les  rangs,  et  a  tôusjours  faict  payer  le  régiment  de  Guienne  devant 
tous  les  autres,  quoyque  S.  M.  eust  ordonné  le  contraire,  et  que  les  règle- 
mens  généraux  de  la  guerre  donnassent  le  1"  rang  à  l'ancienneté. 

Il  adjouste  le  soin  et  la  prévoyance  que  le  dit  Duc  eut,  contre 
toute  sorte  de  raison,  d'envoyer  i5  jours  auparavant  son  bagage  et 
tout  ce  qu'il  avoit  de  meilleur  à  Bayonne'. 

Il  adjouste  les  avis  donnés  au  marquis  de  La  Force  par  un  gentil- 
homme sien  ami,  de  la  frontière,  que  les  Espagnols  disoient  qu'un 
grand  les  favorisait,  et  ensuite  les  bruits  qui  coururent  que  les  ennemis 
furent  Adxeiûs  de  donner  ce  jour  là,  parce  qu'on  devoit  donner  l'assaut. 

11  adjouste  qu'un  ordre  luy  estant  porté  de  sa  part  de  secourir  les 

Richelieu  a  écrit  en  marge  de  cp  paragraphe  :  ■  Vérifier.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  201 

quartiers  qui  estaient  proche  du  sien,  au  cas  qu'ils  /eussent  attaqués,  il  le 
refusa,  disant  qu'il  ne  voulait  ny  les  secourir,  ny  estre  secouru  d'eux;  ce 
qui  donne  tout  lieu  de  croire  qu'il  sçavoit  bien  comme  les  choses  se 
dévoient  passer,  et  que,  dans  une  attaque  générale,  il  ne  seroit  pas 
attaqué. 

Il  adjouste  que  les  ennemis  sortirent  du  dedans  de  la  ville,  par  la 
brèche,  en  bataillon,  pour  charger  les  nostres  à  l'instant  de  l'attaque 
générale,  ce  qui  monstre  bien  que  la  brèche  estoit  raisonnable,  et 
qu'ensuite  ceux  des  nostres  qui  furent  faicts  prisonniers  furent  menés 
à  cheval  dans  la  ville  par  la  dite  brèche. 

Il  adjouste  encores  la  moquerie  ouverte  que  les  ennemis  font  de  la 
froideur  des  François  en  cette  occasion,  et  les  rapports,  que  font  les 
prisonniers  qui  reviennent,  des  mauvais  bruits  qui  courent  parmi  les 
ennemis. 

Il  adjouste  que  ce  n'est  pas  merveille  s'il  ne  jugeoit  pas  la  brèche 
raisonnable  puisqu'il  ne  jugea  jamais  qu'on  peust  attaquer  les  enne- 
mis dans  les  forts  de  Socoa,  Bourdeguin  et  autres  qu'ils  occupoient, 
[l'année  passée,  bien  que  tous  ceux  qui  les  virent,  lorsqu'ils  les 
eurent  abandonnés,  jugèrent  tous]  qu'ils  n'estoient  pas  seulement 
deffensables. 

Il  adjouste  enfin  la  lascheté  avec  laquelle  le  Duc  a  laissé  perdre 
trois  canons  qui  estoient  au  deçà  de  l'eau ,  bien  qu'il  eust  ordre  de 
les  retirer,  ce  qu'il  n'a  sceu  faire,  à  ce  qu'il  dict,  pour  n'avoir  peu 
trouver  ny  chevaux,  ny  bœufs,  excuse  non  recevable  à  un  gouverneur 
en  sa  Province,  vu  principalement  qu'il  estoit  aisé,  en  deux  jours  en- 
tiers que  les  dicts  canons  ont  esté  là,  de  les  retirer  avec  les  chevaux 
de  carosse,  de  charette  et  de  chariot  qu'on  pouvoit  ramasser. 

[Ensuite  de  toutes  ces  particularités]  le  prince  de  Condé  repré- 
sente que  jamais  faict  de  cette  nature,  où  l'on  se  cache  autant  qu'on 
peut,  ne  fut  fortifié  de  tant  de  circonstances  sy  pressantes  que,  si 
elles  ne  sont  pas  suffisantes  pour  establir  une  preuve  mathématique, 
au  moins  osteut-elles  la  liberté  de  croire  le  contraire  de  ce  qu'elles 
persuadent. 

CiillDlll.  DE  RICHELIEU.  —  VI.  36 


202 


LETTRES 


Continuant  sa  preuve  il  met  en  avant  la  règle  de  droit  qui  veut 
que  celuy  qui  une  fois  a  esté  convaincu  d'un  crime  soit  tousjours 
présumé  coupable  de  fautes  de  pareille  nature  lorsqu'il  en  est  accusé 
de  nouveau,  d'où  il  infère  que  le  Duc  ne  peut  estre,  au  faict  du  siège 
de  Fontarabie,  jugé  innocent  d'infidélité,  puisqu'il  n'y  a  que  2  ans 
qu'il  fust  convaincu  de  la  plus  noire  qui  ayt  jamais  esté  commise 
contre  l'Estat^  [Il  ne  s'estend  pas  davantage  sur  ce  faict;  seulement 
supplie-t-il  de  considérer  que,  les  racines  de  ce  premier]  crime  n'ayant 
pas  esté  coupées  comme  la  raison  le  requéroit,  ce  n'est  pas  merveille 
si  elles  produisent  en  i638  mesme  fruict  qu'elles  firent  en  i636. 

Reste  à  voir  quelles  sont  les  deffenses  du  duc  de  La  Valette. 

La  principale  est  fondée  sur  le  rapport  de  Landresse ,  mais  le 
prince  de  Condé  s'asseure  qu'un  chacun  jugera  que  c'est  inutilement 
pour  deux  raisons. 

La  première  est  que  Landresse  ne  faict  pas  la  brèche  telle  qae  par  son 
avis  il  soit  impossible  d'y  donner,  mais  seulement  sy  difficile  qu'il  jugeoit 
plus  seur  d'y  faire  un  logement  qae  d'entreprendre  d'emporter  la  place  par 
assaut^.  Sur  quoy  il  est  à  considérer  qu'un  homme  plein  de  cœur  et 
de  zèle  ne  doit  jamais  refuser  un  party  douteux,  bien  qu'il  soit  diffi- 
cile, principalement  lorsqu'il  s'agit  d'un  faict  si  important  que  c'est 
gaigner  que  perdre  en  le  tentant.  Il  suffit  qu'il  ne  soit  pas  impossible 
pour  avoir  lieu  de  hasarder  avec  raison;  et,  en  tel  cas,  la  témérité 
mesme  est  excusable  et  tient  lieu  de  vertu,  au  lieu  qu'une  trop  grande 
retenue  est  criminelle  ^. 


'  Le  cardinal  fail  sans  doute  allusion 
à  ceqtii  s'était  passé  aux  procès  des  barons 
du  Bec  et  de  Saint-Léger,  qui  furent  con- 
damnés à  être  tirés  à  quatre  chevaux  pour 
avoir  rendu  à  l'ennemi  les  places  qu'ils 
commandaient;  tous  les  juges  opinèrent 
à  la  mort.  Le  duc  de  La  Valette  seul  sou- 
tint, contre  le  sentiment  du  roi  et  du 
cardinal,  que  le  baron  du  Bec,  ayant  ré- 
sisté pendant  sept  jours ,  n'avait  point  for- 
fait à  l'honneur  en  rendant  une  place  en 


si  mauvais  état  que  celle  qu'il  défendait. 
Richelieu ,  que  cette  contradiction  et  sur- 
tout cette  indulgence  avaient  animé  d'une 
furieuse  colère,  en  fit  au  duc  de  La  Va- 
lette, dit  le  père  Griffet,  «des  reproches 
dans  les  termes  les  plus  durs  et  les  plus 
outrageans.  »  (II,  757.) 

*  Ici  Richelieu  a  écrit  en  marge  :  <i  A  vé- 
rifier. » 

^  Sur  le  coin  d'une  feuille  de  ce  manu.s- 
crit,  f°  -28  v°,  on  trouve  ces  lignes  de  la 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


203 


La  seconde  est  que  quand  mesme  Landresse  eust  rendu  l'assaut 
impossible,  son  jugement  ne  devoit  pas  estre  préféré  à  tant  d'autres 
qui  disoient  le  contraire,  veu  principalement  que  Pressac,  qui  avoit 
esté  sur  le  haut  de  la  brèche  aussy  bien  que  luy,  disant  que  la  brèche 
estoit  difficile,  disoit  positivement  qu'on  pouvoit  emporter  la  place, 
si  de  looo  soldats  on  vouloit  s'exposer  à  en  perdre  4oo,  ce  qui  n'es- 
toit  pas  considérable  au  respect  de  l'avantage  que  la  prise  de  Fonta- 
rabie  eust  apportée  à  la  France.  [Il  falloit  lors  acheter  les  momenls 
non-seulement  au  prix  de  l'or,  mais  du  sang  des  hommes.] 

A  moins  qu'estre  insensible  ou  transporté  d'une  furieuse  passion, 
un  homme  ne  pouvoit,  en  telle  occasion,  n'estre  pas  piqué  de  l'inté- 
rest  de  i'Estat  et  de  celuy  de  son  honneur  propre;  et  c'est  chose  claire 
que  le  Duc,  estant  glorieux  comme  il  est,  et  vaillant  comme  il  veut 
qu'on  le  croie,  il  n'eust  pas  perdu  l'occasion  de  se  signaler  en  cette 
rencontre,  s'il  n'eust  esté  retenu  par  quelque  motif  secret  et  caché, 
bien  puissant,  puisqu'il  l'estoit  plus  que  tous  ceux  de  son  intérest. 

[Quelque  flegme  que  sa  conslilution  naturelle  luy  donne,  s'il 
n'eust  esté  fortifié  de  quelque  autre  ingrédient,  il  n'eust  pas  esté 
capable  de  le  faire  résister  aux  divers  avis  de  tant  de  gens  de  bien 
qui  luy  proposèrent  l'assaut.] 

Le  second  moyen  dont  se  sert  le  Duc  pour  se  descharger  du  mau- 
vais événement  du  siège  de  Fontarabie,  est  de  le  rejetter  sur  l'aban- 
donnement  qui  fut  faict  du  port  du  Passage,  qu'il  attribue  à  l'arche- 
vesque  de  Bordeaux,  au  s'  d'Espenan  et  à  Houdinière;  mais,  outre 
que  celte  excuse  faict  contre  celuy  qui  la  produit,  en  ce  qu'il  est  clair 
que  si  l'on  n'a  peu  garder  les  retranchemens  de  Fontarabie,  y  ayant 


main  du  cardinal  :  «  Un  homme  de  grand 
cœur  ne  doit  jamais  refuser  un  parly  dou- 
teux quand  il  y  a  apparence  qu'il  puisse 
réussir,  bien  qu'il  soil  difficile,  principale- 
ment lorsqu'il  s'agit  d'un  faict  si  impor- 
tant que  c'est  gaigner  que  perdre  pour  le 
tenter.  En  tel  cas  la  retenue  et  la  pru- 
dence est  (sic)  criminelle  et  la  témérité  est 


vertu.  «  On  voit  que  ce  fragment  est  em- 
ployé ici  par  le  cardinal,  avec  quelques 
légers  chaDgements  qui  lui  ont  fait  perdre 
quelque  chose  de  sa  vivacité.  C'était  une 
de  ces  pensées  que  Richelieu  jetait  sur  le 
papier  au  moment  où  elles  lui  traversaient 
l'esprit  et  qu'il  réservait  pour  s'en  servir 
plus  tard. 

36. 


204  LETTRES 

l'amassé  toutes  les  forces  du  roy,  beaucoup  moins  l'eust  on  peu 
faire  en  les  divisant  en  deux  lieux  séparés  de  trois  lieues  l'un  de 
l'autre. 

Le  Duc  ne  peut  se  servir  d'un  tel  moyen  sans  une  extresme  malice, 
puisque,  bien  qu'il  ne  fust  pas  au  conseil  où  cette  résolution  fut 
prise  déterminément ,  parce  qu'il  ne  voulut  jamais  s'y  trouver  depuis 
que  l'archevesque  de  Bordeaux  fut  en  l'armée,  auparavant  son  arrivée 
il  avoit  esté  plusieurs  fois  résolu  tout  d'une  voix,  luy  présent  et 
consentant,  qu'il  falloit  nécessairement  quitter  la  garde  de  Port  lorsque 
les  ennemis  auroient  une  armée  en  campagne,  et,  en  effect,  il  fau- 
droit  estre  privé  de  tout  jugement  pour  ne  cognoistre  pas  qu'en  tel 
cas  il  n'y  avoit  point  d'autre  conseil  à  prendre  que  celuy  qui  fut  pris, 
dont  on  vil  promptement  le  fruict,  en  ce  qu'il  donna  moyen  à  l'ar- 
chevesque de  Bordeaux  de  faire  l'effect  qu'il  fist  contre  l'armée  navale 
d'Espagne. 

Ensuitte  de  ces  deux  moyens,  le  Duc  en  met  confusément  trois 
autres  en  avant  [pour  faire  voir  ce  qu'il  mérite]  :  la  grandeur  de  sa 
maison,  sa  fidélité  particulière  et  sa  vaillance. 

Sur  le  i"  point  il  dict  souvent  des  merveilles,  mais  bien  inutiles 
aux  fins  dont  il  est  question,  puisque,  quand  mesme  il  viendroit  en 
droite  ligne  de  l'empereur  Charles  Quint,  le  mérite  de  ses  ancestres, 
qui  n'estoient  pas  à  Fontarabie ,  ne  peut  faire  qu'il  y  paroisse  resplen- 
dissant de  gloire,  si  ses  actions  l'y  couvrent  de  honte ^ 

Quelque  considération  qu'il  dust  avoir  sur  ce  sujet,  il  ne  laisse 
pas  de  s'emporter  souvent  jusques  à  tel  point  qu'on  cognoist  bien 
par  son  visage  et  par  ses  discours  que,  si  B^.  estoit 

en  vie,  il  le  feroit  mourir,  quand  mesme  il  ne  pourroit  le  faire 
mentir. 

On  n'empesche  pas  qu'il  emploie  le  tiltre  de  la  grandeur  de  sa 
maison  contt-e  le  chancelier,  auquel  il  ne  veut  pas  céder;  contre  les 

'  En  marge  de  ce  paragraphe  le  car-  '  Le  manuscrit  ne  donne  que  l'initiale 

dinal  a  mis  :  «Savoir  d'où  vient  la  maison        de  ce  nom. 
de  Candale.  > 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  205 

mareschaux  de  France,  qu'il  veut  précéder  es  conseils  de  guerre; 
contre  les  archevesques,  les  gouverneurs  de  provinces,  les  lieutenans 
généraux  d'armée,  auxquels  il  refuse  la  main  chez  luy,  bien  que  telles 
prétentions  l'exposent  à  la  risée  du  monde  et  donnent  lieu  à  beau- 
coup d'esprits  de  dire  qu'espousant  la  gloire  d'Espagne  on  peut  avec 
raison  soupçonner  qu'il  en  a  le  cœur;  mais  il  ne  peut  sans  crime,  en 
matière  de  morale,  tirer  son  innocence  d'un  tel  principe,  puisqu'il 
est  des  crimes  comme  des  vertus,  qui  sont  toutes  personnelles. 

Sur  le  point  de  sa  fidélité,  il  est  difficile  de  luy  respondre,  veu  la 
naissance  des  tesmoins  qu'il  met  en  jeu,  estant  certain  qu'il  n'y  a 
personne  qui  veuille  contredire  un  frère  unique  du  roy  et  un  prince 
de  son  sang  tel  qu'est  le  comte  de  Soissons,  qui  font  cognoistre  clai- 
rement jusques  à  quel  point  on  doit  estimer  en  luy  cette  qualité  dont 
il  se  vante. 

Pour  ce  qui  est  de  sa  vaillance,  il  la  relève  jusques  à  tel  point  que 
c'est  chose  évidente  qu'il  n'aspire  pas  à  moins  qu'à  la  réputation  du 
brave  mareschal  de  Biron;  mais,  son  dire  estant  dépouveu  de  preuves, 
il  ne  produit  autre  effect  que  de  Faire  croire  à  beaucoup,  et  craindre  à 
ceux  qui  l'aiment,  qu'il  mérite  la  fortune  de  ce  digne  héros,  dont  la 
gloire  seroit  immortelle  si  sa  fidélité  avoit  correspondu  à  sa  valevu:. 

Pour  faire  voir  que  le  Prince  procède  sans  passion,  il  ne  veut  pas 
celer  une  response  de  roman  que  le  Duc  fist  en  faisant  la  retraite 
après  cette  déroute,  retraite  dont  il  prétend  tirer  beaucoup  de  gloire, 
bien  qu'il  ne  fusl  suivi  d'aucun  ennemi.  La  joie  qui  paraissoit  sur  son 
visage  et  en  ses  actions,  scandalisant  ceux  qui  s'en  apperceurent, 
quelques  uns  ne  peurent  s'cmpescher  de  luy  en  faire  reproche,  ce 
qui  luy  donna  lieu  de  respondre  :  Si  je  ris  c'est  de  peur  que  les  sol- 
dats ne  s'eslonnent;  mais  cela  n'empesche  pas  gae  je  n'aie  dans  le  cœur 
la  douleur  que  j'y  dois  avoir.  Sur  quoy  le  prince  de  Condé  remarque 
judicieusement  qu'il  y  a  grande  différence  entre  tesmoigner  un  vi- 
sage asseuré  dans  une  aflliction,  et  rire  quasi  à  gorge  déployée,  et 
qu'ainsi  que  l'un  est  une  preuve  de  grand  cœur,  l'autre  en  est  une 
indubitable  de  malice  ou  de  fohe,  n'y  ayant  que  les  méchans  qui 


206  LETTRES 

soient  joyeux  dans  les  calamités  publiques,  et  que  les  fols  qui  puissent 
rire  lorsqu'ils  ont  sujet  de  pleurer. 

'  [Le  rire  et  les  deffenses  les  plus  sérieuses  du  duc  de  La  Valette 
prouvent  esgalement  son  crime,  et  si  le  droit  de  la  nature  l'oblige  à  se 
dire  innocent,  le  Prince  tient  pour  asseuré  qu'il  se  recognoist  dans 
son  cœur  juridiquement  convaincu  de  n'estre  pas  grand  capitaine  et 
d'estre  fort  mauvais  soldat.] 

Deux  choses  restent  seulement  à  décider  :  sçavoir  quelle  est  la  na- 
ture particulière  du  crime  [dont  il  est  question],  et  quelle  punition 
il  mérite. 

Aristote  nous  apprenant  qu'on  argumente  sévèrement  a  sajjicienti 
divisione,  concluant  nécessairement  qu'un  effect  procède  de  toutes  les 
causes  qui  luy  peuvent  estre  attribuées,  c'est  chose  claire  que  le  mal 
dont  nous  nous  plaignons  a  esté  causé  ou  par  trahison  et  intel- 
ligence secrète  avec  les  ennemis;  ou  par  un  désir  de  traverser  les 
affaires  du  roy  sans  leur  participation;  ou  par  une  jalousie  si  maligne 
qu'elle  a  destourné  le  Duc  de  son  devoir  [ou  par  une  lascheté  infâme, 
ou  par  une  ignorance  si  grossière  qu'elle  est  du  tout  inexcusable]. 

Il  est  clair  qu'il  ne  peut  se  laver  de  l'une  de  ces  fautes. 

On  sçait  la  lascheté  sy  esloignée  de  toute  la  maison  d'où  est  sorti 
le  dict  s'  de  La  Valette  qu'on  ne  sçauroit  l'en  accuser  sans  s'exposer  à 
estre  estimé  sans  jugement,  et,  outre  que  [les  lois  ordonnent  de 
sévères  peines  à  ceux  qui  par  manque  de  cœur  manquent  à  ce  qu'ils 
doivent  au  public,]  on  est  asseuré  qu'i4  ne  voudra  pas  s'excuser  par 
cette  voie. 

[D'autre  part,  le  Duc  estant  Gascon,  et  glorieux  comme  il  est,  il 
aymera  mieux  estre  estimé  coupable  qu'incapable  au  meslier  de  la 
guerre,  que  sa  charge  de  colonel  de  l'infanterie  l'oblige  de  sçavoir, 
outre  qu'il  ne  pourroit  esviter  par  cette  voye  d'estre  au  moins  privé 
de  tous  employs  publics,  et  pour  peine  du  mal  dont  son  ignorance 
inexcusable  auroit  esté  cause,  et  pour  en  prévenir  beaucoup  d'autres 
semblables  qui  pourroyent  venir  de  mesme  source.] 

'  Ce  paragraphe,  écrit  de  la  main  du  cardinal,  remplace  deux  paragraphes  effacés. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  207 

Et  parlant,  si  la  preuve  des  faicts  ci-dessus  exposés  se  trouve 
bonne,  c'est  chose  claire  que  le  désir  de  traverser  les  affaires  du  roy, 
la  jalousie  ou  la  trahison  sont  cause  de  sa  mauvaise  conduite. 

Le  dernier  ne  peut  estre  creu  sans  une  conviction  manifeste  qu'on 
ne  voit  pas,  et  partant  il  faudroit  estre  aveugle  pour  n'attribuer  pas 
son  mauvais  procédé,  cause  manifeste  du  mauvais  événement  du 
siège  de  Fontarabie,  ou  à  sa  mauvaise  volonté  à  l'esgard  des  affaires 
publiques,  ou  à  la  jalousie  qu'il  a  eue  de  la  gloire  de  mons""  le  Prince , 
ou  de  ceux  qu'il  croyoit  devoir  avoir  part  aux  bons  succès  de  son 
entreprise. 

S'il  estoit  convaincu  de  trahison,  il  n'y  auroit  point  de  supplices 
assez  exemplaires  pour  son  chastiment. 

[Si  le  désir  de  nuire  aux  affaires  publiques  a  esté  le  motif  de  sa 
faute,  il  mérite  de  périr  en  public  pour  l'expiation  d'icelle  '.] 

^  [Enfin  les  passions  particulières  ne  pouvant  estre  préférées  aux 
intérests  publics  sans  crime ,  c'est  chose  certaine  que  la  jalousie  n'a 
peu  le  précipiter  en  la  faute  qu'il  a  commise  sans  mériter  une  sévère 
punition,  plus  ou  moins  austère  selon  les  divers  préjudices  que  l'Es- 
tat  peut  recevoir  de  son  envie,  mais  qu'on  ne  peut  omettre  sans  aban- 
donner les  intérêts  publics,  et  donner  lieu  à  tous  les  mauvais  esprits 
de  ce  royaume  d'entreprendre  tout  ce  que  leur  malice  leur  pourroit 
suggérer  pour  en  traverser  les  prospérités.  Ainsi  quoy  que  puisse 
dire  le  duc  de  La  Valette,  il  mérite  une  sévère  punition  qui  iuy  est  ar- 
demment souhaittée  par  le  prince  de  Condé,  par  le  seul  motif  des  in- 
térests de  l'Estat.  ] 

'   [Avis  : 

La  vérité  des  faicts  cy-dessus  exposez  estant  supposée,  le  conseil 

'  Le  cardinal  a  écrit  ceci  à  la  place  d'un  vis  sur  le  /èwement,  etc.  lesquels  passages 

pnragraplie  qui  se  trouve  déjà  dans  l'avis  avaient  été  répétés  dnns  ce  mémoire,  et 

sur  le  lèvement  du  siège,  etc.  (ci-dessus  à  entre  autres  le  paragraphe  qui  commence  : 

la  date  du  20   septembre)    commençant  «  La  faute  qu'il  avoit  commise,  etc.  » 
ainsi  :  «S'il  l'estoit  de  iaschelé,  etc.  »  '  Tout  ce  passage  a  été  presque  entiè- 

'  Ce  paragraphe,  de  la  main  du  car-  rement  refait  de  la  main  de  Richelieu, 
dinal,  remplace  plusieurs  passages  de  l'a- 


208  LETTRES 

du  roy,  considérant  que  le  duc  de  La  Valette  s'est  servi  de  la  brèche 
de  Fontarabie  pour  en  faire  une  autre  à  l'Estat,  qui  ne  pourra  jamais 
estre  réparée,  au  lieu  de  s'en  prévaloir  pour  réparer  celle  qu'il  fist  à 
son  honneur  en  i636,  et  que  la  bonté  et  la  prudence  dont  il  pleust 
à  S.  M.  d'user  l'année  passée,  en  son  endroict,  dissimulant  une  sy 
notable  faute,  n'a  pas  esté  suivie  de  l'effect  qu'elle  s'en  devoit  pro- 
mettre, dict  hautement  qu'il  n'y  a  plus  rien  à  attendre  de  la  bonne 
volonté  du  duc  de  La  V^alette,  et  que  S.  M.  est  obligée  de  le  chastier 
selon  la  rigueur  des  lois  communes  à  tous  les  Estats.] 

Rien  ne  peut  estre  mis  en  avant  pour  divertir  d'une  telle  résolu- 
tion que  le  respect  de  M'  le  cardinal  de  La  Valette,  qui  n'est  pas 
considérable  en  cette  occasion,  parce  qu'il  est  sy  zélé  au  service  du 
roy  qu'il  ne  voudroit  pas  que  l'Estat  [souffrist  un  préjudice  irrépa- 
rable] par  l'impunité  de  son  frère,  el  sy  judicieux  que,  sachant  ce 
qui  s'est  passé,  il  croira  devoir  beaucoup  à  S.  M.  si  la  justice  dont 
on  usera  va  plus  à  empescher  le  coupable  de  commettre  de  nouvelles 
fautes  qu'à  le  chastier  avec  rigueur  de  celles  qu'il  a  commises. 

On  peut  procéder  en  cette  affaire  du  Duc  de  deux  façons  :  ou 
mandant  simplement  à  M.  de  La  Valette  qu'il  vienne  rendre  compte 
au  roy  de  cette  action ,  au  quel  cas ,  estant  venu ,  S.  M.  luy  peut  donner 
la  1"=  ciosture  du  bois  de  Vincennes  pour  lieu  de  demeure,  pendant 
qu'on  esclaircira  son  procédé  en  présence  de  S.  M.  séant  en  un  con- 
seil de  guerre; 

Ou  envoyer  un  pouvoir  à  M.  le  Prince  de  faire  arrester  M.  de  La 
Valette.  Mais,  outre  que  cela  embarassera  mon  dict  s''  le  Prince,  cet 
expédient  blessera  aucunement  M.  le  cardinal  de  La  Valette,  au  lieu 
que,  quelque  événement  que  puisse  avoir  l'autre,  il  ne  sçauroit  s'en 
plaindre  avec  raison,  estant  certain  que,  si  un  de  ceux  qui  sont  dans 
son  armée  luy  avoit  faict  manquer  ime  pareille  occasion  à  celle  de 
Fontarabie,  il  désireroit  luy  mesme  que  le  roy  en  tirast  la  raison. 

Et,  en  effect,  il  seroit  inutile  de  faire  de  grandes  armées  et  de  pro- 
jeter les  plus  avantageux  desseins  qui  se  puissent  faire,  si  on  souflroit 
qu'ils  vinssent  à  eschouer  par  la  faute  de  ceux  qui  sont  destinés  à 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


209 


leur  exécution,  et  le  public  ne  seroit  pas  satisfaict  du  gouvernement 
de  l'Estat,  si  on  n'avoit  un  soin  particulier  de  tirer  raison  de  ceux  qui 
le  desservent  manifestement. 

Quelque  résolution  que  le  Roy  prenne  en  ce  sujet  il  faut  faire  sor- 
tir M.  d'Espernon  de  Guienne,  ce  qu'il  doit  désirer  luy-mesme  pour 
rendre  la  justification  de  son  fils  moins  suspecte,  estant  certain  que, 
s'il  demeuroit  dans  la  province,  on  pourroit  prétendre  que  les  dépo- 
sitions de  ceux  qu'il  faudra  interroger  ne  seroient  pas  libres. 

11  faut,  en  ce  cas,  envoyer  un  pouvoir  à  M''  le  Prince,  pour  com- 
mander dans  la  Guienne  par  commission. 

Si  M'  d'Espernon  représente  que  M""  le  Prince  est  partie  en  cette 
affaire ,  il  est  trop  vieil  pour  ne  sçavoir  pas  qu'un  général  d'armée  ne 
peut  estre  partie  contre  son  inférieur  délinquant  aufaict  de  sa  charge, 
ce  qui  se  pratique  non  seulement  au  faict  de  la  guerre,  mais  en 
toutes  autres  compagnies,  parce  qu'autrement  les  supérieurs  ne  pour- 
roient  jamais  contenir  ceux  qui  sont  sous  eux  eu  leur  devoir. 


CXXIV. 
Bibl.  imp.  Fonds  Bélliune,  92791  fol.  5o.  —  Copie. 


AU  DUC  DE  WEYMAR'. 


De  Rnel,  ce  1"  octobre   i638. 


Monsieur, 

La  conservation  de  vostre  personne,  de  vos  troupes  et  de  vos  pro- 
grès en  Allemagne  est  sy  chère  à  Sa  Majesté  qu'elle  ne  veut  rien  oublier 


'  Celle  lellre  répond  à  trois  longue.s 
dépêcLcs  écrites  de  Colniar,  le  i5  sep- 
tembre, par  le  duc  Bernard,  au  roi,  au 
cardinal  etau  secrétaire  d'état  de  la  guerre , 
de  Noyers.  Dans  ces  lettres  le  duc  réclame 
l'exécution  des  promesses  qui  lui  avaient 
été  faites,  et  demande  qu'on  lui  envoie 
sans  tarder  des  secours,  qui  seuls  peuvent 


le  sauver  d'une  ruine  imminente.  (Bibl. 
imp.  fonds  Bélhune  9337,  (*"  167,  17/1, 
177).  Le  3  2,  dans  une  missivede  six  pages, 
adressée  au  roi,  Bernard  de  Weymar  re- 
venait à  la  charge,  et  peignait  ses  périls 
chaque  jour  croissants  (même  manuscrit, 
P  170).  Il  fit  un  glorieux  emploi  des  se- 
cours qu'on  lui  donna.  Dans  cette  année, 


CARDIH.  DE  nlCHELIEO.  —  VI. 


210  LETTRES 

de  ce  qui  luy  sera  possible  pour  la  maintenir.  Le  sieur  Trucses  et 
les  vostres  vous  auront  faict  sçavoir  l'ordre  qu'elle  a  donné  à  ces  fins 
pour  vos  payemens.  Ils  auront  aussy  informé  Vostre  Altesse  de  ceux 
qui  ont  esté  envoyés  à  monsieur  de  Longueville,  de  faire  partir  en 
toute  diligence  deux  mille  hommes  d'élite  de  son  armée  pour  rendre 
la  vostre  ainsy  que  vous  l'avés  désirée.  Maintenant  on  luy  mande, 
pour  la  seconde  fois,  par  le  dict  sieur  Trucses,  que  pour  empescher 
que  vous  ne  puissiés  estre  attaqué  de  deux  costés,  s'il  apprend  que 
le  duc  Charles  tourne  du  costé  du  Rhin,  Sa  Majesté  veut  absolument 
qu'il  le  serre  et  aille  droit  à  vous.  Ainsy,  Monsieur,  V.  A.  verra  qu'on 
faict  tout  ce  qui  se  peut  au  monde  pour  la  secourir,  et  luy  donner 
moyen  de  conserver  ses  avantages.  Je  la  supplie  de  croire  que  ce 
.  m'en  sera  tousjours  beaucoup,  en  mon  particulier,  de  la  servir  et  de 
luy  faire  cognoistre  que  personne  ne  l'honore,  ny  n'est  plus  passio- 
nément  que  moy. 

Monsieur, 

Vostre  très  humble  et  très  affection  né  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


aflligée  de  plus  d'un  revers,  ce  fui  surtout 
le  duc  de  Weymar  qui  soutint  la  fortune 
de  ia  France.  Il  finit  l'année  avec  éclat. 
Après  plusieurs  brillants  combats  devant 
Brisacb ,  qu'il  assiégeait,  il  s'empara  de 
cette  place  le  19  décembre.  La  douleur  de 
l'ennemi,  mieux  encore  que  les  fêtes  de 
la  France,  nous  dit  l'importance  de  cette 
conquête;  écoutons  ce  cri  désespéré  jeté 
par  le  duc  de  Lorraine  :  «  Enfin  Brisac  est 
pris ,   honte  immortelle   pour  l'Empire  ! 


nous  y  avons  notre  part;  Dieu  sçayt  qui  y 
a  coulpe.  Tout  le  remède  c'est  de  faire 
merveille  l'année  qui  vient.  Sy  à  Viene  il 
ne  répare  cest  ad'ront  par  quelque  grand 
dessein  et  bien  exécuté,  il  ne  faut  plus 
eslre  soldat,  mais  moine,  et  laisser  l'Em- 
pire à  qui  le  prendra.  »  Le  duc  envoyait 
cette  éloquente  lamentation  au  colonel 
Mercy.  (Autographe;  Bibl.  imp.  Bélhune, 
9327,  P  161.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


211 


CXXV. 

Arch.  des  AS.  élr.  Angleterre,  t.  A7.  fol.  198.  — 
Minute  de  la  main  de  Charpentier', 
irap.  Fonds  Saint-Germ.  Harl.  364",  fol.  181.  —  Original. 


Bibl. 


A  M.  DE  BELLIÈVRE. 

Ce  6  octobre  1 638. 

Monsieur,  Je  ne  vous  dis  rien  du  voiage  que  la  reyne  mère  du 
roy  a  projeté  de  faire  en  Angleterre,  [tant]  parceque  M.  de  Chavigny 
vous  aura  tousjours  faict  ample  response  à  ce  que  vous  luy  en  avés 
mandé,  [que]  parce  aussy  que  ce  m'est  ime  matière  sy  sacrée^,  que 
pour  n'y  faillir  pas  je  me  contente  de  suivre  purement  et  simplement 
les  mouvemens  du  roy*.  Mais  je  ne  sçaurois  vous  [celer]  que  S.  M. 
a  receu  un  extresme  contentement  de  la  joie  que  le  roy  et  la  reyne 


'  Il  y  a  çà  et  là,  dans  cette  minute, 
quelques  mots  de  la  main  de  Richelieu; 
nous  les  mettons  entre  crochets.  La  pièce 
est  mal  classée  dans  ce  manuscrit  à  cause 
de  la  fausse  date  du  à  septembre,  mise 
sans  doute  après  coup  :  l'original  nous 
donne  la  date  véritable. 

'  Ce  feint  respect  a  toujours  été  une 
des  adresses  de  Richelieu ,  mais  il  ne 
lui  a  guère  servi  ;  quoique  Louis  XIII  ai- 
mât peu  sa  mère,  on  sait  bien  qu'il  n'au- 
rait jamais  usé  de  tant  de  rigueurs  contre 
elle  si  le  cardinal  ne  les  lui  eût  inspirées. 
Lorsque  le  ministre  rassemblait  un  conseil 
pour  faire  examiner  les  réclamations  de 
cette  reine  exilée,  personne  n'ignorait  que 
la  docilité  de  ce  conseil  ne  fût  assurée 
d'avance  au  cardinal,  et  quand  Chavigni 
écrivait,  comme  on  le  dit  ici,  s'il  tenait 
la  plume ,  c'était  la  parole  du  cardinal  qui 
la  conduisait.  Les  ambassadeurs  de  France 
dans    les   cours   étrangères   surveillaient 


avec  grand  soin  toutes  les  démarches  de 
Marie  de  Médicis ,  comme  M.  d'Étampes 
à  la  Haye  (ci-dessus,  p.  187),  comme 
M.  de  BcUièvre  à  Londres.  (Voyez  une 
longue  lettre  de  ce  dernier,  du  a  5  dé- 
cembre, Bibl.  imp.  Béthune  gaS/j,  f°  i3. 
copie ,  dont  l'original ,  en  partie  chiffré ,  est 
conservé  aux  Affaires  étrangères.  Angle- 
terre, R  47,  f°  3o5.)  Sans  doute  cette  sur- 
veillance était  une  précaution  politique 
dont  le  caractère  et  la  conduite  de  la  reine 
mère  avaient  fait  une  nécessité.  Mais  sou- 
vent la  surveillance  était  soupçonneuse 
outre  mesure,  et  les  ambassadeurs  sa- 
vaient trop  bien  qu'ils  faisaient  leur  cour 
en  interprétant  de  la  pire  façon  les  actions 
et  les  paroles  de  la  reine  mère. 

'  Louis  XIII  avait  écrit  à  M.  de  Bel- 
lièvre,  dès  le  3  septembre,  au  sujet  du 
voyage  projeté  de  la  reirfe  sa  mère ,  une 
lettre  dont  la  pensée  et  peut-être  aussi  le 
style  étaient  de  Riclielieu.  Bellièvre  man- 


»7- 


212  LETTRES 

de  la  Gr.  Br.  ont  tesmoignée  de  la  naissance  de  monseig'  le  Daul- 
phin.  Il  a  pris  un  singulier  plaisir  à  sçavoir  les  particularitez  de  ce 
qui  s'est  passé  [sur  ce  sujet]  en  Angleterre,  et  n'en  a  pas  un  petit 
ressentiment.  Il  a  esté  aussy  très  ayse  de  voir  l'espérance  que  la  reyne 
d'Angleterre  vous  donne  d'obtenir  la  permission  de  la  levée  des  2  ré- 
gimens  escossois  que  vous  avés  charge  de  poursuivre.  Je  m'asseure 
qu'elle  s'y  emploiera  d'autant  plus  volontiers  que  c'est  une  affaire  où 
je  prends  vm  intérest  particulier ^  par  le  commandement  que  le  roy 
m'a  faict  de  lever  certain  nombre  d'estrangers,  dont  je  suis  asseuré, 
à  ces  deux  régimens  près.  Vous  [tesmoignerés],  s'il  vous  plaist,  à  la 
reyne  que  je  recognoistray  cette  grâce  comme  si  elle  louchoit  ma 
personne  particulière,  et  cependant  [je  m'asseure  quelle  voudra  bien 
considérer]  que  je  la  luy  demande  d'autant  plus  volontiers  qu'il  est 
avantageux  au  roy  de  la  Gr.  Br.  de  tirer  des  Escossois  d'Escosse,  en 
ce  temps  où  il  y  a  du  trouble  en  ce  royaume;  et,  quoy  qu'on  puisse 
penser  que  ce  sont  les  catholiques  qui  sortent  en  telles  levées,  il  est 


dait  que  le  roi  d'Angleterre  l'avait  prévenu 
du  dessein  qu'avait  formé  Marie  de  Médi- 
cis  :  «  Quant  à  la  façon  dont  vous  vous  con- 
duirez avec  la  reine  ma  mère,  lui  écrivit  le 
roi,  il  est  à  propos,  lorsqu'elle  sera  arri- 
vée, que  vous  la  voyiez  chez  elle  et  luy  fas- 
siez entendre  que  vous  estes  Irop  asseuré 
du  respect  que  je  luy  porte  pour  douter 
que  je  ne  trouve  bon  que  vous  luy  rendiés 
ce  devoir;  et,  après  cela,  vous  ne  retour- 
nerés  plus  cliez  elle,  et  n'admettrés  chez 
vous  aucun  de  ceux  qui  ont  part  à  ses 
affaires,  comme  Le  Coigneux,  Monsigot 
on  autres  de  ses  domestiques;  et,  quand 
vous  vous  trouvères  chez  ma  sœur,  la  reine 
de  la  G.  B.  vous  vivres  civilement  avec 
elle,  et  essayeras  de  descouvrir  le  plus 
de  ses  sentimens  que  vous  pourrés,  dont 
vous  m'avertirés  en  mesme  temps.  »  (Bibl. 
imp.  S'-Germ.  H.  364", f  °  116,  original 
contre-signe  Bouthillier.)  —  Ajoutons  que 


la  Gazette  publia  le  1 9  novembre  un  •  ma- 
nifeste de  la  reine  mère  contenant  le  sujet 
de  son  départ  de  Flandres.»  (P.  689.)  Il 
y  a  là  quatre  pages  de  plaintes,  où,  sans 
parler  de  la  France,  la  reine  mère  expose 
les  outrages  dont  elle  et  sa  maison  ont 
été  l'objet  de  la  part  des  Espagnols.  Cette 
pièce  est -elle  authentique?  La  Gazette 
n'était  pas  à  la  disposition  de  la  reine 
mère,  et  ce  journal  ne  pouvait  insérer 
une  telle  pièce  que  par  l'ordre,  ou  du 
moins  avec  l'assentiment  du  cardinal.  Quel 
intérêt  pouvait  avoir  celui-ci  à  appeler  l'at- 
tention de  la  France  sur  des  infortunes 
qu'on  lui  reprochait  ?  Richelieu  a-l-il  voulu 
faire  comprendre  que  la  reine  mère  ne 
pouvait  vivre  nulle  part  ? 

'  Cette  levée  a  souffert  beaucoup  de 
difficultés,  et  il  en  est  fréquemment  ques- 
tion dans  les  dépèches  que  renferme  ce 
quarante-septième  volume  d'Angleterre. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


213 


certain  que  la  plus  part  sont  protestans.  [Oultre^]  que,  la  continua- 
tion de  la  guerre  estant  avantageuse  au  roy  d'Angleterre,  c'est  le 
moins  qu'il  puisse  faire  que  de  permettre  en  ses  Estats  la  levée  de 
quelques  gens  nécessaires  pour  la  maintenir.  Autrement  il  donneroit 
lieu  de  penser  moins  à  ses  intéresls  lorsqu'il  sera  question  de  [con- 
clurre  un  traicté  de  paix]. 

Vous  estes  sy  sage  et  sy  avisé  que  vous  sçaurés  bien  mesnager 
cette  affaire,  dont  je  vous  prie  de  tirer  la  plus  prompte  response  que 
vous  pourrés,  afin  que  le  roy  puisse  prendre  ses  mesures.  Cependant 
vous  asseurerés  la  reyne  de  mon  très  humble  et  très  respectueux  ser- 
vice et  croirés  que  je  suis. . . 


CXXVI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  Z(i5.  — 
Original ,  de  la  main  de  Cherié. 

A  MADAME  BOUTHILLIER'. 

[Après  le  5  octobre  1 638.] 

Madame,  Mons'  d'Anguien  ayant  dépesché 

un  gentilhomme  icy,  qui  avoit  ordre  d'aller  jusques  aux  Caves  pour 


'  Au  lieu  de  «  oullre  »  l'original  met  : 
«  Elle  est  aussy  trop  judicieuse  pour  ne 
cognoistre  pas  que  la  continuation,  etc.  > 

*  Il  n'y  a  ni  suscription,  ni  date.  On  a 
mis  le  nom  de  M""  Bouthillier  au  bas  de 
la  feuille ,  et ,  pour  le  classement ,  on  a  écrit 
en  tête  «  Octobre  ;  •  la  pièce  a  été  placée 
à  la  fin  du  mois.  Cette  lettre  doit  avoir  été 
écrite  dans  la  première  dizaine  d'octobre  ; 
M"'  de  Brézé,  la  nièce  de  Richelieu,  était 
alors  mnlade  chez  M'"°  Bouthillier,  à  sa 
maison  de  campagne  des  Caves.  Riche- 
lieu lui  écrivait  le  5  octobre  :  •  Je  n'en- 
voie pas  tant  ce  gentilhomme  aux  quar- 


tiers où  vous  estes  pour  apprendre  des 
nouvelles  de  la  santé  de  ma  niepce,  dont 
je  ne  suis  nullement  en  peine,  me  repo- 
sant sur  l'alTeclion  que  je  sçay  que  vous 
avés  pour  tout  ce  qui  me  touche,  que 
pour  vous  rendre  grâces  du  soin  qu'il 
vous  plaist  en  avoir  en  ma  considération.  » 
Cette  lettre,  que  nous  indiquons  aux  Ana- 
lyses, n'était  que  de  compliment.  Ce  doit 
èlre  vers  le  niùnie  temps  que  le  fils  du 
prince  de  Condé ,  qui  allait  bientôt  épou- 
ser la  nièce  de  Richelieu ,  envoyait  savoir 
de  ses  nouvelles.  Dans  un  billet  que  Ri- 
chelieu écrivait  le  32  octobre  (aux  Ana- 


214  LETTRES 

apprendre  de  vos  nouvelles  et  de  celles  de  ma  niepce,  et  luy  rendre 
une  lettre  de  sa  part,  je  l'ay  empesché  de  continuer  son  voiage,  et 
me  suis  chargé  de  sa  lettre,  que  j'ay  eu  la  curiosité  d'ouvrir  pour 
en  voir  le  stile.  Je  vous  l'envoie  cependant,  et  pour  satisfaire  à  la 
promesse  que  j'ay  faicte  à  ce  gentilhomme,  et  pour  contenter  son 
maistre,  qui  seroit  fasché  qu'elle  denieurast  en  chemin.  Vous  la  mon- 
trerés,  s'il  vous  plaist,  à  ma  niepce,  et  me  manderés  Testât  de  vostre 
santé  et  de  la  sienne,  et  surtout  comme  vous  vous  trouvés  maintenant 
de  vostre  bras,  dont  je  suis  en  peyne.  Ce  qu'attendant  je  vous  conjure 
de  faire  estât  de  la  continuation  de  mon  affection  et  de  mon  service, 
et  que  je  suis  véritablement, 
'  Madame , 

Vostre  très  alTectionué  serviteur. 
Le  Gard.  DE    RICHELIEU. 


CXXVII. 

Archives  de  l'empire,  R  i3A,  Guyenne,  i"  partie,  p.  lyS.  — 

Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

Saint-Germain-Harlay,  Zh-],  fol.  /iyS,  v".  —  Copie'. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  K.  k.'  —  Copie. 

A  MONSIEUR  LE  CARDINAL  DE  LA   VALETTE*. 


16  octobre  i638. 


Monseigneur, 
Je  ne  pense  jamais  à   Fontarabie  que  je  ne  sois   touché   d'une 
double  douleur,    l'une  pour  le   notable  préjudice  qu'en  reçoit  la 


lyses)  à  Bouthillier,  qui  se  disposait  à  aller 
aux  Caves,  il  lui  disait  simplement  :«  Vous 
ferez  mes  recommandations  à  ma  niepce.  » 
Il  n'était  plus  question  alors  de  la  maladie 
de  la  future  princesse  de  Condé. 

'  Copie  faite  sur  l'original.  Note  margi- 
nale du  manuscrit.  (Voy.  la  note  d'une 
lettre  du  39  mai,  au  même,  p.  Ag-) 


'  Voy.  ci-dessus ,  p.  56,  note  2. 

'  Dès  le  2  5  septembre,  Ciiavigni,  qui 
était  fort  lié  avec  le  cardinal  de  La  Valette, 
lui  avait  écrit,  en  confidence,  la  triste  nou- 
velle de  l'accusation  portée  contre  son  frère. 
(Arch.  des  AIT.  étr.  Turin,  t.  26.)  Le  12  oc- 
tobre ,  Ciiavigni  lui  écrit  de  nouveau  au  su- 
jet de  la  demande  qu'il  avait  faite  de  venir  à 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  215 

France,  et  l'autre  à  cause  de  l'intérest  de  M'  de  La  Valette.  Pour  sa- 
tisfaire à  l'ordre  que  vous  me  donnés  de  vous  mander  ce  que  j'estime 
en  cette  occasion  que  vous  devés  faire,  je  vous  diray  franchement 
que  vous  ne  pouvés,  à  mon  avis,  faire  autre  chose  qu'escrire  au  roy 
que  le  mauvais  succès  de  Fontarabie  vous  comble  d'une  double  dou- 
leur, l'une  à  cause  du  préjudice  qu'en  reçoivent  ses  affaires,  et  l'autre 
parce  qu'on  impute  ce  malheur  à  la  mauvaise  conduite  de  M'  de  La 
Valette,  sur  le  sujet  duquel  vous  ne  pouvés  que  vous  ne  luy  disiés 
franchement  qu'ainsy  que  vous  le  suppliés  très  humblement  de  le 
protéger,  s'il  se  trouve  innocent,  vous  ne  voudriés  pas  entreprendre 
sa  défense,  s'il  est  coupable;  que  vous  ne  doutés  point  que  sa  pru- 
dence ne  sache  bien  distinguer  les  vérités  des  calomnies  qu'on  luy 
pourroit  mettre  à  sus,  et  qu'il  n'ait  assez  de  bonté  pour  le  garantir 
de  la  mauvaise  volonté  de  ceux  qu'il  prétend  qui  luy  en  veulent;  ce 
que  vous  espérés  d'autant  plus  de  sa  justice,  qu'en  luy  demandant 
cette  grâce  vous  ne  prétendes  point  intercéder  pour  Mons''  de  La  Va- 
lette, s'il  n'est  pas  innocent,  comme  il  le  prétend  et  le  soutient. 
Voilà ,  Monsieur,  tout  ce  que  je  ferois  si  j'avois  un  frère  qui  fust  en 


Paris,  et  luiavouequela  mauvaise  tournure 
que  prend  l'affaire  du  duc  de  La  Valette 
rendrait  sa  présence  (de  lui,  cardinal  de 
La  Valette)  fort  embarrassante  pour  Riche- 
lieu. •  Nous  avons  longlcmps  consulté  (dit- 
il),  les  Roses  vertes*.  M"*  d'Aiguillon  et 
moy,  sur  ce  sujet;  elles  vous  escrironl 
leur  sentiment,  et  le  mien  est  entièrement 
conforme  au  leur,  que  vous  escriviés  au 
cardinal  que  vous  ne  persistez  point  à  ve- 
nir à  Paris.»  (Manuscrit  précité.)  Et  le 
même  jour  que  Richelieu  écrivit  la  pré- 
sente lettre  au  cardinal  de  La  Valette,  le 
16  octobre,  Chavigni  lui  disait  ;  «  M''  le 
cardinal  est  satisfait  au  dernier  point  de 

*  Ce  sont  des  personnes  auxquelles  le  cardinal  de 
La  ValeUe  était  fort  attackd  et  dont  lui  et  Chavigni 
parlent  cointinaellcment  dans  leurs  lettres  intimes. 


vos  lettres.  «  Chavigni  ajoutait  :  «  Je  ne 
puis  imaginer  que  M' de  La  Vallette  vienne 
à  la  cour  estant  assez  défiant  de  son  natu- 
rel ,  et  ce  ne  sera  pas ,  à  mon  advis ,  la  plus 
mauvaise  résolution  qu'il  puisse  prendre-, 
mais,  s'il  sort  du  royaume  et  qu'il  se  con- 
duise sagement,  le  temps  p.ourra  racom- 
moder  toutes  choses.  »  (Même  manuscrit.) 
Sans  doute  M'  de  La  Valette  fit  prudem- 
ment de  se  réfugier  en  Angleterre  ;  mais  il 
en  alla  bien  différemment  de  ce  que  pré- 
sageait Chavigni;  on  sait  qu'il  fut  con- 
damné à  }Mrdrc  la  tète ,  cl  sa  fuite  hors  du 
royaume  lui  fut  imputée  comme  un  nou- 
veau crime. 

Quelques  indices  nous  font  supposer  que  ce  sont 
peut-être  les  dames  de  Rambouillet ,  mais  nous  n'en 
avons  point  trouvé  de  preuves. 


216  LETTRES 

pareille  peine;  les  intérests  publics  devant  tousjours  marcher  les  pre- 
miers. 

J'oserois  bien  respondre  que  monsieur  de  La  Valette  ne  se  trouvera 
pas  coupable  du  dernier  genre  de  crime  que  les  mauvais  bruicts  d'un 
Estât  qui  perd  luy  met  à  sus;  mais  j'ay  peur  qu'il  ait  bien  de  la  peine 
à  se  purger  d'une  mauvaise  jalousie ,  qui,  l'ayant  empesché  de  faire 
son  devoir,  a  produit  le  mesme  elFect  qu'auroit  faict  ce  dernier  degré 
de  malice,  dont  je  le  tiens  innocenta  Jusques  à  présent  les  circons- 
tances de  cette  affaire  semblent  telles  qu'il  semble  qu'un  homme  qui 
seroit  en  sa  place  ne  sauroit  s'exempter  ou  de  jalousie  criminelle,  au 
sens  que  je  vous  l'ay  représentée,  ou  d'une  incapacité  très  grande  au 
métier  de  la  guerre,  ou  de  moins  de  hardiesse  qu'il  n'est  à  désirer. 

Nous  verrons  comme  M"'  de  La  Valette  se  démeslera  de  cette  af- 
faire, qui  ne  peut  estre  laissée  en  Testât  auquel  elle  est  sans  abandon- 
ner entièrement  l'Estat. 

Le  roy  est  extraordinairement  indigné  contre  luy,  mais  il  n'a  rien 
à  craindre  que  luy-mesme,  S.  M.  n'ayant  jamais,  comme  vous  savés, 
aucune  pensée  qui  excède  les  bornes  de  la  justice. 

Pour  moy  je  le  serviray  volontiers  dans  l'estendue  de  ces  termes 
et  non  autrement,  comme  je  luy  ay  mandé  franchement^. 

'  Est  ce  là  ce  que  s'efforce  de  prouver  piers  de  Son  Einineuce.  Le  duc  de  La  Va- 
Je  réquisitoire  ?  Richelieu  tient  ici  le  lan-  lette  proteste  de  son  innocence.  «Je  m'en 
gage  de  la  raison  et  de  la  justice  ;  dans  le  vays ,  dit-il ,  faire  un  voyage ,  par  ordre  que 
réquisitoire,  c'est  la  passion  qui  parle.  j'en  ay  receu,  pour  rendre  conte  de  mes 
Seulement  on  voit  déjà  percer  dans  cette  actions,  que  je  suis  asscuré  d'esire  sy  bon- 
phrase  la  pensée   d'assimiler    une  faute  nés  et  sy  fort  d'homme  d'honneur  que  de 

d'insubordination,  ou  de  manque  de  zèle,  ce  costé-là  je  n'ay  rien  à  craindre 

à  un  crime  de  haute  traliison.  .l'espère  que  sy  l'on  me  veut  laisser  les 

^  Il  y  a,  aux  arch.  des  Aff.  étr.  (France,  voyes  de  justification  ouvertes,  que  je  me 

d'août  à  décembre,  P  Sa 5),  une  lettre  laveray  bien  des  supositions  de  mes  enne- 

adressée  au  cardinal  de  La  Valette,  datée  mis,  et  par  la  sincérité  de  mes  actions,  et 

d'un  chiffre  douteux,  3  ou  5  octobre,  si-  parle  tesmoignage  de  tous  les  gens  de 

gnée    d'un    simple    monogramme;    c'est  bien  de  cette  armée L'honneur  de 

une  lettre  du  duc  de  La  Valette  à  son  la  protection  de  Son  Eminence  me  (ion- 
frère.  Celui-ci  l'envoya  certainement  à  Ri-  nera  le  moyen  de  faire  voir  que  je  suis 
chelieu,  puisqu'elle  se  trouve  dans  les  pa-  homme  de  bien,  et  mieux  nay  que  ceux 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  217 

Pour  ce  qui  vous  touche ,  Monseigneur,  vous  pouvés  disposer  de 
moy,  puisque  je  suis  et  seray  tousjours  sans  réserve, 

Monseigneur, 


Vostre  1res  humble  et  tr^s  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


DeRuel,  1  6  octobre  i638. 


CXXVIII. 

Archives  de  l'empire,  K  i34,  Guyenne,  i"  partie,  p.  187,  pièce  Sy'. — 
Minute  de  It  main  de  Charpentier. 

A  M.  LE  PRINCE'. 

16  octobre  [i638]. 
Monsieur,  Je  suis 

extresniement  aise  que  mes  lettres  vous  aient  apporté  de  la  consola- 
tion. Si  vous  en  avés  receu  à  proportion  de  ce  (|ue  j'ay  désiré  vous  en 
donner,  je  m'asseure  que  vous  n'aurés  pas  eu  grand  peine  depuis. 


qui  se  veulent  descharger  de  leurs  fautes 

essentielles  sur  moy Cela  ne  peut 

se  rapporter  qu'au  prince  de  Condé,  et  il 
n'est  pas  besoin  de  faire  remarquer  qu'ici 
«  mieux  nay  »  signifie  :  avec  plus  de  cœur, 
une  meilleure  nature.  Le  duc  de  La  Voi- 
lette tinit  en  demandant  avec  instance  à 
son  frère  de  lui  prêter  son  appui  contre 
d'injustes  accusations.  On  voit  comment  le 
cardinal  de  La  Valette  s'y  prit  pour  rendre 
au  duc  celle  assistance  fraternelle,  el  l'on 
voit  aussi  qu'avec  la  disposition  que  ma- 
nifeste Richelieu  une  condamnation  était 
inévitable.  Il  est  probable  que  le  cardinal 
de  La  Valette  fil  connaître  celte  réponse  à 
son  frère,  et  que  celui-ci,  qui  d'ailleurs 
avait  déjà  dû  devinçr  par  la  lettre  de  Ri- 
chelieu lui-même  le  fond  de  la  pensée  de 

CARDIN.  DR   RICHELIED.  VI. 


Son  Ëminence,  résolut  alors  de  passer 
en  Angleterre,  au  lieu  de  faire  le  voyage 
qu'il  annonce  dans  sa  lettre.  Personne  n'i- 
gnore qne  Richelieu  fit  de  ce  procès,  011 
une  commission  fut  présidée  par  le  roi  lui- 
même,  un  des  actes  judiciaires  les  plus 
scandaleux  de  ce  temps  là. 

'  Au  dos  de  cette  minute,  qui  n'avait 
ni  suscription  ,  ni  date ,  on  a  écrit  :  «  A 
Messieurs  le  Prince  el  de  Harcourt,  16  oc- 
tobre. •  Mais  il  est  évident  que  la  letlre 
ne  s'adresse  qu'au  Prince,  et  l'annotation 
indique  seulement  qu'il  a  dû  être  fait 
pour  M'  d'Harcourt  une  autre  lettre,  que 
nous  n'avons  pas  trouvée.  Nous  voyons, 
dans  le  mémoire  suivant,  que  Richelieu 
propose  au  roi  d'accorder  un  congé  à  ce 
général. 

18 


218  LETTRES 

tous  vos  intérests  m'estant  aussy  chers  que  les  miens  propres.  Pour 
vous  le  tesmoigner  je  ne  veux  pas  vous  celer  qu'il  est  très  important 
que  l'affaire  de  Fontarabie  s'esclaircisse  ',  parce  que,  comme  les  uns 
attribuent  ce  mauvais  succès  à  la  mauvaise  conduite  de  M'  de  La  Va- 
lette, il  se  trouve  beaucoup  de  gens  de  parti  contraire  qui.  l'imputent 
à  vostre  malheur,  ce  qui  me  faict  d'autant  plus  désirer  qu'on  voie 
clair  au  fond  de  cette  affaire,  .l'estime  de  plus,  et  je  m'asseure  que 
vous  le  jugerés  avec  moy,  que  pour  vous  remettre  de  ce  mauvais 
événement,  il  vous  faut  penser  à  quelque  bon  dessein  que  vous  puis- 
siés  réussir  l'année  qui  vient;  autrement  quelque  conviction  qu'il 
peusty  avoir  de  mauvaise  conduite  contre  les  particuliers,  le  public, 
qui  regarde  tousjours  principalement  celuy  qui  est  chef  d'une  entre- 
prise, ne  lairait  pas  de  vous  donner  part  à  ce  mauvais  événement. 
C'est  donc  à  vous,  Monsieur,  à  penser  à  ce  que  vous  pouvés  faire 
l'année  qui  vient,  avec  deux  présuppositions;  la  première  que  vous 
n'aurés  point  ceux  qui  vous  ont  empesché  de  faire  quelque  chose 
cette  année,  et  la  seconde,  qu'on  vous  donnera  ceux  que  vous  jugerés 
eslre  plus  propres  à  vous  seconder  en  vos  desseins. 

J'estime  qu'après  que  l'information  de  ce  qui  s'est  passé  à  Fonta- 
rabie sera  toute  faicte ,  et  que  vous  aurés  establi  tous  vos  quartiers  d'hy- 
ver,  donné  ordre  aux  recreues  pour  que  les  troupes  soient  en  estât 
de  servir  de  bonne  heure  au  printemps,  il  sera  nécessaire  que  vous 
fassiés  icy  un  voyage  de  deux  mois,  pour  résoudre  sy  bien  tout  ce 
qu'il  faudra  faire  l'année  qui  vient,  que  vous  puissiés  réparer  le  mal 
qui  est  arrivé  sous  vostre  conduite.  Je  vous  puis  asseurer  que  je  vous 
y  serviray  en  tout  ce  qui  deppendra  de  moy,  et  que  je  n'auray  point 
de  contentement  qu'un  bon  événement  ne  donne  autant  de  satisfac- 
tion au  public  qu'il  a  reçu  de  despiaisir  des  mauvais  qui  vous  sont 
arrivés.  Vous  le  croirés,  s'il  vous  plaist,  et  que  je  suis  et  seray  tous- 
jours.  .  . 

'  On  voit  qu'avant  que  l'afl'aire  fût  régulière  fût  commencée,  Richelieu  se 
éclaircie,  avant   même   que  l'instruction        faisait  le  second  du  Prince. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


219 


CXXIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  SgS.  — 
Original ,  sans  signature ,  de  la  main  de  Cherré  '. 


Je  trouve  bon   cet  article. 


Je  suis  très  aize  que  M'  le 
Prince  ait  eu  soin  de  prou- 
ver par  escrit  ce  qu'il  avoit 
mandé. 


AU  ROY'. 

OeRuel,  ce  21  octobre  i638. 

M.  du  Hailier  escrit  que  les  trouppes 
de  Picolomini  coiiimencent  à  tirer  par 
Chariemont  vers  leurs  quartiers  d'hi- 
ver. 

Que  jusques  icy  ils  estoient  demeurés 
en  intention  d'attaquer  Casteau,  ou  par 
surprise,  ou  par  siège,  mais  que  l'en- 
trée de  Valmont  dans  Casteau,  et  les 
pluyes  qui  sont  survenues,  les  ont  con- 
traincts  de  retirer  leur  canon,  qu'ils 
avoient  amené  jusques  au  Quesnoy  à 
cet  efïect. 

Le  dict  s'  du  Hailier  escrit  qu'il  est 
du  tout  nécessaire  d'envoier  l'armée  de 
M'  de  La  Force  en  garnison;  et,  s'il 
plaist  à  Vostre  Majesté,  l'on  en  fera 
partir  les  dépesches  demain  matin. 

M'  le  Prince  escrit  qu'il  envoyera 
dans  quattre  jours  la  preuve  de  tout 
ce  qu'il  a  mis  sus  à  M'  de  La  Vallette. 
Si  cela  est,  il  y  aura  lieu,  s'il  vient  icy, 
de  faire  voir  à  tout  le  monde,  quelque 
procédé  que  prenne  Sa  Majesté,  qu'il 
sera  juste. 


'  Les  réponses  sont  écrites  en  marge 
de  la  main  du  roi. 


'  Cet  original  n'a  point  de  suscription  : 
on  a  rois  en  note ,  au  dos  :  •  Le  roy.  • 

38. 


220 

Cela  est  dès  bien. 


Je  le  trouve  bon. 


Nous  en  parlerons  à  la  pre- 
mière vue. 


LETTRES 

Il  mande  qu'il  met  l'armée  en  garni- 
son, et  oblige  les  officiers  à  rendre  les 
régimens  à  i5  ou  16  cenls  hommes,  à 
la  fin  d'avril  '. 

Quand  on  a  faict  le  règlement  des 
finances.  M'  de  Bullion  se  tint  asseuré 
que  l'on  remplacerait  son  quod  jaslam; 
maintenant  il  m'en  faict  ressouvenir,  et 
a  grande  impatience  de  le  sçavoir.  Je 
croy  qu'en  Testai  auquel  senties  affaires, 
c'est  gaignei-  pour  Vostre  Majesté  que 
d'en  user  ainsy.  Elle  me  fera,  s'il  lui 
plaist,  sçavoir  sa  volonté  au  marge  [sic) 
de  ce  mémoire,  pour  ne  la  peuer  [sic) 
pas  si  elle  le  trouve  bon. 

Fontainebleau  est  en  mauvais  estât. 
Entre  autres  choses  la  terrasse  de  plomb 
de  la  salle  du  bal  faict  eau  de  tous  cos- 
tez,  à  ce  que  le  s'  Donon  dist  hier  à 
M'  de  Noyers.  Je  croy  que  jamais  cette 
affaire  n'ira  bien  que  Vostre  Majesté 
n'ait  déclaré  sa  volonté  sur  la  charge.  Je 
croy  qu'elle  ne  sçaurait  faire  mieux  que 
ce  qu'elle  résolut  il  y  a  un  an. 

M""  de  Noyers  ne  le  sçait  point  enco- 
res,  mais  une  chose  la  faict  douter  que 


'  A  la  fin  de  celte  campagne  de  i638, 
l'armée  était  dans  un  désordre  attesté  par 
les  lettres  des  généraux,  des  intendants  et 
autres  fonctionnaires;  citons  seulement 
une  dépêche  du  roi  au  duc  d'Angoulême, 
laquelle,  à  elle  seule,  peut  donner  une 
idée  de  l'étendue  du  mal.  Le  roi  se  plaint 
de  «  l'extresme  licence  des  troupes  pendant 


celle  campagne;»  et  il  casse  un  grand 
nombre  de  compagnies  qui  sont  dans 
un  délabrement  complet.  La  minute  de 
celte  dépêche  esl  au  Dépôt  de  la  Guerre, 
t.  47,  pièce  21g.  llya  quelque  incerlilude 
sur  la  date;  au  bas,  c'est  le  2  ou  1 1  no- 
vembre, el  l'on  a  mis  au  dos  «  2/1  oc- 
tobre. » 


Je  le  trouve  bon. 


Je  le  trouve  bon 


Je  l'accorde. 


On  ne  sauroit  mieux  faire, 
avec  la  condition  du  razement 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  221 

vous  eussiés  cette  volonté,  qui  est  qu'on 
luy  rapporta  dernièrement  que,  Com- 
piègne  vous  ayant  demandé  les  arrérages 
des  gages  de  M"*  Zamet,  Vostre  Ma- 
jesté avoit  respondu  :  «  M"'  de  Noyers  en 
aura  peut  estre  disposé,  v  H  m'a  demandé 
si  je  ne  sçavois  point  l'explication  de  ces 
paroles,  à  quoy  je  respondis  en  riant 
que,  s'il  y  en  avoit  quelqu'une,  le  tenjps 
luy  apprendroit. 

J'estime  qu'il  est  temps  pour  vos  af- 
faires de  faire  cognoistre  vostre  résolu- 
tion, et,  en  ce  cas,  je  croy  qu'il  sera 
raisonnable  que  le  capitaine  des  chasses 
ait  les  droits  honorifiques  à  l'église  de 
la  paroisse  du  hourg,  el  que  le  cappi- 
taine  concierge  du  chasteau  les  ait  seu- 
lement dans  les  chappelles  du  chas- 
teau. Vostre  Majesté  est  le  maistre  qui 
sçaura  bien  en  user  comme  il  luy 
plaira. 

M'  le  comte  de  Harcourt  demande 
son  congé;  je  croy  qu'on  luy  peut  ac- 
corder. 

Villequier  demande  aussy  permission 
de.  venir  servir  les  dernières  six  sepmai- 
nes  de  son  quartier;  je  croy  que  Vostre 
Majesté  lui  peut  aussy  permettre. 

M'  le  comte  d'AUez  demande  une 
confiscation  de  gens  qui  se  sont  battus 
en  duel;  je  n'y  voy  pas  de  difficulté. 

On  dit  que  Montcavrel  est  mort;  je 
croy  que  le  service  du  roy  requiert  qu'on 


222  LETTRES 

en  temps  de  paix,  sans  ré-       joigne  le  gouvernement  d'Estape  à  ce- 
'^onpance.  j^j^  jg  Bouloigne  \   sauf  à   Sa  Majesté 

d'ordonner,  après  la  paix,  que  la  place 
sera  razée  ou  conservée. 


cxxx. 

Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  le  duc  d'Aumale.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  BULLION, 

SDItlNTENDANT  DES  FINANCES,    À   PARIS. 

De  Paris,  ce  32*  octobre  i638. 

J'espère  rendre  bientost  à  monsieur  de  Bullion  response  de  tout  ce 
dont  nous  avons  parlé  quand  il  a  esté  en  ce  lieu ,  pour  la  disposition 
des  aCFaires  de  l'année  qui  vient.  Je  n'ay  peu  encores  trouver  le  roy 
en  disposition  de  luy  parler  de  l'intendant  qui  vous  est  nécessaire; 
mais  j'attends  l'heure  et  le  moment  propre,  jugeant  bien  que,  sans 
cela,  il  vous  seroit  du  tout  impossible  que  vous  peussiés  suporter  le 
fais  des  affaires,  si  vous  n'a  vies  quelqu'un  pour  vous  soulager. 

Je  lui  parleray  ensuitte  du  mariage  de  vostre  lilz,  selon  ce  que 
vous  le  désirés  ^,  afin  de  tascher  de  vous  tirer,  dans  la  fin  de  cette 
année,  du  travail  d'esprit  que  vous  peut  donner  cette  affaire^. 

Enfin  j'auray  le  mesme  soin  de  ce  qui  vous  touchera  que  vous 
sçauriés  avoir  vous  mesme  *. 

L'évesque  de  Mande  est  sur  le  point  de  partir  de  Paris  pour  aller 

'  Le  gouverneur    était  M.   de    Ville-  '  Une  ligne  est  coupée  au  bas  de  la 

quier.  La  mesure  que  le   roi   approuve  page  du  manuscrit,  et  une  autre,  écrite  en 

fut  annoncée,  ainsi  que  la  mort  de  M.  de  marge,  est  prise  dans  la  reliure. 

Montcavrel,  dans  la  Gazetts  du  3o  oc-  "  Dans  le  manuscrit,  ce  petit  paragraphe 

lobre ,  p.  648.  et  le  suivant  sont  écrits  à  la  marge. 

'  Voy.  ci-après,  10 janvier  iGSg. 


.       DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  223 

à  son  évesché.  Je  vous  prie  de  luy  envoyer  un  des  vostres  luy  dire 
que,  pour  se  purger  de  tout  soubçon,  il  est  à  propos  que  devant 
qu'il  parte  il  rende  compte  de  l'argent  et  des  bleds  qu'il  a  maniez 
pour  le  roy,  et,  s'il  a  quelque  chose  à  vous  demander,  vous  vous  don- 
nerésbien  garde,  s'il  vous  plaist,  de  luy  rien  accorder,  ny  en  papier 
ny  en  autre  monnoye ,  qu'il  n'ait  rendu  ledict  compte ,  et ,  s'il  a  quelques 
assignations  du  passé,  dont  il  ne  soit  pas  payé,  vous  en  arresterés  le 
payement'. 


CXXXI. 

Arch.  des  Afi".  élr.  Rome,  i638,  quatre  derniers  mois,  t.  64,  fol.  loa.  — 
Minute  corrigée  par  le  cardinal.  —  Original,  en  partie  chiffré ,  fol.  96. 

LETTRE  DU  ROI  AU  MARESCHAL  D'ESTRÉES. 

Du  2g  octobre  i638,  Saint-Germain-en-Laye. 

L'accident  du  décès  de  M'  le  duc  de  Savoye,  arrivé  depuis  peu''', 
donne  sujet  au  roy  de  considérer  que  le  bien  des  affaires  communes 
en  Italie  ne  subsiste  plus  que  sur  la  vie  d'iui  prince  qui  est  encore  en- 
fant, et  que,  pour  l'establir  plus  solidement,  il  seroit  bien  à  propos 
d'essayer  de  ramener  le  cardinal  de  Savoye  à  l'affection  de  la  France, 
et  l'attacher  aux  intéresls  de  S.  M. 

Se  .souvenant  de  ce  que  le  cardinal  Bagni  avoit  dict  autrefois  au 
maréchal  d'Estrées,  sou  ambassadeur  extraordinaire,  qu'il  croyoit  que 
ledict  cardinal  de  Savoye  ne  seroit  pas  fort  esloigné  de  se  raccom- 
moder avec  la  France,  s'il  voyoil  jour  à  estre  remis  aux  bonnes  grâces 
du  roy,  S.  M.  juge  que  le  premier  entremetteur  pour  cette  affaire 
doit  estre  ledict  cardinal  Bagni,  ou  le  s'  Mazarin,  tous  deux  ayant 
grande  habitude  avec  luy,  et  qu'il  est  nécessaire  que  ny  le  pape,  ny  le 

'   Voy.   ci-dessus   p.    ia4.  note  3,  et  sœur  sur  cet  événement,  le  3o  octobre, 

P'  137.  une  lettre  que  nous  indiquons  aux  Ana- 

*  Le    jeune  duc    François -Hyacinthe  lyses. 
était  mort  le  4  octobre.  Le  roi  écrivit  à  sa 


224  LETTRES 

cardinal  Barberin,  ny  mesme  quelque  personne  que  ce  soit,  n'en 
sache  rien,  et  que  la  chose  soit  tenue  extraordinairement  secrette 
pour  les  traverses  que  l'on  y  pourroit  apporter. 

Lesdicts  s"  cardinal  Bagni  et  Mazarin  pourront  représenter  audit 
cardinal  de  Savoie  que  maintenant  qu'il  est  sy  proche  de  la  Succes- 
sion des  Eslats  de  Savoie  et  de  Piémont  qu'il  n'y  a  plus  qu'un  enfant 
qui  le  précède,  il  doit  penser  à  se  préparer  une  voie  pour  y  parvenir 
paisiblement,  s'il  avenoit  faute  du  jeune  duc  son  neveu. 

Que  la  contiguïté  dcsdicts  Estats  avec  la  France  et  les  forces  que 
le  roy  a  deçà  les  monts  lui  doivent  bien  faire  cognoistre  qu'il  ne 
peut  entrer  en  la  possession  d'iceux,  ou  s'y  maintenir  qu'avec  de 
grandes  diifcultés  s'il  ne  se  remet  bien  avec  le  roy  pour  estre  appuyé 
de  son  assistance  et  protection;  et  partant  qu'il  doit  essayer  de  bonne 
heure  de  rentrer  en  ses  bonnes  grâces,  sans  faire  estât  de  la  faveur 
et  aide  ^ju'il  pourroit  espérer  en  ce  cas  du  costé  d'Espagne;  par  le 
moyen  de  laquelle,  s'il  se  mettoit  en  possession  des  dicts  Estats,  il 
ne  les  pourroit  posséder  qu'en  guerre,  et  en  misère,  par  conséquent; 
au  lieu  que,  par  la  France,  il  les  posséderoit  d'abord  en  pleine  paix. 
Cette  affaire  se  doit  négocier  en  sorte  que  le  cardinal  de  Savoie  prie 
celuy  des  dicts  s'*  cardinal  Bagni  ou  Mazarin,  qui  s'en  entremettra, 
de  la  tenter  ettraicter  pour  luy  avec  le  dict  s'  ambassadeur  et  qu'ainsy 
le  dict  cardinal  de  Savoie  soit  recherchant. 

Outre  les  considérations  générales  ci-dèssus  représentées  de  son 
establissement  futur,  il  faut  luy  proposer  un  estât  présent  où  il 
trouve  son  compte. 

Il  faudroit  à  cette  fin  qu'il  tirast  un  bon  partage  de  sa  maison ,  en 
quoy  Madame  l'obligeroit;  et  qu'il  se  mariast  en  France,  ce  qu'on 
pourroit  faire  avec  M"*  de  Bourbon ,  M.  le  Prince  lui  donnant  quelque 
belle  et  grande  terre  proche  de  Paris,  qui  luy  pourroit  servir  de  di- 
vertissement. 

Le  roy  pour  le  bien  traicter  luy  donneroit  une  pension  égale  à 
celle  de  ses  princes  du  sang,  auxquels  il  donne  cinquante  mille  escus 
à  l'un  et  quarante  mille  à  l'autre. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  225 

On  pourroit  mesme  encores  luy  donner  quelque  gouvernement  de 
province,  comme  le  Maine  ou  la  Touraine,  qui  sont  les  plus  beaux 
lieux  du  royaume. 

Le  dict  s' ambassadeur  sçaura  bien,  par  sa  prudence,  faire  mesnager 
cette  affaire  comme  il  faut. 

Il  semble  que  le  s'  cardinal  Bagni  est  le  plus  capable  de  conduire 
cette  affaire  bien  secrettement,  mais  on  craint  que,  si  cela  estoit  sceu , 
illuypeust  nuire.  Si  le  dict  s' mareschàl  le  juge  ainsy,  il  faudra  faire 
agir  le  dict  s'  Mazarin  seulement,  à  condition  qu'il  n'en  parlera  point 
à  qui  que  ce  puisse  estre ,  ce  qui  est  dict  en  général ,  non  que  l'on  se 
mesfie  de  M'  le  cardinal  Antoine;  mais  il  est  sy  important  que  le 
pape,  le  cardinal  Barberin ,  ny  autres  ne  découvrent  rien  de  cette  af- 
faire, que  c'est  jouer  au  plus  seur  que  de  ne  la  communiquer  qu'à 
ceux  qui  la  traicteront. 


CXXXII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Rome,  i638,  quatre  derniers  mois,  t.  6^,  fol.  106.  — 
Minute  corrigée  de  la  main  du  cardinal.  —  Original ,  en  partie  cliilVré,  fol.  99. 

LETTRE  DU  ROI  AU  MARESCHAL  D'ESTRÉES. 

3  g  octobre  i638. 

Le  dict  s''  ambassadeur  a  été  amplement  informé  des  intentions  de 
S.  M.  sur  toutes  les  affaires  de  delà  par  les  précédentes  dépesches 
qui  luy  ont  esté  faictes,  et  nouvellement  par  celle  que  Saladin,  en- 
voyé exprès  à  Rome,  luy  aura  rendue,  selon  lesquelles  il  doit  agir 
tant  pour  le  regard  de  la  promotion  que  pour  l'envoy  du  s'  Mazarin 
en  France,  ou  pour  son  avancement  en  la  manière  qu'il  luy  a  esté 
mandé. 

Mais,  pour  ce  qui  est  de  la  protection,  S.  M.  entend  que,  sans  se 
départir  de  l'espérance  qu'elle  a  qu'enfin  le  pape  permettra  à  M'  le 
cardinal  Antoine  d'en  faire  la  fonction  tout  entière,  le  d.  s'  am- 
bassadeur supplie  de  rechef  Sa  Sainteté  de  pourvoir  au  désordre 

CAnOIN.  Ue  BICRIXIEC.    —VI.  _  39 


226  LETTRES 

et  scandale  que  cause  le  retardement  des  bulles  pour  les  personnes 
nommées  par  S.  M.  aux  éveschés,  qui  demeurent  par  ce  moyen  si 
longtemps  sans  pasteurs  faute  de  proposer  les  d.  éveschés  en  consis- 
toire. 

Le  s'  Lebret,  qui  est  icy,  a  dict  à  M'  le  cardinal,  de  la  part  de 
M.  le  cardinal  Antoine,  que,  si  le  roy  vouloit  consentir  que  le  pape 
proposast  luy-mesme  en  consistoire.  Sa  Sainteté  le  feroit  sans  diffi- 
culté et  sans  délay. 

A  quoy  S.  M.  ne  voit  pas  qu'il  y  ait  lieu  d'apporter  de  difficulté, 
puisque  Sa  Sainteté  en  a  desjà  proposé  ci-devant,  et  qu'elle  est  libre 
de  le  faire. 

Toutefois,  afin  qu'elle  ne  puisse  prétendre  aucune  excuse  sur  ce 
sujet,  le  roy  ne  consent  pas  seulement,  mais  prie  instamment  Sa 
Sainteté  de  le  faire,  jusques  à  ce  qu'elle  trouve  bon  que  telles  pro- 
positions soient  faictes  par  M' le  cardinal  Antoine  comme  protecteur. 

Le  d.  s'  marescbal  fera  donc  des  instances  si  pressantes  au  pape, 
sur  ce  sujet,  qu'elles  soient  suivies  de  l'effect  que  S.  M.  désire  pour 
le  bien  des  âmes  de  ses  sujets,  et  si  Sa  Sainteté  ne  vouloit  point  ac- 
quiescer à  cela  contre  ce  que  le  d.  s'  Lebret  a  dict  par  deçà,  et  la 
prière  que  Sa  Majesté  en  faict  à  Sa  Sainteté,  elle  veut,  en  ce  cas,  que 
le  d.  s""  marescbal  déclare  publiquement  le  procédé  de  Sa  Majesté 
et  qu'il  dise  franchement  au  pape  qu'elle  se  décharge  sur  sa  personne 
de  tout  le  mal  qui  peut  arriver  d'un  retardement  si  important  au 
bien  des  âmes. 

Le  peu  de  satisfaction  que  le  duc  de  Parme  a  des  Espagnols,  à 
cause  de  leurs  prétentions  sur  Plaisance,  et  le  bruit  qui  s'augmente 
de  l'escbange  que  les  Espagnols  veulent  faire  avec  le  duc  de  Modène 
de  la  Sardaigne  pour  le  Modenois,  doivent  faire  ouvrir  les  yeux  aux 
princes  d'Italie,  spécialement  au  pape  et  à  la  république  de  Venise, 
pour  voir  la  servitude  dont  ils  sont  menacés  par  l'augmentation  de 
la  puissance  des  Espagnols  dans  leur  voisinage.  Il  seroit  donc  bien  à 
propos  que,  dans  cette  conjoncture,  Sa  Sainteté  et  la  dicte  répu- 
blique s'accommodassent   de  leur  différend  touchant  l'inscription, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  227 

afin  que,  par  communs  conseils,  ils  contribuassent  à  divertir  telles 
nouveautés  dont  la  conséquence  est  fort  dangereuse.  Le  d.  s'  mares- 
chal  agira  pour  cet  effect,  sans  perdre  temps,  près  du  pape,  et  don- 
nera avis  au  s'  du  Houssay,  ambassadeur  à  Venise,  de  faire  la  mesme 
chose  vers  la  République.  Il  semble  que  Sa  Sainteté  ne  se  devroit 
point  esloigner  de  restablir  l'inscription  réformée  en  ce  qui  est  de 
quelques  mots  que  ses  nonces  ont  faict  entendre  qu'il  trouvoit  peu 
convenables,  et  la  République  se  doit  contenter  qu'elle  soit  remise 
ainsy  qu'elle  estoit,  avec  ce  peu  de  changement,  selon  un  projet  qui 
a  esté  envoyé  ci-devant  au  d.  s""  mareschal. 

Si  M.  le  cardinal  Barberin  peut  faire  donner  à  M""  le  duc  de  Parme 
le  généralat  des  armes  des  Vénitiens,  cela  ne  sera  que  très  à  propos 
pour  les  engager  à  prendre  intérest  en  ce  qui  concerne  le  dict  duc; 
mais  il  seroit  bien  mieux  que  le  pape  voulust  faire  une  ligue  entre 
luy,  la  République  et  les  autres  princes  d'Italie,  pour  leur  commune 
deffense,  et  pour  empescher  les  nouveautés  que  les  Espagnols  y  veu- 
lent faire;  et  que  Sa  Sainteté  et  la  d.  République  fissent  prompte- 
ment  leur  accommodement  pour  plus  grande  disposition  à  un  sy  bon 
et  nécessaire  dessein.  C'est  par  là  qu'il  faudroit  commencer. 

Le  d.  s'  mareschal  tiendra  la  main,  autant  qu'il  se  pourra,  afin 
que  le  pape  ne  fasse  rien  de  moins,  sur  le  sujet  de  la  naissance  de 
monseigneur  le  dauphin ,  que  ce  qui  s'est  faict  autrefois  par  Clé- 
ment VIII. 

Faict  à  Saint-Germain-en-Laye,  le  29  octobre  i638'. 

'   La  réponse  du  maréchal  d'Estrées  est  dans  le  mcme  manuscrit,  à  la  date  du  36  no- 
vembre, P  180. 


228  LETTRES 


CXXXIII. 

Arch.  des  A£F.  étr.  Rome,  i638,  quatre  derniers  mois,  t.  64.  fol.  ii3. 
Original ,  sans  signature ,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECRÉTAIRE   D*ESTAT,   À  PARIS. 

De  Rue),  ce  i"  novembre  i638'. 

M'  de  Chavigny,  dépeschant  à  Rome,  mandera  expressément  à  M.  le 
mareschal  d'Estrées  qu'il  arreste  non  seulement  les  bulles  pour  l'abbé 
de  Loyaç,  pour  l'évesché  de  TouUon,  mais  en  outre  celles  du  s'  de 
La  Ferté  pour  l'évesché  du  Mans.  Le  roy  le  veut  ainsy  pour  quelques 
considérations  qui  s'esclairciront  avec  un  peu  de  temps.  Cette  affaire 
mérite,  à  mon  avis,  un  courrier  exprès,  parce  que  le  dict  s'  de  La 
Ferté  sera  asseurément  le  premier  ou  des  premiers  qui  obtiendront 
ses  bulles,  si  on  n'y  pourvoit. 

Par  mesme  moyen,  il  faut  tousjours  poursuivre  le  bref  demandé 
pour  contenir  les  évesques  mal  vivans  par  l'appréhension  de  la  re- 
cherche de  leur  vie.  M""  le  mareschal  d'Estrées  peut  remplir  le  dict 
bref  de  M"  les  évesques  de  Chartres,  Senlis,  Meaux,  Saiz,  de  Lizieux, 
d'Auxerre  ;  le  bref  portant  que  trois  d'iceux  pourront  travailler. 

On  choisit  ceux-là  parce  qu'ils  sont  tous  gens  de  bien,  et  si  proches 
de  Paris  que  leur  résidence  ne  sera  pas  interrompue. 

Si  le  pape  n'en  veut  nommer  que  quatre  dans  le  bref,  M' le  maré- 
chal d'Estrées  choisira  ceux  qu'il  lui  plaira.  En  ce  cas  les  plus  expédi- 
tifs  seroient  M"^  de  Chartres,  Senlis,  Meaux,  Saiz  ou  Auxerre. 

'  Celle  date  esl  écrite  d'une  encre  dif-  par  le  cardinal  de  Richelieu.  La  pièce  du 

férente  du  reste  de  la  pièce ,  el  paraît  être  folio  89  est  une  mise  au  net.   De  plus 

fautive,  car,  au  folio  89,  se  trouve  une  celle  même  lettre  se  retrouve  de  nouveau , 

dépêche  datée  du  22  octobre,  et  adressée  en  copie,  au  folio  121,  et  sous  la  date  du 

au  maréchal  d'Estrées,  laquelle  est  faite  6  novembre.  Les  dernières  lignes  de  la  dé- 

évidemment,  et  presque  mot  pour  mot,  pêche  font  comprendre  l'incertitude  des 

sur  la  présente  noie,  envoyée  à  Chavigni  dates. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  229 

11  sera  de  la  prudence  de  M' le  mareschal  d'Estrées ,  si  on  faict  en- 
core quelque  difficulté  sur  celle  affaire,  qui  n'a  autre  fin  que  la  gloire 
de  Dieu,  d'y  prendre  les  expédiens  qu'il  estimera  à  propos  pour  les 
surmonter. 

M'  de  Chavigny  enverra,  par  ce  mesme  courrier,  un  duplicata  de  la 
dépesche  qu'il  a  faicte  pour  prier  le  pape  de  suppléer,  par  sa  bonté, 
au  défaut  d'un  protecteur,  à  ce  que  les  évesques  nommés  par  le  roy 
puissent,  obtenant  leurs  bulles,  estre  en  estât  de  faire  leur  devoir 
dans  leurs  églises. 

Il  faut  aussy  envoyer  à  M' le  mareschal  d'Estrées,  si  on  ne  l'a  desjà 
faict,  la  copie  des  passeports  que  le  cardinal  Infant  veut  accorder  aux 
Hollandois,  pour  empescher  que  le  pape  ne  soit  prévenu  par  les  mau- 
vaises raisons  que  le  cardinal  Infant  mande  à  Rome  sur  ce  sujet. 

Il  y  aura  diverses  autres  choses  à  mander  à  Rome,  dont  M'  de  Cha- 
vigny se  souviendra.  Cependant  il  tiendra  toutes  ses  dépesches  prestes, 
et  auparavant  que  de  faire  partir  son  courrier,  il  viendra  icy  pour 
voir  si  on  n'aura  rien  oublié. 


CXXXIV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin ,  t.  a6.  — 

Minute  de  la  main  de  Clierré.  —  Original,  chiffré,  aussi  de  la  main  de  Clierié. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  347  '"'■  ^79  ^°-  —  Copie'. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  K.  k'.  (Extrait.) 

SOSCBIPTION: 

A  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

i  novembre  1 C38  ^. 

Monseigneur, 
Je  suis  extresmement  aise  de  ce  que  Madame  est  en  meilleure 

'  ■Faicte  sur  roriginni,»  dit  une  noie  Harlay  met  i4  novembre,  et  l'extrait  du 

en  marge  du  manuscrit.  manuscrit  Dupuy  adopte  celte  date;  nous 

'  Voy.  ci-dessus,  page  56,  note  2.  donnons  la  véritable. 
'  Une  noie  marginale  du  manuscrit  de 


230  LETTRES 

disposition  quelle  n'a  pas  esté  par  le  passé.  Je  supplie  Dieu  de  tout 
mon  cœur  qu'elle  tire  un  tel  profit  de  l'accident  qui  luy  est  arrivé, 
qu'elle  face  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  se  garantir  de  plus  fas- 
cheux  pour  l'avenir.  Le  roy  gratifiera  volontiers  ^  celuy  que  Madame 
met  dans  la  citadelle  de  Thurin,  selon  qu'elle  le  désire. 

Vous  ferés  très  bien  de  tascher  de  faire  que  Madame"^  donne  le 
gouvernement  de  Carmagnole  à  quelqu'un  des  François  qui  la  servent. 
Son  seul  salut  consiste  à  se  bien  attacher  à  la  France,  et  le  roy  ne 
prétend  autre  avantage,  en  tout  ce  qu'il  aura  à  démesler  avec  elle  et 
pour  elle,  que  la  conserver  elle  et  Monsieur  son  fils  en  ses  Estais. 

Quant  aux  alliances  qu'elle  propose,  nous  les  apprendrons  par 
M"^  d'Hémery,  que  j'apprends  cstre  party  pour  s'en  venir  en  cette 
cour. 

Je  suis  très  aise  que  vousayés  retenu  tous  les  François  de  delà.  As- 
seurément  l'argent  ne  vous  manquera  pas  pour  leur  quartier  d'hyver. 
Il  y  a  desjà  plus  de  lo  jours  qu'on  a  faict  partir  100,000  écus  expres- 
sément pour  avoir  lieu  de  les  payer  par  avance  et  quoiqu'il  faille  [sic]; 
pourveu  que  j'en  sois  averti  à  temps,  je  le  feray  envoyer  sans  faillir. 
Pœste  à  vous.  Monseigneur,  de  donner  un  sy  bon  ordre  que  les  sol- 
dats, estant  bien  traictés,  demeurent  en  leurs  quartiers,  et  cependant 
que  vous  renvoyiés  dès  cette  heure  la  moitié  des  officiers,  selon  que 
vous  l'eslimerés  à  propos,  pour  faire  leurs  recreues  dans  des  lieux 
qu'on  leur  donnera  dès  à  présent,  afin  qu'on  les  puisse  faire  partir 
au  commencement  d'avril. 

On  vous  dépesche  expressément  ce  courrier  afin  que,  pour  gaigner 
le  temps,  vous  faciès  promptement  partir  les  dicls  oflQciers,  vous  as- 
seurant  qu'on  ne  perdra  pas  un  moment,  et  qu'on  n'espargnera  point 
l'argent  à  ce  que  vous  ayés,  l'année  qui  vient,  une  puissante  armée. 

Je  tiens  l'avis  que  cet  Espagnol  qui  a  esté  pris  prisonnier  donne  du 
dessein  qu'ont  les  ennemis  d'assiéger  Casai  au  mois  de  mars  très 

'  Il  y  a  ici  neuf  mois  chiffrés  dans  lo-  '   Ici  encore  treize  mots  en  chiffres  dont 

riginal  et  dans  les  copies;  nous  les  avons         la  minute  nous  a  donné  l'explication, 
trouvés  en  clair  dans  la  minute. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  231 

considérable.  Pour  cet  effect  je  vous  prie  de  ne  rien  espargner  à  ce 
que  la  place  soit  en  estai  que  les  ennemis  y  reçoivent  un  afiront. 
L'argent  ne  manquera  point,  ny  pour  achever  ce  qui  restera  à  faire  de 
forlifTications,  ny  pour  la  fonte  des  canons,  pour  les  vivres  et  autres 
choses  nécessaires;  et  aussytost  que  M'  d'Hémery  sera  arrivé  ici,  je 
feray  pourvoir  actuellement  à  tout  ce  qu'il  dira  estre  nécessaire. 

Vous  aurés,  s'il  vous  plaist,  pareil  soin  des  fortiffications  de  Rous- 
signan  et  de  Pont  de  Sture  que  de  Casai,  et  de  faire  munir  les  dictes 
places.  M'  de  Noyers  escrit  aux  s"  Lhermitte  et  Colbert  qu'ils  tirent 
sur  le  s' Mauroy,  son  commis,  toutes  les  lettres  de  change  qu'il  faudra, 
tant  pour  les  dictes  fortiffications  que  munitions  des  dictes  places,  et 
elles  seront  aussytost  acquittées. 

'  Je  suis  bien  fasché  de  n'avoir  rien  de  bon  à  vous  escrire  de 
M'  de  La  Valette.  Je  ne  comprends  point  son  procédé.  Il  a  envoyé  de- 
mander congé  de  venir  trouver  le  roy  par  un  gentilhomme  exprès, 
party  en  mesme  temps  que  S.  M.  luy  en  avoit  envoyé  un  pour  le 
convier  à  ce  qu'il  tesmoignoit  désirer;  et  puis,  au  lieu  devenir,  il  s'est 
embarqué  dans  un  vaisseau  et  est  sorti  du  royaume. 

Cette  conduite  donne  lieu  à  tout  le  monde  de  le  blasmer  au  der- 
nier point,  et  à  moy  peut  estre  plus  de  sujet  de  faire  le  mesme  qu'à 
aucun  autre,  ayant  tousjours  dict  à  tous  ceux  à  qui  j'ay  parlé  de  sa 
part  que,  comme  je  ne  voudrois  pour  rien  du  monde  l'assister,  s'il 
est  coupable  de  ce  dont  il  est  accusé,  je  le  servirois  volontiers  s'il  es- 
toit  innocent,  et  qu'en  ce  cas  il  n'avoit  rien  à  craindre. 

On  dict  qu'il  est  allé  en  Angleterre,  d'autres  en  Hollande,  d'autres 
qu'il  prétend  gaigner  Venise.  Depuis  qu'il  n'a  pas  paru  à  la  veue  du 
monde  d'aucuns  avoient  cru  qu'il  tiroit  le  chemin  de  Metz,  ce  dont 
on  avertit  en  mesme  temps  le  s""  de  Rocquepine ,  afin  qu'il  suivist  vos 
intentions  et  non  les  siennes;  et  le  priast  de  se  retirer  ailleurs.  Sa 
mauvaise  conduite  relève  la  bonté  de  la  vostre  dans  l'esprit  du  roy, 
qui  vous  ayme  et  vous  estime  comme  vous  le  pouvés  souhailter. 

'  Ici  commence  l'extraii  du  manuscril   de  Dupuy ,  jusqu'à  la  signature   inclusive- 
ment. 


232  LETTRES 

Pour  moy,  Monseigneur,  je  me  tiens  sy  asseuré  de  vostre  affection, 
que  je  ne  croy  pas  l'estre  davantage  de  moy-mesme.  Vous  ferés,  s'il 
vous  plaist,  le  mesme  estât  de  moy,  vous  asseurant  qu'il  n'y  a  rien 
au  monde  qui  puisse  diminuer  la  passion  avec  laquelle  vous  me  co- 
gnoistrés  tousjours, 

Monseigneur, 

Vostre  très  affectionné  serviteur. 

Le  Card.  DE   RICHELIEU. 
De  Ruel,  A  novembre  i638. 

'Je  suplie  Vostre  Eminence  de  commettre  des  personnes  particu- 
lières à  chaque  place  qui  ayent  soin  de  faire  avancer  les  travaux  qu'il 
y  faut  faire,  et  me  mander  ce  qui  se  fera  de  temps  en  temps. 


CXXXV. 

Arch.  des  AIT.  élr.  Turin,  t.  26.  — 

Mise  au  net  de  la  raain  de  Clierré,  corrigée  et  devenue  minute. 

Bibl.  imp.  Suppl.  franc.  920.  —  Original. 

suscniPTiON; 

A  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

4  ^  novembre  i638. 

Monseigneur, 

Je  reprends  la  plume  de  nouveau  pour  vous  dire  qu'ayant  hier  veu 
une  personne  qui  prend  grand  soin  de  ce  qui  vous  touche  par  cons- 
cience, elle  m'en  a  parlé  avec  tant  de  tesmoignages  de  bon  naturel 
que  vous  devés,  en  cette  considération,  redoubler  vostre  dévotion, 
non  seulement  pour  l'amour  de  vous-mesme,  mais  encore  pour  luy 
procurer  l'effect  du  désir  qu'elle  a  d'estre  un  jour  avec  vous  au  ciel 

'  Ce  post-scriptum  n'est  point  dans  la  évidente ,  puisque  les  premiers  mots  disent 

minute.  qu'elle  a  été  écrite  à  la  suite  de  celle  du  h, 

'  La  lettre  du  supplément  français  est  à  laquelle  elle  se  trouve  jointe  dans  le  ma- 

datée  du  3  novembre.  C'est  une  erreur  nuscrit  des  Affaires  élrangères. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


233 


pour  louer  conjointement  et  sans  fin  la  bonté  divine.  En  vérité  c'est 
une  très  vertueuse  personne,  très  dévote  et  très  affectionnée  à  vos  in- 
térests.  Elle  m'a  fort  conjuré  que  le  malheur  de  Mons.  de  La  Va- 
lette n'altère  rien  en  l'amitié  que  j'ay  tousjours  eue  pour  vous;  je  luy 
ay  mis  l'esprit  en  repos  de  ce  costé-là,  luy  déclarant  qu'il  n'y  a  rien 
au  monde  qui  soit  capable  de  l'altérer'.  Je  vous  conjure  de  le  croire, 
et  que  tant  s'en  faut  que  la  faute  de  M'  de  La  Valette  la  diminue, 
qu'au  contraire  j'auray  autant  de  soin  qu'il  me  sera  possible  de  faire 
cognoistre  à  tout  le  monde  que,  si  elle  est  capable  d'augmentation, 
elle  en  recevra  de  ma  part,  comme  estant  et  voulant  estre  à  jamais. 
Monseigneur, 


Vostre  très  humble  et  très  afTectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  Notre  première  pensée,  en  lisant  celle 
lettre,  fut  que  la  personne  dont  parle  ici 
Richelieu  était  la  duchesse  d'Aiguillon. 
Cependant  nous  étions  mis  en  doute  par 
la  réponse  du  cardinal  de  La  Valette  :  •  Je 
voudrois  bien,  disait-il,  avoir  la  bonté  et 
la  dévotion  que  vous  et  la  personne  dont 
il  vous  plaist  m'escrire  me  souhaittent , 
car  mes  prières  ne  vous  seroient  pas  inu- 
tiles  J'ose  vous  suplier  très  humble- 
ment de  luy  continuer  vosire  protection , 
car  peul  estre  qu'elle  en  a  maintenant  be- 
soin. Vous  avés  raison  de  la  croire  ver- 
tueuse, car  il  est  certain  qu'elle  l'est 
extresmement.  .  .  »  (  1 1  déc.  ms.  de  Turin 
précité).  El  nous  nousdemandions  si  c'était 
de  la  nièce  de  Ricnelieu  qu'on  pouvait 
parler  ainsi  à  son  oncle,  solliciter  sa  pro- 
tection pour  cette  nièce  chérie,  et  se  faire 
auprès  de  lui  garant  de  sa  vertu.  Mais  deux 
lettres  que  nous  avons  trouvées  plus  tard 
nous  semblent  dissiper  sur  ce  point  toute 
incerlilude.  Après  la  mort  du  cardinal  de  La 
Valette,  Chavigni,  qui  n'avait  pas  osé  an- 
noncer cette  triste  nouvelle  à  M"''d'Aiguil- 

CARDIN.  DE  niCBELIED.   -    TI. 


Ion ,  lui  écrivail  :  «  Vous  savez  parfaitement 
aymer  sans  faire  tort  à  la  réputation  que 
vous  avez  d'une  des  plus  sages  et  plus  ver- 
tueuses personnes  du  monde.  .  .  J'ay  ap- 
pris de  tous  ceux  qui  l'ont  assisté  qu'il  a 
eu  des  sentimens  pour  Dieu  extraordi- 
naires, et  qu'il  ne  se  peut  pas  voir  une  fin 
plus  chrestienne  que  celle  qu'il  a  faite,  b 
(8  oct.  1639  ,  AIT.  étr.  f°  407.)  Et  la  du- 
chesse répondait  le  34  :  •  Vous  avés  bien 
jugé  que  la  vue  de  M' de  Binoty  (?)  me  seroit 
fort  sensible,  aussy  m'a -t -elle  touchée 
étrangement.  Despuis  la  perle  que  nous 
avons  faicte,  j'ay  tousjours  esté  mallade , 
et  il  est  impossible  que  je  me  puisse  re- 
mettre. Geste  personne  m'est  tousjours 
présente,  et  je  ne  puis  croire  que  nous  en 
soions  séparés  pour  jamais  sans  une  dou- 
leur extresmc. . .  »  Et ,  après  quelques  lignes 
sur  des  affaires  de  famille  :  <  Je  vous  con- 
jure de  brusler  cesle  lettre.  »  —  Quant  à 
l'amitié  dont  Richelieu  renouvelle  ici  les 
protestations  au  cardinal  de  La  Valette, 
Chavigni  la  caractérise  fort  bien  dans  ce 
passage  d'une  lettre  qu'il  lui  écrivait,  le 

*3o 


234  LETTRES 


CXXXVl. 

Arch.  des  AIT.  élr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  kkk-  — 

Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  LE  CHANCELIER. 

Du  8  novembre  i638. 

J'envoie  à  M""  le  chancelier  une  lettre  que  le  père  Bernard  m'a  es- 
critte  sur  le  sujet  des  prisonniers.  Je  vous  prie  de  l'envoyer  quérir  et 
le  rendre  capable  de  la  raison ,  parce  que  ce  bon  homme  peut  crier  dans 
Paris  avec  un  grand  zèle,  mais  quelques  fois  avec  peu  de  prudence ^ 

Je  ne  croy  pas  qu'il  voulust  qu'on  déllvrast  des  gens  prévenus  de 
crimes  énormes;  mais,  s'il  avoit  telle  pensée,  il  luy  faut  faire  conce- 
voir que  cela  est  contre  la  raison  et  la  justice.  On  m'a  dict  qu'il  ne 
parle  que  des  prisonniers  insolvables,  recogneus  tels  par  la  justice  ; 
vous  y  tenés  le  i"  lieu,  vous  sçavés  ce  qui  se  doit  faire,  en  quoy  je 
vous  prie  de  vous  porter  avec  affection. 


CXXXVII. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  kkU-  — • 
Minute  de  la  main  de  Charpentier. 
Bibl.  imp.  Fonds  Dupuy,  584.  (Vers  la  lin.)  —  Copie. 

AU  PÈRE  RERNARD. 

8  novembre  i638. 

Mon  père,  j'ay  reçu  la  lettre    que  vous  m'avés  escrite  sur  le  sujet 

6  décembre.  «M*'  le  cardinal  continue  à  tion  en  des  termes  dictés  sans  doute  par  Ri- 

estre  entièrement  satisfait  de  vous,  W,  cheHeu:  n  II  est  besoin  que  vous  vous  serviez 

et  je  suis  asseuré  qu'il  a  plus  de  dessein  de  toute  vosire  patience,  mais  vous  devez 

que  jamais  de  conserver    vostre  amitié ,  considérer  que  vous  n'empescheriez  pas 

mais  à  sa  mode ,  c'est-à-dire  qu'il  croit  que  ces  choses  quand  vous  prendriez  une  autre 

toutes  choses  doivent  céder  aux  raisons  conduite.  »  (Arch.  des  Aff.  étr.  Minute.) 
d' estât.  11  Chavigni  ne  lui  dissimule  pas  que  '  Le  P.  Bernard,  qui  se  nommait  lui- 

le  duc  de  La  Valette  ne  peut  échapper  à  même  «le  pauvre  prêtre,»  était  un  saint 

une  condamnation;  et  il  lui  dit  qu'un  nou-  homme  qui  s'était  voué  au  soulagement 

vel  incident  vient  d'ajouter  encore  à  la  co-  des   malades  et   surtout  des  prisonniers. 

1ère  du  cardinal.  (Voy.  ci-après,  p.  262.)  Né  dans  une  riche  famille  de  magistrature , 

Chavigni  finit  en  l'exhortant  à  la  résigna-  il  consacra   sa  fortune  à  ces  bonnes  œu- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  235 

de  la  compassion  que  vous  font  les  prisonniers;  je  ne  sçaurois  assez 
louer  vostre  zèle;  mais  d'aultant  que  c'est  à  monsieur  le  chancelier  à 
sçavoir  ce  qui  se  pratique  particulièrement  en  ces  occasions-là,  et  ce 
qui  s'y  peut  et  se  doibt  l'aire  raisonnablement,  vous  le  verres,  s'il  vous 
plaist,  et  lui  ferés  entendre  vos  pensées.  Cependant  je  iuy  envoie  la 
lettre  que  vous  m'avés  escrite,  et  lui  recommande  cette  affaire,  que 
vous  avés  à  cœur,  aultant  qu'il  m'est  possible,  vous  asseurant  que  je 
suis. 

Mon  père, 

Voslre  bien  aBeclionné  à  vous  servir. 
Le  Card.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  8  novembre  i638. 

Je  vous  prie  de  redoubler  vos  prières  pour  la  paix  que  je  souhaitle 
avec  tant  de  sincérité  et  d'ardeur  que  je  ne  crains  point  de  prier  Dieu 
qu'il  punisse  ceux  qui  l'empeschent. 


CXXXVIII. 

Arcl).  des  AIT.  élr.  France,  16.^8,  d'août  en  décembre,  fol.  l\t\\.  — 
Minute  (le  la  main  de  Cliarpentier. 

AU  ROY'. 

Du  8  novembre  i638 

Si  le  roy  le  trouve  bon,  la  reyne  arrivant  à  Saint-Germain,  Sa  Ma- 
jesté Iuy  peut  dire  :  Je  vous  ay  mandé  que,  quand  madame  de  Sé- 
necé  ni'auroit  obéy,  je  vous  escouterois  volontiers  sur  son  sujet,  si 

vres.  Il  avait,  en  i638,  environ  cinquante  l'intérêt  politique.  Le  V.  Bernard  mourut 

ans. et,  depuis  dix-sept  ou dix-liuit années,  en  i64i. 

il  rachelait  par  cette  vie  de  cliai'ité,  une  '  La   marquise   de    Sénecé,    première 

jeunesse  perdue  dans  la  dissipation  et  les  dame  d'honneur  de  la  reine,  inquiétait  le 

plai.sirs  du  monde.  L'amitié  de  saint  Vin-  cardinal  ;  les  intelligences  qu'il  avait  parmi 

cent  de  Paul  fut  la  récompense  des  vertus  les  personnes  qui  entouraient  Anne  d'Au- 

du  pauvre  pré  Ire  >  que  Uiclielieu  juge  ici  triche,  surtout  avec  M"' de  Cbémeraull, 

du  point  de  vueoù  il  jugeait  toutes  choses,  l'une  de  ses  fdles  d'honneur,  l'avaient  ins- 

3o. 


236  LETTRES 

vous  avés  quelque  chose  à  me  dire.  Si  elle  est  partie  de  Paris  pour 
s'en  aller,  vous  pouvés  dire  ce  qu'il  vous  plaira,  mais,  quoy  que  c'en 
soit,  je  veux  que  l'obéissance  précède. 

Si  la  reyne  veut  entrer  davantage  en  discours,  S.  M.  luy  respon- 
dra,  s'il  luy  piaist,  selon  sa  prudence,  concluant  qu'il  luy  suffit  de 
sçavoir  qu'il  faict  les  choses  avec  raison,  sans  estre  obligé  d'en  rendre 
compte. 

Après,  si  elle  veut,  elle  peut  ajouster  :  Vous  sçavés  autant  des  im- 
pertinences de  l'esprit  de  madame  de  Sénecé  que  moy;  je  vous  en  ay 
veu  cent  fois  rire  la  première. 

Si  vous  dittes  qu'on  ne  chasse  pas  les  personnes  pour  des  imperti- 
nences, je  respondray  qu'aussy  ne  l'ay-je  pas  faict  pojir  cela,  mais 
pour  des  actions  qui  ne  sont  pas  exemptes  de  malice.  Vous  n'ignorés 
pas  la  bonne  volonté  qu'elle  avoit  pour  ceux  que  j'employe  au  ma- 
niement de  mes  affaires;  sur  ce  sujet  vous  sçavés  beaucoup  de  choses 
que  je  ne  sçay  pas,  mais  j'en  sçay  aussy'que  vous  ne  sçavés  pas. 

Je  sçay  des  personnes  qu'elle  a  suscitées  pour  agir  contre  eux  au- 
près de  moy,  quand  ilz  me  trouveroient  en  mauvaise  humeur. 

Je  sçay  de  plus  des  avis  qu'elle  a  faict  donner  à  quelques  per- 
sonnes que  je  les  voulois  faire  prendre  prisonniers,  contre  toute  vé- 
rité; et  de  cela,  si  elle  eust  esté  creue,  il  en  pouvoit  arriver  beau- 
coup d'inconvéniens. 

Il  y  a  bien  d'autres  choses,  mais  je  vous  demande  seulement  sur 
ces  2  poincts  si  je  seray  bien  conseillé  de  garder  en  ma  cour  une  per- 
sonne de  cette  humeur,  bien  capable  de  donner  à  diverses  personnes, 
et  à  vous  mesme  de  belles  impressions  au  préjudice  de  mes  affaires. 

Si  la  reyne,  qui  a  tesmoigné  plusieurs  fois  estre  en  assez  mau- 

Iruit  que  M"*  de  Sénecé  était  mêlée  aux  inrailliblenient  s'ensuivre.   Richelieu,  ne 

intrigues  qu'il  redoutait.  Il  résolut  donc  pouvant  l'enipêcher,  la  prévint;  et,  cooiine 

de  la  faire  congédier  et  n'eut  pas  de  peine  à  il  avait  soin   de  le  faire   dans  certaines 

obtenir  du  roi  cette  disgrâce.  Louis  XIII  circonstances  délicates,  où  le  roi  pouvait 

écrivit  à  sa  femme  un  billet  fort  sec,  qu'il  se  Irouver  embarrassé,  il  lui  dicla  ce  qu'il 

chargea    Chavigni    de    commenter.    Une  aurait  à  répondre, 
explication  entre  les  deux  époux  devait 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  237 

vaise  humeur  pour  le  cardinal,  dict  quelque  chose  de  luy,  Sa  Majesté 
Y  respondra  bien,  s'il  luy  plaist ,  par  sa  bonté  et  sa  prudence.  Si  la 
reyne  ' . . . 


CXXXIX. 

Arch.  des  AÉF.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  4^48.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  DE  RENNES l 

Du  10*  novembre  i638. 

Monsieur,  Je  ne  sçaurois  assez  m'estonner  qu'en  vous  en  retour- 
nant de  la  cour  comblé  des  grâces  et  des  effects  de  la  bonté  de  Sa 
Majesté,  vous  vous  soyés  conduit  à  vostre  arrivée  aux  estatz  en  sorte 
que,  quelque  prétexte  que  vous  puissiés  prendre,  vous  ne  puissiés 
vous  excuser  d'apporter  quelque  retardement  en  ses  affaires,  par  le 
procédé  que  vous  avés  gardé  *.  Comme  vous  avés  esté  maintenu 
contre  le  parlement  en  ce  qui  est  de  la  raison,  il  est  de  vostre  pru- 
dence et  de  vostre  sagesse  d'estre  si  despouillé  de  toute  passion  à  son 
esgard  que  l'équité  du  roy  ne  l'oblige  pas  à  estre  contre  vous  en  une 
autre  occasion.  Le  bruict  est  venu  jusques  icy  que  vous  ne  secondés 
pas  tous  les  bons  desseins  que  M' le  grand  maistre  *  a  pour  le  service 


'  Le  manuscrit  laisse  ainsi  lé  discours 
interrompu.  Nous  n'avons  trouvé  rien 
autre  chose  sur  cette  affaire.  La  Gazette 
du  20  novembre  donnait,  à  l'article  Pa- 
ris ,  cette  véridique  nouvelle  ;  »  La  com- 
tesse de  Brissac,  pour  ses  grands  mérites, 
a  esté  nommée  par  Leurs  Majeslez  Dame 
d'honneur  de  la  Reine,  en  la  place  de  la 
marquise  de  Sénecey.  •  H  y  avait  pour- 
tant du  vrai  dans  ces  lignes  ;  la  marquise 
de  Brissac  était  une  personne  douée  de 
qualités  éminenles. 

'  Pierre  Cornulier;  il  présida  les  étals 
de  Bretagne ,  qui  se  tinrent  cette  année  ;  il 


les  avait  déjà  présidés  en  i6v  et  en  i636. 

'  L'évêque  avait  lancé  un  interdit  qui 
contrariait  Richelieu.  Le  cardinal  se  fit 
écrire ,  à  ce  sujet ,  une  lettre  dont  la  mi- 
nute, de  la  main  de  Cherré,  se  trouve 
dans  le  manuscrit  cité  aux  sources.  Cette 
minute,  sans  date,  est  classée  en  novem- 
bre, t°  485 ,  et  on  lit  au  dos  :  «Copie  de 
la  lettre  que  M"  de  Bretagne  doivent  es- 
crireà  Son  Eminence  pour  faire  lever  l'in- 
terdit par  M'  de  Rennes.  ■  Nous  donnons 
aux  analyses  l'indication  de  cette  lettre. 

*  Le  maréchal  de  La  Meilleraie,  cousin 
du  cardinal. 


238  LETTRES 

du  loy  et  le  bien  de  la  province ,  comme  je  me  le  fusse  promis.  Je  vous 
avoue  que  j'ay  beaucoup  de  peyne  à  le  croire,  ne  pouvant  pas  m'i- 
maginer  que,  cognoissant  comme  vous  faictes  ce  qu'il  m'est,  et  com- 
bien je  l'ayme,  et  l'affection  particulière  que  moy  et  tous  les  miens 
avons  pour  la  province,  vous  puissiés  estre  mal  avec  luy;  veu  princi- 
palement que  chacun  sçait  que  je  vous  ay  donné  tout  sujet  d'en  user 
autrement.  Les  actions  estant  ce  qui  justifie  nettement  les  intentions 
et  les  desseins  des  hommes,  vous  trouvères  bon  que  je  considère  les 
vostres,  qui  me  donneront  lieu,  je  m'asseure,  d'estre  de  plus  en 
plus,  etc. 


CXL. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Hariay,  36i",  fol.  221.  —  Original. 

[A  M.  DE  BELLIÈVRE.] 

i3  novembre  i63S. 

Monsieur,  J'ay  esté  extresmement  aise  de  voir,  par  la  lettre  que  vous 
m'avés  escritte  du  28"°®  octobre  ',  l'espérance  que  vous  avés  de  faire 
passer  en  France,  à  ce  printemps,  jusques  à  3, 000  hommes  effectifs 
Escossois,  par  le  moyen  de  la  permission  que  vous  avés  obtenue  du 

'   Les     nombreuses     armées     que     la  qu'on  n'envoyait  pas  de  France.  Le  7  avril 

France  avait  sur  pied  se  recrulaient  dif-  de  l'année  suivante,  Bellièvre  écrivait  en- 

ficilement.  Outre  les  corps  suisses  et  aile-  core  à  Cliavigni  qu'il  demandait  «  pour  la 

mands  qu'elle  avait  à  son  service,  Riche-  quatrième  J'ois»   24,000  francs  qui  man- 

lieu   voulut    avoir   des   Ecossais    et   des  quaient.  (Même  ms.   f"  Itài.)  Et  quand 

Irlandais;  une  négociation  avait  été  enta-  l'ambassadeur  était  parvenu  à  triompher 

mée  en  Angleterre,  et  notre  ambassadeur  des  diETicultés,  c'était  en  France  qu'on  en 

Bellièvre    s'y    employa    activement.    La  rencontrait  de  nouvelles ,  et  le  gouverneur 

lettre  du   28  octobre,  dont  il   s'agit  ici,  de  Calais  refusait  à  ces  recrues  l'entrée  en 

est  conservée  aux  Aff.  étrang.  (Angleterre  France.  Bellièvre  écrivait  à  de  Noyers,  le 

tom.  If],  (°  2A4);  niais  nous  n'y  trouvons  secrétaire  d'état  de  la  guerre,  le  26  mai  : 

point  cette  réponse  du  cardinal.  Les  le-  a  .l'ayfaictpasseràCalaislescapitainesCros- 

vées  éprouvaient  toutes  sortes  de  dilîlcul-  bie.  .  .  M'  deCharost  faict  difficulté  de  re- 

lés  ,  tantôt  de  la  part  du  roi,  tantôt  de  celle  cevoir  dans  son  gouvernement  les  soldats 

du   parlement;   et   tantôt  c'était  l'argent  qiiiy  arriventparmer...  »(Mêmems.f°488.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


239 


roy  de  la  Grande  Bretagne  pour  la  levée  d'un  régiment  de  cette  na- 
tion. Je  vous  conjure,  avec  toute  l'airectiou  qu'il  m'est  possible,  de 
n'oublier  aucune  chose  pour  cela,  estant  certain  que  vous  ne  sçauriés 
rendre  un  service  plus  agréable  au  roy  ',  ni  ni'obliger  davantage  en 
mon  particulier,  m'estant  chargé  envers  S.  M.  de  cette  levée.  Si  l'ar- 
gent que  M""  de  Noyers  vous  a  envoyé  pour  cet  effect  ne  suffit  pas 
pour  avoir  le  nombre  de  3,ooo  hommes,  j'auray  soin  moy-mesme 
de  vous  faire  envoyer  ce  que  vous  désirerés  de  plus,  aussitost  que 
vous  me  l'aurés  fait  savoir.  En  un  mot  l'argent  ne  manquera  point, 
pourveu  que  nous  soyons  asseurés  d'avoir  des  hommes. 

Si  vous  pouvés  aussy  faire  réussir  la  proposition  que  vous  me  faictes 
sur  le  sujet  du  régiment  du  colonel  Tyrel,  ce  seroit  une  bonne  affaire, 
et  pourveu  que  vous  puissiés  engager  quelques  personnes  de  crédit 
et  d'autorité  à  prendre  ce  régiment,  le  roy  ne  fera  aucune  difficulté 
de  casser  ledict  colonel  Tyrel,  qui  a  eu  fort  peu  de  soin  de  le  mainte- 
nir. C'est  donc  à  vous  de  mesnager  cette  affaire  avec  vostre  prudence 
et  vostre  adresse  ordinaire,  et  faire  en  sorte  que  celuy  que  vous  choi- 
sirés  pour  cet  emploi  s'en  acquitte  comme  le  roy  le  peut  souhaitter, 
vous  asseurant  que  S.  M.  approuvera  tout  ce  que  vous  ferés  en  cela 
poiu"  son  service,  et  que  l'argent  ne  manquera  non  plus  pour  ce  régi- 
ment, pourveu  qu'il  soit  bon  et  bien  fort,  que  pour  celuy  d'Escos- 
sois.  J'attendray,  sur  le  tout,  de  vos  nouvelles  et  vous  asseureray 
cependant  que  je   feray  valoir  vos  soins  et  vos  services  ainsy  que 


'  Le  roi  avait,  en  effet,  ces  levées  fort 
à  cœur;  nous  le  voyons  se  plaindre  lui- 
niême  de  manœuvres  par  lesquelles  on  lâ- 
chait de  les  entraver;  il  écrivait,  le  lU  mars 
de  l'année  suivante,  à  un  seigneur  anglais 
qu'on  nomme  Ersking ,  lequel  s'était 
chargé  de  faire  un  régiment  :  «  J'ay  esté 
fort  estonné  d'apprendre  que,  sur  un  faux 
rapport  de  quelques-uns  du  régiment  de 
Douglas,  qui,  par  une  légèreté  et  incons- 
tance dont  vostre  nation  a  tousjours  esté 


exempte,  ont  essayé  de  descrier  mon  ser- 
vice, comme  s'ils  y  estoient  maltraités,  n 
Cette  lettre ,  contre-signée  :  Sublet ,  est  sans 
doute  de  ce  secrétaire  d'Etat.  J'en  ai 
inutilement  cherché  la  minute  au  dépôt 
de  la  guerre,  parmi  les  papiers  de  ce 
temps-là.  L'original,  dont  je  ne  connais 
pas  l'écriture ,  se  trouve  à  la  Bibliothèque 
impériale,  fonds  Saint  -  Germain  ,  Harl. 
364",  f  289. 


240 


LETTRES 


vous  le  pouvés  désirer  d'une  personne  qui  vous  aime  et  qui  est  véri- 
tablement, Monsieur, 

Vostre  tris  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  lUCHELIEU. 

Vous  vous  souviendrés,  s'il  vous  plaist,  de  faire  faire  les  levées  ci- 
dessus  de  sy  bonne  heure  que  nous  puissions  les  avoir  à  Calais,  ou  à 
Bouloigne,  à  la  fin  de  mars  au  plus  tard.  Je  vous  redis  encore  une  fois 
que  vous  ne  me  sauriés  obliger  d'avantage  que  de  haster  ces  levées , 
et  faire  en  sorte  qu'elles  soient  du  nombre  que  vous  me  demandés. 

De  Ruel,  ce  i  3^  novembre  i638. 


CXLI. 
Arch.  des  A£f.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  45 1 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  ROUTHILLIER, 


Original. 


SECRETAIRE   D*ESTAT. 


Le  1  5  novembre ,  à  5  heures  du  soir  ',  1 638. 

Le  courrier  d'Espagne  est  arrivé  dès  avant-hier.  Monsieur  de  Cba- 
vigny  doit  avoir  receu  les  lettres  de  Puj  ^.  Cependant,  ne  m'en  ayant 
point  parlé  aujourd'huy,  j'en  suis  en  doute.  Je  le  prie  de  me  man- 
der, par  un  billet,  ce  qui  en  est;  et,  s'il  y  a  quelque  chose,  de  me  le 
laire  sçavoir  promptement^  en  m'envoyant  les  lettres  mesmes,  les 
moindres  mots  estant  importans  en  telles  affaires. 


La  date  est  de  la  main  de  Richelieu. 
"  Pujol ,  qui  s'était  réfugié  en  Espagne 
à  la  suile  de  quelque  intrigue  coupable, 
lâchait  d'obtenir  son  pardon ,  et  oflVait  ses 
services  sous  prétexte  de  ménager  quelque 
aciieminenient  à  des  négociations  prépa- 
ratoires avec  l'Espagne.  Le  cardinal  ne 
voulait  pas  que  les  alliés  en  fussent  infor- 
més,  de  peur  d'éveiller  leurs  soupçons  cl 
de  les  détacher  de  leur  union  avec  la 
France.  Il  y  avait  déjà  plusieurs  mois  que 
Pujol  s'était  mis,  à  ce  sujet,  en  relation 


avec  Richelieu,  qui  se  méfiait  de  lui,  tout 
en  essayant  de  s'en  servir.  Nous  indi- 
quons aux  Analyses,  à  la  date  du  6  avril 
et  du  7  mai,  deux  billets  adressés  à  Cha- 
vigni  concernant  ce  Pujol. 

'  D'ici  à  la  fin ,  de  la  main  de  Richelieu  , 
qui  a  signé  d'une  espèce  de  parafe  ou  mo- 
nogramme que  je  n'ai  jamais  rencontré 
dans  les  letlres  du  cardinal.  Il  semble 
qu'on  pourrait  lire  J.  A.  (Jean-Armand); 
mais  Richelieu  se  nommait  Armand-Jean. 
Serait-ce  D.  R. ?  (De  Richelieu.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  241 


CXLII. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  478-/182.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré'. 

A  PUJOL'. 

[Vers  le  commencement  de  la  seconde  quinzaine  de  novembre.] 

On  voit  dans  [vos  dernières]  dépesches  du''  beaucoup  de 

paroles  qui  tesmoignent  un  grand  désir  de  paix;  mais  on  ne  voit  pas 
qu'on  .s'avance  à  aucune  chose  pour  en  venir  à  l'effect.  Cependant  la 
France  croid  n'avoir  [rien]  oublié  de  sa  part  qui  puisse  haster  un  tel 
bien  sy  nécessaire  à  la  Chrestienté. 

[La  France]  a  tousjours  tesmoigné  franchement  qu'elle  n'enten- 
droit  jatnais  ny  à  trefve,  ny  à  paix,  sans  ses  alliez;  tant  à  cause  de 
l'engagement  de  sa  foy,  que  parce  que  c'est  le  seul  moyen  de  faire 
une  paix  qui  ne  se  puisse  rompre. 

Et  cependant  il  y  a  deux  ans  qu'elle  attend  et  solicite,  autant  qu'il 
luy  est  possible,  les  passeportz  pour  ses  [dicts]  alliez  sans  qu'on  ail 
pu  les  obtenir. 

Bien  que  la  paix  soit  la  seule  fin  que  [la  France]  désire,  elle  a 
coDsenty  à  la  trefve  lorsqu'elle  a  esté  proposée  de  Sa  S"".- [De  plus] 
pour  faire  en  sorte  qu'une  trefve  n'empeschast  pas  un  accord  deffi- 
nitif,  elle  a  faict  sçavoir  [par  vostre  voye]  les  conditions  ausquelles 
la  paix  se  pourroit  establir  entre  les  deux  couronnes. 

Ces  conditions  ont  esté  sy  avantageuses  pour  l'Espagne  que  la 
France  n'a  point  faict  de  difficulté  de  restituer  tout  ce  qu'elle  luy 
tient,  en  cas  de  paix. 

'  Un  assez  grand  nombre  de  mots  étant  manque.  On  vient  de  voir  par  la  lettre 

de  la  main  du  cardinal,  nous  les  indi-  précédente, datée  dui5,  qu'une  dépécbe 

quons  par  des  crochets.  dePujol  devait  être  arrivée;  nous  plaçons 

'  Au  dos  de  cette  minute,  sans  »uscrip-  cette  réponse  vers  le  commencement  de 

lion  et  sans  date,  nous  trouvons  cette  an-  la  seconde  quinzaine  de  novembre, 

notation  :  «  Brouillard  de   lettre  à    Puj.  '  Date  restée  en  blanc  dans  le  manus- 

du            novembre  1 638.  >  Le  quantième  crit. 

CARDi:f.  DE  RICBELIED.  VI.  .  3l 


242  LETTRES 

[Elles  ont  aussy  esté  sy  favorables  pour  l'Empereur']  que,  bien  que 
[la  France]  eust  peu  prétendre  retenir  quelques  unes  des  places  qu'elle 
tient  en  Allemagne,  elle  a  esté  disposée  à  les  rendre,  en  cas  de  paix. 

Et  bien  que,  par  raison,  elle  ait  deub  et  puisse  prétendre  toute  la 
Lorraine,  à  raison  des  divers  droitz  particuliers  qu'elle  a  dessus,  outre 
celuyde  la  guerre  qui  est  général,  elle  ne  s'est  pas  esloignée  de  donner 
quelque  [espèce  de]  contr'eschange  à  M'  de  Lorraine,  pour  le  pouvoir 
faire  subsister  conformément  à  ce  que  l'Empereur  et  le  roy  d'Espagne 
pourroient  donner  au  Palatin  et  au  duc  de  Wirtemberg. 

Si  tout  ce  que  dessus  n'est  pas  capable  d'avancer  la  paix,  ny  de 
tesmoigncr  le  désir  qu'en  a  la  France,  elle  ne  voit  pas  [quelle  puisse] 
faire  aucune  chose  qui  peust  donner  l'expression  de  sa  sincérité. 

Elle  ne  sçait  comme  on  trouve  à  redire  à  la  fermeté  qu  elle  a  à  n'aban- 
donner pas  les  Hollandois,  y  estant  engagée  comme  elle  est  par  un  bon 
traicté,  dont  les  causes  sont  trop  cognues  pour  les  mander  de  nouveau. 

Elle  ne  sçait  aussy  comme  il  a  peu  entrer  en  la  pensée  de  M'  le 
Comte-Duc  qu'on  se  soit  vanté  de  traicter  secrètement  avec  luy,  et 
de  vouloir  partager  la  Lorraine,  veu  qu'on  a  tousjours  eu  intention 
do  la  retenir  entière  [sans  que  l'Espagne,  qui  n'y  peut  avoir  aulcune 
prétention,  y  prist  part]. 

Aussy  peu  peut-on  comprendre  ce  que  veulent  dire  ceux  qui  ont 
voulu  persuader  à  M''  le  Comte-Duc  que  le  cardinal  veut  diviser 
l'Empereur  d'avec  l'Espagne,  tant  parce  qu'en  sa  conscience  il  n'y  a 
jamais  pensé,  que  parce  qu'il  faudroit  eslre  fol  pour  estimer  qu'une 
telle  proposition  fust  pratiquable. 

[On]  pourroit  bien  se  plaindre  avec  raison  que  dom  Miquel  de 
Salamanque,  passant  icy,  protesta  et  asseura  plusieurs  fois  que  jamais 
l'Espagne  ne  traicteroit  [secrètement]  avec  les  Hollandois,  ains  agiroit 
avec  eux  par  le  moyen  de  la  France;  et  cependant  il  est  certain  que, 
depuis  son  passage,  on  a  plusieurs  fois  tasché  d'engager  les  d.  Hol- 
landois, sous  divers  prétextes,  à  des  traictés  segrets  et  particuliers. 

'  Richelieu  nomme  ici  «  empereur  «  le  prince  qu'il  n'appelle  jamais  que  •  le  roy  de 
«  Hongrie.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  243 

Pour  sortir  d'afiaires  il  faut  abandonner  toutes  procédures  sem- 
blables, accorder  des  passeportz  qui  soient  recevables,  se  résoudre 
à  une  trefve  qui  ne  portera  point  de  préjudice  à  la  paix  et  qui  n'en 
allongera  pas  le  terme,  puisqu'on  travaillera  incessamment  à  la  con- 
clure; et,  dès  cette  heure,  avoir  en  l'esprit  des  conditions  de  paix  rai- 
sonnables entre  les  couronnes,  telles  que  sont  celles  que  la  France  a 
proposées,  puisqu'elle  veut  rendre  tout  ce  qu'elle  tient  [à  l'Espagne]. 

Par  ce  moyen  on  sortira  promptement  d'affaire  et  establira-t-on 
un  bon  et  durable  repos  en  toute  la  Chrestienté.  Je  vous  proteste 
avec  tant  de  sincérité  que  la  France  le  souhaitte  véritablement  que 
je  ne  crains  point  de  désirer  malédiction  à  ceux  qui  [par  des  préten- 
tions injustes]  empescberont  une  bonne  paix  '. 

Je  vous  asseure  de  plus  que ,  si  le  repos  est  une  l'ois  estably,  il  ne 
se  rompera  jamais  de  nostre  part  -. 

[On  ne  respond  point  à  la  proposition  que  faict  M.  le  Comte-Duc] 
de  nommer  des  commissaires,  et  de  choisir  un  lieu  pour  traicter  [en 
particulier  parce  qu'on  estime  que  tel  expédient  préjudicieroit  bien 
plustost  aux  affaires  qu'il  ne  les  avanceroit,  par  la  juste  jalousie  qu'en 
concevroyent  les  alliez] ,  et  ce  qui  ne  se  fera  point  par  vostre  voye  par- 
ticulière ne  sçauroit  se  faire  par  aucune  autre.  Les  conditions  d'une 
paix  ne  se  peuvent  accorder  que  dans  une  pleine  assemblée,  ainsy 
que  nous  l'avons  tousjours  mandé,  mais  celles  d'une  trefve  univer- 
selle eussent  bien  peu  s'accorder  entre  les  deux  couronnes,  pourveu 
que  chacune  se  fust  faict  fort  de  ses  alliez,  ce  qu'elle  eust  peu  sans 
leur  faire  tort,  puisque  tel  traicté,  laissant  les  choses  en  Testât  auquel 
ils  [sic]  sont  à  leur  esgard,  laisse  la  liberté  à  un  chacun  de  disputer 
ses  intérests  pour  la  paix. 

Le  cardinal  ne  sçauroit  assez  remercier  le  Comte-Duc  de  ses  civi- 
litez  et  de  ses  courtoisies;  en  revanche  des  quelles,  si  la  paix  est  une 

'  Richelieu  écrivait  la  même  chose,  à  lignes  suivantes  :   «Ce  sera    maintenant 

peu  près  dans  les  mêmes  termes,  au  père  à  M'  le  Comte-Duc  de  regarder  ce  qu'il 

Bernard.  (Ci-dessus,  p.  a35.).  veut  faire  puisque  la  paix  est  en  sa  main 

Ici  .sont  effacées  dans  la  minute  les  par  cette  voye.  • 

il. 


244  LETTRES 

fois  faicte,  il  recherchera  passionnément  une  occasion  particulière 
deie^.. 

Comme  M""  le  Comte-Duc  continue  à  tesmoigner  faire  plus  d'estat 
du  cardinal  qu'il  ne  vaut,  il  luy  est  impossible  de  manquer  aussy  à 
continuer  sa  recognoissance  et  à  désirer  quelque  bonne  occasion  qui 
face  cognoislre  audit  s'  Comte-Duc  l'estime  particulière  qu'il  faict 
de  sa  personne,  et  le  désir  qu'il  a  d'une  bonne  paix,  pour  avoir  lieu 
de  le  pouvoir  servir  comme  il  le  souhaitte  sincèrement. 

Il  y  a  en  marge  de  ce  dernier  alinéa ,  ces  mots  :  «  p'  respondre  à  vostre  lettre 
du  je  vous  diray.  »  Etait-ce  le  commencement  d'un  autre  paragraphe 

ou  d'une  autre  dépêche?  11  règne  quelque  désordre  dans  cette  minute;  au  milieu 
des  quatre  feuillets  dont  elle  se  compose,  numérotés  478,  479.  48o,  h82,  le 
relieur  en  a  introduit  un  cinquième  écrit  aussi  de  la  main  de  Cherré,  lequel, 
dans  ce  volume  coté  tout  récemment,  sans  examen  des  pièces,  se  trouve  porter 
le  n°  481,  et  qui  peut  à  la  rigueur  faire  partie  de  la  lettre  à  Pujol;mais  rien  n'in- 
dique où  ce  feuillet  se  rattache;  était-ce  un  post-scriptam?  Voici  le  fragment  : 

Vous  apprendrés  par  d'autres  que  par  nous  comme  Guestz  a  esté 
traicté  à  la  tentative  qu'il  a  voulu  faire  pour  forcer  les  retranchemens 
que  le  duc  de  Weymar  a  faicts  devant  Brizac,  en  laquelle  il  a  perdu 
plus  de  2  mil  hommes  sur  la  place. 

Vous  apprendrés  aussy  ce  qui  est  arrivé  de  nouveau  au  reste  des 
troupes  du  duc  de  Lorraine,  à  Anchisen^,  ou  elles  ont  esté  defFaictes, 
le  colonel  Mercy  et  divers  autres  officiers,  pris  prisonniers. 

Et  de  plus,  comme  ensuite  Savelly,  ayant  passé  le  Rhin  pour  se 
venir  joindre  aud.  s'"  de  Lorraine,  a  esté  sy  absolument  deffait  à 
Blamont,  par  M.  de  Longueville,  que  rien  ne  s'est  sauvé  de  cette  def- 
faite  que  luy  troisiesme,  estant  demeuré  plus  de  80  officiers  prison- 
niers entre  les  mains  du  d.  s'  de  Longueville*. 

'  Il  y  a  ici,  dans  cette  minute,  un  blanc  '  Ces  divers  conibals  avaient  été  livrés 

(le  deux  lignes,  le  paragraphe  est  resté  à  la  fin  d'octobre  et  au  commencement  de 

inaclievé;devaitil  être  conlinuéPou  Riche-  novembre.  La  Gazette,  qui  en  avaitdonné 

lieu  voulait-il  le  faire  effacer  et  le  remplacer  la  nouvelle  à  leur  date,  en   publia  une 

par  le  paragraphe  suivant,  dont  la  pensée  relation  circonstanciée  dans  des  exlraor- 

cst  à  peu  près  la  même?  —  '  Ensisheim.  dinaires  des  11,  18  el  22  novembre. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  2/t5 

Quelque  bon  événement  qui  puisse  arriver  il  ne  changera  pas  la 
volonté  que  la  France  a  tousjours  eue  du  repos  de  la  Chrestienté; 
et  comme  les  mauvais  succès  ne  luy  feront  jamais  consentir  à  la  paix 
à  des  conditions  déraisonnables,  les  bons  ne  luy  en  feront  jamais 
désirer  d'injustes. 


CXLIII. 
Arch.  des  Aff.  élr.  France,  1 638-1 689 ,  fol.  78.  —  Original. 

MÉMOIRE  ENVOYÉ  A  M.   DE  BULLION  \ 

De  l'Arcenal ,  ce  18°  novembre  1 63S. 

Estant  venu  en  cette  ville  à  dessein  de  n'en  partir  point  qu'on  n'ait 
poui"veu  à  certaines  choses  du  tout  nécessaires  au  service  du  roy,  je 
prie  M.  de  BuUion  de  me  respondre,  article  par  article,  ce  qu'il  fera 
ellectivement  à  chacun  des  points  qui  seront  exprimez  cy-après. 

Il  est  impossible  de  tenir  des  garnisons  si  on  ne  le  paye  en  deniers 
comptans.  Je  sçay  bien  que  M"  des  finances  diront  qu'ils  en  ont  faict 
estai,  mais  telz  discours  sont  inutiles  si  on  n"a  l'argent  par  avance, 
et  présentement  je  viens  d'aprendre  qu'ime  des  places  du  royaume , 
que  les  ennemis  regardent  actuellement,  est  en  fort  mauvais  estât, 
parce  que  la  garnison  s'est  toute  desbandée  povu'  n'estre  point  payée. 
H  est  bien  plus  aisé  à  M"  des  finances  d'amasser  de  l'argent,  qu'à 
nous  des  gens.  L'argent  estant  amassé  ne  .se  perd  pas,  mais  les  soldatz 
estans  assemblez  se  dissipent  incontinant  sans  argent. 

Les  gallères  n'ont  louché  que  deux  cents  mile  livres  comptant  de 
toutes  les  assignations  de  cette  année,  nonobstant  le  service  avanta- 
geux qu'elles  ont  rendu;  c'est  leur  oster  moyen  de  bien  faire  que 
de  leur  donner  de  mauvaises  assignations,  n'y  ayant  point  de  charge 
où  l'argent  comptant  soit  si  nécessaire  qu'à  celle-là.  Il  est  besoin  de 

'  Ce  (itrc  et  la  date  sont  notés  au  dos  senal  te  i5.  On  sait  que  l'Arsenal  était  la 
de  cette  pièce.  La  Gazette  (p.  700)  annon-  résidence  du  grand  maître  de  l'artillerie, 
çait  que  Hiclielieu  était  venu  loger  à  l'Ar-        lequel  était  alors  le  cousin  du  cardinal. 


246  LETTRES 

sçavoir  comme  on  y  veut  pourvoir  pour  i'année  qui  vient,  et  le  faire 
actuellement. 

Faut  pourvoir  sur  toutes  choses  au  fonds  de  l'Italie,  en  sorte  que 
le  manque  ou  le  retardement  des  fonds  ne  puisse  empescher  à  l'avenir 
que  les  affaires  n'aillent  comme  il  faut;  n'y  ayant  que  ce  costé-là  où 
les  ennemis  puissent  aisément  prendre  de  grands  avantages  sur  nous , 
il  en  faut  avoir  plus  de  soin  que  d'aucun  autre. 

Il  est  du  tout  nécessaire  de  payer,  par  avance,  le  premier  terme 
promis  aux  cappitaines  suisses  du  reste  de  ce  à  quoy  on  a  arresté  ce 
qu'on  leur  doit.  Sans  cela  on  ne  peut  faire  les  levées  nécessaires  en 
Suisse,  et  le  temps  nous  presse. 

Il  est  à  propos  de  payer  le  dernier  quartier  de  M.  de  Weymar. 
M''  de  Bullion  s'en  peut  accommoder  avec  le  s'  Heufft. 

Il  est  aussy  raisonnable  de  pourvoir  en  sorte  à  ce  qui  reste  deub 
à  M"  les  Estats  de  Hollande  que  M'  l'ambassadeur  en  ait  conten- 
tement; cet  article  ne  consiste  qu'à  lui  faire  voir  que  ses  assignations 
sont  bonnes  et  en  faciliter  le  payement. 

Le  quartier  qui  est  escheu  du  traicté  faict  avec  la  couronne  de 
Suède  presse  effectivement.  Pour  en  faciliter  le  payement,  on  con- 
sent que  M"  des  finances  prennent  deux  cens  mil  livres  sur  les  de- 
niers qui  ont  esté  portez  en  Hollande  pour  madame  la  langrave  de 
Hesse,  le  reste  devant  eslre  employé  pour  empescher  que  les  enne- 
mis ne  tirent  ses  trouppes  à  leur  service. 

Il  est  besoin  de  mieux  pourvoir  au  fonds  de  l'artillerie  ceste  année 
qu'on  ne  fist  l'année  passée.  C'est  une  pitié  de  voir  quelques  uns  de 
ceux  qui  ont  faict  des  fournitures,  tesmoin  Begnicourt,  ruinez  pour 
n'estre  pas  payez.  Il  faut  aussy  un  bon  fonds  pour  la  marine. 

Idem  pour  les  fortiffications ,  et  faire  valoir  les  assignations  du  passé. 

Je  ne  dis  rien  des  fonds  nécessaires  pour  les  vivres  des  armées  du 
roy,  pour  l'année  qui  vient,  parce  que  je  croy  qu'on  y  a  desjà  pourveu, 
l'affaire  pressant. 

Les  voUeries  sont  si  fréquentes  qu'il  ne  se  peut  davantage,  et  tout 
le  mal  vient  de  ce  qu'on  a  retranché  la  moilic  des  gages  aux  prévoslz 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  247 

des  mareschaux  et  à  leurs  archers.  Sa  Majesté  estime  qu'il  vaudroit 
bien  mieux  prendre  ceux  de  M"^  des  finances  tous  entiers ,  ou  au 
moins  les  priver  du  tour  debaston,  qui  vaut  bien  mieux  que  les  gages. 

Je  sçay  bien  que  la  première  response  que  j'auray  sur  ces  articles 
est  une  représentation  de  la  dilEcullé  qu'il  y  a  à  trouver  de  l'argent. 

Je  sçay  encore  que  la  seconde  sera  une  promesse  verballe  de  tout 
exécutter.  Mais,  comme  sur  cette  dernière  on  conçoit  quelques  fois 
beaucoup  d'espérances  sans  ePfect,  je  prie  M'^  de  BuUion  de  nous  don- 
ner des  eEFects  qui  nous  ostenl  tout  lieu  de  douter  si  les  espérances 
seront  bonnes. 

Je  m'asseure  qu'il  le  fera,  s'il  considère  que  je  désire  ce  qui 
touche  les  affaires  du  roy  avec  mesme  passion  et  mesme  ardeur 
qu'il  faict^  souvent  ce  qui  le  touche  en  son  particulier. 

Je  ne  luy  dis  rien  du  pavé  parce  que  je  m'en  chargeray  doresnavant,. 
au  moins  en  prendray-je  un  soin  primitif ,  qui  fera  aller  les  suballernes. 

Je  ne  parle  point  aussy  des  boues,  parce  que  M' le  chancelier  m'a 
promis  de  s'en  rendre  chassavant  supérieur,  mais  l'événement  doit 
faire  cognoistre  à  M"  les  surintendans  combien  il  importe  de  ne 
changer  pas  les  anciens  establissemens,  estant  certain  que,  quelque 
proffict  qu'ils  ayent  peu  tirer  du  fonds  du  pavé  et  des  boues,  il  ne 
peut  estre  comparable  au  préjudice  que  le  public  a  souffert  et  souffre 
tous  les  jours  pour  son  divertissement. 

Le  pavé  des  grands  chemins  de  toutes  les  avenues  de  Paris  est  en 
tel  estât  que  le  louage  des  charois  double  -.  Si  les  vins  les  plus  déli- 
cats venoient  d'Orléans,  je  prirois  Nazin'  d'en  avoir  soin. 

'  D'ici  h  la  fin  de  la  phrase,  de  la  1667  (recueil d'Isambert,  t.  XVI, p. 478), 

main  de  Riclielieti.  —  C'est  une  allusion  y  apporta  sans  doute  peu  d'amélioralion , 

au  mariage  du  fils  de  Biillion,  dont  nous  car  nous  voyons  que,  plus  d'un  an  après, 

voyons,   dans   plusieurs  lettres,   que  ce  le  aa  septembre  1 638,  un  arrct  du  conseil 

surintendant  occupait  alors  beaucoup  le  édictait  des  mesures  de   rigueur  sur  ce 

cardinal.  (Ci-dessus,  p.  322.)  sujet  (Delamarre,  p.  218),  et  Richelieu 

^  L'entretien  du  pavé   et  la  propreté  n'y  voit  d'autre  remède  que  d'y  mettre  la 

des  rues  de  Paris,  malgré  tous  les  règle-  main  lui-même. 

menls  de  police,  restaient  dans  un  état  '  Nazin  était  le  nom  d'un  de»  courriers 

déplorable.  Une  ordonnance  du  9  juillet  du  cabinet. 


248 


LETTRES 


Il  y  a  de  grandes  plaintes  du  partage  que  l'on  a  faict  des  grueries, 
lesquelles  je  crois  très  préjudiciables  pour  le  roy,  veu  qu'il  perd  le 
droict  de  supériorité  sur  le  total  des  bois,  et  demeure  seulement 
seigneur  particulier  de  sa  part. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CXLIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  462.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

SUSCRIPTION: 

POUR   M.  BOUTHILLIER, 

SURINTENDANT  DES  FINANCES  ,   À  PARIS. 

De  Rue! ,  ce  28  novembre  i638. 

L'afifaire  dont  vous  m'escrivés  ne  se  peut  faire  sans  sçavoir  les 
volontez  du  roy,  et  je  n'estime  pas  que  Sa  Majesté  veuille  que  les  filles 
de  M'  de  Chevreuse  viennent  demeurer  sy  procbe  de  Paris,  comme 
est  l'abbaye  de  S'-Anthoine;  et,  qui  plus  est,  madame  de  S'-Anthoine 
y  a  un  notable  intérest,  en  ce  que,  si  des  filles  de  cette  qualité  vont 
en  cette  maison ,  elle  n'en  sera  plus  la  maistresse ,  parce  qu'elles  sont 
capables  de  desbaucher  quantité  d'esprits  qui  sont  dansS'-Antboine, 
et  d'y  attirer  une  sy  grande  quantité  de  visites  que  ce  seroient  des 
processions  continuelles  ^  - 


'  Les  fdles  de  M.  de  Chevreuse  étaient 
pour  lui  un  grand  embarras;  nous  avons 
une  lettre  qu'il  adressait  au  cardinal ,  le 
7  août  1641,  au  sujet  d'une  promesse  de 
l'abbaye  de  Remiremont  que  lui  aurait 
faite  Richelieu.  Les  troubles  causés  par 
la  révolte  du  duc  de  Lorraine  avaient  ap- 
porté du  relard  à  cette  affaire.  M.  de  Che- 
vreuse demande  à  Richelieu  la  permission 
d'envoyer  une  de  ses  filles  à  Remiremont. 
«  Boispillé,  disait-il,  la  conduira  et  la  ra- 
mènera aussy  tosl  qu'elle  aura  pris  labit  et 


sera  apprébandée...  Cela  estant  faict,  ce 
sera  ma  seureté. Considérez ,  Monsieur,  que 
c'est  l'ouvrage  de  vos  mains,  et  que  celte 
abbaye  entre  en  celle  d'une  des  plus  obéis- 
sante et  fidelle  servante  et  plus  obligée 
que  vous  ayés  au  monde.  Et  vous  soulagés 
un  père  chargé  de  filles,  dont  je  suis  bien 
empesché.  V.  Ém.  en  sçayt  les  rayzons,  et 
les  ingratitudes  de  la  mère,  les  pertes  et 
maux  qu'elle  m'a  causés. . .  »  (Autographe. 
.\rch.  des  Aff.  étr.  Lorraine,  t.  Sa,  pièce 
160.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


249 


CXLV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  476.  — 
*  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Fonds  Dupuy,  t.  536,  foi.  6/i.  —  Copie. 

A  MADAME  DE  LA  VALETTE'. 

'ig  novembre  i638. 

Ma  Cousine,^  je  ne  doute  point  que  vostre  affection  ne  soit  en 
mou  endroit  telle  que  vous  me  la  représentés;  aussy  vous  puis-je 
asseurer  que  la  mienne  envers  vous  est  et  sera  tousjours  telle  que 
vous  la  pouvés  désirer.  Je  plains  plus  que  vous  ne  pensés  Testât  au- 
quel vous  estes,  non-seulement  à  cause  de  vostre  personne,  mais 
en  outre  à  raison  de  celle  de  M'  de  La  Valette,  que  j'affectionnois 
dans  le  service  du  roy  autant  que  ceux  qui  me  sont  les  plus  proches. 
Je  suis  extresmement  fasché  qu'il  ait  suivy  les  mauvais  conseilz  qu'il 
a  pris;  mais,  comme  il  n'y  a  plus  de  remèdes  aux  choses  faictes,  je 
vous  conjure  de  prendre  vostre  mal  en  patience ,  vous  consoUer,  et 
vous  asseurer  que  je  suis  véritablement. . . 

De  Ruel',  ce  29  novembre  i638. 


'  Le  nom  est  noté  au  dos  de  cette  mi- 
nute sans  suscriplion. 

'  Madame  la  duchesse  de  La  Valette 
était  une  demoiselle  de  Pontchâteau  ;  on 


a  vu  que  Richelieu  l'avait  mariée  au  ûls 
du  duc  d'Epernon. 

'  Ce  nom  de  Heu  n'es)  donné  que  par  la 
copie  du  ms.  de  Dupuy. 


CARDm.  DE  lUCnET.IBD. 


33 


250 


LETTRES 


CXLVI. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  26.  —  Original  de  la  main  de  Cherré. 

Bibi.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  S^y,  fol.  482.  —  Copie. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  K.  k.  '  (Extrait). 

SnSCRIPTION : 

A  MONSEIGNEUR,  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

1"  décembre  i638. 

Monseigneur, 
Ce  qui  s'est  passé  depuis  peu  au  lieu  où  vous  estes,  sur  le  sujet 
de  Madame,  m'a  tellement  surpris  qu'il  m'est  presque  impossible  de 
me  persuader  qu'il  y  ait  des  gens  capables  d'une  malice  semblable  à 
celle  qu'on  a  voulu  commettre^.  Si  un  tel  procédé  n'est  capable 
d'ouvrir  les  yeux  à  Madame  et  de  iuy  faire  prendre  les  résolutions 
qu'elle  doit  pour  sa  conservation  et  celle  de  monsieur  son  filz,  je  ne 


'  Voyez  ci-dessus  page  56,  note  2. — 
Dans  le  manuscrit  de  Harlay  on  a  écrit  en 
marge  :  «  Fait  sur  l'original.  » 

*  En  ce  moment  l'émotion  était  grande 
à  Turin;  les  beaux-frères  de  Madame,  le 
cardinal  de  Savoie  et  le  prince  Thomas, 
qui  voulaient  lui  enlever  la  régence ,  pri- 
rent l'occasion  de  la  mort  du  jeune  duc, 
leur  neveu,  pour  frapper  un  coup  décisif. 
Le  cardinal  de  La  Valette  avait  écrit  le 
5  novembre  à  Richelieu  :  «  Le  cardinal  de 
Savoie  est  auprès  de  Gênes;  il  est  parti  dp 
Rome  vestu  en  chevalier  de  Malte. . .  »  Le 
10  il  mandait  :  «  Madame  a  eu  avis  celte 
nuit  que  le  cardinal  de  Savoie  était  allé  à 
Alexandrie  se  joindre  aux  Espagnols.  »  Le 
17,11  annonçait  une  entreprise  de  ce  prince 
sur  Turin  et  sur  Carmagnol,  et  le  27,  don- 
nant les  détails  de  la  conjuration  :  a  Elle 
allait,  dit-il,  à  se  saisir  de  Madame  et  de 
.ses  enfans.  »  Le  25,  la   duchesse   infor- 


mait elle-même  Richelieu  de  cette  trahi- 
son ;  le  gouverneur  de  la  citadelle  de  Turin 
avait  été  gagné,  et  allait  livrer  l'entrée  de 
la  ville,  où  une  faction  ennemie  de  la 
France  conspirait  contre  la  duchesse.  Telle 
était  la  situation  qui  explique  ce  passage 
de  la  lettre  du  cardinal.  On  persuada  à 
Madame  de  consentir  à  ce  que  le  cardinal 
de  Savoie  fût  arrêté  s'il  mettait  le  pied  dans 
ses  Etats.  Chavigni  écrivit,  sur  les  mesures 
à  prendre,  une  dépêche  que  nous  ne  trou- 
vons pas,  mais  que  Richelieu  annonce  au 
cardinal  de  La  Valette,  dans  une  lettre  du 
)3  novembre,  indiquée  aux  analyses.  On 
envoyait  coup  sur  coup  en  Italie  non-seu- 
lement des  courriers,  mais  des  hommes 
importants  et  de  confiance,  le  baron  de 
Paliuau,  le  comte  d'Estrades.  (Voyez  aux 
anal.  11  nov.  et  5  déc);  enfin  le  ms.  de 
Turin,  t.  26,  est  rempli  de  documents  cu- 
rieux sur  cette  crisedes  affaires  du  Piémont. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  251 

voys  pas  par  quels  moyens  on  la  peut  garantir  de  la  mauvaise  volonté 
de  ses  ennemis,  ny  empescher  l'efFect  de  leurs  pernicieux  desseins. 
Je  luy  escris  assez  amplement  sur  ce  sujet,  et  parce  que  je  nay  autre 
chose  à  vous  mander  sur  cette  fascheuse  affaire  que  ce  qui  est  contenu 
dans  ma  lettre,  je  vous  en  envoie  copie,  afin  que  vous  voyiés  si  le  plus 
fidèle  serviteur  qu'ait  Madame  luy  pourroit  donner  de  meilleurs  ny  de 
plus  utiles  conseils  que  ceux  que  je  prends  la  liberté  de  luy  donner.  Je 
vous  conjure  de  n'oublier  rien  de  ce  qui  deppendra  de  vous  pour  la 
porter  à  les  pratiquer  et  les  suivre,  puisqu'elle  n'a  point  d'autre  voye 
de  se  maintenir,  ainsy  qu'elle  avouera  elle  mesme,  je  nVasseure. 

M'  de  Chavigny  vous  faict  une  ample  dépesche  sur  toutes  les  at- 
faires  d'Italie,  à  laquelle  il  seroit  superflu  d'adjouster  aucune  chose, 
non  plus  qu'au  récit  que  M'  d'Estrades  vous  fera  de  ce  qui  se  passe 
en  ces  quartiers,  puisqu'il  en  a  une  particulière  cognoissance;  aussy 
n'allongeray-je  celle-ci  que  pour  vous  asseurer  de  la  continuation 
de  mon  affection  et  de  mon  service,  et  qu'il  n'y  a  personne  qui  vous 
estime  ny  qui  soit  avec  plus  de  sincérité  que  moy,  etc. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  i"  décembre  i638. 

Je  vous  prie,  n'oubliés  aucune  chose  de  ce  que  vous  pourrés  pour 
presser  Madame  à  s'asseurer  des  places  de  Turin,  Nice,  Montmélian, 
Carmagnole  et  Suze.  Je  vous  conjure  de  luy  représenter  que  quand 
ses  ennemis  verront  ses  principales  places  entre  les  mains  de  gens  qui 
seroient  capables  de  se  donner  à  des  puissances  plus  grandes  que  la 
leur  pour  venger  la  mort  de  leur  maistresse,  ils  perdont  le  dessein 
d'entreprendre  sur  elle. 

Il  est  aussy  à  propos  qu'insensiblement  vous  luy  fassiez  jeter  les 
yeux  sur  des  personnes  pour  mettre  en  ses  charges,  qui,  luy  estant 
fidèles,  soient  affectionnées  à  la  France. 

La  dépesche  de  M"'  de  Chavigny  vous  faict  ouverture  d'un  mariage 
de  la  fille  aisnée  de  Madame  avec  le  dauphin,  et  d'envoyer  par  ce 

32. 


252  LETTRES 

moyen  en  France  la  dicte  princesse,  avec  une  autre  de  ses  sœurs, 
pour  estre  coadjutrice  de  Fontevrault.  J'estime  que  Madame  doit 
estre  ravie  d'une  telle  pensée  que  vous  sçaurés  bien  luy  faire  désirer 
par  vostre  adresse  plus  tost  que  de  luy  proposer. 

Vous  cognoissés  sy  bien  l'humeur  des  dames,  vers  les  quelles  il  n'y 
a  que  l'occasion  qui  face  les  affaires,  que  vous  ne  manquerés  pas,  je 
m'asseure,  de  battre  le  fer  pendant  qu'il  est  chaud. 

Je  suis  très  fasché  d'estre  contrainct  de  vous  mander  que  la  con- 
duite de  M""  d'Espernon  et  de  M"'  de  La  Valette  ne  s'amende  pas.  M' d'Es- 
pernon  estant  soupçonné  de  nouveau  d'avoir  faict  dévaliser  un  ordi- 
naire qui  portoit  les  paquets  du  roy,  qui  luy  ont  esté  pris  en  laissant 
toutes  les  autres  lettres  des  particuliers.  Cette  mauvaise  action  a  esté 
faicte  à  i  o  lieues  de  Loches ,  à  ce  que  dit  la  voix  publique ,  par  des  gens 
de  la  garnison  du  d.  Loches.  On  taschera  d'esclaircir  cette  affaire 
autant  à  la  justiffication  de  M"  d'Espernon,  s'il  ne  l'a  pas  faicte, 
comme  à  sa  charge,  s'il  en  est  auteur.  Ce  qui  est  à  noter  est  que  ce 
courrier  apportoit  une  partie  des  charges  qui  se  trouvent  contre 
M'  de  La  Valette.  Je  ne  sçaurois  vous  dire  le  desplaisir  que  m'apportent 
toutes  ces  affaires. 


CXLVII. 

Arch,  des  Aff.  élr.  Turin,  t.  26.  —  Mise  au  nel  de  la  main  de  Clierré , 

devenue  minute,  Richelieu  ayant  fait  de  nombreuses  corrections. 

A  la  fin  du  volume,  il  y  a  une  autre  mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Fonds  Dupuy  tom.  538,  fol.  i5o;  tom.  767,  cahier  K.  k;  et  tom.  869 

(non  coté);  trois  copies.  —  Saint-Germain-Harlay,  3^7,  fol,  ^83.  —  Copie. 

A  MADAME  LA  DUCHESSE  DE  SAVOYE. 

[  1"  décembre  1 638'.] 

Madame, 

C'est  à  ce  coup  que  vous  devés  vous  réveiller  de  la  léthargie  en  la- 

Cetleminuteest  sans  date,  aussi  bien        manuscrit.  Le  Clerc  {Vie  du  cardinal  de 
que  la  mise  au  net  donnée  par  le  même        Richeliea,  III,  73)   a  cité  une  partie  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  253 

quelle  V.  A.  trouvera  bon  que  je  luy  die  qu'elle  a  esté  jusqu'à  pré- 
sant,  puisque,  si  vous  ne  le  faictes  promptement ,  vostre  mal  sera 
enfin  irrémédiable.  C'est  une  extraordinaire  providence  de  Dieu 
d'avoir  permis  que  vos  propres  ennemis  vous  forcent  à  ce  [dont  vostre 
bonté  vous  a  destournée  jusques  icy,  bien  que  la  raison  et  vos  inté- 
rests  vous  y  portassent'].  Dieu  ne  fera  pas  tous  les  jours  des  miracles 
semblables  à  ceux  qu'il  a  faicts  pour  vous  conserver  en  cette  occasion  ; 
il  veut  qu'on  se  serve  au  cours  des  affaires  humaines  de  la  prudence 
qu'il  donne,  et  partant  c'est  à  V.  A.  à  se  [prévaloir]  du  bon  esprit 
que  Dieu  luy  a  donné,  à  son  advantage.  La  nature  vous  y  convie  puis- 
que vous  ne  pouvés  conserver  M'  vostre  fils  auUrement,  et  fintérest 
de  vostre  conservation  et  de  vostre  honneur  vous  y  oblige;  ne  pou- 
vant vous  celer,  Madame,  que  les  calomnies  de  vos  ennemis,  qui 
pourront  estre  aisément  esclaircies  à  vostre  contentement,  durant 
vostre  vie,  passeroient  pour  des  vérités  [par  la  force  de  leur  artifice], 
s'ils  vous  avoient  faict  mourir.  A  ne  vous  point  dissimuler.  Madame , 
vos  peuples  [ne  vous  aiment  point  comme  ils  doivent],  tant  parce 
que  le  gouvernement  des  femmes  n'est  jamais  sy  désiré  que  celuy 
des  princes,  que  par  leur  propre  malice.  Oultre  que  V.  A.  sçait  ce 
que  c'est  que  prétendre  une  souveraineté  en  Italie,  elle  cognoist  l'es- 
prit de  M'  le  cardinal  de  Savoye,  sy  foible  qu'il  est  aussy  aisé  de  le 
porter  au  mal  qu'au  bien.  J'adjouste  que,  laissant  le  père  Monod  en 
Testât  qu'il  est,  et  ayant  souffert  que  le  Pazer  soit  sorty  de  prison, 
V.  A.  luy  a  donné  les  plus  cruels  conseillers  qu'il  puisse  avoir  contre 
elle-mesme.  Au  reste.  Madame,  en  agissant  foiblement,  comme  vous 
avés  faict  jusques  à  présent,  en  reffusant  tous  les  advis  que  le  roy 
vous  a  donnez  [vous  avés  pris  pour  Vous  les  plus  mauvaises  résolu- 


cetle  lettre  d'après  Vitl.  Siri  [Mem.  rec.  même  jour  adressée  au  cardinal  de  La 

VllI,  6i3) ,  lequel  donne  la  date  du  lo  no-  Valette. 

vembre.  L'auteur  français  se  trompe  ici  '  Nous  mettons  entre  crochets  les  cor- 

après  l'auteur  italien,  car  cette  lettre  est  reclions   assez  nombreuses    faites    de  la 

du    1°   décembre;   la    date  est  indiquée  main  de  Richelieu. 

d'nne  manière  certaine  par  la  lettre  du 


254  LETTRES 

lions  qui  se  pouvoient  prendre ,  et  les  plus  favorables  pour  M'  le  car- 
dinal de  Savoye].  Or,  parce  qu'il  seroit  inutile  de  [représenter  à  V.  A. 
le  mal  qui  la  presse]  si  on  ne  venoit  au  remède,  j'ose  l'asseurer  qu'en 
quelque  estât  qu'elle  soit  il  luy  sera  aisé  de  se  garantir  de  ses  enne- 
mis, d'asseurer  sa  personne,  celle  de  M""  son  fils,  son  Estât,  et,  qui 
plus  est,  de  mettre  à  couvert  sa  réputation,  que  je  considère  à  l'égal 
de  tout  le  reste,  si  elle  veut  suivre  les  conseils  qui  luy  seront  donnez 
de  la  part  de  Sa  Majesté,  lesquelz  ne  seront  jamais  autres  que  ceux 
que  la  raison  et  la  nature  luy  doivent  inspirer.  [Vous  debvés  mainte- 
nant. Madame,  sans  marchander  davantage,]  vous  asseurer  de  la  per- 
sonne du  père  Monod,  faire  chastier  [promptement]  et  sévèrement 
tous  ceux  qui  seront  trouvés  avoir  trempé  en  cette  abominable  cons- 
piration; faire  condamner  le  Pazer  et  Maserati;  mettre  leurs  femmes 
et  leurs  enfans  en  lieu  de  seureté  [et  ne  laisser  en  vos  Estatz  aucun 
de  ceux  qui  sont  recogneus  de  la  faction  de  M' le  cardinal  de  Savoye. 
La  seureté  de  M'  vostre  fils  et  la  vostre  requièrent  qu'ensuite  vous 
pourvoyiés  à  toutes  les]  places  importantes  de  vostre  Estât,  en  sorte 
que  les  gouverneurs  et  les  garnisons  deppendent  absolument  de  vous; 
que  vous  renforciés  les  régimens  de  cavalerie  et  infanterie  auxquels 
V.  A.  pourra  prendre  entière  confiance,  et  que  vous  ne  confiés  la 
conservation  de  vos  personnes  qu'à  vos  anciennes  créatures  et  à  celles 
que  [vous  pourrés  faire]  de  nouveau  par  beaucoup  de  bienfaicts,  qui 
est  le  seul  moyen  d'en  acquérir  en  cette  occasion.  [Par  ce  moyen 
vous  ne  remédierés  pas  seulement  au  mal  présent,  mais  vous  pré- 
viendrés  ceux  qui  pourroient  arriver  de  nouveau;  ce  qui  est  d'autant 
plus  nécessaire  que  le  moindre  redoublement  la  mettroit  hors  d'es- 
tat  et  de  conseil  et  de  remède.  Si  V.  A.  prend  cette  conduitte]  j'ose, 
avec  l'ayde  de  Dieu,  luy  respondre  d'un  bon  succès;  à  quoy  je  con- 
tribueray  ma  propre  vie,  s'il  en  est  besoin. 

Si ,  au  contraire ,  son  indulgence  luy  faict  prendre  un  aultre  chemin , 
il  m'est  impossible  de  ne  luy  prédire  pas  le  malheur  qui  luy  en  arri- 
vera. La  suppliant,  au  mesme  temps,  de  me  dispenser  de  me  mesler 
davantage  de  ce  qui  la  touche,  pour  n'estre  pas  [en  adhérant  à  ses 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


255 


irrésolutions]  complice  d'un  mal  [qui  luy  est]  inévitable,  si  elle  ne 
s'en  garantit  par  des  moiens  aussy  forts  qu'ils  sont  justes  et  raison- 
nables. J'espère  que  Dieu  lui  ouvrira  les  yeux  pour  cognoistre  le 
mauvais  estât  auquel  elle  est,  et  qu'il  luy  donnera  la  force  de  pra- 
tiquer les  remèdes  qui  luy  sont  proposés  et  qui  lui  sont  absolument 
nécessaires.  [Je  l'en  supplie  de  tout  mon  cœur,  et  vous.  Madame, 
de  croire  que  je  suis  à  jamais  de  Vostre  Altesse']. . . 


CXLVIII. 
Arch.  des  Aff.  étr.  Rome,  i638,  quatre  derniers  mois,  l.  64,  fol.  246.  —  Original. 

A  M.  MAZARIN. 

1 7  décembre  1 638. 

Monsignore  Colmardo  cognoistra,  par  la  dépesche  qu'on  faict  pré- 
sentement à  Rome  ^,  combien  il  faict  bon  s'attacher  au  service  des 
grands  princes  et  bons  maistres,  comme  est  celuy  que  nous  servons. 


'  Une  partie  de  celle  pièce  a  été  arran- 
gée pour  les  Mémoires  de  Richelieu. 

*  Deux  longues  dépêches  furent  faites 
pour  Rome  le  17  décembre,  adressées, 
l'une  à  l'ambassadeur,  maréchal  d'Es- 
trées ,  l'autre  à  Mazarin  ;  toutes  deux  écri- 
tes sans  doute  par  Chavigni,  la  première 
en  qualité  de  secrétaire  d'élat,  la  seconde 
comme  ami  de  Mazarin;  l'une  et  l'autre 
faites  sons  l'inspiration  de  Richelieu.  Les 
minutes ,  de  la  main  de  Chavigni ,  sont  con- 
servées aux  Affaires  étrangères.  (Rome, 
t.  64,  pièces  aaG  et  aSG.)  tLe  P.  Joseph 
estant  en  estât  de  mourir  (disait  Chavigni 
à  Mazarin],  comme  les  médecins  le  croient , 
dans  un  jour  ou  deux,  Monseigneur  a  jeté 
les  yeux  sur  vous  et  vous  a  proposé  au  roy 


pour  vous  faire  cardinal  à  la  première  pro- 
motion. •  Au  maréchal  d'Estrées  Chavigni 
mandait  :  «  S.  M .  désire  qu'on  ne  diffère 
point  de  rendre  à  Sa  Sainteté  et  au  cardi- 
nal Barberin  les  lettres  de  révocation  du 
dict  P.  Joseph,  de  peur  qu'on  ne  fust  sur- 
pris à  la  promotion ,  et  que  le  cardinal 
Barberin,  sachant  lestai  auquel  il  est,  ne 
le  ûst  malicieusement  capdinal  pour  faire 
perdre  cette  place  à  la  France.  »  Un  ex- 
trait de  la  pièce  adressée  au  maréchal 
d'Estrées  a  été  imprimé  dans  Le  véritable 
Père  Joseph,  t.  II ,  p.  188,  éd.  1760.  Ba- 
luze ,  qui  a  conservé  en  copie  la  lettre 
adressée  à  Mazarin,  la  date  du  18  décem- 
bre, jour  de  l'envoi.  (Bibl.  imp,  arm.  v, 
paquet  4,  n"  2  ,  P  12.) 


256  LETTRES 

Il  cognoistra  ensuite  qu'il  faictbon  avoir  de  bons  amis,  et  que  je  ne 
suis  pas  des  moindres  qu'il  ait  au  monde. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
DeRueI,ce  17  décembre  i638. 


CXLIX. 

Arch.  des  Afif.  élr.  Rome,  i638,  quatre  derniers  mois,  t.  64,  fol.  Soq.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré,  avec  des  corrections  de  Richelieu. 

MÉMOIRE  POUR  M.  LE  NONCE, 
TOUCHANT  LES  PASSEPORTS  POUR  LA  PAIX  M  638. 

Pour  esviter  toute  difficulté,  on  envoie  à  M'  le  nonce  la  copie  du 
passe-port  que  MM"  des  Estats  d'Hollande  désirent  du  roy  d'Espagne, 


'  La  date  manque  à  cette  pièce,  que 
nous  trouvons  classée  en  i638.  Cette  af- 
faire des  passe-ports  pour  les  envoyés  des 
puissances  protestantes  aux  assemblées  où 
devait  se  négocier  la  paix  a  traîné  fort 
longtemps,  et  a  servi  de  prétexte  d'une 
temporisation  indéfinie  à  ceux  qui  ne  vou- 
laient pas  de  traité  ou  à  ceux  qui  le  vou- 
laient, comme  en  France,  mais  qui  vou- 
laient en  même  temps  choisir  leur  moment 
pour  la  faire.  Nous  avons,  aux  archives 
des  Affaires  étrangères,  dans  le  volume 
de  Rome  63,  f°  69,  un  mémoire  en  ita- 
lien en  tête  dtiquel  Richelieu  a  écrit  : 
«  Proposition  faicle  par  M.  le  nonce  le 
22  février  i638.  »  Une  autre  note  du 
nonce,  également  en  italien,  laquelle  est- 
sans  date,  se  trouve  au  f*  3ia  du  t.  64; 
enfin  diverses  autres  pièces  qu'il  est  inu- 
tile de  citer.  Dans  les  mêmes  archives 
nous  trouvons,  aux  Affaires  d'Allemagne, 
t.    i5,  un  mémoire  daté  de   i638,  sans 


mois  ni  quantième,  coté  pièce  77,  et, 
sous  le  n°  76,  une  instruction  donnée 
au  s'  de  Saint- Georges  allant  trouver  le 
comte  de  Trautsraerstorf,  pièce  sans  si- 
gnature, mais  de  l'écriture  qu'on  attribue 
au  père  Joseph ,  et  où  les  noms  sont  chif- 
frés, pièce  également  sans  date;  et,  parmi 
diverses  lettres  ou  mémoires ,  une  missive 
de  M.  d'Avaux ,  écrite  en  latin ,  aux  États  de 
la  basse  Saxe,  assemblés  à  Lunebourg, 
où  la  mauvaise  volonté  des  Espagnols  au 
sujet  des  passe-ports  est  fort  nettement  ex- 
posée. Cette  lettre,  cotée  pièce  69,  est  da- 
tée du  2  3  décembre  i638.  Il  est  difficile 
dans  cet  embarras  d'assigner  une  date  pré- 
cise à  cette  pièce ,  que  nous  donnons  ici 
comme  rédigée  par  Richelieu  lui-même. 
Au  reste,  cette  longue  contestation  sur  les 
passe-ports  n'a  réellement  fini  qu'à  la  réu- 
nion des  plénipotentiaires  pour  le  traité  de 
Westphalie. 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  257 

par  lequel   il  paroist  qu'ils  marchent  de  bonne   foy,  puisqu'il  n'y  a 
aucun  mot  qui  puisse  blesser  la  jalousie  et  les  soubçons  de  l'Espagne. 

Quant  à  la  proposition  que  faict  M' le  nonce  d'envoyer  des  passe- 
ports en  blanc,  pour  les  députés  du  roy  de  Hongrie  ',  entre  les  mains 
de  M'  d'Avaux,  le  roy  y  condescendra,  sur  l'instance  de  Sa  Majesté, 
aux  conditions  proposées  par  le  dicl  s'  nonce;  sçavoir  est,  que  le  dict 
s'  d'Avaux  aura  charge  de  ne  les  remplir,  ny  les  délivrer  à  M'  le  lé- 
gal que  lorsque  les  passeports  du  roy  de  Hongrie,  pour  les  députés 
et  plénipotentiaires  de  la  couronne  de  Suède  et  des  Hollandois  au- 
ront esté  délivrés,  comme  aussy  pour  les  personnes  qui  seront  en- 
voyées de  la  part  du  landgrave  de  Hesse  et  du  duc  Bernard  de  Wey- 
mar,  qui  pourront^  estre  qualifiés  mandalos  aat  messos,  ce  qui  ne  peut 
par  raison  estre  refusé  du  roy  de  Hongrie,  veu  que  les  envoyés  ne  sont 
pas  qualifiés  plénipotentiaires. 

Il  faudra  en  outre  une  déclaration  générale  en  bonne  et  due  forme 
par  laquelle  il  (le  roi  de  Hongrie)  donne  seureté  à  tous  les  autres 
alliés  de  la  France  en  Allemagne,  de  pouvoir  envoyer  librement  à 
Cologne,  et  tenir  des  personnes'  qualifiées,  comme  ci-dessus,  man- 
dalos aat  messos,  près  les  plénipotentiaires  du  roy  pour  les  informer 
de  leurs  intéresls ,  et  que  les  Espagnols  auront  donné  les  passeports 
nécessaires  pour  les  Hollandois. 

En  accordant  les  passeports  tels  que  désire  M""  le  nonce,  si  le  roy 
de  Hongrie  refuse  ce  qui  est  porté  ci-dessus,  cesl  un  tesmoignage 
qu'il  ne  veut  ni  paix,  ni  trefve. 

'  Les  mois  iilu  roy  de  Hongrie»  sont  '  D'ici  à  la  (in  de  l'alinéa,  de  la  main 

de  la  main  de  Richelieu,  qui  les  a  écrits  de  Richelieu. 

à  la  place  du  mol  «  l'Empereur,  »  dont  il  '  D'ici  au  mot  •  près  »  cinq  mots  écrits 

s'était  servi   par  mégarde  en   dictant  à  par  Richelieu. 
Cherré. 


CARDIN.  DE  RICHELIEU.  —  VI.  .  33 


258 


LETTRES 


CL. 

Bibl.  de  l'Institut,  rolleclion  Godefroi,  vol.  271.  — Minute. 

A  M.  LE  COMTE  D'ALAIS '. 

[Vers  la  fin  de  i638»?) 

Monsieur,  le  désir  que  j'ay  que  le  s'  prieur  de  Saint-Denis  de  la 
Chastre*,  que  j'affectionne  particulièrement,  soit  agent  du  clergé  de 
la  province  d'Arles,  nie  faict  prendre  la  plume  pour  vous  conjurer  de 
vous  vouloir  employer,  en  ma  considération,  à  ce  qu'il  puisse  estre 
nommé  en  l'assemblée  provinciale  qui  se  doibt  (enir  dans  quelques 
temps  en  Provence  pour  ce  sujet,  encore  qu'il  n'y  assiste  pas  en  per- 
sonne, le  retenant  icy  pour  des  affaires  très  importantes*. 


'  11  avait  été  fait  gouverneur  de  Pro- 
vence en  remplacement  du  maréchal  de 
Vitry,  mis  à  la  Bastille  le  27  octobre 
1687.  «  Le  ïS',  dit  la  Gazette  du  3i  octo- 
bre, le  comte  d'Alais  fut  remercier  le  roi 
à  Saint-Germain  de  l'honneur  qu'il  lui  a 
fait  de  le  substituer  en  la  place  du  mares- 
chal  de  Vitry  en  Provence.  » 

*  Cette  minute  n'est  point  datée;  nous 
l'avons  trouvée  d'abord  parmi  des  leltres 
de  1610,  vol.  266  de  celle  collection  ; 
plus  tard ,  faisanl  de  nouvelles  recherches , 
nous  l'avons  retrouvée  avec  des  pièces 
d'une  autre  époque,  dans  le  vol.  271.  Les 
pièces  conservées  dans  les  portefeuilles  de 
Godefroi  avaient  élé  classées  originaire- 
ment par  ordre  chronologique  ;  mais  des 
chercheurs  peu  soigneux,  infidèles  peut- 
être,  y  ont  mis  un  grand  désordre;  nom- 
bre de  pièces  ont  élé  déplacées,  de  sorte 
que  l'année  inscrite  sur  un  portefeuille 
où  se  trouve  maintenant  une  pièce  ne 
peut  être  un  indice  de  la  date  que  cette 
pièce  devrait  porter.  La  présente   lettre 


nous  paraît  appartenir  à  l'année  i638, 
vers  la  tin,  ou  au  commencement  de 
1639.  Le  comte  d'Alais  avait  alors  eu  le 
temps  d'oblenir  dans  son  gouvernement 
le  crédil  et  la  considération  dont  Richelieu 
lui  fait  compliment.  —  Puisque  nous 
avons  parlé  du  désordre  des  portefeuilles 
de  Godefroi,  nous  ajouterons  que  nous 
devons  à  l'obligeance  de  M.  L.  Lalanne, 
qui  a  examiné  avec  beaucoup  de  soin  la 
collection  tout  entière,  la  connaissance  de 
plusieurs  pièces  absentes  des  portefeuilles, 
appartenant  à  l'époque  qui  a  fait  l'objet 
de  nos  recherches. 

'  Le  prieur  de  Saint-Denis  de  la  Châ- 
tre était,  en  1639,  Charles  de  Berland, 
conseiller  et  aumônier  du  roi.  Son  prédé- 
cesseur dans  ce  prieuré ,  Gérard  de  Reco- 
quillé,  avait  été  pourvu  de  ce  bénéfice  en 
i62ii;  mais  l'époque  de  sa  mort  n'est  pas 
indiquée,  non  plus  que  celle  de  l'élection 
de  son  successeur.  [GaH.christ.Vll,bb^.) 

'  La  lutte  que  Richelieu  avait  engagée 
avec  le  clergé ,  au  sujet  des  contributions 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  259 

Vous  vous  estes  acquis  une  telle  créance  dans  vostrc  gouvernement 
que  je  ne  fais  aucun  doubte  que  cet  [sic)  affaire  ne  réussisse  au  con- 
tentement du  dict  s'  de  Saint-Denis,  si  vous  luy  faictes  la  faveur  de 
vous  entremettre  de  bonne  sorte,  ainsy  que  je  vous  en  supplie;  et  de 
croire  qu'en  toute  autre  occasion ,  où  j'auray  le  lieu  de  vous  lesmoi- 
gner  le  ressentiment  que  j'en  auray,  vous  cognoistrés,  par  effect, 
que  je  suis  véritablement,  Monsieur'.  .  . 


CLI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  388  v°.  — 
De  la  main  du  cardinal. 

[Fin  de  i638'.] 

L'armée  qui  servira  vers  Metz  prendra  son  canon  à  Danvilliers, 
Metz  et  Verdun,  où  elle  trouvera  87  canons  de  batterie,  pièces  de  2  4 
ou  couleuvrines,  et  i  3  pièces  de  campagne  '. 

L'armée  serviroit  Charlemont;  prendra  2 4  pièces  à  Danviliers, 
Slenay,  Verdun. 


dont  il  avait  résolu  de  grever  les  biens  de 
l'Eglise,  était  dans  toute  sa  vivacité  en 
i638  et  1639;  c'est  sans  doute  à  cette 
grande  et  difficile  aiïaire  qu'il  emplovail 
le  dévouement  à  toute  épreuve  du  prieur 
de  Saint -Denis.  Nous  verrons,  en  i64o, 
cet  ecclé.^iaslique,  attaché  enfin  à  l'agence 
du  clergé,  enlever  des  archives  de  son 
ordre,  alin  de  les  livrer  à  Richelieu,  des 
documents  dont  le  cardinal  avait  besoin 
pour  faire  établir  les  rôles  d'impositions 
sur  les  bénéfices. 

'  Charpentier  a  écrit  au  dos  de  cette 
pièce  :  «  A  M' le  comte  d'Alais  et  évesque 
de  Provence.  •  El  la  lettre  au  comte  est 
suivie  dans  le  manuscrit  de  plusieurs 
missives  du  cardinal  sur  la  même  affaire, 
et  d'une  teneur  semblable  :  A  l'évêque  de 


Sainl-Pol;  à  l'évêque  d'Arles;  à  MM.  du 
chapitre  de  Marseille;  à  MM.  du  chapitre 
de  Toulon;  à  M.  de  Goulière?  Soulière? 
(Le  nom  n'est  pas  très  lisible.)  Richelieu 
écrit  à  ce  dernier  à  cause  de  l'influence 
qu'il  exerce  sur  le  chapitre  de  Toulon.  Il 
a  soin  de  dire  à  MM.  du  chapitre  de  Mar- 
seille et  de  Toulon,  qtie  leurs  évêques 
«  se  sont  engagés  envers  lui  à  donner  leur 
voix  au  s'  prieur  de  Saint-Denis.  > 

*  On  a  mis ,  en  tète  de  cette  pièce  sans 
date,  «Fin  de  juillet  i638.  »  Mais  c'est 
une  simple  note  de  classement.  Ce  mé- 
moire nous  paraît  se  rapporter  à  la  lin  de 
l'année  i638,  lorsque  le  cardinal  prépa- 
rait la  campagne  de  iGSg. 

'  En  marge  de  ce  paragraphe  Richelieu 
a  écrit  :  «  ao  canons.  » 

33. 


260  LETTRES 

L'armée  qui  servira  vers  Saint-Omer  prendra  son  canon  à  Calaiz, 
Abbeville,  Monstreuii  et  Boulongne,  et  ses  munitions  aussy. 

L  armée  qui  servira  vers  Saint-Quentin  prendra  son  canon  à  Saint- 
Quentin,  où  il  y  a  1 4  pièces  de  batterie,  6  couleuvrines  et  i  2  pièces  de 
campagne;  et  à  Paris,  d'où  l'on  en  tirera  20  pièces  sans  le  desgarnir. 

L'armée  de  Bourgongne  prendra  son  canon  en  Bourgongne,  et..  . 


Celte  pièce,  qui  n'est  point  terminée,  se  trouve  parmi  divers  états  de  troupes  et 
(le  munitions  qui  remplissent  une  partie  du  volume  cité  aux  sources.  Ce  sont  des 
revues  des  diverses  armées  alors  sur  pied  ou  des  projets  d'armées  pour  lôSg.  Ces 
états,  mis  au  net,  sont  surchargés  de  corrections  de  la  main  de  de  Noyers  et  de 
celle  du  cardinal. 

Le  premier  porte  la  date  du  2  1  juillet  i638  ;  d'autres  sont  sans  date  ;  d'autres 
datés  de  iGSg,  et  par  conséquent  sont  mal  clabsés.  Toutes  ces  pièces  montrent 
le  soin  avec  lequel  Richelieu  se  plaisait  à  s'occuper  du  détail  des  aflTaires  concer- 
nant la  guerre  et  la  marine.  Nous  imprimons  seulement  celle-ci  et  la  suivante, 
qui  sulfisent  à  donner  une  idée  des  autres,  et  parce  qu'elles  sont  écrites  de  la 
main  du  cardinal. 

Le  mauvais  succès  de  plusieurs  des  entreprises  tentées  cette  année  avait  pro- 
fondément affligé  Richelieu,  et  son  ardeur  à  prendre  une  éclatante  revanche 
en  1689  se  manifeste  partout  dans  les  correspondances  des  derniers  mois  de 
i638.  On  a  vu  qu'à  l'occasion  de  l'affaire  de  Fontarabie  il  exhortait  le  prince  de 
Condé  à  se  préoccuper  à  l'avance  de  ce  qu'il  pourrait  faire  au  début  de  la  cam- 
pagne prochaine;  le  6  octobre,  il  prescrivait  à  l'archevêque  de  Bordeaux,  amiral 
des  (lottes  de  la  Méditerranée,  certaines  dispositions,  en  lui  ordonnant  de  les  te- 
nir prêtes  de  bonne  heure  pour  l'année  qui  vient;  le  29,  il  lui  écrivait  encore  : 
«  Il  faut  faire  quelque  bon  et  beau  dessein  qui  répare  le  malheur  qui  est  arrivé  aux 
affaires  du  roi  celte  année.  "  Nous  indiquons  aux  analyses  ces  deux  lettres,  qui  ont 
été  imprimées,  ainsi  qu'une  autre  du  2à  au  maréchal  de  Schomberg,  où  il  lui 
disait  :  «  Je  vous  prie  me  mander  quelle  cavalerie  vous  pourrés  avoir  l'année  qui 
vient.  »  Nous  avons  donné,  à  la  date  du  22  octobre,  une  lettre  adressée  à  Bullion , 
où  il  est  question  des  conférences  du  cardinal  avec  ce  surintendant,  toujours 
pour  les  affaires  de  l'année  qui  vient.  A  tout  moment  ces  préoccupations  se  révèlent 
plus  sérieuses  et  plus  vives  à  mesure  que  l'année  s'avance.  Cette  ardeur  à  rele- 
ver l'honneur  militaire  de  la  France,  ce  sentiment  de  patriotisme,  Richelieu  les 
inspire  à  tous;  et  l'on  s'efforçait  aussi  de  les  faire  partager  à  nos  alliés.  Nous  avons 
vu  une  lettre  écrite,  le  19  novembre,  au  prince  d'Orange,  par  le  maréchal  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  261 

CfaàtilloD,  que  venait  de  frapper  une  disgrâce  et  qui  avait  perdu  le  commande- 
ment de  son  armée.  Le  vieux  général,  non  sans  quelque  triste  retour  sur  lui- 
même,  appelle  aussi  des  victoires ,  dont  peut-être  il  ne  partagera  pas  l'honneur. 
•  Il  faut  essayer,  écrivait-il  au  prince,  en  rappelant  la  honte  de  Fontarahie,  qui 
avait  si  fort  accru  l'orgueil  de  l'Espagne,  il  faut  essayer  l'année  prochaine  de 
nous  en  revancher;  la  puissance  du  roy  et  de  ses  alliez  est  assez  grande  pour 
bien  donner  des  affaires  à  l'Empereur  et  à  l'Espagne.  »  (Bihl.  inip.  5oo  Colb. 
vol.  118,  f"  161  v°,  copie.) 


CLIL 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i638,  de  janvier  en  juillet,  fol.  4o5  v".  — 
De  la  main  du  cardinal. 

[i638'.] 

Loppès  a  receu  pour  les  poudres  200""  de  France,  qui  font  en 
Hollande  160"**. 

Il  a  achepté  un  navire  tout  équippé 19"    56^  1  o' 

11    a    achepté    4"   mousquets   avec    leurs    bando- 
llères 33"    2^**  1  2' 

11   a    achepté    112"''^    de    poudre,    rendus    en 
France 69"  206** 

1  2  I  "287*' 

Partant  doibt  sur  ce  compte  38"  7  1  3** 

Loppez  a  receu   du  trésorier  de  la   marine    20"**,  nionnoye  de 
Hollande. 

Sur  quoy  il  a  achepté  la  charge  de  k  navires  d'aggrès  envoyés  à 
Brest  et  à  la  Rochelle 31"    17"    1' 

II  a  achepté    100"  988  de  mèche 8''484*^ 

Il  a  payé  le  louage  des  connestables  et  charpen- 
tiers       26"  209** 

'   Riclielieu  a  mi*  en  tête  de  cette  pièce        il  écrivait;  cependant  cette  note,  ainsi  que 
•  i63g»,  date  de  l'année  au  rnoment  où         la  précédente,  a  été  classée,  dans  notre 


262 


LETTRES 


Partant  luy  est  deu,  sur  le  compte  du  trésorier  de  la  marine, 


CLIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i638,  d'août  en  décembre,  fol.  553. — 
Minute  de  la  main  de  de  Noyers,  de  Richelieu  et  de  Charpentier. 

MÉMOIRE'. 

Décembre  i638. 

S'il  plaist  à  M^  le  cardinal  demander^  la  recherche  de  ce  qui  se 
pourra  recouvrer  des  débets  des  estats  des  années  passées,  après  que 
l'espargne  en  a  tiré  ce  qu'elle  a  peu  durant  le  courant  des  dictes 
années,  comme  aussi'  le  don  des  deniers  du  roy  qui  peuvent  estre 
indeuement  ez  mains  de  deux  ou  trois  personnes  depuis  la  recherche 
des  financiers,  "on  se  promet  de  luy  en  faire  toucher  une  bonne 
somme  de  deniers. 

S'il  plaist  au  roy  accorder  le  contenu  au  i"  article  on  en  aura 
légitimement  ce  qui  s'y  trouvera.  *Il  en  tirera  du  proffit,  s  il  luy 
plaist  accorder  seulement  la  moitié  de  ce  qui  proviendra  du  i"  ar- 
ticle, à  la  charge  que  l'autre  sera  portée  à  l'espargne.  On  fera  ce  que 


manuscrit,  en  juillet  i638;  et  anssi, 
comme  la  pièce  précédente,  elle  se  rap- 
porte à  la  fin  de  ladite  année. 

'  Cherré  a  écrit ,  au  dos  de  celte  pièce , 
«  Coppie  d'un  mémoire  envoyé  au  roy  en 
décembre  i638.  •  C'était  d'abord  une  pro- 
position de  de  Noyers,  mais  que  Riche- 
lieu s'est  appropriée  en  en  modifiant  la 
forme  et  les  dispositions.  Il  résulte  des 
corrections  écrites  de  sa  main,  ou  qu'il  a 
dictées  à  Charpentier,  qu'au  lieu  d'em- 
ployer les  recouvrements  dont  il  s'agit  à 
faire  face  aux  dépenses  de  nouvelles  levées 
et  à  payer  les  Suisses,  ainsi  qu'on  l'avait 
d'abord  proposé ,  on  trouva  plus  à  propos 


d'en  remplir  l'épargne  et  d'en  faire  pro- 
filer le  roi  et  aussi  le  cardinal. 

'  Ces  premiers- mots  sont  de  la  main  de 
Richelieu  et  ont  été  ajoutés  en  haut  de 
de  cette  pièce,  qui  commençait  ainsi  :  «  La 
recherche. . .  » 

'  De  Noyers  avait  écrit  ici  «  item  •  et 
commençait  son  second  alinéa.  Richelieu 
a  remplacé  cet  item  par  «  comme  aussi  • 
et  a  lié  les  deux  paragraphes. 

'  La  dernière  phrase  de  ce  paragraphe 
est  écrite  à  la  marge  de  la  main  de  Riche- 
lieu. 

'  D'ici  au  mot  t  la  moitié ,  >  idem. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


263 


l'on  pourra  pour  en  faire  faire  le  recouvrement  au  proffit  de  S.  M.  et 
du  cardinale 

^  Sçavoir  si  le  roy  trouvera  bon  que  l'on  face  une  ou  deux  des 
tapisseries  sur  le  patron  de  celles  qui  sont  dans  la  galerie  pour  faire 
meubler  le  palais  du  cardinal,  afin  qu'il  soit  mieux  meublé. 

Sçavoir  si  le  roy  n'a  rien  de  particulier  à  vouloir  faire  mettre  au 
cheval  de  bronze';  et  luy  en  faire  voir  l'inscription. 


CLIV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  1619  a  i6Ai.t.  6,  fol.  3  12.  — 
Original  de  la  main  de  de  Noyers.  (Classé  après  le  3o  décembre  i638. 


MEMOIRE 
POUR  ESTRE  MONSTRE  A  M-  LA  DUCHESSE  D'ELBEUF, 

DE   LA   PABT  DE   m'  LE  C  *. 

[Fin  de  i638»?] 

La  moitié  des  immeubles  propres  et  acquêts. 

'  Ce  paragraphe,  écrit  en  marge  de  la 
main  de  Charpentier,  sauf  les  mots  que 
nous  venons  de  noter  comme  étant  de  la 


main  de  Richelieu,  remplace  celui  que 
nous  transcrivons  ici,  lequel  formait  le 
troisième  et  dernier  paragraphe  de  la 
pièce  écrite  de  la  main  de  de  Noyers  : 
«  M*'  le  cardinal  prétend  se  servir  de  par- 
tie des  dicis  deniei-s  de  ce  don  pour,  les 
mettant  es  mains  de  Lumagne,  faire  qu'il 
entreprenne  de  payer,  règlement  tous  les 
mois ,  les  nouvelles  levées  de  Suisses  sur 
les  assignations  que  M'  de  Bullion  luy 
donnera.  » 

'  Le  reste  de  la  pièce  est  une  addition 
à  ce  mémoire  écrite  de  la  main  de  Char- 
pentier. Nous  rappelons  que  de  Noyers 
avait  été  nommé  récemment  intendant  des 
bâtiments  et  du  mobilier  de  la  couronne. 

'  C'est  le  cheval  sur  lequel  fut  placée 


la  statue  de  Louis  XIII ,  érigée  sur  la  place 
Royale.  Œuvre  de  Daniel  de  Vollerre,  il 
avait  été  commandé  par  Catherine  de  Mé- 
dicis  pour  un  monument  qu'elle  avait  en 
l'intention  de  faire  élever  à  la  mémoire  de 
Henri  II.  Ce  bronze  était  resté  en  Italie 
jusqu'en  163a;  alors  Ruccellai  l'envoya  à 
Louis  XIII,  ainsi  que  nous  l'apprend  une 
lettre  de  Sébastien  Bouthillier,  évêque 
d'Aire  ,  lequel  était  en  ce  moment  à  Rome 
pour  presser  l'élection  de  Richelieu  au 
cardinalat.  Celte  lettre  est  conservée  aux 
archives  des  Aff.  étr.  Rome,  tome  28,  à  la 
daleduaS  mars.  On  peut  lire,  sur  le  cheval 
de  bronze,  ainsi  que  sur  l'ancienne  statue 
de  LouisXlII,une  intéressante  notice,  pu- 
bliée parM.  AnatoledeMontaiglonrni85 1 . 

•  Ce  que  nous  mettons  ici  en  titre  est 
écrit  au  dos  par  de  Noyers. 

'  On  a  vu,  page   16  ci-dessus,  que  la 


26/1 


LETTRES 


Donnera  parole  de  ne  faire  point  de  tort  en  ses  meubles. 

Noun-iture,  tant  de  luy  que  de  sa  femme  et  de  leur  train,  tant 
qu'ils  seront  à  Paris;  ou  une  somme  qui  sera  réglée  présentement 
pour  leur  donner  moyen  de  vivre. 

Représenter  qu'il  n'a  aucuns  meubles,  tapisseries,  licts  ny  pierre- 
ries; ny  elle  aussy'. 

Le  mariage  de  la  fdle,  quatre  cents  mille  livres  en  argent,  rentes 
ou  pierreries  actuellement. 

Madame  d'Elbœuf  considérera,  s'il  luy  plaist,  qu'en  recevant  l'Iio- 
neur  qu'il  luy  plaist  de  faire,  l'on  estimeroit  plus  à  propos,  par  res- 
pect de  sa  propre  persone,  que  le  mariage  ne  feust  point,  bien  qu'on 
le  désire,  que  de  rendre  deux  persones  nécessiteuses,  lesquelles 
n'aiant  pas  de  revenu  pour  vivre  mangeroient  leur  fonds  en  trois 
années. 

Le  Gard.  DE  RICHKLIEU. 


négocialion  du  mariage  de  la  nièce  de  Ri- 
chelieu avec  le  comte  d'Harcourt  se  pro- 
longea pendant  plus  d'une  année;  ne 
pouvant  fixer  l'instant  précis  de  celte  né- 
gocialion auquel  intervint  la  présente 
pièce,  nous  la  plaçons,  comme  fait  notre 
manuscrit,  à  la  fin  de  l'année.  L'exacti- 
tude rigoureuse  de  la  date  importe  peu 
d'ailleurs  pour  un  document  dont  le  prin- 
cipal intérêt  est  de  montrer  le  soin  avec 


lequel  le  célèbre  ministre  gouvernail  les 
affaires  privées  de  sa  famille. 

'  On  ne  coniprend  guère  comment  la 
duchesse  de  Piiylaurens,  que  le  cardinal 
appelle  ici  la  fille,  était  aussi  conipléle- 
menl  dénuée  que  le  dit  Richelieu;  et  com- 
ment aussi  cela  peut  s'accorder  avec  le 
mariage  dont  il  est  question  dans  le  para- 
graphe suivant. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


265 


ANNEE  1639. 


CLV. 


Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  l\.  —  Original.  —  Rome,  t.  68.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  S'-Germ.-Harl.  S^y,  fol  485.  —  Copie  '. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  M.  m.  *  —  Extrait. 


A  M.  LE  CARDIÎVAL  DE  LA  VALETTE. 


6  janvier  1689. 


Monseigneur, 
Par  celte  lettre  je  respondrai  à  deux  ou  trois  des  vosties  à  la  fois. 

Richelieu  informe  le  cardinal  de  La  Valette  des  mesures  prises  afin  qu'il  ne 
manque  pas  d'argent  pour  son  armée,  ainsi  que  pour  les  garnisons  de  Casai  et 
de  Pignerol,  selon  la  demande  de  MM.  d'Hémery  et  d'Argenson^.  On  lui  enverra 
au  printemps  les  troupes  dont  il  aura  besoin^. 

M'  de  Turenne  a  ses  ordres  pour  vous  aller  trouver  en  Italie.  Nous 
le  secourrons,  en  passant,  d'un  extraordinaire  pour  luy  donner 
moyen  d'y  subsister.  Je  m*en  vas  à  Paris  où  je  feray  pourvoir  à  un 
secours  de  cette  nature  dont  vous  avez  besoin,  à  mon  avis,  pour  vous 


'  Le  manuscrit  porte,  à  la  marge  de 
cette  pièce ,  >  original.  ■  Ce  qui  signifie  sans 
doute  que  c'est  sur  un  original  que  la 
copie  a  été  faite. 

'  Voyez  ci-dessus  p.  56,  note  a. 

'  D'Argenson  fut  intendant  de  l'armée 
d'Italie  de  1637  à  i64o;  le  tome  V  de 
ses  manuscrits ,  conservés  à  la  bibliothèque 
du  Louvre,  contient  les  journaux  de  cet 
intendant  de  i638  à  i64o,   et  d'autres 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  —  VI. 


documents  relatifs  à    l'histoire  de  celte 
époque. 

*  Le  cardinal  de  La  Valette,  dans  sa 
correspondance  qui  se  trouve  aux  Archives 
des  Affaires  étrangères,  se  plaignait  sans 
cesse  du  manque  d'argent  et  de  troupes. 
Le  8  janvier,  il  écrivait  encore  à  Cliavi- 
gni  :  «  On  nous  envoie  les  plus  meschans 
régimens  que  j'aye  jamais  veus.  •  (Manus- 
crit cité  aux  sources.  ) 

34 


266  LETTRES 

donner  moyen  de  supporter  la  despense  que  vous  faicles.  Je  suis  très 
aise  que  vous  fassiés  travailler  aux  fortiffî cations  des  places.  Quelque 
i'onds  qu'il  faille  pour  cet  effect,  il  ne  vous  sera  ny  desnié,  ny  plaint. 
Je  ne  le  suis  pas  moins  que  vous  fassiés  travailler  à  la  fonte  des  ca- 
nons de  Casai. 

Quant  à  Madame,  j'ay  bien  peur  d'estre  en  estât  de  ne  me  mesler 
plus  de  ses  affaires,  m'estant  obligé  envers  moy  mesme  et  envers  elle, 
par  la  lettre  que  je  luy  ay  escrite  par  le  s''  d'Estrades,  d'en  user 
ainsy,  si  elle  mesprise  les  conseils  que  la  lumière  naturelle  luy  doit 
donner  aux  affaires  qu'elle  a  sur  les  bras.  Je  prie  Dieu  qu'il  luy  ouvre 
les  yeux,  et  la  fasse  penser  au  péril  où  elle  est,  comme  elle  y  est 
obligée. 

M""  le  Prince  arrivera  demain  à  Paris.  Je  l'attends  avec  impatience 
pour  le  détromper  de  l'opinion  qu'il  pourroit  avoir  que  vos  affaires 
et  celles  de  M'  de  La  Valette  soient  conjoinctes.  Je  luy  parleray  comme 
il  faut  et  lui  feray  cognoistre  que  vos  intérêts  et  les  miens  sont  insé- 
parables, et  que  je  ne  feray  jamais  pour  moy  ce  que  je  n'entrepren- 
drois  pas  pour  vous,  toute  fois  et  quant  que  vostre  service  le  requerra; 
vous  le  croirés,  s'il  vous  plaist.  Monseigneur,  et  que  je  suis  et  seray 
toute  ma  vie  sans  changement. 

Monseigneur, 

Voslre  très  humble  et  très  aflectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

De  Ruel,  ce  6  janvier  1639. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  267 


CLVI. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  3^7,  fol.  585.  —  Copie'. 

A   M.  D'ARGE!VSON\ 

Du  g  janvier  i63g. 

La  proposition  de  mettre  des  Suisses  levés  exprès  dans  la  ville  et 
citadelle  de  Turin,  ceux  de  la  citadelle  estant  payés  par  le  roy  et  les 
autres  par  les  princes,  et  de  faire  à  ces  conditions  la  trefve  jusques  à 
la  fin  d'avril,  est  une  proposition  sy  vaste,  sy  indigeste  et  sy  esloignée 
de  toute  bonne  fin,  que  la  voir  et  la  condamner  est  une  mesme  chose. 

Elle  est  en  outre  d'impossible  exécution,  veu  qu'avant  qu'on  pust 
lever  les  Suisses  le  mois  d'avril  seroit  passé. 

Enfin  elle  est  sy  évidemment  contre  les  intérests  de  M' le  duc  de 
Savoie  et  de  Madame  qu'on  n'en  peut  faire  une  plus  pernicieuse,  veu 
que  par  là  on  dépossède  le  roy,  qui  protège  Madame  et  son  neveu, 
de  la  citadelle,  et  ne  l'asseure-t-on  pas  à  M'  le  duc  de  Savoie  qui 
n'est  pas  en  âge  de  penser  et  de  pourvoir  à  ses  aOaires. 

Tout  accord  qui  sera  proposé  par  le  prince  Thomas  à  autres  con- 

'  Cette  copie ,  sans  signature  ni  adresse,  examiner  quelques-unes  des  pièces  d'après 

porte  en  tête  •  Response  à  M'd'Argenson ,  ■  lesquelles  les  transcriptions  de  Colberl  ont 

et  à  la   marge    cette  indication  :  «De  la  été  faites,  et  nous  avons  reconnu  que  des 

main  de  Chirurgien.  »  Nous  trouvons  de  copies  où  se  trouve  celte  indication  ,<  de  la 

temps   en  temps  cette  même  annotation  muin  de  Chirurgien,  ■  avaient  été  faites  sur 

de  Chirurgien  ou  du   Chirurgien  dans  les  dis  pièces  (minutes  ou  originaux)  écrites 

niss.  de  Harlay   et  dans  la  collection  des  de  la  main   de   Charpentier   ou  d'autres 

5oo  Colbert,  dont  les  copies  ont  été  faites  secrétaires  de   Richelieu,    ou   même  de 

d'après   les    mêmes   originaux;    nous  ne  Chavigni.  Nous  supposons  qu'il  y  a,  dans 

croyons  pas,   ainsi  que   nous  l'avons  dit  ce  mot  de  Chirurgien,  une  bévuu  de  co- 

ailleurs,  que  celui  qu'on  désigne  par  le  piste,  qui   aura  mal  lu  le  nom  de  Cha- 

mot  «chirurgien»  fût  le  médecin  Citoys.  "ig^Jt  noté  sur  les  pièces  préparées  pour 

dont    Richelieu    se    servait    quelquefois  la  transcription. 

comme  de  secrétaire.  (Voyeï  t.  I,  préface,  *  Nous  n'avons  pas  trouvé  cette  pièce 

pages  VII  et  xxvii.)   Depuis  l'époque  de  dans  la  collection  de  la  bibliothèque  du 

nos  premières  recherches,  nous  avons  pu  Louvre. 

34. 


268  LETTRES 

ditions  que  celles  qui  s'en  suivent  doit  estre  tenu  pour  frauduleux  et 
suspect,  et  rejette  sans  en  attendre  ordre  particulier. 

Si  iVl^le  prince  Thomas,  considérant  que  le  pied  que  les  Espagnols 
prennent  dans  le  Piémont  est  la  ruyne  de  sa  maison,  et  la  sienne,  veut 
s'unir  à  la  P'rance,  il  n'y  a  point  de  conditions  raisonnables,  hono- 
rables et  justes  qu'on  ne  luy  fasse. 

L'escrit  donné  au  s'  Masserati  est  sy  clair  et  sy  ample  sur  ce  sujet, 
qu'il  n'est  besoin  de  dire  autre  chose,  sinon  qu'on  demeure  dans  la 
résolution  qu'on  avoit  de  traicter  de  bonne  foy  avec  le  dict  prince, 
de  procurer  ses  avantages  en  tout  ce  qui  vous  sera  possible. 

En  un  mot,  soit  qu'on  parle  de  faire  trefve  particulière  entre  la 
ville  et  la  citadelle,  soit  trefve  générale  en  Italie,  pour  un  temps  ou 
pour  toujours,  la  raison  ne  veut  pas  qu'on  y  entende  sans  que  M'  le 
prince  Thomas  soitasseuré  de  l'affection  du  roy  et  des  conditions  du 
traitement  qu'il  en  recevra,  et  le  roy,  de  la  foy  du  dict  prince  et  de 
l'exécution  de  ce  qu'il  promettra. 

La  principale  chose  qu'il  y  a  à  faire  est  de  bien  munir  la  citadelle, 
et  de  conserver  et  espargner  soigneusement  les  munitions. 

Faut  en  outre  prendre  garde  de  ne  se  laisser  prévenir  par  les  Es- 
pagnols, au  printemps,  avant  que  nos  troupes  soient  arrivées,  au 
dessein  qu'ils  auroient  de  faii'e  une  circonvallation. 

Pour  cet  effect  on  fera  l'impossible  de  France  pour  faire  que  les 
recrues  soient  au  commencement  de  mars  en  Italie. 

Cependant  c'est  à  M""  le  comte  d'Harcourt  avec  son  conseil  à  bien 
considérer  si  une  trefve  particulière  entre  la  ville  et  la  citadelle,  qui 
donnast  liberté  aux  uns  et  aux  autres  de  faire  entrer  dans  la  ville  et  la 
citadelle  ce  que  chacun  estimera  à  propos  de  gens  de  guerre,  muni- 
tions de  bouche  et  de  guerre,  sera  utile  et  avantageuse. 

En  ce  cas  on  donne  pouvoir  à  M'  d'Harcourt  de  la  pouvoir  con- 
clure, mesme  générale  en  Italie,  s'il  voit  que  les  ennemis  la  veulent 
faire  de  bonne  foy  pour  le  dici  lemps;  on  luy  donne  encore  le  mesme 
pouvoir,  pourveu  que,  par  les  conditions  de  la  dicte  trefve  générale, 
il  soit  permis  au  roy  de  faire  entrer  dans  Casai,  et  toutes  autres  places 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  269 

qui  sont  tenues  par  S.  M.  ou  par  Madame,  tous  les  gens  de  guerre, 
vivres  et  autres  munitions  que  S.  M.  estimera  à  propos. 

Quelque  trefve  que  M"'  d'Harcourt  puisse  faire,  il  se  souviendra 
que  les  François  doivent  demeurer  dans  la  citadelle,  ainsy  qu'ils 
sont,  avec  pouvoir  au  roy  d'y  en  mettre  tant  qu'il  voudra. 

Comme  S.  M.  donne  pouvoir  à  M""  d'Harcourt  d'entendre  à  l'un  ou 
à  l'autre  des  dicls  traictés,  s'il  le  juge  à  propos,  avec  ceux  qui  sont 
auprès  de  luy,  il  luy  recommande  particulièrement  de  penser  d'y  in- 
sérer toutes  les  conditions  qui  peuvent  estre  avantageuses. 

Entre  icelles  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  ennemis  ne  puissent 
avancer  aucuns  travaux  contre  la  citadelle  de  Turin,  ny  parfaire  ceux 
qui  sont  commencés,   que  selon  qu'il  sera  arresté  particulièrement. 


CLVII. 

Cabinet  Ae  M*'  le  duc  d"Auiiiale.  —  Minute. 

[A   M.  BOUTHFLLIER  '.] 

De  Paris,  ce  lo' janvier  iGSg. 

J'ay  esté  très  aise  de  recevoir  par  vous  asseurance  de  la  santé  du 
roy,  qui  est  ce  que  je  désire  avec  la  pa.ssion  d'une  vraie  et  passionnée 
créature.  Je  demanderay  les  extraits  que  le  roy  a  rendus  à  M""  de 
Chavigny  aussytost  que  je  le  verray.  Il  les  aura  oubliez  par  me.sgarde; 
je  ne  doute  pasqu'ilz  ne  se  trouvent. 

Je  suis  bien  fasché  que  le  roy  ne  reçoit  pas  les  effects  de  Saint- 
Germain  qu'il  en  désire,  mais,  h  vous  dire  le  vray,  je  crains  qu'il  y 

'    La  suscription   manque.  Le  destina-  ment  assez  Irisle  pour  les  personnes  roya- 

laire  doit  ôlre  Boutliillier;  ce  personnage  les   qui   l'Iiabitaieiit.   —  Hichelieu,    qui 

est  indiqué  par  celle  phrase  de  la  fin  :  écrit  à  un  confident  aussi   bien   instruit 

•  Que  luy  seul  sçail  le  détail  des  choses  à  que  lui-même  de  ce  qui  se  passe,  ne  parle 

démesleravec  M'  de  Bullion.  •  —  Il  s'agit  qu'à  demi-mot.  On  devine  pourtant  qu'en 

dans  celle  missive  d'une  de  ces  tracasse-  ce  moment  il  y  avait  aussi  entre  le  roi  et 

ries  de  ménage  qui  faisaient  du  château  lui  un  de  ces  nuages  si  fréquents  et  tou- 

de  Saint-Germain    un  séjour    ordinaire-  jours  si  promplement  dissipés. 


270  LETTRES 

ait  de  l'équivoque,  en  ce  que  la  reyne  aura  volontiers  attendu  à  sça- 
voir  les  volontez  du  roy,  et  quand  les  s"  de  Chavigny  et  de  Nogent 
revindrent,  ilz  me  dirent  tons  deux  qu'ilz  n'avoient  aucun  ordre  du 
roy  de  rien  dire  à  la  reyne,  et  qu'ilz  n'avoient  conceu  autre  chose 
de  Sa  Majesté,  sinon  qu'il  falloit  laisser  faire  à  la  reyne  ce  que  bon 
luy  sembleroit.  Et,  pour  preuve  de  leur  dire,  M'  de  Chavigny  m'a 
mesme  dit  particulièrement  que  le  roy  luy  avoit  dit  qu'il  n'estoit  pas 
à  propos  qu'il  se  meslast  de  tout  cela,  parce  qu'à  Saint-Germain  on 
le  lenoit  suspect,  pour  estre  tout  à  fait  du  costé  du  roy.  Aussy  la 
reyne  n'a  point  esté  veue  par  aucun  de  ces  messieurs,  et  les  choses 
sont  demeurées  en  cet  estât. 

Quant  à  moy,  vous  sçavés  bien  que  je  suis  venu  en  ce  lieu,  où  il 
m'enuye  honnestement,  pour  esviter  l'aspect  de  certaines  planètes. 

Vous  .sçaurés,  s'il  vous  plaist,  du  roy  si,  lorsque  je  m'en  seray  re- 
tourné, ce  que  je  ne  feray  qu'après  avoir  receu  ses  ordres,  si  au  cas 
qu'on  me  vienne  visiter,  je  refTuseray  ma  porte,  et  ce  que  je  dois  dire 
au  cas  que  Sa  Majesté  veuille  que  je  reçoive  la  visite.  Je  ne  sçay  pas 
si  la  personne  dont  il  est  question  est  en  intention  de  me  visiter  de 
nouveau,  n'en  aiant  rien  appris  depuis  que  je  suis  icy.  En  un  mot 
tout  ce  que  le  roy  voudra  sera  faict,  et  non  autre  chose.  Mais  sur- 
tout je  vous  prie  de  m'esclaircir  de  ses  volontez  en  ce  qui  touche  mon 
particulier. 

Les  gens  de  M'  de  Weimar  semblent  sçavoir  plus  que  ce  qu'ilz 
ont  dit  jusqu'à  présent  sur  le  suject  de  Brisac,  ils  ont  voulu  parler, 
et  n'ont  pas  achevé.  Quand  vous  serés  de  retour,  ilz  s'ouvriront  vo- 
lontiers davantage.  Il  y  a  beaucoup  de  choses  à  déniesler  avec  M"^  de 
Bullion  dont  vous  sçavés  seul  le  détail. 

Aiguenfeld  dict  qu'il  n'a  eu  ordre,  ny  argent  de  lever  autre  com- 
pagnie outre  les  deux  qu'il  a.  A  vostre  retour  tout  s'esclaircira. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  271 


CLVIII. 

Bibl.  imp.  Baluze,  arm.  V,  paq.  /i ,  n°  a ,  fol.  lo.  — 
Copie  '  de  la  main  de  Baluze. 

A  M.  DE  BULLION'. 

[  lo' janvier  iCSg'?] 

Avant  que  de  proposer  le  mariage  du  fils  de  M'  de  BuUion  au  roy  *, 
je  le  prie  de  résoudre  ce  qui  s'ensuit. 

Premièrement,  à  se  despouiller  des  passions  esquelles  il  se  laisse 
quelquefois  emporter  contre  le  tiers  et  le  quart,  et  à  examiner  et  ré- 
soudre toutes  sortes  d'affaires  par  raison. 

Secondement,  à  borner  tellement  sa  fortune  au  bien  qu'il  a,  qu'il 
n'en  désire  à  l'avenir  aucun  accroissement,  ains  se  contenter,  en  ser- 
vant le  roy  en  la  charge  en  laquelle  il  est,  des  gages  et  appointemens 
d'icelle,  selon  le  pied  auquel  ils  ont  esté  restraints  par  le  règlement 
faict  par  Sa  Majesté  le  i6  juillet  i638. 

En  troisiesme  lieu,  à  restablir  l'ordre  ancien,  suivant  lequel  on  ne 
doit  expédier  aucun  comptant,  de  quelque  nature  que  ce  puisse  estre, 
soit  pour  raison  de  dons,  affaires  secrètes,  estrangères  ou  autres, 
ou  pour  les  remises  des  traictés  qui  se  font  au  conseil,  qu'au  mesme 
temps  on  n'en  retienne  un  menu,  arresté  au  conseil  de  trois  en  trois 
mois,  signé  de  messieurs  le  chancelier,  les  surintendans  et  tous  les  in- 
tendans;  duquel  menu  sera  faict  trois  copies*,  l'une  pour  le  trésorier  de 
l'espargne,  la  seconde  pour  messieurs  les  surintendans  et  la  troisième 
pour  monsieur  le  chancelier.  Le  tout  selon  qu'il  se  pratiquoit  aupara- 

'  Baluze,  qui  a   copié  lui-même  celle  ii  janvier,  nous  supposons  (|ue  la  letlre 

pièce,  ne  nous  dit  pas  de  quelle  main  était  de  Richelieu  a  pu  être  écrite  la  veille, 
l'original;  seulement  il  a  mis  en  tête.' «  Mé-  '  Voyez  ci-dessus,  p.  22a.  Ainsi  Riclie- 

moire  de  M' le  cardinal  de  Richelieu  pour  lieu  avait  déjà  parlé  au  roi  de  ce  mariage, 

M' de  BuUion,  surintendant  des  finances.  •  mais  sans  doute  un  peu  en  l'air. 

'  Baluze  ne  donne  point  d'autre  dale  '   Note  écrite  en  marge  :  «Je  seray  bien 

que  celle  de  la  réponse.  Celle-ci  étant  du  aise  d'en  avoir  une  copie.  » 


272  LETTRES 

vant  la  mauvaise  introduction  de  brusler  le  menu  des  dits  comptants, 
faicte  à  ce  sujet  depuis  que  le  s'  Cornuel  estoit  entré  dans  les  affaires. 
En  quatriesme  lieu ,  à  s'appliquer  aussy  soigneusement  à  la  réfor- 
n)ation  des  finances  et  au  soulagement  du  peuple  qu'il  s'est  attaché 
à  ses  affaires  particulières  avant  qu'il  fust  chargé  des  publiques.  Ce 
dont  il  est  prié,  non  seulement  à  raison  des  intérests  publics,  mais 
en  outre  afin  qu'il  soit  un  jour  aussy  opulent  au  ciel  qu'il  l'est  en 
terre;  ce  qui  est  le  plus  avantageux  souhait  que  luy  puisse  faire  une 
personne  qui  l'ayme  comme  moy. 


Ici  une  noie  de  Baluze  avertit  que  la  réponse  qu'il  copie  à  la  suite  est  de  la 
main  de  BuUion. 

«  Je  remercie  monseigneur  le  cardinal  des  bons  avis  cy-dessus  qu'il  luy  plaist 
me  donner,  que  je  recognois  nécessaires  et  justes  pour  le  bien  de  l'Estat  et  mon 
salut  particulier.  Et  luy  promets,  sur  mon  honeur,  d'observer  de  point  en  point 
ce  qui  est  convenu  au  dict  mémoire,  sans  y  contrevenir,  ny  soufrir  qu'il  y  soit 
contrevenu  en  quelque  façon  que  ce  puisse  eslre.  » 

«  Fait  à  Paris,  ce  i  i"  janvier  lôSg.  » 

«  BULLION.  • 


CLIX. 

Arch.  des  AIT.  élr.  Angleterre,  l.  Z17,  fol.  335.  — 

Mise  au  net,  de  la  main  de  Cherré,  sans  signature  et  sans  date. 

Bibl.  imp.  Fonds  Béthune,  9284  ,  fol.  16  v°.  —  Copie. 

Saint-Germain  Harlay,  346,  t.  2,  p.  80.  —  Copie. 

MÉMOIRE 

POUR  ESCRIRE  A  M.  DE  BELLIÈVRE'. 

[20  janvier  1  bSg]. 

Après   qu'il    a    pieu   au    roy    lire    soigneusement    en   particulier 

'  Ceci  est  écrit  au  dos  de  la  pièce  dans  mère  en  France,  »  et  à  la  marge  :  •  Minule 

le   manuscrit  des  Affaires  étrangères.  Le  originale.  Celte  response  est  escrite  de  la 

manuscrit  de  Béthune  a  mis  en  tête  ce  main  de  Cherré,  secrétaire  du  cardinal,  et 

titre  :  «  Response  à  la  lettre  de  M'  de  Bel-  dictée  par  luy.  »  Celte  minute  originale,  et 

lièvre  sur  le  sujet  du  retour  de  la  reyne  sur  laquelle  on  a  fait  la  copie  de  Béthune , 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


273 


l'extraict  cy-dessus  des  despesches  de  Monsieur  de    Bellièvre  sur 
le  subject   du  désir  que   la   reyne   sa   mère    a    lesmoignc  au  dict 


est  évidemment  la  pièce  que  nous  doimons 
ici.  Le  manuscrit  de  S'-Germain-Harlay 
porte  la  même  annotalioii.  La  lettre  faite 
d'après  ce  mémoire  est  conservée,  en  ori- 
ginal, à  la  Bibliothèque  impériale,  dans  la 
collection  de  Harlay,  vol.  36ii">  fol.  258; 
elle  est  datée  de  Versailles,  ao  janvier, 
signée  Louis,  et  contresignée  Boulliillier 
(Chavigni).  La  minute  est  aux  Adaires 
étrangères,  P  867  du  manuscrit  d'Angle- 
terre précité,  et  l'on  a  mis  ;<u  dos  :  «Mé- 
moire envoyé  à  M' de  Bellièvre,  du  31  jan- 
vier »  La  matière  que  nous  donnons  ici 
est  plus  développée  que  la  lettre,  et  ren- 
ferme des  arguments  qu'on  n'y  a  pas  em- 
ployés. La  lettre,  en  revanche,  offre  deux 
paragraphes  qui  ne  sont  pas  dan.s  le  mé- 
moire :  ■  1!  y  a  beaucoup  d'autres  consi- 
dérations (écrit  le  roi  à  Bellièvre),  que 
ledit  ambassadeur  aura  veues  par  la  co- 
pie de  l'escrit  qui  fut  donné  au  s'  Knut. 
Toutes  lesquelles  n'empeschent  pas  le  roy 
tie  luy  conuiiander  de  dire  à  la  dite  clame 
reyne,  que  c'est  avec  un  exlresmc  des- 
plaisir que  le  bien  de  son  royaume  ne  luy 
permet  pas  de  l'y  recevoir,  veu  les  cognois- 
.'•ances  qu'il  a  de  son  humeur;  que  néan- 
moins ,  pour  tesmoigner  son  affection  et 
son  respect  envers  elle,  il  persistoit  dans 
la  proposition  qu'il  luy  avoit  tousjours 
faicte  d'aller  à  Florence,  etc.»  La  lettre 
su  termine  ainsi  :  «Le  dict  s'  ambassa- 
deur n'ira  pas  chercher  la  reyne  mère 
pour  luy  donner  cette  response,  mais 
il  attendra  qu'elle  la  luy  demande  pour 
la  luy  faire;  et  luy  dira  qu'encore  qu'il 
ne  se  feust  point  chargé  de  rendre  compte 
au  roy  de  ce  qu'elle  luy  avoit  dict,  que 
né.nnmoins   il   n'a   pas  laissé  de  le  faire. 

CARDlA.  DE  RICIIELIED.  —  VI. 


l£t  ensuite  il  luy  expliquera  les  senli- 
mens  du  roy,  ainsy  qu'il  est  dict  cy-des- 
sus. »  Si  l'on  compare  le  mémoire  pour 
faire  la  dépèche  à  la  dépèche  elle-même, 
on  voit  que  le  mémoire  avait  été  composé 
pour  être  soumis  au  roi ,  faire  impression 
.sur  son  esprit  et  l'amener  à  consentir  à 
une  réponse  négative.  Et  puis,  dans  cette 
réponse,  les  arguments  les  plus  vifs,  les 
raisons  les  plus  déterminantes  pour  le  roi , 
et  en  même  temps  les  plus  blessantes  pour 
la  reine  mère,  ont  disparu.  Il  n'était  pas 
besoin  de  la  persuader,  elle;  l'expression 
de  la  volonté  royale  sulîisail.  Ainsi,  dans 
la  lettre  du  roi  à  Bellièvre,  on  ne  trouve 
plus,  ni  le  passage  qui  commence  par  ces 
mots  :  •  Que  son  esprit  ctoit.  .  .  «  et  linit 
par  ceux-ci ,  «  son  compte  en  Angleterre  ;  > 
ni  cet  autre  passage  :  «  Qu'estant  connue 
de  l'humeur  qu'elle  est.  .  .  •  jusiju'à  ■<  la 
proposition  d'aller  à  Florence.  •  Le  père 
Grilîet  s'est  trompé  lorsqu'il  a  pris  pour  la 
lettre  du  roi  le  mémoire  de  Richelieu  d'a- 
près lequel  celle  lettre  a  été  faite.  {His- 
toire de  Louis  XIII ,  t.  III,  p.  161,  in-/l°.) 
Louis  XIII  n'a  signé  que  la  lettre  dont 
nous  avons  trouvé  l'original  aux  Affaires 
étrangères,  et  non  le  mémoire  de  Riche- 
lieu, qui  n'était  pas  fait  pour  être  officiel- 
lement produit.  El,  en  effet,  le  nom  de 
Louis  XIII,  au  bas  d'une  pièce  où  sa 
mère  était  si  durement  traitée,  eût  été 
une  inconvenance  aussi  révoltante  qu'inu- 
tile et  que  Riciielieu  n'a  pas  exigée  du 
roi.  —  Faute  d'autre  date,  nous  donnons  à 
ce  mémoire  celle  de  la  lettre  du  roi,  du 
■20  janvier  1689;  le  mémoire  a  dû  être 
écrit  peu  auparavant. 


35 


274  LETTRES 

ambassadeur  avoir  de  revenir  en  France  aux  conditions  portées  en 
yceluy  '  ; 

Sa  Majesté  a,  de  son  propre  mouvement,  dict  à  son  conseil  qu'elle 
n'estimoit  pas  qu'il  y  eust  lieu  de  se  fier  aux  paroiles  de  la  reyne, 
veu  les  profondes  dissimulations  dont  elle  avoit  usé  en  son  endroict 
en  diverses  occasions. 

Que  son  esprit  estoit  de  cette  nature  qu'il  estoit  impossible  de  le 
contenter  en  quelque  lieu  qu'il  peustestre,  qu'elle  n'avoit  sceu  souf- 
frir son  bonheur  en  France. 

Qu'en  Flandre  elle  avoit  tousjours  esté  mescontente;  qu'elle  n'a- 
voit sçeu  compatir  avec  monsieur  le  duc  d'Orléans,  son  frère,  après 
l'avoir  faict  sortir  du  royaume,  aussy  peu  avec  la  princesse  Margue- 
ritte,  dont  elle  avoit  procuré  le  mariage  ;  qu'elle  n'avoit  pas  passé  en 
Hollande  sans  dessein;  que  desjà  elle  ne  trouvoit  pas  son  conte  en 
Angleterre.  Que  si  elle  avoit  esté  mescontente  dans  fextraordinaire 
puissance  qu'elle  avoit  eue  auprès  du  roy  auparavant  sa  retraitte  de 
ce  royaume,  il  estoit  aisé  à  juger  que  maintenant  qu'il  ne  pouvoit,  par 
raison,  luy  en  donner  aucune  qui  approchast  de  son  authorité  pre- 
mière, elle  ne  seroit  pas  satisfaite. 

Qu'estant  conneue  de  l'humeur  qu'elle  est,  s'il  la  recevoit  en  ce 
royaume,  elle  relèveroit  l'espérance  de  tous  les  mescontens,  ce  qui 
estoit  d'autant  plus  à  considérer  que  la  pluspart  de  ceux  qui  le  sont 
estoient  de  son  temps  attachés  à  elle. 

Que  les  Espagnols,  qui  l'ont  mesprisée  dans  leurs  pays  quand  ils  l'y 
ont  trouvée,  ne  manqueroient  pas  lors  de  la  rechercher  et  de  l'animer 
contre  le  repos  de  cet  Estât,  quand  ils  l'y  verroient  reslablie. 

Qu'ils  n'avoient  jamais  rien  tant  désiré,  depuis  qu'ilz  l'avoient  eue 
et  cogneue  en  Flandre,  que  de  la  faire  rentrer  dans  le  royaume  pour 
en  tirer  de  l'advantage  qu'ils  voient  bien  n'en  pouvoir  recevoir  estant 
dehors. 

'  Cette  dépêche  est  conservée,  en  ori-        bre  i638.  La  copie  du   ms.  de  Béthunc 
ginal  chiffré,  dans  le  tome  Ay  d'Angleterre,         meta5  par  erreur. 
P    3o5;    elle    est    datée  du   a3    décem- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  275 

Qu'ayant  voulu  encore  depuis  sept  ou  huict  mois  former,  comme 
elle  avoit  faict,  un  nouveau  party  à  Sedan  avec  monsieur  le  comte  et 
le  duc  de  Bouillon  pour  les  faire  entrer  à  main  armée  en  France  avec 
Picolominy,  il  ne  voyoit  pas  que  de  simples  parolles,  advancées  par 
la  force  de  la  nécessité  et  les  sollicitations  des  Anglois,  qui  ne  de- 
mandoient  autre  chose  qu'à  s'en  descharger,  luy  donnassent  lieu  de 
croire  que  son  esprit  fust  changé,  veu  principalement  qu'en  diverses 
occasions,  auparavant  qu'elle  fust  sortie  du  royaume,  elle  luy  en  avoit 
souvent  donné  des  plus  belles  du  monde  qu'il  avoit  tousjours  trouvées 
sans  eiîect. 

Que  toutes  ces  considérations  luy  faisoient  croire  qu'il  failloit  de- 
meurer à  la  proposition  qu'il  luy  avoit  tousjours  faicte  d'aller  à  Flo- 
rence, où  il  luy  donneroit  volontiers  un  entretien  proportionne  à  sa 
dignité. 

Que  par  tel  offre  qu'il  estoit  prest  d'exécutter  et  qu'il  désiroil 
qu'elle  acceptast,  sa  conscience  et  son  honneur  estoienl  à  couvert 
devant  Dieu  et  devant  le  monde,  et  ne  s'exposoit  point  à  nouvelles 
brouilleries,  lesquelles  il  ne  prévoioit  pas  pouvoir  éviter,  n'y  dans  le 
royaume  n'y  dans  la  court,  ny  dans  son  cabinet,  si  la  reyne  mère 
revenoit  en  France  en  quelque  lieu  que  ce  peust  estre  '. 


CLX. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Turin,  I.  a8,  fol.  47-  —  Original. 
Bibl.  imp.  Sainl-Gerinain-Harlay,  3^7,  fol.  485  v°.  —  Copie. 

AU  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

2i  janvier  iGSg. 

Monseigneur, 

Vostre  courrier  vous  porte  contentement  sur  tous  les  points  que 
vous  avés  désirez.  Vous  aurés  receu  maintenant  Ayô.ooo  1.  pour  les 

'   On  trouvera  aux  analyses  l'indication         la  reine  mère  à  l'occasion  de  la  mission  de 
de  plusieurs  lettres  écrites  sur  le  sujet  de,        lord  Jerinyn,  premiers  jours  d'avril  1639. 

35. 


276  LETTRES 

garnisons  de  Pignerol  et  de  Casai ,  pour  les  mois  de  janvier,  février 
et  mars. 

On  vous  envoie  1 00,000  escus,  sçavoir  1 00,000  livres  que  M"  Lan- 
son  vous  aura  envoyées  et  200,000  francs,  qui  arriveront  le  6  fé- 
vrier à  Turin  pour  la  subsistance  des  troupes  de  la  campagne,  et 
35o,ooo  francs,  qui  vous  seront  envoyés  en  février  et  mars  pour  ia 
subsistance  des  troupes,  jusques  à  la  fin  du  mois  d'avril;  messieurs 
d'Emery,  Argenson  et  Talon  '  ayant  calculé  en  ma  présence  que  cela 
suOiroit  jusques  à  la  fin  du  dit  mois  d'avril. 

Bien  que  ce  soit  chose  du  tout  extraordinaire  qu'il  y  ait  divers 
sergens  de  bataille  en  une  armée,  le  roy  le  trouve  bon  parce  seule- 
ment que  vous  le  désirés.  On  pourvoiera  à  vous  envoyer  prompte- 
ment  des  mousquets  et  des  piques,  ou  à  vous  envoyer  des  fonds 
•pour  avoir  celles  de  Genève  que  vous  avez  trouvées. 

Je  ne  vous  dis  rien  du  P.  Monot  parce  que  cette  affaire  n'est  pas 
encore  en  Testât  auquel  elle  doit  estre  pour  le  service  de  Madame. 

Je  suis  bien  estonné  que  Madame  ne  faict  plus  de  justice  de  ceux 
qui  estoient  de  la  conspiration  de  M"^  le  cardinal  de  Savoie.  Il  est  bien 
à  craindre  que  l'impunité  des  principaux  donne  lieu  à  plusieurs  autres 
de  faire  de  semblables  entreprises. 

Je  ne  doule  point  que  vous  ne  soyés  bien  empesché  auprès  d'un 
esprit  pareil  à  celuy  de  Madame ,  et  ne  manqueray  pas  de  faire  valoir 
auprès  du  roy  vos  services  autant  que  je  le  pourray. 

Monsieur  de  Turenne  est  icy,  à  qui  on  donnera  un  ajuste  de  coste 
pour  le  faire  aller  en  Italie  plus  commodément. 

Le  s'  de  Roque  Servière'^  part  demain  pour  aller  hasler  vos  troupes 
en  Languedoc.  Il  sera  bien  à  propos  que  vous  y  envoyiés  encore  quelque 
aide  de  camp  de  ceux  qui  sont  atiprès  de  vous,  afin  de  haster  les  re- 
creues  et  de  sçavoir  à  point  nommé  Testai  auquel  elles  seront. 

'   Les  deux  derniers  étaieiil  intendants  camp  dont  Richelieu  parle,  dans  ses  Mé- 

de  l'armée  d'Italie.  moires,  comme  d'un  officier  de  mérite, 

'  Il  avait  été  employé  en  Italie,  dans  I.  IX,  p.  i46. 
la  campagne  de  i636;  c'était  un  aide  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  277 

Enfin  rien  qui  puisse  deppendre  des  soins  de  deçà  ne  vous  man- 
quera, et  partant  j'espère  que  vostre  campagne  sera  heureuse,  ce  que 
je  désire  et  pour  le  service  du  roy  et  pour  vostre  contentement  parti- 
culier, vous  asseurant  que  personne  ne  sera  jamais  davantage  que  moy. 
Monseigneur, 

Vostre  1res  humble  et  trës  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  mCHELIEU. 
De  Paris,  ce  24  janvier  lôSg. 


CLXI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  1689  ;  supplément,  fol.  28.  — 
Autographe  sans  signature'. 

SUSCRIPTIOS : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 


Ce  3o  janvier,  à  4  heurts  après  minuict. 

Puisqu'il  est  vray  que  M'  de  V.  a  commencé  une  négotiation  si  im- 
portante à  son  maistre  comme  est  celle  qu'on  luy  avoit  commise  par 
une  Infidélité  ou  malitleuse  ou  au  moins  indiscrette,  je  croy  qu'il 
est  à  propos  que-  le  roy  sache  ce  que  vous  aurés  faict  avec  luy  avant 
qu'il  recommence  son  voyage;  et  parlant  j'estime  que  vous  le  devés 
laisser  chez  vous  avec  un  de  vos  gens  fidèles,  et  vous  retournerés  ce 
soir  luy  dire  ce  qu'il  aura  à  faire. 

Peut  estre  qu'après  qu'il  aura  parlé  au  père  R.  *  et  à  son  compa- 
gnon, il  jugera  pouvoir  et  devoir  faire  autre  chose  que  ce  qu'il  pen- 
soit  auparavant.  Il  est  besoin  de  bien  sçavoir  du  religieux  qui  a  veu  le 


'  La  suscriplion  même  est  de  la  main 
du  cardinal.  Nous  n'avons  point  pénétré 
le  secret  de  celte  lettre  confidentielle. 
.Nous  ne  savons  quel  est  ce  M' de  V.  qu'on 
reçoit  si  mystérieusement  et  avec  tant  de 
défiance. 

'  Le  nom,  qui  avait  été  écrit  en  tontes 
lettres ,  a  été  soigneusement  effacé  ;  on  a 


figuré  au  dessus  une  R;  mais  cette  lettre, 
qui  n'est  pas  de  la  main  de  Richelieu,  n'a 
pas  été  mise  là  sans  doute  pour  aider  à 
deviner  le  mot  effacé.  On  avait  coutume 
de  nommer  le  père  Ange  le  compagnon  du 
père  Joseph ,  si  ce  mot  désignait  ici  ce  père 
Ange,  le  nom  effacé  pourrait  bien  être 
celui  du  célèbre  capucin. 


278  LETTRES 

D.  Ch.  les  propres  paroles  qu'il  luy  a  dictes  affiii  de  bastir  sur  un  fon- 
dement asseuré. 

Le  s'  de  V.  estimera  peut  estre  avoir  besoin  d'im  autre  passeport  ou 
acte  que  celuy  qu'il  a  pour  son  maistre,  en  quoy  on  résoudra  après 
avoir  veu  ce  qu'il  faudra  faire. 

En  un  mot,  si  ce  bon  seigneur  n'a  point  esté  malade,  ses  linesses, 
cousues  de  fd  blanc,  doivent  estre  bien  suspectes,  et,  en  ce  cas,  il  sera 
bon  de  luy  donner  un  trompette  qui  le  ramène  comme  on  faict  d'or- 
dinaire tous  les  prisonniers  de  guerre  qu'on  renvoie. 

Je  croyrois  bien  que  ce  bon  négotiateur  auroit  envoyé  à  l'hostel 
proche  de  vous,  mais,  pourveu  que  vous  empeschiés  qu'il  n'y  puisse 
rien  mander  de  nouveau  depuis  qu'il  sera  chez  vous,  je  parleray  en 
sorte  à  la  maistresse-  du  logis ,  au  lieu  où  je  la  verray  aujourd'huy,  que , 
sans  rien  descouvrir  de  nostre  part,  je  présentiray,  à  mon  avis,  ce  qui 
en  sera.  Nostra  Damus  [sic)  sçait  ce  qui  s'est  passé,  et  quand  nous  vous 
aurons  veu  nous  nous  en  douterons  et  tascherons  à  apporter  remède 
au  poison  qu'il  pourra  avoir  receu  des  lieux  où  il  pourra  avoir  envoyé 
son  valet,  s'il  luy  a  faict  faire  quelque  voyage. 

'  Peut  estre  ne  sera-t-il  pas  mauvais  que  vous  disiés  au  s'  de  V. 
qile  le  roy,  ayant  sceu  le  tour  qu'il  a  faict,  est  maintenant  irrésolu 
s'il  l'envoyera ,  et  qu'il  y  aura  peut  estre  bien  de  la  peine  à  le  porter 
à  trouver  bon  qu'il  parachève  son  voyage. 

Vous  en  userés  ainsy  que  vous  l'estimerés  plus  à  propos. 

'  Ce  paragraphe  est  écrit  sur  un  carré        posée;  mais  il  n'est  pas  douteux  qu'il  ne 
de  papier  séparé,  lequel  a  été  relié  entre        doive  èlre  placé  à  la  fin  de  cette  lettre, 
les  deux  feuillets  dont  cette  pièce  est  coin- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


279 


CLXll. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Hollande,  t.  21,  pièce  26,  fol  25  v°.  — 

Minute  de  la  main  de  de  Noyers,  qui  a  mis  en  marge  :  «  S.  Em.  à  M.  d'Eslampes.  » 

Bibl.  imp.  cinq-cents  Colberl,  n°  /(6,  fol  12A  v°.  —  Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  3/46,  t.  2 ,  p.  igS.  —  Copie. 

A  M.  D'ESTAMPES. 

8  février  lôSg. 

Monsieur,  j'ay  appris  par  vos  dépesches  deux  choses  qui  ne  m'onl 
pas  peu  estonné;  la  première  est  que  vous  ayés  payé  un  quartier  à 
madame  la  landgrave  sans  en  avoir  receu  aucun  ordre  du  roy,  ny 
avoir  tiré  d'elle  la  ratification  du  trailté  de  Vesel  qu'on  désiroit^. 

La  seconde,  la  proposition  que  vous  avés  faite  à  la  dicte  dame  et  à 
M"^  le  prince  d'Orange  d'arrester  prisonnier  une  personne  dont  vous 
n'aviés  point  de  charge.  Je  ne  puis  m'empescher  de  vous  dire  ensuite 
que  le  retardement  du  voyage  du  s""  Kenuit  donne  au  moins  à  soup- 
çonner que  vous  n'ayés  pas  fait  grande  instance  pour  le  faire  repar- 
tir^, ce  qui  -n'apporte  pas  peu  de  préjudice  aux  affaires  communes. 


'  On  lit  à  la  marge  :  •  Copie  faite  sur 
une  minute  ou  brouillard  enlièremenl 
écrit  de  la  main  du  cardinal.  ■  Et  le  ma- 
nuscrit de  Harlay  reproduit  celle  annota- 
tion. Les  deux  manuscrits  donnent  la  co- 
pie d'une  lettre  écrite  au  prince  d'Orange 
à  peu  près  sur  le  même  objet.  Celle-ci 
sera  notée  aux  analy.set. 

'  D'Elampes  adressa  dans  le  temps  à 
Boulhillier,  le  surintendant,  un  mémoire 
justiiicalif  de  sa  conduite  en  cette  cir- 
constance. Celte  pièce,  sans  date,  a  été 
classée,  dans  le  manuscrit  des  Affaires 
étrangères,  à  la  fin  de  l'année  iGSg, 
pièce  22,3. 

'  Outre  plusieurs  lettres  écrites  par 
Cliavigni  sur  ce  sujet,  en  janvier,  Uiclie- 
lieu  se  plaignit  lui-même  au  prince  d'O- 


range (lettre  du  18,  notée  aux  analyses)  de 
ce  qu'on  ne  répondait  pas  aux  propositions 
que  Knuyt  avait  portées  à  la  Haye  dès  le 
mois  d'octobre  de  l'année  passée.  Le  24, 
le  prince  d'Orange  mandait  (|ue  les  États 
avaient  besoi:i  du  service  de  Knuyt  en 
Hollande.  La  vérité  est  que  les  Etats  vou- 
laient temporiser;  il  n'y  avait  là  rien  à  re- 
procher à  d'Étampes.  Au  reste,  il  .était 
déjà  remplacé  au  moment  oii  Richelieu 
écrivait  cette  lettre.  Les  instructions  du 
comte  d'Estrades  sont  datées  du  6  février. 
(Voy.  aux  analyses  ci-aprèj.)  D'Etampes 
quitta  la  Hollande  le  18;  le  secrétaire 
d'ambassade  Brassel  armonce  son  dépail 
le  2 1 ,  dans  une  lettre  où  il  donne  des 
nouvelles  intéressantes  de  Hollande.  (Aff. 
étr.  Hollande  ,  t.  2 1 ,  pièce  32.) 


280  LETTRES 

Le  roy  n'ayant  point  receu  de  résolution  de  ce  que  Messieurs  les 
Estais  doivent  faire  à  la  campagne  prochaine,  je  ne  saurois  croire 
que  vous  leur  ayés  donné,  sans  charge,  ny  sans  pouvoir,  parole  d'un 
pareil  secours  à  celuy  qu'ils  receurent  l'année  passée,  veu  que  S.  M. 
n'en  a  jamais  donné  espérance  au  s'Kenuit,  ny  à  personne,  qu'au  cas 
que  Messieurs  les  Eslats  fassent  quelque  chose  de  considérahle  cette 
année  à  l'avantage  des  affaires  communes. 

Le  mémoire  qu'a  emporté  le  s"  Kenuit  faisant  mention  de  ce  se- 
cours, et  de  ce  qui  se  peut  faire  cette  campagne,  monstroit  bien  que 
ces  deux  choses  doivent  aller  d'un  mesme  pied. 

S.  M.  désire  que  vous  le  veniés  trouver  promptément  pour  luy 
rendre  compte  de  tout  ce  que  dessus,  et  particulièrement  du  faict 
des  troupes  de  madame  la  landgrave. 

Le  plus  tost  que  vous  pourrés  partir  sera  le  meilleur,  attendu  que 
la  saison  s'avance.  Ce  pendant  je  suis, 

Monsieur.  .  . 


CLXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  6A.  —  Original. 
Bibl.  imp.  Saiiit-Germain-Harlay,  SAy,  fol.  486  v°.  —  Copie. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

1  Ix  féïrier  iGSg. 

Monseigneur, 

Bien  que  Messieurs  des  finances  eussent  faict  dessein,  en  arrestant 
Testât  du  fonds  de  l'armée  d'Italie,  de  retrancher  le  payement  des 
3,000  hommes  d'extraordinaire  que  le  roy  a  entretenus  jusques  à  pré- 
sent à  Madame,  et  que  S.  A.  estoit  chargée  de  tenir  en  campagne, 
outre  les  troupes  qu'elle  est  obligée  par  son  traicté  de  fournir  de  son 
chef,  sur  ce  que  les  dicts  3,oôo  h.  n'ont  point  esté  jusques  ici  mis  sur 
pied,  ainsi  que  des  gens  de  Madame  en  sont  demeurés  d'accord  eux 
mesmes,  néanmoins  jugeant  que  ce  retranchement  ne  plairoit  peut- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  281 

estre  pas  à  S.  A.  j'ay  faict  changer  cette  résolution,  et  faict  en  sorte 
auprès  de  S.  M.  qu'elle  a  trouvé  bon  de  continuer  le  payement  des 
dicts  3,000  hommes  dont  je  veux  bien  prendre  le  soin  moy  mesme 
à  l'avenir,  afin  de  tesmoigner  de  plus  en  plus  à  Madame  la  passion 
que  j'ay  pour  son  contentement  et  son  avantage. 

Pour  cet  effect  le  fonds  nécessaire  à  cette  despense  sera  mis  entre 
les  mains  de  celuy  qui  sera  chargé  des  finances  de  f  armée  pour  le 
faire  délivrer  de  temps  en  temps  aux  dictes  troupes,  à  mesure  que 
S.  A.  les  fera  fournir,  et  qu'elles  seront  effectivement  dans  l'armée 
et  non  autrement,  estant  bien  juste  de  suivre  cet  ordre,  si  on  ne 
veut  tomber  dans  le  mesme  inconvénient  du  passé,  c'est  à  dire  don- 
ner l'argent  du  roy  sans  en  avoir  un  homme  davantage ,  ny  en  tirer 
aucune  autre  utilité. 

Par  ce  moyen  Madame  aura  le  contentement  qu'elle  peut  désirer, 
qui  est  de  luy  payer  les  troupes  qu'elle  pourra  fournir  pour  la  cause 
commune,  et  S.  M.  la  satisfaction  de  voir  en  quoy  son  argent  est 
employé.  Vous  rendrés,  s'il  vous  plaist.  Madame  capable  de  cet  ex- 
pédient, et  tiendrés  la  main  à  ce  qu'il  soit  ponctuellement  cxécutté. 

J'ay  veu  ce  que  vous  m'avés  escrit  sur  le  sujet  de  la  levée  d'un  ré- 
giment montferrin.  J'estime,  comme  vous,  que  ce  seroit  une  bonne 
affaire  si  on  en  pouvoit  venir  à  bout,  et  partant  je  vous  conjure  d'y 
apporter  ce  qui  se  pourra.  Vous  prendrés  le  fonds  de  la  dicte  levée 
sur  telle  nature  de  deniers  que  vous  estimerés  plus  à  propos,  vous 
asseurant  que  le  roy  approuvera  tout  ce  que  vous  ferés  en  cette  occa- 
sion, et  en  toute  autre  pour  son  service. 

M"  de  Chavigny  et  de  Noyers  vous  escrivent  amplement  sur  tout  le 
reste  de  vos  dépesches,  ce  qui  m'empeschera  d'allonger  celle-ci  da- 
vantage que  pour  vous  asseurer  que  je  suis  et  seray  toute  ma  vie,  sans 
changement. 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble  et  1res  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  i^  février  lôSg. 

CAnOlN.  OE  BICHELIEU. TI.  .  36 


282  LETTRES 


CLXIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Hollande,  t.  ai,  pièce  29'.  —  Minute  de  la  main  de  de  Noyers. 

Bibl.  imp.  cinq-cents  Colberl,  t.  46,  fol.  laS  v°.  —  Copie  '. 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.   a ,  p.  igô.  —  Copie. 

A  M.  D'ESTRADES. 

16  février  iBSg. 

On  faict  cette  recharge  à  monsieur  d'Estrades  sur  ies  avis  nou- 
veaux que  l'on  a  eus  depuis  trois  jours  très  asseurés  que  la  flotte 
d'Espagne  ne  peut  venir  qu'en  may  ou  en  juin,  ce  qui  faict  qu'on  y 
peut  aisément  entreprendre,  en  l'attendant  proche  d'Espagne  entre 
les  Canaries  et  les  Barlingues^  vers  le  cap  Saint-Vincent. 

Pour  cet  effect,  le  s''  d'Estrades  représentera  à  M''  le  prince  d'O- 
range que  si  l'on  s'estoit,  en  un  temps  comme  celui-cy,  rendu 
maistre  d'une  flotte,  les  Espagnols  en  recevroient  plus  de  préjudice 
que  de  la  perte  de  trois  places;  et  partant  le  dict  s'  pressera  le  dict 
s"^  prince  pour  que  Messieurs  les  Estats  joignent  une  partie  de  leurs 
vaisseaux  à  ceux  du  roy  pour  im  sy  bon  dessein,  et  tout  autre  qui  se 
pourra  faire  sur  les  costes  d'Espagne.  Cette  afi'aire  est  de  sy  grande 
importance  que  je  ne  crois  pas  que  M''  le  prince  d'Orange  ne  l'em- 
brasse à  bras  ouverts;  je  l'en  prie  et  l'en  conjure  pour  le  bien  com- 
mun, à  l'avantage  duquel  on  ne  sauroit  faire  aucune  chose  qui  y  soit 
plus  utile. 

Or  parce  que,  pour  faire  réussir  une  telle  atfaire,  il  est  question 
de  profiter  du  temps,  estant  nécessaire  d'estre  assemblés  au  26  avril, 
M'  d'Estrades  fera  savoir  à  M'  le  prince  d'Orange  que  l'armée  de 
France  sera  assemblée  en  ce  temps  à  Saint-Martin  de  Ré  ou  à  Belle- 
Isle,  afin  qu'il  donne  ordre  aux  vaisseaux  qu'il  voudra  envoyer  de  se 

'  Les    deux    mss.   de   la  Bibliothèque  connaissaient  pas  l'écriture  de  de  Noyers. 
mettent  en  marge  cette  annotation  :  t  Co-  *  lies   Berlingas,  groupe  de  rochers, 

pie  faite  sur  une  minute  ou  brouillard  écrit  au  milieu  desquels  est  la  petite  île  Ber- 

de  la  main  du  cardinal.  »  Les  copistes  ne  linga,  sur  les  côtes  de  l'Estramadure. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  283 

rendre  en  ce  temps  à  l'un  de  ces  lieux,  où  ils  trouveront  l'armée, 
qui  sera  telle  qu'avec  la  conjonction  de  26  vaisseaux  de  A"^'  ou  au 
dessus,  de  Messieurs  les  Estais,  dont  le  roy  se  contentera,  nous  se- 
rons asseurément  beaucoup  plus  puissants  que  les  ennemis,  en  quel- 
qu'estat  qu'ils  soient. 

Il  faut  que  les  dicts  vaisseaux  soient  fournis  de  victuailles  pour 
6  mois,  comme  sera  l'armée  du  roy,  afin  que,  si  l'on  fault  le  premier 
dessein,  l'on  soit  en  estât  de  faire  d'autres  choses  de  pareille  impor- 
tance, ou  raesme  d'attendre  la  flotte  de  septembre. 


CLXV. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  iCSg  (supplément),  fol.  44-  —  Original. 

A  M.  DE  CHAVIGNY. 

De  Ruel,  ce  18*  febvrier  1689. 

Monsieur  de  Chavigny  ne  fera  point  de  difficulté  de  deslivrer  à 
M' le  Gras^  l'ordonnance  de  quatre  mile  escus  que  le  roy  donne  tous 
les  ans  à  la  reyne  pour  sa  foire. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CLXVI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  a8,  fol.  75.  —  Original. 
Bibl.  inap.  Saint-Germain-Harlay,  3^7,  fol.  487  v".  —  Copie. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA   VALETTE. 

ao  février  lôSg. 

Monseigneur, 
J'ai  veu  vos  lettres  des  2  et  6""*  du  présent  mois,   et  celle  du 
s'  de  Castellan  que  vous  avés  envoyée  à  M.  de  Noyers. . . 

'  Ce  signe  n'est  pas  nettement  formé  triche.  Fallait-il  donc,  pour  le  payemeni 

dans  le  manusicrit.  Cela  veut-il  dire  li  cents  de  ce  don  annuel ,  l'autorisation  de  Riche- 

(lonneauîc)?  lieu  ?  Est-ce  un  signe  qu'en  ce  moment  on 

'  Le  Gras  était  secrétaire  d'Anne  d'Au-  n'était  pas  content  de  la  reine  ? 

36. 


2»4 


LETTRES 


Mesures  prises  pour  la  subsistance  et  le  payement  de  l'année. 

La  fourniture  des  mousquets  et  des  piques. 

On  hastera  autant  qu'il  se  pourra  le  passage  des  recrues,  mais  je  crains 
qu'elles  ne  puissent  arriver  au  temps  précis  auquel  vous  les  demandez ,  vous 
mesnie  ayant  écrit  plusieurs  fois  qu'il  suffisait  qu'elles  arrivassent  en  Piémont 
pour  le  dernier  avril.  On  pressera  le  départ  des  officiers  afin  que  vous  les  ayez, 
s'il  y  a  moyen,  au  lô'""  avril,  ainsi  que  vous  le  désirez. 

Je  ne  vous  parle  point  de  ce  que  vous  pouvés  et  devés  faire  cette 
campagne,  le  roy  vous  laissant  la  liberté  entière  d'entreprendre  ce 
que  vous  estimercs  plus  avantageux  au  bien  de  ses  affaires,  joinct 
que  cela  deppend  de  Testai  où  vous  vous  trouvères,  et  de  celuy  où 
seront  les  ennemis  dans  le  Milanois.  Je  vous  diray  seulement  que  ce- 
luy qui  commence  atousjours  l'avantage ,  et  que  le  seul  moyen  d'avoir 
raison  des  Espagnols  est  de  les  mener  chaudement  et  ne  les  mar- 
chander pas.  Vostre  prudence,  vostre  affection  et  vostre  zèle  me  font 
espérer  que  vous  ne  perdrés  aucune  occasion  de  bien  servir.  Je  vous 
en  conjure ,  et  de  croire  que  je  feray  valoir  vos  actions  auprès  du  roy, 
ainsy  que  vous  le  pouvés  souhaiter  d'une  personne  qui  vous  estime 
et  qui  sera  tousjours  véritablement,  Monseigneur, 

Vostie  très  humble  et  très  aflectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU'. 

De  Rue! ,  ce  30""^  février  iGSg. 


'  Dans  un  post-scriptum  que  la  copie  n'a 
pas  conservé ,  Richelieu  ajoute  :  «  J'ay  veu 
l'eslat  des  fonds  nécessaires  pour  les  forti- 
fications des  places  deMontferrat;  on  vous 


enverra  tout  ce  que  l'on  pourra ,  selon 
que  l'escrit  plus  particulièrement  M.  de 
Noyers.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  285 


CLXVIl. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  Hollande,  t.  21,  pièce  35.  —  Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

Bibl.  imp.  cioq-cents  Colbert,  l.  46,  fol.  i3i  v°.  —  Copie'. 

Saint- Germain -Harlay,  346,  t.  2  ,  p.  210.  —  Copie. 

A  M.  LE  PRINCE  D'ORANGE. 

Du  22  février  ibSg. 

Monsieur,  J'ai  faicl  voir  au  roy  le  tesmoignage  que  V.  A.  luy  rend 
de  sa  franchise,  ce  qui  i'a  d'autant  moins  surpris  qu'il  n'en  a  jamais 
douté.  Il  ne  s'est  pas  aussy  trouvé  estonné  de  voir  la  malice  des  Es- 
pagnolz,  parce  qu'il  l'a  tousjours  connue  telle  qu'ils  la  font  paroistre 
en  cette  occasion.  Il  y  a  longtemps  qu'ils  taschent  à  diviser  tous  ceux 
qui  sont  justement  liés  contr'eux.  Par  la  grâce  de  Dieu,  je  ne  voy 
pas  qu'ils  en  puissent  ébranler  aucun,  et  j'ose  respondre  à  V.  A.  que  la 
France  demeurera  dans  la  fermeté  à  laquelle  elle  est  obligée,  et  que 
vous  devés  attendre  d'elle. 

Au  mesme  temps  que  le  Cardinal  Infant  vous  a  faict  la  dépesche, 
dont  il  vous  a  pieu  m'envoyer  la  copie  ^,  le  prince  Thomas  a  donné 

'  Je  trouve  cette  noie   en  marge  des  tées  pièces  a4  et  27. — L'intimité  entre  la 

deux  manuscrits  de  la  bibliothèque  :«  Co-  France  et  la  Hollande,  si  nécessaire  au 

pie  faite  sur  une  minute  ou  brouillard  de  triomphe  de  la  cause  commune,  était  sans 

la  main  de  Chirurgien.  »  (Voy.  ci-dessus,  cesse  refroidie  par  le  soupçon  dont  s'in- 

p.  267.)  quiétait  chacune  de  ces  puissances,  que 

'  Le  cardinal-infant,  qui  avait  succédé  l'aulre  cherchait  à  s'accommoder  en  secret 
à  l'infante  Isabelle  dans  le  gouvernement  et  séparément  avec  l'Espagne.  Cette  mé- 
des  Pays-Bas,  avait  envoyé  au  prince  d'O-  fiance,  de  la  part  de  la  Hollande,  était 
range,  sous  prétexte  de  s'entendre  au  su-  absolument  dénuée  de  fondement;  le  ca- 
jet  de  la  délivrance  de  pusse-ports  aux  raclère  de  Richelieu,  le  but  constant  de 
députés  pour  la  paix,  le  docteur  curé  de  sa  politique,  les  maximes  de  toute  sa  vie 
Loon.  Le  prince  d'Orange  donna  aussitôt  donnaient  à  cet  égard  la  plus  solide  ga- 
connaiss.tnce  de  cette  mission  à  Riche-  ranlie.  Le  cardinal-ministre  était  certaine- 
lieu.  Sa  lettre,  datée  du  1 1  février,  et  la  ment  mieux  fondé  à  douter  de  la  fermeté 
copie  de  celle  du  cardinal-infant,  se  trou-  et  des  sentiments  secrets  des  Etats  géné- 
venl,  dans  le  manuscrit  de  Hollande,  co-  raux. 


286  LETTRES 

charge  à  un  gentilhomme  de  Madame  de  Savoie,  qu  elle  luy  avoit  en- 
voyé sur  le  sujet  de  la  mort  du  dernier  duc  son  fils,  de  me  tenir 
quelque  langage  qui  va  à  mesme  fin;  vous  cognoistrés  sa  proposition 
par  la  copie  de  la  response  quej'ay  faict  faire  au  dict  gentilhomme, 
laquelle  je  vous  envole. 

Le  seul  moyen  de  contraindre  les  ennemis  de  venir  à  une  bonne 
paix  est  de  faire  une  bonne  campagne  cette  année,  et,  pour  la  faire 
bonne,  j'estime  qu'il  faut  commencer  de  bonne  heure';  et  précisé- 
ment je  supplie  V.  A.  de  se  souvenir  de  ces  deux  poincts  par  le 
moyen  desquels  nous  pouvons  avoir  de  grands  avantages  sur  les  en- 
nemis. 

Si  Messieurs  des  Estais  veulent  joindre  un  bon  nombre  de  vais- 
seaux à  l'armée  navale  du  roy,  ainsy  que  j'ay  escrit  au  s'  d'Estrades, 
depuis  son  départ,  de  vous  le  proposer,  je  crois  qu'on  pourra  faire  un 
grand  effect  contre  les  flottes  des  ennemis.  Jamais  la  France  ne  fut  sy 
puissamment  armée,  ny  sy  disposée  à  bien  faire  qu'elle  est  mainte- 
nant. Je  ne  doute  pas  que  vous  ne  fassiés  de  vostre  costé  quelque 
effort  extrordinaire  tel  qu'il  est  désiré  et  attendu  de  ceux  qui  vous 
honorent  comme  moy,  qui  suis .  .  . 

Je  ne  donneray  aucun  avis  de  la  dépesche  qu'il  vous  a  pieu  me  faire 
à  M'  d'Estampes;  le  voyage  du  s*^  d'Estrades,  qui  luy  porte  ordre  de 
s'en  revenir,  vous  aura  faict  cognoislre  qu'il  n'est  pas  en  estât  de 
cela.  Si  le  dlct  s'  d'Estrades  n'est  parti,  vous  le  renvoierés,  s'il  vous 
plaist,  le  plus  tost  qu'il  se  pourra,  la  saison  nous  pressant  extraordi- 
nairement  ^. 

'  Dans  une  autre  lettre  au  prince  d'O-  «  Celle  leUre.  —  La  copie  de  Pesieux  *  — 

range,  du  18  janvier,  Richelieu  l'avait  déjà  Duplicata  à  d'Estrades.  »  —  Les  deux  ma- 

'  pressé  de  prendre  une  prompte  résolution  nuscrils  delà  bibliotlièquecités  aux  sources 

pourlaprochainecaiTipagne.(Auxanalyses.)  font  mention  de  celte  note,  ce  qui  prouve 

''  Au  bas  de  la  minute  des  Aff.  étrang.  que  les  copistes  ont  en  effet  transcrit  d'a- 

Richelieu  a  écrit  ces  mots  de  souvenir  :  près  cette  minute. 

*  Voyez  ani  anslyses,  à  ia  date  du  8  février  1639. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  287 


CLXVIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  I.  28,  fol.  77.  —  Original. 
Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  SA?,  fol.  488.  —  Copie. 

A   M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

Du  ii  février  1689. 

Monseigneur, 

J'estime  qu'il  seroit  inutile  que  je  vous  représentasse  par  ces 
lignes  le  sensible  desplaisir  que  j'ay  receu  en  apprenant  la  nou- 
velle de  la  perte  que  vous  avés  faite  de  M'  de  Caudale,  et  que  la  cog- 
noissance  que  vous  avés  de  la  véritable  et  sincère  alTeclion  que  j'ay 
tousjours  eue  pour  vous  suffit  pour  vous  le  faire  concevoir  au  point 
qu'il  est.  Je  me  contenteray  seulement  de  vous  en  renouveler  les  as- 
seurances  en  cette  occasion,  et  de  vous  protester  qu'il  ne  vous  sauroit 
Jamais  arriver  aucune  chose  à  quoyje  ne  prenne  une  entière  part,ainsy 
que  vous  le  cognoistrés  de  plus  en  plus,  et  que  je  ne  considère 
vostre  maison  qu'en  vous  et  pour  l'amour  de  vous. 

Je  vous  ay  desjà  mandé  '  comme  il  sera  bien  difficile  que  toutes  vos 
recreues  soient  passées  précisément  au  temps  que  vous  les  demandés, 
pour  les  raisons  qui  sont  contenues  dans  ma  lettre.  Cependant  je  n'en 
désespère  pas  tout  à  fait,  ayant  envoyé  de  nouveaux  ordres  à  tous  les 
officiers  des  troupes  à  cette  fin.  En  les  attendant  vous  pouvés  faire 
estât  du  régiment  du  comte  de  Sault,  qui,  à  mon  avis,  passe  dès 
cette  heure,  du  régiment  de  la  Tour,  qui  a  8  ou  900  hommes,  avec 
les  officiers  du  régiment  d'Orgevil ,  qui  est  dans  la  vallée  de  Pragelas, 
qui  entrera  présentement,  quoyque  foible,  dans  Pignerol ,  pour  en  re- 
tirer celuy  d'Aiguebonne ,  et  y  sera  par  après  fortiffié  de  ses  recreues, 
et  par  le  régiment  de  Henrichement,  de  crainte  que  la  garnison  de 
cette  place  ne  fust  trop  foible. 

'  Lettre  du  ao  février,  p.  aSS. 


288  LETTRES 

M'  Baronis  s'en  retournera  dans  peu  de  jours  avec  un  entier  con- 
tentement, tant  pour  ce  qui  est  des  arrérages  dus  à  Madame  que 
pour  les  assignations  du  fonds  de  la  présente  année  pour  toute  l'armée. 

Je  vous  ay  desjà  mandé  que  les  35o,ooo  francs  qui  restent  pour 
la  subsistance  de  vos  troupes  seront  envoyés  dans  tout  le  mois  de 
mars  au  plus  tard.  Je  vous  en  asseure  encore  maintenant  par  ces 
lignes,  et  que  j'en  auray  un  soin  particulier. 

J'envoye  présentement  un  gentilhomme  à  M"^  de  Turenne  pour  le 
prier  de  partir  sans  délay  pour  vous  aller  trouver;  vous  aurés  sceu 
maintenant  comme  le  prince  Thomas  l'est  (parti)  pour  aller  en  Italie. 
J'espère  qu'il  ne  nous  y  fera  pas  grand  mal,  et  que  vos  soins  et  vostre 
prudence  préviendront  tous  les  mauvais  desseins  des  ennemis  du  roy. 

Je  suis, 

Monseigneur, 

Vostre  tris  humble  et  trfes  affeclionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

De  Ruel,  ce  2/1'™  février  lôSg. 


CLXIX. 
Arch.  des  Aff.  étr.  Rome,  t.  65.  —  Minute  de  la  main  de  Chavigni. 

MÉMOIRE 

POUR  LES  AFFAIRES  DE  ROME  '. 

[Vers  la  fin  de  février  lôSg.] 

Sa  Sainteté  donnant  contentement  au  roy  sur  le  sujet  de  la  pro- 
motion,  on  peut  se  contenter  que  M''  le  cardinal  Antoine  se  gou- 

'  Ce  mémoire,  dont  Richelieu  a  donné  lettre  est  précédée  et  suivie,  dans  ce  vo- 
la matière  s'il  ne  l'a  dicté  lui-même,  est  lume  non  coté,  de  plusieurs  feuillets  écrits 
un  résumé  de  quelques-unes  des  nom-  aussi  de  la  main  de  Chavigni,  et  qui  pré- 
breuses  difficultés  qu'on  aval!  à  démêler  sentent,  soit  des  réflexions,  soil  des  résul- 
en  ce  moment  avec  la  cour  de  Rome.  Cette  tats  de  délibérations  concemani  les  mêmes 


r 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  289 

verne,  en  la  protection  qu'il  a  des  affaires  de  France,  ainsy  qu'il  s'en- 
suit : 

H  fera  toute  la  fonction  de  cette  charge,  ainsy  qu'il  sera  spécifié 
au  long;  excepté  en  deux  points  : 

Le  premier  est  qu'il  ne  proposera  point  en  consistoire  présente- 
ment ; 

Le  second  est  que,  présentement  aussy,  il  sera  dispensé  de 
mettre  les  armes  du  roy  sur  la  porte  de  son  palais ,  pour  diverses 
raisons. 

M'  le  cardinal  Bichi  proposera,  comme  comprotecteur,  sur  les 
ordres  que  le  dict  cardinal  Antoine  aura  donnés  aux  banquiers. 

Après  la  paix,  le  dict  cardinal  Antoine  proposera,  et  mettra  ses 
armes,  dont  le  pape  et  M' le  cardinal  Barberin  donneront  paroUe. 

Pour  ce  qui  est  du  pontificat,  M'  le  cardinal  Bagni  est  le  premier 
objet  que  le  roy  a  dans  l'esprit,  pour  lequel  il  désire  qu'on  emploie 
toute  adresse  et  tout  moyen  légitime. 

Si  ce  sujet  ne  peut  réussir,  le  roy  remet  à  son  ambassadeur,  et  à 
ceux  à  qui  il  remet  ses  affaires  dans  Rome,  de  prendre  la  meilleure 
résolution  qu'ils  estimeront  pour  son  service  et  pour  le  bien  de  la 
chrestienté. 

Pour  l'affaire  des  minimes,  ou  un  nouveau  général,  ou  un  vicaire 
général  attendant  nouvelle  eslection. 

L'affaire  de  Saint-Anthoine  se  peut  terminer  par  l'eslection  d'un 

affaires,  ou  quelque  autre  point  à  résou-  res  qu'il  n'a  pas  veu  plustost  Brissack  pris 

dre.  Ainsi,  sur  un  feuillet  on  lit  :  «  On  es-  qu'il  n'ait  pensé  à  faire  en  sorte  que  ce 

time  qu'il  faut  nommer  les  évesques  à  qui  changement  ne  luy  soit  point  préjudicia- 

on  veut  faire  le  procès  et  alléguer  leurs  ble.  Pour  cet  effect,  il  a  parlé  au  roy  et  à 

fautes.  •  —  Sur  la  page  suivante  :  •  On  es-  M''  le  cardinal  de  Richelieu,  qui  luy  ont 

timeàproposqueM'IecardinalBicliiallast  tesmoigné  beaucoup   de    bonne   volonté 

présentement  à  Rome,  où  son  voyage  ne  pour  led.  duc C'est  son  advantage  et 

pourroit  qu'estre  très  utile  au  public  et  celuy  de  la  chrestienté  qu'il  soit  en  bonne 

agréable  aux  cardinaux  neveux  et  au  pape.  »  intelligence  avec  cette  couronne.  »  Ces  es-  c' 

Suit  l'exposé  des  raisons  de  cette  opinion.  pèces  de  résolutions  et  autres   pareilles 

—  Sur  un   autre   feuillet  :  •  M'   le  car-  avaient  évidemment  été  concertées  avec 

dinal  Bichi  peut  escrire  à  M'  de  Bavié-  le  cardinal  et  rédigées  sur  ses  avis. 

CABDIN.  D8  RICHBLIED.  —  TI.  "  3-J 


290  LETTRES  : 

nouveau  général,  qui  donnera  deux  cents  escus  de  pension  à  Mar- 
chier,  que  le  roy  ne  souffrira  jamais,  et  qui  ne  se  [peut]  maintenir 
avec  aucune  apparence  de  raison. 

L'affaire  de  l'union  de  Saint-Maur  doit  estre  achevée,  le  bien  de 
tout  l'ordre  estant  sy  manifeste  qu'il  faudroit  agir  contre  le  sens 
commun  cl  toute  raison  pour  y  faire  difficulté. 

Idem  de  l'affaire  de  Cisteaux  et  de  Prémonstré,  es  quelles  le  roy 
et  Monseigneur  le  cardinal  ne  recherchent  aucun  advantage  que  celuy 
de  l'Eglise  et  de  la  gloire  de  Dieu. 


CLXX. 
Bibl.  imp.  Bélliune,  9265  '.fol.  1,  copie;  et  cinq-cents  Golberl,  l.  45,  fol   233.  —  Copie. 

INSTRUCTION  A  M.  LE  MARESCHAL  DE  SCHOMRERG, 

GOUVEnNEUn    ET    LIEUTENANT  GÉNÉRAL    POUR  SA   MAJESTÉ   EN    LANGUEDOC, 

DE  CE  QU'IL  DOIT  FAIRE  PE.ND.ANÏ  LA  CAMPAGNE  ,  TANT  AD  LANGUEDOC  QU'ADX  PAÏS  DE  L'ENNEMY 

AVEC   L'ARMÉE  DU   ROY, 
EN   LAQUELLE  LE  MANDEMENT  LUY   EST  DONNÉ  SOUS   M'  LE  PRINCE,  GÉNÉRAL   D'ICELLe'. 

3  mars  lôSg. 

Le  roi  ayant  désiré  recevoir  les  avis  et  sentimens  du  s"^  mareschal 
de  Schomberg,  gouverneur  et  lieutenant  général  pour  Sa  Majesté  en 
Languedoc,  sur  Testât  de  la  dicte  province  et  sur  ce  qui  se  pourroit 
entreprendre  contre  les  ennemis  de  ce  costé-là,  l'ayant  mandé  devers 
elle,  pour  cet  effect,  a  jugé  nécessaire  de  le  renvoyer  en  diligence 
en  la  dicte  province,  et  de  luy  faire  donner  le  présent  mémoire 
pour  luy  servir  d'instruction  sur  les  choses  qu'il  aura  à  faire. 

Le  dict  s"^  mareschal  sçait  comme  les  troupes  qui  font  leurs  recreues 
en  Languedoc  sont  destinées  pour  l'armée  d'Italie,  et  partie  pour 

'   On  lit  au  dos  de  ce  volume  :  «  Mé-  berg,  lieutenant  général  sous  M' le  Prince 

moires  venus  de  chez  M'  le  cardinal  de  en  l'armée  du  Roussillon.  • 
Richelieu.  »  Et  sur   la    feuille  du  titre  :  "  Ce  que  nous  mettons  ici  en  litre  est 

«  Emplois  de  M'  le  maréchal  de  Schom-  écrit  en  marge  du  manuscrit  de  Colbert. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  291 

les  armées  de  Guienne  et  Languedoc,  et  combien  il  importe  que  les 
unes  et  les  autres  soient  au  plustost  en  estât  de  servir.  Celles  de 
l'armée  d'Italie  doivent  partir  à  la  fin  du  présent  mois  de  mars,  sans 
remise,  en  sorte  que,  dans  le  quinziesme  du  suivant,  elles  soient 
passées  les  monts;  et  les  autres  doivent  estre  prestes  à  marcher  à 
leur  rendez-vous  dans  le  quinziesme  du  mois  d'avril;  de  sorte  qu'il 
n'y  a  pas  un  seul  moment  à  perdre.  Ce  que  Sa  Majesté  désire  du 
dict  s'  mareschal  est  qu'aussytost  qu'il  sera  dans  le  Languedoc  il  re- 
cognoisse  bien  certainement  Testât  des  troupes,  et  emploie  tout  ce 
qui  est  de  son  autorité  et  de  ses  soins  pour  les  faire  rendre  com- 
plettes  du  nombre  auquel  les  chefs  ont  promis  de  les  mettre,  bien 
armées  et  équipées  chacune  selon  sa  qualité,  et  qu'il  commence  à 
faire  filer  celles  d'Italie  suivant  ses  routes,  aussytost  qu'il  sera  dans 
la  province  et  qu'elles  seront  en  estât  de  ce  faire. 

Que  si  quelques  mestres  de  camp  ou  capitaines  n'ont  etlectué ,  dans 
les  derniers  jours  du  présent  mois,  les  conditions  des  traictés  passés 
avec  eux,  il  les  contraindra  à  y  satisfaire  sans  délay,  et  s'il  y  a  quelque 
défaut  considérable  en  leurs  troupes,  il  les  fera  arrester  sur  le 
champ,  les  fera  mettre  au  pouvoir  des  intendans  de  la  justice  ou 
des  prévosts,  pour  les  faire  punir  exemplairement,  faisant  cependant 
remplir  en  toute  diligence  leurs  troupes  du  nombre  auquel  ils  ont 
promis  de  les  mettre,  et  ce  à  leurs  despends,  et  à  quelque  prix  que 
ce  soit. 

Led.  s' mareschal  s'informera  aussy  du  vrai  si  le  s'  Roze,  munition- 
naire  général  des  armées  de  Sa  Majesté,  qui  est  obligé  à  mettre  dans 
la  fin  du  présent  mois  de  mars  cinq  cents  muids  de  blé  dans  Nar- 
bonne  et  Limoux,  y  aura  satisfaict;  et  se  fera  représenter  les  récé- 
pissés des  gardes  des  magasins,  pour  justifier  la  quantité  qu'il  y  en  aura. 

Il  .saura  si  led.  munitionnaire  aura  faict  assembler  à  Lombez  le 
nombre  de  800  chevaux,  dont  une  partie  est  ordonnée  pour  l'armée 
de  Guienne  et  le  surplus  pour  celle  de  Languedoc. 

Si  l'équipage  d'artillerie  nécessaire  pour  l'armée  de  Languedoc, 
qiii  se  doit  dresser  à  Narbonne,  sera  en  estât  de  marcher  au  i  3  avril , 

37. 


292  LETTRES 

avec  l'attirail,  de  chevaux  et  la  provision  de  munitions  qui  sera  spé- 
cifiée en  Testât  qui  en  sera  donné  au  dict  s' niareschal. 

Led.  s""  mareschal  donnera,  dès  son  arrivée  en  son  gouvernement, 
ses  ordres  en  toute  l'eslendue  d'icelui,  pour  l'enrôlement  de  la  milice 
par  compagnies,  et  sous  des  chefs  qu'il  choisira,  gens  d'expérience  et 
de  commandement;  et  pour  faire  tenir  preste  toute  la  noblesse  à  mon- 
ter à  cheval  et  maicherpour  servir  dans  l'armée,  suivant  le  comman- 
dement que  Sa  Majesté  a  donné  en  toutes  les  provinces  de  son  royaume 
pour  l'arrière-ban,  et  donnera  les  rendez-vous  à  la  noblesse  et  milice 
qu'il  estimera  à  propos,  pour  s'assembler  sans  que  les  ennemis  ny 
autres  puissent  piendre  aucune  cognoissance  ny  soupçon  des  des- 
seins de  Sa  Majesté;  lesquels  elle  luy  a  communiqués,  et  dont,  pour 
plus  grand  secret,  elle  n'a  voulu  faire  une  mention  plus  particulière  en 
la  présente  instruction. 

M''  le  Prince  aura  le  commandement  général  sur  les  armées  de  Lan- 
guedoc et  de  Guienne,  et  fera  marcher  les  corps  desdictes  où  l'exécu- 
tion des  desseins  de  Sa  Majesté  sera  recogneue  plus  facile. 

Led.  s""  mareschal  fera  telle  diligence  en  toutes  les  choses  susdictes 
qu'aussy  tost  que  les  troupes  pourront  se  mettre  à  la  campagne ,  et  au 

plus  tard  dans  le d'avril,  il  soit  prest  à  joindre  le  corps  des 

troupes  destiné  pour  l'exécution  du  grand  dessein  qu'elle  a  du  costé 
de  Languedoc,  en  cas  qu'il  reçoive  avis  et  ordre  de  mon  dict  s'  le 
Prince  de  le  faire;  sinon,  pour  aller  avec  les  forces  de  I^anguedoc  faire 
l'attaque  qu'il  a  proposée  des  places  de  la  frontière  d'Espagne. 

Que  si  les  ennemis  s'assembloient  sur  la  dicte  frontière,  et  se  met- 
toient  en  estât  d'entrer  dans  le  Languedoc  et  d'y  faire  quelqu' entre- 
prise, le  dict  s'  mareschal  s'opposera  à  leurs  desseins,  en  attendant 
qu'il  puisse  prendre  son  temps  d'exécuter  ceux  de  Sa  Majesté. 

En  cas  que  le  plus  grand  dessein  de  Sa  Majesté  s'exécutte  du  costé 
de  Languedoc,  led.  s''  mareschal  aura  le  principal  commandement  en 
l'armée  de  Languedoc,  sous  l'autorité  de  M' le  Prince,  auquel  Sa  Ma- 
jesté a  ordonné,  pour  la  condition  de  sa  personne,  pour  la  dignité  des 
armées  de  Sa  Majesté  et  le  bien  de  son  service ,  de  ne  se  pas  esloigner 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  293 

du  cœur  de  la  province,  et  de  pourvoir  de  delà  à  toutes  les  choses  né- 
cessaires pour  faire  agir  utilement  les  armées  de  Languedoc  et  de 
Guienne. 

Et  si  mond.  s' le  Prince  faict  tourner  vers  la  Guienne  les  forces  des- 
tinées avec  celles  de  Languedoc  pour  le  dict  dessein,  led.  s"'  mareschal 
agira,  en  son  gouvernement  et  en  la  frontière  d'Espagne  de  ce  costé 
là,  comme  il  jugera  plus  utile  et  avantageux,  recevant  tousjours,  avec 
le  respect  et  la  déférence  convenables ,  les  ordres  de  mond.  a'  le  Prince , 
qui  pourra  demeurer  en  Guienne  ou  en  Languedoc,  selon  qu'il  sera 
plus  à  propos. 

Sa  Majesté  ne  veut  pas  omettre  de  recommander  aud.  s'  mares- 
chal d'establir  de  toutes  parts  le  bon  ordre  nécessaire  aux  étapes  des 
troupes  sur  toutes  leurs  routes,  et  d'empescher,  par  tous  moyens,  le 
débandement  des  soldats  et  la  foule  du  peuple;  faisant  suivre  les  gens 
de  guerre,  non  seulement  par  les  prévosts  des  mareschaux  et  toutes 
leurs  compagnies  d'archers,  mais  aussy  par  la  compagnie  de  ses 
gardes,  avec  ordre  bien  exprès  de  faire  prendre  et  punir  sévèrement 
tous  les  déserteurs  et  libertins,  et  surtout  de  faire  chastier,  selon  la 
plus  grande  rigueur  des  ordonnances  et  déclarations  de  Sa  Majesté , 
les  premiers  fuyards  des  troupes,  et  ceux  qui  commettront  quelques 
notables  excès  ou  violences,  soit  dans  les  quartiers,  soit  en  marchant, 
en  sorte  que  l'exemple  de  leur  punition  empesche  les  autres  de  tonj- 
ber  dans  des  crimes  sy  préjudiciables  au  service  de  Sa  Majesté. 

H  obligera  aussy,  pour  la  mesme  fin,  les  commissaires  des  guerres 
auxquels  les  appointemens  ont  esté  ordonnés  pendant  ce  quartier 
d'hiver  de  suivre  les  troupes  et  de  ne  les  point  quitter  jusques  à  ce 
qu'elles  soient  au  rendez-vous  des  armées,  et  de  les  rendre  tous  res- 
ponsables des  désordres  qui  pourroient  arriver  par  leur  faute  ou  né- 
gligence. 

C'est  ce  que  Sa  Majesté  peut  prescrire  aud.  s'  mareschal,  voulant 
bien  l'asseurer  qu'elle  tiendra  en  très  grande  considération  les  ser- 
vices qu'il  luy  rendra  en  des  emplois  de  sy  grande  importance.  Faict 
à  Saint-Germain  en  Laye,  ce  3""^  mars  i  ôSg. 


294  LETTRES 


CLXXI. 

Arch.  des  AfF.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  112.  —  Original. 
Bibl.  iinp.  Saint-Germain-Harlay,   3/f],  fol.  489.  —  Copie. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

De  Ruel,  ce  17  mars  iGSg. 

Monseigneur, 

J'ay  veu  vos  deux  lettres  des  premier  et  7'°''  de  ce  mois'  et  considéré 
ce  que  vous  me  mandés  sur  le  sujet  du  voyage  du  prince  Thomas  en 
Italie.  Je  ne  doute  point  qu'il  ne  fasse  tout  ce  qu'il  lui  sera  possible 
pour  le  rendre  utile  aux  Espagnols,  et  essayer  de  porter  Madame,  par 
la  crainte,  de  venir  à  ses  fins,  qui  est  de  la  tromper;  mais  je  la  tiens 
trop  habile  pour  se  laisser  surprendre  à  leurs  artifices,  et  vous  trop 
clairvoyant  pour  ne  prévoir  et  ne  prévenir  pas,  par  vostre  prudence, 
l'elTect  de  leurs  mauvais  desseins. 

Aussy  n'appréhenday-je  rien  de  ce  coslé-là  pendant  que  vous  y 
serés,  pourveu  que  Madame  demeure  en  la  bonne  disposition  où  je 
vois,  par  vos  dépesches,  qu'elle  est  maintenant,  et  qu'elle  veuille 
s'asseurer  des  principales  places  de  son  Estât,  particulièrement  de 
Nice,  de  Montméhan,  comme  elle  a  faict  de  Turin;  vous  l'en  presse- 
rés,  s'il  vous  plaist,  pour  son  propre  intérest,  qui  est  ce  qui  me  le 
faict  souhaiter. 

Je  vous  ay  mandé  comme  le  régiment  qui  doit  relever  celuy  d'Ai- 
guebonne  est  parti,  et  ce  qui  a  esté  faict  ensuite  pour  vous  envoyer 
lesrecreues  de  Sault,  de  Chamblay  et  d'Alincourt,  au  temps  que  vous 
les  avés  demandées.  Depuis  j'ay  dépesché  de  Graves  sur  les  lieux, 
avec  100,000  livres,  pour  haster  leur  passage  et  pour  presser  toutes 
les  autres  recreues  qui  sont  en  Dauphiné  et  Languedoc  de  marcher 
afin  que  vous  les  ayés  au  plus  tost.  M"  de  Schomberg^,  qui  s'en  est 

'  Elles  sont  conservées  dans  le  manuscrit  des  AIT.  étr.  f"  90  et  102. —  '  Voy.  la 
pièce  précédente. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  295 

retourné ,  m'a  promis  d'avoir  un  soin  particulier  de  faire  partir  celles 
qui  sont  dans  son  gouvernement,  et  de  faire  payer  les  officiers  qui 
n'auront  pas  touché  leur  argent.  Ainsy  j'espère  que  tout  ira  comme 
vous  le  souhaittés. 

Je  presse  autant  que  je  puis  i'envoy  des  35o,ooo  francs  qui 
restent  du  fonds  de  la  subsistance  de  vos  troupes.  On  en  a  desjà  faict 
partir  1 00,000  francs,  et  on  me  promet  que  le  reste  les  suivra  de 
près,  à  quoy  je  tiendray  soigneusement  la  main. 

On  a  enfin  expédié  M"'  Baronis,  qui  s'en  va  sy  satisfaict  que  je  ne 
vcoy  pas  qu'il  y  ait  rien  à  douter  pour  le  payement  de  l'armée  d'Italie. 

M"^  de  Turenne  est  tousjours  sy  travaillé  de  sa  fièvre  qui  luy  a  re- 
doublé, que  j'appréhende  qu'il  ne  puisse  estre  si  tost  près  de  vous 
qu'il  seroit  à  souhaitter  et  quil  le  désire  luy-mesme. 

M'  de  Noyers  m'a  asseuré  avoir  envoyé  ordre  aux  sieurs  Colbert  et 
L'Hermite  de  fournir  pour  les  fortiffications  de  Casai,  Pontdesture  et 
Rossignan,  outre  ce  qui  a  desjà  esté  deslivré,  la  somme  de  3o,ooo  *♦ 
en  attendant  qu'on  pourvoie  à  un  nouveau  fonds  pour  ces  travaux. 
Cela  estant.  Monseigneur,  je  vous  suplie  de  les  haster  autant  que 
vous  pourrés ,  le  temps  nous  pressant  extraordinairement  de  ce  costé-là. 

Je  suis  extresmement  fasché  de  la  maladie  de  M'  le  grand  chance- 
lier'; s'il  meurt,  il  n'y  a  autre  chose  à  faire,  en  attendant  que  vous 
ayés  les  ordres  du  roy,  qu'à  cmpescher,  ainsy  que  vous  me  le  man- 
dés, qu'aucun  de  ceux  que  Madame  de  Mantoue  pourroit  envoyer  à 
Casai  pour  estre  grand  chancelier,  ou  chef  des  armes  dans  le  Mont- 
ferrat,  n'y  soient  receus  pour  les  raisons  contenues  dans  vos  lettres. 
M"^  de  Chavigny  m'a  asseuré  que  les  expéditions  des  domaines  que  le 
roy  a  accordez  tant  audicl  s'  chancelier,  comte  Mercurin,  Prat,  major 
de  Casai,  que  Solrin,  sont  envoyées,  et  qu'ils  n'ont  plus  qu'à  en  faire 
prendre  possession,  en  vertu  d'icelles. 

Si  l'entreprise  dont  vous  m'avés  escritpouvoit  réussir,  ce  seroit  une 

'  Guiscardi.  Il  succomba  à  celte  raala-  annonçait  la  mort  du  grand  chancelier  de 
die;  M.  de  La  Tour,  écrivant  de  Casai  an  Mantoue.  Il  était  dévoué  à  la  France.  (Ms. 
cardinal  de  La  Valette,  le  29  mars,  lui         cilé  aux  sources,  T  I/I2. 


296  LETTRES 

bonne  afFaire;  mais,  à  vous  en  parler  franchement,  je  n'y  veoy  pas 
grande  apparence,  la  chose  estant  si  peu  secrète  comme  vous  me 
mandés  qu'elle  est. 

Je  ne  doute  pas  que  M"'  le  prince  Thomas  ne  fasse  proposer,  aussy- 
tost  qu'il  sera  en  Italie,  une  suspension  particulière  à  Madame  pour 
le  Piedmont;  mais,  comme  elle  cognoist  sa  mauvaise  volonté  en  son 
endroit  je  m'asseure  qu'elle  se  donnera  bien  garde  d'y  entendre,  ny 
de  rien  faire  avec  luy,  ny  avec  M'  le  cardinal  de  Savoie,  sans  la  par- 
ticipation et  le  consentement  du  roy  ',  qui  affectionne  trop  la  personne 
et  les  intérests  de  Madame  pour  consentir  jamais  à  aucime  chose  qui 
luy  apporte  du  préjudice,  comme  feroit  une  suspension  particulière 
({ui  seroit  sa  perte  totale.  S.  M.  entendra  volontiers  à  une  trefve  et 
suspension  générale  pour  longues  années,  dans  laquelle  tous  ses  al- 
liez soient  compris,  comme  le  seul  et  unique  moyen  de  parvenir  à 
une  bonne  paix,  qui  est  la  chose  du  monde  qu'elle  et  ses  serviteurs 
souhaittent  davantage. 

Je  suis  très  aise  que  Mad.  et  M'  le  Duc  son  fils  soient  en  bonne 
santé.  S'il  arrivoit  faute  de  la  personne  de  Madame^,  il  n'y  auroit  autre 
chose  à  faire  que  ce  que  vous  me  mandés,  sçavoir  :  de  se  saisir  de 


'  Le  cardinal  se  fiait  peu  aux  résolu- 
tions que  pourrait  prendre  la  duchesse; 
aussi,  le  même  jour  qu'il  écrivait  celle 
lettre,  il  faisait  écrire  par  le  roi  au  cardi- 
nal de  La  Valelte  l'ordre  de  faire  prendre 
le  prince  Thomas,  s'il  mettait  le  pied  dans 
les  Étals  de  la  duchesse  de  Savoie,  et  de 
l'envoyer  à  Pignerol.  La  lettre  signée  du 
roielconlre-signée  Bouthillier  (Chavigni), 
est  conservée  en  original  dans  le  ms.  des 
Aff.  étr.  cité  aux  sources,  f°  1 1^-  Louis  XIII 
écrivait  en  même  temps  à  sa  sœur  la  mis- 
sive qu'on  va  lire.  La  princesse  elle-même 
avait  provoqué  celle  mesure;  une  lettre 
du  cardinal  de  La  Valette  à  Chavigni ,  du 
2  mars,  disait  :  «  Le  comte  Philippe  m'esl 
venu  dire  que  Madame  désiroit  une  lettre 


du  roy  déclarant  que  S.  M.  ne  voudrait 
pas  qu'elle  receust  le  prince  Thomas  dans 
ses  Estais,  attendu  qu'il  est  ennemi  de  la 
France,  n  (Même  ms.  f°  gS.)  Mais  les  vo- 
lontés de  Madame  étaient  fort  sujettes  au 
changement,  et  le  cardinal  n'était  pas  bien 
sur  qu'elle  voulût  encore  au  moment  de 
l'exécution  ce  qu'elle  avait  elle-même  de- 
mandé. 

"  Les  mots  t  personne  de  Madame,» 
et  «  se  saisir  de  la  personne  du  duc  et  de 
Turin ,  »  sont  chiffrés  dans  l'original  et 
dans  la  copie.  Nous  avons  déjà  dit  que 
nous  avons  pu  reconstruire  le  chiffre  du 
cardinal  de  La  Valette  avec  Richelieu  pen- 
dant cette  campagne  d'Italie,  à  l'aide  de 
plusieurs  autres  dépêches. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  297 

la  personne  d»  duc  et  de  Turin;  mais  il  n'y  faudroit  pas  manquer,  si 
la  chose  est  possible.  Vous  vous  en  souviendrés,  s'il  vous  plaist,  en 
temps  et  lieu. 

Quelque  dessein  que  vous  ayés,  en  nous  en  donnant  avis,  nous 
contribuerons,  de  nostre  costé,  tout  ce  qui  deppendra  de  nous  pour 
vous  donner  moyen  d'en  venir  à  bout,  soit  en  vous  faisant  secourir 
de  vivres,  soit  en  vous  faisant  fournir  des  munitions  et  du  canon,  si 
c'est  chose  qui  se  puisse  par  le  moyen  de  l'armée  navale. 

La  cognoissance  qu'a  Madame  que  le  pape  apréhende  que,  si 
mons'  de  Savoye  venoit  à  mourir,  sa  succession  tombast  à  ses  filles,  la 
doit  porter  à  penser  sérieusement  à  s'asseurer  sy  bien  du  Piedmont 
qu'en  un  seul  cas  lesdictes  princesses  ne  fussent  pas  privées  de  ce  qui 
leur  appartient.  Le  vray  moyen  d'esviter  cet  inconvénient  est  de  s'as- 
seurer des  places  principales  de  ses  Estats ,  et  entr'autres  de  Nice  et 
de  Montmélian,  ce  que  je  vous  répète  encores,  comme  chose  très-im- 
portante. 

M"  de  Noyers  et  de  Chavigny  vous  escrivent  amplement  sur  tout 
le  reste  des  affaires,  ce  qui  me  faict  finir  cette  lettre  en  vous  asseurant 
que  je  suis  et  seray  tousjours  sans  changement. 

Monseigneur, 

Vostre  très  hamble  et  très  aOectionné  serviteur. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


CLXXII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  I.  38,  fol.   ii5.  —  Original.  —  .Au  (°  1  17,  minute, 
liibl.  imp.  fonds  Béthune,  93^7,  fol.  39.  —  Copie. 

LE  ROY  A  MADAME  LA   DUCHESSE  DE  SAVOYE. 

17  mars  lôSg. 

Ma  sœur,  Il  n'y  a  personne  qui  ne  cognoisse  que  la  permission 
que  les  Espagnolz  ont  donnée  au  prince  Thomas  d'aller  en  Italie  n'est 
à  autre  intention  ou,  que  de  vous  embarquer  dans  une  négociation 

CtBDIV.  DE  I1ICIIET.IEU.  —  VI.  '  38 


298  LETTRES 

particulière,  ainsy  qu'a  tenté  de  faire  plusieurs  fois  le  cardinal  de  Sa- 
voye,  ou  de  se  servir  de  sa  personne,  et  des  int'elligences  qu'il  peut 
avoir  dans  vos  Estais  pour  vous  faire  tout  le  mal  qui  leur  sera  possible. 
Encore  que  je  sois  asseuré  que  vous  n'ignorés  pas  leur  pensée,  et  les 
desseins  qu'ils  ont  contre  vous  et  contre  mon  neveu  le  duc  de  Savoye , 
vostre  fds,  et  que  la  prudence  vous  oblige  à  apporter  toutes  les  pré- 
cautions et  tous  les  remèdes  qui  sont  nécessaires  pour  les  prévenir, 
la  tendresse  néanmoins  que  j'ay  pour  vous,  et  la  part  que  je  prends 
à  tous  vos  intérests  me  porte  à  vous  dire  que,  sur  toutes  choses,  vous 
devés  rejeter  les  propositions  qui  vous  pourroient  estre  faictes  de  la 
part  du  prince  Thomas,  pour  trouver  bon  qu'il  vienne  en  Piedmont, 
quelque  prétexte  et  quelque  raison  qu'il  puisse  alléguer,  et  celles 
mesme  qui  tendront  à  introduire  quelques  négociations  particu- 
lières," ayant  desjà  éprouvé  combien  les  suittes  en  estoient  dange- 
reuses. 

Je  ne  vous  puis  celer  que  non  seulement  la  considération  de  vostre 
bien  m'oblige  à  vous  donner  ce  conseil,  mais  que  si  ledict  prince 
Thomas,  attaché  comme  il  est  aux  Espagnolz,  estoit  dans  vos  Estats 
avec  vostre  consentement,  je  n'aurois  plus  la  confiance  que  j'ay  en 
vous,  et  vous  ne  recevrics  plus  par  conséquent  les  mesmes  tesmoi- 
gnages  de  mon  affection  que  vous  avés  faict  par  le  passé.  Je  ne  doute 
point  que,  cognoissant  combien  elle  a  tousjours  esté  véritable  et  sin- 
cère en  vostre  endroit,  vous  ne  défériés  à  mes  avis,  puisqu'ils  n'ont 
pour  principal  but  que  vostre  avantage  et  vostre  seureté  :  c'est  ce  que 
mon  cousin  de  La  Valette  vous  représentera  encore  plus  particuliè- 
rement, vous  priant  d'ajouster  encore  créance  à  ce  qu'il  vous  dira  de 
ma  part  sur  ce  sujet,  et  de  croire  que  je  suis  du  meilleur  de  mon 
cœur... 

Escrit  à  S'-Germain  en  Laye,  ce  17  mars  1689. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  299 


CLXXIII. 
Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  a63  v°,  —  Copie. 

INSTRUCTION  A  M.  LE  PRINCE, 

GOOVEBHEDR,   LlEDTENAtlT  GÉNEKiL  PODK  LE  ROT  ES  BODKGOGRE,  BRESSE  ET  BEBBI, 
S'EN  /ILLiUT  EN  GUTEKNE  ET  LANGUEDOC. 

Le  roy  ayant  recogneu  qu'il  est  très  important  au  bien  de  ses  affaires 
que  les  armées  soient  commandées  par  des  personnes  dont  la  dignité 
et  l'autorité  puissent  contribuer  à  mettre  toutes  choses  en  bon  estât, 
et  à  les  maintenir,  et  obliger  chacun  à  faire  son  devoir,  elle  a  choisi 
mond.  s"  le  Prince  pour  luy  donner  le  commandement  de  celles  qui 
seront  emploiées,  durant  la  présente  année,  tant  dans  la  Guyenne, 
Béarn,  Navarre  et  pays  de  Foix,  qu'en  Languedoc;  et  a  voulu  luy 
donner  le  présent  mémoire  pour  l'informer  de  ses  intentions. 

Sa  Majesté  désire  que  mon  d.  s' le  Prince  s'en  aille  présentement 
en  Guyenne,  pour  s'asseurer  de  Testât  auquel  seront  tous  les  prépa- 
ratifs nécessaires  pour  faire  agir  la  dicte  armée. 

Il  verra  premièrement  quelle  diligence  le  s'  d'Espenan,  mareschal 
de  camp,  aura  apportée  pour  faire  mettre  les  troupes  en  estât  de 
servir. 

Si  les  régimens  d'infanterie  et  les  compagnies  de  cavalerie  auront 
le  nombre  auquel  mon  d.  s'  le  Prince  a  faict  obliger  les  chefs  et 
officiers  par  les  traictés  qu'ils  en  ont  passé  avec  luy;  et,  en  cas  qu'ils 
n'ayent  satisfaict  aux  conditions  d'iceux ,  les  y  fera  contraindre  ;  mesmes 
s'il  y  a  quelque  manquement  notable  en  leurs  troupes,  il  les  fera 
arrester  sur  le  champ  et  punir  exemplairement,  faisant  ce  pendan 
rendre  leurs  troupes  complettes,  en  toute  dilligence  ,  à  leurs  despens. 
à  quelque  prix  que  ce  puisse  estre. 

Il  appellera  vers  luy  au  mesme  temps  le  s'  évesque  d'Aire  et  h 
s' de  Prouville  pour  savoir  ce  qu'ils  auront  faict  pour  l'amas  des  vivre 

38. 


300  LETTRES 

et  munitions  de  bouche,  en  quel  lieu  ils  auront  establi  les  magasins, 
et  la  quantité  de  grains  qu'ils  y  auront  faict  mettre ,  se  faisant  repré- 
senter les  récépissez  des  gardes  qui  en  seront  chargés,  pour  justifier 
s'il  y  en  a  suffisamment  pour  la  nourriture  des  troupes  des  armées 
de  Guyenne  et  de  Languedoc  pendant  six  mois. 

Il  mandera  vers  luy  les  commis  du  s"  Roze,  munitionnaire  général 
des  armées  de  Sa  Majesté,  et  leur  ordonnera  de  luy  faire  voir,  à 
certain  lieu  et  jour,  les  chevaux,  charrettes,  caissons,  et  sacs  dont  il 
est  obligé  par  son  traicté  de  faii'e  provision  pour  servir  es  dictes  ar- 
mées, et,  en  cette  reveue,  il  fera  casser  les  chevaux  qui  ne  seront 
propres  à  servir,  et  remplacer  ce  qui  pourroit  manquer. 

Comme  le  s"^  de  La  Melleraye ,  grand  maislre  de  l'artillerie  de  France, 
ne  pourra  pas  aller  es -dictes  armées.  Sa  Majesté  remet  au  d.  s' prince 
choisir  tels  officiers  que  bon  luy  semblera  pour  y  servir  en  l'artille- 
rie, lesquels  y  seront  envoyés  par  le  d.  s'  grand  maistre  sans  diffi- 
culté, et  afin  que  mon  d.  s"^  le  prince  puisse  estre  asseuré  de  Tes- 
tât auquel  seront  toutes  les  choses  qui  concernent  l'artillerie  et  les 
munitions  de  guerre,  il  se  fera  représenter,  lorsqu'il  sera  arrivé  en 
Guyenne,  et  toutes  fois  qu'il  le  jugera  à  propos,  ou  à  tel  des  siens 
qu'il  voudra  commettre,  les  chevaux,  charrois,  canons,  bouletz, 
poudres,  la  mesche,  le  plomb  et  toutes  les  munitions  destinées  pour 
les  dictes  armées,  suivant  Testât  qui  en  a  esté  arresté  avec  luy;  Sa 
Majesté  se  reposant  entièrement  sur  ses  soins  de  la  conservation  des 
dicts  chevaux  et  munitions,  et  s'asseurant  qu'il  les  fera  mesnager  en 
sorte  que  les  dicts  chevaux  ne  dépériront  aucunement,  et  qu'il  ne  sera 
fait  aucune  dissipation  ny  consommation  inutile  des  dictes  munitions. 

Mon  d.  s"^  le  Prince  sçaura  du  d.  s""  évesque  d'Aire  quel  nombre 
de  pionniers  il  aura  levez,  en  quel  jour  et  à  quel  lieu  il  aura  donné 
rendez-vous,  quel  ordre  il  aura  establi  pour  leur  subsistance,  s'il 
aura  faict  enroUer  la  milice  de  Guyenne  et  de  Languedoc,  quel 
nombre  Ton  s'en  peut  promettre  en  cas  de  besoin,  et  s'il  aura  faict 
préparer  Tarrière  ban  des  dictes  provinces,  et  marcher  au  premier 
ordre  qui  luy  sera  donné,  el  de  quel  nombre  de  noblesse  ou  se  peut 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  301 

asseurer,  suivant  la  commission  que  mon  d.  s''  le  Prince  sçayt  luy 
avoir  esté  donnée  sous  ses  ordres. 

Il  s'informera  du  d.  s""  évesque  d'Aire  s'il  aura  faict  préparer  les 
pionniers,  les  ponts,  pieux  ferrés  et  non  ferrés  qui  doivent  estre  demi 
bruslés  par  la  pointe  entrant  en  terre,  les  chandeliers  et  autres  ma- 
chines pour  servir  à  l'exécution  des  entreprises  où  la  dicte  armée 
sera  employée,  suivant  les  ordres  qu'ils  en  ont  receus. 

Si  l'amas  des  batteaux,  barques,  bares,  plates,  pontons,  chaloup- 
pes  et  autres  vaisseaux  qui  doivent  servir  à  faire  des  ponts  et  à  porter 
des  gens  de  guerre ,  aura  esté  faict  selon  les  mémoires  qui  en  ont  esté 
donnez  au  d.  s""  évesque  partant  de  la  cour. 

Après  que  mon  d.  s'  le  Prince  aura  par  ses  soins  mis  toutes 
choses  en  estât  d'assembler  l'armée  [il  donnera]  rendez-vous  gé- 
néral vers  Lombez,  près  Tolouze,  aux  troupes  qui  doivent  faire  le 
corps  de  l'armée,  laissant  sur  la  frontière  de  Guyenne  cinq  régimens 
d'infanterie,  et  de  la  cavalerie  à  proportion,  sous  la  charge  des  s"^ 
comte  de  Gramont  et  marquis  de  Sourdis,  lieutenans  généraux  sous 
luy  en  ladicte  armée,  et  du  s'  d'Espenan,  mareschal  de  camp;  et 
envoyant  sur  la  frontière  de  Languedoc  pareil  nombre  d'infanterie  et 
de  cavalerie  sous  le  commandement  des  s"  mareschal  de  Schom- 
berg,  lieutenant  généraf  en  l'armée  de  Languedoc  sous  mon  d.  s' le 
Prince,  et  du  sieur  vicomte  d'Arpajon ',  lieutenant  en  la  dicte  armée 
[tant]  sous  mon  d.  s'  le  Prince  que  sous  le  d.  mareschal,  et  des 
s"  de  Lecques  et  d'Argencourt,  mareschaux  de  camp;  auquel  lieu 
de  Lombez  mon  d.  s'  le  Prince  sera,  pour  faire  marcher  le  corps 
de  la  dicte  armée  en  celle  des  deux  frontières  du  Languedoc  ou  de 
Guyenne  où  il  sera  jugé  plus  à  propos  de  faire  la  principalle  attaque; 
les  troupes  qui  demeureront  en  l'autre  frontière  s'occupans  ce  pen- 
dant à  faire  une  notable  diversion. 

Sa  Majesté  ayant  donné  sa  lieutenance  générale  en  son  armée  na- 

'  Le  vicomte d'Arpajon  fui  désign&()our  fut  donnée  le  26  mars  répète  quelques 
servir  comme  intendant  général  dans  l'ar-  dispositions  réglées  ici.  On  la  trouvera 
niée  de  M.  le  Prince;  l'instruction  qui  lui        notée  aux  analyses. 


302  LETTRES 

valle,  en  l'absence  de  M'  le  cardinal  duc  de  Richelieu,  au  s"^  arche- 
vesque  de  Bordeaux  ',  elle  entend  que ,  lorsque  son  employ  de  la  mer 
luy  permettra  de  mettre  pied  à  terre,  il  commande,  sous  l'auctorité 
de  mon  d.  s'  le  Prince,  en  l'armée  de  Guyenne,  en  qualité  de  lieu- 
tenant général,  tout  ainsy  que  le  d. . .  s*"  mareschal  de  Schomberg  en 
celle  du  Languedoc,  et  que  les  s"  comte  de  Gramont  et  marquis  de 
Sourdis  soient  lieutenans  généraux,  et  les  s"  d'Espenan  et  de  Net- 
tancourt  comme  mareschaux  de  camp. 

Et,  parce  qu'il  a  esté  remarqué  que  le  roy  d'Espagne  n'employé 
pas  au  commandement  de  ses  armées  des  personnes  qui  correspon- 
dent à  la  qualité  de  M"^  le  Prince,  Sa  Majesté  n'entend  pas  qu'il  sorte 
des  dictes  provinces  du  Languedoc  et  de  Guyenne;  et  mesme,  de 
crainte  que,  tandis  que  mon  d.  s''  le  Prince  voudroit  par  sa  pru- 
dence avancer  d'un  costé  les  affaires  de  Sa  Majesté,  les  ennemis  n'en- 
trassent de  l'autre,  se  prévalant  de  son  absence,  elle  désire  qu'il 
demeure  tousjours  dans  le  cœur  des  dictes  provinces ,  dans  un  poste 
où  il  puisse  commodément  donner  ordre  tant  à  la  subsistance  des 
armées,  à  la  marche  des  milices  et  de  la  noblesse,  et  à  l'envoy  de 
toutes  les  choses,  en  sorte  qu'elles  ne  manquent  de  rien,  qu'à  ga- 
rantir les  peuples  de  la  foxdle  qu'ils  souffrent  ordinairement  par  les 
passages  et  par  le  séjour  des  gens  de  guerre,  et  empescher  le  desban- 
dement  des  officiers  et  soldats  des  troupes  par  toutes  les  voyes  qu'il 
estimera  à  propos;  si  ce  n'est  que  le  d.  s'  Prince  jugeast  sa  présence 
absolument  nécessaire  pour  faire  réussir  les  desseins  du  roy,  au  quel 
cas  Sa  Majesté  trouve  bon  qu'il  entre  dans  le  païs  ennemy,  et  qu'il  y 
fasse  tout  ce  qu'il  estimera  à  propos  pour  y  avoir  un  bon  succez;  Sa 
Majesté  déclarant  qu'elle  ne  tiendra  pas  en  moindre  considération 
les  services  qu'il  luy  rendra  es  dictes  provinces,  pour  le  bien  des 
dictes  armées,  que  s'il  y  estoit  en  personne. 

Faict  à  S*-Germain  en  Laye,  le  22*  jour  de  mars  iGSg. 

'  Une  lettre  écrite  à  l'archevêque  de  Bordeaux,  du  a6  mars ,  est  notée  aux  analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  303 


CLXXIV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  t.   28,  fol.    iSy.  —  Original. 
Bibl.  imp.  S'-Germain-Harl.  347,  '"'•  ^gov'.  — Copie. 

A   M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

Rue),  26  mars  1639. 

Monseigneur, 

Depuis  la  dernière  lettre  que  je  vous  ay  escrite  j'en  ay  receu  deux 
de  vostre  part,  du  ig"*^  de  ce  mois,  par  l'une  desquelles  vous  nie 
mandés  comme  les  ennemis  se  sont  rassemblés  à  Alexandrie,  et  vous 
auprès  de  Montcalve  pour  observer  leur  contenance.  Il  ne  se  peut 
rien  adjouster  au  soin  et  à  la  diligence  avec  laquelle  vous  agisses  pour 
le  service  duroy  aux  lieux  où  vous  estes,  ny  désirer  aucune  chose  au 
gré  que  l'on  vous  en  sçait.  Elle  se  promet  non  seulement  que  vous 
empescberés  les  Espagnols  d'entreprendre  aucune  attaque  sur  le 
Piedmont,  ny  sur  le  Montferrat,  ayant  les  troupes  que  vous  avés  main- 
tenant ensemble;  mais  aussy  que  vous  prendrés  revanche  du  mal 
qu'ils  nous  firent  l'année  passée.  Lorsque  toutes  vos  recreues  vous 
auront  joinct,  ce  dont  on  sollicite  les  officiers  autant  qu'il  est  pos- 
sible. 

Le  cardinal  répèle  ici  ce  qu'il  a  déjà  écrit  au  sujet  de  l'envoi  des  hommes  et 
de  l'argent.  Il  ajoute,  en  marge,  que,  si  l'argent  n'arrivait  pas  à  temps,  M.  Baronis 
ne  ferait  pas  diSicullé  de  l'avancer. 

J'ay  escrità  Madame  par  les  s"  de  Pesieu  et  Baronis,  qui  s'en  sont 
retournés  extresmement  satisfaicts  sur  toutes  choses,  touchant  la  ré- 
solution qu'elle  vous  a  tesmoigné  avoir  prise  de  ne  se  point  séparer 
des  intérests  du  roy,  et  de  suivre  les  conseils  que  S.  M.  luy  donnera 
pour  son  propre  bien;  je  m'asseure  qu'elle  sera  contente  de  ma  lettre'. 

'  Je  ne  lai  pas  trouvée 


304  LETTRES 

Puisque  vous  n'avés  pas  assez  de  mareschaux  de  camp  près  de 
vous,  le  roy  trouve  bon  que  M'  de  Malissy  en  serve,  en  attendant  que 
M"  de  Castelan  ou  de  Turenne  soient  arrivés,  ainsy  que  vous  le  pro- 
posés. 

S.  M.  trouve  bon  aussy  que  vous  accordiés  en  son  nom  jusques  à 
6,000  livres  de  pension  aux  principaux  gentilshommes  de  la  ville  de 
Casai,  ainsy  que  vous  l'escrivés,  dont  on  vous  enverra  les  brevets 
aussytost  que  nous  saurons  les  noms,  et  ce  que  vous  aurés  promis  à 
chacun;  ce  dont  elle  se  remet  à  vostrë  jugement,  comme  aussy  de 
faire  aux  lieux  où  vous  êtes  ce  que  vous  estimerés  plus  avantageux 
au  bien  de  ses  affaires,  ayant  une  entière  confiance  en  vostre  affec- 
tion. Asseurés-vous,  s'il  vous  plaist,  de  la  mienne,  pour  tousjours,  et 
que  je  suis, 

Monseigneur, 

Vostre  très-humble  et  très  affectionna  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CLXXV. 

Bibl.  imp.  Béthune,  9327,  fol.  180.  —  Original.  —  9279,  fol.  60.  —  Copie. 

Cinq-cents  Coibert,  n°  46,  foi.  871.  —  Copie. 

Saiiil-Germain-Harlay,  346,  l.  3,  fol.  694.  —  Copie'. 

AU  DUC  DE  VEYMAR. 

26  mars  i63(). 

Monsieur, 

Je  ne  saurois  vous  tesmoigner  le  de.splaisir  que  m'a  apporté  le  mal 
de  Vostre  Altesse,  que  je  n'ay  appris  que  par  hasard  de  ceux  qui  vien- 
nent des  lieux  les  moins  csloignés  de  celuy  auquel  elle  est.  J'espère 
que  Dieu  luy  aura  maintenant  rendu  la  santé;  au  moins  l'en  priai-je 
de  tout  mon  cœur,  vous  asseurant  que  je  prends  autant  de  part  à  ce 
qui  vous  louche  que  vous-mesme.  Vostre  maladie  est  un  reste  des 

'  Ce  ms.  tnel  en  note  :  «  Copie  faite  sur  la  minute  originale  de  la  ipain  du  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  305 

grands  travaux- de  la  campagne  passée,  dont  le  repos  que  vous  avés 
pris  est  le  vray  remède.  Bien  que  je  n'expérimente  pas  ce  que  pro- 
duisent les  grands  travaux  de  corps,  conjoincts  à  ceux  de  l'esprit, 
comme  sont  ceux  que  vous  avés  eus  en  vme  expédition  pareille  à  celle 
de  Brissac,  je  sçay  le  mal  que  le  faix  des  affaires  apporte  à  ceux  qui 
en  sont  accablés.  Quelque  grandes  que  soient  celles  dont  il  plaist  au 
roy  que  j'aye  soin,  je  les  estimeray  très  heureuses  si  elles  me  don- 
nent lieu  de  vous  servir  comme  je  le  désire.  La  franchise  que  j'ay 
tousjours  professée  avec  vous  m'oblige  à  vous  dire  ,  sur  ce  sujet,  que 
le  style  de  la  dernière  lettre  que  j'ay  receue  de  vostre  part  est  si  diffé- 
rent de  ccluy  des  précédentes  que  je  ne  sçay  à  quoy  en  attribuer  les 
changemens.  Les  premières  se  louent  extresmement  de  la  façon  avec 
laquelle  vous  avés  été  secouru  et  assisté  ,  et  la  dernière  semble  chan- 
ger de  langage  et  faire  des  plaintes  de  ce  dont  Vostre  Altesse  s'estoit 
louée  auparavant.  Je  la  puis  asseurer  qu'ai nsy  que  toute  la  chrestienté 
a  veu  les  assistances  extraordinaires  que  le  roy  luy  a  données  dans 
cette  dernière  occasion,  ainsy  cognoistrés-vous,  en  toutes  occurrences, 
par  bons  effecls,  que  l'intérieur  de  Sa  Majesté  et  de  ses  serviteurs 
est  tel  pour  vous  que  vous  le  pouvés  souhaitter  vous-mesme.  Je  vous 
supplie  de  le  croire,  et  qu'en  mon  particulier  je  seray  très  aise  de 
vous  tesmoigner  que  je  suis  véritablement  et  cordialement, 

Monsieur, 

Vostre  très  liumble  et  trë«  affectioDoë  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Ruel,  ce  26  mars  1689. 


CARDIN.  DB-BICBELIED.  —  VI.  3g 


1 
306  LETTRES 


CLXXVI. 

Bib],  iinp.  fonds  Dupuy,  t.  767,  cahier  Vv.  '   —  Copie. 
Saint-Germain-Hariay,  347.  '*''•  ^9^-  —  Copie'. 

MÉMOIRE  DONNÉ  A  M.  DE  CHAVIGNY, 

TOUCHANT  L'AFFAIRE  DE  GENNES. 

Du  2g  mars  i63q. 

Le  roy  ayant  veu  que  les  advertissemens  et  inesme  les  prières 
dont  il  a  usé  jusques  à  présent,  pour  tirer  raison  des  injures  qu'il  a 
receues  depuis  quelque  temps  de  la  république  de  Gènes,  ont  esté 
du  tout  inutiles.  Sa  Majesté  a  creu  qu'il  ne  luy  restoit  autre  moien 
pour  parvenir  à  une  fin  sy  juste  et  sy  raisonnal)le,  que  de  faire  décla- 
rer à  l'amb'  qu'elle  prend  l'action  conimise  en  la  personne  du  cap"* 
Hérisse  pour  rupture,  si  on  ne  luy  en  faicl  prompte  raison,  par  la 
délivrance  du  d.  cap'"  Térisse,  de  ses  compagnons  et  de  son  vais- 
seau ,  et  par  le  chastinient  de  ceux  qui  commandoient  les  deux  galères 
de  la  seigneurie  qui  l'ont  pris. 

Et,  parce  que  le  procédé  de  la  dicte  république  a  tout  à  faict  violé 
le  respect  qu'ils  doivent  à  celte  couronne.  Sa  Majesté  est  bien  faschée 
de  ne  pouvoir  s'empescher  de  faire  sçavoir  ensuite  au  d.  ambassa- 
deur qu'elle  croit  en  son  particulier  avoir  de  bonnes  intentions,  qu  elle 
désire  qu'il  demeure  en  son  logis  luy  et  les  siens  jusques  à  ce  que  sa 
dicte  Majesté  ayt  receu  la  satisfaction  qu'elle  doit  attendre. 

Cependant,  pour  tesmoigner  comme  Sa  Majesté  veut  user  de  bonté 
en  cette  occasion ,  et  plus  tost  donner  lieu  à  la  république  de  reco- 
gnoistre  sa  faute  que  de  prendre  celuy  de  s'en  venger,  elle  délaisse 
au  choix  du  d.  ambassadeur  de  faire  cognoistre  au  public,  ou  tenir 
caché,  le  désir  que  le  roy  a  qu'il  demeure  dans  sa  maison  jusques  à 
ce  qu'il  ait  eu  response  de  la  république.  Sa  Majesté  estant  très  con- 
tente de  dissimuler  son  ressentiment  jusques  en  ce  temps,  auquel,  si 

'   Voy.  ci-dessus,  p.  56,  noie  2.  —  '  En  marge,  le  copiste  a  écrit  :  «Minute  ori- 
ginale de  la  main  de  Cherré.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  307 

elle  reçoit  contentement  de  la  république,  il  ne  sera  point  parlé  de 
la  prière  qu'elle  luy  faict  de  garder  le  logis,  et  elle  vivra  avec  elle 
comme  elle  a  faict  par  le  passé  :  sinon  elle  sera  bien  aise  que  tout  le 
monde  sache  que  sa  conduite  irrespectueuse  en  son  endroit  l'a  con- 
trainte d'agir  comme  elle  faict  avec  son  ambassadeur.  ^ 


Si  la  santé  de  M'  de  Ghavigny  ne  luy  permet  pas  de  voir  l'ambas- 
sadeur de  Gènes,  il  y  envoiera  M'  de  la  Barde,  pour  luy  faire  cette 
signification,  avec  toutes  les  civilités  qu'il  luy  sera  possible,  avec  ins- 
tance à  faire  donner  satisfaction  à  Sa  Majesté. 

Je  ne  voy  pas  mesme  qu'il  y  ayt  difficulté  à  laisser  une  copie  de 
ce  papier  jusques  à  la  marque  ^  au  d.  ambassadeur. 

Il  faut  adviser  si  l'ambassadeur  veut  que  ce  qui  se  passe  soit  dissi- 
mulé jusques  à  ce  qu'il  ayt  peu  sçavoir  si  la  république  veut  donner 
satisfaction  au  roy  ;  il  en  demeurera  d'accord  avec  celuy  qui  luy  par- 
lera, affin  que,  sur  ce  fondement,  on  agisse  conformément  de  deçà, 
ne  donnant  point  à  cognoistre  la  résolution  du  roy. 


CLXXVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Hollande,  t.  2 1 ,  pièce  6a.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré,  corrigée  par  le  cardinal. 

Bibl.  imp.  Cinqcents  Colbert,  t.  46,  fol.  iSy. — Copie'. 

Saint-Germain-Hariay,  346,  t.  2,  p.  aaS.  —  Copie. 

A  M.  LE  PRINCE  D'ORANGE. 

3o  mars  i63g. 

Monsieur, 

La  maladie  du  s'  d'Estrades  l'empeschant  de  pouvoir  retourner  sy 
tost  vers  V.  Alt.  on  luy  dépesche  ce  courrier  exprès  pour  luy  porter 
le  traiclé  qui  a  esté  passé  avec  M""  Daustervic,  ambassadeur  de  M"  Les 

'  Leii  deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque         uhe  minute  ou  brouillard  de  la  main  de 
mettent  celte  annotation  :  «  Copie  faite  sur        Cherré,  corrigée  par  le  cardinal.  > 

39. 


3©8  LETTRES 

Estais,  et  Tarticle  secret  signé,  enfermé'  dans  un  pacquet  qui  luy 
sera  remis  entre  les  mains.  Vous  verres  par  là  la  confiance  que  le  roy 
prend  en  vostre  personne,  n'ayant  point  désigné  les  lieux  qui  doivent 
estre  attaquez,  sur  ce  que  le  d.  s''  d'Estrades  luy  a  faict  cognoistre  que 
V.  A.  se  sentiroit  obligée  si  on  remettoit  cet  article  à  sa  discrétion. 
T  Je  la  puis  asseurer  que  nous  ne  manquerons  pas  d'estre  en  cam- 

pagne précisément  au  jour  porté  par  le  dict  article  secret.  Je  vous  con- 
jure de  faire  le  mesme,  afin  que  les  ennemis  soient  contraincts  de 
se  partager,  ce  qui  rendra  nos  desseins  de  part  et  d'autre  plus  faciles. 

Je  ne  parle  point  des  propositions  particulières  que  le  s''  d'Estrades 
m'a  faictes  de  vostre  part  pour  l'année  qui  vient,  parce  qu'il  vous  en 
portera  luy-mesme  la  response,  par  laquelle  V.  A.  cognoislra  ce  que 
la  confiance  que  j'ay  en  elle  me  peut  faire  faire  auprès  ^  du  roy,  et  qu'il 
n'y  a  point  d'effort  dont  la  France  ne  soit  capable  pourveu  qu'elle  en 
espère,  avec  raison,  un  bon  succès  pour  la  cause  commune. 

Les  divers  avis  que  j'ay  de  nouveau  des  progrès  qu'on  peut  faire 
contre  la  flotte  des  ennemis,  si  nous  sommes  puissans  à  la  mer,  font 
que  je  vous  supplie  encores  une  fois  de  faire  en  sorte  que  MM"  les 
Estats  veuillent  envoyer  12  ou  1 5  vaisseaux  joindre  l'armée  navale 
de  S.  M.  commandée  par  M'  l'archevesque  de  Bordeaux,  à  Belle  Isle 
ou  en  Ré,  où  elle  sera  asseurément  assemblée  dans  le  20''  du  mois 
d'avril^.  Cette  affaire  est  de  grande  importance;  vous  la  saurés,  je 
m'asseure,  considérer  selon  son  poids;  et  ce  pendant  je  demeureray 
à  jamais. 

Monsieur, 


Vostre  très  humble  serviteur. 


'  Depuis  le  mot  «  enfermé  »  jusqu'à  la  '  La  lettre  adressée  à  ce  sujet  par  Ri- 
fin  de  la  phrase,  delà  main  de  Richelieu,  chelieu  à  l'archevêque  de  Bordeaux,  le 
ainsi  que  le  nom  «Daustervic»  (Oster-  3i  mars,  est  imprimée  dans  la  CoUeclion 
wick).  des  documents  inédits  sur  l'histoire  de  France. 

'  «  Du  roy  ;  I)  ces  deux  mots  ont  été  écrits  [Correspond,  de  Sourdis,  II,  96.)  Nous  la 

par  le  cardinal  à  la  place  de  ceux-ci  •  «  de  notons  aux  analyses. 
mon  maistre ,  >  qu'il  a  efTacés 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  309 

CLXXVIII. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  i54.  —  Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  346 ,  t.  2  ,  p.  a58.  —  Copie.  — 

Supplément  français,  Syo  (vers  le  premier  quart  du  volume).  —  Copie. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Hollande,  l.  21,  pièce  221.  —  Mise  au  net. 

PROJET  D'INSTRUCTION  POUR  LE  SIEUR  D'ESTRADES, 

ALLANT  EN  HOLLANDE. 

[Vers  la  fin  de  mars  1689  '.] 

Faut  renvoyer  le  s'  d'Estrade  avec  la  copie  de  la  lettre  que  le 
prince  Thomas  a  escrite  au  s"^  de  Pesieu ,  par  où  le  d.  prince  recognoist 
clairement  que  la  proposition  que  le  d.  Pesieu  a  faicte  d'une  trefve  ou 
de  la  paix  vient  de  luy.  Faut  de  plus  que  le  d.  s"^  d'Estrade  dise  con- 
fidemment  au  d.  prince  d'Orange  que  les  Espagnolz  ont  faict  savoir  à  la 
France  que  dès  l'année  i636  les  HoUandois  se  fussent  accommodez 
avec  l'Espagne,  en  se  séparant  de  la  France,  si  l'Espagne  eust  voulu 
leur  accorder  les  conditions  qu'ils  désiroient,  n'ayant  point  faict  de 
difficulté  de  promettre  ouvertement  que,  pourveu  qu'on  les  contentast, 
ils  n'auroient  point  d'esgard  à  l'alliance  qu'ils  avoient  avec  la  France. 

Ensuite  pour  tesmoigner  une  ouverture  de  cœur  entière,  et  une 
franchise  sans  réserve,  le  d.  s'  d'Estrade  dira  à  M.  le  prince  d'Orange 
que  quelques  uns  de  ceux  qui  sont  à  Bruxelles,  avec  lesquels  nous 
avons  pris  intelligence  pendant  que  la  reine  mère  y  estoit,  nous  ont 
faict  savoir  que  le  curé  de  Loon  (de  l'envoy  duquel  M' le  prince  d'O- 

'  Le  manuscrit  de  Colbert  donne  celle  Iruction ,  et  nous  le  plaçons  à  la  lin  du 
annotation ,  reproduite  par  le  ms.  de  Har-  mois  ne  pouvant  lui  assigner  sa  date  pré- 
lay  :  ■  Minute  escrite  en  grosse  lettre ,  fort  cise.  On  vient  de  voir  que  Richelieu  an- 
nette  et  lisible ,  de  la  main  de  M' le  card.  nonce  la  maladie  de  d'Estrades  au  prince 
de  Richelieu,  sans  aucune  rature.»  Ces  d'Orange  le  3o  mars;  cet  ambassadeur 
deux  copies  ont  élé  prises  sur  la  mise  au  était  alors  à  la  veille  de  son  départ  pour 
net  du  manuscrit  des  AIT.  étr.  laquelle  est  la  Hollande,  et  son  instruction  devait  avoir 
eu  effet  écrite  en  très-grosses  lettres,  mais  élé  dressée  tout  récemment.  Celle  qui  fut 
non  de  la  main  de  Richelieu.  Elle  ne  nous  donnée  à  M.  d'Amonlot,  qu'on  envoya  pro 
fournil  d'ailleurs  aucune  indication..  visoiremenl  à  la  place  de  d'Estrades,  porte 

'  La  date  manque  à  ce  projet  d'ins-  la  date  du  1"  avril.  (Voy.  aux  analyses.) 


31©  LETTRES 

range  nous  a  faict  donner  avis)  a  faict  plusieurs  voyages  pour  la  Irefve, 
qu'il  a  esté  bien  receu  de  M'  le  prince  d'Orange  et  des  députés  qu'on 
luy  a  donnés;  qu'il  est  vray  qu'on  luy  a  dict  en  général  qu'on  ne  vou- 
loit  rien  faire  sans  la  France,  mais  cependant  qu'un  des  députés  con- 
sentit que  les  passeports  qu'on  prendroit  pour  Cologne  ne  serviroient 
que  de  prétexte  pour  aller  à  cette  assemblée,  conjoinctement  avec 
la  France,  mais  qu'en  elFect  on  s'en  serviroil  pour  traicter  séparément 
et  secrètement  sans  qu'ils  le  sussent.  Que  de  plus  le  d.  député  avoit 
mesme  passé  jusques-là  que  de  dire  que  la  France  leur  estoit  sus- 
pecte, et  estimé  qu'on  pourroit  s'assembler  sans  les  François  à  Arnheim , 
sous  quelque  prétexte  spécieux,  pour  faire  un  traicté  sans  eux. 

Le  roy  tesmoigne  d'autant  plus  de  confiance  en  cette  occasion  qu'il 
estimeroit  mieux  avoir  perdu  cent  mille  escus  qu'on  descouvrist  ceux 
qui  donnent  ces  avis. 

Bien  que  S.  M.  ayt  esté  souvent  fidèlement  servie  par  cette  voie, 
elle  a  toutefois  soupçon  que  ce  dernier  avis  soit  parvenu  à  elle  à  la 
suscitation  des  Espagnolz,  qui  n'ont  point  de  plus  grand  dessein  que 
de  mettre  les  Hollandois  en  soupçon  de  la  France,  et  la  France  en 
soupçon  des  Hollandois. 

Ce  qui  donne  lieu  à  S.  M.  d'un  tel  soupçon  est  qu'il  luy  semble 
que,  bien  que  les  auteurs  du  dict  avis  ne  tesmoignent  en  aucune  façon 
de  luy  vouloir  donner  de  l'ombrage,  ce  qu'ils  mandent  toutefois  est 
sy  artistement  composé  qu'il  est  capable  de  donner  de  l'ombrage  à  qui 
ne  cognoistroit  pas  la  franchise  de  M"  le  prince  d'Orange,  et  celle  de 
M"^  les  Estais,  et  la  cognoissance  qu'ils  ont  de  leurs  propres  intérests. 

Comme  la  négociation  que  les  Espagnolz  ont  voulu  faire  pour  la 
trefve,  par  le  susd.  curé,  n'est  pas  seulement  cogneue  par  M' le  prince 
d'Orange,  mais  aussy  de  M"  les  Eslats,  c'est  à  Mons'  le  prince  d'O- 
range de  voir  le  remède  qu'on  peut  apporter  aux  mauvaises  consé- 
quences que  les  Espagnols  veulent  tirer  de  la  division,  qu'ils  préten- 
dent semer  par  telle  voie. 

La  meilleure  et  la  plus  digne  d'un  souverain  et  estats  libres, 
comme  M"^*  les  Estats,  est  de  rompre  tout  pareil  commerce ,  et  faisant 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


31 


cognoistre  ouvertement  que  les  portes  de  devant  sont  ouvertes,  et  fer- 


mer toutes  négociations  cachées. 


CLXXIX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Angleterre,  t.  ^7,  fol.  288.  —  Mise  au  nel  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Fonds  Béthune,  gaSA,  fol  18  v°.  — Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  2 ,  p.  82.  —  Copie. 

Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  62  v°. 

4  avril  1639. 

-  Monsieur  Germain,  Je  loue  ma  sœur  du  bon  naturel  qu'elle 
lesmoigne  pour  la  reyne  ma  mère,  mais  le  roy  de  la  Gr.  Br.  et 
elle  luy  ayant  facilité  le  moyen  une  fois  de  parler  de  ses  intérests  à 
mon  ambassadeur  sans  y  vouloir  estre  présens,  disans  à  mon  dict 
ambassadeur  qu'ils  le  faisoient  parce  que  personne  autre  que  les 
miens  propres  ne  se  dévoient  mesler  d'une  affaire  qui  me  touche  de 
sy  près,  me  donnent  lieu  de  pratiquer  ce  qu'ils  ont,  avec  grande 
raison,  jugé  raisonnable. 


'  Les  deux  mss  de  la  Bibliothèque  no- 
lent,  a  la  marge  de  la  copie  qu'ils  donnent, 
que  cette  copie  a  été  faite  sur  une  «  mi- 
nule  originale  de  la  main  de  M.  de  Cha- 
vigny,  avec  des  corrections  du  cardinal  de 
Richelieu.  » 

*  On  saii  que  le  cardinal  avait  coutume 
de  préparer  pour  Louis  XIII  les  réponses 
que  le  roi  devait  faire  dans  certaines  cir- 
constances délicates;  en  voici  un  nouvel 
exemple.  Un  secrétaire  de  Chavigni  a  écrit 
à  la  marge  du  ms  des  Ail.  étr.  »  Pour 
respondre  à  M'  Germain,  louchant  la 
reyne-mère.  Dec  1 638.  »  Kt  l'on  a  classé 
la  pièce  dans  le  ms.  au  commencement 
de  décembre  de  ladite  année.  Cette  dale 
et  ce  classement  sont  une  double  l'rreur. 
Lord  Jermyn  avait  été  envoyé  à  Paris  en 
septembre  i638,  porteur  de  félicilalions 
sur  la  naissance  du  dauphin,  et  non  pour 


l'affaire  de  la  reine  mère,  qui  n'était  pas 
encore  en  Angleterre.  Il  fut  renvoyé  de 
nouveau  en  France,  au  mois  de  mars  de 
1639  (Aff.  étr.  Angleterre,!.  47,  r4i3). 
La  date  du  4  avril ,  que  donne  le  ms.  de  Bé- 
thune, nous  semble  pouvoir  être  adoptée. 
Nous  ne  trouvons  pas  de  trace  de  cette 
conversation  avec  lord  JermyM  dans  les 
Mémoires  de  Richelieu,  nouvelle  preuve 
que  la  pièce  est  postérieure  à  i638.  Le 
P.  Griffet  en  cite  une  partie  d'après  une 
des  copies  de  la  Bibliothèque.  (  fiisloire  de 
Louis  XIII,  t.  III.)  —  Le  cardinal,  à  qui 
la  reine  d'Angleterre  avait  écrit  à  cette  oc- 
ca.siou',  lui  répondit  par  un  refus  enve- 
loppé dans  l'expression  de  l'obéissance  la 
plus  entière  et  du  dévouement  le  plus 
passionné.  Il  lui  lit  en  même  temps  écrire 
par  le  roi  quelques  lignes  insignihantes, 
s'en  remettant  à  ce  que  lui  dirait  le  s'  Ger 


312  LETTRES 

Je  n'ay  jamais  manqué  de  bon  naturel  envers  la  reyne  ma  mère, 
mais  elle  a  tenté  tant  de  diverses  choses  contre  mon  estât,  et  a  pris  tant 
de  liaisons  avec  ceux  qui  en  sont  ennemis  déclarés,  que  je  ne  sçaurois 
prendre  autre  résolution  que  de  n'en  prendre  point  en  ce  qui  la  touche, 
jusques  à  ce  que  l'establissement  d'une  bonne  paix  me  donne  lieu  de 
moins  soubçonner  ses  intentions  que  je  ne  dois  faire  maintenant. 

Si  M.  Germain  dict  que  l'attente  de  la  paix  n'empesche  pas  que  le 
roy  ne  puisse  donner  de  l'argent  à  la  reyne,  S.  M.  luy  pourra  res- 
pondre,  si  elle  le  trouve  bon,  qu'elle  a  bien  pensé  à  ce  qu'elle  luy  a 
dict,  qu'elle  ne  peut  luy  respondre  autre  chose  et  ne  doit  pas  penser 
à  faire  plus,  ne  pouvant  estre  asseuré,  pendant  la  guerre,  que  ses 
domestiques,  qui  posséderont  son  esprit,  ne  se  servissent  du  bien 
que  S.  M.  luy  pourroit  faire,  contre  le  bien  de  son  estât,  à  la  suscita- 
tion  des  Espagnolz,  dont  le  dernier  manifeste  qu'elle  a  faict,  depuis 
qu'elle  est  en  Angleterre,  faict  bien  cognoistre  qu'elle  n'est  pas  tout 
à  fait  destachée. 

S.  M.  peut  adjouster  :  Je  vous  prie  ne  me  contraindre  point  de  me 
ressouvenir  du  passé,  pour  vous  rendre  plus  capable  des  raisons  que 
j'ay  de  faire  ce  que  je  fais.  Vous  avés  assez  de  cognoissance  pour  voir 
que  mon  procédé  est  bien  fondé ,  et  je  suis  bien  aise  de  ne  me  ra- 
fraischir  point  la  mémoire  de  choses  sy  désagréables,  comme  sont 
les  diverses  entreprises  qu'on  a  voulu  faire  contre  moy. 


CLXXX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  169.  —  Minute  '. 
Rome,  t.  68,  deux  copies,  dont  l'une  est  datée,  par  erreur,  du  8  avril. 
Bibl.  imp.  Fonds  Béihune,  9267,  fol.  83.  — Copie. 
Saint-Germain,  723.  —  Copie.  —  Sainl-Germain-Harlay,  3/47,  fol.  46  v°.  — Copie. 

mSTRUCTION  AU  SIEUR  D'HÉMERY. 

Du  5  avril  1689. 

Le  s'  d'Hémery  ira  en  diligence  à  Lion,  auquel  lieu  il  fera  assem- 

main.  Ces  deux  lettres  seront  notées  ci-  '  C'est  sans  doute  sur  cette  minute  qu'a 

après,  aux  analyses,  date  du  7  avril.  été  faite  la  copie  de  Harlay,  dont  le  ma- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


313 


hier  les  s"  de  Graves,  Imbert  et  autres  qui  avoient  esté  commis  par 
Sa  Majesté  pour  faire  passer  l'armée  d'Italie,  desquels  il  apprendra 
Testai  des  dictes  troupes ,  le  temps  auquel  elles  doivent  marcher,  fera 
cesser,  autant  qu'il  pourra,  les  empeschemens  qui  se  pourroient  ren- 
contrer, et,  afin  qu'elles  passent  plus  promptement,  il  escrira  au  card. 
de  La  Valletle  pour  obtenir  de  Madame  passage  pour  partie  des  dictes 
troupes  par  ia  Savoye. 

Il  dépeschera  aux  sieurs  comte  d'Alais  et  mareschal  de  Schomberg 
pour  faire  passer  les  troupes  qui  sont  en  Languedoc  et  Provence  par 
Barcelonnette,  et  à  ce  que  chacun  d'eux  fasse  dresser  les  estapes  dans 
l'estendue  de  leurs  gouvernemens  nonobstant  toutes  les  difficultés 
qu'ils  pourroient  proposer. 

Estant  à  Lion,  il  dépeschera  aussy  à  M'  le  cardinal  de  La  Valette 
pour  luy  donner  avis  de  Testât  des  choses,  et  selon  les  ordres  du 
s'  cardinal  il  fera  avancer  ou  retarder  les  troupes. 

En  cas  que  Taffaire  de  Piedmont  fust  sy  pressée  qu'on  ne  pust 
différer  le  passage  des  dictes  troupes  jusques  à  ce  qu'elles  fussent 
complettes,  en  ce  cas  il  fera  passer  la  moitié  des  troupes,  ou  ce  qui 
sera  prest,  et  arrestera  des  officiers  pour  mener  le  reste  des  corps 
lorsqu'ils  seront  en  estât. 

Et  parce  que  les  troupes  les  moins  prestes,  et  à  la  levée  desquelles 
il  se  rencontre  plus  de  difficulté,  sont  celles  du  Languedoc,  si  le  d. 
d'Hémery  le  juge  à  propos,  il  pourra  aller  jusques  au  lieu  où  est 
M'  le  mareschal  de  Schomberg  pour  faciliter  le  départ  des  dictes 
troupes. 

Si  le  Cengio  estoit  pris,  ou  que  Taffaire  de  Piedmont  fust  par  quel- 


nuscrit  met  en  marge  :  «  Brouillard  fort 
raturé,  corrigé  de  la  main  de  Cherré.  » 
De  nombreuses  corrections ,  de  longs  pas- 
sages, sont  en  effet  de  la  main  de  ce  se- 
crétaire. Cette  circonstance  et,  bien  plus 
encore,  l'importance  des  considérations 
politiques  qui  y  sont  développées,  ainsi 
que  la  gravité  des  mesures  prescrites  dans 

CARDIN.  DE  BICUELIEO.  —  VI. 


certaines  éventualités  prévues,  mesures 
que  le  cardinal  seul  pouvait  ordonner,  ne 
permettent  pas  de  mettre  en  doute  la  par- 
ticipation directe  de  Richelieu  à  celle  ins- 
Iruclion.  La  minute  conservée  aux  Affaires 
étrangères  a  été  préparée  pour  entrer  dan.s 
les  Mémoires  de  Richelieu. 


io 


314  LETTRES 

que  nouveau  rencontre  eu  mauvais  estât,  en  ce  cas  le  d.  s'  d'Hémery 
laissera  les  ordres  qu'il  jugera  nécessaires  tant  à  Lyon,  Dauphiné, 
que  Languedoc,  pour  le  passage  des  dictes  troupes,  et  passera  à  Pi- 
gnerol ,  où  il  apprendra  Testât  des  choses  pour  y  pourvoir  autant  qu'il 
luy  sera  possible. 

Estant  à  Pignerol,  il  verra  avec  les  s""^  de  Malissy  et  de  La  Cour  ce 
qui  se  pourra  faire  pour  avancer  le  travail  de  la  dicte  place  et  la 
mettre  en  telle  seureté  qu'il  n'en  puisse  arriver  d'inconvénient,  et, 
s'il  se  peut,  à  quelque  prix  que  ce  soit,  faire  deux  ateliers,  l'un  à 
Pignerol,  et  l'autre  à  S'''-Brigide,  en  sorte  que  l'un  n'allentisse  point 
l'autre.  Il  surmontera  toutes  les  difficultez  pour  parvenir  à  cet  effect 
et  fournira  l'argent  nécessaire  pour  cette  despense  au  s' de  La  Cour, 
et  en  tirera  des  lettres  de  change  à  Paris,  lesquelles  seront  acquittées; 
et  où  il  seroit  impossible  de  faire  deux  ateliers,  en  ce  cas,  il  faudra 
mettre  premièrement  la  ville  de  Pignerol  en  toute  seureté,  en  re- 
mettant le  revestement  des  bastions  et  les  autres  ouvrages  qui  ne 
servent  que  d'ornement  à  un  autre  temps,  et  ce  pendant  mettre  le 
fort  de  S"'-Brigide  en  bonne  delTense  et  celuy  de  la  Perouse. 

Après  que  le  d.  s''  d'Hémery  aura  donné  les  ordres  nécessaires  au  d. 
Pignerol,  tant  pour  la  dicte  fortiffication  que  pour  la  seureté  de  la 
place  ,  il  s'en  ira  à  Turin  auprès  de  Madame,  et,  après  l'avoir  asseurée 
de  l'affection  et  protection  de  Sa  Majesté  pour  elle  et  ses  Estats,  il 
prendra  avec  le  cardinal  de  La  Valette  avis  comme  il  se  devra  com- 
porter avec  elle  au  sujet  des  rencontres  présens. 

Sa  Majesté  estime  que  si  le  siège  de  Cengio  est  levé,  comme  on 
espère,  et  que  l'affaire  du  Piedmont  soit  réduit  en  un  estât  ordinaire, 
en  ce  cas,  l'on  ne  doit  hasarder  aucune  proposition  sur  la  remise 
des  places  qu'il  seroit  à  propos,  pour  le  service  du  roy  et  seureté  de 
Pignerol,  que  Madame  remist  entre  les  mains  de  Sa  Majesté,  de 
crainte  que  les  ennemis  de  la  France  ne  prolitassent  sur  l'esprit  de 
Madame  de  ces  propositions,  pour  la  faire  consentir  à  celles  que  les 
Espagnolz  et  ses  frères  luy  pourroient  faire  contre  le  service  du  roy 
et  son  bien  propre;  mais  seulement  luy  insinuer,   autant  que  l'on 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  315 

pourra,  ces  choses  par  le  moyen  de  ceux  qui  la  gouvernent,  ou  en 
prenant  quelque  part  sur  son  esprit,  ou  par  les  autres  moyens  que 
M.  le  cardinal  de  La  Valette  et  le  d.  s'  d'Hémery  aviseront  pour  y 
parvenir. 

Mais  si  le  Cengio  estoit  pris,  et  les  affaires  du  Piedmont,  par  quel- 
que autre  rencontre,  réduicles  au  point  que  la  perte  du  pays  fust 
à  craindre,  en  ce  cas,  le  d.  s'  d'Hémery  doit  remontrer  à  Madame 
que  le  seul  expédient  qui  luy  reste  pour  s'empescher  d'une  ruine 
totale  est  de  faire  entendre  aux  Espagnolz  et  à  ses  frères  qu'elle 
n'a  plus  d'autres  moyens  de  se  sauver,  et  ses  Estats,  que  de  remettre 
son  fils  et  ses  places  entièrement  entre  les  mains  du  roy,  pour  en  pré- 
venir la  perte,  et  les  obliger  à  rendre  celles  que  les  Espagnols  ont 
prises;  estant  asseurée,  comme  elle  est,  que  Sa  Majesté  les  rendra 
toutes  fois  et  quantes  que  les  Espagnolz  rendront  celles  qu'ils  ont  en 
leurs  mains. 

En  effect,  le  d.  s' d'Hémery  doit  non-seulement  proposer  à  Madame 
ce  moyen  pour  empescher  les  Espagnolz  de  faire  plus  de  progrez  en 
Piedmont,  mais  si  les  affaires  sont  en  tel  estât  que  la  perte  du  pays 
soit  à  craindre,  il  doit  dire  à  Madame,  de  la  part  de  Sa  Majesté, 
qu'autant  qu'elle  sera  en  deffiance  du  roy,  comme  elle  a  esté  jusques 
à  présent,  non-seulement  les  places  du  Piedmont  se  perdront  peu  à 
peu,  comme  il  est  arrivé  depuis  la  mort  de  Monsieur  de  Savoie,  mais 
qu'il  seroit  impossible  au  roy  d'en  prendre  la  protection  avec  succez 
si  Madame  ne  luy  confie  certaines  places  d'icelluy  du  tout  nécessaires 
à  la  conservation  du  reste.  Il  faudra  faire  voir  à  Madame  que  ce 
moyen  est  le  seul  par  lequel  on  peut  arrester  les  mauvais  desseins  de 
ses  frères  et  des  Espagnolz  :  de  Messieurs  ses  frères,  par  considéra- 
tion qu'ils  auroient  qu'en  faisant  du  mal  à  Madame  la  France  n'em- 
porte une  partie  de  l'Estat  auquel  ils  aspirent;  des  Espagnolz,  par 
la  force,  en  ce  que  cela  donnera  moyen  au  roy  de  s'opposer  plus 
puissamment  à  leurs  mauvais  desseins,  pouvant,  en  tel  cas,  faire  hi- 
verner en  telles  places,  sans  charger  le  pays,  un  corps  de  troupes 
sulïisant  pour  conserver  ses  Estats  et  empescher  que  les  Espagnolz 

4o. 


316  LETTRES 

n'usent  plus  de  surprises  au  printemps,  comme  ils  ont  faict  ces  deux 
dernières  années. 

Le  d.  s'  d'Hémery,  ou  autre,  faisant  telle  proposition,  oflPrira  à  Ma- 
dame telles  asseurances,  non-seulement  par  simples  promesses,  mais 
par  lettres  du  grand  sceau  qu'elle  désirera  de  Sa  Majesté,  pour  la 
restitution  des  dictes  places  et  de  la  jouissance  des  revenus.  11  est  de 
la  prudence  du  d.  s' d'Hémery  défaire,  s'il  se  peut,  que  Madame  tombe 
tout  d'elle-mesme  dans  cette  proposition,  auquel  cas  il  pourra  tes- 
moigner  que  Sa  Majesté  très  difficilement  entendra  à  ce  party,  d'au- 
tant qu'elle  se  chargera  de  grandes  despenses  pour  la  conservation 
du  Piedmont,  sans  espérance  d'aucun  fruict,  et  prendra,  s'il  se  peut, 
occasion  de  luy  demander,  à  tiltre  d'eschange ,  pension  ou  quelque 
autre  moyen,  les  vallées  d'Engroigne,  S^-Martin  et  Luzerne,  Revel, 
Briqueras  etCahours,  et  les  terres  qui  sont  au  derrière  jusques  à  Pi- 
gnerol ,  comme  nécessaires  à  la  subsistance  de  la  dicte  place,  et  capables 
de  désintéresser,  en  quelque  façon,  des  frais  dans  lesquels  Sa  Majesté 
est  obligée  d'entrer  pour  la  protection  que  Madame  demandera. 

Que  si  Madame  est  entrée  en  quelque  traicté  avec  le  Pr.  cardinal 
et  le  prince  Thomas,  soit  de  neutralité,  suspension  d'armes,  ou 
autrement,  en  ce  cas  le  d.  s""  d'Hémery  luy  protesteroit,  de  la  part  de 
Sa  Majesté,  qu'elle  interprétera  semblables  traictés  pour  une  rupture 
contre  elle,  et  si  Madame  vouloit  traicter  avec  les  d.  princes,  pour 
les  tirer  du  party  d'Espagne  et  les  unir  au  sien  et  à  celuy  de  la  France , 
en  ce  cas,  le  d.  s'  d'Hémery  donnera  les  mains  et  offrira,  de  la  part 
de  Sa  Majesté,  toutes  les  choses  qui  pourront  contribuer  à  la  fin 
de  cette  négociation,  comme  mariages  pour  le  prince  cardinal,  em- 
ploys  aux  charges  pour  le  prince  Thomas,  restablissement  de  pen- 
sions pour  les  uns  et  pour  les  autres. 

Et  si  le  d.  s""  d'Hémery  apprenoit  que  Madame  négocie  avec  ses 
frères  pour  la  dicte  neutralité,  suspension,  ou  union  avec  l'Espagne, 
en  ce  cas  il  pourra  conférer  avec  M'  le  cardinal  de  La  Valette  des 
moyens  pour  s'asseurer  des  places  qui  conduisent  de  Pignerol  à  Ga- 
zai, et  l'effectuer  s'ils  peuvent. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  317 

Pourra  le  d.  s'  d'Hémery  distribuer  les  brevets  (tant  pour  Madame 
que  ses  sujets)  qui  luy  ont  esté  mis  entre  les  mains,  etgaigner  d'autres 
personnes  qu'il  jugera  nécessaires;  et,  pour  cet  elfect,  employer  les 
sommes  qu'il  verra  bon  estre,  et  en  tirer  des  lettres  de  change  à  Paris. 

Et  où  il  arriveroit  occasion  que  Madame  voulust  mettre  son  fils 
entre  les  mains  de  Sa  Majesté,  le  d.  s'  d'Hémery  le  fera  recevoir  à 
Pignerol,  et,  de  là,  le  conduire  dans  le  royaume,  et  faire  tous  les 
frais  nécessaires  pour  cette  occasion. 

Que  si  Madame  veut  que  l'on  fasse  entrer  des  troupes  françoises 
dans  ses  places,  monsieur  le  cardinal  de  La  Valette,  sans  la  partici- 
pation duquel  M'  d'Hémery  ne  fera  point  telles  négociations,  les  y  fera 
entrer  sans  attendre  autre  ordre  de  Sa  Majesté. 

Après  que  le  d.  s'  d'Hémery  aura  donné  les  ordres  nécessaires  pour 
la  fortiffication  de  Pignerol,  et  faict  les  propositions  cy-dessus  à  Ma- 
dame, en  cas  que  les  affaires  de  Piedmont  soient  sans  péril,  Sa  Ma- 
jesté pemiet  au  d.  s'  d'Hémery  de  s'en  revenir  quand  il  le  jugera  à 
propos:  cependant  il  avertira  Sa  Majesté,  le  plus  souvent  qu'il  pourra, 
de  Testât  des  affaires. 

Le  d.  s""  d'Hémery  donnera  les  ordres  nécessaires  pour  la  seureté 
de  Cazal,  et  pour  faire  en  sorte  que  la  perte  du  chancelier  Guiscardi 
ne  fasse  pas  perdre  cœur  à  ceux  qui  estoient  avec  luy  conjoinctement 
afîidez  à  la  France  et  aux  intérests  du  jeune  duc  leur  maistre,  qui  sont 
du  tout  séparez  des  passions  de  Madame  sa  mère. 

Pour  cet  efifect,  le  d.  s'  d'Hémery  pourra  promettre  telles  pensions 
qu'il  jugera  à  propos  dans  Cazal,  et  des  asseurances  qu'au  mesme 
temps  qu'il  les  aura  promises  on  en  envoyera  les  brevets  et  le  paye- 
ment selon  qu'il  les  aura  convenus. 

Le  d.  s'  d'Hémery  donnera  ordre  à  ce  qu'au  cas  que  l'évesque  de 
Cazal  veuille  demeurer  dans  la  ville  présentement  le  s'  de  La  Tour 
luy  fasse  cognoistre,  du  consentement  des  principaux  magistrats  afîi- 
dez au  roy,  qu'il  est  à  propos  qu'il  aille  à  Mantoue,  et  que  sa  de- 
meure est  trop  suspecte,  en  Testât  où  sont  les  affaires,  pour  le  pou- 
voir souffrir  au  d.  Cazal. 


318  LETTRES 


CLXXXI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  \']U-  —  Original.  — 

Une  mise  au  net,  de  la  main  de  Cherré,  est  au  fol.  176'. 

Rome,  t.  68.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  Siy,  fol.  5o  v"  et  4g  1  v°.  —  Copies. 

Béthune,  9267,  fol.   -jk   v".  —  Copie. 

Dupuy,  (.  767,  cahier  M.  m.  ' 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

8  avril  1639. 

Monseigneur, 

Je  ne  saurois  assez  vous  tesmoigner  la  peine  que  je  ressens  de  celle 
en  laquelle  vous  estes ,  tant  à  cause  des  mauvaises  suittes  qui  en  peu- 
vent arriver  aux  affaires,  que  pour  l'amour  de  vous-mesme,  vous 
asseurant  qu'il  n'y  a  rien  au  monde  qui  m'empesche  d'estre  aussy 
sensible  que  vous  le  sauriés  estre  en  ce  qui  vous  touchera. 

La  négligence  de  ceux  à  qui  Madame  commet  ses  places  est  pi- 
toyable et  insupportable  tout  ensemble.  Je  vous  avoue  que  ce  qui 
s'est  passé  à  Ghivas  me  faict  plaindre  cette  pauvre  princesse  plus  que 
je  ne  saurois  vous  le  représenter;  cependant  il  faut  apporter  tous  les 
remèdes  possibles  à  ses  maux  et  empescher  qu'elle  ne  se  puisse  perdre 
elle-mesme. 

Toutes  les  diligences  possibles  pour  vous  faire  passer  vos  troupes 
ont  esté  faictes;  on  a  envoyé  et  renvoyé  diverses  fois  de  tous  costés; 
mais,  comme  vous  savez,  les  hommes  n'estant  pas  corbeaux,  ainsy 
que  disoit  M'  Hébron,  il  est  impossible  de  les  faire  voiler.  M'  d'Hé- 
mery  est  de  nouveau  allé  à  Lyon  pour  haster  toutes  choses. 

Je  ne  sçay  ce  que  M' d'Argenson  a  prétendu  en  vous  mandant  qu'on 
avoit  réduit  vostre  armée  à  1  8  régimens;  on  n'y  a  rien  changé  depuis 
le  premier  project  qu'on  en  a  faict,  tel  que  je  vous  l'envoie.  Nous 
voudrions  la  pouvoir  grossir,  mais  il  est  du  tout  impossible. 

'  Celte  mise  au  net  avait  été  préparée  ^   Voy.  la  note  2  de  la  page  56  ci-des- 

pour  entrer  dans  Mémoires  de  Richelieu  sus. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


319 


Quand  nous*y  avons  mis  le  régiment  proposé  par  le  Dauphiné  sous 
le  nom  de  M""  le  Dauphin,  nous  l'avons  faict  par  surabondance,  sans 
en  oster  aucun  autre  qui  y  eust  esté  premièrement  destiné.  En  un 
mot,  je  vous  proteste  devant  Dieu  qu'il  n'y  a  rien  qui  soit  faisable 
qu'on  ne  veuille  faire  pour  la  considération  de  Madame,  dont  les  in- 
térests  seront  tousjours  chers  au  roy,  comme  elle  le  peut  désirer. 

Pour  bien  conserver  ses  Estais ,  il  est  du  tout  nécessaire  qu'elle  se 
résolve  à  y  faire  doresnavant  hiverner  un  corps  de  troupes  suffisant 
pour  sa  deffense;  autrement  les  ennemis  vous  surprendront  tousjours 
devant  que  les  d.  troupes  soient  passées  de  France. 

Je  ne  m'estends  pas  davantage  sur  ce  discours,  qui,  bon  pour  l'a- 
venir, est  inutile  pour  le  présent,  auquel  Madame  a  à  prendre  des 
résolutions  si  fortes,  que  M"  ses  frères  en  puissent  apréhender  autant 
de  mal  par  les  suittes  comme  ils  luy  en  veulent  faire'.  Vous  estes  sy 
judicieux  que  vous  saurés  bien  ne  perdre  pas  l'occasion  de  luy  faire 
ouvrir  les  yeux  à  son  propre  bien,  si  la  nécessité  l'en  presse.  C'est 
ce  qui  faict  que ,  sans  en  dire  davantage,  je  vous  asseureray  seulement 
de  la  sincère  et  fidèle  amitié  que  j'auray  toute  ma  vie  pour  vous,  et 
que  j'essaieray  de  faire  paroistre  d'autant  plus,  en  toutes  occurrences, 
que  M'  de  La  Vallette  travaille  de  plus  en  plus  à  couronner  sa  mau- 
vaise conduite.  J'ay  communiqué  au  s'  Talon  un  nouvel  incident  qui 
s'est  descouvert  sur  ce  sujet  par  l'imprudence  et  la  malice  de  quelque 
dame;  M'  de  Chavigny  vous  en  escrit  au  long^.  Tous  les  desseins  de 


'  Le  5  avril ,  Richelieu  avait  déjà  écrit 
au  cardinal  de  La  ValeUe  une  lettre  à  ce 
sujet.  (Ci-aprés,  aux  analyses.) 

*  La  lettre  de  Chavigni  est  conservée 
dans  le  manuscrit  de  Turin,  fol.  i  78;  elle 
est  aulographc  et  datée  du  1 1  avril;  on  y 
lit  cette  phrase  :  ■  Nous  avons  appris  par 
voie  très  seure  et  très  secrelle  que  M.  de 
La  Valette  Iraitte  avec  les  Espagnols,  en 
Angleterre,  pour  leur  donner  moyen  de 
surprendre  Metz.  »  Rien  n'est  moins  prouvé 


que  cette  imputation.  Écrite  de  Ruel ,  cette 
lettre  ]x>rtail,  au  troisième  (ils  du  duc 
d'Epernon,  la  pensée  de  Richelieu,  mais 
tempérée  par  l'amitié  sincère  qui  unissait 
le  cardinal  de  La  Valette  et  Chavigni.  Tou- 
tefois celui-ci  se  gardait  bien  d'atténuer  la 
faute  du  duc,  de  peur  d'encourager  son 
frère  à  une  défense  inutile,  et  qui  aurait 
compromis  la  faveur  dont  il  jouissait.  Dans 
cette  malheureuse  affaire,  où  Richelieu 
était  décidé  à  traiter  le  duc  de  La  Valette 


320 


LETTRES 


telles  gens  seront,  s'il  plaisl  à  Dieu,  sans  effecl;  et  je  seray  éternelie- 
ntient, 

Monseigneur, 


De  Riiel,  ce  8*  avril  i  689, 


Vostre  très  humble  et  très  affectionne  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CLXXXII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Constanlinople,  t.  5,  de  i638  à  iGSg  ',  fol  44-6o.  — 

Mise  au  net,  avec  quelques  corrections. 

Bibl.  inap.  Cinq-cents  Colbert,  n"  45,  fol.  425  v°.  —  Copie. 

Saint-Germain-Harlay,  346,  fol.  4aa.  —  Copie. 

MÉMOIRE 

AU  SIEUR  DE  LA  HAYE  VENTELET, 

S'EN  ALLANT  AMBASSADEUR   EN   LEVANT  ^ 

i4  avril  1689^. 

L'ambassade  de  France  en  Levant  n'ayant  point  esté  remplie  de- 
puis que  le  s"  comte  de  Marcheville  fut  obligé  par  les  Turcs  à  s'en 
revenir  de  Gonstantinople,  sous  prétexte  que  sa  conduite  n'estoit  pas 
agréable  au  grand  seigneur,  les  affaires  du  roy  en  ces  quartiers-là  sont 
demeurées  entre  les  mains  du  s''  comte  de  Cesy,  ancien  ambassa- 
deur, lequel,  quoyque  le  temps  de  son  employ  fust  fini  dès  lors  que 


i^vec  la  dernière  sévérité ,  Chavigni  a  beau- 
coup contribué  à  obtenir  du  cardinal  de 
La  Valette  la  docilité  sans  réserve  que 
Richelieu  exigeait  de  lui ,  et  à  laquelle  il 
a  dû  sacrifier  tous  les  .sentiments  de  fa- 
mille. 

'  Nos  relations  avec  l'Orient  étaient 
peu  fréquentes  alors;  ce  manuscrit  est 
rempli  en  grande  partie  de  la  suite  des 
mauvaises  affaires  personnelles  du  précé- 
dent ambassadeur,  M.  de  Césy. 

^  Nous  ne  reconnaissons  point  le  car- 
dinal dans  le  texte  verbeux  de  cette  pièce, 
qui  n'a  pas   moins  de  trente-deux   pages 


in-f°;  elle  nous  semble  plutôt  l'œuvre,  non 
de  Chavigni  lui-même,  mais  d'un  de  ses 
premiers  commis  ,  La  Barde  ou  peut-être 
Daridole.  Richelieu  a  bien  certainement 
donné  la  pensée  principale  de  cette  ins- 
truction, et  même  la  matière.  Nous  nous 
bornons  à  en  conserver  les  points  capi- 
taux, qui  la  feront  suffisamment  con- 
naître. 

'  L'ambassadeur  n'arriva  à  son  poste 
que  l'année  suivante;  il  en  donna  la  nou- 
velle par  une  lettre  datée  «  de  Péra,  le  der- 
nier janvier  i64o.  »  (.Arch.  des  Aff.  étr. 
fol.  79  du  nis.  cité  aux  sources.) 


DU  CARDINAI.  DE  RICHEFJEU. 


321 


le  d.  s'de  Marche  ville  fust  envoyé  par  delà,  néantmoins  est  demeuré  à 
Constantinople  jusques  à  présent. . .  S.  M.  a  jeté  les  yeux  sur  le  s' de  La 
Haye  Ventelet  pour  se  servir  de  luy  dans  cette  ambassade  du  Levant. . . 

Le  d.  s"  ambassadeur  doit  savoir  que  le  principal  sujet  de  la  bonne 
intelligence  que  les  rois  ont  establie  avec  les  empereurs  ottomans  a 
esté  la  piété  et  le  zèle  qu'ils  ont  eu  pour  la  conservation  du  nom 
chrestlen  et  de  nostre  sainte  et  seule  religion,  de  laquelle  plusieurs 
font  profession  dans  l'eslendue  de  l'empire  des  Turcs,  comme  aussy 
pour  conserver  aux  chrestiens  le  libre  accès  en  la  Terre  Sainte,  où 
tous  les  mystères  de  nostre  salut  ont  esté  opérés,  et  où  il  en  reste 
diverses  marques  dignes  d'une  perpétuelle  vénération. 

L'autre  sujet  a  esté  pour  donner  moyen  à  leurs  peuples  de  se  pré- 
valoir de  l'utilité  du  commerce  des  marchandises  de  Levant  qu'ils 
ont  eu  longtemps  seuls  la  faculté  de  transporter  en  la  chrestienté,  ou 
bien  ceux  qui  trafiquoient  sous  la  bannière  de  France. . . 

L'instruction  insiste  sur  le  soin  que  doit  prendre  l'ambassadeur  de  maintenir 
la  bonne  intelligence  dans  les  couvents  et  parmi  les  divers  ordres  de  religieux. 

Il  est  de  grande  conséquence  pour  le  bien  de  la  religion,  que  le 
patriarche  grec  de  Constantinople  ne  soit  pas  ennemi  de  la  foy  catho- 
lique, comme  estoit  le  défunt  patriarche  Cyrille,  qui  adhéroit  aux 
erreurs  des  hérétiques  de  deçà,  et  les  faisoit  glisser  dans  l'église 
grecque.  Dieu  ayant  permis,  par  un  juste  jugement,  qu'il  soit  tombé 
en  disgrâce  près  des  Turcs,  et  qu'ils  lui  ayent  faict  perdre  la  vie', 
celuy  qui  luy  a  succédé  au  patriarchat  est  mieux  intentionné. . .  Il  faut 


'  On  lit  dans  la  Gazette  de  iGSg,  ex- 
traordinaire du  3o  septembre  :  •  Le  i  a*  de 
juillet  dernier,  le  patriarche  Cyrille  d'Yvc- 
ria,  qui  avoit  esté  arresté  vers  le  commen- 
cement du  mois  passé,  lut  entièrement 
privé  de  son  patriarchat,  et  mis  dans  les 
basses  fosses  parmi  les  plus  infâmes  vo- 
leurs. Aussi  est-il  accusé  d'avoir  tiré  en 
moins  d'un  an  quatre-vingt-seize  mil  pias- 
tres nu  palagons  de  ses  diocésains,  et  le 


bruit  est  qu'il  n'a  pu  rendre  conte  que  do 
la  moindre  partie.  Le  seigneur  Parthéniol, 
métropolite  d'Andrinople,  a  esté  substitue 
à  sou  patriarchat ,  du  consentement  de  tous 
les  autres  métropolites,  des  curez  et  prin- 
cipaux Grecs  de  cette  ville.  »  (  P.  64a.)  Mais 
la  présente  instruction  est  datée  d'«rn7 
1 689.  Ces  deux  dates  sont  contradictoires  ; 
l'erreur  est-elle  de  notre  manuscrit  ou  de 
la  Gazette? 


CARDIX.  DE  DICUELIED. 


il 


322  LETTRES 

donc  essayer  de  le  maintenir  dans  sa  charge  et  dans  les  bonnes  incli- 
nations qu'il  tesmoigne  pour  la  France. 

Les  dernières  dépesches  de  Lovant  portent  que  depuis  peu  il  se 
laisse  voir,  presque  tous  les  jours,  parle  résident  du  roy  de  Hongrie. 
Si  le  d.  s""  ambassadeur  cognoist  qu'il  y  ait  quelque  intelligence  par- 
ticulière entre  eux  qui  puisse  tourner  les  inclinaisons  du  costé  de  la 
maison  d'Autriche. . .  il  fera  en  sorte  que  cette  familiarité  du  pa- 
triarche avec  le  cl.  résident  soit  remarquée  des  Turcs,  en  sorte  qu'ils 
en  conçoivent  soupçon. . . 

La  plus  importante  affaire  qu'il  y  ayt  maintenant  à  Iraicter  et  ac- 
commoder par  delà  est  une  injustice  que  les  Turcs  ont  faicte  aux  reli- 
gieux latins  que  l'on  appelle  Francs,  leur  estant  les  clefs  des  lieux  saints 
de  Bethléem  et  les  donnant  aux  Grecs  qui,  sur  des  écritures  fausses, 
ont  trouvé  moyen  de  se  faire  mettre  en  possession  des  dicts  lieux. . . 

Il  est  nécessaire  d'agir  promptement  pour  faire  remettre  les  dictes 
clefs  es  mains  des  religieux  francs  par  lesquels  le  d.  s'  ambassadeur  se 
fera  informer  plus  amplement  de  tout  ce  qui  pourra  servir  à  cet  effect. . . 

Pour  ce  qui  est  du  commerce ,  il  veillera  à  en  conserver  la  liberté 
tant  à  Constantinople  qu'en  toutes  les  échelles  de  Levant,  en  sorte 
que  les  capitulations  soient  inviolablement  gardées  tant  à  l'esgard  des 
sujets  du  roy  que  de  ceux  qui  trafiquent  sous  la  bannière  de  France. 

Cela  est  d'autant  plus  important  que  tous  chrestiens  sujets  des 
princes  et  républiques  qui  n'ont  point  d'ambassadeurs  à  Constanti- 
nople doivent  trafiquer  sous  ladicte  bannière  de  France,  suivant  les 
capitulations,  et  recognoistre  les  consuls  françois,  ce  qui  est  de  l'hon- 
neur et  réputation  du  roy. . . 

Les  avanies  que  les  Turcs  font  quelquefois  aux  marchands  pour  les 
mettre  à  contribution  causent  grand  préjudice. . .  ainsi  que  l'establis- 
sement  de  nouvelles  impositions,  comme  il  est  faict  dans  les  échelles 
d'Alep  et  d'Alexandrie,  où  les  marchandises  sont  tellement  chargées 
d'impositions  que  le  trafic  s'y  en  va  ruiné,  s'il  n'y  est  bientost  remédié; 
ou  bien  il  sera  dorénavant  faict  par  les  Vénitiens  et  Anglois. . . 

Parmi  les  causes  d'interruption  du  commerce  depuis  quelques  an- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  323 

nées,  la  principale  a  esté  l'aHaire  des  dettes  que  le  s'  de  Césy  a  con-  . 
tractées  pour  le  bien  du  dict  commerce. . . 

Le  d.  s'  de  La  Haye  sçait  combien  il  est  important  pour  le  service 
du  roy  et  la  dignité  de  cette  couronne  de  terminer  cette  affaire  du  d. 
s"'  de  Césy  sans  longueur  ny  retardement. . . 

Après  de  très-longs  détails  sur  ces  affaires  litigieuses  de  M.  de  Césy,  il  est  re- 
commandé à  l'ambassadeur  de  presser  le  départ  dudit  sieur  de  Césy,  qui  parais- 
sait peu  disposé  à  quitter  Constantinople  et  même  le  logis  de  l'ambassade,  et  on 
lui  annonce  qu'on  lui  enverra  des  lettres  adressées  au  Grand  Seigneur  et  à  ses 
ministres,  à  l'effet  de  contraindre  le  sieur  de  Césy  d'obéir  à  la  volonté  de  S.  M. 

Le  G.  S.  est  maintenant  embarqué  en  la  guerre  de  Perse,  où  son 
principal  but  est  de  reprendre  Babylone,  sur  quoy  il  est  à  considérer 
que,  si  Sa  Hautesse  se  trouvoit  libre  de  ce  costé  là  par  une  paix 
entre  elle  et  le  roy  de  Perse,  elle  seroit  en  estât  de  porter  ses  des- 
seins vers  la  chrestienté,  dont  la  crainte  ne  seroit  peut-estre  pas 
inutile  pour  rendre  la  maison  d'Autriche  plus  prompte  à  se  résoudre 
à  faire  une  bonne  paix;  de  sorte  qu'il  seroit  bien  à  propos  que  led. 
s'  ambassadeur  donne  compte  au  roy  par  ses  dépêches  de  ce  qui  se 
fera  en  cette  affaire  de  Perse. 

Cependant  il  se  trouve  deux  moyens  de  tirer,  dans  la  guerre  que 
nous  avons  avec  la  maison  d'Autriche,  quelque  avantage  de  nostre 
bonne  intelligence  avec  le  G.  Seigneur. 

Le  premier  est  de  proliter  d'offres  que  Mustapha  Bâcha  a  ci-devant 
faictes  de  mener  les  galères  du  Grand  Seigneur  dans  les  mers  de 
France  et  d'Italie  pour  le  service  de  S.  M. . . 

L'autre  moyen,  qui  est  plus  présent,  est  que  Sa  Hautesse  trouve 
bon  que  Rakocy',  prince  de  Transylvanie,  fasse  la  guerre  au  prétendu 
empereur  comme  il  en  a  le  dessein. . . 

Ici  l'instruction  indique  les  moyens  de  faciliter  l'entreprise  du  prince  de  Tran- 
sylvanie. 

Le  Grand  Seigneur  doit  estre  bien  aise  que,  sans  qu'il  se  mesle  des 

'  Racoczi.princedont  le  petit-fils , Fran-  ordinairement  Ragolzky,  a  donné  à  ce  nom 
çois  Léopold ,  que  nos  historiens  nomment        une  certaine  célébrité. 

4i. 


324  LETTRES 

affaires  de  la  chrestienté  et  qu'il  rompe  la  paix  avec  le  prétendu  empe- 
reur, il  luy  donne  bien  de  la  besogne  par  la  simple  approbation  du 
dessein  de  Rakocy,  lequel,  estendant  ses  limites,  esloignera  d'autant 
plus  des  frontières  de  S.  Hautesse  un  prince  qu'elle  sçait  ne  maintenir 
la  paix  avec  elle  que  parce  qu'il  est  occupé  ailleurs.  Par  telles  ou  sem- 
blables raisons ,  l'ambassadeur  essaiera  d'obtenir  du  Grand  Seigneur  ce 
que  le  Transylvain  requiert  de  S.  M.  pour  commencer  cette  guerre. . . 
Il  est  recommandé  à  l'ambassad''  d'avoir  soin  que  sa  réception  se 
fasse  en  la  manière  accoustumée,  et  selon  qu'il  convient  au  rang  que 
le  roy  tient  en  la  chrestienté  et  à  la  réputation  en  laquelle  les  rois  de 
France  ont  tousjours  esté  près  des  empereurs  ottomans. 

On  lui  donne  la  substance  du  discours  qu'il  doit  faire  dans  cette  circonstance. 

Le  d.  s'  ambassadeur  prendra  sujet  ensuite  de  luy  faii'e  entendre 
connue  le  roy  a  eu  de  grandes  prospérités  pendant  ces  dernières  guerres 
contre  la  maison  d'Autriche,  ayant  poussé  ses  armes  jusques  au  delà 
du  Rhin,  et  estendu  son  empire  jusques  à  ce  fleuve,  ayant  pris  en- 
cores  depuis  peu  Brisach,  la  plus  importante  place  d'Allemagne,  et 
qui  luy  donne  ouverture  à  pousser  ses  conquestes  jusques  au  Danube, 
s'il  plaist  à  Dieu  de  bénir  ses  armes  comme  Elle  espère. 

Que  maintenant  Elle  a  des  armées  en  Espagne,  aux  Pays-Bas,  en 
Italie,  en  Allemagne,  et  deux  armées  navales  sur  l'Océan  et  la  mer 
Méditerranée  pour  employer  contre  ses  ennemis. . . 

L'ambassadeur  insistera  sur  le  renouvellement  des  'capitulations,  surtout  en 
ce  qui  est  des  saints  lieux  dont  il  pressera  la  restitution. 

Une  rupture  est  à  craindre  entre  l'empire  turc  et  la  répu])lique  de  Venise,  à 
cause  de  la  prise  des  corsaires  d'Alger  par  les  galères  vénitiennes.  Le  roi  désire 
qu'on  étouffe  les  semences  d'une  telle  guerre,  dont  les  suites,  préjudiciables  à  toute 
la  chrétienté,  pourraient  d'ailleurs  amener  une  trop  étroite  liaison  entre  Venise 
et  l'Autriche,  dont  les  domaines  héréditaires  sont  voisins  des  Etats  vénitiens  '. 

'  Un  extraordinaire  do  la  Gazette  du  adouci  le  sullan,  au  point  que  les  Véni- 
3o  septembre  annonce  que  le  bayle  avait  ar-  tiens  étaient  autorisés  à  poursuivre  les  cor- 
rangé  l'afTaire  à  Constanlinople,  le  1 1  juil-  saires  sur  leur  golfe,  jusqu'à  certains 
let,  et  que  les  sequins  de  Venise  avaient  parages  déterminés.  (P.  64 1,  643.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  325 

Le  d.  s'  ambassadeur  emploiera  donc,  autant  qu'il  pourra,  le  nom 
du  roy  à  la  Porte  du  G.  S.  et  ses  offices  le  plus  efficacement  qu'il  iuy 
sera  possible  pour  un  accommodement  entre  Sa  Hautesse  et  la  répu- 
blique de  Venise,  agissant  en  cela  selon  les  sentimens  et  avis  du 
s'  baile  de  Venise. . . 

L'instruction  prescrit  à  l'ambassadeur  la  façon  dont  il  doit  vivre  avec  ledit  baiie 
de  Venise,  et  avec  MM.  les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  de  Hollande. 

Toutes  choses  doivent  estrc  conduites  par  delà  avec  grande  pru- 
dence et  adresse,  et  il  faut  esviter  avec  grand  soin  d'y  mettre  en 
compromis  l'autorité  du  roy. . .  attendu  qu'il  seroit  très-difficile  d'en 
faire  paroistre  les  effects  en  un  pays  si  esloigné. . . 

Les  Espagnols  ont  tenté  diverses  fois  d'introduire  un  ambassadeur 
à  la  Porte  du  G.  S.  à  quel  effect  ils  se  sont  servis  du  résident  de  l'em- 
pereur, sur  quoy  il  est  besoin  que  le  d.  s'  de  La  Haye  ait  l'œil  ouvert 
pour  descouvrir  leurs  menées  et  empescher  qu'elles  réussissent,  em- 
ployant toutes  les  raisons  et  les  moyens  qu'il  jugera  à  propos  pour 
divertir  le  Grand  Seigneur  d'une  telle  alliance,  en  quov  il  sera  sans 
doute  secondé  des  autres  ambassadeurs. . . 

Depuis  l'instruction  ci-dessus  dressée,  le  P.  Archange  de  Fossez, 
capucin ,  est  arrivé  icy  et  a  présenté  au  roy  une  lettre  du  patriarche 
de  Constantinople,  par  laquelle  il  suplie  S.  M.  de  se  rendre  protec- 
teur de  l'église  d'Orient,  et  remet  en  créance  sur  le  d.  Père  de  dire 
à  S.  M.  Testât  de  la  d.  église,  à  quoy  satisfaisant,  il  asseure  Sa  d.  M. 
que  le  d.  patriarche  est  entièrement  orthodoxe,  mesme  à  l'esgard  du 
pape  et  du  saint-siége.  Ce  qui  regarde  Sa  Sainteté  et  le  saint-siége 
doit  estre  tenu  secret  et  mesnagc  avec  grande  prudence  pour  en  tirer 
le  fruict'que  l'on  espère  avec  le  temps. 

Le  d.  s' ambassadeur  tesnioignera  au  d.  patriarche  une  affection  très 
particulière  de  la  part  de  S.  M.  et  l'asseurera  de  sa  protection  et  assis- 
tance pour  Iuy  et  la  d.  église  d'Orient;  et,  en  effect,  n'obmettra  rien 
de  ce  qui  sera  nécessaire  pour  le  Iuy  confirmer  dans  les  occasions. . . 

Il  a  esté  avisé  de  faire  croire  à  tout  le  monde  que  led.  s"'  ambassa- 


326  LETTRES 

deur  est  envoyé  à  Constantinople  pour  le  renouvellement  des  capitu- 
lations entre  le  roy  et  le  G.  Seigneur,  ce  qu'il  publiera  et  fera  publier 
par  ceux  qu'il  envoyera  au  d.  lieu  devant  qu'il  arrive. .  . 
ilx  avril  1639,  ^  S'-Germain  en  Laye'. 


CLXXXIII. 

Arcli.  des  AIT.  élr.  Turin,  t.  28;  fol.  21^.—  Original  chiffré. 

Rome ,  t.  68.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  fonds  Bélhune,  9267,  fol.  1  18.  — Copie. 

Saint-Germain-Harlay,  347,  ^^^-  ^9  ^^  '^Q^-  —  Copie.s. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

20  avril  1639. 

Monseigneur,  ces  lignes  ne 

sont  pas  pour  vous  faire  cognoistre  le  desplaisir  auquel  je  suis  du 
mauvais  estât  des  affaires  du  Piedmont,  puisque  vous  le  sçavés,  je 
m'asseure;  mais  bien  pour  vous  dire  que,  pourveu  que  Madame  se 
veuille  aider,  il  n'y  a  rien  que  le  roy  ne  veuille  faire  pour  la  garantir 
de  l'injuste  oppression  des  Espagnolz  et  de  ses  frères^;  le  tout  est  de 
•donner  du  temps  pour  la  secourir. 

Je  vous  envoie  M.  de  Chavigny',  en  qualité  d'ambassadeur  extra- 

'  Cette  date  n'est  point  dans  le  nianus-  frères  avec  les  Espagnols ,  et  la  révolte  de 

crit  des  Affaires  étrangères.  sessujetsrendaientcesmesuresnécessaires. 

^  Le  manuscrit  de  Béthune  met  :  «  de  Richelieu   avait    réfléchi   que   d'Hémery , 

ses  sujets.  II  dont  la   personne  était  particulièrement 

Chavigni  écrivit  le  même  jour  au  car-  désagréable  à  Madame ,  serait  peu  propre 

dinal  de  La  Valette  qu'il  partait  le  lende-  à  la  persuader  dans  une  circonstance  si 

main  en  poste.  (Ms.  des  AfF.  étr.  f°  216.)  délicate.  «On  craint  que  l'aversion  qu'elle 

—  La  mission   de  Chavigni  avait  à  peu  a  pour  luy  ne  iuy  face  recevoir  comme 

près  le  même  objet  que  celle  d'Hémery,  poison  ce  qui  est  du  tout  nécessaire  à  son 

dont   on    a    vu    l'instruction   ci -dessus,  salut.»  Cette  phrase  de   l'instruction  de 

p.  3i2.    Il  s'agissait  de    décider  la   du  Chavigni  explique  son  ambassade  extraor- 

chesse  de  Savoie  à  envoyer  ses  enfants  en  dinaire  lorsque  l'ambassadeur  ordinaire 

France,  sous  la  garde  du  roi,  et  à  rece-  vient  de  partir,  chargé  de  la  même  mis- 

voir  des  garnisons  françaises  dans  quel-  sion.  L'instruction  de  Chavigni  ayant  été» 

ques-unes  de  ses  places,  si  les  périls  dont  imprimée,  il  suffira  de  l'indiquer  aux  ana- 

elle  était  menacée  par  l'union  de  ses  beaux-  ly.ses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  327 

ordinaire ,  pouu  faire  cognoistre  à  tout  le  monde  la  protection  qu'il 
luy  veut  donner,  et  pour  l'asseurer  que  M'  de  Longueville  va  à  son 
secours  avec  une  nouvelle  armée.  Je  crois  que  vous  n'aurés  pas  man- 
qué de  pourvoir  soigneusement  à  Carmagnole,  et  de  faire  que  Ma- 
dame s'asseure  des  places  principales  de  son  Estât. 

Cony  et  Revel  sont  du  tout  nécessaires  pour  conserver,  avec  Pigne- 
rol,  la  teste  des  vallées.  Vous  savés  d'ailleurs  de  quelle  importance 
est  Nice  et  Montmélian. 

Nous  dépescherons  demain  un  courrier  à  M' le  comte  d'Aletz,  à  ce 
qu'ainsi  que  vous  l'avez  mandé,  il  ayt  mille  hommes  prests  pour  jetter 
dans  Nice  et  Villefranche,  lorsque  Madame  l'ordonnera,  pourveu  qu'il 
luy  reste  assez  d'autorité  pour  faire  entrer  les  garnisons  françoises 
dans  les  places. 

Si  les  habitans  de  Turin  tesmoignent  une  affection  tant  soit  peu 
douteuse,  il  ne  faut  point  marchander  à  les  désarmer. 

On  va  faire  toutes  sortes  d'efforts  pour  faire  porter  des  troupes  à 
Pignerol. 

Au  nom  de  Dieu,  consolés-vous.  Monseigneur,  et  vous  asseurés 
que,  quand  il  n'y  auroit  que  vostre  intérest,  il  n'y  a  rien  au  monde 
que  je  ne  veuille  faire  pour  vous  aider  à  sortir  de  cette  affaire  avec 
avantage,  vous  asseurant  que  je  seray  à  jamais. 

Monseigneur, 


Vostre  très  humble  et  très  aflectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU'. 


De  Ruel,  ce  20  avril  1689  ^. 


'  Le  copiste  de  Hariay  (f°  Ô9)  met  en 
note  •  sine  sub.scriptione;  >  il  n'a  donc  pas 
eu  l'original.  H  ajoute  que  la  pièce  est 
écrite  «de  la  roain  de  Chirurgien.»  Nous 
avons  déjà  averti  qu'il  ne  fallait  pas  se 
lier  à  ces  sortes  d'indications  du  ros.  de 
Hariay. 

*  Deux  lettres  de  Richelieu,  datées  du 
3  1,  et  dont  Chavigni  fut  porteur,  se  trou- 


vent dans  le  même  ms.  l'une  (f°  aai)  est 
adressée  au  cardinal  de  La  Vallette,  au- 
quel Richelieu  se  borne  à  annoncer  la  mis- 
sion de  Chavigni ,  qui  est  «  une  lettre  par- 
lante;» l'autre  {("  aaa)  va  à  la  duchesse 
de  Savoie.  Le  cardinal  lit  aussi  écrire  par 
le  roi  une  l«ttre  dont  nous  avons  trouvé 
la  minute  dans  le  fonds  de  Béthune.  Ces 
trois  lettres  sont  notées  aux  analyses. 


328  LETTRES 


CLXXXIV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Hollande,  t.  2 1 ,  pièce  73.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  n"  46,  fol.  i52  v°.  —  Copie. 

Saint-GermainHarlay,  346,  t.  2  ,  p.  254.  —  Copie. 

Suppl.  français,  370,  AiF.  d'Angleterre  et  Hollande.  —  Copie. 

BROUILLARD  D'INSTRUCTION 

DONNÉE  A  M.  D'ESTRADES, 

ALLANT   KN    HOLLANDE. 

23  avril  i63(). 

Mons""  d'Estrades  parlera  à  M' le  prince  d'Orange  conformément  à 
ce  qu'aura  faict  le  s''  d'Amontot,  duquel,  pour  cet  efFect,  on  luy  donne 
l'instruction'. 

De  plus  il  luy  tesmoignera  que  le  roy  et  Monseigneur  le  cardinal 
ont  esté  très  aises  de  la  sincérité  qu'il  a  tesmoignée  par  le  second  en- 
voy  de  son  courrier^,  sur  le  sujet  de  la  négociation  de  Trêves,  propo- 
sée par  le  cardinal  Infant. 

Il  fera  cognoistre  que  rien  n'empesche  tant  la  paix  que  l'espérance 
que  l'Espagne  a  de  lasser  les  coleguez  *,  et  les  diviser  les  uns  d'avec 
Jes  autres. 

Qu'en  i635  ils  taschèrent  de  traicter  avec  M"  les  Estats  seuls  et 
les  séparer  de  la  France  ; 

Que  depuis  ils  ont  eu  cet  artifice  de  faire  savoir  plusieurs  fois  à  la 
France,  par  les  nonces,  que  si  M'*  les  Estats  eussent  peu  s'accorder 
en  ce  temps-là  avec  eux  des  conditions  de  la  trefve,  ils  estoient  résolus 
d'abbandonner  la  France. 

Maintenant,  ayant  veu  qu'ils  n'ont  peu  rien  gaigner  sur  la  fermeté  du 

'   M.  d'Estrades  étant  tombé  malade  au  *  Une  lettre  du  22  avril,  adressée  di- 

moment  de  repartir  pour  la  Hollande  à  la  i-eclement  au  prince  d'Orange,  est  aussi 

fin  de  mars,  on  envoya  un  autre  diplo-  indiquée  aux  analyses, 
mate,  le  sieur  d'Amontot,  auquel  on  donna  '  Mot  pris  de  l'italien  :  co/fejfl/i,  alliésT 

une  instruction  datée  du  1"  avril.  Elle  est  confédérés, 
notée  ci-après  aux  analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  329 

roy  au  préjudice  de  M"  les  Estais,  ils  relournent  à  M"  les  Estais, 
et  taschent  de  douTier  à  la  France  des  ombrages  de  leur  sincérité ,  et 
ce  par  divers  moyens,  tantost  par  la  lassitude  du  corps  en  général, 
tantost  par  la  disposition  de  quelques-uns  des  députés  en  particulier, 
tantost  en  taschant  de  faire  croire  que  M""  le  prince  d'Orange  a  pro- 
pension à  un  accord. 

Le  roy  se  mocque  de  tous  ces  artifices,  mais  il  estime  qu'on  ne 
sauroit  rien  faire  qui  avance  tant  la  paix  que  de  faire  voir  de  tous 
costés  aux  Espagnols  que  telles  procédures  leur  seront  inutiles. 

Pour  cet  elFect,  S.  M.  estime  qu'il  est  à  propos  que  de  nouveau  elle 
fasse  savoir  aux  Espagnols,  par  le  nonce,  qu'elle  ne  veut  en  aucune 
façon  ouïr  parler  d'aucun  traicté  sans  les  alliés,  et  qu'au  inesme 
temps,  si  le  curé  de  Loon  revient,  M"  les  Estats  le  prient  ouverte- 
ment de  ne  revenir  plus  pour  parler  d'aucun  traicté  particulier,  et 
qu'ainsi  ils  ne  sont  pas  capables  d'y  penser.  Aussy  sont-ils  très  dési- 
reux d'un  traicté  général,  auquel  il  se  portera  très-volontiers  avec  la 
France. 

Que  pour  plus  grande  preuve  de  la  franchise  de  S.  M.  elle  trouve 
bon  de  passer  un  nouvel  escrit  réciproquement  avec  M"  les  Estats, 
par  lequel  celuy  qui  traictera  séparément  sera  déclaré  infâme  et  perdu 
de  réputation  et  d'honneur  pour  jamais. 

Ensuite  le  s'  d'Estrades  dira  à  M'  le  prince  d'Orange  l'affection 
particulière  que  S.  Em.  a  pour  tout  ce  qui  le  touche. 

De  plus  il  hiy  représentera  qu'il  faict  tant  d'estat  des  propositions 
qui  viennent  de  luy  qu'il  a  faict  agréer  au  roy  celle  que  le  d.  s'  d'Es- 
trades luy  a  faicte  de  sa  part,  pour  l'année  qui  vient,  selon  les  mé- 
moires particuliers  qu'emporte  le  d.  s'  d'Estrades. 

Il  asseurera  madame  la  princesse  d'Orange  de  l'affection  et  du  ser- 
vice de  Son  Em.  et  de  la  véritable  liaison  qu'il  veut  avoir  avec  M'  son 
mari  et  elle. 


Les  mémoires  ci-dessus  mentionnés,  datés  du  22  avril,  sont  conservés  aux 
arch.  des  Aff.  étr.  (ms.  cité  aux  sources,  coté  71),  dictés  au  secrétaire  d'état  de 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  —  VI.  .  ^2 


330  LETTRES 

Noyers,  datés  de  Ruel  et  signés  de  Richelieu,  qui  les  a  corrigés  de  sa  main,  et 
qui  y  a  fait  une  addition,  dont  une  partie  est  autographe  : 

«  Sur  la  proposition  que  Mons'  le  prince  d'Orange  m'a  faict  faire  par  M'  d'Es- 
trade qu'il  attaqueroit  l'année  prochaine,  que  l'on  comptera  i6/io,  les  villes,  etc.  » 

L'acte  détermine  les  places  que  les  Hollandais  doivent  attaquer,  ainsi  que  les 
subsides  promis  par  la  France,  au  payement  desquels  le  cardinal  s'engage  au 
nom  du  roi.  Ces  conditions  expliquées,  le  cardinal  ajoute  : 

«  Je  promets  en  outre,  de  la  part  du  roy,  que  M'  le  marescbal  de  la  Melleraie 
sera  en  campagne  avec  l'armée  de  S.  M.  le  premier  jour  de  may,  sur  peine  d'estre 
estimé  manquer  à  ce  qui  est  convenu  entre  M'  le  prince  d'Orange  et  moy  pour 
S.  M.  et  M"  les  Estais  ',  et  qu'il  exécutera  la  diversion  projetée  par  S.  M.  ou 
donnera  combat  général  aux  ennemis,  et  que  quand  mesme  il  le  perdroit,  S.  M. 
ne  laissera  pas  de  tenir  une  armée  puissante  dans  le  pays  ennemi.  » 

Suit  le  contre-engagenjent  du  prince  d'Orange,  écrit  de  la  main  de  Cherré  et, 
de  même  que  l'engagement  du  roi ,  dicté  par  Richelieu  : 

«  Projet  ou  formulaire  de  promesse  à  faire  par  M'  le  prince  d'Orange  à  M''  le 
cardinal.  » 

Ce  projet ,  conçu  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  que  l'engagement  de  Riche- 
lieu, se  termine  ainsi  : 

«Je  promets  en  outre  d'estre  précisément  à  la  campagne,  pour  exécuter  le 
dessein  que  dessus,  le  premier  jour  de  may,  avec  les  forces  désignées,  et  d'exé- 
cuter tout  le  contenu  en  ma  promesse,  sur  peine  d'estre  estimé  manquer  à  ce 
qui  a  esté  convenu  entre  M''  le  cardinal  et  moy,  pour  S.  M.  et  M"  les  Estats.  » 

Des  copies  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  impériale,  dans  la  collection  des 
Cinq-cents  Colbert  t.  46,  f°'  219  et  220,  et  dans  les  mss.  de  S'-Germain- 
Harlay,  n°  3^6,  t.  II,  p.  4io,  avec  des  indications  qui  prouvent  que  ces  copies 
ont  été  faites  sur  notre  manuscrit  des  Affaires  étrangères. 

'  Ici  le  cardinal  a  pris  la  plume;  ce  qui  précède  esl  de  la  main  de  Charpentier. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


331 


CLXXXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  f.   28.   fol.  lUU-  —  Minute'. 

Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  88.  —  Copie'. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Nn.'  (extrait). 

MÉMOIRE  A  M.  D'HÉMERY. 

Saint-Germain,  36  avril  1639. 

Ce  qui  regarde  la  demeure  ou  sortie  de  Madame  hors  de  Turin, 
en  cas  de  siège,  se  doit  résoudre  sur  les  lieux,  selon  Testât  des 
affaires,  dont  l'on  peut  mieux  juger  par  delà  que  icy;  sur  quoy  les 
considérations  que  le  d.  s'  d'Hémery  faict  sont  fort  bonnes. 

Si  Madame  demeure  dans  Turin,  S.  M.  juge  très  à  propos  que  le 
comte  Philippe  en  sorte,  pour  la  raison  portée  par  le  mémoire  au 
dict  s'  d'Hémery. 

Il  sera  bon  de  persuader  à  Madame  d'envoyer  le  P.  Monod  en 
France  pour  le  mettre  en  seureté  et  hors  de  danger  quil  s'échappe, 
ou  qu'il  soit  deslivré,  en  cas  que  la  Savoie  fust  attaquée  par  le  prince 
Thomas,  avec  lequel,  s'il  pouvoit  estre,  il  feroit  bien  des  maux, 
comme  Madame  sçait  mieux  qu'aucun  autre. 

Pour  ce  qui  est  des  places,  le  s'  de  Chavigny  est  pleinement  ins- 
truit de  la  façon  que  l'on  estime  icy  que  celte  affaire  doit  estre  con- 
duite, comme  aussy  pour  ce  qui  est  des  vallées, 

La  commimication  de  Pignerol  à  Casai  estant  nécessaire  sur  toutes 


'  Cette  pièce  porte  en  tète  :  •  Mémoire 
au  s'  d'Hémery  pour  response  à  celuy  qui 
esloit  dans  la  dépcsche  du  30  de  ce  mois.  » 
Nous  n'en  avons  pas  vu  l'original;  Chavigni 
étant  absent,  elle  peut  avoir  été  signée 
par  Bouthiilier;  mais  l'importance  des  ob- 
jets dont  il  s'agit  ne  permet  pas  de  douter 
qu'elle  n'ait  été  dictée  parle  cardinal ,  qu'on 
y  fait  parler  à  la  3'  personne  et  toujours  au 
nom  du  roi.  Hémery,  renvoyé  tout  récem- 
ment dans  son  ambassade  de  Turin,  avait 
écrit  de  Grenoble;  sa  lettre  expose  l'état 


des  affaires  de  Piémont,  et  celle  qu'on  lui 
adresse  ici  eu  fait  connaître  à  peu  près  le 
contenu.  Elle  est  conservée  aux  AU',  étr. 
f"  ao6  du  ms.  cité  aux  sources.  Nous  re- 
marquons qu'elle  a  subi  des  transforma - 
lions  qui  indiquent  qu'on  s'en  devait  servir 
pour  la  continuation  des  Mémoires  de  Ri- 
chelieu, ce  qui  est  un  signe  de  plus  que 
cette  pièce  lui  appartient. 

*  Le  ms.  porte  que  la  pièce  a  été  trans- 
crite sur  une  copie  de  Daridol. 

"  Voy.  ci-dessus,  note  2  de  la  page  56. 

42. 


332 


LETTREES 


choses,  S.  M.  approuve  que  l'on  insiste  près  de  Madame,  en  la  manière 
dont  le  d.  s'  de  Chavigny  a  ordre',  pour  avoir  Carmagnole  et  Ville- 
neuve d'Ast,  et  mesmeCarignan,  lesquels  lieux  il  faudra  mettre  promp- 
tement  en  estât  de  deffense,  et  spécialement  Carmagnole  et  Villeneuve. 

Quant  à  la  Savoie,  S.  M.  juge  à  propos  que  l'on  se  serve  des  rai- 
sons portées  par  le  mémoire  du  dict  s''  d'Hémery  et  par  sa  lettre,  pour 
faire  résoudre  Madame  à  s'asseurer  des  places  de  cette  province,  de 
la  mesme  sorte  que  de  celles  de  Piedmont,  pour  les  conservera  Elle 
et  à  ses  enfans,  sans  quoy,  les  envoyaint  en  France,  l'on  ne  feroit 
qu'une  partie  de  ce  qui  est  nécessaire ,  au  lieu  qu'il  vaut  mieux  mettre 
ensemble  leurs  personnes  et  les  places  en  seureté.  En  un  mot,  il  se- 
roit  fascheux  d'estre  chargé  des  enfans  de  Madame  sans  avoir  moyen 
de  les  maintenir  dans  leurs  Estats,  et  de  les  restablir  en  ce  que  les 
ennemis  auroient  occupé. 

Si  Madame  met  des  François  dans  les  places,  il  sera  aisé  de  faire 
hyverner  doresnavant  les  troupes  dans  le  Piedmont,  comme  il  est 
absolument  nécessaire. 

Le  d.  s'  d'Hémery  a  bien  faict  de  faire  voiturer  l'argent  de  Pigne- 

'  L'instruction  de  Chavigni,  datée  du        chelieu;  il  lui  écrivit  aussitôt  :  «Je  vous 


21  avril,  a  été  imprimée;  nous  l'indiquons 
ci-après  aux  analyses.  Une  ordonnance  de 
payement  jointe  à  cette  instruction  donna 
lieu  à  un  accès  de  mauvaise 'humeur  de 
Chavigni,  qui,  ne  s'estimant  pas  suffisam- 
ment rétribué,  écrivit  à  de  Noyers  :  «  L'or- 
donnance que  vous  avés  pris  la  peine  de 
m'envoyer  m'a  surpris  extraordinairement, 
ne  croyant  pas  devoir  estre  tiaittc  plus 
mal  que  tous  ceux  qui  ont  esté  envoyés 

ambassadeurs  extraordinaires Chose 

si  honteuse  pour  moy  que  j'aymerois 
mieux  avoir  perdu  un  bras  qu'on  eusl  veu 
vostre  ordonnance  à  l'espargne.  .  .  Je  l'ay 
supprimée,  aymant  mieux  mettre  les  ba- 
gues de  ma  femme  en  gage.  .  »  (Ms.  des 
Afif.  étr.  P  aSo.)  On  se  doute  bien  que  de 
Noyers  se  hâta  d'apaiser  le  favori  de  Ri- 


envoie  d'autres  ordonnances,  sans  cholère 
ny  aigreur,  car  ce  n'est  pas  le  stile  des 
amys;  le  mien  sera  réglé  dans  les  termes 
de  ce  que  je  vous  doibs  en  qualité  de  très 
humble  et  très  obligé  serviteur  et  confrère. 
De  Novers.  —  Je  vous  prie  de  brusler  ou 
de  me  renvoier  la  première  ordonnance.  » 
Cbavigni  n'a  fait  ni  l'un  ni  l'autre;  cepen- 
dant de  Noyeis  lui  avoit  renvoyé  la  lettre 
que  nous  venons  d'extraire,  puisqu'elle  est 
encore  dans  ce  ms.  On  lit,  d'ailleurs,  ces 
mots  encore  écrits  au  dos  par  de  Noyers  : 
«Je  vous  renvoie  le  tout.»  Ce  pelit  inci- 
dent et  d'autres  du  même  genre  font  assez 
bien  voir  comment  vivaient  entre  eux  les 
principaux  personnages  qui  entouraient 
Richelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  333 

roi,  de  donner  avis  pour  faire  travailler  incessamment  aux  fortiffica- 
tions  de  cette  place,  et  ordre  pour  arrer  des  blés,  comme  il  est  besoin, 
pour  l'armée  qui  s'assemblera  en  ces  quartiers. 

S.  M.  a  esté  bien  contente  de  savoir  ce  qui  s'est  passé  entre  luy  et 
dom  Félix,  qu'il  est  allé  voir,  et  spécialement  de  ce  qu'il  luy  a  dict 
touchant  Montmélian,  tesmoignant  au  surplus  une  grande  constance 
et  fermeté  au  service  de  Madame  et  du  duc  son  fils.  Elle  luy  escrit 
selon  l'avis  dud.  s'  d'Hémery. 

Puisqu'il  est  asseuré  de  son  affection,  le  roy  approuve,  au  cas  que 
Madame  soit  assiégée  dans  Turin,  qu'elle  l'autorise  et  luy  donne 
pouvoir,  registre  dans  le  sénat  du  dict  Turin,  pour  agir  en  tout  ce 
qui  sera  nécessaire  pour  la  conservation  du  Piedmont  et  de  la  Savoie 
avec  les  ministres  de  S.  M. 

Elle  donnera  ordre  pour  la  levée  des  4  régimens  dans  le  Lyonnois 
et  le  Dauphiné ,  pour  servir,  en  cas  de  besoin ,  pour  la  deffense  de 
la  Savoie.  Lorsqu'ils  seront  levés  et  que  S.  M.  voudra  les  faire  passer 
au  d.  pays,  elle  se  résoudra  pour  ce  qui  sera  du  commandement,  trou- 
vant cependant  bonne  la  pensée  que  le  d.  s' d'Hémery  a  eue,  qu'il seroit 
à  propos  de  le  donner  au  d.  dom  Félix,  mettant  sous  luy  un  bon  ma- 
reschal  de  camp,  à  quoy  néanmoins  il  ne  faut  pas  encore  s'engager. 

Led.  s'  de  Chavigny  ayant  les  ordres  nécessaires  pour  négocier 
avec  Madame ,  S.  M.  approuve  que  le  d.  s'  d'Hémery  s'en  retourne  à 
Grenoble ,  comme  il  propose ,  pour  donner  ordre  à  ce  que  les  trouppes 
passent  le  plus  promptement  et  le  plus  complettes  qu'il  se  pourra. 

Mons'  le  cardinal  de  La  Valette  mande  que  le  nonce  va  et  vient 
de  part  et  d'autres,  pour  accommoder  les  affaires,  et  qu'il  propose 
une  suspension  d'armes  en  Italie ,  à  quoy  le  d.  s'  cardinal  n'a  point 
voulu  entendre ,  mais  a  dict  que ,  si  on  parloit  d'une  générale ,  il  escoute- 
roit  la  proposition  qu'on  luy  feroit.  S.  M.  a  trouvé  cette  réponse  bonne. 

Depuis  ce  mémoire  escrit,  la  dépesche  du  d.  s'  d'Hémery  du  2  1°"= 
est  arrivée,  par  laquelle  S.  M.  a  appris  que  Turin  est  assiégé,  et  que 
Madame  est  demeurée  dans  la  place,  sur  laquelle  dépesche  du  2  1""% 
M'  le  cardinal  faict  ample  response  au  d.  s'  d'Hémery. 


334 


LETTRES 


CLXXXVI. 

Bibl.  iiup.  Cinq-cents  Colbert,  t.  /i5,  fol.  267  v°.  Copie'.  — 
Sainl-Gerniain-Harlay,  346,  t.  i,  fo1.  276  v°.  Copie. 

A  M.  LE  PRINCE. 

28  avril  1689. 

Monsieur,  rencontrant 

cette  occasion  de  M'  le  comte  de  Toulongeon ,  j'ay  estimé  en  devoir 
profiter  pour  vous  faire  sçavoir  le  cours  des  nouvelles  du  monde,  qui 
est  tel  qu'il  s'ensuit  : 

Le  roy,  après  avoir  eu  trois  accès  de  fièvre  tierce,  se  porte  fort 
bien,  grâce  à  Dieu,  et  en  est  entièrement  deslivré  ^.  M' le  Dauphin  est 
aussy  en  parfaicte  santé. 

Les  progrez  inopinez  que  les  ennemis  ont  faicts  en  Italie  ont  obligé 
le  roy  à  y  envoyer  M' de  Longueville,  avec  i  o  régimens  et  2 ,000  chevaux. 

M""  le  grand  maistre  de  l'artillerie  entrera,  dans  quatre  jours,  dans 
le  païs  ennemy. 

L'armée  de  M'  de  Feuquières  est  en  estât  de  voir  ce  que  les  en- 
nemis feront  pour  se  conduire  ainsi  que  l'occasion  le  requerra. 

Nous  gardons  M""  de  Chastillon  pour  l'arrière  saison. 

M''  de  Harcourt  est  parti  pour  l'armée  navalle  de  Levant;  j'envoye 
le  marquis  de  Brézé  pour  commander  les  gallères  cette  année. 

M'  de  Veymar  est  plus  satisfaict  de  la  France  que  jamais  et  plus 
ardent  à  bien  faire. 


'  Copie  faite  sur  une  «  minute  de  la  main 
du  cardinal.  »  (Note  des  deu\  manuscrits.) 

'  C'était  une  de  ces  fréquentes  indispo- 
sitions que  les  médecins  de  Louis  XIII 
menaient  assez  rudement  :  «  Je  suis  à  celle 
heure  en  bonne  santé  (écrivait-il,  le 
21  avril,  à  Monsieur,  qui  avait  envoyé  sa- 
voir de  ses  nouvelles),...  J'ay  pris  trois 
médecines  et  ay  esté  segné  deux  fois  en 
trois  jours,  ce  qui  m'a  un  peu  ailoibli; 
mais  j'espère  estre  en  es.tat  de  coure  le 


cerf  avec  vous  quand  vous  viendrés  icy.  » 
(Fonds  Béthune,  9337,  f°35  ;  autographe.) 
Peu  de  temps  après,  le  17  septembre,  le 
roi  écrivait  encore  à  Monsieur,  se  félicitant 
de  s'a  bonne  santé,  en  réponse  n  un  nou- 
veau message  de  Gasion  sur  une  nouvelle 
indisposition  de  Louis  XIIL  (Même  ms. 
f°  76.)  Nous  avons  vu  souvent  des  lettres 
du  même  style  sur  le  même  sujet.  Le  roi 
affectait  autant  qu'il  pouvait  de  paraître 
bienportant,  surtout  à  l'égard  de  son  frère. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  335 

Les  HoUandois  seront  en  campagne  le   2*=  du  moys  de  may. 

Bannier  faict  merveille  en  Allemagne. 

Voilà,  au  vraV)  ce  que  je  sçay  des  affaires;  reste  à  vous  à  agir 
maintenant  selon  que  vous  l'estimerés  plus  à  propos. 

Cependant  M"^  de  Bordeaux  ayant  ordre  de  se  mettre  à  la  voile  pour 
aller  voir  ce  qu'il  pourra  faire  dans  les  costes  d'Espagne,  je  croy,  Mon- 
sieur, que  le  meilleur  dessein  que  vous  puissiés  prendre  est  d'exé- 
cutter  le  premier  que  vous  avés  projette,  entrant  dans  le  Roussillon. 

En  ce  cas  vous  aurés  M"  d'AUuyn,  d'Arpajon,  Argencourt,  qui  m'a 
promis  de  faire  des  merveilles;  Lecques  et  d'Espenan,  si  vous  voulés; 
pour  agir  sous  vous,  messieurs  de  Gramont  et  d'AUuyn  suffisent, 
avec  quatre  mil  hommes  et  quatre  à  cinq  cents  chevaux ,  pour  garder 
leurs  frontières.  Tout  est  remis  à  vostre  jugement,  et  je  vous  asseure 
que  je  feray  ce  que  je  dois  pour  faire  valoir  vostre  zèle,  vostre  affec- 
tion et  vos  services.  Surtout  je  vous  conjure,  autant  que  je  le  puis, 
de  gaigner  temps,  et  de  croire  qu'en  matière  d'entreprise  la  dilligence 
et  le  secret  sont  l'âme  des  bons  succès. 


CLXXXVII. 

Arch.  des  A£F.  élr.  France,  iGSg,  Supplément,  fol.  iio.  — 
Minute  de  la  main  de  Citoys. 

AU  ROY'. 

Ou  3o  avril  iBSg. 

Sire, 

J'ay  tant  d'impatience  de  sçavoir  comme  se  passa  hier  la  conférence 
dont  je  vis  le  commencement  que  je  prends  la  hardiesse  d'en  envoyer 
apprendre  des  nouvelles.  Je  désire  avec  passion  que  toutes  aillent  au 
contentement  de  S.  M.  Je  l'espère  de  la  bonté  de  Dieu,  qui  connoist 
bien  combien  sa  santé  est  nécessaire  à  Testât  présent  des  affaires. 

Il  me  semble  avoir  dict  assez  clairement  que,  si  Sa  Majesté  veult 

'  Citoys  avait  laissé  cette  minute  sans  en  tête  se  trouvent  au  bas  de  la  pièce, 
aucune  indication;  celles  que  nous  mettons        écrites  par  Cherré. 


336  LETTRES 

avoir  à  l'advenir  contentement  de  pareille  conférence,  sa  prudence 
requiert  qu'elle  ne  prenne  pas  garde  à  certaines  évaporations  d'esprit 
qui  d'abord  pourroient  sembler  picoteries,  et  qui,  en  effect,  ne  le 
sont  pas,  à  raison  de  l'intention  avec  laquelle  elles  sont  dictes.  Sans 
cela  il  arriveroit  souvent  des  bronchades  qui  pourroient  donner  du 
mescontentement  à  une  bonté  aussy  grande  et  aussy  sensible  qu'est 
la  vostre.  Je  prie  Dieu  qu'il  conduise  les  grandes  et  petites  affaires  de 
Vostre  Majesté,  et  qu'il  me  fasse  la  grâce  de  la  servir  lousjours  avec 
autant  de  succès  que  de  passion,  de  fidélité  et  de  tendresse. 

'Je  ne  parle  point  à  V.  M.  de  sa  fièvre,  parce  que  je  désire  et  es- 
time qu'elle  ne  reviendra  point. 


CLXXXVIII. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i63g,  fol.  1 13.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  BOUTHILLIER. 

De  Kuel,  ce  dernier  apvril  ifiSg. 

11  n'y  a  que  les  anges  qui  pénètrent  réciproquement  leurs  pensées; 
Dieu  n'a  pas  faict  cette  grâce  aux  hommes.  Cela  estant,  faisant  ré- 
flexion sur  vous-mesme,  je  vous  prie  considérer  si  j'ay  peu  vous  es- 
claircir  sur  les  doutes  que  vous  ne  m'avés  point  proposez.  Vous  ne  me 
distes,  ny  ne  me  tesmoignastes  en  aucune  façon  hier  que  vous  eus- 
siés  dessein  de  venir  chez  le  roy,  vous  ne  me  demandastes  point  si 
vous  vous  y  trouveriés  lorsqu'il  y  auroit  des  ambassadeurs,  vous  ne  me 
parlastes  point  si  vous  prendriés  les  dépesches  qui  viendroient,  ou  si 
vostre  neveu ^  les  auroit;  je  n'avois  garde  de  respondre  à  des  ques- 
tions non  proposées,  et  dont  la  résolution  deppend  purement  de  vous. 

'  Ces  lignes  se  trouvent  sur  le  feuillet  semble  pas  douteux  que  ce  ne  soit  ici  leur 

suivant  (fol.  1 1 1) ,  entre  deux  minutes  de  place. 

lettres ,  écrites  de  la  même  main  que  la  '  M.  de  La  Barde ,  premier  commis  des 

lettre  au  roi    et   le    même  jour.    Il    ne  Affaires  étrangère». 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  "        337 

Vous  me  distes  seulement  que  vous  aviés  dessein  de  tenir  pied  à 
boule  à  Ruel;  je  vous  respondis  qu'il  suffisoit  que  vous  y  feussiez 
quelques  fois,  et  cette  response  me  semble  encore  telle  que  je  la  de- 
vois  faire,  veu  que  les  affaires  ne  requièrent  pas  davantage,  et  que 
vostre  fds  n'y  demeure  pas  autrement.  En  un  mot  je  ne  sçay  d'où 
vous  avés  peu  tirer  le  sujet  de  vostre  desplaisir;  mais  j'ay  cette  con- 
solation que,  si  j'en  suis  l'occasion,  je  n'en  suis  pas  la  cause.  Quant  à 
ce  que  je  pris  M"'  de  Noyers  en  passant,  je  le  fis  parce  que  j'en  avois 
affaire  à  S'-Germain ,  et  que  la  guerre  ne  permet  pas  en  ce  temps  qu'on 
se  passe  de  luy  un  seul  moment.  Au  nom  de  Dieu,  trouvés  bon  que 
je  vous  die  que  les  grandes  affaires  ne  souffrent  point  les  jalousies 
que  vous  pi'enés,  que  j'appelleray  tendresse ,  si  bon  vous  semble,  mais, 
qui  en  effect  méritent  le  premier  nom.  Je  croy  que  vous  devés  faire 
la  charge  de  vostre  fils'  comme  il  l'a  faict  luy  mesme,  allant  et  venant 
quand  bon  vous  semblera. 

Je  ne  parle  point  icy  de  madame  vostre  femme,  parce  que  je  la 
croy  trop  asseurée  de  moy  pour  estre  en  doute  de  mon  affection^. 


CLXXXIX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  l.  28,  fol.  278.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Chcrré,  corrigée  et  devenue  minule. 

Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Hariay,  347,  fol.  93  v".  —  Copie. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI'.] 

De  Ruel,  ce  3  mai  i63g. 

Nous  avons  appris  avec  contentement  la  délivrance  de  Turin,  mais 

'   OnsailqueChavigniélailalorsenltaiie.  s'applique  à  calmer  les  susceptibilités  de 
'  On  a  vu  ci-dessus  (p.   332  ,   note)  la  son  vieil  ami.  Il  faut  lire  encore  à  cette  oc- 
mauvaise  humeur  de  Chavigni  ;  voici  un  casion  une  autre  lettre  du  2  i  mai  au  même 
petit  échantillon  de  celle  de  son  père,  qui  Bouthillier. 

pourtant  était  ordinairement  un  homme  ^  Le  manuscrit  de  Turin  ne  dit  point  à 

facile.  Ce  que  l'on  doit  surtout  remarquer,  qui  cette  lettre  est  adressée,  jnais  elle  ne 

c'est  la  douceur  avec  laquelle  Richelieu  pouvait  aller  qu'à  Chavigni.    ■ 

C*n(>IN.  DE  niCHF.I.IEU. —  VI.  .  43 


338      .  LETTRES 

avec  beaucoup  de  desplaisir  la  perte  de  Moiilcalve,  Pondesture  et  de 
Villeneuve  d'Ast,  si  elle  est  vraie,  comme  le  bruict  le  porte. 

Le  roy  n'a  jamais  creu  Turin  sy  certainement  assiégé  qu'il  n'ayt 
craint  que  ce  fust  seulement  une  tentative  pour  voir  ce  que  le  peuple 
voudroit  faire,  avec  dessein  d'aller  ailleurs  au  cas  qu'il  ne  s'esmust 
pas. 

Le  mauvais  ordre  qui  a  esté  donné  aux  places  que  les  Espagnols 
emportent  avec  facilité  ou  par  impuissance,  ou  par  négligence,  l'aict 
craindre  au  roy  une  pareille  suitte  pour  les  autres,  et  conséquemraent 
la  perte  de  tous  les  Estats  de  Mons"'  le  duc  de  Savoie  '. 

S.  M.  est  bien  résolue  d'employer  toute  sa  puissance  pour  garantir 
Madame  de  sa  perte;  mais,  comme  c'est  chose  impossible  si  elle  n'y 
veut  contribuer  ce  qu'elle  peut,  elle  désire  que  vous  luy  proposiés 
franchement  le  seul  remède  qui  reste  à  son  mal,  n'estant  plus  temps 
de  marchander,  ny  différer  à  luy  en  faire  ouverture,  si  d'elle  mesme 
elle  n'en  a  cognoissance. 

Si  Madame  eust  mis  par  le  passé  diverses  places  entre  les  mains 
du  roy,  où  il  eust  peu  conserver  beaucoup  de  troupes,  elle  se  lust 
apparemment  garantie  du  mal  qui  luy  est  arrivé.  Si  dès  le  commen- 
cement la  raison  convioit  Madame  à  se  servir  de  ces  expédiens,  la 
nécessité  l'y  contraint  maintenant,  parce  qu'une  mauvaise  expérience 
l'empesche  de  se  pouvoir  confier  à  l'infidélité  ou  foiblesse  des  Pied- 
montois  qui  gardent  les  places  que  parce  aussy  que  le  roy  ne  peut 
rompre  plusieurs  des  desseins  qu'il  a  en  France,  pour  embarquer 
diverses  armées  dans  le  Piedmont,  s'il  n'a  des  places  par  le  moyen 
desquelles  il  puisse  espérer  un  bon  succès. 

Celles  qui  sont  du  tout  nécessaires  au  roy  pour  s'asseurer  qu'on 

Le  jour  même  où  Riclielieii  écrivait  pour  le   duc  de  Savoie,  lequel   n'est  pas 

cela,  le  3  mai,  la  duchesse  écrivait  elle-  raisonnable  qui  ce  perde  en  vous  servant. ..  » 

naême  au  cardinal  :•  Mon  cousin,  ma  per-  (AIT.  étr.  Turin,  lom.  27,  pièce  i5'.)  11 

sonne  est  échappée  d'un  grand  péril ,  mais  semble  que  la  princesse  et  le  cardinal  vont 

les  Estais  de  S.  A.  R.  .Mons'  mon  fils  y  sont  être  d'accord,  mais  les  résolutions  de  Ma- 

plus  exposés  que  jamais. . .  Si  vous  ne  m'as-  dame  étaient  bien  mobiles.  (Voy.  ci-après 

sistezpuissammeni.il  niaplusdePiedmont  à  la  da(e  du  26  mai.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  339 

ne  luy  puisse  ^las  couper  le  passage  de  Pignerol  sont  Conis,  Revel 
et  Cahours,  s'il  y  a  encores  une  fortifEcation  ^ 

Sans  celles-là  le  roy  ne  peut  en  aucune  façon  envoyer  en  Italie  les 
grands  secours  qu'il  prépare;  mais  ce  qui  seroit  assez  pour  S.  M.  ne 
l'est  pas  ny  pour  Madame,  ny  pour  le  salut  de  son  Estât;  il  faut  par 
nécessité  quelque  chose  qui  nous  porte  dans  le  cœur  du  pays,  et 
qui  nous  fasse  un  chemin  à  Casai,  comme  Carmagnole  et  Villeneuve 
d'Ast,  s'il  n'estoit  point  pris,  et  Montcalve,  au  deffaut  duquel  Trin 
peut  supléer,  en  chassant  les  ennemis  de  Chivas,  comme  il  sera  aisé. 

C'est  à  Madame  à  voir  si  elle  veut  se  perdre  ou  se  sauver. 

Si  elle  faisoit  difficulté  de  livrer  les  premières  places,  savoir 
Conis,  Revel  et  Cahours,  le  roy  n'envoiera  pas  asseurément  l'armée 
de  Mons'  de  Longueville. 

Si  elle  ne  livre  pas  les  autres,  quand  mesme  cette  armée  ira  se 
joindre  avec  celle  de  M'  le  cardinal  de  La  Valette,  ce  sera  sans  en 
pouvoir  tirer  aucun  fruict. 

Si  elle  pratique  ce  qu'on  luy  conseille,  on  espère  qu'on  la  pourra 
sauver,  et  garantir  son  Estât,  le  moyen  qu'on  luy  propose  estant  le 
seul  qui  puisse  maintenant  arrester  l'injuste  ambition  de  ses  frères, 
par  l'apréhension  qu'ils  auront  qu'en  voulant  usurper  les  Estats  du 
duc  leur  nepveu,  ils  ne  donnent  lieu  aux  Espagnols  et  aux  François 
de  les  partager  ensemble. 

Et  il  n'y  a  point  d'autre  expédient  de  faire  restituer  ce  que  les 
Elspagnols  ont  pris  et  prennent  maintenant  que  d'en  mettre  autant 
entre  les  mains  du  roy,  pour  obliger  le  pape  et  tous  les  princes 
d'Italie  à  moyenner  que  tout  ce  qui  sera  nouvellement  occupé  des 
deux  parties  soit  rendu  à  Madame  en  contentiint  raisonnablement 
M"  ses  frères. 

Je  dis  nouvellement  occupé,  pour  exclure  Pignerol,  qui  ne  peut  ny 
ne  doit  estre  compris  dans  cette  restitution. 

Pour  faire  voir  que  le  roy  ne  propose  ces  expédiens  à  Madame 

'  En  marge  du  manuscrit  :  «  Revel  et  estant  de  petits  lieux  de  nulle  importance 
Cahours  doivent  estre  comptes  pour  rien,         au  Piedmont  » 

43. 


340  LETTRES 

qu'aux  fins  de  sou  salut,  S.  M.  ne  faict  nulle  difficulté  de  donner  une 
promesse  authentique  de  luy  remettre  toutes  les  places  qu'elle  luy 
mettra  de  nouveau  entre  les  mains,  lorsque  les  Espagnols  et  ses 
frères  luy  remettront  tout  ce  qu'ils  auront  occupé  dans  ses  Estats. 

Par  ce  moyen  Madame  pourra  d'autant  mieux  conserver  les  places 
qui  luy  resteront  entre  les  mains  qu'elle  sera  deschargée  de  la  garde 
de  quelques  unes,  et  le  roy  mettra  ries  gens  dans  celles  qui  luy  se- 
ront commises,  qui  ne  les  laisseront  pas  perdre  comme  ont  faict  les 
Piedmontois. 

Quoy  que  veuille  faire  Madame,  il  est  temps  qu'elle  se  résolve 
promptement,  pai'ce  que  le  roy  veut  faire  travailler  aussytost  aux 
places  qui  seront  déposées  entre  ses  mains. 

Cela  faict,  il  est  besoin  que  Madame  se  résolve  d'établir  un  bon 
conseil  auprès  d'elle,  de  ceux  qui  luy  auront  tesmoigné  fidélité  en 
cette  occasion,  et  qu'elle  procure  elle-mesme  qu'ils  reçoivent  des 
bienfaicts  de  la  France,  comme  de  la  seule  puissance  qui  peut  con- 
server sa  personne,  celle  de  monsieur  son  fils  et  ses  Estats'. 

Je  n'estime  pas  qu'on  doive  parler  à  Madame  de  Suze ,  ny  de  Veil- 
lane,  ny  d'aucune  des  places  qui  sont  dans  la  Savoie,  parce  que,  si 
elle  veut,  elle  est  capable  d'elle-mesme  de  bien  faire  garder  ces  places 
en  y  mettant  des  gens  fidèles,  courageux  et  affectionnés  à  la  per- 
sonne de  mons'  son  fils  et  d'elle;  mais  il  est  du  tout  nécessaire  qu'elle 
y  pourvoie  promptement,  parce  que,  s'il  arrivoit  une  autre  bourrasque, 
il  ne  seroit  plus  temps.  Cependant,  si  vous  la  trouvés  disposée  à 
mieux  faire  que  je  ne  pense,  vous  avés  la  carte  blanche,  et  n'en  de- 
vés  pas  perdre  l'occasion  pour  son  avantage. 

'  «  Failes-nioi  envoyer  la  lettre  pour  l'ambassadeur.  »  (En  marge). 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  341 


CXC. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  296.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  347,  '°'-  97-  —  Copie.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Nn '.  (Extrait.) 

[A  M.  DE  CHAVIGNL] 

De  Rue!,  ce  5  mai  lôSg. 

Depuis  cette  lettre^  escrite,  le  s''  de  La  Motte,  capitaine  de  Néres- 
tan,  estant  venu  avec  la  dépesche  de  M"^  le  cardinal  de  La  Valette 
par  laquelle,  comme  aussy  par  le  rapport  du  s'  de  La  Motte,  on  voit 
de  plus  en  plus  la  mauvaise  affection  que  les  Piedmontois  ont  pour 
Madame  et  pour  M'  le  duc  son  fils,  et  la  passion  qu'ils  ont  pour  ses 
fi'ères;  S.  M.  m'a  commandé  de  vous  faire  une  recharge  à  ce  que 
vous  luy  représentiés  qu'elle  n'a  plus  d'autre  voie  de  .salut  que  de  se 
rendre  maistresse  par  la  force  de  ceux  qui  ne  sont  pas  capables  de  se 
conserver  en  son  obéissance  par  leur  bonne  volonté,  et  que  pour  cet 
effect  ce  que  je  vous  ay  mandé  cy-dessus  ne  suffit  pas,  mais  qu'il 
faut  bien  passer  outre. 

Le  roy  désire,  comme  vous  devés  croire,  avec  une  extraordinaire 
passion,  que  Madame  puisse  conserver  à  mons''  son  fils  tout  le  Pied- 
mont;  mais  la  crainte  qu'il  a  que  l'infidélité  des  Piedmontois  rende 
ce  dessein  Ircs-difficilc  luy  faict  estimer  qu'au  moins  faut-il  promp- 
tement  s'asseurer  de  tout  ce  qui  est  au  deçà  du  Pô,  et  ce  qui  est 
adjacent  au  delà,  pour,  par  ce  moyen,  reconquérir  le  reste. 

Dans  ce  dessein,  il  faut  s'asseurer  promptement  la  main  droite  de 
Carmagnole,  Savillan,  Fossan^,  Cental,  Cony  et  Vulpian,  tant  pour 

'  Voy.  la  note  2  de  la  page  56.  lelte,  apportée  par   le   capitaine    de   La 

'  Celle  du  3  à  Chavigni,  auquel  va  aussi  Motte,  dont  il  est  fait  mention  ici. 
cette  espèce  de  supplément  du  5,  qui  n'a  ^  «  C'est  à  vous  qui  estes  sur  les  lieux  à 

point  de  suscription  dans  le  manuscrit.  voir  s'il  vaut  mieux  fortilTier  Fossan  que 

Entre  ces  deux  pièces  du  3  et  du  5  se  Savillan,  ou  Savillan  que  Fossan.»   (En 

trouve  la  dépêche  du  cardinal  de  La  Va-  marge.) 


342  LETTRES 

conserver  la  communication  de  France,  que  pour  estre  maistre  des 
greniers  du  Piedmont  parla  possession  de  Savillan,  Fossan  et  Cental. 

A  la  main  gauche  il  faudra  chasser  les  ennemis  de  Chivas,  reprendre 
Crescentin ,  ce  qui  sera  aisé,  et  fortiffier  Yvrée  pour  oster,  par  ce 
moyen,  la  communication  que  les  ennemis  pourroient  avoir  avec  la 
Savoie  par  le  Valdost,  et  bien  fortiffier  Vulpian,  qui  couvrira  Turin 
d'un  costé  comme  Carmagnole  de  l'autre  ^ 

Cela  estant  il  y  aura  espérance  de  sauver  les  Estats  de  M' le  duc 
de  Savoie,  et  sans  cela  il  se  verra  bientost  despouillé,  plus  par  l'infi- 
délité de  ses  sujets  et  le  mauvais  conseil  qu'on  aura  pris  pour  le  def- 
fendre,  que  par  la  force  de  ses  ennemis. 

Ce  que  dessus  est  sy  nécessaire  que  le  roy  m'a  commandé  de  nou- 
veau de  vous  escrire  que,  si  Madame  n'y  veut  pourvoir,  il  sera  contraint 
de  protester  qu'elle  veut  estre  cause  de  sa  perte,  et  n'envoiera  point 
de  troupes  extraordinaires  pour  périr  inutilement  avec  elle. 

Au  contraire,  si  elle  se  veut  aider,  il  ne  plaindra  aucune  despense 
pour  la  sauver. 

J.e  s"'  de  La  Moite  ayant  rapporté  que  le  gouverneur  de  Carma- 
gnole n'avoit  pas  voulu  recevoir  les  François  dans  la  ville,  cette  mau- 
vaise rencontre  me  donne  lieu  de  vous  escrire  qu'il  faut  que  Madame 
use  de  son  autorité,  tandis  qu'elle  en  a  le  moyen,  et  chastie  telle  dé- 
sobéissance, parce  qu'autrement  il  ne  luy  faudroit  point  d'antres  en- 
nemis pour  la  perdre  que  ceux  qu'elle  tiendroit  à  elle  pendant  la 
bonace,  et  qui  ne  le  seroient  pas  pendant  la  tempeste. 

Souvenés-vous  que  le  roy  ne  veut  point  de  places  où  il  ne  soit  en- 
tièrement le  maistre,  ne  pouvant  y  avoir  de  seureté  avec  un  gouver- 
neur capable  de  révolter  les  habitans  contre  la  garnison  quand  il 
voudra,  comme  ont  faict  ceux  de  Crescentin. 

Quand  le  gouverneur  et  la  garnison  seront  françois,  les  places  se- 
ront seurement  et  soigneusement  conservées,  et  lors  Madame  pourra 
s'asseurer  d'en  estre  maistresse,  au  lieu  qu'elle  est  asseurée  de  ne 
l'estre  pas,  les  Piedmontois  les  gardant. 

'.  «  On  peut  s'exempter  de  fortiffier  Vulpian ,  si  l'on  veut.  »  (  En  marge.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  343 

Faictes  souvenir  Madame  qu'auparavant  qu'un  autre  orage  puisse 
s'exciter,  elle  s'asseure  bien  de  Nice,  de  Villefranche,  de  Montmélian, 
de  Suze  et  de  Veillane. 

M'  le  comte  d' Allez  a  mandé  au  gouverneur  de  Nice  qu'il  avoit 
ordre  de  luy  envoyer  mille  hommes,  (juand  Madame  l'ordonnera. 

M' le  comte  de  Harcourt  est  en  Provence  avec  ordre  de  faire  aussy 
ce  qu'il  faudra  pour  Villefranche.  C'est  à  elle  à  s'asseurer  sy  bien  de 
"ce  costé-là,  si  elle  peut  par  elle-mesme,  ou  par  le  secours  du  roy, 
qu'il  n'en  puisse  arriver  d'inconvénient.  S.  M.  s'ofifrant  plus  librement 
à  conserver  ce  qui  est  adjacent  au  Pô,  comme  plus  périlleux,  que  ce 
qui  est  de  la  Savoie  et  des  autres  places  dont  je  viens  de  parler,  dont 
elle  désire  que  Madame  s'asseure  par  des  créatures  bien  affidées. 

Seulement  la  prie-t-il  de  les  bien  choisir  et  de  croire  que  tel  fera 
bonne  mine  hors  du  péril,  qui  manquera  de  cœur  lorsqu'il  s'y  trou- 
vera. 


CXCI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  q8,  fol.  298.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré,  corrigée  par  Richelieu  et  devenue  minute. 

Bibl.  imp.  Saint-Gerœaiii-Harlay,  347,  fol.  99  v°.  —  Copie. 

[A   M.  DE  CHAVIGNI'.] 

De  Racl ,  ce  6  mai  1 639. 

Ayant  repensé  à  ce  que  le  s'  de  La  Motte  nous  a  dict  touchant  le 
refus  que  le  gouverneur  de  Carmagnole  a  faict  de  recevoir  dans  la 
ville  les  François  qu'on  avoit  envoyés  pour  la  conserver,  j'ai  creu  vous 
devoir  dire  que,  quand  mesme  les  gouverneurs  auroient  de  la  répu- 
gnance à  obéir  aux  commandemens  de  Madame,  il  luy  sera  bien  aisé 
de  mettre  entre  les  mains  du  roy  les  places  qu'elle  voudra  commettre 
à  sa  garde.  . 

'  Les  manuscrits  ne  donnent  point  de        gée  de  la  main  de  monsieur  le  cardinal 
suscription;  celui  de  la  Bibliothèque  met        de  Richelieu.  » 
en  marge  :  «  De  la  main  de  Cherré ,  corri- 


344  LETTRES 

La  première  chose  qu'il  faut  tenter  est  d'envoyer  des  ordres  sy 
exprès  à  une  personne  de  Madame  sy  autorisée  pour  mettre  de  grosses 
garnisons  dans  les  dictes  places,  qu'elle  ne  puisse  estre  refusée. 

Si  cet  expédient  réussit.  Madame  pourra  rappeler  après  aisément 
les  gouverneurs  quand  vous  le  jugerés  à  propos,  les  bien  traicler  en 
leur  prociuant  quelques  avantages  pour  n'effaroucher  pas  les  autres. 

Si  aussy  la  dureté  des  Piedmontois  requiert  un  expédient  plus  puis- 
sant. Madame  doit  partir  en  personne  un  matin  de  Turin,  accompa- 
gnée de  1  2  ou  1  5oo  chevaux,  et,  sous  prétexte  de  visiter  ces  places 
et  rasseurer  ses  peuples  alarmés,  aller  à  Carmagnole,  Fossan  et  Suze, 
jusques  à  Cony,  faire  les  establissemens  qu'elle  voudra  et  qui  sont  sy 
absolument  nécessaires  pour  son  salut  qu'il  n'y  en  a  point  d'autres. 

Elle  doit  passer  aussy  à  Savillan,  Cental  et  autres  lieux,  où  elle 
ne  voudra  pas  mettre  garnison,  afin  qu'une  auti*e  fois,  si  la  nécessité 
la  contraint  de  faire  de  tels  voyages,  on  ne  puisse  soupçonner  ses 
desseins,  ny  apréhendcr  ses  visites. 

Quand  elle  sortira  de  Turin  pour  faire  le  voyage,  elle  y  doit  laisser 
une  bonne  garnison. 

Si  Madame  marchande  doresenavant  les  Piedmontois  qui  l'ont  mal 
servie,  elle  est  absolument  perdue,  et  son  salut  et  cekiy  de  M"'  son 
fils  requiert  qu'elle  punisse  sévèrement  quelques-uns  de  ceux  qui 
auront  tesmoigné  leur  mauvaise  affection. 

Vous  noterés,  s'il  vous  plaist,  que  quand  Madame  aura  mis  les 
places  qu'il  faut  entre  les  mains  des  François,  tant  s'en  faut  qu'il  en 
faille  faire  la  petite  bouche,  qu'au  contraire  elle  en  doit  faire  ime 
déclaration  publique,  disant  ouvertement  qu'elle  l'a  faict  parce  que 
c'est  le  seul  moyen  de  sauver  les  Estats  de  Mons"^  son  fils,  et  sur  l'as- 
seurance  qu'elle  a  que  le  roy  les  luy  remettra  entre  les  mains  toutes 
fois  et  quantes  que  les  Espagnols  luy  rendront  celles  qu'ils  occupent. 

Ensuitte  de  tels  discours  il  faudra  publier  la  promesse  que  le  roy 
en  aura  donnée,  laquelle,  si  vousn'avés  le  loisir  de  nous  envoyer  au- 
paravant qu'elle  voie  le  jour,  vous  la  concevrés  en  termes  tels  qu'ils 
doivent  estre. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.     .  345 

C'est  à  vous  qui  estes  sur  les  lieux  à  considérer  si,  devant  que 
Madame  retire  les  gouverneurs  italiens  des  places  qu'elle  voudra 
commettre  au  roy,  il  ne  sera  point  à  propos  d'attendre  que  le  roy 
soit  fort  dans  le  pays  avec  une  puissante  armée,  qui  empeschera 
par  la  considération  de  sa  force,  autant  que  par  raison,  le  pays  de  le 
trouver  mauvais. 

Rien  ne  doit  empescher  de  mettre  des  garnisons  françoises  fortes 
et  puissantes  dans  les  dictes  places,  mais  peut-estre  ne  sera-t-il  pas 
mauvais  d'attendre  les  forces  du  roy  pour  faire  la  déclaration  pu- 
blique. 

Quoyque  je  vous  mande  sans  chiffre  que  l'armée  de  M'  de  Longue- 
ville  ne  passera  point  que  Madame  n'ait  contenté  le  roy  sur  le  sujet 
des  places  ',  on  ne  laisse  pas  de  la  diligenter  autant  qu'on  peut,  et  on 
ne  retardera  en  aucune  façon  son  passage. 


CXCII. 

Bibi.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  lib,  fol.  269.  —  Copie.  — 
Saint-Gerinain-Harlay,  346,  t.  1,  fol.  276  v°.  — Copie'. 

A  M.  LE  PRIIVCE. 

9  mai  i63g. 

Monsieur,  ce 

gentilhomme  que  bien  cognoissés  vous  tesmoignera  l'estonnement 
auquel  il  m'a  veu  de  ce  que  M'  d'Aluin  m'a  mandé  n'avoir  eu  ordre 
de  se  tenir  prest  pour  entrer  dans  le  païs  ennemy  qu'au  premier  juin. 
Je  vous  asseure  qu'un  tel  ordre  est  sy  contraire  aux  intentions  du  roy 

'  Celle  précaution  ne  servit  de  rien;  on  le  duc  de  Longueville  ne  laissa  pas  de 

se  douta  bien  à  la  cour  de  Turin  que,  passer  les  monts. 

quelle  que  fûl  la  résolution  de  la  duchesse  '  Les  deux  manuscrits  mettent  en  noie  : 

de  Savoie,  Richelieu  n'abandonnerait  ja-  «Copie  faite  sur  une  minute  de  la  main 

mais  le  Piémont  aux  Espagnols;  Madame  du  chirurgien  du  cardinal.  »  Cette  minute 

ne  consentit  point  à  confier  au  roi  son  frère  a  été  envoy,ée  à  de  Noyers ,  qui  a  dû  écrire 

toutes  les  places  qu'on  lui  demandait,  el  la  letlre. 

CAnDIN.  DE  niCIIELIEC.  —  VI.  •  44 


346  LETTRES 

et  à  l'avantage  de  son  service,  que  je  ne  sçay  comme  on  a  peu  prendre 
celte  résolution.  S'il  vous  eust  pieu  croire  vos  amis  vous  eussiés  esté 
bien  plus  tost  en  estât  de  réparer  les  malheurs  passez,  et  correspondre 
à  l'attente  qu'on  doit  avoir  de  vous  cette  année;  telles  longueurs 
donnent  tant  de  temps  aux  ennemis  de  se  préparer  que,  si  on  les  aver- 
tissoit  de  ce  qu'on  veut  faire,  ils  n'auroient  pas  plus  de  commodité 
de  se  disposer  à  rendre  nos  entreprises  vaines. 

Je  laisse  ce  discours  du  passé  pour  venir  au  présent.  La  dépesche 
du  roy,  que  vous  recevrés  par  M""  de  Noyers,  vous  fera  sy  clairement 
cognoistre  ses  pensées  que  je  n'ay  rien  à  y  ajouster;  tout  ce  que  je 
vous  prie  est  de  redoubler  vostre  dilligence  pour  regaigner  le  temps 
perdu,  et  de  tenir  tellement  ce  que  vous  voudrés  faire  secret,  que 
vous  puissiés  profiter  de  la  cognoissance  que  tout  le  mondre  avoit 
qu'on  se  préparoit  pour  attaquer  Fonlarabie  de  nouveau.  La  part  que 
je  prends  à  vos  intérests  me  faict  souhaitter  avec  passio»  un  bon  suc- 
cès en  vos  desseins;  vous  avés  sy  suffisamment  de  quoy  les  faire 
réussir  qu'il  ne  reste  qu'à  eu  bien  emploier  les  moiens.  Je  ne  doute 
pas  que  M""  d'Alluin ,  M' d'Arpajon ,  les  s"  de  Lecques  et  d'Argencourt  ne 
servent  fort  bien  du  costé  de  Perpignan.  Cependant  je  croy  que  le 
s'  d'Espenan  y  sera  bon  encore  pour  agir  avec  son  ardeur  accouslumée. 
M"^  de  Gramont  et  de  Sourdis  suffiront,  à  mon  avis,  pour  demeurer 
avec  des  aides  de  camp  du  costé  de  Bayonne  et  de  la  Navarre,  bien 
que  Sa  Majesté  pense  qu'il  soil  meilleur  de  porter  vostre  attaque 
principalle  dans  le  Roussillon,  tant  à  cause  du  voyage  que  M'^  de  Bor- 
deaux va  faire  à  la  mer,  que  parce  aussy  que  les  meilleures  forces 
d'Espagne,  à  ce  qu'on  mande,  sont  du  costé  de  Fontarabie.  Si  toutes 
fois  vous  estimés  le  contraire ,  le  roy  vous  laisse  libre  d'employer  ses 
forces  où  vous  l'estimerés  plus  à  propos. 

Au  nom  de  Dieu,  prenés  courage;  agisses  avec  ardeur  et  sans  im- 
patience, s'il  vous  plaist,  l'une  de  ces  qualités  estant  aussy  capable 
d'avancer  les  affaires  que  l'autre  de  les  retarder.  Cependant,  Monsieur, 
je  feray  valoir  vos  services,  etc. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  347 


CXCIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  a8,  fol.  022.  —  Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré'.  — 

Bibi.  iinp.  Saint-Germain-Harlay  347,  ^°  '^^  ^°-  —  Copie.  — 

Fonds  Dupuy,  767,  cahier  Nn'  (extrait). 

A  M.  D'HÉMERY. 

I  3  mai  i6ig. 

Après  avoir  veu  la  dépesche  de  M'  d'Hémery,  laquelle  a  este  trouvée 
bonne  et  judicieuse,  la  response  qu'on  y  faict  commence  par  où  elle 
finit. 

Il  demande  cinquante  mille  escus  pour  la  fortifEcation  des  places 
qui  seront  déposées  es  mains  du  roy  par  Madame,  et  cinquante  mille 
escus  pour  les  munir  de  bledz.Sans  attendre  ce  que  M""  de  Bullion  vou- 
dra faire  sur  ce  sujet,  je  les  feray  fournir  sur  mon  crédit,  et  envoieray 
la  lettre  de  change  dans  trois  jours  à  Lyon  par  hoiTime  exprès,  afin 
que  M"  de  Chavigny  et  d'Hémery  s'en  puissent  prévaloir  aux  fins  por- 
tées cy-dessus,  et  non  autrement. 

Le  d.  s'  d'Hémery  demande  encore  cinq  cent  milliers  de  poudre, 
de  mesche  et  de  plomb:  on  fera  fournir  260  milliers  de  poudre  en 
coniptant  100  milliers  qu'on  a  faict  de  nouveau  porter  à  Pignerol  et 
soixante  milliers  que  M'  le  comte  d'Allez  mande  avoir  envoyés  à 
Madame  pendant  le  siège  de  Turin  ^. 

On  fera  encore  fournir  cent  cinquante  milliers  de  mesche,  et  cent 
milliers  de  plomb,  en  rabattant  cinquante  milliers  de  mesche  et  cin- 
quante milliers  de  plomb  que  le  s'  Sabatier  a  aussy  envoyés  à  Pignerol 
durant  le  siège  de  Turin. 

'  Dans  le  manuscrit  des  Affaires  étran-  '  Voy.  ci-dessus ,  note  2  de  la  page  56.  — 
gères  on  lit  en  tète  de  cette  lettre  :  «  Mé-  En  lête  de  l'extrait  du  manuscrit  Dupuy  on 
moire  pour  respondre  à  la  dépieschc  de  Ht  :  «  Response  du  cardinal  de  Richelieu  à 
M'  d'Hémery  du  3*  mai,  receue  le  10.»  M' d'Hémery,  du  1 3  mai , dressée  en  forme 
Cette  lettre  de  d'Hémery  est  conservée  en  de  mémoire,  et  par  articles,  selon  sa  cous- 
original  dans  le  même  manuscrit,  fol.  384;  tume.  > 

elle  est  curieuse  pour  les  aff°aires  du  Pié-  '  A  ia  marge  du  manuscrit  :  «  Restera 

mont  à  ce  moment.  90  milliers  à  fournir.  » 

44. 


348  LETTRES 

M'  d'Hémery  a  aussi  demandé  la  résignation  d'une  abbaye  pour 
l'abbé  de  la  Monta.  J'envoie  présentement  celle  de  l'abbaye  deHam, 
qui  est  à  moy,  avec  les  brevets  de  nomination  et  lettres  pour  Rome, 
pour  le  d.  abbé,  à  condition  qu'elles  ne  seront  deslivrées  qu'au  cas 
que  Madame,  ouvrant  les  yeux  à  ce  qui  est  du  tout  nécessaire  à  son 
salut,  contente  le  roy  sur  le  faict  des  places  dont  M''  d'Hémery  pro- 
pose le  dépost  par  sa  dépesche. 

H  demande  encore  permission  de  donner  quarante  ou  cinquante 
mille  livres  de  rentes,  en  domaines,  pour  lier  plus  estroitement  au 
service  de  Madame  et  du  roy  les  principaux  de  l'Estat.  S.  M.  l'accorde, 
et  dès  cette  heure  fera  arrester  la  vente  des  dicts  domaines  pour  un 
temps,  afin  d'en  distribuer  selon  que  les  s"  de  Chavigny  et  d'Hémery 
auront  arresté  aux  lieux  où  ils  sont'. 

Il  propose  ensuitte  de  marier  Dom  Félix  en  France;  S.  M.  le  trouve 
encore  très-bien  et  sera  bien  aise  que  les  d.  s"  de  Chavigny  et 
d'Hémery  donnent  avis  du  party  qu'on  luy  peut  procurer. 

Les  places  principales  que  de  deçà  on  juge  estre  nécessaires,  après 
avoir  veu  la  dépesche  à  laquelle  on  faict  response,  sontConis,  Revel, 
Cahours,  Savillan,  Quérasque,  Carmagnole,  Yvrée  et  Trin  ^. 

On  estime  plus  à  propos  que  Madame  demeure  dans  Turin  que 
d'en  sortir,  l'expérience  ayant  faict  cognoistre,  en  diverses  occasions, 
que  qui  se  retire  du  siège  de  l'Empire  le  faict  peu  souvent  sans  grand 
préjudice;  mais,  comme  la  peur  qu'elle  a  de  Messieurs  ses  frères 
est  juste  et  légitime,  il  est  raisonnable  d'y  bien  asseurer  sa  personne, 
ce  qui  se  peut  faire  en  chassant  de  la  ville  les  plus  malicieux  et  mal 
affectionnes,  et  en  désarmant  le  reste  des  habitans  entièrement. 

Or,  parce  que  cette  exécution  ne  se  peut  faire  sans  grand  bruicl, 
on  croit  qu'il  faut  que  Madame  ait  premièrement  livré  au  roy  toutes 

'  A  la  marge  du  manuscrit  se  trouvent  de  Tournon;   La  MareUe;  comte  S' -Mo- 
les lignes  suivantes  :  «  Personnes  qu'il  faut  rice.  » 

obliger:  Dom  Félix,  marquis  de  Pianesse;  '  A  la  marge  du  manuscrit  :  «  Il  y  en 

marquis  Ville;   marquis   Bobe;   marquis  peut  avoir  d'autres  utiles,  qucces  Mess"  qui 

de  S'Germain;  marquis  de  Lullin;  baron  sont  delà  n'oublieront  pas.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  349 

les  places  qu'elle  veut  déposer  en  ses  mains,  et  qu'après  il  faut  faire 
la  dicte  exécution  un  beau  matin,  sans  qu'on  y  pense. 

Cette  exécution  est  non-seulement  nécessaire  pour  la  seureté  de 
Madame,  mais  pour  deslivrer  Turin  d'une  grosse  garnison  qui  em- 
pescheroit qu'on  ne  peust  rien  faire  à  la  campagne,  et,  quand  elle  sera 
faicte,  600  hommes  dans  la  citadelle  et  i^  ou  i5oo  dans  la  ville, 
avec  100  chevaux,  l'asseureronl  plus  qu'une  armée  entière,  les  habi- 
tans  estant  armés. 

Il  y  a  aussy  peu  à  marchander  en  cette  résolution  comme  à  celle 
qu'il  faut  prendre  de  chastier  tous  ceux  du  pays  qui  auront  mal  faict. 
Telles  punitions,  et  des  bienfaicts  à  ceux  qui  voudront  bien  faire,  et 
le  dépost  des  places  entre  les  mains  du  roy  sont  les  seids  remèdes 
qui  peuvent  restablir  M'  de  Savoie  en  tout  son  Estât. 

Si  Madame  prend  le  party  de  se  vouloir  retirer  à  Chambéry,  après 
avoir  désarmé  les  habitans  de  Turin,  remettant  en  ce  cas  la  place 
entre  les  mains  du  roy,  il  la  faudra  accepter,  mais,  à  dire  le  vray,  j'es- 
time plus  à  propos  qu'elle  demeure  à  Turin. 

On  a  bien  considéré,  comme  vous,  qu'il  faut  1  0,000  hommes  pour 
entretenir  les  garnisons  des  places  déposées,  mais  le  roy  est  résolu 
d'en  supporter  la  despense  pour  le  salut  de  Madame;  et  la  plus  grande 
difficulté  que  nous  aurons  est  à  trouver  des  gens.  Cependant  on  fera 
toutes  sortes  d'efforts  à  cet  efiect,  et  l'expédient  que  vous  proposés, 
d'avoir  3, 000  hommes  des  troupes  de  Madame,  est  fort  bon. 

On  approuve  aussy  celuy  dont  vous  escrivés  à  M'  de  Noyers  de 
faire  lever,  par  les  gouverneurs  de  Dauphiné,  Lyonnois,  Bourbonnois 
et  Auvergne,  à  chacun  mille  hommes,  et  on  leur  envoie  présentement 
les  expéditions  nécessaires  à  celte  fin. 

Bien  que  je  n'estime  point  nécessaire  de  respondre  à  l'article  par 
lequel  vous  désirés  savoir  si  Madame,  changeant  d'humeur,  vouloit 
faire  sortir  les  François  qui  sont  dans  ses  places,  on  suivroit  ses  vo- 
lontés, parce  qu'il  faudroit  qu'elle  eust  perdu  le  sens  pour  entrer  en 
telle  pensée,  je  ne  laisseray  pas  de  vous  dire  qu'il  faudroit,  en  tel 
cas,  imiter  les  médecins  qui  contraignent  les  malades  à  prendre  les 


350  LETTRES 

remèdes  qu'ils  estiment  leur  estre  salutaires,  quelque  répugnance 
qu'ils  en  aient,  et,  partant,  qu'au  lieu  de  retirer  les  garnisons  fran- 
çoises,  quand  mesme  elle  le  voudroit,  il  faudroit  les  fortiffier. 

Il  m'estoit  bien  vemi  en  pensée,  auparavant  que  de  recevoir  vostre 
dépesche,  que  peut-estre  scroit-il  à  propos  d'oster  les  Infantes  de 
Turin,  mais  je  n'estimois  pas  à  propos  qu'il  fallust  les  faire  venir  en 
France;  au  contraire,  je  croyois  plus  tost  qu'il  les  falloit  envoyer 
à  Milan;  cependant  le  roy  remet  à  ce  que  Madame  jugera  plus  à 
propos  de  les  envoyer  à  Milan  ou  de  les  faire  venir  en  France,  dans 
un  monastère,  si  cela  sert  à  sa  seureté;  mais  j'estime  du  tout  néces- 
saire de  les  oster  de  Turin. 

Je  ne  parle  point  du  dépost  de  Montmélian  et  de  Nice,  que  vous 
proposés,  parce  que,  comme  vous  verres  par  ma  précédente  dépesche 
envoyée  par  le  s""  de  La  Tour,  capitaine  de  Nerestan,  je  n'estime  pas 
qu'il  faille  désirer  tant  de  choses  de  Madame.  Cependant,  si  elle  estoit 
en  humeur  de  se  vouloir  descharger  de  la  garde  de  Nice,  qui  passe 
pour  estre  du  Piedmont,  on  la  recevra  très-volontiers  avecVillefranche. 

En  un  mot,  comme  le  rov  veut  une  descharge  publique  si  Ma- 
dame se  veut  perdre,  S.  M.  est  résolue  à  tous  efforts  extraordinaires 
et  à  quelque  despense  que  ce  puisse  estre  si  elle  se  veut  sauver. 

Ce  sera  à  Mess"  les  ambassadeurs  à  luy  faire  bien  cognoistre  cet 
excès  de  bonne  volonté,  et  l'asseurer  de  la  diligence  avec  laquelle  je 
feray  exécutter  les  intentions  de  S.  M.  tant  à  cause  de  ce  que  je  luy 
dois,  que  pour  l'intérest  que  je  prends  en  tout  ce  qui  touche  Madame. 

Je  ne  vous  dis  rien  sur  les  traictés  proposés  à  Madame  par  les  Es- 
pagnols et  ses  frères,  parce  qu'elle  n'en  sauroit  faire  hors  celuy  qu'elle 
fera  avec  le  roy,  dans  une  paix  générale ,  sans  se  perdre. 

Si  sa  personne  et  celle  de  Mons""  son  (ils  estoient  entre  les  mains 
de  Mess"  ses  frères,  je  commencerois  dès  cette  heure  de  prier  Dieu 
pour  leurs  âmes,  et  ne  penserois  pas  le  faire  trop  tost. 

A  la  fin  de  cette  pièce  le  roi  a  écrit  : 

J'ay  veu  cette  dépesche  que  je  trouve  si  nessesaire  que,  voulant 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  351 

absolument  qu'elle  soit  diligemment  exécutée,  quoyqu'il  m'en  coûte, 

je  désire  que  M"^  de  Bulion  face  fournir  sans  délay  tout  ce  qui  est 

nessesaire  à  cet  efFect. 

Fait  à  Versaiile,  ce  12°  may  1639. 

LOUIS. 


CXCIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin  ,  t.  28,  fol.  Sig.  —  Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  3^7,  fol.  iZi5  v°.  —  Copie.  — 

Mss.  Dupuy  767,  cahier  Oo  (extrait'). 

A  M"'  DE  CHAVIG.fVY  ET  D'HÉMERY.  ^ 

De  Rnel,  ce  17  mai  iGSg. 

J'ay  receu  vostre  dépesche  du  xi  de  ce  mois^;  je  n'y  responds 
point  article  par  article,  parce  que  celle  que  vous  aurés  receue  de  moy 
du  1  2  satisfaict  presque  à  tout,  fors  en  deux  points,  ce  qui  me  faict  en 
diligence  vous  dépescher  ce  courrier. 

Soit  que  Madame  demeure  à  Turin  ou  qu'elle  n'y  demeure  pas, 
nous  jugeons  aussy  bien  que  vous  qu'il  est  très  à  propos  d'avoir  la 
ville  et  la  citadelle  de  Turin,  et  partant  vous  luy  ferés  concevoir  que 
sa  seureté  deppend  de  là.  L'événement  de  la  citadelle  d'Ast,  entre  les 
mains  de  foibles  gens,  luy  devant  faire  cognoistre  Testât  qu'elle  doit 
faire  des  meilleures  places  du  monde  mal  gardées. 

Persistant  à  croire  qu'il  ne  faut  pas  demander  à  Madame  Suze  et 
Montmélian,  nous  estimons  de  très-grande  importance  d'avoir  Nice  et 
Villefranche,  s'il  se  peut.  C'est  pourquoy  vous  y  ferés  toutes  sortes 
d'eCForts  raisonnables,  et  n'espargnerés  pas  quelque  argent  au  marquis 
de  S'-Germain,  qui  est  dans  la  citadelle  de  Turin  et  qui  espère  Nice, 
si  besoin  est. 

Ayant  toutes  les  places  que  vous  mandés  et  ces  deux-là,  je  croy 

'  Voy.  la  note  a  de  la  page  56  ci-dessus.  Affaires  étrangères ,  fol.  Sog ,  et  en  copie 

'  Cette  lettre,  signée  Cliavigni  et  Hé-  dans  le  manuscrit  Dupuy,  avant  la  lettre 

mery,  est  remplie  de  détails  intéressants;  de  Richelieu,  et  aussi  dans  le  manuscrit 

elle  est  en  original  dans  le  manuscrit  des  dn  Harlay,  fol.  189  v". 


352  LETTRES 

qu'on  peut  sauver  Madame;  sans  cela  on  ne  le  peut  absolument,  et  le 
roy  ne  veut  pas  perdre  sa  réputation. 

Je  croy  qu'il  est  à  propos  d'ajouster  après  ces  deux  articles  que, 
si  Madame  s'aheiute  à  ne  vouloir  pas  donner  Nice,  il  ne  faut  pas 
s'abstenir  de  recevoir  les  autres  places  du  Piedmont,  mais  la  raison 
veut  qu'elle  donne  tout  le  Piedmont. 

L'argent,  grâces  à  Dieu,  ne  vous  manquera  pas.  M'  de  Chavigni, 
ayant  conclu  le  traicté  avec  Madame,  et  le  dépost  des  places  estant 
receu  et  exécutté ,  s'en  pourra  venir  sans  attendre  autre  ordre. 

Tant  s'en  faut  que  M''  le  comte  de  S'-Morice  ait  peu  escrire  que 
leroy  ne  vouloit  point  avoir  les  places  du  Piedmont,  qu'au  contraire  je 
iuy  ay  dict  positivement  que  Sa  Majesté  n'envoieroit  point  l'armée  de 
M'  de  Longueville  au  secours  de  Madame  sans  cela.  Mais  il  peut  bien 
avoir  escrit  que  je  Iuy  ay  dict  que  le  roy  ne  vouloit  les  places  que 
pour  les  garder  jusques  à  ce  que  les  Espagnols  remissent  celles  qu'ils 
ont  prises,  ce  qui  est  très-véritable,  et  il  a  trouvé  cette  proposition 
sy  juste  qu'il  m'a  faict  cognoistre  que  le  seul  salut  de  Madame  et  de 
monsieur  son  fils  consistoit  à  en  user  ainsy. 

M""  le  cardinal  de  La  Valette  m'escrit  sur  le  sujet  du  changement 
qui  a  esté  faict  de  quelques  officiers  de  la  garnison  de  Metz,  comme 
si  cette  affaire  importoit  à  sa  réputation.  Je  vous  prie  de  Iuy  faire 
cognoistre  que  nous  n'avons  rien  faict  qu'en  une  extresme  nécessité, 
et  après  avoir  consulté  le  s'  Talon,  et  sceu  de  Iuy  qu'il  le  trouveroit 
bon,  et  après  avoir  tiré  parole  du  roy  que  M"'  le  cardinal  de  La  Valette 
pourroit  à  son  retour  changer  la  garnison ,  ainsy  que  bon  Iuy  semblera. 
S'il  le  désire  dès  cette  heure,  je  ne  manqueray  pas  de  le  proposer 
au  roy,  et  il  aura  contentement.  Mais  je  Iuy  conseille  de  laisser  passer 
cette  campagne,  et  l'hyver  il  pourra  faire  ce  que  bon  Iuy  semblera. 

Depuis  ce  que  dessus  escrit,  j'ay  parlé  à  M'  l'ambassadeur  de  Sa- 
voie, par  le  discours  duquel  j'ay  bien  cogneu  qu'il  n'avoit  osé  escrire 
ce  que  je  Iuy  dis  de  la  part  du  roy,  en  sa  dernière  audience,  sur  le 
deppost  que  Sa  Majesté  désiroit  des  places;  il  dist  pourtant  que  sa  der- 
nière dépesche  le  porte,  mais  non  pas  les  précédentes.  Ce  que  je  juge 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  353 

e5t ,  qu'il  craint  tellement  que  la  faveur  de  ceux  qui  sont  de  delà  trouvent  ' 
à  redire  à  ses  dépesches,  qu'il  n'a  osé  mander  ce  que  je  lui  avois  dicl, 
de  peur  qu'ils  jugeassent  qu'il  favorisast  trop  les  desseins  de  la  France. 

Il  m'a  asseuré  qu'il  dépeschera  demain  un  courrier,  par  lequel  il 
escrira  ce  que  je  luy  ay  déclaré  de  la  part  du  roy. 

Mais  il  n'est  pas  besoin  de  considérer  ce  que  mande  l'ambassadeur 
ou  ce  qu'il  ne  mande  pas.  C'est  à  Madame  à  voir  si  elle  se  peut  sauver 
par  autre  voye;  et,  s'il  n'y  en  a  point,  comme  il  faut  estre  aveugle  pour 
ne  le  pas  voir,  elle  la  doit  suivre  plustost  aujourd'hui  que  demain.  Le 
roy  désire  estre  promptement  esclaircy  de  sa  résolution,  ne  voulant 
en  aucune  façon  se  consumer  en  despenses  extraordinaires  pour  tra- 
vailler en  vain  à  sauver  ceux  qui  se  veulent  perdre.  Au  nom  de  Dieu, 
faictes  prendre  garde  à  Nice  et  à  Villefranche ,  de  crainte  d'inconvénient. 

M'  l'ambassadeur  dict  qu'on  luy  a  mandé  que  vous  demandés  que 
les  habitans  des  villes  qui  seront  depposées  facent  serment  à  Madame , 
au  duc  son  fds  et  au  roy.  Je  luy  ay  dict  que  je  voulois  perdre  tout  ce 
que  j'ay  au  monde,  si  on  avoit  demandé  qu'on  list  serment  au  roy, 
comme  souverain,  ce  qui  ne  se  pouvoit  prétendre  qu'avec  injustice; 
mais  je  ne  doutois  pas  qu'on  ne  demandas!  que  les  villes  fissent  ser- 
ment de  ne  rien  faire  contre  le  roy  et  les  siens,  tandis  qu'ils  auront 
les  villes  en  deppost,  ce  qui  ne  se  peut  aussi  desnier  qu'avec  injustice 
et  un  entier  aveuglement. 

Si  Madame  diffère  à  faire  ce  que  le  roy  désire,  elle  perdra  encore 
la  Savoie  et  tout  le  reste.  Si  elle  le  faict,  il  faut,  après  que  les  armes 
du  roy  seront  assemblées,  reprendre  Chivas,  investir  et  se  saisir 
d'Yvrée,  chastier  ceux  de  la  Valdoste,  pour  asseurer  la  Savoie  et  tout 
le  Piedmont  de  deçà  le  Pô;  ensuite  de  quoy  on  fera  ce  que  Dieu  con- 
seillera pour  le  mieux. 

Le  manuscrit  des  Affaires  étrangères  donne,  avant  la  dépêche  du  cardinal, 
(fol. 3/i7),  une  lettre  de  cabinet  adressée  le  même  jour  à  la  duchesse  de  Savoie; 

'  Cette  phrase  irréguiière  semblerait  un  que  l'ambassadeur  de  Savoie  «  craint  telle- 
peu  moinit  inintelligible  s'ily  avait»  trouve  »  ment  que  les  favorisde  laduchesse  trouvent 
se  rapportant  à  •  faveur;  »  elle  doit  signifier        à  redire  à  ses  dépêches  que ,  etc.  » 

CARDIN.  DE  RICUELIEO. VI.  45 


354  LETTRES 

cette  lettre ,  en  original ,  est  signée  Louis  et  contre-signée  Suhlet,  mais  c'est  évidem- 
ment Richelieu  qui  parle.  Une  copie  se  trouve  à  la  Bibliothèque,  dans  le  manuscrit 
précité  de  Harlay,  fol.  1 48 ,  et  un  extrait  dans  le  manuscrit  de  la  collection  Dupuy . 
Nous  en  donnons  ici  quelques  passages,  qui  en  feront  connaître  l'esprit  : 

Ma  sœur,  bien  que  les  sieurs  de  Chavigny  et  d'Hémery  vous  aient 
desjà  proposé  comme  le  seul  moien  d'asseurer  vostre  personne  et 
de  sauver  vostre  Estât  pour  mon  nepveu  vostre  fils,  de  consigner 
entre  mes  mains  les  places  qui  vous  restent  en  Piedniont,  je  ne  laisse 
pas  de  vous  tesmoigner  que  si  vous  ne  prenés  cette  résolution  il  m'est 
impossible  de  vous  garantir  de  la  mauvaise  volonté  de  vos  ennemis, 
dont  vous  ressentes  desjà  trop  d'effects.  Je  ne  désire  point  avoir  ce 
deppost  des  places  pour  autre  advantage  que  pour  celuy  d'avoir  la 
gloire  de  maintenir  vos  Estats  par  la  force  de  mes  armes,  ou  par  un 
bon  traicté,  qui  oblige  les  Espagnols  à  restituer  celles  qu'ils  ont  oc- 
cupées, au  mesme  temps  que  je  rendray  celles  que  vous  m'aurés 
depposées. . .  Je  fais  avancer  mon  cousin,  le  duc  de  Longueville,  avec 
une  nouvelle  armée,  résolu  de  rien  omettre  pour  vous  faire  tirer 
raison  des  outrages  que  vous  avés  receus. . .  Je  désire  et  vous  prie 
de  donner,  aussytost  la  présente  receue,  une  dernière  résolution  sur 
ce  sujet  à  mes  ambassadeurs,  afin  que  sur  icelle  je  prenne  mes  me- 
sures, et  face  voir  à  tout  le  monde  que  je  n'ay  peu  vous  empescher 
d'estre  seule  cause  de  vostre  perte. . . 


CXCV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Pays-Bas,  t.  i3.  — 

Minute  de  la  main  de  de  Noyers  et  de  celle  de  Richelieu. 

Bibl,  imp.  Cinq-Cents  Colbert,  ii°  45,  fol.  85  v°.  — Cojjie'.  — 

Saint-Germain  Harlay,  346 ,  l.  i ,  fol.  88.  —  Copie. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  n°  i86,  in-4°,  p.  ii5'.  —  Copie. 

A  M.  LE  GRAND  MAISTRE. 

17  mai  1639. 

Vous  trouvères  bon  que  je  vous  dise  que  pour  estre  trop  fin  l'on 

'  Les  manuscrits  de  Colbert  et  de  Harlay         sur  une  minule  de  la  main  du  cardinal.  » 
mettent  en  note  que  leur  copie  t  est  faite  '  Ce  manuscrit  est  divisé  en  plusieurs 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  355 

ne  l'est  quelquefois  point  du  tout;  je  ne  m'estonne  pas  que  vous 
n'ayés  pas  trouvé  Aire  attaquable,  mais  je  m'estonne  extraordinaire- 
ment  qu'en  mandant  qu'on  ne  peut  faire  ce  dessein  vous  n'en  pro- 
posiés  quelqu'autre ,  puisque,  estant  sur  les  lieux,  vous  pouvés  voir, 
mieux  que  ceux  qui  en  sont  esloignés,  ce  qui  se  peut  faire. 

Nous  ne  voyons  de  loin  autre  chose  à  faire  qu'à  vous  donner  la 
carte  blanche;  le  roy  vous  laisse  libre  d'attaquer  telle  place  que  bon 
vous  semblera,  et  nous  ne  pouvons  juger  d'icy  qu'aucune  autre  puisse 
estre  attaquée  que  Saint-Omer,  Arras  et  Hesdin  ou  Bapaulme. 

Nous  tenons  la  première  plus  que  difficile  maintenant  à  cause  que 
vous  ne  sauriés  plus  les  surprendre.  La  dernière,  qui  est  Bapaulme, 
nous  semble  de  niesme  nature  à  cause  des  eaux. 

'  Hedin  est  très-bien  muni  de  gens,  et  par  conséquent  meurtrier, 
et  le  dessein  que  les  ennemis  désirent  le  plus  pour  garantir  le  de- 
dans de  leur  pays.  II  semble  ne  vous  rester  que  Arras  à  attaquer,  si 
ce    n'est  que  vous  aymiés  mieux,  du  mesme  costé  d' Arras,  entrer 


parties;  celle  qui  contient  les  lettres  de 
Richelieu  est  intitulée  :  Extrait  de  plusieurs 
lettres  écrites  pur  AI.  le  cardinal  de  Richelieu 
à  M.  de  La  Meilleraye,  grand  maître  de 
l'artillerie,  en  Vannée  1639,  lorsqu'il  com- 
mandait en  Flandres.  Malgré  ce  mot  extrait, 
presque  toutes  les  lettres  sont  entières.  Le 
copiste  est  fort  malhabile;  les  mots  et 
surtout  les  noms  propres  sont  quelquefois 
défigurés;  néanmoins  ce  manuscrit  n'est 
pas  sans  valeur;  outre  que,  sur  cinquante- 
cinq  lettres  qu'il  contient ,  il  en  est  que  nous 
n'avons  pas  trouvées  ailleurs ,  nous  avons 
pu  nous  convaincre,  par  la  comparaison 
que  nous  avons  faite  de  quelques-unes  avec 
celles  dont  la  copie  existe  dans  les  manus- 
crits de  Colbert,  de  Béthune  et  de  Harlay, 
que  la  copie  de  l'Arsenal  est  parfois  plus 
complète.  On  lit  à  la  fin  de  la  première 
lettre  de  ce  manuscrit  :  •  J'avertis  le  lec- 
teur que  les  originaux  de  ces  lettres  sont 


écrits  et  signés  de  la  main  du  cardinal 
de  Richelieu.  •  Ce  manuscrit  de  l'Arsenal 
contient,  outre  ces  lettres,  les  pièces  sui- 
vantes :  Abrégé  de  la  vie  du  cardinal  de 
Richelieu.  —  Abrégé  de  ia  vie  d'Alphonse 
de  Richelieu,  son  frère.  —  Les  Amours  du 
cardinal  et  de  Madame  de  Combalet.  Ce  sont 
des  opuscules  sans  valeur  historique  et 
sans  aucun  intérêt. 

'  D'ici  jusqu'au  mol  «  entrer,  »  de  la 
main  de  Richelieu ,  ainsi  que  le  dernier 
paragraphe.  Le  manuscrit  de  l'Arsenal 
offre  quelques  variantes  avec  les  trois  au- 
tres manuscrits.  Cela  vient  sans  doute 
de  ce  que  les  copistes  de  Colbert  et  de 
Harlay  ont  transcrit  sur  notre  minute,  à 
laquelle  ils  sont  conformes,  tandis  que  la 
copie  de  l'Arsenal  aura  été  prise  sur  l'ori- 
ginal, que  nous  n'avons  pas  trouvé,  mais 
que  nous  supposons  avoir  subi  quelques 
changements. 

45. 


356  LETTRES 

dans  le  pays  des  ennemis  pour  le  ruiner  et  les  attirer  à  un  combat 
s'ils  ne  veulent  laisser  ruiner  en  la  campagne,  et  de  là  voir  quelle 
place  l'on  pourra  attaquer. 

Car  je  vous  redis  encore  une  fois  que  le  l'oy  vous  laisse  la  carte 
blanche. 

Tant  y  a  qu'il  faut  ou  attaquer  une  place  ou  prendre  un  poste  sy 
avantageux  qu'on  ruine  le  pays  pendant  cette  campagne. 

Ne  vous  affligés  point,  je  vous  prie,  de  ce  que  nostre  premier 
dessein  n'a  peu  réussir.  J'espère  que  Dieu  vous  donnera  bon  succez 
en  un  autre. 


CXCVI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  a8,  fol.  Sya.  —  Original.  — 

Au  fol.  35A,  une  minute  de  la  main  de  Cherré. 

BiW.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  8/47,  folios  i38  v"  et  ^94  v".  —  Copies.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Oo  '.  —  Copie. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

Ruel,.i8  mai  lôSg. 

Monseigneur, 

Ayant  veu  la  lettre  que  vous  m'avez  escrite  le  i  1*  de  ce  mois'^,  je 
vous  diray  que  le  changement  que  le  roy  a  faict  de  quelques  officiers 
de  la  garnison  de  Metz  estoit  sy  nécessaire  qu'on  ne  le  pouvoit  diffé- 
rer plus  longtemps  sans  s'exposer  à  perdre  la  place.  Les  avis  que 
nous  avons  eus  de  l'entreprise  que  les  Espagnols  avoient  sur  icelle, 
et  de  leurs  intelligences,  dont  M'  de  Chavigny  n'aura  pas  manqué  de 
vous  donner  cognoissance ,  estant  sy  asseurés  qu'il  n'y  avoit  pas  lieu 
d'en  douter.  Cependant  je  vous  puis  dire  qu'autre  que  S.  M.  n'a  pris 
la  résolution  d'envoyer  des  siens  à  Metz  pour  remplir  les  charges  de 
ceux  qu'on  a  esté  contraint  d'oster  de  la  dicte  garnison  qu'après  l'avoir 
proposé  au  sieur  Talon,  vostre  secrétaire,  qui,  voyant  la  nécessité 

'  Voy.  la  note  a  de  la  page  56  ci-dessus.  —  ^  Cette  lettre  du  1 1  est  dans  le  manuscrit 
de  Dupuy,  au  feuillet  précédent. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  357 

qu'il  y  avoit  d'en  user  ainsi,  l'approuva  luy-mesme  et  fist  cognoistre 
que  vous  le  trouviés  bon.  L'intention  de  Sa  dicte  Majesté  n'a  jamais 
esté  d'y  establir  les  dicts  oflGciers  à  vostre  préjudice,  ny  vous  priver 
de  la  nomination  d'iceux,  mais  seulement  d'y  faire  demeurer  ceux 
qu'elle  y  a  envoyés  et  y  servir  dans  l'occasion  présente  à  la  conser- 
vation de  la  place. 

Ne  vous  imaginés  donc  pas,  s'il  vous  plaist.  Monseigneur,  qu'on 
ait  eu  aucun  dessein,  en  faisant  ce  changement  à  Metz,  de  choquer 
vos  intérests,  ce  que  vous  croirés  aisément  en  vous  disant  qu'il  sera 
en  vostre  liberté  de  retirer  les  officiers  que  S.  M.  y  a  envoyés  toutes 
fois  et  quantes  que  vous  le  désirerés.  En  mon  particulier  je  vous  en 
asseure  encore  par  ces  lignes,  et  que  S.  M.  et  ses  serviteurs  n'ont  ja- 
mais eu  plus  de  confiance  en  vostre  personne  qu'ils  en  ont  à  présent'. 
Pour  moy,  je  veux  croire  que  vous  n'en  doutés  non  plus  que  de  la 
passion  sincère  avec  laquelle  je  vous  honore  et  seray  tousjours, 

Monseigneur, 

Vostre  très  bumble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  le  18  mai  lôSg'''. 


CXCVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Rome,  t.  65.  —  Copie. 
Bibl.  imp.  SaÎDt-Germain-Harlay,  347,  fol.  716.  —  Copie. 

A  M.  LE  MARÉCHAL  D'ESTRÉES, 

AIIBUStDKDK  UTKAOlDIllilU  k  KOHE. 

20  mai  1639. 

Le  roy,  ayant  veu  la  dépesche  du  d.  sieur  ambassadeur  en  date 

'  Cette  phrase  n'était  pas  dans  la  mi-  lieu  à  ménager  ceux  qu'il  affectionnait. 
nute,  et  les  légers  changements  qu'on  re-  '  On  trouve  au  fol.  388  du  manuscrit 

marque  entre  celle-ci  et  l'original  montrent  des  Affaires  étrangères  l'original  de  la  ré- 

encore  le  soin  attentif  que  prenait  Riche-  pense  du  cardinal  de  La  Valette. 


358  LETTRES 

du  1  7  du  mois  passé,  a  trouvé  assez  estrange  que,  cinq  mois  après  la 
nomination  que  S.  M.  a  faicte  du  s'  Mazaiin  pour  estre  cardinal  à 
la  première  promotion.  Sa  Sainteté  ait  mis  en  avant  des  difficultés 
dont  elle  n'a  faict  aucune  mention  d'abord,  particulièrement  pour  ce 
qui  est  de  la  bulle  de  Pie  IV. 

S.  M.  avoit  creu  jusques  icy  que  l'aversion  du  pape  à  l'esgard  de 
Perreti,  qu'il  croit  ennemi  de  sa  maison,  l'avoit  empesché  de  faire  une 
promotion,  et  de  contenter  le  roy  d'Espagne,  qui  l'a  nommé  pour 
estre  cardinal,  et  que  le  cardinal  Barberin  n'estoit  pas  dans  ce  sen- 
timent, ains  au  contraire  qu'il  faisoit  tout  ce  qui  luy  estoit  possible, 
selon  l'intérest  qu'il  a  que  Sa  Sainteté  fasse  une  prompte  promotion 
pour  surmonter  les  difficultés  et  longueurs  qu'elle  y  apporte,  et  Ja 
faire  enfin  résoudre  à  contenter  le  roy  d'Espagne  sur  le  sujet  du  d. 
Perreti,  qui  semble  seul  estre  cause  du  retardement  de  la  promotion. 

Toutefois  l'on  voit  par  la  d.  dépesche  du  19  que  M'' le  cardinal 
Barberin  veut  faire  un  effort  en  Espagne  par  le  ministère  du  s''  Fa- 
cbineti,  qui  s'y  en  va  nonce  extraordinaire,  pour  divertir  le  roy  d'Es- 
pagne de  la  nomination  du  d.  Perreti,  moyennant  quoy  il  prétendroit 
exclure  aussy  du  cardinalat  le  d.  s'  Mazarin. 

Sur  quoy  S.  M.  s'est  résolue,  selon  l'avis  du  d.  s"^  ambassadeur, 
de  faire  appeler  le  s'  nonce,  et  de  luy  parler  fortement  sur  ce  sujet, 
comme  aussy  d'escrire  à  M"  le  cardinal  Bicchi  afin  que  luy  et  le  d. 
s*^  nonce  fassent  savoir  à  Sa  Sainteté  et  à  M"'  le  cardinal  Barberin  la 
résolution  de  S.  M.  pour  ce  regard,  et  qu'il  est  certain  que,  pour 
quelque  considération  que  ce  soit,  elle  ne  se  départira  jamais  de  la 
nomination  du  d.  s''  Mazarin,  s'y  sentant  bien  fondée  comme  elle  est 
et  obligée  à  ne  se  point  relascher  et  abandonner  à  la  haine  de  ses 
ennemis  un  sujet  sy  digne  du  cardinalat,  et  qui  a  sy  bien  mérité  du 
public,  le  cognoissant  au  surplus  très-affectionné  à  la  maison  Bar- 
berin, 

Le  d.  s'  ambassadeur  verra  la  lettre  que  le  roy  escrit  au  s'  cardi- 
nal Bicchi,  par  laquelle  il  sera  informé  de  la  sorte  que  le  roy  a  parlé 
au  nonce,  ayant  usé  presque  des  mesmes  termes. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  359 

Quoique  la  difficulté  fondée  sur  la  bulle  de  Pie  IV  tende,  ce  semble, 
à  l'exclusion  du  d.  s"^  Mazarin  seul,  l'on  n'estime  pas  que  néantmoins 
icy,  non  plus  que  les  ennemis  de  la  France  par  delà,  que  le  pape  et 
le  cardinal  Barborin  voulussent  songer  à  contenter  l'Espagne  tou- 
cbant  l'abbé  Perreti,  et  mescontenter  la  France  pour  le  regard  du  d. 
s''  Mazarin;  mais  il  faut  leur  faire  comprendre,  ainsv  que  le  d.  s'  am- 
bassadeur l'a  faict  jusques  icy,  que  le  roy  ne  considère  que  la  justice 
et  la  raison  de  sa  demande,  qu'il  prétend  obtenir  sans  se  mettre  en 
peine  de  ce  que  le  pape  fera  pour  les  autres. 

Tout  ce  que  dessus  est  plustost  une  approbation  des  sentimens 
du  d.  s'  ambassadeur  et  de  sa  conduite  sur  cette  affaire  qu'un  ordre 
nouveau,  S.  M.  trouvant  bon  qu'il  continue  à  la  manière  comme 
il  a  faict  jusques  icy,  moyennant  quoy  elle  en  espère  tout  bon 
succès. 

Elle  luy  ordonne  de  plus,  ou  plustost  confirme  ce  qui  luy  a  esté 
déjà  mandé,  de  sortir  actuellement  de  Rome,  au  cas  que  le  pape  ne 
fasse  point  le  s''  Mazarin  cardinal  à  cette  promotion,  et  pour  se  forti- 
fier en  cela,  S.  M.  trouve  bon  qu'il  pienne  l'escritque  l'ambassadeur 
d'Espagne  Lespée  a  ci-devant  offert  de  donner,  et  que  le  d.  s'  am- 
bassadeur luy  en  délivre  un  semblable,  s'il  le  désire.  En  quoy  il  pren- 
dra garde  de  faire  le  sien  relatif  à  celuy  de  Lespée,  en  sorte  qu'il 
paroisse  que  c'est  luy  qui  a  voulu  avoir  cette  seureté. 

C'est  tout  ce  qui  restoit  à  respondre  à  la  susdicte  dépesche  du  i  9. 
S.  M.  recommande  aussy  au  d.  s'  ambassadeur  de  continuer  d'agir 
avec  vigueur  en  cette  affaire,  et  de  contribuer  tout  ce  qu'il  pourra 
par  son  adresse  à  faire  résoudre  le  pape  et  M""  le  cardinal  Barberin  de 
faire  promptement  la  promotion  que  l'on  attend  icy  désormais  avec 
impatience,  et  que  Sa  Sainteté  ne  doit  pas,  ce  semble,  différer,  puis- 
qu'il y  a  tant  de  places  vacantes. 

20  mars  1689,  à  Saint-Germain-en-Laye. 


360 


LETTRES 


CXCVUI. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  lôSg,  Supplément,  fol.  177.  — Original. 


SUSCRIPTION : 


POUR  M.  ROUTHILLIER, 

SDRINTENDAMT  DES  FINANCES,  k  PABIS. 

De  Ruel ,  ce  2  I  mai  1689. 

J'ay  esté  bien  aise  de  sçavoir  des  nouvelles  de  ma  niepce;  j'espère 
bien  du  succès  de  sa  maladie,  tant  parce  que  Madame  vostre  femme 
vous  mande  que  sa  fièvre  diminue,  que  par  l'assistance  qu'elle  recevra 
des  médecins  lorsqu'ils  seront  auprès  d'elle;  et  par  le  soin  particulier 
que  je  sçay  que  madame  Bouthillier  en  prend  '. 

Quant  au  voiage,  il  dépend  de  vous  de  le  faire  ou  ne  le  faire  pas. 
Je  vous  dis  ouy  et  non,  afin  que  vous  choisissiés  ce  que  vous  esti- 
merés  le  plus  à  propos. 

Bien  vous  diray-je  que  je  ne  voy  rien  qui  vous  oblige  audict  voiage 
et  que  le  s'  de  La  Barde  fera  fort  bien  ce  qu'il  faut;  partant  il  est  en 
vostre  franc  et  libéral  arbitre  de  faire  eslection  du  feu  ou  de  l'eau  *. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  M"'  de  Brézé  était  malade  à  la  cam- 
pagne de  Bouthillier;  Richelieu  avait  en- 
voyé la  veille  (20  mai)  un  exprès  pour 
avoir  de  ses  nouvelles.  «  Je  suis  très-fasché , 
écrivait-il  à  M"'  Bouthillier,  de  la  maladie 
de  ma  petite  niepce  de  Brézé,  et  beancoup 
plus  encore  de  la  peine  que  je  sçay  que 
vous  en  avés,  et  des  inquiétudes  qu'elle 
vous  cause.  Je  vous  prie  de  ne  vous  en 

point  affliger Je  vous  aurois  envoie 

M.  Ciloys,  ainsy  que  vous  avés  tesmoigné 
le  désirer,  sans  une  petite  indisposition 
qui  est  survenu  à  M.  le  daufin.  ..  Le  dicl 
s'  Ciloys  et  les  autres  médecins  qui  le 
voient  asseurent  que  ce  ne  sera  rien.  J'en 


prie  Dieu  de  tout  mon  cœur,  et  que  vostre 
petite  malade  soit  bientost  en  santé  pour 
vous  faire  recouvrer  le  repos  qui  vous  est 
nécessaire ...»  L'original  de  cette  lettre 
est  aux  archives  des  Affaires  étrangères; 
France,  1689;  Suppl.  P  176,  avec  la  sus- 
criplion  :  «  A  mad<ime  Bouthillier,  la  surin- 
tendanle,  aux  Caves.  «  Tout  ceci  est  un 
petit  détail ,  sans  doute,  mais  nous  saisis- 
sons volontiers  les  occasions  de  montrer 
Richelieu  dans  les  choses  privées  et  en 
dehors  des  grandes  affaires.  D'ailleurs  il 
s'agit  ici  de  la  jeune  fille  qui  sera  bientôt 
la  femme  du  grand  Condé. 

'  Voy.  une  lettre  à  Bouthillier,  p.  336. 


DL  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  361 


CXCIX. 

Arch.  des  AfT.  étr.  Pays-Bas,  t.  i3.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Béihune,  9266,  foi.  12.  —  Copie.  — 

Cinq-Cents Colbert ,  n°^5,  fol.  92. — Copie. — S'-Genn.Harl.  3/i6,  t.  1,  fol.  98  v°. — Copie'. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Histoire,  n"  186,  in-4°,  p.  118.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

De  Ruel,  22  mai  1639. 

Mon  Cousin,  Je  suis  très-aise  que  vous  ayés  assiégé  Hesdin,  n'ayant 
peu  entreprendre  le  siège  d'Aire,  comme,  en  e£Fect,  vous  ne  le  pouviés 
sans  beaucoup  bazarder  les  armes  du  roy  pour  les  raisons  contenues 
au  mémoire  que  vous  m'avés  envoyé,  qui  sont  fort  bonnes^. 

S.  M.  faict  estât  de  partir  mercredi  pour  aller  vous  aider.  J'y  vais 
gaiement,  pensant  que  nostre  petite  assistance  ne  vous  sera  pas  inutile. 

Surtout,  en  faisant  les  choses  nécessaires,  conservés  vous,  je  vous 
prie,  et  vous  souvenés  qu'il  y  a  beaucoup  de  choses  qui  ne  sont  point 
d'un  général.  Je  vous  conjure  encore  une  fois  d'avoir  soin  de  vous. 

Ayant  un  grand  corps  d'armée  ',  comme  vous  avés,  vous  n'oublierés 
pas,  je  m'asseure,  d'envoyer  à  propos  à  la  guerre  pour  tascher  d'at- 
traper les  ennemis  qui  s'assembleront  un  peu  au  long,  à  la  Veymarde. 
Cette  pensée  n'est  pas  un  ordre,  mais  un  avis,  que  vous  suivrés  selon 
que  vous  le  jugerés  bon. 

Si  vous  estimés  qu'une  circonvallation  entière  soit  nécessaire  pour 
asseurer  la  prise  de  Hesdin,  il  la  faut  faire,  n'y  ayant  rien  à  oublier 
pour  venir  à  bout  de  ce  dessein,  et  se  rendre  maistre  de  cette  place, 
qu'il  faut,  avec  l'aide  de  Dieu,  emporter  hautement. 


'  •  Minute  originale  de  la  main  de  tant  guère  que  dans  le  tour  de  la  phrase. 
Cherré.»  Cette  noie  est  commune  au  ma-  '  LeuianuscrilderArsenalmeten  note: 

nuscrit  de  Colbert  et  à  celui  de  Harlay.  lisez   «cavalerie.»  Le  manuscrit  de   Bé- 

'  Nous  suivons  ici  le  ms.  de  l'Arsenal ,  thune  dit  :  i  d'artillerie.  »  La  meilleure 

qui  a  copié  sur  l'original,  et  qui  offre  avec  le<jon  est  sans  doute  celle  que  donne  la 

la  minute  une  légère  différence  ne  consis-  minute  de  la  main  de  Cherré. 

CARDIN.  DE  RICHELIED.  —  VI.  Ib 


362  LETTRES 

Vous  n'aurés  pas  oublié  d'envoyer  quérir  tous  les  charpentiers  des 
lieux  circonvoisins  pour  vous  aider  à  couper  vos  bois;  et  le  bon  équi- 
page que  vous  avés  à  l'artillerie  me  faict  croire  que  vous  ne  manquerés 
d'aucune  chose. 

J'espère  bien  de  vostre  campagne  et  m'asseure  que  le  roy  aura  grand 
contentement  de  vostre  personne;  il  est  très-satisfaict  de  vostre  siège. 
Soyés  donc  content  et  vous  asseurés  que  je  suis  et  seray  tousjours, 
mon  cousin,  vostre  Irès-aCfectionné  cousin  et  serviteur^. 


ce. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  38^.  — 

Minule  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  347,  f'*'-  1^9-  —  Copie.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Oo' (extrait). 

[A  M"  DE  CHAVIGNY  ET  D'HÉMERY']. 

22  mai  1689. 

L'on  vous  renvoie  ce  courrier  pour  vous  dire  que  le  roy  a  aujour- 
d'huy  parlé  comme  il  faut  à  M'  l'Ambassadeur,  le  comte  Saint-Mau- 


'  Le  manuscrit  de  l'Arsenal  nous  donne 
la  copie  d'une  lettre  du  cardinal  à  La  Meil- 
leraie,  datée  du  26  mai,  et  que  nous  ne 
trouvons  pas  ailleurs.  Cette  letlre  nous 
semble  une  espèce  d'addition  à  la  pré- 
sente, ainsi  qu'à  celle  qui  suit,  du  a4  mai  : 
n  Je  vous  conjure  de  nouveau,  écrit  Riche- 
lieu à  son  cousin ,  de  faire  le  général  d'ar- 
mée et  lion  le  soldat,  et,  qui  plus  est,  un 
mot  plus  court,  que  vous  pouvés  deviner 
sans  que  je  l'escrive.  »  Et,  à  la  lin  de  la 
lettre,  Richelieu  ajoute:  «Ayés  soin  de 
vous,  je  vous  le  recommande  encore  une 
fois ,  et  pour  la  conservation  de  vostre  per- 


sonne, et  pour  vostre  honneur,  que  vous 
perdriez  aussy  bien  en  vous  -faisant  tuer 
mal  à  propos,  que  d'autres  le  perdent  en 
conservant  leurs  vies  sagement.»  (P.  ia4 
du  ms.  de  l'Arsenal.)  C'est  ce  qu'il  y  a  de 
plus  remarquable  dans  cette  missive,  dont 
il  sera  fait  mention  aux  analyses. 

'  Voy.  la  note  a  de  la  page  56. 

'  Le  manuscrit  des  Aff.  étr.  n'indique 
aucune  suscriplion  ;  mais  pendant  l'am- 
bassade extraordinaire  de  Chavigni  la  plu- 
part des  lettres  écrites  à  celui-ci  étaient 
adressées  en  commun  à  lui  et  à  l'ambas- 
sadeur ordinaire. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  363 

rice,  du  deppost  que  la  nécessité  oblige  Madame  de  faire  en  ses  mains 
des  places  du  Piedmont'. 

Il  est  certain  que  si  Madame  ne  se  résout  à  ce  qu'elle  doit  pour 
son  salut,  le  roy  se  résoudra  à  ce  qu'il  faut  pour  sa  réputation. 

L'ambassadeur  m'a  asseuré  avoir  escrit  conformément  à  ce  que 
je  luy  dis  il  y  a  quatre  ou  cinq  jours,  et  que  son  courrier  arrivera 
demain. 

Il  asseure  encore  qu'il  escrira  ce  que  le  roy  luy  a  dict,  et  je  croy 
qu'il  le  fera. 

Vous  me  mandés  que  Philippe  ne  va  pas  bien,  je  le  crois,  et 
par  ce  que  vous  en  avés  cogneu,  et  par  ce  que  j'en  sçay  par  d'autres 
voies. 

Je  croy  aussy  que  l'abbé  de  la  Monta  est  un  esprit  qui  va  de  mesme 
train;  leurs  seuls  intérests  sont  capables  de  les  rectifier. 

Si  Madame  n'y  prend  garde,  dans  les  incertitudes  de  son  esprit, 
les  Espagnols  continueront  sans  relasche  leurs  conquestes,  en  la  re- 
paissant d'une  belle  apparence;  ils  se  reposeront  jusques au  mois  de 
septembre,  et,  par  après,  recommenceront  de  nouveau  sans  qu'on 
la  puisse  sauver,  parce  qu'on  n'aura  pas  le  temps  de  se  préparer  à 
deffendre  les  places,  n'en  ayant  pas  esté  en  possession. 

En  un  mot,  si  elle  est  folle,  elle  se  peut  perdre  comme  telle;  si 
elle  est  sage,  elle  ne  peut  refuser  le  moyen  qu'on  luy  propose,  n'en 
ayant  point  d'autre  pour  son  salut.  Je  luy  escris  une  lettre  que  vous 
verres  et  luy  donnerés ,  si  vous  le  jugerés  à  propos  *. 

'  Le  manuscrit  des  Aff.  étr.  contient  ne  luy  proposoit  autre  chose  que  de  la 

(f"  357  et  374)  des  dépêches  de  Chavi-  despouiller  de  ce  qui  luy  restoit. ..»  L'ir- 

gni  et  d'Hémery  écrites  de  Turin,  jes  18  ritation  de  la  princesse,  qui   dura    pla- 

et  19  mai;  on  y  voit  avec  quel  méconten-  sieurs  jours,    rendait    toute    négociation 

tement  Madame  accueillit  les  premières  presque  impossible  auprès  d'elle, 
propositions  de  ce  dépôt  de  places  :  •  Elle  '  La  lettre  à  In  duchese  reproduit  les 

parut  d'abord  transportée  et  hors  d'elle,  principaux  arguments  de  celle  qu'on  vient 

s'écriaiit  qu'après  que  les  Espagnols  avoient  de  lire;  elle  est  en  minute   dans  notre 

prb  la  meilleure  partie  de  ses  Estats,  au  manuscrit  des  Aff.  étr.  t°  385;  elle  a  été 

lieu  de  luy  raesnager  la  protection  du  roy  imprimée;  on  en  trouvera  l'indication  aux 

son  frère  pour  les  luy  faire  recouvrer,  on  analyses. 

i6. 


364 


LETTRES 


CCI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Pays-Bas,  t.  i3.  —  Minute  autographe. 

BiW.  de  l'Arsenal,  Histoire,  n°  186,  in-i°,  p.  120.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  Cinq-Cents  Colbert,  n°45,  fol.  gS'.  — 

Saint- Germain -Harlay,  346,  t.  1,  fol.  9/1  v°. 

Béthunc,  9266,  fol.  i3,  —  Copie. 

A   M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

A  Riiel,  ik  mai  iBSg  '. 

Mon  Cousin,  J'envoye  ce  gentilhomme^  pour  vous  tesmoigner  que 
je  suis  ravy  de  ce  que  Dieu  vous  a  préservé  de  la  mousquelade  que 
vous  avés  receue.  J'espère  que  vous  n'aurés  autre  mal  en  vostre  siège, 
et  en  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur;  et  vous  conjure  de  ne  vous  ba- 
zarder point  mal  à  propos.  Comme  je  ne  suis  pas  capable  de  vous  con- 
seiller de  perdre  une  seule  occasion  de  péril  où  vous  serés  nécessaire, 
le  plus  grand  plaisir  que  vous  me  puissiés  faire  est  de  ne  faire  que  ce 
que  doit  un  général  courageux  et  diligent*.  J'espère  bien  de  vostre 


'  Le  manuscrit  de  Colbert  met  en  noie: 
«Copie  faite  sur  une  minute  originale 
escrite,  pour  la  plus  grande  partie,  de  la 
main  de  M.  le  cardinal  et  l'autre  de  la 
main  du  chirurgien.  »  Et  celle  noie  est  ré- 
pétée par  le  manuscrit  de  Harlay. 

'  La  copie  du  manuscrit  de  l'Arsenal 
donne  seule  cette  date,  qu'indique  d'ail- 
leurs à  peu  près  l'ordre  chronologique 
dans  lequel  les  manuscrits  des  Aff.  étr.  de 
Colbert  et  de  Harlay  placent  cette  pièce. 

'  La  réponse  de  La  Meilleraie  donne 
le  nom  de  ce  gentilhomme  :  M.  de  la 
Rive. 

*  On  a  vu,  par  le  passage  que  nous  ci- 
tions tout  à  l'heure  d'une  lettre  du  a  6  mai , 
comme  Richelieu  insiste  sur  les  recom- 


mandations de  se  ménager  qu'il  fait  à  son 
cousin;  il  y  revient  encore  dans  une  mis- 
sive du  1 5  juin;  après  avoir  transmis  à  la 
Meilleraie  un  ordre  du  roi  :  «Je  vous  fais 
maintenant  ce  mot  en  particulier ,  de  n'aller 
point  montrer  vos  travaux  à  ceux  qui  sont 
nouvellement  venus  dans  l'armée,  que 
vous  vous  ferés  attraper  sans  sujet.  Tous 
ceux  qui  en  reviennent,  en  se  louant  de 
vos  courtoisies,  remarquent  que  ces  civi- 
lités peuvent  causer  vostre  perte  en  un  ins- 
tant. Si  ma  prière  a  quelque  pouvoir  sur 
vous  vous  n'en  userés  plus  de  la  sorte. . .  » 
(Voy.  aussi  une  lettre  du  10  août,  ma- 
nuscrit des  Aff.  étr.  t.  i3,  et  manuscrit  de 
l'Arsenal,  p.  ii4et  a35.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  365 

siège,  et  je  tieas  pourasseuré  que  vous  en  aurés  bonne  issue.  Les'  de 
Chouppes  nous  a  rendu  bon  compte  de  tous  vos  travaux,  que  je  trouve 
bien  avancez.  Je  vous  conseille  de  les  faires  continuer  avec  une  ex- 
traordinaire diligence. 

Je  crois  que  vous  ne  sauriés  trop  fortifier  le  fort  de  Valmont.  Par 
ma  pensée  je  voudrois  y  faire  un  double  fossé  à  la  holandoise,  et 
une  bonne  pallissade  entre  deux  et  un  grand  abattis  de  bois  pour  en 
empescber  les  avenues. 

J'estime  que  vous  devés  aussy  bien  prendre  garde  que  les  ennemis 
ne  puissent  passer  la  rivière  depuis  Monstreuil  jusques  à  Hedin;  ce 
n'est  pas  assez  de  faire  garder  les  guez ,  veu  que  les  ennemis  pourroyent 
passer  avec  deux  batteaux  suffisans  pour  faire  im  pont,  si  le  cours  de 
la  rivière  n'estoit  bien  gardé. 

Quant  à  la  forest,  vous  avés  fort  bien  commencé  à  faire  ce  qu'il 
faut  pour  empescber  que  les  ennemis  ne  puissent  venir  par  là.  Je 
m'assure  que  vous  n'oublierés  aucune  chose  qui  puisse  estre  faicte  à 
cette  fin.  Surtout  je  vous  conjure  de  ne  vous  contenter  pas  d'une 
simple  deffense  aux  lieux  où  vous  en  pourrés  mettre  deux  et  trois. 
En  vérité,  si  vous  emportés  Hedin  en  peu  de  temps,  comme  Chouppes 
dict  qu'on  l'espère  dans  l'armée,  vous  aurés  une  grande  gloire.  Je 
vous  asseure  qu'il  n'y  a  rien  que  je  ne  voulusse  y  contribuer.  S'il  n'y 
a  pas  plus  de  gens  dans  la  place  que  ce  qu'on  dit,  je  ne  crois  pas  que 
les  ennemis  puissent  bien  deffendre  les  dehors,  et  si  vous  en  estes  une 
fois  maistre,  je  croy  que  vous  aurés  bon  compte  du  reste.  J'espère 
que  Dieu  bénira  cette  campagne,  veu  particulièrement  que  nous  ne 
désirons  aucun  avantage  que  pour  faciliter  et  mieux  asseurer  la  paix. 

'  Souvenés-vous  que  la  gloire  d'un  général  est  à  prendre  les  villes, 
à  subsister  longtemps  avec  gloire  dans  le  commandement,  et  non  pas 
à  faire  des  actions  téméraires  qui  payent  leur  hoste  tout  d'un  coup. 

Le  roy  a  esté  extresmement  aise  de  savoir  Testât  de  vostre  siège.  11 
vous  envoie  dix  compagnies  des  gardes  pour  vous  renforcer;  vous 
aurés  maintenant  quinze  compagnies  de  Suisses  arrivées  à  Montrcuil, 

'  D'ici  à  la  fin ,  la  minute  est  de  la  main  de  Charpentier. 


366 


LETTRES 


qui  sont  destinées  pour  vostre  armée;  vous  les  envoyerés  quérir  di- 
ligemment. Avec  cela  je  ne  croy  pas  qu'il  y  ayt  forces  au  monde  qui 
puissent  empescher  l'effect  de  vostre  dessein. 

Sa  Majesté  a  voulu  encore  qu'on  escrive  aux  sieurs  de  Launay  et 
de  Mondejeu  pour  assembler  les  milices  de  Ponthieu  et  du  Vimeux, 
afin  que  vous  vous  en  servies  si  vous  en  avés  besoin  ^ 

Le  roy  m'a  commandé  de  vous  mander  de  sa  pari  que  vous  mesna- 
giés  mieux  vostre  personne  que  vous  ne  faictes.  Il  est  fort  satisfaicf  de 
vous^,  et  moy  aussy,  qui  suis,  mon  cousin, 

Vostre  très  affectionné  cousin  et  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  Sgg-^oo,  —  Copie. 

Mise  au  net  de  ia  main  de  Cherré. 

Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  167.  —  Copie'.  —  Dupuy,  t.  767,  cahier  Oo*.  —  Exlrail. 

A  M"'  DE  CHAVIGNY   ET  D'HÉMERYl 

De  Ponloise,  ce  26  mai  1639. 

Nous  avons  receu  vostre  dépesche  du  1 8  mai  ;  on  ne  sauroit  assés 


'  Le  siège  de  Hesdin  intéressait  vive- 
ment Richelieu  à  cause  de  l'importance  de 
l'entreprise,  et  aussi  parce  que  c'était  son 
cousin  qui  la  conduisait;  il  lui  écrivait 
presque  tous  les  jours  durant  ce  siège,  dont 
l'issue,  comme  on  sait,  fut  heureuse,  et 
dont  on  fit  un  véritable  triomphe  pour  La 
Meilleraie,  à  qui  le  roi  donna  le  bâton  de 
maréchal  sur  la  brèche  même  par  où  Sa 
Majesté  entra  dans  la  place,  le  ag  juin. 
(Le  P.  GrifTet  raconte  cet  incident  avec  de 
curieux  détails ,  t.  III,  p.  197-202.) 

'  La  minute  et  les  trois  manuscrits  de 
la  Bibliothèque  impériale  s'arrêtent  ici. 


'  Une  note  du  ms.  dit  que  cette  copie 
est  faite  sur  une  pièce  de  la  main  de  Cherré. 

*  Voy.  note  2,  p.  56  ci-dessus. 

'  Le  manuscrit  des  Aff.  étr.  ne  donne 
point  de  suscription,  mais  on  voit  que 
cette  lettre  est  ia  réponse  au  mémoire 
signé  Chavigni-d'Hémery,  et  adressé  au 
cardinal  le  1 8  mai ,  de  Turin.  Ce  mémoire , 
déjà  cité  ci-dessus,  p.  363,  et  qui  n'a  pas 
moins  de  sept  pages ,  expose  la  situation  des 
affaires  de  l'Italie  du  nord,  et  de  la  cour 
de  la  duchesse  de  Savoie.  Le  manuscrit 
des  Aff,  étr.  montre  qu'il  avait  été  pré- 
paré, ainsi  que  la  présente  lettre,  pour 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  367 

s'estonner  des  irrésolutions  de  Madame,  de  son  aveuglement  et  de 
celuy  de  son  conseil,  pour  ne  dire  pas  pis'. 

J'ay  grand  peur  que  Dieu  veuille  chastier  cette  misérable  princesse 
pviisqu'elle  ne  voit  pas  ce  qu'un  enfant  de  huit  ans  cognoistroit  clai- 
rement. 

Le  roy  persiste,  sans  pouvoir  changer,  à  ne  pouvoir  entreprendre 
la  deffense  de  Madame  sans  le  deppost  de  ses  places. 

Comme  la  perte  de  la  partie  du  Piedmont  que  ses  frères  et  les  Es- 
pagnols ont  pris  a  donné  lieu  à  Conis  de  se  révolter,  cette  révolte  en 
excitera  d  autres,  et  en  peu  de  temps,  pour  peu  qu'il  en  arrive  de  nou- 
veau, tout  le  reste  s'en  ira. 

Si  Madame  n'est  capable  de  cognoistre  ces  vérités,  il  faut  songer 
à  tirer  son  épingle  du  jeu. 

Nous  estimons  que  vous  devés  tesmoigner  en  gros  qu'il  est  impos- 
sible que  Madame  soit  dans  ses  irrésolutions  sans  estre  trompée  par 
quelqu'un  qui  luy  faict  espérer  un  traicté  avec  ses  frères;  sur  cela 
vous  luy  pouvés  dire  que,  si  elle  y  trouve  seureté  pour  sa  personne, 
celle  de  M'  son  fils,  et  pour  ses  Estats,  il  ne  faut  point  se  cacher  du 
roy,  qui  sera  tousjours  très  aise  si  elle  se  peut  mettre  en  tel  estât  de 
seureté  qu'elle  n'eust  plus  de  besoin  de  sa  protection,  à  laquelle,  en 
ce  cas,  elle  ne  doit  point  aussy  s'attendre. 

Après  un  tel  discours,  puisque  vous  avés  promis  un  million  de 
livres,  le  roy  l'agrée;  mais  de  donner  les  huit  cent  mille  livres  par 
dessus,  c'est  jeter  le  tout  dans  le  Pô. 

Cependant  si  Madame  veut  déposer  toutes  les  places  entre  les  mains 
du  roy,  l'on  vous  permet  de  vous  estendre  plus  que  le  million,  lais- 
sant à  vostre  discrétion  de  vous  eslargir,  selon  que  vous  verres  que 
le  bien  des  affaires  le  requerra,  en  l'obligeant  aux  conditions  les  plus 

être  inséré  dans  les  Mémoires  de  Riche-  doute,  mais  avec  la  fennelé  qui  lui  était 
lieu;  mais  on  sait  que  ces  Mémoires  n'ont  ordinaire.  La  lettre,  dont  un  original  cor- 
pas  été  continués  après  i638.  rigé  et  devenu  minute,  daté  du  22  mai, 
'  Richelieu  avait  écrit  à  la  princesse  se  trouve  aux  Arch.  des  AIT.  étr.  a  été  im- 
elle-méme  avec  plus  de  ménagement ,  sans  primée  ;  elle  sera  notée  aux  analyses. 


368  LETTRES 

avantageuses  que  vous  pourrés;  mais  ma  pensée  est  qu'il  ne  faut 
rien  ofirir  de  plus ,  jusques  à  ce  que  vous  voyés  Madame  résolue  au 
deppost  des  places  que  l'on  doit  désirer,  et  je  croy  qu  elle  fera  plus 
par  la  peur  d'estre  tout  à  faict  abandonnée  que  par  l'espérance  de 
plus  ou  moins  d'argent. 

Les  places  que  l'on  doit  désirer  sont  Carmagnoles,  Quérasque, 
Savillan,  Conis,  Revel,  Saint-Pierre,  Cahour,  Trin,  Santhya. 

Je  ne  parle  point  de  Turin  parce  qu'il  faut  que  Madame  soit  en 
autre  estât  qu'elle  n'est  pas  pour  en  prendre  la  pensée,  bien  qu'un 
tel  deppost  soit  du  tout  nécessaire  à  sa  conservation. 

Je  ne  parle  point  aussy  de  Nice  pour  la  mesme  raison. 

Je  ne  parle  point  encore  de  Villeneuve  d'Ast  et  des  autres  places 
qu'on  pourra  reprendre  parce  que  ce  seront  les  armes  qui  nous  les 
donneront,  non  la  bonne  volonté  de  Madame,  et  qu'on  ne  peut  sans 
folie  douter  que  le  roy  les  veuille  avoir  jusques  à  ce  que  les  Espa- 
gnols rendent  celles  qu'ils  ont  prises. 

Je  n'ay  jamais  peu  me  persuader  que  Philippe,  estant  en  Testât 
qu'il  est,  il  n'y  eust  à  douter  de  son  procéder,  voyant  celuy  de  Ma- 
dame :  c'est  une  âme  foible.  L'abbé  de  la  iMonta  a  tousjours  esté  affec- 
tionné au  cardinal;  il  est  bien  à  craindre  qu'ils  ne  veuillent  avoir  deux 
cordes  à  leur  arc  et  qu'ils  cherchent  quelque  moyen  de  salut  avec 
les  beaux-frères  de  Madame,  bien  que,  à  l'italienne,  ils  ny  puissent 
trouver  que  leur  perte. 

Dans  la  longueur  d'une  négociation  Madame  perdra  tout  le  reste 
duPiedmont;  la  perte  de  Conis  en  est  un  augure  asseuré  et  qui  me 
faict  craindre  Pignerol;  pensés-y,  au  nom  de  Dieu,  et  vous  serves  de 
l'argent  que  vous  avés  pour  le  mettre  en  tel  estât  qu'il  n'y  ait  rien  à 
craindre. 

Cette  dépesche  respond  à  tous  les  points  de  la  vostre;  tout  est  remis 
à  vostre  prudence. 

S'il  faut  faire  quelqu' autre  chose,  c'est  à  vous  qui  estes  sur  les  lieux 
à  en  faire  les  ouvertures  et  nous  en  avertir  promptement. 

Je  veux  croire  que  la  lettre  que  le  roy  escrit  à  Madame  et  que  vous 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  369 

aurés  receiie  par  Saiadin ,  et  celle  que  je  luy  ay  escrite  par  l'un  des 
vostres  ensuitte,  luy  ouvriront  les  yeux  à  son  bien.  Si  ces  remèdes  ne 
produisent  pas  ce  bon  effect,  je  liens  la  maladie  désespérée;  sur  quoy 
je  vous  répéteray  encores  que  nous  examinerons  volontiers  tous  les 
expédiens  que  vous  nous  proposerés  en  telle  extrémité. 

Si  Madame  ne  revient  à  résipiscence  d'elle  mesme,  je  croy  que 
vous  devés  luy  tesmoigner  que,  puisqu'il  n'y  a  rien  à  faire  auprès 
d'elle,  vous  allés  dépescher  un  courrier  pour  demander  vostre  congé, 
et  pour  faire  cognoistre  au  roy  qu'il  doit  exécutter  la  résolution 
qu'il  a  prise  de  ne  point  faire  passer  M"  de  Longueville  en  Italie, 
puisque  Madame  ne  se  veut  mettre  en  son  devoir;  et,  en  effect,  je 
ne  veoy  pas  d'autre  résolution  à  prendre  que  de  sortir  de  cette  af- 
faire promptement,  parce  que  l'on  perd  tout  dans  les  longueurs  avec 
honte. 

Sachant  bien  que  vous  n'avés  pas  oublié  de  représenter  cent  fois 
au  comte  Philippe  que  quelques  promesses  que  luy  puissent  faire  le 
cardinal  de  Savoie  et  prince  Thomas,  il  ne  sauroit  jamais  trouver  de 
seureté  pour  sa  vie,  je  ne  vous  mande  point  qu'il  le  faut  faire;  mais 
devant  Dieu  il  mérite  les  petites  maisons  s'il  n'a  cette  cognoissance , 
et  si,  l'ayant,  il  empesche  Madame  de  prendre  le  seul  conseil  qui  luy 
reste,  il  mérite  tout  ce  que  vous  pouvés  penser  aussy  bien  que  moy. 

Je  ne  veoy  pas  lieu  de  mettre  en  campagne,  si  Madame  ne  faict 
premièrement  ce  que  le  roy  désire,  puisqu'en  tirant  les  garnisons 
on  perdroit  plus  qu'on  ne  sauroit  gagner,  et  qu'en  vain  secourroit  on 
des  places  qui  ne  peuvent  esviter  de  se  perdre  une  autre  fois,  avec 
tout  Testât,  si  Madame  demeure  en  la  résolution  où  vous  représentés 
qu'elle  est. 

Je  vous  avoue  que  j'ay  le  cœur  percé  de  voir  la  mauvaise  con- 
duitte  et  le  malheur  de  cette  pauvre  Princesse. 

Le  roy  approuve  la  déclaration  que  M'  de  La  Tour  propose  contre 
madame  de  Mantoue',  et  croit  qu'il  est  temps  de  la  publier.  On  vous 
l'envoiera  par  le  premier  courrier. 

'   Le  manuscrit  de  Turin,  t.  a8,  donne  la  pièce  cliiffrée  de  M.  de  La  Tour,  fol.  345. 

CARDIN.  DE   niCHELIEC.  —  VI.  .  ^7 


370 


LETTRES 


CCIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  28,  fol.  897.  —  Original;  et  fol.  ioS,  copie. 
Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  347,  ^°^-  ^9^  v°.  —  Copie. 


A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 


26  mai  1  63t). 


Monseigneur, 

Je  ne  saurois  assez  vous  tesmoigner  le  desplaisir  que  j'ay  de  la 
peine  où  les  irrésolutions  de  Madame  vous  mettent^;  je  vous  avoue 
que  son  aveuglement,  pour  ne  pas  dire  pis,  me  surprend  et  m'estonne 


'  La  veille  du  jour  où  Richelieu  écrivait 
cette  dépêche  une  lettre  de  Chavigni  par- 
tait de  Turin;  on  y  lit  :  «  Nous  n'avons  co- 
gneu  que  d'iiyer  seulement  que  Madame 
ITisl  capable  de  revenir  à  la  raison  par  la 
conférence  que  M.  le  card.  de  La  Valette , 
M.  d'Hémery  et  nioy  eusmes  avec  M"  le 
marquis  d'Aglié  et  abbé  de  la  Monta.  » 
Cependant  Madame  ne  se  décidait  pas,  et 
trois  semaines  s'étaient  passées  lorsque,  le 
10  juin,  Chavigni  mandait  :  «  ...Enfin 
Madame  s'est  résolue  à  mettre  entre  les 
mains  du  roy  Carmagnoles ,  Savillan  ,  Qué- 
rasque  et  Revel ,  aux  conditions  que  V.  Em. 
verra  par  les  escrits  joints  à  cette  dépesche. 
Les  troupes  françoises  sont  dans  les  trois 
premières  places  et  la  garnison  de  la  qua- 
trième part  aujourd'hui.»  (Arch.  des  Aflf. 
étr.  France,  t.  gi,  fol.  182  et  ao8.)  Dans 
sa  missive  du  10  juin,  Chavigni  disait: 
«  La  lettre  que  V.  Em.  a  escrite  à  Madame 
a  extresmement  contribué  à  lui  faire  pren- 
dre la  résolution  de  s'accommoder  aux 
conseils  du  roy.»  Celte  lettre  si  efficace, 
datée  du  22  mai,  existe  aux  mêmes  ar- 
chives (Turin ,  t.  28 ,  fol.  385  )  ;  c'est  un  ori- 


ginal ,  corrigé  après  avoir  été  signé ,  et  de- 
venu minute  ;  on  en  trouve  une  copie  à  la 
Bibliothèque  impériale,  fonds  Saint-Ger- 
main-Harlay,  5lfj,  fol.  i5o.  Cette  pièce 
ayant  été  imprimée  dans  les  Mémoires 
donnés  par  Aubery,  t.  V,  p.  /io8,  et  dans 
le  Recueil  de  1695,  p.  53"],  nous  nous 
bornerons  à  la  citer  aux  analyses;  il  faut 
pourtant  en  noter  ici  quelques  mots.  Après 
'  avoir  répété  à  Madame  qu'il  n'y  a  de  salut 
pour  elle  que  dans  la  protection  du  roi, 
Richelieu  ajoute  :  «  V.  A.  trouvera  bon ,  s'il 
luy  plaist,  que  je  luy  die  que  le  mauvais 
estât  de  ses  affaires  ne  luy  permet  pas 
d'estre  irrésolue  en  une  occasion  où  les 
moments  sont  inestimables,  et  où  la  né- 
cessité et  la  raison  s'accordent  tellement 
ensemble  que  la  première  oblige  tout  à 
fait  à  ce  que  la  seconde  conseille.  Si  vous 
mesprisés  le  conseil  qu'elle  vous  donne, 
vous  en  cognoistrés  l'utilité  lorsqu'il  ne 
pourra  plus  avoir  d'efi'ect;  et  si,  en, le  sui- 
vant, V.  A.  ne  s'en  trouve  bien,  je  con- 
sens qu'elle  me  décrie  dans  le  monde  et 
me  fasse  passer  pour  tout  autre  que  je  ne 
suis.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  371 

au  dernier  point,  et  que  je  ne  la  croyois  pas  capable  d'une  sy  grande 
foiblesse  que  celle  qu  elle  tesmoigne  avoir  dans  la  conjoncture  pré- 
sente. Vous  aurés  veu,  par  les  dernières  despesches  que  nous  avons 
faictes  à  Mess"  les  Ambassadeurs,  comme  les  pensées  de  deçà  se 
rapportent  aux  vostres  touchant  la  conservation  des  places  que  nous 
tenons  dans  le  Piedmont,  que  nous  jugeons  tç^ement  nécessaires  au 
bien  du  service  du  roy  et  de  Madame  mesme,  que  tant  s'en  faut  qu'il 
en  faille  retirer  les  François  qui  y  sont  maintenant,  ny  une  partie, 
en  Testât  où  sont  les  choses,  qu'il  faudroit  plustost  augmenter  la 
garnison,  si  vous  jugiés  qu'elle  ne  fust  pas  assez  forte  pour  la  conser- 
vation d'icelles;  n'y  ayant  point  d'apparence  d'abandonner  des  places 
que  nous  tenons  maintenant,  et  qvie  nous  ne  pourrions  peut-estre  pas 
ravoir  après,  pour  en  secourir  d'autres  qu'on  ne  pourroit  peut-estre 
pas  sauver,  telles  entreprises  ne  réussissant  pas  tousjours,  et  qui, 
quand  on  les  garantiroit  maintenant,  ne  peuvent  esviter  de  se  perdre 
une  autre  fois  avec  tout  TEstat,  si  Madame  demeure  dans  la  résolu- 
tion où  elle  estoit  lorsque  vostre  courrier  est  parti.  Et  partant  nous 
jugeons  que  vous  ne  devés  point  vous  mettre  en  campagne  que  Ma- 
dame n'ayt  premièrement  faict  tout  ce  que  le  roy  désire  d'elle  pour 
son  propre  bien,  ou  que  vous  n'ayés  assez  de  forces  pour  faire  quelque 
chose  sans  dégarnir  les  places  que  nous  tenons,  lesquelles  il  faut,  à 
quelque  prix  que  ce  soit,  conserver  pour  les  raisons  contenues  en 
vos  despesches. 

Vous  aurés  veu,  par  la  dernière  que  j'ay  faicte  à  M'  de  Chavigny, 
comme  le  roy  n'a  pas  voulu  pourvoir  aux  charges  qui  restoient  à 
remplir  dans  la  garnison  de  Metz,  dont  il  vous  laisse  la  disposition; 
et  la  résolution  où  est  S.  M.  de  vous  donner  toute  sorte  de  contente- 
ment pour  celles  que  la  nécessité  l'a  obligé  de  donner  à  quelques  uns 
des  siens,  pour  y  servir  dans  l'occasion  présente.  En  mon  particulier, 
je  vous  supplie  de  croire  que  j'y  tiendray  soigneusement  la  main,  et 
qu'il  ne  se  passera  jamais  rien  aux  lieux  où  je  seray  à  vostre  préjudice. 

La  plus  grande  asseurance  que  je  vous  puisse  donner  de  la  bonne 
santé  de  S.  M.  est  le  voyage  qu'elle  faict  en  Picardie,  où  j'ay  l'honneur 

47- 


372  LETTRES 

de  la  suivre.  J'espère  qu'il  ne  sera  pas  inutile,  et  que  les  Espagnols  ne 
seront  pas  sy  heureux  de  ce  costé  qu'ils  l'ont  esté  en  Italie,  où  je  vou- 
drois  pouvoir  estre,  pour  partager  avec  vous  la  peine  et  les  soins  con- 
tinuels qu'il  faut  que  vous  ayés,  comme  aussy  pour  vous  asseurer  de 
vive  voix  qu'il  n'y  a  personne  au  monde  qui  vous  estime  ny  qui  soit 
avec  plus  de  passion  e^de  sincérité  que  mov, 
Monseigneur, 

Vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
Pontoise,  ce  26  mai  1689. 


CCIV. 
Arch.  des  AÉF.  étr.  France,  1689  (supplément),  fol.  188.  —  Minute. 

A  M.  DE  CHA VIGNY. 

De  Pontoise, ce  26° mai  i63g. 

Bien  que  vos  lettres  me  fassent  trop  cognoistre  l'aveuglement  de 
Madame  pour  en  douter,  il  m'est  impossible  de  le  croire.  Ceux  qui 
l'aydent  à  prendre  de  sy  mauvais  conseils  sont,  ou  moins  qu'enfans,  ou 
plus  que  diables.  Asseurément  le  cardinal  de  Savoie  et  le  prince  Tho- 
mas font  intimider  d'une  part  Philipes  et  la  Monta,  qui,  ont  autres 
fois  esté  attachez  à  eux;  et  d'autre  part  les  flatent  de  vaines  espérances 
qui  ne  peuvent  estre  receues  que  par  des  personnes  du  tout  destituées 
de  jugement. 

Je  croy  que  cette  despesche  trouvera  Madame  changée;  si  elle  ne 
l'est,  je  ne  sache  point  d'autre  remède  que  de  luy  parler  franchement 
des  négociations  qu'on  peut  soupçonner  qu'elle  faict;  de  luy  dire  que, 
si  elle  peut  subsister  seule,  le  roy  y  consentira  volontiers,  pourveu 
qu'elle  n'agisse  point  à  cachette ,  et  ensuitte  luy  faire  cognoistre  que 
vous  aurés  charge  de  vous  retirer,  et  le  secours  du  roy  quand  et  quand. 

Le  procès  de  M'  de  La  Valette  fut  hier  jugé  tout  d'une  voix'.  Le 

'  On  sait  que  la  chose  n'alla  pas  si  facilement  et  si  unanimement  que  Richelieu  veut 
le  faire  entendre  ici. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  373 

roy  trouva  bo»  que  je  n'y  feusse  point,  à  cause  de  ralliance'.  Estant 
condamné  à  mort,  comme  il  l'a  esté,  son  bien  est  confisqué,  mais  il 
sera  réservé  pour  M' le  cardinal  de  La  Valette,  comme  il  le  peut 
croire.  Cette  affaire  s'est  trouvée  plus  sale  que  nous  ne  pensions; 
quant  à  l'autre  que  vous  sçavés,  elle  continue  tousjours. 

Les  affaires  d'Allemagne  vont  à  souhait,  et  de  telle  sorte  que,  si 
Madame  se  veut  ayder  tant  soit  peu,  j'espère  que,  devant  qu'il  soit 
un  an,  nous  la  remettrons  dans  tousses  Estats.  Sinon  la  main  de 
Dieu  est  sur  elle. 

Nous  sommes  parjis  pour  Abbeville,  Hedin  est  assiégé;  j'espère 
que  nous  en  aurons  bonne  yssue.  M'  de  La  Melleraie ,  suivant  sa  lettre, 
y  a  receu  une  mousquetade,  mais  sy  favorablement  qu'ayant  percé 
son  baudrier,  la  baie  est  demeurée  dans  son  colet  de  bufle.  M'  de 
Feuquières  est  dans  le  Luxembourg,  et  je  croy  qu'au  premier  jour 
nous  aurons  nouvelles  qu'il  aura  commencé  ce  que  vous  sçavés  ^. 


CCV. 


-    Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  t.  28,  fol.  AyS. 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  180  v°. 


Copife. 


A  M.  DE  CHAVIGNY. 

ÂbbevIlle,  2  juin  1639. 

Nous  avons  receu  vostre  despesche  du  2  5  mai  ';  la  response  sera 
courte,  mais  satisfaisant  à  tous  les  points  d'icelle. 


'  Louis  XIII  n'eut  pas  pour  lui-même 
ce  scrupule  ;  le  duc  de  La  Valette ,  qui  était 
marié  à  une  petite  cousine  de  Richelieu, 
avait  épousé  en  premières  noces  une  sœur 
naturelle  du  roi,  et,  malgré  cette  parenté, 
non-seulement  Louis  XIII  voulut  présider 
la  commission,  mais  il  imposa  aux  juges 
une  condamnation  à  laquelle  plusieurs 
résistaient. 


'  Le  siège  de  Thionville.  Feuquières 
perdit,  le  7  juin,  devant  cette  place,  une 
bataille,  où  il  fut  blessé  et  fait  prisonnier. 
Une  lettre  de  M.  de  Choisy,  intendant  de 
son  armée,  annonça  ce  malheur  à  la  mar- . 
quise  de  Feuquières;  cette  lettre  est  im- 
primée dans  le  recueil  publié  par  M.  Et. 
Gallois,  t.  I ,  p.  23a. 

'  Elle  est  conservée  aux  Arch.  des  AU'. 


374  LETTRES 

Le  roy,  qui  l'a  voulu  voir,  estime  que  le  moindre  deppost  que  Ma- 
dame puisse  faire  entre  ses  mains  est  de  Carmagnole,  Quérasque, 
Savillan  et  Revel. 

S.  M.  a  fort  approuvé  que  vous  n'avés  point  voulu  par  deppost 
d'Albe  et  de  S^-Ya  pour  les  raisons  que  vous  mandés;  mais  elle  désire 
et  entend,  ainsy  que  vous  le  proposés,  que  les  places  que  ses  armées 
prendront  ou  secourront  demeurent  entre  ses  mains,  sans  plus  s'en 
confier  à  Madame,  qui  les  laisseroit  perdre,  comme  elle  a  faict  le 
reste.  Mais  ce  n'est  point  chose  qu'il  faille  mettre  dans  le  traicté;  il 
suffit  qu'il  n'y  ait  rien  qui  exclue  la  justice  de  ce  dessein,  qu'il  faut 
exécutter  à  mesure  que  l'occasion  s'en  présentera. 

Ayant  le  deppost  des  places  ci-dessus,  il  y  faut  faire  travailler  soi- 
gneusement et  diligemment,  les  munir  de  vivres  et  de  munitions  de 
guerre. 

Je  vous  conjure  aussy  que  nous  n'ayons  plus  la  teste  rompue  de 
Pignerol,  et  que  l'on  y  fasse  tout  ce  qui  se  pourra,  puisque  nous 
consentons  que  l'on  prenne  3o,ooo  escus  que  vous  avés  demandez. 

Dieu  veuille  que  le  serment  de  ceux  de  Conis  soit  bien  gardé  à 
Madame;  mais,  à  vous  dire  le  vray,  je  croy  qu'il  le  sera  au  plus 
jusques  à  ce  qu'ils  voyent  les  ennemis  proche  d'eux.  Si  j'estois  en  sa 
place  je  m'en  rendrois  maistresse,  ce  qui  ne  me  sembleroit  pas  diffi- 
cile, pourveu  qu'on  l'entreprist  avec  un  secret  impénétrable. 

Quoyque  Revel  ne  soit  rien  en  eflfect,  il  ne  laisse  pas  d'estre  important 
pour  asseurer  aucunement  le  passage  des  vallées,  et  elle  ne  peut  estre 
refusée  qu'à  mauvais  dessein,  ce  qui  faict  qu'il  est  important  de  l'avoir. 

Le  peu  d'asseurance  qu'on  pourra  prendre  en  la  volonté  de  ceux 
de  Conis,  qui  veulent  estre  maistres  d'eux  mesmes,  et  par  conséquent 
libres  de  faire  ce  qu'ils  voudront ,  faict  que  le  roy  ne  peut  en  façon 
du  monde  soustenir  les  affaires  d'Italie,  sans  estre  jjossesseur  par  dep- 
post de  Savillan,  qu'il  faut  avoir  par  conséquent. 

étr.  dans  le  manuscrit  de  Turin,  P  889.  avait  écrites  les  i3  et  17  mai.  C'est  celle 
Cette  lettre  de  Chavigni  était  elle-même  que  nous  avons  citée  au  commencement 
une  réponse  aux  lettres  que  Richelieu  lui        de  la  note  de  la  page  3-jo. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  375 

Lorsque  je, considère  que  quand  Madame  donnera  Carmagnole, 
Quérasque  et  Savilian,  elle  ne  donnera  rien  que  les  places  où  les 
François  sont  desjà  presque  les  maistres,  je  ne  tire  pas  grand  argu- 
ment du. changement  de  sa  volonté,  mais  seulement  de  ce  que  la 
nécessité  la  contraint  de  faire  semblant  de  donner  volontairement 
ce  qu  elle  ne  peut  plus  tenir,  et  ne  le  donnant  que  pour  avoir  les 
conditions  qu'elle  obtiendra  par  le  traicté;  sans  lesquelles  elle  ne 
sauroit  subsister,  de  façon  que,  s'il  luy  faut  donner  beaucoup  pour 
obtenir  d'elle  les  susdites  conditions,  on  achètera  bien  cher  ce  que 
nous  avons  desjà  en  nos  mains;  mais  il  faut  quelque  fois  faire  des 
choses  qu'on  juge  peu  raisonnables,  parce  qu'elles  importent  à  la  ré- 
putation. Vous  saurés  bien  prendre  les  avantages  du  roy  au  salut  de 
Madame  et  de  Monsieur  son  Fils. 

Je  vous  avoue  que  je  me  mesfie  fort  du  comte  Philippe  et  de  ses 
chimères  ;  s'il  est  sy  misérable  et  sy  aveugle  que  de  traicter  avec  les 
ennemis  de  Madame,  il  se  perdra  certainement  et  elle  aussy,  en  se 
voulant  sauver.  Je  suis  bien  aise  que  l'abbé  de  la  Monta  change  de 
conduite;  il  n'y  a  salut  pour  luy,  pour  sa  parenté  et  pour  Madame, 
que  dans  une  estroite  liaison  avec  la  France. 

Si  Madame  considère  ce  que  le  roy  faict  pour  elle  et  ce  qu'elle  a 
faict  contre  elle  mesme  par  ses  irrésolutions  et  les  foibles  conseils 
qu'elle  a  receus  et  pris,  elle  verra  que,  comme  elle  n'a  rien  obmis 
pour  se  perdre,  le  roy  n'oublie  rien  de  ce  qu'il  peut  pour  la  sauver. 

Il  est  à  propos  de  vous  souvenir  de  bien  obliger  Madame  par  le 
traicté,  moyennant  ce  que  le  roy  luy  donne,  d'entretenir  de  sy  fortes 
garnisons  et  de  gens  sy  asseurez  dans  les  places  dont  elle  entre- 
prendra la  garde,  qu'il  n'en  arrive  pas  d'inconvénient  comme  il  a  faict 
par  le  passé. 

Souvenés-vous  aussy  qu'il  faut  avoir,  ainsy  que  vous  avés  mandé 
que  Madame  en  est  demeurée  d'accord,  pleine  liberté  de  loger  les 
troupes  du  roy  dans  le  Piedmont  pour  la  conservation  des  Estats  de 
M'  de  Savoie. 

Toutes  les  despesches  que  vous  avés  receues  de  nous  depuis  que 


376  LETTRES 

vous  estes  parti ,  vous  instruisent  sy  amplement  des  pensées  que  nous 
avons  de  deçà  qu'il  ne  me  reste  rien  à  adjouster  à  celle-cy. 

Je  suis  ravy  de  voir  que  M'  le  cardinal  de  La  Valette  espère  de  re- 
prendre Yvrée,  munir  S*-Ya  et  secourir  Trin. 

M''  de  Longueville  passe  asseurément  avec  ses  troupes  \ 
Nous  sommes  icy  à  Abbeville  au  siège  de  Hesdin,  dont  la  place  se 
trouve  le  plus  régulièrement  fortiffiée  du  Pays-Bas,  et  la  mieux  munie; 
et  cependant  l'armée  du  roy  qui  l'investit  le  20"""  de  may  a  en  dix 
jours  formé  la  circonvallation ,  et  poussé  les  attaques  delà  place  sy 
vivement  que  cette  nuit  on  s'est  rendu  maistre  de  la  contrescarpe  des 
deux  costés.  J'espère  que  dans  la  Saint-Jean  nous  penserons  à  quel- 
qu'autre  entreprise;  il  n'y  a  que  d'aller  vivement  en  besogne. 

Le  lendemain ,  3  juin ,  Richelieu  écrivait  à  Chavigni  un  billet  qui  est  conmie 
le  postscriptum  de  la  lettre  du  2.  Manuscrits  cités  aux  sources  :  Turin,  f°  48o, 
minute  de  la  main  de  Cherré.  —  Harlay,  f"  1 83 ,  copie. 

Je  n'adjouste  ces  trois  mots  que  pour  vous  asseurer  de  mon  affec- 
tion que  vous  trouvères  telle  que  vous  la  cogneustes  au  partir,  et  vous 
dire  qu'un  mémoire  de  M"'  d'Hémery  nous  a  relevés  d'une  peine  en 
la  quelle  vostre  despesche  du  26  may  nous  avoit  laissés  dans  l'incerti- 
tude que  vous  passassiés  vostre  traicté  sans  avoir  Savillan,  ce  que  le 
mémoire  du  s'  d'Hémery  faict  bien  voir  que  vous  tle  ferés  pas,  en  ce 
qu'il  nomme  desjà  le  gouverneur  de  la  garnison  qu'il  y  faudra  mettre. 

Vostre  fils  s'est  un  peu  blessé ,  mais  ce  n'est  rien  grâces  à  Dieu. 


CCVI. 
Bibl.  imp.  Fonds  Béthune,  9337,  fol.  216.  —  Original. 

LETTRE  DU  ROI  AU  DUC  DE  WEYMAR. 

3  juin  1639. 

Mon  cousin,  l'intérest  et  l'affection  que  je  sçay  que  vous  avés  au 

'  «Les  troupes  de  M.  de  Longueville        Richelieu,  le  10  juin.  (Ms.  des  A£f.  étr. 
commencent  à  arriver,  écrivait  Chavigni  à         cité  aux  sources,  foi.  5 18.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  377 

progrez  de  mes  armes  m'oblige  à  vous  faire  part  des  desseins  aux- 
quels j'emploie,  pour  le  commencement  de  cette  campagne,  mes  prin- 
cipales armées. 

La  première  est  attachée  depuis  dix  ou  douze  jours  au  siège  de 
Hesdin,  qui  est  une  des  plus  fortes  places  du  Pays-Bas,  et  mon  cou- 
sin le  grand  maistre  de  l'artillerie  en  avance  l'attaque  avec  telle  dili- 
gence qu'il  a,  depuis  deux  jours,  gaigné  la  contrescarpe.  J'ay  voulu 
aller  aujourd'huy  moy-mesme  recognoistre  Testai  des  lieux  et  de  la 
place,  aiant  résolu  d'establir  mon  séjour  en  ces  quartiers  pour  ap- 
puyer celte  entreprise ,  à  laquelle  les  ennemis  vont  faire  tous  leurs 
efforts  pour  s'opposer. 

La  seconde  de  mes  armées,  commandée  par  le  s'  de  Feuquières, 
assiège  Th  ion  ville,  dont  l'importance  vous  est  sy  bien  cogneue  qu'il 
n'est  pas  besoin  de  vous  dire  que  ce  dessein,  aussy  bien  que  celuy 
de  Hesdin,  sont  des  plus  considérables  qui  se  puissent  faire,  et  les 
plus  capables  de  donner  lieu  à  mes  alliez  d'agir  puissamment  de  leur 
costé  contre  les  ennemis;  et  je  vais  faire  presser  sy  vivement  l'un  et 
l'autre  que,  Dieu  aidant,  l'on  en  verra  bientost  une  heureuse  issue. 
De  quoy  j'ay  estimé  d'autant  plus  nécessaire  de  vous  informer  que 
je  suis  bien  averti  que  l'ambassadeur  Grossius,  par  mauvaise  volonté, 
ou  par  une  ignorance  grossière,  qui  ne  peut  recevoir  d'excuse,  a  esté 
sy  inconsidéré  que  de  mander  en  divers  endroits  que  mes  forces 
n'estoient  pas  en  estât  de  beaucoup  avancer  les  affaires  de  la  cause 
commune.  Je  souhaitte  que  chacun  s'y  employé  aussy  utilement  et 
avec  des  résolutions  aussy  constantes  que  je  fais  de  ne  rien  obmettre 
pour  le  bien  public. 

Pour  ce  qui  est  de  vous,  mon  cousin,  je  suis  bien'asseurè  que 
vous  y  contribuerès  de  tout  vostre  pouvoir,  et  qu'il  n'est  pas  besoin 
de  vous  exhorter  de  n'y  perdre  aucun  moment  de  temps,  puisque 
un  des  meilleurs  moyens  de  prendre  avantage  sur  les  ennemis  est 
de  les  prévenir. 

J'allendray  désormais  avec  impatience  de  savoir  vostre  marche  en 
campagne.  Et  ce  pendant  je  n'adjousteray  rien  icy  que  pour  prier 

CARDIN,  ue  RICBELIED.  —  VI.  48 


378  LETTRES 

Dieu  qu'il  vous  conserve  tousjours,  mon  cousin,  en  sa  sainte  et  digne 
garde. 

Escrit  au  camp  devant  Hedin,  le  3  juin  1689  ^ 

LOUIS. 

SUBLET. 


CCVII. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46  ,  fol.  56  v°.  — Copie». 


Âbbeville,  8  juin  1689. 


A  M.  DE  RHEIMS'. 

Monsieur, 

Le  roy  m'a  commandé  de  vous  escrire  que  vostre  voyage  de  Sedan 
luy  auroit  donné  autant  de  lieu  de  douter  de  vostre  religion ,  si  vous 


'  Celle  lellre  est  contre-signée  par  le 
secrélaire  d'État  de  la  guerre,  mais  ce  n'est 
pas  là  le  slyle,  souvent  embarrassé  et  tou- 
jours emphatique  de  de  Noyers.  «  Le  roy, 
parti  à  5  heures  du  malin  d' Abbeville  pour 
PIcsdin,  ne  fut  pas  plustost  arrivé  que  l'on 
commença  les  baleries  plus  rudement  que 
jamais. . .  Le  roy,  après  avoir  pris  ses  repas 
avec  quelques  seigneurs  et  couché  dans  la 
tente  du  grand-maistre. . .  partit  du  camp 
le  lendemain  pour  celte  ville,  où  il  arriva 
hier  sur  les  cinq  heures  du  soir,  u  (  Gazette 
du  11  juin,  rubrique  Abbeville,  p.  3o8.) 
Louis  XIU  mil  quelque  coquetterie  à  dater 
sa  lettre  du  camp,  mais  la  journée  qu'il 
y  passa,  toute  remplie  d'opérations  mili- 
taires, ne  lui  permit  guère  de  s'occuper 
d'autre  chose.  Cette  lettre ,  préparée  par 
le  cardinal,  fut  sans  doute  signée  au  re- 
tour du  roi  à  Abbeville.  Remarquons,  en 
passant,  que  Richelieu  ne  manque  jamais 
l'occasion  de  maltraiter  Grotius.  Nous  ajou- 


terons que  la  Gazette  nomme  tous  les  per- 
sonnages de  quelque  importance  qui  se 
trouvaient  avec  le  roi  ce  jour-là  au  camp 
devant  Hesdin,  et  qu'elle  ne  parle  pas  de 
de  Noyers. 

^  Nous  trouvons ,  dans  le  manuscrit  de 
Colbert ,  celte  note  marginale  :  «  Copie  faite 
sur  une  minute  originale  de  la  main  de 
Cherré,  el  aposlillée  de  la  main  de  M.  le 
cardinal  de  Richelieu.  » 

'  Henri  de  Lorraine,  lils  de  Charles  de 
Lorraine  duc  de  Guise,  alors  exilé  à  Flo- 
rence (voy.t.  1,  p.  3ai),  et  de  Henriette- 
Catherine  de  Joyeuse.  Né  à  l^aris ,  en  1 6 1  A, 
il  fut  doté  dès  le  berceau  de  nombreux 
bénéfices;  en  162g,  âgé  de  quinze  ans  à 
peine ,  on  le  nomma  archevêque  de  Reims , 
mais  jamais  il  n'entra  dans  les  ordres ,  et 
trois  évéques  firent  successivement  pour 
lui  les  fonctions  archiépiscopales.  (Gall. 
christ,  t.  IX ,  col.  1 60.)  —  Le  cardinal  faisait 
écrire  par  le  roi  au  duc  de  Guise ,  le  3o  no- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


379 


n'estïés  d'une  maison  qui  a  tousjours  esté  très  catholique,  comme  la 
vie  que  vous  avés  menée  par  le  passé  eust  faict  cognoistre  à  tout  le 
monde  que  vous  ne  vouliés  point  estre  ecclésiastique,  quand  mesme 
vous  ne  l'auriés  pas  déclaré  hautement,  comme  vous  avés  faict.  S.  M. 
qui  a  tousjours  eu  inclination  pour  vostre  personne,  est  très  faschée 
de  la  conduite  que  vous  avés  prise.  Pour  moy,  vous  savés  bien  ce 
que  je  vous  en  ay  dict  autrefois  en  particulier,  et  les  conseils  que  je 
vous  en  ay  donnés  en  vray  ami.  Je  n'ay  rien  maintenant  à  y  adjouster; 
mais  bien  à  vous  tesmoigner,  comme  je  fais,  le  desplaisir  que  j'ay  de 
ce  qu'en  les  mesprisant  vous  ayés  voulu  vous  rendre  auteur  de  vostre 
perte.  Je  vous  puis  asseurer  qu'aucun  n'en  sauroit  estre  plus  fasché 
que  moy,  qui  suis  véritablement. 


Monsieur, 


Vostre  très  humble  serviteur. 


verubre  1 687,  que  son  fils  l'archevêque  de 
Reims  ne  pouvait  attendre  aucune  grâce, 
s'il  ne  vivait  bon  ecclésiastique  (Bibl.  imp. 
Clairanibault,  I.  g4,  fol.  63 17).  Richelieu  a 
Tait  quelquefois  de  vertes  réprimandes  à  cet 
archevêque;  nous  avons  trouvé  une  lettre 
du  duc  de  Guise,  qui  remercie  le  cardinal 
de  sa  sévérité.  Écrivant  à  Son  Ém.  le 
1 3  mars  1 638 ,  de  Florence ,  le  duc  disait  : 
«  Je  me  sens  si  extresmement  obligé  aus 
bons  conseils  qu'il  vous  a  pieu  donner  à 
l'arcbevesque  de  Rheims  que  je  vous  pro- 
teste de  le  reconetre  par  toutes  sortes  de 
servises.  Je  vous  suplie  très-humblement  de 
vouloir  continuer  à  mon  fis  celé  rigidité . . . 
vostre  protection  luy  est  si  nécesscre  o 
salut  de  son  âme  et  de  sa  réputation,  que 
je  le  liens  absolument  perdu  si  V.  Em.  ne 
continue  pas  d'en  avoir  soin*..  ..  »  On  a 
vu  par  une  lettre  adressée  à  Chavigni ,  le 
6  septembre  i638  (ci-dessus  p.  i5i  ),  que 


les  avertissements  de  Richelieu  avaient 
obtenu  peu  de  succès,  et  l'on  voit  ici  que 
le  cardinal  renonce  à  donner  à  ce  jeune 
homme  des  conseils  inutiles.  Celte  lettre 
nous  apprend  encore  qu'en  juin  i638 
Henri  de  Lorraine  était  auprès  du  comte 
de  Soissons,  lequel  s'était  retiré  mécontent 
à  Sedan  dès  1637;  il  prit  part  à  la  révolte 
de  ce  prince  en  1 64 1 ,  et  fui  déclaré  cri- 
minel de  lèse-majesté,  le  6  septembre  de 
la  même  année.après  l'affaire  de  la  Marfée. 
Il  ne  rentra  en  grâce  qu'après  la  mort  de 
Louis  XIII,  en  août  i643.  Son  père  et  son 
firère  aîné,  le  prince  de  Joinville,  étant 
morts, il  se  nomma  duc  de  Guise  et  prince 
de  Joinville,  et  embrassa  la  carrière  des 
armes  ;  deux  fois  marié  et  séparé  de  sa  se- 
conde femme,  il  continua  de  mener  une 
vie  aventureuse  et  fort  irrégulière  jus- 
qu'à sa  mort,  arrivée  en  1664.  (Voy.  le 
P.  Anselme,  1. 111 ,  p.  488 ,  et  t. VIII ,  p.  457.) 


*  .trchivo  des  Affaires  (étrangères ,  France ,  de  janvier  en  juillet ,  i638,  folio  85. 


48. 


380  LETTRES 


CCVIII. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4°,  p.  iSy.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

D'Abbeville,  ce  lo'juin  1639. 

Mon  Cousin,  Je  vous  dépesche  ce  courrier  pour  vous  donner  avis 
d'une  déroule  qui  est  arrivée  à  M"  de  Feuquières  par  le  défaut  de  sa 
cavalerie,  qui  a  tourné  le  dos  au  lieu  de  combattre;  l'infanterie  a  faict 
des  merveilles,  mais  un  coup  de  canon ,  qui  emportant  le  bras  à  M'  de 
Feuquières  l'a  porté  par  terre,  a  faict  perdre  cœur  à  ceux  qui  estoient 
demeurés  avec  luy';  la  cavalerie  s'est  toute  sauvée.  Nous  ne  savons 
encore  ce  qu'il  y  a  d'infanterie  perdue.  On  dict  que  Navarre  a  faict  des 
merveilles.  Vous  ferés  passer  cet  accident  dans  l'armée  le  plus  douce- 
ment que  vous  pourrés.  Médavi  est  dans  Metz,  qui  ramasse  l'infanterie 
qui  se  retire.  Deux  régimens  qui  n'estoient  point  au  combat  ont  esté 
jetés  dans  Verdun.  M' de  Chastillon  s'avance  à  Mesières. 

Vous  voyés  par  là  ce  que  vaut  la  perte  d'un  chef  en  une  entreprise. 

Conservés-vous ,  je  vous  prie,  ethastés  vostre  siège  le  plus  que  vous 

pourrés.  , 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCIX. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hisl.  186,  in-à°,  p.  i4o.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

Abbeviile,  ce  12  juin  1639. 

Après  avoir  oui'  le  s'  de  Ville,  je  croy,  comme  vous,  que  ce  que 

'   Le  bruit  avait  même  couru  que  Feu-  rompu  d'un  coup  de  mousquet.  Il  a  faict 

quières  avait  élé  tué;  dans  une  lettre  du  merveille  de  sa  personne,  ayant  combattu 

1 3 ,  au  même  La  Meilleraie ,  Richelieu  di-  plus  d'une  demi-heure  après  estre  blessé.  » 

sait  :  0  M.  de  Feuquières  n'est  point  mort,  (Lettre  indiquée  aux  analyses.) 


il  est  prisonnier  à  Thionville  avec  un  bras 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  381 

vous  avés  de  retranchemens  suffira,  puisque  je  ne  croy  pas  que  les 
ennemis  y  viennent;  mais  ils  ne  sont  pas  en  estât,  s'ils  venoient  forts, 
de  pouvoir  estre  bien  deffendus,  et  partant,  puisqu'on  n'y  v.eut  pas 
plaindre  l'argent,  que  vous  avés  abondance  de  gens  et  que  cela  faict 
gaigner  les  soldats,  j'estime  qu'il  faut  absolument  fortiffier  vos  lignes 
en  creusant  et  eslargissant  le  fossé  et  jetant  la  terre  en  dedans  pour 
rendre  le  parapet  fort  et  plus  élevé'.  Je  vous  prie  donc  absolument 
de  le  faire,  comme  aussy  de  racommoder  les  forts  qui  en  auront 
besoin,  et  rendre  la  batterie  que  le  roy  a  ordonnée  bonne;  je -vous 
en  prie  parce  que  la  raison  le  veut,  et  que  le  roy  ira  disner  mercredi 
au  camp,  si  les  mines  sont  prestes  à  jouer.  J'ay  donné  cbarge  au  s""  de 
Ville  de  ne  bouger  de  là  pour 'aider  à  avancer  les  travaux;  il  y  faut 
mettre  looo  ou  1200  Suisses,  afin  que  ie  roy  trouve  cela  avancé. 

On  estime  qu'il  faut  une  batterie  dans  le  fort  de  Gassion,  et,  si  vous 
m'en  croyés,  vous  mettrés  vos  gabions  remplis  de  terre  aux  heures 
où  vous  les  estimerés  plus  nécessaires.  Je  vous  prie  de  ne  manquer  à 
ce  que  dessus  pour  l'amour  de  moy.  .  . 

Presque  aussitôt  après  cette  lettre  écrite,  Richelieu- adressait  ce  billet  à  M.  de 
La  Meilleraye. 

J'ay  sy  grande  envie  que  les  travaux  dont  je  vous  ay  escrit  par  le 
s'  de  Ville  soient  racommodés  promptement  que  je  vous  envoie 
IVi'  l'évesque  d'Auxerre  pour  les  haster,  afin  que  tout  soit  en  sy  bon 
estât  dans  mercredy  ou  jeudy,  que  le  roy  faict  estât  d'aller  à  l'armée  , 
qu'il  n'y  puisse  trouver  à  redire  et  qu'il  voie  que  vous  avés  faict  mer- 
veille. 

Le  Card.  DE   RICHELIEU. 


Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  voir  avec  quel  soin  un  homme  occupé  de  si  grandes 
affaires  s'appliquait  à  rechercher,  jusque  dans  les  moindres  détails,  ce  qui  pou- 

'  Le  1 3  juin  La  Meilleraie  répondait  sir  de  Richelieu ,  mais  qu'il  était  impos- 
que,  dès  le  lendemain,  on  travaillerait  en  sible  de  mettre  du  canon  dans  le  fort  de 
diligence  à  fortifier  les  lignes,  selon  le  de-        Gassion. 


382  LETTRES 

vait  contribuer  au  succès  de  ce  siège.  Nous  trouvons  encore  à  la  bibliothèque  de 
l'Ai-senal  ce  fragment  d'une  lettre  adressée  aussi  à  La  Meilieraie  : 

A  voir  Je  plan  de  Hesdin  comme  nous  l'avons,  il  semble  que  si 
vous  abattiés  les  bois,  comme  vous  le  proposés  fort  à  propos,  entre- 
laçant les  arbres,  et  que  du  costé  d'Arras  vous  faciès  des  lignes,  des 
redoutes  et  quelques  forts,  depuis  la  Cancbe  jusqu'à  la  Tournois, 
les  ennemis  ne  sçauroient  secourir  la  place,  particulièrement  si,  ren- 
forçant la  garnison  de  Dourlans  de  quelque  cavalerie,  elle  est  en 
estât  d'empescher  que  de  petits  secours  ne  passent  entre  la  Cancbe 
et  l'Authie,  où  de  grands  secours  ne  sçauroient  venir  à  cause  des  ma- 
rais. Il  faut,  à  mon  advis,  estre  soigneux  de  couper  les  guais  qui  se 
trouveront  entre  Montreuil  et  Hesdin  sur  la  Cancbe. 

Ce  fragment,  en  copie,  n'est  point  daté,  et  on  l'a  classé,  dans  le  manuscrit 
cité  aux  sources,  entre  une  lettre  du  ii  juillet  et  une  autre  du  12  (p.  200) 
c'est  évidemment  une  erreur;  Hesdin  fut  pris  le  29  juin,  et  ce  fragment  doit 
avoir  été  écrit  un  peu  avant  le  16,  jour  où  l'abatis  dont  parle  Richelieu  était  en 
pleine  exécution.  (Voy.  lettre  211,  p.  386.) 


ccx. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Constanlinople,  t.  5,  fol.  63.  —  Mise  au  net. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  4/15.  —  Copie.  — 

Saint-Germain-Harlay,    346,   fol.    437    v°.   —  Copie. 

SUSCRIPTION  : 

MÉMOIRE  AU  S"  DE  LA  HAYE, 

CONSEILLER  DU   ROÏ  EN  SON  CONSEIL   D'ESTAT   ET    AMBASSADEUR  DE  S.  M.  EN   LEVANT. 

i3  juin  1639. 

Sur  ce  que  le  s''  de  Cèsy  a  mandé,  par  ses  dernières  dépescbes, 
qu'il  a  eu  avis  de  bonne  part  que  l'intention  du  Grand  Seigneur  est 
de  faire  la  guerre  contre  les  Vénitiens,  ou,  s'il  les  admet  à  le  satis- 
faire sur  le  sujet  des  galères  de  Barbarie,  que  Sa  Hautesse  ne  laissera 
pas  de  porter  la  guerre  dans  la  Cbrestienté,  et  que  son  dessein  pour- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  383 

roit  estre  d'attaquer  Malthe ,  S.  M.  a  commandé  le  présent  mémoire 
estre  envoyé  au  d.  s"'  ambassadeur. 

Le  roy  désireroit  généralement  (jue  le  G.  S.  ne  tournast  point  ses 
pensées  ny  ses  armes  vers  la  Chrestienté,  dont  peut-estre  il  sera  di- 
verti par  la  continuation  de  la  guerre  de  Perse;  et  spécialement  S.  M. 
seroit  bien  aise  que  les  Vénitiens  ne  fussent  point  attaqués,  ainsi  que 
ce  d.  s"'  ambassadeur  sçait,  de  sorte  que,  si  ce  prince  est  tout  à  faict 
résolu  de  faire  la  guerre  contre  les  chrestiens,  il  faut  essayer  de  dé- 
tourner l'orage  de  dessus  les  Estats  de  la  république  de  Venise,  s'il 
se  peut,  et  le  faire  tomber  ailleurs;  mais,  comme  l'offense  qu'il  croit 
avoir  receue  d'elle  est  la  première  cause  de  son  mouvement  à  cette 
guerre,  et  que  son  dessein  est  d'en  tirer  raison,  il  faut  trouver  un 
moyen  par  lequel  il  ayt  satisfaction ,  sans  qu'il  fasse  la  guerre  aux 
Vénitiens. 

Peut-estre  aussy  qu'il  veut  avoir  la  Candie  comme  autrefois  Selim, 
un  de  ses  prédécesseurs,  voulut  avoir  Cyprès,  qu'il  conquit  sur  eux, 
nonobstant  qu'ils  fussent  ses  alliés,  à  quoy  il  se  pourroit  encore 
trouver  un  expédient. 

11  faudroit  donc  représenter  au  G.  S.  que  c'est  un  grand  avantage 
à  S.  H.  pour  tout  ce  qu'elle  voudroit  entreprendre  en  la  Chrestienté 
contre  la  maison  d'Autriche,  perpétuellement  ennemie  de  la  Porte, 
que  d'avoir  l'empereur  de  France,  le  roy  d'Angleterre,  la  république 
de  Venise  et  M"  les  Estats  pour  alliés;  lesquels,  dans  les  guerres 
qui  luy  peuvent  survenir  avec  la  d.  maison,  ne  l'assisteront  jamais  pour 
le  respect  de  leur  alliance  et  confédération  avec  le  G.  S.,  quoyqu'elle 
leur  demande  secours,  comme  si  S.  H***^  attaquoit  le  nom  chres- 
tien  et  comme  si^  la  cause  estoit  commune  entre  la  d.  maison  et 
tous  les  princes  chrestiens;  au  lieu  que  si  la  d.  confédération  cessoit, 
ils  assisteroient  sans  doute  la  d.  maison  d'Autriche  par  mer  et  par 
terre,  dans  les  occasions  où  elle  auroit  besoin  de  secours  contre 
le  G.  S. 

Que  S.  H.  est  donc  obligée ,  par  sa  parole  et  promesse  inviolable  et 
pour  son  propre  bien,  à  observer  exactement  la  d.  confédération,  et 


384  LETTRES 

conserver  tous  les  alliés ,  en  sorte  que  par  aucune  mésintelligence 
ils  ne  s'en  départent. 

Il  est  bien  vray  aussy  qu'ils  doivent  estre  de  leur  part  très  soi- 
gneux de  la  garder  ponctuellement  et  ne  luy  donner  aucun  sujet  de 
mescontenlement;  que,  dans  l'affaire  dont  est  question,  les  Vénitiens 
ont  esté  bien  fondés  de  donner  la  chasse  aux  corsaires  d'Alger  qui 
estoient  entrés  dans  le  golfe,  et,  s'il  y  a  quelque  chose  à  leur  im- 
puter, c'est  d'avoir  esté  emportés  de  chaleur  à  poursuivre  leur  proie 
jusques  dans  un  port  et  sous  une  forteresse  du  G.  S.  Ce  qui  se  peut 
néantmoins  excuser  sur  ce  que ,  sans  cela ,  tout  leur  labeur  à'  pour- 
suivre les  dicls  corsaires  demeuroit  infructueux,  et  mesme  ils  avoient 
à  craindre  qu'ils  vinssent  dans  leur  golfe,  à  l'impourveu,  leur  faire 
quelque  notable  dommage. 

Quoy  que  c'en  soit,  tout  ce  que  pourroit  faire  le  G.  S.  contre  ses 

plus  capitaux  ennemis,  pour  ressentiment  d'une  pareille  action,  seroit 

.  de  leur  faire  la  guerre  ;  mais  il  ne  semble  pas  équitable  qu'il  traicte 

de  la  mesme  sorte  une  république  alliée  de  Sa  Porte  et  qui  offre  de 

luy  donner  tout  contentement. 

Que  s'il  veut  porter  la  guerre  dans  la  chrestienté  et  y  faire  des  pro- 
grès, il  peut,  sans  encourir  le  blasme  d'attaquer  une  république  amie 
et  son  alliée,  tourner  ses  armes  contre  le  royaume  de  Naples,  ou  la 
Sicile,  qui  sont  à  la  veue  de  ses  Estats  et  où  il  peut  faire  des  con- 
questes  qui  luy  seront  plus  faciles  sur  les  Espagnols  que  celles  qu'il 
voudroit  faire  sur  les  Vénitiens.  La  raison  est  que  ceux-cy,  n'estant 
engaigés  à  présent  en  aucune  guerre,  ont  moyen  d'opposer  toutes 
leurs  forces  au  G.  S.  lesquelles  ne  sont  pas  petites,  et  qu'outre  cela 
•  la  nécessité  de  se  deffendre  les  obligera  de  se  lier  avec  les  Espagnols 
pour  estre  assistés  d'eux. 

Que  cette  république  remuera  ciel  et  terre  pour  faire  la  paix 
entre  les  princes  chrestiens  afin  d'estre  plus  puissamment  secourue 
des  Espagnols,  des  rois  de  Hongrie  et  de  Pologne,  du  pape,  et  de 
tous  les  autres  princes;  au  lieu  que ,  s'il  tourne  ses  armes  vers  le 
royaume  de  Naples  ou  la  Sicile,  il  n'aura  point  sur  les  bras  les  forces 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  385 

de  la  république ,  qui  demeurera  dans  son  alliance ,  et  il  n'aura  que 
les  Espagnols  à  surmonter,  ce  qui  ne  sera  pas  malaisé ,  estant  occu- 
pés comme  ils  sont  par  les  armes  du  roy  en  Italie,  aux  Pays-Bas  et  en 
Espagne,  sy  bien  qu'ils  ont  assez  de  peine  à  se  défendre  contre  S.  M. 
en  tant  de  lieux. 

Le  G.  S.  ne  doit  point  craindre  que  le  prétendu  empereur  d'Alle- 
magne luy  fasse  une  diversion  du  costé  de  la  Hongrie ,  parce  qu'il  est 
aussy  de  sa  part  assez  occupé  à  se  défendre  contre  le  roy  et  la  reine 
de  Suède.  Et,  pour  l'occuper  encore  davantage,  le  G.  S.  peut  accorder 
au  Rakocy  ^  ce  qu'il  désire,  afin  de  commencer  la  guerre  contre  le  d. 
empereur  d'Allemagne. 

Qu'en  exécutant  ce  dessein  le  G.  S.  a  moyen  de  tirer  satisfaction 
des  Vénitiens,  mais  telle  qu'il  peut  exiger  d'une  république  amie,  el 
s'en  prévaloir  utilement ,  l'obligeant  à  l'assister  de  toutes  ses  galères 
et  galéaces  dans  l'entreprise  de  Naples  ou  de  Sicile.  Ce  sera  une  très 
avantageuse  réparation  pour  luy  de  la  perle  des  galères  de  Barbarie 
et  de  l'offense  qu'il  prétend  avoir  receue  de  la  d.  république. 

Si  le  G.  S.  est  résolu  d'avoir  la  Candie,  comme  estant  proche  de 
ses  Estats,  cela  se  pourroit  faire  par  la  conqueste  de  la  Sicile  ou  du 
royaume  de  Naples,  ou  de  partie  de  l'un  ou  de  l'autre,  qu'il  donne- 
roit  aux  Vénitiens  en  eschange  de  la  Candie,  dont  la  prise  luy  seroit 
beaucoup  plus  difficile,  ayant  les  forces  des  Vénitiens  opposées  et 
soutenues  de  celles  d'Espagne  et  autres,  que  l'entreprise  de  Sicile  ou 
de  Naples,  les  ayant  joinctes  aux  siennes. 

La  république  de  Venise  doit  plus  tost  consentir  à  ce  parti  que  se 
résoudre  à  soustenir  seule  l'elfort  du  Turc,  veu  que  présentement  elle 
se  mettra  à  couvert  de  l'orage  et  gaignera  le  temps  qu'il  faudra  pour 
venir  à  bout  de  cette  entreprise,  dont  mesme  la  seule  crainte  doit 
obliger  la  maison  d'Autriche  à  faire  la  paix,  et  ainsy  la  d.  république 
pourroit  sortir  de  l'affaire  où  elle  est  embarrassée ,  et  la  Chrestienté 
en  tireroit  un  grand  fruict. 

'  Voy.  ci-dessus,  p.  323. 

CAIU>1N.  DE  mCRELIED.  —  ÏI.  ■  4g 


386  LETTRES 

Si  les  Vénitiens  hésitent  à  joindre  leurs  forces  à  celles  du  G.  S.  il 
les  y  contraindra  sans  doute  en  leur  proposant  résolument  ou  la 
guerre  ou  cette  jonction. 

Le  d.  S'  ambassadeur  pourra  donner  parole  au  G.  S.  que,  pen- 
dant qu'il  sera  occupé  et  les  Vénitiens  avec  luy,  en  la  susdicte  con- 
queste,  le  roy  tiendra  dans  la  mer  Méditerranée  une  puissante  armée 
navale  de  galères  et  galéaces  potir  empescher  les  secours  que  les  Es- 
pagnols voudroient  mener  en  Sicile,  ou  au  d.  royaume,  outre  que 
S.  M.  leur  continuera  la  guerre  puissamment  par  terre  en  Italie, 
Flandres  et  Espagne ,  et  contre  le  roy  de  Hongrie  en  Allemagne ,  comme 
feront  aussy  la  reine  de  Suède,. et  M" les  Estats  généraux. 

Les  Vénitiens  trouveroient  leur  compte  en  l'entreprise  du  royaume 
de  Naples,  l'attaquant  par  leur  golfe,  comme  il  leur  seroit  fort  com- 
mode, et  au  Turc  aussy,  parce  que  les  places  et  provinces  qui  sont 
sur  le  d.  golfe  seroient  fort  en  leur  bienséance. 

Le  d.  S'  ambassadeur  juge  bien  que  l'intention  du  roy  n'est  point 
que  le  royaume  de  Naples,  la  Sicile,  ou  Candie  tombent  entre  les 
mains  du  Turc,  mais  seulement  que  fapproche  de  ses  armes  con- 
traigne la  maison  d'Autriche  à  faire  la  paix. 

Il  destournera  le  G.  S.  de  l'entreprise  de  Malthe,  comme  plus  dif- 
ficile qu'aucune  autre,  parce  que  tous  les  princes  chrestiens  s'inté- 
resseroient  opiniastrement  à  la  conservation  de  cette  isle  et  le  roy 
mesme. 

Il  prendra  la  meilleure  occasion  qu'il  pourra  pour  faire  entendre 
au  G.  S.  ou  au  premier  visir,  ce  que  dessus.  Le  s'  de  Césy  a  escrit 
que  S.  H.  fera  demander  aux  ambassadeurs  si,  en  cas  qu'elle  fasse 
la  guerre  à  la  république  de  Venise,  leurs  maistres  l'assisteront,  ce 
qui  donneroit  ouverture  au  d.  s'  ambassadeurs  de  luy  parler  confor- 
mément au  présent  mémoire,  le  contenu  duquel  doit  estre  tenu  fort 
secret,  en  sorte  que  le  bayle  n'en  puisse  rien  pressentir.  Le  s'  de  Césy 
pourra  départir  ses  bons  avis  au  d.  s''  ambassadeur  pour  l'exécution 
d'iceluy. 

Si  le  G.  S.  le  presse  de  dire  positivement  si  le  roy  assistera  la  ré- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  387 

publique  ou  non ,  il  respondra  qu'il  ne  peut  pas  savoir  l'intention 
précise  de  S.  M.  sur  ce  sujet,  mais  que  son  sentiment,  pour  le  bien 
et  avantage  du  G.  S.  et  pour  la  conservation  de  l'alliance  que  la  ré- 
publique a  avec  luy,  est  tel  que  dessus;  que  si  S.  H.  désire  qu'il 
escrive  à  S.  M.  pour  savoir  expressément  quelle  est  son  intention,  il 
le  fera. 

1  3  juin  1689,  à  Abbeville. 


CCXI. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4°,  p-  1^8.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

D' Abbeville ,  ce  1 6  juin  lôSg. 

J'ay  esté  très  aise  de  voir  M.  de  Noyers  à  son  retour,  et  d'apprendre 
par  luy  et  l'abattis  de  bois  et  les  retranchemens  que  vous  faictes  faire 
entre  ia  Canche  et  l'Authie  :  j'espère  par  ce  moyen,  quand  toutes  les 
forces  de  Piccolomini  et  du  cardinal  Infant,  joincles  ensemble,  vien- 
droient,  qu'ils  ne  sauroient  empescher  le  succès  de  vostre  siège.  Si 
vous  pouvés  vaincre  la  difficulté  qu'il  y  a  à  passer  voslre  fossé,  vous 
aurés  pris  la  place  devant  qu'ils  puissent  estre  à  vous,  et  lors  nous 
serons  sur  nos  pieds  pour  les  aller  chercher.  Je  sçay  bien  que  vous 
faictes  tout  ce  qui  se  peut  faire  au  monde  pour  surmonter  celle  dif- 
ficulté du  fossé,  et  je  ne  doute  pas  qu'en  peu  de  temps  vous  n'en 
trouviés  l'invention. 

On  estime  que  vous  aurés  besoin  de  plusieurs  petites  pièces  de 
canon  pour  mettre  dans  vos  retranchemens  en  divers  lieux,  au  cas 
que  les  ennemis  viennent  à  vous.  Vous  y  pcnserés,  s'il  vous  plaist,  et  à 
faire  faire  grand  nombre  de  gabions  pour  vous  en  servir  en  temps  ei 
lieu  de  tous  costés.  11  n'y  a  que  la  longueur  du  siège  qui  puisse  at- 
tirer les  ennemis,  et  si  vous  pouvés  estre  maistre  de  la  place  dans  la 
S'  Jean  je  croy  que  nous  ne  les  verrons  point.  Cependant  nous  avons 
dépesché  un  courrier  à  M'  de  Chastillon  pour  luy  mander  qu'il  en- 

49- 


388  LETTRES 

voye  en  diligence  2000  chevaux  à  Vervins ,  lesquels  le  courrier  verra 
partir  devant  que  revenir. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

D'Abbeville',  16  juin  lôSg. 

'  Depuis  cette  lettre  escrite  nous  venons  d'avoir  avis  que  Picco- 
loniini  commence  à  marcher  en  deçà,  le  i  2'"^  Nous  croyons  que  M' de 
de  Chastillon  ,  qui  estoit  à  Mesières ,  aussy  commence  à  revenir  à  nous 
le  1 A  ou  le  I  5  ;  cependant  nous  luy  avons  dépesché  pour  luy  mander 
qu'il  marche  diligemment,  et  qu'en  outre  il  envoyé  devant,  à  plus 
grandes  journées,  2000  h.  sous  la  conduite  de  M"^  de  Saligny.  Nous 
n'oublions  rien  de  ce  qui  se  peut;  vous  en  ferés  autant  de  vostre 
costé,  et  j'espère  que  nous  aurons  revanche  de  Thionvilie. 

Le  roy  désire  trois  choses  déterminément,  qui  seront  toutes  iaictes 
en  deux  jours  :  la  première  est  que  vous  fassiés  doubler  la  ligne  de- 
puis le  fort  de  Gassion  jusques  au  bois,  où  il  n'y  a  pas  plus  de  60  ou 
80  toises,  et  qu'entre  les  deux  lignes  vous  fassiés  mettre  une  palissade, 
ce  que  les  Suisses  feront  aisément,  le  bois  estant  tout  contre. 

La  seconde  est  que  vous  fassiés  faire  quelqu'épaule  dans  les  angles 
du  fort  de  Gassion  pour  y  mettre  du  petit  canon. 

La  troisième  que  depuis  la  redoute  de  l'Epine  jusques  à  la  Ternoy 
vous  fassiés  parachever  la  ligne,  si  elle  n'est  faicte,  et  si  elle  est  faicte 
que  vous  la  fassiez  bien  fortiffier. 

Voilà  ce  que  désire  S.  M.  Pour  moy,  j'escris  à  M"^  d'Auxerre  pour 
continuer  vos  travaux  entre  la  Canche  et  l'Authie.  Nous  avons  envoyé 
quérir  douze  petites  pièces  de  canon  à  Amiens,  que  nous  ferons 
rendre  au  camp,  s'il  plaist  à  Dieu,  avec  des  chevaux  que  nous  pren- 
drons icy. 

Nous  travaillons  à  y  envoyer  de  l'avoine;  vous  devés  y  avoir,  en 
biscuit,  à  ce  que  Rose  vient  de  me  dire,  pour  i  2  jours  dans  le  camp; 
et  il  m'a  asseuré  que,  de  demain  en  avant,  il  y  auroit  tousjours  pour 

'  Dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal  (p.  i^5)  séparée,  et  on  l'a  classée  avant  celle  dont 
on   a  fait,   de  celte  addition,  une  lettre         elle  est  une  sorte  de  post-scriptam. 


DU  CARDINAL  DE  RICÛELIEU.  389 

6  jours  d'avoine.  Fourvoyés  à  tout  ce  qu'il  vous  faut  et  ne  vous  tra- 
vaillés pas  trop. 


CCXII. 

Arcli.  des  AfF.  élr.  Pays-Bas,  t.  i3.  —  Minute  de  la  main  de  de  Noyers. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4°,  p.  i56.  —  Copie. 

Bibl.  inap.  Cinq-cents  Colberl,  n°  45,  fol.  1 16  v".  —  Copie.  — 

Saint-Germain-Harlay,  346,  fol.  1 16  v°.  — Copie'. 

A  M.  DE  LA   MEILLERAIE. 

U'Abbeville  ^,  ce  19  juin  1689. 

Le  roy  dict  qu'il  estime  que  ce  seroil  une  bonne  précaution  pour 
empescher  l'effort  des  ennemis  du  costé  de  l'abatls,  si  on  faisoit  une 
redoute  au  milieu  de  la  grande  route  qui  vient  du  chemin  de  S'  Orner 
droit  à  Hesdin.  Deux  costés  de  la  redoute  flanqueroient  à  droite  et  à 
gauche  la  ligne  de  l'abatis,  et  de  front  arresteroit  les  ennemis.  Cette 
redoute  se  pourroit  faire  avec  force  fascines  et  de  la  terre,  qui  se 
trouvera  plus  facilement  dans  le  grand  chemin  que  dans  le  bois,  à 
cause  des  souches  et  racines  qui  empeschent  de  fouiller  dans  le  bois. 
Il  faut  en  outre  faire  une  grande  tranchée  au  travers  dudict  chemin, 
au  devant  de  la  redoute,  affîn  que,  lorsque  les  ennemis  la  voudront 
passer,  on  les  puisse  mieux  mousqueter. 

Je  conjure  M'  le  grand  maistre  de  faire  faire  ce  que  dessus,  et  le 
clayonnage,  et  ce  promptement,  à  graisse  d'argent,  car  à  quelque 
prix  que  ce  soit  nous  voulons,  avec  l'aide  de  Dieu,  et  prendre  Hesdin 
et  battre  les  ennemis. 

J'ay  envoyé  aujourd'huy  M.  de  Locnjaria'  avec  quarante  de  ses 

'    Une  note  du  manuscrit  de  Hurlay  au  nom  de  lieu,  il  est  donné  par  la  copie 

avertit  que  celte  copie  a  été  faite  sur  une  de  l'Arsenal,  laquelle  doit  avoir  été  faite 

pièce  de  la  main  de  de  Noyers.  d'après  l'original. 

*  De  Noyers  n'a  point  daté  la  minute;  '  Il  commandait  une  compagnie  de  la 

Cherré  a  écrit  en  tète  :  «  19  juin  »-.  quant  garde  de  Richelieu. 


390 


LETTRES 


compagnons.  Demain  matin  partent  mes'  chevaux-légers,  qui  doivent 
estre"^  soixante.  Cavois  vous  mène  sa  compagnie  tout  entière. 

Le  roy  envoyé  aussy  demain  ses  mousquetaires  et  près  de  deux 
cents  chevaux  de  ses  deux  compagnies.  On  a  envoyé  quérir  les  deux 
cents  soldats  des  gardes  qui  sont  à  Ardres,  qui  iront  droit  à  vous 
en  charriots.  Tout  ce  que  dessus  bouchera  un  bon  trou,  et  fera  bien, 
à  mon  advis,  dans  le  bois,  si  les  ennemis  viennent  par  là,  comme  je 
le  croy. 

On  a  envoyé  de  plus  quérir  huit  cens  hommes  à  Boulogne  et  à 
Montreuil,  et  deux  cens  chevaux  de  Péronne  et  de  Ham,  qui  sont 
i'ort  aguerris.  On  a  envoyé  quérir  douze  cents  chevaux  de  M.  de  Chas- 
tillon;  mais  je  ne  croy  pas  qu'il  faille  s'y  attendre,  parce  que,  si  les 
ennemis  doivent  tenter  quelque  chose,  ils  fauront  faict  devant  qu'ils 
puissent  estre  arrivez,  et  nous  .sommes  assez  forts  pour  les  battre"^. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  La  minute  met  «les;»  dans  la  copie 
de  l'Arsenal,  faite  sur  l'original,  il  y  a  : 
<mes;»  Richelieu  dit  d'ailleurs  lui-même 
que  cette  lettre  est  de  lui,  lorsqu'on  la 
rappelant  il  écrit,  dans  sa  troisième  dé- 
pêche du  ig  juin  (ci-après,  p.  Sgi)  :  «Je 
vous  ay  mandé,  etc.  » 

'  Dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal  il  y  a  : 
«  combattre.  » — On  a  vu  et  l'on  verra  encore 
dans  les  pièces  suivantes  que  le  roi  suivait 
avec  une  grande  attention  tous  les  incir 
dents  du  siège  de  Hesdin;  il  donnait  con.- 
tinuellement  ses  conseils  au  général  ;  Ri- 
chelieu en  faisait  autant;  tous  deux,  et  le 
roi  surtout ,  avaient  l'instinct  et  le  goût  des 
choses  de  la  guerre,  comme  on  la  faisait 
le  plus  souvent  alors,  la  guerre  de  sièges. 
La  veille  du  jouroù  cette  lettre  était  écrite , 
Richelieu  en  avait  expédié  trois  à  La  Meil- 
leraie,  à  quatre  heures,  à  huit  heures  du 
soir,  et  enlin   une  troisième,  de  Nover.s 


tenant  la  plume.  Dans  la  première,  le 
cardinal  disait  :  «  Picolomini  a  débandé, 
sans  que  M .  de  Chastillon  le  sceust ,  1 4  ou 
i,5oo  chevaux  qui  ont  passé  à  Avesnes, 
pour  joindre  le  cardinal  infant.  Je  ne  croy 
pas  que  l'augmentation  de  cette  cavalerie 
veuille  manger  nos  retranchemens;  mais, 
quand  ils  en  auroient  envie,  nous  ne  l'au- 
rions pas  de  le  souffrir.  »  Dans  la  lettre  de 
huit  heures  du  soir,  le  cardinal  donnait  à 
La  Meilleraie  de  nouveaux  avis  pour  l'avan- 
cement de  son  siège,  et  l'encourageait  de 
son  mieux  :  a  Au  nom  de  Dieu,  lui  disait- 
il  ,  ne  vous  tourmentés  point  pour  la  lon- 
gueur de  vostre  siège;  nul  n'est  prophète 
pour  deviner  le  temps  précis  de  la  prise 
d'une  ville  ;  il  suffit  de  savoir,  qii'avec 
l'aide  de  Dieu  nous  la  prendrons.  »  Et  il 
Unissait  la  lettre  :  «  Soyez  joyeux  et  vous 
conservés  pour  l'amour  de  moy,  qui  vous 
en  conjure.  » —  «  Depuis  tout  ce  que  nous 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  391 


CCXIIl. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/i°,  p.  166.  — Copie. 

A  M.    DE  LA  MEILLERAIE. 

A  Abbeville,  ce  19  juin  1639,  à  /i  heures  du  soir. 

J'ai  esté  très  aise  d'apprendre  que  vos  mines  vont  bien  de  tous 
costés;  j'espère  que  Dieu  bénira  vostre  travail  bientost.  Le  roy  a  esté 
très  aise  de  voir  que  de  vous  mesme  vous  ayés  résolu  de  faire  faire 
une  ligne  de  fascine  et  de  terre  derrière  le  grand  abatis. 

Ne  vous  amusés  point  à  me  faire  response  à  toutes  les  lettres  que 

je  vous  escris';  mais  faictes  seulement  ce  qu'il  faut  faire,  et  si  vous 

avés  besoin  de  quelques  choses  qui  deppendent  de  nous,  demandés- 

les;  si  demain  vos  mines  jouent,  et  qu'on  fasse  de  bons  logemens,  je 

m'imagineray  estre  dans. . . 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU, 


CCXIV. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/i°,  p.  l'iy.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

D'Abbeville,  ce  19  juin,  à  huit  heures  du  soir. 

Cette  troisième  lettre  est  pour  vous  dire  que  cette  cavalerie  qui 
est  venue  à  Douay  n'est  autre  chose  que  le  débris  des  troupes  de 


vous  avons  mandé  et  escrit  aujourd'huy,  lettre  :  «Je  vous  escrits  ces  lignes,  M*'  le 

(lisait  la  troisième  lettre,  nous  vous  don-  cardinal  me  faisant  l'honneur  de  me  les 

nons  avis  qu'il  a  passé  i,5oo  chevaux  de  dicter.»  Ces  trois  lettres  sont  notées  aux 

Picolomini ,  qui  pourroient  estre  aujour-  analyses. 

d'hui  à  Arras Tenés-vous  sur  vos  '  Durant  ce  siège,  La  Meilleraie  écrivait 

gardes,  etc.!  De  Noyers  terminait  ainsi  sa  continuellement  à  Richelieu,  et  deux  et 


392  LETTRES 

M'  de  Lorraine,  qui  ne  montent  pas  à  1,000  chevaux,  méchans,  dé- 
labrés et  détestables. 

L'assemblée  des  milices  est  assignée  au  26"*  de  ce  mois  à  S^-Pol. 
Vous  me  mandés  que  dans  trois  jours,  qui  est  mardi  au  soir,  vostre 
ligne  de  l'abatis  sera  faicte.  M'  d'Auxerre  m'escrit  que  dans  6  jours 
les  forces  des  hauteurs  d'entre  la  Canche  et  l'Authie  peuvent  eslre 
achevés  et  les  lignes  aussy.  Cela  estant,  le  2  5™*  tout  sera  faict;  et,  en 
ce  cas,  je  désire  que  ces  Messieurs  vous  viennent  visiter. 

Je  vous  conjure  de  ne  perdre  point  de  temps  à  faire  paracliever 
tous  ces  travaux. 

Le  roy  vous  envoyé  ses  mousquetaires  comme  je  vous  ay  mandé;  il 
prétend  que,  s'il  y  a  combat,  ces  gens-là  soient  auprès  de  vous,  pour 
que  vous  les  envoyés  en  tous  lieux  où  il  faudra  plus  de  résistance. 
Vous  n'oublierés  pas  de  faire  de  grandes  caresses  à  M'  de  Troisvilles, 
qui  est  bien  capable  de  tenir  sa  partie  en  un  quartier  périlleux. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Pays-Bas,  t.  i3.  — 

Minute ,  dont  la  première  page  est  autographe. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4°,  p-  lôg.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  ii3  v°.  — Copie  '. 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  i,  fol.  iili-  — Copie. 

MÉMOIRE 

POUR  M.  LE  GRAND  MAISTRE  DE  L'ARTILLERIE. 

Ce  19  juin  1  63g. 

C'est  une  question  bien  problématique,  sçavoir  si  les  ennemis  ten- 
teront de  secourir  Hedin  à  force  ouverte;  force  raisons  doivent  faire 

trois  fois  par  jour;  plusieurs  de  ses  lettres  de  La  Meilleraie  aux  mois  d'avril,  mai  et 

sont  datées  des  heures  de  nuit.  Le  tome  1 3  juin. 

des  Pays-Pas,  aux  archives  des  Affaires  '"Le  manuscrit  de  Colbert,  ainsi  que 

étrangères,  contient  beaucoup  de  lettres  ceiindeHarlay,meltentcettenole:«  Escrit, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  '      393 

croire  qu'ils  ne  l'entreprendront  pas,  parce  qu'ils  ne  le  peuvent  sans 
témérité;  la  seule  victoire  de  Tliionville  les  peut  porter  à  un  tel 
dessein. 

Mais ,  quoy  qu'ils  fassent ,  M'  le  grand  maistre  doibt  se  persuader 
qu'ils  viendront  à  luy  avec  toutes  leurs  forces,  alïin  de  donner  ses 
ordres  si  précis,  pour  rendre  leur  dessein  sans  effect,  que,  lorsqu'ils 
paroistront,  il  n'ayt  rien  à  faire. 

C'est  chose  très  certaine  que  les  ennemis  ne  peuvent  faire  que 
dix  mil  hommes  de  pied  d'infanterie  réglée ,  et  quatre  mil  chevaux. 
Us  peuvent  ajouster  à  cela  les  milices  qu'ils  peuvent  ramasser,  et  celte 
nouvelle  cavalerie  de  Forçasse'. 

Ma  pensée  est  qu'ils  feront  teste  d'un  costé,  par  exemple  entre  la 
Canche  et  l'Authie,  et  qu'ils  envoieront,  en  mesme  temps,  deux  petits 
corps  pour  secourir  la  place  à  la  desrobée,  l'un  du  costé  de  Gassion, 
pour  passer  dans  les  bois  par  l'abatis;  l'autre  pour  prendre  le  plus 
grand  tour  qu'ils  pourront  vers  les  bois  ou  passages  dont  ils  croiront 
qu'on  ne  se  doute  pas,  vers  l'Authie,  pour  jeter  dans  la  place  cinq  ou 
six  cents  mousquetaires. 

Il  faut  commander  un  corps  de  gens  pour  .se  porter  partout  où  les 
ennemis  se  pré.senteront  inopinément;  il  faut  cavalerie  et  infanterie^. 

Je  croy  qu'en  ce  mesme  temps  ceux  de  la  ville  feront  la  plus  puis- 
sante sortie  qu'ils  pourront;  voilà,  à  mon  avis,  ce  qu'il  faut  craindre. 

Pour  se  prémunir  contre  tous  ces  desseins,  je  prie  mons'  le  grand 
maistre,  aussitost  qu'il  aura  receu  les  18  pièces  de  canon  qu'on  luy 
envoyé,  d'en  distribuer  ce  qu'il  jugera  à  propos,  avec  leurs  boulets 
et  munitions  et  officiers  nécessaires,  dans  les  forts  et  les  batteries  où 
il  en  veut  mettre,  par  exemple  dans  le  Ibrt  de  Gassion,  dans  celuy 


en  partie,  de  la  main  de  M' le  cardinal  de  '    Ici   finit  l'écriture  de  Richelieu;  le 

Kichelieu.  >  —  Le  cardinal  a  adressé  plu-  reste  est  d'une  autre  main. 

sietirs  lettres  à  La  Meillcraie  le  19  juin,  '  Ce  paragraphe,  donné  par  la  copie 

et  dans  aucune  il  ne  parle  de  ce  mémoire;  de  l'Arsenal,  manque  dans  les  copies  de 

la  date  serait-elle  inexacte? Le  chiffre  dans  la  Bibliothèque  impériale. 

le  manuscrit  est  douteux. 

CAnOIN.    DE    RICHELIEU.  —  VI.                         •  5o 


3n  LETTRES 

de  Coislin,  dans  la  batterie  d'entre  la  Ternoy  et  la  Canche,  et  autres 
lieux  où  il  voudra,  et  en  réserver  un  bon  nombre  pour  mener  avec 
luy  au  champ  de  bataille  qu'il  voudra  prendre. 

Je  ie  prie  de  destiner  le  mareschal  de  camp  qui  devra  défendre  la 
tranchée,  qui,  à  mon  avis,  doit  eslre  M"^  Lambert,  avec  les  gens  qu'il 
doit  avoir.  Celuy  qui  doit  défendre  tout  le  costé  de  l'abatis  du  bois  et 
du  fort  de  Gassion  tout  ensemble,  avec  aussy  les  gens  qu'il  doit  avoir. 
Celuy  qui  doit  défendre  tout  Tentre-deux  des  rivières  de  la  Ternoy 
et  de  la  Gauche,  pareillement  avec  les  gens  qui  luy  sont  nécessaires. 
Et  choisir  les  troupes  qui  iront  avec  luy  au  champ  de  bataille,  et  les 
mareschaux  de  camp. 

Gela  faict,  je  croy  qu'il  est  bon  de  voir  s'il  n'y  a  point  quelque 
ledoute  à  faire  en  quelque  lieu  pour  s'opposer  plus  aisément  aux 
sorties  que  les  ennemis  pourront  faire  de  la  ville. 

Il  faut  ensuite  continuer,  autant  qu'on  pourra,  tous  les  travaux 
nécessaires  entre  la  Ganche  et  l'Authie,  tant  par  abatis  de  bois, 
lignes  nécessaires  en  certains  lieux  que  coupement  de  chemins,  se 
représentant  que,  lorsqu'une  armée  trouve  ce  qu'elle  n'a  pas  préveu, 
il  faut  peu  de  chose  pour  luy  faire  changer  de  dessein,  tesmoin  ce 
qui  arriva  au  secours  que  l'archiduc  cardinal  voulut  faire  à  Amiens, 
lequel  ayant  esté  entrepris  parce  qu'il  croyoit  qu'à  I-ongpré  il  n'y 
eust  ny  retranchemens  ny  canon,  il  s'en  retira  aussytost  qu'il  cognent 
le  contraire. 

M"^  le  grand  maistre  avisera  aussy  s'il  ne  se  peut  rien  faire  pour 
fortiffier  le  grand  abatis  du  costé  du  fort  de  Gassion;  savoir  si  on 
ne  pourroit  pas  abattre  encore  promptenieut  des  arbres,  et  les  faire 
tomber  sur  les  premiers  pour  embarrasser  de  plus  en  plus,  particuliè- 
rement parle  branchage,  qui  tient  beaucoup  de  lieu,  quand  il  est  vert. 

Une  des  choses  à  quoy  il  faut  autant  prendre  garde,  est  à  prendre 
si  avantageusement  son  champ  de  bataille  que  ie  canon  des  ennemis 
n'y  puisse  offenser  nos  gens,  et  loger  sy  bien  nostre  artillerie  que  les 
ennemis  ne  s'en  puissent  garantir. 

Je  sçay  bien  que  cela  est  très  difficile  en  beaucoup  de  lieux,  mais 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  395 

je  le  remarque  seulement  afin  que,  s'il  se  peut,  M""  le  grand  maistre 
ne  s'en  oublie  pas. 

CONCLUSION. 

Les  ennemis  ont  battu  M''  de  Feuquières  parce  qu'ils  l'ont  surpris, 
parce  que  les  forces  estoient  en  quartiers  séparés,  parce  qu'il  n'estoit 
point  retranché,  et  parce  enfin  que  sa  cavalerie  n'a  rien  faict  qui 
vaille. 

On  ne  surprendra  pas  M'  le  grand  maistre,  l'armée  n'est  point 
séparée;  elle  est  bien  retranchée,  el  composée  de  la  meilleure  infan- 
terie et  cavalerie  qui  soit  en  France. 

Et  partant,  au  lieu  que  les  ennemis  ont  esté  battans  à  Thionville, 
j'ose  respondre  que  s'ils  viennent  à  Hesdin  qu'ils  seront  battus. 

Il  faut  envoyer  force  partis  à  la  guerre  et  loin,  afin  d'estre  averti 
à  coup  près  de  la  marche  des  ennemis  '. 

Si  les  ennemis  veulent  tenter  un  grand  secours  sans  rien  hasarder, 
ils  viendront,  à  mon  avis,  prendre  les  meilleures  hauteurs  qu'ils 
pourront  vers  le  costé  du  fort  de  Gassion,  et  tascheront,  tandis  qu'ils 
canonneront  Jedict  fort,  de  faire  faire  diverses  attaques  pour  forcer 
le  hois  par  des  mousquetaires  qu'ils  rafraischiront  plusieurs  fois. 

J'estime  que,  s'ils  prennent  cette  résolution,  il  sera  aisé  de  se  ga- 
rantir de  mauvais  événement  à  force  de  gens  qu'on  aura  à  revendre, 
s'ils  ne  font  point  de  grandes  attaques  entre  les  rivières  de  Canche 
et  d'Authie. 

Mons''  de  Noyers  vient  d'ouvrir  une  invention  de  planter  tout  du 
long  de  l'abatis,  du  costé  de  Gassion,  des  pieux,  et,  avec  des 
branches  des  arbres  qu'on  coupera,  clayonner  tout  du  long  à  la  hau- 
teur d'un  mousquetaire,  laissant  à  la  hauteur  qu'il  faudra  deux  ou 
trois  doigts  d'espace,  pour  passer  le  mousquet  en  guise  de  canon- 
nière'-'. Cette  invention  me  semble  d'autant  meilleure  qu'elle  peut 

'   Le  tas.  de  Colberl  et  celui  de  Har-        de  Cherré.  (Fol.  i  i6  dans  les  deux  mss.  ) 
lay  s'arrêtent  ici,  el  donnent  ce  qui  suit  '  La  pièce  finit  ici  dans  les  manuscrits 

comme  une  pièce  séparée ,  écrite  de  la  main        de  Colbert  et  de  Harlay. 

5o. 


396 


LETTRES 


estre  exécutée  en  deux  fois  vingt-quatre  heures  par  des  Suisses,  qui 
seront  bien  aises  de  gagner  de  l'argent. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCXVI. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  I.  45,  fol.  278.  —  Copie  '. 


D'Abbeville,  ce  19  juin  i63g. 

Le  roy  a  esté  si  estonné  de  sçavoir  que  ses  armes,  qui  eussent 
esté  prestes  si  on  eust  voulu  entrer  dans  le  païs  des  ennemis  à  la  my- 
may,  n'y  soient  pas  entrées,  ny  au  premier  juin,  ny  au  troisième,  ny 
au  sixième,  qui  sont  les  termes  qu'on  avoit  pris,  qu'il  m'a  commandé 
d'avoir  un  soin  particulier  de  sçavoir  qui  sont  ceux  qui  avancent  ou 
retardent  ainsy  ses  entreprises.  Puisqu'on  porte  toutes  les  forces  de 
Sa  Majesté  de  ces  quartiers  là  dans  le  Roussillon,  il  faut,  à  mon  avis, 
avoir  deux  fins  devant  les  yeux  :  l'une  de  prendre,  avec  des  brigades 
de  l'armée,  la  redoute  de  S'  Ange,  Salces*  et  Aupouls,  s'il  se  peut, 
comme  on  l'a  proposé; 

L'autre,  de  combattre,  avec  le  principal  corps  de  l'armée,  les  forces 
des  ennemis,  qui  sont  foibles  en  ces  quartiers-là,  auparavant  qu'elles 
se  puissent  rassembler. 


'  Faite  sur  un  original  «de  la  main  de 
Cherré.  »  (Note  du  ms.  de  Colbert.) 

'  Le  manuscrit  ne  donne  point  de  sus- 
cription  ;  on  pourrait  croire  que  cette  lettre 
était  adressée  à  Mayola_,  lieutenant  des 
gardes  du  cardinal,  envoyé  quelques  jours 
auparavant  par  Son  Eminence  en  mission 
auprès  de  M.  le  prince.  Toutefois,  si  c'est 
à  lui  que  la  lettre  fut  écrite ,  il  est  douteux , 
à  cause  de  l'extrême  lenteur  des  communi- 
cations de  ce  temps-là ,  qu'elle  l'ait  trouvé 
dans  le  Roussillon.  En  effet ,  il  était  de  re- 


tour à  Paris  avant  le  27  juin,  puisque  ce 
jour-là  Richelieu  le  dépêcha  au  camp  de- 
vant Hesdin,  pour  lui  rapporter  des  nou- 
velles du  siège.  (Voy.  ci-après,  p.  /io6.) 

^  Bourg  à  quatre  lieues  de  Perpignan , 
sans  importance  aujourd'hui,  mais  où  il 
reste  encore  des  ruines  de  fortifications 
que  se  disputèrent  plus  d'une  fois  les  Fran- 
çais et  les  Espagnols.  —  Opouls,  que  je 
trouve  encore  écrit  Apouls ,  dans  les  géo- 
graphies  du  temps,  est  un  petit  village  à 
une  lieue  au  nord  de  Salces.  Ce  village  est 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  397 

Ce  serolt  une  grande  honte  de  distribuer  26  mil  rations  de  pain, 
et  emploier  une  armée  de  telle  force  à  prendre  une  misérable  place 
comme  Salées.  Je  vous  escris  cette  lettre  non  pour  que  vous  la  ca- 
chiés,  mais  afin  que  vous  la  monstriés  à  ceux  à  qui  il  appartiendra. 
Je  m'asseure  que  M' le  Prince  fera  quelque  chose  digne  de  luy,  et  que 
M.  d'Aluin  y  fera  ce  qui  sera  de  son  pouvoir.  Mais  je  ne  comprends 
pas  quelle  pensée  a  eu  M.  le  Prince  d'entrer  sy  tard  dans  le  pays  en- 
nemy  qu'il  leur  ayt  donné  le  temps  de  faire  la  récolte,  et  de  faire  ve- 
nir les  forces  qu'ils  ont  du  costé  de  Fontarabie,  pour  s'opposer  plus 
puissamment  à  ses  desseins.  Les  Espagnolz  croyent  tellement  estre  atta- 
quez du  coslé  de  la  Guyenne  que,  si  M' le  Prince  fust  entré  vertement 
et  de  bonne  heure  dans  le  Roussillon,  il  eust  eu  temps  d'y  faire  tout 
ce  qu'il  eust  voulu  auparavant  que  les  ennemis  eussent  peu  estre  à  luy. 

Peut-estre  y  a-t-il  quelque  secret  que  je  ne  sçay  pas;  mais,  s'il  n'y 
en  a  point,  un  tel  procédé  me  feroit  volontiers  renoncer  à  tous  les 
meilleurs  projectz  qu'on  peut  faire  à  cause  du  peu  de  soin  avec  lequel 
on  les  exécute.  Animés  tout  le  monde  autant  que  vous  pourrés  et  me 
mandés  la  vérité. 

Le  Gard.  DE  RICHEUEU. 


CCXVII. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  277.  —  Copie.  — 
Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  1,  fol.  a8a.  — Copie'. 

A  M.  LE  PRINCE. 

ig  Juin  1639. 

'^Le  roy  est  sy  estonné  d'avoir  appris  qu'au  neuvième  du  mois  vous 

adossé  à    une   montagne  qui  était  alors  avaient  été  pris  le  1 1 .  —  '  Une  note  des 

couronnée  de  quelques  ouvrages  de  dé-  deux  manuscrits  dit  que  la  transcription 

fense  sur  la  frontière  du  Roussillon.  Le  a  été  faite  f  sur  une  copie  de  la  main  de 

jour   même   où   Richelieu   écrivait   cela  Cherré.  > 
Salces   capitulait;  Opouls  et  Saint-Ange  '  Le  ton  de  sévérité  avec  lequel  Riche- 


398  LETTRES 

n'eussiez  point  encores  faict  entrer  ses  armes  dans  le  Roussillon  que 
je  ne  vous  le  sçaurois  tesmoigner;  et,  à  dire  le  vray,  je  ne  voy  au- 
cune raison  qui  vous  ayt  peu  empescher,  ayant  une  armée  à  laquelle 
vous  faictes  donner  25,ooo  rations  de  pain,  suivant  Testât  qui  en  a 
esté  envoyé  à  M.  de  Noyers,  de  faire  beaucoup  plus  tost  l'entrée,  ayant 
dix  rail  hommes  de  pied  assemblés.  Vous  la  pouviés  faire  de  bonne 
heure  plus  avantageusement  que  maintenant  avec  toutes  vos  forces, 
veu  que  les  ennemis  auront  eu  temps  de  s'assembler  et  mesme  de 
faire  venir  les  troupes  qu'ils  avoient  dans  la  Navarre  et  vers  Fonta- 
rabie. 

Au  reste,  si  les  ennemis  ont  eu  lieu  de  faire  leur  récolte,  on  ne 
sçauroit  réparer  la  perte  qu'on  aura  fuicte  par  ime  telle  occasion. 
Vous  m'avés  tesmoigné  tant  d'ardeur  à  faire  quelque  chose  digne  des 
armes  du  roy  et  de  vous,  pour  réparer  le  malheur  de  l'année  passée, 
que  je  m'asseure  que  vous  trouvères  bon  que  je  vous  en  fasse  res- 
souvenir; je  croy  qu'il  vous  est  aisé  d'abord  de  faire  prendre  Salces 
et  la  redoute  de  S'-Ange  par  des  brigades  de  vostre  armée,  et  batlre 
les  ennemis  non  encore  assemblez  à  la  campagne.  Je  m'asseure  que 
■si  vos  commencemens  ont  esté  tardifs,  la  diligence  et  la  vigueur  avec 
laquelle  vous  ferés  agir  réparera  le  temps  perdu. 

Vous  sçavés  bien  que  je  suis  icy  pour  faire  valoir  vos  actions,  au- 
tant que  je  pourray,  à  vostre  avantage ,  et  que  cette  campagne  fera 
faire  jugement  du  bonheur  que  vous  estes  capable  d'avoir  avec  les 
armes  du  roy.  Ce  pendant  je  vous  suplie.  Monsieur,  de  vous  asseu- 
rer  de  mon  affection  et  de  croire,  etc. 

lieu  adresse  ses  reproches  au  premier  les  relations  et  les  lettres  envoyées  au  roi 
prince  du  sang  donne  à  cetle  lettre  un  et  au  cardinal  par  le  prince  de  Condé, 
intérêt  qui  nous  engage  à  la  conserver,  par  MM.  d'Arpajon  ,  d'Argencour,  l'arche- 
quoiqu'elle  dise  en  partie  ce  qu'a  déjà  dit  voque  de  Narbonne  :  tout  le  monde  se  fê- 
la précédente.  Cependant  les  affaires  de  licitait  des  heureux  commencements  de 
Roussillon  ne  tardèrent  pas  à  prendre  une  l'enlreprise.  Richfliiu  adressa  alors  une 
tournure  plus  favorable;  nous  trouvons  lettre  de  félicitation  (aii  juin),  dont  nous 
dans  le  manuscrit  de  Colbert,f°  2  79  à  a84,  faisons  mention  aux  analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  399 


CCXVIII. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  I,  fol.  325  v°.  —  Copie'. 
Cinq-cents  Colbert,  n°  45,  fol.  218.  —  Copie. 

A  M.  LE  COMTE  DE  PICCOLOMINI. 

3  1  juin  1639. 

Monsieur, 

Les  événemens  de  la  guerre  sont  d'ordinaire  sy  différens  que ,  lors- 
qu'il nous  en  est  arrivé  de  bons,  j'ay  tousjours  considéré  qu'il  en  fal- 
loit  craindre  de  mauvais.  La  bonne  conduite  de  Vostre  Excellence,  et 
la  mauvaise  de  beaucoup  de  ceux  qui  estoient  dans  l'armée  que  com- 
mandoit  M'  de  Feuquières,  vous  a  donné  un  avantage  que  j'aime 
beaucoup  mieux  qui  vous  soit  arrivé  qu'à  tout  autre  qui  agisse  contre 
les  armes  du  roy,  à  cause  de  vostre  mérite  et  de  vostre  particulière 
courtoisie.  J'aurois  volontiers  proposé  à  S.  M.  le  renvoy  que  vous  dé- 
sirés de  M"^  le  baron  d'Engheworth,  si  on  n'avoit  desjà  accordé  de 
l'eschanger,  luy  et  M' le  général  Werth ,  avec  M' le  mareschal  Horn,  le 
colonel  Tubal  et  Chevalisquy. 

Il  y  a  700  ou  800  prisonniers,  officiers,  matelots  et  soldats  à 
Marseille,  qui  furent  pris  l'année  passée  au  combat  des  galères;  le 
gouverneur  du  Chastelet  est  aussy  dans  Paris;  s'il  plaist  à  Vostre  Ex- 
cellence, on  les  eschangera  présentement,  et  le  s'de  Cornillon,  com- 
mandant pour  le  roy  dans  Amiens,  sous  M'  de  Chaulnes,  porteur  de 
cette  lettre  \  fera  payer  le  quartier  que  vous  voudrés  que  reçoivent 
vos  gens  pour  la  rançon  de  tous  les  autres.  Quant  à  M'  de  Feuquières, 
je  m'asseure  que  vous  trouvères  bon  de  le  mettre  à  une  rançon  sy 
raisonnable  qu'il  ayt  lieu  de  se  louer  de  vostre  bon  traiclement,  et 

'  Transcrit  •  sur  une  copie  de  Cherré ,  •  ces,  f"  aaG.  Celte  pièce,  qui  n'ofl're  rien 

dit  une  annotation  marginale  du  manus-  de  remarquable  dans  sa  forme,  reproduit 

crit  de  Harlay.  quelques  phrases  de   cello   lettre  et   ne 

'  L'instruction  donnée  au  sieur  de  Cor-  traite   que  des   conditions   de  l'échange 

nillon  se  trouve,  en  copie,  dans  le  vo-  proposé.  Elle  doit  avoir  été  rédigée  par 

lume  dcsCinq-cenls  Colbert  cité  aux  sour-  un  commis  de  Cliavigni  ou  du  secrétaire 


400  LETTRES 

que  vous  puissiés  vous  descharger  d'une  personne  qui  ne  sauroit  de 
fort  longtemps  sortir  d'un  lict  et  d'une  chambre. 

Je  me  promets.  Monsieur,  que  vostre  courtoisie  en  cette  occasion 
couronnera  le  bonheur  que  vous  avcs  eu  en  la  journée  de  Thion- 
ville,  et  je  vous  asseure  qu'en  toute  autre  qui  se  pourra  présenter, 
l'exemple  que  vous  donnerés  en  ce  rencontre  sera  religieusement 
suivi,  et  que  je  tiendray  à  faveur  de  vous  tesmoigner  par  efïect  que 
je  suis, 

Monsieur, 

Vostre  très  humble  servitenr. 


CCXIX. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4".  p.  169.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

D'Abbeville,  ce  21  juin  1639. 

Le  roy  est  très-content  de  vos  travaux.  Puisque  la  redoute  du  grand 
chemin  de  la  forest  est  inutile,  il  ne  la  faut  pas  faire. 

M""  de  Noyers  est  en  peine  de  dix  mil  escus  qu'il  a  donnés  à  vostre 
trésorier,  il  y  a  deux  jours.  S'il  ne  les  a  portez  il  mérite  chastiment. 
Il  en  envoyé  encore  d'autre. 

Il  n'y  a  qu'à  continuer  ce  qui  est  commencé,  faire  jouer  les  mines 
quand  elles  seront  prestes ,  et  espérer  de  Dieu  ce  que  nous  désirons. 

Je  vous  envoyé  la  lettre  déchiflrée  que  vous  m'avés  envoyée;  vous 
verres  parla  que  le  cardinal  Infant  exhorte  à  tenir  le  plus  qu'ils  pour- 
ront, à  ne  dissiperpas  mal  à  propos  leurs  poudres,  et  à  tascher  de  faire 
le  retranchement  de  la  gorge  du  bastion  jusqu'à  l'eau. 

S'il  vous  plaist  de  vous  servir  avec  secret  d'un  petit  stratagème  que 

d'élal  de  la  guerre.  La  copie  de  Colbert  pour  le  même  objel  et  pour  lui  témoigner 

ne  nous  offre  aucune   indication    à   cet  son  déplaisir  du  malheur  qui  lui  était  ar- 

égard.  Le  cardinal  écrivit  le  même  jour  rivé  devant  Thionville.  «  Consolés  -  vous , 

au  maréchal  de  Châtillon  pour  l'informer  je  vous  prie,  ajoutait  le  cardinal,  et  ayés 

de  la  mission  de  M.  de  Coniillon.  Il  écri-  soin  de  vostre  santé.  »  Nous  faisons  men- 

vit  aussi  à  M.  de  Feuquières  une  lettre  tien  de  ces  deux  lettres  au.x  analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  401 

nous  avons  médité,  s'il  ne  sert  il  ne  nuira  pas.  L'affaire  est  que  M'  Ros- 
signol '  a  escrit  du  mesme  chiffre  l'avis  que  vous  verres  en  espagnol. 

Il  les  exhorte  à  tenir  bon,  mais  à  faire  enfin  une  telle  capitulation 
qu'ils  conservent  leurs  gens. 

Nous  vous  l'envoyons  lié  sur  une  pierre.  Il  faut  faire  semblant  de 
poursuivre  un  soldat  comme  s'il  estoit  des  ennemis,  et  l'attraper  avec 
bruit,  le  plus  proche  qu'il  se  pourra  du  lieu  par-où  vous  jugerés 
plus  probablement  que  les  gens  qui  veulent  entrer  dans  la  place  ont 
accoustumé  d'aller,  et  quand  il  sera  en  lieu  d'où  il  puisse  jeter  sa 
pierre  en  sorte  que  les  ennemis  la  puissent  ramasser,  vous  ferez  tirer 
deux  ou  trois  coups  de  mousquet,  auquel  temps  il  jettera  sa  pierre, 
se  laissera  tomber,  et  sera  amené  prisonnier. 

Le  Gard.  1)E   RfCHELIEU. 


r.cxx. 

Bibl.  (le  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/l°,  p-   171.  —  Copie. 

A   M.  DE   LA  MEILLERAYE. 

D'Abbeville,  ce  21  juin  1689,  au  soir. 

Je  suis  bien  aise  que  la  mine  de  M'  le  grand  maistre  ait  joué  et 
qu'il  ayt  rattaché  ses  mineurs;  mais  une  chose  me  faict  peine,  sur  la- 
quelle je  le  prie  de  me  donner  esclarcissement ,  ou  de  tirer  profit  de 
ma  crainte  si  elle  a  fondement,  ce  que  je  ne  saurois  bien  juger, 
n'ayant  pas  veu  les  lieux. 

Je  doute  que  vostre  pont  de  fascines  soit  assez  large  et  assez  af- 
fermi* pour  soustenir  le  logement  que  vous  ferés  dans  le  bastion, 
après  que  vos  seconds  fourneaux  auront  joué. 

Je  sçay  bien  qu'il  est  capable  de  porter  7,  8,  10,  12  hommes  à  la 

'   Nous  avons  expliqué  (I.  I,  prél".  page  fui  enfoncé,  quelques  jours  après  la  date 

XXII  )  quelles  étaient  les  fonctions  de  Ros-  de  cette  lettre  ,  par  les  débris  d'une  mine, 

signol  dans  le  cabinet  de  Richelieu.  Il  fallut  le  refaire,  ainsi  qu'on  le  voit  dans 

*   Le  cardinal  prévoyait  ce  qui  arriva  ;  les  relations  du  siège  de  Hesdin. 
le  pont  de  fascines  manquait  de  solidité  et 

CARDIN.  DB  RICHELIEC.  VI.  '  5l 


^02  LETTRES 

fois;  mais  si  la  nécessité  oblige  d'y  faire  passer  grand  nombre  de  gens 
à  la  fois,  j'ay  peur  qu'il  ne  fust  ny  assez  fort,  ni  assez  large,  et,  s'il 
arrivoit  qne  les  ennemis  fissent  une  forte  résistance  qui  donnast 
quelque  épouvante  à  nos  soldats,  je  craindrois  qu'il  ne  s'en  noyast  en 
un  retour  précipité.  Il  y  a  plus,  si  l'opiniastreté  des  ennemis  oblige  à 
donner  un  assaut,  asseurément  le  d.  pont  est  trop  étroict  pour  porter 
les  hommes  qui  y  devroient  aller  de  front,  et  trop  foible  pour  en 
supporter  un  nombre  suffisant. 

A  cela  il  y  a  deux  remèdes,  le  premier  de  joindre  au  pont  que  vous 
avés  desjà  faict  d'autres  ponts,  soit  de  masts,  soit  de  bateaux,  soit  de 
fascines,  et  en  si  grand  nombre  que  la  largeur  supplée  au  manque  de 
force,  en  ce  ([u'il  sera  d'autant  moins  besoin  de  charger  chacun  d'eux, 
que  plus  en  pourra-t-il  passer  de  front. 

Le  second  remède  est  de  combler  tout  à  faict  le  fossé  avec  des  fas- 
cines chargées  de  pierres,  de  petits  gabions  qui  en  soient  .pleins  et 
autres  inventions  que  vous  pourrés  trouver. 

Je  sçay  bien  que  vous  me  dires  que  cet  ouvrage  n'est  pas  un  ou- 
vrage d'un  jour;  aussy  ne  le  proposé-je  qu'autant  que  le  premier  ne 
lust  pas  suffisant,  et  que  l'opiniastreté  des  ennemis  fust  extraordinaire. 

Je  désire  que  nous  ayons  la  place  à  bon  prix;  mais  quoy  qu'elle 
couste,  soit  d'argent,  soit  de  temps,  soit  de  peine,  il  la  faut  avoir,  et 
quand  vostre  circonvallation  sera  achevée,  qui  sera  dans  4  jours, 
toutes  les  puissances  de  la  terre  ne  vous  en  sauroient  empescber, 
ayant  Dieu  de  nostre  costé,  comme  je  l'espère. 

L'armée  du  roy,  du  Languedoc,  est  entrée  dans  le  Roussillon.  On 
a  pris  le  chasteau  d'Aupoulx,  qui  estoit  imprenable  qu'avec  beaucoup 
de  peine  et  de  temps \  si  ie  gouverneur  ne  se  fust  estonné.  Le  gou- 
verneur de  Perpignan  luy  a  faict  couper  le  col  à  son  arrivée  pour 
avoir  rendu  ladicte  place. 

On  a  pris  le  fort  S'"- Anne,  on  a  pris  la  ville  de  Rivesaltes,  et  Salces 
est  assiégée  du  i4;  quand  elle  sera  prise  on  ira  plus  loin. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 
'   Phrase  obscure  :  qui  était  imprenable,  si  ce  n'est  avec 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


403 


CCXXI. 

Bibl    imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  ùb ,  fol.  288.  —  Copie'.  — 
Saint-Gerraain-Harlay,  346, 1.  1,  fol.  agS:  —  Copie. 

A  M.  D'ARGENCOUR. 

[31  ou  22  juin  1639*.] 

J'ay  receu  vostre  lettre,  qui,  au  lieu  de  me  donner  une  grande  es- 
pérance de  progrez,  tesmoigne  beaucoup  d'appréhension'.  On  a  bien 
deub  sçavoir,  devant  que  d'entreprendre  l'entrée  du  Roussillon,  les 
trouppes  dont  on  se  pouvoit  prévaloir  en  cette  occasion.  Vous  avés  le 
secours  des  communes  de  Languedoc,  de  la  noblesse  du  pais,  et,  en 
toute  extrémité,  de  celle  de  la  Guyenne;  si  tout  cela  ne  suffit,  je  ne 
sache  rien  en  France  qui  le  puisse  faii'e.  Quant  à  l'artillerie.  M'  le 
Prince  a  tout  ce  qu'il  a  demandé.  Il  a  choisy  luy  mesme  Pontselme; 
c'est  à  un  général  d'armée  à  faire  agir  ceux  qui  sont  sous  luy  quand  il 
les  a.  Pour  les  vivres,  si  on  peut  mourir  de  fain  dans  un  pais  abon- 
dant comme  le  Languedoc  et  celuy  où  vous  estes  et  où  les  vivres  se 
peuvent  porter  par  eau,  il  faudroil  bien  manquer  d'esprit  et  d'ordre. 
J'espère,  quoy  que  die  vostre  lettre,  que  les  armes  du  roy,  comman- 
dées par  M""  le  Prince  et  tant  de  braves  gens  qui  servent  sous  luy, 
n'en  demeureront  pas  à  Aupoulx,  qui  s'est  rendu,  et  au  fort  S'-Ange, 
qui  s'est  trouvé  abandonné. 


'  Faite  sur  une  minute  •  de  la  main  de 
Chcrré.  •  (Noie  commune  aux  deux  mss.) 

'  Celle  lettre  est  san.s  date;  elle  répond 
à  une  missive  de  d'Argencour  datée  du 
camp  de  Ribas  haltas,  le  1 1  juin.  La  pré- 
sente ietire  a  dû  être  écrite  après  celle  du 
19  juin,  où  le  cardinal  se  plaint  des  len- 
leurs  des  opéralions  du  prince  de  Condé, 
et  avant  celle  du  a4 ,  où  il  li'  félicite  de  ses 
rteents  succès.  Nous  proposons  de  la  pla- 
cer vers  le  21  ou  le  a 2  juin. 

^  D'Argencoui-,  en   annonçant  le  pre- 


mier succès  de  la  campagne,  en  faisait 
pourtant  prévoir  loutes  les  difficultés  et 
les  lenteurs  forcées.  Le  manque  d'eau , 
l'impossibilité  de  garder  les  passages  par 
où  les  vivre»  doivent  arriver,  le  trop  petit 
nombre  de  troupes ,  sont  des  obstacles  qui 
rendent  le  résultat  fort  douteux.  Il  se- 
rait nécessaire  d'avoir  en  corps  d'armée 
16,000  hommes  de  pied  et  3,ooo  che- 
vaux; et,  quoique  à  la  revue  de  Sijean  il 
se  soil  trouvé  i3,ooo  hommes  de  pied,  les 
valets  et  passe-volants  ôtés,  il  n'en  restait 

5i. 


404  LETTRES 


CCXXIJ. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/l°,  p.  i^S.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

D'Abbcvilie,  ce  24  juin  iBSg. 

Je  suis  bien  aise  que  vostre  mineur'  soit  enfin  attaché;  vous  pou- 
vez faire  jouer  la  mine  de  M'  Lambert  quand  bon  vous  semblera  sans 
attendre  autre  moment  que  celuy  auquel  elle  sera  preste.  On  n'a  point 
pensé  à  fortiffier  vos  lignes  à  l'épreuve  du  canon,  mais  bien  à  les 
mettre  en  estât  que  la  mousqueterie  puisse  avoir  derrière  son  jeu 
bien  libre  et  bien  commode. 

Quand  aux  forts  on  a  estimé  qu'il  esloit  nécessaire  de  les  fortif- 
fier, et  jamais  pour  homme  un  pourpoint  ne  fit  mal  sur  une  camisole. 

J'avoue,  comme  vous,  qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  que  les  ennemis 
viennent  attaquer  un  retranchement  tandis  qu'ils  auront  deux  lieues 
de  pays  ouvert  pour  secourir  une  place;  mais  cela  conclut  aussy  qu'il 
faut  pouvoir  asseurer  si  bien  ce  pays  ouvert  qu'il  n'en  puisse  arriver 
inconvénient.  Je  dois  les  bons  succès  que  j'ay  eus  en  ma  vie  premiè- 
rement à  la  bénédiction  de  Dieu,  et,  en  second  lieu,  au  soin  que  j'ay 
eu  de  prévenir  les  mauvais  accidens,  et  à  une  certaine  prudence, 
peut-estre  timide,  mais  utile,  en  ce  que  m'empeschant  de  me  persua- 
der que  je  fusse  à  couvert,  si  ne  pleuvant  point  dans  ma  chambre  une 
gouttière  pouvoit  remplir  d'eau  mon  cabinet,  elle  a  faict  que  je  n'av 
pas  oublié  de  bien  faire  couvrir  l'un  et  l'autre. 

Je  ne  doute  point  que  nous  n'ayons  bienlost  Hesdin;  mais  vous 
verres  avec  M'  de  Noyers  ce  qu'il  faut  faire  pour  jouer  à  jeu  seur, 
dans  cette  ouverture  de  deux  lieues,  et  tout  ce  que  vous  résoudrés 

pas  plus  de  1 0,000.  Salces ,  d'ailleurs  (dont  '  Richelieu  écrivit  à  La  Meilleraie  qua- 

le  cardinal  avait  dit,  dans  sa  lettre  du  Ire  lettres,  presque  en  même  temps,  au 

iQ  juin,  une  misérable  place  comme  Sulces) ,  sujet  des  précautions  à  prendre  pour  ce.s 

«  fait  contenance  de  se  vouloir  défendre,  »  mines.  (Notées  aux.  Analyses,  à  la  date 

ajoute  d'Argencour,  dont  la  lettre  mérite  des  24  et  26  juin  ) 
d'être  lue.  (F°  a8o  v"  du  ms.  de  Colberl.)  * 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


405 


avec  luy  serî^  tenu  pour  bien  laict'.  Adieu,  asseurés  vous  de  mon 

affection. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCXXIII. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/i°,  p.  177.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

D'Abbeville,  ce  ai  juin  1689,  au  soir. 

Ce  billet  est  pour  avertir  M' le  grand  maistre  que  Piccolomini  ayant 
encore  mieux  esté  frotté  à  Mouzon^  que  nous  ne  pensions,  où  il  est  de- 
meuré plus  de  1 ,200  hommes  sur  la  place  et  grand  nombre  de  bles- 
sés, voyant  ne  pouvoir  plus  rien  faire  seul,  prend  sa  route  de  deçà, 
et  peut  arriver  aujourd'hui  à  Ginay'.  Si  la  bonne  fortune  du  roy  estoit 
telle  que  dans  4  ou  5  jours  on  peust  estre  maistre  de  Hesdiu,  nous 
lascherions,  avec  M"'  de  Ghastillon,  qui  le  costoie,  et  l'armée  de  M' le 
grand  mai.stre,  de  leur  faire  un  affront  peu  auparavant  leur  conjonc- 
tion à  Lislers.  Cet  avis  ne  fera  rien  précipiter,  mais  il  servira  à  faire 
avancer  les  choses  autant  qu'il  se  peut. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  Plusieurs  lettres  de  Richelieu ,  rem- 
plies de  conseils,  d'encouragements,  sont 
notées  aux  Analyses  vers  cette  époque. 

'  Le  cardinal  avait  annoncé  la  veille 
(le  a3j  à  M.  de  La  Meilleraie  la  levée  du 
siège  de  Mouzon ,  par  un  billet  qui  sera 
indiqué  aux  Analyses.  Une  feuille  extraor- 
dinaire jointe  à  la  Gazette  du  2b  juin  et 
intitulée  •  La  levée  du  siège  mis  devant 
Mouzon  par  Piccolomini,  où  il  a  perdu 
douze  cents  hommes ,  »  a  sans  doute  été  en- 
voyée à  Renaudotdu  cabinet  de  Richelieu. 

'  Ce  nom  est  très-nettement  figuré  dans 
le  tas.  Le  copiste,  qui  estropie  souvent  les 
mois,  et  surtout  les  noms  propres,  a-l-il 
voulu  écrire  Giuay  pourGivei  ?  Cette  ville. 


située  à  1 5  lieues  environ  au  nord  de  Mou- 
zon, se  trouve,  en  eilet,  dans  la  direction 
que  pouvait  prendre  Piccolomini.  Le  plan 
de  ce  général  et  du  card.  Infant  était  sans 
doute  de  secourir  Hesdin ,  dont  alors  La 
Meilleraie  pressait  vivement  le  siège,  et  ce 
devait  être  là  le  motif  de  la  jonction  à  Lil- 
1ers,  ville  voisine  de  Hesdin.  Le  card.  In- 
fant s'avançait  vers  Saint-Pol,  tandis  que 
Piccolomini  marchait,  de  son  côté,  sur 
l'Artois.  Mais  «  la  bonne  fortune  du  roi  » 
avait  ponctuellement  obéi  au  vœu  de  Ri- 
chelieu ;  cinq  jours  après  la  date  de  celle 
lettre,  le  -jg  juin,  Hesdin  était  au  pouvoir 
du  roi.  Le  card.  Infant,  obligé  d'aller  faire 
tète  aux  Hollandais  en  Flandre,  laissa  à 


40ft 


LETÏHES 


CCXXIV. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  ia-4°,  |).  188.  —  Copie. 

A   M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

D'AbbeviUe,  ce  28  juin  i63f). 

Je  ne  saurois  vous  dire  le  desplaisir  que  j'ay  de  la  mort  du  pauvre 
Maillola^  si  on  pouvoit  le  racheter  je  ferois  voir  ce  que  je  l'estimois 
et  ce  qu'il  valoit.  Je  vous  conjure ,  et  pour  l'amour'  du  service  du  roy, 
et  pour  vous  et  pour  moy,  de  vous  mesnager  autrement  que  vous  ne 
faictes.  J'apprends  que  tous  les  jours  vous  menés  les  volontaires  aux 
travaux;  je  croyois  que,  vostre  charge  ne  vous  permettant  pas  de  le 
faire  avec  dignité,  mes  prières  vous  auroient  détourné-  de  cette  cous- 
tume;  je  vous  en  conjure  encore  une  fois,  par  ce  que  vous  me  devés 
et  vous  devés  à  vous-mesme.  Si  vous  voulés  recevoir  tant  de  volon- 
taires comme  vous  faictes,  vous  devés  faire  faire  une  hutte  exprès. 
Vous  loniberés  malade  et  on  se  moquera  de  vous;  messieurs  les  vo- 
lontaires diront  au  vray  que  vous  estes  brave,  vaillant,  ^t  que  vous 
faictes  bonne  chère;  mais  que  vostre  mauvaise  santé  ne  vous  rend 
pas  capable  de  servir.  Au  nom  de  Dieu,  croyés-moy,  je  vous  prie^. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


Piccolomini  le  cotnmandemeut  des  troupes 
impériales  et  espagnoles  réunies,  et  celui- 
ci  continua ,  sans  trop  se  presser,  son  mou- 
vement vers  l'Artois;  nous  le  voyons,  le 
34  juillet,  se  retrancher  dans  un  camp 
établi  entre  Bouchain  et  Douai. 

'  A  peine  arrivé,  le  matin  du  28,  à  Hes- 
din,  où  Richelieu  l'avait  envoyé  pour  lui 
rendre  compte  de  l'étal  du  siège ,  Mavolafut 
tué  d'un  coup  de  mousquet  auprès  de  La 
Meilleraie ,  avec  qui  il  visitait  les  travaux. 
Richelieu  en  fut  informé  aussitôt.  Le  len- 
demain 2g  il  déplorait  encore  la  perte  de 
l'un  des  siens  :  «  La  mort  de  Frezeliére 
achève   de  m'accabler  (écrivait- il   à   La 


Meilleraie).  Cependant  je  me  conforme  à 
la  volonté  de  Dieu  et  le  prie  de  vou»  con- 
server.— Quelque  capitulation  qu'on  fasse , 
si  elle  n'est  exécutée  aujourd'hui,  travail- 
lé» jour  et  nuit  plus  que  jamais  et  à  vos 
ponts  et  à  vostre  circonvallalion.  »  (Lettre 
mentionnée  aux  Analyses.) 

'  On  a  mis  ce  mot  à  la  marge;  dans  le 
texte  il  y  a  «  déterminé,  »  qui  n'a  pas  de  sens. 

'  La  veille  Richelieu  écrivait  :  «  Ne  vous 
affligés  point  si  ces  premières  tentatives 
n'ont  point  réussi;  quand  nous  devrion.^ 
esire  six  mois  au  siège  d'Hesdin,  il  le  faut 
prendre,  avec  l'aide  de  Dieu.  Conserves 
vostre  santé,  et  dormes  plus  que  vous  ne 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  407 


ccxxv. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4°,  p.  192.  — Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

D'Abbeville,  ce  3o  juin  1689. 

Mon  cousin,  je  suis  très-aise  de  la  fin  de  vos  travaux  au  siège 
d'Hesdin  et  de  ce  qu'il  a  pieu  au  roy  tesmoigner  l'agrément  de  vos 
services  par  la  charge  qu'il  vous  a  donnée.  Je  vous  prie  de  vous  repo- 
ser maintenant  et  reprendre  vos  forces,  et  pour  cet  elFect  vous  défaire 
de  vos  volontaires. 

Je  ne  double  point  du  desplaisir  que  vous  avés  de  ceux  que  j'ay 
perdus;  je  vous  advoue  que  je  ne  croy  pas  m'en  pouvoir  consoler  de 
longtemps.  La  première  chose  que  vous  avés  à  faire  est  ce  que  vous 
me  mandés,  de  rompre  promptement  vos  tranchées,  et  faire  oster  sans 
péril  vos  fascines  du  fossé,  ce  qui  servira  bien  dans  la  place.  11  sera 
aisé  de  vuider  le  fossé  en  faisant  baisser  les  eaux^  Quant  à  la  cir- 
convallation,  il  n'est  point  besoin  de  la  rompre  que  les  autres  travaux 
plus  pressez  ne  soient  faicts,  et  qu'on  ne  veuille  décamper  de  là.  11 
faut  munir  la  place  de  poudre  et  faire  ramasser  les  boulets  des  pièces 
qu'on  a  tirées  de  la  place  parce  qu'ils  sont  du  calibre. 

Je  vous  prie  de  me  mander,  si  on  le  peut  sçavoir,  combien  il  y 
avoit  de  poudre  dans  Hesdin,  afin  que  sur  cela  nous  prenions  nos 
mesures  de  ce  qu'il  en  faut  pour  munir  une  place  de  guerre.  Si  vous 
ne  le  pouvés  sçavoir,  on  en  fera  la  supputation  par  la  quantité  que 
vous  en  aurés  consumé  durant  le  siège,  estimant  qu'ils  en  peuvent 
avoir  consumé  la  moitié  d'autant  que  vous. 

Après  la  monstre,  donnés  ordre  à  vos  prévosts  qu'ils  empeschent  le 
desbandement  des  soldats,  et  maintenant  que  vous  avés  créance 
parmy  eux,  exhortés  les  chefs  à  faire  leur  devoir  à  les  retenir. 

faicles,  afin  de  pouvoir  subsister  durant  '   Le  mol  est  douteux  dans  le  manus- 

la  campagne.  >  (Lettre  du  ay,  notée  aux         cril. 
Analyses.  ) 


408 


LETTRES 


M.  de  Noyers  vous  ira  voir  au  premier  jour,  pour  voir  avec  vous  ce 
qu'il  faudra  faire  aux  réparations  de  la  place,  que  nous  prétendons 
faire  faire  entièrement  dans  le  reste  de  cet  esté. 

Je  ne  suis  pas  d'advis  que  vous  fassiés  rompre  dans  la  place  les 
grands  retranchemens  que  les  ennemis  ont  faicts  aux  gorges  des  bas- 
tions qu'on  attaquoit,  parce  que  c'est  une  besogne  faicte  si  jamais  la 
place  est  attaquée,  et  qu'un  pont  sur  lesd,  retranchemens  en  donne 
la  communication. 

Ayés  soin  de  vous,  je  vous  conjure,  et  vous  asseurés  que  je  suis 
vostre  très  affectionné  cousin  et  serviteur. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


CCXXVI. 
Bibl.  tmp.  Cinq-cents  Colbert,  f.  /jG,  foi.  385.  —  Copie'. 

RAISONS 

POUR  LESQUELLES   LE  ROY  NE  PEUT  DONNER  A  M.  DE  WEYMAR 

LES  PLACES   QUE  S     M.   TIENT   EN   ALSACE. 

[Fin  de  juin  iBSg  *.] 

La  première,  que  si  le  d.  duc  voyoit  que  la  demande  qu'on  luy  a 
faicte  de  Brisach  aboutist  à  un  retour  du  tout  extraordinaire,  à  luy 


'  Le  manuscrit  de  Colbert  note  à  la 
marge  que  celle  transcriplion  a  été  faile 
sur  une  pièce  de  la  niain  de  Cherré.  Il 
donne  en  même  temps  le  texte  de  l'instruc- 
tion du  baron  d'Oysonville,  au  sujet  des 
prétentions  du  duc  sur  les  places  d'Alsace. 
Comme  la  plupart  des  instructions  di- 
plomatiques, celle-ci  n'a  pas  élé  rédigée 
par  Richelieu  lui-même;  la  pensée  géné- 
rale et  les  principaux  points  appartiennent 
seuls  au  cardinal  ;  nous  n'en  reprodui- 
rons que  cela. 
.  '  Celte  pièce  n'est  point  datée  ;  la  date 


semble  approximativement  indiquée  par 
celle  d'nne  lettre  du  duc  de  Weymar  à 
Ricbelieu,  du  23  juin  iGSg.  La  prise  de 
Brissac  (17  décembre),  qui  termina  glo- 
rieusement pour  le  duc  Bernard  la  der- 
nière campagne,  avait  accru  ses  préten- 
tions. Il  ne  voulait  point  remettre  Brissac 
au  roi.  Après  avoir  entendu  le  colonel 
d'Erlack,  venu  de  sa  pari  à  la  cour,  on 
chargea  le  comte  de  Guébriant,  maréchal 
de  camp  dans  son  armée,  de  traiter  avec 
lui;  nous  faisons  mention  aux  Analyses  de 
l'instruction  donnée  le  3o  avril  à  cet  olTi- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  409 

donner  les  dictes  places,  11  se  moqueroit  ensuite  de  toutes  les  pro- 
positions qu'on  luy  pourroit  faire,  lesquelles  il  estimeroit  pouvoir 
faire  changer  ainsy  que  bon  luy  sembieroit. 

La  seconde,  qu'en  les  luy  remettant  on  n'auroit  plus  rien  pour 
obliger  l'empereur  à  la  paix,  en  ce  qu'on  donneroit  au  d.  duc  tout 
ce  dont  l'empereur  peut  espérer  la  restitution  par  un  traicté  de  paix 
générale,  et,  au  contraire,  iceluy  duc  auroit  entre  les  mains  de  quoy 
faire  son  parti  tel  qu'il  voudroit ,  lequel ,  ayant  cogneu  nostre  foiblesse 
en  ce  point,  ne  craindroit  pas,  par  après,  de  nous  bien  pousser  en 
d'autres. 

La  troisiesme,  qu'on  se  priveroit  par  ce  moyen  d'un  des  meilleurs 
expédients  pour  conserver  de  la  Lorraine  ce  que  la  raison  veut  qu'on 
y  garde,  estant  certain  que  le  grand  désir  que  l'Espagne  et  l'Empire 
ont  de  ravoir  ce  que  la  France  leur  tient  les  portera  sans  doute  à  fa- 
voriser ses  justes  intérests  en  ce  sujet. 

La  quatriesme,  que  si  led.  duc  estoit  voisin  de  la  Lorraine  (comme 
il  le  seroit  à  Saverne  et  Haguenau),  estant  de  l'humeur  qu'il  est,  on 
auroit  tons  les  jours  des  différends  avec  luy,  plus  capables  de  produire 
une  rupture  que  la  prétention  qu'il  a  es  places  d'Alsace;  et,  en  tel 
cas,  aucun  ne  désireroit  plus  que  luy  que  la  France  restituast  la  Lor- 
raine, parce  qu'il  aimeroil  bien  mieux  avoir  un  petit  duc  pour  voi- 
sin, avec  lequel  il  pourroit  brouiller,  qu'un  grand  roy,  qu'il  auroit  à 
cramdre. 

La  cinquiesme,  que  le  d.  duc  n'ayant  nul  droit  par  aucun  traicté 
à  prétendre  les  d.  places,  s'il  veut  rompre  avec  le  roy  il  peut  bien 
prendre  le  refus  qu'on  luy  en  faict  pour  prétexte,  mais  ce  n'en  sauroit 
estre  la  cause  véritable,  le  dernier  traicté  qui  lui  laisse  le  landgraviat 
d'Alsace  fexcluaut  assez  clairement  de  sa  prétention,  puisqu'il  ne 
parle  en  aucune  façon  des  d.  places,  et  qu'on  ne  luy  a  point  donné 

cier.  Les  dillicullés  ne  s'étaiil  point  apla-  pour  traiter  avec  le  duc  conformément  à 

nies,  Kichelieu  ordonna  à  M.  d'Oysonville  l'instruction  dont  nous  mettons  l'extrait  à 

de  se  rendre  auprès  du  duc  de  Weyniar,  la  suite  de  cette  pièce, 
et  de  s'entendre  avec  M.  de  Guébriant 

CARDIN.  DE  niCHELIEl.  —  Vi.  .  53 


ÛIO  LETTRES 

celles  qu'on  avoit  lorsqu'on  a  passé  le  dernier  Iraicté,  ce  qu'on  eust 
faict  s'il  les  eust  deu  avoir. 

La  sixiesme,  que  la  France  perdroit  tellement  sa  réputation  par  un 
tel  procédé  qu'on  ne  la  jugeroit  pas  capable  de  résister  ny  à  ses  amis, 
ny  à  ses  ennemis;  estant  certain  que  si,  au  lieu  que  les  Espagnols 
maistrisent  les  princes  de  Savoie,  qui  leur  mettent  leur  pays  entre 
les  mains,  elle  se  laissoit  maistriser  par  ceux  qui  sont  sous  elle,  elle 
devroit  elle-mesme  se  recognoistre  incapable  de  tous  grands  desseins. 
Partant  il  faut  demeurer  ferme  à  ne  point  donner  les  d.  places,  et 
prétendre  tousjours  du  duc  de  Weymar  ce  qu'on  luy  a  demandé  par 
d'Erlack,  sans  toutefois  le  poursuivre  avec  tant  de  cbaleur  (au  cas 
qu'il  demeure  en  sa  mauvaise  humeur),  que  cela  peust  produire  un 
mauvais  événement.  Seulement  faudra-t-il  luy  représenter,  en  tel  cas, 
qu'il  pensera  une  autre  fois  plus  meurement  à  ce  qu'il  doit  au  roy, 
et  que  maintenant  il  faut  travailler  aux  intérests  de  la  cause  publique, 
employant  cette  campagne  utilement'. 


Extrait  de  «l'instruction  au  s"^  baron  d'Oysonviile  ^  s'en  allant  trouver  M.  le 
duc  de  Weymar  de  la  part  du  roy.  »  (Même  ms.  de  Colbert,  1"°  382.) 

Dans  cette  instruction,  faite  en  suite  des  considérations  qu'on  vient  de  lire,  il 
était  recommandé  à  M.  d'Oysonville  de  représenter  d'abord  au  duc  «  que  le  roy 
estant  extraordinairement  pressé  des  Suédois  pour  le  faire  entrer  en  Allemagne, 
S.  M.  le  prie  de  leur  donner  ce  contentement  si  nécessaire  à  la  cause  publique.  » 

Il  fera  ensuite  entendre  au  duc  que  «  l'intention  de  S.  M.  est  de  le  maintenir 
en  l'Alsace,  afin  que  ce  soit  une  perpétuelle  barrière  entre  la  France  et  ses  en- 
nemis. » 

Le  sieur  d'Oysonville  doit  joindre  à  la  fermeté  de  ses  discours  tant  de  modé- 
ration en  sa  conduite  «  qu'en  ne  donnant  aud.  s'  duc  aucun  sujet  de  croire  qu'on 

'  On  a  joint  ici  dans  le  manuscrit  un  du  duc  de  Weymar,  après  la  mort  de  ce 

extrait  du  dernier  traité  fait  avec  M.  de  général,  pour  traiter  au  sujet  de  son  ar- 

Weyniar,  le  27  octobre  i635.  mée,  était  capitaine  d'une  compagnie  de 

'  Le  baron  d'Oysonville,  que  nous  ver-  clievau-légers. 
rons  bientôt  envoyé  au  quartier  général 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


411 


le  craint,  i}  ne  Juy  tienne  aussy  aucun  langage  sur  lequel  il  peust  prendre  pré- 
texte de  rupture.  » 

Si  le  duc  ne  parle  point  des  places  d'Alsace,  il  n'en  faut  rien  dire;  s'il  les  de- 
mande, il  faut  lui  montrer  que  le  traité  par  lequel  le  roi  lui  laisse  le  landgra- 
viat  d'Alsace  n'oblige  point  Sa  Majesté  à  remettre  les  places  entre  ses  mains. 

Bien  loin  qu'il  ait  à  se  plaindre  des  procédés  de  la  France,  il  doit  reconnaître 
que  le  roi  l'a  aidé  d'argent  et  de  troupes  au  delà  de  tous  ses  engagements. 

Les  ennemis  se  vantent  d'avoir  un  traité  fait  avec  M.  le  duc  de  Weymar;  c'est 
un  point  délicat  à  toucher;  «on  n'estime  pas  qu'il  faille  lui  en  parler  qu'au  cas 
qu'on  ne  puisse  le  mettre  à  la  raison  par  une  autre  voie;  celle-ci  ne  pourroit 
estre  bonne  que  lorsque  toutes  les  autres  seront  inutiles.  » 

Il  faut  surtout  protester  au  duc  qu'on  n'a  point  cette  pensée  à  la  cour,  que  Sa 
Majesté  a  la  plus  entière  confiance  en  sa  loyauté ,  «  mais  qu'il  est  important  pour 
sa  réputation  de  dissiper  ces  mauvais  bruits,  »  et  que  le  meilleur  moyen  «  c'est 
de  se  mettre  le  plus  tost  qu'il  pourra  en  campagne,  d'entrer  en  Allemagne  et 
d'agir  bien  fortement  à  l'avantage  de  la  cause  commune.  » 


CCXXVIL 

Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original. 

A  M.  DE  BULLION. 

D'Abbeville,  ce  5'j(tillel  iGSg. 

Je  vous  envoie  un  mémoire  que  Monsieur  de  Chavigny  m'a  donné, 
du  manque  de  fonds  qui  est  en  Italie.  Je  vous  conjure  de  me  mander 
diligemment  l'ordre  que  vous  y  pouvés  donner,  et  de  le  faire  promp- 
tement.  Je  vous  avoue  que  j'ay  le  cœur  si  outré  de  la  mauvaise  con- 
duite de  Madame,  qui  a  voulu  encores  perdre  Revel  par  sa  pure  faute  ', 


'  Richelieu,  voyant  le  Piémont  sérieu- 
sement menacé  par  les  Espagnols,  avait 
vivement  pressé  la  duchesse  de  Savoie  de 
melire  entre  les  mains  du  roi  son  frère 
quelques-unes  de  ses  place!"  les  plus  consi- 
dérables. Les  (léliances  que  la  politique  de 
Richelieu  in.«pirait  à  Madame,  et  aussi  les 
suggestions  des   partisans  de  l'Espagne, 


dont  elle  était  entourée,  lui  faisaient  re- 
pousser ce  conseil ,  el  elle  perdait  succes- 
sivement la  plupart  de  ses  places  que  l'ar- 
mée française  était  obligée  de  reprendre. 
L'ambassadeur  de  France  à  Turin,  d'Hé- 
mery,  écrivait  à  ce  sujet,  le  2  8  juin,  aucar- 
tlinal  :  ■  Revel  estant  pris,  j'ay  demandé 
que  Cahcurs  soit  mis  à  la  place  entre  les 

53. 


412  LETTRES 

que  je  ne  vous  en  saurois  dire  davantage  '.  L'asseurance  que  M'  de 
Chavigny  m'avoit  donnée  que  les  François  estoyent  dans  la  place ^ 
faict  que  sa  perte  m'a  d'autant  plus  surpris.  Je  cognois  par  là  ce 
que  j'ay  toujours  creu,  que  la  plus  grande  linesse  des  affaires  con- 
siste non  à  bien  répondre,  mais  à  punctuellement  et  diligemment 

exéquuler. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


GCXXVIII. 
Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R-  M^  le  duc  d'Aumale.  —  Original. 

A  M.   DE  BULLION. 

D'AbbeviUe,  ce  5  [juillet^]  lôSg. 

Je  ne  doute  point  de  la  joye  que  vous  me  tesiTioignés  avoir  eue  de 
la  prise  de  Hesdin,  ny  du  contentement  particulier  que  vous  avés  de 
ce  que  M""  de  la  Meilleraie  a  donné  satisfaction  au  roy  sur  ce  sujet. 

Si  le  malheur  de  M.  de  Fequières  ne  fust  point  arrivé,  et  que  Ma- 
dame n'eust  pas  esté  de  l'humeur  qu'elle  est,  nous  aurions  sans  doute 
bientost  la  paix,  mais  il  faut  se  conformer  à  ce  qu'il  plaist  à  Dieu,  et 


mains  du  roi . . .  J'ay  dit  à  Madame  que  si 
elle  ne  donne  pas  Cahours,  et  que  ceUe 
ville  se  perde,  on  luy  demandera  Turin 
pour  couvrir  Pignerol.  «  (  Arcli.  des  AIT.  étr. 
Turin,  l.  28,  f  569.) 

'  La  lettre  finissait  ici  et  Richelieu  avait 
signé.  Il  a  ajouté  ce  qui  suit  en  passant 
sur  sa  signature,  qu'il  a  répétée  à  la  fin 
de  la  lettre. 

^  Cliavigni ,  qui  avait  rempli  récemment 
une  mission  auprès  de  la  duchesse  de  Sa- 
voie, et  qui,  à  son  retour,  avait  tâché  d'a- 
paiser la  mauvaise  humeur  de  Richelieu, 
blessé  du  démenti  que  la  perte  de  Rêve! 
donnait  à  ses  paroles ,  écrivait  à  la  duchesse 


le  8  juillet  :  i  Tandis  qu'à  mon  aiTivée  je 
m'efforce  de  persuader  le  roy  et  M.  le  car- 
dinal du  dévoûment  de  Madame,  on  ap- 
prend la  prise  de  Revel ,  prise  parce  qu'elle 
a  refusé  de  se  confier  au  roy. . .  Je  vois 
avec  desplaisir  que  S.  A.  continue  à  se 
mesfier  de  M.  d'Hémery.  »  (Turin,  t.  29, 
P  22.) 

■'  Nous  mettons  juillet,  quoique  le  ma- 
nuscrit paraisse  donner  la  date  du  b  juin. 
La  bataille  de  Thionville,  où  Feuquières 
fut  blessé  et  pris ,  avait  été  livrée  le  7  juin , 
et  Hesdin  fut  pris  le  29  du  même  mois; 
le  5  juin  est  une  date  impossible. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  /ii3 

faire  des  efforts  extraordinaires  de  tous  costez  pour  réparer  le  mai 
que  nous  avons  receu. 

Si  Dieu  veut  bénir  M"'  de  Bordeaux,  et  que  les  Hollandois  et  M'  de 
Weymar  facent  ce  que  nous  en  devons  attendre,  veu  les  grandes  des- 
penses que  le  roy  faict,  j'espère  que  les  choses  iront  en  sorte  que  nos 
ennemis  n'auront  pas  l'avantage  qu'ilz  se  pourroient  promettre. 

Pour  les  en  empescher,  je  vous  conjure  de  faire  le  plus  d'argent 
que  vous  pourrés,  parce  qu'on  ne  sçait  ce  qui  arrive. 

Il  faut  encores  faire  un  autre  effort  pour  soustenir  les  affaires  du 
roy. 

Il  est  impossible  que  nous  puissions  remettre  les  vieux  régimens 
ruinez  en  la  deffaite  de  M'  de  Fequières  sans  une  nouvelle  rccreue. 
Nous  ne  la  scaurions  faire  dans  les  provinces  pour  or  ny  pour  argent, 
et  partant  il  faut,  par  nécessité,  venir  aux  grandes  villes,  et  comnian- 
cer  par  Paris. 

Or,  parce  que,  quand  on  achepte  les  hommes  dans  les  villes,  les 
soldats  s'en  treuvent  par  après  plus  renchéris  pour  la  campagne  sui- 
vante, il  faut  faire  par  authorité  ce  qu'on  a  faict  l'année  passée  par 
pur  argent.  M'  de  Noyers  vous  escrira  plus  amplement  sur  ce  sujet, 
mais,  dès  cette  heure,  je  vous  prie  mettre  la  main  à  l'œuvre  à  ce  que 
nous  puissions  avoir  deux  mile  hommes  de  Paris. 

J'estime  qu'on  pourroit,  par  ordonnance  qu'il  faut  publier,  obliger 
ceux  qui  ont  esté  enroolez  l'année  dernière  et  la  précédente  à  venir 
servir  en  leur  baillant  quatre  escus  chacun.  Pour  fexécution  de  cet 
ordre ,  il  faut  obliger  les  commissaires  des  quartiers  d'avertir  tous  les 
maistres  des  mestiers  de  déclarer  au  prévost  des  marcliands  ceux  qui 
ont  porté  les  armes  depuis  i635,  et  ensuitte  les  envoyer  et  les  faire 
conduire  par  des  gentilzhommes  du  roy  armez  au  rendez-vous. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


414 


LETTRES 


CCXXIX. 

Arcli.  des  Aff.  étr. Turin,  t.  27,  fol.  5.  —  Original,  devenu  minute  après  avoir  été  corrigé. 

Bibl.  inip.  Saint-Gerinain-Harlay,  347,  f°^-  ^^5  ^°-  —  Copie'. 

Dupuy,  l.  767,  cahier  Pp.  Extrait*. 


A  LA  DUCHESSE  DE  SAVOIE. 

Madame  ^, 


6  juillet  1639. 


Le  roy  se  sert  de  l'occasion  du  voyage  de  M"^  Mondain  pour  vous 
tesmoigner  que  si  vous  ne  sentes  vostre  mal  au  point  qu'il  est,  au  lieu 


'  Faite  sur  une  minute  de  la  main  de 
Cherré.  Note  marginale  du  manuscrit  de 
Harlay. 

'  Voy.  ci-dessus,  p.  56,  note  2. 

■^  Riclielieu  écrivait  le  1"  juillet  à  la 
duchesse  :  «  L'expérience  ayant  faict  co- 
gnoislre  à  V.  A.  que  les  conseil»  qu'elle  a 
pris  jusqucs  icy  estant  les  meilleurs  qu'elle 
eust  sceu  prendre  pour  avancer  les  affaires 
de  ses  ennemis  et  perdre  entièrement  les 
siennes,  il  ne  luy  reste  aucun  moyen  de 
se  sauver  que  de  prendre  promplement 
un  chemin  tout  contraire  à  celuy  qu'elle  a 
pris  jusques  à  présent,  u  Et  il  lui  annon- 
çait que  des  communications  lui  seraient 
faites  à  ce  sujet.  (La  lettre  est  imprimée; 
nous  l'indiquons  aux  Analyses.)  Ces  com- 
munications ,  nous  les  trouvons  dans  le 
mémoire  au  cardinal  de  La  Valette  et  au 
duc  de  Longueville ,  ainsi  que  dans  le  mé- 
moire à  Mondin  ,  que  nous  donnons  à  la 
buile  de  cette  missive.  Une  lettre  particu- 
lière de  Richelieu  à  d'Hémery,  lettre  inté- 
ressante, que  nous  nous  bornons  à  noter 
aux  Analyses,  parce  qu'elle  a  déjà  été  pu- 
bliée, répète  une  partie  des  considéi  allons 
développées  dans  les  deux  autres  pièces. 


Il  faut  mettre  au  nombre  des  documents 
qui  se  rapportent  à  cette  époque  une  pièce 
sans  date,  mais  qui  est  de  la  fm  de  juin 
ou  du  commencement  de  juillet,  conser- 
vée dans  le  même  manuscrit  des  Affaires 
étrangères  (Turin,  t.  28,  P  345,  mise  au 
net  de  la  main  d'un  commis  de  Chavi- 
gni).  Celte  pièce,  au  dos  de  laquelle  on  a 
écrit  :  Mémoire  pour  les  affaires  d'Italie, 
expose  d'abord  ce  qu'il  convient  de  faire 
pour  la  conservation  des  places  dont  Ma- 
dame avait  confié  je  dépôt  au  roi;  traite 
du  choix  des  gouverneurs,  des  garnisons 
à  y  mettre,  des  munitions  nécessaires  pour 
leur  défense.  Madame  avait  longtemps  re- 
fusé ces  places-,  la  crainte  de  les  voir  en- 
lever par  ses  ennemis  la  décida  enfin,  et 
nous  trouvons  dans  notre  manuscrit  une 
lettre  adressée  le  10  juin  à  Richelieu  par 
Chavigni  et  d'Hémery,  où  nous  lisons: 
•  Enfin  Madame  s'est  résolue  de  mettre 
entre  les  mains  du  roy  Carmagnole,  Sa- 
villan,  Querasque  et  Revel.  »  La  pensée 
du  mémoire  s'étend  sur  toutes  les  parties 
de  l'Italie  occupées  alors  par  la  puissance 
française,  le  recrutement  de  l'armée,  sa 
subsistance,  .son  armement;  les  sommes  à 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  415 

d'en  pouvoir  «ntreprendre  )a  guérison,  il  sera  contrainct,  vous  voyant 
contre  vous-inesme,  de  se  départir  du  dessein  qu'il  a  do  vous  sauver. 
La  perte  de  tant  de  places  que  vous  avez  faite  l'une  après  l'autre  es- 
tant suivie  de  celle  de  Revel,  il  ne  vous  reste  plus  qu'à  perdre  Turin 
et  vostre  propre  personne,  ce  qui  arrivera  indubitablement  si  vous 
persistes  en  ia.mesme  humeur  que  vous  avés  esté  jusques  à  présent. 
V.  A.  trouvera  bon,  s'il  luy  plaist,  d'entendre  ce  que  j'ay  dit  au  d. 
s'  Mondain  sur  ce  sujet,  et  je  proteste.  Madame,  qu'après  vous  avoir 
plusieurs  fois  avertie  de  ce  qui  vous  estoit  du  tout  nécessaire,  l'im- 
portunité  que  vous  recevrés  de  moy,  en  cette  occasion,  pour  vostre 
propre  bien,  sera  suivie  d'un  éternel  silence,  dans  lequel  je  ne  lais- 
seray  pas  d'estre  tousjours  de  cœur  et  d'affection. 

Madame,  de  Vostre  Altesse, 


D'Abbcville,  6  juillet  iGSq. 

ineUre  entre  les  mains  du  trésorier  de 
l'extraordinaire  des  guerres,  les  subsides 
promis  à  Madame,  les  récompenses  à  don- 
ner aux  personnages  importants  du  Pié- 
mont dévoués  à  la  France;  les  mesures  à 
prendre  pour  la  sûreté  de  Casai,  dont  il 
faut  chasser  les  habitants  mal  alTectionnés. 
Ce  mémoire  n'a  pas  été  rédigé  par  le  car- 
dinal,  mais  il  nous  paraît  être  le  résultat 
d'un  travail  dont  Richelieu  avait  tracé  le 
plan  à  Chavigni  et  aussi  sans  doute  à  de 
Noyers ,  dans  les  attributions  duquel  ren- 


Le  très  humble  et  trës  obéissant  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


trait  une  partie  des  questions  que  ce  mé- 
moire embrasse.  Quant  aux  places  re- 
mises au  roi,  Richelieu  écrivait  trois  jours 
après  à  d'Hémery  :  «  J'ay  esté  exlresme- 
ment  eslonné  d'apprendre  par  de  Graves 
que  les  hnbitans  des  trois  places  que  Ma- 
dame a  déposées  entre  les  mains  du  roy 
n'ont  pas  esté  désarmez;  si  on  les  veut 
perdre,  il  faut  différer,  comme  on  a  faict 
jusques  à  présent,  à  faire  tontes  les  choses 
nécessaires  pour  les  asseurer.  »  (Lettre 
notée  aux  analyses,  9  juillet.) 


416  LETTRES 


ccxxx. 

Arch.  des  AIT.  étr.  Turin,  t.  19,  fol.  22.  — 

Oi-iginal,  signé  Louis,  contre-signe  Bouthillier. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  SAy,  fol.  242.  —  Copie'. 

MÉMOIRE 

A  MESS"  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE  ET  LE  DUC  DE  LONGUEVILLE, 

COMHIKDANT  LES  ARMÉES  DO   ROI   ES   ITALIE, 

ET  AU  S'  D'HÉMERY, 

AMBASSADEUR    DE    S.    M.    EN    PlÉMOKT. 

Ahbeviile,  du  6  juillet  lôSg. 

La  révolte  de  toutes  les  places  de  Piedmont  doit  faire  cognoistre 
à  Madame  que  ses  peuples  sont  abusés  et  aigris  contre  elle,  et  qu'il 
ne  s'y  faut  plus  fier;  le  seul  voisinage  des  armées  du  roy,  et  quel- 
ques gens  de  guerre  qui  sont  dans  Turin,  retiennent  les  habitans 
d'en  venir  à  mesme  extrémité;  Madame  a  veu,  par  diverses  expé- 
riences, leur  aversion  et  mauvaise  volonté,  puisque,  contre  l'obéis- 
sance qu'ils  luy  doivent  et  ses  défenses  expresses,  ils  ont  faict  des 
assemblées  de  ville  et  des  décrets  au  préjudice  de  son  autorité,  de 
sorte  que,  si  les  années  viennent  à  s'esloigner,  selon  que  les  occa- 
sions et  le  bien  des  affaires  de  Madame  les  y  obligeront,  il  n'y  a  point 
de  doute  que  les  dicts  habitans  de  Turin  seront  pour  se  révolter  et 
tout  entreprendre. 

Madame  n'est  donc  point  en  seureté  parmi  ce  peuple,  le  seul 
lien  qui  attache  les  sujets  au  souverain,  qui  est  la  foy,  estant  rompu 
par  le  décret  du  prétendu  empereur  qui  les  a  dispensés  de  l'obéis- 
sance et  de  la  fidélité  qu'ils  doivent  à  S.  A.  Ils  sont  confirmés  dans 
ce  sentiment  par  les  ecclésiastiques  et  religieux,  et  ainsy  il  est  très- 
certain  que  leurs  esprits  sont  desjà  révoltés,  et  qu'il  ne  reste  plus 
qu'à  faire  esclater  leur  rébellion,  ce  qu'ils  feront  si  on  ne  les  prévient; 

'  Une  note  marginale  dit  que  la  transcription  a  été  faite  sur  une  pièce  de  la  main 
de  Daridole. 


.  DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  417 

il  faut  représenter  cela  vivement  à  Madame  afin  qu'elle  cognoisse 
et  appréhende  le  péril  où  elle  est,  et  luy  faire  entendre  que  le  roy 
en  est  dans  une  peine  extraordinaire  et  que  S.  M.  n'aura  point  de 
repos  qu'elle  ne  sache  que  l'on  y  aura  donné  ordre. 

Le  seul  moyen  pour  cet  effect  est  de  désarmer  les  habitans  de 
Turin,  en  quoy  il  faut  procéder  avec  tant  de  prudence  et  de  secret 
qu'au  lieu  de  trouver  la  seureté  de  S.  A.  dans  cet  expédient,  on  ne 
liastast  la  rébellion  des  d.  habitans  et  la  confusion  de  toutes  choses 
dans  Turin. 

L'on  prendra  donc  bien  le  temps  propre  et  les  mesures  justes  pour 
cela;  un  bruit  que  les  ennemis  approcheroient  de  Turin  pendant  que 
M.  le  duc  de  Longueville  seroit  occupé  ailleurs,  pourroit  donner  un 
sujet  plausible  de  faire  approcher  l'armée  du  cardinal  de  La  Valette 
près  de  Turin,  et  d'y  introduire  des  troupes,  garnir  les  postes  plus 
avantageux,  les  portes,  les  bastions  et  les  places,  en  sorte  que  Ma- 
dame y  fust  la  plus  fort»;  et  lors  on  entreprendroit  le  désarmement 
des  d.  habitans,  et  on  pourra  mieux  trouver  par  delà  les  occasions 
propres  que  l'on  ne  les  sauroit  prévoir  d'icy. 

Suit  le  détail  des  mesures  à  prendre  pour  ce  désarmement. 

Pour  ce  qui  est  de  la  citadelle,  si  le  s'  de  S'  Martin  y  est  avec  le 
régiment  lorrain,  il  senible  qu'elle  est  en  seureté;  mais  comme  la 
conservation  de  cette  place  importe  extresmement  à  Madame,  elle 
doit  en  oster  tous  les  Piémontois,  s'il  y  en  a,  et  n'y  laisser  qui  que 
ce  soit  dont  il  y  ayt  sujet  d'avoir  le  moindre  soupçon. 

Aucunes  des  compagnies  des  gardes  de  Madame  .sont  composées 
de  Piémontois,  et  particulièrement  celle  que  le  comte  Philippe  com- 
mande; Madame  les  tiendra  à  la  campagne  le  plus  qu'elle  pourra,  et 
prendra  toutes  les  occasions  qui  s'offriront  d'en  changer  les  hommes, 
soit  pour  estre  absens  ou  pour  antres  raisons,  y  substituant  des  per- 
sonnes d'autre  nation  non  suspecte ,  soit  François  ou  autres. 

Madame  doit  observer  de  ne  laisser  point  ceux  que  la  seureté  de 

CARDIN.  DE  RICHELIEC.  —  VI.  •  53 


418  LETTRES 

ses  affaires  la  contraindra  de  mescontenler  en  lieu,  charge  ou  eni- 
ploy  où  ils  s'en  puissent  ressentir,  punissant  sévèrement  l'infidélité. 

Puisqu'il  ne  luy  reste  du  Piedmont,  avec  Turin,  que  Suse  et  Veil- 
liane,  elle  doit  estre  d'autant  plus  soigneuse  de  conserver  les  d.  lieux, 
et  d'apporter  toutes  les  précautions  nécessaires  pour  cet  effect,  y  met- 
tant des  gens  affectionnés  et  fidèles,  soit  des  François  qui  sont  à  sa 
solde,  ou  autres. 

Si  Madame  pouvoit,  sans  rien  esmouvoir  qui  fust  de  conséquence, 
mettre  garnison  dans  le  chasteau  de  Nice,  autre  que  de  ceux  du  pays 
et  de  gens  qui  luy  faussent  affidés,  ce  serait  un  grand  coup;  mais  il 
faut  procéder,  en  cela,  avec  grande  circonspection,  et  prendre  son 
temps.  M.  le  comte  d'Alais  et  M.  le  comte  d'Harcourt  peuvent  aider 
et  y  faire  exécuter  les  intentions  de  Madame.  Pour  ce  qui  est  de 
Ville  Franche,  on  estime  qu'il  en  faut  oster  le  gouverneur,  et  ne  se 
fier  point  du  tout  aux  Nissars;  si  Madame  oste  le  gouverneur,  elle 
doit  le  récompenser,  et  faire  un  bon  choix  pour  y  en  mettre  un 
autre. 

Est  besoin  que  Madame  prenne  garde  à  ne  laisser  point  près  du 
duc  son  fils  des  personnes  suspectes,  mesme  entre  les  menus  offi- 
ciers, comme  sont  tous  les  Piémontois;  mais  elle  pourra  mettre  des 
Savoyards  en  leur  place. 

Ce  que  dessus  a  esté  concerté  pour  la  plupart  avec  le  s''  marquis  de 
S'  Maurice,  dont  il  ne  faut  rien  faire  paroistre. 


Depuis  ce  mémoire  escrit,  on  a  eu  avis  de  ce  qui  est  arrivé  à  Revel, 
et  de  la  révolte  de  Conis  et  autres  lieux,  sur  quoy  le  roy  juge  à  pro- 
pos que  Mons'  le  duc  de  Longueville  aille,  sans  perdre  temps,  assié- 
ger le  d.  lieu  de  Conis,  et  que  Mons"  le  cardinal  de  La  Valette  tienne 
cependant  la  campagne,  pour  faire  teste  aux  ennemis.  Ils  verront  l'un 
et  l'autre  ensuite  les  moyens  de  faire  tomber  Revel  avec  le  temps,  à 
quoy  la  prise  de  Conis  servira  et  des  autres  places  qui  osteront  aux 
ennemis  toute  communication  avec  celle  de  Revel;  les  d.  s"  travail- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  419 

leront,  en  suke  de  la  prise  de  Conis,  à  ouvrii-le  passage  pour  aller  à 
Casai  par  la  prise  d'Ast,  Villeneuve  d'Ast,  ou  Verrue. 
Faict  à  Abbeville,  le  6^  juillet  lôSg. 


LOUIS. 

BOUTHILLIER. 


CCXXXI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  l.  27,  fol.  7.  — Copie'. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain  Harlay,  3^7,  fol.  287  v°.  —  Copie.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Qq.  Extrait'. 

POINCTS  RECOMMANDÉS  AU  S"  MONDAIIV 

PAR  M.   LE  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 

8  juillet  lôSg. 

Parler  à  Madame  comme  il  faut  pour  la  faire  agir  avec  autant  de 
résolution  et  de  fermeté  à  l'avenir  qu'elle  a  eu  d'inégalités  par  le  passé. 

Faire  voir  au  comte  Philippe  et  à  ses  adhérens  qu'ils  perdent  leur 
maistresse  par  leurs  foibles  conseils,  et  qu'il  n'y  a  point  de  salut  pour 
eux  que  dans  la  protection  du  roy. 

Porter  Madame  à  s'asseurer  Turin,  Nice  et  Villefranche  sans  dif- 
férer davantage,  veu  le  grand  péril  qu'il  y  a  au  moindre  délay. 

Porter  les  armes  du  roy  à  attaquer  Conis,  s'ils  ne  l'ont  desjà  faict, 
et  ensuitte  Ast,  Villeneuve  d'Ast  ou  Verrue;  il  seroit  aussy  bien  impor- 
tant d'asseurer  le  passage  d'Yvrée  et  de  desloger  les  ennemis  de  Fossan. 

Faire  bien  munir  et  remplir  de  gens  asseurés  Suze  et  Veillane. 

On  ne  parle  point  de  Cahours,  parce  qu'il  faut  bien  que  ceux  qui 
sont  auprès  de  Madame  aient  tout  à  faict  perdu  le  sens  s'ils  ne  reco- 
gnoissent  que  le  roy  obligera  tellement  Madame,  si  S.  M.  le  veut  gar- 
der, que  c'est  se  moquer  de  luy  que  de  luy  proposer  des  conditions 
pour  luy  mettre  entre  les  mains  un  rocher  sans  place. 

'  Clierré  a  écrit,  au  dos  de  cette  pièce  :  '  Voyez    note    2    de    la   page   56    ci- 

«  Mémoire  donné  au  s'  Mondaifi ,  allant  en        dessus. 
Piémont.  > 

53. 


420  LETTRES 


CCXXXII. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  iGSg,  supp).  fol.  236.  — 

Original ,  sans  signature ,  de  la  main  de  Cherré. 

snsCRIPTION: 

POUR  M.  BOUTHILLIER, 

SRRINTENDANT  DES  FINANCES,  À  PARIS. 

D'Abbeville,  ce  8* juillet  1639. 

Je  déslreray  tousjours  le  soulagement  de  madame  d'EIbeuf,  et  y 
contribueray  ce  qui  me  sera  possible.  Mais ,  n'y  ayant  point  de  trouppes 
maintenant  en  Bourgogne,  je  ne  sçay  pas  le  moyen  de  luy  faire  don- 
ner une  garnison  aux  despens  du  ray,  qui  n'en  met  point  dans  les 
maisons  particulières.  M'  de  Noyers  a  donné  ordre  pour  le  payement 
du  reste  du  mariage  de  madame  de  Harcourt'.  Je  vous  prie,  lorsque 
M''  de  Mauroy^  aura  recouvré  l'argent  pour  cet  efFect,  de  le  faire  faire 
avec  toutes  les  formalités  requises  pour  ma  seureté  et  pour  celle  de 
l'argent  à  l'avantage  de  ma  cousine. 

Je  ne  sçay  personne  qui  soit  propre  à  mettre  auprès  de  M"'  de  Ne- 
mours '.  Si  je  sçavois  quelqu'un  qui  m'eust  fort  offensé,  et  que  la  ven- 
geance fust  permise,  je  luy  procurerois  cette  place. 

'  La  veuve  du  duc  de  Puylaurens,  ré-  avant  son  père,  le  second,  Louis  de  Sa- 

cemment  mariée   au   comle   d'Harcourt.  voie,  prit  le  nom  de  duc  de  Nemours: 

(Voyez  ci  dessus,  p.  16  et  263.)  c'est    celui  dont  il   s'agit  ici.   Il   n'avait 

^  Commis  de  de  Noyers.  guère  que  seize  à  dix-sept  ans  lorsqu'il 

'  De  la  maison  de  Savoie,  petil-fils  de  perdit  sa  mère,  en  i638.  Il  fut  question 

celui  que  Brantôme  nommait  «  la  fleur  de  alors  de  le  marier  à  la  fille  du  duc  de 

toute  chevalerie,»  et  second  fils  de   ce  Rolian  ;    Bouthillier    se    mêla    de   cette 

Henri  de  Savoie,  duc  de  Nemours,  connu  affaire;  mais,  malgré  la   protection  que 

surtout  par  son  goût  passionné  pour  les  Louis  XIIl  accordait  au  jeune  duc    de 

spectacles   de  danse,   et  dont  Richelieu  .Nemours    pour    celte   alliance.    M"'   de 

faisait  assez  peu  d'estime.    (Voyez  t.    I,  Rolian  répondit  résolument  qu'elle  n'é- 

page  323,  note  2.)  De  l'union  de  Henri  pouserait  jamais    qu'un   homme    de    sa 

de  Nemours  avec  Anne  de  Lorraine,   à  religion.    Il  paraît,    d'après   la    présente 

laquelle  il  s'était  marié  en  1618,  il  eut  lettre,  qu'on  cherchait  pour  l'héritier  du 

quatre   fils,  qu'il  laissa,  jeunes   encore,  nom   de  Nemours  un  mentor,  dont,  s'il 

sous   la   tutelle  de  leur  mère,    lorsqu'il  en  faut  croire  les  paroles  de  Richelieu, 

mourut,  en    i632.  L'aîné  étant  décédé  ce  jeune  homme  avait  grand  besoin.  Cepen- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


421 


Vous  aurés'bien  receu  du  desplaisir,  je  m'asseure,  de  la  perte  de 
Revel  \  que  vous  pensiés  comme  nous  estre  asseurée  au  service  du  roy. 

Il  ne  reste  plus  à  celte  malheureuse  princesse  que  de  se  perdre  elle- 
mesme,  après  avoir  perdu  pièce  à  pièce  tout  son  pays  par  sa  faute. 


CCXXXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  29,  fol.  17.  —  Original. 
Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  347,  fol.  496.  —  Copie. 

A  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

Abbeville,  8  juillet  i63g. 

Monseigneur, 
Nous  ne  recevons  nouvelles  d'Italie  qui  ne  nous  mettent  le  poignard 
dans  le  sein.  Dans  l'alfliction  de  la  perle  de  Revel,  qui  faict  cognoistre 
la  perte  de  l'esprit  de  ceux  qui  sont  auprès  de  Madame,  la  prise  de 
Chivas  m'a  donné  quelque  petite  consolation.  Je  ne  doute  point  que 
présentement  M''  de  Longueville  n'ayt  assiégé  Conis,  n'y  ayant  rien  de 
plus  important  que  de  nous  conserver  toutes  les  vallées,  et  un  chemin 
du  Piedmont  pour  aller  à  Nice.  M' le  comte  de  S'  Morice  estime  que 
cette  place  et  Fossan  mesme  ne  sauroient  avoir  esté  garnies  et  munies 
en  sorte  qu'elles  puissent  faire  une  grande  résistance.  Cela  faict,  il  est 


ilanl  le  cardinal,  qui  le  nomme  dans  ses 
mémoires,  à  l'occasion  de  ce  projet  de 
mariage  (X,  454),  ne  laisse  paraître  au- 
cune pensée  défavorable  au  duc  de  Ne- 
mours. Quoi  qu'il  en  soit,  il  faisait  l'an- 
née suivante  ses  premières  armes,  en 
quali'é  de  volontaire,  avec  le  jeune  duc 
d'Enghien,  au  siège  d'Arras.  Selon  Gui- 
chenon ,  sdont  l'histoire  est  un  panégy- 
rique perpétuel,  et  parfois  ridicule,  de 
tous  les  princes  de  la  maison  de  Savoie , 
le  jeune  Louis  •  fit  paroistre  tant  de 
courage  et  de  résolution  que  celte  qua- 
lité, jointe  à  l'excellence  de  son  esprit  el 
n  la  beauté  de  sa  personne,  le  faisoit 
considérer  par  toute  la  France  comme  un 


illustre  imitateur  de  ses  prédécesseurs.  • 
Le  duc  de  Nemours  se  trouva  ensuite 
(i64i)  au  siège  d'Aire,  où  il  tomba  ma- 
lade, et  il  mourut  le  16  septembre,  lais- 
sant son  nom  à  son  frère,  Charles  Amé- 
dée ,  qui  figura  dans  la  Fronde ,  et  fut 
tué  en  duel  par  son  beau-frère,  le  duc 
de  Beaufort.  Cette  branche  de  la  maison 
de  Savoie,  et  le  nom  de  Nemours,  s'élej^- 
gnirenl  avec  le  quatrième  fils  de  Henri  I" 
de  Nemours.  On  sait  qu'après  avoir  été 
archevêque  de  Reims  il. épousa  Marie 
d'Orléans,  fille  du  duc  de  Longueville, 
qu'il  laissa  veuve  sans  enfants,  en  1659. 
'  Revello ,  ville  de  la  province  de  Sa- 
luées. 


422  LETTRES 

important  de  s'ouvrir  le  chemin  de  Casai  par  la  voie  que  vous  esti- 
merés  plus  à  propos.  Je  vous  plains  extraordinairement;  mais  je  m'as- 
seure  que  vous  jugés  bien  que,  si  vous  avés  beaucoup  de  peyne,  je 
ne  suis  pas  exempt  de  mal.  En  quelqu'estat  que  je  sois,  je  seray  tous- 
jours, 

Monseigneur, 


Vostre  très  liumble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


D'Abbeville,  ce  8  juillet  lôSg. 


CCXXXIV. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-A*,  p.  201.  — Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

De  Péronne,  ce  i  2  juHlet  1639. 

M"^  le  grand  maistre  saura  que  par  l'enqueste  qu'on  peut  faire  on 
ne  trouve  aucun  lieu,  depuis  Corbie  jusques  à  Landrecy,  où  l'armée 
puisse  vivre;  et  partant  qu'il  vaut  mieux,  s'il  le  peut  seurement,  et 
avec  quelques  avantages,  suivre  le  premier  dessein  qu'il  avoit  de  la 
pousser  plus  avant  devant  luy.  Il  est  prié  de  faire  recognoistre,  tan- 
dis qu'il  est  en  repos,  par  diverses  parties  de  cavalerie,  tous  les 
lieux  où  il  pourra  faire  quelques  campemens,  et  la  facilité  ou  dilFi- 
culté  de  la  marche  pour  y  aller;  les  avantages  qu'on  y  peut  prendre 
contre  les  ennemis,  et  ceux  que  les  ennemis  peuvent  avoir. 

11  est  prié  de  plus  d'envoyer  recognoistre  la  marche  qu'auroit  à 
faire  l'armée  de  Hesdin  à  Dourlans,  de  Dourlans  à  Corbie,  de  Corbie 
à  Péronne,  et  mesme  jusques  à  S'  Quentin,  ce  qu'il  peut  faire  faire  ai- 
sément par  un  aide  de  camp  entendu,  avec  20  chevaux,  qui  aille  de 
ville  en  ville,  sous  prétexte  de  scavoir  des  nouvelles  des  ennemis,  et 
de  tous  les  logemens  qui  sont  estendus  du  long  de  la  fronlière;  ce 
dont  chaque  gouverneur  luy  pourra  donner  cognoissance. 

Tout  ce  que  dessus  est  soumis  au  jugement  de  M' le  grand  maistre 
pour  en  faire  ce  qu'il  estimera  plus  à  propos;  mais  il  est  be.soin  qu'il 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  423 

sache  qu'on  ne  croit  pas  que  l'armée  puisse  vivre  dans  le  pays  en- 
nemi en  autre  quartier  qu'en  celuy  où  elle  est. 

11  nous  fera  sçavoir  particulièrement  tout  ce  qu'il  pense  sur  ce  sujet, 
afin  que  par  telle  conférence  nous  trouvions  en  effect  ce  qui  se  peut  faire. 

Depuis  cette  lettre  escrite,  j'ay  receu  la  vostre  du  i  i  de  ce  mois; 
j'ay  esté  très  aise  de  sçavoir  les  nouvelles  que  vous  me  mandés  de  la 
séparation  du  cardinal  Infant,  et  du  voyage  que  vous  prétendes  faire 
de  conséquence;  sans  sçavoir  ce  que  c'est,  je  prie  Dieu  qu'il  ayt  bon 
succès.  En  elfect,  c'est  à  vous  de  voir  tout  ce  que  vous  pouvés  entre- 
prendre seurement  pour  passer  le  reste  de  cette  campagne  dans  les 
environs  du  lieu  auquel  vous  estes;  ne  voyant  pas,  comme  je  vous 
ay  mandé,  que  deçà  il  y  ayt  aucun  lieu  pour  pouvoir  faire  vivre  vostre 
armée.  Nous  attendons  le  s'  de  Saintoust  avec  grande  impatience 
pour  ce  que  vous  sçavés  ;  vous  nous  ferés  sçavoir  souvent  de  vos  nou- 
velles, et  vous  en  recevrés  fréquemment  des  nostres. 


CCXXXV. 

Arch.  des  Afl'.  élr.  Allemagne,  l.  iD,  p"  i^ô.  (Copie'.)  Mise  au  net,  même  vol.  p"  27". 

Bibl.  imp   Cinqcenls  Colbeit,  n°  46,  fol.  296  v°.  —  Copie'.  — 

Béthune,  gaôft,  fol.  /|3  à  62  —  Copie*. 

MÉMOIRE  AU  S"  D'A  VAUX, 

COnSEILLBn  DO  KOÎ   E»  SES  COKSF.IIS,  COMMAKDEUH  DE   SES  nnDRES   ETSON  AHBASSADEUH  EITnAOBDIN.llHE 

EH  ALLEMAGNE  *, 

I  3  juillet  1639. 

Bien  que  le  roy  ayt  eu  ci  devant  avis  que  M''  le  duc  Bernard  estoit 

'  Les  quatre  dernières  lignes  de  cette  trouve   aussi   dans  le  manuscrit  de  Bé- 

copie ,  qu'on  peut  considérer  comme  une  thune,  lequel  donne  en  marge  ce  som- 

minute,  sont  de  la  main  de  Richelieu.  maire  :  «Instruction  de  M.  le  card.  de  Hi- 

*  Celle  mise  au   nel,  qui  nous  paraît  chelieu  pour  M.  d'Avaux,  louchant  les  dé- 

êlrc  de  la  main  de  Daridole,  est  datée  du  gousls  et  mesconlenlemens  de  M.  le  duc 

16  juillet  el  classée  en  i638,  dale  et  das-  de  Weymar  contre  la  France,  avec  im  pro- 

semént  fautifs.  jet  de  traitté  à  faire  entre  les  couronnes  de 

'  Au  folio  3 1 5  du  manuscrit  de  Colbert  France  et  de  Suède.  » 
la  date  du  mémoire  est  donnée  ainsi  :  «  Pé-  '  Il  est  bien  évident  que  celle  longue 

renne,  12  juillet  lôSg.  »  instruction,  qui  occupe  vingt  à  vingt-cinq 

'  La  double  dale  du   13   el  du   16  se  pages   dans   les    manuscrits,   n'a    été   ni 


424  LETTRES 

mal  content  de  la  France ,  qu'il  s'en  plaignoit  de  tous  costés  avec  les- 
moignage  de  grands  ressentimens,  et  que  ces  discours  avoient  donné 
lieu  aux  ennemis  d'espérer  de  le  divertir  du  bon  chemin,  et  luy  faire 
abandonner  le  party,  dont  mesme  le  d.  s'  ambassadeur  a  touché  par 
plusieurs  fois  quelque  chose  dans  ses  dépesches,  néantmoins  S.  M. 
sachant  que  le  d.  s''  duc  a  eu  tousjours  sujet  de  se  louer  du  favorable 
traictement  qu'il  a  receu  de  sa  part  depuis  qu'il  s'est  attaché  à  cette 
couronne,  elle  ne  pouvoit  ajouster  aucune  croyance  à  tout  ce  qui  luy 
en  a  esté  dict  et  escrit,  ou  bien  elle  croyoit  que  cela  cesseroit  après  le 
tesmoignage  qu'elle  a  eu  agréable  de  luy  donner  de  sa  bonté,  laissant 
Brisach  et  les  villes  forestières  '  entre  ses  mains,  comme  il  l'a  désiré. 

Mais  S.  M.  voyant  que,  nonobstant  cela,  il  persiste  dans  ses  des- 
gousts  et  dans  ses  plaintes,  et  qu'il  ne  veut  point  acquiescer  aux  con- 
ditions qu'elle  luy  a  faict  proposer  touchant  les  d.  places,  qu'il  compte 
pour  rien  les  grandes  assistances  d'argent  qu'il  a  receues  d'elle  et  les 
corps  de  gens  de  guerre  françois  qui  ont  contribué  à  tous  les  succès 
qu'il  a  eus,  autant  et  plus  que  les  Allemands,  qu'encore  que  son  ar- 
mée ne  subsiste  que  par  la  solde  de  S.  M.  et  qu'il  la  commande  sous 
son  autorité,  il  prétend  que  les  places  qu'il  prend  lui  appartiennent 
comme  si  c'estoit  un  souverain  qui  fist  des  conquestes  avec  ses  troupes; 
S.  M.  ne  peut  qu'elle  n'en  soit  mal  satisfaicte,  voulant  croire  néant- 
moins  qu'il  se  rendra  capable  de  la  raison  et  se  conformera,  après  y 
avojr  pensé,  à  ses  justes  intentions. 

Cependant  comme  le  bruict  de  ce  qui  se  passe  sur  ce  sujet  pour- 
roit  faire  naistre  quelque  opinion  parmi  les  alliés  de  cette  couronne 
que  le  duc  fust  mal  ti'aicté  de  la  France,  et  que  S.  M.  voulust  cesser 
de  contribuer,  par  son  moyen,  au  bien  de  la  cause  commune,  elle  a 
jugé  à  propos  dMnformer  le  d.  s"'  ambassadeur  de  Testât  de  cette  af- 

écrile,  ni  dictée  par  Richelieu;  elle  a  dû  parvenue  enlre  les  mains  de  M.  d'Avaux 

être  rédigée,  dans  le  cabinet  de  Cliavigni,  q„e  le   duc  de  Weymar  avait  cessé  de 

sur  les  notes  du  cardinal.  Nous  n'en  con-  vivre;  il  mourut  le  18  juillet, 
servons  que  la  substance  et  les  principaux  '   Plusieurs  mss.  mettent  «  frotilières;  » 

passages,  c'est-à-dire  la  pensée  de  Hiche-  le  ms.  de  Bétliune  donne  la  meilleure  le- 

lieti.    Elle    n'était   peut-être    pas    encore  çon. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  425 

faire,  afin  qu'il  en  puisse  dire  vérité  aux  Suédois,  qui,  pour  fintérest 
qu'ils  y  ont,  devront  s'employer  à  ce  que  le  d.  duc  prenne  de  meil- 
leures résolutions. 

Ici  l'instruction  s'engage  dans  le  récit  de  tout  ce  qui  s'est  passé  entre  la  France 
et  l'illustre  général  qu'elle  avait  pris  à  son  service,  depuis  le  traité  fait  avec  le 
duc  Bernard  au  mois  d'octobre  de  l'année  1 635;  on  joint  au  mémoire  une  copie 
de  ce  traité,  ainsi  que  des  autres  engagements  réciproques  contractés  depuis, 
afin  que  les  termes  précis  en  puissent  être  invoqués  au  besoin  par  l'ambassa- 
deur, et  l'on  s'attache  à  montrer  que  la  France  a  été  plus  que  fidèle  à  ses  pro- 
messes ,  qu'elle  les  a  accomplies  avec  une  générosité  inspirée  au  roi  par  l'intérêt  de 
la  cause  commune,  tandis  que  le  prince  est  resté  au-dessous  de  ses  engagements. 
Toutefois,  en  présence  des  grands  services  qu'il  a  rendus  et  de  la  gloire  dont  il  a 
couvert  les  armes  alliées,  la  France  s'est  montrée  indulgente  à  ces  manquements. 

Cependant,  le  s'  duc  ayant  conceu  dans  son  esprit  un  establissement 
de  fortune  aux  despens  du  roy,  il  ne  s'est  plus  voulu  souvenir  qu'il 
commandoit  son  armée  sous  son  autorité,  qu'il  estoit  tenu  de  l'em- 
ployer partout  où  S.  M.  voudroit,  qu'elle  la  soudoyoit,  que  la  prise 
des  places  qu'il  tient  et  principalement  de  Brisach,  estoit  le  fruit  des 
travaux  et  du  sang  des  François  et  des  assistances  qu'il  a  eues  de  S.  M. 
Bref,  il  a  creu  qu'il  devoit  seul  recueillir  l'avantage  de  tout  cela,  et, 
de  faict,  il  a  prétendu  que  Brisach  et  les  autres  places  lui  dévoient  de- 
meurer, et  n'a  pas  laissé  néantmoins  de  demander,  en  s'esloignant 
tousjours  de  plus  en  plus  de  la  raison,  que  S.  M.  le  rcmboursast 
des  frais  qu'il  dict  avoir  faicts  es  sièges  des  dictes  places,  de  leur  ra- 
vitaillement, munitions  et  toutes  autres  choses,  quoyque  S.  M.  luy  ait 
faict  fournir  extraordinairement  45o,ooo  livres  en  l'année  dernière 
pour  telles  despenses. 

L'instruction  explique  la  mission  du  colonel  d'Erlack,  envoyé  au  roi,  et  celle 
du  comte  de  Guébriant,  chargé  de  remettre  au  duc  un  écrit  où  le  roi  témoi- 
gnait une  généreuse  condescendance. 

Le  premier  article  du  dit  écrit  concernant  Brisach  et  les  villes  fores- 
tières faict  cognoistre  la  bonté  du  roi,  qui,  pour  ne  relarder  le  moins 
du  monde  le  bien  de  la  cause  commune,  et  n'empescher  que  le  dict 

CARDIN.  DE  RICHELIED.  —  VI.  54 


426  LETTRES 

duc  y  conlribue  pendant  cette  campagne  avec  l'armée  que  S.  M.  luy 
soudoie,  n'a  pas  voulu  demeurer  ferme  à  ce  que  Brlsacb  fust  mis  entre 
ses  mains. . . 

Les  alliés  ont  donc  grand  sujet  d'estre  très  contens  de  cette  pro- 
cédure de  S.  M.  qui  s'est  sy  généreusement  départie  en  cela  de  son 
intérest  pour  la  considération  du  bien  public,  et  spécialement  afin  de 
diligenter  la  diversion  que  la  couronne  de  Suède  attend  de  nostre 
costé  par  le  moyen  de  l'armée  du  d.  duc,  ce  que  le  d.  s'  ambassadeur 
saura  bien  faire  valoir. 

Mais  Sa  Majesté  n'aurait  pu,  «  sans  abandonner  i'intérest  public,  »  reconnaître 
au  duc  le  droit  de  «  disposer  des  places  k  son  plaisir;  »  une  armée  soudoyée  par 
la  France  ne  pouvait  faire  de  conquête  qu'au  profit  de  la  France.  En  laissant  au 
duc  le  landgravial  d'Alsace,  «  le  roy  n'a  entendu  luy  en  laisser  que  le  titre  et  la 
jouissance...  avec  les  droits  domaniaux,  justices  et  revenus  tels  que  les  possé- 
doit  la  maison  d'Autriche;  »  mais  les  places  fortes  et  le  droit  d'y  mettre  garnison 
sont  expressément  réservés  au  roi. 

La  conduite  du  duc  de  Weymar,  ses  paroles,  le  scrupule  qu'il  témoigne  au  sujet 
du  démembrement  de  l'Empire,  éveillent  le  soupçon  qu'il  n'ait  quelque  arrière- 
pensée,  qu'il  ne  songe  à  se  lier  à  «  un  tiers  party  dont  il  a  esté  souvent  parlé. . .  au- 
quel on  voudroit  porter  Mad' la  landgrave  et  le  duc  de  Lunebourg.  »  Wicquefort  est 
allé  récemment  de  la  part  de  Weymar  auprès  de  la  landgi-ave.et  de  Milandre. .  . 
On  recommande  à  l'ambassadeur  d'avoir  l'œil  ouvert  sur  ces  intrigues  politiques. 

L'ambassadeur  s'appliquera  surtout  à  bien  faire  comprendre  à  Salvius,  mi- 
nistre de  Suède ,  tout  ce  que  dessus ,  à  le  convaincre  de  la  sincérité  des  procédés 
du  roi,  de  sa  fidélité  à  la  cause  commune,  ainsi  que  des  bons  et  généreux  traite- 
ments qu'a  reçus  de  Sa  Majesté,  en  toute  occasion,  le  duc  de  Weymar.  Il  char- 
gera les  sieurs  de  Rorté  et  de  Beauregard  «  de  faire  la  mesme  chose  en  Suède  et 
auprès  du  général  Bannier.  »  Il  doit  «  asseurer  les  Suédois  que  le  roy  presse  sans 
relasche  le  prince  saxon  de  passer  le  Rhin  et  d'agir  contre  les  ennemis  com- 
muns. »  On  lui  donne,  pour  l'y  déterminer,  de  larges  subventions,  et  tout  ce 
qu'il  demande  pour  le  recrutement  et  le  ravitaillement  de  son  armée. 

Il  leur  dira  que  S.  M.  se  rapportera  bien  volontiers  à  l'arbitrage 
de  la  couronne  de  Suède,  pour  ce  qyi  est  à  ajuster  entr'elle  et  le  d. 
s'  duc,  tant  pour  le  regard  des  d.  places  et  de  celles  qui  seront  con- 
quises ci  après,  que  pour  ce  qui  est  de  ses  demandes,  ne  doutant 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  427 

point  que  1»  d.  couronne  ne  trouve  ses  intenlions  très  justes,  et  le 
traictement  qu'elle  a  faict  au  d.  s''  duc  jusques  icy  très  avantageux  et 
favorable. 

Après  quelques  explications  sur  une  affaire  qui  faisait  bruit  en  ce  moment, 
l'échange  de  prisonniers  tels  que  J.  deWerth,  le  maréchal  Uorn  et  d'autres, 
l'instruction  touche  un  point  dont  s'inquiétait  vivement  Richelieu.  Grotius  n'ai- 
mait ni  le  cardinal,  ni  la  France,  et  Richelieu  n'était  pas  homme  à  lui  pardonner 
cette  double  antipathie;  il  avait  d'ailleurs  surpris  une  correspondance  de  cet  am- 
bassadeur pleine  de  mauvais  vouloir  contre  nous. 

On  croit  que  le  s' Grotius  contribue  autant  qu'il  peut  à  entretenir 
le  d.  s'  duc  en  son  mescontentement,  descriant  au  surplus  les  affaires 
du  roy  de  tous  costés. . .  publiant  que  S.  M.  ne  pouvoit  et  ne  vouloit 
rien  faire  cette  année  au  Pays-Bas,  ny  ailleurs..  .  Il  n'est  pas  séant  à 
des  ministres  de  la  couronne  de  Suède,  •alliée  de  la  France,  de  pu- 
blier de  mauvais  et  faux  bruicts  de  nos  affaires. . . 

L'instruction  insiste  sur  la  nécessité  de  faire  rappeler  un  ambassadeur  si  mal- 
veillant. Ce  rappel  importe  à  la  Suède  aussi  bien  qu'à  la  France;  mais  c'est  une 
affaire  qu'il  faut  «  traicter  le  plus  secrètement  et  discrètement  qu'il  pourra.  » 

Le  d.  s'  d'Avaux  doit  savoir  qu'on  lui  envoie  le  présent  mémoire 
pour  estre  en  estât  de  prévenir  les  plaintes  que  pourroit  faire  le  d. 
s'  duc  de  Weymar,  et  non  pour  en  faire  présentement  csclat,  parce 
qu'on  n'est  pas  asseuré  que  le  d.  s'  duc  veuille  essentiellement  man- 
quer à  ce  qu'il  doit  en  se  séparant  des  intérests  du  roy  et  de  ses  alliés. 

Jusques  à  présent  l'on  impute  son  mauvais  procédé  à  la  dureté  de 
son  naturel ,  qui  est  fort  attaché  à  ses  intérests  particuliers;  mais  deux 
choses  empeschent  de  croire  qu'il  le  poust  porter  à  changer  de  party  : 
l'une,  sa  réputation,  qui  luy  est  chère,  et  l'autre,  les  grandes  sommes 
de  deniers  qu'il  a  tirées  du  roy,  lesquelles  l'Empire  et  l'Espagne  ne 
luy  sauroient  donner. .  . 

Il  pourra  encore  dire  au  s'  Salvius  que  le  d.  s'  duc  de  Weymar  ne 
peut  s'exempter  de  blasme  s'il  refuse  de  s'obliger  à  ne  rendre  jamais 
Brisach  et  les  autres  places  qu'il  tient  sans  le  consentement  de  S.  M. 

54. 


^28  LETTRES 

et  pour  autres  fins  que  pour  l'utilité  de  la  cause  publique,  comme 
aussy  de  faire  jurer  par  serment  solennel  ceux  qui  commanderont 
dans  les  d.  places,  de  n'en  disposer  pas  autrement,  au  cas  que  le  d. 
duc  vinst  à  mourir. 

Mais  il  ne  passera  pas  plus  avant  et  ne  tesmoignera  pas  l'appréhen- 
sion qu'on  pourroit  avoir  que  le  d.  s''  duc  eust  une  oreille  ouverte 
pour  escouter  ce  que  les  ennemis  de  la  cause  publique  luy  voudroient 
dire;  bien  portera-t-il  le  d.  s""  Salvius  à  envoyer,  de  la  part  de  la  cou- 
ronne de  Suède,  solliciter  le  d.  s""  duc  de  tout  ce  qui  est  utile  à  la 
cause  publique. 

L'instruction  se  termine  par  la  commission  donnée  à  d'Avaux  de  traite  avec 
Salvius  de  l'offre  que  celui-ci  avait  faite  de  navires  suédois.  Richelieu  li'était  point 
parvenu  à  créer  en  France  des  chantiers  de  construction;  nous  étions  à  cet  égard 
sous  la  dépendance  des  nations  maritimes,  la  Hollande  surtout  nous  fournissait 
des  vaisseaux.  Le  cardinal  charge  d'Avaux  de  tâcher  d'en  emprunter  de  la  Suède, 
ou  du  moins  d'en  acheter  à  meilleur  marché  qu'en  Hollande,  et  à  condition  de 
ne  les  payer  qu'après  la  paix;  au  reste,  dit  avec  sa  précision  ordinaire,  Richelieu, 
qui  prend  ici  la  plume  : 

Nous  n'en  désirons  point  qui  ne  soient  presque  neufs  et  fort  bons 
pour  la  guerre'.  Il  faut  faire  savoir  particulièrement  leur  port  et  leur 
âge.  11  les  faut  tous  à  peu  près  de  4  à  5oo  tonneaux,  et  qu'ils  n'aient 
pas  plus  de  deux  ou  trois  ans  de  service. 


Une  nouvelle  lettre  fut  écrite  par  le  roi  à  M.  d'Avaux,  le  i6  juillet,  signée 
Louis  et  contresignée  Bouthillier;  c'est  encore  la  pensée  de  Richelieu  qui  inspire 
cette  lettre,  mais  quelques  passages  seulement  lui  appartiennent  en  propre.  H 
fait  assurer  les  Suédois  que  les  subsides  de  la  France  leur  seront  exactement 
payés  à  l'échéance. 

Le  roy  voulant  donner  tout  contentement  à  la  couronne  de  Suède, 
tant  parce  que  S.  M.  y  est  obligée  par  traicté,  que  parce  qu'elle  voit 
par  les  effects  que  son  argent  est  très  utilement  employé. 

'  Ici  finissent  les  copies  des  Affaires  après  le  mot  «guerre,»  met  immédiate- 
étrangères  et  de  Béthune;  ce  dernier  ms.         ment  la  date  :  «  i  2  juillet  lôSg,  Péronne.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  420 

Mais  elle  a  un  desplaisir  de  ce  que,  nonobstant  qu'elle  en  distribue 
bonne  quantité  à  M"^  le  duc  Bernard  de  Weymar,  il  ne  se  met  pas 
néantmoins  en  estât  de  faire  de  son  costé  pour  S.  M.  la  diversion 
que  les  Suédois  désirent  dans  l'Allemagne;  elle  ne  désire  pas  moins 
qu'eux  qu'il  passe  le  Rhin,  et  qu'il  agisse  puissamment  contre  les  en- 
nemis, tant  pour  le  bien  de  la  cause  commune  que  pour  l'intérest 
de  la  France  en  particulier,  veu  que  si  le  d.  duc  faisoit  quelque  chose 
de  considérable  en  Allemagne,  Piccolomini,  qui  avoit  esté  rappelé 
très  expressément  par  le  roy  de  Hongrie,  ne  demeureroit  pas  dans  les 
Pays-Bas,  et  Lamboy  n'y  seroit  pas  venu  de  nouveau,  comme  il  a 
laict  depuis  quatre  jours. 

...  11  est  très  fascheux  que  S.  M.  luy  donne  tous  lesans2,4oo,ooo  1. 
et  des  secours  extraordinaires  de  plus,  sans  pouvoir  faire  en  sorte 
qu'il  ayt  une  armée  d'un  nombre  de  gens  de  guerre  proportionné  à 
cette  somme,  suivant  le  traicté  faict  avec  luy,  ny  disposer  de  la  d.  ar- 
mée pour  l'avantage  de  la  cause  commune.  En  prenant  l'argent  de 
S.  M.  par  chacune  année,  il  ne  laisse  pas  de  luy  demander  des  gens 
de  guerre  pour  composer  la  d.  armée  avec  ses  Allemans,  la  solde  et 
la  subsistance  des  uns  et  des  autres  jusqucs  au  pain. 

...  Il  faut  avouer  que  ce  procédé  est  très  injuste  et  presque  insup- 
portable; le  d.  s""  ambassadeur  verra  s'il  y  aura  quelque  moyen  de 
rendre  le  duc  capable  de  raison  (par  l'entremise  des  Suédois)  et  plus 
eschaulFé  pour  le  bien  de  la  cause  commune.  Le  d.  s'  d'Avaux  parlera 
en  sorte  du  d.  s'  duc  qu'en  excusant  adroitement  le  roy,  il  ne  le 
blesse  pas. 

La  dépêche  poursuit  en  montrant  aux  Suédois  un  extrême  désir  de  les  satis- 
faire. —  Le  roi  •  approuve  la  pensée  de  l'ambassadeur,  •  qu'il  faut  mettre  de 
grands  ménagements  en  ce  qui  est  du  rappel  de  Grotius,  •  à  cause  de  l'appuy  qu'il 
a  du  chancelier  Oxenstierne. . .  On  eust  bien  désire  icy  qu'un  autre  que  Muller  eust 
esté  envoyé  vers  M.  le  duc  Bernard. . .  • 

Si  la  couronne  de  Suède  lient  en  ces  quartiers-ci  des  gens  sy  mal  af- 
fectionnés à  la  France  que  Grotius,  Mokel  et  Muller,  il  est  impossible 


430 


LETTRES 


que  le  concert  qui  doit  estre  entre  la  France  et  la  Suède,  comme 
aussy  avec  le  d.  duc,  dure  ainsy  qu'il  est  nécessaire. 

Le  reste  de  la  lettre  traite  d'affaires  diverses.  Elle  est  datée  de  Saint-Quentin , 
le  i'6  juillet.  L'original  est  conservé  aux  Affaires  étrangères,  Allemagne,  t.  i5, 
pièce  122,  et,  dans  le  môme  volume,  une  mise  au  net  est  cotée  i3o.  Nous  en 
avons  trouvé  deux  copies  à  la  Bibliothèque  impériale ,  l'une  dans  la  collection  des 
Cinq-cents  Colbert,  t.  ii6,  P  3ii,  où  l'on  a  noté  que  la  transcription  a  été  faite 
sur  une  pièce  écrite  par  Daridole,  l'un  des  premiers  commis  de  Chavigni;  l'autre 
dans  le  fonds  Béthune,  9266,  f°  86. 


CCXXXVL 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  29,  fol.  45.  — Original. 

Bibl.  inip.  Saint-Germain-Harlay,  347,  ^°^-  ^*9^  ^°-  —  Copie. 

A  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

là  juillet  1639. 

Monseigneur, 

Le  s'  de  Rocquepine  ayant  tesmoigné  quelqu'ombrage  des  gens 
que  le  roy  a  voulu  envoyer  dans  Metz,  pour  luy  ayder  à  conserver 
la  place  contre  les  entreprises  que  les  ennemis  iorment  sur  icelle  ', 
je  luy  ay  escrit  la  lettre  dont  je  vous  envoie  copie,  pour  ra.sseurer 


'  De  secrets  rapports  inspiraient  la 
crainte  que  le  duc  de  La  Valelte  ne  fit 
faire  une  entreprise  sur  Metz,  dont  on  lui 
avait  ôlé  le  gouvernement.  Quoiqu'il  y  eût 
peu  d'apparence,  Richelieu  se  tenait  en 
soupçon,  et,  selon  son  habitude,  était  dis- 
posé à  exagérer  les  précautions  plutôt  que 
d'en  manquer.  Il  n'avait  pas  d'ailleurs  une 
entière  conhance  en  Roquepine ,  qu'il  savait 
dévoué  à  l'ancien  gouverneur.  Richelieu  le 
ménageait  pourtant,  par  égard  pour  le  car- 
dinal de  La  Valette ,  dont  il  était  le  protégé. 
Roquepine,  de  son  côté,  comprenait  fort 
bien  que  les  gens  envoyés  «  pour  luy  ayder 
à  conserver  la  place  »  n'étaient  en  réalité 
que  des  surveillants  qu'on  lui  donnait  à 


lui-même.  On  devine  dans  ces  deux  lettres 
l'embarras  de  cette  complication.  Quelques 
jours  après,  le  3o  juillet,  Richelieu  écri- 
vait à  M.  de  Choisy  qu'on  avait  avis  que  le 
duc  de  La  Valette  avait  passé  déguisé  à 
Bruxelles,  qu'il  était  très-certain  qu'il  pro 
mettait  au  roi  d'Espagne  de  faire  une  en- 
treprise sur  Metz,  qu'il  fallait  en  avertir 
M.  de  Roquepine.  Le  cardinal  ajoutait 
«  qu'il  restoit  dans  les  compagnies  où  le 
roy  avoit  envoyé  des  capitaines  de  vieux 
sergens  et  caporaux  alîeclionnez  à  M.  de 
La  Valette. . .  qu'il  falloit  esloigner  de  la 
ville.»  Celle  lettre  a  élé  imprimée;  elle 
sera  notée  aux  Analv.ses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  431 

que,  n'ayanU autre  dessein  que  celuy  qu'il  a  luy-mesme,  qui  est  de 
garantir  cette  place  des  mauvais  desseins  des  ennemis  de  cet  Estât, 
il  n'en  devoit  avoir  aucun  soupçon,  ains  au  contraire  y  prendre  une 
entière  confiance.  Mais  comme  l'attachement  qu'il  a  à  vos  intérests 
luy  faict  tout  apréhender,  j'estime  qu'il  seroit  bien  à  propos  pour 
esviter  les  inconvéniens  qui  pourroient  arriver,  s'il  continuoit  dans 
ses  défiances,  que  vous  luy  envoyassiés  ordre  exprès  de  suivre  ceux 
qu'il  recevra  de  la  part  du  roy  touchant  la  conservation  de  la  d. 
place,  sur  l'asseurance  que  je  vous  donne  qu'on  ne  luy  en  envoiera 
aucun  qui  ne  vous  soit  aussy  utile  qu'à  S.  M.  mesme,  qui  n'a  nulle 
pensée  de  vous  mescontenter.  Vous  le  croirés,  s'il  vous  plaist,  et  que 
je  seray  tousjours,  sans  changement, 

Monseigneur, 

Vostre  Irfcs  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Péronne,  ce  i/j  juillet  lôSg. 


CCXXXVIl. 
Bibl.  imp.  Sainl-Gerroain-Harlay,  3^7,  fol.  tt^~-  —  Copie. 

A  M.  DE  ROOLEPIÎVE. 

1 4  juillet  1639. 

Monsieur,  ayant  sceu  qu'on  avoit  faict  courir  un  bruict  dans  Metz 
que  le  roy  avoit  dessein  de  faire  d'autres  changemens  dans  la  place 
que  ceux  qu'il  y  a  faicts  pour  son  service,  et  pour  l'avantage  de  M' le 
cardinal  de  La  Valette,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  asseurer  que 
S.  M.  n'a  d'autre  intention  que  de  garantir  la  dicte  place  des  entre- 
prises que  les  ennemis  ont  dessein  d'y  faire,  sur  l'imagination  du 
crédit  qu'y  a  eu  autrefois  M''-  de  La  Valette.  Je  m'asseure  que  vous 
croyés  bien  que  je  seray  aussy  soigneux  des  intérests  de  M' le  cardi- 
nal de  La  Valette  que  des  miens  propres;  et,  sur  ce  fondement,  je 
vous  prie  de  vivre  avec  ceux  qui  iront  de  la  part  du  roy  dans  Metz 


432 


LETTRES 


avec  pareille  confiance  que  celle  que  vous  prenés  en  vous-mesme, 
vous  âsseurant  encore  une  fois  qu'ils  n'ont  autre  intention  que  celle 
que  je  vous  ay  dict  ci-dessus.  Je  ne  doute  point  que  monsMe  cardinal 
de  La  Valette  ne  vous  donne  des  ordres  très  précis  de  ce  dont  je  vous 
conjuré  maintenant.  Cependant,  comme  je  vous  prie  de  n'avoir  au- 
cun ombrage  des  gens  du  roy,  vous  ne  sauriés  en  trop  avoir  de  ceux 
des  ennemis  de  cet  Estât,  et  mesme  de  ceux  qui  sont  afEdés  à  M'  de 
La  Valette,  qui  pourroient  former  des  desseins  sur  la  place  que  vous 
gardés.  Je  vous  prie  donc  de  veiller  à  ce  qu'ils  ne  puissent  réussir,  et 
vous  asseurés  que  je  suis  véritablement. . . 

Depuis  cette  lettre  escrite,  j'ay  receu  la  vostre  et  le  mémoire  de 
M'  Talon.  M"'  de  Noyers  respond  à  ce  qui  est  porté  dans  le  dict  mé- 
moire. 

Quant  aux  hommes  dont  je  vois  que  vous  avés  quelque  besoin,  il 
y  a  esté  satisfaict  par  l'envoy  des  restes  du  régiment  de  Rambures  et 
celuy  de  Périgord. 

Nous  ne  craignons  pas  que  vous  puissiés  eslre  assiégé,  mais  souve- 
nés-vous  que  vous  avés  à  vous  garder  de  surprise  et  de  trahison.  Je 
ne  vous  parle  pas  ainsy  sans  sujet;  on  a  dict  au  roy  qu'on  ne  tire  ja- 
mais la  garde  des  portes  de  Metz. 

Quand  je  suis  entré  au  gouvernement  de  Brouage,  je  l'ay  changé 
quoyque  ce  fust  ma  compagnie  qui  gardast  tousjours  la  principale 
porte;  je  vous  prie  de  ne  pas  manquer  à  en  faire  autant  suivant  les 
ordres  du  roy'. 


'  Celte  dépêche  ne  fut  pas  expédiée  im- 
médiatement. Cliavigni,  en  l'envoyant  au 
cardinal  de  La  Valette,  lui  écrivait  une 
lettre  particulière,  datée  du  21  août,  où  il 
lui  donnait  des  nouvelles  de  la  cour.  Un 
passage  écrit  en  chiffres  a  été  déchiffré, 
.mais  on  a  rendu  ce  déchiffrement  en  par- 
lie  illisible.  Nous  copions  ce  qu'on  en  peut 
lire  :  «  M.  de  La  Valette  est  tousjours  plus 
enibasté  que  jamais  avec  les  Espagnols  ; 


on  le  sçayt  par  voies  très  certaines  et  non 
suspectes...  César  (La  Meilleraie)  est  le 
plus  considérable.   .  Nestor  (le  cardinal) 

n'estime qu'en  luy.  Le  roy  a  eu  un 

grand  démeslé  avec  M' le  cardinal ,  et  n'est 
pas  encore  bien  avec  M.  le  cardinal;  mais 
cela  se  pourra  raccommoder.  Le  cardinal 
de  La  Valette  tiendra  cela  fort  secret  ;  le. . . 
peut  tout.  »  (  Ms.  des  Aff.  étr.  cité  aux 
sources,  P  kg.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  433 


CCXXXVIII. 

Arch.  des  AfiF.  élr.  Hollande,  1.  21,  pièce  98.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46 ,  fol.  iZi6  v°.  —  Copie  '.  — 

Saint'GermainHarlay,  3^6,  t.  2 ,  p.  a^i  et  3o8.  —  Copies. 

A  M.  D'AMONTOÏ. 

Ham,  i5  juillet  iGSg. 

S.  M.  ayant  veu  les  trois  propositions  qu'a  faictes  M'  le  P.  d'O- 
range, est  bien  faschée  qu'on  ne  puisse  s'arrester  aux  deux  premières 
à  cause  que  la  saison  est  trop  avancée,  et  qu'il  faut  beaucoup  de 
préparatifs  qu'il  est  impossible  de  faire  maintenant  pour  de  tels  des- 
seins. 

La  dépesche  du  d.  s""  prince  est  arrivée  fort  à  propos,  parce  que 
sans  icelle  S.  M,  estoit  en  disposition  d'envoyer  6,000  h.  qui  sont  en 
Champagne,  du  corps  de  M"'  de  Chastillon,  en  Italie.  Et  ayant  veu  que 
M'  le  P.  d'Orange  veut  et  promet  dans  sa  première  proposition  d'en- 
treprendre le  siège  d'une  place  considérable,  elle  s'est  résolue,  pour 
lu  Y  en  faciliter  le  moyen,  de  priver  Madame,  qui  est  sa  propre  sœur, 
de  ce  secours,  pour  estre  plus  en  estât  de  tenir  les  ennemis  en  échec, 
tandis  que  M'  le  P.  d'Orange  fera  son  effect. 

Reste  à  luy  maintenant  de  recognoistre  l'extraordinaire  bonne  vo- 
lonté que  le  roy  tesmoigne  à  M"  les  Estais  et  à  sa  propre  personne, 
ayant  tousjours  plus  faict  qu'il  ne  leur  a  promis,  et  préférant  leurs 
intéresls,  en  celte  occasion,  à  son  propre  sang,  et  de  faire  réussir  sa 
proposition  de  l'effect  de  laquelle  S.  M.  s'asseure  sur  la  parole  du  d. 
prince,  dont  elle  faict  une  estime  très  particulière  ^. 

'  Le  manuscrit  de  Colbert  ni  celui  de  deux   manuscrits  indiquent   la   main  de 

Harlay  n'indiquent  de  quelle  main  était  la  Daridole. 

pièce  sur  laquelle  ont  élé  faites  leurs  co-  '  A  la  suite  de  cette  pièce,  les  raanus- 

pies,  mais  les  pièces  qui  précèdent  ou  qui  crits  de  Colbert  et  de  Harlay  donnent  les 

suivent  immédiatement  celle-ci ,  dans  ces  propositions  du  prince  d'Orange.  En  féli- 

CAHDIR.  DE  RICUELIEC.  —  VI.  '  55 


434  LETTRES 


ccxxxix. 

Bibl.  iinp.  Bétliune,  9266,  fol.  69.  —  Copie.  —  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  124.  -r- 

Copie '. — Sainl-Germain-IIarlay,  346,  l.  1,  fol.  124-  —  Copie.  — 

Bibl.  de  l'Arsenal.  Hist.  186,  in-4°,  p.  2o5.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

De  Sainl-Quenlin,  ce  16' juillet  1689. 

Le  roy  approuve  la  proposition  que  faict  M''  le  grand  maistre, 
d'aller  chercher  un  poste  vers  la  Flandre  où  l'armée  qu'il  commande 
puisse  vivre  commodément. 

Il  estime  de  plus  que  celuy  de  Cassel,  qu'il  propose,  seroit  fort 
bon  si  les  ennemis  estoient  foibles. 

Mais,  d'autant  qu'ils  ont  esté  renforcés  de  Lamboy,  on  estime  que 
ce  poste  de  Cassel  est  trop  esloigné  d'Ardres  et  de  Ruminguen^,  qu'on 
veut  prendre,  pour  le  pouvoir  conserver  seurement. 

On  croit  qu'il  seroit  aisé  aux  ennemis,  se  logeant  à  S'  Omer,  de 
couper  absolument  les  vivres  à  ceux  qui  seroient  à  Cassel,  et  ainsy 
les  contraindre  de  combattre  ou  de  périr,  ce  qu'il  faut  esviter  cette 
année  presque  également. 

On  estime  qu'en  Testât  que  sont  les  affaires  on  se  doit  contenter 
de  la  moitié  de  la  proposition  de  M'  le  grand  maistre,  et  qu'après 
cela  on  peut  faire  ^  quelque  chose  de  bon. 

Sur  ce  fondement,  on  croit  qu'on  peut  prendre  seurement  Rumin- 

citant  le  roi  du  succès  du  siège  d'Hesdin,  de  Colbert  et  de  Harlay  dit  que  les  copies 

le  prince  proposait  à  Sa  Majesté  de  faire  ont  été  faites  «  sur  un  mémoire  écrit  de  la 

le  siège  de  Dunkerque ,  de  Gravelines  ou  main  de  Richelieu.  • 
de  Bruges,  et  il  indiquait  les  entreprises  "  Rumingheim,  petite  ville  de  l'Artois 

qu'il  pourrait  exécuter  de  son  côté,  selon  (Pas-de-Calais),  près  de  Saint-Omer.  Le 

que  le  roi  accepterait  quelqu'une  de  ses  manuscrit  de  l'Arsenal  omet  le  nom. 

propositions.  '   >  Et  qu' ainsy  on  ne  peut  faire 

'  Une  note  commune  aux  manuscrits  (Ms.  de  l'Arsenal.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  435 

guen  et  Hannuin  sur  la  rivière  du  Ha\  et  faire  en  un  de  ces  deux  lieux , 
ou  en  quelque  gros  bourg  situé  entre  les  deux^  sur  la  rivière  du  Ha, 
un  bon  campement  par  le  moyen  duquel,  ayant  des  ponts  sur  la  ri- 
vière du  Ha,  il  pourra  également  faire  des  courses  dans  la  Flandre  et 
dans  l'Artois. 

A  cela  on  ne  juge  aucun  péril,  ayant  Ardres  et  Calais  à  son  der- 
rière pour  les  vivres,  et  la  rivière  d'Ha  pour  seureté,  et  si,  estant  là, 
la  bonne  fortune  donnoit  le  gain  de  quelque  notable  combat  aux 
armes  du  roy,  on  pourroit  les  porter  plus  *  avant. 

Le  moins  qu'on  puisse  faire  en  ce  dessein  est  de  manger  et  faire 
manger  aux  ennemis  le  meilleur  de  leur  pays,  et  peut  estre  qu'au  lieu 
que  M''  le  grand  maistre  se  proposoit  de  faire  un  fort  vers  Mouchy  le 
Cayeu*  pour  s'avancer  dans  l'Artois,  il  pourra  en  faire  un  au  lieu  où  il 
se  campera ,  qui  conservera  l'entrée  de  la  Flandre  et  le  passage  de  la 
rivière  d'Ha,  ce  qui  ne  sera  pas  de  petite  conséquence. 

C'est  à  M' le  grand  maistre  à  juger  s'il  se  peut  servir  de  sa  proposi- 
tion ainsy  racourcie,  le  roy  luy  laissant  la  liberté  d'en  user  ou  de  n'en 
user  pas,  ainsy  qu'il  jugera  à  propos  pour  son  service;  mais,  pour  celle 
de  Cassel,  on  la  trouve  trop  périlleuse  pour  cette  heure. 

Si  M.  le  grand  maistre  entreprend  ce  dessein.  Sa  Majesté  n'em- 
barquera l'armée  de  M.  de  Chastillon  à  aucune  chose  jusqucs  à  ce 
qu'il  sache  qu'il  soit  campé;  mais  il  la  tiendra  tousjours  à  Retel,  où 
elle  sera  bien  plus  considérée  des  ennemis,  pour  ne  dégarnir  pas  les 
costés  de  deçà  de  toutes  leurs  forces,  que  s'ils  la  voyoient  occupée  à 
un  siège  de  petite  considération. 

Au  mesme  temps  qu'on  auraresponse  de  M.  le  grand  maistre,  le  roy, 
partant  de  Guise,  y  laissera  M'  de  Saligny  avec  trois  régimens  d'in- 
fanterie et  i,5oo  chevaux,  et  luy  fera  faire  des  courses  le  plus  avant 

'  On  confiait  douze  ou  quinze  rivières  de  l'Arsenal.)  —  '  «  Les  pousser  plus. .  .  » 

du  nom  de^Aa;  celle-ci  passe  à   Saint-  (Ms.  de  l'Arsenal.) 

Orner  et  va  se  perdre  à  la  mer,  près  de  '  Mouchy-le-Cayeux,   village  à  deux 

Gravelines.  lieue»  au  nord  de  Sainl-Pol. 


'  iS'il  y  en  a  entre  les  deux. .  .  •  (Ms. 


55. 


^36  LETTRES 

qu'il  se  pourra  dans  le  pays  des  ennemis,  afin  de  les  obliger  de  laisser 
de  puissans  corps  de  deçà,  et  Sa  Majesté  s'avancera  en  Champagne 
pour  leur  donner  encore  ombrage  dans  le  Luxembourg,  et  du  costé 
de  Metz,  où  l'on  lairra  espandre  le  bruict  qu'elle  s'en  va. 

Ainsy  apparemment  les  ennemis  ne  pourront  tous  fondre  sur  les 
bras  de  M.  le  grand  maistre,  et  quand  'vous  nous  manderés  que 
vousserés  campé,  lors  nous  pourrons  faire  ce  que  vous  savés. 

Ce  sera  maintenant  à  vous  à  vous  résoudre  à  ce  que  vous  estime- 
rés  à  propos  et  seur,  et  à  nous  le  faire  savoir  afin  que  tout  aille  de 
concert. 

Quoy  que  vous  fassiés,  il  le  faut  faire  bien  secrettement,  donnant 
des  pensées  autres  aux  ennemis,  comme  le  s"^  de  Choupes  nous  l'a 
proposé  de  vostre  part,  et,  par  ce  moyen,  j'espère  que  ce  que  vous 
entreprendrés  vous  réussira. 

Il  est  vray,  comme  nous  vous  avons  mandé,  que  Lamboy  aura 
maintenant  joint  Picolomini;  mais  il  n'a  pas  la  moitié  de  ce  que  man- 
doit  Palloques.  Un  trompette  de  Vaubecourt,  qui  les  a  vus  marcher, 
dict  qu'il  n'y  a  de  bon  que  trois  régi  mens  de  Croattes  que  nous  met- 
tons, sçavoir  :  à  5oo  hommes  celuy  d'isolany,  à  4oo  chacun  des  deux 
autres.  11  dict  qu'il  y  a  encore  quelques  régimens  de  cavalerie  alle- 
mande, qui  ne  vaut  guères,  et  quelque  peu  d'infanterie,  qu'il  ne  met 
point  en  ligne  de  compte.  Voilà  comme  il  en  parle. 

Je  crois  qu'il  faut  faire  estât  que  ces  troupes  peuvent  monter,  en 
cavalerie  et  infanterie,  entre  quatre  et  cinq  mille  hommes.  Sans  le 
malheiu"  de  M.  de  Feuquières,  nous  parlerions  hardiment  à  ces 
messieurs;  mais  j'espère  que,  l'année  qui  vient,  nous  serons  plus 
sages  et  plus  heureux  que  nous  n'avons  esté  en  cette  première  ren- 
contre. 

'   «  El  quand  il  nous  mandera  qu'il  sera        pêche  la  phrase  est  tournée  à  la  troisième 
campé. . .  »  Ici  et  dans  la  suite  de  cette  dé-        personne  dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal. 


DU.  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  437 


CCXL. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  161.  —  Copie.  — 
Saint-Germain  Harky,  346 ,  t.  1,  i64.  —  Copie*. 

AU  MARESCHAL  DE  CHASTILLON. 

[20  juillet  iCSg']. 

Le  roy  désire  savoir  si  M'  le  maréchal  de  Chastillon  estime  pou- 
voir prendre  seurement  Ivoy,  qu'il  a  desjà  pris  une  autre  fois  en  peu 
de  jours. 

On  ne  révoque  pas  en  doute  que  cette  place  ne  soit  aisée  à  em- 
porter, au  cas  qu'elle  ne  soit  point  secourue. 

Mais  S.  M.  ne  voulant  pas  exposer  l'armée  du  dict  s'  maréchal  à 
un  pareil  accident  que  celuy  du  s'  de  Feuquières,  c'est  au  dict  s' 
mareschal  de  Chastillon  à  considérer  s'il  sera  assez  fort,  avec  la  cava- 
lerie de  Coligny,  pour  emporter  cette  place  sans  courre  une  pareille 
fortune. 

Piccolomini  estant  vers  Arleu,  comme  apparemment  il  se  tiendra 
en  ces  quartiers,  il  peut  estre  en  8  ou  9  journées  de  marche  à  Ivoy. 

11  est  certain  qu'Ivoy  estant  le  principal  lieu  d'où  il  peut  tirer  dans 
le  Luxembourg  sa  principale  subsistance,  à  cause  de  Sedan,  le  siège 
de  cette  place  feroit  que  difficilement  une  grande  armée  ennemie  y 
pourroit-elle  vivre  en  ces  quartiers. 

Mais,  d'autant  qu'il  ne  faut  qu'une  bonne  journée  pour  tenter  et 
effectuer  le  secours  d'une  place,  c'est  à  M' de  Chastillon,  qui  co- 
gnoist  les  environs  de  cette  place,  qu'il  a  desjà  assiégée  et  prise,  à 
sçavoir  si  la  situation  ne  donne  point  quelque  avantage  qui  peut  em- 
pescher  le  secours. 

'  Une  note  marginale  des  deux  manus-  point  de  date;  elle  se  trouve  classée  immé- 

crits  dit  que  leur  copie  a  été  prise  «  sur  diatcment  avant  le  mémoire  du  roi   au 

un  brouillard  entièrement  écrit  de  la  main  maréchal  de  Chàtilion ,  dont  nous  parje- 

de  M'  le  cardinal  de  Richelieu.  »  rons  tout  à  l'heure;  nous  pensons  que  la 

*  Celte,  pièce  non  terminée  ne  porte  date  doit  être  la  même. 


'438  LETTRES 

S.  M.  attendra  nouvelles  du  d.  s"^  mareschal,  qui  luy  fera  sçavoir  di- 
ligemment ses  pensées  sur  ce  sujet,  présupposant  pour  fondement 
très  certain  qu'elle  ne  veut  point  cette  année  hasarder  son  armée  en 
exécutant  ce  dessein,  ny  aucun  autre. 

Si  S.  M.  se  résout  à  l'exécution  de  ce  dessein,  après  avoir  sceu  l'avis 
de  M'  de  Cliastillon,  il  faudra  le  conduire  sy  secrètement  que  le  d. 
s'  mareschal  soit  autour  de  la  place  auparavant  qu'on  puisse  soup- 
çonner qu'il  ayt  la  pensée  de  l'assiéger,  et  mener  le  siège  sy  vivement 
qu'en  huit  ou  dix  jours  on  en  puisse  voir  la  fin. 

Partant,  il  ne  parlera  à  qui  que  ce  puisse  estre  de  cette  proposi- 
tion et  verra  avec  le  porteur  si... 


A  la  suite  de  cette  pièce,  dans  l'un  et  l'autre  manuscrit  (f°  ^6^  de  Colbert, 
162  de  Harlay),  se  trouve  la  copie  d'un  mémoire  du  roi  au  maréchal  de  Châ- 
tillon  sur  l'entreprise  d'Ivoy,  copie,  disent  ces  manuscrits,  prise  sur  une  pièce  de 
la  main  de  Cherré.  Le  mémoire  du  roi,  dont  Richelieu  avait  donné  la  matière, 
et  dont  nous  conservons  seulement  les  points  principaux,  est  une  instruction 
supplémentaire  pour  l'entreprise  d'Ivoy. 

Maintenant  que  le  roy  est  en  lieu  de  suivre  promplement  M'  le 
mareschal  de  Chastillon. ..  il  faut  qu'il  commence  le  dessein  qu'il 
sçayt  plus  tost  que  plus  tard,  tandis  que  M'  de  La  Meilleraie  sera  en 
lieu  où  il  tient  les  ennemis  en  doute  de  ce  qu'il  veut  faire. . . 

M"  le  mareschal  de  Chastillon  peut  marcher  quand  il  voudra,  sans 
attendre  plus  aucim  ordre  du  roy. 

Ce  sera  un  grand  avantage  s'il  peut  donner  quelque  créance  qu'il 
va  d'un  autre  costé. .  . 

S'il  faict  semblant  d'investir  Montmédy  et  qu'il  l'investisse,  en 
sorte  néantmoins  que  les  ennemis  puissent  jeter  dedans  des  troupes 
qui  seront  dans  Ivoy,  ils  en  envoyèrent  la  plus  grande  partie,  parce 
que  Montmédy  est  de  plus  grande  conséquence  qu'Ivoy. . . 

Par  raison,  Piccolomini  ne  peut  penser  à  quitter  l'Artois  pour  aller 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  439 

dans  ie  Luxwnbourg;  et,  quand  il  y  voudroit  aller,  M'  de  Chastillon 
doit  avoir  faict  son  dessein  devant  qu'il  puisse  estre  à  luy. . . 

C'est  en  ce  cas  que  le  dict  s"  mareschal  doit  user  de  sa  prudence 
et  se  servir  de  sa  teste  pour  prendre  le  party  qu'il  estimera  plus  as- 
seuré ,  ou  de  lever  le  siège  pour  aller  à  Piccolomini ,  s'il  voit  le  pou- 
voir faire  avec  avantage,  ou  de  se  retirer  s'il  l'estime  à  propos. 


CCXLI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  27,  fol.  i3.  —  Minute.  —  ïom.  29,  fol.  Sa.  —  Original. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  a/ii  v°  et  497  v°.  —  Copies  '. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

21  juillet  1689. 

Monseigneur, 

Le  roy  attend,  avec  une  extresme  impatience,  le  bon  succès  du 
premier  dessein  que  vous  aurés  entrepris.  M""  de  Chavigny,  à  son  re- 
tour, a  tellement  asseuré  S.  M.  qu'aussytost  que  l'armée  de  M""  de  Lon- 
gueville  et  la  voslre  se  pourroient  joindre,  vous  asseureriés  pour  tous- 
jours  la  communication  de  Casai  par  la  prise  de  l'une  de  trois  places  : 
de  Villeneuve  d'Ast,  ou  d'Ast^,  ou  de  Verrue,  que  S.  M.  ne  doute 
point  que  vous  n'ayés  suivi  ce  dessein.  Elle  estime  qu'après  un  tel 
succès  le  vray  repos  de  vos  armées,  pendant  les  grandes  chaleurs, 
doit  estre  vers  la  campagne  de  Savillan  et  de  Fossan,  pour,  en  se  re- 
posant, réduire  à  la  raison  Conis  et  Fossan. 

Au  nom  de  Dieu.  Monseigneur,  employés  sy  bien.  M'  de  Longue- 
ville  et  vous,  la  vigueur  de  vos  armes  que  vous  puissiés  remettre 
l'Italie  en  Testât  auquel  elle  doit  estre.  Autrement,  si  vous  perdiés 
l'occasion  de  profiter  de  la  première  pointe  des  François,  et  que  vous 

'  «Transcription  faite  sur  l'original.»  village  du  Piémont,  non  loin  d'Alexan' 
(Noie  du  manuscrit  de  Harlay.)  drie. 

'  Asti,   et  Villanuova  d'Asti,  ville  et 


440  LETTRES 

laissassiés  périr  de  sy  belles  armées  sans  un  progrès  conforme  à  ce 
qu'on  s'en  promet,  non-seulement  les  affaires  du  roy  seroient-elles 
perdues  en  ces  quartiers  là,  mais  partout,  estant  certain  que  le  lieu 
où  vous  estes  est  celuy  qui  réglera  toutes  les  affaires  de  la  chrestienté. 
Je  ne  doute  point  que  nous  n'ayons  maintenant  bien  souvent  de 
bonnes  nouvelles  de  vostre  costé.  J'en  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur 
et  pour  le  service  du  roy,  et  pour  vostre  réputation  particulière;  vous 
asseurant  que  je  suis  et  seray  toute  ma  vie. 

Monseigneur, 


Vostre  très  humbie  et  1res  affectionne  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


De  Guise,  ce  21  juillet  1689. 


CCXLII. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  27,  fol.  i4.  — minute. 
Bibl.  imp.  SaintGennain-Harlay,  347,  fol.  2^5  v°.  — Copie. 

A  M.  DE  LONGUEVILLE. 

2  I  juillet  i63g. 

Monsieur,  Je  ne 

doute  point  que  vous  ne  fassiés  cognoistre  aux  Espagnols  que  vous 
estes  en  Italie;  aussy  vous  avouerois-je  que  j'aurois  un  extresme  des- 
plaisir  si,  avec  de  telles  armées  que  vous  avés  maintenant,  monsieur 
le  cardinal  de  La  Valette  et  vous,  vous  ne  répariés  une  partie  des 
maux  que  les  Espagnols  ont  faicts  avec  6,000  hommes.  Le  but,  à  mon 
avis,  que  vous  dcvés  avoir,  est  d'ouvrir  le  chemin  de  Casai  par  la  prise 
d'Ast,  ou  de  Villeneuve  d'Ast,  ou  de  Verrue,  et  par  après  de  loger 
vos  armées  dans  la  catnpagne  duPiedmont  vers  Savillan,  pour  ranger 
à  leur  devoir,  pendant  leur  repos,  Fossan  et  Conis,  qui  apparemment 
se  réduiront  en  voyant  tous  leurs  environs  occupés  par  les  troupes 
du  roy.  Il  est  de  vos  prudences  et  de  vostre  zèle  d'employer  plus 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


tik\ 


utileiTient  que  vous  pourrés  la  vigueur  et  la  première  pointe  de  vos 
armées ^  Je  vous  en  conjure,  autant  qu'il  m'est  possible,  et  vous 
asseure  que  je  feray  valoir  auprès  du  roy  vos  actions  et  vos  services 
autant  que  vous  le  pouvés  désirer  de 


Vostre,  etc. 


CCXLIII. 

Bibliolh.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/j°,  p.  a  12.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  fonds  Béthune,   9266,   fol.   67  v°.  —  Copie. 

Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  129.  —  Copie*. 

Sainl-Gemiain  Harlay,  346,  t.  1,  fol.  i3o.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

De  Guise,  ce  21  juillet  ibSg. 

Le  roy  voyant  que  la  seurelé  de  Hesdin  vous  oblige  à  demeurer 
au  lieu  où  vous  estes  jusques  au  4*  ou  5*  du  mois  qui  vient,  s'est  ré- 
solu de  faire  marcher  M'  de  Chastillon  pour  ce  que  vous  savés,  et  en 
efFect  il  marchera  demain ,  et  Sa  Majesté  part  aujourd'hui  pour  se 
rendre  où  il  faut. 

Déjà  Plcolomini  a  renvoyé  1  200  chevaux  en  grande  diligence  dans 
le  Luxembourg.  Je  ne  sçay  s'il  n'y  en  renvoyera  pas  davantage  quand 
il  saura  le  roy  parti  d'icy. 

Il  est  certain  qu'il  n'a  avec  luy  que  deux  mil  8  à  900  chevaux  et 


'  Cette  lettre  était  à  peine  arrivée  en 
Italie  que  Richelieu  prenait  la  résolution 
de  rappeler  le  duc  de  Longueville  pour 
lui  donner  le  commandement  de  l'armée 
d'Allemagne ,  devenu  vacant  par  la  mort 
du  duc  de  Weymar.  Richelieu  en  informa 
le  cardinal  de  La  Valette  par  une  lettre  du 
1  "  août.  Mais  cette  mutation  ne  se  fit  pas 
immédiatement;  le  i4  du  même  mois, 
Richelieu  écrivait  au  cardinal  de  La  Va- 
lette :  •  Le  roy  a  tant  de  confiance  en 
vous  qu'il  mande  M.  de  Longueville  pour 


CAHDIX.  DE  niCHtLIEO.  - 


aller  en  Allemagne.»  Et,  dans  une  lettre 
du  i6,  commune  aux  deux  généraux,  le 
roi  annonçait  au  cardinal  de  La  Valette 
qu'il  devait  prendre  le  commandement  de 
toutes  les  troupes ,  et  qu'il  envoyait  en 
Italie,  pour  le  seconder,  le  vicomte  de  Tu- 
renne.  (Ms.  de  Turin,  cité  aux  sources, 
f"a8,  37,  39.) 

'  Copie  faite  sur  un  «  mémoire  écrit  en- 
tièrement de  la  main  du  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  avec  quelques  ratures  et  apostilles  en 
marge.  ■(Noiedes  mss.deColb.  etdeHarl.) 

56 


442-  LETTRES 

7  mil  hommes  de  pied  de  ses  troupes.  Nous  n'avons  sceu  sçavoir  si  Lam- 
boy  est  venu  et  s'il  y  a  amené  en  effect  des  troupes,  car  le  trompette 
de  Vaubecourt,  qui  disoit  les  avoir  vus,  parle  sy  confusément  qu'on 
ne  sauroit  faire  un  jugement  certain  sur  ce  qu'il  dict.  Quoy  que  c'en 
soit,  s'il  est  venu,  voilà  une  partie  de  ses  forces,  ou  peut-estre  toutes, 
renvoyées;  et,  s'il  n'est  point  venu,  Piccolomini  se  scroit  fortaffoibli 
envoyant  les  i  200  chevaux  qui  passent  dans  le  Luxembourg. 

Le  roy  approuve  vostre  dessein  de  vous  retrancher  au  lieu  que 
vous  le  proposés,  mais  il  ne  vous  oblige  "pas  à  le  faire;  seulement  Sa 
Majesté  désire-elle  que  vous  preniés  un  poste  dans  le  pays  ennemi 
où  l'armée  que  vous  commandés  puisse  vivre  seureraent. 

II  juge  bien,  comme  vous,  que  celuy-là  est  fort  bon;  mais,  si  vous 
y  trouvés  quelque  difficulté  en  l'exécution,  il  sera  de  vostre  prudence 
d'en  prendre  un  autre.  Tant  y  a  que  c'est  à  vous  de  voir  si  estant  là 
on  ne  peut  point  vous  couper  la  communication  d'Ardres  et  de  Calais, 
ce  qu'il  faut  empescher,  vous  répétant  encores,  ce  que  je  vous  ay  dict 
et  mandé  plusieurs  fois,  que  cette  année  il  ne  faut  rien  hasarder. 

Après  avoir  bien  considéré  la  désignation  du  pays  que  vous  m'avés 
envoyée,  il  semble  que,  si  vous  vous  résolves  à  ce  dessein,  vous  devés 
attaquer  Hannuin  avec  le  fort  de  vostre  armée,  premier  que  les  autres 
forts,  veu  que  celuy-là  vous  est  du  tout  nécessaire  pour  conserver  la 
communication  d'Ardres,  ainsy  que  vous  le  représentés,  et  s'il  est 
vray  que  vous  puissiés  vous  loger  sur  la  rivière  d'Aa,  entre  les  en- 
nemis et  le  fort,  il  y  a  grande  apparence  que  vous  l'emporterés. 
Cependant  c'est  à  vous  à  faire  la  guerre  à  l'œil  et  ne  vous  embar- 
quer qu'à  ce  que  vous  jugerés  à  propos  et  raisonnablement  pouvoir 
faire. 

On  propose  d'attaquer  Hannuin  le  premier,  parce  que  c'est  chose 
très-certaine  que,  si  les  ennemis  voyent  attaquer  Ruminguen  et  Eper- 
lecqucs,  ils  jetteront  aussytost  des  gens  dans  Hannuin ,  après  quoy  l'at- 
taque en  seroit  dangereuse  et  pas  faisable  à  la  vue  d'une  armée  forte  '. 

'  Ce  paragraphe  et  le  suivant  manquent        ajoutés  à  la  marge  dans  les  manuscrits  de 
dan»  le  manuscrit  de  Béthune  ;  ils  ont  été        Coibert  et  de  Harlay  ;  la  copie  de  l'Ar- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  4/l3 

Peut-estre  que  Rumlnguen  et  Eperlecques^  pourront  estre  em- 
portés par  des  parties  de  l'armée,  au  mesme  temps  que  le  gros  sera 
à  Hannuin;  mais  on  ne  peut  donner  aucun  conseil  en  ce  sujet,  ne 
sachant  pas  ponctuellement  ny  la  situation  du  pays,  ny  la  force  des 
lieux. 

Il  y  a  grande  apparence  que  les  ennemis,  vous  voyant  à  Hannuin 
plutost  qu'ils  ne  l'auront  pensé,  songeront  àBourbourg  et  au  corps  de 
Flandres,  au  lieu  de  passer  la  rivière  pour  venir  à  vous,  auquel  cas 
vous  pourrés,  ce  me  semble,  seurement  faire  voslre  dessein;  mais  s'ils 
se  résolvoient  de  passer  à  Saint-Omer  pour  venir  à  vous,  si  vous  ne 
trouvés  que  la  situation  vous  soit  sy  favorable  qu'ils  ne  puissent  venir 
à  vous  qu'en  défilant  à  vostre  vue,  ou  autre  pareil  désavantage  no- 
table, en  ce  cas  il  ne  faut  point  faire  difEciilté  de  se  retirer  à  Ardres, 
ce  que  je  ne  vois  pas  qu'ils  vous  puissent  empescber  de  faire  seu- 
rement. 

Tant  y  a  que  tout  est  remis  à  vostre  prudence  sans  vous  obliger  à 
autre  chose  que  de  trouver  moyen  de  faire  vivre  l'armée  du  roy  seu- 
rement dans  le  pays  ennemi.  Encore  si  c'estoit  chose  extraordinaire- 
ment  diHicile  et  dangereuse,  Sa  Majesté  aimeroit  mieux  qu'elle 
vescust  dans  sa  frontière  que  de  hasarder  mal  à  propos  ses  forces. 

J'estime  que  vous  pourries  envoyer  quérir  M'  de  Lermont  sur 
quelque  prétexte,  et  luy  conférer  [sic)  vos  pensées  avec  grande  re- 
commandation de  secret;  il  sçait  le  pays  et  vous  jugerés  bien  avec  luy 
si  vostre  dessein  se  peut  tenter  seurement  ou  non. 

Il  est  vray  que  si  vous  le  pouvés  faire  il  embarrassera  fort  les  en- 
nemis, et  si  nous  pouvions  sy  bien  fortiGer  cette  teste  sur  la  rivière 
d'Aa  qu'on  la  peust  garder,  ce  seroil  une  bonne  affaire;  mais  beau- 

senal  ne  nous  en  donne  qu'un  lexle  in-  texte  el  oui  transformé  «  Esperlec»  en  «  Es- 

correcl  et  qui  parfois  n'a  pas  de  sens ,  paler.  »  Ruminghem  el  Eperlecques  sont 

mettant  «  faisable  ■  au  lieu  de  •  pas  faisa  deux  villages  voioins  el  au  nord  de  Saint- 

ble,i  et  «exposer»  au  lieu  de  i  Eperlec-  Orner. 

ques.  •  Ce  dernier  nom  est  aussi  défiguré  '  Le  manuscrit  de  l'Arsenal,  ne  nom- 

par  les  copistes  de  Colberl  el  de  Harlay,  inant  pas  Eperlecques,  mel  le  verbe  au 

qui ,  apparemment,  n'ont  pas  pu  lire  leur  singulier  :  «  pourroit  estre.  » 

56. 


lilik  LETTRES 

coup  de  choses  sont  à  désirer  qu'il  ne  faut  pas  entreprendre  à  cause 
de  la  difficulté  de  leur  exécution. 

Voilà  tout  ce  qu'on  vous  peut  mander  sur  ce  sujet.  Sur  quoy  vous 
nous  ferés  souvent  sçavoir  de  vos  nouvelles  par  gens  qui  viennent  par 
chemins  asseurés  écartés  de  la  frontière  à  peine  de  faire  une  journée 
davantage.  Le  roy  sera  à  Retel  dans  trois  jours,  dans  six  à  Mézières, 
dans  la  fin  du  mois  à  Mouzon'. 

Je  vous  prie  nous  faire  sçavoir  ce  que  vous  penserés  pouvoir  faire 
devant  que  vous  parties  du  heu  où  vous  estes;  je  croy  que,  quand 
vous  aurés  veu  M'^  de  Lermont^,  si  vous  le  jugés  à  propos,  vous  serés 
entièrement  esclairci  de  ce  que  vous  pouvés. 

Ce  sera  à  vous  à  voir  avec  luy  si ,  au  mesme  temps ,  luy  et  M'  de  Cha- 
rost  ne  peuvent  point  vous  aider  en  vostre  dessein ,  emportant  un  des 
forts  au  mesme  temps  que  vous  attaquerés  les  autres,  ce  que  je  ne 
vous  propose  que  comme  une  pensée  vague  dont  vous  ne  ferés  estât 
qu'autant  que  vous  jugerés  le  devoir  faire. 


CCXLIV. 

Arcli.  des  Aff. étr.  Turin,  t.  27,  fol.  21.  —  Mise  au  net.  — ïom.  29,  fol.  b^.  —  Original. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  25o  et  /198.  —  Copies. 

A   M.  LE  CÂRDIfVAL  DE  LA  VALETTE. 

■i!i  juillet  1639. 

Monseigneur, 

Lorsque  M''  de  Chavigny  revint,  il  asseura  tellement  le  roy  que  les 
troupes  de  M'  de  Longueville  ne  seroient  pas  plus  tost  ensemble  qu'il 

'   Les  trois mss. delà Bibliothèqueimpé-  sans  indication  de  la  pièce  à  laquelle  il 

riale  terminent  ici  cette  lettre;  lafin, qu'on  peut  appartenir.  (Béthune,  9366,  fol.  67. 

lit  danslems.de  l'Arsenal,  se  trouve  dans  —  Cinq-cents  Colbert,  45,  fol    129.  — 

les  autres  mss.  mais  ils  donnent  ce  passage  Saint-Germ.-Harl.  346  ,  t.  I,  fol.  129  v°.) 

comme  un  fragment  isolé ,  sans  date  et  ^  11  était  gouverneur  d'Ardres. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  445 

n'allast  droit  à  Conis,  qu'agissant  sur  ce  fondement  on  escrivit  lors 
qu'il  estoit  nécessaire  de  s'asseurer  promptement  de  cette  place. 

Depuis,  estant  venues  nouvelles  par  diverses  voies  que  vous  faisiés 
estât  de  faire  le  voyage  de  Casai  devant  que  de  penser  à  aucune  autre 
chose,  sur  cette  présupposition  on  vous  a  faict  une  dépesche,  vous 
exhortant  à  prendre  premièrement  une  place  qui  asseurast  le  pas- 
sage de  Casai  pour  tousjours,  et  à  réduire  ensuite  à  la  raison  les 
places  de  Conis,  Fossan,  Revel  et  autres  petites  de  ces  quartiers-là, 
cependant  que  l'armée  du  roy  se  reposera  durant  les  grandes  chaleurs 
du  mois  d'aoust. 

De  peur  que  vous  ne  preniés  ces  diversités  pour  des  ordres  con- 
traires, qui  parconséquent  vous  embarrasseroient,  je  vous  fais  la  pré- 
sente dépesche  pour  vous  dire  qu'outre  que  ce  qui  s'escrit  au  loing 
doit  tousjours  estre  submis  à  la  prudence  de  ceux  qui ,  estant  sur  les 
lieux,  voient  ce  qui  se  peut  exécuter  et  ce  qui  est  impossible,  S.  M.  n'a 
jamais  eu  autre  intention,  sinon  que  de  vous  faire  cognoistre  qu'il 
falloit  employer  chaudement  ses  armes  et  à  réduire  les  places  qui 
s'estoient  révoltées  au  deçà  du  Pô  en  l'obéissance  de  Madame,  et  à 
prendre  une  place  qui  asseure  la  communication  de  Casai,  laissant 
à  vostre  liberté  de  commencer  par  un  bout  ou  par  l'autre,  ainsy  que 
vous  l'estimerés  plus  à  propos. 

S.  M.  a  esté  extraordinairemenl  aise  d'apprendre  la  reddition  de 
Fossan  ,  de  Bene  ',  de  Saluce,  et  l'espérance  que  vous  avés  que  Conis 
et  Revel  feront  le  mesme,  et  espère  d'im  tel  commencement  le  resta- 
blissement  des  affaires  d'Italie,  sur  lesquelles  je  juge  du  tout  impor- 
tant que  vous  sachiés  ses  intentions,  qui  sont  telles  qui  s'en  suit  : 

Elle  ne  prétend  point  mettre  aucun  gouverneur  dans  les  places  qui 
seront  réduites  en  leur  devoir  par  les  seules  troupes  de  Madame, 
ny  mesme  en  celles  qui  seront  réduites  par  ses  propres  armes,  si  elles 
ne  sont  du  tout  nécessaires  pour  l'asseurance  des  vallées,  et  pour  la 
communication  de  Casai;  ce  qui  a  esté  jugé  sy  raisonnable  que  Ma- 

'  Bene  ou  Beiia ,  petite  ville  de  Piémont  Beine  :  ce  nom  est  écrit  de  cinq  ou  six 
que  l'original   cité   aux  sources   nomme        manières  par  les  copis(es. 


446  LETTRES 

dame  mesme  est  demeurée  d'accord  ,  à  ce  que  me  dist  hier  M'  de 
Chagny,  que  si  on  reprenoit  Ast  ou  une  autre  place  sur  le  chemin 
de  Casai,  qu'elle  demeurast  entre  les  mains  du  roy. 

Si  elle  a  jugé  nécessaire  que  la  communication  de  Casai  fust  entre 
ies  mains  du  roy,  elle  doit  faire  le  mesme  de  la  conservation  des 
vallées,  puisque  de  ces  deux  seurelés  déppend  également  son  salut, 
et  que  S.  M.  ne  désire  des  places  en  ces  deux  postes  différents  que 
pour  mieux  faciliter  la  paix  et  les  luy  remettre,  lorsque  par  icelle  les 
Espagnols  feront  le  mesme  de  celles  qu'ils  ont  occupées  depuis  la 
mort  de  M'  de  Savoie. 

Sur  ce  fondement  si  Conis  est  repris  par  ies  forces  du  roy,  ce  qu'il 
faut  tascher  de  faire,  S.  M.  désire  le  garder;  s'il  l'est  par  les  forces 
de  Madame ,  si  elle  est  sage ,  elle  consentira  que  le  rOy  y  mette  garnison  ; 
si  cependant  estant  réduit  par  ses  forces  elle  ne  le  veut  pas,  vous  la 
lairrés  faire ,  tenant  la  main  seulement  qu'elle  y  mette  un  gouver- 
neur et  une  bonne  garnison  de  ses  troupes  françoises,  et  qu'elle  fasse 
désarmer  les  habitans,  comme  leur  rébellion  les  doit  porter  à  s'y  con- 
damner d'eux-mêmes.  L'intention  du  roy  n'est  point  quand  vous 
prendriés  tout  le  Piedmont,  de  le  faire  garder  par  ses  troupes;  sa 
pensée  est  que  vous  remettiés  toutes  les  places  entre  les  mains  de 
Madame,  si  elle  les  peut  garder,  à  la  réserve  des  cinq  places  que  Ma- 
dame a  déposées.  Carmagnoles,  Savillan  et  Quérasque,  et  de  ce  que 
je  vous  viens  de  dire  ci-dessus  qui,  au  pis  aller,  aboutit  d'un  costé  à 
Conis  et  à  Hevel,  et  de  l'autre  à  Ast,  Villeneuve  d'Ast  ou  Verrue. 

Si  vous  attaqués  Villeneuve  d'Ast,  ou  Ast  pour  avoir  un  chemin 
ouvert  à  Casai  du  costé  des  montagnes,  le  roy,  ayant  ses  places  qui 
asseurent  le  chemin  de  Casai  de  ce  costé  là,  consentira  de  remettre 
Chivas  entre  les  mains  de  Madame;  mais,  si  vous  attaqués  et  prenés 
Verrue,  Chivas  est  nécessaire  pour  y  pouvoir  aller  commodément.  Si 
Madame  ne  se  contente  de  l'équité  d'un  tel  procédé,  il  la  faut  laisser 
dire  tout  ce  que  bon  luy  semblera,  et  faire  ce  qui  est  nécessaire,  soit 
qu'elle  le  trouve  bon  ou  mauvais. 

Surtout  faictes,  au  nom  de  Dieu,  qu'elle  asseure  sy  bien  lesdictes 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  447 

places  quelle- aura  entre  ses  mains  par  de  bonnes  garnisons  et  le  dé- 
sarmenaent  des  habitans  qu'il  ne  puisse  arriver  d'inconvénient. 

Espérant  par  vos  précédentes  dépesches  que,  quand  celle-ci  vous  ar- 
rivera, Revel  sera  peut-estre  réduit  en  son  devoir,  et  peut-estre  par 
les  seules  armes  de  Madame,  vous  lui  ferés  sçavoir  que  S.  M.  n'en 
veut  point  aux  conditions  auxquelles  elle  vouloit  premièrement  re- 
mettre cette  place  entre  ses  mains;  mais  que,  si  elle  veut  la  luy  re- 
mettre simplement,  S.  M.  la  fera  garder  soigneusement  comme  les 
trois  autres  déposées  jusques  à  mie  bonne  paix. 

Et,  en  effect,  quelqu'instance  qu'elle  puisse  faire  d'y  mettre  des 
François  aux  premières  conditions  vous  n'y  consentirés  point,  S.  M. 
estant  si  lasse  et  si  bonteuse  des  injustes  défiances  que  Madame  tes- 
nioigne,  qu'elle  aime  mieux  qu'elle  garde  cUe-mesme  cette  place, 
ainsy  que  bon  luy  semblera,  que  de  la  luy  remettre  en  apparence, 
sans  le  faire  en  effect. 

Reste  à  vous.  Monseigneur,  d'employer  promptement  les  forces 
que  vous  et  M'  de  Longueville  commandés,  puisque  c'est  le  seul 
moyen  par  lequel  vous  poiivés  reslablir  les  aifaires  d'Italie,  les  Fran- 
çois ayant  une  pointe  qu'il  ne  faut  pas  perdre.  C'est  tout  ce  que  je 
vous  diray  maintenant,  et  que  je  suis  et  seray  tousjours. 

Monseigneur, 

Vostre  trës-liumble  et  très  afTectionné  serviteur. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 
De  Rethel,  ce  2/1  juillet  1619. 

Dans  la  copie  du  folio  260,  à  la  suite  de  celle  dépêche,  où  se  trouvent  sup- 
primées la  formule  de  politesse,  la  signature  et  la  date,  on  lit  immédiatement 
après  ces  mots,  •  qu'il  ne  faut  pas  perdre  :  • 

On  ne  sauroit  assez  s'estonner  de  la  demande  de  poudres  qu'on 
faict  pour  l'ItaUe,  vu  la  grande  fournitvire  qu'on  a  faicte,  et  le  peu 
d'occasions  qu'on  a  eues  de  les  consumer'. 

'  Le  total  des  fournitures  énumérées  dans  ce  posl-scriplutn  monte  à  /l5/i,3oo  livres. 


448  LETTRES 


CCXLV. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-^°,  p.  220.  —  Copie. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colberl,  t.  /|5,  fol.  i33  v°.  —  Copie. 

—  Saint-Germain-Harlay,  346,  tom.  I,  fol.  i34  v°.  —  Copie'. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAIE. 

Du  27  juillet  iGSg,  à  Mezières. 

J'ay  receu  vostre  lettre  du  2  3  de  ce  mois,  où  je  vois  la  résolution 
que  vous  avés  de  partir  le  2  ou  3*  du  mois  qui  vient  pour  exécuter 
vostre  dessein. 

J'ay  peur  que,  si  vous  attaqués  Esperlec  et  Ruminguen  ^  les  pre- 
miers, vous  ne  donniés  lieu  aux  ennemis  de  jeter  du  monde  dans 
Hanuin;  et  par  souhait  je  désirerois  que  ,  Calais,  Boulogne  et  Ardres 
vous  fortifiant  de  2,000  h.  de  pied,  vous  peussiés  faire  les  trois  at- 
taques en  mesme  temps.  Je  sçay  bien  que  vous  me  dires  peut-estre 
que  c'est  beaucoup  entreprendre ,  mais  j'estime  que  Ruminguen  ne 
pouvant  tenir  que  2  jours,  comme  vous  le  supposés,  et  peut-estre 
moins,  si  vous  faictes  vostre  attaque^  secrètement,  les  ennemis  ne 
sauroient  venir  à  vous  qu'ils  ne  soient  pris,  et  par  après  vous  joindrés 
toutes  vos  forces  à  Hanuin,  que  vous  aurés  investi  en  mesme  temps 
que  les  deux  autres. 

Vous  vous  souviendrés,  s'il  vous  plaist,  que  ce  que  je  vous  dis  ne 
sont  que  mes  pensées  particulières,  dont  vous  ne  ferés  estât  qu'autant 
que  vous  recognoistrés  le  devoir  faire ,  par  la  particulière  cognois- 
sance  que  vous  aurés  des  lieux. 

Il  sera  de  vostre  prudence  de  ne  vous  embarquer  pas  en  des  lieux 
sy  favorables  aux  ennemis  qu'ilz  vous  y  peussent  faire  courre  fortune,- 

'  Les  manuscrits  de  Colbert  et  de  Har-  de  l'Arsenal  ne  nomme  que  ce  dernier 

lay  notent  en  marge  que  leur  transcription  village. 

a  été  faite  sur  «  un  mémoire  de  la  main  de  '  Les  deux  manuscrits  de  la  Biblio- 

M.  de  Noyers.  »  ihèque  impériale  mettent  «  affaire.  » 

'  Ici  et  un  peu  plus  loin  le  manuscrit 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  449 

et,  par  l'avantage  que  ia  situation  leur  donneroit,  et  par  la  difficulté 
que  la  disposition  du  pays  donneroit  à  vostre  retraite. 

Si  vous  apprenés  qu'Hanuin  fust  un  siège  de  longue  haleine,  que 
les  ennemis  eussent  de  l'avantage  à  vous  y  combattre ,  et  vous  presque 
de  l'impossibilité  à  vous  en  retirer,  il  sera  de  vostre  prudence  de  ne 
vous  y  embarquer  pas.  Ce  seroit,  en  ce  cas,  à  vous  à  voir  si,  à  la 
faveur  de  Ruminguen  et  Esperlec,  vous  ne  sauriés  faire  un  campe- 
ment asseuré  au  pont  à  Caigne  ou  autre  lieu,  pour  passer  le  mois 
d'aoust  dans  le  pays  ennemi. 

Cependant  je  vous  diray  qu'une  carte  fort  particulière,  que  M''  Le 
Rasle  m'a  donnée,  faicte  de  sa  main,  de  tout  le  pays  reconquis  du 
gouvernement  d'Ardres  et  de  tous  les  lieux  adjacens,  marque  Ha- 
nuin  sur  une  rivière  qui  vient  tomber  dans  le  Haa,  et  sans  désigner 
aucune  digue  jusques  à  Ardres.  Il  sçait  de  plus  qu'au  dict  Hanuin  se 
vient  joindre  un  ruisseau  qui  part  de  Calais,  bordé  de  petits  forts 
qui  sont  au  roy,  par  derrière  lesquels  il  semble  que,  si  l'on  estoit 
pressé,  la  retraite  seroit  asseurée  à  Calais. 

Je  vous  envoie  expressément  celle  carte  afin  que  vous  la  voyiés  et 
en  confcriés,  si  bon  vous  semble,  avec  le  s' le  Rasle;  après  quoy  vous 
me  la  renvoyerés,  s'il  vous  plaist. 

Quand  on  vous  mande  que  le  roy  désire  que  vous  ne  hasardiés 
rien,  ce  n'est  pas  que  S.  M.  vous  défende  absolument  de  combattre, 
mais  son  intention  n'est  pas  que  vous  donniés  un  combat  général,  si 
ce  n'est  avec  une  notable  espérance  de  gain  pour  l'avantage  qu'une 
favorable  situation  vous  pourroit  donner. 

Nous  avons  à  nous  conserver  celte  année,  dans  la  fin  de  laquelle 
j'espère  que  nous  réparerons  les  mauvais  commencemens  de  la  cam- 
pagne. 

Enfin  Salces  a  esté,  par  la  grâce  de  Dieu,  emporté  par  assaut.  Le 
gouverneur  a  voulu  mourir  sur  ia  bresche  et  a  réussi  à  son  dessein. 
Tout  ce  qui  s'est  Irouvé  non  retiré  dans  le  dernier  dongeon  a  eslé 
passé  au  fil  de  l'espée. 

Le  mesme  a  esté  faict  au  fort  de  Bene  en  Italie,  que  M''  de  Lon- 

CARDIN.  DE  RICUELIEt.  —  VI.  ■  $7 


450  LETTRES 

gueville  a  emporté  par  force.  Fossan  et  Saluées  se  sont  aussy  rendus 
à  la  seule  approche  de  l'armée  de  mon  dict  s"  de  Longueville. 

Toutes  les  bonnes  nouvelles  qui  seront  suivies,  Dieu  aidant,  d'autres 
nousresjouiroient  extresmement  sans  la  mort  de  M'  de  Weymar,  qui 
nous  a  bien  surpris.  Le  pauvre  prince  est  mort  de  peste  en  trois  jours  à 
Neufbourg,  entre  Brisach  et  Basle.  Le  roy  et  toute  la  cour  en  pren- 
nent le  deuil.  J'espère  que  ses  troupes  demeureront  fermes  dans  le 
service  du  roy. 

Je  ne  saurois  vous  dire  le  regret  que  j'ay,  en  mon  particulier,  de  la 
perte  de  ce  prince. 

Samedi  se  commencera  l'affaire  que  voussavés. 

Nous  n'avons  nulles  nouvelles  que  Lamboy  soit  passé,  et  demeu- 
rons dans  la  croyance  que  c'estoit  le  reste  des  troupes  et  le  bagage 
de  Piccolomini,  sans  toutefois  le  sçavoir  certainement. 

Bek  est  icy  qui  n'a  que  5ooo  h.  de  pied  et  tout  au  plus  i  ooo  che- 
vaux. 

'Depuis  ce  que  dessus  escril,  je  me  suis  enquis  bien  particulière- 
ment du  s'  de  S'  Estienne,  qui  n'est  qu'à  quatre  lieues  de  Givay,  et 
du  s'  de  Goffreville,  gouverneur  de  Rocroy,  du  passage  de  Lam- 
boy; ils  m'ont  tous  dict  qu'ils  n'en  ont  ouy  parler  en  façon  du 
monde,  et  croyent  que  c'est  une  fable,  et  moy  avec  eux;  et  partant 
j'espère  bien  de  vostre  entreprise,  si  la  carte  que  je  vous  envoie  dict 

vray. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


Nous  trouvons  dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal,  à  la  page  226,  une  lettre  qui, 
malgré  la  différence  de  la  date,  semble  le  post-scriptum  de  celle  du  27  juillet; 
elle  n'est  point  dans  les  deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale  : 

De  Donchery,  ce  3o  juillet  itiSp. 

J'adjouste  ce  billet  à  M"  le  Grand  maistre  pour  le  conjurer  d'avoir 

'  Ce  dernier  paragraphe  manque  dans  les  deux  manuscrits  de  la  Bihliothèque  im- 
périale. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  Ii5\ 

soin  de  sa  personne,  et  de  poui'voir  si  bien  à  la  seureté  de  Hesdin, 
avant  que  de  le  quitter,  qu'il  n'en  puisse  arriver  aucun  inconvénient, 
laissant,  comme  il  fera,  deux  compagnies  de  cavalerie  dans  la  place. 
C'est  au  gouverneur  à  s'en  servir  pour  inquietter  continuellement  les 
places  voisines,  et  obliger  les  ennemis  à  y  laisser  de  la  cavalerie,  qui 
les  affaiblira  tousjours. 

Je  le  conjure  ensuite  pendant  son  voyage  d'apprendre,  autant  qu'il 
pourra ,  la  situation  du  pays  de  tous  costez ,  et  Testât  des  places  voi- 
sines. 

Après  cela  il  ne  me  reste  qu'à  luy  recommander  tousjours  de  bien 
prendre  garde  de  ne  pas  hasarder  cette  année  nostre  marchandise  en 
gros,  espérant  que  nous  ferons  assez  de  profit  en  détail  sans  vouloir 
gaigner  davantage,  et  nous  mettre  en  péril  de  perdre  tout.  J'ay  grande 
espérance  du  meslange  que  M'  le  Grand  maistre  fera  de  sa  prudence 


et  de  son  couraee. 


Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


CCXLVI. 

Arch.  des  Afl'.  élr.  Allemagne,  t.  i5,  pièce  192. —  Mise  au  net. 

Bibl.  imp.  Cinq-cenU  Colbert,  t.  ^6,  fol.  388  v".  —  Copie. — 

Saint-Germain-Harlay,  3i6,  t.  a,  p.  -aa.  —  Copie. 

[AUX  COLONELS  DU  FEU  DUC  DE  WEYMAR.] 

[29JuilM.639'.] 

Lettre  à  M.  le  général  Ochen,  au  colonel  Rose,  au  général  major 
Chembech ,  au  comte  de  Nassau,  et  autres  lettres  en  blanc  à  tous  les 
colonels^,  leur  tesmoignant  l'extresme  desplaisir  que  le  roy  a  de  la 
mort  de  S.  A.  et  les  priant  de  n'abandonner  pas  la  cause  publique 

'   La  date  manque,  mais  nous  trouvons  partit  pour  aller  en  Allemagne,  etc.  «  Il  lut 

cette  note,  de  la  main  du  cardinal,  en  chargé  des  lettres  de  condoléance.  (Voyez, 

marge  d'une  instruction  à  M.  de  Choisy ,  à  la  date  du  19  août,  une  seconde  lettre 

du  1"  août  :  «  Le  roy  sceust  à  Mézières  la  écrite  aux  colonels.) 
mort  de  M.  de  VVeymar,  le  2-  de  juillet  '  Cette  pièce  contient  l'indication  de  plu- 

1689,  au  soir.  Le  29  le  s'  d'Oysonville  sieurs  lettres  à  faire.  Cherré  amis  au  dos 

57. 


452  LETTRES 

pour  laquelle  ils  sçavent  bien  la  passion  qu'avoit  S.  A.  laquelle'  le  roy 
veut  d'autant  plus  maintenir,  ce  que  S.  A,  avoit  commencé  soubz  son 
autorité. 

Le  roy  ne  doubte  point  qu'ilz  ne  continuent  d'autant  plus  volon- 
tiers que  c'est  le  seul  moyen  pour  maintenir  la  cause  pour  laquelle 
ilz  ont  desjà  versé  tant  de  sang,  et  qu'ils  doivent  attendre  de  luy  non- 
seulement  le  mesme  traittement  qu'en  avoit  S.  A.  mais  encore  de 
plus  avantageux^. 


cette  annotation  :  «  Matière  sur  laquelle  a 
esté  faite  une  dépesche  aux  colonels  de 
feu  M.  de  Weymar.  n  On  voit  que  la  pré- 
sente dépêche  est  la  seule  qu'indique 
Cherré.  Cependant  avant  cette  matière  le 
secrétaire  a  écrit  en  trois  lignes  le  sujet 
d'une  lettre  à  M.  d'Erlach,  et  à  la  suite 
nous  lisons  :  «  Faut  quatre  ou  cinq  provi- 
sions en  blanc  pour  les  gouverneurs  de 
toutes  les  villes  forestières ,  pour  Thanes , 
mandant  cependant  au  s'  de  Guébriant 
qu'il  relire  {sic)  autant  qu'il  pourra  Thanes 
et  les  autres  petites  places  qui  sont  au 
deçà  du  Rhin.  »  —  Et  encore  :  «  Escrire  à 
M.  du  Hallier  l'accident  qui  est  arrivé,  et 
que  si  M.  de  Guébriant  estime  à  propos 
qu'il  s'advance  vers  luy,  qu'il  le  face  sui- 
vant la  lettre  qu'il  en  recevra  de  luy.  — 
Enfin  :«  mander  àGuébriant  que  nous  l'es- 
timons assez  fort  pour,  avec  les  volontez 
du  roy,  rallier  les  troupes  de  M.  de  Wei- 
mar,  niesnager  la  volonté  des  chefs,  et 
soustenircet  employ  {sic),  qui  est  le  plus 
grand  et  plus  important  de  l'Estal,  et  que 


le  roy  luy  destine  s'il  le  juge  assez  fort 
pour  cet  effect.  —  Qu'on  ne  luy  peut  dire 
d'abord  ce  qu'il  offrira  à  chacun  des  chefs 
principaux  ,  comme  Oclien ,  d'Erlach , 
Chembech  et  les  autres  de  cette  condi- 
tion ,  parce  que  c'est  à  luy,  qui  est  sur  les 
lieux ,  à  recognoistre  la  portée  de  chacun 
d'eux ,  et  comme  on  peut  satisfaire  à  leurs 
prétentions,  sans  que  les  uns  soient  mes- 
conlens  {sic)  pour  l'amour  des  autres.  «  Les 
diverses  lettres  dont  Richelieu  donne  ici  la 
matière  ont  été  faites  par  de  Noyers,  ainsi 
que  le  dit  une  lettre  de  Richelieu  à  M.  de 
Guébriant,  du  28  juillet,  laquelle  sera 
mentionnée  aux  analyses. 

'  A  quoi  rapporter  ce  relatif  dans  cette 
phrase  confuse  et  embarrassée?  La  gram- 
maire dit  :  à  S.  A.  Est-il  besoin  d'avertir 
qu'il  faut  entendre  ici  :  «la  cause  pu- 
blique?» 

*  La  minute  de  la  lettre  «aux  colonels,» 
faite  sur  celte  matière ,  et  écrite  de  la  main 
de  Cherré,  est  dans  le  même  manuscrit, 
feuillet  non  coté,  entre  198  et  194. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


453 


CCXLVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Allemagne,  i5,  pièce  igS.  — 
Mise  au  nei,  devenue  minute,  de  la  main  de  Cherré. 
Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  SSg  v°.  —  Copie'.  — 
Saint-Germain-Harlay,  346,  l.  2,  fol.  7a4-  —  Copie. 

A  M.  D'ERLACl 

29°  juillet  1639. 

Monsieur,  le  roy  a  esté  si  sensiblement  touché  de  la  mort  de 
M''  le  duc  Weymar  qu'il  me  seroit  imposible  de  vous  le  représenter 
par  ces  lignes.  Je  ne  vous  dis  point  le  desplaisir  extresme  que  j'en 
ressens  en  mon  particulier,  parce  qu'il  vous  sera  aysé  de  le  juger  par 
l'estime  que  je  faisois  et  de  sa  personne  et  de  son  mérite.  Ce  n'a  pas 
esté  une  petite  consolation  à  S.  M.  dans  ce  fascheux  accident,  de 
sçavoir  que  vous  estes  dans  Brizak ,  se  reposant  tellement  en  vostre 
affection,  et  en  l'asseurance  que  vous  avés  donnée  de  garder  cette 
place  pour  son  service,  qu'elle  ne  doute  nullement  que  vous  ne  le 
faciès  et  que  vous  n'aportiés  toutes  les  précautions  nécessaires  à  cette 


'  «  Faite  sur  une  pièce  de  la  main  de 
Cherré.  »  Note  des  deux  manuscrits  de  la 
BiBliothèque. 

'  Cherré  a  mis  au  dos  de  cette  pièce  le 
nom  et  la  date.  La  lettre  à  d'Erlach  a  dû 
être  portée  par  M.  d'Oysonville ,  chargé 
d'aller  à  Brisach  traiter  avec  les  colonels. 
Elle  était  également  adressée  à  M.  de 
Guébriant ,  ainsi  qu'on  le  voit  par  le 
texte  même.  Il  s'agissait  de  négocier  avec 
les  gouverneurs  des  places  tenues  par  le 
duc  de  Weymar,  ainsi  qu'avec  les  chefs 
de  l'armée  weymariennc  pour  assurer  cette 
armée  à  la  France.  Pensions,  emplois,  di- 
gnités, on  ne  ménageait  rien  pour  obtenir 
ce  résultai;  toutes  ces  conditions  sont  mi- 
nutieusement énumérées  dans  cette  ins- 


truction ;  et  il  était  spécialement  recom- 
mandé aux  plénipotentiaires  de  faire  voir 
aux  chefs  de  cette  armée  qu'en  vertu  d'un 
article  secret,  dont  on  leur  envoyait  copie, 
le  duc  de  Weymar  lui-même  ne  reconnais- 
sait que  le  roi;  «la  raison  ne  permet  pas 
qu'il  facenl  en  cela  moins  que  luy.  »  Cette 
pièce  diplomatique,  datée  de  Mézières,  le 
37  juillet ,  se  trouve  en  copie  aux  archives 
des  Affaires  étrangères  (Allemagne,  t.  i5, 
pièce  i3ij  et  à  la  Bibliothèque  impériale 
(Cinq-cents  CoJbert,  t.  46,  f°  890  v°.)  Il  en 
sera  fait  mention  aux  analyses.  Il  convient 
de  remarquer  que  l'ambassadeur  devait 
'  suivre  en  tout  les  avis  et  les  mouve- 
mens  de  M.  Guébriant  sans  qu'il  s'en  dé- 
parle en  quelque  manière  que  ce  soit.  » 


454 


LETTRES 


fin.  Vous  sçaurés  de  M.  de  Guébriant  le  bon  traictement  que  le  roy  a 
lésolu  de  vous  faire'.  Pour  moy  j'ose  vous  respondre  que  vous  en  re- 
ceverés,  en  tout  temps,  des  traictemens  si  avantageux  et  si  favorables 
que  vous  aurés  tout  sujet  de  vous  louer  de  sa  bonté,  et  d'estre  sa- 
tisfaict  de  ceux  à  qui  elle  donne  sa  principale  confiance;  entre  les- 
quels vous  me  trouvères  tousjours  très-disposé  de  vous  servir  et  de 

vous  tesmoigner,  en  toutes  occasions,  que  je  suis  véritablem*^ 

Je  m'asseure  que  vous  n'oublierés  pas  d'asseurer  tous  ces  Mes- 
sieurs de  la  bonté  et  de  l'affection  du  roy  et  de  mon  service'. 


C'était  une  affaire  importante  de  ce  temps-là  et  pleine  de  difficultés  que  d'at- 
tacher à  ia  France  l'armée  aguerrie  et  victorieuse  de  M.  de  Weymar;  le  cardinal 
y  mit  toute  l'activité  de  son  caractère  et  toutes  les  habiletés  de  sa  politique;  il 
n'y  épargna  ni  argent,  ni  compliments,  ni  caresses.  Il  ne  se  contenta  pas  des 
lettres  écrites  aux  colonels  de  cette  armée ,  à  d'Erlach ,  l'ami  et  le  bras  droit  du 
feu  duc,  il  charga  coup  sur  coup  d'Oysonville ,  Guébriant,  Choisy  de  cette  épi- 
neuse négociation;  enfin  il  se  hâta  de  faire  venir  pour  la  commander  le  duc  de 
Longueville,  alors  employé  en  Italie.  L'instruction  donnée  à  M.  de  Choisy, 
datée  de  Mouzon  le  2  août,  est  pressante;  il  faut  qu'il  se  rende  en  toute  dili- 
gence, et  «  par  le  plus  court  chemin,  »  à  Bâle,  et  qu'il  unisse  ses  efforts  à  ceux 
des  deux  plénipotentiaires  que  nous  venons  de  nommer.  Le  duc,  par  son  tes- 
tament, avait  disposé  de  son  armée.  L'instruction  de  M.  de  Choisy  explique 
avec  beaucoup  de  clarté,  et  prouve  avec  une  grande  force  que,  formée  en 
partie  de  recrues  envoyées  par  le  roi,  levée,  nourrie,  entretenue  à  grands  frais 
avec  l'argent  de  la  France ,  cette  armée  ne  pouvait  pas  être  considérée  coname 


'  Celle  dernière  phrase  remplace  cinq 
lignes  qui  ont  été  barrées  dans  la  mise 
au  nel,  où  le  cardinal  disait  à  M.  d'Er- 
lach :  «  S.  M.  vous  envoie  les  provisions 
du  gouvernement  de  Brisac,  pour  la  te- 
nir en  son  nom ,  pour  le  bien  de  la  cause 
commune  et  des  asseurances  si  particu- 
lières, etc.  » 

*  Nous  trouvons  à  la  Bibliothèque  im- 
périale une  lettre  sans  suscription ,  et 
qu'on  donne  pour  être  adressée  par  Ri- 


chelieu «  à  quelqu'un  des  officiers  de  feu 
M.  de  We^'mar,  ou  à  plusieurs  d'eux.  »  La 
date  manque  à  cette  copie,  mais  on  l'a 
classée  à  la  fin  de  juillet.  Cinq-cents  Col- 
bert,  t.  46,  fol.  Sgo,  copie;  et  Saint-Ger- 
main-Harlay,  346,  t.  2,  p.  725;  copie. 
Nous  la  notons  aux  analyses, 

'  Cette  espèce  de  post-scriptum  a  été  écrit 
par  Cherré  après  coup,  en  tête  de  la  mise 
au  net,  n'y  ayant  plus  de  place  au  bas  de 
la  page. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


455 


la  propriété  païticulière  du  général  qui  la  commandait  au  nom  du  roi.  Cette 
instruction,  conservée  dans  plusieurs  manuscrits  à  la  Bibliothèque  impériale,  a 
été  imprimée  par  Aubery;  nous  nous  bornons  à  en  donner  une  idée  générale 
dans  une  note  de  la  lettre  du  19  août,  p.  48o  ci-après,  et  à  la  citer,  dans  son 
ordre  chronologique,  aux  Analyses. 


CCXLVm. 

Arch.  des  AfF.  élr.  Hollande,  t.  21,  pièce  116.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré  et  d'un  autre  secrétaire. 

Bibl.  inip.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  177.  — Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  2,  p.  3 19.  —  Copie. 


A  M.  LE  P.  D'ORANGE. 


3o  juillet  iBSg*. 


Monsieur, 

J'ay  receu  les  dernières  copies  des  passe-ports  du  curé  de  Loon  ', 
qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer.  Le  roy,  à  qui  je  les  ay  communiquées, 
a  esté  bien  ayse  de  voir  la  continuation  de  la  franchise  de  V.  A.  et 
de  M"  les  Estats,  de  la  bonne  foy  desquelz  S.  M.  se  tient  très-as- 
seurée.  Elle  attend  quelque  bon  effect  de  leurs  armes,  tel  que  les 
dernières  propositions  qui  luy  ont  esté  envoyées  de  vostre  part  luy 
donnent  lieu  d'espérer. 


'  «  Faite  sur  une  minute  ou  brouillart 
de  laninin  de  Cherré.  »  (Note  du  manuscrit 
deColberl.) 

'  La  minute  cl  les  deux  copies  man- 
(|ueiit  de  date;  on  a  mis  aprè.s  coup  et  au 
crayon,  en  tête  du  manuscrit  des  .VITaires 
étrangères  :  «  3o  juillet  1639.  • 

'  I.e  curé  de  Loon  était  un  agent  du 
cardinal  infant  que  ce  gouverneur  espa- 
gnol des  Pays-Bas  envoyait  en  Hollande, 
avec  la  mission  secrète  de  détacher  de  la 
France  le  prince  d'Orange  et  les  Etals  Les 
passe-ports  que  l'Espagne  et  l'Empereur 
devaient  donner  aux  députés  des  pays  alliés 


de  la  France,  pour  se  rendre  aux  négo- 
ciations de  Cologne,  et  dont  la  teneur  fut 
un  si  long  sujet  de  discussion  servaient  de 
prétexte  aux  voyages  du  curé  de  Loon  vers 
le  prince  d'Orange.  Celui-ci ,  sincèrement 
uni  à  la  France  et  qui  tenait  à  éloigner  de 
lui  tout  soupçon  de  négociation  suspecte, 
avertissait  le  cardinal  des  visites  du  curé. 
Richelieu  répond  ici  à  une  lettre  que  le 
prince  lui  avait  écrite  le  1 1  à  ce  sujet. 
Cette  lettre,  ainsi  qu'une  autre  adressée 
par  le  prince  au  roi,  se  trouve  aux  ar- 
chives des  Affaires  étrangères,  manuscrit 
de  Hollande,  cité  aux  sources,  f°'  91  el  98. 


456  LETTRES 

Cependant,  Monsieur,  je  suis  bien  aise  de  vous  pouvoir  mander 
que  celles  du  roy  font  tousjours  quelques  progrès  aux  lieux  où  elles 
sont.  L'armée  de  S.  M.  en  Languedoc,  commandée  par  M"'  le  Prince, 
ayant  pris  Salces  par  assault,  où  tout  ce  qui  s'estoit  trouvé  d'abord  a 
esté  tué  à  la  chaude,  estant  demeuré  seulement  5oo  hommes  de 
guerre  prisonniers,  entre  lesquels  le  gouverneur  et  huit  ou  neuf  offi- 
ciers se  sont  trouvez.  Cette  place  avec  Opoulz,  et  le  fort  S*-Ange, 
donnent  un  grand  pied  dans  tout  le  Roussillon,  dans  lequel  les  forces 
de  S.  M.  ne  demeureront  pas  oysives  le  reste  de  cette  campagne. 

En  Italie,  grâces  à  Dieu,  les  affaires  se  racommodent,  où  les  armes 
du  roy,  après  avoir  emporté  Chivas  à  la  vue  des  ennemis ,  qui  perdirent 
.1,200  hommes  sur  la  place  en  la  voulant  secourir,  ont  ensuitte  ré- 
duit Fossan  et  Saluées  en  l'obéissance  de  Madame,  et  emporté  de 
nouveau  Besne  par  force,  où  tout  ce  qui  estoit  dedanz  a  esté  tué. 

V.  A.  se  peut  asseurer  que  tout  ce  qui  vous  a  esté  mandé  pour 
response  à  vos  dernières  propositions  sera  ponctuellement  exécutté, 
par  où  vous  pourrés  cognoistre  la  grandeur  de  la  bonne  volonté  du 
roy  pour  les  affaires  de  ses  alliés,  puisqu'il  a  changé  le  dessein  de 
renforcer  ses  armes  d'Italie  pour  estre  en  estât  de  divertir  celles  que 
ses  ennemis  ont  de  deçà,  et  vous  donner  plus  de  moyen  de  faire  les 
progrès  que  vous  vous  promettes;  ce  que  je  désire  avec  passion  comme 
estant,  etc. 

'  Le  roy  a  tant  d'envie  de  favoriser  vos  desseins,  qu'ayant  laissé 
l'armée  de  M' le  mareschal  de  la  Meilleraie  du  costé  de  la  Flandre, 
il  est  venu,  avec  celle  que  commande  M'  de  Chastillon  et  ce  qu'il 
meine  tousjours  avec  luy,  dans  le  Luxembourg,  où  il  commença 
hier  à  faire  attaquer  Yvoy,  afin  de  contraindre  les  ennemis  de  diviser 
de  plus  en  plus  leurs  forces. 

Depuis  cette  lettre  escrite  nous  venons  de  savoir  l'asseurance  que 
vous  avés  donnée  aux  s"  d'Estrades  et  d'Amontot  d'exécutter  la  troi- 
siesme  proposition  que  vous  avés  faicte,  ce  dont  S.  M.  ne  doute  en 
aucune  façon. 

'  Celte  addition  est  de  la  main  de  l'autre  secrétaire. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


457 


CCXLIX. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-/(°,  p.  227.  —  Copie. 

AU  MARESCHAL  DE  LA  MEILLERAYE. 

De  Doncliery,  ce  3i  juillet  1639. 

M"'  de  Cornillon  est  revenu  de  trouver  Piccolominl  qui,  avec  force 
belles  paroles,  n'a  encore  rien  conclu  pour  nos  prisonniers'.  J'ay 
estimé  à  propos  de  vous  faire  sçavoir  ce  qu'il  rapporte  des  forces  de 
Piccolomini^.  .  . 

Il  rapporte  que  Lamboy  est  véritablement  avec  le  dict  Piccolomini , 
mais  qu'il  ny  est  venu  qu'avec  1 000  cbevaux  au  plus  et  sans  infanterie. . . 

Que  Piccolomini  est  puissamment  retranché,  et  sy  apprébensif  en 
sa  foiblesse  qu'il  ne  permet  à  personne  de  voir  son  retranchement. . .' 

Je  prie  Dieu  que  vous  preniés  si  bien  vos  mesures  que  vous  puis- 
siés  faire  quelque  chose,  et  en  vérité  j'ay  bonne  espérance  pour  vous 
et  pour  le  reste  des  armes  du  roy. 


'  M.  de  Cornillon  avait  été  envoyé  la 
veille,  3o  juillet,  vers  Piccolomini  avec 
une  lettre  où  le  cardinal  mandait  au  gé- 
néral allemand  que,  malgré  leur  exagéra- 
tion, on  acceptait  ses  propositions  concer- 
nant les  officiers  et  les  soldats,  «  espérant 
qu'il  se  trouvera  quelque  autre  occasion 
où  les  armes  de  la  France  seront  plus 
heureuses  qu'elles  n'ont  esté  à  Thionville.  » 
Quant  à  M.  de  Feuquières,  «V.  Ex.  veut, 
à  mon  avis,  prendre  prétexte  de  le  rete- 
nir longtemps  prisonnier,  ce  que  luy  et 
ses  amis  supporteront  avec  patience ,  tant 
qu'on  ne  proposera  pas  des  conditions  rai- 
sonnables pour  sa  liberté.  •  Dès  le  10  juin, 
une  instruction  avait  été  donnée  à  M.  de 
Cornillon  (qu'on  y  qualilie  «d'ayde  des 
camps  et  armées  du  roy»),  pour  traiter 

CARDIN.   DE  niCHELIEU. TI. 


avec  Piccolomini  de  la  rançon  des  prison- 
niers. On  a  vu  ci-dessus,  p.  399,  la  lettre 
écrite  à  cette  occasion  par  hichelieu  au 
comte  Piccolomini.  (Voir  aussi  aux  ana- 
lyses ,  à  la  date  des  30 ,  a  1  juin ,  et  3o  juil- 
let.) 

'  Nous  omettons  le  contrôle  assez  long 
et  Irès-détaillé  des  troupes  de  Piccolomini 
et  de  celles  du  cardinal  infant.  Le  total  des 
soldais  allemands  monte  à  4, 000  hommes , 
celui  des  troupes  espagnoles  et  wallonnes 
à  3  ou  4.000,  et  toute  la  cavalerie  réunie 
de  Piccolomini  et  de  l'infant  s'élève  tout 
nu  plus  à  4<ooo  chevaux. 

'  Nous  supprimons  encore  ici  une  liste 
d'officiers  généraux  de  l'armée  impériale 
et  de  l'armée  espagnole  qui  accompagent 
le  cardinal  infant. 

58 


458  LETTRES 

M''  de  Chastillon  a  aujourd'liui  investi  Ivoy,  el  il  se  promet  quen 
8  jours  il  aura  troussé  son  aifalre. 

M""  le  Prince  se  révolte  jusqu'à  ce  point  qu'il  espère  faire  encores 
quelque  chose  de  bon  dans  la  campagne  de  Roussillon,  où  il  y  a  di- 
verses autres  petites  places  capables  de  bien  incommoder  Perpignan. 
Ayés  soin  de  vostre  santé,  et  croyés  que  je  vous  seray  ce  que  je  vous 
ay  tousjours  esté  et  ce  que  vous  savés  que  je  vous  suis. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCL. 

Arcli.  des  AfF.  étr.  Allemagne,  l.   i5,  pièce  i33.  —  Mise  au  net  '. 

Bijjl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  l.  46,  fol.  333.  —  Copie. 

—  Bélhune,  9265  ,  fol.  65.  —  Copie. 

INSTRUCTION  DONNÉE  PAR  LE  CARDINAL  DE  RICHELIKl 

AU  SIEUR  DE  HEPPE. 

3i  juillet  1  dii). 

Le  roy  ayant  sceu  du  s""  de  Heppe  qu'il  s'en  retourne  trouver  ma- 
dame la  princesse  de  Poméranie,  et  qu'il  passera  à  Francfort,  où  se 
tient  à  présent  une  diète  électorale,  S.  M.  a  trouvé  bon  qu'il  tesmoi- 
gnast  à  M"  les  électeurs  ses  bonnes  et  sincères  intentions  pour  la  paix, 
comme  aussy  l'affection  qu'elle  a  tousjours  eue,  et  qu'elle  veut  con- 
server pour  l'Empire. 

C'est  de  quoy  le  d.  s'  de  Heppe  s'acquittera,  faisant  entendre  aux 
d.  s"  électeurs  tout  ce  dont  il  a  esté  informé  de  vive  voix  par  ordre 
de  S.  M. 

Elle  se  promet  aussy  qu'ils  y  adjousteront  aisément  foy  puisque 


'   Nous  n'avons  point  trouvé  l'original  seize  pages  dan»  le  manuscrit  des  Affaire» 

de  cetle  longue  instruction.  Le  manuscrit  étrangères,  mais  il  est  facile  de  voir  qu'il 

de  Coibert  averiil  que  sa  transcription  a  en  a  donné  la  matière.  Nous  y  cherchons 

été  faite  d'après  une  copie  de  Daridole.  Il  sa  pensée  en  en  reproduisant   quelque.", 

es!  inutile  de  dire  que  Richelieu  n'a  pas  fragments.  Le  titreque  nous  mêlions  en  tête 

dicté  ce  mémoire,  qui  n'a  pas  moins  de  de  celte  pièce  est  pris  du  ms.  de  Béthune. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  459 

tout  son  procédé,  pendant  cette  guerre,  a  faict  assez  paroistre  qu'elle 
n'a  eu  autre  dessein  que  d'empescher  la  maison  d'Austriche  d'abuser 
des  forces  de  l'Empire  pour  opprimer  les  auti-es  princes,  soit  dans 
l'Italie,,  ou  dans  l'Allemagne  mesme. 

L'on  a  peu  aussy  cognoistre  par  la  facilité  et  promptitude  qu'elle 
a  apportée  touchant  les  sauf-conduits  qui  luy  ont  esté  demandés'pour 
les  députez  de  tous  les  princes  qui  voudroient  envoyer  aux  assem- 
blées, qu'elle  désire  véritablement  de  voir  une  bonne  paix  establie, 

ce  que  le  d.  s' de  Heppe  déduira  plus  au  long  ^ S.  M.  a  jette  les 

yeux  sur  luy  parce  qu'elle  le  cognoist  très-désireux  du  bien  public  et 
du  repos  de  sa  patrie,  joinct  qu'estant  de  nation  allemande  il  aura 
plus  de  facilité  que  n'auroit  im  François  pour  se  trouver  en  la  d.  as- 
semblée. .  .  Il  fera  entendre  aux  d.  électeurs  que  S.  M.  peut  seule 
garantir  les  princes  de  la  chrestienté  contre  l'oppression  de  la  mai- 
son d'Austriche,  qui  s'est  tousjours  servie  de  la  puissance  impériale 
pour  les  assujettir. 

C'est  ce  que  faisait  l'empereur  défunct  en  faveur  des  Espagnols, 
pour  ruiner  le  défunct  duc  de  Mantoue,  lorsque  S.  M.  entendit  à  la 
diversion  qui  luy  fut  proposée  par  le  moyen  du  roy  de  Suède.  Tant 
que  les  Espagnols  attaquèrent  le  d.  s'  duc  dans  le  Monlferrat,  S.  M.  le 
défendit  par  la  puissance  de  ses  armes,  mais  quand  le  d.  empereur 
s'en  mesla,  et  qu'il  attaqua  le  Mantouan,  dont  il  prit  la  ville  capitale, 
cet  Estât  estant  trop  avant  dans  l'Italie  pour  y  faire  passer  aisément 
du  secours  de  France,  S.  M.  se  trouva  obligée  d'agréer  la  diversion 
du  roy  de  Suède,  sans  laquelle  led.  empereur  et  le  roy  d'Espagne 
n'eussent  point  faict  la  paix  de  Qucrasque,  et  eussent  rendu  la  guerre 
perpétuelle  dans  l'Italie. 

Que  dans  cette  rencontre  d'affaires  S.  M.  a  faict  cognoistre  bien 
clairement  qu'elle  ne  vouloil  point  contrevenir  à  l'affection  que  ses 
prédécesseurs  et  elle  ont  eue  tousjours  pour  l'Empire,  et  particuliè- 
rement pour  les  électeurs  qui  en  font  le  premier  et  principal  ordre, 

'  Ces  quatre  premiers  paragraphes  ont  le  manuscrit  des  All'aires  étrangères  et 
été  donnés  comme  une  pièce  à  part  dans        dans  celui  de  Colbert,  fol.  SSg. 

58. 


460  LETTRES 

en  ce  qu'il  fist  consentir  ledict  defunct  roy  de  Suède  à  une  neutralité 
avec  M'  le  duc  de  Bavière  et  les  autres  électeurs  et  princes  catho- 
liques; et,  pour  ce  qui  est  des  protestans,  ils  estoient  en  assez  bonne 
intelligence  avec  ledict  roy  sans  que  S.  M.  s'interposast  pour  eux. 

Depuis  M'  l'électeur  de  Tresves  ayant  eu  recours  à  son  interposi- 
tion et  assistance,  elle  le  garantit  de  la  ruine,  dont  il  estoil  menacé 
par  les  armes  dud.  roy  de  Suéde. 

Cela  estant  ainsy,  comme  chacun  sçayt,  les  s"  électeurs  ne  peuvent 
douter  que  S.  M.  n'a  eu  aucun  dessein  particulier  contre  eux  pendant 
toute  cette  guerre,  ny  contre  l'Empire;  mais  qu'ayant  veu  leurs  armes 
employées  contre  elle,  en  faveur  des  Espagnols  dans  les  Pays-Bas  et 
la  Franche-Comté,  et  leur  perpétuelle  adhérence  à  la  maison  d'Austri- 
che,  elle  n'a  peu  qu'elle  n'ayt  agi  hostilement  contre  leurs  troupes. .  . 

Lesdicts  électeurs  peuvent  juger  s'il  leur  importe  qu'on  ne  lein- 
puisse  imputer  à  crime  d'implorer,  dans  la  nécessité,  l'assistance  des 
rois  et  princes  voisins  et  amis  de  l'Empire 

Leur  connivence  à  approuver  la  violence  que  les  Espagnols  ont 
l'aicte  à  M'  l'électeur  de  Tresves  ne  va  à  rien  moins  qu'à  abandonner 
aux  passions  de  la  maison  d'Austriche  sinon  tout  le  collège  élec- 
toral, au  moins  chacun  électeur  en  particulier,  qui  ne  voudra  pas 
donner  son  suffrage  pour  perpétuer  l'Empire  en  cette  race 

Le  s'  de  Heppe  leur  monstrera  combien  il  leur  importe,  lors  d'un 
traicté  de  paix,  de  rendre  leurs  personnes  et  leurs  dignités  invio- 
lables. .... 

11  leur  représentera  les  Espagnols ,  sous  prétexte  des  droits  de 

l'Empire,  usurpant  les  fiefs  tenus  par  le  duc  de  Mantoue et 

jusque  dans  l'Allemagne  où  ils  détiennent  le  bas  Palatinat ils 

ont  encore  pris  prétexte  des  droits  de  1  Empire  pour  troubler  Ma- 
dame dans  la  tutelle  que  la  nature  et  toutes  les  lois  luy  donnent  de 

la   personne  et  des  Estais  du  duc  son   fds Ce   qui  a   donné 

sujet  à  son  Altesse  de  mettre  quelques  places  du  Piedmonl  entre 
les  mains  du  roy,  estant  résolue  que,  plus  les  Espagnols  en  pren- 
dront ou  feront  soulever,  plus  elle  en  déposera  à  S.  M.  pour  faire 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  461 

un  contrepoids  esgai,  ce  qui  ne  peut  que  rendre  la  paix  d'autant  plus 
difficile,  si  les  Espagnols  ne  se  résolvent  à  rendre  celles  qu'ils  ont 
occupées. 

Qu'il  a  ouï  dire  en  France  que  le  roy  ne  désire  retenir  aucune 
place  en  Italie  que  Pignerol,  qu'il  a  acquis  légitimement  de  M' le  duc 
de  Savoie 

Qu'il  ne  suffît  pas  de  faire  la  paix,  il  faut  avec  cela  la  rendre  seure 
et  de  durée,  tant  dedans  l'Empire  que  dehors Les  d.  s"^  élec- 
teurs y  pourvoiront,  en  se  conservant  l'autorité  qui  leur  appartient 
sur  les  forces  de  l'Empire,  en  sorte  qu'elles  ne  puissent  estre  em- 
ployées au  dedans  ny  au  dehors  qu'après  meure  délibération  et  ré- 
solution prise  entr'eux  en  une  diète,  et  que  les  empereurs  ne  donnent 
aucun  décret  contre  les  princes  tenant  des  lîefs  de  l'Empire,  qui  ten- 
dent à  les  mettre  au  ban  impérial  et  à  les  priver  des  dicls  fiefs  qu'avec 
la  mesme  solennité. 

Qu'une  bonne  union  entre  les  d.  électeurs  est  très-nécessaire 
pour  maintenir  la  grandeur  de  leur  dignité  et  leur  autorité,  que  la 
maison  d'Austriche  essaiera  tousjours  d'abaisser. 

Que  le  plus  excellent  moyen  qu'il  y  auroit  de  rendre  la  paix  as- 
seurée  et  de  longue  durée  seroit  de  faire  une  ligue  entre  tous  les 
princes  de  la  chrcstienté  pour  quelques  années,  pendant  laquelle  les 
collègues  seroienl  obligés  de  faire  la  guerre  à  celuy  des  d.  princes  qui 
voudroit  contrevenir  aux  conditions  de  la  paix,  après  que  l'on  auroit 
essayé  de  l'en  empescher  par  négociation 

I^e  s'  de  Heppe  pourra  faire  entendre  aux  électeurs  que  le  roy  ne 
désire  rien  tant  que  de  les  voir  jouir  pleinement  de  l'autorité  qui 
appartient  à  la  dignité  qu'ils  soutiennent 

Si  dès  à  présent  les  d.  électeurs  ou  aucun  d'eux  vouloient  faire 
ligue,  trefve,  ou  neutralité  avec  S.  M.  le  d.  s'  de  Heppe  en  escoutera 
les  propositions  pour  les  luy  faire  sçavoir,  et  mesme  il  les  y  pourra 

induire par  cette  considération  que  la  guerre  se  faict  à  leurs 

seuls  despens,  parce  que  les  Estats  de  la  maison  d'Austriche  sont  sy 
esloignés  qu'ils  n'en  souffrent  aucune  incommodité,  pendant  qu'eux 


462  LETTRES 

s'affoiblissent  de  telle  sorte  qu'elle  pourroil  bien  en  profiter  à  leur 
dommage 

Si  on  luy  parle  de  la  Lorraine,  il  pourra  dire  que  c'est  une  alfaire 
qui  n'a  rien  de  commun  avec  les  générales,  le  roy  ayant  attaqué  le 
duc  Charles  pour  des  offenses  particulières 

Si  on  luy  demande  ses  sentimens  pour  l'Alsace ,  il  dira  que  le 
décès  de  M'  le  duc  Bernard  pourra  faciliter  cette  affaire;  il  tesmoi- 
gnera  à  tout  le  monde  le  regret  que  S.  M.  a  de  sa  perte,  dont  elle 
et  toute  sa  cour  sont  en  deuil 

S'il  se  trouve  que  l'on  conçoive  de  grandes  difficultés  à  adjuster 
tant  d'intéresls  différons,  comme  il  faudra  faire  dans  une  paix,  il  es- 
saiera de  leur  faire  venir  en  pensée  qu'une  trefve  générale  de  longues 
années  seroit  plus  aisée  à  faire,  à  quoy  le  duc  de  Bavière,  l'électeur 
de  Mayence,  et  autres  qui  détiennent  quelques  terres  au  Palatin  ne 
devront  pas  eslre  contraires 

Led.  s' de  Heppe  ne  doit  point  agir  de  la  part  de  S.  M.  \  mais  comme 
personne  affectionnée  au  bien  et  repos  de  sa  pairie,  qui  sert  un  prince 
neutre,  qui  a  apris,  par  occasion,  les  sentimens  de  deçà,  et  qui  est 
bien  aise  d'en  informer  les  d.  électeurs  pour  procurer,  en  tant  qu'à 
luy  est,  la  tranquillité  de  l'Empire.  11  pourra  tousjours  nommer  le  roy 
de  Hongrie  empereur,  puisqu'il  ne  parle  point  comme  ministre  de 
Sa  Majesté. 

Dernier  juillet  lôSgà  Mouson. 


'  La  mission  du  s'  de  Heppe  n'avait, 
comme  on  voit,  rien  d'officiel;  il  n'était 
point  au  service  de  France,  et  ne  pouvait 
s'entremettre  qu'officieusement.  Dans  un 
des  passages  que  nous  avons  omis  vers  le 
commencement  de  cette  pièce ,  il  était 
dit  :  «  Le  s'  de  Heppe  fera  entendre  aux 
électeurs  qu'il  a  demeuré  en  celte  cour 
quelque  temps  pour  les  affaires  du  jeune 
duc  de  Croy  dont  il  a  le  soin,  et  que,  pre- 


nant congé  de  S.  M.  pour  s'en  revenir  à 
Francfort,  elle  luy  a  dict  que,  puisqu'il  se 
rencontreroit  en  lad.  ville  pendant  la  tenue 
de  l'assemblée  électorale ,  elle  auroit  agréé 
qu'il  asseurast  les  électeurs  de  ses  bonnes 
et  sincères  intentions  pour  procurer  et 
asseurer  le  repos  de  la  chreslienté ,  comme 
aussy  de  l'alFection  de  S.  M.  vers  l'Em- 
pire, et  spécialement  vers  les  d.  s"  élec- 
teurs. » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  463 


CCLl. 

Arch.  d(.s  Aff.  élr.  Turin,  1.  27 ,  fol.  28.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

t.  2g,  fol.  6A.  —  Original. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Hariay,  347,  ^°'-  ^^^  ^^  ^°^-  ~~  Copies  '.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Qq.  *  (extrait). 

A  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE, 

1"^  août  1 63y. 

Monseigneur, 

Le  roy  rappelant  d'Italie  M'  de  Longueville  pour  l'envoyer  en 
Allemagne  commander  les  troupes  de  M""  de  Weymar,  que  la  peste 
nous  a  ravi ,  toutes  les  aflaires  d'Italie  demeurent  en  vos  mains  comme 
elles  estoient,  et  parlant  c'est  à  vous  à  les  conduire  en  sorte  que  le 
succès  en  soit  heureux.  Je  vous  supplie  d'avoir  deux  choses  en  teste, 
le  reste  de  cette  campagne  : 

L'une  est  de  contraindre  Conis,  Revel,  et  autres  petites  places  de 
ces  quartiers  là,  de  se  rendre  en  leur  devoir;  l'autre  de  prendre  ou 
Verrue,  ou  Asl,  ou  Villeneuve  d'Ast,  pour  vous  ouvrir  le  chemin  de 
Casai.  Moyennant  cela  je  croy  que  les  allaires  iront  bien  en  Italie  et 
que  nous  n'y  aurons  rien  perdu  ;  sans  cela  je  vous  avoue  que  je  ne 
croirois  pas  que  la  campagne  se  passast  heureusement  à  l'esgard  des 
eBbrls  que  nous  avons  faicts  pour  l'Italie,  et  du  grand  nombre  de 
troupes  que  nous  y  avons  envoyé.  J'espère  que  M*^  de  La  Motte,  que 
M'  de  Longueville  a  ordre  de  vous  laisser,  vous  servira  fort  bien. 
Vous  avés  quantité  d'excellens  officiers;  je  sçay  quel  est  vostre  cœur 
et  votre  zèle,  et  partant  je  vous  promets,  Monseigneur,  ce  que  vous 
mcsme  sauriés  désirer  pour  le  service  du  roy  et  pour  vostre  léputa- 
tion  que  je  souhaite  autant  que  vous  mesme;  vous  asseurant  que  vous 

'  Une  annotation  du  manuscrit  de  Har-        l'original,  et  celle  du  folio  a56surunecopie 
la\  porte  que  la  première  copie  est  prise  sur        deCherré.  —  *  Voy.  ci-dessus  p.  56,  note  2. 


464  LETTRES 

n'aurés  jamais  tant  d'affection  pour  ce  qui  vous  touche  que  je  vous 
en  tesmoigneray  en  toutes  occasions,  comme  estant, 
Monseigneur, 

Voslre  irès  humble  et  très  affectioniK!  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Mouson,  ce  i"  aoust  1689. 


CCLII. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  186,  in-4°,  p.  23 1. — Copie. 

A  M.  DE  LA   MEILLERAYE. 

De  Mouzoo ,  ce  g  aoust  i  ôSg. 

Je  ne  saurois  vous  tesmoigner  la  joye  que  j'ay  du  bon  succès  de 
vostre  combat  que  le  roy  luy-mesme  a  qualifié  de  bataille  avec  rai- 
son, puisque  les  deux  généraux  y  estoient,  qu'il  y  avoit  infanterie  et 
cavalerie  et  canon.  Je  prie  Dieu  que  la  suitte  en  soit  telle  que  le  com- 
mencement, et  me  le  promets  par  sa  bonté,  par  vostre  conduite  et 
vostre  bonne  fortune;  ne  doutant  point  que  vous  n'ayés  pris  le  meil- 
leur parti  que  vous  aurés  pu  prendre  après  un  si  bon  événement. 

J'ay  faict  valoir  autant  qu'il  m'a  esté  possible  auprès  du  roy  la  gé- 
nérosité de  tous  ceux  qui  se  sont  signalés,  ainsy  que  vous  me  l'avés 
mandé. 

Je  ne  vous  saurois  dire  combien  je  plains  la  blessure  de  M'  de 
Monteclair,  et  la  consolation  que  j'ay  d'avoir  esté  asseuré,  par  le  s'  de 
Chouppes,  que  si  son  mal  estoit  douloureux  il  ne  seroit  pas  dange- 
reux. Je  luy  escris  et  luy  envoyé  un  petit  secours  que  le  s'  de  Chouppes 
luy  remettra;  je  ressens  aussy  beaucoup  de  douleur  des  autres  oflG- 
ciers  qui  se  sont  perdus  en  cette  occasion ,  mais  le  succès  a  esté  sy 
bon  qu'encores  peut-on  dire  que  vous  l'avés  eu  à  bon  marché. 

Je  vous  prie  de  tesmoigner  à  M"  de  Gassion  et  de  La  Ferlé,  qui 
estoient  en  cette  occasion,  l'estime  que  je  fais  de  la  conduite  et  du 
cœur  qu'ils  y  ont  tesmoigné;  et  dire  au  gros  M' de  La  Ferté  que  nous 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  465 

n'avons  pas  oublié  d'exhorter  le  bon  homme  à  soustenir  le  lustre  de 
sa  maison  en  sa  personne. 

Au  mesme  temps  que  nous  avons  receu  vostre  lettre  et  la  bonne 
nouvelle,  nous  avons  eu  aussy  avis  que  M"  le  cardinal  de  La  Valette 
et  de  Longueville  estoient  entrés  dans  la  citadelle  de  Turin  avec  un 
léger  combat.  On  nous  mande  qu'ils  espèrent  forcer  dans  la  ville  le 
P.  Thomas  et  le  marquis  de  Leganes,  qui  s'y  sont  retranchés.  Si 
Dieu  nous  donne  ce  bon  succès,  comme  ceux  qui  nous  escrivent  n'en 
doutent  point,  nous  luy  devrons  de  grandes  grâces  du  bonheur  de 
nostre  campagne,  qui,  mal  commencée  par  le  malheur  de  M'  de  Feu- 
quières,  sera  bien  achevée  par  la  bénédiction  que  Dieu  verse  sur  vous 
et  sur  tous  les  généraux  du  roy.  Piccolomini  est  à  Arlon  avec  toute 
son  armée  et  celle  de  Beck;  ils  craignent  le  siège  de  Thionville,  auquel 
nous  pensons,  comme  vous  savés;  je  croy  qu'il  se  di.spensera  de  nous 
faire  du  mal,  et,  si  M'  de  Chastillon  a  quelque  bénédiction  hugue- 
notte,  peut-eslre  luy  en  pourra-t-il  faire. 

Le  rasement  de  nostre  conqueste  luxembourgeoise  sera  achevé 
après  demain;  Ivoy  aura  esté  et  ne  sera  plus;  pour  moy,  je  seray 
tousjours  ce  que  je  vous  suis,  qui  est  à  dire  ce  que  vous  avés  cognu 
par  le  passé,  et  ce  que  vous  cognoistrés  en  toutes  occasions. 

'  Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCLIII. 

Arch.  des  AIT.  étr.  Pays-Bas,  l.  i3.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  i4i. — Copie'. 

Bibl.de  l'Arsenal,  Hist.  186  in-4°,  p.  235.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

De  Mouzon,  ce  lo'  aoust  iGSg  '. 

Je  dois  vous  dire  en  très-grand  secret,  par  ce  porteur,  dont  le 

'  Le  manuscrit  de  Colbert  met,  à  la  nal  de  Richelieu;  minute  originale  de  la 
marge  de  sa  copie,  cette  annotation  :  a  Mé-  main  de  Cherré.  •  —  "Le  nom  de  lieu  est 
moire  à  M.  de  la  Meilleraie  par  le  cardi-        donné  par  le  manuscrit  de  l'Arsenal. 

CAHDIM.  DE  niCHELIEl).  —  VI.  .  DQ 


466  LETTRES 

voyage  estasseuré,  que  le  roy  faicl  eslal,  aussytost  qu'il  aura  la  nouvelle 
qu'il  espère  du  chassement^  des  ennemis  de  la  ville  de  Turin,  de 
partir  pour  s'y  en  aller.  Cela  faict  que  je  seray  très  aise  que  nous  sa- 
chions, devant,  ce  que  vous  aurés  faict,  et  ce  que  vous  ponvés  faire; 
vous  conjurant  de  vous  souvenir,  en  nostre  absence,  du  précepte  que 
je  vous  ay  donné  plusieurs  fois,  de  ne  rien  hasarder  cette  année,  et 
de  conserver  vostre  personne.  Je  vous  en  conjure  autant  qu'il  m'est 
possible,  et  en  vostre  considération  et  en  la  mienne. 

Nous  vous  laissons  deux  régi  mens  pour  vous  renforcer,  sçavoir  est 
Brosse  qui  est  près  de  vous,  et  du  Tôt  qui  n'en  est  pas  loin,  estant 
en  Normandie.  Vous  aurés  soin  de  les  envoyer  solliciter  de  vous 
joindre,  si  vous  en  estes  pressé.  On  leur  a  donné  leur  route  pour  aller 
à  Ardres,  ce  que  vous  changerés  selon  les  lieux  où  vous  irés. 

Nous  recevrons  encores  de  vos  nouvelles  devant  que  de  nous  esloi- 
gner,  et  vous  en  aurés  dos  nostres. 

J'ay  sceu  le  péril  que  vous  et  M''  de  Coislin  avés  couru  du  canon 
des  ennemis;  au  nom  de  Dieu  conservés-vous  tous  deux,  je  vous  en 
prie. 


CCLIV 
I  Communication  de  M.  de  Guitaut.  —  Original. 

A  M.  LE  COMMANDEUR  DE  GUITAUT  \ 

GOUVERNKUR   DFS  ISLrs  SA'NTE-MARGUEBITE   ET  SAINT-HONOr.AT  DE   LERINS. 

10  aousl  1639. 

Monsieur,  ayant  veu,  par  ce  que  vous  avés  escrit  à  Cherré,  la 
peyne  où  vous  estes  de  sçavoir  comme  quoy  vous  devés  faire  poser 

'  Depuis  le   mol   chassement  jusqu'au  second  fils  de  François  de  Cominges ,  sei- 

raot  aller,  ce  passage  est  clii£Fré,  sans  dé-  gneur  de  Guitaut.  Le  père  Anselme  ne  dit 

chiffrement,  dans  le  manuscrit  de  l'Arse-  rien  de  lui,  sinon  qu'il  était  gouverneurdes 

nal ,  dont  la  copie  doit  avoir  été  faite  sur  îles  Lerins.  Toutes  les  lettres  que  Riclie- 

l'original.  lieu  lui  adresse  prouvent  que  lo  cardinal 

'Charles  de  Pechpeirou  et  de  Cominges,  faisait  de  Charles  de  Guitaut  une  grande 

chevalier  de  Malte,  commandeur  d'Astres,  estime,  et  comptait  sur  sa  capacité,  ainsi 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  467 

les  armes  du«roy  el  les  miennes,  que  vous  avés  faict  faire  à  Gennes 
sur  les  portes  de  la  place  où  vous  estes,  je  vous  fais  cette  lettre  pour 
vous  dire  que  je  désire  que  vous  faciès  mettre  sur  chacune  des 
dictes  portes  les  armes  de  S.  M.  et  les  miennes  au  dessous,  et  non 
pas  les  unes  sur  une  porte  et  les  autres  sur  l'autre,  comme  vous  le 
proposiés. 

J'ay  parlé  à  M''  de  Noyers  pour  sçavoir  s'il  y  auroit  moyen  de 
vous  envoyer  des  fonds  pour  la  continuation  de  vos  fortiffications. 
Il  m'a  dict  qu'il  n'y  avoit  pas  de  fonds  à  présent,  mais  qu'il  esloit 
deu,  par  les  terres  adjacentes,  la  somme  de  quarante  mil  livres,  que 
M""  de  Charapigny  '  a  ordre  de  faire  payer,  qu'on  destine  pour  la  def- 
fense  des  places  de  la  couronne,  et  dont  vous  aurés  vostre  paît 
comme  les  autres,  et  en  attendant  qu'on  en  envoie  d'ailleurs. 

Vous  faictes  fort  bien  de  ne  donner  point  congé  aux  officiers  de 
vostre  garnison  d'aller  chez  eux  durant  l'esté,  pour  ne  pas  affoiblir 
la  garde;  mais  je  trouveray  bon  que  vous  donniés  permission  à  ceux 
qui  auront  des  affaires  d'y  aller  mettre  ordre  pendant  l'hiver,  pourveu 
que  vous  ne  laissiés  sortir  que  deux  ou  trois  officiers  à  la  fois,  et 
que  vous  différiés  d'en  laisser  sortir  d'autres  que  les  premiers  soient 
revenus  dans  la  place. 

Je  suis  bien  fasché  de  voir  que  le  s'  de  Hérisson  ne  se  conduit  pas 
envers  vous  comme  il  devoit.  S'il  n'e-stoit  point  porté  par  mon  oncle 
le  grand  prieur,  dont  vous  cognoissés  l'humeur,  j'y  apporterois  l'ordre 
que  vous  pouvés  désirer,  mais  la  considération  de  ce  grand  homme , 
(jue  je  respecte,  me  retient  et  me  faict  vous  prier  d'en  souffrir  et  pour 


que  sur  son  zèle  pour  le  service  du  roi. 
Dans  une  lettre  du  26  janvier  i6ltO,  le 
cardinal ,  le  remerciant  de  son  affection, 
ajoute  :  •  Vous  n'en  pouvés  avoir  pour 
personne  qui  vous  aime  et  honore  davan- 
tage que  je  fais.»  (Lellre  notée  aux  Ana- 
lyses. )  —  Richelieu  rapporte ,  dans  ses 
Mémoires,  qu'au  siège  de  la  Rochelle  le 
chevalier  de  Guilaut  captura  un  des  bâti- 


ments de  la  flotte  anglaise  qui  tentait 
de  ravitailler  la  ville  assiégée,  et  que  le 
roi  lui  donna  la  cargaison ,  évaluée 
10,000  écus. 

'  11  était  intendant  de  justice,  police 
el  finances  en  Provence.  Dans  une  autre 
lettre  adressée  à  M.  de  Guitaul ,  écrite 
vers  la  fin  de  1689,  nous  le  voyons  fai- 
sant un  acte  de  police  judiciaire. 

59. 


468  LETTRES 

l'amour  de  luy,  et  pour  l'amour  de  moy,  autant  que  vostre  honneur, 
et  la  seurelé  de  vostre  place  vous  le  peuvent  permettre'.  Vous  m'o- 
bligerés  d'y  pourvoir  de  sorte  que,  quand  vous  serés  obligé  d'en 
sortir  pour  faire  voStre  visite  de  l'isle  et  de  la  coste,  il  n'en  puisse 
arriver  d'inconvénient  en  vostre  absence. 

Au  reste,  n'appréhendés  point  que  l'on  vous  puisse  rendre  de 
mauvais  offices,  ny  qu'on  vous  puisse  nuire  auprès  de  moy;  outre 
que  je  vous  tiens  homme  d'honneur,  j'ay  trop  de  confiance  en  vostre 
lidélité  et  vostre  affection  envers  moy,  pour  croire  aucune  chose  qui 
vous  puisse  estre  préjudiciable  Ayés  donc  l'esprit  en  repos  de  ce 
costé  là,  continués  à  servir  comme  vous  avés  faictjusques  icy,  songes 
à  la  conservation  de  la  place  où  vous  estes,  et  vous  asseurés  de  mon 
affection,  et  que  je  seray  lousjours, 
Monsieur, 

Vostre  plus  affectionné  à  vous  servir. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
1  o  aoust  1  689. 


CCLV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  t.  27,  fol.  36.  —  Minute  autographe. 

Bibl.  imp.  Saint-Gcrmain-Harlay,  3^7.  fol.   203  v°.  —  Copie'.  — 

Dupuy,  l.  767,  cahier  Qq.  (extrait)  \ 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

i4  aousl  1639. 

Monseigneur, 
Le  roy  juge  l'affaire  de  Turin  sy  importante  qu'aussystost  qu'il  a 

'   M.  de  Guitauteul  égard  à  cette  recom-  ciers  de  ia  garnison  des  isles.  •  Cette  lettre, 

mandation  de  Richelieu,  qui  lui  écrivait,  .sans  date,  sera  mentionnée  aux  .Analyses, 
vers  la  fin  de  lôSg  :  «  Mon  oncle  le  grand  '   Une  note  marginale  avertit  que  cette 

prieur  m'a  tesmoigné  avoir  grande  satisfac-  transcription    est   faite    sur    une    «copie 

lion  du  bon  traiclement  que  vous  faicles  escrile  de  la  main  de  M.  le  cardinal  luy- 

au  s'  de  Hérisson,  et  de  l'union  et  inlelli-  mesme.  » 
gence  qui  e^t  entre  vous  et  tous  les  ofli-  '  Voy.  ci-dessus,  p.  56,  note  a. 


•     DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  /i69 

creu  qu'elle  pouvoit  tirer  de  longue,  il  s'est  résolu  de  s'avancer  jus- 
ques  à  Pignerol.  Il  mène  avec  luy  i  ,200  chevaux  et  toutes  ses  gardes 
françoises  et  suisses;  en  sorte  que,  ramassant  ce  qui  se  prépare  vers 
l'Auvergne  et  le  Lyonnois,  nous  passerons,  s'il  plaist  à  Dieu,  avec 
10,000  hommes  de  pied. 

Je  prie  Dieu  qiie  vous  puissiés  chasser  sytost  4es  Espagnols  de  la 
ville  de  Turin  que  nous  ayons  à  nous  occuper  à  autre  chose;  si  cela 
est,  j'espère  que  les  affaires  d'Italie  prendront  un  fort  bon  chemin. 

Le  roy  ny  ses  serviteurs  ne  peuvent  croire  que  Madame  se  soit 
opiniastrée  à  vouloir  demeurer  dans  la  citadelle  de  Turin,  où  sa 
personne  ne  peut  qu'estre  à  très  grand  embarras. 

Si  elle  est  sy  contraire  à  elle  mesme,  au  moins  ne  refusera-t-elie 
de  faire,  par  le  conseil  d'un  si  bon  frère,  ce  que  la  raison  devoit  desjà 
luy  avoir  faict  faire. 

La  meslîance  qu'elle  a  jusques  icy  tesmoignée  de  S.  M.  faict  qu'il  ne 
passera  point  par  la  Savoie;  c'est  à  elle  de  voir  si  elle  veut  voir  le  roy 
à  Grenoble,  ou  à  Pignerol.  Je  croy  qu'il  luy  sera  plus  commode  à 
Grenoble,  ne  jugeant  qu'elle  puisse  maintenant  choisir  une  autre  de- 
meure que  la  Savoie  avec  M'  son  fils,  si  ce  n'est  qu'elle  voulust  ache- 
ver de  perdre  ses  affaires,  comme  elle  a  bien  commencé  '. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  ce  que  nous  jugeons  que  vous  puissiés 
faire  pour  chasser  les  ennemis  de  Turin,  parce  que  de  loin  on  juge 
fort  mal  des  choses  au  prix  de  ceux  qui  en  sont  près.  Seulement  es- 
timé-je  qu'à  toute  extrémité,  les  ennemis  ne  vous  sauroient  empes- 
cher  de  mettre  le  feu  aux  plus  proches  maisons  de  la  citadelle,  ce 
qui,  par  un  bon  vent  que  vous  sauriés  bien  choisir,  le  peut  porter 


'   Le  roi  écrivit  le  même  jour,  i4,  à  la  Je  m'avance  en  personne  ver»  Lyon  pour 

iluchesse  de  Savoie  une  lettre  autographe,  empescher  que   vos   ennemis   n'achèvent 

évidemment  dictée  par  Richelieu  :  «  Bien  de  vous  perdre.  J'espère  vous  revoir  dans 

que  voslre  conduite   envers  moy  m'osie  les  Estais  de  mon  neveu,  vostre  lils,  aussy 

toute  facilité  de  vous  assister,  lui   disait  puissante    que   la   raison  veut  que  vous 

I^ouis  XIII,   mes  senlimens  de  frère  ne  soyés.  •  Celte  lellre  sera  notée  aux  Ana- 


me  permettent  pas  de  vous  a!;andonner.        iyses. 


470  LETTRES 

bien  avant  dans  la  ville,  et  vous  faciliter,  par  ce  moyen,  celiiy  d'en 
cliaser  pied  à  pied  les  ennemis. 

Je  sçay  bien  que  vous  n'oubiierés,  etc. 


CCLVl. 

Arcl).  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  29,  fol.  io4  (original!,  et  t.  27,  fol.  Sy.  —  Minute'. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  3^7,  fol.  5oi  v°. — Copie*. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

S"Menehould,  16  aoust  lôSg. 

Monseigneur, 

La  dépesche  que  le  roy  vous  faict  porte  tout  ce  qu'on  vous  peut 
mander  de  particulier^.  Seulement  vous  conjureray-je  par  cette  lettre 
de  ne  demeurer  pas  les  bras  croisés,  et  de  loger  vostre  armée  en  lieu 
sy  commode,  proche  de  la  citadelle  de  Turin,  qu'elle  ne  se  dis.sipo 
point  et  que  vous  puissiés  estre  en  estât  de  combattre  les  ennemis 
en  mesme  temps  qu'ils  viendront  entreprendre  une  circonvallation  de 
la  citadelle.  Par  ce  moyen  nous  nous  résoudrons  à  la  patience,  et, 
fournissant  bien  la  citadelle  de  toutes  choses,  il  sera  impossible  aux 
ennemis  de  la  prendre ,  ayant  tousjours  une  armée  proche  pour  la  ra- 
fraischir. 

Au  nom  de  Dieu,  Monseigneur,  mettés-vous  cette  fin  en  teste,  et 
songes  à  tous  les  moyens  qui  pourront  y  servir.  Il  y  va  de  vostre  ré- 
putation, qui  m'est  aussy  chère  qu'à  vous  mesme;  et  de  là  deppend  le 
bon  succès  de  toutes  les  affaires  de  la  chrestienté. 

Le  roy  a  tant  de  confiance  en  vous  qu'il  mande  M''  de  Longueville 
pour  aller  en  Allemagne.  M.  de  Turenne,  que  j'ay  sceu  estre  passé  à 

'  Celte  minute  porte  la  date  du  1 4  août,  ''  «  Faite  d'après  l'original.  <i  (Noie  mar- 

i'original  ne  fut  signé  que  deux  jours  plus  giuale  du  manuscrit.) 
tard.  La  pièce  avait  été  préparée  pour  la  '  Nous  n'avons  pas  celte  dépêclie. 

continuation  des  Mémoires  de  Richelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  471 

Lyon,  vous  pourra  beaucoup  soulager;  il  vous  laisse  aussy  M""  de  la 
Molle  jusques  à  la  fin  de  cette  campagne. 

Souvenés-vous,  je  vous  supplie,  que  la  diligence,  la  fermeté  aux 
résolutions,  et  la  hardiesse  à  exécuter,  sont  l'âme  des  affaires  de  la 
guerre;  ce  que  je  vous  remarque  d'autant  plus  volontiers  que  je  sçay 
que  vostre  naturel  vous  porte  à  ce  que  je  vous  propose.  En  vérité. 
Monseigneur,  vous  ne  sauriés  croire  la  grande  tendresse  que  j'ay  pour 
vous,  et  combien  je  désire  un  grand  succès  pour  vostre  avantage. 

Le  roy  a  donne  la  compagnie  du  pauvre  Campelz  à  son  neveu,  pour 
l'amour  de  vous.  J'ay  creu  que  vous  ne  sériés  pas  lasché  que  je  sol- 
licitasse cette  affaire  avec  le  major  de  Metz,  qui  s'en  est  retourné 
bien  content.  J'ay  faicl  cognoistre  aux  habitans  de  Metz  devant  luy  la 
confiance  que  le  roy  a  en  vostre  personne,  dans  la  défiance  qu'il  doit 
avoir  de  M'  de  La  Valette. 

Je  crois  que  les  mauvais  desseins  qu'il  peut  avoir  de  ce  costé-là 
seront  sans  effect,  le  s'  de  Campelz  s'en  estant  retourné  bien  instruit 
de  ce  que  M'  de  Roquepine  et  luy  doivent  (aire  pour  s'en  garantir. 

L'argent  ny  les  munitions  ne  vous  manqueront  pas;  mais  c'est  à 
vous  à  bien  mesnager  vos  hommes,  et  à  les  sy  bien  traicler  qu'ils  ne 
se  dissipent  pas. 

M''  de  Chavigny  est  retourné  vers  Madame;  il  vous  advertira  do  ce 
qu'il  fera  avec  elle.  Ce  pendant  je  vous  asseureray  que  je  suis  et  se- 
ray,  en  tout  temps  et  en  tous  lieux , 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble  el  très  all'ectioiiiié  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Madame  n'estant  plus  en  estât  de  soudoyerle  régiment  de  Senantes, 
vous  luy  ferés  faire  le  serment  au  nom  du  roy  et  le  retiendrés  à  sa 
solde, 

De  Sainte  Ménehould,  le  16  aoust  lôSg. 


472  LETTRES 


CCLVIl. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Turin,  t.  27,  fol.  56.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 
Bibl.  imp.  Saint-Gerraain-Harlay,  SAy,  fol.  287  v°.  —  Copie. 

A  MADAME  DE  MANTOUE. 

18  aoiisl  1639. 

Madame, 

J'ay  esté  exlresmement  aise  de  voir,  par  la  lettre  qu'il  a  pieu  à  V.  A. 
m'escrire  de  sa  propre  main\  les  bons  sentimens  auxquels  elle  est  pour 
les  intérests  de  M"^  le  duc  de  Mantoue,  son  fils.  Jay  tousjours  bien 
creu  que  quand  elle  considéreroit  ce  qui  estoit  de  son  avantage,  elle 
ne  voudroit  pas  le  priver  de  la  protection  de  la  France ,  qui  a  tant 
faict,  comme  elle  sçait,  pour  deffendre  ses  Estats.  Mais  maintenant  j'en 
suis  plus  qu'asseuré  par  les  protestations  qu'il  luy  plaist  en  faire  par 
ses  lettres,  auxqu'elles  s'adjouste  tant  de  foy,  que  je  seray  volontiers 
caution  de  ses  paroles  auprès  de  S.  M.  qui  a  sy  bien  receu  ce  que  je 
luy  ay  dit  de  voslre  part ,  qu'il  ne  se  pouvoit  mieux.  Je  fais  tant  d'estat 
de  vostre  bon  esprit,  Madame,  que  je  ne  doute  point  que  V.  A.  co- 
gnoissant,  comme  elle  faict,  cequi  est  de  son  propre  bien,  ne  sache 
pratiquer  les  moyens  les  plus  convenables  pour  empescber  que  sa 
maison  ne  se  trouve  enfin  accablée  dans  l'oppression  de  toute  l'halie. 
Je  prie  Dieu  que  tous  ceux  que  sa  bonté  y  a  rendus  souverains  sachent 
aussy  bien  prévoir  et  prévenir  le  mal  qui  peut  arriver  en  ce  sujet  que 
V.  A.  dont  j'estime,  comme  je  dois,  le  jugement,  la  conduite  et  le 
courage.  Je  tiendray  la  main  à  ce  qu'il  n'arrive  point  de  changement 
essentiel  au  bien  que  M'  le  duc  de  Mantoue  vostre  fils  a  eu  France 

'  La  lettre  de  la  duchesse  de  Mantoue  service  du  roi;  elle  se  recommande  aussi 

est  conservée  aux   archives  des  Affaires  au  cardinal  :  «Hnvendo  io  setnpre  avuta 

étrangères,  manuscrit  cité  aux  sources,  particolar  confidenza  nella   prolezione  di 

folio  53;  elle  est  datée  du  ag  juin,  et  la  V.    Em.  »  dit-elle.    Kiclielieu  fait  de  son 

duchesse  dit,  en  effet,  au  cardinal  qu  elle  mieux  pour  engager  la  duchesse  envers 

a  voulu  l'écrire  de  sa  propre  main  pour  la  France,  mais  il  savait  au  fond  à  quoi 

l'assurer  elle-même  de  son  dévouement  au  s'en  tenir. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  473 

jusquesà  ce  que  celuy  queV.  A.  veut  y  envoyer,  pour  terminer  toutes 
choses  à  l'amiable,  soit  arrivé.  Je  conjure  V.  A.,  de  le  faire  venir  le 
plus  proniplement  qu'il  se  pourra ,  l'asseurant ,  par  la  cognoissance 
que  j'ay  des  afiaires,  que  c'est  son  bien  d'en  sortir  ainsy,  et  non  par 
procès,  qui  seront  immortels,  ou  qui,  dans  peu  de  temps,  la  ren- 
dront déchue  de  ce  qu'elle  prétend,  les  loix  et  les  coustumes  de  la 
France  lui  estant  contraires.  V.  A.  cognoistra  mon  affection  par  ma 
franchise,  qui  sera  suivie  des  effects,  en  toutes  occasions,  pour  luy 
lesmoigner.  .  . 


CCLVIII. 

Arcli.'des  Afl.  étr.  Turin,  I.  27,  fol.  61  v".  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 
Bibl.  irap.  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  398  v°.  —  Copie. 

A  MADAME  DE  SAVOIE'. 

Du  18  aoust  1639. 

Le  roy  ayant  commandé  à  M'  de  Chavigny  de  vous  proposer  le 
deppostde  deux  places  que  l'expérience  vous  doit  faire  cognoistre  qu'il 
vous  est  impossible  de  pouvoir  conserver  sans  luy,  et  lequel  est  du 
tout  nécessaire  pour  disposer  les  Espagnols  à  rendre  celles  qu'ils  ont 
usurpées  dans  vos  Estats,  la  passion  que  j'ay  au  restablissement  de 
M"^  vostre  fils  m'oblige  de  reprendre  la  plume  pour  supplier  V.  A.  de 
ne  faire  aucune  dilliculté  à  ce  deppost  sy  important  à  vostre  bien;  vous 
protestant  sur  ma  conscience  et  sur  mon  honneur  que  c'est  le  vray 
moyen  de  réduire  vos  ennemis  à  ce  que  vous  souhaittés,  que  le  roy  ne 
le  désire  que  pour  cette  fin,  et  que  S.  M.  n'oubliera  rien  de  ce  qu'elle 
pourra  pour  faire  qu'elle  en  soit  promptement  deschargée  par  un 
accommodement  qui  vous  remette  non  seulement  en  possession  de 
toutes  ces  places,  mais  de  tout  le  Piedmont. 

Je  conjure  V.  A.  de  me  croire  en  cette  occasion,  et  consens  qu'elle 
me  deshonore,  en  vertu  de  cette  lettre,  si  le  conseil  que  je  luy  donne 

'   lîne  partie  de  cette  lettre  a  été  arrangée  pour  les  Mémoires  de  Richelieu. 

CARDIN.  DE  RICHELIEU. VI.  6o 


474  LETTRES 

est  préjudiciable  pour  l'cvénement,  et  si,  au  contraire,  il  ne  liiy  esl  du 
tout  salutaire. 

Je  supplie  Dieu,  de  tout  mon  cœur,  qu'elle  ne  cognoisse  pas,  en 
cette  occasion,  comme  elle  a  faict  en  plusieurs  autres  par  le  passé, 
l'utilité  des  avis  qu'on  lui  a  donnés  par  le  mal  qui  luy  en  est  arrivé 
pour  ne  les  avoir  pas  suivis. 

Il  s'agit  de  son  salut  ou  de  sa  perte;  je  m'asseure  qu'elle  y  aura  les 
yeux  ouverts,  et  qu'elle  cognoistra  par  effects  que  je  suis  et  seray  toute 
ma  vie  avec  passion .  .  . 


CCLIX. 

Aich.  des  Ad',  étr.  Turin,  t.  27,  fol.  67.  ^^ 

Mise  au  net  de  la  main  d'un  nouveau  secrétaire  de  Kiciielieu. 

Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  3^7,  fol.  288  v°.  —  Copie.  — 

Dupuy,  t.  7'i7,  cahier  Qq.  —  Exirait  '. 

INSTRUCTIONS  A  M.   DE  CHAVIGNY 

ALLANT  VERS  MADAME  DE  SAVOIE  DE  LA   PART  DU  ROY'. 

iS  août  i63g. 

Le  s"^  de  Chavigny  va  trouver  madame  la  duchesse  de  Savoie  pour 
luy  tesmoigner  le  desplaisir  qu'a  S.  M.  du  mauvais  estât  auquel  elle 
se  trouve,  et  poursçavoir  si  elle  veut  pratiquer  les  derniers  remèdes 
qui  luy  restent  pour  se  garantir  de  son  entière  ruine. 

11  luy  représentera  que  tous  ses  maux  luy  sont  arrivés  pour  n'avoir 
pas  voulu  se  confier  en  S.  M.  ny  sceu  se  deslier  de  ses  ennemis. 

fl  luy  fera  une  entière  éniuiiération  des  diverses  desfiances  qu'elle 
a  lesmoigné  publiquement  avoir  des  François,  en  toutes  occasions,  ce 
qui  a  passé  jusques  à  telle  extrémité  qu'elle  n'a  pas  craint  d'offenser 
diverses  fois  S.  M.  par  ses  mauvaises  procédures,  et  par  plusieur-s 
discours  qu'elle  a  faicts  assez  librement  au  préjudice  de  ce  qu'elle  luy 
doit. 

'  Voy.  ci-dessus  p.  56,  no[e  2.  parée  pour  entrer  dans  la  continuation  <le! 

'   Cette  pièce  tout  entière  avait  été  pré-        Mémoires  de  Richelieu. 


DU  CAKDINAL  DE  RICHELIEU.  475 

Il  luy  dira,  franchemenl  que  c'est  à  elle  à  choisir  déterminément 
l'un  des  deux  partis,  ou  do  se  jetter  entre  les  bras  du  roy,  ou  de  se 
confier  entièrement  aux  Espagnols  et  à  ses  frères. 

Que  jusques  à  présent,  pour  vouloir  demeurer  en  un  estât  moyen, 
elle  a  perdu  tout  son  Estât  pièce  à  pièce. 

Il  iuy  représentera  qu'elle  n'a  jamais  voulu  commettre  Turin  à  la 
garde  du  roy,  lorsqu'il  se  pouvoit  conserver  aisément,  et,  par  ce 
moyen,  ravoir  le  reste  de  son  Estât;  et  qu'elle  luy  a  remis  la  citadelle 
seulement  lorsqu'elle  a  pensé  qu'elle  ne  se  pouvoit  plus  sauver;  ce 
qui  a  paru  ouvertement  en  ce  qu'elle  fa  livrée  despourvue  de  toutes 
choses,  et  qu'elle  ne  voulut  jamais  permettre  {|ue  farniée  du  roy 
passast  dedans  pour  faire  plus  aisément  l'attaque  de  la  ville. 

11  luy  dira  ensuitte  qu'il  ne  luy  reste  que  deux  choses  à  conserver  : 
la  Savoie  et  Nice  et  Villefranche. 

Que  le  roy  désireroit  qu'elle  peusl  conserver  le  tout  sans  que  per- 
sonne luy  aidast,  mais  qu'après  qu'elle  a  perdu  toutes  ses  places  et  Tu- 
rin, quoyqu'elle  fust  dedans,  il  faudroit  qu'elle  fust  privée  de  l'esprit 
que  Dieu  luy  a  donné,  pour  penser  garder  ce  qui  sera  esloigné  d'elle. 

Qu'en  cette  considération  le  roy,  la  conjurant  de  bien  garder  la  Sa- 
voie avec  dom  Félix,  luy  offre  de  prendre  la  garde  de  Nice  et  de  Vil- 
lefranche, avec  toutes  les  précautions  et  seuretés  nécessaires  pour  la 
restitution  desd.  places. 

Qu'il  faut  qu'elle  soit  plus  qu'aveugle  si  elle  croit  que  cette  pro- 
position puisse  avoir  autre  fm  que  son  propre  bien,  n'y  ayant  per- 
-sonne  qui  peusl  juger  que  S.  M.  voulust  perdre  sa  réputation  à  sy  peu 
de  prix  que  celuy  d'une  place,  en  la  retenant  injustement. 

Qu'il  désire  le  deppost  de  ces  deux,  qui  ne  sont  qu'une,  pour  deux 
raisons;  l'une  parce  qu'il  sçail  certainement  qu'elles  se  perdront  à  la 
première  occasion  que  les  ennemis  pourront  s'en  approcher,  ensuitte 
de  quoy  il  ne  restera  plus  aucune  espérance  de  restitution  d'Kstats  à 
Madame. 

L'autre  qu'estant  en  ses  mains  il  sera  deslivré  de  fapréhension  que 
les  ennemis  n'entrent  en  Provence  par  ce  costé-là,  et  dégagé  de  l'en- 

Go. 


476  LETTRES 

tretien  d'une  armée  navale  qui  n'a  maintenant  autre  but  que  de  ga- 
rantir ces  deux  places,  et  sera  par  conséquent  plus  en  estât  de  por- 
ter puissamment  ses  forces  en  Italie. 

Cette  proposition  est  sy  juste  et  sy  raisonnable  pour  l'avantage  de 
Mons'  et  de  Madame  de  Savoie,  que  S.  M.  désire  que  le  s""  de  Cha- 
vigny  la  fasse  ouvertement  à  Madame,  en  présence  du  seigneur 
dom  Félix  et  du  comte  Philippe,  leur  en  faisant  voir  la  justice  et  la 
nécessité. 

Si  Madame  en  faict  difficulté  et  s'opiniastre,  selon  son  procédé 
passé,  à  ne  vouloir  pas  ce  qui  luy  est  plus  salutaire,  après  que  le 
s'  de  Chavigny  aura  faict  toute  instance  possible  pour  la  destourner 
d'une  sy  mauvaise  résolution ,  il  luy  représentera  avec  prudence  que 
S.  M.  cognoisf  par  là  que  Madame  veut  s'accommoder  avec  ses  enne- 
mis, puis  qu'autrement  elle  ne  luy  desnieroit  pas  les  moyens  de  la 
delTendre,  ce  qui  faict  qu'elle  ne  peut  plus,  sans  s'exposer  à  estre 
blasmée  d'une  extraordinaire  imprudence,  faire  ,  à  l'avenir,  des  efforts 
sy  puissans  qu'elle  a  faicts  par  le  passé,  tous  inutilement,  à  cause 
que  Madame  a  faict  ce  qu'elle  a  peu  pour  en  empescher  l'effect. 

Il  adjoustera  qu'il  vaut  beaucoup  mieux  qu'elle  traicte  ouvertement 
ce  que  jusques  à  présent  elle  a  négocié  à  cachette,  sans  besoin  , 
puisque,  comme  le  roy  ne  luy  veut  pas  conseiller  un  accord  où  elle 
soit  trompée,  il  ne  la  veut  pas  anssy  empescher  de  le  faire,  veu  qu'en 
ne  se  portant  pas  à  ce  qui  la  peut  garantir,  il  entreprendroit  sa  def- 
fense  sans  succès. 

Que  lier  les  bras,  comme  elle  faict,  à  ceux  à  qui  elle  demande  se- 
cours, n'est  pas  le  moyen  d'en  recevoir'. 


'  La  duchesse  de  Savoie  avait  écrit  à 
Richelieu ,  le  /(  août,  que  la  ville  de  Turin 
était  au  pouvoir  de  .ses  beaux-frères  et  des 
Espagnols  ;  qu'elle  s'était  jetée  dans  la  ci- 
tadelle ,  «  où  j'avois  faict  résolution  de  mou- 
rir. »  Mais  les  ministres  du  roi  qui  sont 
auprès  d'elle,  lui  ayant  fait  instance  de 
pourvoir  à  la  sûreté  de  sa  personne,  elle 


se  relire  en  Savoie,  et  laisse  le  coninian- 
dement  delà  citadelle  «à  M.  de  Castellan, 
que  je  sray  qui  est  vostre  créature,»  dit- 
elle  à  Richelieu.  Aussitôt  que  Christine  se 
voyait  mal  dans  ses  affaires  elle  demandait 
l'assistance , du  roi,  dont  ses  confidents  la 
détournaient  d'user  dès  qu'elle  se  sentait 
un  peu  assurée.  Mais,  dans  la  crise  actuel  le, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


477 


Qu'il  n'y  a  personne  au  monde  qui  ail  jugement  qui  ne  soit  con- 
Irainct  de  recognoistre  que  les  Espagnols  occuperont  éternellement 
ses  Estais,  sans  en  restituer  aucune  chose,  s'ils  n'y  sont  contraincts 
par  l'apréhension  qu'ils  auront  que  les  François  s'y  rendent  aussy 
puissans  qu'eux,  et  cependant  qu'elle  n'a  jamais  voidu  donner  aucune 
place  qu'avec  des  conditions  qui  empeschent  quasi  qu'on  n'en  puisse 
garder  aucune;  ce  qui  sera  aisé  à  concevoir  à  tous  ceux  qui  considé- 
reront, qu'en  donnant  Carmagnole,  Savillan  et  Quérasque,  elle  n'a 
pas  voulu  donner  aucun  passage  derrière,  tesmoin  ce  qui  s'est  passé  à 
Revel  et  à  Conis,  qu'elle  a  lousjours  refusé,  jusques  à  ce  que,  sachant 
qu'elles  estoient  au  pouvoir  de  ses  ennemis,  elle  sceut  aussy  qu'il 
n'estoit  plus  en  son  pouvoir  de  les  livrer,  et  que,  quand  elle  auroit 
donné  la  plus  grande  partie  du  Piedmont  en  perdant  Turin,  comme 
elle  a  faict  par  sa  faute,  et  ne  livrant  pas  les  passages  qui  peuvent  ai- 
der à  le  conserver,  c'est  plus  donner  occasion  de  recevoir  des  af- 
fronts que  des  moyens  de  ravoir  son  pays. 

Que,  n'eslanl  plus  temps  de  faire  de  telles  fautes,  le  roy  luy  a  com- 
mandé de  représenter  particulièrement  toutes  celles  qui  se  sont  pas- 
sées en  sa  conduite,  comme  aussy  les  moyens  de  les  réparer,  qui  ne 
consistent  qu'en  ce  qu'il  luy  a  proposé. 

Qu'il  a  charge  de  retirer  response  par  escrit,  afin  que  S.  M.  puisse 
justifier  à  toute  la  chrestienté  que,  si  Madame  sa  sœur  s'est  perdue, 
ce  n'a  pas  esté  manque  de  secours,  mais  à  faute  d'en  vouloir  tirer 
profit. 

Ensuitte  de  ce  que  dessus,  il  luy  représentera  que  le  roy,  ayant 


il  ne  lui  restait  que  cette  ressource ,  et  elle 
redoublait  ses  instances. Trois  letiresd'elle 
se  croisèrenl  avec  celle-ci.  Le  i  5  elle  écri- 
vait au  roi  et  au  cardinal;  à  Richelieu, 
elle  disait  :  «Je  suis  preste  de  sacrifier  le 
reste  pluslost  que  de  me  séparer  des  iiité- 
rests  de  la  France.  •  Le  20  elle  renouvelait 
ses  demandes  cl  ses  protestations.  (Ces 
lettres  sont  conservées  dans  notre  manus- 


crit des  AfTaircs  étrangères,  l'olios^g,  5o, 
84)  Le  raisonnement  de  Richelieu  était 
sans  réplique,  ou  plutôt  il  n'y  en  avait 
qu'une  seule ,  que  la  duchesse  n'osait  dire  : 
c'est  qu'elle  se  déGait  de  la  politicjue  du 
cardinal ,  et  qu'elle  craignait  de  perdre 
avec  la  France,  aussi  hien  qu'avec  l'Es- 
pagne ,  ce  qu'elle  aurait  livré. 


!i7S  LETTRES 

sceii  les  inesfiances  qu'elle  a  tesmoigné  avoir,  en  quelques  occasions , 
qu'on  voulust  se  saisir  de  la  personne  du  petit  duc  de  Savoie,  n'a  pas 
voulu  passer  jusques  à  Grenoble,  afin  quelle  n'eust  pas  lieu  de  tes- 
moigner  ses  injustes  soupçons,  en  ne  le  menant  pas  au  roy;  qu'il  de- 
meurera à  Lyon,  où  il  la  prie,  si  elle  vient  voir  S.  M.  de  ne  l'y  amener 
point,  sous  prétexte  de  la  longueur  du  voyage  et  de  la  tendresse  de 
son  âge. 

En  quelque  disposition  que  soit  Madame,  M''  de  Chavigny  luy  par- 
lera avec  autant  de  civilité  que  de  sincérité  et  de  ft-anchise  à  luy  dire 
les  choses  nécessaires. 

Si  elle  se  dispose  à  ce  que  le  roy  désire  pour  son  propre  bien,  il 
luy  fera  cognoistre  comme  il  le  faut  exécutter,  avec  grand  secret,  ime 
extresme  diligence ,  et  ce  par  la  personne  du  seign'  dom  Félix ,  qui 
peut  aller  à  Nice  plauslblement,  sous  prétexte  de  porter  de  l'argent 
à  la  garnison  et  d'y  establir  l'ordre  qui  doit  y  estre  gardé. 

Si  elle  ne  veut  pas  ce  qui  paroist  sy  visiblement  luy  estre  du  tout 
nécessaire,  il  mettra  en  la  meilleure  forme  qu'il  pourra  la  propo- 
sitioïi  qu'il  luy  aura  faicte,  conformément  à  cette  instruction,  et  la 
priera  de  signer  sa  proposition  et  sa  response;  ensuitte  de  quoy  il 
viendra  trouver  le  roy  à  Lyon,  ou  plus  avant,  si  S.  M.  n'y  est  encore 
arrivée. 


CCI.X. 

Arch.  des  Afl'.  étr.  Turin,  l.  27,  fol.  61.  —  Minute. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  8^7,  fol.  292  v°.  —  Copie. 

A   M.  DE  CHAVIGNY. 

18  aoiist  1639. 

Je  vous  envoie  vostre  instruction,  selon  ce  que  je  vous  l'ay  pro- 
mis; elle  suppose  que,  lorsque  vous  parlerés  ouvertement  à  Ma- 
dame ,  vous  aurés  premièrement  parlé  ou  faict  parler  au  comte 
Philippe   et  au   seigneur  Dom  Félix,  pour  leur  faire   concevoir   la 


DU  CARDINAL  DK  RICHELIEU.  479 

justice  de  ce  que  vous  aurés  à  dire,  et  leur  intérest  dans  le  salut  de 
Madame. 

Il  m'est  venu  en  pensée  que  Philippe  pourroit  estre  assez  foible 
pour  prendre  peut-estre  jalousie  de  l'avantage  de  la  maresch''  '  pour 
le  seigneur  Dom  Félix;  vous  verres  si  cela  peut  estre,  et  considére- 
réssi,  en  ce  cas,  Mondain  ne  seroit  point  plus  propre  à  en  faire  la 
première  proposition  aud.  s'  Dom  Félix,  comme  de  luy  mesme,  que 
l'abbé  de  la  Monta,  qui  indubitablement  la  conquéroit  au  comte  Phi- 
lippe auparavant,  estant  seur  de  luy  '.  Ce  sera  à  vous  à  faire  la  guerre 
à  l'œil. 

Si  Madame  veut  exécutter  la  proposition  que  vous  luy  ferés,  il 
faudra  que  vous  envoyés  quérir  à  Lyon,  en  poste,  i  o  ou  i  2,000  escus 
que  vous  pourrés  asseurer  en  passant,  si  cette  dépesche  vous  trouve 
auparavant  que  vous  soyés arrivé,  afin  que  led.  Dom  Félix  parte  avec 
autant  de  diligence  que  de  secret. 

Le  député  de  l'armée  de  M'  de  Weymar  est  arrivé  icy  avec  des 
propositions  telles  qu'on  les  peut  désirer.  Si  Madame  n'estoit  point 
ennemie  d'elle  mesme,  il  y  auroit  Heu  de  bleu  espérer  des  alfa  ires 
publiques. 

CCLXI. 

Arch.  des  Ail',  élr.  Turin ,  I.  37  ,  fol.  64.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré, 

avec  quelques  mois  de  la  main  de  Richelieu. 

Bibl.  imp.  Saint-Gennain-Harlay,  347,  fol.  ag/j  v*.  — Copie'. 

A  M.  DE  CHAVIGNY. 

De  S'-l)iiier,  ce  19  aoust  1639. 

Depuis  le  paquet  ci-dessus  fermé  est  arrivée  une    dépesche  de 

Celle  phrase,  assez  obscure  jusqu'à  la  avec  le  mot  qui  précède  et  celui  qui  suit, 

lin, estdesdeux  manuscrits. On  ne  voit  pas  Au  reste,  nous  ne  proposons  qu'avec  une 

le  sens  de  l'abréviation  ■  lamarescli'.  »  Faut-  grande  hésitation  des  corrections  de  texte, 
il  lire  :  •  la  démarche?»  Ce  mot,  qui  cou-  '  Transcrite,  dit  une  note  marginale, 

viendrait  pour  le  sens,  ne  s'arrange  guère  sur  une  copie  de  la  main  de  Cherré. 


480  LETTRES 

M'  raml)assadeur  de  Savoie,  qui  nous  apprend,  comme  vous  verres 
par  la  copie  que  vous  en  envoie  M'  de  La  Barde,  qu'il  y  a  une  sus- 
pension d'armes  en  Italie.  Je  ne  sçày  à  quelles  conditions  ' ,  mais  je 
suis  seur  que  M'^  le  cardinal  de  La  Valette  et  M''  de  Longueville  ne  l'au- 
roient  pas  consentie,  si  elle  n'estoit  raisonnable.  Pour  moy,  je  veux 
bien  espérer  de  ce  commencement,  qui  me  surprend  d'autant  moins 
que  vous  sçavés  ce  que  je  vous  dis  auparavant  vostre  partement. 

Si  cette  suspension  est  faicte ,  vous  ne  devés  pas  parler  du  deppost 
porté  par  l'instruction  que  je  vous  envoie,  mais  seulement  tesmoi- 
gner  à  Madame  que  le  roy  vous  a  envoyé  pour  luy  faire  cognoistre  le 
desplaisir  qu'il  a  du  mauvais  estai  auquel  elle  est,  l'avertir  du  voyage 
qu'il  faict  à  Lyon  pour  tascber  d'y  remédier,  et  la  conjurer  de  don- 
ner si  bon  ordre  à  Veillane,  à  Suze,  qu'elle  ne  les  perde  pas. 

Il  sera  bon  que  vous  luy  fassiés  cognoistre  qu'à  vostre  avis  rien  n'a 
tant  porté  les  Espagnols  à  cette  suspension  que  le  deppost  de  la  cita- 
delle de  Turin  entre  les  mains  du  roy,  d'où  elle  peut  conclure  que, 
si  elle  eust  remis  dès  le  commencement  lad.  citadelle  et  la  ville  de 
Turin  entre  les  mains  du  roy,  elle  seroit  maintenant  peut-estre  en 
estât  de  voir  la  restitution  de  tous  ses  Estais.  Ce  discours  sera  un 
préparatif  au  deppost  de  Nice,  si  la  suspension  n'a  point  de  suitte^. 

Au  nom  de  Dieu,  faictes  que  Madame  envoie  munir  Suze,  Veil- 
lane, Villefranche  et  Nice,  comme  il  faut,  et  y  mette  des  gens  har- 
dis et  asseurés,  et  que,  pendant  la  suspension,  on  soit  plus  que  ja- 
mais sur  ses  gardes,  ne  veniant  Romani. 

'  Richelieu  ne  larda  pas  à  en  êlre  in-  celte  su.spension.  (Ms.  de»  Affaires  étran- 

formé  par  une  lettre  du  cardinal  de  La  gères  cité  aux  sources,  fol.  /n.) 
Vaielte,  du  i3  août,  où  sont  exposées  les  "  Ce  paragraphe  a  été  préparé  pour  la 

raisons  qui  avaient  déterminé  à  conclure  continuation  des  Mémoires  de  Richelieu. 


DU  CARDINAL  DE  KIGHELIEU.  /i81 


CCLXII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Allemagne ,  t.  1 5 ,  pièce  1 4 1  •  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  Aoo.  —  Copie.  — 

Saint-Germain -Harlay,  346,  t.  2 ,  p.  7^3.  —  Copie'. 

A  M"  D'ERLACH,  HEIM  ET  DE  NASSAU  ^ 

■  9  aoust  1639. 

Messieurs,  bien  que  je  vous  aye  desjà  tesmoigné  parle  s^'d'Oyson- 
ville'  la  part  que  je  prends  à  la  perte  que  vous  avés  faicte  de  M"^  le 
duc  de  Weymar,  je  ne  puis  néantnioins  laisser  retourner  M.  le  colo- 
nel Flersheim  sans  vous  faire  encores  cognoistre,  par  ces  lignes,  l'ex- 
tresme  desplaisir  que  je  ressens  de  sa  mort.  Je  ne  vous  dis  point 
combien  l'envoy  que  vous  avés  faict  vers  le  roy  de  la  personne  dud. 
s'"  colonel  luy  a  esté  agréable  et  la  satisfaction  que  S.  M.  a  receue  des 
asseurances  de  vostre  fidélité  et  de  vostre  affection  à  son  service  qu'il 
luy  a  données  de  vostre  part,  parce  que  vous  l'apprendrés  beaucoup 
mijeux  de  sa  bouche,  et  par  les  lettres  que  le  roy  vous  escrit  sur  ce 
.sujet,  que  non  pas  par  celle-ci  '.  Je  me  contenteray  seulement  de  vous 
asseurer  que  S.  M.  a  une  entière  confiance  en  vos  personnes,  qu'elles 
luy  seront  tousjours  en  très  singulière  recommandation,  aussy  bien 
que  vos  intérests,  et  que  vous  n'aurés  rien  à  désirer  de  sa  bonté  en 
ce  sujet,  ny  en  aucun  autre  où  il  "s'agira  de  vostre  avantage,  que  je 
ne  m'y  emploie  auprès  d'elle  avec  autant  d'affection  que  je  suis  vé- 
ritablement. 


Messieurs, 


Vostre  très  affectionné  serviteur. 


'  Le»  deux  manuscrits  de  la    biblio-  *  En  suite  de  la  mission  du  colonel 

tlièque  portent  en  marge  que  leur  trans-  Flersheim,  le  roi  envoya    à  l'année  du 

criplion  a  été  faite  isur  la  minute  origi-  duc  de  Weymar,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  trois 

nalede  la  main  de  Cherré.  •  députés  :  MM.  de  Giiébrianl,  de  Clioisy 

Ces  noms  sont  écrits  au  dos,  ainsi  et  d'Oysonville.  L'instruction  qui  leur  fut 

que  la  date.  donnée  expose,   en   quatre  points  prin- 

\'oy.    ci-dessns,   p.   45i,    lettre  du  cipaux,  l'objet  de  leur  mission  et  de  l'ar- 

29  juillet.  rangement  à  faire  avec  les  colonçls  des 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  -      VI.                    •  61 


482 


LETTRES 


ccLxm. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  Hisl.  186,  in-4°,  p.  287.  —  Copie. 

AU  M"  DE  LA   MEILLERAYE. 

De  Chanmont  pn  Bassigiiy,  ce  23  aoust  lôSg. 

Je  conjure  M.  de  la  Meilleraye  de  me  mander  nettement  qui  est  le 
régiment  qui  n'a  pas  voulu  donner,  celuy  qui  porta  ses  ordres,  et  les 
personnes  particulières  à  qui  ils  furent  donnés.  Cette  affaire  est  de 
trop  grande  importance  pour  la  laisser  à  Testât  qu'elle  est;  une  ani- 
madversion  rendra  tout  le  monde  sage.  Au  reste  ce  qu'on  fera  sera 
faict  de  telle  sorte,  sous  le  nom  du  roy,  que  l'envie  n'en  tombera  point 
sur  aucun  officier  de  l'armée. 

Je  prie  encore  une  fois  M'  le  grand  maistre  de  ne  manquer  à  me 
mander  toutes  les  particularités  de  cette  affaire. 

J'ay  esté  entièrement  aise  d'apprendre  le  bon  estât  auquel  estvostre 
armée,  et  la  bonté  du  liey  où  vous  estes  placé;  j'espère  que  la  réso- 
lution que  vous  avés  d'inquiéter  les  ennemis  produira  de  bons  effecls, 
ce  dont  je  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur. 

Vous  aurés  la  monstre  dans  le  temps  que  vous  la  demandés. 

Vous  aurés  sceu  la  petite  conqueste  qu'a  faicle  M"^  de  Saigny, 


troupes  (lu  duc  de  Weymar  pour  les  con- 
server au  service  de  France;  on  enjoint 
aux  commissaires  de  s'entendre  de  tout , 
au  préalable ,  avec  le  baron  d'Erlach ,  qui , 
ayant  eu  l'entière  confiance  du  feu  duc, 
se  montre  sincèrement  affectionné  à  la 
France.  Une  aflaire  que  les  députés  auront 
soin  de  ménager  avec  lui,  c'est  l'établisse- 
ment de  gouverneurs  français  dans  Rhein- 
feld  et  Neubourg  ou  Fribourg,  en  conten- 
tant les  gouverneurs  actuels  au  moyen 
d'une  bonne  pension.  Quant  à  réclamer  la 
remise  de  Brisach  entre  les  mains  du  roi , 
ledit  sieur  d'Erlach  témoigne  tant  de  dé- 


vouement aux  intérêts  de  la  France,  il  est 
d'ailleurs  si  capable  de  commander  dans 
une  telle  place  que,  s'il  y  veut  demeurer. 
Sa  Majesté  estime  n'y  pouvoir  mettre  per- 
sonne qui  y  serve  mieux  que  lui.  Celle  ins- 
Iruction  n  été  imprimée;  on  en  trouvera  la 
menlionauxAnalyses,  àladaledu  aoaoïit, 
et  aussi  celle  d'une  leltre  écrile  par  le  car- 
dinal au  baron  d'Erlach,  également  im- 
primée, et  par  laquelle  Richelieu  lui  ex- 
prime le  gré  que  lui  sait  le  roi  de  ses 
procédés.  Sa  Majesté  prend  autant  de  con- 
liance  en  lui  «qu'en  ses  naturels  et  plus 
affidés  sujets.  • 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  483 

proportionnée  à  ses  troupes,  laquelle  ne  laissera  pas  d'estre  fort  utile 
au  pays. 

Les  malheurs  de  Madame  continuent.  Le  roy  n'ira  que  jusques  à 
Lyon.  En  quelque  lieu  que  je  sois  je  vous  seray  tousjours  plus  affec- 
tionné que  je  ne  devrois,  si  je  pèse  toutes  choses  à  la  rigueur  de  la 
justice;  mais  pas  tant  que  je  dois,  si  je  les  balance  selon  l'affection  que 
je  porte  à  vostre  maigre  personne. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCLXIV. 
Dépôt  de  la  guerre,  l.  53,  pièce  h-]&.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré, 

pomcTS 

SUR  LESQUELS  IL  EST  NÉCESSAIRE  QUE  LE  S'  DU  PLESSIS 

REMPOBTB  HESPONSE  '. 


Les  choses  estans  en  Testât  qui 
a  esté  déduit,  tant  au  regard  des 
ennemis  qu'au  nosire,  il  fauit  ré- 
solutions sur  les  propositions  qui 
ont  esté  faictes  d'agir  du  coslé 
d'Elna^  ou  du  Confluens  et  Sai- 
daigne. 

'  Les  réponses  dictées  par  le  cardinal 
sont  écrites  de  la  main  de  Cherré.  Cette 
ininiile,  envoyée  au  secrétaire  d'Elal  de 
la  guerre,  a  été  expédiée  dans  ses  bu- 
reaux, et  la  dépêche  a  été  adressée  à  M.  le 
Prince.  On  remarque  quelques  change 
luents  de  peu  d'iaiporlauce  faits  de  la 
main  du  premier  commis  de  la  guerre  sur 
cette  seconde  minute,  au  bas  de  laquelle 
on  lit  :  «  Faict  à  Langres  ce  xxiv'  d'aousl 
1639.  ■  Elle  est  numérotée  Ayà  dans  ce 
ms.  et  le  titre ,  qui  était  pareil  à  celui  de 


24  août  i63g. 

Après  avoir  ouy  au  long  le  s''  Du 
Plessis  Bezançon  sur  la  d"'  proposi- 
tion, son  avis  et  la  raison  semblent 
ne  permettre  pas  qu'on  puisse  ,  cette 
année,  penser  au  dessein  d'Elna,  et 
partant  il  semble  qu'il  ne  reste  que 
celuy  de  Sardaigne  à  exécutter. 

la  pièce  n°  /t76 ,  a  été  changé  comme  suit  : 
«  Mémoire  présenté  par  le  s'  du  Plessis 
Bezançon,  sur  lequel  il  demande,  de  la 
part  de  M.  le  Prince,  les  responses  qu'il 
plaira  au  roy  de  luy  donner.  »  Ces  derniers 
mots  font  présumer  que  cette  réponse, 
écrite  de  la  main  de  Cherré,  et  préparée 
par  le  cardinal,  a  été  signée  par  le  roi. 

'  Elne,  petite  ville  de  l'ancien  Rous- 
sillon  (déparlement  des  Pyrénées-Orien- 
tales], à  trois  lieues  et  demie  environ  au 
sud  de  Perpignan.  —  La  Cerdagne,  con- 

61. 


2. 

Si  on  fera  venir  de  la  frontière 
de  Biscaye  les  régimens  de  Na- 
vaiiles,  Xaintonge,  el  Poictou,  et 
les  compagnies  de  chevaux  légers 
de  S'  Simon"  Orgères  el  Morin, 
ces  trouppes  eslans  nécessaires  en 
Roussillon? 


3. 


Résolution  sur  la  tenue  de  l'as- 
semblée de  Guienne  et  des  estats 
de  Languedoc,  que  l'on  juge  très 
nécessaire,  affin  de  pourvoir  de 
bonne  heure  à  la  subsistance  des 
trouppes  qui  pourront  demeurer 
en  Roussillon  pendant  l'hyver,  ou 
repasser  en  France. 

à. 
Une  monstre  pour  l'armée  dans 
le  XV  septembre,  par  le  moyen 
de  la  quelle  on  fera  subsister  les 
trouppes  jusques  au  i5  novembre 
et  4  mois  pour  les  officiers  d'ar- 
mée pour  les  payer  jusques  à  la 
fin  d'octobre. 

5. 
.   Résolution  sur  le  rasement  du 
fort  S'  Ange,  lorsqu'on  abandon- 
nera le  costé  de  la  mer  pour  aller 
au  Confluens  et  Sardaigne. 


LETTRES 

Ces  trouppes  estans  nécessaires  en 
Roussillon  pour  rexécution  du  des- 
sein de  Sardaigne,  on  les  peut  faire 
venir,  laissant  les  régimens  de  Béarn , 
Rabat  et  de  la  couronne,  et  les  com- 
munes de  Guienne,  pour  garantir  la 
frontière  avec  la  compagnie  de  M'  de 
Gramond  et  celle  de  S**  Croix. 

On  trouve  bon  la  d"*  assemblée 
lorsque  les  ordres  en  seront  envoyez 
par  le  roy  après  la  résolution  prise 
dans  son  conseil,  afin  qu'on  agisse 
d'un  mesme  pied  par  toute  la  France. 


Le  roy  a  résolu  de  tout  temps 
d'envoyer  la  d'^  monstre ,  et  on  escrira 
à  M.  de  Bullion  pour  qu'il  l'envoie 
au  temps  demandé. 


Irée  située  à  l'autre  extrémité  du  même 
flépartement,  arrondissement  de  Prades, 
sur  la  frontière  d'Espagne.  —    Le  pays 


Si  M"  le  Prince  et  ceux  qui  sont 
sous  sa  charge  estiment  à  propos  de 
ruiner  le  fort,  comme  il  y  a  grande 
apparence ,  on  trouve  bon  qu'il  le  face 
faire,  et  désire-t-on  qu'il  soit  faict 
en  sorte  qu'il  ne  reste  aucun  vestige 
de  fort. 

de  Confient ,  autre  petite  contrée  du 
Roussillon ,  à  l'ouest  et  voisine  de  la  Cer- 
dagne. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


485 


.6. 
Si  M'  d'Espenan  demeurera  à 
Salces;  et  avec  quelles  trouppes; 
ou  s'il  agira  dans  l'armée  le  reste 
(le  la  campagne? 


Si  l'on  fera  deux  corps  pour  agir 
du  costé  de  la  Sardaigne,  et  du 
Confluens  en  mesme  temps,  ou 
un  tout  seul  pour  le  Confluens 
seulement?  Au  premier  cas,  qui 
commandera  ces  corps  séparez  ? 

8. 
Si ,  après  avoir  mis  en  train  l'ex- 
pédition du  Confluens ,  M' le  Prince 
pourra  venir  faire  un  tour  à  la 
cour  pour  en  solliciter  luy-mesme 
et  remporter  les  expéditions  né- 
cessaires pour  l'establisseraenl  et 
subsistance  des  trouppes  durant 
l'hyver? 


Après  ce  qui  a  esté  dict  au  re- 
gard des  fortiffications  de  Clerac 
et  de  Canet,  sçavoir  si  l'on  veult 


On  croit  que  M''  d'Espenan  doit 
laisser  un  bon  lieutenant  dans  Salces, 
avec  toutes  choses  nécessaires  à  la  con- 
servation de  la  place ,  et  qu'il  doit  agir 
dans  l'armée  le  reste  de  la  campagne. 

Ces  questions  sont  à  résoudre  par 
M' le  Prince,  qui  sçaura  bien  choisir 
ceux  qui  devront  commander  les 
corps  qu'il  voudra  employer. 


Cette  proposition  est  la  meilleure 
qu'on  puisse  faire  pour  empescher 
l'exécution  des  desseins  qu'on  pro- 
pose. M'  le  Prince  ne  doit  penser  à 
venir  à  la  cour  que  cet  hiver,  après 
avoir  estably  toutes  ses  trouppes  en 
quartier  d'hiver,  ce  qu'il  est  prié  de 
faire  le  plus  qu'il  se  pourra  à  la  des- 
charge des  sujets  du  roy,  establis- 
sant  le  plus  grand  nombre  qu'il 
pourra  de  nos  garnisons  dans  le  pays 
ennemy;  et  ne  faisant  payer  en  au- 
cun lieu  les  d'"  trouppes  que  selon 
le  nombre  effectif  qu'ils  auront,  sans 
faire  aucuns  traitiez  qui  réussirent  sy 
mal  l'année  dernièref  que  le  roy  n'y 
veut  plus,  entendre. 

Le  roy  remet  de  forliffier  Clerac 
et  Canet,  ou  ne  les  fortifller  pas,  au 
jugement  de  M' le  Prince  et  de  ceux 
qui  servent  sous  sa  charge ,  ne  pou- 


48(i  LE 

qu'on  s'atiacheà  fortiflierceslieux, 
contre  l'opinion  de  la  pluspart  de 
ceux  qui  composent  le  conseil  de 
l'armée?  et,  en  ce  cas,  fonds  pour 
cela. 


lO. 

Si  l'intention  de  la  cour  estoit 
de  n'agir  doresnavant  en  Roussil- 
lon  que  par  diversion  seulenienl, 
M.  le  P.  estime  que  le  soin  de  cette 
entreprise  peull  eslre  commis  à 
un  autre  ;  mais  si  l'on  veult  la  con- 
tinuer puissamment,  il  s'y  offre, 
non  qne  son  âge  et  ses  incommo- 
dilez  luy  puissent  permettre  de 
demeurer  ordinairement  dans  le 
camp,  mais  à  telle  distance  qu'il 
s'y  rendra  tousjours,  à  toutes  les 
occasions  nécessaires  et  capitalles. 

11. 

Des  ordres  à  ceux  des  vivres  de 
maintenir  leur  équipage  en  lestât 
qu'ils  sont  obligez ,  aveo  les  moyens 
et  le  fonds  nécessaires  pour  cela, 
et  mesme,  à  M.  dePonlselrae,  au 
regard  de  l'artillerie. 

12. 

Fonds  pour  payer  les  gendarmes 
d'Arpajon,  S'Geran  et  Ambres,  qui 
sont  troisbonnestrouppes,  mais  qui 
se  ruinent  faute  d'avoir  esté  trait- 
tées  comme  tout  le  reste  de  la  caval- 
lerie. 


TTRES 

vans  juger  de  loin  ce  qui  est  plus 
à  propos,  en  ce  sujet,  pour  son  ser- 
vice. Et,  si  on  prend  résolution  de 
quelque  fortiffication.  M'  le  Prince 
peut  la  faire  commencer  sur  l'asseu- 
rance  qu'on  luy  donne  d'envoyer  le 
fonds  au  premier  avis  qu'il  en  don- 
nera. 

En  vain  auroit-on  commencé  l'af- 
faire de  Roussillon  si  on  ne  faisoil 
estât  de  la  poursuivre  avec  la  mesme 
chaleur  qu'elle  a  esté  commencée, 
et  partant,  puisque  M"^  le  Prince  en 
veut  prendre  le  soin ,  c'est  à  luy  de 
projetter  les  desseins  dès  cette  heure 
pour  l'année  qui  vient,  et  de  les 
conduire  si  secretlement  que  les  en- 
nemis n'en  puissent  avoir  le  vent,  par 
quelque  voye  que  ce  puisse  estre. 

On  pourvoira  pour  l'année  qui 
vient  à  ce  qui  est  désiré,  en  sorte 
qu'il  y  aura  plustost  plus  que  moins. 


Il  y  a  esté  pourveu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


487 


CCLXV. 
Bibl.  de  l'Arsenal,  Hist.  i86,  in-4°,  p.  aSg.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

De  Langres,  ce  aS"  aoiist  itjSy. 

Les  ennemis  ayant  esté  sy  impudens  d'espendre  dans  leurs  ga- 
zettes t|u'ils  n'avoient  perdu  que  300  hommes  au  combat  de  S'-Ni- 
colas  et  3  ou  li  officiers,  sans  parler  en  aucune  façon  du  canon,  je 
vous  prie  me  mander  déterminément  combien  vous  avés  eu  de  prison- 
niers sains  ou  blessés,  combien  d'officiers,  quel  nombre  a  esléceluy 
des  morts  tués  ou  noyés,  tant  par  ce  qu'on  a  peu  compter  que  par 
le  rapport  des  prisonniers;  quel  canon  vous  est  resté,  combien  il  en 
a  esté  jeté  dans  l'eau,  quel  esquipage  d'artillerie  et  quel  bagage  a  esté 
pris,  enlin  toutes  les  particularités  de  vostre  avantage ',  alin  que,  par 
la  différence  qui   se  trouvera  entre  ce  que  disent  Ifs  ennemis  et  la 


'  Dans  un  extraordinaire  du  11  aoù(, 
la  Gazette  avait  donné  un  récit  succinct  du 
combat  de  Sainl-Nicolas,  «où  (disait  ce 
journal)  les  ennemis  furent  poussés  rude- 
ment jusques  à  la  rivière  avec  grande  tue- 
rie de  leurs  officiers  et  soldats,  n  Le  i3, 
la  Gazette  ajoute  quelques  détails  ;  «  Dans 
laquelle  bataille  nous  avons  gangné  cinq 
pièces  de  canon  aux  ennemis,  perdu 
3o  officiers,  et  eu  plus  de  i5o  soldats 
tués  ou  blessés ,  mais  les  ennemis  n'y  ont 
eu  gaères  moins  de  2,000  soldats  tués  ou 
noyés.  Nous  leur  avons  fait  3oo  prison- 
niers, entre  lesquels  se  trouvent  dix  capi- 
taines, cinq  alfières  et  quarante-cinq  au- 
tres officiers,  la  pluspart  Espagnols  natu- 

'  Nous  reman]uons  que ,  dans  celle  nonvelle  re- 
lalion,  on  rectifie  la  date  donnée  d'alwrd  par  la 
Gaxelte  :  «Cette  illustre  journée,  dit  le  narrateur, 


lels.  •  Et,  le  18,  ce  journal  publiait  encore 
une  lettre  qui  lui  était  adressée  par  «  un 
cavalier  françois,  »  lequel  repoussait  le  re- 
proche que  nous  faisaient  les  ennemis, 
d'exngérer  le  succès,  et  déclarait  qu'au 
contraire  les  relalion.s  faites  jusqu'alors 
avaient  plutôt  o  amoindri  »  nos  avantages  '. 
Mais  Richelieu  voulait  des  détails  plus  pre'- 
cis  que  ceux  de  la  Gazette;  il  entendait  .sa- 
voir autre  chose  que  ce  qu'.'ii  jugeait  à 
propos  de  faire  savoir  au  public.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  inforniitions  qu'on  a  pu 
lui  donner,  il  les  a  gardées  pour  lui- 
même.  Nous  ne  voyons  pas  que  la  Gazette 
ait  parlé  du  combat  do  Saint-Nicolas  pos- 
térieurement à  la  date  de  cette  lettre. 

Tut  la  b,'  et  non  la  5*  de  ce  mois  comme  on  a  cru.» 

(p   5o/i.) 


488  LETTRES 

vérité  de  celte  affaire ,  on  puisse  juger  Testât  qu'on  devra  faire  à  l'a- 
venir de  leurs  vanteries. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCLXVI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  27,  fol.  90.  —  Mise  au  net. 

Bibl.  imp.  Saint-Geimain-Harlay,  347,  loi.  3og  v°.  —  Copie.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Qq.  —  Extrait  ' 


.  I 


AU  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

35  acût  1639. 

Je  ne  veux  pas  dissimuler  que  d'abord  que  le  roy  sceut  la  suspen- 
sion il  s'en  trouva  extresmement  surpris,  tant  à  cause  de  son  voyage, 
qu'il  avoit  entrepris  en  vos  quartiers  en  suitte  d'une  de  vos  lettres  à 
M'  de  Chavigny,  qui  portoit  que,  s'il  ailoit  jusques  à  Grenoble,  11  se- 
roit  maistre  de  toutes  choses,  que  parce  aussy  qu'il  s'estoit  promis 
des  merveilles  en  la  jonction  de  l'armée  de  M''  de  Longueville  et  la 
vostre. 

Mais,  trois  heures  après,  je  luy  fis  concevoir  que  les  affaires  estant 
en  Testât  que  vous  le  mandés,  la  citadelle  de  Turin  dépourvue  de 
toutes  choses ,  les  ennemis  sy  bien  retranchez  dans  la  ville  que 
vous  ne  pensiés  pas  qu'on  les  peust  emporter,  et  Tesprit  de  Madame 
aussy  contraiie  à  elie-mesme  qu'elle  avoit  esté  jusques  à  présent, 
vous  né  pouviés  mieux  faire  que  ce  que  vous  aviés  faict,  et  que,  s'il  y 
avoit  quelque  chose  à  redire  en  vostre  procédé,  de  vous  et  de  M'  de 
Longueville,  il  ne  consistbit  pas  à  avoir  faict  la  suspension,  mais  à 
ne  Tavoir  pas  faicte  assez  longue,  ce  que  vous  n'aviés  osé,  de  peur  de 
luy  déplaire;  il  demeura  très  satisfaict,  et  très  content  de  ce  que  je 
pris  la  hardiesse  de  luy  représenter  sur  ce  sujet. 

Le  lendemain.  M' le  nonce  Bologneti,  qui,  depuis  quelques  jours, 
nous  soUicitoit  très  instaixmient  pour  consentir  une  trefve  absolue  dans 
l'Italie ,  ayant  sceu  celle  qui  s'estoit  faicte  de  deux  mois ,  prist  cette 

'  Voy.  ci-<lessus  p.  56,  note  2. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  489 

occasion  de  renouveler  sa  première  poursuite,  disant  mesme  avoir 
ordre  du  pape  de  demander  que  les  places  occupées  dans  le  Piedmont 
par  la  France  et  par  l'Espagne  fussent  mises  en  deppost  entre  les  mains 
des  princes  neutres,  ou  des  Suisses,  jusques  à  la  conclusion  de  la  paix. 

Je  pris  cette  occasion  de  reparler  au  roy  et  de  luy  faire  cognois- 
tre  que  je  n'estimois  point  de  meilleur  remède  aux  affaires  d'Italie 
qu'une  longue  trefve  qui  nous  garantist  de  la  malédiction  qui  est  sur 
Madame  et  sur  toutes  ses  affaires,  et  le  fis  consentir  aux  poursuites 
de  Mons''  le  nonce,  quant  à  la  trefve,  et  non  quant  au  deppost  <les 
places  occupées  entre  les  mains  des  Suisses,  veu  le  bon  tour  qu'ils 
avoient  faict  à  Turin'. 

Monsieur  le  nonce  faict  donc  présentement  une  dépesche  au  nonce 
de  Turin,  où  il  luy  mande  assez  ingénuement,  ce  me  semble,  ce  qui 
s'est  passé  de  deçà.  11  m'en  a  confié  une  copie  que  je  vous  envoie, 
alin  que  vous  puissiés  prendre  plus  claire  lumière  de  la  conduitle 
que  vous  devés  avoir  pour  parvenir  à  une  plus  longue  trefve,  sans  que 
la  poursuitte  en  vienne  de  vous,  ny  qu'il  semble  que  vous  la  désiriés. 

Il  est  vray  que  puisque  la  jonction  des  forces  de  M"^  de  Longue- 
ville  et  les  vostres  n'a  peu  chasser  les  ennemis  de  Turin,  et  que 
vos  nécessités  vous  ont  contrainct  de  commencer  la  trefve,  il  est  vray, 
dis-je ,  que  la  continuer  plus  longtemps  est  le  meilleur  expédient 
qu'on  puisse  prendre. 


'  Ici  le  secrétaire  des  Méoioires  île  Ri- 
chelieu, qui  avait  préparé  celte  pièce  pour 
faire  partie  de  la  continuation  desdits  Mé- 
moires, avait  ajouté  ;  i  Où  ils  estoient  de 
garnison,  et  ne  firent  point  de  résistance.  « 
Ces  mots,  nécessaires  pour  les  lecteurs 
des  futurs  Mémoires  ne  pouvaient  pas  être 
écrits  au  cardinal  de  La  Valette,  qui  sa- 
vait l'affaire  tout  aussi  bien  et  mieux  que 
Riclielieu.  Le  copiste  de  Harlay  a  trans- 
crit cette  phrase  dans  le  texte,  comme  si 
elle  était  du  cardinal,  en  ajoutant  cepen- 
dant à  la  marge  :  Hœc  suni  adiila  altéra 


manu,  iiempe  hisloriographi.  Ce  même  secré- 
taire avait  barré  le  paragraphe  suivant,  qui 
ne  devait  pas  être  conservé  dans  les  Mé- 
moires ;  le  copiste  de  Harlay  l'a  barré  à  son 
tour,  après  l'avoir  copié,  et  il  a  mis  en 
marge  :  Sic  cancellatum  ab  hisloriographo , 
ut  conjicere  est.  Ce  que  le  copiste  de  Harlay 
ne  faisait  que  conjecturer,  nous  savons 
maintenant  que  c'est  un  fait  constaté;  ces 
pièces  ainsi  préparées  devenaient  le  pre- 
mier brouillon  de  l'histoire  du  cardinal, 
écrite  par  lui-même. 


CARDIN.  DE  niCRELIED. 


490  LETTRES 

J'ay  cette  pensée  pour  trois  raisons  : 

La  première  <  parce  qu'il  sera  plus  difficile  que  jamais  de  vous  en- 
voyer à  l'avenir  autant  d'hommes  que  vous  en  aurés  besoin. 

La  seconde,  parce  que  nous  ne  sommes  pas  seulement  combattus 
des  ennemis,  mais  du  Piedmont,  et,  qui  pis  est,  de  l'esprit  de  Madame 
et  de  ses  confidens. 

La  troisième,  parce  qu'une  longue  trefve  est  le  seul  expédient  qui 
peut  non  seulement  nous  donner  moyen  d'accommodement  avec  le 
P.  Tbomas,  mais,  en  outre,  temps  de  nous  ajuster  sy  bien  que  nous 
puissions  tirer  le  fruict  désiré  de  sa  réunion. 

Ce  sera  donc  à  vous  à  conduire  les  affaires  en  sorte  que  les  Espa- 
gnols reviennent  dans  le  désir  qu'ils  avoient  d'une  plus  longue  trefve, 
pour  la  conclure  du  moins  jusques  au  printemps. 

La  poursuitte  de  M""  le  nonce  et  l'intervention  de  l'abbé  Vasquez. 
qui  a  tousjours  tesmoigné  que  M'  le  marquis  de  Leganez  la  désiroit 
longue',  ou  celle  de  Messerati ^,  qui  de  luy  mesme  ne  peut  que  voir 
qu'elle  est  du  tout  nécessaire  pour  faciliter  l'accommodement  et  l'a- 
justement du  P.  Thomas,  auquel  on  veut  entendre  tout  de  bon,  vous 
donnera  lieu  de  venir  à  vos  fins. 

En  un  mot ,  que  la  trefve  estant  utile  aux  ennemis  comme  elle  est , 

et  l'ayant  tousjours  désirée  ardemment  comme  ils  ont  faict,  vostre 

adresse  saura  bien  mesnager  les  affaires,  en  sorte  qu'on  ne  cognoisse 

pas  qu'elle  est  désirée  de  deçà,  ce  qui  n'est,  en  effect,  que  depuis  qu'on 

a  veu  qu'estant  maistre  de  la  citadelle  de  Turin  on  n'a  peu  emporter 

la  ville. 

'  Tout  Espagnol  qu'il  élail,  Leganez  ^  Le  comte  Baltazar  Messerati,  ou  Mas- 

faisait  grand  cas  de  Richelieu;  le  cardinal  serati,  ou  Macerali,  —  nos  manuscrits 

deLa  Valette  écrivait  à  celui-ci  le  16  août:  écrivent  son  nom  des  trois  façons,  —  est 

«Le  marquis  de  Leganez  m'a  dict  qu'il  n'y  qualifié  tantôt  de  général  des  postes,  lan- 

avoit  point  de  personne  au  monde  de  si  tôt  de  «  maistre  d'hostel  du  prince  Tho- 

grand  mérite  que  Richelieu;  qu'il  vouloit  mas.  »  Ce  personnage  avait  foute  la  con- 

unir  avec  luy  le  comte  d'Olivarez,  que  ce-  fiance  du  prince;  il  est  souvent  question 

lui-ci  le  désiroil,  et  qu'il  avoit  mis  dans  de  lui  dans  les  correspondances  de  Turin 

sa  chambre  la  peinture  du  cardinal.  ■■  (Ms.  de  cette  époque, 
des  Aff.  clr.  fol.  5).) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


491 


Quant  à  l'accommodement  du  P.  Thomas,  il  est  certain  que  c'est 
une  chose  très  désirable',  et  je  vous  avoue  que  je  le  désire  grande- 
ment en  mon  particulier;  il  me  larde  fort  que  Mondain  ne  soit  arrivé 
pour  savoir  les  particularités  qu'il  a  à  dire  sur  ce  sujet-.  Cependant  je 
vous  escris  une  lettre  particulière  sur  ce  sujet,  que  vous  pouvés  faire 
A'oir  à  Macerati  pour  luy  en  faire  rapport. 

Quant  au  désir  que  l'abbé  Vasquez  a  de  me  voir,  je  ne  vois  nulle 
apparence  de  le  voir  en  secret,  mais  je  ferois  moins  de  difficulté  de 
le  voir  publiquement,  si  je  savois  qu'il  eust  des  propositions  justes  et 
raisonnables,  et  possibles  pour  avancer  la  paix';  tant  parce  que  si  les 
dictes  propositions  sont  justes,  elles  ne  préjudicieront  ny  aux  Sué- 
dois, ni  aux  Hollandois,  auxquels  nous  mourrions  plus  tost  que  de 
manquer  de  foy,  que  par  ce  aussy  que  nous  en  donnerions  telle  part 
qu'il  faudroit.  Cette  entrevue  non  cachée  pourroit  se  faire  ainsy  qu'il 
s'ensuit  : 

Le  marquis  de  J^eganez  demanderoit  un  passe-port  pour  faire  pas- 
ser un  courrier  par  le  Languedoc,  et  le  d.  abbé,  estant  ce  courrier, 
pourroit  proposer,  en  passant  à  Lyon,  ce  que  bon  luy  sembleroit. 


'  Dans  une  lettre  cliiQ'rée,  du  ao  août, 
le  cardinal  de  La  \  aletle  niandail  à  Riche- 
lieu :  •  Le  prince  Thomas  désire  un  ac- 
commodenient  parliculier.  .  .  Il  m'a  dit 
que  si  le  roy  avoit  agréable  de  marier  le 
duc  de  Savoie  avec  la  lille  dud.  prince,  et 
son  fils  avec  M"'  de  Longuevillu,  il  se  dé- 
clareroil  pour  le  roy.  »  (Même  ms.  fol.  69.) 

'  L'abbé  Mondini  est  compté  par  Gui- 
cheiion  parmi  les  personnages  considéra- 
bles de  la  cour  de  Turin,  p.  gSG.  On  a  vu 
(ju'ayant  été  dépêché  en  France  par  la  du- 
chesse de  Savoie,  le  cardinal  le  renvoya 
en  Italie  (8  juillet,  p.  419).  pour  porter 
à  la  princesse  les  conseils  et  les  représen- 
tations du  roi  son  frère.  —  Le  cardinal  de 
La  Valette  écrivait  à  Richelieu ,  le  1 5  août  : 
•  Le  s'  Mondin  dira  beaucoup  de  choses 


qu'a  laissé  entendre  le  prince  Thomas.  » 
(Même  ms.  fol  U 1 .)  Cet  envoyé  revint,  en 
effet,  vers  la  fin  d'août,  apportant  des  let- 
tres de  sa  maîtresse,  du  ao.  (Môme  ms. 
fol.  84.)  C'est  en  réponse  à  ce  message 
que  le  roi  écrivait  à  sa  sœur,  le  a  sep- 
tembre, qu'il  lui  renvoyoit  l'abbé  Mondin 
avec  des  instructions;  elles  sont  du  6  sep- 
tembre. L'une  et  l'autre  pièce  seront  no- 
tées, à  leur  date,  aux  Analyses. 

'  «  L'abbé  Vasquez,  leur  confident  (d'O- 
livarès  et  de  Leganez)  est  dans  le  dessein 
de  vous  aller  trouver.  »  Lettre  du  cardinal 
de  La  Valette  à  Richelieu,  du  16  août;  et, 
le  30,  il  répétait  la  même  chose,  en  ajou- 
tant :  «  L'abbé  Vasquez  voudi'oit  une  paix 
générale  et  non  partielle.  «  (Même  ms. 
fol.  5i  et  65.) 


tja. 


492  LETTRES 

Cependant,  pour  ne  rien  mettre  au  hasard,  ce  seroil  bien  Je  meil- 
leur qu'il  voulust  se  confier  en  vous,  el  vous  dire  ce  qu'il  voudroit 
proposer,  sur  quoy  je  vous  ferois  prompte  et  sincère  response. 

Je  vous  escris  encore  un  mémoire  que  vous  pouiTes  luy  faire  voir 
pour  l'induire  à  cet  expédient,  et  je  vous  prie,  au  cas  qu'il  ne  vous 
veuille  rien  dire  ,  ne  vous  engager  pas  à  nostre  entrevue  jusques  à  ce 
qu'ayant  du  temps  pour  y  penser,  je  vous  aie  faicl  response  à  ce  que 
vous  m'aurés  escrit  sur  ce  sujet. 

Je  ne  saurois  faire  aucun  jugement  des  intentions  de  M""  le  prince 
Thomas  que  lorsque  j'auray  veu  Mondain;  s'il  marche  sincèrement,  il 
vaut  mieux  entendre  à  sa  négociation  qu'à  celle  de  Vasquez;  mais  si 
son  intention  n'est  pas  bonne,  il  faut  se  rendre  soigneux  de  savoir  ce 
que  veut  dire  l'abbé  Vasquez,  quand  il  propose  qu'il  ne  faut  pas  s'ar- 
rester  aux  intérests  des  petits  princes  pour  la  paix,  mais  que  l'Kmpire 
doit  seulement  considérer  l'Espagne,  et  la  France,  les  Hollandois  et 
les  Suédois. 

En  tout  cas  il  faut  sçavoir  secrètement  du  P.  Thomas,  par  Masse- 
rati  et  ceux  d'Espagne,  et  du  marquis  de  Leganez,  par  Vasquez',  et, 
après  que  vous  aurés  faict  ce  que  vous  pouvés  en  cette  affaire,  je 
vous  manderay  s'il  y  aura  lieu  à  l'entrevue  de  l'abbé  Vasquez  ou  non. 

Souvenês  vous  qu'il  vaut  mieux  qu'il  y  ail  une  grosse  garnison  dans 
Turin  durant  la  trefve  qu'une  petite,  tant  parce  qu'ils  mangeront 
leurs  vivres,  que,  en  maltraictant  les  habitans,  ils  en  aliéneront  les 
cœurs. 

Au  nom  de  Dieu  n'oubliés  rien  de  ce  que  vous  pourrés  pour  bien 
faire  munir  la  citadelle  de  Turin,  et  les  places  que  vous  avés  en  main, 
de  toutes  choses;  comme  aussy  pour  y  faire  travailler  selon  que  vostre 
suspension  le  permettra. 

Je  viens  de  voir  ce  que  vos  dernières  lettres  du -20"'"  de  ce  mois 
m'apprennent  que  Macérât i  vous  a  dict  des  desseins  du  Pr.  Tho- 
mas. Maintenant  je  doute  de  sa  bonne  intention,  voyant  que  toutes 

'  La  plirase  est  incomplèie  dans  le  manuscrit  dt^s  Affaires  étrangères  aussi  bien  que 
dans  la  copie  de  Harlav. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  493 

ses  pensées  Vont  à  ses  intérests  particuliers.  Il  nous  estime  bien 
simples,  s'il  croit  qu'on  le  voulust  establir  dans  le  Piedmont  par  un 
accord  avec  Madame,  sans  estre  asseuré  de  sa  déclaration  contre  les 
Espagnols,  avec  lesquels  il  pourroit,  par  après,  faire  de  Madame  ce 
que  bon  luy  sembleroit. 

Il  faut  voir  prudemment  le  fond  du  pot,  et  traicter  avec  les  deux 
parties;  mais  je  vous  avoue  que  la  proposition  de  l'abbé  Vasquez,  qui 
dict  que  l'Espagne  doit  considérer  l'Empire,  et  la  France,  la  Suède 
et  les  Bollandois,  me  touche  grandement  au  cœur,  désirant  la  paix 
générale  comme  je  fais  plus  que  ma  vie. 

Je  ne  vous  fais  point  de  nouvelles  civilités  parce  que  je  croy  que 
vous  n'estes  non  plus  en  doute  de  moy  que  de  vous  mesme;  seule- 
ment vous  diray-je,  en  deux  mots,  que  ce  qui  vous  louchera  me 
touchera  toute  ma  vie,  plus  que  mes  propres  intérests. 

Madame,  à  mon  avis,  a  faict  une  très  grande  faute  d'aller  à  Saluées, 
si  elle  n'a  pris  ce  chemin  pour  aller  à  Nice,  et  sauver  tout  à  faict  cette 
place,  qui  mérite  bien  sa  présence.  Si  elle  est  asseuréé  de  Montnié- 
lian,  elle  ne  sauroit  mieux  faire  que  d'aller  à  Nice;  si  elle  ne  l'est 
pas,  elle  est  bien  misérable  de  se  mettre  en  un  lieu  où  on  la  peut 
surprendre  aisément,  et  laisser  perdre  deux  choses  si  importantes 
comme  la  Savoie  et  Nice,  et  Villelranche;  il  la  faut  faire  résoudre  à 
aller  à  Nice,  si  elle  est  asseuréé  de  Doni  F'élix ,  et  de  Montmélian  et  de 
Suse,  par  le  bon  ordre  qu'elle  aura  mis  dans  la  place  et  les  bons 
hommes  qu'elle  y  aura  establis. 

Au  nom  de  Dieu,  dites-luy,  s'il  vous  plaist,  de  ma  part,  que,  si 
elle  ne  se  veut  perdre  elle-mesme,  qu'elle  pourvoie  à  ce  qui  luy  reste, 
et  qu'elle  se  souvienne  que,  si  ses  frères  se  rendent  maistres  de  Nice 
et  de  Villelranche,  elle  ne  doit  jamais  espérer  son  restabhssement. 
Je  vous  conjure  de  luy  faire  sçavoir  sy  ouvertement  ce  que  je  luy 
mande,  et  à  ses  confidens  aussy,  que  personne  n'en  puisse  douter  '. 

A  Langres,  du  26  aoust  1689. 

'  Dan.-!  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque.        suivie  de  deux  pièces  écriies  parRiclielieu 
cette  lettre  au  cardinal  de  La  Valette  est        dans    le   dessein   d'inculquer   au    prince 


494 


LETTRES 


ccLxvn. 

Manuscrit  du  cabinet  de  M*'  le  duc  d'Aumale.  —  Minute  de  la  main  de  Gherré. 

[A  MESSIEURS  DU  CONSEIL.] 

De  Langres,  ce  37'  aoust  lôSg. 

Messieurs  du  conseil  trouveront  bon,  s'il  leur  plaist,  que  je  leur 
die  qu'il  est  de  leur  prudence  de  regarder  si  bien  doresnavant  aux 


Thomas  et  à  l'abbé  Vasquez  ce  qu'il  dési- 
rait leur  persuader  de  ses  sentiments  au 
sujet  des  affaires  actuelles.  11  est  curieux 
de  les  comparer  à  la  lettre  où  Richelieu 
dit  au  cardinal  de  La  Valette  sa  véritable 
pensée.  Peut-être  ne  furenl-elles  pas  com- 
muniquées aux  personnages  pour  qui  elles 
furent  faites,  le  cardinal  de  La  Valette  ayant 
été  atteint,  dès  les  premiers  jours  de  sep- 
hre,  de  la  maladie  dont  il  mourul.  Elles 
méritent  d'être  conservées ,  et  nous  les  don- 
nons ici  en  note.  Nos  copies  ne  sont  point 
datées,  mais  les  lettres  doivent  avoir  été 
écrites  le  môme  jour  que  la  missive  au 
cardinal  de  La  Valette,  à  la  suite  de  la- 
quelle le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  les 
a  placées. 

«i.ettrf:  qdi  peot  estre  uonstrée  au  prince  tkomas. 

'  J'oy  veu  tout  ce  que  vous  mandés  du 
désir  qu'on  vous  a  tesmoigné  qu'a  M'  le 
P.  Thomas  de  s'accommoder  avec  la 
F'raiice.  —  Je  vous  avoue  que  j  ay  esté 
estonné  jusques  à  présent  de  voir  que , 
pour  avancer  trop  les  affaires  des  Espa- 
gnols, il  reculoit  les  siennes,  que  je  ne 
savois  où  estoit  ta  prudence;  maintenant 
il  me  semble  voir  que  la  seule  nécessité 
du  mauvais  estât  où  esloient  ses  affaires 
l'a  porté  à  commencer  ce  qu'il  a  faict ,  et 


queson  jugementle  retient  présentement, 
cognoissant  bien  que  s'il  poussoit  les  af- 
faires plus  avant,  en  faisant  celles  des 
Espagnols ,  il  perdroit  absolument  les 
siennes.  —  Je  loue  Dieu  qu'il  soit  en  la 
disposition  que  vous  m'escrivés;  j'attends 
Mondain  avec  impatience  pour  en  savoir 
les  particularités.  Cependant  je  vous  dé- 
clare qu'estant  détaché  des  Espagnols  et 
sinrèrement  altaclié  à  la  France,  il  est 
raisonnable  qu'il  ayl  part  à  la  conduitte  du 
Piedmont,  qu'il  soit  recogneu  légitime  hé- 
ritier des  dicts  Estats,  au  cas  où  le  petit 
duc  vienne  à  mourir;  et  si  cela  arrive  je 
vous  puis  asseurerque  le  roy  le  maintien- 
dra aussy  franchement  dans  les  dicts  Es- 
lats,  comme  les  Espagnols  1  en  tiendroient 
dépouillé,  si  les  places  qu'ils  ont  demeu- 
roienl  en  leurs  mains.  —  Ce  sera  main- 
tenant à  M' le  P.  Thomas  à  voir  par  quels 
moyens  il  peut  asseurer  la  France  de  son 
affection ,  alln  que ,  trouvant  des  expédiens 
qui  lèvent  de  part  et  d'auire  tous  soup- 
çons, on  puisse  plus  infailliblement  faire 
réussir  ce  qui  est  du  tout  nécessaire  pour 
les  uns  et  pour  les  autres.  —  J'atlendray 
sur  ce  sujet  ce  que  vous  apprendrés  de 
nouveau,  avec  le  grand  désir  de  contri- 
buer, par  ce  moyen,  tout  ce  qui  deppen- 
dra  de  moy  pour  conserver  le  Piedmoni 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  495 

establissemeHS  nouveaux  qu'ils  voudront  faire,  qu'il  n'en  puisse  arri- 
ver d'inconvéniens  pareils  à  ceux  de  Normandie'. 

Le  nom  de  gabelle  est  si  odieux,  et  le  fruicl  de  l'establissement 
qu'ils  ont  voulu  faire  de  si  peu  de  conséquence,  que  je  ne  sçaurois 
assez  m'estonner  comme  ils  ont  vouUu  faire  une  adjonction  à  la  ferme 
des  gabelles,  qui  peut  apporter  tant  de  trouble  et  si  peu  de  proflit. 

On  pouvoit,  ce  me  semble,  considérer  qu'il  failloit  estre  d'autant 
plus  retenu  en  telles  affaires  que  l'esloingnement  du  roy  pouvoit  don- 
ner hardiesse  aux  mescbans  de  faire  esclorre  leurs  mauvais  desseins. 


el  la  Savoie  à  leurs  princes  légitimes,  et 
en  priver  les  Espagnols.  » 


«PODB   KAIRE  VOIR  À   L'\BBE  VASQttEZ. 

«  J'ay  veirce  que  vous  me  mandés  de  la 
bonne  intention  qu'a  M'  le  marquis  de  Le- 
ganezde  porter  les  aflaires  à  la  paix.el  le 
désir  que  M.  l'abbé  Vasquez  vou<  a  les- 
moigné  qu'il  auroit  de  me  voir  en  parti.- 
cidier;  je  me  sens  obligé  à  l'un  et  à  l'autre 
de  la  bonne  disposition  qu'ils  ont  et  aux 
affaires  publiques  cl  à  mon  esgard,  el  vous 
conjure  de  les  en  faire  remercier.  —  Quant 
à  l'entrevue  du  d.  s'  abbé,  vous  répondrés 
bien,  je  ra'asscure,  que  je  la  désirerois 
autant  que  luy,  sans  la  crainte  que  j'ay 
qu'elle  donnast  de  l'ombrage  aux  princi- 
paux alliés  du  roy,  qui,  leur  voulanl  gar- 
der inviolablement  sa  foy,  doit  esviter  les 
occasions  qui  leur  pourroieni  donner  les 
moindres  .soupçons.  —  La  paix  se  peut 
taire  raisonnable  et  avantageuse  à  l'Es- 
pagne, à  la  France  eX  à  l'Empire,  sans 
qu'on  nous  fasse  aucune  proposition  qui 
soit  préjudiciable  aux  Suédois  et  aux  Hol- 
landois,  et  à  la  foy  que  le  roy  le^r  a  don- 
née, el  je  me  resjouis  d'apprendre  par 
vostre  lettre  que  ce  sont  les  senlimens 
.du  d.  s'  abbé.  —  Si  M'  l'abbé  Vasquez  a 


quelque  proposition  de  celle  nature,  il 
vous  peut  parler  franchement,  en  vertu 
de  celte  lettre,  dans  laquelle  vous  luy 
pouvés  faire  voir  que  j  ay  autant  de  con- 
liance  en  vous  que  en  moy-mesme,  el  que 
je  désire  de  tout  mon  cœur  la  paix  géné- 
rale. J'attendray  une  response  sur  ce  su- 
jet ,  elle  nous  trouvera  entre  cy  el  Gre- 
noble, ou  le  roy  est  résolu  de  s'arresler 
depuis  la  nouvelle  qu'il  a  eue  de  vostre 
suspension.  »  (  Bibl.  imp.  fonds  S'-Gcr- 
main-Harlay,  .347,  fol.  '6iU  v°  et  3i5  v°. 
—  Copies.  ) 

Les  conférences  avec  l'abbé  Vasquez 
n'avancèrent  point  les  affaires;  le  37  sep- 
tembre ,  d'Argenson ,  intendant  de  l'armée 
d'Italie,  écrivait  :  «Je  vais  à  la  cassine  du 
comte  de  Verrue,  ou  se  doibt  trouver 
M' l'ab.  Vasquez  pour  résoudre  les  choses 
du  Monlferral.  •  El  nous  lisons  dans  une 
lettre  du  même  d'Argenson,  envoyée  le 
lendemain  a8  :  «  Toute  la  conférence  qui 
se  fit  hier  avec  l'abbé  Vasquez,  où  estoit 
M'  le  nonce  avec  le  commandeur  Pazer, 
se  passa  en  chicannes  de  la  part  des  Es- 
pagnols. •  (Tom.  29  de  Turin,  fol.  278  et 
284.) 

'   La  révolte  des  Nu-Pieds. 


^96  LB^TTRES 

Toutefois  et  c|uantes  qu'on  en  usera  ainsy,  on  rapellera  dans  la  mé- 
nnoire  des  peuples  le  souvenir  de  tout  ce  qui  les  blesse,  et,  bien  que 
la  dernière  nouveauté  soit  la  vraye  cause  de  leur  inouvemeni ,  pour 
rendre  leur  cause  plus  plausible,  ils  l'imputeront  à  tout  ce  qui  leur 
est  à  charge. 

Je  supplie  Messieurs  du  conseil  de  considérer  l'avenir  par  le  passé 
et  ne  s'embarquer  plus  dans  des  affaires  dont  les  conséquences  soient 
si  mauvaises  qu'on  ne  puisse  jamais  apaiser  la  rébellion  qu'en  révo- 
quant avec  honte  ce  qu'on  a  faict. 

Le  roy  crainct  que  le  parti  (ju'on  veut  faire  de  l'arrière  ban  ne  pro- 
duise encores  un  plus  mauvais  effect,  et  ne  veut  point  en  effect,  par 
son  propre'mouvement,  qu'on  le  fasse,  jugeant,  comme  je  fais  avec 
luy,  que  cela  révoltera  une  partie  de  la  noblesse. 

Sa  Majesté  apréhende  aussy  que  la  taxe  nouvelle  des  ,aysez  des 
petites  villes  fasse  encores  un  mauvais  effect.  Je  ne  puis  respondre 
que,  si  on  l'estend  dans  les  places  frontières,  il  en  arrivera  tel  incon- 
vénient qu'on  ne  le  pourra  pas  par  après  réparer. 

Je  sçay  bien  que  Messieurs  les  surintendans  diront  aussytost  qu'on 
ne  faict  rien  de  rien,  et  que  la  nécessité  oblige  à  faire  beaucoup  de 
choses  qu'ilz  condamneroient  eux  mesmes  en  une  autre  saison;  mais 
je  les  prie  de  croire  que  celles  qui  peuvent  donner  non  seulement 
des  cœurs,  mais  des  places  à  nos  ennemis,  sont  condamnables  en^ 
tous  temps. 

Touttes  les  villes  où  nous  avons  passé'  sont  au  désespoir  d'estre 
privées  de  tous  leurs  deniers  d'octroy,  et  d'estre  contraintes  d'aban- 
donner tout  ce  qui  peut  ayder  à  leur  conservation  ;  je  ne  condamné 
pas  ce  qu'on  a  faict,  puisque  la  nécessité  y  a  contrainct,  mais  j'ose 
bien  dire  que  c'est  chose  du  tout  nécessaire  non  seulement  de  leur  en 

'  Bichelieu  avait  vu  enfin  ,  et  il  s'était  arrêté  ses  regards  sur  tes  affaires  de  l'inté- 

instruit  à  ce  speclacle  des  populations  fou-  rieur,  il  s'était  trop  peu  occupé  du  sort  du 

lées  et  souffrantes.  Mais  depuis  quinze  ans  peuple.  C'est  pourquoi  son  administration 

qu'il  gouvernait  la  France  avec  un  pou-  est  restée  si  inférieure  à  sa  politique.  C'est 

voir  absolu,  et  qu'il  tenait  les  yeux  alla-  une  vérité  historique  sur  laquelle  il  n'est 

chés  sui'  l'Europe  entière,  il  avait  trop  peu  peulèlre  pas  inutile  d'insister. 


DU  CARDINAL  DE  KICHELIEU. 


497 


donner  d'autres,  mais  de  restablir  la  réputation  du  con**,  aux  parolles 
duquel  elles  adjoustent  peu  de  foy. 

Il  faut  essayer  de  remédier  à  l'affaire  de  Normandie,  par  prudence 
et  par  adresse ,  le  mieux  que  l'on  pourra;  car  d'espérer  maintenant  des 
gens  de  guerre  pour  cet  effect,  c'est  chose  du  tout  impossible'. 


CCLXVIII. 

Bibl.  imp.  Suite  de  Dupuy,  t.  XV,  fol.  a64-  —  Original  ^  — 

Béthune,  92^1,  fol.  i56,  et  9349,  fol.  178.  —  Copies'. 

Arch.  de  l'Enip.  K  i3/i.  Guyenne,]"  partie,  fol.  1 33, pièce  2o3. — 

Mise  au  net  de  la  minute  '.  —  Imprimée  :  Correspondance  de  Sourdis,  II,  p.  127  '. 

SOSCBIPTION  : 

A  MONS.  M.   L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAIX, 

UEDTEIJIIIT  GÉNÉRAL  DE   L'ARHÉE. 

28  août  1639. 

Monsieur,  je  ne  sçaurois  assez  vous  tesmoigner  la  joye  que  j'ay  eue 
de  l'avantage  que  vous  avés  remporté  sur  les  ennemis  aux  costes  d'Es- 
pagne. Je  reçois  cette  victoire  comme  un  augure  d'autres  bons  événe- 
mens  qui  vous  arriveront,  estant  asseuré  que  vous  n'oublierés  rien  de 
ce  que  vous  pourrés  pour  n'en  demeurer  pas  là. 


'  On  en  trouva  bientôt  pourtant;  on 
sait  l'expédition  de  Gassion  contre  Avran- 
clies,  et  celle  du  chancelier  Séguier,  à 
Houen ,  où  il  était  accompagné  du  même 
Gassion,  à  la  fîn  de  1639  et  au  commen- 
cement de  16A0.  —  Au  dos  de  cette  mis- 
sive à  Messieurs  du  Conseil ,  on  lit  :  «  Cop- 
pie  de  deux  lettres  de  deffnnt  Monseig'  le 
cardinal  à  Messieurs  du  conseil.  »  Cette 
note,  écrite  après  la  mort  de  Richelieu, 
ne  paraît  pas  être  de  la  main  de  l'un  de 
ses  secrétaire»  ;  elle  ne  semble  se  rapporter 
qu'à  la  présente  lettre.  Le  copiste  aurait-il 
réuni  deux  lettres  en  une  ? 

'  Cet  original  offre  certaines  différences 
avec  la  minute  du  manuscrit  des  Archives; 
nou.5  en  notons  quelques-unes. 

CAHblM.  DE  BICHELIED.  —  VI. 


'  En  marge  de  la  copie  du  vol.  9241 
on  lit  :  «  De  la  main  de  Chirurgien  »  (Voir 
sur  cette  indication  la  note  de  la  page  267, 
ci-dessus.) 

*  Cette  minute  était  sans  doute  difiicile 
à  lire,  car  la  mise  au  net  offre  plusieurs 
fautes  qui  ont  été  corrigées  par  Cherré , 
lequel  a  mis  la  date  du  a8  août  au  haut 
de  la  pièce. 

'  Trois  vol.  in-4°,  dans  la  Collection  des 
documents  inédits.  Nous  devons  réimpri- 
mer cette  pièce  parce  que  la  première  pu- 
blication est  très-fautive;  l'éditeur  n'a  pas 
toujours  su  lire  les  manuscrits ,  et  il  a  cons- 
tamment falsifié  les  nombres,  faute  de 
comprendre  les  signes  dont  on  se  servait 
alors. 

63 


498  LETTRES 

J'ay  veu  par  vostre  relation  le  sujet  que  le  roy  a  d'estre  content  de 
tous  ceux  qui  ont  servi  en  cette  occasion,  que  j'ay  faict  valoir  autant 
qu'il  m'a  esté  possible.  Je  vous  prie  de  leur  tesmoigner  le  contentement 
que  j'ay  de  l'honneur  qu'ils  ont  acquis,  et  le  désir  qiie  j'auray  tousjours 
de  les  servir,  en  revanche  de  ce  qu'ils  ont  faict. 

Pour  respondre  aux  divers  points  de  vostre  lettre  je  vousdiray,  pre- 
mièrement, que  je  n'estime  pas  que  vous  déviés  penser  à  fortiffier  l'é- 
minence  de  Laredo',  où  ilseroit  impossible  de  faire  rien  de  bon  pour 
ce  qu'il  n'y  a  point  d'eau. 

Quant  à  ce  qui  a  esté  pris,  le  gahon,  tous  les  canons,  munitions 
de  guerre  et  agrez,  en  un  mot  ce  que  vous  jugerés  nécessaire  au  roy 
estant  réservé,  vous  pouvés  partager  le  reste  entre  tous  ceux  qui  y 
doivent  avoir  part ,  ce  que  j'estime  très  raisonnable  ^. 

M.  de  Noyers^  vous  faict  response  particulière  pour  ce  qui  est  des 
monstres,  du  désarmement  et  des  lieux  où  vous  mettrés  vos  gens  en 
garnison*. 

Vous  me  mandés  qu'il  faut  pourvoir  à  Belle-lsle.  On  a  desjà  escrit 
à  M.  de  Retz  qu'il  y  prenne  soigneusement  garde.  Je  luy  escriray  de 
nouveau,  et  je  vous  prie,  en  vous  en  revenant  de  la  mer,  de  luy  faire 
une  dépesche  sur  ce  sujet ,  luy  offrir  deux  ou  trois  cents  hommes  de  gar- 
nison ,  et,  s'il  les  accepte,  les  luy  envoyer  de  ceux  que  vous  ramenerés. 

Le  roy  trouve  bon  que  les  pavillons  que  vous  luy  avés  envoyez 
soient  portés  à  Bordeaux  et  mis  dans  vostre  église,  pour  marque  à 
vos  ouailles  que ,  tandis  que  vous  n'avés  peu  les  paistre  actuellement 
en  terre,  vous  acquérés  des  lauriers  sur  la  mer. 

J'ay  veu  ce  que  vous  demandés  pour  les  prests  et  pain^  des  régi- 
mens  qui  sont  sur  vos  vaisseaux  et  pour  deux  monstres  de  leurs  ofii- 
ciers,  et  ce  pour  cent  quatre  vingt  deux  jours,  le  tout  revenant  à  cent 

Petit  port  «les  côtes  de  Biscaye.  La  Cor-  lançay  près   Dijon,  3o  aoiist,»  se  trouve 

respondancede  Sourdisamis:  «  La  Bede.  »  dans  le  manuscrit  de  la  suite  de  Dupuy, 

'  n  y  a  dans  la  minute  :  «  Entre  les  fol.  a68. 
cappitaines,  et  j'estime  du  tout  à  propos  '  Ce  paragraphe  n'est  pas  dans  la  Cor- 

d  en  user  ainsy.  »  respondance  de  Sourdis. 

'  La  lettre  de  de  Noyers,  datée  de  >Gha-  '  «Prêle-pain.»   {Corresp.  de  Sourdis.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  499 

soixante  treize  mille  livres',  sur  quoy  le  trésorier  a  receu  cinquante 
trois  mille  livres^;  présentement'  on  luy  faict  encore  donner  fonds  de 
soixante  cinq  mille  livres*,  moyennant  quoy  l'on  s'asseure  que  vous 
aurés  de  quoy  satisfaire  aux  prestz  des  soldats  effectifs  qui  se  trouve- 
ront aux  régimens,  et  aux  deux  monstres  des  officiers. 

Quant  aux  quatre  cent  seize  mille  livres  que  le  trésorier  prétend 
qu'il  avoit  de  mauvaises  assignations,  M.  de  Bullion  a  mandé  à  M.  de 
Noyers,  sur  cet  article,  qu'il  donneroit  contentement  au  Picart^  aussy 
tost  qu'il  le  verroil.  Ainsi  je  crois  que  vous  aurés  sujet  d'estre  satisfait, 
et,  en  effect,  il  faut  accoustumer  les  soldats  à  l'estre  de  la  raison, 
et  ceux  qui  les  commandent  de  ne  demander  pas  pour- eux  plus  que 
ce  qui  se  peut. 

Il  ne  seroit  pas  raisonnable  de  payer  le  pain  aux  soldats  sur  la  mer 
au  prix  que  le  roy  le  paye  sur  la  terre ,  à  cause  des  voitures ,  sans  les- 
quelles il  ne  couste  que  i8  deniers  en  terre,  au  lieu  qu'on  vous  le 
paie  à  raison  de  deux  sols.  Aussy  peu  y  a-t-il  apparence  de  bailler 
une  monstre  aux  soldais  outre  leurs  prestz  et  leur  pain  qu'ils  auront 
eu  sans  perdre  un  jour  tout  du  long  de  la  campagne. 

Le  roy  faisant  estât  de  bien  payer  cet  hiver  tous  les  soldats  qui  se- 
ront effectifs  dans  les  lieux  où  ils  auront  leurs  quartiers,  cette  con- 
sidération et  celle  que  vous  me  mandés  que  les  Espagnols  peuvent 
faire  des  desseins  sur  Belle-Isle  ne  pouvant  avoir  autant  de  lieu  sur 
nos  costes  que  sur  cette  isle,  faict  que  S.  M.  désire  que  vous  mettiés 
A  ou  5  compagnies  en  garnison  dans  Belle-Isle,  si  M.  de  Retz  les 
veut  recevoir*';  cinq  ou  six  à  Brest,  autant  à  Blavet,  et  le  reste  en  Ré, 
Oleron  et  autres  lieux  proches  de  la  Rochelle,  où  aussi  tost  que 
nous  aurons  receu  de  vos  nouvelles  nous  envoyerons  un  trésorier 
avec  de  l'argent,  pour  payer  par  avance  les  prestz  aux  soldats  et  aux 

'  •  Mille  sept  cenllrente-neufliv.  •  (Cor-  '  «  Mille  septcent  soixante  neuf.  •  (/ii(£.) 

respondance  de  Sourdis.  )  Notez  qu'il  s'ngil  '  Payeur  de  la  marine, 

du  pain  et  de  la  solde  de  plusieurs  régi-  "  Henry  de  Gondy,  duc  de  Retz,  pair 

menls  pendant  près  de  trois  mois.  de  France;  il  était  seigneur  de  Belle-Ue, 

'  •  Cinq  cent  trente-neuf  liv.  •  [Ibid.)  érigée  en  marquisat,  et  il  en  avait  le  gou- 

'  «Premièrement.»  {Ibid.)  vernement. 

63. 


500  LETTRES 

capitaines  et  officiers,  dont  lesd.  capitaines  ont  un  escu  par  jour,  et 
les  autres  au  prorata  ^ 

Quand  vous  ferés  vos  désarmemens  vous  envoyerés  les  grands 
vaisseaux  du  roy  à  Brest,  huit  au  Havre  et  trois  ou  quatre  petits  à 
Brouage.  J'ay  faict  partir  le  s'  Petit  pour  aller  à  Brest  expressément 
faire  mettre  le  port  en  tel  estât  que  la  chambre  soit  seure  pour  les 
vaisseaux  du  roy,  et  que,  la  fermant  avec  de  bonnes  chaînes,  les  en- 
nemis n'y  puissent  faire  mal  ny  par  effort,  ny  par  feu. 

-  M.  de  Noyers  vous  escrivant  amplement  sur  le  reste  des  affaires, 
je  ne  vous  feray  cette  lettre  plus  longue  que  pour  vous  asseurer  de  la 
continuation  de  mon  affection,  que  vous  trouvères  tousjours  telle  en- 
vers vous  que  vous  la  pouvés  désirer  de  celuy  qui  est  véritablement, 
Monsieur, 

Vostre  affectionné  confrère  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Langres,  ce  29*  aoust  1689. 

ccr,xix. 

Arch.  des  AIT.  élr.  France,  i63g,  Supplément,  fol.  3a8.  —  Original. 

SOSCRIPTION: 

POUR   M.  ROUTHILLIER, 

LE  SDRINTBIIDART. 

/  De  Langres,  ce  28°  aoust  1639. 

J'ay  sceu  les  désordres  de  Rouan,  mais  je  ne  sçay  pas  le  remède, 
estant  impossible  de  trouver  les  gens  de  guerre  qui  sont  demandés, 
si  on  ne  veut  perdre  toutes  les  affaires  du  roy,  et  abbandonner  la 
France  aux  estrangers.  Et  encore ,  quand  on  voudroit  s'exposer  à  cet 
inconvénient,  vous  ne  sçauriés  avoir  ce  remède  de  deux  mois,  et  le 
mal  que  nous  en  recevrions  ne  seroil  pas  si  tardif. 

'   A  la  marge  de  ce  paragraphe,  l'ori-  les  bien  payant,  l'expérience  nous  faisant 

ginal   donne   celte   addition ,  que  je  ne  cognoistre  que  c'est  là  le  meilleur  ordre 

trouve  pas  dans  la  minute  :  «  Le  roy  fait  qu'on  puisse  garder.  » 
loger  cette  année  toutes  ses  armées,  pen-  '  Ce  dernier  paragraphe  n'est  pas  dans 

dant  l'hyver,  dans  les  villes  frontières,  en  la  minute. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


501 


Je  vous  avoue  que  je  ne  sçay  comme  vous  ne  pensés  un  peu  plus 
que  vous  ne  faictes  aux  conséquences  des  résolutions  que  vous  prenés 
dans  vostre  conseil  des  finances.  Il  est  aisé  de  prévenir  les  maux 
niesme  les  plus  incurables,  et  quand  ils  sont  arrivez  ils  se  trouvent 
sans  remède. 

Il  faut,  à  mon  avis,  que  le  temps  et  la  bonne  conduite  de  ceux  qui 
sont  sur  les  lieux  remédient  à  ceux-là. 

Je  vous  prie  me  tirer  de  l'affaire  de  madame  de  Harcourt,  dont 
mons"^  de  Mauroy  '  a  l'argent  tout  prest,  et  de  bien  prendre  vos  seu- 
retez  de  gens  bien  solvables,  ne  désirant  point  avoir  aucune  affaire  à 
démesler  avec  la  pi'incipauté,  ny  masle,  ni  femelle. 

J'ay  esté  bien  aise  de  voir  par  vostre  seconde  lettre  que  le  mal  de 

Rouan  n'ait  pas  esté  tel  que  vos  premières  le  représentoient'^. 

J'ay  receu  le  pacquet  de  Puj  '. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCLXX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Allemagne,  t.   i5,   pièce  il\b.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  irap.  Cinq-cenI»  Colberl,  t.  45,  fol.  a3i.  —  Copie'. — 

Saint-Germain-Harlay,  346 ,  t.  i ,  fol.  aSg.  —  Copie. 

A  M.  DE  PICOLOMINI. 

Du  2  septembre  lôSg. 

Je  ne  sçay  si  j'entends  bien  la  langue  italienne,  mais  je  sçay  bien 


'  C'était  l'un  des  principaux  commis  de 
de  Noyers. 

*  Le  surintendant,  qui  se  trouvait  com- 
promis dans  les  mesures  Gnancières  que 
blâme  Richelieu ,  tâchait  d'atténuer  la  gra- 
vité de  l'insurrection;  on  sait  de  quelles 
tristes  conséquences  elle  fut  suivie.  Le 
cardinal  ne  tarda  pas  à  voir  que  les  pre- 
mières informations  étaient  plus  exactes 
que  les  secondes. 

'  Nous  trouvons  aux  Affaires  étran- 
gères,   dans    les    manuscrits    d'Espagne 


(  t.  1  g  non  coté) ,  des  lettres  de  Piijol,  des 
8  et  ao  juillet,  contenant  une  réponse  du 
comte  d'Olivarez  à  une  comnmnication 
qu'il  avait  été  chargé  de  lui  faire.  C'est  tou- 
jours à  Cliavigni  que  Pujol  adresse  ses 
lettres,  et  ce  sont  sans  doute  celles  que 
nous  indiquons  qui  formaient  le  paquet 
dont  Richelieu  accuse  réception. 

'  Les  deux  manuscrits  de  h  Biblio- 
thèque disent  :  «Transcrite  sur  une  copie 
de  la  main  de  Cherré.  • 


502  LETTRES 

qu'en  François  prétexte  n'est  pas  un  mot  qui  puisse,  en  façon  quel- 
conque, desplaire  à  ceux  envers  lesquels  on  en  use.  Je  sçay  de  plus 
que  cent  mil  escus  n'est  point  une  rançon  proportionnée  à  la  qualité 
de  lieut'  g"'  de  M.  de  Fequières,  et  beaucoup  moins  au  bien  qu'il 
possède.  Et  partant,  je  croy,  ou  que  V.  E'=^  ne  désire  pas  le  deslivrer, 
ou  qu'elle  le,  mettra  à  une  rançon  qui  ayt  du  rapport  à  son  bien  et  à 
sa  qualité. 

Quant  aux  autres  prisonniers,  le  s'  de  Cornillon  vous  dira  ce  qu'il 
a  charge  de  S.  M.  Seulement  vous  remarqueray-je  qu'ayant  en  Nor- 
mandie bon  nombre  d'Espagnols  pris  sur  mer,  et  beaucoup  à  Calais 
de  ceux  qui  furent  pris  à  la  journée  de  S'  Nicolas,  entre  lesquels  il  y 
a  plusieurs  officiers ,  et  quelques  uns  restés  de  l'enlèvement  du  quar- 
tier desCrovales'  arrivé  depuis  peu,  ce  que  V.  E"^  pratiquera  envers 
les  nostres  sera  observé  envers  tous. 

Comme  je  ne  doute  point  ny  de  son  équité,  ny  de  sa  courtoisie, 
elle  se  peut  asseurer  qu'eUe  trouvera  tousjours  ces  deux  qualitez  dans 
l'esprit  des  François,  et  qu'en  particulier  je  tiendray  à  faveur  de  vous 
tesmoigner  que  je  suis... 


CCLXXI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  37,  fol.  1 15.  —  Mise  au  net'. 

Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  S/iy.fol.  33o  v°.  — Copie'.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Rr.  (Extrait*.; 

A  M.  LE  CARDIIVAL  DE  LA   VALETTE. 

2  septembre  i63g. 

Monseigneur, 
Je  ne  saurois  mieux  vous  faire  cognoistre  ce  que  le  s"'  Mondain 

'  Les  deux  copies  écrivent  «  Crouates,  »  transcription  a  élè.  faite  sur  une  «  copie  de 

ce  qui  est  la  même  chose;  on  disait  aussi  la  main  de  Chirurgien.  »  (Voyez  page  267, 

alorsCravates ,  et  Croates ,  nom  qui  estresté.  ci-dessus.  ) 

'  Cette  pièce  a  été  préparée  pour  la  '  Voyez  la  noie  2  de  la  page  56  de  ce 

continuation  des  Mémoires  de  Richelieu.  volume. 

'  Le  manuscrit  de  Harlay  dit  que  sa 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  503 

retourne  faire  en  Piedmont  qu'en  vous  envoyant  copie  de  son  ins- 
truction. 

H  n'est  plus  question  de  délibération  mais  d'exécution. 

Le  roy  désire  absolument  de  Madame  ce  qu'il  luy  mande  ',  partant 
S.  A.  ayant  asseuré  led.  s"'  Mondain  qu'elle  feroit  tout  ce  que  S.  M. 
voudroit,  nous  ne  doutons  point  de  l'exécution.  Vous  ferés  donc,  s'il 
vous  plaist,  recevoir  Veillane  et  Suse,  et  y  mettrés  des  gens  capables 
d'en  respondre.  Au  nom  de  Dieu,  Monseigneur,  faites  travailler  en 
diligence  à  toutes  les  places  que  le  roy  lient  en  Piedmont,  et  surtout 
à  la  citadelle  de  Turin;  la  passion  que  j'ay  à  cette  affaire  faict  que 
nous  envoyons  expressément  le  s""  de  Chanteloup,  l'un  des  commis 
de  M""  de  Noyers,  avec  de  l'argent;  il  est  entendu  et  diligent,  et  je 
croy  que,  sous  vostre  autorité,  il  n'aidera  pas  peu  à  presser  ces  ou- 
vrages. 

Le  roy  envoie,  par  le  mesme  s'  de  Chanteloup,  dix  mille  escus  à 
Madame  pour  luy  donner  moyen  de  faire  son  voyage  à  Nice  et  de  n'y 
entrer  pas  sans  un  teston.  Mais  led.  s'  de  Chanteloup  a  charge  ex- 
presse de  ne  délivrer  point  le  dict  argent,  si  elle  ne  se  résout  à  ce  qui 
est  porté  dans  la  dicte  instruction,  et  si  elle  n'en  commence  l'exécu- 
tion par  Veillane  et  Suze.  Ce  sera  donc  à  vous  à  luy  dire  quand  il  devra 
délivrer  cet  argent. 

Mondain  m'a  dict  la  proposition  que  l'abbé  Vasquez  faict  de  me 
voir,  sur  quoy  je  ne  luy  ay  rien  respondu ,  me  contentant  de  vous 
avoir  mandé  ce  que  j'ay  faict  de  Langres,  que  vous  devés  mesnager 
particulièrement.  Je  croy  qu'en  demandant  un  passeport  pour  passer 
en  Espagne,  c'est  chose  qui  se  pourra  faire;  mais  je  vous  en  maiide- 
ray  la  dernière  résolution  après  avoir  receu  vostre  response  sur  la 
dépesche  que  je  vous  ay  faicte  sur  ce  sujet;  à  mon  avis  que  le  désir 
qu'a  cet  abbé  de  me  voir  pourra  faciliter  la  prolongation  de  la  Irefve; 
si  vous  savés  quelque  moyen  capable  de  luy  faire  concevoir,  comme 

'  Ce  même  jour,   2  septembre,  le  roi         tioii  donnée  à  J'abbé  Mondini.  il  sera  t'ail 
écrivait  à  la  duchesse  sa  sœur  une  lettre        menlion  de  celte  lettre  aux  Analyses, 
de  quelques  lignes,  se  référant  à  l'instruc- 


504  LETTRES 

de  luy-mesme,  qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  de  faire  une  telle  entrevue 
pour  tomber  trois  jours  après  dans  la  guerre. 

Après  avoir  ouï  Mondain,  je  ne  vois  pas  qu'il  y  ait  beaucoup  à  espé- 
rer du  P.  Thomas.  C'est  un  homme  qui  va  audacieusementà  ses  fins, 
et  qui  ne  demande  à  s'accommoder  avec  Madame  que  pour  la  man- 
ger plus  aisément  par  après.  Nous  escouterons  pourtant  ce  qu'il  vou- 
dra dire. 

Je  vous  prie  nous  envoyer  le  s'  Fabert  afin  qu'on  puisse  juger  ce 
qui  se  pourra  faire,  au  cas  que  la  trefve  ne  se  prolonge  pas. 

Madame  allant  à  Nice,  il  est  besoin  que  quelqu'un  aille  avec  elle  de 
la  part  du  roy;  si  les  troupes  se  peuvent  passer  de  M'  d'Argenson, 
nous  estimons  qu'il  seroit  très  propre  pour  faire  ce  voyage;  en  tout 
cas,  si  c'est  chose  impossible,  quand  nous  saurons  qu'elle  devra  ar- 
river à  Embrun  nous  luy  envoyerons  quelqu'un,  ne  jugeant  pas  que 
M"'  de  La  Cour  puisse  quitter  Pignerol. 


GCLXXII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  ay,  pièce  1 1 1 .  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibi.  imp   Sainl-Germain-Hariay,  347,  '^'-  2*7  ^°-  —  Copie.  — 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Rr  '.  —  Copie. 

LrVSTRUCTION  DONNÉE  PAR  S.  M. 

AU  SIEUR  MONDAIN  , 

ALLANT  VERS  MADAME  DE  SAVOIE  '. 

2  septembre  iBSg. 

Le  roy  voulant,  autant  qu'il  peut,  perdre  la  mémoire  des  fautes  qui 
se  sont  faictes  en  la  conduite  de  Madame,  du  peu  d'estat  qu'elle  a 
faict  de  ses  conseils,  et  des  malheurs  qui  luy  sont  arrivés  par  l'ex- 
traordinaire méfiance  qu'elle  a  tousjours  eue  de  S.  M.  ne  veut  point 
luy  remettre  le  passé  devant  les  yeux,  mais  il  luy  suffit  de  la  prier 

'   Voy.  ci-dessus,  note  2  de  ia  page  b6.  —  '  Celte  pièce  était  préparée  pour  entrer 
dans  les  Mémoires  de  Richelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  505 

de  considère!*  les  affaires  en  Testât  qu'elles  sont  présentement  pour 
ne  se  tromper  pas  aux  remèdes  qu'on  y  doit  apporter. 

Il  reste  à  Madame  de  sauver  la  Savoie,  Veillane,  Suze,  Nice  et 
Villefranche.  On  ne  dit  rien  de  Cahours,  parceque  le  s'  Mondain  a 
asseuré  que  Madame  y  a  pourveu.  C'est  à  elle  et  à  son  conseil  de  voir 
comme  elle  le  peut  faire,  profitant  des  malheurs  qui  luy  sont  arrivés 
pour  penser,  avec  trop  de  crédulité,  conserver  sans  peine  ce  dont 
elle  devoit  prévoir  la  perte  asseurée. 

Si  Madame  peut  conserver  par  elle  seule  ce  qui  luy  reste,  S.  M.  luy 
conseille  de  n'en  user  pas  autrement. 

Si  elle  estime  ne  le  pouvoir  faire  sans  l'assistance  de  S.  M.  elle  la 
luy  offre  ainsy  et  en  telle  façon  qu'elle  la  désirera. 

Mais  sa  dicte  M.  veut  qu'elle  sache  déterminément  de  sa  part 
qu'elle  achèvera  de  perdre  le  reste  de  ses  Estats,  ses  enfans  et  elle- 
mesme  si  elle  ne  pourvoit  autrement  à  ses  places  qu'elle  a  faict  par  le 
passé,  et  si  elle  ne  s'en  asseure  sy  certainement  qu'il  n'en  puisse  arri- 
ver d'inconvénient. 

Le  peu  d'affection  et  de  fermeté  que  les  Piedmontois  ont  tesmoigné 
au  service  de  Madame  faict  que  S.  M.  ne  faict  point  de  difficulté  de 
luy  dire  qu'elle  doit  metti'e  des  garnisons  françoises  dans  Veillane  et 
dans  Suze,  commandées  par  des  chefs  bien  résolus,  qui  soient  aussy 
François,  et  sy  bien  munir  les  d.  places  de  toutes  choses  nécessaires 
qu'elles  ne  s'en  trouvent  pas  dépourvues  au  besoin ,  comme  a  faict  la 
citadelle  de  Turin ,  qu'on  asseuroit  ne  manquer  de  quoy  que  ce  pust 
estre;  et,  si  elle  n'en  peut  faire  la  despense,  S.  M.  s'offre  à  faire  gar- 
der les  d.  places,  pourveu  qu'elles  luy  soient  remises  sans  délay,  et 
non  à  l'extrémité,  comme  la  citadelle  de  Turin.  Ce  deppost  est  d'au- 
tant plus  raisonnable  qu'il  est  du  tout  nécessaire  pour  la  conservation 
de  la  citadelle  de  Turin ,  et  pour  fermer  aux  ennemis,  par  ce  costé-là, 
le  passage  de  la  Savoie'. 

'  La  fin  de  ce  paragraphe  a  été  ajoutée  vante  prouve  qu'il  a  copié  sur  notre  origi- 
par  Richelieu  ;  le  copiste  de  Harlay  l'a  en-  nal  :  i  Haec  quae  sunt  iiiclusa  duobus  semi 
fermée  entre  parenthèses ,  et  la  note  sui-        •  circulis ,  adscripla  sunt  in  margine  manu 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  ïl'.  64 


506 


LETTRES 


Quant  à  la  Savoie  le  roy  ne  doute  point  que  la  qualité  et  la  pro- 
bité de  don  Félix,  et  les  asseurances  qu'il  a  données  à  Madame  de  sa 
fidélité ,  ne  soient  suivies  des  effects  qu'elle  en  peut  désirer. 

Pour  ce  qui  est  de  Montmélian,  S.  M.  estime  que  Madame  y  doit 
mettre,  sans  attendre  un  moment,  un  gouverneur  du  tout  asseuré  à 
sa  personne ,  à  celle  de  Mons'  son  fils  et  à  ceux  qui  seuls  le  peuvent 
protéger.  Madame  estant  entièrement  asseurée  de  la  maison  d'Aillé, 
elle  pourroil  mettre  le  marquis  de  Saint-Germain  dans  le  Montmélian. 

Quant  à  Nice  on  ne  croit  point  que  Madame  puisse  trouver  d'autre 
expédient  que  de  s'y  transporter  en  personne»  ce  qu'elle  peut  en  ve- 
nant passer  de  Pignerol  par  auprès  d'Ambrun  pour  entrer  dans  la 
Provence  et  se  rendre  au  chasteau  de  Nice,  selon  les  asseurances 
qu'elle  a  de  la  fidélité  du  gouverneur'. 

Quand  Madame  sera  bien  establie  dans  Nice,  elle  y  pourra  faire  ve- 
nir M"  ses  enfans  selon  qu'elle  l'estimera  plus  à  propos. 

Voilà  le  dernier  conseil  que  le  roy  veut  donner  à  Madame,  et  le 
meilleur  qu'elle  puisse  recevoir,  sur  quoy  S.  M.  n'attendra  pas  seule- 
lement  response,  mais  exécution  de  ce  que  Madame  voudra  faire, 
pour  ensuitte  seconder  sa  conduitte  si  elle  est  bonne ,  ou  se  laver  hau- 
tement et  publiquement  de  tout  le  mal  qui  luy  pourra  arriver,  si 
elle  mesprise  les  avis  de  S.  M.  comme  elle  a  faict  par  le  passé  en 
toutes  choses. 

Le  roy  désire  que  le  s'  Mondain  luy  rapporte  promptement  réso- 
lution et  exécution  de  tout  ce  que  dessus,  afin  que  S.  M.  puisse  voir 
ensuitte  quelle  route  elle  doit  prendre. 


«  ipsius  D.  carclinalis  Rich.  »  Cette  note  la- 
tine du  manuscrit  de  Haiiay  est  mise  en 
fiançais  dans  le  manuscrit  de  Dupuy. 

'  Malgré  ces  assurances  on  crut  néces- 
saire de  faire  sonder  ce  gouverneur,  le  com- 
mandeur de  Sales,  lequel  répondit  que, 
«  sans  quo  Madame  pristia  peine  d'aller  là, 
il  gardoroit  fidèlement  la  place  à  M'  son 
lils.  »  —  «  Celte  response  semble  bien  am- 


biguë,» écrivit  Richelieu  à  Mondini,  au- 
quel il  se  bâta  d'envoyer  un  courrier  :  «  Si 
Madame  a  quelques  asseurances  particu- 
lières du  d.  commandeur,  que  nous  ne 
sachions  point,  qui  luy  ostent  loul  doute 
de  sa  fidélité,  il  vaut  mieux  qu'elle  vienne 
droit  à  Cliarabéry  pour  asseurer  Monlmé- 
liam.  »  Cette  lettre,  datée  du  6  septembre, 
sera  notée  aux  Analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  507 


CCLXXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  27,  foi.  1 14.  —  Minute  autographe. 
Bibl.  inap.  Saint-Germain-Harlay,  347>  fol.  33o.  — Co|)ie'. 

A  MADAME  DE  SAVOIE. 

2  septembre  i63g. 

Madame,  ces  trois  lignes  sont  pour  dire  à  V.  A.  que  le  roy  luy 
renvoie  le  s"'  Mondain  pour  luy  faire  savoir  le  seul  moyen  qui  luy 
reste  de  sauver  les  débris  de  son  naufrage.  Je  la  conjure  de  mettre 
la  main  à  l'œuvre  aussytost  qu'elle  l'aura  entendu,  sans  perdre  un 
moment;  moyennant  cette  diligence  je  ne  désespère  pas  de  ses  affaires, 
mais  je  la  puis  asseurer  que,  sans  cela  ,  elle  est  perdue  sans  ressource. 
11  n'est  plus  temps  de  délibérer;  il  faut  venir  aux  exécutions,  si  vous 
ne  voulés,  en  vous  abandonnant  vous  mesme,  donner  lieu  à  celuy 
seul  qui  vous  peut  protéger,  après  Dieu,  de  suivre  vostre  exemple. 
J'implore  de  tout  mon  cœur  l'assistance  du  ciel  pour  vous,  et  suplie 
la  bonté  divine  qu'elle  vous  rende  capable  de  vous  laisser  servir  à 
ceux  qui  sont  comme  moy  de  V.  A '^ 


CCLXXIV. 
Archives  de  Condé   Communication  de  S.  A.  R.  Mgr  le  duc  d'Aumale.  Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

&  septembre. 

Monsieur,  Je 

commenceray  cette  lettre  par  les  bonnes  qualité?,  de  Mons'  le  duc 
d'Anguien,  qui  sont  telles  que  vous  en  devés  demeurer  contant.  Il  a 

'   Une  note  marginale  du  ms.  de  Harlay  '  Le  cardinal  jugea  nécessaire  que  le 

dil  :  «Copie  escrile  di;  la  main  de  Riche-  roi  écrivît  le  même  jour,  2  septembre, 

lieu.  >  C'est  sans  doute  la  minute  des  Af-  une  lettre  à  Madame.  La  minute  est  de  la 

faires  étrangères  que  le   copiste  indique  main  de  Cherré.  Il  en  sera  fait  mention 

ainsi.  La  pièce  avait  été  préparée   pour  aux  Analyses, 
les  Mémoires  de  Richelieu. 

64. 


508 


LETTRES 


beaucoup  d'esprit,  de  discrétion  et  de  jugement  ^  Il  est  creu  de  plus 
de  deux  doigts  et  croistra  encores,  autant  qu'on  peut  juger,  de  beau- 
coup. Le  respect  qu'il  a  pour  vous  paroist  en  toutes  ses  actions.  Je 
croy  qu'il  sera  de  vostre  prudence  de  luy  choisir  cet  hiver  un  vieil 
gentilhouime  bien  expérimenté  en  la  guerre  ^,  et  luy  donner  avec  luy 
plus  de  liberté  en  sa  conduite.  Pour  la  campagne  qui  vient,  ma  pen- 
sée est  que  vous  ne  voudrés  pas  qu'il  la  passe  sans  la  voir,  et  que 
vous  devés  luy  permettre  de  la  voir  avec  le  plus  vieil  mareschal  de 


'  Le  duc  d'Enghien ,  né  le  8  septembre 
1 6a  i ,  touchait  à  sa  dix-huitième  année.  On 
se  plaît  à  recueillir  ces  premières  espé- 
rances d'une  vie  qui,  à  trois  ans  de  là, 
était  déjà  glorieuse.  En  faisant  cet  éloge 
du  jeune  duc,  Richelieu  n'était  pas  tout  à 
fait  désintéressé;  nous  avons  vu,  dés  le 
mois  d'octobre  de  l'année  précédente  (ci- 
dessus,  p.  ai3)  ,que  le  duc  d'Enghien  était 
autorisé  à  écrire  à  M"' de  Brézé.  Du  reste, 
tout  le  monde  parlait  de  Louis  de  Bourbon 
comme  en  parle  ici  le  cardinal.  Le  bruit 
courait  même  qu'on  allait  lui  donner  à  com- 
mander une  armée.  Je  lis  dans  une  corres- 
pondance manuscrite  du  temps ,  enire  gens 
du  grand  monde,  à  la  date  du  a  octobre 
1  ôSg  :  «  On  dit  M'  le  duc  d'Anguin  des- 
tiné pour  le  commandement  de  l'armée 
de  Piedmont  II  est  certain  que  M'  le  car- 
dinal dit  au  ro^,  en  présence  de  M'  d'An- 
guin ,  qu'il  esloil  trop  grand  pour  le  laisser 
là  sans  rien  faire,  et  qu'il  le  falloit  mettre  à 
la  teste  d'une  armée.  »  L'armée  de  Piémont 
était  celle  que  venait  de  quitter  le  duc  de 
Longueville  pour  aller  commander  les 
troupes  du  feu  duc  de  Weimar.  Ce  fut  au 
comte  d'Harcourt  que  Richelieu  en  donna 
le  commandement;  il  savait  bien  que, 
quelles  que  fussent  les  heureuses  disposi- 
tions du  jeune  prince  pour  la  guerre,  il 
avait  un  apprentissage  à  faire;  le  cardinal 


le  dit  lui-même  nettement  dans  cette  let- 
tre. Aussi  ne  songeait-il  encore  pour  le  duc 
d'Enghien  qu'aux  succès  des  salons,  non 
aux  triomphes  du  champ  de  bataille.  La 
correspondance  manuscrite  que  nous  ci- 
tions tout  à  l'heure,  après  avoir  nommé 
les  personnes  qui  devaient  être  du  ballet 
de  Mademoiselle,  dont  les  apprêts  occu- 
paient toute  la  cour,  ajoute  :  «  On  croit^ 
que  M'  d'Anguin  en  sera,  M'  le  cardinal 
en  demanda,  pour  Mademoiselle,  la  per- 
mission à  Monsieur,  avec  grande  instance.  « 
(Leitredu  1 8  janvier  i64o.)  —  Au  reste, 
l'alliance  ne  tarda  pas  à  être  publiquement 
déclarée.  C'est  ce  que  nous  apprend  encore 
notre  correspondance  manuscrite ,  à  la  date 
du  2  2  février  :  «  Madame  la  princesse,  à  la 
collation  de  chez  M.  le  cardinal,  avait  au- 
près d'elle  M"°  de  Brézé;  elle  dict  ces  mots 
à  Madame  d'Esguillon  :  J'ay  bien  soing  de 
ma  belle  Jille.  • 

■  Le  prince  de  (jondé  ne  manqua  pas 
de  suivre  ce  conseil ,  et  le  choix  du  menlor 
fut  laissé  au  cardinal,  qui  mit  auprès  du 
jeune  prince  M.  de  Mégrin.  Nous  avons 
trouvé  aux  Affaires  étrangères  (France, 
t.  g3,  P"  187  et  189)  une  lettre  de  Louis  de 
Bourbon  et  une  de  M.  de  Mégrin,  écrites 
toutes  deux  à  Chavigni  le  même  jour 
(ai  mai  \6/\o).  Le  jeune  homme  et  le 
mentor  paraissent  également  satisfaits  l'un 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  509 

France  qui  commande  les  armées  du  roy,  afin  qu'il  sache  mieux  l'ins- 
truire en  ce  que  doit  un  prince  de  sa  qualité. 


de  l'autre.  Nous  croyons  qu'on  ne  lira  pas 
sans  intérêt  la  lettre  du  prince,  l'un  des 
premiers  autographes  qu'on  puisse  avoir 
du  grand  Condé  *.  —  «  Monsieur,  si  j'ay 
différé  jusqu'à  présent  de  vous  asseurer 
de  mon  service,  ce  n'est  pas  que  je  me  sois 
oublié  de  ce  que  je  dois  à  l'affection  que 
vous  ui'avés  tousjours  tesmoignée.  J'en- 
voie ce  gentilhomme  pour  asseurer  Mon- 
sieur le  cardinal  de  mon  très  humble  ser- 
vice. Je  vous  supplie  très  humblement  me 
faire  l'honneur  de  me  mander  par  luy  ce 
que  je  dois  faire  si  le  roy  el  Monsieur  le 
cardinal  s'avancent,  si  je  dois  leur  aler  faire 
la  révérance  à  Mesière ,  ou  si  je  dois  atten- 
dre qu'ils  viennent  à  l'armée.  Pardonnes 
moy  si  je  pran  cette  liberté  là  auprès  de 
vous,  et  me  faites  l'honneur  de  croire  que 
je  suis  avec  passion ,  Monsieur,  Vostre  très 
affectionné  à  vous  servir. 

Louis  db  Bourbon. 
Au  camp  d'Agimont",  ce  ai  raay  16/40. 

«  Monsieur  de  Mégrin  m'a  tesmoigné 
l'affection  que  vous  me  portés,  dont  je  vous 
suis  extresmement  obligé;  c'est  un  brave 
gentilhomme  el  qui   vault  beaucoup,  et 

*  On  reoiarquera  le  ton  d'citréme  déférence  de 
celte  letUe.  OuU«  ia  jeunesse  du  prince  et  la  diguité 
du  secrétaire  d'Etal ,  ce  ton  s'explique  par  l'ancienne 
et  intime  amitié  qui  unissait  la  famille  Bouthillicr 
au  cardinal.  De  plus  madame  Boutlullier  prenait  un 
soin  tout  particulier  de  M"'  de  Brézé.  Nous  l'avons 
vue  malade  chez  elle  en  octobre  1 638  et  en  mai  1 63ij. 
;  Ci-dessus ,  pages  j  1 3  et  36o.)  Cette  nièce  de  Riclie- 
licu,  qui,  toute  jeune  encore,  avait  perdu  sa  mère, 
cl  dont  le  père  était  continuellement  retenu  («r  ses 
emplois,  avait  été  confiée  à  madame  Routbillier  ;  elle 
résidait  pres([ue  toujours  aux  Caves,  maison  de  cam- 
pagne de  cette  dame,  qui  était  réellement  jwur  la 


me  lesmoigne  beaucoup  d'affection,  et  je 
me  sans  particulièrement  obligé  à  Mons'  le 
cardinal  de  l'avoir  choisy  pour  le  mettre 
auprès  de  moy.  »  —  M  de  Mégrin,  de  son 
côté ,  après  quelques  lignes  de  politesse  et 
l'assurance  queleprincen  est  extresmement 
amy  »  de  Chavigni,  ajoute  :  «  Il  ne  bouge 
des  lieux  où  une  personne  de  sa  condition 
doit  eslre,  soit  dans  les  conseils  ou  dans 
les  partis  de  la  guerre.  Il  se  trouva ,  il  n'y 
a  que  quatre  jours ,  au  passage  de  la  Muse , 
oii  nous  fesions  noslre  pont  de  bateaux  ; 
les  ennemis  y  vindrent  pour  nous  empes- 
clier  nostre  travail;  il  vinst  quantité  de 
inousquetades  tirées  de  part  el  d'autre; 
M.  le  duc  s'y  trouva  des  premiers  et  se  re- 
tira des  derniers,  sy  bien  qu'il  y  eust  un 
gentilhomme  qui  fut  blessé  auprès  de  luy 
et  un  autre  qui  eust  son  cheval  lue  entre 
M'  le  raareschal  et  M.  le  duc  *".  Je  vous 
puis  asseurer  que  ce  prince  se  fait  admirer 
de  tout  le  monde  ;  et ,  outre  ses  nobles  q  iia- 
lités.je  remarque  tous  les  jours  qu'il  a  une 
inrlinalion  naturelle  pour  M*'  le  cardinal. 
Cela  me  donne  une  satisfaction  très  grande 
d'estre  auprès  de  luy.  »  Mégrin  ajoute  en 
P.  S.  «  J'oseray  prendre  la  liberté  de  vous 

jeune  Clémence  comme  une  seconde  mère.  Je  crois 
d'ailleurs  que"  Richelieu  aimait  mieux  la  voir  la  qu'à 
Milly,  chez  son  père,  homme  d'honneur  et  d'esprit 
sans  doute,  mais  d'une  humeur  singulièrement  fan- 
tasque. 

*•  Cette  date  est  la  même  que  celle  de  la  lettre 
de  M.  de  Mégrin.  Agimont,  qui  a  disparu  de  nos 
cartes,  était  un  petit  village  avec  titre  de  comté,  si- 
tué sous  la  forteresse  de  Charlemont. 

"■  On  verra,  à  la  date  du  j8  mai  i64o ,  comment 
Bichelieu  parle  de  la  même  affaire,  dans  une  lettre 
à  la  duchesse  d'Aiguillon. 


510  LETTRES 

Prenant  part  comme  je  fais  à  tous  vos  inléresta,  je  croy  que  vous 
approuverés  la  liberté  dont  j'use  en  cette  occasion,  vous  disant  fran- 
chement mon  avis.  Je  vous  puis  asseurer  que  vous  n'en  recevrés  jamais 
de  personne  qui  soit  tant  que  moy, 

Monsieur, 

Votre  bien  bumble  et  très  obéissant  serviteur. 

Le  Gard.  DE   RICHELIEU. 
De  Chaalons-sur-Saône ,  le  4  septembre  1689  ^ 


CCLXXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  37,  fol  laZi.  —  Minute  de  la  main  de  Clierré. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  SSg  v".  —  Copie. 

[A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA   VALETTE.  1 


Pour  respondre  à  vostre  lettre 

dire  qu'il  i  a  un  jésuite  auprès  de  M'  le 
duc,  qui  est  un  des  plus  honesles  hommes 
du  monde,  et  fort  serviteur  de  M*'  le  car- 
dinal. C'est  une  personne  de  grand  esprit 
et  de  grande  [irobité ,  et  qui  ne  laisse  perdre 
aucune  occasion  sans  tesmoigner  son  af- 
fection. » 

'  Le  lendemain,  5  septembre,  Riche- 
lieu écrivait  à  la  princesse  de  Condé  une 
lettre  qui  n'est  presque  qu'une  copie  de 
celle-ci;  il  n'y  a  d'omis  que  le  conseil  d'en- 
voyer bientôt  le  duc  d'Enghien  à  l'armée. 
On  .sait  que  madame  la  Princesse  étail  alors 
à  Paris,  tandis  que  son  mari  comman- 
dait une  armée  en  Roussillon.  Nous  avons 
une  lettre  d'elle,  du  ao  août,  adressée 
à  Chavigni,  où  l'on  voit  avec  quel  amour 
de  mère  elle  suivait  les  premiers  pas  du 
jeune  prince  dans  la  carrière  où  il  entrait, 
et  ambitionnait  pour  ce  fds  bien-aimé  la 


6  septembre  1689. 

du  20  aoust  je  vous  diray  que  nous 

faveur  de  Richelieu.  Après  quelques  lignes 
d'excuses  sur  ses  importunilés  et  de  remer- 
cîments  pour  la  bonté  extrême  de  Chavigni  : 
<'  J'ay  encore  à  vous  suplier,  lui  dit-elle,  de 
vouloir  avertir  M.  de  Mégrin  de  ne  dire  pas 
à  M'  mon  mary,  ni  à  ses  gens,  qu'il  mel" 
escrit  si  souvan ,  car  je  craindres  qu'il  n'an 
fust  pas  salisfect,  et  que  cela  neluy  donnât 
quelque  movese  humeur  contre  luy  ;  et  que 
je  suis  en  mon  particulier  très  salisfete, 
mes  je  cres  qu'il  ne  san  fault  pas  vanter  ny 
luy  ny  moy,  qui  suis  ravie  de  joie  de  ce  que 
vous  me  mandés  de  mon  fds ,  que  je  souele 
passionnément  que  M.  le  cardinal  luy  face 
l'honneur  de  lemer  et  de  le  tenir  o  près 
de  luy.  S'il  n'a  pas  ce  bonheur,  je  cres 
qu'il  s'an  retournera  en  Bourgongne. . . 
si  M' le  cardinal  ne  le  retien  avec  luy,  ou 
ne  luy  ordonne  otre  chose.  Voilà  ce  que 
j'ay  apris  sur  ce  subjegl.  Je  vous  suplie  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  511 

avons  tousjours  jugé  l'accord  de  M' le  P.  Thomas  fort  important;  mais 
nous  n'avons  pas  creu  jusques  à  présent  que  ses  pensées  fussent  fort 
sincères.  U  y  a  maintenant  plus  d'apparence  d'en  bien  juger,  encores 
qu'on  n'y  voie  pas  de  certitude. 

La  condition  que  vous  proposés  que  le  roy  garde  la  citadelle  de 
Turin  avec  2 ,000  hommes  et  que  l'on  fasse  une  esplanade  raisonnable 
entre  la  citadelle  et  la  ville  est  sy  judicieuse  que,  moyennant  cela,  on 
peut  consentir  à  ce  que  le  d.  P.  Thomas  désire  quant  au  reste,  sa- 
voir est  :  qu'il  demeure  dans  Turin  et  qu'il  signe  comme  consulteur 
les  affaires  d'importance. 

Pour  montrer  au  d.  prince  que  le  roy  va  franchement  en  besogne, 
on  ne  faict  nulle  difficulté  d'offrir  la  restitution  entière  des  places  que 
le  roy  tient  en  Piedmont,  moyennant  que  les  Espagnols  en  fassent 
autant. 

Mais,  quelque  condition  que  l'on  fasse  avec  le  d.  P.  Thomas,  il 
faut  qu'il  soit  obligé  à  se  déclarer  ouvertement  aussytost  que  l'accord 
sera  faict  entre  Madame  et  luy,  sous  l'autorité  du  roy,  et  que  les  Es- 
pagnols auront  refusé  la  restitution  des  places. 

Et ,  parceque  les  d.  Espagnols  pourroient  différer  sans  rendre  res- 
ponse  déterminée,  il  faut  qu'il  soit  dict  que  si,  dans  un  mois  après 
la  proposition  faicle  de  la  restitution  des  places,  ils  ne  l'acceptent  et 
exécutent  en  mesme  temps,  le  d.  P.  Thomas  n'attendra  pas  davantage 
à  faire  sa  déclaration. 

La  seule  ciiose  à  quoy  il  faut  autant  prendre  garde  est  que  le 
P.  Thomas  ne  se  veuille  défaire  des  François  et  des  Espagnols,  pour 
se  rendre  maistre  de  l'Estat  au  préjudice  de  Madame  et  de  son  fds; 
à  quoy  on  ne  voit  autre  remède  que  celuy  de  la  citadelle,  ainsy  que 
vous  le  proposés. 

On  vous  envoie  un  project  de  traicté  avec  M"^  le  P.  Thomas  auquel 

brûler  sele  leUre,  el  de  me  donner  un  Monlmorancy.  »(Arch.  des  Aff.  étr. France, 
peu  de  part  an  vos  bonnes  grâces...  'de  i64o.) 

*  Elle  se  nonimait  Charlotte  Marguerite;  mais,  dans  sa  signature,  soti  nom  est  toujours  précédé  d'un 
mooogramme  qui  ressemble  à  une  X. 


512  LETTRES 

on  peut  ajouster,  changer  ou  diminuer,  selon  qu'il  sera  jugé  à 
propos. 

Ce  sera  à  vous  de  le  proposer  au  Masserati  sur  les  discours  que 
vous  avés  eus  avec  luy,  sans  tesmoigner  qu'on  vous  l'ait  envoyé  d'icy. 

Estante  Lyon,  comme  le  roy  sera  dans  huit  ou  dix  jours,  ou  sera 
en  lieu  d'où  on  pourra  savoir  de  vos  nouvelles  pour  reculer  ou  avan- 
cer le  d.  traicté,  selon  qu'il  se  trouvera  des  difficultés  qui  y  obli- 
geront. 

Quant  à  l'abbé  Vasquez  persistant  au  désir  qu'il  a  de  me  voir,  et  la 
prudence  voulant  qu'en  de  grandes  affaires  on  ait  deux  cordes  en  son 
arc,  je  croy  qu'il  en  faut  passer  par  là. 

La  difficulté  est  seulement  à  savoir  s'il  doit  venir  à  cachette,  ou 
ouvertement,  sur  un  passeport  pour  aller  en  Espagne. 

Je  persiste  à  penser  qu'il  faut  qu'il  passe  ouvertement  à  Lyon,  sur 
un  passeport,  qu'il  me  voie  publiquement  une  fois  en  une  visite  de 
cérémonie  qui  soit  courte,  et  que  nous  ayons  la  nuit  conférence  en- 
semble à  l'insu  de  tout  le  monde. 

Vous  pouvés  donc,  sans  attendre,  vous  engager  à  faire  donner  un 
passeport,  lequel  nous  vous  envoyons  exprès  pour  vous  en  servir  se- 
lon votre  prudence. 

Le  roy  sera  à  Lyon  le  1 4  ou  1 5  septembre. 

Je  ne  voy  pas  que  M'  le  P.  Thomas  se  puisse  plaindre  du  change- 
ment de  Cahours,  veu  que  cette  meschaate  place  est  de  nulle  consé- 
quence pour  luy,  et  qu'elle  fut  promise  au  roy,  au  lieu  de  Revel , 
dont  la  délivrance,  que  Madame  en  devoit  faire  faire,  fut  empeschée 
par  les  pratiques  que  luy  et  M'  le  cardinal  de  Savoie  y  ont  faict 
faire. 

Comme  la  suspension  n'empesche  pas  qu'ils  ne  puissent  changer 
quelques  unes  de  leurs  garnisons,  et  de  mettre  des  Espagnols  où  il 
y  a  des  AUemans  ou  Napolitains,  elle  ne  doit  pas  aussy  empescher 
que,  dans  nostre  parti ,  on  ne  change  les  garnisons  comme  on  voudra. 

Mais  on  auroit  bien  plus  tost  à  se  plaindre  de  ce  que  M.  le  cardi- 
nal de  Savoie  faict  empescher,  par  les  habitans  de  la  ville  de  Nice, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  513 

depuis  la  suspension,  que  les  gens  de  Madame  n'aient  sy  libre  com- 
munication au  chasteau  qu'ils  devroient. 

La  continuation  des  pourparlers  de  Macerati  pour  le  traicté  du 
P.  Thomas  donne  lieu  asseuré,  ce  me  semble,  à  continuer  la  trefve, 
estant  impossible  de  bien  conclure  et  afifermir  cette  affaire  dans  les 
premiers  deux  mois  arrestés.  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  faille  conclure  le  d. 
traicté  du  P.  Thomas  au  plus  tost,  mais  ensuite  il  faudra  du  temps 
pour  offrir  la  restitution  des  places  du  Piedmont  aux  Espagnols ,  et 
avoir  la  response  devant  que  le  d.  P.  Thomas  se  déclare. 

D'un  autre  costé  le  dessein  de  l'entrevue  que  l'abbé  Vasquez  dé- 
sire faire  avec  moy  donne  encore  lieu  de  la  prolongation  de  la  dicte 
suspension,  pour  ce  que,  pour  bien  faire,  il  faut  qu'il  ait  le  temps 
de  passer  en  France,  d'aller  en  Espagne  et  de  revenir 

Le  roy  trouve  bon  que  vous  reteniés  dans  son  service  le  colonel 
Croil,  dont  vous  m'escrivés,  aux  meilleures  conditions  que  vous 
pourrés. 

Je  n'estime  point  à  propos  que  M'  le  P.  Thomas  voie  Madame,  de 
peur  qu'il  ébranle  quelqu'un  de  ceux  qui  sont  auprès  d'elle,  dont  la 
fermeté  n'est  pas  grande.  *    • 

Je  ne  doute  point  que  le  marquis  de  Leganez  ne  vous  donne  satisfac- 
tion sur  la  contravention  faicte  à  la  suspension  au  préjudice  de  Casai. 

Tant  plus  je  considère  la  plainte  que  le  P.  Thomas  faict  de  Ca- 
hours,  je  la  trouve  injuste,  estant  certain  que  la  suspension  empesche 
bien  qu'un  parti  n'entreprenne  sur  l'autre,  mais  non  pas  qu'un  mesnie 
parti  change  ses  garnisons  comme  bon  luy  semble. 

Si  le  P.  Thomas  s'accorde  avec  nous  de  bonne  foy,  la  continua- 
lion  de  la  suspension  n'est  nécessaire  qu'autant  de  temps  qu'il  luy 
faut  pour  retirer  d'Espagne  sa  fem'me  et  ses  enfans,  qu'il  n'aura  pas 
sitost  qu'il  pense,  à  mon  avis,  et  pour  offrir  aux  Espagnols  de  restituer 
de  part  et  d'autre  toutes  les  places  occupées  dans  le  Piedmont  et  avoir 
leur  response. 

Mais  si  le  dict  accord  ne  se  faict  point ,  j'estime  qu'il  est  meilleur 
de  continuer  la  suspension  pour  longtemps  que  ne  le  faire  pas. 

r.ARDIK.  DE  RICHEt.IF.D.  —  VI.  65 


514  LETTRES 

Comme  appendice  à  cette  dépêche  nous  mettons  ici  le  projet  d'accommode- 
ment que  Richelieu  envoya  en  Italie  le  même  jour,  6  septembre.  La  pièce,  mise 
au  net  par  Cherré,  a  été  corrigée  de  la  main  de  Richelieu;  elle  est  conservée  dans 
les  archives  des  Affaires  étrangères,  volume  de  Turin  cité  aux  sources,  f°  128'. 
Il  en  existe  une  copie  à  la  Ribl.  imp.  fonds  S'-Germ.  Harl.  t.  347,  ^  ^^^  verso. 


Monsieur  le  P.  Thomas  ayant  faict  lesmoigner  au  roy  le  despiaisir  qu'il  a  de 
voir  perdre  les  Estats  de  sa  maison,  et  qu'il  estimoit  que  le  meilleur  remède, 
pour  arresicr  ce  mal,  estoit  un  bon  accord  entre  Madame  et  mons''  le  duc  de  Sa- 
voie son  fils,  et  luy,  sous  l'autorité  de  S.  M. 

Sa  M.  a  trouvé  bon  ce  qui  s'en  suit  : 

Que  le  d.  s'P.  Thomas,  quittant  le  party  des  Espagnols,  rentrera  tout  à  fait  dans 
les  intérests  de  S.  M.  en  s'attachaut  à  la  France,  de  laquelle  seule  despend  sa 
maison  ; 

Qu'il  demeurera  dans  la  ville  de  Turin,  et  signera  comme  consulteiir,  con- 
joinctement  avec  Madame,  les  expéditions  des  affaires  plus  importantes  du  d. 
Estât; 

Que  le  d.  P.  jouira  de  tous  ses  apanages,  ainsy  qu'il  faisoit  avant  qu'il  fust  passé 
en  Flandre  du  vivant  du  défunt  duc  Victor  Amédée; 

Que  s'il  arrivoit  faute  du  duc  présent  Charles  Emmanuel,  la  succession  des 
Estats  appartiendra  à  M'  le  cardinal  de  Savoie  et  ensuite  au  d.  P.  Thomas  et  à 
ses  eufans. 

Le  tout  suivant  les  luis  et  coustumes  du  pays;  et  que  S.  M.  maintiendra  es 
dicts  droicts  les  d.  s"  princes,  cardinal,  Thomas  et  ses  enfans,  par  son  autorité  et 
par  sa  puissance. 

Pour  faire  voir  à  toute  la  chrestienté  la  franchise  et  la  justice  du  procédé  du 
roy,  S.  M.  offre  et  désire  remettre  toutes  les  places  qu'elle  tient  enPiedmont,  de- 
puis la  mort  du  duc  Victor  Aniédée,  entre  les  mains  de  madame  la  duchesse  de 
Savoie  sa  sœur,  comme  elles  estoient  auparavant,  à  condition  que  les  Espagnolz 
en  feront  autant  de  toutes  celles  qu'ils  ont  occupées  depuis  ledict  temps. 

De  plus,  pour  tesmoigner  aud.  s''  P.  Thomas,  le  bon  traictement  que  S  M.  luy 
veut  faire,  elle  luy  donnera  100,000**  de  pension  bien  et  actuellenjent  payées,  et 
moyennera  le  mariage  du  P.  de  Garignan,  son  fds  aisné,  avec  la  fille  de  M'  de 

'   Le  cardinal  a  écrit  en  marge  du  ma-  le  lr.iicté.  Si  le  Iraiclé  s'av.mce,  on  l'en- 

nuscrit  :   «Ce   projet   est    imparfaicl;    on  voiera  plus  poli,  selon  ce  t]u'<)n  apprendra 

l'envoie   seulement   pour   remarquer  les  de  M'  le  cardinal  de  La  Valetle,  qui  en 

principales  choses  qu'il  faut  mettre  dans  pourra  convenir.  • 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  515 

Longueville,  et  donnera  au  d.  s''  P.  de  Carignan  5o,ooo  i.  de  pension ,  pour  s'en- 
tretenir auprès  de  S.  M. 

Et,  d'autant  qu'il  importe  d'asseurer  de  toutes  parts  le  présent  traicté,  il  a  esté 
convenu  que  la  citadelle  de  Turin  demeurera  entre  les  mains  de  S.  M.  pour  estre 
fidèlement  gardée,  soit  pour  led.  duc  Charles  Emmanuel,  soit  pour  le  cardinal 
de  Savoie,  le  d.  s'  P.  Thomas  et  ses  enfans,  et  ce  jusques  à  ce  que  le  d.  duc 
Charles  Emmanuel  soit  en  âge  de  gouverner  son  Estât  luy-mesme,  ou  deux  ans 
après  sa  mort,  si  Dieu  venoit  à  en  disposer. 

Il  a  esté  arresté  de  plus  qu'il  sera  faict  une  esplanade  entre  la  ville  de  Turin 
et  la  d.  citadelle,  d'estendue  convenable  pour  la  seurelé  d  icelle. 

Ce  que  dessus  a  esté  juré  sur  les  Saintes  Evangiles,  de  part  et  d'autre'. 


GCLXXVI. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale.  —  Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

[A  M.  DE  BULLION.] 

De  Cbaalons-sur-Saône,  le  'septembre  iSSg. 

Je  ne  doute  point  que  vous  n'ayés  beaucoup  de  raison  aux  choses 
que  vous  faictes  pour  trouver  de  l'argent,  puisque  la  nécessité  con- 
traincl  à  plus  que  vous  ne  voudriés. 

Je  sçay  bien  que,  si  tous  les  officiers  faisoient  leur  devoir  dans 
les  provinces ,  les  émotions  qui  y  arrivent  ne  s'y  verroient  point. 

Mais,  estant  impossible  d'esteindre  la  malice  des  hommes ,  il  est  de 
la  prudence  de  ceux  qui  conduisent  les  Estais  de  la  considérer  pour 
en  empescher  les  mauvais  événemens. 

11  est  impossible  en  ce  temps  de  ne  faire  que  des  choses  agréables 
aux  peuples.  Il  faut  seulement  avoir  grand  esgard  à  ne  faire  que  celles 
qui  peuvent  le  moins  désagréer. 

'  Ce  dernier  paragraphe  est  écrit  de  la  '  Le    qua.ntième    manque;    Richelieu 

main  de  Richelieu,  dans  le  ms.  des  AIT.  vint  coucher   à  Chalon-sur-Saône  le   U 

élr.  Ce  que  l'écrivain  de  Harlay  a  noté  à  septembre  et  en  partit  le   1 1  ;  c'est  dans 

la  marge  de  sa  copie.  cet  intervalle  que  cette  lettre  a  été  écrite. 

ti.i. 


516  LETTRES 

Il  y  en  a  certaines  qu'il  est  aisé  de  prévoir  qui  seront  insuportables 
à  ceux  à  qui  on  les  impose. 

Je  croy  que  celles  que  les  partisans'  du  sel  ont  fait  couler  dans 
leur  bail  estoient  de  cette  nature^. 

Le  traicté  de  l'arrière  ban  en  est  aussy  asseurément.  Beaucoup 
d'autres  sont  de  difficile  digestion;  mais,  comme  on  ne  s'en  peut  pas- 
ser, il  faut  les  mesnager  le  mieux  qu'on  peut. 

Mess"  du  clergé  ont  envoie  icy  leur  agent  sur  le  sujet  des  divers 
ecdictz  qu'on  a  faicts  sur  le  clergé. 

M""  de  Noyers  vous  en  a  escrit  amplement,  à  ce  qu'il  m'a  dicl.  Je 
vous  prie  me  mander  sincèrement  ce  à  quoy  peuvent  monter  lesd. 
ecditz,  et  ce  en  effect  à  quoy  vous  pourries  vous  contenter,  afin  qu'on 
voye  à  les  disposer  à  trouver  de  l'argent  par  autre  voye  que  celles 
qu'ils  estiment  leur  estre  préjudiciable. 

Si  Madame  de  Savoie  ne  nous  eust  point  ruinez,  je  croy  que  nous 
serions  cette  année  en  estât  d'avoir  la  paix,  mais  cette  misérable  prin- 
cesse semble  avoir  voulu  se  perdre,  de  gayeté  de  cœur,  en  perdant 
les  affaires  de  la  chrestienté. 

M"'  Grossius,  qui  ne  nous  est  pas  fort  affectionné,  a  tort  de  se 
plaindre  de  la  suspension  d'Italie. 

Elle  a  esté  faicte  sans  le  sceu  du  roy  par  ceux  qui  commandoient 
ses  armes ,  et ,  s'ils  ne  l'eussent  faicte ,  ils  n'eussent  sceu  conserver  quatre 
jours  la  citadelle  de  Turin,  où  il  n'y  a  voit  pas  un  parapet,  un  moulin, 
un  four,  un  boisseau  de  farine  ou  de  bled ,  ny  pas  quatre  miliers  de 
poudre^.  La  façon  avec  laquelle  on  a  pourveu  au  Gouvernement  de 
Suède ,  après  la  mort  du  feu  roy ,  n'y  donnant  aucun  pouvoir  à  la 
reyne,  luy  doit  assez  faire  cognoistre  ce  que  c'est  que  le  gouverne- 
ment d'une  femme,  et  par  conséquent  ce  n'est  pas  merveille  si  on  faict 

'  Les  fermiers.  '  Hiclielieu  se  hâla  de  profiler  de  la  sus- 

'  Ici,  à  la  marge,  sont  écrits  ces  mots  pension  pour  faire  ravitailler  la  citadelle 

de  souvenir  de  la  main  de  Bullion  :  «Il  de  Turin.  Il  écrivit  à  ce  sujet,  le  ii  sep- 

n'y  a  qu'une  alFiche  pour  le  bail  de  i64o.  lembre,  au  cardinal  de  La  Valette,  une 

—  Arrière  ban.  »  lettre  fort  détaillée.  (Voy.  aux  Analyses.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  517 

beaucoup  de  choses  qu'on  ne  voudroit  pas  pour  remédier  à  leurs 
delTaultz. 

Il  me  semble  que  nos  alliez  ont  beaucoup  à  se  louer  de  nous,  par- 
ticulièrement cette  année,  au  lieu  de  s'en  pouvoir  plaindre.  S'ilz 
considèrent  ce  que  nous  avons  faict  en  Picardie,  en  Champagne,  en 
Roussillon  et  sur  la  mer,  ils  croiront  que  nous  n'avons  pas  perdu 
temps.  Vous  sçaurés  bien  traicter  cet  esprit  comme  il  faut. 

Quant  aux  Anglois,  vous  pouvés  dire  au  comte  Leycester  que  vous 
avés  charge  d'escouter  tout  ce  qu'il  voudra  proposer,  et  que,  si  le  roy 
de  la  Grande-Bretagne  veut  entrer,  dès  à  présent,  en  ligue  offensive 
et  deffensive  avec  la  France ,  le  roy  s'engagera  à  ne  faire  point  la  paix 
sans  la  restitution  du  Palatinal. 

Nous  venons  de  recevoir  des  lettres  de  Hollande  qui  portent  que 
M""  le  prince  d'Orange  ne  fera  aucun  siège  cette  année'.  Je  seray  bien 
aise  que  vous  voyiez  l'ambassad'  et  luy  tesmoigniés  que  nous  aurions 
grand  sujet  de  nous  plaindre  de  ce  procédé,  mais  que  nous  ne  le  fai- 
sons pas,  croyant  que,  s'il  n'a  rien  faict,  c'est  qu'il  ne  l'a  pas  peu,  et 
que  nous  ne  doutons  pas  que  l'année  qui  vient  il  ne  répare  ce  man- 
quement, en  prenant  ses  mesures  autrement  qu'il  ne  l'a  faict  cette 
année. 

Vous  luy  ferés  aussy  voir  que,  sans  la  trefve  d'Itahe,  l'imprudence 
de  Madame  de  Savoie  avoit  mis  les  affaires  en  estât  de  ne  pouvoir 
estre  restablies  en  aucune  façon. 

Le  roy  est  un  peu  malade ,  mais  ce  n'est  qu'un  flux  de  ventre ,  qui 
est  le  mal  que  tout  le  monde  a  et  que  je  tiens  à  grande  santé.  Guéris- 
ses vostre  goutte,  au  nom  de  Dieu,  et  vous  asseurés  de  mon  affection 
in  omnibus  et  per  omnia. 

Mes  recommandations,  s'il  vous  plaist,  au  sexe  féminin. 

Je  vous  remercie  de  ce  que  vous  m'escrivés  touchant 

(La  suite  manque.) 

'  Voy.  la  pièce  suivante. 


518  LETTRES 


CCLXXVII. 

Arch.  des  Afif.  étr.  Hollande,  t.  21,  pièce  126.  —  Orig.  sans  suscription.  — 

Pays-Bas,  t.  i3.  — Copie. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  180'.  — 

Saint-Geruiain-Harlay,  3i6,  t.  a,  fol.  826,  et  t.  347,  fol.  353.  —  Copies*. 

[A  M.  D'ESTRADES.] 

De  Chalons-sur-Saone,  10  septembre  iGSg. 

Les  dernières  dépesches  de  Hollande  nous  ayant  appris  la  retraite 
des  troupes  de  M' le  prince  d'Orange  de  devant  Gueidres,  avec  le  des- 
sein de  ne  rien  entreprendre  le  reste  de  cette  campagne,  je  fais  ce 
mémoire  à  M'  d'Estrades  pour  le  prier  de  voir  S.  A.  sur  ce  sujet,  et 
luy  faire  cognoistre  adroitement  l'estonnement  où  a  esté  le  roy  d'ap- 
prendre la  résolution  qu'elle  a  prise  après  les  asseurances  qu'elle  avoit 
données  à  S.  M.  de  réparer,  par  quelque  grand  effect  sur  la  fin  de 
la  campagne,  le  temps  qu'elle  avoit  perdu  au  commencement,  ainsy 
qu'il  luy  estoit  très  facile  par  le  moyen  des  puissantes  diversions  que 
les  armes  de  S.  M.  ont  faictes  de  tous  costés,  et  l'occupation  qu'elles 
ont  donnée  aux  ennemis  dans  l'Artois  et  dans  le  Luxembourg,  ce 
qu'elles  font  encores  à  présent. 

Que,  pour  luy  en  donner  plus  de  moyen,  S.  M.  après  la  prise  de 
Hesdin ,  avoit  faict  entrer  l'armée  que  commande  M""  de  la  Meilleraie 
dans  le  pays  des  ennemis,  pour  les  y  attirer  de  son  costé;  ce  qui  a 
succédé  sy  heureusement  pour  elle  qu'après  avoir  pris  divers  lieux 
fortiffiés,  qu'ils  gardoient  soigneusement,  leur  avoir  donné  bataille  à 
S'  Nicolas,  où  elle  a  remporté  un  avantage  signalé,  le  d.  s"^  de  la  Meil- 
leraie leur  a  encores  enlevé  depuis  peu  un  quartier  de  Croates,  où 
1  200  ont  esté  desfaits,  et  600  sont  demeurés  sur  la  place  avec  perle 

«Copie  faite  sur  un  original  de  la  main  '  La  copie  du  loiue  3^7  est  imparfaite; 

de  Cherré.  >  (Note  des  mss.  de  la  Biblio-        la  fin  manque, 
thèque.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  519 

de  tout  leur  équipage,  ensuilte  de  quoy  il  continue  de  tenir  la  d.  ar- 
mée dans  le  pays  ennemi. 

Qu'elle  ne  s'est  pas  contentée  de  cela,  mais  qu'elle  a  voulu  elle- 
mesme  donner  jalousie  à  Picolomini,  en  visitant  toutes  ses  villes  fron- 
tières de  Picardie  et  de  Champagne,  afin  de  luy  oster  le  moyen  de 
se  joindre  au  cardinal  Infant,  ny  d'entreprendre  aucune  chose  sur 
m"  les  Estats,  ce  qui  a  eu  tel  effect  qu'elle  a  attiré  led.  Picolomini 
vers  le  haut  de  la  Meuse,  et  luy  a  mis  M""  le  mareschal  de  Chastillon 
en  teste,  avec  une  armée  beaucoup  plus  forte  que  la  sienne,  pour 
l'occuper. 

Que  S.  M.  auroit  grand  sujet  de.se  plaindre  si  M'  le  P.  d'Orange 
ne  demeuroit  en  campagne  jusques  à  la  Toussaints,  parce  qu'autre- 
ment elle  auroit  toutes  les  forces  des  ennemis  sur  les  bras. 

Led.  s""  d'Estrades  engagera,  s'il  y  a  moyen,  par  escrit  ou  au  moins 
de  paroles,  led.  s"'  P.  d'Orange  à  ne  se  retirer  pas  plus  tost,  luy  re- 
présentant, s'il  en  usoit  autrement,  que  le  roy  auroit  occasion  d'estre 
très  mal  satisfaict  de  luy,  après  les  grands  eflbrts  que  S.  M.  a  faicls 
cette  année,  pour  réduire  les  ennemis  communs  à  la  raison,  et  luy 
donner  moyen  de  faire  de  notables  progrès  contre  eux. 

Ensuitte  de  ce  que  dessus  M' d'Estrades  ajoustera  que  S.  M.  ne  doute 
point  que  M''  le  P.  d'Orange  ne  veuille  récompenser  l'année  pro- 
chaine, par  quelques  entreprises  considérables,  le  temps  qui  n'a  pas 
esté  employé,  pendant  ces  deux  dernières,  sy  avantageusement  que 
luy  mesme  auroit  souhaitté,  et  qu'elle  ne  doute  point  que,  s'il  eust 
peu  faire  davantage,  il  ne  s'y  fust  porté  avec  la  chaleur  et  l'affection 
qu'il  a  pour  le  bien  de  la  cause  commune. 

Il  luy  fera  aussy  cognoistre  que  tout  le  mal  qui  luy  est  arrivé  vient 
de  qu'il  ne  se  met  pas  assez  tost  en  campagne,  et  qu'il  donne  temps 
aux  ennemis  d'estre  sur  pied  devant  qu'il  soit  attaché  à  un  dessein  ; 
jm  lieu  que,  s'il  faisoit  comme  la  France,  entrant  à  jour  prélix  comme 
elle,  il  emporteroit  asseurément  une  place  importante,  comme  elle 
a  faict. 

On  pourroit  s'expliquer  davantage  sur  ce  sujet,  mais  M'  le  P.  dO- 


520  LETTRES 

range  ayant  proposé  au  s'  d'Estrades  de  l'envoyer  en  France  à  la  fin 
de  la  campagne,  on  se  réserve  à  luy  en  dire  davantage. 

Led.  s'  d'Estrades  fera  aussy  savoir  à  mon  d.  s'  le  P.  d'Orange  le 
sujet  du  voyage  du  roy  à  Lyon,  qui  n'a  pour  fin  que  le  restablisse- 
ment  des  affaires  d'Italie,  qui  n'ont  esté  réduites  en  Testât  où  elles 
sont  maintenant  que  pour  n'y  avoir  pas  faict  passer  6,000  hommes 
de  renfort,  que  S.  M.  y  avoit  destinez,  et  dont  elle  n'a  esté  retenue 
que  par  la  considération  de  M""  le  P.  d'Orange,  et  pour  luy  donner 
plus  de  moyen  d'exécutter  le  dessein  qu'il  avoit  surGueldres,  ou  sur 
l'une  des  places  de  la  Meuse  qu'il  proposoit  d'emporter  en  peu  de 
temps. 

Que  le  manque  de  renfort  en  Italie,  et  le  peu  de  soin  que  les  gens 
de  madame  de  Savoie  ont  eu  de  munir  la  citadelle  de  Turin'  (qu'elle 
a  remise  entre  les  mains  du  roy  lorsqu'elle  ne  la  pouvoit  plus  garder), 
dans  laquelle  il  ne  s'est  pas  trouvé  un  grain  de  blé,  et  sy  peu  de 
munitions  qu'il  n'y  en  avoit  pas  pour  la  deffendre  quatre  jours,  ont 
porté  M"  les  généraux  d'armée  de  S.  M.  en  Italie  d'entendre  à  la  pro- 
position qui  leur  a  esté  faicte,  de  la  part  des  ennemis,  d'une  sus- 
pension d'armes  durant  deux  mois,  dont  il  y  en  a  près  d'un  expiré, 
alin  de  profiter  de  ce  temps  pour  munir  et  fortifBer  la  d.  citadelle, 
et  les  autres  places  que  le  roy  lient  en  Piedmont,  et  faire  passer  les 
recreues-et  les  nouvelles  troupes  qu'on  a  levées  sur  les  frontières 
d'Italie  pour  renforcer  l'armée. 

Led.  s''  d'Estrades  n'oubliera  pas  de  faire  valoir  à  M' le  P.  d'Orange 
les  grands  progrez  que  les  armes  du  roy  ont  faicts  dans  le  Roussillon , 
dont  nous  occupons  maintenant  la  meilleure  partie,  et  le  voyage  que 
l'armée  navale  de  S.  M.  sous  la  conduite  de  M'  de  Bordeaux,  a  faict 
aux  costes  d'Espagne,  où  elle  a  empesché  fort  longtemps  celles  d'Es- 
pagne et  de  Dunkerque,  qui  estoient  dans  le  port  de  la  Corogne, 
d'en  sortir,  et  a  depuis  bruslé,  dans  le  port  de  la  Redde^,  un  grand 
galion  d'Espagne  de  1,200  tonneaux,  pris  un  autre  galion  amiral  de 

'  Voyez  ci-dessus,  p.  5i6,  dernier  paragraphe.  —  '   Laredo.  (Voyez  la  note  1  de  la 
page/igS.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  521 

même  port  avec  le  pavillon  d'Espagne  et  pillé  le  d.  port  et  la  ville  de 
la  Redde,  dont  il  s'estoit  rendu  maistre. 

Il  avertira  ensuitte  M' le  P.  d'Orange  que  nous  savons  certainement 
que  les  Espagnols  font  estât,  après  le  mois  de  septembre,  de  faire 
entrer  leur  flotte  dans  Dunkerque,  afm  qu'il  donne  les  ordres  qu'il 
estimera  à  propos  pour  les  en  empescher,  ce  qui  luy  sera  fort  aisé 
de  faire,  à  mon  avis,  et  d'enti-eprendre  ensuitte  sur  la  d.  flotte,  ce  qui 
récompenseroit  hautement  le  temps  qu'il  a  perdu  cette  campagne. 
Cette  affaire  doit  estre  en  très  singulière  recommandation,  et  je  prie 
M'  d'Estrades  de  soliciter  M""  le  P.  d'Orange  à  ce  qu'il  donne  les 
ordres  à  son  amiral  de  ne  point  quitter  les  costes  de  Flandres. 

Ces  trois  mots  de  ma  main  que  j'ajouste  à  ce  mémoire  asseureront 
M'  d'Estrade  de  mon  afî"ection  et  de  mon  service  ^ 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


NOTA. 

lo  septembre  iG3g. 
Il  y  eut  en  ce  lemps-là  de  graves  sujets  de  mésintelligence  entre  la  France  et 
la  cour  de  Rome;  le  cardinal  Barberini  (François),  l'aîné  des  neveux  du  pape, 
et  qui  dirigeait  le  gouvernement  pontifical,  tout  animé  de  sentiments  espagnols, 
éprouvait  pour  la  France  et  surtout  pour  Richelieu  une  antipathie  que  dissimu- 
laient à  peine  les  formes  conventionnelles  d'une  diplomatie  prudente.  D'un  autre 
côté,  l'ambassadeur  que  le  cardinal  avait  envoyé  à  Rome,  le  maréchal  d'Estrées, 
homme  d'un  caractère  altier,  roide  et  ombrageux,  était  particulièrement  désa- 


'  Le  jour  ou  celle  lettre  était  adressée 
au  comte  d'Estrades,  une  autre  dépêche 
était  faite  à  M.  d'Amontot,  pour  informer 
les  Etals  de  la  suspension  des  armes  en 
Italie,  et  pour  «se  plaindre  doucement  de 
la  part  du  roy  au  prince  d'Orange»  (ce 
sont  les  termes  de  la  lettre)  de  ce  qu'il  a 
laissé  passer  cette  campagne  sans  rien  faire 
contre  l'ennemi  commun.  Celte  missive  à 
d'Amontot,  où  sont  reproduits,  avec  un 

CAROm.  DE  niCtIEUED.  —  VI. 


peu  plus  de  développement  (elle  occupe 
huit  pages  du  manuscrit)  les  arguments 
déjà  employés  dans  la  lettre  adressée  à 
d'Estrades,  a  été,  non  dictée  par  Riche- 
lieu, mais  donnée,  en  matière,  à  Chavi- 
gni,  qui  sans  doute  l'a  rédigée.  La  pièce 
conservée  aux  Affaires  étrangères  est  une 
mise  au  net  de  la  main  d'un  des  commis 
de  ce  secrétaire  d'état.  Il  en  sera  fait  men- 
tion aux  Analyses.  (Date du  lo septembre.) 

66 


522 


LETTRES 


gréable  à  Urbain  VIII;  le  pape  et  le  cardinal-neveu  se  souvenaient  que  jadis,  pen- 
dant son  ambassade  de  Suisse  et  dans  l'affaire  de  la  Valteline,  le  marquis  de 
Cœuvres  (depuis  maréchal  d'Estrées)  avait  soutenu  la  politique  de  la  France 
avec  une  énergie  et  des  procédés  dont  on  avait  été  blessé  à  Rome. 

Cette  disposition  à  une  malveillance  réciproque  envenimait  les  moindres 
incidents  et  augmentait  singulièrement  l'aigreur  et  l'irritation  dans  les  choses 
qui  par  elles-mêmes  présentaient  déjà  un  caractère  de  gravité. 

Par  une  espèce  de  revanche  de  la  présence  du  maréchal  d'Estrées  à  Rome,  Ur- 
bain VIII  envoya  à  Paris,  en  qualité  de  nonce  extraordinaire,  le  prélat  Scoli, 
dans  l'intention  de  lui  faire  exercer  la  nonciature  ordinaire,  d'où  le  pape  rappe- 
lait le  nonce  Bologneti ,  sans  qu'on  eût  préalablement  informé  de  cet  envoi  et  de 
ce  rappel  le  roi  de  France  ni  son  ambassadeur. 

Ce  procédé  insolite  parut  une  tacite  et  brusque  réponse  aux  insinuations  du 
désir  qu'on  avait  de  voir  le  pape  accréditer  Mazarin  en  qualité  de  nonce  près  la 
cour  de  France.  De  plus  Scoti  était  connu  comme  l'un  des  plus  ardents  parmi 
ceux  de  la  faction  espagnole  à  Rome. 

Dès  qu'il  fut  informé  que  cet  envoyé  du  pape  était  en  France,  Richelieu  se 
hâta  de  dépêcher  à  sa  rencontre  un  des  employés  supérieurs  des  Affaires  étran- 
gères, pour  lui  faire  connaître  l'étonnement  que  causait  à  la  cour  de  France 
cette  violation  des  usages  diplomatiques  les  plus  ordinaires';  et,  à  son  arrivée  à 


'  L'instruction  donnée  par  Richelieu  se 
trouve,  en  minute,  aux  archives  des  Af- 
faires étrangères  (Home,  I.  66),  écrite  de 
la  main  de  Cherré.  Nous  nous  bornons  à 
en  faire  mention  parce  qu'elle  a  été  im- 
primée. On  la  trouve  dans  le  recueil 
d'Aubery  (t.  IV,  p.  34o  de  l'éd.  in- 18)  : 
«  Relation  de  ce  qui  a  esté  dit  et  b.4illé  par 
escrit  par  M.  de  La  Barde  à  M.  le  nonce 
Scoli ,  dans  Dijon ,  le  dernier  d'aousl 
1639.»  Aubery  a  pris  son  texte  clans  la 
collection  Dupuy,  où  sont  réunies,  en  co- 
pie, diverses  pièces  relatives  à  l'affaire  du 
nonce  Scoti.  (Bibl.  imp.  t.  535  de  la  col- 
lection.) Dans  la  minute  des  ACaires 
étrangères,  nous  avons  un  dernier  para- 
graphe que  Dupuy  n'a  pas  fourni  à  Au- 
bery :  —  «  Led.  s'  de  La  Barde  ajoustera 
qu'il  a    charge  expresse   de   fuy  donner 


cette  response  par  escrit,  afin  que  Sa 
Sainteté  puisse  cognoistre  plus  clairement 
le  respect  que  S.  M.  luy  porte,  et  le  res- 
sentiment qu'elle  a  du  mauvais  traitte- 
ment  qu'elle  reçoit.  »  —  L'imprimé,  ainsi 
que  la  pièce  du  manuscrit  Dupuy,  cons- 
tate seulement  que  celte  formalité  a  été 
remplie  :  «  Le  d.  s'  de  La  Barde  (y  est-il 
dit)  a  donné  ce  que  dessus  par  escrit  à 
mon  d.  .s'  Scoli,  qui  l'a  receu  à  Dijon,  le 
d'  aousl  1639.»  La  collection  de  Harlay 
à  la  Bibliothèque  impériale  contient  aussi 
une  copie  de  l'instruclion  donnée  à  La 
Barde  (t.  34?,  fol.  666  v°),  oùd  est  noté 
que  la  copie  a  été  faite  «  sur  la  minute  ori- 
ginale (le  Cherré.  »  Nous  remarquons 
que,  bien  que  cette  minute  soil  datée  du 
3o  août,  Cherré  a  mis  au  dos  3i  :  c'est  la 
date  de  l'expédition. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  523 

Paris,  il  fut  reçu  avec  une  froideur  qui  touchait  à  l'impolitesse,  jusque-là  que 
Chavigni,  le  secrétaire  d'étal  des  Affaires  étrangères,  ne  lui  rendit  point  sa  pre- 
mière visite.  On  verra  bientôt  les  embarras  que  causa  la  mission  de  Scoli;  mais 
on  comprend  tout  d'abord  que  personne  n'était  moins  propre  que  ce  nonce  inat- 
tendu à  ramener  la  conciliation  et  à  adoucir  les  aigreurs  dont  souffraient  jlepuis 
quelque  temps  les  relations  entre  la  France  et  Rome. 

Après  avoir  refusé  à  Richelieu  le  généralat  de  Cîteaux  et  de  Prémonlré,  la 
cour  pontificale  s'était  obstinée  à  ne  pas  donner  au  père  Joseph  un  chapeau  de- 
mandé avec  instance;  elle  montrait  une  égale  mauvaise  volonté  à  l'égard  de  Ma- 
zarin,  pour  lequel  on  avait  vainement  désiré  la  nonciature  de  Paris  comme 
un  acheminement  au  cardinalat,  et  dont  en  ce  moment  on  affectait  d'éluder  la 
promotion  sous  un  frivole  prétexte. 

C'est  lorsqu'on  en  était  venu  à  cette  situation  fâcheuse  où  tout  était  difficulté 
et  mauvais  vouloir,  qu'arrivèrent  successivement  l'affaire  de  la  Trinité-du-Mont 
et  l'assassinat  de  Rouvray,  écuyer  de  l'ambassadeur  de  France.  Il  sera  plus  tard 
question  du  meurtre  de  Rouvray  ;  mais  c'est  l'affaire  de  la  Trinité-du-Mont  qui 
fut  l'occasion  de  la  dépèche  qu'on  va  lire.  Ce  n'est  pas  une  lettre  signée  du  car- 
dinal, mais  c'est  évidemment  Richelieu  qui  parle  par  la  bouche  de  Chavigni,  et 
plus  librement  qu'il  ne  l'aurait  pu  faire  dans  un  écrit  où  il  devait  élre  continuel- 
lement question  de  sa  personne  et  des  affaires  qui  le  touchaient.  Il  lui  était  beau- 
-  coup  plus  commode  de  guider  la  plume  de  Chavigni  que  de  tenir  la  plume  lui- 
même. 

Toutefois,  la  missive  n'étant  pas  en  son  noui,  nous  ne  classons  point  cette 
dépêche  au  nombre  des  lettres  de  Richelieu ,  mais  nous  devons  la  faire  con- 
naître, parce  que,  quant  au  fond  du  moins,  elle  lui  appartient,  et  aussi  à 
cause  de  l'importance  des  choses  qui  y  sont  traitées,  enfin  parce  qu'elle  est 
nécessaire  à  l'intelligence  de  plusieurs  autres  lettres  où  il  s'agit  des  démêlés  du 
nonce  Scoti  avec  le  gouvernement  de  Louis  XIII. 

Le  couvent  français  de  la  Trinité-du-Mont,  maison  de  fondation  royale,  avait  le 
roi  de  France  pour  protecteur,  et  possédait  un  droit  d'asile.  Quelque  déraisonnable 
que  fût  ce  droit,  surtout  lorsqu'il  avait  pour  effet  d'ouvrir  un  refuge  où  des  cri- 
minels étrangers  pouvaient  braver  impunément  la  justice  du  pays,  c'était  alors 
un  droit  réel  et  publiquement  reconnu.  Si  le  gouvernement  romain  pouvait  en 
procurer  l'abolition  par  une  négociation  régulière,  il  ne  pouvait,  sans  outrage 
pour  le  gouvernement  français,  faire  ou  laisser  violer  l'asile  à  force  ouverte.  Or 
cinq  esclaves  turcs,  échappés  du  palais  de  l'ambassadeur  d'Espagne,  s'étant  réfu- 
giés dans  le  couvent  de  la  Trinité-du-Mont,  ils  en  furent  enlevés  par  des  agents 
de  la  police  romaine,  auxquels  prêtèrent  main-forte  les  soldats  de  la  garde  corse. 

G(i. 


524 


LETTRES 


L'ambassadeur  se  plaignit  à  Rome,  et  rendit  compte  à  sa  cour;  Richelieu  lui  fit 
écrire  la  lettre  suivante  : 

AU  MARÉCHAL  D'ESTRÉES. 

'  «  Le  roy  s'estant  fait  lire  la  relation  que  le  d.  s'  ambassadeur  a  envoyée^  du 
procédé  que  Ton  a  tenu  à  Rome  dans  l'affaire  des  esclaves  qui  ont  esté  tirés  du 
couvent  de  la  Trinité  du  Mont,  a  jugé  très  à  propos  qu'il  pousuivefort  et  ferme, 
au  nom  de  Sa  d.  Majesté,  et  comme  en  ayant  ordre  très  exprès  de  sa  part,  ta  satis- 
faction qui  Iny  est  due  pour  l'entreprise  faicle  par  le  vice  gèrent,  les  sbires  et  les 
Corses,  contre  l'immunité  du  d.  couvent. 

«  La  d.  satisfaction  pourroil  eslre  que  le  pape  fist  tenir  en  sa  présence  la  con- 
grégation de  l'immunité  ecclésiastique,  et  que  Sa  Sainteté  déclarast  que  les  d. 
sbires  et  Corses  n'ont  esté  envoyés  à  la  Trinité  du  Mont  que  pour  asseurer  la 
conduite  des  d.  esclaves  depuis  le  d.  couvent  jusques  aux  catéchumènes,  afin  que 
par  les  rues  il  n'arrivast  aucun  inconvénient,  et  qu'il  ne  fust  rien  tenté  de  la  part 
des  Espagnols  pour  les  reprendre;  que  le  vice  gèrent  n'a  eu  aucun  ordre  d'em- 
ployer les  d.  sbires  et  Corses  pour  tirer  les  esclaves  du  d.  couvent  contre  leur 
gré  et  contre  celuy  soit  de  l'ambassadeur  du  roy,  soit  des  religieux  de  la  Trinité 
du  Mont;  que  Sa  Sainteté  désavoue  la  violence  que  le  vice  gèrent  a  faicte,  pour 
tirer  les  d.  esclaves  du  d.  lieu,  comme  ayant  outrepassé  son  ordre  en  cela,  et 
que,  pour  preuve  que  son  intention  n'a  esté  autre  que  dessus,  elle  veut  que  les  d. 
esclaves  soient  ramenés  à  la  Trinité  du  Mont  et  qu'ils  n'en  sortent  que  du  con- 
sentement du  d.  s'  ambassadeur  et  des  religieux. 

"Le  pape  en  ayant  ainsy  usé,  et  les  esclaves  estant  actuellement  remis  dans 
le  d.  couvent.  M' le  marescbal  d'Estrée  et  les  religieux  consentiront  que  les  d. 
esclaves  en  soient  tirés  et  ramenés  aux  catéchumènes. 

"  S.  M.  donne  pouvoir  au  d.  s"^  ambassadeur  de  se  relascher  de  ce  qu'il  estimera 
pouvoir  estre  omis  en  ce  qui  est  de  la  d.  satisfaction  telle  que  dessus,  pourveu 
qu'il  juge  que  le  tort  qui  a  esté  faict  à  la  dignité  du  roy  et  à  la  protection  que 


'  Arch.  des  Afî.  élr.  Rome,  t.  66.  Mise 
au  net  de  la  main  d'un  secrétaire  de  Cha- 
vigni.  —  Bibl.  imp.  Salnt-Germain-Har- 
lay,  347,  fol.  717  v°.  —  Copie. 

^  On  conserve  aux  archives  des  Af- 
faires étrangères,  dans  le  tome  66  de 
Rome  précité,  outre  les  lettres  de  l'am- 
bassadeur,   plusieurs    pièces    parmi    les- 


quelles se  trouvent  les  suivantes  :  «  Rela- 
lione  fidelissiraa  del  successo  circa  il  ré- 
fugie nel  monasterio  délia  Trinità  de' 
Monti,  lo  1°  d'agosto  16.39,  *^^''  »chiavi 
batlezzati ,  dal  dura  di  Monlallo.  »  Et  : 
»  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  de  cinq 
esclaves  que  le  duc  de  Montalte  avoit 
amenés  à  Rome.  —  1  a  aoust.  • 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  525 

S.  M.  est  obligée  d'avoir  du  d.  couvent,  soit  suffisamment  réparé;  ou  de  prendre 
queiqu'autre  expédient  sur  ce  sujet. 

«li  a  esté  fermement  parlé  à  M' le  nonce  Bologneti  sur  l'affaire  ci  dessus,  et 
niesme  on  luy  a  déclaré  la  satisfaction  que  le  roy  désire. 

•  Le  roy  envoie  au  d.  s'  ambassadeur  les  communications  pour  le  régiment  ita- 
lien, le  rendez-vous  duquel  sera  en  Provence,  où  l'on  a  expédié  M'  le  comte 
d'Alais,  afin  qu'il  le  fasse  recevoir  à  son  débarquement. 

«  M' le  Donce  Scoti  a  receu,  par  le  courrier  du  pape,  deux  brefs  de  Sa  Sain- 
teté, un  pour  le  roy  et  l'autre  pour  nions'  le  cardinal,  par  lesquels  Sa  Sainteté 
donne  avis  au  roy  et  à  Son  Éminence  qu'elle  révoque  M'  Bologneti  delà  non- 
ciature ordinaire  et  veut  qu'elle  soit  doresenavant  exercée  par  le  s'  Scoti. 

«  Aussytost  qu'il  les  eust  receues  il  fist  demander  audience  à  S.  Em.  à  laquelle 
il  se  présenta  avec  le  rochet  et  la  mocelte,  sans  faire  avertir  S.  Em.  pourquoy  il 
venoit  en  cet  habit. 

«  Incontinent  après  il  prisl  audience  de  S.  M.  et  comme  il  avoit  usé  de  surprise 
vers  elle  et  vers  S.  Em.  il  ne  fut  receu,  en  l'une  et  en  l'autre  audience,  comme 
l'on  reçoit  les  nonces  ordinaires,  savoir  :  chez  le  roy  les  gardes  estant  sous  les 
armes,  et  luy  conduit  par  un  prince  à  l'audience  de  S.  M.  et  chez  S.  Em.  dans 
la  cérémonie  ordinaire,  qui  est  qu'elle  porte  son  rochot,  son  camail  et  son 
bonnet. 

•  De  plus.il  vint  à  ces  audiences  sans  estre  accompagné,  ainsy  qu'il  est  accous- 
lumé,  de  l'ancien  nonce. 

•  Cette  façon  de  procéder  sy  subite  et  sy  prompte  a  donné  à  penser  qu'elle  se 
faisoit  pour  quelque  dessein  particulier,  et  peut  estre  afin  qu'eu  remplissant  la 
nunciature  ordinaire  on  ostast  au  roy  le  moyen  de  la  procurer  à  M'  Mazarin,  en 
sorte  que,  si  le  roy  ne  le  faisoit  point  cardinal,  S.  M.  ne  pust  persister  en  l'ins- 
tance qu'elle  a  ci  devant  faicte  de  l'avoir  pour  nonce  ordinaire. 

•  Sur  quoy  S.  M.  a  jugé  à  propos  de  luy  faire  parler  aux  termes  que  le  d.  s'  am- 
bassadeur verra  par  l'escrit  ci  joinct,  duquel  mesnie  il  a  esté  donné  copie  au  d. 
s'  nonce. 

«  Cet  escrit  servira  à  deux  fins  :  la  première  pour  faire  déclarer  promptement 
le  pape  touchant  la  promotion  de  M'  Mazarin ,  selon  que  led.  ambassadeur  le  juge 
nécessaire;  la  seconde  afin  de  tenir  en  suspens  l'exercice  de  la  d.  nunciature  or- 
dinaire pour  laquelle  ce  que  le  d.  s'  Scoti  a  faict  jusqu'ici  paroistre  de  son  hu- 
meur et  façon  d'agir,  ne  donne  pas  sujet  de  croire  qu'il  soit  fort  propre  en  cette 
cour. 

•  Le  d.  s'  ambassadeur  doit  savoir  qu'il  s'est  meslé  de  parler  de  faire  revenir 
M' le  comte  en  France  par  l'intervention  du  pape,  en  luy  donnant  seureté  dont 


526  LETTRES 

S.  M.  seroit  caution ,  ce  que  le  d.  s'  ambassadeur  juge  bien  esire  fort  extravagant , 
et  qu'un  nonce  ne  se  doit  point  mesler  de  telles  affaires. 

«  Il  propose  l'affaire  de  la  préfecture,  et  pour  y  rendre  monseigneur  le  cardinal 
favorable,  il  luy  a  insinué  que,  moyennant  cela,  on  le  pourroit  faire  légat  en 
France,  ce  qui  est  sy  peu  au  goust  de  Son  Em.  que,  pour  quoy  que  ce  fust  au 
monde,  elle  ne  voudroil  de  cette  dignité. 

«  Il  a  donné  à  entendre,  en  parlant  à  monseigneur  le  cardinal,  qu'il  seroit  à 
propos,  pour  le  service  du  roy,  que  le  d.  s'  mareschal  ne  demeurast  pas  plus 
longtemps  à  Rome. 

«  Enfin  c'est  un  homme  dont  iaconduitte  est  fort  estrange,etdonton  a  icy  grand 
sujet  de  ne  pas  faire  fort  bon  jugement.  Le  d.  s''  ambassadeur  doit  donc  voir,  avec 
M'  Mazarin,  en  grande  confiance,  s'il  y  a  lieu  de  se  fier  en  luy,  et  feront  savoir 
icy  s'ils  le  cognoissent  bien ,  et  s'ils  en  sont  asseurés. 

«  L'escrit  qui  a  esté  donné  au  d.  .s'  nonce  tiendra  cette  affaire  en  suspens,  afin 
que  si  M'  le  mareschal  d'Estrces  et  le  d.  s'  Mazarin  estiment  qu'il  faille  insister 
pour  avoir  un  autre  nonce  ordinaire,  il  y  ait  lieu  de  le  faire. 

«  Monseigneur  le  cardinal  a  parlé  au  d.  s'  nonce  avec  grande  fermeté  sur  le  su- 
jet du  d.  s'  Mazarin,  luy  déclarant  que  si  Sa  Sainteté  ne  donne  au  roy,  en  cela, 
le  juste  contentement  que  S.  M.  espère.  M'  le  mareschal  d'Estrées  sortira  de 
Rome,  et  qu'il  n'y  aura  plus  d'ambassadeur  de  France  par  delà;  que  la  piété  dn 
roy  est  telle  qu'il  ne  peut  rien  survenir  au  monde  qui  luy  pust  donner  la  moindre 
pensée  de  se  séparer  du  S'  Siège;  mais  que  S.  M.  s'abstiendroit  avec  raison,  si 
on  la  traictoit  si  indignement  que  de  luy  refuser  le  cardinalat  pour  M'  Mazarin, 
sachant  bien  que  ce  ne  seroit  qu'afin  de  fonder  le  refus  que  le  pape  feroit  au 
roy  d'Espagne  du  cardinalat  pour  Perreti  pour  des  considérations  particulières. 

«  Quant  à  l'affaire  du  patriarche  de  Constantinople,  le  roy  veut  que  le  d.  s'  ma- 
reschal fasse  entendre  au  pape  que  S.  M.  trouveroit  fort  mauvais  que  s'estant 
adressée  à  son  ambassadeur  en  Levant  et  au  P.  Archange  de  Follez,  voire  mesme 
à  S.  M.  par  lettre  expresse  dont  copie  a  esté  exhibée  à  Sa  Sainteté,  l'affaire  en 
question  se  fist  par  une  autre  entremise  que  la  sienne  et  celle  de  ses  ministres 
en  Levant.  L'on  sçait  assez  qu'il  n'y  en  peut  avoir  une  plus  puissante  et  moins 
suspecte  à  l'empereur  des  Turcs,  ce  qui  est  nécessaire  pour  réunir  les  Grecs  à 
l'église  romaine,  et  pour  l'cstablir  solidement  et  la  maintenir  cy  après.  Cela  es- 
tant connu  au  pape  et  à  tout  le  monde,  il  ne  veut  que  celte  affaire  passe  par 
cette  entremise  ;  S.  M.  ne  peut  qu'elle  ne  croie  que  Sa  Sainteté  le  fait  par  quelque 
considération  trop  favorable  pour  ses  ennemis,  qui  aimeroient  mieux  que  la  re- 
ligion catholique  fust  entièrement  ruinée  en  quelque  lieu  que  ce  soit,  que  de  la 
voir  soutenue  ou  promue  par  S.  M.  Bref  elle  se  tiendra  offensée  très  sensible- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  527 

ment  si  le  pape  luy  veut  oster  le  moyen  de  contribuer  à  la  gloire  de  Dieu  et  aug- 
mentation de  l'église  en  Levant  comme  elle  désire. 

•  Si  Sa  Sainteté  ne  veut  pas  admettre  le  P.  Archange  à  traicter  de  cette  affaire , 
le  d.  s'  ambassadeur  en  pourra  conférer  avec  elle,  ou  autres,  à  qui  elle  trouvera 
bon  qu'elle  soit  communiquée,  et,  pour  cet  effect,  il  en  prendra  information  du 
d.  P.  Archange,  lequel  se  devra  donner  patience  et  attendre  que  cette  affaire 
soit  engagée  sous  le  nom  du  roy,  après  quoy  il  y  travaillera  selon  la  cognoissance 
qu'il  en  a,  soit  à  Rome,  soit  à  Constantinople. 

«  10  •j^"  1639.  A  Chalons  sur  Saône.  » 


CCLXXVIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin  ,t.  27,  fol.  i35.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Fonds  Dupuy,  t.  767,  cahier  Rr'.  —  Copie. 

Saint-Germain -Harlay,   3A7,   fol.  347   ^°-  —  Copie'. 

A  MADAME  DE  SAVOIE. 

1 5  septembre  1  âSg. 

Madame, 

Mons'  le  marquis  de  S'  Germain  retournant  trouver  V.  A.*  il  iuy 
dira  comme  le  roy  s'avance  jusques  à  Grenoble,  pour  luy  donner 
moins  de  peine  en  le  venant  voir.  Je  ne  sçaurois  vous  représenter  jus- 
ques à  quel  point  j'ay  le  cœur  percé  de  la  perte  que  vous  avés  faicte 
de  Nice*;  cela  me  faict  vous  supplier  de  plus  en  plus  de  faire  ce 
qu'il  faut  pour  empescher  que  le  dernier  malheur  que  vous  devés 
craindre  ne  vous  arrive,  lorsque  vous  y  penserés  le  moins.  Je  n'ay 
sur  ce  sujet  qu'à  vous  conjurer  par  vous-mesme,  et  par  M"^  vostre 

'  Voy.  ci-dessus,  noie  2,  p.  56.  dont  il  était  chargé,  datée  du  3o  août,  se 

'  Le  manuscrit  de  Harlay  dit  que  la  trouve  aux  Aff.  étr.  ms.  cité  aux  sources , 

pièce  e.sl  transcrite  sur  une  «copie  delà  fol.  i34-  Une  copie  est  dans  le  ms.  de 

main  de  Chavigni.  »  Harlay,  fol  346  v°. 

'  La  duchesse  avait  envoyé  le  marquis  '  Le  29  août  el  le  3o,  le  cardinal  de 

de  Saint-Germain  vers  le  roi  pour  savoir  La  Valette  avait  écrit  trois  lettres  où  il 

où   Louis  XIII  et  le  cardinal  désiraient  faisait  un  triste  tableau  des  affaires  d'Ita- 

qu'eiie  vînt  à  leur  rencontre.   La   lettre  lie.  (Aff.  étr.  Turin,  t.  29,  fol   136-1/46. 1 


528  LETTRES 

fils,  d'effectuer,  sans  perdre   aucun   moment  de  temps,  ce  que  le 
s'  Mondin  vous  aura  représenté  de  la  part  du  roy. 

Quand  V.  A.  aura  une  créature  fidèle  dans  Monmelian,  avec  une 
garnison  qui  deppende  absolument  d'elle,  elle  sera  maistresse  de  la 
Savoie,  et  donnera  moyen  au  roy  de  maintenir  M'  le  duc  de  Savoie 
en  ses  estats.  Sans  cela  elle  se  trouvera  en  un  instant  privée  de  li- 
berté, monsieur  son  fils  de  tous  ses  estats  et  de  vie  tout  ensemble.  Je 
vous  suplie.  Madame,  de  vous  en  souvenir,  comme  du  seul  conseil 
qui  reste  à  vous  donner  et  sans  la  prompte  exécution  duquel  V.  A.  est 
absolument  perdue'.  Je  désire  sa  conservation  à  l'esgal  de  ma  vie. 


'  La  sûreté  de  la  ville  de  Monlmélian, 
où  la  duchesse  de  Savoie  s'était  réfugiée 
avec  ses  enfants,  après  l'occupation  de 
Turin  par  le  prince  Thomas,  était  de 
grande  conséquencepourelle,  et  aussi  pour 
la  France.  Elle  comprit  qu'elle  devait  à 
cet  égard  écouter  les  conseils  de  Richelieu, 
et  elle  donna  pour  gouverneur  à  Mont- 
mélian  le  marquis  de  Saint-Germain ,  qui 
était  notoirement  affectionné  à  la  France. 
La  nomination  de  ce  gouverneur  de  Monl- 
mélian dut  suivre  de  près  la  réception  de 
cette  dépêche,  car  nous  voyons,  par  une 
lettre  de  Chavigni ,  qu'il  était  en  posses- 
sion de  son  gouvernement  avant  le  23  sep- 
tembre. (Ms.  de  Turin,  t.  27,  fol.  i5i.) 
Ce  dut  être  un  peu  avant  cette  date  que 
furent  rédigés  divers  engagements  dont 
nous  trouvons  les  projets  dans  nos  ma- 
nuscrits; sans  doute  ils  avaient  été  prépa- 
rés par  le  cardinal  dans  la  prévision  de 
l'entrevue  de  Grenoble;  et,  sans  en  don- 
ner ici  le  texte,  il  convient  de  les  faire 
connaître  :  —  L'un  porte  en  tête  :  Projet 
de  promesse  à  faire  par  Madame  de  Savoie  au 
roy.  —  «  Nous  Chrestienne  de  France. . . 
promettons  et  jurons  au  roy  que  nous  fe- 
rons gardera  l'avenir  la  place  de  Montme- 


lian  ainsi  qu'il  s'en  suit.  —  Le  marquis  de 
S"  Germain  en  sera  gouverneur.  .  .  ce- 
luy  qui  y  commandera ,  sous  la  charge 
du  d.  marquis,  sera  S'  Martin  ,  maistre  de 
camp  françois,  qui  est,  dès  le  temps  de 
feu  S.  A.  nostre  mary  ,  à  nostre  service.  — 
La  garnison  sera  compoiiée  moitié  de  nos 
sujets  reconnus  fidèles,  et  moitié  de  Fran- 
çois. —  Nous  promettons  en  outre  faire 
déposer  dans  le  lô"  de  ce  mois,  entre  les 
mains  de  ceux  qu'il  plaira  au  roy  com- 
mettre à  cet  effect,  les  chasieaux  de  Char- 
bonnières et  de  Miolans,  pour  estre  gardés 
par  S.  M .  .  .  jusques  à  une  bonne  paix 
qui  nous  fasse  remettre  tout  nostre  Estât 
entre  les  mains.  ...  Nous  promettons  en- 
suite que,  s'il  entre  quelques  troupes  des 
princes  nos  beaux  -  frères ,  ou  des  Espa- 
gnols ,  dans  la  Savoie,  ou  que,  sans  y  en- 
trer, il  y  arrive,  à  la  suscilation  des  uns  ou 
des  autres,  une  grande  sousievation .  .  . 
nous  ferons  remettre  la  place  de  Monlmé- 
lian entièrement  entre  les  mains  du  roy, 
pour  la  conserver  jusques  à  ce  que,  par 
un  bon  Iraicté  de  paix,  les  Espagnols  et 
nos  beaux- frères  remettent  au  duc  nostre 
fils  ce  qui  se  trouve  estre  occupé  par  eux; 
auquel  temps  le  roy  remettra  aussy .  .  . 


DU  CARDINAL  DE  RJCHELIEU.  529 

que  j'emploiray  volontiers,  pour  luy  faire  paroistre,  en  toutes  les  oc- 
casions, que  je  suis,  etc. 


toutes  les  places  qui  auront  pu  luy  estre 
déposées  »  (Arch.  des  Aff.  étr.  Turin, 
t.  27,  fol.  167.  Celle  minulc  est  de  la  main 
d'un  nouveau  secrétaire  de  Richelieu;  un 
double,  de  la  même  écriture ,  est  au 
fol.  i63,  et  les  deux  pièces,  sans  date, 
son!  classées,  dans  ce  manuscrit,  à  la  fin 
de  septembre.  Il  s'en  trouve  une  copie  à 
la  Bibliothèque  impériale,  fonds  Saint- 
Germain-Harlay,  347,  fol.  896  v°.  —  Il 
parait  que  Richelieu  n'entendait  pas  se 
contenter  de  l'engagemenlqu'ilexigeaitde 
Madame;  il  en  voulait  un  autre  du  mar- 
quis de  Saint-Germain,  et  il  le  dicte  lui- 
même.  Nous  en  trouvons  le  texte  dans  le 
manuscrit  précité  des  Affaires  étrangères , 
fol.  166  :  «Je  soussigné  Dom  Olta\io  de 
S'  Martin  d'Aillé,  marq  de  S'  Germain.. , 
promets  à  Mad.  la  duchesse  de  Savoie 
qu'au  cas  que  S.  A.  ou  celle  de  M.  le  duc 
de  Savoie  son  fils,  ou  l'un  sans  l'autre, 
vinssentà  décéderou  estre  pris  prisonniers, 
je  ne  renieltray  jamais  le  cliasleau  et  la 
ville  de  Montmelian  entre  les  mains  de  qui 
que  ce  puisse  estre,  que  selon  les  ordres 
qu'elle  en  aura  laissés  par  escrit.  .  »  La 
pièce  est  de  la  main  de  Cherré,  et  après 
les  mots  «  Fait  à  Montmelian,  >  Richelieu  a 
ajouté  :  «  Par  moy  soussigné ,  qui  ay  voulu , 
pour  plus  grande  seureté  ,  escrire  la  pré- 
sente de  ma  main  et  la  caclietier  de  mon 
cache!.  »  Dans  la  copie  que  le  manuscrit  de 
Harlay  (347,  fol.  896)  conserve  à  la  Biblio- 
thèque, on  a  soin  de  noter  cette  dernière 
circonstance  :  ■<  Hœc  verba  usque  ad  finem 
sunt  scripta  manu  0.  cardinalis  de  Riche- 


lieu »— Le  cardinal  ne  croyait  jamais  avoir 
assez  de  garanties  contre  les  défiances  et 
les  légèretés  de  la  duchesse  de  Savoie.  Un 
troisième  engagement  avait  été  préparé; 
on  y  lit  :  «  Je  promets  à  S.  M.  par  le  com- 
mandement de  M°"  la  duchesse  de  Sa- 
voie. .  .  que  j'ayderay  à  garder  fidèlement 
la  place  de  Montmelian  pour  M'  et  Mad. 
de  Savoie  (ici  est  répétée  une  partie  de  la 
pièce  précédente) ...  et  que  je  ne  consen- 
tiray  jamais  que  lad.  place  soit  remise 
entre  les  mains  de  M"  les  princes  de  Sa- 
voie, ou  d'autres  pour  eux,  que  du  con- 
sentement de  S.  M.  par  un  traicté  de  paix 
faict  avec  elle.  .  .  »  Nous  trouvons  cette 
pièce  en  copie,  à  la  Bibliothèque,  dans 
le  fonds  de  Saint-Germain -Harlay,  347, 
fol.  395  v°.  —  A  la  marge  du  manuscrit, 
on  lit  :  «  Ce  projet  de  promesse  est  d'un 
qui  seroit  dans  le  chasteau  de  Montme- 
lian commandant,  sous  le  gouverneur,  la 
moitié  (le  la  garnison  dud.  chasteau,  qui 
seroit  de  François.  •  Ce  personnage,  qu'on 
ne  nomme  pas  ici,  était  le  Saint-Martin 
de  la  première  promesse.  A  ces  projets  de 
promesses  rédigés  avant  que  le  marquis 
de  Saint-Germain  fût  installé  dans  le  gou- 
vernement de  Montmelian,  Richelieu  en 
ajouta  un  nouveau ,  après  cette  installation , 
contenant  les  mêmes  conditions.  La  mi- 
nute, de  la  main  de  Cherré,  est  aux  Af- 
faires étrangères,  t.  27  de  Turin,  f°  169'. 
Nous  remarquons  que,  dans  cette  der- 
nière pièce,  sont  réservés  les  droits  des 
princesses,  tilles  de  la  duchesse,  en  cas 
de  mort  d'elle  et  de  son  fils.  Les  précé- 


Une  copie  de  cette  pièce  et  de  la  suivante  se  trouve  dans  le  fonds  de  Saint-Gcrinain-Harlay,  U  3^7, 
fol.  397  v'  et  398  r*. 


C.tnDIN.  DE   niCHELIEC. 


67 


530 


LETTRES 


CCLXXIX. 

Arcli.  de  l'Emp.  K,  i34.  Guyenne,  i"  partie,  fol.  iSg,  pièce  2o5.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp  Fonds  Bédiune,  92^1,  fol.  160  v°,  et  gS^g,  fol.  180.  —  Copies. 

A  M.  DE  BORDEAUX. 

17  septembre  16S9  '. 

Monsieur,  je  suis  extresmement  estonné  de  la  teneur,  etc. 

Vous  me  mandés,  elc.^  et  vous  savés  bien  que  je  vous  laisse  dispo- 
ser du  fonds  comme  bon  vous  semble;  que  je  vous  ay  laissé  un  fonds 
de  soixante  mille  livres  expressément  pour  vous  subvenir  en  cas  de 
nécessité;  que  vous  m'avés  mandé  par  le  s'  de  Baure  que  vous  aviés 
porté  des  victuailles  extraordinaires  pour  quinze  jours,  et  que  vous 
sériés  tout  le  mois  de  septembre  à  la  mer  pour  tascher  de  réparer,  par 
vostre  assiduité  à  la  mer,  le  temps  que  le  mauvais  temps  vous  avoit 
faict  perdre. 

Au  reste  vous  n'avés  point  si  peu  de  crédit  dans  toute  la  Guienne, 
sous  vostre  nom  et  sous  le  mien,  que  vous  n'eussiés  peu  trouver  pour 
trois  semaines  de  victuailles  pour  désespérer  l'Espagne,  comme  vous 
me  mandés  que  vous  pouvés  faire. 

Cognoissant  vostre  bumeur  comme  je  fais,  je  prends  vostre  lettre 


dents  engagements  ne  faisaient  aucune 
mention  de  ces  princesses.  Un  projet  d'en- 
gagement du  roi ,  pour  le  payement  des 
troupes  de  la  duchesse,  et  des  garnisons 
des  places  remises  par  elle ,  se  trouve  dans 
le  manuscrit  des  Affaires  étrangères,  à  la 
suite  de  celui  de  Madame,  fol.  J70. — 
Tous  ces  documents,  que  négligent  d'or- 
dinaire les  historiens,  sont  instructifs,  el 
ils  ont  surtout  cet  intérêt  qu'ils  font  con- 
naître, mieux  que  toute  autre  chose,  les 
procédés  de  Richelieu  dans  certaines  né- 
gociations ,  et  le  caractère  précis  de  ses  re- 
lations avccla  duchesse  sœurde  Louis  XIII. 


'  La  minute  des  archives  ne  porte  point 
de  nom  de  lieu  ;  la  copie  met  :  «  De  Ruel  ;  » 
c'est  une  erreur;  le  1  7  septembre  1689  le 
cardinal  était  à  Lyon. 

"  L'archevêque  de  Bordeaux  parle  du 
manque  de  vivres,  dans  deux  lettres  au 
cardinal,  écrites  à  bord  de  l'amiral,  à  la 
rade  de  Saint-Oigne',  l'une  du  2a  août, 
l'autre  du  26.  Au  dos  de  cette  dernière, 
Cherré  a  écrit  :  »  du  4  septembre;  »  c'est 
sans  doute  la  dale  de  la  réception.  Dans 
cette  lettre ,  l'archevêque  mande  qu'il  ira 
à  Brest  faire  faire  divers  travaux. 

*  Sanloûa,  petit  port  de  la  province  de  Santander. 


Dû  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  531 

comme  escritfe  en  mauvaise  humeur  et  ne  doute  point  que  la  bonne 
volonté'  que  vous  aurés  tousjours  au  service  du  roy  ne  vous  ait  em- 
pesché  de  perdre  ies  occasions  dans  lesquelles  vous  aurés  jugé  pou- 
voir nuire  aux  ennemis. 


CCLXXX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  29,  fol.  229.  — Original. 
Bibl.  imp.  Saint-Gerniain-Harlay,  3à~,  loi.  5o3  v°.  —  Copie. 

A  M.  LE  CARDINAL  DE  LA  VALETTE. 

18  septembre  i63ij. 

Monseigneur, 

La  nouvelle  de  vostre  maladie'^  m'a  tellement  surpris  que  je  ne 
m  en  saurois  remettre,  ce  que  vous  croirés  aisément,  je  m'asseure, 
cognoissant,  comme  vous  faictes,  l'affection  sincère  que  j'ay  pour 
vostre  personne,  et  la  part  que  je  prends  à  tout  ce  qui  vous  touche. 

Je  renvoie  Saladin  pour  savoir  Testât  auquel  vous  estes  mainte- 
nant, et  m'en  rapporter  des  nouvelles  que  j'attendray  avec  impa- 
tience. Il  vous  mène  un  médecin  de  cette  ville  estimé  pour  un  des 
plus  capables,  afin  de  vous  assister.  Tay  tm  désir  sy  exlresme  de  vous 
savoir  délivré  de  vostre  mal,  que  je  me  résoudrois  volontiers  d'aller 
moy-mesme  au  lieu  où  vous  estes,  si  je  croyois  par  ma  présence  con- 
tribuer quelque  chose   à  vostre  soulagement.  Enfin,  Monseigneur, 

Le  mol  •  volonté  •  n'est  point  clans  la  Richelieu  à  cet  ami ,  qui  lui  avait  été  d4- 

copie  du  manuscrit  11°  gS/tg,  lequel  est  voué  ju.squ'à    abandonner    pour  lui  son 

ordinairement  plus  soigné  et  plus  correct  père  et  son  frère.  Quoique  Richelieu  fût 

que    le   manuscrit  n°  9241;   el  ce  mol  alors  au  plus  mal  avec  le  duc  d'Épernon, 

manque,  en  effet,  dans  la   minute  origi-  il    lui    écrivil  sur   celle   morl  une  lettre 

nale,  oublié  par  Cherré,  écrivant  rapide-  de  condoléance,   le   19  octobre.   «Si  on 

ment  sous  la  dictée  de  Richelieu.  pouvoil    racheter    un    tel    ami    par    son 

Le  cardinal  de  La  Valette  avail  été  sang,    disait    Richelieu,   j'en    donnerois 

attaqué,  le    11   seplen>bre,  d'une   lièvre  beaucoup  du  mien  pour  le  recouvrer.» 

pernicieuse  dont  il  mourut  le  a8.  Cette  (Il  sera  fait  mention  de  celle  lettre  aux 

lettrt'  est  la  dernière  que  nous  ayons  de  Analyses.  ) 

(•,7. 


532  LETTRES 

croyés  que  je  ressens  comme  je  dois  vostre  indisposition  et  qu  il-n'y  a 
rien  que  je  ne  voulusse  faire  pour  vous  en  garantir,  et  pour  vous  faire 
cognoistre  de  plus  en  plus  que  je  suis,  autant  qu'on  le  peut  estre, 

Monseigneur, 

Vostre  très  liumbie  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Lyon,  ce  i8  7'"*  lôSg. 


CCLXXXI. 

Arch.  des  Afî.  étr.  Turin,  t.  37,  fol.  i43.  —  Pièce  autographe'. 

Bibl.  imp.  Saint-Gerinain-Harlay,  3^7,  fol.  366  v°.  —  Copie'. 

Fonds  Dupuy,  t.  767,  cahier  Rr.  —  Extrait'. 

MÉMOIRE 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY». 

1 9  septembre  1 63g. 

Va  pour  avertir  Madame  qu'elle  peut  venir. 

Pourveu  qu'auparavant  Montmélian  soit  absolument  asseuré,  le  roy 
ne  désirant  pas  qu'elle  l'abandonne  sans  cela. 

Nisse  faict  plus  craindre  que  si  le  gouverneur  avoit  esté  tué,  comme 
on  le  disoit. 

^  Cbangement  absolu.  Autrement  nulle  seureté  en  un  temps  si  dan- 
geieux  comme  ceiui-cy.  Madame  se  doit  souvenir  comme  elle  a  esté 
traictée  dans  Thurin,  par  quelques  uns  de  ceux  qui  ont  attendu  à  se 

'  On  voit,  aux  nombreuses  corrections,  *   Une  note  écrite  par  Ciierré,  au  dos 

au  caractère  de  l'écriture,  que  ces  notes'  de  celte  pièce,   dit    qu'elle   fut  donnée 

ont  été  jetées  à  la  hâte  sur  le  papier.  «  à  M'  de  Chavigny  s'en  allant  en  Savoie.  • 

■  Une  note  du  manuscrit  de  Harlay  dit  '  A  la  marge  de  ce  paragraphe,  Riche 

que  sa  copie  a  été  faite  sur  un  autographe  lieu  a  écrit  :  «  Ce  que  dict  S'  .\iaurice  du 

de  Richelieu.  sergent  major.  «  Le  comte  de  Saint- Mau- 

'  Voy.  ci-dessus,  note  2,  p.  56.  .  rice  était  ambassadeur  de  Savoie  à  Paris. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  533 

déclarer  contr'elle  à  coup  seur\  et  comme  sa  présence  n'a  pas  asseuré 
la  place. 

Faut  que  tous  les  parens  asseurés  du  gouverneur  soyent  dedans. 

Asseurer  de  plus  en  plus  à  Madame  le  seigneur  Dom  Félix.  Grande 
croix,  la^"**  de  rente  aux  bénéfices. 

Déclarer  à  tous  les  seigneurs  qui  sont  proches  de  Madame  le  bon 
traictement  que  le  roy  leur  veut  faire  :  Bobe,  Lhulin,  Ardouin  et 
autres. 

Si  Madame  a  peine  à  l'exéquution ,  il  luy  en  faut  donner  tous  les 
expédiens. 

Faire  sortir  la  garnison  pour  aller  à  Chambéry,  et  amener  les  chefs 
avec  elle. 

Si  cet  expédient  ne  luy  suilist,  qu'elle  demeUre  là  sans  en  sortir;  et 
le  roy  ira.  Mais  cet  expédient  est  le  dernier,  où  il  faut  venir  à  toute 
extrémité,  de  peur  de  donner  de  l'ombrage  sans  sujet.  Mais  s'ils  le 
proposoyent,  comme  ne  pouvant  sortir  d'aflaire  autrement,  le  roy 
iroit. 

Plaincte  douce  de  ceux  qui  n'ont  nul  secret  pour  eux  mesnies. 

Fort  de  Jalasse  et  autre  '^  deslivré  à  des  Sui.sses  qu'on  y  envoyera. 

Faut  représenter  comme  chose  qui  doibt  eslre  tenue  très  véritable, 
que  l'opiniastreté  qu'a  le  père  Monot  à  ne  sortir  pas  de  Montmélian 
est  un  signe  asseuré  qu'il  se  promet  quelque  accident  et  changement 
dans  la  Savoye,  et  dans  celte  place,  qui  le  peut  délivrer. 

On  pourrait  lire  :  «  à  coup  près  ;  »  ces  en  marge  de  sa  copie  :  a  Ce  sont  sans  doute 

trois  mots  sont  presque  indéchiffrables  dans  les  forts  de  Gelasse  et  du  Jaillon  dont  il 

l'autographe-,  dans  le  ms.  de  Harlay  le  co-  est  fait  mention  en  la  dépesche  de  M'  de 

piste  a  laissé  la  place  en  blanc.  Chavigny  du  a  i  7'"°,  immédiatement  sui- 

'  Un  mol  est  resté  ici  en  blanc;  l'écri-  vante.»   La  lettre   de  Chavigni  suit,  en 

vain  de  Harlay,  qui  a  entre  les  mains  le  effet,  dans  notre  ms.  de  Turin,  le  mémoire 

manuscrit  des  Affaires  étrangères,  a  écrit  autographe  de  Richelieu.  (F'  i^^.) 


534 


LETTRES 


GCLXXXII. 

Artli.  (les  Afl'.  étr.  Turin,  l.  27,  fol.  i83.  —  De  la  main  de  Richelieu'. 

Bibl.  irap  Fonds  Dupuy,  t.  767,  cahier  Ss. — Copie'. 

Saint  -  Germain  -  Harlay,  3^7,  fol.  4o8  v°.  —  Copie'. 

[Un  peu  avant  le  2  4septeDibre  1689  '. ] 

^  Le  cardinal  doibt  d'abord  s'excuser  à  Madame  de  luy  donner  aucun 
avis;  et,  comme  elle  l'en   pressera,  il  luy  peut  dire  ingénuement  : 

Qu'on  luy  a  représenté  son  esprit  si  escarté  du  droict  chemin,  si 
séparé  de  la  France,  si  contraire  à  elle  mesme,  que,  croyant  quasi 
impossible  de  l'ayder,  il  s'est  résolu  de  se  contanter  de  la  plaindre,  et 
es'couter  ce  que  son  esprit  luy  suggère  pour  son  salut,  avec  dessein  de 
luy  dire  franchement  ce  qu'il  estimera  pour  le  bien  de  son  service. 

H  faut  demeurer  toute  la  première  entrevue  dans  cette  froideur.  Et, 
à  une  seconde,  estant  pressé  de  parler,  il  luy  dira  son  avis,  si  elle 
n'entre  d'elle  mesme  dans  ce  qu'on  luy  voudroit  dire. 


'  Cet  autographe  est  sans  titre  dans  le 
manuscrit  des  Affaires  étrangères.  La  co- 
pie de  Dupuy  met  en  têle  :  «  Mémoire  de 
ce  qui  estoit  à  dire  par  M.  le  cardinal  de 
Richelieu  à  madame  de  Savoie  aux  pre- 
mières entrevues.  » 

'  Voy.  ci-dessus  la  note  a ,  p.  56. 

'  A  la  marge  du  manuscrit  de  Harlay, 
on  lit  que  la  copie  a  été  faile  sur  un  «  mé- 
moire tout  escrit  de  la  main  de  M.  le-car- 
dinal.  » 

'  La  date  manque,  mais  la  première 
entrevue  du  loi  et  de  la  duchesse  sa  sœur 
eut  lien  le  samedi  2 A  septembre;  Chavi- 
gni,  qui  était  auprès  de  Madame,  écrivait 
à  Richelieu  ,  le  2  j  ,  pour  lui  annoncer  le 
prochain  départ  de  Christine  (folio  1^4 
du  manuscrit  des  Affaires  étrangères)  et 


elle  arriva  le  a4  à  Grenoble,  où  le  roi  l'at- 
tendait. Richelieu  en  fit  mettre  le  récit 
dans  un  extraordinaire  de  la  Gazette  du 
5  octobre,  p.  658  et  suiv. 

'  Nous  avons  vu  plus  dune  fois  que  Ri- 
chelieu ne  voulait  pas  exposer  au  hasard 
de  l'improvisation  un  entretien  dont  il 
pressentait  la  gravité,  et  il  avait  pour  ha- 
bitude de  fixer  à  l'avance  sur  le  papier  ses 
principales  idées.  Il  prenait  la  même  pré- 
caution pour  le  roi,  dont  il  dictait  les  pa- 
roles. Nous  en  trouvons  une  nouvelle 
preuve  dans  le  soin  qu'il  prit  de  préparer, 
pour  Louis  Xlll  comme  pour  lui,  la  con- 
versation qu'ils  devaient  avoir  avec  la  du- 
chesse de  Savoie,  attendue  à  Grenoble  au 
rendez-vous  que  lui  avait  donné  Sa  Ma- 
jesté. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


535 


Si  Madame  n'ameine  pas  M""  son  fils',  on  s'en  peut  prévaloir  pour 
justiffier  qu'elle  est  contraire  à  elle  mesme,  puisqu'elle  ne  pouvoitrien 
faire  qui  peust  luy  estre  plus  préjudiciable  que  de  tesmoigner  une  telle 
mesfiance ,  par  laquelle  ses  ennemis  cognoissent  qu'elle  est  capable 
de  toute  chose  contraire  à  son  salut ^. 

On  luy  peut  représenter  que  le  roy  est  venu  de  200  lieues  pour 
luy  tesmoigner  son  bon  naturel;  que  c'est  à  elle  à  tirer  un  notable 
profict  de  son  voyage,  parce  que,  si  elle  ne  le  faict,  ses  ennemis  re- 
prendront double  cœur  contre  elle ,  et  ses  sujets  redoubleront  le  mes- 
pris  qu'ils  ont  pour  elle;  ce  qui  produira  en  un  instant  de  si  mau- 
vais effects  qu'ils  seront  incapables  de  remèdes. 


'Les  conseillers  de  Madame  ne  sont  excellens  qu'à  craindre  ce  qui 
ne  leur  arrivera  pas,  et  à  ne  prévoir  aucun  des  maux  qui  les  acca- 
bleront. 

A  les  ouïr  ce  sont  des  lions,  et  ils  se  trouvent  en  «(Tet  poltrons 
comme  des  lièvres. 

Ils  savent  se  mesfier  de  leurs  amis  et  s'armer  contre  eux,  et  ne 
rien  appréhender  de  leurs  ennemis,  et  leur  ouvrir  l'estomacli. 

Ils  se  consolent  en  la  perte  de  leur  maistresse  pourveu  qu'ils  pen- 


'  Elle  ne  l'amena  pas;  obéissant  aux 
mauvais  conseils  de  ceux  qui  l'enlou- 
raient  et  à  ses  propres  défiance:) ,  en  se 
séparant  de  lui  pour  venir  à  Grenoble 
trouver  le  roy,  elle  le  laissa  dans  la  forte- 
resse de  Montmélian,  et  le  confia  au  gou- 
verneur, avec  des  recommandations  où 
elle  manifestait  Irès-clairemenl  la  crainte 
qu'on  ne  le  lui  enlevât  par  surprise. 

*  A  la  marge  de  ce  paragraphe ,  Riche- 
lieu a  écrit,  sons  indiquer  aucun  renvoi, 
celle  réflexion  :  «  Le  roy  est  intéressé  à  la 
conservation  deM'son  fils,  et  elle  le  craint. 
Les  princes  sont  intéressés  à  sa  perle,  et 


elle  le  laisse  en  lieu  où  ils  peuvent  espé- 
rer de  le  perdre,  n  Le  manuscrit  de  Harlay 
a  mis  cette  addition  marginale  entre  deux 
parenthèses,  et  l'a  intercalée  dans  le  texte 
avec  celle  note  :  •  Qua;  sequuntur  inclusa 
duobus  semicircuiissun!  adscripla  in  uiar- 
ginc,  eadem  manu  D.  card.  • 

^  Le  manuscrit  des  Affaires  étranjfères 
donne  cette  seconde  pièce ,  écrite  aussi ,  de 
la  propre  main  de  Bichelieu,  sur  le  feuil- 
let suivant  (t°  i8/i).  Le  manuscrit  de  Hai- 
lay  annonce  que  sa  copie  a  été  transcrite 
.sur  l'aiilograplie,  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'elle  ne  soit  fautive. 


536  LETTRES 

sent  avoir  de  fausses  raisons,  pour  se  dlscoulper  devant  le  monde', 
bien  que  devant  Dieu  et  devant  les  hommes  ils  en  soyent  la  vraye  et 
la  seule  cause. 


Nous  joignons  à  cette  pièce  quelques  pensées  détachées,  écrites  de  la  main  de 
Richelieu,  non  datées,  mais  qui  se  rapportent  évidemment  aux  entretiens  qui! 
devait  avoir  avecMadame,  et  particulièrement  à  l'avM  qu'on  lira  ci-après,  page  556. 

Si  Madame  refuse  le  deppost  il  faut  proposer  un  autre  expédient, 
savoir  :  que  le  marquis  Saint-Germain  soit  maistre  absolu  de  la  cita- 
delle sans  contredict,  et  que  Madame  donne  seureté  dé  luy  et  d'elle 
en  mettant  ambassadeur,  auprès  du  roy,  El  hermano^. 

Si  Madame  s'oppiniaslre  à  ne  rien  faire,  il  faut  liiy  demander  que 
cet  avis  soit  leu  en  présence  des  principaux  de  son  conseil  et  de  son 
estât  :  marquis  d'Aillé,  comte  Philippes,  marquis  de  Lulain,  le  chan- 
celier, dom  Félix,  Bobe,  Saint-Maurice. 


Je  la  veux  prier  premièrement  en  mon  nom  de  le  faire. 


Il  faut  luy  praedire  le  mal  qui  luy  arrivera  et  la  faire  souvenir  qu'on 
luy  a  tousjours  praedict  le  passé  qui  luy  est  arrivé  faute  de  vouloir 
croire;  qu'on  luy  en  dicl  encores  autant. 

'   «Se  discoulper  devant  le  monde»  a  de  droit,  le  frère  germain.  Il  arrive  parfois 

été  écrit  par  Richelieu  en  interligne  sur  à  Richelieu  d'employer  un  mot  espagnol  ou 

les  mots  «  s'en  excuser,  »  qu'il  avait  mis  italien  ;  c'est  quelquefois  une  plaisanterie, 

d'abord,  et  qu'il  n'a  pas  effacés.  Est-ce  ici  un  jeu  de  mots  sur  le  nom  de 

^  «  Le  frère ,  »  et  comme  on  dit ,  en  termes  Sainl-Germain  ? 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  537 


CCLXXXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  27,  fol.  i85  v°.  — 

De  la  main  de  Hichelieu. 

Bibl.  imp.  Fonds  Dupuy,  t.  767,  cahier  Ss.  —  Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  3^7,  fol.  4 10.  —  Copie'. 

MÉMOIRE  POUR  LE  ROY. 

[Un  peu  avant  le  24  septembre  1689  '. ] 

Le  roy  doibt  dire  à  Madame  qu'il  est  venu  de  200  lieues  pour  luy 
faire  voir  combien  il  l'ayme. 

Qu'il  auroit  bien  à  se  plaindre  des  mauvaises  résolutions  qu'elle  a 
prises  en  toutes  occasions,  mais  qu'il  ne  luy  veut  point  parler  du 
passé,  mais  seulement  voir  avec  elle  ce  qui  se  peut  faire  pour  son 
salut. 

Et  que,  parce  qu'il  craindroit  qu'en  examinant  ce  qui  est  nécessaire 
pour  l'avenir  cela  rappelast  la  pensée  des  fautes  qui  ont  esté  faictes, 
il  ayme  mieux  que  le  cardinal  traitte  avec  elle  de  tout  ce  qui  se  peut 
faire  pour  son  salut,  que  de  le  faire  luy-mesme. 

Ensuitte  Sa  Majesté  ajoustera  :  11  est  vray,  ma  sœur,  que  je  ne  puis 
que  je  ne  me  plaigne ,  en  passant,  à  vous  mesme ,  de  la  mesfiance  que 
vous  avés  tesmoignée  de  moy  en  plusieurs  choses;  comme  si  j'eusse 
esté  capable  de  vouloir  usurper  vos  Estats.  Le  desplaisir  que  j'ay  re- 
ceu  d'une  telle  pensée  m'arrache  cette  plainte,  qui  sera  courte,  car 
je  ne  vous  en  diray  pas  davantage. 

Mon  dessein  est  de  vous  sauver  si  je  puis,  sinon  de  me  laver  les 
mains  de  vos  affaires*. 

'  Voy.  la  noie  a  de  la  page  56  ci-dcs-  '  Pour  le  titre  ainsi  que  pour  la  date, 

sus.  voir  les  noies  A  et  5  de  la  pièce  précé- 

'  Le    manuscrit    de    Harlay    avertit,  dénie,  p.  534. 
comme  pour  la  pièce  précédente,  que  sa  *  Ce  dernier  paragraphe  n'est  pas  dans 

copie  est  faite  sur  l'autographe.  le  manuscrit  de  Dupuy. 

CARDIN.  DE  BICBELIED.  —  VI.  "  68 


538 


LETTRES 


CGLXXXIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  27,  fol.  228-266.  — 

Mise  au  net,  écrit  en  très-gros  caractère. 

Bibl.  imp.  Fonds  Sainl-Germain-Harlay,  3/I7,  fol.  A30-434.  —  Copie'.  — 

Fonds  Dupuy,  t.  767,  cahier  Ss.  —  Extrait  '. 

VOYAGE  DU  ROY  A  GRENORLE, 
POUR  VOIR  MADAME  LA  DUCHESSE  DE  SAVOIE, 

EN    1639  '■ 

[28  septembre  1639*.  j 

La  mort  de  Victor  Amédée  ne  fut  pas  plus  tost  arrivée  qu'on  ne 
vist  le  commencement  de  la  perte  du  Piedmont,  et  peu  de  temps  après 
son  entière  ruine. 


'  La  copie  de  Harlay,  faite  sur  le  ma- 
nuscrit des  Affaires  étrangères,  porte  à  la 
marge  :  «  Affaire  de  Savoie  lôSg  —  escril 
delà  main  de  Chirurgien,  en  belle  grosse.  » 
Cette  écriture  est  différente  de  celle  que 
le  copiste  de  Harlay  indique  ailleurs 
comme  l'écriture  de  Chirurgien;  nouvelle 
preuve  de  l'erreur  de  cette  indication. 
(Note  de  la  page  267.) 

"  Voyez  note  2  ,  page  56. 

•'  Ce  titre  est  écrit  delà  main  deCherré, 
sur  un  feuillet  blanc,  coté  228.  On  peut 
croire  que  cet  exposé  des  affaires  de  la 
duchesse  de  Savoie  à  cette  époque,  et  des 
relations  de  la  France  avec  le  Piémont, 
était  destiné  à  être  inséré  dans  les  Mé- 
moires du  cardinal  de  Richelieu ,  pour 
l'année  lôSg;  la  promesse  de  continuer 
ces  Mémoires,  faite  en  terminant  le  récit 
de  l'année  i638,  n'élait  pas  une  promesse 
en  l'air.  Les  nombreuses  pièces  que  nous 
avons  eues  entre  les  mains  se  rapportant 
aux  années  qui  suivent  1 638,  et  que  nous 
avons  trouvées  préparées,  comme  l'étaient 
celles  qui  ont  servi  à  la  composition  des 


Mémoires  pour  les  années  antérieures ,  ont 
été  pour  nous  la  preuve  irrécusable  que 
celte  continuation  a  sérieusement  occupé 
Richelieu  et  celui  qu'il  avait  spécialement 
chargé  de  ce  travail.  Ce  fragment  que  nous 
donnons,  où  Richelieu,  après  avoir  ex- 
posé l'état  des  choses ,  parle  à  la  première 
personne  :  'ije  m'y  employai...»  —  «je 
leur  fis  cognoistre.  .  .  »  —  je  leur  dis. . .  « 
fournit  un  spécimen  remarquable,  de  la 
continuation  des  Mémoires,  et  offre  ici 
cet  intérêt  qu'on  peut  le  comparer  avec 
les  pièces  originales  et  les  matériaux  pri- 
mitifs, conservés  dans  le  même  manuscrit 
des  Affaires  étrangères.  Nous  ne  donne- 
rons point  le  texte  de  ces  pièces,  qui  ferait 
ici  double  emploi  ;  nous  nous  bornerons 
à  l'indiquer.  Disons  aussi  que  cette  rela- 
tion ,  écrite  de  ce  style  négligé  et  redondant 
que  souffrent  les  mémoires,  a  été  resserrée 
et  réduite  à  cinq  ou  six  pages  dans  le  Tes- 
tament politique ,  1. 1 ,  p.  64-70 ,  éd.  de  I  764. 
*  La  plupart  des  pièces  dont  Richelieu 
s'est  servi  pour  composer  cette  espèce  de 
relation  sont  sans  dale,"quelques-unes  sont 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  539 

Ce  changement  surprist  les  plus  judicieux,  avec  d'autant  plus  d'es- 
tonnement  qu'estant  aisé  de  l'empescher  il  fut  du  tout  impossible 
d'en  retarder  le  cours. 

Si  madame  la  duchesse  de  Savoie  et  son  conseil  eussent  suivi 
l'exemple  et  les  ordres"  du  prince  quils  venoient  de  perdre,  on  l'eust 
empesché  aisément. 

S'ils  eussent  voulu  ou  faire  ce  qui  estoit  du  tout  nécessaire  pour 
prévenir  leur  mal,  ou  le  laisser  faire  au  roy,  ils  s'en  fussent  garantis 
sans  peine. 

Mais  tant  s'en  faut  qu'on  les  peust  réduire  à  ce  poinct  qu'au  con- 
traire les  uns  et  les  autres  n'oublièrent  rien  de  ce  qui  put  avancer  la 
ruine  de  cette  princesse. 

La  foiblesse  de  son  sexe,  la  légèreté  de  son  esprit,  rempli  d'au- 
tant de  présomption  qu'il  estoit  dénué  de  jugement,  l'aversion  que 
tout  son  pays  avoit  de  sa  conduitte,  la  lascheté  et  l'infidélité  des  Pied- 
monlois,  le  peu  d'expérience  de  quelques  uns  de  son  conseil,  la  ti- 
midité des  autres  et  le  désir  que  tous  eurent  de  se  conduire  en  sorte 
qu'ils  peussent  aussy  bien  trouver  leur  compte  avec  ses  frères,  s'ils 
venoient  à  leurs  fins,  comme  avec  elle  si  leurs  desseins  demeuroient 
sans  eCfect,  furent  cause  de  sa  perte. 

Outre  que  le  gouvernement  des  femmes  est  d'ordinaire  le  -malheur 
des  Estats ,  celle-ci  avoit  tant  de  mauvaises  qualitez  pour  conduire 
des  peuples,  qu'il  fut  impossible  de  la  porter  à  ce  qui  estoit  du  tout 
nécessaire  pour  se  bien  acquitter  d'une  telle  charge. 

Pour  empescher  l'effect  des  mauvais  desseins  de  ses  ennemis,  elle 
devoit,  après  la  mort  du  duc  son  mari,  prendre  une  entière  con- 
fiance au  roy  son  frère,  ainsy  qu'il  luy  avoit  conseillé  en  sa  maladie; 
et  tant  s'en  faut  qu'elle  en  usast  ainsy,  qu'elle  entra,  par  l'artifice  de 

datées  du  a8  septembre,  jour  où  fut  donné  mais  il  est  vraisemblable  qu'elle  a  été  ré- 

l'avis  laissé  à  Madame.  Nous  plaçons  ce  ré-  digée  à  loisir,  au  retour  du  voyagf  de  Gre- 

cil  à  cette  dernière  date,  faute  de  pouvoir  noble. 

en  assigner  une  tout  à  fait  exacte  à  celte  '  «  El  les  ordres;*  ces  mots  manquent 

réunion  de  pièces  écrites  en  divers  temps;  dans  le  manuscrit  de  Harlay. 

-      •  68. 


540  LETTRES 

quelques  mauvais  esprits,  en  telle  mesfiance  des  François  que  les  portes 
de  Verceil,  qui  leur  estoient  ouvertes  pendant  la  vie  du  d.  duc,  leur 
furent  fermées  à  l'instant  de  sa  mort. 

Elle  devoit  bannir  d'auprès  d'elle  ceux,  qu'elle  savoit  bien  n'avoir 
autre  dessein  que  de  luy  donner  des  conseils  à  sa  ruine,  et  au  lieu  de 
laisser  sans  employ  le  P.  Monod,  qu'elle  abliorroit  durant  la  vie  du 
duc  son  mary,  jusques  à  tel  point  que  de  son  confesseur  il  estoit 
devenu  son  ennemi,  elle  luy  donna  sa  principale  confiance,  et  receut 
le  poison  qu'il  voulut  verser  dans  son  esprit  comme  des  remèdes  les 
plus  salutaires. 

La  créance  qu'elle  eut  en  ce  misérable  luy  fist  faire  un  sy  grand 
nombre  de  fautes  qu'il  est  presque  impossible  de  les  rapporter. 

Elle  la  confirma,  non  sans  préjudice  de  sa  réputation,  en  la  con- 
fiance qu'elle  avoit  en  un  jeune  Piedmontois',  insolent,  avare,  et  des- 
titué de  cœur,  d'honneur,  et  de  toute  expérience. 

Elle  luy  fist  commettre  toute  l'administration  de  ses  affaires  à  sa 
famille,  peu  estimée  en  son  pays,  pensant  qu'à  leur  ombre  il  tiendroit 
le  timon  du  vaisseau,  et  le  conduiroit  à  sa  teste. 

Elle  luy  fist  entretenir  des  intelligences  secrettes  avec  ses  frères 
et  avec  les  Espagnols,  bien  que  ce  procédé  fust  du  tout  contraire  au 
bon  succès  de  ses  affaires. 

Elle  luy  fist  consentir  févasion  d'un  secrétaii*e  si  passionné  aux  in- 
térests  d'Espagne ,  que  le  feu  duc  n'avoit  peu  s'en  asseurer  que  par 
une  prison. 

'  Le  comte  Filippo  d'Aglie  ,  que  Riclie-  Une  relation,  datée  du  i"  janvier  16/I1, 

Heu  fil  arrêter  l'année  suivante  (3i  dé-  fut  immédiatement  envoyée  à  Richelieu, 

cembre  i64o)  au  milieu  d'une  fête,  chez  et  se  trouve  dans  le  tome  33  (fol.  à)  de 

M.  de  Monlpezat,  où  il  avait  été  invité.  Turin, aux  Affaires  étrangères.  Le  P.  Grif- 

Ce  favori  de  Madame  n'était  assurément  fel ,  qui  apparemment  n'a  pas  connu  celle 

ni  un  habile  polilique,  ni  un  grand  ami  relation,  dit  que  Philippe  d'Aglié  fut  ar- 

de  la  France,  mais  il  ne  méritait  pas  les  rêlé  chez  le  comte  du  Plessis-Praslin.  Ce 

injures  que  la  colère  de  Richelieu  lui  pro-  petit  guet-apens  de  salon ,  exécuté  chez 

digue.  Il  fut  amené  prisonnier  à  Vincennes.  l'un  des  généraux  de  l'armée  française , 

Mazarin,  qui  avait  les  ordres  et  les  ins-  eût  élé  quelque  chose  de  plus  grave  en- 

tructions  du  cardinal,  conduisit  l'affaire.  core. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  541 

Elle  luy  fist  relascher  le  cardinal  de  Savoie,  qui,  estant  venu  dans 
son  Estai  pour  la  perdre,  tomba  à  Quiers  entre  les  mains  des  siens, 
qui  le  reconduisirent  hors  du  Piedmont  au  lieu  de  l'arrester. 

Elle  luy  fist  refuser  l'entrée  de  ses  places  à  toutes  les  garnisons 
françoises  qu'on  proposa  d'y  envoyer,  bien  que  l'événement  luy  ait 
faict  cognoistre,  à  son  préjudice,  que  c'estoit  le  seul  moyen  de  les 
sauver. 

Elle  luy  fist  mescontenter  en  un  instant  tous  les  plus  grands  de 
ses  Estats,  les  privant  de  toutes  leurs  charges,  sous  prétexte  de  les 
obliger  davantage  par  de  meilleurs  establissemens,  qu'elle  ne  leur 
donna  pas. 

Enfin  elle  l'empescha  de  faire  tout  ce  qui  estoit  nécessaire  à  son 
salut,  et  la  porta  à  tout  ce  qui  la  pouvoit  perdre. 

L'incontinence  de  sa  langue  ofFensoit  beaucoup  de  gens,  et'ceux 
mesmes  qui  exposoient  tous  les  jours  leur  vie  pour  son  service. 

Le  peu  de  retenue  dont  elle  usoit  en  ses  actions  en  scandalisoit 
d'autres,  et  son  procédé  déplaisoit  à  tous. 

Comme  les  meilleurs  services  estoient  sans  récompense,  les  plus 
signalés  desservices  estoient  sans  punition. 

Si  elle  eust  esté  prudente  en  sa  conduitte,  si  elle  eust  tesmoigné 
de  la  bonté  à  ses  sujets  affectionnez,  et  de  la  sévérité  aux  autres,  ses 
beaux  frères  n'eussent  jamais  gaigné  leurs  cœurs,  ny  pris  pied  dans 
son  Estât.  Mais  elle  leur  donna  tant  de  prise  qu'on  peut  dire,  avec 
vérité,  que  ses  deffauts  ont  plus  avancé  leurs  desseins  que  leur  in- 
dustrie et  les  forces  des  Espagnols. 

Lorsque  ia  lascheté,  l'infidélité,  et  l'aversion  des  siens  eurent  donné 
lieu  à  ses  frères  d'emporter  en  un  instant  les  meilleures  places  du 
Piedmont,  qui  sont  au  delà  du  Pô,  le  vray  remède  qu'elle  pouvoit 
prendre  estoit  de  mettre  toutes  celles  qui  luy  restoient  entre  les  mains 
du  roy,  pour  faire  craindre  à  ses  frères  que  leur  injuste  ambition  ne 
donnast  lieu  aux  François  et  aux  Espagnols  de  se  rendre  maistres  du 
Piedmond,  tandis  qu'ils  le  vouloient  eslre,  et  pour  obliger  les  Espa- 
gnols, qui  ne  craignent  rien  tant  que  les  François  aient  grand  pied  en 


5/j2  lettres 

Italie,  à  rendre  ce  qu'ils  avoient  pris  dans  le  Piedmont,  à  condition 
que  les  François  en  feroient  autant. 

L'exemple  de  Philibert  Emmanuel,  aïeul  de  ses  enfans,  qui  sauva 
son  Estât  par  cette  voie,  lorsqu'il  en  avoit  perdu  la  plus  grande  par- 
tie', la  convioit  à  se  servir  de  ce  remède. 

Il  falloit  estre  aveugle  pour  ne  cognoistre  pas  que  c'estoit  l'unique, 
proportionné  à  la  grandeur  du  mal  dont  il  estoit  question.  Et  il  falloit 
estre  plus  meschant  qu'aveugle  pour  soupçonner  qu'en  se  confiant  à 
la  foy  du  roy,  en  cette  occasion,  Madame  s'exposast  à  sa  perte. 

Et  quand  mesme  on  eust  peu  faire  avec  raison  ce  jugement,  la 
prudence  vouloit  qu'elle  passast  par  dessus,  parce  qu'il  valoit  mieux 
que  les  Estats  du  duc  son  fils  demeurassent  entre  les  mains  des  Fran- 
çois et  des  Espagnols,  que  des  seuls  Espagnols,  veu  que,  tandis  qu'ils 
eussent  esté  partagés  entre  deux  grandes  puissances,  on  en  devoit  es- 
pérer la  restitution  par  un  accord,  au  lieu  questant  entre  les  mains 
des  seuls  Espagnols,  le  recouvrement  en  estoit  impossible. 

Ces  raisons,  qui  estoientplus  que  suffisantes  pour  porter  toute  per- 
sonne non  privée  de  sens  à  son  propre  bien,  furent  inutiles  à  l'esprit 
de  Madame  et  des  siens,  qui,  prenant  tousjours  l'ombre  pour  le  corps, 
estoient  plus  propres  à  se  repaistre  de  chimères  qu'à  recourir  aux 
solides  moyens  de  leur  salut. 

Ils  savoient  craindre  tout  ce  qui  ne  pouvoit  leur  faire  du  mal ,  et 
n'appréhendoient  pas  ce  qui  les  devoit  perdre.  Leur  aveuglement  es- 
toit tel  qu'ils  n'avoient  pas  plus  tost  faict  une  perte  notable  qu'ils  n'en 
fussent  consolez,  si  leur  esprit  et  leur  malice  leur  suggeroit  quelque 
raison  apparente,  bien  que  fausse,  pour  en  rejeter  la  faute  sur  ceux 
qui  les  en  eussent  garantis,  s'ils  eussent  voulu  suivre  leurs  conseils. 
;  Dans  cette  mauvaise  conduitte,  cette  misérable  princesse  perdit  eu 
dix  mois  la  plus  grande  partie  de  ses  Estats,  sans  vouloir  se  résoudre 
aux  seuls  moyens  qui  luy  restoient  de  sauver  le  reste. 

La  nécessité  luy  fist  voir  enfin  que  le  deppost  de  ses  places  entre  les 
mains  du  roy  estoit  chose  du  tout  nécessaire. 

'  H  y  avail  ;  «lorsqu'il  l'avoit  perdu  n  La  correction  est  de  Richelieu,  en  inlerligne. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  543 

Mais  la  timidité  ou  la  malice  de  son  conseil  l'erapescha  d'y  en 
mettre  aucune  de  celles  qui  estoient  capables  d'arrester  le  cours  des 
mauvais  desseins  de  ses  beaux  frères. 

Luy  parler  du  deppost  de  Nice  et  de  Turin  estoit  un  crime;  penser 
seulement  à  Conis,  place  de  beaucoup  moindre  importance,  mais  né- 
cessaire pour  fermer  le  chemin  de  Nice  et  pour  conserver  l'entrée  de 
plusieurs  vallées  qui  aboutissent  en  France,  fut  réputé  de  cette  prin- 
cesse et  des  siens  à  entreprise  insupportable.  Et  cependant  un  mois 
après  qu'on  luy  eut  proposé  de  les  remettre,  elle  en  cognust  la  né- 
cessité par  la  perte  qu'elle  fist  de  ce  qu'on  vouloit  luy  conserver. 

On  ne  put  jamais  luy  faire  désarmer  la  ville  de  Turin,  ou  y  laisser 
pour  sa  défense  un  corps  des  François  qui  estoient  à  la  solde  du  roy. 
Divers  voyages  que  S.  M.  fist  faire  vers  elle  pour  la  disposer  à  l'un 
de  ces  cxpédiens  furent  sans  effect,  et,  comme  elle  difFéroit  à  se  ser- 
vir de  remèdes  sy  salutaires,  douze  cents  hommes  emportèrent  celte 
place  où  elle  estoit  présente,  sans  que  mile  Suisses,  qu'elle  avoit  de- 
dans, et  presqu'autant  d'autres  garnisons  de  ses  troupes  fissent  aucun 
effort  pour  la  deffendre.  Seulement  quelques  cavaliers  de  ses  sujets 
y  tesmoignèrent-ils  leur  fidélité  et  leur  courage,  mais  sans  Cruict, 
pour  n'estre  secondez  par  aucuns  de  ceux  qui  le  dévoient  faire,  et 
estre  trahis  par  quelques  autres. 

Ainsy  cette  malheureuse  princesse  perdit,  en  un  instant,  le  siège 
et  l'opulence  de  son  Empire,  par  la  perte  qu'elle  fist  de  sa  ville  capi- 
tale, et  de  grand  nombre  de  meubles  sy  riches  et  sy  beaux  que  ceux 
des  grands  roys  n'en  surpassoient  pas  la  magnificence. 

Peu  s'en  fallut  qu'elle  n'y  perdist  sa  liberté,  dont  elle  eust  esté 
privée  si  elle  ne  se  fust  retirée  dans  la  citadelle  de  la  place,  qu'elle 
trouva  aussy  despourvue  de  toutes  cho.ses  nécessaires  à  sa  conser- 
vation, qu'elle  l'estoit  elle-mesme.  Ceux  en  qui  elle  s'estoit  fiée  du 
soin  de  ses  affaires  i'avoient  sy  mal  servie  que  cette  place  ne  se 
trouva  pas  en  estât  d'estre  defl'endue  trois  jours.  Comme  elle  estoit 
sur  le  poinct  de  se  rendre  à  ses  ennemis  capitaux,  les  armes  du  roy 
la  secoururent,  et  ceux  qui  les  commandoient  la  portèrent  à  sortir 


544 


LETTRES 


d'un  sy  mauvais  lieu,  qu'elle  leur  consigna  entre  les  mains  par  ce 
seulement  qu'elle  en  creut  la  deffense  du  tout  impossible. 

Si ,  après  avoir  esté  contrainte  de  sortir  du  Piedmont,  elle  eust  faict 
de  la  Savoie  ce  qu'elle  devoit  faire  de  Turin  auparavant  que  de  le 
perdre,  elle  eust  conservé  cette  province,  asseuré  sa  personne  et  celle 
de  son  fils,  donné  moyen  de  conserver  ce  qui  luy  restoit  dans  le 
Piedmont,  et  peut-estre  de  recouvrer  le  reste.  Mais  elle  ne  demeura 
pas  seulement  irrésolue  entre  sa  folie  et  sa  malice,  entre  la  foiblesse 
de  quelques-uns  de  ses  conseillers  et  l'artifice  de  beaucoup  d'autres, 
qui,  partisans  des  intérests  des  princes,  pour  ne  pouvoir  asseurer  les 
leurs  avec  elle,  luy  agitoient  continuellement  l'esprit;  mais  elle  s'af- 
fermit tellement  à  n'embrasser  pas  les  conseils  qui  pouvoient  la  sau- 
ver, qu'il  fut  impossible  de  les  luy  faire  suivre. 

I.e  roy  s'avança  jusques  à  Grenoble  pour  la  tirer  de  son  aveugle- 
ment; mais  sa  présence,  son  autorité  et  toutes  les  raisons  de  son  con- 
seil ne  purent  jamais  la  destourner  de  tout  ce  qui  pouvoit  avancer  sa 
perte. 

Auparavant  que  de  luy  parler  d'affaires,  pour  la  disposer  plus  ai- 
sément à  son  propre  bien,  S.  M.  trouva  bon  que  je  fisse  cognoistre 
ses  bonnes  intentions  à  ceux  de  la  maison  de  S.  A.  en  qui  elle  avoit 
plus  de  confiance.  Je  m'y  employay  avec  toute  l'adresse  que  sy  peu 
d'esprit  qu'il  a  pieu  à  Dieu  me  donner  me  put  suggérer. 

'  Je  leur  dis  que  le  roy  ne  vouloit  point  parler  à  madame  sa  sœur 
de  sa  conduitte  passée,  bien  qu'elle  eust  esté  si  mauvaise,  qu'elle  la 
devroit  pleurer  de  larmes  de  sang,  mais  que  S.  M.  s'estoit  avancée 


'  A  partir  d'ici ,  les  26  pages  qui  suivent 
sont  à  peu  près  copiées  de  la  pièce  intitu- 
lée :  «Advis  donné  à  M"'  la  duchesse  de 
Savoie  par  le  cardinal  de  Richelieu ,  à 
Grenoble,  le  . . .  de  septembre  1689  »  (Tu- 
rin, I.  37,  f°  172-183).  C'est  une  mise  au 
net,  copiée  elle-même  sur  un  premier 
brouillon  très- informe,  écrit  de  plusieurs 
mains,  principalement  de  celle  de  Cherré 


■et  surtout  de  celle  du  cardinal  (f*  190  du 
même  ms  ).  —  J'ai  trouvé  à  la  Bibliothè- 
que imp.  deux  copies  de  celte  pièce  :  fonds 
Saiut-Germ.  Harl.  3^7,  f  4oo,  et  fonds 
Dupuy,  767,  cahier  Hr;  l'un  et  l'autre  de 
ces  mss.  mettent  en  note  :  «Copie  escrile 
de  la  main  de  Chirurgien,  corrigée  de  la 
main  de  M.  le  cardinal  de  Richelieu.  »  Le 
ms.  de  Harlay  endonne.un  exlrail,f°/ii3. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  545 

jusques  en  ce.  lieu,  pour  examiner  avec  elle  tous  les  tnoyens  qui  se 
pouvoient  trouver  d'asseurer  ce  qui  restoit  de  son  débris,  et  de  re- 
gagner ce  qu  elle  avoit  perdu. 

Je  leur  fis  cognoistre  que  la  première  fin  de  S.  M.  estoit  de  voir 
si  sa  présence  pourroil  donner  à  Madame  ce  que  les  conseils  n'a  voient 
peu  faire  de  loin,  c'est-à-dire  la  disposition,  la  résolution,  et  la  fer- 
meté qui  luy  estoit  si  nécessaire  pour  se  tirer  du  mauvais  estât  où  la 
légèreté  de  son  sexe,  les  irrésolutions  de  son  esprit,  et  les  mesfiances 
dont  on  l'avoit  rendue  susceptible  l'avoient  mise. 

Je  leur  dis  que,  si  elle  pou  voit  se  rendre  capable  de  son  propre 
bien,  il  n'y  avoit  rien  que  S.  M.  ne  voulust  faire  pour  la  sauver, 
quelque  difficulté  qui  s'y  pust  rencontrer;  au  lieu  que,  si  elle  vouloit 
demeurer  dans  sa  foiblesse  et  dans  les  mauvais  conseils  qu'elle  a  pris 
jusques  à  présent,  son  seul  but  (de  S.  M.)  estoit  de  se  tirer  du  pair, 
la  laissant  terminer  ses  affaires  ainsy  qu'elle  l'estimeroit  plus  à  pro- 
pos, après  luy  avoir  représenté  les  inconvéniens  où  elle  toniberoit 
indubitablement  si  elle  persévéroit  en  sa  première  conduitte. 

J'adjoustay  que  si  elle  croyoit  trouver  seureté  en  ses  beaux  frères 
pour  son  establissement,  pour  la  vie  de  mons'  son  fils,  et  pour  celles 
de  ses  créatures  plus  afGdces,  S.  M.  ne  s'opposeroit  pas  à  son  dessein 
bien  qu'elle  ne  voulust  pas  luy  donner  un  tel  conseil. 

Mais  que,  si  elle  jugeoil  la  protection  du  roy  luy  estre  nécessaire, 
sa  fin  devoit  estre  de  se  servir  utilement  de  sa  puissance,  et  non 
comme  elle  avoit  faict  jusques  alors,  en  sorte  que,  n'en  pouvant  retirer 
aucun  fruict  par  sa  faute,  elle  engageas!  S.  M.  non  seulement  en  de 
grands  frais  inutiles,  mais  qui  plus  est  en  la  perte  de  sa  réputation, 
comme  si  c'estoit  son  impuissance  qui  fempeschast  d'arrester  le  cours 
de  sa  ruine,  dont  sa  mauvaise  conduite  estoit  la  seule  cause. 

Je  leur  représentay  que,  tandis  que  les  Espagnols  croiroient  pou- 
voir garder  ce  qu'ils  tenoient  du  Piedmont,  ils  ne  se  résoudroient 
jamais  à  le  rendre,  et  qu'en  Testât  qu'estoient  les  affaires,  tandis  que 
le  cardinal  de  Savoie  et  le  P.  Thomas  les  assisteroient,  on  ne  sauroit 
reprendre  ce  qu'ils  occuperoient,  parce  que  tout  le  pays  1«8  favorisoit, 

CABDIN.  DE  niCIIELIEL.  —  Tl.  •  (ig 


.  546  LETTRES 

et  qu'estant  contraire  aux  armes  du  roy,  elles  y  agissoient  avec  trop 
de  désavantage. 

Passant  outre  je  leur  fis  cognoistre  que,  si  les  Espagnols  et  ses 
beaux  frères  demeuroient  conjoints,  il  se  trouveroit  plus  de  diffi- 
cultez  qu'on  ne  sauroit  penser  à  conserver  les  places  du  Piedmont, 
déposées  entre  les  mains  du  roy,  pour  le  mauvais  estât  auquel  elles 
avoient  esté  livrées,  et  que  peut-estre  seroit-il  du  tout  impossible. 

Ils  demeurent  d'accord  avec  moy  que,  pour  asseurer  le  salut  de 
-  Madame  et  de  monsieur  son  fils,  il  estoit  du  tout  nécessaire  de  des- 
tacber  les  princes  de  l'Espagne. 

Ils  demeurèrent  d'accord  avec  moy  qu'ainsy  que  c'estoit  chose  très 
certaine  que  tandis  qu'ils  ne  verroient  point  la  France  en  estât  de  les 
empescher  du  dessein  qu'ils  avoient  de  priver  leur  neveu  de  ses 
Estats,  et  qu'ils  ne  la  croiroient  pas  assez  puissante  pour  contraindre 
les  Espagnols  à  la  restitution  de  ce  qu'ils  en  tenoient,  jamais  ils  ne  se 
sépareroient  de  l'Espagne.  Aussy  pouvoit-on  dire,  presque  avec  égale 
certitude,  qu'ils  la  quitteroient  lorsqu'ils  verroient  la  France  avoir 
tout  autre  pied  en  ItaHe  que  celuy  auquel  les  obstacles  qui  luy  avoient 
esté  faicts,  par  ceux  qui  dévoient  la  favoriser,  l'avoient  réduite. 

Je  leur  fis  avouer  ensuitte  qu'ils  n'ignoroient  pas  que  ces  deux 
princes  cognoissoient  la  foiblesse  de  Madame,  l'aversion  que  ses  Estats 
avoient  de  sa  conduitte,  et  la  disposition  en  laquelle  ils  estoient  de 
les  recevoir  à  raison  des  faussetés  dont  ils  les  avoient  imbus. 

Ils  recognurent  ingénuement  qu'ils  savoient  bien  l'opinion  que  ces 
princes  avoient  de  la  naissance  du  jeune  duc  leur  maistre,  bien  que 
sans  fondement,  et  la  prétention  en  laquelle  ils  estoient  de  donner 
couleur  à  leur  calomnie  par  une  fausse  preuve. 

Nous  conclusmes  de  là  tous  ensemble  que,  tant  qu'ils  croiroient 
pouvoir  s'en  defifaire,  ils  n'auroient  autre  but  que  de  l'envoyer  en 
paradis;  que  tous  les  accords  qu'ils  proposeroient  en  Testât  auquel 
estoient  les  affaires  ne  seroient  que  pour  en  faciliter  le  moyen,  et 
que  rien  ne  leur  feroit  cbanger  de  dessein  que  l'impuissance  en  la- 
quelle il  lesfalloit  mettre  de  faire  le  mal  qu'ils  avoient  projette. 


DU  CARDINAF.  DE  RICHELIEU.  547 

Nous  nou»  confirmasiues  en  cette  vérité  par  la  considération  des 
pratiques  qu'ils  avoient  parachevées  dans  Nice,  à  l'ombre  de  la  sus- 
pension; par  l'arrest  du  sénat  de  Turin,  qui  avoit  en  ce  temps  dé- 
claré Madame  incapable  de  la  régence;  et  par  les  menées  qu'ils  (ceux 
de  la  maison  de  Madame)  avoient  descouvert  qu'ils  (les  princes)  fai- 
soient  pour  disposer  celuy  de  Savoie  à  suivre  l'exemple  de  l'autre. 

Je  leur  dis  ensuitte  que  tous  les  remèdes  qui  avoient  esté  pratiquez 
jusques  alors  n'avoient  aucune  proportion  au  mal  de  madame  la  du- 
chesse de  Savoie;  que  nous  avions  faict  comme  les  médecins  qui, 
voyant  leurs  malades  affermis  à  ne  faire  pas  ce  qui  leur  est  du  tout 
nécessaire,  avoient  recours  aux  remèdes  palliatifs  qui,  à  proprement 
parler,  ne  sont  que  remèdes  trompeurs,  en  ce  qu'ils  adoucissent  la 
douleur  sans  en  ester  la  cause;  mais  qu'il  n'estoit  plus  temps  de  se 
tromper,  et  que  si  l'on  différoit  davantage  à  recourir  à  des  remèdes 
puissans,  seuls  suflisans  pour  la  guérison  du  mal  dont  il  estoit  ques- 
tion, il  se  rendroit  incurable. 

Je  les  pressay  de  m'ouvrir  leur  cœur  et  leurs  pensées  sur  un  sujet 
sy  important;  mais  le  nepveu  ne  s'y  pouvant  porter,  et  empeschant 
mesme  que  son  oncle  n'usast  en  ce  sujet  de  la  franchise  qui  paraissoit 
luy  estre  naturelle,  je  fus  contraint  de  leur  dire  ingénuement  qu'il 
sembloit  que  le  seul  moyen  de  tirer  Madame  du  mauvais  estât  où 
elle  estoit,  consistoit  à  mettre  M' le  duc  de  Savoie  et  le  reste  de  ses 
Estats  entre  les  mains  du  roy,  et  à  attacher  ceux  qui  esloient,  en  ces 
occasions,  demeurez  fidèles.à  la  mère  et  au  fils,  à  leur  service,  autant 
par  les  bienfaits  du  roy  qu'ils  l'estoient  par  leur  vertu  et  par  leur 
naissance. 

Je  leur  dis  ensuitte  que  je  ne  leur  faisois  pas  cette  ouverture  comme 
une  pensée  à  laquelle  on  voulust  s'attacher,  si  Madame  et  son  conseil 
y  trouvoient  à  redire,  mais  qu'il  estoit  bien  vray  que  je  n'estimois 
point  qu'il  y  eust  de  moyen  plus  asseuré  de  tirer  Madame  du  mau- 
vais estât  auquel  elle  estoit,  et  que  je  croyois,  en  ma  conscience, 
que  si  le  cardinal  de  Savoie  et  le  P.  Thomas  voyoient  ces  trois 
poincts  accomplis,  ils  se  résoudroient  à  changer  de  procédé,  parce 

69. 


548  LETTRES 

qu'en  ce  cas  ils  ne  sauroient  plus  espérer  gain  de  cause  par  leurs 
pratiques. 

Ils  ne  pourroient  plus  se  promettre  d'avoir  la  Savoie  par  leurs  né- 
gociations, ainsy  qu'ils  avoient  usurpé  tout  le  Piedmont. 

Ils  ne  prétendroient  plus  pouvoir  attenter  à  la  vie  de  leur  nepveu , 
parce  qu'il  seroit  en  lieu  de  seureté,  et  en  lieu  de  seureté  d'autant 
plus  avantageux  que  rien  n'estoit  sy  capable  de  justifier  sa  naissance 
dans  le  monde,  que  de  le  voir  eslevé  soigneusement  et  honorable- 
ment auprès  de  mons""  le  dauphin. 

Ils  n'auroient  plus  moyen  de  tirer,  comme  ils  avoient  faict,  de  no- 
tables avantages  des  mesfiances  que  Madame  avoit  prises  de  la  France 
par  leur  propre  artifice. 

Ils  ne  croiroient  plus,  en  la  prenant  elle  ou  les  siens,  ou  eux  sans 
elle,  fobliger  à  leur  donner  les  places,  et  à  remettre  mons'  son  fils 
entre  leurs  mains,  par  un  accord  qui ,  trois  mois  après,  leur  donneroit 
moyen  de  perdre  la  mère  d'honneur,  et  d'oster  la  vie  au  fils. 

Ils  ne  se  persuaderoient  plus  pouvoir  ravoir  aisément  les  places 
que  le  roy  tient  en  deppost  dans  le  Piedmont,  parce  que  la  puissance 
qu'il  auroit  en  Savoie  pourroit  beaucoup  aider  à  les  conserver,  rien 
n'ayant  tant  contribué  à  la  perte  d'une  partie  du  Piedmont  que  les 
oppositions  que  les  forces  du  roy  y  avoient  reçues  par  ceux  qui  dé- 
voient les  seconder'. 

Ils  perdroient  l'espérance  qu'ils  avoient,  bien  que  mal  fondée,  de 
pouvoir  vaincre  la  générosité  et  la  fidélité  de  ceux  qui  servoient 
Madame,  par  le  mauvais  estât  de  leurs  affaires,  puisque  le  secours  du 
roy  les  empescheroit  d'estre  réduits  à  f  extrémité. 

A  la  marge  de  ce  paragraphe  le  ma-  ne  pourront  jamais  en  retirer  celte  pro- 

nuscrit  des  Affaires  étrangères  donne  ce  vince  paf  la  force,  ce  qu'ils  ne  croiront 

qui  suit:  «  Est  à  noter  que  le  deppost  de  ia  pas   du   Piedmont,  veu   la  foiblesse  des 

Savoie  est  plus  capable  de  ramener  le  car-  places,  et  la  commodité  que  les  Espagnols 

dinal  de  Savoie  et  le  P.  Thomas  en  leur  ont  d'y  faire  la  guerre  avec  eux  »  (Le  ms. 

devoir,  que  celuy  de  la  moitié  du  Pied-  de  Harlay  a  également  mis  ce  passage  à 

mont,  parce  qu'ils  sauront  bien  que,  Mont-  la  marge  de  sa  copie,) 
niélian  estant  enire  les  mains  du  roy,  ils 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  549 

Qu'ainsy  n'ayant  plus  rien  à  espérer  de  leur  malice,  la  nécessité 
les  contraindroit  à  ce  à  quoy  la  raison  ne  les  portera  jamais. 

Poursuivant  ce  discours,  je  leur  dis  que  bien  que  cet  expédient  me 
semblast  du  tout  nécessaire,  que  bien  que  les  enfans  et  les  aveugles 
fussent  capables  d'en  recognoistre  l'utilité,  que  le  conseil  que  M'  de 
Savoie  donna,  en  mourant,  à  Madame,  de  suivre  ceux  de  la  France, 
et  de  se  jetter  entre  les  bras  du  roy,  la  deust  porter  à  l'embrasser, 
S.  M.  s'abstiendroit  de  le  proposer  à  madame  sa  sœur  à  cause  de  la 
mesfiance  en  laquelle  elle  avoit  esté  jusques  alors. 

Je  leur  fis  voir  clairement,  à  mon  avis,  que  le  roy  avoit  trop  d'in- 
térest  à  la  conservation  de  mons"'  de  Savoie  pour  avoir  dessein  de 
profiter  de  sa  ruine. 

Je  leur  représentay  que,  sans  perdre  sa  réputation,  il  ne  pouvoit 
dépouiller  une  sœur  et  un  nepveu. 

Je  les  priay  de  considérer  qu'au  lieu  que  le  cardinal  de  Savoie  et 
le  prince  Thomas  prétendoient  meschamment  que  le  jeune  duc  n'es- 
loit  pas  leur  nepveu,  le  roy  savoit  certainement  que  c'esloit  le  sien; 
que  comme  l'intérest  des  uns  alloit  à  perdre  ce  jeune  prince,  celuy 
du  roy  le  portoit  entièrement  à  le  conserver;  que,  s'il  n'estoit  point 
au  monde,  S.  M.  ne  sauroit  sans  injustice  apparente  retenir  les  Estats 
qui  luy  auroient  esté  déposez,  et  que,  s'il  le  vouloit  faire,  la  guerre  ' 
dont  il  désire  la  Gn  serait  éternelle. 

Qu'il  luy  estoit  beaucoup  plus  utile  d'avoir  un  jour  un  duc  de 
Savoie  restabli  en  ses  Estats,  uni  à  ses  intérests,  que  d'usurper  une 
pallie  de  ses  dicts  Estats,  les  Espagnols  ayant  l'autre. 

Poursuivant,  j'adjoustay  qu'ils  avoient  encore  à  considérer,  en  leur 
particulier,  que  les  mauvais  bruicts  que  les  ennemis  de  Madame 
avoient  espandus  contre  ceux  qu'ils  croyoient  luy  estre  plus  aflidez 
obligeoient  le  roy  à  prendre  un  soin  particulier  de  leurs  personnes, 
parce  que,  s'il  faisoit  autrement,  il  donneroit  lieu  de.  croire  qu'il 
auroit  quelque  impression  de  la  médisance  qu'on  auroit  espandue 
au  préjudice  de  sa  réputation. 

Après  avoir  donné  temps  à  ces  messieurs  de  faire  réflexion  sur 


550  LETTRES 

ce  que  je  leur  avois  représenté,  des  raisons  je  vins  aux  exemples, 
rapportant  celuy  de  Charles  de  Lorraine,  demeuré  orphelin  en  son 
bas  âge,  que  le  roy  Henri  II  fist  nourrir  avec  ses  enfans,  et  auquel  il 
rendit  ses  Estats  entiers  lorsqu'il  fut  grand,  et  luy  donna  une  de 
ses  filles  en  mariage;  ce  qui  niontroit  clairement  que  la  France  sait 
conserver  et  protéger  rehgieusement  les  souverains,  au  lieu  que  les 
Espagnols  manquent  peu  à  se  revestir  de  leurs  despouilles. 

J'adjoustay  que  ce  seroit  un  crime  de  penser  que  le  roy,  dont  la 
piété  estoit  connue,  voulust  moins  faire  pour  son  propre  nepveu  que 
ses  prédécesseurs  pour  des  princes  qui  n'avoient  pas  l'honneur  de 
leur  appartenir,  veu  principalement  qu'il  a  desjà  luy-mesme  une  fois 
restitué  la  Savoie  au  duc  Victor  Amédce,  et  que  le  roy  son  père  avoit 
esté  d'une  pareille  bonté  envers  le  duc  Charles  Emmanuel,  après 
l'avoir  justement  conquise  par  les  armes. 

Enfin  je  leur  dis  que,  pour  oster  tout  sujet  de  crainte,  si  S.  M.  re- 
cevoit  le  deppost  de  la  Savoie ,  elle  s'engageroit ,  par  escrit  authentique 
à  madame  sa  sœur,  de  la  luy  remettre  de  bonne  foy,  avec  toutes  les 
places  qu'elle  luy  avoit  consignées  dans  le  Piedmont,  toutefois  et 
quantes  les  Espagnols  en  voudroient  faire  autant  de  ce  qu'ils  ont  oc- 
cupé en  ses  Estats  depuis  la  mort  de  feu  M.  le  duc  de  Savoie  Victor 
Amédée;  et  que,  pour  avancer  cette  remise  réciproque,  S.  M.  en- 
voieroit  aussytost  la  proposer,  sous  la  caution  d'une  ligue  de  tous  les 
princes  d Italie,  qui  avoient  trop  d'intérest  à  oster  la  guerre  de  leur 
voisinage  pour  ne  favoriser  pas,  en  ce  point,  les  justes  intentions  du 
roy,  qui  seroient  sans  doute  non  seulement  considérées  du  cardinal 
de  Savoie  et  du  P.  Thomas,  s'ils  voyoient  la  France  en  la  possession 
de  la  Savoie  et  d'une  partie  du  Piedmont,  mais  en  outre  des  Espa- 
gnols, qui  n'y  consentiront  pas  en  Testât  où  sont  les  affaires. 

Après  trois  heures  de  conférence,  qui  me  donnèrent  lieu  de  re- 
présenter tout  ce  qui  est  cy-dessus  exprimé  à  diverses  reprises,  il  me 
sembla  cognoistre  que  l'oncle^  estoit  persuadé,  mais  que  l'esprit  du 


-it  marquis 


d'Aglié. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  551 

nepveu  '  ne  l'estoit  pas,  et  qu'il  n'avolt  pas  assez  de  cœur  pour  porter 
sa  maistresse  à  une  résolution  proportionnée  à  son  mal. 

Trois  jours  se  passèrent  en  l'attente  de  ce  que  ces  messieurs  au- 
roient  faict  auprès  de  leur  maistresse;  mais  n'en  recevant  point  de 
response  et  apprenant,  par  diverses  voies,  que  l'un  des  deux  luy  ai- 
grissoit  plus  tost  l'esprit  que  de  l'adoucir,  et  qu'elle  avoit  mesme  pris 
résolution  de  ne  point  faire  venir  son  fils  à  Grenoble,  bien  qu'à  son 
arrivée  elle  eust  dit  le  contraire  à  S.  M.  on  estima  qu'il  estoit  de  la 
prudence  du  roy  de  modérer  les  propositions  qui  avoient  esté  faictes 
en  particulier  au  marquis  d'Aillé  et  au  comte  Philippe  son  nepveu, 
et  de  faire  entendre  à  Madame,  en  présence  de  tout  son  conseil,  ce 
que  S.  M.  estimoit  pour  son  bien. 

Pour  cet  efîect,  on  luy  proposa  ce  qui  ensuit,  et  luy  laissa-t-on 
par  escrit,  afin  qu'elle  en  peust  mieux  considérer  la  teneur  et  l'im- 
portance'^. 

PROPOSITION  FAICTE  PAR  LE  ROÏ  A  MADAME  SA  SOECR, 
LE  a8  SEPTEMBRE   iGSq,  A  GRENOBLE. 

En  Testât  où  sont  les  affaires  de  madame  la  duchesse  de  Savoie, 
il  faut  qu'elle  se  sauve  ou  par  elle-mesme,  ou  par  ses  ennemis,  ou 
par  le  roy. 

Si  elle  le  peut  par  elle-mesme,  S.  M.  sera  ravie  qu'elle  en  ait  le 
moyen,  et  la  prie  de  luy  en  donner  cognoissance. 

Si  elle  pense  pouvoir  trouver  son  salut  en  se  confiant  en  ses  frères, 
sans  luy  donner  un  tel  conseil,  le  roy  y  consentira,  si  elle  en  veut 
prendre  le  hazard. 

Mais,  si  elle  estime  ne  pouvoir  sortir  de  ses  affaires  que  par  son 
autorité,  il  ne  la  peut  tirer  du  mauvais  estât  auquel  elle  est  que  par 

'  Le  comte  Philippe  d'Aglié.  quelle  est  écrit,  de  la  main  de  Richelieu: 

'  Ici  la  relation  du  Voyage,  etc.  se  cou-  «  Proposition,  etc.  »  C'est  une  minute  ou 

linue  au  moyen  d'une  pièce  qui  se  trouve  mise  au  net;  la  Bibliothèque  impériale  en 

au  folio   1  59   du  manuscrit  des  Affaires  conserve  une  copie,  fonds  Saint-Germaiii- 

étrangères  (Turin,  t.  27),  en  tête  de  la-  Hflriay,  3^7,  fol.  SgS. 


552  LETTRES 

l'un  de  ces  trois  moyens  :  ou  par  un  traicté  d'accord,  ou  par  la  guerre, 
ou  par  le  deppost  des  Estais  qui  luy  restent,  lesquels  elle  ne  sauroit 
conserver  par  elle-mesme. 

En  Testât  que  sont  les  affaires,  tout  accord  est  impossible  avec  les 
Espagnols,  parce  qu'ils  font  la  guerre  avec  trop  d'avantage,  le  Pied- 
mont  les  favorisant,  à  cause  de  l'union  des  princes  de  Savoie  avec 
eux. 

Il  n'est  pas  plus  aisé  de  s'accorder  avec  les  Princes,  parce  qu'ils 
n'en  ont  pas  la  volonté,  et  que,  quand  ils  l'auroient,  ils  désirent  des 
conditions  qui  ne  s'accordent  pas  avec  la  seureté  de  Madame. 

Il  est  impossible  aussy  d'espérer  de  grands  progrez  par  la  guerre, 
pour  le  mauvais  estât  auquel  sont  tout  le  Piedmont  et  les  places  que 
Madame  a  depposées. 

Ainsy  il  faut  recourir  au  troisième  moyen,  qui  donnera  grande 
facilité  à  un  accord,  en  ce  qu'apparemment  il  ramènera  les  princes  à 
raison;  ensultte  de  quoy  la  guerre  sera  aisée  à  soustenir  contre  les 
Espagnols,  s'ils  ne  veulent  rendre,  en  vertu  d'un  traicté,  ce  qu'ils 
posséderont  dans  le  Piedmont,  le  roy  faisant  le  mesme  de  tout  ce 
qui  luy  aura  esté  depposé. 

Ce  remède  est  celuy  qui  a  esté  pratiqué  sy  heureusement  par 
l'aïeul  de  M'^  de  Savoie  qu'il  obtint,  par  ce  moyen,  le  restablissement 
de  ses  Estats  perdus. 

L'événement  en  est  d'autant  moins  à  craindre  qu'il  est  hors  d'ap- 
parence qu'un  grand  roy  peust  vouloir  despouiller  sa  sœur  et  son 
nepveu  d'un  Estât  qu'il  a  rendu  au  duc  son  père,  l'ayant  conquis  par 
les  armes. 

Cependant  si  Madame  le  craint,  pour  s'accommodera  la  foiblesse 
de  son  sexe,  S.  M.  demeure  d'accord  que  ce  deppost  ait  plus  d'appa- 
rence que  d'effect,  pourveu  qu'il  en  ail  autant  que  le  bien  de  ses 
affaires  le  requiert. 

Elle  estime,  en  ce  cas,  comme  en  tout  autre,  que  le  s'  Doni  Félix 
doit  demeurer  gouverneur  général  de  la  Savoie;  elle  pense  aussy  que 
le  marquis  de  S'-Germain  doit  commander  dans  Montmélian;  mais 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  553 

qu'il  faut  composer  la  garnison  de  gens  qui  soient  affidez  audict 
marquis  de  Saint-Germain,  gouverneur,  et  de  Suisses  et  de  François 
qui  soient  au  roy. 

Elle  estime  ensuitte  que  le  seigneur  Dom  Félix  doit  avoir  une  gar- 
nison dans  Chambéry  pour  tenir  le  Sénat  et  la  ville  en  leur  devoir. 
Qu'en  tous  les  chasteaux  qui  peuvent  asseurer  le  pays,  il  doit  y  avoir 
des  François,  et  qu'à  l'entrée  de  la  vallée  d'Aoste  il  faut  entretenir 
deux  mil  hommes  effectifs  en  deux  régimens,  dont  l'un  soit  au  roy  et 
l'autre  à  Madame,  sous  un  mareschalde  camp  de  S.  A.  qui  sache  bien 
deffendre  l'entrée  de  la  Savoie. 

'  Si  Madame  ne  se  résout  à  l'exécution  de  ce  que  dessus,  le  roy, 
prévoyant,  sans  y  pouvoir  apporter  remède,  sa  perte  asseurée,  celle 
de  la  Savoie  et  du  duc  son  fils  tout  ensemble,  désire  qu'en  le  dispen- 
sant d'entreprendre  sa  deffense  elle  pourvoie  à  sa  seureté  par  autre 
voie,  et  qu'elle  trouve  bon  qu'il  fasse  cognoistre  à  toute  la  chres- 
tienté  ce  qu'il  a  faict  pour  elle ,  et  les  mauvais  conseils  qu'elle  a  voulu 
prendre,  déclarant  qu'il  la  laisse  en  sa  conduite,  parce  qu'elle  n'en 
veut  pas  suivre  une  meilleure,  et  qu'elle  aime  mieux  se  perdre  par 
sa  teste  que  se  sauver  par  le  conseil  et  la  puissance  d'un  frère  qui 
l'aime  tendrement^. 

Comme  il  estoit  impossible  de  contester  ce  conseil  par  raison,  à 
peine  pust-on  en  tirer  une  response  déterminée. 

Ce  qui  sembloit  im  jour  estre  arresté,  estoit  révoqué  le  lendemain, 
et  quinze  jours  se  passèrent  sans  qu'on  pust  avoir  aucune  résolution. 

'  Richelieu  avait  eu  l'idée  de  rendre  ie  semenl  considéré,  elle  ne  veut  pas  se  ser- 
refus  de  la  duchesse  plus  autiienlique,  en  vir  des  expédients  qui  luy  sont  proposez 
lui  faisant  donner,  à  cel  égard,  une  signa-  pour  son  salut.  Ensuitte  de  quoy  le  roy  la 
ture.  Nous  lisons  ces  lignes  dans  la  pièce  priera  de  trouver  bon ,  etc.  i 
intitulée  y4uii,  etc.  dont  nous  avons  déjà  faii  '  Celte  pièce  se  termine  ici  dans  le  nia- 
mention  (pièce  qui  se  trouve  au  fol.  172  nuscrit  des  Affaires  étrangères,  l.  37  de 
du  manuscrit  deTurin,  l.  27)  :  «Si  elle  re-  Turin,  fol.  18a;  mais  elle  a  dans  le  ma- 
fuse  de  suivre  un  avis  sy  salutaire  comme  nuscrit  de  Harlay  (fol.  43i)  une  continua- 
est  celuy-cy,  elle  ne  peut  refuser  designer  lion  qui  a  été  employée  dans  la  présente 
son  refus,c'esl-à-dire  de  mettre  au  pied  de  relation  :  Voyage,  etc. 
ce  papier  qu'après  l'avoir  leu  et  soigneu- 

CAHDIN.    DE    niCUELlED.  VI.  "  70 


554  LETTRES 

En  cette  extrémité,  S.  M.  agita  plusieurs  fois  si  elle  devoit  aban- 
donner une  personne  sy  abandonnée  d'elle  mesme,  comme  estoit 
cette  princesse. 

Il  estoit  avantageux  au  roy  d'en  user  ainsy  pour  se  justiffier  des 
mauvais  événemens  dont  il  estoit  impossible  de  se  garantir,  mais 
cette  résolution  estoit  sy  préjudiciable  à  cette  misérable  femme ,  qui 
ne  pouvoit  estre  '  abandonnée  du  roy  sans  estre  délaissée  de  tout  le 
monde,  que  S.  M.  fut  conseillée  de  laisser  plus  tost  la  réputation  de 
sa  puissance  en  compromis,  qu'en  voulant  la  sauver,  avancer  d'un 
moment  la  perte  d'une  personne  que  la  nature  avoit  rendue  sa  sœur, 
bien  qu'elle  fust  indigne  de  son  sang. 

Il  fut  proposé  d'arrester  le  comte  Philippe  ^,  principale  cause  de  la 
perte  de  cette  princesse.  Mais,  outre  qu'une  telle  action  eust  autorisé 
la  calomnie  qu'on  luy  mettoit  à  sus,  on  jugea  que  si  on  la  privoit  de 
cet  homme  elle  tomberoit  entre  les  mains  de  certains  esprits  dan- 
gereux qui  s'accorderoient  plus  aisément  que  luy  avec  ses  beaux- 
frères  à  ses  propres  despens. 

D'autres  firent  ouverture  de  se  saisir  de  tous  ceux  qu'on  cognois- 
soit  luy  suggérer  de  mauvais  conseils;  mais  cet  avis  fut  rejette  comme 
le  premier  parce  qu'il  eust  esté  préjudiciable  à  la  réputation  du  roy, 
et  qu'on  n'avoit  personne  auprès  de  cette  princesse  qui  pust  ensuitte 
guérir  son  esprit  ulcéré,  et  le  conduire  adroitement  à  ce  qui  luy 
estoit  du  tout  nécessaire. 

Ainsy  S.  M.  fut  contrainte  de  se  contenter  de  ce  qu'elle  put  aira- 
cher  de  l'opiniastreté  de  ce  mauvais  esprit,  bien  qu'il  n'y  eust  rien 
qui  peust  asseurer  sa  personne  et  le  reste  de  ses  Estats. 

Elle  promit  de  composer  la  garnison  de  Montmélian  de  Savoyards 
et  de  François  entretenus  de  longtemps  à  son  service.  Elle  s'obligea 
d'en  mettre  autant  des  uns  que  des  autres  dans  le  haut  et  le  bas  fort 
de  cette  place;  elle  promit  de  depposer  entre  les  mains  du  roy  le  chas- 
Richelieu  a  écrit  cette  variaule  à  la  *  On  revint  à  ce  dessein  et  on  l'exécuta 
marge  :  «Délaissée  de  voslre  main  sans  plus  tard,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  ci- 
l'eslre de  tout  le  monde.  »(Ms.  des  Aff.étr.)         dessus,  p.   iZio,  note. 


"r 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  555 

teau  de  Charbonnières  en  Savoie  et  celuy  de  Benne  et  de  Fossan  en 
Piedmont  avec  la  ville  d'Albe. 

Elle  promit  de  faire  sy  bien  garder  l'entrée  de  la  val  d'Aoste  que 
les  ennemis  ne  se  sauroient  servir  de  ce  passage;  et  cependant  que 
s'il  arrivoit  qu'ils  entrassent  en  Savoie,  et  qu'ils  fissent  souslever  et 
révolter  cette  province,  sans  y  entrer  à  main  armée,  elle  feroit  entrer 
plus  grand  nombre  de  François  dans  Montraélian. 

Elle  promit  enfin  d'asseurer  sa  personne  et  celle  de  son  fils  par  une 
bonne  garnison  qu'elle  tiendroit  dans  Cbambéry. 

Celte  résolution  ne  fut  pas  plus  tost  prise  que  le  roy  se  résolut  de 
s'en  aller.  Son  départ  fut  accompagné  de  beaucoup  de  larmes  de  la 
part- de  Madame,  mais  S.  M.  sachant,  comme  elle  en  estoit  bien  in- 
formée, qu'elle  pleuroit  quand  bon  luy  sembloit,  et  qu'un  moment 
après  elle  rioit  et  se  moquoit  de  ceux  qu'elle  avoit  abusés  par  les 
larmes,  son  affliction  dissimulée  ne  produisit  pas  l'effect  qu'elle  pré- 
tendoit. 

Prenant  congé  d'elle,  je  luy  représentay  qu'elle  demeuroit  en  un 
estât  plus  dangereux  que  celuy  auquel  on  l'avoit  trouvée,  parce  que 
ses  ennemis,  cognoissant  qu'elle  s'estoit  rendue  incapable  des  seuls 
remèdes  qui  la  pouvoient  garantir  de  tous  périls,  poursuivroient 
d'autant  plus  hardiment  sa  perle,  qu'ils  la  sauroient  non-seulement 
destituée  du  cœur  de  ses  sujets,  mais  de  la  puissance  du  roy,  dont 
elle  n'avoit  pas  voulu  se  prévaloir. 

Je  luy  représentay  qu'elle  estoit  aux  termes  de  ceux  qui  ne  faisant 
qu'une  partie  de  ce  qu'ils  doivent,  selon  la  loy  de  Dieu,  ne  font  rien 
qui  puisse  opérer  leur  salut,  bien  qu'ils  fassent  beaucoup. 

Je  luy  représentay  que  ceux  qui  avoient  manqué  d'esprit  à  la  bien 
conseiller  manqueroient  de  cœur  pour  la  deffendre. 

Je  luy  représentay  que  la  plus  part  de  ceux  qui  la  destournoient 
de  suivre  les  conseils  du  roy  avoient  intérest  d'en  user  ainsy,  afin  de 
se  rédimer  de  leur  perte  par  la  sienne. 

Enfin ,  je  répétay  en  peu  de  mois  tout  ce  qui  luy  avoit  esté  dicl 
plusieurs  fois  pour  la  destourner  de  sa  ruine. 

70. 


556 


LETTRES 


Et  d'autant  que  ce  qu'on  considère  à  loisir  faict  quelquefois  plus 
d'impression  que  ce  qui  passe  promptenient,  pour  estre  dict  de  vive 
voix,  je  la  priay  de  jetter  quelquefois  les  yeux  sur  un  papier  que  je 
luy  iaissay,  auquel  esloit  contenu  ce  qui  s'en  suit  : 

AVIS  DONNÉ  k  MADAME  LA  DUCHESSE  DE  SAVOIE  PAR  LE  CARDINAL  DE  RICHELIEU '. 

Madame  la  duchesse  de  Savoie  n'a  point  d'autre  moyen  de  se 
sauver  du  naufrage  auquel  son  malheur  l'a  précipitée  qu'en  prenant 
une  conduite  du  tout  contraire  à  celle  qu'elle  a  suivie  jusques  à 
présent. 

Elle  s'est  tousjours  mesfiée  de  la  France  et  a  pris  plaisir  de  le 
faire  paroistre;  elle  doit  s'y  confier  au  dernier  point,  et  s'estudier  à 
le  faire  cognoistre  à  tous  ses  ennemis ,  afin  qu'ils  perdent  l'espérance 
d'achever  de  la  perdre  par  le  mesme  artifice  qu'ils  ont  commencé. 

La  révolte  du  Piedmont  est  arrivée  parce  qu'elle  a  laissé  le  pays 
en  puissance  de  la  faire.  Il  faut  prévenir  celle  de  la  Savoie  en  la  met- 
tant en  estât  de  ne  la  pouvoir  faire. 

On  luy  a  pris  ses  meilleures  places,  faute  d'y  mettre  des  François. 
Elle  doit  asseurer  toutes  celles  qui  luy  restent  en  les  y  mettant. 

Elle  a  craint  que  la  France  luy  enlevast  son  fils;  elle  n'a  point  de 
lïioyen  de  le  sauver  qu'en  suppfiant  le  roy  de  le  recevoir  en  sa  pro- 
tection et  en  sa  garde,  ce  qui  n'asseurera  pas  seulement  une  personne 


'  Cet  avis  que  Richelieu  donnait  à  la 
duchesse  de  Savoie  en  désespoir  de  cause, 
el  lorsque ,  après  avoir  refusé  de  subir  les 
conditions  que  l'on  mettait  aux  secours 
qu'elle  avait  demandés  au  roi,  elle  se  dis- 
posait à  quitter  Grenoble,  est  une  pièce 
longtemps  méditée  et  fort  étudiée  par  Ri- 
chelieu ;  on  en  rencontre  divers  fragments 
(^à  el  là  dans  ce  tome  27  du  manuscrit 
de  Turin,  et  deux  textes,  dont  l'un  est 
coté  187.  C'est  une  mise  au  net  de  la  main 
d  un  nouveau  secrétaire  du  cardinal ,  char- 
gée de  ratures,  de  corrections  et  d'addi- 


tions de  la  main  de  Richelieu;  l'autre  est 
la  présente  version ,  qui  termine  la  relation 
du  Voyage ,  etc.  et  qui  offre  de  nombreuses 
différences  avec  le  texte  du  fol.  187,  déjà 
si  travaillé.  Au  reste  on  trouve  répétée, 
dans  cette  double  rédaction  de  Yavis,  une 
foule  de  pensées  et  de  conseils  qu'on  a  re- 
marqués dans  les  lettre»  que  Richelieu  écri- 
vait depuis  plusieurs  mois  à  la  duchesse 
et  aux  ministres  du  roi  envoyés  près  d'elle. 
Le  manuscrit  de  Harlay  Sli-j,  fol.  dSg, 
donne  une  copie  de  l'avis  conforme  à  ce- 
lui qu'on  va  lire. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  557 

qui  luy  est  sy  chère,  mais  la  sienne  propre,  les  Estais  qui  leur  res- 
tent et  la  réputation  de  tous  les  deux,  en  ce  que  rien  ne  peut  mieux 
justifier  la  naissance  de  ce  petit  prince,  que  ses  oncles  révoquent 
publiquement  en  doute,  que  de  voir  qu'il  soit  nourri  avec  honneur 
avec  mens'  le  dauphin'. 

Elle  s'est  perdue  pour  alîecler  de  ne  deppendre  que  d'elle  mesme, 
ce  qui  n'est  bon  qu'aux  grands  et  puissans  roys. 

Messieurs  ses  beaux  frères  se  sont  soumis  contre  leur  gré  à  l'Es- 
pagne pour  faire  les  progrez  qu'ils  ont  faicts  contre  elle;  et  partant 
la  raison  et  la  nécessité  lui  font  voir  qu  elle  n'a  point  d'autre  moyen 
d'arrester  le  cours  de  sa  ruine  que  de  pratiquer  à  l'esgard  de  la 
France  ce  que  ses  frères  font  au  respect  de  l'Espagne,  qui  est  tout  le 
contraire  de  ce  qu'elle  a  faict  jusques  à  présent. 

Si  elle  dict  qu'elle  a  déféré  à  beaucoup  des  conseils  du  roy,  elle  est 
priée  de  considérer  qu'outre  qu'elle  ne  l'a  jamais  faict  à  temps,  comme 
un  malade  qui,  par  son  opiniastreté  ou  son  aversion  aux  remèdes,  ne 
prend  que  la  moitié  de  ceux  qui  luy  sont  ordonnez,  augmente  son 
mal  au  lieu  de  le  diminuer,  en  ce  qu'il  esmeut  les  humeurs  et  ne  les 
purge  pas,  ainsy  s'est-elle  tousjours  faict  plus  de  mal  que  de  bien 
en  ne  pratiquant  qu'autant  des  conseils  du  roy  qu'il  en  falloit  pour 
aigrir  la  malice  de  ses  ennemis,  et  mesprisant  le  reste,  qui  en  pouvoil 
arrester  le  cours. 

Le  mal  que  Madame  a  receu  pour  laisser  beaucoup  de  services  sans 
récompense  et  tout  desservice  sans  punition,  l'oblige  à  pratiquer 
le  contraire,  et  particulièrement  à  recognoistre  les  services  des  per- 
sonnes de  qualité  qui  luy  sont  demeurez  fidèles  par  la  puissance  de 
la  France ,  si  elle  n'est  pas  en  estât  de  le  faire  d'elle  mesme. 

'   Les  manuscrits  mettent  à   la  marge  les  siens,  et  que  mons'  son  lils  sera  dan» 

de  ce  paragraphe  :  «  Tandis  que  le  car-  ses  Estais ,  on  ne  leur  fera  pas  |)erdre  Tes- 

dinai  de  Savoie  et  le  P.  Thomas  espè-  pérance   d'avoir  les    unes   et  de  perdre 

refont  pouvoir  faire  souslever  la  Savoie  l'autre,  veu  le  mauvais  soin  qu'ils  savent 
et  attraper  le  jeune  duc,  ils  n'ont  garde      ,  que  Madame  et  les  siens  ont  de  ses  aiïaires: 

de  s'accommoder  avec  Madame;  et  tandis  ut  ainsy  jatnais  on  ne  les  séparera  des  Es- 

fjue  les  places  ne  seront  gardées  que  par  pagnols.  » 


558  LETTRES 

Les  mauvaises  impressions  qu'on  a  données  de  la  vie  et  de  la  con- 
duitte  de  Madame  ayant  esté  le  vray  fondement  de  sa  ruine,  c'est  à 
elle  à  faire  une  vie  sy  exemplaire  que  les  apparences  la  remettent, 
dans  l'esprit  des  peuples,  en  la  réputation  qu'elle  y  doit  estre,  et  que 
la  vérité  attire  sur  elle  la  bénédiction  de  Dieu,  sans  laquelle  tout 
secours  des  hommes  luy  sera  inutile.  Mais  comme  il  n'y  a  rien  qui 
rende  sy  criminel  devant  Dieu,  ny  sy  infâme  devant  les  hommes  que 
l'hypocrisie,  qui  porte  souvent  à  violer  les  choses  les  plus  saintes, 
pour  paroislre  ce  qu'on  n'est  pas,  elle  doit  avoir  un  soin  très-parti- 
cuher  de  se  conduire  en  sorte  que  la  liberté  de  ses  paroles  ne  dé- 
mente pas  la  bonté  de  ses  actions. 

Madame  s'estant  mal  trouvée  jusques  à  présent  des  conseils  qu'elle 
a  receus,  ou  de  sa  seule  teste,  ou  de  quelques-uns  des  siens  peu  ca- 
pables de  luy  en  donner,  elle  doit  renoncer  à  l'avenir  aux  uns  et  aux 
autres,  et  suivre  ceux  qui  luy  seront  donnés  par  des  gens  de  capacité 
recognue,  de  probité  éprouvée,  et  tels  qu'ils  ne  puissent  avoir  d'autres 
intérests  que  les  siens  propres. 

On  adjousteroit  bien  qu'elle  devroit  esloigner  de  sa  personne  ceux 
qui  jusques  à  présent,  sous  prétexte  de  la  servir,  l'ont  desservie  et 
par  leur  incapacité,  et  par  leur  vanité,  et  par  leur  imprudence;  mais 
on  ne  va  pas  à  cette  extrémité,  tant  parce  qu'on  ne  juge  pas  que  son 
esprit  soil  capable  d'un  remède  sy  puissant,  que  par  ce  aussy  qu'elle 
en  peut  prendre  de  plus  tempérez  qui  produiront  l'effect  désiré  pour 
son  avantage,  sans  faire  aucun  désordre  en  desraciuant  la  cause  du 
mal  avec  quelque  violence. 

Enfin  Madame  est  suppliée  de  considérer  soigneusement  le  passé 
et  l'avenir,  au  lieu  qu'il  semble  que  jusques  icy  elle  n'a  regardé  que 
le  présent. 

Elle  verra  au  passé  ce  qu'ont  faict  les  prédécesseurs  de  mons'  son 
fils,  qui  ont  esté  au  mesme  estât  qu'elle  est,  et  leur  sage  procédé; 
celuy  de  feu  mons"'  son  mary,  et  les  derniers  conseils  qu'elle  en  a 
receus,  luy  donneront  lieu  de  régler  sa  conduitte. 

D'ailleurs,  regardant  l'avenir,  elle  trouvera  qu'un  seul  coup  de  To- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  559 

rage  qui  est  eslevé  contre  elle  la  peut  précipiter  au  fond  du  précipice 
sur  le  bord  duquel  elle  est  maintenant;  et  qu'ainsy  que,  si  elle  se 
perd  en  n'oubliant  rien  de  ce  qu'elle  doit  pour  s'en  garantir,  l'hon- 
neur et  la  réputation  du  roy  l'obligent  à  la  recevoir  et  la  traicter  di- 
gnement en  ses  Estats;  si  elle  tombe  en  l'extrémité  de  ce  malheur 
par  le  mespris  de  ses  conseils,  le  mesme  honneur  de  ce  prince  ne  luy 
permettra  pas  de  luy  donner  autre  retraite  que  celle  d'un  cloistre 
pour  y  pleurer  ses  péchés  le  reste  de  sa  vie  avec  fruict,  et  se  repentir 
inutilement  de  sa  mauvaise  conduitte. 


Cet  avis  ne  fist  pas  plus  d'effect  que  tous  les  autres;  le  cœur  de 
cette  princesse  estoit  trop  endurci  et  trop  insensible  à  son  mal  pour 
pouvoir  estre  esmeu  et  destourné  de  sa  perte;  et  celuy  qui  seul  avoit 
part  en  sa  tendresse  estoit  sy  lasciic,  qu'aveuglé  plus  de  crainte  que 
d'autre  passion,  bien  qu'il  en  fust  accusé,  rien  n'estoit  capable  de  le 
faire  résoudre  à  porter  sa- maistresse  à  ce  qui  les  pouvoit  sauver  tous 
deux. 

Alors  on  coguust  clairement  qu'il  n'y  avoit  que  Dieu  qui  pcust  re- 
lever les  affaires  de  cette  princesse  par  un  coup  extraordinaire  de  sa 
main;  qu'il  le  falloit  attendre  patiemment  de  sa  puissance  et  de  sa 
bonté,  et  se  résoudre  à  voir  un  exemple  aussy  juste  que  funeste  des 
chastimens  qu'il  envoie  à  ceux  qui,  suivant  leur  sens  et  non  la  raison, 
mesprisent  non  seulement  les  lois  de  Dieu  et  celles  de  la  prudence, 
en  leur  conduitte  particulière,  mais,  qui  plus  est,  en  celle  du  pubhc 
dont  ils  sont  chargez. 


NOTA. 

L'entrevue  de  Grenoble,  où  Madame  s'était  montrée  si  peu  docile,  avait  singu- 
lièrement mécontenté  Richelieu.  Depuis  longtemps,  comme  on  l'a  vu,  il  donnait 
à  la  duchesse  de  Savoie  des  conseils  qu'elle  ne  suivait  pas,  et  qu'elle  ne  pouvait 
pas  suivre.  Pour  gouverner  ses  Etats  comme  le  cardinal  voulait  qu'elle  les  gou- 


5()0  LETTRES 

veroât,  il  aurait  fallu  qu'elle  eût,  sinon  le  génie  de  Richelieu,  au  moins  le  ca- 
ractère de  Richelieu  lui-même;  il  lui  aurait  fallu  son  inflexible  sévérité  et  cette 
fermeté  de  résolution  qui  marche  au  but  sans  se  laisser  surprendre  par  aucun 
sentiment  d'affection,  sans  s'arrêter  devant  aucune  considération  de  personnes  ou 
de  choses.  Il  n'y  avait  donc  pour  elle  qu'un  moyen  de  satisfaire  Richelieu;  c'était 
de  le  laisser  gouverner  le  Piémont  avec  la  même  autorité  qu'il  avait  en  France; 
de  lui  donner  à  garder  ses  places  ferles  et  sa  capitale,  de  lui  abandonner  tous  les 
personnages  qui  lui  étaient  suspects  pour  les  enfermer  à  Pignerol ,  à  la  Bastille 
ou  à,  Vincennes;  enfin  de  lui  livrer  ses  propres  enfants,  non  à  la  vérité  pour  les 
claquemurer  dans  une  prison  d'État,  mais  afin  de  les  tenir  honorablement  em- 
prisonnés à  la  cour  de  Louis  XIII. 

Madame  était  d'ailleurs  dans  une  perplexité  cruelle.  Ainsi  que  Richelieu  le  lui 
répétait  sans  cesse,  seule  elle  ne  pouvait  se  sauver;  il  lui  fallait  donc  choisir 
entre  la  t'rance  et  l'Espagne;  elle  n'avait  pas  le  cœur  espagnol,  et  elle  redoutait 
l'âpre  ambition  de  l'Espagne.  Elle  eût  pu  se  confier  à  la  bonne  foi  de  son  frère, 
et  se  livrer  à  la  France;  mais  c'était  à  Richelieu  qu'il  fallait  se  livrer.  Elle  ne  se 
fiait  point  à  ses  promesses,  et,  si  elle  ne  pouvait  craindre  qu'il  disposât  du  Pié- 
mont comme  d'une  conquête,  elle  craignait  cet  inexorable  patriotisme,  capable 
de  sacrifier  elle,  son  fils  et  ses  Etats,  si  l'intérêt  de  la  France  exigeait  ce  sacrifice. 

Presque  tous  les  personnages  importants  qui  entouraient  Madame,  qui  crai- 
gnaient le  cardinal  pour  eux-mêmes,  répétaient  sans  cesse  à  la  duchesse  qu'elle 
était  perdue  si  elle  donnait  la  main  à  ce  redoutable  protecteur.  Elle  y  risquait, 
d'ailleurs,  le  reste  d'amour  que  lui  conservait  son  peuple.  Richelieu,  qui  n'était 
pas  aimé  en  France,  était  détesté  des  étrangers,  et  il  donnait  à  l'Italie  peur  de  la 
France  autant  au  moins  qu'elle  avait  peur  de  l'Espagne.  Le  reproche  qu'il 
adiessait  sans  cesse  à  Chrétienne  de  se  uiéûer  d'un  frère  qui  l'aimait,  la  touchait 
peu;  elle  savait  bien  que  l'amitié  de  Louis  XIII  ne  sauvait  personne  de  ceux  que 
son  ministre  avait  résolu  de  perdre. 

La  duchesse  de  Savoie,  à  qui  la  mort  avait  enlevé,  en  moins  d'un  an,  son  mari 
et  l'aîné  de  ses  Gis,  qui  voyait  tout  l'avenir  de  sa  maison  reposer  désormais  sur 
un  enfant  au  berceau,  dépouillée  de  la  moitié  de  ses  Etats,  devenus  la  proie  des 
Espagnols  et  de  ses  deux  beaux-frères,  chassée  de  sa  capitale  par  une  faction 
ennemie,  sans  argent,  presque  sans  soldats,  perdant  tout  espoir  sans  perdre  son 
courage.  Chrétienne  repoussa  des  conditions  de  salut  qu'on  mettait  à  trop  haut 
prix,  et  demeura  inébranlable  devant  toutes  les  promesses  comme  devant  toutes 
les  menaces. 

Malheureusement  les  hommes  qui  s'étaient  emparés  de  son  esprit  ne  méri- 
taient sa  confiance  ni  par  leur  habileté,  ni  par  leur  dévouement;  elle  sentait 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  561 

l'impuissance  de  leurs  conseils  et  l'incapacité  de  leur  politique;  elle  voyait  suc- 
cessivement tomber  au  pouvoir  de  l'ennemi  les  places  qu'elle  leur  avait  données 
à  défendre.  Et  pourtant,  ai!  milieu  de  tous  ces  désastres,  on  comprend  sa  répu- 
gnance à  faire  Richelieu  maître  de  sa  personne  ainsi  que  de  ses  États.  Et  puis, 
après  tout,  n'était-elle  pas  lille  de  France  ?  Et,  si  elle  comptait  peu  sur  la  tendresse 
de  son  frère,  elle  ne  pouvait  croire  que  l'intérêt  de  la  France  fût  jamais  de  lui 
préférer  ses  beaux-frères.  Richelieu  en  eut  cependant  la  pensée,  ou  du  moins  en 
fit  le  semblant. 

Il  avait  déterminé  Louis  Xlll  à  ce  long  voyage  dans  l'espoir  que  l'autorité  de 
ses  conseils,  accrue  de  la  présence  du  roi,  forcerait  la  volonté  de  Madame.  Son 
amour-propre  blessé  et  sa  politique  déçue  le  poussèrent  à  une  résolution  extrême.. 
Quand  il  fut  bien  convaincu  que  la  duchesse  ne  se  mettrait  jamais  à  sa  merci,  il 
tourna  vers  les  deux  princes  toutes  les  adresses  de  sa  politique.  Sans  doute  il  ne 
pouvait  leur  abandonner  ouvertement  la  sœur  et  le  neveu  du  roi  de  France, 
mais  il  essaya  de  les  gagner  par  l'espoir  d'un  partage  entre  eux  et  la  duchesse;  il 
leur  offrit  le  Piémont  en  laissant  à  Chrétienne  la  Savoie,  et  il  leur  garantit  l'hé- 
ritage entier  de  la  maison  de  Savoie,  à  l'exclusion  de  Chrétienne  et  de  ses  filles, 
au  cas  où  le  jeune  Charles-Emmanuel,  âgé  de  cinq  ans  à  peine,  viendrait  à 
manquer. 

Mais,  en  même  temps  qu'il  présentait  cet  appât  à  leur  ambition,  il  prenait 
contre  eux  de  si  habiles  précautions,  il  les  liait  si  étroitement  dans  les  conces- 
sions mêmes  qu'il  leur  faisait,  les  engagements  réciproques  qu'il  avait  préparés 
les  mettaient  si  prudemment  à  la  discrétion  de  la  France  qu'ils  se  défièrent;  on 
ne  put  s'entendre,  les  engagements  ne  furent  pas  signés,  et  la  guerre  continua. 

Cet  exposé  de  la  situation  facilitera  l'intelligence  des  pièces  que  nous  allons 
bientôt  donner  et  de  celles  que  nous  ne  pouvons  faire  connaître  que  par  de 
simples  indications. 


CCLXXXV. 

Arch.  des  AIT.  élr.  Turin,  tom.  17,  fol.  ib-j. —  Minute. 
Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay ,  347,  fol.   388  v".  —  Copie. 

A  M.  LE  MARQUIS  DE  LEGANEZ. 

3o  septembre  i63(j. 

Monsieur, 
Aussytost  qiie  j'ay  sceu  la  mort  de  M"^  le  cardinal  de  La  Valette,  et 

CARDIN.  DE  RICDEMED.  Tt.  '  7I 


562  LETTRES 

quej'ay  apprise  par  M'  d'Argenson  que  les  discours  que  luy  a  tenus 
M''  l'abbé  Vasquez  sembloient  aller,  de  vostre  part,  à  la  rupture  de  la 
trefve,  sous  couleur  que  V.  Excellence  n'avolt  pas  encore  receu  la 
ratification  de  Madame,  et  qu'elle  avoit  changé  les  garnisons  de  Suze 
et  de  Veillane,  je  luy  dépesche  ce  gentilhomme  pour  luy  dire  que  je 
ne  croy  point,  non  seulement  qu'un  général  de  l'armée  du  roy  d'Es- 
pagne, mais  que  M"^  le  marquis  de  Leganez,  dont  la  réputation  est 
cognue  dans  le  monde,  et  à  haut  point  dans  mon  esprit,  voulust  faire 
une  action  laquelle  y  peust  estre  mal  interprétée. 

Encore  que  V.  Ex.  n'ayt  pas  receu  la  ratification  de  Madame,  il 
suffit  qu'elle  ayt  esté  faicte,  qu'elle  n'ayt  commis  aucune  action  contre 
la  suspension,  et  qu'elle  ayt  esté  envoyée  aussytost  que  nous  avons  eu 
cognoissance  que  vous  ne  faviés  pas  receue. 

Quant  au  changement  de  garnison  de  Suze  et  de  Veillane,  la 
suspension  empesche  bien  que  chaque  party  ne  puisse  entreprendre 
sur  les  places  de  l'un  et  de  l'autre,  mais  elle  n'empesche  pas  qu'il  ne 
puisse  changer  les  garnisons  ainsy  que  bon  luy  semble.  V.  Ex.  a  peu 
mettre  des  Espagnols  où  il  n'y  avoit  que  des  Piedmonlois,  mais  le 
changement  qui  est  arrivé  à  Nice  est  bien  d'autre  conséquence,  puis- 
que cette  place  a  changé  de  party.  L'arrest  qui  a  esté  donné  à  Turin 
contre  Madame  est  encores  de  tout  autre  nature,  puisque  par  iceluy 
un  party  agit  contre  fautre. 

Je  ne  doute  point  que  V.  E\.  n'empesche  qu'on  ne  viole  ce  à  quoy  la 
foy  publique  f oblige,  jugeant  bien  que,  si  elle  n'estoit  rehgieusement 
gardée  de  part  et  d'autre,  ce  seroit  fermer  la  porte  à  toutes  négocia- 
tions et  traictés  entre  les  couronnes.  Le  terme  de  la  suspension  estant 
expiré,  il  sera  libre  à  un  chacun  d'agir  ainsy  que  bon  luy  semblera. 
Je  tiendray  la  main  à  ce  que,  de  nostre  part,  il  n'y  ayt  rien  à  désirer 
en  la  sincérité  que  vous  en  devés  attendre. 

Je  me  promets  la  mesme  chose  d'une  personne  que  j'ay  tousjours 
estimée,  comme  V.  Ex.  de  qui  je  suis, 

Monsieur, 

Vostre  IrJss  affectionné  serviteur. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  563 

Je  ne  doute  point  que  V.  Ex.  n'ayt  faict  maintenant  exécuter  ce 
qui  estoit  porté  dans  le  traicté  de  la  suspension  pour  le  faict  de  Casai. 
S'il  n'estoit  encores  accompli,  je  la  conjure,  pour  elle-mesme,  de  faire 
qu'il  y  soil  promptement  satisfaict. 


NOTA. 


Sous  le  ministère  du  cardinal  de  Richelieu  les  relations  entre  la  république 
de  Gènes  et  la  France  furent  peu  amicales;  mais,  surtout  depuis  la  déclaration  de 
guerre  à  l'Espagne,  les  inclinatinns  espagnoles  de  Gênes  augmentèrent  encore 
la  froideur. 

A  raison  des  possessions  d'Espagne  en  Italie,  Gênes,  Etat  intermédiaire,  ne  pou- 
vait guère  se  tenir  dans  une  exacte  neutralité,  et  dans  ses  procédés  la  France  se 
voyait  continuellement  sacriGée  à  l'Espagne;  de  sorte  que,  sans  être  en  guerre 
ouverte,  les  deux  Etats  se  trouvaient  à  fégard  fun  de  l'autre  dans  une  situation 
assez  malveillante  et  presque  hostile. 

J.  B.  Saluzzo,  accrédité,  depuis  le  mois  de  septembre  1637,  comme  ambassa- 
deur extraordinaire  près  la  cour  de  France,  n'était  pas  honmie  à  aplanir  les  dif- 
ficultés et  à  concilier  les  différends'.  Cette  môme  année,  l'affaire  d'une  galère 
prise  aux  Espagnols  par  le  comte  d'Harcourt,  et  que  les  Génois  avaient  aidé  les 
Espagnols  à  reprendre,  devint,  avec  quelques  autres  incidents,  un  sujet  de  que- 


'  Nous  avons  à  ce  sujet  le  témoignage 
du  secrétaire  de  la  légation  de  France  à 
Gênes,  le  sieur  Bidaud,  qui,  en  l'ab- 
sence de  l'ambassadeur,  écrivait  à  Chavi- 
gni  :  •  M'  f  ambassadeur  Salasse  a  envoyé 
icy  les  plaintes  et  les  résolulions  que  vous 
luy  avez  données  de  la  part  du  roy,  mais 
avec  des  senlimens,  à  ce  qu'on  m'a  dicl, 
qu'on  ne  doit  point  condescendre  dans 
celte  conjoncture  aux  désirs  trop  violans 
de  la  France  et  de  ses  ministres.  On  a  tenu 
ensuite  conseil  et  je  ne  croy  pas  qu'on  ayt 
intention  (le  donner  (présentement  qu'ils 
estiment  les  aflaires  du  roy  ruinées  en 
Italie)  aulcune  satisfaction  à  S.  M.  sur 
quoy  que  ce  soit. . .  L'ambassadeur  a  icy 


donné  advis  de  la  maladie  du  roy,  que 
S.  M.  rcstoildans  une  grande  mélancolie, 
et  dans  une  extresme  confusion ,  on  m'as- 
seure  que  ce  sont  ses  mesmcs  mots;  il  ne 
fault  pas  doubter  s'ils  sont  participez  aux 
ennemys,  et,  quoyqu'il  ne  soit  pas  véri- 
table, cela  ne  laisse  pas  de  préjudicier 
grandement  au  service  du  roy  par  toute 
l'Italie,  l'ndvis  venant  de  sa  main.  Il  y  a 
quelque  apparence  que  ce  soil  de  là,  et 
des  espions  qu'il  a  auprès  de  luy,  que  les 
ennemys  ont  esté  et  sont  .sy  bien  informez 
du  lemps  que  nos  trouppes  pouvoient  ar- 
river en  Piedmont  et  de  Testât  des  affaires 
de  France.  •  (Lelt.  du  10  mai  iBSg.  Arch. 
des  Aff.  étr.  Gênes,  t.  a,  fol.  449- ) 


564  LETTRES 

relies  interminables  '.  L'embarras  de  la  république  était  grand;  elle  était  amie  des 
Espagnols,  et  voulait  les  servir;  elle  était  sous  la  main  de  la  France  et  la  redou- 
tait; sans  être  amie,  elle  craignait  de  devenir  ennemie  déclarée.  La  France,  de 
son  côté,  préférait  encore  cette  paix  équivoque  à  la  guerre,  qui  eût  créé  un  obs- 
tacle de  plus  à  nos  rapports  avec  l'Italie. 

Vers  le  temps  où  se  produisit  l'incident  de  la  galère  espagnole,  des  difficultés 
d'étiquette  et  de  cérémonial  eurent  lieu  à  l'occasion  du  passage  à  Gênes  de  M.  du 
Hou.ssay  allant  à  l'ambassade  de  Venise^. 

L'année  suivante ,  il  fallut  des  négociations  pour  que  l'escadre  française,  com- 
mandée par  le  comte  d'Harcourt,  fût  reçue  dans  les  ports  de  la  république;  mais 
l'entrée  du  port  de  Gênes  lui  fut  interdite.  Nous  avons  une  lettre  écrite  à  ce  sujet 
par  le  doge  à  Louis XIII  :  .  Li  porli  délie  nostre  rivière  che  sogliono  essere  aperli 
agli  amici  di  questa  republica  saranno  liberi  patenti  all'armata  navale  délia  V.  M. 
Quando  il  sig.  conte  d'Arcourt...  risolva  d'havere  in  essi  l'ingresso  eccettuandone 
il  porto  di  Genova  nel  quale,  per  le  nostre  leggi,  li  vascelli  con  infanteria  non 
sono  amessi.  »  Le  doge  s'excuse  ensuite,  sur  la  stérilité  du  pays,  de  ce  qu'on  ne 
peut  fournir  à  la  flotte  française  les  rafraîchissements  dont  elle  pourrait  avoir 
besoin. 

La  lettre  est  datée  du  i3  septembre  i638  (manuscrit  précité,  fol.  355),  et  nous 
y  remarquons  un  remercîment  pour  une  lettre  du  roi  du  3  mai,  où  l'on  voit  la 
rareté  et  le  mauvais  vouloir  des  relations  entre  les  deux  cours. 

Toute  cette  année  i638  se  passa  en  défiances  et  en  chicanes  diplomatiques. 
Nos  manuscrits  conservent  une  lettre  autographe  de  l'ambassadeur,  comte  de 
Sabran,  adressée  à  Cbavigni,  où  nous  lisons  :  «Il  est  très-important  que  je  vous 
entretienne,  et  mesme  S.  Em.  s'il  m'est  possible,  sur  ce  qui  se  passe  entre  la 
seigneurie  de  Gennes  et  M.  le  C'°  de  HarcourI,  vous  asseurant  que  c'est  un 
grand  démeslé  où  le  délay  est  de  grand  péril,  l'armée  navale  en  Testât  qu'elle  est 
y  périclitant  par  deux  raisons,  si  les  ordres  du  roy  ne  sont  diligemment  envoyés 
à  Gennes.  »  (Fol.  383.) 

Sous  la  pression  de  la  France,  Gênes  semblait  parfois  se  prêter  à  une  meil- 
leure entente  et  désirer  des  relations  plus  intimes,  mais  c'était  une  feinte  à  la- 
quelle Richelieu  ne  se  laissait  pas  prendre.  Un  mémoire  de  M.  de  Sabran  disait  : 
•  La  seignerie  de  Gennes  estoit,  lorsque  je  partis,  au  mois  de  jan\ier,  dans  des 
ressentimens  toujours  plus  grands  contre  l'Espagne  et  dans  une  disposition  en- 
tière vers  la  France mais  depuis,  le  marquis  de  Leganez,  don  Francisco  de 

'  t  Mémoire    concernant    une   gallère  "  Mémoire  sur  la  réception  de  M.  du 

prise  par  M'  le  comte  d'Harcourt.»  (Ma-  Houssay  à  Gênes.  (Manuscrit  précité, 
nuscrit  précité,  fol.  829.)  fol.  325.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


565 


Melos  et  le  cotnle  de  Monterey,  y  ont  obtenu ,  pour  les  galères  d'Espagne,  la  pra- 
tique des  ports,  etc.  »  (Fol.  385.) 

Nous  avons  une  autre  pièce  sans  date,  mais  composée  un  peu  plus  tard^  où  se 
trouvent  à  mi-marge  les  prétentions  de  Gênes  et  les  observations  de  l'ambassa- 
deur de  France;  et  enfin  un  mémoire,  écrit  sans  doute  sous  l'inspiration  de  Ri- 
chelieu, dont  la  minute  est  de  la  main  de  Chavigni,  et  où  sont  résumées  les 
•  conditions  au  moyen  des  quelles  l'accommodement  de  la  république  de  Gennes 
avec  le  roy  se  pourroit  faire.  »  (Fol.  428.)  Toutes  ces  pièces,  qui  ne  portent  point 
de  date,  appartiennent  à  l'année  i638. 

L'année  suivante  on  en  était  encore  au  même  point,  ainsi  que  le  prouve  un 
mémoire  de  la  main  de  l'ambassadeur,  comte  de  Sabran ,  conservé  dans  notre 
manuscrit,  fol.  444,  et  daté  du  26  février  1689,  sous  ce  litre  :  Esclaircissement 
des  moyens  que  l'on  peut  tenir  sur  les  desseins  et  affaires  de  Gennes,  pour  S.  Em. 
par  le  s'  de  Sabran. 

Un  incident  nouveau  vint  compliquer  encore  une  situation  déjà  fort  embar- 
rassée :  «  Deux  galères  de  Gennes,  après  cinq  heures  de  combat  ont. pris,  es  ma- 
rines des  Espagnols,  le  capitaine  Térisse,  qui  avoil  l'estendart  de  France,  et  sa 
barque  armée  en  guerre  avec  patente  de  S.  Em.  Il  a  esté  conduit  dans  le  port 
de  Gennes,  et,  nonobstant  les  instances  du  s' Bidaud,  secrétaire*,  mis  à  la  cadene 
avec  45  mariniers  ou  soldais.  »  C'est  ce  que  nous  apprend  un  mémoire  que  nous 
trouvons  au  folio  446  do  noire  manuscrit  et  au  dos  duquel  on  lit  :  <■  Advis  de 
Gennes  du  1"  mars  1639^.  • 

Cependant  on  ne  voulait  pas  interrompre  toute  relation  avec  la  république, 
el  dans  ce  même  temps  on  s'occupait  d'établir  un  consulat  de  France  à  Gênes*; 
et  l'on  décidait  qu'en  l'absence  de  l'ambassadeur  le  secrétaire  Bidaud  resterait 
chargé  des  affaires  de  l'ambassade. 

Ce  secrétaire  écrivait  le  24  mai  à  Chavigni,  qui  était  alors  en  Italie,  et  avec 


'  «  Ce  que  M'I'ambassadeui'  de  Gennes 
prétend  en  faveur  des  Génois  pour  estre 
restitué,  etc.  »  (Manuscr. précité,  fol. 394.) 

'  Il  prenait  le  lilre  de  «conseiller  du 
roy,  secrétaire  résident  pour  S.  M.  consul 
général  de  la  nation  françoise  dans  la  cité 
et  Estais  (le  la  république  de  Gennes.  i 
(Arch.  des  AIT.  élr.  Gênes,  l.  3,  fol.   i4) 

'  Celle  pièce,  sans  signature,  est  de  la 
main  du  comte  de  Sabran ,  qui  sans  doute 
écrivait  des  nouvelles  que  lui-même  avait 


reloues  ,  car  nous  venons  de  voir  qu'il  avait 
qin'tlé  Gênes;  et,  en  effet,  s'il  y  eût  été,  ce 
n'est  pas  le  secrétaire  de  la  légation  qui 
fût  intervenu  dans  celle  grave  circons- 
tance. 

*  Les  lettres  patentes  du  i4  février 
1639,  avec  le  mandement  du  cardinal  de 
Richelieu,  comme  grand  maître  et  surin- 
tendant de  la  navigalion  et  du  commerce, 
datées  du  19  avril,  sont  conservées  dans 
notre  manuscrit,  fol.  447. 


566  LETTRES 

lequel  il  avait  ordre  de  correspondre  :  «  Les  galères  Doria  se  préparent  en  dili- 
gence, on  dit  pour  Espagne. ..  je croy  que  c'est  pour  Nisse  et  Viilefranche,  où  les 
Espagnols  font  courir  le  bruit  que  Madame  ira  en  personne,  dès  que  l'armée 
navale  du  roy  sera  à  la  mer.  »  (Fol.  456.) 

Cependant  la  république  sembla  de  nouveau  vouloir  donner  quelque  satisfac- 
tion à  la  France;  une  promesse  à  ce  sujet  avait  été  faite  à  Gènes  au  comte  d'Har- 
courf,  et  l'ambassadeur  Saluzzo  avait  eu  ordre  de  porter  à  Paris  de  bonnes  pa 
rôles.  Richelieu  se  bâta  de  faire  répondre  : 

«  Le  roy,  aiant  veu  le  mémoire  de  M' l'ambassadeur  de  Gênes,  a  jugé  à  propos 
que  M'  Bouthillier  et  M'  Fouquet  eussent  une  conférence  avec  Iny  pour  luy  dire 
que  S.  M.  a  esté  bien  aise  d'apprendre  que  cette  république  eust  commencé  à 
luy  donner  satisfaction  en  deslivrant  le  capitaine  Térisse,  sa  barque,  ses  gens  et 
ses  marchandises,  et  en  ayant  faict  condamner  ceux  qui  s'estoient  trouvés  cou- 
pables d'avoir  aydé  aux  Espagnols  à  reprendre  leur  barque  patronne  en  Arassi; 
qu'elle  ne  doute  pas  que  la  république  ne  continue  à  la  satisfaire  sur  les  autres 
choses  donttlle  luy  a  faict  faire  des  plaintes  avec  tant  de  justice  et  de  raison,  et 
particulièrement  sur  le  sujet  de  la  d.  galère  patronne  d'Espagne,  suivant  la  pro- 
messe qu'elle  en  fit  à  M''  le  comte  d'Harcourt;  que  S.  M.  verra  volontiers  le  d.  am- 
bassadeur lorsqu'elle  sera  de  retour  à  Saint-Germain,  s'asseurant  qu'en  ce  temps-là 
la  d.  république  aura  achevé  de  donner  ordre  à  tout  ce  que  S.  M.  luy  a  tesmoigné 
désirer  d'elle (Fol.  491.) 

Celte  pièce,  datée  du  11  juillet  lôSg,  signée  de  Chavigni,  qui  se  trouve  en  ori- 
(jiiial  dans  les  papiers  de  Richelieu,  n'a-t-elle  donc  pas  été  envoyée  à  l'ambassa- 
deur de  Gênes?  Atoii  su,  avant  l'expédition  de  la  lettre,  que  les  promesses  faites 
au  comte  d'Harcourt  n'avaient  pas  été  exécutées  comme,  en  effet,  elles  ne  le  fu- 
rent pas,  ainsi  que  nous  l'apprend  un  mémoire ,  daté  du  1 1  août,  un  mois  après 
l'autre.  La  minute  de  ce  mémoire  du  \  1  août,  écrite  de  la  main  de  Chavigni,  si 
elle  n'a  pas  été  dictée  par  Richelieu,  est  bien  évidemment  l'expression  de  sa 
pensée  : 

«  M.  le  comte  d'Harcourt  sçaura  que  l'ambassadeur  de  Gennes  estant  venu  en 
diligence  pour  se  plaindre  à  Monseig'  le  cardinal,  et,  par  luy,  au  roy,  de  la  dé- 
tention de  la  gallère  de  la  république  qu'a  faicle  ledict  s'  Comte,  S.  Em.  luy  a 
respondu  que  S.  M.  estoit  bien  faschée  de  n'avoir  pas  lieu  de  blasmer  l'action  de 
M'  le  comte  d'Harcourt...  ledict  comte  avoit  mandé  à  S.  M.  qu'il  avoit  recognu 
ne  pouvoir  espérer  aucune  raison  de  l'offense  qui  avoit  esté  faicte  au  roy  l'année 
passée  par  la  délivrance  que  la  république  avoit  faicte  aux  Espagnols  de  la  gallère 
qui  leur  avoit  esté  prise  par  la  France;  ny  de  l'injure  particulière  qu'il  avoit  re- 
ceue  de  la  république,  en  ce  qu'elle  n'avoit  pas  exécutté  ce  qu'elle  luy  avoit 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  567 

promis  par  escrit,  faisant  recevoir  à  S.  M.  la  juste  satisfaction  qu'ils  luy  deb- 
voient^.  »  On  avertissait  en  même  temps  le  comte  d'Harcourt  qu'on  avait  eu 
nouvelle  que  les  Génois  avaient  saisi  plusieurs  barques  françaises;  et  on  lui  re- 
commandait, si  la  nouvelle  était  vérifiée,  de  n'oublier  rien  pour  tirer  raison 
d'une  telle  offense;  mais,  si  la  nouvelle  n'est  pas  vraie,  et  si  les  Génois  consentent 
à  se  conduire  •  avec  le  respect  qu'ils  doivent  au  roy,  »  le  comte  d'Harcourt 
prendra  grand  soin  de  ne  rien  faire  qui  puisse  apporter  plus  d'aigreur  et  accroître 
la  mauvaise  iutelligence.  Il  semble  au  reste  qu'on  ne  jugeait  pas  inutile  de  con- 
seiller au  comte  la  circonspection,  car  l'instruction  ajoute  :  «  M''  le  comte  d'Har- 
court demeurera  ponctuellement  dans  les  termes  de  celle  response.  » 

Nous  indiquerons  encore  ici  plusieurs  pièces  relatives  aux  dispositions  des 
Génois  à  un  accommodement,  contenant  des  propositions  pour  régler  les  litiges, 
et  la  demande  faite  à  l'ambassadeur  d'une  promesse  :  «  Déclarant,  au  nom  de  la 
république,  que  toutes  autres  demandes  pour  le  passé  cesseront,  et  qu'il  est  sa- 
tisfait de  ce  que  S.  M.  luy  a  accordé.  » 

Parmi  les  litiges  était  une  affaire  de  renies  saisies,  dont  les  Génois  deman- 
daient la  restitution;  réclamation  mal  fondée,  au  sujet  de  laquelle  Richelieu  fit 
ajouter  aux  instructions  ce  paragraphe  :  «  Il  faul  dire  à  l'ambassadeur  de  Gennes  -«p 
que,  quand  les  autres  afiaires  auront  esté  décidées  dans  les  quelles  il  y  a  quelque 
espèce  de  justice,  on  pensera  à  celle-ci,  qui  est  de  pure  grâce.  Et  qu'au  cas  qu'en 
ce  temps  il  se  trouve  des  Gennois  qui  se  veulent  embarquer  dans  les  affaires  de  la  > 

France,  on  leur  donnera  contentement  2.  » 

Mais,  malgré  toutes  les  réclamations  d'une  part,  toutes  les  promesses  de 
l'autre,  on  n'obtint  aucune  satisfaction.  Richelieu  prit  enfin  à  l'égard  de  l'am- 
bassadeur génois  des  mesures  qui  témoignaient  du  mécontentement  de  la  France. 
Nous  trouvons  aux  archives  des  Affaires  étrangères  un  mémoire  sans  date,  classé 
en  1689 ,  et  qui  a  dû  être  écrit  dans  les  circonstances  que  nous  venons  d'exposer. 
Il  nous  semble  que  l'on  peut  le  placer  vers  le  commencement  d'octobre  de  ladite 
année. 

Comme  c'est  la  preinière  fois  que  le  nom  de  la  république  de  Gênes  parait 
dans  celle  correspondance,  nous  avons  pensé  qu'il  convenait  de  présenter  ici 
un  résumé  de  la  situation  des  relations  de  la  France  et  de  Gênes  à  ce  moment. 

'  Manuscrit  précité,  fol.  496.  sont  classées  «n    lôSg,  la  troisième   en 

'  Ces  diverses  pièces, de  la  main  des  se-  i64o.  (Affaires  étrangères.  Gênes,  t.  a, 

crélairesdeCliavigni,  ne  sont  point  datées;  fol.  i36  et  /»38;  et  t.  3,  fol.  liiliS.)  Au 

la  plus  importante  se  trouve  dans  nos  ma-  dos  des  pièces  classées  dans  ce  3*  vol.  le 

nuscrits  en  minute  (t.  a,  fol.  435)  avec  la  secrétaire  a  mis  celte  note  :  «tous  ces 

mise  au   iiel  rn  triple  expédition;  deux  écrits  n'ont  point  servv.  > 


568  LETTRES 


CCLXXXVI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Gênes,  t.  a,  fol.  5 18.  —  Mise  au  net. 

A  M.  DE  CHAVIGNY, 

POUR  PARLER  X  L'AMBASSADEUR  DE  GENNES. 

[Vers  ie  commencement  d'octobre  iCSg.] 

Le  roy  ayant  veu  que  les  avertissemens  et  niesme  les  prières  dont 
il  a  usé  jusques  à  présent  pour  tirer  raison  des  injures  qu'il  a  re- 
ceues  depuis  quelque  temps  de  la  république  de  Gennes  ont  esté  du 
tout  inutiles, 

S.  M.  a  creu  qu'il  ne  luy  restoit  autre  inoyen  pour  parvenir  à  une 
fin  ey  juste  et  sy  raisonnable  que  de  faire  déclarer  à  l'ambassadeur 
qu'elle  prend  l'action  comise  en  la  pei'sonne  du  capitaine  Térisse  pour 
jfc  rupture,  si  on  ne  luy  en  faict  prompte  raison,  par  la  deslivrance  du 
d.  cappitaine  Térisse,  de  ses  compagnons  et  de  son  vaisseau,  et  par 
le  chastiment  de  ceux  qui  commandoient  les  deux  gallères  de  la  sei- 
gneurie qui  l'ont  pris. 

Et,  parce  que  le  procédé  de  la  d.  république  a  tout  à  faict  violé 
le  respect  qu'elle  doit  à  cette  couronne,  S.  M.  est  bien  fascbée  de  ne 
pouvoir  s'cmpescher  de  faire  savoir  ensuite  au  d.  ambassadeur  (qu'elle 
croit  en  son  particulier  avoir  de  bonnes  intentions),  qu'elle  désire 
qu'il  demeure  en  son  logis  luy  et  les  siens,  jusques  à  ce  que  S.  d.  M. 
ayt  receu  la  satisfaction  qu'elle  doit  attendre. 

Cependant  pour  tesmoigner  comme  S.  M.  veut  user  de  bonié  en 
cette  occasion,  et  pluslost  donner  lieu  à  la  république  de  recognoistre 
sa  faute  que  de  prendre  celuy  de  s'en  venger,  elle  laisse  au  choix  du 
d.  ambassadeur  de  faire  cognoistre  au  public,  ou  tenir  cacbp,  le 
désir  que  le  roy  a  qu'il  demeure  dans  la  maison  jusques  à  ce  qu'il 
ayt  eu  response  de  sa  république,  S.  M.  estant  très-contente  de  dis- 
simuler son  ressentiment  jusques  en  ce  temps  auquel,  si  elle  i-eçoit 
contentement  de  la  république,  il  ne  sera  point  parlé  de  la  prière 
qu'elle  luy  faict  de  garder  le  logis,  et  elle  vivra  à  l'avenir  avec  elle 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  569 

comme  elle  a  faict  auparavant.  Sinon  elle  sera  bien  ayse  que  tout  le 
nionde  sache  que  sa  conduilte  irrespectueuse  en  son  endroit  l'a  con- 
trainct  d'agir  corne  elle  a  faict  avec  son  ambassadeiu-  ^. 

Si  la  santé  de  M'  de  Chavigny  ne  luy  permet  pas  de  voir  le  d.  am- 
bassadeur il  y  envoiera  M'  de  La  Barde  pour  luy  faire  cette  signifi- 
cation, avec  toutes  les  civililez  qu'il  luy  sera  possible,  et  en  le  con- 
viant avec  instance  de  faire  donner  satisfaction  à  S.  M.  Je  ne  veoy 
pas  mesme  qu'il  y  ayt  difTicullé  à  laisser  une  coppie  de  ce  papier  au 
d.  ambassadeur  jusques  à  la  marque  suivante  :  È 

Si  le  d.  ambassadeur  veut  que  ce  qui  se  passe  soit  dissimulé  jus- 
ques à  ce  qu'il  ayt  peu  sçavoir  de  sa  république  si  elle  veut  donner 
satisfaction  au  roy,  il  en  demeurera  d'accord  avec  celuy  qui  luy  par- 
lera, afin  que  sur  ce  fondement  on  agisse  conformément  de  deçà,  ne 
donnant  point  à  cognoistre  la  résolution  du  roy. 


Sans  doute  Richelieu  n'attendait  pas  un  résultat  bien  satisfaisant  de  ces  me- 
sures extrêmes  dont  la  sévérité  était  à  peine  tempérée  par  les  ménagements  du 
langage.  11  préparait  en  secret  des  moyens  plus  efficaces  pour  réprimer  les  in- 
sultes de  la  république  et  mettre  la  France  à  l'abri  de  ses  fourdes  attaques.  Il 
semble  qu'on  peut  placer  à  ce  moment  une  pièce  diplomatique  qui  ne  porte  ni 
date,  ni  suscription,  mais  qui  est  évidemment  une  instruction  donnée  par  Ri- 
chelieu au  secrétaire  d'état  des  Affaires  étrangères  sur  la  conduite  à  tenir  à  l'égard 
de  Gènes;  elle  est  écrite  de  la  main  de  Cherré,  et  on  l'a  mise,  dans  un  nouveau 
classement,  en  l'année  lôSg.  Nous  la  donnons  immédiatement  après  la  présente 
lettre  de  Richelieu  à  Chavigni,  faute  de  pouvoir  lui  assigner  une  date  rigoureu- 
sement exacte. 


CCLXXXVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  1689,  t.  19,  fol.  33.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI.] 

Vers  le  commencement  d'octobre  lôSg. 

Tenir  la  résolution  de  prendre  sur  les  Génois,  par  mer,  tout  ce 

CARDIN.  DE  BICIIEI.IED.  VI.  72 


570  LETTRES 

qui  se  pourra,  si  secrette  qu'il  n'y  ait  personne  qui  en  ail  cognois- 
sance  que  ceux  qui  seront  chargez  de  l'exécution  des  ordres  du  roy 
sur  ce  sujet,  afin  de  surprendre  la  république. 

Faire  cognoistre  à  son  ambassadeur  que  la  seigneurie,  rendant  sa 
conduitte  moins  partiale  et  plus  respectueuse  envers  la  France,  trou- 
vera en  elle  tousjours  beaucoup  de  disposition  en  sa  faveur,  et  qu'on 
se  promet  de  luy  qu'il  persuadera  la  seigneurie  à  donner  satisfaction 
à  la  France  sur  tous  les  sujets  de  plaintes  qu'elle  faict  contre  eux. 

Demander  à  l'ambassadeur  pourquoy  il  a  escrit  à  la  seigneurie  que 
le  roy  estoit  satisfaict  de  sa  procédure  touchant  la  gallère  patrone 
d'Espagne,  et  que  S.  M.  feroit  réprimande  à  M''  le  comte  de  Har- 
court. 

Lorsque  les  Génois  se  plaindront  des  courses  et  prises  que  la 
France  fera  sur  eux,  l'on  leur  pourra  dire  que  le  roy  a  esté  averty 
que  les  sujets  d'Espagne  ne  trafliquentque  sous  leur  nom  et  banière, 
et  renvoyer  à  la  cour  les  plaintes  qui  en  seront  faictes  en  Provence, 
et  de  la  cour  aux  officiers  de  la  marine. 

Laisser  à  Gênes  le  secrétaire  qui  y  est,  afin  qu'il  paroisse  que  la 
France  n'a  nul  dessein  de  rompre  avec  eux. 

Le  d.  secrétaire  y  sera  nécessaire  pour  asseurer  la  liberté  des 
courriers. 

Que  tout  ce  que  l'ambassadeur  de  Gênes  promettra  et  mesme  sur 
le  sujet  particulier  de  la  résidence,  qu'il  n'aura  pas  escrit  et  signé  de 
la  part  de  la  seigneurie  sera  inutile. 

Que  comme  il  n'y  a  pas  de  François  accommodez  dans  Gênes,  il 
n'y  a  pas  non  plus  de  Génois  en  France  qui  ayent  beaucoup  de  biens, 
dont  on  puisse  faire  représaille  s'ils  venoient  à  maltraicter  les  Fran- 
çois. 

Qu'il  faut  voir  la  conduitte  et  la  contenance  des  Génois  sur  ce  sujet 
auparavant  que  de  rien  faire,  y  ayant  aparence  qu'ayant  plus  à  perdre 
que  les  François,  ils  ne  commenceront  pas. 

Les  gallères  et  brigantins  que  l'on  veut  employer  contre  les  Gé- 
nois, et  pour  surprendre  celles  qui  apportent  l'argent  et  les  dépes- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  571 

ches  d'Espagne,  doivent  faire  leurs  courses  en  haute  mer  vers  la 
Corse. 

Leur  retraitte  pour  estre  bonne  et  seure,  et  estre  toujours  en  estât 
de  faire  courses,  doit  estre  vers  nos  isles  et  Villefranca,  Monaco  se 
trouvant  entre  deux. 

Il  sera  à  propos  d'aller  au-dessous  de  Gênes  commencer  les  courses 
par  la  haute  mer,  vers  la  Corse ,  parce  que  vers  la  rivière  de  Levant 
on  aura  bien  moins  de  desfiance  de  nous. 

Il  faudra  que  nos  d.  gallères  s'informent  soigneusement  où  seront 
celles  d'Espagne  et  de  Gênes,  et  combien  elles  seront,  etc. 

Un  tel  procédé  obligera  les  Génois  à  satisfaire  le  roy  sur  tous  les 
sujets  de  plaintes  qu'il  faict  contre  eux,  et  à  modérer  leur  paitia- 
Hté,  etc. 

Que  les  Provençaux  et  les  Languedociens  ont  trop  d'habitudes 
et  de  communication  avec  le  prince  de  Monaco  et  avec  Louan  ^ 


On  songea,  à  ia  fin  de  l'année  lôSg,  à  remplacer  le  comle  de  Sabran ,  lequel , 
comme  on  l'a  vu,  avait  quitté  l'ambassade  de  Gênes,  laissant  le  secrétaire  Bi- 
daud  chargé  des  affaires  de  la  France.  Le  commandeur  de  Vireviiie  fut  choisi,  et 
nous  avons  trouvé  aux  archives  des  Affaires  étrangères  un  projet  d'instruction  où 
l'état  des  relations  entre  les  deux  États  est  exposé  en  détail.  (Tom.  2,  de  Gênes, 
fol.  5 10-517.)  La  pièce  est  une  mise  au  net  de  la  main  d'un  commis  deChavigni , 
et  la  pièce  elle-même  doit  être  l'oeuvre  de  ce  secrétaire  d'État.  La  date  manque . 
mais  une  note  du  commandeur  de  Vireviiie  (fol.  620  dumèmemanuscr.)  dit  qu'il 
•  entra  dans  l'emploi  en  novembre  et  décembre  1639.»  Il  semble  cependant 
qu'il  ne  l'a  jamais  exercé;  nous  ne  voyons,  dans  le  volume  de  Gênes  qui  se  rap- 
porte aux  années  i64o-i642,  aucun  indice  de  la  présence  de  ce  diplomate  à  la 
légation  de  France  à  Gênes;  nous  trouvons  au  contraire  que  c'est  le  secrétaire 
Bidaud  qui  continue  d'écrire  à  Chavigni.  Les  relations  entre  les  deux  pays  ne 
s'amélioraient  pas,  la  malveillance  ne  cesse  de  se  produire  dans  de  sourdes  prati- 
ques, et  l'on  était  toujours  sur  le  point  de  rompre  ouvertement.  Nous  trouvons, 
à  la  date  du  12  août  i64i.  une  lettre  d'un  commandant  de  marine,  le  sieur 
Baumes,  qui  entrelient  Mazarin  d'une  entreprise  sur  Gênes  projetée  par  l'escadre 

*  Lovano  ou  Loano,  petit  port  près  de  Final. 

7a. 


572 


LETTRES 


française,  entreprise  qui  ne  fut  pas  exécutée.  «  Si  l'on  estoit  résolu  de  rompre,  dit 
Beaumes,  il  n'en  faudroit  descouvrir  le  dessein  que  par  quelque  coup  d'impor- 
tance... »  (Tom.  3,  fol.  7^.)  Enfin,  en  16A2,  M.  d'Amontot  fut  envoyé  à  Gênes, 
et  sans  doute  en  qualité  d'ambassadeur;  mais  nous  ne  trouvons  ni  lettre  de 
créance  ni  instruction.  Toutefois  nous  voyons  qu'il  écrit  à  Mazarin  (alors  auprès 
de  Richelieu)  de  Lyon,  le  12  janvier,  et  d'Aix  le  21;  dans  cette  dernière  lettre 
nous  lisons  :  «  Le  cardinal  Bichi  a  passé  icy,  il  m'a  fort  parlé  des  affaires  de 
Gènes,  et  de  la  conduite  que  j'y  dois  tenir,  conformément  à  ce  que  V.  Ém.  m'a 
faict  l'honneur  de  me  prescrire.  »  Une  autre  lettre,  du  17  février,  est  datée  de 
Gênes,  d'où  M.  d'Amontot  continue  de  correspondre  avec  Mazarin.  Du  reste, 
pendant  ces  trois  dernières  années,  nous  n'avons,  dans  les  papiers  de  Gênes 
aux  Affaires  étrangères,  aucune  pièce  signée  de  Richelieu,  ou  qu'on  puisse  lui 
attribuer. 


CCLXXXVIIl. 

Arch.  de  Condé.  —  Original.  —  Communication  de  M^  le  duc  d'Aumale. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  i45,  fol.  3.38  v".  —  Copie'.  — 

Saint-GermainHarlay,  346,  l.  1,  fol.  338  v°.  — Copie. 

A  M.  LE  PRINCE. 

6  octol)re  1689. 

Vos  lettres  m'ont  extresmemenl  resjouy  en  représentant  le  bon  estât 
du  siégo  de  Salces^  et  la  confiance  que  vous  avés  que  les  ennemis 


'  Faite  sur  une  «  minule  de  !a  main  de 
Chirurgien,  en  partie;  en  partie,  de  celle 
de  Clierré;  corrigée  de  la  main  du  car- 
dinal. »  (Note  des  deux  roanuscriis  de  la 
bibliothèque.  ) 

*  Un  courrier  envoyé  par  M.  le  Prince 
au  secrétaire  d'Élat  de  la  guerre  avait  ap- 
porté la  nouvelle  que  Salces  était  assiégée; 
le  cardinal  se  hâta  d'écrire  au  Prince  : 
«Je  vous  supplie  de  faire  tout  ce  qui  se 
pourra  au  monde  pour  empescher  que 
les  ennemis  ne  viennent  à  bout  de  leur 
dessein ,  et  pour  leur  faire  recevoir  un 
pareil  traitement  devant  Salces  que  nous 
en   receusmes   l'année    dernière    devant 


Fontarabie.  Je  le  souhaitte  avec  une  ex- 
tresme  passion,  et  pour  la  réputation  des 
armes  du  roy  et  pour  la  vostre,  qui  me 
sera  lou.sjours  aussy  chère  qu'à  vous- 
mesme.  »  Celte  lettre  était  du  a 4  septem- 
bre. Le  28  Richelieu  écrit  de  nouveau  : 
«  Il  importe  tellement  à  la  réputation  des 
armes  du  roy  et  au  bien  général  des  af- 
faires de  S.  M.  de  conserver  Salces, qu'en- 
core que  je  vous  aye  desjà  conjuré  par 
Houdinière  de  presser  autant  que  vous 
pourrés  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  le 
secours  de  cette  place,  je  ne  laisse  pas 
néantmoins  de  reprendre  encore  la  plume 
à  cette  fin »  Le  29  nouvelle  lettre, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  573 

seront  deffaits  ou  réduits  à  s'enfuir'.  J'attends  cet  événement  de  la 
bénédiction  de  Dieu ,  de  vostre  diligence  et  de  vostre  zèle  au  service 


nouveaux  encouragemcnls  :  «  Je  me  pro- 
mets ce  bon  événement  (la  défaite  des  en- 
nemis) de  voslre  bonne  conduitte ,  de  vostre 
courage  et  de  ceux  qui  servent  sous  vostre 
authorilé...  la  place  estant  munie  comme 
elle  est  de  toutes  choses  et  de  gens  de 
guerre,  et  estant  commandés  par  un  sy 
brave  homme  comme  est  M.  d'Espenan  ; 
vous  aurés  lieu  de  ramasser  toutes  les 
communes  de  Languedoc  et  de  Guyenne; 
et  les  ennemis  ne  pourront  tenir  leur  ca- 
valerie avec  leur  infanterie  à  cause  que  le 
pays  a  esté  mangé  par  les  armées  du  roy . . . 
Je  vous  conjure,  Mons',  de  resveiller  toutes 
vos  dilligences  pour  promptement  mettre 
les  choses  en  estât  de  faire  quitter  prise 
aux  Espagnols.»  Enfin,  le  3  octobre,  Ri- 
chelieu mandait  encore  :  «  Je  vous  conjure 
de  continuer  à  faire  ce  que  vous  avez  sy 
bien  commencé  pour  la  gloire  du  roy  et 
l'avantage  de  son  service.  Aînsy  j'espère 
que  tout  ira  bien  et  que  vous  aurés  l'iion- 
n€ur  d'avoir  défait  les  ennemis,  ce  que  je 
feray  valoir  auprès  du  roy  autant  que  vous 

le  devés  attendre >  Ces  lettres  seront 

mentionnées  aux  Analyses  à  la  date  des 
34.  28,  ag  septembre,  et  3  octobre. 

'  Salces  avait  été  prise  le  29  juillet  par 
le  prince  de  Condé.  (Voy.  aux  Anal,  une 
lettre  du  1 2  août.  )  Le  Prince  en  s'éloignant 
laissa  le  soin  de  conserver  cette  conquête 
au  maréchal  de  Schomberg.  Celui-ci  ren- 
força la  garnison  sans  la  fournir  suffisam- 
ment de  vivres.  Les  Espagnols  résolurent 
de  reprendre  Salces  et  vinrent  l'assiéger  à 
leur  tour  le  ao  septembre.  Tout  le  monde 
se  mit  à  l'œuvre  en  Languedoc  pour  courir 
au  secours  :  les  seigneurs  amenaient  les 


soldats  qu'ils  avaient  recrutés;  les  gentils- 
hommes volontaires  accouraient  en  foule  ; 
et  l'on  vit  l'archevêque  de  Narbonne  et 
ses  suffragants  d'Alby,  de  Mende ,  de  Mont- 
pellier, de  Nîmes  et  de  Viviers  conduire 
eux-mêmes  les  contingents  de  leur  diocèse. 
Grâce  à  celte  vaillante  et  patriotique  ar- 
deur, l'armée  du  prince  de  Condé  s'éleva 
tout  à  coup  à  22,000  hommes  de  pied  et 
/i,ooo  chevaux.  Le  cardinal  le  félicitait, 
le  \k  octobre,  des  dispositions  qu'il  avait 
prises,  et  en  concevait  les  meilleures  espé- 
rances. (Aux  Analyses.)  Non  content  d'é- 
crire lettre  sur  lettre  à  M.  le  Prince,  Ri- 
chelieu excitait  encore  l'ardeur  de  ceux 
qui  pouvaient  le  seconder.  Le  28  sep- 
tembre, il  écrivait  au  maréchal  de  Schom- 
berg :  «  Il  importe  tellement  à  la  réputa- 
tion des  armes  de  S.  M.  et  au  bien  général 
de  .ses  affaires  de  sauver  cette  place ,  qu'il 
ne  faut  rien  oublier  de  tout  ce  qui  se  peut 
humainement  pour  parvenir  à  cette  fin. . . 
J'i-spère  que,  si  les  Espagnols  ont  assez 
d'audace  pour  attendre  l'armée  du  roy, 
ils  cognoislront  encore,  à  leur  honte,  ce 
que  vous  valés. . .  Faicles ,  au  nom  de  Dieu  , 
l'impossible  à  ce  que  les  Espagnols  reçoi- 
vent de  la  honte  en  leur  entreprise » 

(Cette  lettre  a  été  imprimée  et  mention  en 
sera  faite  aux  Analyses.)  Tout  le  monde 
était  rempli  d'une  espérance  que  le  car- 
dinal partageait.  C'est  dans  ce  sentiment 
qu'il  écrivit  la  présente  lettre;  mais  l'évé- 
nement démentit  cet  espoir  et  ces  pré- 
sages; l'armée  du  prince  de  Condé  fut  mis2 
en  déroute  devant  Salces  ,  \\  a  novembre, 
par  les  Espagnols  sous  la  conduite  deSpi- 
nola.  (Voy.  ci-après,  lettre  du  28  nov.) 


574  LETTRES 

du  roy,  et  vous  asseure,  Monsieur,  qu'arrivant,  je  m'en  resjouiray 
non-seulement  pour  les  intérests  publics,  mais  pour  le  vostre  parti- 
culier, qui  me  sera  tousjours  cher  comme  à  vous-mesme.  Je  vous 
advoue  que,  sans  l'apostile  que  vous  avés  mise  au  bas  de  vostre  lettre, 
par  laquelle  vous  me  mandés  que  le  comm'^  de  l'artillerie  met  de  l'eau 
dans  son  vin,  j'en  serois  bien  en  peine. 

Je  ne  sçay  quelles  sont  ses  intentions,  mais  sa  conduitte  mérite 
qu'on  y  prenne  garde  ;  il  m'escrivit  ces  jours  passez  qu'il  apréhen- 
doit  extresmement  d'estre  maltraicté  de  vous;  je  luy  fis  response,  à  ce 
que  j'apprens  par  ce  que  vous  m'avés  mandé,  telle  qu'il  estoit  néces- 
saire, luy  mandant  que  je  le  priois,  si  vous  luy  aviés  dit  quelque 
chose,  de  ne  prendre  pas  garde  aux  humeurs  que  ne  pouvoient 
esviter  ceux  qui  estoient  accablés  d'affaires  comme  vous\  et  que  je 
m'asseurois  qu'en  vous  allant  trouver,  il  en  recevroit  tout  bon  traic- 
tement.  Maintenant  que  vous  nous  faictes  voir  ce  qu'on  ne  voyoit  pas, 
il  faut  pourvoir  à  cette  affaire ,  selon  l'instruction  qui  vous  en  est  en- 
voyée de  la  part  du  roy^. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  SSg.  —  Copie,  — 
Saint-Germain-Harlay,  3^6,  t.  i,  fol.  SSg.  —  Copie. 

INSTRUCTION  A  M.  LE  PRINCE, 

SUR  LE  SUJET  DU  SIEUR  DE  S.41NT-AUNAIS». 

11  y  a  divers  expédiens  pour  prévenir  i'effect  des  mauvaises  inten- 

'  Richelieu  donnait  un  semblable  aver-  instruction    pour    le    prince    de  Condé, 

tissement   au   maréchal   de  Schombeig,  sans  date,  mais  qui  dut  accompagner  la 

dans  la  lettre  du  28  septembre  que  nous  lettre  du  6  octobre;  elle  ne  fut  pas  écrile 

citions  tout  à  l'heure  :  «Je  vous  prie  de  à  cette  date,  puisqu'il  y  est  dit  que  le  roi 

ne  point  prendre  garde  à  certaines  hu-  était  alors  à  Lyon,  et  Louis  XJII  avait 

meurs   promptes  de   M.   le  Prince,   qui  quitté  Lyon  le  19  septembre  pour  se  ren- 

n'est  pas  maistre  dans  une  armée  de  cer-  dreà  Grenoble,  d'où  il  n'était  retourné  à 

tains  mouvemens  dont  sa  constitution  na-  Lyon  que  le  1 3  octobre.  Au  reste  l'intérêt 

turelle  et  l'aflection  qu'il  a  au  service  du  de  celte   instruction  n'est  point  dans  la 

roy  sont  la  source.»  précision  de  la  date. 

'  Dans  l'un  et   l'autre  manuscrit,   le  ^  Saint-Aunais  était  neveu  du  maréchal 

feuillet  qui  suit  cetie  pièce  contient  une  de  Toiras!  ce  n'était  pas  une  recommaii- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  575 

tions  du  s'  de  S'  Aunais  :  Tun  est  que  le  roy  luy  donne  rescompensc 
de  gré  à  gré;  mais  ce  n'est  pas  une  affaire  à  lenter  tandis  qu'il  est 
dans  la  place,  avec  l'intention  que  M' le  Prince  a  représentée. 

L'autre  est  de  faire  en  sorte  qu'il  vienne  trouver  le  roy  pour  se 
justifier  du  mescontentement  qu'il  dict  que  M"^  le  Prince  a  eu  de  luy, 
et  que  le  père  entre  dans  la  place  avec  la  garnison  ordinaire,  tirant 
le  corps  du  régiment  pour  aller  à  l'armée  lorsqu'on  ira  attaquer  les 
ennemis,  et  si  cet  expédient  est  aggréé  par  M"^  le  Prince.  M' le  car- 
dinal luy  escrit  une  lettre  dont  il  envoyé  la  coppie,  afin  de  luy  donner 
lieu  d'aller  trouver  M"'  le  Prince  \  et  de  se  rendre  de  là  auprès  du 
roy,  à  Lion. 

On  peut  encores  se  servir  de  quelque  invention  de  le  faire  sortir 


dation  auprès  de  Richelieu,  qui  en  avait 
toujours  usé  à  l'égard  de  l'oncle  avec  plus 
de  passion  que  de  justice.  Au  reste  Sainl- 
Aunais  était,  à  ce  qu'il  paraît,  un  assez  peu 
digne  neveu  de  l'intègre  et  illustre  maré- 
chal ;  le  tome  45  des  Ciuqcents  Colbert  con- 
tient,  coiitrelui ,  diverses  accusations  (lettre 
de  La  Houdinière  à  Richelieu  du  a  i  mai , 
fol.  38i),  dont  il  ne  se  justiGe  pas  suffi- 
samment. Poussé  par  son  mauvais  naturel, 
ou  aigri  par  les  rigueurs  dont  il  était  l'ob- 
jet, il  linil  même  par  se  mettre  au  service 
de  l'Espagne.  Nous  lisons,  dans  la  Gazette 
de  1 84o ,  sous  la  rubrique  de  Leucate  :  «  Le 
37  aoust  dernier,  les  ennemis  parurent 
au  nombre  de  soixante  niaistres,  conduits 
parle  sieur  de  Saint-Aunais,  qui  vinrent 
jusques  au  bas  de  noslre  montagne  pour 
recourre  des  prisonniers,  que  le  sieur 
d'Espenan,  nostre  gouverneur,  envoyoit 
au  mareschal  de  Schombcrg.  »  {P.  65o.) 

'  Cette  copie  est  conservée  dans  les  ar- 
chives de  Coudé,  avec  cette  incription  : 
•  A  M' de  S'-Aulnaeis,  gouverneur  pour  le 
roy  à  Leucalte.  >  —  «Monsieur,  la  mau- 
vaise intelligence  en  laquelle  j'ay  appris 


que  vous  esles  avec  M.  le  Prince  faict  que, 
vous  aymanl  comme  je  fais,  je  vous  con- 
seille de  l'aller  trouver,  estant  très-asseuré 
que  vous  n'eu  recevres  point  de  mauvais 
Iraiclemenl.  J'estime  qu'ensuite  vous  devés 
venir  trouver  le  roy  à  Lyon ,  où  je  feray 
valoir  vostre  innocence,  comme  vous  le 
pouvés  désirer  d'une  personne  qui  est, 
Monsieur,  vostre  très-affectionné  à  vous 
rendre  service,  le  Gard,  de  Richelieu.» 
•  'Venant  trouver  le  roy,  vous  devés  prier 
M.  de  Barry,  vostre  père,  de  demeurer 
dans  Leucate.  »  Cette  lettre  est  datée  de 
Grenoble,  le  1"  octobre.  Le  3,  Richelieu 
écrivait  à  M.  le  Prince  :  •  M.  de  S'-Aunais 
apréhcnde  vostre  indignation;  je  l'ay  as- 
scuré  qu'en  se  gouvernant  comme  je  m'as- 
seure  qu'il  fera ,  vous  l'aymerés  comme  il 
le  peut  désirer.»  Et  le  i4:  "Je  suis  très- 
aysc  que  M.  de  S'  Aimais  se  soit  remis  en 
son  devoir,  et  qu'il  vous  ayt  esté  trouver 
pour  vous  tesmoigner  le  repentir  qu'il  a  de 
sa  faute.  •  (Aux  Analyses,  à  la  date  des  3  et 
1 4  oct.)  — Je  trouve  la  minute  d'une  lettre 
à  écrire  par  le  roi  à  M.  le  Prince,  datée 
du  5  octobre,  où  Louis  XIII  lui  enjoint 


576  LETTRES 

de  la  place  pour  venir  trouver  M'  le  Prince  ;  le  faire  arrester,  et  lors 
traicter  avec  luy  de  sa  récompense,  et  ne  le  laisser  point  aller  qu'il 
n'eust  faicl  remettre  la  place  devant.  Pour  cet  elFect,  si  M'  le  Prince 
juge  à  propos  de  se  servir  de  cet  expédient,  on  luy  envoyé  un  ordre 
pour  le  faire  arrester,  mais  il  se  souviendra  de  le  faire  garder  bien 
seurenient,  au  cas  qu'il  le  soit,  et,  lorsqu'il  sera  arresté,  s'il  ne  s'ac- 
comode  aussytost  avec  M"'  le  Prince,  il  le  doit  envoyer  dilligemment, 
avec  bonne  garde,  dans  la  citadelle  de  Montpellier,  retirant  promesse 
de  M'  de  Schomberg  d'en  respondre,  et  chargeant  le  s''  mar*'  de  le 
faire  enfermer  dans  une  chambre  bien  grillée,  dont  il  ne  sorte  poinct. 

A  toute  extrémité,  s'il  faict  le  mauvais  après  que  l'armée  des 
ennemis  aura  esté  deCfaite,  ou  se  sera  retirée  avec  honte,  comme  on 
l'espère,  il  faudra  l'investir  et  le  contraindre  de  remettre  la  place; 
mais  il  ne  faiit  user  de  cet  expédient  qu'à  toute  extresmité,  n'y  en 
ayant  point  d'autre  qu'il  ne  faille  tenter  premièrement  avec  jugement 
et  prudence  pour  le  tirer  de  là 

M' le  Prince  mande  que  garder  le  secret  c'est  chose  du  tout  néces- 
saire. Il  se  souviendra,  sur  ce  sujet,  qu'en  l'alFaire  qu'il  entrepristde 
M'  de  Rohan ,  il  fut  fort  mal  gardé. 

Il  est  de  sa  prudence  et  de  son  zèle  au  service  du  roy  de  bien  ter- 
miner cette  affaire,  et  on  l'en  conjure  afin  qu'on  n'ayt  point  cet  hyver 
aucune  espine  aux  pieds  en  ces  quartiers-là. 

Quant  à  Aupouls,  tant  plus  je  considère  les  difficultés  que  vous 
représentés  qu'il  y  a  à  y  faire  demeurer  les  garnisons,  plus  estimay- 
je  que  vous  le  devés  remettre  entre  les  mains  de  M''d'Aluyn,  pour 
qu'il  choisisse  un  gouverneur  de  la  fidélité  et  du  cœur  duquel  il 
puisse  respondre.  Et  il  est  besoin  que  cette  place  soittousjours  munie 
pour  trois  mois. 

de  se  saisir  secrètement  de  Saint-Aunais,  que  je  ne  luy  imputeray  point  les  fautes 

de  se  rendre  maîlre  de  la  place  dont  le  de  son  fils.  «  (Aff.  étr.  France,  1689,  sup- 

commandemenl  lui  était  confié,  >en  pro-  plément  fol.  Aoi.)  Mais  il  paraît,  d'après 

mettant  au  père  dudit  Saint-Aunais,  de  ma  les  dépêches  du  6  octobre,  que  ceileci. 

part,  la  récompense  du  gouvernement,  et  préparée  par  Chavigni,  ne  fut  pas  envoyée. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


577 


CCLXXXIX. 

Arch.  des  AIT.  élr.  Venise,  t.  62  (non  coté).  —  Mise  au  net. 
Bibl.  imp.  Fonds  Saint-Gerniain-Harlay,  347,  ^°^-  ^^^-  —  Copie. 

MÉMOIRE  AU  SIEUR  DU  HOUSSAY  ', 

COHSEILLER  OO   BOT  EN  SES  CONSEILS  ET  SON   AMBASSADEUR  k  VENISE. 

16'  octobre  lôSg. 

'  Led.  s'  ambassadeur  rendra  à  la  république  la  lettre  que  le  roy 
luy  escrit  en  créance  sur  luy,  et  fera  considérer  à  ces  Mes"  que  le  roy 
a  souslenu  les  affaires  puissanament  en  Italie  depuis  plusieurs  années, 
mesmes  au  plus  fort  des  guerres  qu'il  avoit  dans  ses  Eslats  contre  les 
hérétiques  el  factionnaires. 

Que  l'occupation  que  S.  M.  avoit  chez  soy  ne  l'a  pas  empeschée  de 
protéger  le  duc  de  Mantoue,  que  les  Espagnols  vouloient  opprimer, 


'  Nous  avons  vu  en  I §35  et  1 636  (t.  V, 
p.  377  et  964),  M.  du  Houssay,  intendant 
de»  vivres  de  l'armée,  chargé  de  faire  des 
approvisionnements  considérables  pour  la 
campagne  de  Lorraine.  En  1637,  il  fut 
désigné  pour  l'ambassade  de  Venise,  où  il 
alla  remplacer  M.  de  La  Thuillerie.  Le  24 
décembre,  il  écrivait  de  Lyon  à  Chavigni , 
qu'il  partait  le  lendemain  pour  se  rendre 
à  son  poste,  en  passant  par  Turin.  Les  dé- 
pêches qui  lui  furent  adressées  en  1 638 
nous  ont  été  connues  trop  tard  pour 
être  placées  à  leur  ordre  chronologique , 
et  pourront  faire  partie  d'un  supplément. 
Du  Houssay  ayant  perdu  sa  femme  vers 
le  milieu  de  i64o,  et  se  voyant  menacé 
de  cécité,  obtint  son  rappel,  et  quitta  Ve- 
nise en  laissant  les  aiTaircs  de  l'ambassade 
au  secrétaire  de  légation  ,  le  sieur  Braque. 
Il  fut  remplacé,  en  i64o,  par  M.  Desba- 

CARDIl».  DF  niCUELIEU.  —  VI. 


meaux,  parent,  par  sa  femme  (une  de- 
moiselle Ardier) ,  de  la  famille  du  secré- 
taire d'étal  d'Herbauit.       * 

*  Le  secrétaire  qui  a  écrit  la  pièce  des 
Affaires  étrangères  a  mis  au  dos  :  «  Il  a 
esté  faict  semblable  coppie  du  mémoire 
pour  M' le  mareschal  d'Esirées,  du  17  oc- 
tobre 1639.  u  Et  c'est  aussi  la  date  que 
donne,  au  mémoire  adressé  au  sieur  du 
Houssay,  la  copie  de  la  collection  de  Har- 
lay;  c'est  sans  doute  celle  du  jour  de  l'expé- 
dition 

'  Cette  pièce  présente  diverses  consi- 
dérations et  certains  développements  qui 
se  retrouvent  dans  quelques  autres  dé- 
pêches; pour  éviter  les  répétilions,  nous 
conservons  .seulement  de  celle-ci  les  pas- 
sages principaux  où  la  pensée  et  l'ex- 
pression de  Richelieu  semblent  plus  appa- 
rentes. 

73 


578  LETTRES 

et  de  rompre  le  dessein  qu'ils  avoient  de  se  rendre  maistres  de 
Casai ,  dont  la  prise  seroit  le  dernier  coup  de  la  liberté  de  l'Italie. 

Que  S.  M.  voyant  lors  Mantoue  occupée  par  les  Impériaux,  fut 
obligée  d'entendre  à  la  diversion  que  le  roy  de  Suède  a  depuis  faicte 
en  Allemagne,  afm  que  le  défunt  Empereur  retirast  ses  armes  d'Italie, 
et  entendist  à  une  paix,  pour  les  employer  en  sa  propre  deffense, 
estant  certain  que,  sans  celte  nécessité,  luy,  ni  le  roy  d'Espagne, 
n'eussent  jamais  consenti  à  la  paix,  qui  fut  faicte  à  Quérasque,  mais 
eussent  continué  à  se  servir  de  toutes  leurs  forces  pour  subjuguer 
toute  l'Italie,  ou  au  moins  une  partie. 

Que  dans  le  commencement  de  cette  diversion,  ou  dans  la  suitte, 
si  les  princes  d'Italie  eussent  voulu  concourir  avec  S.  M.  comme  il 
estoit  expédient  pour  leur  bien,  on  eust  mis  la  maison  d'Autriche 
en  estât  de  ne  plus  troubler  le  repos  de  la  cbreslienté,  comme  elle 
fera  éternellement  par  son  ambition. 

Que  l'on  a  veu  pendant  la  vie  du  duc  de  Savoie,  Victor-Amédée, 
les  affaires  des  Espagnols  souventes  fois  assez  esbranlées,  et  si  les 
autres  se  fussent  mis  de  la  partie,  il  n'y  a  point  de  doute  qu'on  les 
eust  réduicts  à  la  raison. 

Depuis  son  décès  les  choses  ont  tellement  changé  de  face  dans  le 
Piedmont,  que  tous  les  peuples  se  sont  révoltés  contre  Madame;  les 
gouverneurs  des  places  les  ont  rendues  volontairement  aux  ennemis. 
Madame  a  esté  contrainte  d'abandonner  Turin',  et  touttes  choses 
sont  tombées  dans  ces  quartiers-là  en  une  telle  confusion,  que  les 
maux  ont  presque  surmonté  les  remèdes  qui  pouvoient  procéder  de 
la  prudence  et  de  la  force. 

Dans  cette  conjoncture,  S.  M.  n'a  rien  oublié  de  ce  qui  dépend 
de  l'une  et  de  l'autre,  faisant  maintenant  passer  en  Italie  plus  de 
10,000  h.  et  dix  compagnies  du  régiment  de  ses  gardes  françaises, 
quatre  des  gardes  suisses,  et  quelques  régimens  levés  en  ces  quartiers- 

'  Turin,  dont  s'était  emparé  le  prince         iGSg,  demeura  en  son  pouvoir  jusqu'au 
Thomas,  beau-frère  de  Madame,  aidé  des         19  septembre  16/io. 
Espagnols ,  dans  la  nuit  du  a6  au  27  juillet 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  579 

cy;  et,  d'autre  costé,  comme  les  princes  de  Savoie  ont  mis  diverses 
places  du  Piedmont  entre  les  mains  des  Espagnols,  et  ainsy  dissipé 
les  Estais  du  duc  de  Savoie,  leur  neveu  (chacun  sachant  assez  s'il  est 
possible  de  retirer  de  leurs  mains  ce  qu'ils  tiennent  une  fois)  ;  Ma- 
dame, de  sa  part,  pour  conserver  d'autant  plus  puissamment  les 
places  qui  luy  restent ,  en  a  confié  la  garde  aux  gens  de  guerre  de  S.  M. 
C'est  Testât  auquel  sont  les  affaires  en  ces  quartiers-cy,  pendant 
la  supension  d'armes. 

Après  cet  exposé  de  l'état  des  affaires  en  Italie,  l'instruction  rappelle  que  les 
Espagnols  ont  contrevenu  aux  conditions  de  la  trêve,  notamment  en  tenant  Casai 
bloquée  comme  pendant  les  hostilités. . .  Elle  s'étend  sur  cette  pensée  que  les  pro- 
cédés des  Espagnols  prouvent  qu'ils  ne  veulent  pas  sincèrement  la  paix. . .  Elle  eu- 
joint  à  l'ambassadeur  d'avertir  qu'en  une  telle  conjoncture  ils  doivent  avoir  l'œil 
ouvert...  S'ils  veulent  faire  une  dernière  épreuve,  qu'ils  pressent  les  Espagnols 
de  se  déclarer  nettement,  s'adressant  à  l'ambassadeur  d'Espagne  qui  est  à  Venise, 
et  au  marquis  de  Leganez ,  qui  se  dit  parfaitement  instruit  des  intentions  de  son 
maître. 

Cette  offre  pourroit  estre  soustenue  par  l'approche  des  troupes 
que  la  république  de  Venise  a  maintenant  sur  pied  et  qu'elle  avoit 
préparées  contre  le  Turc. 

Le  sieur  du  Houssay  fera  considérer  à  la  répubUque  que  le  roy 
n'a  pas  tant  de  sujet  que  ses  ennemis  de  désirer  la  fin  de  la  guerre, 
S.  M.  tenant  la  Lorraine,  l'Alsace  et  des  places  importantes  dans  les 
frontières  d'Espagne  et  des  Pays-Bas;  que  dans  le  Piedmont  mesme 
elle  a  maintenant  entre  ses  mains  les  meilleures  places  et  plus  voi- 
sines de  la  France;  mais  que  S.  M.  est  sy  disposée  à  la  paix,  que, 
pour  le  particuher  des  places  de  Piedmont  que  Madame  a  mises  entre 
ses  mains,  elle  veut  bien  donner  parole  à  la  république,  comme 
led.  s'  ambassadeur  fera,  qu'elle  les  quittera  aussytost  que  les  Espa- 
gnols voudront  rendre  à  S.  A.  et  au  duc,  son  fils,  celles  qu'ils  occupent. 

Si  les  ennemis  refusent  un  sy  juste  parti,  ils  mériteront  que  tout 
le  monde  se  déclare  contre  eux. . . 

,3. 


580  LETTRES 

Le  roy  envoyé  ordre  ^  M' le  mareschal  d'Estrées  de  représenter  au 
pape  les  mesmes  choses  que  led.  s'  du  Houssay  fera  à  la  république. . . 
Le  16  octobre  1689,  ^  I-'yon. 


CCXC. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Turin,  t.  ag,  fol.  396. —  Mise  au  nel. 
Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  S/iy,  fol.  5o5.  — Copie. 

INSTRUCTION  POUR  M.   LE  COMTE  D'HARCOURT  '. 

I  7  octobre  i  ôSg. 

La  première  chose  que  le  s'  comte  d'Harcourt  doit  faire  arrivant 
en  Piedmont  est  la  revue  de  toutes  les  troupes,  visiter  toutes  les  gar- 
nisons des  places,  et  les  mettre  en  estât  de  ne  rien  craindre. 

Ensuitte  il  doit  disposer  ses  troupes  en  sorte  et  en  heux  sy  propres , 
sy  commodes  et  sy  seurs  que  les  ennemis,  sur  la  fin  de  la  suspen- 
sion^, ne  les  puissent  surprendre  et  tailler  en  pièces  dans  les  quar- 
tiers, et  que  le  26  octobre  à  la  pointe  du  jour  il  ptiisse  se  loger  à 
Moncalier. 

Estant  là,  il  verra  s'il  peut  prendre  Quiers,  au  cas  que  les  ennemis 
n'y  soient  pas;  et,  s'ils  y  sont,  s'il  sera  en  estât  de  les  en  chasser;  et, 
s'il  peut  l'un  ou  l'autre,  il  doit  le  faire  brusquement. 

On  luy  proposeroit  bien  d'avoir  pour  fin  le  siège  de  Turin,  mais 
les  difficultés  qu'on  y  prévoit  en  Testât  que  sont  les  choses  font 
qu'on  ne  croit  pas  qu'il  y  doive  penser,  si  premièrement  il  ne  gaignoit 
quelque  grand  combat  sur  les  ennemis. 

Pour  cet  effect  c'est  le  principal  but  qu'il  doive  avoir,  et  auquel 


'   Il  avait  été  choisi  pour  remplacer  feu  piquait  Richelieu ,  et  elle  est  écrite  dan» 

le  cardinal  de  La  Valette  dans  le  coniman-  cet  esprit  de  rare  prévoyance  qui  le  dis- 

denient  de  l'armée  d'Italie.  Nous  n'avons  tingiie  et  que  demandait,  surtout  en  ce 

trouvé  ni  la  minute  ni  l'original  de  cette  moment,  la  périlleu.se  situation  des  affaires 

instruction,  mais  on  y  remarque  ce  soin  de  Piémont, 
curieux  des  affaire»  de  la  guerre  dont  se  '  Elle  finissait  le  iU  octobre. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  581 

apparemment  il  parviendra,  pourveu  que  les  ennemis  ne  descouvrent 
pas  que  c'est  la  fin. 

Ceux  qui  ont  veu  plusieurs  fois  la  ville  de  Quiers  estiment  que, 
quand  mesrne  les  ennemis  préviendroient  l'armée  du  roy  à  prendre  ce 
poste,  ils  ne  sauroient  s'en  prévaloir  et  en  tirer  avantage  qui  em- 
pesche  qu'on  ne  les  puisse  aisément  combattre  en  ce  lieu,  pourveu 
qu'ils  ne  fassent  point  de  retranchement  devant  eux,  ce  qu'ils  ne 
feront  pas  asseurément,  si  le  dessein  dud.  s"^  comte  leur  est  incognu. 

Si  led.  s' comte  d'Harcourt  apprend  sur  les  lieux  que  le  rapport 
qui  a  esté  faict  au  roy  de  Quiers  soit  véritable,  il  ne  perdra  pas  l'oc- 
casion d'y  combattre  les  ennemis. 

Si  aussy  il  trouve  de  la  difficulté  à  suivre  ce  dessein,  il  peut,  en 
feignant  le  siège  de  Turin,  contraindre  les  ennemis  de  quitter 
Quiers  pour  s'y  jeter;  ensuite  de  quoy  il  se  rendra  aisément  niaislre 
de  ce  poste;  ou  en  feignant  le  siège  de  Villeneuve  d'Asl,  que  les 
ennemis  voudront  asseurément  secourir,  les  attirer  an  combat,  qui 
apparemment  luy  sera  avantageux,  le  donnant  avec  sy  bon  ordre  que 
les  bonnes  troupes  de  l'armée  soient  à  la  teste. 

Si  les  ennemis,  voyant  l'armée  du  roy  à  Villeneuve,  veulent  assié- 
ger Chivas,  Carmagnoles  ou  Savillan,  l'armée  de  S.  M.  sera  en  estât 
d'y  aller  pour  les  combattre. 

Les  ennemis  iroient  inutilement  à  Quérasque,  la  place  estant  très- 
bonne. 

Ils  n'iront  pas  aussy  attaquer  Albe  avec  toutes  leurs  forces,  tandis 
qu'ils  croiront  Turin  en  péril,  pourveu  qu'ils  ne  soient  pas  asseurès 
qu'en  lad.  place  il  n'arrive  |)as  les  mesmes  trahisons  qui  sont  arrivées 
aux  autres  qui  estoient  entre  les  mains  de  Madame. 

Si  les  ennemis,  voulant  éviter  un  combat  général,  divisent  leurs 
forces  en  deux,  à  dessein  de  faire  teste,  avec  leur  principal  corps,  à 
l'armée  du  roy,  et  d'attaquer  avec  le  moindre  le  reste  des  places  que 
Madame  tient  en  Piedmont,  sachant  bien  qu'ils  n'y  trouveront  pas 
grande  résistance,  led.  s'  d'Harcourt  doit  faire  pareille  division  des 
siennes,  à  ce  que,  s'il  ne  peut  rien  attaquer  le  reste  de  cette  cam- 


582  LETTRES 

pagne,  au  moins  puisse-t-il  se  garantir  de  rien  perdre  de  ce  qu'on 
possède  maintenant. 

Led.  s' comte  d'Harcourt  doit  aussy  soigneusement  penser  au  se- 
cours de  Casai.  Il  est  difficile  de  l'entreprendre  avec  toute  l'armée 
sans  péril,  à  cause  qu'il  faut  douze  jours  de  temps  à  aller  et  venir, 
pendant  lesquels  les  ennemis  peuvent  faire  une  circonvallation  à  la 
citadelle  de  Turin. 

Et  partant  led.  s"^  comte  estant  sur  les  lieux  verra  si  on  ne  pourroit 
point  y  envoyer  l'argent  qui  est  destiné  pour  lad.  place,  avec  une 
partie  de  5o  chevaux,  qui  pourroient  peut-estre  aller  et  venir  en  seu- 
reté ,  pourveu  que  le  dessein  qu'on  en  fera  soit  secret. 

Il  y  a  une  autre  voie  de  secourir  Casai,  qui  peut  asseurément 
réussir,  si  elle  est  menée  secrètement  :  elle  consiste  à  mettre  i  ,000  h. 
de  pied  et  200  chevaux  en  garnison  dans  Chivas,  sous  la  charge  de 
quelque  personne  bien  résolue,  comme  si  on  craignoit  simplement 
que  cette  place  dust  estre  assiégée,  et  donner  charge,  à  celuy  qui  au- 
roit  le  commandement  de  cette  partie,  de  partir  inopinément  pour 
aller  à  Casai,  lorsqu'il  verroit  que  les  ennemis  seroient  décampés  de 
Quiers,  pour  suivre  l'armée  du  roy,  ou  vers  Turin,  si  on  les  y  attire, 
ou  vers  Villeneuve  d'Ast. 

Si  led.  s'  comle  d'Harcourt  trouve  quelques  autres  moyens  de  se- 
sourir  Casai,  ou  de  combattre  les  ennemis,  ou  de  faire  quelques 
autres  progrez  en  Italie,  S.  M.  luy  en  laisse  le  pouvoir. 

A  la  fin  de  la  campagne  led.  s""  comte  aura  soin  d'establir  les  quar- 
tiers de  ses  troupes  en  de  sy  bons  lieux  qu'elles  puissent  subsister 
aisément  et  seurement. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


583 


CCXCI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Angleterre,  t.  47.  fol.  677.  —  Minute'  et  fol.  589,  mise  au  net. 

Bibl.  imp.  Fonds  Saint-Germain-Harlay,  36^/27,  fol.  SgS.  — Original. — 

Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  77.  —  Copie'. — 

Supplément  français,  870.  —  Copie  (vol.  non  chiffré,  vers  le  premier  quart). 

MÉMOIRE  A  M.  DE  BELLIÈVRE, 

CONSBILLEH  DO   ROT  EH  SES  COHSEILS  ET  SOI!  AUBASSADED»  EN  ANGLETERRE  '. 

18  octobre  1689. 

Pour  response  à  la  dépesche  du  sieur  ambassadeur  du  9"^  de  ce 
mois,  S.  M.  a  commandé  le  présent  mémoire  luy  estre  envoyé,  par 
lequel  il  apprendra  ses  intentions. 

S.  M.  approuve  ce  que  M.  de  Bellièvre  a  répondu  au  roi  de  la  Grande-Bre- 
tagne touchant  la  flotte  d'Espagne. 

Jamais  prince  ne  fut  plus  perdu  de  réputation  que  le  d.  roy  se- 
roit  s'il  assistoit  cette  flotte  contre  les  intérests  de  ses  alliés  et  de  son 
propre  neveu. 

Les  conditions  du  traité  proposé  par  le  roi  de  la  Grande-Bretagne  ne  sont 
pas  acceptables. 

Cependant  l'ambassadeur  doit  entretenir  et  continuer  la  négocia- 


'  La  minute,  de  la  main  de  Chavigni, 
ne  nous  semble  pas  dictée  par  Richelieu; 
mais  il  n'est  pas  douteux  que  ce  mémoire, 
auquel  on  a  mis  la  signature  du  roi,  ne 
soit  l'expression  de  la  pensée  du  cardinal, 
lidèlement  conservée  dans  divers  pas- 
sages; et  c'est  cette  pensée  que  reproduit 
l'extrait  que  nous  donnons  ici.  Au  reste, 
cette  dépêche,  au  bas  de  laquelle  on  ht, 
«  Par  M.  le  chevalier  de  Bellegarde,  •  pa- 
raît n'avoir  pas  été  envoyée.  (Voy.  ci- 
après,  p.  600,  note  4.)  Une  letlre  d'envoi , 


qui  avait  été  préparée  par  Chavigni,  se 
trouve,  en  original,  au  folio  Sga  du  ma- 
nuscrit de  Harlay. 

'  «Faite  sur  une  copie  de  la  main  de 
Daridol,»  dit  l'écrivain  de  Colbert,  qui  a 
copié  sur  la  mise  au  net  du  manuscrit  des 
Affaires  étrangères. 

'  Le  manuscrit  des  Affaires  étrangères 
donne,  sous  la  date  des  9,  i3  et  i4  oc- 
tobre, des  lettres  de  Bellièvre  à  Bultion 
et  à  Chavigni. 


584  LETTRES 

tion  qu'il  a  commencée  avec  le  roy,  afin  de  rompre  celle  des  Espa- 
gnols, et  donner  lieu  au  temps  et  aux  Hollandois  de  ruiner  leur 
flotte. 

Il  peut  dire  au  roy  de  la  Grande-Bretagne  que ,  s'il  veut  entrer, 
dès  cette  heure,  en  ligue  offensive  et  defïensive  avec  le  roy  et  ses 
alliés  contre  l'Espagne,  et  entretenir  au  prince  Palatin  six  mil  hommes 
de  pied  en  Allemagne. . .  le  d.  prince  Palatin  ne  sera  pas  oublié ,  ny 
l'obligation  de  le  faire  remettre  dans  ses  Estats  ^ Si  le  roy  d'An- 
gleterre faict  sauver  la  flotte  des  Espagnols,  ils  se  moqueront  de  luy 
comme  faisoit  Gondomar  du  défunt  roy  Jacques,  son  père,  lorsqu'ils 
prenoient  toutes  les  villes  du  Palatinat,  l'amusant  de  vaines  promesses 
de  les  faire  restituer. 

Si  le  dict  roy  de  la  Grande-Bretagne  veut  contribuer  ce  qu'il  peut 
pour  faire  perdre  la  flotte  des  Espagnols  en  sorte  qu'en  effect  elle  pé- 


'  Ct'tle  vague  promesse  ne  satisfaisait 
pas  le  roi  d'Angleterre,  qui  lui-même  était 
fort  peu  précis  dans  ses  conditions,  et,  de 
plus,  il  élevait  une  autre  prétention.  Bel- 
lièvre  avait  écrit  à  BuUion ,  le  g  oclobre  : 
«  Jeudy  dernier,  après  s'eslre  expliquée  avec 
le  roy,  la  reyiie  d'Angleterre  me  dit  qu'il 
estoit  fort  enclin  à  s'accommoder  avec  les 
Espagnols,  vu  les  offres  granJes  et  avan- 
tageuses qu'ils  luy  faisoient;  que  l'affaire 
estoit  sy  avancée  qu'elle  ne  savoit  com- 
ment la  rompre,  si  je  ne  luy  l'aisois  des 
offres  qui  esgalassent  celles  des  Espa- 
gnols... qu'il  faudroil  proposer  de  mettre 
\b  Palatin  à  la  teste  de  l'armée  que  com- 
maiuloit  le  feu  duc  de  Weymar.  »  La 
même  proposition  fut  ensuite  renouvelée 
à  Bellièvre  p.ir  le  roi  d'Angleterre;  mais 
on  sait  que  Richelieu  jugeait  plus  utile 
et  plus  sûr  de  mettre  cette  bonne  armée 
au  service  de  la  France.  (Arch.  des  Aff. 
étrangères,  Anglet.  I.  47,  fol.  558,  orig. 
de  la  dépêche  de  Bellièvre.  )  Bullion ,  en 


l'envoyant  à  Chavigni  pour  la  communi- 
quer au  cardinal ,  lui  disait  :  «  M.  le  C"  de 
Leicester  m'a  mandé  qu'il  attendoit  im 
courrier  de  la  part  de  son  maislrc,  mais, 
après  avoir  veu  celle  belle  dépesche,  il  ne 
se  fault  promettre  autre  chose,  sinon  des 
longueurs,  embarras  et  mauvaise  foy.  ■ 
(Arch.  des  Aff.  élr.  France,  lôSg,  suppl. 
fol.  4i4  )  Bientôt  on  apprit  que  le  prince 
Palatin  avait  résolu  de  passer  incognito 
en  France,  pour  négocier  lui  même  avec 
les  capitaines  de  l'armée  vveymarienne. 
Et  Bullion,  transmettant  à  Chavigni,  le 
18  octobre,  une  nouvelle  lettre  de  Lon- 
dres, disait:  «  Monsieur,  je  vous  envoie 
la  dépesche  de  M'  de  Bellièvre  sur  le  sujet 
du  p"  Palatin.  En  attendant  la  response, 
je  feray  l'impossible  pour  le  faire  arrester 
le  plus  doucement  queje  pourray.  »  (Arch. 
des  Aff.  élr.  France,  I.  Sg,  fol.  428,  sup- 
plément.) On  verra  ci-après,  p.  601,  un 
exposé  de  l'équipée  du  prince  Palatin. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


585 


risse,  le  d.  s'  ambassadeur  luy  peut  donner  parole  de  la  part  du  roy, 
sans  toutefois  rien  escrire,  que  S.  M.  ne  fera  point  la  trefve,  ny  la  paix 
sans  y  comprendre  les  intérests  du  Palatin,  c'est-à-dire,  pour  parler 
plus  clairement,  que  S.  M.  ne  consentira  jamais  à  la  conclusion  de  la 
paix  sans  que  ce  prince  soit  restabli  dans  ses  Estats. . . 

En  donnant  celte  parole,  il  faudra  tirer  celle  du  roy  de  la  Grande- 
Bretagne  de  faire  ce  que  dessus  touchant  la  flotte,  et  que  luy  ny  le 
Palatin  n'auront  aucune  négociation  et  ne  feront  aucun  traicté  avec 
les  Espagnols,  ou  la  maison  d'Autriche  et  leurs  adhérens'... 

Fait  à  Lyon,  le  i  8  octobre  1639. 

LOUIS. 

BOOTHILHER. 


CCXCII. 

Arch.  des  AfT.  élr.  Turin,  l.  29,  fol.  /ii6  v°.  —  De  la  main  d?  Richelieu. 
Bibl.  imp.  Fonds  Saint-Gertnain-Harlay,  347,  fol.  609  v".  —  Copie*. 


ACCORD  SECRET' 


DE    LA    PART    DU    hOY. 


[Vers  le  22  octobre  1689*. 


Recognoissance  de  succession. 

Promesse  de  protection  en  cas  que  le  petit  duc  meure. 


'  Le  copiste  des  Cinq-cents  Colbert  et 
celui  du  Supplément  français  ont  fait  de 
cette  pièce  deux  mémoires;  ils  ont  brouillé 
les  dates;  enlm  ils  ont  ajouté  des  .som- 
maires dont  l'un  ne  peut  se  rapporter  qu'à 
la  pièce  du  39  octobre  qu'on  trouvera  ci- 
aptès. 

'  La  copie  de  Harlay  a  été  faite  sur  l'au- 
tographe des  Affaires  étrangères,  comme 
on  voit  par  cftle  note  mise  en  marge  : 
•  Ce  mémoire  abrégé  est  escrit  de  la  main 
de  M' le  card.  de  Richelieu.  ■ 

^  Cet   arrangement  devait,   ainsi   que 

CAIU)l:«.  DE  HICIIEUEII.  —  VI. 


nous  l'avons  dit,  être  négocié  et  conclu  à 
l'insu  de  la  duchesse  de  Savoie.  Richelieu 
a  pris  le  soin  d'en  écrire  lui-même,  en  peu 
de  lignes,  les  conditions  essentielles,  et 
cet  autographe  a  servi  de  matière  au  mé- 
moire qu'il  a  dicté  ensuite  et  dont  plu- 
sieurs passages  sont  aussi  écrits  de  sa  propre 
main  ;  nous  plaçons  donc  cet  accord  avant 
le  mémoire  ;  c'est  à  tort  que  le  manuscrit 
des  Affaires  étrangères  l'a  mis  à  la  suite. 

'  La  pièce  n'est  point  datée;  elle  doit 
«voir  été  écrite  à  peu  près  au  même  mo- 
ment que  l'/lv«. 

7à 


586  LETTRES 

Promesse  de  mariage  avec  l'héritière,  s'il  se  peut. 

Pension  au  cardinal  '. 

Pension  au  père  ^. 

Pension  au  fils. 

Promesse  de  restitution  présente  soubs  la  caution  d'une  ligue. 

DE   LA  PART  DES  PRINCES. 

Intelligence  présente  et  certaine,  quoyque  non  ouvertement  dé- 
clarée. 

Du  costé  de  Nice,  nulle  guerre. 

Présentement  secours  de  Casai  favorisé  et  asseuré,  en  ne  conjoi- 
gnant  point  leurs  forces  aux  Espagnols,  et  n'attaquant  aucune  place 
ny  du  roy,  ny  de  Madame. 

Si  dans  cet  hyver  le  P.  Thomas  ne  peut  retirer  sa  famille  d'Espagne , 
il  ne  laissera  pas  de  se  déclarer  contre  les  Espagnols,  refusant  la  res- 
titution que  le  roy  offrira  sur  la  caution  de  ia  ligue. 

Reste  à  chercher  asseurance  des  princes. 

On  ne  doute  pas  qu'ils  ne  vueillent  estre  inesbranlables  en  leur 
résolution.  Mais  les  affaires  de  cette  nature  requièrent  une  asseurance 
telle  que,  quand  ils  voudroyent  changer,  ils  ne  le  puissent,  princi- 
palement en  ruinant  tout  à  faict  le  party  auquel  on  les  aura  receus 
pour  le  bien  commun. 

La  première  asseurance  est  un  escrit  réciproque,  publiable  en  cas 
de  manquement  de  part  et  d'autre. 

La  seconde,  qu'il  favorise  et  facilite  quelque  notable  succez  contre 
l'Espagne,  par  l'asseurance  qu'il  ne  peut  plus  estre  à  son  préjudice. 

'   Le  prince  Maurice  de  Savoie.  son  bien.  »  Nous  conservons  le  slyle  in- 

-  «  Le  père  ne  voudra  peut-eslre  pas  se  correct   de   celte   observation ,  écrite   en 

lier  ou  à  ne  se  marier  pas,  ou  à  priver  un  marge  de  la  main  de  Richelieu. 

fils,  s'il  en  avoit,  de  la  plus  belle  pièce  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


587 


CCXCIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  l.  29,  fol.  ^1  i-4i5.  —  Minute'. 
Bibl.  imp.  Saint- Germain -Harlay,  SAy,  fol.  607.  —  Copie. 

AVIS 

SUR  L'ACCOMMODEMENT  DES  PRINCES  DE  SAVOIE  AVEC  LE  ROY  '. 

3  2  octobre  1639. 

On  peut  proposer  trois  sortes  de  moyens  de  s'accommoder  avec  le 
prince  Thomas  : 

Le  premier  est  qu'il  se  déclare  ouvertement  contre  l'Espagne  et 
se  joigne  à  la  France,  laissant  absolument  Madame  en  sa  tutelle  [el 
vivant  avec  elle  comme  il  faisoit  avec  feu  M'  de  Savoie]. 

Mais  comme  ce  moyen  n'est  point  à  espérer  du  P.  Thomas,  par 
plusieurs  raisons,  [et  Madame  n'y  trouveroit  pas  sa  seureté,  si  le  d. 
Prince  demeuroit  avec  Elle,  veu  qu'elle  a  perdu  les  cœurs  du  Pied- 
mont  et  qu'il  les  a  acquis]; 

Le  second  est  que  le  P.  Thomas  soit  adjoint  à  la  régence  de  Ma- 
dame, soit  en  qualité  de  conluteur,  ou  simplement  d'assistant,  avec 
pouvoir  de  signer  avec  Elle  les  affaires  les  plus  importantes.  [Et  ce  party 
est  beaucoup  plus  à  craindre  pour  Madame  que  le  premier,  veu  que 
ce  Prince,  estant  non -seulement  dans  le  Piedmont,  mais  qu'y  estant 
avec  authorité,  il  pourroit  plus  facilement,  s'il  le  vouloit,  se  prévaloir 
de  son  pouvoir  au  préjudice  de  Madame,  qui  ne  sauroit  s'empescher 
de  donner  beaucoup  de  prise  sur  Elle  par  sa  conduitte  imprudente  '.] 


'  Cette  minute ,  de  la  main  d'un  secré- 
taire intime  de  Richelieu ,  offre  un  passage 
de  quelques  lignes  et,  çà  et  là,  quelques 
mots  de  la  main  du  cardinal;  nous  les 
mettons  entre  crochets.  On  lit  à  la  marge 
du  manuscrit  de  Harlay  :  1  Mémoire  escrit 
de  la  main  de  Chirurgien,  corrigé  de  la 
main  de  M'  le  card.  de  Richelieu.  —  Mi- 
nute originale.  •  C'est,  en  effet,  sur  la  mi- 


nute des  Affaires  étrangères  que  la  copie 
du  manuscrit  de  Harlay  a  été  faite-,  nou- 
velle preuve  que  celle  indication,  «de  la 
main  de  Chirurgien  ,  i>  est  donnée  au  ha- 
sard par  le  copiste  de  Harlay. 

'  Ce  titre  est  écrit  de  la  main  de  Cherré , 
en  tête  de  la  mmute. 

'  Ces  deux  premiers  moyens  ne  sont  mis 
là  que  pour  la  forme,  et  afin  de  préparer 

74. 


588  LETTRES 

Le  troisième  seroit  que  le  P.  Thomas  se  liast  tout  à  fait  à  la  France 
ainsy  qu'il  s'ensuit  : 

Qu'on  luy  donnast  5o,ooo  escus  de  pension  ;  que  son  fils  fust  marié 
avec  la  princesse  de  Savoie  ou  une  autre  en  France  ;  que  le  d.  fils  eust 
5o,ooô  francs  de  pension  du  roy,  et  fust  nourri  avec  M""  le  Dauphin  ; 
que  le  roy  consente  à  la  restitution  des  places  qu'il  tient  en  Piedmont. 

Sur  le  refus  que  les  Espagnols  feront  de  restituer  tout  ce  qu'ils 
tiennent  en  Piedmont;  — qu'en  ce  cas  il  (le  prince  Thomas)  se  dé- 
clare contre  eux  et  serve  le  roy  [ouvertement]  dans  ses  armées. 

Mais  outre  que  le  P.  Thomas  ne  peut  disposer  de  sa  femme  et  de 
ses  enfans ,  qui  sont  en  Espagne,  quand  mesme  il  voudroit  passer 
par-dessus  cette  considération ,  on  ne  voit  pas  quelle  seureté  il  peut 
donner  de  sa  persévérance  en  l'union  de  la  France,  en  la  fidélité  qu'il 
promettroit  à  Madame  et  à  Mons"^  son  fils,  veu  qu'il  pourroit  changer 
quand  il  voudroit,  et  [de  plus]  s'emparer  [tout  d'un  coup]  et  du  petit 
duc  et  de  Madame,  et  de  toutes  les  places  du  Piedmont  ahénées  de 
Madame  par  sa  conduitte. 

11  semble  que  toutes  ces  difficultez  mettent  les  affaires  hors  d'ac- 
commodement entre  Madame  et  le  P.  Thomas.  Cependant  la  néces- 
sité et  l'intérest  des  uns  et  des  autres  les  obligent  d'en  faire  : 

Madame,  parce  qu'elle  a  mis  son  pays  en  estât  qu'il  est  presque 
impossible  de  le  défendre  ; 

I.,e  P.  Thomas,  parce  que,  si  les  Espagnols  prennent  plus  grand 
pied  dans  le  Piedmont,  ils  y  voudront  au  moins  conserver  les  prin- 
cipales places,  et,  par  ce  moyen,  assujettir  les  ducs  de  Savoie  à  des- 
pendre de  la  couronne  d'Espagne  absolument. 

Leur  procédé  avec  led.  prince  l'empesche  de  pouvoir  ignorer  leur 
intention  en  ce  sujet,  et  l'acte  qu'ils  ont  faict  passer  à  la  princesse  de 
Carignan,  en  Espagne,  le  justifie  clairement. 

Tout  ce  que  dessus  présupposé,  la  raison  veut  que  Madame  et  le 

le  troisième,  qui  stipule  l'abandon  actuel  que  pour  faire  adopter  celui-ci  par  le  roi, 
et  à  peu  près  complet  des  intérêts  de  la  il  fallait  lui  donner  à  choisir  entre  plu- 
duchesse  de  Savoie.  Richelieu  sentait  bien         sieurs  moyens  dont  un  seul  fût  possible. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  589 

P.  Thomas  s'accordent  sous  l'authorilc  du  roy  secrètemenl  ' ,  ainsy 
qu'il  s'ensuit  : 

Que  le  roy  déclare  par  escrit  aux  princes  que ,  si  le  duc,  son  neveu , 
vient  à  mourir,  il  les  recognoist  pour  légitimes  successeurs  aux  Estais 
de  Piedmont  et  de  Savoie,  et  [leur]  promette,  en  ce  cas,  sa  protection  ; 

Qu'il  stipule  le  mariage  du  petit  prince  de  Carignan  avec  une  prin- 
cesse de  France,  et  donne  pension  :  au  père  de  5o,ooo  escus;  de 
5o,ooo  francs  [au  fils]; 

Qu'il  promette  de  rendre  les  places  qu'il  tient  en  Piedmont,  soit 
à  son  neveu  le  jeune  duc,  soit  aux  princes,  au  cas  qu'il  vienne  à 
mourir;  les  Espagnols  faisant  le  mesme; 

Que,  dès  cette  heure,  [S.  M.  offre]  de  rendre  les  places  qu'il  tient, 
sous  la  caution  d'une  ligue  de  tous  les  princes  d'Italie,  les  Espagnols 
faisant  le  mesme,  auquel  cas  Madame  demeurera  régente,  [et]  les 
princes  assistans,  [quoyque]  séparés  de  demeure;  [que  S.  M.  soit] 
caution  de  la  foy  de  Madame  et  desd.  princes  les  uns  envers  les  autres, 
ayant  pour  seureté  de  la  foy  du  P.  Thomas  le  prince  son  fils,  nourri 
et  marié  en  France. 

Les  princes,  de  leur  part,  promettront  n'avancer  point  les  affaires 
des  Espagnols,  ains  au  contraire  faire  ce  qu'ils  pourront  pour  en  re- 
tarder les  progrès,  particulièrement  la  perle  de  Casai,  qui,  oslant 
toute  crainte  aux  Espagnols  pour  le  Milanois,  ne  leur  laisseroit  plus 
d'autres  pensées  que  la  conquesle  du  Piedmont*. 


NOTA. 

Il  convient  de  résumer  ici,  en  indiquant  diverses  pièces  que  nous  ne  don- 
nons pas,  la  situation  où  se  trouvent,  à  ce  moment,  les  aiTaires  respectives  de 
France  et  de  Piémont. 

Nous  avons  dit,  p.  56 1,  que,  l'entrevue  de  Grenoble  avortée,  Richelieu  avait 
sougé  à  s'accommoder  avec  le  cardinal  de  Savoie  et  avec  le  prince  Thomas.  Ce- 
lui-ci avait  envoyé  auprès  du  roi  et  du  cardinal  le  comte  Masserati,  son  maître 

'   L'accord  devait  être  fait  par  le  roi ,  '  Richelieu  a  écrit  à   la  marge  de  ce 

sans  la  participation  de  Madame,  et  êlre        paragraphe  :   «  Nice   demeurera  en   paix 
ensuiie  imposé  à  celle  prinresse.  avec  la  France.  » 


590  LETTRES 

(l'hôtel  et  son  diplomale  de  confiance.  Quand  la  négociation  fut  engagée,  Riche- 
lieu écrivit  à  la  dnchesse  que  des  propositions  faites  par  ses  beaux-frères  avaient 
été  favorablement  accueillies,  mais  sans  lui  dire  les  conditions.  (Lett.  du  25  oc- 
tobre ci-après.)  Déjà  il  avait  envoyé  à  l'ambassadeur  de  France  auprès  de  Ma- 
dame, le  s'  de  La  Cour,  une  instruction  où  lui  était  tracée  la  conduite  qu'il  avait 
à  tenir  dans  ces  circonstances  délicates.  (Ci-après,  p.  594.) 

Fidèle  à  son  habitude  de  rédiger  lui-même  les  engagements  qui  devaient  lier 
ceux  avec  qui  il  traitait,  Richelieu  fit  un  projet  de  promesse,  lequel  a  été  con- 
servé aux  archives  des  AIT.  étr.  t.  27,  de  Turin,  fol.  199-208;  c'est  une  mise 
au  net  de  la  main  d'un  secrétaire  intime  de  Richelieu,  sur  laquelle  des  correc- 
tions ont  été  faites  et  plusieurs  passages  ont  été  ajoutés  de  la  main  du  cardi- 
nal ;  Cherré  a  écrit  au  dos  :  «  Projet  de  ce  que  la  France  veut  faire  pour  les 
princes  de  Savoie  '.  »  Cet  engagement  commence  ainsi  :  «  M"  les  princes  feront, 
dès  celte  heure,  savoir  au  minisire  d'Espagne  l'offre  que  le  roy  faict,  etc.  » 
Mais  lette  pièce,  emportée  par  le  plénipotentiaire  des  princes  de  Savoie,  ne 
sembla  pas  encore  assez  précise  à  Richelieu  ;  et ,  deux  jours  après  le  départ  de 
Masserati ,  le  27  octobre,  il  envoyait  à  M'  d'Argenson,  intendant  de  l'armée  en 
Italie,  pour  le  faire  signer  aux  princes,  rengagement  lui-même,  dans  la  forme 
exacte  qu'il  devait  prendre  pour  recevoir  leur  signature  :  «Nous,  le  cardinal  de 
.Savoie  et  le  prince  Thomas,  déclarons,  etc.  »  C'est  Id  reproduction  fidèle  du  pro- 
jet daté  du  20,  avec  un  peu  plus  de  développement  dans  le  préambule.  Nous 
l'avons  trouvée  aux  archives  des  AfT.  étr.  Turin,  t.  29,  fol.  6i3,  m.ise  au  net  de 
la  main  d'im  des  principaux  comniisde  Chavigni,  avec  des  corrections  de  la  main 
du  caidinal  et  de  celle  de  Cherré.  La  pièce,  n'étant  point  datée,  a  été  renvoyée  à 
la  fin  du  volume.  Le  manuscrit  de  ilarlay,  fol.  6  1  9 ,  en  conserve  une  copie,  éga- 
lement non  datée,  mais  qui  s'y  trouve  classée  à  sa  date  véritable,  le  27  octobre. 
Cette  copie  a  dû  être  faite  sur  la  pièce  des  Aff.  étr.  assez  clairement  désignée  par 
celte  annotation  marginale  :  «  Le  titre  est  de  la  main  de  Cherré,  le  corps  de  l'es- 
crit  est  de  la  main  de  Chirurgien.  ••  fVoy.  sur  ce  dernier  mol,  la  note  page  267.) 

'  Celle  mise  au  nel,  devenue  luinute  folio /i2  5;  une  seconde  copie,  classée  dans 

originale,  n'est  point  datée;  deux  copies,  le  même  tome  99,  fol.  437,  porte  en  tête  : 

laites  par  des  secrélaires  de  Ciiavigni,  se  «A  Rohannes,  le  27  octobre  1689,  n  et  au 

trouvent  dans  le  tome  29  de  Turin,  l'une  dos  :  1  Envoyée  à  M"  d'Argenson  et  d'Har- 

en  tète  do  laquelle  Cherré  a  écrit  Coi)ie  couri.  »  Dans  ces  deux  copies,  la  pièce  ori- 

du  papier  qu'a  emporté  M.  Masserait ,  conle-  pinate  a  été  séparée  par  les  copistes  en 

nanl  ce  que  M"  les  princes  de  Savoie  doivent  deux  pièces,  sans  qu'on  sache  pourquoi. 

promettre  au  roy,  moyennant  ce  que  S.  M.  11  existe,  à  la  Bibliothèque  impériale,  fonds 

leur  veut  uussy  promettre  de  son  costé.  Cette  de  Harlay ,  fol.  5 1 5 ,  une  autre  copie  faite 

copie  est  datée  du  3  5  octobre  et  cotée  sur  la  minute  îles  Affaires  étrangères. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  591 

L'engagement  du  roi  euvers  les  princes  se  trouve  également  clans  nos  manus- 
crits en  projet,  sous  la  date  du  2  5  octobre.  (Ms.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.  29,  fol.  /127, 
et  ms.  de  Harlay,  fol.  5i6,  avec  l'apostille  marginale  :  "  Le  titre  est  de  la  main 
de  Cherré,  le  corps  de  i'escrit  est  de  la  main  de  Daridole.  »)  Et  dans  sa  forme  dé- 
finitive :  «Nous,  Louis,  promettons,  etc.  »  aux  arcli.  des  Aff.  éfr.  de  la  main  de 
Cherré,  fol.  609  du  tome  29  de  Turin,  sans  date,  mais  envoyé  à  d'Argenson, 
le  27  octobre. 

Nous  trouvons,  dans  cet  engagement  du  roi,  une  clause  nouvelle  et  digne  d'at- 
tention ,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué  :  Turin  est  abandonné  aux  princes 
beaux-frères  de  la  duchesse,  qui  gouverneront  en  qualité  de  ses  adjoints,  tandis 
que  la  duchesse  doit  rester  en  Savoie,  et  se  trouve  ainsi,  en  vertu  de  l'arrange- 
ment et  avec  le  consentement  du  roi,  exclue  de  sa  capitale,  que  les  princes  ne 
tenaient  encore  que  par  un  fait  de  guerre.  Bien  que  ces  stipulations  ne  fussent 
établies  que  jusqu'à  la  paix,  et  qu'on  donnât  pour  motif  la  sûreté  même  de  Ma- 
dame, qui,  est-il  dit,  ne  pouvait  sans  péril  résider  à  Turin ,  ce  n'était  pas  moins 
un  fait  capital  que  cette  reconnaissance,  consentie  par  le  roi  de  France,  aux  en- 
nemis de  la  duchesse,  du  droit  d'occuper  Turin. 

•  Pour  remédier  (est-il  dit  dans  l'engagement  signé  par  le  roi)  à  la  crainte  que 
nostre  d.  sœur  peut  avoir  pour  sa  personne  et  pour  celle  du  duc  son  fils,  nostre 
neveu,  nous  estimons  qu'elle  ne  doit  point  sortir  de  Savoie  pendant  la  guerre;  et 
<[ue  nos  susd.  cousins  ses  beaux-frères  pourront,  sans  venir  en  Savoie,  demeurer 
dans  la  ville  de  Turin ,  où  ils  agiront  en  ce  qui  concernera  les  affaires  du  gouver- 
nement, en  qualité  d'assistans,  avec  ceux  qui  seront  députés  de  nostre  d.  sœur, 
et  avec  les  généraux  de  nos  armées,  et  autres  qui  pourront  avoir  commission  de 
nous,  en  ce  qui  sera  des  affaires  de  la  guerre  '.  » 

On  comprend  que  de  telles  conditions  ne  pouvaient  satisfaire  la  duchesse  de 
Savoie,  aussi  les  négociateurs  avaient-ils  ordre  de  les  tenir  fort  secrètes  :  «Il  ne 
faut  pas  (écrivait  Richelieu  au  comte  d'Harcourt)  que  Madame  puisse  descouvrir 
le  fonds  de  ce  traité,  estant  sy  malheureuse  pour  elle-mesme  qu'elle  le  romproit 
asseurément. . .  il  la  faudra  repaistre  de  la  continuation  des  négociations  générales 
sans  luy  dire  rien  du  fonds*. 

'   Arch.  des  Aff.  étr.  Turin,  tome  29,  de  la  lettre  au  comte  d'Harcourt  se  trouve 

fol.  609  ;  mise  au  net  de  la  main  de  Cherré.  transcrit  dans  la  collection  Dupuy,  I.  767, 

Sans  date  et  classée  à  la  fin  du  volume.  cahier  Tt,  et  on  l'a  daté  du  20  octobre. 

Une  copie  se  trouve  à  la  Bibl.  imp.  fonds  C'est  une  fausse  date;  le  roi  était  à  Lyon 

Saint-Germain-Harlay ,  'Slfj,  fol.  bai,  pla-  le  30,  et  il  n'alla  que  quelques  jours  plus 

cée  au  37  octobre.  lard  à  Montargis,où  il  se  trouvait  pendant 

'  Voy.  plus  loin ,  p.  6o5.  Ce  fragment  les  fêtes  de  la  Toussaint. 


592  LETTRES 

Quoique  les  documents  que  nous  venons  de  citer  soient  l'œuvre  même  de  lU- 
chelieu ,  nous  nous  bornons  à  en  faire  celte  simple  mention  ;  les  donner  in  extenso 
ne  serait  qu'une  répétition,  les  engagements  réciproques  étant  contenus  presque 
textuellement  dans  YAvis  sur  l'accommodement,  etc.  que  nous  donnons  p.  687. 

En  envoyant  à  M.  d'Argenson  (ci-après,  p.  699),  pour  les  remettre  au  comte 
d'Harcourl,  les  modèles  d'engagements,  Richelieu  yjoignit  les  projets  d'une  double 
promesse,  l'une  portant  que  le  comte  déclarerait  «  avoir  pouvoir  de  S.  M.  de  pro- 
mettre, en  son  nom,  que  celuy  qui  luy  porteroit  l'engagement  signé  des  princes 
leur  rapporteroit  l'engagement  du  roy,  signé  de  S.  M.  '  » 

L'autre,  contenant  la  déclaration  des  princes  que,  «  sur  l'engagement  que  pren- 
droit  M'  d'Harcourt  au  nom  du  roi ,  ils  lie  laisseroient  pas  d'exécuter  ce  qu'ils  pro- 
meltroient,  bien  assurés  que  S.  M.  ne  feroit  point  de  dilliculté  en  la  signature  et 
l'exécution  de  ce  qui  leur  estoil  promis  de  sa  part.  •  La  copie  de  ce  double  projet 
se  trouve  à  la  Bibliothèque,  fonds  de  Saint  Germain-Harlay,  347,  ^^^-  ^^^  recto  et 
verso,  avec  cette  annotation  :  «  De  la  main  de  Chirurgien.  » 

Les  concessions  que  Richelieu  faisait  aux  princes  ne  lui  servirent  pas;  le  prince 
Thomas  refusa  tout.  11  se  fiait  peu  aux  promesses  de  Richelieu,  et,  pour  rien  au 
monde,  il  ne  voulait  se  brouiller  avec  l'Espagne.  Les  Espagnols,  de  leur  côté,  ne 
ménageaient  aucune  avance  pour  le  retenir. 

Au  reste,  le  cardinal  ne  se  pressait  pas  de  traiter  avec  Masserati,  il  voulait 
prendre  son  temps;  il  laissa  partir  le  roi  de  Grenoble,  et  différa  d'autant  les 
engagements  que  l'envoyé  des  princes  était  venu  chercher.  Nous  avons  vu  aux 
archives  des  Aflaiies  étrangères  dans  le  tome  29  deTurin,foi.  /Ii6^,ce  fragment 
isolé  et  sans  date,  écrit  de  la  main  de  Richelieu,  et  qui  se  rapporte  évidemment  à 
cette  affaire  :  «  M'  Macerati  peut  suivre  le  roy,  disant  avoir  trouvé  le  roy  sur  son 
partement,  ce  dont  il  se  plaindra,  représentant  toutefois  n'en  avoir  pas  sujet,  en 
ce  que  le  roy,  qui  avoit  envie  de  s'en  aller  après  six  mois  d'absence,  a  trouvé  mau- 
vais que  huit  jours  se  feiissent  passez  depuis  le  temps  qu'on  disoit  qu'il  venoit.  Et 
ce  pendant  dépescher  un  courrier.  »  Mais  Richelieu,  qui,  dans  un  accès  de  mau- 
vaise humeur,  avait  pu  concevoir  la  pensée  de  faire  repentir  la  duchesse  de  Savoie 
de  ses  résistances,  avait  l'esprit  trop  pénétrant  pour  compter  beaucoup  sur  cette 
négociation  équivoque;  et,  au  moment  même  où  il  rédigeait  les  projets  d'enga- 
gement qu'emporta  Masserati,  il  faisait  écrire  par  Chavigni  au  comte  d'Harcourt, 

'  On  avait  prévu  l'absence  du  cardi-  force  que   .si    elle  estoil  signée  de  tous 

nal  de  Savoie;  dans  ce  cas,   dit  le  pro-  deux.» 

jtt  :  «Le  prince  Thomas  se  fera  fort  de  '  Nous  avons  aussi  trouvé  le  même  frag- 

M'  le  cardinal  de  Savoie,  son   frère,  el  ment  à  la  Bibliothèque,  fonds  Sainl-Ger- 

déclarera  que  la  promesse  aura   mesme  main-Harlay,  347,  '^^''-  ^''9' 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


593 


2  3  octobre  :  «Le  roy  désire  que  vous  agissiés  en  la  mesme  sorte  que  si  Masserati 
et  Barouis  n'estoient  point  venus  icy  faire  des  propositions. . .  H  ne  doit  pas  réus- 
sir grand  effect  de  leur  négociation.  »  (Fol.  !\  lo  du  t.  29,  de  Turin.)  Et,  le  27,  Cha- 
vigni  écrivait  encore  au  même  comte  d'Harcourt:»  Escoutés  Masserati,  mais  sans 
vous  détourner  un  seul  moment  de  faire  ce  que  vous aurés  entrepris.  »  (Fol.  44 1 .) 

En  même  temps,  la  duchesse  de  Savoie ,  qui  se  doutait  qu'on  jouait  un  double 
jeu  avec  elle,  essaya  successivement  avec  ses  deux  beaux-frères  quelques  négocia- 
tions secrètes,  qui  n'aboutirent  pas  davantage.  (Guichenon,  p.  9^3.) 

Au  milieu  de  toutes  ces  intrigues  également  impuissantes,  et  où  les  habiles  ne 
réussirent  pas  mieux  que  les  maladroits,  les  choses  se  trouvèrent,  à  la  fin  de  l'an- 
née suivante,  au  même  point  à  peu  près  qu'elles  étaient  auparavant.  Le  prince 
Thomas  ayant  été  forcé  de  capituler,  le  comte  d'Harcourt  occupa  Turin  le  2ii  sep- 
tembre, et  la  duchesse  y  fit  son  entrée  le  18  novembre',  grâce  à  la  valeur  et  au 
talent  du  comte  d'Harcourt,  qui  avait  chassé  les  Espagnols  de  devant  Casai,  et  le 
prince  Thomas  de  Turin;  la  duchesse  de  Savoie  échappa  ainsi  aux  humiliations 
dont  l'avaient  menacée  la  révolte  de  ses  beaux-frères ,  l'ambition  des  Espagnols  et  la 
protection  équivoque  du  roi  son  frère ,  obéissant  à  la  politique  irritée  de  Richelieu.  • 


CCXCIV. 
Bibl.  imp.  Fonds  Sainl-Germain-Harlay,  S/iy,  fol.  5 1 3.  —  Copie  '. 


MÉMOIRE 
POUR  M.  LE  DUC  DE  PARME". 


A  Lyon,  22  octobre  1639. 

Le  roy  sçail  plus  de  gré  à  M'  le  duc  de  Parme  de  ses  bonnes  in- 
tentions que  S.  M.  ne  le  peut  exprimer. 


'  La  Gazette  du  7  décembre  16A0  fit 
un  pompeux  récit  de  cette  fêle  triomphale , 
dans  laquelle  le  nom  de  Richelieu  ne  fut 
pas  oublié. 

'  Faite  «  sur  une  copie  de  Daridole.  » 
(Note  marginale  du  ms.  de  Harlay.) 

'  Le  duc  de  Parme ,  après  avoir  conclu , 
en  i635,  untraité d'alliance  avecla France 

CARDIN.  DE  niCHELIEI). VI. 


et  les  princes  d'Italie  contre  l'Espagne, 
avait  été  contraint  de  faire  la  paix  avec 
celle  puissance  en  16.37.  ^*  France,  ne 
pouvant  alors  lui  donner  uneassislanceefli- 
cace,  l'avait  autorisé  à  se  réconcilier  avec 
l'Espagne ,  qui  le  menaçait  d'une  ruine  com- 
plète. Nous  ne  trouvons  rien  dans  nos  ma- 
nuscrits qui  se  rapporte  au  nouveau  projet 

75 


594  LETTRES 

Il  se  peut  asseurer  que  jamais  elle  ne  les  oubliera,  et  qu'elle  l'aura 
toute  sa  vie  en  singulière  recommandation  et  protection. 

S.  M.  raffectionne  tellement  que  si  le  dessein  qu'il  propose  le  peut 
mettre  en  quelque  péril  elle  ne  veut  pas  qu'il  l'entreprenne;  mais 
s'il  peut  réussir  à  son  contentement,  elle  l'y  assistera  puissamment. 

Sa  d.  M.  ne  faict  pas  de  difficulté  de  faire  une  despense  raison- 
nable et  nécessaire  pour  un  tel  dessein;  mais  elle  estime  qu'il  y  aura 
bien  de  la  peine  à  trouver  des  gens. 

11  est  impossible  de  faire  passer  de  France  un  corps  si  puissant 
qu'il  seroit  nécessaire,  tant  parce  que  les  affaires  d'Italie  obligent  le 
roy  à  tenir  une  puissante  armée  dans  le  Piedmont,  que  parce  que, 
quand  mesme  il  auroit  des  gens  à  revendre,  il  est  presque  impos- 
sible de  les  faire  passer  jusques  au  lieu  où  M"^  le  duc  de  Parme  s'en 
veut  servir,  de  les  rafraiscbir  comme  il  faudroit,  et  de  leur  fournir 
des  vivres  et  munitions  de  guerre. 

C'est  donc  à  M"'  le  duc  de  Parme  à  voir  si  l'on  peut  faire  de  delà  une 
armée  de  lo  ou  12,000  bommes  de  pied  et  3, 000  cbevaux,  ce  que 
S.  M.  ne  prévoit  pas;  et,  au  cas  que  ce  soit  cb ose  qui  se  puisse,  sa  d.  M. 
en  estant  bien  informée,  avisera  à  toute  la  despense  qu'il  faudra  faire. 


CCXCV. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  Turin,  t.   29,  fol.  602.  —  Mise  au  net. 
BibJ.  imp.  Sainl-Germaiii-Harlay,  Sa"],  fol.  47 1-  —  Copie  '. 

MÉMOIRE  AU  SIEUR  DE  LA  COUR. 

24  octobre. 

Quelques  lignes  de  préambule  sur  la  capacité  et  les  emplois  de  M.  de  La  Cour. 
Personne  ne  peut  mieux  que  lui  s'acquitter  de  l'ambassade  près  de  Madame  et  de 

pour  lequel  le  duc  réclame  l'appui  de  la  une  entreprise  que  l'esprit  aventureux  de 

France.  On  voit  au  ton  de  cette  curieuse  ce  prince  recommandait  mal  à  la  politique 

réponse,  que  le  gouvernement  français,  prudente  et  perspicace  de  Richelieu, 

tout  en  conservant  sa  bienveillance  pourle  '  ,0n  lit  à  la  marge  du  manuscrit  :  «  Ce- 

duc  de  Parme ,  avait  peu  de  confiance  dans  pie  Daridol.  • 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  595 

M.  le  duc  de  Savoie,  son  fils,  ayant  eu  part  de  tout  ce  qui  s'est  passé  avec  Ma- 
dame depuis  quelques  mois  qu'il  a  été  continuellement  près  de  Leurs  Altesses. 

Ce  qu'il  y  a  maintenant  à  y  négocier,  ou  pluslost  presser,  est  l'exé- 
cution de  ce  que  Madame  a  promis  au  roy  à  Grenoble  touchant  les 
garnisons  de  Montmélian  et  Miolans,  luy  faisant  cognoisire  que  les 
instances  qu'il  en  fera  sont  seulement  pour  le  bien  et  intérest  de 
Leurs  AA.,  S.  M.  n'en  prenant  aucun  en  leurs  affaires  que  par  l'affec- 
tion qu'elle  leur  porte  et  le  désir  qu'elle  a  de  les  restablir  au  meilleur 
estât  qu'aient  esté  jamais  celles  de  la  maison  de  Savoye. 

Si  le  nonce  du  pape  se  trouve  près  de  Leurs  AA.  il  vivra  civile- 
ment avec  luy,  sans  luy  tesmoigner  aucune  confiance,  parce  que  sa 
conduitte  a  faict  cognoisire  jusques  icy  qu'il  a  inclination  pour  les  en- 
nemis de  S.  M. 

Il  devra  donner  avis  au  roi  de  toute  proposition  d'accommodement,  de  trêve 
ou  suspension  d'armes,  qui  pourrait  être  faite  par  le  nonce,  ou  de  la  part  du  roi 
d'Espagne  ou  des  princes  de  Savoie.  Il  est  vrai  que  telles  négociations  ayant  pris 
leurs  cours  en  Piémont,  et  se  conduisant  près  de  M.  le  comte  d'Harcourt,  ou  es- 
time qu'elles  s'y  doivent  continuer.  Toutefois  il  en  aura  part,  afin  qu'il  puisse 
•  ester  les  ombrages  à  Madame  qu'elle  en  pourroit  prendre.  » 

Ceux  qui  sont  près  de  Madame  voulant  conduire  les  affaires  par 
des  voies  qui  ne  sont  pas  celles  que  S.  M.  désireroit  pour  parvenir  au 
but  qu'elle  se  propose  de  restablir  Madame  et  le  duc  de  Savoie  son  fds, 
promptement  et  pleinement  dans  leurs  Estais \  le  d.  s'  de  La  Cour 
sera  réservé  à  prendre  confiance  en  eux,  sans  toutefois  leur  en  faire 
rien  paroistre,  en  quoy  il  se  conduira  selon  sa  prudence  et  adresse. 

'   On  voit  que  Richelieu  ne  mettait  pas  Allohroges , gênas  hominum  semper  et  nbique 

l'envoyé  du  roi  dans  l'entière  confidence  in/îrfiim,  ne  feroit  rien  qui  vaille;  et ,  si  l'on 

de  la  négociation,  et  c'était  favis  de  tout  ne  s'asseure  par  la  force,  il  ne  s'en  fault 

le  conseil  d'user  de  dissimulation  avec  la  rien  promettre.  Mais  c'est  très  grande  pru- 

duchesse  de  Savoie,  fiullion  disait  à  Clia-  dence  de  ne  faire  cognoisire  le  mescon- 

vigni  :  •  J'ay  tousjours  creu  que  Madame,  lentement  qu'on  en  peut  avoir etc.  » 

soit  de  son  humeur,  soit  conduitte  par  (Leil.  du  19  oct.  déjà  citée.] 

75. 


596  LETTRES 

Le  séjour  de  Madame  et  de  M'  le  duc  de  Savoye  son  fils  doit  estre 
en  Savoie  pour  ne  point  se  rejeter  dans  les  confusions  qui  sont  à 
présent  en  Piedmont;  ou  si  Madame  prenoit  résolution  de  s'en  re- 
tourner, le  d.  s'  de  La  Cour  l'en  dissuadera ,  et  s'y  opposera  autant 
qu'il  pourra  pour  le  bien  des  affaires  de  S.  A.  donnant  cependant 
avis  au  roy  d'une  telle  résolution,  pour  savoir  ses  intentions. 

11  est  recommandé  au  s'  de  La  Cour  de  bien  maintenir  la  dignité  de  son  rang; 
de  traiter  Madame  et  M'  le  duc  de  Savoie  d'Altesse,  «  ainsy  qu'il  est  accoustumé, 
sans  y  adjouster  le  mot  de  royale,  comme  l'on  faict  en  ces  quartiers-là;  »  enfin  de 
tenir  bonne  correspondance  avec  les  ambassadeurs  et  autres  ministres  de  S.  M. 

Du  2  4  octobre  lôSg,  à  Lyon'. 


CCXGVL 

Arch.  des  Aff.  élr.  Pays-Bas,  t.  i3.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45  ,  fol.  i5G  v°.  —  Copie'. 

Saint-Germain  Harlay,  346,  t.  i,  fol.  169. — 

Béihune,  9266,  fol.  107  v°.  —  Copie. 

A  M.  DE  LA  MEILLERAYE. 

Vers  le  ai  octobre  lôSg'. 

Le  roy  part  le  26*  de  ce  lieu*  pour  se  rendre  le  3"  novembre  à 
Fontainebleau. 

Quand  vous  aurés  mis  l'armée  en  garnison  et  que  les  pluies  et  le 
mauvais  temps,  qui  est  peut-estre  desjà  venu  en  vos  quartiers,  asseu- 
reront  Casteau,  alors  vous  pourrés  aller  à  Chelles;  mais  je  ne  croy 
pas  que  vous  soyés  plustost  en  cet  estât  que  nous  à  Paris. 

'  Celte  date  est  donnée  par  la  copie  de  ^  La  minute  met  en  tête  un  chiffre  dou- 

Harlay;  la  pièce  n'est  point  datée  dans  le  leux:  24  ou  plutôt  25.  La  date  manque 

manuscrit  des  Affaires  étrangères.  dans  les  autres  manuscrits. 

'  Faite  sur  une  «  minute  de  la  main  *  Le  nom  de  lieu  n'est  pas  dans  nos 

de  Cherré.»  (Note  des  mss.  de  Colbert  et  mss.  mais  le  roi  et  le  cardinal  étaient  à 

de  Harlay.  )  Lyon  le  2  4- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  597 

Je  vous  prie  de  sy  bien  establir  les  garnisons  pour  l'hiver  que ,  quel- 
ques entreprises  que  les  ennemis  puissent  faire  l'hiver  sur  ledict 
Casteau,  il  y  ait  assez  de  troupes  proches  pour  le  secourir. 

Nous  attendons  des  nouvelles  de  Salces  avec  impatience;  pourveu 
qu'elles  soyent  sy  bonnes  que  celles  de  Brisac  tout  ira  bien. 

La  guerre  se  recommancera  en  Italie  le  26  '  de  ce  mois. 

J'ay  sceu^  quel  est  le  régiment  qui  manqua  à  son  devoir  à  la  journée 
de  Saint-Nicolas;  je  n'en  parleray  point;  et,  si  le  roy  l'apprend,  il  faut 
que  ce  soit  d'autres  que  de  vous  et  de  moi.  Je  ne  saurois  assez 
m'estonner  de  cet  accident;  nous  en  discourerons  de  la  cause  quand 
nous  serons  ensemble. 

Je  suis  très  aise  de  la  joie  que  M'  de  Chaunes  a  eue  de  son  abbaye , 
mais  extraordinairement  fasché  de  la  mort  de  M"^  le  cardinal  de  La 
Valette  qui  [la]  luy  a  donnée*. 

Il  sera  temps  à  nostre  retour  de  songer  aux  provisions  de  l'artillerie 
pour  l'année  qui  vient.  Si  toutes  celles  qui  restent  de  cette  année  sont 
bien  mesnagées,  commeje  n'en  doute  pas,  nous  n'en  manquerons  pas, 
s'il  plaist  à  Dieu. 

Ayés  soin  de  vostre  santé,  et  vous  asseurés  que  je  vous  seray  tous- 
jours  ce  que  je  vous  ay  esté  jusques  icy. 


'  Le  chiffre  est  un  peu  clouleux  dan»  la  qu'il  a  effacé  ensuite  :  «  J'ay  sceu  du  C'  de 

ruinule.  Les  mss.  de  Béthune,  de  Colberl  Ch. ..  t  le  reslc  du  nom  n'est  pas  lisible. 

etdeHarlay  mellentle27  :c'estuncerreur.  '  Le  cardinal  de  La  Valette  possédait  de 

La  guerre  dut  recommencer  le  a 5.  (Voyez  nombreuses  abbayes,  qui  furent  ardem- 

ci-dessus  l'instruction  donnée   au  comte  ment  disputées  après  sa  mort.  Le  mot  «  la  », 

d'Harcourt,  du  17  octobre.)  que  nous  substituons  ici,   manque  dans 

'  Richelieu  avait  d'abord  dicté  un  nom  tous  les  manuscrits 


598 


LETTRES 


CCXCVII. 

Arcli.  des  AfT.  élr.  Turin,  t.  29,  fol.  li5o.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Fonds  Saint-Germain-Hnilay,  347,  fol.  5i2  v°.  —  Copie. 

Dupuy,  t.  767,  cahier  Tt'.  —  Copie. 


A  MADAME  DE  SAVOIE. 


25  octobre  i63q'. 


Madame, 
Il  ne  se  peut  rien  adjouster  aux  bonnes  qualités  du  seigneur  dom 
Félix.  J'ay  esté  d'autant  plus  aise  de  le  voir  que  plus  je  l'ay  trouvé 
plein  de  zèle  à  vostre  service  et  de  capacité  à  vous  en  rendre'.  Le 
s'  Masserati  nous  a  fait  des  propositions  générales  d'accommodement 
entre  Vostre  Altesse  et  Messieurs  ses  beaux-frères;  elles  ont  esté 
favorablement  escoutées,  tesmoignant  que,  pourveu  qu'il  se  trouvast 
une  seurelc  qui  vous  garanti.st  des  justes  apréhensions  que  vous 
devés  avoir  pour  la  personne  de  M"  vostre  fils  et  pour  ses  Estats,  le 
roy  y  entendroit  volontiers,  et  s'emploieroit  vers  Vostre  Altesse  à  ce 
qu'elle  y  consentist.  On  verra  s'il  dira  quelque  chose  de  nouveau 
ci-après;  et,  en  toute  occasion,  le  roy  se  conduira  selon  que  les  in- 
térêts de  Vostre  Altesse  le  requièrent.  Si  elle  en  a  autant  de  soin 
que  S.  M.  et  ses  serviteurs  en  prendront,  j'espère  qu'elle  sera  plus 
contente  à  l'avenir  qu'elle  n'a  esté  par  le  passé. 


'   Voyez  noie  2 ,  p.  56  ci-dessus. 

'  C'est  une  réponse  à  une  lettre  de  la 
duchesse  de  Savoie,  du  20  octobre. 

'  Richelieu  se  loue  encore  de  la  fidélilc 
de  dom  Félix  0  à  poursuivre  l'exécution 
des  choses  promises,»  dfins  une  lettre 
adressée,  le  i/i  décembre,  au  ministre  de 
France  à  Turin,  M.  de  La  Cour,  et,  en 
même  temps,  il  renouvelle  ses  plaintes  au 
sujet  de  la  duchesse  :  «  Je  ne  sçaurois  assez 


m'estonner  de  la  continuation  de  l'aveu- 
glement de  Madame,  puisqu'il  est  jusques 
à  tel  point  qu'il  l'expose  tousjours  à  sa 
ruine.  Je  ne  sçay  ce  qui  la  peut  empescher 
d'exéculer  re.-tabli.ssement  qu'elle  a  pro- 
mis de  faire  dans  Montmélian  et  dans  la 
Savoye,  puisque  sans  cela  elle  n'y  peut 
avoir  de  seurelé.. .  »  Cette  lettre,  qui  a  été 
imprimée,  sera  mentionnée  à  sa  date  dans 
nos  Analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  599 


CCXCVJII. 

Arcli.  des  AfT.  olr.  Turin,  t.  39,  fol.  435.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  iaip.  Fonds  Saint-Germain-Harlay,  347,  '°^-  •''•7-  —  Copie'. 

A  M.  D'ARGENSON. 

De  Sainl-Saphorin,  ce  27  octobre  iBSg. 

On  a  escouté  favorablement  le  .s"^  Masserati  en  toutes  ses  proposi- 
tions, et,  après  luy  avoir  respondu  en  sorte  qu'on  s'asseure  qu'il  est 
demeuré  content  de  la  civilité  avec  laquelle  on  a  procédé  avec  luy, 
le  résultat  de  tout  ce  qui  s'est  dict  de  part  et  d'autre  est  contenu  aux 
deux  projets  que  vous  verres  en  chiffre,  l'un  concernant  ce  que 
Messieurs  les  princes  de  Savoye  doivent  promettre  et  tenir  au  roy, 
et  l'autre  ce  que  S.  M.  leur  doit  promettre. 

La  diflBcuIté  qu'on  trouve  en  cette  affaire  consiste  au  peu  de  seu- 
relé  physique  qu'on  trouve  que  M' le  P.  Thomas  peut  donner  de  ses 
bonnes  intentions. 

Cependant  s'il  veut  signer  le  papier  qui  concerne  la  promesse  que 
luy  et  M'  le  cardinal  son  frère  doivent  faire,  tel  qu'on  vous  l'envoie, 
on  croit  qu'on  peut  prendre  confiance  qu'il  ne  manquera  pas  à  ce  qui 
touche  le  voyage  de  Casai. 

On  ne  prescrit  point  à  M"'  d'Harcourt  d'entreprendre  ce  voyage  sur 
cela,  mais  on  le  lai.sse  libre  de  le  faire,  si  Casai  est  en  péril,  .sans  iceluy. 

Si  on  peut  y  jetter  des  gens  sans  y  mener  tout  le  corps  de  l'armée 
c'est  le  meilleur;  mais  si  c'est  chose  qui  ne  se  puisse,  et  que,  sans 
nouvelles  gens,  Casai  soit  en  péril,  en  ce  cas  il  faudra  se  confier  en 
la  promesse  du  P.  Thomas  pourveu  qu'il  la  veille  donner  par  escrit, 
comme  je  vous  ay  desjà  dicl'^. . . 

Si  M'  le  P.  Thomas  trouve  à  changer  au  projet  de  la  promesse 

'  •  Minute   originale    de   la    main    de  '  Nous  omettons  ici  trois  paragraphes 

Cherré.»  (Note  en  marge  de  la  copie  de        où  le  cardinal  prescrit  au  comte  d'Harcourt 
Harlaj.)  '         la  même  conduite  qu'à  d'Argenson;  celle 


600  LETTRES 

qu'il  doit  faire  tel  qu'on  vous  l'envoie,  vous  luy  ferés  savoir  que 
M"'  d'Harcourl  n'a  point  le  pouvoir  d'admettre  aucun  changement, 
mais  qu'en  ce  cas  il  est  besoin  de  renvoyer  le  s'  Masserati,  si  le  d. 
prince  l'estime  ainsy  à  propos. 

Cependant  si  la  nécessité  de  Casai  requiert  un  prompt  secours,  et 
que  le  d.  prince  veille  bien  signer  les  articles  qui  touchent  ledict 
secours,  remettant  à  adjuster  le  reste  avec  le  roy,  par  un  voyage  du 
d.  s'  Masserati ,  en  ce  cas  on  se  peut  fier  à  la  promesse  que  le  d.  prince 
aura  donnée  par  escrit,  et  sur  icelle  faire  ce  qui  sera  jugé  nécessaire 
pour  le  service  du  roy,  considérant  tousjours  que,  si  le  secours  de 
Casai'  se  peut  faire  sans  y  mener  le  corps  de  l'armée,  il  est  incom- 
parablement meilleur,  mais  que  si  cette  place  estoit  au  hasard  de  se 
perdre,  si  on  n'y  alloit  pas  en  corps  d'armée,  c'est  en  ce  cas  qu'il  y 
faut  aller  avec  farmée. 


CCXCJX. 

Arcb.  des  AfF.  étr.  Angleterre,  t.  U'],  fol.  3a4.  —  Mise  au  net'. 

Bibl.  itnp.   Saint-Germain-Harlay,   SG/i/ay,   fol.   38i.  —  Original. 

Cinq-cents  Colbert,  I.  46,  fol.  78  v".  —  Copie'. 

Supplément  français,  870.  —  Copie.  (Volume  non  chiffré,  vers  le  quart  du  vol.) 

MÉMOIRE  AU   SIEUR  DE  BELLIÈVRE, 

CONSEILLER  DU  ROY   EN   SES  CONSEILS   ET  SON    AMBASSADEBri  EN    ANGLETERRE*'. 

29  octobre  iCSg. 

Le  d.  s''  de  Bellièvre  dira  au  roy  d'Angleterre  qu'incontinent  après 


dépêche  devait  lui  être  communiquée ,  et 
Richelieu  l'en  prévient  dans  une  lettre  de 
quelques  lignes,  écrite  le  même  jour  que 
la  dépêche  à  d'Argenson.  (Aux  Analyses.) 

'  Ce  secours  avait  été  proposé  par  Fabert. 

'  Cette  pièce  a  été  classée  fautivement 
au  mois  de  janvier. 

'  «  Faite  sur  une  copie  de  la  main  de 
Daridole.  >  (Annotation  du  manuscrit  de 
Colberl.  ) 


'  Chavigni ,  qui  a  joint  au  présent  mé- 
moire une  lettre  d'envoi ,  y  a  ajouté  ce  post- 
scriplum  :  «Vous  verrez  que  je  vous  avois 
dépesché  M.  le  ch.  de  Beliegarde  dans  le 
temps  que  vous  aviez  marqué,  mais  que 
M.  de  Buliion  l'a  retenu  très  à  propos  pour 
vous  porter  de  nouveaux  ordres  du  roy,  les 
premiers  qu'il  vous  envoya  n'estant  plus 
de  saison.»  (Voy.  ci-dessus,  p.  583.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


601 


que  S.  M.  eul  faict  response  aux  propositions  qu'il  luy  avoit  envoyées 
sur  le  sujet  de  l'armée  navale  des  Espagnols  et  du  prince  Palatin,  la 
nouvelle  vint  que  le  d.  prince  Palatin  avoit  esté  arresté  à  Moulins, 
passant  déguisé  par  la  France  ^ 

Que  le  roy,  ne  le  voulant  pas  croire,  y  envoya  en  diligence  pour 
le  savoir. 


'  Le  prince  Palatin,  dont  le  dessein 
était  de  tâcher  de  s'approprier  l'armée  du 
duc  de  VVeymar,  et  de  se  substituer  à  cet 
illustre  général  dans  le  commandement 
que  sa  mort  laissait  vacant,  comprenait 
bien  qu'il  ne  devait  pas  confier  à  l'avance 
ce  projet  au  roi,  ni  au  cardinal,  et  il  réso- 
lut de  passer  en  France  sans  en  informer 
personne.  On  eut  soin  en  Angleterre  de 
ménager  à  l'avance  une  explication  à  cet 
étrange  procédé,  mais  de  la  donner  de 
manière  qu'elle  arrivât  tardivement.  Notre 
ambassadeur  à  Londres,  Bellièvre,  écrivait 
à  Chavigni ,  le  1 4  octobre  :  «  Le  prince  Pala- 
tin est  parti  ;  il  va  à  Paris  chez  Leycester;  il 
ne  peut  voirie  roy,  craignant  de  n'estre  point 
Iraiclé  en  Electeur.  Le  roy  d'Angleterre 
dit  qu'il  va  en  Allemagne,  .l'ay  remonslré 
à  S.  M.  l'inconvénient  de  faire  ainsy  passer 
son  neveu  par  la  France  sans  en  préve- 
nir le  roY.  Il  en  convient  et  m'a  dict  qu'il 
avoit  chargé  Leycester  de  pourvoir  à  ce 
qui  seroit  nécessaire;  qu'avant  son  départ 
le  palatin  avoit  passé  chez  moy,  mais  que , 
ne  m'ayant  pas  trouvé,  il  avoit  chargé  un 
gentilhomme  de  me  venir  faire  ses  ex- 
cuses*. >  Celte  lettre  écrite  après  le  départ 
du  palatin  ne  pouvait  être  promptement 
dans  les  mains  du  cardinal ,  qui  était  en  ce 
moment  avec  le  roi  sur  la  route  d'Italie  à 
Paris.  Toutefois,  cette  précaution  n'em- 
pêcha pas  que  le  prince  travesti  ne  fût  re- 
connu et  arrêté.  Aussitôt  que  Leycester  en 

•  Arch.  de»  Aff.  étrang.  Angt.  t.  Ix-j  ,  fol.  586.  —  " 
CARDIN.  DE  niCUELlEC.  —  VI. 


fut  informé  il  se  bâta  de  présenter  une  nou- 
velle excuse,  mais  il  se  garda  bien  de  par- 
ler du  commandement  de  l'armée  weyma- 
rienne.  «Le  prince  Palatin,  écrivit-il  le 
3  novembre,  a  passé  en  France,  le  roy 
d'Angleterre  a  chargé  son  ambassadeur 
de  dire  qu'il  n'a  pu  baiser  les  mains  au 
roy,  Sa  Majesté  estant  en  Dauphiné.  Il 
prie  qu'on  l'excuse  et  qn'on  le  recom- 
mande à  l'armée  du  duc  de  Weymar,  en 
laquelle  il  a  intention  de  se  mettre  pour 
le  présent  comme  volonlaire.  Il  demande, 
avant  tout,  qu'on  le  mette  en  liberté".  »La 
chose  n'alla  pas  si  vite.  L'Angleterre  insis- 
tait vivement;  on  envoya  de  Londres,  spé- 
cialement pour  cette  affaire,  un  jeune 
diplomate,  le  fils  du  secrétaire  d'état  Win- 
debanck.  La  captivité  du  Palatin  se  pro- 
longea et  ce  fut  une  difficulté  de  plus  dans 
les  relations,  alors  si  peu  amicales,  entre 
la  France  et  l'Angleterre.  Parmi  les  letlres 
que  conserve  le  ms.  des  Affaires  étrangères 
où  il  est  question  de  la  captivité  du  prince 
Palatin ,  il  y  en  a  une  surtout  assez  pi- 
quante dans  laquelle  Leycester  rend 
compte  au  ministre  anglais  Cooke  d'une 
conversation  qu'il  eut  avec  Chavigni,  où 
celui-ci,  dans  le  dessein  d'éluderles  récla- 
mations pour  la  liberté  du  prince  Palatin, 
s'imagine  de  persuader  à  l'ambassadeur 
anglais  que  Vincennes  est  bien  plutôt  une 
résidence  royale  qu'une  prison*". 

Ms.  précité ,  fol,  698.  —  '•*  W.fol.  6o5, 

76 


602  LETTRES 

Que  le  d.  prince  ayant  desnié  sa  qualité  par  l'interrogatoire  qui  luy 
a  esté  faict,  cela  a  faict  juger  à  S.  M.  qu'il  en  usoit  ainsy  pour  cacher 
quelque  dessein  qu'il  avoit  contre  la  France,  en  son  voyage,  ce  qui  a 
faict  que  Sa  d.  Majesté  n'a  peu  prendre  aucune  pensée  pour  le  d. 
prince  Palatin  àl'esgard  de  son  armée  d'Alsace;  joinct  aussy  qu'il  y  a 
desjà  plus  de  six  semaines  que  Mons'  de  Longueville  est  recognu  chef 
de  l'armée,  et  que  le  roy  est  maistre  des  places  de  Brisac  et  autres 
que  tenoit  M''  de  Weymar. 

Que  tout  ce  mauvais  procédé  du  Palatin  n'empesche  pas  que  le  roy 
ne  veuille  demeurer  avec  le  roy  d'Angleterre  aux  mesmes  termes 
d'amitié  et  de  négociation  qu'il  a  esté  auparavant,  pour  faire  un  bon 
traicté  à  l'avantage  de  la  cause  commune. 

Que  mesme  S.  M.  luy  donne  charge  de  conjurer  le  roy  d'Angleterre 
de  considérer  que,  demeurer  aux  termes  où  il  est,  c'est  perdre  les 
Estais  de  son  neveu  et  l'occasion  d'acquérir  beaucoup  de  réputation. 

Que  S.  M.  est  toute  preste  de  porter  tous  ses  alliés  d'entrer  con- 
joinctement  avec  elle  en  ligne  offensive  et  defTensive  avec  luy,  et  de 
s'obliger  à  ne  faire  point  la  paix  sans  la  restitution  du  Palatinat. 

Si  le  roy  d'Angleterre  dict  qu'il  a  procuré  un  grand  effect  en  la  def- 
faite  de  la  flotte  espagnole,  le  s'  de  Bellièvre  luy  respondra  que  tant 
s'en  faut  qu'il  y  ait  contribué  aucune  chose ,  qu'au  contraire  il  a  permis 
que  les  Espagnols ,  qui  ont  despouillc  son  neveu ,  ayent  receu  de  grandes 
assistances  dans  ses  Estats,  où  ils  ont  esté  rafraischis  de  vivres,  de 
poudres,  de  cordages,  et,  qui  plus  est,  de  divers  vaisseaux  qui  ont 
porté  deux  ou  trois  mil  hommes  des  leurs  à  Dunkerque. 

Il  adjoustera  de  plus  que  les  d.  Espagnols  se  vantent  de  tous  costés 
qu'ils  sont  près  de  faire  un  traicté  avec  le  roy  d'Angleterre  pour  avoir 
dix  mil  Irlandois,  moyennant  une  somme  notable  qu'ils  offrent  de  luy 
prester,  ce  qui  est  sy  contraire  aux  desseins  qu'il  tesmoigne  avoir  de 
rcslablir  son  neveu  dans  ses  Estats,  que  si  le  traicté  estoit  véritable  il 
seroit  impossible  d'en  faire  un  avec  luy  à  l'avantage  de  la  cause  com- 
mune. 

A  l'occasion  de  ce  que  dessus  le  s'  de  Bellièvre  fera  ce  qu'il  pourra 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  603 

pour  tirer  parole  du  roy  d'Angleterre  qu'il  ne  donnera  point  ces 
Irlandois  aux  Espagnols,  luy  tesmoignant  que,  quand  le  roy  ne  seroit 
point  en  traicté  avec  luy,  Sa  Majesté  fera  tousjours  de  bonne  volonté 
envers  ses  alliés  ce  qu'elle  pourra,  à  ce  que  tous  ensemble  favorisent 
ses  affaires,  en  ce  qui  sera  en  leur  pouvoir,  aux  occasions  qui  s'en 
présenteront. 

•Le  d.  s"^  de  Bellièvre  parlera  de  toutes  ces  choses  à  la  reine,  luy 
faisant  cognoistre  quelle  honte  ce  seroit  au  roy  d'Angleterre  que, 
moyennant  un  prest  d'argent,  il  livrast  une  armée  aux  Espagnols  pour 
agir  contre  luy-mesme. 

Le  s""  de  Bellièvre  verra  ce  que  le  roy  d'Angleterre  iuy  dira  sur  la 
détention  du  P.  Palatin,  et  luy  fera  cognoistre  qu'il  n'en  doit  pas  estre 
surpris,  puisqu'il  luy  a  déclaré  à  luy-mesme  que,  s'il  passoit  en  France, 
comme  il  avoit  projeté,  il  courroit  cette  fortune. 

Il  asseurera  le  roy  d'Angleterre  qu'on  le  traictera  avec  toute  la 

civilité  qui  se  doit  à  une  personne  de  sa  naissance,  jusques  à  ce  que 

S.  M.  ait  descouvert  le  dessein  qu'il  avoit,  passant  incognu,  comme 

il  a  faicl,  dans  ses  Estais,  contre  ce  qu'on  a  accoustumé  de  pratiquer 

envers  les  grands  princes. 

Fait  à  Desizes,  le  29*  octobre  1689. 

LOUIS. 

IlOLTHILUEB. 


CGC. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  I.  39,  fol.  456.  —  Mise  au  net. 

Bibl.  imp.  Fonds  Saiiit-Gerniain-Ilarlay,  347,  fol.  565.  —  Copie. 

Fonds  Dupuy,  t.  767,  Tt.  —  Extrait'. 

MÉMOIRE  A  M.  LE  COMTE  D'HARCOURT, 

L1E^TE^ANT  GÉNÉRAL  DO  BOT  EN  SON   ABMF.E  D'ITALIE. 

A  Monlargi»,  du  dernier  oclobre  lôSg. 

On  ne    peut  sans   perdre  l'honneur  entrer  en  continuation   de 
'  Voy.  ci-dessus,  p.  56,  note  a. 

76- 


604  LETTRES 

trefve  avec  les  Espagnols ,  s'ils  n'exécutent  premièrement  tout  ce  qu'ils 
ont  promis  par  la  première  suspension  sur  le  sujet  de  Casai. 

Ils  concluroient  de  là,  et  avec  raison,  que  les  François  sont  capa- 
bles de  toutes  offenses,  et  qu'ils  (les  Espagnols)  pourroient  impuné- 
ment violer  toutes  sortes  de  traictés  faicts  avec  eux,  et  ce  mesme  sans 
qu'ils  en  eussent  aucun  ressentiment. 

On  croit  pénétrer  certainement  que  les  Espagnols  ne  demandent 
la  continuation  de  la  trefve  de  dix  jours  que  pour  attendre  l'événe- 
ment de  Salces,  où  nous  savons  que  leurs  galères  sont  pour  charger 
de  l'infanterie ,  pour  la  leur  porter. 

Ainsy  cette  proposition  de  dix  jours  de  trefve  est  du  tout  inutile; 
car  devant  qu'elle  soit  résolue,  l'affaire  de  Salces  sera  terminée;  si  le 
succez  en  est  bon  pour  eux,  ils  ne  voudront  plus  de  trefve  jusques 
au  printemps,  et,  s'il  nous  est  favorable,  ils  nous  estimeroient  impru- 
dens  au  dernier  point,  si  nous  la  consentions. 

Partant  toutes  sortes  de  raisons  d'honneur  et  de  prudence  veulent 
qu'on  n'entende  à  aucune  trefve  de  peu  de  jours,  que  premièrement 
les  Espagnols  ne  réparent  les  manquemens  par  eux  faicts,  dans  l'exé- 
cution de  la  première,  au  faict  de  Casai;  ny  à  celle  jusques  au  prin- 
temps, sans  establir  clairement  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  sub- 
sistance de  Casai,  pour  l'entrée  des  vivres,  munitions  de  guerre  et 
autres  choses  nécessaires,  et  des  gens  de  guerre  qu'on  voudra  y  en- 
voyer. 

Quant  à  la  paix  particulière  d'Italie  aux  conditions  proposées  par 
le  Nonce,  qui  suppose  par  ce  moyen  le  rasement  de  Casai  et  la  de- 
meure de  Verceil  enti-e  les  mains  des  Espagnols,  la  proposition  en 
est  sy  ridicule  et  sy  honteuse  pour  la  France  qu'il  n'y  a  lieu  de  l'es- 
couter,  ny  moyen  de  s'empescher  de  dire  à  ceux  qui  la  font  qu'ils 
ont  ou  peu  de  jugement,  ou  peu  d'affection  aux  intérests  pubUcs, 
qui  doivent  estre  mesnagés  avec  une  juste  balance. 

On  ne  répond  rien  sur  l'affaire  que  négocie  le  s'  de  Vignoles;  il 
faut  la  conduire  avec  prudence;  le  retardement  et  le  désir  d'avoir  de 
l'argent  par  avance  en  font  avoir  quelque  mauvaise  opinion. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  605 

Pour  ce  qiH  est  de  l'affaire  du  s""  Masserati,  on  attend  icy  la  res- 
ponse;  le  s"  comte  d'Harcourt  et  le  s'  d'Argenson  avertiront  particu- 
lièrement de  ce  qu'ils  pénétreront,  sur  les  lieux,  des  intentions  des 
Princes.  Il  seroit  grandement  à  désirer  que  cet  accommodement  se 
puisse  achever  avec  sincérité,  et  pour  le  bien  de  Madame,  et  pour 
Mons'"  le  P.  Thomas,  en  tant  que  c'est  le  seul  moyen  de  sauver  les 
Estats  de  la  maison  de  Savoye. 

Il  ne  faut  pas  que  Madame  puisse  descouvrir  le  fonds  de  ce  traicté, 
estant  sy  malheureuse  pour  elle-mesme  qu'elle  le  romproit  asseuré- 
ment.  Elle  sçait  bien  que  Masserati  a  faict  icy  des  propositions  géné- 
rales d'accommodement  entre  les  Princes  et  Elle,  lesquelles  luy  ont 
esté  faicles  souvent  à  elle-mesme;  et  comme  il  est  malaisé  d'empes- 
cher  qu'elle  sache  qu'il  y  ait  quelque  négociation  entre  Masserati  et 
les  d.  sieurs,  il  la  faudra  repaistre  de  la  continuation  des  dictes  pro- 
positions générales,  sans  luy  dire  rien  du  fonds  que  le  roy  se  réserve 
à  luy  faire  proposer,  quand  il  le  verra  raisonnablement  ajusté  avec 
le  P.  Thomas. 


ceci. 

Ai'ch.  de  Condé.  —  Communicalion  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale.  —  Original. 

Bibl.  imp.  Cinq  -  cents  Colbert,  t.  45,  fol.  36a  v°.  —  Copie'. 

Sainl-Germain-Harlay,  346,  t.  i,  fol.  36 1.  —  Copie. 

A  M.  LE  PRirVCE. 

i"  novembre  iHSg. 

Monsieur,  Bien 

que  j'espère  de  la  bonté  de  Dieu,  de  la  justice  des  armes  du  roy,  de 
voslre  cœur  et  de  celuy  de  tant  de  braves  gens  qui  sont  auprès  de 
vous,  que  devant  que  ce  courrier  vous  arrive  vous  aurés  faict  quelque 
effect  avantageux  pour  le  secours  de  Salses,  je  ne  laisse  pas  de  le 
despescher  pour  vous  conjurer,  quand  mesme  le  grand  effort  que 

'  Faite  sur  une  t  minute  originale  de  la  main  de  Cherré.  •  (Note  du  ins.  de  Colbert  et 
du  ms.  de  Harlay.) 


606  LETTRES 

vous  aurés  tenté  ne  vous  auroit  pas  réussy,  de  ne  vous  descourager 
pas,  estant  certain  qu'en  Testât  où  sont  les  ennemis,  si  vous  pouvés 
prendre  un  poste  qui  leur  couppe  ou  incommode  ieiirs  vivres,  il  est 
impossible  qu'ils  achèvent  leur  siège,  qu'il  faut  quasy  qu'ils  recom- 
mancent  de  nouveau,  vostre  courrier  nous  ayant  rapporté  que  les 
eaux  les  ont  contraints  de  quitter  et  le  fossé  et  leurs  tranchées. 

Je  sçay  bien  qu'on  pourra  peut  estre  dire  qu'il  vous  sera  très-dif- 
ficile d'avoir  des  vivres  au  poste  que  vous  voudrés  choisir,  mais  les 
grands  desseins  ne  se  font  point  sans  peine,  et  celle  qu'aura  vostre 
armée  ne  sera  pas  comparable  à  celle  que  souffriront  les  ennemis. 
Il  s'agit  d'une  affaire  si  importante  à  la  paix  qu'il  n'y  a  rien  qu'il  ne 
faille  faire  pour  en  venir  à  bout;  et  je  ne  voy  rien,  à  mon  avis,  qui 
en  puisse  empescher  le  succez  que  le  manque  de  patience.  Je  m'as- 
seure  que  tous  ceux  qui  sont  auprès  de  vous  ne  se  contenteront  pas 
de  faire  paroistre  leur  valeur  en  une  occasion  pressante,  mais  qu'ils 
seront  ravis  de  faire  encores  voir  leur  fermeté. 

Tout  ce  que  je  vous  dis,  Monsieur,  n'est  pas  pour  vous  donner 
lieu  de  ne  tenter  pas  le  grand  elTort  que  je  présuppose  que  vous 
aurés  desjà  tenté,  mais  pour  vous  porter,  au  cas  qu'il  ne  vous  eust 
pas  réussy,  à  ne  vous  désister  pas  de  vostre  entreprise. 

Je  suis  extresmement  aise  que  vous  n'ayés  pas  pris  une  ré.solution 
de  faire  tenter  un  secours  particulier  qui,  à  mon  advis,  n'auroit  autre 
elFect  que  de  n'en  avoir  point  de  bon  pour  nous  et  de  faire  perdre 
courage  au  reste  de  l'armée;  et  c'est  chose  bien  évidente  que,  si  on 
peut  espérer  que  4,ooo  hommes  et  1,200  chevaux  puissent  forcer 
un  retranchement,  l'armée  tout  entière  le  fera  bien  plus  aysément, 
principalement  en  faisant  diverses  attaques,  selon  que  vostre  prudence 
sçaura  fort  bien  l'ordonner.  Les  Espagnols  n'ont  rien  pardessus  nous 
que  la  constance;  si  vous  commancés  à  les  vaincre  en  ce  point  vous 
acquerrés  beaucoup  de  gloire,  avec  tous  ceux  qui  servent  sous  vos 
commandemens. 

Je  les  conjure  tous.  Monsieur,  avec  vous,  de  n'oublier  rien  de  ce 
qui  peut  servir  à  cette  fin,  et  les  asseure  que  je  feray  valoir  auprès 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


607 


du  roy  leurs  services  ainsy  qu'ils  le  peuvent  désirer.  La  précipitation 
avec  laquelle  je  vous  dcspesclie  ce  courrier,  après  avoir  veu  la  vostre 
qui  est  allée  trouver  le  roy,  faictque  je  n'ay  autre  loisir  que  de  vous 
escrire  cette  lettre,  vous  suppliant  d'en  faire  part  à  ceux  qui  en  doi- 
vent avoir  cognoissance ,  et  de  croire  que  je  suis,  etc.' 


ccai. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  1689,  Supplément,  fol.  45  1 .  —  Original. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  BOUTHILLIER, 

SUniNTENDANT  DES  FIIAHCES  ,    k   PARIS. 

De  Briare,  ce  2'  novembre  i63g. 

La  main  non  encores  cogneue  dont  je  vous  escrivis  de  Lyon  est 
attachée  au  corps  d'un  nouveau  secrétaire  que  j'ay,  qui  ne  vous  est 
pas  encores  cogneu.  Comme  le  caractère  en  est  passable ,  la  mine  n'en 
est  pas  fascheuse;  et  la  fidélité  n'en  est  pas  doiûiteuse. 

J'ay  rcceu  les  pièces  que  vous  m'avés  envoiées  touchant  les  aflaires 
de  mon  nepveu  Du  Pont,  dont  je  vous  remercie,  comme  aussy  du 
soin  que  vous  voulés  prendre  de  ce  qui  me  touche^. 


'  Aussilôt  la  réception  de  cette  lettre, 
M.  le  Prince  assembla  un  conseil  de 
guerre ,  qui ,  après  avoir  examiné  les 
moyrns  de  secourir  Salces  proposés  parie 
cardinal,  jugea  la  chose  absolument  im- 
possible d'un  commun  avis.  M.  le  Prince 
envoya  au  cardinal  le  résultat  des  déli- 
bérations de  ce  conseil,  signé  de  tons  les 
membres  :  Henry  de  Bourbon  ;  C.  de  Rebé , 
archev.  de  Narbonne;  Gilles,  év.  d'Aire; 
B.  Macbau;  Dupré;  Scliomberg;  Arpajon; 
Lecques;  Argencourt;  Tonnerre;  Le  Pies- 
sis-Besançon  ;  Prouville.  La  lettre  de  M.  le 
Prince  est  écrite  de  Narbonne  le  6  no- 


vembre. Les  deux  mss.  de  la  bibliothèque 
notés  aux  sources  sont  tout  remplis  de  dé- 
tails sur  cette  affaire,  et  sur  la  campagne 
de  Uoussillon.  [Emploi  de  M.  le  mareschal 
de  Schoniberg.  Cinq-cents  Colb.  fol.  233- 
/|02  ;Harlay,  346,  fol.  a43-4o3.)  —  Voy.  ci- 
après  lettre  du  a8  novembre. 

'  Ce  M.  Du  Pont-Courlay  désolait  toute 
sa  famille.  Nous  avons  vu  la  sévérité  des 
reproches  que  lui  adressait  parfois  Riche- 
lieu. Voici  ce  que  la  duchesse  d'Aiguillon , 
sa  sœur,  mandait  en  confidence  à  Chavlgni 
le  21  octobre  :  «Je  ne  puis  m'empescher 
de  vous  dire  la  croix  que  j'ay  démon  frère 


608 


LETTRES 


Je  ne  doute  pas  qu'il  ne  désire  une  terre  tiltrée,mais  je  ne  sçays'il 
sçay  t  qu'il  faut  les  mériter  de  celte  nature  pour  les  obtenir  en  ce  temps. 
Comme  il  désire  de  la  gloire,  je  luysouhaitte  desactions  qui  l'en  rendent 
digne,  et  sans  ce  moyen  sa  fin  sera  dans  son  désir  et  jamais  eneffect. 

Aussytost  que  je  seray  à  Fontainebleau,  je  donneray  ordre  au 
payement  de  madame  d'Harcourt.  Si  mes  eaues  se  sont  trouvées  basses, 
la  mesme  raison  qui  les  rendoit  blanches  au  puyts  des  Caves,  aupa- 
ravant que  vous  eussiés  une  fontaine,  en  est  la  cause,  c'est  qu'on  en 
a  trop  tiré  pour  le  public.  Ainsy  que  depuis  cet  accident  vous  avés 
trouvé  une  fontaine,  si  je  puis  trouver  quelque  source  utile  au  ser- 
vice du  roy  ce  me  sera  une  grande  consolation  '. 


qui  est  pis  que  jamais,  ses  extravagances 
m'eslanl  insupportables.  M'  vostre  père  ne 
le  cognoist  pas.  Au  nom  de  Dieu ,  voyés 
adroitement  quels  sont  les  sentimens  de 
S.  Em  pour  luy,  car  de  le  laisser  icy,  c'est 
le  plus  grand  mal  que  l'on  puisse  faire.  Il 
m'a  pensé  faire  tourner  la  cervelle  pour  si- 
gner des  papiers  que  S.  Em.'a  désirés,  qui 
estoient  très  raisonnables.  11  parle  pitoya- 
blement de  S.  Em.  devant  tout  le  monde; 
cela  me  faict  mourir  d'ennui.  »  (Manuscrit 
cité  aux  sources,  fol.  43o,  lettre  auto- 
graphe.) En  ce  moment  Boutbillier  était 
fort  embarrassé  pour  mettre  en  ordre  les 
affaires  d'argent ,  très-dérangées,  de  ce  ne- 
veu peu  digne  d'un  tel  oncle. 

'  Nous  avons  déjà  dit  que  les  Caves  était 
le  nom  delà  maison  de  campagne  de  Bou- 
tbillier. Le  cardinal  parle  ici,  presque  en 
plaisantant,  à  l'un  des  surintendants  des 
fmances,  d'embarras  graves,  dont  l'antre 
surintendant  se  désespérait.  Bullion  écri- 
vait sans  cesse  à  Bicbeiieu  les  lettres  les 
plus  lamentables  à  ce  sujet;  et  encore  il  gar- 
dait, en  s'adressant  au  premier  ministre, 
des  ménagements  dont  il  ne  prenait  pas 
la  peine  d'user  avec  d'autres.  Nous  avons 


plusieurs  lettres  qu'il  adressait  à  Chavigni , 
alors  en  mission  à  Turin,  toutes  remplies 
de  ses  inquiétudes  et  des  misères  du  trésor 
public;  ce  passage  d'une  seule  suffira  à  don- 
ner une  idée  des  au  très  :  «...  Je  ne  fus  jamais 
si  outré  que  je  suis,  et  avec  un  tel  mespris 
des  affaires ,  et  un  chagrin  indicible,  voyant 
où  nous  en  sommes.  Je  m'expliqueray  da- 
vantage en  présence,  Dieu  aydant.  Il  fault 
quej'advoue  que  les  affaires  de  finances  sont 
en  très-mauvais  eslat.  La  despense  du  con- 
tent monte  à  quarante  millions  au  moins; 
les  trailans  nous  abandonnent ,  et  les  peu- 
ples ne  veulent  rien  payer,  ny  les  droits 
antiens,  ny  les  nouveaux.  Nous  sommes 
maintenant  au  fond  du  pol,  n'ayant  plus 
de  moyen  de  choisir  entre  les  bons  et  mau- 
vais advis.  Et  je  crains  que  nostre  guerre 
estrangère  ne  dégénère  en  une  guerre  ci- 
vile. S.  Em.  quand  elle  verra  la  vérité  des 
affaires  y  prendra  quelque  bon  expédient; 
mais  je  vous  confesse  que  je  suis  bien  em- 
pesché  et  n'y  voy  aucun  jour.  .  .  »  (Manus- 
crit cité  aux  sources,  fol.  /i36.)  Cette  lettre 
était  écrite  le  ib  octobre,  huit  jours 
avant  la  présente  lettre  à  Boutbillier. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  609 

Je  suis  xavy  de  Ja  santé  de  madame  vostre  femme,  et  prie  Dieu 
qu'il  la  continue  à  toute  vostre  famille,  que  j'aimeray  tousjours  comme 
j'ay  faict,  avec  distinction  de  ce  que  je  veux  rendre  aux  enfans  et  de 
ce  qui  est  deub  à  l'ancienneté  des  progéniteurs. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


CCCIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Turin,  t.  29.  fol.  Siy.  —  Minute.  — 

Au  folio  5 1  g,  mise  au  net'. 

Bibl.    inap.   Saint-Germain- Flarlay,  347.   '"*''•   •'61.  —  Copie'. 

Fol.  555  v°,  autre  copie. 

-MÉMOIRE  A  M.  LE  COMTE  D'HARCOURT'. 

Un  20  novembre  lôSg. 

Les  propositions  faictes  par  le  nonce,  touchant  la  paix  générale 
d'Italie,  pour  les  suspensions  jusques  au  printemps,  ou  pour  1 5  jours, 
.sont  ridicules  par  les  conditions  qu'il  y  veut  mettre. 

Quant  aux  propositions  faictes  par  Masserati  et  Baronis,  dont  la 
première  regarde  l'accommodement  des  frères  avec  S.  M.  il  est  à 
propos  d'en  remettre  les  résolutions  jusques  à  ce  que  Masserati  vienne 
en  France,  ou  que  le  P.  Thomas  envoie  des  conditions  raisonnables 
pour  cet  accommodement,  comme  ils  l'ont  faict  espérer. 

Cependant  M''  d'Argenson  a  bien  respondu  en  disant  qu'il  ne  se- 
roit  pas  raisonnable  que  le  roy  restituast  les  places  (ju'il  a  à  Madame 
et  aux  frères;  au  cas  que  les  Espagnols  ne  vovdussent  restituer  celles 

'  La  minute  est  écrite  de  la  main  d'un  était  commune  aux  deux  personnages, 
secrétaire,  avec  des  additions  de  la  main  '-Cette  copie  datée  du  19,  et  qui  met 

de  Richelieu  et  de  celle  de  Cherré.  Cette  la  suscription  «à  M'  d'Argenson,»  a  été 

minute  est  datée  du  19  novembre;  on  lit  faite  sur  la  minute,  ainsi  que  l'indique 

au  dos  :  «  A   M'  d'Argenson,  •  tandis  que  une  note  marginale, 
le  nom  de  M.  d'Harcourt  est  écrit  sur  la  '  Voyez  sur  la  même  affaire  un  autre 

mise  au  net,  laquelle  porte  la  date  du  ao,  mémoire,  adressé  aussi  au  comte  d'Har- 

sans  doute  jour  de  l'envoi.  La  dépêche  court,  le  3 1  octobre. 

CABDIN.  DE  RICHELIEU.  —  VI.  77 


610  LETTRES 

qu'ils  ont,  quand  mesme  l'accommodement  des  d.  frères  se  feroit 
avec  S.  M.  par  la  raison  que  y  a  adjousté  le  d.  s"^  d'Argenson,  que  si 
le  roy  ne  se  trouvoit  saisi  d'aucune  place  de  Piedmont  quand  on  trai- 
teroit  la  paix  générale,  et  que  les  Espagnols  fussent  saisis  de  celles 
qu'ils  occupent  aujourd'huy,  S.  M.  en  recevroit  un  notable  préjudice, 
et  la  maison  de  Savoye  aussy. 

En  cas  que  l'accommodement  entre  le  roy  et  les  princes  se  fist,  on 
pourroit  prendre  un  expédient  sur  la  restitution  des  places,  qui  seroit 
que,  les  Espagnols  ne  restituant  point  celles  qu'ils  occupent,  le  roy 
gardast  celles  qui  luy  ont  esté  mises  entre  les  mains,  promettant  tou- 
tefois de  les  restituer  à  mesure  qu'on  en  reprendroit  de  celles  que 
tiennent  les  Espagnols,  en  sorte  qu'il  en  demeure  autant  au  roy  et 
d'aussy  bonnes  qu'aux  Espagnols,  pour  faire  le  contrepoids  dans  un 
accommodement  général. 

Au  cas  que  les  Espagnols  ne  veillent  pas  restituer  Verseil,  ou  que 
les  princes  ne  se  portent  pas  à  le  leur  demander,  el'qu'ils  offrent  de 
restituer  toutes  les  autres  places  qu'ils  tiennent  à  la  charge  que  le  roy 
fera  la  mesme  chose,  le  roy  y  pourroit  consentira  condition  que  Ma- 
dame, les  Princes  et  les  Espagnols,  laissent  entre  les  mains  de  S.  M. 
une  des  places  qu'elle  tient  dans  le  Piedmont,  selon  qu'il  sera  avisé, 
autre  que  Pignerol ,  et  que  le  P.  Tliomas  donne  pour  seureté  de  luy 
sa  femme  et  ses  enfans'. 

Mais  tout  ce  que  dessus  ne  se  peut  bien  accommoder  qu'on  n'ayt 
veu  ce  qu'escrira  Masserati,  en  suite  de  son  voyage  de  Nice,  ou  qu'on 
n'ayt  parlé  c^  luy,  s'il  vient  à  la  cour.  Néantmoins,  il  est  bien  à  propos 
que  M"'  d'Harcourt  en  ayt  cognoissance ,  affin  qu'il  puisse  faire  pa- 
roistre  en  général  les  justes  intentions  du  roy,  pour  obliger  d'autant 
plus  les  Princes  à  traicter  avec  S.  M. 

A  la  marge  de  ce  paragraphe,  sur  la  Espagnols  ou  autrement,  pourroient  en 

rainule.Cherré  a  écrit:  t  Sans  celte  seureté  un  instant  se  rendre  maistres  de   toutes 

demandée  au  prince  Thomas  un  tel  ac-  les  places  du  Piedmont  où  madame  de  Sa- 

cord  pourroit  estre  captieux,  en  ce  que  les  voie  n'est  point  aimée.  » 
frères,  par  conventions  secrettes  avec  les 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  611 

Pour  ceKjiii  regarde  la  proposition  de  la  suspension  jusques  au  prin- 
temps :  après  avoir  veu  ce  qu'escrit  M''  le  comte  d'Harcourt  de  Testât 
de  ses  troupes,  de  l'impossibilité  qu'il  y  a  de  faire  subsister  la  cava- 
lerie dans  le  Piedmonl,  et  de  la  foiblesse  des  garnisons  qui  seront 
dans  les  places,  il  semble  qu'on  pourroit  consentir  à  la  d.  suspension 
pourveu  qu'elle  durast  jusques  à  la  lin  d'avril;  que  le  roy  eust  liberté 
de  pourvoir  de  munitions  et  d'bommes  Casai  et  les  autres  places  qu'il 
a  dans  le  Montferrat  par  un  chemin  qui  seroit  marqué,  la  mesme 
chose  estant  accordée  aux  Espagnols  pour  ce  qui  regarde  Turin',  mais 
avec  celle  précaution  pour  esviter  pareille  tromperie  que  celle  du 
passé ^  [et  qu'il  n'entre  rien  dans  Turin  qu'il  n'en  entre  autant  dans 
Casai]. 

Ensuitte  de  quoy  il  doit  estre  aussy  dict  clairement,  pour  ne  tomber 
pas  aux  inconvéniens  des  prétextes  qu'on  a  voulu  prendre  pour 
rompre  la  suspension  passée,  qu'ainsy  qu'il  sera  libre  aux  Espagnols 
et  aux  frères  de  changer  la  garde  et  les  garnisons  des  places  qu'ils 
tiendront  dans  les  Estais  de  M'  le  duc  de  Savoye,  ainsy  le  roy  et  Ma- 
dame pourront-ils  faire  le  mesme  .sans  qu'on  puisse  imputer  tels 
changemens  contraventions  à  la  d.  suspension. 

Les  avantages  qu'auront  les  Espagnols  pour  munir  et  fortiffier  la 
ville  de  Turin  seront  récompensés  pai-  la  liberté  que  le  roy  aura  de 
faire  la  mesme  chose  à  Casai  el  aux  autres  places  qu'il  a  dans  le 
Piedmont,  qui  ne  sont  pas  en  trop  bon  estât.  Outre  que  la  négocia- 
tion qui  est  introduite  avec  les  Princes  se  terminera  plus  facilement. 

'  Cependant  si  on  pouvoil  commodément  se  passer  de  la  d.  sus- 
pension, puisque  les  Espagnols  la  demandent,  c'est  un  signe  asseuré 
qu'ils  ont  quelque  grande  incommodité  dans  Turin,  à  laquelle  ils 
veulent  pourvoir  à  la  faveur  de  la  suspension. 

'  La  fin  du  paragraphe  et  le  paragra-  *  Il  y  a,  dans  la  minute,  >  de  l'avenir;  » 

plie  suivant  sont  écrits  en  marge,  dans  la  mais  c'est  évidemment  une  distraction  de 

minute,  de  la  main  de  Cherré,  sauf  la  Cherré. 

phrase  que  nous  enfermons  entre  crochets ,  '  Ce  dernier  paragraphe  est  de  la  main 

laquelle  a  été  ajoutée  p.ir  Richelieu.  de  Cherré  dans  la  minute. 

77« 


612 


LETTRES 


CCCIV. 
Imprimée  :  Mém.  de  l'Académie  de  Tuulouse ,  3'  série,  t.  III,  p.  i55. 

A  M.  LE  BARON  D'AMBRES'. 

2  2  novembre  i  GSg. 

Monsieur,  bien  que  je  ne  doute  point  que  la  qualité  et  le  mérite  de 
M'  de  Lavaur^  vous  convie  à  l'estimer  et  aimer  tout  ensemble,  je  m'as- 


'   Voyez  tome  V,  p.  734,  note  1. 

'  Charles-François  d'Abra  de  Raconis, 
qui  avait  été  nommé  évêque  de  Lavaur 
en  1637,  ne  fut  sacré  que  le  29  mai  1 689  , 
et  l'on  voit  qu'il  ne  prit  possession  de  son 
évêché  que  six  mois  plus  lard.  C'était  un 
de  ces  catholiques  de  conversion  rccenle 
qui  se  faisaient  remarquer  par  l'ardeur  de 
leur  zèle  théologique,  et  leur  inépuisable 
faconde  dans  la  controverse.  Le  fatras  de 
sa  polémique  lui  a  mérité  une  place  dans 
l'épopée  satirique  de  Boileau  Ami  du 
P.  Joseph,  il  élait  l'un  des  courtisans  les 
plus  empressés  du  cardinal  de  Richelieu; 
Tallemant  des  Réaux  (IV,  i5)  nous  le 
montre  assidu  à  grossir  la  foule  de  ceux 
qui  suivaient  le  cardinal  dans  ses  prome- 
nades auxTuileries ,  et  se  disputaient  l'hon- 
neur de  faire  sa  partie  de  ballon  La  vanité 
naturelle  au  caractère  de  Raconis,  gonflée 
encore  du  venl  de  cette  faveur,  lui  fil  beau- 
coup d'ennemis  dans  sa  ville  épiscopale, 
(Gallia  christ,  t.  XIV);  et,  malgré  la  lettre 
de  Richelieu,  le  baron  d'Ambres  ne  craignit 
pas  de  se  mettre  à  la  tête  delà  cabale  sou- 
levée contre  l'évèque.  Non-seulement  il  ne 
lui  rendit  pas  sa  visite,  mais  il  ne  lui  épar- 
gnait aucune  mortification.  Le  vieux  châ- 
teau des  barons  d'Ambres  élait  voisin  de 
Lavaur;  cette  ville  d'ailleurs  se  trouvait 
située  dans  la  petite  province  de  Laura- 


guais,  dont  le  baron  était  sénéchal,  et  la 
grande  influence  de  ce  personnage  dans 
la  contrée  rendait  ses  démêlés  avec  Ra- 
conis très-désagréables  pour  l'évèque,  qui 
s'en  plaignit  vivement  à  Richelieu.  On 
verra  bienlôl  que  celui-ci  n'abandonna 
pas  son  protégé,  et,  aussi,  que  le  baron 
d'Ambres  persista  dans  ses  procédés  in- 
sultants malgré  la  protection  du  cardinal. 
Cette  lutte  d'un  simple  gouverneur  d'une 
petite  province  contre  le  premier  ministre , 
à  l'époque  de  sa  puis.sance  la  plus  absolue, 
est  curieuse  et  donne  à  cette  lettre  une 
importance  qu'elle  n'aurait  pas  par  elle- 
même;  c'est  ce  qui  nous  engage  à  lui  faire 
une  place  dans  ce  recueil,  d'autant  que 
celui  où  elle  est  imprimée  est  fort  peu  ré- 
pandu. Richelieu  fut  obligé  de  réitérer  plus 
d'une  fois  ses  recommandations  au  baron 
d'Ambres,  qui,  malgré  les  prières  du  car- 
dinal, continuait  de  vivre  assez  mal  avec 
l'évèque  de  Lavaur.  (Voy.  ci-après  aux 
dates  du  8  septembre  i64o  et  du  9  février 
1 64 1 .)  On  trouve  dans  les  mss.  de  la  Bibl. 
imp.  (fonds  Baluze,  papiers  des  armoires, 
lettres,  paquet  V,  n"'  4  et  5)  une  série  de 
lettres  adressées ,  pendant  toutes  ces  brouil- 
leries,  à  Charpentier,  par  l'évèque  de  La- 
vaur d'une  part ,  et  par  le  baron  d'Ambres 
de  l'autre;  chacun  plaide  sa  cause  auprès 
du  secrétaire  du  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  613 

seure  que  tous  vous  y  porlerés  encore  dadvantage  quand  vous  sçaurés 
qu'il  est  de  mes  amis  particuliers,  et  que  comme  tel  je  vous  conjure 
de  le  considérer  pour  l'amour  de  moy,  qui  auray  à  contentement  de 
vous  tesmoigner  en  touttes  occasions  que  je  suis, 
Monsieur, 

Voslre  très  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  22  novembre  1689. 


CCCV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Hollande,  t.  ai,  pièce  210.  —  Mise  au  nel'. 

Bibl    itnp.  Cinq-cenls  Colbert,  t.  46,  fol.    2i3.  —  Copie'.  — 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.   2,  fol.  SgS. —  Copie. 

INSTRUCTION  DE  M.  D'ESTRADES'. 

23  novembre  iGSg. 

Monsieur  le  prince  d'Orange  a  tant  de  coguoissances  des  affaires 
du  monde  qu'on  ne  doute  point  qu'il  ne  sache  les  excessives  des- 


'  La  pièce  des  Affaires  étrangères,  n'é- 
tant point  datée,  a  été  classée  à  la  fin  de 
l'année. 

'  Faite  sur  une  minute  •  de  la  main  de 
Chirurgien.  ■  (Noie  de  chacun  des  deux 
mss.  de  la  Bibliothèque.) 

'  Un  traité  d'alliance  offensive  et  dé- 
fensive avait  été  conclu  entre  la  France  et 
la  Hollande,  le  24  mars  1689  *.  Les  Étals 
de  Hollande  montrèrent  peu  d'empresse- 
ment à  l'exécuter;  il  y  eut  des  hésitations 
et  des  explications  qui  se  prolongèrent 
pendant  plusieurs  mois".  Cependant  des 
engagements  réciproques  avaient  été  pris 

*  L'original  el  une  copie  de  ce  trailé  se  trouvent 
aux  .AfTaircs  étrangères  dans  un  volume  de  Hol- 
lande, classé  hors  série,  et  au  dos  duquel  on  lit 
1575-1663,  pièce»  71  el  72.  Un  autre  texte  est  con- 


dès  le  23  avril  iGSg,  mais  on  n'en  conti- 
nuait pas  moins  les  négociations,  et  nous 
trouvons,  à  la  date  du  24  octobre,  une 
lettre  du  prince  d'Orange  à  Richelieu ,  avec 
un  •  mémoire  de  ce  que  fera  la  Hollande 
en  i64o,  si  le  roy  de  France  assiste  les 
Estais  de  1,600,000  livres**'.  •  Elle  22  no- 
vembre la  présente  instruction  est  donnée 
à  d'Estrades;  à  la  date  du  24,  les  enga- 
gements stipulés  en  avril  sont  textuelle- 
ment reproduits  (ci-après,  p. 620)  et  enfin , 
le  23  décembre,  des  promesses  formelles 
sont  définitivement  conclues.  (Ci-après, 
p.  667.) 

scrvf:  dans  ia  coliectiun  de  Hollande,  t.  21,  pièce  69. 

"  Voyez   plusieurs  pièces  du  tome   2 1   précité  , 
entre  autres  les  pièces  60,  6j,  79. 

*•*  Pièces  iSg  et  lio. 


614  LETTRES 

penses  que  le  roy  est  confrainct  de  faire  pour  la  guerre,  qui  sont  telles 
qu'elles  ne  reviennent  pas  à  moins  de  cinquante  millions,  lesquels 
joincts  à  vingt  que  coustent  les  autres  despenses  de  l'Eslat,  il  faut 
trouver  tous  les  ans  soixante-dix  millions,  bien  que  le  revenu  ordi- 
naire du  royaume  ne  soit  que  de  la  moitié. 

Ces  considérations  font  qu'il  est  du  tout  impossible  au  roy  d'ac- 
corder à  M"  les  Estats,  pour  l'année  i6/io,  la  somme  de  1,600,000  liv. 
désirée  par  M' le  P.  d'Orange,  en  monnoye  de  Hollande,  qui  revient 
à  deux  millions,  monnoye  de  France. 

Par  le  premier  traicté  faict  entre  la  France  et  M"  les  Estats,  sur 
le  sujet  de  la  rupture  arrivée  en  i635,  le  roy  est  deschargé  du 
secours  d'argent  qu'il  donnoit  auparavant  à  M"  les  Estats  pour  leur 
aider  à  soutenir  les  despenses  de  la  guerre,  et  eux  demeurent  chargés 
d'entretenir  une  puissante  armée  jusques  à  la  paix,  pour  faire,  ainsy 
que  S.  M.  y  est  obligée  de  sa  part,  la  guerre  offensive  aux  ennemis. 

Nonobstant  cette  descharge,  le  roy,  par  excès  de  zèle  au  bien  des 
affaires  communes  et  celuy  de  M"  les  Estats,  leur  a  donné  en  i636, 
1687,  '638  et  1639,  de  grands  secours  extraordinaires,  à  ce  qu'ils 
puissent  faire  des  entreprises  considérables  et  plus  qu'ordinaires. 

Comme  l'effet  de  tels  secours  ne  s'est  pas  tousjours  ensuivi  tel  qu'on 
eust  peu  le  désirer,  quelques-uns  qui  pensent  à  l'espargne  du  royaume 
avoient  faict  penser  qu'il  falloit  demeurer  dans  les  termes  généraux 
des  traictés  qui  obligent  chacun  de  faire,  la  guerre  à  ses  despens. 

Cependant  la  confiance  que  M' le  cardinal  prend  aux  promesses  de 
M"'  le  P.  d'Orange  luy  a  faict  faire  de  nouveaux  efforts  vers  S.  M.  pour 
la  porter,  comme  il  a  faict,  à  donner  encores  cette  année  un  secours 
extraordinaire  à  M"  les  Estats,  et  ce  plus  grand  qu'à  l'accoustumée, 
à  raison  des  grands  desseins  auxquels  mon  d.  s''  le  P.  d'Orange  veut 
s'obliger. 

Pour  cet  effect,  M"  les  Estats  peuvent  s'asseurer  de  la  somme  de 
1,600,000  livres,  monnoye  de  France,  en  quatre  termes,  somme 
d'autant  plus  considérable  que  les  monnoyes  légères  sont  maintenant 
deffendues  en  France. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  615 

On  estime  les  desseins  auxquels  M"'  le  prince  d'Orange  veut  s'obli- 
ger pour  l'année  qui  vient  Irès-importans;  mais,  ne  sachant  pas  les 
raisons  particulières  qui  les  luy  font  estimer  faisables,  on  les  trouve 
de  difficile  et  douteuse  exécution.  Cependant  S.  M.  défère  tant  au 
jugement  et  à  l'expérience  du  d.  s''  Prince,  que  sur  l'asseurance  de  ces 
desseins,  et  la  promesse  qu'il  veut  faire  par  escrit  de  les  exécuter, 
elle  ne  faict  pas  difficulté  de  s'engager  au  secours  susdit  d'argent,  et 
de  s'obliger  aussy  par  escrit  à  faire  une  puissante  diversion  qui  ne 
sera  pas  de  moindre  eflfect  pour  le  dessein  de  M"  les  Estats  que  celle 
des  années  passées. 

Pour  avoir  bon  succès  de  quelque  entreprise  qu'on  veuille  faire  de 
part  et  d'autre  il  faut  mettre  à  la  campagne  de  bonne  heure,  et  estre 
sy  religieux  au  temps  arresté,  à  celte  fin,  que  les  deux  armées  de 
S.  M.  et  de  M"  les  Estats  y  entrent  précisément  à  mesme  jour. 

L'expérience  et  la  raison  font  voir  si  clairement  que,  sans  ces  deux 
points,  on  ne  sauroitrien  faire,  que  S.  M.  déclare  franchement  qu'elle 
n'entre  maintenant  au  nouvel  engagement  du  secours  extraordinaire 
qu'elle  veut  faire  à  M"  les  Estats,  que  sur  l'asseurance  que  M'  le 
P.  d'Orange  luy  donne  qu'il  entrera  sans  faillir,  avec  l'armée  de  M"'"  les 
Estats,  le  premier  jour  de  may;  auquel  S.  M.  s'oblige  aussy  de  faire 
entrer  son  armée  commandée  par  M' le  mareschal  de  la  Meilleraie '. 

Quelque  dessein  que  fassent  M"  les  Estats,  S.  M.  désire  qu'ils 
aient  une  armée  de  3o  à  4o  vaisseaux  au  travers  de  Calais,  pour  em- 
pescher  que  les  places  des  ennemis,  qui  sont  sur  la  coste,  ne  puissent 
estre  secourues,  au  cas  que  S.  M.  ou  M"  les  Estats  viennent  à  les  atta- 
quer, et  asseurer  le  passage  des  vivres  de  France  et  de  Hollande,  selon 
les  divers  vents,  à  ceux  qui  voudront  faire  ime  telle  entreprise. 

Afin  que  le  manque  ou  délay  de  la  conclusion  d'un  traicté  pour 
cette  année  ne  puisse  donner  prétexte,  aux  uns  et  aux  autres,  de 

'   Nous  trouvons  ce  qui  suit  à  la  marge  à  la  cainpagnu   au    i"   uiay,  que,  par  le 

du  ms.  des  Affaires  étrangères  ;  «  M'  d'Es-  traicté  faict  en  1 635  ,  il  s'estoit  obligé  d'y 

Irades  représentera  à  M'  le  P.  d'Oronge,  esire  en  mars.  > 
au  cas  qu'il  fasse  didicullé  de  se  mettre 


616  LETTRES 

n'estre  pas  prests  d'entrer  en  campagne  de  bonne  heure  et  à  mesme 
jour,  le  roy  donne  pouvoir  au  S"  d'Estrades ,  soit  qu'il  conclue  un  traicté 
particulier  en  son  nom,  soit  qu'il  demeure  dans  les  ternies  du  général 
de  1 635,  qui  oblige  la  France  et  M"  les  Estats  à  faire  la  guerre  offen- 
sive dans  le  pays  des  ennemis,  de  promettre  pour  S.  M.  qu'elle  fera  ' 
entrer  précisément  dans  le  pays  des  ennemis  son  armée,  commandée 
par  M""  le  mareschal  de  laMeilleraie ,  le  premier  may,  déclarant  à  M"^'  les 
Estats  que  si ,  en  satisfaisant  aux  obligations  des  traictés  faicts  avec  la 
France,  ils  veulent  faire  quelque  chose  de  considérable^,  ils  doivent 
estre  en  campagne  en  mesme  temps,  ainsy  que  le  roy  le  désire  et  s'y 
attend^. 


CGC  VI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Hollande,  l.  2  i ,  pièce  lig.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré 

et  de  celle  de  Charpentier.  — 

Mise  au  net  de  la  main  d'un  secrétaire  de  Chavigni,  pièce  iSa. 

Bibl.   imp.   Cinq-cents  Colbert,  n°  46,  fol.  2i5  v°.   —  Copie*.  — 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  2,  p.  /|00.  — topie. 

INSTRUCTION  PARTICULIÈRE 

POUR  MONS'  D'ESTRADES. 

Du  2  2  novembre  iCSg. 

Si  Mons*  le  prince  d'Orange  s'opiniastre  à  vouloir  avoir  plus  d'ar- 
gent que  les  1,600,000  livres  monnoye  de  France,  portées  par  l'ins- 
truction publique  du  s'  d'Estrades,  pour  luy  oster  tout  lieu  d'ex- 
cuse, le  s'  d'Estrades  luy  peut  dire  qu'il  ne  faut  point  en  espérer 
davantage,  du  consentement  de  M"  les  surintendans  des  Finances, 

'  11  y  avait  «d'obliger  S.  M.  à  faire.  »  Ri-  '  Celte  dépêche  était  faite   pour  être 

chelieu  a  effacé  cette  petite  phrase  et  a  communiquée  au  prince  d'Orange.  On  va 

écrit  en  surcharge  celle  qu'on  voit  ici.  voir  l'instruction  secrète  envoyée  en  même 

'  Ces  dernières  lignes  sont  presque  en-  temps  à  l'ambassadeur, 

tièrement  de  la  main  de  Richelieu  dans  la  '  Faite  sur  une  pièce  »  de  la  main  de 

pièce  des  Affaires  étrangères,  où  l'on  re-  Cherré.  »  (Note  des  mss.  de  Colbert  et  de 

marque  çà  et  là  d'autres  traces  de  l'écri-  Harlay.) 
lure  du  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  617 

mais  qu'il  *  veu  M'  le  cardinal  sy  afFeclionné  à  son  contentement, 
qu'il  luy  dist  en  partant  :  Si  M''  le  P.  d'Orange  est  bien  asseuré  de 
l'exécution  de  son  dessein;  s'il  ne  tient  qu'à  deux  ou  trois  cent  mille 
livres,  je  les  feray  donner  sans  que  les  surintendans  le  sachent,  les 
bonnes  grâces  du  roy  me  donnant  assez  de  crédit  pour  cela. 

Ensuitte  le  d.  s'  d'Estrades  luy  ajoustera  que,  sur  cette  parole,  il  ne 
fera  point  de  difficulté  de  s'engager  à  la  somme  de  i  A  ou  1 5oo,ooo  liv. 
monnoye  de  Hollande,  pourveu  qu'il  luy  donne  parole  que,  s'il  venoit 
à  manquer  l'exécution  de  son  dessein,  il  ne  prétendra  point  le  paye- 
ment des  derniers  termes,  sans  que  toutefois  il  puisse,  en  y  renon- 
çant, estre  libre  de  la  promesse  qu'il  faict  d'exécuter  son  dessein'. 

Le  d.  s"  d'Estrades  portera  insensiblement  le  d.  s'  Prince  à  presser 
le  roy  d  entreprendre  le  siège  de  Dunkerque  ou  de  Gravelines,  et  de 
promettre,  en  ce  cas,  vaisseaux  pour  empescher  le  secours  et  autant 
de  vivres,  en  payant,  qu'on  pourra  avoir  besoin,  et  promettra  au  d. 
s'  Prince  de  porter  autant  qu'il  pourra  le  cardinal  à  faire  entreprendre 
ce  dessein;  ce  qu'il  fera  cependant  avec  tant  de  précaution  que  M'  le 
P.  d'Orange  demeurera  d'accord  avec  luy,  que,  sur  ce  sujet,  il  ne 
s'engagera  à  rien  pour  S.  M.  mais  demeurera  seulement  chargé  de 
faire  ouverture  de  cette  entreprise  au  roy  et  à  M"  de  son  conseil. 

^  Le  d.  s'  d'Estrades  saura  que  la  proposition  qu'on  sera  bien  aise 
qu'il  fasse  du  siège  de  Dunkerque  n'est  pas  que  l'on  juge  que  le  roy 
doive  maintenant  entreprendre  cette  place  pour  le  bien  de  la  cause 
commune,  mais  seulement  à  ce  que,  si  le  cours  des  affaires  porte  S.  M. 
à  cette  résolution,  les  d.  sieurs  des  Estats  luy  en  aient  grande  obli- 
gation, et  soient  obligés  de  le  secourir  en  ce  dessein  autant  qu'ils 
pourront. 

Les  mauvais  succès  qu'ont  eus  les  Pays-Bas  cette  année  par  terre, 
à  raison  des  avantages  que  les  armées  du  roy  ont  remportés  sur  eux , 
et  par  mer,  à  cause  de  la  bataille  navale  gagnée  par  M"  les  Estats,  font 
qu'on  en  doit  espérer  de  grands  l'année  qui  vient,  pourveu  que  l'on 

'  A  la  marge  des  trois  rass.  on  lit  :  <i  Monsieur  d'Estrades  conviendra  au  meilleur 
marché  qu'il  pourra.  •  —  '  Ici  Charpentier  prend  la  plume. 

C&BDIX.  DE  RICBELIEC.  VI.  "  78 


618  LETTRES 

sache  bien  se  servir  de  l'occasion;  el  ce  d'aulantplus  que  le  mauvais 
estât  des  affaires  de  l'Empereur  a  tiré  Piccolomini  en  Allemagne. 

Dans  la  foiblesse  des  ennemis,  si  les  forces  du  roy  et  celles  de 
M"  les  Estats  attaquent  proche  l'un  de  l'autre,  il  semble  qu'on  leur 
donne  tout  l'avantage  qu'ils  sauroient  désirer,  leur  donnant  moyen 
d'unir  toutes  leurs  forces  et  de  résister  à  la  France  et  aux  Hollandois, 
selon  que  les  occasions  le  requerront. 

Au  lieu  que,  si  les  attaques  de  la  France  et  de  M''  les  Estats  sont 
fort  esloignées  l'une  de  l'autre,  il  faudra,  par  nécessité,  qu'ils  divisent 
leurs  forces  en  deux ,  et  qu'ils  soient  foibles  partout. 

En  cette  considération,  je  croy  que.  M'  le  P.  d'Orange  attaquant 
Dam  e't  Bruges,  ce  ne  seroit  pas  prudence  d'attaquer  en  mesnie  temps 
Dunkerque  par  les  forces  du  roy,  et  que  la  raison  veut  qu'on  porte 
ses  desseins  plus  loin. 

'  Mons'  d'Estrades  verra  s'il  n'est  point  à  propos  qu'il  dise  un  jour, 
sous  prétexte  de  grande  franchise,  à  Mons"  le  P.  d'Orange,  ce  qui  suit  : 

Monsieur,  je  pense  avoir  une  preuve  de  la  grande  affection  que 
M""  le  cardinal  a  pour  les  affaires  de  cet  Estât ,  laquelle  est  indubi- 
table, et  ensuitte  de  laquelle  vous  devés,  à  mon  avis,  vous  surpasser 
vous  mesme,  pour  faire  quelque  chose  de  grand.  On  n'a  communiqué 
aucune  chose  du  dessein  de  V.  A.  à  Mess"  du  Conseil,  mais  seulement 
que  vous  demandés  un  grand  secours  du  tout  extraordinaire  pour 
faiie  aussy  quelque  chose  de  grandement  considérable.  Quelqu'un 
qui  alloit  à  l'espargne  dict  qu'il  estoit  à  craindre  que  ce  grand  secours 
fust  la  cause  de  vostre  perte,  en  ce  que  si,  après  tant  d'asseurances  de 
faire  quelque  chose  de  grand,  vous  ne  faisiez  rien,  la  crainte  que 
vous  auriés  que  la  France  n'en  demeurasl  tout  à  fait  desgoustée  et 
offensée,  vous  portast  à  traicter  avec  les  Espagnols,  comme  on  avoit 
faict  en  1 636.  Mons'^  le  cardinal  ayant  ouï  cette  raison  dist  qu'elle  luy 
avoit  passé  par  la  fantaisie,  mais  qu'il  n'estimoit  pas  qu'elle  dust  em- 
pescher  d'entrer  au  secours  dont  il  estoit  question,  pour  deux  raisons  : 

La  première  fust  qu'il  vous  tenoil  trop  généreux  pour  souffrir  une 
'  Cherré  reprend  ici. 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU.  619 

inficlélilé  pareille  à  celle  qui  se  feroit  si  M"  les  Estais  Irailoient  sans 
le  roy; 

Et  la  seconde,  que  vous  esliés  trop  habile  pour  ne  voir  pas  que, 
quelque  traicté  que  les  Estais  peussent  faire  seuls  avec  l'Espagne,  ils 
n'y  sauroient  trouver  de  scureté,  estant  clair  que,  toules  les  fois  que 
la  France  voudroil  se  joindre  à  leurs  ennemis  contre  eux,  ils  luy 
feroient  telle  condition  que  bon  luy  sembleroit,  parce  qu'en  tel  cas 
ils  penseroienl  estre  asseurés  de  la  perte  de  M"  les  Estais. 

Ces  raisons  ramenèrent  M"  du  Conseil,  et  leur  firent  dire  qu'ils  ne 
pensoient  pas  que  M'*  les  Estais  voulussent  jamais,  par  une  infidélité 
qui  les  désbonnoreroit  sans  remède,  donner  sujet  au  roy,  qui  les  avoit 
tousjours  puissamment  protégés,  de  se  tourner  contre  eux.  Ensuitte  il 
ajousla  que  quand  mesme  M"  les  Estais  seroient  capables  d'une  telle 
lascheté,  ce  qu'ils  ne  feroient  jamais,  il  osait  dire  au  roy  qu'il  valloit 
mieux  la  souffrir,  après  leur  avoir  donné  moyen  de  faire  quelque  grand 
effect,  que  d'en  user  autrement'. 

ADDITION  D'INSTRUCTION  ^. 

Mons'  d'Estrades  doit  dire  à  M"  le  P.  d'Orange  qu'il  s'asscure  qu'il 
est  trop  raisonnable  pour  prétendre  pouvoir  estre  deschargé  devant 
le  monde  de  l'exécution  du  dessein  qu'il  propose,  quand  il  y  sera 

'  Lorsque  celle  instruction  fui  donnée  qu'il  portera  peut-eslre  des  plaintes  d'a- 
à  M.  d'Estrades,  Richelieu  avait  dû  être  bord,  qui  se  termineront  en  adoucisse- 
informé  qu'un  ambassadeur  exlraordi-  ments.  »  (Bibl.  imp.  S'-Germ.  Harl.  36/i*, 
naire  était  allé  à  Londres  de  la  pari  des  fol.  a66  Us,  orig.)  Quoique  la  France  et  la 
États.  M.  Brassel,  secrétaire  de  la  légation  Hollande  fussent  souvent  en  soupçon  que 
française  en  Hollande,  avait  écrit,  le  3 1  oc-  chacune  de  ces  puissances  pouvait  traiter 
tobre,  à  M.  de  Bellièvre,  ambassadeur  en  secrètement  avec  l'Angleterre  ou  avecl'Es- 
.^ngleterre:  «Depuis  ma  dernière  du  ay,  pagne  pour  finir  la  guerre  aux  dépens 
l'on  a  pris  icy  résolution  d'envoyer  un  am-  de  leur  allié,  il  ne  paraît  pas  probable  que 
bassadeur  extraordinaire  en  Angleterre,  Richelieu  fil  ici  allusion  à  l'avertissement 
dont  le  choix  esl  tombé  en  la  personne  de  qu'avait  donné  M.  Brassel  ;  le  nom  du  plé- 
M.  d'Arsens  Sommerdik ,  qui  s'en  est  fort  nipolcntiaire  désigné  n'éveillait  pas  les  in- 
excusé, mais  enfin  le  service  de  la  patrie,  quiétudes  du  cabinet  français, 
et  les  persuasions  de  M  le  prince  d'Orange  '  Celte  addition  est  écrite,  sur  un 
ont  prévalu.  C'esl  sur  le  sujet  des  flottes  feuillet  séparé,  de  la  main  de  Cherré. 

78. 


620 


LETTRES 


obligé,  quand  mesme  il  y  trouveroit  de  l'impossibilité ,  ou  qu'un  léger 
combat  l'en  empescheroit,  que  par  l'exécution  d'un  autre  dessein  dans 
la  Flandre,  de  pareille  importance. 

Fa  qu'il  vaudroit  beaucoup  mieux  qu'il  ne  l'entreprist  pas  et  demeu- 
rast  dans  les  termes  du  traicté  de  1 635 ,  où  chacun  doit  faire  la  guerre 
à  ses  despens;  ou  que,  s'il  juge  ne  pouvoir  l'aire  qu'un  dessein  de  moin- 
dre considération,  il  se  contentastd'un  moindre  secours,  comme  il  a  eu 
les  années  précédentes,  lequel  toutefois  il  n'a  demandé  et  ne  luy  a  esté 
accordé  qu'en  considération  qu'il  feroitquelque  chose  d'extraordinaire  ^ 


Voici  le  texte  de  l'engagemeut  dont  il  est  question  dans  les  deux  instructions 
données  le  22  novembre  au  comte  d'Estrades  : 

PROMESSE   KÉCIPROQUE   ENTRE  LE  CARDINAL   DE  RICHELIEU  ET  LE  PRINCE  D'ORANGE  2. 

Sur  la  proposition  que  M' le  prince  d'Orange  m'a  faict  faire  par  le  s'  d'Estrades 
qu'il  attaquerait  l'année  prochaine,  que  l'on  comptera  i64o,  les  villes  de  Dam  et 
de  Bruges ,  tout  à  la  fois  les  forts  du  canal  jusques  à  Blanc-en-Berghe  et  Blanc-en- 
Berghe  mcsme,  moyennant  que  le  roy  luy  donnast,  rendues  en  Flandres,  les 
sommes  nécessaires  pour  la  levée  de  [douze]'  mil  hommes  de  pied,  et  six  mois 


'  Le  cardinal  chargea  d'Estrades  de 
remettre  au  prince  d'Orange  une  lettre  où 
il  disait  :  <i  Vous  verres ,  par  la  response  que 
vous  porte  M'  d'Estrades,  le  désir  qu'a 
S.  M.  de  favoriser  vos  bons  projets,  et  ce 
qu'elle  veut  faire  pour  en  facililer  l'exé- 
cution et  par  sa  bourse  et  par  ses  armes. 
Pour  moy,  Monsieur,  je  m'y  porterayavec 
d'autant  pins  d'ardeur  que  j'espère  que 
nous  ne  serons  pas  moins  heureux  l'année 
qui  vient  que  la  présente ,  et  que  l'armée 
de  mon  cousin  le  mareschal  de  La  Meil- 
leraie  divertira  aussy  puissamment  les  en- 
nemis qu'elle  a  faict  cette  année.  »  Puis , 
en  promettant  la  ponctuelle  exactitude  de 
La  Meilleraie,  Richelieu  ajoutait:  «Sy  peu 
d'expérience  que  j'ay  me  faict  croire  du 
tout  impossible  de  faire  aucune  chose  de 


considération  si  on  ne  surprend  et  pré- 
vient les  ennemis.  »  La  minute  de  cette 
lettre,  de  la  main  de  Charpentier,  est  sans 
date  el  on  l'a  classée  à  la  fin  de  décembre 
(Hollande,  t.  21,  pièce  189).  Deux  copies 
se  trouvent  à  la  bibliothèque,  avec  la  date 
du  23  décembre;  c'est  une  erreur  évi- 
dente; elle  fut  écrite  pour  accompagner 
cette  instruction  ;  c'est  donc  novembre  qu'il 
fallait  mettre  (voy.  aux  analyses,  28  nov.); 
d'ailleurs,  nous  trouvons  que  d'Estrades 
était  de  retour  en  Hollande  au  commen- 
cement de  décembre. 

'  La  minute ,  de  la  main  de  de  Noyers, 
de  Charpentier  et  de  Richelieu,  est  dans 
le  ms.  de  Holl.  l.  21,  pièce  71. 

'  Il  y  avait  «  dix;  »  Richelieu  a  effacé  et 
mis  «douze»  en  interligne.   Nous  enfer- 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU. 


621 


de  gages,  [o«tre  l'entreteneinent  des  Iroupes  extraordinaires  qui  furent  levées 
pour  l'année  du  siège  de  Maestric] 

Après  avoir  l'aict  savoir  ce  dessein  au  roy,  et  receu  ses  ordres  et  commande- 
mens  sur  iceluy,  je  promets  à  M' le  prince  d'Orange,  au  nom  de  Sa  Majesté,  de 
luy  faire  payer  la  somme  de  '  [seize  cent  mile  livres,  payables  en  quatre  termes, 
de  trois  mois  en  trois  mois,  dont  le  premier  sera  en  janvier.]  Moyennant  que 
M'  le  prince  d'Orange  me  donne  aussy  sa  promesse  d'exécuter  la  proposition 
cy-dessus,  et  que,  pour  cet  efïect,  il  fasse  lever  [et  entretenir]  extraordinairement 
les  [trouppes]  cy-dessus  spécifiées  pour  l'exécution  dudict  dessein,  outre  ce  que 
M"  les  Estats  ont  accoustumé  d'avoir  sur  pied. 

Et  aiTm  que  toutes  choses  soient  ponctuellement  exécutées  de  part  et  d'autre , 
je  promets  de  faire  payer  les  sommes  cy-dessus,  en  quatre  payements  égaux,  le 
premier  eschéant  au  mois  de  janvier  prochain,  et  les  trois  autres  de  [trois]  mois 
en  [trois] ^  mois,  franches  et  quittes  de  tout  change,  dans  Amsterdaui^. 

Je  promets  en  outre,  de  la  part  du  roy,  que  M'  le  mareschal  de  la  Melleraye 
sera  en  campagne,  avec  l'armée  de  Sa  Majesté,  le  premier  jour  de  may,  sur  peine 
d'estre  estimé  manquer  à  ce  qui  est  convenu  entre  M' le  prince  d'Orange  et  moy, 
pour  Sa  Majesté  et  M"  les  Estats,  [et  qu'il  exéquutera  la  diversion  projettée  par 
Sa  Majesté,  ou  donnera  combat  général  aux  ennemis;  et  que,  quand  mesine  il 
le  perdroit,  Sa  Majesté  ne  laîrra  pas  de  tenir  une  armée  puissante  dans  le  pays 
des  ennemis*.] 

Faict  à  Ruel,  le  2 4' jour  de  novembre  1639. 


tnons  entre  crochets ,  le»  corrections  et  ad- 
ditions faites  de  la  main  de  Richelieu. 

'  De  Noyers  avait  écrit  «  treize  cents 
quarante,  »  et  Cherté,  «quinze.  » 

'  De  Noyers  avait  laissé  en  blanc  le  mot 
trois  aux  deux  places. 

'  Ici ,  sui  la  minute ,  nous  trouvons  : 
«Faict  à  Ruel,  le  vingt -deuxième  jour 
d'avril  i63g.  »  —  «  Le  cardinal  de  Riche- 
lieu. »  —  Le  quantième  2a*,  écrit  en  toutes 
lettres  par  le  cardinal,  dans  un  espace 
laissé  en  blanc  par  de  Noyers'.  —  Après  la 
signature,  Charpentier  et  le  cardinal  «ni 


écrit  à  la  suite  de  l'engagement  :  «Je  pro- 
mets en  outre,  etc.  » 

'  La  minute  originale  finit  ici;  celle  se- 
conde date  (a4  novembre)  esl  donnée  par 
la  mise  au  net  du  secrétaire  de  Chavigni , 
pièce  i5o,  et  par  la  plupart  des  autres  co- 
pies; quelques-unes  ne  reproduisent  qu'un 
des  engagements;  tous  deux  se  Irouvenl 
réunis  dans  les  pièces  cotées  id4,  i56, 
ainsi  que  dans  la  copie  du  volume  de  Hol- 
lande, xbji  a  1663.  La  première  minute 
seule ,  pièce  7 1 ,  porte  la  date  du  22  avril  ; 
nous  voyons,  par  cette  différence  de  date, 


*  Ces  négociations  avaient  pour  but  de  donner 
plus  de  précision  aux  clauses  d'un  projet  de  traité 
daté  du  î  i  mars ,  et  dont  l'original ,  avec  les  cachets , 


est    suivi  d'une   copie   dans   le   ins.    de    Hollande, 
1571  à  iG63,  pièces  71  et  72. 


622 


LETTRES 


'  Je  promels  [au  cardinal  de  Richelieu]^,  moyennant  l'exécution  de  ce  que 
dessus,  de  faire  lever  [les  troupes  spécifiées  dans  sa  promesse,]  outre  toutes  les 
troupes  qu'ont  accoustumé  d'avoir  M"  les  Estais,  pour  faire  un  corps  si  puissant 
qu'avec  iceiuy  je  puisse  attaquer  tout  à  la  fois  les  places  de  Dam  et  de  Bruges  [et 
les  forts  qui  sont  aux  environs  de  l'Escluse  et  Blanc-en-Ber}^he]  mcsme,  et 
accomplir  entièrement  la  proposition  cy-dessus  spécifiée,  faicte  de  ma  part,  par 
le  s"'  d'Estrades.  Ce  à  quoy  je  m'oblige  en  foy ,  et  parole  de  prince  [sans  pouvoir 
prétendre  estrc  en  ce  sujet  desgagé  de  ce  à  quoy  m'oblige  cet  escrit,  que  par 
l'exéquution  dudict  dessein,  ou  un  combat  général  donné  aux  ennemis,  qui  se 
présenteront  pour  m'en  empescher].  Et  ensuitte  d'iceluy  l'entreprise  de  quelque 
nouveau  dessein  de  grande  importance  en  Flandres,  au  cas  qu'il  nie  reste,  après 
le  combat,  des  forces  suffisantes  pour  cet  effect^. 

*  Je  promets  en  outre  estre  précisément  à  la  campagne,  pour  exéculter  le  des- 
sein que  dessus,  le  premier  jour  de  may,  avec  les  forces  cy-dessus  désignées, 
et  d'exécutter  tout  le  contenu  en  ma  promesse,  sur  peine  d'estre  estimé  manquei- 
à  ce  qui  a  esté  convenu  entre  M' le  cardinal  et  moy,  pour  Sa  Majesté  et  M"  les 
Estais  ^ 


que  la  convention  faite  et  signée  par  Riche- 
lieu en  avril  ne  fut  reprise  que  sept  mois 
après.  La  pièce  188,  de  la  main  de  Cherré, 
est  faite  sur  la  minute ,  seulement  la  date  y 
est  resiée  en  blanc. 

'  Minute  écrite  de  la  main  de  de  Noyers, 
de  Charpentier  et  de  Richelieu ,  comme  la 
pièce  71',  que  celle-ci  doit  suivre  immé- 
dialemenl,  car  toutes  deux  ont  été  écrites 
en  même  temps  par  le  cardinal.  Cepen- 
dant celte  dernière  est  tout  à  fait  séparée 
de  l'autre  dans  ce  ms.  où  elle  est  cotée 
209*.  Une  mise  au  net  de  la  main  de 
Cherré,  se  trouve  en  continuation  d'une 
pièce  cotée  187,  laquelle  est  une  lettre  de 
Richelieu,  que  nous  donnons  ci-après, 
page  657  ;  elle  est  datée  du  23  décembre; 
il  avait  fallu  le  temps  d'envoyer  en  Hol- 
lande le  modèle  de  la  promesse  dicté  par 

*  Nous  avons  remarqué  que  Richelieu  a  écrit  au 
dos  de  celte  minute  le»  notes  suivantes  :  «ïrouppes 
de  M"  tes  Estais  ;  3  régîmens  escossois  ,  —  5  (rançois , 


Richelieu.  Une  autre  mise  au  net,  de  la 
même  main,  sans  date,  est  cotée  pièce  208. 

'  Dans  la  minute  (pièce  209)  de  Noyers 
avait  écrit  :  «Je  promets  au  roy  ;  »  Riche- 
lieu a  mis  a  la  place  «  au  cardinal  de  Ri- 
chelieu. » 

'  La  fm  de  ce  paragraphe  depuis  «  Et 

ensuitte »  est  ajoutée  de  la  main  de 

Cherré  dans  la  minute;  elle  n'est  pas  dans 
le  ms.  de  M.  le  duc  d'Aumale. 

'  Ce  dernier  paragraphe  est  de  la  main 
de  Charpentier.  On  voit,  par  tout  ce  que 
Richelieu  a  fait  ajouter  et  a  ajouté  lui- 
même  sur  la  minute,  avec  quel  soin  at- 
tentif et  prévoyant  il  s'applique  à  lier  le 
prince  d'Orange  le  plus  étroitement  pos- 
sible. 

'  Ce  double  engagement ,  dicté  par  Ri- 
chelieu, dont  il  a  écrit  lui-même  une  par- 

—  i  allemand ,  —  2  v^allon ,  —  régimens  du  pays ,  8 , 

—  80  compagnies  d'infanterie,  levées  à  Mastric,  20 
de  cavalerie ,  levée  aussy  à  Mastric.  » 


DU   CARDINAL   DE  RICHELIEU. 


623 


CCCVIL 
Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  ù6  ',  fol.  341.  —  Copie. 

irVSTRL'CTIOîV  ' 
AU  SIEUR  DOYSONVILLE, 

LIEUTENANT    AD    GOUVERNEIIENT    DE    BRISACH. 

23^  novembre  iGSg. 

Le  (1.  s'  d'Oysonville  saura  que,  M""  le  cardinal  Blchi*  ayant  faict 
cognoistre  au  roy  que  Mons''  le  duc  de  Bavière  luy  avoit  escrit  qu'il 
désiroit  se  remettre  bien  avec  S.  M.  et  qu'il  estoit  prest  d'entendre 
à  toutes  les  choses  qui  luy  en  pourroient  faciliter  les  moyens,  on  luy 
fîst  response  que  S.  M.  avoit  bien  agréable  la  bonne  disposition  dans 
laquelle  estoit  le  d.  s'  duc,  et  qu'elle  se  résoudroit  volontiers  à  en- 
voyer un  des  siens  à  Strasbourg. 


lie,  et  dont  il  a  fait  multiplier  les  copies 
par  ses  secrétaires,  se  trouve  dans  plu- 
sieurs manuscrits  :  Arch.  des  AIT.  élr.  Hol- 
lande, l.  21,  outre  la  minute  cotée  71, 
une  mise  au  net  de  la  main  de  Cherré, 
pièce  188;  )5o,  autre  mise  au  net  de  la 
main  d'un  secrétaire  de  Cliavigni;  i54, 
i56  et  ailleurs,  plusieurs  copies.  —  Hol- 
lande, 1673  à  166.?,  pièce  72*.  —  Copie. 

—  Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  le  duc 
d'Aumale.  —  Copie  de  la  main  de  Cherré. 

—  A  la  Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert, 
t.  46 ,  fol.  219.  —  Copie.  S'-Genu.  Harl. 
346,  tome  1,  fol.  tioS.  —  Copie. 

'  Ce  manuscrit  de  Colbert  est  divisé  en 
plusieurs  parties  qui  ont  chacune  une  ru- 
brique pariiculière.  On  a  classé  cette  pièce 
et  quelques  autres  sous  ce  titre  :  «  Dili- 
gences pour  la  paix.  » 

*  Cette  instruction,  que  le  recueil  de 
Colbert  donne  d'après  une  copie  de  Dari- 


dole,  l'un  des  premiers  commis  des  Af- 
faires étrangères,  a  sans  doute  été  rédigée 
dans  le  cabinet  de  Chavigni.  Elle  est  fort 
longue;  san.s  en  transcrire  le  texte,  nous 
donnons  une  idée  de  l'ensemble,  et  nous 
en  conservons  quelques  dispositions  prin- 
cipales, où  la  pensée  de  Richelieu  est  ex- 
pliquée par  le  secrétaire  d'Etat.  Le  manus- 
crit transforme  le  nom  d'Oysonville  en 
Ausonville. 

'  Au  lieu  du  23,  nous  trouvons  28  à 
la  lin  de  la  pièce. 

*  Ce  cardinal  servit  d'intermédiaire  dans 
celte  négociation.  On  peut  voir  dans  le 
ms  de  Colbert,  à  la  date  du  7  novembre, 
une  pièce  intitulée  :  «  Avis  sur  une  entrevue 
à  faire  entre  un  député  du  roy  et  un  du 
duc  de  Bavière,  pour  conférer  ensemble 
de  quelque  accommodement,  à  l'ermitage 
de  Einsiedel  en  Suisse.  !■  (fol.  827  v°.  ) 


624  LETTRES 

Pour  tenir  la  négociation  plus  secrète,  le  duc  de  Bavière,  au  lieu  de  Stras- 
bourg, désigna  «il  Sacro  Eremo  deila  Madona,  à  Einsiedel  i,  où  il  promet  de 
faire  trouver  le  s'  Giovanni  Hugone,  qui  est  à  luy...  avant  l'ouverture  du  cou- 
vent électoral,  qui  est  convoqué  à  Nuremberg  le  5  du  mois  prochain.  . 

Le  plénipotentiaire  de  France  était  chargé  d'assurer  le  sieur  Hugone  du  désir 
qu'avait  le  roi 

de  contribuer  à  luy  procurer  tous  les  avantages  qu'il  pourra  désirer 
raisonnablement  dans  une  paix  générale,  quoyque  S.  M.  n'ait  pas 
eu  autant  de  sujet  d'estre  satisfaicte  de  sa  conduitte  qu'elle  le  dust 
attendre . . . 

Il  prendra  occasion  de  luy  faire  cognoistre  que  le  roy  a  tousjours 
souhaitté,  avec  une  égale  passion,  le  repos  de  la  chrestienté,  et  que, 
si  tous  ceux  qui  y  ont  intérest  eussent  marché  du  niesme  pied ,  on  en 
auroit  à  présent  l'establissement,  qui  semble  encore  bien  esloigné , 
par  les  artifices  de  ceux  qui ,  en  le  troublant  pour  satisfaire  à  leur 
ambition,  ont  essayé,  par  toutes  sortes  de  moyens,  de  n'en  parolstre 
pas  les  auteurs. 

Il  déduira  au  long  toutes  les  raisons  qui  sont  dans  le  mémoire  ci- 
joint^,  pour  justiffier  les  intentions  du  roy  pour  la  paix,  et  prendra 
soin  de  bien  esclaircir  les  manquemens  des  Espagnols,  et  mesme  de 
rejetter  sur  eux  ceux  du  roy  de  Hongrie,  parce  qu'il  sera  ainsy  mieux 
receu  du  duc  de  Bavière,  qu'on  sçait  n'avoir  pas  sujet  d'estre  content 

de  leur  procédé  envers  luy Il  montrera  comment  la  modération 

du  roy  de  France  n'a  fait  que  confirmer  les  Espagnols  dans  leurs 
mauvaises  intentions,  parce  qu'ils  ont  creu  que  S.  M.  faisoit,  par  foi- 
blesse,  ce  à  quoy  elle  ne  se  portoit  que  par  le  zèle  qu'elle  a  pour  la 

tranquillité  publique Il  dira  au  d.  s'  Hugone  que  le  roy  a  faict 

non-seulement  tout  ce  qu'il  a  peu  pour  faire  commencer  l'assemblée 
de  Cologne,  mais  que  S.  M.  a  souvent  pressé  les  ministres  du  pape  et  de 
la  république  de  Venise  de  proposer  une  trefve  de  lo  ou  12  années, 
pendant  laquelle  on  fust  expressément  obligé  de  Iraicter  la  paix  dans 

'  Einsiedeln ,  bourg  du  canton  de  Schwilz.  —  *  Nous  n'avons  pas  trouvé  ce  mémoire. 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  625 

une  assemblée,  sans  la  pouvoir  rompre  qu'elle  ne  fust  conclue,  et 
que,  cependant,  on  donneroit  une  provision  aux  princes  despouillés 
de  part  et  d'autre,  pour  subsister  jusques  à  ce  que  leurs  intérests 
feussent  décidés. . . 

On  ne  doute  pas  que  le  duc  de  Bavière  ne  désire  la  trefve ,  parce 
qu'il  seroit  maintenu  par  là  en  la  possession  de  ce  qu'il  a  acquis ...  II 
doit,  pour  le  bien  de  l'empire  et  le  sien  en  particulier,  proposer  la 
dicte  trefve  dans  le  couvent  électoral.  .  . 

Quoiqu'il  y  ait  apparence  que  Mons'  le  duc  de  Bavière  soit  mieux 
informé  que  personne  de  Testât  des  affaires  d'Allemagne,  le  d.  s"^ 
d'Oysonville  ne  laissera  pas  de  faire  considérer  au  d.  s"  Hugone 
les  grands  progrès  qu'a  faicts  le  général  Bannier,  ceux  qu'il  doit 
espérer  par  la  force  et  le  courage  de  son  armée,  accoustumée  à 
vaincre,  le  grand  eslablissement  qu'a  le  roy  sur  le  Rhin,  qu'il  pré- 
tend non-seulement  maintenir  par  l'extraordinaire  soin  qu'il  prendra 
de  l'armée  de  feu  M'  le  duc  de  Weymar,  commandée  par  M"^  le 
duc  de  Longueville,  mais  de  faire  avec  elle  de  nouvelles  et  considé- 
rables conquestes  dans  l'Allemagne,  sans  désirer  pourtant  en  tirer 
d'autre  utilité  que  celle  d'eslre  plus  en  estât  de  pouvoir  contribuer  à 
la  paix. 

Quant  à  la  neutralité  de  la  Bavière  à  l'égard  de  la  Suède,  si  le  duc  la  désire, 
le  chargé  d'affaires  de  France 

agira  de  telle  sorte  que  le  duc  de  Bavière  sache  que  c'est  une  chose 
à  luy  accorder,  et  non  pas  à  luy  offrir.  On  ne  croit  pas  non  plus  qu'il 
voulust  renouveler  le  traicté  de  ligue  deflfensive  qui  avoit  esté  arresté 
le  3o  may  i63i,  avant  que  la  guerre  eust  esté  déclarée;  on  ne  laisse 
pas  néanlmoins  d'en  donner  une  copie  aud.  s'  d'Oysonville,  afin  qu'il 
soit  informé  de  tout  ce  qui  s'est  passé  avec  le  d.  duc.  S'il  arrive  pour- 
tant queled.  s' Hugone  fasse  quelques  propositions  de  lasusdicte  ligue, 
le  d.  s'  d'Oysonville  en  donnera  avis  en  toute  diligence ,  parce  qu'il 
y  aura  des  choses  à  changer  dans  le  projet  qu'il  porte,  et  particuliè- 
rement dans  l'article  qui  parle  de  l'électorat,  qu'il  faudroit  coucher 

CARDIN.  DE  RICHELIEU. VI.  .  79 


626 


LETTRES 


d'une  autre  sorte,  la  France  estant  entrée  dans  d'autres  intérests  que 
ceux  qu'elle  avoit  en  i  63  i . 

Le  sieur  d'Oysonville  insistera  donc  à  ce  que  M.  le  duc  de  Bavière  propose 
Ja  trêve  dans  la  diète  électorale,  comme  le  meilleur  moyen  d'arriver  à  la  paix, 
et  d'engager  le  roi  de  soutenir  les  justes  prétentions  du  duc;  faisant  comprendre 
au  sieur  Hugone  qu'il  serait  nécessaire,  dans  l'intérêt  public,  qu'une  secrète  in- 
telligence s'établît  entre  ledit  duc  et  S.  M. 

Il  reviendra  immédiatement  rendre  compte  à  la  cour;  s'il  juge  avoir  besoin 
d'une  réponse  de  S.  M.  il  restera  auprès  de  M.  Meliand  ',  sous  quelque  prétexte, 
comme  pour  les  affaires  d'Allemagne, 

Si  le  député  du  d.  s'  duc  désire  savoir  comme  quoy  on  pourroit, 
dans  une  paix,  traicter  le  duc  Charles,  le  d.  s'  d'Oysonville  luy  dira 
qu'il  n'en  sçayt  pas  le  particulier,  mais  qu'il  croit  que  le  roy  a  assez  de 
bonté  pour  se  relascher  grandement  au  revenu  des  Estats  qu'il  possé- 
doit,  en  luy  ostant  tout  moyen  de  mal  faire ,  selon  sa  coustume,  en  se 
réservant  les  places  fortes  des  d,  Estats  \  .  . 


'  Ambassadeur  de  France  en  Suisse. 

'  Des  négociations  étaient  alors  enga- 
gées avec  le  duc  de  Lorraine;  mais,  les 
diverses  pièces  que  nous  avons  sur  celle 
affaire  ayant  été  imprimées,  nous  n'en 
ferons  ici  qu'une  mention  succincte.  Le 
cardinal ,  en  adressant  des  instructions  à 
M.  du  Hallier,  le  i"  novembre,  lui  écrit 
qu'il  essaye  de  faire  agréer  le  projet  de 
traité  au  duc,  «  en  sorte  pourtant  que  cela 
ne  le  cabre  pas. . .  :  qu'il  tasche  que  le  d. 
duc  Charles  demande  les  choses  qui  sont 
portées  par  les  modifications ,  affiin  qu'on 
puisse  conclure  plus  promptement ,  et 
qu'il  y  ayt  moins  de  difficulté  lorsque  le 
duc  croira  qu'on  luy  aura  accordé  ce  qu'il 
aura  désiré.»  Et  puis,  dans  le  mémoire 
joint  à  la  lettre,  Richelieu  dit  :  «  Le  peu 
de  scurclé  qu'il  y  a  avec  M.  de  Lorraine. . . 
faict  que  M.  du  Hallier  doit  avoir  un  soin 
particulier  de  suivre  religieusement  tous 


les  lernies  du  traicté  qui  luy  est  envoyé, 
sans  y  faire  aucun  changement.  »  Dans 
une  autre  instruction  datée  du  même  jour, 
mais  dont  la  date  doit  être  inexacte  :  «  On 
peut  adoucir  le  traiclé  en  deux  points,» 
dit  Richelieu,  qui  explique  avec  détail  ces 
adoucissements.  Mais,  comme  le  cardinal 
l'avait  deviné ,  les  lentes  négociations  du 
duc  de  Lorraine  couvraient  des  pratiques 
secrètes  ;  il  méditait  une  entreprise  sur 
Nancy ,  et  ne  ménageait  un  arrangement 
avec  le  roi  que  pour  le  cas  où  «  celle  en- 
treprise viendroil  à  faillir.  »  Riclielieu  en 
avertit  M.  du  Hallier,  dans  un  nouveau 
mémoire  du  20  novembre,  et  lui  recom- 
mande la  plus  active  vigilance.  Toutefois, 
ne  jugeant  pas  à  propos  de  rompre  en  ce 
moment  la  négociation  du  traité  :  «  Pour 
le  présent,  dit-il,  je  ne  vois  rien  à  faire 
en  iceluy  que  de  demeurer  in  deliberatis.  • 
Et,  en  effet,  nous  verrons  l'année  suivante 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  627 

Le  s.  d'Oysonville  insistera  sur  l'insupportable  ambilion  des  Espagnols,  qui 
veulent  tenir  la  chrestienté  en  sujétion  et  en  perpétuelle  guerre;  et  sur  ce 
que  l'intérest  des  électeurs  est  de  s'accommoder  avec  la  France,  sans  l'Espagne, 
au  cas  qu'elle  veuille  demeurer  en  son  opiniastreté. 

Il  verra,  avec  l'agent  bavarois,  le  moyen  de  procurer  au  duc  de  Bavière 
quelques  avantages  dans  «  les  couquestes  du  roy  faictes  et  à  faire  sur  le  Rhin  et 
lieux  circonvoisins. 

28  novembre  1689,  à  S'-Germain-en-Laye. 


CCCVIII. 

Archives  de  Condé.  —  Communication  de  M''  le  duc  d'Aumale.  —  Original. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  45,  fol.  383  v".  — Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  3^6,  t.  1,  fol.  38 1  v°.  —  Copie. 

A  M.  LE  PRINCE. 

a  5  novembre  iBSg',   , 

Monsieur,  j'ay 

différé  longtemps  à  ouïr  le  s""  de  Rogle*  pax'ce  que  j'estimois  que  c'es- 
toit  chose  inutile  en  suitte  de  ce  qui  s'est  passé,  et  que  sa  relation 
ne  feroit  que  renouveller  ma  douleur;  mais  madame  vostre  femme 
m' ayant  faict  cognoistre  qu'il  importoit  pour  vostre  satisfaction  que  je 
Tescoutasse,  je  l'ay  faict  et  appris  par  luy  beaucoup  de  malheurs.  Je 
n'accuse  la  conduitte  de  personne,  mais,  en  vérité,  les  affaires  de  la 
guerre  requièrent  une  grande  dilligence,  et  donner  temps  aux  enne- 
mis, c'est  leur  donner  le  moien  de  venir  à  leurs  fins.  Je  suplie  Dieu 
qu'il  destourne  son  ire  de  dessus  nous  et  qu'il  mette  les  affaires  en 
estât  que  la  chrestienté  puisse  avoir  la  paix.  C'est  ce  que  je  désire 

les  pourparlers  se  continuer  avec  le  duc  '  Nos  deu.x  copies  manquent  de  dale. 
Charles.  L'indication  des  diverses  insiruc-  '  Nous  le  trouvons  dans  le  récit  du  3  no- 
tions données  à  du  Hallier  pendant  le  mois  vembre  (voy.  la  note  suiv.),  où  on  lit  : 
de  novembre  se  trouve  aux  Analyses.  «  M' le  Prince  avoit  auprès  de  luy  M"d'Am- 
'  Copie  faite  sur  une  «minute  de  la  bres,  de  Rogles,  chevalier  de  la  Bouvière, 
main  du  cardinal  et  de  celle  du  chirur-  La  Garde,  Monsolens,  et  vingt  autres  gen- 
gien.  »  (  Note  commune  aux  deux  manus-  tilshommes,  lousjours  dans  le  péril  du 
crits  de  la  bibliothèque.)  canon. 

79- 


628  LETTRES 

avec  plus  de  passion  que  ma  vie.  Il  ne  me  reste  rien  qu'à  vous  asseu- 
rer  que  je  suis  et  seray  toujours  \ 
Monsieur, 

Vostre  bien  bumbie  et  trfes  affectîonné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Rueil,  ce  25'  novembre  lôSg. 


'  Nous  avons  dit,  p.  373,  note  1,  que 
l'armée  de  M.  le  Prince  avait  été  défaite 
devant  Salces  le  2  novembre;  la  mauvaise 
humeur  de  Richelieu  perce  dans  cette  mis- 
sive ,  et  quoique ,  par  égard  pour  un  homme 
de  la  qualité  de  M.  le  Prince,  il  dise,  «je 
n'accuse  personne,  »  la  lettre  suivante  dé- 
couvre sa  véritable  pensée,  et  montre  que 
loin  d'imputer  au  second  de  M.  le  Prince, 
le  maréchal  de  Schomberg,  ce  mauvaissuc- 
cès,  c'est  sur  ce  dernier  qu'il  compte  pour  le 
réparer.  Il  lui  écrit  encore  le  2^  décembre  : 
u  La  confiance  que  j'ay  en  vostre  cœur,  en 
vostre  affection  et  en  vostre  vigilance  me 
faicl  sy  bien  espérer  de  cette  entreprise, 
que  j'en  tiens  le  succès  comme  infaillible, 
et  que  Dieu  voudra  bénir  sous  vostre  con- 
duite les  justes  armes  du  roy.  »  (Cette  lettre, 
qui  est  imprimée ,  sera  notée  dans  nos  Ana- 
lyses.) Schomberg  nejustilia  pas  cette  pré- 
vision ;  Salces  capitula  presque  au  moment 
où  il  recevait,  vers  la  fin  de  décembre, 
l'expression  des  espérances  de  Richelieu. 
Cependant  Espenan,  qui  y  commandait, 
avait  mis  cette  condition,  qu'il  ne  sortirait 
de  la  place  que  le  6  janvier,  et  dans  le  cas 
où  elle  ne  serait  pas  secourue  avant  ce 
jour  :  elle  ne  le  fut  pas.  Bassorapierre  ra- 
conte que  le  roi  dépêcha  le  marquis  de 
Coislin  vers  M.  le  Prince  «  pour  luy  or- 
donner de  faire  une  nouvelle  tentative,  à 
quoy  il  se  prépara  pour  le  jour  de  l'an  sui- 
vant. »  (Mémoires,  t.  III,  p.  AiQ-)  Nous 
ne  voyons  nulle  part  que  cette  tentative 


ait  été  ni  ordonnée ,  ni  faite  ;  Bassompierre , 
prisonnier  alors  à  la  Bastille ,  et  qui  d'ail- 
leurs n'a  écrit  plus  tard  que  sur  des  sou- 
venirs, n'a  pas  su  le  fond  des  choses;  la 
lettre  suivante  à  Schomberg ,  et  celle  que 
nous  donnons  après,  adressée  à  M.  le 
Prince  lui-même,  laissent  comprendre 
que  Richelieu,  en  gardant  tous  les  ména- 
gements de  langage  qui  convenaient  à  l'é- 
gard d'un  prince  du  sang,  entendait  que 
Schomberg  restât  seul  chargé  du  secours 
de  Salces.  M.  le  Prince  était  alors  en  mau- 
vaise intelligence  avec  ce  maréchal;  Ar- 
nault  écrivait  à  son  ami  le  i3  novembre, 
qu'on  recevait  de  mauvaises  nouvelles  de 
Salces,  et  qu'il  y  avait  une  grande  brouil- 
lerie  entre  M.  le  Prince  et  Schomberg  ;  et ,  le 
3o  du  même  mois ,  il  mandait  encore  :  «  On 
croit  M.  le  Prince  mal  à  la  cour.  »  —  Nous 
avons  trouvé,  dans  le  manuscrit  des  Aff. 
étr.  France ,  t.  92  ,  un  «  récit  de  ce  qui  s'est 
passé  au  secours  de  Salces,  jusqu'au  3  no- 
vembre. »  C'était  le  lendemain  de  la  dé- 
faite du  prince  de  Condé.  Ce  récit  fut  en- 
voyé à  Richelieu  par  le  prince  lui-même; 
sans  doute ,  le  cardinal  n'en  fut  pas  per- 
suadé, puisque,  quelques  jours  plus  tard , 
il  adressait  au  prince  la  présente  missive, 
et  puisque,  de  son  côté,  M.  le  Prince  écri- 
vait à  Chavigni ,  le  2  7  novembre ,  une  lettre 
où  il  lui  demandait  ses  bons  offices  «  pour 
faire  cognoistre  à  M.  le  cardinal  la  malice 
de  ceux  qui  ont  voulu  m'imputer  quelque 
chose  du  mauvais  succès  du  secours  de 


DU   CARDINAL  DE   RICHELIEU. 


629 


GCCIX. 

Bibl.  imp.  Cinq-cenls  Colbert,  t.  àb,  fol.  384.  —  Copie. 
Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  i,  fol.  38a.  — Copie'. 

A   M.  DE  SCHOMBERG. 

28  novembre  1639. 

Monsieur,  je  vous  dépesche  ce  courrier  en  dilligence  pour  vous 
conjurer,  à  présent  que  vous  serez  seul  dans  vosire  gouvernement,  et 
que  le  roy  a  envoyé  à  M' le  Prince  sou  congé,  de  voir  tous  les  moiens 
par  lesquels  vous  pourries  secourir  M"^  d'Espenan;  et,  s'il  y  en  a 
quelqu'un  de  possible,  mettre  aussy  tost  la  main  à  l'œuvre.  Je  sçay 
bien  qu'il  est  bien  tard  de  songer  à  cette  affaire,  et  que'peut-ettre 
Salses  sera  rendu  auparavant  que  vouspuissiés  préparer  les  choses  qui 
seroient  nécessaires  pour  sauver  cette  place;  mais  comme  celuy  qui  la 
défend  tiendra  tout  autant  qu'il  aura  des  vivres^,  j'ay  mieux  aimé 
bazarder  la  despense  d'un  courrier  que  de  manquer  à  vous  proposer 
de  rendre  le  plus  important  service  à  Testât  qu'il  ayt  receu  depuis 


Salces.  J'espérois  de  recevoir  des  remercie- 
mons  de  mes  soings,  et  de  la  consolation 
de  mon  desplabir,  et  non  pas  de  me  voir 
chargé  des  plus  noires  calomnies  dont  on 
aye jamais  usé  envers  personne.  »  Et,  après 
avoir  signé  cette  lettre,  le  prince  ajoutait  : 
•  Pardonnes  à  ma  graveUe  si  je  ne  vous 
escrits  de  ma  main.  »  —  n  Je  pensois  aussy 
que  l'on  me  sçauroit  gré  de  Locale ,  que 
j'ay  conservé  à  la  France.  Dieu  soit  loué 
de  tout!  Je  ne  puis  me  tenir  de  vous  dire 
qu'encore  que  les  orages  m'aient  empesché 
de  secourir  Salces,  je  croiois  eslre  parfai- 
tement bien  dans  l'esprit  de  M.  le  cardi- 
nal ;  j'ay  eu  prospérité  cinq  mois  en  toutes 
choses,  j'ay  pris  Salces  en  cinq  semaines  et 
ay  esté  en  personne  à  l'assaut.  Ceste  mesme 
place  lient  depuis  trois  mois,  et  a  défait 


une  armée  de  trente  mille  hommes,  qui 
seroit  en  Italie.  Il  me  reste  de  mes  con- 
questes  Haupouls  et  Toutavelle.  J'ay  esté 
par  tous  périls,  j'ay  exposé  ma  personne 
à  tout;  mes  troupes,  les  plus  belles  du 
royaume ,  ont  bien  servi  ;  le  régiment  de 
mon  fils  est  dans  Salces;  j'ay  fait  deux 
armées  pour  la  secourir,  et  bien  cela  n'a 
pas  réussi  ;  niéritai-je  disgrâce  ou  louange  ? 
Obligez-moi  de  dire  ceci  à  M.  le  cardinal 
ou  à  M.  vostre  père.»  (Aff.  étr.  France, 
1639,  suppl.  fol.  473).  Ces  documents 
nous  semblent  mériter  d'être  connus. 

'  Faite  sur  une  «  minute  de  la  main  de 
Cherré,  corrigée  de  la  main  du  cardinal.  » 
(Note  des  deux  manuscrits.) 

'  On  vient  de  voir  qu'il  tint  jusqu'au 
6  janvier. 


6.^0  LETTRES 

que  la  guerre  est  commencée,  et  d'aquérir  le  plus  grand  honneur  qui 
vous  pourroit  jamais  arriver.  Si  j'avais  moins  de  confiance  en  vostre 
affection,  en  vosli'e  courage  et  en  voslre  zèle,  je  ne  vous  parlerois  pas 
de  cette  sorte;  mais,  comme  je  sçay  que  vous  ne  souhaités  rien  tant 
que  de  rencontrer  des  occasions  d'en  rendre  des  preuves,  j'ay  cru  que 
je  vous  ferois  plaisir  de  vous  proposer  celle-cy,  comme  celle  qui  peut 
mettre  vostre  réputation  au  plus  haut  point  où  elle  puisse  monter.  Je 
vous  conjure  de  ne  la  pas  négliger,  si  vous  voyés  qu'il  y  ayl  apparence 
de  la  faire  réussir,  et  de  croire  que  je  vous  seray  plus  obligé,  en  mon 
particulier,  du  soin  que  vous  y  apporterés  que  si  vous  me  donniés  la 
vie,  n'ayant  rien  de  si  cher  que  l'avantage  de  Testât  et  la  prospérité 
des  affaires  du  roy.  Vous  le  croirés,  s'il  vous  plaist,  et  que  je  suis. 
Monsieur, 

Vostre  très  affectionné  serviteur. 

cccx. 

Archives  de  Condé,  n°  91.  —  Communication  de  M^'  Je  duc  d'Auraale.  —  Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

i"  décembre  1639. 

Monsieur,  aiant 

veu  la  lettre  que  M.  d'Espenan  vous  a  envoyée,  par  laquelle  il  mande 
qu'il  peut  encore  tenir  plus  d'un  mois,  j'ay  creu  qu'il  n'y  a  rien  qu'il 
ne  fale  faire  pour  le  secourir.  J'envoye  M'  de  Coasiin  pour  prendre 
part  à  la  feste.  J'escrits  k  M"'  le  mareschal  de  Schomberg  comme  il 
faut  sur  ce  suiet;  je  vous  conjure  de  rassembler  tout  ce  que  vous 
pourrez  de  trouppes,  et  quand  il  n'y  auroit  que  six,  sept  ou  huit 
mille  hommes  et  deux  raille  chevaux,  les  ennemis  estans  affaiblis  et 
abbatus  comme  ils  sont,  c'est  plus  qu'il  ne  faut  pour  tenter  un  secours 
contre  une  armée  presque  ruinée.  Il  sera  de  vostre  prudence  de  voir 
si  vous  y  devés  aller,  ou  si ,  aiant  ramassé  les  trouppes  qui  se  pourront, 
vous  devés  laisser  faire  M'  de  Schomberg  avec  les  autres  chefs  de 
l'année,  vous  contentant  d'estre  à  Narbonne  pour  faire  fournir  tout 
ce  dont  on  aura  besoing.  Cette  occasion  est  nécessaire  pour  la  France, 


DU   CARDINAL   DE  RICHELIEU.  631 

pour  voslre»répulalion  et  pour  la  satisfaction  de  vos  amis,  elle  peut 
réparer  tous  vos  mailieurs  passez,  et  vous  remetre  au  plus  haut  degré 
de  gloire  que  vous  puisslés  désirer.  M*^  de  Noyers  vous  rend  compte 
de  tous  ceux  à  qui  il  escrit  pour  vous  assister,  et  de  tous  les  ordres 
que  le  roy  envoyé  de  tous  costez  à  cet  effect.  C'est  ce  qui  faict.  Mon- 
sieur, qu'il  ne  me  reste  qu'à  vous  conjurer  de  nouveau,  comme  je  fais, 
de  contribuer  en  cette  rencontre  si  importante  pour  toutes  les  con- 
sidérations cy-dessus  représentées,  ce  qu'a  lieu  de  s'en  promettre, 
Monsietu', 

Vostre  bien  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

M.  de  Noyers  vous  envoyé  le  congé  que  le  roy  vous  donne.  Si 
après  que  vous  aurés,  ou  rassemblé  les  trouppes  qui  se  pourront  amas- 
ser, ou  donné  les  ordres  pour  ce  faire,  vous  estimés  à  propos  de  vous 
eu  servir,  laissant  toute  la  charge  de  l'exécution  à  M' de  Schomberg, 
vous  le  pouvés  faire,  et  je  vous  conseille  d'en  user  ainsy  si  vous 
cognoissés  que  ledit  sieur  de  Schomberg  le  désire. 

De  Ruel,  ce  i*'  décembre  1689. 


^  CCCXL 

Bibi.  imp.  Cinq-cenls  Colbert ,  t.  45  ,  fol.  455.  —  Copie  '.  — 
Sainl-Germain-Harlay,  346,  fol.  448.  —  Copie. 

INSTRUCTION   A  JEAN-BAPTISTE  COSQUIEL', 

TOUCHANT   LES  TRAICTÉS   PROJETES  AVEC  CEUX   DE  TUNIS   ET  D'ALGER  '. 

2  d(5cenibre  1639. 

•  Morato  Daï,  chef  de  la  milice  de  Tunis,  a  tesmoigné,  par  sa  lettre  qu'il  a 

'  «  Copie  Daridoi.  •  (Noie  mise  à  la  marge  les  bureaux  de  Chavigni;  nous  en  conser- 

des  deux  mss.)  vous  seulement  la  substance,  qui  donne 

'  Les   mss.  écrivent  encore   ce  nom  :  une  idée  des  relations  de  la  France  avec 

Gocqueil,  de  Coqueil  el  du  Cosquiel.  les  Barbaresques  à  cette  époque,  et  les 

'  Celte  instruction,  assez  longue,  dont  principales  dispositions,  qui   témoignent 

nous  n'avons  trouvé  ni  l'original  ni  la  nii-  de  la   par'.icipation  directe  du  cardinal, 

nule,  nous  semble  avoir  été  écrite  dans  —  Nous  trouvons  à  la  Bibliothèque  im- 


632 


LETTRES 


escrite  au  roy,  du  aS""  aoust  dernier,  toute  bonne  disposition  à  la  liberté  de 
coninierce.  Et,  d'autre  costé,  les  pacha  et  aga  de  la  milice  d'Alger  ont  aussy 
faict  paroistre  semblable  disposition,  par  lettres  expresses  escriles  à  S.  M.  de 
sorte  qu'il  y  a  sujet  de  croire  que  l'on  pourra  Iraicter  maintenant  avec  les  uns  et 
les  autres ,  à  conditions  raisonnables  et  seures. . .  » 

Quant  àTunis,  un  projet  a  déjà  été  comnmniqué  à  Morato  Dai,  qui  n'est  pas  éloi- 
gné des  conditions  proposées;  mais  il  se  rencontre  trois  principales  difficultés  : 

«  La  première  est  que  le  d.  Morato  ne  prétend  rendre  que  les  François  qui 
ont  esté  pris  sur  les  vaisseaux  marchands  portant  la  bannière  de  France,  et  l'in- 
tention du  roy  est  qu'il  rende  tous  les  François,  sur  quelques  vaisseaux  qu'ils 
aient  esté  pris.  Espagnols,  Maltois,  Florentins,  et  autres,  comme  aussy  sur  des 
vaisseaux  de  guerre  françois. . .  » 

Et  si ,  la  paix  faite ,  des  Français  étaient  pris  sur  des  vaisseaux  de  nation  en  guerre 
avec  le  grand  seigneur  «ils  mériteront  d'eslre  traictés  en  ennemi»;  ce  que  l'on 
peut  laisser  entendre  verbalement  au  d.  Morato  Dai,  sans  l'insérer  dans  le  traicté.  ■ 

Et  s'il  arrivait  que  des  vaisseaux  de  France  et  de  Tunis  s'attaquassent  en  mer, 
les  prisonniers  ne  seraient  pas  esclaves  et  devraient  être  renvoyés  «  en  leur  pays 
avec  la  preuve  de  leur  contravention  au  traicté,  pour  en  estre  faict  justice  bien 
sévère  et  exemplaire,  et  les  vaisseaux  et  marchandises  prises  aux  attaquans  leur 
seront  rendus.  .  .  » 

La  seconde  difficulté  vient  de  la  mauvaise  foi  présumée  des  Barbaresques 
dans  la  restitution  réciproque  des  esclaves.  «Sur  cela,  il  faudroit  voir  si  Morato 
Dai  se  contenteroit  que  les  François  fussent  ramenés  en  Provence  avant  que  les 
Turcs  fussent  conduits  à  Tunis,  le  d.  Cosquiel  demeurant  comme  garant  et  os- 


périale  (suite  de  Dtipuy,  t.  17,  fol.  661) 
un  billet  de  Richelieu ,  sans  date  et  sans 
signature  :  c'est  un  original  de  la  main  de 
Cherré.  Le  cardinal  dit  à  l'archevêque  de 
Bordeaux  :  «  Je  vous  envole  la  coppie  des 
traictés  que  le  s'  Coqueil  a  faicts  pour  la 
restitution  du  bastion ,  et  pour  le  rachapt 
des  esclaves  qui  sont  en  Alger,  afin  que 
vous  voyez  ce  qui  est  faict  et  ce  qui  reste 
à  faire.  »  —  L'archevêque  de  Bordeaux 
avait  été  chargé,  dès  le  commencement  de 
l'année  i64o,  de  se  rendre  avec  sa  flotte 
à  Alger,  pour  régler  les  affaires  en  litige 
avec  les  États  barbaresques.  Retenu  long- 
temps sur  les  côtes  de  l'Italie  et  de  la  Ca- 


talogne, il  finit  par  envoyer  à  sa  place  le 
vice-amiral  Monligny;  il  en  informa  le 
s'  Cosquiel,  le  i3  octobre,  en  lui  donnant 
ordre  de  communiquer  à  cet  officier  l'état 
de  ses  négociations.  Celte  lettre  de  l'ar- 
chevêque, ainsi  que  le  billet  de  Richelieu, 
a  été  imprimée  dans  la  Correspondance  de 
Sourdis  (documents  inédits),  où  sont  ré- 
sumées, dans  le  chapitre  x  du  livre  V,  les 
affaires  de  la  France  avec  Alger  et  Tunis, 
pendant  les  années  1687  à  i64i  (p-  38o- 
445).  On  y  trouve,  p.  4i4.  le  texte  d'un 
projet  de  traité,  fait  par  le  s' Cosquiel ,  avec 
les  Barbaresques,  accompagné  des  obser- 
vations de  Richelieu. 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU.  633 

tage  jusques  à  ce  qu'ils  fussent  arrivés...»  outre  «qu'il  ne  faut  se  fier  que  de 
bonne  sorte  à  la  parole  d'un  Turc,  la  dignité  du  roy  requiert  que  le  d.  Morato 
commence  à  restituer.  »  Si  cette  condition  ne  peut  «  estre  obtenue,  il  faut  chercher 
avec  M'  le  comte  d'Alais  et  le  s'  Bailly  de  Fourbin  le  moyen  de  n'estre  point 
trompé  en  cette  affaire.  » 

«  La  troisième  difficulté  est  que  Morato  Dai  ne  parle  point,  dans  son  projet,  de 
remettre  au  cap  Nègre  et  autres  lieux  du  royaume  de  Tunis,  des  François  comme 
il  y  en  eu  ci-devanl,  pour  y  restablir  le  mesme  commerce  qu'ils  y  faisoient  au- 
trefois; de  quoy  il  faut  convenir,  autrement  cette  paix  ne  seroit  pas  fort  fruc- 
tueuse aux  sujets  du  roy.  • 

Il  faut  convenir  qu'un  consul  français  continuera  de  résider  à  Tunis,  et  que 
ceux  dudit  Tunis  en  établiront  un  à  Marseille. . . 

•  Le  cardinal,  comme  chef  de  la  navigation  et  commerce  de  France,  a  faict 
traicter  icy  favorablement  un  neveu  du  d.  Moralo,  sur  bonne  quantité  de  mar- 
chandise dont  il  estoit  question,  ce  qui  le  rendra  sans  doute  plus  facile  en  ce 
qui  est  du  d.  traicté,  pour  lequel  ou  ne  luy  propos^  rien  que  de  juste.  » 

Quant  à  la  paix  à  conclure  avec  Alger,  ceux  du  d.  Alger  la  désirent,  ainsi  qu'il 
paraît,  par  les  lettres  qu'ils  ont  écrites  à  S.  M.  •  Le  projet  du  traiclé  informera 
bien  précisément  le  s'  Cosquiel  des  intentions  du  roy.  .  .  •  Les  précautions  à 
prendre  pour  l'échange  des  esclaves  de  part  et  d'autre  sont  les  mêmes  que  dans 
le  traité  avec  Tunis. . . 

«  Pour  ce  qui  est  de  l'affaire  particulière  du  Bastion ,  le  roy  ne  veut  point  qu'elle 
se  négocie  qu'avec  le  traiclé  de  paix,  dans  lequel  on  en  fera  quelque  article  sui- 
vant le  susdit  projet. . .  ■ 

Les  Algériens  avaient  pris  et  démoli  le  Bastion,  ils  avaient  réduit  en  esclavage 
la  garnison  qui  le  défendait  :  •  ils  ont  pillé  et  ruiné  un  magasin  de  trafic  qui  sub- 
sistoit  sous  la  foy  publique  et  celle  des  traictés  faicts  avec  eux,  pour  ce  regard.  » 
Le  s'  Cosquiel  demandera  la  restitution  des  hommes,  ainsi  que  de  tout  ce  qui 
a  été  pris,  ■  et  à  toute  extrémité  il  se  contentera  que  le  Bastion  puisse  estre  res- 
labli. . . 

Le  s' Cosquiel  est  chargé  ,  comme  dans  le  traité  avec  Tunis,  de  communiquer 
son  instruction  au  comte  d'Alais  et  au  commandeur  de  Forbin,  à  l'effet  de  s'en- 
tendre sur  la  négociation  et  l'exécution  du  traité. 

Le  2  décembre  1689,  à  Saint-Germain-en-Laye. 


CARDIN.  DE  RICHELIEC.  —  TI.  •  8o 


634 


LETTRES 


CCCXII. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  1689  (supplémenl) ,  fol.  igS.  —  Original. 

SUSCRIPTION  : 


POUR   M.  BOUTHILLIER 


.SURINTENDANT  DI;S   FINANCr.S,    A    PAHIS. 


3  décembre  1689. 


J'ay  rcceu  la  grande  lettre  '  qus  vous  m'avcs  escrite  sur  un  sujel 
dont  je  n'ay  jamais  ouy  de  plaintes.  Si  nions''  de  La  Melleraye  vous  a 
donné  sciemment  sujet  de  mescontentement,  j'en  suis  exlresmement 
fasché,  mais  j'ay  de  la  peine  à  croire  qu'il  en  ayl  eu  l'intention,  ny 
qu'il  ayt  esté  volontairement  capable  d'une  incivilité  envers  madame 
vostre  femme,  laquelle  il  honore  sans  doute  extresmement.  Je  ne  suLs 
pas  maislre  des  humeurs  de  madame  de  Brissac"-*;  si  son  mari  propre 
n'est  pas  en  ces  termes,  un  gendre,  à  mon  advis,  ne  le  doibt  pas  pré- 
tendre. Quoy  que  c'en  soit,  je  ne  croy  point  que  M''  de  La  Melleraye 
ne  vous  trouve  pas  estre  de  ses  meilleurs  amis;  et  il  m'a  parlé  plu- 
sieurs fois  de  l'obligation  qu'il  vous  avoit  sur  son  dernier  contract  de 
mariage^,  auquel  il  eust  esté  trompé  sans  vous.  Au  nom  de  Dieu,  ne 
vous  mettes  point  dans  l'esprit  des  choses  qui  vous  travaillent  sans 
fondement,  et  vous  asseurés  de  mon  affection  pour  jamais. 

A  Ru el,  ce  3  décembre  1639. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  CeUe  lettre  de  Boulhillier  est  conservée 
dans  le  même  ras.  fol  498,  en  minute  au- 
tographe; elle  est  fort  longue,  en  effet; 
Boiitliillier  énumère  tous  les  services  qu'il 
a  rendus  à  La  Meilleraye  dans  la  négo- 
ciation de  ses  deux  mariages,  ainsi  que 
les  griefs  qu'il  prétend  avoir  contre  ce 
cousin  de  Richelieu.  Il  se  plaint  surtout 
d'une  impolitesse  envers  madame  Bou- 
thillier,  qui  serait  fort  grossière  si  l'ima- 
gination du  mari  n'est  pas  pour  quelque 
chose  dans  ce  récit.  Au  reste,  Richelieu 


s'empressa  de  calmer  le  chagrin  de  son 
ami  ;  sa  lettre  est  datée  du  même  jour  que 
celle  de  Bouthillier. 

*  Guyonne  Huellan ,  lille  de  Gilles  Rtiel 
lan  ,  seigneur  de  Roger-Porlail ,  femme  de 
François  de  Cossé,  duc  de  Brissac 

'  iM.  de  La  Meilleraye  avait  épousé,  en 
i63o,  Marie  Ruzé  d'Elfiat,  qui  mourut 
trois  ans  après;  il  se  maria,  en  secondes 
noces,  le  26  mai  1637,  à  l'une  des  fdies 
du  duc  de  Brissac,  Marie  de  Cossé. 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


635 


CCCXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Rome,  l-  67  (non  coté).  —  Mise  au  net'.  — 

Une  copie  se  trouve  vers  la  fin  de  ce  même  tome  67. 

BibL  irap.  Saint-Germain-Harlay,  347,  fol.  721.  —  Copie. 


MEMOIRE 

A  M.  LE  MARESCHAL  D'ESTRÉES. 

SUR   LA  MORT  DE  BOUVRAY  ^. 

g  décembre  1639. 

Après  avoir  veu  la  relation  qui  a  esté  envoyée  de  Rome  de  ce  qui 


'  Ni  la  mise  au  net  ni  la  copie  ne  sont 
dalées;  on  a  écrit,  après  coup,  «9  dé- 
cembre «  en  léte  et  au  dos  de  la  mise  au 
net,  et  l'on  a  mis,  au  dos  de  la  copie, 
•  7  décembre,»  sans  donner  raison  de 
l'une  ni  de  l'autre  date. 

'  Parmi  les  complications  d'affaires  qui 
troublaient  alors  les  relations  de  la  France 
et  de  Rome,  l'assassinat  d'unécu^erdu  ma- 
réchal d'Eslrées,  le  s'  de  Rouvray,  n'était 
pas  une  des  moins  fâcheuses.  Le  récitqu'en 
a  donné  le  père  Grifl'et  (t.  III,  p.  a^o)  est 
composé  sur  les  pièces  officielles ,  et  nous  y 
renvoyons  le  lecteur.  Il  suffit  de  dire  ici 
qu'un  domestique  de  cet  écuyer,  qui,  mal- 
gré les  défenses  de  la  police  romaine ,  te- 
nait une  sorte  de  (ripot  public  dans  l'hôtel 
de  l'ambas.'ade,  fut  tiré  violemment,  par 
le  s'  de  Rouvray,  des  mains  des  sbires, 
qui  avaient  eu  ordre  de  l'arrêter.  Peu  de 
jours  après,  la  police  prit  sa  revanche 
contre  l' écuyer.  Après  l'avoir  assassiné,  oir 
lui  coupa  la  têle  et  on  la  jeta  dans  un 
égout,  ou  le  bourreau  avait  coutume  de 
jeter  la  tête  des  criminels.  L'ambassadeur 
demanda  vainement  à  Rome  la  réparation 


de  cette  sanglante  insulte  ;  et  l'on  en  parla 
à  Paris  au  nonce  Scoti ,  que  d'autres  in- 
cidents avaient  mis  dans  une  situation 
des  plus  difficiles  auprès  de  Richelieu  et 
de  la  cour  de  France,  où  il  lui  était  inter- 
dit de  paraître.  —  Le  père  Valerio,  visi- 
teur des  Carmes  déchaussés,  fut  chargé 
de  faire  au  cardinal  le  récit  de  l'affaire,  et 
de  rectifier  la  relation  de  l'ambassadeur 
qu'on  arguait  d'infidélité.  On  a  écrit  que 
Richelieu  lui  avait  refusé  une  audience; 
ce  refus  peu  vraisemblable  est,  d'ailleurs, 
démenti  par  une  pièce  restée  iuconnue 
et  que  nous  allons  donner.  Le  père  Va- 
lerio désira  voir  le  roi;  il  est  impossible 
d'admettre  que  Richelieu  ail  facilité  cette 
audience  avant  d'avoir  vu  lui-même  ce 
religieux.  Le  cardinal,  en  effet,  prit  soin 
de  s'enquérir  de  ce  que  le  père  Valerio 
dirait  à  S.  M.  et  il  composa  la  réponse 
jjue  le  roi  aurait  à  lui  faire.  La  pièce 
n'étant  point  datée,  nous  ne  savons  si 
l'audience  eut  lieu  avant  ou  après  la  rédac- 
tion de  l'instruction  envoyée  à  l'ambassa- 
deur; nous  la  plaçons  à  la  suite  de  celte 
instruction. 


636  LETTRES 

s'est  passé  en  l'assassinat  de  Rouvray,  il  est  impossible  de  ne  dire  pas 
que  le  roy  est  entièrement  obligé  à  en  tirer  raison'. 

Il  serait  à  désirer  que  la  première  origine  de  ce  différend  fust 
autre  qu'elle  n'est;  mais,  considérant  que  la  mesme  liberté  des  bre- 
lans, qui  a  esté  entretenue  en  la  maison  du  s""  mareschal  d'Estrées  l'a 
aussy  tousjours  esté  en  celles  de  l'ambassadeur  de  l'empereur  et  de 
Venise,  et  mesme  en  celles  de  M"  les  cardinaux  Antoine,  de  Savoie 
et  de  Florence,  on  ne  peut  justifier  une  si  noire  action,  comme  est 
celle  de  cet  assassinat,  par  le  prétexte  de  son  principe. 

La  piété  du  roy  et  le  tiltre  de  très  chrestien  qu'il  porte  luy  oste 
le  moyen  de  pouvoir  tirer  une  raison  de  cette  injure  proportionnée 
à  sa  grandeur,  parce  qu'il  est  difficile  d'en  trouver  une  de  cette  na- 
ture, qui  ne  mist  quelqu'un  sur  le  carreau;  pour  revanche  d'un  pareil 
affront ,  dans  les  limites  de  la  loy  de  Dieu ,  on  ne  voit  autre  chose  à 
faire  que  deffendre  au  mareschal  d'Estrées  d'aller  à  l'audience  du  pape 
et  du  cardinal  Barberin,  jusques  à  ce  que  le  roy  ayt  receu  satislac- 
tion,  et  d'interdire  aussy  au  nonce  [l'audience  du  roy  et  du  cardinal'-*]; 


'  Le  meurire  de  Rouvray  avait  été  com- 
mis le  28  oclobre;  l'ambassadeur  envoya 
le  s'  Brachel,  son  secrétaire,  chargé  de 
rendre  compte  au  roi  de  cet  événement; 
quelques  jours  après,  il  envoya  son  méde- 
cin Guillet  au  cardinal,  «pour  informer 
S.  M.  et  V.  Em.  écrivait-il,  de  tout  ce  qui 
s'est  passé  ici  depuis  l'envoi  du  secrétaire.  » 
La  relation  dont  était  porteur  le  médecin 
Guillet  n'a  pas  moins  de  seize  pages;  elle 
n'est  point  datée  et  on  l'a  placée,  au  ha- 
sard, vers  la  fin  de  notre  manuscrit  de 
Rome.  Une  autre  pièce,  Mémoire  sur  l'as- 
sassinat de  Rouvray,  également  sans  date, 
est,  dans  le  même  manuscrit,  voisine  de  la 
relation.  Indiquons  encore  un  récit  de  toute 
l'affaire,  écrit  en  italien,  et  qu'on  a  classé 
mal  à  propos  à  l'année  i636,  dans  le 
tome  58  de  Rome,  foi.  365 ,  La  vera  rela- 


tione,  etc.  — 11  n'est  pas  hors  de  propos  de 
rappeler,  à  l'occasion  de  cotte  affaire,  le 
principe  que  nous  trouvons  établi ,  presque 
à  la  même  époque,  dans  une  lettre  du 
chancelier  Séguier  à  Chavigni;  il  s'agissait 
de  gens  que  réclamait  l'ambassadeur  de  la 
république  de  Venise  :  «  J'ay  fait  sortir  du 
Chastelet,  dit  Séguier  au  secrétaire  d'Etat 
des  affaires  étrangères ,  ceux  que  l'ambas- 
sadeur de  Venise  dict  estre  de  ses  domes- 
tiques, quoyque  ce  ne  soient  que  des  la- 
quais. M"  les  ambassadeurs  doivent  estie 

fort  considérés mais  leurs  gens  ne 

doivent  pas  prétendre  impunité  de  leurs 
violences ,  autrement  la  liberté  de  mal  faire 
seroit  bien  grande.  »  (Lell.  du  1  3  octobre 
i64i.  France,  I.  97,  fol.  4i2.) 

■  Ces  mots,  nécessaires  au  sens,  man- 
quent dans  les  manuscrits. 


DU   CARDINAL   DE  RICHELIEU.  637 

et  cependant,  parce  qu'elle  ne  iuy  est  permise  que  pour  les  affaires 
de  la  paix,  et  que  ceux  qui  ne  cognoissent  pas  les  bonnes  intentions 
du  roy  pourroient  dire  que,  par  ce  moyen,  S.  M.  fermeroit  la  porte  à 
ceux  par  lesquels  on  pourroit  procurer  le  repos  de  la  chrestienté,  tant 
désiré  des  gens  de  bien,  on  estime  qu'en  Iuy  portant  l'interdiction  de 
toute  audience,  il  faut  Iuy  dire  que  toutes  les  fois  qu'il  aura  quelques 
propositions  à  faire  qui  puissent  avancer  effectivement  la  paix,  S.  IVf. 
trouve  bon  qu'il  les  fasse  faire  au  s'  de  Chavigny  par  son  auditeur. 

Outre  ce  que  dessus,  donner  tous  les  ordres  nécessaires  aux  expé- 
ditionnaires' de  France,  soit  à  Paris,  soit  à  Rome,  pour  empescher 
que  dorénavant  on  paye  les  expéditions  sur  un  autre  pied  que  sur 
celuy  qui  a  esté  arresté  par  le  concordat. 

Cela  faict  du  costé  de  deçà,  on  ne  sçait  rien  à  adjouster,  sinon  de 
donner  ordre  au  d.  s'  mareschal  d'Estrées  de  faire  faire  toutes  les  si- 
gnifications nécessaires  à  la  Daterie  pour  le  règlement  des  annates, 
et  Iuy  laisser  la  liberté  de  pratiquer  tous  les  moyens  que  la  conscience, 
la  réputation  du  roy  et  la  sienne  pourront  permettre  pour  avoir  rai- 
son d'une  telle  injure  ;  Iuy  commandant  de  se  gouverner  en  cela  avec 
une  telle  prudence  qu'il  n'entreprenne  rien  qu'il  ne  puisse  maintenir, 
parce  qu'autrement  il  engageroit  de  nouveau  l'autorité  du  roy  au 
lieu  de  tirer  raison  de  l'offense  qu'il  a  receue. 

Le  d.  s'  mareschal  doit  faire  cognoistre  par  M'  le  cardinal  Bichi, 
et  autres  affectionnés  à  la  France,  que  le  roy  demande  raison  de  ce 
qui  a  esté  faict,  comme  d'un  violement  du  droit  des  gens,  qui  met 
non  seulement  les  ambassadeurs,  mais  en  outre  tous  ceux  de  leur 
maison,  en  telle  seureté  en  tous  Estats  qu'ils  ne  sont  justiciables  que 
de  leurs  maistres. 

Si  les  ministres  du  pape  disent  à  cela  qu'ils  ont  demandé  justice 
au  d.  s'  mareschal  d'Estrées,  il  faut  respondre  que,  s'il  l'a  desniée, 
ils  la  dévoient  demander  au  roy. 

'  C'étaient  des  fonctionnaires  chargés  Gcal.  Notre  expéditionnaire  en  cour  de 
du  tout  ce  qui  concernait  les  taxes  qui  Rome  était  le  s'  Échinard,  donl  il  a  été 
étaient  prélevées  au  profil  du  trésor  ponti-        parlé  tome  I. 


638  LETTRES 

S'ils  disent  qu'ils  en  ont  faict  parler  par  le  nonce  ,  on  respondra 
qu'ils  ont  bien  parlé  du  désordre  arrivé  à  Rome,  mais  n'en  ont  ja- 
mais formellement  demandé  justice,  et  tesmoigné  qu'ils  lussent  capa- 
bles de  se  la  faire  eux-mesmes  contre  le  droit  des  gens. 

Outre  cela,  le  d.  s"^  mareschal  d'Estrées  soutiendra  qu'il  ne  la 
jamais  refusée,  et  avec  raison,  ains  au  contraire  a  tousjours  dict  qu'il 
esloit  prest  à  oster  son  brelan,  pourveu  que  la  loy  fust  générale,  et 
que  les  ambassadeurs  de  l'empereur,  de  Venise  et  de  Savoie,  et  les 
cardinaux  lissent  le  mesme. 

Le  d.  s'  mareschal  d'Estrées  priera  aussy  M'  le  cardinal  Bichi  de 
se  plaindre  au  pape,  de  la  part  de  S.  M.  du  tort  qui  a  esté  faict  à  la 
mémoire  de  M''  le  cardinal  de  La  Valette  par  la  difficulté  intervenue 
de  faire  les  mesmes  prières  pour  luy  qu'on  a  accoustumé  de  faire  pour 
tous  les  cardinaux  lorsqu'ils  meurent;  faisant  cognoistre  à  Sa  Sainteté 
et  à  M'  le  cardinal  Barberin  combien  elle  se  sent  offensée  d'un  tel 
procédé,  dont  elle  luy  demande  réparation,  avec  d'aulant  plus  de 
justice  que  le  d.  s""  cardinal  n'a  rien  faict  qui  n'ayt  esté  pratiqué  et 
approuvé,  ou  au  moins  souffert  par  beaucoup  d'autres. 

MÉMOIRE  POUR  LE  KOY, 

POUR  RESPONDItli  AC  PERE  VAI.iillË, 
DEMANDANT   AUDIENCE  DE   LA   PART   DU   CAI\nlNAI,  BAnBEBIN  ', 

Le  P.  Valère  demandant  audience  au  roy  pour  luy  parler  de  la  pari 
de  Mons'  le  cardinal  Barberin  sur  les  affaires  de  Rome ,  et  estimant 
que  S.  M.  la  luy  peut  accorder  demain,  si  elle  l'a  agréable,  je  luy  en- 
voie le  présent  mémoire  pour  l'informer  de  ce  que  le  d.  père  Valère 
aura  à  luy  dire  et  de  ce  qu'elle  aura  agréable  de  luy  respondre. 

Le  d.  p.  Valère  dira  au  roy  :  que  M''  le  cardinal  Barberin  desnie 
que  la  teste  de  Rouvray  ayt  esté  exposée  en  qualité  de  celle  de  caval- 

Cette  pièce  est  conservée  aux  archi-  d'un  des  secrétaires  de  Cliavigni,  en  tête 
vos  des  Affaiie»  élrang.  Rome,  tome  58,  de  laquelle  un  litre  a  été  écrit  d'une  autre 
foi.  346  i  c'est  une  n>ise  au  net  de  la  main 


luam. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  639 

lerizzQ  delC  'uinbasciatore  di  Francia,  et  qu'il  n'avoit  jamais  promis 
d'aller  voir  M""'  la  mareschale  d'Estrées  pour  faire  excuse  de  ce  qui 
s'esloit  passé  à  la  Trinité-du-Mont. 

Sur  quoy  le  roy  luy  respondra,  s'il  luy  plaist,  que  c'est  une  chose 
sy  publique  qu'à  la  recognoissance  de  la  teste  de  Rouvray  il  a  esté 
qualifié,  et  par  les  tesmoins,  el  par  les  ministres  de  la  justice,  caval- 
lerizzo  delï  ambascialore  di  Francia,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'en  douter, 
et  que  cette  circonstance  blesse  tellement  sa  l'éputation  qu'il  ne  peut 
s'imaginer-  que  cela  soit  arrivé  avec  la  participation  du  pape.  Ce  qu'il 
ne  croit  pas  de  M'  le  card.  Barberin,  parce  qu'autrement  il  en  auroit 
laict  faire  desjà  la  satisfaction  en  chastiant  ceux  qui  auroient  commis 
un  tel  manquement  à  son  iusceu. 

Et  que  S.  M.  sçait  bien  que  M' le  cardinal  Barberin  s'esloit  engagé 
à  voir  madame  la  mareschale  d'Estrées,  ainsy  qu'il  avoit  faict  l'amb™ 
d'Espagne  en  pareille  rencontre;  ce  qui  auroit  accommodé  l'affaire 
de  la  Trinité-du-Mont,  et  auroit  empesché  le  désordre  qui  est  arrivé 
sur  le  faict  de  Rouvray;  ce  que  ledict  s'  cardinal  Barberin  auroit  pu 
encore  esviter  s'il  eusl  faict  faire  plainte  à  S.  M.  de  l'action  de  Rou- 
vray, à  quoy  elle  eust  aussytost  apporté  le  remède  qui  auroit  esté 
nécessaire. 

Que  S.  M.  a  commencé  de  tesmoigner  son  ressentiment  en  la 
personne  de  M'  le  Nonce,  qui,  par  ses  discours  imprudens,  l'a  con- 
trainct  d'aller  plus  avant  qu'elle  n'avoit  résolu. 

Qu'elle  attend  la  réparation  que  M"^  le  card.  Barbarin  luy  doit  d'un 
tel  procédé,  et  que,  s'il  ne  se  dispose  à  la  faire,  il  se  peut  asseurer 
que,  sans  manquer  au  respect  qu'il  doit  au  sainl-siége  et  au  pape,  et 
sans  rien  diminuer  de  l'affection  qu'il  a  pour  la  personne  de  Sa  Sain- 
teté, qui  luy  est  très  chère,  il  sçaura  fort  bien  la  distinguer  d'avec 
celle  de  M'  le  card.  Barberin,  et  fera  voir  à  tout  le  monde  qu'il  n'a 
pas  raison  de  l'offenser,  el  qu'il  est  assez  puissant  pour  se  la  faire 
luy-mesme. 

M'  de  Chavigny  verra  demain  S.  M.  sur  le  sujet  du  présent  mé- 
moire avant  que  le  P.  Valère  ayt  son  audience. 


640 


LETTRES 


CCCXIV. 

Bibl.  iinp.  Supplément  français,  t.  87,  fol.  sA- 


Copie. 


INSTRUCTION'    AUX    S"'   D'INFREVILLE, 


COMMISSAIRE  GENERAL  DE   LA   MARINE; 


DE  CAEN, 


SERGENT  DE  BATAILLE  DE  L'ARIIEE  NAVALE   DC   P.OY  ; 


ET  DANIEL, 


CAPITAINE    DE     MARINE. 


10  décembre  lôSg. 

Pour  ensemblement  se  transporter  dans  la  ville  de  Calais,  où  es- 
tant, ils  prendront  avec  eux  le  s"^  Régnier  Sensse  le  jeune,  ingénieur 
du  roy,  ou  son  père ,  et  s'en  iront  le  long  des  cosles  de  Picardie  ^  et 
Normandie  et  jusques  à  Cherbourg. 

Verront  le  long  des  d.  costes  quel  lieu  ils  trouveront  plus  propre 
et  commode  pour  bastir  et  construire  un  port ,  afin  d'y  retirer  les 
vaisseaux  du  roy. 


'  Le  cardinal  ayant  formé  le  dessein  de 
faire  creuser,  dans  la  Manche,  un  port  ca- 
pable de  contenir  de  grandes  floltes,  fil  vi- 
siter les  côtes  de  France,  depuis  Calais  jus- 
qu'à Cherbourg.  Le  manuscrit  cité  aux 
sources  contient  tous  les  détails  de  cette 
opération  dans  vingt  cartes  et  plans,  ac- 
compagnés de  plusieurs  pages  de  texte.  La 
première  pièce  est  un  procès-verbal  dressé 
par  Louis  Le  Roux ,  seigneur  d'Infreville  , 
auquel  la  présente  instruction  fut  remise, 
à  Rouen ,  le  24  décembre ,  par  M.  de  Gaen  ; 
et,  dès  le  même  jour,  d'Infreville  partit 
pour  accomplir  sa  mission,  accompagné 
des  deux  ofliciers  qui  lui  étaient  adjoints. 
Ce  procès  verbal  contient  le  récit  des  opé- 
rations de  chaque  jour.  Ensuite  se  trou- 
vent exposées  les  propositions  diverses  de 
ce  qui  se  peut  faire,  avec  les  devis  des 
dépenses  présumées.  Enfin  le  manuscrit 


est  terminé  par  une  description  des  cô- 
tes, laquelle  se  rapporte  aux  cartes  qui 
précèdent. 

*  Le  projet  du  cardinal  était  d'abord 
plus  restreint,  il  ne  s'occupait  point  de  la 
Picardie.  Une  ordonnance,  signée  Riche- 
liea  et  contre-signée  Cherré,  datée  de  Ruel , 
le  i4  novembre,  portait:  «Nous  ordon- 
nons au  s' d'Infreville,  commissaire  général 
de  la  marine ,  de  se  transporter  prompte- 
ment  tout  le  long  de  la  coste  de  Nor- 
mandie, avec  tels  pilotes,  hydrographes 
et  autres  gens  de  mer  qu'il  estimera  à 
propos,  pour  visiter  tous  les  endroits  aux- 
quels on  pourra,  dans  l'estendue  de  cette 
coste,  faire  un  port  capable  d'y  tenir 
toutes  sortes  de  grands  vaisseaux,  pour 
ensuite  nous  en  venir  faire  un  sy  exact  et 
fidèle  rapport,  etc.  »  (ms.  cité  aux  source», 
fol.  a3.) 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU.  641 

Remarqueront  les  estendues  des  lieux  qu'ils  Irouveronl  le  fond  de 
dedans,  et  les  sonder,  et  le  fond  de  dehors,  poiu-  savoir  si  les  rades 
seront  bonnes  et  propres  pour  de  grands  vaisseaux.  Si  dans  les  poi'ls 
qu'ils  trouveronl  les  vaisseaux  y  peuvent  entrer  et  sortir  de  toute 
marée;  combien  il  y  a  d'eau  dans  les  d.  ports  pour  y  tenir  les  vais- 
seaux à  flolj 

Si  aux  d.  lieux  il  se  peut  bastir  des  magasins,  et  si,  pour  en  faire, 
il  se  trouvera  des  granges  et  autres  lieux  dont  on  se  puisse  servir  ; 
leur  valeur;  et  si,  ny  trouvant  point  de  bastimens,  combien  pourront 
couster  les  d.  magasins. 

Feront  un  dessein  et  devis  des  ports  qu'ils  trouveront  et  le  projet 
des  despenses  qu'il  y  conviendra  faire  à  chacun,  tant  pour  les  jetées 
qu'en  avenues  ;  et  de  tout  en  feront  un  bon  procès-verbal  qu'ils  nous 
rapporteront  pour,  iceluy  veu,  estre  ordonné  par  S.  M.  ce  qu'il  ap- 
partiendra par  raison. 

Faict  à  Ruel,  le  lo'^jour  de  décembre  lôSg. 

Le  cardinal  DE  RICHELIEU. 
Par  mon  dict  seigneur, 

DE  LofNE. 


CCCXV. 
Arch.  des  Ad.  élr.  France,  iSSg  (supplément],  fol.  5i  i.  —  Original. 

AU  ROY. 

De  Ruel  ',  1 1  décembre  i63g. 

Il  m'est  impossible  de  n'estre  point  en  peine  quand  je  croy  que 
Vostre  Majesté  n'est  pas  contente;  c'est  ce  qui  faict  que  j'envoie  ce 
matin  pour  sçavoir  Testât  de  sa  disposition,  m'aiant  semblé  qu'elle 
partit  hier  d'icy  sans  estre  bien  satisfaicte  en  elle-mesme.  Sur  cela 
je  la  suplie  de  croire  et  de  tenir  pour  asseuré  que,  si  elle  ne  se 
résout  de  dire  ses  mescontentemens  quand  elle  en  aura,  et  ses  vo- 

'   Une  déchirure  du  papier  n'a  laissé  de  la  date  que  le  nom  de  lieu  ;  le  quantième 
a  été  noté  au  dos  de  la  pièce. 

CARDIN.  BB  HICBELteO. Tl.  '  8l 


6'i2  LETTRES 

lontés  à  M""  le  Grand,  elle  sera  souvent  en  des  peines  qu'elle  pouira 

esviter,  sans  doute,  si  elle  veut  en  user  comme  je  luy  propose.  Il  est 

impossible  d'estre  jeune  et  tout  à  faict  sage;  c'est  à  Vostre  Majesté  à 

suplécr  au  défaut  de  ses  créatures,  en  les  conduisant  par  ses  advis 

et  par  ses  conseils.  Je  la  suplie  d'en  prendre  la  résolution  pour  son 

repos,  m'asseuranl  qu'elle  le  trouvera  en  cette  conduite,  si  elle  la 

peut  prendre,   comme  je  l'en  conjure  de  tout   mon  cœur;  et   de 

croire  que  je  seray,  jusques  au  dernier  souspir  de  ma  vie,  cent  fois 

plus  à  elle  qu'à  moy-mesme. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


NOTA. 


Voici  ia  première  fois  que  nous  rencontrons  le  jeune  d'Effial  dans  ce  recueil; 
quelques  mots  à  son  sujet,  et  la  publication  de  quelques  documents  inédits  le 
concernant,  ne  seront  pas  ici  hors  de  propos.  Vus  d'un  homme  que  le  cardinal 
aimait  et  estimait,  enfant  d'un  extérieur  prévenant  et  d'un  esprit  agréable,  il 
avait  été  élevé  presque  sous  les  yeux  de  Richelieu.  Il  sortait  à  peine  de  l'enfance 
que,  par  ia  protection  du  cardinal,  il  eut  une  compagnie  dans  les  gardes  de 
Louis  XIll  ;  et  le  27  mars  i638,  avant  de  compter  dix-huit  ans,  il  obtint  la 
charge  de  grand  maître  de  la  garde-robe  du  roi,  laissée  vacante  par  la  démis- 
sion du  marquis  de  La  Force,  fils  aîné  du  vieux  maréchal.  L'année  suivante,  et 
peu  de  temps  avant  la  date  de  lalettre  qu'on  vientdc  lire,  le  roi  récompensait  pour 
lui,  comme  on  disait  alors,  la  charge  de  grand  écuyer';  il  était  déjà  à  l'apogée 
de  sa  faveur.  Nous  en  suivons  le  progrès  dans  la  correspondance  manuscrite  de 
l'évêque  Arnauld,  qui  en  raconte,  presque  jour  par  jour,  toutes  les  vicissitudes. 
Nous  y  lisons,  dès  le  27  juillet  lê'àg  :  «  M'  de  S'  Mars  EfTiat  est  desjà  fort  avant 
dans  les  bonnes  grâces  du  roy. .  .  •  Et  le  i4  août  :  «  On  juge  que  la  Dame  (M'""  de 
Hautefort)  n'est  plus  bien;  aussy  est-il  constant  que  la  faveur  de  M.  de  S'  Mars 
est  toute  déclarée.  »  Un  mois  après,  le  1  8  septembre  :  «  La  faveur  de  W  de  S'  Mars 
augmente  tous  les  jours;»  i5  octobre  et  2  novembre  :  «Progrès  sans  cesse 
croissans  de  cette  faveur;  »  et  le  6  :  «  La  faveur  du  jeune  d'Effiat  est  arrivée  au 
point  qu'on  n'en  a  jamais  veu  de  pareille.  »  —  «  On  ne  peut  pas  encore  bien 

'  On  eut  c|uelque  peine  à   décider  le  nenl  les  lettres  de  ce  duc  des  2  5  octobre 

duc  de  Bellegarde,  alors  en  disgrâce  et  et  1 1  décembre.  (Arch.  des  AtF.étr.  France, 

fort  besoigneux,  à  la  vendre,  et  le  roi  ia  1689,  supplément,  foi.  /|3A  et  Sog.) 
lui  paya  assez  mai,  comme  nous  l'appren- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.         •  643 

juger  (avait  mandé  yVrnauld)  ce  que  deviendra  Mad'  de  Auteforl;  quelques 
lettres  qu'elle  escrivoit  à  son  père,  pour  les  faire  voir  au  roy,  pour  remerciinent 
d'un  estui  qu'il  luy  avoit  envoyé  de  Langres,  se  sont  trouvées  perdues.  »  On  devine 
qu'elles  ne  l'étaient  pas  pour  tout  le  monde,  et  cjiie  les  agents  du  caidinal  n'a- 
vaient pas  manqué  de  les  intercepter.  Rien  ne  montre  mieux  que  cette  corres- 
pondance intime  d'Arnauld  comme  les  personnes  curieuses  des  petits  mystères 
de  la  cour  étaient  attentives  à  observer  l'élévation  de  la  faveur  du  grand  écuyer 
u  mesure  que  déclinait  celle  de  la  dame  d'atours. 

Chavigni,  soigneux  d'informer  Mazarin  ,  alors  à  Rome,  des  nouvelles  de  Saint- 
Germain,  lui  mandait  le  26  octobre  :  «  Nous  avons  uu  nouveau  favori  à  la  cour, 
qui  est  M.  de  S'  Mars,  fils  de  feu  M.  le  mareschal  d'Efliat,  dépendant  tout  à 
fait  de  monseig''  le  cardinal.  Jamais  le  roy  n'a  eu  passion  plus  violente  pour  per- 
sonne que  pour  luy.  S.  M.  rescompense  la  charge  de  grand  escuyer  de  France 
qua  M.  le  duc  de  Bellegarde  pour  la  luy  donner.  Ce  n'est  pas  un  trop  vilain 
début  pour  un  homme  de  19  ans'.  • 

Notons,  dans  la  correspondance  déjà  citée,  cet  incident  :  «  Le  roy  est  de  retour 
à  Fontainebleau  depuis  le  ji  udi  3  novembre.  La  reine  s'est  empressée  de  s'y 
rendre...  Elle  a  amené  avec  elle  Mad"  de  Autefort,  ce  que  l'on  ne  croyoit  pas. 
On  a  grande  curiosité  de  sçavoir  de  quelle  laçon  se  sera  passé  l'entrevue. . .  M.  de 
S'  Mars  est  plus  puissant  que  n'a  jamais  esté  aucun  de  ses  prédécesseurs...  sa 
faveur  est  inouïe.  •  (Lettre  du  3  novembre.)  Trois  jour%âprès,  le  9  :  «  Je  viens 
d'apprendre  que  le  roy  avoit,  hier  au  soir,  dict  nettement  à  Mad"  de  Autefort 
qu'elle  ne  devoit  plus  prétendre  à  sou  adection,  qu'il  l'avoit  toute  donnée  à 
M.  de  S'  Mars.  » 

Et  le  favori,  avec  tout  l'orgueil  du  triomphe,  toute  la  présomption  de  la  jeu- 
nesse, commençait  à  croire  (|u'il  ne  devait  rien  qu'à  luimênie,  et  qu'il  pouvait, 
au  gré  de  ses  caprices,  dédaigner  maître  et  protecteur.  Ce  vertige  de  vanité  ne 
lui  permettait  pas  de  s'apercevoir  qu'une  complaisance  assidue  auprès  du  roi, 
une  dépendance  entière  du  cardinal  étaient  les  conditions  nécessaires  du  main- 
tien de  sa  faveur.  Les  décevantes  illusions  de  cette  fortune  si  prodigieuse  et  si 
soudaine  ne  l'invitaient  qu'à  la  dissipation.  L'ambition ,  cette  passion  de  l'âge  mûr, 
trouvait  diflicilement  sa  place  dans  un  cœur  tout  rempli  de  passions  plus  jeunes 
et  moins  sérieuses.  Il  aimait  trop  le  plaisir  pour  aimer  beaucoup  la  gloire;  et  il 
se  livrait  avec  emportement  à  toutes  les  jouissances  du  luxe  et  de  la  volupté.  De 
somptueux  équipages,  des  vêtements  magnitiques,  les  profusions  d'une  table 
délicate*,  les  soirées  du  Marais,  les  nuits  de  Marion  de  Lorme,  et  vingt  ans! . . . 

'  Arcli.  des  Aff.  étr.  Rome,  t  G6,  orig.  Bibl.  imp.  arm.  V,  p.iquet  4.  n'  2 ,  fol.  ^9. 
chiffré.  — G>pie  de  la  main  de  Baluze,  '  Un  jour  Arnauld  écrivait  ;«  M' le  Grand 

81. 


644  •  LETTRES 

Qu'on  s'élonne  (|ue  le  favori,  emprisonné  dans  sa  faveur,  trouvât  longues  les 
journées  passées  clans  l'intimité  d'un  maître  dont  l'amitié  sècbe  et  monotone,  la 
mélancolie  maladive,  le  poursuivaient  sans  relâche  de  conseils  chagrins,  d'un 
maître  qui  lui  deniandail  des'  mœurs  austères,  l'application  aux  affaires,  et  aussi 
la  distraction  de  ses  ennuis  et  de  ses  tristesses;  qu'on  s'étonne  de  voir  l'ardenl 
jeune  homme  chercher  dans  la  liberté  de  la  nuit  un  dédommagement  à  l'escla- 
vage du  jour.  On  raconte,  en  effet,  qu'après  le  coucher  du  roi,  et  tandis  que 
Louis  XIII  le  croyait  dans  son  appartement,  on  aurait  pu  le  voir  galopant  sur  la 
route  de  Saint-Germain  à  Paris,  arriver  en  toute  hâte  chez  ses  amis  du  Marais, 
ou  chez  la  belle  Marion ,  pour  retourner  dès  la  pointe  du  jour  à  sa  royale  chaîne. 

Le  roi  se  plaignait  sans  cesse  à  Richelieu  de  l'humeur  légère  et  de  l'indocilité 
de  son  protégé  ;  et  le  protégé  trouvait  ensuite  à  Ruel  les  réprimandes  sévères  et 
les  durs  reproches  d'un  protecteur  mécontent  de  le  voir  si  n)al  répondre  aux 
espérances  qu'il  avait  fondées  sur  une  faveur  créée  par  lui  et  pour  lui.  Parfois 
même,  railleur  jusqu'à  l'insulte,  le  cardinal  semblait  avoir  moins  à  cœur  de  cor- 
riger que  d'humilier  ce  présomptueux  étourdi. 

Ces  réprimandes  continuelles,  cette  insupportable  contrainte,  cette  servitude 
sans  relâche  irritaient  de  plus  en  plus  l'impatience  de  Cinq-Mars,  son  humeur 
fâcheuse  cioissait  avec  sa  fortune,  et  à  peine  il  la  crut  assurée  qu'il  la  mit  en 
péril  par  les  mécontentements  de  tous  les  jours  qu'il  donnait  à  Louis  XIII. 
Richelieu  n'était  occupé  qu'à  solliciter  l'indulgence  du  roi  et  à  recommander  la 
docilité  au  favori.  On  voit,  par  la  lettre  même  qu'on  vient  de  lire ,  comme ,  à  cette 
époque  encore,  les  panles  du  cardinal  au  roi  touchant  Cinq-Mars  étaient  indul- 
gentes et  presque  paternelles.  Ce  fut  à  l'occasion  d'une  de  ces  brouilleries  que 
Louis  XIII  écrivait  à  Richelieu,  le  27  novembre  :  "Je  vous  remercie  du  soing 
que  vous  prenez  d'envoyer  sravoir  de  mes  nouvelles;  je  me  suis  un  peu  trouvé 
mal  cette  nuit,  ce  qui  m'a  contraint  de  prendre  re  matin  un  petit  remède; 
peut-eslre  prendraije  médecine  ce  soir.  Vous  verres,  par  le  certificat  que  je  vous 
envoie,  en  quel  estai  est  le  racommodement  que  vous  Gstes  hyer;  quand  vous 
vous  meslés  d'une  affaire  elle  ne  peut  mal  aller.  Je  vous  donne  le  bon  jour. 

.  LOUIS  » 

a  faict  faire  un  des  plus  superbes  ameuble-  traite  ce  soir  le  roi  à  S' -Germain,  »  lettre 

men.s  que  l'on  ait  guerre  veus.  n  L'n  autre  du  i3  novembre.  Un  peu  plus  tard,  nous 

jour  :  «  On  n'a  jamais  veu  à  la  cour  une  table  lisons  encore  :  •  Le  roy  s'est  mis  en  collère 

mieux  servie  que  celle  de  M'  le  Grand  »  contre  M'  le  Grand  de  ce  beau  carrosse... 

(8  février  16/I0;  ii  décembre  1639),  et  il  ne  l'a  point  voulu  voir.,    il  dit  que  c'est 

le  favori  y  recevait  le  roi  :  «  M'  de  S'  Mars  un  despencier.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  645 

El  le  cerliGcat  mérile  d'être  cilé  : 

«Nous,  ci-dessous  signés,  certifions  à  qui  il  appartiendra  estre  très-conlens 
et  salisfaicts  l'un  de  l'autre,  et  n'avoir  jamais  esté  en  sy  parfaicte  intelligence 
que  nous  sommes  à  présent.  En  foy  de  quoy  nous  avons  signé  le  présent  certificat. 

«  FaicI  à  S'-Germain,  ce  26  novembre  1689. 

.  LOUIS. 

I  Et,  par  mon  commandement, 

Effut  de  Cinq-Mabs'.  » 

Mais  en  dépit  de  l'acte  sous  seing  privé,  les  brouilleries  recommencèrent  bien- 
tôt. Un  mois  ne  s'était  pas  écoulé  que,  le  i4  décembre,  Arnauld  écrivait  :  «11  y 
a  eu  encore  brouillerie  entre  le  roy  et  M"^  le  Grand  ;  cela  recommence  souvent.  • 
Et  le  i4  janvier  i64o  :  «  H  y  eut  avant  hier  un  raccommodement  entre  le  roy  et 
M' le  Grand;  ils  avoient  esté  quatre  ou  cinq  jours  en  froideur;  ce  fut  M'  de  Noyers 
qui  fut  l'entremetteur.  «Le  25  :  «  H  y  a  eu  de  nouvelles  brouilleries  entre  le  roy 
et  M' le  Grand.  •  Huit  jours  après,  la  paix  n'était  pas  encore  faite  :  »  M' le  Grand 
s'est  mis  en  possession  de  ne  plus  du  tout  aller  à  la  chasse  avec  le  roy  (dit  notre 
correspondance,  le  5  février),  on  ne  luy  en  parle  mesme  plus.  •  Et  puis,  le  12  : 
•  M'  le  Grand  est  plus  en  faveur  qu'il  n'ait  jamais  esté.  •  Ce  fut  à  ce  moment, 
en  effet,  que  le  roy  lui  donna  le  comté  de  Dammartin,  toutefois  avec  réserve  de 
l'usufruit^  pour  Louis  XIII  et  de  réversibilité  à  la  couronne  faute  de  mâles;  ce 
qui  faisait  dire  à  Cinq-Mars  :  •  Je  suis  l'héritier  du  roy  et  il  l'est  de  moy.  •  (Let- 
tres des  19  et  26  février  )  11  est  probable  que  Richelieu  n'approuvait  pas  cette 
nouvelle  faveur;  un  billet  qu'il  écrivait  de  Ruel  à  Chavigni,  le  29  février,  laisse 
percer,  dans  sa  sèche  ironie,  un  certain  mécontentement  contre  le  favori  :  «Je 
suis  très-aise,  dit  le  cardinal,  du  raccommodement  de  M'  le  Grand;  je  tiendrois 
à  faveur,  comme  vous  pouvés  penser,  de  le  voir  avant  le  partement  du  roy,  mais 
je  ne  juge  pas  à  propos  qu'il  vienne  icy;  je  reçoy  la  volonté  pour  l'efTect.  »  (Ce 
billet  sera  noté  aux  Analyses.)  Quoi  qu'il  en  soit,  les  nuages  s'épaissirent  de  nou- 
veau; le  2  0  mars,  Arnauld  mandait  :  •  Il  y  a  deux  jours,  on  croyoit  M'  le  Grand 
ruiné;  ce  sont  des  intrigues  qui  ne  peuvent  bien  s'expliquer  par  une  lettre;  vous 
aurez  veu  quelqu'un  qui  vous  aura  compté  des  choses  mystérieuses.  »  Nous  avons 
lieu  de  croire  que  ce  quelqu'un  était  Bautru,  l'un  des  familiers  du  cardinal.  Le 
bruit  de  la  mésintelligence  de  Richelieu  et  de  Cinq-Mars  commençait  d'ailleurs 

'   Manuscrit  de  Baluze  précité,  fol.  ^7  Arnauld  écrivait:  «On  m'a  dict  que  le  roy 

verso  et  5o.  a  desjà  donné  à  M' le  Grand  l'usufruit  de 

*  il  parait  que  le  roi  abandonna  bien-  DainniarCiii,  qu'il  s'estoit  réservé.» 
tôt  cette  singulière  réserve  ;  le  i  o  juin , 


646  LETTRES 

à  percer,  ainsi  qu'on  ie  voit  clans  une  autre  lettre  d'Arnauid,  du  8  août  :  «Il 
semble  que  M' le  Grand  ne  soit  pas  si  bien  du  costé  de  Ruel;  il  y  a  là  dedans  des 
mislères  que  le  temps  descouvrira.  •  El  ces  bruits  prenaient  consistance.  Le 
•1  décembre,  Arnauld  répétait  :  «On  continue  à  dire  qu'il  y  a  quelques  nuages 
entre  le  cardinal  et  M'  le  Grand  qui  pourroient  avoir  suite.  »  Il  y  a\ait,  en  effet, 
pour  Richelieu,  des  motifs  sérieux  de  se  méfier  de  celui  dont  il  avait  édifié  la 
fortune.  Il  reconnaissait  et  que  Cinq-Mars  manquait  de  l'habileté  nécessaire  pour 
lui  être  utile  auprès  du  roi,  et  que,  de  plus,  eût-il  eu  cette  habileté,  il  s'en  serait 
servi  contre  son  protecteur.  Ghavigni  écrivait  à  Mazarin ,  alors  en  mission  à  Turin  : 
«  Le  roy,  M'ie  cardinal  et  M' le  Grand  sont  tousjours  comme  vous  les  avés  veus  à 
Amiens,  excepté  que  S.  M.  a  tesmoigné  depuis  peu  de  très  mauvaises  humeurs 
contre  le  cardinal  duc.  Pour  moy,  je  vousadvoue  que  j'en  crains  les  suittes;mais 
M'  de  Noyers  asseiire  tousjours  que  ce  n'est  rien.  Il  y  a  plusieurs  particularitez 
sur  ce  sujet,  que  je  ne  vous  puis  escrire,  qui  sont  eslranges.  »  Cette  lettre  de  Gha- 
vigni, datée  du  i3  août,  est  aux  Affaires  étrangères,  Turin,  t.  3i,  fol.  216.  Le 
2  novembre,  Ghavigni  écrivait  encore  :  «  Je  suis  mieux  que  jamais  avec  Mons'  le 
cardinal...  Il  me  dit  à  cette  heure  ses  sentimens  sur  le  personnage  que  vous 
sçavés,  et  cognoist  bien  que  son  insuffisance  l'a  mis  dans  un  grand  embarras;  je 
ne  puis  pas  vous  en  escrire  plus  particulièrement,  je  m'asseure  que  vous  m'en- 
tendes bien.  »  (Même  ms.  fol.  326.)  Enfin,  le  11,  Ghavigni  ajoute  à  une  nouvelle 
lettre  à  Mazarin,  un  feuillet  en  italien,  où  nous  remarquons  ce  passage  :  «Le 
«  cose  délia  corte  sono  piu  imbrogliate  che  mai;  il  maie  che  s'era  scoperto  a 
«  Amiens  cresce  per  ogni  giorno;  e  adesso  che  il  padrone  di  Golmardo  (Colmardo 
«était  le  sobriquet  de  Mazarin  dans  le  langage  intime)  è  risoluto  affatto  di  ri- 
«  mediarlo  non  si  vede  la  strada  sicura.  »  (  Fol.  tioo.)  Cinq-Mars  n'est  pas  nommé 
dans  ces  lettres,  mais  il  s'agit  évidemment  de  lui. 

Cependant  le  roi,  malgré  ses  fâcheries,  usait,  à  l'égard  de  son  favori,  d'une 
complaisance  inouïe;  nous  eu  avons  la  preuve  dans  un  nouvel  engagement  réci- 
proque que  nous  avons  trouvé  aux  archives  des  Affaires  étrangères',  et  qui  n'est 
guère  moins  curieux  que  le  certificat  du  29  novembre  : 

«  Aujourd'huy  neufviesrne  mai  i64o,  le  roy  estant  à  Soissons,  Sa  Majesté  a  eu 
agréable  de  promettre  à  Mons''  le  Grand  que,  de  toulte  ceste  campagne,  elle 
n'aura  aulcune  cholère  contre  luy  ;  et  que,  s'il  arrivoit  que  le  d.  s' le  Grand  luy 
en  donnast  quelque  léger  suject,  la  plainte  en  sera  faicte  par  Sa  Majesté  à 
Monsieur  le  Cardinal,  sans  aigreur,  affm  que,  par  l'advis  de  S.  Em.  le  d.  h'  le 

'  France  i6/io,  sept  premiers  mois,  copie,  laquelle  est  conservée  parmi  ses 
fol.  iSg.  C'est  un  original  de  la  main  de  manuscrits  à  la  Bibliothèque  impériale, 
de  Noyers.  Baluze  l'a  vu  et  en  a  pris  une        arm.  V,  paquet  4,  n"  2,  fol.  Ag- 


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DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  fi/j? 

Grand  se  corrige  de  tout  ce  qui  pourroit  desplaire  au  roy,  et  qu'ainsy  louttes  ses 
créatures  trouvent  leur  repos  dans  celuy  de  Sa  Majesté.  Ce  qui  '  a  esté  promis 
réciproquement  par  le  roy  et  Mons'  le  Grand,  en  présence  de  Son  Éminence. 

.  LOUIS. 
«  Effiat  de  Cinq-Mars^.  » 

On  voit  que  le  cardinal  était  perpétuellement  jjrésenté  à  Cinq-Mars  comme 
un  mentor  fâcheux  et  le  censeur  assidu  de  sa  conduite.  Ce  fut  là  une  des  causes 
de  Tanlipathie  profonde  que  lui  inspira  Richelieu. 

(Jependant  les  conseils  et  les  réprimandes,  loin  de  corriger  le  favori,  ne  fai- 
saient que  l'aigrir  et  l'irriter  davantage;  son  indocilité  devenait  de  l'insolence. 
Aubery  nous  en  a  conservé  un  témoignage  donné  par  le  roi  lui-même,  et  qui 
nous  a  semblé  trop  curieux  pour  ne  pas  être  reproduit  ici,  quoiqu'il  ait  été  déjà 
imprimé  : 

DD  BOI  AU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 

De  Sainl-Gemiaiii,  ce  5  janvier,  à  4  h.  du  soir,  164  i. 

«  Je  suis  bien  marry  de  vous  importuner  sur  les  mauvaises  humeurs  de  M.  le 
Grand.  A  son  retour  de  Ruel  il  m'a  baillé  le  paquet  que  vous  luy  avez  donné; 
je  l'ay  ouvert  et  l'ay  leu.  Je  luy  ay  dit  :  Monsieur  le  cardinal  me  mande  que  vous 
luy  avez  témoigné  avoir  grande  envie  de  me  complaire  en  toutes  choses,  el  cependant 
vous  ne  le  f aides  pas  sur  un  chapitre  de  quoyje  l'ay  prié  de  vous  parler,  gai  est  sur 
vostre  paresse.  Il  m'a  respondu  que  vous  luy  en  aviez  parlé,  mais  que  pour  ce 
chapitre-là  qu'il  ne  se  pouvoit  changer,  et  qu'il  ne  feroit  pas  mieux  que  ce  qu'il 
avoit  faict.  Ce  discours  m'a  fâché.  Je  luy  ay  dit  :  Un  homme  de  vostre  condition, 
qui  doit  songer  à  se  rendre  digne  de  commander  des  armées,  et  qui  m'avez  témoigné 
avoir  ce  dessein-là,  la  paresse  y  est  du  tout  contraire.  Il  m'a  répondu  brusquement 
qu'il  n'avoit  jamais  eu  cette  pensée,  ny  n'y  avoir  point  prétendu.  Je  luy  ay  ré- 
pondu que  si,  et  n'ay  pas  voulu  enfoncer  ce  discours.  Vous  sçavez  bien  ce  qu'il 
en  est*.  J'ay  repris  ensuitte  le  discours  sur  la  paresse,  luy  disant  que  ce  vice 
rendoit  un  homme  incapable  de  toutes  bonnes  choses,  et  qu'il  n'estoit  bon  qu'à 

•  Qui»  est  de  la  copie  de  Baluze;  le  étaient  rendus  en  foule,  el  dont  il  prit  le 

papier  est  déchiré  ici  dans  l'original.  rommaiidemenl  (  voyez  ciaprès,  au  ■»  août 

Celte  seconde  signature  est  écrite  à  i6yio);  il  s'y  élail  comporté  en  homme  de 

la  marge.  cœur,  et  en  même  temps  il  avait  laissé 

VI.  le  Grand   alla   au   siège  d'Arras  paraître  la  vaniteuse  prétention  des  hauts 

avec  les  volontaires  de  la  cour,  qui  s'y  emplois  militaires. 


648 


LETTRES 


ceux  du  Marais,  où  il  avoil  esté  nourry,  qui  esloient  du  tout  adonnez  à  leurs 
plaisirs,  et  que  s'il  vouloit  continuer  cette  vie,  qu'il  falloit  qu'il  y  retournast.  Il 
m'a  répondu  arogamnient  qu'il  esloit  tout  prest.  Je  luy  ay  répondu  :  Si  je  n'estois 
plus  sage  que  vous,  je  sçay  bien  ce  quej'aurois  à  vous  répondre  là-dessas.  Easuitte  de 
cela  je  luy  ay  dit  que,  m'ayanl  les  obligations  qu'il  m'a,  il  ne  devoit  pas  me 
parler  de  la  façon.  Il  m'a  répondu  son  discours  ordinaire,  qu'il  n'avoit  que 
faire  de  mon  bien,  qu'il  estoit  tout  prest  à  me  le  rendre,  et  qu'il  s'en  passeroit 
fort  bien,  et  seroit  aussy  content  d'estre  Cinq-Mars  que  Monsieur  le  Grand,  et 
que  pour  changer  de  façon  de  vivre,  qu'il  ne  pouvoit  vivre  autrement.  Et  en- 
suitle  est  venu  toujours  me  picotant,  et  moy  luy,  jusques  dans  la  cour  du  chas- 
teau,  où  je  luy  ay  dit  qu'estant  en  l'humeur  où  il  estoit,  il  me  feroit  plaisir  de 
ne  me  poinct  voir.  Il  m'a  témoigné  qu'il  le  feroit  volontiers.  Je  ne  i'ay  poinct  veu 
depuis.  Tout  ce  que  dessus  a  esté  en  la  présence  de  Gordes. 

.  LOUIS. 

»  J'ay  montré  à  Gordes  ce  mémoire,  avant  que  vous  l'envoyer,  qui  m'a  dit 
n'avoir  rien  leu  que  de  véritable  '.  » 

Les  choses  continuèrent  d'aller  sur  le  même  pied,  et,  dix-huit  mois  plus  tard, 
l'échafaud  de  Lyon  voyait  le  dénoûment  de  cette  orageuse  amitié. 


CCCXVI. 

Bibl.  imp   Suite  de  Dupuy,  t.  i5,  fol.  290.  —  Original,  sans  signature. 

POUR  M.  L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAUX, 

À    PARIS. 

DeRuel,  ce  16' décembre  iGSg. 

M'  le  nonce  seroit  plus  fin  qu'il  n'est  s'il  pouvoit  faire  changer  de 
thèse.  Il  n'est  pas  question  ny  des  bulles  deCisteaux^,  ny  de  Prémon- 
tré, ny  du  controlle  des  bénéfices;  les  deux  premières  affaires  ne  sont 


'  Tome  V,  p.  36 1  de  l'édition  in- 18. 
Aubery  n'indique  point  où  il  a  trouvé  ce 
document,  dont  nous  n'avons  pu  décou- 
vrir le  manuscrit. 

'  Une  entrevue  de  Chavigni  et  de  Scoti 
avait  eu  lieu  le  7  décembre  dans  le  cloître 
des  Cordeliers,  où  rendez-vous  avait  été 
pris ,  le  nonce  n'allant  pas  chez  Chavigni. 


Scoti,  récriminant  contre  les  plaintes  du 
secrétaire  d'État,  avait  dit  que  les  préten- 
tions du  cardinal  de  Richelieu  étaient  la 
principale  cause  des  démêlés  qui  trou- 
blaient la  bonne  harmonie  entre  les  deux 
cours,  et  que,  si  le  pape  n'avait  pas  refusé 
au  cardinal  les  bulles  de  Cîteaux  et  de 
Prémontré ,  on  se  serait  facilement  entendu 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  649 

demandées  de  personne;  il  y  a  plus  de  deux  ans  que  l'ambassadeur 
a  charge  de  n'en  parler  point;  et  la  Iroisiesme  est  faicle  et  exécuttée. 

Mais  il  s'agit  de  l'injure  que  le  roy  a  receue  en  la  Trinité  du  Mont'  ; 
de  celle  qu'on  luy  a  faicte  en  la  personne  de  feu  M'  le  cardinal  de 
La  Valette,  et  de  l'outrage  faicl  à  sou  ambassadeur  par  l'assassinat 
de  son  escuyer. 

Le  roy  ne  veut  faire  que  ce  qui  est  nécessaire  pour  convier  le  pape 
à  luy  faire  raison. 

Quant  à  l'arrest  du  parlement  et  autres  poursuites  que  faict  le 
clergé,  elles  sont  sy  justes  que  le  seul  motif  de  la  poursuitte  qu'on 
en  faicl  est  leur  équité. 

Je  sçauray  tantost  la  volonté  du  roy  au  sujet  du  commerce  qu'il 
voudra  qui  soit  gardé  avec  Mons'  le  nonce.  Je  m'asseure  que  ce  bon 
seigneur  cognoistra,  avec  le  temps,  et  la  justice  de  la  France  et  sa 
fermeté  quand  elle  a  bonne  cause. 


sur  tout  le  reste.  Cette  même  année  iGSg, 
le  cardinal  avait  écrit ,  clans  un  Mémoire  sur 
les  affaires  de  Rome  (ci-dessus,  p.  290): 
«l'affaire  de  Cisteaux  et  de  Prémonlré 
doileslre  achevée.  »  —  La  relation  de  l'en- 
trevue du  cloître  des  Cordeiiers  se  trouve 
aux  archives  des  Affaires  étrangères,  dans 
les  manuscrits  de  Rome  t.  67  (noncoté), 
à  la  date  du  9  décembre,  et  il  y  en  a  dans 
ce  même  volume  plusieurs  autres  copies; 
ainsi  qu'à  la  IMbliolhèque  impériale  dans 
le.s  collections  de  Harlay,  de  Dupuy , 
de  Gaignieres,  etc.  Elle  a  été  imprimée 
dans  le  livre  des  frères  Dupuy,  Les  libertés 
de  l'E(j\ise  Gallicane,  parmi  les  pièces 
jointes  aux  mémoires  de  Talon ,  tome  IV, 
page  3o  de  l'édition  Petilol,  et  ailleurs. 
Richelieu  envoya  celte  relation  au  cardi- 
nal Bagni,  cjui,  on  le  sait,  était  dévoué 
a  la  France  et  au  premier  ministre.  La 
lettre  que  lui  écrivait  Richelieu,  le  17 dé- 
cembre, pour  se  plaindre  de  la  conduite 

CAUDIN.  DK  RICHELIEU.  —  VI. 


du  nonce,  a  été  imprimée,  et  il  en  sera 
fait  menlion  ci-après,  aux  Analyses,  «.le 
veux  croire,  mandait  Richelieu  à  Bagni  , 
que  ce  bon  prélat  a  beaucoup  de  zèle, 
mais  certainement  il  cognoisl  si  mal  la 
France  et  défère  si  peu  aux  bonnes  ins- 
Iriiclions  que  vous  luy  avés  données , 
qu'asseurément  il  luy  sera  plus  préjudi- 
ciable qu'utile,  s'il  ne  se  modère.  »  Quant 
à  l'imputai  ion  qui  louchait  directement 
Richelieu,  celui-ci  ajoutait  :  «Je  ne  consi- 
dère point,  comme  vous  pouvés  croire, 
ce  qu'il  luy  plaist  de  dire  à  mon  désad- 
vantage,  tant  parce  que,  quand  il  pour- 
roil  me  porter  préjudice, je l'oublierois  de 
bon  cœur,  pour  l'amour  de  Dieu,  que 
parce  qu'estant  cogneu,  comme  je  suis, 
dans  le  monde,  on  sçayt  bien  qu'il  n'y  a 
point  d'intéresl  particulier,  quelque  grand 
qu'il  puisse  estre,  qui  soit  capable  de  me 
faire  passer  pardessus  le  moindre  del'estal.  » 
'   Voyez,  ci-dessus,  p.  52 1. 

83 


650  LETTRES 


CCCXVII. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  Rome,  t.  67  (non  coté).' —  De  la  main  de  Cliavigni. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  347,  f'"'-  ^9^'  —  Copie. 

Collection  Dupuy,  t.  535.  —  Copie. 

16  décembre  1639. 
DE  PAR  LE  ROY, 

H  est  ordonné  aux  agens  du  clergé  de  faire  entendre, à  tous  les 
s'^'*  évesques  et  prélats  qui  sont  dans  Paris  que  deux  raisons  portent 
S.  M.  à  leur  deffendre  d'avoir  aucune  communication  avec  le  s""  Scoti, 
nonce  extraordinaire  en  ce  royaume. 

La  première  est  que  le  d.  s'  Scoti  ayant  esté  envoyé  par  S.  S. 
nonce  extraordinaire  en  France,  où  S.  M.  ne  l'a  receu  qu'en  cette 
qualité,  pour  entendre,  par  son  moyen,  les  propositions  que  Sa  S" 
voudroit  faire  pour  la  paix;  il  n'a  aucune  fonction  ordinaire  en  vertu 
de  laquelle  il  doive  avoir  communication  avec  eux. 

La  seconde,  que  S.  M.  luy  ayant  faict  savoir  ces  jours  passés,  par 
le  s'  de  Chavigny,  secrétaire  d'Estat,  que  l'offense  que  son  ambassa- 
deur avoit  receue  à  Rome  par  l'assassinat  commis  en  la  personne  d'un 
de  ses  domestiques,  ensuitte  des  grands  mesconlentemens  qui  ont 
esté  donnés  à  Sa  d.  M.  sur  le  faict  de  la  Trinité  du  Mont,  et  de  la 
mémoire  de  feu  M'  le  cardinal  de  La  Valette,  l'ayant  contraint  à  ne 
désirer  plus  que  son  d.  ambassadeur  allast  à  l'audience  de  S.  S.  jusqu'à 
ce  que  l'injure  qu'il  avoit  receue  eust  esté  réparée,  elle  ne  pouvoit 
aussy  la  luy  donner  jusques  au  mesnie  temps  '.  Au  lieu  de  recevoir 
cet  expédient  avec  le  respect  qu'il  devoit  en  tant  qu'il  ouvroit  le 
chemin  à  un  accommodement,  il  fut  si  peu  considéré  de  dire  au  s'  de 
Chavigny  qu'il  avoit  cœur  et  esprit  pour  agir,  et  qu'il  le  feroit  en  sorte 
que  la  pluspart  des  évesques  de  France  se  Irouveroient  pour  Sa  S. 

'  L'ordre  donné  par  le  roi  à  ce  sujet  nianuscrils  de  la  Bibliothèque  impériale 

est  daté  de  Saint-Germain  en-Laye le 8 dé-  cités  aux  sources;  et  il  est  imprimé  dans 

cembre;   il    est  contre-signe  Boutliillier  le  IV°  volume  d'Aubery,  page  344- 
(Cliavigni);  on  le  trouve  en  copie  dans  les 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  651 

contre  le  rby.  Ensuitte  de  quoy  S.  M.  n'a  peu  moins  faire  que  de 
defFendre  la  dicte  communication  à  tous  les  prélats  de  son  royaume, 
non  par  aucune  mesfiance  qu'elle  ayt  de  leur  affection  et  de  leur  zèle 
à  son  service,  dont  elle  est  très  asseurée,  mais  pour  faire  voir  au 
d.  s' Scotti  que  non  seulement  la  bonne  intention  des  d.  prélats  rendra- 
t-elle  ses  mauvais  desseins  A'ains  et  inutiles,  mais  que  mesme  il  n'aura 
pas  lieu  de  tascher  à  les  mettre  à  exécution,  ny,  par  conséquent,  de  se 
divertir  des  seules  pensées  qu'il  doit  avoir  pour  l'avancement  de  la 
paix,  qui  est  tant  désirée  de  S.  M.  que,  nonobstant  l'offense  receue 
par  son  ambassadeur  à  Rome,  et  le  mauvais  procédé  du  s"^  Scoti  en 
cette  cour,  elle  ne  laisse  pas  de  luy  laisser  la  liberté  de  faire  faire 
au  d.  s'  de  Chavigny,  par  son  auditeur,  toutes  les  propositions  qui 
pourront  avancer  un  sy  bon  œuvre. 

Faict  à  Saint-Germain-en-Laye,  le  iG  décembre  1689. 

LOUIS. 

SUBLET  '. 


'  Celte  déclaration ,  signée  du  roi  et  con- 
trcsignée  par  de  Noyers,  avait  été  écrite 
dans  le  cabinet  de  Richelieu.  Elle  a  servi 
de  thème  à  une  leltre  de  cachet,  adrasée  au 
parlement ,  ayant  le  même  objet  et  rédigée 
presque  dans  les  mûmes  termes.  Celle-ci 
est  imprimée  dans  le  recueil  d'Aubery, 
avec  la  date  de  décembre ,  sans  quantième , 
d'après  une  copie  du  manuscrit  Dupuy, 
précité,  tome  535.  —  Richelieu  prit  la 
précaution  d'iDdiquer  par  écrit  à  Chavi- 
gni  tout  ce  qu'il  avait  à  faire  au  sujet  de 
cet  ordre ,  qui  devait  être  signifié  aux  pré- 
lats par  les  deux  agents  du  clergé,  La 
Barde  et  son  collègue.  Richelieu  permet- 
tait que  les  évêques  en  prissent  copie ,  «  les 
uns  pour  leur  satisfaction ,  et  les  autres 
pour  le  faire  voir  au  s'  nonce.  »  —  «  Je 
seray  bien  ayse,  ajoutait-il,  que  vous  le 
fassiés  voir  à  M"  le  chancelier,  Bullion  et 
Boulhillier,  ahn  que,  s'ils  estiment  qu'il  y 


ayt  quelque  chose  à  ajousler  ou  à  changer, 
on  le  fasse  avant  que  de  le  faire  voir  ausd. 
prélats.  Vous  me  ferés  plaisir  de  le  mons- 
Irer  aussy  à  M'  le  procureur  général ,  et 
luy  dire  que  j'ay  désiré  qu'il  le  vist  aupa- 
ravant qu'on  le  publias!.  •  —  Cet  ordre, 
disait  encore  Richelieu ,  donne  assez  di; 
coiinoissance  de  ce  qui  s'est  passé  à  Rome 
«  pour  empcscher  de  prendre  une  mau- 
vaise impression  du  procédé  du  roy.  »  Du 
reste,  le  cardinal  ne  négligeait  aucun 
moyen  d'assurer  l'exécution  d'une  mesure 
dont  il  comprenait  toute  la  gravité.  <  Il  faut 
donner  ordre  au  chevalier  du  guet  d'estre 
plus  au  guet  que  jamais  à  la  porte  du 
d.  s'  nonce,  et  d'arrester,  au  sortir  de  son 
logis,  tous  ceux  qui  iront  à  heure  indue, 
c'est-à-dire  depuis  que  la  nuit  sera  fermée. 
—  Si  par  hazard  il  s'y  rencontroit  quelques 
uns  de  ceux  que  vous  sçavés,  il  y  auroit 
plai.sir  à  en  recevoir  des  nouvelles  le  len- 

82. 


652 


LETTRES 


CCCXVIH. 

Bibl.  imp.  Suite  de  Dupuy,  t.  i5,  fol.  289.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Charpentier. 

POUR  M.  L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAUX. 

Ce  J7  décembre  lOSg. 

La  lesponse  ambiguë  que  faict  M'"ie  cardinal  de  La  Rocheloiicauld 
tesmoigne  ouvertement  qu'il  ne  permettra  pas  la  signature  du  procès- 
verbal,  et  je  croy  qu'on  ne  vous  y  veut  mener  que  pour  faire  un  acte 
au  désavantage  des  bien  intentionnés  au  service  du  roy,  et  au  bien  de 
l'église  ^ 


demain  matin,  après  qu'ils  auroient  cou- 
ché chez  le  d.  chevalier  du  guet.  —  S'il  y  a 
lieu  d'arrester  quelqu'un ,  il  ne  le  doit  pas 
iaire  prociie  le  logis  du  d.  s'  nonce,  mais 
dans  le  retour  de  la  rue  de  la  Harpe*,  ou 
(le  Saint-Jacques,  afin  que  le  bruici  n'en 
aille  pas  dès  le  soir  jusqucs  au  d.  s'  nonce.  » 
—  Hemarquons  que  dans  celte  affaire  le 
cardinal  prit  surtout  grand  soin  de  mon- 
trer que  le  nonce  Scoti  n'était  en  aucune 
façon  protégé  par  le  caractère  diplom  a  tique 
que  lui  aurait  donné  la  qualité  de  nonce  or- 
dinaire.  —  Celte  instruction  est  conservée , 
écrite  de  la  main  de  Cherré,  aux  archives 
des  Affaires  élrangèrcs  dans  le  volume  67 
de  Rome,  à  la  date  du  16  décembre.  Je 
l'ai  trouvée  en  copie  à  la  Bibliothèque  im- 
périale ,  collection  Dupuy,  5.^5 ,  fol.  83 ,  et 
dans  le  fonds  de  Saint- Germain -Harlay, 
347,  fol.  694  v°;  elle  a  été  imprimée 
dans  Aubery,  tome  IV,  p.  34G,  et  dans 
le  recueil  de  iGgS,  p.  200. 

*  Scoli  élail  sans  doute  logé  à  l'abbaye  de  Cluny. 

'*  Histoire  da  cardinal  duc  de  Richelieu  ^  par  Au- 
bery, t.  II,  ch.  xLV,  édit.  in-18.  ■ —  Le  cardinal  fit 
mettre  dans  la  Gazette  du  17  décembre  que,  par 


'  Quelle  est  l'affaire  dont  parle  cette 
lettre  ?  Parmi  les  dilBcuUés  qui  surgissaient 
alors,  assez  nombreuses,  entre  la  cour  de 
France  et  celle  de  Kome,  quelle  est  celle 
dont  il  s'agit?  Vers  ce  temps-là,  le  pape 
avait  refusé  de  recevoir  l'information  de 
vie  et  mœurs  de  l'évêque  nommé  de  Corn- 
minges,  faite  selon  la  coutume  de  France 
par  l'évêque  diocésain.  Le  saint  père  ima- 
gina d'exiger  que  cette  information  fiit 
faite  par  le  nonce.  Dans  une  assemblée 
réunie  le  i"décemhre  à  l'abbaye  de  Sainte- 
Geneviève,  dont  le  cardinal  de  La  Roche- 
foucauld, partisan  des  doctrines  ultraraon 
laines,  était  abbé,  on  s'occupa  de  cette 
prétention  contraire  aux  usages  et  aux  li- 
bertés de  l'Eglise  gallicane".  —  D'un  au- 
tre côté,  nous  lisons  dans  les  Mémoires 
chronologiques  et  dogmatiques  :  «  Le  cardinal 
de  Richelieu. . .  pour  chagriner  le  pape. . . 
lit  porter  un  arrêt  du  conseil  par  lequel  il 
étoit  défendu  d'aller  chercher  des  expédi- 

arrété  du  parlement,  donné  le  1  2 ,  défense  élail  laite 
à  ceux  qui  «auront  obtenu  nomination  du  roy  de 
s'aider  d'autres  informations  que  celles  des  évêques 
dincézains,  etc. » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  653 

Partant  rnon  avis  n'est  point  que  vous  y  faciès  assemblée  de  nou- 
veau, que  premièrement  on  n'ayt  asseuré  que  le  procès-verbal  sera 
signé  sans  contestation. 

Sans  cette  asseurance ,  je  suis  d'avis  ou  que  vous  assenibliés  chez 
M'  de  Bourges,  ou  que  vous  ne  faciès  point  d'assemblée  du  tout; 
laissant  l'affaire  comme  elle  est  comme  terminée. 

Pour  sçavoir  si  M''  le  cardinal  de  La  Rochefoucauld  voudra  signer 
le  procès-verbal,  ou  non,  M'  de  Chartres  y  peut  aller;  mais,  à  mon 
advis,  le  d.  s' cardinal  ne  le  signera  pas. 

Quant  au  papier  qu'on  veut  ravoir,  cela  tesmoigne  la  bonne  inten- 
tion avec  laquelle  on  procède  ',  et  je  le  garderay  soigneusement,  non 
pour  faire  aucun  mal  à  celuy  qui  l'a  Faict,  tant  parceque  je  n'en  ay 
pas  l'intenlion  que  parcequ'il  n'est  pas  mauvais  en  soy-mesme,  mais 
afin  que  l'autheur  ne  perde  pas  la  mémoire  de  ce  qu'il  a  faict. 


lions  à  Rome,  et  d'y  envoyer  de  l'argent. 
Il  mil  ensuite  quelques  prélats  en  mouve- 
ment pour  demander  la  révocation  ou  au 
moins  la  modération  des  annales ,  et  la  te- 
nue d'un  synode  qui  réprimât  les  entrepri- 
ses de  la  cour  de  Rome  ;  mais ,  l'évêque  do 
Beauvais  ayant  fait  apercevoir  au  cardinal 
de  La  Rochefoucauld  et  à  plusieurs  de  ses 
confrères  le  plége  qu'on  leur  tendait,  l'af- 
faire ne  passa  point  à  l'assemblée  du 
clergé  '.  »  Le  Vassor,  dont  il  ne  faut  pas 
du  reste  invoquer  le  témoignage  sans  tenir 
compte  de  sa  passion  anticatholique,  ne 
nous  donne  pas  de  l'affaire  une  explica- 
tion plus  précise  ni  plus  claire.  «  Le  car- 
dinal, dit-il,  lit  exciter,  sous  main,  les 
évèques  et  les  autres  ecclésiastiques  zélés 
pour  la  réformation  de  plusieurs  abus  in- 
troduits par  la  cour  de  Rome ,  à  crier  con- 
tre elle  et  à  parler  de  la  convocation  d'un 


concile  national.  Les  prélats  qui  se  trou- 
voieut  à  Paris  s'assemblèrent  extraordinai- 
rement  chez  le  cardinal  de  La  Rochefou- 
cauld à  Sainte-Geneviève.  Les  agents  du 
clergé  furent  chargés  de  faire  certaines 
propositions  sur  lesquelles  on  devoit  déli- 
bérer.! Le  Vassor  suppose  que  le  cardinal 
de  La  Rochefoucauld  agissait  sous  l'in- 
fluence du  nonce  Scoti".  — Quant  au 
P.GrifTet  et  à  Bazin ,  ils  ne  disent  rien  des 
réunions  chez  les  chanoines  réguliers  de 
Sainte -Geneviève.  Quoi  qu'il  en  soit  du 
sens  de  cette  lettre,  elle  a  cet  intérêt  de 
nous  monlrer  comment,  dans  certaines 
occurrences  ,  ce  ministre  si  absolu  jugeait 
plus  sage  de  tourner  et  d'esquiver  les  dif- 
ficultés que  de  s'y  heurter  de  front. 

'  L'ironie  est  évidente;  mais  quel  est 
ce  papier  qu'on  voudrait  bien  ravoir  et 
que  Richelieu  garde  si  soigneusement  ? 


*  Torae  M.  p.  106.  —  *'  Histoire  ttt  Louis  XIII ,  liv.  \LV,  a*  partie  du  lom»?  I\,  (>.  3&y. 


654  LETTRES 


CCCXIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Rome,  t.  67  (non  coté).  —  Mise  au  net. 
Bibl.  imp.  SaintGermain-Harlay,  3^7,   fol.  723.  — Copie. — 

MÉMOIRE 

A  M.  LE  MARKSCHAL  D'ESTRÉES'. 

20  dicembie  )63g. 

Le  roi  envoie  à  l'ambassadeur  la  relation  de  l'entrevue  de  Chavigni  et  du 
nonce  Scoti  (ci-dessus,  p.  6/i8,  note  2).  On  le  charge  d'en  donner  une  copie  au 
cardinal  Bichi,  afin  qu'il  la  fasse  voir  au  pape  et  à  M.  le  cardinal  Barberin. 

M'  le  cardinal  Bichi  peut  asseurer  Sa  Sainteté  qu'il  ne  s'est  rien 
passé  en  cette  conférence  de  plus  ou  de  moins  que  ce  qui  est  porté 
par  la  d.  relation. 

Il  est  nécessaire  que  le  d.  s""  cardinal  fasse  remarquer  à  Sa  Sainteté 
et  au  d.  s''  cardinal  Barberin  les  ternies  dont  le  d.  s"'  nonce  a  usé, 
disant  que  Sa  Sainteté  estoit  maistre  absolu  dans  Rome  pour  faire 
chastier  qui  il  luy  plaisoit,  sans  distinction,  et  la  response  qui  a  esté 
faicte  au  d.  nonce  sur  ce  discours. 

Ces  termes  n'exceptent  pas  mesme  de  chastiment  les  personnes 
publiques,  comme  les  ambassadeurs,  les  quels  et  leurs  familles  ont, 
de  tout  temps,  esté  inviolables  et  exempts  de  la  juridiction  des  princes 
près  desquels  ils  sont,  ce  qui  se  pratique  mesme  parmi  les  nations 
les  plus  barbares. 

Il  faudra  faire  ensuitte  remarquer  à  Sa  Sainteté  et  au  d.  s''  cardinal 
jusques  à  quel  point  le  nonce  s'est  eschappé,  disant  qu'il  avoit  de 
bons  avis  de  ce  qui  se  passoit  dans  Paris,  et  le  reste  qui  s'en  suit 

'   Les  pièces  précédentes,  qui  ont  fait  fut  chargé  d'exposer  l'afiaire  au  gouver- 

connaître  la  situation  et  les  procédés  du  nement  de  Sa  Sainteté.  La  pièce  a  été  faite 

nonce  extraordinaire  à  l'égard  du  gouver-  sur  un  mémoire  du  cardinal ,  mais  nous 

nement  du  roi ,  nous  permettent  de  donner  n'avons  pas  d'indice  qu'il  l'ait  dictée  en 

seulement  en  extrait  la  dépèche  par  la-  entier. —  On  peut  voir,  sur  le  nonce  Scoti, 

quelle  l'ambassadeur  de  France  à  Rome  le  recueil  d'Aubery,  t.  V,  p.  3^o-348. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  655 

dans  sa  d." relation;  mais  particulièrement  son  insolence  doit  estre 
bien  représentée  dans  ce  qu  il  a  dict  qu'il  se  moquoit  de  la  pensée 
qu'il  croit  que  l'on  a  eue  d'un  concile  national,  et  qu'en  ce  cas  «  il  papa 
metterebbe  il  re  sotto  '  ;  »  paroles  sy  estranges  que  Sa  Sainteté  et  le 
d.  cardinal  peuvent  aisément  juger  quels  mouvemens  elles  doivent 
exciter  dans  les  esprits  de  deçà. 

Il  faudra  aussy  faire  cognoistre  à  Sa  Sainteté  le  sujet  que  le 
d.  nonce  a  donné  au  roy  de  croire  qu'il  faict,  ou  veut  faire  des  pra- 
tiques dans  Paris;  ce  qui  est  tellement  contre  le  devoir  d'un  ministre 
public,  qu'il  n'y  a  rien  qui  dispense  plus  légitimement  de  le  re- 
cognoislre  pour  tel  qu'une  semblable  conduitte. 

Après  avoir  fait  considérer  au  Saint-Père  qu'il  eût  été  convenable  que  le  nonce 
voulût  bien  écouter  le  secrétaire  d'Étal  de  France,  ledit  card.  Bichi  pourra  faire 
voir  à  Sa  Sainteté  et  au  cardinal  Barberin  la  copie  de  ce  que  le  s'  Chavigni  était 
chargé  de  lui  lire,  ajoutant  que  le  refus  qu'a  fait  le  nonce  Scoti  de  prendre  l'écrit 
•  a  esté  cause  que  l'on  a  usé  d'une  autre  voie  pour  le  luy  faire  recevoir^.  • 

Le  pape  cl  le  cardinal  Barberin  parleront  sans  doute  au  d.  s"^  car- 
dinal de  l'arrest  du  parlement,  touchant  l'information  de  vie  et 
mœurs,  sur  quoy  il  leur  fera  remarquer  que,  pour  avoir  voulu  attirer 
entièrement  cette  fonction  aux  légats  et  nonces  en  France,  au  lieu 
que  l'on  souffroil  qu'elle  se  fist  indifféremment  par  eux  ou  par  les 
évesques  de  ce  royaume,  ils  sont  cause  que  l'on  a  donné  cet  arrest, 
fondé  sur  les  ordonnances,  sur  les  privilèges  de  l'église  gallicane  et 
sur  l'usage  ancien. 

Le  cardinal  Bichi  doit  parler  comme  de  lai-ménie,  non  de  la  part  du  roi. 

11  n'est  pas  besoin  que  le  d.  s"^  ambassadeur  communique  au 
d.  s'  cardinal  Bichi  la  résolution  signée  du  roy,  d'autant  que  l'on  n'a 

'   Le  jiape  forcerait  bien  le  roi  à  se  sou-  ambassadeurs,  assisté  d'un  huissier.    Le 

metlre.  procès-verbal  des  incidents  de  celle  figni- 

II  lui  avait  élè  signifié,  le  1 1  décem-  lication  est  imprimé  dans  Auberv,  l.  IV, 

bre,  par  M.  de  Bcrlize,  introducteur  des  p.  34â. 


(55(3  LETTRES 

rien  encore  faict  en  exécution  d'icelle,  touchant  les  aH'aires  de  da- 
lerie,  sur  quoy  le  d.  s'  ambassadeur  attendra  l'ordre  de  S.  M.  pour 
les  significations  et  défenses  aux  banquiers  de  Rome  et  à  la  daterie. 

Le  d.  s'  ambassadeur,  suivant  la  résolution  signée  du  roy,  verra 
que  l'intention  de  S.  M.  est  qu'il  n'aille  plus  à  faudience  du  pape, 
ny  du  cardinal  Barberin,  jusques  à  ce  qu'elle  ait  roceu  les  satisfac- 
tions qui  luy  sont  deues.  11  se  pourroit  faire  qu'aussy  tost  que  l'avis 
sera  arrivé  à  Rome,  que  S.  M.  a  défendu  l'audience  au  s''  Scoti, 
Sa  Sainteté  voudroit  faire  la  mesme  chose  à  l'esgard  du  d.  s'  ambas- 
sadeur; mais  il  aura  soin  de  déclarer  Tordre  exprès  qu'il  a  eu  de 
S.  M.  afin  que  le  cardinal  Barberin  n'ait  pas  lieu  de  se  satisfaire  sur 
ce  point. 

Ensuitte  de  la  menace  que  le  d.  s"^  Scoti  a  faicle  de  gaigner  des 
prélats  contre  le  roy,  S.  M.  a  estimé  à  propos  de  delfendre  aux 
d.  prélals  la  communication  du  d.  s'  nonce,  par  un  ordre  donné  aux 
agents  du  clergé,  dont  copie  sera  ci-jointe'. 

Nonobstant  tous  les  sentimens  que  le  roy  faict  paroistre ,  le  d.  s"^  ma- 
reschal  se  pourra  laisser  entendre  (sans  pourtant  faire  cognoistre 
qu'il  en  a  eu  ordre  exprès),  que  le  roy  n'est  pas  esloigné  d'accom- 
moder les  affaires,  pourveu  qu'on  luy  propose  des  satisfactions  qui 
mettent  son  honneur  à  couvert,  et  informera  S.  M.  de  ce  qui  luy 
sera  dict  sur  ce  sujet. 

Le  d.  s""  mareschal  a  fort  bien  faict  de  ne  point  faire  entreprendre 
sur  les  personnes  des  assassins  de  Rouvray,  ainsy  qu'il  luy  avoit  esté 
proposé,  parce  que  l'affaire  a  pris  un  autre  train,  et  qu'il  en  faut  sortir 
par  une  autre  voie.  Le  roy  a  tant  de  confiance  en  l'alfection  et  pro- 
bité de  M'' le  cardinal  Antoine,  qu'il  est  bien  esloigné  de  croire  que 
le  d.  s"'  cardinal  ait  esté  capable  d'avoir  part  dans  une  telle  action;  le 
d.  s'  mareschal  a  raison  de  juger  que  ce  sont  artifices  dont  on  use 
pour  essayer  de  le  brouiller  avec  la  France. 

20  décembre  1689,  à  S'-Germain-en-Laye. 

'    Voy.  ci-dessus,  p.  65o. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  657 


CCCXX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Hollande,  t.  ai,  pièce  186.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  /i6,  foi.  2a5.  —  Copie'. 

Saint-Germain-Harlay,  346,  t.  a,  p.  4a  1.  —  Copie. 

A  M.  D'ESTRADES. 

s 2  décembre'  lôSg. 

C'est  une  affaire  de  telle  importance  d'achever  de  ruiner  l'armée 
navale  d'Espagne,  et  d'empeschcr  les  trajetz  qu'ils  veulent  faire  de 
Flandre  en  Espagne  et  d'Espagne  en  Flandre,  pour  rapporter  des 
soldats,  qu'il  n'y  a  rien  qu'on  ne  doive  faire  pour  en  venir  à  bout. 

Si  M"'  le  P.  d'Orange  veut  faire  un  effort  extraordinaire  à  cette  fin, 
il  peut  asseurémenl  mettre  les  affaires  en  estât  que  la  campagne  qui 
vient  se  passera  avec  grand  avantage. 

Nous  avons  avis  certain  que  le  cardinal  Infant  faicl  travailler  puis- 
samment en  Angleterre  et  à  Dunkerque  pour  remettre  le  débris  de 
son  armée  navale  en  estât  d'aller  en  Espagne  avec  les  vaisseaux  de 
Dunkerque,  et  qu'il  prétend  la  faire  partir  en  janvier,  au  premier 
temps  favorable  d'est  ou  de  nord-est. 

L'amiral  Tromp,  avec  3o  vaisseaux,  peut  assurément  achever  ce 
qu'il  a  commencé.  Pressés-en  M'  le  P.  d'Orange,  M"  les  Estats  et 
l'amiral;  vous  pouvés  dire  au  d.  amiral  et  à  M'  le  P,  d'Orange  qu'on 
luy  envolera  au  premier  jour  une  lettre  de  noblesse,  avec  un  vais- 
seau pour  armes  et  une  fleur  de  lys.  On  luy  faict  faire  aussy  une 
médaille  avecun  revers  sur  sa  victoire,  pour  attacher  à  une  chaisne; 
mais  je  voudrois  bien  qu'il  la  receust  après  le  second  combat  qu'il 
donnera.  Cependant  vous  luy  donnerés  cette  nouvelle,  qui  l'eschauf- 
fera  à  bien  faire. 

'  «Faite  sur  une  copie  ou  brouillard,  porte  en  têle,  de  la  main  de  Cherré  :  «A 

de  la  main  de  Cherré.»  (Note  du  ms.  de  M'  d'Estrades,  a3  décembre.  •  Le  3  est 

Colbert  el  du  ms.  de  Harlay.)  en  surcharge;  il  y  avait  aa;  23  est  sans 

'  Le  manuscrit  des  Affaires  étrangères  doute  la  date  de  l'expédition. 

CARDIN.  DE  RICHELIEO. VI.  83 


658  LETTRES 

Je  vous  recoramande  encores  une  fois  de  presser  cette  affaire  ex- 
Iraordinairement,  comme  du  tout  importante  à  M"  les  Estats  et  à 
la  France. 

Si  ranùral  a  nombre  de  bruslots  avec  luy,  il  se  peut  faire  que,  par 
un  temps  favorable,  il  aura  commodité  de  brusler  les  vaisseaux  enne- 
mis au  lieu  où  il  les  trouvera,  entre  Dunkerque  et  Mardick. 

Je  sçay  certainement  que,  si  un  tel  coup  avoit  succédé,  nous  ferions 
réussir,  avec  l'aide  de  Dieu,  nos  desseins  l'année  qui  vient. 

Salces  tient  encore,  et  si  les  ordres  du  roy  eussent  esté  observés, 
les  ennemis  en  seroient  bien  loin.  On  renvoyé  une  seconde  fois 
tenter  un  secours,  dont  le  bon  événement  deppend  de  Dieu,  la  chose 
estant  bien  difficile. 

Je  croy  que  M"^  les  Estais  doivent  prendre  garde  à  ne  laisser  point 
vendre  en  leur  Estât  des  vaisseaux  aux  Espagnols,  lis  en  cherchent  à 
achepter  de  tous  costés;  si  on  ne  les  en  empesche,  ils  en  tireront  de 
Hollande. 

Ny  ayant  rien  à  perdre  en  la  proposition  de  beaucoup  d'affaires,  et 
estant  nécessaire  d'en  projetter  beaucoup  pour  en  faire  quelque 
bonne,  je  seray  bien  aise  que  vous  vous  esclaircissiés,  avec  M'  le 
P.  d'Orange,  si,  au  cas  qu'on  ne  fasse  pas  le  siège  de  Dunkerque  cette 
année,  M"  les  Estats  pourroient  joindre  une  escadre  de  12  vaisseaux 
à  ceux  du  roy,  pour  faire  quelqu'entreprise,  ou  à  la  coste  d'Espagne, 
ou  au  destroit,  ou  aux  isles  des  Açores,  ou  des  Canaries. 

Ou  si  le  d.  s'' Prince  voudroit  former  de  son  chef  quelque  grande 
entreprise,  où  S.  M.  contribueroit  avec  pareille  escadre  de  vaisseaux. 

Ou  si  M"  les  Estats  voudroient,  avec  les  forces  de  la  compagnie 
des  Indes  occidentales,  et  une  partie  de  celles  du  roy,  entreprendre 
quelques  desseins  aux  Indes  ou  sur  Carthagène  et  Porto  Bello, 
lieux  auxquels  la  flotte  d'Espagne  va  tous  les  ans,  ou  sur  la  flotte 
mesme;  en  ce  cas,  il  faudroit  savoir  quelles  forces  de  part  et  d'autre 
il  faudroit  avoir,  et  le  temps  qu'il  faudroit  demeurer  à  la  mer. 

Vous  pourrés  pénétrer  les  sentimens  de  M'  le  P.  d'Orange  sur  ce 
sujet  et  nous  en  rendre  compte. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  659 


CCCXXI. 

Arch.  des  AiF.  élr.  HoMande,  t.  ai,  pièce  187.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré.  — 

Autre  mise  au  net  de  la  main  d'un  secrétaire  de  Chavigni,  pièce  igS. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  t.  46,  fol.  323  v°.  —  Copie  '. 

Saint-Germarn-Harlay,  346,  t.  2 ,  p.  4i8.  —  Copie. 

A   M.   D'ESTRADES. 

23  décembre  iGSg. 

Apiès  avoir  veu  toute  voslre  dépesche  du  i  i*  de  ce  mois  ^  je  n'ay 
autre  chose  à  vous  dire  sinon  que  le  roy  trouve  bon  que  vous  ajous- 
tiés  à  la  promesse  que  vous  avés  portée,  signée  de  moy,  pour  M'  le 
P.  d'Orange,  les  deux  articles  dont  vous  avés  envoyé  le  projet,  tels 
qu'ils  s'ensuivent  : 

"  Je  promets,  en  vertu  du  pouvoir  que  le  roy  m'a  donné,  de  con- 
certer des  desseins  de  l'année  i64o,  avec  M'  le  P.  d'Orange,  que 
S.  M.  fera  un  siège  de  considération  cette  campagne  prochaine. 

«  Je  promets  en  outre ,  au  nom  du  roy,  que ,  les  places  de  Dam  ou 
de  Bruges  estant  prises  par  les  armes  de  M"  les  Eslats  en  1 64o ,  elles 
seront  gardées  par  M"  les  Estats  jusques  à  ce  que  les  conquestes  du 
Pays-Bas  projetées  parle  traicté  de  i635  seront  faites,  selon  la  teneur 
du  d.  traité^.  » 

S.  M.  approuve  aussy  les  deux  nouveaux  articles  que  vous  avés 
proposés  à  M'  le  P.  d'Orange,  et  qu'il  demeure  d'accord  de  signer, 
outre  le  projet  que  vous  avés  emporté  d'icy  de  la  promesse  qu'il  doit 
faire  : 

*  Je  promets  aussy  que  M"  les  Estats  entretiendront  3o  ou  4o  vais- 

'  «Faile  sur  une  minute  de  la  main  de  '  Les  deux  promesses  du  cardinal  et 

Cherré.  »(Notedums.Colb.el(lums.Harl.)  du  prince  d'Orange,  écrites  de  la  main 

'  La  lettre  autographe  de  M.  d'Estrades  de  d'Estrades  et  chiffrées ,  sont  conservées 

e.st  conservée  aux  Affaires  étrangères,  ma-  dans  le  tome  ai  de  Hollande,  pièces  196 

nuscrit   de   Hollande    cité    aux   sources.  et  197. 
p.  179-185. 

83. 


660  LETTRES 

seaux  au  travers  de  Calais,  pour  empescher  que  les  places  des  enne- 
mis qui  sont  sur  la  coste  ne  puissent  estre  secourues,  au  cas  que  le 
roy  ou  M"  des  Estais  viennent  à  les  attaquer,  et  asseurer  le  passage 
des  vivres  de  France  et  de  Hollande,  selon  les  divers  vents,  à  ceux 
qui  voudront  faire  une  telle  entreprise. 

«  Je  promets  de  plus  qu'il  sera  déduit  à  Paris,  sur  le  dernier 
terme,  la  somme  de  71,600^  à  quoy  se  montent  les  gratifications 
destinées  par  S.  M.  pour  les  officiers  françois  qui  servent  M"  les 
Estais.  » 

On  a  ajoiisté  au  projet  que  vous  avés  emporté  de  la  promesse  que 
doit  faire  M'  le  P.  d'Orange  les  propres  termes  que  vous  mandés, 
dans  vostre  lettre,  de  ce  qu'il  veut  faire,  au  cas  qu'il  donnast  un 
combat  aux  ennemis  qui  s'opposeroient  à  son  premier  dessein ,  ainsy 
que  vous  verres  par  la  copie  de  la  dicte  promesse  qui  est  ci-après  ^ 


CCCXXII. 

Archives  de  Condé,  n°  90.  —  Communication  de  S.  A.  R.  IW  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

37  décembre  iBSg. 

Monsieur,  bien 

que  les  amis  de  M' l'abbé  de  Saintaoust  l'ayent  voulu  porter  à  recher- 
cher la  depputation  du  clergé  de  la  province  de  Berry,  pour  assister 
à  l'assemblée  générale  qui  se  doit  tenir  dans  quelque  temps,  comme 
il  n'est  pas  capable  de  penser  à  cette  affaire,  ny  à  aucune  autre  de 
cette  nature,  sans  savoir  auparavant  si  vous  l'auriés  agréable,  et  sans 
estre  appuyé  de  vostre  protection  et  de  vostre  recommandation,  de 
laquelle  deppend  le  bon  succez  qu'il  en  peut  attendre,  je  vous  fais 

En  continuation  de  cette  pièce  187,  la  main  de  Cherré.  C'est  une  mise  au  net 
le  manuscrit  de  Hollande  cité  aux  sources  de  la  minute  que  nous  avons  donnée  ci- 
met  l'engagement  du  prince  d'Orange  de        dessus,  p.  620. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  661 

celte  lettre  pour  vous  suplier  de  luy  faire  l'honneur,  en  ma  consi- 
dération, non  seulement  de  trouver  bon  qu'il  poursuive  cette  deppu- 
tation,  en  laquelle  je  suis  asseuré  qu'il  servira  dignement  la  province, 
mais  aussy  de  l'appuyer  de  vostre  pouvoir  et  de  vostre  aulhorité 
pour  la  faire  réussir  à  son  contentement.  Luy  et  toute  sa  famille  ont 
desjà  receu  tant  de  faveur  et  tant  de  grâces  de  vostre  bonté,  que 
je  veux  croire  que  vous  ne  luy  reifuserés  pas  celle-cy,  à  laquelle  l'af- 
fection que  je  leur  porte,  et  particulièrement  à  M'  de  Saintaoust, 
lieutenant  de  l'artillerie,  dont  vous  cognoissés  le  mérite,  me  fera 
prendre  une  telle  part  que  je  ne  vous  en  seray  pas  moins  obligé 
que  si  j'en  recevois  l'effect  moy  mesme,  ainsy  que  vous  cognoistrés, 
Monsieur,  aux  occasions  qui  me  donneront  lieu  de  vous  en  tesmoi- 
gner  mon  ressentiment  et  vous  faire  voir  que  je  suis. 

Monsieur, 


Vostre  très  humble  et  très  aflectionné  servi  leur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


De  Ruel,  ce  27  décembre  iGSg. 


CCCXXIII. 

Bibl.  imp.  Sainl-Germain-Harlay,  347,  fol.  687.  —  Copie. 
Archives  des  Affaires  élrangères.  Venise,  t.  5a. 

A  M.  D'ARGENSOiN'. 

»7  décembre  iCîg. 

"  L'ambassadeur  de  la  république  de  Venise  en  cette  Cour  a  pro- 

'.  Le  vas.  de  Harlay  met  en  marge  de  *  Chavigiii  écrivait  à  Richelieu  le  a3  dé- 
cette  pièce  l'annotation  suivante  :  «  Mé-  cembre  :  «  Je  vis  hier  au  soir,  arrivant  à 
moire  envoyé  par  M' le  cardinal  de  Riche-  Paris ,  M' l'ambassadeur  de  Venise. . .  Nous 
lieu  à  M'  d'Argenson  touchant  le  renou-  demeurasnies  d'accord  qu'on  escriroit  à 
vellement  d'une  trefve  en  Italie.  Copie  de  M'du  Houssay  qu'il  Ost  l'office  au  nom  du 
Oaridol.»  (Nous  avons  dit  que  c'était  un  roy,  afin  que  la  république  ne  rappelasl 
des  principaux  commis  de  Chavigni.)  pas  ses  ambassadeurs,  tant  d'Allemagne, 


662 


LETTRES 


posé  de  l'aire  une  nouvelle  trefve  en  Italie;  sur  quoy  il  liiy  a  esté  res- 
pondu  que,  les  Espagnols  ayant  formellement  violé  la  première,  le 
roy  n'a  pas  grand  sujet  d'entendre  à  une  seconde,  si  S.  M.  n'avoit 
tellement  asseurance  qu'elle  ne  pust  douter  qu'ils  l'observeroient  re- 
ligieusement. 

Que  pour  cet  cffect  l'on  estimeroit  à  propos  qu'il  se  flst  une  ligue 
entre  les  princes  d'Italie,  qui  recevroient  la  parole  de  S.  M.  et  du  roy 
d'Espagne,  et  s'obligeroient  de  prendre  les  armes  contre  celuy  qui 
romproit  la  trefve. 

Mais,  parce  qu'il  faudroit  beaucoup  de  temps  pour  composer  et 
conclure  cette  ligue,  on  pourroit  prendre  un  plus  prompt  expédient 
que  le  pape  et  la  république  receussent  la  parole  des  deux  rois  et  se 


d'Espagne  que  de  France,  parce  que,  si 
on  ne  parloit  que  de  luy,  cela  le  pourroit 
rendre  suspect. . .  Pour  ce  qui  regarde  la 
trefve  d'Italie,  il  est  demeuré  d'accord  que 
nous  escrivissions  conformément  au  mé- 
moire ci-joint,  que  nous  avons  dressé  en- 
semble. . .  J'altendray  ce  queV.  Em.' m'or- 
donnera sur  ledit  mémoire.  »  Cette  lettre 
autographe,  datée  de  six  heures  du  malin, 
est  conservée  aux  Affaires  étrangères  (Tu- 
rin, t.  ag,  fol.  589),  ainsi  que  l'écrit  ré- 
digé en  commun,  lequel  est  également 
de  la  main  de  Chavigni.  C'est  donc  d'après 
les  instructions  demandées  ici  par  Cha- 
vigni au  cardinal  que  fui  écrite,  quaire 
jours  après  (le  27  décembre),  la  présente 
lettre  à  d'Argenson ,  et  un  mémoire  envoyé 
à  M.  du  Houssay,  où  se  trouve  reproduite 
une  partie  de  la  dite  lettre  avec  de  plus 
amples  développements,  conformes  à  ce 
qui  avait  été  convenu  entre  Chavigni  et 
l'ambassadeur  de  Venise.  Nous  ne  rappel- 
lerons de  ce  mémoire  que  quelques  lignes 
qui  en  indiquent  la  pensée.  On  s'attachait 
principalement  à  encourager  Venise  à  per- 


sévérer dans  une  conduite  qui  s'accordait 
avec  les  vues  de  la  France.  «  L'ambassa- 
deur, dit  le  mémoire,  représentera  à  la 
république  qu'elle  acquiert  une  grande 
obligation  sur  tous  les  princes  et  peuples 
de  la  Chrestienté ,  faisant  voir  par  de  con- 
tinuels effecls  l'affection  et  le  zèle  qu'elle 
a  pour  y  reslablir  la  paix.  »  On  exprime 
une  vive  satisfaction  •  de  ce  que  les  ambas- 
sadeurs de  la  république  ont  faict  jusques 
icy  pour  avancer  un  si  bon  œuvre;»  et 
Cornaro  à  Paris,  et  Grimani  à  Vienne,  et 
Contarini,  «qui  s'est  employé  pendant 
qui!  a  esté  en  France,  avec  beaucoup  de 
soin,  de  prudence  et  de  conduite,  ce  qu'il 
continue  de  faire  en  Espagne.  »  Ce  mé- 
moire se  trouve  aux  archives  des  Affaires 
étrangères.  (Venise,  t.  52.)  C'est  une 
mise  au  net  de  la  main  d'un  commis 
de  Chavigni.  Une  copie  est  conservée  à 
la  Bibliothèque,  dans  le  fonds  Harlay, 
t.  3/I7,  fol.  357,  où  l'on  avertit  qu'elle 
est  transcrite  sur  une  pièce  de  la  inain  de 
Daridol. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  663 

déclarassent  de  prendre  les  armes  contre  celuy  qui  roniproit  ladicle 
trefve. 

Qu'avec  l'une  de  ces  deux  conditions  S.  M.  est  toute  preste  de  con- 
sentir à  une  trefve  dans  le  Piedmont  jusques  à  la  fin  du  mois  de  may, 
et  mesme  pour  plus  de  temps. 

Si  le  nonce  du  pape  qui  est  par  delà  faict  une  proposition  sem- 
blable à  M''  le  comte  d'Harcourt,  ou  au  s"' d'Argenson,  ils  luy  feront 
une  response  conforme  à  ce  que  dessus  pour  ce  qui  est  de  la  seureté 
de  la  d.  trefve,  suivant  au  surplus  les  mémoires  qui  ont  esté  ci-devant 
envoyés  sur  ce  sujet. 

Le  susd.  ambassadeur  de  Venise  désiroit  que  le  roy  tesmoignast  de 
vouloir  consentir  à  un  accommodement  des  affaires  d'Italie,  moyen- 
nant la  d.  ligue  et  sous  la  caution  d'icelle,  les  différens  de  Madame 
avec  les  princes  de  Savoie  estant  préalablement  ajustez.  Mais  la  con- 
sidération des  alliés  de  la  France,  qui  entreroient  sans  doute  en  om- 
brage de  cet  accommodement,  ne  permet  pas  au  roy  d'y  entendre.  On 
a  trouvé  bon  néantmoins,  que  le  d.  s''  ambassadeur  de  Venise  escrivist 
à  la  république  qu'il  n'est  pas  hors  d'espérance  que  S.  M.  ne  fasse 
consentir  ses  alliés  à  un  tel  accommodement.  Ainsy,  sans  que  S.  M. 
soit  engagée,  l'on  verra  quel  train  prendront  les  affaires,  pour  se  ser- 
vir de  celte  ouverture  selon  le  temps  et  les  occasions.  Ceci  est  seule- 
ment pour  l'information  de  M""  le  comte  d'Harcourt  et  du  d.  s'  d'Ar- 
genson, n'estant  point  besoin  qu'ils  se  laissent  entendre  au  nonce 
sur  ce  dernier  point;  mais  quand  il  les  en  entretiendra,  ils  pourront 
le  faire  parler  pour  descouvrir  pays,  et  voir  quelles  seroient  les  pen- 
sées des  Espagnols  pour  les  conditions  d'un  tel  accommodement; 
finissant  tousjours  la  conférence  par  celte  considération  des  alliés  de 
cette  couronne,  laquelle  semble  devoir  empescher  S.  M.  d'en  traicter 
quand  elle  y  auroit  toute  la  disposition  du  monde,  si  ce  n'estoitque 
l'espérance  d'estre  plus  puissamment  assistés  d'elle  en  Allemagne  et 
aux  Pays-Bas  les  y  fisl  consentir. 

Toutefois  que,  comme  cela  ne  serviroit  qu'à  transférer  la  guerre 
d'Italie  ailleurs,  il  semble  qu'il  seroit  tousjours  cependant  très-utile 


664  LETTRES 

([ue  S.  S.  employast  fort  et  ferme  ses  offices  et  sa  médiation  pom-  la 
paix  générale,  qui  vraisemblablement  se  peut  aussytost  conclure  qu'un 
tel  accommodement. 

27  décembre  iSSg,  à  Saint-Germain-en-Laye. 


NOTA. 

Nous  devons  faire  précéder  l'instruction  que  nous  allons  donner  de  quelques 
éclaircissements  sur  l'affaire  du  prince  palatin. 

Le  prince  palatin  Charles-Louis,  neveu  du  roi  d'Angleterre,  et  dépouillé  de 
sa  couronne  par  l'Empereur,  pouvait,  à  ce  double  titre,  espérer  la  protection  de 
l'Angleterre  et  de  la  France;  et  son  nom  paraissait  sans  cesse  dans  les  fréquentes 
négociations  qui,  sous  le  gouvernement  de  Richelieu,  intervinrent  entre  ces 
deux  pays,  mais  sans  que  sa  cause  fût  efficacement  embrassée  par  l'une  ni  l'autre 
des  deux  couronnes.  Dans  cet  abandon,  l'occasion  de  jouer  un  rôle  sembla 
s'offrir  à  l'ambition  oisive  et  inquiète  de  ce  prince.  La  mort  du  duc  Bernard 
de  Saxe-Weymar  laissa  sans  chef  une  armée  vaillante  et  souvent  victorieuse 
dans  la  lutte  de  la  France  contre  l'Empire;  le  palatin  imagina  de  s'en  emparer. 
Toutefois,  jugeant  avec  grande  raison  qu'il  n'obtiendrait  pas,  pour  ce  dessein, 
l'assentiment  de  Richelieu,  il  crut  devoir  user  de  surprise.  Richelieu,  en  effet, 
considérait  comme  appartenant  à  la  France  une  armée  recrutée  en  partie  d'étran- 
gers, il  est  vrai,  mais  qui  avait  été  levée  pour  servir  la  France,  combattait  sous 
ses  drapeaux  et  était  soldée  de  son  argent.  Il  n'aurait  certainement  pas  voulu  la 
mettre  entre  les  mains  d'un  prince  dont  la  jeunesse,  d'ailleurs  sans  aucune  illus- 
tration, avait  été  nourrie  dans  des  sentiments  d'affection  pour  l'Angleterre  et 
d'antipathie  contre  la  France.  De  plus,  Richelieu  imputait  au  prince  le  dessein 
de  s'emparer  de  Brisach ,  en  même  temps  que  de  l'armée  weyinarienne. 

Le  prince  palatin  partit  donc  d'Angleterre  sans  voir  l'ambassadeur  de  France, 
pour  se  rendre  secrètement  à  l'armée  du  feu  duc  de  Weymar,  sur  les  bords  du 
Rhin,  et  il  traversa  la  France  sous  un  déguisement.  Le  roi  d'Angleterre,  qui  ne 
pouvait  manquer  d'être  dans  la  confidence  de  l'étrange  projet  de  son  neveu ,  se 
garda  bien  d'en  rien  dire  à  l'ambassadeur  de  France,  et  essaya  même  de  lui 
faire  prendre  le  change.  Bellièvre  écrivait  à  Chavigni,  le  iii  octobre  :  «  Le  prince 
palatin  al  parti,  il  va  à  Paris  chez  Leycesler  (l'ambassadeur  d'Angleterre);  il  ne 
verra  point  le  roy,  craignant,  dit-il,  de  n'estre  point  traité  en  électeur.  Le  roi 
d'Angleterre  dit  qu'il  va  en  Allemagne.  J'ay  renionstré  à  Sa  Majesté  l'inconvé- 
nient de  faire  ainsy  passer  son  neveu  par  la  France,  sans  en  prévenir  le  roy.  Il 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  665 

en  convient  et  m'a  dit  qu'il  avoit  chargé  Leycester  de  pourvoir  à  ce  qui  seroit 
nécessaire.  Qu'avant  son  départ  le  palatin  avoit  passé  chez  moy,  mais  que,  ne 
m'ayant  pas  trouvé,  il  avoit  chargé  un  gentilhomme  de  me  venir  faire  ses 
excuses  '.  » 

Sur  cet  avis,  l'arrivée  du  prince  fut  surveillée  ;  on  l'arrêta,  et  voici  la  tournure 
que  l'ambassadeur  d'Angleterre  essaya  de  donner  à  l'affaire,  dans  une  lettre  du 
3  novembre,  dont  nous  donnons  seulement  le  sens  :  Le  prince  palatin  a  passé  en 
France.  Le  roi  d'Angleterre  a  chargé  son  ambassadeur  de  dire  qu'il  n'a  pu  baiser 
les  mains  du  roi,  Sa  Majesté  étant  en  Dauphiné.  Il  prie  qu'on  l'excuse,  et  qu'on 
le  recommande  à  l'armée  du  duc  de  Weymar,  en  laquelle  il  a  intention  de  se 
mettre ,  pour  le  présent,  comme  volontaire.  Cependant  il  a  été  arrêté  à  Moulins  ; 
l'ambassadeur  demande  qu'il  soit  mis  en  liberté. 

Richelieu  fit  insérer,  dans  la  Gazette  du  5  novembre,  ce  petit  article,  sous  la 
rubrique  de  Moulins,  le  dernier  octobre:  •  Ces  jours  passés,  le  comte  palatin  estant 
parti  d'Angleterre  sans  en  donner  avis  au  roy,  et  passant  déguisé  par  la  France, 
soupçonné  d'avoir  des  desseins  qui  intéressent  le  service  de  S.  M.  a  esté  ici 
arresté  par  ordre  du  roy,  et  tient-on  qu'il  sera  conduit  vers  Paris.  »  On  le  mrna, 
en  effet,  à  Vincennes,  où  on  le  retint  sans  aucun  égard  pour  la  réclamation  de 
l'ambassadeur.  Cependant,  le  i8  novembre,  Leycester  rendit  compte,  au  secrétaire 
d'Etat  anglais  Cooke,  d'une  longue  conversation  avec  Chavigni  et  avec  le  roi,  où 
il  avait  obtenu,  pour  toute  satisfaction,  cette  réponse  :  «que  si  le  palatin  avoit 
demandé  un  passe-port  il  auroit  esté  reçu  avec  honneur...  et  qu'avant  de  le  mettre 
en  liberté  il  falloit  s'assurer  qu'il  n'a  pas  eu  de  mauvais  desseins  en  voulant  passer 
furtivement.  »  —  On  voit  dans  cette  lettre,  assez  curieuse,  que  Chavigni  avait 
commencé  par  vouloir  persuader  à  Leycester  .  que  Vincennes  cstoit  plustost  une 
résidence  royale  qu'une  prison.  » 

Cependant  on  trouvait,  en  Angleterre ,  que  le  séjour  du  palatin  dans  cette  mai- 
son royale  était  un  peu  long,  et  le  secrétaire  d'Étal  Windebank  envoya  son  fds 
en  France,  avec  la  mission  spéciale  de  traiter  de  l'affaire  du  prince  palatin  2.  Le 
jeune  homme  arriva  à  Paris  au  commencement  de  décembre;il  n'eut  son  audience 
du  roi  que  le  dimanche  17,  fut  reçu  deux  jours  après  àRuel.et,  le  23,  il  écrivait 
à  son  père  :  «  Le  cardinal  m'a  traicté  avec  infinis  respects.  »  Le  cardinal  était  fort 
poli,  mais  en  même  temps  il  tâchait,  selon  sa  coutume,  de  faire  tourner  au  profit 

Archives  des  Affaires  étrangères,  An-  peu  :  t  Ce  ne  sera  pas  l'éloquence,  la  sulli- 

gleterre,  l.  47,  fol.  568.  sance,  ny  la  vivaciié  de  l'esprit  de  celuy 

'  L'ambassadeur  de  Bellièvre  l'annonça  qui  vous  est  envoyé  qui  obtiendra  de  vous 

le  2  décembre,  dans  une  lettre  à  Chavi-  ce  qu'il  prétend..  (Arcli.  des  Aff.  étrang. 

gni,  en   termes  qui  le  recommandaient  Angl.  t.  ^7,  fol.  622  ) 

CARDIN.  DE  niCUELIEO.  VI.  84 


666  LETTRES 

de  la  France  le  mauvais  cas  où  s'était  mis  l'étourdi  palatin.  Leycester  s'en  aper- 
çut, et,  le  même  jour  23,  il  mandait  au  roi  d'Angleterre,  eu  rendant  compte 
de  l'audience  du  diplomate  novice  :  «  Le  cardinal  a  parlé  à  M'  Windebank  du 
traiclé  de  ligue  offensive  et  deffensive. ..  C'est  leur  but  de  se  servir  du  motif  de 
la  liberté  du  prince  pour  faire  consentir  le  roy  d'Angleterre  à  la  ligue.  » 

Mais  les  Anglais  étaient  peu  disposés  à  acheter  à  ce  prix  la  liberté  du  prince. 
«  La  France,  écrivait  le  secrétaire  d'État  Windebank  à  son  fils,  a  intention  de  se 
servir  de  la  liberté  du  prince  électeur  pour  établir  «  une  plus  estroite  conjonction  » 
entre  l'Angleterre  et  la  France;  »  mais,  s'ils  ont  dessein  de  retenir  le  prince  élec- 
teur jusques  à  ce  que  S.  M.  descende  si  bas  au-dessous  de  luy-mesme,  le  pauvre 
prince  sera  en  pourre  estât,  mais  ce  à  quoy  ils  s'attendent  leur  manquera  certai- 
nement '.  » 

Cependant  on  accorda  au  jeune  Windebank  la  permission  ,  longtemps  sollici- 
tée, de  voir  le  prince  palatin;  ce  fut  l'occasion  d'une  instruction  donnée  à  Cba- 
vigni  le  i""^  janvier.  La  visite  de  .Windebank  à  Vincennes  dut  avoir  lieu  quelques 
jours  après.  Nous  avons  le  récit,  fait  à  Ricbelieu  par  Chavigni,  d'un  entretien 
avec  un  sieur  Auger  (ou  Oger),  accent  de  l'Angleterre  à  Paris,  sur  le  sujet  du 
prince  palatin;  ce  récit  est  daté  du  3  janvier  i6Ao,  le  jour  même  de  la  con- 
versation avec  ledit  Auger.  Chavigni  dit  au  cardinal  :  «  J'attendray  la  response 
de  V.  Em.  pour  mener  le  s'  Windeban  au  bois  de  Vincennes.  »  (Arch.  des  Aff. 
étr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  9.) 

'   Archives  des  Afifaires  étrangères,  An-        puisque  cette  traduction  se  trouve  dans 
gleterre,  t.  48,  P  636.  La  lettre  de  Win-        les  papiers  du  cardinal, 
debank  avait  sans  doute  été  décachetée, 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  667 


ANNEE  \6à0. 


CCCXXIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  i.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré.  —  Mise  au  net  par  le  même,  fol.  4. 

Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colbert,  n°  46,  fol.  97.  — Copie'. 

—  Sainl-Germain-Harlay,  346 ,  t.  2  ,  fol.  i/jo.  —  Copie  ^ 

* 

INSTRUCTION   A   M.  DE   CHAVIGNY 

SUR  LA  DÉTENTION  DU  P.  PALATIN  \ 

Premier  janvier  i64o. 

La  première  chose  qu'il  faut  faire  est  de  dire  au  s''  Windebank, 
que  le  roy  luy  permet  de  voir  le  prince  palatin  en  présence  de  M.  de 
Chavigny,  *  et  luy  faire  cognoistre  qu'il  reçoit  en  cela  un  tesmoi- 
gnage  bien  particulier  de  la  faveur  avec  laquelle  S.  M.  veut  recher- 
cher les  moyens  de  contenter  le  roy  de  la  Grande  Bretagne^. 

La  seconde  est  de  voir  avec  M.  de  Leycester  et  le  d.  s'  de  Win- 
debank les  moyens  qu'il  y  a  de  faciliter  la  sortie  du  prince  palatin. 

Le  roy  l'a  faict  arresler  justement,  tant  pour  l'irrévérence  com- 
mise en  sa  personne,  passant  dans  son  royaume  sans  l'en  avoir  averti, 
que  pour  le  juste  lieu  que  S.  M.  a  eu  de  soupçonner  que  les  avis 
qu'on  luy  avoit  donnés,  qu'il  passoit  pour  aller  desbaucher  son  armée 
d'Allemagne,  n'estoient  pas  sans  fondement,  ce  qui  pouvoit  mettre 

'  On  voit  par  une  indication  des  ma-  de  la  Bibliothèque;  on  lit  en  tête  de  cha- 

nuscrits  de  Colbert  et  de  Harlay  que  ces  cune  de  ces  pièces  :  «  Mémoire  pour  l'af- 

copies  ont  été  faites  sur  la  minute  origi-  faire  d'Angleterre   concernant  le  prince 

nale.  Elles  ne  sont  point  datées.  palatin.  » 

*  L'affaire  de  la  délenlion  du  prince  '  D'ici  au  mot  aun  tesmoignage,  >  de  la 

palatin  occupe  trente  feuillets  de  ce  vo-  main  de  Richeliea 
lume  delà  collection  Harlay,  fol.  13 1-149.  '  Cherré  a  mis  ici  en  marge:  «D  faut 

'  Ce  titre  se  trouve  à  la  marge  des  co-  prier  M'  de  Windebank  de  ne  parler  que 

pies  conservées  dans  les  deux  manuscrits  françois.  » 

84. 


668  LETTRES 

le  roy  en  doute  des  intentions  du  roy  de  la  Grande  Bretagne,  sans  les 
quelles  il  n'y  avoit  pas  d'apparence  qu'il  eust  entrepris  un  tel  dessein. 

On  pourroit  conjurer  le  roy  de  la  Grande  Bretagne  de  prendre  la 
résolution,  sur  laquelle  il  y  a  longtemps  qu'il  délibère,  d'entrer  en 
ligue  offensive  et  deffensive  avec  ses  alliez,  pour  le  restablissement 
des  Estats  du  prince  Electeur  son  neveu,  mais  on  ne  luy  propose 
pas  de  peur  qu'il  trouve  quelque  chose  à  redire  en  une  telle  proposi- 
tion, en  cette  occasion,  bien  que  nous  estimions  qu'il  est  tousjours 
temps  de  se  porter  à  ce  qui  est  sy  important  aux  affaires  qu'il  semble 
nécessaire. 

Il  reste  à  pratiquer  l'un  des  trois  moyens  pour  la  liberté  dud.  prince  : 

Le  premier  seroit  qu'il  plust  au  roy  de  la  Grande  Bretagne  donner 
au  prince  palatin  moyen  de  lever  des  troupes  pour  agir,  de  son  chef-, 
vers  la  Westphalie,  comme  il  avoit  commencé,  ce  qui  donneroit  lieu 
au  roy  de  lui  rendre  sa  liberté,  après  avoir  receu  asseurance  §  qu'il 
n'a  point  eu  dessein  de  desbaucher  son  armée  d'Allemagne,  et  que, 
pour  rien  du  monde,  il  ne  voudroit  penser  à  une  telle  chose. 

I^e  second  moyen  contient  la  seconde  branche  du  précédent  mar- 
quée S,  et  qu'il  pleust  au  roy  de  la  Grande  Bretagne  asseurer  qu'il  ne 
donnera  point  de  troupes  aux  ennemis ,  ny  permission  d'en  lever  dans 
son  Estât;  et  qu'il  fermera  les  yeux  à  celles  que  S.  M.  y  voudra  lever 
oy-après,  pour  estre  employées  tant  en  Allemagne  qu'ailleurs,  pour 
l'avantage  de  la  cause  commune  et  le  particulier  du  prince  son  neveu. 

Le  troisième  moyen  ne  contient  autre  chose  que  la  susdicte  se- 
conde branche  du  premier,  (|ui  consiste  en  ce  que  le  prince  palatin 
donne  asseurance  au  roy,  en  foy  de  prince,  qu'il  n'a  eu,  ny  ne  vou- 
droit, pour  rien  du  monde,  avoir  à  l'avenir  aucun  dessein  de  divertir 
l'armée  que  le  roy  a  en  Allemagne,  qui  estoit  commandée  par  M"'  de 
Weymar,  de  l'obéissance  qu'elle  a  jurée  à  Sad.  M.  et  à  ceux  qui  la 
commandent  et  qui  la  commanderont  par  ses  ordres'. 

'  A  la  marge  de  ce  paragraphe  a  été  dernier  expédient,  afin  que  le  roy  demeure 
ajoutée  cette  réflexion  :  »  M'  de  Cliavigny  libre  d'aviser  s'il  se  doit  conlenter  de  sy 
ne  donnera  lieu  à  aucune  ouverture  de  ce        peu  de  chose.  ■ 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  669 

Que  tant  s'en  faut  qu'il  soit  capable  d'avoir  de  telles  pensées,  qu'au 
contraire  il  n'obmettra  rien  de  ce  qui  deppendra  de  luy  pour  agir 
de  son  costé  aux  fins  de  sa  dicte  Majesté,  qu'il  a  tousjours  recognue 
désirer  le  restablissement  des  affaires  d'Allemagne,  et  le  sien  parti- 
culier, ce  que  le  roy  de  la  Grande  Bretagne  confirmera  pour  luy. 

Si  les  Anglois  sont  sy  desraisonnables  qu'ils  ne  veuillent  aucune 
de  ces  conditions,  on  ne  sauroit  sans  une  extraordinaire  foiblesse, 
qui  feroit  bresche  à  la  réputation  du  roy,  mettre  le  d.  prince  palatin 
en  liberté. 

En  ce  cas  il  faut  donner  avis  de  ce  qui  se  sera  passé  en  cette  négo- 
ciation, en  Suède,  en  Hollande,  en  l'armée  d'Allemagne,  que  com- 
mande M' de  Longueville,  et  à  tous  les  autres  alliez  de  S.  M.  les- 
quels tous  sans  doute  recognoistront  la  justice  et  la  générosité  du 
procédé  de  S.  M.  et  le  peu  de  raison  dont  est  accompagné  celuy  '  des 
autres. 

Si  le  roy  de  la  Graude  Bretagne  consent  à  une  de  ces  conditions , 
je  croy  qu'il  vaut  mieux  deslivrer  le  palatin  que  de  le  retenir. 

Pour  négocier  cette  affaire  M'  de  Chavigny  doit  envoyer  quérir 
Auger,  luy  faire  cognoislre  la  bonne  volonté  qu'on  a  en  cette  affaire,  et 
luy  dire  que  le  cardinal  a  parlé  au  roy,  qu'il  a  desjà  disposé  à  trouver 
bon  que  le  s'  de  Windebank  voie  le  Palatin,  et,  ^qu'ensuitte  il  a  aussy 
désiré  qu'il  vist  avec  le  d.  Auger  quels  moyens  on  pourroit  proposer 
au  roy  pour  le  porter  à  consentir  à  la  liberté  dud.  prince. 

Ensuilte  d'un  tel  discours  général,  il  faudra  tascher  de  le  faire 
venir  aux  expédients  proposez  par  ce  mémoire,  commençant  par  les 
plus  avantageux ,  ^qu'il  faut  plus  tost  insinuer  que  proposer,  l'humeur 
des  Anglois  estant  telle,  qu'ils  ne  veulent  quasi  jamais  ce  qui  ne  vient 
pas  d'eux. 

Je  croy  qu'il  est  à  propos  que  M.  de  Chavigny  se  plaigne  civile- 
ment à  Oger  de  ce  qu'on  nous  mande  d'Angleterre,  que  quelques 
uns  veulent  donner  soubçon  au  roy  de  la  Grande  Bretagne  que  le 

'  «  Donl  est  .accompagné  celuy.  .  .  •  de  '  Idem,  d'ici  au  mol  «  avec.  • 

la  main  de  Richelieu.  '  Idem,  d'ici  an  mot  «  l'humeurj» 


670  LETTRES 

roy  ait  (juelque  intelligence  avec  les  huguenots  d'Escosse,  et  fomente 
leur  rébellion,  ce  que  M.  de  Chavigny  luy  jurera  estre  non-seule- 
ment faux,  mais  tel  que,  si  le  roy  croyoit  que  le  roy  de  la  Grande 
Bretagne  son  frère  eust  une  telle  impression,  il  s'en  tiendroit  gran- 
dement offensé. 

Il  l'asseurera,  à  ce  sujet,  que  ce  que  j'en  dis  à  M'  Germain  quand 
il  estoit  icy  est  très  véritable,  et  que,  pour  rien  du  monde,  on  ne 
voudroit  faire  une  chose  contraire  aux  asseurances  qu'on  donne. 


CCCXXV. 

Arch.  des  AfF.  élr.  Angleterre,  l.  48,  fol.  i8.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Bibl.  imp.  Saint-Germain-Harlay,  346",  fol.  i44  v°.  —  Copie  '. 

Cinq- cents  Colberl,  n"  46,  fol.  loo  v°.  —  Copie. 

[POUR  M.  DE  CHAVIGNL] 

MÉMOIRE  SUR  LA  NÉGOCIATION  FAICTE  PAR  LES  ANGLOIS, 

POUR    LA    LIBERTÉ    DU    PRINCE    PALATIN. 

i8  janvier  i6/lo. 

Bien  qu'il  n'y  ayt  pas  lieu  d'apréhender  que  la  détention  du  prince 
palatin^  puisse  porter  le  roy  d'Angleterre  à  rupture  avec  la  France, 
veu  qu'il  n'a  pas  faict  la  guerre  au  roy  d'Espagne  quand  il  a  des- 
pouillé  son  neveu  du  Palatinat. 

Qu'il  ne  la  faict  pas  à  l'empereur  parce  qu'il  retient  le  prince  Ro- 
bert prisonnier,  ce  qui  justifie  clairement  que ,  s'il  la  faisoit ,  il  faudroit 
qu'il  en  eust  pris  la  résolution  d'ailleurs,  et  que  ce  sujet  en  fust 
seulement  le  prétexte ,  au  défault  duquel  il  ne  manqueroit  pas  d'en 
trouver  un  autre.  Il  ne  laisse  pas  d'estre  à  propos  de  terminer  cette 

'  t  Faite  sur  une  minute  originale  de  la  palatin ,    laissait  conjecturer  les  difficul- 

main  de  Cherré.  »  (Note  du  ms.  de  Harlay  tés  qui  pouvaient  la  relarder.  On  verra 

et  du  ms.  de  Colbert.  )  même,  à  la  date  du  i4  février,  qu'on  crut 

'  L'instruction  du  commencement  de  avoir  des  motifs  de  le  resserrer  plus  étroi- 

janvier,  en  même  temps  qu'elle  semblait  tement  encore.   H  ne  fut  mis  en  liberté 

annoncer  la  liberté  prochaine  du  prince  que  vers  la  fin  de  mars. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  671 

affaire  à  soh  contentement,  s'il  se  trouve  quelque  moyen  honorable 
de  le  faire. 

Pour  cet  effect  M'  de  Chavigny  ira  à  Paris,  verra  les  ambassadeurs 
de  Suède,  de  Hollande,  et  leur  dira  avoir  charge  du  roy  d'aviser 
avec  eux  les  moyens  qu'ils  estiment  raisonnables  pour  tirer  le  Palatin 
de  prison ,  et  attirer  le  roy  d'Angleterre  à  une  plus  forte  liaison  avec 
S.  M.  pour  le  bien  de  la  cause  commune;  il  leur  fera  entendre  qu'il 
y  a  deux  moiens  pour  parvenir  à  cette  fin. 

Le  premier  est  la  ligue  offensive  et  deffensive  dont  on  ne  parle 
point  parce  qu'on  sçait  que  le  roy  de  la  Grande  Bretagne  en  a  tant  faict 
de  difficulté,  par  le  passe,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  qu'il  la  veuille 
faire  maintenant  ' .  .  . 

Et  il  vaut  mieux  faire  toutes  ces  demandes  toutes  ensembles,  afin 
de  donner  lieu  aux  Anglois,  qui  ne  veulent  jamais  ce  qu'on  leur  pro- 
pose, d'accorder  moins  que  ce  qui  leur  sera  demandé. 

Ensuitle  il  verra  l'avis  desdicts  ambassadeurs  et  leur  dira  qu'il  a 
charge  de  proposer  cet  expédient,  et  qu'il  en  a  desjà  dict  quelque 
chose  à  l'ambassadeur  d'Angleterre,  qui  luy  a  respondu  que  le  roy 
de  la  Grande  Bretagne  pourroit  volontiers  y  entendre,  mais  qu'il  ne 
le  fera  jamais  si  son  neveu  n'est  en  liberté  dans  Paris ,  sur  la  pro- 
messe qu'il  donnera  de  n'en  sortir  point  sans  la  permission  du  roy. 

S'ils  disent  qu'ils  sont  d'avis  que  le  roy  use  de  cette  bonté,  M'  de 
Chavigny  leur  représentera  que  tousjours  faut-il  trouver  quelque  ex- 
pédient pour  faire  voir  que,  comme  le  roy  l'a  pris  avec  sujet,  il  le 
laisse  avec  réparation  d'iceluy. 

Le  plus  doux  expédient  est  celuy  des  promesses  du  roy  de  la 
Grande  Bretagne  et  du  prince  palatin,  telles  qu'elles  sont  dressées. 
Il  faut  ensuitte  leur  faire  ouverture  de  la  teneur  desdicles  promesses 
pour  les  leur  faire  approuver  sur  l'asseurance  que  l'ambassadeur  d'An- 
gleterre donne  qu'estant  en  cet  estât  le  roy  son  maistre  traittera  une 
plus  estroite  liaison  avec  le  roy  et  ses  alliez. 

'  Ici  le  cardinal  répèle  à  peu  près  ce        vier,  ci-dessus,  de  la  ligne  18',  p.  668, 
qu'il  a  écrit  dans  l'instruction  du  1"  jan-        jusqu'à  la  fin  de  cette  page. 


672 


LETTRES 


Le  d.  s'  de  Chavigny  fera  cognoistre  aux  Hollandois  que  le  roy 
sera  bien  ayse  detraitter  favorablement  le  palatin  en  cette  occasion, 
pour  porter  le  roy  d'Angleterre  à  s'adoucir  sur  la  defTaite  de  la  flotte 
d'Espagne,  et  à  rompre  les  trailtés  que  les  Espagnols  font  avec  les 
Anglois  pour  le  commerce  d'Espagne. 

Il  dira  aussy  à  l'ambassadeur  de  Suède  que  le  roy  sera  bien  ayse 
de  se  servir  de  cette  occasion  pour  tascher  de  retirer  le  roy  d'Angle- 
terre de  la  façon  avec  laquelle  il  s'est  gouverné  jusques  à  présent, 
tesmoignant  estre  en  apparence  pour  la  cause  commune,  et  assistant 
en  effect  les  Espagnols'. 


Or,  parce  que  rien  ne  falot  les  affaires  que  la  négociation,  et  que 
le  plus  souvent,  quand  elles  languissent,  le  deffaut  vient  de  ce  qu'il 
ne  se  trouve  point  de  médiateurs,  et  qu'elles  sont  par  conséquent 
froidement  maniées,  si  messieurs  les  ambassadeurs  de  Suède  et  de 


'  Ici  les  manuscrits  donnent  le  texte  de 
la  déclaration  du  prince  palatin,  et  de 
celle  de  l'ambassadeur  d'Angleterre,  l'une 
et  l'autre  formulées  dans  le  sens  et  presque 
dans  les  mêmes  termes  qu'indique  l'ins- 
truction du  i"janvier  dictée  par  Richelieu 
(ci-dessus,  p.  668).  A  propos  de  ces  décla- 
rations, le  cardinal  adressait  à  Chavigni 
une  note  qui  montre  les  précautions  que 
prenait  Richelieu  pour  ne  pas  froisser  la 
susceptibilité  de  ceux  avec  qui  il  négociait: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECuéTAIllE  O'ESTAT,   À    PABIS. 

De  Ruel,  ce  26  janvier  i6io. 
«  Je  croy  que  M'  de  Chavigny  doit  aller 
voir  pour  une  dernière  fois  M'  Grotius  et 


M'  l'ambassadeur  de  Venise  pour  leur 
dire  que,  si  cemotdedesbaucher  les  trou- 
pes qui  estoient  en  l'armée  de  M'  le  duc 
de  Weymar  leur  déplaist,  on  peut  mettre 
le  mot  de  destourner  les  troupes  du  ser- 
vice du  roy.  —  En  un  mot,  il  est  besoin 
de  leur  faire  au  moins  concevoir  la  jus- 
lice  et  la  courtoisie  du  procédé  du  roy 
aQn  qu'ensuilte  on  puisse  justifier,  avec 
leur  aveu,  à  nos  alliez,  que  le  roy  n'a 
rien  obmis  de  ce  qu'il  a  peu,  pour  sortir, 
mesme  à  son  préjudice ,  d'une  affaire  qu'on 
avoit  entreprise  contre  luy.  —  Pourveu 
que  M"  les  ambassadeurs  de  Suède ,  de 
Venise  et  d'Hollande  conçoivent  que  nous 
avons  raison,  quelque  événement  qui  en 
arrive  '. . .  patience.  » 


*  Une  déchirure  du  manuscrit  a  enlevé  la  suite  de 
cette  phrase,  dont  il  ne  reste  que  le  dernier  mot. 


Cet  original,  sans  signature,  est  conservé  aux  archives 
des  Air.  étr.  Frauce,  i66o,sept  premiers  mois,  fol.  2a. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


673 


Hollande' approuvent  l'ouverture  cy-dessus,  ce  qu'ils  feront  indubi- 
tablement, tant  parce  qu'elle  est  juste,  que  parce  aussy  que  n'estant 
pas  de  difficile  exécution  il  leur  sera  aysé,  en  la  faisant  réussir,  d'ac- 
quérir de  la  réputation  au  gré  du  roy  de  la  Grande  Bretagne  et  de 
tous  les  protestans,  il  fault  faire  en  sorte  qu'ils  s'en  rendent  d'eux- 
mesmes  entremetteurs;  et  peut  estre  seroit-il  bon  qu'ils  entreprissent 
de  la  faire  désirer  à  l'ambassadeur  d'Angleterre,  sans  que  M'  de  Cha- 
vigny  le  vist  davantage  sur  ce  sujet,  les  Anglois  estant  de  cette  nature 
qu'ils  ne  voudront  presque  jamais  ce  qu'ils  sauront  pouvoir  estre 
volontairement  consenly  par  ceux  avec  lesquels  ils  auront  à  traitter^. 


CCCXXVI. 

Arch.  de  Condé,  n°  i45.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale.  — 

Copie. 

4***S 


•i3  lanvier. 


Messieurs^  je  ne  sçaurois  assez  louer  le  zèle  avec  lequel  j'ay  veu 
par  vostre  lettre  que  vous  vous  employez  pour  arrester  le  cours  des 
maux  que  les  roigneurs  et  faux  monoyeurs  ont  causés  dans  la  pro- 
vince où  vous  estes,  par  le  chastiment  que  vous  preltandés  faire  de 
ceux  qui  en  sont,  et  seront  cy-après  convaincus"  Je  vous  puis  asseu- 


'  Il  y  a  Venise  dans  ia  pièce  originale 
de  la  main  de  Cherré,  mais  c'est  une  dis- 
traclion  qui  a  passé  dans  la  copie  du  ma- 
nuscrit de  Harlay;  le  manuscrit  de  Col- 
bert  l'a  rectifiée  en  raetlanl  Hollande.  On 
voit,  en  effet,  au  commencement  de  la 
pièce  que  c'est  avec  les  ambassadeurs  de 
Suède  et  de  messieurs  les  Etats  que  la 
conférence  a  dû  avoir  lieu. 

'  C'était  un  sentiment  très-profond  chez 
Riclielicu,  qui  en  a  plusieurs  fois  répété 
l'expression. 


C\RDIN.  DE  RICHELIEU.  - 


'  A  qui  va  cette  espèce  de  circulaire  .•• 
est-ce  aux  intendants  de  province,  qui 
avaient,  comme  on  sait,  dans  leurs  attri- 
butions, la  justice  en  même  temps  que  la 
police  et  les  finances?  N'est-ce  pas  plutôt 
aux  membres  de  la  cour  qui  avaient  con- 
damné le  président  La  Lanne  ? 

'  Ce  crime  ne  pouvait  être  poursuivi 
avec  trop  de  sévérité  ;  les  rogneurs  de  pis- 
toles,  comme  on  les  appelait,  se  trouvaient 
dans  tontes  les  classes,  les  magistrats  eux- 
mêmes  en  donnaient  l'exemple;  une  con- 

85 


674  ■  LETTRES 

ler  que  le  roy  vous  sçait  beaucoup  de  gré  du  soin  que  vous  en  prenés, 
et  que  vous  ne  sçauriés  rendre  vm  service  plus  agréable  à  Sa  Majesté 
que  de  pousser  cest  affaire  jusques  au  bout;  et  qu'elle  ne  donnera 
aucune  abolition  du  crime  à  ceux  de  vostre  corps  qui  se  trouveront 
si  misérables  que  d'y  estre  tombés  au  lieu  d'en  arrester  la  suitte. 
En  mon  particulier,  je  vous  conjure  de  croire  que  je  n'oublieray  rien 
de  ce  qui  deppendra  de  inoy  pour  la  confirmer  en  cette  résolution, 
et  pour  la  porter  à  appuyer  par  son  authorité  l'exécution  d'un  si  juste 
dessein,  sur  l'asseurance  que  j'ay  que  vous  n'y  agirés  pas  à  l'advenir 
avec  moins  de  diiligence  et  d'alTection  que  vous  avés  faict  jusques  icy, 
et  que  vous  tesmoignerés,  par  effect,  en  ce  rencontre,  la  passion 
que  vous  avés  au  bien  de  l'Estat.  Je  vous  en  conjure  encore  de  re- 
chef, autant  qu'il  m'est  possible,  et  de  croire  que  je  feray  valoir  au 
roy  vostre  procédé,  et  vostre  conduitte  en  cette  occasion,  ainsy  que 
vous  le  pourrés  désirer  d'une  personne  qui  a  tousjours  particuUière- 
ment  estimé  vostre  compagnie,  et  qui  est  véritablement, 
Messieurs, 

Vostre  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
Ruel,  ce  22"'  janvier  16I10. 

CCCXXVII. 
Bibl.  imp.  Suile  de  Diipuy,  t.  17,  fol.  12.  —  Original. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  MOIVS.  L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAUX, 

À    PitRIS. 

Oe  Ruel,  ce  29  janvier  i64o. 

Je  serois  bien  aise  que  M"^  des  Gouttes  et  quelques  autres  mari- 
damnation  infamante  avait  tout  récemment  le  mal.  Nous  lisons  dans  la  correspondance 
frappé  le  président  La  Lanne  du  parlement  d'Arnauld ,  à  la  date  du  7  mars  :  «  On  sera 
de  Bordeaux,  qui  avait  pris  la  iuile  avec  bientost  contrainct  de  faire  aussy  pezer 
trois  conseillers.  Il  fut  exécuté  en  effigie  l'argent,  sur  lequel  les  rogneurs  com- 
(«en  fantosme,»  disent  les  nouvelles  du  mencent  à  s'exercer,  ne  le  pouvant  plus 
temps).  Le  châtiment  même  n'arrêtait  point  faire  sur  l'or.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  675 

niers  facent  des  nottes  sur  le  mémoire  envoie  de  Hollande  ',  afin  de 
faire  voir  que  nous  sçavons  les  costes  plus  exactement  que  leurs 
mariniers.  Il  faut,  à  mon  avis,  mettre  les  dictes  nottes  et  observations 
au  marge  d'un  mémoire  bien  escrit. 

Il  n'est  point  besoin  que  M"  les  prélats  viennent  icy  pour  leurs  rangs. 
Je  trouve  bon,  pour  les  contenter,  qu'on  fasse  deux  commissions, 
ainsv  que  vous  le  proposés.  Vous  n'avés  qu'à  en  parler  de  ma  part  à 
M''  de  Cbartres  et  à  M"'  d'Hémery,  qui  la  feront  réformer  sans  difficulté. 

Quant  aux  assignations  de  la  marine,  j'aymerois  bien  autant  les 
avoir  sur  d'autres  choses  que  sur  le  fonds  des  admoltissemens ,  et  la 
considération  que  vous  faictes  est  bien  raisonnable,  mais  c'est  chose  si 
fascheuse  de  passer  pour  difficile  dans  le  monde,  qu'en  vérité  je  n'ose 
en  faire  difficulté  de  les  recevoir'-.  Il  sera  bon  d'en  dire  un  mot  à  M''  de 
Noyers,  afin  qu'il  tasche  doucement  d'en  faire  changer  une  partie. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCXXVIII. 

Arcli.  des  Afî.  étr.  France,  i64o,  sept  premiers  mois,  fol.  58.  —  Original. 

SUSCRIPTION ; 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SBCRF.TAIIIE  D'ESTAT,    À   PARIS. 

De  Ruel ,  ce  li'febvrier  16^0. 

M' de  Chaviguy  se  souviendra,  s'il  luy  plaist,  qu'il  faut  bien  ins- 
truire le  s""  d'Estrades  de  ce  qui  se  passe  au  faict  du  prince  palatin,  el 
iuy  donner  charge  d'en  parler  à  M'  le  prince  d'Orange,  et  mcsme 
à  la  reyne  de  Bohesme,  afin  que  son  procédé,  et  celuy  que  l'Angle- 

'  Ce  mémoire  n'est  pa»  dans  le  manus-  cardinal  lui-même  était  obligé  d'en  accep- 

crit  de  Dupuy.  1er  qu'il  aurait  bien  voulu  refuser;  et  en- 

Ceci  offre  le  sujet  d'une  double  re-  suite  l'on  voit  que  ce  caractère  impérieux 

marque ,  dont  l'hi.sloire  peut  faire  son  pro-  et  despotique,  que  l'on  se  représente  tou- 

fit   :  dans  le  mauvais  élal  des  finances,  jours  comme  si  inflexible  et  si  absolu,  se 

lorsque  l'épargne  délivrait  si  souvent  des  résignait  pourtant  à  céder,  et  éprouvait 

assignations  qui  n'étaient  pas  acquittées ,  le  parfois  la  crainte  de  paraître  trop  exigeant. 

85.- 


676  LETTRES 

terre  veut  garder  à  son  esgard,  soit  condamné  de  ses  amis  et  de  ses 
parens;  ce  qui  sera  indubitablement,  si  les  desseins  qu'il  avoit  sont 
cogneus,  et  la  bonté  dont  le  roy  a  voulu  user. 

Il  faut  escrire  amplement  sur  ce  sujet  à  M''  d'Avaux  ',  et  bien  ins- 
truire Rorté  sur  le  mesme  sujet. 

M'  de  Chavigny  donnera  ordre  à  Boiscourt  de  faire  en  sorte  que  le 
palatin  ne  puisse  recevoir  aucunes  nouvelles  de  l'ambassadeur  d'An- 
gleterre, n'y  d'autre  personne  quelle  qu'elle  puisse  estre. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCXXIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.   Angleterre,  t.  48,  fol.   ii. — 

Copie  de  la  main  d'un  secrétaire  de  Chavigni. 

Bibl.  imp.  Saint-Gerraain  Harlay,  t.  36A",  fol.  ^la  v°.  —  Copie'. 

POUR  M.  DE  BELLIÈVRE. 

V  [Vers  la  fin  de  février  i64o. ] 

M'  de  Bellièvre  peut  respondre  au  gentilhomme  envoie  qu'en  son 
particulier  il  a  grande  inclination  à  ce  qu'il  ayt  contentement. 

Que  c'est  chose  très  certaine  que  la  France  aime  extraordinaire- 


'  Il  avait  alors  une  mission  en  Alle- 
magne avec  la  qualité  d'ambassadeur  ex- 
traordinaire (ci^dessus,  p.  ^23).  Quant  à 
M.  de  Rorlé,  nous  l'avons  déjà  vu,  au 
commencement  de  iGSy  (t.  V,  p.  743), 
chargé  d'une  mission  en  Suède,  et  nous 
avons  une  lettre  du  secrétaire  de  M.  d'A- 
vaux, datée  de  Hambourg,  le  i.'i  avril 
i64o,  qui  dit  :  «M.  de  Rorté  part  dans  3 
ou  4  jours  pour  s'en  retourner  en  Suède.  » 
C'était  un  diplomate  qui  fut  surtout  em- 
ployé dans  les  cours  du  nord.  La  Biblio- 
thèque impériale  conserve  (fonds  de  Har- 
lay, 229')  un  manuscrit  intitulé  «Letlres 
des  sieurs  Brasset,  résident,  de  Cbarnacé, 


d'Estampes  et  de  la  Tliuillerie,  ambassa- 
deurs en  Hollande,  au  s'  de  Rorté,  em- 
ployé, pour  le  service  du  roy,  en  Alle- 
magne, Suède,  Pologne  et  Uanemarck.  > 
Ce  recueil  se  compose  de  2 1  3  pièces  ori- 
ginales, dont  la  première  est  datée  du 
3  août  i635,  et  la  dernière  du  6  février 
1 645.  Il  est  bon  de  savoir  que  M.  de  Rorté 
signait  aussi  Malpierre. 

'  Cette  copie  n'est  point  datée ,  elle  est 
(ilacée,  dans  le  volume  de  Harlay,  entre 
une  lettre  adressée,  par  divers  Écossais, 
au  cardinal  de  Richelieu,  d'Edimbourg, 
le  1 9  février  1 64o ,  et  une  lettre  de  de 
Noyers  du  16  mars. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


677 


ment  les  Escossois,  et  que  le  roy  y  a  une  inclination  particulière. 
Cependant  qu'il  ne  luy  conseille  pas  de  donner  ses  dépesches,  parce 
que  présentement  la  disposition  des  affaires  n'est  pas  telle  qu'il  pour- 
roit  désirer  pour  avoir  une  favorable  response,  non  par  manque  d'af- 
fection, mais  par  manque  d'occasion  et  de  sujet  légitime. 

Que  le  roy  est  si  consciencieux  et  si  scrupuleux  en  matière  d'hon- 
neur qu'il  ne  voudroit  pour  rien  du  monde  agir  contre  qui  que  ce 
puisse  estre  sans  sujet. 

Pour  cet  effect,  il  seroit  à  craindre  que,  si  on  luy  faisoit  la  pro- 
position qu'il  désire  maintenant,  il  n'en  peust  avoir  une  bonne  issue, 
au  lieu  qu'en  la  différant,  comme  il  luy  conseille  (s'offrant  mesme  à 
garder  la  dépesche  pour  la  présenter  lorsque  le  temps  le  permettra), 
il  y  a  apparence  d'en  pouvoir  recevoir  une  favorable,  en  ce  que  les 
anglois,  qui  traittent  continuellement  sous  main  avec  les  Espagnols', 
viendront  peut  estre  à  faire  avec  eux  quelque  traitté  ouvert,  ou  de  ma- 
riage, ou  sur  le  stijet  de  la  restitution  du  Palatinat,  ce  qui,  en  tel  cas, 
donnera  lieu  de  faire  sans  peyne  ce  qu'il  désire  maintenant,  veu,  ainsy 
qu'il  l'a  représenté,  que  S.  M.  ne  manque  pas  de  bonne  volonté  pour 
l'Escossc,  mais  de  sujet  et  de  prétexte,  qu'elle  aura  lors  tout  entier. 

M''  de  Bellièvre  faisant  addroitement  cette  ouverture,  elle  sera  indu- 
bitablement acceptée,  et  par  ce  moyen  le  roy  ne  s'engagera  à  rien, 
ce  qu'il  faut  éviter  absolument;  le  gentilhomme  escossois  s'en  retour- 
nera avec  espérance  de  pouvoir  avoir  contentement ,  lequel ,  en  effect, 
on  luy  donneroit  si  le  roy  d'Angleterre  se  déclaroit  pour  l'Espagne*. 


'  Nous  trouvons,  à  la  Bibliothèque  Idî- 
périaie,  une  lettre  chiffrée  d'un  certain 
Forsler,  qui  donnait  des  inrormations  à 
l'ambassadeur  de  France  à  Londres.  Celte 
lettre,  sans  date,  est  du  mois  de  février, 
et  adressée  à  l'ambassadeur  de  Bellièvre, 
en  ce  moment  à  Paris.  Forster  avertit  que 
pour  traiter  avec  les  Anglais  il  faudrait 
que  le  roi  leur  offrît  •  une  bonne  somme 
d'argent;  iqu'un  envoyé  d'Espagne  à  Lon- 


dres en  promet  beaucoup;  «la  nécessité, 
ajoute  l'Anglais  Forsler,  nous  pourra  porter 
à  contenter  les  dits  Espagnols.  «Gel  homme 
regrette  qu'en  ce  moment  il  n'y  ail  point 
d'ambassadeur  de  France  à  Londres. 
(Saint-Germain-Harlay,  364",  fol.  282.) 
'  La  Gazette  du  3  mars  annonçait,  sous 
la  rubrique  de  Londres,  le  i4  février,  que 
les  Ecossais  fortifiaient  leurs  frontières  et 
faisaient  de  grands  préparatifs  de  guerre. 


678  LETTRES 


cccxxx. 

Bibl.  iinp.  Suite  de  Dupuy,  l.  17,  fol.  16.  —  Original. 

suscniPTiON: 

POUR  M.  L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAUX, 

À  PARIS. 

De  Ruel ,  ce  7*  mars  1 64o. 

Je  suis  extresmement  fasché  de  vostre  indisposition  ;  je  vous  con- 
jure d'user  de  tous  les  remèdes  ordinaires  et  nécessaires  à  un  tel 
mai. 

Quant  au  lieutenant  des  galères  S'  Martin,  mon  avis  est  qu'on  ne 
peut  luy  desnier  do  l'entendre,  mais  qu'après  il  faudra  l'envoyer  à  la 
Bastille  pendant  le  temps  qu'on  envoyera  commission  sur  les  lieux 
pour  informer  contre  son  capitaine,  qu'il  charge.  Cependant  on  peut 
faire  ou  venir  le  forçat,  ou  donner  commission  au  lieutenant  général 
de  Molins  pour  l'entendre  sur  les  faicts  qui  iuy  seront  envoyés.  Cette 
affaire  est  de  grande  conséquence,  le  service  du  roy  requiert  un 
exemple  pour  fermer  la  porte  à  pareil  procédé  à  l'avenir;  c'est  pour- 
quoy  je  désire  que  Mess"  du  conseil  de  la  marine  usent  de  toutes  les 
rigueurs  que  la  justice  permettra.  Je  vous  prie  d'en  avoir  soin  et 
n'oublier  rien  de  ce  qui  pourra  contribuer  à  vostre  guérison.  J'envoye 
ce  gentilhomme  pour  sçavoir  de  vos  nouvelles. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCXXXI. 

Bibl.  inip.  Suite  de  Dupu),  t.  17,  fol.  17.  — 
Original,  san.s  signature,  de  la  main  de  Clierré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  MONS.  L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAUX, 

A    PARIS. 

De  Ruel,  ce  1  1'  mars  i6io. 

Je  suis  bien  aise  de  .sçavoir  que    vous   vous  portiés  mieux .   ce 


DU  CARDINAL  DE  RICHEL[EU. 


679 


nue  tous  dteux  qui  sont  venus  de  Paris  m'ont  confirmé  K  M""  de 
Noyers  donnera  les  ordres  nécessaires  pour  faire  sortir  de  toutes 
les  prisons  les  forçats  qui  y  sont  détenus,  ainsy  que  vous  le  pro- 
posés. 

Quant  à  ce  que  vous  m'escrivés  qu'avec  la  chaisne  qui  partira  de- 
main de  deux  cent  forçats  et  celle  que  vous  espérés  avoir  dans  un 
mois,  on  pourra  armer  jusques  à  quatorze  gallères  renforcées,  j'ay  à 
vous  dire  que  M"  de  Forbin  et  Le  Queux  m'ont  escrit  que,  sans  au- 
cuns forçats  que  ceux  qui  sont  maintenant  sur  les  gallères,  on  en  peut 
armer  jusques  à  dix-sept  du  nombre  qui  est  nécessaire  pour  tenir  la 
mer  autant  que  les  vaisseaux  ronds,  et  qu'avec  six  cents  forçats  de 
plus  que  ce  qui  y  est  on  pourroit  armer  les  vingt-deux  gallères  en- 
tières. 

Il  reste  donc  à  sçavoir  dans  tous  les  parlemens  quel  nombre  de 
forçats  en  on  peut  tirer,  et  quand  *,  afin  qu'on  essaye  à  armer  toutes 
les  vingt-deux  gallères,  ce  que  je  désire  avec  passion. 


'  Le  i3  mars  Richelieu  écrit  de  nou- 
veau à  l'archevêque  de  Bordeaux,  pour 
quelques  aiïaircs  de  détail ,  une  lettre  qui 
sera  indiquée  aux  Analyses,  et  dans  la- 
quelle il  se  réjouit  (le  son  rétablissement, 
d'autant  plus  que  cette  guérison  lui  per- 
mettra de  s'en  aller.  Malgré  ce  viT  désir 
que  montre  Richelieu  de  le  voir  partir, 
l'archevèque-amiral  ne  se  hâtait  pas.  Une 
troisième  lettre  (du  a4)  aiguillonne  encore 
cette  lenleur  :  •  \  vous  dire  le  vray,  rien 
ne  me  faict  itpréhender  un  mauvais  suc- 
cez  en  vostre  voyage  que  la  crainte  que 
j'ay  que  vous  n'arriviés  [Vas  àJa  lin  d'avril 
en  Provence,  comme  c'est  chose  absolu- 
ment nécessaire,  si  vous  voulés  faire  quel- 
que chose  de  bon rien  ne  sera  plus 

contraire  au  bon  événement  que  vous  de- 
vés  vous  promettre  que  manquer  d'estre 
prest  assez  à  tomps.  •  Une  instruction  lui 
fut  donnée  le  23;  elle  a  été  imprimée  dans 


la  correspondance  de  Sourdis ,  et  elle  sera 
notée  à  la  lin  de  ce  volume,  ainsi  que  la 
lettre  de  Richelieu  du  a4,  et  un  billet  de 
la  fm  du  même  mois,  où  Richelieu  té- 
moigne, comme  il  fait  en  toute  occasion, 
du  soin  extrême  qu'il  mettait  aux  prépa- 
ratifs qui  de  toutes  parts  ménagent  le  suc- 
cès :  «  le  vous  envoie  aiissy,  disait-il  à  Cha- 
vigni,  un  mémoire  pour  escrire  à  M'  de  la 
Thuiilerie  (alors  envoyé  en  Hollande)  et 
une  lettre  que  je  luy  escris  moy-mesme. 
Il  n'y  a  plus  de  temps  à  perdre  pour  se 
préparer  de  part  et  d'autre  pour  la  cam- 
pagne; ce  qui  requiert  qu'on  sache  ce  que 
voudront  faire  M"  les  Estais.  » 

'  Richelieu  écrivait  à  l'archevêque  de 
Bordeaux,  le  a8  avril  :  t  Passant  à  Bor- 
deaux et  à  Tholoze,  je  vous  prie  faire 
marcher  tous  les  forçais  que  vous  trouvères 
dans  les  prisons,  vous  asseurant  que,  si 
vous  faicles  avancer  de  l'argent  pour  telle 


680 


LETTRES 


CCCXXXII. 

Arch.  des  Alî.  élr.  Angleterre,  t.  iJS,  fol.  86.  — 
Minute  de  la  main  de  Cherré  '. 

POUR  L'AMBASSADEUR  D'ANGLETERRE. 

[22?  mars  i64o.] 

Faut  respondre  qu'ayant  esté  refusé  en  Angleterre  de  traitter  l'am- 
bassadrice de  France  aiusy  que  Madame  de  Chevreuse,  à  laquelle  on 
a  donné  le  tabouret,  sans  le  vouloir  donnera  ladicte  ambassadrice 
de  France,  bien  qu'en  France  le  Roy  traitte  les  ambassadrices  à  l'égal 
des  duchesses,  S.  M.  ne  peut  changer  l'ordre  qu'elle  a  pris,  à  l'exemple 
d'Angleterre,  de  distinguer  les  duchesses  d'avec  les  ambassadrices. 


CCCXXXIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Hollande,  t.  21,  pièce  299'.  —  Minute. 

Bibi.  imp.  Clairambault,  Mélanges,  696  ,  p.  877.  —  Original  chiffré. 

Bibl.  imp.  Mss.  Dupuy,  t.  74/1,  fol.  19/!.  —  Copie. 

A  M,  D'ESTRADES. 

Du  i4  avril  i64o. 

Monsieur,  je  vous  dépesche  expressément  ce  courrier  pour  vous  as- 


occasion  ,  je  le  feray  rembourser  par  le 
Picard,  à  lettre  vue.»  L'archevêque  était 
encore  à  la  Rochelle,  et  Richelieu  ne  se 
lassait  pas  de  le  presser  d'arriver  à  sa  des- 
tination ;  «  Je  vous  prie  de  vous  en  aller  en 
diligence ,  sans  vous  arrester  en  aucun  lieu , 
droit  en  Provence ,  où  voslre  présence  est 
plus  que  nécessaire,  n  II  sera  fait  mention 
aux  Analyses  de  cette  lettre ,  déjà  imprimée. 
'  Cette  minute  se  trouve  sur  un  feuillet 
envoyé  par  le  comte  de  Leycester,  et  à  la 
suite  de  ces  lignes  écrites  par  ledit  am- 
bassadeur :  «  On  désire  .sçavoir  si  quelque 


chose  empesche  que  madame  l'ambassa- 
drice d'Angleterre  ne  puisse  avoir  l'hon- 
neur de  voir  la  reyne  très  -  chrestienne , 
de  mesme  qu'ont  fait  les  autres  ambassa- 
drices. »  Ce  feuillet  porte  en  tête  :  «  Mé- 
moires de  l'ambassadeur  d'Angleterre , 
20  mars.  »  Celle  date  indique  à  peu  près 
celle  de  la  réponse. 

^  Le  ms.  des  Aff.  étr.  mel  au  dos  de  cette 
pièce  :  11  Lettre  de  M' le  cardinal  de  Riche- 
lieu... envoyée  par  Saladin  le  ll^  avril.  » 
L'original  est  daté  du  i3.  La  copie  Dupuy 
donne  la  fausse  date  du  10. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  681 

seurer  que  les  armes  du  roy  n'entreront  pas  seulement  dans  le  pays 
des  ennemis  au  jour  que  vous  sçavés  avoir  esté  arresté,  mais  ils  y  se- 
ront certainement  quatre  jours  plus  tost.  Ce  que  j'ay  estimé  vous  de- 
voir faire  sçavoir  affin  d'en  avertir  M""  le  prince  d'Orange,  et  vous 
donner  lieu  de  le  solliciter  d'en  faire  autant,  s'il  se  peut,  ou  au  moins 
d'être  si  ponctuel  à  ce  qu'il  a  promis,  qu'il  ne  manque  pas  au  jour 
préfix  par  le  traitté  dont  vous  avés  esté  entremetteur. 

Vous  luy  dires,  s'il  vous  plaist,  que  l'armée  de  M'  de  La  Melleraie 
sera  de  plus  de  20  mille  hommes  de  pied  effectifs,  et  7  mille  che- 
vaux; et  qu'outre  cette  armée  M"  de  Chaunes  et  de  Chastillon  en 
commanderont  une  autre  qui  regardera  la  Flandre,  qui  sera  de  plus 
de  1  5  mille  hommes  de  pied  et  quatre  mille  cinq  cens  chevaux.  Outre 
cela,  M"^  du  Halier  aura  quinze  cens  chevaux  et  six  à  sept  mil  hommes 
de  pied,  en  Lorraine,  du  costé  du  Luxembourg;  et  le  marquis  de 
Villeroy  autant  en  Bourgogne.  Voilà  Testât  de  nostre  campagne,  pour 
ce  qui  est  de  la  France,  à  l'esgard  des  costes  de  deçà,  où  je  ne  com- 
prends point  la  Guienne,  et  le  Languedoc,  qui  ont  pour  faire  ime  ar- 
mée de  I  5  mille  hommes  de  pied  et  de  3  mille  chevaux. 

Pour  ce  qui  est  des  pays  estrangers,  les  recreues  arrestées,  payées 
etasseurées,  pour  le  cours  de  cette  année  en  Italie,  viennent  à  plus 
de  3o  mille  hommes,  sans  compter  huict  à  neuf  mille  hommes  de 
pied  et  douze  cents  chevaux,  que  M""  de  Bourdeaux  aura  en  Provence, 
avec  une  armée  navale  de  22  galères  et  de  5o  vaisseaux  destinés  pour 
le  secours  de  l'Italie. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  l'armée  de  M'  de  Longueville  et  de  l'unioii 
de  madame  la  Landgrave,  parce  que  vous  en  sçavés  autant  que  nous  '; 


'  M.  d'Amontot,  plénipolentiairedu  roi 
de  France  pour  (railer  avec  madame  la 
Landgrave  de  Hesse,  venait  de  conclure 
avec  M.  Grosie,  chargé  des  affaires  de 
celte  princesse  en  Hollande,  un  arrange- 
ment dont  l'ambassadeur  de  France  à  la 
Haye  avait  été  inrormé.  On  était  convenu 
de  donner  un  subside  de  i5o,ooo  reichs- 

CARDIN    DE  RICBEUEr.  —   VI. 


thalers  à  la  Landgrave,  qui  devait  joindre 
ses  lrou()esà  celles  que  commandait  le  duc 
de  Longueville  en  Allemagne.  Il  esl  fré- 
quemment question  de  cette  négociation 
dans  le  manuscrit  des  Affaires  étrangères 
cité  aux  sources.  (Mémoires  au  s'  d'A- 
montot; pièces  a/ja,  277,  février  et  mars 
i64o,  et  plus  tard.) 

86 


682  LETTRES 

seulement  dois-je  vous  faire  sçavoir  qu'on  luy  envoie  4  mille  hommes 
de  pied  et  mille  chevaux  de  recreues. 

Je  vous  avoue  qu'on  vous  escrivant  ce  que  je  fais,  j'ay  de  la  peine 
à  le  croire,  mais  cependant  c'est  chose  si  véritable  que  je  puis  vous 
asseurer  que  le  tout  sera  effectif;  et  qu'otitre  tout  ce  que  dessus,  le 
marquis  de  Brezé,  assisté  de  bons  tuteurs  pour  apprendre  son  mes- 
tier,  sera  en  la  mer  Océane  avec  ilx  bons  vaisseaux  de  guerre  et 
io  brusiots. 

Je  m'asseure  que,  comme  nous  faisons  beaucoup  plus  que  ce  que 
nous  avions  faict  espérer,  M''  le  prince  d'Orange  fera  aussy  le  mesme 
de  son  costé. 

Quand  nous  serons  en  campagne  nous  ne  manquerons  de  vous 
faire  avertir  soigneusement,  de  temps  en  temps,  de  tout  ce  qui  se 
passera.  Je  vous  prie  d'estre  soigneux  de  faire  le  mesme ,  et  de  nous 
envoler  un  courrier  le  lendemain  du  mois'  prochain  pour  nous  ad- 
vertir  que  M''  le  prince  d'Orange  sera  entré  dans  le  pays  des  ennemis, 
car  je  vous  asseure  encore  une  fois  que  nous  ne  manquerons  pas  d'y 
estre  quatre  jours  devant. 


CCCXXXIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64o,  sept  premiers  mois,  fol.  109.  — 
Original  sans  signature;  tonl  est  écrit  de  la  main  du  cardinal,  même  la  suscription. 

SUSCRIPTION : 

POLIR  M.  DE  CHAVIGNY. 

De  Ruel,  à  4  heures  du  matin,  cejeudy  19  avril  iti^o. 

M'  de  Ghavigny,  n'oubliera  pas,  s'il  luy  plaist,  d'escrire  à  Florence^ 
pour  faire  représenter  au  grand  duc  qu'il  ne  peut  estre  obligé  de 
donner  secours  aux  Espagnols  pour  le  siège  de  Gazai ,  et  que  ses  in- 

'  iSi'c,  dans  la  minute  comme  dans  les  ^  On  lit  à  la  marge  dans  le  manuscrit  : 

co[)ies.  C'est  sans  doute,  le  lendemain  du         «S'il  y  a  un  résident  de  Florence  à  Paris, 
i"  du  mois  qu'on  a  voulu  dire.  il  est  à  propos  de  luy  parler.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  683 

térestsl'en  doivent  destourner  pour  plusieurs  raisons  qu'il  sçait  mieux 
qu'on  ne  peut  les  luy  représenter. 

Il  est  aussy  à  propos  d'escrire  au  secrétaire  de  Sabran  à  Gennes 
pour  tenir,  autant  qu'il  se  pourra,  la  république  en  la  disposilion 
qu'elle  doit  estre  sur  ce  sujet. 

Il  faut  voir  l'ambassadeur  de  Gennes  et  luy  parler,  tant  pour  voir 
si  la  république  ne  pourroit  pas  nous  donner  moyen  de  faire  tenir  de 
l'argent  dans  Gazai',  que  pour  nous  asseurer  les  passages  dont  nous 
pouvons  avoir  besoin,  en  cette  occasion,  pour  le  salut  de  l'Italie,  au- 
quel ils  doivent  prendre  bonne  part. 

Il  est  besoin  d'escrire  à  M'  le  cardinal  Bichi^  à  ce  qu'il  fasse,  s'il 
luy  plaisl,  les  offices  envers  le  pape  et  le  cardinal  Barberin,  qui  sont 
mentionnés  dans  la  despescbe  de  Rome  que  vous  emportastes  hier. 

Vous  n'oublierés  aussy  aucune  lettre  nécessaire  pour  le  voyage  de 
Mondin. 


CCCXXXV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64o,  vept  premiers  mois,  fol.  i  lo.  — 
*  Original,  .sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

^  «ECltéTAIFlE    D*ESTAT,   À   PARIS. 

De  Rnel,  ce  19°  avril  i64o. 

Je  n'ay  pas  dict  un  seul  mot  à  M''  de  Chevreuse,  ny  à  ses  gens,  de 


'  Chavigni  écrivit  à  ce  sujet ,  le  34  avril , 
à  J.  B.  Saluzzo;  cet  ambassadeur  lui  ré- 
pondit le  27,  que  la  chose  était  irapos.si- 
ble  :  •  Non  c'è  potuto  sovvenire  il  modo 
di  farlo,  non  sapendo  che  da  Gennua  vi 
sia  corrispondenza  alcuna  in  materia  de 
negotii  »  (Arch.  des  Aff.  étr.  Gènes,  t.  3, 
fol.  I.)  On  trouvait  toujours  mauvais  vou- 
loir à  Gènes  ,  surtout  lorsqu'il  s'agissait 


(le  l'aire  quelque  chose  qui  pût  déplaire 
a  l'Espagne.  (Voir  ci-dessus  Nota  vers  le 
commencement  d'octobre  1 689  ;  et  ci- 
après,  aux  Analyses,  un  bille!  à  Chavigni 
du  19  avril.) 

*  On  a  vu ,  en  plus  d'une  occasion, 
que  ce  cardinal  était  l'un  des  membres 
du  Sacré  collège  les  plus  dévoués  à  la 
France. 

86. 


684 


LETTRES 


la  main  levée  de  ses  pensions ,  ains  au  contraire  j'ay  lousjours  dict 
que  le  roy  entendoit  bien  qu'il  les  touchast,  mais  les  réparations 
préalablement  faictes.  S'il  veut  tromper  comme  sa  femme  il  le  peut 
faire,  mais  je  ne  suis  point  d'avis  qu'on  luy  donne  autre  chose  jus- 
ques  à  ce  qu'il  ait  faict  son  voiage  '.  Je  vous  conseille  de  parler  sec  à 
Boispillé^,  ensuitte  de  quoyils  feront  ce  qu'ils  voudront,  c'est-à-dire 
ils  iront  ou  n'iront  pas,  comme  bon  leur  semblera. 


'  Le  séjour  de  madame  de  Chevreuse  à 
Londi'es  donnait  beaucoup  de  souci  au 
cardinal,  surtout  au  moment  où  s'y  trou- 
vaient réunis  la  reine  ms're  el  les  intri- 
gants qui  avaient  sa  confinnce,  le  duc  de 
La  Valette  et  d'autres  mécontents.  On  ima- 
gina de  lui  dépêcher  son  mari  pour  la  ra- 
mener en  France  :  c'était  assurément  le 
meilleur  moyen  de  ne  pas  obtenir  ce  que 
désirait  Richelieu  ;  et  l'on  ne  comprend 
guère  qu'on  l'ait  essayé.  Aussitôt  que  ma- 
dame de  Chevreuse  fut  informée  que  son 
mari  devait  venir  à  Londres,  elle  lui  écrivit 
pour  se  plaindre  de  la  violence  qu'on  vou- 
lait lui  faire,  et  déclara  qu'il  perdrait  sa 
peine  et  qu'on  ne  la  forcerait  jamais  à  le 
suivre.  En  effet,  à  peine  le  duc  arrivait  en 
Angleterre  qu'il  apprit  que  sa  femme  ve- 
nait de  se  réfugier  à  Bruxelles.  Nous  avons 
dans  nos  manuscrits  de  curieuses  lettres 
relative.^  à  cette  affaire  conjugale  et  po- 
litique à  la  fois,  moitié  sérieu.se  et  moilié 
grotesque.  On  voit,  par  la  correspondance 
d'Arnauld ,  que  les  salons  de  Paris  s'en 
occupaient  plus  d'un  mois  auparavant. 
(Lettre  du  k  mars.)  Un  des  émissaires 
que  Richelieu  avait  en  Angleterre ,  el  qui 
écrivait  de  Grenuche  (Greenwich.'')  sous  le 
pseudonyme  de  Tilus,  lui  donnait  à  celle 
époque  des  informations  sur  madame  de 
Chevreuse.  «  Elle  fait  chez  elle,  mandait-il, 
de  grands  préparatifs  pour  recevoir  l'am- 


bassadeur extraordinaire  d'Espagne.  Elle 
faict  accommoder  un  cabinet  paré  de  la 
plus  belle  tapisserie  et  tableaux  que  le 
s'  de  Montaigu  luy  a  recherchés  et  em- 
pruntés de  tous  costez;  tout  le  reste  suit 
de  mesme  pour  l'ameublement  el  pour 
les  beaux  habits  qu'elle  aura  à  rechanger. 
On  m'a  asseuré  qu'elle  ne  reçoit  point  de 
pension  des  Espagnols,  mais  des  présens 
qui  valent  bien  la  pension,  laquelle  celuy 
qui  sçail  ses  affaires  m'a  dict  qu'elle  sera 
contraincle  d'accepler,  si  elle  ne  jouit 
point  de  son  bien  en  France.  Quant  à 
l'abbé  du  Dorai,  il  ne  gaignera  rien  au- 
près d'elle,  estant  résolue,  comme  elle  a 
dict,  de  ne  point  relourner  en  France,  et 
croy  que  M'  de  La  Valette  et  Le  Coigneux , 
qui  sont  compaignons  de  fortune  et  liés 
d'amitié  ,  servent  grandement  à  la  des- 
tourner et  à  luy  donner  de  mauvais  con- 
seils. »  (Ms.  cité  aux  sources,  fol.  96.)  El 
pendant  que  madame  de  Chevreuse  se 
donnait  des  airs  de  princesse,  les  biens  de 
son  mari ,  grevés  de  délies ,  étaient  séques- 
trés, et  il  demandait  à  Richelieu  des  ab- 
bayes pour  ses  filles  du  ton  d'un  père  de 
famille  fort  embarrassé. 

^  Boispillé  avait  écrit  à  Chavigni ,  le  k  du 
mois  d'avril ,  pour  les  affaires  de  M.  de  Che- 
vreuse, et  allirmait  que  le  duc  lui  avait  dit 
la  vérité  au  sujet  de  ses  dettes  et  celles  de 
mesdemoiselles  ses  filles.  (Fol.  92.) 


DtJ  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  685 

Je  vous  ay  envoyé  la  lettre  pour  M'  de  Wintebank,  vous  mettrez 
le  dessus  comme  il  faut. 

Je  ne  suis  point  d'avis  que  vous  luy  donniés  ce  galland  que  vous 
emportastes  hier.  Il  lui  faut  donner  quelque  boiste  de  mil  escus,  qui 
paroisse  davantage. 


CCCXXXVI. 

Arcli.  des  Afi".  élr.  France,  i64o,  sepl  premiers  mois,  fol.  /i3i.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHWIGNI'.] 

[Fin  d'avril  ou  oommencement  de  mai  i6ào'.] 

Le  roy  m'a  conunandé  de  faire  sçavoir  à  M"^  de  Chavigny  qu'il  aver- 
tisse M"  les  ambassadeurs  qui  auront  à  le  suivre,  que  la  route  qu'ils 
doivent  prendre  est  celle  de  Soissons. 

En  ce  nombre  sont  M"  les  ambassadeurs  de  Venise,  de  Savoie  et 
M'  le  nonce. 

Quant  à  M"  les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  de  Suède,  il  ne  faut 
pas  leur  dire  qu'ils  ne  suivent  pas,  mais  n'aians  pas  suivy  l'année 
passée,  et  n'aians  point  d'affaires  qui  pressent  apparemment,  ils  ne 
penseront  pas  à  partir  de  Paris.  En  ce  cas,  il  leur  faut  faire  sçavoir 
(ju'ils  pourront  traitter  avec  M"  le  chancelier,  Bullion  et  Bouthillier, 
des  affaires  qui  se  présenteront  en  leur  charge. 

Ne  doutant  point  que  M'  le  nonce  ne  face  ce  qu'il  pourra  pour  ne 
partir  pas  de  Paris,  il  faut  procéder  avec  luy  ainsy  qu'il  s'ensuit. 

Il  faut  envoier  quérir  l'abbé  Paul  Fiesque,  et  luy  dire  que  M'  le 
nonce  l'ayant  choisy  pour  faire  sçavoir  au  roy  pendant  Testât  auquel 

'  Celle  pièce,  sans  suscription,  allnilà  '  On  a  écrit  après  coup,  en  tète  de  ce 

Chavigni,  qui  a  mis  au  dos  :  i  Mémoire  mémoire,  «juillet  i64o.  •  C'est  une  fausse 

sur  le  sujet  du   nonce  el  des  ambassa-  date;  le  roi  partit  pour  se  rendre  à  Sois- 

deurs.  »  sons  dans  les  premiers  jours  de  mai. 


686  LETTRES 

il  est\  ce  qu'il  voudroit  faire  cognoistre  sur  le  sujet  du  repos  de  la 
chiestienté ,  S.  M.  vous  a  commandé  de  faire  sçavoir  par  luy  au  d. 
s'  nonce,  que  le  roy  en  désire  tant  l'avancement  que,  pour  ne  perdre 
aucun  moment  qui  puisse  contribuer  à  un  sy  bon  dessein ,  S.  M.  dé- 
sire que  le  d.  s'  nonce  soit  tousjours  en  lieu  proche  d'elle  pendant 
son  voyage.  Pour  cet  effect,  qu'ainsy  qu'elle  a  faict  avertir  M'Mes  am- 
bassadeurs qui  peuvent  avoir  des  affaires  à  négocier  pour  le  mesme 
sujet,  de  la  suivre  en  son  voiage,  elle  hiy  faict  donner  le  mesme  avis; 
et  ce  d'autant  plus  précisément  qu'il  a  couru  quelque  bruict  que  le 
d.  s'  nonce  affectoit  de  demeurer  dans  Paris,  ce  qui  sembleroit  ne 
pouvoir  avoir  auti-e  fin  que  de  faire  croire  qu'en  ne  luy  permettant 
pas  de  suivre  S.  M.  on  luy  interdiroit  les  moyens  d'avancer  la  paix, 
tant  désirée  de  Sa  d.  Majesté. 

Que  comme  elle  soubaitte  en  effect  (ju'il  ait  de  bonnes  propositions 
à  faire  sur  ce  sujet,  elle  veut  que  tous  ses  peuples  voyent,  en  le 
voyant  à  sa  suitte,  qu'il  a  pleine  et  entière  liberté  d'agir  par  l'inter- 
position des  siens  à  l'avancement  d'un  sy  grand  bien. 

Le  d.  s""  Paul  Fiesque  ira  civilement  dire  le  contenu  de  ce  mé- 
moire à  M'  le  nonce,  et  luy  représenter  comme  en  cela  il  est  traitté 
comme  les  autres  ambassadeurs  qui  peuvent  avoir  affaire  au  roy.  Si 
le  d.  s'  nonce  veut  venir,  il  ne  faut  point  luy  faire  aucune  significa- 
tion. S'il  refuse  de  faire  le  voiage,  M'  de  Chavigny  mettra  le  susdict 
mémoire  en  bonne  forme,  retirera  un  récépissé  d'iceluy  du  d.  s'  Paul 
Fiesque,  qui  recognoistra  l'avoir  receu  pour  le  mettre  entre  les  mains 
du  d.  s''  nonce;  et  on  se  gouvernera  par  après  selon  que  les  cora- 
porlemens  du  d.  s'  nonce  en  donneront  occasion. 

M'  de  Chavigny  dira  au  chevalier  du  guet  qu'il  ail  tousjours  des 
espions  pour  voir  ceux  qui  entreront  chez  luy,  et  s'il  y  peut  attraper 
de  ceux  qui  n'y  doivent  pas  aller,  parla  deffense  générale  que  le  roy 
leur  en  a  faicte,  il  les  garde  honnestement  chez  luy. 

On  se  souvient  qu'il  n'élaitpas  reçu  à         lions  directes  avec  le  ministre  des  aflFaires 
la  cour,  et  n'avait  point  de  communica-        étrangères. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  687 


CCGXXXVII. 

Arcli.  des  AfT.  étr,  Angleierre,  t.  48,  loi.  102.  ^ 
Mise  au  net  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  CHAVIGNY. 

De  Reaumont,  ce  y  raay  i64o. 

J'envoye  à  monsieur  de  Chavigny  une  lettre  que  le  roy  d'Angleterre 
a  escrite  au  roy  et  que  l'ambassadeur  luy  a  envoyée  à  Chantilly,  bien 
qu'elle  soit  escrite  du  1"  décembre  1689.  Le  stile  en  est  fascheux , 
et  sembleroit  par  là  qu'il  chercheroit  noise,  si  on  ne  cognoissoit  leur 
insolente  façon  d'agir.  Je  ne  sçay  ce  que  c'est  que  l'affaire  dont  il 
parle';  vous  sçaurés,  .s'il  vous  plaist,  de  M'  de  Bellièvre  ce  qu'il  en 
sçait,  et  de  plus,  de  M"  d'Haligre  et  de  Loines,  s'ils  en  ont  rien  veu 
au  conseil  de  la  marine. 

Il  se  faut  gouverner  en  sorte,  en  cette  affaire,  que  ces  insolens  ne 
pensent  pas  qu'on  prenne  allarme  de  leur  procédé. 

Je  croy  que  vous  pouvés  envoier  quérir  Auger  pour  luy  dire  que  le 
roy  vous  a  envoyé  une  lettre,  laquelle  est  de  5  mois  de  datte,  que 
vous  ne  savés  ce  que  c'est  de  cette  affaire  là,  et  que,  s'il  en  fait  co- 
gnoistre  la  justice,  on  en  fera  raison  au  particulier  qui  y  a  intérest. 

Je  vous  envoyé  la  lettre  toute  rompue,  parce  que  je  n'ay  peu  fou- 
vrir  autrement. 

'  Celait  sans  doute  une  affaire  de  peu        intérêt  à  conserver  cette  lettre  à  cause  du 
d'importance  puisqup  Richelieu  n'en  av.iit        ton  doni  Richelieu  parle  des  Anglais, 
aucun  souvenir;  néanmoins  il  y  a  quelque 


688 


LETTRES 


CCCXXXVIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  108,  — 
De  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNL] 

[Avant  le  4  mai  i64o.] 

En  tête  de  la  pièce  on  lit  les  lignes  suivantes  sans  signature,  mais  venant  de 
l'ambassadeur  d'Angleterre,  ainsi  que  l'annonce  une  note  mise  au  dos  : 

«  On  demande  pouvoir  et  authorité  de  prendre  Guillaume  ColviiP,  Escossois. 
et  de  l'envoyer  en  Angleterre.  » 

Faut  respondre  qu'on  n'a  aucune  cognoissance  que  Colvill  soit  cri- 
minel au  respect  du  roy  d'Angleterre ,  son  souverain.  Que  s'il  n'est 
accusé  d'autre  chose  que  d'avoir  négocié  avec  les  ministres  de  France 
S.  M.  le  sçait  innocent  parce  qu'il  ne  l'a  pas  faict. 

Qu'au  reste,  quand  il  seroit  coulpable,  le  roy  d'Angleterre  donne 
l'exemple  de  ne  le  pas  rendre,  en  retenant  le  duc  de  La  Vallette,  Le 
Coigneux  et  La  Vieuville,  non  seulement  accusez  de  crime,  mais  con- 
vaincus de  crimes  de  leze-majesté  et  condamnés  pour  iceux. 


'  Ce  CoUeville  serv«it  d'intermédiaire 
entre  les  Ecossais  et  l'abbé  Cbambre,  au- 
mônier du  cardinal,  pour  la  correspon- 
dance secrète  que  Richelieu  avait  établie 
entre  lui  et  les  mécontents  de  la  Grande- 
Bretagne.  On  voit  par  la  lettre  de  Riche- 
lieu à  Chavigni,  du  4  mai,  que  CoUeville 
était,  à  cette  date,  arrêté  en  Angleterre, 
pour  le  fait  de  ladite  correspondance.  Cette 
lettre  est  donc  antérieure  au  U    mai ,  à 


moins  qu'on  ne  suppose  que  CoUeville  s'é- 
tait échappé  et  que  c'est  après  celte  éva- 
sion que  l'ambassadeur  d'Angleterre  le  ré- 
clame. Il  faudrait  pouvoir  éclaircir  ce  point 
pour  fixer  la  date  précise  de  cette  lettre. 
N'ayant  aucun  moyen  de  la  classer  régu- 
lièrement, nous  la  rapprochons  de  celles 
du  4  et  du  5  mai ,  où  il  est  question  de 
cette  affaire. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  689 


CCCXXXIX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  io3.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  CHAVIGNY. 

De  Reaumont ,  ce  i  mai  i6io. 

J'envoye  à  monsieur  de  Chavigny  une  lettre  qu'on  a  envoyée  d'An- 
gleterre à  de  Chambre  \  qu'on  dict  estre  la  copie  de  celle  que  le 
lieutenant  d'Erskih  a  apportée  à  M'  de  Bellièvre. 

Le  roy  d'Angleterre  a  faict  prendre  le  sieur  de  Colvile  ^,  qui  esloit 
porteur  de  l'original  de  la  d.  lettre,  pareille  à  celle  qu'a  l'homme  de 
M'  de  Bellièvre.  Led.  roy  en  a  faict  lecture  publique  en  son  conseil, 
ensuitte  de  quoy  il  a  dict  qu'il  croyoit  que  le  roy  n'en  sa  voit  rien,  et 
qu'il  se  tenoit  asseuré  de  son  amitié. 

Par  l'événement  M'  de  Bellièvre  cognoistra  que  nous  avons  esté 
plus  sages  que  luy. 

On  sçait  en  Angleterre  que  le  gentilhomme  qui  l'est  venu  trouver 
est  icy,  c'est  à  luy  à  prendre  garde  qu'on  ne  le  prenne  au  retour, 

'  Dans  le  manuscrit  cité  aux  sources  se  rester,  Rolhes  ,  Monlro$e,   Nfontgomeri. 

trouve  (fol.  93)  une  pièce  au  dos  de  laquelle  '  Richelieu  fil  annoncer  par  la  Gazette 

on  lit  :  a  Traduction  de  l'instruction  don-  du  la  mai,  sous  la  rubrique  de  Londres, 

née  au  s'  Colvil,  envoyé  par  les  seigneurs  30  avril,  l'arreslation  de  ce  personnage  : 

d'Escosse.  »  C'est  sans  doute  la  lettre  dont  «  Les  Escossois  ont  fait  une  déclaration  qui 

il  est  ici  question.  Dans  celte  instruction  a  esté  bruslée  par  autliorité  du  magistrat, 

sans  date,  et  classée  avant  le  17  avril,  les  et  d'autant  que  le  s'  de  Colvil,  frère  du 

Ecossais  exposent  au  roi  très-chrétien  leurs  baron  deCleische,  du  raesme  pays,  s'en 

griefs  contre  le  roi  d'Angleterre,  et  ils  lui  est  trouvé  saisi,  il  a  esté  mis  dans  la  tour 

demandent  assistance ,  au  nom  de  l'an-  de   celle  ville   avec  le  milord    Lowdoun 

cienne  amitié  qui  unit  les  deux  pays.  —  Cambell ,  l'un  des  quatre  députés  d'Es- 

Une  copie  de  la  lettre  qui  accrédite  Colvil  cosse.  •  Mais  la  Gazelle  se  tait,  comme  on 

auprès   du   roi  est   également  conservée  peut  croire,  sur  la  letlre  dont  il  est  ici 

dans  notre  manuscrit  (fol,  90).  Cette  co-  question  et  qui  se  rapportait  aux  relations 

pie  est  sans  date  ;  les  seigneurs  qui  ont  que  Richelieu  pouvait  avoir,  par  l'interroé- 

signé  sont  :  Leslee,  Mar,  Loudoun,  Fo-  diaire  de  l'abbéChambre,  avec  les  Écossais 

CARDIN.  DE  niCIIELIF.U.  —  VI.  '  87 


690  LETTRES 

et,  à  M'  de  Chavigny,  à  luy  faire  une  response  sy  précaulionée  que,  si 
elle  vient  à  estre  descouverte,  elle  ne  puisse  eslre  mal  interprétée. 
Monsieur  de  Chavigny  avisera,  avec  le  d.  s"  de  Bellièvre,  s'il  faudra 
retenir  la  d.  lettre,  ou  la  renvoyer.  Je  croy  qu'en  Testât  où  sont  les 
choses  il  vaut  mieux  la  renvoyer,  et  donner  bonnes  paroles,  telles 
toutesfois  qu'elles  ne  puissent  estre  mal  expliquées  du  roy  d'Angle- 
terre, si  elles  viennent  à  estre  descouvertes. 


CCCXL. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Angleterre,  i64o-i64i,  t.  48,  fol  io5.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Charpentier. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI.] 

De  ReaumoDt,  ce  5  inay  i64o. 

Depuis  vous  avoir  escrit  hier  sur  le  sujet  du  s''  de  Colville  arresté 
prisonnier  en  Angleterre,  l'espion  que  vous  sçavez  qui  nous  donne 
de  bons  avis,  nous  a  confirmé  le  premier  que  nous  en  avions  eu. 

Si  l'homme  qui  a  parlé  à  M'  de  Bellièvre  n'est  point  encore  party, 
comme  je  ne  le  croy  pas,  il  est  besoin  de  luy  faire  sçavoir  qu'on 
l'attend  dans  tous  les  ports  pour  le  prendre,  et  que  son  compagnon, 
c'est-à-dire  celuy  qui  avoit  eu  pareille  commission  que  luy,  nommé 
Colville,  est  desjà  pris.  11  ne  faut  pas  que  cette  nouvelle  luy  soit  dicte 
par  M' de  Bellièvre,  mais  par  quelque  autre,  afin  que,  si  venant  à  estre 
arresté  il  dict  la  response  qu'on  luy  aura  faicte,  on  ne  croie  pas  qu'on 
luy  aura  faicte  telle  qu'il  l'aura  receue ,  parce  qu'on  sçavoit  desjà  qu'il 
estoit  descouvert.  " 

Quant  à  la  response,  il  est  certain  que,  plus  j'y  pense,  plus  faut-il 
estre  soigneux  de  la  rendre  telle  que  les  Anglois  n'y  puissent  trouver 
à  redire.  Je  vous  prie  donc  d'y  bien  penser,  et  instruire  si  bien  M'  de 
Bellièvre  qu'il  ne  mette  pas  enjeu  une  production  de  son  esprit,  au 
lieu  de  ce  que  la  prudence  doit  suggérer  en  cette  occasion. 

Je  vous  escrivis  aussy  hier  de  la  lettre  que  l'ambassadeur  d'Angle- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  691 

terre  avoit  envoyée  au  roy.  J'attribue  le  style  à  l'élégance  de  cette 
nation  et  non  à  autre  dessein,  le  d.  espion  nous  faisant  cognoistre 
qu'ils  n'ont  pas  envie  de  se  brouiller  avec  aucune  des  couronnes. 


CCCXLI. 
Arcli.  des  Aff.  étr.  France,  i64o,  sept  premiers  mois ,  fol.  i33.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  MAZARINI, 

À  PARIS. 

De  Naiiteuil,  ce  8°  may  iSio. 

Le  roy  envoyant  en  Italie  le  s''  de  Chanlelou,  commis  de  M'  do 
Noyers,  pour  faire  recherche  des  plus  exceliens  peintres,  sculpteurs, 
architectes  et  autres  fameux  artisans,  et  les  faire  venir  en  France,  je 
conjure  monsieur  Mazarin  de  luy  vouloir  donner  des  lettres  pour  ses 
amis  à  Rome,  afin  d'as.sister  le  dict  Chantelou  et  faciliter  l'exécution 
du  commandement  que  S.  M.  luy  a  faict  sur  ce  sujet. 

Je  le  conjure  aussy  de  faire  retarder  le  deppart  de  M''  son  beau- 
frère,  pour  un  jour  ou  deux  seulement,  afin  que  le  dict  s'  de  Chan- 
telou puisse  avoir  l'honneur  d'aller  avec  luy  jusques  à  Rome. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

« 

CCCXLIF. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64o,  sept  premiers  mois,  fol.  i63.  —  ■ 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION: 

POUR   M.  ROUTHILLIER, 

SCnlNTBNDAKT  DES  FINANCES,  À  PAHIS   '. 

De  Soissons,  ce  iS'  may  16^0. 

Vous  me  ferés  très-grand  plaisir  d'asseurer  la  reyne  que,  quoy 

'  La  lettre  de  Boulbillier  à  laquelle  cel-  des  Affaires  étrangères  au  fol.  227;  on  l'a 
le-ci  répond  se  trouve  dans  le  manuscrit        classée  à  la  fin  du  mois  de  mai  parce  qu'elle 

.      •  87. 


692 


LETTRES 


qu'on  me  die  d'elle,  je  ne  croiray  que  ce  que  je  devray,  n'y  ayant 
personne  qui  me  peust  porter  à  aucune  chose  qui  luy  puisse  estre 
désagréable.  Je  respecte  sa  personne  et  sa  qualité  pour  beaucoup  de 
considérations  sy  puissantes,  qu'il  me  seroit  impossible,  quand  je 
voudrois,  de  faire  autre  chose  que  ce  à  quoy  je  suis  résolu,  qui  est 
de  la  servir  en  toutes  occasions,  comme  je  doibs. 

Je  remercie  M'  de  Brassac  et  M"^  Le  Gras  du  soin  qu'ils  ont  de  m'y 
rendre  de  bons  offices,  et  prie  Dieu  qu'il  me  face  la  grâce  de  la  pou- 
voir servir.  Je  m'asseure  que  sa  conduitte  sera  telle  qu'elle  n'en  aura 
point  besoin,  ou  qu'au  moins  elle  donnera  lieu  à  ses  serviteurs  de 
luy  rendre  les  bons  offices  auprès  du  roy  qu'elle  pourra  souhaitler'. 

Le  roy  part  demain  pour  aller  à  Charleville.  Je  croy  que  M"^  de 
La  Melleraie  ouvre  sa  tranchée  aujourd'huy. 


manque  de  quantième,  maison  voit  qu'elle 
a  été  écrite  un  peu  avant  le  1 8.  Cette  lettre 
de  Boutliillierdilàpeuprèsia  même  chose 
que  celle  de  M.  de  Brassac  que  nous  adlons 
citer. 

'  Richelieu  se  hâta  décrire  cette  lettre 
après  en  avoir  reçu  une,  du  même  jour, 
de  M.  de  Brassac;  celui-ci  mandait  :  «La 
reyne  a  donné  charge  à  M' Le  Gras  (secré- 
taire des  commandements  d'Anne  d'Au- 
triche) dedireàM.Bouthillier,  à  ma  femme 
et  à  moy,  qu'elle  avoitsceu  queV.Em.  avoit 
beaucoup  de  mescontentement  d'elle,  sur 
ce  qu'onjuy  avoit  rapporté  qu'après  l'af- 
faire de  Chemerault,  elle  avoit faict  beau- 
coup du  plaintes  de  V.  Em.  et  lesmoigné 
de  grands  ressentimens ,  sur  quoy  elle  pro- 
testa aud.  s'  Le  Gras,  les  larmes  aux  yeux, 
que  jamais  elle  n'avoit  parlé  de  cela,  ni 
seulement  eu  la  pensée;  et  que  si  elle  avoit 
sceu  que  c'estoit  l'avis  de  V.  Em.  et  que 
plustost  le  roy  luy  eust  faicl  paroistre  son 
intention,  elle  ne  se  fust  point  opiniastrée 
de  la  faire  mettre  sur  son  estât.  Elle  ajousta 
beaucoup  de  doléances  touchant  ceux  qui 


font  ces  rapports,  sans  les  nommer 

L'opinion  de  Jasmin  (  M'  de  Brassac  ) , 
d'Aminte  iM""de  Brassac] ,  el  de  La  Rose 
(M'  Le  Gras),  est  qu'elle  dict  vray  en  cet 
affaire ,  qui  l'a  bien  fort  touchée. . .  »  Quatre 
jours  après,  le  aa  mai;  M.  de  Brassac 
écrivait  de  nouveau  :  n  La  joyeque  la  reyne 
faict  paroistre  sur  son  visage  depuis  tant  de 
tesmoignage  de  bonne  volonté  que  S.  Em. 
luy  rend,  faict  voir  le  contentement  qu'elle 
a.  Hier  au  soir  Aminte,  entretenant  Diane 
(la  reine)  après  qu'elle  eut  escrit  à  Marc- 
Antoine  (le  cardinal),  luy  dist  qu'afin  que 
sa  satisfaction  fust  fousjours  grande  elle 
devoit  laisser  ces  petits  entretiens  de  peu 
de  conséquence,  puisque  sa  condition, 
son  agr.  Testât  où  elle  esloi  t  requéroient  des 
choses  plus  solides,  ce  qu'elle  advoua,  ay- 
dant  à  dire  les  raisons,  el  combien  les 
bonnes  volontés  de  Marc-Antoine  luy  es- 
toient  nécessaires;  à  quoy  l'autre  adjousta 
que,  pour  son  seul  bien,  il  y  falloit  une 
confiance  absolue  . .  Les  chrisoHtes  sont 
dans  une  obéissance  telle  qu'on  sçauroit 
désirer,  estant  toutes  icy  à  leur  devoir,  et 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


693 


CCCXLIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Elspagne,  l.  ao.  —  Copie. 
Bibl.  imp.  Mélanges  de  Colberl ,  t.  27,  fol.  56  v°.  —  Copie. 

A  M.  PAUL  FIESQUE. 

Du  20"  may  i6io. 

Monsieur,  l'Eslat  auquel  M'  Scoti  est  avec  le  roy  ne  me  permet- 
tant pas  de  luy  escrire  comme  je  ferois  sans  cela,  je  m'adresse  à  vous 
à  ce  que  vous  luy  fassiés  entendre  la  response  que  je  puis  faire  à  la 
lettre  qu'il  m'a  faict  la  faveur  de  m'escrire;  je  désire  la  paix  avec  tant 
de  passion  qu'il  n'y  a  rien  que  je  ne  veuille  faire  en  mon  particulier 
pour  une  sy  bonne  fin. 

femme  à  luy  escrire.  Ayant  continué  de  me 
parler  en  la  mesme  façon  et  en  la  mesnie 
disposition ,  voire  encores  meilleure ,  s'il  se 
peut,  que  j'ay  eu  l'honneur  de  vous  man- 
der par  cy-devant Saint -Germain  ce 

2  5  juin.  »  M""deChevreuse  était  alors  plus 
suspecte  que  jamais.  On  avait  fait  récem- 
ment d'inutiles  tentatives  pour  la  ramener 
en  France  (ci-dessus,  p  687),  elle  s'était 
sauvée  de  Londres  dans  les  Pays-Bas*";  et 
c'est  de  là  qu'elle  avait  écrit  à  la  reine. 
Comment  sa  lettre  passait-elle  par  les  mains 
de  Richelieu  ?  L'avait-il  interceptée?  Dans 
tous  les  cas,  s'il  avait  voulu  tenter  une 
épreuve  en  la  faisant  remettre  à  Anne 
d'Autriche,  ce  n'est  pas  de  M.  de  Brassac 
qu'il  se  aérait  servi.  La  reine,  à  son  tour, 
était  trop  prudente  pour  se  laisser  prendre 
à  un  piège  ainsi  tendu. 


ce  changement  faict  bien  paroistre  com- 
bien Amarilis  *  troublait  toute  la  troupe  ".  » 
Le  mois  suivant  M.  de  Brassac  rendait  de 
nouveau  bon  témoignage  des  dispositions 
de  la  reine,  dans  une  lettre  assez  cuiieuse, 
que  nous  trouvons  encore  dans  notre  ma- 
nuscrit (fol.  3 10)  :  «  Monseigneur,  j'ay 
recen  à  ce  soir  celle  qu'il  vous  a  pieu  me 
faire  l'honneur  de  m'escrire,  et,  suivant 
voslre  commandement,  j'ay  présenté  à  la 
reyne  la  lettre  que  M"'  de  Chevreuse  luy 
escrit,  de  laquelle  à  peine  a  elle  leu  le 
dessus  qu'elle  me  l'a  rendue,  et  m'a  dict 
qu'elle  n'avoit  garded'ouvrir  la  lettre  d'une 
personne  qui  se  gouvernoit  comme  elle 
faict,  et  qui  estoit  au  lieu  où  elle  est.  Et 
tout  aussy  tost  s'est  résolue  d'escrire  à 
V.  Ém.  sur  cela,  et  de  renvoier  cette  des- 
pesche  close.  Elle  a  adjoustéqu'elle  nesçayt 
quelle  fantaisie ,  ou  artifice ,  a  poussé  cette 

*  kLcs  chrisolitcs »  sonL  sans  doute  tes  fîllps  d'hon- 
neur de  la  reine ,  et  Amarilis ,  M"°  de  Chemcr.iult , 
qui  avait  ëté  rt-cemmcnt  renvoyée  clicz  elle. 

'*  Les  deux  lettres  de  M.  de  Brassac  sont  conservées 
dans  le  manuscrit  cit   aux  sources,  fol.  iG6  et  iç^i. 


•*•  Nous  lisons  dans  la  correspondance  de  Henri 
.Arnauld,  <|ue  nous  avons  ptuï>ieurs  fois  citée  :  «Mad. 
de  Chevreuse  n'a  point  voulu  aller  à  Bruxelles;  ou 
luy  a  donné  Bruges  pour  sa  demeure.»  [Date  du 
3o  mai,  fol.  gS.) 


694  LETTRES 

J'ay  représenté  au  roy  ce  que  M' le  Nonce  d'Espagne  dict  luy  avoir 
esté  respondu  par  M'  le  comte  d'Olivarez  sur  le  sujet  de  la  proposi- 
tion de  la  trefve  générale  qui  luy  a  esté  faicte,  par  ordre  de  S.  S., 
S.  M.  persistant  tousjours  en  un  mesme  dessein,  contribuera  volon- 
tier  ce  qui  deppendra  d'elle  pour  procurer  la  d.  trefve,  qui  produira 
infailliblement  la  paix. 

Deux  difficultés  s'y  rencontrent  présentement  à  ma  cognoissance , 
qui  ne  me  mettent  pas  en  peine  parce  qu'elles  sont  aisées  à  lever; 
l'une  est  la  concession  des  passeports  à  M"  les  Estats  d'Hollande  qui 
ne  les  ont  pas  encores  du  cardinal  infant  à  leur  satisfaction;  et  l'autre 
est  le  déni  qu'on  a  faict  jusques  à  présent  de  celuy  de  M' l'électeur 
de  Trêves,  ce  qui  intéresse  d'autant  plus  S.  S.  que  c'est  un  électeur 
non  seulement,  mais  ecclésiastique,  qu'elle  a  pris  en  sa  protection, 
et  auquel  le  roy  d'Hongrie  ne  peut  refuser,  avec  une  apparence  de 
justice,  ce  qu'on  demande  en  sa  faveur. 

Je  m'asseure  que  S.  S.  fera  vider  aisément  la  difficulté  qui  regarde 
M'  l'électeur  de  Trêves  ;  et  que  les  Espagnols  voudront  d'eux-mesmes 
donner  satisfaction  à  M"  les  Estats;  je  présuppose  qu'on  ait  satisfaict 
aux  demandes  de  la  couronne  de  Suéde,  sur  le  sujet  de  leurs  passe- 
ports et  de  leurs  alliez  en  Allemagne,  ce  dont  M"'  le  légat  peut  avoir 
particulière  cognoissance.  Le  roy  avertira  sans  délay  ses  alliez  du  con- 
tenu en  la  response  du  roy  d'Espagne  pour  les  disposer  à  passer  plus 
outre,  lorsque  les  difficultés  seront  levées;  les  plénipotentiaires  de 
S.  M.  sont  tous  prests.  Pour  moy,  je  souhaitte  sy  passionnément  la 
paix  que,  s'il  ne  tcnoit  qu'à  donner  de  mon  sang  pour  l'establir  elle 
le  seroit  bien  tost;  vous  le  croirés,  je  m'asseure,  et,  de  plus,  que  je 
suis.  .  . 

Faict  à  Soissons,  le  20  mai  i64o. 


DU  CAFfDINAL  DE  RICHELIEU. 


695 


CCCXLIV. 

Arch.  des  AIT.  élr.  France,  16A0,  sept  premiers  mois,  fol.  224-  — 
Original ,  sans  signature,  en  partie  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGM'.] 

.  .  .May  i64o. 

Après  avoir  leu  toute  la  despesche  envoyée  par  P.  ^  je  ne  veoy  point 
d'autre  response  à  luy  faire  que  de  luy  envoyer  le  passeport  pour  le 
s"  Jacques  Brecht^,  en  la  forme  qu'il  s'en  suit  : 

Le  roy  ayant  esté  requis  d'octroyer  un  passeport  au  s^  Jacques  Brecht 
pour  passer  d'Espagne  en  Flandres  mande  et  ordonne,  etc.  ' 

On  vous  envoie  la  lettre  pour  Puj.  toute  faicte,  vous  n'aurés  qu'à 
mettre  le  d.  passeport  dans  le  paquet  que  vous  cachetterés  du  cachet 
que  Ross.*  vous  envoie,  avec  les  enveloppes  escrites  de  sa  main. 


'  Celle  pièce  n'a  ni  signature,  ni  sus- 
criplion  ;  les  mots  :  «  mgr  le  cardinal ,  » 
écrits  au  dos  par  Cfaavigni,  tiennent  lieu 
de  l'une  et  de  l'autre. 

'  Sur  Pujol,  vovez  ci-dessus,  p.  a4o. 
J'ai  trouvé  dans  les  archives  de  Simanca.s 
beaucoup  de  pièces  relatives  aux  négocia- 
lions  secrètes  de  ce  Pujol  (que  les  Espa- 
gnols écrivent  Puxol)  ;  ce  sonl  des  lettres , 
mémoires  ou  noies  de  Boulliillier  (Clia- 
vigni),  du  comte-duc,  que  Pujol  trans- 
met, soit  dans  leur  texte,  soit  en  traduc- 
tion, quelquefois  en  simple  analyse,  et 
accompagnées  de  ses  réflexions.  Presque 
tous  ces  documents  sont  réunis  sans  ordre 
dans  les  liasses  A  3 1  et  Sa .  Arch .  de  l' Em- 
pire ,  K  i36a. 

'  Celait  un  agent  dont  se  servait  Pu- 
jol; il  ne  larda  pas  à  arriver  en  France; 

Chavigui  lui  écrit  le  6  juin  :  « Deux 

heures  après  avoir  receu  voslre  lettre  , 
qui  m'a  esté  rendue  ce  malin,  on  des- 
pesche ce  gentilhomme  pour  vous  con- 


duire au  lieu  où  vous  voulés  venir.  Vous  y 
serés  le  très-bien  receu,  et  on  escoutera 
fort  favorablement  ce  qu'il  vous  plaira  de 
dire. . .  •  Chavigni  ajoute  que  les  lettres  de 
Pujol  des  8 ,  16  et  ik  mai  n'ont  pas 
averti  de  l'arrivée  de  Brecht ,  «  sans  cela 
il  auroit  trouvé  un  homme  pour  l'allendre 
à  son  arrivée  à  Orléans.»  (Arch.  des  Aff. 
étr.  Espagne,  t.  ao.)  Le  même  manuscrit 
donne  une  :  i  Relation  de  l'entrevue  de 
M'  Brecht,  envoyé  d'Espagne,  avec  le  car- 
dinal, le  i3  juin.  »  On  y  voit  que  Brecht 
pnrtit  de  Blérancourt  à  deux  heures  du 
matin.  C'est  une  pièce  de  neuf  feuillets, 
mise  au  net  par  un  secrétaire  de  Chavigni. 
Elle  est  suivie  d'un  «  avis  du  cardinal  sur 
ce  sujet  »  Pièce  de  huit  pages  écrite  de 
la  main  de  Cherré.  La  relation  envoyée  à 
Madrid  se  trouve  dans  les  archives  de  Si- 
mancas  (liasse  citée,  pièce  17'). 

'  Ici  Cherré  quitte  la  plume. 

'  Rossignol  ;  on  sait  que  c'était  le  se- 
crétaire du  chiffre  dans  le  cabinet  de  Ri- 


696  LETTRES 


CCCXLV. 

Arch.  de  Condé,  n°  1^6.  —  Communicalion  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

SUSCRIPTION; 

A  M.  LE  PRINCE. 

lojuin  i64o. 

Monsieur,  ,  Il 

est  impossible  de  douter  de  vostre  affection,  après  le  soin  que  vous 
apportés  aux  quartiers  où  vous  estes  pour  le  service  du  roy  et  le 
bien  de  ses  affaires.  M'  de  Noyers  vous  faict  sçavoir  particulièrement 
la  satisfaction  qu'en  a  Sa  Majesté,  et  les  résolutions  qu'elle  a  prises 
sur  le  contenu  de  vos  dépesches,  ce  qui  m'empesche  de  vous  en 
mander  aucune  chose  par  ces  lignes.  Je  me  contenteray  seulement, 
Monsieur,  de  vous  parler  de  mons""  le  duc  d'Anguien,  duquel  vous 
devés  avoir  une  entière  satisfaction.  M'  de  La  Mclleraie  ne  m'escrit 
jamais  qu'il  ne  me  rende  un  si  bon  tesmoignage  de  sa  conduitte,  de 
sa  prudence  et  de  son  courage,  qu'il  ne  s'y  peut  rien  adjouster.  Il  a 
esté  depuis  peu  couvert  de  sang  d'un  coup  de  canon  qui  donna  dans 
la  fesse  du  cheval  de  M'  de  La  Meilleraie,  dont  il  estoit  fort  proche  '. 
Je  ne  veui  pas  aussy  oublier  à  vous  mander  que  la  guerre  ne  l'em- 
pesche  pas  de  penser  à  sa  petite  maistresse,  et  qu'il  luy  a  faict  l'hon- 
neur de  luy  escrire  depuis  peu,  avec  beaucoup  de  civilité.  Enhn 
toutes  les  qualitez  qu'on  peut  désirer  en  un  prince  de  son  âge  se 
rencontrent  en  luy  en  un  degré  tel  que  vous  en  aurés  tousjours  beau- 
coup de  contentement.  Le  plus  grand  que  je  pourrois  recevoir  seroit 
de  rencontrer  de  bonnes  occasions  de  le  servir,  et  de  vous  tesmoigner, 

chelieu  (Voy.  la  préface,  p.  xxu.)  Ajou-  tements  assez  considérables  pour  l'époque, 
tons  que  nous  le  trouvons  porté  sur  un  '   La  Gazelle  du  2  juin  en  avait  donné 

étal  de  gages  d'offices,  de  l'année   i54i.  la  nouvelle  sous  la  rubrique  de  Soissons, 

pour  six  mille  écus.  C'étaient  des  appoin-  28  mai. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  697 

en  vostre  particulier,  l'estime  que  je  fais  de  vostre  personne,  et  que 
je  suis  véritablement,  autant  qu'on  le  peut  estre. 

Monsieur,  - 

Vostre  bien  humble  et  très  affecliouné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU'. 
De  Blérancourt  ^,  ce  lo  juin  i64o. 


CCCXLVI. 
Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i6/4o,  sept  premiers  mois,  fol.  257.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

A  MADAME  BOUTHILLIER, 

LA  StHINTENDANTE   ACX  CAVt.S. 

.  12  juin. 

Madame,  Ayant  apris  que  les  méde- 

cins qui  vous  traitent  vous  ont  ordonné  de  prendre  les  bains  de 
Bourbon,  et  qu'ilz  estiment  tous  que  ce  remède  est  le  plus  souverain 


'  Quelques  jours  auparavant ,  le  38  mai , 
Kiclielieu  avait  chargé' la  duchesse  d'Ai- 
guillon de  dire  à  madame  la  Princesse, 
'  que  M' d'Anguin  se  conduit  dans  l'armée 
avec  tout  le  lesmoignage  d'esprit,  de  ju- 
gement et  de  courage  qu'elle  sçauroil  dé- 
sirer. Il  a  esté  depuis  six  jours  tout  cou- 
vert de  sang Il  ne  quitle  jamais  M'  de 

La  Meilleraiequand  il  fault  alleren  quelque 
lieu  périlleux,  quelque  instance  que  M' de 
La  Meilleraie  luy  en  face. .  .  Vous  luy  dires 
encore  que  la  guerre  ne  l'euipesche  pas 
de  songer  à  l'amour.  Il  a  cscript  à  sa  mais- 
tresse,  et  avoit  envoyé  un  gentilhomme 
pour  l'aller  trouver, lequel  j'ay  arresté  icy, 
me  contentant  de  luy  envoyer  sa  lettre, 
ce  que  j'ay  faict  »  (Arch.  de  Gondé  j 

^  Le  villagp  de  Blérancourt  est  situé  sur 
la  limite  des  anciennes  provinces  de  l'Ile- 
de-France  et  de  Picardie ,  non  loin  de  Com- 


piègne.  Bernard  Potier  en  était  seigneur. 
Richelieu  a  été  quelquefois  l'hôte  du  châ- 
teau ;  nous  l'y  trouvons  en  ce  moment 
pendant  plus  d'un  mois,  et  nous  avons 
une  de  ses  lettres  adressée  à  M""  de  Blé- 
rancourt elle-même  vers  la  lin  de  juin 
«  La  lettre  qu'il  vous  a  plu  m'escrire ,  lui 
dit-il,  m'a  donné  une  joye  d'autant  plus 
grande,  qu'elle  me  faict  cognoistre  que 
vous  n'avés  pas  désagréable  le  long  séjour 
que  je  fais  à  Blérancourt,  non  plus  que  la 
liberté  que  j'ay  prise  de  vous  convier  de 
l'achever.  Un  sy  beau  commencement  mé- 
rite de  recevoir  sa  perfection  de  vostre 
main;  et,  si  je  désire  qu'il  n'y  ait  rien  a 
refaire  en  vostre  maison ,  je  demande  à 
Dieu  qu'il  en  soit  de  mesme  en  vostre 
santé ,  que  je  vous  souhaitle  entière ,  comme 
e.>itant,  etc.  »  (Notée  à  la  fin  du  volume.) 


CARni.XI.  DE  niCHr.l.lKU 


88 


698  LETTRES 

dont  vous  puissiés  user  en  Testât  où  vous  estes,  pour  vostre  guérison, 
je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  conjurer,  non  seulement  de  vous 
conformer  à  leurs  avis  et  les  suivre ,  mais  aussy  de  n'y  perdre  aucun 
temps  et  de  partir  le  plus  tost  que  vous  pourrés,  puisque  de  ce  voiage 
deppend  le  recouvrement  de  vostre  santé,  et  celuy  de  l'usage  de 
vostre  bras  '.  Je  ne  vous  dis  point  le  desplaisir  extresme  que  j'ay  des 
douleurs  que  vous  ressentes,  et  de  l'incomodité  que  vous  en  recevés, 
parce  qu'il  vous  sera  aisé  de  le  juger  par  l'affection  que  j'ay  tousjours 
eue  pour  vous  et  pour  tout  ce  qui  vous  louche.  Je  vous  conjure  de 
croire  qu'elle  sera  tousjours  telle  que  vous  la  pouvés  désirer  d'une 
personne  qui  est  véritablement, 

Madame, 

Vostre  très  aBectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Blérancourt,  ce  i  2  juin  i6/to. 

Ma  niepce  de  Brézé  trouvera  icy  le  souvenir  que  j'ay  d'elle,  et  le 
désir  que  j'ay  qu'elle  croisse  en  beauté  et  en  sagesse. 


CCCXLVn. 
Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  M«'  le  duc  d'Aumalo.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

A  MONSIEUR  MONS.  DE  BULLION, 

CONSEILLER  DU  ROY  EN  SES  CONSEILS  ET  SURINTENDANT   DES  FINANCES,  À  PARIS. 

18  juin. 

Monsieur,  je  ne  veux  pas  manquer  de  me  resjouir,  avec  vous,  de 
l'accouchement  de  vostre  belle  lille,  qui,  vous  ayant  donné  les  pré- 
mices de  son  sexe,  vous  donnera  ensuite  ce  que  vous  pouvés  désirer. 

Ensuitte,  en  vous  donnant  avis  du  siège  d'Arras,  commencé  le 

'  Dans  une  autre  lettre  du  cardinal  à  (p.  31 4) ,  il  est  déjà  question  de  ce  mal 
M""  Bouthillier,  du  mois  d'octobre  i638        de  bras,  «dont  je  suis  en  peine,  ?  disait-il. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  699 

I  3  de  ce  mois,  je  vous  conjure  d'envoyer  en  poste  ce  coquin  de  Roze  ' 
à  Amiens  et  à  Dourlans,  où  il  n'y  a  ny  un  grain  de  bled  de  sa  part, 
ny  un  sol  pour  en  acheter.  Je  confesse  rjue  tels  gens  sont  capables 
de  faire  perdre  la  tramontane  au  plus  prudent  pilote  du  monde,  et, 
passé  cette  année,  rien  au  monde  n'est  capable  de  me  faire  fier  en 
de  telz  affronteurs.  Faites-le,  s'il  vous  plaist,  et  vous  asseurés  que 
je  suis. 

Monsieur, 

Vostre  très  affectionné  à  vous  rendre  service. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

A  Blérancourt,  ce  18  juin  i64o. 


CCCXLVIII. 

Cabinet  de  S;  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumaie.  — 
Original,  sans  signature,  de  ia  main  de  Cherré. 

[A  M,  DE  NOYERS^^ 

DeMagni,  ce  iSjiiin  i6âo. 

Je  suis  très  aise  que  les  affaires  d'Arras  s'avancent  comme  vous 
me  le  mandés. 

J'espère  que  vostre  voiage  à  Amiens  hastera  et  les  voitures  du  pain, 
et  pourvoiera  sy  bien  aux  charrois  que  nous  en  aurons  à  revendre. 

Il  ne  se  peut  mieux  pourvoir  que  vous  avés  faict  aux  six  mile 
hommes  qu'on  demandé. 

Après  avoir  pensé  aux  costez  de  deçà,  il  ne  faut  rien  oublier  pour 
pourvoir  aux  affaires  d'Italie,  dont  la  longueur  du  siège  de  Thurin 
me  fasche  par  prévoyance  '. 

'  L'afiaire  fit  du  bruit  à  Paris,  Henri  ''  La  suscriplion  manque.   De  Noyers 

Arnauld  écrivait  au  conseiller  Barillon,  était  en  ce  moment  à  Amiens, 

dès  le  a5  mai;  «Roze  a   couru   fortune  '  Le9dejuinIUcl1elieuecrivailaM.de 

d'eslre  ruiné,  pour  avoir  laissé  manquer  LaCour,envoyédeFranceprèsladucliesse 

de  pain  l'armée  de  M'  de  La  Meilleraie.  d  de  Savoie,  lequel  avait  mandé  que  «  Ma- 

88. 


700  LETTRES 

S'il  se  peut  adjouster  quelque  chose  aux  diligences  pour  faire  passer 
les  six  régimens  de  M' de  Bordeaux  et  le  reste  des  recrues ,  il  le  faut  faire. 

Si  mesme  il  y  avoit  lieu  d'y  en  faire  passer  davantage ,  j'y  donne- 
rois  les  mains  de  bon  cœur,  sans  réserver  le  régiment  de  Normandie, 
que  je  voudrois  qui  y  fust  sauté  comme  les  autres  ^ 

Si  les  secretz  que  vous  avés  de  diligence  vous  fournissent  quelques 
expédiens  en  ce  sujet,  je  vous  conjure  de  vous  en  servir.  M'  d'Har- 
court  m'escrit  aussy  pour  quelque  manque  qu'il  y  a  à  l'argent  dont 
il  dict  qu'il  vous  escrit  au  long,  je  vous  prie  d'y  donner  ordre,  et 
mesme ,  s'il  faut  pour  une  telle  affait-e  plus  de  fonds  qu'on  n'a  préveu, 
je  m'asseure  que  M'  de  Bull  ion,  cognoissant  l'importance  de  Turin, 
ne  fera  point  de  difficulté  de  le  fournir;  et,  s'il  ne  le  peut  pas  faire, 
je  consens  qu'il  soit  pris  de  nostre  petit  fonds,  et  vous  prie  ne  i'es- 
pargner  pas.  Vous  asseurant,  comme  vous  sçavés  bien,  que  je  don- 
nerois  de  bon  cœur  de  mon  sang  pour  que  ces  deux  entreprises  de 
Thurin  et  d'Arras  réussissent  à  l'avantage  du  service  du  roy. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Je  seray  ravy  que  le  bénéfice  que  mons'  Le  Roy^  désire  pour  son 

frère  réussisse  à  son  contentement. 

Rossignol  travaille  à  deschifFrer  les  lettres  que  vous  avés  envolées. 

dame  esloil  maintenant  en  disposition  de  fesse  que  j'en  suis  outré,  et  que  je  ne  sçays 
s'unir  entièrement  aux  intérests  du  roy,  et  plus  quel  jugement  faire  des  intentions  de 
de  suivre  les  conseils  que  S.  M.  et  ses  ser-  Madame  après  un  tel  abandonnemenl.  Je 
yiteurs  luy  donneront  pour  son  bien —  »  vous  conjure  de  luy  représenter  le  préju- 
«  Mais,disaitRichelieu,elleyaestéjusques  dice  qu'elle  faict  aux  affaires  générales  et 
iey  si  peu  sensible,  que  j'apréliende  que  aux  siennes  par  une  telle  conduitte,  la- 
ie changement  qui  paroist  en  son  esprit  quelle  est  capable  de  faire  perdre  l'entre- 
ne  soit  que  dans  l'apparence,  et  qu'elle  prise  de  Turin ,  etc. ..»  Celle  lettre  à  M.  de 
ne  veuille  pas  en  effect  sortir  du  précipice  La  Cour,  que  nous  noterons  aux  Analyses , 
où  elle  est  tombée  par  sa  faute.  »  Richelieu  a  été  imprimée. 

se  plaint  que  la  duchesse   n'assiste  pas  '  Richelieu  avait  écrit  à  l'archevêque 
comme  elle  devrait  M.  le  C.  d'Harcourt,  de  Bordeaux  qu'on  lui  laissait  le  régiment 
«  en  l'exécution  d'un  dessein  où  S.  A.  a  le  de  Normandie,  ainsi  qu'il  le  désirait.  (Ci- 
principal  intéresl...  cette  négligence  me  après,  aux  Analyse.^ ,  lettre  du  lo  juin.) 
touche  si  sensiblement  que  je  vous  con-  '  Premier  commis  de  dé  Noyers. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  701 


CCCXLIX. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original. 

SnSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  NOYERS, 

À  AMIENS. 

De  Chaulnes,  ce  ig  [juin],  à  3  heures  du  matin. 

Je  croy  que  l'advence  que  monsieur  de  Noyers  a  faict  à  Amiens 
sera  grandement  utile  pour  Arras,  dont  le  bon  événement  deppend 
de  la  seureté  des  convois  et  de  l'abondance  des  vivres  que  nous 
pouvons  mettre  dans  le  camp. 

Quoyque  nous  ayions  mandé  à  M"  les  généraux  que  les  travaux 
pourroyent  estre  faicts  par  les  soldats,  je  suis  d'advis  que  nous  leur 
envoyions  le  plus  de  paysans  qu'il  sera  possible,  le  plustost  que  nous 
pourrons,  et  avec  bonne  escorte,  et  partant  je  conjure  mons'  de  Noyers 
de  faire  ses  diligences  à  celte  fin. 

J'advoùe  que  Turin  commance  à  me  donner  de  l'inquiétude;  je 
conjure  M'  de  Noyers  de  faire  pourvoir  à  l'argent  qu'il  jugera  y  estre 
nécessaire,  ainsy  que  je  luy  manday  hier,  soit  par  M'  de  Bullion,  soit 
par  nous. 

Quant  aux  troupes  qui  passent,  je  le  prie  aussy  de  ne  plaindre 
pas  un  courrier  pour  mander  à  M'  le  Prince  qu'il  ne  craigne  pas  de 
joindre  Normandie  aux  six  régimens  qu'il  doit  faire  passer  delà  les 
monts,  selon  le  dernier  ordre  qu'on  luy  a  envoyé;  ou,  s'il  n'a  point 
changé  le  premier  ordre  qu'il  avoit  eu  de  comprendre  Normandie  au 
nombre  des  six  régimens  destinés  au  secours  de  Turin,  qu'il  le  suive, 
s'il  luy  plaist,  et  cela  plus  diligemment  qu'il  pourra.  Le  bon  succès 
du  siège  de  cette  place  deppendant  du  temps. 

En  un  mot,  Turin  et  Arras  doivent  estre  l'objet  qu'on  doit  avoir 
devant  les  yeux  pendant  cette  campagne.  Il  ne  faut  rien  oublier  de  ce 
qui  se  pourra  pour  avoir  bonne  fin  de  ces  deux  affaires,  dont  les 
commencemens  sont  fort  beaux. 


702  LETTRES 

Monsieur  de  Noyers  se  souviendra,  s'il  luy  plaist,  qu'il  n'aura  ja- 
mais Luzignan  et  les  autres  régimens  qu'il  faut  faire  venir  à  temps, 
s'il  n'envoyé  des  commissaires  exprès  pour  les  faire  partir  et  les  con- 
duire tout  au  long  du  chemin. 

Il  faut  sommer  M"'  de  Saligny  de  la  promesse  qu'il  a  faicte  d'en- 
voyer deux  mil  hommes  de  Normandie  avec  le  régiment  de  Mont- 
mege.  Je  croy  bien  qu'il  ne  l'accomplira  pas,  mais  nous  verrons  son 

effort. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU, 


CCCL. 

Arch.  de  Contlé.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M''  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

SUSCRIPTION  : 

A   MONSIEUR   MONSIEUR  LE  PRINCE. 

20  juin  i6'io. 

Monsieur,  Le  siège 

de  Turin  est  de  telle  importance,  non  seulement  pour  l'Italie,  mais 
aussy  pour  le  général  des  affaires  du  roy,  que  je  ne  puis  que  je  ne 
vous  conjure  encores  de  nouveau  par  ces  lignes  de  faire  en  sorte  que 
les  troupes  que  vous  avés  eu  ordre  d'y  faire  passer  soient  les  plus 
fortes  et  les  plus  complettes  qu'il  se  poui-ra.  Si  vous  pouvés  vous 
mesme  les  conduire  jusques  à  Grenoble,  et  joindre,  aux  six  régimens 
qu'on  a  destinez  pour  fortiffier  M''  le  comte  de  Harcourt,  celuy  de 
Normandie,  et  quelques  autres  de  ceux  qui  sont  en  Languedoc,  au 
cas  qu'ilz  soient  pretz,  ce  seroit  un  coup  de  partie,  parce  que  vostre 
authorité  et  vostre  présence  empescheront  que  les  dicts  régimens  ne 
se  desbandent  par  les  chemins,  et  feront  haster  les  officiers  qui  ne 
peuvent  trop  tost  rendre  leurs  corps  dans  l'armée  qui,  en  vérité,  a 
besoin  de  ce  renfort.  Je  vous  conjure,  Monsieur,  de  prendre  cette 
peyne,  et  de  faire  en  sorte  qu'il  passe  six  mile  hommes  effectifz  en 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  703 

Italie.  Je  ne  manqueray  pas  de  faire  valoir  ce  voiage  au  roy  comme 
il  fault,  et  aussy  tost  que  vous  serés  arrivé  à  Grenoble,  vous  pourrés 
retourner  en  tel  lieu  qu'il  vous  plaira. 

Je  ne  vous  mande  point  que  le  siège  d'Arras  est  commencé,  et 
que  nous  en  espérons  fort  bonne  issue  '.  Sans  flaterie,  M'  d'Anguien 
y  tesmoigne  toute  la  bonne  conduitte,  le  cœur  et  la  sagesse  qu'on 
sçauroit  désirer,  et,  en  vérité,  j'espère  que  vous  en  aurés  grand  con- 
tentement. Je  vous  conjure  encore  une  fois  de  satisfaire  au  contenu 
de  la  présente,  et  de  croire  que  je  suis  et  seray  tousjours  vérita- 
blement. 


Monsieur, 


D'Amiens,  ce  20  juin  i64o^ 


Vostre  bien  humble  et  irfs  affeclionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  Une  letire  d'encouragement  pour  le.s 
travaux  du  siège  fui  écrite  aux  généraux, 
ce  même  jour  ao  juin  ,  par  de  Noyers,  se- 
crétaire d'Etat  de  la  guerre  ;  cette  lettre  est 
faussement  attribuée  à  Richelieu  par  Au- 
béry  (t.  IV,  p.  ^Bg)  et  par  les  compila- 
teurs qui  le  copient  (recueil  de  1696, 
1. 1,  p.  207).  Celte  lettre,  datée  d'Amiens, 
commence  ainsi  :  «  Messieurs ,  le  roy  receut 
hier,  en  arrivant  en  celte  ville,  un  grand 
contentement  lorsque  je  luy  dis  les  dili- 
gences que  vous  apportés  au  travail  de 
vostre  circonvallalion.  »  Or  Kichelieu  n'é- 
tait pas  à  Amiens  le  19 juin,  il  n'y  arriva 
que  le  lendemain  ;  de  Noyers ,  lui ,  s'y  trou- 
vait avec  le  roi. 


'  Par  une  seconde  lettre,  Richelieu  in- 
dique à  M.  le  Prince  un  chemin  plus  court 
de  trois  journées  que  celui  de  Grenoble 
pour  faire  passer  les  troupes  en  Italie. 
(Ci-après,  aux  Analyses.)  —  Le  cardinal 
était  arrivé  ce  jour  ao  juin  à  Amiens,  et  il 
y  demeura  jusqu'au  i"  septembre.  Il  des- 
cendit à  la  maison  du  gouverneur,  qu'on 
nommait  le  logis  du  roy,  où  M.  le  Premier 
lui  fit  la  harangue.  Les  anciens  registres 
de  l'hôtel  de  ville  d'Amiens  conservent  une 
espèce  de  journal  du  séjour  du  roy  et  du 
cardinal  à  Amiens.  Nous  en  avons  sous 
les  yeux  un  extrait  que  M.  H.  Dusevel  a 
envoyé  nu  Comité  historique  du  ministère 
de  l'instruction  publique. 


704  LETTRES 


CCCLI. 

Arch.  de  Coudé,  n°  gS.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

SUSCRIPTION : 

A  MADAME  MADAME  LA  PRINCESSE. 

26  juin. 

Madame, 

La  part  que  je  prends  à  vos  contentemens  ne  me  permet  pas  de 
vous  celer  plus  longtemps  celuy  que  je  ressens,  en  mon  particulier, 
de  la  bonne  conduitte  de  M'  le  duc  d'Anguien,  et  de  l'estime  qu'il 
s'est  acquise  dans  l'armée,  où  il  ne  laisse  passer  aucune  occasion  sans 
tesmoigner  ce  qu'il  vault.  Il  en  a  rendu  depuis  peu  une  nouvelle 
preuve,  dans  un  grand  combat  qui  s'est  donné  entre  le  quartier  de 
M'  de  La  Meilleraie  et  celuy  de  Lamboy,  où,  en  vérité,  il  a  faict  tout 
ce  qu'on  pouvoit  attendre  d'une  personne  de  sa  naissance  et  de  son 
courage.  Je  ne  vous  en  mande  point  les  particularitez ,  me  contentant 
de  vous  asseurer.  Madame,  que  l'avantage  est  tout  entier  du  costé  du 
roy  ;  que  Monsieur  vostre  fils  se  porte  fort  bien,  et  que  je  suis  et  seray 
lousjours,  autant  qu'on  le  peut  estre. 

Madame, 

Vostre  très  liunibie  et  très  afieclionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
D'Amiens,  ce  26"  juin  i64o. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  705 


CCCLII. 

Arch.  des  AIT.  étr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  i36  '.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Charpentier. 

Bibl.  imp.  Baluze,  arm.  V,  paq.  4 ,  n°  2 ,  foi.  19.  — 

Copie  de  la  main  de  Baluze  '. 

[POUR  M.  DE  CHAVIGNI?] 

[  Fin  de  juin ,  ou  juillet.  ] 

Il  est  certain  qu'on  ne  sçauroit  ny  par  raison,  ny  par  bienfaits,  ny 
en  quelque  façon  que  ce  puisse  estre,  s'asseurer  d'un  Anglois. 

La  personne  de  Montaigu  doit  estre  fort  suspecte,  tant  à  raison 
de  son  humeur,  la  condition  de  son  esprit,  que  du  peu  de  temps 
qu'il  y  a  qu'il  s'est  faict  catholique,  et  du  sujet  qu'il  y  a  de  craindre 
qu'il  ne  l'ait  faict  que  pour  plaire  à  la  reyne,  et  pour  parvenir  aux 
grandeurs  ecclésiastiques. 

Lenox  a  le  vice  général  de  sa  nation,  il  est  frère  du  duc  de  Lenox, 
qui  est  tenu  Espagnol  en  Angleterre,  et  qui  a  esté  faict  grand  d'Es- 
pagne, chose  du  tout  extraordinaire  à  un  estranger  de  telle  condition, 
qui  est  sujet  d'un  autre  roy. 

Ainsy  il  est  non  seulement  difficile,  mais  du  tout  impossible  de 
prendre  quelque  seurelé  que  ce  puisse  estre  dans  l'un  de  ces  deux 
sujets,  ny  autre  Anglois,  quel  qu'il  puisse  estre. 

Ce  qui  seroit  à  désirer  est  que  le  grand  aumosnier  de  la  reyne, 
neveu  du  cardinal  du  Perron,  qui  porte  son  nom,  fust  recommandé. 

Outre  que  le  nom  de  son  oncle  luy  est  avantageux,  il  est  homme 
sage,  de  fort  bonnes  lettres,  bon  prédicateur,  très  dévost,  et  très 
affectionné  au  saint  siège,  et  duquel  on  peut  respondre  que  la  maison 
barbarine  pourroit  faire  autant  d'estat  que  s'il  estoit  Italien. 

'   Dans  le  ms.  des  Affaires  étrangères  la  tien,  il  a  seulement  écrit  en  lête  de  sa 

pièce  n'est  point  datée,  et  elle  est  classée  copie  :  «  Mémoire  du  cardinal  de  Pùche- 

entre  juin  et  juillet  de  l'année  i64o.  lieu,  touchant  la  nomination  au  cardinalat 

'  Baluze  n'indique  ni  dale  ni  suscrip-  pour  un  Anglois.» 

CARDIN.  DE  HICHELIF.D.  —  VI.  89 


706  LETTRES 

La  reyne  a  donné  espérance  au  dict  s'  du  Perron  de  le  recomman- 
der conjointement  avec  les  autres;  si  cela  se  peut,  on  peut  respondre 
à  la  Dame  qu'il  recevra  tout  service  de  ce  personnage,  comme  de 
ceux  qui  luy  sont  du  tout  asseurez. 

Au  cas  que  le  dict  s'  du  Perron  ne  puisse  estre  recommandé  de  la 
reyne  ',  on  est  obligé  de  dire  en  conscience,  que,  pour  ne  point  faire 
de  préjudice  à  l'Esglise ,  le  pape  doit  plustost  retenir  la  place  qu'il  veut 
donner  à  l'Angleterre  in  petto,  que  de  faire  [cardinal]  l'un  des  deux 
Anglois  susdicts,  qui  pourroient  estre  grandement  préjudiciables  aux 
catholiques  en  Angleterre,  les  puritains  s'irritant  d'autant  plus  contre 
eux,  qu'ils  voient  que  le  roy  et  la  reyne  recherchent  et  reçoivent  des 
grâces  de  Rome,  et  establissent  une  correspondance  entre  eux. 

Cette  dernière  raison,  qui  doit  estre  de  très  grand  poids  en  l'esprit 
de  Sa  Saincteté,  favorise  tout  à  fait  le  s""  du  Perron,  parce  que,  n'estant 
pas  sujet  du  roy  d'Angleterre,  les  puritains  n'ont  pas  la  mesme  prise 
contre  luy,  ce  qui  n'empesche  pas  qu'il  ne  soit  tout  à  la  reyne,  et 
qu'il  ne  puisse  en  cette  considération  favoriser  grandement  le  party 
des  catholiques  en  Angleterre. 

CCCLIII. 
Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Auuiale.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  BILLION, 

SDBJNTENnANT  DES  FINANCES,  À  PARIS. 

D'Amiens,  ce  3  juillet  1 6^0. 

Ce  billet  est  pour  parler  à  Monsieur  de  BuUion  de  deux  affaires 

'  Il  y  a  ici,  dans  le  manuscrit  des  Aff.  clinalion  vers  la  France.  »  Si  ce  passage  a 

étr.  un  passage  qui  a  été  barré,  el  où  il  été  omis  dans  l'original,  que  nous  n'avons 

est  question  d'un  qualrième  candidat  :  «  Le  pas  trouvé,  c'est  sans  doute  que  la  candi- 

P.  Philips,  confesseur  de  la  reyne,  lequel,  dature  de  ce  père,  recommandée  par  le  car- 

eslant  Escossois,  ne  donne  pas  sujet  de  dinalBagni,  aura  été  abandonnée.  Au  reste, 

craindre  qu'il  ait  liaison  avec  Espagne,  veu  j'ai  plus  d'une  fois  rencontré  des  passages 

que  celte  nation  a  tousjours  eu  plus  d'in-  barrés  seulement  par  le  fait  des  copistes. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  707 

que  j'estime* de  grande  considération,  et  sur  lesquelles  je  le  conjure 
de  faire  la  réflexion  qu  elles  méritent. 

La  première  est  celle  des  curez  et  autres  ecclésiastiques  que  l'on 
veut  mettre  à  la  taille,  laquelle  est  capable  de  révolter  tous  les  es- 
prits les  mieux  alfectionnez  au  temps,  et  donner  lieu  aux  mauvais 
d'en  proffiter'. 


'  Une  requête  signée  de  dix  curés  de 
Paris  avait  élé  adressée  à  Richelieu,  le 

3o  juin  :  I Nous  avons  recours  à 

V.  Em.  (dbaienl-ils),  sur  la  nouvelle  en- 
treprise qui  est  faicte  du  1 5  de  ce  mois  de 
juin,  contre  nos  personnes,  nos  biens, 
ceux  de  nos  prestres  habituez  et  des  autres 
ecclésiastiques  du  royaume,  par  laquelle 
nous  sommes  tous  déclarez  taillables  ainsy 
que  le  tiers  estât,  nonobstant  nos  décimes, 
qui  sont  tailles  volontaires,  et  les  immunilez 
de  tous  temps  accordées  à  l'Esglise. .  .  ■ 
Un  certain  M*  Jean  Paleologo ,  munition- 
oaire  des  vivres  es  armées  et  garnisons  du 
roi,  leur  envoie  des  exploits  en  vertu  d'un 
arrêt  du  conseil  du  dernier  mars ,  rendu 
en  conséquence  dune  déclaration  de  S.  M. 
du  mob  de  février.  Us  se  sont  adressés 
d'abord  à  M.  le  prieur  de  Suint-Denis  de 
la  Chartre,  l'un  des  agents  du  clergé,  du- 
quel ils  apprirent  que  cette  mesure  élait 
prise  contre  les  intentions  du  cardinal; 
ils  ont  été  voir  M.  le  chancelier  et  M.  de 
BollioD,  qui  leur  assurèrent  que  ce  n'était 
qu'une  surprise  de  traitants.  «  Mais  ayant 
sceu  depuis  que  M.  de  Bullion  prélendoit, 
sans  remise,  nous  faire  lous  contribuer  à 
celte  nouvelle  taille,  nous  nousjettons  tons 
à  vos  pieds,  M'',  pourimplorervoslreautho- 
rité  contre  cette  usurpation  manifeste  sur 
les  droits  et  franchises  de  l'Esglise. . .  >  Dans 
cette  longue  supplique  les  requérants  ne 
manquent  pas  d'invoquer  l'opinion  de  Ri- 


chelieu lui-même  et  •  celte  excellente  re- 
monstrance  »  qu'il  prononça  aux  Etats  de 
i6i4'  •  Nous  supplions  très-humblement 
V.  Ém.  nous  permettre  seulement  d'em- 
ployer vos  mesmes  raisons  auprès  de  vous 
pour  obtenir  du  roy  la  descharge  de  ces 
taxes  si  extraordinaires. . .  »  (  Arch.  des  AIT. 
étr.  France,  i6Ao,  sept  premiers  mois, 
fol.  3i8. Original.) — Bullion  se  hâta  de  ré- 
pondre à  cette  dépêche.  • . . .  Les  deux  af- 
faires dont  il  a  pieu  à  V.  Em.  m'escrire  sont 
de  considération;  M.  le  chancelier  et  moy 
sommes  demeurez  d'accord  que  devant 
trois  ou  quatre  commissaires  et  un  inten- 
dant on  apportera  une  surséance,  aOîn 
qu'au  retour  de  la  campagne  le  roy  et 
V.  Em  considèrent  de  plus  près  ce  qu'il 
faudra  faire.  >  Bullion  explique  la  question 
ecclésiastique,  et  pour  retarder  la  décision 
il  répète  :  •  L'affaire  mérite  que  V.  Em.  en 
entende  le  menu  affin  de  résoudre  tout 
ce  qu'il  plaira  à  V.  Em.  commander.  •  — 
■  Pour  la  noblesse  de  Normandie,  il  faut 
y  apporter  des  précautions,  et  n'ataquer 
ceulx  qui  portent  les  armes;  et  peut-estre 
faudra-l-il  user  de  surséance,  à  quoy  on 
travaillera  au  plus  losl  après  avoir  ouï  les 
commissaires  députez.  Nosire  malheur  est 
que  nous  ne  sommes  plus  au  choix  des 
bonnes  affaires  à  cause  des  despenses  pas- 
sées, et  les  despenses  présentes  ne  peuvent 
aller  sans  moyens  extraordinaires;  il  fault 
tous   les   ans  trouver  près   de   quarante 

89. 


708  LETTRES 

La  seconde  est  la  recherche  de  nobles  de  Normandie,  sur  la- 
quelle on  doit  avoir  d'autant  plus  d'esgard,  que  M'  de  Saligny,  qui 
est  sur  les  lieux,  escrilque  la  province,  qui  estoiten  repos,  commence 
à  se  retroubler  sur  ce  sujet,  et  qu'il  est  à  craindre  que  cette  recherche, 
qui  apportera  peu  d'avantage,  ne  produise  beaucoup  de  mal  en  un 
temps  comme  celuy-cy,  où  la  plus  part  des  nobles  servent  actuelle- 
ment dans  les  armées. 

jyjonsr  (jg  BuUion  ne  doute  point,  je  m'asseure,  que. je  ne  désire  le 
soulager,  autant  qu'il  m'est  possible,  mais  je  m'asseure  qu'il  re- 
cognoislra  que  c'est  le  faire  que  de  le  prier  de  ne  penser  pas  à  cer- 
taines affaires  capables  d'allumer  des  feux  qu'on  ne  sçauroit  esteindre'. 

Je  le  conjure  donc  de  contenter  M"  du  clergé  aux  justes  préten- 
tions qu'ilz  ont  en  l'affaire  dont  il  est  parlé  cy-dessus,  et  de  donner 
l'ordre  qu'il  estimera,  avec  M''*  du  conseil,  estre  nécessaire  à  celle 
de  Normandie. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


millions  à  cause  des  advances  pour  le  con- 
tant  Il  y  a  plus  de  six  jours  que  j'ay 

escril  à  M.  de  Noyers  que  pour  soulager 
l'esprit  de  V.  Em.  je  faisois  un  effort  ex- 
traordinaire. . .  »  Suit  l'exposé  de  tous  les 
payements  auxquels  il  a  été  pourvu  ;  Bul- 
lion  continue  :  «  Ayant  tant  d'argent  et  en 
tant  de  divers  lieux  à  distribuer,  la  plupart 
du  temps  je  suis  hors  de  moy  et  entre 
quasi  en  désespoir  de  pouvoir  soustenirle 

fardeau Mais  dans  la  protection  de 

V.Ém.jeferay  l'impossible,  et  prends  pour 
ma  véritable  devise  :  Te  stante  virebo.  »  Celte 
lettre  sur  laquelle  nous  nous  sommes  un 
peu  arrêté ,  parce  qu'elle  donne  de  curieux 
détails  sur  les  embarras  financiers  du 
temps,  est  conservée,  en  original  auto- 
graphe dans  la  collection  France,  tome  gS, 
à  la  date  du  6  juillet.  Malgré  ces  belles 
protestations    de  BuUion,   le  décourage- 


ment le  reprenait  sans  cesse;  le  39  août  il 
écrivait  encore  à  Richelieu.  « .  ..En  vérité 
je  suis  obligé  de  dire  à  V.  Em.  que  j'apré- 
hende  que  nous  ne  puissions  satisfaire  aux 
despenses  de  la  seconde  monstre  à  cause 
que  l'ordre  que  V.  Em.  avoit  résolu  pour 
l'an  1 64o  a  esté  excédé  de  plusieurs  mil- 
lions et  que  nostre  recepte  manque ,  n'ayant 
peu  venir  à  bout  des  offices  des  maistres 
des  requestes  de  nouvelle  création,  ny  de 
la  Chambre  des  comptes ,  les  officiers  estant 
plus  revesches  et  plus  attachez  à  la  faction 
que  jamais...  »  (Arch.  des  Aff.  étr.  France, 
lettres  des  ministres,  fol.  i45.) 

'  Les  séditions  éclataient  alors  en 
France  dans  la  plupart  des  provinces,  ac- 
cablées du  fardeau  des  impôts,  toujours 
croissanis,  et  BuUion  était  en  butte  à  une 
haine  qui  se  manifesta  à  sa  mort  parmi  la 
population  deParis.  (Voy. ci-après, p.  7.35.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


709 


CCCLIV. 
Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  M**  ie  duc  d'Aumale.  —  Original. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  BULLION, 

SORINTENOiNT  DES  FINANCES,  À  PARIS. 

D'Amiens,  ce  1 4°  juillet  i6iio. 

Je  suis  tellement  satisfaict  des  soins  et  des  diligences  de  Mon- 
sieur de  Bullion  aux  aflaires  desquelles  le  service  du  roy  et  le  bien 
de  l'Estat  deppendent  présentement,  que  je  ne  luy  sçaurois  assez 
tesmoigner.  IW  de  Chavigny  luy  envoie  les  ordonnances  nécessaires 
pour  M'  le  prince  d'Orange,  pour  la  Suède  et  pour  madame  La 
Landgrave.  Je  le  prie  d'effectuer  le  dessein  qu'il  a  pris  de  satisfaire 
h  ces  parties,  en  sorte  que  chacun  en  soit  content. 

Nostre  siège  d'Arras  va  fort  bien,  vous  le  verres  par  une  lettre  que 
m'escrit M.  de  Chaslillon,  laquelle  vous  me  renvoyerés,  s'il  vousplaist, 
après  l'avoir  veue.  Nous  travaillons  icy  à  ce  qu'il  faut  pour  les  convoys; 
il  y  a  de  la  difficulté  \  mais  j'espère,  par  la  grâce  de  Dieu,  que  nous 
la  surmonterons,  et,  cela  estant,  le  succez  du  siège  sera  asseuré. 

Je  vous  avoue  que  je  suis  bien  las  de  la  guerre,  tant  pour  la  peine 


'  Les  convois  et  les  vivres  de  l'armée 
onl  alors  sérieusement  préoccupé  Riche- 
lieu, qui  répétait  sans  cesse  que  le  succès 
du  siège  d'Arras  en  dépendait.  Outre  cette 
dilTiculté  des  convois,  la  dilapidation  des 
vivres  l'inquiétait  beaucoup;  il  écrivait 
à  M.  de  Grémonville,  intendant  de  l'ar- 
mée ;  «  Les  munitionnaires  ayant  rapporté 
que  le  pain  qu'on  fournit  à  l'armée  pour 
sept  jours  ,  à  raison  de  trente  deux  mille 
rations  par  jour,  est  consommé  en  quatre 
ou  cinq ,  je  vous  fais  ce  mot  pour  vous 
prier  de  tenir  la  main  à  ce  que  cela  n'ar- 


rive plus  à  l'avenir,  parce  que,  si  cela 
avoit  lieu,  il  seroit  impossible  de  fournir 
l'armée  et  de  donner  moyen  à. M"  les  gé- 
néraux d'achever  leur  siège  sans  crain- 
dre le  manque  de  pain,  à  cause  de  la  dif- 
Cculté  des  convoys,  qui  ne  peuvent  pas 
partir  plus  souvent  qu'ils  ne  font. . .  •  Cette 
lettre,  qui  sera  citée  aux  Analyses,  n'est 
point  datée;  elle  a  été  écrite  lorsque  le 
siège  d'Arras  tirait  à  sa  fin  :  cette  place 
se  rendit  le  lo  août.  (Voy.  au  sujet  de  la 
dilapidation  des  vivres ,  ci-après ,  p.  734 
et  note.) 


710  LETTRES 

qu'il  y  a,  que  pour  d'autres  considérations  que  vous  pouvés  bien 
juger.  Ma  consolation  sera  tousjours  de  regarder  Dieu,  et  me  tenir 
le  plus  joyeux  que  je  pourray,  en  faisant  tout  ce  qui  se  peut  faire 
pour  le  bien  de  l'Estat  et  pour  le  service  du  roy. 

Le  Gard.  DE   RICHELIEU. 

Je  vous  remercie  de  ce  que  vous  me  mandés  de  l'affaire  de  M.  Ros- 
signol ^ 


CCCLV. 
Bibl.  imp.  Cinq-cents  Colberl,  t.  6,  fol.  270.  —  Original. 

SUSCRIPTION  I 

A  M.  MOLE, 

CONSEILLER  DU   BOÏ  EN  SES  CONSEILS  D'ESTAT  ET  PKIVÉ,  ET   PnOCDREUn  GÉNÉRAL   EN   SA  COUR   DE  PARLEUENT. 

À  PARIS. 

16  juillet  i64o. 

Monsieur,  Ayant  apris  le  dessein  que  Madem"*"  de  La  Forest  a 
faict  d'abjurer  l'hérésie  et  d'embrasser  la  vraye  religion,  et  que, 
pour  cet  effect,  elle  s'est  retirée  dans  l'hostel  des  nouvelles  catho- 
liques, dont  madame  de  La  Forest  sa  mère,  qui  est  de  la  rehgion 
prétendue  réformée  ,  prétend  la  retirer  conlre  sa  volonté,  employant 
à  cette  lin  toutes  sortes  de  moyens,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous 
dire  que  le  d.  hostel,  qui  est  sous  ma  protection,  ayant  esté  estably 
pour  une  retraite  asseurée  de  celles  qui  se  veulent  convertir  à  la 
foy,  vous  ne  devés  pas  permettre  que  la  d.  Dam^'^  en  sorte  contre  son 
intention,  ny  mesme  qu'elle  soit  troublée  en  son  bon  dessein  par 
les  violences  de  sa  mère^.  Le  roy  ayant  permis  par  ses  édicts  la  li- 

'  Ceci  répond  à  une  lettre  du  12  juillet,  '  Le  manuscrit  des  archives  des  Affaires 

où  Bullion  écrivait  à  Richelieu  :  «Quant  étrangères  (Frauce,  i64o,  sept  premiers 

à  M.  Rossignol,  j'ay  parlé  à  M.  Galand,  mois,  fol.  SgS)  nous  donne  la  réponse  de 

qui  m'asseure  qu'il  cerche  de  touls  cos-  Mole,  datée  du  22  juillet.  M"' de  La  Forest 

tezpour  trouver  quelque  chose  qui  puisse  avait  fait  abjuration  la  veille;  sa  mère  s'é- 

réussir.  Je  ne  manqueray  d'y  tenir  la  main.  tait  pourvue  à  la  Chambre  de  l'édit,  mai» , 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  711 

berté  de  coûscience  donl  jouissent  ceux  de  la  R.  P.  R.  il  ne  seroit 
pas  juste  d'en  priver  ceux  qui  veulent  suivre  la  véritable  religion,  que 
vous  avés  tousjours  sy  puissamment  protégée,  que  je  ne  doute  nule- 
ment  que  vous  n'apportiés  en  cette  occasion  tout  ce  qu'on  peut  attendre 
de  vostre  piété.  Je  vous  en  conjure,  et  de  croire  que  je  suis, 

Monsieur, 


D'Amiens,  ce  16  juillet  i64o. 


Vostre  afiectionné  à  vous  rendre  service. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


NOTA. 

Le  siège  d'Arras  fut  un  des  événements  les  plus  considérables  de  l'année  i64o , 
et  nous  avons  un  certain  nombre  de  lettres  du  cardinal  aux  généraux ,  qui  prou- 
vent l'importance  que  Richelieu  attachait  à  cette  entreprise.  Presque  toutes  ayant 
été  imprimées,  nous  ne  ferons  que  les  indiquer  en  quelques  mots  à  la  fin  du 

après  lui  avoir  inutilement  conseillé  de  se 
désister  d'après  diverses  considérations , 
Mole  lui  lit  voir  la  lettre  de  Richelieu,  et 


la  dame  abandonna  sa  poursuite;  «elle 
vous  conjure  néantmoins,  ajoute  Mole, 
de  comender  qu'elle  soit  mise  avec  quel- 
ques dames  de  condition  pour  y  estre  nor- 
rie  et  élevée  selon  que  sa  naissance  le 
mérite.  •  Mole  insinue  avec  discrétion  au 
cardinal  qu'il  serait  juste  d'avoir  celte 
condescendance  pour  la  mère  de  M"*  de 
La  Forest  :  •  Cet  hostel  des  nouvelles  ca- 
tholiques, dit-il  à  Richelieu,  semble  estre 
destiné  pour  retirer  celles  qui  se  veulent 
convertir,  les  faire  instruire  et  leur  faire 
faire  profession  de  foy,  et  non  pas  pour  les 
retenir  tousjours.  «  Et  pour  faire  passer 
le  conseil,  Mole  le  fait  précéder  d  un  com- 
pliment :  «  Les  actions  de  piété  que  V.  Ém. 
exerce  publiquement,  el  le  secours  qu'elle 
demande  continuellement  au  ciel  en  tire- 
ront tousjours  de  nouvelles  laveurs  pour 
le  bonheur  de  la  France. . .  »  Mo'é  fit  plus 


encore,  ainsi  qu'on  le  voit  par  une  nou- 
velle lettre  de  Richelieu ,  dont  mention 
sera  faite  aux  Analyses,  à  la  date  du  a6 
juillet.  «  Monsieur  {dit  le  cardinal) ,  ayant 
veu  par  la  lettre  que  m'a  apportée  M.  de 
La  Forest  de  votre  part,  que  vous  estimés 
que.  M""  sa  î-œur  luy  estant  remise  entre 
les  mains,  elle  sera  hors  de  péril  d'estre 
violentée  et  tourmentée  par  Mad'  sa  mère 
sur  le  sujet  de  sa  conversion ,  ces  trois 
mots  sont  pour  vous  dire  que  je  me  rap- 
porte entièrement  à  ce  que  vous  jugés  de- 
voir esire  faict  en  cette  affaire »  La 

haute  société  de  Paris  s'occupait  beaucoup 
de  cette  conversion.  Nous  lisons  dans  la 
correspondance  de  Henri  Arnauld  avec 
Barilion,  à  la  date  du  32  juillet  :  «  11  y 
eust  hier  à  Saint-Victor  (c'estoit  la  feste) 
une  musique  d'importance,  il  y  avoit  un 
monde  estrange;  M.  de  Paris  y  officia  et  y 
receut  l'abjuration  de  M"*  de  La  Forest, 
qui  est  une  fdle  de  condition  de  Nor- 
mandie. » 


712  LETTRES 

volume,  ce  qui  rend  nécessaire  de  donner  ici  une  idée  succincte  de  la  corres- 
pondance relative  à  cette  affaire. 

L'armée  française  se  réunit  devant  Arras  sous  le  commandement  des  maré- 
chaux de  Chaulnes  et  de  Châtillon,  le  i3  juin;  le  17,  Richelieu  se  hâtait  de 
féliciter  les  généraux  des  bons  commencements  de  leur  siège  et  les  engageait 
à  presser  la  circonvallation.  Le  21  il  leur  écrivait  deux  lettres;  il  s'agissait  d'or- 
ganiser des  convois  plus  forts  qu'ils  ne  l'avaient  fait  jusqu'alors  et  d'envoyer  de 
la  cavalerie  à  M.  de  Saint-Preuil ,  gouverneur  de  Doullens,  afin  qu'il  pût  leur 
fournir  une  puissante  escorte.  En  se  réjouissant  du  bon  état  où  les  travaux 
étaient  parvenus  le  28  juin,  Richelieu  pressait  les  généraux  d'ouvrir  les  tran- 
chées sans  perdre  un  moment,  et  il  leur  annonçait  une  montre  attendue  avec 
impatience.  Les  reproches  se  mêlent  aux  félicitations;  ce  billet  est  pour  dire  à 
MM.  les  généraux  (leur  écrivait  le  cardinal,  à  la  date  du  1"  juillet,  9  heures 
du  soir),  que  le  roi  s'étonne  extrêmement  qu'ils  n'aient  envoyé  à  Doullens  que 
1 ,000  chevaux  et  600  hommes  de  pied  pour  faire  l'escorte  du  grand  convoi  qu'on 
leur  a  plusieurs  fois  annoncé  devoir  arriver  sans  faillir  les  derniers  jours  de 
juin  :  «J'avoue  que  si  ces  messieurs  n'ont  une  révélation  par  laquelle  Dieu  leur 
donne  asseurance  que  ledict  convoy  ne  sera  point  attaqué  des  ennemis,  je  ne  sçay 
quelle  raison  ils  peuvent  avoir  de  hasarder  une  affaire  sy  importante  avec  sy  peu 
de  seureté.  »  En  même  temps  le  cardinal  leur  faisait  écrire  coup  sur  coup  deux 
lettres  par  de  Noyers  :  «  \  vray  dire,  leur  mandait  le  secrétaire  d'Etat  de  la 
guerre,  il  n'y  a  point  d'apparence  de  bazarder  une  chose  de  cette  importance, 
qui  vault  plus  d'un  million  d'or.  » 

Enfin  le  maréchal  de  Châtillon  ayant  informé  Richelieu  que  la  circonvalla- 
tion était  tout  à  fait  terminée  :  «  Je  ne  vous  tesmoigne  pas  par  ces  lignes  la  joie 
que  j'en  ressens,  lui  mande  le  cardinal,  et  la  satisfaction  que  j'ay  de  voir  que 
les  François,  qu'on  n'avoit  pas  jusques  icy  tenus  autrement  propres  à  sy  bien  re- 
muer la  terre,  aient  au  moins  esgalé  les  HoUandois  en  celte  occasion,  qui  n'en 
firent  jamais  une  telle  estendue  en  sy  peu  de  temps.  »  (du  1"  juillet.) 

Le  cardinal-infant  entreprit  vers  la  fin  de  juin  de  faire  lever  le  siège.  Le  ma- 
réchal de  La  Meilleraie  proposa,  dans  un  conseil,  de  sortir  des  lignes  pour  aller 
attaquer  les  Espagnols;  le  maréchal  de  Châtillon  fut  d'un  avis  opposé.  «  Le  seul 
expédient  que  l'on  trouva  pour  les  accorder,  dit  le  père  Griffet  dans  son  Histoire 
de  Louis  XIII,  fut  de  donner  un  excellent  coureur  au  s'  Fabert,  pour  aller  trou- 
ver le  cardinal,  qui  éloit  alors  à  Dourlens,  afin  d'avoir  son  avis.  Fabert  rapporta 
pour  toute  réponse  un  billet  de  Son  Eminence,  qui  était  conçu  en  ces  termes  :  » 
'<  Je  ne  suis  point  homme  de  guerre  ni  capable  de  donner  mon  avis  sur  ce  sujet. 
U  est  vray  que  j'ay  beaucoup  lu,  mais  je  n'ay  pas  trouvé  que  l'on  soit  sorti  des 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  713 

lignes  pour  combattre  les  ennemis,  après  avoir  demeuré  dix-huit  jours  entiers  à 
les  faire.  Lorsque  le  roy  vous  a  donné  à  tous  trois  le  commandement  de  ses  ar- 
mées, il  vous  a  cru  capables,  et  il  luy  importe  fort  peu  que  vous  sortiez  ou  que 
vous  ne  sortiez  pas  :  mais  vous  répondrez  de  vos  têtes  si  vous  ne  prenez  point  la 
ville  d'Arras.  »  Je  n'ai  trouvé  nulle  part  ce  billet  manuscrit;  l'historien  qui  le 
cite,  d'après  les  mémoires  de  Puységur,  fait  observer  que  ce  style  diffère  du  lan- 
gage ordinaire  de  Richelieu.  Il  aurait  pu  ajouter  que  peut-être  le  cardinal  n'aurait 
point  parlé  sur  ce  ton  d'un  conseil  donné  par  La  Meilleraie ;  cependant,  tout  en 
exprimant  un  doute,  on  ne  peut  pas  aller  jusqu'à  affirmer  que  ce  billet  est  sup- 
posé. Le  cardinal,  qui  souhaitait  ardemment  la  prise  d'Arras,  a  pu  parler  ici  avec 
quelque  vivacité,  et,  quoiqu'il  ne  fût  pas  sans  prétention  à  la  science  du  général, 
il  a  pu  dire,  «  Je  ne  suis  point  homme  de  guerre,  «dans  une  circonstance  où,  pour 
laisser  toute  la  responsabilité  aux  trois  maréchaux  ,  il  refusait  de  donner  un  ordre , 
ou  seulement  un  conseil  direct,  car  au  fond  il  donne  un  avis  d'une  façon  détournée, 
et  un  avis  basé  sur  l'étude  des  choses  de  la  guerre.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  faudrait 
point  passer  sous  silence  ce  curieux  billet  dans  la  correspondance  du  cardinal.  11 
n'est  point  daté,  mais  il  ne  peut  avoir  été  écrit  que  dans  les  premiers  jours  de 
juillet,  puisqu'il  y  est  dit  que  les  travaux  du  siège  avaient  été  commencés  depuis 
dix-huit  jours.  Richelieu  ne  cessait  pas  de  suivre  avec  la  vigilance  la  plus  attentive 
toutes  les  opérations  de  l'armée  assiégeante,  ni  de  prendre  de  loin  une  part  active 
au  siège  par  ses  conseils  de  tous  les  jours.  Le  1 4  juillet ,  il  écrivait  aux  généraux  : 
•  Il  faudroit  estre  aveugle  pour  ne  voir  pas  que,  si  les  ennemis  eussent  eu  dessein 
d'attaquer  la  circonvallation ,  ils  l'eussent  faict  d'abord,  et  maintenant  ils  n'y 
peuvent  plus  penser  sans  faire  une  extravagance  inconcevable,  laquelle  ne  con- 
vient ny  il  l'humeur  espagnole,  ny  à  Testât  présent  des  Pays-Ras,  qui  seroient 
perdus  s'ils  avoient  perdu  un  combat  général.. .  le  dessein  des  ennemis  ne  peut 
estre  autre  maintenant  que  de  traverser  les  convois. . .  donc  le  principal  but  que 
M"  les  généraux  doivent  avoir  de  leur  costé,  et  nous  du  nostre,  est  de  faire  passer 
un  grand  convoi  par  le  moyen  duquel  la  prise  d'Arras  soit  asseurée. . .  »  Et  le  car- 
dinal leur  prodigue  les  avis,  il  les  presse,  les  supplie,  les  conjure  (ce  sont  ses 
expressions)  de  faire  tous  les  efforts  possibles  pour  s'emparer  d'Arras,  «  qu'il  faut 
prendre  à  quelque  prix  que  ce  puisse  estre.  »  Le  17,  Richelieu  envoie  un  cour- 
rier avec  une  dépêche  en  chiffre,  pour  modifier  certaines  dispositions  qu'il  avait 
recommandées  dans  sa  lettre  du  i4  '  :  «  La  nuit  du  mercredi  au  jeudi  M.  de  La 

'  On  peut  voir  aussi  deux  mémoires  impériale,  fonds  Béthune,  gaôi ,  fol.  ia8 

chiffrés  et  aux  mêmes  dates,  1 4  et  19  juil-  verso,  i4a  verso,  et  5oo  Colbert,  lao, 

let,  envoyés  par  de  Noyers  aux  maréchaux  fol.  63  et  66  verso.)  L'un  et  l'autre  sont 

deChâtillon  et  deChaulnes  (Bibliothèque  imprimés  dans  Aubery  (t.  IV,  p.  607,  618). 


CAUDIX.  DE  niCHEI.IED. 


90 


714 


LETTRES 


Meilleraie  doit  sortir  du  camp,  avec  trois  mille  cinq  cents  chevaux,  ainsy  que 
s'il  vouloit  venir  à  Miraumont,  et  cependant  il  tournera  droit  vers  Vaux,  sur  le 
chemin  de  Péronne;  au  mesme  temps  nous  ferons  partir  nos  troupes  de  Corbie 
pour  aller  à  Miraumont. . .  et  nous  ferons  partir  un  faux  convoy  de  Doullens  qui 
ira  jusques  sur  la  montagne;  par  ce  moyen  les  ennemis  ne  penseront  apparem- 
ment qu'à  ce  qui  partira  de  Doullens  et  de  Corbie. . .  »  Le  surlendemain  ig ,  autre 
dépêche  chiffrée  :  «  On  renvoie  Chouppes  pour  avoir  par  luy  une  dernière  réso- 
lution sur  la  jonction,  laquelle  on  exécutera  ponctuellement,  selon  le  rapport 
qu'il  fera.  De  peur  qu'il  ne  soit  pris,  vous  enverrés  un  duplicata  de  ce  qu'il  rappor- 
tera, par  deux  voies  différentes...  »  Enfin  le  cardinal  donne  de  nouvelles  instruc- 
tions pour  la  sûreté  des  convois  et  la  jonction  des  corps  d'armée;  il  prescrit  di- 
verses mesures  selon  diverses  éventualités.  Le  lendemain  Richelieu  adresse  aux 
généraux  une  troisième  dépêche  chiffrée;  celle-ci  n'a  pas  été  imprimée,  nous  la 
donnons  in  extenso;  toutes  celles  que  nous  ne  faisons  qu'extraire  ici  seront  notées 
ci-après  aux  Analyses. 


CCCLVI. 

Bibl.  imp.  Fonds  Bélhune,  9261,  fol  i5o.  — Copie. 
Cinq-cenls  Colbert,  n"  120,  fol.  70   —  Copie. 

[AUX  MARÉCHAUX  DE  CHAULIVES  ET  DE  CHATILLON'.] 

20  juillet  i64o. 

Si  les  ennemis  sont  à  Miraumont,  comme  on  dict,  la  jonction  est. 
impossible  par  Corbie,   et  très-difficile  par  Péronne,    parce  qu'ils 
seront  à  deux  lieues  de  Frémicourt,  où  il  se  faudroit  joindre  :  en  ce 
cas,   il  n'y  a  point  d'autre   expédient  que  de  pousser  le   temps  à 
l'espaule,  ménageant  les  vivres  et  vivant  d'orge  et  de  seigle^,  ou  par 


'  Les  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
mettent  en  tète  de  celte  pièce  :  «  Mémoire 
en  chiffres,  du  cardinal  de  Richelieu.» 

'  Le  roi  écrivait  ce  même  jour,  20,  aux 
maréchaux,  une  lettre  de  reproche  pour 
la  négligence  avec  laquelle  on  laissait  pas- 
ser les  convois  de  vivres  du  cardinal-in- 
fant, et  l'on  peut  considérer  cette  missive 


comme  étant  du  cardinal.  —  Dans  celte 
même  lettre  le  roi  recommandait  aux  ma- 
réchaux de  faire  durer  quinze  jours  les 
vivres  qui  dans  toute  nuire  circonstance 
seraient  dépensés  en  huit  ;  et ,  la  lettre  finie , 
il  ajoutait  ce  postscriptum  :  "  Ces  trois  mots 
sont  pour  vous  dire  que  ce  que  dessus  est 
absolument  ma  volonté,  bien  plus  aujour- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  715 

quelque  autre  voie  extraordinaire,  en  sorte  que  les  vivres  du  camp 
durent  jusques  à  la  fin  du  mois. 

On  tiendra  des  blés  à  Hesdin  et  à  Doullens  pour  que  messieurs  les 
généraux  les  envoient  quérir  selon  que  la  marche  des  ennemis  leur 
en  donnera  le  moyen  '. 

On  croit  que,  tenant  le  corps  de  nos  troupes  tousjours  à  Corbie, 
les  ennemis  auront  une  telle  jalousie  du  passage  de  Miraumont  que 
Messieurs  les  généraux  auront  moyen  d'envoyer  à  Doullens  quinze 
cents  chevaux  quérir  cent  cinquante  charrettes  que  nous  y  tiendrons 
prestes  à  partir,  chargées  de  vivres,  et  ce  convoy  semblera  asseuré 
envoyant  de  l'armée  trois  autres  mille  chevaux  pour  le  recevoir. 

Ils  peuvent  encore  envoyer  à  Hesdin  telle  quantité  de  charrois 
qu'ils  voudront,  où  l'on  leur  fera  donner  du  blé  et  de  la  farine. 

d'hui  encore  qu'hier  pour  l'accidenl arrivé 
à  Leschelle  *.  »  (Ms.  de  Colbert,  cité  aux 
sources,  fol.  69  verso.)  Leschelles  avait 
été  pris  par  l'ennemi.  [Ibid.  fol.  67  verso.) 
'  Richelieu ,  craignant  que  ses  ordres  à 
ce  sujet  ne  fussent  pas  assez  ponctuellement 
exécutés,  les  fit  réitérer  par  de  Noyers,  le 
a3  juillet  :  «  S.  Em.  en  conjure  M"  les  géné- 
raux par  l'amitié  qu'ils  luy  portent,  et  le 
roy  le  leur  commande.  »  De  Noyers  disait 
encore  :  i  Le  roy  vous  conjure  par  la  prise 
d'Arras  et  vous  commande  comme  mais  tre.» 
(Ms.  de  Colbert,  cité  aux  sources,  fol.  71.) 
Richelieu  écrit  aussi  le  même  jour  à  sept 
heures  du  soir  :  «  Ce  billet  est  pour  dire  à 
M"  les  généraux  quelapei'rque  j'ay  que  le 
convoy  qu'ils  ont  receu  leur  fasse  perdre 
temps  à  se  pourvoir  encore  de  vivres  me 
faict  les  conjurer  de  ne  perdre  pas  un  mo- 
ment d'envoyer  quérir  à  Hesdin  les  farines 
qui  les  attendent. . .  Au  nom  de  Dieu ,  mes- 
sieurs, exécultés  ce  que  dessus,  je  vous  en 
conjure,  et  comme  je  m'oblige  de  faire  va- 
loir vos  services,  je  proteste  contre  vous 


tous  si  vous  perdes  aucun  temps ,  et  si  vous 
négligés  aucun  moyen  de  vous  secourir 
vous-niesmes.  »  Et  le  lundi  aA  :  «  Je  conjure 
M"  deChaslillon  et  de  Chaulnes  de  se  sou- 
venir que  la  prise  d'Arras  ne  deppend  pas 
seulement  de  leur  faire  fournir  des  vivres , 
mais  en  oultre  d'avancer  tellement  leurs  at- 
taques que  les  ennemis ,  se  voyant  pressés , 
aient  occasion  de  se  rendre  sans  attendre 
l'cxlrémilé. — Je  les  prie  de  se  souvenir  de 
l'importance  de  ce  billet ,  et  de  me  mander 
bienlost  de  bonnes  nouvelles  sur  ce  sujet. 
Lecard.DE  Richelieu.  •  —  Ces  deux  lettres 
du  cardinal,  des  2 3  et  a4  juillet,  seront 
notées  à  la  fin  du  volume.  —  C'était  ainsi 
que  le  cardinal  faisait  de  l'administration , 
en  priant,  conjurant,  répétant  dix  fois  la 
même  chose,  en  faisant  donner  par  le  roi 
et  par  les  secrétaires  d'Etat  les  ordres  qu'il 
avait  donnés  lui-même,  ou  en  ajoutant 
ses  supplications  à  ses  ordres.  Et  malgré 
tout  cela  l'organisation  de  celte  adminis- 
tration était  si  défectueuse  que  bien  sou- 
vent Richelieu  était  mai  obéi. 


'  Petit  village  de  Picardie,  canton  de  >;ouvion  (Aisne). 


90. 


716  LETTRES 

C'est  à  Messieurs  les  généraux  à  ne  perdre  aucun  moment  pour 
envoyer  à  Doullens  et  à  Hesdin  quérir  des  vivres,  selon  qu'ils  y  ver- 
ront ouverture;  parce  que,  ne  pouvant  remuer  nos  forces  de  Corbie 
sans  que  les  ennemis  les  suivent  se  mettant  entre  elles  et  le  camp, 
c'est  aux  forces  du  camp  à  venir  prendre  leurs  vivres  aux  lieux  qui 
leur  seront  ouverts. 

A  Amiens,  ce  20  juillet  16/io. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCLVII. 
Arch.  des  AIT.  élr.  France,  i64o,  cinq  derniers  mois,  fol.  3.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

POUR   M.  ROUTHILLIER, 

SURINTENDANT  DES  FINANCES,  À  PARIS. 

D'Amiens,  ce  2  aoust  i64o. 

Ce  billet  est  pour  vous  dire  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  l'armée 
de  M.  du  Hallier,  composée  de  dix-neuf  mille  hommes  effectif,  est 
arrivée  au  camp  avec  i,5oo  chariots  de  vivres  et  de  munitions. 
Elle  a  passé  à  la  barbe  des  ennemis,  qui  n'ont  osé  entreprendre  de 
l'attaquer'. 


'  C'était  une  fausse  nouvelle-,  au  mo- 
ment même  que  Richelieu  la  donnait  à 
Boutliillier,  l'armée  française  était  aux 
prises  avec  l'armée  ennemie  et  soutenait 
un  combat  meurtrier.  Les  troupes  de 
M.  du  Hallier,  conduisant  un  convoi, 
avaient  fait  leur  jonction  avec  celles  du 
maréchal  de  La  Meilleraie ,  qui  était  venu 
à  leur  rencontre,  le  malin  du  2  août,  jus- 
qu'à Beaufort,  à  trois  lieues  environ  des 
lignes  de  circonvallalion ,  et  l'on  se  hâta  de 
dépêcher  au  roi  un  courrier  pour  lui  an- 
noncer que  cette  jonction  s'était  faite  sans 


coup  férir.  Les  deux  armées  réunies  se 
dirigèrent  alors  vers  le  camp.  «  Le  mares- 
chal  de  La  Mesleraye  fil  faire  halte  et  un 
grand  déjeuner  de  campagne,  où  tous  les 
chefs  et  les  princes  firent  une  rude  charge, 
tesmoignans  qu'ils  avoient  plus  d'une  faim , 
la  principale  néantmoins  estant  celle  de 
combattre.  Pour  laquelle  appaiser  aussi 
en  son  lieu  :  Voicy  un  cavalier  qui  apporte 
avis  à  toute  bride,  de  la  part  du  mareschal 
de  Chasiillon ,  que  les  ennemis  atlaquoient 
nos  lignes. . .  A  celle  nouvelle  nostre  armée 
vola  plustost  qu'elle  ne  courut. . .  •  Le  com- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  717 

J'ose   voiîs   dire    maintenant   que  je    tiens  la    prise    d'Arras   as- 
seurée. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


On  me  vient  d'asseurer  qu'il  est 
au  camp. 

bat  dura  jusqu'à  la  nuit.  Ceci  est  extrait 
d'un  récit  très-circonstancié ,  imprimé  dans 
la  Gazette  du  lo  août,  envoyé  sans  doute 
par  Richelieu.  Il  rectifie  et  complète  un 
premier  récit  donné  le  8  par  ce  journal. 
—  On  voit  quelle  était  la  lenteur  des 
communications  d'alors;  Richelieu,  qui  se 
trouvait  auprès  du  roi  à  Amiens ,  à  peu 
de  distance  d'Arras,  ne  put  informer  la 
Gazette  assez  à  temps  pour  prévenir  l'in- 
sertion de  la  nouvelle  qu'elle  donna,  le 
à  août,  en  ces  termes  :  » ...  Dieu  planta 
la  frayeur  au  cœur  des  ennemis  à  un  tel 
point  que  ces  nombreuses  troupes  espa- 
gnoles accourues  là  de  toutes  parts  ne  de- 
meurèrent pas  seulement  immobiles  et 
comme  percluses,  niais  se  retirèrent  de 
leurs  postes  de  Rivière  et  autres  lieux  dans 
leur  païs,  sans  avoir  ozé  rien  (enter  contre 
nos  armées,  qui  se  rendirent  sans  aucune 
rencontre  au  camp  devant  Arras.  »  Heureu- 
sement la  nouvelle  n'était  qu'à  moitié 
fausse;  l'attaque  des  ennemis  n'avait  pas 
empêché  le  convoi  d'arriver  devant  la  ville 
assiégée,  et  l'on  put  dès  lors  compter  sur 
le  succès  du  siège.  Le  8  août  le  cardinal 
de  Richelieu  écrivit  aux  maréchaux  de 
Chaulnes  et  de  Châlillon  :  o  Si  à  graisse 
d'argent  vous  pouvés  avancer  vostre  ou- 
vrage, ne  le  plaignes  point ,  je  vous  en  prie  ; 
il  y  va  du  tout.  ■  De  son  côté,  le  maréchal 
de  Châlillon  mandait  le  même  jour  à  de 
Noyers  :  «  Ceux  d'Arras  viennent  de  faire 
la  chamade  à  la  bresche  de  la  mine  de 
M.  le  maréchal  de  La  Meilleraie. . .  nous 


passé  plus  de  deux  mille  chariots 


somtnes  après  à  lier  la  capitulation.  »  Celte 
capitulation  fut  signée  le  g  ;  le  texte  en 
est  conservé  dans  le  même  ms.  (Fol.  8g.) 
Avant  de  la  connaître,  Richelieu  en  féli- 
citait le  général  :  «  M.  lui  écrivait-il  le  9,  Je 
ne  saurois  vous  dire  la  satisfaction  qu'a  le 
roy  de  la  prise  d'Arras,  et  le  contentement 
que  j'ay,  en  mon  particulier,  de  ce  que 
vous  avés  faict  paroistre  ce  que  vous  valés. 
J'ay  tousjours  attendu  ce  bon  succès  et  de 
la  bénédiction  de  Dieu,  et  du  soin  et  du 
courage  de  ceux  qui  y  ont  servi.  »  (Ces 
lettres  seront  mentionnées  aux  Analyses.) 
Les  Français  entrèrent  dans  Arras  le  lo 
août;  la  Gazette  du  i6  publiait  les  articles 
de  la  capitulation;  le  numéro  du  i3  avait 
donné  la  nouvelle  de  celle  victoire  dans 
un  article  de  quatre  pages,  qui  apparem- 
ment était  de  la  façon  de  Renaudot.  Mais 
le  17,  la  Gazette  en  donnait  un  second 
d'un  tout  autre  style,  il  est  intitulé  :  Rela- 
tion succincte  da  siège  et  reddition  d'Arras, 
envoyée  d'Amiens.  (P.  677.)  On  l'atlri- 
bua  généralement  à  Richelieu.  Henri  Ar- 
nauld  écrivait  au  président  de  Barillon 
le  19  août  :  «On  croit  que  l'imprimé  que 
l'on  vous  aura  envoyé,  intitulé  Relation 
succincte  du  siège  d'Arras,  est  faict  par 
M.  le  cardinal  mesme.  »  On  conserve  à  la 
Bibliothèque  impériale  un  Mémoire  de 
la  main  du  roy  pendant  le  siège  d'Arras. 
(Mss.  de  Béthune,  9837,  fol.  46.)  Il  fut 
écrit  durant  le  séjour  du  roi  à  Amiens. 
Dès  le  la  août  le  roi  ordonnait  aux  maré- 
chaux les    mesures   qu'il  jugeait  néces- 


718 


LETTRES 


CCCLVIII. 
Bibl.  imp.  Collection  Dupuy,  t.  ql\l\ ,  fol.  aaô.  —  Copie  de  la  main  de  Dnpuy. 

A  MONS,  L'ARCHEVESQUE  DE  BORDEAUX. 

Du  8  août  i6Ao. 

Monsieur,  J'ay  esté  bien  estonné  et  plus  fasché  d'avoir  veu,  par 
vostre  lettre  du  2  7  juillet  ',  que  les  galères  d'Espagne  ayent  débarqué 


saires  à  la  conservation  de  cette  place  im- 
portante ;  le  a4  et  le  2  5  de  Noyers  et  Riche- 
lieu écrivaient  de  longues  lettres  où  ils 
s'attachaient  à  tout  prévoir  et  à  tout  conseil- 
ler. La  lettre  de  Richelieu  sera  notée  à  la  fin 
du  volume.  —  Ce  combat  du  a  août  était 
d'une  importance  capitale;  tout  ce  qu'il  y 
avait  de  noblesse  auprès  du  roi  avait  voulu 
accompagner  l'armée  de  M.  du  Hallier,  et 
Cinq-Mars  s'était  rais  à  la  tète  de  ce  corps 
de  volontaires,  qui  ne  comptait  pas  moins 
de  1,200  hommes*.  On  lit  dans  la  corres- 
pondance d'Arnauld,  à  la  date  du  5:  «  M.  le 
Grand  a  eu  un  cheval  tué  sous  luy  :  il  a 
esté  très-heureux  de  s'estre  trouvé  là.  Le 
roy  avoit  eu  beaucoup  de  peine  à  le  laisser 
aller.  «  Et  le  8  :  «  M.  le  Grand  est  revenu  à 
Amiens  avec  tous  les  volontaires  de  la 
Cour,  où  il  n'estoit  demeuré  personne. 
M.  deBautrumesmeestoilallé.  »  —  «  M.  de 
Thou  s'est  trouvé  au  combat  d'Arras  et  s'y 
est  extresmement  signalé.  11  ne  se  peult 
empescher  de  se  trouver  en  ces  occasions- 
là.  »  Nous  avons  remarqué  que  le  nom  de 
M.  de  Thou  ne  se  trouve  point  parmi  ceux 
que  citent  avec  éloge  les  divers  récits  de 
la  Gazette.  Quant  à  Cinq-Mars,  une  parti- 
cularité qui  mérite  d'être  notée,  c'est  que 


dans  la  première  nouvelle  que  donna  la 
Gazette  du  secours  du  convoi,  le  8  août, 
il  était  fait  mention  de  lui  en  termes  ma- 
gnifiques et  qui  semblaient  lui  promettre 
le  bâton  de  maréchal  de  France  :  «  Nos  vo- 
lontaires estoient  conduits  par  le  grand 
escuyer  de  France,  lequel  s'y  porta  de  si 
bonne  grâce,  qu'il  n'y  avoit  celuy  qui  le 
voyant  affronter  les  escadrons  ennemis  ne 
le  jugeast  digne  héritier  des  titres  comme 
des  vertus  de  ce  généreux  mareschal ,  qui, 
mesnies  en  mourant,  a  fait  redouter  en 
qualité  de  générai  les  armes  du  roy  dans 
l'Allemagne.  »  Le  gazetier  avertissait  que 
cette  relation  n'était  pas  officielle.  Celle 
qu'on  attribua  à  Richelieu  et  qui  parut 
huit  jours  après,  le  17,  en  parlant  du 
convoi  ne  nomme  pas  même  le  grand 
écuyer.  Faut-il  expliquer  ce  silence  par 
cette  petite  nouvelle ,  que  nous  lisons  dans 
la  lettre  précitée  d'Arnauld  :  i  11  y  a  eu 
brouillerie  entre  le  roy  et  M.  le  Grand ,  qui 
a  esté  mal  receu  à  son  retour,  de  ce  que , 
pendant  son  voyage ,  il  n'a  point  escript 
à  S.  M. . 

'  Un  extrait  de  cette  lettre  de  M.  de 
Bordeaux  est  dans  le  manuscrit  cité  aux 
sources,  fol.  1  97. 


Voyez  ci<lessns,  p.  662  ,  sur  Cinq-Mars. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  719 

l'infanterie  et  la  cavalerie  qu'ils  avoient  en  Vay  '.  Le  plus  considérable 
et  quasi  le  seul  service  que  vous  pouviés  rendre  esloit  d'empescber 
leur  descente.  Dans  le  desplaisir  que  j'ay  que  vous  ne  l'aycs  pas  faict, 
ce  m'a  esté  une  grande  consolation  de  voir  que  si  vous  en  pouviés 
rejetter  la  faute  sur  moy  vous  le  fériés;  et  il  me  semble  qu'estant  sur 
les  lieux  avec  M'  de  Fourbin,  il  vous  estoit  plus  aysé  de  mettre  ordre 
que  les  galères  eussent  pour  1 5  jours  de  vivres  davantage  qu'à  moy 
qui  en  suis  esloigné.  Vous  sçavés  bien  qu'ainsy  que  je  vous  ay  dict 
plusieurs  fois,  je  m'attends  à  pareilles  galanteries  aux  occasions  qui 
s'en  présenteront.  Cependant  vous  trouvères  bon  que  je  vous  die  que 
sachant  ce  que  vous  vouliés  faire,  c'estoità  vous  à  vous  pourvoir  des 
moyens  convenables  à  vos  fins.  Outre  que  je  ne  suis  point  en  doute 
que  M'  de  Fourbin  n'eust  trouvé  sur  son  crédit  pour  i5  jours  de 
victuailles  dans  Marseille,  quand  il  n'eust  point  eu  d'argent,  vous 
avés  20"  escus  de  mon  fond  entre  les  mains  pour  vous  en  servir  en 
pareilles  rencontres^. 


'  Vaye.petileradesiirlacôle  de  Gênes. 
(La  Martinière  ) 

'  Richelieu  fut  longtemps ,  pour  l'arche- 
vêque de  Bordeaux,  un  protecteur  bien- 
veillant et  plein  d'indulgence;  ce  qui  ne 
l'empêchait  pas  de  lui  adresser  dans  l'oc- 
casion des  reproches  mérités.  Le  cardinal 
finit  par  lui  retirer  sa  faveur.  Nous  trou- 
vons, jointe  à  la  copie  du  manuscrit  Du- 
puy,  une  annotation  où  la  conduite  de 
l'archevèque-amiral  est  appréciée  avec  une 
justice  un  peu  rigoureuse  :  •  Cet  arche- 


vesque  ne  lit  rien  toute  cette  campagne, 
la  despense  fut  effroyable ,  l'instruction  et 
l'exécution  estoient  semblables,  rien  de  so- 
lide, toutes  chimères.»  —  Nous  faisons 
mention  aux  Analyses  de  lettres  datées  des 
4,  5  et  18  août,  où  l'on  ne  trouve  aucune 
trace  de  ce  mécontentement  de  Richelieu. 
Seulement ,  le  a  1  septembre ,  dans  une  mis- 
sive encore  amicale  pourtant,  il  lui  disait  : 
«  Je  suis  extresmement  fasché  du  mauvais 
succès  qu'a  eu  tout  vostre  employ  de  cette 
année.  »  [Lettre  notée  à  la  fin  du  volume.  ) 


720  LETTRES 


CCCLIX. 

Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  M''  le  duc  d'Aumale.  —  Original. 

SDSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  NOYERS, 

SECBÉT^lBE  D'ESTAT. 

D'Amiens,  ce  ig'aoust  i64o. 

Ce  billet  est  pour  prier  monsieur  de  La  Melleraie  et  monsieur  de 
Noyers  de  ne  manquer  pas  à  venir  droit  descendre  chez  le  roy\  pour 
luy  rendre  compte  de  toutes  choses,  auparavant  que  voir  celuy  qui 
sera  à  jamais  l'esclave  de  leurs  vertus. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


CCCLX. 
Arch.  de  la  famille  d'Esneval.  —  Communication  de  M.  Chéruel.  —  Original. 

A  M.  DE  GRÉMONVILLE\ 

CONSEILLER   DL   EOY    EN   SES  CONSEILS,   HAISTRE  DES  BEQUESTES  DE    SON   HOS'IEL  ET   INTENDANT  DE  LA  JDSTICft 

ET  POLICE  EN    L'ABUÉE  DO  ROT. 

i  septembre. 

Monsieur,  Renvoyant  à  Mons""  le  mareschal  de  Chastillon  cent  ou 

'  Richelieu  avait  écrit  aux  maréchaux  "  Nicolas  Brelel,  seigneur  de  Grémon- 
de  Chaulnes  et  de  Chàlillon  ,  le  i5  août:  ville ,  et  (ils  d'un  président  au  pariement  de 
a  Ces  trois  mots  sont  pour  vous  dire  que  Normandie,  avait  été  nommé  conseiller 
M'  de  Noyers  ira  demain  coucher  à  Dour-  d'État  en  1682 ,  puis  intendant  en  Cham- 
ians,  d'où  il  partira  vendredi  17,  à  quatre  pagne  et  près  de  l'armée  du  Nord.  C'était 
heures  du  matin,  avec  l'escorte  qui  luy  «  l'un  des  bons  et  particuliers  amis  «de  Cha- 
sera  donnée  par  M' du  Hallier,  qui  le  con-  vigni,  qui  le  recommande  en  ces  termes 
duira  jusques  à  la  teste  de  Canche ,  où  je  à  M.  de  Brézé ,  le  20  juillet  1 64 1  ;  de  Noyers 
vous  prie  de  ne  manquer  pas  d'envoyer  l'avait  déjà  recommandé  le  18.  Richelieu 
mille  chevaux  pour  le  conduire  au  camp.  »  le  fit  nommer  intendant  du  Languedoc  en 
C'était  sans  doute  du  résultat  de  celte  vi-  i642.  —  Le  château  d'Esneval,  où  se 
site  au  camp  qu'il  fallait  informer  le  roi.  trouvent  les  originaux  ou  les  copies  aulhen- 
Notons  la  précaution  que  prend  ici  Riche-  tiques  des  lettres  de  Richelieu  à  M.  de  Gré 
lieu  ;  c'était  à  lui  d'ordinaire  qu'on  rendait  monville,  est  situé  près  de  Pavilly  (Seine- 
compte  d'abord.  Inférieure).   (Note  fournie  par  M.  Ché- 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  721 

six  vingts  déserteurs  de  son  armée  qui  ont  esté  arrestez  en  cette  ville , 
entre  lesquelz  il  y  a  plusieurs  officiers,  afin  de  les  juger  au  conseil  de 
guerre,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  dire  que  l'intention  du 
roy  est  non-seulement  que  vous  teniés  la  main  à  ce  que  l'on  ne 
perde  aucun  temps  au  dict  jugement,  mais  aussy  à  ce  que  vous  pre- 
niés  le  soin  de  le  faire  exécutter  comme  chose  absolument  nécessaire 
au  service  de  Sa  Majesté.  Elle  désire  surtout  qu'on  face  un  exemple 
des  officiers,  parce  que  sans  cela  il  est  impossible  de  maintenir  les 
armées.  Vous  vous  en  souviendrés,  s'il  vous  piaist,  et  que  je  me 
descharge  sur  vous  de  cette  affaire,  de  laquelle  vous  me  rendrés 
compte ,  afiin  que  j'en  puisse  informer  le  roy,  vous  asseurant  qu'ainsy 
que  je  seray  tousjours  très  aise  de  luy  faire  valoir  vos  services,  lors- 
qu'il le  mériteront,  je  ne  me  pourrois  pas  empescher  de  luy  faire 
sçavoir  la  négligence  dont  on  pourroit  user  aux  choses  qui  regardent 
son  service.  Je  me  prometz  que  vous  m'obligerés  plus  tost  au  pre- 
mier qu'au  dernier,  et  sur  cette  asseurance  je  demeure, 
Monsieur, 

Voslre  Irijs  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
D'Amiens,  ce  h^  septembre  i64o. 


CCCLXI. 

Arch.  des  Aff.  élr.  Hollande,  t.  ai,  pièce  S/ji.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI'.] 

[6?  septembre  i64o.] 

Faut  escrire  à  M'  d'Estrades  conformément  à  ma  lettre,  c'est-à- 

ruel.)  —  Nous  avons  cité,  à  la  date  du  a6  '  Celte  noie,  en  tête  de  laquelle  est 

avril  1637,  une  lellre  par  laquelle  le  car-  écrit,  «Mémoire  de  M'  le  cardinal,  »  n'a 

dinal  remercie  le  père  de  M.  de  Grémon-  ni  date,  ni  suscriplion;  elle  devait  s'adres- 

ville  de  l'enregistrement  des  lettres  pa-  ser  à  Chavigni,  lequel  écrivit,  le  7  sep- 

tenles  pour  sa  charge  de  grand  maître  de  tembre  au  comte  d'Estrades,  la  missive 

la  navigation.  (Tom.  II,  p.  445.)  dont  Richelieu  donne  ici  la  matière.  Celte 

CARDIN.  DE  RICUELIED.  Tl.  '  9» 


722 


LETTRES 


dire  pour  qu'il  face  en  sorte,  auprès  de  M'  le  P.  d'Orange,  qu'il  ne 
mette  point  en  garnison  qu'au  commencement  de  novembre,  ainsy 
qu'il  fist  à  mon  avis  en  i636  K 

Faut  escrire  conformément  à  M'  d'Amontol^  pour  en  parler  à 
M"  les  Estats,  et  leur  représenter  le  grand  sujet  que  le  roy  auroit  de 
se  plaindre,  si,  après  avoir  donné  tant  d'argent,  non-seulement  leurs 
armes  n'avoient  elles  rien  faict,  mais  qu'elles  vinssent  en  outre  à  mettre 
de  sy  bonne  heure  en  garnison  que  le  cardinal  infant  peust  se  préva- 
loir des  forces  qu'il  y  avoit  opposées,  et  s'en  servir  contre  la  France. 


CCCLXII. 
Manuscrit  du  cabinet  de  S.  A.  R.  M^  le  duc  d'Aumale. 


Original  '. 


AU  ROI. 

D'Amiens,  ce  7*  septembre  16A0. 

Je  suis  d'avis  qu'on  n'en  baille  II  se  trouve  une  difficulté  en   la 

point  aux  gardes ,  ou  bien  que  ils        distribution  du  pain  d'Arras.  Il  couste 


date  du  7  indique  à  peu  près  celle  que 
nous  proposons.  L'affaire  était  d'impor- 
tance; le  prince  d'Orange,  qui  avait  com- 
mencé tard  la  campagne ,  paraissait  vouloir 
la  iinir  de  bonne  heure,  el  la  France  élaif 
menacée  d'avoir  à  supporter  tout  l'effort 
du  cardinal-infant,  que  n'inquiéterait  plus 
le  prince  d'Orange.  On  dépêcha  le  courrier 
Saladin  ;  «  Nous  avons  avb,  mandait  Ciia- 
vigni  à  d'Estrades,  que  le  cardinal-infant 
a  dessein  de  faire  quelque  effort  vers  la  fin 
de  la  campagne,  et  de  joindre,  pour  cet 
effect,  à  l'armée  qu'il  a  vers  ces  quartiers- 
cy,  celle  du  comte  de  Fontayne;  ce  qu'il 
feroit  infailliblement  sans  péril  si  S.  A. 
iogeoit  ses  troupes  dans  les  quartiers  d'hy- 
ver  pluslosl  que  led.  mois  de  novembre.  » 
(L'original  de  la  lettre  de  Chavigni  se 


trouve  à  la  Bibl.  imp.  Mélanges  de  Clai- 
rambault ,  696  ,  p.  554  ;  et  la  minute  dans 
le  ms.  cité  aux  sources,  pièce  334.)  Le 
prince  d'Orange  lit  droit  à  cette  réclama- 
lion,  car  Chavigni  eut  ordre  de  l'en  re- 
mercier, et  nous  avons  une  lettre  du 
10  octobre  où  il  exprime  au  prince  la  sa- 
tisfaction du  roy  et  du  cardinal  pour  «  l'as- 
seurance  qu'il  donne  de  ne  pas  mettre  ses 
troupes  en  quartier  avant  le  1"  du  mois 
prochain.  »  (Pièce  344 du  ms.  desAff.  étr.) 

'  Nous  n'avons  sur  ce  sujet  d'autre 
lettre  de  Richelieu  que  ce  billet. 

''  La  dépêche  que  Chavigui  a  dû  écrire 
à  d'Amonlot  n'est  pas  dans  noire  ms. 

'  On  lit  au  dos  :  •  Mémoire  envoyé  au 
roy  par  S.  Ém.  et  respondu  de  la  main  du 
roy.. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


723 


le  preignent^u  prix  commun  que 
on  le  vent  clans  la  ville;  puisque 
les  Suisses  n'en  prennent  point,  à 
ce  que  m'a  dit  Rose ,  je  croy  que  les 
gardes  s'en  passeroient  bien.  Pour 
la  quantité,  je  ne  le  puis  pas  savoir, 
je  croy  qu'ils  font  toutes  ces  diffi- 
cultés afin  que  on  les  tire  de  là. 


à  Sa  Majesté  près  de  trois  solz  sur 
les  lieux.  Les  gardes  qui  ont  dix 
monstres  n'en  prétendent  payer  qu'un 
soi,  et,  à  cause  de  ce  bon  prix,  ils  en 
prendroient  volontiers  plus  qu'il  ne 
leur  en  faut,  parce  que  les  sergens 
ont  grand  gain  à  le  revendre. 

Il  plaira  au  Roy  régler  le  prix  sur 
lequel  il  veut  que  les  gardes  payent 
le  pain,  et  la  quantité  de  pain  qu'on 
leur  doit  donner  par  jour  '. 


'  C'était  une  singulière  administration 
que  celle  qui  faisoit  descendre  la  majesté 
royale  à  de  tels  détails.  Richelieu,  dans 
toute  la  plénitude  de  sa  puissance  absolue, 
appelle  encore  le  roi  à  son  aide  pour  lixer 
le  prix  du  pain  et  régler  la  distribution  !  Il 
est  vrai  que  l'entretien  des  armées  était 
alors  si  mal  ordonné,  que  leur  nourriture 
ne  s'obtenait  souvent  que  par  le  pillage 
des  particuliers  ou  la  ruine  du  trésor  pu- 
blic. Trois  jours  avant  la  date  de  cette  let- 
tre, le  A  septembre,  Richelieu  avait  écrit 
au  maréchal  de  Châlillon  :  «  J'ay  esté  si 
estonné  quand  j'ay  appris  que  vous  n'avés 
pas  encore  retranché  vostre  pain ,  et  qu'il 
s'en  dbtribue  tous  les  jours  plus  de 
So.ooo  rations,  que  je  ne  puis  que  je  ne 
prenne  la  plume  pour  >ous  représenter 
qu'en  user  ainsy  est  mellre  le  désordre 
dans  les  armées  du  roy  et  réduire  la  guerre 
à  des  difficultés  insurmontables.»  Dès  le 
lendemain,  5,  le  maréchal  de  Châtillon 
répondait  :  •  Depuis  six  jours  nous  n'avons 
peu  faire  aucun  bon  ni  mauvais  mesnage , 
parce  que  l'on  ne  nous  a  pas  envoyé  du 
pain  pour  nourrir  le  tiers  de  l'armée,  la 
plus  part  des  soldats  aiant  esté  quaire  jours 


entiers  sans  en  manger. . .  Il  ne  faut  donc 
pas  s'estonner  si,  dans  un  tel  deffault,  les 
soldats  s'ennuyent  et  quittent  l'armée ,  la 
plus  part  n'ayant  vescu  depuis  quelques 
jours  que  de  mauvaises  pommes  qu'ils 
trouvent  dans  les  villages. . .  Quelques  of- 
ficiers mesme  tombent  dans  une  telle  las- 
cheté,  qu'ils  quittent  leur  charge  et  s'en 
vont  sans  congé. . .  >  Toute  cette  lettre,  de 
quatre  pages,  est  curieuse  pour  la  connais- 
sance qu'elle  donne  du  régime  des  armées 
à  celte  époque.  Il  n'y  avait  pas  de  jour 
que  Richelieu  n'écrivît  quelque  lettre  de 
blâme  au  maréchal  ;  dans  une  seconde 
missive  du  U ,  c'étaient  les  désertions  im- 
punies :  •  Je  vous  prie  de  vous  souvenir 
que  les  officiers  doivent  servir  d'exemple.  >' 
Le  6 ,  c'élait  le  pillage  des  charretiers  qui 
faisaient  les  transports  pour  le  service  de 
l'armée  à  Arras  :  i  Ils  disent  que  depuis  la  fin 
du  siège  les  Allemands  leur  ont  pris  plus 
de  3o,ooo  escus. . .  Si  vous  ne  donnés  en- 
tière seuretéaux  charticrs,  aux  vivandiers 
et  aux  marchands  qui  vont  et  viennent, 
il  sera  impossible  de  faire  subsister  vos 
troupes  et  de  munir  Arras  comme  le  roy 
l'a  commandé.  »  Le  8  et  le  lo,  nouvelles 


724 


LETTRES 


J'ai  la  copie  de  la  lettre  de  Dou- 
vre;  je  ne  doute  nullement  que  ce 
qu  elle  porte  ne  soit  vray.  M'  de 
Brulon  m'a  dit  ce  matin  que  on 
luy  mande  de  Nantes  les  mesmes 
nouvelles. 


injonctions  au  sujet  de  la  mauvaise  disci- 
pline, des  désertions,  des  subsistances. 
Dans  une  autre  lettre,  sans  date,  mais 
qu'on  peut  mettre  au  lo  ou  ii  septem- 
bre ,  Richelieu  disait  au  maréchal  de  Châ- 
tillon  :  «  Il  seroit  inulile  d'avoir  pris  Arras 
si  l'on  n'apportait  tous  les  moyens  néces- 
saires pour  le  conserver.  »  Et  le  cardinal 
indiquait  les  divers  logements  qu'il  con- 
venait d'assigner  à  l'armée,  les  mesures  à 
prendre  pour  le  ravitaillement  d' Arras;  il 
multipliait  les  ordres  et  les  conseils;  il 
mettait  à  faire  munir  Arras  et  à  le  con- 
server toute  l'activité  qu'il  avait  déployée 
pour  le  prendre.  Enfin  le  ai  Richelieu 
mandait  au  maréchal  :  «  Je  vous  conjure 
de  faire  tout  ce  qui  vous  sera  possible 
pour  bien  remettre  vostre  cavalerie. . .  à  ce 
qu'elle  puisse  estre  en  estai  de  servir  en 
certaines  occasions  que  la  folie  des  ennemis 
le  pourroit  requérir,  s'ils  entreprennent  de 
nous  tourmenter  à  Arras.  »  Toutes  ces  let- 
tres ,  dont  nous  présentons  ici  l'ensemble 
dans  une  mention  succincte,  ont  déjà  été 
publiées,  et  seront  indiquées  à  leur  ordre 
chronologique  à  la  Un  de  ce  volume.  — 


La  nouvelle  que  le  narquis  de 
Brezé  a  faict  quelque  chose  vient  de 
tant  de  lieux,  que,  bien  que  je  n'en 
sache  rien  de  certain,  pour  n'ob- 
mettre  à  donner  aucun  avis  à  Sa 
Majesté  de  ce  qui  nous  arrive,  je 
luy  envoie  la  coppie  de  l'extrait 
d'une  lettre  qui  a  esté  écrite  à  M''  de 
Charost  de  Douvre,  le  30"=  du  mois 
passé. 

M"  de  Vaubecour  et  de  Vantau 
ont  faict  une  entreprise  sur  un  chas- 

Nous  avons  donné,  à  la  date  du  Ix  sep- 
tembre, une  lettre  adressée  à  M.  de  Gré- 
monville,  intendant  de  l'armée,  au  sujet 
du  châtiment  à  infliger  aux  déserteurs.  Le 
même  jour,  U,  le  cardinal  lui  en  écrivait 
une  seconde,  et  plus  sévère  encore,  sur 
le  mauvais  ménage  du  pain  :  «...  Je  vous 
fais  ces  trois  lignes,  non  pour  vous  de- 
mander à  quelle  raison  vous  le  souffres, 
puisqu'il  n'y  en  peut  avoir,  mais  pour 
vous  dire  qu'en  faisant  torl  au  roy  vous 
vous  en  faictes  un  très-signalé  à  vous- 
mesme,  qui  pourroit  donner  lieu  de  vous 
juger  moins  capable  des  employs  que  vous 
ne  Testes  en  eflect.  M.  le  mareschal  de 
Chastillon  disant  qu'il  n'a  que  i5  mil 
hommes  de  pied  effectifs,  c'est  un  desrè- 
glement insuporlable  de  donner  plus  de 
trente  mil  rations  tous  les  jours.  Je  vous 
prie  d'y  pourvoir  aussytost  la  présente  re- 
ceue,  autrement  S.  M.  seroit  conlraincte 
d'y  mettre  la  main  et  de  s'en  prendre  à 
vous. . .  »  La  date  de  l'année  manque ,  mais 
la  lettre  fut  écrite  le  même  jour  que  celle 
du  cardinal  au  maréchal  de  Châtillon  sur 
le  même  sujet. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  725 

teau  qui  est  auprès  de  Monts,  la- 
quelle ils  ont  exécuttée  heureuse- 
ment avec  3oo  chevaux  et  ont  faict 
un  grand  butin  de  bestail.  Le  comte 
de  Buquoy,  en  aiant  esté  adverty,  les 
a  atendus  au  retour  avec  600  che- 
vaux et  4oo  mousquetaires.  Vaube- 
cour  avoit  faict  mettre  200  mousque- 
taires en  embuscade,  qui  demeurè- 
rent sy  bien  cachez,  à  3 00  pas  du 
lieu  où  estoit  Buquoy,  qu'il  ne  les 
apperceut  jamais.  D'abord  que  les 
vostres  et  les  ennemis  vindrent  aux 
mains,  cette  embuscade  fit  sa  dé- 
charge si  à  propos,  que  les  ennemis, 
s'en  voiant  surpris,  se  mirent  en  des- 
route. Ainsy  le  passage  fut  libre  à 
,  M"  de  Vaubecour  et  à  Vantau  et  à 

tout  leur  butin  qu'ils  ont  amené  heu- 
Je  suis  bien  fâché  de  blessure       reusem  en  t;  mais  Vantau  s'y  est  trouvé 
de  Vaniaut.  Si  ii  venoit  à  mourir.       blessé  dangereusement,  aiant  la  cuisse 
nous  serions  bien  en  peine  à  rem-  ,       >  ,., 

plir  sa  place.  cassée.  Je  ne  sçay  encore  s  il  pourra 

reschaper,  mais,  s'il  meurt.  Sa  Ma- 
jesté fera  une  perte  très-grande. 

Le  3*  convoy  partant  aujourd'hui, 
je  fais  estât  d'aller  demain  à  Chaunes, 
oîi  le  seigneur  du  lieu ,  qui  est  guéry, 
est  desjà  allé. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU.       . 


726 


LETTRES 


CCCLXIII. 
Imprimée  :  Mémoires  de  l'Académie  de  T'oitfoiwe,  3' série,  t.  III,  p.  lôg'. 

A  M.  LE  BARON  D'AMBRES. 

8  septembre  i64o. 

Monsieur,  je  vous  asseure  que  je  n'eusse  jamais  estimé  que  vous 
eussiés  faict  si  peu  d'çstat  de  mes  recommandations  que  de  vivre 
avec  M.  révesque  de  Lavaur  comme  vous  avés  faict  ^. 


'  Voyez  tome  V,  p.  gSA,  la  source  in- 
diquée, et  note  i  sur  M.  d'Ambres. 

'  Voyez,  sur  les  démêlés  du  baron 
d'Ambres  et  de  l'évêque  de  Lavaur,  la  note 
de  la  page  612  ci-dessus.  Sans  connaître 
au  juste  les  torts  réciproques  des  deux  an- 
tagonistes, on  se  figure  aisément  les  que- 
relles de  vanité  qui  pouvaient  s'élever 
dans  une  petite  ville  de  province  entre  un 
gentilhomme  influent  par  ses  vieilles  re- 
lations de  famille  et  un  nouvel  évêque , 
qui ,  de  son  côté,  prétendait  à  l'influence. 
—  On  voit  par  celte  lettre  que  l'usage 
d'une  porte  de  la  ville  que  voulait  se  ré- 
server l'évêque,  et  sa  prétention  de  faire 
arriver  ses  créatures  aux  emplois  munici- 
paux, étaient  les  principaux  prétextes  de 
ces  démêlés.  — Il  faut  noter  ici  le  soin  que 
prend  le  cardinal  d'appuyer  ses  recomman- 
dations sur  le  droit,  ainsi  que  ses  paroles 
favorables  à  la  liberté  des  élections  munici- 
pales. 11  convient  toutefois  de  ne  pas  ou- 
blier que  dans  cette  circonstance  le  can- 
didat était  agréable  à  Richelieu.  Au  reste, 
quand  celte  missive  arriva,  les  choses 
étaient  sans  doute  en  voie  d'accommode- 
ment, car  parmi  les  lettres  du  baron  d'Am- 
bres que  nous  avons  citées,  page  612, 


*  Arcliivcs  des  Affaires  étrangères,  France,  i6io,  cinq  derniers  mois,  0)1.  176 
archives. 


il  s'en  trouve  une,  du  1 1  septembre,  dans 
laquelle  le  baron  d'Ambres  dit  au  secré- 
taire du  cardinal  que,  «faisant  profession 
d'honorer  tout  ce  qui  est  aimé  de  mon- 
seigneur, il  s'est  reconcilié  avec  M'  de  La- 
vaur, dont  le  procédé  a  esté  très-offensif.  » 
De  son  côté,  l'évêque  annonçait  à  Riche- 
lieu celte  réconciliation  par  une  lettre  de 
septembre  (sans  quantième)*.  Mais  les 
brouilleries  ne  lardèrent  pas  à  recom- 
mencer, ainsi  que  le  prouve  nne  nouvelle 
lettre  du  cardinal  au  baron  d'Ambres". 
L'épître  de  l'évêque  que  nous  citions  tout 
à  l'heure  commence:  «Mon  très -bon  et 
unique  maisire. . .  »  elle  finit:  «  Vostre  très- 
humble,  très-obéissant  et  très-fidèle  servi- 
teur et  filz.  »  Cette  formule ,  un  peu  étrange , 
se  reproduit  dans  plusieurs  missives  de 
Raconis.  Les  chroniques  du  temps  le  re- 
présentent comme  un  des  suivants  les  plus 
assidus  de  Richelieu,  et  lui-même  se 
montre,  dans  ses  lettres,  flatteur  intré- 
pide ;  nous  en  avons  une  entre  autres  où  , 
pour  donner  plus  de  vif  à  ses  louanges, 
il  a  soin  de  vanter  la  pénétration  de  son 
esprit  :  «Ma  veue  s'affoiblit,  écrit-il  le 
6  novembre ,  et  je  me  voy  réduit  aux  lu- 
nettes ,  mais  mon  esprit  se  fortifie  et  de- 

9  février  16/ii ,  mêmes 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


727 


La  ville  de  Lavaur  n'estant  point  frontière,  le  service  du  roy  n'est 
point  intéressé  à  l'ouverture  de  la  porte  que  la  ville  luy  a  accordée , 
et  c'est  chose  si  raisonnable,  que  Sa  Majesté  désire  qu'il  en  jouisse 
paisiblement  et  n'y  soit  troublé  par  personne. 

Pour  ce  qui  est  des  consuls,  le  roy  désire  que  la  ville  les  élise 
librement,  comme  elle  a  faict  par  le  passé,  et  je  vous  conseille, 
comme  vostre  amy,  de  ne  les  y  troubler  point,  et  ne  vous  opposer 
pas  à  l'eslection  du  médecin  dont  M.  de  Lavaur  se  sert,  si  les  voix 
de  la  ville  le  portent  à  cette  dignité. 

Quant  à  la  visite  que  vous  n'avés  pas  rendue  à  monsieur  de  Lavaur, 
vous  trouvères  bon  que  je  vous  dise  que  les  civilités  qu'on  rend  à 
ceux  de  sa  condition,  ayant  Dieu  pour  dernier  objet,  elles  sont  tou- 
jours très-honorables  à  ceux  de  vostre  profession  et  à  tous  autres. 
Je  vous  prie  de  sy  bien  vivre  avec  M.  de  Lavaur,  que  l'avenir  répare 
le  passé,  et  que  tout  le  monde  recognoisse  vostre  piété  et  vostre 
courtoisie,  et  Testât  que  vous  faictes  de  la  recommandation  d'une 
personne  qui  vous  a  tousjours  aimé,  et  qui  veut  continuer  à  estre, 
Monsieur,  vostre  très-allectionné  à  vous  rendre  service. 


Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


D'Amiens,  ce  8  septembre  16^0. 


vient  plus  pénétrant  qu'il  n'a  jamais  esté  . .  » 
Puis  racontant  ses  lectures,  qui  ne  sont 
pas  toutes  de  théologie  :  «  Parfois ,  dit-il , 
je  prends  quelques  pièces  nouvelles  des 
poêles  académiques. . .  J'en  ay  leu  deux , 
entre  les  autres,  la  Roxane  et  l'Alcionée, 
grandement  approuvées  par  S.  Ém. . .  J'en- 
tends les  discours  de  ces  nouveaux. . .  avec 
mortification  après  avoir  esté  assez  heu- 
reux d'escouter  les  vostres. . .  »  Alcionée  ou 


Combat  de  l'honneur  et  de  l'amour,  tragédie 
de  Pierre  Du  Ryer,  avait  été  jouée  en 
1639;  et  la  Roxane,  représentée  l'année 
suivante ,  était  de  Desmarets.  Il  est  pro- 
bable que  Corneille  comptait  parmi  «  ces 
nouveaux.  «Selon  une  anecdote  du  temps, 
le  cardinal  aurait  eu  grande  part  à  la  com- 
position de  Roxane;  si  l'anecdote  dit  vrai , 
rien  ne  pouvait  être  plus  malencontreux 
que  le  compliment  de  Raconis. 


728 


LETTRES 


CCCLXIV. 
Arch.  des  AfT.  élr.  France,  i64o,  cinq  derniers  mois,  fol.  i58. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNI, 


Original. 


SECRETAIRE    D'ESTAT,   A    PARIS. 


De  Chaulaes,  ce  23*  septembre  i64o. 

Le  roy  m'a  escrit  qu'il  faict  estât  de  venir  à  Compiègne  jeudi  '.  La 
saison  ny  ses  affaires  ne  permettent  plus  qu'on  s'esloigne  de  Paris, 


'  Le  roi  avait  quitté  l'armée  dans  les 
premiers  jours  de  seplembre;  le  7,  il  écri- 
vait de  Saint-Germain,  au  cardinal  :  «Je 
suis  arrivé  aujourd'huy  en  ce  lieu,  oùj'ay 
trouvé  la  reyne  et  mon  fils  en  très  bonne 
santé.  Mon  fils  est  exlresmement  embelly, 
mais  très  opiniastre  ;  je  ne  suis  nullement 
résolu  de  luy  soulTrir  ces  mauvaises  hu- 
meurs. »  Ces  trois  lignes  nous  sont  expli- 
quées par  une  lettre  de  M.  de  Brassac, 
écrite  le  10  septembre  au  cardinal.  (AfF. 
étr.  France,  i64o,  cinq  derniers  mois, 
fol.  122.)  Nous  avons  dit  dans  quelle  in- 
tention M.  et  M"'  de  Brassac  avaient  été  pla- 
cés par  Richelieu  auprès  de  la  reine  ;  «  Un 
des  services  que  je  puis  et  que  je  dois 
rendre,  mande  Brassac,  est  de  faire  sça- 
voir  à  S.  Em.  fidèlement  les  choses  qui  se 
passent  ity.  Alexandre  *  y  arriva  la  veille  de 
Nosire-Dame,  assez  gay,  ce  qui  a  duré 
jusques  à  hier  au  soir,  que  passant  par 
la  chambre  de  i'OEillet",  pour  le  voir, 
celui-cy,  estonné  de  voir  plus  de  gens 
qu'il  n'avoit  accoustumé,  Scipion  "'  le 
voulant  caresser,  il  se  prit  à  crier.  Aussy- 
lost  Alexandre  parut  fort  couroucé 

*  Le    roi.    —   **  Le  dauphia.  —  ***  Cinq-Mars. 
""•*  M.  de  Brassac.  —  *"*"*  Le  cardinaL 


En  se  retirant  dans  sa  chambre,  il  ren- 
contra Diane"'*,  à  laquelle  il  s'arresla  et 
luy  dist,  avec  un  visage  fort  plein  de  pas- 
sion: I'OEillet  ne  peut  souffrir  ma  veue; 
c'est  une  eslrange  nourrilureque  la  sienne , 
mais  j'y  mettray  ordre.  Cela  dicl ,  il  la 
laissa  grandement  estonnée,  et  quand  elle 
fut  retirée  les  larmes  luy  sortaient  des 
yeux,  et  dist  à  Aminte  ""*,  qu'elle  souf- 
froit  bien  innocente  et  qu'elle  jugeoit  bien 
à  quoy  cela  tendoit,  à  sçavoir,  de  luy  es- 
ter I'OEillet;  et  de  faict,  ce  quedict  après 
Alexandre  alloit  là.  Scipion ,  Nogent  et  le 
Jasmin  "**"  taschèrent  d'adoucir  au  mieux 
qu'ils   purent   l'affaire,    mais    Alexandre 

demeura  en  ceste  humeur Hier  au 

soir,  Diane,  en  se  couchant,  dist  à  Aminte 
qu'Alexandre  avoit  escrit  à  Marc-An- 
thoine  ""***,  et  que  son  espérance  esloit 
que  la  bonté  qu'il  luy  faisoit  paroislre  em- 
pescheroist  qu'elle  ne  receust  l'affliction 
de  se  voir  séparée  de  I'OEillet,  et  qu'elle 
s'asseiiroit  que  quand  il  se  la  représente- 
roit,  elle  luy  feroit  compassion.  Il  verra 
bien,  se  dist-ellc,  ma  misère  dans  mon 
ressentiment,  et  dans  l'opinion  de  tout  le 

-   ""    La   reine.  —  '""   Madame   de   Brassac.  — 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


729 


où  cent  occasions  pécuniaires  requièrent  une  présence  assidue.  Tout 
ce  qui  se  peut  faire  à  Arras  de  nostre  part  est  faict.  L'intention  de 
Sa  Majesté  n'est  pas  que  ses  armées  facent  davantage  cette  année,  et, 
par  conséquent,  je  ne  veoy  rien  qui  la  puisse  faire  raprocher  de  deçà, 
s'il  n'a  quelque  dessein  de  quelque  nouvelle  entreprise  que  nous  ne 
sçavons  pas,  et  dont  je  ne  prévoy  pas  la  possibilité  en  ce  temps. 

Incontinent  la  présente  receue,  M.  de  Cbavigny  ira  trouver  Sa 
Majesté,  qui  doit  partir  mercredi,  à  ce  qu'elle  me  mande,  pour  luy 
porter  la  lettre  que  je  luy  escris,  et  agir  en  conformité  à  la  présente. 


monde.  L'autre  luy  respondit  qu'elle  avoil 
raison  d'avoir  espérance  en  Marc-An- 
thoine,  qui  luy  tesmoignoit  tous  les  jours 
tant  de  bonne  volonté.  —  Voilà  ce  que  le 
Jasmin  a  cru  devoir  dire  à  son  maistre; 
ne  s'estant  passé  autre  chose.  •  Cependant 
la  reine  voulut  écrire  elle-même  au  car- 
dinal ,  pour  lui  demander  ses  bons  oiTicc  s 
en  cette  occurrence.  Le  Gras,  son  secré- 
taire, en  envoyant  à  Chavigni,  le  i3  sep- 
tembre, celte  lettre  de  la  reine,  lui  disait  : 
«  Elle  a  esté  aucunement  consolée  ce  ma- 
tin, par  les  caresses  que  M*'  le  Dauphin  a 
l'aictes  au  roy,  l'ayant  embrassé  vingt  fois, 
l'appelant  papa  et  couru  après  lui  pour  luy 
embrasser  les  jambes,  enfin  la  tristesse 
s'est  changée  en  joye.  •  Celte  scène  d'in- 
térieur a  son  intérêt  ;  nous  y  voyons  l'in- 
fluence souveraine  de  Richelieu  dans  le 
sanctuaire  de  la  famille,  non  moins  que 
dans  les  affaires  du  royaume;  la  mère, 
aussi  bien  que  la  reine,  subissait  ce  rude 
despotisme.  Le  Dauphin  n'était  pas  encore 
né  que  le  cardinal  s'en  était,  pour  ainsi 
dire,  emparé,  en  lui  donnant  une  gou- 
vernante de  son  choix,  et  il  avait  imposé 
M'"deLan8»ac  à  la  reine, qui  ne  la  voulait 
pas;  aussi  la  gouvernante  semblait  appar- 
tenir à  Richelieu  plus  encore  qu'à  Anne 
d'Autriche.  Nous  avons  d'elle  des  lettres 


où  elle  informe  minutieusement  le  car- 
dinal de  tous  les  petits  incidents  de  celte 
première  enfance.  A  peine  l'enfant  com- 
mence-t-il  à  parler,  il  faut  que  Richelieu 
sache  quelles  prières  on  lui  fait  dire  le  ma- 
tin, le  soir,  avant  et  après  le  repas;  on  se 
plaint  à  lui  de  l'antipathie  du  jeune  prince 
pour  l'a  b  c,  de  son  peu  de  vivacité  d'es- 
prit, des  mauvaises  humeurs,  des  puérils 
caprices  de  cet  enfant  de  quatre  ans.  — 
Dans  sa  lettre  d  u  7 ,  après  les  lignes  que  j'ai 
rapportées  plus  haut ,  le  roi  écrivait  avec 
détail  des  affaires ,  il  annonçait  des  mesures 
prises  pour  une  levée  de  io,5oo  hommes 
et  pour  l'organisation  de  plusieurs  régi- 
ments, pour  leur  marche  et  pour  certains 
approvisionnements  de  munitions;  il  ré- 
formait les  propositions  de  Bullion  ;  «  voici, 
disait-il  à  Richelieu ,  le  projet  que  j'ay 
faict,  »  et  il  demandait  l'avis  du  cardinal. 
Louis  XIII  était  bien  aise ,  d'ailleurs ,  qu'on 
sût  qu'il  s'occupait  de  la  guerre;  et,  en 
effet,  on  en  parlait  dans  le  monde  bien 
informé;  Henri  Arnauld  mandait  précisé- 
ment, le  9  septembre,  à  Barilion  :  «Le 
roy  travailla  hier  toute  l'après  disnée  à 
faire  des  roules  pour  les  nouvelles  levées 
que  l'on  faict,  et  à  ordonner  des  estapes 
.sur  leur  passage.  >■ 


CARDIN.  DE  RICHELIEC.  —  VI. 


9' 


730  LETTRES 

Comme  je  demeurerois  cent  ans  en  un  lieu  s'il  estoit  besoin,  aussy 
avouay-je  que  des  caracols  inutiles  ne  sont  plus  bons  pour  un  homme 
de  mon  âge,  qui  va  droit  à  ses  fins. 

Response  demain  au  soir,  s'il  vous  plaist^ 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCLXV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64o,  cinq  derniers  mois,  fol.  iSg.  — 

Original. 

SUSCRIPTIONs 

AU  ROY. 

2  5  septembre. 

Sire, 

Je  ne  sçaurois  assez  me  resjouir  de  la  prise  de  Thurin,  dont  il  a 
pieu  à  Vostre  Majesté  me  donner  avis.  Ces  bénédictions  de  Dieu  mé- 
ritent d'estre  recogneues  et  secondées.  Je  ne  doute  point  que  Vostre 
Majesté  ne  face  le  premier,  et  c'est  à  nous  à  faire  le  second,  sous  ses 
ordres.  Pour  cet  elFect,  Vostre  Majesté  n'ayant  plus  dessein  de  rien 
faire  de  deçà  avec  ses  armées,  j'estime  du  tout  nécessaire  que  vostre 
conseil  soit  aux  environs  de  Paris,  tant  pour  pourvoir  au  présent 
qu'à  l'avenir,  avec  M"  des  finances,  sans  lesquels  on  ne  peut  rien 
faire  pour  asseurer  Arras,  Thurin  et  Cazal,  qui  seront  en  perpétuel 
péril  et  nécessité,  si,  sans  augmenter  la  despense,  on  ne  trouve 
moyen  d'envoyer  sur  les  lieux,  par  avance,  les  mesmes  fonds  qu'on  y 
envoie  inutilement  après  coup.  Ces  raisons  me  font  croire  que  le 
voiage  que  Vostre  Majesté  veut  faire  à  Compiègne  doit  estre  remis  en 
un  autre  temps,  et  qu'il  vault  mieux  que  je  l'aille  trouver  au  lieu 
où  elle  est,  ce  que  je  feray  aussy  tost  que  j'auray  receu  de  ses  nou- 
velles^. 

'  Les  trois  derniers  mots  sont  ajoutés  ce  26  septembre  i64o.  »  —  ».lc  viens  de 

de  la  main  du  cardinal.  recevoir  de  vos  nouvelles  par  Boigency, 

'  Le  roi  répondit  aussitôt  au  cardinal  puisque  vous  estes  d'avis  que  je  ne  passe 

par  un  billet  autographe  daté  «  d'Écouan ,  pas  plus   outre ,  je  m'en  vas  courber  à 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  731 

11  est  besoin  de  faire  chanter  solennellement  le  Te  Deum  pour 
un  sy  grand  effect  comme  celny  de  la  prise  de  Thiirin.  Je  supplie 
Dieu  qu'il  donne  tousjours  à  Vostre  Majesté  de  semblables  fortunes, 
et  à  moy  de  nouvelles  occasions  de  luy  tesmoigner  que  je  suis, 
Sire, 

Son  très  humble,  très  obéissant,  très  fidèle  et  très  obligé  sujet  et  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Cbaune,  le  26  septembre  i6/4o. 


CCCLXVI. 

Arci).  des  Aff.  étr.  France,  i64o,  cinq  derniers  mois,  fol.  162.  — 

Original. 
SUSCRIPTlOSi: 

POUR  M.  DE  C  HA  VIGNY, 

SECRÉTAIRE    D'ESTAT. 

DeChauiies,  ce  26'  septembre  i6/(0. 

Je  vous  escrivis  hier  ce  que  je  pensois  sur  le  voiage  de  Compiègne, 
qui  me  semble  maintenant  hors  de  saison,  les  roys  ne  devant  s'ap- 
procher de  leurs  armées  que  lorsqu'ils  ont  lieu  d'y  faire  quelque 
chose.  Les  aflFaires  du  roy  requièrent  présentement  qu'on  soit  à  Paris, 
ou  aux  lieux  proches.  J'ai  pris  la  liberté  de  l'écrire  au  roy. 

Il  y  a  tant  d'ordres  à  donner  pour  Thurin,  pour  Gazai,  pour  la 
Catalogne,  et  pour  les  fonds  nécessaires  à  faire  subsister  toutes  les 
troupes  l'hiver,  qu'il  est  impossible  de  s'esloigner  maintenant  de  Paris. 
Partant  je  croy  que  le  roy  ne  doit  point  passer  Chantilly  ',  s'il  y  est 


Chantilly,  où  je  vous  attandray  ;  ce  qui  me 
faisoit  avancer  jusque»  à  Compiègne  estoit 
i'irapaliance  que  j'avois  de  vous  voir.  — 
Louis.  —  (Ms.  cité  aux  sources,  fol.  161.) 
'  La  sociélé  de  Paris  s'occupa  de  cet 
incident;  Arnauld  écrivait  à  son  ami,  le 
aG  septembre  :  «  Le  roy  partit  hier  de 
S'  Germain  pour  aller  coucher  à  Ëscouan, 


aujourd'hui  à  Chantilly  el  demain  à  Com- 
piègne, où  M*'  le  cardinal  se  trouvera.  11 
le  fallut  porter  dans  son  carosse  estant 
encore  incommodé  de  la  goutte.  Cela  faicl 
grand  peine  à  toute  la  cour  de  le  voir 
partir  en  cet  estât  là.  On  ne  peut  pas 
juger  si  ce  voyage  sera  long;  les  ennemis 
sont  très-forls  aux  eovirons  d'Arras. . .  •  Et 


9a. 


732  LETTRES 

arrivé,  et,  s'il  n'y  est  pas,  s'esloigner  de  S'  Germain.  Je  suis  Irès- 
aise  que  Mad^  Bouthillier  se  porte  mieux'. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


GGCLXVII. 
Bibl.  imp.  Manuscrits  Dupuy,  t.  y^A,  fol.  lyg.  —  Copie. 

A   L'ARCHEVESQUE  DE  RORDEAUX. 

lo  novembre  i64o'. 

Monsieur,  Je  vous  envoie  la  response  surtout  ce  que  vous  désirés, 
tant  du  traicté  d'Arger  que  du  nombre  des  vaisseaux  qui  doivent  re- 


le  3o  :  «  M.  de  Chavigny  alla  dire  eu  roy, 
à  Escouan,  que  M.  le  cardinal  revenoit 
et  estoit  bien  marry  que  S.  M.  fust  partie 
dans  l'incommodité  de  sa  goutte.  Il  ne 
laissa  pas  d'aller  jusques  à  Chantilly,  où 
M.  le  cardinal  arriva  iiier,  au  moins  à 
Royaumont,  pour  demain  venir  coucher 
à  Argenteuil,  et  le  lendemain  aller  voir  la 
reyne  et  M.  le  duc  d'Anjou...  Le  roy  se 
doibt  rendre  en  mesme  temps  à  S'  Ger- 
main. I)  Ainsi  le  roi  se  conforma  au  désir 
du  cardinal,  qui  mit  tout  en  œuvre  pour 
obtenir  de  Sa  Majesté  ce  qu'il  désirait. 
Nous  lisons  dans  une  lettre  conlldentielle 
de  BuUion  à  Chavigni,  du  26  septembre  : 
«Je  receus  hier  une  lettre  du  roy  que  je 
vous  envoie.  J'avois  escrit  à  S.  M.  que 
M*'  le  cardinal  estoit  en  peine  de  sçavoir 
de  ses  nouvelles  et  altendoit  son  com- 
mandement pour  venir  trouver  S.  M.  Vous 
verrez  ce  que  le  roy  m'escript,  et  vous 
supplie  de  me  rendre  la  susdite  lettre  à 
nostre  première  veue.  A  bon  entendeur, 
salut;  vous  sçaurez  mieux  deschifrer  que 
personne  la  susdite  lettre.  Launay,  qui 
estoit  venu  d'auprès  mon  d.  seigneur  le 
cardinal,  me  dit  qu'il  avoit  faict  entendre 
au  roy  que  les  postes  estoient  toutes  rom- 


pues et  qu'il  estoit  impossible  d'avoir  des 
chevaux.  »  (Ms.  cité  aux  sources,  fol.  166.) 

'  Richelieu  avait  écrit  le  21  à  Chavigni: 
Cl  M'  le  prince  m'ayant  faict  mad.  Bouthil- 
lier plus  malade  que  je  ne  pensois,  j'en- 
voie expressément  le  s'  de  Pallière  pour 
luy  tesmoigner  le  desplaisir  que  j'en  ay  et 
m'en  rapporter  des  nouvelles.  Je  vous  prie 
de  luy  faire  cognoistre  l'affection  que  j'ay 
pour  elle  et  le  désir  que  j'ay  qu'elle  n'ou- 
blie rien  de  ce  qu'elle  pourra  pour  se  gué- 
rir. Je  la  conjure  de  laisser  toute  mélan- 
colie à  part  et  de  se  représenter  que,  si 
elle  a  quelque  affliction,  elle  passera  as- 
surément. H  n'y  a  rien  que  je  peusse  con- 
tribuer à  sa  guérison  que  je  ne  feisse  vo- 
lontiers. » 

^  Je  n'ai  pas  trouvé  l'original  de  cette 
lettre  parmi  la  correspondance  de  l'arche- 
vêque de  Bordeaux,  conservée  dans  le 
tome  27  de  la  suite  de  Dupuy,  mais  la  ré- 
ponse de  Richelieu,  dont  la  présente  lettre 
fait  mention,  s'y  trouve  fol.  53 1  ;  c'est  un 
original  de  la  main  de  Cherré,  avec  ce  titre  : 
«  Ordre  de  S.  Èm.  sur  les  vaisseaux  (|ui 
ont  à  repasser  du  Ponant,  ceulx  qu'il  faut 
vendre  ou  mettre  en  bruslots ,  avec  le  pro- 
jet des  armemens  du  Ponant  et  du  Levant 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  733 

passer,  le  quel  j'ay  faict  avec  M'  Desgouttes ,  comme  intelligent  en 
cette  affaire. 

Quant  aux  bruits  que  vous  me  mapriés  qui  courent  que  vous  estes 
en  ma  disgrâce,  terme  que  je  répelte  après  vous,  je  n^en  ay  ouï  par- 
ler à  qui  que  ce  puisse  estre.  J'ay  bien  ouï  dire  qu'en  diverses  occa- 
sions vous  avés  parlé  plus  librement  qu'il  ne  seroit  à  désirer  pour 
vous-mesme;  mais  n'arrivant  rien  en  ce  genre  que  je  n'aye  préveu, 
ainsy  que  je  vous  l'ay  dict  plusieurs  fois,  je  ne  suis  pas  résolu  de  me 
brouiller  avec  ceux  que  j'aime ,  pour  ce  sujet  '.  Il  faut  que  chacun  agisse 
selon  sa  nature.  Cependant,  si  vous  me  croies,  vous  penserés  deux  fois 
à  ce  que  vous  voudrés  dire  à  l'advenir,  de  crainte  que  vous  ne  trouviés 
pas  tousjours  des  personnes  sy  endurantes  que  moy,  qui  veux  estre, 
Monsieur, 

Vostre  bien  affectioDné  confrère  à  vous  rendre  service. 


pour  l'année  16A1  -  >  Cet  ordre  est  daté  de 
Ruel,  10  novembre,  ainsi  que  la  présente 
Ictlre.  Nons  en  avons  vu  une  copie  aux 
archives  des  Affaires  étrangères,  Espagne, 
I.  30,  et  il  a  été  imprimé  dans  la  Corres- 
j)oii(hnce  de  Sourdis.  C'est  une  espèce  d'in- 
ventaire de  tous  les  vaisseaux  de  la  marine 
française.  Richelieu  désigne  par  leur  nom 
ceux  qui  ne  sont  bons  qu'à  faire  des  brû- 
lots ,  ceux  qu'il  convient  de  vendre  au  com- 
merce; «de  tout  le  reste,  il  faut  compo- 
ser deux  armemcns,  l'un  pour  le  Levant 
(  I  5  vaisseaux  et  30  galères)  ;  l'autre  pour 
le  Ponant  (30  vaisseaux)...  Quant  à  l'ar- 
gent, ajoute  Richelieu,  j  ay  chargé  le  Pi- 
card, qui  ne  voudroit  pas  et  n'oseroit  pas 
me  manquer,  de  fournir  tout  ce  qui  sera 
nécessaire Et  quant  au  voyage  de  Bar- 
barie ,  le  s'  des  Gouttes ,  qui  est  père  de  la 
mer,  dict  qu'il  nest  plus  temps  d'y  penser 
pourcetle  année;  on  verra  l'année  qui  vient 
ce  qu'il  faudra  faire ,  et  les  moyens  qu'il 
iiiiudra  tenir  pour  réformer  le  traicté  d'Ar- 
ger.  »  (Aux  Analyses.)  —  Un  autre  mé- 


moire, contenant  une  série  de  questions  à 
résoudre  par  le  cardinal  et  répondues  par 
lui  à  mi-marge  ,  est  conservée  dans  le  ma- 
nuscrit de  Dupuy,  fol.  bSS,  immédiatement 
après  celui  dont  nous  venons  de  parler. 
Il  ne  porte  d'autre  date  que  ces  mots, 
d  i3  novembre  i64o,i  mis  à  la  marge 
après  coup  et  comme  pour  le  classement. 
Il  concerne  les  mômes  affaires,  auxquelles 
d'autres  points  on  t  été  ajoutés  ;  on  voit  qu'il 
a  été  écrit  avant  que  l'archevêque  eût  reçu 
le  mémoire  du  1  o  novembre.  Ce  second  mé- 
moire a  été  placé,  dans  la  correspondance 
imprimée  de  Sourdis ,  immédiatement 
après  le  premier,  comme  dans  le  manuscrit. 
'  Le  cardinal  ne  dit  pas  ici  toute  sa 
pensée;  si  l'archevêque  de  Bordeaux  n'élail 
pas  publiquement  disgracié,  il  l'était  dans 
le  cœur  de  Richelieu  ;  el  cette  disgrâce ,  qui 
n'éclatera  qu'en  septembre  i64i,  on  en 
verra  bienlôt  des  indices  que  dissimuleront 
mal  quelques  paroles  amicales,  resie  de 
vieux  souvenirs  peut-être,  ou  plutôt  peu 
sincères. 


♦ 


73/1  LETTRES 


CCCLXVIII. 

Archives  de  Condé,  n°  \k']-  —  Communication  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

1 8  novembre. 

Monsieur,  Je 

vous  escrivis  dernièrement  pour  vous  conjurer  de  faire  l'impossible 
pour  grossir  les  troupes  qui  doivent  entrer  en  la  Catalogne  '.  Je  prends 
encore  de  nouveau  la  plume  pour  vous  faire  la  mesme  prière.  Celte 
affaire  est  de  telle  importance,  et  la  promptitude  si  nécessaire,  que 
je  m'asseure  que  vous  vous  surmonterés  vous-mesme  en  cette  occasion. 

On  envoyé  de  l'argent  à  M''  de  Serignan  pour  mettre  son  régiment 
à  3o  compagnies;  vostre  crédit  et  vostre  authorité  vous  feront  faire 
aisément  la  mesme  chose.  Ainsy  ces  deux  régimens  augmentez  de  la 
sorte,  et  ceux  de  Toneins,  d'Espenan,  de  Lecques  et  de  Grignoles, 
feront  asseurément  plus  de  5  mille  hommes  effectifs.  Quant  à  la  ca- 
valerie ,  l'occasion  mérite  bien  que  les  gens  d'armes  de  M"  de  Schom- 
berg,  d'Arpajon  et  d'Ambres  soient  promptement  mis  sur  [)ied  pour 
cet  effect,  s'ils  n'y  sont;  veu  principalement  que  les  Catalans  les 
j)ayeront  bien. 

La  diligence  est  grandement  requise  en  une  telle  affaire.  Je  vous 
conjure  de  n'en  oublier  aucune,  et  vous  asseurer  que  je  suis. 
Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  trës  affectionné  serviteur.  ■ 

Le  Gard.  DE  RICHEUEU. 

De  Ruel,  ce  i8  novembre  i64o. 

Vous  vous  souviendrés,  s'il  vous  plaist,  qu'il  faut  qu'il  y  ayt  tous- 
jours  mil  bons  hommes  dans  Narbonne  du  reste  des  autres  régimens 

'  Je  n'ai  pas  trouvé  ceUe  première  lettre.  à  ce  sujet  ses  exhortations,  avec  l'insistance 
J'en  indiquerai,  aux  Analyses,  une  troi-  qu'il  met  toujours  aux  choses  d'où  peut 
sième,  dans  laquelle  Hichelieu  renouvelle        dépendre  le  succès  de  ses  entreprises. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


735 


qui  estoient.  en  Languedoc,  les  quels  vous  avés  réformez  à  trois  ou 
quatre  compagnies  chacune 


CCCLXIX. 
Arch.  des  A£f.  élr.  France,  i64o,  cinq  derniers  mois ,  fol.  a84.  —  Original. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 


SECRETAIRE  D'ESTAT,    A   PARIS. 


De  Ruel,  ce  2  décembre  i64o,  au  soir. 

J'ay  escrit  à  M'  de  Bullion  pour  l'ordonnance  des  ao  mille  risse- 
dales  pour  envoyer  à  M'  d'Avaux.  Je  vous  prie,  ne  vous  précipiter 
point  de  venir  icy;  guérisses  vous  à  loisir^;  je  vous  le  recommande 


'  Celte  espèce  de  post-scriplum  est  écrit , 
sur  l'original,  dans  l'espace  blanc  qui  avait 
été  laissé  entre  la  dernière  ligne  de  la 
lettre  et  la  formule  finale. 

'  Henri  Arnauld  écrivait  au  président 
de  Barillon  ce  même  jour  a  décembre  : 
«  Pendant  cinq  ou  six  jours  que  M  deCba- 
vigny  a  gardé  le  lit,  M.  de  Bullion  l'a  esté 
voir  deux  fois  et  ont  esté  enfermés  long- 
temps; M.  de  Noyers  leur  donne  des  af- 
faires. iLe  même  avail  écrit,  peu  de  temps 
auparavant  (le  7  et  le  1^  octobre)  :  «La 
faveur  de  M.  île  Noyers  près  de  M.  le  car- 
dinal est  une  chose  incompréhensible. . . 
sa  puissance  augmente  tous  les  jours  ;  tout 
fléchit,  jusqu'à  M.  de  Bullion.»  Les  divers 
témoignages  que  nous  avons  recueillis 
confirment  celui-ci.  Bullion,  au  contraire, 
devenait  extrêmement  incommode.  •  Il  en- 
Ireprend  tous  les  jours  (mandait  encore 
H.  Arnauld,  le  la  décembre)  des  affaires 
contre  les  intentions  de  S.  Em.  ■  Mais  Bul- 
lion était  au  terme  de  sa  carrière;  il  mou- 


rut vingt  jours  après  la  date  de  cette  lellre. 
«  M.  de  Bullion  est  mort  cette  nuit  d'une 
goutte  remontée,  dit  encore  le  journal 
épistolaire  de  H.  Arnauld;  M*'  le  cardinal 
vint  hier  soir  pour  le  voir.  S.  Em.  tes- 
moigne  en  eslie  touchée.  Le  roy,  qui  estoit 
à  Ruel  quand  W  le  cardinal  en  partit, 
paroissoit  extresmement  gay.  Le  peuple 
en  tesmoigne  joye.  »  Empruntons  encore 
à  cette  curieuse  corre.spondance  quelques 
traits  concernant  ce  personnage ,  qui  a  joué 
un  rôle  important  dans  le  gouvernement 
de  Richelieu  :  •  On  n'a  oié  enterrer  le  del- 
funct  publiquement,  de  crainte  du  peuple , 
qui  tesmoigne  une  joye  extresnie  de  sa 
moi  t.  On  le  porta  la  nuict  dans  un  caresse 
aux  cordeliers.  Le  roy  en  a  parlé  comme 
estant  fort  esloigné  d'y  avoir  regret.  Il 
laisse  au  moins  5oo  mil  liv.  de  rentes.  »  _ 
(26  décembre)  Et,  quant  à  la  sensibilité 
de  Richelieu,  dont  parlait  tout  à  l'heure 
II.  Arnauld ,  elle  ne  tarda  pas  à  se  dissiper. 
«  M^'  le  cardinal  n'a  nullement   regretté 


736  LETTRES 

d'autant  plus  qu'en  ce  temps  les  meilleurs  remèdes  n'opèrent  que 
lentement. 

Aies  soin  de  vous  s'il  vous  plaist. 

Le  Càrd.  DE  RICHELIEU. 

'  Depuis  cette  lettre  escrite  j'ay  receu  la  voslre''';  songes  à  vous 
guérir,  et  ne  venés  point  icy.  Si  le  roy  va  dehors,  je  feray  un  tour  à 
Paris. 


1 5  décembre. 


CCCLXX 

Bibl,  imp.  Fonds  Dupuy,  t.  549 ,  ^°^-  ^^"J-  — Copie. 

A  M.  LE  COMTE. 

Monsieur, 

Le  s'  de  Campiou  s'est  acquitté  de  la  charge  que  vous  luy  avés 
donnée;  il  est  certain  que  le  roy  a  des  advis  bien  differens  de  ce 
qu'il  a  dict  de  vostre  part.  Je  seray  extresmement  aise  que  le  temps 
fasse  cognoistre  la  sincérité  de  vos  intentions,  et  qu'il  me  donne  lieu 
de  vous  tesmoigner  que  je  suis,  etc.  ' 

De  Ruel,  ce  i5  décembre  i6Ao. 


M.  de  BuHion ,  »  dit-il  le  2  janvier.  Le  bruit 
courut  un  peu  plus  tard  que  «  le  roy  avoit 
quelque  dessein  de  partager  avec  les  en- 
fants de  M.  de  Bullion ,  »  et  ferait  recher- 
cher les  sources  de  la  grande  fortune  que 
iaissail  le  surintendant;  mais  Amauld.qui 
donnait  cette  nouvelle,  n'y  croyait  guère, 
et  remarque  que  cette  sévérité  n'était  pas 
du  siècle.  Il  noie,  à  la  date  du  2  juin,  une 
visite  de  la  famille  de  M.  de  Bullion  au 
cardinal  :  peut-être  avait-elle  pour  objet  le 
bruit  qu'on  répandait  alors. 

'  Ceci  a  été  écrit  après  la  lettre  fermée 
et  sur  le  côté  opposé  à  celui  de  l'adresse. 


'  Cette  lettre  de  Chavigni  n'est  pas  dans 
le  manuscrit. 

'  Ce  billet,  court  et  sec,  fait  assez  en- 
tendre qu'on  ne  donnait  aucune  confiance 
aux  protestations  que  Campion  avait  ap- 
portées. Richelieu  répétait  ici  ce  qu'il  avait 
déjà  fait  écrire  par  le  roi.  Le  manuscrit 
de  Bélliune  «"9337,  fol.  17,  conserve  la 
minute  de  la  lettre  de  S.  M.  «  Mon  cou- 
sin ,  j'ay  volontiers  entendu  Campion ,  qui 
m'a  parlé  fort  différemment  des  avis  que 
j'ay  d'ailleurs.  J'ay  jusques  icy  creu  que 
vostre  esprit  se  conliendroil  dans  les  termes 
que  je  pouvois  désirer  pour  l'amour  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


737 


CCCLXXI. 
Arch.  des  Aff.  élr.  Espagne,  t.  20.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  DE  PUJOLS'. 

21  décembre  i64o. 

Pour  response  à  vostre  dépesche  du  19  novembre,  je  n'ay  rien  à 


voiis-mesme.  Maintenant  j'en  prie  Dieu  de 
tout  mon  cœur,  comme  aussy  que  vous 
me  donniés  lieu  de  vous  tesmoigner  mon 
afiTeclion ,  et  qu'il  vous  ayt  en  sa  sainte 
garde.  »  —  •  Escrit  à  Versailles,  le  1 3  dé- 
cembre 16^0.»  Celte  minute  est  de  la 
main  de  Charieiitier.  Campion  dit,  dans 
ses  mémoires,  qu'une  lettre  du  cardinal, 
remise  au  roi  pendant  son  audience,  chan- 
gea tout  à  coup  les  dispositions  de  S.  M. 
pour  M.  le  comte  (p.  35a).  Campion  au- 
rait dû  savoir  que  le  roi  était  tout  natu- 
rellement et  très-justement  mal  disposé  à 
l'égard  de  M.  le  comte.  On  verra  un  peu 
plus  loin  que  le  roi  avait,  en  ce  moment 
même,  un  nouveau  grief  contre  .'on  parent. 
Le  P.  GriCTet,  qui,  sans  donner  le  texte  de 
la  lettre  du  roi  ni  de  celle  du  cardinal,  les 
cite,  ainsi  que  les  missives  du  comte  de 
Soissons,  auxquelles  les  autres  répondent, 
remarque  avec  raison  que  Richelieu ,  loin 
de  provoquer  les  mauvaises  dispositions 
de  M.  le  comte  pour  l'exciter  à  la  révolte 
et  le  perdre,  ainsi  que  l'ont  écrit  Le  Vas- 
«or  et  d'autres,  conseilla  à  Louis  XIII  d'ac- 
cepter se.s  excuses,  en  prenant  toutefois 
les  précaulions  nécessaires  pour  s'assurer 
de  la  réalité  des  complots  qu'on  pouvait 
tramer  à  Sedan.  Il  raconte  encore  que 
Richelieu  voulut  se  servir  de  Gassion 
pour  en  avoir  la  preuve  irrécusable  ;  qu'il 

CARDIN.  DE  RICHELIEU.  —  VI. 


essaya  de  tenter  l'ambition  du  colonel , 
jeune  encore,  mais  déjà  célèbre,  par  les 
promesses  d'une  grande  fortune  ,  à  condi- 
tion qu'il  lui  livrerait  les  secrets  de  la  ré- 
bellion à  laquelle  M.  le  comte  pourrait 
vouloir  l'associer,  et  dans  laquelle  il  fein- 
drait de  s'engager.  Le  P.  Griffet  cite  même , 
à  cet  égard ,  des  lettres  de  Richelieu ,  ses 
conversations  avec  Gassion ,  et  les  termes 
formels  des  propositions  qu'il  lui  fit.  Mais 
le  P.  Griffet  n'invoque  d'autre  autorité 
que  VHistoire  de  Gassion,  par  l'abbé  de 
Pure;  et  j'avoue  que,  lorsqu'il  s'agit  d'un 
fait  de  cette  gravité,  le  témoignage  de 
l'abbc  de  Pure  ne  me  persuade  pas.  Je 
n'en  ai  pas  trouvé  la  moindre  trace  dans 
tous  les  manuscrits  que  j'ai  vus  ;  et ,  de  plus , 
Richelieu  était  un  trop  habile  connaisseur 
du  caractère  des  hommes  auxquels  il  avait 
affaire,  pour  s'être  adressé  à  Gassion ,  qui 
n'était  pas  moins  tenu  pour  homme  d'hon- 
neur que  pour  intrépide  soldat.  { Hist.  de 
IoawX///.t.  III,p.  345.) 

'  J'ai  dit  quelques  mots  de  Pujol,  ci- 
dessus,  page  2/io,  note  3.  Depuis  ladite 
note  écrite,  j'ai  trouvé,  aux  Affaires  étran- 
gères, dans  les  manuscrits  d'Espagne,  de 
nouveaux  documents  sur  ce  Pujol.  On  a 
vu  (p.  38,  7  mai  i638)  que  Richelieu, 
sans  avoir  confiance  en  lui ,  ne  laissait  pas 
de  s'en  servir.  Les  relations  officielles  entre 

93 


738  LETTRES 

vous  dire,  sinon  qu'à  vous  asseurer  de  nouveau  de  la  continuation  du 


la  France  et  l'Espagne  étant  interrompues 
par  la  guerre,  ie  cardinal  élablissait,  au 
moyen  de  cet  agent,  non  accrédilé,  mais 
non  désavoué,  des  relations  indirectes  et 
suivies  avec  le  premier  ministre  d'Espagne. 
Olivarez  en  usait  de  même,  sans  se  (ter 
davantage  à  Pujol.  Toutefois  il  le  savait 
mécontent  de  la  France,  où  il  ne  pouvait 
rentrer,  et  il  tenait  ce  réfugié  sous  sa  main  : 
c'était  une  garantie  que  n'avait  pas  Riche- 
lieu. Le  cardinal  correspondait  avec  ce 
banni ,  sans  que  sa  correspondance,  connue 
seulement  du  cabinet  espagnol ,  risquât  de 
ie  compromeltro  à  l'égard  des  alliés  de 
la  France.  Richelieu  n'écrivait  pas  lui- 
même  à  cet  agent  subalterne,  qui  adres- 
sait ses  lettres  à  Chavigni,  et  les  réponses 


qu'il  avait  fort  à  cœur  de  faire  croire  à 
tout  le  monde  :  que  si  la  paix  ne  se  faisait 
pas ,  la  faute  en  retombait  sur  nos  ennemis. 
—  Quoique  ces  lettres  fussent  ordinaire- 
ment chiffrées,  Pujol  ne  les  confiait  pas 
à  toutes  mains  ;  aussi  sa  correspondance 
se  faisait  par  des  voies  extrêmement  lentes. 
Il  écrivait,  le  9  janvier  i638,  une  lettre 
qui  ne  parvint  à  Chavigni  que  le  31  fé- 
vrier :  a  J'attends  avec  impatience  vos  com- 
mandemens ,  les  poires  sont  meures. . .  » 
disait-il;  mais  on  ne  se  pressait  pas  de  les 
cueillir;  et  ce  ne  futqu'après  plusieurs  mis- 
sives que  Chavigni  lui  répondait  :  «  Tout  ce 
que  vous  mandez  a  esté  bien  considéré...  • 
(29  juillet).  Mais,  au  même  moment,  Pu- 
jol, contrarié  de  tant  de  lenteurs,  écrivait 


étaient  faites  au  nom  de  ce  secrétaire  dé-     -  (le  3o  juillet)  :  «  Depuis  le  27  mai, je  n'ay 


tat;  mais  les  minutes  étaient  écrites  par 
Cherié,  et  le  cardinal,  qui  en  donnait  la 
matière  quand  il  ne  les  dictait  pas  lui- 
même,  n'y  paraissait  jamais  qu'à  la  troi- 
sième personne.  Nos  manuscrits  conser- 
vent maintes  preuves  de  la  part  directe 
que  prenait  Richelieu  à  ces  négociations , 
en  apparence  non  ofTicielles.  Pujol  trans- 
mettait ordinairement  dans  ses  lettres  le 
texte  espagnol  des  réponses  d'Olivarez,  et 
il  les  accompagnait  de  ses  propres  commu- 
nications. Richelieu  se  ménagea  de  celle 
sorte,  pendant  plusieurs  années  de  guerre, 
des  intelligences  dans  le  cœur  de  l'Espagne, 
ainsi  que  des  ouvertures  à  un  accommo- 
dement qui  put  être  avantageux  à  la 
FVance;  et  si,  par  ces  voies  secrètes,  il  ne 
parvint  point  à  une  paix ,  qui  ne  se  lit  pas 
de  son  vivant,  du  moins  il  en  obtenait 
quelquefois  des  informations  utiles,  et  oiV 
il  trouvait  des  incidents  à  l'appui  d'une 
déclaration  qu'il  répétait  sans  cesse ,  et 


pas  receu  de  lettres;  le  Comte-duc  en  con- 
clut que  sa  négociation  est  rompue  . .  »  Et 
en  envoyant  (27  août)  la  réponse  du  duc 
d'Olivarez  à  cette  lettre  du  3o  juillet,  Pu- 
jol demandait  l'autorisation  de  venir  en 
France;  il  était  indispensable  de  l'ouir. 
disail-il ,  pour  comprendre  l'importance  de 
ce  qu'il  aurait  à  faire  savoir.  Cependant  il 
ne  se  dissimule  pas  qu'il  n'inspire  nulle 
confiance  au  cardinal;  il  s'en  plaint,  il  s'en 
indigne  :  «  Sije  suis  un  imposteur,  s'écrie- 
t-il,  je  me  soumets  à  la  grefve;  si  bon  et 
fidèle  serviteur,  je  ne  capitule  pas.  »  Mais 
le  Comte-duc,  soupçonnant  de  son  côté 
qu'on  ne  voulait  que  l'amuser  par  des 
semblants  d'accommodement,  se  lassa  de 
ce  jeu,  et  Pujol  mande  à  Chavigni,  le 
8  septembre  :  «  Le  Comte-duc  m'u  dit  que 
si,  par  le  premier  courrier,  ma  négocia- 
tion ne  changeoit  pas  de  face,  il  falloit  me 
résoudre  à  avoir  près  de  moy  un  homme 
de  sa  part,  pour  estre  tesmoin  de  mes  ac- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  739 

désir  qu'on  a  de  la  paix,  qu'on  souhaitte  autant  qu'on  fist  jamais  avec 
toute  sincérité  ' . 

Le  projet  que  vous  m'avés  envoyé  est  sy  impraticable  en  deux  ar- 
ticles, que  je  ne  l'ay  osé  monstrer  à  S.  Em.^,  qui  auroit  très-mauvaise 
opinion  de  vous,  si  vous  ne  sçaviés  que  les  lois  fondamentales  du 


lions. . .  »  Nous  voyons  se  prolonger  celle 
manœuvre  équivoque  jusqu'en  1 642  ,  et 
Pujoi  écrire,  le  a 2  aoûl  de  ladite  an- 
née: «J'ay  6i  ans,  je  suis  infirme,  je 
risque  d'estre  emprisonné  ou  tué ,  je  suis 
entre  les  mains  du  Comle-duc,  et  le  prix 
d'assassiner  un  étranger  ou  l'ampoyson- 
ner  est  une  pistoUe  et  moins...  Je  n'ay  à 
me  conseiller  qu'avec  la  rage  el  le  déses- 
poir. »  (Mss.  d'Esp.  I.  32  ,  fol.  264.)  Enfin 
on  lui  permit  de  rentrer  en  France,  et 
Cliavigni  écrivait  à  de  Noyers,  le  26  aoùl  ; 
«S.  M.  trouve  bon  qu'on  fasse  revenir  Pu- 
jols  el  qu'on  l'assiste,  ainsi  que  Monseig' 
le  propose.  »  (France,  1. 101,  fol.  55g.)  Ori 
lui  envoya  donc  des  passe-ports  el  de  l'ar- 
gent: e(  le  39  novembre,  cinq  jours  avant 
la  date  célèbre  du  4  décembre  1 6/ia ,  Pujol 
était  a  Oleron ,  d'où  il  mandait  à  Chavigni  : 
«  Le  Comte-duc  m'a  retenu  un  mois ,  me  re- 
mettant du  soir  au  matin.  Enfin  il  responl 
paroles  à  vostre  dernière,  et  de  bouche  m'a 
fait  six  propositions  qui  sont  moyens  pour 
s'esclaircirdu  succès  que  pourront  prendre 
les  affaires  par  où  il  pense  justifier  à  Mon- 
seigneur combien  il  a  d'affection  et  bonne 
intention  de  s'accommoder...  .l'iray  loger 
a  Paris,  près  de  vostre  hostel.  AvanI  m'a- 
zarder  de  vous  voir,  je  vous  advertiray, 
pour  suivre  vos  commandemeiis  ponctuel- 
lement. »  {Ibid.  fol.  324.)  Pujol  n'était  pas 
encore  arrivé  à  Paris  que  Richelieu  avait 
cessé  de  vivre ,  et  la  mort  du  cardinal  mit 
fin  à  sa  mission  ;  mais  on  voit  que  ces 
sourdes  et  pacifiques  communications  se 


continuaient  à  Madrid,  tandis  que  Riche- 
lieu prenait  aux  Espagnols  Hesdin  et  Arras 
dans  les  Pays-Bas,  gagnait  en  Italie  les 
batailles  de  Casai  etdeChieri,  battait  leurs 
flottes  à  Gattari  et  devant  Gênes,  faisait 
son  beau-frère  vice-roi  de  Catalogne  ,  ac- 
compagnait le  roi  de  France  au  siège  de 
Perpignan,  et  donnait  la  main  au  duc  de 
Bragance,  qui  enlevait  le  Portugal  à  l'Es- 
pagne. Nous  ne  croyons  pas  qu'aucun  his- 
torien ait  fait  mention  de  cette  négociation 
singulière,  qui  a  duré  plusieurs  années, 
et  dont  les  archives  des  Affaires  étrangères 
conservent  les  irrécusables  témoignages. 

'  La  lettre  de  Pujol  du  ig  novembre, 
dont  il  est  ici  question,  se  trouve  dans  le 
manuscrit  cité  aux  sources  ;  elle  manque  de 
signature  et  est,  en  partie,  écrite  en  espa- 
gnol et  chiffrée  :  1  Afin  que  vous  jugiés  de 
celte  response  par  toutes  ces  circonstances , 
ajoute  Pujol ,  je  vous  dirai  qu'un  des  ta- 
lens  de  M.  le  Comte- duc  est  de  sçavoir 
bien  parler  à  la  fason  des  oracles.  »  Pour 
connaître  plus  nettement  la  pensée  du  duc 
d'Olivarez,  «je  représenlay  à  M.  Carnero 
que,  s'il  plaisoit  au  Comte-duc  envoyer  un 
projet  de  paix  ou  de  trefve,  cela  gagncroit 
du  temps,  n'y  ayant  à  disputer  que  du 
plus  ou  du  moins.  » 

'  Il  ne  faut  pas  oublier  que  cette  lettre 
a  dû  être  signée  par  Chavigni ,  et  l'on  peut 
penser  que  ce  secrétaire  d'état  ne  se  seraii 
pas  permis  de  soustraire  une  lettre  de  Pujol 
à  la  connaissance  du  cardinal  non  plus 
que  la  réponse  qu'il<^  faisait. 

93. 


740  LETTRES 

royaume,  telles  qu'est  la  loy  Salique,  sont  du  tout  inviolables,  en  sorte 
qu'il  n'est  pas  en  la  puissance  du  roy  d'y  apporter  changement;  et  si 
S.  Em.  croyoit  que  vous  peussiés  penser  que  le  roy  fust  capable  de  con- 
sentir à  ce  que  Madame  sa  sœur  demeurast  despouillée  de  ses  Eslats. 

Il  y  a  certaines  choses  qui,  blessant  le  droit  de  la  nature,  blesse- 
roient  tellement  l'imagination  de  tous  les  hommes,  qu'il  ne  fault  point 
y  penser. 

Les  intentions  du  roy  sont  sy  justes,  que  non-seulement  ne  vou- 
droit-il  pas,  pour  rien  du  monde,  ruiner  la  maison  de  Savoie,  mais 
que  mesme  il  ne  désire  point  la  ruine  de  l'Espagne  ;  et  je  vous  puis 
asseurer  que  S.  Em.  en  son  particulier,  désire  de  tout  son  cœur  la 
conservation  de  la  bonne  fortune  de  M'  le  comte  d'Olivarez ,  et  la 
grandeur  d'Espagne,  pourveu  qu'elle  ne  soit  point  au  préjudice  de 
celle  de  la  France. 

Quand  le  roy  d'Espagne  voudra  tout  de  bon  faire  réussir  une 
bonne  paix ,  M' le  Comte-duc  sçaura  bien  en  trouver  les  moyens,  dans 
les  avantages  raisonnables  que  chacun  devra  avoir,  selon  Testât  auquel 
il  se  trouvera. 

Je  vous  ay  desjà  mandé  plusieurs  fois  que  d'envoyer  des  hommes 
sur  la  frontière  ce  seroit  chose  non-seulement  inutile,  mais  préjudi- 
ciable aux  fins  qu'on  se  propose. 

Je  persiste  encore  à  vous  le  dire,  d'autant  plus  certainement  que 
je  suis  asseuré  qu'il  ne  se  peut  apporter  aucun  changement  dans  la 
résolution  qu'on  a  prise  de  ne  le  faire  pas,  et  qu'on  ne  peut  faire 
sçavoir  aucune  chose  par  ceux  qui  s'y  aboucheroient,  qu'on  ne  puisse 
faire  cognoistre  sans  péril  par  la  voye  que  vous  avés  d'escrire  en 
chiffres. 

Quant  au  secret,  on  ne  doute  point  que  M' le  Comte-duc  ne  le  garde, 
tant  à  cause  de  sa  propre  fidélité,  que  parce  qu'il  y  [sic]  a  autant  d'in- 
lérest  à  le  garder  que  personne,  veu  que,  s'il  y  manquoit,  il  nous 
osteroittout  lieu  de  croire  qu'on  peust  jamais  faire  aucun  traitté  avec 
luy,  ce  qu'il  ne  peut  faire,  à  mon  avis,  aff'ectionnant  les  iutérestz  de 
son  maistre  comme  il  faict. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  741 

Après  cela  il  ne  me  reste  rien  à  vous  dire,  sinon  que  vous  pouvés 

.encore  asseurer  M"'  le  Comte-duc  que  S.  Em.  désire  de  tout  son  cœur 

pouvoir  contribuer  avec  luv  au  repos  de  toute  la  chrestienté,  pour,  par 

après,  pouvoir,  conjoinctenient  avec  iuy,  porter  les  armes  des  deux 

couronnes  contre  le  ïurq. 

CCCLXXII. 

Archive»  de  Condé,  n°  1 18  —  Communication  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE'. 

2  3  décembre. 

Monsieur,  L'assemblée 

que  le  roy  a  accordée  au  clergé  pour  trouver  les  moyens  de  secourir 
Sa  Majesté  dans  la  nécessité  de  ses  affaires,  estant  convoquée  au  i  5*  de 
février  prochain ,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  conjurer  d'employer 
le  crédit  et  l'authorilé  que  vous  avés  dans  le  Languedoc  pour  faire  que 
M' l'évesque  de  Nismes  soitdepputé  pour  la  province  de  Narbonne,  et 
M"  de  Pamiers  le  neveu*,  ou  de  Lombez,  pour  celle  de  Thoulouze; 
comme  aussy  M'  l'évesque  d'Alby  pour  celle  de  Bourges.  On  vous  ob- 
jectera peut-estre  que  quelques-uns  de  ces  M"  estoient  depputez  à  la 
dernière  assemblée;  mais,  outre  que  ceux  qui  n'ont  autre  intention 
que  du  bien  jugent  que  ce  sont  ceux  qui  peuvent  le  mieux  servir 
l'E.stat,  en  cette  occasion,  en  servant  l'Eglise,  qui  ne  peut  deçnier  à 
Sa  Majesté  un  secours  sy  raisonnable  comme  celuy  qu'elle  désire, 

'  Richelieu  ci  rivait  en  même  temps ,  au  fonl  souhaitter,  etc.  »  Cette  lettre  du  a  dé- 
maréchal de  Sciiomberg,  f  d'employer  son  cambre  à  M.  le  prince,  de  même  que  la 
authorité  coiijoinctement  avec  celle  de  lettre  à  Schomberg,  .sera  not(''e  aux  Ana- 
M.  le  prince,  pour  le  mesme  objet.»  Le  lyses. 

cardinal  avait  déjà  écrit  le  a  décembre  à  *  Jean  de  Sponde,  évêque  in  partibus, 

M.  le  prince,  pour  lui  recommander  de  neveu  de  Henri  de  Sponde;  celui-ci  était 

faire  élire  l'abbé  de  Sainl-Aoust  trésorier  l'un  de»  plus  savanis  prélats  de  France,  el 

de  la  Sainte-Chapelle  de  Bourges  :  •  Outre  mourut  dans  un  âge  avancé ,  en  1 643.  De- 

qu'il  a  toutes  les  qualités  nécessaires,  l'es-  puis    1689,  el   pendant  une  longue  ab- 

li.T.e  que  je  fais  de  M.  de  Saint-Aou't  .son  sence  de  sou  oncle,  .lean  de  Sponde  fai- 

frcre,  et  raiïeclion  que  je  Iuy  porte,  me  sait  à  Pamiers  les  fonctions  épiscopales. 


lui 


LETTRES 


vous  sçaiirés,  s'il  vous  plaist,  que  les  règlemens  taicts  pour  la  dep- 
putation  des  évesques  veulent  qu'on  ne  prenne  point  garde  au  tour 
ny  à  l'ordre.  Je  vous  coulure  aussy  de  vouloir  prendre  cognoissance 
de  Tesleclion  qui  se  fera  dans  ces  provinces  des  depputez  du  second 
ordre,  afin  qu'elle  soit  de  personnes  paisibles  et  faciles  à  gouverner, 
et  de  ne  tesmoigner  à  aucun  que  je  vous  aye  escrit  de  cette  affaire, 
que  je  ne  doute  point  qui  ne  réussisse  par  vostre  entremise,  ainsy 
qu'il  est  à  souliaitter  pour  le  bien  du  service  du  roy '.  Je  feray  valoir 


'  Nous  avons  eu  plus  d'une  fois  l'occa- 
sion de  remarquer  l'exlrême  pénurie  du 
trésor;  vers  la  fin  de  celte  année  16^0, 
on  était  à  bout  de  ressources,  et  le  cardi- 
nal était  sérieusement  préoccupé  des  be- 
soins de  l'année  qui  allait  commencer.  Il 
fallait  user  de  toutes  sortes  de  moyens 
pour  faire  face  à  des  dépenses  excessives. 
On  songea  à  faire  payer  aux  exempts , 
comme  à  tout  le  monde ,  la  taille  et  les 
antres  contributions  ;  à  établir  l'impôt 
d'un  sou  par  livre  sur  toutes  sortes  de 
denrées,  bormis  le  pain,  impôt  dont  la 
perception  obligeait  de  faire  chez  les  mar- 
cbands  des  visites  qui  e.Kcilèrentun  mécon- 
tentement universel  ;  de  plus  on  fonda  une 
des  principales  ressources  sur  ce  qu'on 
pourrait  tirer  des  biens  du  clergé,  auxquels 
il  était  alors  si  difficile  de  toucber.  Les  trai- 
tants, qui  étaient  à  la  fois  une  ressource 
et  un  fléau  dans  les  détresses  de  l'épargne 
royale,  se  mirent  promptement  à  l'œuvre. 
Nous  lisons  dans  le  journal  épistolaire 
d'Arnauld,  qui  nous  fournit  à  cet  égard 
de  curieux  renseignements  :  •  Un  certain 
Paléologue,  munitionnaire  italien,  a  pris 
un  parly  pour  mettre  à  la  taille  et  à  toutes 
sortes  d'impôts  et  de  taxes  tous  les  ecclé- 
.siastiques  non  nobles;  cela  faict  une  es- 
tran<;e  rumeur.  » — Un  arrêt  du  conseil  éta- 
blit d'abord,  sur  le  revenu  des  bénéfices. 


une  taxe  du  tiers.  Un  autre  traitant . 
nommé  Barbier,  offrait  dix -sept  millions 
de  ce  tiers.  On  commença  à  faire  des  sai- 
sies, «et  (dit  encore  Arnauld)  le  nonce 
fail  grand  bruit  de  celte  affaire;  mais  cela 
n'est  pas  capable  d'estonner  M'  de  Bul- 
lion.. .  L'évesque  de  Senlis  en  voulut  par- 
ler au  conseil;  mais  M'  de  Bullion  le  fil 
taire  avec  sa  courtoisie  ordinaire ,  »  et  Ar- 
nauld raconte  la  scène  qui  se  passa  à  ce 
sujet.  Cependant,  en  face  des  résistances 
qui  s'élevaient  de  toutes  parts,  Bullion 
imagina  de  demanderau  clergé  une  somme 
fixe  de  cinq  millions  pour  le  rachat  de  la 
taxe  du  tiers  ;  et  Arnauld  nous  apprend 
qu'il  resta  quatre  jours  à  Ruel  pour  s'oc- 
cuper, avec  le  cardinal,  de  cette  épineuse 
affaire.  Cependant  les  évéques  deman- 
dèrent à  délibérer  dans  une  assemblée 
générale  du  clergé ,  comme  il  était  d'u- 
sage ,  sur  la  contribution  qu'ils  pouvaierft 
fournir.  On  voit,  par  la  présente  lettre, 
comment  Richelieu  s'y  prenait  pour  avoir, 
de  cette  assemblée,  la  décision  qui  lui 
convenait.  Il  ne  se  bornait  point,  d'ail- 
leurs, à  employer  l'autorité  des  gouver- 
neurs de  province;  il  ne  laissait  pas  de  se 
servir  lui-même  de  son  crédit  auprès  des 
députés  du  clergé  :  «  Plusieurs  évesques 
vont  à  Ruel,  le  cardinal  les  fait  disner 
avec  luy,  et  il  1rs  prie  de  consentir  pour 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  743 

à  Sa  Majesté  celuy  que  vous  luy  rendrés  en  cette  occurrence,  ainsy 
que  vous  le  pouvés  souhaitter  d'une  personne  qui  est  vérilablenient 
conf)n)e  moy, 

Monsieur, 


De  Ruel,  ce  2  3  décembre  16A0 


Vostre  bien  liumhie  et  très  aUectioimë  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

/ 


l'amour  de  luy,»  dit  Arnauld,  dans  une 
lettre  du  5  décembre.  Quelques-uns  des 
chefs  du  clergé  mettaient,  de  leur  côté, 
une  grande  activité  dans  leur  opposition; 
l'archevêque  de  Bordeaux  lui-même ,  long- 
temps l'un  des  plus  dociles  instruments 
de  la  politique  du  cardinal,  l'un  de  ceux 
qui  avaient  reçu  les  marques  les  plus  écla- 
tantes de  sa  pro'.cction,  se  distingua  dans 
cette  lutte.  On  peut  se  fier  sur  ce  point  au 
trnioignagc  de  Moiilclial,  qui  nous  le  re- 
présente quittant  son  escadre,  se  mettant 
deux  fois  en  roule  pour  venir  faire  des  re- 
présentations à  la  cour,  recevant  deux  fois 
en  chemin  l'ordre  de  retourner  en  Pro- 
vence, allant  à  Arles,  allant  à  Aix,  écrivant 
à  Toulon,  enfin  usant  de  toute  son  in- 
fluence pour  faire  élire  des  députés  ardents 
à  la  résistance.  (T.  1,  p.  i36.)  Ce  fut  là, 
sans  nul  doute,  une  de»  raisons  de  sa  dis- 
grâce, qu'on  a  attribuée  à  d'autres  causes. 
Cependant,  en  attendant  la  réunion  de 
l'assemblée  générale,  on  s'elforçail  de  mé- 
nager un  arrangement  et  de  préparer  des 
propositions.  Bullion  écrivait  à  Richelieu, 
le  1  a  décembre  :  •  . .  M.  de  Chavigny  fera 
voir  à  V.  Em.  le  projet  du  traiclé  que  nous 

avons  arresté  sur  l'affaire  du  clergé » 

Nos  manuscrits  de  cette  époque  témoi- 
gnent des  soucis  que  celle  affaire  causait  a 
Hichelieu;  sa  résolution  habituelle  en  pa- 
raît fatiguée;  il  cherche  de  tous  côtés  des 
éclaircissements    et    des    conseils.    Naus 


trouvons ,  dans  le  tome  95  de  la  collection 
France,  aux  Affaires  étrangères,  quatre 
pièces  touchant  l'imposition  à  mettre  sur 
les  biens  du  clergé,  en  marge  desquelles 
le  cardinal  a  écrit  :  Avis  de  M.  de  Dordeaiu: , 
Avis  de  M.  de  Chartres,  Avis  de  M.  Lescot , 
Avis  da  P.  Rabardeau,  et  une  cinquième, 
où  Cherré  a  mis  Avis  du  P.  Morin.  Riche- 
lieu lui-même  avait  composé  un  mémoire , 
que  nous  avons  inutilement  cherché ,  mais 
dont  une  lettre  du  P.  Dinet  au  cardinal 
constate  l'existence  :  iM*\  écrit  ce  père, 
la  matière  sur  laquelle  vous  m'avés  com- 
mandé de  vous  donner  mon  advis  est  si 
dignement  disputée  dans  l'escril  que  vous 
en  avés  dicté,  que  je  ne  sçay  bonnement 
qu'y  adjousler  après  une  simple  approba- 
tion. <  Toutefois,  le  P.  Dinet  ne  laisse  pas 
d'examiner  la  question  dans  une  disserta- 
tion de  quatre  pages  (t.  OfU  de  la  collec- 
tion France).  Enfin  nous  trouvons,  dans 
le  tome  gS  précité,  une  remontrance  qui 
commence  ainsi  :  tSiie,  les  archevesques , 
évesques  et  aulres  ecclésiastiques,  repré- 
sentant le  clergé  de  France,  assemblez 
par  la  permission  de  V.  M.  etc.  »  C'est  un 
'cahier  de  1 8  feuillets ,  signé  «  Sourdis ,  ar- 
clievesque  de  Bordeaux,  président,  »  avec 
le  contre-seing  des  secrétaires  de  l'assem- 
blée. Celle  pièce,  sans  date,  ne  peut  se 
rapporter  qu'à  l'assemblée  qui  devait  se 
réunir  rn  février  de  i64i.  De  celle  grande 
affaire,  qui  occupait  alors  tout  le  monde. 


'U 


LETTRES 


CCCLXXIII. 
Archives  de  la  famille  d'Esneval.  —  Communication  de  M.  Cliéruel.  — 

Original'. 

A  M.  DE  GRÉMONVILLE, 

LOKSEIILER  DU    ROY   EH   SES  CONSEILS,    UAI5TKE   DES   REQUE8TES   DE  SON    IIOSTBL   ET  INTENDANT  DE  LA  JUSTICE 

ET   POLICE   EN   L'ARMÉe    1)0    ROY. 


i64o. 


DOVENNE  DE  POIX. 


Bergicourt  [a]^  prophané  les  sacremens,  rompu  les  vaisseaux  et 


la  Gazette,  dirigée  par  Riclielieu,  ne  dit 
pas  un  mot,  et  ne  fit  qu'annoncer  en  six 
lignes,  le  a4  novembre,  une  déclaration 
du  roi ,  qui  avait  été  publiée  la  semaine 
d'auparavant,  portant  que  tous  les  bénéfi- 
ciers  de  France  devaient  payer  un  dixième 
de  leur  revenu.  Nous  remarquons,  dans 
la  lettre  d'Arnauld  du  5  décembre,  que 
nous  venons  de  citer,  cette  plirast-  :  «  M.  le 
chancelier  dist  hier  aux  pré.sidens  de  la 
cour  des  aydes  qu'il  falloil  que  le  roy  trou- 
vasl  six-vingt  millions  pour  les  despenses 
de  l'année  prochaine  ;  »  et  presque  au 
même  moment,  le  ii  décembre,  Bullion 
écrivait  à  Chavigni  :  «  La  faulte  de  fonds 
de  32,000,000  de  francs  pour  l'année  pro- 
chaine me  met  en  extresme  peine.  «Bullion 
n'écrit  pas  une  lettre  au  cardinal  ou  à  Cha- 
vigni qu'il  ne  témoigne  le  trouble  extrême 
que  lui  cause  la  détresse  de  l'épargne  ;  et 
celte  continuelle  et  violente  agitation  d'es- 
prit abrégea  sans  doute  sa  vie;  il  mourut, 
le  23  décembre,  d'une  goutte  remontée, 
le  jour  même  où  la  présente  lettre  était 
écrite.  —  11  se  trouve  aux  Affaires  étran- 
gères, dans  les  papiers  de  Richelieu  for- 
manl  la  collection  France ,  beaucoup  de 
pièces  concernant  les  finances  :  des  étals 


de  recette  et  de  dépense ,  des  comptes 
de  toute  sorte,  des  projets  de  budget 
pour  plusieurs  années.  Tout  cela  est  con- 
fus et  incomplet;  on  ne  peut  se  former 
une  idée  nette  ni  de  la  législation  en 
matière  de  finances,  ni  des  sources  des 
revenus  publics,  ni  de  l'emploi  qu'on  en 
faisait ,  ni  des  principes  sur  lesquels  était 
fondée  l'administration  financière,  ni  des 
procédés  dont  elle  usait,  ni  des  résultats 
qu'il  était  possible  d'obtenir.  Nous  don- 
nerons, comme  échantillon,  le  fac-similé 
d'une  pièce  qui  se  rapporte  à  cette  année 
i64o  ;  c'est  une  des  plus  claires  que  nous 
ayons  trouvées.  On  y  remarquera  surtout 
le  peu  d'ordre,  l'absence  des  détails  pré- 
cis, l'obscurité  des  comptans ,  qui  com- 
prennent, pour  cette  année,  plus  du  tiers 
de  la  dépense  totale,  et  où  l'on  n'indique 
ni  l'objet,  ni  l'attribution  des  sommes 
payées. 

'  La  date  manque;  la  pièce  se  trouve 
classée,  dans  les  archives  d'Esneval,  en 
i64o,  après  une  lettre  du  à  septembre. 
Nous  plaçons  celle-ci  à  la  fin  de  l'année, 
rien  ne  nous  indiquant  une  date  précise. 
(Voy.  ci-dessus,  p.  720.) 

'  Ce  petit  mot  manque  dans  l'original. 


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DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  745 

faict  ordure  dans  les  fons,  dont  information  a  esté  faicte  par  les 
archers  de  la  connestablie,  et  niise  entre  les  nnains  de  M.  de  Grémon- 
ville;  M'  de  Bellejambe  en  a  receu  la  plainte. 

La  Vaquerie,  du  régiment  de  Huns  {sic),  a  prophané  les  vaisseaux, 
rompu  les  images  avec  dérision,  jette  les  hosties  consacrées  au  nombre 
de  quatre  et  foulé  aux  pieds,  rompu  les  fons,  et  jette  des  ordures 
dedans,  comme  il  paroist  par  l'information  ffiicte  par  le  juge  royal  de 
Granissiers(?)  à  la  requeste  du  chapitre  d'Amiens  et  mise  entre  les 
mains  de  M""  de  Grémonville. 

A  Courcelles  sous  Thoix ,  mesmes  prophanations  et  informations  par 
le  mesme;  à  Pierrepont,  mesme  chose;  et  en  beaucoup  d'autres  lieux. 

M'  de  Grémonville  verra  par  le  mémoire  y  dessus,  que  je  luy 
envoie,  les  prophanations  qui  ont  esté  faictes  aux  lieux  qui  y  sont 
exprimez  par  quelques  particulliers  qui  sont  dans  l'armée,  et  sçaura, 
par  mesme  moyen,  que  l'intention  du  roy  est  que  ceux  qu'on  pourra 
descouvrir  soient  arrestez  et  cTiastiez  ensuitle  si  sévèrement  que 
leur  punition  serve  d'exemple  pour  retenir  les  autres  de  commettre 
de  semblables  fautes.  Le  dict  s'  de  Grémonville  a  la  pluspart  des  in- 
formations entre  les  mains,  sur  lesquelles  il  peut  faire  le  procès  aux 
accusez.  Je  le  prie  de  n'y  perdre  point  de  temps  et  de  me  faire  sçavoir 

les  diligences  qu'il  y  apportera. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


ANNÉE  1641. 


GCCLXXIV. 

Bibl.  imp.  Fonds  Béthune,  9387,  fol.  a4-  — 

Minute  de  la  main  de  Charpentier? 

LETTRE  DU  ROI  A  M.  LE  COMTE. 

3  janvier. 

Mon  cousin,  j'ay  receu  vostre  lettre  par  laquelle  vous  m'asseurés 

CARDIN.  DE  BICHELieC.  —  Tl.  gi 


746 


LETTRES 


de  vostre  innocence,  laquelle  voulant  croire,  je  n'ay  à  vous  dire  autre 
chose,  sinon  que  je  sauray  tousjours  donner  à  ceux  de  mes  sujets 
qui  manqueront  à  ce  qu'ils  doivent  à  ma  personne  et  à  mon  Estât,  les 
juges  qui  doivent  prendre  cognoissance  de  leurs  actions.  Je  m'asseure 
que  vostre  conduitte  sera  tousjours  telle  que  je  la  puis  souliaitter;  et, 
en  cette  considération ,  je  vous  asseureray  de  mon  affection ,  et  prie 
Dieu  qu'il  vous  ait  en  sa  s^"  garde  ^ 
A  S'  Germain,  du  3*  janv'  i64i. 


'  Nous  avons  déjà  dit  que  les  mauvaises 
dispositions  du  comte  de  Soissons  contre 
le  gouvernement  de  Richelieu  et  ses  liai- 
sons avec  les  ennemis  de  la  France  n'é- 
taient ignorées  d'aucun  de  ceux  qui  étaient 
au  courant  des  affaires  publiques.  Notons 
ici  un  incident  qui  fit  surveiller  de  plus 
près  encore  sa  conduite.  Un  gentilhomme, 
nommé  La  Rainville,  venu  d'Angleterre, 
accusait  le  duc  de  La  Valette  d'entretenir 
en  France  des  intelligences  criminelles, 
et  nomma  M.  le  Comte  dans  ses  dénon- 
ciations. La  chose  fit  bruit  ;  la  comtesse  de 
Soissons  s'en  plaignait  tout  haut,  en  s'ef- 
forçant  de  justifier  son  fils.  Le  jeune  prince 
en  écrivit  au  roi  et  au  cardinal,  le  5  dé- 
cembre, des  lettres  qu'il  envoya  par  Cam- 
pion.  (Rcc.  d'Aubery,  t.  V,  p.  358  et  suiv.) 
Il  s'indigne  des  sourdes  accusations  dont 
il  est  l'objet  et  supplie  qu'on  pousse  à 
bout  l'accusation ,  et  qu'elle  soit  mise  de- 
vant le  parlement.  Nous  avons  donné  ci- 
dessus,  p.  786,  les  réponses  que  lui  firent 
le  roi  et  le  cardinal;  le  prince  écrivit  en- 
core le  a  1  au  roi  et  à  Son  Eminence  ;  dans 
ces  deux  lettres,  qu'Aubery  a  également 
publiées,  M.  le  Comte  réclame  de  nouveau 
une  instruction  solennelle.  Henri  Arnauld 
dit,  dans  son  journal  épistolaire,  le  3  jan- 


vier :  «  M'  Campion  ayant  porté  à  M''  le 
cardinal  une  seconde  lettre  de  M*'  le 
comte,  par  laquelle  il  continuoit  à  deman- 
der que  l'on  renvoyast  au  parlement  ceux 
qui  l'avoienl  voulu  brouiller  dans  l'affaire 
de  La  Rainville,  Son  Eminence  s'emporta 
exiresmement  et  renvoya  le  porteur  de  la 
lettre  avec  des  paroles  rudes.  »  On  voit 
que ,  dans  la  dépêche  qu'il  fit  signer  au  roi , 
Richelieu  mit  une  fermeté  plus  calme. 
M.  le  Comte  s'empressa  de  répondre  à 
Louis  XIII  :  «  J'ay  eu  grande  joie  d'ap- 
prendre, par  la  lettre  qu'il  a  plu  à  V.  M.  de 
m'escrire, qu'elle  croyoitmon  innocence,  • 
et  il  remercia  le  cardinal  «  d'avoir  fait 
connoistre  au  roy  cette  vérité.»  (Aubery, 
p.  36o.)  Le  style  du  roi  n'était  pourtant 
pas  de  nature  à  causer  beaucoup  de  satis- 
faction à  M.  le  Comie;  le  fait  est  que  les 
assurances  de  fidélité  que  ce  prince  en- 
voyait au  roi  et  à  Richelieu  ne  trouvaient 
aucun  crédit.  A  quelques  mois  de  là  il 
était  en  révolte  ouverte;  on  s'y  attendait 
et  on  se  préparait.  Nous  lisons  encore  dans 
une  lettre  d'Arnauld,  du  27  janvier  :  «II 
esclatlera  sans  doubte  bientost  quelque 
chose;  on  esludie  les  procez  faicts  aux 
princes  du  sang.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  747 


CCCLXXV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Lorraine,  l.  Sa,  pièce  5*.  — 

Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

[AU  ROI\] 

Du  17  janvier  i64  i. 

Les  extraordinaires  et  fréquentes  légèretez  du  duc  de  Lorraine  ne 
permettent  pas  qu'on  entende  â  aucun  accord  avec  luy  qu'avec  toutes 
sortes  de  précautions. 

La  proposition  qu'il  faict  maintenant  ne  doit  pas  estre  seulement 
suspecte  comme  estant  d'événement  incertain;  mais  il  faudroit  estre 
aveugle  pour  ne  voir  pas  qu'il  n'en  peut  arriver  un  bon. 

Le  duc  Charles  changeant  tous  les  jours  de  pensées  et  de  paroles, 
il  n'y  a  point  d'apparence  de  luy  mettre  une  place  entre  les  mains 
dont  il  pourra  abuser,  ou  sur  quelque  explication  imaginaire,  ou  par 
le  manquement  ordinaire  de  sa  foy,  qu'il  n'a  point  gardée  en  aucun 
traitté  qu'il  ayt  faict  avec  le  roy. 

Au  reste,  le  d.  duc  avoit  jusques  icy  demandé  au  roy  toutes  con- 
ditions desraisonnables  pour  se  remettre  en  son  devoir;  il  est  hors  de 
doute  qu'estant  fortifié  d'une  place,  il  en  demanderoit  encores  de 
moins  recevables.  De  dire  que  le  dépost  de  ses  colomnels  soit  une 
seureté,  c'est  chose  ridicule,  tant  parce  qu'ilz  sont  de  nulle  considéra- 
tion au  respect  de  la  place,  que  parce  que  le  roy  veut  esviter  la  ri- 
gueur qu'il  seroil  contrainct  d'exercer,  si  le  d.  duc  venoit  à  manquer 
de  foy,  en  leur  faisant  couper  la  teste. 

L'exemple  de  l'infidélité  du  s'  de  Ville,  qui  n'a  faict  nulle  difficulté 
de  violer  sa  parole,  faict  voir  le  peu  d'asseurance  qu'on  doit  prendre 
et  en  celle  des  colomnels  proposez  pour  ostages,  et  en  celle  de  leur 
maistre. 

'  Charpentier  n'avait  donné  ni  suscrip-  pièce  est  une  espèce  de  rapport  qui  dut 

tien,  ni  date;  mais  Cherré  a  écrit  au  dos,  être  soumis  au  roi,  et  dont  on  se  servit 

•  M.  du  Hallier,  sur  le  sujet  de  M.  de  Lor-  ensuite  pour  faire  à  M.  du  Hallier  une 

raine,»  et  il  a  mis  la  date  en  tête.  Cette  lettre  que  nous  n'avons  pas  trouvée. 

94 


748  LETTRES 

Ainsy  que  ces  considérations  ne  permettent  pas  d'adhérer  aux  pro- 
positions faites  par  le  s""  de  S'  Martin  de  la  part  du  duc  Charles,  aussy 
la  raison  d'estat  ne  veut-elle  pas  qu'on  perde  l'occasion  de  luy  donner 
tout  ce  qui  luy  est  nécessaire  pour  venir  trouver  le  roy,  si  bon  luy 
semble,  avec  seureté,  et  conclure  un  traitté  raisonnable  s'il  a  bonne 
intention. 

Pour  cet  effect  il  faut  envoyer  à  M'  du  Hallier  un  passe-port  bien 
ample  et  tel  que  le  d.  duc  n'y  puisse  rien  désirer  davantage  pour  sa 
seureté ,  et  une  lettre  de  S.  Em.  au  d.  duc  par  laquelle  il  luy  man- 
dera avoir  commandement  du  roy  de  luy  donner  sa  parole  qu'il  peut 
venir  seurement  à  la  cour  pour  traitter  avec  Sa  Majesté,  et  s'en  re- 
tourner avec  toute  seureté  au  cas  qu'il  ne  conclue  rien  avec  elle,  ce 
dont  il  luy  donne  parole  '. 

Faire  moins  que  cela  seroit  perdre  une  occasion  qui  semble  devoir 
réussir;  faire  plus  seroit  une  témérité  qui,  en  matière  d'estat,  feroit 
commettre  une  faute  irréparable. 


'  Le  duc  vint  en  effet;  un  traité  fui 
conclu,  le  29  mars,  entre  le  cardinal  de 
Richelieu ,  pour  le  roi ,  et  le  duc  de  Lor- 
raine (voy.  ci-après,  p.  766).  Après  les  ser- 
ments prêles,  le  2  avril,  le  prince  resta 
une  quinzaine  de  jours  à  Paris,  où  on  le 
traita  magnifiquement  ;  il  partit  enfin ,  «  fort 
satisfait  de  la  cour.  »  [Gazette  du  20  avril  ) 
«  Ses  sujets  le  reçurent  avec  des  transports 
de  joie,  qu'il  serait  difficile  d'exprimer,» 
dillepèreGriffet  (p.  Sig)  *.  —  Le  17' cha- 
pitre de  l'Histoire  de  la  réunion  de  la  Lor- 
raine à  la  France,  fav  M.  le  comte  d'Haus- 
sonville ,  contient  sur  ces  événements  des 
détails  intéressants.  —  Le  duc  de  Lorraine 
ne  tarda  pas  à  justifier  les  méfiances  que  le 
cardinal  avait  exprimées  dans  la  présente 
lettre  ;  il  manqua  à  tous  les  engagements 

*  Selon  l'historien  de  Louis  XIII,  qui  ne  parle 
pas  des  fêtes  de  Paris  et  qui  met  celles  de  Lorraine 
au  10  avril,  le  duc  se  serait  bâté  de  quitter  Paris 


qu'il  avait  pris ,  et,  dès  le  mois  d'août,  il 
était  en  pleine  révolte.  Le  27,  il  publiait 
une  déclaration  portant  qu'on  lui  avait  fait 
violence  en  France  et  que  les  actes  revêtus 
de  sa  signature  lui  avaient  été  extorqués. 
Nous  avons  dans  le  fonds  de  Béthune,  à  la 
Bibliothèque  impériale ,  une  lettre  du  roi  à 
la  duchesse  de  Lorraine ,  où  Sa  Majesté  se 
plaint  de  cette  trahison  du  duc  :  «  Il  est 
vrai ,  dit  le  roi ,  que  quoyque  je  le  co- 
gneusse  léger  et  inconstant,  je  n'eusse  ja- 
mais attendu  de  luy  une  si  grande  mescon- 
noissance.  Je  prie  Dieu  qu'il  le  rende  sage 
selon  luy  et  selon  le  monde.  »  La  lettre  a 
été  dictée  à  Cherré  par  le  cardinal  ;  elle  sera 
notée  à  la  fin  du  volume.  Les  manuscrits 
de  Lorraine  aux  Affaires  étrangères  nous 
ont  été  connus  trop  lard  pour  que  nous 

presque  aussitôt  la  paix  jurée.  La  version  vraie 
fait  mieux  ressortir  la  dissimulation  du  prince  lor- 
rain. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  749 


CCCLXXVI. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  37.  —  Original. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

5ECRBTA1BE  D*ESTAT. 

De  Ruei ,  ce  1 8  janvier  1 64 1 . 

Jugeant  que  M'  le  coadjuleur  de  Troye',  fils  de  M'  du  Houssay, 
pourra  utilement  servir  le  roy  en  l'assemblée  générale  du  clergé,  je 
prie  M'  de  Chavigny  de  l'aller  trouver  de  ma  part  et  luy  tesmoigner 
ie  désir  que  j'ay  qu'il  soit  depputé  pour  la  province  de  Sens,  en  la 
d.  assemblée.  Que  pour  cet  effet  il  faut  qu'il  se  face  depputer  à  Troye, 
pour  se  trouver  à  l'assemblée  provinciale  de  Sens,  où  M'  d'Auxerre 
se  rendra  pour  l'assister  en  cette  occasion.  M'  de  Chavigny  parlera 
aussy,  s'il  luy  plaist,  à  M'  de  Chanvalon  de  ma  part,  et  luy  dira  que 
je  le  prie  de  faire  sçavoir  à  M'  de  Rouen  qu'il  me  fera  très  grand 
plaisir  de  faciliter  la  depputation  de  M.  de  Constances  pour  l'assem- 
blée générale  du  clergé.  Et,  au  cas  que  le  d.  s'  de  Constances  ne  puist 
estre  depputé,  de  procurer  la  nomination  de  M'  d'Evreux^.  M'  de 

ayons  pu  placer  à  leur  ordre  chronologique  Normandie,  il  paraît  que  Richelieu,  dou- 

les  pièces  que  nous  y  avons  trouvées;  elles  tant  de  son  obéissance,  avait  un  instant 

pourront  entrer  dans  un  supplément.  cliangé  de  pensée,  car  nous  lisons  dans 

'  François  Malier  du  Houssay,  qui  suc-  une  lettre  de  l'évèque  de  Lisieux  au  car- 

céda  cette  même  année  à  René  de  Breslay.  dinal ,  du  ay  janvier  :  t  . . .  Mais  mainte- 

Celui-ci  mourut  le  2  novembre  âgé  de  n«nt.  M*',  voici  d'autres  nouvelles,  car 

quatre-vingt-quatre  ans;  le  coadjuteur  en  M'  de  Chartres   nous   faict  sçavoir   que 

avait  lui-même  soixante-sept.  Il  était  d'une  V.  £m.  ne  se  fie  ny  en  mon  d.  seigneur 

famille  dévouée  au  cardinal.  d'Evreux,  ny  en  moy,  et  veut  qu'on  luy 

'  L'évèque  de  Coutances,  Léonor  de  en    nomme    un    troisiesme.  »    Pour    lui 

Matignon,  avait  signé  la  censure  du  pam-  (évêque  de  Lisieux),  il  a  la  goutte,  et  ne 

phlet  0/)<aftu  ^a//u$,  ce  qui  le  rccomman-  pourrait  se  rendre  à  l'assemblée;  «mais 

dail  auprès  de  Richelieu,  cependant  il  ne  quant  à  M'  d'Evreux,  je  proteste  devant 

fut  pas  député  à  l'assemblée  de  Mantes.  Dieu  que,   s'il  estoit  connu   de  V.  Em. 

Quant  à  l'évèque  d'Evreux,  François  de  comme  je  le  cognois,  elle  ne  souffriroit 

Péricard,  d'une  famille  parlementaire  de  jamais  qu'on  lui  list  cest  affront;  il  est 


750 


LETTRES 


Chavigny  priera  M.  de  Clianvalon  d'envoier  exprès  à  Rouen  pour  avoir 
la  response  de  M'  son  frère  ;  et  M''  de  Chavigny  fera  payer  la  course 
de  celuy  qui  ira  de  la  part  de  M'  de  Chanvalon,  afin  que  nous  ayons 
prompte  response. 

Le  Gard.  DE  RICHE  [JEU '. 


CCCLXXVII. 
Arch.  des  AfF.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  28. 

SCSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 


Original. 


SBCn^T&IRF.  D'EST\T,  À  PARIS. 

De  Rue! ,  ce  1 8  janvier  1 6à  1 . 

M.  de  Chavigny  ira,  s'il  luy  plaist,  trouver  Monsieur,  de  ma  part, 
et  luy  dira  que,  maintenant  que  le  temps  du  mariage  de  M'  d'Anguien 
approche^,  je  l'ay  prié  de  sçavoir  de  luy  s'il  l'aura  agréable,  ne  voulant 
rien  faire  en  cela ,  ny  en  autre  chose ,  qui  luy  peust  déplaire ,  et  dési- 


aussy  peu  capable  de  s'esloigner  de  vos 
volontez  qu'aucun  de  la  province. . .  »  (Ms. 
cité  aux  sources,  fol.  27.)  Richelieu  se 
laissa-t-il  persuader  par  cette  protestation, 
ou  ne  put-il  empêcher  l'élection  de  l'évéque 
d'Evreux  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'événement 
prouva  qu'il  connaissait  son  monde  mieux 
que  ne  faisait  l'évéque  de  Lisieux;  M'  d'E- 
vreux fut  un  des  plus  fermes  opposants 
dans  l'assemblée  de  1 64 1  ;  il  se  servit  même 
de  paroles  que  Richelieu  avait  prononcées 
aux  étals  de  161  A,  pour  repousser  les  de- 
mandes que  celui-ci  faisait  en  ce  moment 
au  clergé;  nous  verrons  son  nom  parmi 
ceux  des  prélats  que  le  cardinal  fit  expulser 
de  l'assemblée  et  renvoyer  dans  leurs  dio- 
cèses. —  Nos  manuscrits  conservent  mainte 
preuve  de  l'influence  souveraine  qu'exerça 
Richelieu  sur  la  nomination  des  députés. 


(Voy.  p.  74 1.)  Citons  seulement  ici  quel- 
ques lignes  d'une  lettre  du  coadjuteur  de 
Tours  (frère  de  Bouthillier)  :  «  Pour  l'as- 
semblée provinciale  ceux  qu'il  a  pieu  à 
V.  Em.  décommander  y  ont  esté  nommés, 
et  cela  s'est  faict  d'un  consentement  una- 
nime et  par  le  respect  que  tous  les  députez 
ont  voulu  rendre  aux  volontez  de  V.  Em. 
lesquelles  me  serviront  tousjours  (Je  lois 
inviolables,  puisque  je  suis  sa  créature.» 
(Mênie  ms.  fol.  55.)  Malgré  cela,  les  déli- 
bérations de  l'assemblée  donnèrent  de 
grands  embarras  à  Richelieu. 

'  Cette  signature  diffère  un  peu  de  la 
signature  ordinaire  du  cardinal  ;  la  place , 
ici  très-étroite ,  l'a  fait  abréger. 

'  Le  bruit  était  alors  que  le  mariage 
était  résolu  pour  le  carnaval.  (Journal 
épistolaire  d'Arnauld ,  du  1 3  janvier.  ) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


751 


rànt  vivre  avec  luy  avec  tant  de  respect  que  d'avoir  son  agrément 
après  avoir  receu  les  volontés  du  roy. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCLXXVIII. 
Arch.  des  AfF.  étr.  France,  i6ii,  six  premiers  mois,  fol.  a/j.  —  Original. 

SUSCniPTION: 

POUR  M.  ROUTHILLIER, 

SURINTENDANT  DES  FINANCES,  À   PARIS. 

De  Ruel,  ce  3o  janvier  16/11. 

Monsieur  le  prince  aura  peut-estre  trouvé  quelque  mot  dans  les 
articles'  plus  qu'il  ne  désireroit,  en  ce  que  ma  niepce  renonce  mesme 
à  ma  succession  en  faveur  des  filles  provenantes  de  la  ligne  de  ma 
sœur  aisnée,  au  cas  que  les  masles  vinsent  à  manquer.  Si  cela  grève 
son  esprit,  je  ne  m'esloigne  pas  de  le  dégrever. 

S'il  ne  trouve  rien  à  redire  aux  articles  que  vous  luy  avés  donnés, 
vous  ne  dires  rien. 

.     Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCLXXIX.  ' 

Dépôt  de  la  guerre,  l.  6.3,  p.  /io6.  — 
Original,  devenu  minute,  une  correction  ayant  obligé  de  refaire  celle  dépêche. 

LETTRE  DU  ROY  AUX  ÉVÊQUES. 

20  février. 

.Monsieur  l'évesque  de  comme  mon  cousin  le  cardinal  de 


'  Nous  avons  dans  le  ms.  des  Affaires 
étrangères  cité  aux  sources  deux  co- 
pies du  contrat  de  mariage  du  duc  d'En- 
ghien  avec  Claire -Clémence  de  Maillé- 
Brezé,  et  un  premier  projet,  en  brouillon 
fort  raturé,  de  la  main  de  Bouthillier, 
fol.  78- 101.  Richelieu  donnait  à  sa  nièce  les 
terre»  d'Anssac  ,  Mouy,  Carabronne  et  Ples- 


sis-Billebault,  et  la  somme  de  300,000**; 
au  lieu  de  ce  chiffre,  d'autres  et  le  brouil- 
lon de  Bouthillier  mettent  600,000**; 
mais  il  faut  remarquer  que,  dans  ce  brouil- 
lon, les  terres  ne  sont  point  mentionnées. 
«  Moyennant  cette  donation  led.  seigneur 
cardinal-duc  déclare  î'On  intention  que  lad. 
demoiselle,  future  épouse,  ne  puisse  rien 


752         '  LETTRES 

Richelieu  ne  se  contente  pas  de  soulager  mes  soins  par  les  siens  con- 
tinuels et  par  ses  veilles,  pour  tout  ce  qui  regarde  l'advantage  et  la 
gloire  de  cet  Estât,  mais  par  une  piété  et  charité  dignes  de  son  rang 
dans  l'Eglise  et  de  son  zèle  pour  le  bien  public,  porte  aussy  ses  pen- 
sées à  tout  ce  qui  peut  advancer  la  gloire  de  Dieu  et  le  bien  spirituel 
de  mes  sujets,  m'ayant  faict  entendre  le  dessein  qu'il  a  d'establir  des 
missions  de  pères  de  la  compagnie  de  Jésus  en  tous  les  lieux  de 
mon  royaume  où  ilz  pourront  s'employer  utilement  à  l'instruction 
chrestienne  et  à  l'édification  de  mes  sujets,  et  de  pourvoir  de  son 
bien  à  tous  les  frais  de  ces  missions,  en  sorte  qu'elles  ne  seront  à  au- 
cune charge  ny  despense  au  peuple,  ny  à  quelque  personne  que  ce 
puisse  estre,  j'ay  grandement  approuvé  un  sy  louable  et  sy  utile 
establissement.  Et,  bien  que  je  ne  doubte  pas  que  vous  ne  soyés  de 
vous-mesme  assez  disposé  à  le  faire  réussir  en  tout  ce  qui  peut  des- 
pendre de  vous,  néantmoins  j'ay  bien  voulu  vous  tesmoigner,  par 
cette  lettre,  comme  je  désire  grandement  d'en  voir  les  bons  effects 
que  l'on  en  doibt  attendre,  et  que  mon  intention  est  que,  pour  cet 
effect,  vous  receviés,  sans  aucune  difficulté,  les  pères  de  ladicte  com- 
pagnie qui  seront  envoyés  en  vostre  diocèze  par  leurs  supérieurs, 
pour  l'exercice  de  ladicte  mission;  que  vous  leur  donniés  toute  l'as- 
sistance et  l'apuy  es  choses  qui  sont  de  vostre  auctorité,  dont  ils  au- 
ront besoin  et  dont  ils  vous  pourront  requérir;  et  que  vous  les  favo- 
risiés,  en  tout  ce  qui  sera  de  vostre  pouvoir,  pour  leur  donner  moyen 
de  s'acquitter  aussy  dignement  de  ce  saint  employ  que  la  capacité  et 
bonne  conduitte  de  ceux  de  cet  ordre  le  peuvent  faire  espérer.  Aquoy 
ne  doubtant  pas  que  vous  ne  soyés  bien  ayse  de  contribuer,  et  de 
prendre  part  au  mérite  de  ce  bon  œuvre,  je  ne  vous  en  diray  pas 


prétendre  en  sa  succession  et  biens,  etc.  »  Ville  aux  Clercs,  aflRn  que  je  le  puisse  voir 

Le  contrat  fut  présenté  au  roi  le  7  fé-  demain  matin ,  avant  que  de  le  porter  au 

vrier,   ainsi  que   nous    l'apprenons  d'un  Louvre.  —  Ce  mercredy  au  soir  6  février 

billetde  Riclielieu  àChavigni  :  «  M.  deCha-  i64i.»  —  (Original,  sans  signature,  de 

vigny  se  souviendra  de  retirer  le  contrat  la  main  de  Le  Masle; ms.  cité  aux  sources, 

de  mariage  de  M.  d'Anguien,  de  M.  de  la  fol.  77.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


753 


davantage  et  ne  vous  feray  la  présente  plus  longue  que  pour  prier 
Dieu  qu'il  vous  ayt,  M'  l'évesque  de  en  sa  sainte  garde. 

Escrit  à  S*  Germain  en  Laye,  le         febvrier  i64i'- 

LOUIS. 


CCCLXXX. 

Arch.  des  A£F.  élr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol    i  \!t.  —  Copie. 

INSTRUCTION 

AUX  SIEURS  DE   LÉON, 

CONSEILLER  AD  CONSEIL  D'ESTAT, 

ET  D'HÉMERY, 

COISIILLEK  iD  DIT  COHSRIL,  IHTEMDAIIT  ET  COHTBOLLEDK  GIÉHÉBAL  DES    FINANCES, 

Commissaires  depputés  par  Sa  Majesté  pour  assister,  de  sa  part,  en  l'assemblée  du  clergé 
qui  est  convoquée  en  la  ville  de  Mantes  '. 

3  I  février. 

Les  d.  s"  commissaires  se  transporteront  en  la  d.  ville  de  Mantes 


'  Un  commis  de  de  Noyers  a  mis  au 
dos  de  cette  pièce  :  •  Dépesche  généralle 
aux  évesques  du  département  de  M'';  du 
XX*  febvrier  i64i.  »  —  On  sait  qu'alors  il 
n'y  avait  pas  de  ministère  de  l'intérieur; 
l'administration  des  provinces  était  parta- 
gée entre  les  secrétaires  d'état. 

'  Bouthillier  a  mis  au  dos  de  cette  co- 
pie un  litre  plus  succinct;  et  un  secrétaire 
de  Chavigni  a  ajouté  des  sommaires  aux 
marges.  —  On  lit  peu  les  Mémoires  de 
Montchal,  qui  ne  sont  que  le  journal  de 
celte  assemblée,  sauf  les  cinquante  pre- 
mières pages,  dont  l'auteur  a  fait  un  pam- 
phlet contre  Richelieu.  Cette  espèce  d'in- 
troduction, très-passionnée,  est  peu  capable 
d'inspirer  confiance  dans  la  relation  qui 
suit.  Montchal,  archevêque  de  Toulouse, 
avait  été  expulsé  avec  violence  de  l'assem- 

CARDIN.  DE  RICHEUED.  —  T(. 


blée  de  Mantes,  dont  il  était  l'un  des  pré- 
sidents; ce  souvenir  doit  être  présent  à 
ceux  qui  le  lisent;  il  faut  le  lire  pourtant, 
car  il  y  a  plus  d'un  détail  curieux.  Dans 
l'aperçu  qui  précède  sur  le  gouvernement 
de  Richelieu ,  à  de  justes  reproches  se 
mêlent  des  imputations  sans  preuves  et 
des  calomnies  évidentes. —  L'abbé  deCou- 
rayer,  en  annonçant ,  dans  l'Europe  savante 
de  novembre  1718,  ces  Mémoires ,  qui  ve- 
naient de  paraître  à  Rotterdam  et  dont  il 
possédait  un  manuscrit  meilleur  que  celui 
de  l'imprimeur  de  Hollande,  dit  :  a  Ala  fin 
de  ce  ms.  nous  avons  trouvé  la  dissertation 
suivante,  qui  sans  doute  est  de  M.  de  Mont- 
chal, et  qui  cependant  n'est  point  impri- 
mée :  Ce  qui  suit  sont  les  preuves  comme  les 
puissances  séculières  ne  peuvent  imposer  au- 
cunes tailles,  taxes,  subsides  et  autres  droits 

95 


754  LETTRES 

el,  feront  entendre  à  M"*  du  clergé  la  satisfaction  que  S.  M.  a  receue 
(lu  choix  qui  a  esté  faict  de  leurs  personnes  pour  assister  en  lad.  as- 
semblée; espérant  qu'ils  se  porteroient  à  luy  donner  toute  sorte  de 
contentement  et  secours  en  la  nécessité  présente  de  ses  affaires. 

Ils  feront  en  outre  entendre  aux  d.  s"  du  clergé,  que  l'intention 
du  roy  est  qu'ilz  travaillent  incessament  à  prendre  la  résolution  du 
secours  qu'ils  doivent  donner.  Avant  laquelle  résolution  faicte  Sa  Ma- 
jesté ne  veult  pas  qu'ilz  puissent  vacquer  ny  délibérer  aucunes  autres 
affaires  de  quelque  nature  et  qualité  quelles  soient,  la  d.  assemblée 
n'ayant  esté  convocquée  que  pour  le  seul  effect. 

ils  remonstreront  aussy  aux  d.  s"**  du  clergé,  de  la  part  de  Sa 
Majesté,  qu'elle  pourroit  avec  grande  raison  prétendre  d'eulx  une 
plus  grande  et  notable  somme  de  deniers  que  celle  de  six  millions 
six  cens  mille  livres,  qui  a  esté  promise  par  aucuns  d'eulx  à  Sa  d. 
Majesté,  sur  les  fins  de  laquelle  promesse  elle  a  permis  la  d.  as- 
semblée, quoy  qu'elle  eust  peu,  avec  juste  tiltre,  et  par  une  posses- 
sion immémoriale,  à  l'exemple  des  roys  ses  prédécesseurs,  taxer  les 
biens  el  revenus  du  d.  clergé  selon  qu'en  sa  conscience  elle  croiroil 
et  verroit  estre  à  faire,  le  royaume  estant  dans  une  guerre  ouverte  el 
nécessaire  comme  elle  est,  et  tous  les  autres  ordres  ayant  tellement 
contribué  aux  nécessités  de  Testât  qu'il  est  impossible  d'en  plus  tirer 
des  secours  sans  leur  totalle  ruine. 

Les  d.  s"  commissaires  déclareront  à  la  d.  assemblée  que  le  roy 
ne  veult  point  entendre  d'aultres  propositions  que  celles  pour  rai- 
son de  quoy  ils  ont  esté  convocquez,  qui  est  de  payer  dans  la  pré- 
sente année  et  la  prochaine  à  Sa  d.  Majesté  les  d.  six  millions  six 
cens  mille  livres,  par  taxes  qui  seront  faictes  sur  eulx  et  payables 

sans  le  consentement  de  l'Eglise,  t  Celle  pré-  lions  à  mellre  sur  les  biens  considérables 

tention  de  ne  parliciper  aux  cbarges  de  que  possédait  alors  l'église  de  Fiance.  C  est 

l'Etat  que  selon  qu'il  plairait  au  clergé  d'y  la  relation  de  ce  qui  se  passa  dans  l'assem- 

conlribuer  doit  être  prise  en  considération  blée  de  Mantes,  qu'on  a  imprimée,  lon^- 

quand  on  apprécie  la  lutte  qui  s'établit  temps  après,  sous  le  titre  de  Mémoires  de 

entre  Richelieu  et  les  opposants  de  l'as-  Montchal;  nous  indiquons,  p.  768  (sous- 

semblée  de  Mantes,  au  sujet  des  imposi-  note),  les  manuscrits  que  nous  avons  vus. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  755 

es  dictes  années,  tout  autre  moyen  estant  contre  eulx  et  contre  Sa 
Majesté  mesme;  d'autant  que,  s'ils  se  portoient  à  ofTrir  une  partie 
de  leurs  revenus,  la  liquidation  et  recouvrement  d'iceux  constitue- 
roient  les  bénéficiers  à  tant  de  frais,  et  feroient  tirer  le  d.  recouvre- 
ment en  tant  de  longueurs  qu'il  n'y  auroit  que  ceulx  qui  seroient 
employés  à  l'exécution  de  cest  affaire  qui  en  tireroient  de  l'advan- 
tage,  ainsi  que  les  d.  s"  du  clergé  ont  peu  recognoistre  quand  ils 
ont  esté  obligés  de  fournir  leurs  déclarations;  ce  qui  a  donné  lieu  au 
changement  du  tiers  du  revenu  en  la  taxe  des  d.  6,600,000^,  dont 
il  est  à  présent  question.  Et,  si  on  rentroit  dans  la  perception  du  d. 
tiers  ou  quelques  autres  propositions,  les  d.  commissaires  n'en  rece- 
vront aucune  autre  que  la  taxe  des  d.  6,6oo,ooo*t. 

Ils  représenteront  aux  d.  s"  du  clergé  Testât  de  l'affaire,  et  ce  qui 
s'y  est  passé  jusques  à  présent,  et  les  offres  qui  ont  esté  faictes  à 
Sa  Majesté  jusques  à  26  ou  3o  millions  de  livres  si  elle  eust  voulu 
tirer  à  la  rigueur  tout  ce  qui  luy  pouvoit  estre  légitimement  deub 
pour  les  d.  droicts  d'amortissement,  par  les  raisons  que  les  d.  com- 
missaires sçauront  leur  faire  entendre  particulièrement. 

Et  où  les  d.  s"  du  clergé  feroient  quelques  propositions  en  exé- 
cution de  la  d.  taxe,  comme  d'y  comprendre  les  cures  et  nouvelles 
religions  exceptées  par  les  déclarations  de  Sa  Majesté,  ou  quelques 
autres  moyens,  ilz  remettront  le  tout  à  Sa  d.  Majesté  et  luy  en  don- 
neront advis,  pour  sçavoir  son  intention. 

Et  si,  après  la  proposition  généralle  faicte  par  les  d.  s"  commis- 
saires, les  d.  s"  du  clergé  demandent  quelques  jours  pour  délibé- 
rer, après  quoy  ils  feront  leur  responce  à  Sa  Majesté,  les  d.  s"^"  com- 
missaires pourront  revenir  à  Paris  pour  donner  advis  et  rendre 
compte  à  Sa  d.  Majesté  de  la  disposition  qu'ilz  auront  trouvée  en  la 
d.  assemblée  pour  son  service'. 

Faict  à  Paris  ce  xxi*  jour  de  febvrier  mil  six  cent  quarante  et  un  ; 
signé  Louis  et  plus  bas  de  Loménie. 

'  En  vertu  de  cette  instruction  les  denx  l'assemblée  du  clergé,  réunie  à  Manies, 
commissaires  se  présentèrent  le  1"  mars  à        Le  P.  GrifFet  a  raconté  dans  son  tome  III 

95- 


756 


LETTRES 


CCCLXXXI. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  a33.  — 
Mise  au  net,  en  marge  de  laquelle  est  écrit  ;  «  Ordre  de  M'  le  cardinal.  « 

[POUR   M.  DE  CHAVIGM'.] 

[  2' quinzaine  de  février  lO.'ii.] 

Fault  dire  à  Forster  et  mander  à  Montereul  que  le  roy  ne  recevroit 
pas  seulement  la  reyne,  sa  sœur,  en  France,  au  cas  que  sa  santé  l'o- 
bligeast  à  y  faire  voiage,  mais  qu'il  seroil  bien  fasché  qu'elle  n'y  vinst 
pas.  Mais  que,  comme  l'affection  que  S.  M.  a  pour  la  reyne  de  la 


de  l'Histoire  de  Louis  XIII  les  principaux 
incidents  qui  en  firent  une  des  affaires 
les  plus  curieuses  de  celte  année,  p.  Sai- 
33o.  L'historien  a  pris  les  faits  dans  les 
mémoires  de  Montchal  sans  en  prendre 
l'esprit ,  qui  perce  dès  le  début.  L'arche- 
vêque se  plaint  du  choix  des  commissaires  : 
«  La  compagnie  fut  surprise,  dit-il ,  de  voir 
le  mépris  avec  lequel  on  traittail  le  clergé , 
depuis  que  le  cardinal  avait  la  conduitte 
des  affaires ,  car  encores  que  le  s'  Brulard 
(le  prieur  de  Léon)  fust  un  personnage 
de  grand  mérite,  et  l'un  des  plus  anciens 
conseillers  d' estai,  néanmoins  le  roy  avait 
accoustumé  d'envoyer  aux  assemblées  du 
clergé  des  personnages  de  plus  haute  con- 
sidération, n 

'  Cette  pièce  n'a  ni  signature,  ni  sus- 
cription,  ni  date-,  mais  il  n'est  pas  douteux 
qu'elle  ne  soit  du  cardinal,  et  ce  n'est 
qu'au  secrétaire  d'étal  des  affaires  étran- 
gères qu'elle  pouvait  aller.  Quant  à  la  date , 
elle  est  donnée  approximativement  par 
une  lettre  du  3  février,  où  Forster  se  plaint 
àChavigni  de  la  difficulté  de  le  rencontrer; 
et  par  un  billet  de  Richelieu  aussi  à  Cha- 


vigni,  daté  du  i4  février,  où  l'on  voit 
qu'à  celte  date  Forster  n'avait  pas  encore 
sa  réponse  :  •  C'est  au  roy,  dit  le  cardi- 
nal ,  à  résoudre  la  proposition  de  Forster.  » 
(Aff.  étr.  France,  i64i,  six  prem.  mois, 
fol.  loA.)  Nous  avons  une  lettre  de  la  reine 
d'Angleterre  à  Chavigni  concernant  la  mis- 
sion qu'elle  a  donnée  à  Forster;  mais  cette 
lettre  est  de  février,  sans  quantième.  (Fol. 
2i4  et  220  du  ms.  précité.)  Notons  encore 
une  déclaration  dudit  Forster,  dans  la- 
quelle celui-ci  prend  soin  de  constater  les 
propres  paroles  que  lui  a  dites  le  cardinal. 
Celle  déclaration  a  été  dictée  par  Chavi- 
gni et  écrite  en  partie  par  lui-même.  (Fol. 
2  4o.)  —  On  a  vu  que  c'était  un  Anglais 
attaché  à  la  reine  de  la  Grande-Bretagne; 
il  recevait  une  pension  de  la  France,  et 
je  le  trouve  encore,  en  1642,  parmi  les 
étrangers  qui  figurent  sur  l'état  que 
Louis  XUl  avait  fait  dresser  de  lous  ceux 
que  le  trésorier  de  l'épargne  avait  ordre 
de  payer.  On  sait  aussi  que  M.  de  Mon- 
treuil  était  le  secrétaire  de  l'ambassade  de 
France  à  Londres ,  alors  chargé  d'affaires 
en  l'absence  de  l'ambassadeur. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  757 

Grande-Bretagne  luy  donne  ces  sentimens,  la  part  qu'elle  prend  à  ses 
intérests  faict  qu'elle  ne  peut  ne  luy  dire  pas  qu'il  faut  bien  qu'elle 
se  donne  garde  de  venir  mal  à  propos  en  France,  dans  la  conjonc- 
ture des  affaires  présentes. 

Qu'en  telles  occasions  qui  quitte  la  partie  la  perd  ;  que  sa  sortie 
d'Angleterre  tirera  indubitablement  après  elle  la  ruine  des  catho- 
liques, et  peut  estre  la  sienne  propre  pour  tousjours  et  celle  du  roy 
son  mary,  et  de  ses  enfans.  Que  dans  de  sy  grands  changemens 
comme  sont  ceux  qui  sont  en  Angleterre,  il  faut  craindre  qu'on  passe 
aux  dernières  extrémités  incapables  par  après  de  touts  remèdes. 

Que  c'est  à  la  reyne  de  se  donner  un  peu  de  patience  jusques  à 
ce  que  le  mal  qui  la  presse  soit  sur  son  retour,  auquel  cas,  ce  qui 
aigriroit  maintenant  son  mal  seroit  capable  d'y  apporter  une  entière 
guérlson.  En  un  mot,  que  le  roy  cognoist  la  pensée  d'un  tel  voiage 
sy  considérable  pour  la  reyne  qu'il  croiroit  eslre  responsable  devant 
Dieu  s'il  ne  le  luy  représentoit  ^ 


'  Les  motifs  qu'allègue  Richelieu  sont 
fort  justes  et  ses  réflexions  sont  très-sages; 
mais  il  avait  encore  une  rai.son  de  donner 
ce  conseil ,  et  c'est  la  principale  qu'il  ne 
dit  pas  :  le  séjour  à  Paris  de  la  reine  Hen- 
riette-Marie l'aurait  fort  embarrassé  dans 
ses  relations  avec  l'Angleterre. —  Au  reste, 
cette  princesse  avait  abandonné  le  projet 
d'un  voyage  en  France.  Un  s'  de  La  Ma- 
sure, de  la  suite  de  la  reine  mère,  et  qui, 
voulant  obtenir  la  permission  de  revenir 
en  France ,  s'était  fait  l'espion  du  cardinal , 
par" l'intermédiaire  du  P.  Carré,  mandait 
ce  changement  de  dessein  dans  une  lettre 
du  a8  février.  Il  informait  en  même  temps 


le  cardinal  de  certaines  intrigues  des  gens 
de  la  reine  mère,  et  dans  une  nouvelle  et 
très-longue  lettre  du  9  mai,  également 
chiffrée,  en  même  temps  qu'il  continue 
«es  rapports  sur  ce  qui  se  passait  dans  la 
maison  de  la  reine  mère ,  il  donnait  au 
cardinal  des  informations  touchant  les 
Français  réfugiés  à  Londres.  On  voit  dans 
cetle  dernière  que  La  Masure  excitait  beau- 
coup de  défiance  dans  l'entourage  de  la 
reine  mère  ;  ses  relations  ténébreuses 
étaient  éventées ,  et  il  supplie  qu'on  lui  en- 
voie un  passe-port  pour  rentrer  en  France. 
(Aff.  étr.  France,  i64i,  six  prem.  mois, 
fol.  123  et  3oa.) 


758 


LETTRES 


CCCLXXXll. 
Arch.  de  la  famille  Boulhillier.  —  Original  sans  signature. 

[A  M.  BOLTHILLIER'.] 

De  Rue! ,  ce  20'  mars  1 64  1 . 

Je  demeure   in  deliberatis  avec  M"  du  clergé  parce  que   c'est  la 


raison  •'. 

'  Poinl  de  suscription  ;  une  noie  écrite 
au  dos  par  Bouthillier  en  tient  lieu. 

'  Après  la  séance  du  1"  mars,  où  s'é- 
taient présentés  les  commissaires  du  roi , 
l'assemblée  de  Mantes  délibérait  avec  une 
lenteur  dont  Richelieu  était  mal  satisfait.  11 
cherchait  toutes  sortes  de  moyens  d'arriver 
à  une  conclusion  et  de  faire  payer  le  clergé 
sans  trop  le  mécontenter.  11  écrivait  le  1 5 
mars  ;  «  Je  croy  que  Messieurs  du  clergé  ne 
doivent  point  faire  de  difficulté  d'accorder 
au  roy,  trois  ans  durant ,  si  la  guerre  dure 
autant,  deux  millions  de  livres,  pour  cha- 
cune année,  de  secours  extraordinaires 
payables  aux  termes  des  décimes.  »  Et  il 
ajoutait  qu'il  s'engageait  à  obtenir  du  roi 
une  mesure  au  moyen  de  laquelle  cette 
charge  serait  allégée.  (Pièce  notée  aux 
Analyses.)  Cependant,  le  19  du  même 
mois,  «  l'archevesque  de  Sens  Ht  entendre 
à  l'assemblée  que  les  commissaires  pres- 
saient extraordinairement  de  conclure  l'af- 
faire du  roy,  avec  menace  de  prendre  le 
bien  du  clergé,  et  tesmoignant  tousjours 
les  mauvais  desseins  de  M"  des  finances, 
qu'ils  disoient  n'estre  retenus  que  par  le 
respect  du  cardinal ,  qui  prenoit  le  clergé 
sous  sa  protection. . .  *  n  On  voit  que  le 
clergé  affectait  de  paraître  ménager  Riche- 

*  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  en  l'assemblée  du 
clergé  tenue  à  Mantes ,  en  iôii.  (Bîbl.  imp.  ras.  df 


lieu  et  de  s'attaquer  dans  ses  plaintes  aux 
agents  des  finances,  qu'il  était  pins  com- 
mode de  mettre  en  jeu.  Sur  l'observa- 
tion de  l'archevêque  de  Sens,  l'évêque 
de  Nantes  donne  lecture  de  la  lettre  du 
cardinal  dont  nous  venons  de  citer  quel- 
ques lignes.  Et  c'est  sans  doute  au  sujet  de 
cette  circonstance  que  BouthiHier  mandait 
le  lendemain  à  Richelieu  qu'il  était  resté 
in  deliberatis  avec  M"  du  clergé.  C'est  qu'en 
effet  rien  n'était  décidé.  L'évêque  d'Auxerre 
s'était  empressé  d'écrire,  le  19  mars,  une 
lettre  datée  de  Mantes ,  à  3  heures  :  «  Ce 
matin  l'affaire  du  roy  a  esté  résolue  sui- 
vant le  conseil  qu'il  a  pieu  à  Monseigneur 
faire  l'honneur  à  l'assemblée  de  luy  envoyer 
par  escript;  »  et  l'évêque  de  Nantes  man- 
dait, aussi  le  19,  la  même  nouvelle.  De 
plus,  nous  lisons  dans  un  protès-verba! . 
daté  toujours  du  19  et  signé  La  Barde,  le 
secrétaire  de  l'assemblée  :  «  A  esté  résolu 
que,  suivant  l'avis  de  M^'le  cardinal,  l'as- 
semblée accorde  au  roy  quatre  millions  de  ■ 
livres  par  imposition,  en  trois  années ,  si  la 
guerre  dure  autant. . .  •  (Ces  diverses  pièces 
sont  données  par  le  ms.  des  .Aff.  élr.  1 64 1 , 
six  premiers  mois,  fol.  169,  171, 173.)  Mais 
le  procès-verbal  ne  parlait  que  de  quatre 
millions,  et  Richelieu  en  voulait  six;  de 

Harlay,  Saint-Germain,  n°  i4/i.  —  Quelques  frag- 
ments sont  dans  500  Colbert,   i56,  el  Dupuy,  bgo. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  759 

Quant  à  l'affaire  de  Lyon,  je  croy  en  ma  conscience  que  le  meil- 
leur seroit  de  n'y  employer  point  mon  frère ,  qui  ne  peut  sans  un  grand 
contrecœur  presser  ceux  qu'il  aime  comme  ses  ouailles. 

Pour  ce  qui  est  du  s'  Sabatier,  il  a  parlé  ce  matin  à  M'  de  Noyers. 
Il  fait  estât  de  vous  donner  contentement,  et  ma  pensée  est  que 
pourveu  que  le  roy  trouve  son  compte,  vous  avés  intérest  d'empes- 
cher  sa  ruine. 

Je  parleray  à  M'  de  Nouveau  comme  vous  le  désirés. 


plus,  l'évêque  de  Nantes,  dans  une  lettre  du 
I  7,  avait  fait  pressentir  au  cardinal  d'autres 
difficultés.  (Même  ms.  fol.  iô5.)  Le  cardinal 
ne  négligeait  rien  pour  les  vaincre.  Il  fit 
venir,  le  a8,  une  députation  de  l'assem- 
blée, et  Montchal  a  recueilli  cette  curieuse 
conversation ,  que  nous  indiquons  sans  tou- 
tefois en  garantir  la  fidélité;  nous  ne  l'avons 
point  trouvée  dans  nos  mss.  Cependant 
Léonor  d'Étampes,  évéque  de  Chartres, 
autre  créature  de  Richelieu  ,  lui  écrivait  en 
confidence,  le  12  avril  :  «Nous  estimons 
qu'il  est  temps  que  M"  les  commissaires 
viennent  pour  se  rendre  icy  dimanche,  et 
entrer  iundy  dans  l'assemblée,  en  laquelle 
ils  se  plaindront  de  ce  que,  depuis  deux 
mois  qu'on  est  assemblé ,  l'affaire  des  six 
millions  n'a  encores  esté  résolue;  >  et  il 
suggère  au  cardinal  les  nrguments  dont  les 
commissaires  du  roi  doivent  user,  ainsi  que 
les  menaces  qu'ils  peuvent  faire.  «  V.  Em. 
ajoutait-il,  donnera  ordre  aux  commis- 
saires de  n'agir  et  dire  que  selon  ce  que 
M.  d'Auxerre  ou  moy  leur  dirons.  »  Ces 
sourdes  intelligences  de  quelques  évêques 
un  peu  trop  dévoués  ne  pouvaient  être  en- 
tièrement ignorées  de  leurs  confrère.s  moins 
dociles,  et  ne  contribuaient  pas  à  concilier 
ceux-ci  aux  volontés  du  cardinal.  —  Nous 
remarquons  ce  passage  dans  la  lettre  de 
l'évêque  de  Chartres:  «  La  province  de  Bor- 


deaux ne  manquera  pas  nussi  de  continuer 
ses  fougues  et  .ses  impertinences,  en  ayant 
veu  les  ordres  exprès  dans  une  lettre  de 
M'  l'archevesque,  qni  escrit  au  doyen  de 
son  église  qu'il  le  loue  des  généreuses  ré- 
solutions de  sa  province  et  l'exhorte  à  con- 
tinuer, asseurant  que,  quand  bien  elle  se- 
roit seule,  il  sera  content  et  satisfait  de  son 
courage.  »  Cette  lettre  est  datée  du  jour  de 
Pâques,  au  cap  de  Quiers,  d'où  il  «  escrit 
aussi  à  l'évesque  de  Bazas  el  autres  de  ses 
amis  de  l'assemblée.  »  On  peut  croire  que 
ce  rapport  n'a  pas  peu  contribué  à  la  dis- 
grâce dont  fut  frappé  1  archevêque,  qui 
avait  joui  si  longtemps  de  la  faveur  de 
Richelieu.  Le  cardinal  s'abstint  d'adresser 
en  ce  moment  aucun  reproche  à  mon- 
sieur de  Bordeaux,  occupé  alors  de  la 
jjuerre  maritime  sur  les  côtes  d'Espagne; 
mais,  à  un  mois  de  là,  le  8  juin,  û  lui 
écrivait  un  billet  relatif  aux  affaires  de 
la  guerre,  et  où,  sans  que  la  colère  éclate 
encore,  on  devine  un  sourd  mécontente- 
ment. Richelieu  termine  ainsi  ce  billet  : 
a  Vous  sçaurés  par  ailleurs  des  nouvelles 
de  l'assemblée,  où  quelques  uns  de  vos  plus 
aifîdez  ont  aussy  mal  faict  pour  le  clergé 
que  |)our  le  service  du  roy,  ce  qui  n'eni- 
pesche  pas  que  les  affaires  ne  s'y  soient 
passées  comme  il  faull.  »  —  Le  cardinal 

DE  RiCHELIED. 


760  LETTRES 


CCCLXXXIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64i,six  premiers  mois,  fol.  178.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  CHAVIGNI. 

De  Ruel ,  ce  2  3  mars  1 64  1 . 

Monsieur  de  Chavigny  dira  au  s""  de  Bonnefons  ^  que  le  roy  a  esté 
louché  de  ia  lettre  que  le  d.  Bonnefons  a  escrite  à  M"  le  cardinal. 

Qu'aiant  esté  par  la  d.  lettre  aucunement  esclaircy  des  justes 
soubçons  que  ia  conduitte  passée  de  la  reyne  luy  peuvent  donner, 
que  son  esprit  ne  soit  pas  encore  tout  à  fait  revenu  au  point  où  il 
doit  estre,  il  s'est  volontiers  porté  à  commander  qu'on  luy  donnast 
les  cent  mille  francs  qu'il  a  charge  de  luy  faire  donner. 

Cependant  que  l'incertitude  qui  reste  encore  à  Sa  Majesté  que  la 
reyne  sa  mère  soit  vraiment  repentante,  et  ait  tout  à  fait  quitté  l'es- 
prit de  vengeance,  a  faict  qu'il  n'a  pas  voulu  voir  le  d.  Bonnefons, 
ny  estimé  à  propos  que  M''  le  cardinal  le  veist,  ce  à  quoy  le  d.  s' 
cardinal  a  estimé  devoir  déférer  sans  résistance,  parce  qu'outre  que 
le  doute  du  roy  est  bien  fondé,  veu  qu'autres  fois  la  reyne  a  parlé 
quasy  mesme  langage  qu'elle  faict  maintenant,  lorsque  ses  gens  ma- 
chinoient  de  mauvais  desseins,  en  user  ainsy  luy  donne  plus  de  moyen 
de  servir  la  reyne  en  sa  nécessité. 

11  dira  ensuitte  au  d.  Bonnefons  confidemment,  que  le  roy  a  dict 
que  la  bonne  ou  mauvaise  disposition  de  l'esprit  de  la  reyne  parois- 
troit  clairement  par  faccomplissement  ou  l'inexécution  de  ce  que  le 
d.  Bonnefons  a  proposé  de  sa  part,  touchant  son  voyage  d'Italie^, 

'  11  était  aumônier  de  la  reine  mère ,  et  gner  des  frontières  de  France,   où  elle 

avait  été  autrefois  confesseur  de  M°°  de  entretenait    aulour   d'elle    une    réunion 

Combalet.  La  reine  mère  l'avait  envoyé  à  d'hommes  ennemis  déclarés  du  cardinal , 

Paris  dans  les  premiers  jours  de  février.  et  dont  quelques-uns  même  étaient  accu- 

'  Depuis  longtemps  on  exigeait  de  la  ses  d  avoir  formé  le  dessein  d'attenter  à  sa 

reine  mère  qu'elle  se  retirât  à  Florence;  il  vie.  Aussi  l'on  voit  avec  quel  empressement 

importait  beaucoup  à  Richelieu  de  l'éloi-  on  fournit  à  Marie  de  Médicis  les  moyens 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  761 

et  que,  si  elle  y  va,  Sa  Majesté  est  lors  résolue  de  recevoir  ses  lettres, 
de  voir  ses  gens  et  d'avoir  commerce  avec  elle  à  la  veue  de  tout  le 
monde,  parce  que  lors  il  aura  lieu  de  croire  qu'on  ne  pourra  plus 
avoir  de  mauvais  desseins  en  France  sous  l'ombre  de  la  reyne. 

11  luy  dira  qu'en  tel  cas  le  roy  est  résolu  de  luy  donner  cent  mille 
escus  par  an,  avec  lesquels  elle  fera  une  despence  qui  paroistra  plus 
en  Italie  qu'elle  ne  feroit  en  France  avec  trois  cens  mille. 

Il  luy  dira  encore  qu'afin  qu'elle  ne  face  pas  ce  voyage  mesquine- 
ment, S.  M.  luy  envoyera  cent  mille  francs  par  avance  lorsqu'elle 
voudra  partir. 

Il  adjoustera  qu'elle  peut  faire  ce  voiage  avec  moins  d'incommo- 
dité qu'il  ne  semble,  parce  qu'elle  peut  aller  de  Londres  jusques  à 
Rotredan  par  mer,  de  Rotredan  jusques  à  Cologne  dans  les  yaques, 
vaisseaux  fort  commodes  et  bien  dorez  de  M"^  le  prince  d'Orange,  de 
Cologne  jusques  à  Brisac  et  Basle,  en  remontant  sur  le  Rhin  dans  un 
bateau  bien  fermé,  de  Basle  jusques  à  Constance  en  litière,  de  Cons- 


d'aller  en  Italie ,  et  la  précaution  que  prend 
le  cardinal  de  lui  tracer  son  itinéraire. 
Mais  cette  résolution  de  la  reine  mère  pa- 
rait n'avoir  été  qu'un  prétexte  pour  obte- 
nir de  l'argent  ;  au  moins ,  n'a-t-elle  jamais 
été  exécutée. Toutefois  Richelieu  avait  pris 
ses  précautions  pour  n'être  pas  dupe.  Nous 
trouvons  aux  Affaires  étrangères,  dans 
le  tome  4?  d'Angleterre  (fol.  260),  une 
pièce  de  la  main  d'un  commis  de  Chavi- 
gni,  et  que  ce  secrétaire  d'état  n'a  pu 
écrire  que  par  l'ordre  du  cardinal.  Nous  y 
voyons  que  l'intention  de  la  reine  mère  était 
avant  tout  de  retirer  ses  bagues  mises  en 
gage;  mais  dans  ce  document,  qui  porte  en 
tête  «  Response  au  mémoire  de  la  reyne 
mère,  »  Chavigni  dit  nettement  :  «  Le  roy 
a  entendu  avancer  cent  mille  livres  à  la 
reyne,  sa  mère,  pour  les  frais  de  son 
voyage  d'Italie,  et  non  pour  autre  chose.  » 

CAKDIN.  DE  RICUELIED.  VI. 


Le  mémoire  ajoute  :  «  Quant  à  ce  qui  est 
des  58,4oo  et  tant  d'escus  pour  lesquels 
les  bagues  de  la  reyne  sont  engagées, 
S.  M.  ne  peut  payer  une  si  grosse  somme; 
tout  ce  qu'elle  peut  promettre  par  sa  bonté 
ce  seroit  de  payer  une  année  des  intérests, 
afin  que  les  marchands  ne  les  vendent  pas 
h  vil  prix,  i  Et  puis  Chavigni  revient  en- 
core au  voyage  d'Italie  :  •  Au  liei|  de  faire 
faire  carosscs  et  chariots,  il  faut  vendre 
tous  ceux  qu'elle  a  ;  les  canaux  d'Hollande 
porteront  tous  ses  bagages  jusqu'à  Colo- 
gne...» (Ici  une  nouvelle  indication  d'iti- 
néraire.) «  Les  cent  mille  livres  accordée-^ 
doivent  faire  face  à  tout  cela.  »  Cette 
pièce,  sans  date,  est  classée  dans  le  ma- 
nuscrit d'Angleterre  immédialement  après 
le  28  mrfrs;  il  semble  qu'elle  doit  avoir 
été  écrite  à  une  date  plus  éloignée  du  33 
mars. 

96 


762 


LETTRES 


tance  jusques  à  Venise,  moitié  par  eau,  moitié  en  litière,  de  Venise 
jusques  à  Bologne  par  eau,  et  de  Bologne  à  Florence*. 


Monsieur  de  Chavigni  dira,  comme  de  luy-mesme,  au  s'  de  Bonne- 
fons  qu'il  rendra  un  service  très-agréable  au  roy  s'il  peut  donner 
nouvelles  certaines  des  mauvais  discours  que  M'  de  Vendosme  a 
tenus,  soit  à  la  reyne,  soit  à  d'autres,  en  Angleterre,  depuis  qu'il  y 
est  arrivé.  M.  de  Chavigny  sçayt  bien  ce  que  c'est.  Il  peut  dire  à 
Bonnefons,  encor  comme  de  luy-mesme,  que  la  reyne  ne  doit  pas 
s'enivrer  en  cela  d'une  fausse  générosité,  qui  l'empesche  de  dire  ce 
qu'elle  sçaura,  puisqu'elle  se  veut  réconcilier  avec  Sa  Majesté, 


CCCLXXXIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Angleterre,  t.  48,  fol.  a64.  — 
De  la  main  de  Cherré'.  —  Copie,  même  volume,  fol.  26a. 

AU  P.  SUFFREN. 

[Vers  le  a3  mars  i64i  ']. 

Mon  Rév.  Père ,  comme  la  passion  que  j'auray  toute  ma  vie  au 
service  de  la  reyne  m'oblige  à  ne  perdre  pas  l'occasion  de  luy  en  don- 
ner des  preuves  en  un  temps  auquel  elle  en  a  besoin,  le  respect  que 
je  dois  à  sa  personne  ne  me  permettant  pas  de  respondre  à  la  lettre 


'  Ici  finit  la  lettre  dans  notre  ms.  Nous 
y  trouvons  une  autre  lettre,  de  la  même 
tiate ,  également  adressée  à  Chavigni ,  con- 
cernant aussi  le  s'  de  Bonnefons;  c'est  évi- 
demment une  addition  à  la  lettre  qu'on 
vient  de  lire ,  sur  un  point  qu'on  avait  ou- 
blié. Cette  espèce  de  post-scriptum  est 
classé  au  feuillet  177,  et  donné  comme  si 
c'était  une  lettre   séparée,    écrite  avant 


l'autre;  il  est  de  la  main  de  Charpen- 
tier. 

'  C'est  une  lettre  préparée  pour  la  signa- 
ture, mais  qui,  ayant  subi  quelques  cor- 
rections ,  a  été  refaite  et  est  devenue  mi- 
nute. 

'  Cette  pièce  n'est  point  datée;  il  sem- 
ble qu'elle  doive  avoir  à  peu  près  la  même 
date  que  la  précédente. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  763 

dont  il  luy  a  pieu  m'honorer,  pour  ne  luy  mettre  pas  devant  les  yeux 
un  nom  qui  luy  a  esté  desagréable,  je  m'adresse  à  vous  pour  vous 
prier  de  luy  faire  cognoistre  le  ressentiment  que  j'ay  de  l'honneur 
qu'il  luy  a  pieu  me  faire.  J'ay  tousjours  espéré  de  la  bonté  de  Dieu 
que  Sa  Majesté  verroit  enfin  que,  si  j'ay  esté  malheureux  à  son  esgard, 
mon  malheur  a  esté  sans  crime.  J'ay  pris  part  à  toutes  ses  peines,  et 
Dieu  sçait  qu'elles  m'eussent  esté  beaucoup  plus  sensibles  qu'à  elle 
mesme,  si  je  n'eusse  eu  cette  consolation  de  n'avoir  rien  oublié  de 
ce  qui  a  despendu  de  moy  pour  la  garantir  des  malheurs  où  elle  a 
esté  précipitée  par  de  mauvais  conseils.  Rien  ne  m'a  mesme  diverty 
de  la  servir  en  ce  mauvais  estât,  que  son  propre  intérest,  c'est-à-dire 
celuy  du  roy,  qui  par  l'ordre  du  ciel  m'est  et  m'a  deu  estre  plus  cher 
que  tout  autre.  En  vérité,  mon  Père,  sa  personne  m'a  tousjours  esté 
en  telle  vénération,  que  j'en  ay  respecté  l'ombre  en  ceux  qui  ont 
voulu  se  servir  de  son  nom  pour  me  perdre. 

Je  loue  Dieu  de  tout  mon  cœur  de  sçavoir  qu'elle  est  maintenant 
en  disposition  de  chercher  son  repos,  que  je  souhaitte  avec  d'autant 
plus  de  passion,  que  je  n'estimeray  jamais  en  avoir,  tandis  qu'elle  en 
sera  privée. 

Ayant  faict  entendre  au  roy  ce  que  le  s"'  de  Bonnefons  a  proposé 
pour  luy  en  procurer,  le  bon  naturel  de  Sa  Majesté  l'a  aussytost  porté 
à  faire  mettre  entre  les  mains  du  dict  s""  de  Bonnefons  cent  mille  francs 
à  ce  qu'on  puisse  promptement  pourvoir  à  ses  Incomoditez  présentes 
et  plus  pressantes.  Elle  m'a  commandé  en  outre  de  vous  escrire  que 
si  la  reyne  sa  mère  persiste  à  vouloir  se  mettre  en  lieu  où  elle  puisse 
vivre  contente,  comme  le  s'  de  Bonnefons  en  a  fait  ouverture  de  sa 
part,  les  despenses  de  la  guerre  ne  l'empescheront  pas  de  luy  don- 
ner tous  les  ans  de  quoy  s'y  entretenir  selon  sa  dignité. 

Ainsy,  le  roy  satisfaisant  à  ce  que  les  considérations  du  ciel  et  de  la 
terre  requièrent  de  luy  en  la  nécessité  où  la  reyne  se  trouve,  il  est 
en  elle  de  se  deslivrer  pour  jamais  de  toutes  inquiétudes,  et  de  mener 
une  vie  heureuse  à  l'avenir.  J'auray  à  grand  honneur  de  la  servir  à 
cette  fin  auprès  du  roy,  et  de  luy  rendre  ce  qu'elle  peut  attendre  d'une 

96. 


764  .  LETTRES 

personne  qui  demande  ardemment  à  Dieu  son  contentement  en  ce 
monde ,  et  son  salut  en  l'autre ,  et  qui  est  véritablement , 
Mon  R.  Père, 

Vostre  très  affectionné  à  vous  rendre  service  '. 


'  La  réponse  du  P.  Suffren  se  trouve 
en  copie  dans  le  ms.  cité  aux  sources, 
fol.  382  *.  Le  Père  mande  à  Richelieu 
qu'aussitôt  la  réception  de  sa  lettre  il  en 
a  dit  le  contenu  à  la  reine  mère;  que 
c'est  en  toute  sincérité  que  cette  prin- 
cesse veut  se  réconcilier,  qu'elle  remercie 
le  cardinal  des  bons  offices  qu'il  a  com- 
mencé à  lui  rendre  ;  «  elle  m'a  aussy  com- 
mandé de  vous  escrire  qu'elle  persiste  en 
la  résolution  qu'elle  a  faict  entendre  au 
roy  par  M'  de  Bonnefons ,  se  persuadant 
qu'ayant  faict  de  son  costé  ce  qu'elle  a 
peu ,  qu'aussy  le  bon  naturel  du  roy  ne 
manquera,  du  sien,  de  iuy  donner  les 
moyens  de  l'exéculer. . .  elle  n'ayant  rien 
et  le  roy  ayant  son  bien  entre  les  mains.  » 
—  Le  P.  Suffren  ajoute  :  «  Ceux  qui ,  comme 
moy,  ont  eu  le  bien  de  cognoistre  V.  Em. 
sont  tesmoins  de  la  tendresse  de  vostre 
cœur,  tesmoignée  par  les  larmes  qui  dé- 
coulent de  vos  yeux  en  la  vue  des  misères 
des  aultres peut  est're  la  divine  Provi- 
dence disposera  que  les  afflictions  de  la 
reyne  mère  finissent  par  vous. . .  •  Le  bon 
Père  attaque  Richelieu  par  un  endroit  où 
il  était  peu  vulnérable,  et  semble  prendre 


au  sérieux  ce  qui  ne  l'était  guère  de  part 
ni  d'autre.  La  reine  mère  n'a  jamais  eu 
réellement  l'intention  de  se  retirer  à  Flo- 
rence, ni  Richelieu  le  dessein  de  lui  four- 
nir des  ressources ,  dont  il  craignait  qu'elle 
n'usât  contre  lui-même.  Cette  disposition 
aux  larmes ,  dont  le  P.  Suffren  loue  ici  Ri- 
chelieu ,  a  été  remarquée  par  plusieurs,  et 
lui  a  été  imputée  à  reproche.  L'archevêque 
de  Toulouse,  dont  nous  avons  cité  les 
Mémoires,  rapportant  une  de  ses  conver- 
sations avec  Richelieu,  dans  l'affaire  de 
l'assemblée  de  Mantes,  raconte  que  le 
cardinal ,  s'efforçant  de  vaincre  son  oppo- 
sition, le  pressait  de  lui  promettre  son 
amitié,  qu'il  désirait  depais  longtemps;  «et 
disant  ces  mots  il  tira  son  mouchoir  et 
essuya  ses  yeux,  qui  étaient  moites,  avec 
ces  paroles  :  la  tendresse  me  surprend. . .  » 
L'archevêque  ajoute  qu'il  se  trouva  fort 
surpris  de  ce  discours,  sachant  que  le  car- 
dinal avait  contre  lui  une  antipathie  qui 
datait  de  loin. —  La  reine  mère,  dans  ses 
colères  contre  son  ancien  favori ,  le  com- 
parait au  crocodile,  précisément  à  cause 
de  ces  pleurs  hypocrites,  qu'il  savait  ré- 
pandre à  volonté,  disait-elle. 


*  Cette  copie  a  été  faite  par  un  secrétaire  de  Chavigni;  elle  n'est  point  datée  et  on  l'a  classée  dans  le  ma- 
nuscrit ,  au  1 9  avril  ;  la  lettre  a ,  sans  doute ,  été  écrite  avant  cette  date. 


DU  CARDINAL   DE   RICHELIEU. 


765 


CCCLXXXV. 
Arch.  des  Aff.  élr.  France,  1619a  i64ii  t.  6 ,  fol.  3i4-  —  Original. 

SCSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY. 

[Fin  de  mars  i6i  1  '.] 

Je  suis  bien  aise  que  toutes  choses  soient  signées  comme  il  fault'^. 

Je  feray  parler  au  roy  pour  les  prisonniers  lorrains  qui  sont  dans 
la  Bastille. 

Je  ne  croy  pas  qu'il  y  ait  difficulté  à  les  rendre. 

Il  y  a  bien  un  Vineuil  dans  la  Bastille  qui  y  a  esté  mis  pour  estre 
accusé  d'avoir  tué  sa  femme;  celuy-là  ne  se  peut  rendre,  mais  il  est 
François  et  ce  n'est  pas  celuy-là  que  M"  de  Lorraine  demande. 

Il  est  à  propos  que  vous  voyés  Mad^  de  Lorraine^  pour  luy  dire 


'  Celle  pièce  sans  date,  classée  à  la  fin 
de  1 638 ,  est  de  la  fin  de  mars  1 64 1  • 

'  Il  s'agit  de  la  soumission  du  duc  de 
Lorraine;  nous  avons  déjà  dit  (ci-dessus, 
p.  7^8)  que  le  traité  fut  signé  le  39  mars. 
Plusieurs  copies  sont  conservées  aux  Af- 
faires étrangères  dans  les  manuscrits  de 
Lorraine,  t.  Sa.  L'une  est  une  espèce  de 
minute,  écrite  par  un  secrétaire  de  Clia- 
vigni,  avec  quelques  mois  de  la  main  de 
Richelieu ,  et  des  passages  ajoutés ,  en 
marge ,  par  Cherré.  La  Gazette  ne  le  pu- 
blia que  le  18  septembre,  avec  un  petit 
préambule  que  fit  mellre  Richelieu  afin 
d'expliquer  celte  publicité  tardive  :  «  Pour 
ce  qu'il  y  avoit  plusieurs  articles  qui  dé- 
voient demeurer  secrets  (fait-on  dire  au 
gazetier) ,  j'avois  différé  de  vous  faire  part 
de  tout;  et  serois  encore  à  présent  dans 
le  silence  si ,  l'inconstance  de  ce  prince 
ayant  donné  sujet  aux  armes  du  roy  de 
reprendre  sur  luy  presque  toutes  les  places 


que  sa  bonté  luy  avoit  rendues,  je  n'avois 
creu  devoir  justifier  aux  yeux  de  tout  le 
monde  le  procédé  de  S.  M.  en  faisant  voir 
de  quelle  part  est  venue  la  contravention  à 
ce  traité.  >  El  à  la  suite  dudit  traité  Riche- 
lieu fil  imprimer  les  actes  du  serment  preste 
par  le  duc  entre  les  mains  du  roi  à  Sainl- 
Germain ,  le  1  avril ,  et  ensuite  ratifié  le  2 1 , 
dans  sa  ville  de  Bar.  (p.  633-6Ao.)  Ce 
traité  a  aussi  été  donné  par  Aubery, 
Mém.  t.  V,  p.  19-34,  et  depuis  dans  di- 
vers recueils. 

'  La  princesse  Nicolle,  que  le  duc  avait 
quittée  depuis  quatre  ans.  Sans  attendre 
les  dispenses  du  pape,  et  comme  s'il  eût 
pu  casser  son  mariage  de  sa  propre  auto- 
rité, il  s'était  remarié  en  1637  à  Béatrix 
de  Cusance,  princesse  de  Cantecroix,  qui 
le  suivait  dans  toutes  ses  expédiiions  mi- 
litaires, et  que,  pour  cette  raison  sans 
doute,  le  peuple  nommait  sa  femme  de 
campagne.  Sa  femme  légitime,  qui  récla- 


766  LETTRES 

ce  qui  s'est  passé  particulièremeut  en  ce  qui  touche  ses  intérests. 
Vous  luy  ferés  cognoistre  comme  11  luy  est  avantageux  que  son  pro- 
cès soit  remis  au  jugement  du  pape  purement  et  simplement. 

J'envoyeray  aujourd'hui  sçavoir  du  roy  s'il  veult  que  ce  soit 
mardy  '  ou  mercredy  que  se  face  le  serment.  Cependant  M.  le  Chan- 
celier mandera  à  M.  de  Meaux  qu'il  se  trouve  mardy  à  midy  à  S'- 
Germain.  Je  crois  qu'il  est  bon  que  vous  soyés  nanti  de  tout  ce  qu'il 
fault  pour  faire  faire  la  foy  et  hommage^,  vous  ou  Mons""  de  La  Ville 
aux  Clercs;  c'est-à-dire  celuy  à  qui  c'est  de  le  recevoir,  affin  que  si 
S.  M.  qui  appréhende  souvent  telles  cérémonies,  veult  absolument 
qu'on  termine  celle-là  à  mesme  jour  que  le  serment,  elle  soit  satis- 
faite. 

Si  vous  ne  cognoissiés  le  secrétaire,  aussy  mauvais  escrivain  que  je 
veux  croire  qu'il  est  bon  médecin  ',  je  ferois  ses  excuses. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


niait  à  Rome  contre  la  dissolution  de  son 
mariage,  s'était  retirée  en  France,  où  on 
lui  faisait  une  pension. 

'  De  Noyers  répondit  à  Ghavigni,  le 
1  "  avril ,  que  le  serment  serait  prêté ,  entre 
les  mains  du  roi ,  le  lendemain  mardi ,  à 
vêpres.  Selon  le  père  Grififet,  qui  met  au 
27  mars  la  signature  du  traité,  le  serment 
aurait  été  prêté  le  même  jour.  Cependant 
ce  fut  bien  le  39  mars  que  le  traité  fut 
signé ,  par  Richelieu ,  à  Paris ,  hors  la  pré- 
sence du  roi ,  tandis  que  le  serment  fut 
prêté  dans  la  chapelle  du  château  de  Saint- 
Germain,  le  2  avril. 

'  Le  père  Hugo,  auteur  d'une  vie  ma- 
nuscrite du  duc  Charles ,  citée  dans  Y  His- 
toire de  la  réunion  de  la  Lorraine  à  la 
France,  t.  II,  p.  ia4,  raconte  une  scène 
burlesque  qu'aurait  jouée  le  duc  de  Lor- 
raine pour  interrompre  la  cérémonie,  et 


dans  le  dessein  d'invalider  un  serment 
qu'il  ne  prêtait  qu'à  contre-cœur;  s'il  en 
faut  croire  le  père  Hugo,  cette  scène  di- 
vertit beaucoup  l'assistance ,  et  le  roi  lui- 
même  se  serait  pris  à  rire  de  cette  sour- 
noise plaisanterie.  Cette  scène  est  peu 
vraisemblable,  et  la  gaieté  du  roi  moins 
vraisemblable  encore.  Le  père  Hugo  aura 
pris  au  sérieux  un  conte  imaginé  après 
coup  par  le  duc  de  Lorraine  pour  consoler 
sa  vanité  de  l'acte  de  foi  et  hommage  qu'il 
avait  été  contraint  de  faire.  Ce  qui  paraît 
plus  certain,  c'est  qu'en  même  temps  que 
ce  prince  signait  un  traité  avec  le  roi, 
il  déposait  secrètement  chez  un  notaire 
une  protestation  contre  sa  propre  signa- 
ture. (D.  Calmet,  t.  VI,  p.  299;  M.  le 
comte  d'Haussonville ,  t.  II,  i3i.) 

'  Celte  lettre  est   de  la  main  de   Ci- 
toys. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  767 


CCCLXXXVl. 

Arch.  de  Condé ,  n°  1 1 3.  —  Original.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale. 
Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i.  98.  —  Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  LE  PRINCE. 

3  avril. 

Monsieur,  je 

croy  que  vous  aurés  sceu  maintenant  le  desordre  qui  est  anùvé  dans 
la  maison  de  M"^  vostre  fdz,  par  l'insolence  d'un  maistre  d'bostel,  qui 
prétend  donner  la  serviette  au  préjudice  de  la  charge  en  laquelle 
vous  avés  establi  M.  de  Maigrin. 

La  suitte  de  cette  affaire  ayant  esté  telle  que  le  dict  s''  de  Maigrin 
a  cuidé  estre  assassiné  '  par  diverses  personnes  qui ,  au  lieu  de  séparer 
les  parties  qui  avoient  querelle ,  ont  mis  l'espée  à  la  main  contre  le  s'  de 
Maigrin; je  les  aurois promptement  faict  prendre  prisonniers  si,  estant 
sy  proche  comme  vous  estes,  je  n'avois  estimé  plus  à  propos  de  vous 
dépescher  ce  gentilhomme  pour  sçavoir  vostre  volonté.  Je  vous  diray 
franchement  que,  si  on  ne  maintient  dans  une  maison  les  supérieurs 
contre  les  inférieurs,  il  est  impossible  d'y  faire  garder  aucun  ordre. 

Je  m'asseure  que  vous  n'obniettrés  rien  pour  faire  chastier  une  sy 
mauvaise  action  comme  celle  qui  est  arrivée  en  cette  occasion.  Quand 
je  sçauray  vostre  intention,  je  feray  apporter  l'ordre  requis,  ce  qui 
touche  M.  vostre  filz  m'estant  aussy  cher  que  ce  qui  me  touche  moy- 
mesme^.  Vous  le  croirés,  s'il  vous  plaist,  et  que  je  suis  et  seray  tous- 
jours, 

Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  3  avril  i64i. 

'  Le  prince  de  Condé  était  alors  sur  les  Catalogne.  •  La  pièce,  datée  du  2  mars,  est 

frontières  d'Espagne;  nous  avons,  au  Dé-  de  la  main  d'un  commis  de  la  guerre, 

pôt  de  la  guerre ,  une  «  Instruction  à  M.  le  t.  63 ,  pièce  47 1  • 

Prince  s'en  retournant  en  Languedoc  pour  '  Lorsque  le  duc  d'Engliien  épousa  la 

y  commander  les  armées  de  Roussillon  et  nièce  de  Richelieu,  M'  le  Prince,  que  ce 


768 


LETTRES 


CCCLXXXVII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64i ,  six  premiers  mois,  fol.  3o6. 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 


SECRÉTAIRE  D'ESTAT,  À  PARIS. 


De  Ruel,  ce  6"  avril  iC4i. 

Je  suis  bien  fasché  de  l'indisposition  des  ambassadeurs  de  Portu- 
gal. Quand  leur  santé  leur  permettra  de  conférer  avec  vous,  il  n'y  a 
point  de  temps  à  perdre,  estant  besoin  de  voir  si  nous  devons  armer 


ou  non 


mariage  comblait  de  joie ,  usant  de  toutes 
sortes  d'égards  pour  le  cardinal ,  lui  avait 
laissé  le  soin  de  désigner  plusieurs  des 
principaux  oflPiciers  de  la  maison  du  jeune 
duc.  Richelieu,  qui  déjà  avait  mis  M.  de 
Mégrin ,  comme  un  mentor  auprès  de  lui , 
lorsqu'on  l'envoya  faire  ses  premières  ar- 
mes ,  le  proposa  pour  conduire  celle  mai- 
son, où  entrait  sa  nièce,  et  M.  le  Prince  le 
nomma  premier  gentilhomme  de  la  cham- 
bre de  M.  le  duc  d'Enghien.  11  semble 
que  le  prince  faisait  ce  choix  avec  une  cer- 
taine répugnance.  Dans  une  note,  écrite  de 
sa  main,  où  il  stipule  les  conditions  de  la 
place  qu'il  lui  donne ,  nous  lisons  :  «  Je  veux 
bien  qu'il  commande  aux  valets  de  cham- 
bre, et  néanmoins  je  le  prie  de  prendre 
garde  d'user  modestement  avec  mon  fils  de 
ce  commandement.»  (Aff.  élr.  t.  96,  fol. 
189,  note  classée  à  la  fin  de  janvier  16I11.) 
Cependant,  trois  mois  après,  M.  de  Mégrin 
fut  assassiné,  et  on  soupçonna  des  gens  de 
la  maison  d'avoir  commis  ce  crime.  Le 
surlendemain  de  la  date  de  la  présente 
lettre,  le  5  avril,  eut  lieu  une  instruction 
que  nous  trouvons  dans  le  tome  98  de 


la  collection  France,  intitulée  ;  «  Informa- 
tion sur  l'assassinat  du  s'  de  Mesgrin  faite 
par  Louis  Davyd ,  escuyer  du  s'  du  Petit 
Puy,  conseiller  du  roy,  prévost  général  de 
l'Isle-deFrance  et  gouvernement  de  Paris.  • 
Il  résulte  de  celle  instruction  que,  la  der- 
nière fête  de  Pâques,  M.  de  Mégrin  sortant 
du  petit  hôtel  de  Condé,  à  cheval,  entre 
cinq  et  six  heures  du  soir,  fut  attaqué,  rue 
deTournon,  par  deux  hommes,  dont  l'un 
lui  donna  un  coup  d'épée  dans  les  reins, 
et  qu'il  aurait  sans  doute  succombé  si  l'on 
ne  fût  venu  à  son  secours.  On  le  reporta  à 
l'hôlel  de  Condé.  L'instruction  ne  dit  ni  le 
motif  de  ce  guel-apens,  ni  le  nom  des 
assassins.  Cependant,  M.  de  Mégrin  étant 
mort  de  ses  blessures,  Richelieu  écrivit 
à  M.  le  Prince,  le  i5  mai,  une  nouvelle 
lettre ,  où  perce  à  chaque  phrase  un  mé- 
contentement contenu,  et  il  fait  entendre 
Irès-clairement ,  quoique  avec  certaine  pré- 
caution de  style,  qu'il  ne  veut  plus  se  mê- 
ler du  gouvernement  d'une  maison  si  mai 
ordonnée. 

'  La  révolution  qui  émancipait  le  Por- 
tugal était  accomplie  à  la  fin  de   i64o; 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


769 


M'  de  la  Thuillerie  a  travaillé  inutilement  envers  M'  le  prince 
d'Orange,  puisque,  comme  vous  le  sçavés,  il  y  a  longtemps  que  nous 
avons  jugé,  vous  et  moy,  qu'il  n'estoit  point  besoin  d'aucune  lettre 
du  d.  prince. 

Aussy  tost  que  M'  de  Lorraine  pourra  faire  partir  ses  gens  pour 


nous  trouvons  aux  A£f.  élr.  dans  le  tome  20 
d'Espagne,  un  mémoire  daté  du  34  jan- 
vier 1641,  intitulé  Avvisi  di  Spagna,  où 
nous  lisons  :  «Tutte  le  città  e  altri  luo- 
ghi  di  Porlogalo  si  sono  resi  al  duca  di 
Braganza.  »  Les  lelalions  officielles  entre 
la  France  et  le  nouveau  roi  s'établirent 
aussitôt.  11  n'y  a ,  dans  nos  archives  étran- 
gères, touchant  le  Portugal,  aucun  docu- 
ment antérieur  à  1 64 1 .  Le  premier  dans 
ce  volume  est  un  mémoire  transcrit  de  la 
main  d'un  commis  de  Chavigni ,  établissant 
les  droits  de  Jean  IV  au  trône  où  il  venait 
de  monter.  Nous  trouvons  ensuite  des 
lettres  signées  de  ce  roi,  l'une  du  ai  jan- 
vier, pour  Richelieu,  la  seconde,  datée  du 
33  et  adressée  à  Louis  XIII',  est  la  lettre 
de  créance  des  ambassadeurs  que  Jean  IV 
envoyait  en  France,  D.  Antonio  Coelho  de 
Carvalho,  du  conseil  du  roi  et  du  conseil 
de  son  parlement  suprême,  et  D.  Fran- 
ciscodcMello,  aussiduconscildu  roietson 
grand  veneur".  Cependant  ces  ambassa- 
deurs n'arrivaient  pas;  on  s'inquiéta  de  ce 
retard ,  et  Louis  XIII  écrivit  au  roi  Jean  IV 
le  6  mars  ;  •  Nous  avons  eu  avis,  de  divers 
lieux ,  qu'en  suite  de  vostre  promolion  à  la 
couronne  de  Portugal  vous  avés  envoyé 
un  ambassadeur  vers  nous,  duquel  n'ap- 
prenant point  de  nouvelles,  nous  avons 
sujet  de  craindre  qu'il  ne  luy  soit  arrivé 
quelque  accident. . .  »  Louis  XIU  ajoutait 
qu'un  ordre  avait  été  donné  •  au  s'  de  S"- 

*  Arch.  des  AIT.  étr.  Portugal,  t.  i ,  fol.   lo  et  1 1, 
Etcuyer. 


Pé,  consul  de  la  nation  française  à  Lisbon  ne, 
de  s'y  en  retourner  prompteraent.  »  (  Ms. 
précité,  fol.  1.^  et  i4)  Les  inquiétudes 
étaient  prématurées;  une  lettre  du  com- 
mandeur de  la  Porte ,  l'oncle  de  Richelieu, 
écrite  de  la  Rochelle  le  4  mars,  informait 
le  cardinal  du  passage  des  ambassadeurs 
portugais,  et  la  Gazette  du  a3  annonçait 
au  public  qu'ils  élaient  arrivés  l'avanl- 
veille  à  Bourg-la-Reine.  —  L'instruction 
du  s' de  S'Pé,qui  a  été  imprimée  plusieurs 
fois,  sera  notée  aux  Analyses.  Remarquons 
seulement  qu'Aubery,  et  Le  Vassor  après 
Aubery,  la  datent  du  i6  mars.  Cependant 
Louis  XIII,  dans  sa  lettre  du  6,  que  nous 
venons  de  citer,  dit  que  S'-Pé  a  reçu  l'ordre 
de  partir.  Au  lieu  du  16  ne  faudrait-il  pas 
lire  le  ô  ?  Celte  conjecture  paraît  d'autant 
mieux  fondée  qu'on  voit,  dans  celte  ins- 
truction, qu'au  moment  où  elle  fut  écrite 
on  ignorait  encore  que  des  ambassadeurs 
portugais  fussent  envoyés  en  France;  or, 
malgré  la  lenteur  des  courriers ,  on  devait 
avoir  reçu  à  Paris,  le  16,  une  lettre  écrite 
de  la  Rochelle  le  4.  —  Les  ambiissadeurs 
eurent  leur  audience  du  roi  à  S'-Gcrmain 
le  27,  et  Richelieu  les  reçut  le  lendemain 
au  palais  Cardinal.  —  Un  traité  fut  signé 
le  i"  juin.  Les  mss.  de  Portugal  conservés 
aux  Affaires  étrangères  nous  ont  été  con- 
nus trop  tard  pour  que  nous  puissions 
placer  ici ,  à  leur  rang  chronologique ,  les 
pièces  qu'ils  contiennent. 

-  **  Un  autre  document  lui  donne  le  litre  de  Grand 


CARDIN.  DE  RICIIF.LIEU.  - 


97 


770 


LETTRES 


Ratisbonne  et  pour  M""  de  Bavière  ce  sera  le  meilleur.  Il  ne  faut  qu'un 
quart  d'heure  entre  vous  et  moy  pour  voir  l'instruction. 

Je  m'estois  bien  douté  que  madame  de  Lorraine  avaleroit  avec 
amertume  la  pilule  du  traitté  ^ 

Je  suis  très-aise  que  vous  ayés  adjusté  l'alFaire  d'Angleterre  avec 
M"  du  conseil;  il  est  important  de  faire  une  bonne  dépesche  au  s'  de 
Montreuil.  Je  vous  prie  aussy  n'oublier  pas  de  retirer  de  Forster  un 
mémoire  signé  de  luy,  contenant  la  response  que  nous  luy  avons 
faicte  touchant  la  reyne  d'Angleterre. 

J'ay  veu  les  lettres  de  Pujols  qui  sont  des  chansons^. 


CCCLXXXVIII. 
Dépôt  de  la  guerre,  t.  64,  p.  222.  —  Minute  de  la  noain  de  Cherré'. 

LETTRE  DU  ROY. 

Le  1  2  avril  i64i. 

Mons'  le  Grand  Prévost  *,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  don- 
ner avis  de  l'arrest  que  j'ay  faict  faire  du  s'  d'ffocjuincourt  vostre  filz' 
et  vous  faire  cognoistre  une  partie  du  sujet  que  j'en  ay  eu,  qui  con- 
siste en  ce  que  ceux  de  Sedan  ont  persuadé  aux  Espagnols  qu'il  pou- 


'  La  duchesse  NicoHe  avait  espéré  que, 
dans  ce  traité,  on  s'occuperait  de  ses  inté- 
rêts ;  mais  se  déclarer  contre  la  princesse 
de  Cantecroix ,  c'était  risquer  de  rendre  dès 
l'abord  tout  accommodement  impossible; 
on  prit  le  parti  de  remettre  l'affaire  à  l'ar- 
bitrage du  pape  (ci-dessus,  p.  766),  se 
réservant  d'appuyer- fortement,  dans  l'oc- 
casion ,  les  droils  de  l'épouse  légitime.  El , 
en  efi'et,  lorsqu'au  mois  d'avril  16^2  le 
pape  déclara  nul  le  second  mariage  du 
duc  de  Lorraine,  l'intervention  de  la 
France  n'avait  pas  manqué  à  la  duchesse 
Nicolle. 

'  Nous  n'avons  point  ces  lettres;  la  dcr 


nière  que  donnent  nos  mss.  d'Espagne  est 
du  24  décembre  i64o.  Sans  doute  on  ne 
répondit  pas  à  celles  dont  parle  ici  Riche- 
lieu, car  le  17  mai  Pujol  mandait  à  Cha- 
vigni  qu'il  était  dans  la  misère,  et  se  plai- 
gnait qu'on  ne  lui  eût  pas  écrit  depuis  six 
mois. 

'  L'original,  signé  Louis,  contre-signe 
Sublet,  offre  quelques  différences  avec  cette 
Illimité;  nous  notons  les  principales.  Au 
reste,  celoriginal.ayantencore  subi  unecor- 
rcclion,  est  devenu  minute  à  son  tour  et 
se  trouve  dans  ce  manuscrit  sous  le  n°  236. 

*  a  M'  d'Hoquincourt ,  je  vous  fais,  etc.  » 
(Lettre  signée  par  le  roi.) 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  771 

voit'  faire  entreprise  surPeronne,  ensuitte  de  quoy  ils  ont  jette  dans 
leurs  places  les  plus  proches  du  dict  Peronne  force  gens  de  guerre 
poiic  l'exécution  de  ce  dessein. 

Bien  que  je  veille  croire  que-  la  seule  pensée  [de  ces  bons  esp*-its] 
se  trouvera  criminelle,  [vous  jugerés  bien  que]  je  n'ay  peu  moins 
faire  que  de  mettre  vostre  fds  [en  estât  qu'il  ne  peust  donner  couleurs 
à  leurs  mauvaises  imaginations]'. 

Le  temps ,  qui  esclaircira  ceste  affaire ,  donnera  lieu  à  vostre  dict  filz 
de  rendre  sa  conduite  meilleure  en  vostre  endroit  quelle  n'a  esté 
depuis  quelque  temps. 

Vous  sçavés  si  bien  quelle  est  mon  affection  eu  vostre  endroit,  et 
la  confiance  que  j'ay  en  vostre  fidélité,  que  je  n'ay  pas  besoin  de  vous 
en  donner  de  nouvelles  asseurances.  Vous  aurés  soin  particulier  de 
voir  s'il  y  a  quelques  personnes  dans  Péronne  qui  ayent  esté  capables 
de  donner  fondement  aux  imaginations  de  ceux  qui  veulent  repaistre 
les  ennemis  de  cet  Estât  de  belles  espérances,  auquel  cas  vous  y 
donnerés  l'ordre  requis.  Ce  pendant  je  prie  Dieu... 


CCCLXXXIX. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i6/ii,  six  premiers  mois,  fol.  337.  — 
Original,  sans  signature,  de  la  main  de  Charpentier. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECBÉTAInE   D'ESTAT,  À    PAniS. 

De  Ruel,  ce  i5  apvril  i6/ii. 

Monsieur  de  Chavigny  n'oubliera  pas,  avant  le  partement  de  M'  de 
Lorraine,  d'ajuster  toutes  choses  avec  luy. 

Je  ne  parle  point  des  ratifications  qu'il  envoyera  de  Bar,  parce  que 
c'est  une  chose  qu'il  n'a  garde  d'oublier. 

'  «Leur  aider  à  faire.»  (Lettre  signée  mauvais  dessein,  néanlmoins  vous  juge- 

par  le  roi.)  rvi,  etc.  »  (Lettre  signée  par  le  roi.) 

'  «Ceux  qui  ont  eu  cette   pensée  se  '  Ce  paragraphe  est   presque  entière- 

trouveront  seuls  dans   le  crime  d'un  si  ment  de  ia  main  de  Richelieu. 

97- 


772 


LETTRES 


Mais  il  faut  aviser  avec  luy  que  le  1 5"  de  may  il  soit  dans  le 
Luxembourg,  ou  sur  la  frontière,  prest  à  y  entrer  avec  toute  sa  ca- 
valerie et  infanterie. 

Il  ne  faut  pas  oublier  de  donner  les  mil  escus  au  s""  de  S'-Marlin. 

Item,  ce  qu'il  faut  donner  aux  fourniers  qui  ne  vont  pas  du  pair 
avec  luy. 

Il  faut  faire  partir  M'  d'Estrades,  avec  copie  de  l'instruction  en- 
voyée à  M""  de  la  Thuilerie  pour  le  traicté  des  Portugais,  afin  qu'il  sol- 
licite de  son  costé  le  traiclé  des  Hollandois  avec  les  Portugais,  duquel 
deppend  la  ruine  d'Espagne,  s'il  est  bientost  faicl  et  qu'on  l'exécutte. 

M.  d'Estrades  n'a  point  de  temps  à  perdre,  car  à  peine  arrivera- 
t-il  à  temps  pour  soliciter  que  M'"  le  prince  d'Orange  soit  à  la  cam- 
pagne au  temps  qu'il  l'a  promis,  ce  qui  est  de  telle  importance  que 
delà  deppand  le  bon  enfournement  de  noslre  campagne'. 


'  Richelieu  renouvelait  ses  recomman- 
dations au  secrélaire  d'élat  des  Aff.  étr.  Je 
23  avril  :  «  M.  deChavigny  n'oubliera  pas, 
mandait-il,  d'escrire  tout  ce  qu'il  pourra 
en  Hollande  pour  porter  M"  les  Estais  à 
considérer  l'imporlance  de  l'affaire  de 
Portugal,  (]ui  est  telle  qu'en  la  mainte- 
nant on  ruine  l'Espagne,  et  ce  à  l'avan- 
tage de  M"  les  Estais,  à  cause  de»  Indes, 
dont  apparemment  on  déboulera  aisément 
l'Espagne*,  les  Portugais  en  estant  non- 
seulement  séparez,  mais  unis  avec  les 
Hollandois.  J'ay  receu  le  traitté  et  le  re- 
verray  encores,  rien  n'en  pressant  la  con- 
clusion puisqu'il  est  bon  de  ne  le  passer 
qu'avec  les  Hollandois.»  (Ms.  cilé  aux 
sources,  fol.  267.  Ce  billet  sera  noté  aux 
Analyses.)  C'était  pour  la  France,  dans  sa 
guerre  contre  l'Espagne,  une  affaire  de 
grande  importance  que  la  liaison  de  la 
Hollande  et  du  Porlugnl.  M.  de  La  Tiiuil- 

*  Les  Indes  occidentales.  Nous  avons  vu  s'accom- 
plir cette  prévision  de  Richelieu,  mais  il  a  fallu  pour 


lerie  ,  notre  ambassadein-,  s'y  employa  de 
son  mieux.  Il  avait  écrit,  de  la  Haye,  le 
18  février  ;  «Les  Estais  se  préparent  de 
bonne  sorte  pour  le  Portugal;  sur  mes 
instances,  ils  ont arresté  d'envoyer  23  vais- 
seaux de  guerre,  et  les  admirautez  i5, 
qui  font  38.»  (Aff.  étr.  Hollande,  t.  23, 
pièce  3o*.  )  Ces  premières  promesses  fu- 
rent un  peu  modiGées,  et  La  Tbuillerie 
écrivait  le  29  avril  :  «Les  Estais  ont  ac- 
cordé à  l'ambassadeur  de  Portugal  vingt 
vaisseaux.  »  [Ibid.  pièce  67'.)  Toutefois  une 
étroite  alliance  entre  les  deux  pays  n'était 
pas  chose  facile  ;  nous  trouvons  aux  mômes 
archives  un  projet  de  traité  :  «  Poincts  et 
articles  accordez  à  l'ambassadeur  de  Por- 
tugal, D.  Tristan  de  Mendoza  Furtado, 
sur  sa  proposition,  par  M"  les  Estais  gé- 
néraux des  provinces  unies  des  Pays-Bas.  » 
(Portugal,  t.  1,  fol.  27.)  Mais  l'affaire  ne 
fut  pas  encore  conclue,  et  La  Thuillerie 

cela  près  de  deux  siècles  et  des  évt^nements  extraor- 
dinaires, qu'assurément  Kichelieu  ne  prévoyait  pas. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


773 


CCCXC. 
Arch.  des  A£f.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  248.  —  Original.' 

[A  M.  DE  CHAVIGîVL] 

Ce  16  avril  16/11. 

J'ay  veu  le  project  du  traitté  de  Portugal ,  où  j'ay  adjousté  ce  que 
j'ay  estimé  à  propos,  qui  n'est  pas  grand  chose  ^.  Vous  verres  main- 
tenant si  les  ambassadeurs  de  Portugal  en  seront  contens. 

J'ay  aussy  veu  le  mémoire  de  Fabrony  et  la  response. 

J'estime  que  le  s' de  Bonnefons^  doit  escrire  au  père  Suffren  qu'on 
a  trouvé  icy  d'autant  plus  estrange  ces  parties  envoyées  par  le  s''  Fa- 
brony que  ce  procédé  est  bien  contraire  à  celuy  qu'il  avoit  faict  co- 
gnoistre  vouloir  estre  gardé  par  la  reyne.  Qu'il  faut  penser  mainte- 
nant à  tirer  la  reyne  de  nécessité,  et  la  mettre  en  lieu  de  repos  et 
à  son  aise,  et  non  pas  à  proposer  des  choses  qui  sont  capables  de 
refroidir,  avec  raison,  la  bonne  volonté  qu'on  a  pour  la  personne  de 
la  reyne,  et  non  pour  ce  qu'on  pourra  croire  pouvoir  tourner  à  i'in- 
térest  des  siens'.  Qu'il  ne  désespère  pas  qu'avec  le  temps  on  ne 
puisse  dégager  les  pierreries  de  la  reyne,  mais  que  l'occasion  n'y  est 
pas  propre  pendant  une  guerre  qui  consume  tant  d'argent. 


mandait  à  Richelieu,  le  3  juin  :  •  L'am- 
bassadeur de  Portugal  ne  sçauroit  sur 
quoy  apuyer  les  condilions  d'une  iilliance 
avec  les  Estais,  il  se  contente  d'establir 
bonne  correspondance. ..•  (AIT.  étr.  Hol- 
lande, t.  23,  pièce  83.) 

'  Divers  projets  de  traité,  où  se  trou- 
vent des  corrections  de  la  main  de  Riche- 
lieu, sont  conservés  dans  le  lome  1  des 
mss.  de  Portugal  aux  AIT.  étr.  fol.  23,  et 
suiv.  et  aussi  divers  mémoires  et  lettres 
louchant  les  aflaires  de  Portugal.  Nous 
avons  connu  tardivement  ces  documents, 
et  nous  ne  pouvons  les  placer  dans  le  rang 


que  leur  date  leur  assigne.  Ils  pourront 
être  compris  dans  un  supplément. 

'  Voy.  ci-dessus,  p.  769. 

'  C'était  là  une  des  préoccupations  de 
Richelieu  dès  qu'il  s'agissait  de  secourir 
la  reine  mère;  ces  parties,  ces  mémoires 
et  comptes  de  dépenses,  lui  semblaient 
considérables;  il  craignait  que  les  gens 
dont  elle  était  entourée,  qu'il  tenait  pour 
ses  ennemis  personnels,  et  conséquem- 
ment  pour  ennemis  de  l'Élat,  ne  s'empa- 
rassent des  sommes  envoyées  à  celte  prin- 
cesse pour  le  succès  de  leurs  mauvais  des- 
seins, oa  tout  au  moins  pour  s'enrichir. 


11k 


LETTRES 


Il  mandera  aussy  au  père  Suffren  qu'il  ne  luy  peut  pas  dissimuler 
qu'on  a  trouvé  fort  estrange  la  proposition  du  voiage  de  Mad*  Fa- 
brony  à  Paris,  parce  que  la  reyne  peut  faire  faire  par  qui  bon  luy 
semblera  ce  que  la  dicte  Fabrony  feroit.  Qu'il  croit  le  devoir  avertir 
qu'il  fault  se  prévaloir  plus  doucement  de  la  bonne  volonté  que  le 
malhem-  de  la  reyne  a  faict  naistre  de  deçà,  et  la  cultiver  en  sorte 
qu'au  lieu  de  la  faire  diminuer  elle  augmente  de  plus  en  plus. 

Je  vous  escrivis  hier  ce  que  j'estimois  à  propos  sur  le  voiage  du 
s'  d'Estrades,  à  qui  il  faut  donner  cognoissance  de  l'importance  de 
l'affaire  de  Portugal,  afin  que  M"  les  Estats  se  hastent  de  résoudre 
ce  qu'ils  estimeront  à  propos. 

J'ay  veu  la  lettre  de  madame  de  Puj.  qui  m'envoie  une  marque 

avec  l'autre  moitié  de  laquelle  quelqu'un  doit  venir  de  la  part  de  son 

mary^ 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


Je  vous  ay  mandé  de  n'oublier  rien  de  ce  qui  est  à  faire  avec 
M'  de  Lorraine,  et  de  faire  faire  la  gratiffication  nécessaire  au  s'  de 
S'-Martin^. 

>  N'oubliés  pas  la  dépesche  du  s"^  Stella^,  qui,  en  partant  avec  M'^  de 
Lorraine  iroit  seurement  jusques  à  Brisach  par  l'escorte  qu'il  luy  peut 
faire  donner  par  quelques  carabins  des  siens  ou  un  trompette  de  sa 
part. 


'  Sans  cloute  le  s'  Brecht,  qui  vint  en 
juin  de  la  part  de  Pujol ,  et  auquel  Cha- 
vigni  écrivait  le  6  :  «  On  dépesche  ce  gen- 
tilhomme pour  vous  conduire  au  lieu  où 
vous  voulez  venir  ;  vous  y  serez  le  très-bien 
receu  et  on  escoutera  fort  favorablement  ce 
qu'il  vous  plaira  dire.  »  Chavigni  ajoute 
qiie ,  si  l'on  avait  été  prévenu ,  Brecht  aurait 
trouvé  un  homme  pour  l'attendre  à  son  arri- 
vée à  Orléans.  (Arch.  desAIF.  élr.  Espagne, 
t.  20.)  Il  paraît  que  celte  dame  de  Pu- 
jol, qui  signe  Catherine  Dufaur,  écrivait 


à  Richelieu  lorsque  son  iils,  ordinairement 
chargé  de  ces  comnmnications,  se  trouvait 
absent.  C'est  ce  que  nous  apprend  une  autre 
lettre  d'elle  à  Chavigni,  du  8  janvier. 

'  C'était  un  conseiller  d'état  du  duc. 

^  Ce  personnage ,  dont  il  a  déjà  été 
parlé ,  mérite  de  notre  part  quelque  atten- 
tion parce  qu'il  parait  avoir  eu  la  confiance 
de  Uichelieu.  Né  de  parents  fort  pauvres, 
il  était  parvenu  à  des  emplois  assez  éle- 
vés. On  le  nomme  encore  Tercy,  et  il 
ajoutait  quelquefois  à  son  nom  celui  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


775 


CCCXCI. 
Bibl.    imp.   Saint-Germain-Harlay,    iA4'. 


Copie. 


(Vol.  non  chiffré  vers  le  milieu.) 

AUX  PRÉSIDENTS  DE  L'ASSEMRLÉE  DU  CLERGÉ. 

De  Rucl,  ce  18  avril  i6'n. 

Le  roy  s' ennuyant  des  longueurs  que  messieurs  de  rassemblée  ap- 
portent à  la  résolution  des  six  millions  de  livres  qui  luy  ont  esté  pro- 


la  terre  seigneuriale  de  Morimont.  Moilié 
savant,  moitié  diplomate,  on  lui  donne 
tantôt  la  qualité  de  «  professeur  du  roy  es 
histoires  et  mathématiques,»  tantôt  celle 
de  député  et  conseiller  du  roi  en  Alle- 
magne, premier  secrétaire  de  la  légation 
de  France.  11  était  employé  à  Hambourg  en 
1 689 ,  et  un  s'  Genesie  lui  écrivait  le  2  5  fé- 
vrier :  «M.  Rossignol,  ayant  esté  chargé 
d'une  petite  commission  de  la  cour,  m'a 
commandé  de  vous  faire  ce  petit  mot  pour 
vous  donner  avis  que  M^  le  card. ..  a  fait 
expédier  les  ordres  pour  vostre  retour. . . 
Nous  savons  de  bonne  part  que  M''  vous 
emploiera  près  de  sa  personne  et  de  bonne 
sorte.  Je  n'ose  dire  davantage  et  vous  con- 
jure de  n'en  tesmoigner  mot  à  personne, 
autrement  je  suis  perdu.  »  Stella  était  un 
des  protégés  de  la  famille  deChavigni.  Le 
ms.  de  ia  Bibl.  imp.  suppl.  français  1672, 
contient  plusieurs  lettres  concernan  t  Stella. 
'  C'est  un  ms.  des  mémoires  de  Mont- 
chal,  auquel  les  mémoires  imprimés  ne 
sont  pas  toujours  conformes;  ainsi  la 
somme  de  100,000'*,  mentionnée  ici,  de- 
vient .3o,ooo'*  dans  l'imprimé.  On  voit  dans 
ces  mémoires  que  l'archevêque  de  Sens 
reçut  celte  lettre  du  cardinal  le  20  avril  et 
la  mit  entre  les  mains  du  secrétaire  pour 


la  lire  à  l'assemblée.  L'évêque  de  Chartres, 
dans  sa  lettre  du  12,  avait  jugé  qu'il  était 
temps  d'user  d'autorité ,  et  de  faire  des  me- 
naces. Richelieu  ne  se  presse  pas  d'obéir  à 
ce  conseil ,  il  écrit  le  samedi  1 3  avril  à  Bou- 
thillier  :  «  Ce  billet  est  pour  dire  à  M.  le 
surintendant  qu'il  est  temps  que  M"  de 
Léon  et  d'Emery  parlent  pour  aller  à 
Mantes,  où  il  est  du  tout  nécessaire  qu'ils 
soient  dimanche  au  soir,  pour  entrer  lundi 
dans  l'assemblée. ..  ils  se  plaindront  que 
depuis  deux  mois  qu'on  est  assemblé  l'af- 
faire des  six  n'a  encore  esté  résolue. . .  que 
sur  l'asseurance  de  cette  partie,  si  elle  a 
mis  en  campagne  nombre  de  puissantes 
armées,  —  que  dans  la  sepmaine  elle  de- 
sire  avoir  résolution,  et  quelle  leur  donne 
encore  ce  temps  là,  après  lequel  ils  juge- 
ront bien  eux  mesmes  qu'il  est  temps  que 
l'assemblée  se  sépare.  »  (Billet  mentionné 
aux  Analyses.)  Dans  la  présente  lettre  en- 
core il  se  contente  d'une  simple  insinuation 
à  l'endroit  des  traitants;  il  continue  à  tem- 
poriser et,  selon  sa  coutume,  que  nous 
avons  plus  d'ime  fois  remarquée,  en  même 
temps  qu'il  ne  recule  jamais  devant  un 
coup  d'autorité  devenu  nécessaire,  il  ne 
veut  avoir  recours  à  la  violence  qu'à  la 
dernière  extrémité. 


776  LETTRES 

mis,  et  dont  S.  M.  ne  se  peut  relascher  en  esgard  aux  grandes  affaires 
qu'elle  a  sur  les  bras,  aussy  importantes  à  l'Esglise  qu'à  l'Estat,  je  fais 
ce  billet  à  messieurs  les  présidens  pour  les  conjurer  de  prier  de  ma 
part  messieurs  de  l'assemblée  de  prendre,  sans  délay,  une  résolution 
pour  les  deux  millions  restans  '. 

Et,  après  avoir  veutous  les  moyens  que  l'on  propose,  je  ne  crains 
point  de  leur  dire  que  le  meilleur,  à  mon  avis,  qu'ils  puissent  choi- 
sir pour  n'estre  pas  à  charge  au  clergé,  est  l'engagement  de  la  charge 
de  receveur  général  avec  attribution  de  100,000  I.  de  gages  dont  le 
clergé  retirera  i,/ioo,ooo  livres. 

Si,  avec  ce  moyen  extraordinaire,  ils  veulent  imposer  les  600,000  I. 
restant  avec  les  A, 000, 000  desjà  accordez,  le  roy  aura  les  6,000,000 
de  livres  qu'il  désire ,  et  messieurs  de  l'assemblée  la  satisfaction  d'avoir 
contenté  S.  M.  et  esyitera  par  ce  moyen  que  messieurs  des  finances 
ne  proposent  d'autres  moyens  au  roy  pour  le  secourir  qui  pourroient 
blesser  leurs  libertés,  ce  que  je  sçays  qu'ils  veulent  faire.  Messieurs  de 
l'assemblée  doivent  se  porter  d'autant  plus  volontiers  à  l'imposition 
de  ces  600,000  1.  qu'on  propose  un  moyen  de  tirer  200,000  livres 
sans  imposition  sur  les  frais  de  leur  assemblée. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Je  supplie  M"  de  l'assemblée  de  croire  que  je  leur  dis  ce  que  j'es- 
time ,  en  ma  conscience ,  estre  avantageux  à  l'Estat  et  à  l'Esglise  tout 
ensemble ,  et  qu'il  n'y  a  personne  qui  désire  plus  que  moy  les  servir 
en  général  et  en  particulier.  M"  les  présidens  m'obligeront  d'y  res- 
pondre  à  la  compagnie,  et  de  tenir  pour  assenré  que  je  suis  entière- 
ment à  eux. 

Le  Gard.  DE  lUCHELIEL'. 

'  Sur  les  six  millions  demandés,  le  clergé  n'en  avait  accordé  que  quatre.  (Ci-dessus, 
p.  758.) 


DU   CARDINAL  DE   RICHELIEU.  777 


CCCXCII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  268.  — Original. 

[A  M.  DE  CHAVIGNI'.] 

De  Rue! ,  ce  i  g*  avril  1 64 1 . 

Hier  une  personne  tierce  bien  intentionnée  m'avertit  que  le  ma- 
reschal  de  Brézé  avait  eu  la  civilité  de  n'envoyer  point  visiter  M'  de  La 
Meillcraie  en  sa  maladie,  bien  qu'il  n'y  ait  que  dix  lieues  de  Saumur 
à  La  Meilleraie,  et  qu'en  cette  considération  le  mareschalde  La  Meil- 
leraie  n'estoit  point  résolu  de  l'aller  voir  à  Paris  le  premier.  J'ay 
estimé  vous  en  devoir  donner  avis,  pour  vous  prier,  quand  le  ma- 
reschal  de  Brézé  sera  arrivé,  de  faire  remédier  à  ce  défaut  selon 
que  vous  mesme  le  jugerés  à  propos.  Ma  pensée  est  qu'il  ne  se  fera 
pas  tort  de  réparer  ce  défaut  de  civilité,  ordinaire  non-seulement 
entre  les  alliez,  mais  entre  les  chrestiens,  et  peut-estre  mesme  entre 
les  Turcs,  par  une  visite  brusque  et  inopinée,  à  laquelle  vous  me 
fercs  plaisir  d'assister,  pour  faire  que  toutes  choses  s'y  passent  avec 
civilité. 

Je  vous  prie  ne  négliger  pas  cette  affaire^. 

Le  Gard.  DE   RIGHEUEU. 

'  A  défaut  de  suscriplion,  je  trouve  au  M.  de  Brézé  était  l'un  dos  plus  incom- 

dos  de  la  pièce,  écrits  do  la  main  de  Clia-  modes;  celle  fois  il  se  conforma  sans  doule 

vigni,  ces  mots  :  •  Monseig'  le  cardinal,  t  aux  désirs  du  cardinal,  car  nous  voyons, 

'  Richelieu  a  toujours  mis  beaucoup  de  dans  un  billet  de  Richelieu  à  Chavigni , 

soin  à  tenir  ses  parents  en  bonne  inlelli-  du  32  avril  :  «Je  suis  bien  aise  que  M.  de 

gence  entre  eux;  et  l'humeur  (le  quehjucf-  Brézé  face  ce  qu'il  doit,  comme  je  n'en 

uns  a  rendu  pour  lui  cette  lâche  difllcile.  doule  pas.  » 


r.AHDIN.  DE  BICHELIF.U.  —  VI.  98 


778 


LETTRES 


CCCXCJII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  269.  —  Original. 
Mêmes  archives,  Angleterre,  t.  à8,  fol.  283.  —  Copie. 

A  M.  DE  CHAVIGNY. 

DeRuel,ce  19  avril  iUlti. 

J'envoye  à  M*"  de  Chavlgny  un  nouveau  mémoire  de  Fabrony ',  qui 
l'estonnera  et  fera  voir  clairement  à  Bonnefons  que  l'on  se  moque 
de  luy.  Fabrony  faict  paroistre,  par  ses  mémoires,  ce  qu'il  a  esté  et  ce 
qu'il  est. 

Le  roy  trouvant  très-mauvais  le  procédé  de  cet  honneste  homme, 
Mons"  de  Chavigny  dira  à  Bonnefons  que  le  roy  a  deffendu  à  madame 
d'Aiguillon  de  plus  se  mesler  de  cette  affaire. 

J'estime  de  plus  que  Bonnefons  doit  s'en  retourner  en  Angleterre 
pour  couper  broche  à  toutes  ses  prétentions,  et  dire  ingénuement  ce 
que  le  roy  peut  faire;  parler  fortement  au  Père  Suffrant  pour  luy 
faire  concevoir  que  le  roy  veut  faire  ce  qu'il  doit  en  conscience,  mais 
non  pas  engraisser  Fabrony  et  autres  gens  de  pareille  nature  ^. 


'  Ci-dessus,  p.  773. 

'  La  Mazure,  l'un  des  Français  qui 
avaient  été  avec  la  reine  mère  en  Angle- 
terre, faisait  à  Richelieu  des  rapports  qu'il 
envoyait  par  l'entremise  du  P.  Carré.  Il 
écrivait  le  aS  mai  :  « . . .  Pour  ce  que  S.  Em. 
désire  sçavoir  en  quoy  Fabroni  a  employé 
l'argent  que  le  roy  a  envoyé  à  la  royne  sa 
mère  :  il  a  tout  pris  par  devers  luy,  fors 
9000**  qu'il  avoit  employées  pour  retirer 
quelques  bagues  de  la  reyne  mère  que 
Fabrony  avoit  engagées,  ce  disoil-il,  à 
Londres.  Puis  d'une  autre  partie,  il  a  payé 
deux  mois  aux  principaux  officiers;  cela 
peut  monter  à  4,ooo  **.  Voilà  en  quoy  ce 


bon  éconosrae  emploie  l'argent  du  roy  de 
France,  et  clans  l'instant  qu'il  l'a  receu  il 
a  retranché  la  plus  grande  partie  des  ser- 
viteurs de  la  royne  mère,  sans  leur  rien 
donner,  afin  que  cela  fist  plus  d'esclat 
malicieusement  contre  le  roy  de  France  et 
Monseigneur^  faisant  courre  le  bruict  que 
l'un  ny  l'autre  ne  vouloient  pins  donner 
d'argent  à  la  royne  mère ,  si  elle  ne  vouloit 
aller  en  Italie...»  (Ms.  cité  aux  sources, 
fol.  16g.)  Il  faut  avouer,  si  le  rapport  de 
l'espion  n'est  pas  mensonger,  que  de  tels 
procédés  n'étaient  pas  faits  pour  adoucir, 
à  l'égard  de  Marie  de  Médicis,  la  dureté 
de  Richelieu.  Mais  en  même  temps  il  con- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  779 

11  peut  mesme  faire  cognoistre  au  Père  Suffrant  que,  tant  qu'il  y 
aura  des  esprits  comme  Fabrony  auprès  de  la  reyne,  elle  n'aura  pas 
grand  contentement. 

La  liberté  que  Fabrony  demande  d'assigner  tout  ce  que  bon  leur 
sembleroit  sur  les  arrérages  du  bien  de  la  reyne  iroit  à  l'infiny. 

Il  faut  dire  francbement  qu'aussy  tost  que  l'entreprise  que  la  reyne 
fist  faire  sur  Ardres  par  la  Louvière  fut  découverte,  le  roy  destina  le 
revenu  de  la  reyne  à  fortifier  toutes  les  garnisons  des  places  fron- 
tières pour  les  garantir  de  pareilles  entreprises  que  celle  qu'on  avoit 
tentée  sur  Ardres. 

Les  prétentions  de  cet  honeste  homme  ne  sont  pas  seulement  in- 
justes, mais  desnuées  de  toute  apparence  de  raison.  Il  n'y  a  personne 
qui  en  puisse  trouver  à  ce  qu'au  mesme  temps  que  la  reyne  a  esté 
hors  du  royaume  desfraiée  aux  despens  des  Espagnols,  et  qu'elle  em- 
ployoit  toute  son  industrie  et  son  crédit  pour  nuire  à  la  France,  à 
l'avantage  de  ses  hostes,  son  revenu  luy  fust  mis  en  réserve  pour  le 
distribuer,  par  après,  ainsy  que  bon  luy  sembleroit,  à  ceux  qui  l'au- 
roient  sei-vie  en  de  si  mauvais  desseins. 

Cet  honeste  homme  désire  que  la  reyne  aille  en  Italie,  et,  non  con- 
tent d'obtenir  ses  fins  parce  qu'il  pense  que  nous  souhaittons  la 
mesme  chose,  il  veut  tirer  d'un  sac  deux  moulures. 

Il  faut  dire  franchement  à  Bonnefons  que  la  reyne  fera  ce  qu'il 
luy  plaira;  que  quand  elle  a  proposé  d'aller  en  Italie  le  roy  l'a  bien 
voulu,  et  que  maintenant  qu'elle  met  en  avant  des  conditions  impos- 
sibles, elle  faict  bien  paroistre  qu'elle  a  envie  de  demeurer  en  An- 
gleterre, ce  que  le  roy  n'empesche  pas. 

Quant  à  ses  meubles,  qu'elle  veut  tous  emporter,  il  faut  respondre 
que  le  roy  ne  peut  pas  faire  injustice  à  ses  créantiers,  n'y  empescher 
qu'ils  s'opposent  au  transport  d'iceux  jusques  à  ce  qu'ils  soient  payez. 

vient  de  rappeler  que  le  dqnneiir  d'avis  sociés  :  il  demande  un  passe-port  pour  ve- 

etait  mécontent  :  •  Le  pauvre  M.  do  la  Ma-  nir  en  France;  il  en  escrit  à  Mad*  la  du- 

zure,  voslre  bon  serviteur,  est  accablé  par  chesse  et  à  unoy.  •  (Le P.  Carré  au  cardinal, 

la  puissance  de  Fabroni  et  de  ses  deux  as-  1 5  mai ,  fol.  Sao  du  ms.  cité  aux  sources.^ 

98. 


780  LETTRES 

Que,  bien  que  Sa  Majesté  ne  puisse  payer  maintenant  ses  debtes  à 
cause  des  grandes  despenses  de  la  guerre,  elle  veut  bien  acquitter  un 
jour  celles  qu'elle  a  faictes  dans  le  royaume ,  mais  non  pas  celles 
quelle  a  faictes  pendant  qu'elle  estoit  en  lieu  où  l'on  agissoit,  sous 
son  nom ,  contre  l'Estat. 

Ensuitte  de  tout  ce  que  dessus,  M.  de  Chavigny  fera  voir  à  Bonne- 
Ions  la  response  que  le  roy  me  vient  de  faire  au  pied  du  mémoire  de 
Fabrony'  <I"6  je  luy  avois  envoie. 

II  gardera  bien  ce  mémoire-cy  avec  l'autre,  et  sçaura  de  Bonnefons 
s'il  est  vray,  comme  le  mémoire  le  porte,  que  la  reine  en  ait  donné 
autant  à  Bonnefons  avant  que  de  partir,  et  au  cas  que  cela  ne  soit 
pas,  comme  je  le  croy,  il  en  tirera  une  recognoissancc  do  Bonnefons 
escrite  et  signée  de  sa  main  '-. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCXCIV. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  t.  99  (non  coté).  — 
Mise  au  net,  de  la  main  de  Charpentier. 

AVIS 

SqR  LE  SUJET  DE  M.  LE  COMTE ,  ET  DE  M"  DE  GUISE  ET  DE  BOUILLON  '. 

[Vers  la  lin  d'avril  i64i  '.] 

Le  roy  estant  esclaircy  des  desseins  que  M.  le  Comte,  M.  de  Reins 


'  Nous  n'avons  point  trouvé  ce  mé- 
moire. 

'  Richelieu  écrivit  encore  à  Chavigni 
un  billet  sur  ce  sujet,  le  2 3  avril  :  «Je 
prie  M.  de  Chavigny,  devant  que  le  s'  de 
Bonnefons  s'en  aille,  de  retirer  de  luy 
une  petite  recognoissance  de  ce  qu'il  vous 
a  dici,  sçavoir  est  que  Fabrony  luy  avoit 
voulu  donner,  lorsqu'il  partit  d'Angleterre 
pour  venir  en  France,  un  pareil  mémoire 


à  celuy  que  led.  Fabrony  a  envoyé  depuis 
à  M""  la  duchesse  d'Aiguillon,  lequel  il 
refusa ,  parce  qu'il  jugea  qu'il  n'esloit  pas 
raisonnable.  —  Si  la  reyne  luy  a  dicl 
quelque  chose  qui  face  voir  que  sou  sen- 
timent n'est  pas  conforme  aud.  mémoire, 
il  le  mettra  dans  son  escrit.  »  (Ce  billet 
sera  noté  aux  Analyses.} 

■'  Ce  titre  est  de  la  main  de  Cherré. 

*  Le  comie  de  Sois.sons,  relire  depuis 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  781 

et  M.  de  Bouillon  ont  de  s'unir  avec  l'Espagne  pour  exciter  quelque 
révolte  en  France,  et  sachant  par  le  prisonnier  de  la  Bastille,  par 
M.  le  mareschal  de  La  Force  et  par  ce  que  l'on  a  appris  de  Paris  des 
P.  P.  qu'on  travaille  sous  main  pour  tascher  de  faire  esclorre  leurs 
projets, 

Il  est  de  la  prudence  de  S.  M.  de  bien  peser  cette  affaire,  et  de 
prendre  résolution  de  la  façon  avec  laquelle  elle  se  veut  conduire  en 
ce  sujet. 

Il  faut  par  nécessité  ou  le  dissimuler  et  leur  laisser  faire  toutes  leurs 
négociations,  qui  seront  peut-estre  suivies  de  quelque  effect,  dans  la 
Champagne,  aux  villes  de  laquelle  il  faut  soigneusement  prendre 
garde  et  avoir  des  gens  partout; 

'   Ou,  dès  cette  heure,  prévenir  le  mal  par  la  voye  suivante: 

Il  faut  envoyer  à  Mad"  la  Comtesse  M.  Bouthillicr  luy  dire  que. 


quatre  ans  à  Sedan ,  comme  clans  un  exil 
volontaire  et  avec  la  qualité  déclarée  de  mé- 
content, allirail  l'attention  de  Riclielicu, 
bien  plus  encore  que  s'il  eût  été  à  S'-Ger- 
main  ou  à  Fonlaincbleau.  Les  intelligences 
que  le  cardinal  entretenait  parlout,  prin- 
cipalement aux  lieux  où  l'on  se  cachait 
davantage,  sans  l'informer  très-netlement 
des  prali(jues  que  la  petite  cour  de  Sedan 
dissimulait  de  son  mieux,  lui  révélaient 
les  symptômes  inquiétants  d'une  sourde 
agitation,  et  le  travail  souterrain  de  com- 
plots d'autant  plus  près  d'éclater  que  les 
factieux  afFeclaicnt  une  soumission  plus  dé- 
monstrative. On  a  vu  qu'à  la  fln  de  i64o 
M.  le  Comte  avait  envoyé  son  confident  le 
plus  intime,  le  s'  de  Campion,  pour  porter 
au  roi  de  nouvelles  assurances  de  ^a  fidé- 
lité. Le  roi  et  Richelieu  firent  connaître  à 
M.  le  Comte,  en  termes  très-explicites, 
qu'on  avait  à  Paris  des  informations  tout 

•  Hitloin  de  Lomt  XIII,    L  III,   p.   iià.  —    • 
pièce  77. 


opposées  aux  protestations  dont  Can)pion 
avait  été  ciiargé.  Cet  avis  n'arrêta  point  le 
progrès  des  pratiques  criminelles  dont  on 
peut  lire  le  récit  dans  le  P.  Grill'et'.  C'est 
quand  le  cardinal  en  eut  la  certitude  qu'il 
donna  au  roi  le  présent  avis.  Il  n'est  [lotnt 
daté,  mais  il  a  certainement  été  écrit  vers 
la  fin  d'avril  i64i.  En  voici  une  double 
preuve  :  nous  avons  trouvé  aux  arch.  des 
AfT.  étr.  la  réponse  de  la  duchesse  de  Guise 
à  la  lettre  que  le  cardinal  propose  ici  d'é- 
crire à  cette  dame";  elle  est  datée  du  28 
avril;  et  une  lettre  de  M.  d'Estrades"*, 
ambassadeur  en  Hollande,  datée  du  l'à 
mal,  laquelle  fut  écrite  peu  de  jours  après 
la  réception  de  celle  qui  doit  être  envoyée 
au  prince  d'Orange  en  sui  le  du  présent  avis; 
or  celte  date  du  i3  indique  également  la 
fin  d'avril  pour  la  lettre  adressée  au  prince 
et  aux  États. 

'  A  la  marge  de  ce  paragraphe  est  écrit , 
France,  t.  96,  fol.   577.    —    ***    Hollande,  t.  23, 


782  LETTRES 

le  roy  ayant  sceu ,  par  la  capture  de  quelques  gentilshommes  qui  sont 
venus  d'Angle.krre  pour  corrompre  diverses  personnes  de  ses  sujets, 
les  projets  que  les  Espagnols  font,  tant  d'un  costé  avec  M"  de  La  Va- 
lette et  de  Soubise ,  que  de  l'autre  avec  M' le  Comte ,  d'exciter  quelques 
troubles  en  son  royaume,  et  l'engagement  auquel  ils  entrent  à  cette 
fin,  contraignant  le  roy  d'y  pourvoir,  il  ne  l'a  pas  voulu  faire  sans  luv 
en  donner  advis  et  luy  faire  cognoistre  le  desplaisir  qu'il  a  que  la 
mauvaise  conduitte  de  M""  le  Cotnte  et  de  ceux  qui  sont  avec  luy  l'y 
aient  contrainct. 

M"'  Bouthillier  dira  ensuitte  à  Mad^  la  Comtesse  que  le  roy  luy  a 
commandé  de  luy  dire  qu'une  des  choses  qui  le  hastent  de  mettre 
ordre  en  celte  affaire  esl  le  mauvais  conseil  que  M"'  le  Comte  a  pris 
d'escrire  une  lettre  au  roy  qui  semble  estre  hors  des  termes  d'un 
sujet  qui  ne  peut  prescrire  à  son  roy  les  voyes  les  plus  avantageuses 
pour  luy  pour  faire  paroistre  une  innocence  affectée. 

Cela  faicl,  le  roy  doit  donner  tel  ordre  qu'il  luy  plaira  dans  sa 
maison,  sans  avoir  esgard  à  ce  qu'a  faict  M' le  Comte. 

Il  doit  ensuitte  mettre  un  homme  de  qualité  dans  le  gouvernement 
de  Champagne,  faire  deffenses  à  toutes  les  villes  de  recognoistre  M' le 
Comte. 

On  peut  faire  le  mesme  en  Dauphiné;  et,  si  le  roy  veut,  il  peut 
aussy  s'en  abstenir.  Au  mesme  temps,  il  f<iut  le  priver  de  ses  pensions 
et  de  la  jouissance  de  ses  bénéfices. 

Il  faut  ensuitte  envoler  un  homme  de  créance  à  M""  de  Turenne 
pour  luy  donner  part  de  la  mauvaise  conduitte  de  son  frère,  et  luy 
faire  cognoistre  que  le  roy  ne  veut  point  la  ruine  de  sa  maison,  mais 


sans  marque  de  renvoi  :  «H  faut  sçavoir 
quand  finit  la  permission  que  le  roy  a 
donnée  à  M.  le  Comte  de  demeurer  quatre 
ans  à  Sedan,  et  voir  si,  finissant  présen- 
tement, il  vaut  point  mieux  que  le  roy  luy 
envoyé  dire  que,  son  sesjour  à  Sedan  luy 
estant  suspect,  il  désire  qu'il  vienne  à  la 
cour.  »  On  comprend  que  dans  une  telle 


occurrence  le  comte  de  Soissons  pût 
craindre  d'être  mis  dans  une  prison  d'Etat 
s'il  revenait  à  Paris;  mais  on  comprend 
mieux  encore  que,  ses  mauvaises  disposi- 
tions bien  connues,  il  était  impossible  de 
le  laisser  maître  d'une  place  forte,  surtout 
d'une  place  située  sur  une  frontière  mal 
assurée ,  la  Lor.-aine. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  783 

bien  de  l'infidélité  de  son  d.  frère  ^  Il  luy  faut  faire  entendre  que  le 
roy  est  disposé  à  luy  conserver  tout  le  bien,  pourveu  qu'il  le  veuille 
accepter,  et  se  mettre  en  estât  de  le  conserver. 

Il  faut  au  mesme  temps  priver  M'  de  Bouillon  de  l'efifect  de  la  pro- 
tection de  la  jouissance  de  tout  le  bien  qu'il  a  en  France,  et  delFendre 
toute  sorte  de  commerce  avec  Sedan,  et  le  faire  observer  sy  exacte- 
ment qu'il  n'y  entre  pas  un  grain  de  bled. 

Il  faut  donner  part  à  M'  le  P.  d'Orange  et  à  M"  les  Estats  de  la 
mauvaise  conduitte  de  M'  de  Bouillon  et  concevoir  les  lettres  aux 
termes  les  plus  avantageux  pour  le  roy. 

Il  faut  escrire  à  madame  de  Guise  le  desplaisir  que  l'on  a  de  la 
mauvaise  conduitte  de  M'  de  Reins,  et  iiiy  tesmoigner  le  desplaisir 
qu'a  S.  M.  qu'aux  premières  fautes  -de  légèretés  où  il  s'estoit  laissé 
aller,  il  y  en  ait  voulu  adjousler  d'infidélité. 

Faut  escrire  à  M"'  d'Espernon  une  lettre  par  laquelle  le  roy  luy  tes- 
moigne  qu'il  est  bien  fascbé  d'avoir  lieu  de  l'advertir  que  le  s""  de  La 
Valette  son  fils,  non  content  de  ses  premières  fautes,  ait  voulu  se  por- 
ter dans  de  nouveaux  crimes,  par  les  traictez  ausquels  le  s'^de  Soubize 
et  luy  sont  entrez  avec  les  ambassadeurs  du  roy  d'Espagne,  au  préju- 
dice de  ce  qu'il  doit  à  S.  M.  et  du  repos  de  l'Estat;  qu'il  luy  en  donne 
avis  afin  qu'il  rompe  toute  sorte  de  communication  avec  luy,  et  ne 
luy  envoie  aucun  argent,  ce  dont  n'ayant  pas  besoin  pour  sa  subsis- 
tance, à  cause  qu'il  en  tire  du  roy  d'Espagne,  il  ne  luy  pourroit  ser- 
vir qu'à  luy  donner  moyen  d'entretenir  des  prati(|ues  à  son  propre 
préjudice. 

Ici  à  la  marge  :  «  Faber  sera  Irès-propre  à  cette  commission.» 


784 


LETTRES 


CCCXCV. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  France,  l.  98  (non  coté).  —  Minute  de  la  main  de  Chavigni.  — 

Copie,  t.  99. 

MÉMOIRE  AU  ROY, 
POUR  RESPONDRE  A  M.  L'ÉVESQUE  DE  BAZAS,- 

DÉPUTÉ  DE  L'ASSEMBLÉE  DU  CLERGÉ  '. 

[Veis  la  fin  d'avril  ou  le  commencement  de  mai  i64i.] 

M"  de  Cisteron  et  de  Bazas  arrivant  auprès  du  roy,  S.  M.  doit  d'a- 
bord dire  : 

M'  de  Cisteron,  je  vous  reçois  comme  député  de  l'assemblée,  et 


'  Cette  allocution,  composée  pour  le 
roi  par  Richelieu ,  n'est  point  datée ,  ce  qui 
fait  qu'on  l'a  classée  à  la  fin  du  volume. 
Quelle  date  lui  faut-il  donner,  et  à  quel 
incident  se  rapportetelle  dans  l'histoire 
de  l'assemblée  du  clergé  à  Mantes?  La  re- 
lation de  M' de  Montchal  n'en  fait  aucune 
mention ,  et  l'on  ne  voit  pas  le  moment  où 
l'évêque  de  Bazas  aurait  été  d'une  députa- 
tion  conduite  au  roi  par  l'évêque  de  Siste- 
ron.  H  se  peut  donc  que,  préparée  à  l'a- 
vance, dans  la  prévision  d'unu  audience, 
qui  ensuite  n'eut  pas  lieu ,  l'allocution  n'ait 
jamais  été  prononcée.  Néanmoins  il  n'est 
pas  sans  intérêt  delà  conserver,  et ,  à  défaut 
d'une  date  certaine,  nous  en  cherchons  une 
vraisemblable.  Il  est  évident  qu'elle  n'au- 
rait pu  trouver  place  avant  le  18  avril,  où 
Ton  a  vu  que  les  choses  n'étaient  pas  encore 
arrivées  à  cette  extrémité;  il  est  également 
certain  qu'elle  a  été  composée  antérieu- 
rement à  la  séance  d'expulsion ,  où  l'on 
verra  l'évêque  de  Bazas  recevoir,  comme 
les  autres  prélats  opposants,  l'ordre  de  se 
retirer  dans  son  diocèse,  preuve  que  cet 


ordre  ne  lui  avait  pas  été  déjà  intimé.  Ce 
n'est  donc  que  dans  les  derniers  jours  d'a- 
vril ou  le  commencement  de  mai  que  ce 
discours  a  pu  être  préparé.  —  Nous  trou- 
vons, dans  un  autre  ms.  de  la  même  col- 
lection ,  ime  pièce  assez  curieuse  concer- 
nant cette  assemblée  du  clergé,  et  se 
rapportant  au  même  temps  à  peu  près  de 
ses  délibérations;  elle  est  intitulée  :  Rela- 
tion de  ce  qui  s'est  passé  dans  l'assemblée 
touchant  l'imposition  de  700  mil  livres  de 
don  gratuit.  Manies  le  15  mai  16U1.  C'est 
l'évêque  de  Charires,  avant  toujours  l'évê- 
que de  Nîmes  pour  secrétaire,  qui  rend 
compte  au  cardinal  des  paroles  pronon- 
cées par  chacun  des  membres  de  l'as.sem- 
blée;  il  note  avec  soin  ceux  qui  sont 
manifestement  dociles,  ceux  qui  font  une 
frai:che  opposition,  ceux  enfin  dont,  mal- 
gré les  apparences,  il  convient  de  se  dé- 
fier. (France,  i64i,  six  prenàers  mois, 
fol.  3 18.)  C'est  une  copie;  le  premier 
feuillet  de  l'original ,  de  la  main  de  l'évêque 
de  Nîmes,  est  seul  conservé  dans  ce  ms. 
fol.  3 16.1 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  785 

non  l'évêquie  de  Bazas;  je  permets  cependant  qu'il  vous    escoute 
comme  particulier,  puis  il  sçaura  ma  volonté. 

M"  de  Cisteron  ayant  faict  sa  harangue,  et  le  roi  respondu,  il  dira 
à  l'évesque  de  Bazas  : 

Qu'il  est  bien  fasché  que  ses  comportemens  l'obligent  à  luy  dire 
que  c'est  un  ingrat  et  mescognoissant,  non  seulement  de  ce  qu'il  luy 
doit\  mais  de  ce  qu'il  doit  à  Dieu,  dont  le  service  et  la  gloire  re- 
qviicrent  que  le  clergé  concourre  aux  bons  desseins  de  S.  M. 

Que,  n'ayant  convoqué  cette  assemblée  que  pour  le  secours  que 
l'Eglise  luy  doit  donner  en  cette  occasion,  il  ne  peut  estre  député 
puisque  sa  procuration  lui  deffcnd  expressément  de  rien  accorder 
au  roy. 

Qu'en  cette  considération  le  roy  deffend  à  l'assemblée  de  le  rece- 
voir plus  en  leur  corps,  et  luy  commande  très  expressément  de  partir 
dès  le  lendemain,  pour  s'en  aller  dans  son  évesché,  pour  faire  péni- 
tence de  ses  fautes  avec  son  archevesque  (celui  de  Toulon). 

S'il  respond  qu'il  a  instruction  ou  lettres  autres  que  sa  procuration , 
le  roy  luy  dira  que  son  instruction  ou  ses  lettres  ne  sont  que  des  mé- 
moires particuliers;  mais  que  la  procuration  est  un  titre  public  scan- 
daleux ,  qui  ne  peut  estre  réparé  par  aucun  autre  particulier. 

Le  roy  respondra  à  M'  de  Cisteron  qu'il  reçoit  volontiers  les  com- 
pliraens  de  l'assemblée;  mais  qu'il  en  attend  des  elTects  solides,  cor- 
respondans  aux  nécessités  de  son  Estât  et  aux  promesses  des  seize 
évesques  qui  se  sont  engagés  à  Paris  de  faire  donner  les  six  millions 
dans  trois  ans. 


Je  rapproche  de  ce  projet  de  discours  l'extrait  d'une  autre  pièce  concernant  a 
même  affaire,  et  également  non  datée,  mais  dont  la  date  est  approximativement 
donnée  par  cette  circonstance  que  le  roi  était  à  Abbeville  les  derniers  jours  de  mai. 

'  Ceci  s'explique  par  ce  passage  des  mé-  la  compagnie  de  lui  permettre  de  se  re- 

moires  de  Moniclial  où  il  est  dit  que  l'é-  tirer  dans  son  diocèse ,  mais  que  l'assem- 

vêque  de  Bazas,  qui  avait  été  promu  par  le  Liée,  approuvant  sa  conduite,  l'obligea  de 

propre  mouvement  du  roi,  afin  d'éviter  demeurer.  (P.  3oa.) 
les  fâcheux  reproches  qu'il  prévoyait,  pria 

CARDIN.  DE   ntCUELIED.  Yl.  99 


786  LETTRES 

C'est  une  espèce  de  statistique  conjecturale  des  opinions  des  députés  des  di- 
verses provinces  ecclésiastiques,  où  l'on  combine  les  moyens  d'avoir  une  majorité 
sûre;  travail  commun  de  Richelieu  et  de  de  Noyers,  qui  prennent  lour  à  tour  la 
plume. 

L'affaire  du  clergé  se  peut  terminer  en  l'une  des  trois  façons  : 

•  Ou  toulte  la  compagnie,  ou  du  moins  les  présidens  revenant  à  la  raison 

ce  qui  n'aura  pas  lieu.  » 

Ou  s'assurant  de  nouvelles  voix...  et  obligeant  la  compagnie  par  les  commis- 
saires du  roi  à  délibérer  de  nouveau...  «  moyen  qui  semble  infaillible.  » 

Ou  si  ces  deux  expédients  ne  suffisent  pas. . .  envoyer  commandement  à  l'as- 
semblée de  suivre  le  roi  à  Abbeville Si  les  présidents  refusent  de  venir... 

«tous  les  bons  y  viendront  et  tiendront  l'assemblée.  Si,  estans  là,  ils  veulent  se 
retirer  sur  quelque  occasion ,  on  les  laissera  faire.  • 

M.  de  Noyers  divise  les  provinces  en  trois  catégories  : 

«  Provinces  asseurées;  »  il  en  compte  sept; 

«Provinces  caduques,  (par  l'absence  de  quelques  députés),  quatre; 

Il  Provinces  contre  le  roy,  »  quatre. 

Ici  Richelieu  prend  la  plume,  il  écrit  le  nom  de  chaque  province  caduque  ou 
opposée,  et  il  met,  après  le  nom  de  chacune,  le  noni  d'un  ou  deux  députés  «  qui 
rendent  la  province  bonne.  » 

Cette  pièce,  travail  commun  de  de  Noyers  et  de  Richelieu,  écrite  de  la  main 
de  tous  deux,  se  trouve  aux  arch.  des  AfT.  étr.  France,  tome  gg,  vers  le  milieu 
du  volume  non  coté. 


CCCXCVI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  3 12.  — 

Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECRÉTAIRE  D'ESTAT,  À   PARIS. 

De  Rue! ,  ce  1  4  inay  [  1 64  1  j. 

'  Ce  billet  est  pour  donner  avis  à  Mons'  de  Chavigny  que  je  n'ay 
dict  à  M'  Goulas  sinon  que  nous  avons  esté  avertis  de  Sedan  qu'on 

'  Avant  l'entretien  que  le  cardinal  an-        avait  pensé  à  faire  une  tentative  directe 
nonce  avoir  eu    avec    Goulas,   Richelieu         auprès  de  Monsieur.  H  écrivait  à  Chavigni 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  787 

envoyait  un  gentilhomme  à  Monsiem-  et  qu'il  se  devoit  acidresser  au 
petit  Dumonl,  et  que  je  conseillois  à  Monsieur  de  prendre  cette 
occasion  de  faire  valoir  au  roy  sa  fidélité  et  son  affection  au  bien  de 
l'Estat,  tirant  la  créance  de  ce  gentilhomme  par  escrit,  et  envoyant, 
par  après,  ses  lettres  et  la  dicte  créance  au  roy. 

M""  Goulas,  m'ayant  représenté  qu'il  craignoit  que  Monsieur  fist  dif- 
ficulté à  envoier  le  gentilhomme  au  roy,  après  avoir  im  peu  contesté 
sur  ce  sujet,  je  luy  ay  dict  que,  pour  s'accomoder  à  l'esprit  de  Mon- 
sieur, je  porterois  le  roy  à  se  contenter  que  Monsieur  fist  prendre  ce 
gentilhomme  et  donnasl  ordre  à  trois  de  ses  gardes  qui  l'amèneroient 
à  la  cour,  de  le  laisser  sauver  à  trois  lieues  de  Blois.  11  a  approuvé  cet 
expédient;  reste,  pour  l'exécution,  que  M"^  Goulas  aille  à  Blois,  et  que 
M' de  la  Barde  me  vienne  trouver  pour  adjuster,  avec  Vauselle,  comme 
il  se  conduira*.  M'  Goulas  nç  sçait  point  que  Vauselle  soit  icy,  qu'il 
vous  ayt  parlé,  ny  qu'il  s'entende  avec  nous^.  Valetudinem  taam  cura. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


une  iellre  que  nous  trouvons  sans  dale , 
mais  qui  doit  être  de  peu  de  jours  anté- 
rieure à  celle  que  nous  donnons  ici.  Le 
cardinal  mandait  à  Cliavigni  de  faire  en 
sorte  d'oblenir  de  Monsieur  qu'il  aidât  à 
convaincre  les  conjurés  de  Sedan  des 
trames  qu'ils  avaient  ourdies.  «  Pour  cet 
cffect,  écrivait  Richelieu,  il  est  à  propos 
que  vous  envoyés  quelque  personne  de 
confiance  à  Monsieur,  pour  luy  dire  que 
nous  sçavons  qu'il  est  party  un  gentil- 
homme de  Sedan,  de  la  part  de  M.  le 
Comte, ou  de  M.  de  Rlieims,  pour  tascber 
de  l'embarquer  dans  leur  beau  parly  ;  qu'il 
est  important  pour  son  service  qu'il  en- 
voyé les  lettres  toutes  fermées  au  roy,  et 
qu'il  face  cognoistre  qu'il  n'est  poidl  ca- 
pable de  prester  l'oreille  à  de  telles  pro- 
positions. Vous  me  renvoyerés  demain 
M.  de  La  Barde  après  que  vous  vous  se- 
rés  esclaircy  de  toutes  les  parlicularitez 


que  sçait  ce  gentilhomme ,  et  de  tous  les 
moyens  qu'il  y  a  de  le  mettre  en  estât  de 
servir,  et  Monsieur  de  faire  paroislre  son 
affection.»  (Mention  de  celte  lettre  sera 
faite  à  la  fin  du  volume,  un  peu  avant 
le  i4  mai.) 

'  Nous  avons  une  lettre  autographe  de 
Gaston  à  Cliavigni,  datée  de  Chambord, 
2 1  mai ,  où  nous  lisons  :  >  J'ay  suivi  ponc- 
tuellement les  conseils  de  S.  Em.  que  je 
pouvois  appeler  prophéties,  car  la  chose 
s'est  passée  comme  il  l'avoit  creu.  J'envoie 
toutes  les  choses  que  S.  Em.  a  désirées. 
Mais  priés  encore,  de  ma  part,  M.  le  car- 
dinal qu'en  cette  occasion  je  ne  puisse 
point  passer  pour  délateur,  ni  pour  les- 
moin  contre  des  gens  qui  me  sont  si 
proches.  Je  suis  extresmement  aise  que  la 
chose  ayt  mieux  réusi  que  je  ne  pensois.  » 
(Ms.  cité  aux  sources,  fol.  Sag.) 

'  Voy.  ci-après,  p.  796. 


99- 


788 


LETTRES 


CCCXCVII. 

Arcli.  de  Condé,  n°  1 14-  —  Original. 

Arch.  des  Aff.  6tr.  France,  t.  98,  non  coté.  — 

Minute  de  la  main  de  Cherré. 

A  M.  LE  PRINCE. 

I  5  mai. 

Monsieur,  Il  y 

a  lanl  de  désordre  et  si  peu  de  dignité  dans  la  maison  de  M""  d'An- 
guin,  que  je  me  sens  obligé  de  vous  en  donner  avis  ^  La  mort  du 


'  Nous  continuons  à  recueillir  avec  un 
soin  curieux,  et  nous  croyons  en  cela  ne 
pas  déplaire  au  lecteur,  toutes  les  particu- 
larités touchant  les  premières  années  de 
la  jeunesse  du  grand  Condé,  son  union 
avec  la  nièce  du  cardinal,  ainsi  que  les 
procédés  de  Richelieu  dans  celte  grande 
affaire  domestique.  Il  faudrait  ne  pas  con- 
naître Richelieu  pour  douter  qu'il  désirât 
ardemment  une  alliance  qui  mettait  sa 
famille  dans  la  famille  royale;  mais  il 
s'arrangea  de  sorte  que ,  dans  les  appa- 
rences ,  il  parût  n'avoir  pas  été  le  pre- 
mier à  la  rechercher.  Sans  doute  la  du- 
chesse d'Aiguillon,  fort  bien  accueillie 
dans  la  maison  de  Condé,  prépara  les 
voies;  mais,  dans  ce  que  le  public  connut 
de  cette  négociation,  les  rôles  sont  com- 
plètement intervertis  ;  c'est  le  cardinal  qui , 
en  y  mettant  toutes  les  formes  convenables , 
semble  tenir  le  haut  du  pavé,  et  c'est  le 
prince  du  sang  qui  paraît  l'obligé.  Rien 
n'est  plus  propre  à  montrer  la  grande 
place  que  Richelieu  tenait  alors  dans  l'Elat 
et  dans  l'opinion  des  personnages  les  plus 
émlnents,  lorsqu'ils  n'étaient  pas  ses  en- 
nemis. Dès  les  premiers  temps  de  la 
recherche,  M.  le  prince  et  M°"  la  princesse 


font  les  avances;  la  correspondance  de 
Henri  Arnauld ,  à  laquelle  nous  avons 
déjà  fait  quelques  emprunts,  nous  fournit 
à  cet  égard  des  détails  piquants.  «  M.  le 
prince  (écrit-il  le  i/t  mars  i64o)  fait  pour 
le  mariage  toutes  les  instances  que  vous 
sçauriés  vous  imaginer.  M.  le  cardinal 
respond  que  M'"°  sa  niépce  est  encore 
trop  petite;  on  tient  que  cela  est  remis 
à  un  an  d'icy.  »  —  Le  28  :  «  M.  le  grand 
maislre   (le    cousin   de   Richelieu)    part 

pour  l'armée  la   semaine  prochaine 

il  aura  assurément  M'  d'Anguin  pour 
volontaire.  M.  le  prince  luy  a  dict  qu'il 
le  luy  donnnit  pour  domestique,  et  Mad. 
la  princesse  luy  a  esté  faire  sur  cela  de 
grands  complimcns.  »  Le  1"  avril  :  «  M.  le 
prince  dict  dernièrement  à  M.  le  cardi- 
nal qu'il  n'avoit  point  encore  faict  la  mai- 
son de  M'  son  lilz,  affm  que  S.  Em.  peust 
mettre  auprès  de  luy  telles  personnes 
qu'elle  voudroit.  »  Le  4  :  «  M.  d'Anguin 
verra  icy  une  fois  ou  deux  M'"'  de  Brezé, 
et  puis  Mad'  Bouthillier  la  ramènera  aux 
Caves.»  —  Le  1 1  :  «  M.  le  prince  alla, 
avant  que  partir  d'icy,  visiter  M'"°deBrezé, 
à  laquelle  il  dict  qu'il  luy  venoit  tesmoi- 
gner  l'impatience  qu'îF  avoit  qu'elle  fust 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


789 


pauvre  M''  de  Maigrin  m'ayant  faict  cognoistre,  par  expérience,  que 
tous  ceux  qui  y  sont  employez  doivent  y  estre  mis  d'une  raesme  main, 


sa  belle-fille,  et  qu'il  l'asseuroit  qu'elle 
seroit  dame  el  maistresse  chez  iuy;  elle 
entend  fort  bien  tout  cela ,  et  porte  desjà 
bien  liault  la  croyance  certaine  qu'elle  sera 
bienlost  princesse  du  sang.  «  —  Le  18  : 
«  M.  le  prince  doit  parlir  bienlosi;  il  dict 
à  M*"''deBiezé,  eu  Iuy  piésentant  M.  d'An- 
guin,  que  M.  le  cardinal  luv  avoit  faict 
l'iionneur  de  trouver  bon  qu'il  la  rrclier- 
cliasl,  ft  qu'il  l'asseuroil  quelle  ne  pour- 
roit  jamais  espouser  personne  qui  lui  ren- 
dis! plus  de  re.-pect  ny  plus  di.  tesmoignage 
d'amitié  ;el,  comme  on  vouloit  donner  une 
grande  chaise  à  bras  à  M.  d'Anguin ,  il  Iuy 
dici  :  Ce  n'est  pas  là  ht  place  d'un  serviteur; 
allez  vous  mettre  sur  un  petit  placet  auprès 
de  voslre  maistresse.  Estant  ces  jours  passés 
dans  le  carrosse  de  M.  le  cardinal,  il  Iuy 
dist  tout  bault,  il  y  avoit  encore  d'autres 
personnes  qui  l'ouïrent ,  qu'il  ne  vouloit 
rien  pour  le  dol  (qui  est  de  200,000  escus) , 
pourveu  qu'il  pleust  à  S.  Eip.  que  le  ma- 
riage s'accomplist  présentement.  Et  en- 
suitle  il  venoit  sur  tes  louanges  de  M.  le 
cardinal  et  sur  les  obligalions  infinies  que 
la  France  lus  avoit,  et  que,  si  elle  le  per- 
doit,  elle  se  (rouveroil  dans  un  estât  sy  mi- 
sérable qu'en  ce  cas  il  choisiroit  pluslosl 
d'eslre  gentilhomme  vénitien  avec  a, 000** 
de  rente  que  d'eslre  ce  qu'il  estoit.  »  Le 
mariage  fut  célébré  en  février  i6/ii;le 
mois  suivant,  le  jeune  prince  fut  atteint 
d'une  dangereusf  maladie,  qui  .«e  prolon- 
gea dans  le  mois  d'avril,  et  qui  fit  craindre 
pour  ses  jours  et  aussi  pour  son  intelli- 
gence, s'il  en  faut  croire  le  journal  d'Ar- 

*  Iji  lettre  était  signée,  suivant  l'usage  des  grandes 
«De  Montmorency.» 


nauld.  Nous  ne  le  suivrons  point  dans 
tous  les  détails  où  il  entre,  nous  dirons 
seulement  qu'à  l'occasion  du  meurtre  de 
M.  de  Mégrin  il  nous  apprend  que  «  M.  le 
prince  a  mandé  que  l'on  chasse  tous  ceux 
que  voudra  M'  le  cardinal;  on  a  com- 
mencé par  le  maistre  d'hostel ,  qui  se 
nomme  Damours,  et  qui  le  sert  il  y  a 
3o  ans.  n  (7  avril.)  On  voit,  au  ton  de  la 
présente  lettre,  que  le  cardinal  ne  jugea 
pas  d'abord  celte  satisfaction  suffisante; 
toutefois  nous  ne  trouvons  pas  qu'il  soit 
donné  aucune  suite  à  celte  alfaire  ;  nous 
voyons  même  que  Richelieu  ne  se  refusa 
pas  à  mettre  encore  lui-même  quelqu'un 
auprès  du  ducd'Engliien  (lettre  du 8  juin, 
ci-après).  La  princesse  de  Condé  lui  écrit 
-toujours  sur  le  même  ton  de  profonde  re- 
connaissance. Elle  lui  dit  :  «  La  pasion  que 
j'ay  d'eslre  conservée  dans  l'onneur  de  vos 
bonnes  grases. . .  vous  n'en  pouvés  hono- 
rer personne  qui  ait  plus  de  pasion  que 
moy  pour  voslre  servise  très-humble. . .  »  el 
dans  une  autre  lettre,  •  l'estresme  bonté  que 
vous  avés  pour  toute  nostrc  meson  *  est  si 
grande. . .  »  (Lettres  autographes  des  2  et  7 
juin.)  Dans  celle  dernière  elle  entretient 
le  cardinal  de  sa  nièce ,  à  qui  il  avait  donné 
en  la  quittant  des  conseils  tout  paternels  : 
«  Je  vous  puis  asseurer.  Monsieur,  qu'elle 
est  très  soigneuse  d'obéir  à  tout  se  que 
vous  Iuy  avés  commandé  an  partant;  elle 
écrit  et  lit  tous  les  jours,  et  pour  la  danse 
se  ne  sera  cune  fois  la  semene  durant  les 
grandes  chaleurs. . .  j'espère  qu'à  voslre 
retour  vous  serés  très  contant. . .  pour  mon 

dames  d'alors    du  seul  nom  de  famille  de  la  princesse 


790  LETTRES 

vous  penserés,  s'il  vous  plaist,  à  y  remettre  qui  vous  estimerés  plus  à 
propos.  Cette  considération  m'eust  desjà  faict  retirer  le  s"^  de  Beaure- 
gard,  si  je  n'eusse  creu  vous  en  devoir  avertir  auparavant.  Vous  pour- 
voirés,  s'il  vous  plaist,  à  tout,  selon  que  vous  ie  jugerés  pour  le 
mieux,  vous  asseurant  encore  une  fois  que,  pour  le  bien  de  Mons"" 
vostre  filz,  que  j'estime  et  ayme  autant  que  vous,  il  faut  que  sa  con- 
duitte  soit  aydée  et  dirigée  par  un  seul  esprit.  Sa  disposition  envers 
vous  est  telle  que  vous  le  pouvés  souhaitter.  Reste  de  luy  inspirer 
une  conduitte  qui  puisse  estre  aprouvée  de  tout  le  monde,  et  for- 
mer sa  maison  en  sorte  que  le  bon  ordre  qui  y  sera  gardé  luy  ayde 
à  acquérir  l'estime  en  laquelle  il  doit  vivre.  Vous  estes  sv  prudent 
que  vous  sçaurés  bien,  je  m'asseure,  pourvoir  à  ce  que  vous  sçaurés 
estre  plus  avantageux  à  une  personne  qui  vous  est  sy  chère.  C'est  ce 
qui  faict  que  je  ne  m'estendray  pas  davantage  sur  ce  sujet,  me  con- 
tentant de  vous  asseurer  que  je  suis  et  seray  tousjours. 
Monsieur, 

Vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  cardinal  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  i5  may  i64i- 

fils ,  j'espère  qu'il  se  randra  digne  do  l'on-  personnes  de  ce  lemps-Jà.  Elle  était  douée 
neur  que  vous  luy  fêles ,  et  je  prie  Dieu  qu'il  d'ailleurs  d'heureuses  qualités  ;  toute  jeune 
panse  à  emploier  sa  vie  à  vous  randre  les  elle  plaisait.  «  Je  la  trouvay  hier  en  un 
servises  qu'il  vous  doit.  »  —  La  jeune  du-  lieu  où  j'allay,  mande  Arnauld;  elle  est 
chesse  écrit  de  son  côté  à  Richelieu  qu'elle  agréable  de  visage  et  a  de  l'esprit  beau- 
s'applique  de  son  mieux  à  la  lecture  et  à  coup;  mais  elle  est  fort  petite.  »  (Lettre  du 
l'écriture;  et  une  demoiselle  de  La  Croix,  22  avril  i64o.)  La  plupart  des  historiens 
parenle  de Bouthillier,  que  le  cardinal  avait  ont  écrit  que  la  famille  de  Condé  s'élait 
mise  auprès  de  sa  nièce,  afin  d'être  fidèle-  opposée  à  ce  mariage,  que  M.  le  prince  y 
ment  informé  de  tout  ce  qui  se  passerait,  répugnait  beaucoup,  quoiqu'il  n'osât  point 
écrit  à  Richelieu  pour  confirmer  ce  qu'ont  rejeter  nettement  la  demande  du  cardinal  ; 
dit  les  deux  princesses.  (Vol.  précité  98.)  que  celui-ci  avait  même  été  obligé  d'em- 
L'instruction  de  M'"'  de  Brezé  avait  été,  ployer  l'autorité  du  roi  pour  contraindre 
a  ce  qu'il  paraît,  fort  négligée,  puisqu'on  le  prince  de  Condé  à  accepter  pour  belle- 
la  mettait  ainsi  à  l'école  après  son  ma-  fille  la  nièce  de  Richelieu.  La  vérité  est 
riage.  Cependant  ses  lettres  au  cardinal  dans  ces  témoignages  contemporains  que 
sont  d'un  caractère  ni  bon  ni  mauvais,  et  fournissent  les  manuscrits  originaux  et 
l'orthographe  est  celle  de  la  plupart  des  autographes. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  791 


CCCXCVIII. 

Bibl.   imp.  Cinq-cents  Colbert,  n"    lo,  fol.  364  v°.   —  Copie.  — 

Saint-Germain-Hariay,  l\'],  t.  4i  (bl.  35.  — Copie.  — 

Dupuy,  690,  fol.  i32.  —  Copie'.  —  Bélhune,  9271,  fol.   109  v°.  —  Copie. 

A  M.  LE  CHANCELIER. 

17  mai. 

Monsieur,  les  intérests  de  l'Estat  ayant  tousjours  esté  les  seuls 
que  j'ay  eus  devant  les  yeux,  j'estime  maintenant  que  le  public  doit 
estre  aucunement  satisfaict  par  la  cognoissance  du  mauvais  dessein 
que  M'  de  Vendosme  s'estoit  mis  dans  l'esprit,  et  que  je  puis,  sans 
préjudicier  au  service  du  roy,  suplier  S.  M.  de  pardonner  à  M'  de 
Vendosme,  et  d'approuver  la  résolution  que  j'ay  prise,  en  mon  par- 
ticulier, de  ne  me  souvenir  jamais  du  mal  qui  a  esté  projette  contre 
moy.  La  clémence  dont  il  plaira  au  roy  d'user  en  cette  occasion  n'es- 
tant accordée  qu'à  ma  très-humble  supplication,  on  ne  sçaiiroit  pen- 
ser, à  mon  avis,  qu'elle  puisse  donner  lieu  à  une  pareille  entreprise, 
qui  est,  selon  la  cognoissance  que  j'ay  de  la  bonté  de  S.  M.  la  seule 
considération  qui  la  peut  arrester.  Je  vous  conjure,  sur  tous  les  plai- 
sirs que  vous  me  sçauriés  faire,  d'obtenir  d'elle  l'entérinement  de  ma 
supplication,  et  de  croire  que  je  suis.  Monsieur, 

Voslre  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE   RICHELIEU. 
De  Ruel,  le  vendredi  matin,   17  mai  i6/4i. 


NOTA. 

Dès  le  mois  de  décembre  i64o,  le  lieutenant  criminel  avait  instruit  une  ac- 
cusation de  fausse  monnaie  contre  deux  hommes,  que  les  papiers  du  temps  ap- 

'   Le  ms.  de  Dupuy  ajoute  celte  note  :         parlement  la  lettre  de  M.  le  cardinal  pour 
•  L'on  remarquera  que  M.  le  président  de        demeurer  à  la  postérité.  » 
Nestnond  fut  d'avis  d'enregistrer  dans  le 


792 


LETTRES 


pellent  deux  hermites  '.  Le  i5  janvier  16/I1,  ces  misérables,  appliqués  à  la  ques- 
tion, déclarèrent  qu'on  avait  voulu  les  acheter  pour  attenter  à  la  vie  du  cardinal 
de  Richelieu,  et  ils  nommèrent  le  duc  de  Vendôme.  Cette  dénonciation  était  sans 
aucune  vraisemblance.  Malgré  de  fréquentes  et  fort  humbles  protestations,  le 
prince  n'était  certainement  pas  des  amis  du  cardinal ,  et  l'on  pouvait  faire  plus 
d'un  reproche  à  son  caractère,  mais  personne  ne  l'a  jamais  cru  capable  d'un 
crime.  Néanmoins  la  déposition  des  ermites  donna  tout  de  suite  à  leur  obscur 
procès  l'importance  d'une  aflaire  d'état,  et  ils  furent  transférés  du  grand  Ciiâ- 
telet  à  la  Bastille.  Le  chancelier  les  interrogea  lui-même,  el,  quoiqu'ils  n'eussent 
pas  d'autre  preuve  à  fournir  que  leur  méprisable  témoignage,  on  ne  laissa  pas 
d'avoir  l'air  d'y  croire  assez  pour  donner  ordre  au  prince  de  venir  se  justifier. 
Tout  en  protestant  de  son  innocence,  Vendôme  craignait  la  prison,  et  ne  venait 
pas  sans  quelque  méfiance  se  mettre  entre  les  mains  de  ses  ennemis.  Arrivé  aux 
portes  de  Paris  il  se  décida  à  n'y  pas  entrer,  et  prit  la  roule  d'Angleterre.  Alors 
ou  résolut  de  juger  le  prince  par  contumace;  et  le  17  mai  les  commissaires  nom- 
més par  le  roi  se  réunirent  à  Saint-Germain 2.  Louis  XIII,  qui  avait  déclaré  qu'il 
faisait  de  cette  affaire  son  affaire  personnelle,  voulut  présider  le  tribunal  assemblé 
pour  venger  son  ministre  et  condamner  son  frère.  Le  conseiller  d'état  Talon,  rap 
porteur,  expliqua  l'état  de  la  procédure  el  demanda  la  condamnation  par  défaut. 
Dans  l'étude  que  nous  avons  faite  de  celte  affaire  criminelle,  nous  n'avons  pu 
trouver  rien  autre  chose  que  de  vagues  accusations  envoyées  d'Angleterre  au  car- 
dinal ,  où  l'on  impute  au  duc  de  Vendôme  la  fréquentation  des  Français  suspects, 
et  des  propos  rapportés  par  des  espions,  et  dont  rien  ne  constate  la  vérité.  Main- 
tenant, laissons  parler  le  procès-verbal  :  «Après  que  les  commissaires  eurent 
donné  leur  avis,  conforme  aux  conclusions  du  procureur  général,  un  des  valletz 
de  chambre  seroit  venu  donner  advis  au  roy  que  le  s'  Cherré,  secrétaire  de  mon- 
sieur le  cardinal  duc  de  Richelieu,  estoit  à  la  porte  du  cabinet,  qui  demandoit  à 
parler  à  monsieur  le  chancellier;  sur  quoy  SaMnjeslé  ayant  commandé  de  le  faire 
entrer,  il  se  seroit  aproché  de  mon  d.  s"^  le  chancellier  et  luy  auroit  présenté  une 


'  Procédure  contre  Poirier,  hermite,  na- 
tif d' Issoudun.  (Arch.  des  AfF.  étr.  France, 
t.  96,  fol.  18  )  L'autre  ermite  accusé  de 
complicité  se  nommait  Louis  Allaiz. 

'  Le  16  mai,  après  dîner,  de  Noyers 
écrivait  de  Ruel  :  «  Je  vous  prie  de  faire 
souvenir  le  roy  qu'il  a  trouvé  bon  de  don- 
ner demain  une  heure  de  son  temps  pour 
quelque  formalité  de  l'affaire  de  M.  de 


Vendostne.  Cela  estant,  il  plaira  à  S.  M. 
de  commander  aux  officiers  de  tenir  le 
disner  prest  pour  Messieurs  du  parlement , 
qui  seront,  comme  je  croy,  huit  ou  dix  en 
nombre. . .  »  La  pièce  manque  de  suscrip- 
tion  ;  il  est  probable  qu'elle  était  adressée 
à  Cliavigni.  L'original,  de  la  main  de  de 
Noyers  est  conservé  dans  la  collection  de 
Béthune,  9337,  fol.  Aa.  On  avait  composé 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  793 

lettre  de  ia  part  de  mon  d.  s' le  cardinal;  et,  à  l'instant,  l'ayant  ouverte  et  leue  et 
ensuitle  dict  quelques  paroles  au  roy.  Sa  Majesté  se  seroit  levée  et  auroit  dict  : 
«  Messieurs,  demeurez  à  vos  places,  je  reprendray  incontinent  la  mienne;  »  et,  en 
inesme  temps ,  il  a  faict  approcher  de  luy  en  un  coin  du  cabinet  monsieur  le  chan- 
celier avec  messieurs  Boulhillier,  surintendant  des  finances,  et  des  Noyers,  secré- 
taire d'estat,  ausquelz  il  a  parlé  un  bon  quart  d'heure  avec  action.  Après  quoy  Sa 
Majesté  ayant  repris  sa  place  a  dict  :  «  Messieurs ,  c'est  monsieur  le  cardinal  qui  me 
prie  de  pardonner  à  monsieur  de  Vandosme;  ce  n'est  pas  mon  advis.  Je  doibs  la 
protection  à  ceux  qui  me  servent  avec  affection  et  fidélité,  conmie  faict  monsieur  le 
cardinal;  et  si  je  n'ay  soin  de  faire  punir  les  entreprises  qui  se  font  contre  sa  per- 
sonne, il  sera  difficile  que  je  trouve  des  ministres  pour  prendre  soin  de  mes  af- 
faires avec  le  courage  et  fidélité  qu'il  faict.  Je  me  suis  donc  résolu  de  prendre  un 
expédient  que  j'ay  proposé  à  monsieur  le  chancelier,  de  retenir  le  procès  criminel 
de  monsieur  de  Vandosme,  à  ma  personne,  et  d'en  suspendre  le  jugement  diffini- 
tif;  et,  selon,qu'il  se  conduira  envers  moy,  j'useray  de  bonté  envers  luy  et  luy  par- 
donueray  si  ses  actions  le  méritent.  »  Sur  quoy  monsieur  le  chancelier  auroit  dict 
au  roy:  «  Sire,  je  suis  obligé  de  répéter  à  Voslre  Majesté  que  monsieur  le  cardinal 
m'a  donné  ordre  par  sa  lettre  de  demander  avec  instance  le  pardon  de  monsieur 
de  Vandosme;  je  croy  que  Voslre  Majesté  le  peult  acorder  sans  blessiT  son  auclo- 
rité.  »  Sur  quoy  le  roy  auroit  reparly  qu'il  ne  vouloil  point  pardonner  présente- 
ment, mais  qu'il  estoit  résolu  de  suspendre  le  jugement  du  procès,  et  seréserv<'rde 
faire  graceà  monsieur  de  Vandosme  si  sa  conduitle  à  l'advenir  estoit  telle  qu'elle  le 
mérilast.  Ce  faict,  le  roy  a  dict  à  monsieur  le  chancelier  :  «  Lisez  la  lettre  que  mon- 
sieur le  cardinal  vous  a  escrile.  «Ce  qu'il  auroit  faict;  ensuitte  de  quoy  le  roy  s'est 
levé  et  Messieurs  qui  estoient  assemblez  ont  pris  congé  de  luy  et  se  sont  retirez.  » 

Il  était  évidemment  impossible  de  condamner  sur  les  vagues  imputations 
faites  au  duc  de  Vendôme,  et  l'on  ne  voulait  pas  déclarer  l'innocence;  c'était  un 
ingénieux  moyen  de  se  tirer  d'embarras,  de  suspendre  le  procès  qu'en  réalité  on 
ne  pouvait  pas  faire,  et  de  ménager  en  même  temps  au  cardinal  tous  les  hon- 
neurs de  la  magnanimité. 

Ce  procès-verbal  peint  mieux  que  ne  pourrait  le  faire  aucun  récit  la  scène 
jouée  en  cette  occasion  au  moyen  de  la  lettre  du  cardinal.  —  Au  reste  la  famille 
du  duc  de  Vendôme  voulut  en  paraître  reconnaissante;  le  roi  écrivait  au  cardinal 
le  23  mai  :  «Je  vous  envoie  trois  lettres  que  M'  de  Lisieux  me'donna  hier  au 
soir,  de  ma  foeur  de  Vendosme  et  de  ses  deux  enfans,  en  remerciement  de  ce 

cette  commission  extraordinaire  de  vingt-  voyait  figurer  des  maréchaux  de  France, 
cinq  membres;  outre  les  conseillers  au  des  grands  ofliciers  de  la  couronne,  entre 
paricment  et  les  conseillers  d'état ,  on  y        autres  Cinq-Mnrs. 

CARDll).  DE  RICnF.I.IEl'. VI.  '  I OO 


794 


LETTRES 


qui  s'est  passé;  je  ne  les  ay  voulu  ouvrir  venant  de  la  main  de  persones  qui  ne 
vous  aiment  point.  »  (Afî.  élr.  France,  i64i ,  six  premiers  mois,  fol.  33 1.) 


CCCXCIX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i ,  six  premiers  mois,  fol.  335.  — 

Original. 

SUSCniPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECRÉTAIRE  D'ESTAT,    À    PARIS. 

De  Vigny  ',  ce  2  4  niay  1 64 1 . 

Ce  billel  est  pour  dire  à  M""  de  Chavigny  que,  si  l'évesque  de  Por- 
tugal"^, qui  va  à  Rome  me  veut  voir,  je  le  recevray  volontiers  au  lieu 
où  il  pourra  nous  attraper.  Si  c'est  chose  aussy  qu'il  ne  désire  pas, 
ou  qu'il  ne  puisse.  Monsieur  de  Chavigny  se  souviendra  de  l'interro- 
ger de  toutes  les  particularités  qui  peuvent  servir^.  En  quel  estât  il 
a  laissé  le  royaume  de  Portugal  quand  il  est  party  ?  Quelles  forces 


'  Le  village  de  Vigny,  non  loin  de  Pon- 
toise,  possède  un  antique  château  bâti  par 
le  cardinal  d'Àmboise.  Hichelien ,  parti  le 
matin  de  Ruel ,  y  était  venu  rejoindre  le 
roi ,  en  passant  par  Saint-Germain ,  où  il 
avait  salué  la  reine  et  les  enfans  de  France. 
Le  roi  et  le  cardinal  partaient  pour  le 
voyage  de  Picardie. 

'  D.  Miguel  de  Porlugal,  neveu  du 
roi  ;  il  élait  évêque  de  Lamego.  Le  com- 
mandeur de  La  Porte  en  annonçant  à  Ri- 
ciielieu,  le  2  mai,  le  passage  de  cet  am- 
bassadeur par  la  Rochelle,  disait  :  «C'est 
un  homme  dn  grande  considération  ,  frère 
du  comte  de  Vimiose,  capitaine  général 
du  royaume. . .  son  père  a  esté  ami  intime 
du  père  de  V.  Em.  »  La  Porte  ajoutait  : 
«  Outre  sa  mission  d'ambassadeur  il  va 
pour  rendre  l'obédience  à  S.  S.  au  nom 
de  tout  le  royaume.  »  Et  après  avoir  carac- 
térisé en  quelfjties  mots  les  personnages 


de  cette  ambassade,  La  Porte  disait  :  «Ils 
ont  un  ordre  exprès  de  leur  maistre  de  se 
conformer  entièrement  aux  volontés  du 
roy  et  aux  conseils  de  V.  Em.  aussy  bien 
à  Rome  qu'en  France.  »  (Aff.  étr.  Porlugal, 
t.  I,  fol.  3o.)  Chavigni  répondait,  le  26, 
à  la  présente  lettre  de  Richelieu  :  «L'é- 
vesque de  Portugal  m'a  dict  qu'il  n'estoit 
venu  à  Paris  que  pour  voir  Mouseig';  il 
m'a  prié  de  sçavoir  si  M*'  trouveroit  bon 
qu'il  allasl  à  Abbeville.  » 

^  A  cela  Chavigni  répond  :  «Il  m"a  as- 
seuré  que  le  royaume  de  Portugal  est  en- 
tièrement uni  an  service  de  son  maistre; 
que  leur  roy  a  une  très-puissante  armée 
sur  pied;  que  l'on  fortifie  incessamment 
les  places  frontières;  que  les  marchands 
commencent  à  faire  leur  négoce  comme 
avant  la  révolte,  cl  qu'il  y  aura  vingt  gal- 
bons presls  à  Lisbonne  quand  l'année  du 
roy  y  arrivera.  »  (  Vis.  précilé  fol.  3  1 .) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  795 

le  roy  a  sur  pied?  Quelle  union  il  y  a  dans  l'Estat?  Ce  que  font  les 
marchans,  si  on  fortifie  les  frontières,  quels  vaisseaux  il  y  a  en  la  mer, 
et  s'ils  seront  prests  quand  le  marquis  de  Brezé  y  arrivera?  Quelles 
gens  ont  esté  punis'  depuis  peu  sur  la  descouverte  de  ce  Jacobin?  En- 
fin toute  autre  chose  imaginable. 

M'  de  Chavigny  se  souviendra  aussy  de  donner  ordre  de  faire  re- 
venir l'homme  qui  est  allé  de  Blois  de  Sedan  ^  à  Abbeville,  afin  que 
nous  ajustions  bien  ce  qu'il  faudra  faire. 

J'ay  envoyé  un  billet  à  M"^  Bouthillier  pour  le  prier  de  donner  une 
bonne  assignation  de  4ooo"  à  M'  Sardiny,  eu  esgard  à  sa  nécessité  et 
à  son  affection'.  Monsieur  de  Chavigny  luy  tesmoignera  de  ma  part 
que  c'est  chose,  à  mon  avis,  qui  est  à  propos.  Il  né  faut  pas  oublier 
les  présens  pour  M""  le  nonce  et  M'  l'ambassadeur  de  Venise. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCC. 
Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i6/ii,  six  premiers  mois,  fol.  34 1.  —  Autographe. 

[A  M.  DE  CHAVIGM.] 

25  mai  [i64i]. 

Vous  pouvés  dire  à  M'  de  Montaigu  que  le  roy  trouve  bon  que 


'  Cliavigni  ne  répond  point  à  cet  ar- 
ticle; un  peu  plus  tard  il  aurait  eu  une 
réponse;  S'-Pé  lui  écrivait  le  i"  septembre: 
«  Le  roy  a  fait  trancher  la  leste  au  marquis 
de  Villarcal.au  duc  de  Gamine,  son  lils, 
au  comte  d'Armemar,  et  à  Dom  Augustin 
Manuel  ;  il  a  fait  pendre  sur  la  mesme  place 
Pierre  de  Baesse,  et  trois  autres  chevaliers 
pour  conspiration. . .  On  fait  le  procès  à  huit 
autres,  qui  seront  exécutés  dans  peu  de 
jours.  •  (Ms.  cité  aux  sources,  fol.  1 15.)  Et 
ver»  le  commencement  de  l'année  suivante, 
le  6  avril ,  le  roi  se  donna  à  lui  et  à  la  reine 
le  speclacle  d'un  aulo-da-fe  :   •  Aujour- 


d'imy,  mandait  l'intendant  Lasnier  à  Cha- 
vigni,  s'est  faict  l'acte  de  la  foy,  la  justice 
souveraine  et  exemplaire  de  l'inquisition, 
avec  grande  porape  et  maje.sté,  en  pré- 
sence du  roy  et  de  la  reyne;  ung  vieil  et 
très-fameux  médecin  dogmatiste,  deux 
hommes  et  trois  femmes  ont  esté  bruslez. 
de  6o  hommes  et  quareiite  femmes  qu'il 
y  avoit.  »  (Ibid.  fol.  i36.) 

'  Sic.  Le  manuscrit  est  parfaitement  li- 
sible. 

'  Est-ce  le  même  que  celui  qui  avait 
mécontenté  Richelieu  à  l'occasion  de  l'af- 
faire de  Chalais  ?  (tom.  1,  p.  698. ) 


796  LETTRES 

M'  Germain  '  vienne  à  Paris;  en  Testât  auquel  il  est,  la  générosité  ne 
permet  pas  de  luy  faire  autre  response. 

M''  Goulas  vous  dira  ce  qui  s'est  passé  entre  luy  et  moy^  qui 
exorte  Monsieur  à  quitter  ses  foiblesses  qui  ne  luy  peuvent  estre 
que  désavantageuses. 

Sans  donner  la  peine  au  gentilhomme  qui  est  maintenant  entre 
vos  mains  de  venir  à  Abbeville,  après  avoir  bien  pensé  à  son  affaire, 
il  ne  sauroit  nous  donner  aucun  avis  de  Sedan  sans  se  mettre  au  ha- 
zard  de  se  faire  pendre  par  des  gens  fols  et  violens. 

Pour  le  garenlir  d'un  tel  malheur,  il  faut  luy  persuader  qu'il  vaut 
beaucoup  mieux  qu'il  trouve  bon  que  nous  le  fassions  prendre  au 
sortir  de  Paris  et  le  mettre  au  bois  de  Vincenne'  entre  vos  mains, 
en  luy  donnant  paroUe,  comme  vous  pouvés  faire,  qu'il  n'aura  aucun 
mal ,  et  qu'au  contraire  on  luy  fera  du  bien. 

Cette  affaire  est  importante  pour  convaincre  M'  de  Rheims  sans 
que  Monsieur  puisse  paroistre  cause  de  sa  conviction.  Je  vous  prie  la 
faire  réussir,  soit  que  le  gentilhomme  y  consente  (ce  qu'il  fera,  à 
mon  avis),  soit  qu'il  n'y  consente  pas.  Expedit,  expedit.  Je  suis  à 
vous  à  l'accoustumé,  c'est-à-dire  comme  vous  le  pouvés  désirer. 


Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


Ce  2  0  may. 


'  Lord  Jerinyn ,  qui  fui  plus  lard  comte 
rie  Sainl-Alban.  11  élait  connu  pour  être 
une  de.s  personnes  les  plus  allachées  à  la 
reine  d'Angleterre ,  qui  elle-même  élait  sur 
le  point  de  se  sauver  de  Londres. 

^  Voy.  ci-dessus,  p.  -jSb. 
Chavigni  répondit  le  lendemain  à  Ri- 


chelieu :  «  L'iionnne  sera  aujourd'liuy  dans 
leboisde  Vincennes  ..  cela  donnera  moyen 
de  satisfaire  à  la  fantaisie  de  Monsieur.  » 
(Archives  des  Aff.  étr.  Portugal,  t.  l,  fol. 
3i.)  Richelieu  le  nomme  dans  une  lettre 
du  28;  c'était  un  s'  de  Vaacelles. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELfEU. 


797 


CCCCI. 

Arrii.  des  AfiF.  étr.  France,  i64i.  six  premiers  mois,  fol.  355. 

Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  DE  CHAVIGNY, 

SECRÉTAIIE  D'ESTAT  À   PARIS. 


Je  vous  envoie  un  courrier  que 
pesché  K 

'  Monlreuii  avait  récemment  écrit  à 
Cliavigni  deux  dépêches  chiffrées,  l'une 
du  16  mai,  l'autre  du  aS*;  toutes  deux 
contiennent  d'imporiantes  nouvelles  sur 
les  affaires  d'Angleterre.  Dans  la  première , 
Montreuil  dit  :  «Ce  qui  se  passa  hier  an 
parlement  vous  fera  cognoistre  qu'on  n'est 
pas  sans  jalousie  du  séjour  de  Montagu 
à  la  cour,  et  sans  crainte  que  la  France 
veuille  s'entremettre  des  affaires  de  ce 
pays,  à  quoy...  ont  donné  lieu  l'équipe- 
ment des  vaisseaux  pour  le  Portugal  aux 
ports  de  Bretagne,  et  le  bruit  que  les  do- 
mestiques de  la  reyne  d'Angleterre  font 
courir  sourdement  que  M.  le  cardinal  ne 
voudra  pas  que  l'autorité  royale  fe  dé- 
truise en  ce  pays.. .  j'essaie  de  détromper 
le  peuple,  qui  a  la  première  part  au  gou- 
vernement d'Angleterre.  »  On  voit  que 
dans  la  présente  lettre  Richelieu  répond  à 
cet  article.  Montreuil  expose  encore  dans 
la  missive  du  16  l'affaire  de  Strafford,  et 
mande  que  le  roi  a  déclaré  au  parlement 
que  le  lieutenant  d'Irlande  était  coupahle 
de  beaucoup  de  choses ,  «  mais  non  du 
crime  de  leze  majesté,  et  qu'il  ne  consenti- 

•  Arcli.  dc$[Aff.  élr.  Angleterre,  1.  48,  fol.  3o5  et  3o(j. 


D'Abbeville ,  ce  3o  may  1 64  i . 

le  s"^  de    Montreuil  vous  a  dé- 


roitjamais  qu'il  raourust  pour  ce  sujet.  «Le 
peuple  (ajoute  Montreuil)  «a  esté  extres- 
mement  irrité  de  cette  déclaration.  »  Le  roi 
avait  fait  une  faible  lentative  de  fermeté, 
Richelieu  inflige  à  sa  conduite  le  reproche 
de  «  pitoyable  ;b  le  reproche  serait  bien 
mieux  appliqué  aux  tristes  tergiversations 
marquées  dans  la  lettre  du  a3;  mais  Ri- 
chelieu ne  l'avait  pas  encore  reçue  lors- 
qu'il écrivait  cette  première  lettre  du 
3o  mai.  Montreuil  mande,  le  a3,  que  le 
bruit  courait  à  Londres  •  que  les  François 
s'esloient  emparés  des  isles  deGersay  et  de 
Grenezay. . .  je  courus  à  la  cour,  où  je  Irou- 
vay  que  l'alarme  y  estoit  plus  grande  qu'on 
ne  ni'avoit  dit;  tous  les  domestiques  de  la 
reyne  avoienl  pris  avec  eulx  toiits  ce  qu'ils 
avoient  de  plus  précieux;  les  carosses  de 
cette  princesse  attendoient  au  pied  de  l'es- 
calier, en  apparence  pour  la  mener  à  Wi- 
millhon,  mais,  en  effet,  à  Porihmulh.  » 
Cependant  la  reine  changea  de  pensée  et 
ne  partit  pas.  Montreuil  insiste  sur  ce  qu'il 
a  fait  pour  persuader  à  tout  le  monde  que 
le  cardinal  ne  saurait  penser  à  laisser  là 
ses  desseins  contre  l'Autriche  pour  atta- 


798  LETTRES 

Tay  ouvert  ses  dépesches. 

Bien  qu'il  y  ail  du  chiffre,  j'ay  à  peu  près  pénétré  ce  qu'il  vous 
mande.  Vous  m'envoyerés  cependant  un  extraict  de  ce  que  je  n'ay 
peu  voir. 

La  fureur  de  ces  peuples  est  grande  et  la  conduitte  du  roy  pi- 
toiable. 

La  première  chose  que  j'ay  à  vous  dire  est  que  vous  mandiés  à 
M'  de  La  Ferté'  qu'en  quelque  lieu  qu'il  soit  qu'il  s'arresle,  et  qu'il 
ne  passe  point  en  Angleterre  sans  en  avoir  ordre. 

La  seconde  est  que,  comme  les  bruicts  qu'on  faict  courre  de  la 
descente  d'une  armée  Françoise  sont  du  tout  faux,  vous  mandiés  à 
Montreuil  qu'il  les  destrompe  autant  qu'il  pourra,  sans  faire  aucune 
bassesse  à  cette  fin,  dont  je  ne  croy  pas  qu'il  soit  capable  de  luy- 
mesme,  ses  dépesches  semblant  assez  judicieuses. 

Il  est  important  d'avertir  Montreuil  de  ce  qui  s'est  passé  en  l'affaire 
de  la  reyne  mère;  comme  on  luy  a  envoyé  de  l'argent,  et  que,  sur 
l'offre  qu'elle  avoit  faict  d'elle-mesme  de  vouloir  aller  en  Italie,  on 
luy  a  offert  de  l'entretenir  là  selon  sa  dignité,  et  d'envoier  à  Cou- 
loigne  cent  mile  livres  pour  son  voiage;  et  ensuite  de  la  mauvaise^ 
conduitte  de  ses  gens. 

On  peut  permettre  au  s'  de  Bonnefons  d'aller  à  Liège ,  ainsy  qu'il 
le  demande. 

J'escris  au  marquis  de  Brezé  qu'il  parte  le  dix"^  de  juin  pour  s'en 
aller.  Cela  estant,  il  est  besoin  d'expédier  promptement  les  ambassa- 


quer  l'Angleterre.  Enfin  il  raconte  les  vio- 
lences du  parlement  à  l'efifet  d'obtenir  que 
Slrafford  soit  livré  au  supplice ,  les  per- 
plexités du  roi ,  qui  assemble  un  conseil  de 
conscience  pour  savoir  s'il  peut  consenlir 
à  la  mort  de  ce  ministre,  puis  une  réu- 
nion de  jurisconsulles,  etfinilpar  donner 
son  consentement.  — Ricbelieunedil  que 
deux  mots  dans  la  lettre  suivante  sur  cette 
fin  tragique  d'un  bomme  qui  avait  été  le 


premier  ministre  du  roi  d'Angleterre.  Ces 
deux  mots,  d'une  étrange  sécheresse,  et  où 
la  pensée  semble  se  cacher  à  dessein  dans 
une  réflexion  banale,  ne  laissent  pas  de- 
viner le  vrai  sentiment  de  Richelieu,  qu'on 
désirerait  cependant  de  connaître. 

'  C'était  le  nouvel  ambassadeur  de 
France  auprès  du  roi  de  la  Grande-Bre- 
tagne. 

'  Mot  ajouté  par  Richelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  799 

deiirs  de  Portugal,  sur  quoy  je  vous  ay  envoyé  tout  ce  que  je  puis 
dire  et  ce  qu'il  y  a  à  faire  en  ce  sujet. 


Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


L'Illers  s'est  rendu  ' 


CCCCII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  367.  — 

Original. 

[A  M.  DE  CHAVICNI'] 

D'Abbeville,  ce  3o  may. 

Je  VOUS  renvoyé  vostre  lettre  d'Angleterre.  Le  vice-roy  d'Irlande  a 
esté  et  il  n'est  plus;  nous  sommes  présentement  et  un  jour  nous  ne 
serons  plus. 

S'il  plaist  à  Dieu  ne  rendre  pas  la  santé  à  M'  de  S'-Brieu,  pour  le- 
quel je  la  luy  demande  de  tout  mon  cœur,  je  parleray  au  roy  de  son 
abbaye  pour  son  frère. 

Les  ambassadeurs  de  Portugal  qui  sont  en  France,  ou  celuy  qui 
est  en  Hollande,  se  trompent  ou  nous  trompent;  ceux-cy  disant  qu'il  y 
a  20  galbons  en  Portugal,  et  l'autre  disant  qu'il  y  en  a  10,  qui  avec 
les  20  qu'il  doit  acbepler  ou  fretter  en  Hollande,  feroient  au  moins 
trente.  Cependant  pourveu  qu'ils  s'obligent  à  vingt  vaisseaux,  galbons 
ou  autres  non  moindres  de  3  à  4oo  tonneaux,  il  s'en  faut  contenter. 

Il  n'y  a  rien  à  mettre  dans  le  traité  toucliant  les  vituailles,  ainsy 
que  je  vous  l'ay  desjà  mandé;  il  les  faut  seulement  convier  à  en  faire 
préparer  en  Portugal,  que  chacun  prendra  à  ses  despens  s'il  en  a 
besoin. 

Celle  ligne  est  de  la  main  du  cardi-        Cliavigni  qui  a  mis  au  dos  de  celle  mi- 
nsi-  nute  :  «  Monseigneur  le  cardinal.  1 

La   suscription   manque,  mais   c'est 


800 


LETTRES 


Après  avoir  veu  la  copie  de  l'article  passé  entre  nous  et  les  Hollan- 
dois  touchant  les  honneurs  qu'ils  doivent  à  l'admirai  de  France,  je 
n'estimerois  pas,  par  mon  sens\  qu'il  y  eust  autre  chose  à  faire.  Ce- 
pendant le  bonhomme  M'  des  Gouttes,  entendant  la  mer  beaucoup 
mieux  que  nous,  M*"  de  la  Thuillerie  peut  sonder  dextrement  la  pro- 
position comme  de  luy-raesme,  sans  tesmoigner  en  avoir  ordre,  qu'il 
fera  cognoistre,  si  bon  luy  semble,  au  cas  qu'il  juge  pouvoir  obtenir 
davantage  que  ce  qui  a  esté  convenu. 

Vous  donnerés,  s'il  vous  plaist,  un  copie  de  l'article  pa^sé  avec  les 
Hollandois  au  marquis  de  Brezé,  signé  de  vous. 

Je  craindrois  que  le  discours  que  Madame  la  princesse  d'Orange  a 
faict  à  d'Estrade,  disant  qu'aussy  tost  qu'il  aparoistra  que  M'  de 
Bouillon  aura  signé  le  traitté  avec  i'flspagne,  M'  le  prince  d'Orange 
le  despouillera  de  ses  charges,  fust  captieux;  si  avoir  voulu  entre- 
prendre sur  le  mont  Olimpe,  faire  des  levées  publiquement  de  l'ar- 
gent d'Espagne,  voir  M"^  de  Guise  son  associé  au  traitté  dans  Bruxelles, 
et  sa  femme  dans  Namur,  n'estoit  une  preuve  sy  évidente  de  sa  mau- 
vaise volonté  et  de  son  engagement  avec  f Espagne,  qu'il  n'en  faut  pas 
davantage  ^. 

Demain,  aveci'ayde  de  Dieu,  la  lettre  pour  les  parlemens  et  les  pro- 
vinces sera  faicte^. 

N'oubliés  pas,  s'il  vous  plaist,  de  faire  prendre  le  valet  de  Modène 


'  Nous  trouvons  dans  les  mss.  de  Hol- 
lande (tome  23,  pièce  81)  une  note  de 
Richelieu,  sans  signature,  de  la  main  de 
Charpenlier  :  •  Je  ne  sçay  point  sy  certai- 
nement ce  que  M.  des  Gouttes  mande  lou- 
chant la  flamme  qu'il  dict  que  les  vais- 
seaux de  Hollande  doivent  seulement 
arborer  au  cas  que  l'amiral  ne  soit  pas  en 
personne,  que  j'en  sois  tout  à  fait  asseuré. 
—  M.  de  Cliarnacé  avoit  bien  accordé 
l'ordre  qui  se  devoit  observer,  toutes  les 
civilitez  désirables  estoient  stipulées  pour 
le  pavillon   du  roy...   Il  faut  envoyer  à 


M.  de  la  Thuillerie  le  concert  cy-dessu,s 
mentionné,  et  qu'il  ajuste  le  resle  raison- 
nablement. » 

*  M.  d'Eslrades  avait  mandé,  de  La 
Haye,  le  i3  mai,  à  Chavigni,  que  le 
prince  d'Orange  lui  avait  promis,  que  si, 
en  effet,  M.  de  Bouillon  avail  signé  un 
traité  avec  les  Espagnols,  «les  Estais  luy 
osteroient  ses  charges.»  (Alï.  élr.  Hol- 
lande, t.  30,  pièce  77.) 

"  Elle  ne  fut  publiée  que  quelques  jours 
plus  lard.  (Voy.  ci-après,  à  la  dale  du  ii 
juin.) 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU,  801 

comme  vous  me  le  mandés.  11  parlera  sans  doute  comme  Vauselle^  et 
cela  fera  une  preuve  plus  entière. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 


CCCCIII. 

Arcli.  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois,  fol.  354.  — 
Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

A  MM.  LE  CHAIVCELIER  ET  LE  SURINTENDANT. 

D'Abbeville ,  ce  3o  may  1 64 1  - 

J'envoye  à  Messieurs  le  cLanceller  et  le  surintendant  ce  que  nous 
estimons  devoir  estre  faict  en  l'afTaire  de  Mes"  du  Clergé  ^,  qu'il  faut 
conduire  avec  force  puisque  nous  avons  droict  de  le  faire'.  En  un  mot, 
on  a  jugé  qu'il  valoit  mieux,  puisque  les  esprits  mutins  s'estoient  mis 


'  PrisoniiieràVincennes.  (Voy.  p.  796.) 
'  Sans  doute  l'instruction  préparée  pour 
les  commissaires  du  roi ,  allant  à  Mantes, 
laquelle  est  datée  du  dernier  mai;  c'était 
un  vendredi;  les  commissaires  devaient 
être  à  Mantes  le  dimanche  suivant. 

'  Richelieu  résolu  à  ce  coup  d'autorité 
le  prépara  par  tous  les  moyens  dont  il 
pouvait  disposer;  et  en  mèiue  temps  qu'il 
le  tenait  secret  pour  l'un  des  commis- 
saires du  roi  lui-même,  comme  on  le  voit 
par  la  présente  lettre,  il  en  prévenait  ses 
amis,  qui  ne  manquèrent  pas  à  l'appel. 
L'évêque  de  Nîmes ,  Denis  Cohon ,  écri- 
vait au  cardinal ,  le  ai  mai  de  Mantes  :  — 
•  Nous  arrivasmes  hier  au  soir  icy,  M.  de 
S'-uenys  (le  prieur  de  la  Châtre)  et  moy  en 
ceste  ville,  où  nous  estions  attendus  avec 
impatience  des  serviteurs  fidelles. . .  —  Ce 
matin  nous  avons  arresté,  par  une  courte 
mais  courageuse  conférence ,  d'aller  à  l'as- 


semblée pour  voir  la  contenance  et  la 
marche  des  ennemis ,  qui  trouveront  en 
leur  chentin  à  qui  parler,  s'ils  entrepren- 
nent quelque  chose,  ce  que  l'on  ne  croit 
pas.  —  Tant  y  a  que  S.  Em.  peut  et  doit 
s'asseurer  que  ceux  qui  sont  à  elle  sont 
plus  fermes  que  des  rochers,  et  que  leur 
affection,  au  lieu  de  s'alenlir,  paroistplus 
vive  et  plus  ardente  de  moment  en  mo- 
ment. —  M.  de  Tolose  depuis  son  retour, 
cathéchise  avec  soin  ceux  qu'il  croit  péné- 
trables  à  sa  faulse  doctrine. . .  il  tire  des 
prognostics  de  malheur  de  nostre  opposi- 
tion, laquelle,  à  son  compte,  est  un  acte 
d'impiété  qui  ne  va  pas  moins  qu'à  des- 
truire  l'église.  Mais  après  lont  ses  lieux 
communs  luy  demeurent  en  pure  perte,  et 
son  venin  ne  peut  glisser  dans  le  cœur  de 
nos  disciples,  qui  sont  bien  conGrmez.  .  » 
(Lelt.  autographe.  Ms.  cité  aux  sources, 
fol.  333.) 


CARDIN.  DE  niCHELIED. ÏI. 


802  LETTRES 

eux-mesmes  hors  de  l'assemblée,  on  relFiisant  de  faire  les  fonctions 
de  leur  députation,  leur  fernaer  la  porte  en  sorte  qu'ils  n'y  rentrent 
pas,  pour  faciliter  d'autant  plus  l'exécution  de  ce  qui  reste  à  faire 
par  l'assemblée  qu'elle  sera  composée  de  gens  de  bien  et  affectionnez 
au  service  du  roy. 

Je  prie  donc  Messieurs  le  chancelier  et  le  surintendant  de  faire 
que  M"  les  commissaires,  ou  M"^  d'Hémery  seul,  si  l'autre  est  ma- 
lade, soit  dimanche  au  soir  à  Mantes,  pour  expédier  lundy  matin  le 
contenu  en  ce  mémoire ,  le  tout  par  concert  avec  M"*  de  Chartres  et 
d'Auxerre.  Le  secret  est  si  nécessaire  au  succez  de  cette  affaire  que, 
si  M'  de  Léon  a  tant  soit  peu  d'indisposition,  je  croy  qu'il  vaut  mieux 
qu'il  n'y  ait  que  M""  d'Hémery  qui  face  le  voiage  de  Mantes  '. 


CCCCIV. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i64i.  six  premiers  mois,  foi.  363.  — 
Original,  devenu  minute,  à  cause  des  corrections. 

INSTRUCTION  POUR  M.  D'HÉMERY. 

Du  dernier  may. 

La  première  chose  qu'il  faut  faire,  au  retour  de  M"^  les  prélats  à 
l'assemblée  est,  à  mon  ad  vis,  que  M"  de  Chartres  et  d'Auxerre  et 
autres  depputez  faisant  le  rapport  de  ce  qui  s'est  passé,  tesmoignenl 
que  le  roy  s'est  contenté  de  la  somme  qu'ils  luy  ont  offerte,  bien 
qu'il  leur  ait  dict  que  la  nécessité  de  ses  affaires  en  requist  davantage. 

Qu'il  leur  a  faict  cognoistre  avoir  une  particulière  satisfaction  de 
ceux  qui,  en  servant  l'Estat  et  leur  ordre,  en  cette  occasion,  se  sont 
portez,  par  la  dernière  délibération,  à  subvenir  aux  pressantes  néces- 

'  Après  une  telle  insinuation,  le  prieur  même  à  l'ordre  du  clergé,  d'être  de  moi- 

de  Léon  ne  pouvait  se  dispenser  d'être  lié  dans  la  commission,  foit  désagréable 

malade;  et  en  effet  il  ne  parut  pas  à  cette  pour  les  prélats,  dont  M.   d'Hémery  était 

séance;  il  est  très-vraisemblable  d'ailleurs  chargé, 
qu'il   se  souciait    peu,   appartenant   lui- 


DU   CARDINAL  DE   RICHELIEU.  803 

sites  des  affaires.  Qu'il  jugeoit  bien  que  ceux  qui  avoient  esté  d'un 
autre  ad  vis  ne  pouvoieut  avoir  de  bons  desseins,  mais  qu'avec  l'aide 
de  Dieu  ils  n'empescheroient  pas  le  cours  de  la  prospérité  de  ses 
affaires. 

Ensuittc  de  ce  que  dessus  Mons'  d'Hémery  doit  entrer  et  parler 
aux  mesmes  termes,  et  dire  que  le  roy  luy  a  commandé  de  remercier 
le  corps  de  l'assemblée  de  ce  qu'ils  ont  faict,  nonobstant  les  traverses 
qui  leur  ont  esté  données  par  quelques-uns. 

Kt  parce  que  Sa  Majesté  a  sceu  qu'il  y  a  eu  quelques  prélats  qui, 
au  préjudice  de  tout  ce  qui  se  pratique  dans  les  compagnies  réglées,  ■ 
se  sont  retirez  contre  leur  devoir,  les  présidens  refusans  de  signer 
la  résolution  prise  à  la  pluralité  des  voix,  et  les  autres  les  accompa- 
gnans  en  leur  retraicte,  elle  l'a  particulièrement  chargé  de  leur  dé- 
clarer que,  s'eslant  d'eux-mesmes  déportez  des  fonctions  de  leurs 
charges,  et  conséquemment  despouillez  du  pouvoir  qu'ils  avoient 
d'assister  à  l'assemblée,  elle  leur  commande  de  se  retirer  dès  le  jour 
mesme  de  la  ville  de  Mantes,  et  s'en  aller  chacun  en  son  évesché, 
avec  ordre  d'y  faire  aussy  bien  leur  charge  particulière,  sans  se 
mesler  d'autre  chose,  qu'ils  ont' mal  faict  leur  devoir  en  ladicte  as- 
semblée'. 

'  Loin  d'atténuer,  clan»  l'action ,  la  vi-  tiens ,  et  qui ,  soubs  prétexte  de  zèle  advan- 

gueur  de  ces  injonctions,  d'Hémery  les  tageux  à  l'Eglise,  avés  voulu  arrester  le 

rendit  plus  blessantes  encore  par  l'accent  cours  de  ses  victoires  par  le  refus  du  se- 

,  de  sa  voix  et  la  tournure  de  son  discours ,  cours  qu'il  demande  avec  tant  de  justice. . . 

qu'il  semblait  s'étudier  à  rendre  plus  di-  et  vous  surtout.  Messieurs  les  archeves- 

rectenient  provocatrice.   Nos  manuscrits  ques  de  Sens  et  de  Thoulouse,  qui,  ou- 

nous  ont  conservé  la  forme  de  cette  orai-  bliant    vostre    devoir    et    ignorans   dans 

son  ;  nous  y  lisons  ces  passages  :  «  Le  roy  vos  charges ,  avés  refusé  séditieusement 

m'a  commandé  de  dire  à  vous ,  Messieurs  de  signer  une   délibération  qui  a  passé 

les  archevesques  de  Sens  et  de  Thoulouse ,  par  la  pluralité  de  voix ,  le  roy  vous  croit 

et  à  vous ,  Messieurs  les  évesques  d'Evreux ,  indignes  de  l'honneur  qu'avés  d'estre  pré- 

de  Maillezais ,  de  Bazas  et  de  Toulon ,  qui ,  sidens  de  cette  compagnie,  et  de  l'entrée 

par  un  esprit  de  ligue  et  de  faction ,  avés  dans  l'assemblée   du  clergé. . .  11  '   vous 

malicieusement  contrarié  ses  justes  inten-  commande  de  sortir  dès  à  cette  heure  et 

*  Les  Mc^moires  (le  Montchal,  csag(^rant  la  dureté  vous  ordonne  à  vous,  M.  de  Sens,  à  vous  M.  de 

de  ce  langage,  rapportent  que  d'Hémery  dit  :  tJe  Thoulouse...  de  me  suivre  et  de  sortir,  etc.» 


804 


LETTRES 


Mons'  d'Hémery  doit  ajouter  en  cet  endroit  :  Messieurs,  je  vous 
prie  de  bien  remarquer  ce  que  signifient  mes  paroles,  sur  ce  que 
quelques  prélats  se  sont  d'eux-mesmes  desj)0uillez  de  leur  députation 
en  ce  qu'ils  ont  refusé  d'en  faire  les  fonctions,  Sa  Majesté  leur, com- 
mande de  se  retirer  chacun  en  son  diocèse,  et  de  ne  s'y  mesler  que 
de  sa  charge  particulière. 

Ensuitte  de  ce  que  dessus  M'  d'Hémery  dira,  à  Mess"  de  l'assem- 
blée, que  le  roy  désire  qu'ils  continuent  ladicle  assemblée,  et  la 


de  me  suivre;  et  si  un  faict  opposition 
ou  autre  chose  semblable  contre  le  ser- 
vice du  roy ,  vous  en  respondrés  de  vos 
testes*. . .  »  Nos  relations  disent  que  «  M.  de 
Sens  a  respondu  avec  une  grande  modes- 
tie. . .  I)  Ce  n'est  pas  ce  que  nous  appren- 
nent les  mémoires  de  Montchal,  où  nous 
lisons  :  «  L'archevesque  de  Sens  respondit 
qu'il  recevoit  avec  respect  tout  ce  qui  luy 
venoit  de  la  part  du  roy,  mesme  les  pa- 
roles injurieuses.  «  D'Hémery  l'interrom- 
pit en  disant  qu'il  n'y  avait  point  de 
paroles  injurieuses  de  ia  part  du  roi. 
Donnez-moi  le  temps  d'achever^  reprit  l'ar- 
chevêque de  Sens,  et  vous  entendrez  que 
je  les  appelle  injurieuses  venant  de  vostre 
bouche.  Et,  après  quelques  contestations, 
d'Hémery  sortit,  se  croyant  suivi  de  l'ar- 
chevêque; mais  celui-ci  était  demeuré 
dans  la  salle,  ainsi  que  l'archevêque  de 
Toulouse,  pour  dire  quelques  mots  d'a- 
dieu à  l'assemblée  ;  d'Hémery,  qui  s'é- 
tait arrêté  entre  deux  portes,  pria  l'évê- 
que  de  Boulogne  de  rentrer  pour  dire 
aux  deux  présidents  qu'il  les  attendait. 
Les  prélats  frappés  d'exclusion  partirent 
pour  leurs  diocèses,  selon  l'ordre  du  roi. 
La  scène  fut  vive;  l'évêque  de  Nîmes, 
Gohon,  qui,  comme  on  vient  de  le  voir, 
s'y   était  préparé  d'un   air  intrépide,    et 

*  Dnpuy,  Sgo,  fol.  lio.  —  S'-Germ.  Harl.  lii.  — 


qui  en  fit  le  récit  trois  jours  après  au 
cardinal  de  Lyon ,  frère  de  Richelieu , 
lui  mandait  :  u  M'  d'Hémery,  entrant  dans 
l'assemblée ,  prononça  des  mots  qui  nous 
mirent  tous  en  frisson.  »  Cohon  convient 
que  d'Hémery  se  servit  o  de  beaucoup  de 
termes  pleins  d'aigreur;  »  et  il  ajoute  que 
«  le  contre  coup  de  la  verge  qui  a  frappé 
les  prélats  frappe  toute  l'Eglise.  »  La  lon- 
gue lettre  de  l'évêque  de  Nîmes  est  con- 
servée aux  Affaires  étrangères,  dans  le 
manuscrit  cité  aux  sources,  fol.  aSa.  J'en 
ai  trouvé  des  copies  à  la  Bibliothèque  im- 
périale ,  dans  le  fonds  de  Saint-Magloire , 
n,  p.  i65(),  et  de  Dupùy,  Stjo,  fol.  i36. 
Dès  le  lendemain,  d'Hémery,  de  retour  à 
Paris ,  rendait  compte  au  cardinal  de  l'ac- 
complissement de  sa  mission  (lettre  auto- 
graphe du  4  juin),  pour  lequel  il  reçut 
de  Richelieu  une  complète  approbation, 
ainsi  qu'on  le  voit  par  la  lettre  suivante 
à  M.  Bouthillier.  Louis  XIII,  malgré  sa 
piété,  souffrait  impatiemment  cette  résis- 
tance du  clergé.  Il  écrivait  à  Richelieu , 
le  2U  inai  au  soir,  en  approuvant  le  travail 
préparatoire  de  cette  instruction  :  «  Mes- 
sieurs du  clergé  seront  bien  surpris  et 
faschés  quand  ils  liront  la  lettre  que 
M' d'Hémery  leur  porte.»  (Ms.  cité  aux 
sources,  fol.  33a.) 

Cinq  cents,  Coibert,  ]S6. 


DU   CARDINAL   DE  RICHELIEU.  805 

finissent,  le  plustost  qu'il  se  pourra,  à  l'avantage  du  clergé  et  de 
l'Estat. 

Il  faudra  dresser  de  bons  procès-verbaux  de  tout  ce  qui  se  passera, 
et  les  coucher  sy  bien  qu'ils  puissent  estre  veus  de  tout  le  monde, 
et  que  tous  ceux  qui  les  verront  puissent  juger  la  justice  du  procédé 
du  roy  et  de  ses  serviteurs. 

Mons'  d'Hémery  faisant  commandement  à  chacun  des  évesques 
révoltez  de  partir  dès  l'heure  et  se  retirer  en  son  dioceze,  leur  fera 
particulièrement  defFense  de  passer  par  Paris.  Et  affin  qu'ils  ne  puis- 
sent relFuser  d'obéir  aux  volontés  du  roy,  pour  ne  voir  aucun  ordre 
de  Sa  Majesté  par  oscrit,  on  envoyera  à  M'  d'Hémery  des  lettres  en 
blanc  pour  les  prélats  qui  persisteront  en  leur  mauvaise  conduitte  de 
la  teneur  qui  se  trouvera  cy-après. 

M'  d'Hémery  dira  à  M'  de  Toulouse  qu'il  a  charge  du  roy  de  luy 
ordonner  de  remetre  entre  les  mains  du  secrétaire  de  l'assemblée 
la  cassette  dans  laquelle  sont  enfermez  les  papiers  du  clergé  et  le 
département  de  l'an  i588,  et  autres  papiers  du  clergé  qu'il  a.  Et  en 
effect  le  d.  s'  d'Hémery  yra  avec  le  secrétaire  de  l'assemblée  et  ceux 
qui  ont  les  clefs  de  la  dicte  cassette,  pour  la  faire  remettre  entre  les 
mains  du  d.  secrétaire  avec  les  autres  papiers  du  clergé. 


Mon-s'  l'arcbevesque  de  Sens,  aiant  .sceu  que  vous  avés  reffusé  de 
signer  la  dernière  délibération  qui  fut  prise  lundy  26'  de  ce  mois  en 
l'assemblée  du  clergé  tenue  à  Mantes,  bien  que  toutes  les  loix  des 
compagnies  réglées  obligent  à  defférer  à  ce  qui  .se  résout  par  la  plu- 
ralité des  voix,  et  que  vous  eussiés  d'autant  moins  de  sujet  d'en  use^ 
ainsy  que  vous  aviés  mis  l'affaire  en  délibération,  et  faict  relire  le 
résultat  de  la  d°  délibération,  et  qu'il  ne  fust  question,  en  cette 
séance,  que  d'augmenter  de  700  mille  livres  l'imposition  de  4  mil- 
lions ([ui  m'avoit  desjà  esté  accordée  par  la  dicte  assemblée,  la  cognois- 
sance  que  vous  avés  donnée  à  tout  le  monde,  par  un  tel  procédé,  que 
vous  vous  estiés  départy,  contre  vostre  devoir,  de  vcstre  députation 


806  LETTRES 

pour  des  desseins  particuliers  qui  s'esclairciront  avec  le  temps,  faict 
que  je  vous  ordonne,  par  la  présente,  de  vous  retirer,  sans  délay, 
de  Mantes,  et  vous  en  aller  en  vostre  évesché,  y  faire  aussy  bien 
vostre  charge  particulière,  sans  vous  niesler  d'autre  chose,  que  vous 
vous  estes  mal  acquitté  de  vostre  députation  en  la  d*  assemblée 
Ce  pendant  je  prie  Dieu  qu'il  vous  donne  une  meilleure  conduilte, 
et  vous  ail  en  sa  saincte  garde'. 


CCCCV. 

Arcli.  de  la  famille  Boulliillier.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT  DES  FINANCES, 

A   PARIS. 

D'Abbevilie.ce  6'juin  i6ii. 

Vous  m'avés  (aict  très-grand  plaisir  de  m'avcrtir  de  ce  qui  s'est 
passé  à  l'assemblée,  dont  je  n'avois  aucune  cognoissance.  Je  suis 
très-aise  que  les  choses  soient  exécutées  au  contentement  du  roy,  et 
que  M''  d'Hémery  se  soit  acquité  courageusement  de  sa  commission, 
en  laquelle  il  s'est  conduit  avec  prudence  et  vigueur  tout  ensemble. 

Je  ne  scay  point  le  détail  de  ce  qu'on  vous  demande  pour  les 
religieux  et  religieuses  de  Lorraine.  Tandis  que  la  Lorraine  a 
esté  entre  les  mains  du  roy,  il  a  esté  de  bonté  et  d'obligation  ce 
semble  de  les  faire  subsister.  Maintenant  qu'elle  est  entre  les  mains 
de  M""  de  Lorraine,  ce  qui  estoit  auparavant  d'obligation  ne  peut 
plus  estre  que  charité  pour  quelque  temps.  Vous  en  conférerés,  s'il 
vous  plaist,  avec  Mad°  d'Aiguillon,  qui  sçait  plus  que  moy  de  cette 
affaire. 

Quant  aux  quinze  mile  livres  de  M""  le  comte  de  Brionne,  je  n'en 
ay  aucune  cognoissance. 

'  On  a  vu  que  M.  d'Hémery  était  muni        duisît,  au  besoin,  à  chacun  des  prélats 
de  lettres  du  roi  de  la  même  teneur,  avec        exclus, 
la  suscription  en  blai)c,  afin  qu'il  les  pro- 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  807 

Mess"  de  Mesme  et  de  Bailleul  n'ayant  pas  donné  satisfaction  au 
roy,  je  croy  que  la  raison  veut  qu'ils  se  dispensent  d'estre  payez  de 
leurs  pensions. 

Les  d.  pensions  estant  données  pour  le  service,  M"^  de  Bonnelle  ' 
n'estant  point  encores  en  exercice  de  la  charge  de  président,  il  se 
doit  abstenir  de  la  prétendre. 

Je  désirerois  que  tout  ce  qui  concerne  la  charge  de  la  mer  se 
peust  faire  sans  surcharge  de  l'Espargne;  mais,  à  dire  le  vray,  c'est 
chose  du  tout  impossible.  Présentement  M'  le  Prince  escrit  qu'on 
envoie  de  nouvelles  gallères  à  M'  de  Bordeaux,  le  d.  s""  de  Bordeaux 
a  un- courrier  exprès  icy  pour  ce  sujet  ^,  et  sans  argent  il  est  impos- 
sible de  satisfaire  à  leurs  prétentions,  qui,  en  effect,  sont  sy  raison- 
nables que  de  la  force  de  la  mer  deppend  le.  succès  de  Catalogne. 
Ainsy,  après  avoir  tout  considéré,  je  croy,  en  vérité,  que  vous  devés 
donner  fonds  au  trésorier  pour  l'intérest  de  l'avance  des  derniers 
cinq  cens  mil  livres  des  gallères,  à  la  charge  qu'à  la  fin  de  l'année  il 
vous  justifiera  les  avances  effectives  qu'il  aura  faictes.  Je  remets  à 
M''  de  Noyers  à  vous  escrire  du  particulier  de  la  garnison  de  Metz. 

Il  faut  bien  se  donner  garde  de  retaxer  M'  de  Tholoze.  Il  faut  se 
réserver  celte  pièce  pour  faire  voir  le  zèle  avec  lequel  ces  M"  ont 
considéré  leurs  intérêts  particuliers  pluslosl  que  les  généraux  de 
rÉghse. 

Le  Gard.  *E  RICHELIELi. 

'   Fils  de  feu  le  surintendant  Bulliuii.  de  ravitailler  les  places  de  Catalogne  et 

'   Nous  avons  plusieurs  lettres  de  Riche-  du  Roussillon.   Plusieurs  ont  été   impri- 

lieu  à  l'aichevèque  de  Bordeaux  pleines  niées;    nous    citerons   enti-e    autres  celle 

de  promesses  de    secours,  et  de  recom-  du    12    avril,   notée    ci- après    aux   Ana- 

mandations  pour  empèclier  les  Espagnols  lyses. 


m 


808 


LETTRES 


CCCCVl. 

Bibl.  imp.  Fonlelte,  portefeuille  5a,  n°  8.  —  Original.  — 

Arch.  des  AfiF.  étr.  France,  lôAi,  six  premiers  mois,  fol.  48i.  -^ 

Mise  au  net,  devenue  minute,  de  la  main  de  Cherré,  avec  des  corrections 

de  la  main  de  Charpentier  et  de  celle  de  Richelieu  '.  — 

Même  volume,  fol.  4o4.  —  Original. 

Dépôt  delà  guerre,  t.  65,  pièces  62',  63',  64,  65  \  — 

Expéditions  avec  certaines  modifications  que  rendaient  nécessaires 

leurs  destinations  diverses. 

Bibl.  inip.  Fonds  Dupuy,  t.  ôgo,  fol.  il\b. — Copie. — 

Saint-Magloire,  tome  II,  p.  i655.  —  Copie. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  collection  Conrart,  in-fol.  l.  VII,  p.  1905.  —  Copie.    ' 


SDSCRIPTION 


A  NOS  AMEZ  ET  FÉAUX  LES  GENS 


TENANT   NOSTRE  COUR  DE   PARLEMENT   DE  DIJON. 


DE  PAR  LE  ROI. 


8  juin  i6ii 


Chers  et  bien  amés,  la  crainte  que  nous  avons  que  certains  bruits 
qui  s'espandent  depuis  quelque  temps  des  nouvelles  factions  que 
quelques-uns  de  nos  sujets  taschent  de  faire  pour  troubler  le  repos 
de  nostre  Estât,  vous  donnent  de  l'appréhension^  pour  n'en  sçavoir 


'  Cette  lettre ,  adressée  aux  parlements , 
aux  gouverneurs  de  province  et  autres, 
porte  des  suscriptions  différentes;  celle 
de  l'original  des  archives  des  Affaires 
étrangère  est  :  «  A  ma  cousine  la  princesse 
Marie,  gouvernante  et  ma  lieutenante  gé- 
nérale en  Nivernois.  »  Les  dates  aussi  sont 
diverses,  sans  doute  selon  les  jours  où 
elle  a  été  expédiée ,  tantôt  le  8  juin *,  tantôt 
le  11",  le  12*"  ou  le  i3"".  La  copie  de 
Saint-Magloire  est  datée  fautivement  du 
1 1  avril.  Au  dos  de  l'original  de  Fontette 
on  a  mis  :  «  Veu,  le  17  juin,  les  chambres 

•  CoUection  de  Fontette  et  celle  de  Dupuy. 
"  A£F.  étr.  fol.  4oi. 


assemblées.  »  La  minute  des  Affaires  étran- 
gères, n'ayant  point  de  quantième,  a  été 
classée  à  la  fin  du  mois  de  juin. 

^  «  Dépesche  générale  aux  intendans 
de  la  justice  dans  les  provinces  du  dépar- 
tement de  M^'  de  Noyers,  n 

'  «  Dépesche  générale  aux  principales 
villes  du  département  du  d.  de  Noyers.  » 

'  «  Dépesche  générale  à  M'  le  grand 
maistre  et  autres.  » 

^  «  Pourroient  donner  de  l'apréhension 
à  mes  peuples.   .  »  (Aff.  étr.) 

**'  Dépôt  de  la  guerre. 

•***  Original  de  la  collection  Fontette. 


DU   CARDINAL   DE  RICHELIEU. 


809 


pas  les  parlieularilés,  nous  a  fait  résoudre  de  vous  en  donner  advis' 
el  vous  faire  connoistre  au  niesme  temps  que,  la  descouverte  estant 
un  des  principaux  remèdes  de  tels  maux,  vous  n'avez^,  grâces  à  Dieu, 
rien  à  craindre  des  mauvais  desseins  qui  se  descouvrent  maintenant. 
Dieu,  qui  a  faict  paroistre  en  diverses  occasions  la  singulière  pro- 
tection qu'il  prend  de  ce  roiaume,  a  permis  que  depuis  un  an  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  ont  esté  envoies,  par  les  s"  de  Soubize  et  de  La 
Valette,  pour  corrompre  la  fidélité  de  diverses  personnes  de  nos  sujets, 
soient  tombés  entre  nos  mawis,  et  que  par  leur  moien  nous  ayons 
appris  que  les  d.  s"  de  Soubize  et  de  La  Valette,  faisans  croire  au  roy 
d'Espagne  qu'ils  pouvoient  faire  souslever  quelques-unes  de  nos  pro- 
vinces, quoyque  leur  fidélité  soit  entièrement  asseurée,  traitoient 
avec  luy  pour  faire  avec  ses  armes  une  descente  en  Bretagne,  en 
Aulnis  ou  en  la  rivière  de  Bourdeaux;  que  au  mesme  temps  que  ce 
projet,  ourdi  dès  le  temps  que  la  dame'  de  Chevreuse  estoit  en 
Espagne,  auroit  son  effcct,  on  leur  faisoit  espérer  que  du  costé  de 
Sedan  une  armée,  conduitte  par  d'autres  de  nos  sujets,  entreroit  dans 
la  Cbampagne  ensuitte  des  négociations  faicles  à  cette  lin  par  l'abbé 
de  Mercy*,  qui,  sous  diCTérens  prétextes,  a  faict  diverses  ailées  et 
venues  en  Allemagne,  à  Sedan  et  à  Bruxelles. 


'  t  Je  me  suis  résolu  de  faire  cognoistre 
au  mesme  temps,  ainsy  que  je  fais  par 
une  despesche  généralle,  que  la  descou-' 
verte...  »  (.Aff.  étr.) 

'  «Il  n'y  aura,  grâces...  »  (AIT.  élr.) 
'  La  dame  duchesse  de...  (Dupuy.) 
'  Nous  trouvons  à  la  Bibliothèque  im- 
périale un  fragment  de  lettre  de  cet  abbé 
de  Mercy,  qui  donne  à  l'ennemi  des  ren- 
seignements sur  le  maréchal  de  Châtillon  : 
«  foible  et  avec  de  mauvaises  troupes;  »  qui 
annonce  «  des  merveilles  du  baron  de 
Lambdy  ;  »  qui  indique  la  route  à  suivre  : 
«  qu'on  se  haste ,  dit-il ,  et  qu'on  ne  re- 
larde plus,  p  II  n'y  a  d'autre  date  h  ce 

CARDIN.  DE  RICHELIEU. TI. 


fragment  que  «  ce  dimanche  après  minuit 
1 6i4 1  ;  »  mais  cela  a  dû  être  écrit  peu  avant 
la  bataille  de  la  Marfée  (ms.  de  Bethune, 
9263,  fol.  80.)  —  Par  une  lettre  intercep- 
tée le  duc  de  Bouillon ,  qui  signe  Claude 
le  Batelier,  mande  à  un  sieur  d'Orchimont  : 
«  Je  vous  prie  nous  ffiire  passer  quelqu'un 
la  nuit  prochaine  avec  le  plus  de  particula- 
ritez  qu'il  se  pourra  de  ('estât  de  l'armée  ;  » 
il  montre  par  cette  lettre  même,  datée  du 
16  juin  à  une  heure  après  minait,  qu'il 
a  déjà  les  meilleures  informations.  (  Ma- 
nuscrit de  Béthune  précité.)  Le  manuscrit 
des  Affaires  étrangères  cité  aux  sources 
conserve    (fol.    3()8)    un    interrogatoire 


810  LETTRES 

Nous  aurions  mesprisé  et  teu  ces  desseins  comme  impuissans,  ainsy 
que  nous  avons  faict  depuis  deux  ans  des  sollicitations  faictes  à  des 
mestres  de  camp  tant  de  pied  que  de  cheval  de  nos  armées  pour  les 
faire  manquer  à  la  fidélité  qu'ils  nous  doivent,  les  offres  de  brusler 
nos  vaisseaux,  l'envoi  faict  à  Brest  pour  en  recognoistre  les  moiens, 
et  une  entreprise  sur  Metz,  que  le  duc  de  La  Valette  vouloit  faire 
tomber  entre  les  mains  des  Espagnols  au  préjudice  de  son  propre 
sang,  nosire  cousin  le  cardinal  son  frère,  dont  la  fidélité  estoit  telle 
que  beaucoup  attribuent  sa  mort  au  desplaisir  qu'il  conceut  d'une 
telle  trahison,  si  leur  continuation  ne  nous  fçiisoit  cognoistre  que  ce 
que  nous  attribuyons  au  commencement  à  légèreté  est  une  suite 
d'une  malice  noire  et  enracinée,  à  laquelle  nous  sommes  d'autant 
plus  obligé  de  remédier,  que  ceux  qui  en  sont  autheurs  ont  toujours 
abusé  de  nostre  indulgence. 

Nous  n'eussions  jamais  cru  qu'après  avoir  pardonné  au  comte  de 
Soissons,  nostre  cousin,  la  mauvaise  trame  qu'il  fist  contre  nostre 
service  en  i636,  lorsque  nous  confiions  nos  armes  entre  ses  mains, 
il  se  fust  embarqué  de  nouveau  dans  des  desseins  pareils  à  ceux  qui 
sont  venus  depuis  quelque  temps  à  nostre  cognoissance.  Mais  la 
capture  de  divers  esprits  factieux  envoies  dans  nos  provinces  pour  y 
lever  des  gens  de  guerre  contre  nostre  service,  desbaucher  ceux  qui 

qu'Isaac  de  Laffémas  fit  subir,  le  samedi  vrir  la  cabale  de  son  cousin.  Son  logis  en 

8  juin,  à  une  nommée  Anne  Goberl,  qui  cette   ville  toucbe  la   muraille  de  voslre 

dépose  sur  divers  incidents  des  complots  jardin.  »   Ricbelieu  demanda   le   mot    de 

dont  Sedan  était  le  foyer.  De  toutes  parts  cette  énigme  au  P.  Carré ,  qui  lui  répon- 

venaient  à  Richelieu  les  preuves  des  tra-  dit,  le  25  :  «Pour  response  aux   articles 

mes  ourdies  contre  la  France,  ce  qui  n'a  que  V.  Em.  m'escrit  ignorer,  la  cousine 

pas  empêché  Le  Vassor  de  prétendre  que  du  Sédentaire,  vostre  voisine  à  Paris,  est 

tout  avait  été  fomenté  par  Richelieu.  Quel-  Mad.  la  comtesse  de  La  Rocheguion ,  cou- 

quefois  les  informations  se  trouvaient  en  sine  de  M.  le  comte  de  Soissons.  i.  Mais  ici 

défaut.  Le  P.  Carré  écrivait  au  cardinal,  le  P.  Carré  revient  sur  sa  dénonciation;  il 

le  i4  juin  :  «J'advertis  V.  Em.   quantes  a  vu  deux  fois  M°" de  La  Rocheguion,  et, 

fois  la  cousine  du  Sédentaire  s'estoit  fort  bien  qu'elle  soit  fort  attachée  à  son  cou- 

intriguée  avec  luy,  et  portoit  ceux  qu'elle  sin ,  elle  blâme  sa  conduite  et  prévoit  sa 

pouvoit  à  s'y  lier...  Je  ne  sçay  si  je  la  ruine.  (  Ms.  précité  des  AIT.  étr.  fol.  ^25  et 

dois  aller  voir  aux  champs  pour  descou-  458.) 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU.  811 

sont  enroUés 'dans  nos  troupes,  et  esbranler  la  fidélité  de  nos  sujets, 
les  levées  publiques  qui  se  font  au  Liège  sous  le  nom  et  sous  les 
commissions  de  nostre  dict  cousin; 

Les  hostilités  commises  contre  les  corps  de  garde  establis  par 
nos  gouverneurs  dans  nos  frontières,  jusques  à  tuer  des  soldats  qui 
n'avoient  autre  ordre  que  d'empescher  la  sortie  des  bleds  de  nostre 
royaume; 

L'entreprise  ouverte  sur  le  mont  Olympe,  dont  le  complot  a  esté 
non-seulement  faict  dans  Sedan,  mais  qu'on  a  tasché,  par  deux  ibis, 
d'exécutter  avec  les  troupes  qui  sont  en  cette  place  jointes  à  celles  du 
roy  d'Espagne,  ce  que  la  notoriété  a  faict  cognoistre  à  toute  nostre 
frontière  de  Champagne,  et  qui  est  authentiquement  vérifiée  par 
lettres  originales,  par  la  capture  de  quelques  particuliers  emploies  à 
cette  affaire,  et  par  la  déposition  de  ceux  qu'on  a  voulu  corrompre  à 
cette  fin; 

L'envoy  d'un  nommé  Vaussellc^  à  nostre  très  cher  et  très  amé 
frère  le  duc  d'Orléans,  qui  semble  n'avoir  esté  permis  que  pour  nous 
donner  lieu  de  recevoir  de  nouveaux  tesmoignages  de  la  fidélité  de 
nostre  dict  frère ,  et  des  preuves  d'autant  plus  notoires  de  la  malice 
de  ceux  qui  le  vouloient  perdre,  que  le  d.  Vausselle  estant  tombé 
entre  nos  mains  lorsque,  s'en  retournant  à  Sedan,  il  pensoit  avoir 
esvité  tout  péril,  recognoist  avoir  esté  envoie  pour  faire  sçavoir  à 
nostre  d.  frère  que  le  comte  de  Soissons,  le  duc  de  Guise  et  le  duc 
de  Bouillon  ont  Iraicté  avec  le  cardinal  infant  pour  le  roy  d'Espagne; 
que  le  d.  cardinal  leur  promet  de  notables  sommes  de  deniers,  dont 
ils  ont  desjà  touché  partie  pour  faire  des  levées  de  gens  de  guerre, 
qui,  jointes  à  d'autres  troupes,  doivent  agir  contre  la  France,  et 
qu'au  cas  que  nostre  dict  frère  refuse  le  commandement  de  cette 
armée,  le  d.  s""  comte  de  Soissons  en  doit  estre  le  chef; 

Le  voyage  public  du  duc  de  Guise  à  Bruxelles^,  pour  plus  grande 

'  Le  prisonnier  de  Vincennes,  p.  796.        société  de  Paris  sur  ce  voyage  :  «  M.  de 

*  La  correspondance  de  l'évéque  Ar-        Guise  est  à  Bruxelles. . .  cette  action  passe 

nauld  nous  apprend  l'opinion  de  la  iiaute        pour  une  des   plus   grandes  folies  dont 


812  LETTRES 

seiirelé  de  ce  traiclé,  nous  ont  donné  une  si  claire  cognoissance  de 
ce  donl  nous  estions  bien  aises  de  douter,  que  nous  n'avons  peu, 
sans  manquer  à  ce  que  nous  devons  à  nostre  Estât  et  à  nous-mesmes, 
différer  davantage  de  vous  faire  sçavoir  que  le  dict  comte  de  Soissons, 
les  ducs  de  Guise  et  de  Bouillon ,  s'estant  déclarez  nos  ennemis  par 
les  actions  cy-dessus  spécillées,  actions  d'autant  plus  infâmes  qu'elles 
les  unissent  à  ceux  qui  n'ont  autre  fin  que  la  ruine  de  cet  Estât,  nous 
voulons  qu'ils  soient  recognus  de  tous  nos  sujets  pour  en  eslre 
ennemis  déclarez,  si,  dans  un  mois,  ils  ne  recognoissent  leur  fauUe 
et  n'ont  recours  à  nostre  clémence. 

Comme  le  soin  que  nous  devons  avoir  de  ce  roiaume  nous  oblige 
à  n'oublier  aucune  précaution  nécessaire  à  la  conservation  de  son 
repos,  l'asseurance  que  nous  avons  de  vostre  fidélité  faict  que  nous  ne 
doublons  point  que  vous  ne  faciès  ce  que  nous  pouvons  désirer  de 
vostre  vigilance,  à  ce  que  s'il  se  descouvre  quelques  suittes  de  ces 
malbeureuses  trames  dans  l'estendue  de  voslre  ressort  \  ceux  qui  y 
tremperont  soient  sy  promptement  saisis  que  leurs  mauvais  desseins 
ne  soient  pas  plus  tost  esclos  que  chastiez.  Moiennant  cette  conduitte 
de  vostre  part  et  la  bénédiction  de  Dieu,  à  qui  nous  recognoissons 
devoir  tous  les  bons  succez  qui  nous  arrivent,  nous  ne  craignons 
point  (ie  vous  asseurer  que  la  malice  de  ces  mauvais  esprits  ne  fera 
tort  qu'à  eiix-mesmes,  et  que  vous  en  relirerés^  un  grand  advantage, 
en  ce  que  les  ennemis  de  cet  Estât,  se  destrompans  à  leurs  despcns 


un  homme  pouvoit  esire  capable.  »  (Lettre 
(lu  2  juin.)  Mais  on  ne  se  préoccupait 
guère  d'une  extravagance  de  plus  de  l'ex- 
archevêque  de  Reims.  La  conduite  du 
comte  de  Soissons  était  un  sujet  autrement 
grave  d'inquiétude;  la  même  correspon- 
dance nous  le  dit  encore  :  «  On  ne  parle 
icy  que  de  l'affaire  de  Sedan. . .  tous  les 
lions  François  ne  se  peuvent  consoler  d'y 
voir  M*''  le  comte  embarqué. . .  à  ce  qui 
en  a  paru,  jamais  affaire  n'a  tant  fait 
de  peine  à  M**  le  cardinal.»  (Lettre  du 


28  avril.)  Et  lei"  mai  :  «L'esprit  du  roy 
est  extraordinairement  aigry  contre  M^  le 
comte;  il  faut  prier  Dieu  que  tout  cela  se 
puisse  accommoder,  et  que  la  France  ne 
perde  point  ce  prince ,  qui  luy  peult  rendre 
de  grands  services.  » 

'  «  Dans  l'eslendue  de  voslre  gouver- 
nement. »  (Aff.  élr.  original  adressé  à  la 
princesse  Marie.)  —  «Aux  provinces  où 
vous  estes.»  (Bibl.  imp.  Dupuy). 

'  «  Et  que  mes  peuples  en  retireront. . .  » 
(Aff.  étr.  à  la  prince.sse  Marie.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  813 

(les  espérances  qu'ils  ont  peu  concevoir  jusques  à  présent  des  vaines 
propositions  qui  leur  ont  esté  faictes  par  les  susnommés,  se  rendront 
aussy  disposez  à  une  bonne  paix  qu'ils  s'en  sont  esloignez  jusques 
à  celte  heure,  demandant  ce  bonheur  à  Dieu  de  tout  nostre  cœur,  je 
le  prie,  etc. 

Escrit  à  AbbeviUe,  le  8*  jour  de  juin  i64i'- 


CCCCVII. 

Arcli.  i!e  la  famille  Bouthiilier.  —  Original. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT  DES  FINANCES, 

À  rAHIS. 

D'Abbeville,  ce  8' juin  i6ii. 

Je  vous  ay  faict  response  par  Pajot. 

On  donnera  au  gouverneur  de  Joinville  des  provisions  du  roy.  Il 
s'est  fort  bien  conduit;  vous  tesmoignerés  à  M"  l'ambassadeur  de  Malte 
le  gré  qu'on  luy  en  sçait,  et  aviserés  avec  Mons'  le  chancelier  en 
quelle  forme  il  fault  concevoir  une  dépesche  que  le  gouverneur  de 
Joinville  fera  au  roy,  pour  l'avertir  des  solicitations  que  M'  de  Guise 
lui  a  faict  faire,  en  sorte  que  la  dicte  dépesche  puisse  tenir  lieu  de 
déposition  au  procès. 

J'ay  trouvé  un  expédient  pour  vous  descharger  présentement  de 
l'avance  des  cinq  cens  mile  francs  qu'on  vous  avoit  demandés  pour  les 
gallères.  Consentant  que  le  s''  Le  Picart  se  serve  du  fonds  qu'il  a  entre 
les  mains,  à  moy,  provenant  des  prises  faictes  en  mer.  Je  croy  que 
vous  devés  contenter  M"  des  enquestes  pour  leurs  gages;  il  n'est  pas 
question  de  grande  chose,  et  vous  me  ferés  plaisir  de  leur  tesmoi- 
gner  que  je  vous  en  ay  prié. 

Je  suis  très-aise  que  vous  batliés  monnoye  comme  vous  faictes. 
Vous  vous  asseurerés,  s'il  vous  plaist,  de  mon  affection  pour  l'avenir 
comme  pour  le  passé. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

'  Dans  les  originaux  que  nous  avons  vus ,  la  signature  Louis  est  contresignée  Phelypeaux. 


814  LETTRES 


CCCCVIII. 
Arcli.  de  Condé,  n°  i  lo.  —  Communicalion  de  S.  A.  R.  M*"  le  duc  d'Auiuale. 

A  M.  LE  PRmCE. 

Sjuin. 

Monsieur,  le  s""  de 

S'-Germain  d'Achon  a  fort  contenté  le  roy,  l'esclaircissement  de  beau- 
coup de  difficultez  rapportées  par  un  autre  courrier  qui  i)ous  avoient 
tous  mis  en  peyne. 

M"'  de  Bordeaux  m'escrit  devant  que  les  vaisseaux  de  Provence 
l'eussent  joinct,  que  s'il  reçoit  tant  soit  peu  de  secours  de  ce  costé- 
là,  il  battra  asseurément  les  ennemis.  Ainsy  en  le  prenant  au  mot, 
je  les  tiens  desjà  battus,  puisqiie  de  dix  vaisseaux  qui  avoient  esté 
préparez  à  Toulon  neuf  l'ont  desjà  joinct. 

J'ay  donné  tous  les  ordres  nécessaires  pour  y  faire  aller  encores 
trois  gallères,  qui  est  tout  ce  qui  se  peut  faire  maintenant,  et  tout 
ce  qu'il  a  demandé  luy-mesme.  Il  m'a  escrit  pour  luy  faire  envoier 
5o  milliers  de  poudre,  laquelle  il  recevroit  promptement,  s'il  ne  me 
mandoit  qu'il  n'en  veut  point  de  Provence,  de  façon  qu'il  la  faut  faire 
partir  de  Lyon,  ce  qui  rend  la  voiture  un  peu  plus  longue.  Cependant 
je  vous  supplie,  au  cas  qu'il  en  eust  besoin,  luy  faire  fournir  de  celle 
que  vous  pouvés  avoir,  sur  l'asseurance  que  je  vous  donne  qu'elle 
vous  sera  remplacée  aussy  tost.  Vous  m'obligerés  de  luy  mander  que 
s'il  a  besoin  vous  luy  en  ferés  donner'. 

'  Richelieu   écrivait  à  l'amiral -arche-  ragone;  «il  n'y  a  rien  que  vous  ne  déviés 

vêque  de  Bordeaux ,  le  Sjuin ,  pour  l'infor-  faire  pour  l'aider.  »  Nous  remarquons  cette 

mer  que  M' le  Prince  était  chargé  de  lui  phrase  :  «  Si  je  pouvois  me  rendre  vaisseau 

envoyer  les  poudres  dont  il  avait  besoin;  moy-mesnie,  je  le  ferois  volontiers  pour 

et  le  2  du  même  mois  le  cardinal  lui  an-  vous  ayder  à  faire  teste  aux  ennemis  à  l'a- 

nonçail  l'envoi  de  tout  ce  qu'il  avait  de-  vanlage  du  service  du  roy.  »  —  Il  sera  fait 

mandé;  il  lui  rappelait  l'importance  de  mention  de  ces  deux  lettres  du  cardinal 

l'entreprise  de  M'  de  La  Motte  contre  Tar-  aux  Analyses. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  815 

Si  M""  de  La  Motte  peut  estre  assez  heureux  pour  conduire  à  bonne 
fin  l'entreprise  qu'il  a  faicte  de  faire  périr  l'armée  d'Espagne  dans  Tar- 
ragone,  vous  serés  maistre  de  toutes  choses  dans  le  Roussillon,  c'est 
pourquoy  il  ne  faut  rien  oublier  de  tout  ce  qui  pourra  favoriser  son 
dessein.  J'escris  à  M'  de  Bordeaux  qu'il  face  l'impossible  à  cette  fin, 
et  que  rien  ne  le  divertisse  de  concourir  à  un  si  bon  dessein  tant 
qu'il  le  pourra  faire,  et  j'ay  esté  extrcsmement  aise  d'avoir  sceu  par 
le  s"  de  S'-Gerniain  qu'il  avoit  escrit  à  M"  de  La  Motte  que,  cognois- 
sant  la  valeur  de  son  entreprise  il  faudroit  qu'il  fust  bien  lasche,  et 
bien  peu  affectionné  au  service  du  roy  pour  manquer  à  la  favoriser 
constamment,  empeschant  les  secours  que  les  ennemis  voudroient 
donner  par  mer  à  ceux  de  Tarragone.  De  là  deppend  tout,  et  ce 
qui  est  de  la  Catalogne,  et  ce  qui  est  du  costé  du  Roussillon,  dont 
vous  aurcs  bonne  issue  si  cette  première  affaire  réussit. 

Si  vous  estiés  assez  heureux  pour  gaigner  celuy  qui  commande 
dans  Coulioure,  comme  le  s'  de  S'-Germain  nous  en  a  donné  espé- 
rance, vos  affaires  se  trouveroient  bien  accourcies.  J'en  prie  Dieu  de 
tout  mon  cœur,  ne  désirant  rien  avec  plus  de  passion  que  de  voir  un 
coup  comme  celuy-là,  ensuitte  duquel  nous  puissions  espérer  la  paix. 

Vous  verres,  par  la  lettre  que  le  roy  escrit  aux  parlemens  et  aux 
provinces  sur  le  sujet  de  l'aiTaire  de  Sedan  ',  en  quel  estât  elle  est. 
Je  vous  conjure  de  prendre  garde  à  toutes  les  factions  qui  se  peuvent 
faire  aux  lieux  où  vous  estes,  et  n'en  avoir  pas  pluslost  cognoissance 
qu'elles  ne  soient  chastiées. 

La  ville  d'Aire  est  assiégée.  C'est  une  place  de  très-grande  consé- 
quence, plus  forte  beaucoup  qu'on  ne  crdyoit,  y  ayant  neuf  bastions, 
une  fort  bonne  contrescarpe  fossoyée  et  nombre  de  demyes  lunes. 
A  l'heure  que  je  vous  escris  la  circonvallation  est  formée,  et  j'espère 
tout  bon  succez  de  ce  dessein. 

M'  de  Chaslillon  nous  mande  qu'il  ne  veut  pas  estre  inutile  aux 
lieux  où  il  est,  et  qu'il  fera  tout  ce  qui  se  pourra  entreprendre  de 
ce  costé-là. 

'  Ci-dtssu9,  p.  808. 


8H)  LETTRES 

Les  Hollandois  sont  en  campagne. 

Il  n'y  a  rien  qui  vaille  en  Allemagne. 

Quant  à  l'argent  que  vous  demandés,  iW  do  Noyers  vous  respond 
en  sorte  que  vous  serés  content.  Je  n'ay  point  receu  la  lettre  que 
vous  me  mandés  m'avoir  escrite  sur  le  sujet  de  Mons'  vostre  lilz,  je 
lui  ay  conseillé  de  passer  i  2  ou  1  5  jours  à  Merlou  à  prendre  du  lait 
d'anesse  pour  guérir  sa  toux,  qui  le  travailloit  tousjours  un  peu.  Quant 
à  sa  maison,  je  ne  sçay  en  vérité  personne  qu'on  luy  puisse  conseiller 
de  prendre.  Je  sçay  bien  que  tout  y  va  fort  mal;  estant  capable  de 
beaucoup  meilleures  choses,  vous  sçaurés  bien  y  mettre  tel  ordre 
que  vous  eslimerés  plus  à  propos.  Cependant  si  après  le  siège  d'Aire 
je  puis  descouvrir  quelqu'un  capable  de  le  servir,  je  vous  en  donneray 
avis  et  à  luy  aussy.  Après  cela  il  ne  me  reste  qu'à  vous  asseurer  que 
je  seray  tousjours, 

Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  très  afFectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

Abbeville ,  ce  8'^  juin  1 64 1  • 

Depuis  cette  lettre  escrite  nous  avons  Tait  entrer  un  convoy  dans  la 
circonvallation  d'Aire,  dans  .laquelle  il  y  a  pour  deux  mois  et  demy 
de  vivres  pour  nourir  toute  l'armée. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


817 


CCCCIX. 

Bibl.  imp.  Dupuy,  Bgo.  — Cinq-cents  Colbert,  i56.  — 
Saint-Germain-Harlay,  xUU-  —  Copie.  (Dans  le  dernier  quart  du  vol.  non  colé.) 

MÉMOIRE 

ADRESSÉ  PAR  RICHELIEU  A  L'ASSEMBLÉE  DE  MANTES. 

[Vers  le  lojuin  i64i  '.] 

-  Messieurs,  les  intérests  du  clergé  me  toucheront  tousjours  très- 


'  Nous  donnons  approximativement 
cette  date ,  que  nous  ne  trouvons  point 
dans  les  mss.  La  députalion  fut  reçue  le 
7  juin,  et  le  mémoire  fut  lu  à  Mantes  par 
l'évêque  de  Chartres,  le  12.  On  peut  sup- 
poser que  Richelieu  l'écrivit  le  9  ou  le  10. 

'  Les  députés  expulsés  le  3juin  avaient 
obéi;  ils  étaient  retournés  dans  leurs  dio- 
cèses. Cette  espèce  de  coup  d'état  avait  pro- 
fondément ému,  dans  Paris,  tout  ce  qu'il 
y  avait  d'hommes  s'occupant  alors  des  af- 
faires publiques.  A  Mantes  les  députés  les 
plus  dévoués  ne  pouvaient  se  dissimuler 
que  le  corps  tout  entier  venait  d'être  frappé 
dans  la  personne  de  quelques-uns.  L'é- 
vêque Cohon  lui-même  le  reconnaissait, 
et  aux  premiers  mots  de  sa  lettre  à  l'ar- 
chevêque de  Lyon,  que  nous  citions  tout 
à  l'heure  (p.  8o4) ,  nous  lisons  :  •  L'assem- 
blée du  clergé  se  trouve  maintenant  en 
confusion  et  en  désordre.  »  Il  sentait  le 
besoin  t  de  justifier  ceux  que  l'on  accuse 
d'avoir  été  souples  et  complaisans  aux 
desseins  de  la  cour.  »  La  première  pensée 
de  l'assemblée,  après  l'exil  de  quelques-uns 

*  Extrait  dn  procès-verbal  signé  du  secrétaire  de 
l'assemblée,  La  Barde.  (Arcb.  des  AfT.  étr.  France, 
1 6^1,  six  premiers  mois,  fol.  696.)  L'n  duplicata ,  éga- 

CUIDIII.  DE  RICHELIED. VI. 


de  ses  membres,  fut  de  solliciter  leur  rap- 
pel. tElle  a  jugé  à  propos,  dit  le  procès- 
verbal  ,  d'avoir  recours  à  la  bonté  et  pro- 
tection de  M*'  le  cardinal ,  «  et  envoyant 
vers  le  roi  les  évêques  de  Chartres  et  de 
Nantes,  les  abbés  de  Vie  et  de  Basoches, 
«  leur  a  donné  plein  pouvoir  de  faire  toutes 
les  inslances  nécessaires,  et,  pour  éviter 
toute  difficulté,  est  convenue  de  garantir 
en  tant  que  besoin  seroil  les  d.  seigneurs 
deppulez  de  la  parole  qu'ils  donneront  à 
V.  Ém.  que  les  d.  seigneurs  prélats  estant 
rappelez  et  de  retour  en  l'assemblée  feront 
tout  ce  qui  leur  sera  ordonné  par  icelle".  » 
Etrange  garantie  pour  laquelle  on  n'avait 
pas  demandé  l'aveu  des  bannis,  et  dont  le 
cardinal  se  moquait  quelque  peu.  Com- 
ment, en  effet,  la  députation  était-elle  at- 
tendue à  la  Cour  ?  S'il  en  faut  croire  notre 
relation  :  «Le  vendredy  7  juin,  le  cardi- 
nal vit  le  roy,  qui  estoit  le  matin  sur  son 
lit  travaillé  de  la  goutte,  et  l'entretint  du 
sujet  de  la  députation,  et  préoccupa  son 
esprit  luy  disant  que  cette  députation  n'es- 
toit  que  jeu,  et  tournant  en  risée  ce  que 

lement  signé,  est  au  folio  ^96.  C'est  saus  doute 
l'extrait  qui  fut  apporté  au  cardinal  par  la  dépu- 
tation. 

io3 


818  LETTRES 

sensiblement,  mais  je  dois  distinguer  ceux  des  particuliers  de  ceux 
du  générai,  et  les  intérests  déraisonnables  des  particiUiers  des  justes 
intérests  du  corps  de  l'Eglise. 

Le  sujet  de  vostre  voyage  intéresse  bien  quelques-uns  de  vostre 
corps,  mais  non  pas  le  général;  si  ceux  pour  qui  vous  parlés  se  trou- 
vent blessés,  c'est  seulement  d'eux-mêmes,  ou  tant  qu'ils  ont  agi  sans 
raison  et  contre  la  raison. 

Et  tant  s'en  faut  que  le  procédé  du  roy  intéresse  et  l'Eglise  et  le 
général  du  clergé,  qu'au  contraire  il  luy  est  avantageux  en  ce  qu'il 
apprend  aux  membres  de  ne  se  séparer  pas  de  leurs  corps. 

Depuis  quand  est-ce  que  les  présidents  peuvent  refuser  de  signer 
une  résolution  juridique  d'une  compagnie?  Si  cela  est  supporté,  il 
ne  faut  plus  d'assemblée. 

Ceux  qui  se  sont  séparés  de  cette  compagnie  ont  esté  mus  d'un 
mauvais  esprit  en  leur  conduitle;  le  roy,  faisant  ce  qu'il  a  faict  pour 
réprimer  leur  entreprise,  n'a  eu  autre  motif  que  celuy  de  la  justice 
et  de  l'avantage  de  l'Eglise. 


les  députés  luy  dévoient  dire.  M.  de  Lian- 
court,  genlilbomme  delà  Chambre,  esloit 
présent  et  M.  Jasin?  aumosnier,  el  Picot, 
maistre  de  musique  de  S.  M. . .  »  La  rail- 
lerie de  Richelieu  nous  semble  assez  vrai- 
semblable, toutefois  il  convient  d'ajouter 
que,  malgré  la  citation  de  ces  témoins, 
nous  tenons  cette  relation  pour  suspecte, 
au  moins  dans  certains  détails,  évidem- 
ment controuvés  et  que  nous  ne  rappor- 
terons pas.  Quoiqu'il  en  soit,  les  députés 
n'obtinrent  rien,  et  s'en  retournèrent  avec 
le  présent  mémoire  dont  celte  relation 
nous  donne  la  copie.  — Cependant  la  tem- 
pête soulevée  le  3  juin,  selon  l'expres- 
sion de  Denis  Cohon ,  s'apaisa  peu  à  peu , 
el  l'évêque  d'Auxerre,  l'un  des  plus  ab- 


solument dévoués  à  Richelieu  parmi  les 
prélats  députés,  lui  mandait  le  i3  juin  : 
«  Noslre  assemblée  commence  à  bien  aller, 
j'espère  que  M''  en  aura  satisfaction.  Ceux 
qui  s'en  sont  allez  n'ont  pas  la  voix  des 
peuples. . .  sans  doute  ils  eussent  tousjours 
brouillé...!  (Ms.  des  AIT.  étr.  précité, 
fol.  417.)  Et,  en  effet,  l'affaire  n'éprouva 
plus  que  des  difficultés  sans  importance 
de  la  part  de  l'assemblée,  qui  n'était  plus 
guère  composée  que  de  prélats  qu'on  aurait 
pu  dire  députés  du  cardinal  plus  encoreque 
du  clergé.  On  verra  ci-après  (16  juillet), 
par  une  lettre  adressée  à  Boulhillier,  que 
le  cardinal  prenait  facilement  son  parti  des 
petites  contradictions  qu'il  eut  encore  à  ren- 
contrer dans  les  discussions  subséquentes. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  819 


CCCCX. 

Arch.  de  Condé,  n°  109.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M^''le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

i4  juin. 

Monsieur,  bien  que 

je  vous  aye  desjà  conjuré,  par  une  lettre  que  j'envoyay  par  un  cour- 
rier exprès  pour  attraper  le  s"'  de  S'-Germain  depuis  son  partement, 
de  considérer  que  la  principale  chose  que  vous  avés  à  faire  estoit  de 
fortiffier  M'  de  La  Motte,  en  sorte  qu'il  peust  faire  périr  les  ennemis 
dans  Terragonne  selon  le  dessein  qu'il  en  a  faict;  bien  que  vos  ins- 
tructions générales  vous  facent  cognoistre  que  le  principal  but  que 
vous  devés  avoir  est  celuy-là,  je  ne  laisse  pas  de  vous  dépescher  en- 
cores  ce  courrier  pour  vous  dire  que  tout  ce  que  vous  faictes  dans  le 
Roussillon  estant  inutile  si  vous  n'estes  premièrement  possesseur  de 
Coulioure,  place  qu'on  ne  peut  attaquer  par  force  avec  seureté  sans 
une  armée  navale,  que  vous  ne  pouvés  avoir  qu'après  qu''on  aura  vu 
la  fin  que  pourra  avoir  le  dessein  de  M'  de  La  Motte,  la  seule  chose 
que  vous  ayés  à  faire  présentement  est  de  fortiffier  M'  de  La  Motte 
en  sorte,  et  de  troupes  et  d'argent,  que  la  nécessité  ne  le  puisse  con- 
traindre à  quitter  son  entreprise,  et  qu'il  puisse  battre  les  ennemis 
par  terre  s'ilz  viennent  à  luy  avec  de  nouvelles  forces,  comme  on 
le  dit. 

S'il  alloit  de  ma  vie  en  cette  affaire  je  ne  vous  suplirois  pas  avec 
tant  d'affection  que  je  fais  d'envoyer  de  l'argent  à  M"'  d'Argenson  pour 
faire  subsister  les  troupes,  et  de  nouvelles  forces  à  M""  de  La  Motte 
pour  s'opposer  et  battre  les  ennemis.  Je  vous  en  conjure  par  toutes 
les  considérations  qui  vous  doivent  estre  les  plus  fortes.  Si  quelqu'un 
vous  veut  destourner  de  ce  dessein,  croyés  qu'il  est  ignorant,  ou 
moins  bien  intentionné  qu'il  n'est  à  désirer.  Au  nom  de  Dieu ,  Mon- 

io3. 


820  LETTRES 

sieur,  ne  perdes  pas  un  moment  de  temps  à  faire  ce  dont  je  vous  sup- 
plie. Nous  aprenons  que  M'  de  La  Motte  a  besoin  d'équipage  d'artil- 
lerie, je  vous  prie  de  luy  envoyer  ce  qui  luy  est  nécessaire,  ce  que 
vous  pouvés  d'autant  plus  aisément  que  vous  avés  tout  l'équipage  que 
vous  avés  désiré  de  M"  le  grand  maistre. 

Si  le  dessein  de  M''  de  La  Motte  réussit  par  sa  fermeté,  et  par  la 
constance  que  doit  avoir  M'  de  Bordeaux  à  empescher  le  secours  de 
mer,  les  affaires  du  roy  ne  sauroient  que  bien  aller  cette  campagne. 

Monsieur  d'Anguien  se  porte  fort  bien.  11  se  conduit  sy  bien  icy 
que  vous  devés  estre  content.  Pour  moy,  je  suis  et  seray  tousjours. 

Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
D'Abbeville,  ce  i  A®  juin  i64i- 


CCCCXI. 

Bibl.  du  Louvre.  Emplois  de  M.  d'Argenson,  F  SaB,  t.  X,  fol.  90.  — 

Original. 

SUSCRIPTION : 

A  MONSIEUR  MONSIEUR  D'ARGENSON, 

CON.SEILLER   DC  ROY  EN    SON  CONSEIL  D'ESTAT,  ET    INTENDANT    DE  LA  JUSTICE,   POLICE  ET  FINANCES, 
EN  SON  ARMÉE   DE  CATALOGNE  '. 

ili  juin. 

.Monsieur,  bien  que  j'escrive  à  Mons'  le  Prince  pour  le  conjurer  de 

'  Les  pouvoirs  donnés  à  M.  d'Argen-  nutes  de  la  main  du  premier  commis  de 
son ,  pour  traiter  avec  le  Principal  de  la  guerre ,  portant  même  date  que  les  pou- 
Catalogne,  sont  datés  du  i8  février;  ils  voirs,  sauf  la  deuxième  lettre,  qui  est  du 
se  trouvent  au  Dépôt  de  la  guerre,  ainsi  1"  mars;  ces  pièces  sont  cotées  /io3,  /loi, 
que  son  instruction,  et  deux  lettres  du  roi  4o5  et  ^07. 
au  Principat.  (Tome  63.)  Ce  sont  des  mi- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  821 

ne  laisser  manquer  M'  de  La  Motte'  ny  d'argent,  ny  d'artillerie,  ny 
d'hommes,  s'il  en  a  besoin,  je  vous  fais  ces  trois  mots  pour  vous  prier 
de  l'en  soliciter  puissamment,  de  ma  part,  en  toutes  occasions.  Ce- 
pendant j'envoie  trente  mile  francs  de  mon  argent  à  M'  de  La  Motte 
pour  s'en  servir  aux  rencontres  les  plus  pressées.  Pourveu  que  Mons' 
le  Prince  n'en  sache  rien  (ce  qu'il  luy  faut  cacher  absolument^),  et 
qu'on  aye  soin,  lorsqu'on  aura  entamé  ce  fonds,  de  le  remplacer 
quand  mon  d.  s'  le  Prince  aura  envoie  l'argent  du  roy,  on  aura  tous- 
jours  cette  somme  devant  soy  pour  subvenir  aux  nouvelles  nécessitez 
qui  pourront  arriver.  Je  vous  conjure  de  n'oublier  rien  de  tout  ce  qui 
peut  favoriser  l'exécution  des  bons  desseins  du  roy,  et  vous  asseurer 
que  je  suis. 

Monsieur, 

Vostre  très  aSectionné  à  vous  rendre  service. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

D'Abbeville,  ce  1 4*  juin  16A1. 


CCCCXII. 
Arch.  de  la  famille  Bouthillier.  —  Original. 

SnSCRlPTION : 

POUR  MONSIEUR  LE  SURINTENDANT, 

À    PARIS. 

D'Abbeville ,  ce  19*  juin  lôiii. 

Je  suis  très-aise  que  vous  ayés  envoie  les  commissaires  pour  la 

'  Outre  la  lettre  à  M.  le  prince,  Riche-  prise  (le  siège  de  Tarragone),  je  le  ferois 

lieu  écrivit  encore  le  même  jour  à  M.  de  trè.s-volontiers.  » 

La  Motle-Houdancourt  une  lettre  qui  n'est  '  Le  secret  ne  fut  point  gardé  ;  le  prince 

guère  qu'une  répétition  de  celle-ci;  nous  de  Condé  sut  que  Richelieu  avait  envoyé 

la  renvoyons  aux  Analyses.  On  y  remarque  de  l'argent  sans  lui  en  parler,  et  il  écrivit 

cette  phrase  :  •  Si  je  pouvois  donner  de  à  ce  sujet  au  cardinal.  (  Ci-après ,  p.  849-  ) 


iiK>n  sang  pour  faire  réussir  vostre  entre- 


822 


LETTRES 


subvention.  Estant  sages  et  bien  instruicts  ils  mesnageront  les  aflec- 
tions  des  peuples  au  lieu  de  les  aigrir^. 

Je  n'empesche  pas  que  vous  n'envoyés  en  Bretagne  aux  mesmes 
fins,  mais  je  vous  prie  de  sy  bien  choisir  celuy  que  ^ous  y  envoyerés, 
qu'estant  personne  agréable,  adroit,  et  cognoissant  les  humeurs  du 
pays ,  il  puisse  faire  réussir  doucement  ce  que  vous  désirés. 

Les  prétentions  d'Heuff  dont  vous  m'escrivés  ne  sont  pas  raison- 
nables ^. 

Le  s"  Loppes  a  tort  de  vouloir  faire  passer  pour  ^"^ÇÇ**  de  toilles 
furtivement  et  sans  payer,  et  bien  plus  de  faire  forcer  les  gardes; 
telle  entreprise  n'est  pas  à  souffrir. 

Les  gages  du  conseil  de  M.  de  Bordeaux  ne  peuvent  estre  refusés 
en  ce  temps. 

Quant  aux  autres  dont  vous  m'escrivés,  la  prétention  n'en  est  pas 
trop  juste,  mais  je  sçay  bien  qu'il  y  a  beaucoup  de  choses  dont  on 
ne  peut  se  garantir. 

La  procédure  du  Picart  ^  et  la  demande  qu'il  vous  faict  des  inté- 
rests  de  l'avance  des  cinq  cens  mil  livres  pour  les  gallères  n'est  pas 
bonne.  Je  luy  en  ay  escrit  comme  il  fault. 

Je  vous  prie  d'employer  l'argent  que  vous  eussiés  donné  pour  ces 
intérestz  à  faire  fonds  pour  cinq'^  miliers  de  poudre  que  M"  de  Bor- 


'  Parmi  les  plaintes  que  Richelieu  re- 
cevait de  toutes  parts  à  ce  sujet,  nous 
distinguons  cette  lettre  de  son  oncle  le 
commandeur  de  la  Porte  :  »  Je  suplie  très- 
humblement  V.  Ém.  quelle  commande 
que  les  commis  pour  l'establissement  de 
ce  nouvel  impost  (le  sou  pour  livre)  n'a- 
busent de  leur  commission,  et  qu'ils  n'ex- 
lorquent  plus  que  ne  portera  le  tarif.  M.  de 
Viliemontée*  vient  d'arriver  de  Xainles 
pour  l'establir.  V.  Em.  feroit   un   coup 


digne  d'elle  faisant  diminuer  de  fort  peu 
la  laille  pour  faire  supporter  doulcemenl 
ce  nouvel  establissement  au  peuple,  qui 
cognoistra  qu'il  n'y  a  que  les  riches  à  le 
payer.  »  Lettre  du  17  juin  **;  mais  Riche- 
lieu ne  l'avait  pas  encore  reçue  au  moment 
où  il  écrivait. 

'  Bouthillier  a  écrit  ici  pour  expliquer 
la  pensée  :  «C'est  touchant  le  sol  pour 
livre  de  poudre,  i' 

^  Payeur  de  la  marine. 


*  C'était  un  intendant  de  province.  —  **  Arcli.  des  Aff.  étr.  Portugal ,  tome  I ,  fol. 


99- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  823 

deaux  nous  demande  avec  telle  presse  qu'il  semble  que  tout  est  perdu 
sans  cela. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCXIII. 

Arch.  de  Condé,  n°  112.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M^  le  duc  d'Aumale.  — 

Copie. 

A  M.  LE  COMTE  DE  GRAMMONT. 

20  juin. 

Monsieur,  j'adjouste  ces  trois  mots  à  la  lettre  que  je  vous  escrip- 
vis  ces  jours  passés  ',  pour  vous  tesmoigner  encore  de  nouveau  ie 
contentement  que  j'ay  d'avoir  aprins,  par  M' i'évesque  de  Bayonne,  la 
laçon  avec  laquelle  vous  vous  estes  comporté  dans  l'occasion  de  l'émo- 
tion qui  arriva  dernièrement  dans  vostre  ville,  et  le  courage  avec 
lequel  vous  vous  estes  employé  pour  empescher  qu'elle  n'eust  aucune 
suitte.  S.  M.  qui  est  extraordinairement  satisfaicte  de  vostre  conduitte 
dans  ce  rencontre,  se  promet  que  vous  sçaurés  mesnager  de  sorte 
les  esprits  de  vos  bourgeois  qu'ils  demeureront  dans  leur  devoir  à 
l'advenir;  ce  que  je  soubaitte  pour  leur  propre  advantage.  Vostre 
cher  héritier  se  porte  fort  bien^;  il  faict  paroistre  le  courage  des 
Gramonts  au  siège  d'Aire,  dont  j'espère  que  nous  aurons  un  heureux 
succez.  Asseurés-vous  de  mon  affection  pour  tousjours,  et  que  je 
suis  véritablement 

Voslre  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DUC  DE  RICHELIEU  \ 

A  Abbeville,  ie  20  juin  i64i- 

'  Je  n'ai  pas  cette  première  lettre.  '  Nous  avons  déjà  rencontré  celte  signa- 

''  Le  comte  de  Guiche,  parent  du  car-  ture  dans  une  lettre  tirée  d'un  recueil  im- 

dinal  par  son  alliance  avec  M'"*  de  Pont-  primé.  (  Voy.  t.  IV,  p.  78 ,  noie  1 .)  Je  ne  crois 

château.  pas  avoir  vu  aucun  original  signé  ainsi. 


824  LETTRES 


CCCCXIV. 
Arch.  de  la  famille  Bouthillier.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT  DES  FINANCES, 

À  PARIS. 

D'Abbeviile ,  ce  2  î"  juin  1 64  1 . 

J'ay  veu  les  mémoires  que  vous  m'avés  envoyés  touchant  l'afifaire 
de  Bayonne.  Je  ne  doute  point  que  les  habitants  n'ayent  beaucoup 
de  tort,  et  qu'ils  ne  méritent  chastiment,  mais  le  temps  ne  permet 
pas  d'y  penser.  Je  suis  très-aise  que  vous  ayés  accomodé  cette  affaire. 

r&y  escrit  à  M"  de  Chartre  touchant  l'affaire  de  Malte  K  Ce  que 
vous  me  proposés  sur  ce  sujet  me  semble  raisonnable;  reste  à  ces 
M"  de  le  vouloir  faire. 

Je  suis  bien  aise  de  vostre  voiage  des  Caves  puis  qu'outre  l'inté- 
rest  du  service  du  roy,  vous  n'aurez  pas  esté  fasché  de  voir  vostre 
maison  et  Madame  Bouthillier,  que  je  suis  bien  aise  estre  deshvrée 
de  l'apréhention  qu'elle  a  eue  en  y  allant.  Je  la  conjure  de  se  con- 
server, et  vous  de  croire  que  je  suis  ce  que  j'ay  tousjours  esté. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCXV. 

Bibl.  imp.  Dupuy,  6/19,  fol.  271.  —  Copie ^  Fontanieu,  P.  t.  igi.  —  Copie. 

Cinq-cents  Colbert,  vol.  A87,  fol.  2o4.  —  Copie. 

Saint- Germain -Harlay,  S^g,  pièce  A3.  —  Copie. 

Bibl.  de  l'Arsenal,  collect.  Conrart,  in-fol.  t.  7,  p.  1909.  —  Copie. 

A  MONS"  LE  MARESCHAL  DE  CHASTILLON. 

22  juin  '. 

Monsieur,  vostre  garde  s'en  retournant  vous  retrouver,  je  vous  fais 

Bouthillier  a  mis  au  dos  :  «  Touchant       je  suis  celle  de  Dupuy,  laquelle  est  de  la 
la  taxe  de  Messieurs  de  Malthe.  »  main  de  Bouquet  et  la  meilleure. 

Les  diverses  copies  sont  peu  exactes;  '  Richelieu  avait  écrit  le  12  au  mare- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  825 

cette  lettre  pour  vous  dire  que  le  temps  et  l'occasion  de  faire  le  siège 
de  Bouillon,  auparavant  que  les  ennemis  eussent  assemblé  leurs 
forces,  est  maintenant  perdu.  Comme  il  n'y  a  plus  d'aparence  de  pen- 
ser à  cette  affaire ,  ainsy  que  vous  jugerés  aussy  bien  que  moy,  il  n'y 
a  pas  lieu  non  plus  de  penser  à  la  circonvallation  de  Sedan.  N'estant 
plus  question  d'avoir  présentement  ces  deux  desseins,  il  semble  que, 
si  vous  ne  pouvés  attaquer  le  corps  de  Lamboy  ou  de  Gildas  séparé- 
ment, vous  n'avés  autre  cliose  à  faire,  en  attendant  le  renfort  que  le 
roy  vous  mènera  en  personne,  en  Champagne,  après  la  prise  d'Aire, 
qu'à  vous  mettre  en  lieu  où  vous  puissiés  empescher  que  les  ennemis 
n'entrent  en  France,  et  conserver  vostre  corps  sain  et  entier  jusques 
à  la  venue  de  Sa  Majesté.  Ce  n'est  pas  que,  s'il  se  présente  quelque 
autre  occasion  ou  chose  à  faire  si  manifestement  advantageuse  que 
l'événement  ne  semble  pas  doubteux,  le  roy  ne  trouve  bon  que  vous 
l'entrepreniés;  mais,  à  moins  d'un  grand  avantage,  du  tout  évident, 
il  ayme  mieux  que  vous  empeschiés  aux  ennemis  l'entrée  de  la 
France,  et  que  vous  conserviés  vos  trouppes,  en  attendant,  (jue  de 
faire  autre  chose.  C'est  donc  à  vous  à  suivre  ses  intentions;  à  quoy 


chai  de  Cliàliiion  ;  il  lui  disait  :  «  Le  roy 
vous  envoie  M'  Fabcrl  pour  vous  faire  co- 
gnoistre  de  nouveau  qu'il  approuve  bien 
le  dessein  que  vou<  luy  avés  proposé  pour 
Sedan,  mais  qu'il  veut  auparavant  qu'on 
prenne  Bouillon. . .  sa  pensée  est  si  raison- 
nable que  c'est  à  vous  à  faire  voir  qu'en 
y  déférant  vous  déférés  à  la  raison...  Sou- 
venez-vous, M',  qu'il  y  va  du  vostre  de 
laisser  les  armes  du  roy  oisives  lorsque 
vous  pouvés  les  faire  agir  contre  des  gens 
qui  entreprennent  des  choses,  à  vostre 
vue,  qu'ils  ne  sçauroient  soustenir. .  .  • 
■(Aux  Analyses.)  Cet  avertissement  n'avait 
point  fait  cesser  l'inaction  du  maréchal; 
et  maintenant  que  l'armée  du  comte  de 
Soissons  et  de  M.  de  Bouillon  avait  eu  le 
temps  de  se  rassembler,  Hichelieu  recom- 


CARDIX.  DE  niCHLLIEU. 


mande  an  maréchal  la  plus  grande  cir- 
conspection. Le  maréchal  semble  n'avoir 
pas  tenu  plus  de  compte  de  cet  avis  que 
de  l'autre,  et  il  engagea  la  bataille  de  Se- 
dan (la  Marfée)  dans  des  conditions  défa- 
vorables, si  l'on  en  croit  Puységur;  on  sait 
qu'il  la  perdit.  C'était  le  6  juillet,  quatorze 
jours  après  que  celte  lettre  fut  écrite.  Ce- 
pendant Richelieu,  de  son  côté,  aussitôt 
que  la  complicité  du  duc  de  Bouillon  fut 
avérée,  avait  fait  envoyer  une  commission 
du  roi  au  parlement,  à  l'efl'et  de  «procé- 
der pour  crime  de  lèze-majesté  contre  le 
duc  de  Bouillon  et  M.  de  Guise.  »  (La  pièce 
est  en  copie  aux  AflF.  étr.  France,  I.  97, 
fol.  9.)  Et  la  Gazette  du  6  juillet  annonçait 
que  «  le  chancelier  avait  été  au  parlement 
les  3  et  5  du  mois  pour  faire  le  procès.  « 

lOl, 


826  LETTRES 

je   vous   convie    autant   que  je   puis,   et    de    me    croire  tousjours, 
Monsieur, 

Vostre  très  bumble  et  aiTectioiiniï  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
D'Abbeville,  ce  2  2"=  juin  i6Ai. 


CCCCXVI. 
Arch.  de  Condé,  n°  111.  —  Cominunicalion  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Auraale.  — 

Original. 

A  MADAME  LA  PRINCESSE. 

24juin- 

Madame, 

Craignant  que  vous  ne  soyés  en  peyne  de  M'  d'Anguin,  je  prend.s 
la  plume  pour  vous  dire  qu'il  est  depuis  deux  jours  à  Hesdin,  en  at- 
tendant que  M'  de  La  Meilleraie  luy  puisse  envoyer  une  escorte  pour 
se  rendre  seurement  à  l'armée,  à  quoy  vous  pouvés  croire  qu'il  ne 
manquera  pas.  Il  est  party  d'icy  en  très-bonne  santé  ',  et  s'y  est  con- 
duit avec  tant  de  jugement  et  de  prudence  que  vous  n'en  devés  pas 
avoir  peu  de  satisfaction^.  Pour  moy,  Madame,  j'en  auray  tousjours 
beaucoup  de  vous  faire  cognoistre,  par  elTects,  la  sincérité  avec  la- 
quelle je  suis  véritablement. 
Madame, 

Vostre  très'humble  et  très  aOectioimé  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RIGHELIEU. 
D'Abbeville,  ce  2/1  juin  i64i. 

Le  duc  d'Eiighien  relevait  d'une  ma-  témoignages  à  la  jjrincesse  de  Condé,  qui 

ladie  qui  avait  donné  beaucoup  d'inquié-  lui  répondait  le  21  juin  :  « . . .  Vous   m'a- 

tude  à  sa  mère.  Je  lis  dans  une  lettre  de  vez  donné  une  grande  joie  de  m'avoir  asu- 

l'abbé  de  la  Rivière  à  Cliavigni,  écrite  de  rée  que  mon  fils  se  conduit  au  gré  de 

Blois  le  22  juin.  « ...  Nous  attendons  dans  M.  le  cardinal,  et  qu'il  luy  faict  ionneur 

dix  jours  madame   la  princesse,  qui  va  de  lemer;  je  vous  asure  que  set  la   pins 

rendre    à   NosIre-Dame-des-Ardilliers    le  grande  pasion  que  j'aye  que  mon  Cils  se 

vœu  qu'elle  a  faict  pour  la  santé  de  M*'  le  rande  digne  de  ses  bonnes  grases.  Je  vous 

duc  Danguin.  »  (Arch.  des  Aff.étr.  France,  suplie,  Monsieur,   de  luy   donner  quel- 

i64i ,  six  premiers  mois,  fol.  456.)  que  fois  vos  avis,  je  vous  en  oré  une  ex- 

Cliavigni  avait  déjà  donné  ces  bons  tresme  obligasion.»  (Ms.  précité,  fol.  45o.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


827 


CCCCXVII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  derniers  mois,  fol.  26.  — 
Minute  en  partie  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  LE  CHANCELIER. 

Du  «juillet  i64i. 

Les  ennemis  ont  envoyé  demander  permission  de  faire  passer  le 
corps  de  M"  le  Comte  '.  On  estime  la  response  que  doit  faire  M'  de 
Chastillon  estre  qu'il  n'a  pas  pouvoir  de  donner  cette  permission, 
mais  que,  dans  trois  jours  que  le  roy  sera  à  Rheims,  il  luy  en  fera 
la  proposition. 

Le  roy  estant  à  Rheims,  si  on  faict  encore  la  mesme  demande-,  on 


'  La  bataille  de  la  Marfée  avait  été  livrée 
le  6  ;  le  comte  de  Soissons  y  fut  tué ,  et  l'on 
ignore. encore  aujourd  hui  comment  il  suc- 
comba. Le  P.  Griffet  a  résumé  avec  soin 
les  témoignages  contemporains  ;  il  a  cité 
les  documents  divers,  et  n'a  pu  jeter  au- 
cune lumière  sur  cet  obscur  événement. 
A  ces  témoignages  ajoutons  celui  de  Fn- 
bert,  l'un  des  généraux  de  l'armée  de 
Champagne;  il  écrivait  le  9  juillet  à  M.  Ta- 
lon ,  prieur  de  S'-Paul  "  :  «  La  bataille  estoit 
perdue  lorsque  les  gens  d'armes  de  la  reyne 
et  de  Monsieur,  au  nombre  de  220  mais- 
tres,  chargeant  l'aisle  gauche  des  enne- 
mis, la  rompirent  toute,  et  M.  le  Comte, 
qui  estoit  derrière  la  cavalerie,  qui  s' estoit 
couverte  de  l'infanterie,  fut  tué  en  cette 
charge.  »  Celte  lettre  très-curieuse  ne  nous 
semble  pas  avoir  été  connue  des  histo- 
riens. Le  P.  Griffet  nomme  bien  Faberl, 
mais  il  lui  fait  dire  tout  autre  chose. 

'  La  demande  fut  faite  de  nouveau  par 
M.  de  Longueville,  qui  envoya  un  de  ses 
gentilshommes,  M.  de  la  Croisette,  vers 


le  cardinal.  Il  le  suppliait  d'obtenir  du 
roi  que  le  corps  de  son  parent  fût  rendu 
à  -sa  famille.  A  cette  lettre ,  datée  de  Co- 
lomniiers  le  9  juillet ,  Richelieu  répon- 
dit le  1 1,  au  nom  de  Louis  XIII  ;  «  Que, 
M.  le  Comte  ayant  esté  rebelle  à  sa  patrie 
et  à  son  roy,  la  plus  grande  bonté  dont 
S.  M.  puisse  user  envers  luy  est  de  laisser 
son  corps  où  il  a  commis  son  crime,  afin 
que  la  mémoire  de  sa  faute  y  soit  ense- 
velie avec  luy,  »  et  le  cardinal  terminait 
sbn  billet  par  quelques  paroles  de  condo- 
léance. 11  écrivit  à  la  mère  du  prince  une 
lettre  beaucoup  plus  sèciie  :  «Madame,  lui 
disait-il ,  je  ne  sçaurois  assez  vous  faire 
cognoistrc  le  desplaisir  que  j'ay  tou.sjours 
eu  de  ce  que  vous  n'estiés  pas  maistresse 
des  volonlezde  M.  vostrefils;  s'il  vous  eust 
voulu  croire,  vous  n'auriés  pas  l'affliction 
que  sa  faute  et  sa  mort  vous  donnent  tout 
ensemble.  Je  supplie  Dieu  de  tout  mon 
ca'ur  qu'il  luy  plaise  vous  consoler.  «  (Ms. 
cité  aux  sources,  fol.  35,  87,  61.)  La  com- 
tesse de  Soissons  répondit  au  cardinal  sur 


*  Lettre  autographe,  conservée  à  ta  BiblJotIu-(|uc  impériale,  fonds  dit  Supplément  français  ^  920'. 

ici. 


^ 


828  LETTRES 

croit  que'  Sa  Majesté  peut  respondre  que,  M'  le  Comte  ayant  esté 
rebelle  à  sa  patrie  et  à  son  roy,  la  plus  grande  bonté  dont  il  puisse 
user  envers  luy  est  de  laisser  son  corps  où  il  a  commis  son  crime,  afin 
que  la  mémoire  de  sa  faute  y  soit  ensevelie  avec  luy. 

M"'  le  chancellier  mandera  quel  est  son  advis  sur  ce  sujet,  et  fera 
regarder  par  les  S"  de  Godefroy  et  du  Puy  si  les  registres  ne  nous 
apprendront  rien  en  cette  matière.  Il  n'oubliera  rien  aussy  de  ce  qu'il 
faut  faire  maintenant  pour  faire  condamner  le  crime  du  deffunct^; 
chose  du  tout  nécessaire^,  et  d'autant  plus  aisée  que  la  bataille  est 
une  preuve  notoire  du  crime,  et  qu'on  se  porte  plus  aisément  à  agir 
contre  un  mort  que  contre  un  vivant. 

M""  le  chancellier  me  fera  prompte  response  '. 


le  même  Ion ,  !ui  faisant  entendre  qu'elle 
n'avait  pas  besoin  de  ses  lettres  de  condo- 
léance :  «M',  écrivait- elle,  je  croy  que 
vous  ne  doutez  point  que  ma  douleur  ne 
soit  exlresmç  et  qu'elle  surpasse  tout  ce 
qui  se  peut  imaginer;  c'est  pourquoy  je 
supplie  la  divine  bonté  de  me  donner  la 
force  de  la  pouvoir  supporter.  C'est  d'elle 
de  qui  je  l'attends ,  et  à  qui  je  la  demande , 
et  à  vous,  de  croire,  etc.  ^  (Mss.  de  Bé- 
tliinie,  926/J,  fol.  i54',  copie  sans  date.) 
Une  lettre  du  roi ,  dictée  sans  doute  par 
Richelieu ,  est  un  peu  moins  dure  que  celle 
(lu  ministre;  elle  est  dalée  du  17  juillet; 
ce  doit  être  aussi  la  date  de  la  lettre  de 
Hichelieu.  Quelques  mois  après,  le  car- 
dinal visita  madame  la  Comtesse  après 
avoir  fait  pressentir  si  elle  l'aurait  agréable  : 
1  Elle  estoit  sur  son  lict  (mande  Arnauld 
le  i"  décembre)  et  ne  respondit  aux  com- 
plimens  que  par  ses  larmes.  » 

'  a  On  croit  que,»  de  la  main  du  car- 
dinal. 

'  «Chose  du  tout  nécessaire,  n  (Idem.) 
Ici  Charpentier  a  pris  la  plume. 


'  Je  n'ai  pas  trouvé  la  réponse  du  chan- 
celier, mais,  aCn  de  satisfaire  à  cette  né- 
cessité invoquée  ])ar  le  cardinal,  des  lettres 
patentes  furent  adressées  au  parlement  le 
20  juillet,  «  pour  faire  le  procès  a  la  mé- 
moire du  comle  de  Soissons,  tué  à  la 
journée  de  Sedan.»  On  y  rappelle  les 
poursuites  dirigées  contre  les  ducs  de 
Guise  ef  de  Bouillon,  et  bien  que  dès 
lors  (dit  le  roi)  «nous  eussions  certaine 
cognoissance  des  mauvaises  intentions  du 
défunt  comte  de  Soissons,  et  que  nous 
n'ignorassions  pas  qu'il  fust  complice  de 
leurs  crimes,  et  mesmo  plus  coupable 
qu'eux,  estant  l'auteur  et  le  chef  du  party 
qui  se  formoit  au  préjudice  de  nostre Estât, 
néanmoins  nous  avions  résolu  de  faire 
surseoir,  pour  un  temps ,  à  faire  procéder 
contre  luy,  pour  luy  donner  moyen  de  se 
recognoistre  et  avoir  recours  à  nostre  clé- 
mence, désirant  le  conserver  comme  un 
prince  de  nostre  sang.  Mais,  au  lieu  de  re- 
cognoistre sa  faute ,  ce  prince ,  allié  des 
Espagnols,  s'est  mis  en  révolte  ouverte.  Et 


néanmoins  comme  il  a  pieu  à  Dieu  de  punir 

•  Au  verso  se  trouve  la  réponse  de  madame  la  Comtesse  au  roi. 


DU   CARDINAL  DE   RICHELIEU. 


829 


CCCCXVIII. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i64i,  six  derniers  mois,  fol.  29.  — 
Original  de  la  main  de  Charpenlier  et  de  celle  de  Clierré'. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT, 

À  PAnis. 

De  Péronue,  ce  9' juillet  i64i. 

Mons'  de  Chaslillon  s'est  laissé  battre;  M'  le  'Comte  y  a  esté  tué- 


son  crime  par  sa  mort,  nous  nous  serions 
volonliers  relasché  de  la  rigueur  qu'il  mé- 
rite; mais  ce  que  nous  devons  à  nostre 
Estât  ne  nous  permettant  pas  de  suivre 
les  sentiraens  de  la  nature,  il  nous  est 
impossible  de  nous  dispenser  de  la  sévé- 
rité des  loix,  qui  veulent  que  la  punilion 
des  crimes  de  Lèse-Majesté  ne  se  termine 
pas  à  la  personne  de  ceux  qui  les  com- 
metlent,  mais  s'élendent  jusques  à  leur 
mémoire.  A  ces  causes  nous  vous  man- 
dons et  ordonnons  par  ces  présentes,  si- 
gnées de  nostre  main ,  que  sur  les  charges 
et  informations  sur  lesquelles  vous  avez 
cy-devant  décrété  contre  les  ducs  de  Guise 
et  de  Bouillon ,  ensemble  sur  les  autres 
qui  pourroicnt  estre  faictes  à  la  requeste 
de  nostre  procureur  général ,  vous  ayés  à 
faire  le  procès  extraordinaire  à  la  mémoire 
dudict  comte  de  Soissons  et  procéder  au 
jugement  d'iceluy,  toutes  autres  affaires 
cossanles*.  »  Cependantces  lettres  patentes, 
dressées  par  le  chancelier  sous  l'inspiration 
du  cardinnl  et  fous  l'impression  de  l'effroi 
qu'avait  causé  la  prise  d'armes  du  comte  de 
Soissons,  ne  furent  pas  suivies  d'effet;  la 
mort  de  M'  le  Comte  suffisait  à  Richelieu. 


Impitoyable  dès  qu'il  croyait  avoir  quelque 
chose  à  craindre  pour  l'Etat  ou  même  pour 
sa  personne,  on  l'a  vu  aussi  dédaigner 
des  rigueurs  sans  profit.  Et  puis  il  crut 
prudent  dans  cette  circonstance  de  ne  pas 
irriter,  par  une  exécution  aussi  odieuse 
qu'inutile,  les  nombreux  amis  du  prince 
mort.  Si  l'on  en  croit  le  témoignage  de 
Puységur,  ce  fut  le  cardinal  lui-même 
qui  lui  aida  à  obtenir  du  roi  d'être  clé- 
ment envers  ce  cadavre,  que  Louis  XIII 
s'obstinait  à  faire  traîner  sur  la  claie,  et 
ce  fut  sur  les  instances  de  Puységur,  ap- 
puyées p«T  Richelieu  et  par  de  Noyers, 
que  le  roi  consentit  à  arrêter  les  pour- 
suites. Le  duc  de  Bouillon  en  faisait  d'ail- 
leurs une  des  conditions  de  l'arrangement 
conclu  avec  lui  (ci-après,  p.  853).  M"*  la 
Comtesse  put  alors  faire  inhumer  son  lil» 
à  Gaillon,  dans  la  sépulture  de  sa  fan)ille. 
Le  P.  Griffet,  adoptant  le  témoignage  de 
Puységur,  raconte  la  scène  curieuse  qui 
se  passa  à  cette  occasion  dans  le  cabinet 
du  roi.  (T.  III,  p.  369.) 

'  Cherré  a  pris  la  plume  à  la  seconde 
ligne. 

'  Les  deux  nouvelles  ne  parvinrent  pas 


Arcb.  des  Aff.  élr.  France ,  1 6i  1 ,  si»  derniers  mois ,  toi.  111,  copie.  —  BibKothèque  de  l'Arsenal ,  collec- 
lion  Conrart ,  in-(bl.  t.  8 ,  p.  igSS,  copie. 


830 


LETTRES 


Le  roy  part  pour  aler  à  Rheinis  empescherle  cours  des  mauvais  des- 
«eins  des  ennemis. 

J'escris  à  M"^  le  chancellier  d'une  affaire  dépendante  de  ce  que  des- 
sus, dont  vous  commvmiquerés  ensemble.  Il  faut  qu'il  y  ait  aux  affaires 
de  l'amer  et  du  doux  ^ 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

délivré,  il  recevait  de  tous  côtés  des  avis 
qui,  bien  que  visiblement  exagérés,  pou- 
vaient lui  donner  à  penser  que  le  péril 
avait  été  plus  grand  qu'il  ne  l'avait  cru. 
Tubeuf,  homme  assez  considérable  dans 
les  finances ,  mandait  à  Chavigni  dès  ie  9  : 
«  La  déroute  de  M.  de  Chastillon  avoit  un 
peu  estonné  ce  matin  les  esprits  de  celte 
ville,  mais  la  mort  de  M.  le  comte  de 
Soissons,  dont  la  nouvelle  est  arrivée  à 
midi ,  les  a  restablis.  »  —  a  Si  M.  le  Comte 
n'eust  esté  tué  (écrivait  quelques  jours 
après  au  cardinal  le  P.  Carré ,  l'un  de  ses 
espions  les  plus  féconds  en  rapports) ,  il 
eust  esté  bien  receu  de  la  moitié  de  Paris; 
c'est  le  sentiment  commun  de  tout  le 
monde,  et  que  toute  la  France  se  fust 
joincte  à  luy,  à  cause  du  sol  pour  li\re  et 
autres  vexations  que  les  partisans  font  au 

peuple,  qui  est  très  mesconteni »   Le 

P.  Carré  écrivait  encore  :  «  .  .  Deux  liommes 
bien  faits  apprenant  la  niortde  M. leComte... 
ont  dit  que  Messieurs  de  Monlauban  les 
avaient  envoyés  pour  asseunr  led.  S'  Comte 
de  leur  t  ille. . .  »  El  puis  il  mettait  en  scène 
le  duc  de  Vendôme,  "  pour  lequel  la  Nor- 
mandie s'alloit  armei'.  »  Une  autre  fois,  il 
donnait  cette  preuve  de  la  liaison  intime 
du  duc  d'Orléans  avec  feu  M.  le  Comte  ; 
«  Une  personne  suivante  de  Mademoiselle 
a  dit  que  M.  son  père  l'avoit  promise  en  ma- 
riage à  M'  le  Comte.  »  Enliii  il  avertissait 


en  même  temps  à  la  cour.  M.  de  Brassac, 
qui;  comme  on  sait,  rendait  compte  à 
Kiclielieu  de  tout  ce  qui  se  passait  cliez  la 
reine,  se  hâta  d'informer  le  cardinal  de 
l'impression  qu'y  produisit  la  double  nou- 
velle :  le  premier  jour  douleurs  de  Diane 
(la  reine);  joie  mal  dissimulée  de  Sisine, 
(mad.  de  La  Flotte),  a  Le  lendemain  la 
chance  tourna,  car  on  porta  la  nouvelle 
de  ce  qui  esloil  arrivé  au  fils  d'Orante  (la 
comtesse  de  Soissons),  et  je  puis  assurer 
V.  Em.  que,  bien  que  Diane  se  servist  de 
la  discrétion  ,  si  est-ce  qu'elle  feisl  co- 
gnoistre  de  la  joie;  et,  Sisine  luy  disant 
que  c'estoit  un  grand  malheur,  elle  respon- 
dit  tout  haut,  devant  Amintbe  (mad"  de 
Brassac)  et  toules  les  Sybilles  (les  filles 
d'honneur) ,  qu'à  considérer  ce  personnage 
en  ce  qu'il  esloil  de  naissance,  il  estoil  à 
plaindre;  mais  quand  on  s'imaginoit  qu'il 
estoit  mort  dans  la  rébellion,  et  les  armes 
à  la  main  contre  son  maistre,  il  n'y  avoit 
nul  sujet  de  le  plaindre,  si  non  pour  son 
ame.  Le  soir  elle  tint  les  mesmes  discours 
au  Jasmin  (M.  de  Brassac)  et  à  Aminlhe, 
et  leur  disl  qu'elle  n'envoyeroit  point  vi- 
siter Orantc  sans  les  avis  de  Marc-Anthoine 
(Richelieu),  le  conseil  duquel  elle  vouloil 
tousjours  suivre. . .  »  (Ms.  cité  aux  sources , 
fol.  55.) 

'  «1  Le  doux,  »  c'est  la  mort  de  M.  le 
Comte.  Le  cardinal  n'ignorait  pas  qu'il 
avait,  en  ce  prince,  un  ennemi  personnel 
et  redoutable;  depuis  que  la  mort  l'en  avait 


S.    Eiii.  d'un    complot   qui  s'était  révélé 
dans  une  querelle  de  cabaret,  à  la  porte 


DU   CARDINAL   DE   RICHELIEU. 


831 


CCCCXIX 

Arch.  des  A£F.  étr.  France ,  1 64 1 ,  six  ilerniers  mois ,  fol.  43.  — 
Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  LE  SURIMENDAiNT  DES  FINANCES', 


De  Roye,  ce  lo' juillet  i64i- 

Madame  de  Chastillon  compte  sans  son  hosle  quand  elle  vous  dict 
que  les  ennemis  avoient  quatorze  mile  hommes,  et  que  le  fort  em- 
portoit  le  foible. 

Les  ennemis  avoient  sept  mile  hommes  de  pied  au  plus,  et  deux 
mile  à  deux  mile  cinq  cens  chevaux;  M'  de  Chastillon  avoit  trois 
mile  chevaux  effectifs^,  et,  si  vous  voulés  juger  son  infanterie  par  le 
pain,  il  donnoit  dix-huit  mile  rations  à  son  armée,  qui  cependant  ne 


Bucy,  «  pour  enlever  M*"  le  dauphin  et 
M.  d'Anjou,  lorsqu'on  les  promenoit  dans 
le  parc  de  S'-Germain.  •  Comme  tous  le» 
espions,  le  bon  père  voulait  asstirément 
se  faire  valoir  par  l'importance  de  ses  rap 
ports;  mais,  en  les  réduisant  à  leur  juste 
valeur,  il  est  facile  de  se  figurer  que,  dani- 
l'état  de  sédition  où  se  trouvaient  alors 
plusieurs  des  villes  les  plus  considérables 
de  France,  une  victoire  complète  rem- 
portée par  an  prince  qui  non-seulement 
avait  un  grand  crédit  parmi  les  ennemis 
du  cardinal,  mais  qui  jouissait  dans  toute 
la  France  d'une  répulation  de  haute  capa- 
cité, aurait  pu  avoir  de  dangereuses  suites. 
«On  ne  parle  ici,  écrivait  Henri  Arnauld 
dès  le  :i8  avril ,  que  de  l'aiTaire  de  Sedan. . . 
toas  les  bons  Français  ne  se  peuvent  con- 
soler d"y  voir  M**  le  Comte  embarqué... 
à  ce  qui  en  a  paru ,  jamais  alTaire  n'a  tant 
ftàcl  de  peine  à  M''  le  cardinal...  •  et  trois 
jours  après  :  «  L'esprit  da  roy  est  extraor- 


dinairement  aigry  contre  M'  le  Comte;  il 
faut  prier  Dieu  que  tout-  cela  se  puisse 
accommoder,  et  que  la  France  ne  perde 
point  an  prince  qui  luy  peult  rendre  de 
grands  services.  • 

'  La  réponse  du  surintendant ,  datée  du 
la,  ne  se  renferme  pas  dans  le  sujet  de 
cette  lettre;  Boutbillier  y  rend  compte  au 
cardinal  d'une  réunion  avec  les  députés 
du  clergé.  «  Nous  avons  concerté  le  con- 
Iract  que  V.  Em.  nous  a  faicl  l'honneur  d" 
nous  renvoyer,  pour  l'examiner  avec  eu»  » 
L'explication  des  questions  débattues  dans 
cette  conférence  occupe  une  grande  par- 
lie  de  cette  longue  missive.  (Ms.  cité  aux 
sources,  fol.  64.) 

'  Le  cardinal  voulut  que  ce  blâme  fût 
public ,  en  l'atténuant  toutefois ,  et  en  at- 
Iribunnt  à  nue  grande  pluie  le  relard  qu'il 
impute  ici  à  la  létargie  perpétuelle  du  ma 
réchal.  (Voy.  la  Gazette  du  i3  juillet, 
p.  4i6.) 


832  LETTRES 

faisoit  de  soldats  effectifs  que  neuf  mile  hommes.  Ainsy  nous  avions 
douze  mile  hommes  effectifs  contre  neuf  ou  neuf  mile  cinq  cens.  Nous 
avions  en  outre  une  rivière  devant  nous  dont  il  estoit  fort  aisé  d'em- 
pescher  le  passage. 

Mais  les  ennemis  avoient  beaucoup  de  vigilance  et  d'industrie,  et 
nous  beaucoup  de  paresse,  point  de  prévoyance,  et  encores  moins 
de  sçavoir  faire. 

M'  de  Chastillon  avoit  choisy  le  jour  auparavant  un  champ  de  ba- 
taille avantageux  pour  prendre  les  ennemis  à  demy-passés;  mais,  s'il 
eust  assez  de  lumière  pour  voir  qu'il  en  falloit  user  ainsy,  sa  pesan- 
teur et  sa  létargie  perpétuelle  '  donna  lieu  aux  ennemis  non-seulement 
dépasser,  mais  mesme  de  prendre  le  champ  de  bataille  qu'il  avoit 
choisy  le  jour  auparavant.  Je  ne  parle  point  du  mauvais  ordre  qu'il  y 
eut  dans  le  combat,  parce  que  le  temps  nous  en  apprendra  les  par- 
ticularités. 

Je  vous  ay  escrit  ce  matin '^,  à  M"'  le  chancellier  et  à  vous,  pour  avoir 


'  Richelieu  clil  nelteruent  à  Boutliillier 
sa  pensée  sur  le  maréchal  de  Châlillon  ; 
il  y  avait  mis  la  veille  un  peu  plus  de  pré- 
caution, sans  pourtant  s'abstenir  de  la 
laisser  entrevoir  dans  la  lettre  qu'il  écri- 
vait au  maréchal  lui-même.  Je  ne  fais  que 
l'indiquer  ici,  parce  qu'elle  a  déjà  été  im- 
primée :  «  ...Dieu  a  voulu  chaslier  M.  le 
Comte,  et  nous  donner  un  coup  de  fouet  ; 
nous  l'avons  tous  bien  mérité  pour  nos 
péchés  particuliers,  et  vous,  pour  l'irréso- 
lution que  vous  avés  de  longtemps ,  à  faire 
ce  que  vous  savés  bien  pouvoir  et  devoir 
en  votre  conscience;  je  vous  prie  d'y  penser 
sérieusement  en  cette  occasion  .  » 

"  Ce  billet,  qui  se  trouve  en  original 
dans  le  ms.  cité  aux  sources  (fol.  I12) , 
sera  noté  aux  Analyses,  «il  est  besoin,  dit 
Richelieu,  que  M.  de  Chavigni  renvoie 
préscnlement  un  courrier  à  Monsieur,  pour 


le  prier,  de  la  part  du  roy,  de  choisir  entre 
les  siens  trois  mestres  de  camp ,  et  qu'il 
face  lever  dans  l'estendue  de  ses  appanages 
et  gouvernemens  2,4oo  h.  aliu  de  leur 
en  donner  à  chacun  800  à  comman- 
der. .  »Monsieur,ilansceUe  circonstance  ne 
pouvait  faire  autrement  que  de  se  mon- 
trer zélé;  il  écrivit  aussitôt  à  Chavigni  (le 
i3  juillet)  qu'il  allait  partir,  au  moment 
où  il  reçut  l'ordre  de  faire  trois  régiments  ; 
il  y  va  travailler  sur-le-cliauip...  »  Le  désir 
qu'en  a  M.  le  cardinal  m'obligera  de  faire 
beaucoup  d'efforts,  jusques  à  leur  donner 
de  mon  argent,  qui  est  tout  vous  dire.  « 
(  Ms.  ciléauxsources.fol.  70.)  1'onsceu.\de 
la  cour  de  Monsieur  s'efforçaient  de  per- 
suader au  cardinal  que  ce  prince  était 
animé  en  ce  moment  des  sentiments  les 
plus  dévoués;  voici  un  échantillon  de  ces 
protestations  :  «S.  A.  R.  (écrivait  à  Chavi- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  833 

des  levées;  je  vous  prie  de  n'y  perdre  aucun  temps,  comme  chose  du 
tout  nécessaire  ^ 

Vous  me  ferés  plaisir  de  montrer  cette  lettre  à  madame  d'Aiguil- 
lon, et  de  tesmoigner  à  madame  de  Chastilion  qu'elle  feroit  mieux 
d'attendre  le  boiteux  devant  que  de  parler  et  réveiller  le  chat  qui 
dort  2. 

Je  vous  prie  de  faire  en  sorte  qu'on  nous  envoyé  en  diligence  de 
la  poudre,  de  Paris  à  Chaalons,  allant  vous  mesme  à  l'arsenal  pour 
les  faire  partir^. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


gni  l'abbé  de  la  Rivière ,  aumônier  du 
prince) ,  est  tout  à  fait  confirmée  dans  les 
bons  sentimens  qu'elle  veut  croire  S.Ém. 
aveuglement  en  toutes  choses,  et  quand 
tous  les  Filistins  seroient  conjurés  ensem- 
ble, qu'il  est  devenu  Samson  pour  eux...  » 
(Aff.  étr.  France,  i64i,  six  premiers  mois, 
fol.  ài5,  lettre  datée  de  Blois  le  i3  juin.) 
'  tj'asseure  V.  Ém.  que  dès  aujour- 
d'iiuy  matin  M.  le  cliancellier,  M.  de  Mont- 
bazon,  M.  de  Léon,  M"  les  intcndans  et 
moy  avons  esté  assemblés  pour  aviser  à  la 
levée  de  8,000  h.  de  pied  ;  nous  avons  com- 
mencé par  les  moyens  de  trouver  les  fonds 
(c'était  la  grande  difficulté). . .  si  M"  les  pre- 
miers présidens  des  compagnies  eussent 
esté  en  ville,  nous  eussions  tous  conféré 
ensemble  cette  après  disnée,  etc.  »  On  voit 
quels  personnages  étaient  appelés  à  ces  con- 
férences et  quelle  matière  on  y  discutait; 


il  y  a  dans  les  explications  que  donne  Bou- 
tliillier  au  cardinal  des  détails  instructifs 
sur  les  procédés  de  l'administration  en  ce 
temps-là, 

'  Bouthillier  ne  dit  rien  de  M' de  Châ- 
lillon,  mais  il  justifie  la  maréchale  :  «  Elle 
me  parla,  dit-il,  très-modestement  et  sa- 
gement du  désastre  de  son  mary,  et  je 
doibs  rendre  ce  tesmoignage  à  la  vérité 
qu'elle  ne  me  parla  point  du  tout  du  plus 
grand  nombre. . .  » 

'  Bouthillier  répond  :  •  Sitost  que  j'eus 
receu  la  dernière  de  V.  Em.  du  1  o ,  au  soir 
bien  lard,  je  fus  à  l'arsenal  où  le  control- 
leur  de  l'artillerie  Clapisson . .  .  m'asseura 
que  dès  demain  degrand  malin  il  feroit  par- 
tir 5o  milliers  de  poudre,  et  le  reste  que 
V.  Em.  a  demandé ,  et  que  le  tout  pourroil 
esire  dans  dix  ou  doiue  jours,  au  plus 
tard,  à  Chalons  par  la  rivière  de  Marne.  » 


CARDIN.  DE  niCIIELIED.  —  VI. 


loS 


834 


LETTRES 


ccccxx. 

Arch.  de  la  famille,  de  Brézé.  —  Original. 
Dépôl  de  la  guerre,  t.  65,  pièce  25o.  —  Minute  de  la  main  de  Cherté'. 

INSTRUCTION 

AUX  SIEURS  MAIŒSCHAUX  DE  CHASTILLON  ET  DE  BRÉZÉ  ^ 

1 5  juillet. 

Le  roy  désirant  que  led'  S'  mareschal  de  Brézé  demeure  en  l'armée 
que  commande  présentement  led.  S''  mareschal  de  Chaslillon,  jusqu'à 
ce  que  l'employ  auquel  il  est  destiné  en  Catalogne  l'y  appelle,  Sa  Majesté 
a  commandé  d'expédier  le  présent  mémoire  pour  leur  faire  cognoistre 
ce  qui  est  de  son  intention. 

Lesd'*  S"  mareschaux  agiront  conjoinctement  au  commandement 
de  l'armée  avec  toute  l'union  et  l'intelligence  qui  est  [sic]  nécessaire 
pour  le  service  du  roy,  ainsy  qu'ilz  ont  desjà  faict  en  l'armée  de  Flandres 
alternativement. 

Leur  principal  but  sera  d'empescher  les  ennemis  de  faire  aucuns 
progrez  en  France ,  ce  qui  leur  est  d'autant  plus  aysé  que  les  rivières 
de  Bar^  et  d'Aine  et  ia  bonté  des  places  auxquelles  les  ennemis  pour- 
royent  s'attacher  favorisent  ce  dessein. 


'  Richelieu  envoya  celte  minute  au  se- 
crétaire d'Étal  de  la  guerre,  qui  fit  faire 
la  dépêche  dans  ses  bureaux  et  la  con- 
ire-signa. 

'  La  mort  du  comte  de  Soissons  n'avait 
pas  complètement  rassuré  Richelieu.  Le 
maréchal  de  Cliàtillon  ,  réfugiée  Rcthel,  y 
rassemblait  à  grande  peine  les  débris  de 
son  armée,  et  il  avait  encore  devant  lui 
une  armée  victorieuse  et  le  duc  de  Bouil- 
lon. Richelieu  songea  donc  à  donner  un 
mentor  ou  vieux  maréchal  ;  dès  le  8  juillet 
il  avait  fait  écrire  par  Chavigni  à  M.  de 
Brézé;  en  lui  annonçant  la  déroute  de  la 
Marfée ,  il  lui  disait  :  « . .  .Ce  mauvais  succez 
a  faict  prendre  la  résolution  au  roy  de  par- 


tir dès  demain  pour  aller  en  toute  diligence 
à  Rhins ,  où  S.  Em.  m'a  commandé  expres- 
sément de  vous  escrire,  de  sa  part,  qu'elle 
désiroit  que  vous  vous  rendissiez  sans  délay 
avec  tout  vostre  équipage  par  le  plus  court 
chemin.  Vous  jugés  bien.  M',  dans  quelle 
peine  elle  doitestre,  etc..  »  (Autogr.  arch. 
de  Brézé.  )  Chavigni  ne  dit  pas  à  de  Brézé 
quelle  était  l'intention  de  Richelieu  ;  il 
savait  que  ce  maréchal  n'aimait  pas  à  par- 
lager  le  commandement  et  disait  de  lui- 
même  qu'il  n'était  pas  bêle  d'attelage. 

'  C'est  sans  doute  l'Aube  que  Richelieu 
appelle  ainsi  à  cause  delà  ville  de  Bar;  car 
je  ne  pense  pas  que  ce  soit  l'Ornain,  ri- 
vière sur  laquelle  est  située  Bar-le-Duc. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


835 


Hz  doivent  avoir  un  soin  particulier  d'empescher  que  les  ennemis 
ne  puissent  se  rendre  inaistres  des  passages  de  Retliel  ou  de  Ghas- 
teau-Portien,  ce  qui  est  d'autant  plus  facile  que  la  proximité  de  ces 
deux  lieux  donne  moyen  à  l'armée,  qui  peut  se  camper  derrière,  de 
soustenir  et  raffraischir  les  garnisons  qui  seront  dedans. 

Pour  le  pouvoir  faire  plus  aisément,  lesd.  S"  mareschaux  feront 
promptement  faire  aux  susd.  lieux  les  travaux  qu'ils  estimeront  né- 
cessaires, sans  y  perdre  aucun  moment. 

De  quelque  costé  que  les  ennemis  tournent  teste,  lesd.  S"  mares- 
chaux  les  suivront,  prenant  toujours  les  seuretez  et  les  advantages  que 
la  situation  des  lieux  leur  pourront  [sic)  permettre  K 

Faict  à  Rheims,  1 5*=  juillet  i64i^. 

LOUIS. 

SuBLET. 


CCCCXXI. 

Arch.  des  AIT.  étr.  France,  i64i,  six  derniers  mois,  fol.  169.  — 
Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

[Vers  le  1 5  juillet  i6/ii.] 

Si  M.  de  Bouillon*  veut  sincèrement  rentrer  en  la  grâce  du  roy, 


'  Le  17,  l\ichelieu  écrit  de  nouveau;  il 
annonce  aux  généraux  qu'on  leur  envoie 
des  troupes,  du  canon,  des  mousquets» - 
des  objets  d'équipement,  enfm,  de  l'argent 
que  leur  portait  M.  de  Gremonville  pour 
remettre  en  élat  les  soldats  dévalisés,  en 
attendant  la  montre,  qui  viendra  dans 
quinze  jours.  «  Je  prie  M"  les  généraux,  dit 
le  cardinal ,  de  prendre  un  soin  particulier 
de  faire  restablir  les  corps  tant  d'infanterie 
que  de  cavalerie,  qui  ont  eslé  deflaits, 
parlant  à  tous  les  chefs,  et  animant  un 
chacun  à  se  raccommoder  et  désirer  pren- 
dre revanche. ..  Je  les  conjure  d'envoyer 
si  souvent  des  partis  à  la  guerre  que  les 


ennemis  ne  puissent  faire  aucune  marche 
qu'ils  n'en  soyent  aussylost  advertis. . .  § 
Cette  lettre ,  qui  a  été  imprimée ,  sera  notée 
aux  Analyses. 

'  Ceci  n'est  pas  dans  la  minute. 

'  Ce  mémoire ,  sans  suscriplion ,  devait-il 
être  communiqué  au  duc  de  Bouillon,  ou 
n'élail-il  fait  que  pour  l'instruction  de 
ceux  qui  traitaient  avec  lui  PCIierré  a  écrit 
au  dos  :  Journal  de  M.  de  Bouillon;  ces 
mois  signifient  seulement  que  la  pièce 
était  classée  dans  le  cabinet  de  Richelieu 
parmi  un  ensemble  de  documents  concer- 
nant le  duc  de  Bouillon.  Elle  n'est  point 
datée,  et  se  trouve  dans  notre  manuscrit 

io5. 


836  LETTRES 

comme  il  le  dict,  s'estant  desjà  depuis  7  ou  8  ans  déclaré  par  deux 
fois  contre  Sa  Majesté  et  contre  la  France,  la  raison  veut  qu'il  donne 
toutes  les  seuretés,  justes  et  raisonnables,  de  la  fidélité  avec  laquelle 
il  vivra  à  l'avenir.  En  cette  considération  luy,  sa  femme  ou  ses  en- 
fans  pourroient  venir  demeurer  à  Paris. 

S'il  n'aggrée  pas  cet  expédient,  il  en  peut  prendre  un  autre,  qui 
est  de  rompre  avec  les  Espagnols  par  une  action  sy  offensante ,  qu'ils 
soient  incapables  de  réconciliation  ;  et  ensuite  aller  servir  dans  l'Italie 


entre  une  pièce  du  5  août  et  une  autre 
du  6  ;  c'est  la  date  de  l'arrangement  conclu 
avec  le  duc  de  Bouillon,  mais  ce  ne  peut 
être  celle  d'un  mémoire  qui  se  rapporte 
évidemment  au  temps  où  l'on  commen- 
çait la  négociation.  On  sait  que  c'est  Puy- 
ségur  qui  fut  employé  en  cette  circons- 
lance;  or,  je  trouve  dans  le  manuscrit  des 
Affaires  étrangères,  fol.  26Ô  v°,  une  «  lettre 
du  s'  P.  au  duc  de  Bouillon ,  n  laquelle 
commence  ainsi  :  «  J'ay  veu  le  roy  et  M"^  le 
cardinal,  auxquels  j'ay  tesmoigné  le  désir 
que  vous  aviés  de  vous  remettre  dans  l'o- 
béissance ;  ils  m'ont  fait  cognoislre  en  avoir 
un  grand  ressentiment,  et  vous  tendent 
les  bras  comme  à  une  personne  dont  ils 
font  grande  estime...»  Et  Puységur,  car 
c'est  certainement  lui  que  ce  P.  désigne, 
explique  les  conditions  possiblesd'un  par- 
don accordé  parle  roi.  Cette  lettre  est  da- 
tée du  1 5  juillet  ;  c'est  donc  vers  le  milieu 
dudit  mois  que  Richelieu  a  dû  écrire  ce 
mémoire. —  Il  est  certain  qu'aussitôt  que 
la  mort  de  M.  le  Comte  eut  ruiné  les  espé- 
rances de  son  parti,  des  négociations  se- 
crètes s'entamèrent.  Cbavigni  écrivait  le 
1^7  juillet  au  maréchal  de  Brézé  ,  qui  avait 
été  donné  pour  collègue  au  maréchal  de 
Châtillon  dans  le  commandement  de  l'ar- 
mée de  Champagne  :  «11  est  important, 
.s'il  vous  plaist,  Monsieur,  que  vous  disiez 


publiquement  du  bien  de  M.  de  Bouillon  , 
et  que  vous  vous  louiez  de  sa  courtoisie, 
et  du  bon  traitlement  qu'il  fait  aux  prison- 
niers qu'il  tient,  parce  qu'on  est  en  termes 
de  traiter  avec  luy  par  voye  secrelte,  ce 
dont  vous  ne  ferez  pas  semblant,  s'il  vous 
plaist.  »  (Arch.  de  la  maison  de  Brézé.  ) 
On  pria  aussi  le  duc  de  Longueville  de 
s'entremettre  dans  cette  négociation  ,  dont 
l'une  des  conditions  avait  pour  objet  la 
suppression  des  poursuites  commencées 
contre  la  mémoire  de  M.  le  Comte.  C'est 
à  quoi  se  rapporte  sans  doute  une  lettre 
de  Richelieu  au  duc  de  Longueville,  qu'on 
lui  envoyait,  à  ce  qu'il  paraît,  par  la  per- 
sonne qui  se  rendait  près  de  M.  de  Bouil- 
lon. Cette  lettre  est  datée  de  Reims,  le 
18  juillet  :  «  Monsieur,  le  présent  porteur 
vous  communiquera  le  sujet  de  son  voyage , 
qui  est  si  conforme  aux  senlimcns  et  aux 
intérests  dans  lesquels  vous  estes,  et  à  ce 
que  doit  désirer  madame  la  Comtesse,  que 
je  ne  doute  point  que  vous  ne  soyés  ires- 
aise  d'avoir  occasion  de  faire  paroistre  eji 
ce  sujet  vostre  zèle  au  bien  de  cet  Estât. 
La  suffisance  du  porteur  m'empesche  du 
vous  dire  autre  chose.. .  »  —  Au  bas  de 
celte  minute  Charpentier  a  mis  tournez, 
et  sur  le  second  feuillet  se  trouve  écrite, 
aussi  de  sa  main,  la  minute  d'une  lettre 
que  le  duc  de  Longueville  devait  adresser 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


837 


de  lieutenant  général  sous  M.  le  comte  de  Harcourt,  selon  qu'il  a 
tesmoigné  désirer  de  l'employ. 

S'il  trouve  quelque  chose  à  dire  à  rompre  avec  les  Espagnols  par 
une  action  offensante,  le  roy  peut  se  contenter  que  le  dict  s'  de 
Bouillon  aille  servir  en  Italie  et,  au  lieu  de  pardonner  dès  cette  heure 
à  la  mémoire  de  M.  le  Comte,  ce  que  le  dict  s''  duc  de  Bouillon  de- 
mande, promettra  seulement  de  le  faire  après  la  paix,  au  cas  que  le 
dict  s'  de  Bouillon  demeure  en  son  devoir. 

Gomme  M  de  Bouillon  ne  peut  refuser  l'un  de  ces  trois  partys  pour 
estre  du  tout  raisonnables.  Sa  Majesté  ne  peut  luy  pardonner  sans 
l'un  d'iceux  pour  estre  du  tout  nécessaire  pour  la  garantie  d'une  troi- 
sième recheute  du  dict  s'  duc,  d'autant  plus  apparente  qu'il  est  léger 


au  duc  de  Bouillon;  c'est  la  preuve  que 
Richelieu  avait  dicté  lui-même  celle  leltre. 
En  voici  le  texte  : 

«  Monsieur,  après  vous  avoir  tesmoigné 
la  sensible  douleur  que  j'ay  de  la  mort  de 
M.  le  Comte,  je  m'estimerois  et  mauvais 
François,  et  peu  affectionné  à  ce  qui  vous 
touche,  si  je  ne  vous  faisois  cognoistre 
que  le  plustot  qu'on  peut  sortir  d'un  mau- 
vais pas  est  le  meilleur,  et  ne  vous  con- 
seillois  ensuitte  de  n'oublier  rien  de  tout 
ce  que  vous  pourrés  pour  rentrer  aux 
bonnes  grâces  du  roy,  sans  que  la  consi- 
dération des  intéresis  du  party  auquel 
vous  vous  estiez  jette  avec  M.  le  Comte 
vous  en  puisse  empescher.  Je  vous  puis 
assurer  que  madame  la  Comtesse  est  dans 
les  mesmes  senlimens  que  je  vous  tes- 
moigné ,  et  qu'elle  ne  désire  rien  tant  .dans 
l'excès  de  son  affliction ,  que  de  voir  que 
l'embarras  auquel  M'  son  fils  s'estoit  mis 
n'aye  point  de  suiltes.  >  (Ms.  cité  aux 
sources  fol.  97.)  La  lettre  n'est  point  datée , 
mais  elle  est  du  18  juillet  ainsi  que  celle 
de  Richelieu,  dont  la  minute  est  écrite 
sur  la  même  feuille.   Remarquons  que , 


deux  jours  après  la  date  de  ces  lettres,  le 
20  juillet,  le  roi  envoyait  au  parlement  une 
commission  pour  faire  le  procès  à  la  mé- 
moire du  comte  de  Soissons  :  c'é'ait  un 
moyen  de  presser  le  duc  de  Bouillon  de 
conclure  son  accommodement.  La  pièce  est 
en  copie,  dans  le  ms.  cité  aux  sources 
fol.  1 1 1.  —  Cependant  le  corps  de  M.  le 
Comte  resta  à  Sedan  jusqu'en  1642.  Nous 
lisons,  dans  une  leltre  adressée  le  18  mai 
par  le  gouverneur  de  Donchery  au  mar- 
quis Isaac  de  Feuquières  :  «  Le  corps  de 
feu  M.  le  Comte  fut  emmené  jeudy  dernier 
(c'était  le  16  mai)  au  Mont-Dieu,  sans 
cérémonie  que  celle  d'un  convoi  de  4o 
ou  5o  prestres,  qui  le  conduisirent  depuis 
l'église  de  Sedan  jusques  hors  deTorcy, 
chantant  par  les  rues,  ce  qui  n'avoit  point 
encore  esté  faicl  ;  et  de  Torcy  il  ne  fut  ac- 
compagné, le  reste  du  chemin,  que  par 
M"  de  Mezières,  de  Garge,  de  Vignolles, 
le  Roy  secrétaire,  Deselle  argentier,  et 
l'aumosnier  de  madame  la  Comtesse.  ..  » 
[Lettres  inédites  des  Feuquières,  publiées  par 
M.Gallois,  t  I,p.  3i4.) 


838  LETTRES 

et  changeant  de  sa  nature ,  qu'il  est  possédé  par  sa  femme ,  qui  a  le 
cœur  du  tout  espagnol,  et  qu'il  ne  sçauroit  mieux  faire  cognoistre 
qu'il  veut  seulement  esviter  le  péril  présent  auquel  il  se  trouve, 
qu'en  refTusant  de  donner  desasseurances  raisonnables  de  sa  sincérité 
future. 

Le  roy  considérant  qu'il  lui  est  important  d'oster  tout  lieu  aux 
mescontens,  qui  se  trouvent  tousjours  dans  un  royaume,  de  pouvoir 
former  un  party ,  ne  doit  rien  oublier  de  ce  qu'il  pourra  pour  estouffer 
la  rébellion  de  M.  de  Bouillon,  s'il  le  peut  faire  avec  seureté  ;  mais 
il  est  de  sa  prudence  d'agir  en  cette  occasion  en  sorte  qu'on  ne  perde 
pas  la  commodité  qu'on  a  de  faire  un  grand  fort  à  la  teste  de  Sedan, 
qui  empesche  que  cette  place  ne  puisse  nuire  à  l'avenir  à  la  France,  si 
M.  de  Bouillon  donne  lieu  de  juger  que  le  repentir  qu'il  tesmoigne  ne 
soit  autre  chose  qu'une  dissimulation  qui  luy  donne  moyen  d'attendre 
une  nouvelle  occasion  de  traverser  les  prospérités  de  cet  Estât  ^ 


CCCCXXII. 
Arcli.  de  la  famille  de  Bouthillier.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT, 

À   PARIS. 

De  Reins,  ce  16*  juillet  i64i. 

Je  vous  escrivis  hier  par  Mess"  du  Clergé,  avec  lesquels  j'ay  con- 
testé comme  vous  fériés  vous-mesme.  Vos  fabriques  sont  sauvées^. 
Vostre  marc  d'or  demeure  en  l'usage  selon  lequel  les  choses  ont  esté 
auparavant  que  vous  fussiés  en  charge. 

Quant  aux  amphitéoses,  ces  M'^  soustiennent  qu'ils  n'ont  jamais 

'  Les  soupçons  de  Richelieu  ne  furent  sus,  p.  83 1) ,  Boulhillier  avait  dit  au  car- 
que  trop  justifiés;  une  nouvelle  occasion  dinal  :  «Je  m'estends  un  peu  sur  cet  ar- 
s'offrit,  et  la  troisième  rechute  ne  se  lit  licle  très -important,  y  allant,  sur  mon 
guère  attendre;  on  sait  la  complicité  du  honneur,  de  deux  millions  pour  les  fa- 
duc  de  Bouillon  dans  la  conspiration  de  briques  seulement.  Je  supplie  Irès-hum- 
Cinq-Mars.  blement  V.  Em.  d'y  tenir  bon.  • 

'  Dans  sa  lettre  du  12  juillet  (cides- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  839 

pensé  à  les  donner,  et  qu'ils  n'ont  pas  droict  de  le  faire.  Cela  estant, 
je  croy  que  vous  n'en  avés  pas  de  le  prétendre.  Cependant  je  me  re- 
mets de  tout  à  ce  que  monsieur  le  Chancelier  et  vous,  ferés  ;  mais 
je  vous  conjure  de  nous  tirer  promptement  d'affaires. 

Je  suis  très-aise  de  voir  que  vous  hastiés  les  levées.  J'espère,  avec 
l'aide  de  Dieu,  que  l'irruption  de  M"  de  Sedan  ne  nous  empeschera 
pas  de  finir  cette  campagne  heureusement. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCXXIIl. 

Archives  de  Condé,  n°  98.  —  Communication  de  M*'  le  duc  d'Auraale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

1  9  juillet. 

Monsieur,  Je 

suis  très-aise  de  la  perte  que  les  ennemis  ont  fait  des  12  galères, 
selon  la  relation  que  M''  de  Bordeaux  nous  en  a  envoyée  \  et  bien 
fasché  qu'il  ait  esté  deschargé  des  vivres  à  Tarragonne.  Mais  puisqu  à 
la  guerre  on  ne  faict  pas  tout  ce  qu'on  veut,  il  faut  se  contenter  de 
l'avantage  qu'il  a  pieu  à  Dieu  nous  donner. 

Il  est  impossible  de  iuger  de  loing  quel  doit  estre  l'événement  de 
l'affaire  de  M.  de  La  Motte  ^.  Il  faudroit  estre  sur  les  lieux  pour  sça- 
voir  les  particularitez  de  ce  qu'on  y  peut  apprendre  pour  donner  un 
iugement  définitif  en  cette  affaire.  Si  l'armée  qui  est  enfermée  dans 
Tarragonne  peut  périr  par  la  faim,  nous  en  retirerons  autant  d'avan- 
tage que  de  sa  perte  par  une  autre  voye. 

'  Un  extraordinaire  de  la  Gazelle,  dalé  faite  des  Castillans,  devant Tarragone,  par 

du  18  juillet,  contient  la  relation  de  «  L'a-  l'armée  du  roy,  sous  la  charge  du  s' de 

vantage  remporté  sur  les  galères  d'Es-  La  Molle-Houdancourt.  •  C'est  l'addition 

pagne  par  l'armée  du  roy,  commandée  à  une  première  relation  donnée   par  la 

par  l'archevesque  de  Bordeaux,  où   les  Gazelle  du  9  :  «  La  défaile  dos  Castillans 

ennemis  ont  perdu  douze  galères.»  Et:  devant  Tarragone,  parles  armées  du  roy.  » 

«quelques  particularités  obmiscs  en  la  dé-  '  Ce  même  jour  19,  Richelieu  écrit  à 


840 


LETTRES 


Je  sçay  bien  que  vous  devés  avoir  de  grandes  impatiences  pour  la 
prise  de  Coiioure ,  et  pour  voir  ensuitte  si  on  peut  faire  tomber  Per- 
pignan entre  les  mains  du  Roy;  mais  quand  je  considère  que,  selon 
vos  lettres,  les  places  que  vous  avés  prises  depuis  Coiioure  iusques  à 
Perpignan  sont  capables  d'empescher  que  cette  ville  ne  reçoive  des 
vivres  qui  pourront  estre  apportés  à  Coiioure,  et  de  plus  que  quand 
M'  de  La  Motte  quiteroit  son  entreprise,  et  vous  envoyeroit  la  pluspart 
de  ses  forces,  si  les  ennemis  peuvent  du  débris  de  leur  armée,  de  ce 
qu'a  le  marquis  de  Leganez,  et  du  renfort  qui  est  sur  les  galères, 
former  une  nouvelle  armée  considérable,  il  faudra  aussy  tostque  vous 
renvoyiés  tout  ce  que  vous  aurés  à  M'  de  La  Motte  pour  s'y  opposer, 
je  n'estime  pas  que,  quand  il  quiteroit  son  dessein,  vous  eussiés 
grand  avantage  pour  la  prise  de  Coiioure  ^ 

Si  l'armée  qui  est  à  Tarragone  périt,  vous  aurés  assez  de  temps 
pour  prendre  Coiioure,  sans  que  le  nouvel  amas  que  les  ennemis 
pourront  faire  du  costé  de  la  Catalogne  puisse  rappeler  les  forces 
dont  vous  vous  servirés;  sans  cela  je  croy  que  ce  que  dessus  est  à 


M.  de  La  Motte-Houdancourt  une  lettre 
où ,  pour  l'encourager  apparemment ,  illui 
parle  sur  un  Ion  de  satisfaction  el  d'es- 
pérance qu'il  ne  conserve  pas  avec  M.  le 
Prince.  «Monsieur,  dit  Richelieu,  cette 
lettre  vous  lesmoignera  la  joie  que  je  re- 
ceus,  lorsque  le  s'  du  Perron  me  rapporta 
de  vostre  part  l'extrémité  en  laquelle  les 
ennemis  estoient  réduits  dans  Tarragone, 
et  l'espérance  que  vous  avés  d'en  avoir 
raison  dans  le  lo  de  ce  mois.  Les  vivres 
que  les  galères  y  peuvent  avoir  jetés  pro- 
longeront asseurément  ce  terme,  mais  je 
veux  espérer  qu'elles  n'empescheront  pas 
que  vjous  n'en  ayés  bonne  issue. . .  je  désire 
si  ardemment  que  vos  desseins  réussissent , 
que  si  les  souhaits  ont  lieu,  je  ne  doute 
point  que  vous  n'en  ayés  contentement. . .  » 
Cette  lettre  sera  mentionnée  aux  Analyses. 


'  Richelieu  écrit,  quatre  jours  après,  à 
M.  le  Prince  :  «  La  place  de  Coiioure  estant 
très-imporlaiiteau  bien  des  affaires  du  roy, 
je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  dire  que 
S.  M.  aura  très-agréable  que  vous  faciès 
faire,  en  toute  diligence,  la  levée  de  trois 
mille  hommes  de  pied ,  dans  le  Languedoc , 
pour  servir  au  siège  de  cette  place. . .  j>  Ri- 
chelieu lui  explique  ensuite  comment  on 
pourvoirai  la  dépense  de  cette  levée.  Dans 
sa  lettre  du  19  juillet  Richelieu  semble 
croire  que  M.  le  Prince  a  assez  de  troupes; 
dans  celle  du  23  il  l'engagea  faire  prompte- 
ment  de  nouvelles  recrues.  Une  missive 
écrite  par  de  Noyers  au  maréchal  de  Brézé 
nous  donne  le  mot  de  cette  apparente  con- 
tradiction :  «  M.  le  Prince  nous  a  dépeschè 
un  courrier  pour  avoir  les  ordres  du  roy 
et  de  S.  Ém.  sur  une  proposition  qui  luy 


DU   CARDINAL   DE  RICHELIEU.  841 

considérer.  Eu  un  mot,  cette  affaire  est  de  difficile  discution,  et  l'exé- 
cution n'en  est  pas  aisée;  pourvu  qu'on  agisse  selon  des  principes  rai- 
sonnables en  ce  qu'on  entreprend,  on  en  doit  espérer  un  bon  événe- 
ment, et  il  faut  recevoir  de  Dieu  celuy  qu'il  luy  plaira  envoyer.  Estant 
-sur  les  lieux  comme  vous  estes ,  vous  pouvés  mieux  prendre  vos  mesures 
que  nous  ne  sçaurions  vous  les  donner  d'icy,  des  momens  et  des 
circonstances  qui  périssent  eu  moins  de  temps  qu'il  n'en  faut  pour 
envoyer  à  la  cour  estant  souvent  celles  sur  lesquelles  il  faut  décider 
telles  affaires. 

Je  ne  vous  dis  point  le  contentement  que  i'ay  de  la  prise  d'Elue  ', 
parce  que  vous  sçavez  la  part  que  ie  prends  à  tout  ce  à  quoy  vous 
contribués. 

Je  ne  vous  mande  point  aussy  de  nouvelles,  parce  que  vous  les 
sçaurés  d'ailleurs. 

M'  de  Chastillon  a  perdu  une  bataille.  M' le  Comte  est  mort,  nous 
en  avons  gagné  une  autre  en  Alemagne  beaucoup  plus  importante. 
Le  siège  d'Aire  va  bien.  Quand  il  sera  fmy  nous  deslogerons,  avec 
l'aide  de  Dieu,  les  mauvais  François  et  les  Espagnols  du  bord  de  la 
Meuse,  où  ils  sont;  par  après  nous  n'oublierons  rien  de  ce  qui  se 
pourra  pour  avancer  la  paix,  que  je  soubaitte  de  tout  mon  cœur. 
Monsieur  voslre  fils  se  porte  bien;  et  ie  suis, 

Monsieur, 


Vostre  très  humble  et  très  aflectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


De  Reins,  ce  ig""  juillet  i64i. 


a  esté  faicte  par  M"  d'Arpajon,  E.spenan,  a  demandées  pour  ceteffect.  »  (Papiers  de 

Argencourt  et  le  Plessis-Besançon ,  qui  est  la  maison  de  Brezé.) 
que  nooiénanl  que  le  roy  luy  permette  de  '  Elne,  petite  forteresse  qui  alors  n'était 

lever  trois  mil  hommes,  il  espère,  avec  ce  pas  sans  quelque  importance  à  cause  de 

qu'il  a,  prendre  Colioure  sans  destourner  sa  proximité  de  Perpignan,  avait  capitulé 

les  troupes  de  Catalogne  ny  l'armée  na-  le  47  juin.  La  Gazette  du  10  juillet,  en 

vale.  Cela  a  esté  reçeu  avec  mille  joies  et  donnant  le  texte   de   cette  capitulation, 

je  iuy  envoie  toutes  les  expéditions  qu'il  insiste,  dans  un  récit  de  trois  pages,  sur 

CARDIR.  DE  niCHELIEU.  —  VI.  lo6 


842  LETTRES 

Je  vous  prie  d'avoir  soin  de  la  ville  de  Lavaur  et  de  la  vouloir 
exempter  de  logement  de  gens  de  guerre,  en  considération  de  son 
évesque,  qui  m'en  conjure. 


Archives  de  Condé,  n°  99. 


CCCCXXIV. 

Communication  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale. 
Original. 


A  MONSIEUR   MONSIEUR  LE  PRINCE. 

22  juillet. 

Monsieur,  Je 

ne  doute  point  que  vous  n'ayés  reccu  la  mort  de  M.  le  Comte  ainsy 
que  vous  me  le  tesmoignés  :  sa  faute  estoit  telle  qu'en  plaignant  son 
crime  il  est  impossible  de  plaindre  le  chastiment  que  Dieu  en  a  voulu 
faire.  Je  parleray  au  roy  quand  il  sera  temps  pour  M.  le  prince  de 
Conty'.  Vous  asseurant  que  vos  intérests  me  seront  tousjours  très- 
chers.  Je  ne  doute  point  que  vous  ne  faciès  tout  ce  qui  dépendra  de 
vous  pour  bien  faire  réussir  les  affaires  de  vostre  costé;  je  vous  en 
conjure  autant  que  je  le  puis,  et  pour  vous  y  convier  je  vous  diray 
qu'elles  vont,  par  la  grâce  de  Dieu,  extresmement  bien,  et  en  Alema- 
gne,  et  en  Champagne  et  à  Aire. 

Depuis  la  bataille  gagnée  contre  les  Impériaux  en  Alemagnc'^,  ils 


l'ulililé  de  celle  conquête  du  prince  de 
Condé. 

'La  princesse  de. Condé  avait  écrit  à 
Cliavigni ,  le  9  juillet ,  de  prier  le  cardinal 
de  se  souvenir  de  ses  enlants  à  l'occasion 
«  des  charges  et  des  bénéfices  que  la  mort 
de  M.  le  Comte  laisse  à  donner.  »  Le  sur- 
lendemain la  princesse  écrit  de  nouveau 
à  Chavigni  ;  «  Je  ne  me  puis  empeschcr 
de  vous  dire  le  desplaisir  que  j'ay  resu 
d'avoir  esté  contrainte  d'escrire  à  M.  le 
cardinal  et  à  vous  sur  le  subjcct  des 
charges  et  des  bénéfices  de  M.  le  Comte. 


Lomme  que  vous  saves  qui  est  isi  et  à 
qui  je  n'oseres  contredire  me  l'a  fect  ferc 
et  me  l'a  dictée.  Coyque  se  fut  contre  ma 
volonté,  qui  n'est  point  d'importuner 
M.  le  cardinal.  .  .  »  La  princesse  sentait 
le  besoin  d'excuser  un  tel  empressement 
àdemnnder  la  dépouille  d'un  parent,  mort 
d'une  façon  si  tragique  il  y  avait  deux 
jours  à  peine.  Les  deux  lettres  de  la  prin- 
cesse sont  conservées  aux  Aff.  étr.  France , 
1 64 1  ,  six  derniers  mois ,  fol.  3o  et  5 1 . 

^  Combat  de  Wolfenbuttel ,  dont  la  Ga- 
zette donna  deux  relations  (19  et  3  6  juillet). 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  843 

ont  encore  perdu  un  autre  combat  où  ils  ont  laissé  1600  morts  sur 
la  place,  et  26  drapeaux  ou  comètes  prises,  et  on  poursuit  tousjours 
le  reste  de  leur  armée  avec  de  très-grands  avantages. 

Les  ennemis  qui  estoient  en  Champagne  ont  pris  la  peine  d'en 
sortir  quand  ils  ont  veu  le  roy  proche  d'eux  et  en  estât  de  les  en 
chasser.  Ils  tirent  vers  Aire,  pour  se  joindre  au  cardinal  infant;  mais, 
avec  le  secours  du  ciel,  qui  nous  assiste  visiblement,  i'espère  qu'ils  ne 
nous  feront  pas  grand  mal. 

Le  siège  d'Aire  est  en  tel  estât  qu'aujourd'huy  que  je  vous  escrits 
deux  mines  doivent  jouer  dans  les  deux  bastions  ataquez,  et  ceux  qui 
se  cognoissent  en  telles  affaires  mandent  que,  dans  la  fin  du  mois, 
la  place  changera  de  maistre  ';  ce  que  je  demande  à  Dieu  pour  nous 
faciliter  une  bonne  paix. 

M' le  prince  d'Orange,  qui  avoit  assiégé  Guenep,  pourra  penser  à 
autre  chose,  la  place  devant  esire  maintenant  rendue^.  C'est  ce  que 
vous  peut  mander  pour  le  présent. 

Monsieur, 

Vostre  bien  bumble  et  très  aflectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHEUEL. 
De  Reins,  ce  22'  juillet  16/n  '. 


'   Aire  fut  prise  le  26  juillet. 

'  Elle  capitula  le  27. 

^  Nous  trouvons  à  la  Bibliothèque  im- 
périale une  lettre  de  la  même  dote  adres- 
sée par  Richelieu  à  l'archevêque  de  Bor- 
deaux. Cette  lettre,  qui  sera  notée  aux 
Analyses,  est  une  addilion  à  une  lettre 
précédente  ;  elle  reproduit  mot  pour  mot 
les  quatre  derniers  paragraphes  de  la 
présente  épître  à  M.  le  Prince.  Nous  ren- 
voyons également  aux  Analyses  la  mention 
d'une  autre  dépêche  du  cardinal  au  même, 
datée  du  ig,  laquelle  a  été  imprimée. 
Richelieu  félicite  l'archevêque-amiral   de 


sa  victoire  navale ,  où  douze  galères  espa- 
gnoles ont  été  prises  ou  détruites.  Le  car- 
dinal lui  ordonne  de  suspendre  les  offi- 
ciers qui  ont  manqué  à  leur  devoir  :  •  Si 
vous  m'aviés  mandé  leurs  noms  et  la  qua- 
lité, et  spéciBé  les  fautes,  vous  recevriés 
avec  cette  dépesche  des  ordres  plus  pré- 
cis pour  le  chastiment  particulier  des  offi- 
ciers qui  ont  mal  fait je  juge, 

comme  vous,  du  tout  nécessaire  de  pur- 
ger les  galères  de  tous  ceux  qui  sont  plus 
aspres  au  revenu  qu'au  péril.»  Et,  après 
des  détails  de  service,  Richelieu  continue  : 
«  J'ay  esté  bien  en  peine  de  vostre  mala- 

106. 


844 


LETTRES 


CCCCXXV. 

Arcb.  des  Aff.  élr.  France,  i64i,  six  derniers  mois,  fol.  \k-j.  — 
Minute  de  la  main  de  Clierré. 

A  M.   DE  CHARTRES. 

Du  i"  aoust  1  64i. 

Monsieur,  M'  Bouthillier  m'ayant  faict  sçavoir  les  difficultés  sur 


die.  Ayant  aprins  par  le  présent  porteur 
que  vous  vous  portiés  mieux  à  son  parte- 
ment,  je  veux  croire  que  l'arrivée  des 
galères  d'Espagne,  ou  au  moins  les  douze 
qu'ils  ont  perdues  vous  auront  guéri.  »  11 
semble  que  ce  succès  ait  aussimis  Richelieu 
en  meilleure  humeur  à  l'égard  de  l'arche- 
vêque de  Bordeaux.  Nous  avons  remar- 
qué depuis  quelque  temps,  dans  les  lettres 
du  cardinal ,  une  froideur  à  laquelle  il 
n'avait  pas  habitué  cet  ancien  ami,  et  nous 
en  avons  dit  les  motifs.  Cette  même  dis- 
position peu  bienveillante ,  nous  l'avon.s 
vue  encore  dans  une  longue  lettre  du  8 
juillet*.  «  Monsieur  (commence  Richelieu) , 
il  est  impossible  de  pouvoir  satisfaire  un 
esprit  qui,  en  peu  de  temps,  conçoit  di- 
verses pensées  comme  le  vostre.  Je  n'ay 
jamais  pensé  le  pouvoir  faire;  mais  j'ay 
bien  faict  estât  de  ne  rien  obmettre  de 
tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour  vous  don- 
ner contentement  aux  fins  du  service  du 
roy.  El  puis  le  cardinal  représente  à 
M'  de  Bordeaux  tous  les  embarras  qui 
résultent  de  son  humeur  dillicile;  il  lui 
rappelle  tout  ce  qu'on  a  fait  pour  le  mettre 
en  élat  de  bien  servir;  pour  les  difficultés 
qu'on  ne  peut  résoudre  de  loin,   Riche- 


lieu le  renvoie  au  prince  de  Condé,  auquel 
l'archevêque  se  souciait  peu  d'avoir  af- 
faire ,  et  la  lettre ,  commencée  en  re- 
proche, finit  de  même  :  »  Il  ne  me  reste 
qu'à  vous  prier  de  vous  rendre  le  plus 
compatible  que  vous  pourrés,  ■  lui  dit  assez 
sèchement  Richelieu.  —  Cette  lettre  du 
8  juillet  .semble  avoir  été  écrite  sous  l'im- 
pression de  divers  rapports  faits  au  car- 
dinal contre  l'archevêque  de  Bordeaux. 
Nous  citerons  seulement  ce  fragment 
d'une  lettre  du  maréchal  de  Brézé  à  Cha- 
vigiii,  du  19  juin  :  «  .  .  .L'on  m'a  aujour- 
d'hui montré  trois  lettres  de  trois  officiers 
de  l'armée  de  Catalogne,  en  date  du  6' du 
courant ,  par  lesquelles  ils  marquent  qu'il 
y  a  très -grande  nécessité  et  beaucoup 
de  maladie  parmi  leurs  troupes,  que  les 
ennemis  attendent  de  très-grandes  forces 
par  mer,  et  que  l'on  ne  se  promet  rien 
de  bon  de  M.  de  Bordeaux ,  qu'on  mande , 
en  termes  exprès  ne  faire  contenance 
d'homme  de  cœur,  ni  bien  intentionné... 
Ces  nouvelles ,  qui  ne  sont  pas  trop  bonnes , 
m'obligent  à  aller  chez  M°"  deCavoys  pour 
sçavoir  celles  que  M.  de  Cérignan  luy 
aura  mandées. ..»  (France,  i64i,six  pre- 
miers mois,  fol.  443.) 


£Ue  a  aussi  été  imprimée  ;  nous  nous  bornerons  donc  à  en  donner  l'indication  à  la  fin  du  volume. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


845 


lesquelles  vous  vous  estes  arrestez ,  et  qui  ont  empesché  la  conclusion 
du  contrat  du  clergé  ',  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  conjurer 
de  contribuer  tout  ce  qui  dépendra  de  vos  soins  et  de  vostre  adresse 
pour  les  surmonter,  et  faire  en  sorte,  avec  Mess"  les  prélats  qui  agis- 
sent avec  vous  en  cette  affaire,  qu'elle  soit  terminée  au  plus  tost, 
sans  s'arrester  à  des  chefs  qui,  n'estant  de  nule  conséquence  au  gé- 
néral du  clergé,  le  seroient  beaucoup  aux  affaires  du  roy,  ainsy  que 
M"  des  finances  vous  l'ont  représenté.  Il  y  a  si  longtemps  que  l'assem- 
blée devroil  estre  finie,  que  je  vous  avoue  que  la  continuation  des- 
plaisl  infiniment  à  Sa  Majesté  et  ne  peut  estre  utile  au  clergé  mesme. 
Je  vous  conjure  de  faire  voir  à  Mess"  de  l'assemblée  la  supplication 
que  je  leur  fais  de  s'accomoder  avec  M"  du  conseil,  en  sorte  qu'on 
la  puisse  finir'^.  Il  n'y  a  personne  qui  ne  juge  bien,  je  m'asseure. 


'  Boulhillier  avait  écrit  au  cardinal,  le 
3o  juillet,  une  longue  lettre  où  il  expo- 
sait par  le  menu  les  difficultés  relatives 
aux  remboursements,  aux  emphytéoses, 
aux  preslimonies,  toutes  aflaires  aujour- 
d'hui peu  intelligibles  et  surtout  peu  in- 
téressantes. Boutliillier  ajoute  que,  dans 
le»  conférences  chez  M.  de  Léon  et 
chez  M.  le  chancelier,  il  n'a  pas  manqué 
de  mettre  les  traitants  en  présence  des 
députés  de  l'assemblée.  «Ces  députés, 
dit-il  en  terminant,  partiront  demain  ou 
jeudi,  pour  aller,  à  mon  jugement,  faire 
ce  qu'ils  pourront  pour  le  service  du  roy 
et  le  contentement  de  V.  Em.  Je  croy 
qu'une  de  vos  lettres  achèvera  le  tout.  • 
(Minute  autog.  de  Bouthillier,  ms.  cité 
aux  sources,  fol.  i35.) 

'  Dans  cette  lettre,  faite  sur  l'invitation 
de  Boulhillier,  le  cardinal  parle  au  clergé 
de  conciliation.  11  écrit  coup  sur  coup  à 
Bouthillier  lui-même,  tant  il  a  hâte  d'en 
tinir.  Le  3  août  Richelieu  lui  dit  :  >Je 
vous  ay  déjà  escrit ,  comme  j'ay  escrit  à 
M'  de  Chartres,  pour  prier  Me.'isieurs  de 


l'assemblée  de  s'accommoder  avec  vous 
le  plus  raisonnablement  qu'ils  pourront 
en  la  passation  du  contrat.  Je  vous  con- 
jure de  la  mesme  chose,  estant  impor- 
tant de  faire  finir  la  dicte  assemblée.  » 
(Aux  Analyses,  3  août.)  Kt  le  lendemain  U 
Richelieu,  qui  ne  craint  jamais  de  trop 
répéter,  ni  supplier,  quand  il  veut  être 
obéi ,  dit  encore  au  surintendant  :  «  Je 
vous  ay  conjuré  déjà  plusieurs  fois  de 
vouloir  mettre  la  dernière  main  à  cer- 
taines difficultés,  sur  lesquelles  •  il  m'est 

impossible  de  les   condamner vous 

conjurant  de  vous  relascher  de  ce  que 
vous  pourrés  à  ce  que  les  affaires  soient 
terminées,  ainsy  que  je  fais  à  M"  du  cierge 
de  leur  part.  Le  service  du  roy,  aussy  bien 
que  les  intérests  de  M"  du  clergé ,  requiert 
qu'on  voye  la  fin  de  cette  assemblée.  El, 
en  vérité,  il  est  important  pour  vous 
qu'on  ne  croye  pas  que  vous  soyés  de  la 
mesme  humeur  qu'esloit  M.  de  Bullion 
en  ce  sujet;  ce  que  je  vous  dis,  non  pour 
vous  empescher  de  recevoir  ce  que  la 
raison  vous  doit  faire  attendre  ,  mais  pour 


846 


LETTRES 


qu'après  avoir  duré  six  mois,  comme  elle  a  fait,  il  n'y  a  plus  lieu  de  la 
continuer. 


CCCCXXVI. 

Bibl.  du  Louvre,  manuscrits  de  d'Argenson,  t.  XII,  fol.  359.  — 
Copie  de  la  main  de  Cherré. 

AU  MARQUIS  DE  RRÉZÉ  \ 

[i"aoi'it  1641  ^?1 

Mon  neveu,  nous  avons  avis  deGenes^  que  l'escadre  de  Naplesse 


vous  donner  Heu  de  ne  vous  affermir  pas 
à  certaines  circonstances  entièrement  rui- 
neuses pour  les  affaires  du  roy  et  inutiles 
à  celles  de  M"  du  clergé.  »  (aux  Analyses, 
à  août.) 

'  Il  n'y  a  point  de  suscription ,  mais 
Cherré  a  mis  au  dos  de  cette  pièce  :  «  Cop- 
pie  de  la  lettre  escrile  à  M' le  marquis  de 
Brézé.  »  —  Armand  de  MaiUé-Brézé  était 
fils  du  maréchal  de  ce  nom  et  de  la  plus 
jeune  sœur  de  Richelieu.  Il  avait  à  peine 
vingt  et  un  ans  lorsqu'en  1689  il  eut  le 
commandement  d'une  escadre.  L'année 
suivante ,  «  il  attaqua  et  défit  proche  de  Ca- 
dix la  flotte  d'Espagne  pour  les  Indes. . .  ce 
qui ,  dit  Aubery ,  incommoda  tellement  les 
Espagnols,  qu'ils  ne  purent  cette  année 
envoyer  aux  Indes  occidentales.  »  (Liv.  .VI, 
p.  238 ,  Hist.  de  Richelieu.)  De  son  côté,  le 
cardinal  célèbre  cet  exploit  de  son  neveu 
dans  la  succincte  narration  dont  on  a  fait 
le  premier  chapitre  du  Testament  politique 
(p.  87  du  1"  vol.  édii.  1764).  On  sait  que 
ce  jeune  amiral  fut  tué  d'un  coup  de  ca- 
non, sur  son  vaisseau,  en  1646. 

^  Celte  copie  n'est  point  datée.  Ainsi 
que  nous  allons  le  montrer  tout  à  l'heure; 


des  nouvelles  venues  de  Gênes  semblent 
autoriser  la  date  que  nous  proposons.  On 
a  mis  après  coup,  en  tète,  pour  le  classe- 
ment, une  fausse  date  :  «  1642.  » 

'  M'  d'Amontol,  résident  de  France  à 
Gènes,  correspondait  avec  d'Argenson, 
ainsi  qu'avec  les  généraux  employés  alors 
en  Provence  et  avec  le  marquis  de  Brézé, 
qui  commandait  l'escadre  ;  Amonlot  était 
.  chargé  de  les  tenir  au  courant  des  prépa- 
ratifs d'expéditions  maritimes  que  faisaient 
les  Espagnols  dans  les  ports  d'Italie.  Nous 
trouvons  dans  ce  tome  1 2  des  mss.  de 
d'Argenson  une  suite  de  lettres  du  d.  d'A- 
montot  sur  ce  sujet.  Les  nouvelles  qu'il 
donnait  sur  ce  qu'il  voyait  à  Gênes  et  d'a- 
près les  informations  qui  lui  venaient 
d'autres  ports  d'ilalie,  étaient  le  plus  sou- 
vent incertaines,  contradictoires  même, 
et  se  démentaient  ou  se  rectifiaient  d'une 
lettre  à  l'autre.  Parmi  ces  dépêches,  celle 
dont  les  renseignements  se  rapportent  le 
mieux  aux  circonstances  rappelées  dans 
cette  lettre  de  Richelieu  est  daté  du  à 
juillet  ;  Amonlot  y  annonce  que  les  vais- 
seaux et  galères  venant  de  Naples  et  d'ail- 
leurs, réunies  à  Ligourne,  pourront  faire 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  847 

doit  rendre  à  Llgoiirne  le  3 ,  4  ou  5  de  ce  mois.  Elle  est  composée 
de  i3  gallères  de  Sicile  et  de  Naples,  et  de  k  de  Doria,  de  20  vais- 
seaux dont  il  n'y  a  que  six  de  guerre,  le  reste  estant  vaisseaux  mar- 
chands qui  portent  des  vivres  et  de  l'infanterie  et  [\  ou  5oo  chevaux 
pour  desbarquer  à  Tarragone  ou  à  Rose.  Je  vous  donne  cet  avis  afin 
que  vous  sachiés  ce  qui  se  passe. 

Cependant  je  vous  diray  que  la  principale  fin  que  vous  devés  avoir 
est  de  favoriser  la  prise  de  Perpignan  ;  ce  qui  fait  que  si  les  ennemis, 
au  lieu  d'aller  à  nous,  vont  droit  débarquer  leurs  gens  à  Rose,  comme 
il  y  a  apparence,  ce  sera  à  vous  à  faire  ce  que  vous  pourrés  pour  les 
y  aller  incommoder,  le  port  estant  fort  ouvert.  Vous  ferés  le  mesme 
en  cas  qu'ils  aillent  à  Tarragone  '  ou  à  Tortose,  pour  fortifïler  l'in- 
fanterie de  l'armée  qu'ils  destinent  au  secours  de  Perpignan. 

Je  suis  sy  asseuré  que  vous  n'oublierés  rien,  avec  bon  conseil,  de 
ce  qui  se  pourra  pour  avancer  le  service  du  roy,  que  je  n'ay  rien  à 
vous  dire  davantage. 


voile  ensemble  vers  «  le  commencement 
du  mois  qui  vient.  >  C'est  ce  qui  nous  fail 
penser  que  la  présente  lettre  qui  parledu 
rendez-vous  de  Ligourne  pour  les  pre- 
miers jours  du  mois  courant,  doit  avoir 
été  écrite  le  i"  d'août.  (Dans  ce  temps- 
là  on  disait  Ligourne  ou  Livourne,  et 
plus  souvent  Ligourne.)  —  Nous  trouvons 
aussi  dans  le  tome  3  des  manuscrits  de 
Gènes,  aux  AIT.  élr.  (fol.  7^),  qu'un  sieur 
Baumes  embarqué  sur  la  flotte,  écrivant 
à  Mazarin  le  la  août,  date  sa  lettre,  «De 
devant  Gênes,  d'où  nous  parlons  pour 
Ligourne.  > 

'  Un  s'  de  Lavergne,  attaché  au  mar- 
quis de  Brézé,  écrivait  au  père  du  jeune 
amiral  une  lettre  datée  :  «De  la  nier  vers 
le  cap  St-Vincent,  a5  septembre  i64i-» 
Il  lui  rend  compte  de  leur  navigation  de- 


puis leur  départ  de  Lisbonne ...  «  Le  roy 
de  Portugal  nous  avoil  aussi  proposé  d'au- 
tres desseins  et  empesché  roesme ,  pour  les 
exécuter,  de  passer  le  destroit  et  d'aller 
à  Tarragone,  selon  que  M**  le  cardinal 
avoit  témoigné  à  M.  le  marquis  de  le  dé- 
sirer, et  dont  M.  le  marquis  et  tous  les 
principaux  de  cette  flotte  avoient  aussy  un 
extresme  désir.  Mais  nous  avons  enfin 
trouvé  que  ces  projets  de  Portugal  estoient 
des  desseins  mal  digères,  et  qui,  à  nostre 
très-grand  regret ,  n'ont  peu  réussir ,  et  des- 
quels pour  s'expliquer  davantage  il  fau- 
drait un  chiffre,  ou  avoir  l'honneur  de 
le  vous  dire  de  bouche.  »  Le  s'  Lavergne 
explique  ensuite  au  maréchal  de  Brézé  ce 
que  fera  la  flotte  avant  de  revenir  sur  les 
côtes  de  France.  (Lettre  originale,  arcli. 
de  la  famille  de  Brézé.) 


848 


LETTRES 


CCCCXXVII. 

Arch.  de  Condé,  n°  loi.  — Communication  de  S.  A.  R.  M*' le  duc  d'Aumale. 

A  MONSIEUR  MONSIEUR  LE  PRINCE. 

4  aoust. 

Monsieur,  L'importance 

de  l'affaire  de  Tarragone  estant  telle  que  vous  sçavés,  je  prends  la 
plume  pour  vous  conjurer  de  nouveau,  ainsy  que  j'ay  déjà  faict  plu- 
sieurs fois,  de  n'oublier  aucune  chose  de  ce  que  vous  pourrés  à  ce 
qu'on  en  puisse  avoir  un  bon  succez  ^ 


'  Richelieu  écrivait  le  même  jour  à 
l'archevêque  de  Bordeaux,  au  sujet  de  la 
même  affaire  :  «  M',  le  succez  de  l'entreprise 
de  Tarragone  est  de  telle  conséquence 
pour  mettre  les  affaires  des  Espagnols  en 
estât  qu'ils  soient  contraincts  de  consentir 
à  une  paix  raisonnable,  à  laquelle  jus- 
qu'à présent  ils  n'ont  peu  se  résoudre, 
que  le  roy  désire  et  veut  que  ses  vais- 
seaux el  ses  galères  facent  l'impossible 
pour  contribuer  au  dessein  pris  de  faire 
périr  l'armée  d'Espagne  dans  Tarragone.  » 
Puis  Richelieu  fait  remarquer  à  l'amiral 
qu'ayant  pris  sur  cette  côte  plusieurs 
ports  il  peut  s'en  servir,  comme  faisaient 
les  ennemis,  pour  rester  à  la  mer,  même 
dans  une  saison  avancée.  Le  cardinal 
témoigne  son  étonnement  de  ce  que 
M.  de  Bordeaux  se  plaigne  qu'on  n'ait 
point  pourvu  à  la  subsistance  des  galères, 
le  commis  du  s'  Picard  ayant  porté  à 
Barcelone  tout  l'argent  que  l'amiral  a  de- 
mandé. . .  «  le  dessein  auquel  vous  et  M.  de 
La  Motte  estes  embarquez,  ajoute  le  car- 
dinal ,  est  de  telle  considération  qu'il  n'y 
a  rien  qu'il  ne  faille  faire  pour  le  conduire 
à  bonne  fin,  et  vous  pouvés  faire  voir  en 
cettelettre,à  tous  ceux  qui  sont  sous  vostre 


charge,  que  le  roy  ne  pardonneroit  ja- 
mais à  quiconque  manqueroit  à  faire  tout 
ce  qui  est  possible  en  une  telle  occasion.  » 
Enfin  Richelieu  donne  à  entendre  à  l'ar- 
chevêque de  Bordeaux  que,  comme  on 
n'a  rien  épargné  pour  lui  fournir  tous  les 
moyens  de  succès ,  il  serait  sans  excuse 
de  n'en  pas  profiter.  H  y  a,  dans  ce  sé- 
vère avertissement,  une  pensée  qui  tour- 
mentait Richelieu,  et  qu'il  n'exprime  pas 
nettement,  mais  que  font  deviner  d'autres 
documents  ;  ainsi,  dès  le  2  juillet,  Chavi- 
gni  écrivait  au  maréchal  de  Brézé  :  «  On 
doute  fort  ici  des  intentions  de  M.  de 
Bordeaux,  mais  on  ne  sçait  comment  y 
remédier;  vous  pouvez  vousasseurerqu'on 
ne  perdra  aucun  temps  pour  le  faire.  » 
(Arch.  de  Brézé.)  Et  bientôt  on  verra  que 
le  mauvais  événement  de  l'affaire  de  Tar- 
ragone fut  la  cause  principale  de  la  dis- 
grâce de  l'archevêque  de  Bordeaux,  pour 
qui  Richelieu  fut  longtemps  un  si  actif 
protecteur  et  un  si  utile  ami.  Cette  impor- 
tante et  longue  lettre  ayant  été  impri- 
mée dans  la  correspondance  de  Sourdis, 
nous  ne  ferons  que  l'indiquer  aux  Ana- 
lyses, mais  nous  avons  dû  en  donner  ici 
le  résumé. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  849 

Sçachant,  comme  vous  faictes,  que  les  Catalans  ne  souffrent  pas 
que  nos  soldats  soient  un  jour  dans  leur  pays  sans  payer,  je  vous 
prie  de  faire  en  sorte  que  M'  d'Argençon  ne  soit  jamais  sans  fonds, 
du  tout  nécessaire  à  l'armée  que  commande  M"'  de  La  Motte. 

On  vous  a  mandé  que  nous  y  avons  envoie  soixante  mil  livres  d'ex- 
traordinaire sans  que  vous  le  sceussiés.  Celuy  qui  vous  a  donné  cet 
avis  a  augmenté  la  somme  de  la  moitié.  Il  est  vray  quej'ay  envoie 
trente  mil  livres  de  mon  argent  à  M'  d'Argençon  pour  erapescher 
qu'en  de  petites  choses  extraordinaires  un  dessein  si  important  vinst  à 
manquer  faute  d'argent,  mais  cela  n'est  point  pour  la  subsistance  de 
l'armée,  et  c'est  si  peu  de  chose  qu'elle  ne  vous  doit  point  destourner 
d'user  de  toutes  vos  diligences  accoustumées  à  ce  que  les  fonds  que 
vous  y  devés  envoier  préviennent  tousjours  leurs  nécessitez. 

Les  capitaines  des  gallères  ont  dépesché  icy  un  courrier  pour  de- 
mander permission  de  se  retirer  en  Provence  à  cause  des  maladies 
qui  travaillent  la  plus  part  des  chiourmes,  mais  on  n'a  pas  jugé  à  pro- 
pos de  la  leur  accorder,  tant  parce  que  l'armée  navale  dont  elles  font 
la  meilleure  partie  est  du  tout  nécessaire  au  lieu  où  elle  est  jusques 
à  ce  que  l'affaire  de  Tarragone  soit  achevée,  à  quoy  il  ne  faut  rien  es- 
pargner,  que  parce  aussy  que,  ayant  quantité  de  porls  en  cette  coste 
dans  lesquels  les  galères  ennemies  ont  toujours  subsisté,  et  de  plus 
ceux  de  Barcelonne,  Palamos,  et  Cap  de  Quiers,  les  nostres  s'y  pour- 
ront retirer  lorsque  la  saison  et  le  mauvais  temps  les  y  contraindra, 
sans  faire  un  si  grand  traject  comme  seroit  celuy  de  Marseille. 

Au  reste,  s'il  estoit  vray  qu'au  lieu  d'avoir  envoie  cinquante  miliers 
de  poudre  à  M'  de  Bordeaux,  comme  vous  m'en  avés  asseuré  par  vos 
lettres,  vous  ne  luy  en  ayés  envoie  que  vingt  miliers,  ainsy  qu'il  me 
l'escrit,  je  ne  me  pourrois  empescher  de  me  plaindre  de  vous  en  ce 
sujet,  comme  je  fais  du  dict  s""  de  Bordeaux,  s'il  ne  dict  pas  vray. 
Cependant,  craignant  qu'il  n'en  puisse  encores  avoir  besoin,  je  vous 
conjure,  lorsque  vous  aurés  remplacé  les  cinquante  miliers  que  je 
veux  croire  que  vous  iuy  avés  faict  fournir  de  pareil  nombre  que  je 
vous  ay  faict  envoier  de  Lyon ,  de  luy  en  envoier  encores  vingt-cinq 

CAIUJIN.  DE  RICUELIED.  —  VI.  I  07 


850  LETTRES 

niiliers,  afin  de  luy  oster  tout  lieu  de  se  plaindre.  Vous  promettant 
que  j'auray  soin  moy-mesnie  de  les  faire  remplacer  au  plus  tost. 
Vous  sçaurés  maintenant  la  prise  d'Aire  qui  ne  se  sçauroit  assez  es- 
timer, le  recouvrement  de  Donchery,  que  les  ennemis  avoient  pris 
sur  cette  frontière;  et,  à  mon  grand  regret,  la  perte  que  j'ay  faicle 
de  M'  ie  marquis  de  Coislin,  dont  je  suis  tellement  affligé  que  je 
ne  vous  en  sçaurois  dire  d'avantage',  remettant  à  M"^  de  Noyers 
à  vous  rendre  un  compte  plus  particulier  de  tout  ce  qui  se  passe. 
Asseurés-vous  tousjours  de  mon  affection  et  de  mon  service,  et  que 
je  suis. 

Monsieur, 

Vostre  ti'ës  humble  et  trës  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Mezières,  ce  4"  aoust. 


'  La  mort  de  cet  ami ,  dont  Richelieu 
s'élait  fait  un  parent  par  alliance,  l'avait 
singulièrement  louclié  ;  il  n'écrit  pas  de 
lettre  un  peu  intime  qu'il  n'en  parle  ;  la 
veille  il  mandait  à  Boutliillier  :  »  Je  ne 
sçaurois  vous  tesmoigner  l'oflliclion  que 
j'ay  de  la  mort  du  pauvre  M.  de  Coislin; 
c'est  un  escliantillon  des  avantages  que  je 
puis  retirer  de  la  guerre.  Je  prie  Dieu  de 
tout  mon  cœur  qu'il  nous  donne  la  paix, 
et  me  remets  entièrement  à  toutes  ses  vo- 
lontés. »  (Aux  Analyses).  —  «  M.  le  cardi- 
nal (dit  Arnaiild  dans  sa  correspondance, 
1 1  août)  est  très-sensiblement  touché  de  la 


mort  de  M.  le  marquis  de  Coislin,  il  en  a 
pris  le  deuil;  le  roy  a  esté  aussylostle  voir 
pour  le  consoler.  »  —  Et  quant  à  la  paix, 
on  commençait  à  croire  que  Richelieu 
la  désirait  véritablement.  «On  dit  (c'est 
encore  Arnauld  qui  l'écrit)  que  M*'  le 
cardinal  songe  tout  de  bon  à  la  paix  géné- 
rale,» a8  juillet  ;  et  le  ao  octobre:  «Il 
est  asseuré  que  M''  le  cardinal  travaille 
tous  les  jours  aux  instructions  de  l'an:- 
bassade  de  la  paix.  Maz-arin  mènera  plus 
de  8o  personnes  en  son  voyage.  »  C'était 
ce  grand  traité  de  Westplialie  que  Riche- 
lieu méditait  et  ébauchait  alors. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


851 


CCCCXXVIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  iC^i,  six  derniers  mois,  fol.  168,  copie': 

fol.  17^,  mise  au  net  de  la  main  de  Cherré  (non  datée) ;  fol.  1 66,  copie' ;  fol.  261 ,  copie. 

Bibl.  imp.  Béthune,  QsSy,  fol.   109-112.  —  Copie. 

5  aoust. 

*  Monsieur  le  duc  de  Bouillon  estant  venu  très-humblement  suplier 
le  roy  de  vouloir  iuy  pardonner  la  faute  qu'il  a  faicte  de  se  séparer 
de  la  fidélité  et  de  l'obéissance  naturelle  qu'il  Iuy  doict,  traittant  avec 
les  Espagnols  et  prenant  les  armes  avec  eux  contre  son  service ,  en 
considération  de  M'  le  comte  de  Soissons  ; 

Après  avoir  tesnioigné  un  extresme  repentir  d'un  tel  crime,  déclare 
qu'il  renonce  à  tous  les  traittés  qu'il  a  faicts  soit  avec  le  roy  de  Hon- 
grie, soit  avec  le  roy  d'Espagne  et  le  cardinal  infant,  par  leurs  mi- 
nistres, et  protesté  qu'il  aymeroit  mieux  mourir  non  seulement  que 
d'y  retomber  jamais,  mais  mesme  que  de  despiaire  ainsy  qu'il  avoit 
faict  par  le  passé,  à  Sa  d.  Majesté,  en  recevant,  en  sa  place  de 
Sedan,  sans  son  consentement,  des  personnes  mescontentes  de  Sa 
Majesté  et  mal  affectionnées  à  son  service ,  Sa  d.  Majesté  ne  doublant 
point  de  la  vérité  du  repentir  que  tesmoigne  le  d.  s'  duc,  et  croyant 


'  De  la  main  d'un  commis  de  de 
Noyers,  et  cette  copie  vaut  un  original, 
attendu  qu'elle  porte  la  signature  de  Su- 
blet  après  le  mol  coUationné. 

'  Cette  antre  copie  est  aussi  de  la  main 
d'un  commis  de  de  Noyers;  Cherré  a  mis 
au  dos  :  iCoppie  de  l'escril  particulier 
donné  par  M'  le  duc  de  Bouillon  pour 
demander  pardon  au  roy  d'avoir  Iraiclé 
avec  les  ennemis  et  porté  les  armes  contre 
son  service,  dont  la  forme  Iuy  avoil  esté 
envoyée,  signée  du  roy,  et  conlre-signée 
de  M.  de  Noyer»,  du  5*  aoust  i64i.  •  Le 
feuillet  167,  où  était  cette  annotation  de 


Cherré,  ne  se  trouve  plus  dans  ce  volume, 
qui,  dans  le  nouveau  classement,  porte  le 
numéro  97. 

'  Les  manuscrits  ne  donnent  point  de 
titre  à  celte  pièce;  seule  la  copie  de  Bé- 
thune mel  en  tète  :  Premier  accommode- 
ment de  M.  le  duc  de  Bouillon  avec  le  roy. 
Ce  mot  de  «  premier  »  s'explique  par  cela 
que  le  manuscrit  fait  suivre  cette  pièce  du 
traité  conclu  pour  la  cession  de  Sedan 
après  la  conspiration  de  Cinq-Mars,  traité 
que  ledit  manuscrit  intitule  Second  accom- 
modement. » 


I09. 


852 


LETTRES 


que  sa  fidélité  sera  à  l'avenir  telle  qu'il  le  promet,  luy  a  pardonné  et 
pardonne  volontiers,  en  cette  considération,  comme  aussy  à  tous  les 
gentilshommes  ou  autres  particuliers  qui  pourroient  estre  recherchez 
pour  avoir  trempé  en  son  crime,  soit  en  sa  considération  soit  en  celle 
de  feu  M*^  le  Comte,  et  déclare,  par  le  présent  escrit,  vouloir  à  fad- 
venir  avoir  sa  personne  et  sa  place  en  la  mesme  protection  qu'il  les 
a  eues  jusques  à  présent,  ainsy  que  le  d.  s'  duc  fen  a  supplié.  En 
considération  de  quoy  Sa  d.  Majesté  fera  expédier  au  d.  s''  duc  toute 
abolition  nécessaire  en  bonne  et  valable  forme  à  ce  qu'il  ne  puisse 
estre  recherché  du  crime  auquel  son  malheur  l'a  porté  contre  le  ser- 
vice de  S.  M.'  Faict  à  Mezières,  le  5  aoust  lô^i.  Signé  Louis,  et 
plus  bas  :  Su  blet. 

Je  promets  au  roy  de  satisfaire  fidellement  aux  conditions  expri- 
mées cy-dessus,  en  considération  desquelles  il  plaist  à  Sa  Majesté 
de  me  pardonner.  Faict  à  Sedan,  cinquième^  jo^''  d'aoust  i64i. 
Signé  F.  M.  de  la  Tour^. 

'  Pourveu  que  les  restes  du  party  que  feu  M"^  le  comte  de  Soissons 
avoit  formé  contre  le  service  du  roy  demeurent  esteintz  par  la  fidélité 
que  M.  de  Bouillon  proteste  et  promet  de  rendre  au  roy,  S.  M.  veut 
bien  déférer  à  la  prière  que  madame  la  Comtesse,  M'  le  duc  de  Lon- 


'  Il  Registrée  en  la  cour  du  parlement.  » 
Celte  phrase  se  lit  dans  la  copie  signée 
Sublel,  fol.  173. 

'  «Le  sixième,»  dans  la  même  copie 
collationnée  et  signée  Sublet,  ainsi  que 
dans  l'autre  copie,  fol.  261,  ms.  des  Aff. 
élr.  C'est  la  véritable  date. 

'  Cette  promesse  est  également  trans- 
crite dans  la  copie  du  ms.  des  Aff.  élr.  avec 
cette  annotation  :  nEt  au  dessoubz  est 
escrit  de  la  main  de  M' le  duc  de  Bouillon  : 
Je  promets ,  etc.  » 

'  Ce  qui   suit  n'est  poinl  dans  le  ms. 


des  Aff.  étr.  aux  folios  166  et  17/1  ;  mais 
on  le  trouve  aux  folios  176  et  179,  de  la 
main  d'un  commis  de  de  Noyers.  Cette 
copie  est  signée  Sublet,  après  le  mot  colla- 
tionné;  c'est  évidemment  la  suite  de  la 
pièce  du  folio  168,  quoiqu'elle  en  soit  sé- 
parée par  cinq  feuillets.  Aux  folio.s  277  et 
282  du  même  manuscrit  sont  deux  copies 
de  cette  partie  de  la  pièce,  depuis  n  pour- 
veu que,  »elc.  Ily  a  quelques  inexactiludes 
dans  la  copie  de  Béthune;  nous  n'en  avons 
maixjué  que  deux.  La  d.  copie  d'ailleurs 
contient  un  paragraphe  qui  n'est  pas  ici. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  853 

gueville  et  IVT  de  Bouillon  luy  font  d'user  de  sa  bonté  envers  la 
mémoire  de  feu  M""  le  comte  de  Soissons,  en  faisant  cesser  les  pour- 
suittes  que  Sa  Majesté  a  ordonné  estre  faictes  en  son  parlement  contre 
le  d.  s'  Comte,  et  permettant  que  son  corps  soit  porté  en  France  pour 
y  estre  enterré',  ce  que  Sa  Majesté  n'accorde  qu'à  condition  que 
M'  de  Bouillon  demeure  dans  la  fidélité  qu'il  promet  au  roy. 

Le  roy  trouve  bon  de  pardonner  à  tous  les  gentilshommes,  officiers 
et  autres  particuliers  nobles  ou  non,  qui  se  sont  unis  à  feu  M""  le 
comte  de  Soissons  et  au  d.  s"  duc  de  Bouillon  et  duc  de  Guise  contre 
le  service  de  Sa  Majesté,  depuis  que  M""  le  Comte  est  entré  dans  Se- 
dan ;  et  les  restablir  en  leurs  biens,  en  Testai  qu'ils  se  trouveront  à 
présent*,  à  l'exception  du  baron  du  Bec. 

S.  M.  ne  trouve  point  mauvaise  la  supplication  que  M.  de  Bouillon 
luy  a  faicte  en  faveur  de  M"'  de  Guise;  mais,  ayant  encore  tesmoigné 
la  mauvaise  volonté  qu'il  a  pour  la  France  depuis  la  mort  de  M"'  le 
Comte,  il  n'y  a  personne  qui  ne  doive  juger  que  la  raison  veut  que 
S.  M.  face  distinction  de  la  conduite  de  M'  de  Bouillon  et  de  celle  de 
M'  de  Guise,  pardonnant  au  premier  et  non  au  second. 

Le  roy  fera  observer  la  protection  accordée  par  Sa  Majesté  à  M'  le 
duc  de  Bouillon  pour  sa  personne  et  la  souveraineté  de  Sedan  en 
mil  six  cens  seize,  et  envoyera  le  renouvellement  de  la  d.  protection 
en  son  parlement  de  Paris;  recommandant  à  ses  officiers  d'y  faire 
favorablement  ce  que  la  justice  pourra  permettre. 

Le  roy  maintiendra  M'  le  duc  de  Bouillon  au  rang  qui  luy  peut 
appartenir  '. 

'  Au  lieu  de  la  fin  de  ce  paragraphe  sa  persévérance  en  son  devoir  jusques  à 

la  copie  du  folio  377  met  :  •  mais  d'autant  la  paix,  » 

qu'il  seroit  honteux   à  S.   M.  d'user  de  '  Les  derniers  mots  de  ce  paragraphe 

telles  grâces  si  les  troubles  commencez  à  sont  omis  dans  la  copie  du  folio  277,  ainsi 

Sedan  venoient  à  se  renouveler  s.  d.  m.  que  tout  le  paragraphe  suivant, 
ne  s'oblige  de  se  relascher  en  ce  point  '  La  copie  du  folio  377  ajoute  :«  et  que 

qu'au  cas  que  le  d.    s'  de  Bouillon  de-  les  siens  et  luy  ont  eu  en  France  jusqu'à 

meure  en  la  fidélité  qu'il  doit  et  promet  présent.  » 
au  roy,  dont  elle  se  tiendra  asseurée  par 


854  LETTRES 

'  S.  M.  fera  jouir  les  habitans  de  Sedan  et  du  vicomte  de  Turenne 
des  privilèges  qui  leur  ont  esté  accordez  par  ses  prédécesseurs. 

Le  roy  ordonnera  à  M""  Bouthiliier,  surintendant  de  ses  finances, 
d'examiner  les  assignations  qui  ont  esté  données  pour  la  protection 
de  Sedan  depuis  1687,  et,  au  cas  qu'elles  ne  soient  pas  bonnes,  il 
luy  commandera  de  les  faire  valoir.  Et  si  mesme  il  ne  reste,  comme 
dict  le  d.  s'  duc  que  vingt-deux  mil  quatre  cens  livres^  des  années 
I  635  et  36,  qu'il  ne  soit  entièrement  satisfaict  de  ce  qu'il  prétend 
luy  estre  deub  des  dictes  années,  Sa  Majesté  trouve  bon  qu'ils  luy 
soient  payez  actuellement. 

Le  roy  trouve  bon  de  faire  payer  actuellement  la  moitié  de  tout 
le  canon  qui  a  esté  pris  en  la  journée  de  Marphée  ^  et  dans  la  place  de 
Donchery,  le  d.  s'  de  Bouillon  déclarant,  comme  il  faict,  qu'il  ren- 
droit  tout  sans  aucun  prix,  si  la  moitié  du  d.  canon  ne  luy  avoit  esté 
laissé  en  deppost  par  Lamboy. 

M'  de  Bouillon  déclarant  qu'entre  tous  les  prisonniers  qui  sont  à 
Sedan,  il  y  en  a  20  ou  3o  qui  appartiennent  au  d.  Lamboy,  à  la 
prière  des  quels  il  s'est  rendu  respondant  envers  luy  de  leur  quar-, 
tier,  au  cas  que  S.  M.  en  veuille  establir  un  avec  le  d.  Lamboy  pour 
tous  les  prisonniers  qui  seront  pris  de  part  et  d'autre  à  i'advenir, 
S.  M.  a  trouvé  bon  que  le  d.  quartier  soit  establi  avec  le  d.  Lam- 
boy, mareschal  de  camp  du  roy  de  Hongrie,  ainsy  qu'il  a  désiré,  et 
qu'en  cette  considération  le  quartier  des  prisonniers  qui  luy  appar- 
tiennent soit  actuellement  payé  à  M'  de  Bouillon  pour  luy  faire 
tenir. 

Lorsque  M'  de  Bouillon  viendra  auprès  du  roy,  avec  la  résolution 
qu'il  proteste  vouloir  avoir,  il  y  sera  très-bien  receu,  et  Son  Eminence 
se  rendra  volontiers  caution,  auprès  de  Sa  Majesté,  que  le  d.  s*^  duc 
rompra  tout  commerce,  et  n'aura  jamais  aucune  intelligence  avec  les 
ennemis;  qu'il  licentiera  les  troupes  qui  avoient  esté  levées  tant  par 

Ce  paragraphe  manque  dans  la  copie        fol.  2775  «  trente  trois,  •  copie  de  Béthune. 
du  folio  277.  '  Le  copiste  de  Béthune  a  estropié  ce 

'  «  Dix  ou  douze  mille  livres ,  »  copie  du        nom ,  qu'il  a  écrit  ;  «  Manpl.  " 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  855 

luy  que  par  feu  M''  le  Comte  ',  eu  la  meilleure  forme  qui  sera  con- 
certée et  arrestée  entre  Son  Eminence  et  le  d.  s"'  duc  de  Bouillon, 
en  sorte  que  Sa  Majesté  n'en  soit  point  desservie. 

*  Je  déclare  que  le  roy  a  trouvé  bon  que  je  promisse  en  son  nom 
à  M' le  duc  de  Bouillon  le  contenu  cy-dessus.  Ce  que  je  promets,  de 
sa  part,  faire  exécuter  religieusement.  Faict  à  Mezières,  le  cinquième 
aoust  rail  six  cens  quarante  un.  Signé  le  cardinal  de  Richelieu. 

Je  déclare  estre  satisfaict  de  la  promesse  cy-dessus  que  me  faict 
monsieur  le  cardinal  duc  de  Richelieu,  le  quel  je  conjure  de  respondre 
au  roy  de  ma  fidélité,  luy  prolestant,  sur  ma  foy  et  sur  mon  hon- 
neur, que  je  mourrois  plus  tost  que  d'y  manquer,  en  quoy  que  ce 
puisse  estre.  Faict  à  Sedan  le  sixième  jour  d'aoust  mil  six  cens  qua- 
rante un. 

Signé  T.  M.  de  l\  Tour  ^. 
Coilatioimé 

SCBLET. 

Les  diverses  pièces  de  la  négociation  faite  avec  le  duc  de  Bouillon  ont  été 
réunies  dans  le  ms.  des  AIT.  ctr.  cité  aux  sources,  fol  261  —  297,  et  l'on  conserve 
au  Dépôt  de  la  guerre,  en  original  sur  parchemin,  la  «Requeste  du  duc  de 
Bouillon  au  roy,  en  mettant  ses  Estats  sous  la  protection  de  S.  M.  «  et  le  texte 
du  serment  prêté  par  le  duc.  La  première  pièce  est  datée  du  1 2  août  et  la  se- 
conde du  12  octobre.  (Tome  67,  pièces  181  et  21 5.) 

'  Ici,  dans  la  copie  du  folio  ^77,  au  Ion,  en  le  faisant  précéder  de  ces  mois  : 

lieu  de  ce  qui  siiil,  on  a  mis  quelques  «  A  l'expédition  des  articles  fournis  à  M' de 

délails  de  la  suite  de  la  négociation.  On  y  Bouillon  il  y  a  au  bas  :  Je  déclare,  etc.  » 
trouve  aussi  la  copie  delà  créance  donnée  '  En  conséquence  de  celte  promesse, 

par  le  duc  de  Bouillon  à  M.  de  Real,  et  la  une  déclaration  du  roi  fui  enregistrée  au 

copie   de   deux   leltns   de  de   Noyers   à  parlement  le  a  septembre  et  publiée  dans 

M'  de  la  Croiselte,  ainsi  que  d'une  lettre  la  Gazelle  du  1 1,  p.  Gof).  Et  dans  la  Gn- 

de  celui-ci  à  de  Noyers.  zette  du  1 4  on  lit  :  «  L'unzième  de  ce  mois 

'  Ce   paragraphe  n'est  point  dans   le  fut  atlaclié  par  l'exécuteur  de  la  haulejus- 

ms.  des  AO.  élr.  fol.    176,   mais   il  est  lice,  en  la  place  de  Grève,  le  tableau  con- 

dans  l'autre  copie,  fol.  261.  Dans  la  copie  tenant  l'arresl  de  condamnation  de  naori 

du  folio  282  on  l'a  daté  du  6  août,  et  on  contre  le  duc  de  Guise,  pour  crime  de 

l'a  mis  fipris  la  signature  de  M.  de  Bouil-  lèze  majesté.  »  (P.  620.) 


856 


LETTRES 


CCCCXXIX. 

Archives  de  la  famille  de  Bouthillier.  —  Original. 

[A  M.  BOUTHILLIER'.] 

De  Roye ,  ce  18'  aoust  1 64 1 . 

J'ay  receu  vos  dépesches  des  i  2  et  i5"*  de  ce  mois,  par  lesquelles 
ayant  veu  qu'enfin  les  affaires  du  clergé  sont  achevées^,  et  le  contract 
signé  avec  M"^*  les  commissaires  du  conseil,  je  n'ay  point  d'autre  res- 
ponse  à  vous  faire,  sur  ce  sujet,  sinon  que  je  suis  très-aise  que  vous 
en  soyés  sorty  comme  vous  avés  faict. 

Pour  ce  qui  est  de  ia  déclaration  accordée  à  M"  du  clergé  en  fa- 
veur de  leurs  fermiers  et  receveurs,  j'estime,  comme  vous,  qu'il  n'y  a 
nulle  apparence  d'y  adjousler  l'exemption  des  subsistances  pour  les 
raisons  que  vous  m'avés  mandées,  et  qu'il  la  fault  laisser  en  la  sorte 
qu'elle  a  esté  cy  devant  donnée.  J'escris,  sur  ce  sujet,  à  M"^  de 
Chartres,  ainsy  que  vous  l'avés  désiré,  et  vous  envoie  ma  lettre.  J'avois 
déjà  sceu  l'émotion  arrivée  à  Grenoble  sur  le  sujet  de  l'establissement 
de  la  subvention  générale  dans  la  ville,  dont  j'ay  eu  beaucoup  de 
desplaisir.  Je  croy  qu'il  n'y  a  rien  à  faire  maintenant  en  cette  affaire 
et  en  celle  de  la  Bourgoigne  que  ce  qu'a  desjà  faict  Mons"'  le  chancelier 
et  ce  que  vous  me  mandés. 

J'ay  esté  extresmement  aise  de  voir  que  vous  ayés  satisfait  à  toutes 


'  Il  n'y  a  point  d'indication  de  la  sus- 
cription ,  mais  Bouthillier  a  mis  au  dos  la 
note  de  réception. 

^  L'assemblée  de  Mantes  s'avançait  vers 
son  terme;  un  contrat  avait  été  passé  le 
i4  août',  et  l'évêque  de  Chartres  écrivait 

*  «  Contract  fait  et  passé  entre  le  roy  et  le  clergé  de 
France,  assemblé  par  permission  de  S.  M.  en  la 
ville  de  Mantes,  le  i li"  jour  d'aoust  i6ii,  à  Paris 
chez  Antoine  Vitray,  in-4°.  Il  est  passé  devant  no- 


au  cardinal  le  a  1  :  «  Nou.s  signasines  hier 
le  département,  et  demain  je  dois  dire  la 
messe  de  la  conclusion  de  l'assemblée  ;  et 
après  cela  chacun  se  séparera.  Ainsv  la 
voilà  finie,  grâce  à  Dieu!  »  (AIT.  élr.  France, 
16^1,   six  derniers  mois,  fol.  246.) 

taire,  et  signé,  est-il  dit,  des  seigneurs  du  clergé 
et  des  seigneurs  commissaires  du  roy.  Ce  document 
est  conservé  aux  arch.  des  Atf.  étr,  France ,  tome  97, 
fol.  196. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  857 

les  despenses'dont  M"  de  Noyers  vous  a  escrit  pour  le  service  du  roy. 
La  diligence  que  vous  apportés  tousjours  en  telles  affaires  m'oblige 
et  me  satisfait  plus  que  je  ne  vous  le  sçaurois  dire.  Je  ne  vous  convie 
point  à  la  continuer,  sachant  bien  que  vous  n'y  manquerés  pas.  Puisque 
vous  jugés  avoir  besoin  du  s'  Besançon  pour  faire  payer  ceux  de  Tours 
de  ce  qu'ils  doivent,  on  vous  l'envoiera  le  plustost  qxi'il  se  pourra. 

Pour  ce  qui  est  des  1 8,000^  que  vous  avés  promis  pour  distribuer, 
sous  main,  à  quelques  particuliers  de  l'assemblée',  sous  prétexte  de 
gages  du  conseil,  je  n'ay  rien  à  dire  sinon  que  vous  le  devés  faire 
puisque  vous  vous  y  estes  engagé,  mais  prenés  garde  qu'il  n'y  ait  de 
la  friponnerie  en  celte  affaire,  que  vous  devés  empescher  autant  que 
vous  pourrés,  prenant  cognoissance  de  ceux  à  qui  on  deslivrera  cette 
somme. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


'  Le  manuscrit  met  :  «  par"'  ;  »  s'agil-il 
de  membres  de  l'assemblée  ou  de  simples 
agents?  La  vénalité  était  dans  les  mœurs 
de  ce  temps -là;  nous  avons  ici  de  cu- 
rieuses révélations  à  cet  égard.  Nous  li- 
sons dan»  la  lettre  précitée  de  l'évêque 
de  Chartres  :  «  La  violence  a  passé  jus- 
ques-là  qu'on  vouloit  chasser  le  s'  de  Lor- 
maison  de  sa  charge  malgré  luy,  et  luy 
donner  pour  commis  Calcavy.  Il  n'y  a 
voye  que  l'on  n'aye  tenlée  pour  m'amener 
à  cette  opinion;  les  justes  (louis  d'or,  de 
Louis  le  Juste)  m'ont  esté  offerts  pour 
consentir  à  cette  injustice,  et  jusques  à 
vingt  sept  mil  livres  d'argent  content, 
oultre  quelques  douceurs.  .  .  Ce  n'est  pas 
que  de  ces  grandes  offres  (  ajoute  Léonor 


d'Étampes  avec  une  inlenlion  assez  peu 
déguisée)  je  veuille  me  prévaloir  de  mé- 
riter que  V.  Em.  songe  à  mes  intérests , 

au   contraire »   (M.   de  Chartres   n'y 

perdra  pas,  Hichelieu  lui  donnera  bientôt 
l'archevêclié  de  Reims,  l'un  des  plus  riches 
de  France).  «  Tous  les  autres  de  l'assemblée 
ont  esté  tentez  par  les  mesmes  voyes. .. 
Les  offres  d'argent  à  ceux  de  l'assemblée 
ont  esté  accompagnées  de  menaces,  et 
l'un  d'eux  a  parti  de  son  carosse  avec  ses 
gens  portant  bastons  pour  excéder  Lor- 
maison,  et,  sans  que  cela  fust  descouvert, 
il  l'eust  faict  assommer.  »  Et  puis  l'évêque 
de  Chartres  raconte  l'affaire  de  l'agence 
de  Hugues,  dont  il  sera  question  tout  à 
l'heure. 


ctr.DiN.  m:  richklikIj. 


M. 


108 


858  LETTRES 


ccccxxx. 

Archives  de  la  famUle  de  Bouthillier.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  MESSIEURS  LE  CHANCELIER  ET  LE  SURINTENDANT, 

À  AMIENS. 

D'Amiens,  ce  2  2  aoust  16/11. 

Les  désordres  que  nous  avons  rencontrés  en  Champagne  et  en  Pi- 
cardie sur  le  sujet  non  pour  restablissernenl  du  sol  pour  livre  quant 
au  principal,  mais  sur  la  demande  que  les  traitans  font  de  la  taxe 
qu'ils  prétendent  devoir  lever  à  l'esgard  du  passé  pour  l'inventaire 
des  boutiques,  m'obligent  à  prendre  la  plume  pour  dire  à  messieurs 
du  conseil  que,  s'ils  ne  tempèrent  leurs  traitans  au  desrèglement  de 
leur  demande,  il  est  impossible  d'esviter  une  révolte. 

Le  désordre  est  tel  qu'on  n'a  point  eu  de  honte  de  demander  cent 
cinquante  mille  livres  pour  l'inventaire  des  boutiques  en  Picardie, 
qui  ne  porte  que  cent  mille  livres  d'impost  principal  par  an.  Nous 
avons  trouvé  tel  particulier  condamné  à  5oo**  pour  le  dit  inventaire 
dont  la  taxe  d'un  an  ne  peut  aller  k  2^^. 

La  grandeur  des  sommes  qu'on  veut  exiger  des  peuples  sur  ce  su- 
jet les  met  au  désespoir  et  met  au  hasard  le  principal  du  sol  pour 
livre  que  les  provinces  veulent  souffrir  volontairement. 

Je  croy  mesme  que  l'on  porteroit  les  villes  et  les  peuples  à  payer, 
pour  le  dict  inventaire,  quatre  mois  du  passé  sur  le  prix  de  la  taxe 
qui  leur  est  faicte  pour  l'année  entière. 

Si  Messieurs  du  conseil  en  demandent  davantage,  je  croy  qu'ils  au- 
ront tort;  et  non-seulement  doivent-ils  accepter  promptement  l'offre 
qui  leur  est  faicte,  mais  donner  ordre  à  faire  aussy  promptement  ces- 
ser l'appréhention  qu'ont  les  peuples  qu'on  continue  les  vexations 
qu'on  leur  a  faictes  sur  ce  sujest'. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

'  Bouthillier  répondit  au  cardinal  le  sujet  de  les  blasmer  (les  traitants  du  sou 
■2~  août    « V.  Em.  n'a  que  trop  de        pour  livre),  et  elle  aura,  s'il  liiy  plaist , 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  859 


CCCCXXXI. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  derniers  mois,  foi.  25i.  — 

Original. 

snSCRIPTION :' 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT, 

À   PABIS. 

D'Amiens,  ce  28*  aoust  i6ii. 

Ce  billet  est  pour  faire  sçavoir  à  M""  le  surintendant  que  M"  de 
Brézé  et  de  La  Melleraie  ont  heureusement  commancé  leur  diversion 
dans  la  Flandre,  et  que  nous  espérons,  avec  l'ayde  de  Dieu,  que  la 
suite  en  sera  bonne. 

M"^  de  Brézé  a  pris  en  vingt-quatre  heures  une  ville  nommée  Lens, 
qui  s'est  rendue  par  estonnement,  et  qui  pouvoit  tenir  huict  jours. 

Et  M'  de  La  Melleraie  en  a  pris  une  autre  en  soixante  heures,  ap- 
pelée la  Bassée,  quoyqu'il  y  eust  plus  de  1,600  hommes  de  guerre, 
sans  les  habitans,  qu'elle  soit  fortifiée  de  8  bastions,  et  en  une  sci- 
tuation  sy  avantageuse  que,  si  les  travaux  estoient  parachevés,  ce  qu'on 
peut  faire  aisément,  la  place  ne  vaudroit guère  moins  qu'Aire. 
.  On  fera  ensuille  tout  ce  qu'on  pourra  pour  incommoder  les  enne- 
mis; Dieu  par  sa  bonté  fera  le  reste;  nous  travaillerons  comme  s'il 
n'estoit  point  de  la  partie  et  nous  nous  confierons  en  luy  comme  s'il 
avoit  entrepris  de  faire  seul  nostre  besoigne. 

Vostrc  héritier  '  est  arrivé  icy  en  bonne  santé,  parle  retour  duquel 
j'ay  esté  bien  aise  d'aprendre  que  vous  soyés  en  pareil  estât. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU  1. 

agréable  que  je  luy  dise,  que  desjà,  sur  au  quartier  d'hiver  prochain,  tout  ce  que 

semblables  plaintes,  nous  avons  donné  un  nous   pourrons  pour  ne  rien   émouvoir; 

arresl  général  pour  arrester  la  poursuite  mais    cncores   faut-il  essaier   d'en    tirer 

de  toutes  les  taxes  qu'ils  ont  faicles,  sur  quelque  soulagement,  dans  le  besoin  que 

lesquelles  nous  suivrons  i'advis  de  V.  Em.  l'on  en  a.»  (Archives  des  Affaires  étran- 

comme  un  commandement  très-juste...  gères,  France,  i64i>  six  derniers  mois, 

Nous  ne  manquerons  pas  d'apporter,  en  fol.  a5o.) 

celte  sorte  d'affaire  très-délicate  jusques  '  M.  de  Chavigni. 

108. 


860 


LETTRES 


CCCCXXXII. 
Arch.  de  Ja  maison  de  Brézé.  —  Mise  au  nel  de  la  main  de  Cherré. 

[28  août  i64i  "?] 

Nous  niareschal  de  LaMelleraie ,  lieutenant  général  d'une  des  armées 
du  roy  qui  sont  présentement  en  Flandres,  déclarons,  de  la  part  du 
roy,  que  toutes  les  villes  qui  voudront  se  tirer  de  la  puissance  d'Es- 
pagne, et  prendre  la  protection  de  Sa  Majesté  demeureront  libres  et 
recevront  un  sy  favorable  traitement,  que  non-seulement  leurs  privi- 
lèges leur  seront-ils  conservés,  mais  en  outre  leur  seront  augmentez; 
qu'ils  ne  recevront  aucune  vexation  des  gens  de  guerre,  qu'il  ne  sera 
.pris  aucun  denier  sur  eux,  Sa  Majesté  ne  désirant  autre  chose  sinon 
qu'ilz  luy  donnent  asseurance  de  n'adhérer  plus  à  l'avenir  aux  ennemis 
de  son  Estât,  et  de  se  délivrer  du  mal  qu'ilz  en  reçoivent^. 


Au  dos  de  cette  pièce  M.  de  Brézé 
cril  à  M"  de  Lisle.  »  Ce  projet  avait  été 

'  Le  manuscrit  ne  donne  point  de  date 
à  cette  pièce;  nous  la  mettrons  au  28  août, 
veille  du  jour  où  les  généraux  ont  écrit 
celle  qu'ils  y  ont  substituée. 

'  Richelieu  ne  négligeait  aucun  moyen 
de  mettre  à  profit,  contre  les  Espagnols, 
J'heureuse  rencontre  de  succès  qui  favo- 
risait en  ce  moment  la  cause  de  la  France. 
11  espérait  surtout,  pour  les  affaires  du 
nord,  en  la  coopéralion  de  la  Hollande, 
et  il  s'efforçait  de  communiquer  au  prince 
d'Orange,  ainsi  qu'aux  Etats,  ce  zèle  ac- 
tif et  cette  chaleureuse  ardeur  dont  lui- 
même  était  animé.  Nous  notons  aux  Ana- 
lyses deux  dépêches  écrites  le  même  jour 
(  I  a  août  )  à  M.  de  La  Thuillerie ,  ambassa- 


a  mis  :  «  Projet  sur  lequel  nous  avons  es- 
envoyé  par  le  cardinal  aux  deux  généraux , , 

deur  de  France  à  la  Haye,  et  à  M.  d'Es- 
trades ,  dont  la  mission  extraordinaire  avait 
pour  objet  de  presser,  dans  celte  circons- 
tance, l'exécution  des  engagements  pris 
par  eux.  a  Bien  que  je  ne  doute  point, 
écrivait  Richelieu  au  comte  d'ENlrades, 
que  les  iiiléresls  de  M"  les  Estais  et 
de  M'  le  prince  d'Orange  ne  les  por- 
tent à  faire  quelque  entreprise  fort  con- 
sidérable en  une  conjoncture  si  favo- 
rable   pour    eux,    pressés -le;   jamais    il 

n'aura  une  si  belle  occasion nous 

ferons  de  nostre  part  plus  que  nous  ne 

promettons j'ay  respondu  au  roy 

que  le  prince  fera  ce  qu'on  en  sauroit 
attendre.  • 


DU   CARDINAL  DE  RICHELIEU.  861 

qui  ont  trouvé*bon  d'y  faire  quelques  changements.  Il  ne  nous  semble  pas  sans 
intérêt  de  montrer  comment  ces  messieurs  ont  corrigé  la  pensée  si  nette,  si  pré- 
cise de  Richelieu;  le  brouillon  de  leur  contre-projet  se  trouve  joint  à  cette  pièce; 
il  est  de  la  main  de  M.  de  Brézé,  qui  a  mis  au  dos  : 

«  Copie  du  projet  pour  envolera  Lisle,  le  29°  aousl  i64i.  » 
•  Les  mareschaux  de  La  Melleraye  et  de  Brézé,  généraux  des  deux  armées 
du  roy  : 

«  Sa  Majesté  très-chrestienne  nous  aiant  envoies  ici  avec  deux  grandes  armées 
pour  deslivrer  les  provinces  du  Pays-Bas  de  l'oppression  soubs  laquelle  elles  vi- 
vent depuis  si  longtemps,  après  nous  eslre  saisiz  des  passages  de  la  Bacée,  Pont- 
avendin  et  Lens,  nous  avons  creu  estre  obligez,  avant  que  de  passer  plus  avant 
dans  le  pays,  de  faire  savoir  à  un  chacun  que  ce  n'est  point  l'intention  du  roy 
noslre  maistre  que  ses  armes  facent  aucun  mal  à  qui  que  ce  soit  qu'à  ses  enne- 
mis, de  sorte  que,  s'il  y  a  quelques  villes  qui  veillent  quiter  ceste  qualité  là  et 
accepter  la  neutralité,  après  nous  en  avoir  donné  les  assurances  sur  ce  nécessaires, 
nous  serons  tous  près  d'esloigner  les  troupes,  en  sorte  qu'ils  n'en  recevront  au- 
cun doumage  ,  noslre  dessein  estant  de  les  tourner  seulement  contre  ceux  qui 
ne  voudroient  pas  accepter  ce  parti,  qui  leur  est  si  avantageux,  exersant  en  ce 
cas  là  tous  les  actes  d'hostilité  à  leur  endroit.  —  Fait  ce  29°  aousl.  »  —  Dans 
celte  flasque  paraphrase  les  généraux  ont  supprimé  précisément  l'article  prin- 
cipal de  la  déclaration  :  «  Toutes  les  villes  qui  voudront  se  tirer  de  la  puissance 
d'Espagne,  et  prendre  la  protection  de  S.  M.  demeureront  libres...  » 


NOTA. 

3o  août. 

Après  la  clôture  de  l'assemblée  de  Mantes,  les  députés  dont  elle  était  compo- 
sée durent,  selon  la  coutume,  aller  prendre  congé  du  roi,  le  3o  août.  S.  M.  se 
trouvait  alors  à  Amiens,  ainsi  que  Richelieu.  L'évêque  de  Grenoble  (Paul  Scar- 
ron)  était  chargé  de  complimenter  le  roi  et  le  cardinal.  Deux  mémoires  furent 
préparés  pour  la  réponse  du  roi,  l'un  où  l'affaire  était  exposée  avec  quelques  dé- 
tails, l'autre  plus  succinct;  il  est  probable  que  ce  fut  ce  dernier  que  Louis  XllI 
prononça  ;  le  premier  avait  sans  doute  pour  objet  de  bien  lui  rappeler  les  faits  : 

.MÉMOIRE  POUR  LE  ROY. 

•  Lorsque  M"  du  clergé  auront  achevé  la  harangue,  ils  présenteront  à  S.  M. 
M"  de  Grignan  et  Hugues,  agens  nouveaux. 


862  LETTRES 

«  Le  roy  dira,  s'il  iiiy  plaisl,  que,  par  les  lettres  qu'il  escrivit  l'année  passée  aux 
provinces  d'Ambrun  et  d'Arles,  il  leur  commanda  de  ne  nommer  point  d'agens, 
et  qu'ils  différassent  jusques  en  l'année  i645  à  faire  la  d.  nomination.  Et  leur 
ayant  escril  cette  année  il  leur  manda  qu'il  convoque  une  assemblée  du  clergé 
pour  traiter  du  secours  qu'ils  doivent  donner  à  S.  M.  sans  pouvoir  traiter  d'autres 
allaires.  Au  prc^udice  de  quoy  la  province  d'Arles  a  esté  convoquée,  tant  pour 
aviser  aux  affaires  du  roy  que  pour  nommer  un  agent,  et  ont  nommé  M.  l'abbé 
de  Grignan. 

«  Et  quant  à  la  province  d'Ambrun  ,  l'archevesque  n'a  point  voulu  convoquer  sa 
province,  n'en  ayant  aucun  ordre  du  roy,  et  les  deffenses  portées  par  ses  lettres 
de  l'année  passée  n'estant  point  levées  ;  nonobstant  quoy,  la  d.  province  assem- 
blée a  nommé  deux  agens,  sçavoir:  la  pluralité  des  voix  a  nommé  le  s'  Gassendy, 
et  deux  voix  seulement  ont  nommé  le  s'  Hugues.  Lesquels  agens  se  sont  trouvés  à 
l'ouverture  de  l'assemblée  générale  de  Mantes,  où  moyennant  8  mille  livres 
données  à  Gassendy  par  Hugues,  et  ce  par  l'entremise  de  M.  de  Tolose,  le  d. 
Hugues  est  demeuré  agent.  .  .  c'est  pourquoy  le  roy  deffend  aux  agens  d'Arles 
et  d'Ambrun  d'en  exercer  la  charge.  Que,  pour  ne  point  préjudicier  au  clergé  et 
au  droit  des  provinces,  il  escrira  aux  archcvesques  d'Arles  et  d'Ambrun,  et  leur 
donnera  permission  de  convoquer  leurs  provinces  pour  nommer  des  agens,  avec 
cet  ordre  néanlmoins  qu'il  ne  désire  pas  que  le  s'  Hugues  soit  nommé,  ayant 
achepté  sa  place  sans  aucun  droit;  et  mesnie  qu'il  a  osé  dire  à  M.  d'Hémery,  lors- 
qu'il luy  parla  des  affaires  da  roy  pendant  l'assemblée,  qu'il  estoit  engagé,  et 
qu'il  ne  luy  pouvoit  accorder  pour  le  roy  ce  qu'il  lui  demandoit. 

■  Et  qu'en  attendant  que  le  roy  envoie  ses  ordres  dans  lesd.  provinces,  afin  que 
les  affaires  du  clergé  ne  demeurent  pas,  il  commande  au  prieur -de  St-Denis, 
l'un  des  anciens  agens,  d'exercer  la  d.  charge,  sachant  qu'il  s'en  acquittera  digne- 
ment i.  (Arch.  des  Aff.  étr.  France,  t.  99.  Mise  au  net  de  la  main  de  Charpen- 
tier.) 

•  Il  faut  une  lettre  de  cachet  pour  le  d.  s"^  de  St-Denis  en  ces  termes  :  «  Nostre 
amé  et  féal ,  n'aiant  pu  recevoir  les  agens  du  clergé  nommés  par  la  province  d'Ar- 
ras  et  d'Amiens  ^- . .  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  commander  d'exercer  ce- 
pendant la  d.  chaîne,  sachant  que  vous  vous  en  acquitterés  dignement.  » 

MÉMOIRE  POUR  LE  ROY'. 

[3o  août  i64i.] 

Messieurs,  comme  j'ay  esté  niescontenl  de  quelques-uns  de  vostre 

'   Richelieu  a  rais  en  quatre  lignes  les  '  Minute  de  la  main  de  Cberré  (ois. 

raisons  déduites  dans  le  mémoire.  précilé.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  863 

compagnie,  je  suis  très-satisfaict  de  vostre  corps  ;  je  l'affecticHne  et  le 
protégeray  en  toutes  occasions. 

Après  cela  les  depputez  présenteront  les  agens  suppliant  le  roy  de 
les  recevoir.  —  Lors  le  roy  dira  : 

Je  ne  puis  recevoir  ces  agens  parce  qu'ils  ont  été  faicts  sans  ma 
permi.ssion,  et  contre  toutes  les  formes,  et  que  celuy  d'Ambrun  a 
donné  de  l'argent, 

M""  le  cliancelier  vous  fera  sçavoir  à  Paris  l'ordre  qui  devra  estre 
tenu  pour  une  nouvelle  eslection.  Et,  en  attendant,  je  désire  que  le 
prieur  de  St-Denis  face  les  affaires.  (Min.  de  la  main  de  Clierré,  ms. 
précité.) 

Les  deux  harangues  de  i'évêque  de  Grenoble  furent  publiées;  celle  qui  s'adres- 
sait au  cardinal  était  d'un  bout  à  l'autre  un  panégyrique  complet  et  parut  telle 
qu'elle  avait  été  prononcée.  Quant  au  discours  adressé  au  roi,  et  f|ui,  selon 
l'u.sage,  devait  être  en  forme  de  remontrance,  comme  le  titre  l'indique,  il  y  fallut 
quelque  précaution.  Richelieu,  mandant  à  Séguier  ce  qui  s'était  passé  en  l'au- 
dience donnée  par  le  roi  aux  députés,  terminait  ainsi  sa  lettre  : 

Monsieur  le  chancelier  saura  que  M'  de  Grenoble  a  dit,  dans  sa 
harangue,  des  choses  assez  mal  à  propos.  Je  l'ay  averti,  de  la  part 
du  roy,  de  ne  la  pas  faire  imprimer  sans  estre  tout  à  faict  corrigée; 
il  l'a  promis  fort  volontairement.  Monsieur  le  chancelier  la  deman- 
dera et  la  corrigera  devant  que  de  luy  en  permettre  l'impression. 

Cette  lettre  datée  d'Amiens ,  le  2  septembre,  a  été  imprimée  dans  les  mémoires 
de  Montchal  ',  nous  n'en  avons  point  trouvé  l'original.  Nous  n'avons  pas  non  plus 
celui  de  la  harangue  prononcée  devant  le  roi,  que  nous  aurions  voulu  comparer 
avec  le  texte  corrigé. 

Le  cardinal  fit  payer  argent  comptant  les  complaisances  de  quelques-uns  des 
députés  de  l'assemblée.  Le  bruit  courut  qu'il  avait  été  distribué  5o,ooo  écus  à 
ceux  qui  avaient  bien  servi  le  roi.  La  somme  était  sans  doute  exagérée,  mais 
tout  ne  fut  pas  payé  en  écus  ;  les  riches  bénéfices  et  autres  dons  valaient  mieux 

'  Edition  de  1718,  où  elle  est  rejelée  à  la  fin  des  mémoires,  p.  789,  avec  la  fausse 
date  du  27  novembre. 


864  LETTRES 

que  l'aident.  Si  l'on  ne  savait  qu'en  pareil  cas  la  générosité  est  discrète,  il  en 
faudrait  beaucoup  rabattre,  selon  une  lettre  de  Boulhillier  au  cardinal  du  i"  oc- 
tobre :  «  Monseigneur,  dit  le  surintendant,  suivant  le  commandement  de  V.  Em. 
les  quatre  capitulans  nommés  par  une  des  lettres^  qu'il  vous  a  pieu  de  m'escrire 
ont  receu  chacun  mil  livres  ;  M"  les  évesques  de  Sisteron ,  de  Senès,  de  Grenoble, 
de  Nantes,  de  Boulogne  ont  receu  le  premier  quatre,  et  les  autres  chacun  deux 
mil  livres;  c'est  en  tout  16  mil  livres,  qui  est  deux  mil  liv.  de  moins  que  M.  de 
Chartres  m'avoit  dict  qu'il  seroit  à  propos  de  distribuer  à  ceux  de  l'assemblée  qui 
serviroient  bien  le  roy,  com.me  véritaljlement  ceux-là  ont  faict.  M'  de  Vabres  a 
demandé  ;  j'ay  creu  qu'il  se  debvoit  contenter  de  ce  qui  luy  a  esté  ordonné 
sur  son  dioceze  pour  restablir  son  église  et  la  maison  épiscopale  ;  joinct  la  pro- 
vision qu'il  porte  tousjours  avec  luy  dans  son  carosse.  J'eusse  bien  volontiers  refusé 
M'  de  Grenoble,  mais  il  a  demandé  en  aumosne,  disant  que  le  roy  ne  ponvoit 
donner  à  plus  pauvre  qu'à  luy,  et  je  croy  qu'il  dit  vray  par  sa  mauvaise  con- 
duite; il  pleuroit  comme  un  enfant  que  l'on  chastie.  Le  seul  évesque  d'Authun 
s'est  conduit  en  vray  gentilhomme  et  n'a  rien  demandé,  quoyque  je  luy  aye 
donné  lieu  de  le  faire;  au  contraire  il  s'en  est  esloigné,  et  il  a  très-bien  servi. 
Il  désire  seulement  la  coadjutoi-erie  d'une  abbaye  de  filles  qu'a  une  sienne  tante 
fort  âgée  pour  une  de  ses  nièces,  (ille  du  comte  de  Songes,  son  frère...  »  (Arch. 
des  AIT.  étr.  France,  i64i ,  six  derniers  mois,  fol.  378.)  On  voit  que  chacun  se 
faisait  sa  part,  même  les  plus  désintéressés. 

'  Les  archives  de  la  famille  de  Bou-  ses  prétentions  à  Ij  graiificalion,  «distri- 
thillier  nous  onl  donné  trois  de  ces  lettres;  buùesous  main  sous  prétexte  de  gages  du 
dans  l'une,  du  1"  septembre,  le  cardinal  conseil.»  (Ci-dessus,  p.  867.)  Quant  à 
mandait  au  surintendant  :  «Les  o"  abbez  .M.  de  Vabres,  qui  demandait  encore,  une 
de  Saint-Lo,  de  Tenailles,  doyen  de  Mas-  troisième  lettre,  du  2  septembre,  nous  ap- 
con,  et  de  Haiel,  archidiacre  de  Tours,  prend  ce  qu'il  avait  déjà  eu  :  «Le  roy 
ay ans,  en  servant  le  clergé,  tesmoigné  par-  aiant  accordé  à  M.  l'éves  jue  de  Vabres  la 
ticulièrement ,  en  leur  assemblée  dernière,  somme  de  quarante  mille  livres  à  prendre 
le  zèle  qu'ils  ont  au  service  du  roy,  l'in-  sur  le  pajs,  pour  la  réparation  de  son 
tenlion  de  S.  M.  est  de  les  gratifier  clia-  église  et  de  sa  maison  épiscopale,  je  con- 
cun  de  mil  livres,  desquelles  M' le  surin-  jure  M.  le  surintendant  de  le  favoriser 
tendant  leur  fera  donner  contentement,  n  autant  qu'il  pourra  pour  luy  faciliter  l'exé- 
Voilà  les  quatre  capitulants.  Dans  une  au-  culion  de  cette  levée.  Ce  que  je  fais  d'au- 
tre lettre  du  même  jour,  nous  voyons  que  tant  plus  volontiers  cju'il  a  fort  bien  servi 
pour  l'évéque  de  Grenoble  il  s'agissait  de  S.  M.  en  rassemblée  dernière  du  clergé.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  865 


CCCCXXXIII. 
Archives  de  Condé,  n°  io3.  —  Communication  de  S,  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale. 

A  M.  LE  PRINCE.  - 

i"  septembre. 

Monsieur,  Je 

me  remets  à  ce  que  monsieur  de  Noyers  vous  respond  sur  les  affaires. 
Je  ne  doute  point  que  vous  n'ayés  faict  toutes  les  choses  possibles 
pour  le  secours  de  M''  de  La  Moite.  Je  vous  prie  de  continuer  aux 
occasions  qui  s'en  pré.senteront,  son  affaire  estant  de  telle  importance 
qu'on  auroit  un  regret  éternel  si  on  y  avoit  oublié  aucune  chose. 
J'ay  veu  le  peu  d'espérance  que  vous  en  avés,  et  cependant  tous  ceux 
qui  escrivent  de  plus  loing  donnent  lieu  d'en  attendre  une  bonne  is- 
sue. Pour  moy,  après  avoir  veu  tout  ce  qui  s'en  mande  de  toutes  parts, 
si  M'  de  Bordeaux  n'est  forcé  à  la  mer,  je  croy  qu'il  y  a  lieu  de  bien 
espérer,  M''  de  Bordeaux  lu'ayant  mandé  luy  mesme  que  les  vaisseaux 
peuvent  demeurer  en  la  coste  où  il  est,  quoy  qu'il  ayt  escrit  quelque- 
fois le  contraire.  Le  roy  luy  donne  ordre  de  n'oublier  rien  de  ce  qui 
peut  deppendre  de  luy  pour  voir  la  fin  d'une  sy  importante  entre- 
prise'. Je  prie  Dieu  que  vous  soyiés  heureux  en  la  vostre  de  Col- 
lioure,  qui  avancera  bien  la  besoigne  de  Perpignan.  Si  les  desseins 
de  vostre  costé  réussissent  et  les  nostrcs  de  deçà,  je  croy  que  les 
Espagnols  seront  contraints  de  venir  à  la  paix. 

Le  cardinal  infant  a  assiégé  Aire,  et  prétend  la  prendre  par  famine, 
ce  à  quoy  il  luy  faudra  beaucoup  de  patience  espagnole.  M'  de  la 
Melleraie  y  ayant  laissé  des  vivres  pour  plus  de  quatre  mois,  pen- 
dant lesquels  M.  de  Brézé  et  luy  ravagent  leur  pays.  Ils  ont  pris  la 
Bassée  et  I..ens,  la  première  fortifiée  de  huit  bastions  royaux  et  qui 
donne  l'entrée  dans  la  Flandre  qu'on  appelle  Galicane,  c'est-à-dire 
qui  va  à  Lisle  et  à  Bruxelles.  M' le  mareschal  de  Brézé  demeure  à  la 
Bassée  avec  une  armée,  et,  à  l'heure  que  je  vous  parle.  M'  de  La 

'  Huit  Jours  après  l'archevêque  de  Bordeaux  était  envoyé  en  exii  à  Avignon. 

CARO».  DE  BICUEUEC.  —  VI.  IO9 


866  LETTRES 

Mellerale  est  devant  Lisle.  M"  le  comte  d'Harcourt  a  assiégé  Conis, 
comme  vous  sçaurés,  dont  je  croy  que  nous  aurons  de  bonnes  nou- 
velles au  premier  jour. 

Le  marquis  de  Brézé  est,  il  y  a  longtemps,  en  Portugal. 

Les  affaires  vont  fort  bien,  grâces  à  Dieu,  en  Allemagne. 

M""  le  prince  d'Orange  après  avoir  pris  Guenep  descend  en  Flandres 
vers  Hulsl,  où  je  croy  qu'il  est  desjà  arrivé. 

Voilà  en  peu  de  mots  le  cours  du  temps;  à  quoy  je  n'adjousteray 
rien  sinon  que  monsieur  vostre  fds  se  porte  fort  bien  et  que  je  suis  et 
seray  lousjours, 

Monsieur, 

Vostre  bien  liumble  el  Irès  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
D'yViiiicns,  ce  i"  septembre  i  G4  •  • 


CCCCXXXIV. 

Arch.  des  Aff.  élr.  France,  j61\\,  six  derniers  mois,  fol.  3i3.  — 

Original. 

SUSCIUPTION: 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT, 

À   PARIS. 

D'Amiens ,  ce  g  septembre  1 64 1 . 

Ce  billet  est  pour  prier  monsieur  le  surintendant  d'avoir  foy  en 
certains  saincts  qui  sont  de  longtemps  en  son  mémento,  c'est-à-dire 
de  croire  en  ce  que  luy  mande  M'  de  Noyers  (qui  se  béatilie  tous  les 
jours  '  )  sur  le  sujet  des  vaisseaux  et  des  galères  du  Levant'-.  De  Loines 

'   Depuis    quelque   temps,   de    Noyers  la  grâce  de  chercher  en  luy  sa  consolalionl 

commeiiçail ou  lerminail  fréquemment , «es  je  vous  la  souhnitte  de  celle  sorte,  et  je 

lettres  par  des  pensées  dévoles,  qui,  mêlées  vous  conjure  de  luy  demander  la  mesmc 

aux  affaires,  sciid)laienl  une  alleclation  de  faveur   pour  vostre   amy  sincère  et  très 

piété  peu  à  sa  place.  Citons  seulement  celle  liiinible  serviteur.  »  (  Voy.  ci-après, p.  91 3.) 

conclusion  d'ur;c  lettre  adressée  à  Chavi-  '  Bouthillier  répondit  le  1 3  septembre  : 

gni  :«  Heureux  est  celuy  auquel  Dieu  faict  «.le  n'avois  osé  cscrire  à  V.  Em.  sur  le 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


867 


l'esclaircira  de  Testât  auquel  sont  les  affaires  du  trésorier  que  M"^  le 
surintendant  fera  compter,  s'il  luy  plaist. 

Monsieur  de  Bordeaux  a  si  mal  corespondu  à  ce  que  le  roy  atten- 
doit  de  luy,  que  Sa  Majesté,  pour  esclaircir  l'afTaire,  l'envoyé  de- 
meurer au  comtat  d'Avignon'.  C'est  une  eslrange  pitié  que,  faute 


sujet  du  mauvais  succez  de  Tarragone, 
dont  elle  impute  avec  très-grande  raison 
la  faule  à  M*'  l'arclievesque  de  Bordeaux; 
j'en  ay  eu  plus  de  desplaisir  que  je  ne 
puis  dire.  La  résolution  de  remettre 
promptemenl  l'armée  navale  en  mer  me 
l'a  beaucoup  diminué,  et  je  puis  asseurer 
V.  Em.  sur  mon  honneur,  que,  sytost 
que  j'eus  receu  la  lettre  de  M.  de  Noyers 
sur  ce  subjet,  avant  que  d'avoir  receu  la 
vo!>trc  du  9,  j'avois  mandé  les  s"  de 
Loynes  et  le  Picarl,  etc.»  et  Boulliiilier 
explique  toules  lis  mesures  financières 
qu'il  va  prendre,  et  au  moyen  desquelles 
«nous  parviendrons,  dit-il,  à  sortir  de 
tout.  •  (M»,  cité  aux  sources,  fol.  3a6.)  Ri- 
chelieu se  li.ile  de  lénioignorà  Bouthiilier 
toute  la  satisfaction  qu'il  éprouvait  de 
sa  diligence  a  pourvoir  à  l'expédition  des 
affaires  dans  ces  graves  circonstances. 
(Lettre  du  17  sept,  aux  Analyses.) 

'  La  lelticdu  4 août  (ci-dessus,  p.  848, 
note)  iaisait  pressentir  celte  disgrâce;  Ri- 
chelieu l'annonça  lui-même  à  l'archevêque 
de  Bordeaiix  le  cj  septembre. 

«  Je  suis  extresmement  fasclié ,  lui  man- 
dait-il, de  la  grande  dillérence  qui  se 
trouve  entre  ce  qui  s'est  passé  selon  vos 
relations,  et  ce  qui  en  est  rapporté  d'ail- 
leurs. J'ay  creu  qu'on  ne  pouvoit  rien 
faire  de  plu»  avantageux  pour  vous  que 
d'esclaircir  la  vérité.  En  cette  considéra- 
tion le  roy  vous  mande  que  vous  alliés 
demeurer  à  Carpentras,  à  ce  que  cepen- 


dant on  puisse  avoir  lieu  de  la  cognoistre. 
Il  est  vray  qu'il  se  trouve  beaucoup  de 
variété  en  vos  paroles  et  en  voslre  pro- 
cédé. Je  prie  Dieu  que  vos  actions  ayenl 
esté  telles  que  le  roy  en  doive  avoir  con- 
lenlenient.  Pour  moy,  j'en  auray  tous- 
jours  quand  en  servant  S.  M.  j'auray 
lieu  de  vous  tesmoigner  que  je  suis,  etc.  » 

Cette  lettre  du  roi  qu'annonce  Riche- 
lieu, écrite  le  même  jour  et  dans  le  même 
sens  que  celle  du  cardinal,  a  .sans  doute 
été  dictée  par  lui-même  ;  elle  est  impri- 
mée dans  la  Correspondance  de  Sourdis, 
l.  III,  p.  71.  —  Le  lendemain  10  sep- 
tembre, Richelieu,  auquel  M.  de  Bordeaux 
avait  envoyé  un  homme  de  confiance  avec 
un  mémoire,  lui  écrit  de  nouveau  : 

•  Monsieur,  sitost  que  le  s'  Baptiste  fut 
arrivé  je  fis  entendre  au  roy  ce  qu'il  rap- 
porloit,  et  le  crus  tout  ensemble.  Depuis 
estant  venu  d'autres  nouvelles  bien  esloi- 
gnées  de  voslre  compte,  je  n'ay  rien  à  vous 
dire,  sinon  que  je  suspends  mon  juge- 
ment. Vous  aurés  maintenant  sceu  les  vo- 
lontés de  S.  M.  sur  ce  sujet.  C'est  ce  qui  fait 
qu'il  ne  me  reste  rien  à  vous  dire,  sinon 
(lu'afTeclionnant  l'Estat  plus  que  ma  vie, 
je  seray  bien  aise  que  vous  me  donniés 
lieu  d'estre  à  l'avenir,  comme  j'ay  tous- 
jours  esté.  M',  voslre,  etc.  » 

On  voit  que  les  justifications  de  M.  de 
Bordeaux  avaient  produit  peu  d'effet  sur 
l'esprit  du  cardinal;  on  le  voit  plus  nette- 
ment encore  dans  la  lettre  qui  ya  suivre, 

109. 


868 


LETTRES 


de  gens  tels  qu'ils  seroient  à  désirer  les  affaires  du  roy  manquent 
de  bons  succès  aux  principales  occasions.  Noslradamus  apprenant 
aux  vieilles  que  Dieu  est  par  sur  tout  pour  ne  me  tromper  pas  au  ju- 
gement des  hommes,  c'est  la  meilleure  chose  que  je  puisse  dire,  en 
vous  asseurant  de  mon  affection  et  de  mon  service. 


adressée  à  M.  le  Prince.  On  pense  bien 
que  l'archevêque  de  Bordeaux  n'accepta 
pas  en  silence  celte  disgrâce  si  inaUendiie  ; 
il  écrÏTail,  réclamait,  sejusiiliait,  il  accu- 
sait tout  le  mondf,  et  de  Noyers  le  pre- 
mier, d'ourdir  un  complot  contre  lui;  il 
se  plaignait  qu'on  dénaturât  ses  actions 
et  qu'on  lui  imputât  faussement  des  pa- 
loles  contre  le  roi  et  le  cardinal.  A  ce* 
récriminations  Richelieu  répondil,  le  25 
novembre,  une  lettre  que  nous  mention- 
nons seulement  eti  note  parce  qu'elle  a 
été  publiée  : 

«  Le  plus  grand  desplaisir  qui  me  puisse 
arriver  est  quand  ceux  que  je  propose  au 
roy  pour  le  servir  ne  réussissent  pas  à 
son  contentement.  Je  me  suis  tousjours 
mocqué  des  diverses  licences  qu'on  m'a 
rapporté  que  vous  doruiiés  à  vosire  langue 
lorsqu'il  n'estoit  question  que  des  particu- 
liers comme  moj;  mais,  ne  pouvant  faire 
le  mesme  en  ce  qui  est  de  l'Estat,  vous  de- 
vés  esire  bien  aise  qu'on  vous  donne  lieu  , 
et  qu'on  prenne  le  temps  d'esclaircir  celles 
dont, on  vous  accuse  en  ce  genre.  ,Ie  prie 
Oieu  de  tout  mon  cœur  qu'en  ce  sujet  vos 
paroles  ajenl  esté  telles  qu'on  n'ayt  pns  oc- 
casion de  mal  juger  de  vos  intentions. 
Fn  mon  particulier,  je  les  interpréterai 
tousjours  à  bien  quand  elles  seront  dou- 

*  C'est  la  formute  ordinaire  adoptée  par  l\iclie- 
lieu  avec  les  membres  de  1  episcopat.  M.  Eugène 
Suc,  dans  la  Conespomlance  de  Sourdis  met  à  toutes 
les  lettres  du  cardinal  comme  Jrère ,  au  lieu  de 
confrère.  J'ai  cherché  d'où  pouvait  venir  cette  étrange 


leuses ,  vous  asseurant  que  de  vous  à  moy 
vous  me  trouvères  tousjours.  M',  vostre 
trè.s-afl'ectionné  confrère*  à  vous  rendre 
service. » 

Après  la  lettre  du  2  5  novetnbre,  nous 
n'en  trouvons  plus  qu'une  seule  adressée 
par  Richelieu  à  l'archevêque  de  Bordeaux 
le  28  février  i642,  elle  est  absolumen 
dans  le  seiis  de  celle-ci.  L'instruction  com 
nicncée  contre  ce  prélat  marcha  lentemen 
et  semblait  oubliée  à  la  mort  de  Richelieu , 
soit  que  les  fautes  qu'il  avait  pu  commettre 
ne  fussent  pas  de  nature  à  motiver  une 
condamnation  ,  soit  que  Richelieu ,  par  un 
reste  de  son  ancienne  amitié,  ait  préféré  ce 
pardon  tacite  à  un  dénoûment  plus  sé- 
rieux. Il  nous  semble,  après  avoir  lu  les 
accusations  et  les  mémoires  de  l'accusé, 
que  ses  ennemis  avaient  grossi  ses  fautes, 
et  envenimé  quelques  paroles  indiscrètes, 
il  est  d'ailleurs  évident  que  l'opinion  de 
l'archevêque  de  Bordeaux,  au  sujet  de  l'af- 
faire de  Tarragone,  avait  élé,  dès  le  début , 
complètement  opposée  à  celle  de  Richelieu 
et  à  celle  de  La  MoUe-Houdancourt,  que 
[\ichclicu  avait  chargé  du  commandement 
de  l'armée  de  terre  assiégeante;  d  où  l'on 
peut  croire  que  l'arclievêque-amiral  mit 
dans  ses  opérations  tout  au  moins  de  la 
mauvaise  volonté.  Quoi  qu'il  m  soit,  à  la 

Ibrmule,  et  j'ai  trouvé  que  presque  toujours,  dans 
les  manuscrits  des  lettres  do  Uiclielieu ,  on  a  écrit  co- 
frérc,  avec  un  trait  de  plume  joignant  i'o  à  l^et  des- 
tiné à  suppléer  1';»  ;  ce  trait  est  plus  ou  moins  enjo- 
livé par  le  secrétaire,  mais  il  ne  peut  signifier  rien 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU 


869 


Quand  M'"  le  marquis  de  Nouant  sera  mort,  si  Dieu  l'appelle,  on 
pensera  à  ce  qui  se  pourra  faire  en  son  affaire'. 

Vous  jugés  bien,  je  m'asseure,  la  response  que  le  roy  peut  avoir 
faicte  sur  l'affaire  de  madame  la  Princesse,  qui  aboutit,  entre  vous 
et  moy,  à  ce  que,  si  madame  la  Princesse  faict  des  debtes  c'est  à  elle 
à  les  payer •^;  et  que,  faisant  la  guerre  comme  il  est  contrainct  de 


morl  de  Richelieu  il  fut  rendu  à  son  dio- 
cèse, ou  il  leruiiiia  sa  vie  dans  les  fonc- 
tions de  l'épiscopal,  sansjamais  avoir  re- 
pris son  emploi  d'amiral.  —  Le  tioisième 
volume  de  la  Correspondance  de  Sourdis 
(Documentsin  édits)  contient  beauionp  de 
pièces  concernant  toute  cette  affaire,  et, 
enire  autres,  plusieurs  mémoires  produits 
par  l'archevêque  de  Bordeaux ,  et  une 
attestation  qu'il  se  lit  donner  par  ses  oUi- 
ciers  intitulée  :  Vérités  que  les  capitaines  des 
vaisseaux  de  V armée  navale  da  Levant  s'obli- 
gent sur  leurs  lestes  de  vériffier.  (Mss.  Du- 
puy,  t.  590,  fol  a  10.) 

'  Bouthillier  avait  écrit  le  6  au  cardi- 
nal :  «  Le  marquis  de  Nouant  s'est  cassé  la 
cuisse  et  est  en  danger  ;  c'est  une  maison 
de  gens  de  bien;  il  a  fort  bien  servi  le  roy. 
11  a  une  lieutenance  particulière  dan»  le 
bailliage  d'Evrenx  et  d  Alençon  ;  on  de- 
mande la  chaige  pour  son  fils  encore  en- 
fant, mais  son  otjcle  le  baron  de  Bouffey 
pourroil  la  faire.  (Ms.  cité  aux  sources, 
foi.  3i  1.)  Mais  le  marquis  de  Nonant  .se 
rétablit  et  Piiclielieu  s'en  réjouit  dans  sa 
lettre  n  Bouthillier  du  1 7  septembre. 

'  Dans  celte  même  lettre  du  6  sep- 
tembre Bouthillier  disait  :  «  V.  Em.  sçait 
combien  M'  le  Prince  est  peu  libéral  en- 
antre  cbose  que  l'ii;  lorsque  le  mot  est  écrit  en  toutes 
lettres,  c'est  toujours  confrère;  une  seule  fois  il  y  a  : 
comjrère  (  I^e  Tellier  Louvois ,  fol.  90 } ,  lûais  c'est  évi- 
demment an  lapau»  de  plume.  J'ai  dû  donner  cette 


vers  madame  sa  femme;  elle  a  quelques 
petites  dettes  d'environ  3o, 000  livres  pour 
lesquelles  elle  est  recherchée.  Elle  a  trouvé 
un  advis  qui  importe  fort  peu  au  roy,  et 
de  chose  dont  nous  ne  faisions  pas  d'es- 
tal,  laquelle  néanmoins  seroit  suflisante 
à  Mari'  la  Princesse  pour  acquitter  ses 
dettes.  Elle  a  désiré  que  j'en  escrivisse  à 
V.  Em.  »  —  Richelieu  avait  pris  de  l'hu- 
meur de  cette  demande;  il  y  revient  en- 
core dans  le  post-scriptum  d'une  lettre  à 
Bouthillier  du  17  septembre  :  «Si  Mad'  la 
princesse  se  fasche  sans  sujet,  elle  se  def- 
faschera ,  je  m'asseure,  avec  raison.  »  Et  le 
môme  jour  il  se  montra  beaucoup  plus  fa- 
cile au  sujet  d'une  sollicitation  pareille  : 
s  M.  de  Chaumont  (mandait-il  à  Bouthil- 
lier) m'a  dict  qu'il  y  a  quelque  temps  que 
le  roy  luy  a  faict  un  don  pour  ayder  à  ma 
ricr  sa  &lle  aisnée,  sur  certain  avis  que  je 
ne  sçay  pas.  Le  don  esloit  de  dix  mile  es- 
cus.  Il  rccogiioist  que  cette  sonmie  est 
trop  grosse  en  ce  temps,  et  voudroit  bien 
jouer  avec  vous  à  la  prime ,  où  l'on  faict 
composition  du  tout  à  la  moitié.  Il  a  dé- 
siré que  je  vous  recommandasse  celle  af- 
faire, ce  que  je  fais  d'autant  plus  volon- 
tiers que  je  l'ay  tousjours  trouvé  fidelle  et 
affectionné.  » 

explication,  parce  qu'on  s'est  demandé  quelle  était 
la  pensée  de  Richelieu  en  se  servant  de  cette  façon 
singidière  de  terminer  ses  lettres  à  l'arehevêque 
.Sourdis. 


870  LETTRES 

fîiire,  c'est  à  luy  de  mesnager  tous  les  petits  advis  qui  se  peuvent 
rencontrer  pour  faire  un  grand  fonds'. 

Sa  Majesté  a  trouvé  mauvaise  la  promptitude  avec  laquelle  madame 
la  princesse  et  toute  sa  famille  s'est  couverte  de  deuil  en  la  mort  de 
M'  le  comte-.  Cela  passera  comme  le  monde,  qui  finira  un  jour. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

La  lettre  ayant  été  fermée  le  cardinal  a  fait  mettre  par  Cherré,  sur  le  côté 
opposé  à  celui  où  se  trouve  la  suscription  : 

«  J'ay  demandé  au  roy  la  charge  de  M.  le  marquis  de  Nonan  pour  son  filz,  la- 
quelle il  luy  a  accordée.  » 


CCCCXXXV. 

Archives  de  Condé,  n°  lo/j.  —  Communicalion  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  — 

'    Original. 

A   M.  LE  PRINCE. 

lo  septembre. 

Monsieur,  Vous 

verres  par  ce  que  vous  mande  M""  de  Noyers  comme  le  roy  est  résolu 
de  soutenir  les  affaires  de  Catalogne  plus  que  jamais;  si  vous  pouvés 
faire  de  nouvelles  levées,  je  vous  supplie  de  ne  vous  y  espargner  pas, 
sur  l'asseurance  que  je  vous  donne  de  vous  faire  rembourser  de 
toutes  les  avances  que  vous  ferés  ou  ferés  faire  pour  ce  sujet. 

Le  roy  donne  l'ordre  qui  est  nécessaire  pourl'esclaircissement  de 
la  conduitte  de  M'  de  Bordeaux,  sy  préjudiciable  à  l'Estat  qu'elle  ne 
peut  estre  soufferte  sans  tascher  de  voir  le  fonds. 

'   Les  pelils  avis  oui  été  lort  à  la  mode  l'empressement  dt;  M.  le  Prince  à  récla- 

alors  et  depuis.  Molière  en  a  stigmatisé  le  mer  l'héritage  du  dél'unl.  Mais  il  faut  dire 

ridicule  dans  une  jolie  scène  des  FdcAeucr.  que  tout  le  monde  en  usait  ainsi,  et  cet 

'  11  semble  que  si  le  roi  devait  se  cho-  usage  du  temps  était  comme  un  correctif 

quer  de  quelque  chose,  c'était  plutôt  de  de  cette  inique  loi  de  la  confiscation. 


DU  CARDINAL  DE  RICHEFJEU.  871 

J'ay  envoyé  à  Marseille  à  ce  que  les  vaisseaux  et  les  gallères  ne 
désarment  point,  et  fais  estât  de  les  tenir  armées  tout  l'Iiyver  sous  un 
autre  commandant,  pour  les  employer  au  secours  de  la  Catalogne, 
selon  que  le  temps  et  les  occasions  le  permettront. 

11  est  du  tout  nécessaire  de  renvoier  à  M.  de  l^a  Motte  les  mile 
hommes  que  M*"  de  Bordeaux  luy  a  emmenez,  et  le  forlifïier  de  cava- 
lerie. On  a  donné  trois  compagnies  d'augmentation  au  régiment  de 
cavalerie  de  Merinville;  vous  en  hasterés,  s'il  vous  plaist,  la  levée. 

Quant  aux  troupes  du  Roussillon ,  je  m'asseure,  Monsieur,  que  vous 
n'oublierés  rien  pour  y  maintenir  les  six  mile  hommes  de  pied  qui  y 
doivent  esire,  et  fortilTier  vostre  cavalerie  par  quelques  nouvelles  levées. 

Enfin  il  faut  faire  toutes  sortes  d'efforts  pour  mettre  l'Espagne  en 
Testât  auquel  elle  eust  esté  si  M''  de  Bordeaux  y  eust  agy  avec  succez. 

Le  siège  d'Aire  continue,  les  ennemis  en  ont  pour  plus  de  trois 
mois.  Lens  et  la  Bassée  sont  pris,  et  la  dernière  de  ces  places  n'est  de 
gueres  moins  d'importance  qu'Aire.  Bapaume  est  assiégé;  vous  en 
cognoissés  l'importance  pour  la  Picardie;  Jonvelle  l'est  aussy  en 
Bourgoigne.  Je  croy  qu'on  aura  bon  succez  de  ces  deux  costez,  comme 
aussy  de  Conis,  qui  sera  bientost  es  main  du  roy,  s'il  ne  l'est  desjà. 

Tous  les  environs  de  I.isie  sont  ruinez;  après  cela  je  vous  prie  de 
considérer,  quand  inesme  nous  ne  sauverions  pas  Aire,  quelle  a  esté 
la  campagne.  Les  places  de  Lorraine  sont  reprises  excepté  la  Motte  ^ 
M'  vostre  filz  se  porte  bien,  et  moy  je  suis  et  seray  tousjours. 

Monsieur, 

Voslre  bien  humble  et  très  alFectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Corbie,  ce  i  o"  septembre  i  (54  i  • 

-Le  roy  envoie  M.  de  Bordeaux  demeurer  au  comté  d'Avignon,  et 

'  La  Molle,  l'orleresse  sur  la  Meuse;  elle  fut  prise  en  )6/|5  et  rasée.  —  ''  Ceci  a 
été  écrit  sur  l'original  dans  l'espace  blanc  laissé  entre  le  mot  «  Monsieur  »  et  la  formule 
de  politesse. 


872  LETTRES 

cependant  il  veut  prendre  cognoissance  très  exacte  de  sa  conduitte. 
Je  vous  prie  de  n'oublier  rien  de  ce  que  vous  pourrés  à  ce  que  nous 
soyons  esclairés  de  tout  ce  qui  s'est  passé,  et  que  nous  voyons  le 
fond  du  pot. 


CCCCXXXVI. 

Archives  de  Condé,  n°  io5.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

1 9  septembre". 

Monsieur,  vous 

ayant  mandé,  par  le  retour  de  vostre  courrier,  la  résolution  que  le 
roy  a  prise  de  soutenir  puissamment  les  affaires  de  Catalogne,  et 
conjuré,  comme  je  fais  encores,  d'y  contribuer  de  vostre  costé  tout 
ce  qu'il  vous  sera  possible,  je  vous  diray  maintenant  par  ces  lignes 
{ue  Sa  Majesté  faict  préparer  une  escadre  de  vaisseaux  et  une  autre 
le  galères,  pour  envoler  hiverner  dans  le  port  de  Barcelone,  ou  autres 
ieux  de  la  coste  de  Catalogne  qui  seront  jugés  plus  à  propos,  afin 
d'empescher  que  les  Catalans  ne  reçoivent  du  mal  du  costé  de  la 
mer,  et  faict  tenir  le  reste  des  vaisseaux  et  des  gallères  armées  dans 
les  ports  de  Thoulon  et  de  Marseille,  pour  les  faire  agir  durant 
l'hyver  à  l'avantage  des  dicts  Catalans,  selon  que  le  temps  et  les  occa- 
sions le  requerront. 

Vous  aurés  sceu  par  ma  dernière  dépesche  comme  le  roy  a  envoie 
ordre  à  Mons'  de  Bordeaux  d'aller  demeurer  à  Carpentras,  en  atten- 
dant qu'on  aye  esclaircy  son  procédé  et  sa  conduitte  dans  l'occasion 
du  secours  de  Tarragonne,  où  on  ne  rapporte  pas  qu'il  ayt  faict  tout 
ce  qu'il  pouvoit  et  devoit  faire  pour  l'empescher.  Vous  aurés  sceu 
aussy  le  siège  de  Bapaume;  vous  en  apprendrés  maintenant  la  prise 
par  force ,  les  armes  du  roy  aiant  contrainct  en  sept  jours  le  gouver- 
neur  de  la  luy  remettre   avec  telle   capitulation  qu'il  luy  a  voulu 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  873 

donner,  après  avoir  faict  jouer  la  mine  et  faict  une  brèche  de  près 
de  quarante  pas. 

M*^  d'Anguien  a  esté  au  commencement  de  ce  siège,  mais  l'apré- 
hension  que  j'avois  qu'il  ne  tombast  malade,  m'obligea  à  le  prier  de 
s'en  aller  aux  eaux  de  Forges  où  il  est  maintenant.  Je  ie  vis  en  pas- 
sant en  la  meilleure  santé  du  monde. 

M'  de  Noyers  vous  escrit  amplement  sur  toutes  les  affaires,  tant 
de  ces  quartiers  icy  que  de  ceux  où  vous  estes,  ce  qui  m'empeschera 
de  vous  faire  cette  lettre  plus  longue  que  pour  vous  asseurer  que  je 
suis  et  seray  tousjours. 
Monsieur, 

Vostre  bien  liumble  et  très  afieclionné  scrvileur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Chaunes,  ce  i  g"  septembre  1 64i . 


CCCCXXXVII. 

Bibl.  du  Louvre,  emplois  de  d'Argenson,  t.  lo,  fol.  igS.  — 
Original. 

SCSCRIPTION : 

A  MO^S.  D'ARGENSON, 

COMBILLEH  DO  ROI  EN  SES  CORSEILS  D'ESTAT   ET  PRIVÉ,  ET   INTENDANT  DE  LA  JUSTICE  ET   FINANCES 
EN   SON  ARMÉE  DE  CATALOGNE. 

ig  septembre  164 1. 

Monsieur,  le  principat  de  Catalogne  cognoistra  pareffect,je  m'as- 
seure,  que  le  roy  n'oublie  aucune  chose  pour  sa  conservation,  en  ce 
qu'aussitost  qu'il  a  sceu  le  secours  de  Tarragone,  la  mauvaise  satis- 
faction qu'il  a  de  la  conduitte  de  M'  de  Bordeaux  l'a  faict  résoudre 
de  l'envoier  dans  ie  comté  d'Avignon,  jusques  à  ce  qu'il  ayl  esclair- 
cissement  de  son  action. 

Au  mesme  temps  S.  M.  a  donné  ordre  de  préparer  une  escadre 
de  vaisseaux  et  une  autre  de  galères,  pour  retourner  hiverner  dans 
le  port  de  Barcelone,  ou  autres  lieux  des  costes  de  Catalogne,  qui 

CARDIN.  DF.  niCIIELIEU.  —  VI.  IIO  . 


874  LETTRES 

seront  estimez  plus  à  propos;  et  a  relire  M"'  le  mareschal  de  Brézé 
de  l'une  de  ses  armées,  dont  il  avoit  le  commandement,  pour  l'en- 
voier  promptement  joindre  M'  le  Prince  aux  Uns  de  passer  ensuitte 
en  Catalogne  en  qualité  de  vice-roy. 

Mais,  comme  il  ne  peut  parachever  son  voiage  que  tout  ce  qu'il 
devra  jurer  au  nom  du  roy  ne  soit  bien  arresté,  c'est  à  vous  de  faire 
si  bien  adjuster  toutes  choses  qu'il  ne  trouve  point  de  difficulté  à  son 
arrivée. 

Nous  avons  examiné  soigneusement  le  projet  de  traitté  que  vous 
avés  envoie  '  ;  il  y  a  beaucoup  d'articles  ausquelz  on  pourroit  faire 
difficulté  avec  raison,  principalement  par  ce  qu'ilz  sont  plus  désavan- 
tageux que  ce  qui  se  pratiquoit  avec  le  roy  de  Castille;  mais  comme 
le  roy  n'a  autre  but  que  la  liberté  des  Catalans,  nous  n'avons  trouvé 
à  redire  qu'à  ceux  qui  osteroient  tout  moyen  à  S.  M.  de  la  leur  con- 
server. Telz  sont  les  articles  8"  et  i  5'',  où  on  a  apporté  des  modéra- 
tions si  tempérées  et  si  raisonnables,  que  je  ne  croy  pas  qu'elles 
puissent  estre  estimées  changement  ny  contestées  de  personne, 
puisque  tout  va  à  l'avantage  du  pays. 

Aussitost  qu'elles  seront  arrestées,  M'  de  Brézé  partira  de  Nar- 
bonne  pour  aller  à  Barcelonne.  Sans  cela  vous  jugés  bien  qu'il  y  seroit 
inutile  et  que  la  dignité  du  roy  ne  peut  permettre  qu'un  officier  de 
la  couronne,  envoie  pour  estre  vice-roy,  aille  en  la  dicte  ville  sans 
estre  asseuré  de  sa  réception.  Je  m'asseure  que  M''*  du  princlpat  con- 
sidéreront qu'il  est  mon  beau-frère,  et  qu'en  cognoissant  par  là  le 
soin  que  je  veux  prendre  de  les  servir,  ilz  le  recognoistront  par  un 
procédé  qui  m'oblige  de  plus  en  plus  à  faire  pour  eux  ce  que  je  me 
suis  proposé  à  leur  avantage. 


'  Nous  trouvons,  dans  le  tome  ao  des  Nous  avons  aussi  une  lettre  de  d'Argen- 

mss.  d'Espagne  aux  Affaires  étrangères,  son  écrite  du  28  à  Chavigni,  peut-être  en 

et  à  cette  même  date  du  1 9  septembre,  le  réponse  à  celle-ci.  D'Argenson  dit  les  bons 

«traité  de  Louis  XllI  avec  les  Eslats  gé-  ell'ets  qu'ont  produits  les  lettres  du  roi; 

néraux  de  la  principauté  de  Catalogne  et  «mais  cela  ne  suiTit  pas:  il  faut  envoyer 

des  comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne.  »  promptement  le  mareschal  de  Bréié.  • 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  875 

H  n'est  point  parlé  dans  le  traitté  ce  que  le  roy  doit  retirer  du 
pays.  Ce  sera  à  vous  de  l'esclaircir,  ce  qui  est  du  tout  nécessaire, 
afin  que  le  roy  en  puisse  faire  estât  pour  partie  de  la  despense  des 
gens  de  guerre.  S'il  y  avoit  quatre  fois  autant  qu'on  en  tirera,  S.  M. 
ne  voudroit  pas  s'en  prévaloir  à  autre  fin  que  pour  la  conservation  et 
avantage  du  pays. 

Je  m'asseure  que  quand  M"  du  principal  feront  réflexion  sur  la 
bonté  dont  le  roy  veut  user  envers  eux,  et  sur  le  soin  que  ses  prin- 
cipaux serviteurs  veulent  prendre  de  leurs  intérestz,  ilz  feront  beau- 
coup plus  qu'on  ne  désire  pour  leur  avantage.  Vous  les  asseurerés, 
s'il  vous  plaist,  de  mon  service,  dont  ilz  recevront  des  preuves  par 
cette  lettre  que  vous  leur  pouvés  faire  voir. 

M'  de  Noyers  vous  escrit  si  amplement  sur  tout  le  reste  des  af- 
faires' que  je  ne  vous  feray  celle-cy  plus  longue  que  pour  vous  asseu- 
rer  de  la  continuation  de  mon  affection,  et  que  je  suis, 
Monsieur, 

Voslre  1res  affectionné  à  vous  rendre  service. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Cbaunes,  ce  19*  septembre  i64i. 


CCCCXXXVIII. 

Musée  britannique,  Bibl.  harléieniie,  n'  44^9 .  fol.  69  '.  —  Original. 
Bibl.  imp.  Bréquigny,  101.  —  Copie.  —  Vers  ie  tiers  du  volume  non  coté 

SUSCBIPTION : 

POUR  M.  LE  CHANCELIER, 


De  Cbaulnes,  ce  20  septembre  16&1 . 

J'envoie  à  monsieur  le  chancelier  la  nouvelle  bulle  qui  devoit  venir 

La  lellre  de  de  Noyers ,  datée  du  ao ,  '  C'est  le  numéro  donné  par  la  copie 

e>>t,  au  folio  1 96  de  ce  manuscrit.  de  Bréquigny.  Une  autre  copie ,  faite  éga- 


876  LETTRES 

de  Rome  refformée,  laquelle  M'  le  nonce  m'a  donnée  comme  telle; 
et  laquelle  toutesfois  est  pire  que  la  première. 

Je  luy  envoie  aussy  les  remarques  que  j'ay  faict  faire  sur  les  dictes 
bulles  par  M' Lescot'. 

Vous  verres  comme  il  est  important  d'y  mettre  ordre,  et  ce  par  le 
parlement;  autrement,  d'icy  à  vingl  ans  les  mauvais  prélatz  de  France 
s'en  serviront-  pour  se  garantir  contre  la  juste  authorilé  du  roy. 

Mons""  le  nonce  faict  estât  de  vous  aller  voir  sur  ce  sujet,  et  de 
vous  offrir  des  modifications;  mais  son  dessein  estant,  à  mon  avis, 
conformément  à  ses  instructions  de  Rome,  de  tirer  l'affaire  en  lon- 
gueur, vous  l'escouterés  et  luy  dires  d'aussy  belles  parolles  qu'il  vous 
en  donnera,  sans  toutesfois  que  cela  empesche  de  faire  faire  par  le 
pailement  ce  qui  est  nécessaire;  ensuite  de  quoy  vous  considérerés 
si  ses  modifications  sont  recevables,  ou  non. 

Le  roy  désire  que  mons''  le  procureur  général  ne  perde  aucun 
temps  en  cette  affaire.  Les  privilèges  de  l'église  gallicane  y  estant 
touchés,  je  croy  qu'il  y  sera  assez  animé.  Comme  je  voudrois  mourir 
pour  maintenir  l'authorité  spirituelle  du  pape,  je  n'oublieray  rien  de 
ce  qui  deppeiidra  de  moy  pour  empescher  les  entreprises  mal  fon- 
dées contre  l'authorité  du  roy. 

Je  vous  envoie  encores  deux  autres  décrets  que  le  pape  a  faicts, 
qu'il  adresse  à  tous  les  archevesques  qui  prétendent  y  estre  intéres- 
sez, parce  qu'il  les  sousmet  à  l'inquisition  de  Rome.  Mons'  le  procu- 
reur général  fera  son  devoir  en  tout^. 

lement  sur  l'original,  et  envoyée  à  M.  le  aux  archevêques  et  évêques  qui  auraient 

ministre  de  l'instruction  publique,  porte  reçu  la  bulle  de  la  publier,  «sous  peine 

fol.  274  el  2-5.  d'estre  déclarés  rebelles  au  roy.  »  —  Cette 

'   La  bulle  imprimée  et  les  remarques  bulle,  «  intitulée  Co/w(i(H(ioju^e7-^rÉEfe7T)«- 

du  docteur  Lescot  sont  dans  le  manuscrit  lionejuriumsedisapostolicœ,  datée  du  b  juin 

du  Musée  britannique.  i64i,  donne  une  nouvelle  autorité  à  celle 

^  Copie  transmise  au  ministère  de  Tins-  qu'on  appelle  In  cœna  Domini. . .  change  les 

truction  publique;  la  copie  de  Bréquigny  lois  et  les  ordres  du  royaume,  Ole  les  pri- 

mel  :  «   s'en  serviroient.  »  viléges ,  prérogatives  et  prééminences  de 

'  Un  arrêt  du  parlement,  rendu  sur  la  la  couronne,  abolit  les  libertés  de  l'église 

requête  du  procureur  général,  fit  défense  gallicane. . .  »  Ce  sont  les  paroles  de  l'arrêt. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  877 

Je  vous  ai  demandé  un  abrégé  des  droits  du  roy  sur  Milan,  sur 
Naples,  sur  Cicile,  sur  le  Piedmont  et  lieux  adjacens;  connue  aussy 
ce  que  nous  avons  à  dire  pour  nous  deffendre  des  prétentions  que  les 
ennemis  ont  sur  le  duché  de  Bourgogne.  Je  vous  prie  de  me  les  envoier 
promptement,  parce  que  j'en  ay  besoin  pour  Finslruction  de  la  paix. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCXXXIX. 

Bibl  imp.  de  Saint-Pétersbourg.  Collection  Dumbrowsky.  — 
Communication  du  ministère  de  l'instruction  publique'.  —  Original. 

MÉMOIRE  POUR  LE  CHANCELIER. 

33  septembre  i64 1. 

Maintenant  que  Tarrest  est  donné  contre  la  bulle,  si  M'  le  nonce 
va  trouver  M'  le  chancelier,  comme  il  m'a  dict,  il  est  besoin  qu'il 
luy  parle  en  fulminant;  c'est-à-dire  que  ce  qu'a  faict  le  parlement 
pendant  les  vacations  n'est  qu'un  commencement  de  ce  qu'il  fera 
ensuitte.  Que  cette  bulle  est  d'autant  plus  à  considérer,  qu'elle  a  esté 
mise  en  cours  en  mesme  temps  que  la  faction  de  M""  le  comte  se 
déclara  à  Sedan;  et  qu  il  semble  qu'au  lieu  que  les  papes  sont  pères 
communs,  on  ait  voulu,  en  ce  pontificat,  affecter  de  s'opposer  aux 
droits  des  rois.  Que,  comme  tous  les  chrestiens  sont  obligez  de  re- 
cognoistre  la  puissance  spirituelle  des  papes  par  la  conscience,  ils 
sont  aussy  obligez  de  recognolstre  la  puissance  temporelle  des  rois  par 
le  mesme  principe.  En  un  mot,  monsieur  le  chancelier  tesmoignera 
et  fera  apréhender  à  M'  le  nonce  que,  si  le  pape  continue  dans  le 
mesme  chemin  qu'il  a  commencé,  le  parlennent  suppliera  le  roy  de 
di.«penser  son  royaume  de  beaucoup  de  sujétions  temporelles  et  pé- 
cuniaires dont  le  pape  jouit.  Il  en  faut  user  ainsy  pour  réduire  la 
cour  de  Rome  à  la  raison. 

Le  Card.  DE  RICHELIEU. 

'  Voy.  t.  IH,  p.  25a. 


878 


LETTRES 


CCCCXL. 
Communication  de  M.  de  Guilaut.  —  Original. 

A  M.  LE  COMMANDEUR  DE  GUITAUT". 


Monsieur,   le  roy  envoyant    M' 
prendre  cognoissance  et  esclaircir 

'  Voy.  ci-dessus,  p.  466. 

'  L'nrclievêque  de  Bordeaux ,  dans  ses 
mémoires  justilicatifs,  traite  avec  un  grand 
mépris  le  s'  de  Bezançon,  qu'il  considère 
comme  un  ennemi  personnel.  «  Arrivé  à 
Avignon,  dit-il,  il  concerte  avec  le  comte 
d'AUetz  et  Baumes,  qui  y  estoient  allés  à 
ce  dessein  ;  de  là  il  va  à  Aix,  où  le  bailli 
de  Forbin ,  Lequeux  et  le  chevalier  de 
Guilaullse  rendirent,  et  résolurent,  avec 
le   commissaire,  les   moyens   de   perdre 

l'arcbevesquc  de  Bordeaux Pour  cet 

effet,  on  montra  des  commissions  fulmi- 
nantes contre  le  d.  arclievesque,  pour  luy 
faire  son  procès,  avec  des  abolitions  pour 
ses  complices,  pourveu  qu'ils  voulussent 
révéler,  envoyant  partout  des  copies  im- 
primées des  lettres  injurieuses  adressées 
au  bailli  de  Forbin,  de  la  part  du  cardi- 
nal de  Richelieu ,  pour  épouvanter  tout  le 
monde;  le  tout  faux  et  supposé*.  »  (P.  3îi.) 
Quoi  qu'en  dise  l'arclievêque ,  on  jugera 
qu'elles  sont  fort  authentiques  si  on  les 
rapproche  de  quelques  lettres  de  Riche- 
lieu, noiamment  de  celle  que  nous  don- 
nons ici.  —  La  cour  de  Rome  se  mêla  aussi 
des  affaires  de  l'archevêque  en  disgrâce; 

*  K  Moyens  tenus  par  M.  de  Noyers  pour  brouiller 
l'archevesque  de  Bordeaux  avec  le  cardinal  de  I\i- 
cl^elieu.»  Cet  opuscule  est  conservé  a  la  Bibliothè- 


i"  octobre  i64i. 

de  Bezançon   e»   Provence   pour 
la  conduite  de  M.  de  Bordeaux-, 

le  secrétaire  de  l'ambassade  de  France, 
M.  Board,  écrivait  le  lo  février  1642  : 
«  L'on  a  enfin  tenu  la  congrégation  sur  le 
sujet  de  M.  l'archevesque  de  Bordeaux. 
Ils  ont  décrété  une  commission  à  M"  les 
évesques  de  Cavaillon,  Vaison  et  Orange, 
pour  cognoisire  de  deux  points. . .  l'un ,  de 
n'avoir  pas  obéi  à  la  bulle  de  résidence; 
l'autre,  d'y  avoir  contrevenu  pour  porter 
les  armes  sans  la  permission  du  pape.  » 
La  congrégation  donnait  plus  qu'on  ne 
lui  avait  demandé;  ce  dernier  grief  attei- 
gnait un  peu  le  cardinal  lui-môme;  aussi 
le  secrétaire  d'ambassade  ajoute  t-il  :  «  Ce 
qui  a  esté  fait  pour  ce  regard  est  tout  con- 
traire aux  intentions  de  S.  M.  et  aux  or- 
dres qu'en  a  reccus  M.  l'ambassadeur.  » 
Ainsi,  attaqué  de  tous  côtés,  le  pauvre  ar- 
chevêque suppliait  partout;  il  écrivait,  à 
Rome,  aux  cardinaux  Barberini,  Fran- 
çois et  Antoine  ;  il  s'ailres.sa  sans  doute  aussi 
à  Richelieu,  car  celui-ci  lui  écrivait,  le 
28  février  : 

«  Monsieur,  vous  me  cognoissés  trop 
pour  douter  que  je  puisse  estre  en  mau- 
vaise disposition  pour  vostre  personne  ; 
mais  aus.'iy  la  mcsme  cognoissance  que 

que  impériale,  suile  de  Dupuy,t.  iS;  il  a  été  im- 
primée dans  la  Correspondance  de  Sourdis ,  t.  111, 
p.  s6. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  879 

je  vous  escrîs  cette  lettre  non-seulement  pour  vous  prier  de  prendre 
créance  en  ce  que  le  d.  s'  de  Bezançon  vous  dira  sur  ce  sujet,  mais 
aussy  de  luy  déclarer  ingénuement  tout  ce  que  vous  sçaurés  des  pro- 
cédés du  d.  s"'  de  Bordeaux,  duquel  S.  M.  a  tant  de  mescontente- 
ment  qu'elle  m'a  commandé  expressément  d'avoir  un  soin  particulier 
de  n'employer  jamais  à  ma  charge  des  personnes  qui  luy  ressem- 
blent. Comme  elle  a  cette  affaire  extresmement  à  cœur,  je  ne  doute 
point  que  vous  n'aportiés  à  l'esclaircissement  de  la  vérité  tout  ce  qui 
deppendra  de  vous,  et  ce  que  j'ay  lieu  de  me  promettre  et  de  vostre 
affection  au  service  du  roy  et  de  celle  que  je  sçay  que  vous  avés  pour 
moy,  qui  vous  donneray  de  nouvelles  preuves  de  la  mienne  en  quoy 
j'auray  moyen  de  vous  faire  voir  que  je  suis. 
Monsieur, 

Vostre  très  affectionné  à  vous  servir. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU, 
i"  octobre  i64i  • 

CCCCXLl. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i>  six  dernier»  mois,  fol.  38o.  — 

Original. 

SUSCRIPTION  : 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT, 

À  riBis. 

D'Amiens,  ce  3*  octobre  i64i. 

Monsieur  de  Noyers  vous  envoyé  une  lettre  pour  desmander 
M'  d'Estrade.  Quand  on  Fa  escrite  on  croioit  qu'elle  eust  esté  con- 
certée par  M'  de  La  Nauve  '. 

vous  avés  de  nioy  ne  voiis  permet  pas  de  que  j'ay  pour  l'Estat  me  le  peut  permet- 
penser  que  je  puisse  approuver  vostre  tre  •  (Bibi.  imp.  suite  de  Dupuy,  t.  22, 
conduite  si  elle  est  telle  qu'on  la  repré-  p.  706.)  Cette  lettre  a  été  imprimée  dans 
sente.  Le  temps  esclaircira  toutes  choses,  la  Correspondance  de  Sourdis,  t.  III;  c'est 
et  vous  fera  cognoistre  que  je  suis  tous-  la  dernière  lettre  que  nous  ayons  de  Ri- 
jours  le  mesme,  c'est-à-dire  du  tout  affec-  clielieu  à  cet  ancien  ami. 
lionne  à  mes  amis,  en  tant  que  la  passion  *  Richelieu    avait    mandé    ce     même 


880  LETTRES 

Il  est  fort  à  propos  que  M"^  le  surintendant  voie  M'  de  Nemours  ' 
pour  luy  dire,  de  la  part  du  roy,  ce  qu'il  estimera  à  propos  pour  sa 
conduitle,  luy  conseillant  de  demeurera  l'académie  encore  un  an. 

On  n'a  point  pensé  de  deçà  à  faire  mettre  un  nouvel  intendant 
en  la  place  de  M""  du  Houssay;  il  y  a  longtemps  que  je  sçay  bien 
qu'en  ce  genre  trois  font  autant  que  quatre  ^. 

jour  à  de  Noyers  :  «  M.  Bouthillier  escril  quand  je  luy  ay  dicl  qu'il  falloit  attendre 
qu'il  n'est  pas  à  propos  de  faire  revenir 
M.  d'Estrades  auprès  de  M.  de  Nemours, 
que  luy  et  tout  son  mesnage  luy  coustoienl 
douze  mil  fr.  par  an,  et  que  la  demande 
qu'on  en  a  fait  faire  par  M.  de  Nemours  a 
esté  parmonopoled'unparentdu  d.  s'  d'Es- 
trades, et  d'un  secrétaire,  qui  l'ont  cir- 
convenu  J'escriray  à  M.  Bouthillier 

qu'il  voye  M.  de  Nemours  sur  ce  sujet 
pour  i'empescher  qu'il  ne  s'escliape  par 
les  mauvais  advis  des  gens  qui  le  pour- 
roient  surprendre.  (Celte  lettre  sera  notée 
aux  Analyses.) 

'  Charles  Amédëe  était  le  troisième  fils 
de  Henri  de  Nemours  et  d'Anne  de  Lor- 
raine; on  a  vu  ci-dessus  (p.  /j20  note  3) 
quelques  détails  sur  cette  maison.  Charles 
Amédée  était  tout  récemment  devenu 
chef  de  la  famille,  par  la  mort  de  son 
frère  Louis,  décédé  le  16  septembre.  Or- 
phelin, tout  jeune  encore,  cet  enfant 
de  la  maison  de  Savoie  était  consi- 
déré comme  un  pupille  du  roi  de  France  ; 
Richelieu  et  Bouthillier  s'occupaient  de 
ses  affaires  ainsi  qu'aurait  pu  le  faire  un 
tuteur.  Le  lendemain  du  jour  où  cette 
lettre   était    écrite,    Bouthillier    mandait 

au  cardinal  :  « M.  de  Nemours  m'est 

venu  voir;  c'est  un  enfant  qui  a  l'esprit 
très-bon,  mais  qui  n'a  pas  encore  le  dis- 
cernement des  choses  qui  lui  sont  pro- 
pres; il  me  parla  avec  artifice  pour  son 
âge il  m'a  respondu  fort  sagement 


le  commandement  du  roy,  que  luy  feroit 
sçavoir  V.  Em.  qui  avait  eu  tant  de  bon- 
tés pour  sa  maison.»  (Lettre  du  4  oc- 
tobre.) Le  9  Bouthillier  écrivait  de  nou- 
veau à  Richelieu  :  «  M' le  duc  de  Nemours 
a  reçu  avec  beaucoup  de  respect  les  com- 
mandemens  du  roy  et  les  conseils  de 
V.  Em.  et,  en  effet,  il  fera  tout  ce  qui 
luy  a  esté  proposé  de  la  part  de  S.  M.  et 
de  la  vostre;  à  moins  que  cela  il  n'eust 
pas  repris  le  chemin  de  l'académie,  luy 
faschant  assez  de  quitter  l'Iiostel  de  Ne- 
mours, d'où  il  n'estoit  pas  sorti  depuis 
la  mort  de  deffunt  M'  son  frère.  Il  est  à 
propos  qu'il  ayl  deux  gentilhommes,  dont 
l'un  soit  le  chevalier  de  Marcé . . .  qui  a 
ko  ans  et  s'est  très-bien  conduit  avec  le 
défunt  M'  de  Nemours.  (Ms.  cité  aux 
sources  fol.  383  et  4oi).  Nous  voyons 
dans  des  nouvelles  manuscrites  du  mois  de 
mars  de  cette  même  année  que  «le  petit 
duc  de  Nemours  estoit  d'une  certaine  co- 
médie latine  faite  par  les  jésuites  et  jouée 
sur  le  théastre  du  palais  cardinal.  »  Ainsi 
Richelieu  faisait  représenter  chez  lui  des 
pièces  en  latin  moderne  ;  c'est  là  un  sou- 
venir à  noter  pour  l'histoire  de  ce  théâtre. 
^  Richelieu,  qui  a  plusieurs  fois  avoué 
qu'il  n'entendait  rien  en  finances,  répond 
ici  dans  le  sens  que  lui  avait  écrit  Bou- 
thillier :  «  M.  du  Houssay  est  mort je 

croy  du  service  du  roy  et  du  meilleur 
ordre  des  finances  de  n'en  mettre  point 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  881 

Quant  à  l'affaire  de  La  Moriniere  '  je  vous  l'ay  recommandée  comme 
je  fais  toutes  choses,  c'est-à-dire  autant  que  vous  la  trouvères  juste, 
avantageuse  pour  le  service  du  roy  et  pour  le  clergé,  et  j'y  adjouste 
que  vous  y  aies  bon  pied  bon  œil  pour  prendre  toutes  vos  seuretez  ^. 

Quant  à  M''  d'Autun,  on  fera  tout  ce  que  l'on  pourra  en  son  af- 
faire. Il  reste  à  voir  ce  qui  sera  juste  et  ce  qui  sera  possible^. 

Aies  soin  de  vostre  santé,  continués  à  faire  comme  vous  avés  faict, 

afin  qu'un  jour  vous  parveniés  aux  choses  célestes  par  le  mespris  des 

terrestres. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


GCCCXLII. 
Archive»  de  la  famille  de  Boulhillier.  —  Original. 

SCSCRIPTION: 

POUR  MESSIEURS  LE  CHANCELIER  ET  SURINTENDANT, 


D'Amiens,  ce  lo*  octobre  i64i. 

Si  Messieurs  du  Conseil  continuent  à  laisser  la  liberté  aux  fer- 
miers et  traitans  de  traiter  les  sujets  du  roy  selon  leur  appétit  desré- 
glé, certainement  il  arrivera  quelque  desordre  à  la  France,  pareil  à 
ceux  d'Espagne. 


d'autre,  non  plus  que  de  contrôleur  gé- 
néral des  finances;  les  (rois 'intendans 
que  nous  avons  sont  capables,  en  bon 
âge  de  bien  servir,  et  véritablement  ils  le 
font.  Si  V.  Em.  le  veut.  ..je  séparerai  entre 
eux  trois  le  département  qu'avoit  M.  du 
Houssay,  sans  leur  donner  plus  d'appoiii- 
lemens  qu'ils  n'en  ont.»  (Ms.  cité  aux 
sources,  fol.  378). 

'  Il  s'agissait  de  lui  donner  de  l'emploi 
dans  l'affaire  des  impositions  mises  sur 
les  biens  du  clergé.  L'évêque  de  Chartres 
avait  écrit  au  cardinal  le  30  septembre  : 


«  Le  s'  de  La  Moriniere  a  traitlé  avec  le 
s'  de  Lormaison  ;  il  exécutera  sa  charge 
sous  luy  en  qualité  de  commis.  (Ms.  cité 
aux  sources,  fol.  345.)  La  chose  avait  dû 
être  emportée  de  haute  lutte;  on  voulait 
mettre  là  un  s'  Calcavi ,  ainsi  qu'on  l'a  vu 
dans  une  lettre  précédente. 

'  Boutliillier  répondait  le  9  :  a  Pour  ce 
qui  est  de  l'affaire  de  M' de  La  Moriniere 
le  billet  seul  de  V.  Em.  m'y  a  servi  de  loy  ; 
et  véritablement  il  a  très  bonne  répula- 
lioD...i  (Ms.  précité,  fol.  4oi.) 

'  Voyei  ci-dessus,  p.  864- 


CARDIN.  DE  RICRELIEC.  - 


882  LETTRES 

L'affaire  des  Sables  en  est  un  exemple.  J'en  pourrois  rapporter 
plusieurs  autres  qu'ils  sçavent  aussy  bien  que  moy. 

Présentement  la  Rochelle  a  envoie  au  roy  pour  se  plaindre  avec 
grande  raison  de  ce  que  les  fermiers  du  sol  pour  livre,  au  préjudice 
mesme  de  la  déclaration,  ont  voulu  lever  le  droit  sur  les  marchan- 
dises venant  des  pays  estrangers  qui  en  sont  nomément  exemptées 
par  la  dicte  déclaration,  de  laquelle  exemption  ceux  de  Rouen  sont 
en  paisible  jouissance. 

En  voulant  trop  avoir  on  réduira  les  affaires  à  ne  rien  avoir  du 
tout,  et  banissant  le  commerce  on  privera  la  France  de  ce  qui  la 
faict  principalement  subsister. 

Je  me  descharge  sur  Messieurs  du  Conseil  des  desordres  qui 
peuvent  arriver  par  la  malice  des  trailans  en  pareils  sujets,  et  les 
conjure  d'en  faire  chastier  quelques-uns  en  sorte  que  les  autres  soient 
retenus  par  leur  exemple. 

Au  faict  dont  il  s'agit  je  les  prie  de  donner  tout  contentement  à 
ceux  de  la  Rochelle,  tant  pour  la  justice  de  leur  cause  que  par  la 
recommandation  que  j'en  fais. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


Nous  mettons  ici  la  réponse  de  Bouthillier  à  cette  lettre,  qu'elle  fait  mieux 
comprendre,  et  à  cause  des  détails  qu'elle  contient  sur  l'administration  des 
finances  du  temps. 

De  Paris,  ce  jeudi  soir  i  7  octobre  i6i  1. 
Monseigneur, 

J'ay  veu  la  lettre  que  V.  Em.  nous  a  faict  l'honneur  de  nous  escrire  à  M'  le 
chancelier  et  à  moy,  sur  laquelle  je  diray  en  un  mot  que  nous  différons  l'esta- 
blissement  de  la  subvention  générale  à  Limoges  et  aux  Sables  d'Olonne,  voians 
bien  qu'il  est  à  propos  que  ces  lieux  là  profitent  de  leur  rébellion  pour  un 
temps  ;  si  cela  duroit  V.  Em.  jugera  ce  que  l'on  se  pourroit  promettre  de  cet 
affaire  important,  qui  doibt  produire,  ainsy  que  l'on  a  creu,  tant  d'avantage 
pour  le  bien  des  affaires,  et  donner  moien  de  soulager  les  peuples  en  ce  qui  est 
de  la  capitation,  c'est-à-dire  de  la  taille,  taiilon  et  autres  impositions  qui  se  font 
par  teste,  ce  que  je  n'exagererois  pas  si  il  n'estoit  question  que  de  la  généralité 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  883 

de  Limoges,  bien  que  fort  grande,  et  des  Sables  d'Olonne  ;  mais  V.  Ém.  sçait 
que  cet  establissemenl  est  smcis  en  Guyenne,  en  Languedoc,  en  Daulphiné, 
en  Bourgougne,  en  Bretagne,  en  Béarn,  et  n'est  point  faict  non  plus  en  la  plus 
pari  du  Poictou,  et  beaucoup  d'autres  lieux  des  provinces  et  généralités  d'es- 
lectioD.ll  y  en  a  aussy  où  véritablement  elle  est  establie;  mais  si  les  peuples 
de  ces  lieux  en  voient  les  autres  deschargés  ils  prétendront  indubitablement 
la  mesme  chose  avec  le  temps,  n'y  ayant  rien  qui  désespère  d'avantage  que  l'iné- 
galité des  charges,  qui  se  trouvent  plus  légères  quand  elles  sont  bien  séparées. 
Je  prends  la  liberté  de  remarquer  cela  à  V.  Em.  et  ne  laisse  de  considérer 
les  inconvéniens  dangereux  dont  nous  voyons  les  exemples  à  nostre  avantage 
chez  les  ennemis,  lesquels  les  pourroient  voir  semblables  chez  nous  sans  la 
prudence  de  V.  Em.  qui  sçaura  prendre  les  temps  propres  pour  subvenir  aux 
nécessités  de  l'Estat,  qui  enveloppe  tous  les  intérestz  particuliers,  et  pour  la  con- 
servation duquel  il  ne  faut  rien  espargner.  Tant  y  a,  monseigneur,  que  nous  ne 
remuerons  rien  aux  villes,  provinces  et  généralités  que  je  viens  de  nommer, 
jusques  au  retour  du  roy,  et  de  V.  Em,  qui  sçaura  lors  diverses  propositions 
qui  se  font  pour  descharger  les  provinces  refusantes,  qui  est  à  dire,  en  effect, 
pour  ruiner  l'allaire  de  la  subvention  générale  que  V.  Em.  jugera  debvoir  estre 
d'autant  plus  appuiée  que  ce  sont  les  plus  riches  du  royaume  qui  la  paient 
comme  consommans  incomparablement  plus  que  les  pauvres  des  denrées  et 
marchandises  qui  y  sont  subjectes. 

Pour  ce  qui  est  de  la  Rochelle,  nous  la  traicterons  comme  la  ville  de  Rouen, 
encore  qu'il  y  avt  beaucoup  de  différence;  nous  y  ferons  consentir  le  fermier, 
ou  luy  esterons  la  ferme.  J'ay  dict  aux  députés  de  la  Rochelle  ce  que  V.  Em. 
nous  en  a  commandé  pour  le  service  du  roy.  Ils  en  sont  ravis.  Paris  et  beaucoup 
d'autres  villes  sont  desjà  accoutumées  à  ce  droict,  et,  tenans  ferme,  tout  le  reste 
du  royaume  s'y  acconiodera,  ce  qui  sera  un  très-bon  affaire  si  il  est  une  fois 
bien  eslabli (Aroh.  des  Aff.  étr.  Francei64i,  six  derniers  mois ,  fol.  419.) 


CCCCXLIII. 
Archives  de  la  famille  de  Boiitliillier.  —  Original. 

SUSCRIPTION: 

POUR  M.  LE  SURINTENDANT. 

De  Chaunes,  ce  19*  octobre  i64i. 

J'ay  veu  vostre  lettre  et  le  bon  ordre  auquel  vos  soins  et  vostre 


884  LETTRES 

prévoyance  mettent  les  affaires  du  roy.  Comme  il  faut  choyer  les 
peuples,  d'une  part  de  peur  d'aigrir  ces  humeurs  farouches,  je  sçay 
bien  que  d'autre  la  nécessité  veut  que  vous  trouviés  de  l'argent. 

11  ne  se  peut  diligenter  davantage  les  payemens  nécessaires  que 
vous  faictes'. 

Je  suis  très-aise  de  l'accomodement  que  vous  avés  faict  d'une  terre 
pour  l'eschange  dont  vous  m'escrivés. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCXLIV. 

Arch.  de  Condé,  n°  106.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M"'  le  duc  d'Auniale.  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

22  octobre. 

Monsieur,  ayant 

apris  qu'au  procès  que  vous  faictes  faire  à  ceux  qui  ont  porté  des 
vivres  aux  ennemis,  il  s'est  trouvé  diverses  charges  contre  M"'  d'Es- 
penan,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  prier  de  me  mander  parti- 
culièrement ce  qui  en  est,  et,  au  cas  que  cela  soit,  pourvoir  sy  bien 
à  la  place  de  Leucatte,  qu'il  n'en  puisse  arriver  d'inconvénient.  Après 
vous  avoir  avoué  que  le  service  du  roy  m'estant  plus  cher  que  ma  propre 
vie,  je  ne  suis  jamais  à  repos  quand  la  seureté  d'une  de  ses  places  est 
en  compromis.  Je  vous  diray  franchement  ensuitte,  qu'affectionnant 
M"^  d'Espenan  comme  je  fais,  je  désire  le  tirer  de  cette  affaire  sans  que 
sa  personne  courre  aucun  hazard.  Comme  ce  point  deppend  du  cré- 
dit qu'il  plaist  au  roy  me  donner  auprès  de  luy,  la  seureté  de  Leucatte 
deppend  de  vostre  soin  particulier.  Estant  sur  les  lieux  comme  vous 
estes,  vous  sçaurés  bien  y  faire  entrer  des  troupes,  si  vous  jugés  que 

'   La  lettre  de  Bouthillier  qu'on  vient        envoyées  M.  de  Noyers  pour  le  service  de 
de  lire  se  terminait  par  l'annonce  de  l'ex-        la  guérie, 
pédition  de  diverses  ordonnances  qu'avoit 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  885 

ce  qui  s'est  passé  le  requiert.  Pour  tirer  le  d.  s' d'Espenan  de  peyne, 
sans  que  son  honneur  y  soit  intéressé,  jeluy  escris  une  lettre  pour  le 
prier  de  faire  un  voyage  icy.  Vous  en  verres  la  copie,  et  de  Mance, 
que  j'envoie  expressément,  fera  en  ce  sujet  ce  que  vous  luy  ordon- 
nerés.  Il  vous  asseurera  de  vive  voix,  de  ma  part,  ainsy  que  jo  fais 
par  cette  lettre,  de  la  continuation  de  mon  affection  et  de  mon  ser- 
vice, et  que  je  suis  et  seray  tousjours, 

.     Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  1res  afTectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE   RICHELIEU. 
De  Chaunes,  ce  20"  octobre  lôAi- 

Ma  chère  niepce  vostre  belle-lille  a  la  petite  vérole,  mais,  grâce  à 
Dieu,  elle  n'est  point  dangereuse  '. 


CCCCXLV. 

Arch.  de  Condé,  n°  i48.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale,  — 

Original. 

A  M.  LE  PRINCE. 

s  novembre. 

Monsieur,  Aiant 

receu  vos  lettres  par  le  s'  de  La  Roussière,  pour  ne  perdre  aucun 


'  Celte  espèce  de  postscriptum  est  écrit , 
sur  l'original ,  dans  l'espaceblanc  laissé en- 
treleinoli  Monsieur  >  et  la  iormulede  poli- 
te.sse.  —  Le  2  5  oclobre  le  cardinal  man- 
dait au  prince  :  >  Toute  vostre  famille  se 
porte,  grâces  à  Dieu,  fort  bien  ,  ce  que  je 
vous  dis  d'autant  plus  volontiers  que  de- 
puis peu  j'avois  eu  apréhension  de  la  ma- 
ladie de  ma  chère  niepce,  qui  a  eu  la 
petite  vérole,  dont  elle  est  parfaitement 
guérie.  >  Et  le  i4  novembre  Richelieu  écrit 
de  nouveau  que,  quoiqu'il  y  ait  dans  Pa- 


ris beaucoup  de  personnes  qui  ont  eu 
la  petite  vérole,  rien  n'empêche  Mad.  la 
princesse  et  sa  maison  d'y  revenir,  «  mais 
qu'il  sera  de  sa  discrétion  et  de  la  vostre 
de  n'aller  pas  à  Saint-Germain  et  autres 
lieux  où  on  a  sujet  de  craindre  cette  ma- 
ladie. Pour  moy,  vous  sçavés  que  je  ne  la 
crains  pas  et  que  je  seray  tousjours  dési- 
reux de  vous  lesmoigner  que  je  suis,  etc.  » 
(Ces  deux  lettres  seront  notées  à  la  lin 
du  volume.) 


886  LETTRES 

temps,  j'ay  aussy  tost  escrità  M"  de  Saint-Simon,  de  Maude,  de  La 
Motte  et  de  Merinville,  pour  les  convier  d'avancer  les  levées  de  leurs, 
trouppes  avec  la  mesme  diligence  que  s'il  y  alloit  de  ma  propre  vie  ; 
ce  qui  faict  que  je  ne  doute  point  qu'ils  ne  contribuent  à  cette  fin  tout 
ce  qui  leur  sera  possible. 

J'ay  veu  la  proposition,  dont  vous  avés  escrit  à  Monsieur  de  Noyers, 
de  faire  faire  un  régiment  de  six  compagnies,  ce  que  le  roy  accepte 
volontiers;  mais  je  ne  puis  que  je  no  vous  die  qu'il  est  impossible  de 
donner  plus  pour  la  levée  que  ce  que  l'on  a  accouslumé,  sçavoir  est 
six  mil  livres  pour  la  dicte  levée,  et  i5oo**  pour  le  lieu  d'assemblée. 
Mesnageant  l'intérest  de  Sa  Majesté  comme  vous  faictes,  vous  ne 
voudriés  pas,  je  m'asseure,  faire  faire  une  ouverture  sy  préjudiciable 
comme  seroit  celle  de  donner  dix  mille  livres,  qui  seroit  une  consé- 
quence insuportable.  Je  vous  conjure  de  faire  passer  celuy  qui  veut 
entreprendre  cette  levée  par-dessus  cette  difficulté,  ne  doutant  point 
que  par  vpstre  authorité  vous  n'en  veniés  à  bout,  l'asseurant  qu'en 
mon  particulier  je  prendray  revanche  de  l'effort  qu'il  fera  en  cette 
occasion.  Ce  à  quoy  il  doit  se  porter  d'autant  plus  volontiers,  que  le 
roy  se  contentera  que  ses  compagnies  soient  de  5o  hommes  chacune, 
mais  si  effectifs  que  Sa  Majesté  face  son  compte  sur  pied.  On  fait 
venir  le  régiment  de  cavalerie  d'Anguien  d'Italie,  y  aiant  plus  de  trois 
sepmaines  qu'il  a  esté  mandé. 

Pour  ce  qui  concerne  l'infanterie,  vous  trouvères  bon,  s'il  vous 
plaist,  que  je  vous  die  que  je  m'en  repose  sur  vostre  soin.  M'  de 
Noyers  m'aiant  dict  que  vous  luy  avés  mandé  que  vous  en  viendrés 
bien  à  bout. 

En  un  mot.  Monsieur,  le  service  du  roy  requiert  que  l'on  face 
toute  sorte  d'efforts  pour  empescher  que  les  Espagnols  ne  secourent 
le  Roussillon,  ce  qui  ne  se  peut  que  par  terre,  en  les  combatant 
auparavant  qu'ils  aient  joint  les  forces  qu'ils  ont  dans  ce  pays  '. 

Richelieu,  à  cette  époque,  écrivait  recommandations  et  les  mêmes  conseils, 
fréquemment  au  prince  de  Condé,  et  de-  Nous  renvoyons  à  la  tin  du  volume  l'in- 
vait  nécessairement  insister  sur  les  mêmes        dication  de  deux  lettres,  l'une  du  18  oc- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  887 

Après  que  vous  aurés  mis  toutes  choses  de  delà  en  Testât  qu'il  est 
à  désirer  pour  le  bien  des  affaires  de  Sa  Majesté,  laissant  le  comman- 
dement de  ses  armes  dans  le  Roussillon  à  M'  d'Arpajon  et  aux  ma- 
reschaux  de  camp  qui  y  sont,  Elle  vous  permet  de  revenir  de  deçà', 
où  je  vous  asseureray  de  vive  voix,  comme  je  fais  par  ces  lignes,  que 
je  suis  certainement. 

Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 
De  Ruel,  ce  8'^  novembre  i6/ii. 


tobre,  où  il  disait  :  «Le  roy  désire  pas- 
sionnément fortifier  M.  de  La  Motte,  et 
tenir  cet  hiver  cinq  mille  hommes  de 
pied  effectifs,  et  7  à  800  chevaux  dans  le 
Roussillon,  pour  empeschor  qu'on  ne 
puisse  ravitailler  Perpig;nan.  Je  vous  con- 
jure d'y  tenir  soigneusement  la  main 
comme  à  la  chose  la  plus  importante  qui 
soit  maintenant  sur  le  bureau  pour  le 
service  du  roy.  »  Le  cardinal  le  conjurait 
de  ne  rien  oublier  pour  «  remplir  »  plu- 
sieurs régiments  de  .son  armée,  et  il 
ajoute  :  «  .le  me  promets  que  vous  ferés 
paroistre  en  cette  occasion  que  vous  estes 
monsieur  le  Prince,  c'est-à-dire  im  prince 
actif  et  effectif  tout  ensemble.  •  —  Dans 
l'autre  lettre  du  26  octobre,  Richelieu 
recommandait  à  M.  le  prince  les  affaires 
de  Catalogne  et  de  Roussillon.  «Il  est  de 
telle  importance,  lui  répétait-il,  de  forti- 
fier M.  de  La  Motte,  que  vous  m'obli- 
gerés  extresmement  si  vous  pouvés  m'as- 
seurer  qu'il  le  sera  bienlost.  J'estimerois 
en  mon  particulier  do  vous  en  estre  re- 
devable. Si  aussy  vous  pouvés  laisser  des 
troupes  dans  le  Roussillon  suffisamment 
pour  empescher  le  ravitaillement  de  Per- 


pignan, vous  rendrés  un  service  signalé 
au  roy,  à  Testât  et  à  la  chreslienté,  qui,  à 
mon  avis,  ne  peut  espérer  la  paix  que  les 
Espagnols  ne  soient  humiliez  tout  à  fait, 
et  en  estât  de  ne  point  troubler  le  repos 
des  Catalans.  » 

'  La  saison  avancée  suspendait  ou  ra- 
lentissait partout  les  opérations  militaires; 
le  roi  et  le  cardinal  étaient  revenus  de 
l'armée,  et  Richelieu  avait  annoncé  leur 
retour  dans  ces  lignes  écrites  pour  la  Ga- 
zette :  •  Cette  semaine  le  roy  est  arrivé 
à  Chantilly  et  S.  Em.  à  Ruel,  après  une 
campagne  si  pleine  d'heur  et  de  gloire 
que,  nonobstant  les  orages,  presque  aus- 
sitost  dissipez  que  soulevez  en  cet  Estât, 
S.  M.  venant  recréer  de  sa  présence  tant 
désirée  la  reyne  et  sa  famille  royale ,  après 
avoir  esté  partout  victorieuse ,  a  le  con- 
tenlement  de  voir  ses  ennemis  réduits  à 
un  tel  point  que  toute  leur  consolation  de 
ceUe  année  n'aboutit  qu'à  la  seule  espé- 
rance de  recouvrer  le  tiers  des  conquestes 
qu'elle  a  naguères  faites  sur  eux  en  une 
seule  de  leurs  province.».  »  (  Gazette  du 
a  nov.  p.  808.) 


888  LETTRES 

Je  ne  vous  respond  rien  sur  l'armée  navale  que  vous  demandés, 
parce  que  vous  sçavés  bien  que  c'est  chose  impossible  en  ce  temps. 
7  grands  vaisseaux  sont  à  la  mer  pour  aller  à  Barcelone,  7  galères  y 
doivent  aller  aussy  après.  C'est  tout  ce  qui  se  peut  faire  sur  la  mer 
pendant  l'hiver,  et  il  faut  se  fonder  sur  les  forces  de  la  terre,  qu'il  est 
aisé  d'avoir,  au  lieu  que  celles  de  la  mer  sont  du  tout  impossibles. 


CCCCXLVI. 

Arch.  de  Condé,  n°  i/i4.  —  Communication  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  — 

Original. 

A   M.  LE  PRINCE. 

29  noveinbre. 

Monsieur,  Je 

suis  extresmement  fascbé  que  vous  n'aies  pas  toute  la  satisfaction  de 
ceux  qui  commandent  dans  le  Roussillon  qu'il  seroit  à  désirer  pour 
le  service  du  roy.  Vous  sçavés  bien  que  vous  ne  pouvés  vous  en 
prendre  qu'à  vous  mesme  qui  avés  désiré  leur  employ.  L'exemple  de 
M''  de  La  Motte  les  devroit  convier  à  faire  autrement  que  vos  dépes- 
ches  ne  tesmoignent  qu'ils  font.  Monsieur  le  mareschai  de  Brézé  nous 
escrit  avec  tant  d'asseurance  du  bon  événement  qu'on  doit  attendre 
des  affaires  du  Roussillon  que  je  ne  doute  j^oint  que  la  continuation 
de  vos  soins  ne  les  face  réussir  à  souhait.  L'instance  pressante  avec 
laquelle  vous  demandés  un  chef  faict  que,  bien  qu'il  soit  difficile  de 
vous  en  envoler  sans  desgarnir  les  lieux  où  ils  sont  employés,  le  roy 
s'est  résolu  de  vous  envoier  M'  de  Gassion  pour  le  reste  de  cet  hiver. 
Je  sçay  bien  que  sa  religion  est  une  mauvaise  condition  pour  ces 
pays- là,  mais.  Sa  Majesté  ne  l'y  employant  que  pour  cet  hiver,  ces 
peuples  recevront  du  bien  de  sa  vaillance,  et  n'auront  pas  lieu  de 
craindre  aucun  préjudice  de  sa  mauvaise  religion.  En  un  mot.  Mon- 
sieur, c'est  un  coup  de  partie  de  garantir  le  Roussillon  du  secours 
qu'on  y  veut  jetter  ;  et,  si  on  en  vient  à  bout  cet  hiver,  le  roy  y 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  889 

pourvoiera  tellement  au  printemps  que  vous  aurés  lieu  d'en  estre 
satisfaict. 

L'affaire  de  Monaco  doit  donner  courage ,  à  tous  ceux  qui  servent 
aux  quartiers  où  vous  estes,  de  faire  quelque  chose  de  bon,  afin  de 
n'estre  pas  seulz  à  n'augmenter  pas  les  progrez  des  armes  du  roy. 

Toute  vostre  famille  se  porte  fort  bien,  grâces  à  Dieu,  qui  est 
tou    ce  que  je  vous  puis  dire,  sinon  que  je  suis, 

Monsieur, 

Vostre  bien  liumble  et  très  affectionné  serviteur. 
Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

DeRuel,  ce  ag*"  novembre  i6/m. 


CCCCXLVII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64i>  six  derniers  mois,  fol.  522.  — 

Original. 

A  M.   MAZARIN. 

Ce  3'  décembre  16/11. 

Monsieur  Mazarin  fera  payer,  s'il  luy  plaist,  les  deux  mil  francs  qui 
sont  deubz  à  celuy  qui  nous  a  vendu  la  Vénus  de  bronze  et  les 
huict  testes,  s'il  ne  l'a  desjà  esté;  et  afin  que  le  zèle  qu'il  a  à  ce  qui 
touche  ses  amis  ne  le  précipite  pas  à  faire  payer  cette  somme  de  son 
argent,  je  luy  envoie  un  billet  pour  la  tirer  de  M'  de  Mauroy. 

Il  se  souviendra  des  boistes  avec  des  diamans  pour  mon  porlraict. 

Si  le  s'  Loppez  a  de  petites  chaisnes,  il  les  acheptera  comme  pour 
luy,  afin  que  je  n'aye  rien  à  démesler  avec  le  seigneur  Hebreo. 

Il  envoira  voir  chez  Varin  si  son  buste  en  piastre  est  achevé  '. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 

'  Richelieu  conserve  le  goût  des  arls  c'est  presque  toujours  Mazarin  qu'il  charge 
parmi  ses  plus  graves  préoccupations,  et        de  ses  acquisitions. 

CARDIX.  DE  BICIIELIEU.  —  VI.  lia 


890 


LETTRES 


CCCCXLVIII. 

Arch,  des  Aff.  étr.  France,  i64i,  six  derniers  mois,  fol.  532.  — 

Minute. 

[A  L'ARCHEVESQUE  DE  RHE1\IS\] 

i5  décembre  [i64i]. 

J'ay  veu  vostre  lettre  de  très-bon  œil;  je  croy  que  vous  avés  envie 
de  bien  faire,  et  prie  Dieu  qu'il  vous  en  fasse  la  grâce.  Je  laisse  la 
charge  de  vostre  directeur  au  père  Hayneuve^,  mais  j'accepte  celle  de 
vostre  précepteur  pour  vous  bien  estriller  si  vous  manques  à  ce  que 
vous  debvés  à  Dieu,  et  à  ce  que  vous  promettes  solennellement  par 
vostre  lettre^. 

De  Rucl,  ce  i5  décembre. 


'  Léonore  d'Étampes  de  Valençay,  évê- 
que  de  Chartres  (Voy.  t.  V,  p.  34),  avait 
été  nommé,  le  i8  novembre  i64i ,  arche- 
vêque de  Rlieims,  siège  abandonné  par 
Henri  de  Lorraine  (voy.  ci-dessus,  p.  3^8  ) , 
et  qui  fut  pour  l'évêque  de  Chartres  la  ré- 
compense de  son  zèle  dans  la  dernière 
assemblée  du  clergé.  Il  ne  prit  possession 
de  ce  siège  qu'en  i643.  {Gall.  christ). 

'Julien  Heneufve,  recteur  du  collège 
des  jésuites  à  Paris.  Nous  trouvons  son 
nom  parmi  ceux  des  signataires  d'une 
enquête  sur  les  désordres  du  couvent 
Sainle-Croix  de  la  Bretonnerie  à  la  date 
du  i"  octobre  de  cette  même  année.  (Dé- 
pôt delà  guerre,  t.  67,  p.  16.) 

'  Cet  évêque ,  qui  s'était  montré  si  do- 
cilement obéissant  aux  volontés  de  Ri- 
chelieu lorsqu'il  s'agissait  de  contraindre 

*  Henri  Arnauld  mandait  le  2  2  décembre  :  «  On 
me  parle  d'une  grande  brouilierle,  en  présence  de 
Mgr  le  cardinal,  enire  M.  de  Rheims  et  M.  d'É- 
mery,  qm  en  vindrent  jnsques  aux  injures  san- 
glantes. Mon  auteur  n'est  pas  assez  bon  pour  vous 


les  députés  de  l'assemblée  de  Mantes  à 
prendre  les  décisions  qu'on  exigeait  d'eux, 
semble  s'être  montré  moins  souple  lors- 
que, devenu  archevêque,  il  fallut  en  ve- 
nir à  l'exécution.  Nous  trouvons  une 
lettre,  à  la  date  du  3o  août,  où  il  dit  : 
«Suivant  l'ordre  de  V.  Em.  je  luy  envoie 
les  mémoires  instructifs  touchant  les  deux 
affaires,  du  clergé  dont  jeluy  parlayjeudy. 
—  Quant  au  premier  point,  qui  regarde 
les  aliénations,  le  traitté  qu'en  ont  faict 
M"  du  conseil  est  tellement  contraire  à 
l'article  de  nostre  conlracl  qu'il  ne  se  peut 
davantage. . .  quant  au  second,  qui  regarde 

les  aydes on  ne  leur  tient  rien  de  ce 

qu'on  leur  a  promis  par  le  contract.  n 
L'évêque  fait  une  longue  énumération  des 
griefs  du  clergé  ;  il  se  plaint  amèrement 
de  M'  d'Emery*,  avec  lequel  il  se  trouvait 

asseurer  cela.»  Arnauld  mettait  une  grande  circons- 
pection dans  les  nouvelles  qu'il  donnait;  on  voit  que 
celle-ci  tire  une  certaine  vraisemblance  de  la  lettre 
de  l'archevêque. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


891 


CCCCXLIX. 
Bibl.  imp.  Fonds  Béthune  gaSi,  fol.  83.  —  Copie. 

MÉMOIRE 

AU  SIEUR  DE  LYONNE, 

S'EN  ALLANT  DE  LA  PART  DU  ROV  TRODVEB  M.  LE  DUC  DE  PARME 
ET  DE  LÀ  AUPRÈS  DU  S'  MARQUIS  DE  FOXTENAY, 

AMBASSADEUR  DE  SA   MAJESTÉ,  À   ROME. 

[Vers  la  fin  de  i64i.] 

Le  roy  considérant  comme  les  affaires  de  M'  le  duc  de  Parme 
tirent  en  longueur,  et  ne  voulant  oublier  aucun  moyen  de  tous  ceux 
qui  seront  en  son  pouvoir  pour  raccommoder  avec  Sa  Sainteté  ce 
prince,  qui  a  fait  paroislre  depuis  si  longtemps  une  affection  extraor- 
dinaire et  inesbranlabie  pour  la  personne  de  Sa  Majesté  et  pour  les 
intérests  de  cet  Estât,  Sa  dicte  Majesté  a  jugé  à  propos  de  luy  dé- 
pescher  en  toute  diligence  le  dict  s'  de  Lyonne  pour  luy  faire  sçavoir 
ses  sentimens  et  le  porter  à  rendre  de  telles  soumissions  à  Sa  Sain- 


$i  bien  d'accord  pour  imposer  à  l'assem- 
blée les  volontés  du  maître;  enlin  il  ter- 
mine sa  lettre  par  une  vive  supplication  : 
«Au  nom  de  Dieu,  M*',  pourvoies  s'il 
vous  plaist  à  ce  que  nostre  pauvre  clergé 
ne  soit  pas  accablé  et  mesprisé  de  cette 
sorte. . .  »  (Ms.  cité  aux  sources,  fol.  5i  i .) — 
Richelieu  a-til  répondu  à  cette  lettre  ? 
Nous  n'avons  point  trouvé  de  réponse,  mais 
nous  avons  une  seconde  lettre  de  l'arclie- 
véque,  écrite  quinze  jours  après,  et  d'un 
tout  autre  style.  Il  avait  reçu  les  brevets 
et  les  œconomats  de  son  arclievcchc,  et  de 
l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Ponloise.  Il 
remercie  avec  effusion  le  cardinal  de  lui 
avoir  procuré  le  plus  beau  et  le  plus  ho- 
norable bénéfice  du  royaume.  «  Je  vous 


demande  pardon ,  dit-il ,  de  ma  vie  passée , 
qui  vous  a  peu  desplaire  ;  j'ay  du  regret 
d'avoir  donné  subjet  à  vos  plaintes,  et 
désormais  je  fais  dessein  de  n'eslre  plus 
auprès  de  V.  Em.  cet  ancien  évesque  de 
Chartres,  mais  un  archevesque  nouveau 
de  Rlieims. ..>  11  demande  au  cardinal 
d'être  son  protecteur  et  son  précepteur 
pour  se  conduire;  «et,  affîn  de  bien  réus- 
sir, il  vous  plaira  me  donner,  par  escripl, 
l'ordre  que  jedois  tenir  dans  ma  vie,  dans 
ma  charge,  et  le  règlement  que  je  dois 
apporter  à  ma  maison  et  mesmes  [à  mes] 
domestiques . .  .  •  Celte  explication  fera 
mieux  comprendre  la  réponse  de  Riche- 
lieu qu'on  vient  de  lire. 


892  LETTRES 

teté  qu'elles  puissent  ou  produire  son  accommodement  avec  elle,  ou 
justifier  son  procédé  envers  tous  les  princes  de  la  chreslienté. 

Le  dict  s''  de  Lyonne  ira  donc  droit  à  Parme  sans  s'arrester  en  au- 
cun lieu Il  dira  au  dict  s'  duc  que  Sa  Majesté  luy  conseille  de 

se  porter  à  rendre  tous  les  respects  qu'il  doit  au  pape,  et  comme  son 
seigneur  et  comme  chef  de  l'Eglise  et  père  commun  de  tous  les 
chrestiens,  qui  est  une  qualité  qui  oblige  tous  les  plus  grands  princes 
de  l'Europe  à  une  très  particulière  révérence, ....  Le  pape  demande 

que  le  duc  de  Parme  vienne  à  Rome  en  personne  et  qu'il  désarme 

Sa  Majesté  juge  très  à  propos  qu'il  contente  Sa  Sainteté  en  tout  ce 

qui  se  pourra,  mais  sans  s'exposer  à  aucun  péril et  lorsqu'il  n'y 

aura  plus  à  douter  de  la  bonne  volonté  du  pape  en  son  endroict. 

Le  dict  s"^  de  Lyonne  fera  entendre  à  S.  A.  qu'il  a  ordre 

d'aller  à  Rome  après  estre  informé  de  ses  sentimens  et  qu'il  porte 
à  M' le  marquis  de  Fontenay,  ambassadeur  de  Sa  Majesté,  des  ordres 
réitérez  et  très  précis  pour  agir  en  cette  affaire,  de  telle  sorte  que  le 
pape  et  M"^  les  cardinaux  Barberins  soient  bien  informés  que  Sa  Ma- 
jesté ne  souhaitte  rien  plus  ardemment  que  de  voir  un  bon  accom- 
modement entre  Sa  Sainteté  et  le  dict  s''  duc 

On  fera  savoir  au  mareschal  d'Estrées  que  le  roy  veut  si  absolu- 
ment qu'il  sorte  des  Estais  de  M'  le  duc  de  Parme,  qu'on  ne  recevra 
aucune  excuse  icy  de  celles  qu'il  pourroit  alléguer  pour  y  demeurer 
davantage 


NOTA. 

Nous  ne  trouvons  rien  dans  le  style  de  cette  pièce  qui  sente  la  manière  de 
Richelieu,  et,  dans  le  manuscrit,  aucun  indice  matériel  de  sa  participation;  ce 
mémoire  a  dû  être  rédigé  dans  le  cabinet,  probablement  avec  le  concours  de  Ma- 
zarin ,  très  au  fait  de  la  contestation ,  et  à  qui  Lionne  était  attaché.  Toutefois  la 
pensée  générale  est  de  Richelieu.  Cette  considération,  jointe  à  l'importance  de 
l'affaire,  nous  a  engagé  à  donner  ici  de  ce  long  mémoire  un  extrait  succinct,  ainsi 
que  quelques  détails  nécessaires  pour  donner  l'intelligence  de  la  situation. 

A  la  suite  de  quelques  différends  survenus  entre  la  cour  de  Rome  et  le  duc  de 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


893 


Parme,  les  troupes  de  l'Église  s'étaient  emparées  de  Castro,  en  octobre  16A1. 
Richelieu  avait  fort  à  cœur  de  pacifler  cette  mésintelligence,  qui  gênait  sa  poli- 
tique dans  sa  lutte  contre  l'Espagne.  11  envoya,  à  cet  effet,  en  Italie,  M.  de  Lionne 
que  Mazarin  recommanda  pour  cette  mission.  On  a  vu  que  Lionne  eut  ordre 
d'aller  droit  à  Parme,  afin  de  disposer  le  duc  à  donner  satisfaction  au  saint-père, 
et  de  se  rendre  ensuite  à  Rome  pour  achever  la  négociation.  La  pièce  dont  on 
vient  de  lire  l'extrait  n'est  point  datée;  elle  a  dû  être  rédigée  vers  la  fih  de  l'année 
x6-ii.  Nous  avons  inutilement  cherché  la  minuteet  l'original  dans  les  manuscrits 
des  Affaires  étrangères,  mais  nous  y  rencontrons  une  lettre  de  Lionne  à  Mazarin , 
où  il  le  félicite  de  son  élévation  au  cardinalat.  Celle-ci  est  datée  de  Lyon  le  2  jan- 
vier 1642;  ainsi  l'instruction  a  été  faite  un  peu  auparavant.  Nous  avons  de  plus 
un  projet  de  lettre  du  4  décembre  i64i,  écrit  de  la  main  de  Chavigni  (Aff.  étr. 
Rome,  t.  76,  fol.  569),  lequel  mande  à  M.  de  Fontenay  que  «si  le  pape  l'a 
agréable,  le  roy  envoiera  un  ambassadeur  pour  faire  publiquement  la  soumission 
du  duc  de  Parme.  »  Cette  double  circonstance  autorise  la  date  approximative  que 
nous  proposons.  —  De  Lionne,  qui  avait  à  peine  trente  ans,  commençait  la  car- 
rière diplomatique  où  il  s'est  illustré;  il  attendait  sa  fortune  de  Mazarin,  et  il  lui 
écrit  sur  ce  ton  de  soumission  absolue  et  de  sensibilité  exagérée  à  la  mode  alors 
à  l'égard  de  protecteurs  puissants  :  «  L'honneur  que  j'ai  d'eslre  à  V.  Em.  et  celle 
de  ses  créatures  qui  lay  est  le  plus  sensiblement  obligée,  »  le  mettent  dans  le 
ravissement.  ..Ha  versé  des  larmes  de  joie  :  «  M' le  comte  Santis,  qui  m'en  donna 
le  premier  avis,  me  sera  tesmoin  que  j'en  versay  en  abondance  pendant  demye 
heure  que  dura  mon  premier  transport.  »  (Rome,  t.  80,  fol.  20,  lettre  autogr.) 
La  lettre  suivante  est  écrite  d'Antibes  le  12  janvier;  et  après  avoir  fait  quelque 
séjour  à  Parme,  d'où  il  adressa  à  Mazarin  une  longue  lettre,  dont  je  n'ai  pas  le 
texte,  il  se  rendit  à  Rome,  où  nous  le  trouvons  le  i5  février.  Lorsqu'il  y  ariiva, 
la  situation  étaitdevenue  plus  grave  encore;  le  pape  avait  lancé,  dès  le  i3  janvier, 
contre  le  protégé  de  la  France,  un  monitoire  avec  injonction  de  se  rendre  à  Rome 
sous  peine  d'exconmiunication.  Le  manuscrit  de  Béthune,  cité  aux  sources, 
contient  diverses  pièces  relatives  aux  démêlés  du  pape  avec  le  duc  de  Parme,  et 
aux  négociations  de  M.  de  Lionne  du  6  février  au  6  septembre.  — Le  volume  80 
de  Rome,  aux  Affaires  étrangères,  nous  montre  de  Lionne  occupé  durant  toute 
l'année  1642  de  cette  négociation,  allant  continuellement  d'auprès  du  duc  de 
Parme  à  Rome,  et  de  Rome  vers  le  duc,  sans  rien  accommoder.  Enfin  tout  le 
résultat  de  tant  d'allées  et  venues  ce  fut,  pour  l'année  1642 ,  où  nous  nous  arrê- 
tons, une  plainte  du  nonce  à  Chavigni  contre  les  procédés  de  l'envoyé  de 
France  :  Votre  seigneurie,  dit  le  nonce,  sera  convaincue,  par  la  lecture  de  toute 
la  négociation  du  s' de  Lionne ,  «  che  non  puo  esser  ministro  utile  per  proseguire 


894  LETTRES 

la  medesima  negoziazione,  essendosi  l'istesso  signore  di  Lionne  mostrato  più 
partegiano  del  sig.  duca  di  Parnia  che  mediatore  e  minisiro  di  si  gran  Rè.  »  Et, 
trois  jours  après,  le  27  décembre,  le  nonce  écrit  de  nouveau,  pour  demander 
que  le  roi,  par  sa  désapprobation,  calme  la  douleur  que  le  pape  peut  ressentir, 
■  dal  veder  un  ministro  del  Rè  far  quasi  l'instigatore  appresso  i  principi  contro 
lo  stalo  ecclesiastico.  »  Le  nonce  prie  Chavigni  de  brûler  sa  lettre.  La  précaution 
a  été  bien  inutile;  c'est  la  lettre  originale  elle-même  que  nous  avons  sous  les 
yeux.  (Fol.  654  du  ms.  des  Aff.  étr.)  Nos  historiens,  Aubery,  le  père  Griflet,  Le 
Clerc,  Jay,  Razin,  ne  parlent  pas  de  cette  mission  de  M.  de  Lionne;  c'est  pour 
nous  une  raison  d'insister  ici  sur  ce  fait  oublié. 

Nous  devons  aussi  indiquer  une  pièce  intitulée  :  Mémoire  da  cardinal  touchant  le 
différend  da  pape  avec  le  duc  de  Parme,  touchant  Castro.  Nous  n'avons  ni  la  mi- 
nute, ni  l'original,  seulement  nous  avons  vu  deux  copies  à  laRibliothèque  impé- 
riale, l'une  dans  le  fonds  de  Saint-Germain-Harlay,  349,  pièce  49°;  l'autre  dans 
les  mss.  de  Cangé,  n°  80.  La  pièce  nous  paraît  être  le  premier  crayon  d'un  tra- 
vail qui  n'est  même  pas  achevé  et  qui  pourrait  bien  avoir  été  composé  pour 
entrer  dans  la  continuation  des  Mémoires  de  Richelieu. 


ANNÉE   1642. 


CCCCL. 

Arch.  des  Aff.  étr.  Rome,  t.  80,  non  coté.  — 
Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré  et  de  celle  de  Charpentier. 

MÉMOIRE 

DRESSÉ   POUR  BESPONDRE  k  CE  QDE   M.   LE  CARDINAL   BARBERIN  A   MANDE, 

PAR  LE   s'  DE   MONTREUL,  TOUCHANT  L'ANGLETERRE, 

BCQDEL  M.  DE   FONTENAÏ   SE  SERVIRA  SELON  QU'IL  JUGERA  LE   DEVOIR  FAIRE  '. 

27  jaiiviei-. 

La  reyne  d'Angleterre  ne  peut  estre  secourue  que  par  deux  moyens, 

Cherré  a  écrit  au  dos  :  «  Dépesche  à  les  premières  lignes  exprimaient  un  senti- 
M'  de  Fontenay,  touchant  l'Angleterre,  ment  de  vif  intérêt  pour  la  reine  d'Angle- 
du  27  janvier  1642.  »  — Celle  pièce  avait  terre;  ces  lignes  ont  été  barrées  et  rem- 
d'abord  été  rédigée  en  forme  de  lettre,  et  placées  parle  titre  qu'on  vientdelire;  nous 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  895 

par  sa  bonne  conduite  et  par  la  force.  Le  premier  dépend  d'elle ,  et  le 
second  d'autruy. 

Il  est  vray  que  jusques  icy  sa  conduitte  a  esté  mauvaise,  et  qui  plus 
est,  qu'il  est  difficile  de  luy  en  faire  prendre  une  meilleure. 

Il  seroit  aisé  de  luy  en  conseiller  une  bonne;  mais,  outre  que  le 
naturel  des  femmes  les  porte  plustost  à  suivre  leurs  humeurs  que  la 
raison,  la  constitution  particulière  de  cette  princesse  faict  qu'elle  est 
peu  capable  de  suivre  d'autres  avis  que  ceux  qu'elle  puise  en  son 
propre  esprit,  ou  qui  luy  sont  suggérez  par  d'autres,  aussy  peu  ca- 
pables de  la  servir  en  de  pareilles  affaires  que  celles  où  elle  se  trouve 
présentement,  qu'ils  ont  bonne  intention  de  le  faire. 

Le  mauvais  estât  de  l'Angleterre  requiert  un  procédé  aussy  pru- 
dent que  patient  pour  en  sortir.  En  telles  extrémitez  les  moindres 
fautes  sont  mortelles;  et  partant,  estant  presque  difficile  que  les 
dames  n'en  fassent  point,  il  n'y  a  pas  grand  lieu  d'espérer  que  la 
bonne  conduitte  de  cette  princesse  puisse  remettre  ses  affaires  sy 
déplorées. 

Quant  à  la  force.  Testai  présent  des  affaires  de  la  chrestienté  oste 
tout  lieu  d'espérer  qu'on  s'en  puisse  prévaloir  en  ce  temps  auquel 
chacun  a  tant  affaire  pour  soy,  qu'il  est  difficile  qu'il  puisse,  par  ce 
moyen,  pourveoir  aux  affaires  d'aulruy. 

Le  seul  moyen  de  réduire  les  choses  en  estât  qu'on  se  puisse  ser- 
vir de  cet  expédient  pour  restablir  les  affaires  d'Angleterre,  est  de 
mettre  l'Espagne  sy  bas  qu'elle  ne  puisse  s'opposer  aux  efforts  qu'on 
fera  à  cette  fin;  autrement  c'est  chose  très-certaine  que  ceux  qui  s'en 
prévaudront  ne  feront  autre  chose  que  lier  les  ennemis  du  roy  et  de 

les  reproduisons  en  note;  on  peut  êlre  eu-  les  divers  molirsquile  portent  à  eslre  tou- 

rieux  de  les  comparer  à  la  rédaction  nou-  ché  de  compassion  du  mauvais  eslat  où 

velle  :  «Monsieur,  cetle  lettre  vous  fera  est  la  roy  ne  d'Angleterre,  l'honneurqu'elle 

cognoïstre  combien  les  bons  sentimensqu'a  a  d' eslre  sœur  du  roy  m'en  est  un  sy  puis- 

M'  le  cardinal  Barberin  pour  l'Angleterre  sant  qu'il  ne  se  peut  rien  adjousler  à  la 

m'ont  touché.  Je  ne  sçaurois  assez  louer  tendresse  que  j'ay  pour  elle.  »  Et  la  pièce 

son  zèle,  ny  assez  désirer  que  les  bonnes  continuait   :  «elle  ne  peut  estre   secou- 

pensées  qu'il  a.  puissent  avoir  effet.  Outre  rue,  etc.» 


896  LETTRES 

la  reyne  d'Angleterre,  et  ceux  de  la  religion  catholique  aux  Espa- 
gnols et  à  leurs  partisans. 

Si  certains  bruicts  qui  s'espandent  sourdement  dans  le  monde,  que 
Sa  Sainteté  veut  se  servir  de  la  force  pour  faire  rendre  au  patrimoine 
de  l'Église  ce  dont  elle  est  privée  en  Italie  contre  toute  sorte  de 
raison,  estoient  véritables,  il  y  auroit  lieu  d'espérer  que,  dans  peu  de 
temps,  Sa  Sainteté  pourroit  avoir  la  gloire  d'establir  une  bonne  paix 
dansla  chrestienté,  telle  que  la  raison  le  requiert,  et  de  restablir  la 
religion  en  Angleterre. 

C'est  à  Sa  Sainteté  et  à  M''le  cardinal  Barberln  de  considérer  d'eux- 
mesmes  s'ils  doivent  prendre  une  telle  résolution.  La  France  ne  pré- 
tend point  de  part  en  leur  conseil  en  ce  sujet,  tant  parce  qu'elle  doit 
estre  supecte,  à  cause  de  Testât  présent  auquel  elle  est  avec  l'Es- 
pagne, que  par  ce  aussy  que  la  grande  expérience  qu'a  Sa  Sainteté 
des  affaires  du  monde  le  rend  plus  que  capable  de  puiser  chez  luy 
ce  qu'il  ne  doit  pas  rechercher  chez  autruy. 

La  justice  du  droit  des  armes  qu'auroient  celles  de  Sa  Sainteté 
est  sy  évidente  qu'il  n'y  a  personne  qui  soit  capable  d'en  douter.  Et 
le  pape  ayant  desjà  faict  une  bonne  promotion,  comme  celle  qui  a 
esté  faicte  depuis  peu,  et  en  pouvant  faire  une  seconde,  qui  rendra 
M"^  le  cardinal  Barberin  absolument  maistre  du  premier  conclave,  il 
semble  que  beaucoup  de  choses  qui,  sans  ces  précautions,  devroient 
estre  grandement  appréhendées,  ne  sont  aucunement  considérables, 
puisque,  par  ce  moyen,  Dieu  et  les  hommes  concourroient  indubi- 
tablement à  l'eslection  d'un  pape  qui  soustiendroit  les  actions  de  son 
prédécesseur  lorsqu'il  plairoit  à  Dieu  de  l'appeler  de  ce  monde. 

C'est  à  M"'  le  cardinal  Barberin  à  juger  s'il  doit  inspirer  ces  pen- 
sées à  Sa  Sainteté,  et  comme  la  France  recognoist  que  la  raison  ne 
veut  pas  qu'elle  ayt  part  en  un  tel  conseil,  si  Sa  Sainteté  la  prenoit 
d'elle-mesme  ,  c'est  à  elle  à  l'y  assister;  ce  qu'elle  pourroit  faire  aisé- 
ment avec  vingt-cinq  gallères  et  cinquante  vaisseaux,  et  ce  dans  six 
semaines",  temps  auquel  Sa  Majesté  se  rendra  en  ses  provinces  de 
Provence  et  de  Languedoc  expressément  pour  considérer  de  plus  près 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  897 

ses  affaires  d'Italie,  et  servir  le  saint  siège  et  la  maison  de  Sa  Sain- 
teté es  bons  desseins  qu'ils  peuvent  prendre  pour  le  bien  et  l'avan- 
tage de  la  chrestienté. 

'  Ensuitte  de  ce  que  dessus,  M''  de  Fontenay  représentera,  s'il  luy 
plaist,  à  Sa  Sainteté  et  à  M""  le  cardinal  Barberin  que  M"  le  duc  de 
Parme  pourroit  grandement  servir  en  cette  affaire.  Sa  Sainteté  l'ayant 
remis  en  sa  grâce  ;  ce  qui  luy  produiroit  double  gloire ,  l'une  d'avoir 
restabli  un  prince,  et  l'autre  de  l'avoir  faict  en  sorte  qu'il  s'attache 
au  dessein  de  Sa  Sainteté,  et  le  serve  au  restablissement  du  patri- 
moine de  l'Eglise. 

Quand  mesme  sa  dicte  Sainteté  ne  pensera  point  à  retirer  des  Es- 
pagnols ce  qu'ils  usurpent  au  saint  siège,  la  gloire  de  son  pontificat 
requiert  qu'elle  oublie  ce  qu'il  peut  y  avoir  eu  de  mauvais  en  la  con- 
duilte  de  M"^  de  Parme,  et  luy  pardonner  comme  père  commun. 

•r  ,  _  

CCCCLI. 

« 

Arcli.  de  la  famille  de  Boulhiilier.  —  Original. 

ffUSCRIPTION-  : 

POUR   MONSIEUR  LE  SURINTENDANT, 

À  PARIS. 

De  Moulins,  ce  i3'  febviier  i6'|2. 

On  dit  d'ordinaire  qu'il  faut  parler  comme  plusieurs,  et  eslre  de 
l'opinion  du  petit  nombre,  mais  je  prends  le  parly  contraire  en  l'affaire 
dont  vous  m'escrivés,  laquelle  a  esté  agitée  au  conseil.  Je  suis  du  sen- 
timent commun  et  non  de  celuy  de  M' le  Prince ,  et  du  s'  de  Machaut 
qui  ne  sont  qu'un.  Si  on  oste  le  sol  pour  livre  de  Languedoc  et  de 
la  Bourgoigne,  il  le  faut  oster  de  toute  la  France,  et  si  on  le  laisse 
au  reste  de  la  France  il  faut,  par  nécessité,  qu'il  soit  en  ces  provinces 
comme  aux  autres.  Les  raisons  en  seroient  trop  longues  à  vous  escrire, 
vous  les  sçavés  aussy  bien  que  moy.  La  contrariété  qui  se  trouve  entre 

'  Ici  Charpentier  a  pris  la  plume. 

CARDIN.  DE  BICHELIED.  VI.  1  l3 


898  LETTRES 

les  lettres  que  M'  le  Prince  vous  a  escrites  de  Languedoc  et  ce  qu'il 
dit  maintenant  le  condamnent  \ 

Je  suis  bien  aise  que  l'afFaire  de  M'  de  Nemours  se  soit  bien  passée. 
Pour  ce  qui  est  de  M''  de  Charnisay  je  ne  [décide]^  point,  mais  si  c'est 
chose  qu'on  veuille  faire  il  faudroit  que  M'  de  Nemours  escrivist  au 
roy  pour  sçavoir  s'il  trouveroit  bon  qu'il  l'eust  avec  luy^. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CGCCLII. 

Archives  de  Condé,  ii°  121.  —  Communication  de  S.  A.  1\.  M*'  le  duc  d'Aumale. 

Original. 


A  M.  LE  PRINCE. 


20  février. 


Monsieur,  C'est 

avec  beaucoup  de  desplaisir  que  je  vous  mande  que  le  régiment  de  cava- 
lerie de  monsieur  vostre  fils,  dont  vous  avés  pris  le  soin  des  recreues, 
est  le  seul  qui  ne  se  trouve  point  de  deçà  en  estât  de  servir,  et  qui, 
à  mon  avis,  n'y  peut  eslre  de  trois  sepmaines  ou  d'un  mois.  Je  vous 
avoue  que  ce  qui  vous  touche  m'estant  aussy  cher  que  ce  qui  me 
touche  moy  mesme,  je  voudrois  que  vous  eussiés  donné  beaucoup,  et 
que  ce  ne  fust  pas.  Je  parle  ainsy  parcequ'à  vous  dire  le  vray,  je  vous 
tiens  sy  grand  mesnager  en  certaines  choses,  où  il  ne  faut  plaindre 


'  Bouthillier  répondant  au  cardinal , 
le  17,  disait  :  «S.  Era.  sur  ce  sujet  dit  plus 
en  une  page  que  ne  perlent  tous  les  avis 
sur  lesquels  Elle  a  respondu.  »  Dans  celte 
lettre  du  17  et  dans  une  autre  du  ai,  le 
surintendant  donne  de  longs  et  intéressants 
détails  sur  cet  impôt  et  sur  les  résistances 
qu'il  rencontrait  dans  les  provinces  et 
jusqu'aux  portes  de  Paris.  (Arch.  des  AU', 
étr.  France,  janv.  en  mai,  fol.  /ig  et  62.) 


''  Ici  le  manuscrit  est  déchiré;  nous 
proposons  le  mot  décide. 

'  Dans  une  lettre  du  28  février,  Ri- 
chelieu écrit  à  Bouthillier  qu'il  s'abslieni 
de  décider  au  sujet  d'une  affaire  con- 
cernant la  ferme  générale  des  aydes  à 
cause  de  son  éioignemeni,  et,  ajoute  le 
cardinal  :  «  Veu  principalement  le  peu 
d'expérience  que  j'ay  dans  les  affaires  de 
finances.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  899 

ny  ses  peynes,  ny  son  argent,  que  je  ne  doute  point  que  vous  n'eus- 
siés  pu  faire  davantage  si  vous  eussiés  pris  plus  de  soin,  et  eussiés  esté 
plus  libéral,  en  un  faict  qui  ne  touche  pas  moins  vostre  honneur 
qu'il  est  important  au  service  du  roy.  C'est  à  vous.  Monsieur,  de  re- 
médier à  ce  désordre,  quoyque  vous  ne  puissiés  regaigner  le  temps. 
Les  officiers  de  ce  corps  n'ayant  point  esté  jusques  icy  en  leur  gar- 
nison, il  estoit  impossible  que  vous  peussiés  rien  faire  de  boa.  Je 
vous  conjure  aussy  de  mettre  autre  ordre  aux  recreues  des  régimens 
d'infanterie  d'Anguyen  et  de  Conty  que  vous  n'avés  faict,  où  j'aprends 
que  l'on  ne  lève  que  des  milices  par  les  éveschez,  qui,  après  avoir 
beaucoup  cousté  au  pays,  se  dissipent  auparavant  que  d'estre  à  l'ar- 
mée, ou  n'y  tiennent  pas  quand  elles  y  sont  arrivées.  Cette  façon  de 
faire  des  recreues  aux  régimens  est  de  telle  conséquence  qu'on  ne 
sçauroit  plus  faire  de  levées  pour  le  roy  en  ce  pays,  où  des  soldatzqui 
ont  quarante  et  cinquante  francs  des  éveschez,  outre  l'argent  du  roy, 
ne  voudroient  pas  aller  pour  ce  que  Sa  Majesté  donne  d'ordinaire. 
Le  seul  remède  qui  vous  reste,  tant  pour  vostre  cavalerie  que  pour 
vostre  infanterie,  est  de  faire  des  levées  en  Bourgoigne,  et  de  les  en- 
voier  promptement  quoy  qui  vous  couste.  La  bonté  dont  le  roy  use 
en  vostre  endroit,  augmentant  la  pension  de  monsieur  vostre  fdz, 
sans  retrancher  la  vostre,  mérite  bien  que  vous  faciès  quelque  des- 
pense pour  son  service,  proportionnée  au  rang  que  vous  tenés  dans 
lestât.  Je  vous  conjure  de  me  faire  response  plus  par  effect  encore 
que  par  lettres',  et  de  me  croire  véritablement, 

Monsieur, 

Vostre  très  liumbie  et  très  airectionné  serviteur. 


Le  Gard.  DE  RICHEUEU. 


De  Lyon,  ce  20''  febvrier  16A2. 


'  Le  ton  sévère  de  celle  lettre,  fort  dit-  entre  le  duc  d'Enghien  et  le  cardinal  Ma- 
tèrent du  style  dont  Richelieu  use  ordi-  zarin,  dont  parle  H.  Arnauld,  dans  son 
nairement  à  l'égard  de  M' le  Prince ,  révèle  Journal  épistolaire ,  à  la  date  du  1 2  février, 
quelque  sujet  de  mécontentement.  Il  s'agil  et  dont  on  verra  les  suites  plus  lard,  ci- 
sans  doute  d'une  difficulté  de  préséance  après,  p.  902. 

]i3. 


900  LETTRES 


CCCCLIII. 
Arch.  de  la  famiile  de  Boutillier.  —  Original. 

[A  M.  BOUTHILLIER'.] 

De  Beaucairc,  ce  6*  mars  1642. 

Voyant  que  la  monstre  des  armées  de  Catalogne  et  de  Roussiilon 
ne  sont  ny  arrivées,  ny  en  estât  de  l'estre,  et  que  cependant  il  est  im- 
possible de  faire  subsister  les  troupes  es  dicts  pays  un  seul  jour  sans 
argent,  en  un  pays  qu'il  importe  de  conserver,  et  où  il  faut  mesnager 
les  peuples,  gaigner  les  cœurs  aussy  bien  que  leurs  places;  je  vous 
envoie  ce  courrier  exprès  en  diligence  pour  vous  prier  de  faire  venir 
la  monstre  en  volant,  et  pour  remédier  à  pareils  inconveniens  à 
l'avenir,  en  une  occasion  où  la  personne  et  la  réputation  du  roy  sont 
engagées,  je  vous  prie  d'escrire  à  F^yon,  à  M"  du  Gué  et  Vidault  en 
telle  sorte  qu'ils  ne  fassent  aucune  difficulté  de  nous  fournir  aux  occa- 
sions ce  que  je  leur  demanderay  pour  le  service  du  roy.  Je  vous  puis 
asseurer  que  je  n'employeray  point  leur  crédit  qu'en  choses  du  tout 
nécessaires,  et  qu'on  ne  fera  aucunes  despenses  superflues.  Sans  cet 
expédient,  qui  est  l'unique  que  vous  puissiés  prendre  pour  faciliter 
les  affaires ,  je  prévoy  qu'il  arrivera  beaucoup  de  manquemens  du 
costé  de  l'argent,  qui  seroit  mesme  presque  inutile  quand  vous  l'en- 
voieriés  effectivement,  n'arrivant  pas  à  temps. 

Envoyant  diligemment  la  monstre  et  cet  ordre,  j'espère  que  tout 
ira  bien. 

Il  ne  faut  point  que  vous  espériés  maintenant  des  troupes  pour  en- 
voier  en  Guienne  ^;  à  peyne  en  avons  nous  de  deçà  ce  qu'il  en  faut 
pour  agir  en  Espagne. 

Si  vous  approuvés  l'expédient  dont  je  vous  ay  escrit  de  Lyon,  à 
M""  le  chancelier  et  à  vous,  pour  l'establissement  de  la  subvention 

La   suscriplion   manque,    mais  c'est  '  Afin  de  faire  payer  le  sou  pour  livre, 

Boulhillier  qui  a  mis  au   dos  la  note  de        autrement,  la  subvention, 
réception 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  901 

générale,  vous  n'en  aurez  pas  de  besoin,  à  mon  avis,  espérant  que 
nous  l'establirons  du  consentement  des  peuples  '. 

Je  parleray  au  roy  de  la  liberté  de  Nargonne  dont  vous  m'escrivés'-. 

Je  ne  doute  point  que  vous  n'ayés  le  soin  de  laire  réparer  les  che- 
mins comme  vous  le  pourrés. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCLIV. 
Arch.  de  la  famille  de  Bouthillier.  —  Original. 

SUSCRIPTIOS  : 

POUR  MONSIEUR  LE  SURINTENDANT. 

De  Narboniie,  ce  19*  mars  16^2. 

J'ay  esté  bien  aise  de  voir  par  vostre  lettre^  que  vous  approuvés 
pour  les  pays  d'estat  la  proposition  que  je  vous  fis  de  Lyon,  sur  le 
sujet  de  la  subvention  générale.  Aussytost  que  M'  de  Narbonne  sera 
arrivé  nous  tascbcrons  de  la  bien  establir  en  celte  province. 

Vous  me  mandés  par  la  mesme  lettre  que  vous  n'estimés  pas  qu'il 
en  faille  user  ainsy  pour  les  pays  d'esleclion,  et  je  ne  crains  point  de 
vous  dire  que  je  croy  que  vous  n'y  trouverez  pas  vostre  compte,  en 
ces  temps  icy,  par  une  autre  voye.  Le  vray  moyen  d'establir  les  choses 
doucement  estant  celuy  qui  vous  a  esté  proposé ,  d'autant  meilleur 
qu'il  n'empesche  pas  que  ce  droit  ne  reçoive  les  augmentations  qu'il 
doit  avoir  parle  temps  puisque  les  partis  intéressés  s'y  sousmettent. 
La  province  de  Bordeaux  vient  en  intention  de  demander  l'eslablis- 
sement  du  dit  droit  de  la  sorte.  A  mon  avis,  le  consentement  des 

'  Nous  trouvons  dans  une  lettre  de  «  Narf^onne  prisonnier  depuis  six  ans  chez 
Bouthillier  du  10  mars,  en  réponse  à  qua-  le  chevalier  du  guet ,  pour  la  capitulation 
tre  lettres  du  cardinal  des  20,  a4,  25  et  de  Caslelet,  et  qui  porte  la  peine  de  la 
28  de  février,  des  renseignemenlsinléres-  poltronnerie  des  autres,  demande  sa  li- 
sants pour  l'administration  des  finances  de  berté.  C'est  un  franc  gentilhomme,  et  qui 
ce  temps-là.  (Arch.  des  AIT.  étr.  France,  porte  les  marques  de  sa  bravoure  surtout 
de  janv.  en  mai,  fol.  88.)  le  corps.»  (Même  ms.  fol.  62.) 

*  Bouthillier  avait  écrit  le  a/i  février  :  '   Lettre  précitée,  du  10  mars. 


902 


LETTRES 


peuples  en  un  temps  pareil  à  celuy-cy  vaut  mieux  que  toute  la  force 
dont  on  sçauroit  user  en  un  autre.  Je  vous  prie  de  bien  repenser  à 
cette  affaire,  et,  après  l'avoir  mûrement  examinée,  M"^  le  chancelier 
et  vous,  m'envoier  vostre  avis  signé  de  tous  deux,  afin  que,  le  faisant 
voir  au  roy,  il  ayt  plus  d'occasion  de  s'y  conformer,  s'il  est  contre  ses 
premières  pensées ,  et  celles  de  ses  serviteurs  qui  sont  de  deçà.  Vostre 
dit  avis  viendra  assez  tost  à  ce  que  nous  l'ayons  devant  que  les  dep- 
putés  de  Bordeaux  soient  icy. 

Il  ne  se  peut  rien  adjousler  à  la  diligence  que  vous  avés  faite  pour  en- 
voier  la  monstre,  et  à  celle  avec  laquelle  vous  avés  escrit  à  M"  du  Gué 
et  Vidault  à  Lyon  pour  nous  fournir  les  sommes  dont  on  aura  besoin. 
La  monstre  venant  comme  vous  me  l'escrivés,  j'espère  que  vous  n'aurés 
pas  beaucoup  de  peyne  de  payer  ce  que  nous  prendrons  à  Lyon. 

Le  Gard.  DE  RICHELIEU. 


CCCCLV. 

Arch.  des  AfT.  élr.  France,  16^2,  de  janvier  en  mai,  fol.  ao4-  —  Original 

SUSCRIPTION: 

A  M.  LE  PRINCE, 


Narbonne,  20°  avril  idlti. 


Monsieur,  J'ay 

grand  sujet  de  me  plaindre  de  vous,  d'avoir  voulu  donner  instruction 
à  M'  voslre  fils  de  me  faire  un  affront  jusques  chez  moy\  et  en  Tes- 
tât auquel  je  suis.  J'espère  que  Dieu  me  rendra  assez  de  santé  pour 


'  Quelle  est  la  cause  de  ce  inéconlente- 
menl  de  Richelieu  contre  M'  le  Prince  ? 
et  quel  est  l'affront  dont  il  se  plaint  ?  Voici 
ce  que  le  Journal  épistolaire  de  H.  Arnauld 
raconte ,  à  la  date  du  1  2  février  :  «  M''  d'An- 
guin  n'a  voit  pas  voulu  céder  à  M'  le  car- 
dinal Mazarin  ,  quoy  que  luy  eust  pu  dire 
sur  cela  M' le  cardinal.  Mais  M*'  le  Prince 


estant  arrivé  bientost  après,  quoiqu'il 
eust  lesmoigné  approuver  ce  que  M'  son 
lils  avoit  fait  en  cela,  néantmoins,  M'  le 
cardinal  luy  en  ayant  parlé,  il  a  cédé  aussy 
lost,  et  a  fait  céder  M'  son  fils,  auquel, 
entre  autres  choses,  S.  Ém.  ayant  dict, 
«  Vous  me  cédés  bien  à  moy,  il  faut  bien 
que  ce  soit  comme  cardinal ,  car  sans  cela 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  903 

me  garantir  de  tant  de  bonnes  volontez,  et  pour  servir  le  roy  à  em- 
pescher  qu'on  n'entreprenne  rien  au  préjudice  de  sa  dignité  et  du  bien 
de  son  estât.  C'est  tout  ce  que  je  vous  puis  dire  pour  cette  heure, 
sinon  que  je  suis, 

Monsieur, 

Vostre  bien  humble  et  très  affectionné  serviteui-  '. 

^  Dicté  mot  à  mot  par  monseigneur, 
à  Narbonne,  ce  20^  avril  16A2. 

Cherré. 


je  ne  suis  qu'un  simple  gentilhorame,  et 
vous  estes  un  grand  prince ,  »  il  eut  poirr  le?- 
ponse  :  «  Je  considère  en  vous  des  qualités 
éminenles  et  extraordinaires,  et  les  obliga- 
tions infinies  que  toulemaMaisonvousa...  » 
Le  cardinal  vivement  blessé,  et  profilant 
d'une  prétention  d'étiquette  qu'il  désap- 
prouvoil  de  la  part  du  prince  de  Condé,  fit 
rendre  à  Narbonne,  le  17  avril,  une  décla- 
ration royale  où  il  est  dit  que  le  roi  ayant 
sceu  les  diiriciiltés  que  M' le  duc  d'Enghien 
faisait  par  l'ordre  de  M'  le  Prince,  son 
père,  de  céder  à  M'  le  cardinal  Mazarin  ; 
ayant  esté  aussy  adverty  que  mon  dit  sieur 
le  Prince,  assislani  dernièrement  au  Te 
Deum  sollemnellement  chanté  en  l'église 
de  Paris. . .  prisl  place  au-dessus  de  la  cour 
de  Parlement,  et  au  lieu  mesme  qui  eusl 
esté  préparé  pour  Sa  ^Iajeslé,  si  elle  eusl 
cstélor3  à  Pari». . .  Elle  a  déclaré. . .  qu'elle 
veut  que  les  princes  de  son  sang  cèdent 
la  préséance,  en  tous  lieux,  à  M"  les  car- 
dinaux... et,  pour  le  particulier  de  mon 
dit  sienr  le  Prince...  son  intention  est 
qu'il  demeure,  dans  les  cérémonies,  dons 
le  mc»me  rang  que  les  princes  du  sang 
ont  tenu  par  le  passé. . .  El  pour  que  ce  bre- 
vet serve  de  règlement  à  l'avenir,  •  le  roi 
a  écrit  de  sa  main ,  au  bas  :  ce  que  dessus  est 
ma  volonté;  il  a  signé  et  a  fait  contre  signer 


par  trois  secrétaires  d'état.  La  pièce  origi- 
nale, en  parcliemin,  est  conservée  aux 
arcli.  des  .\ff.  élr.  ms.  cité  aux  sources, 
loi.  191.  —  Après  l'affaire  de  février  paci- 
fiée, M.  le  Prince  avait  voulu  que  son  fils 
allât  rejoindre  le  roi  et  le  cardinal,  partis 
pour  la  frontière  d'Eapagne  :  «  M'  d'An- 
guin  pari  dans  peu  de  jours  pour  aller  à 
la  cour  (écrivait  H.  Arnauld,  le  9  mars). 
M'  le  Prince  le  presse  extresmement.  »La 
déclaration  du  17  avril  aurait-elle  provoqué 
l'affront  dont  .se  plaint  Richelieu  ? 

'  Depuis  celle  lettre  de  mauvaise  hu- 
meur nous  n'en  trouvons  aucune  adressée 
à  M'  le  Prince  jusqu'au  3o  juin.  Dans  cet 
intervalle  le  mécontentement  de  Richelieu 
s'était  sans  doute  apaisé;  il  écrit  au  Prince 
de  son  ton  ordinaire  au  sujet  des  félicita- 
lions  qu'il  en  avait  reçues  sur  la  décou- 
verte de  la  conspiration  de  Cinq-Mars  : 
•  Sachant  la  part  que  vous  prenés  aux  in- 
térests  du  roy,  à  ceux  de  son  Estai,  et,  si 
j'ose  adjouster,  aux  miens  propres,  vous 
ne  serés  point  trompé  si  vous  me  faites  le 
bien  de  croire,  comme  je  vous  en  conjure, 
que  je  considéreray  tousjours  les  vosires 
autant  que  de  quelque  personne  que  ce 
puisse  estre.  .  .  »  (Aux  Analyses.) 

'  Ceci  est  à  la  marge  dans  le  manus- 
crit.  La  dernière  lettre  que  nous  ayons 


904 


r.ETTRES 


CCCCLVI. 

Arch.  des  AIT.  élr.  France,  i6/i2,  de  janvier  en  mai,  fol.  2  i5.  — 
Mise  au  net,  devenue  minute,  la  pièce  ayant  été  corrigée. 


[AU  Ror.] 


ANarbonne,  ie  23"  avril  i6i2. 


Ce  biilet  est  pour  faire  sçavoir  au  roy  que  M''  le  comte  de  Brion  le 
va  trouver  de  la  part  de  Mousieur,  pour  se  resjouir  avec  Sa  Majesté 
des  bons  succez  de  Catalongne,  et  de  la  prise  de  Colioure;  et  pour 
luy  dire  que  la  goûte,  qui  l'a  repris  depuis  peu,  l'empesche  non  seu- 
lement de  venir  en  Languedoc,  mais  qu'elle  l'oblige  d'aller  aux  bains 
de  Bourbon  par  l'advis  des  médecins. 

Monseigneur  le  cardinal  estime  que  Sa  Majesté  doibt  dire  d'abord 
à  M"^  le  comte  de  Brion,  quand  il  la  saluera  :  Et  bien  quand  mon  frère 
viendra-t-il?  11  ne  manquera  pas  de  respondre  que  Monsieur  a  la  goûte, 
et  qu'il  est  bien  fasché  qu'elle  l'empesche  de  se  rendre  aussi  tost  au- 
près de  sa  personne,  [ce]  qu'il  eust  bien  désiré.  Sur  quoy  elle  adjous- 
tera,  si  elle  le  juge  à  propos  :  Je  l'ay  eue  assez  forte,  mais  quand  il 
est  question  d'agir  pour  le  bien  de  mes  affaires,  et  d'acquérir  de  la 
gloire ,  il  n'y  a  point  de  maladie  qui  me  puisse  retenir.  Sa  Majesté 
ensuitte  aura  agréable,  s'il  luy  plaist,  de  traitter  assez  indifféremment 
le  Brion ,  de  le  renvoyer  le  plus  tost  qu'il  se  pourra ,  et  de  luy  com- 
mander de  dire  à  Monsieur  qu'il  pense  à  se  guérir  puisqu'il  est  ma- 
lade,  sans  tesmoigner  qu'elle   désire  qu'il  vienne,   ou  qu'il  ne  s'en 


trouvée  signée  de  Richelieu  est  datée  du 
20  mars;  le  2  avril  il  faisait  écrire  au  bas 
d'une  missive  adressée  au  maréchal  de 
Guébriant  :  «  Monseigneur  le  cardinal  n'a 
peu  signer  celte  lettre  à  cause  de  l'incom- 
modité de  son  bras.  »  Désormais  ses  lettres 
ne  seront  plus  signées  :  nous  le  disons  ici 
une  fois  pour  toutes. 


'  Cette  lettre  est  écrite  par  Chavigni, 
qui  y  parle  du  cardinal  à  la  troisième  per- 
sonne ,  et  même ,  vers  la  iin  ,  en  son  propre 
nom  ;  mais  c'est  Richelieu  seul  qui  peut 
dicter  ainsi  au  roi  le  langage  que  doit  tenir 
Sa  Majesté,  et  lui  envoyer  les  réponses 
«  qu'elle  doit  faire.  »  Cette  pièce  est  donc, 
sans  nul  doute,  l'œuvre  du  cardinal. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  905 

soucie  pas'.  J'envoie  à  S.  M.  la  response  qu'elle  doibt  faire  à  la  lettre 
de  Monsieur,  quoyque  je  ne  l'aye  pas  veue.  Cela  me  servira,  s'il 
luy  plaist,  d'excuse  auprès  d'elle  si  elle  y  trouve  quelque  chose  à 
redire^. 

Bien  que  je  sache  que  le  roy  est  adverty  à  toute  heure  de  la  santé 
de  S.  Em.  je  ne  laisseray  pas  de  l'asseurer  qu'après  le  coup  de  ciseau 
qu'on  luy  a  donné  aujourd'huy  elle  s'est  très  bien  portée  ce  soir, 
et  qu'elle  a  meilleur  visage  et  plus  de  force  qu'elle  n'avoit  quand 
S.  M.  est  partie. 

Le  duc  de  Bracciano,  qui  désire  s'attacher  au  service  du  roy  avec 
M' le  cardinal  Ursin ,  son  nepveu ,  souhaitte  que  Sa  Majesté  ayl  agréable 
de  luy  accorder  une  compagnie  royale  pour  un  bastard  qu'il  a,  qu'il 
eslève  comme  si  c'estoit  son  fdz  légitime,  et  à  qui  il  donne  beau- 
coup de  bien;  si  Sa  Majesté  trouve  bon  de  luy  faire  cette  grâce,  elle 
l'obligera  sensiblement,  et  pourra  par  ce  moyen  avoir  un  bon  corps 
d'Italiens  à  son  service,  outre  celuy  que  faict  M'  le  cardinal  de 
Mazarin. 


'  Dans  cette  indifférence  affectée  que 
Richelieu  conseille  au  roi  on  peut  recon- 
naître le  signe  d'une  sérieuse  préoccupa- 
tion qui  s'était  emparée  de  l'esprit  du  car- 
dinal. Malade,  séparé  du  roi,  il  savait  que, 
protîtant  de  ces  circonstances  fâcheuses, 
Cinq  -  Mars  reprenait  sa  pernicieuse  in- 
fluence et  travaillait  avec  acharnement  à  sa 
perle.  Le  favori  était  lié  avec  le  duc  d'Or- 
léans, et  la  présence  de  ce  prince  eût  été 
un  danger  de  plus  pour  Richelieu.  On  sait 
d'ailleurs  que  cette  goutte  servait  de  pré- 
texte à  Monsieur  pour  ne  pas  se  rendre 


en  ce  moment  auprès  du  roi,  contre  qui  il 
conspirait. 

'  Le  cardinal  écrivit,  de  son  côté,  à 
Monsieur,  par  le  comte  de  Brion.  Dans 
cette  lettre,  de  simple  politesse,  Riche- 
lieu .se  borne  à  remercier  le  prince  de  la 
part  qu'il  lui  donne  dans  la  gloire  des 
succès  dont  il  félicite  le  roi.  «C'est,  dit 
le  cardinal,  un  effect  de  la  continuation 
de  l'honneur  de  vostre  bienveillance  en 
mon  endroit,  que  je  ressens  comme  je 
dois.  »  Cette  lettre  est  datée  de  Narbonne 
le  29  avril. 


CAnOin.  DE  BICHELIED. 


>>i 


906 


LETTRES 


CCCCLVII. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M»'  le  duc  d'Aumale.  — 
Original  de  la  main  de  Cherré. 

AU  ROY. 

De  Narbonne,  ce  28'  avril  lôis. 

Je  ne  sçaurois  assez  rendre  grâce  à  Vostre  Majesté  des  tesnioigna- 
ges  qu'il  luy  plaist  me  donner  de  la  continuation  de  son  souvenir  et 
de  sa  bienveillance  en  naon  endroit,  ny  luy  exprimer  le  véritable  res- 
sentiment que  j'en  ay.  Elle  sçait  bien  que  je  ne  suis  pas  en  estât  de 
luy  faire  un  long  discours,  mais  quand  il  aura  pieu  à  Dieu  me  ren- 
voier  ma  santé,  je  la  consacreray  de  nouveau,  avec  le  reste  de  ma 
vie,  au  service  de  Vostre  Majesté',  qui  me  fera,  s'il  luy  plaist,  l'hon- 
neur de  croire  que  je  ne  souhaitle  l'une  et  l'autre  que  pour  les  em- 
ploier  à  cet  usage  ^. 


'  Richelieu  n'eut  la  preuve  du  crime 
de  haute  trahison  commis  par  Cinq-Mars 
que  dans  les  premiers  jours  de  juin  ,  mais 
au  moment  où  il  écrivait  il  était  parfaite- 
ment instruit  de  la  dangereuse  intrigue 
ourdie  autour  du  roi  contre  lui  ;  aussi  nous 
allons  le  voir,  dans  celte  nouvelle  crise  de 
sa  fortune,  redoubler  de  démonstrations 
de  fidélité  et  d'affection  pour  Louis  XIII. 
En  évitant  de  le  fatiguer  de  protestations 
directes,  il  le  fait  entretenir  à  toute  heure 
de  la  tendresse,  des  mérites  et  des  ser- 
vices du  cardinal ,  par  les  amis  qu'il  a  soin 
de  tenir  continuellement  auprès  du  roi, 
et  dont  il  trace  la  conduite  et  dicte  les  pa- 
roles, dans  des  lettres  qu'il  leur  adresse 
chaque  jour,  et  même  deux  et  trois  fois 
par  jour.  Dans  ce  corps  que  la  fièvre  mine 


et  que  brise  la  douleur,  l'esprit  semble 
s'animer  dune  activité  nouvelle ,  et  le  cœur 
d'un  plus  ferme  courage. 

'  Chavigni  qui  était  en  ce  moment  au- 
près de  Richelieu  écrivait  au  roi  une  lettre 
du  détail  des  affaires  et  il  n'y  oubliait  pas 
le  cardinal;  rien  ne  pouvait  arriver  à  Per 
pignan  plus  à  propos  ;  Richelieu  l'apprit  le 
lendemain  lorsqu'il  reçut  de  fie  Noyers  une 
lettre  qui  commençait  ainsi  :  »  J'arrivay  icy 
hier  a8,  où  je  trouvay  que  les  brouillards 
des  Pirénées  estoient  descendu/,  jusques 
sur  la  cour. .  .  Pleust  à  Dieu  que  le  soleil 
de  qui  les  clartez  en  ont  dissipé  tant  d'au- 
tres feust  en  estât  de  se  montrer  seule- 
ment ,  il  l'eroit  bientost  renaistre  le  serein.  » 
(AlF.  étr.  France,  de  janv.  en  mai,  fol.  222 
el  228.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


90' 


CCCCLVIII. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M''  le  duc  d'Aumale.  — 
Original  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  NOYERS*. 

Du  i"  may  1642. 

Il  est  du  tout  nécessaire  qu'il  plaise  au  roy  de  recommander  et 
commander  à  M"''  le  comte  de  Harcourt  et  maréchal  de  Guiche  de 
faire  faire  une  exemplaire  justice  de  ceux  qui  se  trouveront  coulpa- 
hles  de  la  lasche  reddition  de  Lens.  Le  cœur,  la  probité  et  le  sça- 
voir  faire  des  gouverneurs  contribuent  beaucoup  au  bonheur  ou 
malheur  des  royaumes,  principalement  durant  la  guerre. 

Les  députez  de  Catalogne  se  sont  plaints  civilement  de  ce  qu'on 
n'a  pas  mis  un  gouverneur  catalan  dans  Colioure;  on  leur  a  respondu 
que  le  roy  le  feroit  avant  (pie  partir  du  pays  et  qu'on  tiendroit  reli- 
gieusenienl  ce  qu'on  leur  a  promis. 


'  A  la  Ictlre  par  laquelle  Chavigni  Irans- 
nietlait  celle-ci  à  de  Noyers  il  ajoutait 
un  billet  qu'il  ne  fallait  pas  laisser  voir 
au  roi.  Le  cardinal  mandait  à  de  Nojer.s 
que,  si  le  roi  avait  de  la  répugnance  à 
niellre  Fabert  dans  Perpignan,  il  fallait 
tâcher  d'y  mettre  Guitaut  el  de  ne  pren- 
dre l'allernalive  que  s'il  était  impossible 
de  faire  autrement.  —  Il  s'agissait  aussi 
delà  reine  nicre  :  «  Il  sera  bon  (faisait  écrire 
Richelieu  )  que  vous  liriez  adroitement 
quelque  déclaration  du  roy,  sur  ce  que 
Rioiand  (c'était  le  médecin  de  Marie  de 
Médicis)  mande  qu'il  désire  que  la  reyne 
sa  Dière  soit  en  France.  Il  suffit  qu'après 
vous  avoir  dit  tout  ce  qu'il  a  accoustumé 
de  dire  sur  ce  sujet  vous  preniés  la  peine 
de  me  le  raauder.  •  Ainsi  le  roi  avai!  pour 


habitude,  lorsqu'il  s'agissait  de  la  reine  sa 
mère,  de  prononcer  par  respect  humain 
quelques  paroles  filiales,  que  Richelieu  de 
son  côté,  prenait  pour  ce  qu'elles  valaient; 
ce  qui  dura  jusqu'à  la  mort  de  cette  prin 
cesse ,  arrivée  à  deux  mois  de  là.  La  sup- 
plique du  médecin  fut  sans  doute  la  der- 
nière prière  de  l'exilée. —  Enfin ,  dans  celte 
lettre  confidentielle,  Chavigni  disait  en- 
core :  •  S.  Em.  a  très  bien  compris  ce  que 
vous  m'escrivez  des  brouillards  des  Piré- 
nées;  elle  vous  met,  pour  cet  effet  un  ar- 
ticle dans  sa  lettre  qui  est,  ce  me  semble, 
très  à  propos.  »  Est-ce  le  posl-scriptum  ? 
Au  reste,  depuis  plusieurs  mois,  la  mé- 
sintelligence entre  M.  le  Grand  et  le  maré- 
chal de  la  Meilleraie  était  connue  de  tout 
le  monde. 

114. 


908  LETTRES 

Celte  plainte  m'a  fait  penser  qu'il  faudra  mettre  un  gouverneur 
catalan  dans  Perpignan.  Partant  c'est  un  coup  de  partie  absolument 
jiécessaire  de  choisir  un  esprit  pour  eslre  gouverneur  des  armes  si 
flegmatique  et  si  destitué  de  feu  qu'il  puisse  suporter  cette  supério- 
rité apparente,  en  sorte  que  le  dict  gouverneur  catalan  demeure  con- 
tent de  luy  sans Et  que  luy  se  conduise  si  doucement  avec  les 

habitans  et  les  peuples  qu'ils  ayent  sujet  de  s'en  louer. 

Après  avoir  bien  pensé  et  repensé  en  cette  affaire  depuis  la  plainte 
susdite  des  députez,  je  ne  voy  point  qu'il  y  ait  aucun  esprit  en  toute 
l'armée  qui  soit  si  propre  à  cela  que  M'  Faber,  pourveu  qu'il  se  veuille 
soumettre  à  celte  domination  apparente  du  gouverneur  catalan,  ce 
qu'il  doit  faire,  si  le  roy  le  désire. 

Du  bon  choix  que  le  roy  fera  de  celuy  qui  entrera  là  dedans  dé- 
pend la  seureté  de  sa  conquesle,  autrement  j'oserois  bien  dire  que 
deux  ans  ne  se  passeront  point  sans  estre  exposé  à  de  pareils  change- 
ments à  ceux  qui  ont  mis  la  Catalogne  entre  les  mains  du  roy. 

Les  appréhensions  que  l'humeur  chaude  de  M'  de  Saint-Preuil 
nous  ont  données  plusieurs  fois,  le  désespoir  où  sa  conduite  avoit 
mis  les  habitans  d'Arras,  et  l'extrémité  où  il  a  fallu  venir,  font  une 
trop  bonne  leçon  en  ce  sujet  pour  retomber  en  pareils  inconvéniens. 
Vous  ferés  voir  mes  pensées  au  roy,  qui  ne  les  improuvera  pas,  jo 
m'asseure,  puisqu'il  s'agit  d'un  coup  de  partie,  et  qu'elles  n'auront 
jamais  autre  but  que  son  service. 

Je  vous  prie  d'escrire  à  M.  de  Mauroy  qu'il  rembourse  de  mon  ar- 
gent le  sieur  Sauvé  de  tous  les  frais  qu'il  a  faits  ponr  amener  icy 
M''  Juif  et  pour  s'en  retourner. 

Je  suis  ravy  que  le  roy  se  porte  bien  au  heu  où  il  est ,  et  de  la 
continuation  de  sa  bonté  et  de  sa  tendresse  envers  moy. 

Ce  que  dessus  a  esté  dicté  par  Son  Eminence'. 

Charpentier. 


Celle  précaution  prise  lorsque  le  car-        lot  abandonnée;  Richelieu  dicla  toujours, 
dinal  commença  à  ne  plus  signer  fut  bien-        mais  on  cessa  d'en  avertir. 


DU  CARDINAL  DE  R1CHB:LIEU.  909 

S'il  est  vray  qu'il  y  ayl  eu  quelque  chose  à  démesler  entre  M'  le 
Grand  et  M'  de  la  Melleraie,  comme  il  en  est  venu  icy  quelque  bruit, 
au  nom  de  Dieu,  faites  que  cela  se  racommode  par  l'authorilé  du 
roy,  afin  que  tout  marche  avec  bonne  intelligence. 

Je  croy  qu'on  vous  a  envoyé  les  plans  de  Ruel;  si  vous  les  avés. 
vous  me  ferés  plaisir  de  me  les  envoyer. 


CCCCLIX  '. 
A   M.  DE  NOYERS. 

De  Narbonne,  eu  2'  niay,  à  8  heures  du  soii . 

La  lettre  que  vous  avés  escrite  à  M'  Citoys  qui  porte  que  le  roy 
est  malade,  sans  spécifier  le  mal,  veu  qu'il  n'est  venu  aucune  lettre 
de  M""  Bouvart,  comme  vous  le  mandés,  m'a  mis  en  une  extresme 
peine.  J'envoie  en  diligence  en  sçavoir  des  nouvelles.  Cependant  de- 
main matin  à  la  pointe  du  jour  partiront  M"  Chicot  et  Bontemps -, 
qui  estoient  demeurez  auprès  de  moy,  et  le  s""  Baralis,  qu'on  m'a  dict 
estre  en  cette  ville.  Si  j'eslois  en  estât  d'en  aller  apprendre  des  nouvelles 
je  dispenserois  ce  gentilhomme  de  la  commission  que  je  luy  donne. 

Au  nom  de  Dieu,  tirés-moy  de  peine,  car  je  vousasseure  que  celle 
que  j'ay  du  mal  du  roy  surpasse  de  beaucoup  celle  que  je  ressens  du 
mien  propre  '. 

Ce  que  dessus  a  esté  dicté  par  Son  Eminence. 

CHAnPENTIEli. 

'  Celle  lellre  et  les  dix  .luivaiites  sont  trelui,  et  de  les  faire  loiirner  à  la  coiifu- 

tirées  du  même  ms.  que  la  lettre  458.  sion  de  ses  ennemis.  A  ce  point  de  vue  la 

'  L'un  des  médecins  et  l'un  des  cliirur-  monotonie  des  leUres  de  F^icheliuu  à  ce  mo 

giens  du  cardinal.  raeni  n  quelque  chose  de  .singulièrement 

'  Durant  tout  ce  mois  et    une  partie  caractéristique.  N'est-ce  pas  aussi  quelque 

du  suivant  Riclielieu,  en  apparence,  n'a  chosed'étrangequecebulletindela maladie 

qu'une  pensée,  la  santé  du  roi  ,  et  en  ré:i-  écrit  par  le  malade  lui-même,  où  l'on  suit 

lilé,  sa  pensée  dominnnto,  sinon  unique,  la  décomposition  progressive  qui  chaque 

c'est  de  déjouer  les  intrigues  ourdies  con-  jour  marque  un  pas  vers  la  mort? Sans  ce 


910 


LETTRES 


GCCCLX. 
A  M.   DE   NOYERS. 

De  Narbonne,  ce  3  may  16/12. 

J'envoie  pour  la  Iroisiesme  fois  ce  gentilhomme  pour  avoir  deux 
fois  le  jour  des  nouvelles  de  la  santé  du  roy  '. 

Je  vous  avoue  que  jamais  peine  ne  fut  pareille  à  la  mienne.  Je  me 
console  cependant  avec  Dieu,  ne  croiant  point  qu'il  veuille  permettre 
que  le  roy  ail  une  mauvaise  ou  longue  maladie. 

Cette  nouvelle  me  surprit  tellement  hier  qu'il  ne  se  peut  dire  da- 
vantage. J'ay  eu  une  fort  mauvaise  nuit.  J'espère  que  vous  nous  man- 
derés  des  nouvelles  capables  de  nous  consoler. 

Le  roy  croira  bien,  je  m'asseure,  que  si  j'estois  en  estât  de  pouvoir 
marcher  je  ne  perdrois  pas  un  moment  pour  me  rendre  auprès  de 
luy,  mais  mon  malheur  est,  quoyque  mes  plaies  aillent  bien,  à  ce  que 
disent  les  chirurgiens,  qu'on  ne  me  peut  porter  d'un  lit  à  un  autre 
.sans  d'extraordinaires  douleurs. 


fidèle  témoignage  on  se  ferait  cliQiclleaient 
l'idée  des  souffrances  physiques  qu'endu 
rait  le  cardinal ,  ainsi  que  de  l'énergie  de 
cet  esprit,  qui,  dévoré  en  même  temps  de 
mille  soucis,  conserve  parmi  ces  épreuves 
toute  sa  vigueur.  Accablé  de  ses  propres 
affaires ,  il  ne  s'occupe  pas  moins  des  affaires 
de  1  Etat,  il  y  porte  toujours  sa  résolution 
prompte  et  fei-me,  et  celle  volonté  habile 
à  se  faire  obéir  par  le  roi,  en  paraissant 
obéir  elle-même. 

'   De  Noyers  écrivit  à  Chavigni ,  le  len- 
demain   4,   de   Perpignan,    au    sujet  de 


cette  missive  :  «S.  M.  a  csié  sensiblement 
touchée  de  la  lettre  que  S.  Eni.  m'envoia 
hier,  et  des  soins  extraordinaires  qu'elle  a 
pris  d'envoier  sçavoir  des  nouvelles  de  sa 
santé. .  »  Il  ajoutait  :  «  L'estat  auquel  s'est 
trouvé  le  roy  durant  vingt-quatre  heures 
m'a  fait  descouvrir  quelques  mouvemens 
qu!  ne  se  peuvent  escrire;  je  vous  en  en- 
Ireliendray  à  la  première  vue.  .  .  »  (Aff. 
étr.  ms.  précité,  fol.  278.)  Ce  sont  ces 
moavemens  dont  l^ichelieu  voulait  être  in- 
formé autant  au  moins  que  de  la  santé 
du  roi. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  911 


CCCCLXl. 
A  M.  DE  NOYERS, 

De  Naibonnc,  ce  6*  may  1642. 

(Jommeje  pensois  entrer  au  port,  ii  est  venu  une  nouvelle  tempesle 
qui  m'en  jette  bien  loin. 

Il  s'est  fait  une  nouvelle  fluxion  sur  mon  bras,  et  l'ancienne  ouver- 
ture que  Dieu  et  la  nature  avoienl  laite  s'est  rouverte,  a  jette  de  nou- 
veau pus  en  assez  bonne  quantité.  On  parle  maintenant,  pour  me  con- 
soler, de  jouer  de  nouveau  des  couteaux,  à  quoy  j'auray  bien  de  la 
peine  à  me  résoudre,  n'ayant  plus  ny  force  ny  courage  pour  cela  Je 
suplie  Dieu  qu'il  m'en  donne  pour  me  conformer  à  sa  volonté. 

Je  vous  remercie  de  ce  que  vous  m'avés  mandé  de  la  santé  du 
roy,  qui  est  la  chose  du  monde  que  je  désire  le  plus. 

Je  suis  dans  la  foiblesse  où  vous  fustes  dans  vostre  maladie  de 
Lyon,  incapable  de  suporler  les  divers  retours  des  affaires.  Je  me 
sousmotz  tousjours  cependant  à  la  volonté  de  Dieu. 


CCCCLXII. 
A  M.   DE  NOYERS. 

De  iNarbonne,  ce  8*  may  1642. 

Si  je  ne  préférois,  comme  j'ay  tousjours  fait,  le  service  du  roy  à 
mon  contentement,  je  serois  infiniment  aise  que  vous  feissiés  un  tour 
icy.  Mais  il  faut  finir  Perpignan,  qui  ne  durera  pas  longtemps,  à  mon 
avis. 

Il  y  a  longtemps  que  je  cognois  les  soins  du  roy  telz  qu'iiz  sont, 
et  j'en  ay  devant  Dieu  les  ressentimens  que  je  doibz. 

Vostre  silence  me  fait  bien  cognoistre  qu'il  n'a  pas  aprouvé  ce  que 
je  vous  ay  escrit  pour  son  service,  sur  le  sujet  des  qualitez  que  doit 


912  LETTRES 

avoir  celuy  qui  comniaudera  les  armes  dans  Perpignan.  Ne  soyés  point 
en  peine  de  celle  que  vous  pensés  peut-estre  que  je  puis  avoir  sur  ce 
sujet.  Ce  m'est  assez  d'avoir  satisfait  à  ce  que  j'ay  creu  devoir  à  ma 
conscience.  Reste  à  S.  M.  qui  est  le  maistre,  à  en  user  comme  bon 
lui  semblera. 

J'ay  souHerl  d'extraordinaires  douleurs  cette  nuit. 

11  est  arresté  qu'il  me  faut  faire  une  ouverture  dans  le  ply  du  bras. 
On  craint  cependant  de  rencontrer  et  couper  la  veine.  Je  suis  en  la 
main  de  Dieu. 

Je  voudrois  bien  avoir  acbevé  mon  testament,  mais  je  ne  le  puis 
sans  vous,  et  vous  ne  pouvés  désemparer  que  Perpignan  ne  soit  fini  '. 


CCCCLXm. 
A  M.  DE   rVOYERS. 

Dp  Narboiuie,  ce  lo'may  i6'i2. 

Le  rov  m'a  fait  l'honneur  de  m'escrire  en  termes  si  extraordinai- 
remenl  ohligeans  qu'il  m'est  impossible  de  ne  le  tesmoigner  pas,  et 
de  n'en  avoir  pas  un  ressentiment  inexprimable^.  Il  me  fait  en  outre 

'    Le  testament  fut  fait  et  signé  devant  mieux  que  clans  un  récit,  la  situation  se 

nolaire.le  23  de  mai.  peindra  d'elle-même,  si,  des  paroles  de 

'  Pendant  que  la  maladie  tenait  le  car-  Hichelieu ,   nous   rapprochons  une   lettr^ 

dinal  loin  du   roi,  l'influence   momenta-  de  de  Noyers  écrite  à  Chavigni  le  i4  mai 

nément  sans  rivale  de  M.  le  Grand,  qui  «  du  camp  devant  Perpignan.  » 
tourmentait  si  cruellement  Richelieu,  né-  «  Nous  pouvons  bien  chercher  la  paix  et 

tait  pourtant  pas  tellement  puissante  sur  le  repos  dans  les  créatures,  mais  il  est  cer- 

Louis  XIII,  que  ce  pauvre  roi  iiicessam-  tain   que  nous  ne   l'y  trouverons  jamais, 

ment  tiraillé  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  Les   dernières  nouvelles  de  la  santé   de 

l'autre,   par  le  caprice  de  ses  affeclions  Monseigneur  me  faisoient  espérer  de  le 

ambulatoires,  n'eût  vers  son  ministre  des  voir  bientost  en  estât  de  calmer  tous  ces 

retours  dont  le  favori  s'alarmait  à  son  tour.  orages  par  sa  santé  cl  sa  prudence ,  et  voilà 

Tandis  que  Richelieu  exprime  cette  joie  qu'il  me  fait  escrire  qu'il  est  en  mesme 

triomphante  dans  ses  épanchements  avec  estât  de  soulTrance;   et  vous   m'en   dites 

de  Noyers ,  Cinq-Mars  fait  ce   même   de  assez  pour  me    confirmer  cette   créance. 

Noyers  confident  de  ses  tribulations.  Bien  Où  irons-nous  donc,  sinon  à  celuv  à  qui 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  913 

l'honneur  de  in'ofFrir  ses  médecins  et  ses  chirurgiens,  mais  vous  neu- 
ves penser  quel  desplaisir  ce  me  seroit  s'ilz  estoient  un  seul  jour 
absens  de  sa  personne,  et  qu'il  en  eust  affaire. 

Cependant  vous  le  remercierés  de  ma  part  de  la  volonté  comme 
si  j'en  acceptois  l'effect. 

M'  de  Chavigny  me  dist  hier  par  discours  que  M''  de  Nouaiiles  avoit 
demandé  auroyle  gouvernement  de  Perpignan,  ce  que  je  ne  sçaurois 
croire.  J'avoue  que  sa  qualité,  sa  fidélité  et  son  humeur  douce  me  le 
feroient  préférer  à  celuy  dont  je  vous  escrivis  il  y  a  quelque  temps', 
sans  dessein  formé.  Le  roy  sçaura  bien  choisir  ce  qu'il  Itiv  faudra. 
Mais  il  est  vray  que,  s'il  peut  mettre  un  homme  de  qualité  en  cette 
place,  ainsy  qu'a  fait  le  roy  de  Castille,  et  un  homme  qui  tienne  table 
pour  les  Catalans,  et  ayt  un  train  qui  leur  donne  dans  la  veue,  ce 
sera  le  meilleur. 

Surtout  quiconque  y  soit  ne  doit  point  avoir  dedans  de  troupes 
qui  soient  à  luy,  mais  bien  des  Suisses  de  la  garde  bien  choisis  par 
Sa  Majesté,  et  un  vieux  régiment.  Le  roy  est  le  maistre  et  sy  judi- 
cieux qu'il  sçaura  bien  trouver  son  compte,  et  faire  sy  bien  cette 
affaire  qu'il  n'y  faille  jamais  retomber. 


saint  Augustin  disoil  :  Tu  solas  reqaies? 
•  Avant  hier  au  soir,  N.  ayant  esté  long- 
temps avec  le  roy,  me  vint  voir  sur  les  dix 
heures  du  soir,  et  feust  trois  quarts  d'heure 
avec  moy,  en  discours  plus  amiables  qu'in- 
dilTérens;  me  dist  que  depuis  deux  jours 
il  avoit  esprouvé  trois  charges  de  la  mau- 
vaise humeur  du  roy;  qu'il  les  endurcit 
parce  que  Testât  où  Sa  Majesté  se  retrou- 
voit  ne  luy  permettoit  pas  d'en  user  autre- 
ment, mais  que ,  s'il  estoit  en  santé,  il  luy 
en  diroit  ses  sentimens.  Je  n'entray  point 
du  tout  en  matière  et  passay  tout  ce  temps 
là  en  civilitrz  et  railleries.  Il  me  sembla 
qu'il  n'estoit  point  venu  sans  dessein,  et 
qu'il  eust  bien  voulu  que  j'eusse  parlé 
de  raccommodement.  Mais  pour  les  rai- 

C4RDIN.  DE  BICHELIE0.  —  VI. 


sons  que  vous  sçavez  je  me  lins  quoy.  Ce 
volage  a  esté  remarqué  ,  bien  qu'il  semble 
qu'il  l'ayt  voulu  couvrir  du  voile  de  la 
nuict.. ..(Ms. des Aff.étr. précité, fol.  33o.) 
Le  i6,  de  Noyers  continue  son  rapport: 
«Tout  est  icy  en  Testât  que  je  vous  ay 
mandé.  Il  y  a  eu  un  grand  jour,  la  froi- 
deur et  l'aversion  a  duré  six  jours  et  la 
chaleur  n'est  pas  revenue.  Si  nous  pou- 
vons obtenir  que  Ton  demeure  trois  moi» 
ensemble  à  Fontainebleau ,  il  n'y  a  rien 
que  S.  Em.  ne  face  certainement,  mais  il 
lault  cela,  autrement  ce  que  nous  édifions 
en  un  entretien  d'une  heure  se  détruit  en 
huict  jours  qu'il  a  les  coudées  libres  pour 
Iravailler.»  (Même  ms.  fol.  363.) 
'   Fabert  ?  (Voy.  ci-dessus,  p.  907.) 

ii5 


914  LETTRES 


CCCCLXIV. 
AU    ROY. 

De  Narbonne,  ce  ii*  may  1642. 

Bien  que  mon  mal  me  soit  bien  sensible,  la  moindre  incomodité 
que  reçoit  Voslre  Majesté  me  l'est  bien  davantage.  C'est  ce  qui  fait 
qu'ayant  apris  que  Vostre  Majesté  estoit  travaillée  de  ses  émoroïdes, 
j'envoie  ce  gentilhomme  pour  en  apprendre  des  nouvelles,  la  supliant 
de  croire  que  personne  ne  sçauroit  jamais  recognoistre  ses  bontez 
avec  tant  de  tendresse  que  moy,  qui  ne  désire  la  vie  et  la  santé  que 
pour  employer  l'une  et  l'autre  à  son  service. 


CCCCLXV. 
A  M.  DE  NOYERS. 

De  Narbonne,  ce  1 1'  may  lèii. 

J'envoie  savoir  des  nouvelles  du  roy  sur  ce  qu'on  m'a  dict  qu'il  es- 
toit  travaillé  de  ses  émoroïdes.  Les  moindres  de  ses  maux  me  tou- 
chent sy  sensiblement  qu'il  n'est  pas  possible  de  plus. 

M' Juif  et  ses  confrères  me  donnent  espérance  d'une  plus  prompte 
guérison  qu'ilz  ne  croyoient  il  y  a  quatre  jours;  ilz  disent  que  le  fond 
de  ma  plaie  d'en  haut  est  sy  proche  du  cinus,  qui  est  en  bas  contre 
le  ply  du  bras,  que  dans  trois  jours  ilz  seront  joints  ensemble,  au- 
quel cas  je  seray  en  estât  de  prompte  guérison.  M'  Bontemps  vous 
expliquera  bien  tout  ce  mistère. 

M'  le  mareschal  Ilorn  va  à  Richelieu.  Je  ne  sçay  si  nous  y  avons 
envoie  la  vaisselle  d'argent  qui  a  esté  faite  pour  ce  heu;  je  vous  prie 
me  le  mander' 

I\ictielieu  avait  voulu  que  son  parent,         liquemeiit  le  maréchal  Horn  ;  et  il  til  écrire 
le  maréchal  de  La  Meilleraie,  traitât  uiagni-        par  Chavigni  à  de  Noyers  que,  le  mare- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  915 

M'  de  La  Forest  Toiras  apréhendant  que  quelqu'un  ne  demande  au 
roy  la  prévosté  de  Montpellier  qu'avoit  feu  son  frère,  laquelle  il  a 
résignée  il  y  a  plus  de  quatre  mois  à  un  de  ses  neveux  nommé  Claude 
de  Remon  de  Brignon,  auquel  le  Pape  a  accordé  les  expéditions,  à 
ce  qu'il  dict,  suplie  très  humblement  S.  M.  de  luy  en  vouloir  accorder 
un  brevet  du  d.  bénéfice  pour  son  d.  neveu,  pour  empescher  qu'il 
n'y  puisse  estre  troublé;  vous  en  dires,  s'il  vousplaist,  un  mot  à  S.  M. 


CCCCLXVI. 
A  M.  DE  NOYERS. 

De  Narbonne,  ce  12'  may  1642. 

Je  suis  tousjours  en  mesme  estât;  un  jour  j'espère,  l'autre  je  suis 
en  doute,  et  toutes  les  nuicts  me  sont  très  mauvaises.  Dieu  me  don- 
nera ce  qui  m'est  nécessaire,  et  ce  qu'il  a  ordonné  c'est  ce  que  je 
désire. 

Le  roy  a  sy  bien  trouvé  en  jettant  les  yeux  sur  le  jeune  Vaube- 
court,  que  je  ne  croy  pas  qu'il  en  faille  chercher  d'autre.  Il  a  toutes 
les  qualitez  requises,  et  je  ne  sçaurois  assez  louer  S.  M.  d'un  sy  bon 
choix.  C'est  ainsy  qu'il  faut  faire  les  affaires,  ne  considérant  en  choses 
sy  importantes  que  la  raison.  S.  M.  persistant  en  ce  choix,  il  est  temps, 
à  mon  avis,  de  mander  ledict  s""  de  Vaubecourt,  et  de  penser  au  gou- 
verneur que  le  roy  voudra  mettre  à  Landrechy,  sans  remuer,  pour 
cette  campagne,  la  garnison,  composée  d'une  partie  du  d.  régiment. 

Ma  pensée  est  qu'il  vaudra  mieux  faire  servir  ce  régiment  à  la  cam- 
pagne en  Picardie,  et  en  mettre  un  des  vieux  dans  Perpignan.  Cepen- 
dant le  roy  est  maistre  pour  faire  ce  qu'il  luy  plaira,  mais  je  le  suplie 
de  considérer  Perpignan  comme  la  place  du  royaume  laquelle  il  doit 

chai  venant  visiter  le  roi,  il  représentât  Allemagne,  et  qui  mérite  exlraordinaire- 

à  Sa  Majesté:  •  Combien  il  est  important  ment  d'elle-mesme  u  (Ms.  des  AIT.  étr.  pré- 

qu'elle  face  bonne  chère  à  une  personne  cité,  fol.  358,  lettre  du  3  mai.) 
qui  doit  commander  l'armée  de  Suède  en 

ii5. 


916  LETTRES 

plus  asseurer,  et  contre  le  roy  d'Espagne ,  et  contre  toutes  sortes  de 
pensées  semblables  à  celles  qui  avoient  passé  dans  l'esprit  du  pauvre 
Saint-Preuil. 

Si  vous  avés  des  nouvelles  de  Picardie,  je  vous  prie  de   m'en 
mander. 


CCCCLXVII. 
A  M.  DE  NOYERS. 

De  Narbonne  ,  ce  i3'  may  1642. 

Prévoyant  que  dans  huit  ou  dix  jours  les  armées  navales  de  Po- 
nant et  de  Levant  seront  jointes  à  Cap  de  Quiers,  il  faut  voir  à  quoy 
il  faut  les  employer  pour  ne  les  rendre  pas  inutiles.  Pour  cet  effect, 
il  fault  diligemment  escrire  à  M'  de  La  Motte  pour  sçavoir  si  ladicte 
armée  peut  favoriser  les  desseins  en  Valence,  soit  pour  prendre  le 
port  de  Vineros,  soit  pour  Tortose.  Elle  ne  peut  servir  qu'à  cela  ou 
au  siège  de  Rose,  quand  le  roy  voudra  le  faire  faire,  ce  qui  me  semble 
nécessaire  cette  année,  pour  mettre  le  Rousillon,  tandis  qu'on  y  est, 
en  estât  de  ne  pouvoir  estre  jamais  attaqué.  On  a  à  aller  chercher 
les  vaisseaux  et  les  galères  du  roy  de  Castille,  dont  il  veut  composer 
cette  grande  armée  de  laquelle  Toralte  a  parlé,  es  lieux  où  ils  seront, 
devant  qu'estre  tous  assemblez. 

Quand  vous  aurés  response  de  M"  de  La  Motte,  il  vous  sera 
aisé  d'escrire  au  marquis  de  Brézé  ce  qu'il  aura  à  faire  présen- 
tement. 

Le  mar*'  de  Brézé  est  icy  en  un  estât  pitoyable.  11  est  pris  depuis 
les  pieds  jusques  à  la  teste.  Il  est  certain  qu'il  a  un  corps  incapable 
d'employ.  Je  croy  qu'il  faudra,  par  nécessité^  que  le  roy,  partant 
de  ces  pays,  qu'il  pense  à  un  autre  vice-roy,  qui  ne  peut  estre,  à  mon 
avis,  que  le  mar^'  de  La  Motte;  la  raison  et  l'expérience  ne  permet- 
tant pas  qu'on  eslablisse,  en  une  mesmc  province,  deux  personnes 
de  mesme  qualité.  M'  Mazarin  ne  veut  point  de  vaisseau  pour  aller 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


917 


à  Rome,  et  partant  il  faut  mander  à  celuy  qui  commande  celuy  qu'on 
luy  a  réservé  pour  cela,  qu'il  aille  joindre  l'armée  à  Cap  de  Quiers. 

Je  vous  prie  de  me  mander,  si  vous  le  sçavés,  où  M' le  Prince  a  pris 
place  dans  Nostre-Dame  au  dernier  Te  Deum  '. 


CGCCLXVIII. 
A  M.  DE  NOÏERS. 

De  Narbonne,  ce  17*  may  i643. 

J'ay  esté  deux  jours  sans  vous  faire  sçavoir  de  mes  nouvelles, 
parce  que  je  ne  sçavois  que  vous  mander.  Les  chirurgiens  disoient 
que  mon  mal  alloit  bien,  et  je  ne  m'en  apercevois  point. 

Hier  je  fus  en  une  extresme  peine  d'nn  petit  abcès  nouveau  qui  s'est 
fait  dans  le  ply  du  bras,  au-dessus  de  la  première  ou^'ertiire.  L'apré- 
hension  de  l'ouverture  et  la  difficulté  de  la  faire,  et  la  lassitude  qu'a 
un  malade  de  la  fréquence  de  pareils  accidens  ne  me  tenoient  pas 
en  petite  inquiétude.  Cette  nuict  ce  petit  abcès  a  commencé  à  prendre 
passage  le  long  de  la  peau  du  premier  trou,  ce  qui  me  donne  espé- 
rance qu'il  ne  faudra  point  jouer  des  cousteaux. 

Je  vous  avoue  que  sans  la  grâce  de  Dieu  la  longueur  et  les  acci- 
dens d'un  si  fascheux  mal  m'osteroient  tout  cœur*.  Mais,  considé- 


'  Voyez  ci-dessus,  lettre  au  prince  de 
Condé  du  ao  avril. 

*  Le  cardinal  semble  être  dans  une  de 
ces  crises  de  découragement  qui  saisissent 
parfois  les  plus  fermes,  et  qui  pour  lui 
ne  duraient  guère.  C'est  alors  qu'il  écrit 
à  l'un  de  ses  confidents  les  plus  fidèles , 
le  comte  d'Estrades,  une  lettre  que  nous 
ne  donnons  pas  in  extenso  parce  qu'elle  a 
été  imprimée,  mais  dont  il  convient  de 
citer  un  passage:  t  Vous  sçauréS  que  Cinq- 
Mars  a  conspiré  contre  moy,  qq'il  veut 
prendre  ma  place  auprès  du  roy  et  que 


Dieu  a  permis  que  son  ingratitude  luy  ayt 
osté  le  jugement,  en  luy  faisant  prendre 
des  mesures  qui  ont  fait  voir  au  roy  mou 
innocence  et  mes  bonnes  intentions.  Quoy- 
que  cet  ingrat  soit  encore  près  du  roy,  et 
qu'il  ayl  fait  ce  qu'il  a  peu  pour  empes- 
cher  le  voyage  de  Sa  Majesté  en  Boussillon , 
que  je  luy  ay  conseillé  comme  estant  né- 
cessaire à  son  service,  il  ne  laisse  pas  de 
pratiquer  des  gens  de  la  cour  contre  moy, 
comme  ïréville,  Tilladel  ci  autres  pour 
qui  le  roy  a  de  l'estime.  J'ay  mesme  sujet 
de  croire  que  Monsieur  et  M'  le  duc  de 


918 


LETTRES 


rant  qu'à  l'égard  du  ciel  les  espines  sont  des  roses,  je  me  soiismetz 
de  bon  cœur  à  la  volonté  et  à  la  providence  de  celuy  qui  sçail  bien 
ce  qu'il  me  faut. 


Bouillon  sont  de  la  partie,  et  que  ce  der- 
nier, estantneveu  de  M' leprince  d'Orange , 
il  pourroit  bien  l'engager  à  estre  contre 
moy,  ce  qui  m'oblige  de  vous  dépescher 
D  ilidor  pour  prévenir  M' le  prince  d'O- 
range ,  et  vous  prier  de  vous  servir,  en  cetle 
rencontre,  de  tout  le  crédit  que  vous  avés 
sur  son  esprit,  pour  le  porter  à  faire  pa- 
roistre  qu'il  conserve  pour  moy  la  mesrae 
estime  et  la  mesme  amitié  qu'il  m'a  tous- 
jours  lesmoignées.  Il  suffira  pour  cela  que 
vous  le  fassiés  souvenir  qu'il  vous  a  dict 
souvent  que  c'est  principalement  la  con- 
fiance qu'il  a  dans  mes  soins  qui  le  tient 
attaché  aux  intéresls  de  la  France,  et  luy 
fait  rejeter  les  offres  de  l'Espagne.  Que  les 
sentimens  qu'il  a  pour  moi  sur  cetle  ma- 
tière sont  assez  connus  de  tous  ceux  qui 
entrent  dans  les  affaires ,  et  qu'ainsi ,  pen- 
dant qu'on  s'efforce  iny  de  blesser  ma  ré- 
putation et  de  noircir  ma  conduitte  auprès 
du  roy,  il  est  de  mon  avantage  et,  en  quel- 
que façon,  démon  honneur  de  continuer 
à  s'expliquer  en  ma  faveur,  et  à  tesmoi  ■ 
gnerparses  paroles  et  par  ses  actions  qu'il 
ne  s'attache  à  mes  intéresls  que  par  la 
seureté  qu'il  croit  qu'on  peut  trouver  dans 
ma  conduitle,  et  par  la  sincérité  qu'il  a 
tousjours  remarquée  dans  mes  intentions, 
et  que,  comme  il  est  persuadé  que  je  suis 
tousjours  le  mesme,  il  continue  aussy 
d'eslre  pour  moy  dans  les  mesmes  senti- 
mens. Cette  manière  de  s'expli(|uer  dans 
un  prince  aussy  éclairé  que  luy  me  seroit 
avantageuse,  et  comine  il  en  reviendroit 
icy  quelque  chose,  elle  feroit  un  bon  effect 
pour  moy.  «Celle  prolixité  dans  les  recom- 


mandations montre  combien  Richelieu  dé- 
sire et  croit  avoir  besoin  que  le  prince 
vienne  à  son  secours.  —  La  lettre,  datée 
du  i3  mai  (et  de  Ruel  par  une  étrange 
bévue  des  copistes  ) ,  a  été  publiée  en  1 7 1 8 , 
page  65  des  Ambassades  et  négociations  de 
M'  le  comte  d'Estrades.  Et  Chavigni ,  dans 
une  lettre  qu'il  joignit  à  celle  du  cardinal, 
ne  crut  pas  inutile  d'ajouter  :  «  Je  dois  vous 
dire  que  monseigneur,  me  parlant  hier 
de  vous ,  me  dit  qu'il  comptoit  sur  vostre 
amitié  comme  sur  celle  de  M' le  mareschal 
de  La  Meilleraie,  et  je  ne  doute  pas  que 
vous  ne  receviés  bien  de  la  joie  d'appren- 
dre les  senlimens  qu'il  a  pour  vous.  Il 
m'a  envoie  chercher  présentement  et  m'a 
ordonné  de  voir  le  s'  Mathieu  Hœuft,  et 
d'en  tirer  une  lettre  de  change  jusqu'à  dix 
mille  livres  pour  esire  délivrée  et  payée 
suivant  nos  ordres;  vousjugerés  parla  de 
la  grande  confiance  que  S.  Em.  prend  en 
vous...»  Le  comte  d'Estrades  répondit  à 
Richelieu  le  10  juin,  et  dans  sa  lettre, 
pleine  d'encouragement,  il  répétait  la  dé- 
claration, qu'il  avait  déjà  transmise  du 
prince  d'Orange  que,  si  le  cardinal  n'avoit 
en  main  les  affaires  de  la  France,  il  accep- 
teroit  les  offres  que  luy  faisait  le  roy  d'Es- 
pagne et  s'accomoderoit  avec  cette  couronne. 
D'Estrades  ajoutoit  :  «  M'ie  prince  d'Orange 
m'a  paru  avoir  une  telle  horreur  de  l'in- 
gratitude de  M'  de  Cinq-Mars  ,  et  entrer  si 
avant  dans  les  intérests  de  V.  Em.  que  je 
la  puis  asseurer  qu'elle  peut  compter  sur 
son  amitié,  et  sur  la  manière  avantageuse 
dont  il  se  dispose  à  s'en  expliquer  dans  les 
occasions.  »  —  On  va  voir,  dans  un  mé- 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  919 

Je  ne  vous  responds  point  sur  l'arlicle  de  Cangé  parce  que  je  ne 
sçay  ce  qu'il  faut  faire;  Montigni,  qui  est  en  la  flotte  du  marquis  de 
Brézé,  en  estant  vice-amiral,  je  croy  qu'il  vaut  mieux  laisser  les 
choses  comme  elles  sont,  M"^  de  Forbin  donnant  les  ordres  jusques 
à  ce  que  le  marquis  de  Brézé  soit  arrivé,  où,  par  l'avis  du  bon- 
homme des  Gouttes,  tous  les  rangs  des  prétendans  aux  charges  se 
pourront  vuider  plus  aisément. 


CCCCLXIX. 
A  M.   DE  NOYERS. 

De  Narbonne,  ce  18'  may  1642. 

Les  longueurs  de  mon  mal  estant  trop  grandes  pour  en  juger  une 
fin  proche,  et  les  chaleurs,  dans  lesquelles  on  ne  peut  arriver  en 
Italie  sans  péril,  commençant  à  la  Saint-Jean,  j'ay  enfin  faict  résou- 
dre M'  le  cardinal  Mazarin  à  s'en  aller,  parce  que  s'il  demeuroit 
huict  jours  davantage  il  faudroit  qu'il  passast  l'esté  icy,  et  perdist 
l'occasion  de  servir  le  roy  à  Rome,  et  que,  comme  vous  sçavés, 
je  préféreray  toute  ma  vie  les  intérests  de  Sa  Majesté  à  mon  conten- 
tement. 

Demain  matin  M'  Juif  ouvrira  de  nouveau  le  petit  abcès  qui  s'est 
faict  à  mon  bras,  d'autant  que  le  passage  qui  s'est  faict  n'est  pas  assez 
grand. 

Jugeant  que  le  roy  n'aura  pas  grand  besoin  de  voslre  service  pen- 
dant les  complimens  du  prince  Morgues,  et  les  cérémonies  qu'il 
faudra  faire  pour  luy  donner  l'ordre  ',  je  vous  prie  de  luy  demander 

moire  du  a5  mai,  que  Hichelieu  se  pré-  fait  à  Aix,  le  3o  avril,  une  pompeuse  récep- 

vaut  à  l'av.ince  des  sentimenis  du  prince  lion;  il  arriva  au  camp  le  21  mai,  elle 

d'Orange  à  son  égard.  lendemain  le  roi  lui  donna ,  en  grande  cé- 

'  Honoré  de  Grimaldi,  prince  de  Mo-  rémonie,  l'ordre  du  Saint-Esprit,  après 

naco,  ayant  quitté  la  proleclion  d'Espagne  l'avoir  fait  chevalier  de  Saint-Michel  dans 

pour  celle  de  France,  vint  trouver  le  roi  son  cabinet.  Entin,  le  il^,  le  prince  fit  sa 

au  camp  devant  Perpignan.  On  lui  avait  visite  à  Narbonne.  Pour  le  dédommager 


920 


LETTRES 


congé  pour  venir  un  jour  icy  seulement.  Vous  apporterés,  s'il  vous 
plaist,  les  papiers  que  vousavés  receus  de  Paris  pour  moy,  ne  pou- 
vant estre  à  repos  que  je  n'aye  passé  authentiquement  ce  que  je  veux 
faire  pour  les  miens  '. 

Vous  ne  croirés  pas,  s'il  vous  plaist,  par  là  que  je  croye  estre  en 
péril  quelconque,  mais  vous  jugerés  seulement  que  la  grâce  et  la 
raison  veulent,  lorsqu'on  est  malade,  qu'on  pourvoie  promptement 
à  sa  conscience  et  à  ses  affaires  pour  n'estre  point  surpris  et  pour 
avoir  l'esprit  à  repos,  ce  qui  ne  sert  pas  peu  à  la  guérison  de  la  ma- 
ladie en  laquelle  on  est. 

Après  avoir  repensé  à  l'affaire  de  Cangé,  je  croy,  si  le  roy  le  trouve 
bon,  qu'on  ne  luy  peut  desnier  présentement  le  pouvoir  de  vice-admi- 
ral  sur  les  vaisseaux  de  Levant;  et  il  me  semble  que  l'autre  fois  que 
les  vaisseaux  de  Ponant  passèrent  en  Levant  celuy  qui  estoit  vice- 
admiral  en  Levant  fut  contre  admirai  en  toute  l'armée,  à  cause  de  l'an- 
cienneté plus  grande  de  celuy  qui  avoit  esté  faict  vice-ad mirai  en 
Ponant. 

Je  ne  vous  prie  point  de  me  mander  des  nouvelles  de  la  santé  du 


de  la  perte  des  biens  queJe  roi  d'Kspagne 
lui  avait  confisqués  dans  le  royaume  de 
Naples,  Louis  XIII  érigea,  en  sa  faveur, 
le  duché  de  Valenlinois  en  duché-pairie. 
Les  lettres  patentes,  datées  du  mois  de 
mai,  furent  enregistrées  le  18  juillet.  Une 
copie  est  conservée  aux.Aflaires  étran- 
gères, France,  janvier  en  mai,  fol.  45 1. 

'  De  Noyers  ne  manqua  pas  à  cet  appel; 
nous  le  trouvons  à  Narbonne  le  22  ,  d'où 
il  écrit  à  Chavigni ,  qui  avait  été  le  rem- 
placer auprès  du  roi  :  «  Je  travaillé  hier, 
depuis  une  heure  jusques  à  minuict,  à 
dresser  l'affaire  que  vous  sçavés,  sui- 
vant l'intention  de  nostre  cher  malade. 
J'espère  que  ce  soir  l'on  signera  tout,  ou 
demain  au  malin,  pour  le  plus  tard;  que, 
cela  faict,  il  ne  songera  plus  à  quoy  que 


ce  soit  qui  luy  puisse  faire  peine,  remet- 
tant lout  entre  les  mains  de  Dieu.  »  On 
voit  dans  cette  même  lettre  de  de  Noyers, 
comme  les  amis  de  Richelieu  s'inquié- 
taient de  son  mal,  et  aussi  comme  ils 
reprenaient  facilement  une  sécurité  trom- 
peuse :  «  Je  feus  désolé  hier  toute  la  jour- 
née, tant  S.  Em.  me  sembla  en  mauvais 
estât;  et,  en  effeci,  toute  nostre  faculté 
(lerante  estoit  bien  embarassée.  Mais  ce 
matin  ils  ont  repris  cœur  à  la  veue  des 
plaies  et  de  tout  le  bras  qu'ils  ont,  à  ce 
qu'ils  disent,  trouvé  mieu.ic  qu'il  n'a  en- 
core esté.  •  Ces  raédecins-là  ont  dû  recon- 
naître plus  tard  que  les  plaies  du  bras 
n'étaient  qu'un  accident,  que  le  principe 
du  mal  était  ailleurs,  et  leur  était  resté 
profondément  caché. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  921 

roy  parce  que  vous  m'en  rapporterés,  et,  j'espère,  de  bonnes,  les  dé- 
sirant plus  que  ma  propre  vie. 

Au  nom  de  Dieu,  conjurés  Sa  Majesté,  de  ma  part,  de  n'aller  point 
au  soleil. 

CCCCLXX. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  t.  102, 

pièce  sans  numéro,  classée  entre  le  2  et  le  3  juin,  et  les  fol.  10  et  11.  — 

Minute  de  la  main  de  Charpentier. 

MÉMOIRE  DE  M.  LE  CARDINAL'. 
[A  M".  DE  CHAVIGIVI  ET  DE  NOYERS.] 

[Vers  le  2  5  mai  i64a  '.] 

Dieu  s'est  servi  de  l'occasion  d'une  porte  non  barrée  qui  me  donna 
lieu  de  me  defFendre  lorsqu'on  taschoit  de  faire  conclure  l'exécu- 
tion de  ma  ruine  '. 

Laisser  attaquer  une  place  non  fortiffiée  sans  la  secourir,  c'est  le 
moyen  de  la  perdre. 

On  est  très  certain  qu'on  attaque  mon  innocence ,  ne  rien  dire  est 
donner  moyen  aux  meschans  de  venir  à  leurs  fins. 

'  Ce  titre  semble  être  de  la  main  d'un  phrase ,  Richelieu  semble  s'adresser  lui- 
secrétaire  de  Chavigny.  même  au  roi. 

'  Le  cardinal  partit  de  Narbonne   le  '  La  journée  des  Dupes.  —  On  rap- 

27  mai,  et  ce  mémoire  a  dû  être  écrit  peu  porte  que  la  reine  mère  avait  coutume  de 

avant  son  départ.  11  n'y  a  point  de  sus-  dire  «que,  si  elle  n'avait  pas  négligé  de 

cription;  mais  cette  pièce  confidentielle,  fermer  un  verrou  ,1e cardinal élait perdu  » 

destinée  à  servir  de  texte  pour  une  con-  Ce  mémoire  de  Richelieu ,  qui  confirme  la 

versation  avec  le  roi,  ne  pouvait  s'adres-  parole  attribuée  à  Marie  de  Médicis,  dé- 

ser  qu'à  Chavigni  et  à  de  Noyers,  aux-  ment  la  version    controuvée  de  Vittorio 

quels,    comme    on    l'a   vu,    le   cardinal  Siri,  qui  prétend  que  le  cardinal  fut  intro- 

écrivait  en  commun  lorsqu'ils  étaient  tous  duit  dans  le  cabinet  où  le  roi  le  fit  appeler 

deux  auprès   du  roi,   et  qui  tous  deux  [Memor.  recoud,  tome  VII,   p.    285.)  Le 

signaient  ensemble  parfois  les  réponses.  P.  Griffet,  en  citant  V.  Siri,  parle  d'une 

Le  cardinal  trace  ici  les  propres  paroles  femme  de  chambre  nommée  Zuccole,  qui 

que  ses  deux  confidents   doivent  dire  à  aurait  ouvert  la  porte  à  Richelieu,  (t.  II, 

Louis  XIII;   et,  dans  le  tour  vif  de  sa.  p.  61.) 

CAnOIN.    DE    RICHELIBD.  —  Vt.  Il6 


922  LETTRES 

On  estime  qu'il  faut  prendre  des  moyens  innocens  el  qui  obligent 
le  roy  pour  rompre  les  mauvais  desseins. 

L'un  est  de  faire  parler  Mathusalem  ^  à  propos,  et  comme  il  peut 
et  doit. 

L'autre  est  que  M"  de  Chavigny  et  de  Noyers  parlent  au  roy  et  luy 
disent  que  le  cardinal  voulant  partir  de  Narbonne,  suivant  son  con- 
seil, pour  changer  d'air,  et  ne  sachant  quel  changement  son  trans- 
port apporteroit  à  son  mal,  qui  reçoit  souvent  diverses  altérations,  il 
a  voulu  luy  tesmoigner  l'extresme  confiance  qu'il  a  en  S.  M.  en  luy 
descouvrant  ce  qui  s'apprend  de  toutes  parts. 

Les  lettres  du  prince  d'Orange,  lesgazett.es  de  Bruxelles,  celle  de 
Cologne,  les  préparatifs  de  la  royne-mère  pour  venir,  les  litières  el  mu- 
lets acheptez,  ce  qui  s'escrit  par  lettres  seuresde  Mad.  de  Chevreuse, 
ce  qui  s'escrit  encore  de  tous  costez  de  la  France ,  les  bruits  qu'il  y  dans 
toutes  les  armées,  les  advis  qui  viennent  de  toutes  les  cours  d'Italie,  les 
espérances  des  Espagnols,  soit  du  costé  d'Espagne,  soit  de  Flandres; 

La  résoKition  que  Monsieur  a  prise  de  ne  venir  point  contre  ce  qu'il 
avoit  promis,  attendant  peut-estre  l'événement  du  tonnère  ; 

Toutes  ces  choses  ont  obligé  à  en  avertir  le  roy,  affin  qu'il  mette 
tel  ordre  qu'il  luy  plaira  à  des  bruits  qui  ruinent  ses  affaires. 

M.  de  Chavigny  adjoustera  que  M.  le  cardinal  luy  a  dict  qu'il  ne 
doute  point  que  le  roy  ne  face  comme  il  a  tousjours  faict; 

Qu'il  l'advertit  des  desseins  de  la  royne-mère  et  y  mit  ordre; 

Qu'il  en  fit  autant  du  P.  Caussin  quand  S.  M.  veit  que  ses  desseins 
alloient  trop  avant; 

Qu'il  se  tient  asseuré  qu'il  fera  encore  le  mesme. 

'  Nous  pensons  que  ce  nom   désigne  Richelieu  étant  une  Rochechouarl.  Nous 

Gabriel    de   Rochechouart ,    marquis   de  avons  vu  plusieurs  lettres  manuscrites  du 

Mortemart,  gentilhomme  de  la  chambre  marquis  de  Mortemart  adressées,  à  celte 

du  roi,  qui,  sans  être  favori  déclaré,  corn-  époque,  aux  deux  minisires  créatures  de 

mençail  à   plaire  à  Louis  XIII.   Il  était  Richelieu  ,  lesquels,  dans  ces  circonstances 

entièrement  dans  les  intérêts  du  cardi-  périlleuses  pour  le  cardinal ,  se  servaient 

nal,  avec  lequel  il  avait  quelque  degré  de  ce  gentilhomme,  qu'ils  appelaient  le 

de  parenté,  la  grand'mère  paternelle  de  fidèle. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  923 

On  verra  ce  que  dira  le  roy,  et  de  quelle  façon  il  agira  de  son  mou- 
vement. 

Le  moindre  remède  est  qu'il  déclare  qu'ayant  appris  ces  bruits, 
il  veut  que  tout  le  monde  sache  qu'il  est  très  satisfaict  du  service  du 
cardinal,  et  que,  si  quelqu'un  est  contre  luy,  il  le  tient  eslre  contre 
sa  propre  personne  ;  et  que,  si  quelqu'un  est  assez  meschant  pour  luy 
en  vouloir,  il  le  secondera. 

Ensuitle  il  faut  faire  esloigner  M''  de  Tliou  et  Chavagnac. 

Ensuitte  je  croy  que  M"  de  Chavigny  et  de  Noyers  peuvent  dire 
franchement  à  M.  de  Schomberg,  sur  les  civilitez  qu'il  leur  fera, 
qu'estant  tel  qu'il  le  dict,  il  le  doit  déclarer  ouvertement,  sans  de- 
meurer amphibie  en  l'opinion  de  tout  le  mondée 

Le  cardinal  a  bien  sceu  dès  Paris  qu'on  taschoit  à  vous  donner  de 
l'ombrage  de  luy,  à  cause  de  l'alliance  de  M.  le  Prince,  mais  il  mes- 
prisa  cela ,  tant  par  la  cognoissance  de  vostre  bon  jugement  que  par 
l'expérience  que  vous  avés  qu'il  ne  cognoist  point  ses  alliez  où  il  va 
de  l'intérest  de  l'Estat. 

Et  il  faudroit  estre  privé  de  jugement  pour  ne  voir  pas  qu'un 
homme  ne  peut  pas  entreprendre  une  affaire  au  profit  d'un  autre  en 
s'exposant  à  sa  vengeance  pour  le  crime  dont  il  recevroit  le  fruict,  veu 
qu'il  ne  luy  seroit  pas  moins  glorieux  et  avantageux  de  se  venger  que 
recevoir  la  succession  qu'on  luy  auroit  procurée. 

Si  Dieu  eust  appelé  le  cardinal,  V.  M.  eust  expérimenté  ce  qu'elle 
eust  perdu;  ce  seroit  bien  pis  si  vous  le  perdiés  par  vous-mesme, 
veu  que,  le  perdant  ainsy,  V.  M.  perdroit  toute  la  créance  que  l'on  a 
en  elle.  Et  il  faut  estre  aveugle ,  ou  d'une  grande  passion  contre  luy, 
ou  d'une  grande  ignorance  pour  pouvoir  dire  le  contraire. 

'  La  conduite  du  maréchal  de  Schoni-  gence   qui   paroist  entière  entre   M.   de 

berg ,   qui  avait   de  grandes  obligations  Scliomberg  et  M.  le  Grand  exerce  bien 

au  cardinal,  était  alors   fort  suspecte  à  l'esprit  des  spéculatifs  et  des  plus  habiles 

l'Emincnce.  On  croyait  ce  maréchal  inti-  courtisans,  qui  sont  réduits  à  attendre 

memenl  lié  avec  Cinq-Mars;  on  le  disait  l'avenir  pour  juger  ce  que  c'est  que  cette 

et  on  s'en   occupait  à  la  cour  et  à  Paris.  intrigue.»    (  Bibl.  imp.   Béthune    gayS  , 

H.  Arnauld  écrivait  le  21  mai  :  t  L'intelli-.  fol.  1 1 1.) 

116. 


924 


LETTRES 


Enfin  il  faut  ne  rien  dire  au  roy  qui  ne  l'oblige,  et  qui  ne  iuy  tes- 
moigne  confiance. 


CCCCLXXI. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M*"  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Gherré. 

AU  ROY. 

De  Narbonne,  ce  27'  may  ifi42. 

Je  parts  en  suivant  le  conseil  de  Vostre  Majesté,  dont  je  ne  pense 
pas  me  pouvoir  mal  trouver  venant  d'un  si  bon  maistre'.  Cependant, 
puisqu'il  Iuy  plaist  prendre  part  à  ce  qui  me  touche,  comme  elle  faict, 
je  Iuy  diray  franchement  que  je  ne  prevoy  pas  que  la  fin  de  mon  mal 
puisse  estre  de  longtemps;  et  que,  bien  que  les  médecins  et  les  chi- 
rurgiens me  dient  assez  souvent  que  mes  plaies  ne  vont  point  mal,  je 
ne  ressens  point  l'amendement  qu'ils  me  promettent  tous  les  jours 
depuis  un  mois. 

Quelqu'événement  qu'il  plaise  à  Dieu  donner  à  mon  mal,  je  le  re- 
cevray,  avec  l'aide  de  sa  grâce,  avec  patience  et  seray  très-content 
pourveu  que  je  sache  que  Vostre  Majesté  se  porte  bien,  et  qu'elle  ait 
pris  Perpignan.  Ce  sont  maintenant  les  deux  choses  que  j'ay  le  plus  en 
teste,  lesquelles  j'espère  de  la  bénédiction  de  Dieu  sur  vostre  règne. 


'  Les  médecins  jugeaient  le  séjour  de 
Narbonne  pernicieux  pour  Richelieu ,  et 
cependant  ils  n'avaient  osé  lui  conseiller 
(le  partir,  0  à  cause  qu'ils  n'ont  pas  voulu 
prendre  l'événement  sur  eux  et  qu'ils 
craignent  pour  S.  Ém.  l'agitation  du  che- 
min... le  conseil  du  roy  l'a  fait  passer  sur 
cette  considération. . .  nous  eussions  eu 
bien  de  la  peine  à  Iuy  faire  faire  sans  le 
nom  du  roy.  •  C'est  qu'aussi  (ce  qu'on  ne 
dit  pas)  Richelieu  avait  grande  répugnance 
à  s'éloigner  du  roi.  Dans  celte  même  lettre, 


écrite  à  de  Noyers  par  Chavigni ,  celui-ci , 
qui  semble  inquiet  pour  la  sûreté  du  car- 
dinal, ajoutait  :  «C'est  au  roy  à  juger  s'il 
n'eslimeroit  pas  à  propos  de  renvoyer  la 
compagnie  de  chevaux  légers  de  M*'  le 
cardinal  avec  M.  de  Paluau  pour  accom- 
pagner S.  Em.  de  Béziers  à  Pezenas ,  et  là 
demeurer  auprès  d'elle,  parce  qu'elle  sera 
assez  seule  et  plus  esloignée  de  S.  M.  qu'elle 
n'est.  11  (Lettre  du  2  5  mai,  fol.  iio3  du 
manuscrit  des  Aff.  étr.  France,  de  janvier 
en  mai.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  925 


CCCCLXXII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  juin-août,  fol.  a3.  — 

Original  de  la  main  de  Cherré. 

AU  ROY. 

D'Agdc,  ce  4' juin  10-42. 

Je  recevray  avec  contentement  les  tesmoignages  de  l'affection  de 
Vostre  Majesté  par  qui  que  ce  puisse  estre ,  mais  je  n'en  ay  point  besoin 
pour  m'en  tenir  asseuré,  en  ayant  tousjours  receu  des  effects  pour  le 
passé  en  toutes  les  occasions  où  on  tasche  le  plus  puissamment  de 
l'esbranler.  En  recognoissance  de  cette  obligation,  je  n'ay  jamais  rien 
oublié  de  ce  qui  m'a  esté  possible  pour  son  service,  et  je  ne  désire 
la  vie  et  la  santé  que  pour  faire  le  mesme  à  l'avenir. 

Les  médecins  et  les  chirurgiens  continuent  à  me  dire  qu'ils  me 
guériront  bientost;  les  incommodités  que  je  ressens  parfois  me  font 
souvent  douter  de  leurs  paroles.  Cependant  j'espère  que  Dieu  me  re- 
mettra en  estât  de  contribuer,  par  sa  bénédiction,  à  autant  de  bons 
événements  à  l'avenir  comme  il  en  a  donné  par  le  passé  à  la  vertu  de 
Vostre  Majesté  et  aux  soins  qu'elle  a  voulu  prendre  de  ses  affaires. 


CCCCLXXIII. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M''  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Cbcrré. 

A  M.  DE  NOYERS. 

D'Agde,  ce  4"  juin  i64a.  ' 

Venant  d'apprendre  le  malheur  arrivé  au  mareschal  de  Guiche', 
dont  je  ne  sçay  pas  les  particularitez,  je  croy  qu'il  est  bon  de  consi- 
dérer si  sa  deffaite  est  sy  grande  que  le  reste  de  ses  troupes  et  M' d'Har- 
court  ne  puissent  avec  doute  garantir  la  frontière;  s'il  ne  faudroit  point 
mander  à  M'  du  Hallier  qu'il  retinst  seulement  autant  de  troupes  qu'il 
luy  en  faut  pour  la  defiFensive,  et  qu'il  envoyast  M'  de  Médavy,  avec 
le  reste,  joindre  M"  les  généraux  de  Picardie. 

'  La  perte  de  la  bataile  de  Honnecourt. 


926 


LETTRES 


En  Testât  où  je  suis  je  ne  décide  point  cette  affaire ,  ny  aucune  autre, 
mais  je  la  propose  seulement  pour  estre  résolue  par  le  roy. 

11  faut,  à  mon  avis,  mander  à  M' le  Prince  et  à  M"  de  Paris  de  lever 
si\  mille  hommes,  comme  on  fit  au  temps  de  Corbie  ',  quoy  qu'il 
couste,  bien  que  telles  gens  ne  soient  pas  de  grand  effect.  Les  grandes 
affaires  ont  toujours  des  espines. 

Si  j'estois  sain  il  me  semble  que  je  ne  serois  pas  tout  à  faict  inu- 
tile. Faut  vouloir  ce  qu'il  plaist  à  Dieu. 

M'  de  La  Vallée  dict  que  M''  d'Argenson  le  mande  pressement.  Je 
voudrois  qu'il  fust  desjà  près  de  M'  de  La  Motte  pour  le  soulager. 


CCCCLXXIV. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M*^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Cherré. 

[AU  ROL] 

DeMarslHan,  ce  5*juin  i642. 

Je  n'ay  rien  à  respondre  aux  boutez  qu'il  plaist  au  roy  me  lesmoi- 
gner  par  sa  lettre,  ny  à  celles  que  j'ay  receues  par  le  rapport  de  M"'  de 


'  Le  souvenir  de  Corbie ,  où  Paris  fut 
frappé  d'une  grande  terreur,  peut  donner 
a  penser  qu'au  .sentimenl  de  Richelieu  la 
circonstance  était  grave.  Le  roi  ne  laissa 
pas  d'écrire ,  sur  ce  revers ,  au  cardinal ,  un 
billet  daté  du  3  juin  et  qui  Unissait  ainsi  : 
«  Quelque  faux  bruit  qu'on  fasse  courir,  je 
vous  aime  plus  que  jamais  ;  il  y  a  trop  long- 
temps que  nous  sommes  ensemble  pour 
estre  jamais  séparés.»  Ainsi,  malgré  les 
mauvais  offices  de  Cinq-Mars ,  le  roi  éprou- 
vait pour  son  ministre,  même  après  un 
désastre,  un  surcroît  de  confiance,  qui 
dans  son  expression  prenait  même  les  ap- 
parences d'une  affection  véritable.  Riche- 
lieu, de  son  côté,  écrivait  une  lettre  toute 
remplie  des  plus  amicales  consolations  au 


maréchal  de  Guiche,  pour  lequel  il  sentait 
d'ailleurs  la  plus  tendre  bienveillance  : 
«Les  hommes,  lui  mandait-il,  font  ce  que 
la  prudence  et  les  occasions  pressantes  leur 
suggèrent,  mais  les  événements  sont  en  la 
main  de  Dieu.  11  n'y  a  point  de  capitaine 
au  monde  qui  ne  puisse  perdre  un  com- 
bat, et,  quand  ce  malheur  arrive,  on  doit 
estre  consolé  quand  on  a  faict  tout  ce  qu'on 
a  pu  et  deu  pour  le  gaigner.  Consolés  vous 
donc,  mon  pauvre  Comte,  et  n'oubliés 
rien  de  ce  qui  dépendra  de  vous  pour  faire 
que  l'accident  qui  vous  est  arrivé  n'ait 
point  de  mauvaises  suites.  Si  j'avois  un 
bon  bras  je  vous  l'offrirois  ;  mais ,  en  quel- 
que estât  que  je  sois ,  je  suis  entièrement 
à  vous.  •  (Notée  aux  Analyses,  5  juin.) 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  927 

Chavigny^  Ma  response  est  dans  mon  ressentiment,  qui  «st  tel  que 
le  roy  le  doit  attendre,  et  que  le  peut  rendre  unc.vraye  et  fidelle 
créature. 

Je  ne  sus  que  hier  le  malheur  arrivé  à  M' le  mareschal  de  Guiche; 
aussytost  j'escrivis  à  M"  de  Noyers  et  de  Chavigny-  que  mon  petit  avis 
estoit  qu'on  se  pouvoit  servir  de  la  plus  grande  partie  des  troupes  de 
M""  du  Hallier,  s'il  en  estoit  besom. 

Qu'on  pouvoit  faire  faire  des  levées  dans  Paris  par  M.  le  Prince, 
et  en  Normandie  par  M.  de  Longueville.  Que  Sa  Majesté  jugeroit  si 
on  se  pouvoit  servir  des  quinze  cents  hommes  qu'elle  a  envoyé  lever 
par  le  s'  de  Varennes  en  Anjou. 

Qu'on  pouvoit  renvoyer  le  régiment  de  La  Chapelle-Baslon,  qui  est 
en  chemin,  et  les  autres  troupes  qui  ne  sont  point  encore  venues,  les- 
quelles on  avoit  destinées  pour  Perpignan. 

Les  premières  nouvelles  qui  sont  venues  de  Paris  rendoient  la  def- 
faite  plus  grande;  les  secondes  mandent  qu'il  s'estoit  desjà  ralié 
4,5oo  hommes,  et  que  le  mar^  de  Guiche  s'estoit  jette  dans  Guise. 

M.  le  Prince  escrit  à  M'  d'Anguien  qu'il  n'y  a  rien  à  craindre ,  et  on 
demeure  d'accord  que  M""  d'Harcourt  est  aussy  fort  ou  plus  fort 
que  dom  Francisque  de  Mello,  le  comte  de  Fontaine  s'estant  des- 
taché pour  aller  contre  M.  le  prince  d'Orange. 

M'  de  Chavigny  m' ayant  dict  la  résolution  qu'a  prise  V.  M.  de  con- 
tinuer son  siège  je  ne  puis  que  je  ne  la  loue,  les  raisons  qu'il  m'a 
diles  de  sa  part  estant  fort  bonnes.  Les  lettres  qu'elle  escrit  à  la  reyne 
sont  bien  à  propos  ',  bien  que  je  ne  juge  pas  que  présentement  il  y 
ayt  rien  à  craindre. 

'  C'est  Chavigni  qui  avait  été  chargé  qu'elle  ne  consentirait  jamais  à  celte  sé- 

par  le  roi  de  remettre  à  Hiclielieu  le  billet  paralion.  On  ne  sait  qui  avait  donné  ce 

cité  dans  la  note  de  la  page  précédente.  conseil  à  Louis  XIII,  mais  on  ne  l'allri- 

'  Lettre  du  5  juin.  (Aux  Analyses.)  buait  pas  à  Richelieu  (lett.  de  H.  Arnauld). 

'  Quelque  temps  auparavant  le  roi  avait  Quoi  qu'il  en  soit,  le  roi  revint  sur  celte 

eu  la  pensée  de  séparer  ses  enfants  de  résolution   et   la  reine  en   fit   remercier 

leur  mère,  en  envoyant  la  reine  demeurer  Richelieu  par   M.    de   Brassac.  Celui-ci 

•I  Fontainebleau.  La  reine  avait  déclaré  écrivit  de  Saint-Germain  au  cardinal,  le 


928  .  LETTRES 

Il  ne  se  peut  prendre  une  meilleure  résolution  pour  Perpignan  que 
d'y  mettre  quatre  compagnies  de  Suisses  et  le  rég*  de  Champagne. 

Je  crois  S'-Ange  du  tout  nécessaire  à  Rossignan,  qu'un  autre  que  luy 
ne  sçauroit  sy  bien  deffendre,  et  qui  est  du  tout  nécessaire  pour  Casai. 

Ma  santé  est  tousjours  en  mesme  estât;  les  chirurgiens  m'en  don- 
nent toute  bonne  espérance,  mais  mes  incommoditez  ne  changent 
point.  Cependant  je  detl'ère  plus  à  leur  jugement  qu'au  mien. 

Je  suis  venu  en  ce  lieu  pour  me  mettre  sur  l'estang  ',  selon  le  con- 
seil de  Voslre  Majesté,  dont  M'  de  Chavigny  m'escrivit  estant  arrivé 
auprès  d'elle.  Je  ne  sçay  encore  où  je  m'arresteray.  Je  déféreray  au 
jugement  des  médecins  et  chirurgiens  pour  le  bon  air. 


CCCCLXXV. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Auinale.  —  Original  de  la  uiain  de  Cherré. 

POUR  M.  DE  NOYERS, 

SECnÉTAIRE  D'ESTAT. 

D'Arles,  ce  lo'juin  i64î. 

Ce  billet  est  pour  dire  à  M'  de  Noyers  que  je  suis  en  peyne  de  ne 
sçavoir  point  quel  ordre  le  roy  a  donné  à  Paris,  pour  pourvoir  au 
malheur  arrivé  à  M'  le  mareschal  de  Guiche.  S.  M.  me  mande  que 
M""  de  Noyers  me  fera  sçavoir  tout  ce  qu'elle  a  faict  ;  et  cependant  ny 
M'  de  Noyers,  ny  M'  de  Dangu  ne  m'en  mandent  rien,  ce  qui  ne  met 
pas  en  petite  peyne  une  personne  ([ui  a  passion  pour  l'Estat  comme 
moy.  Je  prie  l'un  de  ces  deux  messieurs,  qui  ne  sont  qu'un ^  de  con- 

i5  juin,  dans  le  jargon   convenu  entre  satisfaite,  et  eut  un  tel  ressentiment  d'obli- 

eux  :  «Le  lendemain  que  le  Jasmin"  eut  gation ,  que  je  croy  que  ny  elle,  ny  Ui', 

dépesché  un  gentilhomme,  le  Rosmarin''  ny  le  Jasmin,  ne  sauroienl  le  représenter 

vint   an  Lyon  d'Or',   et  porta  la  lettre  comme  il  est.  »  (Arch  des  Aff.  étr.  France, 

qu'Alexandre''   escrit   à   Diane*,  par   la-  t.  io4.) 

quelle  il  luy  mande  de  ne  partir  du  Lyon  '  Allant  à  Frontignan,  d'où  est  datée 

d'Or,  ni  d'auprès  de  l'Œillet'  et  du  Ser-  la  lettre  au  mar"'  de  Guiche,  citée  p.  926. 

poulet ''.  10' voyant  ce  témoignage  d'allée-  '  Richelieu  est  en  veiiie  de  gaieté,  il 

tion  que  luy  rendoit  hi\  fut  tellement  a  découvert  le  mystère,  il  lient  son  en- 

■  M. deBrassac.  —  ' M. de Boutliilliers.  —  'Saint-  pliin.  —  '  Le  duc  d'Anjou.  —   '  La  reine.  —  '  Le 

Germain.  —  ''Le  roi.  -  -  *  La  reine.  —  '  Le  dau-  cardinal.  —  '  Boutliilliers. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


929 


tinuer  à  m'escrire  comme  ils  faisoient  auparavant,  afin  que  je  sois  in- 
formé du  cours  du  monde,  et  que  je  puisse  contribuer  quelque  chose 
aux  justes  mesures  que  le  roy  doit  prendre. 


CCCCLXXVl. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M**  le  duc  d'Aumalc.  —  Original  de  la  main  de  Cherré. 

SUSCRIPTION : 

POUR  M.  DE  NOYERS. 

[i  1  juin.] 

Le  sujet  du  voyage  de  M'  de  Chavigny  vous  estonnera;  Dieu  assiste 
le  roy  par  des  descouvertes  merveilleuses  '. 


neiiii.  Pour  comprendre  la  plaisanterie,  il 
faut  savoir  que  de  Noyers  possédait  un  châ- 
teau à  Dangu.  —  La  terre  de  Dangu  ,  non 
loin  de  Gisors,  avait  titre  de  baronnie. 

'  Celte  découverte  merveilleuse,  celle 
du  traité  conclu  au  nom  de  Monsieur  avec 
l'Espagne,  les  historiens  n'en  ont  pas  en- 
core deviné  le  mystère.  Sans  oser  espérer 
cl'êtie  beaucoup  plus  heureux,  essayons 
pourtant  de  faire  pénétrer  un  faible  rayon 
dans  cette  obscurité.  Les  historiens  ont 
lait  plusieurs  conjectures  peu  acceptables, 
même  au  jugement  de  ceux  qui  les  fai- 
saient. On  peut  lire  ,  à  cet  égard,  le  com- 
mencement du  cinquantième  livre  de  Lt- 
vassor,  et  trois  pages  du  P.  Griflet,  4oo- 
403.  On  a  soupçonné  quelques-unes  des 
personnes  attachées  à  Monsieur,  parce  que 
plusieurs  étaient  plus  ou  moins  créatures 
(lu  cardinal-,  mais  ce  prince  connaissait, 
presque  comme  nous  les  connaissons,  ces 
serviteurs  peu  fidèles;  et,  malgré  sa  légè- 
reté, ce  n'est  pas  certaiiiemeat  à  ceux-là 
qu'il  aurait  confié  un  tel  secret.  Quelques- 
uns  ont  accusé  le  maréchal  de  Scliomberg 
d'avoir  feint  une  vive  amitié  pour  Cinq- 


Mars  afin  de  pénétrer  ses  secrets  et  de  les 
livrer  à  Richelieu.  Le  P.  Griffet,  sans  rien 
affirmer,  semble,  ainsi  que  Le\assor,  trou- 
ver à  celte  accusation  quelque  vraisem- 
blance. Mais  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  his- 
toriens ne  connaissait  la  pièce  que  nous 
avons  donnée  ci-dessus  (p.  gaf)),  où  Ri- 
chelieu dit  assez  clairement  que  les  in- 
tentions de  Schomberg  à  son  égard  lui 
sont  fort  suspectes.  —  Un  personnage  qui 
est  demeuré  caché  aux  historiens  dans  les 
obscurités  d'une  mission  secrète,  et  dont 
les  manuscrits  d'Espagne,  aux  Affaires 
élrangères,  nous  ont  fait  connaître  l'exis- 
tence équivoque  cl  les  mystérieuses  pra- 
tiques ,  ce  Pujol  que  nous  avons  déjà 
signalé  (ci-dessus,  p.  787 )  ne  pourrait-il 
pas  nous  mettre  sur  la  voie  ?.  —  Un  sieur 
Berthemet,  que  nous  trouvons  employé 
par  le  cardinal  dans  diverses  affaires  se- 
crètes et  qui  avait  un  chiffre  avec  Daridol , 
l'un  des  premiers  commis  des  Affaires 
étrangères,  écrivait,  de  Corbie,  à  Cliavi- 
gni,  le  1"  juin  :  0  Monseigneur,  j'ay  pris 
la  liberté  de  vous  envoler  depuis  6  jours 
deux   dépesches    de    Pujol< ,   lesquelles , 


i;ARD1\.    f)E  IIICHIXIKU. 


"7 


930 


LETTRES 


On  m'a  dict  qu'on  lève  à  Paris,  mais  je  crains  que  cela  aille  len- 
tement. Au  nom  de  Dieu,  envoyés  courrier  sur  courrier,  par  ordre 
du  roy,  à  M' le  Prince  pour  faire  faire  Icsdictes  levées  diligemment,  et 
en  outre  celles  que  le  roy  aura  résolues  en  Normandie. 


comme  j'espère  ,  vous  auront  eslé  rendue?, 
n  se  renconlie  une  occasion  bien  impor- 
tante de  dépescher  au  lieu  où  vous  estes 
sur  le  sujet  du  contenu  au  papier  ci-joint  .. 
.l'oseray  vous  supplier  d'avoir  agréable  de 
déchiffrer  ce  papier,  estant  nécessaire  que 
vous  en  ayés  la  peyne  vous-mesme.  »  (Aff. 
élr.  juin -août,  fol.  6.)  Ces  lettres  d'Es- 
pagne, qu'on  recevait  en  Picardie  pour 
être  envoyées  en  Languedoc,  venaient  par 
les  Pays-Bas,  voie  détournée,  mais  moins 
suspecte  à  Pujol ,  dont  on  interceptait 
quelquefois  la  correspondance.  J'ai  vu  aux 
Affaires  élrangères  vingt- quatre  lettres 
de  Pujol  pour  la  seule  année  1642.  et 
je  n'ai  point  trouvé  les  dépêches  trans- 
mises à  Richelieu  par  Berlhemet.  .le  n'ai 
vu,  d'ailleurs,  dans  les  dépêches  posté- 
rieures de  Pujol,  rien  qui  y  fil  allusion; 
et  nous  savons  par  Richelieu  lui-même 
que  ceux  qui  lui  avaient  donné  connais- 
sance du  traité,  ne  voulaient  pas  être 
nommés.  C'eût  été,  en  effet,  un  grand 
péril  pour  Pujol,  qui  était  alors  à  la  dis- 
crétion du  ministre  espagnol.  —  Si  l'on 
demandait  comment  Pujol  aurait  pu  avoir 
connaissance  du  traité  négocié  par  Fon- 
trailles,  nous  réjiondrions  que,  sans  être 
un  [)ersonnnge  dont  le  cabinet  espagnol 
fil  grand  cas,  Pujol  était  en  relation  ha- 
bituelle avec  le  secrétaire  d'Etat  Andréas 
Roçaz,  et  le  secrétaire  des  conunandemenls 
Carnero;  il  fréquentait  d'ailleurs  toute  la 
société  politique  de  Madrid.  S'd  y  avait 


en  France  si  peu  de  mystère  sur  les  ma- 
nœuvres de  Cinq-Mars*,  il  devait  y  avoir 
à  Madrid  encore  bien  plus  d'indiscrétion. 
—  Nous  lisons  dans  une  lettre  adressée  à 
Chavigni  par  le  maréchal  de  Brézé,  alors 
vice -roi  de  Catalogne  (i5  mars  16A2): 
iiJ'ay  re;eu  hier  au  soir  à  minuit  des 
lettres  de  nostre  confident  à  Madrid.  » 
Quel  était  ce  confident,  si  ce  n'est  Pujol!* 
Ce  dernier  écrivait  à  Chavigni,  le  20  mai , 
vers  le  moment  où  avaient  été  écrites  les 
d'jpéclies  transmises  par  Berlhemet  :  »  11 
se  murmure  qu'il  y  a  quelque  pièce  de 
cabinet  en  campagne.»  Et,  dans  la  même 
lettre  :  «Carnero  (le  secrétaire  des  com- 
mandements du  roi)  m'a  dit  que  la  lin  des 
personnes  donnoit  fin  aux  affaires.  »  (Arch. 
des  Aff.  étr.  Esp.  t.  22,  fol.  226.)  Dan.'i 
de  telles  circonstances,  le  séjour  de  Fon- 
traille»  à  Madrid,  sous  un  nom  supposé, 
dut  attirer  toute  son  attention  el  éveiller 
ses  soupçons.  On  verra  bientôt  que  le  roi , 
dans  ses  longues  réflexions,  agité  de  ses 
doutes  incessants,  demanda  <î  de  Noyers, 
si  c'était  bien  Cinq-Mars  qu'on  avait  dési- 
gné, et  si  l'on  n'aurait  pas  mis  un  nom 
pour  un  autre;  il  esl  bien  évident  que  le 
roi  n'aurait  pas  pu  faire  cette  question  si 
les  informations  étaient  venues  des  gens 
de  Monsieur,  de  Schomberg,  ou  de  toute 
autre  personne  de  la  cour,  tandis  que  le 
doute  de  Louis  XIII  se  comprend  dans  le 
cas  où  les  révélations  seraient  venues  de 
Madrid.  Enfin  nous  voyons  que  Richelieu 


'  On  sait  que  la  princesse  Marie  lui  avait  écrit  :  «Votre  atTaire  est  sue  à  Paris  comme  on  y  sait  (luc  la  Seine 
passe  sous  le  Pont-Neuf.» 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


931 


On  mande  de  Paris  qu'il  est  besoin  de  foitiffier  M''  le  comte  de 
Harcourt.  Je  croy  que  M''  le  mareschal  de  Guiche  peut  s'aller  joindre 
à  iuy  quand  ce  ne  seroit  qu'avec  trois  mille  hommes,  laissant  remettre 
le  reste  de  ses  troupes  dans  les  garnisons  '. 

Si  le  roy  s'en  va,  comme  je  n'en  doute  pas,  il  est  besoin  de  pour- 
voir à  la  continuation  du  siège  de  cette  place,  en  sorte  qu'elle  n'es- 
chape  pas'^.  Il  ne  se  peut  faire  aucunes  nouvelles  levées  en  Guyenne, 
dans  le  Dauphiné,  Lionnois  et  la  Provence.  Il  faut  aussy  bien  pourvoir 
à  l'armée  navale,  car  asseurément  le  roy  d'Espagne  en  prépare  une 
grande  qui  viendra^,  et  avec  laquelle  on  ne  peut  esviter  de  combattre, 
si  on  ne  faisoit  comme  fist  l'année  passée  M""  de  Bordeaux  *.  Vous 
ferés,  s'il  vous  plaist,  donner  des  ordres  bien  distincts  et  bien  précis 
au  marquis  de  Brézé,  et  je  m'asseure  qu'il  les  suivra  ponctuellement 
et  courageusement  ^. 


dont  Pujol  sollicitait  en  vain  son  rappel 
depuis  plusieurs  années,  lui  accorda,  vers 
ce  temps,  la  permission  de  rentrer  en 
France,  où  il  était  de  retour  au  mois  de 
novembre.  Sans  doute  il  n'y  a  pas  dans 
tout  cela  des  preuves  directes  puisque  je 
n'ai  pas  trouvé  les  lettres  de  Pujol ,  mais 
il  y  a  des  indices  qu'il  faut  recueillir. 

'  C'était  le  résumé  de  diverses  li'llres 
écrites  de  Paris  par  M.  de  Brienne ,  par 
M""  d'Aiguillon,  que  nous  trouvons  à  la 
date  des  3  et  4  juin,  et  qui  ont  dû  arriver 
au  cardinal  peu  avant  la  date  que  nous 
proposons  pour  cette  lettre. 

'  Richelieu, quand  il  écrivaitceci,  avait 
encore  une  autre  préoccupation  ;  il  était 
impalient  de  savoir  où  Chavigni  rencontre- 
rait le  roi;  il  avait  reçu  de  de  Noyers  deux 
lettres  datées  toutes  deux  du  7  juin;  l'une, 
écrite  le  matin ,  disait  :  a  Le  roi  lient  plus 
que  jamais  à  rester  au  siège.  ■  La  seconde, 
écrite  le  soir,  disait  ali  contraire  :  «  Le  roy 
a  maintenant  la  pensée  aux  eaux  de  Mori- 


i'rain,  à  cause  de  son  indisposition  de  ce 
matin,  et  il  parle  d'en  aller  prendre  à  Be- 
ziers  ouàPezenas  »  C'est  sur  cette  dernière 
lettre  que  le  cardinal  faisait  sa  conjecture. 

^  Pujol  avait  écrit  à  Chavigni  le  20  mai  : 
0  On  dit  l'armée  de  Cadix  partie,  composée 
de  soixante  galions  et  quarante  galères.  » 
(Aiï.  étr.  Espagne,  t.  ao.) 

'  Voyez  ci-dessus,  pages  848  et  867. 

'  En  même  temps  que  Richelieu  écri- 
vait cette  lettre,  il  en  adressait  une  à  Mon- 
sieur; nous  V  lisons  :  0  Bien  que  ma  santé 
ne  soit  pas  encore  au  point  que  je  la  puis 
désirer,  ainsi  que  M' Desouches  le  pourra 
représenter  à  V.  A.  j'esjjère  néantraoins 
de  la  bonté  de  Dieu  qu'il  me  la  renvoiera 
entière,  et  qu'elle  me  donnera  lieu  de  me 
rendre  digne,  par  mes  actions,  de  toutes 
les  faveurs  qu'il  vous  a  pieu  medepparlir 

sur  le  sujet  de  ma  maladie »  (Notée 

aux  Analyses.  )  Le  cardinal ,  qui  savait  tout 
ce  que  Gaston  avait  fait  pour  le  perdre, 
termine  sa  lettre  par  les  plus  chaleureuses 


117. 


932  LETTRES 

Les  grandes  afFaires  ne  sont  point  sans  grandes  difficiiltez  ;  mais 
Dieu  aiant  faict  la  descouverte  qu'il  a  faicte,  j'espère  que  le  roy  vien- 
dra à  bout  de  tout. 

Je  suis  en  peyne  du  bon  père  Sirmond  '  ;  je  vous  prie  luy  tesmoi- 


prolestations  de  reconnaissance  pour  ce 
prince.  On  verra  bienlôl  (p.  giia)  le  rao 
tif  de  cette  espèce  de  comédie,  qui  se  joua 
durant  quelques  jours  pour  tromper  Gas- 
ton; le  25jnin,  c'est  une  nouvelle  lettre 
plus  alTectiicuse  encore  :  «  Je  s^;ay  il  y  a 
Irop  longtemps  quelle  est  l'affection  dont 
il  plaist  à  V.  A.  m'Iionorer  pour  en  pou- 
voir jamais  douter Le  genlilliomme 

qui  me  l'a  rendue  luy  pourra  tesmoigner 
avec  quelle  joie  je  l'ay  receue,  et  le  res- 
sentiment que  j'ay  de  la  continuation  de 
ses  faveurs  et  de  ses  bonlez  en  mon  en- 
droit. »  Mais  dès  que  la  ruse  est  devenue 
inutile,  la  sévérité  du  cardinal  reparaît 
dans  tout  son  naturel  :  «  Monseigneur, 
écrit-il  le  oojuin,  puisque  Dieu  veut  que 
les  hommes  ayeiil  recours  à  une  ingénue 
et  entière  confession  pour  estre  absous  de 
leurs  fautes  en  ce  monde ,  il  *  vous  en- 
seigne le  chemin  que  vous  devés  tenir 
pour  vous  tirer  de  la  peine  en  laquelle 
vous  estes.  >  El  maintenant  on  va  en  user 
avec  Monsieur  sans  ménagenieiK. 

*  L'éditeur  des  Mémoires  de  Montrésor,  qui  le  pre- 
mier a  public  cette  lettre ,  a  mis ,  Je  vous  cnseiçjne , 
leçon  assez  impertinente,  copiée  par  les  historiens 
qui,  à  leur  tour,  ont  donné  cette  pièce.  —  Ces 
Mémoires  sont  curieux,  parce  que  Montrésor  raconte 
des  événements  où  il  a  été  mêlé;  mais,  précisément 
à  cause  de  cela ,  il  faut  se  tenir  sur  ses  gardes ,  et  y 
faire  attention  avant  d'accepter  son  témoignage. 
Knnemi  personnel  de  Richelieu ,  complice  dans  les 
projets  d'assassisiat  tramés  contre  lui,  nous  devons 
le  tenir  pour  suspect  dans  l'exposé  des  faits,  aussi 
bien  que  dans  le  jugement  qu'il  en  porte.  H  faut 
se  souvenir  aussi  que  ces  Mémoires  ont  été  publiés 
après  sa  mort,  par  un  libraire  de  Cologne,  éditeur 


'  Ce  confesseur  de  Louis  XLIl  avait  la 
réputation  de  ne  s'occuper,  dans  ses  déli- 
cates fonctions,  que  des  affaires  de  son 
ministère.  Richelieu  ne  laissait  pas  d'avoir 
recours  à  son  influence.  Il  y  a  aux  Affaires 
étrangères  (France,  de  janvier  en  mai, 
fol.  4oi)  une  pièce  chiffrée  où  nous  li- 
sons :  «  J'ay  faict  auprès  du  P.  Sirmond  ce 
que  M*'  le  cardinal  m'a  chargé  ;  je  l'ay 
Irouvé  très  bien  disposé  et  il  m'en  a  pro- 
mis (ilus  que  je  ne  luy  en  ay  demande, et 
avec  grand  amour  pour  S.  Em.  et  m'a  dit 
nettement  qu'il  fera  tout  ce  qu'il  estime 
devoir  en  conscience ,  quand  il  devroit  estre 
chassé.  »  Le  pelit  carré  de  papier  ou  est 
écrite  cette  note  n'a  ni  signature,  tii  date; 
il  semble  avoir  été  adressé  à  Chavigni  par 
de  Noyers  ;  il  a  été  classé ,  au  hasard ,  vers 
la  fin  de  mai.  Cet  incident  se  rapporte 
évidemment  aux  inquiéludes  que  Cinq- 
Mars  donnail  alors  à  Richelieu,  mais  nul- 
lement à  l'arrestation  du  favori,  puisque, 
lorsqu'elle  eut  lieu  ,  la  préscnîe  lettre  elle- 
même  nous  l'apprend ,  le  P.  Sirmond  élait 

de  pamphlets ,  qui  ne  dit  point  quels  manuscrits  il  a 
eus,  et  qui  se  montre  peu  soigneux  de  la  pureté  des 
textes.  Les  nombreuses  pièces  qu'on  y  a  jointes  sont 
toutes  prises  sur  des  copies;  confrontées  avec  les 
originaux,  nous  les  avons  trouvées  en  général  peu 
exactes,  quelquefois  interrompues  par  des  lacunes, 
<;t  souvent  défigurées  par  des  fautes  grossières  ; 
ainsi  cet  éditeur  mettra  Tycrn  pour  Trévoux,  Bo- 
biole  pour  Ijoriol,  etc.  Le  libraire  lui-même  l'a  re- 
connu; et,  dans  un  avertissement  mis  en  tête  du 
second  volume ,  publié  un  an  après  le  premier,  il 
dit  :  «L'accueil  que  l'on  a  fait  aux  .Mémoires  de  l'eu 
M.  le  comte  de  Montrésor,  quoyque  vèritablpment 
imparfaits  f  etc.  » 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  933 

gner  la  part  que  je  prends  en  sa  maladie,  et  le  désir  que  j'ay  qu'il 
plaise  à  Dieu  luy  rendre  sa  santé. 

Je  suplie  le  roy  ne  s'affliger  point,  et  de  mettre  de  plus  en  plus  sa 
confiance  en  Dieu,  en  qui  j'espère  qu'avec  sa  grâce  je  meltray  la  mienne 
toute  ma  vie  '. 


malade.  Cela  n'empêche  pas  Levassor  de 
raconter,  avec  sa  facilité  à  prendre  des 
on-dit  pour  des  faits  assurés,  que,  «  le  roi 
auroil  plus  longtemps  résisté  à  donner  son 
consenlement  si  le  P.  Sirmond  ne  le  lui 
eût  enfin  arraché.  »  El  il  fait  jouer,  à  cette 
occasion  «  à  ce  vieux  Jésuite  »  une  scène 
de  dévotion  tout  à  fait  inventée.  (X,  648.) 
'  Cette  lettre  ne  porte  ni  quantième, 
ni  lieu  de  date;  si  nous  avions  ces  indi- 
cations, elles  nous  serviraient  à  éclaircir 
un  des  points  restés  obscurs  dans  celle 
affaire  de  la  découverte  du  traité  fait  avec 
l'Espagne,  je  veux  dire  le  moment  précis 
où  Richelieu  reçut  le  paquet  contenant  la 
révélation.  En  rapprochant  toutes  les  cir- 
constances recueillies  dans  les  lettres  du 
cardinal,  de  Chavigni,  de  de  Noyers,  et 
dans  tous  les  documents  que  nous  avons 
pu  consulter,  nous  croyons  pouvoir  établir 
que  Richelieu,  pendant  son  voyage  de 
Narbonne  à  Tarascon ,  fut  informé  le  lundi 
g  juin,  à  Arles,  où  Chavigni  l'attendait, 
(lettre  du  8  juin).  Le  cardinal  passa  deux 
jours  à  Arles.  Avant  de  rien  révéler  au  roi 
auprès  duquel  Cinq-Mars  exerçait  encore 
une  influence  que  redoutait  extrêmement 
Richelieu,  celui-ci,  qui  n'avait  pas  l'ori- 
ginal du  traité,  pas  même  peut-être  une 
copie ,  prit  le  temps  d  arranger  les  docu- 

*  Arcb.  des  Aff".  étr.  France,  juin-août,  fol.  iS. 

*'  Le  r*.  Griffelditque  Chavigni  alla  trouver  le  roi 
au  camp  devant  Perpignan  (lit  p.  ^60  et  ^63}; 
il  taxe  Cinq-Mars  d'impnidencc  pour  avoir  suivi  le 
roi  à  Narbonne ,  malgré  les  longues  conférences  que 
S.  M.  avait  eues  avec  Chavigni  à  Perpignan.  On  voit . 


inents  propres  à  convaincre  Louis  XIU  de 
la  trahison  de  son  favori,  et  dut  concer- 
ter avec  Chavigni  toutes  les  circonstances 
de  la  délicate  mission  qu'il  allait  lui  con- 
fier. H  fit  d'abord  écrire  par  Chavigni  à 
de  Noyers,  qui  était  auprès  du  roi,  une 
lettre  que  nous  n'avons  point  trouvée,  mais 
qui  était  datée  du  9  juin,  et  dont  on 
peut  deviner  l'importance  par  la  réponse 
qu'y  fit  immédiatement  de  Noyers  :  «  Nar- 
bonne ce  XI  juin  iQù-i.  —  Je  viens  de  re- 
cevoir vostre  despesche  datée  du  9'  à 
Arles.  Ce  que  j'apprends  par  icelle  m'o- 
blige à  vous  prévenir  de  ce  mot ,  pour  vous 
dire  que  S.  M.  s' estant  trouvée  encore  plus 
mal  ceste  nuit  que  la  précédente  elle  a 
résolu  de  s'en  aller  droit  à  Montfrein  ou 
Meyne  pour  y  prendre  des  eaux  durant 
XV  jours,  afin  de  trouver  remède  aux  in- 
tempérées  chaleurs  qui  luy  bruflent  les 
intestins  '.  •  Et  de  Noyers  donnait  à  Cha- 
vigni l'itinéraire  que  devait  suivre  le  roi. 
Dans  sa  lettre  du  9,  Richelieu  avait  évi- 
demment laissé  pressentir  à  de  Noyers 
quelque  communication  d'une  haute  gra- 
vité ,  sans  l'informer  précisément  de  ce 
dont  il  s'agissait,  puisque,  dans  la  pré- 
sente lettre;  il  parle  de  l'étonnement  que 
lui  causera  la  nouvelle  que  porte  Chavigni. 
Celui-ci  trouva  Louis  XIII  à  Narbonne  '*; 

(|ue  les  conférences  eurent  lieu  à  Narbonne,  et  la 
résolution  d'arrêter  Cinq-Mars  fut  prise  aussitôt ,  bien 
loin  que  le  roi  v  ne  pûtse  résoudre  à  le  sacrifier,  »  (46à) 
il  ne  fallut  que  le  temps  de  trouver  Tasile  où  il  s*était 
caché.Les  hésitations  vinrent  ensuite,  mais ,  au  premier 
moment,  l.i  r<:solutioii  du  roi  fut  |ïromj>U-' et  lornie. 


934 


LETTRES 


CCCCLXXVII. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Cherré. 

AU  ROY. 

De  Tai-ascon,  ce  1 3' juin  i6/ij. 

Aiissytost  que  j'ay  sceu  que  Sa  Majesté  se  trouvoit  mal,  j'envoie 
pour  apprendre  des  nouvelles.  Les  médecins  aiant  recogneu  que  l'air 
du  Roussillon  est  trop  intempéré  pour  la  constitution  de  sa  personne, 
elle  ne  pou  voit  mieux  faire  que  d'en  sortir.  Je  la  conjure  d'avoir  un 
soin  particulier  de  sa  personne,  en  quoy  consiste  le  salut  de  la  France, 
et  peut  estre  de  toute  la  chrestienté. 

Je  ne  luy  mande  point  ce  que  je  pense  qu'elle  a  à  faire,  parce  que 
je  ne  doubte  point  qu'elle  n'ait  pris  promptement  ses  résolutions  sur 
ce  qu'elle  aura  appris  par  M''  de  Chavigny  ',  qui  est  trop  important 
pour  en  négliger  un  moment. 


il  y  arriva  le  1 2  de  grand  matin  ;  Louis  XIII 
dormait  encore.  Aussitôt  son  réveil,  Clia- 
vigni  fut  introduit.  —  Après  une  longue 
conférence  avec  Sa  Majesté,  les  deux  se- 
crétaires d'Etat  écrivirent  à  Hichelieu  la 
lettre  suivante  :  «A  Narbonne,  ce  12  juin 
à  10  ''  du  matin  lô^a.  —  M'  de  Cliavigiii 
est  arrivé  ce  matin  une  beure  avant  que  le 
roy  fust  éveillé.  M'  do  Noyers  et  luy,  après 
avoir  conféré  ensemble  ont  esté  trouver 
S.  M.  à  laquelle  ils  ont  rendu  conte  bien 
au  long  de  toutes  les  afl'aires,  dont  elle  a 
leu  elle-mesme  les  mémoires.  Toutes  les 

*  M' de  Castelan  n'était  donc  pas,  en  ce  moment, 
en  Italie,  ainsi  que  le  prétend  Levassor,  suivi  par 
le  P.  Griffct.  Je  trouve  dans  les  mss,  de  Turin,  aux 
Aff.  élr.  (t.36,  fol.  1 5 a), une  lettredelui  àChavigni , 
datée  du  1 5  juin,  où  il  annonce  sou  arrivée  à  Turin. 
11  ne  me  semble  pas  douteux  qu'il  ne  fut  porteur  de 
cet  ordre  d'arrêter  le  duc  de  Bouillon.  En  voici  une 
preuve  :  Du  Plcssis  IVaslin  ,  l'un  des  généraux  de 
l'armée  d'Itulic,  ayant  reçu  cet  ordre,  se  rendit  du 
camp  à  Casai ,  où  le  duc  était  depuis  deux  jours;  in- 


résolutions  ont  esté  prises  conformes  aux 
senlimens  de  S.  Em.  et  les  dépescbes  s'en 
feront  ce  soir  sans  faillir.  —  Le  roy  ap- 
prouve le  voyage  de  M'  de  Castelan  en  Pié- 
mont*. —  Chavigni  ;  De  Noyebs".  »  — 
Ainsi  le  9  juin  Richelieu  se  liàle  d'annon- 
cer à  de  Noyers  une  communication  d'im- 
porlance,  il  venait  donc  de  recevoir  la  ré- 
vélation ;  le  11,  après  avoir  soigneusement 
préparé  le  message  destiné  au  roi,  il  dé- 
pêche Chavigni  ;  la  présente  lettre  a  donc 
été  écrile  le  1  1  au  matin. 

'   Lorsque  Richelieu  écrivait  cela,  le  roi 

formé  que  M.  de  Praslin  était  dans  cette  ville  et  ne 
s'était  pas  encore  rendu  près  de  lui ,  le  duc  de  Bouil- 
lon soupçonna  quelque  mystère,  et  son  premier  mol 
fut  :  «M.  de  Castelan  est-il  avec  avec  lui  ?»  On  lui  ré- 
pondit afTirmativemciit ,  et,  comme  M.  de  Castellan 
arrivait  de  la  cour,  le  doute  du  duc  fut  changé  en  cer- 
titude et  il  se  sauva,  La  question  du  duc  n'aurait  pas 
de  sens  si  M.  de  Castellan  eût  été  depuis  quelque 
temps  a  l'armée. 

**  Arcli.  des  Au',  élr.  France,  juin -août,  fol.  5/i. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


935 


J'avoue  que  la  malice  de  l'affaire  m'a  accablé.  Mais  j'espère  que 

V.  M.  y  apportant  diligemment  les  remèdes  requis,  en  tirera  avantage. 

Je  ne  doubte  point  que  les  ennemis  n'aillent  à  M""  de  Guébrianl, 


faisait  arrêter  M.  le  Grand.  L'ordre  avait 
été  donné  le  12  dans  la  soirée,  et  ce  fut 
seulement  le  lendemain  qu'on  le  trouva 
dans  la  maison  où  il  s'était  caché.  Mais  à 
ce  premier  mouvement  de  fermeté  succé- 
dèrent bientôt  les  incertitudes  ordinaires 
du  roi;  après  avoir  quitté  Narbonne,  sa 
pensée  n'était  occupée  que  de  la  catas- 
trophe de  son  favori.  Richelieu  prévoyait 
ces  troubles  d'esprit,  et  s'en  inquiétait. 
On  voit  dans  cette  lettre,  et  dans  une  autre 
du  i4*,  son  insistance  sur  les  résolutions 
que  le  roi  doit  prendre,  et  le  besoin  qu'il 
a  d'en  être  prompteraenl  informé.  Il  s'ef- 
force d'éveiller  les  préoccupations  du  roi 
sur  la  gravité  des  affaire»  présentes,  aux- 
quelles, au  contraire,  le  roi  semble  rester 
tout  à  fait  indifférent.  De  Noyers  avait  soin 
d'instruire  le  cardinal  des  moindres  pa- 
roles qu'il  entendait,  même  des  pensées 
qu'il  essayait  de  deviner.  Le  1 5  au  matin, 
il  écrivait  de  Marseillan  :  »  .le  pense  que 
l'on  sera  contraint  de  chercher  le  moyen 
de  faire  parler  au  roy  M'  de  M.  ",  car  il 
luy  revient  d'eslranges  pensées  en  l'esprit. 
il  me  dict  liyer  qu'il  avoit  doubté  si  l'on 
n'auroit  point  mis  un  nom  pour  l'autre. 
J'ay  dict  là  dessus  tout  ce  que  vous  pou- 
vés  imaginer,  mais  le  roy  est  tousjours 
dans  une  profonde  resveric./i   De  Noyers 

*  Le  cardinal  mandait  à  de  Noyers  :  «J'ay  receu  te 
billet  qne  m'a  apporté  le  frère  de  M'  de  Mauroy  j'en 
attends  l'accomplissement.»  Mauroy  était  un  des 
premier»  commis  de  de  Noyers;  et  le  billet  disait  sans 
doute  que  le  roi  avait  résolu  de  faire  arrêter  M'  le 
Grand. 

"  Le  man|uis  de  Mortemarl. 

'"  Dans  sa  lettre  précitée  du  i/j,  laquelle  sera  no-  • 


chercheà  délournerla  pensée  de  Louis  XIII, 
il  lui  parle  de  nouvelles  importantes  arri- 
vées d'Italie  **",  »  sur  quoy  S.  M  n'a  faict 
aucune  reflexion  ;  et  elle  m'a  dict  quel 
saalt  a  faict  M'  le  Grand;  et  cela  deux  ou 
trois  fois  de  suitte;  à  qui  j'ay  réparty  ;  1/ 
est  vray,  sire,  mais  le  plus  grand  sault  que 
puisse  faire  un  sujet  est  celuy  de  l'infidélité; 
ce  qui  n'a  point  faict  d'impression.  »  — 
L'après-midi  du  même  jour  i5,  de  Noyers 
écrivait  encore,  clans  une  lettre  datée  De 
dessus  l'estang  allant  à  Frontignan  :  «  J'es- 
time que  le  plustost  que  M*'  le  cardinal 
Mazarin  pourroit  venir  icy  ce  seroit  le 
meilleur,  car  en  vérité  je  recognois  que 
S.  M.  a  besoing  de  consolation,  et  qu'elle 
a  le  cœur  fort  serré.  »  (Ms.  précité,  fol.  69 
et  71)  —  On  se  figure  quel  effet  produi- 
sit à  Paris  l'arrestation  de  M.  le  Grand; 
ta  Gazette  l'annonçj  le  21,  mais  la  pre- 
mière nouvelle,  encore  imparfaite,  avait 
été  apportée  dans  la  nuit  du  17  au  18 juin, 
pardeux  courriers, l'un  du  ducd'Enghien  , 
lequel  arriva  le  premier,  l'autre  du  roi. 
Henri  Arnauld  mandail  dans  une  lettre  du 
18  juin  :  «  Le  roy  ayant  voulu  faire  arres- 
ter  M'  le  Grand,  il  s'est  sauvé;  on  faisoit 
chercher  par  toutes  les  maisons  de  la  ville, 
y  ayant  apparence  qu'il  esloit  caché  quel- 
que part,   d'autant  que   les  portes  de  la 

tée  aux  Analyses,  Riciielieu  avait  donné  ces  nou- 
velles à  de  Noyers.  11  s'agissait  d'un  avis  envoyé 
j)ar  le  cardinal  de  Savoie  sur  quelques  desseins  de 
l'ennemi  contre  la  Provence,  et  sur  les  des  Sainte- 
Marguerite.  Le  cardinal  indiquait  au  secrétaire 
d'Etat  de  la  guerre  les  mesures  à  prendre;  et  il  ajou- 
tait (ju'il  comptait,  en  cette  occasion,  sur  M.  de 
Guitault. 


93()  LETTRES 

ce  qui  me  met  en  peyiie.  Mais  considérant  qu'il  aura  receu  les  secours 
des  Bretons  et  de  Hollande,  et  qu'il  a  de  bonnes  places  à  ïohry  des- 
quelles il  se  peut  camper,  j'espère  bien,  quoyque  non  sans  crainte. 

lime  semble  que,  pendant  cette  marche  des  ennemis,  M"^  de  Har- 
court  doit  entrer,  le  plus  avant  qu'il  pourra,  dans  leur  pays,  et  y  ra- 
vager; et  M' le  mareschal  de  Guiche,  costoyer  toutes  les  places  vers 
lesquelles  ils  pourroient  se  rabattre.  Vostre  Majesté  sçaura  mieux  ré- 
soudre toutes  ces  choses  que  personne.  Je  ne  luy  en  mande  point  da- 
vantage ,  parce  que  je  ne  doubte  point  que ,  sur  ce  que  M"^  de  Chavigny 
luy  aura  rapporté,  je  ne  reçoive  ce  soir  un  courrier  par  lequel  j'ap- 
prendray  de  nouvelles  résolutions  qu'elle  aura  prises. 

Surtout  je  la  suplie  de  ne  s'affliger  point ,  avoir  soin  de  sa  personne , 
et  moyennant  cela  j'espère  bien. 


CCCGLXXVIll. 

Cabinet  de  S.  A.  I^.  M*'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Gliarpenlier. 

[A   M.  DE  NOYERS.] 

De  Taraseon,  ce  17' juin  16^3. 

L'avis  qu'il  a  pieu  prendre  à  S.  M.  que  vous  m'escrivés  dans  vostre 
lettre  est  tel  que  je  n'ay  rien  à  y  adjouster. 

Je  croy  que  doresnavant  que  ses  sentimens  ne  seront  point  traver- 
sez, quej'auray  l'honneur  de  me  rencontrer  tousjours  dans  ses  pensées. 

Je  vous  renvoie  vostre  letli'e,  afin  que  vous  voyés  mieux  ce  que 
vous  .m'aves  mandé,  qui  est  tout  ce  qu'il  faut  respondre'. 

ville  avoienl  esté  fermées Ce  malin ,  de  Noyers  qufe  le  cardinal  lui  renvoie  ;  con- 

au  conseil,  M''  le  Prince  a  faillira  ces  tenait-elle,  entre  antres  choses,  les  détails 

lettres  loiilhaul;  et  puis  M.  le  chancelier  de  l'arrestation  de  Cinq-Mars  et  l'indication 

a  dicl  :  «  Ce  n'est  plus  une  affaire  de  par-  des  mesures  prises  à  cette  occasion  ?  Je  ne 

«.ticulier  à  particulier,  mais  une  affaire  qui  vois  rien  de  cela  dans  aucune  des  missives 

'I  regarde  l'Estal.»  (Bibl.  imp.  Bélhune  ,  de  de  Noyers,  ni  de  Chavigni,  qui  pour- 

9373,  fol.  i3i.)  tant  en  ont  dû  faire  à  Richelieu  un  récit 

'  Je  n'ai  point    trouvé  cette  lettre  de  circonstancié. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  937 

♦ 

J'estime  qu'il  est  très  à  propos  de  renvoier  quérir  les  galières  qui 
sont  à  Marseille,  au  moins  celle  de  Baunce(?),  et  la  dernière  qui  est 
allée  avec  elle,  M"  le  prince  de  Mourgues  se  contentant  de  la  Forbine  " 
pour  le  porter;  et  il  faut  mander  à  la  Forbine  quaussytosl  qu'elle 
aura  faicl  ce  voyage  elle  se  rende  promptement  à  l'armée. 

Je  croy  qu'il  est  très-bon  que  l'armée  navale  du  roy  aille  chercher 
les  ennemis  à  Mayorque,  devant  qu'ilz  soient  assemblez,  ou  autre 
lieu  où  ils  penseront  les  pouvoir  combatire  avec  avantage,  ainsy  que 
le  marquis  de  Brézé  le  propose.  Enfin  le  roy  leur  doit  permettre  et 
commander  de  faire  tout  ce  qu'ils  estimeront  à  propos  pour  prendre 
avantage  sur  les  ennemis. 

Pourveu  que  le  roy  se  porte  bien  tout  ira  bien. 

Pour  abréger,  M"^  de  Chavigni  vient  de  dépescher  un  courrier  à 
Marseille  pour  porter  ordre  aux  deux  galières  d'aller  promptement 
au  cap  de  Quiers,  et  à  la  troisième,  aussylost  que  M''  le  prince  de 
Mourgues  sera  passé. 

Je  vous  prie  remercier  le  roy  de  la  gallère  qu'il  luy  a  pieu  accorder 
à  M'  de  La  Pellière.  Je  l'envoie  pour  remercier  luy-mesmc  S.  M.  et 
s'en  aller  prendre  possession  de  ladicte  gallère  et  y  servir.  Cependant 
pour  faire  voir  au  roy  qu'on  agit  avec  bonté  par  dessus  la  justice, 
j'ay  porté  ledict  s"^  de  La  Pellière  à  donner  quelque  rescompense  aux 
héritiers  dudict  s"'  de  Cabris  jusques  à  quinze  mil  livres. 


CCCCLXXIX. 

Arcl).  des  AIT.  étr.  France,  i643 ,  juin-août,  fol.  loi.  — 

Mise  au  net  de  la  main  de  Chcrré. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Clierré. 

AU  ROY\ 

De  Tarascon  ,  ce  19  juin  1643. 

Venant   d'apprendre   que  les  incommoditez  du  roy   continuent, 

'  Cette  lettre  de  Richelieu  dut  arriver  à        peu  négligé;  de  Noyers  écrivant  à  Chavigni 
propos;  il  paraît  que  le  roi  se  trouvait  uo        •  De  Lunel,  le  19  juin  à  10  h.  du  matin  ,  > 

CABDIN.  DE  RICUELIEU.  —  VI.  I  I  8 


938 


LETTRES 


j'envoie  en  diligence  pour  en  sçavoir  des  nouvelles,  priant  Dieu  de 
tout  mon  cœur  qu'on  me  les  puisse  apporter  telles  que  je  les  sou- 
haitte.  Je  la  conjure,  autant  qu'il  m'est  possible,  de  prendre  soin  de 
sa  santé,  et  de  ne  s'affliger  point  des  grandes  affaires  qu'on  luy  a  mises 
de  nouveau  sur  les  bras,  osant  assurer  Sa  Majesté  que,  pourveu 
qu'elle  se  porte  bien,  elle  sortira  de  tout  avec  gloire.  C'est  ce  que  je 
demande  à  Dieu  de  tout  mon  cœur,  et  qu'il  me  donne  le  moyen  de 
faire  paroistre  à  Sa  Majesté,  pendant  tout  le  cours  de  ma  vie,  les  obli- 
gations que  j'ay  à  sa  bonté  '. 

CCCCLXXX. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  NOYERS. 

DeTarascon,  19"  juin  1642. 

Je  ne  manqueray  pas  d'envoier  tous  les  jours  sçavoir  des  nouvelles 
du  roy.  Si  je  pouvois  y  aller  je  n'aurois  point  d'autre  messager  que 
moy  mesme^.  Je  croy  que  S.  M.  ne  sçauroit  mieux  faire  que  de  faire 
passer  ses  gardes  devant  elle  à  mesure  qu'elles  viennent,  et  ce  le  plus 
diligemment  qu'elle  pourra,  les  affaires  de  delà  requérant  autant  de 
diligence  que  celles  que  nous  avons  faites  pour  cmpescber  que  les 
mauvais  desseins  d'Italie  ne  réussissent^. 


lui  disait:  «J'attends  tousjours  quelqu'un 
qui  vienne  visiter  le  roy  de  la  part  de 
M^',  et  S.  Em.  me  pardonnera  si  je  luy 
dis  que  j'estime  qu'en  la  conjoncture 
présente  il  seroil  à  propos  qu'elle  y  en- 
voyast  tous  les  jours  quelqu'un,  soit  des 
officiers  de  ses  gardes,  enseignes  ou  lieu- 
tenans,  soit  de  ses  autres  gentilshommes. 
(Ms.  des  Aff.  étr.  fol.  102.) 

'  Dans  la  mise  au  net  des  Affaires  étran- 
gères, le  sens  ne  finit  pas  au  mot  ■'  bonté ,  » 
après  lequel  se  trouvent  une  virgule  et  ces 
mots  :  «  particulièrement  par  la  fermeté...  » 


Le  cardinal  allait  évidemment  rappeler  ici 
l'arrestation  de  Cinq-Mars  ;  il  a  réfléchi 
qu'il  valait  mieux  ne  pas  insister  sur  te 
point  délicat ,  et  laisser  faire  aux  amis  qu'il 
avait  auprès  de  Louis  XUI.  La  grande  cir- 
conspection qu'il  mettait  dans  sa  corres- 
pondance avec  le  roi  se  remarque  partout. 

'  C'est  la  réponse  à  la  lettre  que  de 
Noyers  avait  écrite  le  matin,  réponse  faite 
pour  être  lue  au  roi.  Richelieu  ne  perd 
pas  de  temps  pour  profiter  de  l'avis. 

^  La  prompte  arrestation  du  duc  de 
Bouillon. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  939 

Vous  ne  m'avés  point  mandé  si  on  lève  des  troupes  en  Norman- 
die, ce  que  j'estime  du  tout  à  propos,  craignant  qu'à  l'autone  il 
vienne  des  troupes  d'Allemagne  à  quoy  nous  ne  pensons  pas. 


CCCCLXXXI. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M*'  le  duc  d'Aiimale.  —  Oiiginal  de  la  aiain  de  Clierré^ 

A  M.  DE  NOYERS. 

De  Tarascon,  le  20  juin  ifiiia. 

La  santé  du  roy  m'estant  plus  chère  que  ma  vie,  il  m'est  inipos- 
.sible  d'estre  en  repos  que  je  ne  sache  qu'il  soit  deslivré  de  toute  in- 
commodité. J'envoie  ce  gentilhomme  pour  sçavoir  s'il  ne  s'est  point 
mal  porté  pour  avoir  touché  les  malades,  etl'asseurer  que  le  meilleur 
remède  à  mon  mal  est  de  le  sçavoir  aussy  sain  et  aussy  content  que  je 
le  désire. 


CCCCLXXXII. 

Cabinet  de  S.  A.  H.  M*'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Cberré. 

A   M.  DE  NOYERS. 

De  Tarascon ,  le  24juini6ii2. 

Bien  que  j'aye  envoie  apprendre  Testât  de  la  santé  du  roy,  vous 
m'avés  faict  un  singulier  plaisir  de  m'en  mander  des  nouvelles.  Pou- 
vant dire  avec  vérité  que  s'il  est  permis  à  un  serviteur  de  faire  quelque 
comparaison  avec  son  maistre,  comme  le  roy  m'a  faict  l'honneur  de 
vous  tesmoigner  que,  pourveu  que  je  me  porte  bien,  il  ne  sçauroit 
mal  se  porter,  aussy  pourveu  que  la  santé  de  S.  M.  soit  au  poincl  que 
je  la  souhaitle,  la  mienne  en  recevra  le  plus  grand  soulagement  que 
j'y  puisse  avoir. 

11  faut  envoler  en  diligence  en  Catalogne  sçavoir  de  M"^  de  La  Mote 
si,  en  luy  donnant  trois  mil  hommes  d'augmentation,  il  peut  entre- 

ii8. 


940  LETTRES 

prendre  le  siège  de  Torlose  avec  succez,  l'armée  navale  l'assistant; 
ou  si,  envoiant  trois  mil  hommes  de  l'infanterie  qu'il  a  en  Pioussillon 
au  siège  de  Rose ,  il  peut  soustenir  avec  le  reste  les  efforts  que  le 
roy  d'Espagne  peut  faire  contre  luy. 

Il  faut  mander  à  M""  de  La  Mëlleraie  qu'il  sçache  particulièrement 
de  M'"  de  Schomberg  et  de  M''  de  Turenne  si,  en  leur  donnant  trois 
mil  hommes  de  pied  plus  qu'ils  n'ont,  ils  peuvent  entreprendre  le 
siège  de  Rose,  l'armée  navale  les  servant.  Après  cela  il  sera  aisé  de 
prendre  résolution,  sur  quoy  il  y  a  beaucoup  à  dire  que  je  réserve 
lorsque  j'auray  l'honneur  de  voir  le  roy. 


CCCCLXXXIII. 

Cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  NOYERS. 

De  Tarascon  ,  le  25  juin  i6i2. 

Monsieur  de  Noyers  se  souviendra,  s'il  luy  plai.st,  dans  les  lettres 
qu'il  plaira  au  roy  escrire  aux  provinces  et  aux  Parlemens,  en  me 
laissant  derrière  luy  en  ces  quartiers,  il  y  faut  mettre,  à  mon  avis, 
qu'iiz  recevront  les  ordres  et  les  dépesches  qui  seront  faictes  par  celuy 
de  ses  secrétaires  d'Estat  qu'il  laisse  auprès  de  moy,  comme  si  elles 
estoient  faites  d'auprès  de  luy'. 

Je  ne  sçay  si  cela  a  jamais  esté  faict,  mais,  sans  cela,  il  me  semble 
que  des  dépesches  qui  seroient  faictes  sans  cela  n'auroient  point  de 
force  ,  le  roy  estant  esloigné. 

Ce  que  je  mande  me  semble  d'autant  plus  nécessaire  que  je  ne  suis 
point  en  estât  de  signer  aucunes  dépesches,  et  que  je  prévoy  que 
les  affaires  requerront  peut  estre  qu'on  en  face. 

Je  prie  M''  de  Noyers  de  faire  response  à  M''  le  grand  prieur^,  auquel 

'   On  verra  ci-après,  p.  957,  une  lettre  ^  Le  commandeur  de  la  Porte,  oncle 

du  roi  à  ce  sujet.  de  Richelieu. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  941 

je  croy  qu'il  ne  seroit  point  mauvais  d'envoyer  deux  ou  trois  commis- 
sions de  chevaux  légers  en  blanc,  luy  mandant  que  vous  luy  respondés 
de  la  levée  s'il  les  met  sur  pied.  Et  luy  escrire  que,  pour  ce  qui  est 
de  l'infanterie,  qu'il  mette  ses  compagnies  à  cent  hommes.  Le  tout 
est  de  sçavoir  si,  dans  la  coste  d'Espagne,  à  Saint-Sébastien  el  autres 
lieux,  il  y  a  des  troupes  assemblées,  et  des  vaisseaux  pour  les  porter, 
ce  que  je  ne  croy  pas.  Si  cela  estoit  j'envoierois  cinq  ou  six  gentils- 
hommes d'auprès  de  moy  pour  servir  de  chefs  dans  les  isles.  M"  de 
Chavigny  en  peut  sçavoir  quelque  chose  de  M"^  le  Nonce  et  de  l'am- 
bassadeur de  Venise.  Je  croy  qu'il  faudra  adresser  l'ordre  de  faire 
partir  madame  d'Effiat  à  M' le  Prince  '. 

Je  ne  mets  rien  en  ce  mémoire  pour  le  roy  parce  que  j'ay  envoie 
sçavoir  de  ses  nouvelles  par  de  Maine. 


CCCCLXXXIV. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M"^'  le  duc  d'Aumale.  —  Original  de  la  main  de  Charpentier. 

A  M.  DE  NOYERS. 

DeTarascon,  ce  26' juin  1642. 

Depuis  le  mémoire  qvie  je  vous  feis  ce  matin,  j'ay  parlé  à  M""  le 
comte  d'Allez  sur  le  sujet  du  premier  président  d'Aix.  Nous  avons 
avisé  qu'il  ne  seroit  pas  mieux  chez  luy  qu'à  Aix,  et  qu'il  vaut  mieux 
l'envoier  à  Bourges.  Vous  en  parlerés,  s'il  vous  plaist,  au  roy;  et,  si 
S.  M.  l'approuve,  j'estime  qu'il  vaut  autant  le  faire  dès  à  présent  que 
d'attendre  que  S.  M.  soit  à  Lyon  ^. 

M'  de  Chavigny  sçaura,  s'il  luy  plaist,  du  roy,  s'il  ne  veut  pas  que 
M"'  de  Bordeaux  demeure  tousjours  à  Cavaillon,  sans  en  partir. 

'  H.  Arnauld  écrivait  le  2a  juin ,  et  répé-  '  Ce  premier  président  était  M.  du  Ber- 

lail  le  29  que  M"'  d'Efiîat  était  dangereu-  net.  L'ordre  lui  fut  sans  doute  donné  im- 

semenl  malade,  que  les  médecins  déses-  médiatemeni,  caria  Gazelle  du  12  juillet 

péraient  de  sa  vie,  et  qu'on  n'avait  point  dit  qu'il  parlit  d'Aix  le  27  juin. 
osé  lui  apprendre  le  malheur  de  son  fils. 


942  LETTRES 


NOTA. 

Lorsque  Richelieu  eut  la  preuve  que  c'était  au  nom  de  Monsieur  que  Cinq- 
Mars  avait  ourdi  la  conspiration  et  négocié  le  traité  d'Espagne,  l'un  de  ses  pre- 
miers soins  fut  de  faire  croire  à  ce  prince  qu'on  ignorait  sa  participation  au  com- 
plot; bien  convaincu  qu'au  moindre  soupçon  Monsieur  s'enfuirait  en  Espagne 
et  que  le  principal  conjuré  allait  lui  échapper.  Non  qu'il  eût  aucun  dessein  de  le 
faire  punir,  mais  il  comptait  sur  lui  pour  l'aider  à  faire  punir  les  autres.  Riche- 
lieu fit  donc  écrire  par  le  roi,  à  Gaston,  une  lettre  où  Sa  Majesté  lui  annonçait 
qu'elle  le  nommait  général  en  chef  de  l'armée  de  Champagne,  afin  d'aller  promp- 
tenient  faire  tête  à  l'ennemi  victorieux  à  Honnerourt  et  dont  on  craignait  l'inva- 
sion. Et  puis,  par  une  seconde  lettre  écrite  le  soir  du  même  jour  (  i  3  juin) ,  le  roi 
informait  son  frère  de  l'arrestation  de  Cinq-Mars,  en  imputant  seulement  au  favori 
«  les  insolences  extraordinaires  qu'il  a  commises  en  mon  endroit.  »  (Bibl.  imp.  ma- 
nuscrits français,  n°  3843,  fol.  54.)  Grâce  à  la  discrétion  de  ce  double  message, 
le  prince  coupable  se  persuada  qu'on  n'avait  point  pénétré  son  secret.  La  rumeur 
publique  l'avait  pourtant  inquiété;  il  écrivait  à  Chavigni,  le  i5  juin,  en  appa- 
rence pour  s'informer  de  la  santé  du  cardinal  :  «  Je  ne  luy  ay  point  escrit,  disait-il, 
ne  sçachant  en  quels  termes  je  le  devois  faire,  à  cause  de  tous  les  bruits  qui 
courent,  dont  je  ne  sçais  pas  la  vérité,  laquelle  je  vous  prie  de  me  mander;  et, 
en  attendant,  asseurer  S.  Em.  de  mon  affection,  en  la  façon  que  vous  le  jugerez  à 
propos.  »  Et  deux  jours  après,  le  17,  pour  mieux  éloigner  de  lui  tout  soupçon  d'in- 
telligence avec  le  grand  écuyer,  il  adressait  au  cardinal  une  lettre  où  il  s'indignait 
"delà  conduite  de  ceméconnoissaiUM'le  Grand;  c'est  l'homme  du  monde  le  plus 
coupable  de  vous  avoir  (Jespleu  après  tant  d'obligations. .  .  Et  vous  avez  bien 
creu,  je  m'asseure  que,  si  je  l'ay  considéré,  ce  n'a  esté  que  jusqu'aux  autels. 
Aussi  est-ce  pour  vous,  mon  Cousin,  que  je  conserve  mon  amitié  toute  entière. 
Et  comme  je  cognois  que  vous  m'y  avés  tout  nouvellement  obligé  par  l'honneur 
que  S.  M.  m'a  fait  de  me  donner  le  commandement  de  son  armée  de  Champagne, 
je  vous  prie  de  croire  que  vous  ne  sçauriez  jamais  avoir  de  plus  véritable,  ny  de 
plus  fidèle  amy  que  moy^.  "Tout  le  monde  s'étonnait  de  ce  singulier  incident; 
nous  trouvons  dans  une  des  lettres  de  H.  Arnauld  :  «  On  ne  comprend  pas  ce  que 
c'est  que  l'ordre  qu'a  receu  Monsieur  de  se  tenir  prest  pour  venir  commander 
l'armée  de  Champagne;  cela  est  mystérieux.»  (Bibl.  imp.  Béthuno,  9273, 
fol.  i35.)  Ce  pauvre  prince  n'y  voit  qu'un  motif  de  profonde  sécurité.  Mais,  dès 


'  Bibl   imp.  Saint-Gèrm.  Harl.  35 1  ,  foi.  106  v°. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  943 

qu'il  apprend  que  sa  complicité  est  découverte,  son  assurance  l'abandonne  tout  à 
fait,  et  il  ne  songe,  comme  dans  toutes  ses  autres  révoltes,  qu'à  se  mettre  à  l'abri 
aux  dépens  de  ceux  qui  avaient  conspiré  en  son  nom.  Nous  avons  de  lui  cinq 
lettres,  écrites  le  même  jour,  dans  le  premier  moment  de  sa  surprise  et  de  son 
effroi.  Ces  lettres,  datées  du  25  juin,  sont  adressées  au  roi,  au  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  au  cardinal  Mazarin  ,  à  de  Noyers  et  à  Chavigny.  Il  s'excuse  auprès  du  roi , 
et  supplie  les  autres  d'obtenir  son  pardon.  Pour  se  faire  une  idée  du  degré  d'hu- 
miliation où  descend  le  duc  d'Orléans  dans  ses  supplications,  il  suffit  de  lire  la 
lettre  qu'il  écritàChavigni.  (Arch.  des  Aff.étr. France, juin-août,  fol.  182,  copie  de 
la  main  de  Cherré  '.)  II  fit  porter  ces  lettres  par  l'abbé  de  La  Rivière ,  son  aumônier. 
Avant  que  ce  messager  eût  son  audience  du  roi,  alors  à  Monfrin,  le  cardi- 
nal, qui  était  à  Tarascon,  fit  remettre  à  Louis  XIII  le  mémoire  suivant,  où  il 
cherche  quelles  pourront  être  les  excuses  de  Monsieur,  et  dicte  la  réponse  que 
le  roy  y  devra  faire. 


CCCCLXXXV. 


Bibl.  imp.  fonds  Saint-Germain -Harlay,  35 1,  pièce  1 16.  —  Copie.  — 

Saint-Germain,  io23,  fol.  55.  —  Copie. 

Missions  élrai)gères,  170  (copie),  volume  non  chiffré 

[MÉMOIRE  POUR  LE  ROLJ 

[Vers  le  26 juin'.] 

0  u  M'  de  La  Rivière  vient  avec  un  simple  compliment  de  parolle 
et  une  confession  de  faute  desguisée,  ou  il  vient  avec  charge  de  des- 
couvrir une  partie  de  ce  qui  s'est  faict. 

Si  le  premier,  le  roy  doit  tesmoigner,  adjouster  foy  à  ce  qu'il  dit, 
et  respondre  qu'il  pardonne  volontiers  à  Monsieur,  et  que  M'  de  La 
Rivière  luy  rapporte  ce  qu'il  a  sur  la  conscience  et  qu'il  n'en  doit 
point  estre  en  peyne. 

'  Par  conséquent  aullicntique.  D'autres  mais  nous  savons  que  l'abbé  de  La  Rivière 

copies  sont  à  la  Bibliothèque  impériale; on  était  parti  de  Moulins  le  2  5  juin.  Le  car- 

y  remarque  de  légères  diflerences.  (Fonds  dinal   lit  aussitôt  ses  conjectures  sur  le 

Saint-Germain,  ioa3,  fol.  49  v°  — Saint-  message  que  cet  abbé  devait  apporter,  et 

Germain-Harlay,  35 1,  fol.   111.  —  Mis-  il  se  bâta  de  les  envoyer  à  Cliavigni,  qui 

sions  étrangères,  170.)  dut  voir  l'abbé  de  la  Rivière  le  a6  ou  le 

'  Les  copies  ne  donnent  point  de  date;  .      27  juin. 


944  LETTRES 

Si  le  deuxlesme ,  il  doit  encore  luy  tesmoigner  de  croire  que  tout 
ce  qu'il  dict  est  tout,  et  respondre  :  Ce  que  vous  descouvrés  nie  sur- 
prend et  ne  me  surprend  pas. 

Il  me  surprend  parce  que  je  n'eusse  pas  attendu  ce  nouveau  tes- 
moignage  de  manque  d'affection  de  mon  frère;  il  ne  me  sur  prend  pas, 
parce  que  M'  le  Grand,  estant  pris,  s'enquierl  fort  si  on  ne  l'accuse 
point  d'intelligence  avec  Monsieur. 

M'  de  La  Rivière,  je  vous  parleray  franchement;  ceux  qui  ont 
donné  de  mauvais  conseils  à  mon  frère  ne  doivent  rien  attendre 
de  moy  que  la  rigueur  de  la  justice.  Pour  mon  frère,  s'il  me  des- 
couvre tout  ce  qu'il  a  faicl,  sans  réserve,  il  recevra  des  effecls  de 
ma  bonté  comme  il  en  a  desjà  receu  plusieurs  fois  par  le  passé. 

Quelque  instance  que  La  Rivière  fasse  d'avoir  promesse  d'un  par- 
don général  sans  obligation  de  descouvrir  tout  ce  qui  s'est  passé,  le 
roy  demeurera  dans  sa  première  response,  luy  disant  qu'il  ne  vou- 
droit  pas  luy  mesme  luy  conseiller  de  faire  plus  que  Dieu,  qui  re- 
quiert un  vray  repentir  et  une  ingénue  recognoissance,  pour  par- 
donner; qu'il  luy  doit  suffire  qu'il  l'asseure  que  Monsieur  recevra 
des  effects  de  sa  bonté  s'il  se  gouverne  envers  Sa  Majesté  comme  il 
doit,  c'est-à-dire  ainsy  qu'il  est  dicl  cy-dessus. 

Ensuitte  de  ce  que  dessus,  le  roy  doit  dire  à  l'abbé  de  La  Rivière 
qu'il  veut  que  son  procédé  soit  sy  net  et  sy  justifié  devant  tout  le 
monde,  en  une  affaire  qui  le  touche  de  sy  près  comme  celle  de  son 
sang,  qu'il  désire  que  La  Rivière  mette  par  escrit  tout  ce  qu'il  luy 
a  dict.  Ensuitte  de  quoy  Sa  Majesté  y  fera  mettre  sa  response,  et, 
quoyque  La  Rivière  s'en  excuse,  il  faut  luy  faire  faire  ce  qu'il  ne 
sçauroit,  ny  n'oseroit  refuser  par  raison. 

Sur  ce  qui  se  passera  avec  La  Rivière  on  dressera  ensuitte  un  mé- 
moire de  ce  qu'on  estimera  devoir  estre  faict'. 

'  Le   roi   ainsi   endociriné,  el  qui  de  faite,  s'il  en  faut  croire Cliavigni,  qui  était 

plus  eut  un  entrelien  avec  le  cardinal,  le  à  Montfrin,  auprès  de  Louis  XIII,  et  qui 

28  juin,  reçut  l'abbé  de  La  Rivière  le  29,  rend  compte  de  l'audience  au  cardinal, 

et  répéta  fort  bien  la  leçon  qui  lui  avait  été  dans  une  lettre  du  dernier  juin  (Bibl.  imp. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


965 


CCCCLXXXVI. 


Original. 


Arch.  des  Aff.  élr.  France,  i6iia,  juin-août,  fol.  346. 
Bibl.  inip.  fonds  Saiiil-Germain-Harlay,  35i,  fol.  107. — Copie 
Saint-Germain,  1028,  fol.  45'.  — Copie.  — 
Missions  étrangères,  170,  volume  non  chiffré.  - —  Copie. 


A  M"  DE   NOYERS  ET  DE  CHAVIGNY. 


27  juin  1642  '. 


Si  Monsieur  de  Bouillon  est  pris  il  est  question  de  faire  veoir 
pron)plement  que  Ton  l'a  pris  avec  justice. 

Pour  ce  faire,  ou  il  en  faut  descouvrir  les  autheurs  de  M'"*"  de 
Clievreuse  qui  en  ont  donné  advis,  ce  que  la  dame  ne  voudroit  pas', 
ou  trouver  quelque  autre  invention  par  laquelle  on  puisse  faire  co- 
gnoistre  qu'on  a  eu  cette  descouverte. 

S'-Genn.  Harl.  35 1,  fol.  11 3.)  La  sévérité  dication  mise  au  hasard.  Les  copies  don- 
dictée  au  roi  fut  si  bien  exprimée  et  fit  si 
grande  peur  à  ce  pauvre  aumônier  •  qu'il 
Iny  prist  presque  unedéfaillance,  et  ensuite 
une  espèce  de  choiera  morbus,  dont  il  a 
esté  guéry  en  luy  rassurant  l'esprit.»  Ce 
sont  les  paroles  de  Chavigni.  —  Cepen- 
dant on  tira  de  La  Rivière  l'écrit  que  le  car- 
dinal avait  demandé;  Chavigni  l'envoya  à 
Richelieu,  avec  une  lettre  du  3o  juin. 
(Cet  écrit  se  trouve  au  fui.  1 17  v"  du  nis. 
de  Harlay,  n°  35 1.)  —  En  même  temps 
Chavigni  envoyait  au  cardinal  la  réponse 
qui  devait  être  mise  par  le  roi  en  bas  de  l'écrit 
de  I  a  Rivière  (ci-après,  p.  966,  note  1). 

'  Ce  manuscrit,  qui  contient  la  rela- 
tion de  Fontrailles  ,  reproduit  cette  partie 
du  manuscrit  de  Harlay,  35i  ;  mais,  quoi- 
qu'il vienne  originairement  de  la  biblio- 
thèque de  Séguier,  il  est  moins  correct 
que  le  manuscrit  de  Harlay,  où  l'on  a  cor- 
rigé quelques-unes  des  fautes  du  premier. 

'  L'original  ti'est  point  daté;  une  main 
étrangère  a  écrit  «juillet;»  c'est  une  in-. 


nent  une  date  vraisemblable  dans  ce  litre 
qu'elles  placent  en  tête  de  la  pièce  :  "  Mé- 
moire de  S.  Eui.  du  37  juin  iGAa;  à 
M"  de  Chavigny  et  de  Noyers  estant  près 
du  roy.  »  L'arrestation  du  duc,  qui  eut 
lieu  à  Casai  le  23  juin,  ne  fut  connue  à 
Tarascon  que  le  28  au  soir,  ou  dans  la 
matinée  du  29,  puisque  le  roi,  qui  avait 
visité  Richelieu  le  28,  lui  écrivait  le  len- 
demain :  «  Je  ne  me  trouve  jamais  que  bien 
de  vous  voir  Je  me  porte  beaucoup  mieux 
depuis  hier,  et  ensuite  de  la  prise  de  M'  de 
Bouillon ,  qui  est  un  coup  de  partie,  r 

'  Celte  phrase,  que  j'ai  soigneusement 
vérifiée  sur  la  pièce  originale  de  la  main 
deCherré,  est  évidemment  fautive  et  par 
suite  très-obscure.  Que  peut  signifier  •  les 
autheurs  de  M"' deChevreuse  ?  »Faut-il  en- 
tendre des  gens  informés  par  M""  de  Che- 
vreuse,  qui  ne  se  défiait  pas  d'eux  ?  Car  sup- 
poser que  Richelieu  veut  ici  parler  (ce  qui 
pourtant  serait  plus  dans  le  sens  des  mots) 
de  personnes  qui  auraient  fait  à  M°"  do 


CAHDIN.  DE  mCHELIED.  TI. 


946  LETTRES 

On  le  peut  faire  en  resserrant  de  toutes  parts  les  prisonniers,  sans 
permettre  de  parler  à  personne,  parce  que,  par  ce  moyen,  on  pourra 
faire  croire  aux  uns  que  les  autres  ont  dict  ce  qu'on  sçait,  ce  qui  leur 
donnera  lieu  de  le  confesser,  et  à  tout  le  monde  de  le  croire. 

Sans  l'un  de  ces  deux  expédiens,  quoyque  ce  qu'on  a  faict  ne  se 
peust  esviter,  on  passera  pour  avoir  faict  une  violence  à  M'' de  Bouillon 
pour  le  chastier  des  choses  pardonnées,  ce  qui  est  très-faux,  et  dont 
il  faut  esviter  la  réputation. 

Fault  arrester  Cioujac',  qu'on  dict  avoir  des  papiers  secretz. 

Fault  retirer  la  cassette  des  cheveux  et  amourettes  qu'a  M' de  Choisy. 

Fault  représenter  au  roy  qu'il  est  très-important  de  ne  dire  pas  qu'il 
ayt  bruslé  tous  les  papiers,  et  en  effect  on  croit  qu'il  ne  l'a  pas  faict. 

Si  M'  de  Bouillon  est  pris ,  il  fault  pourveoir  promptement  l'Italie 
d'un  chef  de  grande  qualité  ^  pour  plusieurs  raisons  qui  pressent. 

Il  en  fault  un  en  Guienne,  et  un  dans  le  Roussillon;  estant  douteux 
si  M""  de  Turenne  voudra  servir,  et  si  on  le  doit  laisser  seul.  Le  roy 
y  pensera ,  s'il  luy  plaist. 

Fault  sçavoir  du  roy  si,  en  choses  importantes  et  pressées,  le  car- 
dinal donnera  les  ordres  de  ce  qu'il  estimera  plus  à  propos  pour  son 
service,  ainsy  que  S.  M.  luy  a  commandé  plusieurs  fois  par  le  passé; 
el ,  au  cas  qu'elle  le  veuille,  elle  luy  escrira  par  un  mot  de  son  propre 
mouvement*. 

N'y  ayant  rien  de  plus  dangereux  que  de  faire  les  affaires  à  demy*. 


Chevreuse  des  confidences  que  celle-ci 
aurait  trahies,  c'est  ce  que  ne  peuvent 
guère  admettre  ceux  qui  connaissent  le 
caractère  de  celle  dame.  Que  signilient  en- 
core ces  mots  :  «  Ce  que  la  dame  ne  votidroit 
pas ,  »  qui  se  rapportent  si  bien  à  ce  que  Ri- 
chelieu écrivait  le  7  juillet  à  de  Noyers  et  à 
Chavigni,  «  Si  ceux  qui  savent  beaucoup  de 
particularilez  de  celle  affaire  vouloient  estre 
allégués ,  on  n'aurai!  pas  tant  de  peine.  » 

'  C'est  i'habilant  de  Narbonne  chez  le- 
quel ,  d'après  une  des  versions,  fut  tiouvé 


M.  le  Grand.  Dans  une  lettre  au  roi ,  du 
1 3  juillet,  le  cardinal  écrit  uSiongeac,  u  el 
le  P.  Griffel  le  nomme  Siouzac.  Les  copies 
de  la  Bibliothèque  le  nomment  encore  au- 
trement. Il  y  a  d'ailleurs  dans  ces  copies 
plusieurs  inexaclitudes.  Siouzac  fui  quel- 
ques jours  après  recherché  pour  une  ten- 
tative d'évasion  de  Cinq-Mars. 

"  Les  deux  mss.  de  Saint-Gcrmaln,  et 
de  Harl.  mettent  :  i  fidélité.  » 

^  Ci-après ,  p.  967. 

'  La  copie  du  manuscrit  de  Scint-Ger- 


DU  CARDINAL  DE  RICilELIEU. 


947 


j'estime  que  le  roy  doit  envoyer  promptement  une  compagnie  des 
gardes  françoiscs  et  une  autre  de  Suisses,  de  celles  qui  sont  advancées 
à  Lion,  garder  le  passage  de  Tréou  ',  parce  ce  que  c'est  le  moyen 
de  réduire  Monsieur  de  desclarer,  on  de  gré  ou  de  force,  ce  qu'il  sçayl. 
Fault  niesnager  M""'  de  Savoye  dans  le  bon  traictement  qu'on  luy 
faict  pour  sçavoir  ce  qu'elle  sçaNt^. 


CCCCLXXXVII. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M''  le  duc  d'Aumale.  —  Minute  de  la  maiu  do  Charpenlier. 

[Avant  le  2S  juin  i64  2  '. 

Faut  parler  de  l'aflaire  de  M.  Desdiguièrcs*  en  passant. 


main  fail,  de  la  première  ligne  de  ce  para- 
graplie,  la  (in  du  paragraphe  précédent; 
et  sans  doute  la  pensée  exprimée  dans 
cette  ligne  se  rapporte  très-bien  au  sens 
dudil  paragraphe.  Cependant  nous  suivons 
le  texte  des  Affaires  étrangères,  écrit  de  la 
main  de  Clierré  et  conservé  dans  les  pa- 
piers de  Richelieu.  C'est  aussi  la  leçon  du 
manuscrit  de  Harlay.  Quant  au  manuscrit 
des  missions,  il  met  les  d>'ux  paragraphes 
en  un  seul  et  sans  autres  poncttiatinn 
qu'une  virgule  après  «  demy.  « 

'  Trévoux,  capitale  de  la  principauté 
de  Dombes,  dont  jouissait  Monsieur. 

'  Il  paraît  que  Richelieu  eut  la  pensée 
de  mêler  la  duchesse  de  Savoie  à  la  cons- 
piration de  Cinq-Mars.  Nous  voyons  que 
dans  le  premier  interrogatoire  que  l'inten- 
dant du  Dauphiné,  Henri  de  La  Guette, 
seigneur  de  Chazé,  fil  subir  à  M.  de  ïhou, 
le  6  juillet,  on  lui  demanda  «s'il  ne  lui 
avoit  pas  été  dit  que  madame  de  Savoie 
étoit  à  demi  gagnée  et  qu'elle  le  seroit  bien- 
tôt tout  à  fait.  •  Question  répétée  à  Cinq- 
Mars  dans  son  interrogatoire  du  20.  Or 
nous  savons,  par  Richelieu  lui-même,  que 
ce  fut  lui  qui  prépara  les  questions  que. 


devait  faire  M.  de  Chazé.  (Voy.  aussi  la 
noie  2  de  la  page  969. ) 

'  Celle  pièce,  sans  date,  est  classée  dans 
le  manuscrit  entre  deux  lettres  du  2  juillet, 
mai»  il  est  évident  qu'elle  a  été  écrite  dans 
les  derniers  jours  de  juin,  ot  un  peu  avant 
l'entrevue  du  roi  et  du  cardinal,  qui  eut 
lieu  le  28  ;  je  la  classe  immédiatement  avant 
ce  jour,  faute  de  pouvoir  donner  la  date 
précise.  C'est  une  sorte  de  mémorial  des 
choses  dont  Richelieu  voulait  entretenir 
le  roi,  et  dont  plusieurs  furent  exécutées, 
en  effet ,  après  l'entrevue.  Celte  pièce ,  ainsi 
que  beaucoup  d'autres,  prouve  ce  que 
nous  avons  déjà  dit,  que,  malgré  les  plus 
anxieuses  préoccupations  d'esprit  et  les 
douleurs  physiques  les  plus  aiguës,  Riche- 
lieu n'abandonna  jamais  la  direction  du 
gouvernement,  que  M.  Bazin  se  trompe 
lorsqu'il  dit,  «la  main  engourdie  du  car- 
dinal avait  cessé  de  conduire  l'Etat,»  et 
lorsqu'il  prétend  que,  durant  sa  maladie, 
Richelieu  «renvoyait  sans  cesse  au  roi 
l'ennuyeux  souci  des  affaires.  »  (T.  IV, 
p.  367  et  388.) 

'  Il  devait  accompagner  le  roi  jusqu'à 
Lyon.  —  Il  s'agit  sans  doute  ici  du  gou- 


948  LETTRES 

Idem  de  M.  de  Roussillon^ 

Faut  laisser  ordre  à  tous  les  gouverneurs  de  provinces,  places  et 
parlements,  en  vertu  duquel  ils  obéissent  à  ce  qui  leur  sera  mandé 
de  la  part  du  roy^. 

11  vaut  mieux  conduire  jusqu'à  Lyon  les  prisonniers,  que  les  laisser 
en  ces  pays'. 

Abbayes  de  cinq  ou  six  *  à  Laffemas. 

Abbaye  grande,  Mazariny. 

Brissac,  abbaye. 

Bontemps,  abbaye. 

Faut  pourvoir  à  la  seureté  de  Laon,  y  envoyant  M.  de  Nangis,  si 
desjà  on  ne  Ta  faict. 

Idem,  de  Chauny,  faisant  avancer  les  fortiffications  autant  que  l'on 
pourra. 

Idem,  à  Rbetel. 

Faut  avoir  grand  soin  des  levées  qui  se  doivent  faire  à  Paris  et 
en  Normandie,  et  du  restablissement  de  l'armée  du  mar*^  de  Guicbe. 

On  ne  parle  point  du  lieu  où  le  roy  voudra  envoyer  de  ses  gardes 
et  de  ses  Suisses,  parce  que  cela  deppendra  de  sa  prudence,  et  des 
lieux  ou  paroistront  les  ennemis. 

Mon  avis  est  que  la  personne  du  roy  ne  doit  bouger  de  Fontai- 
nebleau, et  de  S'-Germain,  et  qu'il  doit  retenir  avec  luy  ses  gen- 
darmes,   chevau-légers    et   mousquetaires,  six   compagnies  de  ses 


vernement  du  Dauphiné,  avec  quelques 
restrictions.  (Voy.  ci-après,  p.  Q^à-) 

'  Le  cardinal  lui  avait  promis  la  lieule- 
nance  du  roi  du  Dauphiné;  le  roi  la  lui 
donna  le  4  juillet. 

■  Voy.  ci-dessus,  p.  Q^o,  9^6,  et  ci- 
après,  p.  967. 

'  «  J'emraèneray  M.  deïhou  avec  moy, 
et  feray  partir,  5  ou  6  jours  après,  M.  Le 
Grand  avec  la  cavalerie  qui  a  amené  M.  de 
Bouillon  d'Italie,  •  mandait  Richelieu,  de 


Tarascon,  le  i5  août;  et  dans  une  lellre 
du  3  septembre ,  daîée  de  Condrieux ,  il  dit  : 
«  M.  Le  Grand  arrive  demain  à  Lyon.  »  Ce 
fut  aussi  le  jour  que  Richelieu  y  arriva. 
On  verra,  dans  une  lettre  du  i5  juillet, 
comment  le  cardinal  explique  toutes  les 
précautions  qu'il  prendra  pour  que  Cinq- 
Mars  ne  se  sauve  pas  dans  le  trajet  de 
Montpellier  à  Lyon. 

'  Sans  doute  :  cinq  ou  six  mille  livres. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  949 

gardes  françoises  et  quatre  de  ses  Suisses,  et  envoyer  le  reste  pour 
lorlifiier  l'armée  qu'il  jugera  en  avoir  besoin. 

On  estime  qu'il  faut  envoyer  Ballon  en  Guyenne,  et  M.  d'Arpajon 
avec  pouvoir  d'amasser  la  noblesse,  et  des  lettres  aux  principaux  sei- 
gneurs affectionnez,  pour  mettre  leurs  amis  sur  pied. 

Il  est  du  tout  nécessaire  d'envoyer  M"'^  d'Effiat  en  ses  maisons  de 
Touraine  \  avec  son  fils  l'abbé ,  en  ayant  tousjours  usé  ainsy  en  pareil  cas. 

Faut  faire  prendre  i'aumosnier  de  M.  le  Grand  pour  sçavoir  quels 
sont  les  ministres  qu'il  a  faict  parler  à  son  maistre. 

Faut  parler  au  roy  de  M.  de  Lauzon.  , 

Escrire  au  premier  président  de  Provence  estant  à  Lyon'^. 


CCCCLXXXVIII. 

Arch.  des  Aff.  étr.  France,  i64a  ,  juin-août,  fol.  i4/i.  —  Orij^inal,  de  la  main  de  Cherré. 

Minute  de  la  main' de  Chavigni ,  même  ms.  fol.  343*. 

Bibl.  imp.  fonds  SaintGermain-Harlay,  35i,  fol.  119.  — Copie. 

Saint-Germain,  io23,  fol.  58  v°.  —  Copie.  — 

Missions  étrangères  ,170,  volume  non  chiffré.  —  Copie. 

A  M"  DE  CHAVIGIVY  ET  DE  NOYERS*. 

[27  ou  28  juin  ?] 

La  proposition  de  M'"  de  La  Rivière  est  que,  si  Monsieur  confesse 
tout  sans  réserve,  le  roy  trouve  bon  que,  sans  le  veoir,  il  sorte  du 
royaume  pour  aller  vivre  à  Venize. 

Il  tesmoigne  croire  absolument  que,  si  on  luy  veut  donner  la  li- 
berté, il  donnera  ingénue  et  entière  confession  de  toutes  choses. 

'   Voy.  ci-dessus,  p.  941.  même  temps  à  de  Noyers.  —  Richelieu 

"  Ce  premier  président  avait  été  exilé  avait  envoyé  à  Chavigni,  vers  le  26  juin 

à  Bourges.  (Ci-dessus,  même  page.)  (p.  943),  ses  prévisions  sur  le  contenu 

^  Celte  minute  esl  classée,  par  erreur,  du  message  que  devait  apporter  l'abbé 

au  17  juillet,  dans  le  volume  101, où  elle  de  La  Rivière;  maintenant  il  a  vu  ce  mes- 

est  maintenant.  sager,  et  il  adresse  à  Chavigni  ses  réflexions 

'  Les  manuscrits  ne  donnent  ni  sus-  sur  les   propositions  de  Monsieur.  Cette 

criplion,  ni  date.  La  lettre  est  évidemment  lettre  peut  donc  être  mise  au  27  ou  au 

adressée   à  Chavigni ,  et   sans   doute  en.  28  juin. 


950  LETTRES 

Il  m'a  demandé  plusieurs  fois  ma  paroUe  sur  ce  sujet,  je  nay  osé 
la  luy  donner,  ne  sachant  pas  si  le  roy  l'agréra;  mais  ma  pensée  est 
qu'il  n'y  a  pas  de  difficulté  à  le  faire,  parce  que  ou  Monsieur  en- 
volera une  bonne  et  entière  confession,  ou  une  mauvaise  et  deffec- 
tueuse. 

S'il  l'envoie  deffectueuse  on  le  poursuivra  avec  des  trouppes  selon 
la  résolution  prise;  et  cependant  la  dicte  confession,  qnoyque  mau- 
vaise, servira  à  la  conviction  de  ses  complices,  et  à  celle  de  sa  propre 
personne. 

S'il  l'envoie  bonne,  on  s'en  servira  encore  mieux  et  le  roy  ne  sera 
obligé  qu'à  le  laisser  aller  à  Venize,  et  ne  le  priver  pas  de  la  liberté, 
ce  qui  n'empeschera  pas  qu'on  ne  fasse  ensuitte  ce  qu'il  faudra  |Jour 
l'Estat. 

Mon  advis  est  donc  que  vous  disiés  à  M'  de  La  Rivière  :  M' le  car- 
dinal ne  vous  a  pas  voulu  donner  paroUe  que  le  roy  laissast  aller  li- 
brement Monsieur  à  Venize  sans  le  veoir,  au  cas  qu'il  luy  envoyast 
une  entière  confession  de  ce  qu'il  sçait ,  et  cependant,  pour  vous  mons- 
trer  qu'il  faict  tousjours  plus  qu'il  ne  promet,  il  m'a  escrit  pour  con- 
seiller au  roy  de  donner  ce  consentement  à  Monsieur,  ce  que  je  feray 
fidellement.  El,  en  ce  cas,  je  vous  donneray,  par  commandement 
de  S.  M.  la  parollo  de  Son  Éminence.  Ainsy  il  ne  tiendra  qu'à  Mon- 
sieur qu'il  ne  sorte  encore  une  fois  du  mauvais  pas  auquel  il  est, 
selon  vostre  proposition,  par  l'intervention  de  M"'  le  cardinal. 

J'ay  donné  parolle  à  M'  de  La  Rivière  qu'on  ne  dira  point  à  Mon- 
sieur que  sa  confession  est  delfectueuse  faucement;  je  luy  ay  dict 
qu'il  faut  que  la  desclaration  de  Monsieur  .soit  signée  de  luy  et  contre- 
signée de  M""  Goulas. 

Il  eust  bien  désiré  en  avoir  un  project,  mais  j'ay  estimé  qu'il  vaut 
mieux  que  ces  messieurs  agissent  à  leur  mode. 

Je  vous  advoue  que  je  ne  croy  point  que  Monsieur  desclare  la  vé- 
rité ;  et,  en  ce  cas,  il  faudra  faire  advancer  les  trouppes  vers  luy  sans 
y  perdre  aucun  temps;  et  je  croy  mesme  qu'en  attendant  la  descla- 
ration, il  ne  fault  pas  ditférer  leur  marche. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  951 

Je  croy  qu'il  est  bon  que  M""  Goulas  apporte  la  desclaralion  avec 
M'  de  La  Rivière. 


CCCCLXXXIX. 
Cabinet  de  S.  A.  R.  M^'  le  duc  d'Aiimale.  —  Original  de  la  main  de  Charpentier. 

[AU  Ror?j 

De  Tarascon,  ce  29"  juin  16/I2. 

J'envoie  sçavoir  comment  Sa  Majesté  se  porta  hier  de  son  voiage , 
priant  Dieu  de  tout  mon  cœur  qu'il  luy  ayt  produit  un  aussi  bon 
effect  que  j'en  ay  receu  de  l'honneur  de  sa  visite,  qui  me  soulagea 
tellement  qu'en  me  faisant  panser  à  six  heures,  je  levay  mon  bras 
tout  seul,  à  la  veue  de  toute  la  faculté. 

Pourveu  qu'il  plaise  à  Sa  Majesté  se  tenir  l'esprit  content,  comme 
il  luy  a  pieu  me  le  promettre,  je  ne  doute  point  qu'elle  ne  se  tire 


'  Celle  pièce  manque  de  suscription  ; 
s'adresse-l-elle  à  de  Noyers,  ainsi  que  la 
plupart  des  lettres  composant  le  maniiscril 
où  elle  est  conservée  ?  Je  pense  que  c'est  à 
Louis  XUI  lui-même  que  Richelieu  écrit, 
bien  qu'il  parle  du  roi  à  la  troisième 
personne,  forme  dont  j'ai  de  fréquents 
exemples.  Richelieu  avait  d'ailleurs  à  re- 
mercier Louis  XIII  de  sa  visite,  ef  il  la 
tourne  en  manière  de  miracle.  Le  roi ,  ma- 
lade aussi,  s'était  fait  porter  de  Monlfrin  à 
Tarascon;  le  cardinal,  au  lit,  fit  préparer 
un  autre  lit  auprès  du  sien  pour  recevoir 
le  roi;  ils  étaient  éloignés  l'un  de  l'autre 
depuis  plusieurs  mois,  et  leur  entrevue 
ne  se  fit  pas  sans  larmes;  on  peut  en 
lire  un  récit  assez  curieus  dans  l'histoire 
du  P.  Grin'et,p.  AyS.  Richelieu  ne  mniiqua 
pas  de  faire  informer  le  publ'c  de  cette  vi- 
site, en  même  temps  que  de  sa  prochaine 
guérison  :  «  Le  roy  ayant  confirmé  sa  santé 
par  l'usage  de.-  eaux  de  Meyne,  qu'il  a. 


prises  à  Monfrsin,  a  visité  le  cardinal-duc 
dans  Tarascon,  duquel  honneur  et  con- 
tentement receu  par  S.  Em.  sa  sanlé,  qui 
va  tousjours  se  fortifiant,  a  esté  encore  ac- 
creue,  de  sorte  qu'elle  se  prépare  à  se 
mettre  en  chemin  pour  suivre  S.  M.  »  (Ga- 
zette du  5  juillet.)  Cette  visite,  qui  tenait 
si  fort  à  cœur  à  Richelieu,  il  avait  cru  un 
instant  qu'elle  ne  pourrait  avoir  lieu,  et 
il  prit  ses  précautions  pour  ne  pas  perdre 
le  bénéfice  qu'il  s'en  promettail.  Il  fit  écriir 
par  Chavigni  à  de  Noyers,  qu'il  priait  Sa 
Maje.sié  de  ne  pas  risquer  sa  santé  poui 
venir  le  voir;  «ce  n'est  pas,  ajoutait-il. 
que  S.  Em.  ne  désirast  que  le  roy  en  les- 
moignast  quelque  envie  devant  le  monde, 
et  qu'il  parust  que,  s'il  n'avoit  pas  pris  ce 
détour,  la  supplication  de  S.  Em.  de  ne 
se  point  remettre  dans  un  aussy  mauvais 
air  que  ccluy  de  Narbonne,  l'en  avoit  em- 
pesché.  »  (Lettre  du  i5  may,  Aff.  étrang. 
France,  janvier-mai,  fol.  338.) 


952  LETTRES 

bientost  de  son  mal,  et  j'ose  luy  respondre  qu'elle  sortira  heureuse- 
ment des  mauvaises  affaires  qu  elle  a  maintenant. 

Sa  Majesté  ayant  autant  de  tendresse  pour  ses  créatures  qu  elles  ont 
d'excès  de  passion  pour  sa  personne,  et  autant  de  confiance  en  elles 
qu'elles  en  prendront  éternellement  en  sa  bonté,  elles  mettront  avec 
contentement  mile  vies,  si  elles  en  avoient  autant,  pour  le  servir 
et  pour  luy  plaire.  Elle  adjoustera,  s'il  luy  plaist,  d'autant  plus  de 
foy  à  cette  vérité  qu'elle  sera  confirmée  par  toutes  leurs  actions. 


CCCCXC. 

Bibl.  iinp.  fonds  Sainl-Germain-Harlay ',  35i,  foi»  102.  —  Copie. 

Saint-Germain,  loaS,  fol.  Sg.  —  Copie. 

Missions  étrangères,  170,  volume  non  chiffré.  —  Copie. 

[MÉMOIRE  POUR  LE  ROI'.] 

[Dans  les  derniers  jours  de  juin.l 

Le  roy  n'ayant  point  accoustumé  de  partir  des  lieux  où  il  porte  sa 
personne  sans  pourveoir  à  tout  ce  qui  est  néce.ssaire  à  leur  seureté , 
la  prudence  veult  qu'il  continue  plus  que  jamais  cette  pratique  en 
cette  occasion. 

Pour  cet  efîect,  il  est  absolument  nécessaire  de  faire  tout  ce  qui 
est  requis  pour  s'asseurer  la  Catalongne  et  le  Roussillon;  et,  qui  plus 
est,  pour  garantir  ces  provinces  de  la  ruine  que  le  roy  d'Espagne 
y  pouroit  faire,  quand  mesme  il  ne  pouroit  e.sbranler  leurs  esprits  et 
leurs  cœurs. 

Deux  choses  sont  grandement  nécessaires  :  l'establissement  d'un 
vice-roy  qui  est  faict  [sic]  comme  celuy  des  Gouverneurs  des  Pays- 
Bas  dans  les  places,  ce  qui  fera  veoir  au  peuple  que  le  roy  luy  veult 
absolument  tenir  sa  paroUe. 

Je  suivrai  la  copie  de  Harlay,  à  moins  ^  Le  roi  quitta  Montfrin  le  3o  juin;  ce 

que  les  autres  ne  donnent  par  hasard  un         mémoire,  auquel  les  mss.  ne  donnent  point 
sens  plus  exact.  (Voy.  p.  945,  note  1.)  dedate.dutluiêtreenvoyépeuauparavant. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  953 

Ensuitte  il  est  à  considérer  que  jamais  la  Catalongne  el  le  Rous- 
sillon  ne  seront  entièrement  asseurez  au  roy  qu'on  n'ayt  pris  Tor- 
toze,  Tarragone  et  Roze.  Or,  comme  ces  trois  choses  sont  impossi- 
bles ensemble,  la  question  est  par  l'attaque  de  laquelle  il  faut  com- 
mancer. 

Beaucoup  estiment  que  c'est  par  Roze.  Je  serois  de  prime  abord 
de  leur  advis;  mais  considérant  que,  jusques  à  ce  que  Tortoze  et  Tar- 
ragone soient  pris,  ou  au  moins  Tortoze,  les  Catelans  seront  en  per- 
pétuelle appréhension  d'estre  opprimez,  et  ne  pourront  subsister 
sans  beaucoup  de  gens  de  guerre  qui ,  vivans  en  leur  pays  pour  les 
deffendre,  ne  le  sçauroient  faire  sans  les  incommoder  (cette  raison 
est  d'autant  plus  pressante  que  Barcelonne  et  tout  le  pays  n'est  es 
mains  du  roy  qu'en  tant  que  ses  habitans  luy  seront  affectionnez), 
j'estime  qu'il  vault  mieux  commencer  par  l'alfaque  de  Tortoze  que 
par  Roze. 

Une  seconde  raison  me  confirme  en  cette  opinion,  qui  est  que  le 
siège  de  Roze  ne  se  pouvant  faire  sans  diminuer  l'armée  de  M'  de  La 
Mothe  apparemment,  ensuitte  il  ne  seroit  pas  assez  fort  pour  résis- 
ter à  tous  les  esforts  que  l'Espagne  pouroit  faire  au  préjudice  de  la 
Catalongne. 

Or  parce  que  ce  n'est  pas  assez  de  garantir  la  Catalongne  de  ruine , 
mais  qu'il  en  faut  faire  autant  du  Roussillon,  j'estime  que,  pendant 
le  siège  de  Tortoze,  M''  de  Turenne  doit  demeurer  dans  le  Rous- 
sillon, avec  trois  mil  hommes  de  pied  et  quatre  cens  chevaux,  pour 
faire  faire  bien  dilligemment  un  bon  fort  au  lieu  que  luy-mesme 
a  recogneu  proche  de  Roze,  par  le  moyen  duquel  tous  demeurent 
d'accord  que  les  ennemis  ne  sçauroient  faire  aucune  course  dans 
le  pays. 

Tout  ce  qui  est  à  craindre  dans  ce  dessein ,  et  que  je  croy  inévitable , 
est  que,  quelque  fort  qu'il  fasse,  il  sera  seulement  bon  pour  résister  à 
la  garnison  ordinaire  de  Roze,  mais  non  aux  forces  estrangères  qui 
pourroient  descendre  par  mer,  si  ce  n'est  qu'il  y  ait  un  bon  corps 
d'infanterie  retranché  derrière. 


CABDIH.  DE  BICBELIED.  VI. 


954  LETTRES 

Cet  advis  est  d'autant  plus  fondé  que,  par  le  moyen  de  deux  naille 
chevaux  qui  sont  dans  le  Roussillou,  on  acquiert  la  liberté  de  dis- 
poser de  quinze  cens,  nécessaires  soit  en  Guienne,  soit  en  Bour- 
gongne,  soit  pour  pousser  Monsieur,  s'il  ne  veut  ny  venir  trouver  le 
roy,  ny  sortir  des  lieux  où  il  peut  faire  mal. 

Cet  advis  est  soubmis  à  celuy  que  Sa  Majesté  voudra  prendre  après 
avoir  receu  celuy  que  M"  les  généraux  qui  commandent  dans  le  Rous- 
sillon  et  Catalongne  estimeront  sur  ce  sujet. 

11  n'y  a  rien  à  faire  pour  le  Languedoc ,  la  province  estant  couverte 
de  la  Catalongne  et  du  Roussillon,  et  tous  les  esprits  y  estans  en  la 
disposition  qu'on  les  peut  souhaitter. 

Quand  à  la  Provence,  M''  le  comte  d'Alaix  n'y  souhaitte  que  deux 
choses,  l'esloignement  du  premier  président,  et  la  fortiffication  de 
Toulon  et  d'Antibes.  Le  roy  a  pris  résolution  sur  le  faict  du  premier 
président^;  reste  à  pourveoir  aux  fortiffications,  ce  que  je  croy  qu'il 
faut  faire. 

11  me  semble  qu'il  est  fort  aisé  de  mettre  le  Dauphiné  en  Testât 
qu'on  le  peut  souhaitter,  le  temps  présent  ne  requérant  autre  chose 
sinon  que  le  roy  exécutte  une  résolution  qu'il  prist  dès  la  mort  de 
M""  le  Comte,  de  donner  le  gouvernement  à  M"  de  Lesdiguière,  en  se 
réservant  la  prononciation  des  arrests,  et  la  nomination  aux  charges 
et  offices. 

Le  Parlement  désireroit  bien  que  le  gouverneur  fust  aussy  privé 
de  la  préséance  qu'il  a  sur  luy,  mais  je  n'estime  pas  que  le  service 
du  roy  le  requière,  cette  compagnie  ayant  plus  tost  besoin  d'estre 
abhaissée  qu'eslevée. 

Si  Sa  Majesté  veut  ensuitte  pourveoir  de  la  lieutenance  du  roy 
dans  le  Roussillon,  je  croy  qu'elle  fera  tout  ce  qu'elle  peut  faire  pour 
son  service,  en  cette  province,  y  laissant  un  gouverneur  et  un  lieu- 
tenant du  roy  du  tout  affectionné. 

Il  n'y  a  rien  à  faire  pour  le  Lionnois,  le  roy  ayant  de  nouveau  obligé 

'  Ci  dessus,  p.  g/il. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  955 

le  marquis  de  Villeroy  à  bien  servir  pour  le  bienfaict  qu'il  vient  de 
recevoir  de  Sa  Majesté. 

L'Auvergne  requiert  un  chef,  mais  je  n'en  sçay  point  en  France 
capable  d'une  si  grande  charge;  et  cependant  il  sera  du  tout  néces- 
saire d'y  pourveoir.  Sur  ce  sujet  le  temps  donnera  plus  de  lumières 
qu'on  n'en  a  à  présent. 

■     Pour  ce  qui  est  de  la  Guienne,  si  les  ennemis  y  font  une  descente 
M'  d'Arpajon  n'est  point  capable  de  souslenir  cet  esfort. 

La  personne  du  mareschal  de  La  Force  pouroit  passer  dans  la  pen- 
sée; mais  outre  que  l'expérience  a  faict  cognoistre  que  son  âge  a  beau- 
coup diminué  sa  capacité,  il  me  semble  qu'il  est  bon  d'esviter,  tant 
qu'on  pourra ,  de  mettre  des  forces  qui  seront  presque  toutes  hugue- 
noltes  entre  les  mains  d'un  chef  zélé  à  cette  religion,  principalement 
en  un  lieu  fort  esloigné  de  Sa  Majesté  et  où  elle  n'a  point  de  corps 
d'armée  composé  de  ses  vieilles  troupes  catholiques,  ensuitte  de  la 
cognoissance  qu'on  a  que  M'  le  Grand  a  tasché  d'esmouvoir  leurs 
esprits  de  tous  costez. 


CCCCXCI. 

Arcli.  des  Aff.  élr.  France,  i6/i3,  juin-août,  loi.  i(i~.  — 

Original  de  la  main  de  Charpentier. 

Bibl.  imp.  fonds  Sainl-Germain-Harlay,  35i,   fol.   i  i4  v°.  — 

Saint-Germain,  ioa3,  fol.  53  v°. — 

Missions  étrangères  ,170,  volume  non  chiffré.  —  Copie. 

A  M"  DE  CHAVlGiM  ET  DE   NOYERS'. 

DeTarascon,  ce  dernier  juin  1642. 

Je  prie  Dieu  que  le  roy  fasse  bon  voyage  et  ceux  qui  l'accompagnent 


aussv. 


'  L'original  ne  porte  point  de  suscrip-  pi.sles  de  Harlay  et  de  Sainl-Gerinain  ont 
tien  ;  mais  une  noie  de  réception  est  écrite  rais  en  tète  le  nom  des  deux  secrétaires 
au  dos ,  de  la  m.iin  de  Cliavigni ,  et  les  co-         d'état. 


956 


LETTRES 


L'escrit  de  M'  de  La  Rivière  est  bien.  J'ay  veu  la  response  qu'il  faut 
mettre  en  bas;  j'y  ay  changé  seuUement  un  comme  en  ainsy,  bien 
que  le  comme  fust  en  mon  premier  mémoire  et  qu'il  ne  fust  pas 
mauvais  ^ 

Je  ne  fais  point  de  difficulté,  si  le  roy  le  trouve  bon,  de  donner 
parolle  à  M'  de  La  Rivière,  que  Monsieur  desclarant  au  roy  tout  ce 
qu'il  sçait,  par  escrit,  sans  réserve,  venant  voir  Sa  Majesté  devant  que 
sortir  du  royaume,  selon  la  proposition  que  vous  en  a  faicte  ledict 
s""  de  La  Rivière ,  Sa  Majesté  le  laissera  aller  librement  sans  qu'il  reçoive 
mal,  s'il  sort  du  consentement  du  roy.  Venize  est  une  bonne  demeure; 
et,  en  ce  cas,  il  faut  que  la  permission  qu'il  demandera  au  l'oy  de 
sortir  porte  :  "  Pour  ne  venir  en  France  que  lorsqu'il  plaira  au  roy 
nous  le  permettre  et  nous  l'ordonner.  » 

Quand  à  l'argent,  je  croy  qu'il  se  doit  contenter  de  ce  que  le  roy 
d'Espagne  luy  devoit  donner,  sçavoir  est,  dix  mil  escus  par  mois; 
car  luy  donner  plus  c'est  luy  donner  moyen  de  mal  faire.  Et  le  roy 
ne  pouvant  consentir  qu'il  mène  avec  luy  les  mauvais  esprits  qui  l'ont 
perdu,  il  n'a  pas  besoin  de  davantage  pour  luy  et  pour  les  gens  de 
bien.  Cependant^  s'il  faut  luy  faire  toucher  jusques  à  4o  mille  livres 
je  ne  croy  pas  qu'il  faille  s'arrester  pour  peu  de  chose. 


'  Voici  cette  réponse  qu'avait  dictée 
Riclu'lieu  à  Chavigni,  pour  être  transcrite 
par  le  roi  ;  c'est  la  première  version ,  la 
correction  du  comme  en  ainsy  que  n'a  pas 
encore  été  faite  :  «  Après  ce  que  le  s'  de 
La  Rivière  m'a  déclaré  de  la  part  de  mon 
frère,  je  désire  qu'il  le  retourne  trouver 
pour  luy  dire  que ,  s'il  m'envoie ,  par  escrit , 
toutes  les  choses  dans  lesquelles  il  s'est 
engagé  et  ausqudtes  on  l'a  voulu  porter 
contre  mon  service,  et  qu'il  me  déclare 
franchement  tout  ce  qu'il  sçait,  sans  rien 
réserver,  il  recevra  des  effects  de  ma  bonté, 
comme  il  en  a  desjà  receu  plusieurs  fois 

*  Le  roi  parût  ce  m^me  jour  de  Montfrin. 


par  le  passé.  Je  désire  que  ied.  s' de  La  Ri- 
vière m'apporte  promptement  response, 
et  qu'il  vienne  au  devant  de  moi  *.  Du 
3ojuin  16/42.  »  —  Cetle  minute, sans  date, 
a  été  classée  par  erreur  au  17  juillet  dans 
le  ms.  des  AIT.  élr.  France,  101  ;  elle  se 
trouve  en  copie  à  la  Bibl.  imp.  dans  les 
trois  mss.  cités  aux  sources. 

'  «S'il  faut  pousser  jusques  à  quatre 
cens  mil  livres  »  (copies  des  manuscrits  de 
Harlay  et  de  Saint  Germain).  C'est,  en 
d'autres  termes,  ce  que  dit  notre  origi- 
nal ;  Zio.ooo  "  ajoutées  à  10,000  écus  par 
mois. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU. 


95: 


J'allendray  la  lettre  que  vous  me  mandés  du  roy  '  ;  plus  il  me  don- 
nera d'authorité  et  me  fera  de  grâces,  plus  en  useray-je  avec  modé- 
ration. Je  suis  entièrement  à  ceux  qui  m'aiment  comme  vous^. 


ccccxcn. 

Bibl.  irup.  fonds  Saint-Gennain-Harlay,  35 1,  fol.  lai  v°.  —  Copie.  — 

Saint-Germain,  loaS,  fol.  64-  —  Copie.  — 

Missions  étrangères,  170,  volume  non  chiffré.  —  Copie. 

[A  M.  DE  CHAVIGM?] 

De  Tarascon,  ce  dernier  juin  '  ibia. 

Quoy  qu'on  ayt  faict  pour  porter  Monsieur  à  donner  une  ingénue 


'  Chavigni  avait  écrit  à  Richelieu  le 
malin  du  3o  juin ,  avant  le  départ  de  Mont- 
frin ,  pour  lui  envoyer  la  réponse  du  roi 
à  mettre  au  bas  du  mémoire  apporté  par 
l'abbé  de  La  Rivière.  «  Le  roy,  mandait 
Chavigni ,  escrira  très-volontiers  la  lettre 
que  je  luy  ay  proposée  d'envoyer  à  Mon- 
steigneur  pour  le  laisser  en  toute  autorité; 
et  il  le  fait  de  la  meilleure  grâce  du  monde. 
M*'  le  cardinal  Mazarin  la  perlera  demain 
à  S.  Em.  »  (Manuscrits  cités  aux  sources.) 
Le  soir  du  même  jour,  Louis  XIII,  arrivé 
à  Bagnols,  signa  cette  lettre  attendue  avec 
quelque  impatience.  Le  roi  y  transmet  tem- 
porairement à  son  minisire  presque  tous  les 
pouvoirs  de  la  royauté  :  •  Ayant  une  con- 
fiance entière  en  vous,  mon  intention  est 
que  vous  faciès  en  ce  pays  les  choses  qui 
regarderont  mon  service  avec  la  mesme 
autorité  que  si  j'y  estois;  que  les  ordres 
que  vous  envoierés ,  soit  dans  les  pro- 
vinces de  deçà ,  soit  au  dehors  de  mon 
royaume,  à  mes  lieutenans  généraux  d'ar- 
mée, ou  à  mes  ministres,  soient  aussy 
punctuellement  exécutés   que  les  miens 


propres;  et  que  vous  pourvoies  aux  choses 
pressées  sans  m'en  donner  advis.  »  —  Si 
Richelieu  n'a  pas  dicté  cette  lettre ,  il  en  a 
du  moins  indiqué  aux  confidents  qu'il  avait 
auprès  du  roi  les  points  principaux.  (Voy. 
ci-dessus  les  lettres  à  de  Noyers,  p.  940, 
et  à  Chavigni,  p.  946.)  —  La  minute,  de  la 
main  de  Chavigni,  est  conservée  aux  Aff. 
étr.  France  ,101,  sans  date ,  et  classée  fau- 
tivement, comme  le  projet  de  réponse  à 
La  Rivière,  au  17  juillet,  fol.  343.  Une  co- 
pie, qui  se  trouve  dans  le  même  volume, 
fol.  i46,donnelavéritabledate.  Laminule, 
de  la  main  de  Chavigni,  est  sur  la  même 
page  où  ce  secréiaire  d'État  avait  déjà  ?crit 
la  réponse  du  roi  au  message  de  La  Rivière. 
Le  P.  GriiFet  a  imprimé  cette  curieuse  lettre 
de  Louis  XIII;  Aubery  l'avait  di'jà  publiée, 
t.  V  de  lédition  in-ia  des  mémoires. 

^  On  a  mis  dans  les  copies  la  signature 
ordinaire  de  Richelieu  ;  c'est  une  addition 
inintelligente  des  copistes,  qui  n'ont  pas 
fait  attention  que  depuis  plusieurs  mois 
Richelieu  ne  signait  plus. 

'  Nous  n'avons  trouvé  ni  la  minute,  ni 


958  LETTRES 

confession,  bien  que  La  Rivière  ayt  intérest  qu'il  la  donne,  la  cognois- 
sance  que  j'ay  de  ce  personnage  faici  que  je  ne  puis  croire  qu'il  le 
fasse.  Ou  il  desguisera  le  traicté  d'Espagne,  ou  il  en  taira  les  princi- 
pales conditions,  ou  il  ne' dira  pas  ses  complices;  enfin  ma  pensée 
est  que  sa  confession  sera  delTectueuse.  Auquel  cas  il  fault  que  M'  de 
Nouailles  '  parle  sans  perdre  un  moment  de  temps,  estant  besoin, 
pour  cel  effect,  qu'on  le  fasse  advancer  autant  qu'on  pourra,  en  un 
poste  advantageux  pour  le  juste  dessein  qu'a  le  roy,  au  tas  que  Mon- 
sieur ne  veuille  pas  faire  ce  qu'il  doit. 

Si  Monsieur  donne  une  bonne  et  entière  confession,  deux  choses 
sont  à  remarquer;  la  première,  qu'il  fault  qu'il  donne  l'original  du 
traicté  qu'il  a  faict,  au  deffaul  de  quoy  la  confession  ne  peut  estre  esti- 
mée entière.  La  deuxiesme  est  qu'il  y  a  grande  différence  entre  laisser 
sortir  Monsieur  du  royaume,  et  luy  donner  de  quoy  vivre  estant  de- 
hors, ou  autoriser  sa  sortie  par  acte,  et  convenir  avec  luy,  par  mesme 
voye,  qu'on  luy  donnera  ce  qu'il  recevra;  il  fault  faire  le  premier  et 
non  le  second. 

Monsieur  doit  demander  permission  de  sortir,  et  le  roy  doit  res- 


i'origiiial  de  celte  lettre,  à  laque'le  les  co- 
pistes donnent  la  date  du  dernier  juin. 
Ecrite  quelques  heures  après  la  précé- 
dente, elle  témoigne  du  peu  de  confiance 
qu'avait  Richelieu  dans  le  caractère  de 
Monsieur,  et  dans  l'intervention  de  La  Ri- 
vière. Ce  pauvre  négociateur  avait  encore 
donné  sa  mesure  la  veille  dans  une  au- 
dience du  roi ,  doniChavigni  rend  compte 
à  Richelieu  :  «  Le  roy  parla  hier  à  M.'  de  La 
Rivière  aussy  bien  etaussy  fortement  qu'on 
le  pouvoil  désirer.  Il  luy  fist  mettre  par 
escrit  et  signer  tout  ce  qu'il  luy  dist  de  la 
part  de  Monsieur,  ainsy  que  S.  Em.  verra 
par  la  copie  que  je  luy  envoie;  et  lorsqu'il 
fist  difficulté  d'obéir  aux  commandemens 
de  S.  M.  elle  luy  parla  en  niaistrc;  et  il 
eut  si  grande  peur  qu'on  l'urresla-t  qu'il 


luy  prist  presque  une  défaillance,  et  en- 
suittc  une  espèie  de  choiera  niorbiis  dont 
il  a  esté  guéry  en  luy  rassurant  l'esprit.  » 
Celte  lettre  de  Chavigni,  écrite  avant  le 
départ  de  Montfrin,  dès  le  malin  du 
3ojuin,  fut  remise  à  Richelieu  avant  qu'il 
eût  fait  ses  Icllres  du  môme  jour.  On  la 
trouve,  en  copie,  à  la  Bibl.  imp.  dans  les 
trois  manuscrits  cités  aux  sources,  ainsi 
qu'une  autre  lettre  datée  de  Bagiiols',  le 
i"  juillet,  où  Chavigni  disait;  «Tout  ce 
qui  est  dans  le  deuxiesme  mémoire  de 
S.  Em.  du  dernier  juin  sera  fait  de  point 
en  point.  » 

'  Le  manuscrit  du  fonds  de  Saint- 
Germain  met  ;  «  M'  de  Navaillcs.  •  C'est 
une  erreur  que  l'aulre  manuscrit  a 
évit' e. 


DU  CARDINAL  DE  RICHELIEU.  959 

pondre  que  le  meilleur  conseil  qu'il  devroit  prendre  est  de  le  venir 
trouver;  mais  qu'il  a  la  bonté  de  ne  l'y  pas  forcer;  et,  en  ce  cas,  don- 
ner ordre  aux  passages  qu'on  le  laisse  passer'. 

Vous  estes  trop  clairvoyant  pour  ne  pas  juger  qu'il  en  faut  user 
ainsy  affin  d'avoir  la  liberté  d'asseurer  le  royaume,  et  le  garantir 
pour  jamais  de  pareilles  légèretés  à  celles  où  Monsieur  est  tombé 
par  cinq  fois. 

M'  le  comte  de  La  Trinité  va  trouver  le  roy  de  la  part  du  prince 
Thomas;  je  l'ay  veu  et  entretenu  :  il  promet  merveilles  de  la  part 
de  son  maistre^ 


'  On  voulait  bien  donner  à  Monsieur  la 
permission  de  sortir  du  royaume,  mais  on 
craignait  beaucoup  qu'il  ne  la  prit.  De 
Noyers  qui,  le  3o  juin  au  soir,  informait 
Richelieu  de  l'arrivée  du  roi  à  Bagiiols, 
m^-tlait  dans  sa  lettre  :  «  L'on  fait  les  ordres 
partout  pour  empesclier  la  sortie  de  Mon- 
sieur hors  du  royaume.»  (Mss.  cités  aux 
sources.) 

'  Un  traité  avait  été  conclu  récemment 
entre  la  France  et  la  Savoie;  il  y  en  a  plu- 
sieurs copies,  dans  les  tomes  35  et  36  des 
manuscrits  de  Turin,  aux  archives  des  Af- 
faires étrangères.  La  ralilicalion  du  roi,  en 
original  sur  parchemin  ,contre-signée  Bou- 
ihiilier  et  datée  de  Monlfrin,  le  22  juin, 
est  classée  au  fol.  170;  et  celles  du  cardinal 
de  Savoie  et  du  prince  Tiiomas  sont  aux 
fohos  i65  et  169.  Après  la  visite  dont 
il  est   ici  question,  Richelieu   écrivit  au 


prince  Thomas  pour  le  féliciter  de  l'ac- 
commodement conclu  entre  les  princes  de 
Savoie  et  Madame;  il  en  fit  aussi  compli- 
ment à  cette  princesse,  obicn  qu'il  y  ait 
beaucoU|)  à  redire  au  traité  qui  a  esté 
failavec  M"  vos  beaux-frères,  u  —  Richelieu 
profite  de  l'occasion  pour  tâcher  d'avoir 
un  témoin  de  plus  contre  le  duc  de  Bouil- 
lon. «Nous  ayant  esté  raporté  confidem- 
ment,  écrit-il  à  la  duchesse,  que  M'  de 
Bouillon  espéroit  porter  V.  A.  à  favoriser 
ses  mail  vais  desseins ,  je  me  sentirois  extres- 
mement  obligé,  en  mon  particulier,  si  elle 
me  vouioil  faire  la  faveur  de  me  faire  part 
des  discours  qu'il  luy  a  tenus  sur  ce  sujet, 
et  ce  qu'elle  a  peu  pénétrer  de  ses  inten- 
tions, u  Ces  deux  lettres  sont  sans  date;  je 
les  classe  aux  Analyses  vers  le  commence- 
ment de  juillet.  (Voy.  ci-dessus,  p.  947, 
note  a.) 


FIN   DU  SIXIEME  VOLUME. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


NUMEROS 
des 

PIÈCES. 


DATES. 


SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


I. 

II. 

m. 

IV. 
V. 
VI. 

vu. 

VIII. 
IX. 
X. 
XI. 

XII. 
XIII. 

XIV. 

XV. 

XVI. 

XVII. 

XVIII. 

XIX. 

XX. 

XXI. 

XXII. 

XXIII. 

XXIV. 

XXV. 


i"  janvier. 
I  I  janvier. 
Vers  le  30  janvier. 
[i]  février. 
9  février. 
I  2  février. 
i5  février. 
[22  février.] 

U  mars. 

[10  mars.] 

Un  peu  avanl  le 

18  mars. 

2  I  mars. 

2  3  mars. 
.  .  .  mars. 

Vers  le  20  avril. 
22  avril, 
a 8  avril. 
3()  avril. 
3o  avril, 
i"  mai. 
3  mai. 

5  mai. 

6  mai. 

7  mai. 
7  mai. 


ANNEE   1638. 

[Lellre  à  la  reine  d'Angleterre]. 

Lettre  à  M.  de  Chartres 

[Lettre  an  père  Binel] 

[Letire  à  M.  Le  Gras  ?] 

Lettre  à  M.  Tubeuf 

Letire  du  roi  à  M.  de  Bellièvre  . 

Lellre  au  duc  de  Weymar 

[Lettre  à  M.  Boulliillier] 

Pour  M.  Boulliillier 

Pour  M.  Bouthillier 

Letire  à  madame  de  Chevreuse. 


Leltre  à  M.  de  Loynes 

Leltrc  à  M.  le  commandeur  de  La  Porte . 

Response   aux    propositions   faites    par 
M.  Grotius 

Letire  au  roy 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Leltre  à  M.  de  Cliavigny 

Pour  M.  de  Cliavigny 

Pour  M.  de  Chavigiiy 


Pour  M.  de  Cliavigny  .  .  .  . 

Lellre  à  M.  Le  Gras 

Pour  M.  de  Cliavigny 

[Leltre  à  M.  de  Cliavigni]. 

Pour  M.  de  Chavigny 

[Lellre  à  M.  de  Chavigni]. 


3 

k 
6 
8 
8 

9 
12 

i4 
\b 
16 
'7 

18 
20 

21 

24 

25 

27 
28 

29 
3o 

32 

33 

37 
38 


CAIIDIN.  Di;  niCIIELIEC. 


962 


TABLE  DES  MATIERES, 


NUMEROS 

des 

PIÈCES. 


XXVI. 

XXVII. 
XXVIII. 

XXIX. 

XXX. 

XXXI. 

XXX  il. 

XXXIII. 

XXXIV. 

XXXV. 

XXXVI. 

XXXVIJ. 

XXXVIII. 

XXXIX. 

XL. 

XLI. 

XLII. 

XLIII. 

XLIV. 

XLV. 

XLVI. 

XLVII. 

XL  VIII. 

XLIX. 

L. 

LI. 

LU. 
LUI. 

LIV. 

LV. 

LVI. 
LVII. 
LVIII. 

LIX. 

LX. 


DATES. 


8  mai. 

9  mni. 

1  7  mni. 

2  2  mai. 

3  5  mai. 
29  mai. 

.  .  .  mai. 
18  juin. 
20  juin. 
2  juillet. 

7  juillet, 

8  juillet. 
iG  juillet. 

16  juillet. 

17  juillet. 
19  juillet. 

19  juillet. 

20  juillet. 
20  juillet. 
20  juillet. 

24  juillet. 

25  juillet. 
[26]  juillet. 

27  juillet. 

2  août. 

3  août. 
3  août. 

10  août. 

1 1  août. 
i3  août. 
16  août. 
16  août. 
18  août. 
18  août. 

.   18  août. 


SIISCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Lettre  à  M.  Doradour 

Lettre  à  M.  Chapclan 

Pour  M.  de  Chavigny 

Mémoire  à  M.  le  mareschal  d'Estrées.    . 

Lettre  au  prevo."!!  des  marchands 

Lettre  au  cardinal  de  La  Valette 

Lettre  au  mareschal  d'Estrées 

Lettre  au  mareschal  d'Estrées 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  au  cardinal  de  La  Valette 

Lettre  au  cardinal  de  La  Valette 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  de  Bordeaux 

Mémoire  au  mareschal  d'Estrées 

Lettre  à  M.  Fortescuyère 

Lettre  au  cardinal  de  La  Valette 

Lettre  à  M.  le  Prince 

[Lettre  à  M.  Bouthillier] 

Lettre  à  M.  de  BulHon 

Lettre  à  madame  de  Chevreuse 

Lettre  du  roy  aux  mareschaux  de  La  Force 

et  de  Chastillon 

Mémoire  pour  madame  de  Lanssac .... 

Lettre  à  M.  Le  Gras 

Lettre  à  M^'  le  cardinal  de  La  Valette.  . 

Lettre  à  M*'  le  duc  d'Orléans 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Pour  M.  Bouthillier 

Lettre  à  M.  de  Brézé 

Lettre  à  M.  le  procureur  général 

Lettre  à  M.  le  Prince • 

Lettre  à  M.  de  Bellièvre 

[Lettre  au  roi] 

Pour  M.  de  Chavigny 

Pour  M.  de  Chavigny 


PAGES. 


39 
4o 

lx\ 

hi 
48 

^9 
5i 

52 

55 
56 

57 

59 
60 

61 
64 
65 
67 
68 

69 


72 
73 
75 

77 

79 
«o 
81 
82 
83 
86 

87 
88 

90 
92 
9^ 


TABLE   DES   MATIÈRES. 


963 


NUMEROS 

des 

DATES. 

riECKS. 

LXI. 

2  1  août. 

LXll. 

ai  noûl. 

LXIII. 

2  1  août. 

LXIV. 

22  août. 

LXV. 

22  août. 

LXVI. 

23  août. 

LXVIf. 

23  août. 

LXVUI. 

23  août. 

LXIX. 

2 4  août. 

LXX. 

25  août 

LXXI. 

25  août. 

LXXII. 

26  aoûl. 

LXXIII. 

27  aoûl. 

LXXIV. 

37  août. 

LXXV. 

2  g  août. 

LXXVJ. 

2g  aoûl. 

LXXVII 

3o  août. 

Lxxvin. 

3o  août. 

LXXIX. 

3o  août. 

LXXX. 

3i  aoûl. 

LXXXI. 

3i  août. 

LXXXII. 

3 

septembre. 

LXXXIII. 

3 

septembre. 

LXXXI  V. 

2 

septembre. 

LXXXV. 

3 

septembre. 

LXXXVI. 

.    3 

septembre. 

LXXXVII. 

4 

septembre. 

LXXXVilI 

/i 

septembre , 

ap 

h.  du  matin. 

LXXXIX 

5 

septembre, 

à  il. 

.après  minuit. 

xc. 

5 

septembre. 

XCI. 

6 

septembre. 

XCII. 

6 

septembre. 

XCIII. 

7 

septembre. 

XCIV. 

8 

septembre. 

SUSCRIPTIOXS  ET  SOMMAIRES. 


[Lettre  au  roi] 

Pour  M.  (le  Chavigny 

Pour  MM.  fie  BuUion  et  Bouthillier  .  . 

[Lettre  au  roi] 

Projet  d'instruction  pour  M.  de  Nantes 

Lettre  à  M.  le  Prince 

[Lçttre  à  M.  de  Cliavigni] 

Projet  de  l'interrogatoire  de  Manicamp. 

Lettre  à  Mazarin 

[  Lettre  au  roi] 

[Lettre  ci  M.  de  Chavigni] 

[  Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

Pour  le  roy 

Pour  M.  de  Chavigny. 

Pour  le  roy 

Lettre  à  M.  de  Chavigny 

Lettre  à  M.  de  Mande 

Lettre  au  roy 

Pour  M.  de  Chavigny 

[Lettre  au  roi] 

Pour  M.  de  Chavigny 

[Lettre  au  roi] 

[  Lettre  à  Chavigni] 

[Lettre  à  Chavigni] 

[  Lettre  à  Chavigni] 

[  Lettre  au  roi] 

Lettre  au  roy 

Pour  M.  de  Chavigny 

Pour  M.  de  Chavigny 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  le  marquis  de  Praslin 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni  ] 

Pour  M.  de  Chavigny 

Projet  d'interrogatoire  à  faire  à  M anicaiDp 


PAGES. 


95 

96 

98 

100 

io3 
io5 
107 
108 
109 
1 10 
1 13 
ii4 
ii5 
117 
118 
121 

123 
135 
135 

127 

129 

lu 
i36 
.37 
i38. 

ai 

i44 
i45 

i46 

i48 
1  5o 
i5i 

l53 

i53 


964 


TABLE  DES  MATIERES. 


NUMEROS 

des 

PIÈCES. 

xcv. 

XCVI. 
XCVII. 
XCVIII. 
XCIX. 

c. 

Cl. 

cil. 
cm. 
civ. 
cv. 

CVI. 
CVII. 
CVIII. 
CIX. 

ex. 

CXI. 
CXII. 
CXIII. 
CXIV. 

cxv. 

CXVI. 

CXVIJ. 

CXVIII. 

CXIX. 

cxx. 

CXXI. 

GXXII. 

CXXIII. 

CXXIV. 

CXXV. 

CXXVI. 

CXXVII. 


DATES. 


8  septembre. 
8  septembre. 
8  sepleinbrc. 
I  o  sepiembre. 
12  septembre. 
12  septembre. 
1  3  septembre. 
[i3  septembre.] 
i3  septembre, 
i/i  sepiembre. 
1^  septembre. 
i4  septembre. 
là  septembre. 
i4  septembre. 
i5  sepiembre. 
17  sepiembre. 
1 7  septembre. 
1  7  septembre. 

1 7  septembre. 

18  sepiembre. 
18  sepiembre. 

20  sepiembre. 

2 1  septembre. 

2 1  sepiembre. 

22  septembre. 
22  septembre. 
22  septembre. 

25  septembre. 

Vers  la  fin  de  sept. 

1"  Octobre. 

6  octobre. 

Après  le  5  octobre. 

16  octobre. 


SUSCBIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Pour  M.  de  Cliavigny 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

[Lettre  au  roi] 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

[Lettre  au  roi] 

Pour  M.  de  Chavigny 

Pour  M.  de  Cbavigny 

Pour  le  roy 

Lettre  à  M.  de  Cbavigny.  .  .  : 

[Lettre  à  M.  rarclievèque  de  Bordeaux]. 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  de  Bullion 

Lettre  au  roy 

Pour  M.  de  Chavigny 

[Lettre  au  roi] 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

Pour  M.  de  Chavigny 

[  Lettre  au  roi] 

[Lettre  au  roi] 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette.  .  . 

Lettre  à  M.  de  La  Valette 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

Copie  d'un  mémoire  envoyé  à  M.  de  Cha- 
vigny  

Lettre  au  !\.  P.  Feriiandez,  confesseur 
de  la  reine 

Factum  du  prince  de  Condé  sur  le  siège 

de  Fontarabie 

Lettre  au  duc  de  Vk'eymar 

Lettre  à  M.  de  Bellièvre 

Lettre  à  madame  Bouthillier 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette.  .  . 


PAGES. 


i55 

i56 
157 
i58 
159 
)6o 
i63 
.64 
16O 
170 
171 
172 
173 
174 
175 

>77 
«79 
181 
182 
i83 
18/i 
i84 
i85 
186 
■  87 
.89 

'9' 
192 

195 
209 

31  1 

2l3 
2l4 


TABI,E  DES   MATIERES. 


965 


NUMEROS 

des 

PIÈCES. 


CXXVIII. 
CXXIX. 

cxxx 

CXXXI. 
CXXXII. 
CXXXIII. 
CXXXIV. 
CXXXV. 
CXXX\I. 
CXXXVII. 
CXXXVIll. 
CXXXIX. 

CXL. 

CXLI. 

CXLII. 

CXLIII. 
CXLIV. 
CXLV. 
CXLVI. 
CXLVII. 
CXLVIII. 
CXLIX. 

CL. 

GLI. 
CLII. 
CLIII 
CLIV. 


DATES. 


16  octobre. 

2  I  octobre. 

22  octobre. 

29  octobre. 

2  g  octobre. 

i"  novembre 

4  novembre. 

4  novembre. 

8  novembre. 

8  novembre. 

8  novembre. 

10  novembre. 

i3  novembre. 

i5  novembre, 

i  b  heures  du  soir. 

Vers  le  conmi'  do 

la  a*  quinz*  de  nov. 

18  novembre. 
23  novembre, 
ag  novembre, 
i"  décembre. 
[  I  "  décembre.] 
17  décembre. 


Vers  la  lin  de  1 638 
Fin  de  i638. 


SUSCRIPÏIONS  ET  SOMMAIRES. 


Décembre. 
[Fin  de  i638.] 


Lettre  à  M .  le  Prince 

Lettre  au  roy 

Pour  M.  de  Bullion 

Lettre  du  roy  au  mareschal  d'Estrées.  .  . 
Lettre  du  roy  au  mareschal  d'Estrées.  .  . 

Pour  M.  de  Chavigny 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette.  .  .  . 
Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette .  .  . 

L'ttre à  M.  le  chancelier 

Lettre  au  P.  Bernard 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  de  Rennes 

[Lettre  à  M.  de  Bellièvre] 

Pour  M.  Bouthillier 


Lettre  à  Pujol. 


Mémoire  envoyé  à  M.  de  Bullion 

Pour  M.  Bouthillier .  . 

Lettre  à  madame  de  La  Valette 

Lettre  à  M*'  le  cardinal  de  La  Valette. .  . 
Lettre  à  madame  la  duchesse  de  Savoie. 

Lettre  à  Mazarin 

Mémoire  pour  M.  le  nonce,  touchant  les 
passe-ports  pour  la  paix 

Lettre  à  M.  le  comte  d'Alais 


Comptes  de  Loppès. 
Mémoire 


Mémoire  pour  estre  montré  à  madame  la 
duchesse  d'Elbeul' 


PAGES. 


217 
219 
222 

223 

225 
228 
229 
202 

234 
2  34 
235 
237 
238 
2  4o 

24l 

245 

248 
249 
25o 
a52 
a55 

a56 
2  58 
259 
261 
262 

263 


CLV. 

CLVL 


ANNEE  1639. 

6  janvier.  Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette .  .  . 

9  janvier.  Lettre  à  M.  d'Argenson 


265 
267 


966 


TABLE   DES  MATIERES. 


ÎSUMÎiUOS 

des 

DATES. 

SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 

PAGES. 

PIÈCES. 

CLVII 

10  janvier. 
[  lo  janvier.] 
[20  janvier.] 

[Lettre  à  M.  Bouthillicr] 

269 
271 

CLVIII. 

Lettre  à  M.  de  Bullion 

CLIX. 

Mémoire  pour  escrire  à  M.  de  Bellièvre. 

273 

CLX. 

24  janvier. 

Lettre  au  cardinal  de  La  \'alette 

276 

CLXI. 

.3ojanv.  à  4  heures 
après  luinuil. 

Pour  M.  de  Chavigny 

277 

CLXII. 

8  féviier. 

Lettre  à  M.  d'Estampes 

279 
280 

CLXIII. 

ik  février. 

Lettre  au  cardinal  de  La  Valette 

CLXIV. 
CLXV. 
CLXVL 

16  féviier. 
18  février. 
20  février. 

Lettre  à  M.  d'Estrades 

282 
283 
284 

Lettre  à  M.  de  Chaviçnv 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette. .  . . 

CLXVn. 

22  février. 

Lettre  à  M.  le  prince  d'Orange 

285 

CLXVIIL 

ik  février. 

Lettre  fi  M.  le  cardinal  de  La  Valette. .  .  . 

287 

CLXIX. 

Vers  la  fin  de  fév. 

Mémoire  pour  les  alTaires  de  Rome 

288 

CLXX. 

3  mars. 

Instruct.  à  M. le  mareschal  de  Scliomberg. 

290 

CLXXL 

17  mars. 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette  . .  . 

294 

CLXXn. 

17  mars. 

Le  roy  à  madame  la  duchesse  de  Savoye. 

297 

CLXXUI. 
CLXXIV. 

2  2  mars. 
26  mars. 

Instruction  à  M.  le  Prince 

299 
3o3 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette.  . . 

CLXXV. 

26  mars. 

Lettre  au  duc  de  Weymar 

3o4 

CLXXVI. 

29  mars. 

Mémoire  donné  à  M.  de  Chavigny,  tou- 

CLXXVII. 

3o  mar.«. 

chant  l'affaire  de  Gennes 

3o6 

307 

Lettre  à  M.  le  prince  d'Orange 

CLXXVIII. 

Vers  la  fin  de  mars. 

Projet  d'instruction  pour  le  &'  d'Estrades, 

CLXXIX. 

4  avril. 

allant  en  Hollande 

309 

[Paroles  préparées  pour  le  roi,  donnant 

CLXXX. 
CLXXXI. 

5  avril. 
8  avril. 

audience  à  M.  Germain] 

3ii 

3i2 

3i8 

Instruction  au  s'  d'Hémery 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette. . . 

CLXXXII. 

\k  avril. 

Mémoire  au  s'  de  La  Haye  Ventelel,  am- 

CLXXX m. 

20  avril. 

bassadeur  en  Levant 

320 

326 

Lettre  à  -M.  le  cardinal  de  La  Valette    . . 

CLXXXIV. 

2  3  avril. 

Brouillard  d'instruction  donnée  à  M.  d'Es- 

trades, allant  en  Hollande 

328 

CLXXXV. 

26  avril. 

Mémoire  à  M.  d'Hémery 

33 1 

CLXXXVI. 

28  avril. 

Lettre  à  M.  le  Prince 

334 

CLXXXVII. 

3o  avril. 

Lettre  au  roy 

335 

TABLE  DES  MATIÈRES. 


967 


MIMÉROS 

des 

DATES. 

piF.(;i;s. 

CLXXXVIII. 

Dernier  avril. 

CLXXXIX. 

3  mai. 

CXC. 

b  mai. 

CXCI. 

6  mai. 

CXCII. 

9  mai. 

CXCllI. 

i3  mai. 

CXCIV. 

1 1  mai. 

CXCV. 

1  7  mai. 

CXCVI. 

i8  mai. 

CXCVII. 

2  0  mai. 

CXCVIII. 

2  1  mai. 

CXCIX. 

3  3  mai. 

ce. 

23  mai. 

CCI. 

2 4  mai. 

CCII. 

a6  mai. 

CCIII. 

26  mai. 

CCIV. 

26  mai. 

CCV. 

3  juin. 

CCVI. 

3  juin. 

CCVil. 

8  juin. 

CCVIII. 

10  jum. 

CCIX. 

13  juin. 

CCX. 

i3  juin. 

CCXl. 

16  juin. 

CCXII. 

ic|  juin. 

CCXllI. 

19  juin, 

à  A  lieurcs  du  soir. 

CCXIV. 

19  juin, 

à  8  heures  du  soir 

CCXV. 

19  juin. 

GCXVI. 

19  juin. 

CCXVII. 

19  juin. 

CCXVIII. 

■2  1  juin. 

SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Lettre  à  M.  Boutliillier 

[Lettre  à  M.  de  Cliavigni] .....    ... 

[Lettre  à  M.  de  Cliavigni] 

[Lettre  à  M.  de  Cliavigni] 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  d'Hémery 

Lellre  à  MM.  de  Cliavigny  et  d'Hémery. 

Lettre  à  M.  le  grand  mai.stre 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette .... 

Lettre  à  M.  le  maresclial  d'Estrées,  am- 
bassadeur extraordinaire  à  Rome.,  .  . 

Pour  M.  Boutliillier,  surintendant  des 
finances ,  à  Paris , 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie , 

Lettre  à  MM.  de  Cliavigny  et  d'Hémery 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  MM.  de  Cliavigny  et  d'Hémery. 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette. 

Letti-e  à  M.  de  Chavigny 

Liltrc  à  M.  de  Cliavigny 

Lettre  du  roy  au  duc  de  Weymar 

Lettre  à  M.  de  Hlicims 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Mémoire  au  sieur  de  La  Haye,  ambassa- 
deur en  Levant 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 


Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie. 


Mémoire  pour  M.  le  grand  maistre  de  l'ar- 
tillerie  

Lettre  à*" 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  comte  de  Piccoloniini. .  .  . 


336 
337 
34 1 
343 
Ub 
347 
35 1 
354 
356 

357 

36o 
36i 
363 
36/j 
366 
370 
372 
373 
376 
378 
38o 
38o 

382 
387 
389 
39. 

391 


392 
396 


968 


TABLE   DES  MATIERES. 


NUMÉROS 
des 

PIÈCES. 

DATES. 

SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 

PAGES. 

CCXIX. 

ccxx. 

CCXXI. 
CCXXII. 
CCXXIII. 
CCXXIV. 

ccxxv. 

CCXXVI. 

CCXXVII. 

CCXXVIII. 

CCXXIX. 

CCXXX. 

CCXXXI. 

CCXXXII. 
CCXXXIII. 
CCXXXIV. 
CCXXXV. 

CCXXXVI. 

CCXXXVII. 

CCXXXVIII. 

CCXXXIX. 

CCXL. 

CCXLI. 

CCXLII. 

CCXLIII. 

CCXLIV. 

CCXLV. 

CCXLVI. 

2  1  juin. 
2  1  juin  au  soir. 
2  1  ou  2  2  juin. 

24  juin. 

•i.k  juin  au  soir. 

28  juin. 

3o  juin. 

Fin  (le  juin. 

5  juillet. 
5  [juillet]. 

6  juillet. 
6  juillet. 

8  juillet. 

8  juillet. 
8  juillet. 
12  juillet. 
1  2  juillet. 

\k  juillet. 

1 4  juillet. 

1  5  juillet. 

16  juillet. 
[20  juillet.] 

21  juillet. 

21  juillet. 

2 1  juillet. 

ik  juillet. 

27  juillet. 
[29  juillet.] 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

4oo 
4oi 
4o3 
kok 
4o5 
4o6 
407 

4o8 
An 

4l2 

4 16 

419 
420 
421 
422 

423 
43o 
43. 
433 
434 
437 
439 
44o 
44 1 
444 
.448 

45 1 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M  d'Areencour 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lctire  à  M.  de  La  Meilleraie 

Rai.sons  pour  lesquelles  le  roy  ne  peut 
donner  à  M.  de  Weymar  les  places  que 
S.  M.  tient  en  Alsace 

Lettre  à  M.  de  Bullion 

Lettre  à  M    de  Bullion       

Lettre  à  la  dutliesse  de  Savoie 

Mémoire  à  MM.  le  cardinal  de  La  Valette 
et  le  duc  de  Longueville,  comman- 
dant les  armées  du  roy  en  Italie,  et  au 
s'  d'Hémery,  ambassadeur  de  S.  M.  en 
Piémont 

Points  recommandés  au  s'  Mondain  par 

M.  le  cardinal  de  Richelieu 

Pour  M.  Bouthillier 

Lettre  <à  M*^'  le  cardinal  de  La  Valette.  .  . 
Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

.Mémoire   au   s'    tl'Avaux,    ambassadeur 

extraordinaire  en  Allemagne 

Lettre  à  M«'  le  cardinal  de  La  Valette. .  . 
Lettre  à  M.  de  Roquepinc .  . 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  au  mareschal  de  Cliaslillon 

Lettre  à  M.  le  ciirdlnal  de  La  Valette.  .  . 

Lettre  à  M.  de  Longueville 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette. .  . 
Lettre  à  M    de  La  Meilleraie 

[Lettre  aux  colonels  du  feu  duc  de  Wey- 
mar ]  

TABLE  DES  MATIERES. 


969 


NUMÉROS 

des 

DATES. 

SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 

PAGES. 

PIÈCES. 

CCXLVII. 
GCXLVIII. 

29  juillet. 

30  juillet. 

Lettre  à  M.  d'Erlac 

Z,53 
/.55 

Lettre  à  M.  le  prince  d'Orange 

CCXLIX. 

3i  juillet. 

Lettre  au  mareschal  de  La  Meilleraie. .  . 

A57 

CCL. 

3i  juillet. 

Instruction  donnée  au  s'  de  Heppe 

lihd, 

CCLI. 

1"  août. 

Lettre  à  M*'  le  cardinal  de  La  Valette. . 

463 

CCLII. 

g  août. 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

464 

CCLllI. 
CCLIV. 

10  août. 
10  août. 

Lettre  à  M    de  La  Meilleraie 

465 

Lettre  à  M.  le  commandeur  de  Guitaut, 

gouverneur  des  isles  de  Sainte-Mar- 

guerite et  Saint-Honorat  de  Lerins .  . 

466 

CCLV. 

I  /|  août. 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette.  .  . 

468 

CCLVl. 

1  6  août. 

Lfttre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette. .  . 

470 

CCLVII. 

18  août. 

Lettre  à  madame  de  Mantoue 

472 

CCLVIII. 

18  août. 

Lettre  à  Madame  de  Savoie 

473 

CCLIX. 

18  août. 

Instruction  à  M.  de  Cbavigny  allant  vers 

madame  de  Savoye 

474 

CCLX. 

18  août. 

Lettre  à  M.  de  Chavigiiy .  . 

478 

CCLXl. 

1 9  août. 

Lettre  à  M.  de  Chavigjiy. 

A79 

CCLXIl. 

19  août. 

Lettre  à  MM.  d'Erlach,Heim  et  de  Nassau. 

48 1 

CCLXIII. 

23  août. 

Lettre  au  mareschal  de  La  Meilleraie.. . 

48a 

CCLXIV. 

2^  août. 

Points  sur  lesquels  il  est  nécessaire  que 

le  s'  Du  Plessis  remporte  response .  .  . 

483 

CCLXV. 
CCLXVI. 

25  août. 
2  5  août. 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

487 
488 

Lettre  au  cardinal  de  La  Valette 

CCLXVII. 

27  août. 

[Lettre  à  M"  du  Conseil] 

49A 

CCLXVUl. 

28  août. 

Lettre  à  M.  l'Archevesque  de  Bordeaux, 

lieutenant  général  de  l'année 

^97 

CCLXIX. 

28  août. 

Lettre  pour  M.  Boutliillier,  le  surinten- 

CCLXX. 

2  septembre. 
2  septembre. 

dant 

5oo 
5oi 

Lettre  à  M.  Picolomini 

CCLXXI. 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette. . , 

5o2 

CCLXXII. 

2  septembre. 

Instruction  donnée  par  S.  M.  au  s'  Mon- 

dain, allant  vers  madame  de  Savoye. 

5o4 

ccLXXin. 

2  septembre. 

Lettre  à  madame  de  Savoye 

507 

CCLXXIV. 

k  septembre. 
6  .septembre. 

Lettre  à  M.  le  Prince 

507 
5io 

CCLXXV. 

[Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette]. 

CCLXXVl. 

. . .  septembre. 

[Lettre  à  M.  de  Bullion] 

5i5 



CAHDIN.    OB    niCHELIED.  —    VI. 


-970 


TABLE  DES  MATIERES. 


N'UMÉROS 

des 

DATES. 

SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 

TAGES. 

PIÈCKS. 

CCLXXVII. 

lo  septembre. 
10  septembre. 

Lettre  à  M.  d'EsIrades 

5i8 

Nota 

52  1 

CCLXXVIII. 

i5  septembre. 

17  septembre. 

18  septembre. 

Lettre  à  madame  de  Savoye 

527 

CCLXXIX. 

Lettre  à  M.  de  Bordeaux 

53o 

CCLXXX 

Lettre  à  M.  le  cardinal  de  La  Valette.  .  . 

53 1 

CCLXXXI. 
CCLXXXII. 

CCLXXXIII. 

CCLXXXIV. 

1 9  septembre. 

Un  peu  avant 
le  24  septembre. 

Un  peu  avant 
le  24  septembre 
[18  septembre.] 

Mémoire  pour  M.  de  Chavigny 

532 
534 

537 
538 

Mémoire  pour  le  roy 

Voyage  du  roy  à  Grenoble  pour  voir  ma 
dame  la  duchesse  de  Savoye  en  iGSg 

Nota 

559 
56i 
563 

568' 
569. 

CCLXXXV. 

3o  septembre. 

Lettre  à  M.  le  marquis  de  Leganez 

Nota 

CCLXXXVI. 
CCLXXX  VII. 

[Vers  le  commenc' 
d'octobre.] 

[Vers  le  commenc' 
d'octobre.  ] 

Lettre  à  M.  de  Chavigny  pour  parler  à 
l'ambassadeur  de  Gennes 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

GCLXXXVIII. 

6  octobre. 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Instruction  à  M.  le  Prince  sur  le  sujet 
du  s'  de  Saint-Aunnis 

572 
574 

577 
5  80 

GCLXXXIX. 
CCXC. 

16  octobre. 

1 7  octobre. 

Mémoire  au  s'  Du  Houssay,  ambassadeur 
à  Venise 

Instruction  pour  M.  le  comte  d'Harcourt. 

CCXCI. 

18  octobre. 

Mémoire  à  M.  de  Bellièvre,  ambassadeur 
en  Angleterre 

583 

CCXCII. 

[Vers  le  22  octob.] 

Accord  secret 

585 

ccxcm. 

22  octobre. 

Avis  sur  l'accommodement  des  princes 
de  Savoye  avec  le  roy 

587 
589 
593 

Nota 

Mémoire  pour  M.  le  duc  de  Parme.  .  .  . 

ccxciv. 

22  octobre. 

ccxcv. 

24  octobre. 

Mémoire  au  s'  de  La  Cour 

594 

ccxcvi. 

Vers  le  24  octobre. 

Lettre  à  M.  de  La  Meilleraie 

596 

ccxcvii. 

2  5  octobre. 

Lettre  à  madame  de  Savoye 

598 

ccxcviii. 

27  octobre. 

Lettre  à  M.  d'Argenson .  .  .  j 

599 

ccxcix. 

29  octobre. 

Mémoire  au  .s'  de  Belhèvre ,  ambassadeur 
en  Angleterre 

600 

TABLE  DES  MATIÈRES. 


971 


CCCXV. 


CCCXVI. 
CCCXVIl. 


NUMEROS 

. 

des 

DATES. 

l'ifecF.S. 

CGC. 

Dernier  octobre. 

ceci. 

i"  novembre. 

CCCII. 

2  novembre. 

CCCIII. 

20  novembre. 

CCCIV. 

22  novembre. 

CCCV. 

22   novembre. 

CCCVI. 

22  novembre. 

CCCVII. 

a 3  novembre. 

CCCVIII. 

a  5  novembre. 

CCCIX. 

28  novembre. 

CCCX. 

1"  décembre. 

CCCXI. 

2  décembre. 

CCCXII. 

3  décembre.  ' 

CCCXIII. 

9  décembre. 

CCCXIV. 

10  décembre. 

1 1  décembre. 


1  6  décembre. 
16  décembre. 


SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Mémoire  à  M.  le  comte  d'HarcourI ,  lieu- 
tenant général  du  roy  en  son  armée 
d'Italie ' 

Lettre  à  M   le  Prince 

Pour  M.  Boutiiillier,  surinlendant  des 
finances ,  à  Paris 

Mémoire  à  M.  le  comie  d'HarcourI.  .  .  . 

Lettre  à  M  le  baron  d'Ambres 

Instruction  de  M.  d'Estrades 

Instruction  particulière  pour  M.  d'Es- 
trades  

Addition  d'instruction 

Promesse  réciproque  entre  M.  le  cardinal 
de  Richelieu  et  le  prince  d'Orange .  . 

Inslruclion  au  s'  d'Oysonville ,  lieutenant 
au  gouvernement  de  Brisacli 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lellre  à  M.  de  Scbomberg 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Instruction  à  Jean-Baptiste  Cosquiel ,  tou- 
chant les  traités  projetés  avec  ceux  de 
Tunis  et  d'Alger 

Pour  M.  Boulhillier,  surintendant  des 
finances 

Mémoire  à  M.  le  maresclial  d'Estrées  sur 
la  mort  de  Rouvray 

Mémoire  pour  le  roy,  pour  respondre  an 
père  Valère ,  demandant  audience  de 
la  part  du  cardinal  Barberin 

Instruction  aux  s"  d'Infreville,  commis- 
saire général  de  U  marine,  de  Caen, 
sergent  de  bataille  de  l'armée  navale , 
et  Daniel,  capitaine  de  marine 

Lettre  au  roy 

Nota 

Pour  M.  Tarcbevesque  de  Bordeaux,  à 
Paris 

[Ordonnance  du  roi  concernant  le  nonce 
Scolil 


PAGES. 


6o3 


607 
609 
612 

6i3 


O16 
619 

620 

623 
627 
629 
63o 


63 1 
634 
635 

638 

6/10 
64i 
642 

6/18 

65o 


972 


TABLE  DES  MATIERES. 


NUMEROS 
des 

PIÈCES. 


CCCXVIII 
CCCXIX. 

cccxx. 

CCCXXl. 
CCCXXII. 
CCCXXIIl. 


DATES. 


1 7  décembre. 
20  décembre. 
2  2  décembre. 
23  décembre. 
27  décembre. 
27   décembre. 


SU.SCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Pour  M.  l'archevesque  de  Bordeaux. . 
Mémoire  à  M.  le  maresclial  d'Estrées. 

Lettre  à  M.  d'Estrades 

Lettre  à  M.  d'Eslrades 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  d'Argenson 

Nota 


GCCXXIV. 
CCCXXV. 


CCCXXVl. 
CCCXXVII. 

CCCXXVIII. 

CCCXXIX. 

cccxxx. 
cccxxxi. 

CCCXXXII. 
CCCXXXIII. 
CCCXXXIV. 

cccxxxv. 

CCCXXXVI. 
CCCXXXVII. 

cccxxxvm. 
cccxxxix. 

CCCXL. 


1    janvier. 
18  janvier. 


22  janvier. 
29  janvier. 

i4  février. 

Vers  la  fin  de  févr. 
7  mars. 


ANNEE  1640. 

Instruction  à  M.  de  Cliavigny  sur  la  dé- 
tention du  prince  Palatin 

[Pour  M.  de  Chavigni] 

Mémoire  sur  la  négociation  faictcpar  les 
Anglais ,  pour  la  liberté  du  prince  Pa 
latin 

Lettre  à  A"* 

Pour  M.  l'archevesque  de  Bordeaux,  à 
Paris 

Pour  M.  de  Chavigny,  secrétaire  d'Estat, 
à  Paris 

Pour  M.  de  Bellièvre 


22  mars  (?). 

1 U  avril. 

1 9  avril , 

à  4  h.  du  matin. 

19  avril. 

Fin  d'avril, 
ou  comm'  de  mai. 

3  mai. 
Avant  le  4  mai- 

4  mai. 

5  mai. 


Pour  M.  l'archevesque  de  Bordeaux,  à 
Paris 

Pour  M.  l'archevesque  de  Bordeaux,  à 
Paris 

Pour  l'ambassadeur  d'Angleterre 

Lettre  à  M.  d'Estrades 

Pour  M.  de  Chavigny 


Pour  M.  de  Chavigny,  secrétaire  d'Estat, 

à  Paris 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 


Lettre  à  M.  de  Chavigny.  . 
[  Lettre  à  M.  de  Chavigni] . 
Lettre  à  M.  de  Chavigny.  . 
[Lettre  à  M.  de  Chavigni] . 


PAGES. 


652 

654 
657 
659 
660 
661 
664 


667 
670 


67^ 
673 

674 

675 
676 

678 

678 
680 
680 
682 


683 
685 

687 
688 
689 
690 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


973 


NUMEROS 

des 

PlècES. 

DATES. 

CCCXLI. 

8  mai. 

CCCXLII 

18  mai. 

CCCXLIII. 

ao  mai 

CCCXLIV. 

mai. 

CCCXLV. 

10  juin. 

CCCXLVI. 

12  juin. 

CCCXLVIl. 

18  juin. 

CCCXLVIII. 

18  juin. 

CCCXLIX. 

19  juin, 
à  3  h.  du  matin. 

CCGL. 

aojuin. 

CCCLI. 

26  juin. 

CCCLII. 

[Fin  de  juin, 
ou  juillet.] 

CGCLIII. 

3  juillet. 

CCCLIV. 

1 4  juillet. 

CCCLV. 

16  juillet. 

CCCLVI. 

ao  juillet. 

CCCLVII. 

a  août. 

CCCLVIII. 

8  août. 

CCCLIX. 

1 9  août. 

CCCLX. 

4  septembre. 

CCCLXI. 
CCCLXII. 
CCCLXIII. 

6  septembre  (?) 

7  septembre. 

8  septembre. 

CCCLXIV. 

a5  septembre. 

CCCLX V. 

a5  septembre. 

SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Pour  M.  Mazarini,  à  Paris 

Pour   M.  Bouthillier,  surintendant   des 

finances ,  à  Paris 

Lettre  à  Paul  Fiesque 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  madame  Bouthillier,  la  surinten- 
danle ,  aux  Caves 

Lettre  à  monsieur  mons'  de  Bullion, 
conseiller  du  roy  en  ses  conseils  et  sur- 
intendant des  finances,  à  Paris 

[Lettre  à  M.  de  Noyers] 

Pour  M.  de  Noyers ,  à  Amiens 

Lettre  à  monsieur  monsieur  le  Prince. .  . 
Lettre  à  madame  madame  la  Princesse. . 
[  Pour  monsieur  de  Chavigni  ] 

Pour  M.  de  Bullion,  surintendant  des 
finances,  à  Paris 

Pour  M.  de  Bullion,  surintendant  des 
finances  à  Paris 

Lettre  à  M.  Mole,  procureur  général .  .  . 

Nota 

[Lettre  aux  maréchaux  de  Chaulnes  et 
de  Cbâtillon] 

Pour  M.  Bouthillier,  surintendant  des 
finances 

Lettre  à  M.  l'archevesque  de  Bordeaux. 
Pour  M.  de  Noyers,  secrétaire  d'Estat.  . 
Lettre  à  M.  de  Gremonville,  intendant 

en  l'année 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  le  baron  d'Ambres 

Pour  M.  de  Chavigny ,  secrétaire  d'Estat, 

à  Paris 

Lettre  au  roy 


PAGES. 


691 

691 
693 
695 
696 

697 


698 
701 

70a 
704 
705 

706 

710 
711 

714 

716 
718 
720 

730 
731 
722 
736 

728 

73o 


974 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


NUMEROS 
des 

PIÈCES. 


CCGLXVJ. 

CCCLXVII. 

CCCLXVIII. 

CCCLXIX. 

CCCLXX. 
CCCLXXI. 
CCCI.XXII. 


CCCLXXIII. 


DATES. 


a6  septembre. 

I  o  novembre. 

18  novembre. 

3  décemb.  au  soir 

j  5  décembre. 
21  décembre. 
2. '5  décembre. 


CCCLXXIV. 

3  janvier. 

CCCLXXV. 

17  janvier. 

CCCLXXVI. 

18  janvier. 

CCCLXXVII. 

18  janvier. 

CCCLXXVIII. 

3o  janvier. 

CCCLXX  IX. 

20  février. 

CCCLXXX. 

2  1  février. 

CCCLXXXI. 

1'  quinzaine 
de  février. 

cccLxxxn. 

20  mars. 

CCCLXXX  m. 

28  mars. 

CCCLXXXIV. 

23  mars. 

CCCLXXXV. 

Fin  de  mars. 

CCCLXXXVL 

3  avril. 

CCCLXXXVIL 

6  avril. 

cccLxxxvin. 

12  avril. 

CCCLXXXIX. 

1  5  avril. 

cccxc. 

16  avril. 

CCCXCL 

18  avril 

SLSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Pour  M.  deCliavigny  ,  secrélaire  d'Estat. 

Lettre  à  l'archevesque  de  Bordeaux.  .  .  . 

Lellre  à  iM.  le  Prince 

PourM.  de  Cliavigny,  secrétaire  d'Estat, 
à  Paris 

Lellre  à  M.  le  Comte 

Letireà  M.  de  Pujol 

Lellre  à  M.  le  Prince 

Fac-similé 

Lettre  à  M.  de  Gremonville,  intendant 
en  l'armée 


•    ANNEE   1641. 


Lettre  du  roy  à  M.  le  Conile 

[Leitre  au  roi] 

Pour  M.  de  Cliavigny,  secrétaire  d'Estat. 

Pour  M.  de  Chavigny,  secrétaire  d'Eslat. 

Pour  M.  de  Bouibillier,  surintendant  des 
finances 

Lettre  du  roy  aux  évesques 

Instruction  aux  s"  de  Léon ,  conseiller  du 
roy ,  et  d'Hémery,  intendant  et  control- 
leur  général  des  finances 

[Pour  M.  de  Cliavigni] 


Letire  à  M.  Boutbillicr 

Lettre  à  M.  de  Chavigny 

Lellre  au  père  SuiTreu 

Pour  M.  de  Chavigny 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Pour  M.  de  Chavigny,  secrétaire  d'Estat. 

Lettre  du  roy  au  grand  prévosi 

Pour  M.  de  Chavigny,  secrétaire  d'Estat. 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni]  .  ; 

[Lettre  aux  présidents  de  l'assemblée  du 
clergé] 


PAGES. 


731 
73;, 

736 

737 
741 
-ikk 


745 
7A7 


75i 
761 

753 
756 

768 

762 
765 

767 
768 

770 
77' 

o 

77-' 

77a 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


975 


NUMÉROS 

des 

DATE.S. 

SCSCRII'TIONS  ET  SOMMAIRE.S. 

PAGES. 

PIECES. 

CCCXCII. 
CCCXCIII. 

19  avril. 
19  avril. 

f  Lettre  à  M.  de  Chavignil 

777 
778 

Lettre  à  M.  de  Chavi^ny 

CCCXCIV. 

Vers  la  fin  d'avril. 

Avis  sur  le  sujet  de  M.  le  Comte,  et  de 
M"  de  Guise  et  de  Bouillon 

780 

CGCXCV. 

Vers  la  lin  d'avril 
ou  comni'  de  mai. 

Mémoire  au  roy  pour  respondre  à  M.  l'é- 
vesque  duBiizas ,  député  de  l'as?emblée 
du  clergé 

784 

•    CCCXCVl. 

i4  mai. 

Pour  M.  de  Cliavigny,  secrétaire  d'Kstat, 

à  Paris 

786 

788 

79' 

CCCXCVII. 
CCCXCVIII. 

ib  mai. 
1 7  mai. 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  chancelier 

Nota  .  . 

791 

CCCXCIX. 

24  mai 

Pour  M.  de  Cliavigny,  secrétaire  d'Eslat, 

à  Paris 

79^ 
795 

CCCC. 

a5  mai. 

[Lettre  à  M.  de  Chavigni] 

CCCCI. 

3o  mai. 

Pour  M.  deChavigny,  secrétaire  d'Estat, 
à  Paris 

797 

CCCCII. 
CCCCIII. 

3o  mai. 
3o  mai. 

[Lettre  à  M.  de  Cliavigni] 

799 

Lettre  à  MM.  le  Chancelier  et  le  surinten- 

CCCCIV. 

Dernier  mai. 

dant 

801 
802 

Instruction  pour  M.  d'Hémery 

ccccv. 

6  juin. 

Pour  M.  le  surintendant  des  finances,  à 

GCCCVl. 

8  juin. 

Paris 

806 

Lettre  à  nos  amez  et  féaux ,  les  gens  tenant 

nostre  cour  de  parlement  à  Dijon. .  .  . 

808 

CCCCVII. 

8  juin. 

Pour  M.  le  surintendant  des  finances,  à 

ccccvm. 

8  juin. 

Paris 

8i3 
8i4 

Lettre  à  M.  le  Prince 

CCCCIX. 

Vers  le  10  juin. 

Mémoire  adresse  à  l'assemblée  de  Manies. 

817 

ccccx. 

CCCC  XI. 

i4  juin. 
i4  juin. 

Lettre  à  M.  le  Prince 

819 

Lettre  à  Mons'  d'Argenson .  intendant  à 

l'armée  de  Catalogne 

820 

CCCCXII. 

19  juin. 

Pour  jM.  le  surintendant ,  à  Paris 

821 

CCCCXIII. 

ao  juin. 

Lettre  à  M.  le  comte  de  Grammont.  .  .  . 

823 

CCCCXIV. 

33  juin. 

Pour  M.  le  surintendant  des  finances,  à 
Paris 

824 

ccccxv. 

33  juin. 

Lettre  à  M.  le  mareschal  de  Chastillon. . 

824 

ccccxvi. 

24  juin 

Lettre  à  madame  la  Princesse 

826 

976 


TABLE  DES  MATIERES. 


NUMEROS 
des 

PIÈCES. 


CCCCXVII. 

CCCCXVIII. 

CCCCXIX. 

ccccxx. 
ccccxxi. 

CCCCXXII. 
CCCCXXIII. 
CCCCXXIV. 
CCCCXXV. 
CCCCXXVI. 
CCCCXXVII. 
CCCCXXVIIl. 
CCCCXXIX. 
CGGCXXX. 

GCCCXXXI. 
CCCCXXXII. 


CCCCXXXIII. 
CCCCXXXIV. 
CCCCXXXV. 
CCCCXXXVI. 
CCCCXXXVII. 

CCCCXXXVIII 
CCCCXXXIX. 

CCCCXL. 

CCCCXLI. 

CCCCXLII. 

ccccxLin. 

CCCCXLIV. 
CCCCXLV. 
CCCCXLVI. 


DATES. 


8  juillet. 

9  juillet. 
1  o  juillet. 

i5  juillet. 

Vers  le  1 5  juillet, 
1 6  juillet. 
19  juillet. 
22  juillet. 

1"  août. 
[i"aoûl.] 

A  août. 

5  août. 

18  août. 

22  août. 

28  août. 

[38  août.] 

3o  aoûl. 

1"  septeuibre. 

9  septembre. 

10  septembre. 
19  septembre. 

1 9  septembre. 

20  septembre. 
23  septembre. 

1"  octobre. 
3  octobre. 
10  octobre. 

19  octobre. 

22  octobre. 
8  novembre. 
29  novembre. 


SUSCRIPTIONS  ET  SOM.VIAIRES. 


Lettre  à  M.  le  chancelier 

Pour  M.  le  surintendant,  à  Paris 

Pour  M.  le  surintendant  des  finances,  à 

Paris 

Instruction  aux  s"  marescliaux  de  Cbas- 

lillon  et  de  Brézé 


Pour  M.  le  surintendant,  à  Paris 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  de  Chartres 

Lettre  au  marquis  de  Brezé 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  au  duc  de  Bouillon 

[Lettre  à  M.  Bouthillier] 

Pour  M"  le  chancelier  et  le  surintendant, 
à  Amiens 

Pour  M.  le  surintendant,  à  Paris 

Nota 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Pour  M.  le  surintendant,  à  Paris 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre   à    M.    d'Argenson,   intendant  à 

l'armée  de  Catalogne 

Pour  M.  le  chancelier  à  Paris 

Mémoire  pour  le  chancelier 

Lettre  à  M.  le  commandeur  deGuitaut  . 

Pour  M.  le  surintendant,  à  Paris 

Pour  M" le  chancelier  et  le  surintendant, 

à  Paris 

Pour  M.  le  surintendant 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  Prince 

Lettre  à  M.  le  Prince 


PAGES. 


827 

829 

83 1 

834 
835 
838 
839 
842 
844 
846 
848 
85i 
856 

858 
859 
8G0 
861 
865 
866 
870 
872 

873 
875 
877 
878 

879 

881 
883 
884 
885 
888 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


977 


NUMEROS 
des 

PIÈCKS. 

CCCCXLVII. 

CCCCXLVIIl. 

CCCCXLIX. 


DATES. 


3  décembre. 

I  5  décembre. 

Vers  la  fin  de  iGiii. 


SUSCRIPTIONS  ET  SOMMAIRES. 


Lettre  à  M.  Mazarin 

[Lettre  à  l'archevesque  do  Rlieims]..  .  . 

Mémoire  au  s' de  Lvonne ,  allant  vers  M.  le 
duc  de  Panne ,  et  le  s' marquis  de  Fon- 
tenay 

Nota 


PAGES. 


889 
890 

891 
892 


ANNEE   1642. 


CCCCL. 

CCCCLI. 
CCCCLII, 

ccccLin. 

CCCCLIV. 

CCCCL V. 

CCCCLVL 

CCCCL\  H. 
CCCCLVIII. 

CCCCLIX. 

CCCCLX. 

CCCCLXL 
CCCCLXII. 
CCCCLXIH. 
CCCCLXIV. 
CCCCLXV. 
CCCCLXVL 
CCCCLXVIL 
CCCCLXVJU. 
CCCCLXIX. 
CCCCLXX. 

CCCCLXXL 
CCCCLXXIL 
CCCCLXXIU. 
CCCCLXXIV. 


37  janvier. 

i3  février. 

20  février. 

6  mars. 

19  mars. 

20  avril. 
23  avril. 
28  avril. 
1"  mai. 

amai.àSh.dusoir. 

3  mai. 
6  mai. 
8  mai. 

10  mai. 

1 1  mai. 
1  I    mai. 

12  mai. 
i3  mai. 

17  mai. 

18  mai. 
Vers  le  25  mai. 

27  mai. 

4  juin. 

4  juin. 

5  juin. 


Mémoire  pour  respondre  au  cardinal 
Barberin,  touchant  l'Angleterre 

Pour  M.  le  surintendant,  à  Paris 

Lettre  à  M.  le  Prince 

[Lettre  à  M.  Boulhiilier.] 

Pour  M.  le  surintendant 

Lettre  à  M  le  Prince 

[  Lettre  au  roi  ] 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers. ...  ! 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Mémoire  de  M.  le  cardinal  [à  M"  de  Cha- 
vigui  et  de  Noyers] 

Lettre  au  roy 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

[Lettre  au  roi] 


894 

897 
898 
900 
901 
90a 
903 
906 
907 

909 
910 

9" 

9'i 
912 

9.4 
914 
916 
916 
9'7 
9'9 

921 
924 
925 
925 
926 


1 


CARDIN.    DE    RICHELIEC. 


n3 


978 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


NUMEROS 
des 

PIÈCES. 


ŒCCLXXV. 

GCGCLXXVI. 
CCCCLXXVII. 
CCCGLXXVm. 

CCCCLXXIX. 

CCCCLXXX. 

CCCCLXXXI. 

CCCCLXXXII. 

GCCCLXXXIII. 

GCCCLXXXIV. 


CGCCLXXXV. 
CCCCLXXXVI 
CCCCLXXXVIl 
CCCCLXXXVIII 
CCCCLXXXIX. 

ccccxc. 

GCCCXCI. 
CCCCXCII. 


DATES. 


10  juin. 

1 1  juin. 
i3  juin. 
17  juin. 
19  juin. 
19  juin. 
30  juin. 
2A  juin. 

25  juin. 

26  juin. 


Vers  le  26  juin. 

27  juin. 

Avant  ]e  28  juin. 

27  ou  28  juin. 

29  juin. 

Dans  les  derniers 

jours  de  juin. 

Le  dernier  juin. 

Le  dernier  juin. 


SUSCRIPTiaNS  ET  SOMMAIRES. 


Pour  M.  de  Noyers,  secrétaire  d'Eslal . 

Pour  M.  de  Noyers 

Lettre  au  roy 

[Lettre  à  M.  de  Noyers] 

Lettre  au  roy 

Lettre  à  M.  de  .Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Lettre  à  M.  de  Noyers 

Nota 

[Mémoire  pour  le  roi] 

Lettre  à  MM.  de  Noyers  et  de  Chavigni 

Mémoire 

Lettre  à  MM.  de  Chavigni  et  de  Noyers 

[Lettre  au  roi  ?] 

[  Mémoire  pour  le  roi  ] 

Lettre  à  MM.  de  Chavigni  et  de  Noyers 
[Lettre  à  M.  de  Chavigni  ?] 


PAGES. 


928 

929 
934 
936 

938 

939 

939 
9/io 
9^1 
942 
943 
945 
9^7 

9^9 
951 

952 

955 
9^7 


CORRECTIONS   ET  ADDITIONS. 


Nota.  Les  Analyses  des  lettres  que  nous  n'avons  pas  données  in  extenso ,  et  dont  la  date 
se  rapporte  à  la  période  comprise  dans  ce  sixième  volume  (î638.  —  Six  premiers  mois  de 
i64a),  n'ayant  pu  trouver  place  ici,  seront  reportées  au  volume  suivant.  Ainsi,  toutes 
les  fois  qu'on  lira  ce  renvoi:  Notée  aux  Analyses,  à  la  fin  du  volame,  ou  simplement  : 
aux  Analyses,  c'est  au  tome  Vil  qu'il  faudra  recourir. 


Page  3 ,  aux  sources.  —  36i",  lisez  364"'. 

Page  17.  avant  la  siucription.  mettez  :  PROJET  DE  LETTRE  DE  LA  REINE. 

Page  1 7,  notes ,  1  "  colonne.  —  f  S  barrée  doit  être  fii/urée  comme  à  la  page  1 5. 

Page  17,  notes,  1'  colonne.  —  Bouthiliier,  lisez  .  Boutbillier  fils  (Chavigni). 

Page  J7,  ligne  3.  —  Aprks  le  mol  trefïe  ',  lapprimez  le  1 . 

Page  34 .  —  Ajoutez  aux  sources  :  Espagne ,  t.  1 9  (  non  coté  ).  Minute  de  l' écriture  du  père  Joseph 
et  de  celle  de  Cherré.  —  Cette  minute  ne  donne  pas  le  dernier  paragraphe  qui  se  trouve  dan» 
roriginal. 

Page  46,  noie,  dernière  ligne.  —  62  ,  lisez  63. 

Page  48,  dernière  ligne.  —  Aprh  le  mot  autres,  mettez  cette  note  :  Le  jardin  du  Palais-Royal,  qui 
maintenant  est  séparé  de  l'ancien  liotel  de  La  Vrillière  par  la  rue  de  Valois  et  la  rue  Neuve-des-Bons- 
Enfants,  était  alors  contigu  aux  jardins  de  cet  hôtel.  Je  n'ai  point  trouvé  de  plan  de  Paris  qui  donne 
l'état  des  lieux  à  celle  époque  précise  de  1 638.  L'excellent  plan  de  Gomboust  (  1 649  )  est  de  °°*^  ""' 
postérieur;  et  dans  cet  intervalle  l'aspect  des  lieux  avait  dû  changer.  Dans  ce  plan,  la  rue  des  Bons- 
Enfants  est  tracée ,  mais  non  bâtie  ;  c'était ,  à  ce  moment ,  la  seule  séparation  qui  existât  entre  les  deux 
jardins.  Quant  aux  trois  ou  quatre  pavillons  dont  il  s'agit  ici ,  il  n'y  en  a  pas  trace  sur  le  plan  de  Gom- 
boust. Avaient-ils  été  démolis  après  la  mort  de  Richelieu?  Pour  intercepter  la  vue  de  l'hôlel  de 
La  Vrillière  sur  ce  que  Richelieu  appelle  son  parc,  ils  devaient  être  élevés  sur  l'emplacement  de  la 
rue  Neuve-des-Bons-Enfants,  depuis  fendroit  oix  se  trouve  le  passage  de  Rodziuil  jusqu'à  celui  qu'oc- 
cupait le  passage  Noir,  qu'on  démolit,  en  même  temps  que  la  rue  Baillif,  au  moment  où  nous  écri- 
vons (1866). 

Page  7î.  —  A  la  fin  du  premier  paragraphe,  mette:  cette  note  :  Le  m»,  du  Dépôt  de  la  guerre ,  cité 
aux  sources,  contient  (  loi.  9 1  )  un  billet  dicté  à  Clicrré  par  le  cardinal ,  et  qui  s'adressait  sans  doute  à 
de  Noyers.  Ce  billet  se  rapporte  à  la  présente  pièce  :  «  M.  de  La  Mcilleraie  a  icy  six  vingts  chevaux 
d'artillerie  qui  peuvent  mener  à  Montreuil  les  armes  que  demandent  les  généraux  d'armée.  Je  vou- 
drois  bien  revoir  la  dépescbe  qu'on  faict  à  M"  les  marescbaux  de  La  Force  et  de  Chastillon,  afin  d'y 
adjouster  un  mot.  •  Ce  mot  ajouté  est  sans  doute  le  dernier  paragraphe. 

ia3. 


980  CORRECTIONS  ET  ADDITIONS. 

Page  77,  ligne  8  de  la  ietlro  XLIX.  —  Ajoutez  cette  note  3  :  Richelieu  écrivait  le  20  du  même  mois 
de  juillet,  au  maréchal  de  Schomberg,  qu'on  lui  laisserait  ces  trois  régiments,  quoique  auparavant 
on  les  eût  destinés  pour  servir  ailleurs.  (Lettre  imprimée  dans  Aubery,  et  notée  aux  Analyses.) 

Page  83 ,  aux  sources.  —  Apris  les  mots  :  Arcli.  des  Aff.  étr.  mettez  :  Pays-Bas,  t.  1 3 ,  minute  de  la 
main  de  Cherré,  datée  du  1 2  août. 

Page  83,  1"  ligne  de  la  lettre  LIV.  —  Une,  /ii«z  vostre. 

Page  83,  note,  2°  colonne,  demlire  ligne.  —  Au  lieu  de:  En  copie,  dans  le  ms.  des  AIT.  ctr. 
mettez  :  Autographe  dans  le  nis.  des  AIT",  étr.  Pays-Bas,  t.  i3,  avec  la  date  du  /i  août,  et,  en  copie, 
dans  les  mêmes  archives  :  France,  écrite,  etc. 

Page  84  ,  à  la  fia  de  la  note.  —  Ajoutez  :  Le  cardinal  écrivait,  le  i3,  au  maréchal  de  Bréié,  une 
nouvelle  lettre  pour  lui  exprimer  encore  son  mécontentement.  Celle-ci ,  ayant  été  imprimée ,  sera  seu- 
lement mentionnée  aux  Analyses. 

Page  96.  —  Ajoutez  à  la  note  1  ;  Richelieu  ne  voulut  pas  que  le  public,  et  sans  doute  aussi  le  roi, 
fussent  informés  de  cette  espèce  de  coup  de  tête  de  son  beau-frère  ;  il  fit  mettre,  dans  la  Gazette  de  ce 
même  jour  2 1 ,  que  le  maréchal  de  Brézé ,  malade ,  avait  obtenu  du  roi  un  congé  pour  se  rendre  aux 
eaux,  qu'il  n'était  resté  à  Paris  que  6  heures,  et  que  M.  du  Hallier  allait  prendre,  à  sa  place,  le 
commandement  de  l'armée  de  Champagne. 

Page  1 13,  note,  2' colonne,  ligne  1 .—  Effacez  tiré  du  et  mettez:  ms.  des  Aff.  étr.  t.  8,  p.  agi  de 
l'année  i638. 

Page  124,  note  3.  —  Ajoutez  :  et  que ,  malgré  l'assurance  qu'il  lui  donne ,  il  semble  ne  lui  pas 
croire  les  mains  très-nettes.  L'abandon  que  Marsillac  fait  ici,  en  cas  de  mort,  de  tous  les  biens  que 
lui  ont  donnés  ses  fonctions,  était-il  donc  une  restitution  in  extremis. 

Page  120.  —  Note  pour  la  ligne  7  du  texte  de  la  lettre  au  roi  :  Ce  fut  dans  la  vide  de  Gattari  que  l'ar- 
chevêque de  Bordeaux  brûla  la  flotte  des  Espagnols.  Le  père  Griffet  évalue  leur  perte  à  quatre  ou 
cinq  mille  hommes;  il  n'est  pas  probable  que  Richelieu  l'atténue  ici.  Le  récit  du  père  Griffet  diflcre, 
en  quelques  circonstances,  de  cette  lettre,  qu'il  ne  connaissait  pas.  H  cite  Bassompierre,  lequel  était 
enfermé  dans  la  Bastille  à  cette  époque ,  dont  il  se  souvenait  mal  quand  il  l'a  racontée. 

Page  127,  hgne  23.  —  Ajoutez  en  note  :  Voyez  ci-après,  p.  222  ,  lettre  à  Bullion. 

Page  1 33  ,  ligne  21.  —  Ajoutez  :  La  duchesse  régente  de  Mantoue ,  ayant  eu  dessein  de  livrer  Casai 
aux  Espagnols,  s'était  servie,  pour  l'exécution,  du  commandant  du  château , nommé  Montiglio :  d'Hé- 
mery,  ambassadeur  de  France  à  Turin,  écrivait,  de  Pignerol ,  le  6  mai  i638,  au  cardinal  :  «Enfin 
j'ay  descouvert  la  plus  haulte  trahison  que  l'on  menoit  contre  le  roy  à  Casai ,  qui  puisse  jamais 
tomber  en  l'esprit  d'une  personne  si  obligée  qu'est  la  princesse  de  Mantoue  au  roy...»  (Aff.  étr. 
Turin ,  t.  26.)  A  la  suite  de  celte  lettre,  le  manuscrit  donne  un  Mémoire  de  choses  à  résoudre,  fait  par 
Chavigni  et  annoté  par  le  cardinal;  on  y  lit  :  «M.  d'Hémery  a  fait  croire  à  Monteil  que  le  roy  luy 
accorderoit  la  vie  s'il  confessoittout;  mais  il  pense  que  la  vie  de  cette  personne  est  au  dessoubz  de  ces 
considérations.  »  Richelieu  n'a  rien  mis  à  la  marge  de  ce  paragraphe.  L'affaire  traîna  pendant  plu- 
sieurs mois.  Chavigni  écrivait  le  16  juillet,  par  ordre  de  Richelieu,  au  cardinal  de  La  Valette  qui, 
en  même  temps  qu'il  commandait  l'armée  d'Italie ,  remplissait  une  sorte  de  mission  diplomatique 
auprès  de  la  duchesse  de  Savoie  :  «  S.  M.  désire  estre  esclaircie  par  vous  et  par  M.  d'Hémery,  si  vous 
estimés  que  vostre  parole  oblige  S.  M.  de  donner  la  vie  à  Montiglio.  D'un  costé  il  seroit  juste  que  son 
crime  ne  demeurast  pas  impuni ,  de  l'autre  S.  M.  ne  voudroit  pas  engaiger  sa  conscience  on  chose  oi'i 
il  va  de  la  mort  d'un  homme.  » 

Cependant  Montiglio,  fidèle  à  la  princesse  de  Mantoue,  la  ménageait  tant  qu'il  pouvait  dans  ses 
aveux  :  «Il  veut  descharger  la  princesse,»  écrivait  d'Hémery  au  cardinal,  le  19  juillet,  «et  par  là  je  le 
tiens  deschu  de  la  promesse  que  je  luy  faisois  d'espérer  la  vie.» 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS.  981 

* 

La  consultation  faite  au  docteur  Lescot,  qui  fut  confesseur  de  Richelieu,  acheva  démettre  en 
repos  la  conscience  du  roi  et  celle  du  cardinal  ;  l'exc^cution  de  Montigiio  fut  décidte.  Ce  fut  le  poète 
Voiture  qui  en  porta  l'ordre,  allant  en  Italie  annoncer  la  naissance  du  Daunliin. 

Le  cardinal  de  La  Valette  avait  écrit  à  Chavigni  le  26  août  :  «Je  pense  qu'on  doit  faire  condamner 
Monteil  et  luy  donner  ensuite  la  vie,  à  cause  de  la  parole  donnée  au  nom  du  roy,  et  puis  le  tenir 
prisonnier  en  France.  •  Mais  on  n'admit  pas  à  Paris  ce  tempérament,  et  Chavigni  nous  révèle,  dans 
des  tei-mes  qui  caractérisent  naïvement  la  justice  du  temps  et  particulièrement  celle  de Jiichelicu,  la 
raison  de  cette  sévérité  ;  il  répondit  au  cardinal  de  La  Valette  :  «  M.  de  Voiture  vous  porte  la  décision 
du  roy  sur  Monteil  ;  il  me  semble  qu'il  euî-t  esté  aussy  bon  de  le  i^arder  à  Pignerol ,  mais  plus  de  morts 
moins  d'ennemis.  »  (  Lettre  du  1 3  septembre ,  même  manuscrit.  ) 

Le  1"  novembre,  le  cardinal  de  La  Valette  écrit  à  Chavigni  :  «  Monteil  est  mort  selon  l'ordri-  du 
roy;  il  s'est  fort  plaint  du  manquement  de  parole.  »  (  Loc.  ci(.) 

Des  terres  dont  |)lusieurs  de  6,000  liv.  de  renie,  avec  titre  de  marquis,  furent  données  par  le  roi 
à  ceux  qui  avaient  révélé  le  projet  de  trahison. 

Page  1 35 ,  note,  1"  colonne.  —  Ajoutez  :  dans  sa  lettre  du  1"  septembre  citée  aux  Analyses. 

Page  1 37,  ligne  8.  —  Tittres ,  lisez  tiltres. 

Page  i4o,  ligne  27.  —  Mettez  des  yuUlemils  <waitt  l'k  qui  termine  la  ligne. 

Page  lài,  ligne  8.  —  Ajoutez  :  Nous  notons  ce  frivole  incident  parce  qu'il  nous  rappelle  un  sou- 
venir de  Napoléon ,  qui ,  pendant  les  discussions  du  conseil  d'État ,  traçait  quelquefois ,  du  bout  de  sa 
plume,  sur  le  premier  papier  qu'il  trouvait  devant  lui,  ce  que  les  enfants  appellent  des  bons-hommes. 
Le  secrétaire  général  de  ce  temps-là  nous  a  jadis  montré  une  de  ces  feuilles  qu  il  avait  conservée. 

Page  1 42 ,  ligne  25.  —  Au  mol  «  Heucourl  »  un  alinéa. 

Page  i42  ,  note,  2'  colonne.  —  2  ,  lisez  1 . 

Page  1/17.  —  Ajoutez  à  la  note  :  et  deux  ou  trois  autres  vers  de  Racine. 

Page  i54,  note,  1"  colonne,  ligne  3.  —  Gé,  lisez  Ge. 

Page  174,  dernière  ligne  du  texte.  —  Effacez  le  point,  laplirase  n'est  pas  achevée. 

Page  180,  ligne  10.  —  Chaulnes,  mettez  :  Cbaulne. 

Page  180,  ligne  12.  —  Enfans,  mettez  :  enfants. 

Page  180,  ligne  20.  —  Castelet,  mettez:  Catelet.  Les  trois  mots  Chaulue,  enfants,  Catelet,  sont 
ainsi  écrits  par  Richelieu. 

Page  207,  ligne  20.  —  Intérêts,  lisez  inléresti. 

Page  211,  notes,  s*  colonne,  ligne  9.  —  R,  lisez  tome. 

Page  3  I  4 ,  ligne  3  des  sources.  —  Mettez  :  Bibl.  imp. 

Page  226,  dernière  ligne.  —  Ajoutez  celte  note  :  L'inscription  dont  il  s'agit  avait  été  placée  dans 
la  salle  royale  du  Vatican,  pour  perpétuer  la  mémoire  du  combat  naval  de  Pirano,  gagné  par 
l'amiral  vénitien  Ziani  sur  la  flotte  imjiériale,  en  i  177,  victoire  à  laquelle  le  pape  Alexandre  III 
avait  dû  son  rétablissement  sur  le  siège  pontifical,  ainsi  que  l'attestaient  les  derniers  mots  :  <Ita 
[H>ntinci  sua  dignitas  Veneta;  reipublicœ  benelicio  rcstituta.  a  A  la  suite  de  quelques  différends  survenus 
entre  la  cour  deRome  et  la  République  de  Venise,  et  pendant  fabsence  de  l'ambassade  vénitienne, 
Urbain  VIII  avait  fait  effacer  l'inscription.  C'était  pour  la  République  une  insulte  qui  occasionna 
une  longue  querelle;  Urbain  VIII  mourut  avant  de  la  voir  finir;  ce  fut  son  successeur,  Innocent  X, 
qui  y  mit  fin,  en  restaurant  l'inscription.  Le  tome  768  de  la  collection  de  Dupuy,  à  la  Bibliothèque 
impériale,  est  rempli  de  correspondances  diplomatiipies  concernant  cet  incident. 

Page  228.  —  Ajouter  aux  sources  :  Bibl.  imp.  Clairambault,  mélanges,  696 ,  p.  73 ,  mise  au  net, 
de  la  main  de  Cherrë. 

Page  229,  ligne  19.  - —  Réciproquement,  Usez  réciproque.  Leçon  du  ms.  de  Clairambault. 


982  CORRECTIONS  ET  ADDITIONS. 

Page  229,  ligne  20.  —  Au  lieu  de  la  ligne  imprimée,  lise:  :  «  par  lequel  il  sera  porté  que,  si  l'ane 
des  parties  tréùttoit  séparément ,  elle  sera  déclarée  infasuie Correction  faite  delà  main  de  Riche- 
lieu. (Ms.  de  Clairambault.  ] 

Page  237, note  3. — Au  lieu  de  la  dernière  phrase ,  lisez  :  Celte  lettre  sera  donnée  dans  un  supplément. 

Page  24i .  —  Ajouter  celte  note  à  la  pièce  ii2  :  Depuis  que  cette  pièce  a  été  imprimée,  j'ai  trouvé 
aux  Affaires  étrangères ,  dans  les  volumes  d'Espagne ,  une  nouvelle  minute  faite  après  le  brouillon 
conservé  dans  la  collection  Fronce,  et  qui  présente  plusieurs  différences  qu'il  faut  indiquer  :  ilox 
sources,  mettez  en  première  ligne  :  Arch.  de  Aff.  étr.  Espagne,  t.  1 9  (non  coté) ,  mise  au  net  de  la  main 
(le  Cherré,  retouchée  par  le  cardinal  de  Richelieu,  et  devenue  minute.  —  Au  lieu  de  la  date  approxi- 
mative, il  faut  :  da  novembre  i638. —  On  a  mis  en  tête,  et  d'une  autre  main  .  «Partie  par  un 
extraordinaire  du  29  novembre.  » 

Première  ligne  du  texte  :  Cette  mise  au  net  commençait  comme  le  brouillon;  mais  Richelieu  a  fait 
ajouter  en  marge  cet  autre  commencement  : 

«  Comme  M.  le  comte-duc  continue  à  tesmoigner  faire  plus  d'estat  du  cardinal  qu'il  ne  vaut,  il  luy 
est  impossible  de  manquer  aussy  à  continuer  sa  recognoissance ,  et  à  désirer  quelque  bonne  occasion 
qui  face  cognoistre  aud.  s'  comte-duc  l'estime  particulière  qu'il  faict  de  sa  personne  et  le  désir  qu'il 
a  d'une  bonne  paix,  pour  avoir  lieu  de  le  pouvoir  servir,  comme  il  le  souhaitte  sincèrement. 

»  Je  ne  doubte  point  que  M.  le  comte-duc  n'ayt  eu  de  la  resjouissance  de  la  naissance  de  M.  le  Dau- 
phin, comme  en  vérité  S.  Em.  en  a  eu  de  celle  de  l'Infante  d'Espagne;  et  ce  d'autant  plus  que  ces 
deux  naissances,  arrivées  presque  en  mesme  temps,  pourront  causer  un  jour  une  grande  union,  et 
un  grand  bien  à  la  chrestienté. 

«Si  nous  estions  en  estât  de  pouvoir  faire  des  complimens  publics  sur  ce  sujet,  nous  les  ferions 
réciproquement,  avec  autant  desclat  et  de  magniGcence  comme  nous  en  avons  un  véritable  senti- 
ment dans  le  cœur. 

«  Pour  respondre  à  vostre  lettre  du  22  octobre,  je  vous  diray  qu'on  y  voit  beaucoup  de  paroles. . .  » 

Page  2  i  2 .  —  Le  premier  paragraphe  (  trois  lignes  ),est  burré  dans  la  mise  au  net. 

Page  242  ,  lignes  7  et  8.  —  «  Quelque  espèce  de  contr'escbange  à  M.  de  Lorraine  pour  le  pouvoir.  » 
Cette  ligne  a  été  effacée  par  le  cardinal,  qui  a  mis  à  la  place    «  à  M.  de  Lorreyne  de  quoy  le.  » 

Page  242  ,  ligne  12.  —  L'expression,  lisez  impression. 

Page  242  ,  ligne  26.  —  Que,  lisez  de  ce  que. 

Page  243 ,  ligne  1 .  — ^11  faut,  lisez  il  faudroit. 

Page  2  43,  ligne  9.  —  Après  le  mot  chrestienté,  mettez  :  «  ;  ensuitle  duquel  la  France  s'engagera  très 
volontiers  dès  cette  heure  à  une  bonne  guerre  contre  les  infidèles.  »  Phrase  ajoutée,  en  interligne,  par 
hichelieu. 

Page  243 ,  ligne  19.  —  Et  ce,  lise:  et  que  ce. 

Page  243,  ligne  20.  --  .  L,  lisez  ,  1. 

Page  243 ,  ligne  21.  — -  Peuvent,  lisez  pouvant. 

Page  243, ligne  27.  —  Après  le  paragraphe  qui  jinit  par  ces  rnoti  :  pour  la  paix ,  vient  tmWiiiatement , 
dans  la  mise  au  net ,  le  paragraphe  de  la  page  2ii,quicomiiience  :  «  Vous  apprendrei ,  par  d'autres,  etc.» 
et  la  pièce  finit  comme  nous  l'avons  imprimée. 

Enfin,  le  dernier  paragraphe  de  la  page  243  est  barré  dans  la  mise  au  net,  et  le  premier  de  la 
page  244  est  devenu ,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  le  commencement  de  la  dépêche. 

Page  247,  note  2.  —  Effacer  ce  qui  suit  les  mots  :  plus  d'un  an  après,  et  mettre  à  la  place  en 
aoiit  i638 ,  un  nouvel  édit  fut  rendu ,  lequel  ne  put  être  enregistré  à  la  cour  des  comptes  qu'en  avril 
i64o.  Et,  en  attendant  qu'il  fût  mis  en  viguettr,  un  arrêt  du  conseil,  du  i3  novembre  (cinq  jours 
avant  la  date  de  la  présente  lettre) ,  enjoignait  aux  trésorier»  de  France  de  contraindre  les  débitetirs 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS.  983 

à  payer  les  taxes  dues.  Cette  mesure  avait  sans  doute  été  prise  par  Bullion,  sans  consulter  Richelieu, 
qui  paraît  ne  pas  l'approuver.  Vers  la  fin  du  dernier  règne ,  en  1 609 ,  un  édit  avait  établi ,  sur  les 
vins,  un  droit  d'entrée,  spécialement  affecté  à  l'entretien  du  pavé  des  rues  de  Paris,  dont  les  bour- 
geois se  trouvaient  ainsi  déchargés;  c'est  là  sans  doute  «l'ancien  estabiissement »  que  Richelieu 
regrette.  Au  reste,  l'étude  de  cette  branche  de  l'administration  montre  qu'en  changeant  continuelle- 
ment d'expédients,  on  ne  parvint  pas  sous  le  ministère  du  cardinal  à  rien  établir  de  bon.  On  en  était 
arrivé  à  ce  que  Richelieu  n'y  trouve  d'autre  remède  que  d'y  mettre  la  main  lui-même,  ce  que  pour- 
tant nous  ne  voyons  pas  qu'il  ait  fait. 

Il  en  fut  des  mesures  de  voirie  relatives  au  balayage  et  à  la  propreté  de  la  ville,  comme  du  pavé; 
ces  deux  affaires,  qui  ont  entre  elles  une  si  intime  relation,  n'étaient  pas  mieux  réglées  l'une  que 
l'autre.  Précisément  à  cette  même  époque,  le  as  septembre  i638,  un  arrêt  du  conseil  dictait  de» 
mesures  de  rigueur  au  moyen  desquelles  on  ne  parvint  pas  même  à  obtenir  «  le  nettoyement  des  rues.  » 
Le  Traité  de  la  police,  de  Delaraare,  donne  à  ce  sujet  de  bonnes  informations.  (T.  III,  p.  1 76-1 77,  et 
p.  218-222.) 

Page  257,  ligne  28.  —  Cest,  Usez  c'est. 

Page  261.  —  Le  signe  qui  doit  signifier  mi//e  est  mal  figuré,  voir  t.  III,  p.  6g5,  note  2. 

Page  262 ,  ligne  2. . —  Mettre  en  note  :  Voyez  aux  Analyses ,  date  du  5  décembre. 

Page  265.  —  Après  la  seconde  ligne  des  sources,  ajoutez  ;  Saint-Germain,  708.  Copie,  sans  date. 
—  Bétimne,  9267,  fol.  1.  Copie. 

Page  267,  notes,  1"  colonne,  ligne  1  5,  XXVII,  lisez  :  XX\l. 

Page  272  ,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Supplément  français,  370.  Copie.  , 

Page  279,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Supplément  français,  870.  Copie. 

Page  282  ,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Clairambault,  696 ,  fol.  87.  Original.  —  Et  m  noie  :  Cet  ori- 
ginal est  daté  de  Ruel ,  le  1 6  février.  Le  même  manuscrit  donne ,  fol.  45 ,  un  second  original  portant 
en  tête  le  mot  duplicata  ;  il  est  écrit ,  comme  l'autre ,  de  la  main  de  Cherré ,  mais  il  est  daté  du  2  3  fé- 
vrier. Dans  l'original ,  Richelieu  a  un  peu  modifié  le  texte  de  la  minute  que  nous  avait  donnée  le  ma- 
nuscrit des  Affaires  étrangères,  sur  lequel  ont  été  faites  les  copies  de  la  Bibliothèque.  Nous  n'avons 
connu  cet  original  que  tardivement,  sans  quoi  nous  l'aurions  préféré  à  la  minute. 

Page  a85 ,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Supplément  français,  870.  Copie. 

Page  286,  ligne  5.  —  Ajoutez  cette  note  :  Le  gentilhomme  chargé  du  message  du  prince  Thomas  se 
nommait  Pesieux.  De  peur  qu'il  ne  rendît  pas  un  compte  assez  fidèle  des  paroles  du  cardinal ,  S.  Em. 
eut  soin  de  dicter  la  lettre  que  Pesieux  devait  écrire.  La  copie  se  trouve  dans  le  ms.  de  la  Bibl.  imp. 
Suppl.  franc.  870;  elle  y  est  précédée  de  cette  annotation  :  <  C'est  la  copie  prise  sur  la  minute  origi- 
nale, escrite  de  la  main  de  Cherré,  de  la  lettre  escritte  par  Icd.  Pesieux  au  prince  Thomas,  8  fé- 
vrier 1 689 ,  »  et  à  la  marge  est  ajouté  :  «  Cette  lettre  a  été  composée  par  le  cardinal  de  Richelieu.  » 

Nous  la  donnons  ici  pour  cette  raison,  et  aussi  parce  qu'on  y  voit  combien  le  cardinal  avait  à  cœur 
de  persuader  à  tout  le  monde  qu'il  voulait  sincèrement  la  paix  : 

«  Monseigneur, 

«.l'ay  estimé  ne  devoir  partir  d'icy  sans  dire  à  V.  A.  que  lorsque  j'ay  rapporté  à  M.  le  cardinal 
qu'en  parlant  à  V.  A.  du  malheur  de  la  guerre ,  et  du  bonheur  que  la  paix  causeroit  tant  en  Piémont 
qa'en  toute  la  chrestienté,  elle  m'avoit  dictque,  si  la  France  y  avoit  la  disposition  que  je  pensois  y 
avoir  cognue  en  mon  passage,  il  seroil  aisé  à  M.  le  cardinal  de  la  procurer  bientosl,  S.  A.  i'asseu- 
rantd'y  pouvoir  disposer  tellement  ses  affaires  de  voslre  costé  qu'il  ne  s'y  trouveroit  pas  de  difficulté. 
11  me  respondit  nettement  que  la  France  s'y  disposoit  si  sincèrement  qu'il  ne  craignoit  pas  de  prier  Dieu 
qu'il  envoyast  malédiction  à  ceux  qui,  tesmoignant  la  désirer,  ne  la  souhaitoient  pas  dans  le  cœur. 


984  CORRECTIONS  ET  ADDITIONS. 

et  qui  ne  la  voudroient  pas  consentir  lorsqu'elle  se  proposeroit  à  conditions  justes  et  raisonnables. 
Il  m'ajousta  ensuitte  que  la  fermeté  qu  avoit  la  France  à  ne  se  vouloir  pas  séparer  de  ses  alliés ,  devoit 
estre  receue  comme  un  tesmoignage  asseuré  que,  quand  la  paix  seroit  faite,  elle  seroit  seure  et  de 
durée  inviolable.  Il  me  dist  en  outre  que,  quand  on  avoit  proposé  une  longue  trefve  de  la  part  de  S.  S. 
la  France  y  avoit  disposé ,  autant  qu'elle  avoit  peu ,  ses  alliés ,  pour  ce  qu'elle  avoit  creu  que  c'estoit 
le  seul  moyen  de  parvenir  à  une  bonne  paix. 

«  Après  tout  cela ,  il  finit  en  disant  qu'on  n'avoit  rien  oublié  de  la  part  de  la  France  pour  la  faciliter  ; 
qu'elle  avoit  donné ,  il  y  avoit  longtemps ,  tous  les  passeports  qu'on  avoit  demandés  pour  aller  à  Co- 
logne, mais  qu'on  estoit  encore  à  attendre  ceux  de  MM.  les  Estats  des  Provinces  unies  des  Hollandois 
l't  qu'on  y  faisoit  des  difficultés  avec  si  peu  de  fondement,  qu'ils  avoient  eu  lieu  de  croire  qu'en  par- 
lant de  la  paix  l'on  avoit  voulu  la  continuation  de  la  guerre.  » 

P.  291,  ligne  4.  —  Ajoutez  cette  note  :  Je  substitue  le  mot  «suivant»  au  mot  «  présent,  «que  donnent 
les  deux  manuscrits ,  mais  qui  fait  un  contre-sens. 

Page  3o3,  ligne  11  de  la  lettre.  —  Passée,  Lorsque,  lisez  passée,  lorsque. 

Page  3o4,  ligne  10.  —  Etes,  lisez  estes. 

Page  307,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Suppi.  franc,  370.  Copie. 

Page  3i  1,  aux  sources.  —  Et  aprh  fol.  62  v°,  ajoutez  :  Copie. 

Page  320,  aux  sources,  ligne  4.  —  Après  346,  mettez  :  tom.  1". 

Page  32  2 ,  ligne  16.  —  francs,  lisez  Francs. 

Page  323,  ligne  18.  —  Dépêches  ,  Usez  depesches. 

Page  326,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Imprimée.  Histoire  du  ministère  du  cardinal  de  Richelieu  [par 
Vialard] ,  t.  II,  p.  67  du  supplément. 

Page  328,  aux  sources.  —  Ajoutez  après  la  première  ligue  :  Bibl.  imp.  Clairambault,  Mélanges, 
696  ,  p.  73.  Mise  au  net  de  la  main  de  Cherré. 

Page  329,  ligne  20.  —  Après  par  lequel,  ajoutez  :  «  il  sera  porté  que  si  l'une  des  parties  traittoit 
séparément,  elle  sera  déclarée. . .  »  (Cette  correction  est  mise,  en  interligne ,  de  la  main  de  Richelieu , 
dans  le  manuscrit  de  Clairambault.  ) 

Page  829 ,  ligne  dernière.  —  Cotés,  lisez  fol. 

Page  333,  ligne  3o.  —  Ajoutez  cette  note:  La  lettre  d'Héraery  est  conservée  aux  \ff.  élr.  Turin, 
I.  28 ,  fol.  219. 

Page  333,  ligne  33.  —  Mettez  cette  note  :  La  réponse  que  Richelieu  annonce  ici  sera  notée  aux 
Analyses,  à  la  date  du  26  avril  (t.  VII'). 

Page  344,  ligne  5.  —  «Quand  vous  le  jugerez  à  propos,  »  mettez  en  note  :  De  la  main  de  Richelieu. 

Page  344,  ligne  17.  —  «Pour  faire  le  voyage,  »  mettez  en  note  :  De  la  main  de  Richelieu. 

Page  345.  —  Mettez  aux  sources  •  Arch.  de  Condé.  Communication  de  S.  A.  R.  M^  le  duc  d'Au- 
niale.  —  Original. 

Page  345.  —  Ajoutez  à  la  note  2  :  Voy.  ci-dessus,  p.  267,  note  1 . 

Page  346,  ligne  i3.  —  Mondre,  lisez  :  monde.  , 

Page  346,  ligne  22.  —  Après  le  mot  Navarre,  mettez: .  Bien. 

Page  346  ligne  26.  —  Après  le  mot  Fontarabie,  mettez  :  ,  si. 

Page  346,  dernière  ligne.  — Après  le  mot  services,  mettez  :  «ainsi  que  vous  le  sçauriés  désirer 
d'une  personne  qui  est  véritablement...»  et  ajoutez  en  note  :  Voyez  aux  Analyses,  12  mai  i63g. 

Page  35 1,  ligne  3  de  la  lettre  194,  du  12.  —  Mettez  en  note  ;  C'est  celle  qui  est  ici  datée  du  i3, 
dont  Richelieu  avait  fait  la  minute  le  1  2. 

Page  353.  —  Ajoutez  à  la  note  .  C'est  là  une  de  ces  mésaventures  de  dictée  auxquelles  Richelieu 
ne  prenait  pas  garde ,  et  que  ne  corrigeaient  pas  ses  secrétaires. 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS.  985 

Page  354.  —  MT  le  grand  maistre.  Ajoutez  cette  note  :  Voici  la  première  fois  que  nous  voyons 
ce  titre.  C'est  La  Meilleraie,  le  cousin  de  Richelieu,  fait  grand  maître  de  l'artillerie,  à  la  place 
de  Sully. 

Page  356,  li°  ligne  du  texte,  à  partir  d'en  bas.  —  Qu'autre,  lisez  qu'outre. 

Page  36o,  à  la  fin  de  la  note  i,  ajoutez  :  Voyez  aux  Analyses,  à  la  date  du  18  mai. 

Page  364.  —  Ajoutez  à  la  note  1  :  Voy.  ci-dessus,  p.  267,  note  1. 

Page  374,  ligne  i.  —  N'avés,  lisez  n'ayës. 

Page  375,  ligne  i5.  — Aveugle,  lisez  aveuglé.  '  jj, 

Page  376 ,  note,  1"  colonne,  ligne  2.  —  Fermer  les  yuillemets  aprh  le  mot  arriver. 

Page  377,  ligne  5.  —  Au  mot  :  mon  cousin,  mettez  cette  note  :  Il  faut  remarquer  ce  titre  de  cousin 
donné  par  Louis  XIU  à  La  Meilleraie.  Le  roi  traitait  de  cousin  les  maréchaux  de  France,  mais 
La  Meilleraie  ne  fut  fait  maréchal  que  quelques  jours  plus  tard ,  après  la  prise  de  Hesdin.  Est-ce  là 
une  distraction  de  Richelieu ,  qui ,  en  dictant  la  minute  de  cette  lettre,  parle  comme  s'il  écrivait  en 
son  nom ,  habitué  qu'il  était  à  nommer  La  Meilleraie  :  mon  cousin. 

Page  379,  notes,  1"  colonne,  ligne  3.  —  Vivait  bon,  &e2  vivait  en  bon. 

Page  382,  i"  ligne  de  la  lettre  aie.  —  Au  nom  de  Cézy,  mettez  cette  note  :  Ancien  ambassadeur 
de  France  à  Constantinople ,  et  qui  y  résidait  encore,  quoique  sa  mission  officielle  eût  cessé. 

Page  391 ,  notes,  1"  colonne,  6"  ligne.  —  Sa,  lisez  la. 

Page  399,  aux  sources.  —  Mettez  :  Arch.  des  AIT.  étr.  Allemagne,  t.  16,  pièce  98'.  Minute  de  la 
main  de  Clierré.  (  Cette  pièce  a  été  classée  par  erreur,  dans  le  manuscrit ,  en  l'année  16/11. 

Page  399 ,  ligne  1 4  du  texte.  —  Chastelet,  lisez  Castelet. 

Page  407,  ligne  8.  —  Aprh  le  mot  a  longtemps  »  alinéa. 

Page  4o8,  notes,  2°  colonne,  ligne  g.  —  Erlack,  lisez  Erlach. 

Page  4i4,  note  1.  —  Mettez  des  guillemets  à  la  premiire  phrase. 

Page  417,  avant-dernière  ligne.  —  Suspecte,  lisez  suspectes. 

Page  428 ,  ligne  11.  —  Traite,  lisez  traiter. 

Page  45 1,  ligne  6.  —  Affaiblira,  Usez  affoiblira. 

P.  457,  notes,  2'  colonne,  ligne  pénultième.  —  Accompageat,  lisez  accompagnent. 

Page  48 1 ,  suscription  :  Heim.  —  Ajoutez  cette  note  :  Le  nom  que  Cherré  a  écrit  ainsi  est  sans 
doate  celui  du  colonel  du  duc  de  Weimar,  dont  le  nom  se  trouve  dans  nos  manuscrits  orthographié 
de  diverses  manières ,  mais  qu'on  nomme  le  plus  souvent  Ohem. 

Page  482  ,  dernière  ligne.  —  Saigny,  lisez  Saligny. 

Page  496 ,  ligne  16.  —  Ajoutez  cette  note  :  Il  y  a  quelque  embarras  dans  cette  phrase  ;  il  semble  qu'au 
lieu  de ,  •  il  en  arrivera ,  •  il  faudrait  :  i  il  n'en  arrive.  »  —  Quant  à  la  taxe  des  aisés ,  nous  devons  noter 
encore  ce  passage ,  dans  un  billet  du  7  septembre ,  dont  il'sera  fait  mention  aux  Analyses  :  «  Je  ne  vous 
dis  rien  de  la  taxe  des  ayseï  des  villes,  parce  que  cette  affaire  est  remise  à  vos  prudences,  ne  dou- 
tant pas  que  vous  ne  consideriés  bien  tout  ce  qui  sera  le  plus  utile  au  service  du  roy,  aux  occasions 
qui  s'en  présenteront. 

Page  5o4 ,  1"  ligne  des  sources.  —  Pièce,  lisez  fol. 

Page  5o4,  avant  dernière  ligne.  —  Méfiance,  lisez  mesfiance. 

Page  5o6,  notes,  2'  colonne,  ligne  pénultième.  • —  Montméliam,  liiez  Montmélian. 

Page  5o8,  notes,  1"  colonne,  ligne  i4.  —  Au  lieu  de  :  dans  une  correspondance  manuscrite  du 
temps,  entre  gens  du  grand  monde,  lisez:  Dans  la  correspondance  manuscrite  de  Henri  Arnauld, 
et  ajoutez  celte  sous-note  :  Henri  Arnauld,  connu  longtemps  sous  le  nom  de  l'abbé  de  Saint-Nicolas, 
avait  à  peine  vingt  ans  lorsque  Bentivoglio,  nonce  en  France,  le  prit  en  amitié  et  l'emmena  à  Rome. 
Ce  fut  pendant  son  séjour  dans  celle  ville  que  son  frère  aîné,  Arnauld  d'Andilly,  obtint  pour  lui  l'ab- 

CABDIN.    DE   B;CHEUEU.  VI.  '  124 


986  CORRECTIONS  ET  ADDITIONS. 

baye  dont  H  prit  le  nom.  De  retour  en  France ,  il  vécut  on  homme  du  grand  monde  et  fréquenta 
l'hôtel  de  Rambouillet.  Durant  l'exil  de  quelques  membres  du  parlement,  de  lôSg  à  i643,  Henri 
Arnauld  mandait  au  président  Barilion,  retiré  à  Amboise,  toutes  les  nouvelles  de  Paris.  Ses  lettres, 
écrites  régulièrement  deux  fois  par  semaine,  le  dimanche  et  le  mercredi,  forment  une  espèce  de 
journal  épistolaire  qui  est  conservé ,  en  original ,  dans  la  collection  de  Béthune.  Ce  journal  nous  fournira 
à  l'occasion  d'utiles  renseignements.  Ainsi  que  son  frère  d'Andilly  et  d'autres  membres  de  sa  famille , 
il  trouva  le  secret  d'être  ami  de  certains  mécontents  sans  se  brouiller  avec  Richelieu.  Sous  le  mi- 
^  nistère  deMazarin,  l'abbé  de  Saint-Nicolas  remplit  diverses  missions  diplomatiques,  où  il  s'acquit 
la  réputation  d'un  politique  habile,  mais  assez  peu  scrupuleux.  Enfin,  dégoûté  des  affaires,  il  se 
retira  à  Port-Royal,  dont  il  adopta  les  opinions,  et  bientôt,  en  iCig,  il  fut  élu  évéque  d'Angers. 

Page  5 1 8 ,  aux  sources.  — ;4joH(ez  :  Bibl.  imp.  Clairambaull,  Mélanges,  t.  2,6g6,p.  i5i.  Origi- 
nal chiffré.  — Il  y  a  un  double  original;  les  duplicata  sont  fréquents  dans  ia  correspondance  de 
Richelieu  avec  d'Estrades,  envoyé  en  Hollande.  Une  pièce  où  les  parties  chiffrées  sont  expliquées  se 
trouve  jointe  à  cet  original.  —  Bibl.  imp.  Suppl.  franc.  870.  Copie.  —  A  la  3'  ligne  des  sources, 
5oo  Colbert,  ajoutez  :  Copie. 

Page  521.  —  Les  deux  lignes  qui  terminent  la  lettre  dans  l'original  de  Clairambault  sont  écrites 
de  la  main  de  Richelieu  ,  avec  un  léger  changement  de  rédaction. 

Page  52  1.  —  11  faut  un  grand  filet,  le  Nota  ne  se  rapportant  point  à  la  pièce  qui  précède. 

Page  523,  ligne  11.  —  On,  lisez  la  cour  de  Rome. 

Page  525,  ligne  26.  —  Le  roy.  Usez  le  pape. 

Page  526,  ligne  34.  —  Il ,  lisez  s'il.  Et  dans  la  ligne  suivante,  après  «entremise,  «mettez  une  «ir^uic. 

Page  529,  notes,  1'"  colonne,  ligne  3.  —  Après  i67,/érniez  la  parenthèse. 

Page  53o,  ligne  2.  —  Après  elc.  mettre  en  note  :  ces  deux,  etc.  sont  du  manuscrit. 

Page  533,  notes,  1"  colonne,  avant-dernière  ligne.  —  Qui  a,  Usez  qui  a  eu. 

Page  563.  —  Il  faut  un  long  filet. 

Page  564,  ligne  33.  —  Seignerie,  iuez  seigneurie. 

Page  575 ,  notes ,  ligne  2.  —  Inscription ,  Usez  suscription. 

Page  579,  ligne  i3.  —  lis  doivent,  lisez  ils  (les  Vénitiens)  doivent. 

Page  58i  ,  notes,  1"  colonne,  ligne  pénultième.  —  Fol.  558 ,  orig.  lisez  :  orig.  fol.  558. 

Page  5go,  note,  2'  colonne,  ligne  pénultième.  —  Après  Harlay,  mettez  :  3^7. 

Page  59g ,  2°  ligne  à  partir  d'en  bas  :  effacez  les  points  après  le  mot  dict  et  intercalez  Us  trois  para- 
yraphes  suivants,  qui  ont  été  supprimés  à  tort  : 

«  Quelque  parole  qu'on  porte  à  M.  d'Harcourt  de  la  part  du  prince  Thomas ,  il  ne  doit  point  s'ar- 
rcsler  de  faire  ce  qu'il  estimera  à  propos,  selon  ses  premiers  projetz  pour  le  service  du  roy,  mais  si 
led.  s'  prince  Thomas  signe  le  papier  qu'on  vous  envoyé,  en  ce  cas  M.  d'Harcourt  prendra  ses 
mesures  sur  ce  qu'on  pourra  concerter  avec  luy  pour  ce  qu'il  estimera  plus  avantageux. 

I  Surtout  il  doit  avoir  devant  les  yeux  que,  si  le  secours  proposé  par  le  sieur  Fabert  et  par  le  cap* 
Guay  peut  réussir,  il  est  cent  fois  meilleur  que  d'y  mener  l'armée,  qui,  en  ce  cas,  demeurera  libre 
pour  agir  entièrement,  ou  selon  les  projetz  que  M.  d'Harcourt  aura  pris  conformément  à  ses  ins- 
tructions, ou  selon  ce  que  les  occasions  luy  en  donneront  lieu. 

a  Au  cas  que  M'  le  prince  Thomas  veuille  signer  le  papier  qu'on  vous  envoie,  M'  d'Harcourt  ne 
fera  point  difficulté  de  signer  celuy  qu'on  vous  envoie  aussy  au  pied  du  projet  des  promesses  que 
le  roy  consent  de  faire.  » 

Page  599,  note  2;  à  la  place  des  quatre  premières  lignes,  mettez  seulement  :  Celte  dépêche  devait 
être  communiquée  au  comte  d'Harcourt. 

Page  602  ,  ligne  1 7.  —  Ligne,  Usez  ligue. 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS.  987 

Page  61 3,  aux  sources.  —  En  iéte  :  Bibl.  imp.  Clairambault,  Mélanges,  2,  n°  696,  p.  i83.  — 
Original. 

Page  6i5,  dernière  ligne  des  sources.  —  Ajoutez  :  Suppl.  franc.  870,  extrait. 

Page  6i5,  notes,  1"  colonne.  —  Aprh  le  mot:  marge,  ajoutez  •  de  l'original  et  aussi  de  la  pièce 
des  affaires  étrangères. 

Page  6 1 6 ,  à  la  fin  de  la  pièce.  —  Ajoutez  :  «  Faict  à  Ruel ,  le  vingt  quatriesme  de  novembre  mil 
six  cents  trente  neuf.  Le  Cardin,  de  Richelied.  »  Cette  date,  écrite  en  toutes  lettres,  a  été  mise  après 
coup,  sans  doute  au  moment  de  l'expédition ,  c'est  ce  qui  explique  la  différence  du  22  au  a4. 

Page  616,  aux  sources.  —  En  tète:  Bibl.  imp.  Clairambault,  Mélanges,  696,  p.  191.  Original. 
Richelieu  a  écrit  de  sa  main,  au  dos  de  cet  original,  les  mots  que  le  secrétaire  a  écrits,  en  titre ,  sur 
la  minute.  —  Aux  sources ,  6'  ligne.  —  Ajoutez  :  Suppl.  franc.  870 ,  extrait. 

Page  617,  ligne  8.  —  «  Pourveu  qu'il  iuy  donne  parole,»  Richelieu  a  effacé  ces  mots  et  il  a  mis  en 
interligne  :  «  mais  qu'il  s'asseure.  » 

Page  617,  ligne  20.  —  Dans  l'original  la  pbrase  est  restée  imparfaite,  les  huit  derniers  mots 
manquent. 

Page  6 1 7,  Ifgne  28.  —  Qu'ont  eus  les  Pays-Bas  cette  année ,  Richelieu  a  effacé  ces  mots  et  a  mis  : 
«qu'ont  eus  les  ennemis  cette  année  en  Pays-Bas.  » 

Page  617,  note.  —  Aprh  le  mot  :  «  mss.  ■  ajoutez  :  «  ainsi  que  sur  l'original.  » 

P.  619.  ^ — ■  Ajoutez  à  la  note  2  .- Dans  l'original,  elle  fait  corps  avec  l'instruction  qu'elle  termine, 
mais  elle  est  précédée  des  lignes  suivantes  : 

«  D'autant  que  M.  le  prince  d'Orange  demande  caution ,  dans  Amsterdam ,  de  l'argent  qu'il  plaira 
au  roy  Iuy  promettre,  ne  faict  point  de  difficulté  d'en  donner,  pourveu  qu'il  Iuy  plaise  en  donner  une 
solvable  dans  Paris,  pour  respondre  de  l'exécution  de  ses  propositions.  » 

Page  620 ,  notes,  2*  colonne,  ligne  8.  —  Elle ,  lisez  la  lettre. 

Page  622,  notes,  1"  colonne,  ligne  3.  —  «La  pièce  1 88,  etc.  Supprimez  cette  derniire  phrase  et 
mettez  à  la  place  :  Ces  engagements ,  longtemps  médités  et  souvent  modifiés ,  furent  envoyés  de  nou- 
veau à  M.  d'Estrades,  par  Richelieu;  sa  lettre,  dont  l'original  ."se  trouve  dans  les  Mélanges  de  Clai- 
rambault (  696 ,  p.  2  2  9  ),  est  de  la  main  de  Cherré  ,  et  une  mise  au  net ,  écrite  de  la  même  main ,  est 
auxAff.  étr.  Hollande,  t.  21,  fol  187.  Cette  mise  au  net  nous  donne  la  date  du  28  décembre  qui 
manque  à  l'original  de  Clairambault.  Dans  cette  rédaction,  la  promesse  de  Richelieu  n'est  pas  tout  à 
fait  conforme  à  celle  du  ms.  des  Aff.  étr.  tandis  que  le  texte  de  la  promesse  du  prince  d'Orange  est 
identiquement  le  même.  Au  contraire,  une  autre  pièce  de  la  main  de  d'Estrades,  datée  de  La  Haye 
le  17  janvier  i64o,  et  conservée  dans  le  manuscrit  précité  de  Clairambault,  p.  2  65,  donne,  pour  la 
promesse  de  Richelieu ,  le  même  texte  que  celui  qu'on  vient  de  lire,  tandis  que,  dans  la  promesse  du 
prince  d'Orange,  deux  paragraphes  ont  été  ajoutés  : 

«  1*  Le  Prince  promet  que  messieurs  les  Estais  entretiendront  3o  ou  4o  vaisseaux  au  travers  de 
Calais,  pour  empescher  que  les  places  des  ennemis  ne  soient  secourues. . .  et  pour  asseurer  le  passage 
des  vivres  de  France  et  de  Hollande. 

«  2°  Il  sera  réduict  à  Paris  7 1 ,5oo  livres ,  montant  des  gratifications  destinées  par  S.  M.  pour  les 
ofllciers  françois  qui  servent  M"  les  Estats.  » 

Page  6  2  3 ,  notes ,  1  "  colonne ,  ligne  1 4 .  —  Tom.  1 ,  lisez  tom.  2 . 

Page  627 ,  ligne  3.  —  Avant  le  mot  est,  oatirir  des  guillemets,  et  les  fermer  à  la  fin  delà  phrase. 

Page  628,  notes, ligne  i.  —  873,  lisez  578. 

Page  628,  notes,  2*  colonne,  ligne  i4.  —  Arnault,  lisez  Arnauld. 

Page  633 ,  ligne  3o.  —  Aprh  le  mot  restabli  ,/crmer  les  guillemets. 

Page  64o,  aux  sources.  —  T.  lisez  n°,  c*  24,  Usez  44. 


988  CORRECTIONS  ET  ADDITIONS. 

Page  64o,  ligne  2.  —  Sensseî  lisez  Jenssc. 

Page  64o,  dernière  ligne  de  la  note.  —  28 ,  lisez  43. 

Page  642,  ligne  i3.  —  L'évesque  Arnauld,  lise:  Henri  Arnauld.  (Voy.  l'erratum  delà  page  5o8.  ) 

Page  643 ,  ligne  2.  —  Père,  lisez  frère. 

Page  645,  ligne  10.  —  Le  i4janvier,  lisezle  4- 

Page  646,  ligne  i5.  —  août,  lisez  octobre. 

Page  646 ,  ligne  16.  —  Le  2  novembre,  lisez  le  6. 

Page  655  ,  ligne  1.  —  Sa,  lisez  la. 

Page  607.  —  Ajoutez  aux  sources,  première  ligne  :  Bibl.  imp.  Clairambault,  Mélanges,  t.  696. 
Original.  —  Et  en  dernière  ligne  :  Suppl.  franc.  870.  Copie. 

Page  658,  ligne  23.  —  Des  Açores  ou  des  Canaries.  Dans  l'original  et  la  minute  il  y  a  ;  Essores  et 
Canaries. 

Page  658,  ligne  pénultième.  —  Âprh  le  mot  :  Prince  d'Orange,  la  lettre  finit  ainsi  dans  l'original . 

•  Sur  tout  ce  que  dessus,  et  nous  mander  à  quoy  vous  cognoistrés  qu'il  se  pourroit  porter.  Cepen- 
dant vous  ne  vous  engagerés  à  aucune  chose  déterminée  sur  ce  sujet;  désirant  avoir  du  temps  pour 
y  penser,  ayant  sceu  leurs  intentions.  Je  suis.  Monsieur,  vostre  très  affectionné  à  vous  servir. 
Le  Cardin,  de  Richelieu.  » 

Page  659,  aux  sources.  —  Ajoutez  :  Suppl.  franc.  370.  Copie. 

Page  670.  —  Ajoutez  aux  sources  :  Suppl.  franc.  870.  Copie. 

Page  671 ,  ligne  i3.  —  Ensembles,  lisez  ensemble. 

Page  672,  notes  ^  1  "  colonne ,  ligne  5.  —  Effacez  le  mot  mesmes. 

Page  678 ,  notes,  2'  colonne,  ligne  1 1.  —  Les,  lisez  des. 

P.  676 ,  ligne  3.  —  Au  mot  n  user,  »  indiquer  cette  note  :  Cbavigni  écrivit  en  conséquence  à  d'Es- 
trades le  1 8  février  ;  «  La  détention  du  Prince  palatin  ayant  fait  grand  bruit  parmi  les  proteslans 
d'Allemagne  et  les  calvinistes,  il  est  important  d'informer  un  ebacun  des  justes  et  importantes  rai- 
sons qui  ont  mis  S.  M.  dans  la  nécessité  d'en  user  ainsi. . .  »  A  cette  lettre  était  joint  un  mémoire  qui 
a  dû  être  envoyé  à  plusieurs  ambassadeurs;  le  nom  de  d'Estrades  et  celui  du  prince  d'Orange,  auquel 
il  devait  être  communiqué,  ayant  été  mis  après  coup  dans  un  espace  laissé  en  blanc  par  l'expédition- 
naire. —  La  lettre  originale  de  Cbavigni ,  ainsi  que  le  mémoire,  sont  conservés  à  ia  Bibl.  imp.  Clai- 
rambault, Mélanges,  t.  2  ,  n°  696,  pièces  8o5  et  80g. 

P.  676 ,  ligne  6.  —  Boiscourt ,  lisez  Boislouet.  C'est  un  exempt  des  gardes  que  nous  voyons  souvent 
employé  par  le  cardinal  lorsqu'il  s'agit  de  l'arrestation  ou  de  la  garde  de  quelques  prisonniers  d'im- 
portance. (  Voy.  t.  IV,  p.  428  et  683;  et  t.  V,p.  449.) 

Page  679,  ligne  i5.  —  En  on,  lisez  on  en. 

Page  681,  ligne  8.  Après  le  point ,  mettez  en  note  ;  Cbavigni  confirmait  cette  nouvelle  le  1 5  avril  ;  il 
écrivait  à  M.  d'Estrades  :  «...  Le  roy  a  résolu  de  partir  le  2  ou  8  du  mois  qui  vient  pour  appuyer,  par 
sa  présence  et  celle  de  M.  le  cardinal,  le  grand  dessein  que  l'on  entreprendra  dans  les  Pays-Bas.  » 
Clairambault,  Mélanges,  696,  p.  891 . 

Page  681,  note,  1"  colonne,  ligne  4.  —  Grosie,  lisez  Grosic. 

Page  696,  note,  1"  colonne,  ligne  3.  — •  i54i,  lisez  i64i.  ~ 

Page 725,  ligne  18.  —  A  Vautau ,  lisez  de. 

Page  728 ,  note,  2'^  colonne,  ligne  i3.  —  Au  nom  de  Nogent,  mettez  cette  sous-nole  :  Parmi  tous 
ces  noms  déguisés,  celui-là  est  le  nom  même  de  la  personne;  il  faut  se  souvenir  que  Nogent  était  le 
frère  de  Bautru. 

Page  788,  à  la  fin  de  la  note  1.  —  Ajoutez:  Déjà  même  on  a  pu  remarquer,  dans  la  correspon- 
dance du  cardinal ,  une  certaine  aigreur  très-peu  dissimulée,  p.  7 1 8  ,  lettre  du  8  août. 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS.  989 

Page  789,  noie  i ,  ligne  3.  —  Après  le  mot  «  sources ,  »  supprimer  deux  lignes  et  mettre  :  Elle  n'a  pour 
signature  qu'une  espèce  d'5  barrée ,  comme  dans  presque  toutes  les  lettres  de  Pujol  ;  et,  comme  c'est 
aussi  son  habitude,  il  transcrit  dans  ie  texte  espagnol  même  la  réponse  d'Olivarez,  en  partie  chiffrée. 

Page  7 il.  —  Ajoutez  à  la  note  2  :  L'évêque  de  Lombez  était  Jean  Daffiz,  d'une  famille  parle- 
mentaire. 

Page  7  ;')  1 .  —  Note  à  ajouter  à  la  lettre  378  .  Le  prince  ne  fit  alors  aucune  objection  ;  on  voit  que , 
s'il  en  eût  fait,  Hichelieu  était  disposé  aie  satisfaire;  l'union  était  vivement  désirée  des  deux  parts  et 
chacun  aurait  craint  de  la  rompre.  Mais,  lorsqu'un  peu  plus  tard  le  cardinal  fit  son  testament,  les 
mêmes  considérations  n'existaient  plus,  et  il  écrivit  avec  l'autorité  d'un  mourant:  «Je  ne  fais 
aucune  mention,  en  ce  mien  testament,  de  ma  niepce,  la  duchesse  d'Anguien,  d'autant  que,  par 
son  contract  de  mariage,  elle  a  renoncé  à  ma  succession,  moyennant  ce  que  je  luy  ay  donné  en  dot, 
dont  je  veux  et  ordonne  qu'elle  se  contente.  »  Mais  le  beau-père  de  M"'  de  Brezé  se  montra  peu  dis- 
posé à  obéir  à  ces  ordres  posthumes.  «M.  le  Prince,  écrit  (juy- Patin  (8  mars  i6/*4),  s'en  va  plaider 
contre  madame  d' .aiguillon ,  afin  de  faire  casser  le  testament  du  cardinal ,  son  oncle ,  au  nom  de  sa 
bru,  la  duchesse  d'Enghien.  La  duchesse  d'Aiguillon  cherche  la  paix  et,  tâchant  d'avoir  composi- 
tion, a  offert  un  million  deux  cent  mil  livres  and.  Prince,  qui  ne  veut  pas  boire  à  si  petit  gué.  » 
(T.  I,  p.  324.) 

Page  753,  notes,  2'  colonne.  —  De  Courayer,  lisez  le 

Page  754  ,  ligne  10.  —  Le  seul,  lisez  ce  seul. 

Page  759,  notes,  1"  colonne,  ligne  7.  —  Après  conversation,  mettez  :  (p.  3o3). 

Page  769,  texte,  4'  ligne.  —  Ajouter  cettenole  surSabatier:  C'était  un  hoœme  d'affaires  assez  mal 
famé  et  que  protégeait  Richelieu.  Trésorier  des  parties  casuelles,  receveur  des  consignations  du 
Châtelet,  il  avait  acheté  ces  charges  et  d'autres  au  prix  de  800,  1 100  et  1  joo  mille  livres.  «Cela 
serait  incompréhensible ,  mande  H.  Arnauld  (  20  avril  1 63g  ),  si  on  ne  tenoit  pour  asseuré  qu'il  ne 
fait  que  prester  son  nom.  »  L'année  suivante,  il  acheta  la  charge  de  receveur  des  consignations  du 
parlement,  et,  à  celte  occasion,  un  arrêt  ordonna  une  information  de  vie  et  mœurs.  Sur  quoi  H.  Ar- 
nauld écrivait  encore  :  «  Jugez  ce  que  c'est  de  mettre  tout  l'argent  des  consignations  entre  les  mains 
de  Sabbatier,  lequel  a  sur  sa  teste  cette  charge,  qui  luy  revient,  avec  falternatif  et  le  triennal,  à  dix- 
neuf  cent  mille  livres  et  plus...  cela  est  tout  à  fait  prodigieux.»  (Lettre  du  9  mai  i64o.)  On  voit 
qu'avec  toutes  ces  affaires  gigantesques  Sabbatier  s'était  mis  dans  une  position  difficile  et  suspecte. 
Il  s'en  tira  pourtant,  sans  doute  à  l'aide  de  la  protection  que  nous  lui  voyons  accorder  ici.  Nous 
lisons  dans  la  chronique  épistolaire  de  H.  Arnauld,  à  la  date  du  16  février  1642  :  «  Sabbatier  feit ,  il  y 
a  quatre  jours,  une  magnificence  estrange  à  Montrouge,  au  baptesme  de  sa  fille. . .  Il  y  eut  comédie. . . 
c'est  une  chose  honteuse  de  souffrir  que  cet  homme  triomphe  ainsy  après  avoir  volé  tout  le  monde.  » 
—  Cette  histoirede  Sabbatier  est  curieusepour  la  connaissance  des  mœurs  financières  de  ce  temps-là. 

Page  773,  note  2.  —  739.  H^^^  760. 

Page  775,  note,  2' colonne,  ligne  i3.  —  Six,  lisez  six  millions. 

Page  775,  2'  colonne,  ligne  i4.  —  Si  elle,  lisez  S.  M. 

Page  776 ,  ligne  4  du  P.  S.  —  D'y,  lisez  d'en. 

Page  778,  notes,  2°  colonne,  ligne  11.  —  169,  Usez  369. 

Page  785,  ligne  16.  — •  Toulon,  foez Toulouse. 

Page  785,  ligne  26.  —  A,  lisez  ta. 

Page  789,  sous  note.  —  Ajoutez  :  Elle  parle  sans  doute  des  bontés  présentes,  mais  comment,  en 
signant  ce  nom,  ne  pas  se  souvenir  de  1 632  ? 

Page  790,  note,  2*  colonne,  dernière  ligne.  —  Ajoutez  :  que  nous  venons  de  citer. 

Page  796 ,  note  1 .  —  Ajoutez  :  Ce  fut  pourtant  l'année  suivante  seulement  qu'elle  fit  un  voyage  en 


990  CORRECTIONS   ET  ADDITIONS. 

Hollande.  Mais  la  reine  sa  mère  se  disposait  à  y  passer  en  allant  à  Cologne  ;  les  ambassadeurs  bollan- 
daisà  Londres  engageaient  leur  gouvernement  à  l'en  dissuader;  ils  disaient  a  d'effrayer  ceux  qui  le  luy 
conscilloient,  en  leur  montrant  le  péril  qu'ils  couiToient,  à  cause  de  l'estroite  alliance  de  i'estat  avec 
la  France, et  du  grand  nombre  de  ceux  qui  estiment  beaucoup  l'amitié  de  M.  le  cardinal.  »  (  Groen 
van  Prinsterer,  Arch.  de  la  maison  de  !^assau,  t.  III,  p.  449-) 

Page  796,  note  a.  —  P.  785,  lisez  786. 

Pa^e  798,  4'  ligne.  —  L'Ilicrs,  effacez  l'apostrophe:  il  n'y  en  a  point  dans  le  mot  écrit  par  Ri- 
chelieu ,  qui,  selon  un  usage  assez  commun  de  son  temps,  omettait  presque  toujours  la  ponctuation; 
mais  il  a  mis  l'i  majuscule,  ce  qui  suppose  l'apostrophe. 

Page  799  «  5*  ligne.  —  «Sonder»;  ce  mot  ne  se  comprend  guère  :  il  est  d'adleurs  douteux  dans  le 
texte,  où.  ton  pourrait  lire  fonder,  ce  qui  du  reste  n'est  pas  beaucoup  plus  clair. 

Page  799,  7°  ligne.  —  Après  le  mot  cognoistre,  mettez  avoir. 

Page  801,  note  3,  6'  ligne  d'en  bas.  —  ,  après  tout,  entre  deux  virgules. 

Page  808,  sous-note.  —  Effacez  :  de  Fontette  et  celle;  et  mettez  à  la  date,  au  lieu  du  8,  le  1 3, 
(  date  de  la  pièce  de  Fontette)  ■ 

Page  811,  note  2.  —  L'évêque  Arnauld,  lisez  Henry  Arnauld. 

Page  81 4,  ligne  2.  —  Avant  le  mot  l'esclaircissement  un  mot  doit  avoir  été  oublié:  par,  donnant ,  ou 
autre. 

Page  824,  notes,  2'  colonne,  ligne  2.  —  Bouquet,  lisez  Jacques. 

Page  828.  —  La  note  n°  2  doit  être  numérotée  3 ,  et  la  note  3  doit  être  numérotée  2. 

Page  845,  notes ,  2"  colonne ,  ligne  12.  —  Effacez  les  guillemets. 

Page  846,  notes,  2'  colonne,  ligne  i4.  —  Dud.  lisez  du  s'. 

Page  862  ,  ligne  27.  —  Effacez  le  chiffre  de  renvoi  i . 

Page  862,  note,  ligne  1.  —  Après  mis,  ajoutez  :  ici. 

Page  871,  ligne  22.  —  Excepté  La  Motte,  lisez  à  La  Motte  près. 

Page  889 ,  ligne  7.  —  Deux  lettres  sont  tombées  au  premier  mot:  lisez  tout. 

Page  896,  ligne  5  (d'en  bas).  —  La  ,  lisez  le. 

Page  897,  1"  ligne.  —  Ses,  lisez  :  les. 

Page  928 ,  sous-notes  *■  et  '.  —  M.  de  Bouthilliers ,  lisez  M.  BouthiUier. 

Page  933  ,  note,  2*  colonne,  ligne  22.  —  Après  le  roi ,  ajoutez  :  «  Prenez  vos  mesures  là  dessus,  > 
lui  disait-il. 

Page  946.  —  Ajoutez  à  la  note  concernant  madame  de  Clievreuse  :  Au  reste,  il  parait  qu'entre  cette 
dame,  qui  était  alors  hors  de  France,  et  le  cardinal,  il  y  avait  précisément  à  cette  heure  quelque 
pourparler  de  rapprochement  qui  pouvait  donner  carrière  aux  conjectures.  H.  Arnauld  écrivait  le 
4  juin,  quelques  jours  avant  la  découverte  du  traité  d'Espagne  :  «On  murmure  de  quelque  accom- 
modement de  M""  de  Chevreuse  de  deçà,  et  l'on  s'imagine  que  c'est  pour  cela  que  Boispiié  est  allé 
trouver  M.  le  cardinal.  »  On  a  vu  que  ce  Boispiié  était  un  serviteur  attaché  à  la  maison  de  Chevreuse. 

Page  962  ,  3'  ligne  du  texte,  à  partir  d'en  bas.  —  Effacez  [sic). 

Page  954  ■  2°  ligne  du  texte ,  à  partir  d'en  bas.  —  Affectionné ,  lisez  affectionnés. 

Page  962.  —  La  date  de  la  lettre  XLV,  20  juillet,  lisez  ;  24  juillet. 


^ 


DC 

Richelieu,  Armand  Jean  du 

123 

Plessis,  Cardinal,  duc  de 

.9 

Lettres,  instructions 

R$M 

diplomatiques  et  papiers 

1853 

d'état 

t.6 

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