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1
r
1
LETTRES A MONSIEUR LEPSIUS
SUR UN DÉCAN DU CIEL ÉGYPTIEN
PAR
A. ROMIKU
PROFESSEUR D'HYDROGRAPHIE DE LA MARINE.
LEIPZIG 1870
J. C. HINRICHS LIBRAIRE ÉDITEUR
PARIS: FR. KL1NCKSIECK 11 RUE DE LILLE.
/54.
2/2,
r
Monsieur,
Lorsqu'une mort prématurée vint enlever Champollion à la France qui Pavait vu naître
et à la science que son génie avait créée, l'illustre savant était déjà parvenu à lire sur
les listes hiéroglyphiques des décans les noms grecs de certains d'entre eux, tels que les
donne la liste d'Héphestion que S au m ai se nous a conservée 1 ). Après Champollion, les
égyptologues formés à son école, ont laborieusement poursuivi les premières investigations
du maître, et vous-même, Monsieur, vous avez apporté à la solution de ce problême phi-
lologique les ressources d'une profonde et puissante érudition 2 ). La science moderne
toutefois a paru jusqu'à présent trop peu mûre pour essayer l'identification des décans
égyptiens avec les astérismes de la sphère grecque; cette question présentait, du reste,
avant les recherches philologiques que je viens de rappeler, des difficultés d'interprétation
qu'il n'était pas possible de vaincre, et on ne peut espérer de la résoudre, aujourd'hui
encore, sans qu'il reste de nombreuses incertitudes dans les résultats. Cependant, lorsque
le calcul aura une première fois reconnu sur quelles plages du ciel existent les constella-
tions grecques correspondant à chaque décan, il est permis d'espérer que, les limites de
l'erreur étant ainsi resserrées, le problême ne tardera pas à recevoir dès lors une solu-
tion complète que l'importance du sujet ne peut que faire vivement désirer. Permettez-
moi de vous exposer, Monsieur, dans une série de lettres, qui se succéderont à des époques
assez rapprochées, je l'espère, le résultat de mes recherches personnelles sur une question
d'un si haut intérêt.
Je m'occuperai exclusivement aujourd'hui du décan que l'on rencontre dans toutes les
listes au 18' m * rang après Sothis, et que le grec d'Héphestion désigne par le nom de
^ar; je me propose de montrer comment j'ai été conduit à identifier ce décan avec la
constellation de l'Aigle dont l'étoile la plus brillante a reçu, depuis les Arabes, le nom
d'Altair. Pour légitimer cette identification, je devrai commencer par interpréter le sens
de la dénomination égyptienne, en comparant le nom grec du décan aux groupes hiéro-
glyphiques qui désignent ce même décan sur les listes tirées des monuments, et en même
temps aussi aux mots de la langue copte qui , présentant une composition phonétique sem-
blable, doivent être regardés par nous comme fournissant la signification commune à tous.
Voici le tableau des désignations hiéroglyphiques du décan sur les listes les plus anciennes :
Tombe de Séti I« t 1 k
Palais de Ramsès II
Pk
Tombe de Ramsès IV
Pk
Sarcophage du règne de Nectanèbe *v
On reconnaît, dans toutes ces variantes, le nom Smat de la liste grecque, reproduit exac-
tement dans ses éléments phonétiques. A. Denderah, le groupe présente une nouvelle
variante : il est écrit ( I T : ici le t manque , et c'est cette circonstance qui va. nous con-
duire à l'interprétation cherchée. Ce dernier groupe nous est , en effet, depuis longtemps
connu; il a, dans les textes, le sens de ressemblance, image, portrait, et le seul mot de
') Saumaise de annis climactericîs, page 610.
') Einleitung zur Chronologie der Aegypter, S. 67.
la langue copte, qui lui correspond par le sens d'abord et par la composition phonétique
ensuite, est CUOT, CU&T, species, forma, effigies, similitudo; or, circonstance très-
remarquable, ce dernier mot présente les mêmes éléments que le groupe antique et le grec
d'Héphestion; il semble naturel alors, Monsieur, d'attacher à ces derniers le sens que nous
reconnaissons déjà avec certitude au décan de Denderah et au mot copte, quoique le
groupe des listes antiques n'ait été rencontré encore dans aucun texte avec cette même
signification. Le mot actuellement connu qui, par sa composition, reproduit exactement
la forme antique du nom du décan est:
^ôii. *M=*Ê&
dénomination affectée à une classe de personnes des deux sexes, attachées au service
d'une divinité dans ses temples, et dont la nature des fonctions nous est pour le moment
inconnue. L'examen des deux variantes nous montre d'abord que le déterminatif de la
première est identique avec celui du groupe décan dans les listes de Ramsès II et de
Ram ses IV, et ensuite que ce nom sacerdotal devait avoir quelque affinité avec le mot
H :=^: dont le déterminatif est le même que celui de la deuxième variante, quoique
dans ce nouveau groupe le trait déterminatif soit redoublé. Une des fonctions de ce
dernier était de désigner une partie de l'œil qu'on avait l'habitude de peindre ou de far-
der; mais il était pris aussi dans d'autres acceptions, malheureusement imparfaitement
éclaircies encore, dans lesquelles on reconnaît cependant toujours une idée première
d'image ou de peinture. Gonséquemment, quel que fût primitivement le motif de l'affec-
tation du nom Smat à cette classe d'employés des temples, soit que certaines parties de
leurs yeux fussent fardées, soit que l'ajustement de leur personne fût disposé de manière
à rappeler matériellement à l'œil la divinité telle que les Egyptiens se la représentaient,
il demeure établi, je crois, Monsieur, par cette discussion philologique, que nous devons
admettre pour notre décan, la signification, image ou ressemblance, que nos connaissances,
actuellement acquises sur la langue égyptienne, nous conduisent d'abord à reconnaître
dans le groupe de Denderah , correspondant au même décan, et que nous trouvons exacte-
ment conservé ensuite dans un mot copte dont la composition est identique avec celle du
groupe- des plus anciennes listes.
Le sens une fois fixé, j'ai dû chercher à découvrir de quel objet ce décan pouvait être
l'image; et c'est en m'appuyant sur le rang invariable de ce décan dans toutes les listes,
que je suis parvenu à le connaître; c'est ce que j'exposerai, Monsieur, en suivant rigou-
reusement ici la marche et la suite d'idées par lesquelles je suis passé pour y arriver
moi-même. Les Egyptiens, pour des motifs astrologiques, observant les décans presque
exclusivement au lever de ces astres, et Smat occupant toujours dans les listes le 18 èœe
rang après Sothis, cette position particulière et constante nous désigne une étoile appa-
raissant sur l'horizon 12 heures après Sothis, c'est-à-dire lorsqu'une demi révolution diurne
s'était écoulée depuis le lever de cette dernière; sous ce rapport, l'un des levers pouvait
être regardé, dans un certain ordre d'idées, comme l'image de l'autre, et Smat était donc
l'image de Sothis ou de Sirius, puisque d'après le témoignage de toute l'antiquité, Sothis
et Sirius ne sont qu'une même étoile. Ce premier point ne fournissait pas encore l'objet
formant le décan Smat, mais il était dès lors évident pour moi que c'était seulement dans
le rôle astronomique de Sothis que je devais le rencontrer.
Parmi les levers d'une même étoile, il en est deux, séparés par quelques jours d'inter-
valle, qui ont reçu des dénominations spéciales, en raison des positions particulières du
soleil, par rapport à l'horizon et à l'étoile, au moment où ces levers se produisent. Le
premier, appelé lever cosmique, est caractérisé par la présence simultanée du soleil et de
Fétoile à l'horizon oriental; il est inobservable à l'œil nu, la lumière propre de l'étoile
étant alors noyée danfc celle du soleil levant. Le deuxième, ou lever héliaque, se produit
lorsque quelques jours plus tard, l'étoile étant à l'horizon, le soleil, par l'effet de son
mouvement propre apparent, se trouve descendu au-dessous de ce plan à la plus petite
distance qui permet de distinguer l'étoile à son lever pour la première fois. L'indication
des levers héliaques a constitué pendant longtemps le seul procédé par lequel l'astronomie
observatrice savait régler les opérations de l'agriculture et de la navigation, et nous tenons
des auteurs et des textes que celui de l'étoile Sirius en particulier annonçait autrefois en
Egypte la crue et l'inondation du Nil; or, ce dernier phénomène, dont la cause est au*
jourd'hui connue, venant toujours après le solstice, à un petit intervalle de jours, l'indi-
cation du lever héliaque de Sothis était donc à ces époques, à la fois l'annonce de l'inon-
dation et celle du solstice; de là, par une association au premier abord toute naturelle,
je concluais que l'image de Sothis ne pouvait être aussi que l'image du solstice. Je ne
ferai pas ressortir, Monsieur, tout ce que cette conclusion avait de hasardé et d'hypothé-
tique; le lever de Sothis a effectivement précédé le solstice, dans les temps éloignés, cela
est vrai, mais il l'a précédé par un long intervalle d'abord, puis l'intervalle diminuant, les
deux phénomènes en sont arrivés à se produire ensemble; et enfin, comme nous le voyons
de nos jours , c'est le solstice qui a précédé le lever. Je ne me dissimulais pas, en tirant
cette conclusion, l'objection évidente qu'on était en droit de lui opposer, mais continuant
à la suivre dans ses conséquences, je me proposais de lui faire subir plus tard la vérifi-
cation numérique que l'objection même provoquait, et c'est aussi ce que je m'empresserai
de faire ici, Monsieur, dès que le moment en sera arrivé. Mais le décan Smat étant
l'image du soleil solsticial, je rencontrais immédiatement dans le souvenir de certains
passages d'auteurs anciens, la nature de l'objet conventionnel qui portait ce nom, et en
même temps la position qu'il occupait dans le ciel. Horus- Apollon et Clément d'Alexandrie
nous apprennent, en effet, que l'oiseau de proie nommé par les Latins accipiter était
regardé par les Egyptiens comme l'image et le symbole de l'élévation du soleil, c'est-à-
dire du soleil solsticial 1 ); et d'un autre côté Kircher, s'appuyant sur le témoignage formel
d'Avenar, nous apprend que les Egyptiens peignaient un épervier dans la constellation où
les Grecs peignaient un aigle 9 ); d'après cela le décan Smat, image du soleil solsticial,
aurait été un épervier placé par les Egyptiens au point du ciel où les Grecs ont eu leur
constellation de l'Aigle. Suivons donc ce fil conducteur, et recherchons si l'astérisme grec
a pu satisfaire, pendant la durée de l'empire égyptien, à la condition astronomique d'ef-
fectuer son lever, tous les jours, 12 heures après celui de Sothis; or, c'est ce qui a eu effecti-
vement lieu, et la vérification se produit, Monsieur, avec une exactitude vraiment surprenante.
Avant de présenter les calculs qui établissent ce point important et pour ne pins
revenir sur le côté philologique de la question, je rappellerai ici une expression hiéro-
glyphique, non expliquée encore, qu'on rencontre dans une des inscriptions recueillies par
Mr. Dûmichen, appliquée à Horus-épervier, qui représentait, comme nous le savons d'une
') Horus- Apollon: Hieroglyphica, chap. 6 — Clément: Stroraates, livre 5.
') Kircher: Oedipus Aegyptiacus, t. 2, part 2, page 204.
manière certaine, le solstice d'été: ^ <r*— ^ ' ^ ^-, Le premier groupe est celui dont
nous nous sommes déjà occupés à propos du groupe décan, et le deuxième, qui est bien
connu dans ses acceptions générales, répond aux mots de la langue copte pHC, p&fC,
p&efC, expergisci, evigilare, custodire, vigilia, custos; mais il est très-probable qu'il possé-
dait encore d'autres significations exprimant des idées ayant des affinités avec celles de
garde ou de veille. Ainsi, par exemple, mon savant compatriote, Mr. Cbabas, a fait déjà
remarquer l'opposition de ce mot avec [1 B* ^$i— o qui signifie être couché; il a tra-
duit conséquemment notre groupe par se lever 1 ); il serait donc très -possible que le
membre de phrase hiéroglyphique, appliqué à Horus-épervier, rappelât l'épervier céleste
qui était son image; la traduction serait alors: »ton image veille ou se lève". Je n'ai
pas toutefois la prétention de me prononcer par ce s eul exemple ; il m'a paru simplement
utile de faire remarquer la présence ici du mot tk . J et c'est à vous, Monsieur, c'est
à votre sagacité toujours si habilement et si ingénieusement exercée qu'il appartient de
décider si nous n'aurions pas, dans cette expression hiéroglyphique, la première confir-
mation par les textes de l'existence de l'épervier céleste Smat.
J'arrive maintenant au calcul de l'intervalle des levers; la marche à suivre en général,
dans ces genre de problèmes est des plus simples; on commence par choisir préalable-
ment, d'après des considérations historiques tirées de la question même, Tannée et le lieu
pour lesquels le calcul doit être effectué; on fixe ordinairement l'année par sa position
dans le calendrier julien ou grégorien et le lieu par la hauteur du pôle céleste au-dessus
du plan de son horizon ; puis s'appuyant sur ces données premières, on calcule l'ascension
oblique de chaque étoile. Ces ascensions représentent les intervalles de temps écoulés
entre le lever du point équinoxial de printemps, sur l'horizon déterminé, et les levers de
chacun des deux astres; la différence de ces nombres fait donc connaître l'intervalle de-
mandé. L'ascension oblique d'un astre s'obtient en retranchant ou ajoutant à son ascen-
sion droite, selon que la déclinaison est de même ou de différente dénomination avec la
latitude du lieu, un nouvel élément désigné sous le nom de „ différence ascensionnelle tf ;
le problème est donc ramené en définitive à la détermination de ces deux derniers nom-
bres. On prend ordinairement l'ascension droite dans un catalogue d'étoiles, et l'on cal-
cule la différence ascensionnelle au moyen d'une formule très -simple de l'astronomie
sphérique*). Ainsi, pour faire une application de ce calcul à l'année actuelle, application
qui ne sera pas du reste sans utilité par la suite, je prends dans la connaissance des
temps pour l'année 1868 les coordonnées équatoriales de Sirius et d'Altaïr:
Si ri us Altaïr ,
décl. = - 16° 32' 15" décl. = + 8° 31' 1»"
asc. droite = 6 h 39 m 20" asc. droite = 19* 4A m 20 •
puis au moyen de la formule mise en marge, je calcule la différence ascensionnelle de
chaque étoile pour l'horizon de Thèbes dont la latitude est 25° 42' boréale; la plupart
des listes hiéroglyphiques de décans ayant été rencontrées sur des monuments faisant
partie des ruines de Thèbes, je ne pouvais évidemment songer à placer autre part le lieu
de robservation ; j'obtiens donc:
Sirius Altaïr
D « + 32 m 51» D = - 16 m 33»
') Mélanges II, page 178. ') sin D = tg. d tg. 1.
et combinant ensuite ces derniers nombres avec les ascensions droites respectives des deux
étoiles, j'arrive aux ascensions obliques qni suivent:
Sirius Altalr
7 h 12 » n« 19b 27» 47»
dont la différence est de 12 * 15 m , valeur s'éloignant fort peu, comme vous le voyez,
Monsieur, du résultat annoncé. Mais cette différence n'est pas constante; elle change
avec le temps, et ses variations qui dépendent des variations des coordonnées astrono-
miques des deux astres, sont en définitive liées aux déplacements dans l'espace des plans
de Fécliptique et de Téquateur terrestre; il ne suffit donc pas de connaître la valeur
actuelle de cette différence, il faut remonter dans le passé, et examiner ce qu'elle était
à une époque éloignée de nous, coïncidant avec la puissance et la civilisation du peuple
égyptien; mais la marche à suivre sera toujours la même; on sera seulement obligé, dans
le cas actuel, de calculer directement les coordonnées des deux étoiles pour Tannée à
laquelle on croira devoir s'arrêter; car les catalogues n'existent point pour des époques
aussi éloignées que celles que nous avons en vue de considérer. Je renvoie à la note qui
suit ma lettre le détail des calculs techniques par lesquels j'ai dû passer pour obtenir ces
coordonnées; on s'assurera par là, Monsieur, de l'exactitude des nombres, et il ne me
sera plus d'ailleurs nécessaire de revenir, dans mes prochaines lettres, sur la marche que
j'ai adoptée pour ce genre de calculs, puisqu'elle vous sera déjà connue. J'ai choisi pour
époque Tannée 1800 du calendrier julien proleptique qui convient suffisamment bien, dans
mon opinion, à la pins ancienne de toutes les listes, celle de la tombe de Séti I er . Quel
que soit en effet le système chronologique que Ton adopte pour le classement et la durée
des dynasties égyptiennes, cette date ne peut s'éloigner beaucoup, en plus ou en moins,
de l'époque du règne de ce prince, et un écart d'un ou de deux siècles, dans un sens ou
dans un autre, ne peut, comme le montrent très-clairement du reste les nombres, infirmer,
1
en aucune façon, la conclusion générale. Je rapporterai donc seulement ici les résultats
de mes calculs:
Sirius Altalr
décl. = -20° 18' 37" décl. « +26° 35' 40"
asc. droite = 3 h 52 m 52* asc. droite = 17 h 30 m 12 a
D = -f - 41 m 03' I) « - 55" 46»
asc. oblique = 4 h 33 m 55" asc. oblique = 16 h 34 m 27*
Différence des ascensions obliques = 12 h 00 m 32".
Ainsi en — 1800, le lever d' Altalr revenait tous les jours sur l'horizon de Thèbes, exac-
tement 12 heures après celui de Sirius: l'intervalle n'ayant varié depuis cette époque
jusqu'à nous que de 14 à 15 minutes, nous devons en conclure que, durant un certain
nombre de siècles, tant avant qu'après — 1800, cet intervalle pût être regardé, dans la
pratique des observations des levers, comme rigoureusement égal à 12 heures.
L'exactitude de ce premier élément de l'identification une fois vérifiée, je dois immé-
diatement montrer, pour répondre à une objection déjà prévenue, qu'à cette même époque,
l'écart du solstice et du lever héliaque de Sothis était assez petit pour que, dans l'esprit
des Egyptiens, les deux phénomènes fussent pris Tun pour l'autre. Dans ce but, j'ai cal-
culé d'abord, au moyen des tables de Largeteau, le solstice d'été de — 1800, et j'ai ob-
tenu le 9 juillet 6 b 06 m temps moyen de Thèbes; puis ensuite, adoptant pour abaisse-
ment vertical du soleil, au moment du lever héliaque d'une étoile de première grandeur,
8
la valeur 11° qu'Ideler a déduit des indications du même genre données par Ptolémée,
j'ai calculé le lever héliaque de Sotbis pour la même époque, sur l'horizon de Thèbes, et
je suis arrivé au 13 juillet 18 h 35 m temps moyen de Thèbes. On reconnaît donc que le
solstice précédait déjà le lever à un intervalle de 4 jours environ, et l'écart sera plus
grand encore, si on adopte immédiatement pour ce lever la date, 20 juillet, qui représente,
comme on le sait, dans le calendrier julien proleptique, le jour du lever héliaque de
Tétoile, tel que les Egyptiens avaient voulu le fixer pour l'Egypte entière 1 ). Mais quelle
que soit la valeur à laquelle on s'arrête pour l'écart des deux phénomènes, si Ton admet
que les Egyptiens ne pratiquaient à cette époque que les observations des levers, ce que
l'étude des textes rend extrêmement probable, on sera obligé de reconnaître que la valeur
admise satisfait toujours à mon interprétation. On a souvent parlé, en effet, au sujet des
cérémonies religieuses de l'antique Egypte, de la fixation du solstice d'été par les Egyp-
tiens, et moi-même, dans mon mémoire sur le calendrier vague, j'ai admis qu'ils savaient
déterminer le jour de cette position solaire; il faut toutefois reconnaître que, dans les
textes jusqu'à présent traduits, il n'est jamais question de quoi que ce soit de ce genre;
ce n'est pas à dire cependant pour cela que les Egyptiens n'aient pu l'essayer, s'ils se
représentaient le solstice d'après les idées astronomiques actuelles, car on peut, par les
levers solaires, effectuer cette détermination de deux manières différentes. L'une d'elles
consiste à attendre le lever du soleil, pour un lieu de l'hémisphère boréal, sur le point
le plus nord de l'horizon; mais ce procédé ne comporte que fort peu d'exactitude, car
les mouvements en déclinaison étant fort lents à cette époque de Tannée, les mouvements
azimutaux du point du lever, quoique plus grands, sont cependant très-lents aussi, et le
soleil paraît, pendant plusieurs jours, effectuer son lever sur le même point de l'horizon;
on ne pouvait donc de cette manière obtenir le solstice qu'à plusieurs jours près, et par
conséquent, si l'on veut admettre que les Egyptiens aient su fixer assez exactement cette
position solaire, ce ne peut être ce procédé qu'il faut leur attribuer. Mais il en existe
un autre beaucoup plus exact: lorsque le soleil, en effet, est assez éloigné du solstice,
tant avant qu'après, le point du lever se déplace alors sur l'horizon plus rapidement; les
Egyptiens pouvaient donc, quelque temps avant le solstice, noter un certain jour le point
du lever, et attendant que ce lever, après sa plus grande digression, revînt ensuite à la
même position, la moyenne des dates des jours d'observation aurait donné la date sol*
sticiale avec une assez grande précision, qui aurait augmenté encore, s'ils avaient eu le
soin de faire ainsi plusieurs couples d'observations pour prendre des moyennes; le procédé
peut donner alors le solstice à un demi jour près, et il constitue la méthode la plus ex-
acte qu'on puisse attribuer aux Egyptiens pour effectuer cette détermination, si Ton admet
toujours qu'ils se sont représenté cette position extrême avec les idées que nous avons
aujourd'hui. Mais il faut reconnaître que les textes nationaux et les auteurs tels que Ho-
rapollon et Clément d'Alexandrie ne le disent nullement; il est constamment question de
l'élévation du soleil et jamais du solstice proprement dit; or, l'élévation extrême du so-
leil, pour les Egyptiens, devait durer plusieurs jours, comme je vais le faire voir. Il est
en effet certain aujourd'hui que les instruments d'observation que possédaient, dans des
temps très -postérieurs, les astronomes d'Alexandrie, ne donnaient qu'une approximation
d'un demi degré environ; si donc nous accordons que les Egyptiens de l'époque pharao-
! ) Mémoire sur le calendrier vague des anciens Egyptiens.
nique observaient le point du lever des astres au moyen de cercles horizontaux gradués,
que rappellerait le fameux cercle d'Osyniandyas, nous ne pouvons raisonnablement admettre
que l'approximation obtenue alors fut supérieure à 30', ce qui signifie que au-dessous de
30' les angles devaient paraître nuls; or, une erreur de 30' sur le point du lever sup-
pose une erreur de 26' environ sur la déclinaison qui elle-même en entraîne une de 11
à 12 jours sur la date de l'observation 1 ); portant maintenant ce nombre de jours à partir
du solstice, tant avant qu'après, nous aurons un intervalle de 22 à 24 jours, pendant
lequel le point du lever devait paraître tout à fait stationnaire, et c'est cet intervalle qui
constituait le temps de l'élévation du soleil. Mais cette période solsticiale excède toujours
l'écart du solstice vrai et du lever héliaque de Sothis, quelle que soit la date que Ton
adopte pour ce dernier phénomène; nous en conclurons donc, comme je l'avais annoncé,
que le décan Smat, en se levant 12 heures après Sothis, était à la fois, pour les Egyptiens,
l'image de Sothis et du solstice, ou, pour être plus exact, l'image de l'élévation du soleil.
Ce premier point établi, la déclinaison d'Altaïr, calculée pour — 1800, laissait immé-
diatement reconnaître une nouvelle circonstance astronomique tout aussi remarquable que
celle qui concerne l'intervalle des levers; elle consiste en ce que, à l'époque considérée,
le lever de l'étoile s'effectuait à très-peu près sur le point du lever solaire au jour du
solstice d'été; il suffit, pour s'en convaincre, de calculer l'amplitude ortive de l'étoile et
celle du soleil solsticial. On sait que les astronomes désignent par la dénomination spéciale
d'amplitude ortive, l'écart angulaire d'un astre à son lever par rapport au point orient de
l'horizon, cet écart étant compté à partir de ce point vers le Nord ou vers le Sud jusqu'à
a valeur extrême de 90°. Ce nouvel élément astronomique s'obtient par une formule
très-simple encore 1 ) qui conduit dans le cas actuel aux valeurs numériques suivantes :
Amplitude ortive d'Altaïr = E 29° 47' N
du soleil solsticial = E 26° 47' N
l'égalité n'est pas, il est vrai, rigoureuse entre les nombres, mais il serait très-aisé, Mon-
sieur, en rapprochant quelque peu de nous la date, de rencontrer une époque pour la-
quelle, sans que l'intervalle des levers pût être regardé comme ayant varié, et sans que
l'écart du solstice par rapport au lever héliaque de Sothis eût sensiblement augmenté, les
deux amplitudes se trouveraient rigoureusement égales. Je me dispenserai de faire ce
nouveau calcul dont le résultat ne pourrait avoir pour nous qu'un attrait de pure curiosité;
car ce que je dis ici de l'étoile Altair, les Egyptiens l'appliquaient en réalité à leur asté-
risme accipiter tout entier, de sorte que la nouvelle date ne prouverait absolument rien,
comme jalon chronologique, et, d'un autre côté, ne connaissant point les limites conven-
tionnelles que les Egyptiens donnaient dans leur ciel à l'oiseau figuré, on ne peut évidem-
ment établir aucun calcul pour fixer l'époque de la formation de la liste hiéroglyphique
trouvée dans la tombe de Séti I er , et à plus forte raison l'époque du règne de ce prince.
Il nous suffit pour le moment d'avoir reconnu que la coïncidence de toutes les circon-
stances astronomiques qui justifient l'identification a existé, et de savoir qu'elle a existé
pour une époque peu éloignée de — 1800. On doit toutefois remarquer que l'astérisme
décan dut perdre avec le temps la propriété d'indiquer le lever solaire solsticial, et cela
bien plus rapidement qu'il ne perdit celle d'effectuer son lever propre 12 heures après
celui de Sothis. En effet, l'obliquité de Técliptique sur l'équateur pouvant, pour des ob-
l ) Voir note 2. 2 ) Sin A — -^
' ' eos 1
10
8ervation8 de levers, être regardée comme constante pendant un très-long intervalle de
temps, et la hauteur du pôle étant d'ailleurs invariable, F amplitude ortive du soleil sol-
sticial sera regardée comme constante aussi, tandis qu'il sera loin d'en être de même de
celle de rétoile; c'est ce que montre immédiatement la déclinaison actuelle d'Altaïr com-
parée à celle de l'étoile en — 1800. Pendant combien de temps les deux amplitudes
ont-elles pu être regardées comme égales? C'est à quoi il est impossible de répondre,
Monsieur, puisque en outre de l'ignorance complète dans laquelle nous nous trouvons sur
la plus ou moins grande précision des observations égyptiennes, les considérations précé-
dentes ne s'appliquaient pas, suivant une remarque déjà faite, à une simple étoile, mais
à un groupe stellaire tout entier, dont nous ne connaissons nullement aujourd'hui les
limites. Quoiqu'il en soit sur cette question, les nombres rendent toujours extrêmement
probable que l'étendue céleste de Tépervier Smat no lui permettait plus, dans les temps
postérieurs, de satisfaire à la condition primitive d'indiquer le point du lever solaire sol-
sticial ; mais déjà à cette époque, l'école grecque d'Alexandrie, protégée par la faveur des
Lagides, substituait aux systèmes astrologiques des prêtres égyptiens les méthodes trigo-
nométriques d'Hipparque et les théories sacerdotales réfugiées dans les sanctuaires des
temples cachaient derrière une mystérieuse réputation d'antiquité l'éclatant démenti que
leur infligeait le simple aspect du ciel.
Après avoir ainsi exposé analytiquement la suite d'idées qui m'ont conduit à l'identi-
fication, il est maintenant très-aisé, Monsieur, de saisir complètement toute la pensée
égyptienne dans l'institution de ce décan, image du soleil solsticial. Le point de l'éclip-
tique, nommé solstice d'été, se déplace dans le ciel par une conséquence naturelle de la
diminution de l'écliptique sur l'équateur et de la rétrogradation de la ligne des équinoxes;
sa position, parmi les étoiles, peut être reconnue d'une manière approchée à toute époque,
en cherchant dans un catalogue, construit pour cette époque, quelle est l'étoile dont les
coordonnées diffèrent le moins de celles du solstice qui sont toujours connues d'avance,
l'ascension droite ayant la valeur constante de 90° ou de 6 heures, et la déclinaison étant
précisément égale à l'obliquité de l'écliptique pour la même époque. Les Egyptiens ne
pouvaient que s'être aperçus de ce déplacement par leurs observations de levers, long-
temps continuées, car il était théoriquement sensible dans la variation de l'amplitude ortive
du soleil solsticial et dans le changement des étoiles effectuant individuellement leur lever
héliaque le jour du solstice. Les Egyptiens ne soupçonnèrent probablement pas la varia-
tion de l'amplitude solsticiale, car la diminution de l'obliquité qui en est la seule cause
est trop lente pour que ses effets puissent être distingués dans des observations aussi
grossières que le sont celles des levers; mais il était impossible de méconnaître que, par
la suite des temps, ce n'étaient plus les mêmes étoiles' qui se levaient héliaquement le
jour du solstice, ou même pendant la période solsticiale. Les levers solaires ne permet-
tent de déterminer qu'approximativement le moment du solstice; ceci est un fait provenant,
comme je l'ai déjà dit, de la lenteur du mouvement en déclinaison aux environs de cette
époque annuelle; mais la précision dans la détermination de l'instant du phénomène est
loin d'être nécessaire ici; il suffisait de noter les étoiles se levant héliaquement pendant
la période que durait la plus grande élévation du soleil, et la continuité des observations
seule laissait apercevoir que les levers héliaques finissaient par sortir de l'intervalle pen-
dant lequel le point du lever solaire paraissait stationnaire , cet intervalle * rétrogradant
constamment par rapport aux levers. Le déplacement de la période solsticiale ne pouvait
11
donc qu'avoir été remarqué des Egyptien»; toutefois il faudrait d'un autre côté reconnaître
qu'ils n'en auraient pas eu une idée fort exacte, s'ils étaient ces anciens astrologues qui,
d'après Théon, avaient imaginé la supposition d'un mouvement uniforme et alternatif de
8° dans les points solsticiaux *). A l'époque où l'intervalle des levers des deux décans
avait la valeur que le calcul a vérifiée, le lever héliaque de Sothis était assez voisin du
solstice pour le représenter dans l'esprit des Egyptiens, et dès lors le solstice, ou plutôt
l'époque annuelle de la plus grande élévation du soleil étant suffisamment indiquée parmi
les décans par la présence de Sothis, on ne pouvait se proposer que l'institution d'une
simple image de cette position solaire remarquable dans la série de ces astres divinisés;
c'est ce que les Egyptiens prétendirent obtenir au moyen de leur décan Smat, effectuant
son lever 12 heures après celui de Sothis. Mais à l'instant marqué par la fin de cet
intervalle, l'horizon présentait plusieurs astérismes paranatellons entre lesquels il fallait
faire un choix ; la solution la plus naturelle était de s'arrêter au groupe stellaire qui, par
son amplitude ortive, se levait sur le point de l'horizon auquel répondait alors le soleil
8ol8ticial ; et ce fut probablement ainsi que les Egyptiens en vinrent à distinguer les étoiles
de la constellation de l'Aigle, comme satisfaisant avec une grande exactitude aux conditions
astronomiques qu'ils avaient en vue de remplir.
Je terminerai cette lettre, trop longue peut-être, Monsieur, en prévenant une objection
qu'on pourrait faire à l'identification précédente. Il serait en effet possible qu'on voulût
interpréter le rang de Smat dans les listes, non plus par l'intervalle qui séparait jour-
nellement les levers des deux décans, mais bien par la fraction d'année comprise entre
leurs levers héliaques. Dans cet ordre d'idées Smat désignerait un astérisme se levant
héliaquement 180 jours après Sothis, en supposant l'année civile de 360 jours, ou plus
généralement si l'on veut, après une demi année tropique. A cela je répondrai d'abord
qu Altalr et les étoiles voisines n'ont jamais, à aucune époque, satisfait à une condition
semblable et que par conséquent les rapprochements que présente la signification du nom
égyptien avec les rapports des auteurs que j'ai cités au début de ma lettre, n'existent
plus dans ce système; mais j'ajouterai ensuite qu'il est impossible de rencontrer dans le
ciel aucune étoile, ayant jamais satisfait à ces nouvelles exigences astronomiques avec une
précision et une durée de temps de beaucoup comparables à celles que nous a offertes
Fiirterprétation précédente, qui n'est pas d'ailleurs particulière au décan Smat, mais qui
s'applique, d'une manière analogue à tous les autres, comme je serai successivement amené
à le faire voir dans mes prochaines lettres.
Note I.
Je me propose d'exposer dans cette note la marche que j'ai suivie pour obtenir les
coordonnées équatoriales des étoiles Sinus et AHaïr dans l'année 1800 du calendrier julien
proleptique. Jai employé pour calculer les déplacements de l'écliptique et de l'équateur
les formules que donne Laplace dans la Mécanique céleste; seulement, les quantités an-
gulaires qui composent ces formules étant, dans cet ouvrage, rapportées i la division dé-
cimale de la circonférence, j'ai eu le soin, pour la commodité et la rapidité des calculs,
de les remplacer par leurs valeurs correspondantes dans la division sexagésimale. Puis,
1750; et enfin, comme le Catalogne en question ne donne que les coordonnées équatoriales,
j'ai dû auparavant encore opérer une transformation de coordonnées pour rapporter les
') Théon: Tables manuelles; chapitre de la conversion.
2*
12
deux étoiles au plan de l'écliptique, car les formules de Laplace s'adaptent plus directe-
ment à ce dernier système de coordonnées.
J'ai donc commencé par calculer l'obliquité moyenne en 1780 par la formule:
obliq. moyenne = 23° 28' 23" — 0," 52114104 c — 0," 00000272294 r*
en y feisant r - —30, j'ai obtenu:
obliq. moyenne en 1780 = 23° 28' 07 ",4.
J'ai opéré alors la tranformation de coordonnées par les formules ordinaires:
. sin a .j cos (*/ + ni) . , . sin (7 + m)
tgÇ> = T-^ri si" A = sm d — w , tgl = tg a — : '
^ ^ tg d ' cos (p ' ° ^ sin y
en y joignant comme vérification, la relation:
cos a cos d = cos 1 cos A
Voici le tableau des données et des résultats de ce premier calcul:
Sirius Altaïr
d = - 16° 25' 07" . d « + 8° 17' 53"
a = 98° 52' 04" a = 295° 00' 32"
A = 39° 32' 50" A = + 49° 55' 00"
1 = 101° 03' 20" 1 = 310° 31' 00"
Pour effectuer ensuite le transport de 1780 à 1750, j'ai eu besoin de connaître l'angle n
des deux écliptiques, la précession apparente i!>' entre les deux époques, la distance L
du nœud des deux écliptiques à l'équinoxe de 1750, et enfin la distance L' de ce même
nœud à l'équinoxe de 17^0; ces éléments sont donnés par les formules suivantes:
n « + ",527529 % — ",0000040596 r*
ip 1 = + 50 ",0991 3666 r + 0",000122148 r a
L -a + 8° 45' 52' ,5 4- 8 ",420915 x + 0",0000t)48034 1*
L' = L — 1/'' + 7 g» sin 2 (L— ?/>'), R" désignant le rayon plié en arc et exprimé en
secondes,
en y faisant x = + 30, j'ai obtenu :
n - + 15",8 L = -h 8° 59' 45 ",2
V' = + 25' 03",1 L' = + 8° 34' 42",1
Désignant alors par A, 1, les coordonnées d'une étoile en 1780 et par Ao, lo, les coor-
données de la même étoile en 1750, j'ai passé des premières aux dernières par le système:
Ao = A-n sin (1 + L') - ± jf tgA cos 8 (1 + L')
• lo = 1 - ib' + n tgA cos (1 -f L') - j£ (i + tg 2 a) sin (1 + L') cos Q + L)
qui m'a donné, pour les étoiles considérées, les valeurs numériques suivantes:
Sirius Altaïr
Ao = - 39° 33' 05 ' Ao = + 49° 55' 10"
lo == 100° 38' 22" lo = :U0° 06' 11"
Pour transporter enfin ces dernières coordonnées a l'année — 1800 et les transformer en
même temps en coordonnées équatoriales, il était nécessaire de calculer préalablement
quelques éléments qui sont: la précession i;> sur l'écliptique fixe de 1750 entre les deux
époques, l'angle <>) de l'écliptique de 1750 avec l'équateur déplacé, la précession apparente
xD' et le mouvement a du point équinoxial en ascension droite: on les obtient au moyen
des formules:
ty = 50",412 7 + 2° 47' 57",02
+ 3°,830058 sin (50'\412 r -f 85° 33' 57 ",5)
- fi°,617772 cos 32",1158r- 1°,581516 sin 13",9464r
10 = 23° 08' 32",5-l°,636884 cos (50°,412 x + 85° 33 57",5)
+ 0°,457443 cos 13",9464 r - 2°,561724 sin 32",1158r
ip'= 50",412r - 1°,285407 sin 13",9464r 4- 5°,598342 sin 8 16",0579r
*P — 1//
a = z. m
COS ta
faisant x = — 3550 il vient:
1// = -50° 40' 38",5 <//' = -50° 32' 36",8
10 = 23° 36' 17",8 a = - 0° 08' 45",7
J'ai alors retranché aux longitudes lo des deux étoiles en 1750 la précession t/r, afin de
les rapporter à l'intersection vernale de l'écliptique de 1750 avec 1 équateur de — 1800;
puis au moyen des longitudes ainsi modifiées, des latitudes /o et de w, j'ai calculé les
coordonnées équatoriales des deux astres en — 1800 par les formules ordinaires:
A sin 1 . j -i eos (<p — w) . * 1 sin (7 — tu)
tgrr = -_ gin d = sin A — ^ -, tg a = tg 1 — ^ '
^ ' tg a 7 cos q> ' * ° sin (/
toujours, avec la relation de vérification:
cos a cos d = cos 1 cos A
_ 13
je suis arrivé ainsi aux valeurs numériques suivantes:
Sinus Âltalr
d = -20° 18' 37" d = +26° 35' 40"
a = 58^ 04' 09" a - 262° 24' 25"
Mais les ascensions droites ainsi obtenues, partant de la même origine que les longitudes
employées dans le calcul, il est nécessaire d'ajouter encore a chacune d'elles le mouve-
ment a du point équinoxial en ascension droite, afin de les rapporter à l'équinoxe de
— 1800; les résultats définitifs sont donc:
Coordonnées équatoriales en — 1800
Sirius Altaïr
d = - 20° 18' 37" d « + 26° 35' 40"
262° 33' 11"
17 h 30» 12%7
a _ f 58° 12' 5V _ f
a - [ 3* 52» 52- a "" [
Note 2.
L'amplitude ortive d'un astre se calcule, comme je l'ai déjà dit, par la formule:
a sin d
sin A = — r
C08 1
différentiant par rapport à A et à d, nous obtiendrons, après quelques transformations
très-simples :
<>A = ^ dd,
tgd '
ô désignant ici la caractéristique des différentielles, pour qu'il ne puisse s'établir de con-
fusion avec la lettre d déjà affectée à la déclinaison de l'astre, nous tirons de cette der-
nière formule:
et faisant d = 26° 35' 40" A — 29° 47' 20"
ôA = 30', elle nous donnera: ôd = 26' 15" environ. Consultons maintenant des éphé-
mérides solaires pour une année quelconque, nous reconnaîtrons qu'une erreur de 26' 15''
sur la déclinaison, à partir du solstice, entraîne une erreur de 11 à 12 jours sur la date
de l'observation; résultat identique avec celui que j'ai avancé sans démonstration à la
page 9 de ma lettre.
Monsieur,
L'astérisme égyptien de l'Epervier, identifié dans ma première lettre avec la constel-
lation grecque de l'Aigle, form e, su r quelques listes hiéroglyphiques, deux décans désignés
par les groupes: *=~, U^^S qui signifient respectivement: commencement de Smat,
Smat, c'est-à-dire lever d'une partie de l'astérisme avec le premier décan, apparition
complète avec le deuxième. Dans l'état actuel de nos connaissances, il était, à mon avis,
peu utile de signaler tout d'abord cette décomposition : je m'estimais assez heureux d'avoir
réussi à identifier la première partie, qui représente toujours le 18 ime décan après Sothis,
et je me préoccupais peu de la deuxième, qui n'apparaît que sur certaines listes, et pour
la détermination de laquelle les données sont encore insuffisantes. Lorsqu'un travail d'iden-
tification générale, semblable à celui que j'ai présenté pour Smat, aura été effectué pour
la série entière des astérismes décans, il est probable, qu'en revenant alors sur nos pas,
il nous sera donné de fixer avec plus de certitude que nous n'en aurions aujourd'hui, la
direction que prenait le corps de l'épervier sur la voûte étoilée et l'étendue stellaire qu'il
embrassait Cette propriété de former plusieurs décans n'est pas particulière à Smat;
nous la retrouverons au contraire dans presque tous les astérismes décans; c'est pourquoi
j'ai cru devoir la faire remarquer dès à présent, dans celui qui a fait l'objet de mon pre-
mier travail.
La deuxième lettre que j'ai l'honneur de vous adresser, Monsieur, est destinée à éta-
blir l'identification de trois nouveaux astérismes qui, se rapportant, par le but même de
14
leur institution, à une même idée de la psychologie égyptienne, ne peuvent être consé-
quemment séparés dans une étude du ciel nécessairement interprétative avant que d'être
purement astronomique. Les listes hiéroglyphiques nous montrent à des distances à-peu-
près égales des extrémités, deux séries distinctes de décans, présentant un même groupe
hiéroglyphique, comme l'élément fondamental de leurs désignations propres. On reconnaît
clairement par là, Monsieur, l'existence de deux représentations astronomiques, apparte-
nant à des plages diamétralement opposées du ciel, et désignées cependant par une dé-
nomination commune à laquelle une discussion philologique, aujourd'hui terminée, a re-
connu l'expression phonétique Khont ou Khent. Par leurs positions spéciales dans les
listes, les Khents font immédiatement penser aux deux équinoxes; aussi, quoique le pas-
sage équinoxial ne soit en rien, comme la suite le montrera, dans l'idée intentionnelle de
leur institution, je les désignerai, pour les distinguer seulement dans le discours , par les
dénominations différentielles de Khent automaal et de Khent vernal, qui peuvent d'ailleurs
leur être très -convenablement appliquées; car, les positions successives qu'ont occupées
les points équinoxiaux dans leur mouvement rétrograde, depuis une antiquité très-reculée
jusqu'à nos jours, sont en réalité peu éloignées des parties étendues du ciel sur lesquelles
l'astronomie égyptienne voulait conventionnellement reconnaître les deux astérismes Khents.
Je suivrai ici, Monsieur, la marche adoptée dans ma première lettre; je commencerai
par rappeler les désignations hiéroglyphiques des décans des Khents, en les comparant
aux traductions grecques qu'en a donné Héphestion. Voici d'abord le Khent automnal;
les numéros d'ordre indiquent le rang de chaque déean après Sothis:
No»
d'ordre
10
11
12
13
Séti I.
HP
tôt
Ramsès II.
a d
£5
AAMAA
Ramsès IV.
Nectanèbe I.
S
#1
o
a
a
fffi
rffîi
A/S/S/S/VA
£S
Pfê
£S
fffîl
M
iffi
AAAAAA
Cl Gk
V
•AAAA/VV
Vous remarquerez, Monsieur, que j'ai supprimé ici la liste de Denderah; cette liste, en
effet, ne donne plus la série complète .des décans du Khent. A l'époque à laquelle on
rapporte la construction du monument de Denderah, les méthodes de l'astronomie grecque,
depuis longtemps pratiquées en Egypte, avaient pris déjà le pas sur lee théories astrolo-
giques conservées encore dans les temples, et les préoccupations des prêtres dans cette
branche de la science sacerdotale ne tendaient plus qu'à associer les unes aux autres.
J'espère mettre un jour, en complète évidence, les effets de ces idées d'association dans
15
la liste de Denderah d'abord, et en général dans tonte liste grecque, présentant les décans
réunis par groupes de trois, en correspondance avec les signes du zodiaque grec. On
comprend donc, par suite, que lorsqu'on a en vue d'identifier, comme c'est le cas ici,
l'ancienne liste des décans, qui fut l'expression écrite des seules connaissances acquises
et enseignées dans les temples de l'Egypte aux époques pharaoniques, ce n'est que tout
à fait subsidiairement qu'il faut recourir à un document grec, quel qu'il soit; car son
existence, on peut l'affirmer, ne saurait remonter au-delà des Ptolémées; nous savons,
en effet, par l'exemple de Pythagore, que, bien que les Grecs, commerçants ou soldats,
mercenaires, eussent déjà pénétré en Egypte dès les dynasties saltes et persanes, nous
savons, dis-je, que les prêtres refusaient cependant de les admettre encore à l'intelligence
de la science sacrée. À des distances de Sothis, égales à celles du tableau précédent,
Hépbestion donne les noms qui suivent:
10 | ntfjxorn 11 | XnvraQe 12 | Irioxvrjvé 13 | -fiff/ue
Voue avez, le premier, montré, Monsieur, que nzrjxnmc et Xorraçé sont les traduc-
tions exactes des décans hiéroglyphiques de même rang; quant aux deux autres noms,
ils représentent des décans venant après le Khent sur les listes antiques, et l'assimilation
n'existe plus par conséquent.
Je passe au Khent vernal; celui-ci forme seulement trois décans, placés à des dis-
tances de Sothis, indiquées par les numéros d'ordre portés sur le tableau:
Nos
d'ordre
25
26
27
Séti I.
ffô
90
A/VWA
A/S/WNA
T
Ramsès IL
%m
■ut
Ramsès IV.
(§1
(§1
Nectanèbe I.
(§1
A/WVNA
90
MA/VW
Si nous prenons dans Héphestion les noms occupant les mêmes positions à partir de
Sothis, nous reconnaîtrons immédiatement de grandes différences avec les listes tirées des
monuments. En partant du 25 e nom d'Héphestion , on est obligé de dépasser le 27 e pour
arriver à une assimilation un peu complète.
25 | Xnvtaçê 26 | niifiinv 27 | XovtaQe 28 | Xt)via%{té
Je n'en aurai qu'à rappeler ici, Monsieur, ce que vous avez dit sur le même sujet,
dans votre savante introduction à la chronologie égyptienne. D'abord le 25 e décan, Xov-
taçi donne, sans aucun doute, la traduction du groupe hiéroglyphique de même rang.
Quant au 26 e JlTipwi il n'a évidemment aucun rapport avec les noms du Khent; nous
verrons en effet plus tard qu'il désigne un décan appartenant à un astérisme dont l'appa-
16
rition sur l'horizon précédait celle du Khent. Le 27* , XVirrap/, n'étant que la reproduc-
tion identique du '25 e , il est certain pour nous qu'Héphestion donne ici une traduction
phonétique inexacte; car il n'est pas possible que deux parties d'un même astérisme, se
levant à des instants différents, fussent qualifiées toutes les deux du mot "supérieur".
Vous avez eu l'heureuse idée, Monsieur, dans cette conjoncture, de recourir à une variante
donnée par Camérarius, qui désigne ce même décan par le mot X^vta^ir^ dans lequel
vous avez très-clairement retrouvé le 26 e décan hiéroglyphique. Enfin, le 28* nom d'Hé-
phestion, X'itaxQt, est la simple traduction en caractères grecs du 27 e groupe des listes
antiques. Tels sont les résultats de la comparaison des documents, et aussi les seules
données directes que fournissent les textes pour la solution de notre problème.
Cherchons à interpréter la signification du mot égyptien Khent; ce mot se présente
fréquemment dans les hiéroglyphes avec des sens différents; comme toujours, c'est le dé-
terminatif qui nous sert de guide, pour décider quelle est l'acception qui convient à la
phrase et qui s'adapte en même temps le mieux au sens général du texte entier. Mal-
heureusement, dans les listes des décans, le groupe phonétique du mot Khent n'est nulle-
part suivi d'un déterminatif, et cette circonstance nous laisse au premier abord un certain
embarras de choix. Le seul moyen de fixer nos incertitudes est de découvrir dans les
auteurs de la Grèce ou de Rome la trace de l'idée philosophique cachée dans les hiéro-
glyphes; c'est aussi ce que j'ai fait, Monsieur; voici l'explication à laquelle je me suis
arrêté, et qui répond d'elle-même, dans mon opinion, à toute objection qu'on croirait pou-,
voir lui opposer.
On rencontre de divers côtés, l'idée générale de deux ouvertures ou portes célestes
se trouvant sur la voie lactée et donnant passade aux âmes des humains; par l'une de ces
portes, les âmes descendaient des régions les plus élevées de l'espace où elles étaient
supposées habiter, et par l'autre, elles remontaient vers leur première demeure, après
avoir accompli sur la terre la période de séjour qui leur avait été fixée. La position pré-
cise de ces ouvertures du firmament varie quelque peu avec les auteurs; mais à travers
toutes les différences d'opinion, on reconnaît cependant que la porte par laquelle se faisait
la descente était supposée toujours dans la partie boréale du ciel, et l'autre dans la partie
australe. Macrobe et Porphyre par lesquels nous avons le plus de détails sur cette idée
psychologique 1 ), la présentent comme appartenant au système philosophique de Pythagore,
et, d'après cela, nous sommes déjà en droit de lui reconnaître une origine égyptienne;
on n'a pas, en effet, oublié que Pythagore habita l'Egypte pendant 22 ans, et qu'ayant
été admis, après de rudes épreuves, au nombre des prêtres de Thèbes, il fut enfin initié
par eux à tous les secrets de la science sacerdotale. Permettez-moi, Monsieur, de rappeler
ici le passage de Macrobe qui développe le point en question: „ Voici le chemin que suit
„l'âme en descendant du ciel sur la terre. La voie lactée embrasse tellement le zodiaque
„dans la route qu'elle a dans les cieux, qu'elle le coupe en deux points, au Cancer et au
„ Capricorne, qui donnent leur nom aux deux tropiques. Les Physiciens nomment ces
„deux signes les portes du Soleil, parce que dans l'un comme dans l'autre, les points sol-
„8ticiaux limitent la route de cet astre qui revient sur ses pas dans l'écliptique, et ne la
„dépasse jamais. C'est, dit-on, par ces portes, que les âmes descendent du ciel sur la
„terre, et remontent de la terre vers le ciel. C'est par celle des hommes, ou par le Can-
') Macrobe: Commentarias in somnium Scipionis. Porphyre: De antro nympbarum.
17
„cer, que sortent les âmes qui font route vers la terre ; c'est par le Capricorne, ou porte
„des dieux, que remontent les âmes vers le siège de leur propre immortalité, et qu'elles
„vont se placer au nombre des dieux, ce qu'Homère a voulu figurer dans l'antre d'Ithaque.
„C'est pourquoi Pythagore pense que c'est de la voie lactée que part la descente vers
„rempire de Pluton, parce que les âmes, en tombant de là, paraissent déjà déchues d'une
„ partie de leurs célestes attributs. Le lait, dit-il, est le premier aliment des nouveau-nés,
„parce que c'est de la zone de lait que les âmes reçoivent leur première impulsion qui
„les pousse vers les corps célestes. Aussi le premier Africain, dit-il au jeune Scipion, en
^parlant des âmes des bienheureux et en lui montrant la voie lactée: „ces âmes sont
^parties de ce lieu; c'est dans ce lieu qu'elles reviennent." Ainsi celles qui doivent de-
scendre, tant qu'elles sont au Cancer, n'ont pas encore quitté la voie de lait, et consé-
„quemment sont au nombre des dieux; mais lorsqu'elles sont descendues jusqu'au Lion,
„ c'est alors qu'elles font l'apprentissage de leur condition future. Là commence le noviciat
„du nouveau mode d'existence auquel va les assujettir la nature humaine. Or le Verseau
^diamétralement opposé au Lion, se couche, lorsque celui-ci se lève; de là est venu l'usage
„de sacrifier aux mânes quand le Soleil entre au premier de ces signes, regardé comme
^l'ennemi de la vie humaine." 1 ) En citant tout au long ce passage, mon intention n'est
pas de laisser entendre, Monsieur, que les opinions qui y sont émises appartiennent toutes
au système psychologique des anciens Egyptiens ; la dernière partie au contraire s'en éloigne
sensiblement; et l'on comprendra qu'il ne put guère en être autrement, lorsqu'on réflé-
chira que ces idées divulguées pour la première fois par Pythagore, et enseignées ensuite
par les philosophes de son école, avaient dû subir toutes les transformations par lesquelles
les écrivains grecs se sont plu à obscurcir et à dénaturer les connaissances de tout genre,
empruntées aux civilisations qui avaient précédé la leur.
Porphyre, dans l'ouvrage dont le titre traduit en latin est: de antro nympharum, dé-
veloppe à-peu-près les mêmes idées que Macrobe, à l'occasion de ce passage de l'Odyssée,
où Homère fait arriver Ulysse à Ithaque, porté par le vaisseau des Phéaciens. Le poète
en décrivant le port, place dans le voisinage: „un antre obscur, frais et délicieux con-
sacré aux Néréides. La grotte a deux entrées: l'une tournée au Septentrion est ouverte
„aux humains; l'autre qui regarde le Midi est sacrée et leur est inaccessible; c'est la route
„des Immortels." *) Sur ce passage, qui semblerait au premier abord, n'être qu'une simple
description d'un lieu qu'Homère aurait visité, Porphyre croit devoir établir une longue
dissertation dans laquelle il compare l'antre obscur à la terre, les Néréides aux âmes des
humains, et les deux portes aux ouvertures du firmament, par lesquelles passaient les
âmes dans leur voyage sur la terre. Il nous fait toutefois connaître plus loin cette parti-
cularité importante ici, que les portes célestes n'étaient attribuées par les Egyptiens, ni
à l'Orient et à l'Occident, ni même aux équinoxes, mais au Nord et au Midi 8 ): d'où il
suit, conformément à ce que je disais plus haut, que les portes du Cancer et du Capri-
corne n'étaient nullement dans le système égyptien, et que les conséquences que Macrobe
en tire, ne doivent pas être rattachées non plus à cette même source.
La supposition de deux portes célestes était d'ailleurs autrefois générale chez les
peuples orientaux; nous savons qu'elle fut développée par beaucoup de philosophes dont
! ) Macrobe: Commentarius, chap. XXI.
2 ) Odyssée: chant XIII.
3 ) Porphyre: De antro nympharum; chap. 24.
18
les ouvrages ne nous sont point parvenus, et nos livres saints eux-mêmes y font allusion;
le prophète Ezéchiel dans sa vision du nouveau temple, l'Apocalypse dans ce passage:
„po8t ista autem vidi ecce ostium apertum in coelo"; „après cela, je regardai et je vis
une porte ouverte dans le ciel". 1 ) Origène a voulu reconnaître dans ces passages des
Ecritures, le souvenir du voyage des âmes; et c'est pourquoi je les rappelle pour prou-
ver ici l'universalité de l'idée psychologique dans toute l'antiquité.
Revenons maintenant aux hiéroglyphes; et parmi les diverses acceptions du mot Khent,
il en est une qui satisfait parfaitement au système des portes célestes. Nous avons, en
A/VWW
effet, le groupe fW^ U3 avec la signification d'une certaine partie intérieure du pa-
lais des Pharaons: ce mot est probablement la racine antique des mots de la langue copte
&tt?HT, accedere, ducere; £>œnT CgOTfl, ingredi, avec lesquels l'affinité de sens est
évidente. Le groupe permute fréquemment avec cet autre )ro de même sens, qui a
donné naissance au copte ©OYfl, intus, pars interior. L'équivalence des deux groupes
précédents nous amène à remarquer le double groupe £-3 O ^ interprété jusqu'à présent
comme désignant une partie secrète et mystérieuse de l'intérieur des temples; il pourrait
très-bien se faire qu'il n'y eût là qu'un symbole rappelant aux Egyptiens les Khents cé-
lestes imaginés au firmament.
L'horoscope grec apporté d'Egypte par Mr. le docteur Stobart, et qu'un travail de
Mr. Goodwin nous a fait connaître 9 ), donne les noms de quelques décans en caractères
grecs, comme la liste d'Héphestion. Dans la partie du ciel où nous devrions rencontrer
le Khent automnal, l'horoscope présente les mots Aqioi-Aqwi en leur affectant la quali-
fication d'un double décan. Cette dénomination n'a évidemment d'analogie avec aucune des
autres listes; mais il est aisé cependant, à mon avis, d'y reconnaître le Khent, au moyen
d'un mot copte auquel on peut la comparer: ce mot est <*.^HOT, fissura, foramen, qu'on
peut rattacher au mot égyptien ^==g ^ représentant une porte ou plutôt ses deux battants.
Par cette expression, on reconnaît que le double décan de l'horoscope devait être très-
probablement une deuxième appellation du Khent; son nom dans la langue démotique,
peut-être. Mais s'il restait quelque doute sur l'exacte interprétation du sens général, ce
doute se trouverait certainement dissipé, Monsieur, par le simple examen des deux décans
qui, sur toutes les listes, précèdent immédiatement le Khent vernal: voici le tableau de
leurs désignations hiéroglyphiques:
Nos
23
24
Séti I.
w
Kamsès II.
Ramsès IV.
V^
^V
$3
Nectanèbe I.
®
®
Denderah
®
j)
J'ai rétabli ici la liste de Denderah parce qu'elle donne les deux décans en question à la
place que leur affectent les listes antiques, et qu'en même temps elle les exprime d'une
! ) Apocalypse: chap. XV, verset I.
*) Chabas: Mélanges égyptologiqnes, II, 294.
19
manière un peu différente. Si nous nous attachons, pour le moment, à cette dernière liste,
nous reconnaîtrons clairement que l'astérisme formant les deux décans devait s'appeler
les dotes; l'un des décans correspondant à l'apparition sur l'horizon d'une première partie
de la constellation; l'autre représentant le moment où le groupe stellaire tout entier était
complètement levé. Il est en effet connu depuis longtemps que Toisean rcçj^ était l'un des
signes employés dans l'écriture sacrée pour désigner Pâme, l'esprit, la partie immatérielle
de l'homme, ba étant son expression phonétique; ce même mot s'écrivait f O |ii / j .
dans l'écriture démotique, et sa prononciation dans l'idiome parlé était tri. Or la triple
répétition du signe, expressément indiquée sur la liste de Denderah, n'étant que l'indica-
tion ordinaire du nombre pluriel, nous devons en conclure que le nom de l'astérisme,
signifiant proprement les âmes, s'exprimait phonétiquement baou dans la langue sacrée,
biou dans la langue vulgaire, par l'addition de l'affixe ou, une des formes de pluriel que
le copte a conservée. Nous rencontrons ici, Monsieur, d'abord, l'expression grecque des
décans qui précèdent immédiatement aussi le Khent vernal sur la liste d'Héphestion , et
ensuite une désignation particulière en rapport évident avec l'interprétation que j'ai pré-
sentée des Khents célestes. Ces Khents étaient donc bien réellement deux portes imagi-
nées sur la voie lactée, par l'une desquelles les âmes descendaient des espaces supérieurs
pour remonter par l'autre vers le point d'où elles étaient parties.
La question est maintenant de retrouver les groupes stellaires auxquels les Egyptiens
avaient affecté le mot Khent. Pour arriver à la résoudre, je dois rappeler avant tout com-
ment, suivant les auteurs, les astrologues chaldéens et égyptiens avaient opéré pour for-
mer le zodiaque. D'après Sextus Empiricus, après avoir recueilli la quantité d'eau écoulée
d'un vase entre deux levers d'une même étoile, les astrologues avaient laissé écouler une
deuxième fois cette eau par douzièmes, à partir d'un lever de la même étoile. L'un des
groupes stellaires paranatellons, se trouvant à l'horizon à la fin de chacun de ces dou-
zièmes, avait été choisi ensuite, au moyen d'une autre condition déterra inatri ce, pour faire*
partie des astérisraes destinés à former ce que l'on a plus tard appelé le zodiaque. l )
Macrobe rapporte le même procédé et le décrit d'une manière plus détaillée encore, quant
a l'opération pratique; de plus, il semble l'attribuer spécialement aux Egyptiens, tandis
que, d'après Sextus, il appartient aux Chaldéens. *) Ce dernier reproche même aux astro-
logues chaldéens l'inexactitude de leur manière d'opérer, en ce que la vitesse d'écoule-
ment ne peut être constante pendant toute la durée de l'expérience. La cause d'erreur
la plus influente étant la variation continue de la distance verticale du niveau du liquide
à l'orifice d'écoulement, on aurait pu y remédier en entretenant dans le vase un niveau
constant. Mais en écartant, autant que cela se pouvait, toutes les causes d'erreurs, on
n'avait toujours ainsi qu'un partage plus ou moins exact de l'éqnateur et non de Péclip-
tique. Ceci est pour nous, Monsieur, la preuve évidente que l'idée qui a donné naissance
au zodiaque grec, était à l'origine bien différente de ce qu'elle fut plus tard, et nous de-
vons en conclure que le procédé mécanique, cité par les auteurs comme ayant servi à
former le zodiaque, n'était en réalité que celui qui avait permis de partager la révolution
de la sphère en 12 ou 36 parties égales. Comme on Ta bien souvent remarqué, il est très-
probable que ces derniers nombres avaient été adoptés de préférence, parce qu'ils sont
') Sextus: FIqoç toiç (xaDr^aTixoiç.
*) Macrobe: Comojentarius, chap. XXI.
3*
20
parties aliquotes de 360, nombre des jours de Tannée civile dans les temps reculés, et
qu'alors on pouvait croire que le lever solaire coïncidait successivement pendant un nombre
constant de jours avec les levers de chacune des divisions célestes ainsi obtenues. Mais
c'est là tout le rapprochement possible entre la série des signes décans et le mouvement
annuel du soleil; car il serait, à mon avis, tout à fait erroné de penser que les astérismes
décans, semblables aux constellations du zodiaque grec, eussent été nécessairement choisies
en coïncidence avec les positions optiques que prenait l'astre sur la voûte étoilée par l'effet
de son mouvement propre apparent. Les décans étaient donc simplement des étoiles ou
des groupes d'étoiles dont les levers se succédaient à des intervalles égaux à la 36 lèœe
partie de la durée de la révolution du ciel, c'est-à-dire égaux à 40 minutes sidérales;
seulement, comme cette condition ne pouvait évidemment suffire, les Egyptiens, en s' ar-
rêtant à tel ou tel groupe, furent déterminés par des considérations spéciales qu'il nous
faudra clairement retrouver et interpréter, si nous voulons reconstituer aujourd'hui une
suite de tableaux astronomiques dont la mémoire des hommes n'a même pas gardé le plus
vague souvenir.
L'intervalle des levers de deux décans consécutifs étant fixé, on en déduit aisément
aussitôt l'intervalle des levers de deux décans quelconques. Ainsi le premier du Khent
automnal occupant, sur les listes, le 10* rang après Sothis, nous en concluons que les
quatre décans de l'astérisme apparaissaient sur l'horizon à des intervalles du lever de
Sothis respectivement représentés par les nombres:
. 6 h 40 m ; 7 h 20 m ; 8 h 00 m ; 8 b 40 m ,
et de même, le premier du Khent vernal étant le 25 ième après Sothis, les trois décans que
formait ce Khent atteignaient successivement l'horizon oriental aux instants marqués par
les intervalles: 16 h 40 m ; 17 h 20 m ; 18 h 00 m .
Si donc nous ajoutons à la connaissance de ces nombres, la condition que les Khent se
trouvaient sur la voie lactée, le problème qui nous occupe, Monsieur, sera susceptible dès
lors d'une solution mathématique. Concevons, en effet, placée devant nous une carte céleste
mappemonde, construite d'après un système quelconque de projections, et imaginons toutes
les étoiles qui effectuaient leur lever sur l'horizon de Thèbes, à l'instant correspondant à
l'un des intervalles précédents, unies entre elles par un trait continu ; la courbe ainsi ob-
tenue, représentera le développement sur la carte du demi-grand cercle céleste avec lequel
coïncidait l'horizon oriental de Thèbes, au moment indiqué par l'entier écoulement de
l'intervalle; la figure du tracé changera quelque peu avec le système de projection, mais
elle sera néanmoins toujours assujettie à deux particularités géométriques qui en sont in-
dépendantes: la courbe subira une inflexion au point du ciel qui représente son inter-
section avec l'équateur de — 1800, et elle ira s'arrêter ensuite, dans chaque hémisphère,
en des points qui, à l'époque considérée, appartenaient aux parallèles célestes de perpé-
tuelle apparition et de perpétuelle disparition, tangentant l'horizon du lieu. En ces der-
niers points, la courbe ne subit pas précisément, Monsieur, ce que les géomètres appellent
des points d'arrêt; car c'est aussi en ces mêmes points que s'arrêterait une autre branche
de courbe, dont nous n'avons point à nous occuper ici, représentant la position simultanée
de la moitié occidentale du même horizon, et à leur rencontre, les deux branches se
raccordent entre elles de manière à ne former qu'une seule et même courbe. Chacune
des lignes que je viens de spécifier ainsi, allant couper la voie lactée, ce seraient donc,
Monsieur, les étoiles situées sur les intersections qui satisferaient aux diverses conditions
21
mathématiques imposées aux Khents. Il convient de remarquer cependant que le problème
comporte encore une indétermination assez grande ; car, en toute rigueur, la condition de
coïncidence avec la voie lactée n'appartient qu'au dernier décan de chaque astérisme; de
sorte que nous aurons à nous demander s'il y a possibilité pour nous de lever dès
aujourd'hui les incertitudes que la solution du problème rencontre encore de ce côté.
Mais la marche générale étant suffisamment indiquée par ce qui précède, il ne s'agit plus
que de fixer la courbe correspondant à chaque intervalle, ou seulement même la partie de
chacune d'elles qui se trouve dans les environs de la voie lactée.
En adoptant toujours l'époque — 1800 du calendrier julien proleptique, dont le choix
a paru justifié par l'exacte identification de l'astérisme Striât, j'ai calculé l'intervalle des
levers pour un certain nombre d'étoiles que leur position m'indiquait immédiatement comme
devant se trouver sur les courbes des décans du Khent automnal ou dans les espaces
célestes qu'elles comprennent; je me suis borné seulement à obtenir les valeurs à la mi-
nute près, approximation bien suffisante, eu égard au peu de précision que comportent
les observations de levers, et je réunis ici, dans le tableau suivant, les résultats de ces
longs calculs:
s
a
y
fi
a
X
x
a Hercule 8 h 53 m
La comparaison des nombres avec la carte céleste 1 ) nous conduira, Monsieur, aux conclu-
sions suivantes: 1° la courbe de 6 h 40 m passant à très-peu près sur la tête du Serpent
et un peu à l'Orient de a de la Balance, va rencontrer la voie lactée sur la Croix du Sud
même; 2° la courbe de 7 h 20 m passant à l'Orient de a du Serpent et à l'Occident de y
de la Balance, coupe le bouclier du Centaure et arrive à la voie lactée sur la déchirure
circulaire qu'elle forme sous le ventre du Centaure; 3° la courbe de 8 h 00° passant sur
la main gauche du Serpentaire, près de ft du Scorpion et de y du Loup, coupe la voie
lactée entre les étoiles a et fi du Centaure; et la quatrième courbe enfin, de 8 h 40 m , pas-
sant sur la tête d'Hercule, près de a du Scorpion et de X de la Règle, suit i très-peu
près le bord oriental intérieur de l'espace céleste compris entre la voie lactée et l'appen-
dice latéral qui en est séparé depuis le jarret du Centaure. Suivant une remarque déjà
faite plus haut, nous ne pouvons rien dire de certain encore sur la position précise de»
groupes stellaires qui représentaient aux Egyptiens les trois premiers décans du Khent:
tout ce que nous savons, c'est qu'ils étaient situés, chacun, sur le trajet de la courbe cor-
respondant à son intervalle; mais pour le quatrième décan, il ne saurait y avoir incerti-
tude; nous pouvons avancer sans crainte d'être jamais contredit, qu'il correspondait à
l'ouverture de l'espace céleste dans lequel La Caille a placé l'Equerre et le Compas, et
qui, selon toute probabilité , était, pour les Egyptiens , l'entrée du Khent méridional; c'est
du reste ce qu'ils auront voulu exprimer en affectant à ce décan le groupe r=> pi [I .
') Voir la planche A.
a
Couronne
6 h 21»
a
Balance
6 b 27 m
fi
Croix du Sud
6 h 45»
fi
Balance
7 h 06 m
a
Serpent
7 h U m
y
Balance
7 h 31 n»
fi
Centaure
7 h 85 m
Serpentaire
8 h 00»
Centaure
8 h 02 œ
Loup
gh 04m
Scorpion
gh 07»
Scorpion
8 b 38 m
Règle
gh 42»
Scorpion
8 h 4ti m
22
Mr. P. Le Page Renouf a identifié ce groupe avec cet autre 1(1] [l qu'il regarde, avec juste
raison, comme la forme antique du copte fMtCCJO obstetricare, parturire facere 1 ); ce sens
pris au figuré convient en effet parfaitement à la partie du ciel que désigne le décan.
Ceci admis, ou ne peut faire sur la position des autres décans du Khent que les deux
hypothèses suivantes: ou bien les groupes stellaires qui représentaient ces décans, de-
scendaient du Serpent par la Balance et le Scorpion jusqu'à l'ouverture qui forme le der-
nier; ou bien, si les quatre décans se trouvaient tous sur la voie lactée, le Khent était
la partie de cette bande blanchâtre comprise entre la Croix du Sud et la même ouver-
ture. On s'expliquerait, dans cette dernière hypothèse, pourquoi, lorsque le Khent vernal
ne formait que trois décans, le Khent automnal en comprenait quatre; on aurait voulu
renfermer dans un même astérisme toute cette partie de la voie lactée qui offre à l'œil
des détails s'alliant très-bien avec l'idée que les Ëgyptiens se faisaient du Khent; or l'in-
tervalle des levers des points extrêmes équivalait précisément à l'intervalle de quatre décans.
Après avoir exposé tout ce que peut la science actuelle au sujet de cette première
identification, il convient, Monsieur, de rapprocher de nos résultats deux passages d'auteurs
qui s'y rapportent immédiatement. L'astrologue Firmicus nous apprend que le Styx se
levait avec le 8 e degré de la Balance 9 ): on n'ignore pas que l'étendue céleste des con-
stellations grecques a subi, dans la suite des temps, des variations dont nous n'avons
aujourd'hui que fort peu d'indices; cette observation s'applique surtout à la Balance qui
n'a pas toujours existé sur la sphère grecque; cependant, d'après la position de la courbe
de 6 h 40 m , qui fixe le premier décan du Khent, on voit que cette courbe devait passer
par la partie du ciel où les astrologues plaçaient le 8 e degré de la Balance; ceci nous
amènerait à conclure que le Styx n'était que l'idée égyptienne du Khent transporté dans
la religion grecque; et la coïncidence des deux levers serait une première confirmation
de tout ce qui précède. Maintenant l'identité des deux mythes admise, nous devrons re-
marquer ce passage des Géorgiques où, en parlant du pôle antarctique, il est dit:
at illum
Sub pedibus Styx atra videt, mânes que profundi 3 )
Cette faculté du Styx et des mânes de voir le pôle austral, et conséquemment d'en ap-
procher, semblerait indiquer que le Styx, et par suite le Khent, s'étendait assez loin
dans le ciel méridional; d'où il résulterait que les quatre décans de ce Khent auraient été
tous placés sur la voie lactée.
Enfin, avant de passer à l'identification du Khent vernal, qu'il me soit permis, Mon-
sieur, de faire une remarque sur l'étoile a du Scorpion, qui, étant située un peu à l'occi-
dent de la courbe de 8 h 4Ô m , était levée depuis 2 à 3 minutes, lorsque l'astérisme du
Khent méridional terminait son ascension au-dessus de l'horizon. Cette étoile est ordi-
nairement désignée par le nom, Antarès, que l'on rencontre sur les plus anciens catalogues;
la forme même du mot nous permet de lui reconnaître une origine égyptienne: on le
décompose en effet de la manière suivante:
O
anta rès
lumière (du) Midi
') Zeitschrift, Mai 1867: Miscellanea by P. Le Page Renouf.
a ) Livre VIII, chap. 12. 3 ) Virgile, Géorgiques, livre 1 er . vers 242.
Andromède
17 h 23 m
Persée
17 h 31 œ
Persée
17 h 57»
Bélier
18 b 0B m
23
Cette dénomination serait d'après l'identification précédente, complètement juste; car
l'étoile correspondant à peu près à Taxe de l'ouverture représentant le quatrième décan,
pouvait être regardée par les Egyptiens comme le phare qui éclairait cette partie du ciel.
J'arrive maintenant au Khent vernal; j'ai déjà remarqué plus haut que les trois dé-
cans de ce Khent atteignaient l'horizon oriental à des intervalles du lever de Sothis,
respectivement égaux à 16 h 40 m 17 h 20 m 18 h 00 m
Voici le tableau de quelques étoiles pour lesquelles l'intervalle des levers différait peu des
nombres précédents:
.*> Cassiopée 16 h 10 m ;'
à Andromède 16 h 34 m y
l Andromède 16 b 51™ «
[i Andromède 16 h 53 m a
Si nous comparons les nombres portés dans ce tableau à la carte céleste ci-jointe, ' ) nous
serons, Monsieur, amenés à reconnaître que: 1° la courbe de 16 h 40 m passant sur la main
de Persée, qui tient l'arme avec laquelle ce héros a tranché la tête de Méduse, traverse
ensuite en diagonale la poitrine d'Andromède, et s'éloigne par la constellation des Poissons;
2° que la courbe de 17 h 20™ laissant y de Persée et y d'Andromède un peu dans l'Orient,
traverse aussi en diagonale l'extrémité méridionale du Poisson le plus oriental; et enfin,
que la courbe de 18* 00 m rencontrant le corps de Persée presque sur a de la constellation,
traverse ensuite les triangles et s'éloigne vers le Sud, en passant un peu dans l'Occident
de a du Bélier. Il résulte très-clairement de cette comparaison que le troisième décan
du Khent ne pouvait être que ce groupe d'étoiles, affectant dans la voie lactée la forme
d'un arc et sur lequel nous plaçons le corps de Persée. Quant aux deux autres décans,
il y aurait incertitude encore; cependant, d'après la direction même des courbes, les
étoiles d'Andromède se levant successivement pendant l'apparition du Khent, la disposition,
pour ainsi dire géométrique des étoiles principales a, /?, y de cette constellation par rap-
port à celles de Persée, ne permet guère d'admettre que les premières fussent séparées
des dernières dans les tableaux astronomiques imaginés par les Egyptiens ; elle nous amè-
nerait à penser au contraire que les deux décans en question devaient se trouver dans la
partie du ciel où nous dessinons aujourd'hui le corps d'Andromède. De même encore,
les étoiles a, pf, y de la constellation de Pégase, qui précède Andromède dans le mouve-
ment diurne, étant en relation géométrique aussi avec celles d'Andromède, on pourrait
faire ici un rapprochement semblable; seulement, les courbes du Khent ne rencontrant
point Pégase , il ne serait pas possible de comprendre cette dernière constellation dans le
Khent; tout au plus, .pourrait-on l'identifier avec l'astérisme des Ames qui le précède: or
je vais faire voir que ces diverses présomptions, tirées simplement de l'aspect configuratif
des étoiles, représentent précisément la vérité; et je le démontre, Monsieur, au moyen
d'une appellation aujourd'hui abandonnée de la constellation de Pégase.
Cet astérisme était encore appelé Ménalippe, dans l'antiquité grecque: c'est ce que
nous apprend Hygin qui nous rapporte en même temps toutes les fables que l'imagination
grecque avait bâties sur ce nom 9 ). Or, les nombreuses divergences d'opinions au sujet
de ce personnage, Ménalippe, prouvent que le mot était certainement étranger à la langue
grecque ; et par conséquent c'est bien à tort qu'on a voulu, dans les temps modernes, lui
J ) Voir la planche B. *) Hygin, liv. 3, chap. 19.
24
former une étymologie eu intervertissant les places respectives des lettres n et 1: on ob-
tient ainsi le mot Mélanippe, qui donne, à une consonne près, le sens de cheval noir.
Cette interprétation a contre elle, à mon avis, de ne pas trouver sa confirmation dans
aucun auteur, soit grec soit latin: je n'ai jamais rencontré en effet à côté du nom de
Pégase un qualificatif qui pourrait faire penser à la couleur noire; on n'a qu'à ouvrir
Blaeii, Riccioli ou Bayer, on y trouvera le recueil des différentes qualifications affectées,
dans l'antiquité, au cheval Pégase; le mot noir ne se voit nulle part, et le sens étymolo-
gique qu'on a cru rencontrer en changeant les places respectives de deux lettres, est donc
inexact; or je vais démontrer que la langue égyptienne, au contraire, fournit une explica-
tion très-naturelle, à laquelle, à mon avis, il est impossible d'opposer aucune objection.
Je dirai tout de suite que je décompose le mot Ménalippe de la manière suivante:
4
AA/V/WA
Mena ri pe
et je légitime par la discussion de chaque groupe l'exactitude de la décomposition.
D'abord F=q nous est connu comme désignant une certaine partie de l'espace
céleste; on sait qu'il existe dans les textes un grand nombre de groupes hiéroglyphiques
que nous traduisons aujourd'hui par les mots génériques, ciel, firmament, parce que nous
ne pouvons spécifier encore à quelle partie de l'espace chacun d'eux était affecté. Il est
probable que quelques-uns tenaient seulement à la science astronomique d'alors; mais cepen-
dant le plus grand nombre devait se rapporter à la fois à la science et à la religion, et
le groupe en question était sûrement de cette dernière catégorie; c'est ce qui résulte de
l'expression hiéroglyphique suivante, dans laquelle il est employé: ■^ =Sto n \\ i f=^
AAAAAA || I Ç AAAAAA
on y voit clairement le Men en relation avec des êtres que la religion égyptienne divinisait.
Mr. Brugsch a traduit ce membre de phrase dans le Wôrterbuch par: Die Bewohner des
Rimmels; je crois que cette traduction, beaucoup trop vague, doit être remplacée par une
autre très-précise, qui vient à l'appui de l'explication que je présente; le copte nous donne
en effet le mot OTeifl€, commovere, abire, transire, dont l'affinité avec le groupe
AAAAAA
est évidente, et je traduis alors le même membre de phrase hiéroglyphique par: les esprits
divins traversant „durchgehend" le Men.
Vient ensuite le groupe A A qui désigne, dans les textes, un propylée, c'est-à-dire
toute construction précédant une habitation. Mais les Egyptiens avaient imaginé un pro-
pylée céleste, c'est ce qui résulte de l'exemple suivant:
Mes bras sautie?inent le propylée du ciel.
Or, rapprochant actuellement les significations des deux groupes étudiés, on verra que le
mot Ménalippe, formé de la réunion de trois autres, donne: Men (qui est) le propylée
(du) ciel. Nous conclurons de là que le Khent, commençant immédiatement après Pégase,
devait être précédé d'un propylée figuré probablement aux yeux des Egyptiens par les
quatre étoiles qui forment le carré auquel on reconnaît ordinairement la constellation de
Pégase: les deux premiers décans du Khent ne pouvaient se trouver alors que dans la
partie du ciel qui s'étend du carré de Pégase à a de Persée, et il y a lieu de les iden-
tifier par conséquent avec les étoiles d'Andromède.
Il convient maintenant, Monsieur, de réunir aux identifications précédentes toutes les
preuves justificatives qui peuvent contribuer à fixer définitivement notre opinion. Dans
25
ce bat, je ferai remarquer d'abord que le groupe (TJ} est affecté, sur la liste de Ramsès IV,
au quatrième décan du Khent automnal; il y remplace le groupe s=>(jj I de la tombe
de Séti I er . On voit tout de suite que le sens du mot n n , rappelé tout à l'heure, con-
vient parfaitement encore à la partie du ciel avec laquelle nous avons identifié le décau:
le nom du décau, représenté par l'un ou par l'autre des deux groupes précédents, répon-
dait aussi exactement à la même idée.
Le tableau des constellations, qui a fait, il y a quelques années, le sujet d'un travail
mathématique de Biot, présente, plusieurs fois répétés, deux astérismes se levant à la
suite l'un de l'autre et désignés par:
A/WWk
Ces groupes ont été traduits par Mr. de Rougé: les deux serviteurs qui précèdent Mena,
Mena.
D'un autre côté, si l'on considère le premier décan du Khent automnal et celui qui pré-
cède, on a:
m *** jlc
ce que l'on peut traduire par:
les deux serviteurs,
commencement du Khent.
Or, en identifiant „les serviteurs" des deux textes, on serait naturellement amené à iden-
tifier aussi Mena avec le ^commencement du Khent": résultat très-remarquable, Monsieur,
si on le rapproche de l'interprétation que je viens de donner du mot Ménalippe.
Les lecteurs de la Zeitschrift fur Aegyptische Sprache ont appris par une communi-
cation de Mr. Chabas, que la traduction sur laquelle est appuyé le travail de Biot, a été
attaquée par Mr. P. Le Page Renouf dans une revue anglaise. Je ne sais pas, pour le
moment, quels sont les points en discussion; permettez-moi cependant, Monsieur, de montrer
la concordance qui semblerait établie entre les résultats du savant astronome et les miens.
En se basant sur les intervalles des levers héliaques, Biot a été conduit à identifier Mena
avec a de la Balance; mais il faut remarquer ici, comme pour les Khents, que l'étoile
désignée n'était pas spécialement indiquée par le calcul; si le choix de Biot s'est arrêté
sur elle, c'est qu'elle était l'étoile la plus brillante, se trouvant i l'horizon oriental de
Tbèbes à l'instant considéré, et aucune autre condition déterminative n'étant venue d'ail-
leurs renseigner le calculateur, il a pensé que l'astérisme égyptien ne pouvait être plus
convenablement représenté que par cette étoile. On le comprend donc, en toute rigueur,
par le travail de Biot, Mena n'est pas nécessairement o de la Balance; c'est que le sa-
vant astronome serait le premier à reconnaître, j'en suis persuadé, Monsieur, si nous l'avions
encore parmi nous. Dans l'état actuel de nos connaissances, Mena peut être tout astérisme
paranatellon de a de la Balance sur l'horizon de Thèbes; or, l'horizon de Thèbes, à cet
instant, c'est la courbe de 6 h 40 m à laquelle commence le Khent automnal: coïncidence
bien surprenante, Monsieur, si elle n'était l'expression mathématique d'une identité dans
les dénominations égyptiennes. Nous serions donc amenés ainsi à reconnaître l'existence
de deux Mena qui auraient été chacun le propylée d'un Khent
26
On ne peut, Monsieur, séparer de l'identification des Khents celle de l'astérisme nommé
les Ames, qui précédait immédîateiftent fo Khent vernal dans le mouvement diurne. Cet
astérisme forme sur quelques listes trois décans, mais le plus généralement il n'en forme
que deux; c'est ce dernier cas qui a lieu dans la liste de Séti I er , et c'est aussi celui que
je considérerai. Les levers deys deux décans correspondant aux intervalles:
15 h 20 œ , 16* 00»,
voici le tableau de quelques étoiles qui apparaissaient sur l'horizon à des instants peu
éloignés.
fi Pégase 15 h 06 œ a Cassiopée 15 h 34 m
fi Cassiopée 15 h 14 m I a Andromède 16 h 07»
a Pégase 15 h 15 m e Cassiopée 16 h 09 m
y Pégase 16 h 15 m
Si nous nous représentons les courbes résultant du développement sur la carte de l'horizon
oriental de Thèbes à ces époques de la révolution diurne, nous reconnaîtrons que ces
courbes, passant toutes les deux sur la constellation de Cassiopée, traversaient le carré
de Pégase, en s'y trouvant comprises, et continuaient de là leur route vers la partie méri-
dionale du ciel. D'après l'interprétation de l'ancien nom de Pégase, il était naturel déjà
de ne chercher les étoiles des Ames que dans la partie de ces courbes qui avoisine le
carré de Pégase: je dois dire cependant que j'avais encore, pour me déterminer, d'autres
motifs que je vais vous faire connaître, Monsieur, et dont vous apprécierez la valeur.
En cherchant les étoiles des Ames loin de Pégase, je rencontrais, vers le Nord, Cas-
siopée, et vers le Sud, les étoiles du Verseau; or, dans mon opinion, ni l'une ni l'autre
de ces constellations ne pouvait être identifiée avec les Ames. Nous voyons, dans Riccioli,
qu'on plaçait autrefois une Biche au point du ciel où les cartes célestes portent aujourd'hui
la femme assise, désignée par le nom de Cassiopée 1 ); la constellation était alors appelée
Cerva; or cette même indication, si mes rapprochements étaient justes, se rapporterait
au ciel égyptien. On peut, en effet, regarder le mot Cassiopée, comme la traduction pho-
nétique de toute une phrase égyptienne, en décomposant le mot cfe la manière suivante:
ce qui correspondrait aux trois mots coptes:
<5i-gce cjot ne
et signifierait:
Biche astre (du) ciel. D'un autre côté, si nous por-
tons nos regards vers le Sud, nous trouvons en coïncidence avec le Capricorne, le Verseau
et les Poissons même, un astérisme égyptien dont le nom, désigné dans les hiéroglyphes
par ^^U-^, signifie le Géant, d'après le copte HICUT, magnus. Cette constellation était
en effet très-étendue, puisque Biot, dans le travail déjà cité, a été conduit à identifier les
points extrêmes de l'astérisme d'une part avec y et ô du Capricorne, et d'autre part avec
or des Poissons. Si Ton m'opposait des doutes sur l'exactitude de ces dernières identifi-
cations, je répondrais qu'elles sont confirmées par un passage de Théon*) dans lequel cet
auteur, en parlant du Lien des Poissons, dit qu'il s'étend jusque sous IJqtciç, mot qui a
le même sens que /tiéyaç et signifie par conséquent grand; il est donc positif qu'il existait
dans le ciel égyptien un astérisme nommé le Géant, qui, partant à peu près du Capri-
J ) Riccioli, page 126. 3 ) Théon, psge 131.
27
corne, venait finir à une très-petite distance du Lien des Poissons 5 et naturellement du
carré de Pégase. On lé voit donc; je n'avais i chercher les étoiles des Ames que sur la
constellation de Pégase, ou. tout à fait dans le voisinage. J'avais remarqué dans la liste
de Séti I", que chaque décan des Âmes était désigné par un couple d'oiseaux; il m'était
donc venu tout d'abord à l'idée que les étoiles de cet astérisme auraient pu être les quatre
étoiles du carré de Pégase, quoique par la position et la direction des courbes, l'identifi-
cation fût loin d'être évidente; mais les autres listes m'ayant montré que le nombre des
oiseaux n'était pas rigoureusement limité à quatre, j'abandonnai ma première idée, et je
ne trouvai alors, pour représenter les Ames, que les étoiles du Poisson adossé à l'aile de
Pégase, en y comprenant quelques-unes de son Lien; ainsi il faudrait entendre que le
propylée du Khent, étant figuré aux Egyptiens par les quatre étoiles du carré, les Ames
répondaient à cet amas d'étoiles, qui forme le poisson, et étaient censées sortir du propylée.
Cette identification concorderait assez bien, Monsieur, avec les changements que l'on
observe dans les listes grecques: dans celle d'Héphestion, en particulier, F astérisme des
Ames forme trois décans non consécutifs, les deux derniers étant séparés par un décan
du Khent vernal: 23 | Jltrjflvov
24 j jiflinv variante ^Oâpiov
25 1 XnvicLQt
26 t Ilufiiov variante Taoïfiiov
j'ai déjà fait connaître plus haut mon opinion en général au sujet des listes des temps
postérieurs: elles ne sont, à mon avis, qu'un mélange plus ou moins arbitraire de l'antique
théorie des décans égyptiens et de la théorie grecque des divisions zodiacales. A l'époque
à laquelle se rapportent ces listes, les décans ne servaient qu'aux usages les plus vul-
gaires de F astronomie judiciaire: on savait que telle étoile était un décan, et son apparition
sur l'horizon avait un sens convenu et depuis longtemps arrêté; mais l'astrologue des
basses époques, en établissant par l'observation des levers un thème de nativité, ne con-
sultait plus les indications de la clepsydre pour s'assurer de l'exactitude des intervalles,
comme le pratiquait, d'après le témoignage des auteurs et des textes, le prêtre horoscope
des temps pharaoniques: c'est ce qui explique les variantes nombreuses, et l'on peut dire
même arbitraires, que nous présentent les listes grecques. En identifiant les Ames avec
les étoiles du poisson occidental et avec quelques-unes de son lieu, on s'explique par-
faitement comment, dans les temps postérieurs, le lever de quelques étoiles des Ames put
être placé après celui du Khent supérieur, premier décan du Khent qui correspondait très-
probablement à la partie supérieure de la poitrine d'Andromède.
Je ne dois pas terminer cette lettre, Monsieur, sans faire remarquer l'interprétation
qwe fournit la langue égyptienne d'une ancienne appellation de la voie lactée. On con-
naît les diverses explications imaginées dans l'antiquité, de l'aspect physique que présente
cette zone céleste; elles ont été développées par plusieurs écrivains, par Macrobe entre
autres dans l'outrage plusieurs fois cité 1 ); c'est toutefois par Manilius que nous avons
les détails les plus complets *). En vue des identifications qui font l'objet de cette lettre,
j'ai rappelé que la voie lactée avait été regardée autrefois comme la route des âmes; ce-
pendant il était aussi une autre opinion d'après laquelle cette bande blanchâtre aurait re-
présenté encore la route suivie par le Soleil dans son mouvement annuel, à des époques
! ) Macrobe. Commentarius, chap. XV.
*) Manilius. Astronomicon, livre I er , vers 661 à 779.
28
extrêmement reculées : j'ai cru retrouver la trace de cette dernière hypothèse astronomique
dans le nom Masarati qu'a porté la voie lactée d'après Stoffler 1 ). Les personnes aux-
quelles la langue égyptienne est un peu familière, conviendront immédiatement que le
mot a toute l'apparence d'appartenir en effet à cet idiome, et on en reconstruira aisément
l'expression hiéroglyphique de la manière suivante:
-^ I XX
Masa ra ti
Nous devrions donc admettre que les Egyptiens, tout en regardant la voie lactée comme
le chemin des Ames dans leur voyage sur la terre et leur retour au siège de leur im-
mortalité, avaient aussi la croyance que cette zone représentait encore la route tenue
autrefois par le Soleil dans son mouvement annuel ; de sorte que, comme le dit Manilius,
la lueur blanchâtre qui la distingue, ne serait plus que la trace visible que l'astre aurait
laissé de son passage:
incoctaque sidéra flammis
caeruleam verso speciem mutasse colore;
Liv. I w vers 708.
Tels sont, pour le moment, Monsieur, les résultats les mieux constatés auxquels je suis
arrivé au sujet des représentations astronomiques nommées les deux Khents et les Ames.
Il est vivement à désirer que les Egyptologues s'efforcent d'ajouter à ces premières notions
celles que les textes renferment encore, et qu'une étude, désormais exactement basée, ne
peut manquer de nous livrer.
Monsieur,
J'ai été amené pour établir de nouvelles identifications à recourir au dessin original
de la liste de Ram ses II, et le premier examen de cet intéressant document a immédiate-
ment rappelé à mon souvenir une particularité qui m'avait, je l'avoue, complètement
échappé lorsque je réunissais les matériaux destinés à composer ma deuxième lettre. Le
dessin paraît reproduire la liste hiéroglyphique avec ses détails d'encadrement, c'est-à-dire
telle qu'elle est sculptée au plafond d'une des salles du Ramesséum à Médinet-Abou.
A la place que devraient occuper les trois décans du Khent vernal nous y voyons le
groupe ^\ © i sans aucun déterminatif : or ce groupe paraissant être identique avec les
suivants \\©/i£3, vî bù^ 3 ^' ® * A» ^ u * désignent une colonne de pierre ou de
bois, il semblerait en résulter que, dans la liste de Ramsès II, les décans du Khent vernal
auraient été collectivement remplacés par un mot qui signifierait les colonnes. Nous savons,
par les textes, que les Egyptiens avaient en effet imaginé au firmament des colonnes,
indiquées dans les hiéroglyphes par les groupes: yl'^ s:r7S '^' comme le montre,
par exemple, la phrase suivante:
la colonne grande qui commence au ciel supérieur et au ciel inférieur
*) Stoffler, page 69.
a ) Papyrus magique, VIII, 10.
29
4
En Tabsence de déterminatif à la suite du groupe discuté, il m'a paru cependant nécessaire
de trouver encore, dans un nouveau document relatif aux décans, la confirmation du sens
auquel je croyais pouvoir m'arrêter; le choix, Monsieur, n'était pas grand; je ne pouvais
que recourir à la liste que nous a laissée Firmicus. Cette liste donne, comme on le sait,
des noms, en général, très différents de ceux d'Héphestion et par conséquent de ceux
dont rexpression hiéroglyphique nous est connue, aussi son emploi a-t-il été jusqu'à pré-
sent très borné; il est probable, par l'époque même à laquelle écrivait Firmicus, que ce
monument de la science égyptienne doit être rapporté à la dernière période de l'existence
de l'ancien culte et Ton comprend aisément toutes les modifications que la marche seule
du temps dut apporter à une énumération qui repoussée déjà par les bons esprits d'alors
ne servait plus qu'aux applications les plus grossières de l'état du ciel aux déterminations
astrologiques. La liste de Firmicus ne doit pas néanmoins être entièrement laissée de
côté; car, dans le cas actuel comme dans beaucoup d'autres que j'aurai à examiner, elle
nous sera d'une très grande utilité, vu la rareté actuelle de documents hiéroglyphiques
dans lesquels les variantes même donneraient souvent la solution de la question. Si l'on
se représente les listes d'Héphestion et de Firmicus placées en regard l'une de l'autre,
de manière à ce que les décans compris sous les mêmes signes zodiacaux soient en cor-
respondance, on verra que le premier décan d' A ri es est désigné chez Héphestion par le
mot Xopraçé) auquel j'ai substitué, après vous, Monsieur, Xavraçii de Camerarius, tan-
disque dans Firmicus le décan de même rang s'appelle Asiccan, nom qui n'a aucune ana-
logie avec son correspondant grec. Dans le mot Asiccan, la voyelle initiale a m'a paru
indépendante du nom réel du décan; j'ai été naturellement conduit à cette opinion, par
la comparaison de certains noms, évidemment communs aux deux listes et auxquels Fir-
micus préfixe la voyelle «. Ainsi parmi les décans du Khent automnal, dans Firmicus,
se trouve le mot Sentacer et au Khent vernal de la même liste, on lit Asentacer: or une
étude attentive des noms de la série entière fait reconnaître, que les lettres * et c sont
employées par l'auteur latin ponr exprimer respectivement les articulations ty et & qui
n'existaient pas dans l'idiome dont il se servait; et comme d'un autre côté, le 3) initial
permutait avec le & dans les dialectes égyptiens aussi bien que dans ceux de la langue
copte, il s'en suit que Sentacer de Firmicus n'est antre que **** ffl des hiéroglyphes ou
XnvcaxQé d'Héphestion : mais il résulte alors nécessairement de là que dans le mot Asen-
tacer, la voyelle initiale a est préfixée au vrai nom du décan ou plutôt forme un mot
séparé. La même chose a lieu dans le mot Aeicat de Firmicus, qui représente, à n'en
pas douter, -é/er d'Héphestion, Sicat d'Origène ou enfin u des hiéroglyphes; d'après
ces analogies, c'était donc seulement sur le mot Siccan que devaient être dirigées mes
investigations. Mais d'abord quel est le sens de la voyelle préfixée at J'ai pensé, Monsieur,
que nous pourrions y reconnaître une des formes de l'auxiliaire être, que Ton rencontre
identiquement la même, À, dans le dialecte sahidique de la langue copte et qui se pré-
sente même, quoique rarement, dans l'écriture hiéroglyphique exprimée par l e sign e o.
Quant au mot Siccan, j'ai cru trouver sa signification dans celle du groupe © Y com-
posé des mêmes éléments phonétiques. Ce groupe, comme \^#, signifie un pilier, un
appui, une colonne et comme ce dernier il était appliqué à une certaine partie du ciel:
ce que montre la phrase suivante:
30
Ai a- e=i- s XY^— ')
le ? 8*sï
c'est le ciel reposant sur ses piliers
Nous serions donc amenés à traduire le mot Asiccan par: (décan qui) est, fait ou con-
stitue le pilier ou la colonne, et nous aurions ainsi la confirmation du sens attribué tout
d'abord au groupe ^K • i de la liste de Ramsès II. Nous nous demanderons maintenant,
Monsieur, ce que représentaient ces colonnes dans la science égyptienne? mais c'est là
une question que je n'ai pas les moyens de résoudre dès aujourd'hui. Je supposerais ce-
pendant que l'idée première qui les fit imaginer ne devait pas se rattacher au voyage des
âmes, et qu'elle se rapportait plutôt à la course annuelle du soleil; la partie du ciel dont
nous nous occupons actuellement, coïncidant avec l'équinoxe vernal aux époques éloignées
auxquelles les listes nous transportent. Le passage du soleil en ce point de Fécliptique
était, il est inutile de vous le rappeler, Monsieur, l'occasion de grandes fêtes religieuses
chez les anciens habitants de la vallée du Nil; suivant les astrologues, le Bélier occupait
le milieu du ciel à l'époque primitive ou au prétendu commencement du monde 9 ); d'après
Kircher, le groupe des Pléiades, voisin du Bélier, était désigné chez les Hébreux par un
mot qui signifiait, appui des temps ou des périodes séculaires 3 ); c'est très probablement
dans un ordre d'idées de ce genre qu'il faudra chercher l'interprétation complète du groupe
^\ © i de la liste de Ramsès II et du mot Siccan de Firmicus.
La liste de Firmicus m'ayant permis de contrôler le sens d'un groupe hiéroglyphique,
j'ai pensé, Monsieur, qu'il ne serait pas sans quelque utilité de discuter à leur tour les
noms de cette liste qui se rapportent à la partie du ciel qu'occupaient déjà les Khents,
en y joignant même un examen semblable des noms d'Héphestion qui n'ont pu trouver
dans les hiéroglyphes leur correspondants phonétiques. Pour le Khent vernal, tous les
noms d'Héphestion ont été identifiés et avec ce que je viens de dire au sujet de Asiccan,
il en est de même de ceux de Firmicus, en tenant compte de certaines différences dia-
lectiques que j'ai fait remarquer aussi; j'aurai donc à m'occuper seulement des décans
substitués, dans les temps postérieurs selon toute probabilité, à quelques uns du Khent
automnal, et je restreindrai pour le moment la discussion aux noms des deux listes placés
dans la Balance : je les réunis dans ce tableau :
-ovxioé | Serucuth. JltTjxovzi \ Aterchinis. Xortaçé | Arpien.
si je considère d'abord le premier nom d'Héphestion, je le transcris hiéroglyphiquement:
K
* J»\\
jour nuit
et je compare ce mot égyptien au mot wybr^uQnv qui servit à désigner, dans l'antiquité
grecque, un jour composé de 24 heures égales entr'elles. Le temps que le soleil emploie
à faire une révolution diurne n'est pas en général divisé par le lever et le eoucber de
l'astre en deux parties égales; cela n'a lieu d'une manière constante que pour les lieux
situés à I'équateur, et pour les autres qui ont, comme on dit, la sphère oblique, l'égalité
entre le jour et la nuit solaires ne se produit qu'à deux époques de Tannée, aux équi-
noxes; dans tout autre temps, Fîiorizon partage inégalement la course diurne du soleil et
') Tombeau de Ramsès VI.
') Macrobe, Somnium Scipionis, t. 2, p. 356.
8 ) Kircher, Oedipus aegyptiacus, t. 2, p. 356.
31 _
de plus, par suite du changement continu de la déclinaison, les durées respectives des
deux portions varient d'un jonr à l'antre. Malgré cette inégalité et ces variations, qne
je ne fais qne rappeler, Monsieur, nous avons la preuve par les monuments de la gnomo-
nique grecque qu'on divisait autrefois le jour et la nuit solaires chacun en 12 parties
égales, appelées heures du jour et heures de la nuit; ces heures étant les mêmes parties
aliqaotes d'intervalles incessamment variables, variaient naturellement aussi en durée et
ce fut cette raison qui leur fit donner le nom d'heures temporaîses. Les heures temporaîses
du jour n'étaient égales aux heures temporaîses de la nuit qu'aux époques des équinoxes ;
c'est alors qu'elles prenaient le nom d'heures équinoxiales et qu'elles formaient le jour ap-
pelé l'i'x^pe»*)'. Cette manière de mesurer le temps resta usitée pendant toute l'anti-
quité grecque et die fut employée même par les Arabes jusqu'à l'époque où ce peuple
sut construire des horloges mécaniques. Mais les progrès du déchiffrement sont venus
nous apprendre de plus que cette numération particulière du temps fut aussi en usage
sur les bords du Nil, par la lecture en différents points, à Denderah, à Philée, à Edfou
des désignations égyptiennes des 24 heures temporaires; nous ne devons donc pas nous
étonner, Monsieur, de rencontrer aujourd'hui parmi les déeans la mention de l'étoile qui
ramenait le nycthémère par ses levers cosmiques sur les horizons de l'Egypte. Quant à
l'identification de cette étoile, il serait évidemment téméraire de prétendre à l'établir en
s'appuyant seulement sur la propriété que le nom attribue à l'astre, de se lever avec
l'équinoxe automnal de l'époque à laquelle remente la liste d'Héphestion : le problème
renferme trop d'éléments indéterminés. Si l'on admettait cependant que l'étoile en question
formait elle même le nycthémère, par sa révolution diurne propre, on pourrait alors avec
beaucoup de vraisemblance chercher l'astre -ot>gW parmi les étoiles de la Balance.
Nous connaissons deux variantes du nom de ce décan; Tune d'elles, donnée par Ca-
merarius, désigne le décan par le mot Ovywi qui me paraît exprimer absolument la même
idée que -ovxwé d'Héphestion; je transcris en effet Ovxwé hiéroglyphiqoement:
jour nuit
la deuxième variante qui se rencontre dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale
nomme le décan, Jot>gcc>c: je décompose ce dernier mot comme il suit:
jour partagé
le deuxième groupe hiéroglyphique n'a été reconnu jusqu'à présent qu'avec la signification
de tuer, immoler, en parlant des victimes offertes aux divinités; je crois cependant qu'il
répondait aussi à l'idée de division en deux parties égales et qu'il a donné naissance au
mot copte &OC, dimidius; or en admettant l'interprétation que je propose, il est évident,
Monsieur, que le sens astronomique, est exactement le même que celui des précédentes
dénominations du décan.
Le premier nom de la Balance dans Firmicus est tout-à-fait différent: ici le décan
s'appelle Serucuth. J'ai rattaché la signification de ce mot à la sphère grecque par une
décomposition en deux groupes bien connus:
Aries procumbit
_J2
expression fréquemment employée dans les calendriers de Rome et d'ailleurs parfaitement
juste ici; car à l'époque à laquelle on peut rapporter la liste de Firmicus, le Bélier et
la Balance occupant chacun un des deux équinoxes, le lever de Tune des constellations
amenait nécessairement le coucher de l'autre.
Je passe maintenant aux décans suivants ; les noms d'Héphestion ont été déjà discutés,
nous savons qu'ils appartiennent au Khent automnal. Le nom Aterehinù de Firmicus m'a
paru un mot évidemment composé; je l'ai comparé aux adjectifs coptes <VTepnoqpI
routilis, ÀTepOTft inexcusabilis, £Tepgo^e incorruptibilis etc. formés de la préposition
négative 4.T, de l'auxiliaire €p esse et des adjectifs flCKJpI utilis, OTW excusabilis,
gO^e corruptibili8; d'après cela, pour interpréter le mot de Firmicus il suffit de décou-
vrir le sens du mot chinù formé par les deux dernières syllabes. Or on s'assure facile-
ment par la comparaison des listes entr'elles, que toutes les fois que Firmicus emploie
le ch latin, Héphestion met le % grec, la langue copte le & ou le gJ et les hiéroglyphes
un •: cette remarque constitue le seul &uide qui a dirigé mes investigations et qui m'a
amené à m'arrêter au groupe qa forme antique du copte gJini. Ces deux mots
se présentent dans les textes avec des sens divers, tels que interrogare, inqtrirere, invisere,
vaticinari, disputare, dicere, visitare, entre lesquels il serait certainement téméraire de
vouloir dès aujourd'hui faire un choix; cependant, en reconnaissant au nom du décan la
signification de: qui ne doit être dit* qui ne doit ou ne peut être visité, on y trouverait un
souvenir du respect mystérieux que les Egyptiens professaient pour toutes les choses di-
vines, respect dont Hérodote s'est fait le naïf et fidèle interprète et dont nous rencontrons
nous même la preuve, à chaque pas, dans les textes relatifs a la religion: le sens serait
d'ailleurs tout-à-fait applicable au Khent automnal qui, par sa position dans les listes an-
tiques, était déjà en partie levé lorsque le décan Aterchinis de Firmicus faisait son appa-
rition sur l'horizon.
Reste enfin Arpien: je regarde ce nom comme formé des trois mots ar, pi, en on en
lettres coptes Ap, ITI, en: c'est, ou voici le singe. Pour donner à cette décomposition
une certaine probabilité, il conviendrait de s'assurer, Monsieur, si l'antiquité nous a laissé
l'idée de l'existence d'un singe dans cette partie du ciel: c'est en effet ce que l'on trouve
dans Firmicus. On y lit: adjacent Scorpioni in dexterâ parte Ophiuchus et Vulpes; in
sinistrâ Cynocephalus et Ara 1 ). Il est probable que ce singe cynocéphale n'est autre que
Tanimal nommé aujourd'hui le Loup: nous savons en effet que ce dernier a été très di-
versement dénommé dans les anciens auteurs et parmi ces dénominations je citerai Canis
ululons, qui se rapproche beaucoup de celle qui établirait l'identification avec le Cynocé-
phale de Firmicus.
*) Firmicus, Liv. 8, ch. 26.
33
Monsieur!
Je commencerai aujourd'hui l'étude des décans qui séparent, sur les listes antiques,
le Khent automnal de l'épervier Smat: parmi ces décans, il en est un, le 15 e01 * après
Sothis, qui avait depuis longtemps attiré mon attention; car sa désignation particulière,
jj^s , semblait permettre de rapporter son institution à la course annuelle du Soleil. Si
nous cherchons dans Héphestion le nom de même rang, nous lisons 'Prjovai; en rappro-
chant ce mot du groupe dont il paraît l'expression phonétique, vous avez, Monsieur, pro-
posé la traduction : „le Soleil dans sa barque", regardant le croupe Lns } comme conden-
sant la phrase hiéroglyphique fl " v\ [ trnS rd uà. Il restait cependant à expliquer
encore pourquoi la barque solaire lôj est précédée, sur toutes les listes monumentales,
des signes @0; car, en admettant le nom d'Héphestion comme traduisant lnJ } et votre
interprétation, Monsieur, comme exacte, il est évident que les deux signes initiaux ne
font pas partie du nom réel du décan. La signification de ces signes réunis étant „milieu tf ,
j'étais immédiatement amené à penser que l'idée se rapportait à la position céleste du
décan, qui devait constituer probablement le milieu d'une portion du ciel, déterminée par
un certain nombre, seulement, de décans voisins, 'Prjnvci par lui-même, n'occupant pas le
milieu de la liste entière, soit qu'on la commence à Sothis, soit qu'on la fasse commen-
cer au décan hiéroglyphique suivant, désigné par Xvovfiiç dans Héphestion. Pour vérifier
cette présomption, il me paraissait de toute nécessité de recourir aux dessins originaux
des listes antiques, dans le but d'examiner les détails particuliers de disposition affectés
aux divers groupes hiéroglyphiques, et d'y démêler, en définitive, la raison intentionnelle
qui fit toujours précéder le nom du lô*" 16 décan, du groupe §<>• Or, dans cette recherche,
je n'avais pas encore, Monsieur, la faculté du choix: obligé, en effet, par ma position
officielle de résider dans une toute petite ville de province, et éloigné des grands cen-
tres dans lesquels j'aurais à ma disposition les ressources des bibliothèques publiques et
des musées, je dois m'en tenir forcément aux ouvrages que mes moyens personnels me
permettent de me procurer; c'est assez vous dire, Monsieur, qu'il manque bien souvent
à mes études des documents qui, dans les recherches du genre de celles-ci, décident
presque toujours du résultat final. Le tableau hiéroglyphique inséré dans votre remarquable
travail sur la chronologie égyptienne avait jusqu'à présent suffi à mes investigations, mais
un autre secours me devenait nécessaire, car le tableau en question n'est qu'une simple
succession de groupes hiéroglyphiques, privée de tout détail accessoire rappelant les listes
originales, ce qui n'était nullement d'ailleurs dans le but de votre ouvrage. Je possédais,
d'un autre côté, la liste de Ramsès II, telle qu'on la voit sculptée au plafond d'une des
salles du palais de ce prince à Thèbes, et c'est dans l'examen de ce document que j'ai
été assez heureux pour découvrir les renseignements qui m'étaient indispensables. Le
dessin présente les noms des décans disposés horizontalement encore, les uns à la suite
des autres, mais de distance en distance, les lignes d'encadrement les séparent en groupes,
et montrent ainsi une première division du ciel dont les décans n'étaient qu'une subdivi-
sion. Ainsi, on y voit le décan 'Prjovw lié à quatre autres de la manière suivante:
34
Les cinq décans renfermés dans cet espace formaient donc un groupe dont c Prjovd oc-
cupait le milieu ; les deux signes # O étaient l'expression hiéroglyphique de cette dis-
position, et comme je Pavais tout d'abord pensé, le nom du décan était simplement l^J .
La question était alors de découvrir dans le ciel le motif de la réunion de ces cinq dé-
cans ; et d'après la méthode exposée dans ma dernière lettre, il fallait étudier leurs courbes
de lever, en remarquant que le premier du groupe étant le dernier du Khent automnal,
sa courbe a été déjà discutée: on sait qu'elle entrait dans la voie lactée, en suivant à
peu près le bord oriental intérieur de l'espace céleste compris entre la voie lactée et l'ap-
pendice latéral qui en est séparé depuis le pied dn Centaure. Les quatre autres décans,
occupant les 14 ème , 15** 116 , 16 èm * et 17 ème rangs après Sothis, leurs levers étaient séparés
de celui de l'étoile par des intervalles sidéraux, respectivement égaux à:
9 h 20"; 10* 00 m ; 10* 40 m ; ll h 20 m .
Voici quelques étoiles dont les intervalles des levers s'écartaient peu des précédents :
Sagittaire
Lyre
Aigle
Sagittaire
Aigle
Cygne
Flèche ll h 40»
La comparaison des nombres de ce tableau à la carte ci-jointe nous amène à recon-
naître que la courbe de 9 h 20 m , passant sur la tête du Serpentaire, venait, après avoir
coupé la branche occidentale de la voie lactée, suivre à-peu-près la ligne de jonction des
deux branches, au-dessous de la queue du Scorpion; que la courbe de 10 h 00 m , située
un peu à l'Occident de la Lyre, passait sur l'extrémité du dard du Scorpion, et de là
très-près de a de l'Autel ; que la courbe de 10 h 40 m , traversant la Lyre et la partie pos-
térieure du corps de l'Aigle, venait couper le Sagittaire sur le bras qui tient l'arc; que
la courbe de ll h 20 m enfin, passant sur l'extrémité de l'aile occidentale du Cygne et puis
sur les premières étoiles de la Flèche, se dirigeait ensuite sur la tête du Sagittaire et
sur la main qui tient le javelot. En joignant à cette discussion générale ce qui a été dit
au sujet de la courbe du dernier décan du Khent automnal, on est amené à conclure que
l'intervalle des levers des cinq décans correspondait précisément au temps qu'employait
à se lever sur l'horizon de Thèbes la partie de la voie lactée qui présente deux branches
séparées, ayant leurs points de réunion sur la sphère grecque, au Cygne et au Scorpion:
c'était dans cet intervalle égal à cinq fois 40 minutes que le lever du décan 'Ptjovw oc-
cupait l'instant milieu; telle est l'explication certaine des groupes §0 précédant, sur les
listes antiques, le vrai nom du décan.
Scorpion
9 h 12 »
Serpentaire
9 h 19 m
Serpentaire
9 h 35 m
Scorpion
9 h 59 m
Autel
10 h 04 m
Lyre
10 b 14 m
ÎO" 33»
10* 45 m
11" 03»
11" 21»
11" 30"
ll h 31»
35
Il s'agit maintenant, Monsieur, en laissant toujours de côté le premier décan du groupe,
d'essayer l'identification des quatre autres. Gomme je l'ai déjà fait remarquer dans ma
deuxième lettre, la connaissance de la courbe est loin de suffire, il faut y joindre, pour
chaque décan, une autre condition spécialement déterminatrice; dans le cas actuel cepen-
dant, le problème reçoit, de la discussion précédente, une détermination de plus; car l'in-
tervalle des levers de nos cinq décans, correspondant au temps du lever des deux bran-
ches séparées de la voie lactée, il est naturel de ne chercher les étoiles correspondantes
que dans cet espace céleste ou dans les régions immédiatement voisines. Occupons-nous
d'abord de 'jPijowcJ, puisque c'est le plus important du groupe; malgré l'observation que
je viens de faire, l'indétermination serait cependant assez grande encore, si nous n'avions,
Monsieur, pour nous guider ici, un passage de Firmicus se rapportant à notre décan.
Cet auteur, en effet, nous apprend qu'à la droite du Sagittaire, se lève le navire Argo
et à sa gauche le Chien: „Oritur navis Argo in dextrâ parte; in sinistrâ, Canis. ai ) Il
n'est pas possible de rapporter ces indications à la sphère grecque, car, quel que soit
l'horizon pour lequel Firmicus a construit ses tables, au lever du Sagittaire, le navire
Argo et le Chien grec se couchaient ou étaient près d'atteindre l'horizon occidental; il
faut donc comprendre que Firmicus a ici, comme il nous en a donné déjà l'exemple, mêlé
aux constellations grecques des astérismes étrangers à cette sphère, et par l'ensemble
même de son ouvrage, il est naturel de penser au ciel égyptien. La supposition d'une
erreur dans le texte de Firmicus, n'est pas d'ailleurs admissible, car Eratosthène, faisant
lui aussi une incursion dans une sphère étrangère à celle dont il s'occupait, dit en par-
lant du Sagittaire, „ qu'il est observé, non seulement par ceux qui vivent sur la terre,
„mais encore par ceux qui naviguent sur les mers; son vaisseau en est la preuve." 9 ) Il
résulte donc de ces indications qu'il a existé anciennement dans le voisinage du Sagit-
taire, un astérisme désigné par un navire, dont l'idée n'appartenait pas à la sphère qui
nous est arrivée des Grecs et qu'elle n'a pas par conséquent conservée. Quant au Chien,
je ne puis faire ici, Monsieur, que des conjectures, car nous n'avons pas, d'une manière
certaine, la connaissance de l'existence d'un chien, autrefois, dans cette partie du ciel: il
est cependant très-probable qu'il y eut un astérisme ainsi dénommé; car on rencontre de
divers côtés, dans les auteurs, la notion de deux chiens gardiens des limites de la course
solaire, et, dans ce cas, le Chien méridional aurait dû se trouver aux environs du Capri-
corne, précisément à la gauche du Sagittaire. En réunissant donc toutes les considérations
précédentes, c'est-à-dire, en rappelant que la barque du Soleil ne dépassait probablement
point la jonction inférieure des branches de la voie lactée, qu'elle se trouvait sur la courbe
de 10 h 00"; et qu'enfin elle se levait à la droite du Sagittaire, nous serons amenés à re-
connaître que cette barque ne peut être mieux représentée que par les étoiles de l'extré-
mité du dard du Scorpion, *,*,*, dont la disposition affecte une courbure rappelant en
effet assez exactement le profil longitudinal d'un navire.
La liste de Ramsès II qui m'a été, comme vous le voyez, Monsieur, d'un très-grand
secours, ajoute à la désignation hiéroglyphique du décan, telle que les autres listes la
donnent, un individu debout, penché sur un bâton qu'il tient à la main, et figurant un
vieillard courbé par l'âge. Cette indication jointe à un décan se rapportant évidemment
l ) Firmicus, livre 8, chap. 27.
*) Eratosthène, chap. 28.
5 #
36
à la course solaire, fait immédiatement penser à la fête dn bâton ou support du Soleil
qui, d'après Plutarque, signifiait qu'à cette époque de Tannée, l'astre était regardé comme
ayant besoin d'un soutien, parce que sa chaleur ayant beaucoup diminué, il devait être
comparé à un homme déjà courbé par le temps. 1 ) D'après l'auteur grec, cette fête solaire
était célébrée au 23 Paophi de l'année alexandrine, quelques jours après l'équinoxe d'au-
tomne; du temps de Plutarque, cet équinoxe tombait au 25 Septembre julien et coïncidait
par conséquent avec le 28 Thoth alexandrin; or, du 28 Thoth au 23 Paophi, il y a un
intervalle de 25 jours, qui représente assez approximativement l'intervalle qui séparait
l'équinoxe d'automne du lever cosmique de la barque solaire, identifiée avec les dernières
étoiles du Scorpion; nous aurions donc à lier la célébration de la fête à l'apparition ma-
tutinale de ces étoiles.
Enfin, Monsieur, je ne dois pas abandonner ce décan sans essayer l'interprétation du
nom qui lui est affecté dans la liste de Firraicus. En suivant le tableau comparatif des
deux listes des basses époques, on voit, qu'en regard de 'Pqovti d'Héphestion, Firmicus
présente le mot Eregbuo: je regarde ce dernier comme condensant toute une phrase égyp-
tienne que j'exprime hiéroglyphiquement de la manière suivante:
i -^n j \\
est centre le lieu (de) la barque, ce qui signifierait: le lieu de la barque est un point milieu.
Je ne sais, Monsieur, si vous approuverez mon interprétation, qui me paraîtrait satisfaire
à tous les points de vue.
Je passe maintenant au 14 ème décan après Sothis, précédant immédiatement c Pqovci;
les listes antiques le désignent comme il suit:
Tombe de Séti I« ^ m JR
Palais de Ramsès II \\\ ni *»*» 1 t
I I T WVWV >
Tombe de Ramsès IV ^
Les groupes des listes de Nectanèbe et de Denderah étant frustes en majeure partie,
il est inutile de les reproduire ici. Il n'est pas possible d'établir un rapprochement quel-
conque entre les groupes précédents et le nom qui occupe un rang semblable dans la
liste d'Héphestion; aussi je comparerai le nom hiéroglyphique avec le 12 ème décan de la
liste grecque. Ce dernier est exprimé par le mot 2tùw*i v *, que Gamerarius change en
2%n%vé et le manuscrit de la Bibliothèque impériale en Snxvîj vé. Si je co nsidè re d'abord
le groupe de Séti I, j'en identifie la première partie n==p avec le mot <k ^w ,
Z^ (1 ( ^=^-, forme antique du copte COJ, trabs poutre, pièce de bois, et quant à la
deuxième, j'y reconnais le mot JJ^ % — , qui signifie emprisonner, arrêter, enfermer; de
sorte que nous aurions dans la réunion des deux parties, les poutres emprisonnés, et le
déterminatif final ^==| montrerait que ces poutres étaient au nombre de deux: la lecture
reproduirait le mot -o%vq vé du manuscrit de la Bibliothèque impériale, et d'après ce
que j'ai déjà dit sur la courbe correspondant à l'intervalle, il faudrait voir dans le décan,
non plus une simple étoile, mais la ligne de jonction des deux branches de la voie lac-
tée, au-dessous du Scorpion grec.
Cette interprétation une fois admise, il est aisé de l'étendre au groupe de la liste de
*) Ueber l9is und Osiris, Parthey, page 92.
37
•
Ramsès IL On sait que le mot 1 ^J désigne une espèce de plante que Ton croit être
le by88us: le même groupe avec ledéterminatif c désignerait donc le bois de l'arbuste,
car nous savons que ce dernier signe est employé toutes les fois qu'il s'agit de détermi-
ner une branche d'un végétal quelconque; nous devrions alors traduire les groupes de la
liste de Ramsès II par les branchés de byssus. Dans la liste de Ramsès IV, l'idée serait
la même, mais exprimée d'une manière figurative.
Il convient maintenant de remarquer, Monsieur, que les dénominations grecques don-
nées par Héphestion et Gamerarius, commençant toutes les deux par les consonnes ~r,
ne peuvent être regardées comme les traductions phonétiques littérales des groupes hié-
roglyphiques que nous possédons. Je crois en effet qu'on a pris pour former ces autres
désignations d'un même décan, le mot égyptien 1 réuni toujours au participe déter-
minant J^S — , de sorte que la transcription hiéroglyphique correspondante serait
1° S * i — fe iw*w* lié. Cette explication s'accorderait exactement avec le mot
-xiov que l'horoscope étudié par Mr. Goodwin donne à la suite de Aqcjl — Aqiol *).
Ce mot est composé des mêmes consonnes que le groupe I /vwws , et venant immédiatement
après les mots Aqwi — Aywt, qui désignent collectivement tous les décans du Kbent
automnal, il ne peut que se rapporter au décan étudié en ce moment.
J'ai laissé de côté dans la discussion précédente, les groupes des listes de Nectanèbe
et de Denderah, affectés au même décan, parce que, comme je l'ai déjà dit, ils ne pou-
vaient me fournir aucun argument décisif pour établir mon interprétation. Je tiens à faire
remarquer cependant, Monsieur, que la partie bien distincte de chacun d'eux est parfaite-
ment d'accord avec le sens que j'ai donné des diverses désignations du décan, et les con-
firme même. Dans la liste de Nectanèbe d'abord, les deux derniers signes, seuls lisibles,
sont JJ^, comme dans la liste de Séti I: on est donc en droit de supposer ici au décan
une dénomination en tout semblable à celle que lui affecte la liste plus ancienne. Quant
au groupe de Denderah, vous me permettrez, Monsieur, quelques développements rigou-
reusement nécessaires pour faire comprendre comment, malgré les grandes différences que
présente la liste de l'époque romaine, je parviens néanmoins à y déterminer le décan
correspondant à celui qui occupe, sur les listes antiques, le 14 ème rang après Sothis.
Je me reporterai, Monsieur, à cette époque où une simple pierre arrivée inopinément
d'Egypte, venait soulever dans notre pays des discussions scientifiques vives et passionnées
que nous, enfants d'une génération nouvelle, aimons à conserver dans le culte de nos sou-
venirs. C'était sur la fin de 1821, la France en deuil pleurait la perte d'espérances qu'elle
avait jusqu'alors caressées, lorsque l'arrivée inattendue du zodiaque circulaire de Denderah
vint fournir à la conscience publique l'occasion de protestations qui, justes ou fausses, sont
aujourd'hui pour nous l'expression et la mesure du patriotisme d'alors. C'est que, Monsieur,
le monument en rappelant au souvenir la plus brillante peut-être de nos gloires nationales
semblait permettre de fixer, avec une certitude mathématique, l'antiquité d'une civilisation
disparue, qui n'était connue à cette époque que par les rapports obscurs ou contradictoires
des écrivains de la Grèce et de Rome. Parmi les travaux auxquels donna lieu, dès son arrivée,
le zodiaque, il faut placer en première ligne le mémoire de Biot. Par des mesures di-
rectes prises sur le monument, Biot fit voir que le seul mode de représentation géomé-
trique applicable au tableau est le système d'après lequel tout le ciel serait développé sur
J ) Chabas, Mélanges, II, 300.
38
an plan autour dn pôle boréal, suivant des droites divergentes formant entre elles des
angles respectivement égaux aux inclinaisons mutuelles des divers cercles de déclinaison
du ciel, et dont la longueur arbitraire, rayon du monument, représenterait la distance des
deux pôles: chaque étoile aurait été ainsi placée sur le rayon correspondant à son cerclé
de déclinaison, à une distance du centre proportionnelle à sa distance polaire. Ce fut
cette conclusion que, malgré les progrès de la science du déchiffrement, Biot affirma de
nouveau, en 1844, dans le travail qu'il publia sur le même sujet: l'opinion de l'illustre
savant je la partage, Monsieur, en la restreignant toutefois au résultat mathématique que
je viens d'exposer. Revenant maintenant à la question particulière qui nous occupe, il est
alors évident que le rayon du monument passant sur la queue du Scorpion grec, doit nous
amener au décan correspondant à la barque solaire des listes antiques; l'opération nous
conduit en effet à un cynocéphale assis dans une barque dont la signification est en tout
semblable à celle du groupe tnJ des époques pharaoniques; mais ce décan étant ainsi
déterminé, celui qui le précède dans le sens du mouvement diurne du ciel, doit corres-
pondre aux branches de byseus des listes hiéroglyphiques antiques et à Zzioxvrjvé d'Héphes-
tion. Ce nouveau groupe n'est malheureusement bien distinct que dans ses deux premiers
signes, car il n'est pas possible de dire au juste ce que représentent les deux derniers;
le groupe cependant commençant par [ I IL on peut y reconnaître le mot égyptien J S
v^r^, CH&e, CH&f, arundo, canna, cafamus junci, ou bien encore (I J , cedrus, et je
dois dire que les deux signes illisibles sur le monument, se rapprochent beaucoup des
déterminatif8 horizontaux des mots précédents; le sens du décan serait donc le même que
dans les temps plus reculés, l'espèce du bois seule aurait peut-être varié.
Il ne reste plus enfin, Monsieur, qu'à examiner le nom de la liste de Firmicus: im-
médiatement avant Eregbuo, elle nous présente le mot Senciner, qui me paraît exprimer
identiquement la même idée que les dénominations plus anciennes: je le transcris, en ef-
fet, hiéroglyphiquement: ç ^ JS^ j\ 1k y
arbre arrêté.
Je remets, Monsieur, à ma prochaine lettre la discussion des autres décans qui en-
traient encore dans le groupe céleste de la barque solaire.
Monsieur,
Avant de poursuivre l'examen des groupes hiéroglyphiques affectés à la désignation
des décans, je dois préalablement rappeler et expliquer, autant que cela est possible au-
jourd'hui, certaines différences que présentent, dans la partie du ciel déjà étudiée, les
listes antiques et les listes des basses époques ou plutôt les listes d'origine grecque, car,
si vous voulez bien vous le rappeler, Monsieur, nous avons trouvé les deux décans de
Firmicus qui correspondent à des décans antiques, à la suite l'un de Vautre, exactement
comme ceux-ci. Dans Héphestion, au contraire, comme je l'ai fait remarquer en temps
opportun, le décan -Ttox»T]vt répondant aux branches de byssus des hiéroglyphes, ne pré-
cède pas immédiatement 'Ptjovo'j: il en est séparé par deux autres nommés ~eo/ut et -u^ié.
Quelle est la raison de cette différence de position ? c'est ce qu'il est très-difficile de dire
aujourd'hui, Monsieur, avec certitude du moins. Quoiqu'il en soit, le mot Siajxvyvé ne
désignant pas une simple étoile, mais une partie assez étendue de la voie lactée, on com-
_ 39
prend toujours que l'auteur de la liste grecque, ne voulant pas s'astreindre à conserver
l'égalité rigoureuse des intervalles, put très-bien, comme il le fit, supprimer quelques dé*
cans du Khent automnal, pour intercaler entre 2tw%vrivk et 'Pqnvri deux décans qui
n'existaient pas dans les listes antiques et qu'il désirait introduire dans la sienne. Le nom
Sêofii du premier décan ainsi intercalé présente de plus cette particularité, qu'il revient
absolument le même, dans la liste grecque, immédiatement après "Ptjovw ; il convient donc,
Monsieur, de remettre la discussion de cette dénomination commune au moment où nous
nous occuperons du décan hiéroglyphique suivant aussi 'Pijovci dans le groupe de la barque
solaire: attachons-nous alors d'abord à l'interprétation du mot -le^t affecté au deuxième
décan intercalé. Je transcris ce nom en hiéroglyphes:
aetérisme Mu
ce qui signifie: astérisme de la Mère, car le Vautour servait, comme on le sait, dans les
écritures égyptiennes à exprimer symboliquement les idées de maternité. Nous connais-
sons deux variantes du nom de ce décan: Camérarius le désigne par le mot Seou^i, et
le manuscrit de la Bibliothique impériale par Ziote/né; je les transcris l'un et l'autre
hiéroglyphiquement :
i
partie de Vastérisme Mu y
et il ne s'agit plus que d'essayer l'identification du groupe céleste. Le décan ne se trou-
vant pas sur les listes antiques, il est évident qu'il n'y a ici aucun calcul certain à établir;
je crois cependant, Monsieur, être dans le vrai en identifiant l'astérisme \\° avec la
constellation grecque de la Lyre, et voici sur quelles raisons je fonde mon opimon. D'abord,
nous avons reconnu par la discussion des courbes que, en 1800, la Lyre se trouvait com-
prise entre les courbes de 10 h 00 m et de 10 h 40 m , et on s'assure aisément que la posi-
tion relative de la constellation ne varia pas sensiblement pendant un très-long espace de
temps, puisque l'intervalle des levers de Sothis et de l'étoile a et de la Lyre qui, en
1800, était de 10 h 14 m , est aujourd'hui de 9 h 50 m , et n'a donc varié, après 36 siècles
écoulés, que de 24 minutes; par conséquent, quelles que fussent au juste les idées des
astrologues des basses époques sur la théorie des décans, on voit que, l'admission des
étoiles de la Lyre au nombre des décans une fois arrêtée, leur place était immédiatement
avant 'Prjovw. Mais il faut se rappeler aussi que, d'après les auteurs, le groupe stellaire
de la Lyre a été encore appelé le Vautour, Vultur cadens chez les Latins, par opposition
à l'Aigle qu'ils appelaient Vultur volans; je regarde donc comme extrêmement probable
que les écrivains grecs qui eurent à leur disposition les textes hiéroglyphiques sur lesquels
étaient portés les divers astérismes du ciel égyptien, rencontrant l'astérisme Mu, exprimé
par v\ o, traduisirent le signe par le nom de l'oiseau figuré, et firent ainsi du groupe
stellaire, la constellation du Vautour, regardant le signe V\ comme figuratif pour exprimer
le mot égyptien Nerau en copte fiepAT. Ce n'est (Tailleurs qu'ainsi qu'il est possible
d'expliquer l'origine de cette dénomination affectée à un groupe d'étoiles, qui fut en même
temps appelé la Lyre: aucun auteur, en effet, soit grec, soit latin, ne nous donne un indice
à ce sujet; les fables qui furent imaginées sur la constellation et qui nous sont parvenues,
se rapportent toutes à la Lyre ou à la tortue sur la carapace de laquelle étaient sensées
fixées les cordes de l'instrument. Nous aurions donc à conclure d'après cela que la Lyre
40
fut le nom du groupe stellaire sur une sphère étrangère à l'Egypte, chaldéenne probable-
ment, et que le nom de Vautour fut celui qu'une fausse interprétation des écritures égyp-
tiennes fit donner à la même constellation. Il est bon de remarquer que, suivant les
mythes grecs, la Lyre aurait été formée par Mercure, qui lui aurait donné sept cordes
en l'honneur des Pléiades, au nombre desquelles était sa mère Maïa 1 ).
J'ai cherché ensuite, Monsieur, s'il ne serait pas possible de découvrir dans les textes
égyptiens actuellement traduits, des passages se rapportant à l'astérisme Mu; voici les
exemples que je croirais pouvoir citer, sans cependant être complètement sûr qu'ils s'ap-
pliquent à la déesse décan. On rencontre dans la grammaire égyptienne, comme faisant
partie d'une prière adressée à la déesse que Champollion nommait Mouth, la phrase
suivante:
tu as été placée devant la barque de ton père ').
Ceci s'accorderait parfaitement avec l'ordre de succession des levers de l'astérisme Mu
et de la barque solaire. La même relation entre Mu et la barque existe, sur une figure
funéraire du musée de Turin, qui porte la désignation:
et enfin je ne sais, Monsieur, s'il faudrait rattacher à la même personnalité divine, la
phrase du Papyrus magique que Mr. Chabas a traduite par „tu animes la barque, d'un
souffle favorable en ton nom de déesse Ma" * ). Je n'ignore pas que le mot Ma n'est plus
exprimé ici par les mêmes signes hiéroglyphiques, ce qui entraine une prononciation néces-
sairement différente; il s'agirait de savoir seulement si la déesse ^?£ qui représentait
la vérité ou la justice personnifiée, n'était pas, dans le cas actuel, la même divinité que
celle que les hiéroglyphes nomment d'un autre côté >k\^ ; car il paraîtrait que la barque
dont il est question, dans l'exemple précédent, était bien la barque du Soleil: je trouve
en effet, dans la grammaire égyptienne encore, au sujet de cette même déesse *Z2r , la
phrase suivante:
^J 5 lui — ° t i
libation à Ma qui est devant la barque du Soleil 5 ).
Ces quelques exemples sembleraient donc confirmer que la barque solaire était réellement
précédée, dans le mouvement diurne du ciel, d'un astérisme consacré à une divinité
féminine.
D'après Plutarque, le nom Muth, c'est-à-dire la traduction phonétique de ^N^N *n
exprimant l'article, aurait été l'une des appellations d'Isis 6 ) ; il faudrait en conclure alors
que la déesse désignée ici dans les décans, n'était autre qu'Isis; je ne le pense pas ce-
pendant, car nous savons qu'à côté d'Isis, mère d'Horus, présidant à l'hémisphère su-
périeur visible, les Egyptiens avaient aussi Nephthys, mère d'Anubis, pour présider à
AMAM
') Hygin, 1. 2, ch. 8.
*) Grammaire égyptienne, page 430.
*) Champollion, Dictionnaire, page 129.
4 ) Papyrus magique, page 53.
*) Grammaire égyptienne, page 489.
6 ) Ueber Isis und Osiris, Parthey, page 101.
__J1
l'hémisphère inférieur invisible 1 ); j* crois donc que sans s'arrêter i la position septen-
trionale du groupe stellaire appelé aujourd'hui la Lyre, les Egyptiens l'avaient consacré à
leur déesse Nephthys, et à ce sujet, je ferai remarquer, Monsieur, que Nepbthys étant la
mère d'Anubis dont les Grecs avaient fait leur dieu Mercure, mon opinion serait en par-
fait accord avec le passage d'Hygin, déjà cité, qui prétend que Mercure en formant la
Lyre lui avait donné sept cordes en l'honneur des Pléiades, au nombre des quelles se
trouve sa mère Maïa.
Je passe maintenant, Monsieur, au 16 ème décan hiéroglyphique, suivant immédiatement
Ja barque solaire et correspondant par conséquent à l'intervalle de 10 b 40 m : voici ses
désignations diverses sur les listes antiques:
Tombe de Séti I ]g£
Palais de Rarosès II
Tombe de Ramsès IV
Sarcophage de l'époque de Nectanèbe I
m
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le nom de même rang dans Hépbestion est Seofu déno-
mination identique avec celle du premier des deux décans intercalés, dans la même liste,
entre ^tcoxyrjvé et 'Pqnvri. Camérarius change le mot ~êoiié en -tojut; je ne m'arrêterai
pas à la légère différence que présente ce nouveau nom, et je dirai tout de suite, Mon-
sieur, que l'appellation réelle du décan me parait avoir été simplement [I vjw p: voici
les preuves que je puis donner i l'appui de cette opinion. La première, c'est que le
groupe hiéroglypbiqne de la liste de Nectanèbe, fruste malheureusement en partie, com-
mence par les consonnes s et m, et la deuxième, c'est que dans la liste de Ramsès IV,
le groupe |l£££, exprimant hiéroglyphiquement Smu, se trouve précédé d'un signe v,
qui n'est jamais employé dans la formation des mots comme caractère phonétique correspon-
dant à une articulation simple; il représente à lui seul une idée complète et déterminée;
de sorte qu'en le supposant retranché, il ne reste plus que le mot Smu pour désigner le
décan. Ce premier point admis, je regarde le signe initial du groupe de la liste de
Ramsès II comme figuratif pour rappeler l'idée d'un bassin, quoique le signe ne soit pas
suivi ici des notes habituelles 01, et quant à la liste de Séti I, elle ne peut nous être
pour le moment d'aucune utilité dans la discussion, la désignation du décan y étant évidem-
ment figurative ou symbolique. Enfin, Monsieur, par une opération inverse de la précé-
dente, je transcris les mots Scopi et ^icfu des listes grecques par l'expression hiérogly-
phique :
partie (de) Smu
et je me résume en disant que les Egyptiens avaient imaginé dans cette partie du ciel
un tableau astronomique nommé Smu, d'une assez grande étendue, puisque, dans les basses
époques, le tableau put fournir deux étoiles décans dont l'intervalle des levers permit
l'intercalation de deux autres décans qui furent choisis, comme les listes le montrent, en
dehors de la première représentation.
Il s'agirait donc d'interpréter la signification du nom Smu, et d'arriver par elle à
J ) Ueber Isis und Osiriris, Parthey, page 77.
6
42 _
l'identification de l'astérisme. Je reconnais, Monsieur, dans la dénomination précédente,
le mot égyptien 11 Ibv >5\ |jj\ , CUOT, celebrare, laudare, benedicere, car le déterminatif
de ce groupe se retrouve dans la désignation hiéroglyphique du décan sur la liste de
Ramsès IF. Cette assimilation, en faisant faire un pas à la question, ne donne pas toute
fois l'explication complète que nous pourrions désirer; mais nous sommes en présence
ici d'une pensée et aussi probablement d'une cérémonie religieuse dont il ne m'est pas
poss ible de préciser le sens, et à laquelle il faudra rapporter, selon toute apparence, le titre
-—— ^fe gA, dame de la louange, donné dans un texte hiéroglyphique à la déesse Hathor; le
signe initial sur la liste de Ramsès IV ne serait qu'un souvenir de la même idée ajouté
au nom habituel du décan. Quant à l'identification céleste, on comprend aisément que la
dénomination précédente ne peut rien nous en apprendre, et qu'il est fort difficile de dire
immédiatement quelles sont les étoiles que les Egyptiens voulurent précisément désigner;
cependant, en se basant toujours sur cette considération que le groupe stellaire doit se
trouver sur la partie de la voie lactée qui présente deux branches séparées ou tout à fait
dans son voisinage, comme nous Pavons reconnu pour A\o; qu'il doit occuper une
étendue du ciel assez grande pour pouvoir fournir quatredecans, on ne trouvera, satis-
faisant à ces diverses conditions, que l'espace céleste même compris entre les deux branches;
les Egyptiens auraient assimilé cet espace circonscrit à un bassin dont l'apparition sur
l'horizon leur aarait rappelé une pensée religieuse renfermée dans le mot Smu. Le 16*
décan hiéroglyphique correspondant à l'intervalle de 10 h 40 m , il suffit, Monsieur, de jeter
les yeux sur le dessin inséré dans ma précédente lettre pour s'assurer qu'à cet instant de
la révolution diurne, le bassin Smu était presque entièrement levé, et c'est ce que les
prêtres égyptiens eurent l'intention de faire remarquer au moyen d'une étoile décan qui
était probablement une de celles de la queue du Serpent grec. Plus tard, dans les basses
époques, on voulut indiquer non seulement l'apparition complète du bassin, mais encore
l'instant initial do même phénomène, et ce fut pour ce motif encore, qu'immédiatement
après -rcoxvrjvé, on choisit, dans l'espace Smu, une autre étoile pour en faire un décan
nouveau; le bassin Smu étant alors représenté, dans la série des décan s, par deux de ses
étoiles, chacune d'elles dut naturellement être appelée partie de Smu. La liste de Firmi-
cus donne à la suite d'Eregbuo, le mot Sagen que je regarde comme la traduction pho-
nétique des deux groupes jj (10 saken, ou en copte CÂKCfl, regio cincta; le mot
ainsi décomposé offre la plus grande analogie de fonne et de signification avec cet autre
que l'on trouve dans tous les dictionnaires, C4.KHMJ, rete, reticulum; or la nouvelle déno-
mination confirme parfaitement l'identification céleste.
Il ne me reste plus, Monsieur, qu'à discuter le décan de ll h 20 m , le dernier du
groupe de la barque solaire; les listes hiéroglyphiques le désignent par ij\ ^5\, avec
quelques variantes orthographiques bien connues et qu'il n'est pas même nécessaire de
rappeler ici. Héphestion nomme le même décan Kopfié, mot que le manuscrit de la Bi-
bliothèque impériale change en Ko^ié. La simple comparaison de ces noms montre que
les derniers ne peuvent être regardés comme traduisant phonétiquement le groupe des
listes antiques, de sorte que pour arriver au sens réel du décan, nous avons à trouver
dans la langue égyptienne et dans la langue copte deux mots qui, s'adaptant aux diverses
désignations du décan, représentent cependant le même objet. Les hiéroglyphes nous
fournissent d'abord le groupe ou «, que l'on sait signifier une vigne,
c'est-à-dire un lieu planté du végétal qui produit le vin; si alors nous cherchons, dun
48_
autre côté, le mot copte exprimant ce même sens, nous rencontrons &**€ qui rappelle
exactement le grec Kofié et puis encore KOtiÀpJTHC vinitor, qui montre bien l'identité
des précédents; il est donc certain que nous avons à reconnaître la vigne dans l'objet
représenté par le 18 ènê décan. Reste l'identification céleste: je crois, Monsieur, que nous de-
vons, sans hésiter, reconnaître ici les étoiles de la constellation de la Flèche: nous savons
en effet que, en outre de la dénomination précédente à laquelle nous nous sommes défi-
nitivement arrêtés dans les temps modernes avec Ptolémée, l'astérisme a eu autrefois
d'autres appellations qui rappellent plus étroitement la signification du 17 ème décan égyp-
tien; ainsi certains auteurs le nomment canna, arundo, calamus, virga, etc. D'un autre
côté, on peut voir dans le tableau des intervalles, que l'étoile a de la Flèche effectuait
son apparition sur l'horizon de Thèbes 11 h 40 m après Sothis, c'est-à-dire 20 m après
l'instant précis fixé pour le lever de *\ v\: mais il faut bien remarquer que la
partie du groupe stellaire qui affecte la forme rectiligne faisant son apparition entre 11 h
20 œ et 12 h 00 m , c'est-à-dire entre les levers du H*" 16 et du 18 ème décan, il n'est guère
possible d'admettre, si l'on a présentes les conditions imposées aux décans du groupe de
la barque, que les Egyptiens n'aient eu l'idée de faire entrer les étoiles de la Flèche dans
la série des décans: il suffisait de rattacher à la partie stellaire qui affecte la disposition
rectiligne, une ou plusieurs autres étoiles faisant leur apparition à l'instant précis, marqué
par l'intervalle correspondant au 17 èm0 décan, et c'est ce qui pouvait se faire d'un grand
nombre de manières différentes: je conclue donc à l'identification générale de v\ v\
avec les étoiles de la Flèche.
Firmicus donne au décan un nom qui n'a aucun rapport apparent avec ceux que nous
avons déjà discutés: il appelle le décan Ghenen; je transcris ce nouveau nom en hiéro-
glyphes :
vigne figure
ce qui veut dire astérisme présentant l'aspect d'une vigne. Pour légitimer cette décom-
position, il suffit, Monsieur, de rappeler le groupe 2) tt senen, affecté à la désignation
d'un pharaon, et ayant la plus grande analogie de forme avec le nom du décan dans Fir-
micus. Si l'on pensait que la syllabe initiale du mot Chenen dût nécessairement cor-
respondre à l'articulation &, on obtiendrait un sens très-satisfaisant encore, en substituant
au groupe Mu ^, cet autre ^7 qui désigne en général une branche de végétal; déporte
que, malgré" les modifications que l'astronomie grecque, devenue science officielle, fit ap-
porter à la théorie des décans, ce furent bien toujours les mêmes groupes célestes, et à
peu près aussi les mêmes dénominations, jusqu'au moment où la science sacerdotale dut
engager avec une religion nouvelle une lutte terrible dans laquelle toutes les institutions
des anciens âges disparurent à la fois.
xoooooooooooocaaaaasssaaflasa:
Imprimé chei Un£er frèret (Th. Grimai) à Betli*.
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