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Full text of "Le verre, son histoire, sa fabrication"

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/ 


f     7-,T ■•    - 


LE  VERRE 


SON    HISTOIRE,    SA    FABRICATION 


PARIS.   —  Impr.    J.   CLAYE.    —    A.  Quartix  et  C,  rue  Salnt-Benott  _  11671' 


LE  VERRE 


SON    HISTOIRE,     SA    FABRICATION 


EUG^PELIGOT 

A- 
IBE    DE    L'INSTITDT    (aCAD|!KIE    DBS    SCIENCES) 


PARIS 

G.   MASSON,   ÉDITEUR      ' 

LIBRi.IRE     DE     L'aCADÉMIE     DE     M£DEC[NE 

m  face  da  l'Écota  de  Uideciue 


•    -  • 


»  •  • 


AVANT-PROPOS 


Sous  le  titre  de  Douze  Leçons  sur  Vart  de  la  verrerie, 
l'auteur  de  ce  livre  a  publié  en  1862,  dans  les 
Annales  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers  y  un  opus- 
cule que  précédait  cet  avertissement  : 

((  £n  publiant  ces  leçons,  auxquelles  j'ai  donné,  dans 
quelques  parties,  un  développement  que  ne  comporte  pas 
l'enseignement  oral,  je  cède  au  désir  qui  m'a  souvent  été 
exprimé  par  mes  auditeurs.  Je  ne  me  fais  pas  illusion  sur  les 
imperfections  qu'elles  présentent  ;  mais  j'ai  espéré  qu'on  me 
tiendrait  compte  des  difficultés  qu'on  éprouve  à  rassembler 


II  AVANT-PROPOS. 

des  documents  un  peu  étendus  sur  Findustrie  du  verre, 
industrie  qui  vit  par  la  tradition,  qui  évite  la  publicité  et 
sur  laquelle,  si  Ton  excepte  les  articles  des  encyclopédies  et 
des  traités  de  chimie,  aucun  travail  d'ensemble  n'a  été  fait 
depuis  plus  d'un  siècle  et  demi.  » 

Ce  petit  traité  avait  été  rédigé  d'après  les  notes 
et  les  documents  que  l'auteur  avait  patiemment 
réunis  pour  les  cours  de  verrerie  qu'il  a  créés 
au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  et  à  l'Ecole 
centrale  des  arts  et  manufactures  :  accueilli  avec 
faveur,  il  est  depuis  longtemps  épuisé.  Il  a  été 
complètement  refait,  le  présent  ouvrage,  n'ayant 
guère  conservé  que  le  cadre  de  la  première  pu- 
blication. 

L'auteur  n'a  entrepris  cette  nouvelle  tâche,  ren- 
due plus  difficile  par  les  progrès  que  l'industrie  du 
verre  a  réalisés  dans  ces  quinze  dernières  années, 
qu'après  s'être  assuré  le  concours  affectueux  des 
personnes  les  plus  autorisées  en  matière  de  verre- 
rie, M.  Bontemps,  auteur  de  l'excellent  Guide  du  ver-- 
rier;  M.  Eugène  de  Fontenay,  ancien  directeur  de 
Baccarat;  M.  Didierjean,  directeur  des  cristalleries 
de  Saint-Louis,  et,  pour  la  partie  historique,  M.  Henri 


AVANT-PROPOS.  m 

de  Fontenay,  ont  bien  voulu  l'aider  de  leurs  con- 
seils, souvent  même  de  leurs  critiques;  c'est  pour 
lui  un  agréable  devoir  de  leur  adresser  ses  remercie- 
ments pour  une  si  précieuse  coopération.  Qu'il  lui 
soit  permis  d'ajouter  que,  tout  en  cherchant  à  faire 
une  œuvre  de  vulgarisation  pour  un  art  qui,  plus 
que  tout  autre,  a  contribué  aux  progrès  de  la  science 
et  de  la  civilisation,  il  n'a  sacrifié  aucune  des  don- 
nées scientifiques  qui  lui  ont  semblé  utiles  au  déve- 
loppement de  l'industrie  verrière. 


LE   VERRE 


PREMIÈRE    PARTIE 


INTRODUCTION 

Le  travail  du  verre  comprend  plusieurs  genres  de 
fabrications  qui  approprient  aux  usages  les  plus  variés 
les  merveilleuses  qualités  de  la  même  matière.  Le 
verre  à  vitre,  les  glaces,  les  bouteilles,  la  gobe- 
le  terie,  les  verres  d'optique  se  font  dans  des  établis- 
sements spéciaux,  utilisant  des  procédés  entièrement 
distincts  les  uns  des  autres. 

Cette  industrie  présente  ce  caractère  particulier, 
qu'elle  semble  être  une  sorte  de  monopole  apparte- 
nant à  quelques  nations  privilégiées.  Sans  remonter, 
dans  les  temps  anciens,  aux  verreries  de  Sidon  et 
d'Alexandrie,  ni  au  moyen  âge,  à  celles  de  Venise, 
aujourd'hui  la  France,  la  Belgique,  l'Angleterre, 
l'Allemagne,  couvrent  de  leurs  produits  tous  les 
marchés  du  monde.  Ce  n'est  certes  pas  dans  la  rareté 
ou  dans  l'abondance   des  matières   premières   qui 

Peligot,  Le  Verre.  1 


t  LE    VERRE. 

composent  le  verre  qu'il  faut  chercher  la  cause 
de  la  répartition  inégale  de  sa  production,  ainsi 
que  cela  arrive  pour  l'industrie  métallurgique  dont 
les  minerais  sont  la  propriété  plus  ou  moins  exclu- 
sive de  certaines  contrées  :  le  sable,  l'argile,  les 
alcalis,  le  combustible,  se  rencontrent  partout,  bien 
qu'à  des  degrés  divers  d'abondance  et  de  qualité  : 
c'est  plutôt  l'aptitude  spéciale  et  presque  toujours 
héréditaire  des  ouvriers  qui  maintient  cette  industrie 
dans  les  mêmes  conditions,  et  qui  l'empêche  de 
rayonner,  de  s'étendre  au  loin,  ainsi  que  cela 
arrive  pour  la  plupart  des  autres  fabrications. 
Cet  état  de  choses  tend,  d'ailleurs,  à  se  modifier. 

r 

Deux  grandes  nations,  la  Russie  et  les  Etats-Unis 
d'Amérique,  commencent  à  fabriquer  une  partie  des 
verres  qu'elles  consomment  :  des  verreries  s'établis- 
sent en  Italie,  en  Espagne,  en  Portugal.  En  outre, 
cette  industrie,  pour  laquelle  le  prix  du  combus- 
tible a  toujours  été  une  question  d'existence,  après 
avoir  pris  naissance  à  l'ombre  des  exploitations  fores- 
tières, abandonne  peu  à  peu  les  localités  où  le  bois 
était  abondant  et  à  bon  marché  pour  se  transporter 
à  proximité  du  combustible  minéral  :  aussi,  lorsque 
ce  déplacement  sera  accompli,  les  nations  qu'on  peut 
appeler  houillères  et  qui  sont  déjà  en  possession  de 
cette  industrie  seront  en  mesure  de  la  conserver 
longtemps  encore,  ayant  dès  à  présent  pour  elles  la 
traidition  et  le  combustible. 


INTRODUCTION. 


Statistique  de  l'industrie  verrière  en  France. 

Il  existe  en  France  182  usines  qui  fabriquent  le 
verre,  avec  le  concours  de  26,000  ouvriers  et  rem- 
ploi d'une  force  de  3,500  chevaux- vapeur  environ  et 
de  655  chevaux  hydrauliques.  {Statistique-   de   1873.) 

La  valeur  créée  annuellement  est  d'environ 
109,000,000  de  francs,  répartis  de  la  manière  sui- 
vante: 

Fabrication  des  glaces 21  millions. 

—  de  la  gobeleterie  ordinaire 28      — 

—  du  verre  à  vitre 22      — 

—  des  bouteilles 2/i      — 

—  du  cristal 12      — 

—  des  verres  d'optique,  des  perles,  etc.      2      — 

Total  109  millions. 

Ces  résultats  ne  sont  qu'approximatifs  ;  il  n'est 
pas  possible  d'avoir  des  chiffres  bien  exacts,  l'impor- 
tance de  chaque  fabrication  variant  beaucoup  d'une 
année  à  l'autre  avec  les  besoins  de  la  consommation; 
ainsi,  en  ce  qui  concerne  les  bouteilles,  la  production 
dépend  de  la  santé  de  la  vigne  et  de  l'abondance  plus 
ou  moins  grande  de  la  récolte  du  vin. 

D'après  la  statistique  de  la  France  publiée  récem- 
ment par  les  soins  de  l'Administration  *,  l'industrie 
du  verre  est  répartie  de  la  manière  suivante  : 
44  départements  n'y  prennent  aucune  part.  Parmi 
les  autres,  ceux  qui  produisent  le  plus  de  verreries 

1.  statistique  de  la  France;  statistique  sommaire  des  industries 
principales  en  1873.  Paris,  Imprimerie  nationale,  187/ii. 


4  LE    VERRE. 

sont  les  suivants  :  Nord,  Seine,  Meurthe-et-Moselle, 
Marne,  Loire,  Rhône,  Saône-et-Loire,  Seine-Infé- 
rieure, Aveyron,  Gironde,  Orne,  Bouches-du-Rhône, 
Seine-et-Oise. 

La  valeur  de  la  production  est  de  24  millions  envi- 
ron pour  le  Nord,  21  millions  et  demi  pour  la  Seine  ; 
pour  les  autres,  elle  va  en  diminuant  de  6  millions 
et  demi  à  1  million  (pour  Seine-et-Oise)  :  22  autres 
départements  fabriquent  pour  moins  de  500,000  fr. 
de  produits. 

D'après  le  même  document,  la  valeur  des  verres 
de  toute  nature  importés  de  l'étranger  n'est  que  de 
3,832,260  francs,  tandis  que  notre  exportation 
atteint  62,791,727  francs. 

Dans  un  rapport  fait  en  1860,  lors  de  l'enquête 
ouverte,  à  l'occasion  du  traité  de  commerce  avec 
l'Angleterre,  par  le  Conseil  supérieur  du  commerce, 
j'évaluais  à  72  millions  de  francs  la  production 
française;  l'exportation  était  estimée  à  50  millions. 

On  sait  que,  jusqu'à  cette  époque,  la  verrerie 
étrangère  était  absolument  prohibée  en  France  :  mal- 
gré les  craintes  exprimées  par  les  maîtres  de  verreries, 
cette  prohibition  a  été  remplacée  par  des  droits  mo- 
dérés. On  voit,  en  comparant  entre  eux  les  chiffres 
qui  précèdent,  que  la  liberté  commerciale  n'a  pas 
nui  à  cette  industrie. 

La  production  des  verres  de  toute  nature  en 
Europe  peut  être  évaluée  à  un  demi-milliard  de 
francs  par  an;  celle  des  États-Unis  d'Amérique  est 
de  100  millions  environ. 


CHAPITRE  PREMIER 


Classiflcation  et  propriétés  générales 
des  différentes  espèces  de  verres. 


Le  verre  est  une  substance  amorphe,  dure  et 
cassante  à  la  température  ordinaire,  liquide  ou  molle 
à  une  température  élevée,  transparente  ou  trans- 
lucide^ incolore  ou  colorée,  présentant  une  cassure 
particulière,  lisse  et  brillante,  qu'on  appelle  cassure 
vitreuse.  C'est  le  résultat  de  la  combinaison  de  l'acide 
silicique  (la  silice)  avec  plusieurs  des  bases  sui- 
vantes :  potasse,  soude,  chaux,  magnésie,  oxyde  de 
plomb,  alumine,  oxyde  de  fer. 

On  distingue  plusieurs  sortes  de  verres,  en  ayant 
égard  à  leur  composition,  à  leur  mode  de  fabrication 
et  à  leurs  usages. 

Le  verre   à  vitre,   les  glaces ^   le  verre  à  gobeleterie 
ordinaire  sont  formés  des  mêmes  éléments,  associés 
dans  des  proportions  différentes.  Ces  éléments  sont  , 
la  silice,  la  chaux  et  la  soude. 

Le  verre  de  Bohême^  qui  sert  en  Allemagne  à  fabri- 
quer la  gobeleterie  fine  et  la  gobeleterie  commune, 
est  un  silicate  à  base  de  potasse  et  de  chaux.  11  ren- 


6  LE   VERRE. 

ferme,  en  outre,  comme  toutes  les  autres  sortes  de 
verreSy  une  petite  quantité  d'alumine  et  d'oxyde  de 
fer  empruntée  soit  au  creuset  dans  lequel  il  a  été 
fondu,  soit  aux  matières  plus  ou  moins  purifiées 
qu'on  a  employées  pour  le  produire. 

Dans  notre  verre  à  gobeleterie  commune,  la  po- 
tasse est  remplacée  par  la  soude  dont  le  prix  est 
moins  élevé. 

Le  verre  à  boxHeille  contient,  avec  la  silice,  de  la 
soude  ou  de  la  potasse,  de  la  chaux,  de  la  magnésie, 
de  l'alumine  et  de  l'oxyde  de  fer. 

Le  cristal  est  un  verre  à  base  d'oxyde  de  plomb  et 
de  potasse.  En  Allemagne,  on  désigne  toutefois  sous 
ce  nom  le  verre  de  Bohême  servant  à  fabriquer  la 
gobeleterie  de  luxe. 

Le  flint-glassy  sorte  de  veri*e  dense  pour  l'optique, 
et  le  strass^  qui  sert  à  imiter  le  diamant  et  les  pierres 
précieuses,  renferment,  dans  des  proportions  diffé- 
rentes, les  mêmes  éléments  que  le  cristal. 

Les  émaux  contiennent  en  outre  de  l'oxyde  d'étain 
ou  de  l'acide  arsénieux,  qui  leur  donnent  l'opacité 
qui  les  distingue  des  autres  sortes  de  verres. 

Les  verres  co/ore^  empruntent  leur  coloration,  qu'on 
peut  varier  à  l'infini,  à  divers  oxydes  métalliques,  à 
quelques  métaux,  au  charbon  ou  au  soufre. 

Beaucoup  de  verres  incolores  renferment  en  outre 
une  très-petite  quantité  d'oxyde  de  manganèse  :ce 
corps  a  été  introduit  dans  le  but  d'obtenir  un  verre 
plus  blanc. 


MATIÈRES    PREMIÈRES  EMPLOYÉES. 


Matières  premières  employées  dans  la  fabrication 

du  verre. 

Silice.  —  Nous  avons  vu  que  toutes  les  sortes  de 
verres  contiennent  comme  élément  essentiel  la  silice. 
Le  choix  de  cette  matière  exerce  l'influence  la  plus 
directe  sur  la  qualité  du  verre. 

Pour  les  verres  blancs,  tels  que  le  verre  de  Bohême, 
le  cristal,  le  verre  à  vitre,  le  verre  à  glaces,  la  silice 
doit  être  aussi  pure,  aussi  exempte  de  fer  que  possible. 

Les  Bohèmes  emploient  le  quartz  hyalin,  étonné, 
trié  et  pulvérisé  dans  des  mortiers  en  bois  avec  des 
pilons  en  quartz.  Ils  évitent  ainsi  l'introduction  dans 
leur  silice  de  parcelles  métalliques. 

En  France,  pour  le  cristal,  les  glaces,  le  verre 
à  vitres,  la  gobeleterie  fine,  on  se  sert  généralement 
des  sables  les  plus  blancs  de  Fontainebleau,  de 
Champagne,  de  Nemours,  de  Chantilly,  etc.  Les  sables 
blancs  de  France  sont  également  recherchés  en  Bel- 
gique pour  la  fabrication  du  cristal,  des  glaces  et 
des  verres  à  vitres  de  première  qualité. 

En  Angleterre,  les  sables  du  pays  sont  ferrugi- 
neux; aussi  les  glaces  et  les  verres  à  vitres  de  fabri- 
cation anglaise  présentent-ils  une  couleur  verte  très- 
marquée.  On  en  est  réduit  à  se  servir  du  silex  de  la 
craie  qu'on  étonne  et  qu'on  pulvérise.  Dans  les  fabri- 
ques de  glaces,  on  emploie  le  sable  de  mer  de  l'île  de 
Wight;  pour  les  produits  de  luxe,  les  cristalleries 
anglaises  font  venir  leur  sable  de  France  et  même 
d'Amérique. 


8.  LE    VERRE. 

Les  fabricants  de  bouteilles  recherchent  au  con- 
traire  les  sables  ferrugineux  et  argileux,  parce  que 
ces  sables  apportent  avec  eux  le  fer  et  l'alumine  qui 
entrent  comme  fondants  dans  cette  sorte  de  verre. 

Potasse.  —  La  fabrication  des  verres  de  Bohême 
et  du  cristal  réclame  de  la  potasse  (carbonate  de 
potasse)  aussi  pure,  aussi  riche  en  degrés  que  pos- 
sible; néanmoins  la  présence  de  l'eau  n'est  pas  nui- 
sible; les  potasses  hydratées^  marquant  5&  à  56% 
sont  celles  qui  donnent  les  meilleurs  résultats  à  la 
fusion.  Les  potasses  qu'on  emploie  de  préférence 
sont  les  potasses  d'Amérique  et  la  potasse  provenant 
des  résidus  du  travail  des  betteraves,  qu'on  désigne 
en  France  sous  le  nom  de  potasse  indigène.  En  Bo- 
hême, on  se  sert  de  la  potasse  provenant  des  cendres 
de  bois  du  pays  ou  de  la  Hongrie. 

Les  potasses  d'Amérique,  convenablement  choisies 
et  purifiées,  donnent  le  plus  beau  cristal.  Les  po- 
tasses indigènes,  également  purifiées,  sont  aussi  d'un 
bon  emploi.  Il  est  essentiel  qu'elles  soient  à  peu  près 
exemptes  de  soude;  car,  sans  qu'on  puisse  en  indi- 
quer la  cause,  cette  matière  altère  l'éclat  et  la  blan- 
cheur du  cristal.  Il  est  rare  que  les  potasses  indi- 
gènes ne  renferment  pas  encore  quelques  centièmes 
de  carbonate  de  soude  après  qu'elles  ont  été  soumises 
aux  procédés  de  purification  actuellement  en  usage. 

Soude.  —  Cet  alcali,  dont  l'emploi  est  beaucoup 
plus  général  aujourd'hui  que  celui  de  la  potasse,  est 
introduit  dans  la  composition  du  verre  sous  forme 
de  carbonate  (sel  de  soude) ,  ou  de  sulfate. 


j 


MATIÈRES  PREMIÈRES   EMPLOYÉES.  9 

Le  sel  de  soude  n'est  plus  guère  employé  que 
dans  la  fabrication  de  la  gobeleterie  fine;  pour  les 
glaces,  il  a  été  remplacé*  en  grande  partie  dans  ces 
dernières  années  par  le  sulfate  de  soude. 

Ce  dernier  sel,  qui  donne  au  meilleur  marché 
possible  Télément  alcalin  du  verre,  est  aussi  en 
usage  dans  la  fabrication  du  verre  à  vitres  et  des 
bouteilles.  On  facilite  sa  décomposition  par  l'addi- 
tion d'une  petite  quantité  de  charbon. 

Chaux.  —  Pour  ces  deux  dernières  sortes  de  verres, 
pour  les  glaces  et  pour  le  verre  de  Bohême,  la  chaux 
est  employée  tantôt  à  l'état  de  chaux  éteinte,  tantôt 
à  l'état  de  carbonate  (pierre  calcaire,  craie,  calcaire 
cru,  calcaire  saccharoïde,  marbre). 

Oxyde  de  plomb.  —  C'est  presque  toujours  à  l'état 
de  minium  que  le  plomb  entre  dans  la  composition 
du  cristal,  bien  qu'il  y  soit  à  l'état  de  silicate  de  pro- 
toxyde  de  plomb.  Il  est  de  la  plus  grande  impor- 
tance que  le  minium  soit  exempt  d'oxydes  ou  de 
métaux  colorants  quand  il  est  destiné  à  la  fabrication 
du  cristal  blanc.  Les  oxydes  de  fer  et  de  cuivre  sont 
surtout  à  redouter.  L'argent,  l'or,  le  manganèse, 
l'antimoine,  le  zinc,  peuvent  aussi  se  rencontrer 
dans  cet  oxyde  dont  la  préparation  se  fait  avec  les 
meilleurs  plombs  d'Angleterre  et  d'Espagne. 

J'aurai  à  revenir,  en  parlant  des  fabrications  spé- 
ciales, sur  chacune  de  ces  matières  premières,  dont 
le  choix,  la  préparation,  la  purification  exercent  une 
influence  si  gvande  sur  la  qualité  des  produits  qui 
résultent  de  leur  emploi. 


40  .  LE    VERRE. 

Propriétés  de  la  silice  et  des  silicates. 

Les  verres,  quelle  que  soit  leur  nature,  ont  tous 
un  élément  commun,  la  silice.  La  proportion  de  ce 
corps  varie  entre  80  et  30  ''/o  de  leur  poids. 

La  silice  est  également  l'élément  essentiel  dés 
divers  produits  céramiques,  dont  les  usages  se  rap- 
prochent souvent  beaucoup  de  ceux  des  produits.de 
l'industrie  dn  verre;  mais  les  procédés  de  fabrication 
sont  fort  différents  :  tandis  que  les  verres  sont  tra- 
vaillés à  l'état  pâteux,  après  avoir  été  complétehient 
liquéfiés  par  l'action  de  la  chaleur,  les  poteries,  qui 
ont  pour  élément  essentiel  l'argile  plus  ou  moins 
pure,  rendue  plastique  par  l'addition  de  l'eau  qui 
sert  à  en  former  une  pâte,  reçoivent  leur  façon  à  la 
température  ordinaire;  soumises  à  la  cuisson,  elles 
ne  changent  pas  de  forme,  tout  en  éprouvant  un  re- 
trait considérable  et  en  acquérant  une  certaine  dureté. 
Dans  cet  état,  elles  sont,  en  général,  perméables  aux 
liquides.  C'est  par  la  fusion  d'un  émail,  d'un  véri- 
table verre  à  leur  surface,  à  l'aide  d'une  nouvelle 
cuisson,  qu'on  leur  enlève  cette  perméabilité. 

Les  laitiers,  les  scories  que  produit  l'industrie 
métallurgique,  appartiennent  par  leur  composition 
à  la  classe  des  matières  vitreuses. 

Le  rôle  essentiel  que  joue  la  silice  dans  l'indus- 
trie du  verre  m'oblige  à  rappeler  sommairement  ses 
principales  propriétés. 

L'acide  silicique  ou  la  silice  se  présente  tantôt  à 
l'état  cristallisé,  comme  dans  le  quartz  ou  le  cristal 


PROPRIÉTÉS  DE  LA  SILICE  ET  DES  SILICATES.  H 

de  roche,  tantôt  à  Tétat  cristallin,  comme  dans  le  grès 
et  le  sable  quartzeux,  tantôt  à  l'état  amorphe,  comme 
dans  le  silex  ou  pierre  à  fusil  :  la  silice  pulvérulente 
qu'on  obtient  dans  les  laboratoires  en  décomposant 
un  silicate  soluble  par  un  acide,  en  lavant  et  en 
calcinant  la  matière  hydratée,  gélatineuse,  qu'on 
obtient,  est  aussi  de  la  silice  pure  à  l'état  amorphe. 
La  silice  est  une  des  substances  naturelles  les 
plus  abondantes,  soit  à  Tétat  libre,  soit  à  l'état  de 
combinaison  avec  les  différentes  bases.  Elle  est  inso- 
luble dans  l'eau  ;  néanmoins,  prise  à  l'état  naissant, 
c'est-à-dire  séparée  par  un  acide  d'une  dissolution 
étendue  de  silicate  alcalin,  elle  reste  dissoute  dans  le 
liquide  à  la  faveur  de  l'acide  en  excès  qu'il  contient. 
La  plupart  des  eaux  naturelles  en  renferment  une 
petite  quantité,  quelques-unes  une  proportion  assez 
considérable.  Les  eaux  des  Geisers  d'Islande,  qui 
sortent  de  terre  à  la  température  de  100%  laissent  en 
s'évaporant  des  dépôts  de  silice  cristallisée  que  les 
minéralogistes  désignent  sous  le  nom  de  geysérite. 
C'est  sous  cette  forme  ou  plutôt  sous  celle  de  silicate 
alcalin  que  la  silice  s'introduit  dans  les  plantes;  ré- 
partie inégalement  dans  les  différentes  parties  des  vé- 
gétaux, elle  entre  pour  une  forte  part  dans  le  poids  des 
substances  minérales  que  fournit  leur  incinération; 
les  cendres  des  tiges  des  graminées  en  contiennent 
beaucoup.  Ainsi  celles  de  la  paille  du  froment  renfer- 
ment 67  de  silice;  celles  de  la  canne  à  sucre  68  7o*' 

1,  Ces  cendres  contiennent  en  outre  pour  100  parties  22  de  po- 
tasse et  10  de  chaux;  fondues  sans  addition,  elles  donneraient  du 
verre  (Berthier). 


42  LE    VERRE. 

En  évaporant  à  siccité ,  en  présence  d'un  acide, 
le  liquide  qui  renferme  la  silice  en  dissolution,  celle- 
ci  devient  entièrement  insoluble  à  la  suite  d'une 
légère  calcination.  C'est  ainsi  qu'on  procède  pour 
doser  ce  corps  lorsqu'on  fait  l'analyse  d'un  silicate. 
Celui-ci  est  fondu  avec  trois  à  quatre  fois  son 
poids  de  carbonate  de  soude,  puis  décomposé  par 
l'acide  chlorhydrique  ;  on  évapore  la  liqueur  à  siccité. 
Le  résidu,  repris  par  l'eau  et  par  cet  acide,  fournit 
toute  la  silice  à  l'état  insoluble. 

La  silice  résiste  à  l'action  de  la  plupart  des  agents 
chimiques.  Seul  parmi  les  acides,  l'acide  fluorhy- 
drique  la  décompose.  Aussi  les  verres,  les  poteries, 
tous  les  silicates  sont  attaqués,  corrodés,  dissous 
quand  on  les  met  en  contact  avec  ce  corps  :  la  silice 
disparaît  totalement,  puisqu'en  présence  de  l'acide 
fluorhydrique  elle  donne  naissance  à  de  l'eau  et 
à  un  corps  gazeux,  le  fluorure  de  silicium.  Cet  acide 
est  souvent  employé  pour  analyser  les  silicates. 

L'action  de  l'acide  fluorhydrique  est  représentée 
par  la  formule  suivante  : 

SiO*  +  2H  Fl=SiFP+  2H0. 

(l'équivalent   du  silicium  =  14;   celui   de   l'oxy- 
gène =  8.) 

Pour  fondre  la  silice,  il  faut  avoir  à  sa  disposition 
une  température  beaucoup  plus  élevée  que  celle 
qu'on  peut  produire  dans  nos  forges  et  dans  nos 
fourneaux  les  mieux  construits.  On  peut  donc  ranger 
ce  corps  au  nombre  des  substances  infusibles.  Néan- 
moins cette  infusibilité  n'est  que  relative;  la  chaleur 


PROPRIÉTÉS  DE  LA  SILICE  ET  DES  SILICATES.   43 

énorme  qui  résulte  de  la  combinaison  de  l'hydrogène 
avec  l'oxygène  a  permis  à  M.  Gaudin  de  fondre  cette 
substance  au  moyen  de  chalumeau  à  gaz,  d'étirer  en 
fils  le  grès  de  nos  pavés,  de  constater  même  la  vola- 
tilité de  ce  corps  qu'on  croyait  être  fixe  et  réfrac  taire 
par  excellence. 

Les  silicates  alcalins  dissous  dans  l'eau  sont  peu 
stables;  ils  sont  décomposés  par  tous  les  acides, 
même  par  l'acide  carbonique;  mais  si  l'acide  sili- 
cique,  soumis  aux  procédés  de  la  voie  humide^  est  un 
des  acides  les  plus  faibles,  il  devient  l'un  des  plus 
puissants  quand  on  met  en  œuvre  les  procédés  de 
la  voie  sèche.  11  décompose  et  il  déplace  tous  les 
acides  volatils  à  des  températures  plus  ou  moins 
élevées.  Les  sulfates  eux-mêmes  sont  ainsi  trans- 
formés en  silicates  sous  l'influence  d'un  feu  violent. 

Par  la  voie  sèche,  la  silice  se  combine  avec  toutes 
les  bases  :  celles  qui  sont  fusibles  lui  communiquent 
la  propriété  de  donner  des  composés  fusibles,  vitreux, 
d'autant  plus  fusibles  que  la  base  est  en  proportion 
plus  considérable.  Tels  sont  les  silicates  de  potasse, 
de  soude,  de  plomb,  de  bismuth.  Les  bases  infusibles, 
comme  la  chaux,  la  magnésie,  l'alumine,  donnent 
des  silicates  infusibles;  mais  ceux-ci,  mélangés  avec 
les  silicates  de  potasse,  de  soude  ou  de  plomb,  four- 
nissent des  produits  qui  fondent  aux  températures 
qui  conviennent  le  mieux  pour  le  travail  du  verrier  : 
ce  sont  ces  mélanges  qui  constituent  les  verres  pro- 
prement dits. 

11  y  a  d'ailleurs  une  importante  remarque  à  faire 
en  ce  qui  concerne  la  fusibilité  des  silicates  multiples. 


14  LE    VERRE. 

Si  l'on  chauffe  un  mélange  de  deux  silicates  qui,  pris 
séparément,  sont  infusibles,  on  obtient  un  produit 
fusible,  un  verre.  On  a  fait,  il  y  a  quelques  années, 
à  Saint-Gobain,  à  titre  d'essai  et  d'étude,  de  belles 
glaces  avec  un  mélange  de  sable,  de  chaux  éteinte 
et  de  carbonate  de  baryte.  Soumis  à  l'analyse, 
ce  verre,  dont  l'aspect  ne  différait  en  rien  de  celui 
des  glaces  ordinaires,  a  donné  la  composition  sui- 
vante : 

Silice Zi6,5 

Baryte 39,2 

Chaux« li!i,3 

100,0 

On  voit  qu'il  provenait  d'un  mélange  ou  d'une 
combinaison  parfaitement  fusible  de  deux  silicates 
qui,  étant  pris  séparément,  auraient  fourni  des  com- 
poses réfractaires.    • 

Ces  faits  ont  pour  le  verrier  une  grande  signifi- 
cation, lis  lui  montrent  la  nécessité  d'introduire 
plusieurs  bases  dans  sa  composition;  on  désigne  sous 
ce  nom  le  mélange  des  matières  premières  qui 
servent  à  faire  le  verre.  Ils  font  voir  que,  pour 
produire  un  verre  à  aussi  bon  marché  que  pos- 
sible, exigeant  la  moindre  dépense  de  combustible, 
notamment  le  verre  à  bouteille,  il  convient  d'asso- 
cier un  grand  nombre  de  bases,  la  potasse,  la  soude, 
la  chaux,  la  magnésie,  l'alumine  et  l'oxyde  de  fer. 

D'un  autre  côté,  quand  il  s'agit  de  fabriquer  les 
produits  lés  plus  réfractaires,  tels  que  les  briques 
destinées  à  construire  les  fours,  les  creusets  dans 


NATURE    CHIMIQUE    DES   VERRES.  45. 

lesquels  le  verre  doit  être  fondu,  le  choix  de  silicates 
d'une  composition  aussi  simple  que  possible  est  d'une 
extrême  importance  :  les  argiles  les  plus  réfractaires 
sont  formées  de  silice  et  d'alumine,  à  peu  près 
exemptes  non-seulement  d'alcalis,  mais  de  chaux,  de 
magnésie  et  d'oxyde  de  fer. 

Nature  chimique  des  verres. 

Nous  venons  d'établir  que  les  verres  qu'on  fa- 
brique aujourd'hui  sont  toujours  des  silicates  à  plu- 
sieurs bases.  Doit-on  les  envisager  comme  des  mé- 
langes ou  bien  comme  des  combinaisons?  cela  peut 
dépendre  évidemment  des  proportions  dans  lesquelles 
les  éléments  se  trouvent  associés.  Mais  doit-on  cher- 
cher à  unir  les  bases  avec  la  silice  dans  des  rapports 
atomiques,  de  manière  à  produire  de  préférence  des 
combinaisons?  A  mon  avis,  on  doit  chercher  à  éviter 
les  rapports  atomiques.  Les  silicates  définis,  notam- 
ment les  silicates  de  chaux,  de  magnésie,  de  soude 
sont  cristallisables.  Heureusement,  ceux  de  potasse 
et  de  plomb  ne  le  sont  pas  et  s'opposent  même  à  la 
cristalliisation  des  silicates  terreux  avec  lesquels  ils 
sont  mélangés  ou  combinés.  Cette  propriété  est  fort 
importante,  car  c'est  sur  elle  que  repose  tout  le  tra- 
vail du  verre.  Dans  quelques  cas  particuliers  seule- 
ment, on  voit  apparaître  la  cristallisation;  elle  im- 
plique la  production  de  composés  chimiques  définis. 
Ce  phénomène,  iqu'on  cherche  à  éviter,  est  connu  des 
verriers  sous  le  nom  de  dévitrification. 

Je  dois  ajouter  que  la  question  de  savoir  si  les 


46  LE    VERRE. 

Terres  doivent  être  considérés  comme  étant  des  com- 
posés déGnis  ou  bien  comme  des  mélanges  de 
divers  silicates  est  loin  d'être  résolue.  Un  chimiste 
russe,  M.  Benrath,  de  Dorpat,  en  a  fait  l'objet  d'une 
étude  approfondie.  D'après  lui,  la  question  a  été  jus- 
qu'à présent  mal  posée.  En  prenant  comme  point  de 
départ  la  composition  chimique  d'un  grand  nombre 
d'échantillons  de  verres  de  toute  nature  et  de  toutes 
provenances,  composition  déterminée  soit  par  lui, 
soit  par  les  analystes  les  plus  autorisés,  il  estime 
qu'au  lieu  de  chercher  la  composition  moyenne  de  ces 
verres,  de  manière  à  déduire  pour  un  certain  nombre 
d'entre  eux  une  formule  atomique,  il  convient  d'ad- 
mettre une  composition  normale  dont  les  verres  les 
meilleurs  se  rapprocheraient  le  plus. 

Cette  composition  normale   serait   représentée, 
d'après  M.  Benrath,  parles  formules  suivantes  : 

Pour  les  verres   à  base  de  chaux  et  de  soude 
(glaces,  verres  à  vitres,  etc.)  : 

N»  1—  5(NaO,3SiO')  +  7(CaO,3SiO«). 

t 

Pour  les  verres  à  base  de  chaux  et  de  potasse 
(verre  de  Bohême)  : 

N^  2  —  5(KO,3SiO«)  +  7(CaO,3SiO*). 

Pour   le  verre  à  base  de  potasse  et  d'oxyde  de 
plomb  (cristal)  : 

N«  3  _  5(KO,3SiO*)  +  7(PbO,3SiO*). 


NATURE   CHIMIQUE   DES   VERRES.  47 

La  formule  n""  1  donne  les  résultats  numériques 
qui  suivent  : 

36  équivalents  de  silice =  1080        75,5* 

5         —         de  soude =    455        10,9 

7         —         de  chaux =    196       13,6 

1431      100,0 

Plusieurs  échantillons  de  verres  à  glaces  et  de 
verres  à  vitre,  dont  les  analyses  sont  données  dans 
la  suite  de  ce  livre,  présentent  une  composition  qui 
s'écarte  peu  de  celle  qui  est  représentée  par  cette 
formule.  M.  Benrath  cite  des  analyses  de  verres  qui 
renfermeraient  95  à  98  pour  100  de  son  verre  nor- 
mal et  5  à  2  pour  100  de  soude  ou  de  chaux  en  excès. 

Pour  la  formule  n""  3,  la  composition  centésimale 
est  la  suivante  : 

silice 71,5 

Potasse 15,5 

Chaux .    13,0 

100,0 

Pour  le  cristal  (formule  n*  3)  : 

Silice 51,5 

Potasse 11,2 

Oxyde  de  plomb 37,3 

100,0 

1.  Les  équivaleats  employés  dans  ces  formules  sont: 

Oxygène 8 

Silicium , 14 

Potasse 47 

Soude 31 

Chaux 28 

Oxyde  de  plomb 111,5 

Peligot,  Le  Verre.  2 


18  LE    VERRE. 

Ces  nombres  représentent  assez  bien  aussi  la 
composition  de  plusieurs  échantillons  de  verre  de 
Bohême  et  de  cristal.  Mais  les  différences  sont 
grandes  pour  d'autres  verres  de  chacune  de  ces 
espèces  ;  quelques-uns  ne  contiendraient  pas  au  delà 
de  iO  à  50  pour  100  de  verre  normal,  le  restant  étant 
formé  par  du  trisilicate  de  chaux  ou  de  soude,  ou 
bien  par  ces  bases  à  l'état  libre. 

Je  dois  en  outre  faire  observer  que  la  formule 
proposée  par  M.  Benrath  est  bien  inusitée,  le  rap- 
port de  l'oxygène  des  bases  à  l'oxygène  de  l'acide 
étant  de  1  à  6;  ce  rapport  est  de  1  à  3  dans  les 
silicates  naturels  les  moins  basiques,  notamment 
dans  l'albite  et  dans  l'orthose. 

D'après  l'auteur  de  ce  travail,  les  verres  réputés 
les  meilleurs,  sous  le  rapport  de  la  fusibilité  et  de  la 
résistance  à  l'action  de  l'eau  et  des  acides,  contien- 
draient de  85  à  98  de  verre  normal;  ceux  qui  en  ren- 
fermeraient le  moins  seraient,  au  contraire,  les  plus 
altérables. 

On  peut  objecter  que  pour  établir  ces  faits  d'une 
manière  générale,  il  n'est  pas  besoin  de  recourir  à 
des  formules  atomiques;  on  sait  que  les  verres  les 
plus  riches  en  alcalis  et  en  chaux  et  dans  lesquels  la 
silice  est,  par  suite,  en  moins  grande  quantité,  sont 
ceux  qui  s'altèrent  le  plus;  comme  la  qualité  des 
verres  réputés  les  meilleurs  n'a  pas  encore  été  établie 
par  des  essais  comparatifs,  il  est  permis  de  douter 
qu'un  verre  qui  présenterait  exactement  la  compo- 
sition exigée  par  les  formules  qui  précèdent  devrait 
être  considéré  comme  l'idéal  du  genre,  et  comme 


NATURE   CHIMIQUE   DBS  VERRES.  49 

étant  préférable  à  un  autre  qui  s'en  écarterait  sensi- 
blement. 

On  sait,  de  plus,  qu*étant  donnée  une  substance 
complexe  comme  le  verre  ou  tout  autre  silicate,  i 
est  toujours  facile,  à  Taide  de  facteurs  suffisamment 
élevés,  de  représenter  la  composition  de  ce  corps  par 
une  formule,  en  tenant  compte  surtout  des  écarts 
et  du  degré  d'approximation  que  donnent  les  pro- 
cédés d'analyse. 

Ainsi,  en  ce  qui  concerne  le  verre  qu'on  fabrique 
actuellement  à  Saint-Gobain,  la  formule  qui  suit 
représenterait  sa  composition  avec  une  approxi- 
mation suffisante  : 

14SiO« 420 

3CaO   ........  84 

2NaO 62 

566        100,0        100,0 

Il  ne  semble  pas  d'ailleurs  impossible  qu'on  puisse 
produire  un  verre  d'une  qualité  supérieure  au  verre 
normal,  plus  dur,  plus  réfractaire,  résistant  mieux  à 
l'action  prolongée  des  acides  bouillants,  en  suivant, 
par  exemple,  la  voie  qui  a  été  tracée  par  M.  Stas 
dans  le  but  d'obtenir  des  pièces  soufflées,  telles  que 
matras,  cornues,  etc.,  employées  dans  les  labora- 
toires. Tous  les  chimistes  savent  par  expérience  que 
la  verrerie  à  leur  usage  fabriquée  en  France  ou  en 
Belgique  laisse  beaucoup  à  désirer,  tandis  que  celle 
qu'on  fabrique  en  Bohême  est  excellente.  Les  verres 
de  ce  pays,  très-riches  en  silice,  sont  fondus  et  tra- 
vaillés à  une  très-haute  température.  M.  Stas  avait 


Calcal. 

Composition 
réelle. 

74,2 

73,0 

1/1,9 

15,5 

10,9 

11,5 

80  LE    VERRE. 

besoin,  pour  les  recherches  sur  les  équivalents  qui 
ont  illustré  son  nom,  de  verre  de  très-bonne  qua- 
lité; en  tenant  compte  de  ce  fait,  qu'un  mélange  de 
carbonate  de  potasse  et  de  soude  est  plus  fusible  que 
chacun  de  ces  sels  pris  isolément,  il  fit  remplacer, 
dans  le  verre  réfractaire  dont  il  faisait  la  commande, 
une  partie  de  la  potasse  par  de  la  soude.  On  sait  que 
le  verre  de  Bohême  est  à  base  de  chaux  et  de  potasse. 

En  substituant  à  la  moitié  de  ce  dernier  corps 
un  poids  équivalent  de  soude,  M.  Stas  a  obtenu  un 
verre  plus  fusible  que  le  verre  de  Bohême,  quoique 
d'un  travail  difficile,  fort  peu  hygrométrique,  très- 
dur,  et  sur  lequel  les  acides  concentrés  n'exerçaient 
aucune  action. 

L'analyse  de  fragments  de  ballons,  provenant  de 
deux  fontes  différentes,  lui  a  donné  : 


Silice    . 
Potasse 
Soude 
Chaux  . 


I. 

II. 

76,  i 

77,3 

7,1 

6,2 

5,9 

6,5 

10,6 

10,0 

400,0       100,0 


M.  Stas  n'a  pas  cherché,  assurément,  à  faire  un 
produit  ayant  une  composition  atomique;  il  a  fait 
de  la  prose  sans  le  savoir;  mais  les  analyses  qui 
précèdent  s'accordent  bien  avec  la  formule  suivante: 


16  Si  G» 
KO   . 
MaO   . 
2Ca0 


Calcul. 

Zi80 

77,7 

47 

7,7 

31 

5,4 

56 

9,2 

61/t 

100,0 

NATURE   CHIMIQUE    DES   VERRES.  21 

Comme  nous  ne  connaissons  pas  de  silicates  na- 
turels ayant  une  composition  analogue,  il  est  pro* 
bable  que  ce  verre  contient  à  Tétat  de  simple 
mélange  une  partie  de  la  silice,  celle-ci  étant  rendue 
fusible  par  les  silicates  qui  raccompagnent.  La  con- 
cordance des  nombres  qui  précèdent  avec  la  formule 
n'est  donc,  à  mon  avis,  qu'un  résultat  fortuit,  n'im- 
pliquant pas  l'existence  d'un  composé  défini.  Des 
phénomènes  de  ce  genre  se  produisent  fréquem- 
ment dans  la  production  des  alliages  métalliques. 

En  résumé,  tout  en  reconnaissant  l'importance  et 
l'intérêt  des  études  faites  par  M.  Benrath,  j'estime 
qu'elles  établissent  surtout  qu'en  s'écartant  le  moins 
possible  des  verres  normale  signalés  par  ce  chimiste, 
on  fabriquera  constamment,  et  à  coup  sûr,  des  pro- 
duits dont  l'expérience  de  tous  les  jours  constate 
la  bonne  qualité. 

Une  fois  fondus  à  la  température  du  rouge  blanc,  les 
silicates  multiples  qui  donnent  naissance  aux  verres 
acquièrent  un  état  de  fluidité  comparable  à  celui  de 
l'eau;  tout  en  offrant  une  grande  rigidité  quand  ils 
sont  refroidis,  ils  deviennent  plastiques,  malléables 
au  rouge  cerise;  de  l'état  liquide,  ils  passent  à  l'état 
solide  en  prenant  tous  les  degrés  intermédiaires  de 
mollesse.  Aussi,  de  même  que  la  cire  sous  la  main 
du  modeleur,  le  verre  reçoit  et  conserve  toutes  les 
formes  qu'on  lui  donne.  Par  le  soufflage,  on  en  fait 
des  cylindres,  des  ballons,  des  objets  de  gobeleterie 
de  toute  nature  ;  le  laminage  le  transforme  en  plaques 
qui  servent  à  faire  les  glaces; .  on  Iç  met  au  moule 


22  LE   VERRE. 

pour  fabriquer  les  bouteilles;  en  l'étirant,  on  en  fait 
des  tubes  qui,  ramollis  à  la  lampe  d'émailleur,  don- 
nent des  fils  très-flexibles  et  d'une  finesse  extrême, 
qu'on  enroule  sur  un  rouet,  qu'on  peut  travailler 
comme  le  lin  et  la  soie,  et  dont  on  a  fait  des  aigrettes, 
de  brillants  tissus  et  même  des  perruques. 

Action  de  la  chaleur  sur  les  verres. 
Trempe  et  recuit  du  verre. 

Le  verre,  étant  un  corps  à  la  fois  mauvais  conduc- 
teur de  la  chaleur  et  très-fragile,  éclate  immédiate- 
ment quand,  étant  chaud,  on  le  soumet  à  un  brusque 
refroidissement.  Tous  les  objets  en  verre,  quel  que 
soit  leur  mode  de  fabrication,  sont  le  résultat  d'un 
travail  très-rapide;  soumis  à  un  refroidissement 
brusque  par  l'air  ambiant,  ils  sont  tellement  cas- 
sants qu'ils  ne  seraient  propres  à  aucun  usage  si 
l'on  ne  corrigeait  ce  défaut  par  une  opération  ulté- 
rieure, le  recuity  qu'on  fait  subir  à  toutes  les  pièces 
fabriquées.  Dans  ce  but,  on  dépose  ces  pièces  aussi- 
tôt après  qu'elles  sont  terminées,  et  encore  rouges, 
dans  une  longue  galerie  chauffée  par  la  chaleur 
perdue  ou  dans  un  four  spécial,  et  on  les  fait  che- 
miner de  manière  que  leur  refroidissement  se  fasse 
très-lentement;  ou  bien  on  bouche  les  ouvertures  de 
ce  four,  lorsqu'il  est  plein,  dans  le  but  d'obtenir  le 
même  résultat.  Le  recuit  est  d'autant  plus  difficile 
à  obtenir,  et  doit  être  d'autant  plus  soigné,  que  les 
pièces  de  verre  sont  plus  épaisses  et  plus  volumi- 
neuses.  C'est    à   un   recuit    insuffisant   qu'il    faut 


ACTION   D£   LA    CHALEUR.  S3 

attribuer  la  casse  si  fréquente  des  verres  de  lampe, 
surtout  quand  on  les  emploie  pour  la  première  fois  ; 
car  lorsqu'ils  résistent,  lusage  même  qu'on  en  fait 
équivaut  à  une  recuisson. 

Au  moment  de  la  solidification  d'une  pièce  de  verre 
un  peu  épaisse,  les  parties  qui  la  composent  éprou- 
vent une  contraction  inégale;  les  parties  extérieures 
sont  déjà  solidifiées,  quand  la  partie 
interne  est  encore  molle;  de  là  un  état 
d'équilibre  instable  que  révèle  fré- 
quemment la  rupture  de  la  pièce,  soit 
par  un  changement  brusque  de  tempé- 
rature, soit  par  un  choc.  On  désigne 
dans  les  verreries,  sous  le  nom  de 
fioles  d'épreuve^  des  pièces  soufflées  en  p.    ^ 

verre  épais,  destinées  à  reconnaître 
l'état  d'affînage  du  verre  dont'  on  va  commencer  le 
travail.  Ces  pièces,  abandonnées  loin  des  fours  à  un 
refroidissement  brusque,  sont  tellement  fragiles, 
que  le  plus  petit  caillou  projeté  dans  leur  intérieur 
suffit  pour  les  faire  éclater;  un  léger  changement 
de  température  peut  aussi  déterminer  leur  rup- 
ture, surtout  quand  elles  sont  de  confection  toute 
récente  (fig.  1). 

Les  larmes  hataviques  présentent  au  plus  haut  degré 
ce  caractère  de  fragilité  que  le  verre  acquiert  par  la 
trempe.  Ce  sont  des  gouttes  de  verre  terminées  par 
une  pointe  très-déliée  qu'on  produit  en  laissant  tom- 
ber du  verre  très-liquide  dans  un  baquet  plein  d'eau 
froide. 

Les  phénomènes  qui  accompagnent  la  rupture 


94: 


LE   VERRE. 


des  larmes  batavîques  ont  attiré  à  plusieurs  reprises 
Fattention  des  physiciens  et  des  chimistes;  on  sait 
qu'elles  jouissent  de  la  singulière  propriété  de  pou- 
voir être  frappées  assez  fortement  sur  le  gros  bout  avec 
un  marteau,  tandis  qu'en  cassant  l'extrémité  de  la 
queue,  elles  se  réduisent  en  poussière  avec  explosion. 

Cette  expérience,  qui 
amène  la  projection 
violente  de  nombreux 
fragments  de  verre,  ne 
doit  être  faite  qu'en 
comprimant  fortement 
la  larme  batavique 
dans  la  main  au  mo- 
ment où  on  en  déter- 
mine la  rupture. 

Les  larmes  batavî- 
ques ont  beaucoup  oc- 
cupé les  physiciens  du 
XVII'  siècle.  Le  prince  Rupert  de  Bavière  est,  dit-on, 
le  premier  qui  ait  importé  ce  produit  d'Allemagne  en 
Angleterre  :  des  larmes  bataviques  furent  présentées 
à  la  Société  royale,  et  un  rapport  fut  fait  à  ce  sujet 
en  1661;  un  peu  plus  tard,  la  rupture  en  grande  céré- 
monie de  quelques  larmes  bataviques  apportées  de 
Hollande  à  Paris  par  un  ambassadeur  de  Suède 
attira  vivement  l'attention  des  savants,  dont  plu- 
sieurs furent,  sans  doute,  quelques  années  plus  tard, 
en  1666,  les  premiers  membres  de  l'Académie  des 
sciences. 

On  expliquait  de  la  manière  suivante  l'explosion 


Fig.  2. 


J 


ACTION   DE   LA   CHALEUR.  25 

de  ces  petites  ampoules  de  verre  :  lorsque  la  goutte 
de  verre  fondu  tombe  dans  l'eau  froide,  la  couche 
extérieure  se  solidifie,  tandis  que  la  masse  intérieure 
est  encore  à  une  température  rouge;  celle-ci,  une 
fois  refroidie,  se  trouve  dans  un  grand  état  de  ten- 
sion, par  suite  de  son  adhérence  à  la  couche  déjà 
figée  :  elle  conserve  forcément  un  volume  qui  est 
différent  de  celui  qu'elle  aurait  si  toute  la  masse 
s'était  refroidie  avec  lenteur.  Vient-on  à  détruire  la 
solidarité  établie  entre  les  particules  du  verre,  en 
l'entamant  sur  un  point  quelconque,  en  cassant,  par 
exemple,  la  fine  queue  de  la  larme,  tout  Tédifice 
s'écroule  et  se  réduit  en  poussière. 

Berzelius  compare  cette  rupture  du  verre  à  celle 
d'un  morceau  d'étoffe  fortement  tendu  qui  résiste  à 
la  tension  tant  qu'il  conserve  son  intégrité,  tandis 
qu'il  se  déchire  à  la  moindre  fissure  qu'on  y  pratique 
avec  des  ciseaux. 

Il  est  facile  de  constater  qu'en  chauffant  au  rouge 
et  en  laissant  refroidir  lentement  une  larme  bâta vique, 
elle  perd  complètement  la  faculté  d'éclater  quand  on 
vient  à  rompre  sa  pointe  effilée. 

M.  de  Luynes  a  publié  récemment  des  études 
intéressantes  sur  la  trempe  du  verre  et  sur  les 
larmes  bataviques.  D'après  ses  expériences,  les 
effets  produits  sont  dus  principalement  à  l'état  par- 
ticulier des  couches  extérieures;  la  masse  intérieure 
du  verre  ne  joue  qu'un  rôle  secondaire  dans  le  phé- 
nonmène. 

Il  rappelle  d'abord  que  le  verre  brusquement 
refroidi,  c'est-à-dire  trempé,  reste  dans  un  état  de 


26  LE    VERRE. 

dilatation  plus  grand  que  si  le  refroidissement  s'était 
opéré  avec  lenteur*. 

En  brisant  Textrémité  de  la  queue  d'une  larme, 
on  produit  dans  le  verre  trempé  des  vibrations  dont 
il  est  impossible  d'apprécier  les  effets;  aussi  M.  de 
Luynes  a  substitué  à  ce  moyen  mécanique  un  agent 
chimique,  l'acide  fluorhydrique,  dont  on  peut  modé- 
rer l'action  au  gré  de  l'opérateur,  et  qui  permet  de 
détruire  à  volonté  et  sans  secousse  la  partie  de  la 
larme  que  l'on  veut  attaquer.  On  suspend  à  l'aide 
d'un  fil,  et  par  le  gros  bout,  une  larme  au-dessusd'un 
vase  de  platine  plein  d'acide  fluorhydrique,  de  telle 
manière  que  l'extrémité  seule  de  la  queue  plonge  dans 
l'acide;  la  queue  de  la  larme  peut  être  entièrement 
dissoute  sans  que  l'explosion  se  produise  :  mais  lors- 
qu'on arrive  au  col,  l'équilibre  est  toujours  rompu; 
la  larme  se  sépare  en  une  infinité  de  fragments  qui 
tombent  dans  l'acide  sans  produire  d'explosion  ;  quel- 
quefois cette  désagrégation  est  accompagnée  de  bruit, 
comme  dans  le  cas  d'une  rupture  brusque.  D'autre 
part,  une  larme  plongée  dans  le  même  acide  par  la 
partie  renflée  se  dissout  complètement  sans  explosion 

(4)  MM.  Chevandier  de  Valdrôme  et  Wertheim  avaient  constaté 
que  la  densité  des  verres  augmente  en  moyenne  de  0,0045  par  le 
recuit.  Voici  les  résultats  qu'ils  ont  obtenus  : 

DBNsrré 

Avant  le  recuit.  Après  le  recuit. 
Verre  à  vitre  de  la  manufacture  de  Saint-Quirin.        2,517  2,523 


Verre  à  glace  de  la  manufacture  de  Girey .  .  . 
Verre  à  gobeleterie  non  coloré  de  Valérysthal. 
Cristal  blanc  et  coloré  de  Baccarat 


2,45  i  2,467 

2,446  2,450 

3,320  3,324 


{Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Sciences,  484S.) 


ACTION  DE   LA   CHALEUR.  27 

et  la  queue  reste  entièrement  intacte  avec  Torigine 
du  col. 

Ces  expériences  établissent  que  la  stabilité  de  la 
larme  dépend  surtout  de  l'existence  des  parties  de 
verre  qui  constituent  Torigine  du  col  :  c'est  la  clef  de 
voûte  de  l'édifice;  elles  montrent,  en  outre,  qu'en 
respectant  ces  parties,  on  peut  enlever  de  proche  en 
proche  les  couches  extérieures  sans  que  la  rupture  se 
produise  ;  ce  qui  semble  prouver  que  leur  existence 
n'est  pas  nécessaire  au  maintien  de  l'équilibre.  Les 
couches  extérieures  sont  les  plus  dilatées  ;  celles  qui 
viennent  ensuite  le  sont  de  moins  en  moins,  à  me- 
sure qu'on  arrive  vers  le  centre;  de  sorte  qu'on  peut 
comparer  une  larme  batavique  à  une  série  de  poires 
de  caoutchouc  gonflées  se  réunissant  par  leur  col 
assujetti  par  une  même  ligature;  en  coupant  celle- 
ci,  l'équilibre  est  rompu,  tandis  qu'on  peut  inciser 
successivement  chaque  poire  sans  détruire  l'en- 
semble du  système. 

En  dissolvant  une  larme  dans  l'acide  fluorhy- 
drique,  la  naissance  du  col  étant  préservée,  on  enlève 
les  couches  extérieures,  et  le  noyau  qui  reste  ne  se 
brise  plus  quand  on  casse  le  bout  de  la  larme. 
Lorsque  l'acide  n'a  pas  enlevé  une  épaisseur  de 
verre  assez  grande,  les  propriétés  explosives  per- 
sistent, mais  leur  intensité  décroit  à  mesure  que  la  . 
couche  intérieure  diminue. 

Si  les  tensions  inégales  des  couches  superposées 
déterminent  la  rupture  par  un  effet  de  ressort 
lorsqu'on  les  rend  libres  de  se  détendre,  les  particules 
de  verre  de  chaque  couche  doivent  se  déplacer  en 


48  LE    VERRE. 

sens  inverse,  suivant  que  la  rupture  a  lieu  du  côté 
de  la  queue  ou  du  côté  du  gros  bout;  de  là  une  diffé- 
rence dans  l'arrangement  de  ces  particules  après  la 
rupture  :  c'est  ce  que  M.  de  Luynes  a  constaté;  sur 
des  larmes  encastrées  à  moitié  dans  du  plâtre,  on 


a  fait  agir  l'acide  fluorhydrique  pour  attaquer  la 
queue;  ou  bien  on  en  a  coupé  le  gros  bout  à  la 
la  scie;  après  rupture,  les  fragments  maintenus  par 
le  plâtre  restent  superposés.  On  voit  alors  nette- 
ment, quand  ce  plâtre  est  frais,  que  l'ensemble  se 
compose  de  petits  fragments  coniques,  tronqués, 
enchevêtrés  les  uns  dans  les  autres.  Si  la  larme 
est  rongée  par  la  queue,  c'est  vers  celle-ci  que 
sont  dirigés  les  sommets  de.  ces  cônes;  si  elle  est 
sciée  par  le  gros  bout,  la  direction  de  ces  som- 
mets est  en  sens  inverse  (fig.  3  et  /i).  Enfla,  si  la 
larme  est  sciée  par  le  milieu  (flg.  5),  elle  offre  de 


ACTION   DE   LA   CHALEUR.  n 

chaque  côté,  avec  des  directions  contraires,  la  même 
texture  conique. 

Des  grosses  baguettes  ou  des  tubes  pleins  en 
verre  trempé  présentent  des  phénomènes  semblables 
à  ceux  qui  sont  offerts  par  les  larmes  bataviques.  C'est 
à  une  cause  du  même  genre  qu'il  faut  rapporter  la 
production  des  tressaillures  régulières  qu'on  obtient 
sur  les  poteries  dites  craquelées. 

Lors  de  la  rgpture  des  larmes  bataviques  ou  des 
tubes  trempés,  il  y  a  élévation  subite  de  température 
et  même  dégagement  de  lumière;  ces  faits,  avancés 
par  M.  L.  Dufour,  ont  été  confirmés  par  M.  de 
Luynes. 

Les  fragments  de  verre  projetés  par  l'explosion 
d'une  larme  batavique  sont  animés  d'une  telle  vitesse 
que  si  l'expérience  est  faite  dans  un  vase  plein  d'eau, 
ce  vase  est  brisé,  alors  même  qu'il  est  fort  épais. 
C'est  aussi  ce  qui  arrive  lorsqu'on  casse  la  pointe 
d'une  larme  dans  la  cavité  formée  par  un  fond  de 
bouteille  renversée  sur  le  sol,  cette  petite  coupe 
étant  préalablement  remplie  d'eau;  celle-ci  est  bri- 
sée et  projetée  contre  la  terre  avec  l'eau  qu'elle 
contient. 

Ces  propriétés  du  verre  trempé  sont  intimement 
liées  à  celles  du  verre  durci  de  M.  de  la  Bastie  dont 
nous  avons  maintenant  à  nous  occuper. 

Verre  durci,  verre  Incassable. 

Une  découverte  fort  inattendue  est  venue  dans 
ces  derniers  temps  compromettre  la  vieille  réputa- 


30  LB   VERRE. 

tîon  de  fragilité  que  possède  le  verre*.  Cette  décou- 
verte est  due  à  M.  de  la  Bastie,  agriculteur  très- 
distingué  du  département  de  TÂin. 

M.  de  la  Bastie  a  observé  que  le  verre,  de  même 
que  l'acier,  possède  la  propriété  de  durcir  quand  on 
le  refroidit  brusquement.  La  théorie  de  la  trempe 
sera  sans  doute  la  même  pour  Tune  et  pour  Tautre 
de  ces  substances,  si  différentes  qu'elles  soient;  mais 
elle  est  encore  à  trouver.  On  peut,  d'ailleurs,  y  voir 
un  phénomène  de  métamorphisme,  la  structure  mo- 
léculaire du  verre  étant  profondément  modifiée; 
le  verre  durci,  en  effet,  quand  il  est  cassé,  éclate  et 
se  divise  en  une  infinité  de  fragments  de  forme 
presque  symétrique,  ainsi  que  cela  arrive  pour  les 
larmes  bataviques. 

La  trempe,  bien  exécutée,  augmente  considéra- 
blement la  solidité  du  verre,  qui  peut  alors  résister  à 
des  chocs  qu'il  ne  supportait  pas.  Un  carré  de  verre 

1.  Dans  Polyeucle,  Corneille  fait  dire  à  son  héros,  à  propos  des 
biens  et  des  honneurs  de  ce  monde  : 


Toute  votre  félicité 

Sujette  à  Tinstabilité 

En  moins  de  rien  tombe  par  terre, 

£t  comme  elle  a  Téclat  du  verre, 

Elle  en  a  la  fragilité* 

(Polyeuctê,  acte  IV.) 

On  connaît  cette  boutade  du  poète  Maynard  sur  la  noblesse  d'un 
gentilhomme  verrier  de  son  temps  : 

Votre  noblesse  est  mince 
Et  ce  n*est  pas  d'un  prince, 
Daplinis,  que  vous  sortez  : 
Gentilhomme  de  verre, 
Si  vous  tombez  par  terre, 
Adieu  la  qualité. 


ACTION   DB   LA   CHALEUR.  31 

à  vitre  double,  recuit  comme  à  Tordinaire,  étant 
placé  dans  un  cadre  en  bois,  se  brise  infailliblement 
par  la  chute  d*un  poids  de  100  grammes  qui  tombe 
à  sa  surface  d'une  hauteur  de  un  mètre;  ce  poids, 
tombant  d'une  hauteur  trois  et  quatre  fois  plus 
considérable,  ne  détermine  pas  la  rupture  du  même 
verre  après  qu'il  a  été  trempé;  sa  solidité  est  au 
moins  décuplée;  d'après  M.  Siemens,  de  Dresde, 
elle  serait  même  50  fois  plus  grande.  Des  verres  de 
montre,  des  bobèches  en  verre  mince,  une  fois 
trempés,  peuvent  être  projetés  sur  le  parquet  sans 
se  briser;  chacun  connaît  par  expérience  la  fragilité 
des  objets  de  cette  nature. 

Il  parait  aussi  que  le  verre  trempé  peut  subir  sans 
accident  des  changements  brusques  de  température. 
Tous  ceux  qui  font  usage  des  lampes  apprécieraient 
cette  nouvelle  et  importante  propriété. 

Eafin  un  des  effets  remarquables  de  la  trempe  est 
d'augmenter  notablement  l'élasticité  du  verre;  une 
feuille  arquée,  placée  à  terre  sur  son  côté  con- 
vexe, peut  devenir  plane,  supporter  sans  se  rompre 
le  poids  d'un  homme,  et  reprendre  sa  forme  bombée 
primitive  lorsque  ce  poids  est  supprimé. 

Il  convient  d'ajouter  qu'à  côté  de  ces  avantages 
le  verre  trempé  présente  dans  certains  cas  quelques 
inconvénients,  quelques  points  noirs  :  il  ne  se  coupe 
plus  au  diamant,  comme  le  verre  ordinaire,  dont  il 
ne  conserve  pas  toujours  l'éclat  et  la  transparence; 
quand  un  vase  fabriqué  avec  ce  verre  est  employé 
pour  chauffer  un  liquide,  si  ce  vase  vient  à  se  briser, 
il  éclate  comme  une  larme  batavique;  le  vase  et  le 


32  LE    VERRE. 

liquide  sont  projetés  au  loia  dans  un  grand  état 
de  pulvérisation. 

Plusieurs  éléments  interviennent  pour  établir  le 
coefficient  de  solidité  du  verre  trempé.  Il  faut  tenir 
compte  :  i**  de  la  nature  du  verre  ;  2**  de  la  composition 
du  bain  à  tremper;  3**  de  la  température  du  bain  et 
de  celle  du  verre.  M.  de  la  Baslie  est  arrivé,  par  des 
expériences  nombreuses,  à  déterminer  ces  éléments, 
tout  en  se  réservant  de  continuer  les  recherches 
qui  doivent  compléter  son  œuvre. 

Chacun  sait  qu'en  immergeant  dans  l'eau  froide 
une  pièce  de  verre  chauffée,  elle  se  casse  ;  c'est  ainsi 
qu'on  étonne  le  verre  dans  le  but  de  le  réduire  plus 
facilement  en  poudre.  Pour  éviter  la  rupture  et  pour 
obtenir  le  durcissement,  il  faut  que  le  bain  à  tremper 
soit  à  une  température  élevée,  à  150  degrés  environ; 
on  se  sert  par  conséquent  d'un  bain  d'huile  ou  de 
graisse.  11  faut,  de  plus,  que  la  pièce  à  tremper  soit 
portée  au  rouge  sombre;  qu'elle  soit  chauffée  jus- 
qu'au point  auquel  elle  commence  à  se  ramollir. 
C'est  dans  cet  état  qu'elle  est  plongée  dans  le  bain. 
Il  y  a  lieu,  par  conséquent,  de  surveiller  attentive- 
ment le  four  à  réchauffer  pour  éviter  soit  la  défor- 
mation des  pièces,  soit  la  perte  de  leur  transparence 
par  un  commencement  de  dévitrification. 

A  l'occasion  d'une  communication  sur  le  verre 
trempé  faite  récemment  par  M.  Clemandot  à  la 
Société  des  ingénieurs  civils,  M.  Armengaud  a  donné 
des  détails  intéressants  sur  la  mise  en  œuvre  du 
procédé  et  sur  l'outillage  qui  a  permis  de  réaliser 
industriellement  la  trempe  du  verre. 


ACTION   DE    LA  CHALBUR.  33 

Deux  points  essentiels,  d'après  M.  Ârmengaud, 
caractérisent  le  procédé  de  M,  de  la  Bastie.  Ce  sonl  : 
!•  réchauffement  du  verre  à  une  température  telle 
qu'il  devienne  malléable;  S*"  son  immersion  à  cet  état 
dans  un  bain  composé  de  plusieurs  matières  grasses» 
cire,  graisse,  huile,  résine,  etc.,  ce  bain  étant  porté 
lui-même  à  une  température  bien  supérieure  à  celle 
de  TébuUition  de  l'eau.  C'est  la  différence  de  ces 
deux  températures  dans  des  limites  assez  élevées 
qui  donne  le  durcissement. 

Pour  réaliser  pratiquement  ces  deux  conditions, 
l'auteur  de  cette  découverte  s'est  heurté  d'abord  à 
de  nombreux  obstacles  ;  il  n'est  parvenu  à  les  sur- 
monter qu'à  la  suite  de  longues  et  patientes  re- 
cherches. 

Il  faut,  en  premier  lieu,  empêcher  que  le  bain  ne 
s'enflamme,  soit  en  raison  de  la  haute  température  à 
laquelle  il  est  porté,  soit  par  son  contact  avec  le  verre 
chauffé.  D'un  autre  côté,  le  verre,  rendu  malléable 
par  la  chaleur,  ne  doit  pas  se  déformer.  Enfin  il 
est  nécessaire  de  le  manipuler  à  distance,  sans  le 
toucher,  et  en  évitant  tout  choc  capable  de  le  briser 
avant  la  trempe. 

On  a  rempli  ces  conditions  en  isolant  de  l'air  exté- 
rieur la  chaudière  renfermant  le  bain  à  tremper; 
cette  chaudière  est  elle-même  en  communication 
avec  le  four  de  chauffe.  Sur  la  sole  de  ce  foiir, 
en  face  de  l'entrée  de  la  chaudière,  on  a  disposé 
une  bascule  faisant  partie  de  la  sole .  même .  sur 
laquelle  on  pose  le  verre.  Cette  bascule  étant 
abaissée,  permet  au  verre -de  glisser  dans  le  bain, 

Pbligot,  Le  Verre,  3 


34  LE   YBRRE. 

qui  renfernde  une  table  mobile  dont  le  plan  incliné 
est  la  continuation  de  la  pente  donnée  à  la  bascule. 
La  feuille  de  verre  peut  ainsi  changer  de  place  et 
descendre  dans  le  bain  de  trempe»  sans  secousse 
aucune,  en  étant  constamment  soutenue  sur  toute 
sa  surface.  Cet  arrangement  permet  d'éviter  à  la 
fois  rinflammation  du  bain  de  trempe  et  la  défor- 

m 

mation  du  verre»  Pour,  prévenir  le  choc  du  verre 
lorsqu'il  arrive  au  fond  de  la  cuve,  on  le  fait  but- 
ter contre  un  bourrelet  ou  tampon  de  toile  métal- 
lique. 

A  l'intérieur  de  l'appareil  sont  agencéesles  parties 
mobiles  qui  dirigent  automatiquement  la  marche  du 
verre  et  qui  sont  elles-mêmes  actionnées  par  un 
ouvrier,  à  l'aide  d'un  mécanisme  de  commande  dis- 
posé à  l'extérieur. 

Voici  maintenant  comment  l'opération  s'exécute  : 
Le  four  étant  suffisamment  chaud,  l'ouvrier  en  ferme 
les  portes  avec  de  la  terre  glaise,  entretient  le  feu 
avec  quelques  bûches  et  interrompt  le  tirage  de  la 
cheminée  en  la  couvrant  d'un  capuchon.  La  chau- 
dière, qui  est  en  communication  avec  le  four,  a  été 
remplie  du  mélange  des  matières  grasses;  elle  est 
chauffée  par  les  flammes  d'un  foyer  spécial  circulant 
autour  de  ses  parois,  sans  contact  possible  avec  les 
matières  très-inflammables  qu'elle  contient.  L'ou- 
vrier introduit  sur  la  sole  fixe  les  feuilles  de  verre 
graduellement  chauffées  dans  une  étuve  contiguë  au 
four  ;  il  les  pousse  sur  la  bascule  qui  est  en  terre  ré- 
fraclàire  bien  polie;  dès  que  le  verre  a  acquis  le  degré 
de  chaleur  convenable,  un  autre  ouvrier  fait  pivoter 


i 


ACTION  DB   LÀ  CHALEUR.  H 

li  bascule  et  ramène  dans  le  prolongement  de  la  table 
inclinée.  Ce  mouvement  fait  glisser  le  verre,  qui  pé- 
nétre sans  secousse  dans  le  bain  et  vient  butter  contre 
le  bourrelet  élastique.  Après  un  court  séjour  dans  ce 
bain»  il  est  relevé  avec  la  table  sur  laquelle  il  repose; 
puis,  à  l'aide  d'un  râteau,  on  l'engage  dans  une  gatne 
en  métal  supportée  par  des  barreaux  au  sommet  de 
la  chaudière.  Cette  gaine  est  retirée  qpand  elle  est 
pleine  et  remplacée  par  une  autre. 

11  est  permis  de  croire  que  cet  x>utjllage,  si  ingé- 
nieux qu'il  soit,  sera  remplacé  plus  tard  par  un  outil* 
lage  beaucoup  plus  simple.  Lorsqu'une  pièce  de 
verre  vient  d'être  façonnée,  elle  sô  trouve  nécessai- 
rement, pendant  un  certain  temps,  à  la  température 
voulue  pour  subir  la  trempe.  On  a  déjà  fabriqué  des 
verres  à  boire  d'une  grande  résistance  au  choc  en 
les  plongeant,  avant  de  les  détacher  de  leur  pontil, 
dans  un  bain  salé  porté  à  une  certaine  température. 
C'est  par  la  trempe  exécutée  dans  la  verrerie  même, 
sans  réchauffage  préalable  des  pièces,  que  cette 
opération  est  appelée  à  devenir  à  la  fois  pratique 
et  économique.  Cette  dernière  façon  donnée  aux  pro- 
duits  en  cours  de  fabrication  doit  elle-même  varier 
beaucoup  en  raison  de  leur  nature  et  de  Tusage 
auquel  ils  sont  destinés. 

Le  verre  durci  est  un  nouveau  produit  qui,  sans 
aucun  doute,  prendra  dans  l'industrie  une  place 
importante.  Sans  exagérer  la  portée  de  cette  décou- 
verte; sans  admettre  avec  certaines  personnes  qu'il 
est  destiné  à  remplacer  la  porcelaine  et  les  vases  en 
métal  pour  tous  les  ustensiles  de  cuisine  et  de  mé- 


36  LE    VERRB. 

nage;  et  surtout  sans  partager  en  aucune  façon  l'opi- 
nion de,  quelques  verriers  qui  pensent  que  la  durée 
plus  longue  des  produits  de  leur  fabrication  en 
diminuera  l'importance,  il  est  permis  de  prédire 
au  verre  durci  un  avenir  brillant  dans  un  temps 
plus  ou  moins  prochain.  En  dehors  des  carreaux  de 
vitres  pour  les  serres,  carreaux  devenus  réellement 
incassables  par  la  grêle,  on  peut  admettre  dès  à 
présent  que  des  tuiles  en  verre  à  la  fois  solides, 
légères,  transparentes,  et  à  bon  marché,  seraient 
pour  l'art  de  construire  .une  acquisition  des  plus 
précieuses  et  permettraient,  sous  la  main  d'un  archi- 
tecte habile,  de  modiûer  souvent  de  la  manière  la 
plus  heureuse  les  dispositions  générales  de  nos  habi- 
tations. 

Quand  le  verre  n'a  été  ni  recuit  ni  trempé,  on  le 
fend  aisément  en  lui  faisant  subir  un  changement 
brusque  de  température.  Les  ouvriers  mettent  à 
chaque  instant  cette  propriété  à  profit  pour  séparer 
de  leur  canne  les  objets  soufflés^  pour  fendre  les 
manchons  de  verre,  pour  détacher  le  verre  qui  adhère 
à  leurs  outils,  etc.;  il  leur  suffit  de  toucher  le  verre 
avec  un  morceau  de  fer  froid  au  point  où  ils  veulent 
déterminer  sa  rupture.  Lorsqu'il  a  siibi  le  recuit,  s'il 
est  déjà  fêlé  sur  un  point»  on  continue  la  fente,  et 
on  la  dirige  à  volonté,  en  chautTant  le  verre  à. une 
petite  distance  de  celle-ci  avec  un  fer  rouge,  ou 
mieux  avec  le  charbon  à  couper  le  verre.  Berzelius 
prépare  ce  charbon,  dont  on  se  sert  fréquemment 
dans  les  laboratoires  pour  utiliser  les  vases  de  verre 


CRISTALLISATION   DU  TERRE.  37 

fêlés,  avec  une  pâte  composée  des  matières  sui- 
vantes : 

5  parties  de  gomme  arabique  dans  8  parties  d*eau. 
2     —      de  gomme  adragante  dans  12  parties  d*eaa. 
I     *-     de  storax  calamité  dans  3  parties  1/2  d'alcool. 
1     —      de  benjoin  dissous  dans  2  parties  d'alcool. 
12  à  14  de  charbon  de  bois  en  poudre. 

Le  mélange  étant  bien  homogène,  on  le  moule 
sous  la  forme  de. petits  cylindres  qu'on  laisse  sécher 
lentement* 

Ce  charbon,  une  fois  allumé,  continue  à  brûler, 
sans  s'éteindre,  quand  on  souffle  dessus. 

On  obtient  le  même  résultat  avec  du  fusain  trempé 
dans  une  dissolution  d'azotate  de  plomb,  et  séché;  ou 
bien,  avec  de  simples  règles  en  bois  blanc  qu'on  fait 
bouillir  avec  de  l'eau  chargée  d'azotate  de  potasse 
et  qu'on  soumet  ensuite  à  une  complète  dessiccation. 

Cristallisation  du  verre;  dévitriflcation. 

Parfois  le  verre,  maintenu  pendant  longtemps  à 
une  température  élevée,  change  d'état;  il  perd  sa 
transparence,  il  devient  opaque.  Il  subit  cette  trans- 
formation tout  en  conservant  la  forme  qu'il  a  reçue. 
Ce  curieux  phénomène  est  connu  sous  le  nom  de 
dévitrification. 

Le  verre  dé  vitrifié  a  été  étudié  en  1727  par  Réau- 
mur.  Cet  illustre  physicien,  en  maintenant  pendant 
douze  heures  dans  un  four  à  porcelaine  des  objets  en 
verre  qu'il  avait  enterrés  dans  des  pots  remplis  de 
sable  et  de  gypse,  transformait  le  verre  en  une  subs- 


38;  tE  TERRE. 

taBceopaque,  assez  dure  pour  faire  feu  au  briquet, 
ayant  l'aspect  de  la  porcelaine  blanche.  De  là  le  nom 
de  porcelaine  de  Réaumur  qu'on  a  donné  à  ce  produit. 

A  diverses  époques,  on  a  vainement  cherché  à 
introduire  dans  l'industrie  des  objets  en  verre  dévi- 
trifié  ;  il  est  difficile,  en  effet,  de  ne  pas  déformer  les 
pièces  qu'on  soumet  ainsi  à  l'action  d'une  tempéra- 
rature  élevée  longtemps  prolongée.  Cette  opération 
entraîne  d'ailleurs  une  grande  dépense  de  combus- 
tible. 

On  avait  d'abord  pensé  que  cette  transformation 
était  due  à  la  formation  de  silicates  définis,  se  pro- 
duisant au  sein  de  la  masse  vitreuse  soit  par  une 
sorte  de  liquation ,  soit  par  la  volatilisation  d'une 
partie  de  l'alcali,  ou  par  l'absorption  de  celui-ci  par 
le  milieu  dans  lequel  elle  est  placée.  Le  verre  prend, 
en  effet,    en  se  dévitrifiant,    un    aspect  cristallin 
très- apparent.     Plus    tard,    M.    Pelouze    a    établi 
que  le  verre  dévitrifié  offre  exactement  la  môme 
composition  que  le  verre  transparent  qui  lui  a  donné 
naissance.  Un  morceau  de  glace  de  Saint-Gobain, 
chauffé  pendant  vingt-quatre  à  quarante*huit  heures 
sur  la  sole  d'un  four^à  recuire,  ne  subit  aucun  chan- 
gement de  poids  ;  par  la  fusion,  qui  n'a  pas  paru  exi- 
ger une  température  plus  élevée,  cette  glace  donne 
un  verre  transparent,  dont  la  composition  était  res- 
tée la  même.  Ce  verre,  aiâsi  dévitrifié,  est  moins 
cassant  que  le  verre  ordinaire  qu'il  raye  facilement; 
le  diamant  ne  le  coupe  plus;   il  a  une  texture 
fibreuse  trèstmarquée.  11  conduit  beaucoup  mieux 
l'élecJtrjclté. 


DÉVITRIFICATION   DU    VERRE.  39 

Tous  les  verres,  d'après  M.  Pelouze,  peuvent  être 
dévitrifiés;  le  cristal  lui-même  subit  cette  modifica- 
tion ,  mais  bien  plus  difficilemeut  que  les  autres 
verres  ;  sa  cassure  devient  lisse,  elle  n'est  pas  fibreuse  ; 
les  verres  à  base- de  potasse  se  dévitrifieot  d'ailleurs 
beaucoup  moins  facilement  que  ceux  à  base  de 
soude. 

Le  silicate  de  sonde  est  celui  qui  se  dévitrifie  le 
plus  facilement;  il  devient  opalin  par  un  simple 
recuit. 

La  dévitrification  est  rendue  plus  prompte  et  plus 
facile,  d'après  les  expériences  de  M.  Pelouze,  par  le 
contact  du  verre  en  poudre  mêlé  avec  quelques  cen- 
tièmes de  son  poids  de  sable  et  même  par  l'inter- 
vention du  verre  pulvérisé. 

Le  verre  à  vitre  et  le  verre  à  bouteille  sont  sur- 


Fig.  6. 


tout  d'une  dé  vitrification  très-facile.  Cette  circon- 
stance oblige  à  travailler  ces  sortes  de  verres  aussi 
rapidement  que  possible;  autrement,  avant  que  le 
souffleur. ait  utilisé. toute  la  matière  fondue  dans  son 


iO  LE    TERRE. 

creuset,  le  verre  perd  une  partie  de  sa  transparence; 
il  devient  galeux;  dans  cet  élat,  il  est  imposable 
de  le  travailler.  On  trouve  très-souvent  dans  le  fond 
des  creusets  des  portions  de  verre  dévitrifié ,  tantôt 
opaque  comme  de  la  porcelaine,  tantôt  sous  forme 


de  mamelons  opaques,  emprisonnés  dans  la  masse 
vitreuse,  tantôt  sous  forme  de  prismes  Isolés  ou  réu- 
nis en  étoiles. 

Les  figures  6  et  7  donnent  la  reproduction  exacte 
du  verre  dévitrifié  en  mamelons. 

On  voit,  d'après  les  considérations  qui  précèdent, 
que  la  question  relative  à  la  nature  du  verre  dévi- 
triûé  était  encore  indécise  il  y  a  peu  d'années  ;  je 
crois  qu'elle  est  désormais  résolue  par  les  expériences 
faites  sur  des  échantillons  beaucoup  plus  parfaits  que 
ceux  qui  avaient  été  obtenus  précédemment,  échan- 
tillons qui  m'ont  été  adressés  par  M.  Videau,  direc- 
teur d'une  verrerie  à  bouteilles  à  Blanzy.  Ces  expé- 
riences sont  décrites  dans  un  travail  mr  la  erislalli- 


CRISTALLISATION  DU  VBRRB.  4i 

sation  du  verre  lu  en  187&.  à  rAcadémie  des  sciences^ 
travail  que  je  me  permete  de  reproduire  ici  : 

<f  II  existe  à  Blanzy  (Saône-et-Loire)  une  verrerie  à  bou* 
teilles  appartenant  à  H.  Gbagot,  dans  laquelle  on  a  remplacé 
les  creusets  habituellement  employés  pour  fondre  le  verre  par 
un  four  à  cuvette  de  grande  dimension.  Ce  four  a  été  con- 
struit par  H.  Videau,  directeur  de  l'usine,  avec  le  concours 
de  M.  Glémandot,  ingénieur  civil,  dont  le  nom  est  bien  connu 
de  TAcadémie  :  il  est  chauffé  au  gaz;  il  a  ù^^.bQ  de  longueur 
sur  2  mètres  de  largeur;  dans  la  cuvette,  qui  a  0"',45  de  pro- 
fondeur, on  fond  à  chaque  opération  12,000  kilogrammes  de 
verre.  Des  ouvreaux,  au  nombre  de  douze,  pratiqués  dans 
ses  parois,  servent  au  cueillage  du  verre  et  au  travail  des  ou- 
vriers qui  soufflent  les  bouteilles. 

«  Ce  four  ayant  été  mis  hors  feu,  il  y  a  quelques  mois,  par 
suite  d'un  de  ces  accidents  qu'un  appareil  d*une  construction 
aussi  neuve  et  aussi  hardie  rend  inévitables,  H.  Videau  a  fait 
tirer  à  la  poche  le  verre  resté  encore  fluide  dans  les  parties  dé- 
clives de  la  cuvette  ;  ce  travail  a  mis  à  découvert  des  géodes 
cristallines  qui  s'étaient  formées  pendant  le  refroidissement  de 
la  masse  vitreuse.  Ce  sont  ces  cristaux  que  M.  Videau,  qui  est 
un  ancien  élève  de  l'École  Centrale,  m'a  envoyés,  en  y  joignant 
des  morceaux  du  verre  transparent,  de  Veau-mère  qui  les 
accompagnait  et  aussi  des  fragments  d'une  bouteille  faite 
avec  ce  même  verre  dans  les  conditions  normales  ;  il  a  pensé 
avec  raison  que  l'examen  de  ces  produits  pourrait  jeter  quel- 
que lumière  sur  le  phénomène  encore  obscur  de  la  dévitrifl- 
cation  du  verre. 

«  Les  cristaux  ont  pris  naissance  d'abord  aux  angles  du 
four,  dont  la  corrosion  par  la  matière  vitreuse  avait  fait  des 
points  saillants;  ils  se  sont  ensuite  développés  sur  toute  la 
surface,  en  formant  une  croûte  qui  est  restée  solide  après  la 
décantation  du  verre  à  la  poche.  Ils  diffèrent  beaucoup,  par 
leur  aspect  et  par  leur  mode  de  formation,  de  tous  les  échan- 
tillons de  verre  dévitriflé  que  j'ai  vus  jusqu'à  présent;  ceux-ci 


Bont  tantôt  opaques,  homogènes,  ayant  l'aspect  d'une  poterie  : 
c'est  la  porcelaine  de  Réaumur;  tantôt  ils  affectent  la  forme  de 
prismes  aiguillés  ou  de  mamelons  blancs  emprisonnés  dans 
le  verre  qui  les  e  fournis,  et  dont  il  est  impossible  de  les  sépa- 
rer complètement.  Dans  le  remarquable  échantillon  que  je 
mets  sous  les  yeux  de  l'Acadëmie  (Ûg.  8),  les  cristaux  sont 


entièrement  isolés,  sans  mélange  de  verre  transparent;  ce  sont 
des  prismes  ayant  quelquefois  au  delà  de  20  à  30  millimètres 
de  longueur.  Ils  se  sont  produits  dans  les  mêmes  conditions 
que  les  cristaux  de  soufre  et  de  bismuth  qne  nous  séparons  si 
facilement  dans  nos  laboratoires  d'avec  la  matière  encore 
liquide  dont  ils  proviennent;  avec  cette  différence,  toutefois, 
que  celle-ci  est  de  même  nature  que  les  cristaux  fournis  par 
ces  deux  corps,  tandis  que,  pour  le  verre,  c'est  précisément 
cette  question  qu'il  importe  d'établir  ou  d'infirmer. 

«  On  sait  que  depuis  les  premières  expériences  sur  la  dé- 
Titriflcation  que  Béaumur  publiait  en  1727,  bien  des  travaux 
ont  été  faits  sur  ce  curieux  phénomène.  Sans  discuter  de  nou- 
veau les  expériences  de  Dartigues,  de  Pajot  des  Charmes,  de 
Fleuriau  de  Bellevue,  de  Darcet,  de  Berzelias,  de  H.  Dunoas, 


CRISTALLISATION  DU  VERRE.  4^ 

de  H.  Pelouze,  de  H.  Bontemps,  de  M«  Benrath  et  â*atitres 
auteurs  sur  ce.  sujet,  je  rappellerai  que  deux  opinions  sont 
actuellement  en  présence  pour  expliquer  la  production  du 
verre  dévitrifië  :  Tùne  consiste  à  admettre  que  la  dévitrification 
est  due  à  un  partage  des  éléments  vitreux  qui  donne  nais- 
sance à  un  silicate  défini  cristallisant  au  sein  de  la  masse  res- 
tante, celle-ci  ayant,  par  conséquent,  une  composition  qui 
n'est  pas  celle  des  cristaux;  dans  l'autre  opinion,  le  verre 
dévitrifié  est  de  même  nature  que  le  verre  transparent;  il  est 
le  résultat  d'une  simple  modification  physique,  analogue  à 
celle  de  Tacide  arsénieux  tran^arent  qui  devient  opaque  avec 
le  temps.  En  constatant  que  le  verre,  en  se  dévitriûant,  ne 
change  pas  de  poids,  on  a  cru  donner  à  cette  interprétation 
des  faits  observés  une  valeur  considérable. 

«  L'examen  des  trois  produits  vitreux  de  Blanzy  ne  con-. 
firme  pas  cefte  dernière  opinion.  Voici  leur  composition  : 

L  II.  III. 

Bau-màre  •  ' 


Silice  .... 
Chaux.  .  .  . 
Magnésie.  .  . 
Oxyde  de  fer. 
Alumine.  .  . 
Soude.   .  .  . 


Verre  dévitrifié 

(en  cristaux 

isolés). 

(Terre  transparent 

dont  les  cristaux 

ont  été  séparés). 

Verre  normal 

(fragments 
de  bouteille). 

62,3 

61,8 

62,5 

22,7 

21,5 

21,3 

8,4 

5,4 

5,6 

3,2 

3,0 

3,0 

2,5 

2,1 

2.1 

0,9 

6,2 

5,5 

100,0  100,0  100,0 


«  Ces  trois  échantillons  de  verre,  faits  avec  les  mêmes  ma- 
tières employées  dans  les  mêmes  proportions,  ne  présentent, 
dans  le  rapport  de  leurs  éléments,  que  des  diflférences  peu 
considérables;  le  verre  normal  et  le  verre  n°  iï  ont  sensible- 
ment la  même  composition,  ainsi  que  cela  pouvait  être  prévu, 
ce  dernier  étant  en  grande  masse  par  rapport  aux  cristaux 
qu'on  en  a  séparés. 

a  Le  verre  cristallisé  diflfère  d^une  manière  plus  sensible 
des  deux  autres  produits.  La  magnésie  s'y  trouve,  en  plus  forte 


44  LÉ  VERRE.. 

proportion  et  la  sonde  y  fait  presque  défaut.  Ainsi,  conformé- 
ment aux  anciennes  expériences  de  M.  Dumas,  le  Terre  dévi- 
trifié n'a  pas  la  même  composition  que  le  verre  transparent. 
A  la  vérité,  les  différences  sont  beaucoup  moins  considérables, 
ce  qui  tient  peut-être  à  ce  que  la  nature  des  verres  de  Blanzy 
se  rapproche  davantage  de  celle  d'un  silicate  défini;  en  outre, 
les  verres  étudiés  par  M.  Dumas  et  plus  tard  par  M.  Le  Blanc 
ne  contenaient  pas  de  magnésie.  » 

u  Les  cristaux  que  j'ai  analysés  ont  été  soumis  à  Texamen 
de  H.  Des  Gioizeaux,  qui  n'a  pas  hésité  à  y  reconnaître  la 
forme  du  pyroxène,  c'est-à-dire  la  forme  du  prisme  oblique 
presque  droit.  Une  analyse  d'un  verre  cristallisé,  faite  par 
M.  Lechartier,  a  été  donnée  par  notre  savant  confrère  dans 
son  Manuel  de  Minéralogie,  tome  I,  page  62.  Ce  produit,  qu'il 
considère  comme  un  diopside  à  base  de  soude,  contient  aussi 
de  la  magnésie;  son  origine  n'est  pas  indiquée;  sa  composi- 
tion est  fort  différente  de  celle  du  verre  de  Blanzy.  Celui-ci 
ressemble  davantage  à  un  yerre  cristallisé  que  M.  Terreil  a 
examiné  et  qui  provenait  d'une  verrerie  à  bouteilles  de  Glichy 
dans  laquelle  on  faisait  usage  de  calcaire  dolomitique  ;  aussi 
M.  Terreil  le  compare  à  un  pyroxène  dans  lequel  une  partie 
de  la  magnésie  se  trouve  remplacée  par  de  la  soude  :  ce  verre 
contient,  en  effet,  9,1  pour  100  d'alcalis.  Ce  chimiste  a  analysé 
aussi  le  verre  transparent  qui  accompagnait  les  cristaux  ;  il 
admet  que,  comme  le  verre  cristallise  complètement  dans  les 
creusets  sans  perte  de  matière,  sa  composition  n'a  pas  changé 
en  se  dévitrifiant  ^.  On  sait  que  cette  opinion  est  conforme  à 
celle  qui  avait  été  adoptée  antérieurement  par  Berzelius  et 
par  M.  Pelouze  :  c'est  aussi  celle  de  M.  Bontemps. 

tt  M.  Pelouze,  auquel  on  doit  un  important  travail  sur 
cette  question,  tout  en  appuyant  son  opinion  sur  les  nom- 
breuses analyses  qu'il  a  faites,  ajoute  : 

((  Mais,  de  toutes  les  expériences,  la  plus  simple  comme 


1.  Comptes  rendus  des  séances  <ie  V Académie  des   sciences, 
t.  XLV,  p.  693. 


CRISTALLISATION  DU  YERRB.  45 

((  la  plus  décisive,  pour  démontrer  que  la  déTitriflcation  con- 
((  siste  en  un  simple  changement  physique  du  verre,  consiste 
«  à  maintenir  des  plaques  de  verre  posées  sur  la  sole  d*un 
Ci  four  à  recuire  jusqu'à  ce  que  la  vitrification  soit  complète, 
«  ce  qui  a  lieu  après  vingt-quatre  ou  au  plus  quarante-huit 
«  heures.  Leur  poids  reste  constamment  le  même,  et  si  l'on 
((  opère  sur  un  verre  blanc  de  belle  qualité,  il  est  absolument 
n  impossible  de  distinguer  autre  chose  que  des  cristaux  dans 
(i  la  masse  de  verre  dévitrifié  ^.  » 

«  Lors  de  la  lecture  de  ce  travail  à  l'Académie,  j'avais  fait 
observer  à  notre  regretté  confrère  qu'en  admettant  qu'il  y  ait 
eu,  dans  les  plaques  dont  il  vient  d'être  question,  production 
d'un  silicate  défini,  celui-ci  se  trouvait  emprisonné  dans  son 
eaurmère  dans  des  conditions  telles,  que  le  poids  et  la  compo- 
sition  de  la  masse  ne  pouvaient  pas  être  changés.  Plusieurs  faits 
me  conduisaient  à  une  conclusion  toute  différente  de  la  sienne: 
j'avais  depuis  longtemps  remarqué  que  le  verre  dévitrifié  s'al- 
tère très-rapidement  au  contact  de  Tair  ;  des  bandes  de  verre  à 
vitre  à  base  de  potasse,  dévitrifiées  dans  un  four  à  moufle, 
deviennent  humides  au  bout  d'un  certain  temps;  placées  dans 
une  position  convenablement  inclinée,  elles  laissent  suinter 
des  gouttelettes  alcalines  de  carbonate  de  potasse;  celui-ci; 
recueilli  dans  une  capsule,  se  transforme  à  la  longue  en  bicar- 
bonate cristallisé  ;  un  morceau  de  glace  de  Saint-Gobain  dévi- 
triflée,  qui  m'a  été  donné  par  M.  Pelouze,  se  recouvre 
rapidement  d'effiorescences  de  carbonate  de  soude. 

(Cette  plaque  a  présenté  une  autre  particularité  que  je  tiens 
à  signaler,  bien  qu'elle  soit  la  conséquence  d'un  autre  ordre 
de  faits,  d'un  changement  purement  physique,  qui  tient  pro- 
bablement à  sa  texture  fibreuse  :  c'est  la  faculté  qu'elle  a 
acquise  de  se  courber  à  la  longue  sous  son  propre  poids; 
placée  par  hasard  en  porte-à-faux  dans  le  tiroir  d'un  meuble,' 
elle  s'est  infléchie  peu  à  peu,  tandis  qu'à  l'origine,  elle  avait 

i.  Comptes  rendus  des  séances  de  r Académie  des  sciences, 
t.  XU  P^  A321. 


4S    .  LE  VKRRE. 

Qfie)  piauimétrié  parfaite,  ayant  été  dressée  des  deux  côtés  par 
tes  moyens  oirdinaires  du  travail  des  glaces). 

«  Ainsi,  par  les  effets  dus  à  l'action  de  l'acide  carbonique 
et  de  rhumidité  contenus  dans  Fair,  la  dissociation  des  élé- 
ments du  verre  est  rendue  évidente  par  Texcës  d'alcali  devenu 
soluWe  que  renferme  la  partie  restée  vitreuse  :  c'est  le  com- 
plément des  résultats  fournis  par  Texamen  des  cristaux  que, 
da^s  d'autres  conditions,  on  peut  en  séparer.  A  la  vérité,  ce 
caractère  ne  se  présente  pas  dans  Veau  mère  de  Bianzy  ;  mais 
le  verre  normal  ne  contient  lui-même  qu'une  très-minime 
proportion  de  soude  ;  si  bien  que  j'ai  douté  de  l'exactitude  de 
mes  analyses  tant  que  je  n'ai  pas  eu  connaissance  du  dosage 
des  matières  premières  employées  dans  cette  usine  :  on 
n'introduit  dans  la  composition,  dont  la  fusion  exige  d'ailleurs 
une  température  fort  élevée,  qu'une  très-petite  quantité  de 
sulfate  de  soude. 

M  Une  autre  épreuve  peut  être  invoquée  pour  établir  que  le 
verre  cristallisé  n'est  pas  de  même  nature  chimique  que  le 
verre  ordinaire  ;  l'un  fond  à  une  température  beaucoup  plus 
élevée  que  l'autre.  M.  Glémandot  a  chauffé  en  même  temps 
dans  le  four  à  cristal  de  MM.  Maès,  de  Glichy,  des  fragments  de 
verre  cristallisé  et,  dans  un  autre  creuset,  dés  morceaux  d'une 
bouteille  de  Bianzy  ;  tandis  que  la  fusion  des  premiers  est  fort 
incomplète,  le  verre  normal  est  devenu  entièrement  liquide. 
On  a  constaté,  en  outre,  que,  sous  l'influence  d'une  haute 
température,  les  cristaux  qui  étaient  opaques  sont  devenus 
transparents  ;  ils  se  rapprochent  davantage,  sous  ce  rapport, 
des  pyroxènes  naturels. 

((  Cette  dernière  expérience  semble  être  en  contradiction 
avec  un  fait  constaté  par  M.  Pelouze,  à  savoir  qu'une  plaque 
de  glace  après  dévitrification  présente  la  même  fusibilité  qu'a- 
vant; mais  ce  désaccord  n'est  qu'apparent  :  dans  cette  plaque, 
les  cristaux  se  trouvent  encastrés  dans  un  verre  plus  fusible, 
et  le  mélange  doit  présenter  sensiblement  le  même  degré  de 
fusion  que  le  verre  ordinaire  non  dévitriûé. 

n  Bien  que,  dans  la  plupart  des  analyses  des  vecres  trans- 


CRISTALLISATION   DU   VERRE,  47 

parents  on  dévitrifiés,  la  magnésie  ne  soit  pas  mentionnée,  sa 
présence,  dans  les  verres  d'une  dévitrification  facile,  doit  être 
prise  en  sérieuse  considération,  puisque  le  verre  se  transforme 
ainsi  en  un  silicate  analogue  au  pyroxène. 

tt  On  sait,  en  effet,  que  la  magnésie  se  rencontre  en  quan- 
tité plus  ou  moins  considérable  dans  tous  les  minéraux,  si 
variés  de  nom,  qui,  an  point  de  vue  de  la  forme  cristallogra* 
phique,  appartiennent  à  la  famille  des  pyroxënes  ou  des 
amphiboles.  Les  minéralogistes  ne  s'accordent  pas  sur  la  com- 
position de  ces  espèces  minérales  ni  sur  l'interprétation  qu'il 
faut  donner  aux  résultats  de  leur  analyse.  Dans  les  pyroxënes, 
le  rapport  de  l'oxygène  de  la  silice  à  l'oxygène  des  bases  doit 
être  comme  2  est  à  1  ;  mais  il  est  souvent  différent.  L'alumine 
et  le  sesquioxyde  de  fer,  que  ces  minéraux  contiennent  presque 
toujours  en  assez  grande  quantité,  doivent-ils  être  considérés 
comme  des  corps  accidentels,  étrangers  à  la  matière  pure  ou 
purifiée,  ou  bien  sont-ils  isomorphes  avec  la  silice,  ou  bien 
encore  doivent-ils  concourir  comme  oxydes  jouant  le  rôle  de 
ll)ases  au  rapport  que  l'on  établit  entre  l'oxygène  de  ces  corps 
et  celui  de  la  silice  ?  Ces  questions  ne  sont  pas  résolues  ;  il 
n'entre  nullement  dans  le  plan  que  je  me  suis  tracé  de  les 
discuter* 

tt  Je  rappellerai  néanmoins  que  dans  un  remarquable  tra- 
vail, exécuté  sous  les  yeux  et  avec  les  méthodes  de  M.  Henri 
Sainte-Glaire-Deville  et  publié  dans  les  Annales  scientifiques  de 
l'École  normale  supérieure,  t.  I,  p.  81,  M.  Lechartier  a  établi 
que,  contrairement  aux  conclusions  de  H.  Rammelsberg, 
l'amphibole  et  le  pyroxène  ont  une  composition  différente  ; 
dans  ce  dernier  minéral,  le  rapport  de  l'oxygène  de  l'acide  et 
de  l'oxygène  des  bases  est  de  2  à  1;  il  est  de  9  à  &  pour  Tam- 
phibole. 

ce  Le  veire  cristallisé  de  Blanzy  est  plus  riche  en  silice  :  le 
rapport  pour  l'oxygène  est  sensiblement  de  3  à  1  ;  sa  compo- 
sition avec  l'ancienne  formule  de  la  silice  serait  aussi  simple 
que  possible,  c'est-à-dire  SiO'RO;  RO  est  Tensemble  des 
oxydes  que  ce  verre  renferme.  Avec  la  nouvelle  formule  on  a 


48  LE    VERRE. 

3SiO%2RO.  Ce  verre  contient  à  très-peu  près  2  équiyalents 
de  chaux  pour  1  équivalent  de  magnésie.  Dans  les  pyroxènes 
ces  rapports  sont  souvent  inverses. 

a  Ces  résultats  ne  sont  qu'approximatifs,  la  soude,  dont 
j*ai  constaté  la  présence  d'une  manière  certaine,  l'alumine, 
Toxyde  de  fer  et  une  partie  de  la  silice  pouvant  être  consi- 
dérés comme  étant  en  dehors  de  la  constitution  du  produit 
cristallisé,  si  Ton  arrivait  à  l'obtenir  dans  un  état  complet  de 
pureté. 

«  Je  ferai  une  dernière  remarque.  Un  silicate  du  groupe 
des  pyroxènes,  s'étant  produit  dans  les  conditions  habituelles 
de  la  fusion  d'un  verre  alcalin,  n'est-il  pas  permis  de  se 
demander  si,  dans  les  analyses  si  nombreuses  de  ces  espèces 
minérales,  la  recherche  des  alcalis,  la  potasse  et  la  soude,  n'a 
pas  été  un  peu  négligée  7  Si  les  pyroxènes  et  les  amphiboles 
ont  cristallisé,  par  voie  de  fusion  ignée,  dans  des  conditions 
analogues  à  celles  du  verre  qui  se  dévitrifie,  ces  minéraux 
devaient  être  accompagnés  de  gangues  plus  ou  moins  riches 
en  alcalis;  de  plus,  les  cristaux  de  ces  mêmes  substances 
doivent  contenir  encore  des  traces  de  leur  eau-mère,  indi- 
quant ainsi  leur  mode  de  formation.  Presque  toutes  les  ana- 
lyses de  ces  minéraux  présentent  des  pertes  qui  sont  attribuées 
à  des  substances  non  dosées,  parmi  lesquelles  se  trouvent  peut- 
être  les  alcalis;  il  est  également  possible  que  ces  pertes  soient 
dues  à  l'emploi  de  procédés  d'analyse  incertains,  d'une  exécu- 
tion toujours  difficile. 

n  Je  dois  dire  néanmoins  que  la  présence  des  alcalis  en 
très-petite  quantité  est  quelquefois  mentionnée  :  ainsi,  dans 
la  trémolite  de  Norvège,  qui  appartient  au  même  groupe  de 
minéraux,  M.  Lechartier  indique  l'existence  de  traces  d'alcali; 
un  échantillon  non  soumis  aux  procédés  de  purification  qu'il 
décrit  lui  en  donne  0,47  pour  100  ;  dans  la  hornblende,  qu^il 
considère  comme  un  mélange  d'amphibole  et  d'une  matière 
étrangère,  il  en  a  trouvé  jusqu'à  5,8  pour  100. 

((  Quelle  est  la  nature  exacte  de  cette  matière  étrangère? 
Les  alcalis  qu'elle  renfermait  à  l'origine  circulent-ils  aujour- 


CRISTALLISATION  DU  VERRE.  49 

d'hui  sons  forme  soluble  à  la  surface  de  la  terre?  Ces  ques- 
tions me  semblent  mériter  l'attention  des  géologues.  Lorsqu'on 
connaît,  d'ailleurs,  toutes  les  difficultés  de  ces  analyses,  sur- 
tout en  ce  qui  concerne  la  recherche  et  le  dosage  de  la  soude, 
on  n'est  nullement  surpris  que  ce  dernier  corps  ait  été  ren- 
contré dans  des  substances  qui  n'en  contiennent  pas,  comme 
dans  la  plupart  des  cendres  provenant  de  l'incinération  des 
plantes,  tandis  qu'on  en  a  méconnu  la  présence  dans  des 
minéraux  qui  n'en  sont  pas  exempts. 

«Je  reviens  à  l'objet  technique  de  cette  étude.  Je  ne  nie  en 
aucune  façon  que  tous  les  verres  puissent  se  dévitrifler  ;  je 
suis  même  disposé  à  admettre  que  le  verre  translucide,  dit 
d'albâtre  ou  pâle  de  riz,  dont  la  formation  n'est  pas  encore 
expliquée  d'une  façon  satisfaisante,  est  le  résultat  d'une  dévi- 
trification  qui  commence;  j'estime  néanmoins  que  les  verres 
riches  en  chaux  et  en  magnésie  sont  ceux  qui  se  décomposent 
le  plus  facilement.  J'attribue  surtout  à  la  magnésie  un  rôle 
essentiel  dans  ce  phénomène,  cette  base  étant  fournie  par  le 
sable  ou  par  le  calcaire  dont  on  fait  usage  pour  former  le  mé- 
lange à  vitrifier.  A  Blanzy,  le  calcaire  d'Auxey,  qui  entre  dans 
la  composition  du  verre  qu'on  y  fabrique,  ne  contient  pas 
moins  de  20  pour  100  de  carbonate  de  magnésie.  Bien  qu'in- 
fusible  par  elle-même,  la  magnésie  concourt  à  la  fusibilité 
des  silicates  qui  composent  le  verre,  cette  fusibilité  étant 
d'autant  plus  grande  que  les  bases  sont  plus  nombreuses  ; 
mais  il  convient  de  faire  cette  remarque  que  si  remploi  de 
calcaires  magnésiens  est  avantageux  au  point  de  vue  de  l'éco- 
nomie du  combustible,  il  oblige  à  travailler  le  verre  avec  une 
grande  rapidité,  de  manière  à  éviter  qu'il  commence  à  se 
dévitrifler,  qu'il  devienne  galeux,  par  suite  du  pyroxène  qui 
tend  à  se  produire  pendant  la  liquéfaction  trop  prolongée 
de  la  masse  vitreuse.  » 

Action  de  la  lumière  sur  les  verres. 

On  rencontre  souvent  pai-mi  les  vitres  des  an- 
ciennes habitations  des  carreaux  de  verre  ayant  une 

Pbligot,  L$  Vn-re,  4* 


60  LE   VERRE. 

coloration  jaune,  rose  ou  violette  ;  il  en  est  de  même 
pour  les  glaces  des  devantures  de  magasin.  Ces  cou- 
leurs se  sont  produites  peu  à  peu  sous  l'influence 
de  la  lumière. 

Les  verres  à  vitre,  ceux  notamment  dont  la 
tîouleur  est  un  peu  verdâtre,  deviennent  d'abord 
jaunes,  puis  prennent  la  teinte  rosée  et  ensuite 
violette  lorsqu'ils  sont  exposés  au  soleil  pendant  un 
an  environ. 

Cette  action  de  la  lumière  sur  les  verres,  signalée 
depuis  longtemps  par  divers  auteurs,  a  été  l'objet 
d'études  longues  et  patientes  de  la  part  de  M.  Gaf- 
field,  de  Boston.  Parmi  les  expériences  exécutées  par 
cet  observateur,  nous  signalerons  les  suivantes  : 

Une  bande  de  verre  à  glace,  de  fabrication 
anglaise,  est  coupée  au  diamant  en  douze  parties 
égales,  ayant  chacune  environ  un  décimètre  de  côté  ; 
deux  de  ces  parties  $ont  conservées  dans  l'obscurité; 
la  feuille  n°  1  est  exposée  au  soleil  pendant  une  se- 
maine; la  feuille  n°  2  pendant  deux  semaines;  la  feuille 
n""  3  pendant  quatre  semaines  et  ainsi  de  suite  en 
doublant;  en  superposant  ces  morceaux  de  verre, 
après  cette  insolation  graduée  et  inégale,  on  constate, 
en  les  examinant  par  la  tranche,  qu'ils  offrent  une 
gamme  de  coloration  très-appréciable  :  le  n**!  est  teinté 
en  jaune,  le  n°  2  est  un  peu  plus  foncé  ;  puis  vien- 
nent les  colorations  rosées  de  plus  en  plus  marquées, 
jusqu'au  n°  10,  dont  la  teinte  est  la  plus  foncée. 

Ainsi  qu'il  est  facile  de  le  prévoir,  les  verres 
colorés,  jaunes,  oranges,  rouges,  verts,  entravent 
plus  ou  moins  cette  action  de  la  lumière.  Une  étoile 


ACTION   DE   LA   LUMIÈRE.  ftl 

blanche  a  été  gravée  sur  un  morceau  de  verre  rouge 
à  deux  couches;  la  pellicule  rouge  a  été  enlevée  par- 
tiellement à  la  roue,  de  manière  à  produire  cette 
étoile  au  moyen  du  verre  incolore  se  trouvant  au-des- 
sous; elle  se  détache,  par  conséquent,  sur  le  fond 
rouge.  M.  Gaf&eld  a  placé  cette  feuille  sur  un  carré  de 
verre  blanc  ordinaire  et  il  l'a  soumise  pendant  deux 
ans  à  Faction  de  la  lumière  solaire.  Ce  verre,  posé 
sur  du  papier  blanc,  laisse  voir  une  étoile  rose  résul- 
tant de  sa  coloration  par  suite  de  cette  insolation 
prolongée  ;  le  soleil  n'a  exercé  aucune  action  pen- 
dant le  même  temps  sur  la  portion  du  verre  préservé 
par  la  couleur  rouge. 

Ces  phénomènes  ne  sont  pas  dus  à  l'action  de  la 
chaleur  :  car  les  mêmes  verres,  chauffés  à  des  tem- 
pératures égales  ou  plus  élevées,  ne  subissent 
aucune  espèce  de  changement. 

On  a  cherché  à  expliquer  cette  action  de  la  lumière 
en  supposant  que  les  verres  qui  jaunissent  au  soleil 
contiennent  du  sulfate  de  soude  et  du  silicate  de  pro- 
toxyde  de  fer  que  la  lumière  transformerait  en  sili- 
cate de  sesquioxyde  qui  est  jaune  et  en  sulfure  de 
sodium;  mais  cette  explication  n'est  guère  admis- 
sible. Les  glaces  les  plus  blanches  sont  celles  qui 
contiennent  le  plus  de  sulfate,  le  moins  de  fer,  et 
ce  sont  aussi  celles  qui  s'altèrent  le  plus  à  la  lumière. 
En  ayant  égard  à  la  couleur  rose  ou  violacée  que 
l'oxyde  d,e  manganèse  donne  aux  matières  vitrifiables 
et  à  l'emploi  constant  de  ce  corps,  comme  décolp- 
rantj  dans  toutes  les  compositions  de  verres  à  vitres 
ou  Â  glaces,  il  me  paraît  difficile  de  ne  pas  attribuer 


52  LE    VERRE. 

au  manganèse  un  rôle,  si  mal  connu  qu'il  soit  encore, 
dans  ce  changement  de  couleur;  la  teinte  verte  du 
verre  normal  étant  atténuée  par  la  lumière,  la  couleur 
violacée  due  au  manganèse  devient  prédominante. 

Action  de  l'eau  sur  les  verres. 

Les  verres  sont  des  mélanges  ou  des  combinaisons 
de  deux  silicates  au  moins  :  un  silicate  alcalin,  et  un 
silicate  terreux  ou  plombeux.  Le  premier  serait  dis- 
sous ou  attaqué  par  Teau,  s'il  était  seul;  associée 
Tautre,  il  n'est  soluble  qu'autant  qu'il  existe  en  quan- 
tité prédominante. 

Tous  les  objets  en  verre  qu'on  fabrique  aujourd'hui 
résistent  à  l'action  de  l'eau  froide.  Mais  il  n'en  a  pas 
toujours  été  ainsi.  Il  n'était  pas  rare  de  rencontrer 
autrefois  des  gobelets  qui  se  ternissaient  par  suite 
de  l'humidité  qu'ils  empruntaient  à  l'air,  et  même 
qui  s'emplissaient,  à  la  longue,  d*une  dissolution 
concentrée  de  carbonate  de  potasse;  on  sait  que  ce 
sel  est  très-avide  d'eau  et  déliquescent.  Ces  verres 
étaient  le  résultat  d'une  fabrication  défectueuse,  dans 
laquelle,  pour  économiser  le  combustible,  pour 
rendre  le  travail  plus  prompt  et  plus  facile,  ou 
par  ignorance,  on  exagérait  la  dose  de  fondant  alcalin. 
Presque  tous  les  objets  en  verre  dont  la  fabrica- 
tion remonte  à  une  époque  reculée  ont  subi,  de  la  part 
du  temps  et  de  l'humidité,  une  altération  très-mar- 
quée. Les  lacrymatoires,  les  fioles,  les  urnes,  tous  les 
verres  antiques  qu'on  trouve  dans  les  tombeaux  des 
anciens  Romains  et  des  Gaulois  présentent  un  aspect 


ACTION   DE   L'EAU.  53 

chatoyant,  nacré,  irisé,  avec  des  reflets  parfois  très- 
vifs  et  très*b  ri  liants,  comme  ceux  des  bulles  de 
savon  ou  des  ailes  de  quelques  espèces  de  papillons. 
Il  en  est  de  même  des  carreaux  de  vitre  de  fabrication 
plus  moderne  qui  existent  aux  fenêtres  des  étables, 
des  écuries,  c'est-à-dire  des  locaux  qui  sont  exposés  , 
tout  à  la  fois  à  une  humidité  persistante  et  à  une 
température  assez  élevée.  Les  écailles  irisées  qu'on 
en  détache  facilement  par  le  plus  léger  frottement 
sont  formées  par  un  mélange  de  silice  et  de  silicates 
terreux  :  le  silicate  alcalin  a  disparu.  Ce  dédouble- 
ment est  analogue  à  celui  qu'a  subi  le  feldspath 
(silicate  de  potasse  et  d'alumine)  lors  de  sa  trans- 
formation en  kaolin. 

L'analyse  suivante,  faite  par  M.  Hausmann,  d'un 
verre  antique  dont  une  partie  était  encore  intacte,  tan- 
dis que  l'autre,  détachée  par  le  frottement,  était  dé- 
composée, établit  clairement  ce  mode  d'altération  : 


Silice  .  .  • 
Alumine  .  . 
Chaux  .  .  . 
Magnésie*  . 
Oxyde  do  fer 
Soude  .  .  . 
Potasse.  .  . 
Eau  .... 


Partie 

Partie 

intacte. 

altérée. 

59,2 

48,8 

5,6 

3,4 

7,0 

11,3 

1.0 

6,8 

2,5 

11,3 

21,7 

0,0 

3,0 

0,0 

0,0 

19,3 

100,0       100,9 


Les  verres  fabriqués  en  vue  des  besoins  de  l'op- 
tique, le  flint'-glass  et  le  crown-gldss^  qui  exigent  une 
transparence  et  une  limpidité  exceptionnelles,  con- 


54  LE    VERRE. 

tiennent  souvent  une  proportion  exagérée  d*alcalisqui 
les  rend  humides  à  la  surface,  et  qui,  à  la  longue,  dé- 
truit leur  transparence  et  amène  l'altération  des  forines 
qu'ils  ont  reçues.  Des  disques  de  crown-glass,  étant 
empilés,  se  soudent  quelquefois  très-solidement  les 
uns  aux  autres  par  sui  te  du  silicate  de  potasse  qu'ils  ren- 
ferment en  trop  grande  quantité;  ce  sel  attire  l'humi- 
dité de  l'air  et  détermine  l'adhérence  de  ces  objets. 

4 

Les  glaces  sont  loin  d'être  toujours  exemptes  de 
cette  cause  d'altération.  On  en  trouvait  beaucoup 
dans  le  commerce,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  qui 
se  recouvraient  de  petits  cristaux  aiguillés  de  carbo- 
nate de  soude;  elles  avaient  l'inconvénient  de  ressuer» 
Les  glaces  anglaises  qui  figuraient  à  l'Exposition  de 
Londres  de  1851  offraient  toutes  ce  défaut  d'une  ma- 
nière très-marquée,  malgré  la  précaution  qu'on  avait 
de  les  nettoyer  fréquemment.  Aujourd'hui  même  il 
est  rare  de  rencontrer  une  glace  qui,  exposée  long- 
temps dans  un  endroit  humide,  ne  bleuit  pas  un 
papier  rouge  de  tournesol  qu'on  promène  mouillé 
sur  sa  surface. 

Il  convient  d'ailleurs  de  faire  cette  remarque  que, 
bien  que  les  verres  antiques  présentent  quelquefois 
la  même  composition  que  les  verres  qu'on  fabrique 
actuellement,  il  n'en  résulte  pas  que  les  matières  pre- 
mières employées  pour  les  faire  étaient,  quant  aux 
proportions,  celles  dont  on  se  sert  aujourd'hui.  I^s 
mauvais  verres  ont  disparu  sous  l'influence  destruc- 
tive du  temps;  ceux  qui  ont  résisté  contenaient,  d'une 
façon  toute  accidentelle,  les  éléments,  notamment  la 
chaux ^  qui  ont  assuré  leur  conservation.  Jusqu'au 


ACTION   DE   L'EAU.  55 

commencement  de  ce  siëcle,  la  plupart  des  composi-^ 
lions  qu'on  trouve  dans  les  traités  spéciaux  ne  sont 
formées  que  de  sable  et  d'alcali  (soude  ou  potasse). 
La  connaissance  plus  exacte  de  la  nature  des  fon- 
dants alcalins,  et  surtout  la  substitution  des  sels  de 
soude  fournis  par  le  procédé  de  Leblanc  aux  soudes 
naturelles  de  composition  très-variable  qu'on  em- 
ployait sous  les  noms  de  roquette^de  soudes  d'Espagne^ 
de  barille^  de  natron^  etc.,  ont  beaucoup  amélioré 
l'industrie  verrière.  Dans  les  anciennes  formules,  il 
n'est  pas  question  de  chaux,  corps  qui  donne  au 
verre  sa  solidité  et  son  inaltérabilité  relatives.  La 
chaux  se  trouvait  dans  le  sable  ou  dans  le  fondant 
alcalin,  mais  en  quantité  très-variable  et  trop  petite 
le  plus  souvent  pour  donner  de  bons  produits.  Aussi 
l'altération  de  presque  toutes  les  espèces  de  verre 
dont  la  fabrication  remonte  à  deux  ou  trois  siècles 
est  évidente;  c'est  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer 
la  disparition  à  peu  près  complète  des  vitraux  anté- 
rieurs au  XII*  siècle  ;  ceux  des  siècles  suivants  ont 
plus  ou  moins  résisté  et  ont  acquis  par  l'action  du 
temps  une  sorte  de  patine  qui  ajoute,  dans  une  cer- 
taine mesure,  à  leur  valeur  artistique. 

L'action  destructive  de  l'eau  sur  les  verres,  qui  a 
été  récemment  l'objet  des  études  de  plusieurs  chi- 
mistes, n'avait  nullement  échappé  aux  anciens  obser- 
vateurs :  l'un  d'eux,  le  plus  célèbre,  Bernard  Palissy, 
en  parle  dans  les  termes  suivants  dans  un  livre 
publié  en  Tannée  1563  : 

«...  Tu  ne  dois  donc  pas  trouuer  estrange,  si  ie 
t'ay  dit  que  les  cailloux  qui  sont  transparens  comme 


56  LB    VBRBE. 

verres,  sont  congelez  par  le  sel.  Et  quand  à  ce  que 
ie  t'ay  dit,  qu'aucunes  pierres  se  consomment  à  l'hu- 
midité de  l'air,  ie  te  dis  i  présent,  non-seulement 
les  pierres,  mais  aussi  le  verre,  auquel  il  y  a  une 
grande  quantité  de  sel  ;  et  qu'ainsi  ne  soit,  tu  trou- 
nerasès  temples  de  Poitou  et  de  Bretagne,  un  nombre 
infini  de  vitres,  qui  sont  incisées  par  ie  tlehors,  par 
l'iniure  du  temps;  et  les  vitriers  disent  que  la  Lune 
a  ce  fait,  mais  ils  me  pardonneront  :  car  c'est  l'hu- 
midité des  pluyes  qui  a  fait  dissoudre  quelque  partie 
du  sel  dudit  verre  *.  » 

Si  l'eau  froide  a  peu  d'action  sur  les  objets  de 
gobeleterie  qu'on  fabrique  aujourd'hui,  il  n'en  est 
pas  de  même  de  l'eau  bouillante.  Les  matras  en  verre 
dans  lesquels  nous  faisons  chauffer  l'eau  dans  nos 
laboratoires  se  dépolissent  assez  rapidement,  par 
suite  de  la  dissolution  partielle  du  silicate  alcalin.  Il  y 
a  moins  d'un  siècle,  un  chimiste  ayant  prétendu  que 
l'eau,  par  une  distillation  répétée  un  grand  nombre 
de  fois,  se  changeait  en  terre,  Lavoisier  soumit  à  des 
distillations  et  à  des  condensations  successives  la 
même  eau  dans  un  alambic  en  verre  ;  il  constata,  à  la 
suite  d'une  expérience  qui  ne  dura  pas  moins  de  cent 
et  un  jours,  que  ce  vase  avait  perdu  environ  i  gramme 
de  son  poids,  et  que  le  résidu  fourni  par  l'évaporation 
de  l'eau  qu'il  renfermait  était  fortement  alcalin,  par 
suite  de  l'altération  que  le  verre  avait  subie.  Malgré 

4.  Récepte  véritable  par  laquelle  iom  les  hommes  de  la  France 
pourront  apprendre  à  multiplier  et  à  augmenter  leurs  thrésors,  etc., 
par  maistre  Bernard  Palissy,  ouurier  en  terre  et  inuenteur  des 
rustiques  figulines  du  Roy-  (Edition  de  Cap.,  p.  50). 


ACTION   DB    L'EAU.  57 

les  progrès  réalisés  dans  l'art  de  la  verrerie,  si  la 
même  expérience  était  faite  aujourd'hui,  elle  donne- 
rait encore  le  même  résultat. 

Le  yerre  en  poudre  est  surtout  très-facilement 
altéré  par  l'eau  chaude.  Dès  Tannée  1768,  Cadet  avait 
observé  que  les  verres,  alors  même  qu'ils  sont  de  la 
meilleure  qualité,  sont  décomposés  par  l'eau  quand 
ils  sont  pris  dans  un  grand  état  d'atténuation^  c'est-à« 
dire  réduits  en  poudre  fine.  Un  chimiste  anglais, 
Griffiths,  a  retiré  7  7o  de  potasse  d'un  échantillon  de 
cristal  pulvérisé  qu'il  avait  fait  bouillir  '  avec  de 
l'eau  pendant  plusieurs  semaines. 

M.  Pelouze  a  publié  en  1856  un  travail  important 
sur  ce  sujet  :  il  a  montré  que  du  verre  blanc  porphy- 
risé,  formé  pour  100  parties  de  : 

Silice 72 

Soude 12,5 

Chaux 15,5 

perd  10  7o  ^^  son  poids,  par  suite  d'une  simple 
ébuUition  avec  l'eau. 

Un  autre  verre  plus  alcalin,  renfermant  : 

silice 77,3 

Soude 16,3 

Chaux 6,ti 

a  subi  dans  les  mêmes  conditions  une  altération  si 
profonde,  que  34  parties  de  ce  verre  sur  100  ont  été 
détruites.  M.  Pelouze  a  obtenu  ainsi  une  dissolution 
de  silicate  de  soude  et  un  mélange  insoluble  de  silice 
et  de  verre  non  encore  altéré. 


58  LE   YERRB. 

Cette  action  dépend  essentiellement  des  points 
de  contact  plus  ou  moins  multipliés  entre  Teau  et  le 
verre;  ainsi,  tandis  que  l'eau  froide  ou  bouillante 
n'altère  qu'avec  lenteur  les  vases  de  verre,  elle 
décompose  très-facilement  ce  même  verre,  après 
qu'il  a  été  réduit  en  poudre  :  une  fiole  d'un  demi- 
litre  de  capacité  a  perdu  à  peine  un  décigramme, 
après  qu'on  y  a  fait  bouillir  de  l'eau  pendant  cinq 
jours  :  en  pulvérisant  le  col  de  cette  même  fiole  et 
en  faisant  bouillir  cette  poudre  dans  le  même  vase 
pendant  Ife  même  temps,  celle-ci  a  subi  une  décom- 
position  qui  représentait  le  tiers  de  son  poids.  D'un 
autre  côté,  un  flacon  qui  aurait  contenu  de  l'eau  pen- 
dant des  années  sans  éprouver  une  perte  susceptible 
d'être  accusée  par  la  balance  subit,  étant  pulvérisé, 
parle  simple  contact  de  l'eau  froide  pendant  quelques 
minutes,  une  décomposition  qui  représente  2  à  3  7o 
de  son  poids. 

Enfin,  en  chauffant  sous  pression,  à  une  tempéra- 
ture de  300%  des  tubes  de  verre  en  présence  de  l'eau, 
M.  Daubrée  a  vu  cette  substance  se  transformer  en 
une  matière  fibreuse,  ayant  la  composition  de  la  wol- 
lastonite  (silicate  de  chaux). 

Toutes  les  sortes  de  verres  en  poudre  absorbent 
peu  à  peu  l'acide  carbonique  de  l'air  et  font  efferves- 
cence quand  on  les  met  en  contact  avec  un  acide. 
Tous  bleuissent,  en  poudre  fine,  le  papier  rouge  de 
tournesol.  Sous  l'influence  de  l'humidité,  le  silicate 
alcalin,  devenu  libre,  est  décomposé  par  l'acide  car- 
bonique qu'il  emprunte  à  l'air. 

En  contact  avec  une  dissolution   bouillante  de 


ACTION   DES   ACIDES   ET   DES   ALCALIS.         69  ^ 

sulfate  de  chaux,  les  verres  à  glaces  et  à  vitres 
donnent  du  sulfate  de  soude  qui  se  dissout  et  du  sili- 
cate de  chaux  (M.  Pelouze). 

Action  des  acides  et  des  alcalis. 

Les  verres  qui  sont  attaqués  par  Teau  sont  à  plus 
forte  raison  attaqués  par  les  acides,  même  par  les 
acides  faibles  et  dilués. 

Le  verre  pulvérisé  est  très-altérable  par  son  con- 
tact avec  l'acide  chlorhydrique  étendu  d'eau,  à  chaud 
et  même  à  la  température  ordinaire.  Il  en  est  de 
même  du  cristal  en  poudre  qui  donne  immédiate- 
ment une  liqueur  qui,  contenant  du  plomb,  noircit 
par  raddition  de  l'acide  sulfhydrique  (M.  Pelouze). 

Parmi  les  différentes  espèces  de  verre,  le  verre  à 
bouteille  est  celui  qui  résiste  le  moins  à  l'action 
des  acides.  La  nécessité  de  le  produire  au  meil- 
leur  marché  possible  oblige  à  y  introduire  une  forte 
proportion  de  bases;  aussi  la  plupart  des  bouteilles 
sont  attaquées  par  les  acides.  Introduisez  de  l'acide 
sulfurique  concentré  dans  une  bouteille  ordinaire, 
et  après  un  temps  plus  ou  moins  long,  vous  verrez 
souvent  s'y  développer  des  concrétions  mamelonnées 
de  sulfate  de  chaux,  en  même  temps  que  l'alumine, 
le  fer  et  l'alcali  du  verre  se  dissoudront  dans  l'acide, 
et  que  la  silice  se  déposera  sous  forme  de  gelée.  Peu 
de  bouteilles  d'ancienne  fabrication  résistent  à  cette 
épreuve;  beaucoup  sont  attaquées  par  les  acides  mi- 
néraux concentrés  et  résistent  à  l'action  des  acides 
dilués.  On  en  rencontre  même  que  le  bitartrate  de 


\ 

'v 


60  LE  VERRE. 

potasse  contenu  dans  le  vin  attaque  d'une  manière 
sensible.  La  silice  et  le  tartrate  de  chaux  se  déposent 
et  le  vin  prend  en  même  temps  une  saveur  d*encre 
marquée,  par  suite  de  la  dissolution  de  Talumine  et 
du  fer  :  aussi  le  vin  se  trouble  et  se  décolore. 

Quand  la  qualité  de  la  bouteille  est  meilleure,  ces 
effets  se  produisent  encore  à  la  longue,  et  je  suis 
disposé  à  croire  que  les  modifications  que  le  vin  subit 
quand  on  le  conserve  longtemps  en  bouteille,  quand 
il  vieillit,  quand  il  se  dépouille,  ne  sont  pas  étran- 
gères, dans  beaucoup  de   cas,  à   la  nature   de  la 
bouteille  elle-même.  Ainsi  la  décoloration  plus  ou 
moins  rapide  du  vin  serait  due,  maintes  fois,  à  la  pro- 
duction d'une  sorte  de  laque  fournie  par  la  silice 
gélatineuse  et  la  matière  colorante  du  vin.  La  faculté 
bien  connue  qu'ont  certains  vins  blancs  de  noircir, 
quand  ils  séjournent,  même  pendant  peu  d'instants, 
dans  le  verre  à  boire,  pourrait  être  attribuée  à  une 
cause  analogue;  en  effet,  les  vins  blancs  contiennent 
du  tannin,  et  sous  l'influence  d'une  petite  quantité 
de  fer  empruntée  à  la  bouteille*  ils  se  coloreraient  au 
contact  de  l'oxygène  de  l'air  par  suite  de  la  produc- 
tion d'une  trace  de  tannate  de  peroxyde  de  fer,  qui 
est,  comme  on  sait,  le  principe  colorant  de  l'encre  à 
écrire.  Dans  la  bouteille  bouchée,  le  vin  ne  noircit  pas, 
parce  que  le  sel  de  fer  reste,  dans  une  atmosphère 
privée  d'oxygène,  à  l'état  de  tannate  de  protoxyde. 
Ceci  n'est  d'ailleurs  qu'une  présomption  qui  aurait 
besoin  d'être  appuyée  par  des  expériences  directes. 

Quoi  qu'il  en  soit  à  cet  égard,  certaines  bou- 
teilles sont  très-rapidement  attaquées  par  toutes  les 


ACTION   DES   ACIDES   ET   DES   ALCALIS.         61 

liqueurs  acides.  J'ai  eu  occasion  d'examiner,  il  y  a 
une  vingtaine  d'années,  des  bouteilles  à  vin  de  Cham- 
pagne, en  apparence  d'une  bonne  fabrication,  mais 
en  réalité  tellement  mauvaises  que  le  vin  s'y  altérait 
profondément  au  bout  de  quelques  jours  :  de  l'eau 
contenant  seulement  4  7o  d'acide  sulfurique  y  pro- 
duisait du  jour  au  lendemain  une  épaisse  croûte  de 
sulfate  de  chaux  cristallisé  et  une  dissolution  de  sul- 
fates de  fer,  d'alumine  et  de  potasse.  Cet  examen 
était  fait  à  l'occasion  d'une  discussion  entre  un  fabri- 
cant de  vin  de  Champagne  se  plaignant  des  bou- 
teilles /ju'on  lui  livrait  et  un  fabricant  de  bouteilles 
qui  attribuait  à  la  mauvaise  nature  du  vin  l'altération 
que  le  liquide  de  son  client  subissait  si  rapidement 
dans  les  vases  qu'il  lui  avait  fournis. 

Ce  verre,  dont  j'ai  conservé  un  échantillon  très- 
altéré,  est  ainsi  composé  : 

Silice 64,56 

Chaux 18,20 

Alumine 10,43 

Protoxyde  de  fer 1,86 

Magnésie 0,51 

Potasse 1,37 

Soude 13,07 

100,00 

La  forte  proportion  de  ces  bases  multiples  explique 
Faction  énergique  que  les  acides  les  plus  faibles 
exercent  sur  ce  verre. 

Les  objets  fabriqués  en  cristal  résistent  assez 
bien  à  l'action  de  l'eau  et  des  acides;  mais  les 
dissolutions  fortement  alcalines  qu'on  conserve  dans 


61  LE   VERRE. 

des  flacons  de  cristal  leur  empruntent  de  l'oxyde  de 
plomb;  les  sulfures  alcalins  y  donnent  toujours  à' la 
longue  un  dépôt  noir  de  sulfure  de  plomb.  On  sait 
dans  tous  les  laboratoires  de  chimie  avec  quelle  rapi- 
dité se  soudent  les  bouchons  rodés  à  Témeri  des  fla- 
cons dans  lesquels  on  a  mis  des  dissolutions  de 
potasse  ou  de  soude  caustique.  Cet  eOet  est  dû  à  la 
formation  d'un  silicate  soluble  alcalin,  qui  jouit  de 
propriétés  adhésives  très-marquées. 

Obligés  de  conserver  leurs  réactifs  dans  des  vases 
en  verre,  les  chimistes  doivent  choisir  de  préférence 
des  flacons  en  verre  peu  fusible  et  exempt  de  plomb, 
ainsi  que  M.  Chevreul  leur  en  a  depuis  longtemps 
donné  le  conseil  :  ils  doivent,  de  plus,  porter  cons- 
tamment leur  attention  sur  les  matières  qui  peuvent 
être  empruntées  aux  vases  par  les  dissolutions  dont 
ils  font  usage,  de  manière  à  ne  pas  confondre  ces 
substances  avec  celles  dont  ils  cherchent  à  con- 
stater la  présence. 

Action  de  l'acide  fluorhydrique  sur  le  verre. 

Gravure  chimique.  —  L'acide  fluorhydrique  exerce 
sur  les  silicates  une  action  spéciale  qu'on  met  à  profit 
pour  la  gravure  sur  verre.  On  l'emploie  également 
pour  faire,  à  l'aide  de  procédés  aussi  sûrs  que  faciles 
à  exécuter,  l'analyse  des  difl'érentes  sortes  de  verre. 

Le  procédé  ordinaire  pour  préparer  cet  acide  con- 
siste à  chauQer  dans  une  cornue  en  plomb  une  partie 
de  fluorure  de  calcium  pulvérisé  et  trois  parties  et 
demie  d'acide  sulfurique  concentré;  l'acide  fluorby- 


ACTION  DE  L'ACIDE   FLUORHYDRIQUE.  63 

drique,  condensé  dans  un  récipient  en  plomb  con- 
tenant une  cerlaine  quantité  d'eau,  est  conservé 
dans  une  l^outeiile  faite  avec  le  même  métal  ou  en 
gutta-percha.  Le  verre  à  graver  reçoit  sur  une  de 
ses  faces  un  enduit  de  cire  et  d'essence  de  téré- 
benthine, de  vernis  de  graveur  ou  d'huile  de  lin  sic- 
cative. On  fait  le  dessin  avec  une  pointe,  comme 
pour  la  gravure  à  l'eau-forte;  la  transparence  du 
vernis  à  Thuile  de  lin  en  permet  facilement  le  décal- 
quage. Le  côté  couvert  de  vernis  étant  entouré  d'un 
bourrelet  de  cire,  on  fait  mordre  l'acide  sur  le  verre 
pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  selon  la  pro- 
fondeur des  tailles  qu'on  veut  obtenir.  Un  lavage 
à  l'eau,  puis  à  l'essence  ou  à  l'alcool,  enlève  la  cire 
ou  le  vernis. 

Comme  l'acide  n'attaque  que  les  parties  qui  ont 
été  dénudées  par  le  burin,  le  verre  de  couleur  à  deux 
couches  permet  de  produire  très-facilement  des  des- 
sins blancs  sur  un  fond  coloré,  lorsque  ce  fond  a  été 
protégé  par  une  réserve. 

Jusque  dans  ces  derniers  temps,  la  gravure  était 
faite  dans  les  verreries  au  moyen  de  meules  verticales 
mues  par  le  pied  de  l'ouvrier.  Ce  genre  de  gravure, 
qui  n'est  qu'une  sorte  de  taille,  permet  de  faire  des 
dessins  présentant  d'autant  plus  de  relief  et  de  modelé 
que  le  verre  est  plus  creusé  :  c'est  la  gravure  artis- 
tique. Aujourd'hui,  l'industrie  verrière  est  en  posses- 
sion d'un  procédé,  la  gravure  chimique^  qui,  par  la 
rapidité  de  sa  mise  en  œuvre,  présente  des  res- 
sources infinies  pour  la  décoration  d'une  foule  d'ob- 
jets qui  peuvent  être  livrés  à  très-bas  prix  ;  aussi 


6i  LE    VERRE. 

remploi  de  l'acide  fluorhydrique  pour  graver  le 
verre  et  les  cristaux,  longtemps  confiné  dans  les 
laboratoires,  est  devenu  une  opération  industrielle 
très-digne  d'intérêt.  C'est  par  ce  mode  de  gravure 
qu'on  décore  aujourd'hui  beaucoup  de  cristaux  à 
Baccarat  et  à  Saint-Louis. 

On  doit  à  M.  Kessler  les  procédés  d'impressioQ 
et  de  décalque  qui  sont  employés  dans  ces  établisse- 
ments, ainsi  que  la  fabrication  de  l'acide  fluorhy- 
drique par  des  procédés  plus  pratiques  que  ceux  dont 
on  se  servait  jusqu'alors.  MM.  Tessié  du  Motay  et  Maré- 
chal ont  aussi  fait  usage  de  cet  acide  dans  la  célèbre 
manufacture  de  vitraux  de  M.  Maréchal,  de  Metz. 

MM.  Dopter,  Â.  Gugnon  et  Bitterlin  produisent 
des  glaces  et  des  verres  gravés  fort  employés  pour  la 
décoration  des  devantures  de  magasins,  des  cafés, 
des  établissements  de  bouillon;  on  s'en  sert  pour 
les  fenêtres  d'escaliers  dans  les  habitations  somp- 
tueuses, concurremment  avec  le  verre  émaillé,  dit 
verre  mousseline.  Les  plafonds  lumineux  des  théâtres 
Lyrique,  du  Châtelet,  de  la  Gaité,  etc.  ont  été  exécu- 
tés par  M.  Bitterlin. 

Pour  produire  industriellement  l'acide  fluorhy- 
drique, M.  Kessler  a  substitué  à  la  cornue  en  plomb 
des  laboratoires  un  cylindre  horizontal  en  fonte  dans 
lequel  on  introduit  le  fluorure  de  calcium  en  poudre 
et  l'acide  sulfurique.  On  détermine  la  densité  de 
l'acide  sulfurique  au  moyen  d'un  aréomètre  en 
platine.  100  kilogrammes  de  spath-fluor  et  80  kilo- 
grammes d'acide  sulfurique  concentré  produisent  50 
à  55  kilogrammes  d'acide  à  âO^  L'acide  fluorhydrique 


ACTION   DE    L'ACIDE    FLUORHYDRIQUE .  6S 

qui  se  dégage  est  condensé  dans  des  récipients  en 
plomb,  ei  expédié  dans  des  vases  en  gutta-percha. 
M.  Kessier  emploie  aussi,  pour  le  transport  de  cet 
acide,  des  vases  spéciaux  composés  de  deux  tonneaux 
en  bois  goudronnés,  séparés  l'un  de  l'autre  par 
un    intervalle   dans    lequel   on   coule   du    bitume. 

A  Saint-Louis,  on  pré- 
pare l'acide  qu'on  con- 
somme en  quantité  assez 
considérable  (environ  kOO 
kilogrammes  par  mois)  au 
moyen  d'une  cornue  en 
fonte  dont  la  construction 
est  due  à  M.  Tessié  du 
Motay.  Je  dois  à  l'obli- 
geance de  M.  Didierjean 
le  dessin  de  cet  appareil 
(f.g.  9). 

La  cornue  est  chargée 
avec  un  mélange  pâteux 
composé  de  100  parties  de 
fluorure  de  calcium  pulvérisé,  de  170  de  sulfate  de 
chaux  et  de  200  d'acide  sulfurîque  à  60'  Beaumé. 
On  chauffe  jusqu'à  ce  qu'on  ait  atteint  progressive- 
ment la  température  du  rouge  sombre.  L'acide  est 
condensé  au  moyen  d'un  serpentin  en  plomb  entouré 
d'eau  froide  et  conservé  dans  des  vases  de  plomb  ou 
de  gutta-percha.  Lorsque  la  distillation  est  terminée, 
on  laisse  refroidir  l'appareil  et  on  y  fait  passer  un 
courant  de  vapeur  par  le  tube  en  fer  a  pour  chasser 
les  vapeurs  acides  qui  restent  encore  dans  la  cornue. 

Pbligot,  Lt  Vtrri.  S 


Ftg.  9. 


66  L£    VERRE. 

Le  chapiteau  étant  enlevé,  on  retire  à  la  pelle  la  pâte 
qui  reste  au  fond  de  la  cucurbite.  Le  sulfate  de 
chaux  a  pour  effet  de  préserver  la  cornue  d'une 
altération  trop  rapide. 

L'acide  qu'on  prépare  ainsi  marque  20°  au  pèse- 
acide  :  il  contient  environ  400  grammes  d'acide  fluor- 
hydrique  par  litre.  Pour  la  gravure  mate,  on  emploie 
une  dissolution  de  fluorure  de  sodium  légèrement 
acidulée. 

Le  procédé  de  décalque  de  M.  Kessler  a  permis 
d'exécuter  la  gravure  chimique  à  un  prix  très-réduit 
On  imprime  un  dessin  sur  une  feuille  de  papier 
mince  avec  une  encre  grasse  ;  cette  feuille  est  mouil- 
lée et  appliquée  sur  le  verre  à  graver;  l'encre  adhère 
au  verre  et  le  papier  se  détache  avec  une  extrême 
facilité  '. 

Le  procédé  se  compose  de  trois  parties  princi- 
pales :  !•  de  la  confection  de  la  planche  d'impression  ; 
2°  de  la  fabrication  et  de  l'emploi  de  l'encre  ;  3**  du 
décalque  de  l'épreuve.  La  morsure  à  l'acide  n'offre 
rien  de  particulier. 

Un  dessin  est  fait  sur  une  .pierre  lithographique 
avec  du  bitume  dissous  dans  l'essence  de  térében- 
thine; on  verse  sur  cette  pierre  de  l'acide  chlor- 
hydrique  qui  la  creuse  partout  où  elle  n'est  pas 
couverte  de  cette  réserve.  Lorsque  la  morsure  est 
suffisamment  profonde,  ayant  0,5  à  0,75  de  milli- 
mètre, on  nettoie  la  pierre  à  l'essence.  L'encre  avec 
laquelle  on  imprime,  après  avoir  été  étendue  sur  la 

1.  Turgan,  Grandes  Usines,  cristallerie  de  Baccarat,  t.  ni,p.309. 


ACTION  DE  L'ACIDE   FLUORHYDRIQUE.  67 

pierre,  doil  pouvoir  être  coupée  par  la  racle  sans 
laisser  des  bavures  qui  saliraient  les  reliefs.  Elle  est 
composée  de  trois  parties  de  bitume,  deux  parties 
d'acide  stéarique,  et  trois  parties  d'essence  de  térében- 
thine. Elle  est  faite  à  chaud,  en  remuant  sans  cesse, 
afin  de  troubler  la  cristallisation  de  l'acide  stéarique. 

Le  dessin  est  imprimé  sur  un  papier  pelure  glacé 
qu'on  étend  sur  la  pierre;  toute  la  surface  de  celle-ci 
a  été  préalablement  couverte  avec  l'encre,  puis  raclée 
de  manière  à  découvrir  les  parties  planes  et  à  laisser 
les  parties  creuses  bien  remplies.  Sur  la  feuille  de 
papier,  on  pose  une  feuille  de  caoutchouc  vulcanisé, 
puis  plusieurs  doubles  de  flanelle.  La  pression  est 
donnée  comme  dans  les  presses  lithographiques 
ordinaires;  puis  l'épreuve  est  détachée  avec  soin, 
plongée  pendant  quelques  instants  dans  de  l'eau  froide 
contenant  un  quart  ou  un  sixième  d'acide  chlorhy- 
drique  ;  quand  elle  est  imbibée,  on  la  passe  rapide- 
ment à  la  surface  d'un  bain  d'eau  tiède,  de  manière  à 
ramollir  Tencre  et  à  rompre  son  adhérence  au  papier. 

Pour  décalquer,  l'épreuve  étant  appliquée  du  côté 
imprimé  sur  la  pièce  de  verre,  on  enlève  le  papier. 
La  morsure  au  moyen  de  l'acide  fluorhydrique  se  fait 
quelques  heures  après,  lorsque  l'encre  est  redevenue 
bien  solide  ;  les  parties  où  le  verre  est  à  nu  sont  seules 
attaquées  :  après  cette  opération,  la  réserve  est  enle- 
vée soit  par  le  frottement,  soit  avec  des  essences. 

En  se  servant  de  planches  de  métal  gravées  en 
taille -douce  ou  de  clichés  galvanoplastiques  ana- 
logues aux  clichés  d'impression,  on  obtient  des  des- 
sins plus  fins  qu'avec  la  pierre  lithographique. 


68  LE  VERRE. 

La  morsure  du  verre  se  produit  dans  des  cuves 
en  gutta- percha  qui  résistent  parfaitement  à  l'ac- 
tion de  l'acide  fluorydrique.  Pour  les  objets  plats, 
on  les  laisse  séjourner  dans  l'acide  pendant  un 
temps  plus  ou  moins  long,  en  les  retirant  de  temps 
à  autre  pour  constater  l'action  plus  ou  moins  pro- 
fonde du  liquide  corrosif;  les  pièces  creuses,  telles 
que  les  verres  à  boire,  les  globes  de  lampe,  les 
vases,  etc.,  sont  bouchées  avec  une  ou  deux  pièces 
de  bois  arrondies,  de  diamètre  convenable  pour  clore 

l'ouverture;  elles  sont  fixées  au  moyen  d'un  mé- 

• 

lange  de  trois  parties  de  résine,  deux  parties  de  cire 
jaune,  une  partie  de  suif  et  une  partie  de  poix  noire; 
c'est  la  cire  à  border  qu'on  prépare  en  fondant  ces 
matières  et  qu'on  applique  comme  lut  avec  les  doigts 
enduits  de  suif.  Chaque  pièce  de  bois  est  munie  à 
son  centre  d'une  tige  qui  lui  sert  de  pivot  et  qui 
permet,  au  moyen  de  poulies  et  par  des  transmissions 
de  mouvement,  de  donner  au  verre  plongé  dans  le 
bain  acide  un  mouvement  lent  de  rotation,  continué 
pendant  deux  ou  trois  heures,  la  pièce  étant  mainte- 
nue dans  une  position  oblique. 

Les  objets  en  verre  gravés  offrent  des  dessins 
mats  ou  transparents;  dans  l'origine,  les  effets  du 
mat  ou  du  dépoli  n'étaient  produits  que  par  les  an- 
ciens procédés  de  la  gravure  du  verre,  c'est-à-dire 
par  la  roue  de  tailleur.  M.  Kessler  est  arrivé  à  ob- 
tenir la  gravure  mate  en  substituant  à  l'acide  fluor- 
hydrique  un  mélange  de  fluorure  de  potassium  ou 
de  sodium  et  d'acide  chlorhydrique  ou  d'acide  acé- 
tique   très-dilué.   On   se    sert    même    aujourd'hui 


ACTION  DE  L'ACIDE   FLUORHYDRIQUE.  69 

dans  ce  but  de  ce  dernier  acide  et  du  fluorure  de 
calcium  artificiel. 

Pour  la  gravure  mate,  on  ne  fait  pas  tourner  les 
pièces  dans  le  bain  acidulé  :  c'est,  en  effet,  d'après 
M.  Kessler,  le  dépôt  de  cristaux  plus  ou  moins  volu- 
mineux de  fluosilicates  alcalins  qui,  produisant  des 
interstices,  est  la  cause  de  la  corrosion  inégale  de  la 
surface  du  verre;  ces  cristaux  disparaissent  ensuite 
par  le  lavage.  De  même  que  dans  la  gravure  au 
moyen  du  sable,  cette  succession  de  petits  points  en 
relief  et  en  creux  produit  le  mat. 

Ainsi  qu'on  le  fait  depuis  longtemps  pour  les  verres 
à  vitre  plaqués,  c'est-à-dire  formés  d'une  double 
couche,  l'une  incolore,  l'autre  colorée,  la  gravure 
chimique  se  prête  à  la  décoration  des  cristaux  à 
deux,  trois  et  quatre  couches  de  verres  de  couleur 
superposées,  en  enlevant  une  couche  par  l'acide 
fluorhydrique  et  en  respectant  l'autre  ou  les  autres. 
L'action  plus  ou  moins  prolongée  de  l'acide  permet, 
en  outre,  en  présence  des  parties  réservées,  d'ob- 
tenir des  dégradations  de  teintes.  Ce  mode  de  déco- 
ration a  beaucoup  contribué  à  répandre  le  goût  et 
Fusage  des  verres  gravés  dont  le  prix  était  fort  élevé 
lorsque  la  gravure  était  faite  exclusivement  par  des 
moyens  mécaniques. 

Un  procédé  qu'on  doit  à  M.  Dopter  permet  de 
reproduire  fidèlement  des  dessins  originaux,  tels 
qu'ils  ont  été  faits  par  la  main  de  l'artiste  ;  ces  des- 
sins, reportés  sur  la  pierre  lithographique,  sont 
tirés  à  la  manière  ordinaire,  à  l'aide  d'une  encre 
composée  de  bitume  et  de  cire. 


70  LE   VEHRE. 

Pour  préparer  une  épreuve,  on  coule  sur  un  papier 
non  collé  une  substance  de  la  nature  du  collodion;  le 
côté  du  papier  sur  lequel  cette  substance  est  appliquée 
a  été  préalablement  gommé;  puis  on  transporte  sur 
le  collodion  le  dessin  tiré  sur  papier  avec  l'encre 
bitumineuse  dont  il  vient  d'être  question,  l'impres- 
sion étant  appliquée  sur  la  couche  de  collodion. 
Lorsqu'on  plonge  alors  ce  papier  dans  l'eau,  la 
gomme  se  dissout  et,  par  suite,  le  collodion  se 
détache  sous  forme  d'une  pellicule  très-mince  qu'on 
transporte  sur  la  glace  à  graver,  de  manière  à  ce 
que  l'impression  reste  adhérence  au. verre. 

Dans  cet  état,  on  détruit  la  pellicule  de  collodion 
au  moyen  de  l'acide  sulfurique  concentré  qui  la 
désagrège,  tandis'  que  l'encre  bitumineuse  reste  in- 
tacte; la  glace  est  alors  plongée  dans  une  caisse  en 
plomb  contenant  de  l'acide  fluorhydrique  ou  le  mé- 
lange de  fluorures  alcalins  et  d'acide  dont  on  fait 
usage  pour  la  gravure  mate  :  Tattaque  du  verre  se 
fait  dans  toutes  les  parties  non  couvertes  de  cette 
encre.  Comme  le  repérage  est  rendu  facile  par  la 
transparence  de  la  pellicule  de  collodion,  on  peut 
produire  successivement  plusieurs  morsures  et  avoir 
des  gravures  dégradées  à  plusieurs  teintes. 

Ce  procédé  est  très-rapide  ;  un  ouvrier  peut,  dans 
sa  journée,  produire  100  mètres  superficiels  de  des- 
sins gravés;  un  artiste,  par  les  méthodes  ordinaires, 
emploierait  un  ou  deux  mois  pour  faire  un  seul 
mètre  du  même  travail. 


GRAVURE  SUR  TERRE. 


Oravure  du  verre  au  moyen  du  sable. 


Pour  compléter  l'énumération  des  procédés  de 
gravure  du  verre,  il  convient  de  dire  quelques  mots 
d'un  procédé  purement  mécanique  qui  consiste  à 
le  corroder  en  projetant 
du  sable  à  sa  surface  au 
moyen  d'un  jet  d'air  ou 
de  vapeur  :  le  verre  se 
trouve  rapidement  dépoli. 
Ce  fait,  observé  récem- 
ment par  un  Américain, 
Ht.  TUghman,  est  mis  à 
profit  pour  graver  sur  le 
verre  ;  il  est  vraisemblable 
qu'il  se  pliera  k  des  usages 
variés  et  que  plus  tard  il 
remplacera ,  en  partie  , 
la  gravure  Â  la  roue  ou 
même  à  l'acide  fluorhy- 
drique. 

L'appareil  dont  on  se  sert  h  cet  effet  est  très- 
simple  :  c'est  une  trémie  (fig.  10)  contenant  du  sable 
bien  sec  A,  qui  s'écoule  d'une  manière  continue  par 
un  tube  G  dont  on  règle  la  longueur  et  l'inclinaison 
de  manière  à  graduer  à  volonté  la  chute  du  sable  : 
cet  écoulement  se  fait  par  un  tube  étroit  placé  un 
peu  au-dessous  du  tube  qui  amène  le  jet  de  vapeur 
ou  le  vent  d'une  machine  soufflante.  Des  trous  d'air, 
comme  dans  les  trompes,  sont  pratiqués  à  une  petite 


rig.  10. 


7î  LE    VERRE. 

distance  du  tube  qui  amène  le  vent.  Le  sable,  en- 
traîné violemment  par  ce  jet,  est  projeté  avec  force 
sur  le  corps  Ë  qu'on  soumet  à  son  action.  La  (igure  iO 
représente  les  dispositions  d*un  appareil  construit 
par  M.  Hervé-Mangon. 

En  faisant  varier  la  quantité  de  sable,  le  volume 
et  la  vitesse  de  l'air,  ainsi  que  le  diamètre  du  jet, 
on  produit  des  effets  plus  ou  moins  rapides;  il  con- 
vient d'éviter  les  poussières  fournies  par  cette  opéra- 
tion en  enfermant  l'appareil  dans  une  cage  vitrée. 

Des  substances  bien  plus  dures  que  le  verre 
sont  rapidement  corrodées  par  le  sable  ainsi  projeté 

• 

à  leur  surface  :  dans  les  premières  expériences  faites 
à  New- York,  en  employant  une  pression  de  136  kilo- 
grammes, on  a  percé  en  25  minutes  un  trou  de 
0"*,032  de  diamètre  dans  un  bloc  de  corindon  ;  avec 
une  pression  de  li6  kilogrammes,  en  3  minutes,  un 
trou  de  0™,032  de  diamètre  et  de  0™,008  de  profon- 
deur a  été  fait  dans  une  lime  d'acier.  Le  poids  d'un 
diamant  a  été  sensiblement  diminué  en  une  minute 
et  une  topaze  a  été  détruite. 

Pour  le  verre,  il  faut  peu  de  pression  :  le  soufflet 
d'une  lampe  d'émailleur  suffit,  et  on  peut  facilement 
graver,  dans  les  laboratoires,  les  divisions  des  tubes 
gradués,  les  étiquettes  des  flacons,  etc.  Quelques 
minutes  suffisent  pour  dépolir  une  plaque  de  verre 
de  2  décimètres  carrés. 

Les  parties  du  verre  qui  doivent  rester  intactes 
sont  recouvertes  d'un  patron  en  papier  ou  d'un  vernis 
élastique  qui  forme  les  réserves. 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  VERRES.        73 


Coxnposition  et  analyse  des  différentes  espèces 

de  verres. 

L*analyse  des  verres  présenteun  grand  intérêt;  la 
connaissance  de  la  nature  et  de  la  proportion  de  leurs 
éléments  constituants  permet  de  remonter  à  la  cause 
de  leurs  qualités  ou  de  leurs  défauts  :  elle  fournit  au 
verrier  un  guide  sûr  pour  fixer  le  poids  relatif  des 
substances  dont  il  doit  faire  usage  pour  fabriquer  une 
matière  qu'il  s'agit  de  reproduire  ou  d'améliorer. 

La  composition  des  silicates  que  la  nature  nous 
présente  sous  forme  de  minéraux  si  nombreux  et  si 
variés;  celle  des  verres,  des  produits  céramiques,  des 
scories  provenant  des  opérations  métallurgiques, etc., 
ne  peut  être  déterminée  qu'en  mettant  en  œuvre 
tobtes  les  ressources  de  la  chimie  de  précision.  L'ana- 
lyse d'un  silicate  est  toujours  une  opération  difficile; 
aussi,  pour  les  minéraux  comme  pour  les  verres,  il 
ne  faut  pas  accepter  sans  réserve  toutes  les  analyses 
publiées,  alors  même  qu'elles  ont  été  faites  par  des 
mains  habiles  et  exercées.  En  dosant,  par  deux  mé- 
thodes difrérentes,lesélémentsd'un  échantillon  donné, 
il  est  assez  rare  qu'on  arrive  à  des  résultats  concor- 
dants, bien  quel'uneet  l'autre  de  ces  méthodes  soit  con- 
sidérée comme  bonne;  j'ajoute  que  la  même  méthode 

ne  donne  pas  toujours  des  résultats  identiques  quand 

• 

elle  est  employée  par  deux  opérateurs  différents. 

Pour  donner  les  procédés  servant  à  déterminer 
avec  précision  chacun  des  corps  qui  peuvent  exister 
dans  un  produit  vitreux,  il  faudrait  entrer  dans  des 


74  LE    VERRE. 

détails  que  comporte  seul  un  traité  complet  de  chimie 
analytique.  Je  dois  donc  me  borner  à  indiquer  les 
procédés  de  séparation  des  éléments  principaux,  de 
ceux  qu'on  rencontre  habituellement  dans  les  espèces 
de  verres  les  plus  usuelles. 

Ces  procédés  peuvent  se  réduire  à  deux  principaux: 
1°  Le  verre  est  fondu  avec  du  carbonate  de  soude, 
de  chaux  ou  de  baryte,  de  manière  à  devenir  atta- 
quable par  les  acides  ; 

2''  Au  moyen  de  l'acide  fluorhydrique  liquide, 
gazeux  ou  du  fluorure  à  d'ammonium,  on  fait  dispa- 
raître la  silice  qu'il  contient;  les  éléments  qui  restent 
sous  forme  de  fluorures  deviennent  alors  faciles  à 
séparer  les  uns  des  autres. 

Préparation  mécanique  de  réchantillon  à  analyser.  — 
Quelle  que  soit  la  méthode  employée,  le  silicate  doit 
être  préalablement  réduit  en  poudre  fine.  Dans  ce 
but,  l'échantillon  est  d'abord  concassé  dans  du  papier; 
ses  fragments  sont  introduits  dans  la  cavité  d'un 
petit  mortier  en  acier  poli  dans  laquelle  entre  à 
frottement  libre  un  cylindre  du  même  métal.  En 
frappant  sur  cette  tige  à  petits  coups  de  marteau,  la 
matière  s'écrase  et  se  pulvérise  :  c'est  avec  ce  même 
mortier  d'Abich  qu'on  réduit  en  poudre  toutes  les  sub- 
stances minérales  dures  et  cassantes.  Un  mortier  en 
porcelaine  ou  en  agate  pourrait  introduire  dans  le 
produit  à  analyser  une  certaine  quantité  de  silice 
étrangère  à  l'échantillon. 

La  matière,  réduite  en  morceaux  plus  ou  moins 
fins,  est  passée  au  tamis  de  soie;  ce  qui  reste  sur  le 


COMPOSITION  ET  ANALYSE   DES  VERRES.  75 

tamis  est  soumis  à  une  nouvelle  pulvérisation  dans  le 
mortier  d'acier.  Mais  dans  cette  opération,  un  peu 
du  fer  est  enlevé  au  mortier;  aussi  est-on  obligé 
de  promener  dans  cette  poudre  un  aimant  qui  enlève 
les  parcelles  métalliques  qu'elle  peut  renfermer  : 
comme  cette  séparation  n'est  pas  complète,  quand  il 
s'agit  de  silicates  naturels  inattaquables  par  les 
acides,  on  met  cette  poudre  en  contact,  pendant 
quelques  heures,  avec  de  l'acide  chlorhydrique 
étendu  de  beaucoup  d'eau,  en  opérant  à  froid;  elle 
est  ensuite  lavée,  séchée  à  ISO*"  environ  et  conservée 
dans  un  flacon  sec  bouché  à  l'émeri.  Pour  les  verres 
qui  sont  plus  ou  moins  riches  en  bases  terreuses 
et  alcalines,  ce  contact  avec  l'eau  acidulée  doit  être 
évité  :  nous  avons  vu,  en  effet,  que,  réduits  en 
poudre,  ils  sont  le  plus  souvent  attaqués,  même  à 
froid,  par  l'eau  et  par  les  acides  dilués.  Dans  tous  les 
cas,  il  est  nécessaire  de  s'assurer  que  le  liquide  de 
lavage,  qu'on  évapore  à  siccité,  n'a  rien  emprunté 
au  silicate,  en  dehors  de  la  petite  quantité  de  fer  qu'il 
doit  dissoudre. 

Si  le  verre  est  analysé  dans  le  but  de  connaître  la 
quantité  de  fer  qu'il  contient,  le  mortier  servant  à  le 
pulvériser  doit  être  en  agate  ou  en  porcelaine, 
malgré  l'inconvénient  qu'il  peut  présenter  d'ajouter 
au  produit  à  analyser  une  petite  quantité  de  sa  pro* 
pre  substance. 

Dans  la  plupart  des  cas,  la  pulvérisation  du  verre 
dans  des  doubles  de  papier  et  le  tamisage  doivent 
être  employés  de  préférence,  pourvu  qu'on  prenne 
soin   de   chauffer  ensuite  cette   poudre  au   rouge 


76  LE    VERRE. 

pendant  quelques  instants  dans  le  but  de  brûler 
les  fibres  de  papier  qu'elle  a  entraînées.  Le  tamisage 
devient  même  inutile  quand  le  verre  est  analysé  par 
la  méthode  suivante  : 

Attaque  par  le  carbonate  de  soude.  —  Ce  sel  est  pré- 
paré en  desséchant  dans  un  creuset  de  platine  des 
cristaux  de  soude  purs  (carbonate  de  soude  hydraté); 
après  dessiccation,  il  est  chauffé  au  rouge  vif  de 
manière  à  subir  la  fusion  ignée. 

On  mélange  dans  un  creuset  de  platine  un  à  deux 
grammes  de  verre  avec  trois  fois  son  poids  de  car- 
bonate fondu,  réduit  en  poudre.  Le  mélange  est 
chauffé  au  rouge  vif  et  maintenu  pendant  une  demi- 
heure  à  Tétat  liquide.  Après  refroidissement,  le 
creuset  et  son  couvercle  sont  placés  dans  une 
capsule  de  porcelaine  avec  de  Teau  et  de  l'acide 
chlorhydrique  pur  ;  comme  la  matière  se  dissout  avec 
effervescence,  la  capsule  doit  être  recouverte  avec 
un  entonnoir  en  verre  qui  repose  sur  le  bord  inté- 
rieur de  la  capsule,  dans  le  but  d'éviter  la  perte 
qui  résulterait  de  la  projection  de  gouttelettes  en 
dehors  de  la  capsule.  Quand  la  matière  n'est  plus 
adhérente  au  creuset,  celui-ci  est  enlevé  et  lavé 
avec  de  l'eau  au-dessus  de  la  capsule;  puis  on  éva- 
pore à  siccité  au  bain  de  sable,  en  évitant  soigneu- 
;sement  les  soubresauts  et  les  projections.  Le  résidu, 
devenu  parfaitement  sec  et  pulvérulent,  est  repris 
par  l'acide  chlorhydrique  concentré  et  soumis  à  une 
nouvelle  dessiccation  ;  il  est  ensuite  traité  à  chaud  par 
l'eau  acidulée  qui  dissout  les  oxydes  et  qui  laisse. 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  VERRES.         77 

SOUS  forme  d'une  poudre  blanche,  toute  la  silice  du 
verre;  celle-ci  est  recueillie  sur  un  filtre,  bien  lavée, 
séchée  à  Tétuve,  puis  calcinée  dans  un  creuset  de 
platine  muni  de  son  couvercle;  on  Ta  séparée,  au- 
tant que  possible,  du  papier  du  filtre,  qu'on  brûle 
ensuite  au  contact  de  Fair,  de  manière  à  avoir  un  pro- 
duit bien  blanc  :  on  la  pèse  aussitôt  que  le  creuset  est 
froid.  Du  poids  de  ce  résidu,  on  déduit  celui  des 
cendres  du  filtre  qu*on  a  déterminées  préalablement. 

L'évaporation  à  siccité  de  la  liqueur  acide  se  fait 
difficilement  sans  soubresauts  et,  par  conséquent, 
sans  perte  :  on  évite  les  projections  de  matière  en 
opérant  comme  il  suit  :  dans  le  creuset  de  platine 
qui  renferme  le  verre  attaqué  par  le  carbonate  de 
soude,  on  verse  15  à  20  centimètres  cubes  d'acide 
chlorhydrique  concentré;  en  chauffant  très-légère- 
ment, Tattaque  se  fait  avec  lenteur,  de  proche  en 
proche,  dans  le  creuset  muni  de  son  couvercle.  Au 
bout  de  quelques  heures,  le  produit  est  transformé 
en  une  sorte  de  bouillie  claire  dont  on  décante  la 
partie  liquide;  celle-ci  est  évaporée  à  siccité  à  une 
température  très-ménagée  :  d'autre  part,  la  matière 
qui  reste  est  chauffée  au  bain  de  sable  dans  le  creu- 
set même.  Quand  elle  est  sèche,  on  la  traite  par 
l'eau  acidulée  qu'on  verse  dans  la  capsule  renfer- 
mant le  premier  résidu.  On  peut  même  évaporer, 
dans  le  creuset,  sans  décantation  préalable,  la  ma- 
tière traitée  par  l'acide  chlorhydrique. 

Les  verres  ordinaires  étant  à  base  de  chaux,  de 
soude  ou  de  potasse,  la  dissolution  renferme  ces 
corps  sous  forme  de  chlorures,  ainsi  que  le  fer,  le 


78  LE    VERRE. 

manganèse,  Talumine,  et  la  magnésie  qui  existent  ou 
qui  peuvent  exister  dans  ces  produits. 

Dosage  du  fer,  du  manganèse  et  de  V alumine.  —  On 
ajoute  à  la  dissolution  chaude,  à  peu  près  neutralisée 
par  rammoniaque,  du  sulfure  d'ammonium  en  léger 
excès.  Le  précipité  qui  se  produit,  et  qu'on  sépare 
rapidement  par  filtration^  contient  le  fer  et  le  man- 
ganèse sous  forme  de  sulfures  et  Talumine  à  Tétat 
d'hydrate  ;  après  qu'il  a  été  convenablement  lavé  sur 
le  filtre  et  bien  séché,  on  le  soumet  à  la  calcination 
et  on  le  pèse  :  puis  il  est  redissous  dans  l'acide 
chlorhydrique  ;  la  liqueur,  qu'on  a  fait  bouillir  avec 
une  petite  quantité  d'acide  azotique  pour  peroxyder 
Je  fer,  est  versée  dans  une  dissolution  chaude  de  po- 
tasse caustique  pure  employée  en  excès.  Les  oxydes  de 
fer  et  de  manganèse  sont  séparés  d'avec  l'alumine  qui 
reste  dans  la  dissolution.  Ces  oxydes,  après  un  lavage 
prolongé  au  moyen  de  l'eaif  bouillante,  sont  calcinés 
de  nouveau  :  En  déduisant  leur  poids  de  celui  du 
mélange  précédent,  on  a,  par  différence,  la  propor- 
tion (M alumine  contenue  dans  le  verre.  On  peut,  d'ail- 
leurs, doser  ce  corps  directement  en  sursaturant  la 
liqueur  alcaline  par  l'acide  chlorhydrique  et  en  en 
séparant  l'alumine  par  le  sulfure  d'ammonium. 
Enfin,  en  dissolvant  ces  oxydes  dans  l'acide  chlor- 
hydrique et  en  ajoutant  à  la  liqueur  neutralisée  du 
succinate  d'ammoniaque,  on  précipite  le  fer  et  on 
conserve  le  manganèse  dans  la  dissolution.  La  calci- 
nation du  succinate  de  fer  donne  ce  métal  sous  forme 
de  sesquioxyde.  On  a  le  manganèse  par  diflFérence. 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  VERRES.        79 

La  dissolution,  dont  on  a  séparé  par  le  sulfure 
d'ammonium  ces  corps  (oxydes  de  fer,  de  manga- 
nèse et  d'aluminium)  (qu'on  ne  dose  isolément 
d'ailleurs  que  dans  des  cas  spéciaux,  attendu  que 
dans  les  verres  autres  que  les  verres. à  bouteilles,  ils 
n'existent  qu'en  très-petite  proportion),  est  soumise 
à  l'ébullition  pour  chasser  l'excès  de  sulfure  d'am- 
monium ;  puis  elle  est  mise  en  contact  avec  quel- 
ques grammes  d'oxalate  d'ammoniaque  cristallisé  : 
au  bout  de  cinq  à  six  heures,  on  recueille  sur  un 
filtre  l'oxalate  de  chaux  qu'on  calcine  fortement 
dans  un  creuset  de  platine  muni  de  son  couvercle. 
La  chaux  est  pesée  à  l'état  de  chaux  vive,  aussitôt 
après  le  refroidissement  du  creuset.  Elle  a  presque 
toujours  une  couleur  brune,  en  raison  d'une  petite 
quantité  d'oxyde  de  manganèse  que  le  sulfure  d'am- 
monium n'a  pas  séparé. 

Il  convient  de  s'assurer  que  la  calcination  de 
l'oxalate  de  chaux  a  été  faite  à  une  température 
suffisamment  élevée  pour  avoir  la  chaux  vive,  sans 
mélange  de  carbonate  et  aussi  de  sulfate  qui  pour- 
rait provenir  d'un  peu  de  soufre  fourni  par  le  sul- 
fure d'ammonium.  A  cet  effet,  on  fait  tomber  dans 
Je  creuset  une  ou  deux  gouttes  d'eau  :  si  la  chaux 
est  bien  caustique,  la  température  s'élève  notable- 
ment :  cette  matière  doit  ensuite  se  dissoudre  sans 
efiervescence  dans  quelques  gouttes  d'acide  azotique. 

Dans  le  cas  ou  une  effervescence  se  serait  pro- 
duite, on  évapore  à  siccité  l'azotate  de  chaux  et  on 
calcine  de  nouveau  plus  fortement;  ou  bien,  ce 
qui  est  préférable,  on  ajoute  quelques  gouttes  d'acide 


80  LE    VERRE. 

sulfurique,  on  calcine  au  rouge  et  on  dose  la  chaux 
à  rétat  de  sulfate. 


Dosage  de  la  magnésie.  —  La  liqueur  dont  la  chaux 
a  été  séparée  ayant  un  volume  assez  considérable, 
en  raison  des  eaux  de  lavage  de  Toxalate  de  chaux, 
est  concentrée  de  manière  à  ce  que  son  volume  soit 
réduit  à  50  ou  80  centimètres  cubes  :  Quand  elle 
est  froide,  on  y  ajoute  de  Tammoniaque  et  du  phos- 
phate de  soude.  Après  24  heures,  le  phosphate  am- 
moniaco-magnésien  est  recueilli  sur  un  filtre,  lavé 
à  froid  avec  de  l'eau  ammoniacale  et  calciné,  après 
dessiccation,  dans  un  vase  de  platine  ouvert;  le  résidu 
blanc  est  le  phosphate  de  magnésie  bibasique  : 

2MgO,PhO'^ 

contenant  35,7  de  magnésie.  Ce  corps  n'existe  que 
rarement  dans  les  verres  autres  que  les  verres  à 
bouteilles. 

En  suivant  cette  méthode,  les  alcalis,  la  soude 
ou  la  potasse,  ou  bien  ces  deux  corps,  lorsqu'ils  sont 
réunis  dans  le  même  verre,  sont  dosés  par  difTérence. 

Dosage  des  alcalis.  —  Pour  les  avoir  directement, 
on  remplace  le  carbonate  de  soude  par  le  carbonate 
de  baryte  :  ce  dernier  sel  doit  être  pur;  il  a  été  pré- 
paré en  traitant  le  chlorure  ou  l'azotate  de  baryum 
par  le  carbonate  d'ammoniaque  employé  en  excès; 
le  précipité  est  ensuite  bien  lavé  et  calciné  à  une 
température  peu  élevée. 

Pour  une  partie  de  verre  on  emploie  six  parties 


COMPOSITION  ET   ANALYSE  DES   VERRES.      84 

de  carbonate  de  baryte  :  le  mélange  est  chauffé  dans 
le  creuset  de  platine  à  la  température  du  rouge 
blanc.  Le  traitement  dans  Tacide  chlorhydrique  se 
fait  ainsi  qu'il  a  été  indiqué  ci-dessus.  Après  avoir 
pesé  la  silice,  on  reconnaît  parfois,  lorsqu'on  la  frotte 
sur  un  corps  dur  avec  un  pilon  d'agate,  qu'elle 
contient  encore  du  verre  inattaqué  :  dans  ce  cas, 
une  nouvelle  attaque  par  le  carbonate  de  baryte  de- 
vient nécessaire;  on  pèse  de  nouveau  la  silice,  après 
traitement  par  l'acide  chlorhydrique  et  on  réunit 
la  dissolution  à  celle  qui  a  été  obtenue  précé- 
demment. 

La  liqueur  chlorhydrique  est  sursaturée  avec  le 
carbonate  d'ammoniaque  pur  qui  précipite  la  baryte, 
la  chaux,  l'alumine  et  les  oxydes  de  fer  et  de  manga- 
nèse. On  fait  bouillir  la  liqueur  filtrée  et  on  la  con- 
centre de  manière  à  séparer  sous  forme  de  composés 
insolubles  toutes  les  bases  terreuses;  après  nou- 
velle filtration,  la  liqueur  est  traitée  par  de  l'acide 
chlorhydrique  employé  en  léger  excès;  elle  est  éva- 
porée à  siccité  et  le  résidu  est  chauffé  au  rouge  jus- 
qu'à ce  que  les  vapeurs  de  sel  ammoniac  aient  cessé 
de  se  produire.  La  potasse  ou  la  soude  restent  sous 
forme  de  chlorures.  Si  le  verre  est  à  base  de  soude 
ou  bien  à  base  de  potasse,  on  pèse  ces  corps  sous 
forme  de  sel  marin  ou  de  chlorure  de  potassium. 

On  peut  avoir  à  effectuer  la  séparation  de  ces 
deux  bases  lorsqu'elles  se  trouvent  l'une  et  l'autre 
dans  un  verre.  Étant  donné  le  mélange  des  deux 
chlorures,  quelques  décigrammes  de  ces  sels  sont 
dissous  dans  une  petite  capsule  de  porcelaine  à  bec, 

Pbligot,  Le  Verre,  6 


82  LE    VERRE. 

préalablement  larée.  On  ajoute  à  la  dissolution  du 
chlorure  de  plaline  en  léger  excès,  de  manière  à  ce 
qu'elle  présente  une  couleur  jaune  orangé  :  après 
évaporation  à  siccité  au  bain-marie,  le  résidu,  hu- 
mecté avec  un  peu  d'eau,  est  délayé  à  froid  dans 
l'alcool  absolu  ;  le  chlorure  de  platine  en  excès  se 
trouve  mélangé  avec  les  sels  doubles  qu'il  forme  en 
s'unissant  au  sel  marin  et  au  chlorure  de  potassium  : 
ce  dernier  composé  est  le  seul  qui  soit  insoluble  dans 
Talcool.  La  capsule  est  laissée  pendant  quelques 
heures  sous  une  cloche  contenant  de  l'air  séché  par 
de  la  chaux  vive;  la  liqueur,  devenue  parfaitement 
limpide,  qui  se  trouve  au-dessus  du  composé  double 
potassique,  est  décantée  et  le  chlorure  de  platine 
et  de  potassium  est  lavé  à  deux  ou  trois  reprises  avec 
de  l'alcool  concentré  renfermant  environ:  un  cin- 
quième de  son  volume  d'éther.  Le  précipité  jaune 
cristallin,  préalablement  desséché  au  bain-marie,  est 
pesé  dans  la  capsule.  Son  poids,  multiplié  par  0,193, 
donne  la  quantité  de  potasse  que  représente  le  mé- 
lange des  chlorures  employés.  Ce  même  poids,  mul- 
tiplié par  0,3054,  fournit  le  chlorure  de  potassium 
et,  par  différence,  le  sel  marin  ;  au  moyen  des  équi- 
valents, on  en  déduit  la  soude  qui,  dans  le  verre 
analysé,  se  trouvait  associée  à  la  potasse. 

Pour  les  verres  à  base  de  plomb  (cristal,  flint- 
glass,  stras),  les  procédés  qui  viennent  d'être  indi- 
qués subissent  plusieurs  modifications.  Après  que  le 
verre  a  été  fondu  avec  deux  à  trois  fois  son  poids  de 
carbonate  de  soude,  le  résidu  est  traité  par  Vactde 
azotique  pur,  étendu  de  plusieurs  fois  son  volume 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  VERRES.       83 

d'eau.  L'acide  chlorhydrique  produirait,  en  eflFet,  du 
chlorure  de  plomb  très-peu  soluble,  lequel  resterait 
mélangé  avec  la  silice  et  empêcherait  la  dissolution 
complète  des  bases.  Après  évaporation  à  siccité,  le 
résidu  est  repris  par  l'eau  bouillante.  La  silice,  re- 
cueillie sur  le  filtre,  est  lavée  et  calcinée  ;  on  fait 
passer  dans  la  liqueur  un  courant  de  gaz  sulfhy^ 
drique;  le  sulfure  noir  de  plomb  qui  se  précipite 
est  recueilli,  lavé,  séché  et  pesé  sur  un  filtre  préa- 
lablement taré  avec  un  autre  filtre. 

Dans  la  liqueur  filtrée,  on  peut  doser  la  chaux, 
les  oxydes  de  fer  et  de  manganèse  et  Falumine  que 
le  même  verre  peut  contenir,  en  suivant  les  procédés 
qui  ont  été  indiqués  précédemment.  Quant  à  la 
potasse,  elle  ne  peut  être  dosée  qu'autant  que  le  cris- 
tal a  été  attaqué  par  le  carbonate  de  baryte.  Le  pro- 
duit de  cette  attaque  est  traité  par  l'acide  azotique; 
la  baryte,  le  plomb  et  la  chaux  sont  précipités  par 
l'acide  oxalique,  sous  forme  d*oxalates  insolubles, 
dans  la  liqueur  préalablement  neutralisée  par  l'am*- 
moniaque.  La  dissolution  filtrée  est  évaporée  en  pré- 
sence de  l'acide  sulfurique  et  la  potasse  est  pesée  à 
l'état  de  sulfate  neutre. 

M.  H.  de  Fontenay  a  indiqué  un  procédé  qui  per- 
met d'analyser  rapidement  et  avec  une  exactitude 
suffisante  les  diverses  sortes  de  verres. 

Le  verre  en  poudre  est  mélangé  avec  une  fois  et 

demie  à  deux  fois  son  poids  de  minium  dans  un 

creuset  de  platine  qu'on  chauffe  au  rouge,  en  évitant 

•  le  contact  des  gaz  réducteurs  de  la  flamme  avec 

l'oxyde  de  plomb.  La  fusion  se  fait  facilement.  On 


84  LE    VERRE. 

plonge  Fextérieur  du  creuset  encore  chaud  dans 
une  capsule  pleine  d'eau  froide  et  on  en  détache  le 
culot  de  verre  basique,  facilement  attaquable  par 
Tacide  azotique.  Après  avoir  évaporé  à  siccilé  au 
bain-marie  et  avoir  laissé  séjourner  la  capsule  sur 
le  bain  longtemps  encore  après  complète  dessic- 
cation, on  reprend  par  Teau  et  quelques  gouttes 
d*acide  et  on  filtre.  La  silice  est  soigneusement  lavée 
à  Teau  bouillante  et  pesée.  On  dose  à  la  manière 
ordinaire  dans  la  liqueur  filtrée  Talumine,  le  fer,  la 
chaux  et  les  alcalis,  après  s*être  débarrassé  préalable- 
ment du  plomb  par  un  courant  d*acide  sulfhydrique. 

Pour  doser  par  ce  procédé  le  plomb  contenu  dans 
le  cristal,  il  faut  connaître  exactement  le  poids  et  la 
composition  du  minium  qu'on  a  ajouté*  On  arri- 
verait probablement  à  des  résultats  aussi  satisfaisants 
en  remplaçant  l'oxyde  de  plomb  par  Tazotate  de  ce 
métal  préalablement  desséché. 

Les  procédés  basés  sur  l'emploi  de  l'acide  fluorhy- 
drique  ou  du  fluorure  d'ammonium  donnent  aussi 
d'une  façon  très-sûre  la.  quantité  d'alcalis  que  ren- 
ferment les  verres. 

Attaque  des  silicates  par  le  carbonate  de  chaux.  —  Ce 
procédé,  qu'on  doit  h  M.  Henri  Sainte-Claire  Deville, 
donne  des  résultats  très-exacts. 

Le  silicate  en  poudre  fine  est  pesé  dans  un  très- 
petit  creuset  de  platine,  de  la  dimension  d'un  dé  à 
coudre  et  du  poids  de  5  à  6  grammes  :  on  le  mé- 
lange soigneusement  avec  du  carbonate  de  chaux 
bien  pur,  qu'on  a  préparé  en  décomposant  l'azo- 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  TERRES.       85 

tate  de  celte  base  par  le  carbonate  d*aininoniaqiie. 
Pour  1  gramme  de  Terre,  on  emploie  0,5  à  1  gramme 
de  sel  calcaire.  Le  creuset  est  placé  dans  un  autre 
creuset  en  terre  réfractaire,  après  avoir  été  pesé 
de  nouveau,  afin  d'aToir  le  poids  exact  du  carbo- 
nate de  chaux  ajouté. 

On  calcine  à  une  température  modérée  d*abord, 
puis  éloTée  jusqu^au  rouge  blanc;  une  bonne  forge, 
ou  mieux  le  chalumeau  h  gaz  de  M.  Schlœsing  pro- 
duisent cette  température,  qui  est  Toisine  de  celle  de 
la  fusion  du  platine. 

La  matière  fondue  doit  être  limpide  et  d*un  aspect 
homogène;  son  poids,  si  Topération  a  élé  bien  faite, 
est  celui  du  Terre  et  de  la  chaux  provenant  de 
la  décomposition  du  carbonate  calcaire  ajouté. 
Au  moyen  d'une  faible  pression  exercée  par  les 
doigts  à  l'extérieur  du  creuset,  le  bouton  Titreux  se 
détache;  il  est  très-cassant,  et  on  le  pulvérise  gros- 
sièrement dans  une  capsule  de  platine  tarée  :  on  en 
pèse  un  certain  poids  qu'on  traite  à  froid  par  l'acide 
azotique  pur,  employé  en  léger  excès,  en  ayant  soin 
d'agiter  constamment  avec  une  petite  spatule  en 
platine,  afin  d'empêcher  la  poudre  de  s'agglutiner. 
La  matière  se  prend  rapidement  en  une  sorte  de 
gelée  transparente  et  homogène;  elle  est  chauffée  à 
rétuve  jusqu^à  ce  qu'il  ne  se  dégage  plus  de  vapeurs 
acides  et  le  résidu  est  mis  en  contact  avec  une  disso- 
lution concentrée  et  chaude  d'azotate  d'ammoniaque; 
il  est  lavé  à  plusieurs  reprises  et  évaporé  jusqu'à 
disparition  complète  de  toute  odeur  ammoniacale. 

On  obtient  ainsi  :  l""  un  résidu  A  formé  par  la 


86  LE    VERRE. 

silice,  Talumine,  le  fer  et  le  manganèse  ;  2*  une  dis- 
solution B  qui  renferme,  sous  forme  d'azotates,  la 
potasse,  la  soude,  la  chaux  et  la  magnésie. 

Le  résidu  A  est  mis  en  contact  à  chaud  avec  de 
Tacide  azotique  :  la  silice  reste  seule  à  l'état  inso- 
luble; elle  est  lavée,  calcinée  au  rouge  et  pesée 
dans  la  capsule  de  platine.  Si  elle  est  colorée,  on  la 
traite  par  l'acide  sulfurique  et  par  un  mélange 
d'acides  azotique  et  oxalique;  l'alumine,  le  fer  et  le 
manganèse  sont  dissous  et  séparés  par  filtration 
d'avec  la  silice  :  celle-ci  doit  être  parfaitement 
blanche  et  disparaître  entièrement  quand  on  la 
traite  par  l'acide  fluorhydrique  pur  \ 

La  liqueur  séparée  de  la  silice  contient  l'alu- 
mine, les  oxydes  de  fer  et  de  manganèse  :  elle  est 
évaporée  à  siccité,  et  le  résidu,  après  avoir  été  pesé, 
est  mis  en  contact  par  une  dissolution  chaude  de 
potasse  caustique  qui  dissout  l'alumine  et  laisse  les 
deux  oxydes  ;  on  les  sépare  par  le  succinate  d'am- 
moniaque, ainsi  qu'il  a  été  indiqué  ci-dessus. 

1.  On  prépare  l'acide  fluorhydrique  pur  en  décomposant  par  la 
chaleur  du  fluorhydrate  de  fluorure  de  potassium;  c^est  une  opéra- 
tion coûteuse,  en  raison  de  la  nécessité  d*efiectuer  la  distillation  de 
ce  sel  dans  un  petit  alambic  en  platine.  J'ai  simplifié  cette  prépara- 
tion de  la  manière  suivante  :  on  met  dans  un  vase  en  plomb  de 
l'acide  fluorhydrique  ordinaire,  qu'on  trouve  maintenant  dans  le 
commerce  à  un  prix  très-peu  élevé;  cet  appareil  est  fermé  par  un 
couvercle  en  plomb;  avant  d'introduire  l'acide  dans  le  vase  décou- 
vert, on  a  placé  sur  un  support  en  plomb  une  capsule  de  platine  con- 
tenant de  l'eau  distillée;  le  vase  étant  muni  de  son  couvercle,  sous 
l'influence  de  la  chaleur,  et  même  à  froid  au  bout  de  quelques 
jours,  lorsque  l'acide  est  bien  fumant,  on  obtient  dans  la  capsule  de 
platine  de  l'acide  fluorhydrique  parfaitement  pur. 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  VERRES.      87 

On  arrive  à  une  séparation  plus  exacte  en  suivant 
la  méthode  indiquée  par  M.  H.  Sainte-Glaire  Deville  : 
le  mélange  des  trois  oxydes  est  introduit  dans  une 
nacelle  de  platine  tarée  qu'on  glisse  dans  un  tube 
de  porcelaine  étroit,  ou  mieux,  dans  un  tube  de 
platine;  un  courant  d'hydrogène  réduit  le  sesqui* 
oxyde  de  fer  et  fait  passer  le  sesquioxyde  de  man- 
ganèse à  l'état  de  protoxyde;  le  gaz  chlorhydrique 
sépare  ensuite  ces  deux  métaux  à  l'état  de  chlorures 
volatils  :  l'alumine  reste  seule  dans  la  nacelle. 

Un  autre  procédé  consiste  à  dissoudre  ces  oxydes, 
qu'on  a  pesés,  dans  l'acide  sulfurique;  en  traitant 
par  le  zinc,  on  fait  passer  le  fer  à  l'état  de  sel  de 
protoxyde;  au  moyen  d'une  dissolution  titrée  très- 
étendue  de  permanganate  de  potasse,  on  dose  le  fer 
par  le  p  rocédé  Margueritte.  L'alumine  et  le  manga- 
nèse sont  dosés  par  différence. 

La  dissolution  B  est  mise  en  contact  à  froid  avec 
des  cristaux  d'oxalate  d'ammoniaque  pur  employé 
en  léger  excès  :  au  bout  de  huit  à  dix  heures,  la 
précipitation  de  la  chaux  étant  complète,  on  calcine 
l'oxalate  calcaire,  et  la  chaux  est  dosée  à  l'état 
caustique. 

La  liqueur  filtrée  contient  la  magnésie  et  les 
alcalis;  elle  est  évaporée  à  siccité  et  le  résidu  est 
calciné  de  manière  à  décomposer  les  produits  ammo- 
niacaux qu'elle  renferme.  Après  addition  d'acide 
oxalique  pur  dissous  dans  l'eau,  on  calcine  de  nou- 
veau :  en  traitant  le  résidu  par  l'eau,  la  potasse  et 
la  soude  sont  séparés  sous  forme  de  carbonates 
solubles,  tandis  que  la  magnésie  reste  à  l'état  de 


88  LE    VERRE. 

carbonate   qu'on   chauffe  fortement  de   manière  à 
peser  cette  terre  à  Tétat  de  magnésie  caustique. 

EnOn  les  carbonates  de  potasse  et  de  soude  sont 
transformés  en  chlorures;  leur  séparation  et  leur 
dosage  se  fait  au  moyen  du  chlorure  de  platine,  en 
suivant  les  prescriptions  qui  ont  été  données  précé- 
demment. 

Analyse  des  verres  par  l'acide  fluorhydrique.  —  Nous 
avons  vu  que  la  silice  libre  ou  combinée,  mise  en 
contact  avec  cet  acide,  est  transformée  en  fluorure 
de  silicium  gazeux,  tandis  que  Thydrogène  de  Tacide 
donne  de  l'eau  en  se  combinant  avec  l'oxygène  de 
la  silice;  en  conséquence,  un  verre  traité  par  Facide 
fluorhydrique  perd  tout  le  silicium  qu'il  renferme 
tandis  que  les  autres  éléments  sont  transformés  en 
fluorures;  ceux-ci,  en  contact  avec  l'acide  sulfu- 
rique,  deviennent  des  sulfates  qui  sont,  pour  la  plu- 
part,  solubles  dans  l'eau  :  il  devient  alors  facile  de 
séparer,  par  les  procédés  ordinaires  de  l'analyse,  les 
bases  qu'ils  renferment. 

On  pèse  dans  une  ou  dans  plusieurs  capsules  de 
platine  tarées  quelques  grammes  de  verre  en  poudre; 
on  ajoute  un  peu  d'eau  en  agitant  le  mélange  avec  une 
petite  spatule  de  platine  qui  fait  partie  de  la  tare  de 
la  capsule  ;  celle-ci  est  placée  dans  un  vase  en  plomb 
repoussé,  sans  soudure,  à  fond  plat,  ayant  environ 
15  centimètres  de  profondeur  et  20  centimètres  de 
diamètre.  Au  fond  du  vase  on  a  étendu  une  couche 
de  fluorure  de  calcium  pulvérisé  mouillée  avec  de 
l'acide  sulfurique  concentré ,  de  manière  à  produire 


COMPOSITION  ET  ANALYSE   DES  VERRES.      89 

une  bouillie  claire;  c*est  ce  mélange  qui  fournit 
l'acide  fluorhydrique.  Il  peut  être  remplacé  par 
l'acide  fumant  du  commerce.  Sur  ce  fond  se  trou- 
vent plusieurs  supports  en  plomb  qui  sont  des  bouts 
de  tuyaux  coupés  ayant  environ  4  centimètres  de 
hauteur.  Les  capsules  de  platine  dans  lesquelles  le 
verre  a  été  pesé  reposent  sur  ces  supports. 

Le  vase  est  fermé  avec  un  couvercle  en  plomb 
à  bords  rabattus,  percé  de  petites  ouvertures  pour 
le  dégagement  des  produits  gazeux;  il  est  chauffé 
légèrement  sur  un  bain  de  sable  ;  cette  opération 
doit  être  faite  en  plein  air,  ou  tout  au  moins  sous  une 
hotte  bien  ventilée  ;  d'une  part,  à  cause  des  dangers 
que  présente  l'acide  fluorhydrique,  qui,  en  contact 
avec  nos  organes,  produit  de  graves  brûlures;  d'autre 
part,  parce  que  cet  acide  détériore  les  vitrages  et 
tous  les  objets  en  verre  qui  se  trouvent  dans  le  labo* 
ratoire. 

Au  bout  de  quelques  heures,  on  laisse  refroidir 
l'appareil,  et,  après  ^^^oir  ouvert,  on  remue  la  ma- 
tière qui  se  trouve  dans  la  capsule  avec  la  spatule  de 
platine,  tenue  à  distance  avec  une  pince  en  fer;  il 
est  facile  de  reconnaître  au  frottement  et  au  bruit 
que  produit  cette  spatule  si  le  verre  a  été  complè- 
tement attaqué;  dans  le  cas  où  l'action  n'aurait  pas 
été  complète,  le  couvercle  est  remis  et  le  vase  de 
plomb  chauffé  de  nouveau. 

La  matière  est  ensuite  mise  en  contact  avec  1  ou 
2  centimètres  cubes  d'acide  sulfurique  ;  elle  est  chauf- 
fée avec  précaution,  de  manière  à  compléter  Taction, 
en  transformant  en  sulfates  les  fluorures  ainsi  pro-- 


ftO  LE    VERRE. 

duîts.  Le  résidu  est  repris  par  l'eau  qu'on  em- 
ploie en  assez  grande  quantité  pour  dissoudre  le 
sulfate  de  chaux  qui  a  pris  naissance  si  le  verre 
est  à  base  calcaire;  la  séparation  de  l'alumine, 
du  fer,  de  la  chaux ,  de  la  magnésie ,  des  alcalis, 
s'exécute  par  les  procédés  précédemment  décrits; 
la  silice  est  obtenue  par  différence,  ou  bien  elle 
a  été  dosée  directement,  dans  une  autre  opération, 
en  attaquant  le  même  silicate  par  le  carbonate  de 
soude. 

Pour  le  cristal  et  les  autres  verres  à  base  de 
plomb,  l'eau,  après  le  traitement  des  fluorures  par 
l'acide  sulfurique,  laisse  à  l'état  insoluble  le  sul- 
fate de  plomb  :  ce  corps  est  recueilli  sur  un  filtre 
qu'on  brûle  dans  une  petite  capsule  de  porce- 
laine, et  qu'on  pèse  après  addition  d'une  ou  deux 
gouttes  d'acide  azotique,  puis  d'acide  sulfurique. 
Ce  dosage  n'est  pas  très-exact,  attendu  que  le  sul- 
fate de  plomb  n'est  pas  absolument  insoluble  dans 
l'eau.  • 

On  peut  également  faire  l'analyse  du  verre  par 
l'acide  fluorhydrique  en  produisant  ce  corps  dans  un 
petit  alambic  en  plomb  et  en  le  dirigeant  à  l'état 
gazeux  dans  un  creuset  de  platine  contenant  le  verre 
humecté  qu'on  remue  de  temps  à  autre  à  distance 
avec  une  spatule  ou  un  gros  fil  de  platine  aplati; 
un  bout  de  tube  de  ce  dernier  métal,  entrant  à 
frottement  dans  un  tube  en  plomb,  amène  le  gaz 
dans  le  creuset. 

Enfin,  on  peut  faire  usage  du  fluorure  d'ammo- 
nium, composé  solide,  qu'on  obtient  en  saturant  par 


s. 


COMPOSITION  ET  ANALYSE  DES  VERRES.       9r 

rammoniaque  Facide  fluorhydrique  pwr  *  et  en  éva- 
porant la  dissolution  à  une  température  peu  élevée 
dans  un  vase  de  platine.  En  mélangeant  le  verre 
en  poudre  avec  six  fois  son  poids  de  ce  sel  et  en 
chauffant  dans  une  capsule  de  platine  jusqu'à  c6 
que  les  vapeurs  blanches  cessent  de  se  produire, 
la  silice  disparaît;  le  résidu  est  traité  par  Tacide  sul-- 
furique.  Les  bases,  ainsi  amenées  à  Tétat  de  sulfates, 
sont  séparées  par  les  procédés  qui  ont  été  indiqués 
précédemment. 

Le  fluorure  d*ammonium  cristallisé,  attaquant  les 
vases  de  verre,  doit  être  conservé  dans  dqs  vases  en 
platine;  on  peut  se  servir  aussi  de  flacons  de  verre 
enduits  à  l'intérieur  d'une  couche  mince  de  collo- 
dion  qu'on  fait  sécher  d'abord  à  l'air  puis  à  l'étuve; 
des  flacons  ainsi  préparés  résistent  pendant  plusieurs 
semaines  à  l'action  décomposante  exercée  par  ce  sel. 

Les  verres  pour  lesquels  on  a  fait  usage  du  sulfate 
de  soude  comme  matière  première  (verres  à  glaces, 
à  vitre,  à  bouteilles,  etc.)  contiennent  presque  tou- 
jours une  quantité  notable  de  sulfate,  non  décomposé; 
on  retrouve  aussi  ce  corps,  souvent  en  quantité  plus 
considérable,  dans  diverses  variétés  du  verre  dit  pâte 
de  riz.  Pour  reconnaître  et  pour  doser  l'acide  sulfu- 
rique,  voici  comment  on  procède  :  le  verre  est  fondu 

1.  En  sursaturant  par  Tammoniaque  Tacide  fluorhydrique  obtenu 
par  le  procédé  indiqué  dans  la  note  ci-dessus  (page  86),  il  se  fait 
quelquefois  un  précipité  de  silice  en  gelée  provenant  du  fluorure  de 
silicium  que  renferme  l'acide  du  commerce;  on  le  sépare  par  la  fil- 
tration  dans  un  entonnoir  en  gutta  percha  ou  en  verre  recouvert 
à  l'intérieur  d'une  couche  sèche  de  coUodion. 


93  LE       £RRE. 

avec  du  carbonate  de  soude  pur,  bien  exempt  lui- 
même  de  sulfate  ;  après  séparation  de  la  silice  par 
Tacide  chlorhydrique  également  pur,  on  verse  dans  la 
liqueur  filtrée,  qu'on  a  étendue  de  beaucoup  d'eau 
dans  un  grand  verre  à  pied,  quelques  gouttes  d'une 
dissolution  de  chlorure  de  baryum.  Il  se  fait  un 
précipité  plus  ou  moins  abondant  de  sulfate  de 
baryte;  au  bout  de  vingt-quatre  heures,  ce  sel, déposé 
au  fond  du  verre,  est  recueilli  sur  un  filtre,  lavé 
d'abord  avec  de  l'eau  faiblement  acidulée  par  l'acide 
chlorhydrique,  puis  avec  de  l'eau  pure  ;  après  avoir 
mis  à  part^  sur  une  carte  lisse,  la  poudre  blanche 
préalablement  séchée  qu'il  renferme,  le  filtre  est 
brûlé  dans  une  capsule  tarée  de  porcelaine  ou  de 
platine;  on  ajoute  aux  cendres  une  goutte  d'acide 
sulfurique  et  on  chauffe  de  nouveau;  puis  le  sulfate 
de  baryte  laissé  sur  la  carte  est  calciné  dans  la 
même  capsule.  Son  poids  donne  celui  de  l'acide  sul- 
furique que  le  verre  contient  à  l'état  de  sulfate  de 
soude  ou  de  potasse. 


CHAPITRE   DEUXIÈME. 


Fabrioation  de  la  poterie  :  des  pots  ou  creusets 
pour  fondre  le  verre  et  des  briques  servant  à  la 
oonstruction  des  fours. 

Les  malières  premières  qui  par  leur  combinaison 
produisent  le  verre  sont  amenées  à  Tétat  de  fusion 
dans  de  grands  creusets  en  terre  réfractaire.  La 
bonne  qualité  de  ces  creusets  est  d'une  si  grande 
importance,  que  la  plupart  des  verreries  ne  s'en  rap- 
portent qu'à  elles-mêmes  pour  les  soins  très-minu- 
tieux qu'exige  la  fabrication  de  leur  poterie;  cette 
fabrication,  selon  qu'elle  est  bonne  ou  qu'elle  est 
mauvaise,  assure  ou  compromet  la  prospérité  de  réta- 
blissement. 

Les  creusets  de  verrerie  doivent  supporter  pen- 
dant plusieurs  semaines  une  température  très-élevée 
sans  se  déformer,  sans  se  fendre,  sans  se  vitrifier. 
Cette  température,  mesurée  au  moyen  du  pyromètre 
thermo-électrique,  n'est  pas  moindre  de  1,000  à 
1,200**;  le  verre  de  Bohême  est  liquide  à  1,050^  le 
cristal  à  925**;  à  l'état  pâteux  qui  convient  pour  le 
travailler,  il  est  à  la  température  de  770°  environ. 

Les  briques  servant  à^la  construction  des  fours 


94  LE  VERRE. 

exigent  les  mêmes  soins;  elles  sont  faites  également 
dans  la  verrerie,  avec  la  forme  qu'elles  doivent  avoir 
d'après  la  position  qu'elles  occuperont  dans  le  four. 

Pour  fabriquer  ces  creusets  et  ces  briques,  on 
fait  choix  des  argiles  les  plus  réfractaires,  exemptes, 
autant  que  possible,  de  fer,  de  chaux,  de  magnésie  et 
d'alcalis.  Les  argiles  sont,  comme  on  sait,  des  mé- 
langes ou  des  combinaisons  de  silice  et  d'alumine; 
elles  renferment,  en  outre,  des  proportions  variables 
de  ces  diverses  bases,  lesquelles  ont  une  grande  in- 
fluence sur  leurs  propriétés  et  sur  leurs  emplois. 

En  France,  on  emploie  depuis  longtemps  l'argile 
plastique  de  Forges-les-Eaux  (Seine- Inférieure)  ou 
des  localités  environnantes,  notamment  de  Guy 
Saint-Fiacre.  Sa  composition  peut  être  représentée 
par  la  formule  : 

9SiO%2APO' 

soit  72,3  de  silice  et  27,7  d'alumine;  mais  elle 
contient  toujours  un  peu  de  fer,  de  chaux,  d'alcalis 
et  de  magnésie. 

L'argile  d'Andennes,  des  environs  de  Namur,  est 
généralement  employée  en  Belgique.  C'est  une  terre 
d'une  qualité  très-supérieure,  recherchée  également 
en  France  et  en  Prusse. 

Les  Anglais  se  servent  de  l'argile  de  Stourbridge  ; 
cette  terre,  bien  que  réfractaire,  contient  une  notable 
quantité  de  fer  qui  contribue  peut-être  à  donner  à 
leurs  glaces  et  à  leurs  verres  à  vitre  une  teinte 
verte  assez  prononcée. 

En  Allemagne  on  emploie,  outre  les  terres  d'An- 


FABRICATION  DE  LA  POTERIE.  95 

dennes,  celles  de  Klîngenberg  et  du  Palatinat;  ces 
dernières  sont  inférieures  aux  terres  de  Forges. 

Le  tableau  qui  suit  donne  la  composition  des 
argiles  réfractaires  les  plus  usitées  en  verrerie,  déduc- 
tion faite  de  l'eau  qui  a  disparu  par  la  calcination. 

N»  1.  N*  2.  N»  3.  N»  4.  N«  5. 

Silice 71,6  6/t,2         71,7  57,/t  6M 

Alumine 26,0  32,2         22,3  38,0  29,0 

Oxyde  de  fer .  .  .  1,2  2,4          A,5  1,8  0,2 

Chaux 0,1  »            0,5  1,8  j» 

Alcalis 1,1  1,2  (non  dosés)  1,0  0,8 

400,0        400,0         99,0        400,0  98,0 

N"  1.  Tenre  de  Forges  (Seine -Inférieure). 

N**  2.      ^      d*Andennes  (Belgique). 

N**  3.      —      de  Stourbridge  (Angleterre). 

N**  4.      —      de  Klingenberg  sur  le  Meiu  (Basse-FrancoDie). 

N"  5.      —      d'un  creuset  de  verrerie  de  Bohême. 

Toutes  les  argiles,  réfractaires  ou  non,  contien- 
nent, en  dehors  de  l'eau  interposée,  6  à  20  7o  d'eau 
combinée  qu'on  n'en  sépare  que  par  une  calcination 
faite  à  une  température  rouge.  La  terre  de  Forges 
séchée  à  100*  retient  encore  11  %  d'eau  ;  celle  d'An- 
dennes,  19  7o-  Chauffées  au  rouge  vif,  elles  subissent 
un  retrait  considérable  qui  oblige  à  les  mélanger 
avec  des  argiles  cuites  (ciment),  ayant  déjà  subi  leut» 
retrait,  de  manière  à  éviter  les  déformations,  les  fentes, 
les  gerçures  qui  seraient  la  conséquence  du  change- 
ment de  volume  qu'elles  éprouvent  par  la  cuisson. 

C'est  à  la  présence  de  l'eau  combinée  avec  le 
silicate  d'alumine  que  les  argiles  doivent  leur  plas- 
ticité, c'est-à-dire  la  propriété  de  faire,  en  présence 
de  l'eau  ajoutée  en  quantité  convenable,  une  pâte 
liante,  qui  s'étire  et  qui  s'allonge  sans  se  briser.  Elles 


96  LB    VERRE. 

contiennent  presque  toutes  un  mélange  intime  de 
sable  quartzeux  et,  en  outre,  du  fer  oxydé  ou  sul- 
furé, de  la  chaux,  de  la  magnésie  et  des  matières 
organiques.  D'après  M.  Ricliters,  c'est  la  magnésie 
qui  nuit  le  plus  à  la  réfraclibilité  des  argiles  ;  la 
chaux,  l'oxyde  de  fer,  les  alcalis  ont  peu  d'influence 
sur  leur  qualité,  pourvu  que  la  proportion  de  ces 
corps  soit  très-minime.  Les  alcalis  témoignent  de 
l'origine  feldspathique  de  ces  matières  terreuses. 

Les  argiles  réfractaires  présentent  de  grandes  dif- 
férences dans  leur  composition  et  dans  leur  qualité; 
ces  différences  existent  même  pour  celles  qui  pro- 
viennent de  la  même  localité,  de  la  même  mine  et 
de  la  même  couche  horizontale  continue.  Si  l'analyse 
chimique  est  utile  pour  faire  connaître  les  principes 
constituants  d'une  terre  réfractaire,  elle  est  absolu- 
ment insuffisante  pour  fixer  sa  valeur  industrielle; 
ce  n'est  que  par  des  tâtonnements,  en  essayant  les 
argiles  seules  ou  mélangées,  qu'on  peut  arriver  à 
connaître  cette  valeur.  Telle  argile  qui  est  médiocre 
étant  employée  seule  devient  bonne  lorsqu'elle  est 
additionnée  d'une  autre  terre  qui,  prise  isolément, 
fournirait  de  mauvais  résultats. 

Toutes  les  argiles  renferment  du  fer  à  l'état  de 
sulfure  et  souvent  aussi  à  l'état  de  peroxyde.  Le  sul- 
fure de  fer  s'y  trouve  sous  forme  de  rognons  dont  la 
grosseur  varie  depuis  celle  d'un  grain  de  sable  jus- 
qu'à la  grosseur  d'une  noix;  on  cherche  autant 
qu'on  peut  le  faire  à  se  débarrasser  de  ces  pyrites 
en  concassant  la  terre  en  petits  morceaux  et  en  opé- 
rant le  triage  à  la  main  avec  beaucoup  de  soin. 


FABRICATION  DE   LA  POTERIE.  97 

Lorsque  le  fer  se  trouve  à  l'état  de  peroxyde, 
ainsi  que  cela  se  présente  parfois  dans  la  terre  de 
Forges,  ce  nettoyage  devient  plus  difficile.  Si  la  quan- 
tité de  ce  corps  est  notable,  la  cassure  fraîche  de 
Targile  le  laisse  voir  sous  forme  de  veines  ocreuses. 
Dans  ce  cas,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  rejeter  cette 
terre  qui  ne  donnerait  que  des  produits  défec- 
tueux. 

La  terre  de  Forges,  bien  choisie,  est  la  terre  grasse 
par  excellence,  surtout  quand  on  y  mélange  à  l'état  de 
ciment  de  la  terre  d'Andennes.  Avec  un  peu  d'habi- 
tude, on  apprécie  assez  bien  la  qualité  de  la  terre  de 
Forges.  Lorsque  sa  cassure  est  bien  lisse,  bien  lui- 
sante, elle  est  généralement  bonne.  Quand,  au  con- 
traire, la  cassure  est  terne,  arrachée,  elle  contient  du 
fer  peroxyde. 

Les  terres  d'Andennes  sont  plus  réfrac taires  que 
les  terres  de  Forges  :  elles  contiennent  une  certaine 
quantité  de  silice  à  l'état  de  sable  très-fin  disséminé 
dans  l'argile.  Elles  réclament  plus  de  soins  et  de  pré- 
cautions quand  elles  sont  employées  pour  la  confec- 
tion des  creusets.  Pendant  le  séchage  et  le  chauffage 
des  produits  fabriqués,  les  petits  grains  de  sable  se 
dilatent  tandis  que  la  terre  qui  les  entoure  prend  du 
retrait  :  de  là  des  gerçures  qu'on  n'évite  qu'en  pre- 
nant beaucoup  de  précautions.  Mais  les  pots  fabri- 
qués avec  un  mélange  de  terre  de  Forges  et  d'An- 
dennes supportent  sans  se  déformer  les  plus  hautes 
températures  des  fours  de  verrerie;  ils  présentent 
un  grain  parfaitement  net  et  homogène.  Les  creu- 
sets faits  avec   la  terre  de  Forges  employée  sans 

Peligot,  Le  Verre  7 


98  LE    V£RR£. 

addition,  placés  dans  les  mêmes  conditions  de  tem- 
pérature, se  ramollissent  et  se  déforment  par  un 
séjour  de  30  ù  liO  jours  dans  le  four  de  fusion.  Leur 
cassure  présente  l'aspect  d'un  commencement  de 
vitrification  ;  leur  durée  est  moins  grande  que  celle 
des  pots  faits  avec  les  deux  terres  mélangées. 

En  partant  de  ces  données,  il  semble  qu'on  pour- 
rait chercher  à  mélanger  à  la  terre  de  Forges  du 
sable  très-fin,  au  lieu  d'une  terre  plus  siliceuse; 
mais,  pratiquement,  le  mélange  du  sable  dans  la  terre 
qui  doit  servir  à  la  confection  des  creusets  ne  donne 
que  de  mauvais  résultats. 

En  France,  pour  le  verre  fin  et  pour  le  cristal,  ce 
sont  les  terres  de  Forges,  seules  ou  mélangées,  qu'on 
emploie.  Pour  les  glaces,  les  terres  d'Andennes  sont 
préférées  ;  les  cuvettes  (creusets)  fabriquées  avec 
ces  dernières,  résistent  mieux  aux  changements 
brusques  de  température  et  donnent,  paralt-il,  moins 
de  larmes  et  de  nœuds. 

Nous  avons  dit  que  pour  parer  au  retrait  consi- 
dérable que  toutes  les  argiles  subissent  à  la  cuisson, 
l'argile  crue  est  toujours  mélangée  avec  de  l'argile 
cuite  qu'on  désigne  habituellement  sous  le  nom  de 
ciment.  On  y  ajoute  une  petite  quantité  &' écailles  de 
pots;  ce  sont  des  débris  de  creusets  soigneusement 
débarrassés  du  verre  qui  y  reste  adhérent. 

Voici  la  composition  de  deux  de  ces  mélanges  : 

1°  Pour  creusets  : 

100  parties  d'argile  grasse  de  Forges. 
100     —      de  ciment. 
10      —      d'écaillés  de  pots  pulvérisés. 


FABRICATION  DE  LA. POTERIE.  99 

2"  Pour  cuvettes  : 

350  kilograitinies  de  terre  d'Andennes  grasse. 
260  —  —  calcinée. 

IDD  —  d'écaitles  de  pots. 

Ces  matières,  humectées  avec  de  l'eau,  sont 
transformées  en  une  pâte  homogène,  dans  un  pétris- 
soir  mécanique.  Le  mélange  est  ensuite  marché, 
ainsi  qu'on  te  fait  pour  la  plupart  des  pâtes  céra- 
miques. Un  homme  marche,  dans  sa  journée,  la 
quantité  de  terre  nécessaire  pour  faire  un  pot,  soit 
environ  300  kilogrammes.  On  fait  avec  cette  terre 
des  blocs  qu'on  laisse  pourrir  pendant  quelques 
semaines  dans  un  local  humide.  Cette  opération 
donne  à  la  matière  une  plus  grande  plasticité. 

Fabrication  des  pots,  ou  creusets. 

Les  creusets  qui  servent  à  fondre  le  verre  ont 
une   forme   et  une   dimension  variables.   Ils   sont 


ronds,  ovales,  rectangulaires;  pour  le  cristal  fait  à 
la  houille,  ils  sont  couverts  et  présentent  la  forme 
d'une  cornue  à  col  très-court;  leur  hauteur  varie 
entre  0,50  centimètres  et  1  mètre.  Quand  ils  sont 


400  ,LE    VERRE. 

cuits,  leurs  parois  latérales  ont  5  à  7  centimètres 
d'épaisseur;  le  fond  10  centimètres.  Les  grands 
creusets  contiennent  ordinairement  5  à  600  kilo- 
grammes de  verre  fondu  (fig.  11). 

La  confection  de  ces  creusets  est  très-minutieuse. 
Ils  se  font  à  la  main,  avec  ou  sans  moule  extérieur, 
par  la  superposition  de  petits  cylindres  de  pâte  argi- 
leuse qu'on  appelle  pastons  ou  colombins.  Le  plus  sou- 
vent on  se  sert  d'une  cuve  en  bois  avec  fond  mobile, 
tapissée  intérieurement  d'une  toile  mouillée.  Les 
colombins,  préparés  d'avance  et  aplatis  d'un  côté, 
sont  appliqués  sur  la  toile  les  uns  contre  les  autres, 
en  commençant  par  le  milieu  du  fond,  de  manière  à 
former  une  surface  continue.  On  les  monte  ainsi, 
en  amorçant  et  en  grattant  pour  souder  la  terre, 
qui  doit  être  aussi  dure  que  possible,  jusqu'à  ce 
qu'on  soit  arrivé  à  la  partie  supérieure  du  moule. 
,  Quand  le  creuset  est  terminé,  on  le  bat  intérieure- 
ment avec  une  molette  de  marbre  ou  de  bois,  dans 
un  local  un  peu  chaud.  Au  bout  de  quelques  jours, 
on  renverse  le  moule,  qu'on  enlève  ainsi  que  la  toile, 
et  on  répare  soigneusement  les  défauts  que  le  creuset 
peut  avoir  à  l'extérieur.  On  le  retourne  et  on  le 
laisse  sécher  pendant  quatre  à  huit  mois  dans  une 
pièce  chauffée  à  30  à  l\0\  Enfin  il  est  cuit  gra- 
duellement jusqu'au  rouge  avant  d'être  introduit  sur 
la  banquette  du  four  de  fusion,  à  la  place  du  creuset 
hors  de  service  qu'il  doit  remplacer. 

Dans  quelques  verreries,  les  pots  sont  faits  dans 
des  moules  à  charnières  (fig.  12)  ;  dans  d'autres  on 
les  façonne  par  la  superposition  des  colombins,  sans 


FABRICATION  DE  LA   POTERIE.  lOi 

ie  secours  du  moule.  Ce  travail  exige  des  ouvriers 
très-habiles  ;  mais  il  donne  des  vases  d'une  pftle  plus 
homogène  et  d'un  plus  long  usage. 

Un  potier  el  deux  aides  font  trois  à  quatre  pots 
par  semaine.  La  durée  de 
ces  pots  est  de  un,  deux, 
rarement  de  trois  mois. 

Pour  le  cristal  fait  à 
la  houille,  on  emploie 
des  pots  couverts,  dont  on 
termine  la  confection  sans 
moule.  On  y  introduit, 
avant  de  faire  le  dAme,  le 

cercle  d'argile  dont  nous  indiquerons  plus  loin 
l'utilité. 

Briques  pour  la  oonstruction  des  fours. 

Un  four  de  verrerie,  une  fois  en  feu,  ne  cesse - 
d'être  chauffé  que  lorsqu'il  se  trouve  hors  de  service 
en  raison  des  détériorations  qu'il  a  subies.  On  le 
démolit  entièrement  pour  le  reconstruire  à  nouveau. 

Les  briques  des  fours  ont,  en  conséquence,  à 
supporter  une  température  continue  extrêmement 
élevée.  Elles  doivent  être  fabriquées  avec  le  plus 
grand  soin  avec  des  terres  bien  choisies,  particu- 
lièrement celles  qui  forment  les  voûtes  et  lesarcades  : 
il  est  de  la  plus  haute  importance  d'éviter  que  la 
fusion  de  ces  briques  n'introduise  des  larmes  dans 
les  creusets. 

C'est  de  la  qualité  de  ces  briques  que  dépend  la 
durée  plus  ou  moins  longue  du  four  et  aussi  sa  bonne 


402  LE    VERRE. 

marche.  Tous  les  maîtres  de  verrerie  savent  par 
expérience  qu'un  four  en  bon  élat  donne  du  meilleur 
verre  qu'un  four  détérioré. 

La  terre  réfractaire  seule  ne  donnerait  pas  des  bri- 
ques assez  résistantes  ;  il  faut  y  ajouter  du  sable  blanc, 
très-pur.  Les  roches  quartzeuses  ou  les  cailloux  roulés 
conviennent  mieux  pour  cet  usage  que  les  sables  em- 
ployés dans  la  composition  du  verre.  On  enlève,  au 
moyen  de  l'acide  sulfurique  étendu,  le  fer  que  ces  pro- 
duits contiennent  souvent.  A  cet  effet,  après  les  avoir 
cassés  en  petits  fragments,  on  les  chauffe  fortement 
dans  un  four  à  réverbère,  puis  on  les  fait  tomber  dans 
une  auge  remplie  d'eau  froide  :  en  les  élonant  ainsi, 
ils  deviennent  friables  et,  passés  à  la  meule,  ils  sont 
réduits  en  une  poudre  qui  ne  doit  pas,  néanmoins, 
être  trop  ténue.  C'est  dans  cet  état  qu'on  les  fait 
thauffer  pendant  12  à  15  heures  avec  de  l'acide 
sulfurique  dilué  dans  une  caisse  en  fonte  garnie 
de  plomb.  Ce  sable,  devenu  parfaitement  blanc, 
est  lavé  à  grande  eau  et  séché. 

La  quantité  de  quartz  à  mélanger  varie  suivant 
la  position  que  les  briques  doivent  occuper  dans 
le  four.  Ainsi  les  briques  de  la  voûte,  qui  sont  expo- 
sées aune  température  extrêmement  élevée,  doivent 
contenir  de  80  à  85  pour  100  de  sable  blanc  très-pur. 
Dans  les  fours  à  pots  découverts,  si  les  briques  de  la 
voûte  ne  sont  pas  assez  réfractaires ,  elles  entrent 
peu  à  peu  en  fusion  et  donnent  les  larmes  que  les 
ouvriers  rencontrent  dans  le  verre. 

Les  briques  des  sièges  qui  sont  exposées  au 
contact  du  verre  qui  déborde  pendant  la  fonte  ou 


FABRICATION  DE  LA  POTERIE.  403 

qui  coule  lorsque  les  creusets  viennent  à  casser, 
doivent  contenir  beaucoup  moins  de  sable.  Trop 
siliceuses,  elles  seraient  rapidement  rongées  par 
le  verre  qui  tombe  presque  constamment  du  creuset 
dans  le  four;  formées  au  contraire  par  de  Targile 
presque  pure,  elles  résistent  mieux  à  l'action  dissol- 
vante des  éléments  basiques  du  verre,  bien  qu'elles 
soient  moins  réfractaires  que  celles  qui  contiennent 
beaucoup  de  silice. 

Je  dois  ajouter  que  dans  certains  cas  ,  par 
exemple    lorsqu'on   emploie  les    fours  du  système 

■ 

Siemens,  il  est  très-important  que  le  verre  qui  tombe 
sur  le  siège  ne  s'infiltre  pas  à  travers  les  joints  du 
massif  de  briques  de  manière  à  pénétrer  dans  les 
chambres  dites  régénérateurs.  Des  accidents  de  ce 
genre  bouchent  rapidement  les  intervalles  des  bri- 
ques placées  en  quinconce  dans  ces  appareils  et 
obstruent  le  passage  de  l'air  et  des  gaz.  Si  l'obstruc- 
lion  est  partielle,  le  four  marche  mal;  si  elle  est 
complète,  il  ne  marche  plus. 

On  évite  ces  accidents  en  réglant  soigneusement 
la  composition  des  briques  formant  le  massif  situé 
entre  le  siège  et  les  régénérateurs,  de  telle  façon 
que  la  dilatation  du  sable  que  contiennent  ces 
briques  soit  supérieure  au  retrait  que  ces  briques* 
éprouvent.  Dans  ces  conditions,  les  joints  sont  par- 
faitem'ents  bouchés  et  ils  ne  laissent  aucun  passage 
au  verre. 

Ce  débordement  du  verre  en  fusion  sur  les  sièges 
des  fours  Siemens  oblige  quelquefois  à  établir  une 
chambre  spéciale   pour  recevoir  ce  verre  avec  un 


404  LE    VERRE. 

conduit  qui  débouche  dans  le  siège  et  qui  commu- 
nique avec  cette  chambre. 

La  silice  que  Ton  introduit  dans  les  briques  est 
souvent  aussi  du  sable  blanc  de  Champagne  ou  d'ail- 
leurs, bien  lavé  et  purifié  au  besoin,  ainsi  qu'il  a  été 
dit  ci-dessus.  Le  principal  inconvénient  du  sable  est 
de  donner  des  briques  ayant  peu  de  cohésion.  En 
effet,  chaque  grain  de  sable  est  un  petit  galet  à  angles 
arrondis,  et  le  défaut  d'aspérités  rend  l'adhérence  du 
sable  et  de  la  terre  difficile  à  obtenir.  Aussi,  nous 
avons  dit  qu'il  est  préférable  de  choisir  des  cailloux 
bien  blancs  et  de  les  piler.  Avec  cette  poudre  à  angles 
vifs,  on  obtient,  par  son  mélange  avec  la  terre,  des 
briques  ayant  beaucoup  plus  de  cohésion. 

Un  mélange  de  cette  nature  pour  briques  de  four 
peut  être  fait  dans  les  proportions  suivantes  : 

250  kilogrammes  de  terre  de  Forges. 

250  —  d'argile  calcinée  provenaat  d'anciennes 

voûtes  de  four. 
100  —  de  sable  quartzeux  purifié. 

On  fabrique  en  Angleterre,  dans  le  pays  de  Galles, 
des  briques  fort  recherchées  qui  sont  faites  avec  du 
quartz  aggloméré.  La  matière  première  se  rencontre 
à  Dinas,  dans  la  vallée  de  Neath  ;  c'est  du  silex  pres- 
que pur.  La  roche,  réduite  en  poudre,  est  mélangée 
avec  1  7o  de  chaux  environ,  et  une  quantité  d'eau 
suffisante  pour  que  la  matière  puisse  s'agglutiner 
étant  comprimée  dans  des  moules  en  fer.  On  lui 
donne  la  forme  de  briques  qu'on  sèche  et  qu'on 
soumet  à  la  cuisson  à  une  température  très-élevée  : 


FOURS  DE   FUSION.  405 

elles  sont  de  formes  et  de  dimensions  diverses,  à  la 
demande  du  constructeur  du  four.  La  chaux  joue  le 
rôle  de  flux  à  la  surface  des  grains  de  quartz  et 
détermine  leur  agglomération  :  ces  briques  se 
dilatent  par  la  chaleur,  tandis  que  les  briques  argi- 
leuses se  contractent;  elles  présentent  au  feu  une 
résistance  considérable  qui  les  fait  préférer  pour  la 
construction  des  voûtes  des  appareils  destinés  à  sup- 
porter de  très-hautes  températures. 

Fours  de  fusion. 

La  chaleur  qui  se  développe  dans  les  fours  à 
fondre  et  à  travailler  le  verre  doit  être  très-élevée  et 
facile  à  régler.  Quel  que  soit  le  système  adopté,  la 
flamme  circule  autour  des  pots,  ceux-ci  reposant  sur 
les  banquettes;  la  voûte  du  four  est  surbaissée  de 
manière  à  profiter  de  la  chaleur  réfléchie. 

La  nécessité  de  réduire  autant  que  possible  le 
prix  de  revient  du  verre  en  diminuant  la  consom- 
mation du  combustible,  a  conduit  à  des  changements 
considérables  dans  Taménagement  de  ces  appareils 
de  chauffage.  C'est  surtout  sous  ce,  rapport  que  de 
grands  progrès  se  sont  produits  dans  Tindustrie  du 
verre  dans  ces  quinze  dernières  années-:  ces  progrès 
n'ont  point  dit  leur  dernier  mot,  et  divers  systèmes, 
qui  ne  sont  pas  encore  sortis  de  leur  période  d'essais, 
permettront  sans  doute  de  réaliser  de  nouvelles 
économies  au  point  de  vue  de  la  consommation  du 
combustible  et  de  la  rapidité  du  travail. 

Les  fours  aujourd'hui  en  usage  sont  : 

1"  Les  fours  ordinaires; 


10r>  LE    VEHRli. 

S'»  Les  fours  du  système  Siemens; 
3<^  Les  fours  du  système  Boétius; 
i^  Les  fours  à  une  seule  cuvette. 

Fours  ordinaires. 

Les  fours  ordinaires  sont  chauffés  avec  Li 
houille  ou  avec  le  bois,  le  plus  souvent  aujourd'hui 
avec  le  combustible  minéral.  Quelque  soit  le  com- 
bustible, les  dispositions  générales  sont  à  peu  près 
semblables;  il  en  est  de  même  pour  les  fours  du 
système  Siemens.  Quant  aux  fours  Boétius,  ils  sont 
construits  pour  l'emploi  exclusif  de  la  houille. 

Les  fours  de  fusion  sont  de  forme  circulaire, 
ovale  on  rectangulaire.  Ils  contiennent  ordinairement 
de  huit  à  douze  creusets.  Dans  les  fours  ordinaires, 
se  trouve  une  longue  grille  en  contre-bas  du  sol.  Le 
tirage  se  fait  par  des  galeries  souterraines  qui  se 
coupent  à  angle  droit  et  qui  amènent  sous  la  grille 
Fair  nécessaire  à  la  combustion.  Quelquefois  le  tirage 
est  augmenté  par  un  ventilateur  auxiliaire. 

Les  dispositions  de  ces  fours  sont  indiquées  plus 
loin  par  les  dessins  concernant  la  fabrication  des 
verres  à  vitres,  des  bouteilles,  des  glaces,  du 
verre  de  Bohême,  du  cristah  On  y  voit  que  chaque 
pot  se  trouve  en  communication  avec  une  ouver- 
ture, ménagée  dans  la  paroi  du  four,  qu'on  bouche 
pendant  la  fonte.  C*est  par  cette  ouverture  {Voutyreau) 
qu'on  introduit  les  matières  premières,  la  composition, 
qu'on  cueille  le  verre  et  qu'on  réchauffe  les  pièces  en 
cours  de  fabrication. 


FOURS  DE   FUSION.  107 

Fours  de  MM.  Siemens. 

Les  fours  à  gaz  du  système  Siemens  mettent  i\ 
profit  deux  principes  : 

i^  On  substitue  à  Faction  directe  du  combustible 
celle  des  produits  résultant  de  sa  distillation;  ces  pro- 
duits, véritables  combustibles  gazeux,  sont  Foxyde 
de  carbone,  les  carbures  d'hydrogène  et  Fhydrogène. 
L'importance  et  les  avantages  de  cette  substitution 
ont  été  depuis  longtemps  établis  par  les  célèbres  tra- 
vaux d'Ebelmen. 

S**  Ces  gaz  et  l'air  qui  doit  servir  à  leur  combustion 
sont  dirigés,  sans  être  mélangés^,  dans  deux  cham- 
bres remplies  de  briques  réfractaires  à  claire-voie, 
préalablement  portées  à  la  température  rouge  par 
la  flamme  sortant  du  four  de  verrerie;  ils  s'échauffent 
eux-mêmes,  par  conséquent,  par  leur  contact  avec 
ces  briques.  Ces  chambres  sont  désignées  sous  le 
nom  de  régénérateurs. 

En  conséquence  les  deux  masses  gazeuses,  après 
avoir  traversé  séparément  de  bas  en  haut  ces  cham- 
bres, sont  conduites  dans  le  four  où  elles  se  mélan- 
gent et  se  combinent,  ajoutant  à  la  chaleur  qu'elles 
ont  acquise  déjà  celle  qui  est  due  à  Faction  chimique. 

La  flamme,  qui  est  la  conséquence  de  cette  action, 
prend  naissance  à  une  petite  distance  de  la  ban- 
quette sur  laquelle  reposent  les  creusets;  elle  tra- 
verse tout  le  four,  y  détermine  les  effets  dûs  à 
sa  température  très-élevée;  puis^  à  sa  sortie,  elle 
pénètre  dans  deux  autres  régénérateurs  en  leur 
cédant  la  presque  totalité  de  la  chaleur  qui  lui  reste  : 


108  LE    VERRE. 

les  gaz  de  la  combustion  sortent  par  la  chemiDée 
considérableinent  refroidis. 

Ainsi  les  deux  régénérateurs  d'entrée  et  les  deui 
régénérateurs  de  sortie  agissent  en  sens  inverse  :  les 


Fig.  13. 
Légende. 
FiK.  13.  —  Coupe  verlicftle  du  générateur  It  gaz  de  C.  W.  Siemens. 
A,  ouverture  pour  charger  la  bouille. 
BC,  massif  incliné  sur  lequel  glisse  le  combustible. 
C,  D,  barreaui  qui  donnent  accèa  k  l'air. 
En  arrière  de  la  grille  ae  trouve   un  tuyau  amenant  l'eau  qui,  vaparisée, 

est  décomposée  par  le  combustible  on  ignition. 
E,  sortie  des  gaz  ;  refroidis  dans  un  long  et  large  tuyau  en  taie  (jtffifeii). 
ils    arrivent    par    un    conduit   horizontal  dans   l'une   des    chambri^ 
remplies  de  briques  k  cloira-voie  qui  sont  au-deaaous  du  four  de  fusi»' 

premiers  sont  traversés  de  bas  en  haut,  l'un  par  les 
produits  gazeux  de  la  distillation,  l'autre  par  l'air; 
ceux  de  sortie  sont  traversés  de  haut  en  bas  par  le 
mélange  des  gaz  brûlés  sortant  du  four;  en  consé- 
quence, ces  derniers  cèdent  aux  briques  des  régéné- 


FOURS  DE   FUSION.  103 

rateurs  la  chaleur  qu'ils  doivent  fournir  à  l'air  et  aux 
gaz  non  brûlés  lors  du  passage  de  ceux-ci  et  de  l'aireri 
sens  opposé.  Au  moyen  de  quatre  valves  d'entrée  et  de 
sortie,  mues  à  des  intervalles  réglés,  toutes  les  demi- 


Ugertde. 
Pig.  14.  ^— Coupe  transversale  du  four  de  ru»!on.  Lea  gu  du  générateur  arrivent 
en  A,  et  l'air  est  aspiré  en  A,  les  deut  colonnes  gaieusea  pénétrant,  sans  eire 
mélangées  de  bas  en  haut,  dans  deux  chambres  continues  {régénérateurs  d0 
chaleur)  qui  ont  emmagasiné  et  qui  leur  cèdent  la  baule  température  que 
les  gai  brûles  sortant  du  tour  de  Tusion  leur  ont  laissée. 

heures  ou  toutes  les  heures,  les  quatre  chambres 
fonctionnent  alternativement  pour  donner  de  la  cha- 
leur aux  gaz  entrants  et  pour  en  dépouiller  et  mettre 
en  réserve  celle  des  gaz  qui  sortent  du  four  {6g.  ih, 
15  et  16). 

La  vitesse  des  courants  gazeux  est  réglée  par  la 
cheminée  d'appel,  en  diminuant  ou  en  augmentant 
l'accès  de  l'air  sous  la  grille,  etc. 

La  température  des  gaz  est  de  1,100°  à  1,600°, 
et  peut  dépasser  2,000%  par  suite  des  combinaisons 


KO  LE   VERRE. 

qui  s'effectuent  dans  le  four  ;  elle  est  tellement 
élevée  que  plus  d'une  fois,  lorsque  ce  mode  de 
chauffage  était  encore  dans  sa  période  d'essai,  les 
creusets  et  le  four  ont  été  eux-mêmes  partiellement 
fondus.  Les  gaz 
qui  sortent  par 
la  cheminée  ne 
sont  plus  qu'à 
une  tempéra- 
ture relative- 
ment basse,  de 
170»  à  20Ô-. 
Les  gaz  de 
^_^,__,g„,^_igfp^  la    combustion 

F,g  1-.  sont     produits 

Ugende.  danS     IcS    fféné- 

Coupe  verticale  du  four  de  TuBion  et  de»  régùnérateurB  rateurS   ((11?     13^ 
de  chaleur.  —  Les  gai  combustibles  et  l'air  arrivent,  i 

par  ewmple,  par  les  deux  chambres  contiguSs  de  dans  Icsquclsle 

droite,  se  mélangent  e^  brûlent  un  peu  aa-deasus  cOmbuSlible  CSt 
de  B;  les  gaz  brûlés  sortent  par  l'autre  ouverture, 

BB,à  gauche,  traversent  de  haut  en  bas  les  deux  mis  en  îgnition. 

chambres  de  gaucho  qu'elles  portent    J  la  haute  La   houille,    quï 
température  qui,  par   un  renversement  de  clapets  ^ 

Servira  à  échauffer  ultérieurement  les  gaz  et  l'air  eSt   le    COmbuS- 

qui  V  arriveront  par  la  partie  inférieure.  .■•■      _    , 

^  ■  *^  uble  qu  on  em- 

ploie le  plus  souvent,  bien  que  le  bois  sous  forme 
de  billettes  préalablement  séchées  soit  en  usage  dans 
quelques  verreries,  est  introduite  par  des  trémies 
que  l'on  ferme  au  moyen  de  couvercles  :  elle  des- 
cend sur  un  plan  incliné  et  elle  arrive  sur  une  grille 
également  inclinée;  au-dessus  se  trouve  une  voûte 
en  briques  qui  réverbère  la  chaleur  sur  la  houille 
fraîche  arrivant  par  le' plan  incliné  et  en  opère  la 


FOURS  DE  FUSION.  1H 

disiillaiion  partielle.  L'air  qui  traverse  la  grille  char- 
gée de  houille  donne  de  l'acide  carbonique  qui,  en 
contact  avec  les  couches  épaisses  de  charbon  incan- 
descent, se  transforme  en  oxyde  de  carbone  :  celui- 
ci  se  trouve  mé- 
langé avec  les  car- 
bures d'hydrogène 
et  l'hydrogène  ré- 
sultant de  la  distil- 
lation partielle  de 
la  houille. 

Ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  les  gaz 
combustibles  arri- 
vent par  un  large 
tuyau  horizontal 
dans  l'un  des  régé- 
nérateurs et  le  tra- 
versent de  bas  en 
haut;  l'air  appelé 
par  la  chem  inée  pé- 
nètre dans  la  cham- 
bre contiguë.  L'une  et  l'autre  chambre  est  garnie  de 
treillis  de  briques  déjà  rougies  par  la  chaleur  aban- 
■donnée  parles  gaz  brûlés  sortant  du  four.  Un  mince 
filet  d'eau  qui  tombe  près  du  combustible  incandes- 
cent, a  pour  objet  de  ménager  la  grille,  en  même 
temps  qu'il  produit  de  l'hydrogène  et  de  l'oxyde  de 
carbone  qui  s'ajoutent  aux  gaz  qu'engendre  la 
décomposition  de  la  houille. 

Les  fours  Siemens  présentent  des  avantages  con- 


Fig.  16. 
Légtnd«. 
Coupe  harizontalo  du  fourde  fusion  ï  la  hau- 
teur, et,  pour  une  partie,  au-desius  de»  crea- 

L'un  des  deui  orifices  D  D,  sert  alternative- 
ment à  l'entrée  do  l'sir  et  du  combustible 
gazeux,  landla  que  tes  gaz  do  la  combustion 
sont  aspinS»  par  l'autre. 


Mî  LE    VERRE. 

sidérables;  ils  permettent  de  réaliser  une  économie 
de  combustible  qui  s'élève  à  40  et  même  50  %  ;  ils 
peuvent  être  alimentés  avec  des  houilles  de  qualité 
inférieure;  dans  ce  cas,  l'économie  peut  aller,  dit- 
on,  jusqu'à  75  7o-  Néanmoins  un  mélange  de  houille 
grasse  et  de  houille  maigre  constitue  le  meilleur 
combustible  à  employer,  celui  qui  donne  la  produc- 
tion de  gaz  la  plus  régulière. 

La  capacité  intérieure  des  fours  de  verrerie  se 
trouve  considérablement  diminuée,  ceux-ci  n'ayant 
plus  ni  grilles,  ni  fosses.  Les  pots  peuvent  être 
très-rapprochés,  surtout  quand  les  fours  de  fusion  ne 
servent  pas  en  même  temps  pour  le  travail,  ainsi 
que  cela  se  présente  pour  la  fabrication  des  glaces. 

On  n'a  plus  à  redouter  les  cendres,  les  parcelles 
de  charbon  qui  dans  les  fours  ordinaires  sont  fré- 
quemment projetées  à  la  surface  du  verre;  en  même 
temps,  la  propreté  de  la  halle  et  des  outils  est  bien 
plus  facile  à  entretenir. 

D'un  autre  côté,  l'installation  de  ces  appareils  est 
fort  coûteuse;  leur  direction  exige  une  surveillance 
de  tous  les  instants  :  maintes  fois  de  violentes  explo- 
sions se  sont  produites  soit  au  moment  de  l'allumage 
des  gaz,  soit  par  suite  de  fausses  manœuvres  des  cla- 
pets qui  règlent  la  direction  des  gaz.  En  outre,  dans 
les  tuyaux  de  communication  entre  les  générateurs 
et  les  chambres,    il  y  a   condensation  de  produits 
goudronneux  qu'il  faut  brûler   de  temps  à  autre; 
celte  opération  est  fort  gênante  pour  le  voisinage, 
en  raison  de  la  grande  quantité  de  fumée  noire  »^ 
laquelle  elle  donne  naissance. 


FOURS  DE   FUSION. 


Four  Boétius. 


Depuis  quelques  années  ce  four,  inventé  par 
M.  Boéijus,  ingénieur  civil  à  Hanovre,  fonctionne 
dans  un  grand  nombre  de  verreries  de  France  et 
de  l'étranger.  Cet  appareil  est  d'une    construction 


Fig.  n. 

plus  simple  et  moins  coûteuse  que  celle  des  fours 
Siemens  :  il  a  pour  objet  l'utilisation  méthodique 
du  charbon,  l'échauEFement  de  l'air  desliné  à  sa  com- 
bustion et  le  parfait  mélange  des  gaz.  La  figure  17 
représente  les  dispositions  d'un  four  à  cristal  à 
12  creusets,  chauffé  par  deux  générateurs. 

La  houille,  chargée  par  les  deux  ouvertures  laté- 
rales, fournit  des  carbures  d'hydrogène  et  autres 
produits  combustibles  ;  elle  arrive  sur  les  grilles  D  à 

Pelicot,  Le  Fmte.  8 


414  LE    VERRE. 

l'état  (le  coke  :  celui-ci  brûle  au  contact  de  Taîr  en 
donnant  de  l'acide  carbonique  qui,  en  traversant  la 
couche  de  charbon  incandescent,  se  transforme  par- 
tiellement en  oxyde  de  carbone. 

La  grille  ne  laisse  passer  que  l'air  nécessaire  à 
la  combustion  du  coke.  Pour  brûler  les  gaz  formés, 
on  a  établi  des  prises  d'air  spéciales  dans  le  mas- 
sif E,  et  sur  le  devant  des  générateurs,  en  F.  Cet  air 
circule  par  des  carnaux  autour  des  générateurs;  en 
s'échauffant,  il  refroidit  les  briques  et  en  assure 
la  conservation  :  c'est  pour  arriver  au  même  résultat 
que  sont  établis  les  carnaux  H,  sous  les  sièges  du 
four.  De  là,  l'air  chaud  se  mélange  aux  gaz  par 
les  quatre  côtés  et  les  brûle  complètement.  Le  jet  des 
flammes  monte  à  la  voûte  et  est  ensuite  aspiré  par 
les  cheminées  ménagées  dans  les  piliers  du  four. 

Le  fondeur  règle  la  température  au  moyen  de  la 
hauteur  de  la  couche  de  charbon  dans  les  généra- 
teurs, en  décrassant  plus  ou  moins  la  grille  et  en 
donnant  de  l'air  par  les  ouvertures  K  ménagées  dans 
le  tablier  des  générateurs;  il  fait  également  varier, 
au  moyen  de  registres,  la  quantité  d'air  introduite 
dans  le  four  ainsi  que  le  tirage  des  cheminées. 

Les  avantages  de  ce  système,  d'après  M.  Boétius, 
sont  nombreux  :  l'économie  sur  le  combustible  s'élève 
à  30  7o;elle  est  plus  importante  encore  pour  les  éta- 
blissements qui  se  servent  de  houille  de  qualité  infé- 
rieure. On  obtient  une  température  plus  élevée  que 
dans  les  fours  ordinaires,  et  on  réduit  ainsi  la  durée 
des  opérations,  sans  compromettre  celle  du  four  ni 
celle  des  creusets. 


FOURS  DE   FUSION.  M5 

La  construction  de  cet  appareil  est  simple  et  ses 
dispositions  sont  telles  qu*il  est  facile  de  transformer 
les  anciens  fours  en  fours  de  ce  système.  A  la  vérité, 
la  flamme  qui  en  sort  n*est  pas  utilisée,  comme  dans 
le  système  Siemens  ;  mais  cette  perte  de  chaleur  se 
trouve  largement  compensée,  d'après  l'inventeur, 
par  les   avantages  qui  viennent  d'être   énumérés. 

Fours  à  vannes  et  à  cuvette. 

Dans  la  verrerie  de  M.  Fréd.  Siemens,  à  Dresde, 
on  fabrique  des  bouteilles  avec  le  verre  contenu  dans 
une  longue  cuvette  à  plusieurs  compartiments,  dis- 
posée de  telle  sorte  que  les  matières  premières  étant 
introduites  à  l'une  de  ses  extrémités,  le  soufflage  du 
verre  se  fait  à  l'autre  bout  du  four. 

Dans  un  rapport  intéressant  sur  l'Exposition 
universelle  de  Vienne  en  1873*,  M.  Léon  Mondron, 
de  Charleroi,  a  donné  de  ce  four  une  description  que 
nous  reproduisons  textuellement,  en  raison  de  la 
nouveauté  de  cet  appareil  et  de  la  place  importante 
qu'il  parait  destiné  à  prendre  dans  la  fabrication  de 
diverses  sortes  de  verre  : 

«  Le  principe  de  cette  invention  repose  sur  cette  particula- 
rité que  le  poids  spécifique  de  la  masse  de  verre  augmente  à 
mesure  que  se  fait  la  fusion;  on  obtient  ainsi  une  séparation 
d'après  les  différents  degrés  de  la  fonte,  qui  permet  que  la 
masse  de  verre  soit  soumise  à  une  température  correspon- 
dante à  chaque  place. 

i.  Documents  et  Rapports  des  jurés  et  délégués  belges.  Industrie 
de  la  verrerie,  par  M.  Léon  Mondron  ;  Bruxelles,  1874. 


LE   VERRE. 
K  Ceci  posé,  disoDs  tout  de  suite  que  le  four  de  M.  Fr.  Sie- 


mens  consiste  en  trois  bassins  A  est  la  place  à  fondre  ; 


FOURS  DE   FUSION.  417 

place  à  affiaer;  G  la  place  de  travail.  Au-dessous  se  trouvent 
les  régénérateurs  à  gaz  dont  la  partie  supérieure  seulement  est 
représentée  dans  la  coupe  ci-dessus  (ûg.  18). 

«  Supposons  que  la  partie  inférieure  de  chaque  division 
soit  remplie  de  verre  correspondant  aux  différentes  phases  de 
la  fonte,  tandis  que,  dans  la  partie  supérieure,  la  flamme  du 
gaz  agit  directement  sur  la  surface  du  verre. 

«  Cette  masse  ou  couche  de  verre  ne  doit  pas  dépasser  en- 
viron 40  centimètres  d'épaisseur. 

u  Le  fond  du  bassin,  ainsi  que  les  parties  latérales,  sont 
pourvues  de  refroidisseurs  d'air  ee",  pour  les  protéger  contre 
la  chaleur  et  l'effet  décomposant  du  verre. 

«  Au  moyen  de  cheminées  d'appel,  on  entretient  par  tous 
les  canaux  refroidisseurs  une  circulation  d'air  froid,  et  on  em- 
pêche, en  même  temps  qu'on  obtient  une  plus  longue  résis- 
tance du  matériel  réfractaire,  le  passage  du  verre  par  les 
jointures  des  briques  dans  les  parties  des  gargouilles  régéné- 
ratrices qui  se  trouvent  en  dessous. 

((  Le  mélange  du  verre  brut  placé  dans  le  compartiment  A 
tombe  doucement,  au  fur  et  à  mesure  de  la  fonte,  sur  le  fond 
du  bassin,  et  coule  par  les  canaux  a,  a^  faits  dans  la  partie  in- 
férieure du  mur  de  séparation  W,  puis  dans  la  partie  supé- 
rieure de  la  place  à  afûner  B. 

((  Cette  partie  du  four  est  pourvue  d'un  pont  refroidi  a,  qui 
est  à  quelques  pouces  plus  bas  que  le  niveau  supérieur  du 
verre  et  il  sert  à  conduire  le  verre  à  la  surface  chaude  pour 
l'affiner.  Le  verre,  bientôt  affiné  par  l'effet  de  la  chaleur  plus 
élevée  à  la  surface,  tombe,  sur  Tautïe  côté  du  pont  a,  de  nou- 
veau sur  le  fond  du  compartiment  B,  pour  entrer  ensuite  dans 
le  four  C,  par  des  ouvertures  5,  pratiquées  dans  le  pan  latéral. 

«  Le  verre,  prêt  à  être  travaillé,  est  recueilli  parles  ou- 
vreaux  c,  c,  c,  qui  se  trouvent  dans  le  mur  extérieur,  en  demi- 
cercle,  pour  être  livré  aux  souffleurs. 

«  Pour  éviter,  dans  la  marche  continuelle  du  verre  de  la 
place  de  fonte  à  la  place  de  travail,  toute  stagnation,  même 
partielle,  on  a  dû  rétrécir  les  passages  montants  a. 


448  LE   VERRE. 

«  L'inventeur  a  égal  ement  voulu  éviter  les  inconvénients 
du  refroidissement  ou  de  la  décomposition  du  verre  dans  le 
compartiment  de  travail  G,  en  relevant  le  pavement  de  ce 
compartiment  de  façon  à  n'y  laisser  pénétrer  qu'une  épais- 
seur de  verre  d'environ  30  centimères. 

«La  flamme  n'est  pas  introduite  par  la  direction  longitudi- 
nale, mais  par  la  latérale  à  travers  les  bassins.;  le  gaz  et  Tair 
passent  également  et  alternativement  par  les  passages  g  et  l 
dans  la  partie  supérieure  de  la  vanne. 

«  Le  passage  .atéral  de  la  flamme  au  travers  du  bassin  est 
indispensable  pour  obtenir,  dans  les  différentes  parties  du 
four,  les  divers  degrés  de  chaleur  nécessaires.  Pour  le  même 
motif,  on  a  construit  le  mur  de  séparation  refroidi  W  et  on  a 
ainsi  séparé  tout  à  fait  des  autres  compartiments  le  bassin  où 
se  fait  la  première  fonte. 

«  L'autre  séparation  V  n'atteint  pas  la  voûte  ou  couronne, 
de  sorte  qu'une  partie  de  la  flamme  pénétrant  dans  la  divi- 
sion B  passe  au-dessus  de  v  dans  la  place  de  travail  G  et  peut 
s'échapper  par  les  ouvrages  c,  c,  c,  comme  cela  se  fait  dans 
les  fours  ordinaires. 

((  En  résumé,  les  principaux  avantages  du  four  à  fondre  et 
à  soufflage  continus  sont  faciles  à  saisir  : 

«  !•  Suppression  des  creusets  et  de  tous  les  frais  et  incon- 
vénients auxquels  ils  sont  sujets; 

((  2<'  La  fonte  et  le  soufflage  ayant  lieu  en  même  temps, 
augmentation  considérable  de  la  production,  puisqu'il  n'y  a 
aucune  interruption  dans  la  fabrication,  qui  est  réglée  de 
6  heures  du  matin  à  6  heures  du  soir  et  de  6  heures  du  soir 
à  6  heures  du  matin. 

((  3»  Durée  plusgrande  et  absence  des /armes  de  la  couronne, 
grâce  à  une  parfaite  uniformité  de  la  chaleur  dans  chaque 
four  et  surtout  à  la  chaleur  toujours  tempérée  du  four  de  tra- 
vail. 

«  Il  est  à  remarquer,  en  outre,  que  chaque  partie  de  la 


FOURS  DB  FUSION.  H9 

masse  fondante,  dont  Tépaisseur  ne  dépasse  pas  ftO  centi- 
mètres, comme  nous  l'avons  dit,  est  exposée  tout  entière  à  la 
chaleur  du  four,  tandis  que,  dans  les  systèmes  actuels  de  tra- 
vail, la  chaleur  entière  du  four  produit  son  effet  seulement  à 
la  surface  des  creusets  et  que  les  couches  de  verre  qui  se  trou- 
vent au-dessous  ont  beaucoup  moins  de  chaleur,  ce  qui  né- 
cessite l'emploi  d'une  chaleur  essentiellement  plus  grande 
que  celle  qui  répond  à  la  vraie  température  pour  la  masse  à 
fondre. 

«  Au  dire  du  célèbre  inventeur,  qui  en  a  fait  Texpérience 
dans  ses  établissements  à  Dresde,  un  four  à  8  places  (16  souf- 
fleurs) de  son  nouveau  système  dit  à  vannes,  consomme  à  peu 
près  la  même  quantité  de  charbon  qu'un  four  ordinaire  à  gaz 
ayant  12  creusets  et  sa  production  est  plus  du  double.  M.  Fr. 
Siemens  possède  plusieurs  fours  à  vannes  pour  la  fabrication 
des  bouteilles  et  un  autre  four  qui  produit  tous  les  articles 
d'éclairage  et  des  cylindres  en  verre  blanc  dont  la  qualité  et  la 
teinte  ne  laissent  rien  à  désirer. 

((  Mais  dans  ce  procédé,  comme  dans  Tautre  de  M.  Fr.  Sie- 
mens, à  un  degré  moindre,  il  est  vrai,  il  se  présente  un  in- 
convénient capital,  qui  en  retardera  peut-être  encore  Tappli- 
cation  dans  notre  pays  :  c'est  que  la  dépense  pour  la 
construction  des  fours  à  vannes  est  plus  élevée  que  celle  pour 
nos  fours  ordinaires;  car  un  four  à  6  places,  y  compris  le  ga- 
zomètre, coûterait,  au  dire  de  M.  Fr.  Siemens,  la  somme  de 
12,000  à  15,000  francs. 

«  Ces  fours  ne  peuvent  d'ailleurs  être  utilisés  que  pour  une 
production  considérable  de  verre  ayant  la  même  teinte,  parce 
que  la  transition  d'une  couleur  à  une  autre  donne  lieu  à  cer- 
tains inconvénients  qu'il  n'est  possible  de  faire  disparaître 
qu'après  plusieurs  journées  de  travail.  » 

On  voit  que  dans  ce  four,  la  sole  est  divisée  en 
trois  compartiments  par  des  autels  transversaux  :  le 
premier  sert  à  la  fusion,  le  second  à  l'af&nage  et  le 


120  LE    VERRE. 

troisième  au  cueillage  du  verre.  Dans  un  autre  four 
qui  fonctionne  à  Dresde,  le  second  autel  est  supprimé 
et  remplacé  par  des  couronnes  en  argile,  au  nombre 
de  quatre-vingts,  dans  lesquelles  le  verre  s'affine  en 
circulant.  Des  courants  d'air  froid  sont  ménagés  sous 
la  sole  du  four  afin  de  rendre  sa  durée  plus  longue. 

On  fait  entrer  dans  la  composition,  dont  le  char- 
gement se  fait  toutes  les  deux  heures,  une  certaine 
quantité  de  granité  en  poudre  et  d'autres  roches  sili- 
ceuses contenant  de  la  silice,  de  la  soude  ou  de  la 
potasse  etde  l'alumine.  On  consomme  environ  70  kilo- 
grammes de  lignite  pour  fondre  et  pour  travailler 
100  kilogrammes  de  verre. 

MM.  Videau  et  Clemandot  ont  construit  à  Blanzy 
(Saône-et- Loire),  dans  une  verrerie  à  bouteilles 
appartenant  à  M.  J.Chagot  et  0%  un  four  dans  lequel 
on  a  remplacé  les  creusets  pour  fondre  le  verre  par 
une  seule  cuvette  de  grande  dimension  chauffée  au 
gaz.  J'ai  fait  connaître  précédemment  la  composition 
d'un  échantillon  de  verre  dé  vitrifié  que  M.  Videau 
m'a  remis  lors  de  la  mise  hors  feu  d'un  four  de 
cette  nature. 

Fonte  des  matières  qui  fournissent  le  verre. 

Les  phénomènes  qui  se  produisent  pendant  la 
fusion  varient  avec  la  nature  des  verres.  Si  la  compo- 
sition est  un  mélange  de  silice,  de  carbonate  de  chaux 
et  de  carbonate  de  soude,  la  matière  s'affaisse  et  se 
fritte  d'abord,  et  quand  la  fusion  commence,  elle  est 
rendue  huileuse  par  suite  du  dégagement  de  l'acide 


FONTE  DES  MATIÈRES.  Mi 

carbonique  contenu  dans  les  sels  employés;  elle 
contient  en  suspension  le  sable  qui  rend  le  verre 
opalin  et  qui  disparaît  au  fur  et  à  mesure  que  raffi- 
nage devient  plus  complet. 

Le  sel  de  soude  est-il  remplacé  par  un  mélange 
de  sulfate  de  soude  et  de  charbon,  il  y  a  production 
d'acide   sulfureux  et  d'acide  carbonique.  Dans  tous 

« 

les  cas,  il  est  nécessaire  qu'il  y  ait  dégagement  de 
produits  gazeux  qui  produisent  le  brassage  de  la 
matière  et  la  rendent  plus  homogène.  C'est  pour 
cette  raison  que  pour  faire  le  cristal,  au  lieu  d'em- 
ployer la  litharge,  on  se  sert  du  minium;  ce  corps, 
en  se  transformant  en  protoxyde,  donne  de  l'oxy- 
gène, qui  opère  ce  brassage  et  qui,  en  outre,  brûle 
les  matières  organiques  que  la  potasse  ou  le  sable 
pourraient  renfermer.  L'acide  arsénieux,  qu'on  intro- 
duit en  petite  quantité  tant  pour  compléter  l'affi- 
nage de  beaucoup  de  sortes  de  verres  que  pour  les 
décolorer,  agit  de  la  même  façon  en  se  volatilisant, 
lien  est  de  même  du  nitre,  qui  fournit  des  produits 
gazeux  oxydants,  et,  en  même  temps,  un  fondant 
alcalin,  mais  qu'on  ne  peut  employer  qu'en  quantité 
minime,  parce  qu'il  use  rapidement  les  pots. 

Quand  le  verre  est  fondu,  on  y  ajoute  une  petite 
quantité  de  bioxyde  de  manganèse,  (savon  du  verrier) , 
pour  le  blanchir;  ce  corps  agit  soit  en  brûlant  l'excès 
de  charbon  qui  jaunit  le  verre,  soit  en  suroxydant  le 
fer  qui  se  trouve  à  l'état  de  silicate  vert  de  protoxyde, 
soit  en  produisant  le  phénomène  des  couleurs  com- 
plémentaires ;  le  violet  qu'il  donnerait,  s'il  était 
seul,  'neutralise  la  teinte  verte  du  silicate  de  fer. 


nt  LE    VERRE. 

Cette  dernière  explication  est  la  pltis  plausible  ;  car 
on  a  constaté  qu'en  fondant  ensemble  deux  verres, 
Tun  coloré  en  vert  par  le  fer,  l'autre  en  rougeâtre 
par  le  manganèse,  on  obtient  un  verre  incolore. 
L'acide  arsénieux  exerce  aussi  une  action  décolo- 
rante; il  brûle  le.  carbone  ou  il  fait  passer  le  fer  à 
son  maximum  d'oxydation;  la  teinte  jaunâtre  du 
silicate  de  peroxyde  de  fer  est  peu  sensible. 

La  matière  argileuse  qui  constitue  le  creuset  ne 
résiste  pas,  d'ailleurs,  indéfiniment  à  Faction  corro- 
sive  des  produits  qu'elle  reçoit;  à  la  longue,  elle  se 
vitrifie  elle-même;  elle  se  dissout  dans  le  verre  fondu. 
De  là  vient  la  petite  quantité  d'alumine  et  d'oxyde 
de  fer  qu'on  trouve  dans  tous  les  verres.  Les  parois 
du  creuset  s'amincissent  de  plus  en  plus,  jusqu'au 
moment  où  elles  se  fendillent,  n'ayant  plus  une 
épaisseur  suffisante  pour  résister  à  la  pression  inté- 
rieure très-considérable  que  le  verre  fondu  exerce 
sur  elles. 

Le  remplacement  d'un  pot  hors  de  service  par 
un  pot  neuf  se  fait  en  déplaçant  les  briques  mobiles 
dans  lesquelles  sont  pratiquées  les  ouvertures  de 
cueillage  et  de  réchauffage,  en  sortant  par  celte 
ouverture  le  vieux  pot  et  en  y  introduisant  le  nou- 
veau, déjà  chauffé  dans  un  four  spécial  à  une  haute 
température.  La  plupart  des  fours  sont  munis  d'ar- 
cades qui  correspondent  aux  creusets  qu'ils  contien- 
nent. La  devanture  de  chacune  de  ces  arcades  est 
mobile  et  s'enlève  à  volonté  :  elle  se  compose  d'un 
petit  nombre  de  briques  ;  une  grosse  brique  carrée 
s'applique  immédiatement   devant  le  creuset;  au- 


FONTE  DES  MATIÈRES.  4S3 

dessus  se  trouvent  deux  briques  placées  de  champ 
ou  pied-droit,  lesquelles  supportent  la  plate^forme, 
brique  semi-circulaire  dans  laquelle  sont  pratiqués 
les  trous  ou  ouvreauœ  pour  le  cuelUage,  avec  une 
autre  brique  de  fermeture  :  en  quelques  minutes, 
ces  diverses  pièces  dont  la  forme  et  les  dimensions 
varient  avec  les  exigences  du  travail,  sont  enlevées 
et  replacées. 

Indépendamment  des  produits  gazeux,  tels  que 
Tacide  carbonique,  Facide  sulfureux,  la  vapeur 
d'eau,  l'oxygène,  l'acide  arsénieux,  etc.,  il  se  pro- 
duit des  fumées  blanches  qui  sont  dues  à  la  volati- 
lisation des  chlorures  contenus  dans  les  sels  de 
potasse  ou  de  soude,  ou  de  ces  alcalis  eux-mêmes  ; 
aussi  la  voûte  d'un  vieux  four  est-elle  toujours  ta- 
pissée à  l'intérieur  d'une  couche  épaisse  de  matières 
vitrifiées.  Ce  sont  ces  matières  qui,  liquéfiées  par  la 
chaleur,  tombent  dans  les  creusets  et  y  produisent 
les  larmes. 

A  mesure  que  la  température  se  prolonge,  la 
matière  devient  moins  huileuse;  elle  s'éclaircit,  elle 
s'affine;  elle  devient  très-liquide.  Le  fiel  de  verre^  qui 
est  un  mélange  de  sulfates  et  de  chlorures  alcalins, 
monte  à  la  surface  de  la  matière  fondue  et  est  enlevé 
avec  des  outils  en  fer.  Quand  l'affinage  parait  suffi- 
samment avancé,  on  souffle  quelques  fioles  épaisses 
de  verre  et  on  examine  attentivement  si  elles  sont 
exemptes  de  coloration,  de  bulles,  de  bouillons,  de 
stries,  de  grains  de  sable.  Lorsque  cette  épreuve  est 
satisfaisante,  on  laisse  la  température  s'abaisser  de 
manière  à  donner  au  verre  la  consistance  pâteuse 


^24  LE   VERRE. 

qui  permet  de  le  travailler.  La  fonte  et  ï affinage  ont 
duré  douze  à  vingt-quatre  heures.  On  fait  alors  le 
travail.  Chaque  creuset  vidé,  on  introduit  par  Tou- 
vreau,  et  par  fractions,  la  composition,  et  on  recom- 
mence la  fonte.  Ainsi  la  fabrication  est  continue; 
elle  ne  s'arrête  que  quand  le  four  lui-même  est  tel- 
lement détérioré  qu'on  est  forcé  de  le  reconstruire. 
Ce  qui  arrive  après  une  année  ou  deux  de  service. 


CHAPITRE  TROISIEME 


Silicates  alcalins.  —  Verres  solubles. 


Les  verres  sont  des  mélanges  ou  des  combi- 
naisons d'un  silicate  alcalin  avec  un  silicate  terreux, 
ou,  pour  le  cristal,  avec  le  silicate  de  plomb. 

Avant  d'entrer  dans  les  détails  de  fabrication  des 
diflférents  verres,  il  importe  de  connaître  les  pro- 
priétés des  silicates  alcalins.  Les  verres  qui  en  con- 
tiennent au  delà  d'une  dose  convenable  sont  facile- 
ment attaqués  par  l'eau,  par  les  acides,  par  les  alca- 
lis, etc.  Nous  avons  vu  qu'aujourd'hui  ceux  qui 
proviennent  d'une  bonne  fabrication,  résistent  aux 
agents  chimiques.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  néces- 
saire d'étudier  les  propriétés  des  verres  solubles,  les- 
quels, fabriqués  dans  d'autres  établissements  et  pour 
d'autres  usages  que  les  verres  ordinaires,  ont  donnq 
lieu,  depuis  quelques  années,  à  plusieurs  applica- 
tions industrielles  importantes. 

Van  Helmont  a  montré,  dès  1640,  qu'en  fondant 
du  sable  avec  beaucoup  de  potasse  on  obtient  un  pro- 
duit  très-soluble  dans  l'eau,  qui  tombe  même  en 


426  LE    VERRE. 

déliquescence  à  l'air.  Celte  dissolution  est  la  Uqueur  des 
cailloux.  En  employant  l'alcali  en  moindre  quantité, 
on  obtient  les  verres  solubles.  Ceux-ci  ressemblent 
aux  verres  ordinaires  par  leur  aspect  transparent 
et  vitreux;  peu  attaquables  par  l'eau  froide,  ils  sont 
solubles  dans  l'eau  bouillante.  Leur  fusibilité  est 
d'autant  plus  grande  qu'ils  sont  plus  riches  en  al- 
calis: un  ntiélange  de  1  partie  de  silice  (sable)  et  de 
5  parties  de  carbonate  de  potasse  fond  aisément  au 
rouge  cerise.  La  température  du  rouge  blanc  est 
nécessaire  pour  obtenir  le  même  résultat  avec 
3  parties  de  silice  et  1  de  carbonate  de  potasse; 
5  parties  de  silice  et  1  de  ce  dernier  sel  donnent  un 
mélange  non  fusible,  qui  se  fritte  seulement  quand 
on  le  soumet  au  feu  de  forge. 

Un  chimiste  de  Munich,  Fuchs,  a  étudié  en  i825 
le  verre  soluble  qu'il  préparait  en  chauffant  dans  un 
creuset,  pendant  cinq  à  six  heures,  un  mélange  de 
15  parties  de  quartz  pulvérisé,  10  parties  de  carbo- 
nate de  potasse  et  1  partie  de  charbon.  Quand  le 
verre  est  bien  fondu,  on  le  coule,  ou  bien  on  le  retire 
du  creuset  avec  une  poche  en  fer.  On  le  pulvé- 
rise avant  de  le  traiter  par  l'eau  bouillante  :  la  dis- 
solution ne  se  fait  pas  complètement,  alors  même  que 
le  mélange  est  maintenu  pendant  longtemps  à  la 
température  de  l'ébullition. 

On  fabrique  aussi  ce  verre  en  chauffant  dans  un 
four  à  réverbère  jusqu'à  fusion  tranquille  630  kilo- 
grammes de  sable  blanc  avec  330  kilogrammes  de 
potasse  marquant  78°  alcalimé triques  :  on  obtient 
ainsi  8/i5  kilogrammes  de  verre  transparent,  homo- 


PROPRIÉTÉS  DES  SILICATES  ALCALINS.       427 

gène,  incolore  ou  d'une  teinte  légèrement  ambrée. 
Ce  produit  est  très-peu  soluble,  même  dans  l'eau 
bouillante.  Pour  le  dissoudre,  on  introduit  dans  un 
digesteur  en  fer  à  haute  pression  les  fragments  de 
ce  verre  grossièrement  broyés  avec  la  quantité 
d'eau  nécessaire  pour  obtenir  une  dissolution  mar- 
quant 33  h  35''  au  pèse-sel  de  Beaumé.  Il  importe 
de  se  servir  d'eau  distillée  ou  d'eau  de  pluie,  les  sels 
calcaires  des  eaux  ordinaires  donnant  naissance  à 
du  silicate  de  chnux  insoluble  qui  rendrait  la  solution 
plus  ou  moins  trouble  ou  opalescente;  et  qui  est 
beaucoup  moins  alcaline  que  celle  qu'on  obtient 
par  d'autres  procédés;  elle  contient  la  silice  et  la 
potasse  combinée  dans  les  rapports  de  70  à  30. 

Le  silicate  de  soude  se  prépare  aussi  par  la  voie 
sèche,  en  fondant  dans  les  mêmes  conditions  180  parties 
de  sable  avec  100  parties  de  carbonate  de  soude  à  91 7o 
de  sel  réel. 

Les  formules  3SiO%KO  et  3SiO%NaO  repré- 
sentent la  composition  théorique  de  ces  sels  ;  dans  la 
première  65,7  de  silice  sont  combinés  avec  34,3  de 
potasse  ;  la  seconde  donne  74,3  de  silice  et  25,7  de 
soude,  pour  100  parties;  mais  les  produits  fabriqués 
industriellement  renferment  presque  toujours  un 
excès  d'alcali  plus  ou  moins  considérable. 

M.  Kuhlmann,  qui  a  fait  en  1841  de  nombreuses 
expériences  sur  l'emploi  des  verres  solubles  pour  la 
silicatisation  des  pierres,  obtient,  par  la  voie  humide, 
des  produits  analogues  en  chauiTant,  pendant  quel- 
ques heures,  dans  une  chaudière  en  fer,  sous  une 
pression  de  5  à  6  atmosphères,  un  mélange  de  sable 


128  LE    VERRE. 

et  de  lessive  de  potasse  ou  de  soude  caustiques; 
dans  rintérieur  de  la  chaudière  se  trouve  un  agita- 
teur en  fer.  On  laisse  refroidir  le  liquide  jusqu'à 
100°;  on  le  soutire  quand  il  s'est  éclairci  par  le 
repos,  puis  il  est  concentré  jusqu'à  ce  que  sa  den- 
sité soit  égale  à  1,25.  Ou  bien  l'évaporation  est  laite 
à  siccité  dans  une  chaudière  également  en  fer. 
On  sait  que  ce  métal  n'est  pas  attaqué  par  les 
liqueurs  alcalines. 

Ce  verre  soluble  contient  65  de  silice  et  35  de 
potasse.  11  est  soluble  dans  l'eau  bouillante,  tandis 
que  l'eau  froide  ne  le  dissout  pas  sensiblement. 
Sa  dissolution  est  décomposée  par  tous  les  acides, 
par  l'acide  carbonique  lui-même;  elle  est  conanie 
coagulée  par  Taddilion  d'un  sel  alcalin  :  mélangée 
avec  des  substances  en  poudre  sur  lesquelles  les  alca- 
lis n'exercent  pas  d'action  chimique,  elle  est  col- 
lante etagglutinative;  c'est  une  espèce  de  colle  forte 
minérale. 

Dans  l'origine,  le  verre  soluble  a  été  employé 
pour  ôter  au  bois  et  aux  étoffes  la  propriété  de  brûler 
avec  flamme;  on  ajoutait  à  sa  dissolution  faite  à 
chaud  de  l'argile  sèche  pulvérisée,  de  la  craie,  des 
os  pulvérisés,  de  la  litharge,  de  l'ocre  rouge,  etc.  On 
a  dit  que  les  bois  qui  sont  entrés  dans  la  construction 
du  grand  théâtre  de  Munich  avaient  été  préparés  avec 
un  enduit  de  verre  soluble;  mais  je  tiens  de  M.  Fuchs 
lui-même,  qu'on  a  eu,  en  effet,  le  projet  de  faire 
cette  application,  mais  qu'on  y  a  renoncé,  à  cause 
de  la  dépense  qu'elle  eût  alors  entraînée. 

Une  étoffe,  môme  très-fine,  comme  la  gaze  ou  la 


PROPRIÉTÉS  DES  SILICATES  ALCALINS.      4Î9 

mousseline,  plongée  dans  une  dissolution  étendue  de 
silicate  de  potasse  et  séchée^  perd  la  propriété  de 
brûler  avec  flamme  :  la  matière  organique,  enveloppée 
d'un  réseau  de  substance  minérale  fusible,  noircit  et 
se  carbonise  comme  si  elle  était  chauffée  dans  une 
cornue  à  l'abri  du  contact  de  l'air;  mais  elle  ne 
s'enflamme  pas.  On  comprend,  par  suite,  l'intérêt  que 
présenterait  l'usage  d'un  pareil  préservatif  contre 
l'incendie.  Mais,  sans  parler  de  l'insouciance  qu'on 
a  pour  se  garantir  d'un  danger  éventuel,  cet  emploi 
offrirait  plusieurs  inconvénients  :  la  réaction  alcaline 
du  verre  soluble  altère  le  plus  souvent  la  couleur 
des  peintures  ou  des  tissus,  et,  comme  cette  sub- 
stance est  toujours  un  peu  déliquescente,  ceux-ci, 
bien  que  séchés,  attirent  l'humidité  de  l'air  en  res- 
tant plus  ou  moins  humides,  et  en  retenant  opiniâ- 
trement la  poussière.  Aussi,  après  des  essais  assez 
nombreux,  a-t-on  dû  renoncer  à  son  emploi  pour 
préserver  de  l'incendie  les  décors  de  théâtre,  les 
tentures,  les  tissus  pour  robes,  etc. 

Le  verre  soluble  peut  d'ailleurs  être  remplacé  par 
diverses  substances  qui  agissent  de  la  même  façon, 
notamment  par  une  dissolution  de  parties  égales  de 
phosphate  d'ammoniaque  et  de  sel  ammoniac;  des 
tissus  trempés  dans  de  l'eau  contenant  7  à  8  7o  de 
sulfate  d'ammoniaque  perdent  également  leur  inflam- 
mabilité. 

^  On  vend  en  Angleterre  de  l'amidon  additionné 
de  tungstate  de  soude  qui  fournit,  pour  les  tissus 
légers  des  robes,  des  rideaux,  etc.,  un  empois  qui 
les  rend  ininflammables. 

9 


130  LE  VERRE. 

M.  Kuhlmann  a  fait,  il  y  aune  trentaine  d'années, 
une  applicalion  plus  heureuse  du  silicate  de  potasse; 
je  veux  parler  de  la  silicatisation  des  pierres  calcaires. 

Un  morceau  de  craie,  plongé  pendant  quelques 
jours  dans  une  dissolution  moyennement  concentrée 
de  celte  substance,  exposé  à  Tair,  puis  introduit 
dans  une  dissolution  plus  étendue  et  séché,  devient 
presque  aussi  dur  que  le  marbre;  le  calcaire,  ainsi 
silicatisé,  peut  recevoir  par  le  travail  un  beau  poli; 
immergé  dans  l'eau,  il  conserve  la  cohésion  qu'il 
a  acquise. 

La  théorie  de  cette  opération  n'est  pas  bien 
établie.  D'après  M.  Kuhlmann,  il  y  aurait  formation 
de  silicate  de  chaux;  d'après  Fuchs,  le  carbonate  de 
chaux  ne  serait  pas  décomposé;  par  la  dessiccation, 
ce  sel  se  combinerait  avec  le  silicate  de  potasse  et 
donnerait  naissance  à  un  composé  d'une  grande 
dureté  et  inattaquable  par  l'eau. 

On  peut  admettre  avec  plus  de  vraisemblance,  à 
mon  avis,  que,  sous  l'influence  de  l'acide  carbonique 
de  l'air,  il  se  produit  dans  les  pores  du  calcaire  un 
dépôt  de  silice  qui  durcit  en  se  desséchant,  et  qui 
donne  aux  matériaux  poreux  un  nouvel  état  d'agré- 
gation. Quant  au  carbonate  de  potasse  qui  se  pro- 
duirait parallèlement,  il  disparaîtrait  sous  Tinfluence 
des  eaux  pluviales  ou  bien  il  resterait  emprisonné 
dans  la  pierre.  Il  ne  parait  pas  que  sa  présence  ait  nui 
jusqu'à  présent  à  la  durée  des  matériaux  qu'on  a  sou- 
mis à  la  silicatisation.  Les  efflorescences  de  carbo- 
nate de  soude  qui  se  produisent  rapidement  à  la 
sarface  des  pierres  imprégnées  de  silicate  de  soude 


PROPRIÉTÉS  DES  SILICATES  ALCALINS.       m 

donnent  à  cette  dernière  interprétation  une  grande 
vraisemblance. 

L'altération  plus  ou  moins  rapide  des  matériaux 
de  construction  est  en  raison  de  leur  porosité.  Sous 
Tinfluence  des  gelées,  des  germes  charriés  par  Tair 
qui  engendrent  les  végétations  cryptogamiques,  de 
Feau  pluviale  qui  agit  par  l'acide  carbonique  qu'elle 
renferme,  les  pierres  calcaires  se  délitent,  se  fen- 
dillent, se  creusent  à  la  longue.  On  obvie  à  ces 
altérations  en  les  imprégnant  d'une  dissolution  de 
silicate  de  potasse.  Il  est  essentiel  d'opérer  sur  des 
pierres  très-sèches,  et  par  un  temps  sec  et  chaud. 

D'après  M.  Rochas,  qui,  depuis  1852,  a  exé- 
cuté de  nombreux  travaux  de  cette  nature,  notam- 
ment à  Notre-Dame  de  Paris,  à  la  cathédrale  de 
Chartres,  etc.,  il  convient  de  laver  d'abord  les  bâti- 
ments à  l'eau  et  à  la  brosse  :  s'il  s'agit  de  sculptures 
délicates,  on  les  lave  à  l'eau  avec  une  pompe  lançante. 
Quand  les  pierres  sont  sèches,  on  les  asperge  avec 
la  dissolution  de  silicate  en  se  servant  de  la  même 
pompe;  ces  aspersions  sont  continuées  pendant  trois 
à  quatre  jours,  jusqu'à  ce  que  la  pierre  se  recouvre 
d'un  léger  enduit  gélatineux. 

L'état  de  concentration  de  la  dissolution  varie  avec 
la  nature  des  matériaux.  Pour  les  pierres  dures,  telles 
que  les  grès,  la  roche,  le  liais,  etc.,  elle  doit  marquer 
7  a  9**  au  pèse-sel  de  Beaumé;  pour  les  pierres  tendres 
à  gros  grains  et  à  pores  ouverts,  5  à  7°;  pour  les 
calcaires  tendres  à  pâte  molle,  6  à  7°  :  on  termine, 
d'ailleurs,  l'opération  avec  un  liquide  plus  étendu, 
d'une  densité  de  3  à  4°  seulement. 


432  LB   VERRE. 

On  doit  à  M.  H.  Wagner  des  détails  intéressants 
sur  l'emploi  du  verre  soluble  dans  les  constructions; 
cet  emploi  se  continue  en  Allemagne,  tandis  quil 
est,  quant  à  présent,  abandonné  chez  nous. 

D'après  M.  Wagner,  il  existe  quatre  variétés  de 
verres  solubles  :  le  silicate  de  potasse,  le  silicate  de 
soude,  le  silicate  mixte  (à  équivalents  égaux  de  po- 
tasse et  de  soude)  et  le  verre  soluble  pour  fixatif 
(silicate  de  potasse  saturé  de  silice  et  additionné 
d'un  peu  de  silicate  de  soude).  Quel  que  soit  celui 
dont  on  fait  usage,  soit  pour  recouvrir  les  murailles 
soit  pour  en  imprégner  des  briques,  etc.,  sa  disso- 
lution est  au  même  degré  de  concentration.  Pour  une 
surfacede  muraille  de  100 mètres  carrés,  on  emploie: 

Pour  la  1"  couche,  2  kîl.  de  verre  soluble  à  33°  et  6  litres  d'ean. 
Pour  la  2«       —       2  kil.  —  33°  et  4        — 

Pour  la  3-       —       1^^5  -  33°  et  3        — 

Pour  imprégner  uniformément  toute  la  surface 
et  pour  lui  donner  une  dureté  égale,  il  faut  que  le 
revêtement  ait  une  certaine  porosité  :  un  mortier 
calcaire  récemment  fait  ne  se  laisse  que  difficilement 
pénétrer  par  le  verre  soluble,  qui  peut  y  occasionner 
des  fissures.  Le  mortier  doit  avoir  subi  assez  long- 
temps le  contact  de  l'air  pour  que  toute  la  chaux  soit 
carbonatée;  autrement,  la  chaux  caustique  décom- 
poserait en  partie  le  silicate  alcalin.  Le  mieux  est 
d'asperger  la  muraille  avec  le  silicate,  sous  forme 
de  pluie,   à  l'aide  d'une  pompe  et  d'une  pomme 

d'arrosoir. 

Dans  le  but  d'obtenir  avec  sûreté  une  couche 


PROPRIÉTÉS  DES  SILICATES  ALCALINS.       433 

uniforme,  il  convient  d'opérer  sur  un   mortier  en 
verre  soluble,  qu'on  prépare  de  la  manière  suivante  : 

On  fait  un  mélange  intime  de  10  parties  de  sable 
très-sec,  de  3  parties  de  chaux  délitée  à  l'air  et  de 
2  parties  de  craie  ou  de  pierre  calcaire  en  poudre; 
ce  mélange,  tamisé,  est  ensuite  gâclié  avec  une  lessive 
de  silicate  de  soude  à  33  degrés  qu'on  étend  de  2  par- 
ties d'eau,  de  manière  à  être  amené  à  l'état  de  pâle 
plastique.  Ce  mortier  est  très-utile  pour  préserver 
de  l'humidité;  on  peut  en  modifier  les  caractères  en 
changeant  les  proportions  de  craie  et  la  concentra- 
tion du  silicate  de  soude;  au  bout  de  quelques  jours 
il  devient  très-dur.  On  peut  alors  procéder  à  la  sili- 
catisation  et  à  la  mise  en  couleur. 

On  forme  avec  l'eau  et  la  couleur  à  employer  une 
pâte  épaisse  qu'on  délaye  dans  la  lessive  de  silicate 
alcalin  :  pour  cet  usage,  le  silicate  mixte  doit  être 
employé  de  préférence.  Après  vingt-quatre  heures,  on 
applique  une  seconde  couche  de  ce  silicate  coloré, 
puis  le  silicate  fixatif,  dans  le  but  d'éviter  les  efflo- 
rescences  de  carbonate  de  soude.  Pour  donner  à  la 
surface  un  certain  brillant,  comparable  à  celui  des 
peintures  à  l'huile,  on  donne  une  dernière  couche 
de  silicate  fixatif  très-étendu. 

M.  Kuhlmann  a  fait  avec  le  silicate  de  potasse  de& 
peintures  dans  lesquelles  ce  sel  remplace  les  huiles 
et  les  essences  ordinairement  en  usage.  Avec  une 
dissolution  concentrée,  on  obtient  immédiatement  la 
complète  solidification  de  ces  mélanges  qui  présen- 
tent le  grand  avantage  d'être  absolument  sans  odeur. 

La  base  de  cette  peinture  est  le  sulfate  de  baryte 


434  LE    TERRE. 

artificiel;  les  principales  madères  colorantes,  qui 
doivent  être  choisies  parmi  celles  que  le  silicate  de 
potasse  n*altère  pas,  sont  l'ontremer,  le  sulfure  de 
cadmium,  les  ocres,  les  oxydes  de  manganèse  et 
l'oxyde  vert  de  chrome.  La  céruse  el  le  blanc  de 
zinc  sont  exclus  de  ce  mode  de  peinture;  ils  dur- 
cissent immédiatement  quand  on  vient  à  les  mélan- 
ger avec  le  silicate  dépotasse;  ils  sont  remplacés 
avec  une  grande  économie  par  le  sulfate  de  baryte. 

En  présence  des  nombreux  inconvénients  que 
présente  la  peinture  ordinaire  à  la  céruse,  à  Thuile 
et  à  l'essence,  on  doit  désirer  que  les  procédés  pré- 
conisés par  31.  Kuhlmann  se  vulgarisent  et  deviennent 
d'un  emploi  plus  général. 

Le  verre  soluble  est  employé  en  Allemagne  dans 
des  conditions  analogues  pour  une  nouvelle  espèce 
de  peinture  murale  à  laquelle  Fuchs  a  donné  le  nom 
de  stéréochromie.  Cette  peinture  a  été  mise  en  pra- 
tique et  perfectionnée  par  le  célèbre  peintre  V.  KauU 
bach.  La  préparation  du  fond  exige  des  soins  particu- 
liers :  il  doit  avoir  une  dureté  égale  à  celle  de  la 
pierre  et  faire  corps,  pour  ainsi  dire,  avec  le  mur. 
Le  premier  crépi  ou  fond  inférieur  est  fait  avec  nu 
mortier  de  chaux.  Celui-ci  étant  bien  sec,  on  l'im- 
bibe avec  une  dissolution  de  silicate  de  soude. 
Après  sa  complète  solidification,  on  fait  le  fond  supé- 
rieur qui  doit  recevoir  la  peinture,  formant  à  sa  sur- 
face une  épaisseur  d'environ  2  millimètres;  il  doit 
être  aussi  plan  et  aussi  sec  que  possible;  ou  le  frotte 
avec  du  grès  fin  de  manière  à  le  rendre  un  peu  ru- 
gueux. Lorsqu'il  est  bien  sec,  on  applique  les  couleurs 


PROPRIÉTÉS  DES  SILICATES  ALCALINS.       133 

avec  Teau  pure,  celle-ci  servant  aussi  à  arroser  fré- 
quemment le  mur.  Il  reste  maintenant  à  fixer  les  cou- 
leurs avec  le  verre  soluble  fixateur  qui  est  un  mélange 
de  silicate  de  potasse  complètement  saturé  de  silice 
avec  du  silicate  de  soude  basique  (liqueur  des  cail- 
loux à  base  de  soude  obtenue  en  fondant  2  parties 
de  sable  avec  3  parties  de  carbonate  de  soude). 

Comme  ces  couleurs  ne  présentent  aucune  adhé- 
rence et  qu'elles  ne  résisteraient  pas  au  frottement  du 
pinceau,  le  verre  soluble  est  projeté  sur  la  peinture 
sous  forme  d'une  pluie  fine  au  moyen  d'un  pulvéri'- 
sateur.  On  termine  en  lavant  la  muraille,  au  bout  de 
quelques  jours,  avec  de  l'alcool  qui  enlève  la  poussière 
et  l'alcali  devenu  libre.  Copime  fond  de  peinture, 
Fuchs  recommande  un  mortier  de  verre  soluble  fait 
avec  addition  de  marbre  pulvérisé,  de  dolomie,  de 
sable  et  de  chaux  délitée-  Les  couleurs  stéréochromi- 
ques  dont  il  conseille  l'usage  sont  le  blanc  de  zinc, 
l'oxyde  de  chrome  vert,  le  vert  de  cobalt,  le  chro- 
mate  de  plomb,  le  colchothar,  les  ocres,  l'outremer; 
le  cinabre  devenant  brun  ou  noir  à  la  lumière  ne  doit 
pas  être  employé.  Ce  mode  de  peinture,  d'après 
Wagner,  est  de  beaucoup  supérieur  à  la  peinture  à 
fresque  dont  le  fond  est  fait  avec  du*  mortier  de 
chaux  ordinaire. 

On  se  sert  aussi  du  verre  soluble  (à  base  de 
soude)  dans  la  fabrication  des  savons  d'huile  de 
palme  et  d'huile  de  noix  de  coco;  ce  corps  les  rend 
plus  alcalins  et  leur  donne  plus  de  dureté.  Il  ne 
parait  pas  que  cette  addition,  qui  est  une  espèce  de 
fraude,  soit  pratiquée  en  France;  mais  elle  est  faite 


436  LE    VERRE. 

5ur  une  assez  grande  échelle  en  Allemagne  et  aux 
États-Unis  d'Amérique. 

Un  autre  emploi  plus  digne  d'intérêt  est  celui 
qu'en  font  les  chirurgiens  pour  la  contention  des 
fractures.  Les  propriétés  adhésives  du  silicate  de 
potasse  sont  mises  à  profit  pour  obtenir  des  appareils 
inamovibles  remplaçant  les  bandages  amidonnés, 
dextrinés  et  plâtrés  employés  pour  le  même  objet. 
La  solution  de  ce  sel  destinée  aux  usages  chirur- 
gicaux est  visqueuse  et  doit  marquer  SS""  Beaumé; 
il  est  essentiel  qu'elle  soit  exemple  de  silicate  de 
soude.  D'après  M.  J.  Regnauld,  en  1873,  on  a  con* 
sommé  pour  cet  usage  dans  les  hôpitaux  de  Paris 
2,223  kilogrammes  de  silicate  de  potasse. 


CHAPITRE   QUATRIÈME 


Verre  à  vitre. 


Historique.  —  Le  verre  à  vitre  est  aujourd'hui 
d'un  usage  si  général,  son  emploi  pour  clore  et  pour 
éclairer  nos  habitations  nous  parait  si  nécessaire, 
qu'il  semble  que  sa  fabrication  doit  remonter  à  une 
époque  fort  reculée;  il  n'en  est  pas  ainsi  ;  ce  n'est 
que  depuis  quelques  centaines  d'années  qu'il  est 
devenu  commun  et  d'un  usage  indispensable. 

On  a  longtemps  mis  en  doute  l'existence  de  cette 
espèce  de  verre  chez  les  peuples  anciens,  dont  le 
climat,  d'ailleurs,  n'en  réclamait  pas  impérieusement 
l'adoption  :  il  est  établi  désormais  que  les  vitrage 
en  verre  étaient  connus,  sinon  des  Grecs,  au  moins 
des  Romains  avant  Fère  chrétienne. 

Toute  incertitude  à  cet  égard  a  cessé,  en  ce  qui 
concerne  les  Romains,  depuis  les  découvertes  faites 
à  Herculanum  et  à  Pompéi,  les  deux  villes  enfouies 
l'an  79  de  notre  ère  sous  les-  cendres  du  Vésuve.  «  On 
a  trouvé  en  1772,  à  Pompéi,  dit  Quatremère  de 
Quincy,  une  fenêtre  avec  un  beau  vitrage  de  près  de 


438  LE   VERRE. 

trois  palmes;  les  vitres  avaient  une  palme  en  carré.  » 
Dans  son  remarquable  ouvrage  sur  les  ruines  de  celte 
même  ville,  Mazois  donne  la  description  et  le  dessin 
d'un  châssis  en  bronze,  avec  rainure  destinée  à 
recevoir  une  vitre  de  0'",72  de  hauteur  sur  0",5i 
de  largeur.  Le  verre  devait  avoir  une  épaisseur  de  5 
à  6  millimètres. 

M.  Bontemps  a  soumis  à  un  examen  attentif  un 
fragment  de^  vitres  trouvées  à  Pompéi.  Des  carac- 
tères certains,  notamment  la  forme  des  bulles  que 
ce  verre  présente  et  l'inégalité  de  son  épaisseur,  lui 
ont  permis  de  reconnaître  que  ces  vitres  n'avaient 
pas  été  faites  par  le  procédé  du  soufflage;  ellesavaient 
été  coulées  dans  un  cadre  métallique,  probablement 
dans  un  cadre  en  bronze;  l'épaisseur,  d'ailleurs  iné- 
gale, était  celle  que  Mazois  avait  considérée  comme 
vraisemblable,  par  suite  de  l'examen  du  châssis  dont 
il  vient  d'être  question  :  de  sorte  que  ce  verre  avait 
été  obtenu  par  un  procédé  plus  ou  moins  analogue  à 
celui  qu'inventaient  seize  siècles  plus  tard  les  fonda- 
teurs de  Saint-Gobain. 

Sa  composition,  déterminée  par  M.  Claudet,  est 
la  suivante  : 

Silice 69,/j3 

Chaux 7,2^ 

Soude 17,31 

Alumine 3,55 

Oxyde  de  fer 1,15 

Qxyde  de  manganèse  i 0,39 

Oxyde  de  cuivre Traces. 


99,07 


HISTORIQUE.  439 

La  nature  du  verre  pompéien  est  la  même  que 
celle  de  certains  produits  similaires  de  fabrication 
moderne  :  produits  d*assez  médiocre  qualité,  il  est 
vrai  ;  car,  trop  riches  en  soude,  ils  ne  contiennent 
pas  assez  de  chaux. 

'  Il  ne  parait  pas  qu'on  ait  trouvé  des  verres  à 
vitre  remontant  à  une  époque  plus  reculée;  la  rareté 
même  des  fragments  de  vitres  dans  les  deux  villes 
romaines  établit  que  leur  usage  était  loin  d'être 
commun  ;  ce  n'est  que  bien  plus  tard  que  leur  adop- 
tion est  devenue  générale. 

Au  III*  siècle,  on.  commença  à  employer  le  verre 
pour  garnir  les  fenêtres  des  églises;  mais  jus- 
qu'au vu""  siècle  on  n'en  faisait  usage  que  sous 
forme  de  petites  pièces  rondes  qu'on  désignait  sous 
le  nom  de  cives. 

Au  XII*  siècle,  la  peinture  sur  verre  fut  inventée, 
diaprés  Le  Vieil;  les  premières  vitres  furent  peintes 
pour  l'abbaye  de  Saint-Denis,  dont  la  dédicace,  faite 
par  l'abbé  Suger,  date  de  l'année  1140;  mais  M.  Ferd. 
de  Lasteyrie,  dans  son  Histoire  de  la  peinture  sur  verre, 
estime  que  «  Le  Vieil  était  mal  informé  à  cet  égard, 
car  il  existait  en  Anjou  plusieurs  édifices  ornés  de 
vitraux  d'une  origine  antérieure  à  ceux  de  Saint- 
Denis.  Ces  précieux  monuments  avaient  échappé  aux 
crises  terribles  de  notre  première  révolution,  et  ils 
subsisteraient  tous  encore,  si  quelques-uns,  tombés 
par  malheur  entre  des  mains  indignes,  n'avaient  péri 
depuis  peu  par  le  seul  fait  de  l'indifférence  des  pro- 
priétaires. »)  Les  principaux,  qui  étaient  ceux  de 
l'abbaye  de  Leroux,  dataient  de  1121.  Il  avait  été 


440  LE  YEURE. 

question  de  les  transporter  à  la  cathédrale  d'Angers  ; 
mais,  avant  qu*on  ait  mis  ce  projet  à  exécution,  le 
mur  qui  les  portait  s'écroula  et  les  anéantit. 

On  conserve  encore,  parait-il,  dans  Fabbaye  de 
Tegernsee,  en  Bavière,  des  vitraux  dont  un  comte 
Arnold  aurait  fait  présent  à  la  fin  du  x""  siècle.  Ce 
sont  les  plus  anciens  que  Ton  connaisse  (Ferd.  de 
Lusteyrie) . 

La  date  de  l'invention  de  la  peinture  sur  verre  à 
l'aide  de  couleurs  vitrifiables  est  tout  à  fait  incer- 
taine. Suivant  Batissier  {Cabinet  de  Camateur  et  de 
l'antiquaire,  tome  11),  on  aurait,  trouvé  des  verres 
peints  dans  les  nécropoles  de  la  haute  Egypte. 
D^autres  mentionnent  un  vase  peint,  représentant  la 
figure  du  Christ,  découvert  dans  les  catacombes, 
ainsi  qu'un  autre  vase  trouvé  à  Cunes  et  décoré  par 
un  procédé  analogue. 

Léon  d'Ostie  est  un  des  premiers  qui  aient  parîé 
clairement  de  la  peinture  sur  verre;  il  dit  qu'en  1058 
l'abbé  Desiderius,  un  de  ses  prédécesseurs,  fit  recon- 
struire de  fond  en  comble  la  salle  capitulaire  et 
l'orna  de  fenêtres  vitrées  qu'il  fit  peindre  de  cou- 
leurs variées  :  colorum  varietate  depinxit.  (Liv.  ni 
de  la  chronique  du  Mont-Cassin.)  Mais  bien  avant 
cette  époque,  on  peignait  sur  verre  :  l'historien  de 
Saint-Benigne  de  Dijon  raconte,  en  effet,  que  de  son 
temps  (1052)  on  conservait  dans  l'église  de  ce 
monastère  un  très-ancien  vitrail,  représentant  le 
martyre  de  sainte  Paschasie,  qu'on  avait  retiré  de  l'an- 
cienne église,  déj<^  restaurée  plusieurs  fois,  notam- 
ment par  Charles  le  Chauve.  Sans  aller  jusqu*à  pré- 


HISTORIQUE.  144 

tendre,  avec  Emeric  David,  qui  cite  ce  passage,  que 
ce  vitrail  avait  été  peint  sous  le  règne  du  petit-fils 
de  Chariemagne,  on  doit  pourtant  conclure  de  cette 
citation  qu'au  x"  siècle  on  représentait  déjà  des 
scènes  historiques  sur  les  vitraux  d'église. 

A  ce  témoignage  il  convient  de  joindre  celui  du 
moine  Bicher,  du  monastère  de  Saint-Remi,  lequel 
rapporte  dans  sa  chronique,  qui  s'arrête  à  l'an- 
née 995,  qu'Adalberon,  archevêque  de  Reims  en  968, 
ayant  restauré  la  basilique,  l'éclaira  par  des  vitraux 
sur  lesquels  étaient  figurées  diverses  histoires. 

L'usage  des  vitres  pour  les  habitations  particu- 
lières ne  remonte  qu'au  xiv*  siècle.  On  se  servait  tou- 
jours de  petits  carreaux  enchftssés  dans  des  plombs. 
Il  est  vraisemblable  que  la  cherté  des  vitrages,  jointe 
aux  exigences  de  notre  climat,  n'a  pas  été  sans 
influence  sur  les  dispositions  que  présentent  dans 
leur  ensemble  les  constructions  du  moyen  âge,  dont 
les  ouvertures  sont  en  général  petites.  Les  vitres 
d'un  seul  morceau  ne  furent  employées  que  sous 
le  règne  de  Louis  XIV.  Ces  vitres,  encastrées  dans 
le  bois,  étaient  de  petite  dimension;  il  en  fallait 
habituellement  vingt-quatre  au  moins  pour  le  vitrage 
d'une  fenêtre'. 

En  Angleterre,  pays  dont  le  climat  fait  si  bien 
apprécier  l'utilité  du  verre  à  vitre,  la  fabrication  de 
ce  verre  ne  remonte  qu'au  vu*  sièôle;  les  carreaux 
de  vitre  étaient  encore  rares  et  précieux  il  y  a  deux 
siècles.  En  Ecosse,  en  1661,  on  n'en  voyait  qu'aux 
chambres  principales  des  habitations  du  roi. 

«  Les  Anglais,  dit  Le  Vieil,  vers  la  fin  du  vu*  siècle^ 


442  LE    VERRE. 

ne  savaient  pas  encore  ce  que  c'était  que  verrerie  ni 
vitrerie,  jusqu'à  ce  que  saint  Vilfrid  eût  fait  venir  de 
France  des  vitres  et  des  vitriers  pour  fermer  les 
fenêtres  de  la  cathédrale  d'York,  que  saint  Paulin 
avait  fait  bâtir.  »  «  Chose  nouvelle  en  ce  pays,  dit 
M.  l'abbé  Fleury,  et  nécessaire  contre  la  pluie  et  les 
oiseaux.  »  C'est  le  même  historien  qui  nous  apprend, 
d'après  le  vénérable  Bède  et  les  actes  des  évêques 
d'York,  que  saint  Benoît  Biscop,  étant  passé  en  France 
cinq  ans  après  saint  Vilfrid,  en  emmena  des  maçons 
pour  construire  l'église  et  les  bâtiments  de  son  mo- 
nastère de  Viremouth,  dans  la  Grande-Bretagne; 
que,  peu  de  temps  après,  il  en  tira  des  verriers  et 
des  vitriers,  qui  y  firent  les  premières  vitres  qu'on 
ait  vues  dans  ce  royaume,  et  en  garnit  les  fenêtres 
de  l'église  et  du  monastère;  et  que  ce  fut  des  Fran- 
çais que  les  Anglais  apprirent  l'art  de  la  verrerie  et 
de  la  vitrerie.  Ils  ne  tardèrent  pas,  d'ailleurs,  à  s'y 
rendre  habiles;  car  les  saints  évêques  Villebrod, 
Oûinfrid  et  Villehade,  Anglais  d'origine,  en  portèrent, 
dans  leurs  missions,  la  connaissance  pratique  chez 
les  nations  germaniques.  » 

Au  moyen  âge,  dans  quelques  contrées  méridio- 
nales, les  ouvertures  des  fenêtres  étaient  closes  avec 
des  tablettes  de  marbre,  percées  de  trous  ronds  ou 
carrés  auxquels  on  adaptait  des  pièces  de  verre.  On 
employa  aussi  des  châssis  de  menuiserie  évidés, 
comme  l'indique  Grégoire  de  Tours.  La  méthode  la 
plus  économique  consistait  à  garnir  les  fenêtres  de 
plâtre  dur  percé  à  jour  et  rempli  de  pièces  de  verre. 
De  jolis  spécimens  de  ce  genre  de  vitrage  se  trou- 


HISTORIQUE.  U3 

vaient  dans  le  pavillon  du  Bosphore,  à  TExposition 
universelle  de  Paris,  en  1867. 

Il  est  impossible  de  fixer  d'une  manière  bien  pré- 
cise répoque  à  laquelle  Tusage  des  vitres  blanches 
se  répandit  parmi  nous  :  il  parait  que  cet  usage 
n*était  pas  fréquent^  même  pour  les  églises,  dans  les 
premières  années  du  xiv'  siècle.  Berneton  de  Périn, 
dans  sa  dissertation  sur  Tart  de  la  verrerie  insérée 
dans  le  Journal  de  Trévoux^  avance  que  dès  le  xu*'  siècle 
cet  emploi  existait  en  France;  mais  c'est  une  simple 
conjecture.  Les  premières  fabriques  de  verre  à  vitre 
ne  datent  que  du  xiv"  siècle,  sous  Philippe  VI  et  le 
roi  Jean.  A  la  vérité,  il  s*en  établit  neuf  en  moins 
d'un  demi-siècle.  «  Mais  on  ne  doit  pas  s'imaginer, 
dit  encore  Le  Vieil,  que  l'usage  des  vitres  blanches 
fût  déjà  assez  accrédité  pour  en  être  la  seule  cause; 
car,  quoiqu'il  paraisse  qu'on  n'y  fabriquait  que  du 
verre  en  plats,  il  est  certain  que  tous  les  plats  de 
verre  qu'on  y  ouvrait  n'étaient  pas  de  vitres  blanches. 
Les  vitriers,  dans  les  démolitions  qu'ils  font  journel- 
lement des  vitres  peintes  de  ce  temps-là,  trouvent 
des  boudinés  de  verre  de  couleur  qui  avait  été  ouvert 
en  plat*.  » 

Le  Vieil  attribue  à  Philippe  de  Caqueray,  écuyer^ 
seigneur  de  Saint-Immes,  la  création,  en  1330, 
de  la  première  grosse  verrerie;  mais  M.  A.  Millet, 
dans  son  Histoire  d'un  four .  à  verre  de  l'anciennei 
Normandie^  a  montré   qu'en  1302  cette  fabrication 

1.  Art  de  la  peinture  sur  verre  et  de  la  vitrerie,  publié  çn  il7Ii^ 
par  Pierre  Le  Vieil,  dans  le  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  de  l'Aca- 
demie  des  sciences. 


444  LE   VERRE. 

existait  déjà  dans  celle  province,  à  Bezu-la-Forêt. 

Divers  documents  établissent  combien  le  verre  à 
vitre  était  autrefois  rare  et  précieux. 

On  lit  dans  An  t.  de  la  Salle  (1&55)  :  <(  Damp 
abbez  mena  ma  dame  en  sa  chambre  chauffée  qui 
était  très-bien  tendue  et  necte,  tapissée,  verrée;  »  et 
dans  les  Cent  nouvelles  (1459)  :  <*  Il  répondit  qu'il  estait 
plus  aise  que  ceux  qui  ont  leurs  belles  chambres 
verrées,  nattées  et  pavées.  » 

Sans  aller  jusque  chez  les  habitants  du  Groenland, 
dont  les  vitres,  d'après  Buffon,  étaient  des  boyaux 
transparents  de  poissons  de  mer,  on  lit  dans  le 
compte  de  Jean  Avin,  receveur  général  de  l'Auvergne 
(1413)  :  «  Pour  la  venue  de  Madame  la  duchesse  de 
Berry,  pour  aller  à  Montpensier,  faire  faire  certains 
chassitz  aux  fenaistrages  dudit  chastel,  pour  les  ansire 
(clore)  de  toilles  cirées  par  défault  de  verrerie.  » 

(c  En  i&67,  on  commande  pour  les  palais  des  ducs 
de  Bourgogne  «  vingt  pièces  de  bois  à  faire  cassiz 
(châssis)  de  voirrières  de  papier,  servant  aux  fenestres 
des  chambres.  »  (M.  A.  Sauzai,  Mei^veilles  de  la  ver-- 
rerie^  p.  66.) 

Dans  un  règlement  qui  porte  la  date  de  1567,  fait 
par  l'intendant  du  duc  de  Northumberland,  on  lit  ce 
qui  suit  î  «  Et  parce  que  dans  les  grands  vents,  les 
vitres  de  ce  château  et  des  autres  châteaux  de  mon- 
seigneur se  détériorent  et  se  perdent,  il  serait  bon 
que  toutes  les  vitres  de  chaque  fenêtre  fussent  dé- 
montées et  mises  en  sûreté  lorsque  Sa  Seigneurie 
part;  et  si,  à  quelque  moment.  Sa  Seigneurie  ou 
d'autres  séjournent  à   aucun  desdits  endroits,   on 


VERRE   A  VITRE.  U5 

pourrait  les  remettre,  sans  qu'il  en  coûtât  beaucoup, 
tandis  qu'à  présent  le  dégât  serait  très-coûteux  et 
demanderait  de  grandes  réparations.  » 

A  la  fin  du  xviii*  siècle,  il  existait  encore,  sous  le 
nom  de  châssissiers^  une  corporation  qui  avait  pour 
profession  de  garnir  les  fenêtres  de  carreaux  de 
papier  huilé.  Ce  métier  est  décrit  avec  l'art  du  vitrier 
dans  le  volume  de  V Encyclopédie  méthodique  publié 
en  1791. 

Procédés  de  fabrication  du  verre  à  vitre. 

Deux  procédés  sont  mis  en  œuvre  pour  fabriquer 
le  verre  à  vitre.  Les  Vénitiens  et  les  Bohèmes  se  sont 
servis  du  procédé  des  cylindres  pour  les  vitraux  du  xii''  et 
du  xiTi*  siècle;  l'autre  procédé,  celui  du  verre  en  cou- 
ronne, était  employé  vers  la  même  époque  dans  les 
verreries  de  la  Normandie,  d'Angleterre  et  du  nord 
de  l'Allemagne.  Ce  dernier  est  depuis  longtemps 
abandonné  en  France  ;  il  existe  encore  en  Angleterre, 
et,  tout  en  perdant  chaque  année  de  son  importance, 
il  fournit  encore  environ  le  quart  du  verre  à  vitre 
qu'on  fabrique  dans  ce  pays. 

Le  procédé  des  cylindres  fut  importé  en  France, 
à  Saint-Quirin,  par  Drolenvaux,  qui  fit  venir  de  la 
Bohême  des  ouvriers  habitués  à  ce  genre  de  travail. 
On  lit  à  ce  sujet  dans  V Encyclopédie  :  «  Enfin  M.  Dro- 
lenvaux obtint  du  roi  la  permission  d'établir  une 
verrerie  à  Saint-Quirin  (en  Vosges),  prèsSarrebourgv 
Il  annonça  son  verre  blanc  en  table  supérieur,  à 
tous  égards,  à  celui  qui  venait  de  Bohême,  comme 

^0 


6  LE    VERRE. 

étant  plus  beau,  c'est-à-dire  d'une  surface  plus  unie, 
moins  onduieux,  plus  dur,  c'est-à-dire,  comme  il 
l'explique  lui-même  dans  le  tarif  qu'il  a  rendu  public, 
nullement  sujet  à  se  rayer  et  à  se  calciner  à  l'humi- 
dité et  au  soleil,  et  du  double  plus  épais.  L'effet  jus- 
tifie ses  engagements,  et,  depuis  qu^il  en  fabrique,  il 
est  peu  de  personnes  tant  soit  peu  aisées  qui  ne  pla- 
cent dans  leurs  chambres  des  estampes  montées  sous 
verre.  »  {Art  du  vitrier ^  1791.) 

Verres  à  vitre  soufflés  en  cylindres  ou  en  mandions. 

La  fabrication  du  verre  à  vitre  tend  à  se  concen- 
trer dans  le  voisinage  des  exploitations  houillères  ;  en 
France,  elle  est  très-importante  dans  le  Nord,  à  proxi- 
mité des  mines  de  houille  d'Anzin,  d'Aniche,  de  Dou- 
chy,  et,  dans  le  centre,  près  du  bassin  houiller  de 
la  Loire,  à  Gisors  et  à  Rive-de-Gier.  La  compagnie 
des  verreries  de  la  Loire  et  du  Rhône  produit  annuel- 
lement 500,000  mètres  superficiels  de  verre  blanc 
et  75,000  mètres  de  verre  de  couleur;  dans  le 
Nord,  cette  industrie  occupe  25  à  30  fours  à  8  creu- 
sets, produisant  i  à  5  millions  de  mètres  superfi- 
ciels de  verres  à  vitre.  Elle  est  plus  iiltipor tante  en- 
core en  Belgique;  on  compte  dans  ce  pays  environ 
200  fours  à  6  ou  à  8  creusets;  il  est  vrai  que,  par  suite 
d'une  entente  entre  les  maîtres  de  verreries,  loua  ces 
fours  ne  sont  en  activité  qu'autant  que  la  demande 
'CSt  très-active.  En  1860,  la  fabrication  belge,  qui  est 
réputée  pour  la  bonne  qualité  de  ses  produits, 
était  de  43  millions  de  kilogrammes,  dont  32  mil- 


VERRE  A  VITRE.  U7 

lions,  soit  environ  6,i00,000  mètres  superficiels 
étaient  exportés*.  D'après  M.  L.  Mondron,  elle  était 
évaluée  en  1874  à  2l  millions  de  mètres  carrés, 
représentant  environ  120  millions  de  kilogrammes, 
d'une  valeur  de  près  de  40  millions  de  francs  ;  en 
1873,  cette  valeur,  grâce  à  une  prospérité  excep- 
tionnelle, s'est  élevée  à  50  millions  de  francs. 

Un  four  donne  annuellement  600,000  kilogrammes 
de  verre  à  vitre  pesant  de  2  à  5  kilogrammes  par 
mètre  carré.  Il  consomme  environ  3  kilogrammes  de 
houille  pour  produire  1  kilogramme  de  verre  mar- 
chand. 

i.  En  ce  qui  concerne  la  verrerie  belge,  on  lisait  dans  le  Journal 
officiel  du  h  juillet  1875  : 

«  Verrerie,  —  La  fabrication  a  été  poussée  très-activement 
en  i87/i.  L^exportation  des  verres  à  vitre,  notamment  à  destina- 
tion de  TAngleterre  et  des  État-Unis,  a  pris  un  développement  con- 
sidérable; ces  expéditions  à  l'étranger,  qui  n'avaient  pas  dépassé 
24,000  tonnes  en  1872  et  63,000  tonnes  Tannée  suivante,  se  sont 
élevées  à  plus  de  80,000  tonnes  en  187/i.  Les  principaux  pays  de 
destination,  en  1874,  ont  été  : 

Tonnes. 

L'Angleterre 25,500 

Les  Pays-Bas 5,800 

L'Amérique  du  Nord 23,000 

Le  ZoUverein 5,420 

La  Suède 2,130 

La  Turquie 4,100 

Néanmoins  les  verreries  de  Belgique  ayant  dû,  par  suite  de  l'insuf- 
fisance des  ouvriers,  augmenter  le  prix  de  la  main-d'œuvre,  ont  fini 
par  se  trouver  dans  une  situation  qui  leur  rendait  la  lutte  moins 
facile  contre  la  production  des  autres  pays;  aussi  plusieurs  fabri- 
cants ont-ils  déjà  éteint  leurs  fours  depuis  le  commencement  de 
l'année  courante.  » 


U8  LE   VERRE. 

L'Angleterre  produisait,  en  1861, 2,273,000  mètres 
de  verre  à  vitre  ordinaire  et  1,000,000  de  mètres  de 
verre  en  couronne  ;  mais  ce  dernier  mode  de  fabrica- 
tion tend  à  s'éteindre,  même  dans  ce  pays. 

La  fabrication  du  verre  à  vitre  au  bois  ne  se  main- 
tient plus  que  dans  un  très-petit  nombre  de  loca- 
lités. Le  combustible  minéral,  employé  dans  les 
conditions  les  plus  favorables  en  France  et  en  Bel- 
gique, entre  déjà  pour  30  à  40  7o  dans  le  prix  de  re- 
vient de  cette  sorte  de  verre;  le  prix  du  verre 
fabriqué  avec  le  bois  est  notablement  plus  élevé. 

COMPOSITION     DU    VERRE    A    VITRE. 

La  nature  chimique  du  verre  à  vitre  présente 
d*assez  grands  écarts  ;  voici  la  composition  de  quel- 
ques échantillons  : 

I.  11.  III.  IV.  V. 

Silice 69,6  72,5  72,9  71,2  71,4 

Chaux 13,4  13,1  13,2  11,6  3,6 

Soude 15,2  13,0  12,4  2,3  16,2 

Potasse »             »             *  14,2  6,9 

Alumine 1,4  1,0         1,0  0,4  1,0 

Oxydes  de  fer  et 

de  manganèse.  0,4         0,4         0,5  0,3  0,9 

100,0      100,0      100,0      100,0      400,0 

N°  1.  Verre  à  vitre  français. 

2.  —  belge. 

3.  —  anglais  (de  la  fabrique  de  MM.  Chance,  de  Birmingham). 

4.  —  à  base  de  potasse.  Très-blanc. 

5.  —  se  ternissant  facilement.  Très-mauvais  verre. 

Les  matières  premières  servant  à  fabriquer  le 
verre  à  vitre  sont  le  sable,  le  sulfate  de  soude  et  la 


VERRE   A   VITRE.  U9 

chaux  SOUS  forme  de  carbonate  ou  de  chaux  éteinte. 
Dans  le  nord  de  la  France  et  en  Belgique,  ces 
matières  sont  employées  dans  les  proportions  sui- 
vantes : 

Sable  blanc  .  . 100  parties. 

Sulfate  de  soude 35  à  40 

Calcaire 25  à  35 

Charbon  en  poudre  (ordinairement  sous 

forme  de  coke) 4,5  à  2 

Bioxyde  de  manganèse 0,5 

Groisil:  quantité  variable;  ordinairement 

autant  que  de  sable. 

On  désigne  sous  le  nom  de  groisil^  pour  toutes  les 
espèces  de  verres,  les  déchets  de  verre  qui  résultent 
du  travail  des  pièces,  déchets  qui  facilitent  la  fonte 
et  l'affinage  des  matières  neuves  qu'on  introduit  dans 
les  pots. 

Le  calcaire  (carbonate  de  chaux)  dont  on  se  sert 
dans  le  nord  de  la  France  et  en  Belgique,  et  qui  vient 
de  ce  dernier  pays,  notamment  de  Montigny-le- 
Tilleul,  près  Charleroi,  est  remplacé,  dans  d'autres 
localités,  par  une  quantité  à  peu  près  égale  de  chaux, 
éteinte. 

Les  proportions  de  sulfate  de  soude  et  de  calcaire 
dépendent  de  diverses  circonstances  qui  exercent  une 
grande  influence  sur  l'économie  de  la  fabrication.  La 
température  que  peut  atteindre  le  four  de  fusion,  en 
raison  de  la  qualité  de  la  houille,  de  l'état  de  l'atmo- 
sphère, de  la  construction  et  de  l'âge  du  four,  oblige 
à  augmenter  ou  à  diminuer  ledosage  de  ces  matières. 
Si  le  sulfate  de  soude  est  en  trop  grande  quantité, 


450  LE   VERRE. 

le  verre  fond  facilement;  mais  il  devient  altérable 
par  l'humidité;  si,  au  contraire,  on  augmente  la 
dose  du  calcaire,  celui-ci  donne  du  corps  au  verre; 
il  le  rend  plus  difficilement  fusible ,  mais  il  assure 
en  même  temps  son  inaltérabilité.  Quand  cette 
proportion  dépasse  certaines  limites,  la  consom- 
mation du  combustible  devient  trop  grande;  de  plus, 
le  verre  tend  à  devenir  galeux  y  par  suite  d'un  com- 
mencement de  dé  vitrification.  La  présence  de  la 
magnésie  dans  le  calcaire  parait  augmenter  beaucoup 
cette  prédisposition.  Le  soufflage  des  manchons 
devient  alors  très-difficile  et  doit  se  faire  avec  une 
grande  célérité,  la  dévitrification  marchant  elle- 
même  très-rapidement.  Le  maître  de  verrerie  doit 
mettre  tous  ses  soins  à  éviter  l'un  et  l'autre  de  ces 
écueils  :  faire  du  verre  trop  tendre  ou  du  verre 
trop  dur. 

On  ajoute  souvent  à  la  composition,  de  l'acide 
arsénieux,  tantôt  en  poudre ,  tantôt  sous  forme  de 
morceaux  qu'on  projette  dans  les  pots,  lors  de  l'affi- 
nage ;  cette  substance  ne  reste  pas  dans  le  verre;  elle 
disparaît  complètement  et,  en  prenant  l'état  gazeux, 
elle  brasse  la  masse  liquide  et  rend  son  affinage  plus 
sûr  et  plus  rapide;  elle  agit  aussi  comme  décolorant. 
En  Belgique,  on  a  généralement  renoncé  à  cette  addi- 
tion en  n'introduisant  dans  les  pots  que  des  matières 
finement  pulvérisées  et  blutées. 

Le  brassage  du  verre  se  fait  aussi  en  plongeant  à 
plusieurs  reprises,  dans  le  verre  fondu,  une  perche  de 
bois  vert  qu'on  maintient  pendant  quelques  instants 
au  fond  du  pot  ;  le  dégagement  de  la  vapeur  d'eau  pro- 


VERRE   A  VITRE.  «31 

du it  un  effet  analogue  à  celui  de  Tacide  arsénieux. 
Les  Bohèmes,  pour  obtenir  le  même  résultat,  font 
usage  d'une  pomme  de  terre  piquée  au  bout  pointu 
et  recourbé  d'une  longue  tige  de  fer;  dans  le  Nord, 
la  pomme  de  terre  est  remplacée  par  une  betterave. 

Le  mélange  des  matières  premières,  de  la  compo- 
sition^ se  fait  dans  un  local  spécial,  dans  lequel  les 
matières  sont  pesées  ou  mesurées  avec  soin.  11  con- 
vient de  mélanger  à  part  le  sulfate  de  soude  et  le 
charbon  qu'on  ajoute  ensuite  aux  autres  matières 
qui,  à  l'exception  du  groisil,  sont  réduites  en  poudre 
fine,  et  souvent  même  passées  au  blutoir. 

Le  verre  à  vitre  présente  habituellement  une 
teinte  verdâtre,  facile  à  constater  lorsqu'on  en  exa- 
mine une  feuille  par  la  tranche.  Cette  teinte,  qui  est 
surtout  prononcée  dans  les  verres  anglais,  est  due  à 
l'emploi  de  sables  ou  de  sulfate  plus  ou  moins  ferru- 
gineux et  aussi  au  tirage  mal  dirigé  du  four  qui  en- 
traîne dans  les  pots  de  la  poussière  et  de  la  cendre 
de  houille.  Les  verres  à  base  de  potasse  sont  beau- 
coup moins  teintés  que  les  verres  à  base  de  soude; 
mais,  pour  les  vitres  et  pour  les  glaces,  ils  sont  plus 
durs  à  la  fonte  et  au  soufflage  et  d'un  prix  de  revient 
trop  élevé.  Cette  coloration  verte,  due  peut-être  à  la 
formation  d'une  petite  quantité  d'outremer,  substance 
que  la  soude  seule  peut  produire,  est  habituellement 
corrigée,  dans  une  certaine  mesure,  par  l'emploi  du 
bioxyde  de  manganèse.  Ce  corps  doit  être  dans  un 
état  convenable  de  pureté;  comme  il  est  lui-même 
un  colorant  très-énergique  qui,  ajouté  en  proportion 
un  peu  plus  forte,  donne  du   verre  rose,  violet  et 


152  LE    VERRE. 

même  noir,    on   ne  l'emploie   jamais   qu*en    très- 
minime  quantité. 

Les  fabricanls  anglais  ont  été  conduits  à  faire,  à 
pots  couverts,  des  verres  très-blancs  destinés  à  l'en- 
cadrement des  gravures  et  à  la  photographie  en 
employant  la  composition  suivante  : 

Sable  de  Fontainebleau  ou  d'Amérique.  .  .  100 

Carbonate  de  soude  à  90» 36 

Azotate  de  soude 5 

Chaux  éteinte  en  poudre 12 

Acide  arsénieux 0,5 

La  fonte  est  faite  dans  un  four  à  8  pots  très- 
fortement  chauffé.  On  fait  rentrer  chaque  jour  dans 
la  composition  le  groisil  de  la  veille,  en  écartant 
soigneusement  les  fragments  de  mors  de  canne 
tachés  de  fer.  (M.  Bon  temps.) 

Ponte  et  soufflage  du  verre  à  vitre. 

Les  pots  ou  creusets  sont  tantôt  ronds,  tantôt  ovales; 
ces  derniers,  ayant  leur  grand  axe  perpendiculaire  à 
la  paroi  du  four,  y  tiennent  moins  de  place. 

En  France  et  en  Belgique,  les  pots  contiennent  de 
500  à  600  kilogrammes  de  verre;  ils  ont  de  0'",70  à 
0'",85  de  hauteur.  En  Angleterre,  le  travail  du  souf- 
flage s'exécutant  dans  un  four  spécial,  les  creusets 
sont  beaucoup  plus  grands;  ils  renferment  jusqu'à 
2,500  kilogrammes  de  verre;  ils  sont  de  forme  ronde 
et  ont  jusqu'à  1™,60  de  diamètre  intérieur. 

Le  four,  qui  contient  ordinairement  8  pots,  est 


VERRE   A   VITRE.  (53 

construil  dans  une  halle  spacieuse  dont  les  côtés  qui 
font  face  aux  ouvreaux  sont,  à  partir  de  la  hauteur 
d'appui  èl  sur  une  largeur  de  6  mètres  environ,  for- 
més par  des  montants  en  charpente  sur  lesquels 
s'ajustent  des  volets  qui  sont  fermés  pendant  la  fonte 
et  qu'on  ouvre  pendant  le  travail  du  verre. 


Fig.  19. 

Au-dessous  du  sol  de  la  halle  se  trouvent  des 
galeries  qui,  communiquant  avec  le  dehors,  s'éten- 
dent sous  la  grille  et  lui  fournissent l'airnécessaire 
à  la  combustion. 

Des  fours  ou  archesà  allremper  lespots,  c'est-à-dire 
à  les  cuire  et  à  les  chauffer  A  une  haute  température 
avant  leur  introduction  dans  le  four  de  fusion,  sont 
situés  dans  la  même  halle,  qui  doit  avoir  environ 
20  mètres  de  longueur  sur  20  mètres  de  largeur.  Les 
pots  de  verre  àvitre  peuvent  durerdeux  mois  et  plus, 
si  on  leur  donne  une  épaisseur  sutlisanle;  mais, 
d'après  M.  Bontemps,  il  est  préférable  de  les  fabri- 


454  LE    VERRE. 

quer  plus  minces,  en  leur  donnant  une  durée  certaine 
de  quatre  à  cinq  semaines.  Au  lieu  de  ne  les  rempla- 
cer que  quand  ils  cassent,  ainsi  qu'on  le  pratique 
dans  le  plus  grand  nombre  des  verreries,  il  convient 
de  ne  pas  attendre  qu'il  y  ait  un  creuset  hors  de  ser- 
vice; à  jour  fixe,  le  samedi,  par  exemple,  après  le 
travail  du  soufflage,  on  tire  tous  les  pots  du  four 
et  on  fait  une  mise  entière  neuve  ;  en  effet,  quand 
on  remplace  un  pot  isolément,  il  est  rare  que  cette 
opération  ne  cause  pas  quelque  blessure  à  l'un 
des  pots  du  voisinage  qui  fonctionnent  encore  et 
n'amène  pas  un  nouvel  accident.  Ce  système  de  rem- 
placement des  pots  à  jour  fixe  est  avantageux  surtout 
quand  le  travail  est  réglé  de  manière  à  accomplir 
en  vingt-quatre  heures  la  fonte  et  le  soufflage,  de 
manière  à  commencer  le  travail  tous  les  jours  à 
la  même  heure;  il  présente  de  grands  avantages  au 
point  de  vue  de  l'ordre,  de  la  comptabilité  et  de  la 
surveillance. 

L'enfournement  des  matières  est  fait  en  trois  fois  : 
le  premier  exige,  pour  fondre,  sept  heures  de  feu; 
le  deuxième ,  quatre  heures  ;  le  troisième,  trois 
heures.  La  fonte  et  l'affinage  étant  terminés,  on  laisse 
tomber  le  feu  pendant  une  heure  et  demie  avant 
de  commencer  le  soufflage.. 

Pendant  que  le  tiseur  fait  sa  braise^  c'est-à-dire 
charge  la  grille  de  charbon  fin  mouillé,  dans  le  but 
d'abaisser  la  température  du  four  et  de  donner  au 
verre  l'état  plastique,  le  gamin  prépare  les  outils, 
arrose  et  balaye  la  place  de  manière  à  éviter  la 
poussière  :  il  pose  le  chevalet  (fig.  26)  à  une  petite 


VERRE   A   VITRE.  456 

distance  de  la  place.  Le  verre  étant  prêt,  on  procède 
à  l'écrémage  qui  se  fait  en  enlevant  au  moyen  d'un 
râble  le  verre  impur  qui  se  trouve  à  la  surface  du 
creuset.  Le  râble  est  une  palette  en  fer  fixée  au 
bout  d'une  tige  de  même  métal  ayant  1^,50  à  2  mètres 
de  longueur. 

I^  verre  étant  fondu,  affiné,  écrémé  et  ramené  par 
un  chauffage  convenable  à  l'état  de  consistance 
voulue,  â  un  signa]  donné,  le  travail  commence. 
Devant  chaque  creuset  se  trouve  un  plancher  en 
bois  B  (fig.  19,  20,  23)  qui  repose  sur  des  pieux  en 
bois  ou  sur  des  piliers  en  fonte  ou  en  pierre;  cette 
estrade  est  à  2"',50  ou  3  mètres  au-dessus  du  sol  de 
la  halle. 

Chaque  place  est  desservie  par  un  souffleur  et  par 


un  aide  qu'on  désigne  dans  toutes  les  verreries  sous 
le  nom  de  gamin. 

Avant  de  décrire  l'opération  du  soufflage,  il  im- 
porte de  connaître  les  outils  très-simples  qui  sont 


136    ,  LE   VEURE. 

dansl»  main  de  tous  ouvriers  qui  travaillent  le  verre. 
L'outil  principal  est  la  canne.  Son  emploi  pour  le 
travail  du  verre  remonte  à  la  plus  haute  antiquité. 
La  canne  est  figurée  sur  des  monuments  égyptiens 
qui  remontent  à  plus  de  quatre  mille  ans. 

^^^^^^^mgmmmmmny-iâ^iMMMf^mmmmmimifT  i  »  n  iiyniiiiiiiuiLii!  ut nn.i  iiyi.m.iiL.  JW^ 


Fig.  2i. 

La  canne  est  un  tube  creux  en  fer  terminé  par 
une  partie  renflée  (fig.  21).  Sa  dimension  varie  avec 
le  poids  des  pièces  de  verre  à  fabriquer.  Les 
ouvriers  qui  faisaient  autrefois  en  Bohême  les  glaces 
soufflées  se  servaient  de  cannes  ayant  au  moins 
3  mètres  de  longueur;  les  cannes  de  ceux  qui  souf- 
flent les  petits  ballons  qu'on  découpe  pour  faire  les 
verres  de*montre  ont  à  peine  un  mètre.  Pour  la  con- 
fection des  manchons  ordinaires ,  la  canne  a  envi- 
ron l'",60  de  long.  Elle  pèse  6  à  8  kilogrammes.  A 
une  petite  distance  de  son  embouchure,  qui  est  légè- 
rement amincie  et  arrondie  par  le  bout,  est  fixé  un 
manchon  en  bois  tourné  ayant  0'",30  à  0™,40  de 
longueur;  il  a  pour  objet  de  permettre  à  l'ouvrier 
de  manier  cet  outil  sans  se  brûler.  Chaque  souffleur 
dispose  de  8  à  10  cannes. 

Une  palette  en  fer  de  0'",18  de  long  sur  0'%06  de 
large,  avec  un  manche  de  0™,14,  sert  à  parer  le  verre 
au  commencement  du  travail  (fig.  22,  c). 

Des  ciseaux  à  manche  plus  ou  moins  longs  (d) 
sont  employés  pour  découper  le  verre  quand  il  est  à 


VERRE   X  VITRE.  (57 

l'élat  plastique;  des  pinceUes  en  petit  fer  carré  de 
O^.OOS  à  0'",010  servent  à  divers  usages;  pour  le 
Iravail  des  pièces  de  gobeleterie  les  branches  de 
ces  pincettes  sont  en  bois  (fig.  29,  e). 

Une    lige    en    fer  carré ,    d'une    longueur  de 


0"',û5,  recourbée  à  angle  droit  à  l'une  de  ses  extré- 
mités, qu'on  nomme  le  pic,  sert  à  glacer,  à  refroidir 
le  col  du  manchon  à  détacher  de  la  canne.  Plusieurs 
blocs  creusés  en  forme  de  cuvette,  en  bois  de  poi- 
rier, de  pommier  ou  de  hêtre,  servent  .'i  souffler  la 
boule  du  manchon;  ces  blocs  sont  employés  étant 
mouillés  (fig.  20  d). 

La  canne  étant  bien  propre,  bien  exempte  du 
verre  provenant  du  iravail  antérieur,  est  chauffée  à 
la  température  du  rouge  sombre  au  petit  ouvreau; 
le  souffleur  la  plonge  dans  le  creuset.  A  la  surface  du 
verre  fondu  flotle  une  couronne  en  argile  qui  permet 
d'éviter  les  fdandres  et  de  cueillir,  dans  la  partie  cen- 
trale du  creuset,  du  verre  homogène  et  bien  affiné. 


458  LE    VERRE. 

L'ouvrier  retire  la  canne  dont  l'extrémité,  le  mors 
est  enverré  d^environ  200  grammes  de  verre  :  il  la 
tourne  de  manière  à  rendre  le  verre  plus  pâteux; 
puis  il  fait  un  deuxième  cueillage  de  manière  à  ce 
que  la  quantité  du  verre  soit  de  6  à  700  grammes;  la 
canne  est  tournée  horizontalement,  reposant  sur  les 
deux  arêtes  du  baquet  en  fonte;  avec  la  palette 
(fig.  22,  c),  il  arrondit  le  cueillage  et  il  commence 
à  souffler  légèrement  pour  déboucher  la  canne  et 
introduire  un  peu  d'air  dans  la  masse  vitreuse.  11 
fait  ensuite  un  troisième  cueillage  et  même  un  qua- 
trième, si  les  manchons  sont  de. grande  dimension, 
devant  avoir  1",11  sur  0™,69.  Pour  ces  manchons, 
le  poids  du  verre  employé  est  d'environ  5  kilo- 
grammes, 

La  canne,  après  avoir  été  rafraîchie,  est  posée 
près  du  verre  sur  le  crochet  (fig.  20,  c)  et  tournée 
de  manière  à  ramasser  à  son  extrémité  le  plus  de 
verre  possible  ;  la  paraison  est  ensuite  arrondie  par 
un  lent  mouvement  circulaire  qu'on  donne  à  la 
canne,  la  masse  vitreuse  étant  placée  dans  le  bloc 
creux  de  bois  mouillé  ;  l'ouvrier  lui  donne  ainsi  la 
forme  d'une  poire  très-allongée;  il  relève  sa  canne 
de  manière  à  lui  laisser  une  certaine  inclinaison, 
en  laissant  toujours  le  verre  dans  le  bloc  que  le 
gamin  continue  à  mouiller;  ce  dernier  fait  couler 
aussi  un  petit  filet  d'eau  sur  le  col  qui  commence  à 
se  former. 

Le  col  étant  fait,  l'ouvrier  souffle  de  manière 
à  faire  une  sphère  d'un  diamètre  de  0™,22  environ; 
il  balance  sa  canne,  puis  il  la  relève  xie  manière  à 


VERRE   A   VITRE.  <o9 

ramasser  le  verre;  soufflant  plus  fortement,  à  plu- 
sieurs reprises,  après  avoir  réchauffé  la  pièce  à 
Touvreau,  il  donne  à  la  canne  un  mouvement  de 
,  va-et-vient,  comme  celui  d'un  battant  de  cloche,  de 
manière  à  allonger  la  pièce  qui  prend  une  forme 
cylindrique;  il  la  relève  vivement  au-dessus  de  sa 
tête,  puis  lui  fait  subir  un  mouvement  complet  et 
rapide  de  rotation,  dans  le  but  de  rallonger  et  de 
lui  donner  une  épaisseur  égale  dans  toutes  ses  par- 
ties. Pour  cette  dernière  opération,  le  verre,  devenu 
trop  dur  pour  arriver  à  la  dimension  voulue,  est 
réchauffé  à  l'ouvreau,  la  canne  reposant  sur  le  cro- 
chet de  place  fixé  à  sa  gauche;  le  manchon  n'est 
pas  trop  enfoncé  dans  le  fqur,  afin  de  ne  pas  en 
ramollir  la  partie  qui  a  déjà  une  épaisseur  conve- 
nable. 

11  s'agit  maintenant  d'ouvrir  l'extrémité  du  man- 
chon  qui  vient  d'être  soufflé  :  on  obtient  ce  résultat 
de  diverses  manières  :  si  le  verre  est  mince,  la  canne 
avec  son  manchon  est  posée  sur  un  crochet  tour- 
nant fixé  à  la  paroi  du  four  ;  le  bout  étant  chauffé  et 
suffisamment  ramolli,  on  souffle  et  on  ferme  avec 
la  main  l'embouchure  de  la  canne;  par  la  dilatation 
de  l'air  le  verre  cède  et  éclate  dans  cette  partie; 
le  manchon  est  poussé  un  peu  plus  avant  dans  le  four 
et  on  le  tourne  assez  rapidement  pour  élargir  l'ou- 
verture et  pour  la  rendre  cylindrique. 

Lorsque  le  manchon  est  plus  épais,  on  applique 
à  son  extrémité  une  certaine  quantité  de  verre  très- 
chaud  que  le  gamin  apporte  au  bout  d'une  cor- 
deline  :  le  maître  ouvrier  ferme  l'embouchure  de 


LE    VEltRE. 


la  canne  avec  la  paume  de  la  main  et  fait  entrer  la 
moitié  du  manchon  dans  l'ouvreau;  l'air,  eu  se 
dilatant,  se  fraye  un  passage  par  la  partie  la  plus 
ramollie,  c'est-à-dire  par  celle  qui  a  reçu  ce  verre 


? 

:\ 

^ 

A 

c 

)c 

t  ^ 

)       ) 

. 

chaud;  en  balançant  la  canne,  les  bords  du  trou 
s'élargissent;  ou  bien  la  canne  étant  sur  l'un  des 
bords  du  baquet  dans  une  position  inclinée,  le 
gamin  rogne  le  verre  avec  des  ciseaux  à  long  manclie 
de  manière  A  lui  donner  la  forme  cylindrique. 

Un  autre  système  consiste  à   percer  avec  une 
pointe  en  fer  le   bout 
du  manchon  convena-    \"t-^^  ' 

blement  ramolli  à  l'ou-      I      i 

II' 
vreau;  par  le  mouve-     :        fj'i 

ment  de  balancement    ;__j5         :_ 

l'ouverture  s'agrandit;  pig  j* 

on  pare  la  pièce  avec 

une  sorte  de  palette  en  bois  ;  les  bords  s'écartenl  et 
la  calotte,  qui  terminait  le  cylindre,  se  trouve  ef- 
facée. 

La  figure  23  représente  les  diverses  phases  de  la 
confection  d'un  manchon.  I-^  figure  24  représente  le 


VERRE  A  VITRE.  461 

manchon  rogné,   fendu  et  étendu  par  les  procédés 
qui  seront  décrits  ci-après. 

Le  soufflage  du  verre  à  vitre  exige  de  la  force, 
de  l'adresse  et  une  très-grande  habitude.  Les  man- 
chons ou  canons  ordinaires  pèsent  2  kilogrammes  en- 
viron ;  mais  le  poids  varie  beaucoup  avec  l'épaisseur; 
néanmoins  il  est  rare  qu'on  fabrique  des  feuilles  exi- 
geant des  paraisons  pesant  au  delà  de  10  à  15  kilo- 
grammes. Les  manchons  de  3'%30  sur  0'",20,  de  2% 75 
sur  0'",32;  des  feuilles  étendues  de  2",90  sur  0"',81, 
avec  une  épaisseur  de  0'",00/i,  pesant  24  kilogrammes 
et  tirées  d'une  paraison  de  30  kilogrammes,  qu'on 
voyait  à  l'Exposition  universelle  de  1867,  ne  peuvent 
être  considérées  que  comme  des  tours  de  force,  de  la 
nature  de  ceux  qu'on  rencontre  souvent  dans  les 
expositions  industrielles.  Pour  ces  pièces  exception- 
nelles, l'eau  vient  en  aide  au  souffle  de  l'ouvrier  : 
à  cet  effet,  lorsque  le  manchon  est  en  partie  formé, 
le   souffleur   y   projette  une    petite  gorgée  d'eau; 
celle-ci,  en  se  gazéifiant,  dilate  considérablement  le 
verre  au  moment  où  l'embouchure  de  la  canne  est 
bouchée  avec  la  main;  parfois  il  remplace  l'eau  par 
de  l'eau-de-vie;   mais  parfois    aussi,    au   troisième 
manchon,  il  tombe  dans  un  complet  état  d'ivresse. 

Dans  quelques  verreries  de  la  Belgique,  le  souf- 
flage est  rendu  moins  pénible  par  l'emploi  d'un  petit 
chariot  monté  sur  rails  qui  porte  la  canne  et  qui 
permet  d'en  diriger  le  fonctionnement  avec  moins  de 
fatigue.  Les  ouvriers  qui  fabriquent  en  Bohême  des 
glaces  soufflées  de  grandes  dimensions  ont  à  manier 
des  masses  de  verre  pesant  80  à  iOO  kilogrammes  : 

11 


VERRE  A  VITRE.  463 

ce  n'est  qu'en  s'aidant  de  leviers,  de  grues,  de  po- 
tences et  d'autres  moyens  mécaniques  qu'ils  peuvent 
exécuter  leur  travail. 

Un  souffleur  fait,  par  heure,  9  à  10  manchons 
qui  fournissent  des  feuilles  de  111  sur  69  centi- 
mètres, du  poids  moyen  de  i  kilogrammes;  ou  bien 
16  à  17  manchons  de  69  sur  54  centimètres,  c'est- 
à-dire  d'une  superficie  moindre  de  moitié  environ. 

On  fabrique  trois  sortes  de  verres  à  vitre  ;  le 
plus  mince  est  le  verre  simple  dont  l'épaisseur  est  de 
O'",0015  à  0'",002;  celle  du  verre  double  est  com- 
prise entre  O^jOOS  et  0"*,004  ;  pour  le  verre  triple 
elle  est  de  0'»,006  à  0"',008.  Ce  dernier  produit  est 
assez  peu  employé  ;  il  rencontre  dans  le  commerce  la 
concurrence  des  glaces  coulées  dont  l'épaisseur  est 
sensiblement  la  même  et  dont  le  prix,  eu  égard  à  la 
qualité,  n'est  pas  beaucoup  plus  élevé. 

Lorsque  le  manchon  est  ouvert  à  son  extrémité, 
il  s'agit  de  le  détacher  de  la  canne,  de  séparer  la 
calotte  qui  le  termine  et  ensuite  de  le  fendre  dans 
le  sens  de  sa  longueur. 

Dans  ce  but,  le  gamin  qui  a  pris  la  canne  des 
mains  du  souffleur  pose  le  manchon  sur  le  cheva- 
let (fig.  26),  il  applique  un  fer  froid  {le  pic)  sur  un 
point  du  col  adhérent  à  la  canne  de  manière  à  y 
produire  une  petite  fente  qui  s'étend  par  suite  de 
légers  chocs;  la  canne,  séparée  du  manchon,  passe 
aux  mains  du  souffleur  qui  procède  à  la  confection 
d'un  autre  manchon  ;  pendant  qu'il  fait  ses  premiers 
cueillages,  après  avoir,  au  besoin,  écrémé  le  verre 
de  son  creuset,  le  gamin  porte  sur  une  étagère  lei» 


164  LE    VERRE, 

manchons  refroidis  dont  on  aura  plus  lard  à  enlever 
la  calotte,  c'est-à-dire  la  portion  rétréeie  qui  adhé- 
rait à  ta  canne. 

Les  manchons  qui  doivent  fournir  le  verre  simple 


n'ont  pas  besoin  d'être  recuits  pour  être  fendus;  il 
n'en  est  pas  de  même  pour  les  deux  autres  sortes  de 
verres  :  en  raison  de  leur  épaisseur  et  de  leur  brus- 
que refroidissement,  ils  sont  fortement  trempés  et  ils 
éclatent  souvent.  Aussi,  quand  le  manchon  esldétaché 
sur  le  chevalet,  un  ouvrier  l'enlève  avec  une  perciie 
et  le  porte  sur  un  autre  chevalet  en  fer  dans  un 
four  à  recuire  chauffé  au  rouge-brun  ;  il  y  séjourne 
pendant  quinze  minutes  :  on  le  laisse  ensuite  refroi- 
dir auprès  du  four,  en  l'abritant  des  courants  d'air. 
Pour  couper  les  calottes  ou  bonnets,  le  gamin 
pose  d.eux  manchons  sur  un  petit  support  mobile,  à 
proximité  du  four  :  au  moyen  d'une  règle  en  bois,  H 
indique  la  longueur  que  doit  avoir  le  cylindre  : 
avec  une  cordeline,  le  souffleur  prend  au  fond  du  pot 
un  peu  de  verre  qu'il  pare  et  qu'il  laisse  s'allonger 
par  son  propre  poids;  il  en  saisit  l'extrémité  avec 


VERRE    A    VITRE.  46» 

une  pincette  et  il  Tétire  de  manière  à  en  former  un 
cordon  dont  il  enlace  le  manchon  à  la  place  indi- 
quée; en  touchant  cette  place  avec  une  pincette 
mouillée,  la  calotte  se  détache  et  tombe  dans  une 
caisse  placée  au  bout  du  chevalet. 

Dans  d'autres  verreries,  Touvrier  souffleur  détache 
lui-même  les  manchons  et  en  coupe  les  calottes  au 
fur  et  à  mesure  de  leur  confection.  En  suivant  cette 
méthode,  les  ouvriers,  aussitôt  qu'ils  ont  soufflé 
tout  le  verre  contenu  dans  les  pots,  peuvent  se  reti- 
rer et  ne  gênent  pas  l'équipe  des  fondeurs  qui  ont  à 
procéder  sans  retard  au  réchauffage  du  four. 
(M.  Bon  temps.) 

Le  manchon,  rogné  aux  deux  bouts,  présente 
actuellement  la  forme  d'un  cylindre;  il  s'agit  de  le 
fendre  de  manière  à  pouvoir  le  transformer  ensuite 
en  une  surface  plane,  en  une  feuille  de  verre. 

Le  fer  à  fendre  est  une  tige  de  fer  rond  d'environ 
l",50de  longueur  sur  0'",025  de  diamètre,  légèrement 
infléchie  vers  son  milieu.  Un  de  ses  bouts  étant 
chauffé  au  rouge,  on  le  promène  dans  toute  la  lon- 
gueur du  manchon,  eu  suivant  exactement  l'arête 
sur  laquelle  repose  le  cylindre,  arête  qu'on  sau- 
poudre quelquefois  avec  un  peu  de  houille  pulvé- 
risée. Quand  on  commence  ce  mouvement  de  va-et- 
vient,  on  a  soin  de  ne  toucher  les  deux  extrémités 
que  lorsque  le  milieu  est  déjà  chaud  :  en  mouillant 
légèrement  le  verre  à  l'entrée  du  passage  du  fer,  la 
fente  se  produit  et  se  développe  dans  toute  la  lon- 
gueur du  cylindre. 

Dans  quelques  verreries  belges,  on  fend  les  man- 


466  LE   VERRE. 

chons  en  promenant  dans  leur  intérieur  un  diamant 
fixé  ik  l'extrémité  d'une  longue  tige  qui  agit  sur  une 
arête  du  cylindre  le  long  d'une  règle  en  bois.  En 
produisant  ainsi  une  fente  plus  régulière,  on  a  moins 
de  déchet  lorsque  la  feuille  de  verre,  après  l'éten- 
dage,  est  équarrie  au  diamant. 

Un  manchon  qui  n'a  pas  été  recuit  oiTre  cette 
particularité  que  si  on  vient  à  en  ouvrir  la  fente  par 
une  pression  exercée  par  les  deux  mains  et  si  on 
cesse  ensuite  cette  pression,  ses  deux  lèvres  se  croi- 
sent l'une  sur  l'autre;  ce  qui  est  la  conséquence  de 
l'état  de  dilatation  que  présente  le  verre  trempé  ;  ce 
caractère  ne  se  présente  plus  pour  les  manchons 
qu'on  a  fait  recuire  ;  les  deux  bords  reprennent  leur 
première  position. 

Étendage  des  manchons. 

Pour  transformer  les  manchons  rognés  et  fendus 
en  une  feuille  de  verre  plane,  il  faut  maintenant 
les  chauffer  à  une  température  suffisante  pour  les 
ramollir  ;  leurs  bords  s'affaissent  et  s'écartent  :  par 
une  sorte  de  laminage^  le  verre  se  transforme  en 
une  surface  plane. 

Cette  opération  se  fait  dans  un  four  spécial,  dit 
four  à  étendre. 

La  construction  de  ce  four  a  subi  depuis  une 
trentaine  d'années  d'importantes  améliorations.  Le 
plus  ancien,  celui  que  représente  la  figure  27,  est 
une  sorte  de  four  à  réverbère,  chauffé  par  la  flamme 
d'un  foyer  latéral  et  divisé  en  deux  chambres  conti- 


ÈTENDAGE  DES  MANCHONS.        167 

gtiês,  A  et  B  (fig.  27),  qui  sont  séparées  par  un  mur 
qui  s'étend  depuis  la  voûte  jusqu'à  la  sole.  Au  bns 
de  ce  mur  se  trouve  ménagée  une  ouverture  de 
1  mètre  de  largeur  sur  12  centimètres  de  hauteur; 
elle  est  destinée  au  passage  des  vitres  planées. 


Ce  four  étant  chauffé  au  rouge  sombre,  on  y 
introduit  les  manchons  par  une  galerie  latérale  C 
dans  laquelle  ils  cheminent  lentement  sur  deux  barres 
de  fer  rond  qui  supportent  une  t6le  recourbée  sur 
laquelle  repose  le  manchon  à  étendre.  En  poussant 
cette  t61e  avec  la  lige  de  fer  qui  lui  est  adaptée,  ce 
manchon  arrive  vers  le  centre,  et  s'y  trouve  bientôt 
porté  à  la  température  du  rouge  sombre.  Amené  à 


168  LE   VERRE, 

Taide  d'une  longue  lige  de  fer  sur  le  lagre,  qui  est 
une  feuille  de  verre  épaisse  posée  sur  une  plaque  de 
terre  réfrac  taire,  ses  bords  s'écartent  sous  la  légère 
pression  exercée  sur  eux  avec  une  perche  de  bois; 
un  rabot  en  bols  blanc  mouillé  ou  polissoir,  qu'on 
promène  à  sa  surface,  achève  de  planer  la  feuille; 
celle-ci  est  aussitôt  poussée  dans  le  second  comparti- 
ment B  dont  la  température  est  moins  élevée*  Lors- 
qu'elle est  suffisamment  rigide,  elle  est  placée  de 
champ,  au  moyen  d'une  fourche  en  fer,  contre  la 
paroi  du  four.  On  a  soin  de  disposer,  de  dis  lance  en 
distance,  des  barres  de  fer  ponr  appuyer  de  nou- 
velles vitres,  afin  que  celles-ci  ne  chargent  pas  trop 
celles  qui  les  ont  précédées.  Quand  le  four  est  plein, 
on  enlève  le  combustible,  on  en  bouche  toutes  les 
ouvertures  et  on  le  laisse  refroidir  pendant  plusieurs 
jours.  C'est  ainsi  que  ces  verres  sont  recuits^ 

Sur  la  surface  du  lagre  on  projette  un  peu  de 
gypse  ou  de  sulfure  d'antimoine  moulu  très-fin,  dans 
le  but  d'empêcher  l'adhérence  des  vitres  qu'on  y 
étend;  ou  bien  on  jette  de  temps  à  autre  sur  le  com- 
bustible une  petite  quantité  de  chaux,  qui,  entraînée 
avec  les  produits  gazeux  de  la  combustion,  se  répand 
dans  le  four  et  amène  le  même  résultat.  Ce  four  est 
fumivore  lorsqu'on  laisse  ouverte  la  porte  du  foyer; 
mais  le  verre  se  dévitrifie  plus  facilement;  la  flamme 
doit  être  fumeuse. 

En  poussant  la  feuille  étendue  dans  le  second 
compartiment,  on  risque  de  la  déformer  ou  de  la 
rayer,  à  moins  d'y  pousser  le  lagre  lui-même  et  de 
le  ramener  ensuite  sur   la   pierre  à  étendre;  mais 


ÉTENDAGE  DES  MANCHONS. 


4  69 


en  procédant  ainsi,  on  perd  beaucoup  de  temps  et 
le  lagre  se  trouve  bientôt  hors  de  service;  de  plus, 
rîntermittence  du  travail,  en  raison  de  la  nécessité 
de  laisser  refroidir  le  four  pour  recuire  les  feuilles  de 
verre,  entraîne  à  une  grande  dépense  de  combustible. 

Quand  le  lagre  a  servi  pendant  quelque  temps, 
de  trois  à  six  heures,  il  se  dévitrifie;  sa  surface  de- 
vient assez  rugueuse  pour  altérer  le  verre  avec 
lequel  il  est  en  contact;  on  le  remplace  par  un  neuf. 

Ces  nombreux  inconvénients  ont  fait  abandonner 
presque  partout  cet  ancien  système  d'étendage.  Nous 
avons  à  faire  connaître  les  apparçils  qui  l'ont  rem- 
placé. 

Four  CL  pierres  tournantes.  —  M.  Hulter,  de  Rive-de- 
6ier,  a  construit,  en  1826, 
un  îowv  à  pierres  tournantes, 
composé  de  quatre  pierres 
à  étendre  fixées  sur  un 
plateau  circulaire  horizon- 
tal; ce  plateau  se  meut 
sur  un  pivot  central  por- 
tant engrenage;  il  est  mis 
en  mouvement  |  par  une 
petite  roue  extérieure  au 
four.  Une  première  feuille  étant  étendue  sur  la 
pierre  A  (fig.  28),  on  fait  tourner  le  plateau  de  ma- 
nière à  ce  que  A  vienne  en  B  et  soit  remplacé  par  la 
pierre  D;  on  étend  en  D  une  deuxième  feuille;  par 
un  nouveau  mouvement,  D  arrive  en  B;  la  première 
feuille  arrive  par  conséquent   en  C,  suffisamment 


Fig.  28. 


470  LE   VERRE. 

refroidie  pour  être  relevée  à  la  fourche  et  introduite 
dans  le  four  à  dresser. 

Avec  ce  système,  d'un  mécanisme  difficile  à  en- 
tretenir en  bon  état,  on  avait  aussi  l'inconvénient 
de  consommer  beaucoup  de  combustible  ;  car  il 
fallait  encore,  lorsque  le  four  à  dresser  était  plein,  se 
servir  d'un  autre  four;  il  fut  amélioré  par  l'emploi 
d'une  arche  à  tirer,  de  12  à  15  mètres  de  longueur, 
dont  l'entrée  pour  les  chariots  ou  ferrasses  se  trou- 
vait en  communication  avec  la  trompe  par  laquelle 
on  entre  les  manchons. 

Four  à  pierres  roulantes.  —  En  Belgique  et  dans  le 
nord  de  la  France,  les  systèmes  de  fours  à  pierres  rou- 
lantes sont  ceux  qu'on  emploie  le  plus  habituelle- 
ment{fig.29). 


Dans  ce  four,  le  stracou  et  l'arche  sont  contigus, 
séparés  seulement  par  deux  plaques  en  terre  réfrac- 
taire,  entre  lesquelles  un  intervalle  est  ménagé  pour 
le  jeu  d'une  bascule  que  l'ouvrier  baisse  pour  main- 


ÉTENDAGE    DES   MANCHONS.  47^ 

tenir  la  température  du  premier  fourneau,  du  stracau, 
et  qu'il  soulève  pour  donner  passage  au  chariot  à 
étendre. 

Le  verre  est  étendu  sur  la  plaque  mobile  A  sur 
laquelle  se  trouve  le  lagre,  les  manchons  arrivant  par 
la  galerie,  la  trompe,  qui  débouche  dans  ce  comparti- 
ment du  four.  Cette  plaque,  munie  de  la  feuille  de 
verre  planée,  est  poussée  sur  des  rails  dans  l'autre 
partie  du  four,  Varche,  qui  est  moins  chaude;  elle  y 
occupe  la  place  B.  Le  verre  étant  assez  froid,  on 
l'enlève  avec  une  longue  fourche  en  fer  et  on  le 
dépose  à  plat  sur  un  chariot  en  tôle  C,  qui  reçoit 
8  à  i2  feuilles  et  qui  se  meut  sur  des  rails  dans 
une  galerie  à  recuire  d'une  longueur  de  15  à 
20  mètres.  Les  chariots  sont  reliés  les  uns  aux  autres 
par  des  crochets;  ils  entrent  vides  par  l'ouverture 
placée  près  de  la  grille  et  sortent  pleins  et  presque 
froids  à  l'autre  extrémité. 

Ce  four  présente  un  sérieux  inconvénient  :  lorsque 
la  feuille  étendue  est  poussée  avec  sa  pierre  en  B, 
il  faut  attendre  un  certain  temps  pour  faire  revenir 
celle-cî,  après  avoir  enlevé  et  porté  en  C  dans 
l'arche  à  recuire  la  feuille  suffisamment  refroidie. 
C'est  cette  perte  de  temps  que  M.  J.  Frizon  a  cher- 
ché à  éviter  en  remplaçant  immédiatement  par  une 
pierre  libre  la  pierre  sur  laquelle  le  manchon 
vient  d'être  étendu. 

Ce  four  (fig.  30)  contient  deux  pierres  roulantes 
portées  sur  des  chariots  mobiles,  qui  occupent  suc- 
cessivement les  positions  A,  B,  C,  D  dans  le  stracou 
(partie  antérieure  du  four  où  se  fait  l'élendage)  et 


LE    VERRE. 


dans  l'arche.  Dans  celle-ci  se  lrou%'e  une  plaie-forme 
roulanl  sur  des  mils  et  mise  en  mouvement  par  un 
système  d'engrenages  commandé  du  dehors  par  une 
roue  fi  barre  ou  à  manivelle. 


Le  manchon,  qu'on  entre  par  la  trompe,  est 
transporté  et  étendu  sur  la  pierre  mobile  A;  celle-ci 
est  poussée  dans  l'arche  et  y  occupe  la  place  B;  par 
l'action  de  la  manivelle,  elle  vient  se  placer  en  D, 
tandis  que  la  seconde  pierre  C,  par  un  double  mou- 
vement rectangulaire,  arrive  en  B  et  remplace  In 
pierre  A;  elle  sert  à  étendre  nn  second  manchon; 
la  pierre  qui  est  en  D,  après  l'enlèvement  de  la  feuille 
platée  qu'on  introduit  sur  le  chariot  E  se  trouvant 
dans  la  g:>lerie  i  recuire,  revient  en  C  pour  fonc- 
tionner de  la  même  façon  que  pour  le  premier  man- 
chon; la  seconde  pierre  suit  la  même  marche  que 
la  première. 

Les  deux  pierres  à  étendre  sont  de  même 
dimension,  et  montées  sur  des  roues  en  fonte  qui 
reposent  sur  les  rails. 

Le  four  à  pont  inoui-ani  de  M.  Segard,  d'Anzio,  se 


ÉTENDAGE    DES    MANCHONS.  413 

compose  essentiellement  de  deux  chariots,  qui  por- 
tent chacun  une  pierre  à  étendre.  La  disposition  gé- 
nérale du  four  ét<nnt  la  même  que  celle  représentée 
figure  29,  les  dessins  (fig.  31  et  52}  ne  donnent  que 


m^^ 


FIg.  3t. 

les  deux  pierres  roulantes  et  le  mécanisme  pour  les 
manœuvrer. 

Le  chariot  B,  portant  sa  pierre  à  étendre,  se 
meut  sur  des  roues  fixes  au  moyen  de  rails  qui  y 
sont  adaptés.  Le  chariot  A, 
qui  a  aussi  sa  pierre,  se 
trouve  à  15  centimètres  au- 
dessous  du  chariot  B,  sous 
lequel  il  doit  passer;  il  se 
meu  t  au  moyen  de  ses  roues. 

Pour   étendre    les   man- 
chons, le  chariot  A  étant  dans  fj».  3^- 
le  four   à  refroidir,  on  fait 

l'étendage  sur  le  chariot  B.  Aussitôt  qu'il  est  ter- 
miné, on  pousse  ce  chariot  avec  un  crochet  dans  le 
second  compartiment.  Le  chariot  A  revient;  avec  un 
levier  en  fer,  on  ['élève  de  15  centimètres  avec  la 
plate-forme  sur  laquelle  il   est  venu  se  placer  de 


au  ^^  VERRE. 

manière  à  se  trouver  à  la  même  hauteur  que  le  cha- 
riot B.  On  y  place  le  manchon  à  étendre  :  pendant 
qu'il  s'ouvre,  on  enlève  avec  une  fourche  la  feuille 
qu'on  vient  de  platir  pour  la  poser  sur  un  chariot 
en  tôle  qui  se  trouve  dans  la  galerie  contiguë. 

Le  nouveau  manchon  étant  étendu,  on  abaisse  le 
chariot  sur  ses  rails,  on  le  renvoie  dans  le  four  à 
refroidir,  et  on  amène  par-dessus  le  chariot  supé- 
rieur B  sur  lequel  on  étend  une  autre  feuille  de 
verre. 

Par  ce  système  on  étend  600  manchons  par 
24  heures,  avec  une  consommation  de  10  hectolitres 
de  houille;  ce  travail  est  fait  par  deux  étendeurs, 
deux  tireurs  de  chariot  et  deux  enfants.  La  dépense 
est  moitié  de  ce  qu'elle  est  avec  le  four  à  une  seule 
pierre  roulante.  Mais  ce  système  a  l'inconvénient 
d'occasionner  le  bris  fréquent  des  pierres  à  étendre, 
par  les  chocs  inévitables  que  produit  la  manœuvre 
du  levier. 

Four  à  refroidir  le  verre  à  vitre  de  M.  Bievez.  —  Un 
perfectionnement  important  a  été  apporté,  depuis 
quelques  années,  au  four  à  recuire  le  verre,  après 
que  les  manchons  ont  été  étendus;  il  est  dû  à  un 
ancien  ouvrier  belge,  M.  Bievez,  de  Haine-Saint- 
Pierre. 

L'étendage  se  fait  par  l'un  des  systèmes  précédem- 
ment décrits,  le  plus  souvent  par  le  système  à  pierres 
roulantes.  Le  four  à  refroidir  est  placé  contre  le 
four  à  étendre,  ou  bien  à  son  extrémité.  Dans  le  dia- 
gramme (fig,  33),  qui  n'a  pour  objet  que  de  faire  com- 


VERRE    A    VITRE. 


475 


prendre  la  manœuvre  de  ce  four,  les  manchons 
entrent  en  c;  a  est  la  place  de  Té  tendeur;  6,  h'  les 
foyers  ;  e  la  feuille  de  verre  étendue  sur  le  chariot 
mobile  qu'on  pousse  ensuite  dans larche,  à  la  place 


l^i»jjijjniiiiiii.i,>.iiii — niiiijjnni.t>i...)nni»imn.it.»nnniiiHMiJ*»Jiiimwui»nifry7tr 


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8 


U^ViJUiiJ^""^^""""""""""*""^-'"^-'^^^^^^-'"-'-'^-'*"^""-'"'"*""-'-'"^^"^"'™ 


V 


Fig.  33. 


n"  1.  L'étendeur  se  rend  alors  à  l'ouverture  f  et  au 
moyen  d'une  courte  fourche  fait  glisser  la  feuille  dans 
le  premier  compartiment  du  four  Bievez,  à  la  place  2. 

Dans  la  sole  de  cette  galerie,  faite  en  terre  réfrac- 
taire,  se  trouvent  cinq  ou  six  rainures  longitudi- 
nales, dans  lesquelles  sont  des  barres  de  fer  reliées 
à  l'extrémité  et  en  dehors  de  la  galerie  par  une 
tringle  horizontale  Y  qui  leur  est  perpendiculaire; 
ces  barres  sont  guidées  par  des  glissières  en  fonte 
fixées  dans  la  partie  latérale  des  maçonneries  du  four: 
étant  équilibrées  par  des  contre-poids,un  léger  effort 
suffit  pour  les  soulever.  Cette  série  de  tringles  en 
fer,  posées  dans  les  gorges  de  ces  galets  et  réunies 
par  utie  traverse  à  l'ouverture  du  four,  peut  recevoir 
un  mouvement  horizontal.  L'appareil,  étant  en 
repos,  se  trouve  noyé  dans  les  rainures  pratiquées 
dans  la  sole  à  refroidir. 

L'étendeur  ayant  posé  à  plat,  à  l'entrée  de  la  sole, 


176  LE   VERRE. 

la  feuille  A  refroidir,  une  seconde  feuille  est  étendue; 
on  lève,  pour  lui  faire  place,  la  série  de  châssis  au 
moyen  d'un  levier;  la  première  feuille  se  trouve  sou- 


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Légende. 

A,  pierre  roulante  sur  laquelle  se  li'ouve  la  Teuillc  de  verre  étendue. 

B,  sole  du  four  k  recuire  avec  les  tiges  de  ta  mobiles  et  les  galets  sur  les- 
quelles elles  se  Rieuient. 

C,  bras  de  levier  pour  soulever  les  galets. 

La  poignée  en  fer  pqur  taire  avancer  et  reculer  les  tiges  est  représentée  duiis  la 
diagramnie.  (Fig.  33.) 


VERRE   A  VITRE.  (77 

levée;  elle  est  soutenue  par  les  tringles  horizontales 
x',  d' ,  x'",  etc.  (fig.  33),  formant  une  sorte  de  gril- 
lage pouvant  se  mouvoir  sur  les  galets. 

On  imprime  alors  à  ces  tringles,  qui  sont 
olidaires  entre 
elles,  un  mouve- 
ment longitudi- 
nald'unequantité 
égale  à  un  peu 
plus  de  la  lar- 
geur d'une  feuille 
de  verre;  puis  on 
les  laisse  des- 
cendre dans  les  ^'^'  '"■ 
rainures;  la  première  feuille  repose  de  nouveau  sur  la 
sole,  en  occupant  la  place  3.  En  repoussant  la  série 
de  tringles,  celles-ci  reprennent  leur  première  posi- 
tion; l'étendeur  a  donné  en  conséquence  in  la  deuxième 
feuille  la  place  qui  était  occupée  par  la  première  ;  on 
en  étend  une  troisième  :  la  même  manœuvre  fait  pas- 
ser la  première  feuille  A  la  place  h,  la  deuxième  à  la 
place  3  et  rend  la  place  2  libre  pour  recevoir  la  troi- 
sième feuille  qu'il  vient  d'étendre;  on  procède  de  la 
même  façon  jusqu'à  ce  que  les  feuilles  parviennent  à 
l'extrémité  de  la  galerie  ;  au  fur  et  à  mesure  de  leur 
arrivée,  elles  sont  enlevées  parun  ouvrier,  après  avoir 
subi  un  refroidissement  graduel,  plus  efficace,  quoique 
plus  rapide,  que  celui  qu'on  obtient  dans  les  fours 
à  recuisson  dont  on  avait  fait  usage  jusqu'alors. 

Les  figures  34,  35  et  36  représentent  diverses 
coupes  du  four  Bievez. 


478  LE   VERBE. 

Ce  four  ne  contient  que  9  feuilles,  qui  sortent 
ainsi  de  la  galerie  après  20  à  30  minutes,  au  lieu  de 
7  à  8  heures   qu'exigeaient   les  anciens  systèmes. 

La  coupe  du  verre  ainsi  recuit  est  plus  douce. 
M,  Léon  Renard,  de  Fresnes,  qui  se  loue  beaucoup 
des  fours  Bievez,  auxquels  il  a  apporté  plusieurs 
améliorations,  attribue  ce  résultat  au  soulèvement 
successif  de  chaque  feuille,  qui  permet  un  refroi- 
dissement égal  des  deux  faces.  La  planimétrie  du 
verre  est  également  meilleure,  et  le  glaçage,  c'est-à- 
dire  la  casse  du  verre,  par  suite  d'un  refroidissement 
trop  brusque,  qui  s'élève  parfois  à  10  Vo»  se  trouve 
presque  entièrement  supprimé.  Un  enfant  suffit  à  la 
manœuvre  de  deux  fours  fonctionnant  en  même 
temps;  enfin,  ce  système,  qui  constitue  un  pro- 
grès très-réel  dans  la  fabrication  du  verre  à  vitre, 
est  d'une  installation  moins  coûteuse  et  réalise  en 
même  temps  une  notable  économie  en  ce  qui  con- 
cerne la  consommation  du  combustible. 

Quel  que  soit  le  mode  d'étendage,  les  feuilles  de 
verre  présentent  le  plus  souvent  une  irisation  plus 
ou  moins  apparente,  due  à  un  commencement  de 
dé  vitrification,  qui  devient  plus  sensible  lorsque  ces 
feuilles  sont  emmagasinées  dans  des  locaux  humides  : 
dans  quelques  verreries  de  Belgique,  le  verre  est  lavé 
à  l'eau  avant  d'être  emballé.  M.  L.  Renard  plonge 
chacune  des  feuilles,  au  sortir  de  la  galerie  à  recuire, 
dans  une  auge  en  bois  qui  renferme  de  l'acide  chlor- 
hydrique  très-dilué;  après  lavage  et  dessiccation,  le 
verre  est  devenu  beaucoup  moins  altérable  à  l'air. 


VERRE    A    VITRE.  -179 

Les  feuilles  sont  portées  au  magasin,  classées  en 
quatre  choix ^  selon  leurs  défauts,  découpées  au  dia- 
mant sur  une  grande  table  en  bois  sur  laquelle 
se  trouvent  tracées  des  divisions  en  centimètres 
ou,  dans  les  pays  étrangers,  en  pouces  anglais  ou 
allemands.  En  France,  les  mesures  courantes,  au 
nombre  de  douze,  sont  comprises  entre  63  centi- 
mètres sur  60  et  120  sur  27,  avec  bonification  de 
6  centimètres  sur  chaque  dimension.  La  plus  usuelle 
est  69  sur  54.  L'emballage  se  fait  avec  de  la  paille 
dans  des  caisses  à  claire-voie,  contenant,  selon  les 
pays,  60,  90  et  120  feuilles. 

Fabrication  du  verre  à  vitre  en  plateaux. 

Le  verre  en  plateaux,  en  plats  ou  à  boudineSj  qu'on 
nomme  aussi  verre  en  couronne  [crown  glass  des 
Anglais,  moon  glas^  verre  de  lune,  des  Allemands) 
n'est  plus  fabriqué  en  France  depuis  la  fin  du 
xviii*  siècle;  la  dernière  verrerie  qui  en  ait  fait 
était  située  près  d'Abbeville,  en  Normandie.  Il  a  été 
remplacé  par  le  verre  fait  par  le  procédé  des  cylindres. 
Celui-ci  offre,  en  effet,  sur  le  verre  en  plateaux,  des 
avantages  nombreux  et  importants  :  ses  dimensions 
sont  beaucoup  plus  grandes;  son  épaisseur  est  plus 
égale;  réquarrissage  et  la  division  des  feuilles  ne  pro- 
duit que  peu  de  déchet;  sa  planimétrie  est  beaucoup 
meilleure.  Les  carreaux  de  verre  en  plats  sont  toujours 
plus  épais  dans  la  partie  qui  avoisine  le  centre  du  pla-^ 
teau  dont  on  Ta  tiré  que  sur  les  bords  ;  le  noyau  auquel 
adhérait  le  pontil  est  assez  saillant  pour  entraîner  à 


480  LE   VERRE. 

lui  seul  un  déchet  considérable;  en  outre,  la  surface 
de  chaque  carreau  est  toujours  plus  ou  moins 
gauche,  plus  ou  moins  ondulée,  ce  qui  tend  à 
déformer  les  objets  qu'on  regarde  à  travers  les 
vitres  qu'il  fournit.  Ce  défaut  de  planimétrie  est  si 
bien  établi,  qu'une  coutume  anglaise,  m'a-t-on  dit 
sérieusement  en  Angleterre,  permet  de  récuser  un 
témoin  qui  n'a  vu  qu'à  travers  un  carreau  de  vitre  le 
fait  sur  lequel  il  vient  déposer  en  justice. 

D'un  autre  côté,  l'éclat  de  ce  verre  est  toujours 
plus  grand  que  celui  du  verre  fait  par  le  procédé 
des  cylindres,  ce  dernier  étant  plus  ou  moins  rayé, 
martelé,  sali  ou  dévitrifié  par  l'étendage  qu'on  lui 
fait  subir.  Le  brillant  et  la  propreté  des  vitrages 
sont  remarqués  pap  toutes  les  personnes  qui  vont  en 
Angleterre.  Ces  qualités,  jointes  à  la  fabrication 
défectueuse  du  verre  en  manchons  telle  qu'elle  exista 
longtemps  dans  ce  pays,  expliquent  la  préférence 
que  les  Anglais  accordèrent  et  accordent  encore  à 
leur  crown  glass.  Ce  n'est,  en  effet,  que  depuis  un 
assez  petit  nombre  d'années  que  le  verre  en  cylindres 
de  belle  qualité  est  fabriqué  chez  nos  voisins  d'outre- 
Manche.  Cette  industrie  y  a  été  importée,  à  la  suite  de 
la  crise  industrielle  de  i  848,  par  M.  Bontemps,  ancien 
directeur  de  la  verrerie  de  Choisy-le-Roi,  auquel  l'art 
de  la  verrerie  doit  d'importants  perfectionnements. 
M.  Bontemps  a  été  pendant  une  dizaine  d'années 
directeur  des  importantes  verreries  de  MM.  Chance, 
de  Birmingham  ^ 

4.  M.  Bontemps  a  publié  en  4868  le  Guide  du  Verrier;  ce  livre 


VERRE    A    VITRE.  481 

Les  matières  premières  qu'on  emploie  pour  fabri- 
quer le  verre  en  plats  sont  les  mêmes  que  pour  le 
verre  à  vitre  ordinaire;  néanmoins  ce  verre  doit  être 
plus  douxy  résultat  qu'on  obtient  en  augmentant  la 
dose  de  bases  terreuses.  La  disposition  des  fours  de 
fusion  et  des  creusets  est  également  la  même.  Ces 
fours  ne  servent  que  pour  la  fonte;  le  travail  se  fait 
dans  des  fours  accessoires. 

Lorsque  la  matière  est  convenablement  fondue  et 
aflSnée>  elle  est  écrémée,  non  avec  un  outil  en  fer,  mais 
avec  une  sorte  de  sabre  façonné  avec  le  verre  lui- 
même;  l'ouvrier  commence  le  soufflage.  Il  cueille  à 
plusieurs  reprises  avec  sa  canne  assez  de  verre  pour 
faire  une  pièce  de  dimension  ordinaire;  il  allonge  la 
paraison;  il  la  roule  sur  une  large  plaque  de  fer 
bien  polie  de  manière  à  la  rendre  cylindrique  et  il 
souffle  pour  lui  donner  la  forme  d'une  poire.  En 
chauffant  la  pièce  et  en  soufflant  de  nouveau,  il  aug- 
mente ses  dimensions  et  il  lui  fait  prendre  une 
forme  presque  sphérique;  une  troisième  chauffe 
suivie  d'un  nouveau  soufflage  augmente  son  volume 
aux  dépens  de  son  épaisseur. 

La  paraison  ainsi  préparée  représente  un  poids 
de  8  à  9 kilogrammes  :  elle  fournira  un  disque  pesant 
environ  7  kilogrammes. 

L'ouvrier  commence,  en  même  temps,  à  former 
la  boudiné  ou  bouton,  en  roulant  la  canne  sur  le  bord 
du  marbre  et  en  incisant  ce  bouton  le  long  d'une 
barre  de  fer  placée  horizontalement  au-dessous  du 

est  assurément  le  plus  utile,  le  plus  complet  qui  ait  été  fait  sur 
riadustrie  du  verre. 


482 


LE  VËRR£. 


marbre  ;  il  tranche  ensuite  le  verre  près  de  Textré- 
mité  de  la  canne  en  le  promenant  entre  deux  galets 
mobiles  et  tangents  qui  y  produisent  un  sillon  régulier 
tracé  à  l'endroit  où  le  verre  sera  plus  tard  séparé  de 
la  canne. 

La  pièce,  réchauffée  à  l'ouvreau  d'un  autre  four, 


Fig.  37. 


est  soufflée  en  appuyant  la  canne  sur  un  support,  tan- 
dis qu'un  gamin  maintient  contre  le  bouton  une  pièce 
de  fer  qui  en  limite  l'étendue  et  l'épaisseur  (fig.  37). 

La  paraison  a  maintenant  la  forme  d'un  grand 
globe  qu'on  réchauffe  dans  un  large  ouvreau,  et 
qu'on  développe  encore  par  le  soufflage  à  la  gran- 
deur voulue.  La  canne  repose  horizontalement  sur  un 
crochet  mobile  qui  la  maintient  devant  la  flamme; 
elle  reçoit  sur  ce  crochet  un  mouvement  rapide  de 
rotation  sur  son  axe  qui  donne  à  la  paraison  la  forme 
d'un  cylindre  aplati. 

Pour  empontiller  cette  pièce,  un  autre  ou- 
vrier a  ramassé  une  petite  quantité  de  verre  fondu  à 
l'extrémité  d'une  tige  de  fer  pleine,  d'un  pontil;  ce 


VERRE    EN    COURONNE.  (83 

verre  est  pressé  contre  une  pointe  de  fer  de  manière 
à  présenter  une  forme  convexe;  puis  il  est  appli- 
qué dans  la  partie  centrale  sur  le  bouton  qui  fait 
saillie,  auquel  il  adhère  solidement.  En  toucbant  le 
verre  avec  un  corps  froid  près  de  son  point  de 
contact  avec  la  canne,  celle-ci  s'en  trouve  séparée  et 
y  laisse  une  ouverture  circulaire  d'environ  5  centi- 
mètres de  diamètre. 

Le  verre,  fixé  solidement  sur  son  nouveau  sup- 
port, et  bien  ramolli  au  petit  ouvreau  dans  sa  partie 
ouverte,  qui  est  plus  épaisse,  est  placé  sur  le  cro- 
chet devant  un  grand  ouvreau  ayant  environ  {",20 
de  diamètre;  il  y  est  introduit  au  milieu  d'un 
immense  cercle  de  flammes  et  chauffé  jusqu'à   ce 


/^\ 


l 


qu'il  devienne  suffisamment  ductile  pour  le  change- 
ment subit  de  forme  qu'on  va  lui  donner. 

L'ouvrier  tourne  alors  avec  adresse  lepontil  dans 
sa  main, d'abord  doucement,  ensuite  avec  une  vitesse 
qu'il  accélère  à  mesure  que  la  matière  cède  à  l'ac- 
tion de  la  force  centrifuge  :  le  diamètre  de  l'ouver- 


484  LE   VERRE. 

lure  annulaire  augmente  rapidement;  elle  prend 
pendant  quelques  instants  la  forme  d'une  cloche  de 
jardin  très-évasée;  puis,  par  ce  mouvement  continu 
et  toujours  plus  rapide  de  rotation,  cette  forme 
s'évanouit,  et  la  pièce,  s'ouvrant  entièrement,  se 
trouve  transformée  en  un  large  disque  ayan 
ordinairement  i",50  de  diamètre;  son  épaisseur  est 
presque  uniforme,  à  l'exception  de  celle  du  centre, 
auquel  adhère  le  pontil;  ce  point  présente  une  saillie 
ou  bourrelet  assez  épais.  La  fig.  38  représente  les 
principales  phases  de  ce  travail. 

En  tournant,  comme  il  a  été  dit,  le  disque  encore 
malléable  dans  la  petite  pièce  annulaire  qui  lamine 
le  verre  autour  du  pointil  en  fer,  les  Anglais  sont 
parvenus  à  diminuer  sensiblement  le  déchet  qu'en- 
traînait l'existence  de  cette  saillie. 

La  fabrication  de  ces  plateaux  est,  quand  on  en 
est  le  témoin  pour  la  première  fois,  l'un  des  spec- 
tacles les  plus  surprenants  qu'on  puisse  Voir.  La 
force  dépensée  pour  les  façonner,  surtout  à  la  6n  de 
l'opération,  serait  plus  que  suffisante  pour  briser  le 
verre  en  mille  fragments,  si  sa  fragilité  n'était  pas 
neutralisée  par  la  mollesse  qu'il  doit  à  la  haute  tem- 
pérature à  laquelle  il  est  travaillé. 

Le  plateau,  renversé  sur  une  petite  sole  recou- 
verte de  cendres,  est  détaché  de  son  pontil  par  le 
contact  d'un  corps  froid;  puis  il  est  pris  avec  une 
longue  fourche  et  enfourné  verticalement  dans  le 
four  à  recuire.  La  température  de  ce  four  doit  être 
réglée  avec  beaucoup  de  soin  ;  si  elle  est  trop  élevée, 
le  plateau  gauchit;  si  elle  est  trop  basse,  il  se  brise. 


VERRE  EN   COURONNE.  485 

Lorsque  le  four  est  plein,  on  le  laisse  refroidir  len- 
tement; au  bout  de  deux  à  trois  jours,  le  recuit  est 
terminé  et  les  plateaux  sont  portés  au  magasin. 

Ces  plateaux  sont  découpés  en  segments  et  équar- 
ris  à  l'aide  du  diamant.  La  partie  centrale  munie 
de  son  bourrelet  fournit  une  pièce  rectangulaire  qui 
est  refondue  ou  vendue  à  vil  prix  pour  les  vitrages 
les  plus  communs.  Le  déchet  qu'entraîne  le  décou- 
page des  carreaux  dans  ces  segments  est  nécessaire- 
ment beaucoup  plus  considérable  que  celui  que  four- 
nit le  procédé  des  cylindres. 

Autrefois  les  plateaux  avaient  au  plus  0'",76  de 
diamètre;  on  ne  pouvait  guère  en  tirer  un  carreau 
de  plus  de  40  centimètres  sur  30  centimètres  pré- 
sentant une  épaisseur  à  peu  près  égale.  Les  perfec- 
tionnements introduits  dans  cette  fabrication  par  les 
verriers  anglais  permettent  d'obtenir  couramment 
des  plateaux  d'un  diamètre  presque  double.  On  voyait 
même  à  l'Exposition  de  Londres,  en  1851,  des  plateaux 
de  crown  glass  ayant  jusqu'à  l'",72  de  diamètre. 

Les  détails  que  je  viens  de  donner  suffisent  pour 
donner  une  idée  sommaire  de  cette  fabrication  S 
qui  n'a  plus  pour  nous  qu'un  intérêt  rétrospec- 
tif, malgré  les  avantages  qu'elle  présente  au  point 
de  vue  du  brillant  qu'elle  conserve  au  verre.  Faire 
des  vitres  joignant  à  l'éclat  du  verre  en  plateaux  les 
dimensions  et  le  bon  marché  du  verre  en  cylindres 

i .  Elle  est  décrite  d'une  façon  complète  dans  V Encyclopédie 
méthodique.  Les  dessins,  fort  bien  exécutés,  qui  accompagnent  cette 
description,  se  trouvent  dans  le  Recueil  de  planches  de  l'Encyclo- 
pédie par  ordre  de  matières,  t.  V. 


est  assurément  l'un  des  problèmes  les  plus  împop- 
lants  que  l'art  de  la  verrerie  ait  encore  à  résoudre. 

Verre  CAN^ELÉ.  —  Celte  sorte  de  verre  est 
soufllée  dans  un  moule  en  laiton  présentant  h  l'inté- 
rieur des  cannelures  profondes  (fig. 39).  L'ouvrier  in- 
troduit dans  le  moule 
chauffé    sa   paraison , 


^MHFi^^         qui   est   elle-même 


mm 

m 


une  haute  tempéra- 
ture; en  soufflant  for- 
tement, il  fait  péné- 
trer  son    verre    dans 

Fig.  3  '. 

toutes  les  cavités  du 
moule;  il  allonge  son  verre  en  soufflant  et  en  pre- 
nant soin  de  ne  pas  tourner  sa  canne  sur  elle-même. 
Les  arêtes  s'émoussent  à  mesure  que  le  manchon 
s'allonge,  en  conservant  toutefois  une  cannelure 
suffisante. 

Cylindres  de  diverses  formes.  —  Destinés  à  couvrir 
et  à  préserver  de  la  poussière  les  pendules,  les  vases, 
les  fleurs  artificielles,  etc.,  les  cylindres  se  fabriquent 
aujourd'hui  dans  les  usines  qui  font  le  verre  k  vitre. 
Autrefois  on  se  servait  de  l'extrémité  d'un  man- 
chon pour  produire  celle  sorte  de  verre;  ce  man- 
chon, posé  sur  le  chevalet  sans  être  ouvert  au 
four,  donnait  un  bonnet  qu'on  détachait  avec  soin  et 
qui  devenait  le  globe  destiné  aux  usages  qui  vien- 
nent d'être  indiqués.  Pour  couvrir  les  objets  de  forme 
oblongue  ou  rectangulaire,  des  fenilles  de  verre 
étaient  assemblées  au  moyen  d'un  mastic  sur  lequel 


VKRRE    CANNELÉ.  187 

on  collait  du  papier  doré  :  ces  feuilles  étaient  parfois 
cintrées  dans  le  four  du  bombeur  de  verre. 

On  améliora  plus  tard  celte  sorte  de  produits  en 
soufflant  des  cylindres  de  grande  dimension  et  d'une 
seule  pièce.  A  cet  effet,  le  manchon  adhérent  à  la 
canne  du  soulBeuret  fortement  réchauffé  à  l'ouvreau 
du  four  était  posé  horizontalement  sur  un  plateau  en 
bois  blanc  et  aplati  par  la  pression  qu'exerçait  sur  le 
verre  mou  une  palette  également  en  bois. 

Bien  que  les  noms  de  cylindres  ronds,  ovales, 
carrés,  sous  lesquels  ces  objets  en  verre  sont  dési- 
gnés dans  le  commerce,  ne  soient  pas  corrects  au 
point  de  vue  de  la  géométrie,  il  n'est  pas  possible 
d'en  employer  d'autres.  Pour  les  cylindres  ronds, 
dont  l'épaisseur  doit  être  bien  égale  dans  toutes  les 
parties,  le  soufflage  se  fait  comme  celui  des  manchons 
ordinaires,  mais  avec  un  soin  très-grand,  pour  que 


la  même  largeur  soit  exactementmaintenue;  en  tour- 
nant la  canne  sur  elle-même,  dans  sa  position  ver- 
ticale et  en  réchauffant  la  pièce  à  l'ouvreau,  l'ouvrier 
doit  éviter  l'extension  du  diamètre  de  la  tête,  comme 
celui  du  3*  cylindre  représenté  dans  la  figure  ÛO. 


488  L£   VERRE. 

Les  cylindres  ovales  sont  soufflés  dans  des  moules 
d'une  construction  très-simple.  Ces  moules  se  com- 
posent de  deux  madriers  épais  de  10  à  12  centi- 
mètres, en  bois  de  peuplier,  qu'on  écarte  l'un  de 
l'autre  à  une  distance  qui  représente  le  petit  dia- 
mètre de  la  pièce  à  souffler  et  qu'on  place  de  champ; 
on  les  rend  solidaires  par  des  traverses  en  bois  fixées 
avec  des  pointes  dans  le  haut  et  dans  le  bas  de  cette 
sorte  de  caisse  à  jour  (fig.  40).  L'écartement  ea  est 
réglé  par  la  dimension  que  doit  avoir  le  cylindre  et  de 
manière  à  ce  que  le  diamètre  soit  un  peu  plus  grand 
dans  la  partie  inférieure,  dans  le  but  de  faciliter  la 
sortie  du  cylindre  pendant  et  après  sa  confection. 
C'est  pour  la  même  raison  que  le  moule  est  évasé  à 
sa  partie  supérieure.  Les  madriers  sont  conservés 
dans  une  citerne  pleine  d'eau  d'où  on  ne  les  sort 
que  pour  le  travail. 

Pour  les  cylindres  dits  carrés  le  moule  est  com- 
posé de  quatre  madriers  convenablement  espacés. 

Le  moule  étant  placé  au-dessous  de  la  plate-forme 
sur  laquelle  manœuvre  l'ouvrier,  celui-ci  souffle  une 
boule,  épaisse,  en  cueillant  la  quantité  de  verre 
voulue,  ce  qui  exige  de  sa  part  un  coup  d'œil  très- 
sûr.  Il  réchauffe  sa  pièce,  la  souffle  et  l'allonge  en 
faisant  le  moulinet  ;  puis  le  verre,  étant  de  nouveau 
fortement  réchauffé  dans  l'ouvreau,  est  introduit  dans 
le  moule.  L'ouvrier  souffle  fortement,  de  manière  à 
ce  que  la  paraison  vienne  buter  contre  les.  parois  du 
moule;  il  l'en  retire  à  plusieurs  reprises,  jusqu'à  ce 
que  le  verre  résiste  à  l'action  du  souffle  :  s'il  procé- 
dait autrement,  les  gaz  fournis  par  l'eau  et  par  l'in- 


VERRE    DÉPOLI.  489 

flammation  du  bois  repousseraient  le  verre  et 
Tempôcheraient  de  s'aplatir  contre  la  barrière  qu'on 
lui  oppose. 

La  pièce  étant  terminée,  on  la  sépare  de  la  canne 
sur  le  chevalet,  comme  s'il  s'agissait  d'un  manchon 
ordinaire. 

Les  ouvriers  habitués  à  ce  genre  de  travail  y 
apportent  une  précision  telle,  que  le  cylindre  présente 
à  très-peu  près  la  mesure  commandée;  ils  font  des 
séries  de  cylindres  ronds  et  ovales  qui  s'emboitent 
les  uns  dans  les  autres,  en  conservant  entre  eux  des 
dimensions  décroissantes  maintenues  dans  des  limites 
fort  étroites. 

Verre  a  vitre  dépoli.  —  Le  dépolissage  du 
verre  se  fait  ordinairement  au  moyen  du  grès;  on 
pourrait  également  le  produire  à  l'aide  de  la  projec- 
tion du  sable  sur  la  surface  du  verre,  par  le  procédé 
de  gravure  au  sable  qui  a  été  indiqué  précédem- 
ment. 

Dépolissage  au  grès.  —  On  scelle  avec  du  plâtre  plu-^ 
sieurs  feuilles  de  verre  placées  dans  un  bac  rectan- 
gulaire en  bois,  qui  reçoit  un  mouvement  d'oscillation 
en  tournant  autour  d'un  axe  horizontal  fixé  au  milieu 
de  sa  longueur  :  on  donne  à  cette  caisse,  qui  contient 
du  grès,  des  cailloux  et  de  l'eau,  un  mouvement  de  va- 
et-vient.  En  frottant  sur  la  surface  du  verre,  le  grès, 
entraîné  par  les  cailloux,  produit  des  rayures  qui 
rendent  rugueuse  la  surface  du  verre.  Le  verre,  ainsi 
dépoli,   se  tache  et  se  salit  très-promptement.  On 


190  LE   VERRE. 

choisit  pour  ce  travail  des  feuilles  de  verre  plus  ou 
moins  défectueuses. 

Pour  avoir  le  verre  mat,  c'est-à-dire  avec  un  grain 
plus  fin,  on  emploie  l'émeri  en  poudre  qu'on 
met  en  suspension  dans  l'eau  ;  on  frotte  la  feuille  à 
la  main  avec  un  tampon  garni  de  cette  matière. 

Verre  mousseline.  —  C'est  un  verre  quia  reçu 
sur  Tune  de  ses  faces  ou  sur  les  deux  un  émail  blanc 
qui  y  forme  des  dessins  variés.  L'émail  est  un  verre 
opaque  à  base  de  plomb  et  d'étain,  qui  fond  à  la  sur- 
face du  verre  à  vitre  à  une  température  à  laquelle 
celui-ci  est  seulement  ramolli.  Ces  dessins  sont  sur 
fond  mat  ou  sur  fond  transparent  ;  ils  sont  en  émail 
blanc  ou  en  émail  coloré,  etc. 

Le  verre  à  émail  1er  est  d'abord  nettoyé  avec 
beaucoup  de  soin,  soit  à  la  main,  soit  avec  des  brosses 
mues  mécaniquement  :  il  est  ensuite  posé  sur  une 
table,  et  on  y  étend  à  la  brosse  l'émail  préalablement 
broyé  à  la  meule  et  mélangé  avec  de  l'eau  gommée. 
Lorsque  la  couche  d'émail  est  sèche,  on  applique 
une  feuille  de  laiton  dans  laquelle  sont  découpés  les 
dessins  que  l'on  veut  reproduire  :  c'est  le  pochoir.  On 
enlève  au  moyen  d'une  brosse  l'émail  qui  se  trouve 
sur  les  parties  du  verre  qne  le  laiton  ne  recouvre 
pas  :  celles  qui  sont  préservées  du  contact  de  la 
brosse  conservent  la  poudre  d'émail  qui  y  adhère. 

Les  poussières  enlevées  par  la  brosse  se  répan- 
dent dans  l'air.  En  raison  de  l'oxyde  de  plomb  qu'elles 
renferment,  elles  sont  vénéneuses,  et  elles  rendent 
cette    opération    dangereuse    pour    la    santé    dès 


VERRE   MOUSSELINE.  191 

ouvriers  qui  Texécutent.  En  conséquence,  ce  travail 
devrait  toujours  être  fait  sous  la  hotte  d'une  chemi- 
née ayant  un  fort  tirage,  dans  une  salie  bien  ven- 
tilée. Il  serait  à  désirer  qu'on  fît  usage  du  masque 
inventé  par  M.  Paris,  du  Bourget,  et  employé  dans 
ses  ateliers  pour  remaillage  de  la  tôle.  C'est  une  sorte 
de  muselière  en  caoutchouc  et  en  gutta-percha  avec 
un  appendice  en  toile  métallique  garni  extérieu- 
rement d'une  flanelle  mouillée  ;  ce  tissu  tamise  l'air 
que  l'ouvrier  respire  et  en  retient  les  poussières. 
Mais  cet  appareil  est  peu  employé;  on  sait  combien 
il  est  difficile  d'imposer  aux  ouvriers  des  précautions 
ayant  pour  but  de  les  garantir  d'un  danger  éventuel. 

Le  pochoir  n'a  pas  toute  la  longueur  de  la  feuille; 
il  n'a  que  la  dimension  voulue  pour  être  appliqué 
sur  les  feuilles,  dans  le  sens- de  leur  largeur  ;  à  l'aide 
de  repères,  on  le  place  à  la  suite  du  dessin  déjà  pré- 
paré de  manière  à  couvrir  successivement  toutes 
les   parties  du  verre. 

M.  A.  Gugnon  a  perfeclionné  ce  travail  en  se  ser- 
vant d'une  machine  qui  fonctionne  de  la  manière  sui- 
vante :  la  feuille  de  verre  est  placée  à  plat  sur  une 
table.  Le  pochoir  est  fixé  à  un  châssis  en  métal 
qui  tourne  autour  d'une  charnière,  et  qui  vient  se 
placer  sur  le  verre  et  en  travers  de  la  table.  Celle-ci 
glisse  horizontalement  sur  un  bâtis  en  fonte  :  le 
mouvement  lui  est  donné  à  la  main  au  moyen  d'une 
vis  sans  fin,  manœuvrée  par  un  volant  et  placée  en 
dessous  et  dans  l'axe  de  la  table.  Un  cylindre,  placé 
sur  le  côté,  porte  des  cannelures  hélicoïdales  dont 
le  pas  correspond  à  la  longueur  dont  doit  se  dé- 


492  LE  VERRE. 

placer  le  pochoir  pour  reproduire  exactement  le 
dessin.  On  conçoit  que  la  position  du  châssis  qui 
porte  le  pochoir  étant  invariable,  tandis  que  la  table 
avance  à  chaque  tour  de  la  même  quantité,  le  dessia 
se  reproduise  dans  des  conditions  identiques. 

La  fusion  de  rémail  se  fait  habituellement  dans  un 
fourà  moufle  dans  equel  on  empile  les  Teuilles  les  unes 
au-dessus  les  autres,  en  interposant  entre  chacune 
d'elles  une  couche  mince  de  plâtre  en  poudre,  dans  le 
but  d'empêcher  la  soudure  que  produirait,  sans  cette 
interposition,  la  fusion  de  l'émail.  Cette  fusion  a  lieu 
à  la  température  du  rouge  sombre  :  si  la  température 
est  trop  élevée,  le  plâtre  pénètre  dans  l'émail  fondu 
et  y  forme  un  pointillé  désagréable  :  si  elle  est  trop 
basse,  le  verre  n'étant  pas  lui-même  suffisamment  ra- 
molli, l'émail  n'est  pas  adhérent  :  le  degré  à  atteindre 
s'obtient  difficilement  d'une  manière  certaine. 

Pour  écarter  ces  chances  de  non-réussite,  M.  Gu- 
gnon  se  sert  d'un  four  continu  dans  lequel  les 
feuilles  cheminent  lentement,  et  s'échauffent  peu  à 
peu  jusqu'au  moment  où,  arrivées  près  de  la  chambre 
de  cuisson,  elles  sont  placées  sur  une  pierre  mobile 
qui  entre  dans  l'arche  chauffée  au  rouge,  dans  la- 
quelle l'émail  fond  rapidement.  Un  regard  ménagé 
dans  la  paroi  du  four  permet  à  l'ouvrier  de  suivre 
dans  l'intérieur  de  cette  chambre  les  progrès  de  la 
vitrification  :  quand  celle-ci  est  accomplie,  la  pierre 
sort  de  l'arche  et  revient  en  face  de  la  galerie.  La 
feuille  qu'elle  supporte,  devenue  assez  rigide  pour 
être  enlevée  sans  se  déformer,  est  renvovée  dans 
la  galerie  à  recuire;  elle  s'y  refroidit  graduellement 


VERRES   DE    COULEUR.  493 

et  on  la  retire  à  Textrémité  de  cette  galerie.  Le  tra- 
vail est  continu,  comme  dans  les  fours  à  recuire  le 
verre  à  vitre  du  système  Bièvez. 

Verre  tulle  ou  dentelle.  La  feuille  de  verre,  bien  net- 
toyée, est  placée  au  fond  d'une  caisse  formant  tiroir 
et  recouverte  d'un  châssis  sur  lequel  sont  tendus  du 
tulle,  de  la  dentelle  ou  toute  autre  matière  percée 
de  dessins  à  jour.  Dans  cette  caisse,  qui  est  ensuite 
fermée,  on  insuffle,  au  moyen  d'un  ventilateur,  de 
lemail  en  poudre  impalpable  qui  se  dépose  sur 
les  parties  du  verre  laissées  à  découvert.  Cet  émail 
est  mélangé  avec  de  la  résine  très-sèche  et  très- 
fine.  La  feuille,  retirée  de  la  caisse,  est  soumise, 
dans  une  autre  caisse  fermée,  à  un  jet  de  vapeur 
qui  fait  adhérer  l'émail.  Après  nouvelle  dessicca- 
tion, on  introduit  la  pièce  dans  le  four  à  mouffle  ou 
dans  le  four  à  émailler  dont  il  vient  d'être  question. 

Avec  des  émaux  colorés  et  en  employant,  comme 
auxiliaire,  de  l'acide  fluorhydrique  qu'on  fait  agir 
successivement  sur  la  même  feuille  de  verre,  qu'il  soit 
blanc,  à  deux  couches  ou  coloré  dans  la  masse,  on 
arrive  à  produire  les  eifets  artistiques  les  plus  variés. 

Verres  à  vitre  de  couleur. 

Dans  quelques  usines,  on  joint  à  la  fabrication 
du  verre  à  vitre  ordinaire  celle  des  vendes  de 
couleur  destinés  à  la  peinture  sur  verre,  aux  vitraux 
pour  les  églises,  à  l'ornementation,  etc.;  mais,  le  plus 
souvent,  cette  fabrication  se  fait  dans  des  usines  spé- 
ciales qui  doivent  toujours  avoir  à  la  disposition  des 

13 


494  LE   VERRE. 

artistes  une  très-grande  variété  de  verres  colorés, 
et,  pour  la  même  couleur,  de  verre  de  nuances 
différentes.  Pour  la  qualité,  pour  l'épaisseur  de  ces 
sortes  de  verres,  les  peintres-verriers  ont  des  exi- 
gences particulières;  les  verres  les  plus  purs  ne  sont 
pas  toujours  ceux  qu'ils  recherchent  le  plus;  souvent 
même  ils  les  maquillent  pour  augmenter  l'effet  qu'ils 
veulent  produire. 

La  fabrication  des  verres  colorés  est  très-an- 
cienne. Il  était  plus  difficile  autrefois  de  faire  des 
verres  blancs,  qui  exigent  l'emploi  de  matières 
premières  relativement  pures,  que  des  verres  colo- 
rés. Aussi  l'emploi  des  vitres  de  couleur  a  précédé 
celui  des  vitres  ordinaires  blanches. 

Je  n'entrerai  dans  aucun  détail  sur  l'art,  d'ailleurs 
si  intéressant,  de  la  peinture  sur  verre;  la  question 
artistique  domine  ici  la  question  industrielle.  Je  rap- 
pellerai seulement  qu'il  est  bien  établi  désormais 
qu'aucun  secret  de  la  peinture  sur  verre  n'est  perdu  ; 
que,  tout  au  moins,  ceux  qu'on  croyait  perdus  ont 
été  retrouvés.  Les  fabricants  de  verre  sont  en  mesure 
aujourd'hui  de  satisfaire  toutes  les  exigences  des 
peintres-verriers  et  même  de  fournir  aux  artistes  une 
foule  de  nuances  et  de  procédés  dont  la  palette  de 
leurs  devanciers  savait  si  bien  se  passer.  Si  Tartde  la 
peinture  sur  verre,  si  florissant  des  xii'  au  xv*  siùcles, 
est  tombé  en  décadence  à  partir  du  wi^;  si,  mal- 
gré de  brillantes  et  rares  exceptions,  les  artistes 
modernes  ne  parviennent  pas  à  produire  des  œuvres 
originales,  ayant  les  grandes  qualités  des  verrières 
anciennes,    c'est  beaucoup   moins   à   l'absence    de 


& 


VERRES   DE    COULEUR.  495 

quelques  procédés  matériels  qu'il  faut  attribuer  cetle 
décadence  qu'à  celle  de  l'inspiration,  du  sentiment 
religieux,  qui  planaient  sur  ces  époques  et  qui  ont  créé 
les  grandes  œuvres  que  l'art  chrétien  nous  a  laissées  ^ 

Les  verres  à  vitre  de  couleur  sont  de  diverses 
sortes  :  les  uns  présentent  une  coloration  dans  toutes 
leurs  parties  ;  ce  sont  les  verres  colorés  dans  la  masse  ; 
les  autres  sont  formés  d'une  couche  très-mince  de 
verre  coloré,  superposée  sur  le  verre  incolore.  On 
les  désigne  sous  le  nom  de  verres  plaqués ^  doublés,  ou 
à  deux  couches. 

Enfin  le  verre  blanc,  ainsi  que  le  verre  doublé 
dont  une  partie  colorée  a  été  enlevée  au  moyen  de 
la  roue  de  tailleur  ou  de  l'acide  fluorhydrique, 
reçoivent  à  la  moufle  des  émaux  ou  des  colorations 
variées.  Ce  sont  les  verres  peints. 

1.  Dans  une  étude  fort  intéressante  sur  les  vitraux  peints,  M.  Clie- 
vreul  insiste  sur  les  qualités  attribuées  aux  vitraux  anciens  et  refu- 
sées aux  vitraux  modernes  ;  «  il  en  est  deux,  dit  cet  illustre  chimiste, 
qui  tiennent  à  des  défauts  de  la  fabrication  des  verres  anciens.  » 

t  Le  premier  défaut  tient  à  ce  que  beaucoup  de  verres  anciens 
sont  d'inégale  épaisseur,  en  d'autres  termes,  que  leurs  deux  surfaces 
ne  sont  point  parallèles,  qu'elles  présentent  des  parties  convexes  et 
des  parties  concaves  qui  agissent  tout  différemment  sur  la  lumière, 
de  manière  à  produire  en  définitive  des  effets  agréables.  » 

c  Le  second  défaut  est  chimique.  Il  tient  à  la  composition  du 
verre  ancien  même,  qui  n'est  point  équivalente  à  du  verre  incolore^ 
plus  un  principe  colorant,  tel  que  le  protoxyde  de  cobalt,  le  ses- 
quioxyde  de  manganèse,  etc  ;  le  verre  ancien  contient  beaucoup 
d'oxyde  de  fer  intermédiaire  qui  le  colore  en  vert,  indépendamment 
des  oxydes  de  cobalt,  de  manganèse,  etc.,  et  c'est  à  cette  existence 
du  fer  qu'il  faut  attribuer  la  propriété  qu'ont  certains  verres  colorés 
par  du  cobalt  de  transmettre  une  couleur  bleue  dépouillée  de 
violet,  et  certains  verres  anciens  colorés  par  le  manganèse  de  trans- 


198  LE   VERRE. 

Pour  une  potée  de  400  kilogrammes ,  on  ajoute 
1,100  à  1,200  grammes  d'oxyde  de  cobalt  ou  bien 
8  à  9  kilogrammes  de  safre.  Le  safre  est  une  matière 
bleue,  riche  en  silice,  colorée  par  ce  même  oxyde; 
c'est  un  silicate  de  potasse  et  de  cobalt,  contenant 
environ  15  pour  100  d'oxyde  de  ce  métal. 

Une  partie  de  la  composition  est  habituellement 
remplacée  par  du  groisii  de  verre  à  vitre,  incolore 
ou  coloré  en  bleu;  ce  dernier  provient  des  fontes 
antérieures  de  verre  coloré. 

La  proportion  d'oxyde  colorant  dépend  de  la 
teinte  plus  ou  moins  foncée  qu'on  veut  donner  au 
verre  et  aussi  de  l'épaisseur  des  feuilles;  si  celles-ci 
ont  â  à  A.  millimètres  9  la  moitié  de  la  quantité 
indiquée  ci-dessus  sera  suffisante;  la  dose  entière  ne 
convient  que  pour  les  feuilles  soufflées  en  verre 
simple^  de  1  à  2  millimètres  d'épaisseur. 

Le  soufflage  et  l'étendage  des  manchons  se  fait 
dans  les  mêmes  conditions  que  pour  le  verre  ordinaire. 

En  ajoutant  de  l'oxyde  de  cuivre  noir  dans  la 
proportion  de  6  à  7  pour  100  de  sable,  et  en  rédui- 
sant à  400  grammes  la  quantité  d'oxyde  de  cobalt,  la 
teinte,  qui  est  d'un  bleu  violacé  avec  l'oxyde  de 
cobalt  seul,  vire  ail  bleu  céleste.  Il  est  essentiel 
d'éviter,  dans  le  four,  les  fumées  réductrices  de  la 
houille;  aussi  réussit-on  mieux  avec  les  pots  cou- 
verts qu'avec  les  pots  ouverts. 

Pour  les  lunettes,  la  teinte  doit  être  plus  claire 
et  dun  bleu  gris;  pour  une  potée  ordinaire  de 
400  kilogrammes,  on  n'emploie  que  170  A  200  gram- 
mes d'oxyde  de  cobalt  et  3  à  4  kilogrammes  d'oxyde 


VERRES  DE    COULEUR.  199 

rouge  de  fer.  Ce  verre  doit  être  d'un  coloration  bien 
égale  et  d'un  affinage  très-soigné. 

La  teinte  neutre,  dite  famée  de  LondreSy  qui  est 
employée  aussi  pour  les  verres  à  lunettes,  n'est 
qu'une  atténuation  du  noir;  cette  dernière  cou- 
leur s'obtient  au  moyen  d'un  mélange  d'oxydes  de 
cuivre,  de  fer  et  de  manganèse.  Pour  la  teinte 
neutre,  M.  Bon  temps  indique  la  composition  sui- 
vante : 

Sable 100  parties. 

Carbonate  de  potasse 28  — 

Carbonate  de  soude 10  — 

Minium 50  ~ 

Oxyde  de  fer 3  — 

Oxyde  de  manganèse U  — 

Oxyde  de  cuivre 2  — 

Le  verre  noir  s'obtient  en  augmentant  la  propor- 
tion de  ces  trois  derniers  oxydes  et,  comme  ceux-ci 
agissent  aussi  comme  fondants,  en  diminuant  la 
quantité  de  carbonate  de  potasse.  On  fond  dans  des 
pots  couverts. 

Verre  bleu  doublé.  —  Nous  avons  dit  que, 
pour  conserver  aux  verres  de, couleur  leur  transpa- 
rence ou  pour  leur  donner  une  teinte  plus  claire, 
on  fait  du  verre  à  deux  couches  :  Tuife,  la  plus 
épaisse,  étant  incolore,  l'autre  étant  colorée;  cette 
dernière  doit  être  d'une  teinte  très-foncée,  afin 
d'être,  en  même  temps,  aussi  mince  que  possible. 
A  cette  condition,  elle  est  facilement  enlevée  soit 
au  tour  soit  au  moyen  de  l'acide  fluorhydrique,  et,  ce 


800  LE   VERRE. 

qui  est  plus  important,  elle  permet  d'éviter  ia  rup- 
ture du  manchon  qui  résulterait  de  la  superposition 
de  deux  verres  de  nature  différente,  employés  en 
même  quantité.  D'une  manière  générale,  les  pots 
servant  à  fondre  le  verre  coloré  sont  couverts  et  de 
petite  dimension;  ils  ne  contiennent  pas  au  delà 
de  50  à  60  kilogrammes  de  composition.  Celle-ci  est 
une  sorte  de  cristal  à  base  de  soude,  dans  les  pro- 
portions suivantes  pour  le  verre  bleu  à  doubler  : 

Sable 100  parties. 

Minium 90      -- 

Sel  de  soude  à  haut  titro 25      — 

Nitrate  de  soude ii      — 

Oxyde  de  cobalt 6      — 

Pour  faire  un  manchon  en  verre  doublé,  le  souf- 
fleur cueille  avec  la  canne  préalablement  chauflFée 
environ  200  grammes  de  verre  bleu  pris  dans  le  petit 
creuset;  sa  paraison  étant  faite,  il  la  plonge  dans  un 
creuset  ordinaire  de  verre  blanc  de  manière  à  en 
prendre  en  deux  cueillages  environ  3  kilogrammes  : 
cette  quantité  permet  de  produire  une  feuille  de 
un  demi-mètre  de  superficie ,  ayant  2  millimètres 
d'épaisseur.  Le  manchon  est  soufflé  et  étendu  dans 
les  conditions  ordinaires;  la  bonne  répartition  du 
verre  coloré,  ainsi  que  l'économie  apportée  à  son 
cueillage,  dépendent  de  l'habileté  du  souffleur.  Une 
potée  de  verre  blanc  de  ÙOO  kilogrammes  et  une 
autre  de  50  kilogrammes  de  verre  bleu  donnent  35  à 
ftO  mètres  superficiels  de  verre  doublé.  11  est  essen- 
tiel que  le  verre  blanc  soit  doux  pour  éviter  la  rup- 
ture des  manchons;  ce  résultat  s'obtient  en  dimi- 


VERRES  DE    COULEUR.  201 

nuant  la  proportion  de  groisîl  ou  en  forçant  un  peu 
la  dose  de  fondant  alcalin. 

Les  groisils  de  ce  verre  doublé  sont  mis  de  côté 
pour  la  fabrication  du  verre  bleu  coloré  dans  la 
masse. 

Verre  violet.  — Ce  verre  a  toujours  pour  colo- 
rant essentiel  Toxyde  de  manganèse.  M.  Bontemps 
a  observé  le  premier  ce  fait  singulier  qu'avec  le 
verre  à  base  de  soude,  Toxyde  de  manganèse  donne 
un  violet  virant  au  rouge,  tandis  qu'avec  le  verre 
à  base  de  potasse  on  obtient  le  violet  bleu,  dit 
violet  d'évêque.  Par  l'addition  de  l'oxyde  de  cobalt, 
cette  couleur  devient  plus  bleue  ;  le  violet  brun  est 
produit  par  un  mélange  d'oxyde  de  manganèse  et 
d'oxyde  de  fer. 

Ces  colorations  doivent  être  produites  dans  un 
milieu  oxydant  ;  une  portion  de  l'alcali  y  est  intro- 
duite sous  forme  de  nitrate  de  soude  ou  de  potasse  ; 
on  emploie,  par  exemple, 

Sable 100  parties. 

Sel  de  soude 30      — 

Craie 25      — 

Nitrate  de  soude 5      — 

Bioxyde  de  manganèse 8      — 

En  diminuant  de  moitié  ii\  quantité  de  ce  dernier 
oxyde  et  en  ajoutant  une  partie  d'oxyde  rouge  de 
fer,  on  a  un  violet  rouge  plus  clair,  ayant  la  même 
nuance  que  le  violet  des  anciens  vitraux;  ceux-ci 
étaient,  en  effet,  fabriqués  avec  des  matières  pre- 
mières moins  pures,  plus  ferrugineuses  que  celles 


202  LE  VERRE. 

dont  on  fait  usage  aujourd'hui  pour  fabriquer  le 
verre  blanc. 

On  peut  imiter  les  violets  bleus  des  vitraux  des 
XV®  et  xvf  siècles,  en  substituant  dans  la  composition 
indiquée  ci-dessus  la  potasse  à  la  soude  et  en  y 
ajoutant  10  parties  de  minium;  pour  les  teintes 
claires,  il  convient  de  diminuer  d'un  tiers  au  moins 
la  proportion  d'oxyde  de  manganèse. 

Le  verre  doublé  violet  se  fait  avec  une  composi- 
tion semblable  à  celle  qui  est  indiquée  p.  200  avec 
celte  variante  que  le  fondant  alcalin  est  la  potasse 
et  que  l'oxyde  de  cobalt  s'y  trouve  remplacé  par 
22  parties  d'oxyde  de  manganèse  pour  100  de  sable. 
La  confection  des  manchons  est  la  même. 

Verres  jaunes.  —  Un  mélange  d'oxydes  de  fer 
et  de  manganèse  donne  au  verre  une  coloration 
jaune;  ainsi  en  ajoutant  à  la  composition  indiquée 
ci-dessus  22  d'oxyde  de  manganèse  et  3,5  d'oxyde  de 
fer,  on  obtient  un  verre  jaune,  d'une  nuance  d'ail- 
leurs assez  variable  en  raison  des  modifications  que 
la  matière  vitreuse  éprouve  pendant  la  durée  de  la 
confection  des  manchons. 

Cette  même  couleur  se  produit  plus  facilement 
au  moyen  du  charbon.  La  composition  suivante 
donne  un  beau  verre  jaune  : 

Sable 100  parties. 

Sel  de  soude /j5      -- 

Craie  ..." 35  à  UO      — 

Sciure  de  bois  vert  de  peuplier.  .   .  U     — 

D'après  M.  Bontemps,  le  bois  d'aune ,   dont  les 


VERRES   DE    COULEUR.  503 

anciens  verriers  conseillaient  l'emploi,  donne  de 
bons  résultats;  mais  il  est  essentiel  que  les  bois  dont 
on  fait  usage  ne  soient  pas  desséchés;  il  faut  qu'ils 
contiennent  encore  l'eau  et  les  substances  végétales 
qui  existent  dans  la  sève. 

Ce  verre  est  d'un  affinage  difficile;  il  est  très-sujet 
à  bouillonner  ;  c'est  probablement  à  ce  bouillonne- 
ment, dû  à  l'eau  et  aux  autres  produits  volatils 
fournis  par  le  bois,  qu'est  dû  le  brassage  qui  répartit 
également  le  carbone  très-divisé  en  suspension  dans 
le  verre  et  qui  lui  donne  la  couleur  jaune;  il  oblige 
à  prolonger  la  durée  de  l'affinage,  sous  peine  d'avoir 
des  feuilles  pleines  de  bouillons. 

Avec  une  quantité  double  de  sciure  de  bois,  le 
verre  passe  au  jaune  orangé  ;  il  devient  brun  et 
quelquefois  même  rouge  ou  noir  avec  des  propor- 
tions plus  fortes. 

Dans  tous  les  ouvrages  concernant  l'industrie 
du  verre,  Voœyde  d'antimoine  est  indiqué  comme 
donnant  au  verre  une  coloration  jaune.  D'après  des 
expériences  très-précises  faites  par  M.  Didierjean, 
cette  indication  est  erronée  ;  l'oxyde  d'antimoine  pur 
ne  donne  au  verre  aucune  coloration;  mais  celui 
dont  on  fait  usage  habituellement  est  un  mélange 
d'oxyde  et  de  sulfure  d'antimorine  provenant  du  gril- 
lage qu'on  fait  subir  au  sulfure  natif;  c'est  le  veire 
d'antimoine.  Or  ce  produit,  d'après  M.  Didierjean,  ne 
colore  le  verre  qu'en  raison  du  soufre  qu'il  ren- 
ferme. Cette  opinion  paraît  conforme  à  certaines 
expériences  de  M.  Pelouze  tendant  à  établir  que 
la  couleur  jaune   du  verre   est   toujours   due    au 


204  LE   VERRE. 

soufre,  alors  mêtne  qu'elle  est  produite  par  remploi 
du  charbon,  lequel  transformerait  en  sulfure  le  sul- 
fate de  soude  non  décomposé  que  renferme  presque 
toujours  le  \erre  à  vitre;  mais  les  conclusions  aux- 
quelles M.  Pelouze  est  arrivé,  en  attribuant  exclu- 
sivement au  soufre  cette  coloration,  sont  trop 
absolues,  d'après  M.  Bon  temps  et  aussi  d'après 
M.  Didierjean. 

Nous  reviendrons  sur  cette  question  lorsque 
nous  aurons  à  nous  occuper  des  autres  verres  colo- 
rés; qu'il  nous  suffise  de  dire,  quant  à  présent,  que 
le  carbone  et  le  soufre,  lorsqu'ils  existent  à  l'état 
libre  dans  le  verre,  possèdent  l'un  et  l'autre  la  pro- 
priété de  lui  donner  la  couleur  jaune  ;  cette  couleur 
est  d'autant  plus  foncée  que  ces  corps  s'y  trouvent 
disséminés  en  plus  grande  quantité;  pour  le  soufre, 
on  peut  arriver  jusqu'au  noir  opaque. 

On  fabrique  aussi  des  verres  jaunes  qui  sont 
teints  par  l'argent.  Ce  métal  possède,  en  eGFet,  la 
propriété  de  colorer  le  verre  en  jaune;  on  l'emploie 
à  l'état  de  sulfate  ou  de  chlorure  qu'on  mélange  avec 
de  l'ocre  rouge  ;  après  calcination  à  une  tempéra- 
ture ménagée,  puis  addition  d'une  quantité  d'eau 
suffisante  pour  faire  une  bouillie  un  peu  claire,  on 
répartit  uniformément  cette  matière  sur  la  surface 
d'une  feuille  de  verre  bien  nettoyée,  en  procédant  à 
la  manière  des  photographes  lorsqu'ils  recouvrent 
de  collodion  une  feuille  de  verre. 

Cette  pâte  étant  séchée,  le  verre  est  chauffé  dans 
un  four  à  moufle  à  une  température  qu'on  règle 
de  manière  à  le  ramollir  sans  le  déformer;  un  four  à 


VERRES   DE    COULEUR.  205 

étendre,  muni  d'une  ouverture  suffisante  pour  ren- 
trée des  feuilles,  convient  aussi  très-bien  pour  cette 
opération.  Au  moyen  d'une  brosse  dure,  on  enlève 
l'oxyde  de  fer  qui,  après  avoir  servi  d'excipient  à 
l'argent,  est  resté  sous  forme  d'une  poudre  peu  adhé- 
rente à  la  surface  du  verre  teinté. 

La  nature  du  verre,  sous  le  rapport  de  sa  com- 
position .chimique,  exerce  une  grande  influence 
sur  l'intensité  de  la  couleur;  avec  les  verres  tendres, 
trop  chargés  en  alcalis,  trop  fusibles,  on  a  le  jaune 
clair;  avec  des  verres  siliceux,  le  jaune  est  plus  vif, 
vire  à  l'orangé  et  même  au  rouge. 

Verres  verts.  —  La  composition  du  verre  violet 
(p.  201),  dans  laquelle  le  bioxyde  de  manganèse  est 
remplacé  par  6  parties  d'oxyde  noir  de  cuivre  et 
4  parties  d'oxyde  de  fer,  donne  une  belle  couleur 
vert-pré.  On  arrive  au  même  résultat  en  remplaçant 
une  partie  de  ces  oxydes  par  le  tiers  environ  de  leur 
poids  de  bichromate  de  potasse;  avec  ces  mêmes 
substances  associées  à  l'oxyde  de  cobalt,  la  couleur 
devient  vert-bleu.  Enfin  l'oxyde  d'uranium  jaune 
(qui  est,  en  réalité,  de  l'uranate  d'ammoniaque  ou  de 
potasse),  ajouté  aux  oxydes  de  cuivre  et  de  fer, 
fournit  la  teinte  vert-jaune. 

Les  proportions  de  ces  différents  oxydes  va- 
rient avec  les  nuances  plus  ou  moins  intenses  qu'on 
cherche  à  produire. 

Verre  rouge  ou  pourpre.  — On  sait  combien 
est  important  le  rôle  de  cette  sorte  de  verre  dans 


206  LE   VERRE. 

la  confection  des  vitraux  d'église  ;  on  connaît  le  parti 
qu'en  savaient  tirer  les  artistes  de  la  grande  époque 
de  la  peinture  sur  verre,  c'est-à-dire  des  xu^,  xiii®  et 
XIV'  siècles.  Sa  fabrication  oGFre,  d'ailleurs,  certaines 
particularités  qui  expliquent  sa  disparition  com- 
plète pendant  les  siècles  suivants  et  aussi  cette  opi- 
nion généralement  répandue  jusque  dans  ces  der- 
nières années  que  les  secrets  de  la  peinture  sur 
verre  étaient  perdus. 

11  est  certain  qu'à  la  fin  du  siècle  dernier  un 
morceau  de  ce  verre  de  fabrication  récente  était 
introuvable.  Le  Yiel,  dans  son  livre  sur  VArt  de  la 
peinture  et  de  la  vitrerie^  publié  en  177Ù,  dit  qu'il  n'est 
pas  parvenu  à  faire  fabriquer  du  verre  rouge  dans 
les  verreries  de  Bohême,  malgré  le  prix  élevé  qu'il 
en  offrait.  Cependant,  à  une  époque  antérieure,  Neri, 
Merret  et  Kunckel,  dans  l'Art  de  la  verrerie,  indiquent 
le  cuivre  comme  étant  la  matière  colorante  du  verre 
pourpre  ;  il  est  même  juste  de  reconnaître  que  les  pro- 
cédés qu'ils  donnent  diffèrent  fort  peu  de  ceux  qu'on 
a  suivis  depuis,  au  moins  pour  le  verre  coloré  qui 
sert  à  faire  le  verre  plaquée  D'autres  auteurs,  il  est 

1.  Voici  le  passage  de  Neri  dont  l'ouvrage,  publié  en  italien  en  1612, 
a  été  traduit  en  1752  avec  des  notes  de  Merret,  médecin  anglais,  et  de 
Kunckel,  savant  saxon  : 

«  Rouge  foncé.  Prenez  vingt  livres  de  la  fritte  de  cristal,  une  livre 
de  fragments  de  verre  blanc,  deux  livres d'étain  calciné;  mêlez  toutes 
ces  matières;  faites-les  fondre  et  purifier  :  lorsque  tout  le  mélange 
sera  fondu,  prenez  parties  égales  de  limaille  d'acier  calcinée  et  pul- 
vérisée et  d'écaillés  de  fer  bien  broyées  ;  mêlez  ces  deux  matières  et 
mettez-en  deux  onces  dans  le  verre  lorsqu'il  sera  bien  purifié  ;  ce 
mélange  le  fera  gonfler  considérablement;  il  faudra  lui  donner  cinq 


VERRES   DE    COULEUR.  207 

vrai,  attribuaient  à  For  la  couleur  rouge  des  anciens 
vitraux;  ce  métal  donne  aussi  au  verre,  dans  d'autres 
conditions,  une  couleur  rose  ou  rouge;  on  l'emploie 
à  cet  effet  pour  les  cristaux  colorés.  Cette  dernière 
opinion  avait  même  un  tel  crédit  à  la  fin  du  siècle 
dernier  que,  dans  les  temps  les  plus  difficiles  de  notre 
première  révolution,  l'Assemblée  constituante  en- 
voyait à  la  Monnaie  de  Paris  des  caisses  de  verre 
pourpre  enlevé  aux  verrières  du  moyen  âge,  avec 
l'ordre  d'en  extraire,  au  profit  du  Trésor  public,  l'or 
qu'on  supposait  y  exister.  Darcet,  chargé  de  ce  tra- 
vail, démontra  que  ces  verres  ne  contenaient  que  du 
cuivre  et  sauva  ainsi  de  la  destruction  beaucoup  de 
beaux  monuments  de  l'art  chrétien.  On  peut  ajouter 
que  si   l'or  eût   réellement  existé   dans  ce   verre, 

ou  six  heures  de  temps  pour  s'y  incorporer  parfaitement  et  prendre 
garde  de  ne  point  trop  mettre  de  la  poudre  que  l'on  vient  d'indiquer; 
cela  rendrait  le  verre  noir,  au  lieu  qu'il  doit  être  d'une  couleur 
foncée,  mais  transparente.  Lorsque  vous  serez  parvenu  à  lui  donner 
cette  couleur,  prenez  d'«?5  ustiim^  du  chapitre  XXIV,  bien  broyé,  envi- 
ron six  drachmes  ;  mêlez  au  verre  et  remuez  souvent  le  mélange  ;  à 
la  troisième  ou  quatrième  fois,  votre  matière  paraîtra  avoir  pris  un 
rouge  de  sang.  11  faudra  faire  de  fréquentes  épreuves  delà  couleur; 
et  aussitôt  qu'on  la  trouvera  telle  qu'on  la  demande,  il  faudra  se 
mettre  promptement  à  travailler  cette  composition;  car  sans  cela,  le 
rouge  disparaîtra,  et  le  verre  deviendra  noir.  De  peur  que  la  couleur 
ne  disparaisse,  il  faut  outre  cela  que  le  creuset  soit  découvert  et  que 
toutes  les  circonstances  s'observent  soigneusement;  surtout  on  se 
gardera  bien  de  mettre  trop  de  limaille  d'acier  et  d'écaillés  de  fer, 
de  peur  que  le  verre  ne  noircisse  au  lieu  de  prendre  une  couleur 
d'un  jaune  obscur  ;  c'est  alors  qu'en  y  ajoutant  le  cuivre  calciné,  il 
deviendra  d'une  très-belle  couleur.  J'en  ai  l'expérience  :  il  faut 
aussi  que  la  matière  ne  s'échauffe  pas  trop  dans  le  creuset,  et  ne 
demeure  pas  plus  de  dix  heures  au  fourneau  :  si  la  couleur  venait 


filH  LE   VERRE. 

comme  il  ne  pouvait  s'y  trouver  qu'en  très-petiie 
quantité,  dans  la  proportion  de  quelques  dix-mil- 
liémes,  les  frais  d'extraction  eussent  dépassé  dans 
une  énorme  proportion  la  valeur  du  métal  précieux 
qu'on  en  eût  tiré. 

La  fabrication  du  verre  rouge,  recommencée 
en  Allemagne  et  en  Suisse,  a  été  reprise  avec 
Huccôs  en  J826  par  M.  Bontemps  dans  la  verrerie 
(1(3  Choisy-ie-Roi;  ce  fait  est  établi  par  un  rap- 
port fait  ii  celte  époque  à  la  Société  d'encoura- 
gement pour  rindustrie  nationale  par  M.  J.  Darcet. 
Aujourd'hui  plusieurs  de  nos  verreries  sont  re- 
nommées pour  ce  genre  de  travail,  bien  que  les 
dilUcullés  qu'il  présente  encore  ne  permettent  pas  de 
produire  cette  coloration  avec  autant  de  sûreté  que 
le»  autres. 


ii  disparaître  pendant  cet  intervalle,  ce  qui  arrive  quelquefois,  on  la 
rétablirait,  en  ajoutant  de  nouvelles  écailîes  de  fer.  Cette  opération 
demande  beaucoup  d'attention  et  de  soin.  » 

I  Vw»  ustum  est  Toxyde  de  cuivre  obtenu  par  la  calcination  de 
lamej*  de  cuivre  minces.) 

Voici  les  remarques  de  J.  Kunckel  : 

«  En  «ulvant  le  procédé  indiqué  par  Fauteur  pour  le  rouge,  on 
aura  une  couleur  si  foncée  qu'à  moins  de  rendre  ce  verre  extrême- 
if^ejit  liihice  en  le  soufflant,  on  ne  pourra  en  distinguer  la  couleur; 
Il  f  U  prmque  Impossible  de  faire  cette  composition  de  cette  façon, 
(Un«  no^  fourneaux  de  verrerie  allemande,  parce  qu'il  faut  une 
ii»4iii^ii  e  toute  particulière  de  gouverner  le  feu.  Après  m'ètre  donné 
iIr^  ptîiuriA  incroyables,  je  puis  me  flatter  d^ètre  enfin  parvenu  à 
Uià'r  if  plu«  b^tau  rouge  et  à  imiter  les  rubis;  mais  comme  ce  secret 
MU  I  ontf  htaacuup  de  soin,  de  peine  et  de  travail,  an  ne  trouvera  pas 
rnuuiat*  '/u«  je  ne  le  communique  point  quant  à  prèseni.  » 


VERRES   DE   COULEUR.  209 

Ce  verre  est  toujours  doubléy  coloré,  par  consé- 
quent, sur  un  de  ses  côtés  par  une  couche  très-mince 
de  verre  rouge.  On  admet  généralement  que  la  colo- 
ration est  due  au  protoxyde  de  cuivre;  mais  il  n'est 
nullement  démontré  qu'il  en  soit  ainsi;  il  est  fort 
possible,  en  effet,  qu'en  raison  de  la  facilité  avec  la- 
quelle les  oxydes  de  cuivre  sont  réduits  par  les  corps 
désoxydants,  tels  que  le  charbon,  le  fer,  l'étain,  les 
gaz  hydrogénés  du  foyer,  etc.,  le  cuivre  soit  amené 
à  l'ëtat  métallique  et  donne  au  verre  une  coloration 
qui  se  rapproche  beaucoup  de  celle  qui  est  fournie 
par  l'or  dans  des  conditions  analogues.  Cette  opinion, 
que  j'ai  énoncée  depuis  longtemps,  est  rendue  très- 
vraisemblable  par  des  travaux  récents  sur  d'autref^ 
verres  cuivreux,  Yhœmatinon  et  Vaventurine,  dont  il 
sera  question  plus  loin. 

Quoi  qu'il  en  soit  à  cet  égard,  M.  Bontemps  et, 
avant  lui,  Neri  ont  constaté  que  le  verre  rouge  ne 
s'obtient  jamais  d'une  première  fonte;  plus  ce  verre 
a  été  fondu,  plus  on  est  certain  d'arriver  à  une 
couleur  belle  et  égale. 


Dans  un  autre  chapitre,  Neri  parle  (Vun  verre  rouge  de  sang, 
dont  on  peut  se  servir  au  lieu  de  l'émail   couleur  de  rose  : 

«  On  fera  fondre  six  livres  de  verre  de  plomb  et  dix  livres  de 
fritte  de  cristal  ;  on  les  purifiera  par  des  extinctions  réitérées  dans 
Peau  ;  on  y  ajoutera  ensuite  quatre  à  six  onces  d' écailles  de  cuivre 
rouge,  qu'on  y  mêlera  avec  soin;  on  y  joindra  du  tartre  rouge  en 
poudre  ;  6n  le  purifiera  à  l'ordinaire  ;  si  la  couleur  n'en  est  pas  assez 
forte,  on  ajoutera  du  tartre  et  des  écailles  de  cuivre  jusqu'à  ce 
qu'elle  le  soit  assez;  ou  en  fera  l'essai,  et  on  remettra  la  matière  au 
four  pour  en  rehausser  la  couleur.  » 

Peligot,  Ix  Verre.  14 


208  LE   VERRt:. 

comme  il  ne  pouvait  s'y   irouv^r 
quantité,   dans  la  proportion   do   ^M' 
lièmes,  les  frais  d'extraction  eussent  •  • 
une  énorme  proportion  la  valeur  du  ï^" 
qu'on  en  eût  tiré. 

La  fabrication   du    verre    rouge,    i'^  ' 
en   Allemagne   et    en    Suisse,    a    été   r<'j'' 
succès  en  1826  par  M.  Bontemps   dans  I^i 
de    Choisy-le-Roi;    ce   fait   est   établi   p^»* 
port  fait  à    celte    époque    à  la  Société  d  ^  ■ 
gement  pour  l'industrie  nationale  par  M.  J- 
Aujourd'hui   plusieurs    de    nos   verreries    ^<^'' 
nommées  pour   ce   genre  de  travail,  bien   <V^ 
difficultés  qu'il  présente  encore  ne  permettent  p<^^ 
produire  cette  coloration  avec  autant  de  sin'^^^'  ' 
les  autres. 


à  disparaître  pendant  cet  intervalle,  ce  qui  arrive  quelquefoi-^^  on 
rétablirait,  en  ajoutant  de  nouvelles  écailles  de  fer.  Cette  opér^^' 
demande  beaucoup  d'attention  et  de  soin.  » 

[Vœs  uslum  est  Toxyde  de  cuivre  obtenu  par  la  calciuation  ' 
lames  de  cuivre  minces.) 

Voici  les  remarques  de  J.  Kunckel  : 

«  En  suivant  le  procédé  indiqué  par  Fauteur  pour  le  rouge,  <^'' 
aura  une  couleur  si  foncée  qu'à  moins  de  rendre  ce  verre  extrèm*" 
n\ent  mince  en  le  soufflant,  on  ne  pourra  en  distinguer  la  couleur 
il  est  presque  impossible  de  faire  cette  composition  de  cette  fan»" 
dans  nos  fourneaux  de   verrerie  allemande,  parce  qu'il  faut  un' 
manière  toute  particulière  de  gouverner  le  feu.  Après  m'ètre  doiuif* 
des  peines  incroyables,  je  puis  me  flatter  d'être  enfin  parvenu  ^t 
faire  le  plus  beau  rouge  et  à  imiter  les  rubis  ;  mais  comme  ce  secret 
m'a  coulé  beaucoup  de  soin,  de  peine  et  de  travail,  on  ne  trouvera  pas 
mauvais  que  je  ne  le  communique  point  quant  à  présent,  » 


VERRES   DE    COULEUR. 


SU 


de  verrt  i 
lotion  esv 

possible.  Hi 
quelle  k^  ox 
désoxydaui,. . 


matière  fondue  deux  ou  trois  fois  à 

rre  et  on  tire  à  l'eau.  On  fond  de 

!e  et  on  répète  trois  fois  ces  opéra- 

îiélange  avec  du  verre  blanc  ainsi 


par  J 


<^î(UmsdK 


îvva 


liu. 


'Cil 


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^«^e,  c/u  o;.   i 


Poudre  ;  o;. 


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tAt44 


«<0  f 


100 

^l    ••••••••  Ou 

18 

3 

c(î  groisil  blanc  avec  le  verre 
on  ajoute  30  à  liO  grammes 
1  elain. 

'  adopté,  on  fait  une  petite 

is  une  autre  plus  considé- 

e  garnie  de  la  première 

erre  blanc  ordinaire.  Le 

procédés  déjà  décrits,  11 

ouleur  ne  se  produit  pas 

iii'à  la  dernière  chauffe, 

'allonger  le  manchon  et 

couleur  se  développer. 

îiit  pour  le  verre  rouge 

Tor  :  c'est  sous  l'in- 

<'s  que  la  coloration  se 

>iis-nous  dit,  que  pour 

V  soit  le  résultat  d'une 

.   "(luit  souvent  dans  Vin- 

'.  i^té  ouvert. 

ninules  concernant  le 
'Mil   d'une  assez  forte 


i^r 


*t 


240  LE  VERRE. 

Voici  une  composition  qui  donne,  d'après  M.  Bon- 
temps,  de  beaux  verres  rouges  : 

Sable 100  kilogrammes. 

Minium .  90            — 

Carbonate  de  potasse 32           — 

Oxydes  de  plomb  et  d'étaiu. .    .  15           — 

Oxyde  brun  de  cuivre Oi^'^TOO 

Battitures  de  fer ©"^'^TôO 

Borax 4^",000 

On  fond  à  pot  couvert  ;  on  macle  à  la  pomme  de  terre, 
c'est-à-dire  qu'on  fait  pénétrer  pendant  quelques 
instants  dans  la  matière  fondue  une  pomme  de  terre 
fixée  au  bout  d'un  petit  ferre  t. 

Cette  matière,  tirée  à  la  poche,  est  broyée  et  tami- 
sée. On  y  ajoute  50  grammes  d'oxyde  brun  de  cuivre. 
100  grammes  de  borax  et  hOO  grammes  d'un  mélange 
à  parties  égales  d'oxydes  de  plomb  et  d'étain  et  on 
fond  de  nouveau.  Après  un  second  maclage  à  la 
pomme  de  terre,  on  broie,  on  tamise  et  on  ren- 
fourne  en  temps  utile  pour  que  ce  verre  soit  prêt 
pour  le  commencement  du  travail  du  verre  blanc. 

La  méthode  suivante  donne,  d'après  le  même 
auteur,  le  verre  rouge  le  plus  régulièrement  beau; 
c'est  aussi  celle  qui  est  employée  pour  doubler  en 
rouge  le  cristal  et  la  gobeleterie.  On  enfourne  dans 
un  petit  pot  : 

Sable 2b 

3dinium ôo 

OxTde  de  cui^Tt- L2(k* 

Acide  slannique 5 


VERRES   DE    COULEUR.  S44 

On  travaille  la  matière  fondue  deux  ou  trois  fois  à 
la  pomme  de  terre  et  on  tire  à  Teau»  On  fond  de 
nouveau,  on  macle  et  on  répète  trois  fois  ces  opéra- 
tions. Puis  on  la  mélange  avec  du  verre  blanc  ainsi 
composé  : 

Sable 100 

Carbonate  de  potasse 36 

Chaux 18 

Minium 3 

On  fond  25  parties  de  ce  groisil  blanc  avec  le  verre 
précédent  tiré  à  l'eau  et  on  ajoute  30  à  40  grammes 
de  tartre  ou  de  copeaux  d'étain. 

Quel  que  soit  le  dosage  adopté,  on  fait  une  petite 
paraison  avec  ce  verre  ;  puis  une  autre  plus  considé- 
rable en  plongeant  la  canne  garnie  de  la  première 
dans  un  pot  contenant  du  verre  blanc  ordinaire.  Le 
manchon  est  façonné  par  les  procédés  déjà  décrits.  Il 
arrive  assez  souvent  que  la  couleur  ne  se  produit  pas 
immédiatement,  et  ce  n'est  qu'à  la  dernière  chauffe, 
c'est-à-dire  quand  on  a  fini  d'allonger  le  manchon  et 
qu'il  se  refroidit,  qu'on  voit  la  couleur  se  développer. 
Le  même  phénomène  se  produit  pour  le  verre  rouge 
groseille  ou  rose  coloré  par  l'or  :  c'est  sous  l'in- 
fluence des  chauffes  successives  que  la  coloration  se 
développe.  11  ne  paraît  pas,  avons-nous  dit,  que  pour 
le  pourpre  de  cuivre  la  couleur  soit  le  résultat  d'une 
oxydation  ;  car  cette  couleur  se  produit  souvent  dans  V in- 
térieur du  manchon  avant  quil  ait  été  ouvert. 

Dans  presque  toutes  les  formules  concernant  le 
verre   pourpre,    il  est   question  d'une  assez  forte 


242  LE    VERRE. 

quantité  d'acide  stannique  ou  de  potée  d'étain.  Il  est 
difficile  de  comprendre  l'utilité  de  ce  corps,  qui 
probablement  n'agit  pas  comme  réducteur.  Il  est  pos- 
sible qu'il  serve  à  opaliser,  à  ternir  la  couche  très- 
mince  de  verre  colorée,  ou  bien  que  l'étain  calciné 
indiqué  par  Neri  et  par  d'autres  auteurs  contienne 
encore  du  protoxyde  d'étain  ou  de  l'étain  métallique 
qui  exerceraient  sur  l'oxyde  de  cuivre  une  action 
désoxydante. 

Le  verre  pourpre  doit  être  d'une  couleur  claire, 
plutôt  orangée  que  violette;  il  offre  souvent  des  mar- 
brures, des  parties  flammées,  des  inégalités  de  teinte; 
mais,  entre  les  mains  d'artistes  habiles,  ces  verres 
défectueux  en  apparence,  lorsqu'ils  sont  convena- 
blement employés,  ajoutent  plutôt  qu'il  ne  nuisent 
à  l'effet  du  dessin  et  du  coloris.  Il  me  sera  permis 
d'ajouter  que,  nonobstant  les  soins  apportés  à  cette 
fabrication  et  les  progrès  réalisés,  plus  d'un  artiste 
affirme  que  les  anciens  verres  rouges,  malgré  leurs 
imperfections,  peut-être  même  à  cause  de  leurs  dé- 
fauts et  de  leurs  teintes  inégales,  étaient  supérieurs 
à  ceux  qu'on  fabrique  aujourd'hui 


CHAPITRE   CINQUIÈME 


Glaces. 


Historiques.  —  L'usage  des  miroirs  remonte,  assu- 
rément^ à  la  plus  haute  antiquité  ;  et,  bien  que  les 
anciens  ne  se  servissent  guère  que  de  miroirs  en 
métal  poli,  ceux  en  verre  ne  leur  étaient  pas  abso- 
lument inconnus.  «  Autrefois,  dit  Pline,  Sidon  était 
célèbre  par  ses  verreries;  on  y  avait  môme  inventé 
les  miroirs  de  verre.  »  (JHst.  nat.^  lib.  XXXVI.) 

On  a  longtemps  mis  en  doute  cette  assertion; 
mais  diverses  découvertes  sont  venues  ajouter  leur 
témoignage  à  celui  de  l'historien  latin.  On  voit  au 
musée  de  Turin  deux  miroirs  antiques  en  verre  trou- 
vés dans  les  tombes  de  Sakkara,  près  Memphis.  Ces 
miroirs  sont  encastrés  à  Taide  d'un  cercle  en  bois 
dans  de  petites  figurines  servant  de  supports  ;  leut* 
forme  rappelle  celle  du  disque  sacré  que  le  bœuf 
Apis  portait  entre  ses  cornes. 

Les  miroirs  dont  on  se  servait  de  préférence 
dans  l'antiquité  étaient  formés  de  cuivre  et  d'élain 
ou  à' airain  blanc  de  Coriiithe.  (^onimt;  cet  alliage, 


2i4  LE   VERRE. 

qu'on  fabriquait  aussi  à  Brindes,  en  Italie,  se  ternit 
rapidement,  on  attachait  à  sa  monture  une  éponge  et 
de  la  pierre  ponce  pour  le  nettoyer  et  le  polir. 
L'argent,  dont  le  pouvoir  réfléchissant  est  si  considé- 
rable, était  aussi  employé  pour  le  même  usage;  les 
historiens  anciens  nous  apprennent  qu'au  temps  des 
Empereurs  les  miroirs  d'argent  étaient  tellement 
communs  qu'ils  s'étaient  introduits  jusque  dans  la 
toilette  des  servantes.  Les  miroirs  de  verre  n'ont 
commencé  à  être  d'un  usage  général  qu'après  qu'on 
eût  perfectionné  les  procédés  de  polissage  et  d'éta- 
mage,  et  jusqu'au  xvi*  siècle  il  est  presque  toujours 
fait  mention  des  miroirs  en  argent,  bien  qu'on  en 
fabriquât  aussi  en  verre. 

Avant  que  l'amalgame  d'étain  ait  été  employé 
pour  étamer  les  glaces,  on  recouvrait  le  verre  d'une 
mince  couche  de  plomb  ;  mais  les  miroirs  ainsi  fabri- 
qués étaient  bien  inférieurs  à  ceux  d'argent  :  leur 
pouvoir  réflecteur  était  moindre  et  les  images  étaient 
beaucoup  moins  nettes.  Raymond  LuUe,  Roger 
Bacon  et  avant  eux,  en  1280,  le  franciscain  anglais 
John.  Pekham  parlent  en  termes  très-explicites  de 
l'amalgame  d'étain  ;  longtemps  après,  néanmoins,  la 
méthode  de  doublage  au  plomb  était  encore  pratiquée 
dans  nombre  de  verreries. 

On  sait  que  les  glaces  de  Venise  ont  joui  pendant 
plusieurs  siècles  d'une  réputation  méritée  ;  celles  de 
France  étaient  aussi  très-estimées.  La  reine  Elisabeth 
avait  fait  venir  en  Angleterre  des  verriers  normands 
«  pour  fabriquer  des  glaces  à  la  mode  de  France  ».Au 
XVI*  siècle,  l'industrie  des  glaces  et  des  miroirs  était. 


GLACES.  S15 

en  effet,  assez  développée  dansnolre  pays;  mais  c'est  en 
Lorraine  qu'elle  était  surtout  florissante.  Volleyr  de 
Sérouville,  secrétaire  ordinaire  du  duc  de  Lorraine, 
nous  a  transmis  à  cet  égard  des  détails  curieux 
dans  sa  «  Chronique  abrégée  par  petits  vers  huytains 
des  Empereurs,  Roys  et  ducs  Daustrasie  »  suivie  du 
«  Traie  té  des  singularitez  du  parc  d'honneur*». 

Le  passage  suivant  est  extrait  du  chapitre  ayant 
pour  titre  :  «  Forges  à  faire  mirouers,  voirres  fins  et 
communs;  avec  les  voirreries  de  gros  voirres,  » 

«  ...  Au  lieu  de  Pontamousson  quinzième  jour  de  juing 
ou  environ  le  maistre  voirier  fist  présent  au  prince  et  modé- 
rateur dudit  parc  dung  crucifix  mis  sur  une  grande  croix  de 
voirre  en  grosseur  de  la  cuisse  dung  homme  accoustré  si 
richement  de  couleur  que  l'on  estoit  aveugle  de  la  beaulté  et 
lueur. . .  Joingt  semblablement  que  à  Raon  au  pays  de  Vosges 
et  à  Sainct-Quirin*  Ion  faict  les  mirouers  qui  se  transportent 
par  toute  la  clirestienté  ;  ce  que  Ton  racompte  avoir  été  fait 
au  lieu  de  Bain  ville  surnommé  —  aux  mirouers  —  assis  sur  la 
rive  de  Mezelle  entre  Charmes  et  Bayon.  » 

«  ...  Et  se  forgent  les  voirres  en  la  fournaise  ardente  par 
une  merveilleuse  artifice  avec  ung  fer  attaché  au  bout  dung 
baston  percé  par  le  moyen  duquel  il  tire  la  matte  embrasée 
laquelle  à  force  de  sousfler  et  rouller  sur  une  planche  vient  à 
l'arrondir  et  enfler  tant  et  si  longuement  qu'elle  a  prins  la 
forme  et  grosseur  des  mirouers  grands,  moyens  et  petits, 
comme  bon  semble  audit  maistre  ouvrier  ;  puis  aprez  il  applique 

i.  Cet  ouvrage,  aujourd'hui  fort  rare,  a  été  imprimé  en  1530. 

2.  La  verrerie  de  Saint-Quirin  (plus  tard  transportée  à  Cirey)  a 
continué  à  fonctionner  jusqu'en  1850,  sous  la  direction  de  M.  Che- 
vandler.  Nous  avons  vu  que  le  verre  à  vitre  en  cylindres  a  été  fait 
pour  la  première  fois  en  France  par  Drolenvaux  dans  cette  même 
usine. 


216  LE    VERRE. 

le  plomb  par  grant  subtilité  pour  donner  le  lustre  et  réverbé- 
ration des  choses,  lesquelles  sont  opposées  et  mises  au  devant 
desdits  mirouers  qui,  depuis  avoir  été  disjoints  et  séparez 
dudit  canale  de  fer,  sont  mis  en  pièces  pour  en  repartir  à  tous 
ceux  qui  en  veulent  avoir.  » 

Ces  documents  que  je  dois,  ainsi  que  plusieurs 
de  ceux  qui  précèdent  et  qui  suivent,  aux  études  ar- 
chéologiques de  M.  H.  de  Fontenay,  ne  permettent 
peut-être  pas  de  se  faire  une  idée  bien  précise  de  ce 
mode  de  fabrication;  aussi  il  n'est  que  juste  de  faire 
remonter  aux  Vénitiens  l'invention  des  véritables  mi- 
roirs en  verre,  en  conservant  aux  anciens,  comme 
aux  Chinois,  celle  des  miroirs  en  métal. 

C'est  à  Venise,  en  effet,  que  furent  faits  dans  des 
conditions  vraiment  industrielles  et  commerciales 
les  premiers  miroirs  en  verre;  cette  fabrication 
remonte  au  xui^  siècle.  Les  miroirs  de  Venise  étaient 
soufflés  en  cylindres,  comme  le  verre  à  vitre,  étendus, 
dégrossis,  polis  et  étamés.  Les  Vénitiens  produisaient 
ainsi  des  glaces  biseautées  d'une  assez  grande  dimen- 
sion, remarquables  par  la  blancheur  et  la  pureté  du 
verre,  glaces  qu'on  recherche  encore  aujourd'hui, 
plutôt,  il  est  vrai,  à  cause  de  leur  ancienneté  et  de 
l'élégance  de  leur  encadrement  que  pour  la  qualité 
du  verre. 

Venise  conserva  longtemps  le  monopole  de  cette 
fabrication  qui  ne  cessa,  pour  la  France,  que  sous 
le  règne  de  Louis  XIV.  C'est  sous  le  ministère  et  avec 
les  encouragements  de  Colbert  que  fut  fondée  la  pre- 
mière fabrique  de  glaces  en  France.  On  sait  avec 
quelle  sollicitude  ce  grand  ministre  s'occupait  des 


GLACES.  2i7 

moyens  de  développer  les  différentes  branches  de 
fabrications  qui  manquaient  à  notre  pays.  En  1664,  il 
demandait  à  François  de  Bonzi,  évêque  de  Béziers, 
alors  ambassadeur  à  Venise,  d'emprunter  à  la  puis- 
sante république  deux  industries  importantes  :  les 
miroirs  et  les  points  de  Venise  * . 

Mais  la  négociation  n'était  pas  facile  ;  l'ambassa- 
deur commence  par  répondre  au  ministre  que  «  pour 
lui  envoyer  des  ouvriers,  il  court  risque  d'être  jeté  dans 
la  mer  »  et  il  ajoute  que  «  Venise  vend  à  la  France 
des  miroirs  pour  100,000  écus  au  moins  par  an, 
et  des  dentelles  pour  trois  ou  quatre  fois  autant  » . 

Les  règlements  industriels  de  Venise  étaient  aussi 
durs  que  précis  :  «  Si  quelque  ouvrier  ou  artiste 
transporte  son  art  en  pays  étranger,  disait  l'article  26 
des  Statuts  de  l'inquisition  d'État,  et  s'il  n'obéit  pas 
à  l'ordre  de  revenir,  on  mettra  en  prison  les  per- 
sonnes qui  lui  appartiennent  de  plus  près  et  si,  mal- 
gré l'emprisonnement  de  ses  parents,  il  s'obstine  à 
vouloir  demeurer  à  l'étranger,  on  chargera  quelque 
émissaire  de  le  tuer  et,  après  sa  mort,  ses  parents 
seront  mis  en  liberté.  » 

Néanmoins    une    vingtaine   d'ouvriers   vénitiens 

1.  Un  homme  de  bien  et  de  science,  feu  M.  Augustin  Cochin, 
membre  de  l'Institut,  a  publié  en  1865  une  notice  très-intéressante 
sur  la  manufacture  des  glaces  de  Saint-Gobain,  à  Toccasion  du 
deux  centième  anniversaire  de  la  fondation  de  cet  établissement  ; 
M.  Cochin  était  l'un  des  administrateurs  de  Saint-Gobain  dont  l'his- 
toire est,  en  réalité,  celle  de  la  fabrication  des  glaces  non-seule- 
ment en  France,  mais  en  Europe  ;  car  Saint-Gobain  a  longtemps 
servi  de  type  et  de  modèle  à  toutes  les  autres  manufactures  de 
glaces. 


ÎI18  LE    VERRE. 

arrivèrent  à  Paris,  au  mois  d'août  1665.  La  Compa- 
gnie des  glaces  fut  immédiatement  fondée  par  les 
soins  de  Colbert,  et  Nicolas  du  Noyer,  receveur  géné- 
ral des  tailles  à  Orléans,  reçut,  au  mois  d'octobre  de 
la  même  année,  les  lettres  patentes  qui  lui  accor- 
daient, pour  vingt  ans,  le  privilège  exclusif  d'éta- 
blir une  manufacture  de  glaces  de  miroir  par  des  ouvriers 
de  Venise. 

Par  ces  lettres,  le  roi  accordait,  selon  d'anciens 
usages,  «  que  toutes  les  personnes  nobles  qui  pour- 
raient s'associer  dans  cette  manufacture  le  feraient 
sans  déroger  à  leur  noblesse,  avec  exemption  de 
tailles,  logements  de  gens  de  guerre,  etc.,  à  tous 
ceux  qui  pourraient  y  travailler,  même  à  leurs  com- 
mis, serviteurs  et  domestiques  ». 

On  sait  que  ceux  qui  exerçaient  l'art  de  fabriquer 
le  verre  avaient  reçu  de  nos  rois  d'importants  privi- 
lèges, notamment  celui  de  ne  pas  déroger  à  leur 
noblesse.  «  Les  ouvriers  qui  travaillent  à  ce  bel  et 
noble  art,  dit  Haudicquer  de  Blancourt,  sont  tous 
gentilshommes,  et  ils  n'en  reçoivent  aucuns  qu'ils 
ne  les  connaissent  comme  tels.  Néanmoins  cette 
industrie  n'anoblissait  pas  celui  qui  l'exerçait; 
seulement  elle  ne  lui  faisait  pas  perdre,  comme 
cela  arrivait  pour  d'autres  professions,  sa  qualité  de 
noble.  » 

Cette  noblesse,  à  1^  vérité,  ne  donnait  ni  la  for- 
tune ni  la  considération.  Bernard  Palissy  écrivait 
en  J580  :  «  L'estat  est  noble  et  les  hommes  qui  y 
besongnent  sont  nobles;  mais  plusieurs  sont  gen- 
tilshommes pour  exercer   ledit  art  qui  voudroyent 


GLACES.  «49 

estre  roturiers  et  auoir  de  quoy  payer  les  subsides 
des  Princes.  » 

C'est  au  faubourg  Saint- Antoine,  à  Paris,  que 
cette  manufacture  fut  fondée  dans  l'emplacement 
qu'occupe  aujourd'hui  la  caserne  de  Reuilly;  son 
installation  avait  été  fort  coûteuse  et,  au  bout  d'un 
an,  les  résultats  qu'elle  donnait  étant  fort  médiocres, 
elle  entra  en  rapport  avec  un  gentilhomme  verrier 
de  Normandie,  Richard  Lucas,  sieur  de  Nehou, 
lequel  avait  été  signalé  à  Colbert  par  M.  de  Chamil- 
lard.  Le  sieur  de  Nehou  dirigeait,  à  Tour-la-Ville, 
près  Cherbourg,  une  verrerie  établie  en  1653  ;  il 
avait  fourni,  en  1656,  les  verres  blancs  du  Val-de- 
Grâce  et  il  était  arrivé,  en  profilant  des  indications 
fournies  par  des  ouvriers  de  Strasbourg,  qui  avaient 
dérobé  par  ruse  aux  ouvriers  de  Venise  leurs  pro- 
cédés de  soufflage,  à  faire  avec  succès  des  glaces  de 
miroirs. 

Telle  parait  avoir  été  l'origine  de  notre  première 
fabrique  de  glaces  soufflées  ;  quelques  années  plus 
tard,  en  1673,  les  glaces  françaises  étaient  plus  par- 
faites que  celles  de  Venise  et,  dès  l'année  précé- 
dente, un  arrêt  du  Parlement  prohibait  expressément 
l'entrée  des  glaces  venant  de  l'étranger.  On  sait  que 
la  prohibition,  qui  semble  être  aujourd'hui  une 
mesure  excessive,  était  alors  le  régime  général  de 
l'Europe;  en  ce  qui  concerne  les  glaces  et  les  autres 
produits  de  l'industrie  du  verre,  elle  a  continué 
à  être  en  vigueur  pendant  une  bien  longue  suite 
d'années,  puisqu'elle  n'a  été  supprimée  que  par  les 
traités  de  commerce  de  1860. 


220  .  LE   VERRE. 

C'est  de  la  manufacture  de  Tour-la-Ville  que 
viennent  ^es  glaces  qui  ornent  la  grande  galerie  des 
fêtes  du  palais  de  Versailles;  bien  que  les  glaces 
de  cette  époque  nous  paraissent  aujourd'hui  fort 
ordinaires,  elles  avaient  alors  une  valeur  très-con- 
sidérable; dans  le  devis  des  travaux  du  palais  de 
Versailles ,  publié  par  M.  Vatout,  elles  sont  cotées 
10  livres  le  pied  quand  elles  ont  Ift  pouces  de  haut; 
60  livres  quand  elles  ont  le  double  ;  230  à  425  livres 
quand  elles  ont  de  37  à  40  pouces  de  haut.  On  com- 
prend qu'à  ce  taux  la  grande  galerie  des  glaces, 
construite  par  Mansard  de  1678  à  1683,  ait  coûté 
654,600  livres. 

Dans  l'inventaire  fait  au  décès  de  Colbert  (1683) 
figure  un  grand  miroir  de  Venise,  de  46  pouces  sur 
26,  bordé  d'argent;  il  est  estimé  8,016  livres  10  sols; 
un  tableau  de  Raphaël  appartenant  à  la  même  col- 
lection est  évalué  3,000  livres  seulement. 

On  peut  aussi  s'en  rapporter,  à  cet  égard,  au 
témoignage  du  duc  de  Saint-Simon,  l'historien  de 
la  cour  de  Louis  XIV.  On  lit  dans  ses  Mémoires  : 

«  (1699).  La  comtesse  de  Fiesque  mourut  pendant  Fontai- 
nebleau, extrêmement  âgée...  Elle  n'avait  presque  rien, 
parce  qu'elle  avait  tout  fricassé  ou  laissé  piller  à  ses  gens 
d'affaires;  tout  au  commencement  de  ces  magnifiques  glaces, 
alors  fort  rares  et  fort  chères,  elle  en  acheta  un  parfaitement 
beau  miroir.  «  Hé,  comtesse,  lui  dirent  ses  amis,  où  avez- 
vous  pris  cela  ?  —  J'avais,  dit-elle,  une  méchante  terre,  et 
qui  ne  me  rapportait  que  du  blé  ;  je  Tai  vendue,  et  j'en  ai  eu 
ce  miroir.  Est-ce  que  je  n'ai  pas  fait  merveille?  du  blé  ou  ce 
beau  miroir.  » 


GLACES.  îîi 

La  prospérité  de  la  manufacture  de  Tour-la-Ville 
ne  fut  pas  de  longue  durée  :  Richard  Lucas  de  Nehou 
étant  mort,  Pierre  de  Bagneux  lui  succéda  et  obtint, 
sur  le  rapport  de  Louvois,  un  nouveau  privilège  de 
trente  ans,  à  partir  du  1"  janvier  1684.  Néanmoins 
ce  privilège  était  moins  exclusif  que  ceux  qui 
avaient  été  octroyés  antérieurement;  car,  à  la  même 
date,  Louvois  avait  accordé  aux  intéressés  de  la  ver- 
rerie de  Ponthieu,  en  Normandie,  la  faculté  d'en- 
voyer à  Paris  du  verre  brut  propre  à  faire  des  glaces^ 

pour  y  être  douci  et  poli  par  les  pensionnaires  de 
rhôtel  des  Invalides  qui  venait  d'être  fondé.  Un 
autre  privilège  était  accordé  par  le  même  ministre 
à  une  verrerie  des  environs  de  Montmirail;  il  fut 
racheté,  en  1704,  par  la  compagnie  de  Saint-Gobain. 
En  Tannée  1688  commence  une  ère  nouvelle  pour 
l'industrie  des  glaces  :  «  Un  bourgeois  de  Paris, 
Abraham  Thévart,  représente  au  roi  qu'il  a  décou- 
vert le  secret  de  fabriquer  des  glaces  d'une  grandeur 
extraordinaire;  que,  par  le  moyen  des  machines  qu'il 
a  inventées,  il  peut  fabriquer  des  glaces  de  60  à 
80  pouces  de  hauteur  et  au-dessus,  35  à  40  pouces 
et  plus  de  largeur;  et,  sur  le  rapport  de  Louvois,  le 
roi  accorde  pour  trente  ans,  par  des  lettres  patentes 
du  14  décembre  1688,  à  Abraham  Thévart  le  privi- 
lège de  fabrication  des  grandes  glaces  au-dessus  de 
60  pouces  sur  40,  laissant  à  Pierre  de  Bagneux  le 
privilège  de  fabriquer  les  petites  glaces  au-dessous 
de  ces  dimensions  et  leur  concédant,  à  l'un  et  à  l'au- 
tre, avec  la  plupart  des  droits  exorbitants  contenus 
dans  l'acte  de  iGôô,  la  faculté  de  visiter  leurs  usines 


222  LE    VERRE. 

respectives,  avec  défense  de  se  servir  des  mêmes 
machines,  ouvriers  et  matières.  Il  était  prévu  que 
Thévart  voudrait  se  servir  des  morceaux  de  grandes 
glaces  brisées  et  on  le  lui  défendait.  En-résumé,  on 
leur  accordait  le  privilège  de  se  faire  la  guerre. 

«  Thévart,  qui  se  dit  ici  l'inventeur  d'un  nou- 
veau procédé,  paraît  n'avoir  été  que  le  prête-nom 
d'associés  qui  voulaient  faire  concurrence  à  la  com- 
pagnie de  Bagneux.  Son  nom  figure  uniquement 
dans  les  actes  de  procédure.  Il  s'attribue  un  mérite 
qu'il  est  juste,  comme  nous  le  verrons,  de  restituer 
à  Lucas  de  Nehou  ;  et,  s'il  en  fallait  une  preuve,  il 
la  fournit  lui-même  en  appelant  Louis  Lucas  de 
Nehou,  qui  quitta  la  compagnie  de  Bagneux  et  par- 
vint à  fabriquer,  par  le  procédé  du  coulage,  des 
glaces  si  grandes  et  si  belles  que  le  roi  voulut  les 
voir.  Les  quatre  premières  glaces  coulées  furent  pré- 
sentées à  Louis  XIV  en  1691. 

«  L'habile  verrier  persuada  aux  associés  de  cher- 
cher hors  de  Paris  quelque  lieu  où  les  choses  fus- 
sent moins  chères ,  et  ils  achetèrent  du  domaine 
royal  l'ancien  château  de  Saint-Gobain,  près  la  Fère, 
tout  en  ruines,  assez  bien  disposé  néanmoins  à  cause 
de  la  proximité  des  bois  et  de  la  rivière  d'Oise  descendant  à 
Paris;  ils  y  élevèrent  plusieurs  bâtiments,  tant  pour 
la  fabrication  que  pour  le  logement  des  gentilshommes, 
commis  et  ouvriers.  De  nouvelles  lettres  patentes,  de 
février  1693,  renouvellent  à  Abraham  Thévart  le 
droit  de  prendre  en  tous  lieux  du  royaume  les 
matières  nécessaires  à  sa  fabrication,  l'exemption  de 
tous  droits  pour  le  transport  de  ses  produits^  de  tous 


GLACES.  m 

impôts  pour  son  personnel  et  la  faveur  de  mettre 
aux  portes  de  rétablissement  un  portier  à  la  livrée 
royale,  les  armes  de  France  et  le  titre  de  Manufac- 
ture royale  des  grandes  glaces.  »  (M.  Aug.  Cochin.) 

Louis  Lucas  de  Nehou  fit  avec  les  associés  d'A- 
braham Thévart  un  traité  par  lequel  ceux-ci  lui 
abandonnèrent  la  fabrication  installée  à  Saint- 
Gobain,  à  condition  de  leur  fournir  des  glaces  cou- 
lées à  un  prix  convenu  ;  ce  traité  fut  exécuté  pen- 
dant quelques  années. 

D'après  ces  renseignements,  il  semble  établi  que 
c'est  à  tort  qu'on  avait  attribué  à  Thévart  l'inven- 
tion du  procédé  de  coulage  des  glaces  :  d'après  des 
recherches  faites  dans  les  archives  de  Saint-Gobain 
et  les  traditions  conservées  chez  quelques  anciens 
ouvriers  de  cette  usine,  l'inventeur  serait  Louis 
Lucas  de  Nehou  ;  Abraham  Thévart  n'aurait  été  que 
le  prête-nom  d'une  société  de  capitalistes  qui  obtint, 
en  1G88,  un  privilège  de  trente  années  pour  exploiter 
le  nouveau  procédé.  Dans  la  fête  instituée,  en  1865, 
pour  célébrer  le  deuxième  centenaire  de  la  fon- 
dation de  la  Manufacture  de  Saint-Gobain,  le  conseil 
d'administration  de  cette  Compagnie  a  consacré 
les  droits  de  Louis  Lucas  de  Nehou  qui,  inventa ^ 
en  i69i^  la  méthode  de  couler  les  glaces  et  installa  la 
manufacture j  en  1695 y  dans  le  château  de  Saint-Gobain^ 
où  il  est  morty  en  d728.  Cette  inscription,  gravée  sur 
une  plaque  de  marbre,  est  posée  à  la  porte  de  la 
chapelle  de  Saint-Gobain.  Le  même  jour,  dans  un 
remarquable  discours,  le  Président  du  Conseil,  d'ad- 
ministration  de  cette  Compagnie,    M.  le   duc   de 


iU  LE    VERRE. 

Broglie,  évoquant,  au  banquet  donné  pour  fêter  cet 
anniversaire,  la  présence  de  Louis  Lucas  de  Nehou, 
fait  assister  les  invités  aux  surprises  de  ce  revenant, 
appelé  à  constater  de  visu  toutes  les  modifications  que 
la  science,  l'industrie,  le  commerce  et  les  progrès 
sociaux  ont,  en  deux  siècles,  fait  subir  à  son  œuvre. 
Malgré  ces  témoignages,  il  reste  encore  quelque 
doute  sur  le  nom  du  véritable  inventeur  du  procédé 
de  coulage  des  glaces.  Les  documents  qui  attribuaienl 
cette  découverte  à  Abraham  Thévart  venaient  aussi 
des  archives  de  l'Administration  de  Saint-Gobain. 
Ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  Bontemps,  le  plus 
important  est  le  privilège,  du  roi  en  date  du  ili  dé- 
cembre 1688: 

«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  etc.  Notre  cher  et  bien 
amé  Abraham  Thevart,  bourgeois  de  notre  bonne  Ville  de 
Pai'is,  Nous  a  représenté  que,  depuis  plusieurs  années,  il 
se  serait  appliqué  à  rechercher  les  secrets  et  moyens  de 
faire  des  glaces  d'une  beauté  et  grandeur  extraordinaires... 
et  qu'après  plusieurs  épreuves,  il  en  aurait  enfin  découvert 
le  secret,  en  sorte  que,  par  le  moyen  des  machines  qu'il  a 
inventées,  il  pourrait  fabriquer  des  glaces  de  60  à  80  pouce? 
de  hauteur  et  au-dessus  sur  35  à  40  et  plus  de  largeur... 
A  ces  causes...  avons  accordé  et  octroyons  audit  sieur  Thevarl. 
ses  héritiers  et  ayants  cause,  de  fabriquer  où  bon  leur 
semblera  des  glaces  de  60  pouces  de  haut  sur  UO  pouces 
de  large  et  de  toutes  autres  hauteurs  et  largeurs  au-dessus 
sans  qu'ils  puissent  en  faire  au-dessous  desdits  volumes  ni 
employer  en  œuvre,  vendre  ni  débiter,  sous  prétexte  de  rup- 
ture, des  petites  glaces... 

«  Donné  à  Versailles,  le  quatorzième  jour  de  décembn 
Tan  de  grâce  1688,  et  de  notre  règne  le  quarante-sixième. 

«  Signé  :  Louis.  » 


J 


GLACES.  225 

Aucun  des  anciens  auteurs  qui  ont  écrit  sur  Tart 
de  la  verrerie  ne  parle  de  Louis  Lucas  de  Nehou; 
tous,  notamment  Haudicquer  de  Blancourt,,  Bosc 
d'Antic,  Allutt,  Loysel,  attribuent  à  Abraham  Thévàrt 
la  découverte  du  procédé  de  coulage. 

Quel  que  soit,  d'ailleurs,  le  nom  de  Tinventeur  de 
ce  procédé,  nul  ne  peut  contester  l'origine  toute 
française  de  cette  grande  découverte  qui,  transfor- 
mant un  objet  de  luxe  en  un  produit  de  consom- 
mation générale,  donne  à  uii  mélange  de  sable,  d'alcali 
et  de  pierre  calcaire  une  valeur  qui  dépasse  annuelle- 
ment 60  millions  de  francs. 

Avant  d'arriver  à  l'état  de  prospérité  que  possède, 
depuis  longtemps  déjà,  la  manufacture  de  Saint- 
Gobain,  celle-ci  a  traversé  nombre  d'épreuves,  a 
subi  bien  des  luttes  et  bien  des  concurrences.  Ainsi, 
dès  le  moment  de  sa  création,  la  compagnie  des 
glaces  soufflées  de  Tour-la-Ville  ne  vit  pas  sans  jalou- 
sie le  privilège  accordé  à  la  nouvelle  société;  il  s'éleva 
bientôt  des  contestations  sur  l'étendue  du  privilège 
de  chacune  d'elles,  surtout  à  cause  de  la  lacune  qui 
existait  entre  la  grandeur  de  45  pouces,  terme  des 
plus  grandes  glaces  soufflées,  et  celle  de  60  pouces 
sur  40  à  laquelle  commençait  le  privilège  des  glaces 
coulées  ;  d'ailleurs  ces  dernières,  venant  à  se  briser, 
donnaient  des  morceaux  dont  les  propriétaires  vou- 
laient profiter.  Ces  difficultés  ne  furent  terminées 
que  par  la  réunion  des  deux  établissements  rivaux, 
qui  eut  lieu  en  1695.  Dès  1691,  les  ateliers  de  coulage, 
établis  à  Paris  rue  de  Reuilly,  avaient  été  transportés 
à  Saint-Gobain,  dans  le  département  de  l'Aisne;  le 

Peligot^  Le  VetTe,  15 


226  LE    VERRE. 

travail  mécanique  de  glaces  brutes,  c'est-à-dire  le 
dégrossissage  et  le  polissage,  était  seul  conservé  à 
Paris,  On  y  soumettait  au  même  travail  les  glaces 
soufflées  de  Tour-la-Ville. 

Ces  arrangements  ne  produisirent  pas  les  effets 
qu'on  en  attendait,  et  les  affaires  des  deux  com- 
pagnies réunies  tombèrent  en  1701  dans  une  telle 
décadence,  que  les  ouvriers  se  dispersèrent  et  allèrent 
porter  à  l'étranger  l'art  de  couler  les  glaces.  On 
s'empressa  néanmoins  de  les  rappeler  en  fondant  une 
nouvelle  société,  avec  privilège  exclusif  octroyé  par 
lettres  patentes,  en  1702,  à  Antoine  Dagincourt  et  C". 
C'est  de  cette  époque  que  date  l'ère  de  prospérité, 
depuis  non  interrompue,  de  la  manufacture  de  Saint- 
Gobain. 

Néanmoins,  pendant  cinquante  ans,  la  qualité  des 
produits  de  cette  usine  laissait  beaucoup  à  désirer, 
aux  dires  de  Drolenvaux,  maître  de  la  verrerie  de 
Lettenbach,  près  Saint-Quirin,  et  de  Bosc  d'Anlic, 
auquel  on  doit  des  travaux  intéressants  sur  Tart  de 
la  verrerie,  et  qui  fonda,  il  y  a  un  siècle  environ, 
une  manufacture  de  glaces  à  Rouelles,  en  Bourgogne. 

En  1756,  Pierre  Deslandes,  directeur  de  Saint- 
Gobain,  introduisit  dans  la  fabrication  de  notables 
perfectionnements;  c'est  lui  qui  substitua  aux  soudes 
brutes  d'Alicante  le  sel  de  soude  qu'il  en  faisait  ex- 
traire, et  qui  ajouta  de  la  chaux  à  la  composition 
pour  remplacer  les  matières  terreuses  que  le  lessi- 
vage en  relirait.  Plus  lard,  des  savants  éminents. 
Clément  Desormes,  Gav-Lussac,  Pelouze,  donnèrent 

m 

successivement  à  cette  usine  leurs  conseils  )H>ur  Li 


GLACES.  227 

partie  chimique  de  la  fabrication,  habilement  dirigée 
aujourd'hui  par  MM.  Biver,  Fremy,  Chevandier  de 
Valdrôme,  etc. 

La  fabrication  des  glaces  soufflées  fut  entièrement 
abandonnée  au  commencement  de  ce  siècle;  celle 
des  produits  chimiques  fut  établie  sur  une  vaste 
échelle  à  Chauny,  près  Saint-Gobain. 

La  société  de  Saint-Gobain  sut  conserver,  pendant 
fort  longtemps,  le  monopole  de  la  fabrication  des 
glaces  en  France,  monopole  qui  n'a  cessé,  en  réalité, 
que  depuis  un  petit  nombre  d'années.  Néanmoins 
son  état  prospère  lui  suscita  à  diverses  époques  des 
concurrences  sérieuses,  notamment  celles  des  gla- 
ceries  de  Commentry  et  de  Prémontré  achetées  et 
éteintes  par  Saint-Gobain.  Au  commencement  de 
ce  siècle,  la  verrerie  de  Saint-Quirin,  après  avoir 
fait  en  France  les  premiers  verres  à  vitre  par  le  pro- 
cédé des  cylindres,  et  avoir  ajouté  à  cette  fabrication 
celle  des  glaces  soufflées  qui  lui  ressemble  beaucoup, 
entreprit,  avec  un  plein  succès;  le  coulage  des 
glaces.  Longtemps  avant  l'expiration  du  bail  emphy- 
téotique en  vertu  duquel  elle  avait  en  location,  de 
1740  à  i  840,  les  domaines  des  moines  de  Saint-Quirin, 
elle  avait  successivement  transporté  à  Cirey  la  partie 
la  plus  importante  de  sa  fabrication.  Pendant  vingt- 
cinq  ans  environ,  les  glaces  de  Saint-Gobain  et  de 
Cirey  se  firent  concurrence;  mais  en  1830,  les  deux 
compagnies  adoptèrent  pour  la  vente  de  leurs  produits 
le  môme  tarif  et  le  même  dépôt;  elle  sont  aujour- 
d'hui fusionnées.  La  glacerie  établie  en  1845  à 
Montluçon  (Allier),  a  été  également  acquise  parla 


228  L£  VERRE. 

compagnie  de  Saint-Gobain  qui  possède  aussi  une 
fabrique  de  glaces  à  Stolberg,  près  Aix-la-Chapelle, 
et  une  autre  à  Waldhof,  près  Manheim  :  ces  deux 
usines  avaient  été  fondées  dans  le  but  de  vendre 
leurs  produits  en  Allemagne  ;  elles  y  ont  actuellement 
à  lutter  dans  ce  pays  contre  trois  fabriques  nouvelle- 
ment créées  à  Walburg,  à  Gramplan  et  à  Freden  ;  mais 
la  production  de  ces  derniers  établissements  est  jus- 
qu'à présent  peu  importante. 

Il  existe,  en  outre,  en  France  trois  autres  manu- 
factures de  glaces  :  les  glaceries  de  Recquignies  et 
Jeumont  (Nord),  créées,  il  y  a  environ  quinze  ans,  par 
les  sociétés  belges  de  Sainte-Marie  d'Oignies  et  de 
Floreffe,  et  celle  de  M.  Patoux,  à  Aniche  (Nord). 

La  fabrication  des  glaces  coulées  a  pris,  en  Angle- 
terre et  en  Belgique,  un  grand  développement. 
Comme  en  France,  elle  est  concentrée  dans  un  petit 
nombre  d'usines.  11  ne  saurait  en  être  autrement,  en 
raison  des  capitaux  très-considérables  qu'exige  la 
création  d'une  fabrique  de  glaces,  et  de  l'énorme 
quantité  de  produits  qu'elle  peut  fournir  par  un 
travail  régulier  et  sans  chômage. 

L'Angleterre  est  le  pays  qui  fabrique  et  qui  con- 
somme la  plus  grande  quantité  de  glaces,  non  pas 
comme  miroirs,  car  ils  sont  encore  assez  rares, 
même  dans  les  habitations  somptueuses^  mais  pour 
les  vitrages.  L'exportation  des  glaces  anglaises  est, 
en  outre,  considérable  et  se  fait  en  concurrence 
des  glaces  françaises;  celles-ci  ont  pour  elles  la  qua- 
lité, les  autres  le  bon  marché.  On  compte  en  Angle- 
terre six  ou  sept  fabriques  de  glaces   coulées;    la 


J 


GLACES.  829 

plus  ancienne  a  été  fondée  en  1773,  à  Revenhead, 
près  Sainte-Hélène,  dans  le  Lancashire,  à  Tinslar 
de  Saint-Gobain.  Les  procédés  de  ce  dernier  établis- 
sement ont  été  d'ailleurs  suivis,  autant  qu'on  a  pu 
le  faire,  dans  toutes  les  glaceries  qui  ont  été  succes- 
sivement établies  en  France  et  à  l'étranger. 

Cette  usine  de  Revenhead  présente  cette  particu- 
larité que,  quand  elle  a  commencé  à  travailler,  les 
glaces,  qui,  dès  cette  époque,  ne  se  fabriquaient  plus 
qu'à  Saint-Gobain,  étaient  dégrossies  et  polies  à  la 
main.  En  1788,  la  compagnie  anglaise  commanda 
à  Boulton  et  Watt,  de  Birmingham,  une  machine  à 
vapeur  qui  paraît  avoir  été  la  seconde  établie  par 
ces  célèbres  constructeurs;  l'année  suivante,  le  tra- 
vail mécanique  remplaçait  le  travail  manuel. 

Il  existe  en  Belgique  quatre  manufactures  de  gla- 
ces; Sainte-Marie  d'Oignies  fondée  en  1840;  Flore ffe 
dont  la  création  remonte  à  l'année  1853  ;  Courcelles 
et  Roux,  près  Charleroi.  Cette  dernière  a  commencé 
sa  fabrication  en  1869;  elle  appartient  à  la  société 
anonyme  des   glaces    et   verreries   du   Hainaut.   A 

1     chacune  de  ces  usines  est  annexée  une  importante 
fabrique  de  produits  chimiques. 

1^  Enfin  pour  compléter  la  liste  des  glaceries  actuel- 

lement existantes,  qui  sont,  avec  celles  d'Amérique, 
au  nombre  de  vingt-huit  environ,  nous  devons  men- 
tionner les  glaces  de  la  maison  Amelung  et  fils,  à 
Dorpat  (Russie)  qui  figuraient  à  l'Exposition  univer- 
selle   de   Vienne  en   1873;    une   fabrique,    fondée 

'^''  en  1869,  par  MM.  A.  Ziegler  fils,  à  Staukau  (Bohême), 

'•1^^  existe  aussi  en  Autriche. 


ur. 


230  LE   VERRE, 

D'après  les  données  fournies  au  Conseil  supérieur 
du  commerce  à  l'occasion  de  l'enquête  relative  à 
Texéculion  du  traité  de  commerce  avec  l'Angleterre, 
la  production  des  glaces,  en  1860,  était  approximati- 
vement représentée  par  les  quantités  suivantes  : 

Mètres 
superficiels. 

France,  •  .  Cinq  fabriques.  —  Saint-Gobain  et  Cirey,  200,000 

—  —                   Montluçon 50,000 

—  —  Jeumont  et  Recquignies.  55,000 

Angleterre .    Six  fabriques 350,000 

Belgique .  .     Deux  fabriques 110,000 

Zollverein, .    Manheim 70,000 

»  

Total 835,000 

En  1867,  la  production  totale  était  de  950,000  mè- 
tres; depuis  cette  époque,  elle  a  considérablement 
augmenté;  elle  atteint  actuellement  1,500,000  mètres 
superficiels  qui,  à  raison  de  40  francs  le  mètre, 
en  moyenne,  pour  la  glace  polie,  représentent  une 
valeur  de  60  millions  de  francs;  elle  est  en  France 
de  500,000  mètres  dont  les  quatre  cinquièmes  envi- 
ron proviennent  des  usines  de  la  Compagnie  de  Saint- 
Gobain.  On  fabrique,  en  Angleterre,  500,000  mètres 
de  glaces  brutes  ou  coulées  à  la  poche  qui,  dans  ce 
pays,  reçoivent,  en  raison  de  leur  bon  marché,  des 
emplois  qui  n'existent  pas  chez  nous.  En  Belgique, 
la  production  est,  cette  année,  de  215,000  mètres. 
En  ajoutant  250,000  mètres  pour  les  autres  pays,  on 
atteint  le  chiffre  indiqué  ci-dessus  auquel  il  faudrait 
ajouter  la  production  américaine  que  nous  ne  con- 
naissons pas. 


GLACES.  231 

On  voit  que  les  glaces  polies  el  brutes  couvriraient 
aujourd'hui  une  surface  de  150  hectares.  Nous 
sommes  bien  loin  du  temps  (2  juin  1673)  où  Colbert 
écrivait,  en  refusant  les  offres  d'un  Italien  qui  pro- 
posait de  fabriquer  des  grandes  glaces  :  «  Cela  pour- 
rait faire  du  tort  aux  intéressés  et  d'ailleurs  il  n'y 
aurait  aucun  débit  de  grandes  glaces  dans  le 
royaume  ;  il  n'y  a  que  le  roi  qui  puisse  en  avoir 
besoin.  »  Leur  prix  très-élevé  en  limitait  beaucoup 
la  vente  :  dans  un  mémoire  fait  bien  plus  tard, 
en  1757,  par  divers  maîtres  de  verreries  dans  le 
but  de  s'opposer  à  une  nouvelle  prorogation  du 
privilège  de  Saint-Gobain,  on  lit  «  qu'il  est  inévi- 
table que  bientôt  tout  ce  qui  est  susceptible  de 
glaces  n'en  soit  rempli  ;  le  peu  qui  s'en  casse  suffit 
à  maintenir  le  travail  ». 

En  ce  qui  concerne  la  qualité,  on  ne  saurait  nier 
que  les  glaces  de  France  et  de  Belgique  soient  supé- 
rieures aux  autres,  notamment  aux  glaces  anglaises  ; 
aussi  les  neuf  dixièmes  des  glaces  pour  miroirs  qu'on 
consomme  en  Angleterre  viennent  de  France.  La 
différence  provient  surtout  des  matières  premières 
qu'il  est  beaucoup  plus  facile  d'obtenir  pures  ou  tout 
au  moins  exemptes  de  fer  chez  nous  que  chez  nos 
voisins  d'outre-Manche.  Les  glaces  anglaises  ont  une 
teinte  verdâtre  qui  nuit  peu  à  leur  emploi  pour  les 
vitrages,  mais  qui  ne  convient  nullement  pour  les 
glaces  destinées  à  réfléchir  les  objets. 

Glaces  soufflées.  —  Nous  avons  dit  que  la 
fabrication    des  glaces  soufflées,   façon  de  Venise, 


232  LE    VERRE. 

n'existait  plus  chez  nous  depuis  longtemps;  toutes 
les  glaces  se  font  en  France  par  le  procédé  du 
coulage. 

Néanmoins  cette  industrie,  qui  de  Venise  avait 
été  transplantée  en  Bohême  où  elle  reçut  de  grands 
perfectionnements,  se  maintint  encore  longtemps 
en  Allemagne.  Les  Bohèmes  faisaient  ainsi  et  font 
peut-être  encore  des  glaces  d*un  assez  grand  volume. 
J'ai  vu,  en  1845,  à  l'Exposition  de  Vienne  et  à  celle 
de  Londres,  en  1851,  des  glaces  soufflées  de  2'",25 
de  hauteur  sur  1"',10  de  largeur.  Pour  faire  une 
glace  de  cette  dimension,  assez  épaisse  pour  être 
polie,  il  avait  fallu  manier  et  souffler  une  masse  de 
verre  pesant  environ  50  kilogrammes.  Aussi  ce  tra- 
vail exige-t-il  des  moyens  auxiliaires  particuliers  et 
des  ouvriers  d'une  habileté  et  d'une  force  excep- 
tionnelles. Je  ne  le  décrirai  pas,  attendu  qu'il  ne 
donne  que  des  produits  d'une  qualité  très-inférieure, 
surtout  au  point  de  vue  de  la  planimétrie.  Confinées 
dans  quelques  fabriques  allemandes,  ces  glaces  ali- 
mentent une  consommation  toute  locale  et  elles  sont 
destinées  à  disparaître  devant  les  traités  de  com- 
merce et  la  concurrence  des  glaces  coulées. 

Il  existe  en  Bavière,  à  Furth,  à  Nuremberg,  etc., 
plusieurs  fabriques  de  petites  glaces  soufflées;  ce 
sont  des  feuilles  de  verre  à  vitre  assez  épaisses 
pour  être  soumises  aux  procédés  mécaniques  de 
dégrossissage  et  de  polissage.  Ces  miroirs,  dits  de 
Nuremberg,  sont,  en  général,  en  verre  bien  affiné, 
mais  d'une  teinte  assez  verte;  ils  se  vendent  à 
très-bon  marché;    on    les   désigne   en   Allemagne 


GLACES.  233 

SOUS  le  nom  Judenmasspîegel  (miroir  de  mesure  de 
Juif).  Néanmoins  la  baisse  de  prix  des  glaces  cou- 
lées rend  leur  fabrication  de  plus  en  plus  res- 
treinte. 

MM.  Chance  fabriquent  à  Birmingham  des  verres 
à  vitre  faits  par  le  procédé  des  cylindres,  mais  étendus 
avec  des  soins  particuliers;  les  feuilles  sont  dégros- 
sies et  polies  par  des  procédés  qu'ils  ont  créés  et  qui 
probablement  diffèrent  peu  de  ceux  qu'on  emploie 
pour  les  miroirs  de  Nuremberg  et  pour  les  glaces 
coulées.  Ces  verres  sont  employés  pour  les  vitrages  de 
luxe,  pour  les  encadrements,  etc.  Ce  produit,  qu'on 
connaît  en  Angleterre  sous  le  nom  de  patent  glass^ 
représente  dans  ce  pays,  d'après  M.  Boniemps,  une 
production  annuelle  de  plus  de  100,000  mètres  car- 
rés; il  n'est  pas  fabriqué  en  France,  bien  qu'il  y  soit 
recherché,  en  raison  de  sa  minceur  et  de  sa  plani- 
métrie,  parles  photographes;  les  glaces  ordinaires 
sont  généralement  trop  épaisses,  trop  lourdes  et  sur- 
tout trop  chères.  Comme  l'art  photographique  devient 
un  consommateur  important,  il  serait  à  désirer  que 
nos  fabriques  voulussent  bien  s'assurer  cette  clien- 
tèle, qui  en  est  réduite  aujourd'hui  k  faire  venir 
d'Angleterre  et  d'Allemagne  les  produits  qu'elle 
consomme. 

Fabrication  des  glaces  coulées.  —  Les  élé- 
ments du  verre  à  glace  sont  la  silice,  la  chaux  et  la 
soude.  Les  analyses  qui  suivent  montrent  que  les  pro- 
portions de  ces  éléments  peuvent  varier  dans 
d'assez  grandes  limites. 


234  LE    VERRE. 

Composition  du  verre  à  glace. 

N«  l.  N»  2.           N«  3.  NO  4.           N°  5.           Is"  fi. 

Silice 73,2  72,0  .     75,2  7û,5        75,0         71,0 

Chaux 13,6  8,5          6,9  /i,7          6,5         14,3 

Soude 12,8  19,0        17,0  19,1         18,0         12,4 

Alumine  et  oxyde 

de  fer 0,4  0,5          0,9  1,7          0,5          2,3 


100,0      100,0      100,0       100,0      100,0       100,0 

N°  1.  —  Verre  de  Saint-Gobain. 
N°  2.  —  Id.  (aucienne  fabrication). 

N»*  3  et  4.  —  Verre  à  glace  de  deux  fabriques  anglaises  ;  analyse  de  M.  Sal- 
vétat. 

N°  5.  —  Verre  de  Ravenhead  (Saînt-Hellens)  ;  analyse  de  M.  Benratb. 
N°  0.  —  Verre  d'Amelung,  de  Dorpat;  analyse  de  M.  Benratb. 

Un  miroir  de  Venise,   fait  par   le  procédé  des 
manchons,   présentait  la  composition  suivante  *  • 

Silice 68,6 

Chaux 11,0 

Soude 8,1 

Potasse 6,9 

Magnésie 2,1 

Alumine 1,2 

Oxyde  de  fer 0,2 

Oxyde  de  manganèse 0,1 


98,2 


1.  «  Ce  verre  provient  d'anciennes  glaces.  Les  opticiens  s'en  ser- 
vent pour  les  instruments  d'optique  et  prétendent  qu'il  est  préfé- 
rable au  verre  de  Saint-Gobain,  parce  qu'il  attire  moins  l'humidité. 
Vu  sur  la  tranche,  il  a  une  légère  teinte  enfumée  sans  nuance  de 
verre  ni  de  bleu.  La  silice  contient  à  peu  près  quatre  fois  autant 
d'oxygène  que  les  bases.  »  (  Berthier,  Ann.  de  chimie  et  de  phy- 
sique,  1830.) 


j 


GLACES.  235 

Les  glaces  fabriquées  depuis  une  vingtaine  d'an- 
nées avec  le  sulfate  de  soude  contiennent,  en 
outre,  une  petite  quantité  de  ce  sel  qui  n'a  pas 
été  décomposé  pendant  la  durée  de  la  fusion  du 
verre. 

Le  mélange  {composition)  qu'on  employait  il  y  a 
'quelques  années  dans  les  usines  françaises  et  étran- 
gères était  le  suivant  : 

Sable  blanc 300  parties. 

Sel  de  soude  de  85  à  90° iiO  à  120 

Pierre  calcaire 50      — 

Calcin  ougroisil  (débris  de  glaces).  .  .  300    — 

Dans  quelques  usines,  la  pierre  calcaire  est  rem- 
placée par  45  parties  de  chaux  éteinte. 

En  supposant  que  ces  matières  soient  pures,  elles 
donnent  à  très-peu  près  par  le  calcul  le  verre  ayant  la 
composition  de  l'échantillon  n°  5. 

Autrefois  la  soude  se  trouvait,  dans  le  verre  à 
glace,  en  beaucoup  plus  grande  quantité  que.  la 
chaux;  en  faisant  entrer  cette  dernière  base  en  plus 
forte  proportion,  la  qualité  du  verre  a  été  notable- 
ment améliorée;  il  est,  peut-être,  plus  difficile  à 
fondre;  mais  il  a  plus  de  dureté,  plus  d'éclat,  et  sur- 
tout il  n'a  plus  la  propriété  de  s'altérer,  de  ressxier,  de 
se  couvrir  d'efflorescence  sous  l'influence  de  l'hu- 
midité. 

Aujourd'hui  le  dosage  étant  modifié  et  le  sulfate 
de  soude  ayant  fait  place  au  sel  de  soude  dont  le 
prix  est  notablement  plus  élevé,  le  dosage  actuel. 


236.  LE    VERRE. 

autant  qu'on  peut  le  connaître  parle  calcul,  doit  être 
le  suivant: 

'   Sable 270 

Sulfate  de  soude 100 

Pierre  calcaire 100 

Charbon 6à8 

Calcln 300 

Ces  proportions  ne  peuvent  être  qu'approxima- 
tives: elles  doivent  varier  avec  la  pureté  des  matières 
premières  et  avec  Tallure  des  fours  de  fusion. 

On  ajoute  à  la  composition  une  quantité  variable 
d'oxyde  de  manganèse  et  d'acide  arsénieux. 

Le  choix  des  matières  premières  exerce  l'influence 
la  plus  directe  sur  la  qualité  des  glaces. 

Le  sable  doit  être  aussi  blanc,  aussi  exempt  que 
possible  de  produits  ferrugineux.  En  France  et  en 
Belgique,  il  vient  de  Fontainebleau  ou  des  environs 
de  Reims.  En  Angleterre,  pour  les  qualités  courantes, 
on  se  sert  des  sables  du  pays  qui  sont  Tune  des 
causes  de  la  teinte  verte  des  glaces  anglaises. 

Le  sable  est  ordinairement  lavé  et  débourbé  pour 
séparer  les  parties  argileuses,  calcaires,  ferrugi- 
neuses qu'il  renferme  ;  quelquefois  on  ajoute  à  Teau 
de  Tacide  chlorhydrique  ;  on  prolonge  le  lavage  jusqu'à 
ce  que  l'eau  entraînée  soit  bien  claire;  le  sable  est 
ensuite  parfaitement  séché. 

La  substitution  du  sulfate  de  soude  au  sel  de 
soude,  qui  remonte  à  l'année  1850  et  qu'on  doit  à 
M.  Pelouze,  a  réalisé  un  progrès  important  au  point 
de  vue  de  l'abaissement  du  prix  de  revient  ;  mais  on 


GLACES.  237 

assure,  en  Belgique,  que  la  qualité  des  glaces  n'a 
pas  gagné  à  ce  changement.  Quoi  qu'il  en  soit,  à  cet 
égard,  ce  sel  ne  peut  pas  être  employé,  comme  il 
l'est  dans  les  fabriques  de  verre  à  vitre,  sans  subir 
une  purification  préalable;  celle-ci  a  pour  objet 
d'en  écarter  aussi  complètement  que  possible  l'acide 
sulfurique  libre  et  le  fer  qu'il  contient  :  dans  ce 
but,  le  sulfate  de  soude  est  mélangé  avec  de  l'eau 
et  5  pour  100  environ  de  chaux  éteinte,  de  manière  à 
faire  une  pâte  qu'on  traite,  au  bout  de  quelques 
jours,  par  de  l'eau  chaude  dans  un  cuvier  doublé 
de  plomb  :  après  avoir  constaté,  au  moyen  du  papier 
de  tournesol,  la  neutralité  de  la  liqueur,  on  la  con- 
centre jusqu'à  30  degrés  du  pèse-sel  de  Beaumé  ; 
après  repos,  on  la  décante  et  on  l'évaporé,  en  péchant 
à  l'écumoire  les  cristaux  de  sulfate  de  soude.  Ce 
sel  est  ensuite  desséché  et  on  détermine,  par  des 
analyses  précises,  la  très-petite  proportion  de  fer 
qu'il  renferme  encore;  si  cette  proportion  dépasse 
quelques  cent  millièmes,  le  produit  n'est  employé 
que  pour  le  verre  de  qualité  inférieure. 

Les  mêmes  soins  sontprispour  le  choix  du  calcaire: 
avant  de  le  pulvériser,  on  le  concasse  et  on  en 
sépare  les  morceaux  qui  paraissent  contenir  du  fer. 
Sa  couleur  blanche  n'est  pas  toujours  un  indice  de 
pureté;  de  plus,  il  peut  être  grisâtre  sans  être  ferru- 
gineux. Les  glaceries  de  France  et  de  Belgique  font 
usage  d'un  calcaire  saccharoïde  venant  de  Montigny- 
le-Tilleul,  près  de  Charleroi,  dont  la  teinte  ardoisée 
est  due  à  des  substances  organiques. 

Ces  diverses  matières  sont  employées  sèches  et 


238  LE   VERRE. 

très-di visées  ;  pesées  à  la  bascule,  elles  sont  mélangées 
à  la  pelle,  en  y  ajoutant  la  proportion  voulue  de 
calcul  en  morceaux  lavés  et  séchés. 

Fonte  du  verre.  —  Les  fabriques  de  glaces  ont  à  leur 
disposition  de  très-vastes  locaux,  tant  pour  la  fonte, 
le  coulage  et  le  recuit  des  glaces  que  pour  leur  polis- 
sage. Elles  consomment,  en  outre,  une  quantité  con- 
sidérable de  sels  de  soude  dont  la  fabrication,  à 
Chauny,  dépendance  de  Saint-Gobain,  à  Aniche  et 
dans  les  usines  belges,  est  annexée  à  celle  des  glaces. 

Le  dessin  ci-joint  donne  la  disposition  générale 
de  la  halle.  C'est  un  très-vaste  hangar,  contenant  les 
fours  de  fusion,  l'outillage  pour  le  coulage  et  les 
carcaises  ou  fours  à  recuire  les  glaces. 

La  forme  et  les  dispositions  des  fours  de  fusion 
ont  beaucoup  varié;  pendant  cent  cinquante  ans,  le 
verre  fondu  dans  un  pot  était  transvasé  au  moyen 
d'une  poche  en  cuivre  dans  un  autre  pot  ou  cuvette; 
c'est  vers  1850  que  le  tréjètage  a  été  supprimé.  Aujour- 
d'hui on  enfourne,  on  fond  et  on  affine  dans  la 
même  cuvette. 

Les  glaceries  de  Saint-Gobain  et  de  Cirey  doivent 
leur  origine  aux  vastes  forêts  qui  les  environnent  et 
qui  leur  a  longtemps  fourni  le  combustible  végétal, 
le  bois,  dont  elles  faisaient  usage  ;  aujourd'hui  elles 
emploient  exclusivement  la  houille,  ainsi  que  toutes 
les  autres  fabriques  de  glaces. 

11  y  a  peu  d'années,  une  des  formes  des  fours  à 
glaces,  lesquels  étaient  ronds,  ovales  ou  rectangu- 
laires, était  représentée  par  le  dessin  ci- contre,  qui 


240  LE    VERRE. 

est  emprunté  à  une  intéressante  publication  de 
M.  Valerio,  ancien  directeur  de  la  glacerie  d'Aix-la- 
Chapelle  ^ .  Aujourd'hui,  dans  presque  toutesles  usines, 
ces  fours  sont  remplacés  par  les  fours  du  système 
Siemens  ou  du  système  Boétius;  on  a  réalisé,  par 
l'emploi  de  ces  nouveaux  appareils,  une  notable 
économie  de  combustible.  En  dehors  des  disposi- 
tions adoptées  pour  les  fours  de  fusion,  la  con- 
struction et  la  manœuvre  des  appareils  sont  res- 
tées les  mêmes.  Nous  décrirons  d'abord  l'ancien 
four,  avant  de  parler  de  ceux  qui  l'ont  remplacé. 

Le  four  de  fusion  à  douze  cuvettes,  représenté 
par  le  dessin,  est  elliptique  et  de  système  belge. 

La  grille,  dont  la  largeur  est  de  0*",60,  occupe 
toute  la  longueur  du  four,  soit  5",30.  Autour  de  la 
grille,  règne  symétriquement  une  banquette  ou  siège 
sur  laquelle  sont  placés  les  pots  ou  cuvettes  renfer- 
mant les  matières  à  fondre. 

Douze  ouvreaux,  dont  le  seuil  est  au  niveau  de  la 
banquette,  servent  à  introduire  et  à  sortir  les  pots. 
Ils  sont  fermés  avec  une  grande  brique  qu'on  nomme 
tuile  d'ouvreau.  Au-dessus  de  ces  portes  sont  des 
ouvertures  plus  petites,  qu'on  ferme  avec  des  pla- 
ques en  terre  réfractaire. percées  de  plusieurs  trous, 
ce  sont  les  pigeonniers.  En  enlevant  ces  plaques, 
les  ouvriers  introduisent  la  composition  dans  les 
pots,  au  moyen  de  pelles  ayant  la  forme  de  boîtes 
carrées  fixées  à  l'extrémité  d'un  long  manche.  Les 

1.  Industrie  des  glaces  j  par  M.  Valerio.  Revue  vniverselle  des 
mines,  de  la  métallurgie ,  etc.,  dirigée  par  M.  de  Cuyper,  livraîsoDs 
de  juillet  1857  et  de  janvier  1859. 


GLACES.  Uh 

trous  du  pigeonnier  permettent  de  juger  de  la  tem- 
pérature du  four;  ils  sont  bouchés  avec  de  la  terre 
pendant  une  partie  du  temps  nécessaire  à  la  fonte. 

La  grille  est  découverte  sur  les  deux  tiers  envi- 
ron de  sa  longueur;  à  ses  extrémités,  elle  passe  sous 
une  tonnelle  ou  voûte  pratiquée  dans  le  massif  du 
siège.  Au-dessous  se  trouve  une  voûte  circulaire  ou 
rond-pointy  à  laquelle  viennent  aboutir  quatre  gale- 
ries qui  se  coupent  à  angle  droit,  pour  amener  Tair 
nécessaire  à  la  combustion. 

Des  escaliers  conduisent  de  la  halle  au  rond- 
point,  où  l'ouvrier  tiseur  doit  souvent  descendre 
pour  piquer  son  feu.  Le  sol  autour  du  four  est 
formé  de  dalles  en  fonte,  afin  d'avoir  une  aire  unie 
et  résistante  pour  la  manœuvre  des  cuvettes. 

Toutes  les  briques  ou  pièces  de  l'intérieur  du 
four  sont  en  matériaux  aussi  réfractaires  que  possi- 
ble. On  le  construit  ordinairement  en  briques  crues, 
c'est-à-dire  qui  ne  reçoivent  la  cuisson  que  par  la 
mise  en  feu  du  four.  Le  siège  est  d'un  seul  morceau  ; 
il  est  fait  avec  un  mélange,  dans  les  proportions 
convenables,  de  terre  crue  pulvérisée  et  de  terre 
calcinée  en  gros  grains.  Ce  mélange,  légèrement 
humecté  d'eau,  est  énergiquement  pilonné  avec  des 
dames  en  bois;  le  battage  peut  seul  relier  entre  elles 
toutes  les  parties  qu'on  ajoute  par  couches  super- 
posées et  leur  donner  de  l'homogénéité.  A  mesure 
que  le  siège  se  monte,  on  fait  suivre  une  corde  de 
chanvre  arrêtée  à  un  de  ses  bouts  et  servant  de 
guide  au  travail  ;  on  la  laisse  emprisonnée  dans  la 
masse.  Quand  le  four  est  achevé,  on  y  fait  un  feu 

Peligot,  Le  Verre,  16 


242  LE  VERRE. 

très-doux pendantles  premières  semaines;  autrement 
le  siège,  fait  d'ailleurs  avec  de  bons  matériaux,  serait 
promptement  détruit.  Lorsque  la  chaleur  pénètre 
dans  la  masse,  les  cordes  brûlent  en  laissant  des 
vides  qui  facilitent  le  dégagement  de  l'humidité. 

Quand  le  four  est  en  activité,  la  flamme  monte  à 
la  voûte  du  four,  circule  autour  des  cuvettes  et  s'é- 
chappe dans  les  petites  cheminées,  pratiquées  dans 
les  pieds-droits  du  four,  pour  se  rendre  dans  une 
grande  cheminée  centrale  en  tôle  (fig.  41,  A),  munie 
d'une  hotte  qui  recouvre  tout  le  four  et  entraîne  au 
dehors  les  produits  de  la  combustion. 

Enfin,  dans  quelques  fours,  une  sorte  de  chemise 
composée  de  douze  rideaux  en  tôle,  tournant  sur 
charnières,  ferme  l'espace  compris  entre  le  dessous 
de  la  hotte  et  la  partie  supérieure  des  ouvreaux,  de 
sorte  que  les  pigeonniers  sont  masqués  par  ces 
rideaux,  et  que  l'air  froid  n'afflue  pas  sous  la  hotte. 
A  FlorefTe,  ces  rideaux  descendaient  jusqu'au  sol  de 
la  halle  ;  le  tirage  était  tellement  actif  qu'on  pou- 
vait s'enfermer  sous  cette'  chemise  sans  ressentir 
une  trop  forte  chaleur. 

Le  four  est  placé  dans  l'axe  d'une  halle  de 
26  mètres  de  largeur  qui  contient  quatre  fours 
espacés  de  16  mètres,  de  centre  à  centre  ;  de  cha- 
que côté  des  fours,  et  parallèlement  au  grand  axe 
de  la  halle,  sont  placés  symétriquement  les  fours  à 
recuire  les  glaces  ou  carcaises^  B. 

De  distance  en  distance,  à  la  place  d'une  car- 
caise  se  trouvent  des  fours  à  cuire  les  cuvettes  et 
les  briques. 


i 


GLACES.  243 

La  table  à  couler,  C,  se  meut  sur  des  galets  et 
des  rails  en  fer;  à  l'un  de  ses  bouts  se  trouve  la 
grue  mobile,  D,  destinée  à  manœuvrer  les  cuvettes. 

Depuis  une  dizaine  d'années,  les  anciens  fours  à 
grille  sont  remplacés  par  des  fours  du  système 
Siemens,  ou  du  système  Boétius.  Les  fours  Sie- 
mens sont  placés  aux  extrémités  de  la  halJe  dont  la 
largeur  se  trouve  notablement  diminuée:  ils  con- 
tiennent 8,  12,  16,  24  cuvettes;  leur  forme  est  rec- 
tangulaire, en  forme  de  berceau.  Deux  rangées  de 
piliers  en  grosses  briques  réfrac  tairés  supportent 
la  voûte  :  ces  piliers  sont  assez  écartés  pour  permettre 
rentrée  et  la  sortie  des  cuvettes. 

La  voûte  est  construite  en  briques  très-siliceuses 
et  la  sole,  formée  de  dalles  en  terre  réfractaire,  repose 
sur  des  canaux,  avec  circulation  d'air  pour  la  ra- 
fraîchir. Des  ouvertures  ménagées  à  ses  extrémités 
servent  à  l'entrée  des  gaz  et  de  l'air  chauffés  dans 
les  régénérateurs  et  à  la  sortie  des  produits  de  la 
combustion.  Dans  quelques  fours,  une  ouverture  est 
percée  au  centre,  pour  laisser  écouler  le  verre 
liquide  qui  déborde  des  cuvettes  pendant  la  fonte  ; 
mais  cette  ouverture  s'agrandit,  détériore  le  massif 
et  permet  l'introduction  de  courants  d'air  froid 
qui  compromettent  la  durée  des  cuvettes  :  aussi 
dans  beaucoup  de  glaceries,  le  verre  s'écoule  par 
les  portes  d'entrée.  Celles-ci,  au  nombre  de  6  pour 
un  four  à  12  cuvettes,  s'ouvrent  et  se  ferment  au 
moyen  de  chaînes  et  de  cabestans . 

La  construction  du   four  doit  être  très-solide; 


2i4  LE    VERRE. 

SOUS  la  soie  se  trouvent  les  chambres  des  quatre  ré- 
générateurs qui  s'enfoncent  en  contre-bas  à  4  mètres 
de  profondeur;  ces  caves  sont  remplies,  aux  à/S""' 
de  leur  hauteur,  de  briques  réfractairés  à  claire- 
voie,  empilées  de  manière  à  permettre  la  circulation 
de  l'air,  des  gaz  et  des  produits  de  la  combustion. 
Ces  briques  doivent  être  remplacées  tous  les  six  mois; 
la  partie  supérieure  en  est  fondue  et  vitrifiée  et  la 
partie  inférieure  est  remplie  de  poussières  entraî- 
nées par  les  gaz. 

Nous  avons  donné  (pages  108  et  suivantes)  les 
dispositions  d'un  four  Siemens,  avec  creusets  cou- 
verts pour  la  fonte  du  cristal  :  elles  sont  les  mêmes 


pour  les  glaceries,  sauf  celles  qui  concernent  les  pots 
servant  à  la  fonte  et  à  la  manœuvre  du  verre  :  le  plan 
ci-dessus  est  celui  d'un  four  à  glace  du  système 
Boétius  à  ik  cuvettes;  la  flamme  des  générateurs  se 
dégage  par  les  ouvertures  C  ;  les  plaques  B  sont  mo- 
biles pour  la  sortie  et  l'entrée  des  cuvettes  A. 

La  durée  d'un  four  Siemens  est,  en  moyenne  de 
six  mois,  au  bout  desquels  il  faut  tout  renouveler. 


GLACES.  245 

à  Texception  des  murs  des  cages,  des  gazogènes  et 
des  conduits  ou  siphons. 

Dans  le  but  d'apprécier  les  degrés  de  chaleur  qui 
conviennent  aux  différentes  phases  de  la  fusion,  M.  F. 
Del  Marmol,  auquel  nous  avons  fait  de  nombreux 
emprunts  en  ce  qui  concerne  l'état  actuel  de  la  fa- 
brication des  glaces,  fait  usage  d'un  photomètre  d'une 
construction  assezsimple,  qui  est,  en  même  temps,  une 
sorte  de  pyromètre.  C'est  un  assortiment  d'une  qua- 
rantaine de  lames  superposées  en  verre  bleu,  de 
même  teinte,  mobiles  autour  d'un  axe.  £n  fixant 
un  point  lumineux,  on  arrive  à  éteindre  la  lumière 
par  l'interposition  d'un  nombre  variable  de  ces 
verres  :  on  peut  ainsi  apprécier  l'intensité  de  la 
lumière  et  même  le  degré  de  la  chaleur  d'un  four 
lorsque  l'observation  est  faite  sur  les  mêmes  sub- 
stances soumises  à  des  températures  lumineuses  ^ 

Les  cuvettes  sont,  suivant  les  usines,  tantôt  à  sec- 
tion rectangulaire  avec  les  angles  arrondis,  tantôt 
rondes  ou  ovales.  Les  dernières  paraissent  devoir 
être  préférées,  parce  qu'elles  occupent  moins  de 
place  dans  le  four.  Elles  ont  de  75  centimètres  à 
1  mètre  de  hauteur  ;  leur  épaisseur  est  de  6  à  7  cen- 
timètres pour  les  côtés  et  de  10  centimètres  pour  le 
fond.  Elles  contiennent  de  300  à  500  kilogrammes 
de  verre  fondu.  Elles  portent  à  la  ceinture,  sur  leur 
pourtour  extérieur,  vers  le  milieu  de  la  hauteur,  une 
rainure  creuse  qui  permet  de  les  saisir  fortement  avec 

^,  De  tétat  actuel  de  la  fabrication  des  glaces,  par  M.  Del  Mar- 
mol.  —  Revue  universelle  des  mines,  de  la  métallurgie,  etc.,  de 
M.  de  Cuyper,  a™»  semestre.  1 875. 


i46  LE    VERRE. 

les  tenailles  (fig.  &1,  F).  Leur  confection  est  la  même 
que  celle  des  pots  ordinaires  de  verrerie  ;  la  façon 
doit  en  être  aussi  soignée  que  possible,  car  elles  sont 
exposées  à  plus  de  fatigue.  Lorsque  leur  fabrica- 
tion est  terminée,  on  les  sèche  à  Tétuve  pendant 
quatre  à  six  mois;  on  les  cuit  dans  un  four  spécial, 
qui  en  renferme  toujours  cinq  à  six,  et  on  les  intro- 
duit déjà  rouges  dans  le  four  de  fusion.  Une  cuvette 
de  bonne  qualité  fournit,  en  moyenne,  25  à  30  coulées. 

Fours  à  recuire  ou  carcaises.  —  La  carcaise  est  un 
four  à  voûte  surbaissée  recouvrant  une  sole  ré- 
fractaire  formée  par  des  briques  mobiles  dans  une 
couche  de  sable  ;  un  massif  en  maçonnerie  supporte 
ce  pavement,  dont  la  construction  exige  des  soins 
particuliers  :  les  briques,  bien  dressées  sur  toutes 
leurs  faces,  sont  placées  de  champ,  reposant  sur  une 
couche  de  sable  tamisé,  d'un  grain  uniforme  et  bien 
sec  ;  elles  sont  juxtaposées,  sans  ciment,  toutes  les 
parties  de  la  sole  devant  se  dilater  librement  :  le 
dresseur  de  carcaises  vérifie  souvent,  au  moyen 
d'une  longue  règle  et  d'un  niveau,  la  sole  de  ces 
fours  qui  doit  être  parfaitement  plane. 

Deux  foyers,  quelquefois  un  seul,  chauffent  la  car* 
caise  à  l'arrière  ;  un  autre,  qu'on  a  supprimé  aujour- 
d'hui dans  plusieurs  glaceries  belges,  la  chauffe  à 
l'avant.  Une  large  ouverture  met  la  sole  au  niveau 
soit  de  la  table  à  couler,  pour  entrer  les  glaces,  soit 
de  la  table  mobile  en  bois,  pour  les  défourner  lors- 
qu'elles sont  recuites. 

Autrefois  les  carcaises  étaient  fort  grandes  :  elles 


GLACES.  i47 

avaient  jusqu'à  80  mètres  cairés;  elles  recevaient  six 
à  dix  glaces;  cette  superficie  a  élé  réduite  de  moitié 
environ  :  elles  ne  contiennent  plus  que  deux  à  quatre 
glaces. 

Deux  conditions  sont  à  remplir  dans  la  eonstrue» 
tien  de  ces  fours  :  le  refroidissement  doit  être  rapide; 
la  casse  doit  être  évitée. 

Pour  hâter  le  refroidissement,  on  a  remplacé  le 
massif  sous  la  sole  par  des  murs  reliés  entre  eux 
par  des  voûtes  ;  ou  bien  on  a  intercalé,  entre  ce 
massif  et  le  pavement,  des  tuyaux  en  terre  réfrac- 
taire  traversés  par  un  courant  d'air  froid;  le  re- 
froidissement, qui  se  faisait  en  quatre  à  cinq  jours, 
a  lieu  en  quarante-huit  heures. 

Quant  â  la  casse,  on  Tévite  surtout,  d*aprëâ 
M.  Del  Marmol,  en  ayant  un  nombre  suffisant  de 
carcaises  à  une  seule  glace,  d'une  superficie  de 
35  mètres  seulement;  on  obtient  en  môme  temps, 
par  l'adoption  de  ce  mode  de  travail,  un  surcroît  do 
production;  en  effet,  un  four  à  12  cuvettes,  qui 
donnait  2,800  mètres  de  glaces  coulées  par  mois, 
en  fournit  /i,000  et  même  /i,200,  avec  le  système  de 
carcaises  à  une  seule  glace.  La  production  est  aug- 
mentée d'un  tiers  environ,  tandis  que  la  main-d'œuvre 
est  restée  la  même  et  que  la  consommation  du  com- 
bustible ne  s'est  accrue  que  dans  la  proportion 
eugée  par  la  fusion  d'une  plus  grande  quantité 
de  verre.  Avec  un  nombre  suffisant  de  carcaises,  la 
production  serait  normalement  de  &,«300  mètres  par 
mois,  soit  plus  de  50,000  mètres  par  an  pour  un  four 
à  12  cuvettes. 


248  LE  VERRE. 

Malgré  les  améliorations  apportées  dans  la  cons- 
truction de  ces  fours  à  recuire,  de  grands  progrès 
sont  encore  à  réaliser  pour  cette  partie  du  travail 
des  glaces.  On  a  essayé  sans  grand  succès  divers 
systèmes,  notamment  le  chauffage  au  moyen  des 
gaz  des  fours  Siemens  ou  autres.  Il  est  néanmoins 
permis  de  penser  que  pour  les  petites  glaces  et  pour 
celles  de  dimension  moyenne,  des  fours  dont  la 
plate-forme  serait  mobile,  construits  d'après  les 
principes  des  fours  Bièvez,  pourraient  fonctionner  en 
abrégeant  beaucoup  la  durée  du  recuit;  il  parait 
établi,  en  effet,  que  par  le  refroidissement  simultané 

4 

des  deux  côtés  du  verre,  le  recuit  se  fait  d'une  façon 
beaucoup  plus  sûre  et  plus  rapide.  Mais  des  ten- 
tatives de  ce  genre  sont  fort  coûteuses  et  on  conçoit 
qu'elles  n'aient  pas  encore  été  faites. 

Supposons  qu'une  coulée  vient  d'être  faite;  le 
four  de  fusion  est  garni  de  ses  cuvettes  vides, 
qu'on  vient  de  replacer  successivement  sur  leur 
siège.  Le  tiseur  réchauffe  son  four.  Quelques  heures 
après,  on  enfourne  une  partie  de  la  composition 
de  manière  à  remplir  les  cuvettes.  La  matière,  en 
fondant,  prend  un  retrait  considérable,  et  bientôt  elle 
n'offre  plus  que  le  tiers  ou  le  quart  de  son  volume 
primitif.  Trois  heures  après,  on  fait  un  deuxième 
enfournement,  puis  un  troisième,  après  un  même 
laps  de  temps.  Si  la  fonte  ne  se  fait  pas  également 
bien  dans  toutes  les  cuvettes,  le  tiseur  s'en  aperçoit 
et  fait  mettre  quelques  pelletées  de  calcin  dans  le  pot 
qui  se  trouve  en  retard. 


GLACES.  249 

Sept  à  huit  heures  après,  le  verre  est  fondu;  mais  il 
st  rerapJi  de  bulles,  qu'un  feu  violent  et  soutenu  doit 
aire  disparaître;  ces  bulles  se  produisent  en  abon- 
dance au  moment  de  la  formation  du  verre;  elles 
reparaissent  plus  tard,  d'après  un  travail  récent  de 
M.  Fremy,  par  suite  de  l'action  du  charbon  et  du 
sulfure  de  sodium  sur  le  sulfate  de  soude.  C'est  le 
pint  que  l'on  détruit  surtout  par  l'emploi  des  bû- 
chettes qu'on  met  en  contact  avec  la  masse  vitreuse, 
Vaffinage  dure  cinq  à  six  heures. 

Au  bout  de  ce  temps,  le  verre  a  pris  une  trans- 
parence complète  :  seulement  il  est  trop  chaud,  trop 
liquide  pour  être  coulé.  Il  faut  le  laisser  reposer 
pendant  quelques  heures  dans  les  cuvettes,  en  modé- 
rant la  température,  dans  le  but  de  lui  donner  un 
état  convenablement  pâteux;  cette  phase  de  la  fonte 
est  ce  qu'on  nomme  faire  la  braise. 

En  somme,  la  fusion  des  matières,  Vaffinage,  la(  braise 
durent  vingt-quatre  heures.  On  coule,  par  exemple, 
tous  les  matins,  de  six  heures  à  sept  heures.  Dans 
quelques  établissements,  la  coulée  se  fait  au  bout 
de  dix-huit  à  vingt  heures. 

Pour  les  glaces  de  qualité  inférieure,  qu'on  emploie 
à  l'état  brut  pour  couvertures,  cloisons,  etc.,  glaces 
dont  la  consommation,  considérable  en  Angleterre, 
est  à  peine  connue  chez  nous,  la  fonte  peut  être 
plus  rapide,  et  la  coulée  se  faire  toutes  les  quatorze 
heures.  On  obtient  ainsi,  avec  des  frais  généraux 
qui  restent  les  mêmes,  une  quantité  beaucoup  plus 
considérable  de  produits.  La  difficulté  la  plus 
sérieuse  que  les  glaceries   aient  à  surmonter  est, 


25«  LE    VERRE. 

avec  les  prix  actuels*  de  trouver  pour  leurs  pro- 
duits de  nouveaux  consommateurs.  Quelquefois 
elles  ont  été  réduites,  pendant  une  partie  de 
l'année,  à  un  chômage  désastreux  dû  à  la  rapidité 
de  leur  travail  et  à  l'encombrement  de  leurs  ma- 
gasins. 

La  consommation  d'un  four  ordinaire  est  de  5^000 
à  7,000  kilogrammes  de  houille  par  coulée  ;  un  four 
â  douze  cuvettes  peut  fournir  80  à  100  mètres 
superficiels  de  glaces  de  10  millimètres  d'épaisseur, 
pesant  25  kilogr.  le  mètre  carré,  soit  2,000  à 
2,500  kilogr. 

Les  résultats  suivants,  qui  m'ont  été  communiqués 
par  M.  Henroz,  l'habile  directeur  de  la  glacerîe  de 
Floreffe,  donnent  une  idée  précise  de  cette  partie  du 
travail. 

Un  four  ancien  à  douze  cuvettes  consomme  par 
vingt-quatre  heures  6,650  à  6,700  kilogr.  de  charbon 
demi-gras  deCharleroi.  (Un  four  du  système  Siemens 
réalise  sur  le  combustible  une  économie  de  35  à 
liO  Vo.) 

Les  douze  cuvettes  ont  reçu  i!i,36â  kilogr.  de  com- 
pasition,  qui  ont  donné  : 

Kilogr. 

Glaces  équarries  ou  représentées  en  groisil %ih2 

Pertes  à  la  fusion  et  têtes  de  glaces M3 

Curage  des  cuvettes  à  la  coulée , 500 

Écrémage  du  verre 345 

Verre  ééparé  avec  les  mains  en  cuivre.  Lèche-frite.   .  245 

Groisil  sale • 24 

3,699 


GLACES.  154 

soit  664  kilogr.  ou  15,2  pour  100  perdus  par  volati- 
lisation et  par  débordement  du  verre. 

Les  2,142  kilogr.  de  glaces  équarries  ou  repré- 
sentées en  groisil  équivalent  aux  49  centièmes  de  la 
composition  introduite  dans  les  creusets. 

Coulée.  —  La  coulée  des  glaces  est  Tune  des  opéra- 
tions industrielles  lés  plus  hardies,  les  plus  curieuses 
qu'on  puisse  voir.  Elle  exige  beaucoup  d'ensemble  et 
de  promptitude.  En  moins  d'une  heure,  il  faut  couler 
douze  glaces,  ayant  chacune,  en  moyenne,  de  6  à 
8  mètres  superficiels,  les  enfourner  dans  les  carcaises 
et  rentrer  les  cuvettes  dans  le  four.  M.  Valerio  com- 
pare cette  opération  à  la  manœuvre  d'une  pièce 
d'artillerie,  près  de  laquelle  chaque  homme  est  à  son 
poste,  attentif  au  commandement  du  chef. 

Des  ouvriers  enlèvent  vivement,  avec  une  longue 
fourche  montée  sur  roues,  la  tuile  d'ouvreau  qui 
masque  le  creuset  en  introduisant  les  extrémités  de 
la  fourche  dans  les  deux  trous  pratiqués  dans  cette 
tuile  ;  ils  la  déposent  contre  la  paroi  extérieure  du 
four.  Dans  les  fours  nouveaux,  elle  est  soulevée  et 
maintenue  en  l'air  par  des  chaînes  et  un  cabestan. 
La  cuvette  est  aussitôt  saisie  à  la  ceinture  avec  une 
grande  tenaille  montée  sur  roues  ;  on  pèse  sur  elle 
et  on  l'enlève  pour  la  poser  sur  un  petit  chariot 
en  fer  qu'on  traîne  au  pas  de  course  au  pied  de  la 
grue  ou  potence.  On  écréme  le  verre.  Cette  opération 
consiste  à  enlever,  au  moyen  d'instruments  plats  ou 
recourbés  qu'on  nomme  sabres^  grappins^  etc.,  les 
impuretés  qui  se  trouvent  à  la  surface  du  verre. 


252  LE    VERRE. 

Une  tenaille  terminée  par  deux  longues  bran- 
ches saisit  la  cuvette  à  sa  ceinture  ;  elle  est  sus- 
pendue par  des  chaînes  en  fer  qui  passent  sur  une 
poulie  située  au  haut  d'une  grue  mobile  et  qui  s'en- 
roulent sur  un  tambour  placé  à  la  partie  inférieure 
de  cette  machine.  On  nettoie  la  cuvette  à  Texlé- 
rieur  afin  qu'aucune  ordure  ne  puisse  tomber  sur 
la  table. 

Au-dessous  de  la  cuvette  ainsi  suspendue 
(fig.  &1,  E)  se  trouve  la  table  en  fonte  C  sur 
laquelle  le  verre  va  s'étaler.  Elle  a  6  à  7  mètres  de 
longueur  sur  k  de  largeur  et  0'",20  d'épaisseur;  elle 
pèse  35  à  /iO.OOO  kilog.  ;  reposant  sur  des  galets, 
elle  peut  être  mise  en  mouvement  et  transportée 
d'une  carcaise  à  l'autre.  Elle  est  chaude  et  elle  vient 
d'être  nettoyée  ;  elle  est  munie  de  chaque  côté,  dans 
le  sens  de  sa  longueur,  des*  tringles  mobiles 
qui  doivent  donner  à  la  glace  son  épaisseur  et  sa 
largeur  :  sur  ces  tringles  repose  le  rouleau  en  fonte 
servant  à  laminer  le  verre.  Ce  rouleau  pèse  3,500  kilo- 
grammes. Dans  plusieurs  glaceries,  pendant  le  la- 
minage, il  est  suivi,  pendant  sa  marche,  d'un 
deuxième  rouleau  du  poids  de  300  kilog.  qui  donne 
à  la  glace  une  surface  plus  lisse. 

Enfin  la  carcaise,  située  à  l'un  des  bouts  de  la 
table  et  au  même  niveau,  esta  la  température  voulue 
pour  recevoir  les  glaces  qu'on  va  couler  :  on  a  passé 
sur  sa  sole  un  grand  râble  en  bois  pour  la  nettoyer 
et  pour  égaliser  le  peu  de  sable  qu'on  y  a  répandu 
dans  le  but  de  faciliter  le  glissement  des  glaces. 

Tous  ces  préparatifs  étant  faits,  la  cuvette,  sou- 


254  LE    VERRE. 

levée  à  un  mètre  environ  au-dessus  de  la  table, 
reçoit  un  mouvement  de  bascule  qui  renverse  le 
verre  le  long  du  rouleau.  La  masse  vitreuse  s'écoule 
comme  un  flot  de  lave  incandescente.  On  relève  aussi- 
tôt la  cuvette  et  on  Técarte  en  y  laissant  une  certaine 
quantité  de  verre  qui,  ordinairement,  est  impur.  Le 
rouleau  est  immédiatement  mis  en  jeu  ;  guidé  sur  les 
tringles,  il  parcourt  la  table  d'une  extrémité  à  l'autre 
en  étendant  uniformément  le  verre.  Il  vient  tomber 
en  contre-bas  sur  un  chariot  mobile  disposé  pour  le 
recevoir  à  la  fin  de  sa  course. 

Deux  mains  en  cuivre,  manœuvrées  par  deux 
ouvriers  et  placées  près  des  tringles,  suivent  le 
mouvement  du  rouleau,  maintiennent  le  verre  et 
l'empêchent  de  déverser.  Une  glace  qui  présente 
des  bavures  est  une  glace  perdue,  qui  casse  infailli- 
blement pendant  qu'on  la  recuit  dans  la  carcaise. 

La  glace,  coulée  et  suffisamment  défroidie,  est, 
au  moyen  d'une  large  pelle  en  équerre,  poussée 
encore  rouge  et  à  peine  rigide  dans  la  carcaise*. 

1.  M.  Augustin  Cocliin  décrit  cette  opération  dans  les  termes 
suivants  : 

«  Quand  on  entre  pour  la  première  fois  la  nuit  dans  une  des 
vastes  salles  de  Saînt-Gobain,  les  fours  sont  fermés  et  le  bruit  sourd 
d'un  feu  violent  mais  captif  interrompt  seul  le  silence.  De  temps  en 
temps,  un  verrier  ouvre  le  pigeonnier  du  four  pour  regarder  dans 
la  fournaise  Tétat  du  mélange  -.  de  longues  flammes  bleuâtres  éclai- 
rent alors  les  murailles  des  carcaises,  les  charpentes  noircies,  les 
lourdes  tables  à  laminer  et  les  matelas  sur  lesquels  des  ouvriers 
demi-nus  dorment  tranquillement. 

«  Tout  à  coup  rheure  sonne;  on  bat  la  générale  sur  les  dalles  de 
fonte   qui  entourent  le  four  ;   le  sifflet  du  chef  de  halle  se  fait 


GLACES.  255 

Pendant  que  ces  op^ations  s'exécutent,  des  ou- 
vriers ont  ramené  dans  le  four  la  cuvette  vidée.  On 
a  préalablement  projeté  sur  remplacement  qu'elle  doit 
y  occuper  du  charbon  menu,  afin  d'empêcher,  dans 
les  fontes  suivantes,  l'adhérence  de  la  cuvette  avec  le 
siège,  par  suite  du  verre  répandu  qui  peut  s'y  trou- 
ver. On  a  aussi  jeté  dans  des  baquets  remplis  d'eau 
froide  tout  le  verre  provenant  de  l'écrémage,  des 
fonds  des  pots,  etc.  ;  on  lave  ce  verre  et  on  en  fait  un 
triage  pour  l'employer  comme  calcin  dans  les  opé- 
rations suivantes. 

Dans  l'opération  du  coulage  que  nous  venons  de 
décrire  (fig.  43),  on  a  vu  que  le  verre  est  versé  sur 
le  bout  de  la  table  le  plus  éloigné  de  la  carcaise. 

Ce  mode  de  coulage,  qu'on  pratique  dans  la  plu- 

entendre  et  trente  hommes  vigoureux  se  lèvent.  La  manœuvre  com- 
mence avec  l'activité  et  la  précision  d'une  manœuvre  d'artillerie. 
Les  fourneaux  sont  ouverts,  les  vases  incandescents  sont  saisis, 
tirés,  élevés  en  l'air,  à  l'aide  de  moyens  mécaniques  ;  ils  mar- 
chent comme  un  globe  de  feu  suspendu,  le  long  de  la  charpente, 
s'arrêtent  et  descendent  au-dessus  de  la  vaste  table  de  fonte 
placée  avec  son  rouleau  devant  la  gueule  béante  de  la  carcaise. 
Le  signal  donné,  le  vase  s'incline  brusquement,  la  belle  liqueur 
d'opale,  brillante,  transparente  et  onctueuse,  tombe,  s'étend 
comme  une  cire  ductile  et,  à  un  second  jsîgnal,  le  rouleau  passe 
sur  le  verre  rouge  ;  le  regardeuVj  les  yeux  fixés  sur  la  substance  ei^ 
feu,  écréme  d'une  main  agile  et  hardie  les  défauts  apparents;  puis 
le  rouleau  tombe  ou  s'enlève  et  vingt  ouvriers  munis  de  longues 
pelles  poussent  vivement  la  glace  dans  la  cartaise  où  elle  va  se 
recuire  et  se  refroidir  lentement.  On  retourne,  on  recommence 
sans  désordre,  sans  bruit,  sans  repos  :  la  coulée  dure  une  heure  ; 
les  vases  à  peine  replacés  sont  regarnis  ;  les  fours  sont  refermés, 
les  ténèbres  retombent  et  l'on  n'entend  plus  que  le  bruit  continu  du. 
feu  qui  prépare  de  nouveaux  travaux.  » 


1t6  L£   VERRE. 

part  des  usines  françaises,  est  plus  rationnel  que  le 
coulage  en  tête  qu'on  pratique  dans  d'autres  glaceries, 
dans  lesquelles  la  cuvette  est  au-dessus  du  bout  de 
la  table  le  plus  rapproché  de  la  carcaise,  le  rouleau 
cheminant  versle  grand  axe  de  la  halle  en  étalant  le 
verre.  De  cette  façon,  la  partie  de  la  glace  par 
laquelle  on  la  pousse  dans  la  carcaise,  ayant  été 
laminée  la  dernière,  n'est  pas  suffisamment  solide 
pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  d'y  faire  un  épais 
bourrelet,  une  tête^  sur  laquelle  on  appuie  pour 
enfourner  la  glace.  Ce  bourrelet  entraine  une  perte 
notable  de  temps  et  de  matière  et  détermine  souvent 
la  rupture  des  glaces,  à  cause  de  la  difficulté  qu'on 
éprouve  à  bien  recuire  du  verre  aussi  épais.  En  outre, 
par  le  coulage  à  l'opposé  de  la  carcaise,  on  risque 
moins  de  déformer  la  glace  et  de  la  plisser  en  l'en- 
fournant. 

Enfin,  pour  compléter  la  description  du  coulage 
des  glaces,  j'ajouterai  que,  dans  les  usines  françaises, 
trois  chemins  de  fer  parallèles  servent  à  manœuvrer 
la  table  à  couler,  le  chariot  portant  le  rouleau  et  la 
grue.  Aux  deux  extrémités  de  l'axe  du  rouleau  sont 
attachées  des  chaînes   qui   viennent  s'enrouler  sur 
un  tambour  placé  à  la  partie  inférieure  de  son  cha- 
riot. Le  rouleau,  arrivé  à  l'extrémité  de  sa  course, 
remonte  des  tringles  sur  le  chariot,  qu'on  pousse  en 
avant.    Il  est  remplacé  par  la  plate-forme  en  tôle 
(fig.  41,  G),  montée  sur  roues,  qui  se  trouve  au 
même  niveau  que  la  table  à  couler  et  qui  vient  rem- 
plir le  vide  existant  entre  la  table  et  la  carcaise. 

La  grue ,  montée  aussi  sur  un  chariot  à  quatre 


GLACES.  257 

roues,  peut  se  mouvoir  rapidement  sur  son  chemin 
(le  fer.  Pour  la  maintenir  dans  la  position  verticale, 
elle  glisse  à  sa  partie  supérieure  entre  deux  entre- 
toises ménagées  dans  la  charpente  de  la  halle. 

Dans  les  établissementsqui  font  usage  des  fours 
du  sjstème  Siemens  ou  du  système  Boétius,  ces 
fours  étant  situés  à  l'une  des  extrémités  de  la 
halle,  celle-ci  a  une  largeur  moins  considérable; 
ce  qui  permet  de  supprimer  la  grue  mobile  et  de  la 
remplacer  par  un  plancher  qui  se  meut  sur  des 
travées  régnant  dans  toute  la  longueur  de  la  halle  ; 
cette  plate-forme  est  munie  de  treuils  pour  enlever, 
avec  des  chaînes  qui  passent  dans  des  ouvertures 
qui  y  sont  ménagées,  le  creuset  à  vider  sur  la  table 
de  fonte  et  pour  relever  le  rouleau  au-dessous 
duquel  la  glace  est  poussée  dans  la  carcaise.  Avec 
ces  dispositions,  la  table  à  couler,  dont  la  lon- 
gueur est  de  6  à  7  mètres,  poussée  sur  les  rails, 
occupe  à  peu  près  toute  la  largeur  de  la  halle  ;  on 
y  déverse  le  verre  tantôt  sur  l'une  de  ses  extré- 
mités, tantôt  sur  l'autre,  les  glaces  étant  reçues 
par  la  carcaise  la  plus  éloignée  du  bout  de  la 
table  qui  reçoit  le  verre  fondu.  Le  coulage  se  fait 
de  telle  sorte  que  le  creuset  vidé  sort  du  côté  de  la 
halle  où  se  trouve  le  four  de  fusion. 

La  glace,  étant  coulée  et  enfournée,  est  rangée 
dans  la  carcaise  ;  lorsque  celle-ci  est  pleine,  on  en 
ferme  immédiatement  l'ouverture  avec  des  plaques 
de  tôle  ou  de  larges  briques  cimentées  avec  de  l'ar- 
gile. Après  un  séjour  de  vingt-quatre  à  trente  heures, 
on  laisse  rentrer  un  peu  d'air,  puis  on  hâte  graduel- 

Peligot,  Le  Verre,  17 


258  LE    VERRE. 

lement  le  refroidissement  jusqu'au  troisième  ou  au 
quatrième  jour  pour  les  carcaises  contenant  6  à 
8  glaces. 

Avant  le  défournement  et  souvent  quand  la  car- 
caise  est  encore  très-chaude,  un  ouvrier  y  pénètre 
pour  visiter  les  glaces.  Quand  il  aperçoit  une  fissure, 
il  l'arrête  avec  un  fer  rouge  qu'il  applique  au  point 
où  cette  fissure  se  termine. 

On  défourne  les  glaces  en  les  faisant  glisser  sur 
une  grande  table  en  bois  qu'on  met  au  niveau  de 
l'ouverture  de  la  carcaise.  L'ouvrier  équarrisseur 
coupe  avec  le  diamant  les  bandes  de  la  glace  qu'on 
porte,  suspendue  verticalement  sur  des  courroies, 
dans  V Atelier  d'équarri  brut;  elle  y  est  visitée  et  dé- 
bitée d'après  ses  défauts  et  suivant  les  commandes 
qu'on  a  à  exécuter.  Sa  dimension  ordinaire  est  de 
8  à  10  mètres  superficiels.  Elle  passe  ensuite  à  ïate- 
lier  du  douci. 

Glaces  brutes  coulées  à  la  poche.  —  Ces  glaces,  plus 
minces  que  les  glaces  coulées,  sont  destinées  à,  cou- 
vrir des  serres  et  des  bâtiments,  à  faire  des  cloisons 
légères,  etc. 

Au  moyen  d'une  poche  à  long  manche,  manœu- 
vrée  par  trois  hommes,  oji  prend  dans  un  creuset 
15  à  20  kilogrammes  de  verre  qu'on  verse  sur  une 
petite  table  en  fonte  et  qu'on  lamine  en  y  faisant 
passer  un  rouleau.  L'épaisseur,  donnée  par  des 
réglettes,  comme  pour  les  grandes  glaces,  est  de 
3  à  6  millimètres.  La  cannelure  ou  le  quadrillage 
qu'elles  présentent  habituellement,  vient  du  dessin 


(JLACES.  ia9 

gravé  en  creux  sur  la  table.  Le  recuit  se  fait  en  les 
plaçant  de  champ  dans  un  four  analogue  aux  anciens 
fours  à  recuire  les  vitres.  Ces  glaces  se  vendent  de 
3  à  6  francs  le  mètre;  d'après  M.  Bontemps,  on  en 
fait  annuellement  en  Angleterre  300,000  mètres 
superficiels. 

Travail  mécanique  des  glaces.  —  Il  a  pour  objet 
de  faire  disparaître  d'abord  les  rugosités  et  les  ondu- 
lations qui  sont  le  résultat  du  passage  du  rouleau 
et  du  contact  du  verre  avec  la  table  à  couler;  ensuite 
de  donner  à  la  glace  une  surface  plane,  une  épaisseur 
égale;  enfin  de  lui  rendre  la  transparence  qu'elle  a 
perdue  par  ces  deux  premières  opérations. 

Ce  travail  comporte  : 

1°  Le  douci.  —  La  glace  6mte  est  d'abord  dégrossie 
au  moyen  de  lames  de  fonte  avec  interposition  de 
gros  sable,  de  sable  fin,  puis  d'émeri  de  plusieurs 
grosseurs. 

2°  Le  savonnage.  —  Les  surfaces  doucies  sont  frot- 

r 

tées  verre  sur  verre  avec  de  l'émeri  de  quatre  numéros. 

3°  Le  polissage.  —  Les  glaces  savonnées  sont  frot- 
tées avec  des  feutres  avec  interposition  d'oxyde  de 
fer  rouge  ou  colcotar. 

Le  douci.  —  Les  glaces  brutes  sont  scellées  au  plâtre 
vsur  une  table  fixe  en  pierre  ou  en  fonte,  ou  bien 
sur  une  surface  plane  composée  de  plusieurs  pierre<> 
maintenues  par  des  madriers  en  sapin  serrés  par  des 


?60  LK    VEKRE. 

boulons;  on  les  dégrossit  d'abord  en  les  passant  à 
la  ferrasse;  au  moyen  d'un  long  balancier  en  fer  sus- 
pendu au  plafond  de  l'atelier  par  des  chaînes  et 
animé  d'un  mouvement  de  translation  circulaire,  on 
fait  mouvoir  sur  les  glaces  brutes  plusieurs  cadres 
en  bois  de  chêne  sous  lesquels  sont  visséeis  des  lames 
en  fonte  :  sur  la  surface  de  ces  glaces  on  projette  du 
gros  sable  quartzeux  qu'on  arrose  sans  cesse  avec 
un  petit  filet  d'eau,  de  manière  à  éviter  que  le  sablo 
ne  se  mette  en  pâte  entre  les  glaces  et  les  fer- 
rasses; ce  sable  est  ensuite  remplacé  par  du  sable 
plus  fin,  puis  par  de  l'émeri  en  poudre  assez  gros- 
sière (fig.  l\h). 

Lorsqu'un  côté  est  dégrossi  et  douci,  on  retourne 
la  glace  et,  après  l'avoir  fixée  avec  du  plâtre,  on 
soumet  l'autre  face  au  même  travail. 

Depuis  quelques  années,  cette  opération  a  été 
rendue  plus  rapide;  l'un  des  appareils  perfectionnés 
dont  on  se  sert  actuellement  en  Allemagne  et  en 
Belgique  consiste  en  une  grande  table  en  chêne, 
d'une  superficie  de  15  mètres,  qui  reçoit  un  mouve- 
ment rectiligne  de  va-et-vient,  et  en  deux  grands 
plateaux  en  fer  ou  en  bois,  sous  lesquels  sont  vissées 
des  lames  en  fonte;  ces  plateaux  reçoivent  un  mou- 
vement de  translation  circulaire  au  moyen  d'un 
fort  châssis  en  fonte;  le  travail  est  deux  fois  plus 
rapide  qu'avec  les  anciens  appareils. 

Un  autre  système,  d'origine  anglaise,  est  main- 
tenant mis  en  pratique  en  Belgique  et  en  France, 
à  Aniche  et  à  Montluçon.  Les  glaces  sont  fixées  au 
moyen  du  plâtre  sur  une  table  en  fonte  ou  en  fer. 


2G2  LE    VERRE. 

de  forme  circulaire,  d'un  diamètre  de  5  ou  6  mètres, 
qui  reçoit  un  mouvement  de  rotation  autour  d'un 
pivot  placé  à  son  centre  ;  elles  supportent  deux  pla- 
teaux en  chêne  à  6  ou  8  pans,  d'un  poids  considérable, 
avec  lames  de  fonte  vissées  par-dessous  ;  ces  plateaux, 
qui  sont  entraînés  dans  le  mouvement  de  rotation  de 
la  table,  sont  munis  de  contre-poids  qui  permettent 
à  l'ouvrier  de  graduer  à  volonté  la  pesée  qu'ils 
exercent  sur  les  glaces.  Le  mouvement  circulaire  de 
la  table  a  la  même  vitesse  que  celui  des  deux  pla- 
teaux; au  moyen  de  ce  double  mouvement,  le  douci, 
qui  se  fait  toujours  avec  le  sable  et  l'émeri,  exige 
quatre  fois  moins  de  temps  qu'avec  l'appareil  qui 
a  été  décrit  le  premier;  les  surfaces  sont  parfaite- 
ment planes  et  la  casse  est  presque  nulle.  Ce  sys- 
tème, qui  a  reçu  diverses  modifications,  a  notable- 
ment diminué  le  prix  du  douci. 

Le  savonnage.  —  Les  surfaces  doucies  sont  frottées 
avec  de  l'émeri  de  plusieurs  grosseurs,  en  termi- 
nant ce  travail  par  le  numéro  le  plus  fin.  On  sait 
que  l'émeri  est  une  substance  très-dure,  composée 
d'alumine  cristallisée  presque  pure.  Le  meilleur  vient 
de  Naxos,  l'une  des  îles  de  l'Archipel.  On  obtient 
cette  matière  plus  ou  moins  fine  en  la  mettant  en  sus- 
pension dans  l'eau,  après  qu'elle  a  été  pulvérisée  et 
tamisée.  L'émeri  qui  se  dépose  le  premier  donne  la 
poudre  la  plus  grossière;  l'eau  qui  reste  trouble 
pendant  le  temps  le  plus  long  fournit,  par  un  repos 
suffisamment  prolongé,  l'émeri  le  plus  fin. 

Les    glaces,    après   le    doucissage,  sont  lavées, 


GLACES.  ^63 

dressées  contre  le  mur  de  l'atelier  et  visitées  de 
nouveau.  On  les  classe  d'après  leurs  défauts;  une 
partie  est  renvoyée  au  douci  ;  une  autre  passe  à  Vate^ 
lier  du  savonnage. 

Autrefois  le  savonnage  se  faisait  partout  à  la  main: 
contre  une  glace  fixe,  posée  sur  une  table,  quatre 
femmes  font  mouvoir  une  autre  glace,  en  la  poussant 
chacune  par  un  angle  ;  elles  interposent  entre  les  deux 
surfaces  de  l'émeri  en  pâte,  délayé  dans  Teau  et  de 
plus  en  plus  fin.  Cette  opération  a  surtout  pour  objet 
d'enlever  les  piqûres,  les  aspérités  qu'a  laissées  le 
sable.  C'est  un  travail  long  et  pénible;  une  ferarae. 
ne  fait  dans  une  journée  de  onze  heures  que 
1  mètre  à  1"',50  de  glaces  des  deux  côtés.  Comme 
les  défauts  qu'il  faut  effacer  sont  inégalement  ré- 
partis sur  le  verre,  on  comprend  que  pendant  long- 
temps ce  travail  n'a  pu  être  fait  que  manuelle- 
ment. 

Aujourd'hui  on  fait  usage  d'appareils  qui  imitent 
mécaniquement  le  mouvement  du  savonnage  à  la 
main  ;  la  glace  repose  sur  une  table  en  pierre  re- 
couverte d'une  toile  mouillée  pour  en  empêcher  le 
glissement;  cette  table  est  ordinairement  fixe;  elle  a 
quelquefois  un  mouvement  lent  de  va-et-vient;  le 
mouvement  de  l'autre  glace  est  donné  par  deux 
bras  de  levier  agissant  sur  une  caisse  en  bois  qui 
pèse  sur  la  glace  mobile  et  qui  Tentralne,  poussant 
et  attirant  successivement  la  caisse  :  comme  l'un  de 
ces  bras  est  en  retard  sur  l'autre,  là  glace  se  meut 
tantôt  de  droite  à  gauche  et  tantôt  de  gauche  à 
droite. 


Le  polissage.— hes  glaces  sont  nettoyées,  vîsiiées 
et  classées  une  troisième  fois;  elles  sont  mates, 
dépolies.  Celles  qui  sont  dans  de  bonnes  conditions 


Ugeruh  d'une  machine  A  polir 

Itsgla. 

ces,  eoastruUe  d  Sfraing  (Belgique). 

A,  bfttis. 

II,  tables  de  pierres  aupporWe»  par  un 

B,  colonne. 

cadre  en  fonte  et  doutes  d'un  mou- 

C, TOUB  d'engrenage  motrlcp. 

vement  perpendiculaire  Jk  celui  des 

L'  C\  roue  de  transmiseion  du 

mou- 

polissoirs. 

venient  dea  polisaoira. 

J',  galeis  en  fonte  sur  lesquels  glisse 

D  D',  bielles. 

la  table. 

E  E;  guides  des  polissoirs. 

K,  engrenages  armés  d'un   manchon 

FF,  embrayages  des  roues  C 

l  C, 

serïsnt  k  arrêter  le  mouveme 

nt  de 

un  levier  manœuvré  à  la  main  « 

l'une  des  labiés. 

donnant  le  mouvement  de  transla- 

GG-. balancier  des  polissoirs. 

tion  k  la  table.  L'engrenage  reçoit  le 

sien  de  la  roue  motrice  C. 

passent  à  ïalelier  du  polissage;  elles  en  sortent  ter- 
minées, c'est-à-dire  transparentes  et  polies. 

Ce  résultat  s'obtient  en  les  frottant  avec  des 
feutres  garnis  de  colcotar.  Cette  matière  est  du 
peroxyde  de   fer  rouge,   aussi  pur,  aussi  ténu  que 


GLACES.  265 

possible.  On  le  prépare  par  le  broyage,  le  tamisage 
et  la  décantation  ;  on  le  met  en  petits  pains  comme 
le  blanc  d'Espagne. 

On  se  sert,  pour  donner  le  poli,  d'appareils  mé- 
caniques  d'une  construction  compliquée  et  coûteuse. 
L'un  de  ces  appareils  est  représenté  par  la  figure 
ci-contre.  ' 

La  glace  est  scellée  (fig.  45)  sur  une  table  mo- 
bile I  ayant  un  mouvement  rectangulaire  de  va-et- 
vient,  sur  laquelle  frottent  des  brosses  HH'  garnies  de 
feutre,  ayant  un  mouvement  droit  perpendiculaire 
au  mouvement  de  la  table.  Le  colçotar  est  employé 
à  l'état  de  pâte  humide. 

Le  scellementdes  glaces  es  tune  opération  curieuse. 
On  les  range  les  unes  à  côté  des  autres  dans  un 
cadre,  sur  une  grande  glace  dressée  et  mouillée; 
elles  y  restent  fixées  avec  une  adhérence  telle  qu'on 
peut,  au  moyen  d'un  treuil,  les  renverser,  sans 
qu'elles  se  détachent,  sur  une  table  plane  qui  vient 
de  recevoir  un  coulis  de  plâtre;  un  ouvrier  monte 
alors  sur  la  première  glace  qu'on  nomme  le  modèle. 
La  prise  du  plâtre  a  lieu  bientôt,  et  le  modèle  peut 
être  enlevé,  dépouillé  des  glaces  qui  y  adhéraient  et 
qui  restent  solidement  fixées  par  le  plâtre. 

Les  brosses  garnies  de  feutre  et  de  colçotar  sont 
alors  mises  en  mouvement,  ainsi  que  la  table  mobile 
sur  laquelle  les  glaces  sont  scellées. 

11  faut  huit  à  dix  heures  pour  polir  d'un  côté 
5  à  6  mètres  superficiels  de  glace. 

L'appareil  décrit  ci-dessus  est  remplacé  dans 
quelques  glaceries  par  une  machine  ayant  un  mouve- 


266  LE   VERRfi. 

ment  de  translation  circulaire:  la  table  est  en  chêne 
et  présente  une  superficie  de  15  mètres  :  les  polis- 
soirs,  au  nombre  de  18,  font  80  révolutions  par  mi- 
nute. Le  travail  est  quatre  fois  plus  rapide  qu'avec 
les  anciennes  machines. 


0 


Prix  dé  rement  des  glaces.  —  D'après  les  documents 
fournis  en  1860  par  M.  Houtart-Cossée,  directeur  de 
Sainte-Marie  d'Oignies,  au  Conseil  supérieur  dii  com- 
merce, à  l'occasion  de  l'enquête  relative  au  traité  de 
commerce  avec  l'Angleterre,  la  fabrication  d'un  mètre 
de  glace  exigeait  alors  : 


Pour  le  brut  (fonte  et  recuit).   .  .    180  kil.  de  houille. 

195         — 


Pour  le  douci 77  | 


Pour  le  poli 118  S 

Total 375  kil.  de  houille. 

Un  mètre  de  glace  brut  revenait  en  Belgique  à  6 
ou  7  fr.;  et  à  Recquignies,  8  fr.  à  8  fr.  20  c.  Il  pèse, 
en  moyenne,  25  kilogrammes. 

Un  mètre  de  glace  polie,  dont  le  poids  est,  en 
moyenne,  de  17  kilogrammes,  revenait  à  17  fr.  54  c. 
en  Belgique,  pour  le  travail  seulement,  sans  faire 
entrer  dans  ce  prix  l'intérêt  du  capital  engagé,  les 
frais  généraux,  l'amortissement,  etc.  En  y  compre- 
nant ces  éléments,  le  prix  de  revient  en  Belgique  était 
de  27  à  28  fr.  Le  prix  de  vente,  dans  ce  pays,  était 
de  32  à  33  fr.  le  mètre  superficiel. 

En  France ,  la  cherté  du  combustible  et  des  sels 
de  soude  (en  raison  surtout  de  l'impôt  de  100  fr.  par 
tonne  sur  le  sel  marin)  augmentait  notablement  le 


GLACES.  567 

prix  de  revient,  qui,  abstraction  faite  des  frais  géné- 
raux, de  l'intérêt  du  capital,  etc.,  était  de 21  fr.  41  c, 
à  Saint-Gobain,  et  de  22  fr.  97  c.  à  Cirey,  en  appli- 
quant à  ces  fabriques  les  données  fournies  par 
M.  Houtart-Cossée,  et  en  tenant  compte  du  prix  de 
.  la  houille  et  des  produits  chimiques  dans  ces  usines, 
tel  qu'il  a  été  indiqué  dans  l'enquête. 

En  Angleterre,  le  prix  de  revient  des  glaces  était 
beaucoup  plus  bas  qu'en  Belgique  ;  la  houille,  qui 
coûtait  22  fr.  la  tonne  à  Saint-Gobain  et  13  fr.  25  c. 
en  Belgique,  ne  revenait  qu'à  6  ou  7  fr.  auxglaceries 
anglaises.  Le  sulfate  de  soude  brut  valait  10  fr.  la 
tonne  en  Angleterre,  13  fr.  50  c.  en  Belgique  et  20  à 
22  fr.  en  France. 

Ces  conditions    ne    sont    plus   absolument   les 
mêmes   aujourd'hui;   l'emploi   des    fours    Siemens 
a  permis  de  réaliser  une  économie  d'un   tiers  au 
moins  sur  le   combustible  employé  pour  la  fonte 
du  verre;   des  machines  perfectionnées  ont  nota- 
blement abaissé  la  durée  et  le  prix  du  travail  méca- 
nique. D'un  autre  côté,  le  prix  de  la  houille  a  par- 
tout augmenté,  bien  qu'il  ne  se  soit  pas  maintenu 
au  taux  .élevé   qui,  en  janvier  1873,  a  motivé   la 
hausse  subite  et  sans  précédents  de  30  7o  sur  les 
prix  de  vente  des  glaces  françaises  ;  la  main-d'œuvre 
est  également  plus  élevée  aujourd'hui.  Néanmoins, 
comme  ces  changements  ont  eu  lieu  aussi  bien  en 
Angleterre  et  en  Belgique  qu'en  France,  il  y  a  lieu 
de  penser  que  les  différences  que  présentent  les 
prix  de  revient  dans  ces  trois  pays  sont  encore  à 
peu  près  les  mêmes. 


:68  LE    VERRE. 

Prix  de  vente  des  glaces.  —  «  Tous  les  économistes, 
dit  M.  Augustin  Cochîn,  savent  conobien  il  est  diffi- 
cile de  comparer  des  prix  à  différentes  époques.  Non- 
seulement  la  valeur  de  l'argent  n'est  pas  tout  à  fait 
la  même  à  un  ou  deux  siècles  de  distance,  mais  les 
éléments  multiples  dont  se  compose  le  prix  d'un 
objet  ne  jouent  pas  de  la  même  manière.  » 

La  valeur  du  numéraire  est,  en  effet,  trop  va- 
riable pour  servir  de  terme  de  comparaison  ;  mais 
l'embarras  des  économistes  serait  encore  bien  plus 
grand,  si,  comme  ils  l'ont  fait  quelquefois  pour  esti- 
mer la  valeur  d'autres  produits,  au  lieu  du  prix  d'une 
mesure  de  blé,  ils  avaient  pris  comme  terme  de 
comparaison  le  prix  d'un  mètre  de  glace;  car  la 
valeur  d'aucun  produit  fabriqué  n'a  présenté  depuis 
deux  cents  ans  des  oscillations  plus  considérables. 

Aux  documents  que  nous  avons  donnés  sur  le 
prix  très-élevé  des  glaces  pendant  le  siècle  dernier, 
nous  ajouterons  ceux  qui  suivent  : 

En  consultant  le  tarif  de  Saint-Gobain  de  1771, 
une  glace  de  l'%25sur  1  mètre,  valait  1,528  fr.;  elle 
vaut  aujourd'hui  65  fr.  En  1845,  1  m.  c,  1*"  choix, 
valait  ne/  98  fr.  65  c;  actuellement  60  fr. 

L'abaissement  des  prix  est  encore  plus  considé- 
rable pour  les  grands  volumes;  en  1845,  si  une 
glace  de  20  mètres  avait  pu  être  fabriquée,  elle  eût 
valu,  d'après  le  tarif  alors  en  usage,  24,309  fr.  En 
1867,  son  prix  était  de  2,830  fr. 

«  Voici  d'ailleurs  un  document  qui  met  bien  en 
lumière  l'étonnante  décroissance  des  prix  depuis 
le    commencement    du    xvm*  siècle    jusqu'à    nos 


GLACES. 


269 


jours  ;  c'est  un  tableau  publié  il  y  a  dix  ans  par 
M.  Cochin,  administrateur  et  historiographe  de  la 
compagnie  de  Saint-Gobain,  tableau  que  l'obligeance 
de  M.  E.  Leroy,  directeur  du  principal  établissement 
de  la  compagnie,  nous  a  permis  de  compléter. 

Prix  des  glaces  de  Saint-Gobain  en  entrepôts  : 


1  met.  carr. 

Glaces  de 

2  met.  caïr. 

3  met.  carr. 

4  met.  carr. 

l"  sur  lœ. 

2",01  sur  1». 

2"surl»,ol. 

2«»,97  sur  1«»,35 

Années. 

— - 

^ 

— 

Pr.      c. 

Francs. 

Francs. 

Francs. 

1702.  .    .    . 

165     » 

540 

1,006 

2,750 

1758.  .    .   . 

161  50 

529 

1,009 

2,750 

1791.   .    ,    . 

174     » 

329 

1,399 

2,785 

1798.   .   .    . 

193     » 

810 

1,594 

3,437 

1802.  .    .    . 

205     » 

859 

1,648 

3,644 

1805.  .    .    . 

226     » 

945 

1,813 

4,008 

1835.  .   .   . 

127     » 

377 

757 

1,245 

1856.  .    .   . 

61     » 

143 

248 

349 

1862-1872. 

47  75 

107 

186 

262 

1 873-1875. 

60    » 

140 

240 

340 

«  Le  tarif  de  1873  est,  comme  on  le  voit,  supé- 
rieur de  30  7o  ^  c^luî  d®  1862.  Cette  augmen- 
tation s'explique  par  les  charges  résultant,  pour  la 
compagnie,  de  Taggravation  des  impôts  directs  et 
indirects,  de  la  cherté  de  la  main-d'œuvre,  du  com- 
bustible, etc.  ))  (M.  de  Fo ville,  r Économiste  fran- 
çaisy  i875.) 


DimensionSy  défauts  et  qualités  des  glaces.  —  11  n'est 
pas  sans  intérêt  d'indiquer  ici  les  dimensions  des 
glaces   que   les  différentes   manufactures    ont   fait 


-270      .  LE    VEKUE. 

figurer  aux  dernières  expositions.  Si  ces  dimensions 
ne  sont  pas  celles  que  réclame  habituellement  le 
commerce,  elles  témoignent  tout  au  moins  de  la 
puissance  actuelle  de  cette  industrie.  Les  grandes 
glaces  ont  d'ailleurs  leur  place  marquée  dans  la 
décoration  de  nos  édifices;  le  foyer  de  la  danse  du 
nouvel  Opéra  est  orné  d'une  glace  argentée  de  Saint- 
Gobain  ayant  6'",49  de  largeur  sur  2'", 95  de  hauteur, 
soit  19™, 30  de  superficie;  6  autres  glaces  de  14  à 
16  mètres  décorent  diverses  parties  de  ce  théâtre. 

A  l'Exposition  universelle  de  Londres  de  1851,  la 
compagnie  de  la  Tamise  {Thames  plate-glass  Company) 
avait  une  glace  de  5'",68  de  hauteur  sur  3'", 04  de 
largeur,  soit  17^,267  de  superficie.  Mais  la  qualité 
de  cette  glace  laissait  beaucoup  à  désirer  ;  il  eût  été 
difficile  de  tirer  de  cet  immense  morceau  de  verre 
une  glace  vendable  de  quelque  importance. 

A  Paris,  à  l'Exposition  de  1855,  on  admirait  une 
glace  en  blanc  de  Saint-Gobain,  d'une  qualité  irrépro- 
chable, ayant  5'",37  de  hauteur  et  3'",36  de  largeur, 
soit  18'",04  de  superficie.  Une  glace  de  Cirey  avait 
18™,50  superficiels. 

En  1867,  Saint-Gobain  avait  à  l'Exposition  uni- 
verselle de  Paris  deux  glaces  nues  de  6",09  sur  3"',53, 
soit  21", 50  de  superficie,  et  une  glace  étamée  de  5'",50 
sur  3'",53,  soit  19"',4l.  Cirey  avait  exposé  une  glace 
de  6'",53  sur3",23,  soit  21'M0. 

Autrefois,  pour  faire  ces  glaces,  on  coulait  simul- 
tanément sur  la  table  le  contenu  de  deux  grands 
pots,  dont  le  verre  se  mariait  de  façon  à  éviter, 
autant  que  possible,  la  trace  laissée  par  la  réunion 


GLAClîS.  274 

ies  deux  flots  liquides  et  à  ne  pas  emprisonner  de 
bulles    d'air,  ni  ce  qu'on  nomme,  en  termes  tech- 
niques, des  crachats.  Aujourd'hui  elles  sont  le  produit 
d'un  seul  creuset;  comme  une  glace  de  21  mètres 
pèse  environ  750  kilogrammes,  elle  exige  la  fonte  et 
le  maniement  d'un  pot  d'une  contenance  de  900  kilo- 
grammes au  moins;  on  comprend  les  difficultés  que 
présente  cette  opération  ;  le  polissage  et  le  transport 
de  ces  grandes  pièces  augmentent  encore  les  chances 
de  casse  et  d'insuccès. 

Pour  estimer  la  valeur  d'une  glace,  on  observe 
certaines  règles  qu'il  est  utile  de  connaître.  Les  prin- 
cipales qualités  qu'elle  doit  ofTrir  sont  :  la  planimétrie; 
l'égalité  d'épaisseur;  la  finesse  du  poli;  la  blancheur; 
la  pureté  du  verre.  Les  défauts  les  plus  saillants  sont 
le  manque  de  planimétrie  ou  d'égalité  d'épaisseur, 
qui  produit,  dans  les  glaces  étamées,  la  déformation 
des  objets  réfléchis;  les  rayures,  provenant  du  douci 
ou  du  poli;  une   coloration   sensible,   qu'elle   soit 
verte,  brune,  jaune  ou  violette;  le  ressuyage,  c'est- 
à-dire  la  faculté  que  possède  le  verre  trpp  chargé 
d'alcali  de  se  ternir  en  se  couvrant  d'efflorescences 
cristallines  de  carbonate  de  soude;  les  points,  les 
stries,  les  larmes,  les  crachats,  les  ondes,  les  cordes, 
les  fils,  etc.  Ces  défauts  proviennent  d'un  mauvais 
affinage  du  verre  ou  d'accidents  pendant  la  fonte  ou 
pendant  la  coulée.  La  plupart  sont  d'autant  plus 
difficiles  à  éviter  que  les  dimensions  de  la  glace  sont 
plus  grandes. 

C'est  surtout  en  ayant  égard  à  ces  défauts  que  les 
glaces   sont  débitées  en  morceaux  plus  ou  moins 


27:2  LE   VERRE. 

volumineux,  et  que,  d'après  les  tarifs  en  usage,  le 
prix  de  vente  du  mètre  superficie]  augmente  rapide- 
ment avec  la  dimension  de  la  glace.  Voici,  comme 
exemple,  le  prix  en  France  du  mèlre  carré  de  la  glace 
de  troisième  choix*.  C'est,  d'après  M.  Chevaiidier  de 
Valdrôme,  celle  qui  se  vend  le  plus  : 

Le  mètre  carré. 

La  glace  de  50  décimètres  carrés  vaut.  .  26^  95 

—  1  mètre ..........  33  75  \ 

—  2  mètres 39  20  ! 

—  3  mètres 44  65  I 

—  U  mètres .  A?  35 

—  5  mètres 50  10 

11  y  a  également  des  différences  de  prix  considé- 
rables basées  sur  la  qualité  :  ainsi  une  glace  de 
5  mètres,  deuxième  choix,  vaut  58  fr.  40  c.  le  mètre 
superficiel;  la  même  glace  en  premier  choix  se  vend 

66  fr.  75  c.  I 

I 

L'usage  qui  existe  dans  tous  les  pays  qui  produi- 
sent des  glaces,  d'augmenter  considérablement  le 
prix  du  mètre  superficiel  en  raison  de  la  dimension, 
a  été  vivement  critiqué  par  plusieurs  membres  du 
Conseil  supérieur  du  commerce.  Il  avait  sa  raisoa 
d'être  autrefois,  alors  que  les  procédés  de  fabrication 
ne  donnaient  que  des  produits  habitjaellement  défec- 
tueux ;  mais  aujourd'hui  qu'on  est  obligé  de  couper 
les  petites  glaces  dans  des  grandes  qui  sont  le  plus 

1.  Enquête  sur  le  Irailé  de  commerce  avec  V Angleterre,  t.    YI, 
().  528;  1861. 


GLACES.  873 

souvent  exemples  de  défauts,  il  est  difficile  de  com- 
prendre pourquoi  les  grandes  sont,  pour  une  surface 
égale,  beaucoup  plus  chères  que  les  petites;  à  moins, 
toutefois,  que  le  fabricant  n'emploie  cet  expédient 
pour  abaisser  le  prix  de  ces  dernières,  dont  la  vente 
est  beaucoup  plus  importante.  Ce  serait  alors  une 
sorte  d'impôt  proportionnel  prélevé  sur  le  luxe  au 
profit  des  consommateurs  les  plus  nombreux. 

r 

Etamage  et  argenture  des  glaces.  —  Une 
partie  des  glaces  est  destinée  à  être  employée  comme 
miroirs.  Une  autre  partie  est  vendue  pour  les  vitrages 
de  luxe  à  l'état  de  glaces  nues. 

La  mise  au  tain  ou  Yétamage  est  d'origine  très- 
ancienne  ;  ce  procédé  a  été  jusque  dans  ces  vingt-cinq 
dernières  années  le  seul  dont  on  faisait  usage  pour 
donner  aux  glaces  la  faculté  de  réfléchir  les  objets. 
Il  est  aujourd'hui  remplacé  par  l'argenture,  c'est-à- 
dire  par  la  production  d'une  couche  brillante  d'ar- 
gent à  la  surface  du  verre,  au  moins  pour  une  grande 
partie  des  glaces  ;  on  a  essayé  aussi,  mais  sans 
grand  succès  jusqu'à  présent,  de  se  servir  du  pla- 
tine pour  le  même  objet.  Nous  décrirons  d'une  ma- 
nière succincte  Yétamage,  Vargenture,  le  platinage  des 
glaces,  bien  que  ces  opérations,  exécutées  dans  des 
ateliers  spéciaux,  donnent  lieu  à  des  industries  qui 
ne  se  rattachent  qu'indirectement  à  la  fabrication  du 
verre. 

Étamage.  —  Sur  une  table  horizontale  et  bien 
propre,  composée  de  pierres  encastrées  dans  du  bois, 

Peligot.  Le  Verre,  18 


274  LE    VERRE. 

on  étend  une  feuille  d'étain  un  peu  plus  grande  que 
la  glace  à  étamer,  du  poids  de  7  à  800  grammes  par 
mètre  carré  ;  cette  feuille  est  exactement  appliquée 
sur  la  table  ;  au  moyen  d'une  brosse,  on  en  a  fait 
disparaître  tous  les  plis  ;  on  y  promène  avec  des 
rouleaux  de  lisière  de  drap  une  petite  quantité  de 
mercure  de  manière  à  mouiller  Tétain  ;  une  plus 
grande  quantité  de  mercure,  versé  sur  la  feuille 
déjà  amalgamée,  forme  une  couche  de  quelques 
millimètres  d'épaisseur  qu'on  maintient,  au  besoin, 
au  moyen  de  règles  placées  à  droite  et  à  gauche 
de  la  feuille  d'étain. 

Sur   trois    côtés    de   la    table    se  trouvent  des 
rigoles  qui  doivent  recevoir  le  mercure  en  excès; 
l'un  des  petits  côtés,  devant  Fétameur,  est  plan  et 
libre  ;  il  sert  à  introduire  la  glace  qu'un  autre  ouvrier, 
pendant  le  temps  nécessaire  à  ces  opérations,  a  soi- 
gneusement nettoyée  et  sécliée.  Une  bande  de  papier 
est   placée  sur  la  partie    antérieure   de    la   feuille 
d'étain  amalgamée;  elle  reçoit  le  bord  de  la  glace 
qu'on  a  couchée  à  plat  et  qu'on  pousse  en  avant,  en 
la  glissant  de  manière  à  ce  qu'elle  chasse  devant  elle 
l'excédant  du  mercure.  Quand  la  glace  a  parcouru 
toute  sa  course,  sans  qu'aucune  bulle  d'air  soit  res- 
tée interposée  entre  le  verre  et  le  métal,  l'ouvrier  la 
jSxe  au  moyen  d'un  poids  portant  à  la  fois  sur  la 
table  et  sur  la  glace  ;  il  incline  légèrement  la  table  qui 
est  mobile  sur  un  axe,  de  manière  à  faire  écouler  une 
grande  partie  du  mercure  qui  tombe  dans  la  rigole 
et  de  là  dans  un  vase  placé  au-dessous  ;  il  la  couvre 
ensuite   d'une   flanelle  sur   laquelle  il  répartit  un 


GLACES.  275 

grand  nombre  de  poids  qu'il  y  laisse  pendant  vingt- 
quatre  heures,  en  augmentant  peu  à  peu  l'inclinaison 
de  la  table.  Au  bout  de  ce  temps,  on  la  relève  de 
dessus  la  pierre  et  on  la  place  sur  un  égouttoir 
incliné  qui  est  une  sorte  de  pupitre  en  bois  ;  on  finit 
par  lui  donner  une  position  verticale  jusqu'à  ce  que 
le  tain  soit  sec.  C'est  alors  seulement  qu'on  peut  la 
fixer  dans  son  parquet. 

Pour  les  glaces  de  dimension  moyenne,  il  faut 
quinze  à  vingt  jours  pour  arriver  à  ce  résultat  ;  pour  les 
grandes  glaces,  l'égouttage  doit  durer  un  mois;  même 
après  ce  laps  de  temps,  il  arrive  souvent  que  des 
glaces  neuves,  mises  en  place  dans  leurs  parquets 
et  dans  leurs  cadres,  abandonnent  encore  peu  à  peu 
une  certaine  quantité  de  mercure.  Aussi  les  glaces 
étamées  sont  d'un  transport  difficile  ;  elles  se  dété- 
riorent souvent  dans  les  traversées  un  peu  longues. 

Lorsque  la  couleur  du  verre  est  bonne,  l'éclat  et 
la  blancheur  d'une  glace  étamée  ne  laissent  rien  à 
désirer;  l'amalgame  d'étain,  qui  renferme  environ 
la  moitié  de  son  poids  de  mercure,  se  conserve  fort 
longtemps  sans  altération,  ainsi  que  cela  est  établi  par 
une  expérience  plus  que  séculaire.  Mais  la  mise  au 
tain  d'une  glace  est  une  opération  dangereuse  pour 
les  ouvriers  qui  l'exécutent;  le  maniement  jour- 
nalier du  mercure  les  expose  à  des  affections  graves, 
incurables,  notamment  à  une  sorte  de  tremble- 
ment dit  mercuriel  dont  sont  atteints  également 
les  doreurs  au  mercure,  les  fabricants  de  baro- 
mètres, les  ouvriers  qui  exploitent  les  mines  de  mer- 
cure,  etc. 


278  LE    VERRE. 

tionné  et  exploité  par  MM.  Brossette  et  C***  ;  il  est  mis 
en  pratique  aujourd'hui  dans  les  ateliers  de  la  Com- 
pagnie de  Saint-Gobain  qui  argenté  ainsi  presque 
toutes  les  glaces  qu'elle  livre  au  commerce;  un  petit 
nombre  de  -  clients  retardataires  préfèrent  encore 
rétamage;  mais  leur  nombre  diminue  chaque  jour, 
et  il  y  a  lieu  d'espérer  que  d'ici  à  quelques  années, 
l'ancien  procédé  aura  complètement  disparu ,  au 
grand  profit  de  la  santé  des  ouvriers  qui  l'exécii- 
taient. 

L'argenture  des  glaces  se  pratique  sur  une  grande 
table  quadrangulaire,  en  feuilles  de  tôle  rivées,  à 
double  fond  et  parfaitement  plane.  Cette  table  est 
remplie  d'eau  qu'on  chauffe  à  volonté  avec  des  ser- 
pentins qui  reçoivent  la  vapeur  fournie  par  une  chau- 
dière; la  condensation  de  cette  vapeur  donne  l'eau 
distillée  dont  l'emploi  est  commandé  par  toutes  les 
opérations  de  l'établissement  :  la  présence  des  chlo- 
rures dans  les  eaux  ordinaires  amènerait,  en  effet, 
une  perturbation  sensible  dans  la  précipitation  de 
l'argent  qu'il  s'agit  d'avoir  à  l'état  de  métal  entière- 
ment pur.  Ainsi  la  chaudière  à  vapeur  fait  l'office  d'un 
appareil  distilla toire,  et  la  chaleur  abandonnée  dans  la 
caisse  métallique  servant  de  réfrigérant,  parla  vapeur 
condensée,  est  utilisée  pour  élever  de  35  à  40  degrés 
la  température  des  glaces  à  argenter. 

L'argenture  comporte  plusieurs  opérations  dis- 
tinctes: 1°  le  nettoyage  du  verre;  S*"  la  préparation 
des  liqueurs  ;  3^  le  dépôt  de  l'argent  à  la  surface  des 
glaces;  i°  l'application  d'une  peinture  pour  pré- 
server r argent  déposé. 


GLACES.  277 

très-minimes  quantités  sous  peine  de  tomber  dans 
d'autres  inconvénients,  est  bien  loin  d'être  établie. 
Le  plus  sûr  est  assurément  de  renoncer  à  l'emploi 
du  mercure;  c'est  le  résultat  qu'on  obtient  en  sub- 
stituant l'argent  à  l'amalgame  d'étain.  Aussi,  de 
même  que  la  dorure  galvanique  a  été  pour  l'art  du 
doreur  un*  progrès  considérable,  de  même  l'argen- 
ture des  glaces  doit  être  accueillie  comme  un  pro- 
grès non  moins  important  au  point  de  vue  de  l'hy- 
giène professionnelle  :  l'argenture,  qui  est  d'une 
parfaite  innocuité,  remplace  aujourd'hui  avec*  un 
plein  succès  le  procédé  fort  dangereux  de  l'étamage. 

Argenture  des  glaces.  —  On  sait  depuis  longtemps 
qu'une  dissolution  d'argent  mise  en  contact  avec 
diverses  substances  organiques  est  décomposée, 
réduite;  l'argent  qu'elle  renferme  se  précipite  à  l'état 
libre;  ordinairement  ce  métal  apparaît  sous  forme 
d'une  poudre  noire,  par  suite  de  son  grand  état 
de  division;  quelquefois  il  est  doué  de  tout  son 
brillant. 

M.  Liebig  a  observé  le  premier  en  1835  que  lors- 
qu'on chauffe  de  l'aldéhyde  (produit  de  l'oxydation 
partielle  de  l'alcool)  avec  de  l'azotate  d'argent 
ammoniacal,  le  métal  révivifié  recouvre  le  verre 
dans  lequel  on  fait  cette  expérience  d'une  couche 
métallique  brillante.  Cette  observation  de  M.  Liebig 
est  l'origine  des  divers  procédés  d'argenture  du 
verre.  Pour  les  glaces  et  aussi  pour  les  ballons  en 
verre,  le  procédé  dont  on  fait  usage  a  été  inventé 
par  M.  Petitjean,  il  y  a  environ  vingt  ans,  perfec- 


280  LE    VERRE. 

coton  déjà  mouillée  par  les  liquides  qui  ont  servi 
aux  opérations  précédentes.  On  y  dépose  les  glaces, 
en  les  plaçant  les  unes  à  côté  des  autres,  dans 
une  position  bien  horizontale.  Sur  chacune  d'elles 
on  verse,  avec  des  pots  de  faïence,  la  liqueur  n°  1 
qu'on  vient  de  préparer;  elle  se  répand  sur  la  sur- 
face du  verre  et  elle  y  forme  une  couche  de  deux 
à  trois  millimètres  d'épaisseur,  sans  s'écouler  au 
dehors,  si  la  planimétrie  de  la  surface  est  conve- 
nable. On  emploie  environ  deux  litres  et  demi  de 
liqueur  par  mètre  superficiel  de  glace. 

La  température  de  la  glace  étant  portée  peu  à  peu 
de  35  à  A0%  on  voit  apparaître  çà  et  là  des  particules 
d'argent  précipité  ;  ce  sont  d'abord  comme  des  petites 
îles,  irisées  en  raison  de  leur  peu  d'épaisseur  ;  bientôt 
ces  taches,  devenues  plus  apparentes,  se  propagent, 
s'étendent  et  forment  comme  des  isthmes,  puis  des 
continents,  à  contours  déchiquetés,  au  sein  du  liquide 
qui  les  baigne  ;  progressivement  les  parties  du  verre 
encore  transparentes  disparaissent;  la  couche  de 
métal  devient  uniforme;  au  bout  de  vingt-cinq  à 
trente  minutes,  la  glace  se  trouve  entièrement  recou- 
verte d'une  couche  mince  et  continue  d'argent. 

Elle  est  alors  inclinée,  lavée  à  l'eau  distillée  qui 
entraîne  dans  des  rigoles  latérales  laliqueur  en  excès 
tenant  en  suspension  de  l'argent  en  poudre  noire 
ou  grise;  puis,  lorsqu'elle  a  repris  la* position  hori- 
zontale, on  verse  à  sa  surface  la  liqueur  n**  2.  Un 
quart  d'heure  après,  un  second  dépôt  est  venu  rea- 
forcer  le  premier  :  l'argenture  est  terminée.  La 
glace,  lavée  une  dernière  fois  à  l'eau  distillée,   est 


GLACES.  281 

transportée  dans  une  chambre  un  peu  chauffée,  dans 
laquelle  elle  est  misé  de  champ,  jusqu'à  ce  qu'elle 
ait  subi  Feifet  d'une  dessiccation  complète  et  spon- 
tanée. 

Les  liqueurs  dont  on  a  fait  usage  n'ont  abandonné 
qu'une  partie  de  Targent  qu'elles  contenaient;  la 
première  fournit  environ  k  grammes  et  la  deuxième 
â  grammes  d'argent;  soit  7  grammes  par  mètre  super- 
ficiel, représentant  une  valeur  de  1  fr.  50  environ  de 
métal  précieux  ;  recueillies  soigneusement,  ainsi  que 
les  eaux  de  lavage,  on  en  retire,  par  les  procédés 
ordinaires,  l'argent  qu'on  fait  repasser  à  l'état  d'azo- 
tate cristallisé,  La  couverture  de  coton,  remplacée 
et  brûlée  tous  les  six  mois,  fournit  15  à  20  kilo- 
grammes d'argent. 

Peinture  des  glaces  argentées.  —  La  couche  de 
métal,  bien  que  fort  brillante,  est  très-mince  et  très- 
altérable;  le  moindre  effort  suffit  pour  la  détacher; 
exposée  à  l'air,  elle  noircit  bientôt  en  se  sulfurant, 
peut-être  même  en  s'oxydant  en  raison  de  l'ozone 
que  l'air  peut  renfermer  d'une  manière  accidentelle. 
Il  est  nécessaire  de  la  protéger  contre  ces  causes 
de  destruction  au  moyen  d'un  enduit  convenable- 
ment choisi.  Dans  ce  but,  les  glaces  sont  transpor- 
tées dans  un  autre  atelier  :  la  pellicule  d'argent  est 
recouverte  au  pinceau  d'un  vernis  alcoolique  au 
copal,  puis,  quand  ce  vernis  est  sec,  d'une  couche  de 
peinture  au  minium;  celle-ci  sèche  en  quelques 
heures. 

Bien  que  ce  mode  de  peinture  n'ait  pas  encore 


îHi  LE   VERRE. 

reçu,  comme  Fancien  étamage,  la  sanction  d'ane 
expérience  bien  longtemps  prolongée,  rien  ne  fait 
supposer  que  les  glaces  argentées  s'altèrent  pins  que 
les  autres,  au  moins  celles  qui  sont  placées  dans 
Fintérieur  de  nos  habitations.  L'enduit  préservateur 
dans  lequel  on  employait  exclusivement  des  vernis 
résineux  a  été  d'abord  l'écueil  de  l'argenture;  son 
remplacement  par  une  simple  peinture  à  l'huile, 
dont  la  conservation  est  connue,  a  réalisé  une  amé- 
lioration considérable. 

Les  diverses  manipulations  que  je  viens  de  décrire 
sont  tellement  rapides  qu'on  peut,  à  la  rigueur,  reti- 
rer le  soir  de  l'atelier  les  glaces  qu'on  y  a  appor- 
tées le  matin.  Nous  avons  vu  qu'il  fallait  quinze  à 
vingt  jours  au  moins  pour  étamer  une  glace  au  mer- 
cure. 

Les  glaces  argentées  ont  plus  d'éclat  que  les 
glaces  étamées.  Dans  l'origine,  on  leur  reprochait  de 
donner  aux  objets  réfléchis  une  leinte  jaunâtre,  qui 
est,  en  effet,  celle  qui  appartient  à  l'argent  lors- 
qu'une pièce  polie  de  ce  métal  est  soumise  à  des 
réflexions  multiples.  On  la  corrigerait  probablement 
en  donnant  au  verre  lui-même  une  très-légère  colo- 
ration rosée;  mais  on  s'est  habitué  peu  à  peu  à  cette 
teinte,  et  cette  objection  ne  parait  plus  exister 
aujourd'hui. 

Procédé  d'amalgamation  des  glaces  argentées.  —  Bien 
que  les  procédés  d'argenture  qui  viennent  d'être  dé- 
crits soient  préférables,  au  double  point  de  vue  de 
l'hygiène  et  de  l'économie,  aux  anciens  procédés 


GLACES.  283 

d'étamage  au  mercure,  les  glaces  argentées  présen- 
tent encore  certains  défauts  qu'on  ne  rencontre  pas 
au  même  degré  dans  les  glaces  étamées;  en  dehors 
de  leur  teinte  jaunâtre,  elles  laissent  souvent  à  dési- 
rer sous  le  rapport  de  l'adhérence  de  la  couche  d'ar- 
gent; cette  couche  se  détache  alors  sur  une  étendue 
plus  ou  moins  grande,  surtout  par  l'exposition  au 
soleil;  les  émanations  sulfhydriques  se  font  jour 
quelquefois  à  travers  la  peinture  protectrice  qui 
recouvre  l'argent;  ce  métal  devient  noir  par  leur 
contact. 

Ces  défauts  paraissent  être  corrigés  par  une  ma- 
nipulation simple  et  inoffensive,  due  à  M.  Lenoir, 
l'inventeur  bien  connu  de  la  machine  motrice  à  gaz. 

La  glace,  après  qu'elle  a  été  argentée  et  lavée,  est 
arrosée  avec  une  solution  étendue  de  cyanure  de 
mercure  et  de  potassium.  L'argent  déplace  une  par- 
tie du  mercure  et  rentre  partiellement  en  dissolu- 
tion; le  reste  de  l'argent  donne  naissance  à  un  amal- 
game plus  blanc  et  beaucoup  plus  adhérent  que 
l'argent  lui-même.  Cette  transformation  est  instan- 
tanée. 

La  glace,  ainsi  amalgamée,  a  perdu  la  teinte  jaune 
de  l'argent  pur;  elle  donne  des  images  beaucoup 
plus  blanches  et  comparables  à  celles  des  anciens  mi- 
roirs ;  elle  devient  moins  attaquable  par  les  vapeurs 
sulfurées  et  résiste  à  Taction  du  soleil;  elle  est,  sous 
ce  dernier  rapport,  supérieure  aux  miroirs  étamés, 
dont  le  tain  s'altère  sous  l'influence  prolongée  de  la 
lumière.  Ces  résultats  n'ont  encore  pour  eux  qu'une 
expérience  de  deux  années;  si  l'avenir  ne  révèle  pas 


284  LE   VERRE. 

quelques  inconvénients  méconnus  jusqu'ici,  ils  con- 
tribueronl  à  faire  adopter  exclusivement  le  procédé 
d'argenture  que  cette  dernière  invention  de  M.  Le- 
noir  aura  amélioré. 

Argenture  des  ballons  et  des  pièces  creuses^  en  verre  et 
en  cristal.  —  Le  procédé  de  M.  Petitjean  est  aussi  mis 
en  pratique  pour  transformer  en  miroirs  de  toutes 
formes  et  de  toutes  dimensions,  des  globes,  des  gobe- 
lets, des  coupes,  des  flambeaux,  des  statuettes  de 
sainteté,  etc.  Ces  pièces  sont  creuses;  après  qu'elles 
ont  été  rincées  à  l'eau  distillée,  on  les  remplit  à 
moitié  avec  la  liqueur  n""  2.  On  chauffe,  au  bain- 
marie,  à  45**  environ,  en  agitant  le  vase  de  manière 
à  ce  que  le  liquide  argentifère  soit  en  contact  avec 
toute  la  surface  intérieure  de  la  pièce.  Lorsque  la 
couche  de  métal  déposé  est  assez  épaisse  pour  ne  plus 
se  laisser  traverser  par  la  lumière,  on  fait  écouler  la 
liqueur,  on  rince  à  l'eau  distillée  et  on  laisse  bien 
sécher.  L'orifice  par  lequel  le  liquide  avait  été  intro- 
duit est  ensuite  fermé  avec  un  bouchon  qu'on 
recouvre  avec  une  douille  de  laiton  ou  d'étain,  de 
manière  à  éviter  toute  rentrée  d'air.  Pour  les  pièces 
creuses  autres  que  les  globes,  telles  que  les  gobe- 
lets, les  coupes,  les  flambeaux,  etc.,  cet  orifice  se 
trouve  dissimulé  dans  le  pied  sur  lequel  elles  posent. 
Les  globes  argentés  de  couleur  bleue,  rouge,  jaune, 
etc.,  empruntent  leur  coloration  au  verre  transpa- 
rent qui  a  servi  à  les  fabriquer.  Tous  ces  objets, 
aussi  variés  de  forme  que  d'usage,  donnent  lieu  à  un 
commerce  d'exportation  assez  important. 


GLACES.  285 

La  réduction  de  Fazotate  d'argent  ammoniacal 
par  l'acide  tartrique  s'opère  habituellement  à  une 
température  qui  varie  entre  30  et  50°;  elle  se  fait 
aussi  à  la  température  ordinaire;  mais  elle  exige 
un  temps  plus  long.  C'est  en  opérant  à  froid  qu'on  a 
argenté,  dans  les  atpliers  delà  compagnie  de  Saint- 
Gobain,  les  glaces  de  très-grande  dimension  qui 
décorent  le  vestibule  et  le  foyer  de  la  danse  du  nouvel 
Opéra  de  Paris.  Il  faut  alors  quatre  à  cinq  heures  pour 
obtenir  le  résultat  qui  se  produit  en  quarante  minutes 
dans  les  conditions  que  nous  venons  d'indiquer. 
Comme  on  évite  ainsi  toute  chance  de  casse,  ce  pro- 
cédé d'argenture  à  froid  semblerait  devoir  être  pré- 
féré; mais  la  présence  inévitable  des  poussières  qui 
existent  dans  l'air  ne  permet  de  l'employer  que  dans 
des  circonstances  exceptionnelles. 

Argenture  des  verres  d'optique  par  le  sucre  interverti.  — 
Un  illustre  physicien,  prématurément  enlevé  à  la 
science,  Léon  Foucault,  a  construit  des  télescopes 
d'une  grande  puissance  dans  lesquels  les  objectifs 
achromatiques  sont  remplacés  par  des  miroirs  pré- 
sentant une  couche  extérieure  et  brillante  d'argent. 
Il  employait  un  procédé  d'argenture  fondé  sur  la 
réduction  de  l'azotate  de  ce  métal  par  une  huile 
essentielle,  l'essence  de  cassia.  M.  Ad.  Martin,  son 
collaborateur,  a  perfectionné  ce  procédé  et  ]'a  mis  en 
œuvre  pour  divers  instruments,  notamment  pour  le 
grand  miroir  de  l'",20  de  diamètre,  en  verre  de 
Saint-Gobain,  dont  les  courbures  ont  été  déterminées 
par  la  méthode  de  Foucault.  Ce  miroir   est    celui 


286  LE    VERRE. 

du  grand  télescope  établi  récemment  à  l'Observa- 
toire de  Paris,  par  les  soins  de  M.  Leverrier.  L'au- 
teur de  ce  mode  d'argenture  a  consigné  dans  le 
journal  les  Mondes  les  modifications  qu'il  a  fait  subir 
au  procédé  qu'il  avait  décrit  en  1868*.  Comme 
l'exécution  en  est  assez  délicate,  j'emprunterai  à 
ce  recueil  la  description   qu'il  en  donne  : 

«  On  prépare  quatre  solutions  qui,  conservées 
isolément,  ne  subissent  aucune  altération  : 

«  i*  Une  solution  de  ÙO  grammes  de  nitrate 
d'argent  cristallisé  dans  un  litre  d'eau  distillée; 

«  2°  Une  solution  de  6  grammes  de  nitrate  d'am- 
moniaque pur  dans  100  grammes  d'eau; 

«  3°  Une  solution  de  10  grammes  de  potasse 
caustique  (bien  exempte  de  carbonate  et  de  chlo- 
rure) dans  100  grammes  d'eau  ; 

«  h^  On  fait  dissoudre  25  grammes  de  sucre  dans 
250  grammes  d'eau;  on  ajoute  3  grammes  d'acide 
tarlrique;  on  porte  à  l'ébullition  que  l'on  maintient 
pendant  dix  minutes  environ  pour  produire  l'inver- 
sion du  sucre  et  on  laisse  refroidir.  On  ajoute  alors 
50  centimètres  cubes  d'alcool,  pour  empêcher  la 
fermentation  de  se  produire  plus  tard,  et  on  étend 
avec  de  l'eau  pour  former  le  volume  de  1/2  litre,  si 
Targenture  doit  être  faite  en  hiver,  ou  plus  Si  l'opé- 
ration doit  être  faite  en  été. 

«  Nous  prendrons  pour  exemple  l'argenture  d'un 

1.  Les  Mondes,  par   M.  Tabbé  Moigno,  t.    XXXI V,     p.    285; 
juin  1875. 


GLACES.  287 

miroir  de  10  centimètres  de  diamètre;  on  verse 
à  la  surface  du  verre,  que  Ton  a  épousseté  à  l'aide 
d'un  pinceau  en  blaireau,  quelques  gouttes  d'acide 
nitrique  concentré,  et,  à  l'aide  d'un  tampon  de  beau 
coton  cardé,  exempt  de  corps  étrangers,  on  nettoie 
le  verre  avec  soin,  on  le  rince  à  l'eau  et  on  l'essuie 
avec  un  linge  fin  bien  propre.  On  fait  tomber  ensuite 
sur  la  même  surface  un  mélange  de  volumes  à  peu 
près  égaux  delà  solution  de  potasse  (n°  3)  et  d'alcool, 
et  l'on  s'en  sert  pour  nettoyer  le  verre  avec  une  touffe 
de  coton.  Ce  liquide,  de  consistance  un  peu  sirupeuse, 
a  la  propriété  de  mouiller  le  verre  sans  se  retirer 
sur  les  bords,  comme  le  ferait  un  autre  liquide.  On 
plonge  la  face  ainsi  couverte  du  miroir  dans  un  vase 
contenant  de  l'eau  de  pureté  moyenne;  on  la  frotte 
bien  avec  un  blaireau  pour  faire  dissoudre  la  couche 
alcaline,  et  on  reverse  la  surface  nettoyée  sur  une 
assiette  dans  laquelle  on  a  mis  de  l'eau  pure,  en  ayant 
soin  qu'entre  la  surface  et  le  fond  de  l'assiette  il  y  ait 
au  moins  i/2  centimètre  d'épaisseur  d'eau;  on  ob- 
tient ce  résultat  en  soutenant  le  miroir  avec  trois 
petites  cales  de  bois  ou  de  baleine,  et,  par  un  léger 
balancement,  on  entraîne  le  liquide  du  lavage  pré- 
cédent. 

«  Dans  un  premier  verre  à  pied  de  grandeur 
convenable,  on  verse  : 

«  15  centimètres  cubes  de  la  solution  d'argent 
(liqueur  n*"  1)  ; 

«  15  centimètres  cubes  de  nitrate  d'ammoniaque 
(liqueur  n**  2). 

«  Dans  un  second  verre  : 


288  LE    VERRE. 

a  15  centimètres  cubes  de  la  solution  de  potasse 
(liqueur  n°  3). 

«  15  centimètres  cubes  de  la  liqueur  de  sucre 
interverti  (liqueur  n**  4),  et  on  verse  dans  le  premier 
verre. 

«  Ce  mélange  est  introduit  dans  une  petite  as- 
siette, et  l'on  y  porte  rapidement  le  miroir  resté  sur 
l'eau;  on  maintient  ce  dernier  à  1/2  centimètre  du 
fond,  comme  on  l'a  fait  pour  l'eau,  et  l'on  agite  dou- 
cement d'une  manière  continue. 

«  Si  les  liquides  ont  été  bien  préparés,  la  transpa- 
rence du  mélange  n'est  pas  altérée  lorsqu'on  y  verse 
le  mélange  de  potasse  et  de  sucre.  Ce  liquide  définitif 
doit,  au  bout  d'une  demi-minute  environ,  se  colorer 
en  jaune  rosé,  jaune  brun,  puis  noir  d'encre.  A  ce 
moment  l'argent  commence  à  se  déposer  sur  les 
bords  de  l'assiette  avec  une  couleur  de  platine;  le 
verre  s'argente  ensuite,  suivant  une  couche  bien 
régulière,  sans  marbrures  prononcées;  on  continue 
à  agiter  de  temps  à  autre,  et  lorsque  le  liquide,  qui 
est  devenu  trouble  et  grisâtre,  se  couvre  de  plaques 
d'argent  brillant,  l'opération  est  terminée.  On  retire 
le  miroir,  on  le  lave  avec  soin  sous  un  filet  d'eau 
suffisamment  abondant  et,  après  avoir  passé  rapide- 
ment de  l'eau  distillée  à  la  surface,  on  le  laisse  bien 
sécher  sur  la  tranche  en  l'appuyant  sur  des  doubles 
de  papier  buvard.  La  surface  apparaît  alors  brillante 
et  recouverte  seulement  d'un  léger  voile  que  l'on 
enlève  très-facilement  à  l'aide  d'un  tampon  de  peau 
de  chamois  portant  un  peu  de  rouge  fin  d'Angleterre. 
Mais  si  la  potasse  est  bien  décarbonatée  et  le  nettoyage  de  la 


GLACES.  t89 

surface  bien  fait^  Vargenture  est  parfaitement  brillante  et 
polie  sous  ce  voile,  et  il  n'y  a  pas  lieu  d'insister  sur  le  frot- 
tement au  tampon.  » 

Platinage  des  glaces.  —  On  a  essayé,  il  y  a  quelques 
années,  de  donner  au  verre  la  faculté  de  réfléchir  les 
objets  en  le  recouvrant  d'une  couche  très-mince  de 
platine.  Ce  procédé,  inventé  par  M.  Dodé,  consiste  à 
appliquer  au  pinceau  une  couche  d'essence  de  la- 
vande tenant  en  dissolution  du  chlorure  de  platine 
à  cette  liqueur,  qui  se  prépare  en  broyant  une  partit 
de  chlorure  de  platine  sec  avec  15  parties  d'essence 
rectifiée,  on  ajoute,  après  repos  et  filtration,  un 
fondant  composé  de  parties  égaies  de  litharge  et  de 
borate  de  plomb  broyés  avec  la  même  essence. 

Après  dessiccation  spontanée  de  ce  mélange  sur 
le  verre,  celui-ci  est  chauffé  dans  des  mouffles  en 
fonte  qui  reçoivent  les  châssis  mobiles  dans  lesquels 
les  feuilles  de  verre  sont  placées  verticalement;  par 
la  cuisson  ,  le  platine  apparaît  sous  forme  d'une 
couche  brillante ,  tellement  mince  que,  par  trans- 
parence, elle  laisse  traverser  la  lumière.  Le  verre 
peut  n'être  dressé  que  d'un  côté.  Cette  couche  est 
solide  et  adhérente. 

Malgré  ces  avantages,  le  verre  platiné  n'a  pas  été 
adopté  par  le  commerce,  à  cause  de  la  teinte  sombre 
qu'il  donne  aux  objets  réfléchis. 

Dorure  du  verre.  —  On  recouvre  depuis  quelque 
temps  des  glaces  d'une  couche  très-mince  d'or  bril- 
lant ou  mat.  Ces  glaces,  qui  sont  encore  peu  répan- 

Peligot,  Le  Verre.  10 


290  LE   VERRE. 

dues ,  paraissent  convenir  surtout  pour  faire  des 
encadrements  de  luxe.  Le  procédé  pour  les  pro- 
duire doit  être  analogue  à  celui  dont  on  fait  usage 
pour  Targenture.  M.  Schwarzenbach ,  de  Berne,  a 
fait  breveter  en  Angleterre  le  procédé  suivant  : 
On  dissout  dans  de  Teau  bouillante  du  chlorure 
d'or  bien  pur;  la  liqueur,  après  qu'elle  a  été  filtrée, 
est  étendue  d'eau  de  telle  sorte  que  1,000  c.  c.  con- 
tiennent O^SSOO  d'or  métallique  ;  on  la  rend  alca- 
line en  y  ajoutant  une  quantité  suffisante  d'une  dis- 
solution de  carbonate  de  soude.  D'autre  part,  on  a 
préparé  une  dissolution  saturée  de  gaz  des  marais 
dans  l'alcool;  celle-ci  est  étendue  de  son  volume 
d'eau;  25  c.  c.  de  cette  liqueur  sont  ajoutés  à 
200  c.  c.  de  la  dissolution  alcaline  d'or ,  et  le 
mélange  est  versé  entre  la  surface  de  la  glace  à 
dorer  (bien  nettoyée  d'avance)  et  une  feuille  de 
verre  placée  au-dessous,  à  une  distance  de  3  milli- 
mètres. Après  deux  à  trois  heures  de  contact,  la  do- 
rure est  terminée;  on  lave  le  verre  et  on  le  sèche. 


CHAPITRE  SIXIÈME. 


Bouteilles. 


Historique.  —  Les  états  de  service  du  verre  à  bou- 
teille ne  sont  pas  aussi  brillants  que  ceux  de  quelques 
autres  produits  de  Tindustrie  verrière.  La  bouteille, 
malgré  la  popularité  de  son  nom,  était  peu  connue 
des  anciens  qui  conservaient  leurs  vins  dans  des 
outres  en  peau.  Cette  coutume  existe  encore  dans 
quelques  pays.  Ce  n'est  guère  qu'à  partir  du 
XV*  siècle  que  son  usage  est  devenu  général.  Il 
existe  pourtant  dans  le  département  de  l'Aisne,  à 
Quicangrogne,  près  de  La  Capelle,  une  verrerie  à 
bouteilles  dont  la  fondation  remonte  à  l'année  1290 
et  qui  conserve  précieusement  dans  ses  archives 
les  brevets  qui  lui  ont  été  octroyés  par  Charles 
de  Bourgogne,  François  I*%  Charles  IX ,  Henri  III, 
Henri  IV,  etc.  C'est  une  |des  plus  anciennes  verreries 
de  France. 

En  raison  de  notre  grande  production  vinicole, 
la  fabrication  des  bouteilles  a  acquis  chez  nous  une 
importance  exceptionnelle.  On  produit  annuellement 


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BOUTEILLES.  393 

Les  bouteilles  pour  le  vin  de  Champagne,  dont  la 
abrlcation  exige  plus  de  soins  et  plus  de  combustible, 
>e  vendent  de  24  à  29  francs,  selon  le  choix. 

Matières  premières  et  composition.  —  Les  matières 

)remîères  qu'on  emploie  sont  de  nature  très-diverse, 

ieloh  les  localités.  On  se  sert,  autant  que  possible, 

le  celles  qu'on  a  sous  la  main,  afin  de  réduire  les 

rais  de    transport.  On  emploie  les  sables  du  pays, 

'n   donnant  la  préférence  à  ceux  qui,   étant  cal- 

•aires,    argileux,   ferrugineux,  apportent   avec  eux 

me  partie  des  fondants  nécessaires  à  la  production 

•conomique  du  verre.   A  Rive-de-Gier  et  à  Givors, 

lans  les  usines  dirigées  par  M.  Ch.  Raabe,  lesquelles 

onliennent  22   fours  pour  la  fabrication  des  bou- 

eilles,  la  composition  qu'on  employait  il  y  a  quelques 

innées  était  la  suivante  : 

Sable  du  Rhône 100 

Chaux  éteinte 24 

s  ulfate  de  soude 8 

Le  sable  du  Rhône  est  ferrugineux  et  contient 
ÎO  pour  100  de  calcaire. 

Dans  la  verrerie  de  M.  de  Violaine,  à  Vauxrot, 
Drès  Soissons,  où  Ton  produit,  avec  quatre  fours, 
i  millions  de  bouteilles  champenoises,  les  matières 
premières  mises  en  œuvre  sont  les  sables  calcaires 
lu  pays,  les  cendres  neuves,  les  cendres  lessivées 
lu  pays  qu'on  nomme  charrées,  la  craie  de  Cham- 
pagne, les  soudes  de  Varech,  le  sel  de  soude,  le  sul- 
fate de  soude,  la  soude  factice. 


394  LE    YEARË. 

En  Belgique,    dans  la  province   de    Charleroî, 
M.  Houtart  Roullier  fait  usage  du  mélange  suivant  : 
100  parties  de  composition  renferment  : 

Sable  du  pays 10 

Cendres  de  tourbe  (de  la  Hollande).  .   .  20 

Sulfate  de  soude 15 

Calcaire 5 

Groisil  ou  tessons  de  bouteilles 50 

Voici  une  autre  composition  : 

Sable  argileux 300 

Sulfate  de  soude 30 

Verre  cassé 80 

Écailles  d'huîtres 20 

Le  sulfate  de  soude  dont  on  fait  usage  contient 
habituellement  une  grande  quantité  de  sel  marin  ; 
ce  dernier,  dont  la  proportion  s'élève  parfois  jusqu'à 
50  pour  100  du  poids  du  sulfate,  facilite  la  fonte  et 
raffinage  du  verre  et  permet  d'économiser  le  com- 
bustible. Il  est  possible  aussi  qu'une  partie  du  chlo- 
rure de  sodium  joue  un  rôle  utile  comme  fondant, 
par  suite  de  sa  transformation  en  silicate  de  soude, 
en  présence  du  sable  et  de  l'eau  que  renferment 
les  matières  employées. 

D'après  ces  mélanges,  la  composition  du  verre  à 
bouteilles  est  nécessairement  très-variable  ;  les  fon- 
dants ordinaires,  la  soude  et  la  potasse,  s'y  trouvent 
en  grande  partie  remplacés  par  des  fondants  mul- 
tiples d'un  prix  moins  élevé,  c'est-à-dire  par  la  chaux, 
la  magnésie,  l'alumine,  l'oxyde  de  fer,  etc. 


BOUTEILLES.  Î95 

Voici  les  analyses  de  trois  échantillons  de  verre 
à  bouteilles  de  bonne  qualité  :  les  deux  premières 
sont  de  M.  Berthier,  la  troisième  de  M.  Maumené  : 

1.  2.  S. 

Silice 60,2  59,6                   58,4 

Chaux 20,7  18,0                   18,6 

Baryte 0,9  •                        » 

Soude  et  potasse ...  3,2  3,2  Potasse.  1,8 

Magnésie 0,6  .7,0  Soude. .  9,9 

Alumine 10,6  6,8                     2,1 

Oxyde  de  fer 3,8  h  A                    8,9 


Oxyde  de  manganèse.  »  0,/i 


» 


100,0  99,4  99,7 

i.  Verre  de  Saint-Étienne  (Loire). 

2.  Verre  d*Épinac,  près  Autun  (Saône-et-Loire). 

3.  Bouteille  à  Champagne  de  très-bonne  qualité,  dont  la  résistance  à  la  pres- 

sion avait  été  constatée. 


J'ai  donné  précédemment  (p.  61)  la  composition 
d'une  bouteille  champenoise  très-attaquable  par  les 
acides,  à  cause  de  la  proportion  de  bases  trop  con- 
sidérable qu'elle  renferme.  On  trouve  aussi  (p.  43) 
la  composition  actuelle  des  bouteilles  de  Blanzy; 
celles-ci  ne  contiennent  qu'une  très-petite  proportion 
d'alcali. 

Il  est  important  de  produire  des  bouteilles  bien 
recuites  et  bien  régulières  de  forme  et  d'épais- 
seur ;  ces  conditions  sont  indispensables  pour  celles 
qui  sont  destinées  à  contenir  les  vins  mousseux  ; 
autrement  la  casse,  surtout  pendant  les  premiers 
temps  de  la  fermentation,  devient  très-considérable. 
Elle  est,  en  moyenne,  dans  les  caves  de  Reims  et 
d'Épernay  de  iO  pour  iOO  ;  mais  elle  s'est  élevée 


S96  LE   VERRE. 

dans  certaines  années  et  avec  certaines  bouteilles  à 
50  pour  100  et  au  delà.  On  a  construit  diverses 
machines  d'épreuve  pour  mesurer  la  résistance  des 
bouteilles.  Dans  la  verrerie  de  M.  Labarbe,  à  Follem- 
bray  (Aisne),  dont  les  produits  sont  fort  estimés,  on  se 
sert,  pour  l'essai  d'un  certain  nombre  de  bouteilles 
prises  au  hasard  dans  chaque  fournée,  d'une  ma- 
chine construite  par  Collardeau;  les  bonnes  bou- 
teilles résistent  à  une  pression  de  25  à  35  atmo- 
sphères. 

D'après  M.  Maumené,  ancien  professeur  à  Reims, 
auteur  d'un  important  ouvrage  sur  le  travail  des 
vins  mousseux,  les  conditions  générales  à  remplir 
pour  les  bouteilles  à  Champagne  sont,  en  dehors  de 
celles  qui  tiennent  à  la  qualité  du  verre  :  le  poids;  il 
doit  être  compris  entre  850  et  900  grammes  ; 
l'épaisseur  qui  doit  être  uniforme  ;  la  couleur;  elle 
doit  être  claire  sans  être  bleue  ni  irisée  ;  la  pureté 
du  verre  qui  doit  être  surtout  exempt  de  pierres  qui 
sont  presque  toujours  l'indice  de  petites  fentes  ;  en 
outre  l'embouchure  doit  être  convenablement  coni- 
que pour  bien  retenir  le  bouchon  et  assurer  la  con- 
servation du  vin. 

Fabrication.  —  La  fusion  des  matières  premières 
se  fait  dans  des  fours  analogues  à  ceux  qui  servent 
pour  le  verre  à  vitre.  A  Rive-de-Gier,  on  emploie  des 
fours  rectangulaires  dont  la  chaleur  perdue  se 
dégage,  de  chaque  côté  du  four,  dans  des  arches  qui 
reçoivent  la  composition  qui  est  frittée  pendant 
vingt-huit  heures.  On  n'ajoute  pas  de  charbon  pour 


BOUTEILLES.  Ï97 

décomposer  le  sulfate  de  soude,  ainsi  qu'on  le  fait 
pour  le  verre  à  vitre  ou  à  gobeléterie  commune;  il 
est  probable  que  l'oxyde  de  carbooe  et  les  gaz  hydro- 
génés qui  se  trouvent  dans  les  produits  de  la  com- 
bustion facilitent  cette  décomposition.  Cette  fritte  des 
matières  premières  est   coûteuse;  elle  parait  être 


Flg   JC  —  Foar  à  boulcilles 


surtout  utile  pour  donner  aux  bouteilles  une  colo- 
ration régulière  et  de  même  leînte. 

Les  creusets  sont  ronds,  ovales  ou  rectangulaires; 
ils  reçoivent  chacun  600  à  1,000  kilogrammes  de 
.matière  frittée  dont  le  rendement  est  de  80  pour  100 
de  verre  fondu  et  de  60  pour  100  environ  de  verre 
utilisé.  Ainsi  1,000  kilogrammes  de  composition, 
donnant  800  kil.  de  verre  fondu,  fournissent  600  bou- 
teilles fortes  de  1  kilogramme  ou  750  de  800  gram- 
mes. On  produit  donc  6,000  bouteilles  fortes  par  jour 
et,  pour  un  four  à  8  pots  et  à  dix  places,  180,000 


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298  LE    VERRE. 

par  mois.  On  consomme  pour  la  fonte  et  les  fours  à 
recuire  2  tonnes  de  houille  et  3  tonnes  pour  faire  la 
braise^  c'est-à-dire  pour  maintenir  le  four  à  la  tempé- 
rature voulue  pendant  le  travail.  On  dépense,  par 
conséquent,  183  kilogrammes  de  houille  pour  100 bou- 
teilles fortes  ou  137  pour  celles  de  750  grammes. 
Pour  100  bouteilles  champenoises,  on  consomme 
200  kilogrammes  de  bouille.  La  fonte  dure  12  à 
13  heures;  le  travail  li  heures,  en  y  comprenant 
deux  heures  de  repos.  On  fait  par  heure  75  à  80  bou- 
teilles ordinaires  ou  50  bouteilles  champenoises. 

Pour  deux  pots,  il  y  a  un  four  à  recuire  dans  le- 
quel les  bouteilles  sont  portées  aussitôt  qu'elles  sont 
façonnées. 

Le  four  à  huit  creusets  est  desservi  par  dix  places, 
soit  cinq  places  de  chaque  côté;  celle  du  milieu 
prend  son  verre  alternativement  à  droite  et  à  gauche; 
elle  a  devant  elle  un  petit  ouvreau  pour  la  confection 
du  goulot. 

Chaque  place  se  compose  de  trois  ouvriers  :  le 
maître  ouvrier,  le  grand  garçon  et  le  gamin.  Il  y  a  en 
outre,  pour  plusieurs  places,  un  enfant,  le  porteur, 
qui  enlève  les  bouteilles  fabriquées  et  qui  les  porte 
au  four  à  recuire. 

Les  huit  potées  sont  vidées  en  neuf  à  onze  heures, 
sans  que  le  travail  soit  interrompu  ;  cette  sorte  de 
verre  se  dévitrifie  avec  une  extrême  facilité  et  il 
n'est  pas  rare,  en  dépit  de  la  célérité  du  travail,  que 
les  fonds  de  pots  donnent  du  verre  galeux.  Afin  que 
chaque  place  ait  à  son  tour  le  repos  qui  lui  est  né- 
cessaire, une  équipe  volante  la  relève  alternative- 


300  LE    VERRE. 

ment,  et  procède,  pendant  ce  temps,  à, la  confeclion 
'  d'un  certain  nombre  de  bouteilles. 

La  place  étant  nettoyée  et  les  outils  mis  en  ordre 
sous  la  main  du  maître  ouvrier,  le  gamin  cueilte  avec 
une  canne  préalablement  chauffée  àl'ouvreau   une 
certaine  quantité  de  verre  :  il  tient  la  canne  horizon- 
talement en  la  tournant  sur  elle-même  pour  refroidir 
un  peu  le  verre;  puis,  après  avoir  fait  un  second 
cueillage  dans  les  mêmes  conditions,  il  la  passe  au 
grand  garçon.  Celui-ci  achève  de  garnir  la  canne  de 
la  quantité  de  verre  nécessaire  à  la  confection  de  la 
bouteille;  il  commence  à  faire  m  poste,  c'est-à-dire  à 
rouler  la  canne  sur  une  plaque  de  fonte   (marbre) 
légèrement  inclinée,  posée  sur  un  support  à  l'extré- 
mité de  la  place;  le  verre  étant  ainsi* marbré  et  en 
même  temps  un  peu  étiré,  il  commence  à  souffler, 
tout  en  continuant  à  promener  la  paraison  sur  la 
plaque  de  fonte;    puis   il   lui  donne  une  position 
verticale,  ne  l'appuyant  plus  sur  le  marbre  que  par  la 
partie  inférieure  ;  il  la  soulève  de  manière  à  laisser 
couler  le  verre  qui  forme  le  col  de  la  bouteille.  Il 
porte    alors  à  l'ouvreau  la   paraison   ainsi   termi- 
née, en  posant  la  canne    sur  un  crochet  pour  la 
réchauffer,  tout  en  lui   imprimant  un  mouvement 
lent  de  rotation  de  manière  à  maintenir  le  verre, 
qui  se  ramollit,  avec  la  forme  qu'il    vient   de  lui 
donner  ;  il  remet  alors  la  canne  au  maître  ouvrier 
qui  termine  la  bouteille. 

Celui-ci  souffle  à  petits  coups,  en  appuyant  sur  un 
autre  marbre  posé  à  terre  devant  lui  l'extrémité  de 


BOUTEILLES.  301 

la  bouteille;  il  en  prépare  ainsi  le  fond  et  il  donne 
à  la  pièce  la  dimension  qu'elle  doit  avoir  pour  entrer 
dans  le  moule  qui  est  en  argile  réfraetaire,  quel- 
quefois en  fer  ou  en  laiton;  il  la  pousse  contre  le 
fond  de  ce  moule  et  il  souffle  en  tournant  la  canne 
de  manière  à  ce  que  le  verre  en  remplisse  bien 
toute  la  capacité;  puis  il  la  retire  du  moule  et  il 
la  retourne  de  bas  en  haut,  et,  la  tenant  de  la  main 
gauche  dans  cette  position  verticale,  il  comprime 
le  fond  plat  de  la  bouteille  avec  un  crochet  en  fer  ; 
la  bouteille  étant  roulée  de  nouveau  sur  le  marbre 
pour  reprendre  la  forme  régulière  qu'elle  a  pu 
perdre  par  la  confection  du  fond,  il  en  tranche  le  col 
par  le  contact  d'un  fer  mouillé,  la  bouteille  étant 
placée  sur  un  calibre  qui  donne  la  longueur  qu'elle 
doit  avoir;  puis  il  la  détache  sur  une  pièce  en 
terre  formée  de  deux  plans  inclinés;  la  bou- 
teille est  retournée  bout  à  bout  et  empontillée  avec 
le  verre  qui  adhère  encore  à  la  canne,  c'est-à-dire 
fixée  à  la  canne  par  la  partie  centrale  et  creuse  de 
son  fond. 

La  bouteille  est  reportée  à  l'ouvreau  pour  réchauf- 
fer le  col  à  l'extrémité  duquel  on  fait  tomber  au 
moyen  d'une  cordeline  (tige  de  fer  pleine)  la  quantité 
de  verre  nécessaire  pour  former  la  bague;  le  col 
étant  suffisamment  réchauffé,  l'ouvrier,  assis  sur  son 
banc,  roule  de  la  main  gauche  la  canne  sur  les  bar- 
delles  de  ce  banc,  pendant  que  de  l'autre  main  et 
avec  ses  fers  il  aplatit  le  col  et  arrondit  intérieure- 
ment le  goulot. 

La  bouteille  est   terminée;  la  canne   à  laquelle 


elle  est  fixée  passe  entre  les  mains  du  gainln  qui  la 
porte  au  four  à  recuisson.  Au  moyen  d'un  léger  choc 
sur  le  milieu  de  la  canne,  il  la  détache  à  l'entrée  du 
four  et  la  laisse  entre  les  mains  de  l'ouvrier  qui  est 
chargé  de  l'y  ranger. 

Ce  mode  de  fabrication,  qui  donne  des  bouteilles 
avec  des  fonds  en  verre,  arrachés  et  coupants,  est 
aujourd'hui  modifié  dans  la  plupart  des  verreries.  On 
a  remplacé  l'empontiUage  avec  le  verre  qui  reste  à 
l'extrémité  de  la  canne  par  un  sabot  en  fer  dans 
lequel  on  encastre  la  bouteille,  alors  que,  détachée 
de  la  canne,  elle  repose  sur  la  plate-forme  en  terre 
sur  laquelle  se  trouve  le  calibre 
selon  lequel  le  verre  a  été  tran- 
ché. Le  diamètre  du  sabot  est  réglé 
sur  celui  du  moule;  il  varie  par 
conséquent  avec  la  dimension  des 
bouteilles  (fig.  48). 

Un  autre  perfectionnement,  qui 
est  surtout  important  pour  les 
bouteilles  champenoises  dont  le 
goulot  doit  être  parfaitement 
dressé,  consiste  à  former  le  col 
et  la  bague  avec  une  pince  repré- 
sentée (fig.  49,  voir  p.  303). 

Ail  moyen  de  cet  outil,  l'ouvrier  écrase  et  pare  le 
verre  en  le  comprimant  avec  l'extrémité  A  B  qui 
donne  le  profil  de  la  bague;  en  même  temps  la 
partie  pleine  C,  légèrement  conique,  donne  au  gou- 
lot une  forme  régulière  et  invariable. 

La  bouteille  étant  terminée  on  la  détache  de  la 


Fie.  4S. 


BOUTEILLES.  303 

canne  ;  elle  est  reçue  par  le  porteur  sur  une  fourche 
en  fer  et  portée  au  four  à  recuire.  Celui-ci  a  un  foyer 
au  centre  ;  de  chaque  côté  viennent  se  ranger  les 
bouteilles,  qu'on  empile  ensuite  les  unes  sur  les 
autres  jusqu'à  ce  que  le  four  soit  plein.  On  laisse 
tomber  le  feu,  on  bouche  les  ouvertures 
et  au  bout  de  quarante-huit  heures  on  /1  "^ 
en  retire  les  bouteilles  recuites. 

D'autres  fours  à  recuire  sont  à  feu 
continu.  Ils  se  composent  d'une  longue 
galerie,  chauffée  vers  le  milieu  par  un 
foyer  et  terminée  par  des  portes  à  ses 
deux  extrémités.  Le  four  est  traversé  par 
une  chaîne  en  fer  sans  fin,  à  laquelle  sont 
accrochés  des  chariots-  sur  lesquels  on 
dépose  les  objets  à  recuire.  Ils  entrent  par 
un  bout  et  sortent  par  l'autre  convena- 
blement recuits  et  refroidis. 

Ce  même  four  est  en  usage  pour  re- 
cuire les  objets  de  gobeleterie  en  verre 
ou  en  cristal. 

Certaines  bouteilles  portent  un  cachet  indiquant 
la  marque  du  débitant  ou  bien  la  nature  du  liquide 
qu'elles  doivent  renfermer.  Ce  cachet  est  produit 
en  laissant  tomber  sur  la  bouteille  un  peu  de  verre 
qu'on  comprime  avec  une  pièce  gravée  en  fer  ou 
en  cuivre,  comme  on  te  ferait  pour  cacheter  une 
lettre  avec  de  la  cire. 

On  se  plaint  souvent  de  l'inégale  capacité  des 
bouteilles.  On  comprend  qu'en  dehors  de  l'inter- 
vention de  certains  négociants,  notamment  desres- 


tauraleurs,  qui  imposent  au  verrier  l'obligatiou  de 
leur  faire  des  bouteilles  de  plus  en  plus  petites,  il 
est  difficile  d'arriver,  autrement  que  par  le  jau- 
geage, à  livrer  des  vases  d'une  capacité  uniforme,  en 
suivant  les  procédés  ordinaires  de  fabrication.  On  y 
parvient  sûrement  en  se  servant  de  moules  métal- 
liques. Un  mécanicien  habile,  M.  Carillon,  auquel 
est  dû  l'outillage  mécanique  de  la  glacerie  de  MoDt- 
luçon,  a  introduit  dans  quelques  verreries  le  moule 
en  fer  à  charnières  représenté  ci-dessous. 

Ce  moule  est  destiné  à  faire  des  bouteilles  borde- 
laises, à  fond  plat,  d'une  capacité  de  70  centilitres  ei 
du  poids  de  750  grammes. 

Le  moule  étant  préalablement  échauffé  et  main- 
tenu fermé,   on  commence   la   paraison;   le  verre 


dont  on  a  garni  la  canne,  est  marbré  sur  la  plaque 
de  fonte,  cueilli  de  nouveau,  puis  soufflé  dans  un 
moule  en  bois  de  hêtre  mouillé;  l'ouvrier  souffla 
légèrement,  réchauffe  sa  pièce  h  l'ouvreau ,  puis  la 
laisse  pendre  un  instant  pour  former  le  goulot.  .^ 
ce  moment,  le  gamin  ouvre  le  moule  qui  reçoit  la 


BOUTEILLES.  305 

paraison  ;  il  le  ferme  et  l'ouvrier  souffle  d'abord  avec 
la  bouche  et  immédiatement  après  avec  le  piston 
(pompe  de  Robinet). 

La  bouteille  est  passée  au  chef  de  place,  qui  la 
met  sur  un  calibre  pour  en  fixer  la  longueur;  il  la 
détache  de  la  canne  en  rognant  le  goulot  d'après  cette 
mesure,  la  prend  par  le  corps  avec  un  sabot^  instru- 
ment qui,  comme  nous  l'avons  vu,  remplace  le 
pontil,  la  met  à  l'ouvreau  pour  arrondir  le  goulot  et 
en  fait  la  bague  avec  du  verre  qu'un  gamin  lui 
apporte  au  bout  d'un  pontil.  La  bouteille,  ainsi  ter- 
minée, est  portée  au  four  à  recuire. 

Le  fond  du  moule  est  percé  de  très-petits  trous 
destinés  à  la  sortie  de  l'air;  sans  ces  trous,  le  verre 
n'épouserait  pas  exactement  tous  les  contours  du 
moule. 

Ce  mode  de  fabrication  est  évidemment  plus  lent 
et  plus  coûteux  que  celui  qu'on  suit  habituellement; 
mais  il  fournit  des  vases  exactement  calibrés. 

La  couleur  des  bouteilles  qu'on  fabrique  en  France 
est  d'un  vert  plus  ou  moins  foncé;  elle  est  produite 
par  le  silicate  de  protoxyde  de  fer.  Celles  qu'on  lait 
en  Angleterre  pour  les  bières  fortes  sont  presque 
noires  ;  en  Allemagne,  pour  les  vins  du  Rhin,  par 
exemple,  les  bouteilles  sont  d'un  jaune  brun;  cette 
couleur  est  due  à  l'addition  de  l'oxyde  de  manganèse. 
La  coloration  des  bouteilles,  due  à  l'origine  à  l'imper- 
fection des  procédés  de  fabrication,  n'a  aucune  rai- 
son d'être  aujourd'hui,  à  moins  qu'elle  ne  serve  à 
masquer  la  mauvaise  qualité  du  vin.  Il  serait  à  dési- 
rer que  l'usage  de  vases  incolores  ou  peu  colorés  s'in- 

Peligot,  Le  Verre,  20 


306  LE   VERRE. 

troduislt  dans  les  habitudes  du  commerce,  surtout 
pour  ceux  qui  sont  destinés  à  contenir  des  boissons. 

Fabrication  des  bombonnes  ou  dames-jeannes.  —  Ces 
vases,  qu'on  désigne  aussi  sous  le  nom  de  touriesy  et 
qui  sont  le  plus  souvent  d'une  contenance  de  18  à 
20  litres,  servent  au  transport  des  acides  et  des  spiri- 
tueux ;  ils  sont  clisses  ou  assujettis  avec  de  la  paille 
dans  des  paniers  en  osier.  Le  clissage  se  fait  dans  les 
verreries  mêmes,  qui  sont  le  plus  souvent  des  verre- 
ries à  bouteilles. 

Le  travail  est  le  même,  avec  cette  différence  tou- 
tefois que  les  dames-jeannes  ne  sont  pas  empontillées ; 
lorsqu'elles  ont  été  soufflées  et  amenées  à  la  dimen- 
sion et  à  la  forme  voulues,  le  gamin  applique  sur  le 
col  la  quantité  de  verre  nécessaire  pour  faire  le 
cordon,  et,  après  que  celui-ci  a  été  façonné  par  l'ou- 
vrier, le  col  est  tranché  un  peu  au-dessus  de  la  bagiœ 
et  la  pièce  est  portée  au  four  à  recuire;  ce  bord, 
n'ayant  pas  été  rebrûlé,  est  inégal  et  coupant;  on 
l'égalise  à  la  lime  après  que  la  pièce  a  été  recuite. 

Pour  les  dames-jeannes  de  dimensions  excep- 
tionnelles, ayant  50  litres  et  plus  de  capacité,  le 
souffleur  prend  dans  sa  bouche  un  peu  d'eau  ou 
d'eau-de-vie  qu'il  projette  avec  sa  canne  dans  le  verre 
lorsqu'il  est  déjà  arrivé  à  une  certaine  dimension  ; 
le  liquide,  en  se  vaporisant,  augmente  considérable- 
ment le  volume  de  la  pièce,  si  bien  qu'elle  éclate 
parfois,  lorsque  l'effet  qu'on  cherche  à  produire  se 
trouve  dépassé. 


CHAPITRE   SEPTIEME 


Verrerie  de  luxe  et  verrerie  oommune 
Gtobeleterie  en  verre  et  en  cristal. 


Historique.  —  Tout  le  monde  connaît  le  récit  de 
Pline  sur  l'origine  du  verre  :  des  marchands  phéni- 
ciens étant  descendus  à  terre,  près  de  Tembouchure 
du  fleuve  Bélus,  tirèrent  de  leur  navire  des  blocs  de 
natron  pour  supporter  le  vase  qui  devait  servir  à 
cuire  leurs  aliments;  l'action  du  feu  ayant  fondu 
ces  blocs  avec  le  sable  sur  lequel  ils  étaient  posés, 
il  en  résulta  un  liquide  transparent  qui  était  du 
verre  * . 

Nous  n'avons  pas  à  nous  attarder  longtemps  sur 
cette  histoire;  Pline  lui-même  ne  la  donne  que 
comme  un  on-dit  :  fama  est...  Strabon,  qui  écrivait  un 

1.  Voici  le  texte  latin  (livre  XXXVI,  §  65): 

• 

Fama  est,  appulsâ  nave  mercatorum  nitrij  cum  sparsi  per  littus 
epulas parèrent j  nec  esset  cortinis  attolendis  lapidum  occasion  glebas 
nitri  è  nave  subdidisse^  quitus  accensis  permixtâ  arenâ  liltoris, 
Iraûslucentes  novi  liquprié  fluxisse  rivoSj  et  hanc  fuisse  originem 
vilri» 


308  LE  VERRE. 

siècle  avant  Pline,  n  en  fait  aucune  mention,  bien 
qu'il  signale  les  sables  du  fleuve  Bélus  comme  pro- 
pres à  la  fabrication  du  verre.  Ainsi  que  le  fait 
observer  M.  Dumas  dans  l'article  si  remarquable 
qu'il  consacre  au  verre  dans  son  Traité  de  chimie, 
((  quand  on  connaît  la  température  nécessaire  à  la 
préparation  du  verre  le  plus  fusible  et  qu'on  a  vu 
seulement  l'intérieur  d'un  four  de  verrerie  en  acti- 
vité, on  conçoit  combien  ce  récit  est  invraisem- 
blable ». 

Il  me  sera  permis  de  faire  une  autre  remarque  : 
le  texte  de  Pline  peut  donner  lieu  à  des  interpré- 
tations fort  différentes ,  en  raison  du  sens  qu'il 
convient  d'attribuer  au  mot  nitrum. 

Est-ce  du  nitrej  c'est-à-dire  du  salpêtre,  de  l'azo- 
tate de  potasse  que  vendaient  ces  marchands,  ou  bien 
est-ce  du  natrouy  c'est-à-dire  de  la  soude,  du  carbo- 
nate de  soude  hydraté*?  Le  lieu  de  la  scène  rend 
cette  dernière  hypothèse  assez  vraisemblable.  Mais, 
d'un  autre  côté,  on  comprend  mieux  la  fusion  de 
blocs  de  nitre  sous  l'influence  d^une  température 
peu  élevée  (fusion  donnant  un  liquide,  le  cristal 
minéral^  qui  n'est  pas  du  verre,  mais  simplement  du 
nitre  fondu),  que  la  vitrification  du  sable  par  la 
soude  en  plein  air,  dans  les   conditions   indiquées 

1.  Le  dictionnaire  de  la  langue  française  de  M.  Littré,  si  pré- 
cieux pour  résoudre  des  difficultés  de  ce  genre,  est  peu  explicite  sur 
ce  sujet  : 

Nitre...  Étym.  provenç.  nitre;  espag.  et  ital.  mtro;  du  latin 
nitrum  ;  grec  vîrpcv,  qui  vient  de  l'hébreu  noter,  nitre,  natron,  du 
verbe  netar,  faire  effervescence. 


VERRERIE  DE  LUXE   ET  VERRERIE  COMMUNE.  309 

par  l'historien  lalin.  Aucun  traducteur,  il  est  vrai, 
n'hésite  à  traduire  nitrum  par  nitre.  Mais  les 
verriers  et  les  chimistes  admettront  plus  volontiers 
que  ce  mot  signifie  soude,  d'autant  mieux  que 
celui  de  natrum,  la  soude,  que  connaissaient  les  an- 
ciens, ne  se  trouve  dans  aucun  dictionnaire  latin. 
L'auteur  de  là  préface  du  Traité  de  Vart  de  la  verrerie 
d'Antoine  Neri,  le  baron  d'Holbach,  adopte  une  ver- 
sion amplifiée  ;  il  suppose  qu'à  l'endroit  où  s'ar- 
rêtèrent ces  marchands,  «  il  se  trouva  une  grande 
quantité  de  l'herbe  communément  appelée  kali^  dont 
les  cendres  donnent  la  soude  et  la  rochette;  il  s'en 
forma  du  verre,  la  violence  du  feu  ayant  uni  le 
sel  et  les  cendres  de  la  plante  avec  du  sable  et  des 
pierres  propres  à  se  vitrifier  ».  11  n'est  nullement 
question  de  cendres  dans  le  récit  de  Pline. 


Fig.  51.  —  Verriers  de  Thèbes. 


Sans  insister  davantage  sur  cette  légende,  les 
explorations  des  archéologues  ont  établi  par  les 
témoignages  les  plus  certains  que  Vart  de  fabriquer  le 


S10  LE    VERRE. 

verre  était  connu  et  pratiqué  dès  la  plus  haute  antiquité 
C'est  ce  qu'attestent  les  bouteilles  et  autres  objets  de 
verre  trouvés  dans  les  nécropoles  de  l'Egypte  et  aussi 
les  célèbres  sculptures  des  grottes  de  Beni-Hassan 
représentant  des  verriers  thébains  accroupis  devant 
leurs  fourneaux  et  soufflant  dans  des  cannes  (fig.  51). 
Deux  raille  ans  avant  l'ère  chrétienne,  l'industrie  du 
verre  était  déjà  tellement  avancée,  que  plusieurs  des 
spéciraens  trouvés  dans  les  fouilles  n'ont  pu  encore 
être  reproduits.  Telles  sont  diverses  pièces  de  notre 
Musée  égyptien  (salle  civile,  vitrine  L),  notamment 
les  amphores  et  les  petites  bouteilles  à  long  col  sur 
piédouche,  garnies  d'ornements  en  verre  de  couleur 
ajoutés  pendant  la  fabrication,  alors  que  la  matière 
était  encore  molle. 

Dès  les  temps  les  plus  reculés,  le  verre  était  pour 
les  Phéniciens  Tobjet  d'un  commerce  important. 
Leurs  établissements  de  Tyr  et  de  Sidon,  à  l'embou- 
chure du  fleuve  Bélus,  aujourd'hui  Narhr-Halon, 
échangeaient  leurs  verreries  contre  des  métaux  ou 
des  minerais  avec  les  peuples  du  bassin  de  la  Médi- 
terranée, des  côtes  de  l'Océan  et  de  la  Grande- 
Bretagne;  on  a  même  trouvé  en  Danemark  des 
verroteries  auxquelles  on  attribue  une  origine  phé- 
nicienne. 

De  l'Egypte  et  de  la  Phénicie,  l'art  de  faire  le  verre 
se  propagea  en  Asie  Mineure  et  en  Assyrie  :  les 
fouilles  du  palais  de  Nemrod  ont  amené  la  décou- 
verte de  plusieurs  vases  de  verre  qui  sont  actuelle- 
ment au  Musée  britannique;  sur  l'un  d'eux  est 
gravé,  d'un   côté,   un  lion,   et,   de  l'autre,   une 


VERRERIE  DE  LUXE   ET   VERRERIE  COMMUNE.  3U 

inscription  cunéiforme  portant  le  nom  de  Sargon,roi 
d'Assyrie,  qui  vivait  au  vni*'  siècle  avant  Jésus-Christ. 
C'est  de  l'Inde  que  les  Egyptiens  tiraient  les 
minéraux  qui  leur  servaient  à  colorer  le  verre.  Les 
verreries  de  ce  pays,  très-anciennes  aussi,  nous  sont 
peu  connues  ;  au  dire  de  Pline,  elles  étaient  les  plus 
estimées  et  leur  supériorité  était  due  à  la  pureté  du 
quartz  dont  se  servaient  les  Indiens. 

Les  Ethiopiens,  d'après  Hérodote,  étaient  aussi 
fort  habiles  à  faire  le  verre;  mais  c'est  aux  Grecs 
que  Ton  doit  les  produits  les  plus  parfaits.  «  Je 
renonce,  dit  M.  de  Laborde  dans  sa  Notice  sur  les 
émaux  du  Louvre^  à  citer  les  pièces  en  verre  de  travail 
grec  que  les  collections  publiques  et  particulières 
offrent  à  l'étude.  H  y  a  des  médaillons  d'une  beauté, 
de  petites  sections  de  filigranes  d'une  finesse  de 
dessin,  des  masques  de  théâtre  d'un  comique,  des 
bas-reliefs  d'une  élégance  qui  surpassent  tout  ce 
que  l'on  doit  attendre  du  goût  le  plus  épuré,  associé 
aux  procédés  les  plus  ingénieux.  » 

L'invention  des  millefion^  dont  le  Musée  de  Gré- 
goire XVI  au  Vatican  offre  de  remarquables  spéci- 
mens,  est  généralement  attribuée  aux  Etrusques; 
mais  les  germes  de  cette  fabrication  se  retrouvent 
dans  divers  produits  d'origine  grecque  de  la  même 
époque.  Ce  n'est  que  dans  les  dernières  années  de 
la  République  que  des  verreries  s'établirent  à  Rome. 
On  sait  qu'Auguste  imposa  à  Alexandrie  un  tribut 
considérable  en  verre,  tribut  qui,  loin  de  nuire  aux 
fabricants,  leur  procura  d'importantes  commandes 
et  assura  la  vogue  de  leurs  produits. 


3\t  LE  VERRE. 

< 

Verrerie  romaine*  —  Pline,  dans  son  Histoire  natu- 
relle, donne  de  précieux  détails  sur  la  composition 
et  les  procédés  de  fabrication  du  verre  chez  les 
anciens.  Nous  les  résumerons  en  peu  de  mots. 

Les  Romains  se  servaient  de  sable  blanc,  recueilli 
à  l'embouchure  du  Vulturne;  ils  le  mélangeaient  avec 
du  natron  ou  du  nitre;  quelquefois  ils  ajoutaient  à 
la  composition  des  coquilles  de  mollusques  et  de  la 
craie  fossile  avec  un  peu  de  manganèse  ou  même 
des  rognures  de  cuivre.  L'analyse  permet  de  retrouver 
facilement  ces  matières,  entre  autres  le  cuivre  qui 
donne  aux  verres  antiques  leur  teinte  bleuâtre. 

La  fonte  s'opérait  par  le  procédé  de  double  fusion 
dans  des  fours  contigus.  On  faisait  d'abord  une  fritte 
appelée  ammonitrum  avec  le  sable  et  le  natron.  Celle-ci 
était  portée  dans  un  autre  creuset  où  s'opérait  l'aflS- 
nage*.  C'est  dans  cette  seconde  partie  de  l'opération 
qu'on  introduisait  les  agents  décolorants  ou  les 
oxydes,  s'il  s'agissait  de  verre  coloré.  Le  combus- 
tible était  du  bois  léger  et  sec.  Les  objets  étaient 
façonnés  par  le  soufflage  et  taillés  au  tour. 

On  voit  que  ces  procédés  différent  peu  des  pro- 
cédés modernes;  il  n'y  a  pas  longtemps  que  la  fritte 
n'est  plus  en  usage  ;  aujourd'hui  même,  elle  est 
encore  pratiquée  pour  plusieurs  sortes  de  verre. 

Dans  les  temps  anciens,  les  verreries  étaient 
situées  pour  la  plupart  sur  les  bords  de  la  mer,  à 

4.  Dein  miscetur  tribus  partibus  nilri  potidere  vel  inemura,ac 
liquata  in  alias  fornaces  transfunditur,  Ibi  fit  massai  quœ  vocatur 
ammonitrum;  atque  hœc  recoquitur,  et  fit  vilrum  purum  ac  massa 
vitri  candidi.  —  (Histoire  naturelle,  livre  XXXVÏ.) 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  343 

l'embouchure  des  fleuves.  La  question  du  combus- 
tible,   qui  préoccupe  les  verriers  modernes,   avait 
alors  moins  d'importance  que  l'abondance  et  la  qua- 
lité du  sable;  ils  tenaient  compte  en  même  temps 
des  facilités  que  la  proximité  de  la  mer  donnait  à 
l'écoulement  des  produits  fabriqués.  D'après  Strabon, 
les  sables  d'Egypte  étaient  fort  estimés;  il   en  était 
de  même  de  ceux  de  Cunes,  à  l'embouchure  du  Vul- 
turne;  les  sables  du  fleuve  Bélus,  le  berceau  présumé 
du  premier  verre,  ont  joui  pendant  bien  des  siècles 
d'une    réputation  universelle;  si  bien  qu'au  moyen 
âge   les    Vénitiens   avaient   encore    l'habitude   d'en 
lester  leurs  navires  pour  approvisionner  leurs  ver- 
reries de  Murano. 

Les  verres  les  plus  appréciés  chez  les  Romains 
étaient  blancs  et  imitaient  le  cristal  de  roche*;  on 
les  préférait  pour  les  usages  de  la  table  aux  vases 
d'or  et  d'argent.  Mais  les  verres  de  couleur  étaient 
également  fabriqués  par  eux  en  grande  quantité. 

Parmi  les  verres  antiques  les  plus  célèbres  qui 
ont  résisté  à  l'action  destructive  du  temps  et  des 
hommes,  nous  citerons  le  vase  de  Naples,  conservé 
dans  le  Muséje  de  Naples;  le  vase  de  Portland,  du 
Brilish  Muséum^  et  le  vase  réticulé,  qui  existait 
avant  la  guerre  de  1870  dans  la  bibliothèque  de 
Strasbourg.  Ces  vases ,  qui  sont  probablement 
d'origine  grecque,  sont  représentés  dans  les  figures 
52,   53  et  54. 


1.   Maximus  honos  in  candido  Irçinslucenlibiis  quam  proxima 
crystalli  similitudine.  (Pline.) 


LE    VERRE. 


Le  vase  de  Naples  (fig.  52)  a  été  trouvé  en  1839 
dans  un  sépulcre  de  Pompéi;  connu  sous  le  nom  de 
rase  de  Aaples_,  il  est  exposé  dans  le  musée  de  celle 
ville.  Sa  hauteur  esl  de  30  ceniimètres;  les  figures 


WM. 


en  relief,  en  émail  blanc,  d'un  dessin  et  d'un  fin' 
très-remarquables,  paraissent  avoir  été  ciselées 
dans  une  couche  de  verre  blanc  qui  recouvrait  la 
masse  vitreuse  qui  est  transparente  et  d'un  bleu 
foncé.  Le  pied  de  ce  vase  a  été  cassé.  Quelques 
auteurs  pensent  que  cette  amphore  a  été  faite  pour 
être  montée  sur  un  socle  en  métal.  On  fait  remonter 
sa  fabrication  au  règne  de  Trajan. 


VERRERIE  DE  LUXE   ET  VERRERIE  COMMUNE.  315 

Le  vase  (fig.  53),  désigné  successivement  par  les 
archéologues  sous  les  noms  de  vase  Barberini  et  de 
vase  de  Portland,  a  été  pendant  plus  de  deux  siècles 
le  principal  ornement  du  palais  des  princes  Barbe- 


Fig.  53.  ~  Vase  de  Pontand 

rini,  à  Rome;  il  a  été  adjugé  dans  une  vente  à  la 
duchesse  de  Portland  pour  le  prix  de  1,800  guinées 
(16,800  fr.).  Déposé  au  musée  de  Londres,  il  y  a  été 
brisé  en  mille  morceaux  par  la  canne  d'un  fou;  mais 
il  a  été  rétabli  avec  une  incroyable  habileté. 

Ce  vase  unique,  qui  est  présumé  de  l'époque  des 
Antonins  (l'an  138  environ  avant  Jésus-Christ),  a  été 
trouvé,  vers  le  milieu  du  xvi*  siècle,  aux  environs 
de  Rome,  dans  un  sarcophage  en  marbre  qu'on  sup- 
pose être  celui  d'Alexandre  Sévère. 


316  LE    VERRE. 

Il  est  orné  de  figures  blanches  opaques,  en 
relief,  qui  se  détachent  sur  un  fond  bleu  foncé.  Avant 
que  sa  véritable  nature  fut  établie,  plusieurs  auteurs 
l'ont  décrit  comme  étant  un  camée  antique  en  pierre 
dure,  en  onyx,  en  calcédoine  ou  en  améthyste;  le 
dessous  du  pied  de  ce  vase  est  également  gravé. 

C'est  un  verre  à  deux  couches,  admirablement 
gravé.  Le  sujet  qui  le  décore  a  donné  lieu  à  de  nom- 
breuses controverses.  Un  archéologue  autorisé,  Mil- 
lingen,  suppose  qu'il  représente  le  mariage  de  Thélis 


Fig.  51.  —  Vaso  de  Strasbourg. 


et  de  Pélée.  Beaucoup  de  copies  de  ce  vase  en  por- 
celaine de  Wedgwood  existent  en  Angleterre. 

Le  vase  de  Strasbourg  (fig.  5fi)  témoigne,  par  la 
difficulté  de  la  fabrication,  d'un  art  très-avancé.  La 


VEJIRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  347 

coupe  est  entourée  d'une  sorte  de  réseau  en  verre 
rouge;  elle  porte  une  inscription  en  verre  vert  qui, 
bien  qu'incomplète,  le  haut  du  vase  ayant  été  cassé 
par  maladresse,  permet  de  reconnaître  le  nom  de 
MAXIM  lANVS    AVGVSTVS  ;      c'était     probablement 
l'empereur  romain  Maximilien  Hercule,  mort  à  Mar- 
seille en  310.  Ce  vase  a  été  trouvé,  en  1825,  dans 
un    cercueil  déterré  par  un  jardinier  auprès    des 
glacis  de  Strasbourg.  11  n'est  nullement  établi,  d'ail- 
leurs, ainsi  que  l'ont  avancé  plusieurs  auteurs,  que 
ce  vase  soit  de  fabrication  gauloise. 

Parmi  les  découvertes  faites  dans  ces  derniers 
siècles  dans  diverses  parties  de  l'Europe,  on  admire 
des  coupes  en  verre  admirablement  taillées  à  jour. 
La  plupart  ont  été  trouvées  dans  des  tombeaux. 
C'étaient  les  vasa  diatreta  des  Romains.  Chacun  de  ces 
vases  portait,  au  gré  de  son  possesseur,  une  inscrip- 
tion latine  ou  grecque,  en  lettres  de  verre,  distantes 
d'un  centimètre  environ  de  la  coupe  à  laquelle  elles 
étaient  fixées  par  de  petites  colonnes  droites  ou 
obliques  :  une  ou  deux  bordures,  merveilleusement 
taillées  à  jour  et  ne  formant  comme  l'inscription 
qu'un  tout  avec  le  verre,  complétait  l'ornementation 
de  ces  vases. 

Ces  verres,  ainsi  que  les  vases  irisés,  imitant 
repaie,  qu'on  appelait  allassontes^  étaient  fort  recher- 
chés et  d'un  prix  très-élevé;  parfois  ces  derniers 
ont  été  donnés  en  présent  par  des  empereurs  ro- 
mains à  de  hauts  personnages  ou  à  des  membres 
de  leur  famille.  On  lit  dans  une  lettre  adressée  par 
l'empereur  Adrien,  mort  en  138,  au  consul  Servien, 


318  LE    VERRE. 

son  beau-frère  :  «  Je  t'envoie  des  vases  irisés  de 
diverses  couleurs  que  m'a  offerts  le  prêtre  du 
temple;  ils  sont  spécialement  destinés  à  toi  et  à 
ma  sœur  pour  l'usage  des  repas,  les  jours  de  fête; 
prends  garde  que  notre  Africanus  ne  les  casse.  » 

Plusieurs  vases  diatreta^  dont  la  fabrication 
date  de  quinze  à  dix-huit  siècles,  sont  conservés 
entiers  ou  en  fragments  au  Cabinet  impérial  de 
Vienne  et  au  Musée  de  Pesth  *  ;  les  Romains 
attachaient  à  leur  possession  une  importance  par- 
ticulière; car  il  en  est  fait  mention  dans  le  code 
de  Justinien.  On  lit,  en  effet,  dans  le  Digeste  : 

«  Si  tu  as  donné  à  faire  un  vase  diatretum  et  si 
il  est  cassé  par  maladresse,  il  sera  tenu  compte  du 
dommage  causé  ;  mais  si  il  n'est  pas  cassé  par  mala- 
dresse, mais  parce  qu'il  était  déjà  fêlé,  l'excuse  peut 
être  admise  ^  » 

Quant  aux  vases  irisés,  il  est  difficile  de  dire  au- 
jourd'hui quels  étaient  leur  nature  et  leur  mode  de 

1.  Le  docteur  Pantohsck,  de  Zlatno  (Hongrie),  en  s'inspirant  de  la 
vue  de  ces  précieux  spécimens,  avait  envoyé  aux  Expositions  uni- 

,  verselles  de  Paris  et  de  Vienne  une  imitation  de  vase  diatretum  qu'il 
était  parvenu  à  reproduire  à  la  suite  d'essais  restés  longtemps 
infructueux;  cette  pièce  unique,  d'une  fabrication  très-distinguée, 
était  estimée  par  lui  10,000  fr.;  aucun  tailleur  de  cristaux  n'avait 
voulu  entreprendre  ce  travail  :  ce  vase  était  le  seul  qu'il  ait  pu  ter- 
miner sans  accident  sur  trente-quatre  pièces  brutes  qu'il  avait 
fait  souffler  par  le  plus  habile  ouvrier  de  la  verrerie  de  Zahn,  à 

Zlatno. 

2.  Si  calicem  diatretum  faciendum  dedisti,  si  quidem  imperitià 
fragit,  damni  injuria  tenehitur;  si  vero  non  imperitià  fragit,  sed 
rimas  habuil  vitiosas,  potesl  esse  excusatus.  (Code  de  Justinien. 
Ulpien.,  Dig.,  9,  2,  27,  ad  finem.) 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMxMUNE.  319 

a  — 

fabrication;  à  moins  qu'en  raison  de  la  composition 
défectueuse  de  leur  verre,  les  anciens  ne  soient  par- 
venus à  développer  à  volonté  et  rapidement  sur  leurs 
produits  cet  aspect  chatoyant  et  irisé  que  le  temps 
a  donné  à  un  grand  nombre  de  verres  retrouvés 
dans  leurs  monuments  funéraires. 

On  peut  invoquer  aussi,  en  faveur  de  Fliabileté 
des  verriers  de  l'antiquité,  le  témoignage  de  Pline. 
L'historien  latin  s'emporte  contre  le  luxe   scanda- 
leux de  l'édile  Marcus  Ëmiiius  Scaurus,  lequel,  du 
temps  du  grand  Pompée,  fit  construire  un  immense 
théâtre  soutenu  par  trois  rangs  de  colonnes  ;  le  rang 
du    milieu    était    en  verrez    Entre    les     colonnes 
étaient  placées  3,000   statues  en  bronze.  Le  même 
auteur   raconte  que,   sous  le  règne  de  Tibère,  on 
imagina   une  mixture  qui  donnait  un    verre    mal- 
léable   et  que    toute   la    fabrique   de    l'artiste   fut 
détruite   pour  empêcher  l'avilissement  du    cuivre, 
de  l'argent  et  de  l'or.  «  Ce  bruit,  ajoute-t-il,  a  été 
longtemps  plus  répandu  que  le  fait  est  certain;  mais 
qu'importe?  Du   temps  de  Néron,  on  a  trouvé  un 
procédé  de  vitrification   qui    fit  vendre  6,000  ses- 
terces  (1,260  fr.)  deux  coupes  assez  petites  qu'on 
nomme  ptérotes  (ailées) .  » 

Tous  ces  témoignages  mettent  hors  de  toute  con- 
testation l'incomparable  habileté  des  anciens  ver- 
riers, a  Mais,  dit  M.  H.  de  Fontenay  dans  les  notes 
qu'il  m'a  remises,  ces  spécimens,  types  des  diverses 


\ .  Prima  pars  scenœ  e  marmore  fuit  ;  média  e  vitro,  inaudito 
etiam  postea  génère  luxuriœ. 


320  LE    YERRË. 

formes  que  Tart  antique  a  su  revêtir  et  qui  nous 
en  donnent  une  si  haute  idée,  ne  suffisent  pourtant 
pas  à  éclaircir  certains  textes  dans  lesquels  sont 
mentionnés  et  décrits  des  verres  tout  différents,  plus 
estimés  encore  et  dont  il  ne  nous  reste  aucune  trace. 
De  ce  nombre  étaient  les  vases  murrhins  que  fabri- 
quaient les  Parthes*  et  aussi  les  petites  coupes 
«  ptérotes  »  (ailées)  qui  se  vendaient,  sous  Néron, 
6,000  sesterces  la  paire;  suivant  M.  A.  Deville, 
ces  verres  étaient  d'une  grande  ténuité  et  Tépithète 
d'  «  ailés  »  ne  leur  était  donnée  qu'à  cause  de  leur 
extrême  légèreté.  Nous  ferons  remarquer,  d'une 
part,  que  le  verre  mince  était  désigné  par  les  Ro- 
mains sous  le  nom  de  nuage  de  verre,  nimbus  vitreus 
(Martial,  ép.  112,  liv.  IV);  d'autre  part,  que  la  fabri- 
cation des  verres  minces  ne  présente  pas  de  grandes 
difficultés;  on  rencontre  dans  les  fouilles  nombre  de 
fragments  ayant  appartenu  à  des  verres  très-minces; 
ceux-ci  n'étaient  pas  rares  à  Rome,  surtout  ceux  en 
moulé  soufflé.  Les  petites  coupes  dont  parle  Pline 
avaient  certainement  d'autres  mérites  qu'une  légè- 
reté qui  ne  suffit  pas  pour  expliquer  leur  prix.  Aussi 
l'opinion  de  M.  A.  Deville  ne  nous  parait  pas  très- 
plausible  et  nous  sommes  plutôt  porté  à  croire  que 
ces  verres  étaient  des  objets  artistiques,  dans  le 
genre  des  verres  de  Venise,  garnis  d'anses  ou  de 
supports  en  forme  d'ailes.  » 

On  fabrique,  dit  Pline,  un  verre  rouge  teint  dans 

1.  D'après  divers  auteurs,  les  vases  murrhins  étaient  en  spath 
fluor,  en  opale  ou  en  ambre.  On  sait,  par  les  récits  de  Pline,  la 
valeur  énorme  que  leur  attribuaient  les  Romains. 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE   COMMUNE.  321 

la  masse  «  totum  rubens  viti^m  »  et  opaque  appelé 
verre  hématîn,  «  atque  non  translucens  hœmatinon 
appellatum  ». 

Le  musée  du  Louvre  a  acquis  récemment  un 
petit  vase  en  verre  hématin,  trouvé  dans  les 
fouilles  de  Constantine,  qui  répond  exactement  à  la 
description  de  Pline.  On  voit  aussi  au  musée  de 
Sèvres  de  petits  cubes  de  mosaïque  provenant  du 
temple  de  Jupiter  à  Rome,  qui  sont  aussi  en  verre 
hématin. 

Enfin  M.  BuUiot  a  découvert  au  mont  Beu- 
vray  de  nombreux  fragments  de  ce  même  verre, 
dont  les  Gaulois  se  servaient  pour  émaiiler  leurs 
bronzes  \ 

Ces  trois  échantillons,  de  provenances  si  diflé- 
rentes,  mais  de  même  composition  chimique,  mon- 
trent que  cette  sorte  de  verre,  que  nous  ne  connais- 
sons plus,  était  appliquée  par  les  anciens  à  plusieurs 
usages. 

La  plupart  des  couleurs  mises  en  œuvre  par  la 


i.  MM.  Bulliot  et  H.  de  Fontenay  ont  publié  récemment  un  tra- 
vail fort  intéressant  sur  VArl  de  Vémaillerie  chez  les  Édaens  avant 
Vère  chrétienne,  1875.  La  composition  qu'ils  donnent  de  Témail  des 
orfèvres  gaulois  est  la  suivante  : 

Silice 42,89 

Oxyde  d'étain 2,25 

Oxyde  de  plomb 28,30 

Oxydate  de  cuivre G,41 

Alumine 2,75 

Oxyde  de  fer ^  ,  2,45 

Chaux 8,28 

Soude  (par  diff.) 6,67 

100,00 
Peligot,  Le  Verre,  21 


322  LE    VERRE. 

verrerie  moderne  étaient  connues  des  anciens;  ils 
connaissaient  même  le  rose  obtenu  par  l'or,  colora- 
tion dont  la  découverte  a  été  attribuée  à  tort  à 
Kunckel.  Nous  avons  dit  que,  pendant  notre  pre- 
mière révolution,  Darcet  sauva  à  grand'peine  de  la 
destruction  des  vitraux  rouges  qu'on  voulait  fondre 
pour  en  extraire  l'or  ;  mais  douze  cents  ans  aupa- 
ravant, un  fait  analogue  s'était  déjà  produit.  Gré- 
goire de  Tours,  qui  vivait  au  vi*'  siècle,  raconte  qu'un 
voleur,  s'étant  introduit  dans  une  basilique,  en  brisa 
les  vitres,  qu'il  fit  fondre,  pensant  y  trouver  de  l'or; 
comme  celles  de  Darcet,  elles  ne  contenaient  que 
du  cuivre.  Mais  on  voit  que  la  croyance  populaire 
était  bien  ancienne,  et  elle  n'était  pas  absolument 
sans  fondement;  car,  outre  la  tradition,  nous  avons 
des  preuves  apportées  par  des  fouilles  récentes  qui  ne 
laissent  aucun  doute  sur  la  connaissance  qu'avaient 
les  anciens  du  mode  de  coloration  des  verres  par 
l'or. 

«  L'art  de  la  verrerie,  ajoute  M.  H.  de  Fontenay. 
tombé  en  décadence  sous  les  règnes  de  Gai  lien  et 
de  ses  successeurs,  se  relève  quelque  peu  sous  celui 
de  Tacite.  L'antique  beauté  des  formes  avait  fait 
place  à  des  conceptions  bizarres  ou  priapiques. 
Martial  nous  apprend  qu'on  recherchait  à  Rome 
des  verres  appelés  «  verres  de  savetier  »,  fabriqués 
d'après  l'image  d'une  espèce  de  bouffon  de  Bénévent 
que  Néron  affectionnait  particulièrement.  Commode, 
comme  plus  tard  le  czar  Pierre  le  Grand,  aimait  à 
boire  dans  des  coupes  en  forme  de  phallus.  Ailleurs 
nous  lisons  qu'Héliogabale  offrit  un  jour  à  ses  para- 


VJiRRERïE  DE  LUXE  ET   VERRERIE  COMMUNE.  3Î3 

sites  affamés  un  festin  composé  de  mets  de  verre, 
imitant  à  s'y  méprendre  les  mets  naturels.  Nous 
nous  bornons  à  ces  exemples,  qui  témoignent 
tout  à  la  fois  de  la  décadence  des  mœurs  et  de 
Vhabileté  extraordinaire  des  ouvriers  de  l'empire 
romain.  » 

Pour  compléter  ces  indications  sommaires  sur  la 
verrerie  dans  l'antiquité,  il  est  bon  de  constater 
quelle  était  la  position  sociale  des  ouvriers  verriers. 
(i  Nous  saurons  ainsi,  dit  M.  FillonS  d'où  sont 
venues  les  prétentions  à  la  noblesse  qu'ils  émirent 
au  moyen  âge  et  quelle  fut  la  cause  de  la  persistance 
sur  plusieurs  points  de  la  fabrication  du  verre  durant 
une  longue  série  de  siècles.  » 

<(  Une  loi  de  Constantin  I",  de  l'an  337  (C.  ad. 
Maximum)^  avait  compris  le  vitriarii  parmi  les 
trente-cinq  professions  exemptes  de  toutes  charges 
publiques,  sans  faire  aucune  différence  entre  elles. 
C'étaient  :  les  architectes  {architecti) ^  les  lambrlsseurs 
{laquearii),  les  ouvriers  en  argent  {argenlarii) ^  les 
médecins  {medici)^  etc.,  etc.  Les  exemptions  accor- 
dées à  ces  diverses  professions  avaient  seulement 
pour  but,  dans  la  pensée  du  législateur  que  touchait 
l'intérêt  général,  de  faciliter  à  ceux  qui  les  exerçaient 
les  moyens  de  devenir  plus  habiles  et  d'initier  leurs 
enfants  aux  pratiques  de  leur  art.  Mais  ce  principe 
reçut,  dans  la  suite  des  temps,  certaines  interpréta- 
tions qu'on  était  loin  de  prévoir  lorsqu'on  le  mit  en 

i .  IJarl  de  terre  chez  les  Poitevins,  suivi  d*une  élude  sur  Van- 
ciemieté  de  la  fabrication  du  verre  en  Poitou,  par  Benjamin 
Fillon.  186/i. 


324  LE    VERRE. 

pratique.  Chaque  métier  devint  le  patrimoine  exclusif 
d'un  nombre  limité  de  familles...  Ce  fut  ainsi  que 
les  verriers,  protégés  par  l'espèce  de  solidarité  qui 
semble  avoir  existé  entre  eux  dans  toute  la  Gaule 
et  par  l'isolement  de  leur  existence  au  fond  des  bois, 
conservèrent,  à  travers  huit  siècles  d'invasions  étran- 
gères et  de  révolutions  sociales,  la  qualité  d'ingenui, 
d'hommes  libres,  et  se  trouvèrent  ensuite,  dans 
diverses  régions  de  l'Europe,  faire  naturellement 
partie  de  la  classe  noble,  parce  qu'ils  en  avaient 
déjà  les  immunités...  Les  ouvriers  en  verre  ne 
maintinrent  pas  sans  peine  leur  position  au  milieu 
de  la  société  féodale,  qui  considérait  tout  travail 
comme  servile.  Aussi  les  vit-on  rarement  s'éloigner 
beaucoup  du  lieu  où  leur  noblesse  avait  reçu  la 
consécration  de  la  notoriété  publique.  Certaines 
fabriques  furent  exploitées,  pendant  des  centaines 
d'années,  par  des  générations  successives  des 
mêmes  familles.  » 

11  n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  remarquer  que, 
bien  des  siècles  plus  tard,  les  motifs  qui  avaient 
donné  aux  verriers  une  position  sociale  exception- 
nelle étaient  encore  invoqués  en  faveur  du  maintien 
de  leurs  privilèges  :  Dans  les  lettres  patentes  du 
24  septembre  1647,  qui  concèdent  au  maréchal  de 
Villeroy  le  privilège  général  précédemment  accordé 
au  duc  d'Amville  pour  V estahlissement  de  verreries, 
glaceries  et  esmailleries  dans  le  royaume  de  France 
pendant  vingt  années,  le  roi  rappelle  «  que  ses  prédé- 
cesseurs se  sont  attachés  à  faire  fleurir  les  arts  et 
les  sciences  par  l'introduction  des   manufactures. 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  ^» 

afin  de  rendre   leurs   états  plus  indépendants  des 
royaumes  voisins.  » 

«  Entre  lesquelles  manufactures  l'Art  de  la  Verrerie  leur 
ayant  semblé  un  des  plus  nobles  et  des  plus  excellents,  ils 
auroient  voulu,  pour  le  rendre  d'autant  plus  estimable  et  exciter 
davantage  leurs  Sujets  à  s'y  perfectionner,  attribuer  aux  Mais- 
tres  et ' Ouvriers  d'iceluy,  plusieurs  privilèges  et  franchises; 
mesme  l'auroient  choisi  pour  servir  d'une  retraite  honorable 
aux  Gentils-hommes,  à  qui  pour  cet  effet,  ils  auroient  permis  de 
travailler  audit  Art  sans  dérogera  leur  Noblesse.  Et  parce  qu'il 
ne  peut  être  exercé  (Fart  de  la  Verrerie)  que  dans  les  forests 
dont  la  conservation  est  utile  à  l'Estat,  et  qui  sont  pour  l'ordi- 
naire esloignées  de  la  veue  des  luges  et  du  commerce  des 
hommes;  ils  se  seroient  réservés,  afin  d'empescher  les  abus 
qui  s'y  pouvoient  introduire,  le  pouvoir  de  faire  establir  les- 
dites  Verreries  par  ceux  qu'ils  en  jugeroient  dignes,  et  les 
auroient  par  ce  moyen  rendues  dépendantes  de  leurs  do- 
maines :  A  quoy  ils  auroient  adjousté  plusieurs  ordonnances 
et  règlements,  etc.  etc.  » 

Ces  lettres  patentes  étaient  octroyées  dans  le  but 
de  réglementer  Tart  de  la  verrerie,  qui  était  tombé 
dans  une  grande  décadence  «  estant  exercé  par  gens 
roturiers  et  estrangers  qui  ne  donnent  l'accès  de 
leurs  verreries  qu'à  des  personnes  de  leurs  estoffes, 
et  en  refusent  l'entrée  aux  Gentils-hommes  incom- 
modés de  biens,  lesquels  seroient  bien  aises  de  s'oc- 
cuper dans  une  profession  qui  leur  fust  utile  et  dans 
laquelle  ils  puissent  conserver  leur  noblesse  » . 

En  terminant  cette  appréciation  de  la  verrerie 
ancienne,  il  n'est  pas  superflu  de  faire  observer 
que  les  anciens  ne  connaissaient  le  verre  que  sous 
la  forme   d'objets   de   luxe   d'une   grande   valeur. 


336  LE    VERRE. 

figurant  dans  leurs  fêles,  servant  à  décorer  leur 
palais  et  les  temples  des  dieux;  ces  objets  éiaieo 
déposés,  comme  hommages  pieux,  dans  la  tomb 
des  morts;  sans  cette  coutume,  que  les  disciple 
du  Christ  ont  à  leur  tour  empruntée  aux  paifens,  aiicui 
de  ces  verres  antiques  que  nous  admirons  ne  serai 


Fig.  S5.  —  Verreiie»  grecquei 


venu  jusqu'à  nous.  Ainsi,  pour  les  anciens,  le  venl 
de  même  que  les  poteries,  avait  un  mérite  puremei 
artistique.  La  verrerie  usuelle,  qui,  par  son  bas  pii 
et  par  la  variété  de  ses  formes,  a  pénétré  dans  loi 
nos  ménages,  leur  était  absolument  inconnue.  Oui 
peut  indiquer  d'une  manière  précise  l'époque 
laquelle  le  verre  devint  réellement  commun;  i 
moyen  âge,  Venise  ne    produisait  encore   que  i 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  327 

objets  de  luxe.  Il  semble  probable  que  les  verreries 
de  la  Gaule  et  celles  de  la  Bohême  ont  beaucoup 
contribué  par  le  bon  marché  de  leur  fabrication  à 
vulgariser  Temploidu  verre. 

Verrerie  chrétienne.  —  Le  christianisme  naissant, 
ayant  pour  règle  la  simplicité,  évita  les  raffinements 
décoratifs  dans  les  ustensiles  de  verre.  Le  calice  de 
Tautel,  d'abord  en  bois,  fut  fabriqué  en  verre,  sous 
le  pape  Zéphirin  (197-217).  Néanmoins  Tusag^e  des 
calices  en  verre  fut  interdit  par  le  concile  de  Reims 
en  803  :  plusieurs  de  ces  vases  sacrés  ont  été  con- 
servés et  sont  décrits  par  Seroux  d'Agincourt  dans 
son  Histoire  de  l'art  par  les  monuments.  On  a  rencontré 
dans  les  catacombes  des  premiers  chrétiens  un  grand 
nombre  de  vases  en  verre,  notamment  des  lacryma- 
toires  ou  des  urnes  funéraires;  ces  objets  portent 
souvent  des  inscriptions  gravées  ou  moulées  en 
relief. 

Un  genre  de  décoration,  déjà  en  usage  chez  les 
païens,  et  qui  fut  continué  pendant  le  moyen  âge 
jusqu*au  xiv*  siècle  pour  renaître  en  Bohême  au  xvm% 
était  fréquemment  employé  par  les  verriers  chrétiens 
des  premiers  siècles.  «  Sur  une  feuille  d'or  appliquée 
au  fond  d'un  verre  à  boire,  on  traçait  légèrement, 
avec  une  pointe  très-fine,  des  lettres  ou  bien  on 
dessinait  des  figures...  on  appliquait  par-dessus 
une  couverte  de  verre,  de  manière  que,  soudé  au  feu 
l'un  contre  l'autre,  les  verres  laissaient  voir  les 
figures  et  les  inscriptions  (d'Agincourt).  » 

Ce  même  procédé  a  été  souvent  et  est  encore  em- 


3S8  LE    VBRRE. 

ployé  pour  les  petits  cubes  de  verre  doré,  servant  à 
faire  les  mosaïques. 

D'Âgincourt  et  Boldetti  ont  décrit  des  coupes  ainsi 
faites,  qui  servaient  probablement  pour  les  agapes, 
dans  le  fond  desquelles  est  représentée  la  figure  du 
Christ,  celle  des  principaux  apôtres,  la  résurrection 
de  Lazare,  etc.;  on  a  découvert  pareillement,  dans 
l'église  Sainte-Ursule,  à  Cologne,  toute  une  série  de 
vases  à  sujets  bibliques  dans  le  genre  de  ceux  qu'on 
a  trouvés  dans  les  catacombes. 

A  la  verrerie  chrétienne  il  convient  de  rattacher 
le  singulier  vase  en  forme  de  poisson  trouvé  dans 
un   polyandre   et   déposé   au    musée    d'Autun.    La 


du  musée  d'Auiuu. 


figure  56  représente  ce  vase  d'après  une  photogra- 
phie que  je  dois  à  M.  de  Fontenay. 

Le  poisson,  dont  le  nom  grec  est  le  monogramme 
du  Christ,  était,  comme  on  sait,  le  symbole  du  chré- 
Uen  des  premiers  âges.  On  suppose  que  ce  vase  ser- 
vait soit  à  baptiser,  soit  à  contenir  les  saintes  huiles. 


VERRERIE  DE  LUXE   ET   VERRERIE  COMMUNE.  3t9 

Verrerie  de  la  période  romano-gauhise.  —  Plinô  :îous 
apprend  que  des  verreries  à  l'imitation  de  celles  de 
Rome  existaient  de  son  temps  dans  la  Gaulé  et  en 
Espagne.  Les  fouilles  ont,  en  effet,  mis  à  découvert, 
sur  divers  points,  d'anciens  verres  de  l'époque  gallo- 
romaine.  L'une  des  plus  importantes,  celle  d'Arles, 
a  fourni  à  M.  Quicherat  l'objet  d'un  travail  fort  inté- 
ressant. {Revue  archéologique^  juillet  i874.) 

Les  verroteries  d'Arles  recueillies  en  très-grand 
nombre  sur  le  même  emplacement,  à  la  pointe  du 
Delta  du  Rhône,  sont  de  beaucoup  postérieures  à  la 
Conquête;  antérieurement,  les  Gaulois  connaissaient 
le  verre  ;  mais  il  ne  parait  pas  qu'ils  s'en  servaient 
pour  fabriquer  des  produits  usuels. 

Parmi  les  verreries  extraites  des  tumulus  cel- 
tiques, les  uns  sont  de  provenance  phénicienne, 
notamment  celles  des  menhirs  de  Carnac  (Mor- 
bihan), les  autres  sont  grecques;  d'autres  sont  gau- 
loises; les  ornements  quadrillés,  composés  de  lignes 
droites  ou  brisées  en  chevrons,  sont  caractéristiques 
pour  ces  dernières.  On  en  a  trouvé  en  France  dans 
d'autres  localités  et  aussi  en  Autriche  dans  le  riche 
polyandre  celtique  de  Hallstadt. 

Les  Gaulois  se  servaient  de  boules  de  différentes 
couleurs  qui  désignaient  les  rangs  et  les  classes  :  ces 
boules  se  retrouvent  en  assez  grande  quantité  dans 
les  dolmens,  les  menhirs  et  les  oppidum;  avec 
quelques  bracelets,  elles  constituent  tout  ce  qui  nous 
reste  de  la  verroterie  gauloise  ;  néanmoihs  la  con- 
naissance qu'avaient  les  Gaulois  de  la  nature  du  verre, 
de  la  manière  de  le  colorer  et  de  lui  donner  l'opa- 


330  LE    VERRE. 

cité,  ressort  clairement  des  objets  en  émail  hématin 
appliqués  sur  bronze,  ainsi  que  des  fours,  ustensiles, 
déchets  de  fabrication,  etc.,  trouvés  dans  les  fouilles 
de  Voppidum  du  mont  Beuvray;  ces  objets,  ainsi  que 
ceux  qu'on  rencontre  journellement  dans  les  sépul- 
tures, démontrent  que,  contrairement  à  l'opinion  de 
Loysel,  l'industrie  verrière  existait  chez  les  Gaulois. 

«  Toutes  les  fois  qu'on  rencontre  dans  notre  sol 
un  cimetière  de  cette  période,  on  est  assuré  d'y 
trouver,  si  petit  qu'il  soit,  un  nombre  considérable 
de  vases  de  verre,  de  formes  variées  et  parfois  d'un 
travail  très-soigné...  Le  territoire  des  Pictons,  pays 
très-boisé  et  très-bien  pourvu  des  matières  premières 
qui  servent  à  composer  le  verre,  en  a,  par  exemple, 
possédé  plusieurs  dont  l'emplacement  est  encore 
désigné  soit  par  des  dénominations  caractéristiques, 
soit  par  la  présence  de  scories  vitreuses,  de  restes 
de  fourneaux  ou  de  fragments  de  creusets...  les 
lieux  nommés  jadis  Verreria,  Vitreria,  Verreriœ, 
Vitrinœ,  appelés  depuis  la  Verrerie,  les  vieilles  Ver- 
reries, la  Voirie,  Verrières,  Voirières,  Verrines,  etc., 
ont  dû  leurs  dénominations  à  des  manufactures 
de  verres,  dont  plusieurs  remontent  au  n*  ou  au 
m*'  siècle.  »  (M.  Fillon.) 

Les  localités  de  l'ancien  Poitou  où  l'on  a  trouvé 
le  plus  de  verres  antiques  sont  Poitiers  et  Écuré, 
dans  la  Vienne,  et  Rezé,  dans  la  Loire-Inférieure. 
La  plus  ample  moisson  provient  du  tombeau  de  /a 
femme  artiste  de  saint  Médard-des-Prés,  qui  date  du 
milieu  du  m^  siècle.  Il  en  contenait  à  lui  seul  près 
de  80.  M.  Fillon  a  donné,  dans  le  chapitre  de  Poitou 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.    33f 

et  Vendée,  la  description  détaillée  de  cinquante-six  de 
ces  vases  et  la  gravure  des  principaux  types.  Le  verre 
en  est  verdâtre,  parfois  bleuâtre  et  d'une  médiocre 
transparence  :  il  est  de  même  nature  que  celui  de  nos 
bouteilles:  Parmi  ces  verres,  quelques-uns  sont  en 
émail  ou  en  cristal  à  base  de  plomb;  néanmoins, 
comme  l'analyse  complète  de  ces  verres  n'a  pas  été 
faite,  il  n'est  pas  bien  établi,  ainsi  que  nous  le  dirons 
plus  loin,  que  nos  ancêtres  connaissaient  le  cristal, 
bien  que  les  émaux  riches  en  plomb,  servant  à  faire 
des  imitations  de  pierres  précieuses,  des  perles  pour 
bracelets,  des  incrustations  dans  le  bronze,  etc.,  leur 
fussent  connus.  D'autres  verres  sont  bleus  ou  jaunes; 
quelques-uns  sont  translucides,  ou  présentent  des 
dessins  ou  des  torsades  eu  émail  rouge,  vert  ou 
bleu. 

Les  verres  avec  ornements  en  relief,  provenant 
des  fouilles  de  Rezé,  rappellent,  quant  au  procédé 
de  fabrication,  le  fameux  vase  de  Portland.  Mais  le 
monument  le  plus  curieux  qu'ait  fourni  le  sol  poi- 
tevin est,  sans  contredit,  la  coupe  de  verre  jaune, 
orné  de  combats  de  gladiateurs,  trouvée  dans  une 
sépulture  de  gladiateur  au  Cormier  (Vendée),  dont 
le  dessin  est  représenté  page  332  (fig.  57). 

Cette  coupe  est  en  verre  moulé;  des  bavures  qui 
se  sont  produites  aux  points  de  jonction  du  moule 
indiquent  que  celui-ci  était  de  deux  pièces.  Au-dessus 
de  chaque  figure  de  gladiateur  est  son  nom.  11  y  en 
a  huit  :  COLVMBVS  CALAMVS,  HOLES,  etc. 

Des  coupes  analogues  ont  été  découvertes  aux 
environs  de  Chambéry,  à  Autun,  à  Trouville-en-Caux, 


  Hartiip,  dans  le  comté  de  Kent  (Angleterre) .  II  en 
existe  aussi  des  spécimens  au  cabinet  des  antiques 
de  Vienne,  en  Autriche  et  à  Wiesbaden.  La  ressem- 
blance frappante  de  fabrication  et  de  style  qui 
apparaît  dans  toutes  ces  coupes  indique  qu'elles 
ont  été  faites  sur  un  modèle  convenu  et  qu'elles 
avaient    une    destination    déterminée.    Les    sujets 


qu'elles  représentent,  assauts  de  gladiateurs,  jeux 
du  cirque,  courses  de  chars,  rappellent  les  hauts 
faits  de  combattants  et  d'automédons  aimés  du 
public,  et  que  leur  courage,  leur  force  ou  leur 
adresse  avaient  rendus  célèbres.  Tout  démontre 
donc  qu'elles  étaient  offertes,  à  titre  de  récompense, 
k  ceux  qui  marchaient  sur  la  trace  de  ceux-là.  Elles 
doivent  remonter  au  i''  ou  au  n'  siècle.  Reste  à 
savoir  en  quel  pays  elles  ont  été  faites.  (M.  Fillon.) 
Ces  coupes  étaient  robjei  d'arC  qu'on  donne  aujour- 
d'hui dans  nos  concours  hippiques,  agricoles  et  autres. 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.    333 

Verrerie  juive.  —  Dans  le  Traité  des  eaux  et  fon^ 
laines,  de  Bernard  Palissy,  on  lit  ce  qui  suit  :  «  Aucuns 
disent  que  les  enfants  d'Israël  ayant  mis  le  feu  en 
quelques  bois,  le  feu  fut  si  grand  qu'il  échauffa  le 
nitre  avec  le  sable  jusque  à  faire  couler  et  distiller 
le  long  des  montagnes  et  que  dès  lors  on  chercha 
l'invention  de  faire  artificiellement  ce  qui  avait  esté 
fait  par  accident  pour  faire  le  verre.  »  C'est,  comme 
on  voit,  une  variante  de  la  légende  de  Pline  ;  mais 
il  n'en  est  pas  moins  certain  que  les  Israélites 
savaient  fabriquer  le  verre  bien  avant  Père  chrétienne. 

Eraclius,  dans  son  traité  :  Quomodo  pingiiur  in 
vitro,  parle  du  verre  de  plomb,  qu'il  appelle  le  verre 
juif  {plumbum  vitrum,  judœum  scilicet).  Au  moyen  âge, 
les  Juifs  se  livraient,  surtout  en  Italie,  à  une  sorte 
d'industrie  clandestine  consistant  à  imiter  les  pierres 
précieuses  naturelles.  Certains  auteurs  ont  conclu  delà 
qu'il  faut  accorder  aux  Juifs  l'invention  des  verres  à 
base  de  plomb.  Mais  M.  H.  deFontenay,  en  analysant 
le  verre  hémaiin,  d'une  origine  différente  et  bien 
plus  ancienne,  a  constaté  que  ce  verre  renferme  aussi 
beaucoup  de  plomb;  d'un  autre  côté,  Pline  insiste 
sur  ce  fait  qu'il  était  très-difficile  de  distinguer  les 
pierres  vraies  d'avec  les  fausses  que  l'on  fabriquait 
à  Rome  en  grande  quantité;  ces  dernières,  ajoute-t-il, 
étaient  néanmoins  plus  tendres  :  ces  imitations  ne 
pouvaient  guère  être  faites  qu'en  ajoutant  à  la  com- 
position de  grandes  quantités  de  plomb. 

Les  verreries  de  la  Palestine  subsistèrent  pendant 
une  très-longue  période,  et  miss  Martineau,  dans  ses 
voyages,  en  retrouve  encore  à  Hebron.  L'ancienne 


334  LE  VERRE. 

verrerie  juive  a  beaucoup  de  rapports  avec  la  ver- 
rerie vénitienne;  ce  sont  les  Juifs  qui  ont  apporté 
cette  industrie  à  Venise;  c'est  à  eux  qu'on  doit  la 
conservation  de  la  plupart  des  procédés  de  la  ver- 
rerie des  anciens. 

Verrerie  chez  les  Grecs  du  Bas-Empire.  —  Lorsque 
Constantin  transporta  le  siège  de  l'empire  à  Byzance, 
il  appela  les  artistes  les  plus  renommés  en  tous 
genres  et  notamment  des  verriers  qui,  de  Rome, 
vinrent  dans  cette  ville.  Les  verriers  furent  exemp- 
tés de  tout  impôt  personnel  par  une  loi  du  code 
Théodosien.  Au  \^  siècle,  dans  l'énumération  des 
présents  envoyés  par  l'empereur  romain  Lécapène  à 
Hugues,  roi  d'Italie,  figurent  des  vases  de  verre  à 
côté  de  coupes  en  agate  et  en  onyx.  Des  verreries 
existaient  à  Thessalonique,  en  Macédoine  et  aussi  à 
Alexandrie  et  en  Phénicie.  Après  la  conquête  arabe, 
elles  continuèrent  à  prospérer,  et,  pendant  tout  le 
moyen  âge,  les  établissements  d'Orient,  arabes  ou 
byzantins,  furent  seuls  en  possession  de  la  fabrication 
des  verres  de  luxe  et  en  particulier  des  vases  dorés 
et  émaillés. 

Les  produits  des  verreries  grecques,  comme  ceux 
de  la  Syrie  et  de  l'Egypte,  étaient  désignés  au  moyen 
âge  sous  le  nom  générique  de  verreries  de  Damas. 

Verreries  du  moyen  âge  et  de  la  renaissance.  —  Bien 
que  la  fabrication  du  verre  ait  perdu  beaucoup  de 
son  activité  à  partir  de  la  seconde  moitié  du  iv*  siècle, 
un  certain  nombre  de  vases  d'une  fabrication  assez 


VERRERIE  DE  LUXE  ET   VERRERIE  COMMUNE.    33fl 

distinguée  ont  été  recueillis  dans  diverses  localités, 
notamnaent  dans  les  cimetières  mérovingiens. 

Les  musées  de  Saint-Germain,  de  Rouen,  de 
Nlnies,  renferment  beaucoup  de  verres,  la  plupart, 
à  la  vérité,  d'une  teinte  verdâtre  et  d'une  fabrication 
assez  vulgaire,  dont  la  fabrication  toute  locale 
remonte  à  l'époque  mérovingienne. 

Il  en  fut  ainsi  en  France  pendant  toute  la  durée  du 
moyen  âge.  Les  vases  décorés  venaient  de  l'Orient  et 
provenaientdesfabriquesjuives,  arabes  ou  byzantines. 

Parmi  les  objets  remarquables  par  leur  fabri- 
cation, mais  dont  l'ori- 
gine est  incertaine ,  on 
peut  citer  une  coupe  en 
verre  transparent ,  vert 
foncé,  avec  filets  et  bor- 
dures jaunes,  décrite  par 
M.  Fillon;  le  mot  inscrit 
en  relief  sur  la  panse  est 
formé   de    baguettes    et 

d'émail  blanc.  Elle  a  été  trouvée,  en  1862,  dans  le  cer- 
cueil d'une  femme,  à  Grues  (Vendée),  avec  plusieurs 
autres  objets  en  verre.  Sa  fabrication  remonte,  selon 
toute  probabilité,  à  la  seconde  moitié  du  vi*  siècle. 

Au  temps  de  Saint-Louis,  on  se  servait  de  vases 
de  verre  pour  les  usages  de  la  table.  «  Le  comte 
d'Eu  dressait  sa  Bible  du  long  de  noslre  table  et  nous 
brisait  nos  pos  et  nos  vouerres.  »  (Joinville.) 

Au  J.U*  siècle,  les  verreries  de  Vendôme  (Loir-et- 
Cher)  avaient  déjà  un  certain  renom  ;  celles  de 
Flandres  et  de  Montpellier  sont  mentionnées  dans 


336  L£    TERRE. 

les  chroniqueurs,  les  comptes  royaux  et  les  inven- 
taires. Vers  la  même  époque,  Humbert  I"  imposait 
aux  verriers  du  Dauphiné  certaines  redevances 
annuelles  moyennant  lesquelles  il  leur  accordait 
pleine  protection. 

Beaucoup  de  verreries ,  dont  plusieurs  sont 
encore  en  activité,  furent  fondées  pendant  le  xiv*  et 
le  XV'  siècle.  Chaque  province  mériterait  une  his- 
toire particulière,  ainsi  que  cela  a  été  fait  pour  le 
Poitou  par  M.  Fillon,  et  par  M.  l'abbé  Cochet  pour  la 
Normandie. 

A  mesure  que  nous  nous  rapprochons  des  temps 
modernes,  les  documents  écrits  se  multiplient  et 
leur  nombre  dépasse  de  beaucoup  celui  des  verres 
qui  sont  venus  jusqu'à  nous  ;  en  ce  qui  concerne  le 
Poitou,  M.  Fillon  cite  une  foule  de  chartes   et  de 
lettres  antérieures    au   xv*   siècle,   qui  établissent 
l'importance  des  verreries  dans  cette  province.  Sous 
le  règne  de  Henri  II,  les  verreries  se  multiplièrent 
et  les  manufactures  du  Poitou  eurent  à  soutenir  la 
concurrence  de  celles  du  Limousin,  de  rAngoumois 
et  de  la  Saintonge.  Au  nombre  des  verres  de  celte 
époque,  M.  Fillon   mentionne  un  drageoir  dont  le 
pied   et  le  bord  du  plateau  sont  bleus,  tandis  que 
le   reste  est  blanc   avec   des   ornements  qui   sont 
exécutés  en  or-,  l'écusson  royal  de  France,  peint  au 
milieu  du  plateau,  a  été  calqué  sur  celui  d'un  écu 
d'or  du   temps  de  Charles  VIll.  11  donne  aussi  le 
dessin  d'un  joli  verre  à  côtes,  avec  lettres  en  émail 
blanc  en  relief.  Ce  verre  parait  dater  de  la  première 
moitié  du  règne  de  François  1".  L'industrie  du  verre 


VERRERIE  DE  LUXE  ET   VERRERIE  COMMUNE.   337 

existait  en  même  temps  en  Normandie;  elle  y  avait 
pris  un  assez  grand  développement. 

Quant  aux  appareils  et  aux  procédés  pour  tra- 
vailler le  verre,  ils  ont  peu  varié  dans  leur  ensemble, 
tout  en  recevant  du  temps  et  de  l'expérience  des 
perfectionnements  considérables.  La  figure  59  est 
un  fac-similé  réduit  de  l'intérieur  d'une  verrerie;  il 
est  tiré  de  l'ouvrage  d'Agricola  de  re  metallicâ  im- 
primé à  Bâle  en  1556.  Ce  curieux  dessin  a  été  copié 
plus  tard,  sans  indication  d'origine,  par  Neri  et  par 
Haudicquer  de  Blancourt. 

Verreries  de  Venise.  —  Pendant  les  xi^  et  xii®  siècles, 
Venise  s'enrichit  beaucoup  par  son  commerce  avec 
rOrient,  et  ses  relations  continuelles  eurent  de 
grands  résultats  en  ce  qui  concerne  la  verrerie.  Au 
dire  des  historiens  de  Venise  et  en  particulier  de 
Carlô  Marin,  les  verreries  étaient  presque  contempo- 
raines de  la  fondation  de  la  ville.  La  République, 
ayant  participé  à  la  prise  de  Conslantinople  par  les 
Latins  (1204),  chercha,  avec  l'esprit  commercial  qui 
l'animait,  à  tirer  tout  le  parti  possible  de  sa  victoire 
en  faveur  de  ses  industries  naissantes.  Les  verreries 
de  l'empire  d'Orient  furent  visitées  par  les  agents 
de  la  République,  et  des  ouvriers  grecs  furent  attirés 
à  Venise.  Sur  la  fin  du  xiii*  siècle ,  les  manufactures 
de  verre  se  multiplièrent  tellement  dans  la  ville  et 
les  incendies  devinrent  si  fréquents  qu'un  décret 
du  Grand -Conseil  obligea  tous  les  propriétaires  à 
éteindre  leurs  fours  et  à  transporter  leurs  usines 
hors  des  murs.  C'est  alors  que  fut  choisie  l'île  de 

Pbligot^  Le  Verre,  22 


LE   VERRE. 


FifiiU  A.    Ivi^hiU  £.     Manur  C     Hrrtfs  D.    •£>. 
^r«niaa*ipâlutfir»ut  fiait  Jm^  E 


Fi^.  50.  —  Four  de  Tcir^'rie  du  xn'  siècle. 


VERRERIE  DE, LUXE  ET  VERRERIE   COMMUNE.    339 

Murano.  En  peu  d'années,  elle  se  couvrit  d'un 
nombre  considérable  de  verreries  de  tous  genres, 
principalement  de  fabriques  de  verroteries  et  de 
bijouterie  de  verre.  C'est  à  l'instigation  du  célèbre 
voyageur  Marco  Polo  que  les  Vénitiens  se  livrèrent 
bientôt  à  la  fabrication  presque  exclusive  de  ces 
produits.  Marco  Polo,  de  retour  à  Venise  dans  les 
dernières  années  du  xiii^  siècle,  enseigna  à  ses  con- 
citoyens les  routes  à  suivre  pour  répandre  les  pro- 
duits de  leur  industrie  dans  l'Asie  centrale,  dans 
rinde  et  jusqu'en  Chine.  Cette  fabrication  des  perles 
de  conterie  nuisait  alors  beaucoup  à  celle  des  verres 
de  luxe,  et,  à  cette  époque  (1400),  c'était  encore  de 
l'Orient  qu'on  tirait  tous  les  verres  colorés,  dorés  ou 
enrichis  d'émail. 

La  prise  de  Constantinople  (1/153)  par  les  Turcs 
amena  l'émigration  d'un  grand  nombre  d'artistes 
grecs,  qui  vinrent  s'établir  à  Venise;  dès  lors,  la 
fabrication  des  verres  prit  une  nouvelle  direction, 
et  la  beauté,  comme  la  variété  des  produits  véni- 
tiens, excita  bientôt  l'admiration  universelle. 

Vers  le  milieu  du  xvi*  siècle,  l'invention  des  fili- 
granes en  verre  blanc  opaque,  contournés  en  mille 
dessins  variés,  vint  encore  ajouter  à  la  faveur  dont 
jouissaient  les  verres  de  Venise,  et  le  gouvernement, 
jaloux  de  ces  succès,  prit  les  mesures  les  plus  sévères 
pour  empêcher  que,  par  l'émigration  des  ouvriers, 
les  procédés  qu'ils  employaient  fussent  connus  au 
dehors.  On  sait  que  ces  mesures  étaient  topiques. 
Nous  avons  donné,  à  propos  des  glaces,  le  texte  d'un 


340  L£   VERRE. 

décret  de  Tlnquisition  d*État,  copié  par  M.  Daru  dans 
son  Histoire  de  la  République  de  Venise.  L'auteur  ajoute 
que,  dans  un  document  déposé  aux  archives  étran- 
gères, on  trouve  deux  .exemples  de  l'application  de 
ce  décret  à  des  ouvriers  que  l'empereur  Léopold 
avait  attirés  en  Allemagne. 

Si  la  République  était  sévère  pour  ceux  qui 
trahissaient  les  secrets  de  son  industrie,  elle  com- 
blait de  faveurs  les  ouvriers  qui  obéissaient  à  ses 
prescriptions.  Ainsi,  les  verriers  n'étaient  pas 
classés  parmi  les  artisans.  Les  nobles  patriciens 
pouvaient  épouser  les  filles  des  verriers  de  Murano 
sans  déroger  en  aucune  façon  et  les  enfants  qui 
naissaient  de  ces  unions  conservaient  tous  leurs 
quartiers  de  noblesse.  Lorsque  Henri  III  vint  à 
Venise  en  1573,  émerveillé  de  l'habileté  des  ouvriers 
et  ébloui  par  la  beauté  des  produits  qu'ils  fabri- 
quaient, il  accorda  la  noblesse  aux  principaux  maîtres 
verriers  de  Murano.  En  1602,  le  Sénat  confirmait 
un  arrêté  de  la  commune  de  Murano  qui  avait  insti- 
tué un  livre  d'or,  à  l'instar  du  Libro  d'oro  nobiliaire, 
à  l'effet  d'y  inscrire  les  familles  originaires  de 
Murano. 

«  Protégés  par  des  lois  sévères,  investis  de 
grands  privilèges,  les  verriers  de  Murano  s'éle- 
vèrent au  rang  d'artistes  distingués.  Leurs  vases 
émaillés  du  xv*  siècle,  leurs  coupes  et  leurs  aiguières 
à  ornementations  filigraniques  du  xvi%  ne  le  cédèrent 
en  rien  pour  la  forme  et  la  décoration  aux  plus 
beaux  produits  de  l'antiquité,  et  l'Europe  entière 
devint  pendant    deux    cents    ans    leur    tributaire. 


VERRERIE   DE   LUXE  ET  TBRBERIE  COMMUNE.    341 

Mais  la  mode  s'étant  portée  au  comiuencement  du 
xviii*  siècle  vers  la  verrerie  de  Bohême,  on  ne 
rechercha  plus  que  le  verre  taillé  et  à  facettes,  au 
grand  détriment  de  l'élégance  et  de  la  légèreté  des 


Flg.  60.  -^  Verres  de  Venise  da  Huaée  de  Cluaj'. 

formes.  La  chute  de  Ja  République,  l'abolition  des 
privilèges  octroyés  aux  verriers  de  Venise,  donnèrent 
le  dernier  coup  à  cette  industrie,  et  les  fabriques  de 
3Iurano  ne  s'occupèrent  plus  qu'à  fabriquer  des 
4istensiles  domestiques  en  verre  commue  '.  » 

1.  Histoire  des  arti  indmlrieh  au  moyen  âge  et  h  l'époque  de  ta 
renaissance,  par  M.  Jules  Labarte,  membre  de  l'Institut;  2'  édition, 
t.  m,  3*  et  h*  fascicules. 


342  LE    VERRE. 

Verrerie  de  Bohême.  —  En  Autriche,  le  verre  for- 
lïiait  déjà,  sous  les  empereurs  saxons,  une  branche 
importante    de    commerce.    Le   livre    des    princes 
d'Enenchel  mentionne  les  verriers  figurant  à  la  fête 
de  Noël  que    les   bourgeois  de  Vienne   donnèrent 
en'1221  au  prince  Léopold.  Dans  la  première  moitié 
du   XV*  siècle,  il  existait  en   Allemagne    des    ver- 
reries où  Ton  s'efforçait   d'imiter  les  produits  de 
Venise,  qui  avaient  alors  une  grande  vogue.  En  1428, 
un  verrier  de  Murano,  Onossorus  de  Blondio,  avait 
établi    une    usine   à  Vienne.    Un  autre,   en    i486, 
Nicolas  dit  le  Welche,  demandait  l'autorisation  de 
fonder  un  établissement  pour  faire  des  verr.es  à  la 
façon   de    Venise;    le   conseil  d'Etat  accueillait  sa 
demande   et   lui   accordait  même    une    exemption 
d'impôts  pendant  dix  ans;  sa  verrerie,  construite  à 
Vienne    dans  les  environs  du   Prater,  était  encore 
en   activité  en  1563.    Une  autre   «  à  la  mode  ita- 
lienne ))  fut  installée  à  Veidlingan,  près  Vienne,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Ferdinand  P'.  On  faisait  alors 
de  grands  efforts  pour  transplanter  en  Autriche  l'in- 
dustrie des  Vénitiens  :  à  cette  époque,  la  vogue  des 
produits  italiens  était  immense  en  Allemagne  et  on 
cherchait,  sans  grand  succès,  à  les  imiter. 

Au  XVI®  siècle,  les  verriers  allemands  commen- 
cèrent à  suivre  une  autre  voie,  et  leurs  produits, 
d'un  genre  nouveau  et  original,  vinrent  contre-ba- 
lancer  l'influence  vénitienne  qui  régnait  seule 
depuis  deux  siècles.  C'est  vers  l'an  1553  qu'on  com- 
mença à  fabriquer  les  Willkomm  (appelés  impro- 
prement Wiederkomm)  en  verre  blanc  ou  vert,  peints 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.    343 

avecdescouleursd'émail, ainsi  que  les  menus  objets 
en  ronde  bosse,  ligures  du  Christ,  formes  d'ani- 
maux, etc.,  qui  datent  des 
xvi^  et  xvu*  siècles  et  qu'on 
rencontre  en  grand  nombre 
dans  les  musées  de  Vienne, 
de  JMunich  et  de  Berlin.  La 
fabrication  des  Wilikomm  a 
cessé  vers  le  premier  quart 
du  xvrii*  siècle  ;  on  a  essayé 
de  la  ressusci  ter  en  Bohême 
dans  ces  derniers  temps  ; 
mais  ces  imitations  des  an- 
ciens verres  émaillés  sont 
Ibrt  grossières. 

La  première  verrerie  de 
la  Bohême  parait  avoir  été 
établie  prèsdeSt-Georgen- 
thal  par  Peter  Berka;  une 
autre  fut  fondée  à  Dau- 
bitz  en  li(i42;  celles  de 
Falkenau ,  près  Steinschô- 
nau,  et  de  Krubitz  datent 
de  1604. 

L'industrie  du  verre  se 
répandit  sur  tout  le  terri- 
toire de  la  Bohême-,  de 

nombreuses  usines  s'établirent  au  milieu  des  forêts 
qui  leur  fournissaient  le  combustible,  le  quartz  et  la 
chaux  ;^  beaucoup  ont  conservé  encore  aujourd'hui 
leur  organisation  toute  primitive. 


Flg  61  —  n  llkomiD  de  Bohême. 


344  LE    VERRE. 

Dans  la  première  moitié  du  siècle  dernier,  cette 
industrie  prit  un  développement  considérable,  par 
suite  de  la  patente  que  l'impératrice  Marie-Thérèse 
donna  aux  fabricants  de  verre  émigrant  en  Autriche. 
Les  vastes  forêts  du  Bôhmerwald  et  du  Riesengebirg, 
avec  leurs  gisements  inépuisables  de  quartz  pur, 
devinrent  les  sièges  principaux  des  verreries  nou- 
vellement fondées. 

L'industrie  de  la  Bohême  s'affranchit  peu  à  peu 
des  formes  vénitiennes  :  les  formes  et  les  profils  de 
ses  vases  sont  plus  lourds  ;  mais  les  colorations  sont 
beaucoup  plus  variées;  la  gravure  à  la  roue,  d'ori- 
gine allemande^  a  été  portée  à  un  haut  degré  de  per- 
fection. La  prohibition  absolue,  qui  a  frappé  jus- 
qu'en 1860  les  verres  de  Bohême,  a  beaucoup  contri- 
bué à  leur  donner  une  réputation  qu'ils  ont  perdue 
dès  qu'ils  ont  pénétré  librement  sur  notre  marché; 
ils  ont  eu  longtemps  pour  nous  la  saveur  du  fruit 
défendu.  Néanmoins  il  est  juste  de  reconnaître  que, 
sauf  pour  les  anciens  Willkomm,  et  contrairement  à  ce 
■qui  est  arrivé  aux  verreries  de  Venise,  la  fabrication 
allemande  a  constamment  progressé  sous  le  rapport 
de  la  pureté  du  verre  et  du  mérite  de  la  gravure. 

Verrerie  anglaise;  cristal.  —  L'industrie  du  verre 
s'est  développée  tardivement  en  Angleterre.  Ben- 
tham  rapporte,  d'après  Bède,  qu'en  l'année  675  l'abbé 
de  Vermouth,  envoyant  chercher  en  France  des 
artistes  capables  de  bâtir  une  église  dans  le  style 
romain,  fit  venir  aussi  des  ouvriers  pour  fabriquer 
les  verres  dont  il  voulait  orner  les  fenêtres  de  cette 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.    345 

église,  attendu  que  Fart  du  verrier  était  alors  absolu- 
ment inconnu  en  Angleterre  *. 

Une  charte  de  1399  mentionne  un  entrepôt  des 
verreries  de  Venise  à  Londres,  à  la  fin  du  xiv*  siècle. 
Suivant  Thomas  Charnock  (mort  en  1557),  des  ver- 
reries existaient  de  son  temps  dans  le  comté  de 
Sussex.  La  reine  Elisabeth  fit  venir  des  verriers  véni- 
tiens ;  Jean  Quarré,  d'Anvers,  fut  aussi  appelé  pour 
faire  des  miroirs  «  comme  ceux  de  France  ». 

La  gobeleterie  était  tirée  de  France,  des  Pays- 
Bas,  mais  surtout  d'Allemagne.  Néanmoins  un  docu- 
ment relatif  à  un  verrier  nommé  George  Longe,  daté 
de  1589,  rapporte  que  seize  verreries  existaient  alors 
en  Angleterre. 

En  J635,  Robert  Mannsell  obtint  un  privilège  pour 
l'application  de  la  houille  au  chauffage  des  fours  de 
verreries. 

La  révocation  de  l'édit  de  Nantes  (1685)  amena 
l'émigration  d'un  grand  nombre  d'ouvriers  verriers 
qui  vinrent  s'établir  en   Angleterre  et  qui  contri- 
buèrent puissamment  au  développement  de  leur  in- 
dustrie dans  ce  pays.  Dans  la  première  moitié  du 
xviii*  siècle,  les  verres  anglais  étaient  préférés  aux 
verres  de  Bohême  pour  les  usages  de  la  table  ;  une 
révolution  des  plus  importantes  venait,  en  effet,  de 
s'opérer  dans  l'industrie  verrière  ;  le  cristal^  verre  à 
base  de  plomb,  que  les  Anglais  désignent  sous  le  nom 
de  flint-glass,  venait  d'être  découvert  chez  eux  et  se 
substituait  avec  avantage  aux  verres  ordinaires  à 

1.  D'Agi ncourt,  Histoire  de  Varl  par  les  monuments,  t.  H,  p,  1^3. 


346  LE    VERRE. 

base  de  chaux  et  d'alcali*.  Il  est  difficile  d'établir 
d'une  manière  certaine  la  date  exacte  de  cette  sub- 
stitution. Ce  qui  est  certain,  c'est  que,  vers  1665, 
le  verre  à  base  de  plomb  n'était  pas  encore  fabriqué 
en  Angleterre  :  on  lit,  en  effet,  dans  les  notes  que  le 
docteur  anglais  Merret  a  jointes  à  VArt  de  la  verrerie 
de  Neri  et  à  l'occasion  d'un  verre  plombeux  dont  on 
se  servait  sur  le  continent  pour  imiter  les  pierres  pré- 
cieuses: «  Le  verre  de  plomb  n'est  point  en  usage  dans 
nos  verreries  d'Angleterre,  à  cause  de  sa  trop  grande 
fragilité...  Si  cette   espèce   de  verre  avait  la  même 
solidité  que  le  verre  cristallin,  il  serait  supérieur  à 
tous  les  autres,  à  cause  de  la  beauté  de  sa  couleur  ». 
Nous  avons  vu  que  la  substitution  de  la  houille 
au  bois,  devenu  rare  en  Angleterre,  date  de    1635; 
elle  fut,  d'après  M.  Bontemps,  l'origine  de  la  fabri- 
cation du  cristal.  «  En  employant  le  nouveau  com- 
bustible, on  dut  bientôt  s'apercevoir  que  ce  verre 
était  plus  coloré  que  celui  qu'on  avait  précédemment 
fondu  avec  du  bois;  l'effet  de  cette  coloration  dut 

1.  Le  nom  de  cristal,  que  nous  employons  pour  désigner  le  verre 
à  base  de  plomb,  était  donné  dans  Tantiquité  et  au  moyen  âge  aux  pro- 
duits taillés  et  gravés  en  cristal  de  roche  ou  quart  hyalin  (silice  pure 
cristallisée).  C'était  pour  les  verriers  un  type  d'éclat  et  de  blancheur 
qu'ils  s'efforçaient  d'imiter.  Lorsque  les  Vénitiens  parvinrent  à  obtenir 
un  verre  presque  aussi  beau  d'aspect,  ils  s'empressèrent  de  le  nommer 
cristal  de  Venise  ou  verre  cristallin.  Dans  l'inventaire  des  ducs  de 
Baurgogne  (1467),  on  lit  :  «  Ung  voirre  cristallin  couvert,  garnj 
d'or  »  ;  et  dans  celui  de  Gabrielle  d'Estrées  (1599)  :  «  Un  petit  chau- 
dron de  cristallin  de  verre  prisé  xx'x  sous  »  et  «  un  grand  mirouer 
de  cristal  de  Venise  garni  d'ebeyne,  prisé  la  somme  dé  6  écus.  ». 

Le  nom  de  cristal  est  encore  donné  dans  les  pays  étrangers  aux 
verres  de  luxe  exempts  de  plomb. 


VERRERIE   DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.   347 

être  attribué  à  la  houille,  et  les  verriers  cherchèrent 
par    tous  les  moyens  possibles  à  combattre  cette 
influence  colorante  :  c'est  ainsi  qu'ils  arrivèrent  sans 
doute  à  soustraire  la  matière  en  fusion  au  contact  de 
la  fumée  de  la  houille  en  couvrant  le  creuset  d'un 
dôme  qui  lui  donnait  la  forme  d'une  cornue  à  col 
court;  mais,  en  protégeant  ainsi  la  matière  en  fusion, 
on  s'aperçut  aussitôt  que  celte  matière  ne  subissait 
plus  une  température  aussi  élevée  :   il  fallait  pro- 
longer la  fonte  et  augmenter  la  dose  du  fondant,  l'al- 
cali ;  il  en  résultait  une  autre  cause  de  coloration  et 
un  verre  d'une  moindre  qualité.  C'est  ainsi  qu'on  fut 
amené  à  ajouter,  au  lieu  d  alcali,  un  fondant  métal- 
lique,   Voxyde  de  plomb,  qui  fut  employé  en  aussi 
grande    quantité  qu'on  le  put,   sans  produire  une 
coloration  tirant  au  jaune  :  non-seulement  on  obvia 
aux  inconvénients  de  la  houille  et  du  pot  couvert, 
mais  il  en  résulta  le  verre  le  plus  blanc,  le  plus  par- 
fait qu'on  eût  jamais  obtenu,  auquel  le  cristal  de  la 
Bohême  le  plus  beau  ne  peut  être  comparé...  Ce  fut 
sans  doute  vers  la  fin  du  xvii*  siècle  que  ce  résultat 
fut  produit;  car,  vers  1750,  quand  le  célèbre  opticien 
DoUond  faisait  ses  premières  expériences  sur  l'achro- 
matisme, le  flint-glass  à  base  de  plomb  semblait  être 
d'un  usage  courant  pour  les  services  de  table.  » 

Tout  en  acceptant  comme  ingénieuse  et  comme 
vraisemblable  cette  explication  de  la  découverte  du 
cristal,  j'ai  eu  occasion  de  faire  remarquer*  que  le 

i.  Dans  mon  Rapport  sur  les  verres  et  les  cristaux  de  l'Expo^ 
sition  universelle  de  Londres,  en  1851^ 


348  LE  VERRE. 

cristal  anglais  n'avait  pas   à  beaucoup  près,   dans 
l'origine,  la  perfection  et  la  blancheur  que   lui  at- 
tribue M.  Bon  temps  ;  il  ne  les  a  acquises  que  progres- 
sivement :  c'est  ce  qu'on  peut  constater  en  examinant 
au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  des  spécimens 
de  la  fabrication  anglaise,  rapportés  d'Angleterre  par 
M.  Christian,  il  y  environ  cinquante  ans;  ces  cristaux 
sont  sans  éclat  et  d'une  teinte  noirâtre  différente,  il 
est  vrai,  mais  presque  aussi  mauvaise  que  celle  de 
nos  verres  communs.  En  remontant  à  une  époque  un 
peu  plus  éloignée,  la  fabrication  anglaise  était  encore 
plus  mauvaise.    «  Quelque  florissantes   que    soient  . 
leurs  verreries,   dit  Bosc  d'Antic,   les   Anglais   ne 
doivent  pas  se  flatter,  avec  John  Cary,  qu'elles  soient 
portées  à  la  plus  haute  perfection.  Leur  cristal  n'est  pas 
d'une  belle  couleur;  il  tire  sur  le  jaune  et  sur  le 
brun,  pour  peu  que  la  couleur  rouge  de  la  manganèse 
domine.   Il  est  si  mal  cuit  qu'il  ressue  le  sel,  se 
crassit,  se  rouille  promptement,  est  rempli  de  points 
et  nébuleux.  »  (Mémoire  sur  la  verrerie^  qui  a  rem- 
porté, en  1760,  le  prix  proposé  par  l'Académie  royale 
des  sciences  :  Quels  sont  les  moyens  les  plus  propres  à  porter 
V économie  et  la  perfection  dans  les  verreries  de  France?). 
Ce  n'est  que  lentement,  et  sous  l'influence  des 
perfectionnements  apportés  par  la  chimie  à  la  purifi- 
cation de  la  potasse,  au  choix  du  sable  et  surtout  du 
minium,  que  les  cristaux  anglais  et  français  sont 
arrivés  à  devenir  supérieurs  aux  plus  beaux  verres 
de  Bohême,  dont  la  teinte  est  toujours  un  peu  jau- 
nâtre et  qui  n'ont  pas,  d'ailleurs,  à  beaucoup  près. 
à  cause  de  leur  faible  densité,  l'éclat  du  cristal. 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.    349 

La  rareté  du  combustible  végétal  qui  avait  pro- 
voqué la  fabrication  du  verre  à  base  de  plomb  en 
Angleterre  n'existant  pas  chez  nous,  ce  ne  fut 
qu'en  i78/i  qu'un  four  à  cristal  à  pots  couverts, 
d'après  la  méthode  anglaise,  fut  établi  à  Saint- 
Cloud,  près  Paris,  par  M.  Lambert;  quelques  années 
plus  tard,  cette  usine  était  transportée  à  Montcenis, 
puis  au  Creuzot,  sous  le  nom  de  verrerie  de  la  reine: 
elle  a  cessé  de  travailler  en  1827. 

Vers  la  même  époque,  le  cristal  fondu  au  bois  et  à 
pots   découverts  était  fabriqué  dans    la    verrerie  de 
Saint-Louis,  dans  le  département  de  la  Moselle  que 
la  guerre  de  1870  nous  a  ravi.  En  1787,  le  directeur 
de  cette  usine,  M.  de  Beaufort,  présentait  à  l'Aca- 
démie des  sciences  différentes  pièces  à  l'imitation  du 
flint-glass  des  Anglais;  un  rapport  de  Macquer  et  de 
Fougeroux  de  Bondaroy,  conservé  dans  les  archives 
de  cet  établissement,  constate  la  bonne  qualité  de 
ces  produits.  «  On  ne  peut,  disent  en  terminant  ce 
rapport   les   savants    académiciens,    qu'encourager 
M.  de  Beaufort  à  suivre  et  à  augmenter  un  objet  de 
fabrication  qui,  probablement,  procurera  de  l'avan- 
tage à  notre  commerce  et  pourra  même  devenir  utile 
aux  sciences.  »   Cette  conclusion  était,  comme  on 
voit,   bien   modeste  et  nullement  compromettante 
pour  TAcadémie.  Un  verre  à  boire  en  cristal  anglais 
valait  alors  3  livres  ;  la  cristallerie  le  vendait  25  sous  : 
il  coûte  aujourd'hui,  en  cristal  beaucoup  plus  beau, 
35  à  &0  centimes. 

Une  autre  cristallerie  avait  été  fondée  à  Vonèche,  . 
près  de  Givet,  par  M.  d'Artigues,  en  1800.  Cet  éta- 


360  LE  YERRE. 

blissement  s'étant  trouvé,  par  le  traité  de  1815,  en 
dehors  du  territoire  français,  M.  d'Arligues  acheta  à 
Baccarat  la  verrerie  de  Sainte-Anne,  où  l'on  n'avait 
fait  jusqu'alors  que  du  verre  à  vitre  et  de  la  gobele- 
terie  ordinaire,  et  transforma  cet  établissement  en 
une  cristallerie,  qui  passa  en  1823  entre  les  mains 
d'une  puissante  Société  :  sous  la  direction  successive 
de  MM.  Godard,  de  M.  Toussaint,  de  M.  Eug.  de  Fon- 
tenay,  de  M.  Michaut,  la  cristallerie  de  Baccarat  es! 
devenue  une  usine  modèle,  non  moins  remarquable 
par  l'importance  de  sa  production,  la  perfection  et 
l'extrême  variété  de  ses  produits  que  par  le  bien-être 
qu'elle  assure  à  ses  nombreux  ouvriers. 

D'autres  cristalleries,  moins  importantes  que 
celles  de  Baccarat  et  de  Saint-Louis,  ont  été  fondées 
en  France  depuis  un  demi-siècle;  parmi  elles  nous 
devons  mentionner  celle  de  M.  Monot,  à  Pantin,  et 
celle  de  MM.  Maës,  à  Clichy,  qui,  longtemps  dirigée 
par  M.  Maës  père  et  par  M.  Clemandot,  a  pris  dans  le 
commerce  de  la  verrerie  de  luxe  une  place  des  plus 
distinguées. 

COMPOSITION    DU    VERRE    ET    DU    CRISTAL 

CHEZ    LES    ANCIENS. 

Avant  d'exposer  les  procédés  qu'on  emploie  pour 
fabriquer  les  différents  verres  en  usage  pour  la  gobe- 
leterie,  il  importe  de  rechercher  quelle  était  la  com- 
position du  verre  que  fabriquaient  les  anciens. 

Cette  étude  n'a  pas  encore  été  tentée;  les  per- 
sonnes qui  se  sont  occupées  de  la  verrerie  antique 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUxNE.    351 

n'ont  pas  hésité  à  admettre  que  la  matière  première 
que  mettaient  en  œuvre  avec  une  incomparable  tiabi- 
leté  les  verriers  de  l'antiquité,  ne  différait  en  rien  de 
celle  dont  on  fait  usage  aujourd'hui. 

Telle  n'est  pas  mon  opinion.  Le  verre  ordinaire, 
ainsi  que  le  verre  plombeux  qu'on  fabriquait  autre- 
fois, présentaient  une  composition  notablement  dif- 
férente de  celle  des  produits  modernes.  C'est  ce 
que  je  me  propose  d'établir  en  m'appuyant  tout  à  la 
fois  sur  les  textes  des  anciens  auteurs  et  sur  l'ana- 
lyse chimique  des  verres  antiques. 

Verre  ordinaire.  —  Nous  avons  vu  que  le  verre 
employé  pour  les  objets  si  variés  qui  composent 
la  gobeleterie  est  de  nature  différente,  en  raison 
de  son  prix  et  des  habitudes  des  pays  dans  lesquels 
il  est  fabriqué;  celui  de  notre  gobeleterie  ordinaire 
et  demi-fine  est  formé  de  silice,  de  chaux  et  de 
soude  :  dans  le  verre  de  Bohême,  la  potasse  remplace 
cette  dernière  base.  Ainsi  trois  substances  entrent 
toujours,  comme  éléments  essentiels,  dans  la  compo- 
sition des  verres  modernes.  Je  ne  parle,  bien  entendu, 
que  des  verres  incolores. 

Les  anciens  verriers  procédaient  autrement  : 
D'après  Pline,  le  sable  et  la  soude  entraient  seuls 
dans  la  composition;  «aujourd'hui  on  mêle  du  sable 
blanc  avec  3  parties  de  nitre,  soit  au  poids  soit  à  la 
mesure,  et,  lorsque  la  matière  est  fondue,  on  la 
coule  dans  un  autre  fourneau;  ou  la  refond  une 
seconde  fois  et  on  obtient  ainsi  un  verre  pur  et 
blanc.  » 


33t  LE   VERRE. 

Bien  des  siècles  plus  tard,  ces  deux  substances 
étaient  encore  employées  d'une  façon  presque  exclu- 
sive; l'alcali  étant  le  natron  des  lacs  salés  d'Egypte, 
le  salin  des  cendres  du  bois  ou  de  végétaux  marins 
tels  que  la  soude  d'Espagne  ou  la  poudre  de  Rochette. 

Quant  à  la  chaux,  qui  est  la  troisième  substance 
qu'on  ajoute  aujourd'hui  à  tous  les  verres  (à  l'excep- 
tion du  verre  piombeux,  du  cristal),  cette  base  ne  se 
rencontrait  dans  le  mélange  vitrifiable  que  d'une 
façon  accidentelle  et,  pour  ainsi  dire,  inconsciente, 
apportée  soit  parle  sable  soit  parle  fondant  alcalin  plus 
ou  moins  purifié  dont  on  faisait  usage.  La  chaux,  qui 
assure  à  la  verrerie  moderne  son  inaltérabilité  rela- 
tive, n'existe  qu'en  faible  proportion  dans  les  verres 
anciens  qui  sont  venus  jusqu'à  nous;  il  est  probable 
que  ceux  qui  n'en  renfermaient  pas  ont  depuis  long- 
temps disparu  sous  l'influence  de  l'action  destructive 
des  agents  atmosphériques. 

Néanmoins  cette  exclusion  n'était  pas  absolue; 
car  Pline  parle  de  l'emploi  de  la  chaux  comme  d'un 
progrès  réalisé  de  son  temps  :  «  Depuis,  dit-il,  tant 
l'esprit  de  l'homme  est  inventif,  on  ne  se  contenta 
pas  de  mêler  du  nitre  à  la  matière  du  verre,  on  y 
joignit  aussi  de  la  pierre  magnétique...;  pareille- 
ment on  commença  à  y  ajouter  de  petites  pierres 
luisantes  de  toutes  les  espèces,  ensuite  des  coquilles 
et  des  sables  fossiles  ^  » 

1.  Mox,  ut  est  astuta  et  ingeniosa  solertia,  non  fuit  contenta  ni- 
trum  miscuisse,  cœptus  addi  et  magnes  lapis.,.  Simili  modo  et  cal- 
culi  splendenles  mullifariam  cœpti  uli  :  deinde  conchœ  et  fossiles 
annœ  (Aal.  hist.,  lib.  XXXVI,  cap.  xxvi). 


VERRERIE  DE  LUXE  ET   VERRERIE  COMMUNE.  353 

En  dehors  de  cette  indication,  la  plupart  des 
recettes  qui  nous  ont  été  transmises  ne  parlent  pas 
de  la  chaux  introduite  dans  les  compositions.  Ainsi, 
dans  les  notes  ajoutées  à  la  traduction  de  V Histoire 
naturelle  de  Pline  (édition  de  1772,  t.  XII),  Guettard 
donne  sur  ces  compositions  les  renseignements  qui 
suivent  : 

«  Alphonse  Barbara,  dans  son  Traité  de  métallurgie,  recom- 
mande de  mêler,  pour  faire  le  verre,  deux  parties  de  sable 
transparent  ou  de  farine  de  pierre  fondue  au  feu  et  une  partie 
de  nitre  ou  de  sel  de  soude  et  un  peu  de  pierre  d'aimant; 
d'autres  prennent  deux  parties  de  cendres  et  une  partie  de 
sable...  On  trouve  les  mêmes  proportions  dans  le  Traite  de 
métallurgie  de  Ferez  de  Végos...  Par  l'addition  de  la  chaux, 
ajoute  Guettard,  on  a  un  verre  beaucoup  plus  parfait  et  moins 
fragile  auquel  on  donne  le  nom  de  cristal,  parce  que,  par  sa 
beauté,  il  approche  du  cristal  ordinaire  ou  fossile.  » 

Au  xvr  siècle,  et  bien  plus  lard,  on  suivait  encore 
les  mêmes  errements;  dans  son  livre  Dere  metallicây 
si  curieux  par  l'exposé  des  procédés  métallurgiques 
de  son  temps,  Agricola  donne  comme  il  suit  la  ma- 
nière de  fabriquer  le  verre  : 

«  On  mélange  deux  parties  de  pierres  fusibles  pulvérisées 
avec  une  de  nitre,  de  sel  fossile  ou  de  sel  tiré  des  plantes; 
l'on  y  joint  un  peu  d* aimant^ ;  on  pense  de  nos  jours  aussi 
bien  qu'anciennement  qu'il  a  la  propriété  d'attirer  la  couleur 
du  verre  de  la  même  manière  qu'il  a  celle  d'attirer  le  fer, 

1.  L'oxyde  de  manganèse,  dont  les  verriers  se  sont  servis  à  toutes 
les  époques  comme  décolorant,  était  autrefois  confondu  avec  Tai- 
mant  (oxyde  de  fer  magnétique).  Ce  corps  est  souvent  désigné  aussi 
sous  le  nom  de  magnésie.) 

23 


354  L£  VERRE. 

de  le  nettoyer  et  de  le  rendre  blanc,  de  vert  ou  nébuleux  qu'il 
était;  le  feu  consume  ensuite  l'aimanta  » 

Dans  son  traité  de  VArt  de  la  verrerie,  publié  à 
Florence  en  1612,  Antoine  Neri  insiste  beaucoup  sur 
la  manière  de  tirer  le  sel  de  la  poudre  appelée 
Rochette  ou  Roquette;  cette  poudre,  dit-il,  est  la 
cendre  d'une  plante  qui  croît  abondamment  en  Syrie 
et  dans  le  Levant;  elle  donne  par  le  lessivage  et 
par  révaporation  un  sel  plus  blanc  que  la  soude 
d'Espagne;  celle-ci  donne  un  cristal  d'une  couleur 
bleuâtre.  300  livres  de  cendre  orientale  donne  80  à 
90  livres  de  sel  qu'on  emploie  pour  faire  la  fritte  du 
cristal;  il  n'est  pas  question  de  la  chaux. 

D'après  Kunckel,  «  il  convient  d'employer  200  li- 
vres de  silice  de  la  pierre  à  fusil  et  1/tO  à  150  livres 
de  sel;  on  ajoute  de  la  magnésie,  ainsi  nommée 
parce  qu'elle  ressemble  par  son  poids  et  sa  couleur 
à  l'aimant,  qui,  en  latin,  s'appelle  magnes  ». 

11  serait  facile  de  multiplier  ces  citations.  Néan- 
moins, dès  cette  époque,  l'utilité  de  la  chauK  n'était 
pas  absolument  méconnue;  car,  dans  un  autre  cha- 
pitre, Neri  indique  la  composition  suivante  : 

«  40  livres  de  potasse  purifiée,  60  livres  de  sable,  5  livres 
de  craie,  pour  donner  plus  de  corps  à  la  composition.  » 

Un  verre  de  cette  nature  ne  contiendrait,  d'ail- 
leurs, que  3  à  4  pour  100  de  chaux. 

Il  m'a  paru  intéressant  de  déterminer,  par  l'ana- 

1.  Addition  à  la  préface  de  Merret,  tirée  du  livre  XO  d'AgricoIa, 
dans  VArl  de  la  verrerie,  d'Antoine  Neri. 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  365 

lyse  chimique,  la  composition  d'un  certain  nombre 
de  verres  antiques.  Bien  que  l'âge  et  l'origine  de  ces 
échantillons,  dont  plusieurs  néanmoins  •  viennent 
d'Autun  et  sont  probablement  du  ii'  siècle,  me 
soient,  pour  la  plupart,  inconnues,  leur  ancienneté, 
qui  remonte  certainement  à  une  quinzaine  de  siècles, 
ne  peut  pas  être  mise  en  doute,  le  temps  leur  ayant 
fait  subir  des  altérations  que  l'art  ne  saurait  imiter. 
Voici  la  composition  de  ces  verres  ; 


Silice 

Soude  

Potasse 

Chaux  

Alumine,oxydesde 
fer  et  de  manga- 
nèse  


1. 
66,7 
19,8 

4,9 

2. 

66,0 
24,2 

3. 

67,/i 
2/1,5 

4. 

70,9 
17,0 

69,4 
20,3 

6. 

69,4 
20,7 

5,8 

7,0 

2,7 

7,8 

6,4 

7,1 

2,8 

3,0 

5,à 
100,0 

100,0 

2,9 
100,0 

2,8 

400,0 

1,000 

100,0 

On  voit  que  dans  tous  ces  verres  la  proportion  de 
chaux  est  minime;,  elle  est  la  moitié  ou  le  tiers  de 
celle  qu'on  rencontre  aujourd'hui  dans  les  verres  à 
vitre,  à  glace,  à  gobeleterie,  etc.  Dans  un  fragment 
de  vitre  de  Pompéi,  M.  Claudel  avait  aussi  trouvé 
7,2  de  chaux.  Pour  les  analyses  qui  précèdent,  j'ai 
dû  choisir  de  préférence  des  verres  n'oflfrant  pas 
une  teinte  irisée  trop  prononcée,  celle-ci  étant  due 
à  la  séparation  des  éléments  calcaires  et  terreux  qui 
se  concentrent,  pour  ainsi  dire,  à  la  surface  du 
verre,  en  raison  du  départ  des  éléments  alcalins. 

J'ajouterai  que  le  fait  même  de  l'existence  actuelle 
de  ces  verres  témoigne  en  faveur  de  leur  qualité 


356  LE   VERRE. 

relative;  car  ceux  qai  étaient  exclusivement  fabriqués 
avec  le  salin  et  le  sable  ont  dû  disparaître  depuis  long- 
temps; ils  appartenaient,  en  réalité,  à  la  catégorie 
des  verres  solubles  que  Fuchs  a  découvert  de  nos  jours, 
et  qui,  par  leurs  usages  comme  par  leur  fabrication, 
sont  en  dehors  des  produits  de  l'industrie  verrière. 

En  me  résumant,  j*estime  que  la  nature  des 
verres  n'était  pas  autrefois  ce  qu'elle  est  aujourd'hui. 
Dans  les  verres  antiques  qui  sont  venus  jusqu'à 
nous,  la  chaux  s'y  rencontre  en  minime  quantité; 
elle  y  est  introduite  soit  comme  un  élément  acces- 
soire, comme  Toxyde  de  manganèse,  soit  par  les 
matières  premières,  le  sable  et  l'alcali,  employés 
pour  le  fabriquer.  11  n'y  a  pas  bien  longtemps,  d'ail- 
leurs, que  le  rôle  de  ce  corps  dans  la  vitrification 
est  apprécié  à  sa  juste  valeur.  Ainsi  le  verre  à  glace, 
que  M.  Dumas  analysait  il  y  a  trente-cinq  ans,  ne 
contenait  que  3,8  pour  100  de  chaux;  celui  qu'on 
fabriquait  en  Angleterre,  en  1851,  n'en  renfermait 
pas  beaucoup  plus,  4,7  et  6,9  pour  100.  J'ai  analysé 
récemment  un  verre  de  vitrage  tellement  altérable 
qu'on  a  dû  le  remplacer  par  un  autre;  il  ne  con- 
tenait que  3,6  pour  100  de  chaux. 

L'altération  profonde  que  les  verres  autrefois 
subissaient  sous  l'influence  de  l'eau  et  des  agents 
chimiques  est  établie  par  de  nombreux  témoignages: 
nous  avons  vu  Bernard  Palissy,  dans  un  livre  publié 
en  1563,  attribuer  à  l'action  des  pluies  la  destruction 
d'un  nombre  infini  de  vitres  des  églises  du  Poitou 
et  de  la  Bretagne,  qui  sont,  dit-il,  incisées  par  le 
dehors  par  l'injure  du  temps.  Dans  un  livre  qui  fait 


VERRERIE  DE   LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  35?' 

suite  à  VArt  de  la  verrerie,  de  Nerî,  il  est  question 
d'un  sel  coagulé  qui  s*est  formé  par  le  nettoyage  au 
moyen  de  l'eau  d'un  récipient  en  verre  qui  avait 
servi   à  la  distillation  de  l'acide  fumant  :   «  D'où  je 
conclus,  dit  i'auteur,  que  ce  n'est  pas  une  chose  si 
difficile  de  coaguler  l'eau  *.  »  11  est  clair  que' celle 
gelée  était  de  la  silice  provenant  de  la  décompo- 
sition   d'un  verre   de   très-mauvaise   qualité.    Au- 
jourd'hui que  cette  influence  de  la  chaux  sur  la  qua- 
lité est  reconnue,  tous  les  verres  bien  fabriqués  en 
contiennent    12    à   15  pour    100    de    leur  poids. 
Cette  proportion,  à  laquelle  on  est  arrivé  lentement 
et,  pour  ainsi  dire,  par  tâtonnement,  représente  à 
peu  près  équivalents  égaux  de  chaux  et  d*alcali  ;  elle 
établit  entre  Tancienne  verrerie  et  la  verrerie  con- 
temporaine une  ligne  de  démarcation  qu'il  m'a  paru 
utile  de  mettre  en  lumière. 

Verre  plombeux.  —  Cristal.  —  A  quelle  époque 
remonte  la  découverte  du  verre  à  base  de  plomb, 
du  cristal?  Celte  question  a  donné  lieu  à  de  nom- 
breuses controverses  :  elle  a  généralement  reçu 
de  la  part  des  archéologues  et  même  des  chimistes 
une  solution  qui,  à  mon  humble  avis,  n'est  pas 
fondée. 

11  est  établi  par  des  documents  irrécusables  que 
les  anciens  introduisaient  du  plomb  dans  un  certain 
nombre  de  leurs  compositions  vitreuses.  On  ren- 
contre ce  métal  dans  le  verre  hématin;  il  parait  établi 

4.  Sol  sine  vestSj  d^Orschall,  p.  50/i. 


!fô8  LE    YERRË. 

que  les  imitations  de  pierres  précieuses  qu'on  faisait 
du  temps  de  Pline  et  aussi  au  moyen  Âge  étaient 
fabriquées  avec  des  matières  riches  en  plomb. 

Plusieurs  chimistes  ont,  d'ailleurs,  constaté  la 
présence  du  plomb  dans  des  verres  dont  la  fabrica- 
tion remonte  à  des  temps  très-anciens  :  parmi  ces 
travaux,  nous  devons  mentionner  en  première  h'gne 
celui  de  Fougeroux  de  Bondaroy,  membre  de  l'Aca- 
démie royale  des  sciences,  publié  dans  les  mémoires 
de  cette  Compagnie  en  1787.  Il  s'agit  de  l'examen 
d'un  verre  désigné  sous  le  nom  de  miroir  de  Virgile, 

«  Entre  les  raretés  et  les  richesses  de  différentes 
espèces  qui  font  partie  du  trésor. de  Saint-Denys,  en 
France,  on  conservait  une  substance  transparente, 
de  forme  ovale,  longue  de  ili  pouces  dans  son  plus 
grand  diamètre,  de  12  pouces  dans  son  petit  et 
épaisse  d'un  bon  pouce,  à  laquelle  on  a  laissé  le 
nom  vulgaire  de  miroir  de  Virgile  :  le  poids  total  de  ce 
morceau  était  d'environ  30  livres;  sans  prétendre 
fixer  à  ce  verre  une  antiquité  aussi  reculée,  Ton 
assure  qu'il  est  depuis  les  premiers  temps  que  ce 
trésor  a  été  établi  dans  cette  maison...  » 

«  Le  verre  est  homogène,  d'un  vert  mêlé  avec  du 
jaune;  il  est  poli  sur  les  deux  surfaces;  mais  les 
bords  semblent  n'avoir  pas  été  usés  et  conserver 
l'empreinte  du  moule  qui  lui  a  donné  la  forme. 
1  pouce  cube  pèse  1660  grains;  le  pouce  cube  du 
verre  des  volcans  pèse  800  grains.  » 

Pour  déterminer  quel  est  le  métal  qui  entre  dans 
la  composition  de  ce  verre,  l'auteur  a  mélangé  cette 
matière,  préalablement  réduite  en  poudre  très-fine, 


VERRERIE   DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMUNE.  35> 

avec  du   flux  noir;  à  l'aide  d'un  feu  trës-yiolent,  il 
a  obtenu  un  culot  de  plomb  malléable,  dont  la  den- 
sité était  égale  à  li,2/i.  Il  estime  que  ce  verre  con- 
tient   environ   la    moitié    de   son   poids    de    terre 
vitrifiable,  c'est-à-dire  d'oxyde  de  plomb.  Il  ajoute  : 
•<c  Je  crois  qu'il  n'y  a  pas  un  siècle  qu'on  a  com- 
mencé à  se  servir  de  chaux  de  plomb  pour  donner 
de  la  pesanteur  aux  cristaux;  et  certainement  depuis 
ce   temps,  ce  moyen  est  réservé  comme  secret  dans 
les  verreries.  Les  Anglois  l'ont  employé  dans  l'espèce 
de  verre  pesant  qu'ils  nomment  flint'glassj  qui,  s'il 
était   de  bonne  qualité,    remplirait   les   désirs   des 
astronomes  et    de  tous   ceux  qui  font   usage   des 
lunettes  achromatiques  ;  et  à  Paris,  pour  les  verres 
appelés  strassj  du  nom  de  leur  inventeur.  Si  ce  verre^ 
dit  de  Virgile,  est  ancien,  s'il  est  factice,  on  connais- 
sait donc,  il  y  a  longtemps^  le  moyen  de  faire  du 
verre  lourd  en  ajoutant  de  la  chaux  de  plomb  aux 
verres  de  sable.  » 

Cette  opinion  serait  parfaitement  fondée  si  l'au- 
teur, connaissant  mieux  la  nature  du  cristal  anglais, 
avait  recherché  et  constaté  dans  le  miroir  de  Virgile 
|a  présence  de  la  potasse.  La  même  observation  s'ap- 
plique à  d'autres  travaux  qui,  tout  en  mettant  hors  de 
doute  l'existence  du  plomb  dans  divers  échantillons 
de  verres  antiques,  n'ont  pas  établi  que  la  potasse  ou 
la  soude  entrait  aussi  dans  leur  composition  :  ainsi 
M.  Girardin  a  examiné  un  petit  vase  à  parois  fort 
épaisses,  d'une  pâte  fine  et  blanche,  trouve  en  1843 
aux  environs  de  Rouen  dans  un  cercueil  en  pierre 
d'origine   gallo-romaine;     ce   cercueil    renfermait 


360  LE  VERRE. 

d'au  1res  verres  plus  grossiers,  des  médailles  à  Teffigie 
de  Constantin  le  Grand,  etc.  M.  Girardin  a  trouvé 
du  plomb  en  proportion  notable  (qu'il  n*a  pas  déter- 
minée) avec  une  trace  de  cuivre;  «  maintenant,  dit-il, 
il  ne  peut  rester  douteux  que  les  anciens  n'aient 
connu  la  fabrication  du  cristal  ».  Plus  tard,  en  1849, 
le  même  chimiste  a  trouvé  également  du  plomb  dans 
un  fragment  de  verre  blanc,  provenant  d'un  cercueil 
d'enfant,  trouvé  dans  un  vaste  cimetière  gallo-romain 
que  M.  l'abbé  Cochet  avait  découvert  dans  la  pro- 
priété de  MM.  Souday  frères,  à  Cany  ;  un  autre  frag- 
ment blanc,  transparent,  de  forme  irrégulière  et  de 
la  grosseur  d'une  aveline,  trouvé  dans  le  même 
cimetière,  le  confirme  dans  l'opinion  qu'il  avait 
émise  antérieurement  sur  la  fabrication  du  cristal 
chez  les  Romains  ' . 

La  même  réserve  doit  être  faite  en  ce  qui  concerne 
l'examen  fait  par  M.  Chevreul,  à  la  demande  de 
M.  Fillon,de  divers  objets  d'archéologie  trouvés  dans 
le  département  de  la  Vendée  :  «  Parmi  les  différentes 
substances  vitreuses  que  renfermait  le  tombeau  de 
saint  Médard  des  Prés,  il  y  avait  un  échantillon  fort 
différent  des  verres  de  bouteilles  par  sa  transparence 
et  sa  propriété  Incolore.  Cet  échantillon  contenait 
de  Toxyde  de  plomb;  il  appartenait  donc  au  verre 
plombeux  appelé  cristal  et  se  distinguait  par  plus 
de  densité  et  moins  de  dureté  d'un  ustensile  de 
forme,  cylindrique  façonné,  dont  une  portion  était 


1.  Girardîû,  Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions  el  belles^ 
lettres j  1860;  Savants  étrangers,  t.  VI. 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE  COMMCXE.  XI 

creusée  en  canal  :  cel  ustensile  était  du  véritable 
cristal  de  roche  '.  » 

En  fondant  lear  opinion  sur  ces  importants 
témoignages,  tous  les  archéologues  admettent  que 
les  anciens  connaissaient  le  cristal.  Un  passage  du 
traité  d'Eraclius  ayant  pour  titre  :  iDe  cohribw  et 
artibus  Romanorum ylenr  semble  venir  aussi  à  l'appui  de 
la  thèse  qu'ils  soutiennent.  On  ne  connaît  pas  la  date 
précise  de  cet  écrit,  mais  le  moine  Théophile,  dont 
l'ouvrage  est  du  x*  ou  du  xi*  siècle,  parle  d'Éraclius  ; 
ce  dernier  cite  Isidore  de  Séville  qui  vivait  au 
vu*"  siècle  ;  il  faut,  par  conséquent,  placer  entre  ces 
deux  époques  le  traité  d'Eraclius. 

Voici  le  passage  en  question,  d'après  M.  Bon- 
temps,  qui  a  donné,  tout  récemment,  à  la  suite  de 
l'excellente  traduction  du  deuxième  livre  de  l'essai 
sur  divers  arts  de  Théophile ,  celle  de  l'ouvrage 
d'Éraclius  *. 

«  Du  verre  fait  avec  le  plomb.  —  Prenez  du  plomb 
neuf  le  plus  pur;  mettez-le  dans  un  vase  de  terre 
neuf  et  calcinez-le  jusqu'à  ce  qu'il  soit  réduit  en 
poudre  et  laissez-le  refroidir.  Prenez  ensuite  du 
sable  et  mêlez-le  avec  la  poudre  de  plomb  dans  la 
proportion  de  deux  de  plomb  pour  un  de  sable,  et 
mettez  le  mélange  dans  un  creuset  éprouvé  que 
vous  placerez  dans  le  four  et  ferez  fondre,  comme 


i.  Chevreul,  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  t.  XXII. 
2.  Theophili  presbyteri  et  monachi  diversarium  artium  schedula 
liber  secundus.  Translatore  Géorgie  Bontemps  ;  1876. 


362  LE    VERRE. 

nous  rayons  indiqué  précédemment,  et  vousbrasse- 
rez  souvent  le  verre  jusqu'à  ce  qu'il  soit  bien  fondu. 

a  Si  vous  voulez  du  verre  vert,  prenez  de  la 
limaille  de  bronze  {limaturam  auricalci)  et  ajoutez-la 
au  plomb  dans  la  proportion  convenable.  Si  vous 
voulez  en  faire  des  vases,  vous  opérerez  avec  la 
canne,  comme  nous  l'avons  indiqué,  et  vous  ferez 
refroidir,  avec  les  précautions  prescrites,  toutes  les 
pièces  fabriquées  dans  le  four  de  recuisson,  où  vous 
mettrez  le  creuset  avec  ce  qui  restait  de  verre 
vert.  » 

Ce  produit  n'est  pas  du  cristal  assurément  :  c'est 
un  silicate  simple  de  plomb  qui  peut  d'ailleurs  être 
moulé  ou  soufflé,  en  donnant  des  produits  très-lourds, 
mais  très-fragiles,  contenant  la  moitié  ou  les  deux 
tiers  de  leur  poids  d'oxyde  de  plomb  ;  le  miroir  de 
Virgile,  les  imitations  de  pierres  précieuses  faites  par 
les  anciens,  du  temps  de  Pline,  et  par  les  Juifs,  au 
moyen  âge,  probablement  aussi  les  produits  vitreux 
de  l'époque  gallo-romaine  étudiés  par  plusieurs  chi- 
mistes, les  flacons  de  petite  dimension  conservés 
dans  divers  musées,  semblent  avoir  été  fabriqués 
avec  cette  matière.  On  avait  cru  que  dans  les  verres 
trouvés  dans  les  catacombes,  verres  dont  le  fond 
est  garni  d'une  feuille  d'or  découpée  et  gravée  que 
recouvre  une  lame  de  verre,  celle-ci  était  en  cristal; 
mais  M.  Darcel  n'a  pas  trouvé  de  plomb  dans  la 
couverte  transparente  qui  protège  la  feuille  d'or. 

C'est  probablement  aussi  de  ce  même  verre,  sans 
potasse,  que  parle  Merret,  médecin  anglais,  dans  les 
notes  ajoutées  par  lui  k  ÏArt  de  la  verrerie  de  Neri  : 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  VERRERIE   COMMUNE.  Î63 

«  le  verre  de  plomb  n'est  pas  en  usage  dans  nos  ver- 
reries d'Angleterre  à  cause  de  sa  trop  grande  fragi- 
lité ».  Ce  produit,  en  même  temps  qu'il  était  très-fra- 
gile, devait  être  très-altérable  et  c'est  aussi  de  lui  qu'il 
est  probablement  question  dans  cette  notedeMerret  : 
«  Quercetanus  assure  avoir  vu  un  anneau  fait  de 
verre  de  plomb,  qui,  trempé  pendant  une  nuit  dans 
du  vin',  lui  donnait  une  qualité  purgative  sans  jamais 
perdre  cette  nropriété.  »  {Art  de  la  verrerie^  de  Nerî, 
p.  153.) 

J'ajouterai  que  si,  conformément  aux  indications 
d'EracIius,  le  verre  plombeux  était  fait  avec  du 
sable  et  de  l'oxyde  de  plomb,  il  ne  pouvait  renfer- 
mer que  ces  deux  corps  :  les  formules  des  anciens 
pour  le  verre  ordinaire  ne  mentionnent  que  deux 
substances  servant  à  le  fabriquer,  le  sable  et  l'alcali, 
bien  qu'il  en  contienne  toujours  une  troisième,  la 
chaux;  il  ne  peut  en  être  de  même  pour  le  verre 
de  plomb,  attendu  que  ni  le  sable  ni  l'oxyde  de  plomb 
ne  peuvent  y  introduire  une  substance  auxiliaire,  la 
potasse  ou  la  soude,  en  notable  proportion. 

Ainsi,  dans  mon  opinion,  aucun  texte,  aucune 
analyse  n'établit  que  le  véritable  cristal,  le  flint- 
glass  des  Anglais,  fut  connu  des  anciens.  Je  ne  pré- 
tends pas,  d'ailleurs,  que  son  existence  fut  abso- 
lument ignorée  lorsque  les  Anglais  ont  commencé 
à  développer  sa  fabrication  pour  les  objets  usuels; 
on  lit,  en  effet,  dans  ÏArt  de  la  verrerie  de  Néri, 
chapitre  lxiii  : 

Manière  de  faire  le  verre  de  plomb.  —  Plomb  calciné  15  livres  : 


1 

1 


364  L«    VERRE. 

fritte  de  cristal  12  livres.  Après  dix  heures,  la  matière  est 
fondue.  On  la  jette  dans  l'eau,  —  on  trouve  souvent  au  fond 
du  creuset  du  plomb  réduit,  —  on  le  remet  au  feu  et  on  le 
travaille  au  bout  de  dix  heures.  Il  convient  de  mouiller  le 
marbre  et  de  n'en  prendre  que  peu  à  la  fois. 

Mais  cette  indication  est  donnée  au  milieu  d'une 
multitude  de  recettes  et  de  procédés  qui  n'ont 
pas  la  moindre  valeur  ;  l'auteur  ne  lui  attache  au- 
cune importance.  Ce  verre  serait  d'ailleurs  plutôt 
du  strass  que  du  cristal;  car  il  contiendrait  au  moins 
60  pour  iOO  d'oxyde  de  plomb. 

Il  résulte  de  cette  discussion  que  bien  qu'on 
trouve  dans  les  temps  passés  des  indications  sur  les 
verres  plombeux,  c'est  bien  aux  Anglais  qu'on  doit 
attribuer  l'honneur  d'avoir  créé  dans  leur  flint-glass  un 
produit  nouveau  qui,  par  les  progrés  apportés  à  la 
qualité  et  au  choix  des  matières  premières  servant  à 
le  fabriquer,  est  devenu  sans  conteste  la  plus  belle 
matière  vitreuse  que  nous  connaissions  et  qu'il  soit 
possible  de  produire. 

FABRICATION  DE    LA  GOBELETERIE  A  BASE  DE  SOUDE. 

On  fabrique  en  France  deux  sortes  de  gobeleterie  : 
celle  qui  sert  pour  les  verres  communs  et  la  gobe- 
leterie fine  ou  demi-cristaL  La  première  est  bien  loin 
d'être  irréprochable  sous  le  rapport  de  la  blancheur  du 
verre  et  de  la  régularité  des  formes:  elle  comprend 
les  objets  les  plus  ordinaires  pour  les  usages  de  la 
campagne  et  du  cabaret,  ainsi  que  la  topeterie^  c'est- 
à-dire  les  fioles,  les  flacons  et  les  autres  articles  de 
pharmacie,  de  parfumerie,  etc.  Le   fondant  alcalin 


VERRERIE  DE  LUXE  ET  YERRERIE  COMMUNE.  34^ 

est   toujours  la  soude,  employé  à  l'élat  de  carbonate 
(sel  de  soude)  et  plus  souvenl  à  l'état  de  sulfate. 

D'après  M.  Godard-Desmaret,  propriétaire  de  la 
verrerie  de  Trélon  (Nord) ,  cette  fabrication  a  lieu 
dans  soixante-dix  usines;  elle  active  une  centaine 
de  fours  et  occupe  20,000  ouvriers.  La  quantité  de 
produits  qu'elle  livre  au  commerce,  en  France,  s'élè- 
verait à  plus  de  20  millions  de  francs;  mais  cette 
estimation,  donnée  dans,  l'enquête  faite  en  1860  à 
l'occasion  du  traité  de  commerce  avec  l'Angleterre, 
parait  être  exagérée. 

Les  matières  premières  sont  le  sable,  la  chaux 
éteinte,  le  sulfate  de  soude  ou  le  sel  de  soude.  Ce 
dernier  ne  s'emploie  que  pour  le  verre  fin,  qu'on 
désigne  aussi  sous  le  nom  de  demi-cristal. 

Pour  une  potée  de  250  kilogrammes,  on  emploie 
à  Trélon  : 

N°4.  Sable 200  kilogr. 

Sel  de  soude.  « 66      — 

Chaux 50      — 

On  brûle  4  stères  de  bois  pesant  1,540  kilo- 
grammes. Le  prix  de  revient,  pour  les  matières  pre- 
mières et  le  combustible,  est  de  50  fr.  32  c.  les 
100  kilogrammes  de  produit  marchand. 

Voici  d'autres  compositions  : 

N*"  2.  Sable  de  Fontainebleau.  .  .  300  kilogr. 

Sel  de  soude  à  75-78  degrés. .  95      —  . 

Craie 75      — 

Nitre  brut  . 8      — 

Bioxyde  de  manganèse.  .  .  .         1^,10 


366  .  LE   VERRE. 

La  fonte  se  fait  en  treize  heures.  On  consomme 
un  poids  de  houille  à  peu  près  égal  à  celui  du  verre 
propre  au  travail. 

K**  3.  Sable 300  kilogr. 

Sulfate  de  soude 170      — 

Chaux  éteinte 75      — 

Charbon,  pilé 10      — 

La  verrerie  de  Valleryslhal,  qui,  la  première  en 
France,  s'est  livrée  à  la  fabrication  du  demi-cristal, 
employait  la  composition  suivante  : 

N°  U.  Sable  de  Champagne  bien  lavé.  300  parties. 
Soude  purifiée  et  hydratée,  de 

55  à60  degrés 130      — 

Chaux  éteinte 50      — 

,  On  ajoute  quelquefois  à  la  composition  quelques 
centièmes  de  minium  qui  donne  au  verre  de  la  fusi- 
bilité et  de  l'éclat.  C'est  ce  que  font  souvent  aussi 
les  verriers  de  la  Bohême. 

Le  mélange  n°  1  donne  un  produit  ayant  à  très-peu 
près  la  composition  du  verre  à  glace  ou  à  vitre  ;  soit  : 

Silice 73,3 

Soude 14,0 

Chàiix 42,7 

400,0 

Celui  n'  4  fournit  un  verre  contenant  plus  d'al- 
cali, soit  17.0  pour  100. 

La  gobeleterie  fine  on  demi-cristal  exige  l'emploi 
de  matières  premières  soigneusement  raffinées  ;  la 


VERRE    DE    BOHÊME.  367 

potasse,  si  elle  était  d'un  prix  moins  élevée,  serait 
assurément  préférable  pour  obtenir  du  beau  verre 
fin  ;  mais  le  carbonate  de  soude,  qui  est  moins  cher, 
convenablement  purifié  et  hydraté,  est  généralement 
employé. 

Le  verre  à  gobeleterie  fine,  lorsqu'il  est  fondu  à 
la  houille,  exige,  comme  le  cristal,  l'emploi  des  pots 
couverts.  Les  procédés  de  fabrication  sont  ceux  que 
nous  allons  donner  pour  le  verre  de  Bohême  et 
pour  le  cristal. 

VERRE    DE   BOHÊME. 

Des  conditions  privilégiées  ont  donné  à  la  fabri- 
cation du  verre  en  Autriche  un  large  développe- 
ment. 

Favorisée  par  une  expérience  déjà  très-ancienne 
dans  cette  branche  de  fabrication,  par  l'abondance 
et  la  pureté  des  matières  premières,  par  le  bas  prix 
de  la  main-d'œuvre,  la  Bohême  a  été  longtemps  en 
possession  d'une  supériorité  que,  sous  plusieurs 
rapports,  nul  autre  pays  ne  pouvait  lui  contester. 

La  plupart  des  verreries  de  la  Bohême  sont  situées 
au  milieu  des  grandes  forêts  de  sapins  qui  alimentent 
leurs  fours  et  qui  sont  la  cause  principale  de  leur 
existence.  L'aspect  de  ces  établissements  est  misé- 
rable; presque  tous  sont  construits  en  bois.  La  plu- 
part appartiennent  au  seigneur  qui  possède  tout  le 
pays  et  qui,  ordinairement,  s'est  chargé  de  leur 
construction,  qui  ne  coûte  pas  au  delà  de  /iO  à 
50,000  francs  pour  une  verrerie  à  deux  fours,  avec 


368  LE    VERRE. 

ses  dépendances.  Il  loue  son  usine  à  bail  pour  un 
temps  plus  ou  moins  long,  en  assurant  k  son  fermier 
le  combustible  à  un  prix  déterminé  d'avance  pour 
toute  la  durée  du  bail. 

Quand  la  verrerie  a  dévoré  le  bois  qui  se  trouve 
autour  d'elle,  elle  se  transporte  dans  une  autre  partie 
de  la  forêt,  où  elle  reste  jusqu'à  ce  que  son  aliment 
journalier  cesse  de  nouveau  de  se  trouver  à  sa 
portée. 

Le  bas  prix  du  combustible  est  la  cause  première 
de  la  fabrication  du  verre  en  Bohême.  Fabriquer  du 
verre  est,  pour  le  propriétaire,  l'unique  manière 
d'exploiter  ses  forêts.  Dans  l'Amérique  du  Nord, 
en  Hongrie,  en  Toscane,  on  tire  parti  du  bois  en 
l'incinérant  pour  en  extraire  la  potasse;  en  Bohème, 
on  l'exploite  pour  faire  du  verre.  Dans  ce  pays,  le 
stère  de  bois  de  sapin,  rendu  à  la  fabrique,  vaut,  en 
moyenne,  1  fr.  50  cent.  En  France,  il  coûte  8  à  9  fr. 
dans  les  établissements  placés  dans  les  meilleures 
conditions. 

Ces  forêts  donnent  également  de  la  potasse  à 
très-bon  marché.  Le  verrier  ramasse  à  proximité  de 
ses  fours  du  quartz  hyalin  de  très-belle  quaUté,  et 
un  calcaire  saccharoïde  qui ,  par  la  cuisson ,  lui 
fournit  d'excellente  chaux.  Ce  sont  les  éléments  du 
verre  de  Bohême  :  on  ne  fabrique  qu'acciden- 
tellement, et  dans  un  très-petit  nombre  d'établisse- 
mentS;  le  cristal  à  base  de  plomb.  Si  l'on  ajoute  à  ces 
conditions  favorables  le  prix  de  la  main-d'œuvre,  qui 
est  trois  à  quatre  fois  moins  élevé  dans  ce  pays  qu'en 
France,   en   Belgique  et   en  Angleterre,  on  com- 


VERRE   DE  BOHÈME. 

prendra  Timportance  que  cette  industrie  a  acquise 
dans  cette  contrée,  sans  que  cette  importance 
témoigne  beaucoup  en  faveur  de  l'opulence  du  pro- 
priétaire, de  Taisance  de  ses  fermiers,  et  surtout  du 
bien-être  de  la  population  ouvrière  du  pays. 

L* organisation  de  Tindustrie  du  verre,  en  Alle- 
magne, diffère  beaucoup  de  ce  qu'elle  est  en  France. 
Tandis  que  chez  nous  elle  est  concentrée  dans  un 
petit  nombre  de  manufactures,  dans  la  monarchie 
autrichienne,  elle  se  trouve  disséminée  dans  350  à 
liOO  établissements,  dont  la  moitié  environ  sont  situés 
en  Bohème;  on  compte  dans  ce  dernier  pays  un 
grand  nombre  de  raffineries  de  verre^  dans  lesquelles  le 
verre  qui  provient  d'usines  situées  au  milieu  des 
forêts,  dans  des  localités  isolées,  est  transporté  à 
Vétat  brut  dans  des  centres  de  population  dans  les- 
quelles il  reçoit  la  taille,  la  gravure,  la  dorure  et  les 
ornements  si  variés  qui  caractérisent  les  verres  de 
Bohême.  On  peut  dire  qu'en  Autriche  la  fabrication 
du  verre  est  une  dépendance  de  Tindustrie  agricole, 
comme  est  chez  nous,  dans  le  Nord,  la  fabrication 
du  sucre  et  celle  de  Talcool. 

On  peut  diviser  en  trois  classes  les  verreries  de 
la  Bohême;  dans  quelques-unes,  tout  le  travail  se 
fait  dans  l'usine  ;  ce  sont  les  moins  nombreuses.  Le 
plus  grand  nombre  ne  font  que  du  bî^ut^  leurs  pro- 
duits soufflés  ou  moulés  étant  livrés  aux  raffineries. 
L'ornementation  des  verres  de  luxe  se  fait  surtout 
dans  les  environs  de  Steinschônau  et  de  Haïda.  Il 
existait  déjà  des  verreries  dans  ces  localités  dans  la 
première  moitié  du  xv*"  siècle  ;  mais  le  bois  étant 

Pelicot.  Le  Verre,  2i 


370  LE   VERRE. 

devenu  rare,  ces  établissements  durent  s'enfoncer 
plus  profondément  dans  la  montagne,  tandis  que  les 
raffineries  restèrent  sur  les  plateaux,  dans  des  lieux 
plus  accessibles,  ce  qui  permettait  aux  ouvriers  de 
se  livrer  en  même  temps  à  la  culture  de  la  terre  et  à 
l'élève  du  bétail.  Le  débit  des  marchandises  allant 
en  augmentant,  on  construisit  de  nouveaux  moulins 
pour  la  taille  et  de  nouveaux  ateliers  pour  le 
décor  :  c'est  ainsi  que  s'accomplit  la  séparation  de 
ces  deux  branches  de  la  même  industrie,  désormais 
indépendantes  l'une  de  l'autre  dans  presque  toute 
la  Bohême. 

Les  raffineries  sont  alimentées  par  des  marchands 
ambulants  qui  achètent  dans  les  petites  verreries  des 
produits  bruts;  ceux-ci,  après  avoir  été  triés  et 
classés  dans  les  dépôts,  sont  dirigés  vers  les  ateliers 
de  taille,  de  gravure  et  de  décoration.  Les  articles  de 
fantaisie  se  font  ainsi  à  très-bas  prix  et  en  très- 
grande  quantité;  ils  donnent  lieu  à  une  exportation 
considérable  sur  les  marchés  d'au  delà  des  mers, 
notamment  sur  les  côtes  d'Afrique,  dont  les  peu- 
plades, sauvages  ou  non,  conservent  un  goût  très- 
vif  pour  les  verres  et  les  verroteries  de  toutes  sortes^ 

1.  D'après  les  documents  sur  la  Bohême  publiés  à  roccasion  de 
l'Exposition  de  Vienne  de  1 873,  par  le  D""  Hallwich,  documents  cités 
par  M.  Lobmayr,  il  existe  dans  les  cercles  de  Steinschônau  et  de 
Haïda  des  raffineries  de  verre  qui  se  sont  étendues,  avec  le  temps, 
dans  trente  endroits,  villes  ou  villages,  comprenant  2,382  entre- 
prises industrielles  pour  le  polissage,  la  peinture,  la  dorure,  le 
brunissage,  etc.;  on  compte,  en  outre,  8,200  ouvriers  travail- 
lant en  chambre,  en  dehors  de  tous  rapports  directs  avec  ces 
établissements.  La  valeur  annuelle  de  ces  raflSneries  serait  de  àO  mil- 


VERRE   DE   BOHÊME.  374 

Les  diverses  sortes  de  verres  fabriqués  en  Au- 
triche sont  évaluées  à  plus  de  60  millions  de  francs. 
ËQ  1852,  Texportation  de  la  gobeleterie  fine  et  com- 
mune était  de  16  millions  de  francs.  En  1873,  elle 
s'est  élevée  à  22  millions  de  francs. 

lions  de  francs.  Ce  chiffre  paraît  exagéré.  Le  même  auteur  ajoute 
que  l'industrie  des  petits  objets  en  verre  présente  aussi  une  impor- 
tance réelle  ;  elle  s'exerce  surtout  dans  le  nord  de  la  Bohême,  dans 
les  cercles  de  Gablonz,  Tannwald  et  Morhchensten.  On  y  rencontre 
9  verreries,  dont  plusieurs  font  usage  de  fours  à  gaz;  67  fabriques 
de  composition  de  verre,  produisant  des  barres  ou  des  tubes  pour 
les  souffleurs;  250  fabriques  de  pressage;  plus  de  4oo  moulins  à 
polir;  une  quantité  de  tours,  mus  avec  le  pied,  pour  polir  les 
perles,  les  boutons,  etc.;  160  filatures  de  verre;  100  souffleurs  de 
perles;  250  souffleries  plus  grandes  pour  les  objets  de  passemen- 
terie, aujourd'hui  fort  employés;  120  fabriques  pour  colorer  les 
verres  pour  perles,  pour  imitations  de  fruits,  etc.  480  maisons  de 
commerce  exportent  ces  produits  dans  le  monde  entier.  En  résumé, 
cette  fabrication  occupe  10,000  ouvriers  au  moins  et  30,000  per- 
sonnes y  trouvent  leurs  moyens  d'existence.  La  valeur  de  ces  pro- 
duits est  évaluée  de  7  à  8  millions  de  francs. 

Pour  donner  une  idée  de  la  quantité  de  ces  objets  de  fantaisie 
qu'on  fabrique  en  Bohême,  nous  citerons  une  des  spécialités ,  celle 
des  verres  à  double  enveloppe,  avec  argenture  intérieure.  Ces  verres, 
comme  nous  l'avons  vu,  se  font  à  très-bon  marché;. fabriqués  avec 
du  verre  jaune,  ils  ont  la  couleur  et  l'éclat  de  Tor  ;  ils  sont  le  plus 
souvent  ornés  de  décors  mats  ou  de  pièces  émaillées.  Pour  cette 
seule  fabrication,  diaprés  le  D'  Hallwich,  un  raffîneur  de  Haîda 
occupe  200  ouvriers;  en  4872,  il  a  produit  pour  une  valeur  de  plus 
de  600,000  francs  de  ces  verres,  expédiés  presque  tous  en  Angleterre, 
en  Amérique  et  en  Australie. 

Le  gouvernement  encourage,  par  tous  les  moyens  possibles, 
l'industrie  des  populations  de  la  Bohême.  Des  musées,  des  cours  de 
dessin,  ont  été  ouverts  en  divers  lieux;  une  école  pratique  a  été  fon- 
dée, en  4857,  à  Steinshonau.  Une  bonne  part  des  progrès  réalisés 
doit  être  attribuée  à  la  sollicitude  du  gouvernement  pour  cette 
industrie. 


372  LE   VERRE. 

Le  verre  de  Bohême  rivalise  avec  le  cristal  pour 
le  mérite  de  sa  fabrication,  et  avec  la  gobeleterie 
commune  pour  le  bon  marché.  Il  a  beaucoup  de 
dureté  et  d'éclat;  il  reçoit  parla  taille  un  très-beau 
poli;  il  est  très-bien  fondu,  remarquable  par  son 
homogénéité  et  son  parfait  affinage. 

Sa  teinte  est  habituellement  légèrement  jaunâtre, 
malgré  les  soins  qu'apportent  les  Bohèmes  à  exclure 
de  leurs  matières  premières  les  divers  oxydes  colo- 
rants qu'elles  peuvent  contenir.  Quelques  marchands 
du  pays  croient  qu'il  a  la  faculté  de  prendre  une 
teinte  jaune  plus  marquée  à  l'air  ou  à  la  lumière;  ce 
qui  les  conduit  à  conserver  leurs  verres  soigneuse- 
ment enveloppés  dans  des  armoires  obscures.  La 
réalité  de  cette  coloration  est  contestée  par  d'autres. 

En  raison  de  la  proportion  considérable  de  silice 
qu'ils  renferment,  les  verres  de  Bohême  sont  fabri- 
qués  à  une  température  très-élevée;  comme  ils  sont 
difficilement  fusibles,  ils  se  prêtent  mieux  que  tous 
les  autres  à  recevoir  des  décors  au  feu  de  moufle.  Ils 
résistent  parfaitement  à  l'action  des  agents  chimiques. 
Ces  terres,  pour  les  laboratoires  de  chimie,  sont 
d'une  qualité  très-supérieure  à  celle  des  verres 
pour  les  mêmes  usages  qu'on  fabrique  chez  nous. 
Nous  n'avons  pas  pu  obtenir  encore  de  nos  verriers 
qu'ils  fissent  couramment  pour  nos  laboratoires  des 
ustensiles,  notamment  des  tubes  pour  les  analyses 
organiques,  d'une  qualité  équivalente  à  celle  des 
verres  allemands. 

Les  Bohèmes  excellent  dans  la  fabrication  des 
verres  colorés  dans  la  masse  ;  la  plupart  des  couleurs 


VERRE    DE   BOHÊME.  373 

actuellement  en  usage  en  France  ont  été  découvertes 
par  eux.  Le  prix  de  leurs  verres  de  couleur  n'est 
souvent  pas  plus  élevé  que  celui  des  verres  blancs. 
Ils  excellent  surtout  pour  la  gravure.  Presque  tous 
les  bons  graveurs  employés  dans  nos  verreries 
viennent  de  la  Bohême. 

Composition  des  verres  de  Bohême.  —  Les  verres 
blancs  présentent  en  général,  d'après  nos  analyses, 
la  composition  suivante  : 


Silice 

Potasse 

Ciiaux 

Alumine  et  oxyde  de  fer. 


1 .  Échantillon  que  j'ai  rapporté  en  1843  de  la  verreria  de  Wimerbopg,  en 
ISohëme. 

2.  Échanmion  provenant  d'une  autre  fabrique. 

3.  Verre  rapporté  en  IS37,  par  M.  BrongnJart. 

11  est  évident  que  ces  verres  ont  été  fabriqués 
avec  des  matières  employées  sensiblement  dans  les 
mêmes  proportions. 

En  supposant  que  les  matières  premières  soient 
pures,  les  proportions  de  la  composition  seraient  à 
peu  près  les  suivantes  : 

100  parties  quartz  pulvérisé. 

13  à  15  parties  de  chaux  éteinte. 

SS  à  32     —      de  carbonate  de  potasse. 

Cette  composition  se  rapproche  beaucoup  de  la 


/ 


374  LE  VERRE. 

suivante,  qui  m*a  été  communiquée  dans  une  des 
verreries  situées  aux  environs  de  Gratzen^  en 
Bohême  : 

100  parties  de  quartz  pulvérisé. 
17      —      de  chaux  éteinte. 
32      —      de  carbonate  de  potasse. 
4      —      d'oxyde  de  manganèse. 
3      —      d*arsenic  blanc. 

Groisil  ou  débris  de  verre,  le  tiers  ou  la  moitié  du  poids  de  la 
composition. 

Quelquefois  les  Bohèmes  ajoutent  à  ce  mélange 
quelques  centièmes  de  minium,  de  salpêtre  et  de 
borax. 

Ces  compositions  sont  celles  des  objets  de  gobe- 
leterie;  pour  les  verres  de  fantaisie,  les  perles,  les 
boutons,  etc.,  les  Bohèmes  fabriquent  des  verres 
fusibles  à  une  température  beaucoup  moins  élevée. 

Fours  de  fusion.  —  Ces  fours  sont  de  petite  dimen- 
sion; leur  voûte  est  ordinairement  construite  d'une 
seule  pièce,  en  argile  damée.  Ils  sont  elliptiques,  et 
leur  flamme,  après  avoir  circulé  librement  autour 
des  pots  qui  sont  au  nombre  de  sept  à  huit,  se 
dégage  dans  un  second  four  rectangulaire  destiné  à 
la  recuisson  des  pièces,  à  celle  de  la  chaux,  ou  bien 
à  chauiTer  le  quartz,  qu'on  étone  pour  le  rendre 
friable  (fi  g.  61).  Dans  beaucoup  de  verreries,  la  cha- 
leur perdue  se  dirige,  en  sortant  de  cette  arche,  dans 
deux  caisses  fermées  par  des  portes  en  tôle,  qui 
«•eçoivent  le  bois  à  dessécher,  lequel  est  placé  sur  un 


TEBBE    DE   BOHÊME.  315 

châssis  toumaot  qui  rend  plus  facile  son  introduc- 
tion et  sa  sortie  de  l'étuve,  quand  il  est  sec.  Souvent 
le  bois  est  simplement  empilé  et  desséché  sur  la 
plate-forme  du  four  à  recuire  les  pièces. 

Les   pots  ou  creusets  reposent  sur  un  siège  en 

terre  réfraclalre;  le  foyer  est  en  contre-bas  du  sol; 

on  y  arrive  par  une  voûte  souterraine.  Souvent  le  four 


Fjg.  61. 

a  deux  foyers,  dans  lesquels  on  brûle  des  bûches  de 
sapin  de  l^.SO  de  longueur;  il  a  ordinairement 
2  mètres  sur  1"',50  de  diamètres  intérieurs.  La  plu- 
part des  verreries  ont  deux  fours,  dont  l'un  est  en 
activité  et  l'autre  en  reconstruction. 

Les  pots  sont  de  petite  dimension;  ils  ne  reçoi- 
vent chacun  que  60  à  80  kilogr.  de  composition 
dont  la  fusion  exige  au  moins  dix-huit  heures  d'un 


376  LE    VERRE. 

feu  très-vif.  Le  travail  du  verre  fondu  se  fait  en 
douze  heures.  La  verrerie  fait  cinq  travaux  par 
semaine. 

En  France,  la  fabrication  du  cristal,  dont  les  pro- 
duits sont  similaires  par  leurs  usages  et  leur  fabri- 
cation, repose  sur  des  conditions  bien  meilleures 
sous  le  rapport  de  l'emploi  du  temps.  Un  four  à 
cristal  reçoit  huit  creusets,  et  chaque  creuset 
fournit  125  à  150  kilogrammes  de  matière  fabri- 
quée. La  fonte  ne  durant  que  douze  heures,  la  cris- 
tallerie fait  six  travaux  par  semaine.  Aussi,  tandis 
qu'un  four  de  Bohême  ne  produit  par  semaine  que 
1,000  kilogr.  de  verre  marchand,  un  four  français 
en  produit  6  à  7,000  kilogr. 

Les  Bohèmes  économisent  le  verre  avec  une  habi- 
leté surprenante.  Pour  le  cueillir,  une  canne,  ordi- 
nairement très-légère,  est  introduite  dans  le  creuset 
par  Touvreau,  devant  lequel  se  trouve  le  creuset 
qui  sert  au  travail  de  ïalelier.  Chaque  atelier  ne  se 
compose  que  d'un  souffleur  et  de  son  aide.  L'outillage 
en  est  des  plus  simples.  Plusieurs  cannes  et  tiges 
de  fer  pleines;  une  auge  contenant  de  l'eau  pour 
refroidir  le  verre,  avec  une  sorte  de  crochet  fixé  à 
Tune  de  ses  parois;  une  plaque  de  fonte  {marbre  ou 
madré)  qui  sert  à  parer  le  verre  ;  une  autre  auge  qui 
en  reçoit  les  débris  ;  une  palette  en  bois  dont  une 
surface  est  concave  et  qui,  étant  mouillée,  sert 
à  arrondir  le  verre;  de  grossiers  ciseaux  à  longues 
branches,  destinés  à  découper  les  bords  des  pièces 
façonnées;  quelques  pinces  et  compas  en  fer  ou  en 
bois  :  tels  sont,  avec  les  moules  en  bois,  en  métal  ou 


VERRE  DE  BOHÊME.  '  377 

en  terre,  les  outils  qui,  dans  les  verreries  de  Bohème 
comme  dans  les  cristalleries,  servent  à  façonner  tous 
les  objets  de  gobeleterie  aussi  variés  par  leurs  formes 
que  par  leurs  usages. 

Le  verre  étant  cueilli  et  paré,  le  souffleur  forme 
d'abord  une  boule  épaisse  qu'il  arrondit,  puis  qu'il 
allonge,  en  promenant  à  sa  surface  un  morceau  de 
bois  mouillé,  pendant  qu'il  imprime  à  sa  canne  un 
lent  mouvement  de  rotation.  Il  réchauffe  sa  pièce, 
puis  il  Tintroduit  dans  un  moule  creux  en  bois,  à 
deux  compartiments  séparés,  que  l'aide  rapproche 
aussitôt;  il  souffle  fortement  et  donne  ainsi  à  la  pièce 
sa  forme  et  sa  dimension.  L'emploi  des  moules  en 
bois ,    qu'on    doit   aux   Bohèmes ,    est   aujourd'hui 
répandu  dans  toutes  les  verreries.  Ils  ont  le  grand 
avantage  de  ne  pas  rayer  le  verre.  On  les  remplace  ^ 
quelquefois  par  deô  moules  en  fonte  ou  en  terre,  qui 
s'usent  moins  rapidement.  Quand  on  se  sert  de  ces 
derniers,  on  les  saupoudre  intérieurement  de  résine 
en  poudre,  laquelle  produit,  en  s'enflammant,  une 
couche  de  charbon  et  une  atmosphère  de  gaz  qui 
neutralisent  l'effet  que  produiraient  les  petites  aspé- 
rités du  moule;  ou  bien  on  les  revêt  d'une  couche 
d'huile   très-mince   à  laquelle  on  fait  adhérer,  au 
moyen  d'un  tamis,  de  la  sciure  de  bois. 

Pour  faire,  par  exemple,  une  chope  à  bière,  la 
pièce,  en  sortant  du  moule  en  bois  à  deux  comparti- 
ments, présente  la  forme  A  (fig.  62).  En  refroidissant 
avec  un  fer  le  mors  de  la  canne  à  laquelle  elle  adhère, 
celle-ci  se  trouve  séparée.  On  enlève  la  calotte  du 
verre  en  le  tournant  pendant  quelques  instants,  sui- 


378  LE    VERRE. 

vant  la  même  ligne,  sur  une  barre  épaisse  de  fer 
rougi  B;  l'ouvrier  touche  alors  avec  son  doigt 
mouillé  l'un  des  points  chauffés;  il  se  produit  une 
fente  circulaire  qui  amène  la  chute  de  la  calotte 
supérieure. 

La  chope  est  recuite  et  ses  bords  sont  usés  à  la 
roue  de  tailleur.  Ces  bords  sont  l'un  des  caractères 
particuliers  aux  verres  de  Bohême  ;  ils  sont  à  arêtes 
vives,  moins  solides  que  ceux  qui  sont  arrondis  au 


Fig.  62. 

feu,  ainsi  qu'on  le  fait  dans  la  plupart  de  nos  verre- 
ries *  ;  mais  cette  manière  de  travailler,  qui  dispense 
d'empontir  les  pièces,  économise  tellement  la  matière 
vitreuse,  qu'on  assure  que  le  verre  qui  n'entre  pas 
dans  les  pièces  de  gobeleterie  ne  représente  que  le 
quart  du  verre  fondu,  tandis  que,  pour  le  cristal 
qu'on  emportit,  il  s'élève  à  la  moitié  au  moins  de  la 
matière  mise  en  œuvre.  Ce  groisil  sert,  comme  on 
sait,  pour  les  fontes  ultérieures,  qu'il  rend  plus 
faciles. 

On  vient'  de  voir  combien  la  fabrication  de  la 
Bohême  est  divisée.  Chaque  établissement  ne  pro- 
duisant qu'une  petite  quantité  d'objets  fabriqués,  ses 

l.  Nous  verrons  que  ce  mode  de  travail  est  aujourd'hui  adopté 
par  nos  cristalleries  qui  Tont  beaucoup  perfectionné. 


VERRE   DE   BOHÊME.  379 

frais  généraux  sont  nécessairement  plus  élevés  que 
ceux  des  vastes  établissements  qui  tiennent  la  tête 
de  l'industrie  verrière  en  France.  Les  avantages  qui 
permettent  aux  Bohèmes  de  produire  le  verre  à 
bas  prix  expliquent,  sans  la  justifier,  la  prohibition 
qui,  pendant  soixante-dix  ans,  a  écarté  de  notre 
marché   les  verres  allemands. 

En  nous  résumant,  bien  que  la  gobeleterie  de  la 
Bohême  soit  celle  qui  a  le  plus  de  réputation  comme 
présentant  tout  à  la  fois  blancheur  du  verre,  fmesse 
et  bon  marché,  les  conditions  de  cette  fabrication, 
au  point  de  vue  des  principes  économiques,  sont  loin 
d'être  bonnes  ;  en  produisant  le  verre  dans  des  pots 
de  très-petite  dimension  ne  renfermant  pas  au  delà 
de  60  à  80  kilogrammes  de  matières  de  composition 
qui  exigent  au  moins  dix-huit  heures  pour  la  fonte, 
il  est  difficile  d'admettre,  malgré  le  bas  prix  des 
matières  premières  et  du  combustible,  malgré  le  bon 
marché  de  la  main-d'œuvre  et  bien  que  les  frais  géné- 
raux soient  peu  considérables,  que  le  travail  soit  bien 
rémunérateur  pour  le  fabricant.  Aussi,  bien  que  la 
fabrication  du  verre  y  soit  ancienne  et  fort  dévelop- 
pée, l'aisance  n'a  pas  pénétré  dans  le  pays,  ainsi  que 
cela  arrive  dans  les  contrées  dans  lesquelles  règne 
une  grande  industrie. 

Les  verreries  de  la  Bohême  sont  celles  qui  les 
premières  se  sont  livrées  à  la  fabrication  des  verres 
colorés,  soit  dans  la  masse  soit  en  doublé,  soit  en 
peinture;  la  dureté  de  leur  verre  se  prête  parfaite- 
ment à  la  décoration  au  moyen  de  couleurs  de  moufle; 
mais  les  verreries  françaises  ont  fait  depuis  quelques 


380  LE   VERRE. 

années  de  très-grands  progrès  dans  ce  genre  de 
fabrication,  inaugurée  en  1837  par  M.  de  Fontenay, 
à  Villerysthal.  On  peut  donc  affirmer  que  la  France 
n*a  p]us  rien  à  redouter  de  la  concurrence  de  la 
Bohême  et  que  la  prohibition  des  verres  allemands 
n'a  plus  de  raison  d'être  aujourd'hui. 

Cristal. 

Nous  avons  vu  que  le  cristal  est  un  verre  composé 
de  silice,  d'oxyde  de  plomb  et  de  potasse  :  c'est  le 
flint-glass  des  Anglais  ;  chez  nous,  ce  dernier  nom  est 
réservé  pour  le  verre  plus  dense,  plus  chargé  de 
plomb  dont  on  fait  usage  pour  les  instruments  d'op- 
tique. 

La  présence  du  plomb  dans  le  verre  rend,  d'une 
part,  la  composition  plus  fusible,  et  d'autre  part 
donne  au  produit  vitreux  un  pouvoir  réfringent 
beaucoup  plus  considérable;  elle  lui  donne  en  outre 
une  sonorité  particulière  qui  permet  facilement  de  le 
distinguer  d'avec  celui  qui  n'en  renferme  pas. 
■  Le  degré  de  pureté  des  trois  matières  premières 
dont  on  fait  usage  présente,  au  point  de  vue  de 
la  qualité  du  cristal,  une  si  grande  importance 
qu'il  est  nécessaire  d'entrer  dans  quelques  détails 
sur  le  choix,  la  préparation  de  ces  matières  et  sur 
les  moyens  de  les  purifier. 

Silice.  —  On  emploie  en  France  les  sahles  blancs 
les  plus  purs,  notamment  ceux  de  Fontainebleau,  de 
Senlis,  de  Nemours,  ou  des  environs  d'Épernay,  en 


CRISTAL.  381 

Champagne.  Ces  sables  sont  lavés  dans  de  grandes 
bâches  en  bois  ;  en  les  agitant  avec  un  râble,  on  en- 
traîne par  le  courant  d'eau  les  parties  les  plus  légères 
qui  sont  calcaires,  argileuses^  ferrugineuses,  et  qui 
renferment  souvent  aussi  des  détritus  organiques; 
on  les  sèche  ensuite  dans  des  fours  ou  dans  de  grandes 
chambres  dans  lesquelles  circule  un  courant  d*air 
chaud  :  leur  dessiccation  doit  être  complète. 

Pour  les  cristaux  ordinaires,  ce  lavage  préalable 
n'est  pas  utile  :  pour  les  plus  fins,  il  est  quelquefois 
précédé  d'un  traitement  par  l'acide  murialique  ou 
par  l'acide  sulfurique  dilué.  En  Angleterre,  les  sables 
du  pays  sont  trop  ferrugineux  pour  fournir  du  beau 
cristal,  sauf  ceux  qu'on  fait  venir  de  l'Ile  de  Wight; 
comme  ces  derniers  sont  encore  d'une  qualité  infé- 
rieure aux  nôtres,  les  fabricants  anglais  en  font 
venir  de  France  et  même  des  États-Unis  d'Amérique. 
Le  prix  de  revient  du  cristal  se  trouve  augmenté  d'une 
manière  notable;  mais  les  cristaux  de  luxe  ont  en 
Angleterre  une  clientèle  riche  qui  n'existe  pas  chez 
nous;  nous  avons  vu  aux  Expositions  de  Londres 
de  belles  carafes  d'une  taille  courante  qui  se  vendent 
50  à  70  francs  la  pièce. 

Potasse.  —  Cette  substance  est  employée  sous 
forme  de  carbonate  (potasse  du  commerce),  aussi 
exemple  que  possible  de  sulfate,  de  chlorure,  de  sels 
de  soude,  de  fer  et  de  matières  organiques.  Quel- 
quefois une  partie  de  la  potasse  (10  à  20  pour  100) 
est  remplacée  par  du  nitre  ;  ce  sel,  qui  donne  du  verre 
très-beau,  ne  peut  pas  être  employé  en  quantité  con- 


382  LE   VERRE. 

sidérable,  d*abord  à  cause  de  son  prix  élevé,  ensuite 
parce  qu'il  attaque  et  ronge  rapidement  les  creusets. 

Les  Anglais  emploient  exclusivement  les  potasses 
d'Amérique  qui  proviennent  des  bois  fournis  par  le 
défrichement  des  forêts  de  rAmérique  du  Nord.  La 
potasse  perlasse  est  le  résultat  d'un  premier  traitement 
des  cendres  sur  les  lieux.  En  Angleterre,  elle  est  pu- 
riGée  par  les  fabricants  de  produits  chimiques  qui 
livrent  aux  verriers  cette  matière  à  l'état  de  pureté. 

En  France,  on  se  sert  simultanément  des  potasses 
exotiques  (d'Amérique,  de  Toscane,  d'Allemagne)  et 
des  potasses  indigènes  :  celles-ci  proviennent   des 
résidus  de  la  fabrication  du  sucre  de  betterave,  c'est- 
à-dire  de  l'évaporation  et  de  la  calcination  du  liquide 
qui  provient  lui-même  de  la  distillation  de  la  mé- 
lasse. Ce  résidu  lessivé  fournit  le  salin  qu'on  soumet 
à  son  tour  à  une  purification  soignée  pour  en  ex- 
traire les  substances  étrangères,  notamment  les  sels 
de  soude  qu'il  renferme  en  assez  grande  quantité. 
La  potasse  ainsi  purifiée  et  la  potasse  exotique  sont 
soumises  à  une  nouvelle  purification  dans  nos  grandes 
cristalleries.  On  la  dissout  dans  l'eau  de  manière  à 
obtenir  une  liqueur  marquant  32  ou  33  degrés  du 
pèse-lessive  ;  il  reste  encore  dans  le  liquide  une  pe- 
tite quantité  de  sulfate  de  potasse  qui  entre  dans  la 
composition  du  cristal;  ce  sel,  en  s'évaporant,  aide, 
paraît-il,   à  la   formation   du  cristal.  Les  matières 
légères,  qui  viennent  à  la  surface,  sont  enlevées  aa 
moyen  d'une  écumoire,  et  le  liquide,  devenu  bien 
clair  par  le  repos,  est  évaporé  dans  une  chaudière; 
le  résidu  ne  doit  pas  être  trop  desséché;  la  potasse^ 


CRISTAL.  383 

légèrement  hydratée,    doit   titrer   55  à    56   degrés. 
La   potasse  indigène,  bien  qu'étant  celle  qu'on 
eaiploie  le  plus  dans  les  cristalleries  françaises,  est 
inférieure  à  la  potasse  exotique,   après  qu'elles  ont 
été  Tune  et  l'autre  soumises  à  la  purification  :  elle 
renferme  encore  quelques  centièmes  de  carbonate 
de  soude,  habituellement  /t  à  5  pour  100,  qui  nuit  à 
la  blancheur  et  à  l'éclat  du  cristal.  Dans  un  travail 
récent,  j'ai  montré,  en  outre,  que  certaines  potasses 
indigènes  contiennent  encore,  après  qu'elles  ont  été 
raffinées,  quelques  centièmes  de  phosphate  qui  est 
une   cause  de  perturbation  pour  les  fabricants  de 
cristaux  et   qui    donne  à  leurs  produits  une  opa- 
lescence   comparable  à  celle   qu'ils  obtiennent  au 
moyen  du  phosphate  de  chaux  des  os. 

Minium. — Le  choix  des  plombs  qui  doivent  fournir 
le  minium  est  également  très-important.  On  doit 
écarter  avec  le  plus  grand  soin  les  plombs  qui  ren- 
ferment du  cuivre,  du  fer,  et  même  de  l'argent.  Ces 
derniers,  du  reste',  ne  se  rencontrent  plus  guère 
dans  le  commerce.  La  présence  du  zinc  et  de  l'an- 
timoine est  peu  nuisible. 

L'analyse  chimique  est  le  seul  moyen  de  con- 
naître la  composition  exacte  du  minium  dont  on 
veut  faire  usage.  Mais  cette  analyse  est  assez  délicate. 

Dans  les  grandes  cristalleries,  le  minium  est 
fabriqué  dans  l'usine  ;  celles  qui  n'ont  pas  la  pc^ssi- 
bilité  de  faire  examiner  les  produits  qu'elles  em- 
ploient dans  un  laboratoire  attenant  à  l'usine, 
doivent  réclamer,  pour  chaque  livraison,  le  concours 


384  LE    VERRE. 

d'un  chimiste  expérimenté;  c'est  surtout  pour  ce 
genre  de  produit  que  la  vente  avec  le  degré  de  pureté 
et  la  composition  garantis  sur  facture  est  indispen- 
sable. 

Les  plombs  les  plus  propres  à  la  fabrication  du 
minium  viennent  d'Espagne  ;  ceux  de  quelques 
marques  d'Allemagne*  sont  également  recherchés. 
Les  plombs  d'Espagne  doivent  être  de  première  fu- 
sion. Le  grillage  de  la  galène  (sulfure  de  plomb), 
qui  sert  à  préparer  le  métal,  transforme  une  partie 
du  sulfure  en  sulfate;  le  grillage  terminé,  un  coup 
de  feu  donne  le  plomb  par  la  décomposition  mutuelle 
de  ces  deux  corps  :  la  température  n'est  pas  assez  éle- 
vée pour  attaquer  les  gangues.  Aussi  le  fer  n'est  pas 
entraîné;  il  reste  en  totalité  dans  les  gangues  et  daDs 
les  scories;  mais  le  plomb  n'est  pas  exempt  de  cuivre, 
et  il  est  essentiel  de  l'essayer  au  point  de  vue  de 
l'existence  de  ce  dernier  métal. 

Les  plombs  d'Angleterre,  de  Belgique  et  d'Alle- 
magne sont  fabriqués  dans  des  fours  à  manche,  à 
une  haute  température  à  laquelle  les  gangues  soat 
attaquées.  Aussi  le  plomb  entraîne  avec  lui  non-seu- 
lement le  cuivre,  mais  aussi  le  fer.  Ils  doivent  être 
raffinés  avec  grand  soin  lorsqu'ils  sont  destinés  à 
fournir  le  minium  pour  les  cristalleries. 

Pour  fabriquer  le  minium,  on  fond  le  plomb 
dans  un  four  à  réverbère,  à  sole  légèrement  creusée; 
en  écrémant  la  surface  du  bain  métallique  avec  un 
râble  en  fer,  on  enlève  les  corps,  métalliques  et 
autres,  les  plus  réfractaires  à  l'oxydation.  On  agite 
ensuite,   d'une  manière  continue,  le  métal  fondu 


CRISTAL.  385 

avec  un  râble,  et  on  rejette  sur  les  côtés  du  four  les 
parties  oxydées  au  fur  et  à  mesure  de  leur  produc- 
tion.  Cette  opération  est  continuée  jusqu'à  ce  que 
tout  le  métal  soit  transformé  en  oxyde.  Lorsqu'on 
opère  sur  des  plombs  cuivreux  et  argentifères,  on 
retire  du  four  les  dernières  portions  du  bain  métal- 
lique ;  ce  sont  elles  qui  renferment  ces  métaux,  qui 
sont  moins  oxydables  que  le  plomb.  Ces  fonds  de 
bains,   auxquels  on  ajoute  les  écrémures,  traités  à 
part ,    fournissent  du  minium  pour  la    peinture  à 
rhuile  ou  pour  faire  des  cristaux  communs  ou  colorés. 
Lorsque  la   plus   grande   partie   du  plomb   est 
oxydée,  avec  la  couleur  jaune  verdâtre  qui  appar- 
tient au   protoxyde    de   ce    métal,  la   matière    est 
retirée  du  four  et  on  la  laisse  refroidir  dans  des  bas- 
sins en  tôle  ou  en  fonte  ;  elle  renferme  toujours  une 
certaine  quantité  de  plomb  métallique  qu'il  faut  sépa- 
rer d'avec  le  protoxyde  (massicot) .  On  arrive  à  ce  ré- 
sultat en  soumettant  cette  matière  au  lavage  et  à  la 
décantation;  dans  ce  but,  on  fait  usage  d'une  sorte 
de  patouillet  composé  d'une  série  de  tonneaux  ouverts 
à  leur  partie  supérieure,  et  dans  lesquels  se  meut 
verticalement  un  axe  en  fer  muni  de  palettes.   Les 
tonneaux  communiquent  entre  eux  par  une  ouver- 
ture percée  aux  deux  tiers  de  la  hauteur.  Dans  le 
premier   tonneau ,    un   robinet  amène  de  l'eau  en 
quantité  suffisante,  et  les  palettes  étant  mises  en 
mouvement  par  un  moyen  mécanique,  le  massicot, 
qu'on  fait  arriver  lentement  comme  dans  un  moulin, 
se  trouve  délayé  et  forme  une  boue  claire  dont  les 
parties  lourdes,  contenant  le  plomb  métallique,  se 

Peligot,  Le  Verre,  25 


386  LE    VERRE. 

précipitent  au  fond ,  tandis  que  le  massicot  propre- 
ment dit,   qui  est  plus  léger,  passe  dans  un  second 
tonneau,  puis  dans  un  troisième,  et  au  besoin  dans 
un  quatrième  ;  Toxyde  en  suspension  dans  Teau  se 
rend  ensuite  dans  une  grande  caisse  munie  de  com- 
partiments  qui  correspondent   entre  eux    par  une 
échancrure  faite  à  la  partie  supérieure;  il  se  dépose 
dans  chacun  de  ces  compartiments,  sous  forme  d'une 
bouillie  d'autant  plus  fine  que  le  compartiment  est 
plus  éloigné  :  les  derniers  ne  contiennent  que  de 
l'oxyde,    parfaitement   dépouillé  de  toute    parcelle 
métallique,  qu'on  recueille  sous  forme  d'une  bouillie 
onctueuse;  introduite  dans  de  petites  caisses  en  tôle, 
elle  est  chauflFée  modérément  dans  un  four  à  réver- 
bère dont  l'atmosphère  est  convenablement  aérée  : 
au  bout  de  vingt-quatre  à  trente-six  heures,  le  mas- 
sicot est  transformé  en  minium  ;  écrasé  et  passé  au 
bluttoir,  cet  oxyde  est  conservé  pour  être  introduit 
en  dose  convenable  dans  les  compositions. 

Le  minium  que  les  fabricants  de  cristaux  ne  font 
pas  eux-mêmes  doit  être  examiné  par  eux  au  point 
de  vue  du  cuivre  qu'il  peut  renfermer.  L'essai  peut 
en  être  fait  d'une  façon  sommaire  en  mettant  à 
profit  la  propriété  que  possède  l'oxyde  de  cuivre  de 
donner  avec  l'ammoniaque  une  coloration  bleue  : 
celle-ci  est  d'autant  plus  intense  que  l'oxyde  de 
cuivre  est  plus  abondant.  Un  poids  déterminé  du 
minium  à  essayer  est  introduit  dans  un  flacon,  soit, 
par  exemple,  50  grammes.  On  y  ajoute  une  quantité 
mesurée  d'ammoniaque  concentré,  soit  50  centi- 
mètres cubes.  On  bouche  le  flacon  dont  la  capacité 


CRISTAL.  387 

doit  être  d'environ  200  centimètres  cubes  et  on  l'agite 
de  temps  à  autre.  Au  bout  de  quelques  jours,  la 
coloration  bleue  qui  s'est  produite  Indique  l'exis- 
tence du  cuivre.  En  employant  comparativement  les 
mêmes  quantités  de  matières  et  des  flacons  bouchés 
à  l'émeri  de  même  capacité  et  de  même  diamètre,  on 
apprécie  avec  une  approximation  suffisante,  la  quan- 
tité de  cuivre  contenue  dans  le  minium  soumis  à 
cette  épreuve.  La  litharge,  que  quelques  cristalleries 
emploient  pour  les  cHstaux  communs,  peut  être 
essayée  de  la  même  façon. 

Lorsque  le  minium  ou  la  litharge  donnent  une 
teinte  bleue  bien  accentuée,  il  convient  de  les  re- 
jeter pour  la  fabrication  du  cristal  blanc  ;  mais  on 
peut  s'en  servir  pour  les  verres  de  couleur. 

L'essai  rapide  des  oxydes  de  plomb  au  point  de 
vue  de  leur  teneur  en  fer  est  moins  simple  et  moins 
facile;  on  y  arrive  néanmoins  en  ajoutant  à  leur 
dissolution  dans  l'acide  azotique  quelques  gouttes  de 
sulfocyanure  de  potassium ,  qui  donne  avec  les  sels 
de  fer  une  coloration  rouge. 

Pour  dissoudre  entièrement  le  minium,  sans  pro- 
duire le  précipité  de  peroxyde  de  plomb  (oxyde 
puce),  qu'on  obtient  quand  on  traite  ce  corps  par 
l'acide  azotique,  il  suffit  d'ajouter  à  la  liqueur  chaude 
un  peu  de  sirop  de  sucre  :  on  reconnaît  ainsi,  en 
même  temps,  si  le  minium  n'a  pas  été  fraudé  avec 
d'autres  substances  rouges,  comme  le  colcotar  ou  la 
brique  pilée;  c'est,  d'ailleurs,  une  fraude  grossière 
que  ne  pratiquent  pas  les  fabricants  de  minium  qui 
ont  la  clientèle  des  cristalleries. 


388  LE    VERRE. 

Le  cristal  étant  une  combinaison  de  silice  avec  fa 
potasse  et  le  protoxyde  de  plomb,  oh  a  tenté  bien  des 
fois  de  remplacer  par  cet  oxyde  (litharge  ou  massicot) 
le  minium  qui  est  un  oxyde  plus  riche  en  oxygène. 
On  le  fait  quelquefois  pour  les  cristaux  les  plus  com- 
muns; mais  dans  une  bonne  fabrication/ cette   sub- 
stitution n'est  pas  possible  ;  le  cristal,  tout  en  ayant 
la   même   composition^  qu'il  soit   obtenu   avec  la 
litharge  ou  bien  avec  le  minium,  ne  présente  tout 
son  éclat  et  toute  sa  blancheur  qu'autant  qu'il  a  été 
fabriqué  avec  le  minium.  Ce  dernier  oxyde  joue,  en 
effet,  un  rôle  important  pendant  la  fusion  de  la  ma- 
tière  en  donnant  un  dégagement  d'oxygène  qui  em- 
pêche la  réduction  d'une  petite  quantité  de  plomb 
soit  par  les  matières  organiques^  soit  par  les  gaz  du 
four,  bien  que  celui-ci  doive  toujours  fonctionner 
avec  une  atmosphère  oxydante;  il  agit  aussi  en  opé- 
rant le  brassage  de  la  masse  pendant  la  vitrification; 
c'est  au  même  titre  que  l'emploi  du  carbonate  de 
potasse  renfermant   encore    une    certaine  quantité 
d'eau  est  utile,  et  aussi  celui  du  nitre,  qui  donne  des 
produits  gazeux  riches  en   oxygène  libre.  Le  cristal 
produit  dans  une  atmosphère  fumeuse  présente  une 
teinte  grise  provenant  du  plomb  réduit  qui  apparaît 
dans  un  grand  état  de  division. 

Groisils  ou  cassins.  —  On  désigne  sous  ces  noms 
!e  verre  qu'on  produit  journellement  en  grande 
quantité  par  suite  du  travail  et  aussi  par  suite  de  la 
casse.  Ces  matières  rentrent  nécessairement  dans  les 
compositions 


CRISTAL.  389 

Les  groisils  sont  de  deux  sortes  :  les  uns  sont 
nets;  ils  proviennent  de  la  casse  et  des  rognures 
faites  avec  les  ciseaux  du  verrier;  les  autres,  les  mors 
de  canne,  qui  adhéraient  à  la  canne  du  souffleur, 
ceux  qui  sont  restés  sur  les  pontils  et  sur  les  cor- 
delines  sont  plus  ou  moins  tachés  de  fer. 

Il  est  nécessaire  de  faire  le  triage  de  ces  groisils; 
les  premiers  rentrent  immédiatement  dans  la  com- 
position, après  qu'ils  ont  été  simplement  brossés 
dans  le  but  d'enlever  la  poussière  qui  peut  y  adhérer  ; 
les  autres  introduiraient  des  matières  nuisibles  s'ils 
n'étaient  pas  débarrassés  des  parties  ferrugineuses 
qui  les  salissent.  Dans  ce  but,  après  que  les  groisilleuses 
ont  détaché  au  marteau  ou  à  la  meule  le  fer  qui  ne 
les  tache  que  sur  une  faible  partie,  de  manière  à 
faire  rentrer  dans  les  groisils  purs  ces  fragments 
nettoyés,  on  traite  par  l'acide  sulfurique  dilué, 
dans  de  grandes  caisses  en  fonte  garnies  de  plomb 
à  l'intérieur  et  placées  sur  un  foyer,  les  groisils  fer- 
rugineux; en  chauffant  à  100°  environ  et  en  remuant 
sans  cesse  la  masse,  au  bout  de  dix  à  douze  heures 
et  plus,  quand  cela  est  nécessaire,  on  arrive  à  en 
séparer  la  plus  grande  partie  du  fer  que  l'acide  dis- 
sout :  on  lave  ensuite  ces  groisils  à  grande  eau  et  on 
les  sèche. 

Certains  groisils  contiennent  du  fer  incrusté  dans 
le  cristal  et,  pour  ainsi  dire,  vitrifié;  ils  conservent 
encore  une  teinte  noire  dont  ce  traitement,  si  pro- 
longé qu'il  soit,  ne  peut  pas  les  débarrasser;  on  les 
met  de  côté  pour  faire  des  verres  colorés  ou  des 
objets  à  bas  prix,  notamment  des  objets  d'éclairage, 


\ 


390  LE    VERRE. 

pour  lesquels  l'absence  de  toute  coloration  n'est  pas 
absolument  nécessaire. 

On  introduit  dans  les  compositions  100  à  160  de 
groisil  pour  100  de  sable,  selon  la  quantité  dont  on 
peut  disposer. 

Composition  du  cristal.  —  Les  matières  premières 
sont  généralement  employées  dans  les  proportions 
suivantes  : 

Sable 300  parties  en  poids. 

Minium 200  — 

Potasse 400  — 

600  parties. 

Quelquefois  on  remplace  par  du  nitre  raffiné  une 
partie  du  carbonate  de  potasse.  On  y  introduit,  en 
outre,  les  débris  du  travail  antérieur,  le  groisil,  en 
quantité  variable,  mais  égale  au  moins  au  poids  du 
sable  employé. 

Ces  proportions  varient,  d'ailleurs,  d'une  manière 
assez  sensible  dans  les  cristalleries. 

En  déterminant  la  composition  chimique  des 
cristaux  de  différentes  fabriques,  on  trouve  que  les 
unes  augmentent  la  proportion  du  minium,  les  autres 
celle  de  la  potasse.  Dans  nos  grands  établissements, 
le  dosage  est  le  suivant  : 

Sable. 300 

Minium 2U0  k  250 

Potasse 190  à  200 

En  Angleterre,  la  composition  est  faite  comme  il 
suit  : 

Sable 300 

Minium 450  à  180 

Potasse 220  à  270 


CRISTAL.  3{»4 

Voici  la  composition  de  divers  échantillons  de 
cristal  : 

1.  2.  3.  4.  5.  a. 

Silice 61,0  51,1  54,2  57,5  51,9  61,3 

Oxyde  de  plomb.  .  .   .  33,0  38,3  3/i,6  32,5  33,3  21,3 

Potasse 6,0  7,6  9,2  9,0  13,8  7,1 

Soude »  1,7  0,9  1,0  »  7,5 

Alumine »  0,5  0,5  »  »  0,7 

Oxyde  de  fer ^>  0,3  »  »  »  » 

Oxyde  de  manganèse  .         »  0,5  »  »  »  » 

Chaux »  »  0,4  »  »  1,0 

100,0      100,0      99,8       100,0      99,0       99,9 

1.  Cristal  de  Vonèche,  fait  à  houille,  analysé  par  M.  Berthier  (Palamine 
Toxyde  de  fer,  etc.,  n'ont  pas  été  dosés).  —  2.  Cristal  de  Baccarat.  —  3.  Cris- 
tal de  Choisy-le-Roi.  —  4.  Cristal  de  fabrication  anglaise. 

Ces  analyses  sont  de  M.  Salyétat. 

5.  Cristal  anglais.  Analyse  de  Faraday. 

6.  Cristal  anglais  moulé.  Analyse  de  M.  Benrath. 

Le  cristal  anglais  est  ordinairement  moins  riclie 
en  plomb  et  plus  chargé  de  potasse  que  le  cristal 
qu'on  fabrique  en  France. 

Après  avoir  indiqué  les  précautions  à  prendre 
pour  la  préparation  des  matières  premières,  il  con- 
vient de  dire  quelques  mots  sur  la  manière  de  les 
employer,  de  faire  ce  qu'on  appelle  en  verrerie  les 
compositions . 

Les  matières  doivent  être  mélangées  avec  le  plus 
grand  soin  :  c'est  à  cette  condition  qu'on  obtient  une 
fusion  régulière  et  du  cristal  bien  fait/  Dans  ce  but, 
après  les  avoir  pesées  exactement,  on  les  verse  dans 
de  grandes  caisses  en  bois,  en  tôle  ou  en  fonte.  Le 
sable  est  répandu  le  premier  au  fond  des  caisses  en 
couche  régulière  ;  on  verse  dessus  la  potasse  préala- 


392  LE    VERRE. 

blement  écrasée;  on  mélange  soigneusement  à  la 
pelle  ces  deux  matières,  puis  on  passe  au  tamis  ou 
au  blutoir  en  ayant  soin  d'écraser  les  boulettes  qui 
auraient  pu  se  former  pendant  ces  opérations. 

Le  blutage  étant  effectué,  on  mélange  de  nou- 
veau et  à  plusieurs  reprises;  puis,  quand  on  juge  que 
l'incorporation  de  la  potasse  est  bien  faite,  on  égalise 
la  couche  et  on  répand  à  sa  surface  le  minium  aussi 
régulièrement  que  possible  ;  on  mélange  de  nouveau 
ces  trois  matières.  La  coloration  en  rouge  du  minium 
permet  de  reconnaître  à  l'uniformité  de  la  teinte 
si  le  mélange  est  bien  complet.  On  répand  enfin  sur 
le  tout  le  groisil  disponible  et  on  mêle  de  nouveau  à 
la  pelle. 

Avec  des  matières  pures  et  une  composition 
homogène,  on  peut  obtenir  du  cristal  bien  blanc; 
mais,  comme  malgré  tous  les  soins  qu'on  a  apportés, 
il  peut  se  trouver  des  agents  de  coloration,  on  ajoute 
une  certaine  quantité  d'oxyde  de  manganèse,  soit, 
par  exemple,  500  grammes  ou  bien  un  poids  très- 
faible  d'oxyde  de  nickel  bien  pur,  soit  deux  à 
trois  grammes  pour  1,000  kilogrammes  de  compo- 
sition. 

D'autres  matières  peuvent  intervenir  dans  la 
fabrication  du  cristal.  MM.  Maês  et  Clémandot 
ont  montré,  il  y  a  quinze  à  vingt  ans,  que  Tacide 
borique  peut  jouer  un  rôle  fort  utile  dans  la  fabri- 
cation des  verres  de  luxe.  La  présence  de  ce  fondant 
permet,  en  effet,  de  modiQer  profondément  la  nature 
du  cristal  ;  l'oxyde  de  zinc  peut  se  substituera  l'oxyde 
de  plomb  ;  la  soude,  la  chaux  ou  la  baryte  deviennent 


CRISTAL.  393 

aptes  à  remplacer  la  potasse.  Les  boro-silicates  de  zinc 
et  de  potasse,  de  potasse  et  de  baryte,  de  soude  et  de 
zinc,  fabriqués  par  MM.Maës  et  Glémandot,  soit  sous 
forme  de  pièces  de  gobeleterie,  soit  pour  verres 
d'optique,  sont  remarquables  par  leur  éclat,  par  leur 
limpidité  et  par  leur  blancheur.  Mais  le  prix  beau- 
coup trop  élevé  de  Tacide  borique  ne  permet  pas* 
quant  à  présent,  d'employer  cette  substance  dans  la 
fabrication  du  verre. 

La  baryte,  à  l'état  de  carbonate  artificiel,  a  été 
essayée  dans  plusieurs  verreries;  il  est  probable 
que  cette  substance  finira  par  prendrç  rang  parmi 
les  matières  premières  employées  dans  l'industrie 
du  verre.  Elle  peut  remplacer  avec  avantage,  comme 
fondant,  la  potasse  ou  la  soude,  et,  fabriquée  dans 
des  conditions  vraiment  industrielles,  elle  est  d'un 
prix  peu  élevé. 

Fonte  du  cristal.  —  En  France,  le  combustible 
employé  pour  la  fonte  du  cristal  est  le  bois  ou  la 
houille.  Les  deux  cristalleries  qui,  pendant  trois 
quarts  de  siècle,  ont  eu  chez  nous  pour  la  production 
de  ce  verre  une  sorte  de  monopole.  Baccarat  et 
Saint-Louis,  ont  été  créées  au  milieu  ou  dans  le 
voisinage  de  vastes  forêts  qui  leur  fournissaient  le 
bois  qu'elles  employaient  exclusivement  comme  com- 
bustible. Les  usines  qui  ont  pris  naissance  depuis, 
à  Lyon  et  aux  environs  de  Paris,  se  servent  toutes 
de  la  houille.  11  en  est  de  même  de  toutes  les  cris- 
talleries d'Angleterre  et  de  Belgique. 
A  Saint-Louis,  que  nous  ne  pouvons,  en  raison  de 


39i  LE    VESRE. 

son  origine  et  de  son  personnel,  rayer  du  nombre  des 
usines  françaises,  la  houille  est  seule  employée  aujour- 
d'hui ;  à  Baccarat,  les  fours  sont  chauffés  les  uns  avec 
le  bols  les  autres  avec  le  combustible  minéral;  on 
empêche  ainsi  une  trop  forte  augmentation  dans  le 


Fig.  6i.  —  Four  i.  cristal  à  la  houille. 

prix  du  bois,  et  on  ménage  la  transition  à  l'emploi 
exclusif  de  la  houille  qui,  dans  tous  les  pays  pourvus 
de  canaux  et  de  chemins  de  fer,  tend  à  se  substituer 
entièrement  au  combustible  végétal. 

Avec  le  bois,  la  fonte  s'opère  dans  des  creusets 
découverts,  et  la  fusion  est  rapide.  Le  combustible  ne 
doit  être  introduit  dans  le  four  qu'après  avoir  été 
préalablement  desséché.  A  Baccarat,  le  four  à  billetles 


CRISTAL.  395 

est  construit  de  telle  sorte  que  les  chariots  en  fer 
sur  lesquels  on  charge  les  billettes  de  hêtre  sont 
poussés  sur  un  chemin  de  fer,  et  y  pénètrent  par  une 
trappe  qui  se  referme  aussitôt;  le  chariot  qui  entre 
fait  sortir  le  chariot  chargé  de  bois  desséché  qui  se 
trouve  à  l'autre  extrémité.  Le  foyer  est  disposé  dételle 
manière  que  la  chaleur  est  d'autant  plus  forte  que  les 
chariots  pénètrent  plus  avant  dans  cette  étuve.  Cette 
dessiccation  est  coûteuse,  car  on  brûle  une  partie 
de  bois  pour  en  dessécher  dix  ;  mais  elle  est  indis- 
pensable. Sans  elle,  la  température  du  four  de  fusion 
ne  serait  pas  assez  élevée,  et  les  produits  de  la  com- 
bustion du  bois  humide  auraient  pour  effet  de  colo- 
rer le  cristal,  en  amenant  à  Tétat  métallique  une 
petite  partie  de  Toxyde  de  plomb. 

Avec  la  houille,  on  est  obligé  d'employer  des 
creusets  fermés  ou  couverts;  les  cendres  toujours 
ferrugineuses  de  la  houille  et  les  gaz  fumeux  résul- 
tant de  sa  combustion  donneraient  au  cristal  une 
mauvaise  couleur  et  lui  ôteraient  son  éclat.  Néan- 
moins M.  Didierjean,  Thabile  directeur  de  Saint- 
Louis,  en  apportant  aux  fours  Siemens  d'importantes 
modifications,  est  arrivé  à  fondre  le  cristal  dans  des 
creusets  ouverts  avec  les  gaz  de  la  houille. 

Le  temps  nécessaire  pour  la  fusion  proprement 
dite  des  matières  premières  est  de  huit  à  neuf 
heures.  L'affinage  dure  une  heure  et  demie  à  deux 
heures.  La  durée  du  travail  des  verriers  est  de  onze 
heures,  pendant  lesquelles  une  demi -heure  est 
consacrée  au  repas:  ainsi  le  travail  effectif  est  de 
dix  heures  et  demie;  il  commence  et  finit  tous  les 


396  LE    VERRE. 

jours  à  la  même  heure,  par  exemple,  de  cinq  heures 
du  matin  à  quatre  heures  du  soir. 

Le  travail  terminé,  on  procède  immédiatement 
au  décrassage  des  grilles  et  du  four,  au  nettoyage 
des  places,  au  remplacement  des  creusets,  s'il  y  a 
lieu;  de  telle  sorte  que  tout  est  prêt  pour  l'enfour- 
nement des  matières  qui  a  lieu  à  six  heures  du  soir. 

Nous  avons  vu  que  la  fusion  des  matières  exige 
huit  à  neuf  heures  :  le  cristal  se  trouve  donc  fondu 
à  deux  ou  trois  heures  du  matin  et  jusqu'au  moment 
où  commence  le  travail,  il  reste  le  temps  nécessaire 
pour  l'affinage,  temps  pendant  lequel  on  laisse  tom- 
ber un  peu  la  température  du  four,  de  manière  à  ce 
que  le  verre  perde  de  sa  liquidité  et  prenne  l'état 
pâteux  qui  permet  aux  ouvriers  de  le  cueillir  faci- 
lement. 

On  fait  six  travaux  par  semaine,  le  dimanche 
étant  un  jour  rigoureusement  férié. 

En  Angleterre,  le  travail  est  organisé  d'une  toute 
autre  manière.  La  fusion  des  matières  s'opère  dans 
des  creusets  et  dans  des  fours  de  très-grande  dimen- 
sion; les  creusets  renferment  800  à  1,000  kilo- 
grammes de  matières  premières  dont  la  fonte 
exige  quarante-huit  à  soixante  heures.  Le  cristal, 
une  fois  fondu,  sert  pour  la  semaine,  c'est-à-dire 
pour  quatre  jours  ou  quatre  jours  et  demi.  Le 
travail  est  continu  et  s'exécute  au  moyen  de  places 
qui  se  relayent  de  six  heures  en  six  heures;  il  com- 
mence le  lundi  et  finit  le  vendredi.  Cette  manière  de 
travailler  semble  être  peu  rationnelle;  elle  se  ressent 
encore   des   entraves   apportées   par    l'impôt    sur 


CRISTAL.  397 

l'industrie   du  verre  qui   a  longtemps  existé   chez 
nos   voisins*;    l'ouvrier    n'est  occupé   que   quatre 

1.  La  fabrication  du  verre  oq  Angleterre  a  été  longtemps  entravée 
par  le  droit  intérieur  (  excise  daty  )  qui  pesait  sur  le  cristal  et  sur 
toutes  les  autres  sortes  de  verres.  Cet  impôt,  qu'on  avait  proposé 
d'établir  chez  nous  et  auquel,  heureusemeat  pour  notre  industrie 
verrière,  on  a  dû  renoncer  à  la  suite  d'une  discussion  approfondie, 
remontait  pour  les  Anglais  à  l'année  1695,  sous  le  règne  de  Guil- 
laume III.  Quelques  années  après,  la  taxe  sur  le  verre  était  réduite 
de  moitié,  puis  entièrement  supprimée  à  cause  de  son  caractère 
vexatoire  et  du  préjudice  qu'elle  apportait  à  l'industrie  du  verre 
dont  elle  arrêtait  l'essor.  Rétablie  en  1746,  elle  fut  souvent  modifiée; 
*en  1812,  elle  fut  doublée  comme  taxe  de  guerre;  elle  amena  ce 
résultat  que,  malgré  le  grand  accroissement  de  la  population,  la 
production  du  verre  allait  toujours  en  diminuant.  Enfin,  en  1845, 
elle  a  été  entièrement  supprimée  sous  le  ministère  de  sir  Robert  Peel. 

Ce  droit  représentait  quelquefois  au  delà  de  trois  fois  la  valeur 
du  verre  lui  même.  Il  était  perçu  au  poids;  mais,  en  outre,  comme  on 
n*avait  pas  trouvé  dans  ce  mode  de  perception  des  garanties  suffi- 
santes, les  verreries  étaient  exercées.  «  Pendant  le  règne  de  l'Exercice, 
aucun  creuset  ne  pouvait  être  déplacé  de  l'endroit  dans  lequel  il 
était  séché  pour  être  mis  dans  l'arche  à  cuire  les  pots,  sans  une 
aulorisation  écrite  du  surveillant  du  fisc;  une  seconde  autorisation 
était  exigée  pour  le  jauger;  une  troisième  pour  le  placer  dans  le 
four;  une  autre  pour  le  remplir  et  une  autre  pour  le  vider.  En 
outre,  le  maître  de  la  verrerie  était  forcé  d'obéir  strictement  à  l'acte 
du  parlement  en  donnant  six  heures  à  son  surveillant  pour  formuler 
les  autorisations  concernant  chacune  de  ces  demandes  compliquées 
et  vexatoires.  »  [Curiosilies  of  glass  making,  de  M.  A.  Pellatt,  fabri- 
cant de  cristaux  à  Londres) . 

On  a  tout  lieu  d'espérer  que  les  progrès  de  l'éducation  publique 
en  matière  d'impôts  préserveront  désormais  le  verre  de  taxes 
d'une  perception  presque  impossible  en  raison  de  la  diversité  de 
ses  formes  et  de  ses  usages;  quel  que  soit  le  mode  de  recou- 
vrement, elles  entraveraient  toujours,  sans  nul  doute,  les  améliora- 
tions que  réalise  chaque  jour  une  industrie  non  moins  importante 
pour  la  consommation  intérieure  que  pour  notre  commerce  avec 
l'étranger. 


398  LE   VERRE. 

jours  par  semaine,  soit  quarante-huit  heures;  le 
cristal  qui  reste  fondu  pendant  un  tempsaussi  prolongé 
perd  de  sa  qualité,  de  son  homogénéité  ;  c'est  à  ce 
mode  de  travail  qu'il  convient  d'attribuer  les  stries 
nombreuses  que  présente  habituellement  le  cristal 
anglais  lorsqu'on  l'examine  avec  attention  :  il  est  vrai 
qu'aux  yeux  de  quelques  personnes,  ces  stries  con- 
tribuent à  donner  aux  cristaux  anglais  l'éclat  qui 
les  distinguent. 

Les  places  qui,  en  France,  se  composent  généra- 
lement de  dix  à  douze  personnes,  tant  ouvriers  que 
gamins,  ne  sont  que  de  quatre  en  Angleterre,  à 
savoir:  un  chef  de  place  ou.  ouvreur;  xxn  souffleur  ;  un 
carreur  et  un  gamin.  Avec  une  pareille  organisation, 
le  travail  est  moins  divisé  qu'en  France  et,  comme 
conséquence,  la  production  est  beaucoup  moindre 
dans  le  même  temps.  Ces  inconvénients  sont,  à  la 
vérité,  compensés  par  quelques  avantages,  notam- 
ment par  une  durée  plus  grande  des  fours  et  des 
creusets,  qui  sont  soumis  à  une  chaleur  moins  élevée 
et  qui  n'ont  pas  à  subir  de  changements  aussi 
brusques  de  température;  il  n'est  pas  rare  de  voir  en 
Angleterre  des  fours  durer  six  à  huit  ans,  à  la  condi- 
tion de  réparer  les  sièges  tous  les  deux  ans  :  les  pots 
résistent,  en  moyenne,  quatre  et  quelquefois  six  àsept 
mois;  en  France  les  fours  sont  hors  de  service  au 
bout  d'un  an  à  dix-huit  mois  et  les  creusets  doivent 
être  remplacés  après  six  semaines  ou  deux  mois 
d'ausge;  ce  qui  tient  aux  refroidissements  brusques 
résultant  de  l'introduction  quotidienne  de  matières 
froides.  On  comprend  aussi  que  pour  fondre  en  huit 


CRISTAL.  399 

heures,  il  faut  upe  température  beaucoup  plus  élevée 
que  pour  exécuter  la  même  opération  en  cinquante 
ou  soixante  heures;  une  dépense  plus  grande  de 
combustible  est,  à  la  vérité,  la  conséquence  du 
système  anglais;  mais  on  sait  que  la  houille  est 
meilleur  marché  chez  nos  voisins  que  chez  nous. 

Outillage.  —  Les  outils  dont  se  servent  les 
ouvriers  sont  les  mômes  dans  les  cristalleries  que 
dans  les  autres  ateliers  dans  lesquels  on  travaille  le 
verre;  ils  sont  simples  et  peu  nombreux  :  ce  sont 
des  cannes ,  des  pontils ,  des  plaques  de  fonte 
sur  lesquelles  on  roule  le  verre  chaud  que  Ton 
nomme  marbres  y  des  palettes  en  bois  et  d'autres  en 
fer  poli  ou  en  acier;  des  pinces  de  différentes  gran- 
deurs, dont  plusieurs  sont  garnies  de  lames  en  bois 
et  quelques  compas.  C'est  à  l'aide  de  ces  seuls 
outils  que  les  verriers  travaillaient  autrefois  et  don- 
naient au  verre  soufflé  les  formes  les  plus  variées  et 
même  les  plus  compliquées.  Aujourd'hui  leur  travail 
se  trouve  grandement  facilité  tant  par  l'emploi  des 
moules  en  bois,  qu'ils  ont  empruntés  aux  Bohèmes, 
que  par  celui  des  moules  en  fonte  douce  :  ceux-ci 
ont  le  double  avantage  de  ne  point  s'user  ou,  tout 
au  moins,  de  durer  fort  longtemps,  et  de  donner 
au  verre  qu'on  y  introduit,  des  formes  plus  accen- 
tuées. Les  moules  en  bois,  dont  les  arêtes  se  brûlent 
et  s'émoussent,  sont  bien  vite  hors  de  service  ;  les 
moules  en  fonte,  au  contraire,  résistant  à  la  chaleur 
du  verre  peuvent  donner  des  formes  aussi  précises, 
aussi  nettes  qu'on  peut  le  désirer. 


A  ces  outils,  que  nous  avons  déjà  décrits,  il  con- 
vient d'ajouter  le  banc  sur  lequel  s'assied  le  chef  de 
place  pour  travailler  les  pièces;  il  est  muni  de  deux 
bras  ou  bardelles  garnies  de  bandes  de  fer  faisant 
saillie,  sur  lesquelles  l'ouvrier  pose  et  roule  sa  canne. 


Nous  avons  vu  que,  pour  se  servir  des  moules  eu 
bois  ou  en  métal,  le  verrier  introduit  dans  le  moule 
sa  paraison,  après  l'avoir  soufflée  à  une  grosseur 
convenable  ;  puis  il  souffle  en  imprimant  à  la 
canne  un  mouvement  de  rotation  aussi  rapide  que 
possible;  c'est  par  ce  mouvement  que  le  verre  ù 
l'état  mou  prend  exactement  la  forme  du  moule  : 
ce  résultat  s'obtient  facilement  dans  un  moule  en 
bois,  dont  l'intérieur  se  charbonne  en  produisant 
entre  la  pièce  qu'on  souffle  et  les  parois  du  moule 
une  sorte  de  matelas  de  produits  gazeux  qui  faci- 
litent la  rotation;  mais  le  même  effet  ne  peut  se 
produire  dans  un  moule  métallique;  il  serait  impos- 
sible de  tourner  la  canne  sans  faire  usage  d'un  arti- 
fice particulier;  on  imbibe  le  moule  d'huile  au 
moyen  d'un  pinceau  ou  d'un  goupillon,  puis,  à  l'aide 


d'un  tarais  très-fin,  on  y  projette  une  poussière  de 
charbon  de  boJs  très-ténue.  Avec  celte  précaution, 
la  paraison  introduite  dans  le  moule  tourne  aussi 
bien  et  même  mieux  que  dans  un  moule  en  bois. 

Ud  autre  progrès  apporté  à  l'outillage  consiste 
dans  des  pinces  en  fonte  profilées  de  manière  à 
donner  la  forme  aux  jambes  des  verres;  si  compli- 
quées qu'elles  soient,  elles  sont  faites  aussi  rapide- 
ment  que  les  jambes  unies. 

L'emploi  des  moules  métalliques  n'est  possible 
que  pour  faire  des  objets  unis  ou  n'ayant  que  des 
reliefs  horizontaux  qui  permettent  le  mouvement  de 
rotation  imprimé  à  la  canne  :  ces  moules  se  font 
avec  charnières  et  souvent  en  deux  parties  seule- 
ment qu'on  rapproche  pour  le  travail.  S'il  s'agit 
d'obtenir  des  pièces  avec  des  dessins  compliqués  et 
des  reliefs  dans  tous  les  sens,  les 
moules  en  fonte  dont  on  fait  usage 
s'ouvrent  en  autant  de  parties  qu'il 
est  nécessaire  ;  mais  le  mouvement 
de  rotation  n'étant  plus  possible,  on 
a  recours  à  un  autre  moyen  :  la  com- 
pression de  l'air  avec  une  pompe 
d'une  construction  très-simple.  Cette 
pompe  a  été  inventée  en  1824  par  un  -^ 
ouvrier  souffleur  de  Baccarat  nommé 
Robinet  qui,  devenant  malade,  rem-  g,^  œ. 

plaça  par  cet  outil  les  poumons  qui 
.  lui   faisaient   défaut.    La  Société  d'Encouragement 
accorda  à  cet  inventeur  une  médaille  d'or,  et  l'admi- 
nistration de  Baccarat  lui  ùt  une  pension.  Cet  outil, 

Peugot,  L*  Vtrr».  26 


402  LE  TERRE. 

aujourd'hui  fort  employé,   est  connu  sous  le  nom 
de  piston  ou  de  pompe  de  Robinet. 

C'est  un  petit  cylindre  en  laiton,  fermé  par  un 
bout,  dans  Finlérieur  duquel  se  trouve  un  ressort  à 
boudin  en  fer;  à  sa  partie  inférieure  est  une  sorte 
de  piston  en  bois  avec  ouverture  garnie  de  cuir, 
retenu  par  une  fermeture  à  baïonnette  percée  d'un 
trou.  L'embouchure  de  la  canne,  celle-ci  étant  tenue 
verticale,  étant  mise  en  contact  avec  le  piston,  Tou- 
vrier  comprime,  par  un  mouvement  brusque  qu'il 
donne  au  ressort,  Tair  contenu  dans  ce  cylindre  et 
injecte  cet  air  dans  la  pièce  qu'il  veut  fabriquer. 
A  l'aide  de  ce  procédé  on  obtient  toutes  les  formes 
désirables,  rondes,  ovales,  carrées,  etc.  Pour  les 
objets  de  petite  dimension  on  peut  obtenir  plusieurs 
exemplaires  avec  un  seul  coup  de  piston. 

Travail  du  cristal.  —  Nous  avons  vu  qu'en  Bohême 
on  fait  usage  de  fours  de  petite  dimension  et  de 
creusets  ne  contenant  que  60  à  80  kilogrammes  de 
composition  qui  exigent  pour  la  fonte  dix-sept 
à  dix-huit  heures;  le  personnel  des  verreries  y  est 
fort  restreint;  il  se  borne  à  un  ouvrier  et  son 
aide,  ou  un  souffleur  et  un  enfant.  Dans  ces  condi- 
tions, il  faut  onze  à  douze  heures  de  travail  pour 
employer  la  matière  vitrifiée  contenue  dans  le 
creuset. 

En  France  et  en  Belgique,  on  procède  tout  autre- 
ment. Les  fours  sont  de  grande  dimension  et  ren- 
ferment huit  à  dix  creusets  contenant  chacun  au  moins 
300  kilogrammes  de  composition  neuve  mélangée 


404  LE    TERRE. 

de  groisils;  ils  rendent  à  pea  près  250  kilogrammes 
de  matière  fondue,  prête  à  être  trayaillée.  Avec  des 
fours  construits  dans  de  bonnes  conditions,  Taffinage 
n'exige  que  douze  à  quatorze  heures  :  on  fait  six  tra- 
vaux par  semaine,  durant  chacun  onze  à  douze 
heures.  Ces  verreries  ont  donc  à. leur  disposition, 
chaque  semaine,  12,000  kilogrammes  de  matières 
fondues  dont  les  deux  tiers  environ  entrent  dans  les 
produits  fabriqués;  soit,  par  conséquent,  8,000  kilo- 
grammes de  verre  marchand,  tandis  qu'une  verrerie 
de  Bohême  n'en  produit  que  1,000  kilogrammes,  tout 
en  utilisant  une  plus  forte  proportion  de  verre  fondu. 
On  voit  que  cette  organisation  du  travail  diffère 
beaucoup  de  celle  des  verriers  de  la  Bohême. 

Pour  l'industrie  du  verre,  avec  des  fours  tou- 
jours en  feu  et  des  frais  généraux  de  toute  sorte 
assez  considérables,  le  problème  industriel  à  ré- 
soudre consiste  à  produire  le  plus  possible  dans  un 
temps  donné,  c'est-à-dire  dans  les  dix  à  douze 
heures  consacrées  au  travail;  de  même  qu'au  point  de 
vue  technique,  l'art  du  verrier  consiste  à  fondre  le 
plus  de  silice  (sable  ou  quartz)  avec  le  moins  de 
fondant  et  de  combustible.  Pour  économiser  le  temps, 
le  personnel  doit  être  organisé  de  manière  à  ce  qu'il 
n'y  ait  pas  un  seul  instant  perdu.  Pour  atteindre  ce 
but,  il  faut  diviser  le  travail  le  plus  possible  et  créer 
parmi  les  ouvriers  des  spécialités  dans  lesquelles  ils 
deviennent  en  peu  de  temps  très-habiles. 

Dans  les  verreries  importantes  et  bien  organi- 
sées, les  mêmes  places  doivent  autant  que  possible 
faire  toujours   les  mêmes  objets.    Ainsi    une  place 


CRISTAL.  405 

de  gobelets  fait  toujours  des  gobelets;  une  place 
de  verres  à  pied,  toujours  des  verres  à  pied,  etc. 
Une  place  ou  atelier  se  compose  généralement, 
suivant  le  genre  de  pièces  qu'on  exécute,  de  neuf 
à  douze  personnes,  y  compris  les  apprentis  ou 
gamins,  à  savoir-  :  un  chef  de  place  appelé  ouvreur; 
un  premier  et  un  second  souffleur;  un  pareur  ou 
carreur;  un  ou  deux  cueilleurs;  puis  des  apprentis 
désignés  sous  les  noms  de  grands^  moyens  et  petit 
gamins.  La  besogne  est  répartie  de  la  façon  la  plus 
régulière  pour  chacun  des  ouvriers  qui  composent 
l'atelier,  de  telle  sorte  que  le  chef  de  place  chargé 
de  donner  le  dernier  coup  à  la  pièce  ne  perd  pas 
une  minute  et  n'a  jamais  un  moment  d'attente  : 
c'est  en  observant  strictement  ces  conditions  qu'on 
arrive  à  faire  bien  et  à  faire  vite.  Chacun  ayant  la 
responsabilité  de  son  travail,  il  devient  facile  de 
constater  quel  est  celui  qui  est  en  faute  lorsqu'une 
pièce  est  défectueuse  ou  lorsqu'elle  est  manquée. 
Prenons  pour  exemple  la  fabrication  des  verres  à 
pied  de  grandeur  ordinaire  pour  l'usage  de  la  table. 
Le  cueilleur  prend  dans  le  creuset  avec  la  canne  la 
quantité  de  verre  nécessaire  pour  faire  la  paraison 
de  la  coupe  ;  il  la  passe  immédiatement  au  carreur 
qui  donne  à  cette  paraison  la  forme  voulue  A  (fig.  67); 
celui-ci  la  remet  à  l'un  des  sou£Qeurs  chargé  d'y 
appliquer  la  jambe  B  ;  ce  qu'il  fait  sans  quitter  sa 
place,  le  verre  nécessaire  lui  étant  apporté  par  un 
cueilleur  ou  par  un  grand  gamin.  La  jambe  posée, 
la  pièce  passe  entre  les  mains  d'un  autre  souffleur 
dont  l'office  est  d'y   adapter  le  pied  ;  le  verre  lui 


LE    VERRE. 


est  apporté  par  un  cueilleur  et  il  n'a  pas  non  plus 
à  se  déplacer. 

Lorsque  la  paraison  est  munie  de  sa  jambe  el  de 


 


son  pied,    on    procède  à  rempontiliage  :  un  gamin 
arrive  muni  d'une  tringle  en  fer  (d'un  pontîl)  garnie 


à  son  extrémité  d'un  peu  de  verre  chaud.  Le  souf- 
deur  applique  ce  pontil  sous  le  pied  de  sa  pièce  C,  et 


CRISTAL.  407 

quand  l'adhérence  est  produite,  il  détache  le  verre 
de  la  canne  en  déterminant  une  fêlure  sur  la  calotte 
et  en  donnant  à  la  canne  un  coup  sec.  Le  verre  ainsi 
empontillé  est  présenté  à  Touvreau  par  le  gamin  qui 
le  chauffe  de  manière  à  en  ramollir  la  partie  supé- 
rieure et  qui  le  porte,  ainsi  ramolli,  au  chef  de 
place  qui  rogne  la  coupe  à  la  hauteur  voulue;  puis 
le  verre  est  reporté  à  Touvreau  pour  recevoir  une 
seconde  chaude  qui  permet  de  donner  à,  la  coupe 
la  forme  définitive.  Le  verre  D,  étant  terminé,  est 
détaché  du  pontil,  saisi  avec  une  fourche  et  porté 
immédiatement  à  l'arche  à  recuire  (flg.  68),  par  le 
gamin  chargé  de  cette  besogne. 

Cette  organisation  du  travail  permet  de  marcher 
très-vite;  il  est  rare  que  le  chef  de  place  ait  à  quitter 
son  banc,  le  travail  du  réchauffage  étant  fait  par  des 
gamins;  c'est  ainsi  qu'on  arrive  à  fabriquer  en  onze 
heures  six  à  sept  cents  verres  à  pied.  S'il  s'agit  d'ob- 
jets sans  pieds,  de  gobelets,  par  exemple,  le  travail 
est  beaucoup  plus  rapide  et  chaque  place  peut' pro- 
duire mille  à  douze  cents  pièces. 

Le  travail  du  cristal  est  d'ailleurs  rendu  facile, 
tant  par  sa  grande  fusibilité  qu'à  cause  de  sa  résis- 
tance à  la  dé  vitrification  qui  permet  de  réchauffer 
les  pièces  un  grand  nombre  de  fois. 

Nous  donnerons  un  autre  exemple  :  Pour  faire 
un  pot  à  eau  (fig.  69),  la  quantité  de  verre  nécessaire 
étant  cueillie  et  marbrée^  la  paraison  étant  faite,  on 
introduit  la  poste  dans  le  moule,  et  on  souffle  de 
manière  à  lui  en  faire  occuper  toute  la  capacité.  Le 


408 


LE    YERRE. 


maître-ouvrier,  assis  sur  son  banc,  reçoit  la  canne, 
et,  la  faisant  tourner,  pare  le  bout  du  cylindre  A 
avec  ses  fers,  en  étrangle  le  col,  et  ajuste  les  cordons 
de  verre  qui  forment  les  nervures  de  la  pièce. 

Pendant  ce  travail,  on  a  cueilli  et  marbré  au 
bout  d'un  pontil  un  morceau  de  cristal,  qu'on  aplatit 
et  qu'on  soude  au  cylindre  de  manière  à  former  le 
pied  du  vase  (B,  C).  La  pièce  étant  empontie  et  refroidie 


B 

f 


r. 


n. 


i3. 


Fig.  69. 

avec  les  fers  dans  sa  partie  supérieure,  au  moyen  d'un 
coup  sec,  on  la  détache  de  la  canne  qui  a  servi 
à  la  souffler  ;  fixée  par  son  pied  au  nouveau  ponlil, 
elle  est  réchauffée;  son  col  est  d'abord  évasé,  puis 
découpé  avec  des  ciseaux  (D).  Les  bords  sont  arron- 
dis par  une  nouvelle  chaude.  Pendant  ce  travail,  on 
a  préparé  un  cylindre  plein  qu'on  a  légèrement  aplati 
et  courbé  avec  les  pinces.  Ce  cylindre  est  posé  et 
ajusté  par  le  maître-ouvrier,  de  manière  à  former 
Tanse  du  pot  à  eau  (Ë),  dont  la  façon  se  trouve  ainsi 
terminée. 

La  pièce  est  enfin  dépontillée  et  portée  sur  une 
fourche  à  l'arche  à  recuire. 


CRISTAL*  im 

Poar  ces  objets  de  fantaisie  et  pour  couk  d'uno 
fabrication  plus  compliquée,  le  travail  ost«   ou  lo 
comprend,  moins  rapide;  mais  il  doit  toujours  ^liv 
organisé  de  manière  à  laisser  le  moins  possiblo  do 
temps  perdu  à  chacun  des  ouvriers  qui  composont 
la  place  :  c'est  le  cas  de  dire  avec  les  Anglais,  timt^ 
is  money  :  car  le  bénéfice  qu'on  peut  ailondro  do  In 
fabrication  résulte  surtout  de  ces  conditions  do  tra- 
vail rapide  :  il  est  plus  Important,  au  dire  dos  ver- 
riers les  plus  expérimentés,  d-aller  vile  que  créco- 
nomiser  le  verre  :  avec  les  grands  creuscUs  dont  ou 
dispose  aujourd'hui,  la  matière  manque  raromc^ni 
pendant  la  durée   du  travail  et  si,   en  marchant 
vite,  on  fait  un  peu  plus  de  groisil,  celui-ci  n'oM 
pas  perdu  et  rentre  dans  la  composition  du  lende- 
main dont  il  accélère  la  fonte. 

La  fabrication  des  verres  doublés  ne  permet  pas 
d'aller  aussi  vite  que  celle  des  verre»  ordinairen  î 
néanmoins,  avec  une  bonne  répartition  du  travail^ 
on  arrive  aussi  à  des  r^innlUii^  H'MiHhiinàuU. 

Les  verres  coloré^î»  et  Uth  ^^ftrdux  i^pur  ^oahUir^t^ 
sont  a  Tavance  -étiréii»  ^m  hUou^,  Vonr  ^tu  Uim 
usage,  on  les  chiiull'f.'  i  i<juvr*r4^  4*t  m^mh'H  i  Ut^ 
ramollir  afin  ^a-h  j>r*^tx*U'^  U  ^f^y^hU^A  ^f^^^tij/M 
chaque  pièce  ii  Ubrifj^x^r,  <a-U/^  ^^^y^t^ui/^  ^ij^ui  4<i^ 

pelile  piiraibou  d^  Mm;  J/)vh<;  ^m^  j^'j»,ulU;  vv  ^U'M'JI 
eûëiiile  de  lu  cumiv  *?<  <l«aii-.  ^UajuoI  v*'  \i^u*/!^\i\\  j^ 


410  LE  TERRE. 

sion  de  la  pièce  qu'on  veut  faire.  Le  reste  se  fait 
comme  à  lordinaire.  Si  donc  on  organise  une  place 
à  faire  du  doublé,  de  manière  à  ce  que  les  cornets 
revêtus  de  verre  de  couleur  ne  se  fassent  pas  at- 
tendre, la  fabrication  est  assez  rapide  et  ces  verres 
peuvent  aussi  être  produits  à  bon  marché. 

Pour  les  objets  très-communs  et  à  bas  prix  tels 
que  salières,  bobèches,  etc.,  la  pièce  est  mise  à 
l'arche  à  recuire  telle  qu'elle  sort  du  moule;  les 
premières  pièces  faites  dans  un  moule  préalablement 
barbouillé  d'huile  ne  présentent  pas  une  surface 
parfaitement  polie  et  brillante;  lors  donc  qu'on  veut 
donner  aux  objets  moulés  un  beau  poli  qui  les  fait 
ressembler  à  des  objets  taillés,  il  faut,  après  qu'ils 
sont  sortis  du  moule,  les  mettre  au  pontil  :  le  ver- 
rier les  présente  à  l'ouvreau,  les  ramollit  et  leur 
donne  la  forme  définitive  au  moyen  de  ses  pinces. 
Lorsque  la  moulure  est  bien  rehrûlée,  elle  acquiert 
presque  le  même  brillant  que  la  taille,  avec  cette 
différence,  toutefois,  que  les  arêtes  sont  toujours 
un  peu  moins  vives. 

Le  procédé  de  moulage  par  la  presse  a  fait  depuis 
quelques  années  de  très-grands  progrès  et  fournil 
aux  verriers  de  précieuses  ressources.  On  obtient 
par  ce  moyen  des  formes  et  des  dessins  qu'il  serait 
impossible  d'obtenir  autrement  et  qui  reviennent  à 
des  prix  très-modérés.  Aujourd'hui  les  usines  fran- 
çaises fabriquent,  au  moyen  du  moulage,  des  groupes 
d'animaux,  des  cariatides,  des  statuettes  et  même 
des  bustes  d'assez  grande  dimension.  Ces  objets, 
dont  la  confection  est  très-satisfaisante,  reviendraient 


CRISTAL.  441 

à  des  prix  fort  élevés  si  on  les  fabriquait  par  les 
anciens  procédés  de  la  taille-  C'est  un  notable  pro- 
grès accompli  récemment  dans  l'art  de  la  verrerie. 

Moulage  des  verres  et  des  cristaux.  —  Les  moules  en 
bois  ou  en  fonte  dont  il  vient  d'être  question  fonc- 
tionnent au  moyen  du  souffle  de  l'ouvrier  ou  du  pis- 
ton; il  est  une  autre  sorte  de  moules  également  fort 
employés  à  l'aide  desquels  on  obtient  les  objets  les 
plus  variés  et  les  dessins  les  plus  compliqués  en  imi- 
tation de  la  taille  :  ce  sont  les  verres  moulés  ou  cou- 
lés du  commerce.  Pour  les  obtenir  on  fait  usage  de 
presses  à  leviers  ou  à  vis.  Dans  ce  mode  de  fabrication , 
l'art  du  verrier  disparaît  en  grande  partie,  le  procédé 
mécanique  intervenant  presque  seul  dans  le  travail. 
Ces  moules  se  font  à  charnières  et  avec  un  nombre 
de  compartiments  qui  varie  suivant  les  exigences  de 
la  dépouillée  que  présente  la  pièce.  Pour  se  servir  du 
moule,  on  en  fixe  le  fond  sur  un  plateau  à  coulisse 
qui  se  manœuvre  avec  facilité,  de  manière  à  le  faire 
glisser  sous  la  presse  pour  opérer  le  moulage;  lorsqu'il 
est  en  place,  le  verrier  apporte  au  bout  de  sa  canne 
la  quantité  de  verre  nécessaire  à  la  confection  de  la 
pièce  qu'il  veut  obtenir  ;  il  rogne  le  surplus  avec 
ses  ciseaux;  il  ne  s'agit  plus  que  de  faire  descendre 
dans  le  moule  le  noyau  qui  doit  en  déterminer 
exactement  l'intérieur.  Ce  noyau  est  fixé  à  une  barre 
qui  glisse  aussi  à  coulisse  dans  la  charpente  de  la 
presse,  et  la  pression  s'opère  avec  la  plus  grande 
facilité.  On  relève  alors  le  levier  ou  la  vis,  suivant 
le  genre  de  presse  qu'on  emploie,  et  on  retire  la 


412  LE    VERRE. 

plaque  à  coulisse;  le  moule  étant  ouvert,  on  en  sort 
la  pièce  qui  a  pris  exactement  Tempreinte  du  moule. 
Le  moulage  par  la  presse  fournit  aussi  d'une 
façon  très- économique  les  prismes,  les  pendeloques, 
tous  les  pendentifs  qui  constituent  la  lustrerie.  La 
forme  étant  donnée  par  le  moule,  le  travail  du  tail- 
leur se  trouve  considérablement  abrégé.  Pour  les 
lustres  communs,  on  se  sert  souvent  de  boutons  ou 
pendentifs  qui  ne  reçoivent  d'autre  taille  que  le 
polissage  d'un  côté  et  qu'on  appelle  la  flette. 

Décalotage  des  verres.  —  Nous  avons  vu  comment 
se  fabriquent  les  verres  à  boire,  et  nous  avons  décrit  le 
mode  de  travail  tel  qu'il  est  pratiqué  depuis  un  temps 
immémorial.  Par  cette  méthode,  Vouvreur  termine  la 
pièce,  après  qu'elle  a  été  empontillée,  en  la  rognant 
avec  ses  ciseaux  et  en  lui  donnant  ensuite  avec  ses 
pinces  la  forme  définitive. 

Les  verriers  de  la  Bohême  procèdent  tout  autre- 
ment :  ils  fabriquent  la  plupart  de  leurs  pièces 
creuses,  les  chopes,  les  gobelets,  les  vases,  etc.,  sans 
les  rogner;  ces  pièces,  comme  nous  l'avons  vu,  ne 
sont  pas  empontillées;  elles  sont  détachées  entières, 
avec  leurs  calottes,  telles  qu'elles  ont  été  faites  par 
le  souffleur. 

Cette  méthode,  qui  est  plus  expéditive,  a  été 
imitée  par  les  usines  françaises  qui  l'ont  beaucoup 
perfectionnée  ;  tandis  que  les  Bohèmes  coupent  ces 
calottes  au  moyen  d'un  fer  chaud  (fig.  62),  ce  qui 
donne  souvent  une  cassure  irrégulière,  ou  bien  au 
moyen  de  la  roue  de  tailleur,  ce  qui  est  long,  on 


CRISTAL.  413 

opère  en  France  ce  rognage  ou  décalotage  en  faisant 
usage  de  l'air  chaud  légèrement  comprimé.  On 
obtient  ainsi  une  cassure  nette  et  régulière. 

Pour  exécuter  cette  opération,  on  procède  comme 
il  suit  :  la  pièce  est  placée  sur  une  tournette  qui 
la  présente  à  la  hauteur  voulue  devant  un  tuyau, 
taillé  en  bec  de  flûte,  qui  amène  l'air  chaud  sous 
la  forme  d'une  lame  très-mince  ;  par  le  mouvement 
de  rotation  qu'on  imprime  à  la  tournette,  on  échauffe 
une  zone  très-étroite  du  verre  à  l'endroit  où  l'on 
veut  produire  la  fêlure  :  en  touchant  avec  un  corps 
froid,  la  calotte  se  détache  avec  une  netteté  merveil- 
leuse; mais  elle  laisse  à  la  pièce  des  bords  très- 
coupants.  Il  est,  en  conséquence,  nécessaire  de  fondre 
ces  bords  ou  bien  de  les  user  au  moyen  de  la  roue 
de  tailleur,  ainsi  que  cela  se  pratique  en  Bohême. 

Cette  dernière  opération  laisse  à  désirer;  elle 
transforme  les  bords  du  verre  en  une  sorte  de  biseau 
désagréable  aux  lèvres.  Pour  parer  à  ce  défaut,  la  cris- 
tallerie de  Baccarat  opère  le  rehrûlaqe  au  moyen  d'une 
lampe  d'émailleur  dont  on  projette  le  dard  sur  les 
angles  de  la  pièce,  dans  le  but  de  les  arrondir,  en 
les  fondant  au  moyen  de  cette  sorte  de  chalumeau. 
C'est  une  opération  délicate  qui  demande  une  cer- 
taine habitude  de  la  part  de  l'ouvrière  qui  l'exécute; 
mais  lorsque  celle-ci  est  au  courant  de  ce  travail,  cette 
fusion  se  fait  vite  et  bien.  Les  pièces,  dont  les  bords 
ont  été  arrondis  par  ce  procédé,  subissent  un  nouveau 
recuit  dans  l'arche;  autrement,  ayant  été  trempées 
par  un  brusque  refroidissement,  elles  seraient 
exposées  à  se  briser. 


414  LE    VERRE. 

Une  autre  méthode  de  rognage  consiste  à  pro- 
mener dans  l'intérieur  de  la  pièce  à  laquelle  on 
imprime  un  mouvement  lent  de  rotation,  un  dia- 
mant fixé  à  une  tige  plus  ou  moins  longue;  ce 
diamant  coupe  le  verre  et  détermine  la  sépara- 
tion de  la  calotte;  c*est  ainsi  que  procèdent  dans 
la  cristallerie  du  Bas-Meudon  MM.  Houdaille  et 
Landier.  Les  bords  sont  ensuite  usés  au  grès  ou 
rebrûlés. 

Les  procédés  que  nous  venons  de  décrire  ne  s'em- 
ploient pas,  à  beaucoup  près,  pour  toutes  les  pièces 
ouvertes  qui  se  fabriquent  en  verrerie  :  pour  beau- 
coup, on  a  conservé  l'ancien  mode  de  rognage  avec 
les  ciseaux;  les  services  de  table  courants,  dont  les 
bords  ont  une  certaine  épaisseur,  ne  se  prêtent 
pas  à  ce  genre  de  décalotage  ;  mais,  pour  les  services 
minces  et  demi-minces  et  pour  une  foule  de  pièces 
légères,  cette  méthode  présente  un  perfectionnement 
fort  important  :  il  réalise  une  économie  considérable 
en  supprimant  ou  en  limitant  le  rôle  du  chef  de  place, 
ouvrier  dont  le  salaire  est  toujours  élevé;  la  quan- 
tité de  verre  utilisé  est  aussi  notablement  plus  grande. 
On  obtient  par  ce  moyen  des  services  légers,  élé- 
gants et  d'une  parfaite  régularité  :  pour  les  verres  à 
pied,  par  exemple,  la  coupe  se  fait  dans  le  même 
moule,  la  jambe  dans  la  même  pince;  ces  deux  par- 
ties ont  toujours  la  même  forme  et  le  rognage  s'opère 
toujours  à  la  même  hauteur  :  les  verres  minces  ainsi 
fabriqués  ont  pris,  depuis  quelques  années,  une 
place  considérable  dans  le  commerce,  pouvant  être 
livrés  désormais  à  des  prix  très-modérés. 


CRISTAL.  415 

Cristal  durci  par  la  trempe.  —  Le  procédé  de  M .  de 
la  Bastie  pour  durcir  le  verre  est  sorti  de  sa  période 
d'essai  pour  entrer  dans  la  pratique.  La  cristallerie 
de  Choisy-le-Roi  livre  aujourd'hui  au  commerce  des 
cristaux  qui  ont  subi  l'opération  de  la  trempe  et  dont 
la  solidité,  disent  les  marchands,  est  trente  fois  plus 
grande  que  celle  des  cristaux  ordinaires. 

La  question  du  verre  durci  a  été  déjà  traitée  ;  mais 
elle  a  marché  plus  vite  que  l'impression  de  ce  livre 
et  elle  a  fait,  pour  le  cristal,  un  progrès  considérable  ; 
aussi  je  croîs  devoir  y  revenir,  en  empruntant  à 
une  publication  de  M.  Bourée,  ancien  élève  de  l'École 
centrale*,  une  partie  des  renseignements  qui  suivent  : 

Je  rappellerai  que,  pour  tremper  le  verre,  on  l'im- 
merge, étant  chauffe  au  rouge,  dans  un  bain  qui  est 
lui-même  à  une  température  déterminée.  La  trempe 
est  d'autant  plus  énergique  que  le  refroidissement 
a  été  plus  considérable;  mais  'si  le  bain  est  trop 
froid,  le  verre  se  brise  :  on  est  ainsi  conduit  à  déter- 
miner la  température  minima  que  le  bain  doit  avoir 
pour  tremper  le  verre  chauffé  jusqu'au  degré  auquel  il 
est  ramolli  :  elle  varie  avec  la  composition  du  verre, 
avec  la  forme,  l'épaisseur  et  la  dimension  des  pièces 
et  aussi  avec  la  température  du  verre  lui-même. 
On  peut  admettre  d'une  manière  générale  que  le 
bain  doit  être  d'autant  plus  chaud  que  le  verre  est 
moins  fusible  ;  ainsi  le  verre  de  Bohême,  qui,  étant 


1,  Notes  sur  le  ven*e  trempé,  par  M.  Bourée  (Bulletin  mensuel  de 
rAssociation  amicale  des  anciens  élèves  deTÉcole  centrale  des  arts 
et  manufactures,  août  1876). 


446  LE  VERRE 

très-siliceux,  ne  fond  qu'à  une  température  très- 
élevée,  se  trempe  dans  un  bain  atteignant  au  moins 
300  degrés  ;  le  verre  ordinaire,  à  base  de  soude,  dans 
un  mélange  d'huile  et  de  graisse  de  150  à  300  degrés; 
le  cristal,  qui  se  ramollit  à  une  température  bien 
plus  basse,  dans  un  bain  de  graisse  porté  à  60  à 
80  degrés  seulement. 
Le  mélange  suivant  : 

Sable 300 

Potasse  ou  soude 100 

Minium 50- 

fournit  un  verre  qui  donne,  à  la  trempe,  de  bons 
résultats  ^ 

La  graisse,  préalablement  chauffée  pendant  plu- 
sieurs jours  à  110  degrés,  complètement  privée  d'eau, 
par  conséquent,  est  seule  employée  pour  la  trempe 
du  cristal  ;  l'emploi  de  l'huile  rend  le  nettoyage 
des  pièces  plus  dispendieux;  malgré  cet  incon- 
vénient, on  est  obligé,  lorsque  la  trempe  exige  une 
température  comprise  entre  150  et  300  degrés, 
de  faire  usage  d'un  mélange  de  trois  parties  d'huile 
de  lin  et  d'une  partie  de  graisse. 

Il  est  essentiel,  pour  le  succès  de  l'opération, 
que  la  température  de  la  pièce  à  tremper  soit  par- 
faitement uniforme  dans  toutes  ses  parties  :  lorsque 
l'objet  façonné  sort  des  mains  du  chef  de  place,  il 
convient  de  le  remettre  à  l'ouvreau  pour  assurer 

1.  Ce  verre  ne  contiendrait  guère  que  le  tiers  de  la  quan- 
tité d'oxyde  de  plomb  renfermée  dans  le  cristal  ordinaire,  soit 
11  à  12  pour  100. 


CRISTAL.  417 

régale  répartition  de  la  chaleur;  celle-ci  doll  éire 
bien  régulière  dans  TouTreau  :  on  obtient  ce  dernier 
résultat  en  y  faisant  brûler  des  bûchettes  qu'on  a  le 
soin  de  répartir  bien  unifonnément.  Enfin  la  matière 
vitreuse  contenue  dans  les  creusets  doit  présenter 
elle-même  une  parfaite  homogénéité. 

La  pièce,  étant  convenablement  réchauffée,  est 
plongée  rapidement  dans  le  bain  ;  celui-ci  est  con- 
tenu dans  une  cuve  cylindrique  en  tôle,  placée  sur 
le  sol  de  Tusine  et  à  proximité  de  Touvreau  ;  détachée 
de  son  pontil  par  un  petit  coup  sec,  elle  est  reçue 
sur  un  crochet  mobile  en  fer,  puis  elle  tombe  dans 
un  panier  en  toile  métallique  plongé  dans  la  cuve. 
Il  importe  de  laisser  le  cristal  se  refroidir  graduel- 
lement dans  le  bain;  à  cet  effet,  la  cuve,  garnie  des 
pièces  immergées  dans  la  graisse,  est  amenée  dans 
une  chambre  maintenue  à  ftO  degrés,  c'est-à-dire  au 
point  de  fusion  de  la  matière  grasse. 

Au  bout  de  quatre  à  cinq  heures,  le  panier  est 
retiré  du  bain  et  les  verres,  rangés  sur  des  claies,  sont 
introduits  dans  une  étuve  dite  d'égouUage  chauffée  à 
40  degrés.  Ils  sont  ensuite  plongés  successivement 
dans  un  bain  chaud  de  soude  caustique,  puis  dans  de 
Feau  à  50  degrés  ;  Teau  à  la  température  ordinaire 
complète  le  rinçage.  Essuyés,  ils  sont  portés  au 
magasin  pour  être  triés.  Le  verre  trempé  se  taille  et 
se  grave  aussi  facilement  que  le  verre  ordinaire. 

Nous  avons  vu  que  pour  les  verres  autres  que  le 
cristal,  on  se  sert  d'huile  au  lieu  de  graisse  ;  le  net- 
toyage est  alors  beaucoup  plus  dispendieux,  étant 
fait  au  moyen  de  l'essence  de  térébenthine. 

P  B  Li  G  0  T ,    Le  Verre.  27 


41S  L£   VERRE. 

Dans  une  cristallerie,  T installation  de  la  trempe, 
faite  d'une  façon  continue,  n'entraîne  pas  à  des  frais 
bien  considérables;  en  établissant  le  prix  de  revient 
pour  chaque  objet  et  en  admettant  10  pour  100  de 
casse  et  de  déformation,  ce  prix  serait  approxi- 
mativement, d'après  M.  Bourée  : 

Pour  les  gobelets  de  toutes  formes,  de  0^,022  à  0,025 

Pour  les  verres  à  gaz de  0 ,030 

Pour  les  verres  de  lampe  ....      de  0,040 

Pour  les  globes  de  lampe de  0,050 

La  trempe  du  verre  ordinaire  revient  à  un  prix 
•  notablement  plus  élevé  ;  l'opération  s'exécutant  dans 
l'huile  à  une  plus  haute  température,  la  perte  du 
liquide  par  évaporation  est  plus  grande  et,  comme 
nous  l'avons  dit,  le  nettoyage  des  pièces  est  bien 
plus  dispendieux. 

Prix  de  revient  du  cristal.  —  D'après  M.  Emile 
Godard,  directeur  de  Baccarat,  on  emploie  pour 
obtenir  100  kilogrammes  de  cristal  vénal,  144  kilo- 
grammes de  matières,  qui  sont  : 

Sable 72  kil. 

Minium AS 

Potasse 24 

Ensemble iM  kil. 

Ces  matières  perdent  13  à  15  pour  100  à  la  foute, 
suivant  la  manière  dont  elle  est  conduite  et  suivant 
l'état  de  ces  matières,  soit  en  moyenne  14  pour  100 


CRISTAL.  419 

OU  20  kilogrammes.  On  a  donc  i2li  kilogrammes  de 
cristal  fondu. 

La  perte  est  due  :  1**  à  Tévai  oration  de  l'eau  de 
la  potasse  et  à  Facide  carbonique  qui  se  sép<ire  de 
ce  sel;  2**  au  dégagement  de  Toxygène  provenant  de 
la  décomposition  du  miuium;  cet  oxygène  est  utile 
pour  brasser  la  niatière  et  pour  brûier  les  traces  de 
matières  organiques  que  la  composition  peut  renfer- 
mer :  on  a  vainement  tenté,  ainsi  que  nous  Tavons 
dit^  de  faire  du  beau  cristal  avec  la  li charge  ou  avec 
le  massicot;  3°  aux  matières  perdues  dans  le  mélange, 
et  l'enfournement,  et  lorsque  les  creusets  viennent 
à  casser. 

Une  portion  de  C6  cristal  fondu  reste  adhérente 
aux  creusets,  dont  elle  constitue  ïenverrage;  une 
autre  portion  est  séparée  avant  ou  pendant  le  travail, 
sous  forme  d'impuretés  qui  remontent  à  la  surface 
du  verre  fondu  :  ce  sont  les  escramures.  Une  quantité 
notable  de  verre  s'attache  aux  outils,  d'où  on  le 
retire  plus  ou  moins  incrusté  de  fer  ;  une  autre 
tombe  en  rognures  sous  les  ciseaux  du  verrier  ;  il  y 
a,  en  outre,  des  pièces  manquées,  du  verre  gaspillé 
par  les  ouvriers  ou  les  apprentis.  Tous  ces  débris 
pèsent  plus  que  le  cristal  converti  en  objets  ven- 
dables; mais  tout  n'est  pas  perdu;  une  partie,  après 
avoir  été  traitée,  triée  et  nettoyée,  rentre  dans  les 
fontes  suivantes.  Le  véritable  déchet  s'élève,  en 
moyenne,  à  li  pour  100,  soit  17^.1.  Ainsi  ilili  kilo- 
grammes de  composition,  ayant  donné  121  kil.  à  la 
fonte,  représentent  106^9  de  cristal  fabriqué. 

Enfin,   pour  dépontiller  ou  flelter  le  cristal  uni 


420  LE    VERRE. 

et  ramener  àVétat  convenable  pour  la  vente,  on  lui 
enlève  environ  6  pour  100  de  son  poids;  de  sorte 
que  ses  144  kilogrammes  de  composition  donnent,  en 
définitive,  100  kilogrammes  de  cristal  uni  dépon- 
tillé.  La  fonte. et  le  travail  de  ces  100  kilogrammes 
exigent,  avec  les  anciens  fours,  720  kilogrammes  de 
houille.. 

Pour  le  cristal  fait  au  bois,  on  consomme  2  stè- 
res 90  de  bois  iséché  pour  100  kilogrammes  de  pro- 
duit marchand. 

Avec  ces  données  et  d'autres,  empruntées  à 
l'Enquête  faite  en  J860,  on  arrivait  approximati- 
vement au  prix  de  revient  de  ces  100  kilogrammes 
de  cristal  : 

Sable  lavé  à  3  fr.  les  100  kilogr 2  fr.  16  c. 

Minium  à  80  fr.  les  100  kilogr 39       hO 

Potasse  à  153  fr.  les  100  kilogr.  (à  100*^).  .  37       20 

Houille  à  25  fr.  la  tonne 18       00 

96  fr.  76  c. 

soit  environ  1  franc  le  kilogramme. 

Avec  la  main-d'œuvre,  l'intérêt  du  capital  engagé, 
l'amortissement,  etc.,  le  cristal  usuel  non  taillé 
revenait  en  France  à  200  ou  225  francs  les  100  kilo- 
grammes ;  le  cristal  taillé  ordinaire,  à  300  francs. 

Depuis  cette  époque,  le  prix  de  la  potasse  a 
baissé  et  l'emploi  des  fours  Siemens  a  diminué  nota- 
blement la  consommation  du  combustible. 

D'après  M.  Lelièvre,  du  Val-Saint-Lambert,  le  cris- 
tal fondu,  prêt  à  être  travaillé,  revenait  en  Belgique, 
à  la  même  époque,  à  65  ou  70  centimes  le  kilogramme. 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         424 


V£RRBS  ET   CRISTAUX  DE   FANTAISIE,   TRANSLUCIDES, 
OPAQUES,    INCOLORES    OU    COLORÉS. 

Depuis  une  trentaine  d'années,  il  s'est  produit 
dans  notre  industrie  du  veri:e  une  véritable  révo- 
lution qui  a  réalisé  d'immenses  progrès;  autrefois 
on    n'y  produisait  guère  que   du   verre    blanc    et 
quelques  verres  colorés  :  aujourd'hui,  il  n'est  aucun 
genre  de  produit  qui  ne  soit   fabriqué  avec  un  tel 
succès  que  nos  verriers  n'ont  plus  rien  à  apprendre 
de  ceux  de  la  Bohême  ou  de  Venise,  La  fabrication 
de    ces  produits  date  de   1837,   époque  a  laquelle 
des  prix  pour  cette  création  ont  été  offerts,  sur  la 
proposition  de  M.  Dumas,  par  la  Société  d'encoura- 
gement pour  l'industrie  nationale.  Ces  prix  ont  été 
remportés  en  1839,  par  M.  E.  de  Fontenay,  pour  la 
fabrication  du  verre  teint  dans  la  masse  et  du  verre 
à  deux  couches  ;  par  M.  Bontemps,  pour  les  verres  à 
vitre    de    couleur,    et   par   MM.    de   Fontenay   et 
L.    Robert,   pour  la  peinture   et  la  décoration  des 
objets  de  gobeleterie. 

La  verrerie  de  Vallerysthal,  que  dirigeait  alors 
M.  de  Fontenay,  a  donné  la  première  impulsion 
pour  la  fabrication  des  verres  doublés,  triplés,  fili- 
granes, rubanés,  etc.  Cet  exemple  a  été  bientôt  suivi 
par  d'autres  verreries  et  surtout  par  les  cristalleries  : 
non-seulement  elles  se  sont  livrées  à  la  fabrication 
des  objets  de  fantaisie,  mais  elles  ont  beaucoup 
empiété  sur  le  domaine  de  la  céramique  proprement 
dite,  en  produisant  d'énormes  quantités  de  vase*  H 


iiîî  LE   VERRE. 

d'objets  de  toute  espèce  en  opale  et  en  pâte  de  riz, 
qui,  livrés  à  lu  décoration,  reçoivent  la  dorure  et  la 
peinture,  et  luttent  avec  avantage  avec  les  produits 
similaires  en  porcelaine. 

La  cristallerie  de  Baccarat  s'est  particulièrement 
distinguée  dans  ce  gen-re  de  fabrication  :  elle  produit 
chaque  année  une  immense  quantité  de  vases  peints 
et  décorés,  d'objets  de  toutes  sortes  en  verre  de  cou- 
leur, doublés,  triplés,  filigranes,  etc.  On  rencontre 
dans  ses  magasins,  à  côté  des  pièces  les  plus  riches, 
ornementées  parla  taille,  la  g^ravure  ou  la  peinture, 
une  foule  d'objets  de  fantaisie,  montés  en  bronze 
doré  ou  en  bois  sculpté,  aussi  remarquables  parleurs 
formes  élégantes  que  par  la  modicité  de  leurs  prix  ; 
ces  objets  donnent  lieu  à  une  exportation  considé- 
rable; le  goût  qui  préside  à  leur  ornementation  en 
a  fait  de  véritables  articles  de  Paris.  Les  cristalleries 
de  Saint-Louis  et  de  Clichv  ont  suivi  les  mêmes 
errements  et  ont  aussi  beaucoup  contribué  à  faire 
rechercher  les  verreries  françaises  sur  tous  les  mar- 
chés du  monde. 

Verre  opale.  —  Ce  genre  de  verre  translucide, 
à  reflets  jaunes  et  rougeâtres,  d'un  aspect  chatoyant 
à  la  lumière  artificielle,  est  plus  facile  à  produire  et 
à  travailler  avec  le  cristal  qu'avec  le  verre  sans 
plomb.  Aussi  les  cristalleries  françaises  en  fabriquent 
des  quantités  considérables,  ce  produit  ayant  acquis 
une  grande  importance  pour  les  objets  très-variés 
qui  sont  destinés  à  être  peints.  L'opalisation  s'obtient 
en  ajoutant  à  la  composition  du  phosphate  de  chaux 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         4*3 

en  poudre,  provenant  de  la  calcination  à  blanc  des 
tibias  de  mouton.  La  proportion  d*os  calcinés  qu'il 
convient  d'employer  varie,  d'après  M.  Didierjean, 
avec  la  nature  de  la  composition.  Quand  le  verre  est 
très-chargé  de  silice,  il  peut  dissoudre  de  grandes 
quantités  de  phosphate  de  chaux  sans  qu'il  soit  pos-< 
sible  de  produire  l'opalisation,  même  par  de  nom- 
breux réchauffages  de  la  pièce  dans  le  four.  Si  le 
verre  est  basique,  de  faibles  quantités  de  cette 
matière  suffisent  pour  obtenir  ce  résultat.  Au 
moment  du  cueillage,  le  verre  est  transparent;  c'est 
par  le  rechauffage  des  pièces,  pendant  qu'elles  sont 
façonnées,  que  l'opalisation  se  développe. 

Dans  un  verre  à  base  de  soude  et  de  chaux, 
chargé  d'alcalis,  9  à  10  pour  100  d'os  calcinés  suf- 
fisent pour  donner  un  produit  qui,  transparent  dans 
le  creuset,  s'opalise  pendant  le  travail  des  pièces. 

La  composition  suivante  est  employée  dans 
quelques  verreries  : 

Sable 125 

Salin  calciné /iO 

Carbonate  de  soude  à  90" 40 

Phosphate  de  chaux 40 

En  ajoutant  du  minium,  on  obtient  facilementl'opa- 
lisation  avec  4  à  5  pour  100  de  phosphate  de  chaux. 

Dans  plusieurs  de  nos  cristalleries,  on  fait  usage 
de  la  composition  suivante 

Sable 600 

Carbonate  de  potasse  sec 150 

Minium 450 

Os  calcinés 48 


y 

«4  LE    VERRE. 

En  doublant  la  dose  d'os  calcinés,  le  verre  devient 
opale  dans  le  creuset. 

Pour  produire  Topale  chatoyant ,  à  reflets  rou- 
geâtres,  la  proportion  de  phosphate  doit  être  faible  : 
elle  varie  de  5  à  6;  pour  les  objets  destinés  à 
la  peinture,  vases  et  autres  pièces,  elle  est  de 
7  à  8;  pour  les  cristaux  d^éclairage,  les  abat- 
jours,  les  réflecteurs,  etc.,  elle  peut  aller  jusqu'à 
10  pour  100  de  la  composition.  L'addition  de 
quelques  centièmes  d'acide  arsénieux  augmente 
Fopacité,  tout  en  donnant  à  la  composition  une 
plus  grande  fusibilité. 

L'opalisation  est  le  résultat  de  la  précipitation  du 
phosphate  de  chaux  dans  le  verre  pendant  son  travail  ; 
c'est  ce  qu'on  peut  constater  en  traitant  à  froid  du 
verre  opale,  réduit  en  poudre  très-fine,  par  un  acide 
très-dilué;  on  obtient  ainsi  une  dissolution  de  phos- 
phate de  chaux. 

Verre  opalisé  par  le  fliu))^re  de  calcium.  —  Depuis 
un  certain  nombre  d'années,  l'opale  au  phosphate 
de  chaux,  dont  la  fabrication  remonte  à  une  époque 
très-ancienne,  se  trouve  en  très-grande  partie  rem- 
placé par  l'opale  au  fluorure  de  calcium  (spath  fluor). 
Ce  dernier  verre  n'a  pas  les  reflets  rougeâtres  de 
Topale  ancien.  Il  convient  beaucoup  mieux  pour  les 
globes  de  lampe,  les  réflecteurs  et  les  abat-jours;  il 
est  assez  opaque  pour  diB'user  la  lumière  de  façon  à 
masquer  le  point  lumineux;  il  est  d'un  blanc  de  lait, 
et  se  rapproche  plus  du  beau  verre  pâte  de  riz  que 
de  Fopale.  Ce  produit  a  été  fabriqué  pour  la  pre- 


Ô^ 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.  42îi 

mière    fois  par  M.    Paris,    maître   de  verrerie  au 

Bourget.  Dans  celte  sorte  de  verre  le  fluorure  de 
calcium    reste   aussi    en   suspension  dans  la   pâte 

vitreuse  ;    on    obtient   ce    produit   en   ajoutant  au 

cristal  4  à  5   pour   iOO  de  spath  fluor  réduit  en 
poudre  très-fine. 

La  composition  à  employer  est  la  suivante  : 


Sable 100 

Minium 32  à  35 

Potasse 27  à  28 

Spath  fluor 14  à  16 


La  cryolilhe  (fluorure  de  sodium  et  d'aluminium), 
ajoutée  en  poudre  très-fine,  donne  le  même  résultat 
que  le  spath  fluor.  Ce  verre  est  difficile  à  travailler 
et  sujet  à  se  dévitrifier. 

Verres  semi-^opaques.  —  11  est  une  sorte  de 
verre  connue  sous  le  nom  de  /îd^e  de  riz  ou  de  verre 
d'albâtre  qu'on  fabrique  maintenant  en  très-grande 
quantité  non-seulement  dans  les  verreries  mais  aussi 
dans  les  cristalleries,  bien  qu'il  soit  toujours  exempt 
de  plomb.  On  en  tire  un  excellent  parti  pour  les 
objets  de  table  et  de  toilette  et  aussi  pour  une  multi- 
tude d'objets  de  fantaisie,  montés  sur  cuivre,  sur 
bronze  doré  ou  sur  bois. 

Le  verre  d'albâtre  a  été  d'abord  produit  par  les 
Bohèmes.  On  n'y  trouve  que  les  éléments  ordinaires 
du    verre'  et   sa   composition   ne    diff'ère  de  celle 


4Î6  LE    VERRE. 

du  verre  allemand  que  par  une  quantité  plus  faible 
de  chaux.  Voici  son  analyse  : 


Silice 

Potasse 

Chaux 

Alumine  et  oxyde  de  fer. 
Acide  phosphorique .   .   . 


1. 

2. 

80,7 

79,4 

17,8 

16,8 

0,7 

2,8 

0,8 

» 

» 

1.0 

100,0  100,0 


1.  Échantilloa  que  j*ai  analysé  en  18i5;  je  l*avais  rapporté  d*une  fabrique 
de  Bohême.  J'y  ai  constaté  la  présence  du  sulfate  de  potasse. 

2.  Autre  verre  d'albâtre,  analysé  plus  récemment  par  un  chimiste  allemand, 
M.  Stein. 


On  n'est  pas  d'accord  sur  la  cause  qui  amène  le 
verre  à  cet  état  de  semi-transparence.  Les  uns  pré- 
tendent que  c'est  le  résultat  d'une  vitriflcation 
incomplète;  d'autres  l'attribuent  à  des  bulles  de  gaz 
emprisonnées  dans  la  masse  vitreuse  ou  à  des  sels 
neutres  qui,  en  devenîant  libres,  viennent  troubler  la 
transparence  du  verre  ;  d'autres  à  la  précipitation 
d'une  partie  de.  la  silice.  Dans  mon  opinion,  elle  est 
due  à  un  commencement  de  dévitrification,  ainsi 
que  j'ai  eu  occasion  de  le  dire  précédemment 
(page  49).  Sans  qu'il  soit  possible  de  produire  à 
l'appui  de  cette  hypothèse  des  preuves  irrécusables, 
on  doit  admettre  que  si  ce  verre  était  le  résultat  d'une 
fusion  incomplète,  il  serait  rugueux,  parsemé  de 
grains  de  sable  et  de  bulles  d'un  volume  inégal  ;  il 
est,  au  contraire,  d'un  grain  très-fin  et  très-homo- 
gène quand  il  est  bien  réussi.  Si  sa  formation  était 
due  à  des  sels  neutres,  il  serait  rempli  de  veines  ; 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE  FANTAISIE.         «7 

d'ailleurs,  avant  de  prendre,  par  un  abaissement 
convenable  de  température,  cet  état  particulier,  la 
niasse  vitreuse  est  parfaitement  fondue  et  affinée. 
Les  conditions  dans  lesquelles  la  dé  vitrification  se 
produit,  en  donnant  naissance  à  un  silicate  autre 
que  celui  qui  forme  la  masse  vitreuse  prise  dans  son 
ensemble,  expliquent,  à  mon  sens,  la  formation  du 
verre  dit  pâte  de  riz.  Je  dois  ajouter  que  les  verres 
qui,  par  leur  composition,  sont  rebelles  à  la  dévitri- 
fication, sont  impropres  à  le  produire  :  parmi  eux 
se  trouve  le  cristal. 

Pour  fabriquer  cette  sorte  de  verre,  il  convient 
d'employer  la  potasse  à  bas  titre;  on  y  ajoute  même 
souvent  un  peu  de  sulfate  de  potasse  ou  de  chaux  ; 
cette  dernière  base  est  elle-même  un  obstacle  à  la 
semi-opacité;  aussi,  certaines  pâtes  de  riz,  qui  n'en 
contiennent  pas,  sont  hygrométriques.  On  corrige 
ce  défaut  par  l'addition  de  ce  corps  à  très-faible 
dose  sous  formé  de  phosphate  ou  de  sulfate.  Il  y 
aurait  peut-être  lieu  de  remplacer  cette  base  par  la 
magnésie  ;  mais  cet  essai  n'a  pas  été  tenté. 

La  composition  généralement  employée  pour  ces 
verres  est  la  suivante  : 

Sable  bien  lavé  et  pur 100  kilogrammes. 

Potasse  hydratée  à  bas  titre 50  à  55      — 

Chaux  à  rétat  de  phosphate  ou  de  sulfate.    10  — 

On  ajoute  quelquefois  un  peu  de  nitre  pour 
brûler  les  substances  organiques  qui  peuvent  se 
rencontrer  dans  les  matières  employées. 

Cette  composition  fond  plus  vite  que  celle  du  verre 


4â8  LE  VEURE> 

fm  ordinaire.  Il  importe  de  brusquer  la  fusion  de  la 
matière  et  de  n'enfourner  que  quand  le  four  est  à  une 
haute  tenopérature;  lorsque  la  composition  est  bien 
fondue  et  qu'on  s'aperçoit  que  la  matière  devient 
transparente,  il  faut  arrêter  la  fonte  et  laisser  la  tem- 
pérature s'abaisser;  ce  sont  les  conditions  les  plus 
favorables  à  la  cristallisation  du  verre,  à  la  dévitri- 
fication;  on  sait,  en  effet,  que  le  verre  dévitrifié  re- 
devient transparent  lorsqu'il  est  convenablement 
réchauffé;  on  s'appuyait  même  sur  ce  fait,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit  précédemment,  pour  lui  attribuer  la 
même  composition  qu'au  verre  normal. 

Après  le  temps  voulu  pour  rendre  l'affinage  bien 
complet,  on  travaille  la  pâte  de  riz,  comme  on  le  fait 
pour  le  verre  fin  ordinaire. 

Verres  pâte  de  riz  colorés.  — Au  moyen  des 
oxydes  métalliques,  on  obtient  des  colorations  qui 
représentent  une  palette  assez  variée  :  celles  que 
l'on  produit  le  plus  souvent  sont  les  suivantes  : 

Bleu  céleste.  —  8  à  12  millièmes  d'oxyde  noir  de 
cuivre  ajoutés  à  la  composition  blanche  indiquée 
ci-dessus;  soit  800  à  1,200  grammes  pour  100  kilo- 
grammes de  cette  composition. 

Chrysoprase  ou  vert  perroquet,  —  Pour  la  même 
quantité  de  composition  blanche  700  à  800  grammes 
d'oxyde  d'uranium  jaune  (uranate  d'ammoniaque) 
et  400  à  500  grammes  d'oxyde  de  cuivre» 


TERRES  ET  CRISTAUX  DE    FANTAISIE.         4Ï9 

Bleu  clair.  —  75  à  80  grammes  d*oxyde  de  cuivre 
pour  100  kilogrammes  de  composition. 

Vert  clair.  —  A  la  même  quantité  de  cette  com- 
position, on  ajoute  100  à  120  grammes  d*oxyde 
jaune  d'uranium  et  60  à  70  grammes  d*oxyde 
de  cuivre. 

Jaune  citron.  —  3  à  ù  kilogrammes  d'oxyde  jaune 
d'uranium  pour  100  kilogrammes  de  composition 
blanche  et  même  davantage  si  on  veut  arriver  à  une 
nuance  plus  foncée. 

Gris  pigeon.  —  1  gramme  à  l8%5  d'oxyde  de  cobalt 
suffisent  pour  colorer  100  kilogrammes  de  compo- 
sition blanche. 

Les  nuances  peuvent  varier  à  l'infini,  suivant  les 
proportions  des  oxydes  colorants.  Pendant  le  travail, 
la  température  du  four  doit  être  maintenue  bien 
régulière;  autrement  la  dévitrificatîon  marche  trop 
rapidement.  Ce  verre  est  peu  malléable  et  se  prête 
difficilement  au  travail  de  la  presse.  Aussi  fait-on 
peu  d'objets  moulés  en  pâte  de  riz,  à  moins  qu'ils 
ne  soient  façonnés  au  souffle  ou  au  piston. 

Émail.  —  Ce  verre  est  produit  au  moyen  de 
l'acide  slannique  ou  de  l'acide  arsénieux  que  l'on 
met  en  suspension  dans  la  pâte  vitreuse  ;  c'est  un 
verre  très-basique,  très-riche  en  plomb  et  fusible  à 
une  température  peu  élevée.  Il  est  employé  dans 
des  conditions  très-variées  ;  on  s'en  sert  pour  recou- 


430  LE   VERRE. 

vrir  les  plaques  de  cuivre  pour  les  cadrans  de  pendule 
et  de  montre,  et  aussi  les  plaques  de  fer  pour  les  noms 
des  rues,  les  numéros  des  maisons,  etc.  ;  M,  Paris,  du 
Bourget,  a  beaucoup  perfectionné  ce  dernier  genre  de 
produit  qu'il  emploie  aussi  pour  faire  des  vases  de 
jardin  en  fonte,  avec  dessins  bleus  sur  fond  blanc, 
imitant  les  anciennes  faïences  de  Rouen  :  ces  fontes 
émaillées  résistent  bien  à  l'action  des  agents  atmos- 
phériques. On  fait  en  émail  incolore  ou  coloré  des 
tubes,  des  perles,  des  plaques  dont  on  lire  les  petits 
cubes  servant  à  faire  les  mosaïques  en  verre;  cette 
matière  entre  dans  la  fabrication  des  verres  doublés 
et  triplés.  Les  abat-jour  des  lampes  sont  souvent 
en  cristal  blanc  doublé  d'émail. 

L'émail  servant  à  recouvrir  la  poterie  de  fer  des- 
tinée aux  usages  de  la  cuisine,  ne  doit  pas  contenir 
trace  d'acide  arsénieux  ;  son  opacité  est  due  à  l'acide 
stannique.  Pour  cette  poterie,  l'émail  ordinaire,  lors- 
qu'il est  trop  chargé  de  plomb,  présente  lui-même 
de  graves  inconvénients;  comme  il  est  attaquable 
par  les  acides  faibles,  par  le  vinaigre,   par   le  sel 
marin,  les  aliments  préparés  dans  ces  vases  émaillés 
peuvent  renfermer  des  sels  de  plomb,  lesquels  sont, 
comme  on  sait,  vénéneux,  même  à  très-faible  dose. 
On  a  souvent  signalé  des  empoisonnements  produits 
par  leur  usage.  M.  Paris  fabrique  des  poteries  salubres 
avec  une  couverte  en  cristal  transparent,  résistant  à 
l'action  des  acides  et  des  alcalis.  Chez  MM.  Dietrich 
et  C*%  de  Niederbronn,  onémaille  la  poterie  de  fer  au 
moyen  d'un  verre  très-riche  en  silice,  exempt  de 
plomb  et  d'étain;  l'opacité  est  donnée,  comme  dans 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE. 


431 


le  verre  d'albâtre,  par  un  dépôt  de  silice  ou  de  verre 
dévitrifié. 

Pour  faire  des  verres  ou  des  cristaux  à  trois 
couches,  l'émail  blanc  est  indispensable. 

L'un  des  procédés  pour  le  préparer  consiste  à 
faire  brûler  à  l'air  un  alliage  formé  de  15  parties 
d'étain  et  de  100  de  plomb.  On  obtient  ainsi  une 
sorte  de  potée  d'élain  qu'on  pulvérise,  qu'on  délaye 
dans  l'eau,  et  dont  on  recueille,  par  décantation, 
les  parties  les  plus  ténues  :  c'est  ce  qu'on  appelle 
la  calcine. 

On  fond  dans  un  creuset  200  parties  de  calcine 
avec  100  de  sable  et  80  de  potasse  purifiée. 

L'analyse  de  trois  échantillons  d'émail  a  donné  : 


N»  1.  N»  8.  NO  3. 

Silice 31,6  36,0  30,0 

Potasse 8,3  6,0  20,0 

Oxyde  de  plomb .  .   .  50,3  53,0  ZiO,0 

Oxyde  d'étain .   ...  9,8  2,0  10,0 

Acide  arsénieux ...  »  3,0            » 

100,0  100,0  100,0 

Voici,  en  outre,  la  composition  d'un  mélange 
d'émail  et  de  fondants  pour  les  cadrans  de  pendules. 
On  prend  : 

Émail  blanc  (échantillon  n"*  3} /i4 

Sable  blanc 25 

Minium 25 

Nitre à 

Cristal  ordinaire 2 

100 


432  LE    VERRE. 

Un  procédé  simple  et  économique  pour  obtenir 
réraail  blanc  propre  à  la  doublure  ou  à  la  triplure 
du  cristal  consiste  à  employer  l'acide  arsénieux  à 
haute  dose.  Dans  la  plupart  des  cristalleries  fran- 
çaises on  ne  se  sert  plus  guère  que  de  Témail  préparé 
par  ce  procédé.  On  emploie  : 

Sable 100 

Minium 55  à  60 

Potasse 25  à  28 

Os  de  mouton  pulvérisés 10  à  12 

Acide  arsénieux ' .  .   .  12  à  15 

L'émail,  bien  fondu  dans  un  grand  pot  de  terre, 
peut  être  étiré  en  bâtons  comme  les  verres  de  cou- 
leur; pour  s'en  servir,  on  le  ramollit  à  l'ouvreau 
et  les  pièces  sur  lesquelles  on  le  fait  adhérer  sont 
façonnées  dans  les  conditions  précédemment  indi- 
quées. 

Verres  colorés  dans  la  masse.  —  Nous  avons 
vu  que  les  principales  colorations  sont  produites  par 
les  oxydes  de  cobalt,  de  manganèse,  de  cuivre,  de 
fer,  d'uranium  et  de  chrome;  d'autres  substances, 
notamment  l'or,  l'argent,  le  charbon  et  le  soufre, 
sont  aussi  des  matières  colorantes  pour  le  verre. 

On  distingue,  comme  pour  les  vitres  de  couleur, 
les  verres  teints  dans  la  masse  et  les  verres  dou- 
blés ou  à  deux  couches.  On  en  fait,  de  plus,  à 
trois  et  à  quatre  couches  superposées,  dans  le  but 
d'enlever  ensuite  par  la  roue  du  tailleur  une  partie 
de  chacune  de  ces  couches,  et  de  produire  ainsi 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         433 

des  effets  de  coloration  très-variés.  Ces  mêmes 
verres,  dont  la  masse  principale  est  incolore  ou 
colorée,  ou  bien  en  verre  d'albâtre  blanc  ou  de 

■ 

diverses  nuances,  peuvent,  en  outre,  recevoir  de  la 
dorure  et  de  la  peinture  avec  des  couleurs  de  moufle. 
On  voit  combien  sont  grandes  les  ressources  dont  le 
verrier  dispose  pour  obtenir  ces  produits  de  luxe  et 
de  fantaisie. 

J'indiquerai  sommairement  les  moyens  de  pro- 
duire les  principales  colorations. 

Bleti  foncé  ou  bleu  de  roi.  —  Pour  100  kilogrammes, 
de  composition  blanche  (verre  ordinaire  ou  cristal), 
on  ajoute  150  grammes  d'oxyde  de  cobalt,  ou  bien 
350  à  ftOO  grammes  de  safre,  ou  3"^**  ,500  à  4  kilo^ 
grammes  de  bleu  d'azur. 

Vert  clair  ou  vert  bouteille.  —  Cette  couleur  n'est 
guère  employée  dans  la  gobeleterie,  sauf  pour  la 
fabrication  des  verres  à  vin  du  Rhin.  Pour  l'obtenir, 
on  ajoute  à  la  composition  quelques  centièmes  de 
battitures  de  fer  finement  pulvérisées. 

Vert  foncée  vert  jaunâtre.  —  On  ajoute  à  100  kilo-- 
grammes  de  composition  blanche  250  grammes 
d'oxyde  noir  de  cuivre  et  100  à  150  grammes  d'oxyde 
vert  de  chrome.  Comme  ce  dernier  est  difficilement 
fusible  et  produit  souvent  dans  la  masse  des  taches 
vertes,  on  le  remplace  avec  avantage  par  250  grammes 
de  bichromate  de  potasse, 

Peligot,  Le  Verre.  28 


434  LE   VERRE. 

Violet  ou  améthyste.  —  2  kilog.  à  i^'^',5  de  bioxyde 
de  manganèse  et  U  kilog.  à  k)"'^  ,5  d*azotate  de 
potasse  sont  ajoutés  à  100  kilogrammes  de  compo- 
sition blanche. 

Verre  jaune^  couleur  d'ambre  foncé.  —  Cette  couleur 
s'obtient  en  ajoutant  à  iOO  kilogrammes  de  composi- 
tion neuve  (exempte  de  plomb)  2  à  3  kilogrammes 
d'écorce  de  bouleau  pilée.  On  peut  aussi  se  servir 
de  débris  de  cornes  calcinées  et  réduites  en  poudre  ; 
mais  la  teinte  est  souvent  noirâtre.  On  obtient  égale- 
ment une  belle  coloration  jaune  au  moyen  de  la  fleur 
de  soufre.  La  coloration  du  verre  par  le  charbon  ou 
par  le  soufre  dépend  beaucoup  plus,  d'après  M.  Didier- 
jean,  de  la  composition  chimique  du  verre  que  de  la 
quantité  du  principe  colorant  qu'on  y  ajoute.  Pour 
un  verre  basique^  il  faut  une  moindre  proportion  de 
principe  colorant  que  pour  un  verre  acidcy  c'est-à- 
dire  plus  riche  en  silice.  «  C'est,  dit  M.  Didierjean 
dans  les  notes  qu'il  m'a  remises,  la  conséquence  d'une 
loi  générale  qui  ne  se  dément  jamais  en  verrerie  et 
qu'on  peut  formuler  ainsi  :  toutes  les  fois  qu'il  s'agît 
de  mettre  en  suspension  dans  une  pâte  vitreuse,  soit 
des  oxydes  métalliques,  soit  d'autres  corps,  tels  que 
l'acide  arsénieux,  l'acide  stannique,  le  charbon,  le 
soufre,  etc.,  la  coloration,  l'opalescence  ou  l'opacité 
sont  d'autant  plus  marquées,  pour  la  même  quantité 
du  corps  ajouté,  que  le  verre  est  moins  siliceux.  » 

«  En  ce  qui  concerne  le  charbon,  quand  le  verre 
est  acide,  la  couleur  est  d'un  beau  jaune  plus  ou 
moins  orangé;  si  la  quantité  de  silice  est  un  peu 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE  FANTAISIE.         435 

moindre,  le  jaune  tire  sur  le  6run;  si  le  verre  est 
basique,  par  le  travail,  au  réchauffage  des  pièces,  le 
charbon  se  précipite  et  se  met  en  suspension  dans 
la  pâte  vitreuse  qui  devient  noire.  » 

«  On  a  fait  du  verre  jaune  avec  la  composition 
suivante  : 

Sable 150  parties. 

Carbonate  de  soude  à  90°,  bien  purifié  et 

exempt  de  sulfate 55      — 

Carbonate  de  potasse  à  4 5  pour  100  d'eau.  20      — 

Cliaux  éteinte 88      — 

Écorce  de  bouleau  pilée /»,5  — 

«  Le  verre  avait  dans  le  creuset  une  belle  cou- 
leur jaune,  un  peu  orangée  ;  mais  par  le  travail,  les 
pièces,  réchauffées  plusieurs  fois,  devenaient  noires.  » 

«  Avec  la  même  composition,  modifiée  seulement 
en  ce  qui  concerne  le  carbonate  de  soude,  dont  on 
a  employé  hO  parties  au  lieu  de  55,  le  verre  jaune 
obtenu  ne  s'altérait  plus  parle  travail.  » 

«  Le  même  résultat  a  été  constaté  en  ce  qui  con- 
cerne la  coloration  du  verre  par  le  soufre.  Ce  corps, 
dans  la  proportiondel  à4,5pourlOO,  donne  au  verre 
une  belle  couleur  jaune  orangé,  analogue  à  celle  que 
Ton  obtient  avec  le  charbon,  mais  beaucoup  plus  riche 
de  ton  et  d'éclat.  Si  le  verre  est  à  base  de  soude  et 
de  chaux,  la  couleur  est  terne;  avec  le  verre  de 
potasse  et  de  chaux,  elle  est  très-belle.  C'est  d'ail- 
leurs une  propriété  de  la  soude  de  donner  du  verre 
ayant  beaucoup  moins  d'éclat  que  celui  qu'on  obtient 
avec  la  potasse  ;  ce  résultat  est  surtout  très- sensible 
pour  le  verre  jaune  au  soufre.  » 


436  LE  VERRE. 

La  composition  employée  esl  la  suivante  : 

Sable 450  kilogrammes. 

Carbonate  de  potasse 75          — 

Chaux  éteinte 38           — 

Soufre  pilé 2,100    — 

Comme  pour  le  jaune  fourni  par  le  charbon,  la 
composition  doit  être  acide.  Si  elle  est  trop  chargée 
de  bases,  au  réchauffage  des  pièces,  par  le  travail, 
le  soufre  se  précipite  dans  la  pâte  vitreuse  à  l'état 
de  soufre  noir;  avec  une  plus  forte  proportion  de 
soufre  (7  à  10  pour  100);  au  lieu  d'un  verre  jaune,  on 
obtient  un  verre  noir.  Ce  produit,  connu  sous  le  nom 
de  kyalithe,  est  fabriqué  depuis  longues  années  par 
les  Bohèmes. 

Bleu  turquoise.  —  A  100  kilogrammes  de  compo- 
sition blanche,  on  ajoute  !•'»'  ,5  à  l»'"  ,7  d'oxyde  de 
cuivre,  provenant  de  la  calcination  du  sulfate  de 
cuivre. 

Jaune  d^urane  ou  verre  dichroïde.  —  Le  sesquioxyde 
d'uranium  donne  une  couleur  jaune  avec  reflets  ver- 
dâtres  d'une  grande  fraîcheur;  cette  couleur  est  la 
même  que  celle  de  l'azotate  cristallisé  et  d'autres 
composés  salins  fournis  par  cet  oxyde.  On  l'obtient 
en  ajoutant  à  la  composition  blanche,  2,5  à  3  cen- 
tièmes d'uranate  de  potasse  pu  d'ammoniaque.  Le 
produit  est  plus  beau  avec  les  verres  à  base  de 
potasse  (exempts  de  plomb)  qu'avec  ceux  dont  la 
soude  est  le  fondant.  Le  minerai  d'uranium  (pech- 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.        437 

blende),  lavé  et  rédoil  en  poudre  fine,  donne  une 
teinte  verdàtre,  en  raison  de  Toxyde  de  cuivre  qu*il 
renferme  toujours  en  petite  quantité.  On  produit 
aussi  le  vert  d'urane  par  l'addition  à  la  composition 
blanche  de  2  millièmes  et  demi  d'uranate  jaune  et 
de  2  millièmes  d'oxyde  de  cuivre.  M.  E.  de  Fontenay 
a  obtenu  des  verres  jaunes  dichroides  en  remplaçant 
Toxyde  d'uranium  par  l'uranite  d'Autun  (phosphate 
de  sesquioxyde  d'uranium  et  de  chaux);  mais  ce 
minéral  est  trop  peu  abondant  pour  donner  lieu  à 
un  emploi  sérieux  en  verrerie. 

Verre  jaune.  —  Cette  coloration  s'obtient  au  moyen 
de  l'argent.  Ce  n'est  pas  une  couleur  vitrifiable,  car 
elle  s'applique  sans  fondant;  mais  elle  s'incruste, 
pour  ainsi  dire,  et  pénètre  dans  le  verre  à  une  cer- 
taine épaisseur. 

Cette  espèce  de  teinture  est  fort  employée  pour 
les  verres  et  pour  les  cristaux,  notamment  pour  les 
verres  de  Bohême;  sur  ce  fond  jaune,  on  fait  des 
gravures  légères  qui  ont  le  grand  avantage  de  pou- 
voir être  livrées  à  très-bas  prix. 

Les  verres  de  Bohême  prennent  plus  facilement 
la  couleur  jaune  par  l'argent  que  les  verres  français; 
ce  qui  parait  tenir  à  ce  qu'ils  contiennent  dans  leur 
composition  un  peu  d'acide  arsénieux  et  surtout  à 
ce  qu'étant  moins  fusibles,  ils  résistent  mieux  à  la 
température  de  la  moufle  ;  mais  par  l'addition  de 
l'acide  arsénieux  on  donne  au  verre,  quelle  que  soit 
sa  nature,  les  qualités  voulues  pour  prendre  facile- 
ment la  couleur  jaune.  Cette  coloration  est  proba- 


/ 

V 

4.18  LE    VERRE. 

blëment  due  à  une  pellicule  très-mince  et  transpa- 
rente d'argent  à  l'état  métallique. 

Le  composé  d'argent  dont  on  fait  usage  est  le 
chlorure  de  ce  métal  ;  on  le  broie  avec  un  excipient, 
qui  est  ordinairement  l'oxyde  rouge  de  fer;  on 
ajoute  au  mélange  du  sulfure  de  cuivre  et  de  l'acide 
stannique. 

Voici  les  proportions  : 

Chlorure  d^argent 2  à  2,5 

Oxyde  de  fer .10 

Sulfure  de  cuivre 0,5 

Acide  stannîque 1,0 

Ces  niatiëres  sont  broyées  et  appliquées  au  pin- 
ceau; quand  elles  sont  sèches,  on  passe  au  feu  de 
moufle  ;  après  refroidissement  des  pièces,  on  enlève 
le  mortier  au  moyen  d'une  brosse. 

Verre  noir.  —  Cette  couleur  résulte  d'un  mé- 
lange de  plusieurs  oxydes  métalliques,  tels  que  les 
oxydes  de  cobalt,  de  cuivre,  de  fer  et  de  manganèse  ; 
lorsque  le  verre  est  fortement  chargé  de  bases,  on 
peut  faire  le  verre  noir  avec  un  seul  de  ces  oxydes 
qui  reste  en  suspension  dans  la  pâte  vitreuse.  Si,  au 
contraire,  le  verre  est  acide,  c'est-à-dire  très-riche 
en  silice,  il  faut  une  quantité  beaucoup  plus  consi- 
dérable d'oxydes,  et  l'emploi  de  plusieurs  de  ces 
corps  devient  nécessaire. 

Nous  avons  vu  qu'avec  le  soufre  on  obtient 
aussi  un  beau  verre  noir,  en  se  servant,  bien  entendu, 
d'Un  verre  exempt  de  plomb. 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         439 

Verre  rouge  opaque.  —  Le  sesquioxyde  de  fer  et 
le  protoxyde  de  cuivre  fournissent  cette  coloration 
dans  un  verre  basique  ;  avec  ce  dernier  oxyde,  la 
coloration  est  très-riche  de  ton,  et  peut  être  veinée 
de  vert  et  de  noir,  lorsqu'on  fait  en  sorte  de  suroxyder 
partiellement  une  partie  du  cuivre. 

Verre  vert  opaque.  —  Le  sesquioxyde  de  chrome, 
resté  en  suspension  dans  un  verre  basique,  donne 
cette  coloration  ;  si  le  refroidissement  est  lent,  on 
obtient  Faventurine  verte  de  M.  Pelouze,  dont 
nous  parlerons  plus  loia. 

Verres  colorés  pour  bourler  ou  triçler  le 
VERRE  BLANC.  —  On  fabrique  aujourd'hui  en  grande 
quantité  des  verres  à  plusieurs  couches  superposées, 
chaque  couche  ayant  une  coloration  particulière.  Au 
moyen  de  la  taille,  on  enlève  partiellement  une  ou  plu- 
sieurs couches  et  on  obtient  ainsi  des  dessins  très- 
variés  sur  un  verre  incolore,  déjà  coloré  dans  la  masse 
ou  émaillé  soit  intérieurement  soit  extérieurement. 

Les  pâles  colorées,  étant  destinées  à  être  appliquées 
en  couches  très-minces,  demandent  une  coloration 
très-intense  et  exigent,  par  conséquent,  une  forte 
proportion  d'oxydes  métalliques.  D'un  autre  côté, 
ces  verres  doivent  être  plus  doux,  plus  onctueux, 
plus  ductiles  que  la  masse  vitreuse  qu'ils  doivent 
recouvrir,  en  offrant,  ce  qui  est  fort  important,  le 
même  retrait  lors  du  refroidissement  de  la  pièce.  On 
ajoute  à  la  composition  blanche  indiquée  précédem- 
ment quelques   centièmes  de  minium;  une  partie 


1 


440  LE   VERRE. 

de  la  potasse  y  est  introduite  sous  forme  de  nitre, 
dans  le  but  de  maintenir  à  leur  maximum  d'oxyda- 
tion les  oxydes  colorants  dont  on  fait  usage. 

Ces  pâtes  colorées  se  font  dans  de  petits  creusets 
qu'on  laisse  refroidir  après  fusion  et  dont  Tintérieur 
est  cassé  en  morceaux  ;  ceux-ci,  bien  épluchés, 
servent  pour  la  doublure  des  pièces.  On  peut  aussi 
les  préparer  dans  de  grands  creusets;  lorsqu'elles 
sont  bien  fondues  et  bien  affinées  on  en  fait  des 
tubes  massifs  ou  bâtons  dont  on  fait  provision  pour 
ce  genre  de  travail. 

Voici  la  composition  de  ces  verres  colorés  pour 
doublures  : 

Pour  le  bleu  foncé,  on  ajoute  à  100  de  composi- 
tion blanche  2  à  3  d'oxyde  de  cobalt  bien  pur; 
pour  le  vert  foncé,  3  à  3,5  de  bioxyde  de  cuivre  et 
3  de  bichromate  de  potasse  ;  pour  le  violet  améthyste, 
10  de  bioxyde  de  manganèse,  une  parlie  de  la 
potasse  étant  employée  à  l'état  d'azotate  ;  pour  le 
bleu  turquoise,  10  d'oxyde  de  cuivre  provenant  de 
la  calcination  du  sulfate;  ce  verre  doit  être  assez 
riche  en  alcalis. 

Le  rouge  de  cuivre  est  produit  dans  les  mêmes 
conditions  que  celui  des  vitraux,  dans  des  creusets 
de  petite  dimension.  On  mélange  intimement  quelques 
centièmes  de  battitures  de  fer  porphyrisées  avec  du 
verre  pilé  :  après  fusion,  on  retire  le  creuset  du  four 
et  on  y  ajoute  une  quantité  suffisante  d'oxyde  de 
cuivre;  on  remet  le  creuset  au  feu  et  on  brasse  la 
matière  avec  un  crochet  en  fer  jusqu'à  ce  qu'elle 
soit  bien  homogène;  puis  on  la  laisse  se  raffiner. 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         441 

On  obtient  aussi  le  verre  rouge  pour  doublures 
en  ajoutant  à  100  de  verre  pilé  5  à  6  de  potée  d*étain 
qu'on  mélange  intimement  avec  2  d'acide  stannique 
et  2  de  proloxyde  de  cuivre  (oxyde  rouge)  ;  ces  deux 
dernières  matières  ont  été  broyées  séparément.  Le 
tout  est  fondu  rapidement  à  une  température  très- 
élevée;  trois  ou  quatre  heures  suffisent  pour  la 
fusion  de  ce  verre  qui  présente  une  couleur  opaque, 
rouge  de  sang,  qui  est  celle  du  verre  hématin  des 
anciens.  On  casse  ce  produit  en  petits  fragments  qu'on 
conserve  pour  servir  de  doublure.  Quand  la  fonte 
ne  réussit  pas  du  premier  coup,  la  matière  est  pilée 
et  refondue  de  nouveau,  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  la 
couleur  qu'on  veut  obtenir.  Ce  procédé  est  celui  que 
nous  avons  donné  pour  le  verre  pourpre  des  vitraux. 

Ces  fontes  successives  peuvent  être  évitées  en 
ajoutant  au  verre  ou  au  cristal  pilé  1,5  pour  100 
environ  de  protoxyde  de  cuivre  et  une  très-petite 
quantité  de  battitures  de  fer.  On  fond  et  on  coule 
en  plaques.  On  obtient  ainsi  du  premier  coup  un 
beau  verre  pourpre  pour  doublures. 

Verre  rubis.  —  Cette  couleur  est  une  sorte  de 
peinture,  cuite  à  la  moufle.  On  fait  une  pâte  com- 
posée de  sulfure  de  cuivre,  de  battitures  de  fer  et 
d'ocre  rouge  broyés  avec  de  l'essence  de  térébenthine 
et  on  en  couvre  la  surface  du  verre  au  moyen  d'un 
pinceau.  On  cuit  à  la  moufle;  la  surface  du  verre 
présente,  après  cette  première  chauffe, une  teinte  rou- 
geâtre  avec  des  reflets  verdâtres  qui  proviennent  du 
cuivre  fixé;   une  deuxième  cuisson,  faite  dans  une 


442  LE    VERRE. 

moufle  dont  Tatmosphère  est  rendue  réductrice  par 
les  matières  charbonneuses  qu*on  y  introduit,  donne 
au  verre  la  couleur  rouge  due  au  protoxyde  de  cuivre, 
ou  plutôt  à  ce  métal  devenu  libre  ;  mais,  comme  pour 
obtenir  ce  résultat,  il  a  fallu  ramollir  la  masse,  celle-ci 
a  fixé  en  même  temps  un  peu  de  charbon  très-divisé 
qui  lui  donne  une  couleur  terne;  on  est  obligé,  pour 
rendre  le  brillant,  de  lui  faire  subir  une  troisième 
cuisson  dans  une  atmosphère  un  peu  oxydante  ;  on  a 
soin  de  recouvrir  préalablement  d*ocre  les  surfaces 
rubinées  afin  de  les  soustraire  à  l'action  trop  éner- 
gique  de  cette  atmosphère  qui,  sans  cette  précaution, 
effacerait  la  couleur  rouge  obtenue. 

Le  verre  rubis  est  employé  en  Bohême  pour  faire 
des  gobelets,  des  coupes  sur  lesquelles  on  grave  à 
la  roue  des  dessins  représentant  des  animaux,  des 
chasses,  des  vues  de  villes  d'eaux  minérales,  etc. 
Le  procédé,  maintenu  secret  pendant  longues  années, 
est  aujourd'hui  pratiqué  couramment  dans  nos 
cristalleries. 

Verre  rose.  —  Cette  couleur,  qui  est  fort  belle,  ne 
s'emploie  que  pour  doubler;  la  composition  du  verre 
coloré  doit  être  à  peu  près  la  même  que  celle  des 
pièces  sur  lesquelles  elle  doit  être  appliquée. 

La  coloration  est  due  à  l'or  qui  s'y  trouve  à 
l'état  métallique,  dans  un  état  d'extrême  division.  Le 
verre  doré  ne  contient  pas  au  delà  de  un  millième 
d'or,  et  il  n'entre  lui-même  que  pour  une  faible 
quantité  dans  la  pièce  à  doubler. 

Pour  l'obtenir,   après  avoir  dissous  de  l'or  pur 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         443 

dans  une  quantité  suffisante  d'eau  régale,  on  verse 
la  dissolution  étendue  d'eau  sur  le  sable  qui  doit 
entrer  dans  la  composition  du  verre  ou  du  cristal; 
on  dessèche  complètement  le  mélange  dans  une  cap- 
sule de  porcelaine,  en  ayant  soin  de  le  brasser 
avec  une  spatule  de  verre  ou  de  grès  ;  puis  on  ajoute 
les  fondants  qui  doivent  compléter  la  composition; 
si  celle-ci  n'est  pas  du  cristal,  il  est  bon  d'ajouter  un 
peu  de  minium  pour  rendre  le  verre  plus  malléable  et 
d'employer  sous  forme  de  nitre  une  partie  de  la 
potasse.  Ces  matières,  étant  bien  mélangées,  sont 
introduites  dans  un  petit  creuset  qui  est  porté  au 
four  dont  la  température  est  très-élevée  ;  quelques 
heures  suffisent  pour  la  fonte  et  l'affinage.  Le  creuset 
est  ensuite  retiré  et  refroidi  dans  l'arche  à  recuire  ; 
lorsqu'on  le  casse,  on  en  sépare  au  marteau  une 
masse  incolore  ou  légèrement  bleuâtre  ;  on  la  divise 
en  petits  fragments  qui,  ramollis  plus  tard  à  la  flamme 
de  l'ouvreau,  prendront  immédiatement  une  très- 
belle  couleur  rouge. 

Pour  1  kilogramme  de  composition,  on  a  pris 
1  gramme  d'or.  Si  on  n'a  pas  à  sa  disposition  de  l'or 
pur,  on  peut  le  préparer  de  la  manière  suivante  : 
on  fait  dissoudre  dans  l'eau  régale  de  l'or  monétaire  ; 
la  liqueur  est  évaporée  presque  à  siccité  dans  une 
capsule  de  porcelaine,  reprise  par  l'eau,  filtrée  pour 
séparer  la  petite  quantité  d'argent  (transformé  en 
chlorure)  que  contient  habituellement  la  monnaie  ; 
un  courant  de  gaz  sulfureux  en  précipite  l'or  à 
Tétat  de  pureté.  On  arrive  au  même  résultat  en 
faisant  bouillir  la  liqueur,  dans  un  matras  en  verre, 


444  LE    VERRE. 

avec  de  l'acide  arsénieux,  après  qu'elle  a  été  éva- 
porée presque  à  siccité,  étant  fortement  acidulée  par 
l'acide  chlorhydrique. 

L'or  qu'on  obtient  ainsi  est  lavé  par  décantation 
et  séché  ;  il  est  ensuite  redissous  dans  l'eau  régale. 
Une  pièce  d'or  de  20  francs,  pesant  6'*'^  ,450,  doit 
donner  5»*  ,800  de  métal  pur. 

Le  verre  rose  s'obtient  également  au  moyen  de 
la  dissolution  d'or  dans  l'eau  régale  qu'on  mélange 
avec  le  produit  qui  résulte  de  l'action  de  l'acide 
azotique  sur  l'étain.  Les  deux  liqueurs  sont  versées 
sur  le  sable  en  opérant  comme  il  a  été  dit  ci-dessus. 
On  se  sert  aussi,  pour  le  même  objet,  du  pourpre 
de  Cassius.  On  ne  se  rend  pas  bien  compte  du  rôle 
utile  que  l'oxyde  d'étain  peut  avoir  dans  cette  pré- 
paration. 

L'addition  au  mélange  d'une  quantité  infiniment 
petite  d'oxyde  de  cobalt  fournit  la  teinte  un  peu 
violacée  des  feuilles  de  roses. 

L'intensité  de  la  couleur  est  en  raison  de  la  pro- 
portion d'or»  employée.  Pour  doubler  des  verres 
opales  ou  pâte  de  riz,  ou  bien  pour  tripler  sur  émail» 
on  a  besoin  d'un  rose  très-clair.  Dans  ce  cas,  on 
n'introduit  dans  la  composition  que  un  demi-millième 
et  même  que  un  dix-millième  d'or. 

Lorsque  le  cristal  doré  est  longtemps  chauffé, 
étant  convenablement  ramolli,  il  prend  d'abord  la 
couleur  rouge,  puis  il  se  décolore  partiellement  et 
il  présente,  après  refroidissement,  une  teinte  bleuâtre 
avec  des  paillettes  très-fines  d'or  brillant;  on  fait 
avec  ce  produit  des  objets  de  bijouterie  qui  ont  eu 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE,         443 

dans  ces  derniers  temps  une  certaine  vogue,  en  raison 
peut-êlre  de  leur  nouveauté. 

La   fabrication  des  pièces    colorées  en  rose  ou 
en    rouge   groseille  exige    des    soins   particuliers. 
On  fait,    d'une  part,   une  paraison  de  cristal  ordi- 
naire, à  laquelle  on  fait  adhérer  un  petit  fragment 
de  cristal  aurifère;  en  ramollissant  ce  verre  à  Tou- 
vreau,  la  couleur  rouge  se  développe;  on  le  rabat 
avec  les  fers,  on  Tétend  et  on  Fégalise  sur  la  paraison. 
D'autre  part,  on  a  cueilli,  avec  une  autre  canne,  du 
cristal  ordinaire  dont  on  fait  aussi  une  paraison  sur 
laquelle  on  fait  adhérer  celle  à  deux  couches  qu'on 
vient   de   façonner;   après  qu'elle   a   été   convena- 
blement ramollie  à  Touvreau,  on  Tétend,  et  on  la 
rabat,  comme  un  champignon,  avec  les  pinces.  Ou 
a  ainsi  une  pièce  composée  de  trois  couches  ;  celle 
du  milieu  est  aurifère.  La  pièce  est  alors  terminée 
par  les  procédés  ordinaires.  Par  la  taille,  on  entame 
plus  ou  moins  la  couche  aurifère,  et   on   obtient 
ainsi  des  cristaux  blancs  avec  des  dessins   rouges 
ou  roses.  En  opérant  ainsi,  la  couche  d'or  se  trouve 
garantie  d'une  fusion  qui  amènerait  l'or  à  l'état  de 
petits  globules  offrant  l'aspect  métallique.  Dans  le 
but  d'obtenir  le  môme  retrait,  on  se  sert,  comme 
nous  l'avons  dit,  de  cristal  ayant  la  même  compo- 
sition. 

Pour  les  autres  verres  doublés,  on  procède  autre- 
ment :  on  souffle  une  petite  paraison  de  cristal  coloré> 
qu'on  allonge  et  qu'on  étire  avec  les  fers,  de  manière 
à  lui  donner  la  forme  d'un  cylindre  épais;  celui-ci. 


446  LE    VERRE. 

étant  ouvert  à  son  extrémité,  est  évasé  et  coupé 
avec  un  fer  froid;  on  en  sépare  une  pièce  conique, 
ouverte  des  deux  bouts,  qu'on  pose  sur  un  support 
creux  en  fer;  on  introduit  dans  l'intérieur  de  ce 
cône  une  paraison  de  cristal  incolore;  l'adhérence 
étant  produite,  on  réchauffe  k  l'ouvreau  et  le  verre 
coloré  est  réparti  uniformément  sur  la  surface  du 
verre  blanc.  La  pièce,  ainsi  doublée,  est  terminée 
par  les  moyens  ordinaires. 

Verre  craquelé.  —  Les  verres  ou  cristaux  incolores 
ou  colorés  qu'on  désigne  sous  ce  nom  présentent, 
sur  leur  superficie,  des  dessins  irréguliers  formant 
saillie,  de  la  même  couleur  ou  d'une  autre  couleur 
que  celle  de  la  masse.  Leur  fabrication,  faite  d'abord 
en  Bohème,  est  fort  simple  :  quand  la  paraison  est 
faite,  on  la  promène  sur  une  plaque  de  fer  sur 
laquelle  on  a  répandu  du  verre  concassé  en  frag- 
ments irréguliers.  Ce  verre  adhère  à  la  masse 
vitreuse.  On  réchauffe  la  pièce,  on  la  pare  avec  les 
fers,  on  la  souffle  et  on  en  termine  la  façon  par  les 
procédés  habituellement  employés. 

TAILLE   ET    GRAVURE   DES    VERRES   ET   DES  CRISTAUX. 

On  se  sert,  pour  tailler  le  verre,  de  quatre  espèces 
de  meules  verticales,  qu'on  désigne  sous  le  nom  de 
roues  :  1°  d'une  roue  en  fer  ou  en  fonte  douce  ;  2**  d'une 
roue  en  pierre» de  grès  ;  3°  d'une  roue  en  bois  ;  4*»  d'une 
roue  en  liège. 

Un  atelier  ou  une  compagnie  de  tailleurs  se  cora- 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE  FANTAISIE.         447 

pose  de  trois  ouvriers  :  ce  sont  ïébaucheur^  le  tail- 
leur et  le  polisseur. 

L'ébaucheur  est  ordinairement  le  chef  de  la  com- 
pagnie ;  il  est  chargé  de  préparer  le  dessin  qu'on 
veut  exécuter  et  de  dégrossir  la  pièce;  le  dégrossis- 
sage s'obtient  au  moyen  de  la  roue  en  fer,  mise  en 
mouvement  soit  par  une  pédale,  soit  par  un  moteur 
hydraulique  ou  par  une  machine  à  vapeur.  La  taille 
au  pied  n'existe  plus  guère  aujourd'hui  que  dans  les 
établissements  de  peu  d'importance.  La  roue  en  fer, 
qui  se  meut  verticalement,  est  surmontée  d'un  enton- 
noir conique,  rempli  de  sable  fortement  mouillé,  de 
manière  à  former  une  sorte  de  bouillie,  que  l'ouvrier 
fait  couler  sur  la  roue  et  qui  est  entraînée  par  le 
mouvement  de  rotation.  L'ébaucheur  applique  sa 
pièce  sur  la  roue,  de  manière  à  ce  que  le  sable  vienne 
s'interposer  entre  les  deux  surfaces;  il  se  produit 
un  frottement  et  par  suite  une  usure,  le  sable  ayant 
une  dureté  bien  supérieure  à  celle  du  verre. 

Le  second  ouvrier,  le  tailleur,  prend  cette  môme 
pièce  qu'il  présente  à  une  roue  en  grès;  il  enlève 
ainsi  toutes  les  aspérités  produites  par  le  sable.  Cette 
opération  terminée,  le  dessin  n'est  plus  rugueux;  il 
est  uni,  mais  peu  brillant  ;  il  passe  entre  les  mains 
d'un  troisième  ouvrier,  le  polisseur,  qui,  par  le  con- 
tact de  la  pièce  avec  une  roue  en  bois  tendre  (ordi- 
nairement en  peuplier  ou  en  saule),  préalablement 
couverte  d'une  bouillie  de  pierre  ponce,  donne  un 
poli  assez  brillant  ;  pour  lui  donner  plus  d'éclat,  un 
autre  polisseur  fait  agir  sur  la  pièce  une  roue  en 
liège,  avec  de  la  potée  d'étain  ou  du  colcotar.  Ces 


448  LE  VERRE. 

opérations  donne  nt  à  la  surface  taillée  un  brillant 
parfait. 

Pour  les  objets  de  lustrerie,  dont  l'éclat  doit  être 
très-vif,  on  emploie,  pour  terminer  le  travail,  une 
roue  composée  d'un  alliage  de  plomb  et  d'étain  ;  on 
se  sert,  en  même  temps,  de  la  pierre  ponce,  de  la 
potée  d'étain  ou  du  colcotar. 

Les  roues  ont  des  diamètres  et  des  épaisseurs 
qui  varient  à  l'infini  avec  le  genre  de  dessins  qu'on 
veut  obtenir. 

Gravure.  —  On  grave  sur  le  verre  par  des  moyens 
analogues  à  ceux  qui  servent  à  le  tailler;  la  gravure 
n'est  autre  chose  qu'une  taille  qui  demande  des 
ouvriers  plus  habiles,  de  véritables  artistes,  pouvant 
exécuter  les  dessins  les  plus  riches  et  les  plus  délicats. 

Le  graveur  se  sert  de  roues  verticales  de  très- 
petite  dimension.  Tandis  que  celles  du  tailleur  ont 
quelquefois  un  diamètre  de  50  centimètres  et  plus, 
le  graveur  n'emploie  guère  que  des  roues  de  5  à 
6  centimètres,  et  qui  vont  en  diminuant,  si  bien  que 
certaines  de  ces  roues  ont  à  peine  la  grosseur  d'une 
tête  d'épingle. 

Les  roues  sont  en  acier,  en  cuivre,  en  grès  et  en 
alliage  de  plomb  et  d'étain  ;  le  mordant  dont  se  sert 
le  graveur  est  l'émeri  en  poussière  très-fine  ;  pour 
le  polissage,  il  emploie  la  potée  d'étain.  Le  tour 
dont  il  fait  usage,  n'exigeant  qu'une  très-faible 
dépense  de  force,  est  mis  en  mouvement  par  le  pied. 

Dorure  et  peinture.  — La  dorure  sur  le  verre, 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE  FANTAISIE.         449 

ainsi  que  la  peinture,  s'obtiennent  par  des  moyens 
identiques  à  ceux  dont  on  se  sert  pour  dorer  ou 
peindre  la  faïence  et  la  porcelaine;  mais,  comme  les 
produits  vitreux  sont  infiniment  plus  fusibles  que  les 
produits  céramiques,  il  faut  que  les  proportions  de 
fondants  que  Ton  ajoute  à  Tor  ou  aux  oxydes  colo- 
rants soient  beaucoup  plus  considérables. 

Pour  préparer  l'or,  on  le  dissout  dans  l'eau 
régale  et  on  ajoute  à  la  liqueur  filtrée  une  dissolu- 
tion de  sulfate  de  protoxyde  de  fer,  ou  bien  d'azo- 
tate de  protoxyde  de  mercure  :  ce  dernier  procédé 
est  celui  qu'on  emploie  le  plus  souvent,  le  métal 
étant  plus  divisé  et,  au  dire  des  décorateurs,  foison- 
nant davantage. 

Après  sa  précipitation,  l'or  est  lavé  soigneuse- 
ment et  séché  au  bain-marie  ;  on  l'applique  au  pin- 
ceau après  qu'il  a  été  préalablement  broyé  sur  une 
plaque  de  verre  avec  une  molette  également  en 
verre.  Ce  broyage  se  fait  avec  l'essence  de  térében- 
thine ;  on  y  ajoute  le  fondant,  qui  est  un  mélange  de 
minium  et  de  borax  sec,  dans  les  proportions  approxi- 
matives qui  suivent  : 

Pour  10  grammes  d'or,  on  emploie  : 

Minium 1»,0  à  i^3 

Borax 0,  2  à  0,  3 

Ce  mélange  est  additionné  d'un  peu  d'argent  à 
l'état  de  chlorure  sec,  soit  0»,!. 

La  dorure  étant  appliquée  sur  la  pièce  au  moyen 
du  pinceau,  celle-ci  est  séchée  à  l'étuve;  elle  est 
ensuite  cuite  au  feu  de  moufle. 

Pbligot,  Le  Verre,  29 


450  LE    VERRE. 

Verres  façon  de  Venise.  — La  fabrication  des 
verres  filigranes,  rubanés,  à  bulles  d'air,  des  mil- 
lefiojij  etc.,  florissait  à  Venise  au  xv''  siècle.  On  trouve, 
dans  les  collections,  d'anciens  verres  vénitiens  dont  la 
perfection  a  été  rarement  atteinte  par  nos  fabricants. 

Verres  rubanés.  —  On  se  procure  un  assorti- 
ment varié  de  petits  tubes  pleins  en  émail  ou  en  cristal 
colorés.  La  fabrication  de  ces  tubes  est  facile.  Je 
suppose  qu'on  ait  à  faire  un  tube  bleu  dont  la  section 
doit  présenter  une  étoile  blanche  :  dans  un  moule 
plat  en  fonte,  préalablement  chauffé,  et  dans  lequel 
une  étoile  se  trouve  gravée  en  creux,  on  fait  tomber 
une  petite  quantité  d'émail  blanc  fondu,  qui  ne  rem- 
plit que  le  creux  du  moule. 

Avec  une  paraison  de  verre  bleu,  on  fait  adhérer 
à  ce  verre  l'étoile  ainsi  moulée.  La  pièce  est  parée 
et  tirée  avec  les  fers  de  manière  à  former  un  gros 
cylindre  qu'on  ramollit  et  dont  on  soude  le  bout  à 
unpontil;  deux  ouvriers,  tenant  chacun  à  leur  pontil 
l'un  des  bouts  du  cylindre,  s'éloignent  rapidement; 
le  cylindre  se  trouve  changé  à  l'instant  en  un  tube 
plein  et  mince  de  10  à  15  mètres  de  longueur,  bleu  à 
l'extérieur,  avec  une  étoile  blanche  dans  sa  partie  cen- 
trale. Des  tubes  ainsi  façonnés,  avec  dessins  à  l'in- 
térieur, sont  employés  pour  fabriquer  les  millefiori. 

On  comprend  qu'on  peut  obtenir  ainsi  des  dessins 
très-variés  ;  vient-on,  par  exemple,  à  appliquer  sur 
le  cylindre,  avant  son  étirage,  un  ou  plusieurs  fils 
d'émail  coloré  qu'on  tourne  en  spirale^  le  dessin  qu'on 
produit  conserve  sur  le  tube  la  même  disposition. 


•■ 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.        451 

Pour  faire,  par  exemple >  un  gobelet  en  verre 
rubané,  des  tubes  en  émail  coupés  de  longueur, 
assortis  d'après  leur  coloration  et  rangés  en  nombre 
convenable,  sont  posés,  les  uns  à  côté  des  autres, 
sur  une  plaque  horizontale  en  terre,  à  rebords, 
frottée  avec  de  la  chaux  pour  éviter  l'adhérence  ; 
on  roule  sur  leur  surface  une  paraison  de  cristal 
sur  laquelle  ces  tubes  se  collent. 

Le  même  résultat  s'obtient  en  plaçant  verticale- 
ment les  tubes  dans  un  pot  en  terre;  on  introduit 
dans  le  pot  et  on  y  souffle  une  paraison  de  cristal. 
L'adhérence  des  tubes  étant  obtenue,  la  pièce  se  tra- 
vaille à  la  même  façon  ordinaire;  préalablement 
ramollie  à  l'ouvreau,  elle  est  égalisée  avec  les  fers, 
soufflée,  etc.  On  obtient  ainsi  des  gobelets  rubanés  ou 
filigranes,  avec  dessins  droits  ou  à  spirales.  Ces  der- 
niers se  produisent  en  imprimant  à  la  pièce,  saisie 
à  son  extrémité  avec  les  pinces,  un  mouvement  de 
torsion. 

Serre-papiers  en  millefïori.  —  Ces  boules 
demi-sphériques,  en  verre  plein,  dans  lesquelles  on 
voit  comme  une  quantité  de  petites  fleurs  présentant 
des  couleurs  très-vives,  ont  été  d'abord  fabriquées  à 
Venise  et  en  Bohême.  Devenues  pendant  quelques 
années  un  objet  de  mode  en  France  et  en  Angle- 
terre, elles  ont  été  faites  en  très-grand  nombre  et 
avec  beaucoup  plus  de  perfection  par  nos  fabricants 
de  cristaux. 

De  petits  morceaux  de  tubes  en  émail,  avec 
dessin  intérieur,  sont  coupés  de  longueur  avec  une 


452  LE    VERRE. 

espèce  de  hache-paille  ;  on  les  chauffe  au  rouge  sur 
une  plaque  de  terre  pour  émousser  leurs  angles  ;  puis 
on  les  loge,  en  les  assorlissant,  dans  les  nombreuses 
cavités  que  présente  un  disque  épais  en  fonte. 

En  appliquant  sur  ce  disque  une  paraison  de 
cristal  ordinaire  qu'on  enlève  aussitôt,  tous  ces  petits 

morceaux  d'émail  restent  collés  au  verre.  On  pare 
la  pièce,  on  l'aplatit,  et,  le  pontil  reposant  sur  le  sol, 
on  fait  couler  sur  sa  surface  horizontale  le  cristal 
nécessaire  pour  la  couvrir  et  pour  faire  la  boule; 
celle-ci  est  arrondie  avec  une  spatule  concave  en 
bois  mouillé.  Le  serre-papiers  est  alors  séparé  du 
pontil,  soigneusement  recuit  et  poli  par-dessous  à  la 
roue  de  tailleur. 

Dans  cette  fabrication,  on  évite  avec  grand  soin 
d'emprisonner  des  bulles  d'air;  le  cristal  doit  être 
parfaitement  affiné,  bien  exempt  de  stries  qui  défor- 
meraient les  images,  lesquelles  se  trouvent  ampli- 
fiées par  l'épaisseur  que  présente  la  masse  vitreuse. 

AvENTURiNE.  —  Lc  vcrrc  qu'on  désigne  sous  ce 
nom,  soit  à  cause  de  sa  ressemblance  un  peu  loin- 
taine avec  le  quartz  aventurine,  soit  parce  que  sa  dé- 
couverte a  été  faite  par  hasard,  par  aventure^  est  aussi 
d'origine  vénitienne  ;  sa  fabrication  se  fait  à  Murano, 
dans  deux  ou  trois  verreries,  à  l'aide  de  procédés 
qu'on  tient  secrets.  Aussi  ce  verre,  dont  on  ne  fait  à 
dessein  qu'une  petite  quantité,  se  maintient  au  prix 
élevé  de  10  à  20  francs  le  kilogr.,  selon  la  qualité. 

Uaventurine  est  un  verre  jaunâtre,  dans  lequel 
se  trouve  disséminée  une  infinité  de  petits  cristaux 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         43Ï 

télraédriques  très-nets  et  très-brillants  ;  ce  sont  des 
cristaux  de  cuivre,  de  protoxyde  de  cuivre  ou  de 
silicate  de  cet  oxyde.  Lorsqu'il  est  poli,  il  offre, 
à  la  lunmiëre  surtout,  un  aspect  chatoyant  qui  le  fait 
employer  dans  la  bijouterie. 

Ces  cristaux  se  sont  produits  au  sein  de  la  ma- 
tière vitreuse  quand  elle  était  à  l'état  liquide.  Comme 
parmi  les  nombreux  éléments  qui  composent  ce 
verre  on  rencontre  le  cuivre,  le  fer  et  l'étain,  il  est 
très-probable  que  c'est  à  la  réduction  de  l'oxyde 
de  cuivre  par  ces  deux  derniers  métaux  qu'on  doit 
attribuer  cette  cristallisation. 

Beaucoup  de  tentatives  ont  été  faites  pour  décou- 
vrir le  tour  de  main  sur  lequel  repose  cette  fabrica- 
tion. Un  habile  chimiste,  M.  Hautefeuille,  est  arrivé, 
par  des  essais  persévérants,  à  fabriquer  ce  verre  en 
assez  grande  quantité  ;  il  a  publié  dans  le  bulletin 
de  la  Société  d'encouragement  (octobre  1860)  un 
mémoire  dans  lequel  il  indique  libéralement  les 
procédés  qu'il  a  suivis. 

L'aventurine  a  été  souvent  analysée  ;  voici  la 
composition  de  quelques  échantillons  : 


Silice 

Acide  stannique  .... 

1. 
65,2 
traces. 

65,î 

2. 

67,7 
2,3    * 

3. 

60,5 
)» 

60,5 

4. 

60,/i 
2,5 

A  reporter  .  .   . 

70,0 

62,9 

1.  Analyse  de  M.  Wôhler,  faite  eo  1842. 

2.  Aveaturine  de  Bigaglia,  de  Venise,  que  j*ai  analysée  en  18 i5. 

3.  Échantillon  de  fabrication  plus  récente.  Analyse  de  M.  Levol. 

4.  Analyse  de  Taventurine  rose  du  commerce,  par  M.  Hautefeuille.  C*est  la 
composition  dont  il  faut  se  rapprocher  le  plus,  d'après  ce  chimiste. 


454 


LE    VERRE. 


Report 65,2 

Acide  phosphorique.  .  .         1,5 
Acide  borique traces, 


Cuivre 

Sesquîoxyde  de  fer.  . 

Chaux 

Magnésie 

Soude 

Potasse 

Oxyde  de  plomb .   .   . 
Oxyde  de  manganèse . 

Alumine 

Acide  sulfurique .  .  . 


3,0 
6,5 
8,0 

li,ti 
8,3 

2,1 

D 
Jl 

traces. 


70,0 

traces. 

traces. 
3,9 
3,5 
8,9 

traces. 

7,1 
5,5 

1,1 

» 


99,0  100,0 


60,5 

» 
» 

4,8 
3,7 
6,8 

)} 

22,0 

2,2 
traces. 

100,0 


62,9 

traces, 
traces. 
-4,0 
2,5 
8,6 
» 
11,3 
5,7 
0,7 
0,2 
3,7 
» 

99,6 


Dans  les  analyses  3  et  4,  le  cuivre,  Fétain  et  le 
fer  sont  calculés  à  l'état  de  protoxyde. 

D'après  M.  Hautefeuille,  on  obtient  l'aventurine 
en  fondant  l'un  des  mélanges  suivants  : 

N«  1.  Glace  de  Saint-Gobain .   .   .  .  2000 

Nitre 200 

Battitures  de  cuivre .....  125 

Peroxyde  de  fer 60 

N»2.  Sable -1500 

Craie 357 

Carbonate  de  soude  sec.  ...  801 

Carbonate  de  potasse 1^3 

Nitre 200 

Battitures  de  cuivre 125 


N°  3.  Verre  à  vitre  blanc. 

Sable 

Carbonate  de  soude 

Nitre 

Battitures  de  cuivre . 


1200 
600 
650 
200 
125 


Quand   le    verre    est   bien    liquide,    on  ajoute 
38   parties   de  fer   ou   de  fonte  en  tournure  fine 


TERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         45o 

enveloppée  dans  du  papier;  on  les  y  incorpore  en 
maclant  le  verre  au  moyen  d'une  tige  de  fer  rougie. 
Le  verre  devient*rouge  de  sang,  opaque,  et  en  même 
temps  pâteux  et  bulleux  ;  on  arrête  le  tirage  du  four- 
neau, on  ferme  le  cendrier,  on  couvre  de  cendres 
le  creuset  muni  de  son  couvercle,  et  on  laisse 
refroidir  très-lentement.  Le  lendemain,  en  cassant  le 
creuset,  on  trouve  Taventurine  formée. 

On  obtient  ainsi,  à  chaque  opération,  du  verre 
parsemé  de  cristaux.  Néanmoins  le  produit  commer- 
cial est  difficile  à  produire,  à  cause  de  la  répartition 
irrégulière  de  ces  cristaux  dans  la  masse.  Celle-ci  est 
tantôt  trop  veinée,  tantôt  cristallisée  trop  finement, 
quelquefois  trop  chargée  de  bulles  qui  donnent  à 
la  taille  des  points  et  des  cavités. 

On  admet  généralement  que,  dans  ce  verre,  les 
cristaux  sont  du  cuivre  à  l'état  métallique.  Cependant, 
d'après  M.  Levol,  ce  métal  s'y  trouverait  sous  forme 
de  silicate  de  protoxyde.  Ce  chimiste  a  constaté  qu'en 
Iraitant  l'aventurine  en  poudre  par  une  dissolution 
bouillante  de  potasse,  elle  se  dissout  complètement; 
si  on  s'arrête  au  moment  où  là  masse  vitreuse  est 
seule  dissoute,  on  obtient  un  résidu  violet. qui  verdit 
à  l'air  ;  et  si,  après  avoir  recueilli  les  cristaux,  on 
les  traile  par  un  sel  mercuriel,  ils  ne  deviennent  pas 
blancs,  ainsi  que  cela  arriverait  si  le  cuivre  s'amal- 
gamait avec  le  mercure,  ce  dernier  métal  devant 
se  précipiter  en  présence  du  cuivre.  Comme  ils  ne 
changent  pas  de  couleur,  M.  Levol  et  M.  Hautefeuille 
admettent  que  ces  cristaux  sont  formés  de  silicate 
de  protoxyde  de  cuivre. 


4i>6  LE    VERRE. 

Cette  conclusion  ne  semble  pas  se  concilier  avec 
le  fait  suivant  observé  par  M.  Hautefeuille  :  la 
matière  cristallisée  de  Taventurine  est  soluble  dans 
Tammoniaque;  *Ja  dissolution,  qui  est  incolore, 
devient  bleue  au  contact  de  l'air.  Ce  sont  là  les 
caractères  du  cuivre  et  du  protoxyde  de  cuivre. 
Il  n'est  pas  vraisemblable  que  le  silicate  formé 
par  cet  oxyde,  s'il  existe,  soit  soluble  dans  l'ammo- 
niaque. 

Les  verres  de  cuivre  ont  été  étudiés  récemment 
par  M.  Pettenkofer  et  par  M.  P.  Ebell  *.  Le  premier 
de  ces  chimistes  s'est  particulièrement  occupé  du 
verre  hématin  (hématinone  des  anciens)  qu'il  est 
arrivé  à  reproduire  ;  il  a  constaté  que  le  flux  rouge 
brun  qui  le  produit  ne  passe  à  l'état  de  verre  rouge 
opaque  que  par  une  opération  subséquente  qui  con- 
siste à  le  chauffer  longtemps  jusqu'à  son  point  de 
ramollissement  :  il  en  est  de  même  pour  l'aven- 
turine  ;  la  matière  fondue  est  sans  paillettes  cristal- 
lines et  c'est  pendant  le  refroidissement  que  les 
cristaux  apparaissent.  La  formation  de  ces  deux 
verres  serait  due,  d'après  lui,  à  la  cristallisation  d'un 
silicate  de  protoxyde  de  cuivre  ;  il  admet  que  dans 
la  matière  récemment  fondue  ce  corps  est  à  l'état 
amorphe.  Dans  le  verre  pourpre  des  vitraux,  ce 
silicate  existerait  également,  mais  en  cristaux  telle- 
ment petits  qu'ils  ne  sont  pas  visibles,  même  au 
microscope. 

1.  Revue  scienlilique,  du  docteur  Quesneville.  Février  1875. 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         457 

Le  verre  hématin  des  anciens  s'obtient  en  fondant 
du  cristal  avec  9  pour  100  d'oxyde  de  cuivre  et  de  bat- 
titures  de  fer,  de  manière  à  produire  un  flux  de  cou- 
leur hépatique,  aussi  homogène  que  possible,  qu'on 
laisse  se  solidifier  et  qu'on  expose  ensuite  pendant 
plusieurs  heures  à  la  température  à  laquelle  ce  verre 
commence  à  se  ramollir  :  c'est  par  ce  réchauffage  pro- 
longé que  se  développent  la  couleur  rouge  et  l'opa- 
cité du  verre.  L'examen  microscopique  de  Thémati- 
none  de  Pettenkofer,  fait  avec  un  fort  grossissement, 
a  montré  à  M.  Ëbell  que  ce  verre  doit  sa  couleur  et 
son  opacité  à  un  précipité  cristallin,  très-abondant, 
qui  paraît  être  le  même  que  celui  de  l'avenlurine, 
avec  cette  différence  que  dans  celle-ci  les  cristaux 
sont  beaucoup  plus  volumineux  et  relativement  clair- 
semés. 

L'hématinone  est  le  produit  d'une  cristallisation 
dans  un  verre  demi-mou  et  presque  solide  ;  l'aven- 
turine  est  formée  par  les  cristaux  abandonnés  par  un 
verre  liquide  :  lorsque  ces  cristaux  sont  formés,  le 
verre  ne  contient  plus  de  cuivre  disponible,  de  sorte 
que,  pendant  un  refroidissement  lent,  il  ne  se  pro- 
duit pas  d'hématinone. 

M.  Ebell  a  cherché  à  établir  que,  conformément 
à  l'opinion  de  M.  Wœhler,  l'aventurine  renferme  le 
cuivre  à  l'état  métallique  :  pour  démontrer  la  véri- 
table nature  des  cristaux,  il  fallait  trouver,  dit-il,  un 
réactif  tel  que,  tout  en  offrant  un  indice  certain  de  la 
présence  du  cuivre  métallique,  ce  réactif  rendît 
Impossible  l'altération  de  ce  métal.  Une  solution  de 
nitrate  d'argent  dans  l'alcool  absolu  présente,  d'après 


458  LE  VERRE. 

lui,  cette  propriété.  De  Taventurine  en  poudre  très- 
fine  est  mise  en  contact  avec  celte  solution  pendant 
plusieurs  jours;  le  liquide,  acidulé  et  évaporé  à  sic- 
cité,  se  colore  franchement  en  bleu  par  l'ammoniaque. 
Le  résidu  de  la  filtration  contient  une  certaine  quan- 
tité d'argent  précipité.  «  Il  est  donc  certain,  ajoute 
l'auteur,  que  la  solution  alcoolique  d'argent  dissout 
du  cuivre,  tandis  que  de  l'argent  métallique  se  pré- 
cipite dans  la  poudre  vitreuse.  Les  cristaux  de  l'aven- 
turine  ne  peuvent  donc  être  que  du  cuivre  métallique.  » 

Cette  conclusion  ne  me  paraît  pas  rigoureuse  : 
j'ai  constaté,  en  effet,  en  répétant  cette  expérience, 
que  le  protoxyde  de  cuivre  précipite  également 
l'argent  de  ses  dissolutions,  le  cuivre  prenant  dans 
la  liqueur  la  place  de  ce  métal.  Le  résultat  est  donc 
le  même,  que  les  cristaux  soient  du  cuivre  ou  du 
protoxyde  de  cuivre;  si  le  silicate  de  ce  dernier  oxyde 
existe,  il  est  assez  probable  qu'il  agirait  de  la  même 
façon  sur  la  dissolution  d'argent. 

La  question  reste  donc  indécise,  à  mon  sens  ; 
néanmoins,  à  défaut  de  preuves  directes,  il  est  fort 
vraisemblable  que  le  cuivre  métallique,  de  même  que 
l'or  et  l'argent,  possède  la  propriété  de  se  dissoudre 
dans  les  matières  vitreuses  en  leur  donnant,  comme 
aussi  le  soufre  et  le  charbon,  une  coloration  particu- 
lière. Je  ne  suis  pas  convaincu,  d'ailleurs,  qu'à  l'état 
de  couche  extrêmement  mince,  l'hématinone  ne  soit 
pas  aussi  la  matière  colorante  du  verre  pourpre  des 
vitraux;  quant  à  l'aventurine,  ce  produit  renferme 
le  cuivre  dans  les  conditions  qui  donnent  également 
naissance  à  la  cristallisation  de  divers  oxydes  dans 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         459 

les  flux,  conditions  étudiées  par  Ebelmen  et  tout 
récemment  par  M.  Ebell  pour  les  oxydes  d'étain,  de 
chrome,  de  fer^  de  manganèse  et  d* aluminium. 

Aventurine  de  chrome.  —  Cette  sorte  de  verre  a  été 
obtenue,  en  1865,  par  M.  Pelouze.  On  sait  que  le 
sesquioxyde  de  chrome  communique  une  couleur 
verte  aux  fondants  et  particulièrement  au  verre  ;  le 
bichromate  de  potasse  jouit  de  la  même  propriété, 
en  produisant  du  sesquioxyde  ;  ce  corps,  lorsqu'il  est 
en  quantité  suffisante,  donne  tout  à  la  fois  la  colora- 
tion verte  transparente  et  les  cristaux  qui  restent  en 
suspension  dans  la  masse  vitreuse. 

On  obtient  ce  produit  en  fondant  : 

Sable 250  parties. 

Carbonate  de  soude 100      — 

Spath  calcaire 50      — 

Bichromate  de  potasse  .....      20  à  /iO 

Ce  verre  contient  6  à  7  pour  100  d'oxyde  de 
chrome  dont  la  moitié  à  peu  près  est  combinée 
avec  le  verre  et  l'autre  moitié  reste  à  l'état  de  li- 
berté, sous  forme  de  cristaux  brillants.  Avec  50  par- 
ties de  bichromate  de  potasse,  la  fusion  du  verre 
devient  très-difficile. 

L'aventurine  de  chrome  est  plus  dure  que  le  verre 
à  vitre  et  surtout  que  l'aventurine  de  Venise  ;  comme 
cette  dernière,  elle  peut  être  employée  pour  faire 
des  bijoux  et  des  objets  de  fantaisie. 

Strass.  —  Imitations  du  diamant  et  des  pierres  pré- 


460  LE   TERRE. 

cieuses.  —  Ce  verre,  très-riche  en  plomb,  a  élé  pro- 
duit à  Paris,  vers  la  fin  du  siècle  dernier,  par  un 
artiste  qui  lui  a  donné  son  nom.  Il  a  beaucoup 
d'éclat;  il  possède  à  un  tel  degré  les  feux  du  dia- 
mant, surtout  à  la  lumière,  qu'il  est  fort  difficile  de 
l'en  distinguer  à  la  vue.  Mais  il  est  très-tendre  ;  il 
est  rayé  non-seulement  par  les  pierres  dures,  mais 
même  par  les  autres  espèces  de  verres.  Sa  densité 
dépasse  4.0,  tandis  que  celle  du  diamant  est  repré- 
sentée par  3.5. 

Voici  la  composition  du  strass  de  M.  Douauli 
Wieland,  déterminée  par  M.  Dumas  : 

Silice 38,2 

Oxyde  de  plomb 53,0 

Potasse 7,8 

Alumine 1,0 

Borax traces. 

Acide  arsénique Id. 

100,0 

Les  matières  premières  qu'on  emploie  pour  faire 
le  strass  sont  les  mêmes  que  pour  le  cristal  et  le 
flint-glass.  On  les  choisit  aussi  pures  que  possible. 

Par  l'addition  d'une  petite  quantité  d'oxydes  colo- 

• 

rants,  le  strass  prend  des  colorations  qui  lé  font 
employer  pour  imiter  les  principales  pierres  pré- 
cieuses. Ainsi  on  obtient  la  topaze  artificielle  en 
fondant  1,000  de  strass  blanc  avec  iO  de  verre  d'an- 
timoine et  1  de  pourpre  de  Gassius;  le  rubis ^  avec  le 
même  verre,  longtemps  chauffé  et  contenant  un  peu 
plus  d'or;  Vémeraude^  avec  1,000  de  strass  incolore, 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.         464 

8  d'oxyde  de  cuivre  et  0.2  d'oxyde  de  chrome;  le 
saphir^  avec  i,000  de  strass  et  15  d'oxyde  de  cobalt; 
Y  améthyste,  en  fondant  i,000  de  strass  avec  8  d'oxyde 
de  manganèse,  1  d'oxyde  de  cobalt  et  0.2  de  pourpre 
de  Cassius. 

Plusieurs  artistes  de  Paris,  notamment  MM.  Savary 
et  Mosbach,  MM.  Appert  et  M.  Gh.  Feil,  ont  amené  à 
un  haut  degré  de  perfection  ces  Imitations  de  pierres 
précieuses. 

Pebles  de  VERRE.  —  On  fabrique  à  Venise  de 
petites  perles  dites  rassades  ou  rocailles  qu'on  exporte 
en  très-grande  quantité  en  Afrique  et  en  Amérique  et 
qui  sont  surtout  destinées  au  trafic  avec  les  Indiens. 
Les  dispositions  des  fours  et  des  creusets  n'ont  rien 
de  particulier  ;  les  matières  premières  sont  la  soude, 
la  potasse  et  un  sable  siliceux  qu'on  trouve  en  grande 
abondance  sur  la  côte  la  plus  voisine  de  Venise. 

Le  travail  se  fait  de  la  manière  suivante  :  un 
ouvrier  cueille  avec  sa  canne  une  certaine  quantité 
de  verre  .et,  à  l'aide  d'un  instrument  en  fer,  il  pratique 
dans  sa  paraison  une  large  ouverture;  un  second 
ouvrier  applique  contre  ce  trou  l'extrémité  d'une 
canne  également  garnie  de  verre  et  tous  deux  s'éloi- 
gnent rapidement  l'un  de  l'autre  :  la  pâte  vitreuse 
se  transforme  en  un  tube  d'abord,  puis  en  un  fil  percé 
d'un  bout  à  l'autre  et  plus  ou  moins  gros,  selon  la 
longueur  du  chemin  parcouru  par  les  ouvriers  :  on 
casse  ces  fils  par  baguettes  d'environ  50  centimètres 
qui  passent  entre  les  mains  de  l'ouvrier  margarilaire. 
A  l'aide  d'un  couperet,  celui-ci  divise  le  tube  en 


462  LE  VERRE. 

petits  morceaux  d'une  longueur  égale  au  diamètre; 
ces  morceaux  tombent  dans  un  baquet  plein  d'une 
poussière  de  charbon  et  d'argile  qui,  s'introduisant 
dans  les  trous  des  perles,  s'opposent  à  ciB  qu'ils  se 
bouchent  lorsque,  pour  les  arrondir  et  en  abattre 
les  angles  coupants,  on  les  ramollit  au  feu. 

Cette  même  opération  se  fait  aussi  en  promenant, 
sur  une  rangée  de  limes  parallèles  et  fixes,  les  petits 
tubes  de  manière  à  entamer  légèrement  le  verre  qui 
se  détache  ensuite  par  un  léger  choc.  Les  perles  sont 
arrondies  soit  en  les  mettant  dans  un  cylindre  en  fer 
de  forme  ovale  qu'on  tourne  sur  le  feu  à  la  manière 
d'un  brûloir  à  café,  jusqu'à  ce  que  ce  cylindre 
devienne  rouge,  soit  en  les  chauffant  sur  des  plaques 
de  tôle  :  elles  sont  ensuite  lavées  et  assorties  en  les 
passant  à  travers  des  cribles  ayant  des  trous  de 
différents  diamètres,  puis  enfilées  par  rangs  de  25  à 
35  centimètres  de  longueur*. 

Les  perles  dites  à  la  main  sont  fabriquées  à  la 
lampe  d'émailleur  :  le  verre  fondu  est  roulé  autour 
d'un  morceau  d'acier  ;  les  perles  qu'on  en  sépare  et 
dont  on  arrondit  les  angles  sont  plus  grosses  et  plus 
solides  que  les  rassades. 

On  imite  aujourd'hui  avec  une  si  rare  perfection 
les  perles  fines,  notamment  celles  dites  baroques^ 
qu'il  n'est  pas  possible  à  l'œil  le  plus  exercé  de  dis- 
tinguer les  vraies  d'avec  les  fausses.  Cette  fabrica- 
tion, essentiellement  parisienne;  est  due  à  un  artiste 


i.  Les  Merveilles  de  l'Industrie  de  M.  L,  Figuier.  Le  verre  et  le 
cristal. 


VERRES  ET  CRISTAUX  DE   FANTAISIE.  463 

nommé  Jacquin;  elle  remonte  à  Tannée  1686.  De 
petites  ampoules  percées  sont  soufflées  à  la  iampe 
d'émailleur  et  prises  dans  des  tubes  de  cristal  opalisé; 
enduites  à  l'intérieur  de  colle  de  gélatine  chaude, 
elles  sont  injectées  avec  In  matière  nacrée  provenant 
des  écailles  de  V ablette.  Cette  matière,  qu'on  conserve 
dans  l'ammoniaque,  est  préalablement  délayée  dans 
de  la  colle, de  poisson;  la  perle  est  ensuite  remplie 
de  cire  blanche  fondue. 

Mosaïques.  —  Le  marbre,  les  pierres,  les  émaux, 
employés  sous  forme  de  petits  cubes  accolés  les  uns 
contre  les  autres,  servent  à  faire  des  dessins,  des 
peintures  qui,  depuis  un  temps  immémorial,  jouent 
un  rôle  important  dans  la  décoration  des  édifices. 
L'art  du  mosaïste  était  pratiqué  par  les  Égyptiens,  qui 
l'ont  transmis  aux  Grecs  et  aux  Romains.  Plusieurs 
écrivains  de  l'antiquilé,  Martial,  Lucrèce,  Pline,  en 
font  mention. 

Sous  les  empereurs,  les  voûtes  et  le  pavé  des 
temples  en  étaient  ornés;  on  rencontre  des  pavés 
en  mosaïque  dans  presque  toutes  les  habitations  que 
les  fouilles  mettent  à  jour  à  Pompéi  et  à  Herculanum. 
L'invention  du  verre  coloré  donna  à  cet  art  son  plus 
grand  degré  de  perfection  :  on  commença  à  s'en 
servir  du  temps  d'Auguste.  Sénèque,  faisant  allusion 
à  cet  emploi  des  verres  colorés,  se  plaignait  de  ce 
qu'on  ne  marchait  plus  que  sur  des  pierres  pré- 
cieuses. 

Les  mosaïques  en  verre  prirent  sous  le  Bas- 
Ëmpire  une  importance  exclusive  pour  la  décoration 


464  L£  y£RR£. 

des  monuments  :  elles  remplacèrent  même  entière- 
ment la  peinture;  on  sait  qu'elles  décoraient  les 
voûtes  de  Sainte-Sophie,  à  Constantinople.  Les 
anciennes  églises  de  Saint-Paul  hors  les  murs  et 
de  Saint-Jean-de-Latran,  *  Rome,  celle  de  Saint- 
Marc,  à  Venise,  offrent  de  remarquables  exemples  de 
leuremploi  à  diverses  époques.  Ces  mosaïques  repré- 
sentent des  figures  ou  des  arabesques  sjur  des  fonds 
d'or.  La  plupart  des  églises  construites  par  Charle- 
magne  présentent  aussi  ce  genre  d'ornementation. 

Dans  les  temps  modernes,  les  plus  belles  mosaï- 
ques sont  celles  dont  le  pape  Clément  VIII  décora 
au  commencement  du  xvn«  siècle  toute  la  partie  inté- 
rieure de  la  coupole  de  Saint-Pierre  de  Rome  ;  aujour- 
d'hui les  tableaux  des  autels,  même  ceux  de  Raphaël, 
y  sont  remplacés  par  des  copies  en  mosaïque.  Les 
papes  entretiennent  dans  les  bâtiments  du  Vati- 
can une  fabrique  d'émaux  qui  fournit  les  matériaux 
nécessaires  à  la  restauration  des  mosaïques  d'un 
grand  nombre  d'anciens  édifices  chrétiens. 

C'est  probablement  à  l'art  fort  ancien  du  mosaïste, 
issu  peut-être  lui-même  de  l'imitation  des  riches 
tapis  de  l'Orient,  qu'il  convient  de  rattacher  la  confec- 
tion des  premiers  vitraux  en  verres  colorés  ;  dans 
les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  le  verre 
avait  une  telle  vogue  qu'on  en  couvrait  les  plafonds, 
les  murailles  et  jusqu'au  parquet  des  habitations; 
comme  il  est  établi  désormais  que  les  Romains  se 
servaient,  du  moins  au  temps  des  empereurs,  de 
vitres  pour  clore  leurs  fenêtres,  quelque  artiste  arriva 


V 


mosaïques  en   émail.  465 

sans  doute  à  remplacer  le  verre  blanc  par  le  verre 
coloré  et  les  vitres  d'un  seul  morceau  par  de  véri- 
tables mosaïques  transparentes  :  tels  étaient,  en  effet, 
les  premiers  vitraux. 

Les  mosaïques  sont  de  plusieurs  sortes  ;  en  lais- 
sant  de  côté  celles  qu'on  fabrique  pour  les  bijoux, 
les  plus  communes  font  partie  de  la  construction 
même  de  l'édifice  :  ce  sont  les  dallages  en  pierre,  en 
marbre,  ou  en  poterie  de  diverses  couleurs  qui 
recouvrent  la  surface  des  paliers,  des  corridors,  des 
salles,  etc.  Nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper. 

L'autre  espèce  de  miosaïques  est  composée  dans 
l'atelier  de  l'artiste;  elle  constitue  un  œuvre  d'art  ana- 
logue à  la  peinture  et,  comme  la  peinture ,  elle  est 
employée  pour  décorer  les  voûtes  et  les  murs.  Ces 
mosaïques  sont  en  émail.  Voici,  en  quelques  mots, 
comment  ce   travail   s'exécute  : 

La  matière  vitreuse  opaque,  l'émail,  est  sous 
forme  de  disques  ayant  10  à  15  centimètres  de 
diamètre  et  de  1  à  3  centimètres  d'épaisseur.  x4u 
moyen  d'un  marteau  coupant  des  deux  côtés  et  d'une 
enclume  taillée  en  biseau,  on  casse  et  on  débite  ces 
pains  d'émail  et  on  en  tire  des  cubes  ayant  environ 
1  centimètre  et  demi  de  côté.  La  coloration  de  ces 
émaux  est  extrêmement  variée;  ceux  qui  viennent 
de  Rome,  de  la  fabrique  du  Vatican,  présentent 
26,000  nuances  différentes. 

L'artiste  peintre  a  tracé  et  colorié  sur  un  carton 
le  dessin  que  doit  reproduire  le  mosaïste;  celui-ci 
dispose  d'une  caisse  en  plomb  ou  en  zinc,  de  même 
dimension  que  le  carton,  ayant  des  rebords  de  &  à 

PfiLiGOT,  Le  Verre.  30 


466  LE    VERRE. 

5  centimètres,  dans  laquelle  il  a  coulé  du  plâtre  fin  ; 
sur  cette  aire  bien  plane,  on  a  tracé  au  crayon  noir 
le  dessin  à  reproduire.  Le  mosaïste  entame  et  enlève 
de  proche  en  proche,  avec  un  petit  ébauchoir,  le 
jplâtre  qu'il  s'agit  de  remplacer  par  les  morceaux 
d'émail  :  ceux-ci  sont  assortis  en  raison  de  la  couleur 
et  de  la  nuance  données  par  le  carton  ;  il  garnit  la 
place  creusée  de  sable  humide,  un  peu  onctueux; 
c'est  une  terre  volcanique  venant  du  Vésuve.  Les 
cubes  sont  ainsi  ajustés  les  uns  contre  les  autres  ;  à 
mesure  que  le  travail  s'exécute,  on  enlève  avec 
l'outil  de  nouvelles  tranches  de  plâtre  ;  pour  les 
parties  courbes,  les  émaux  sont  usés  d'après  la 
place  qu'ils  doivent  occuper  sur  une  plate-forme  en 
acier  recouverte  d'éttieri  humecté  d'eau,  à  laquelle 
on  imprime,  à  la  main  ou  avec  une  pédale,  un  mou- 
vement de  rotation. 

Lorsque  la  mosaïque  est  terminée,  on  colle  à  sa 
surface  une  feuille  de  papier  et  de  la  toile  de  ma- 
nière à  déterminer  l'adhérence  de  tous  les  morceaux 
d'émail  à  la  surface  du  papier;  on  retourne  la  caisse 
et,  la  terre  étant  enlevée,  on  applique  la  mosaïque  sur 
un  mortier  de  ciment  romain,  composé  de  chaux  et  de 
pouzzolane  ;  après  la  prise  du  mortier,  tous  les  cubes 
y  étant  solidement  fixés,  on  mouille  et  on  enlève  le 
papier  ou  la  toile.  Il  ne  reste  plus  qu'à  mettre  la 
mosaïque  en  place  sur  le  mur  qu'elle  doit  décorer. 

Pour  les  fonds  dorés,  les  émaux  sont  faits  par  le 
procédé  que  nous  avons  décrit,  d'après  Éraclius  et 
le  moine  Théophile;  l'émail  qui  forme  le  fond  est 
rouge  ou  vert,   selon  la  nuance  que  l'or  doit  avoir; 


MOSAIQUES   EN   ÉMAIL.  467 

on  applique  à  sa  surface  une  feuille  d*or  sur  laquelle 
on  pose  un  morceau  de  ^  verre  incolore  ou  coloré 
très^mince  qu'on  fait  adhérer  au  feu  :  on  obtient 
les  tons  verts  à  reOets  métalliques  en  appliquant  sur 
rémaii  une  feuille  d'argent  sur  laquelle  on  fixe  par 
le  feu  une  lame  de  verre  vert. 

Les  mosaïques  en  verre  qui  décorent  l'avant-foyer 
du  nouvel  Opéra  de  Paris,  dont  l'effet  décoratif  est 
très*remarqué ,  ont  été  exécutées  à  Venise  par 
M.  Salviati,  qui  a  acquis  dans  ce  genre  de  travail  une 
grande  notoriété.  Les  dessit^  sont  de  M,  Curzon. 
L'architecte  de  ce  somptueux  édifice,  M.  Gh.  Garnier, 
a  tiré  un  grand  parti  des  mosaïques  en  pierre  et  en 
marbre  pour  le  dallage  des  paliers,  des  corridors,  des 
salles  de  tous  les  étages  et  des  mosaïques  en  verre 
pour  les  voûtes  de  Tavant-foyer  :  ces  dernières 
ont  été  expédiées  à  Paris  sur  leurs  cartons  auxquels 
elles  adhéraient  par  leur  face  extérieure.  Les  car- 
tons retournés  ont  été  appliqués  par  la  face  inté- 
rieure contre  le  mur  revêtu  de  petits  clous  et  de 
ciment  :  lorsque  la  prise  dii  ciment  a  été  faite,  on  a 
ruiné  la  matière  du  carton  de  manière  à  faire  appa- 
raître dans  tout  son  éclat  la  peinture  vitreuse. 

Le  succès  de  ce  genre  d'ornementation  a  attiré 
l'attention  des  artistes  et  du  gouvernement  sur  Fin- 
térêt  que  présente  l'art  du  mosaïste  :  une  école  de 
mosaïque  vient  d'être  annexée  à  la  manufacture 
nationale  de  porcelaine  de  Sèvres;  des  artistes 
romains  y  exécutent  d'importants  travaux  avec  l'habile 
concours  du  directeur  de  cet  établissement,  M.Louis 
Robert;  les  émaux  viennent  du  Vatican  :  ils  seront 


468  LE    VERRE. 

bientôt  fabriqués  à  Sèvres  ou  dans  les  usines  des 
environs  de  Paris/ Ainsi  se  trouve  rétablie  Técole  de 
mosaïque  fondée  à  Paris,  en  1806,  par  l'empereur 
Napoléon  I",  sous  la  direction  de  Bellonl;  cette  école 
a  montré  dans  nos  expositions,  jusqu'en  1830,  des 
ouvrages  d'un  grand  prix  qui  étaient  exécutés, 
pour  la  plupart,  par  des  sourds-muets. 

L'art  du  mosaïste  est  pratiqué  avec    succès  en 
Russie;  on  se  souvient  des  magnifiques  spécimens 
qui  figuraient  aux  dernières  Expositions  universelles  : 
ces  mosaïques,  d'un  puissant  effet  décoratif,  ont  été 
fabriquées  avec  des  émaux  provenant  de  la  manu- 
facture impériale  de  cristaux  de  Saint-Pétersbourg. 
Cet  art,  en  raison  des  frais  auxquels  il  entraîne,  ne 
peut  guère  exister  qu'avec   l'aide  et   le   concours 
de   l'État.    II  permettra  sans  doute  de  remplacer 
avec  avantage  les  peintures  à  fresque,  appliquées, 
sans  grande  chance  de  durée,  à  l'extérieur  de  quel- 
ques-uns de  nos  édifices.   On  peut  se  demander, 
néanmoins,  si  le  ciment  romain  dont  on  fait  usage 
en  Italie  pour  fixer  la  pâte  vitreuse,  résistera  suffi- 
samment aux  rigueurs  de  notre  climat  ;  mais  il  serait 
facile  de  le  remplacer  par  le  plâtre  dont  nous  con- 
naissons si  bien  l'emploi  et  la  durée. 


CHAPITRE  HUITIEME 


Verres  de  montre. 


La  fabrication  des  verres  de  montre  est  de  toutes 
les  industries  du  verre  celle  qui  a  subi  le  plus  de 
changements  depuis  une  cinquantaine  d*années. 
Quelques-uns  de  ses  produits  sont  vendus  à  des 
prix  extrêmement  bas  :  Tusine  de  Gœtzenbruck,  de 
MM.  Walter-Berger  et  C*%  livre  à  raison  de  ÛO,  50 
et  60  centimes  la  grosse  de  très-petits  verres  de 
montre  réclamés  par  l'industrie  des  jouets  d'en- 
fants de  Nuremberg  et  par  la  bijouterie.  On  sait- 
que  la  grosse  (composée  de  12  douzaines)  contient 
144  pièces*. 

Autrefois  les  verres  de  montre  étaient  de  simples 

i.  La  verrerie  de  Gœtzenbruck  est  située  dans  la  partie  la  plus 
boisée  de  notre  ancien  département  de  la  Moselle  ;  elle  avait  reçu 
en  1721,  du  duc  Stanislas,  une  affectation  de  chauffage  qu'une  loi 
de  1827  lui  a  retirée.  Dès  le  commencement  du  siècle  dernier,  cetto 
verrerie  avait  une  certaine  importance  pour  la  fabrication  des 
verres  de  montre;  elle  tient  depuis  longtemps  le  premier  rang 
pour  cette  industrie  et  pour  celle  des  verres  de  lunettes.  Elle 
occupe  1,200  à  1,500  ouvriers. 


470  LE    VERRE. 

calolles  de  sphères  découpées,  au  moyen  d'anneaux 
en  fer  rougis  au  feu,  dans  de  petits  ballons  soufflés 
avec  des  cannesdetrès-petite  dimension. Ces  calottes 
devaient  avoir  assez  de  flèche  pour  laisser  libre  le 
mouvement  des  aiguilles  de  la  montre  ;  leur  cassure 
étant  irrégulière,  elles  étaient  égrugées  rapide- 
ment avec  de  mauvais  ciseaux  ;  puis  leurs  bords 
coupants  étaient  usés  au  grès  sur  une  plaque  en 
fonte  ou  bien  ils  étaient  taillés  à  la  meule. 

L'invention  des  montres  à  cylindres  permit  d'em- 
ployer des  verres  beaucoup  plus  plats  et  rendît  plus 
sensible  l'inconvénient  des  verres  bombés.  Quelques 
horlogers  de  Paris  firent  des  verres  chevés  pour  les 
montres  de  luxe;  ceux  de  Genève  les  imitèrent  et 
arrivèrent  à  rendre  cette  fabrication  réellement 
industrielle.  A  l'origine,  ce  genre  de  produit  s'exé- 
cutait à  l'aide  d'une  plaque  ronde  en  verre  ou  en 
cristal,  dans  laquelle  on  creusait  à  la  roue  la  cavité 

ê 

nécessaire  pour  le  passage  des  aiguilles  :  on  ajustait 
le  bord  et  on  le  taillait  en  biseau  de  manière  à  ce 
qu'il  pût  entrer  dans  la  rainure  ou  drageoir  du  cou- 
vercle de  la  montre.  En  raison  de  la  main-d'œuvre, 
ces  verres  coûtaient  fort  cher  ;  les  horlogers  les  ven- 
daient de  trois  à  cinq  francs  la  pièce. 

On  fit  vers  1830  à  Gœtzenbruck  dés  verres  dits 
chevés  d'une  façon  beaucoup  plus  économique,  en 
soufflant  des  paraisons  ayant  la  forme  de  petites 
fioles  à  fond  plat;  celui-ci,  étant  détaché,  fournissait 
cette  sorte  de  verre.  Ces  fioles  étaient  soufflées  sans 
moule  par  des  ouvriers  très-habiles  :  un  compas 
leur  donnait  le  diamètre   de  la  pièce  à  fabriquer. 


VERRES  DE  MONTRE.  474 

Ces  produits  se  fabriquaient  aussi  en  Bohême  de  la 
même  façon.  Le  fond  de  la  fiole  était  détaché  au 
verre  chaud,  et  on  lui  ménageait  un  rebord  un  peu 
relevé  qu*on  taillait  en  biseau  afin  qu*il  pût  s'ajuster 
dans  ia  rainure  du  couvercle  de  la  montre.  Ainsi 
chaque  verre  chevé  provenait  d'une  seule  fiole 
soufflée;  ce  qui  en  rendait  le  prix  assez  élevé, 
malgré  la  rapidité  avec  laquelle  on  opérait.  Ces  verres 
valaient  50  à  60  fr.  la  grosse. 

Un  peu  plus  tard,  on  fit  des  verres  chevés 
doubles^  c'est-à-dire  plus  épais;  fabriqués  dans  la 
même  usine,  ils  se  liyraient  au  commerce  au  prix 
de  60  francs  le  grosse  :  ce  prix  est  aujourd'hui  de 
10  à  12  francs.  Un  grand  perfectionnement  avait  été 
apporté  à  leur  fabrication  :  au  lieu  de  souffler  une 
petite  boule  pour  chaque  verre  (fig.  70  A),  on  décou- 
pait, à  l'aide  d'un  diamant  monté  sur  une  sorte  de 
compas,  un  certain  nombre  de  calottes  sur  des  ballons 
ayant  un  diamètre  d'environ  15  centimètres;  le  dia- 
mant formait  la  pointe  mobile  du  compas  :  l'autre 
pointe  était  remplacée  par  une  pièce  en  cuir  ou  en 
peau  de  chamois  ayant  sur  la  boule  de  verre  son 
point  d'appui.  La  branche  du  compas  qui  portait  le 
diamant  pouvait  être  allongée  ou  raccourcie  à 
volonté,  suivant  le  diamètre  des  verres  à  découper. 

Par  ce  procédé,  on  n'utilisait  encore  que 
15  pour  100  du  verre  des  boules  ;  le  reste,  soit  85, 
tombait  dans  les  déchets  ou  groisils. 

Celte  méthode  a  été  beaucoup  améliorée  depuis 
une  quinzaine  d'années  par  les  habiles  directeurs  de 
l'usine  de  Gœtzenbruck,  MM.  A.  et  T.  Walter,  aux- 


47t  LE    VERRE. 

quels  rindustrie  des  verres  de  montre  doit  ses  plus 
notables  progrès  :  les  petites  calottes  des  sphères 
sont  découpées  dans  de  très-grandes  boules,  ayant 
de  O'^jTS  à  O^j&O  de  diamètre.  Dans  un  seul  de  ces 
ballons ,    on    découpe  jusqu'à   quatre    grosses    de 

m 

verres  de  montre,  sans  compter  plusieurs  cen- 
taines de  petits  verres  pour  les  montres  et  jouets 
de  Nuremberg  que  des  enfants  savent  encore  en 
tirer.  On  utilise  environ  la  moitié  du  verre,  au  lieu 
de  15  pour  100. 

Ces  progrès,  ajoutés  à  d'autres  perfectionnements 
apportés  à  la  taille  et  au  polissage  des  verres  de 
montre,  firent  successivement  abaisser  le  prix  de 
revient  ;  aujourd'hui  les  verres  chevés  simples  sont 
livrés  au  commerce  au  prix  de  7  à  8  francs  la 
grosse  ;  on  vend  même  à  2  fr.  50  des  verres  de  troi- 
sième choix  destinés  à  l'exportation;  les  verres  épais 
valent  10  à  12  francs. 

Les  grandes  boules  dont  nous  venons  de  parler, 
qui  ont  quelquefois  jusqu'à  un  mètre  de  diamètre, 
doivent  être  soufflées  très-minces,  puisqu'elles  ne 
doivent  avoir  que  l'épaisseur  du  verre  de  montre 
variant  de  un  millimètre  à  un  millimètre  et  demi, 
selon  qu'il  est  chevé  simple  ou  chevé  épais.  Le  souffle 
du  verrier  ne  serait  point  assez  puissant  pour  faire 
des  boules  d'aussi  grande  dimension  ;  car  à  mesure 
que  le  verre  diminue  d'épaisseur  en  soufflant  la  boule, 
il  se  refroidit  et  il  devient  bien  vite  trop  résistant. 
Il  faut  donc  arriver  à  produire  cette  boule  très- 
rapidement  pendant  que  le  verre  est  encore  chaud 
et  malléable 


VERRES  DE   MONTRE. 


4-3 


A  Gœtzenbruck,  on  procède  de  la  manière  sui- 
vante :  le  souffleur  cueille  six  à  huit  kilogrammes 
de  verre  avec  une  canne  d'assez  forte  dimension  ;  il 
arrondit  son  verre  dans  un  bloc  de  bois  mouillé 
servant   de  mailloche  :  en  même   temps  il  souffle 


légèrement  d'abord  ;  puis  quand  le  soufUe  parait 
dans  le  verre  à  l'exlrémité  de  la  canne,  il  souffle 
un  peu  plus  fort,  en  la  balançant  de  manière  à  for- 
mer une  paraison  un  peu  allongée,  terminée  en  forme 
de  poire;  avec  ses  outils,  il  lui  donne  sur  le  banc 
du  verrier  la  forme  représentée  ci-dessus  (fig.  70  B). 
Cette  paraison  est  réchauffée  dans  le  four;  le 
verrier  souffle  de  nouveau  pour  en  agrandir  l'extré- 
mité; puis  il  achève  très-rapidement  sa  pièce  au 
moyen  d'une  machine  soufflante  mise  en  mouvement 
par  une  petite  locomobile  de  trois  chevaux.  La  boule 
terminée  est  détachée  de  la  canne  et  placée  sur  un 
chevalet  en  bois  (fig.  70  C).  Le  verre  est  tellement 


474 


LE    VERRE. 


mince  que,  pour  le  débiter,  il  n'est  pas  nécessaire 
de  le  recuire. 

Découpage  des  boules.  —  Au  moyen  de  tiges  de  fer 
chauffées  au  rouge,  on  découpe  les  boules  en  gros 
morceaux  ayant  0™,£0  de  largeur  sur  25  à  0'",30  de 
longueur  ;  c'est  de  ces  bandes  qu'on  tire  les  petites 
calottes  très-plates  qui  fournissent  les  verres  de 
montre. 

On  se  sert,  à  cet  effet,  d'une  toumette^  sorte  de 
compas  dont  la  pointe  traçante  est  terminée  par  un 
diamant  (fig.  71). 

Cette  tournette  se  compose  d'un  bâtis  en  métal 
A,  B,  C,  D,  E.  La  base  A,  B  est  large  et  présente 
beaucoup  d'assiette.  La  tige  C,  D,  E,  courbée  à  angle 


Aiia^iitÉaiii^ 


Fig.  71. 


droit  en  D,  est  fixée  solidement  à  la  base  A,  B  au 
moyen  d'écrous.  A  son  extrémité  se  trouve  une  tige 
verticale  F,  G,  terminée  par  une  manivelle  M  ;  un 
peu  au-dessus  de  l'extrémité  inférieure  G,  elle  porte 
un  renflement  creux,  en  forme  de  manchon,  dans 


VERRES  DE  MOxNTRE. 


475 


lequel  passe  une  petite  tige  en  fer  courbée  à  angle 
droit  a,  b^  e^  qui  peut  glisser  à  volonté  de  manière 
à  augmenter  ou  à  diminuer  à  volonté  le  diamètre 
du  cercle  fourni  par  le  compas;  une  vis  de  pres- 
sion V  sert  à  la  fixer.  A  son  extrémité  0  se  trouve 
le  diamant. 

La  feuille  de  verre  PP,  qui  repose  sur  la  plate- 
forme TT,  est  découpée  par  une  ouvrière  qui  fait 
faire  avec  une  main  un  tour  à  la  manivelle  M,  tandis 
que  de  l'autre  elle  tient  cette  plaque  ;  elle  trace 
rapidement  avec  le  diamant  des  cercles  sur  toute  la 
surface  du  verre;  puis  elle  passe  la  plaque  à  une 
autre  ouvrière  qui  en  détache  les  rondelles.  Celles-ci 
sont  triées  et  classées. 

Ce  sont  ces  disques  très-plats  qu'on  transforme 
en  verres  chevés  en  en  relevant  les  bords  ;  on  les 
introduit  dans  une  petite  moufle  en  terre  réfractaire 
chaufl'ée  au  coke.  Dans  l'intérieur  de  cette  moufle 
se  trouvent  plusieurs  petits  moules 
en  terre  très-fine,  ayant  exacte- 
ment la  forme  que  doit  prendre  le 
verre  chevé,  c'est-à-dire  une  sur- 
face presque  plane,  légèrement 
relevée  sur  les  bords  (fig.  72). 

Un  ouvrier  place  un  verre  A  B 
sur   un  de   ces   petits   moules   M 
qu'on  a  pris  soin  de  saupoudrer,  au 
moyen  d'un  sachet,  d'une  poudre  impalpable  de  chaux 
et  d'argile  pour  empêcher    l'adhérence  du   verre; 
il  pousse  rapîdem3nt    le  moule  dans  la  moufle  à 
l'aide  d'un  petit   crochet  en  fer;   puis,   quand  le 


Fig.  72 


476 


LE    VERRE. 


verre  est  suffisamment  ramolli,  il  le  retire  avec  le 
même  crochet  et  il  frotte  le  verre  avec  un  tampon 
de  papier  de  manière  à  lui  faire  prendre  bien  exac* 
tement  la  forme  concave  du  moule. 

Avec  un  ouvrier  exercé,  qui  peut  conduire  plu- 
sieurs moufles,  cette  opération  se  fait  très- rapide- 
ment. Mais  le  moule  et  le  tampon  laissant  des 
marques  sur  les  deux  surfaces  du  verre,  celles-ci 
ont  besoin  d'être  repolies;  ce  qui  augmente  nota- 
blement le  prix  de  revient  de  ces  verres  chevés. 

Une  autre  méthode,  inventée  et  brevetée  par 
MM.  Walter,  Berger,  consiste  à  employer,  pour  faire 
le  même  travail,  des  moules  en  terre  convexes^  qui 
remplacent  les  moules  concaves  dont  il  vient  d'être 
question,  Le  disque  de  verre  A  B  (fig.  73)  déborde 
légèrement  le  moule  sur  toute  sa  circonférence; 
quand  le  verre  est  assez  chaud,  il  est  ramené  avec 
son  support  sur  une   petite  plate-forme    en  fonte 

placée  en  avant  de  la  moufle;  l'ou- 
vrier capuchonne  le  verre  avec  une 
petite  calotte  en  bois  de  forme  co- 
nique :  commela  partie  qui  fait  saillie 
est  ramollie  avant  le  restant  du  verre, 
on  peut  n'agir   que  sur  elle;  cette 
opération  est  beaucoup  plus  rapide 
que  la  précédente  et  les  bords  seuls 
sont  à  polir.  Ce  dernier  travail  se  fait  au  moyen  d'une 
meule  en  pierre  ou  en  grès  très-dur  ;  on  forme  ainsi 
le  biseau  légèrement  arrondi  qui  permet  de  loger  le  . 
verre  dans  le  drageoir  de  la  montre;  ce  biseau  est  en- 
suite soumisau  polissage  au  moyen  de  la  roue  de  liège. 


^^ — -^ 

Fig.  73 


VERRES  DE  MONTRE.  477 

Cette  dernière  façon  a  été  encore  simplifiée  par 
M.  Walter  :  le  verre  de  montre,  après  qu'il  a  été 
découpé  au  diamant,  est  immédiatement  porté  à  la 
taillerie;  la  meule  de  grès  donne  le  biseau;  puis, 
sanfs  être  poli,  on  lui  donne  à  la  moufle  la  forme  du 
verre  chevé;  l'action  du  feu,  en  le  ramollissant  pen- 
dant lopération  du  moulage,  arrondit  le  tranchant 
du  biseau  taillé  et  le  rend  parfaitement  clair,  brillant 
et,  en  même  temps,  plus  dur,  plus  solide,  moins 
sujet  à  s'écailler  lorsqu'on  le  place  dans  la  rainure 
de  la  montre.  Le  ciselage  servant  à  égaliser  le  bord, 
le  ravattage  pour  en  arrondir  le  tranchant^  et  le 
polissage  qui  finissait  le  travail,  se  trouvent  suppri- 
més. 

Une  fois  terminés,  les  verres  sont  classés  en 
raison  de  leurs  différentes  qualités,  calibrés  d*après 
leur  diamètre  et  de  leur  courbure  :  chaque  pièce 
est  enveloppée  séparément  dans  du  papier;  elles 
sont  ensuite  réunies  par  douzaines  et  empaquetées 
par  demi-grosses.  Ces  verres  sont  ainsi  livrés  au 
commerce,  suivant  le  numéro  du  choix  et  en  qualité 
ordinaire,  à  des  prix  qui  varient  entre  2  fr.  50  et 
8  francs  la  grosse,  soit  1.7  à  5  centimes  la  pièce. 

Composition.  —  La  matière  vitreuse  employée  pour 
les  verres  de  montre  doit  être  très-dure,  afin  de  ne  pas 
se  rayer  ni  se  dépolir  par  l'usage  :  elle  ne  doit  pas  être 
hygrométrique  ;  il  est  essentiel,  en  effet,  qu'elle  ne  se 
couvre  point  de  buée,  ainsi  que' cela  arrive  aux  verres 
tendres,  fusibles,  trop  chargés  d'alcalis.  En  con3é- 


478  LE  YBRRE. 

quence,  ce  verre,  étant  très-siliceux,  ne  peut  être 
fondu  qu'à  une  température  très-élevée.  On  fait 
usage,  à  Goetzenbruck ,  de  la  composition  sui- 
vante : 

Sable 65 

Carbonate  de  soude  à  90" 17 

Carbonate  de  potasse .   : 6 

Cnaux \0 

Azotate  de  soude 1,5 

Arsenic 0,5 

400,0 

Un  morceau  de  ce  verre  cassé  raye  le  verre 
blanc  pour  gobeleterie,  comme  le  ferait  une  pointe 
d'acier. 

Dans  cette  fabrication,  la  main-d'œuvre  repré- 
sente à  peu  près  les  deux  tiers  du  prix  de  revient; 
les  matières  premières  et  le  combustible,  l'autre 
tiers. 


CHAPITRE  NEUVIEME 


Yertea  pour  Toptiqiie.  —  Grown-glass.  FUnt^lass. 


Les  instniineals  d*opliqae  exigent  remploi  de 
deux  espèces  de  verre  ayant  des  densités  différenies; 
c'est  ainsi  quUls  deviennent  achromatiques. 

On  sait  que  la  découverte  de  Tachromatisnie  est 
due  à  Euler,  qui  eut,  en  1747,  l'idée  si  féconde  de 
corriger  par  l'emploi  de  plusieurs  substances  dia- 
phanes l'aberration  qui  résulte  de  la  décomposition 
de  la  lumière  dans  les  verres  sphériques. 

La  théorie  d'EuIer  fut  d'abord  attaquée  par  Jean 
DoUond,  célèbre  opticien  de  Londres.  Mais  cet  artiste 
se  convainquit  bientôt,  par  des  expériences  multi- 
pliées, que  les  verres  alors  connus  et  fabriqués  en 
Angleterre  sous  les  noms  de  flint-glass  et  de  crown^ 
glass,  c'est-à-dire  le  cristal  ordinaire  à  base  de  plomb 
et  le  verre  à  vitre  en  couronne,  permettaient  de  réa- 
liser le  projet  d'Euler  et  d'obtenir  des  lunettes 
achromatiques.  Une  patente  fut  accordée  en  1759  à 
cet  opticien,  qui  présenta  bientôt  à  la  Société  royale 
de  Londres  une  lunette  achromatique  à  triple  objectif, 


480  LE    VERRE. 

dont  Texistence  fit  dans  l'Europe  savante  une  grande 
sensation. 

Deux  célèbres  géomètres,  membres  de  notre 
Académie  des  sciences,  Clairault  et  d'Alembert, 
déterminèrent  les  courbures  sphériques  des  verres 
de  forces  dispersives  inégales.  Clairault  reconnut,  en 
outre,  qu*on  trouvait  à  Paris  un  verre  dont  la  force 
>dispersive  était  plus  grande  que  celle  du  flint-glass 
anglais  ;  mais  ce  verre,  très-riche  en  plomb,  qui  ser- 
vait à  imiter  le  diamant  et  qui  était  fabriqué  par 
Tartiste  Strass^  «  est  ordinairement,  dit  Rochon  dans 
un  rapport  fait  à  TAcadémie,  tellement  gélatineux, 
qu'il  est  bien  difficile  de  remployer  à  la  fabrication 
des  objectifs  achromatiques  ». 

En  1766,  l'Académie  des  sciences  proposa  un  prix 
pour  celui  qui  ferait  connaître  le  meilleur  procédé 
de  fabrication  d'un  verre  pesant,  exempt  de  défauts, 
ayant  toutes  les  propriétés  du  flint-glass;  bien  que 
ce  prix  ait  été  décerné  en  1773,  un  autre  concours 
pour  la  même  question  fut  ouvert  en  178G;  la  valeur 
du  prix  fut  portée  à  12,000  livres. 

Malgré  ces  encouragements,  et  en  dépit  des  efforts 
de  d'Artigues,  de  Dufougerais,  etc.,  ce  difficile  pro- 
blème resta  sans  solution  satisfaisante. 

11  était  réservé  à  un  ouvrier  suisse  de  porter  à 
un  haut  degré  de  perfection  la  fabrication  des  verres 
d'optique.  Pierre-Louis  Guinand,  né  aux  Brenets, 
petit  village  des  environs  de  Neufchàtel,  d*abord 
apprenti  menuisier,  puis  fabricant  de  boites  pour  les 
horloges,  se  trouva  en  relation  avec  Droz,  construc- 
teur de  figures  automatiques,  lequel  possédait  un 


VERRES  POUR  L'OPTIQUE.  481 

beau  télescope  fabriqué  en  Angleterre.  Animé  d*un 
grand  désir  d'apprendre  et  d'une  persévérance  à 
toute  épreuve,  le  jeune  Guinand  parvint  à  en  con- 
struire un  dont  la  qualité  n'était  pas  inférieure  à 
celle  du  modèle.  Dès  que  la  découverte  des  verres 
achromatiques  lui  fut  connue,  il  entreprit  une  très- 
longue  série  d'essais  dans  le  but  d'améliorer  leur 
fabrication.  Il  parvint  enfin  à  faire  des  disques  de 
flint-glass  parfaitement  homogènes,  ayant  jusqu'à 
12  pouces  de  diamètre;  il  en  obtint  même  un  de 
18  pouces,  mais  qui  fut  détruit  dans  un  incendie  qui 
éclata  dans  sa  modeste  habitation. 

La  réputation  des  verres  de  Guinand  arriva  jus- 
qu'à Frauenhofer,  célèbre  fabricant  d'instruments 
d'optique  à  Benediclbeurn,  en  Bavière,  qui,  en  1805, 
décida  Guinand  à  devenir  son  associé.  Pendant  neuf 
années,  Guinand  se  livra  exclusivement  à  cette  fabri- 
cation en  Bavière,  au  grand  profit  de  la  réputation 
des  instruments  de  Frauenhofer. 

Guinand  avait  soixante-dix  ans  lorsqu'il  retourna 
dans  son  pays  natal,  avec  une  pension  qui  lui  était 
faite  par  l'établissement  bavarois,  àla  condition  qu'il 
cesserait  de  produire  des  verres  d'optique  et  qu'il  ne 
divulguerait  pas  les  procédés  qu'il  avait  découverts. 
Mais  son  esprit  ardent  et  tenace  ne  put  pas  supporter 
longtemps  cette  contrainte;  entrevoyant  de  nouvelles 
améliorations,  il  déchira  son  traité  et  se  livra  de 
nouveau  à  ses  recherches  favorites.  Il  produisit 
encore  plusieurs  lunettes  astronomiques  d'une  rare 
perfection.  Il  mourut  en  1821,  à  quatre-vingts  ans, 
au  moment  où  le  gouvernement  français  cherchait  à 

Pemgot,  Le  Verre.  31 


482  LE   VERRE. 

acquérir  ses  procédés  de  fabrication.  Ces  procédés, 
qu'on  crut  d'abord  perdus,  avaient  été  conservés  par 
son  fils,  qui  voulut  les  vendre  à  la  Société  astrono- 
mique de  Londres.  Mais,  les  négociations  entamées 
n'ayant  pas  abouti,  une  commission,  composée 
de  Herschell,  Faraday,  Dollond  et  Roget,  fut 
chargée  de  faire  des  expériences  pour  arriver  à 
fabriquer  du  bon  flint-glass;  ces  essais,  auxquels  une 
somme  de  150,000  fr.  fut  consacrée,  n'amenèrent 
aucun  résultat  pratique. 

La  Société  d'encouragement  pour  l'industrie  na- 
tionale a  été  plus  heureuse;  elle  proposa,  en  1837, 
un  prix  de  10,000  fr.  à  décerner  au  verrier  français 
qui  aurait  livré  au  commerce  du  flint-glass  de  bonne 
qualité;  un  autre  prix,  de  la  valeur  de  i!i,000  fr.,  fut 
proposé  en  même  temps  pour  la  fabrication  du 
crown-glass. 

Ces  prix  furent  partagés,  en  1839,  entre  M.  Gui- 
nand  fils,  qui  fit  connaître  et  perfectionna  le  procédé 
inventé  par  son  père,  et  M.  Bontemps,  qui  avait  pro- 
duit, par  le  même  procédé  qu'il  tenait  de  M.  Gui- 
nand  fils  et  qu'il  avait  lui-même  amélioré,  des 
masses  volumineuses  de  flint-glass.  D'autres  récom- 
penses pour  le  même  objet  furent  accordées  à 
M™*  veuve  Guinand,  à  M.  Daguet,  de  Soleure,  et  à 
M.  Berthet,  lesquels  ont  fabriqué  aussi  des  verres 
d'optique  de  bonne  qualité  en  se  servant  du  procédé 
découvert  par  Guinand. 

Ainsi,  grâce  à  l'intervention  de  la  Société  d'en- 
couragement, les  procédés  de  Guinand  sont  aujour- 
d'hui connus  et  employés  dans  plusieurs  établisse* 


VERRES  POUR  L'OPTIQUE.  483 

ments  français  et  étrangers  qui  fournissent  aux 
opticiens  du  flint  et  du  crown  de  bonne  qualité. 
L*art  de  la  photographie  a  beaucoup  augmenté  la 
consommation  de  ces  verres. 

On  peut  dire  que  cette  fabrication  est  restée, 
depuis  son  origine,  entre  les  mains  de  la  même 
famille;  M.  Ch.  Feil,  arrière-petit-fils  de  Guinand, 
fait  aujourd'hui  à  Paris  les  verres  d'optique  les  plus 
estimés;  il  a  lui-même  apporté  dans  Tindustrie  créée 
par  son  bisaïeul  d'importants  perfectionnements.  Les 
disques  en  crown  et  en  flint  qu'il  avait  envoyés  à 
l'Exposition  de  Vienne,  en  1873,  étaient  d'une  beauté 
remarquable;  ils  avaient  jusqu'à  53  centimètres  de 
diamètre  (20  pouces).  Ces  disques  étaient  polis  sur 
les  faces  et  sur  les  côtés,  de  manière  à  rendre  pos- 
sible leur  examen  sommaire  sous  le  rapport  de  la 
qualité. 

La  densité  de  flint  pour  les  objectifs  astronomiques 
varie  de  3.64  à  3.59;  celle  du  crown  de  2.46  à  2.50  ; 
pour  les  objectifs  de  photographie,  qui  doivent  être 
en  verre  très-blanc,  la  densité  est  de  3.54  à 3.00  pour 
le  flint  et  de  2.90  à  2.54  pour  le  crown.  Pour  les 
microscopes,  on  peut  faire  usage  de  flint  d'une  den- 
sité plus  forte,  soit  4.0,  qu'on  combine  avec  un 
crown  léger.  M.  Feil  a  même  obtenu  du  flint  ayant 
5.5  pour  densité;  c'est  le  verre  le  plus  réfringent 
qu'on  connaisse.  Les  verres  de  ce  fabricant  sont 
aujourd'hui  recherchés  par  les  opticiens  de  tous  les 

pays. 

Malgré  ces  progrès,  la  fabrication  des  disques  de 
flint  et  de  crown  pour  les  grandes  lunettes  astrono- 


484  LE   VERRE. 

miques  présente  encore  d'extrêmes  difficultés;  des 
verres,  dont  l'apparence  est  très-belle,  donnent  des 
résultats  médiocres  ou  nuls  lorsqu'ils  sont  soumis  à 
l'opération  très-coûteuse  de  la  taille.  On  voyait  à 
l'Exposition  de  Londres,  en  1851,  un  disque  de 
flint  de  74  centimètres  de  diamètre  (29  pouces), 
pesant  plus  de  200  kilogrammes,  fabriqué  chez 
MM.  Chance,  de  Birmingham;  un  autre  disque  de 
crown-glass,  à  peu  près  de  même  dimension,  a  été 
fait  depuis  dans  les  mêmes  ateliers.  Ces  verres  ont 
été  achetés  par  l'Observatoire  de  Paris,  sous  cer- 
taines réserves.  Bien  que  leur  apparence  fût  satis- 
faisante, comme  ils  étaient  à  l'état  brut,  il  n'était 
pas  possible  de  dire  par  avance  s'ils  possédaient 
toutes  les  qualités  voulues  pour  faire  une  bonne 
lunette  ;  à  la  suite  de  longues  épreuves,  l'expérience 
a  prouvé  que  ces  qualités  n'existaient  pas.  La  belle 
découverte  des  miroirs  argentés,  due  à  M.  Foucault, 
rend  aujourd'hui  moins  importante  la  fabrication  si 
coûteuse  et  si  difficile  de  ces  grands  objectifs.  Néan- 
moins l'emploi  de  ces  miroirs  offre  aussi  de  sérieuses 
difficultés,  en  raison  des  courbures  à  donner  et  de 
la  flexion  du  verre. 

Fabrication  du  flint-glass.  —  Ce  verre,  quand  il  est 
de  bonne  qualité,  doit  être  à  la  fois  très-dense  et 
très-homogène,  parfaitement  exempt  de  stries  et  de 
bulles;  il  faut  qu'il  soit  aussi  peu  coloré  que  possible; 
néanmoins  la  grande  quantité  d'oxyde  de  plojtub 
qu'il  renferme  lui  donne  toujours  une  teinte  un  peu 
jaunâtre. 


VERRES  POUR  L'OPTIQUE.  486 

Voici  la  composition  du  flint-glass  de  M.  Guinand  : 

Silice Û2,5 

Oxyde  de  plomb 43,5 

Potasse 11,7 

Alumine 1,8 

Chaux 0,5 

Acide  arsénique trace. 

100,0 

Cette  analyse  est  de  M.  Dumas. 

La  proportion  considérable  d*oxyde  de  plomb  que 
renferme  ce  verre  rend  sa  fabrication  fort  difficile  ; 
pendant  qu'il  est  liquide,  il  tend  à  se  partager  en 
couches  de  diverses  densités.  De  là  des  variations 
dans  le  pouvoir  réfringent  des  couches  superposées; 
de  là  aussi  la  déformation  des  images,  qui  rend 
remploi  du  flint  impossible  dès  qu'il  présente  la 
moindre  strie. 

Cette  séparation  des  verres  plombeux  en  tranches 
plus  ou  moins  denses  se  fait  également  sentir  dans 
le  cristal  ordinaire,  ainsi  qu'on  peut  le  constater  en 
examinant  avec  attention  un  morceau  de  cristal  taillé 
un  peu  épais.  Comme,  d'ailleurs,  les  pièces  sont 
ordinairement  soufflées  et  assez  minces,  ce  défaut  a 
peu  d'importance  pour  le  cristal. 

Le  tour  de  main  de  Guinand,  suivi  par  tous  ses 
successeurs,  consiste  à  empêcher  la  séparation  de  ces 
zones  d'inégale  densité  en  brassant  le  verre  fondu 
jusqu'au  moment  où  il  devient  suffisamment  vis- 
queux pour  que  ces  couches  plus  ou  moins  denses 
ne  puissent  plus  se  former. 


486  LE  VERRE. 

Pour  Tabriquer  le  Qint-glass,  M.  Bontemps  se  ser- 
vait de  la  composition  suivante  : 

sable 100  kllogp. 

Minium 100     — 

Potasse 30     — 

Ces  matières  sont  choisies  aussi  pures  que  pos- 
sible. 

La  fonte  se  fait  dans  un  four  rond,  au  centre 
duquel  se  trouve  le  pot,  qui  est  couvert. 

Le  creuset  (fig.  75,  A)  étant  chauffé  à  part  dans 
un  four  spécial,  on  l'introduit  par  les  moyens  ordi- 


Fig  75. 


naires  dans  le  four  de  fusion  également  chauffé. 
Cette  opération  refroidit  le  four  et  le  creuset  ;  on  les 
réchauffe  avant  d'enfourner. 


VERRES  POUR  L'OPTIQUE.  487 

On  débouche  l'ouverture  du  creuset,  qui  est  gar- 
nie de  deux  couvercles  destinés  à  empêcher  la  fumée 
de  s'introduire  dans  son  intérieur,  et  on  y  enfourne 
le  mélange,  par  portions  de  20  à  liO  kilogrammes.  Au 
bout  de  huit  à  dix  heures,  la  totalité  du  mélange  se 
trouve  dans  le  creuset.  On  chauffe  pendant  quatre 
heures,  puis  on  enlève  les  couvercles  qu'on  avait 
remis  en  place,  et  on  introduit  dans  le  creuset 
un  cylindre  en  terre  préalablement  chauffé  au  rouge 
bl  anc.  Une  longue  barre  à  crochet  B,  horizontale  et 
s' appuyant  sur  un  support  à  rouleau  en  fer,  est  intro- 
duite dans  la  cavité  ménagée  dans  la  tête  du  cylindre  ; 
on  fait  un  premier  brassage  qui  sert  à  Venverrer.  Au 
bout  de  trois  minutes,  la  partie  courbe  de  la  barre 
de  fer  est  portée  au  rouge  blanc.  On  Tôte,  on 
pose  le  bord  du  cylindre  sur  le  bord  du  creuset; 
ce  cylindre  flotte,  légèrement  incliné,  sur  la  masse 
vitreuse.  On  remet  les  couvercles  et  on  continue  à 
chauffer.  Cinq  heures  après,  on  brasse  de  nou- 
veau. Les  brassages  se  succèdent  alors  d'heure 
en  heure,  ne  durant  que  les  quelques  minutes 
suffisantes  pour  porter  au  rouge  blanc  un  crochet 
de  fer. 

Après  six  brassages,  on  laisse  refroidir  le  four 
pendant  deux  heures,  pour  faire  monter  les  bulles 
qui  ne  sont  pas  encore  dégagées;  puis  on  le  chauffe 
à  son  maximum  pendant  cinq  heures.  Le  verre  est  très- 
liquide  et  entièrement  exempt  de  bulles.  On  le  brasse 
sans  discontinuer  pendant  deux  heures;  aussitôt 
qu'une  barre  à  crochet  est  chaude,  on  la  remplace 
par  une  autre.  Gomme  on  a  eu  soin  de  boucher  les 


488  LE   VERRE. 

grilles  par  dessous,  la  matière,  en  se  refroidissant, 
prend  une  certaine  consistance,  et  quand  le  brassage 
ne  se  fait  plus  qu'avec  beaucoup  de  difficulté,  on  ôte 
le  cylindre  du  creuset.  Celui-ci  est  bouché,  ainsi  que 
les  ouvertures  du  four.  Au  bout  de  huit  jours,  on  sort 
le  creuset,  on  le  casse  et  on  en  sépare  les  débris  avec 
précaution;  le  flint  s'y  trouve  ordinairement  en  une 
seule  masse.  Des  faces  parallèles  polies  sont  alors 
faites  sur  les  côtés  de  cette  masse  pour  examiner  son 
intérieur  et  voir  comment  elle  doit  être  débitée.  On 
la  scie  en  tranches  parallèles  et  en  raison  des  défauts 
qu'elle  peut  présenter.  Quant  aux  fragments,  on  en 
fait  des  disques  en  les  chauffant  dans  des  moules  en 
terre  à  la  température  nécessaire  pour  les  ramollir. 

Fabrication  du  crown-glass.  —  Ce  verre  présente  la 
composition  du  verre  à  vitre  et  du  verre  à  glace.  On 
emploie  même  beaucoup,  pour  les  lunettes  de  spec- 
tacle et  pour  les  objectifs  de  petite  dimension,  la 
plaque  de  Saint-Gobain  ;  c'est  le  verre  à  glace  de  cette 
manufacture. 

La  fabrication  du  crow^n  est  plus  difficile  encore, 
sujette  à  plus  d'accidents  que  celle  du  flint.  Elle  exige 
une  température  plus  élevée  :  si  on  essaye  de  rendre 
ce  verre  plus  fusible,  il  attire  l'humidité,  il  ressm. 
L'obligation  d'essuyer  fréquemment  les  verres  d'une 
lunette  en  ôte  le  poli  et  déforme  les  courbures.  Cet 
inconvénient  est  surtout  très-grand  pour  les  lunettes 
marines.  Si  on  veut  faire  le  crown  plus  sec,  plus  sfli- 
ceux,  c'est  alors  contre  la  dé  vitrification  qu'on  a  à 
lutter. 


VERRES  POUR  L'OPTIQUE.  489 

M.  Bontemps  donne,  pour  la  composition  d'une 
potée  de  crown,  les  proportions  suivantes  : 

Sable  blanc 120  kilogr. 

Potasse 35      — 

Sel  de  soude 20      — 

Craie 15      — 

Arsenic  blanc 1      — 

Ce  mélange  doit  fournir  un  verre  trop  alcalin. 
C'est,  d'ailleurs,  le  défaut  qu'on  reproche  souvent 
au  crown  lorsqu'il  est  fait  en  mettant  peu  de  chaux 
pour  éviter  la  dévitrification. 

La  fonte  se  fait  dans  les  mêmes  conditions  que 
celles  du  flint.  La  composition  est  enfournée  par 
portions  dans  un  creuset  couvert  de  même  disposi- 
tion. Les  brassages,  le  refroidissement,  le  réchauf- 
fage, puis  les  nouveaux  brassages,  jusqu'à  ce  que  le 
verre  s'épaississe,  présentent,  sauf  les  intervalles  de 
temps  qui  sont  un  peu  différents,  les  mêmes  phases. 

Par  le  refroidissement,  le  verre  se  brise  habituel- 
lement. Les  fragments  sont  moulés  dans  des  plateaux 
en  terre  réfractaires  enduits  de  chaux  qui  leur  donne 
la  forme  des  disques  qu'on  soumet  ensuite  à  la 
taille  ;  le  recuit  doit  être  très-soigné  et  le  refroidis- 
sement très-lent,  sous  peine  de  produire  des  verres 
trempés  qui  ne  sont  pas  acceptés  pour  les  lunettes 
astronomiques  de  quelque  valeur. 


TABLE  DES  MATIERES 


Pages. 

Avant-propos i 

Introduction 4 

Statistique  de  l'industrie  verrière  en  France 3 

CHAPITRE    PREMIER. 

Classification  et  propriétés  générales  des  différentes  espèces  de 

verres 5 

Matières  premières  employées  dans  la  fabrication  du  verre ....  7 

Propriétés  de  la  silice  et  des  silicates..      40 

Nature  chimique  des  verres 45 

Action  de  la  chaleur  sur  les  verres.—  Trempe  et  recuit  du  verre.  22 

Verre  durci.  —  Verre  incassable.  .   .          29 

Cristallisation  du  verre;  dévitrification 37 

Action  de  la  lumière  sur  les  verres 49 

Action  de  Teau  sur  les  verres. 52 

Action  des  acides  et  dès  alcalis 59 

Action  de  Tacide  fluorhydrique  sur  le  verre 62 

Gravure  du  verre  au  moyen  du  sable 74 

Composition  et  analyse  des  différentes  espèces  de  verres 73 


492  TABLE  DES  MATIÈRES. 


CHAPITRE  DEUXIÈME. 
Poterie   et  fours   de   verrerie. 

Pages. 

Fabrication  de  la  poterie  :  des  pots  ou  creusets  pour  fondre  le 

verre  ;  des  briques  servant  à  la  construction  des  fours  ....  93 

Briques  pour  la  construction  des  fours 404 

Fours  de  fusion.' 405 

Fours  ordinaires * 406 

Fours  de  MM.  Siemens 107 

Four  Boétius 443 

Fours  à  vannes  et  à  cuvette 415 

Fonte  des  matières  qui  fournissent  le  verre 120 


CHAPITRE    TROISIÈME. 


Silicates  alcalins.  —  Verres  solubles 125 


CHAPITRE    QUATRIÈME 
Verre  à  vitre. 

Historique 137 

Procédés  de  fabrication  du  verre  à  vitre 145 

Verres  à  vitre  soufflés  en  cylindres  ou  en  manchons 446 

Fonte  et  soufflage  du  verre  à  vitre .  . 152 

Étendage  des  manchons 166 

Fabrication  du  verre  à  vitre  en  plateaux 179 

Verre  cannelé 186 

Verre  à  vitre  dépoli 189 


^> 


TABLE   DES  MATIÈRES.  493 

Psgei. 

Verre  mousseline '9" 

Verrai  à  vitre  de  couleor *93 

Verre  bleu ^3'' 

Verre  bleu  doublé ^9S 

Verre  violet *"' 

Verres  jaunes *•** 

Verres  verts      '•'^ 

Verre  rouge  ou  pourpre S05 

CHAPITRE    CINQUIÈME. 
Glaces. 

Historique 213 

Glaces  soufflées *3' 

Fabrication  des  glaces  coulées î5l 

Êiarnage  et  argenture  des  glaces S73 

Platinage  des  glaces - 289 

Dorure  du  verre 289 

CHAPITRE    SIXIÈME. 

Bouteille  Si 

Historique  et  febrication 191 

CHAPITRE    SEPTIÈME. 

Verrerie  de  luxe  et  verrerie  conunune. 
Gobeleteiie  en  verre  et  en  cristal. 

Historique 307 

Verrerie  romaine 311 


r 


494  TABLE    DES    MATIËAES. 

Pages. 

Verrerie  chrétienne 327 

Verrerie  chez  les  Grecs  du  Bas-Empire 334 

Verrerie  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance 334 

Verreries  de  Venise 337 

Verrerie  de  Bohême 342 

Verrerie  anglaise.  —  Cristal 344 

Composition  du  verre  et  du  cristal  chez  les  anciens.  350 

Verre  ordinaire 351 

Verre  plombeux.  —  Grista) 357 

Fabrication  de  la  gobeleterie  à  base  de  soude  ...  364 

Verre  de  Bofaôme 367 

Cristal 380 

Verres    et    cristaux    de    fantaisie ,    translucides  , 

opaques,  incolores  ou  colorés 421 

Verre  opale 42t 

Verres  semi-opaques 425 

Émail 429 

Verres  colorés  dans  la  masse .• 434 

Verres  colorés  pour  doubler  ou  tripler  le  verre  blanc 439 

Verre  craquelé 446 

Taille  et  gravure  des  verres  et  des  cristaux 446 

Dorure  et  peinture 448 

Verres  façon  de  Venise 450 

Verres  rubanés 450 

Serre-papiers  en  milleûori , -  45< 

Aventuriné. 452 

Aventurine  de  chrome 459 

Strass.  —  Imitations  du  diamant  et  des  pierres  précieuses  ....  459 

Perles  de  verre 464 

Mosaïques 463 


TABLE    DE:5    M.vriEaKn.  *'^ 

<:  HA  PITRE    lï[:iTIH.VIIi 


CHAPITRE    NErVïK.MIi 
Vagtàqtm,  —  crown  qlamm  -  et  Oint  giaUv    «:  * 


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MAR-  1  1    1938