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Full text of "Le voyage artistique à Bayreuth"

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'^J 


I  A, 


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in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


iittpV/www.archive.org/detaiis/ievoyageartistiqOOiavi 


LE  VOYAGE  ARTISTIQUE 
A   BAYREUTH 


COULOMMIERS 

Imprimerie  Paul  BRODAKD. 


[e  l/oya<5 


/^rtisticjue 


Bayreutl^ 


pai 


Albert  Lavignac 

Professeur  d'harmonie 
au   Conservatoire  de  Paris 


Ouvrage  contenant  de  Nombreuses  Figures 

et  280  Exemples  en  musique 


SEPTIE.ME     EDITION 


^■è 


PARIS 

LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE 

l5,     RUE     SOUFFLOT,     l5 


IfOà 


A   Monsieiu'  HENRY   ROUJOX 


Directeur  des  Beaux-Arts. 


AVERTISSEMENT 


En  écrivant  un  mil  et  unième  ouvrage  sur  Richard 
W^f^ner  et  son  œuvre,  je  n'ai  pas  eu  la  prétention 
de  îaire  mieux  que  ce  qui  a  été  fait  précédemment. 
J'ai  voulu  faire  autre  chose  :  un  véritable  Guide  pra- 
tique du  Français  à  BaTjreuth,  répondant  aux  désirs 
et  aux  curiosités  de  ceux  de  nos  nationaux  qui  n'ont 
pas  encore  accompli  ce  petit  voyage,  si  facile  pour- 
tant et  si  plein  d'attraits;  j'ai  voulu  .mssi  leur  indi- 
quer dans  quel  état  d'esprit  on  doit  l'entreprendre, 
et  les  séduisantes  études  préliminaires  auxquelles  on 
doit  s'astreindre  si  l'on  veut  en  jouir  pleinement; 
j'ai  voulu  enfin  présenter  le  style  wagnérien  dans  la 
clarté  spéciale  qui  lui  est  propre,  en  le  dégageant 
des  nébulosités  dont  l'enveloppent  parfois  certains 
de  ses  commentateurs,  sans  se  rendre  compte  que, 
loin  d'aplanir  la  route,  ils  la  hérissent  de  difficultés; 
c'est  la  seule  critique  que  je  me  permette  de  leur 
adresser  :  ils  écrivent  pour  des  wagnériens,  non  pour 
des  néophytes. 

Je  n'ai  certes  pas  lu  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur 
Wagner,  —  une  vie  humaine  n'y  suffirait  pas,  et  il 


VI  AVERTISSEMENT 

faudrait  être  polvglotte,  —  mais  un  très  grand  nom- 
bre d'ouvrages  importants,  principalement  les  beaux 
travaux  de  MM.  Ernst,  Schurè,  Chamberlain^  de 
Brinn  Gauhast,  la  biographie  de  M.  Adolphe  Jullien, 
et  celle  du  Dictionnaire  anglais  de  Gro^^e.  les  Lettres 
de  Wagner  et  son  autobiographie,  les  écrits  de  Wol- 
zogeii,  Kufferath,  Souhies  et  Malhei^be,  etc.,  tous 
très  remarquables  à  des  points  de  vue  divers,  et  je 
me  suis  efforcé  d'en  condenser  la  quintessence.  Mais 
mes  documents  les  plus  précieux  sont  ceux  que  j'ai 
recueillis  moi-même  sur  place,  parmi  lesquels  il  en 
est  beaucoup  qui  seront  imprimés  ici  pour  la  première 
fois,  et  que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  A.  von  Gross, 
le  grand  maître  des  Bïihnenfestspiele;  d'amires  ^our 
lesquels  mon  savant  ami  J.-B.  Weckerlin,  bibliothé- 
caire au  Conservatoire,  m'a  singulièrement  facilité 
les  recherches;  j'ai  également  mis  à  contribution  les 
inépuisables  archives  de  M.  Lascoux,  un  passionné 
wagnérien  de  la  première  heure,  et  l'érudition  de 
mon  ami  Vincent  d'Indy,  auquel  j  ai  emprunté  sans 
scrupule  des  paragraphes  entiers  d'une  certaine  lettre. 
A  tous  ces  aimables  collaborateurs  j'adresse  ici 
l'expression  de  ma  vive  gratitude.  Je  dois  aussi  un 
remerciement  à  mon  élève  Paul  Jumel,  qui  m'a  aidé 
dans  le  classement  des  notes  comme  dans  la  correction 
des  épreuves. 


•p] 
Paris,  1897. 


A.  L. 


LE 

VOYAGE  ARTISTIQUE 

A  BAYREUTH 


CHAPITRE    PREMIER 
COMMENT    ON    VA    A    BAYREUTH 


«  Qui  veut  compreadre  le  poète 
doit  aller  dans  le  pays  du  poète.  » 
Gœthe. 

On  va  à  Bayreuth  comme  on  veut,  à  pied,  à  cheval,  en 
voiture,  à  bicyclette,  en  chemin  de  fer,  et  le  vrai  pèlerin 
devrait  y  aller  à  genoux.  Mais  la  voie  la  plus  pratique,  au 
moins  pour  les  Français,  c'est  le  chemin  de  fer. 

Tout  d'abord,  il  faut  avoir  retenu,  assez  longtemps  à 
l'avance,  ses  places  pour  le  théâtre  et  ses  billets  de  loge- 
ment. On  peut  faire  cela  de  deux  manières,  soit  en  écri- 
vant directement  à  M.  A.  von  Gross,  banquier  à  Bayreuth, 
soit  par  l'intermédiaire  de  la  maison  Durand  et  fils,  4, 
place  de  la  Madeleine,  à  Paris.  En  principe,  les  meilleu- 
res places  comme  les  meilleures  chambres  sont  données 
aux  premiers  demandeurs;  pour  en  être  assuré,  ce  n'est 
pas  trop  tôt  de  s'inscrire  dès  le  mois  de  février  des  an- 
nées de  floraison  wagnérienne.  Si  l'on  est  nombreux,  on 
fera  bien  de  demander  que  toutes  les  places  ne  soient 
pas  sur  le  même  rang,  mais  distribuées  en  nombre  égal 


2  VOYAGE    A    BAYREUTH 

sur  deux  ou  plusieurs  rangs  voisins,  tout  en  restant  Lon- 
liguës.  Pour  les  chambres,  il  est  utile  de  spécifier  si  on 
les  désire  à  un  ou  deux  lits,  aussi  s'il  est  nécessaire 
qu'elles  communiquent  entre  elles;  faute  de  cette  précau- 
tion, on  serait  exposé  à  se  voir  réserver  des  logements 
en  nombre  voulu,  mais  séparés,  à  des  étages  différents, 
ou  même  dans  des  immeubles  entièrement  distincts. 

Peu  de  jours  après  avoir  écrit,  on  reçoit  du  comité  d'or- 
ganisation les  billets  de  théâtre,  dont  le  prix  invariable 
est  de  20  marks  (25  francs)  par  personne  et  par  repré- 
sentation, qu'on  doit  payer  de  suite.  Puis  le  comité  des 
logements  vous  envoie  à  son  tour  les  billets  de  logement 
portant  votre  nom,  le  nom  et  l'adresse  de  l'habitant,  le 
nombre  de  chambres  et  de  lits,  les  dates  de  l'occupation 
et  le  prix  de  location;  les  meilleures  chambres,  très  suffi- 
samment confortables,  coûtent  5  marks  (6  fr.  25)  par  per- 
sonne et  par  nuit,  mais  on  peut  être  logé  très  convenable- 
ment à  partir  de  3  marks  (3  fr.  75);  ce  compte  ne  se  solde 
qu'à  la  iin  du  séjour,  de  la  main  à  la  main,  avec  le  proprié 
taire  qui  a  mis  à  votre  disposition  une  partie  de  sa  maison. 

L'inconvénient  qui  pourrait  résulter  du  fait  de  retenir 
ainsi  ses  places  longtemps  d'avance  n'est  pas  si  grand 
qu'on  pourrait  rimaginer,  car,  même  plusieurs  mois  après, 
si  quelque  circonstance  obligeait  à  renoncer  au  voyage, 
on  trouverait  aisément  à  céder  tout  ou  partie  de  ses  bil- 
lets, le  nombre  des  demandes  excédant  toujours  celui  des 
places  disponibles. 

Toutefois,  s'il  est  bon  pour  un  groupe  nombreux,  tenant 
au  confortable,  de  s'inscrire  de  bonne  heure,  il  est  certain 
que  ce  n'est  pas  indispensable  au  même  degré  pour  une 
personne  voyageant  seule,  encore  moins  pour  un  jeune 
homme  s'accomraodant  d'un  gîte  quelconque  ;  celui-là  peut 
même  espérer  trouver  une  stalle  et  un  lit  en  arrivant  à 


COMMENT    ON    VA    A    BAYREUTH  3 

rimproviste  et  en  s'adressant  au  comité  des  logements 
installé  à  la  gare;  mais  c'est  une  chance  à  courir. 

Le  prix  des  places  de  chemin  de  fer,  de  Paris  à  Bay- 
reuth,  est  de  111  fr.  75  en  l""®  classe,  et  de  77  fr.  45  en 
2^  classe;  il  y  a  aussi  des  billets  mixtes  fl"  classe  en 
France,  2®  en  Allemagne);  ceux-là  coûtent  92  IV.  45.  La 
compagnie  de  l'Est  délivre  également  des  billets  d'aller 
et  retour,  valables  quinze  jours,  aux  prix  de  170  fr.  75  en 
1",  121  fr.  65  en  2*^,  ou  141  francs  en  classe  mixte.  Si  or. 
veut  profiter  de  l'Orient-Express,  ce  qui  est  à  la  fois  le 
plus  commode  et  le  plus  rapide,  il  faut  ajouter  un  supplé- 
ment de  23  fr.  80  au  billet  de  1"  classe. 

L'Orient-Express,  contenant  un  \vagon-restaurant, 
part  de  la  gare  de  l'Est  à  6  heures  50  du  soir,  et  passe  à 
Stuttgard  le  lendemain  matin  à  7  heure^s  35  'heure  de 
l'Europe  centrale,  en  avance  de  55  minutes  sur  l'heure 
française).  Les  formalités  de  douane  se  font  dans  le  train 
en  marche;  il  n'est  pas  nécessaire  d'avoir  de  passe-port. 
C'est  à  Stuttgard  qu'il  faut  descendre;  là  se  trouve  en 
correspondance  un  train  qui  vous  conduit  à  Bayreuth  en 
6  heures  et  demie  environ,  en  passant  par  Nuremberg. 

Si  on  préfère  faire  le  voyage  par  petites  étapes,  ce 
qui  est  moins  fatigant,  les  villes  intéressantes  ne  man- 
quent pas  sur  le  parcours.  Sans  vouloir  faire  une  concur- 
rence déloyale  au  Guide  Baedeker,  j'en  signalerai  quel- 
ques-unes qui  méritent  d'être  visitées,  soit  à  l'aller,  soit 
au  retour. 

Il  y  a  d'abord  Nancy,  ville  très  monumentale  d'aspect, 
quoique  moderne,  et  qui,  bien  que  plus  vivante,  n'est 
pas  sans  quelque  rapport  avec  Versailles.  Tout  y  est 
large,  spacieux,  propre  aussi. 

La  Place  Stanislas  est  une  des  plus  belles  que  nous  ayons 


4  VOYAGE    A    BAYREUTH 

en  France,  avec  de  magnifiques  grilles  en  fer  forgé,   de 
superbes  fontaines,  un  arc  de  triomphe  dans  le  style  co- 
rinthien, érigé  en  1757  en  l'honneur  de  Louis  XV.   Sur 
cette  place,  dont  le  milieu  est  occupé  par  la  statue  du  roi 
Stanislas,  beau-père  de  Louis  XV,  se  trouvent  réunis  V Hô- 
tel de  ville,  YÉvêché,  le  Théâtre,  et  des  hôtels  particuliers 
construits  sur  des  plans  uniformes,  au  moins  en  ce  qui 
concerne  leurs  façades,  et  conservant  le  style  corinthien. 
Il  V  a  à  voir  :  l'ancien  Palais  Ducal,  construit  de  1329 
à  1512,  mais  dont  il  ne  reste  que  peu  de  chose;  les  tours 
de  la  Cra/fe,   qui   datent  de  1463;  V Église  des  Cordeliers 
(Ykll),  la  Chapelle  Ronde  (1611),  la  Cathédrale  (1742);  mais 
la  place  Stanislas  à  elle  seule,  surtout  si  on  tombe  sur  un 
soir  de  clair  de  lune,  est  suffisante  pour  justifier  l'arrêt. 
Strasbourg!  Je  conçois  qu'un  sentiment  patriotique 
porte   le   voyageur   français   à   n'en   pas   faire   une  étape 
joyeuse,  car  moi-même,  depuis  1870,  ayant  dû  y  jiasser 
plusieurs  fois,  j'ai  toujours  évité  de  m'y  arrêter.   Mais  il 
n'en  est  peut-être  pas  de  même  pour  ceux  qui  n'ont  pas 
connu  Strasbourg  français,  et  pour  eux,   s'ils  ont  le  cou- 
rage de  le  visiter,  il  y  a  au  moins  une  belle  chose  à  voir, 
et  qui  mérite  d'être  connue  :  la  Cathédrale,  dans  laquelle 
on  trouve  réunis  presque  tous  les  styles  du  moyen  âge. 
Certaines  parties  de  la  crypte  peuvent  remonter  à  Char- 
lemagne;  dans  les  parties  basses  on  reconnaît  le  style 
byzantin;  plus  haut,  l'ogive  apparaît  de  plus  en  plus  par- 
faite; encore  plus  haut  se  manifeste  l'époque  de  la  déca- 
dence. La  flèche  a  exactement  142°^, 12  de  hauteur;  l'as- 
cension en  est  fort  curieuse,  et  difficile  dans  la  partie  la 
plus  élevée,  où  les  escaliers  sont  à  l'extérieur.  Je  ne  sais 
si  on  l'autorise  actuellement;  autrefois  il  fallait  une  per- 
mission spéciale,  en  raison  du  danger.  La  vue  s'y  étend 
jusqu'à  la  Forêt  Noire.   Dans  le  transept  se  trouve  une 


COMMENT    ON    VA    A    BAYREUTH  5 

curieuse  horloge  astronomique,  avec  beaucoup  de  per- 
sonnages se  mouvant  automatiquement;  c'est  au  coup  de 
midi  qu'il  faut  l'aller  voir. 

Ne  pas  négliger  de  visiter,  à  côté  de  la  cathédrale,  la 
Maison  de  l'architecte  Erwin  de  Steinbach,  si  elle  existe 
toujours. 

Ensuite  il  y  a  Stuttgard.  Là,  nous  sommes  bien  fran- 
chement en  Allemagne;  la  ville,  essentiellement  moderne, 
offre  peu  d'intérêt;  son  Vieux  Château  du xvi^  siècle  et  ses 
églises  peuvent  pourtant  être  vus  rapidement  entre  deux 
trains  si  l'on  se  rend  de  là  à  Rothenbourg,  petite  ville 
très  intéressante  à  explorer,  et  pour  laquelle  on  ne  regret- 
tera pas  d'avoir  quitté  la  voie  directe.  En  effet,  il  s'en  faut 
de  beaucoup  que  Rothenbourg  soit  sur  la  ligne  de  Paris 
à  Bayreuth;  de  Stuttgard,  il  faut  d'abord  aller  à  Ansbach 
(distant  d'environ  158  kilomètres),  où  il  y  a  une  bifurca- 
tion d'Ansbach  à  Steinach  (32  kilomètres),  et  enfin,  par 
un  autre  embranchement ,  de  Steinach  à  Rothenbourg 
(11  kilomètres. 

On  trouve  là  une  ravissante  ville  du  moyen  âge  avec 
de  fort  belles  fortifications  merveilleusement  conservées, 
de  curieuses  maisons  anciennes,  un  Hôtel  de  ville  mi-gothi- 
que, mi-Renaissance,  avec  une  belle  tour;  V Église  Sainte 
Jacques,  de  style  gothique,  sans  transept,  mais  avec  deux 
chœurs,  et  contenant  des  vitraux  magnifiques,  hdi  porte  de 
l'Hôpital  est  la  plus  intéressante  de  la  ville,  et  les  maisons 
les  plus  pittoresques  sont  celles  de  la  Herrengassc,  qui 
part,  ainsi  que  la  Schmiedgasse,  de  la  place  du  Marché. 

De  Rothenbourg,  en  repassant  par  Steinach,  on  rejoint 
facilement  la  ligne  directe  à  Nuremberg,  qui  mérite  une 
visite  sérieuse;  on  peut,  sans  regrets  à  craindre,  lui  con- 
sacrer deux  jours  entiers.  Là,  tout  comme  à  Rothen- 
bourg, on  se  trouve  d'un  coup  transporté  en  plein  moyen 


6  VOYAGE  A  BAYREUTH 

âge,    et   la   seule   chose    qui   détonne,    c'est  le    costume 
inodeine  des  lial)itants,  les  tramwavs  et  la  lumière  élec- 


Nurcuibi 


(lu  Mi»rc4ic. 


trique,  dans  ces  ruelles  montueuses  et  pittoresques.  Il  y  a 
beaucoup  de  choses  à  voir.  Trois  églises  :  Saint-Laurent, 
gothique,  construite  de  1287  à  1477,  contient  d'intéres- 
santes ta[)isseries  datant  du  xiv^  siècle,  de  beaux  candé- 


COMMENT    ON    VA    A    D  A  Y  R  i:  U  T  U  7 

labres  en  bronze  qui  valurent  à  leur  auteur,  Peter  Vischer, 
son  titre  de  maître  dans  la  guilde  des  ciseleurs  de  bronze  ; 
puis,  surtout,  le  tabernacle  qui  se  trouve  à  gauche  du 
grand  autel,  et  dont  la  merveilleuse  dentelle  de  pierre 
est  due  au  ciseau  du  maître  Adam  Kraft.  L'artiste,  qui 
figure  avec  ses  deux  aides  à  la  base  du  monument,  s'était 
engagé  à  terminer  son  œuvre  en  trois  ans,  et  devait  alors 
recevoir  pour  prix  de  son  travail  la  somme  de  700  florins; 
mais,  ayant  été  en  retard  de  quatre  ans,  il  fut  réduit  à 
70  florins  par  le  donateur  du  tabernacle. 

Sur  une  des  plus  vastes  places  de  la  ville  est  située 
Y  Eglise  Xotre-Darïie,  dont  les  multiples  clochetons  étages 
produisent  un  joli  effet;  devant  le  portail,  d'un  beau  style 
ogival,  se  trouve  une  grille  de  fer  forgé  fort  intéressante; 
l'intérieur  est  décoré  richement  de  peintures  polychro- 
mes qui  se  marient  avec  bonheur  à  l'éclat  discret  des  ors. 
Le  jubé  produit  un  effet  remarquable,  surtout  vu  du  bap 
tistère  qui  forme  vestibule. 

Plus  austère  est  Salnt-Sébald,  dont  les  plus  anciennes 
parties  datent  du  xiii^  siècle,  et  le  chœur  de  1377.  Elle 
possède  plusieurs  œuvres  d'Albert  Diirer,  et,  au  milieu 
du  chœur,  le  tombeau  du  saint,  magnifique  monument  en 
bronze  coulé  par  Pierre  Vischer  de  1508  à  1519;  on  y 
voitles  douze  apôtres,  des  Pères  de  l'Eglise,  puis  enfin,  au 
sommet,  Tenfant  Jésus  tenant  dans  ses  mains  un  globe 
qui  est  la  clef  au  moyen  de  laquelle  l'édifice  entier  peut 
être  démonté. 

Comme  ces  trois  églises,  V Hôtel  de  ville  mérite  aussi 
une  visite;  sa  grande  salle,  voûtée  en  bois  et  ornée  de 
fresques,  date  de  1340;  l'une  de  ces  fresques  représente 
à  n'en  pas  douter  une  exécution  au  moyen  de  la  guillo- 
tine, ce  qui  amoindrit  regrettablement  les  droits  du 
docteur  Guillotin  à  la  reconnaissance  des  criminels. 


8  VOYAGE  A  BAYREUTH 

Une  après-midi  entière  n'est  pas  de  trop  pour  se  faire 
une  idée  du  Musée  Germanique,  qu'on  peut  assimiler  à 
notre  Cluny,  merveilleusement  installé  dans  une  ancienne 
Chartreuse  et  un  couvent  de  moines  augustins  qui  se 
trouvait  à  côté.  Les  innombrables  richesses  qu'il  contient 
sont  néanmoins  à  l'étroit  dans  ce  cadre  pittoresque,  et  des 
architectes  de  goût  ont  dû  l'élargir  par  l'adjonction  de  bâ- 
timents modernes  dans  le  style  des  anciens.  La  chapelle 
de  la  Chartreuse  et  le  cloître  qui  l'entoure  sont  réservés 
aux  sculptures  ;  on  y  voit  la  célèbre  Vierge  de  Nurem- 
berg. Dans  les  salles  du  haut  sont  entassées  de  superbes 
collections  d'armes,  de  faïences,  d'ouvrages  d'horlogerie, 
d'orfèvrerie,  puis  des  instruments  de  précision,  des  ma- 
nuscrits et  des  reliures  précieuses,  des  étoffes,  broderies 
et  costumes  anciens,  des  jouets  dont  la  fabrication  était  si 
habile  à  Nuremberg,  des  meubles,  des  peintures,  des  vi- 
traux, une  belle  salle  d'instruments  de  musique,  etc.,  etc. 

Moins  longue  est  la  visite  du  Musée  de  Torture,  que 
l'on  voit  dans  la  tour  des  Grenouilles,  située  à  l'entrée  du 
château,  tout  au  nord  de  la  ville;  là,  une  jeune  et  blonde 
conductrice  vous  détaille,  le  sourire  aux  lèvres,  soit  en 
allemand,  soit  dans  un  patois  où  l'anglais  a  la  préten- 
tion de  dominer,  la  façon  de  se  servir  des  horribles  et 
nombreux  instruments  de  supplice  dont  la  vue  seule  donne 
froid  dans  le  dos  aux  gens  qui  aiment  quelque  peu  le  con- 
fortable. Ils  s'alignent  sous  les  portraits  des  instigateurs 
de  toutes  ces  atrocités,  des  margraves  à  la  ph3"sionomie 
calme  et  débonnaire.  En  passant  par  la  chambre  spéciale 
où  se  trouve  la  terrible  Vierge  de  fer  ou  Vierge  noire 
(qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  suave  et  douce  Vierge 
de  Nuremberg  du  Musée  Germanique),  on  arrive  au  som- 
met de  la  tour,  d'où  l'on  a  une  vue  superbe  sur  la  Pegnitz, 
qui  serpente  comme  un  ruban  d'argent  dans  la  prairie  fer- 


GOMMENT   ON    VA   A    BAYREUTH  0 

tile.  Inutile  de  chercher  à  savoir  de  votre  guide  en  quel 
endroit  aurait  pu  avoir  lieu  le  fameux  concours  des  Maî- 
tres Chanteurs,  et  si  quelque  souvenir  en  est  parvenu  aux 
habitants  actuels  de  Nuremberg;  la  blonde  enfant  reste 
bouche  bée  à  vos  questions  et  ignore  totalement  qu'il  ait 
jamais  existé  un  Hans  Sachs,  une  corporation  des  Maîtres 
Chanteurs,  et  un  compositeur  du  nom  de  Richard  Wagner 
pour  les  célébrei-:  Elle  ne  connaît  rien  en  dehors  de  ses 
chers  instruments  de  torture. 

En  sortant  de  cette  lugubre  tour,  la  visite  du  Biirg  s'im- 
pose ;  non  que  les  appartements  tout  modernes  de  déco- 
ration soient  bien  intéressants,  mais  la  vue,  de  plusieurs 
fenêtres,  est  fort  belle  et  étendue;  c'est  surtout  extérieu- 
rement que  les  bâtiments  valent  par  la  façon  pittoresque 
dont  ils  sont  campés  tout  au  sommet  de  Féminence  qui 
domine  la  ville,  et  entourés  de  leur  ceinture  de  remparts, 
envahie  actuellement  par  une  riche  végétation  et  d'élé- 
gants jardins.  Du  pied  de  ces  remparts  une  galerie  sou- 
terraine vient  aboutir  à  un  puits  très  profond  dont  on 
vous  montre  l'orifice  à  l'entrée  du  Burg. 

Il  faut  aussi  visiter  la  vieille  ville  dans  ses  recoins,  ad- 
mirer ses  belles  fontaines  avec  leurs  grilles  de  fer  forgé, 
parcourir  ses  fortifications  en  partie  couvertes,  formant 
chemin  de  ronde  et  curieusement  parsemées  de  tours, 
tourelles  et  clochetons  de  toutes  les  formes  et  de  toutes 
les  grandeurs;  les  différents  ponts  sur  la  Pegnitz,  dont 
plusieurs  encore  couverts  de  maisons,  qui  offrent  des 
points  de  vue  très  pittoresques...  Mais  ce  qui  nous  tou- 
che particulièrement,  c'est  que  Nuremberg  est  la  patrie 
de  notre  bon  Hans  Sachs,  le  héros  des  Maîtres  Chanteurs, 
qui  y  naquit  en  1494  pour  y  mourir  en  1576.  On  ignore 
sa  valeur  en  tant  que  cordonnier,  mais  comme  poète  il  est 
certain  qu'il  fut  d'une  rare  fécondité,   car   on  évalue    à 


10 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


6,048  (je  dis  :  six  mille  quarante-huit)  le  nombre  des  piè- 
ces de  vers,  courtes  ou  développées,  d'un  genre  ou  d'un 
autre,  qu'il  a  produites.  La  première  doit  être  une  «  ode  à 
la  Trinité  »,  composée  en  1514,  quand  il  avait  vingt  ans. 
C'est  en  1519  que  Sachs  fut  admis  dans  la  corporation 
des  ^Maîtres  Chanteurs  et  aussi  qu'il  se  maria.  Il  prit  une 


Nurcuiberj 


La  Pc 


part  active  à  la  réforme  luthérienne,  mais  sans  se  mêler 
personnellement,  autrement  que  par  ses  écrits  et  sa  pro- 
pagande privée,  aux  promoteurs  de  la  révolution  reli- 
gieuse; un  de  ses  pamphlets,  sorte  de  prophétie  contre  la 
papauté,  fut  pourtant  brûlé  sur  l'ordre  de  la  municipalité 
nurembergeoise;  plus  tard,  sa  muse  s'altaqua  volontiers 
à  la  politique,  et  enfin,  quand  il  devint  vieux,  il  écrivit 
encore  nombre  de    drames,  de  comédies,  et  une  quantité 


.OM>IE^'T    ON    VA    A    BAYREUTH 


11 


prodigieuse  de  chansons  populaires  pleines  de  verve,  de 
franchise  et  de  bonne  humeur,  des  farces,  des  labiés, 
dont  le  caractère  distinctif  est  toujours  le  bon  sens,  le  ju- 


Ktatoe  de  \\;\n^  Sacta. 


gement  sain,  en  dépit  d'un  style  souvent  incorrect  et  d'rme 
certaine  rudesse  de  formes. 

Le  Musée  Germanique  conserve  un  très  grand  nombre 
de  ses  œuvres,  soit  imprimées,  soit  à  l'état  de  manuscrit; 
sa  statue  en  bronze  orne  l'une  des  plus  belles  places  de  la 
ville,  et  non  loin  de  là  on  montre  encore  l'emplacement 
qu'occupait  son  échoppe   de  cordonnier,    telle  qu'on  la 


12 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


voit  au  deuxième  acte  des  Maîtres  Chanteurs  ;  si  la  maison 
même  a  subi  des  modifications,  le  quartier  a  conservé  son 
ancien  aspect,  et  l'on  peut  encore,  avec  un  peu  de  bonne 
volonté,  reconstituer  la  scène. 

C'est  aussi  à  Nuremberg  qu'est  né,  en  1471,  Albert  Dû- 


Hans  Sachs  (par  Alb.  Durer). 


rer,  le  plus  grand  peintre  de  l'Allemagne  et  l'un  des  plus 
admirables  graveurs  qui  aient  jamais  existé.  Je  crois 
pourtant  que  le  Musée  Germanique  n'a  conservé  que  deux 
toiles  de  lui,  une  Descente  de  croix  et  un  Charleraagne,  la 
plupart  de  ses  tableaux  étant  disséminés  dans  les  musées 
d'Allemagne,  d'Autriche  et  d'Italie  ;  mais  on  voit  la  mai- 
son  que  le  maître  habitait  à    Nuremberg,  qui    contient 


COMMENT    ON    VA    A    BAYREUTU  13 

beaucoup  de  reproductions  de  ses  œuvres;  et,  à  très  peu 
de  distance,  sa  statue. 


m 


^-.;:^->^ 


Faz?^^^?^ 


La  maison  de  Dui 


Dans  la  même  rue,  en  descendant  vers   l'église  Saint- 
Sébald,  on  trouve  une  vieille  masure  très  basse,  comme 


14 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


accrochée  au  flanc  de  la  petite  chapelle  Saint-Moritz,  Si 
qui  a  pour  enseigne  une  assez  grosse  petite  cloche  placée 
en  saillie  ;  si  on  y  entre,  il  vous  est  servi,  pour  la  modi- 
que somme  de  40  pfennigs,  dans  une  salle  basse  à  vieux 
vitraux,  dont  les  murs  sont  garnis  d'antiques  bahuts,  de 
plats,  de  pichets  d'étain  ou  de  faïence  et  autres  curiosités 


^^mv 


V^ 


T' 


ir^#^.- 


Bratwurstglocklein. 

authentiques  de  tous  genres,  un  lunch  bien  local,  composé 
de  choucroute,  de  saucisses  et  d'excellente  bière.  C'est 
une  célébrité  qui  remonte  à  plusieurs  siècles  [BraU\'ursi- 
glocklein). 

Le  poète  Carmen  Sylva  y  a  son  portrait,  au  bas  duquel 
sa  main  r-i^yale  a  tracé  une  dédicace. 


De  Nuremberg  on  va  en  deux  heures  à  Baiïlberg,  ville 
très  ancienne  et  curieuse  sur  la  Reignitz,  et  qui  mérite 
bien  les  quelques  heures  qu'on  lui  consacrera. 


16  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Les  bords  de  la  rivière  y  sont  jolis;  c'est  dans  une  île 
qu'est  construit  V  Hôtel  de  ville,  qui  ne  date  que  du  xviii"  siè- 
cle, mais  est  intéressant  par  ses  fresques  extérieures. 
Plusieurs  églises  valent  d'être  visitées  :  la  Cathédrale, 
V Église  Saint-Michel  et  V Église  Sainte-Ma-ie. 

L'ancienne  Résidence,  datant  du  xvi®  siècle,  n'est  pas 
banale.  Si  on  a  le  temps,  on  pourra  compléter  l'excursion 
en  allant  voir  le  château  d'Altenbourg,  à  une  demi-heure 
de  la  ville,  qui  possède  une  jolie  chapelle  et  de  la  tour 
duquel  on  aune  fort  belle  vue. 

De  Nuremberg  à  Bayreuth,  le  trajet  se  fait  en  2  heures 
20  minutes  environ.  Les  trains  sont  fréquents  et  com- 
modes ;  la  contrée  que  l'on  traverse  est  ravissante  :  on 
longe  la  vallée  de  la  Pegnitz,  qui  fait  de  nombreux  circuits 
dans  une  campagne  accidentée  et  verdoyante. 

Peu  avant  l'arrivée  à  Bayreuth,  à  gauche  dans  le  sens 
de  la  marche  du  train,  l'œil  aperçoit  au  loin,  au  delà  de 
la  gare,  et  sur  une  riante  colline,  le  but  de  notre  pèleri- 
nage, le  fameux  Théâtre  des  Fêtes,  qui  détache  sur  le  ciel 
son  bâtiment  rouge,  orné,  pendant  la  saison  théâtrale 
seulement,  de  deux  grandes  oriflammes  bleu  et  blanc, 
les  couleurs  bavaroises. 


CHAPITRE    IT 
LA    VIE    A    BAYREUTH 


«  O  vous...  qui  habitez  le  rivage 
consacre  à  la  vierge  aux  flèches  d'or, 
où  le  même  sc-ntiment  religieux  réu- 
nit tous  les  Grecs  en  assemblées  fa- 
meuses :  la  flûte  harmonieuse  va 
bientôt  vous  faire  entendre ,  noa 
des  accents  de  douleur,  mais  des 
chants  sacrés  pareils  à  ceux  de  la 
lyre,  d 

Sophocle. 


Bayreuth,  ainsi  qu'en  témoigne  la  belle  allure  de  plu- 
sieurs de  ses  monuments  et  la  largeur  de  ses  voies,  a  eu 
son  époque  de  splendeur  alors  qu'elle  était  la  résidence 
des  Margraves,  pendant  le  xvii®  et  la  première  moitié 
du  xviii^  siècle.  Elle  est  maintenant  redevenue  une  bonne 
ville  de  province  aisée  et  tranquille;  la  vie  doit  y  être 
paisible  et  confortable,  à  en  juger  par  quelques  beaux 
hôtels  particuliers  donnant  assez  l'impression  de  palais, 
par  les  coquettes  maisons  qui  s'alignent  dans  les  quar- 
tiers aristocratiques,  et  l'élégant  Théâtre  dont  la  salle, 
une  véritable  merveille  dans  le  style  «  rococo  »,  atteste 
des  grandeurs  passées.  Ce  théâtre,  qui  se  tait  respectueu- 
sement quand  son  célèbre  et  écrasant  voisin  prend  la 
parole,  offre  toutes  les  douceurs  de  la  musique  italienne, 
de  l'opéra-comique  et  même  de  l'opérette  aux  habitants  de 
Bayreuth,  qui  semblent  accueillir  avec  intérêt  les  Dragons 
de  Villars,  Lucie  de  Lamermoor  et  la  Fille  de  M^^  Angot. 

Mais  c'est  aux  approches  des  représentations  du  Théâ- 


LA    VIE    A    BAYREUTH  19 

tre  des  Fêtes  qu'il  faut  voir  la  ville  sortir  de  son  calme 
accoutumé  et  se  parer  pour  recevoir  ses  hôtes,  chaque 
fois  plus  nombreux. 

Un  bon  mois  à  l'avance,  les  artistes  venant  de  tous 
les  points  de  l'Allemagne,  et  même  de  l'étranger,  pour 
coopérer  à  la  grande  œuvre,  commencent  à  animer  de 
leur  présence  les  rues  habituellement  silencieuses,  se 
répandant  dans  les  brasseries  et  sillonnant  du  malin  au 
soir  la  route  menant  au  théâtre,  où  les  appellent  les  mul- 
tiples répétitions. 

Les  hôtels  font  leur  toilette;  les  habitations  particu- 
lières, destinées  aussi  à  recevoir  les  étrangers,  s'organi- 
sent de  leur  mieux  :  rien  n'est  trop  beau,  dans  l'idée  de 
ces  braves  gens  si  hospitaliers,  pour  les  locataires  atten- 
dus. La  ménagère,  qui  a  nettoyé  sa  maison  de  haut  en 
bas  avec  un  soin  scrupuleux,  se  dépouille,  en  l'honneur 
de  ses  visiteurs,  de  tous  ses  bibelots,  dont  elle  orne  leurs 
chambres  à  profusion,  les  entremêlant  de  guirlandes  et 
de  gerbes  de  fleurs  artificielles.  Elle  choisit  dans  ses  ar- 
moires ses  draps  les  plus  brodés  et  les  assujettit  d'une 
façon  désespérante  aux  couvertures,  toujours  trop  étroi- 
tes, à  l'aide  d'un  système  compliqué  de  boulons.  Les  pre- 
mières nuits,  on  est  un  peu  désorienté;  mais  on  se  fait 
assez  vite  à  cette  mode  bizarre,  et  l'on  ne  tarde  pas  à 
s'endormir  facilement  sous  l'œil  bienveillant  des  portraits 
de  famille  du  logeur,  au  milieu  desquels  se  trouvent  tou- 
jours quelque  buste  de  Wagner  et  une  lithographie  de 
Frantz  Liszt. 

Pendant  cette  période  de  préparatifs  et  de  travail,  c'est 
surtout  aux  environs  du  Théâtre  des  Fêtes  que  se  con- 
centre l'activité.  Les  artistes  n'ont  pas  toujours  le  temps, 
après  la  répétition  du  matin,  de  redescendre  en  ville 
à  l'heure  du  déjeuner,   et  prennent  souvent  leur  repas 


*i' 


>alle  du  tlîéàlre   des   M 


argraves. 


LA    VIE    A    BAYREUTH  21 

dans  la  vaste  salle  du  restaurant  qui  se  trouve  aux  alen- 
tours et  qui,  lui  aussi,  se  fait  élégant  et  s'enguirlande 
des  couleui's  bavaroises,  pour  recevoir  dans  quelques 
jours  les  nombreux  hôtes  auxquels  il  servira  les  menus 
les  plus  variés  d'une  bonne  cuisine  française.  En  atten- 
dant, il  fournit  au  personnel  du  théâtre  un  très  confor- 
table dîner  en  Allemagne  on  dîne  à  une  heure  ]:)Our  la 
modeste  somme  de  1  mark.  Rien  de  plus  amusant  que  ces 
réunions  où  l'on  voit  Siegfried  fraterniser  avec  Mime,  et 
Parsifal  nullement  effarouché  par  la  présence  des  Filles- 
Fleurs.  A  une  table  dressée  en  plein  air  dîne,  toujours 
entouré  d'un  groupe  familial,  M.  Hans  Richter,  que  sa 
barbe,  d'un  blond  ardent,  son  chapeau  à  larges  bords  et 
son  veston  de  velours  feraient  reconnaître  entre  mille. 

Mais  l'heure  sonne;  c'est  le  moment  de  se  remettre  au 
travail  :  le  grand  break,  attelé  de  deux  chevaux  blancs, 
bien  connu  des  habitants  de  Bayreuth,  arrive  et,  décri- 
vant une  courbe  savante,  dépose  devant  le  perron  du 
théâtre  l'inspiratrice  et  l'oracle  de  tout  ce  petit  peuple, 
^jme  Wagner,  la  vaillante  dépositaire  des  traditions  et 
des  volontés  du  Maître,  dont  l'activité  ne  se  dément  jamais,, 
et  qui  assiste  à  toutes  les  études,  veillant  aux  moindres 
détails.  Voilà  aussi  M.  von  Gross,  qui  seconde  les  efforts 
de  M"^^  Wagner  de  toute  sa  compétence  des  affaires  et  de 
son  dévouement  éclairé. 

On  se  dirige  alors  du  côté  de  la  salle,  dont  la  porte  se 
referme,  gardée  consciencieusement  par  un  vieux  servi- 
teur de  Wahnfried.  Le  silence  se  fait  jusqu'à  la  tombée  de 
la  nuit  et  n'est  plus  troublé  que  par  les  rares  promeneurs, 
habitants  de  la  ville,  qui  montent  parfois  jusque-là  pour 
jouir  du  panorama  et  des  splendides  couchers  de  soleil 
qu'on  ades  jardins  en  terrasses  avoisinant  la  salle  des  Fêtes. 

Les  répétitions  ordinaires  sont  rigoureusement  à  huis 


22 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


clos  ;  mais  aux  répétitions  générales  de  chaque  œuvre, 
qui  ont  lieu  dans  les  jours  précédant  l'ouverture  de  la 
saison,  M™®  Wagner  convie  toutes  ses  relations  de 
Bayreuth  (qui  ne  retiennent  pas  les  places  des  séries, 
avant  tout  réservées  aux  étrangers)  et  aussi  les  familles 
des  artistes  du  théâtre,  ses  auxiliaires  fidèles. 


Théâtre  des  Fêtes. 


Il  serait  d'ailleurs  mauvais,  nu  point  de  vue  de  la  sono- 
rité, que  ces  dernières  répétitions  eussent  lieu  dans  la. 
salle  vide;  le  capitonnage  apporté  par  les  spectateurs 
en  modifie  sensiblement  les  conditions  d'acoustique. 

La  date  fixée  depuis  des  mois  pour  la  première  repré- 
sentation arrive  enfin  :  chacun  est  à  son  poste,  armé  et 
prêt;  la  ville  se  pavoise,  et  on  ne  craint  pas,  disons-le 


LA    VIE    A    BAYREUTH  23 

en  passant,  d'y  arborer,  parmi  les  pavillons  de  toutes 
nationalités,  les  couleurs  françaises,  ce  qui  achèvera  de 
rassurer,  dès  le  début,  les  gens  doutant  —  s'il  y  en  a  encore 
—  du  bon  accueil  des  Bavarois. 

En  quelques  heures  Bayreuth  achève  de  prendre  son 
animation  des  grands  jours. 

Les  gens  très  limités  comme  temps  arrivent  souvent 
au  dernier  moment;  mais  c'est  un  assez  mauvais  calcul, 
et  nous  ne  saurions  trop  engager  ceux  qui  peuvent  faire 
autrement  à  se  réserver  au  moins  une  demi-journée  de 
repos,  pendant  laquelle  ils  se  familiariseront  avec  l'atmos- 
phère morale  très  particulière  à  ce  petit  pays,  avant  de 
gravir  l'allée  verdoyante  qui  les  mènera  au  théâtre.  On 
ne  va  pas  là  comme  on  va  à  l'Opéra  de  Paris  ou  de  quel- 
que autre  ville,  y  apportant  ses  soucis  de  la  veille  et  son 
indifférence  mondaine.  Ou  du  moins  on  n'y  devrait  pas 
aller  ainsi,  car  c'est  se  priver  volontairement  d'une  des 
plus  intenses  émotions  artistiques  qu'il  soit  donné  d'é- 
prouver, que  d'entrer  dans  la  salle  des  Fêtes  de  Bayreuth 
sans  être  dans  l'état  d'âme  correspondant  avec  ce  qu'on 
y  vient  écouter.  Malheureusement  c'est  ce  qui  arrive 
souvent  depuis  que  le  pèlerinage  wagnérien  est  devenu  à 
la  mode,  comme  il  est  à  la  mode  d'aller  à  Spa  ou  à  Monte- 
Carlo.  Je  sais  bien  qu'il  est  impossible  de  faire  passer 
un  examen  aux  spectateurs  avant  de  leur  permettre  l'ac- 
cès de  la  salle,  ni  de  s'assurer  que,  soit  par  leur  éduca- 
tion musicale,  soit  par  l'intelligent  intérêt  qu'ils  pren- 
nent aux  choses  d'art,  ils  sont  dignes  d'entrer  dans  le 
sanctuaire;  mais  il  faut  avouer  qu'il  est  pénible  d'enten- 
dre les  réflexions  saugrenues  prouvant  combien  est  pro- 
fane certaine  fraction  du  public  qui  fréquente  maintenant 
Bayreuth.  J'ai  entendu  une  dame  demander  «  de  qui  était 
la  pièce  »  que  l'on  donnait  le  lendemain;  et  une  autre  se 


Z\  VOYAGE    A    BAYKEUTII 

réjouir  de  ce  qu'on  allait  jouer  Signrd  (!),  qu'elle  aimait 
beaucoup.  Son  voisin,  un  musicien  éclairé  à  qui  elle  fai- 
sait cette  étourdissante  confidence,  se  disposait,  respec- 
tueux, mais  navré,  à  la  tirer  de  sa  grave  erreur  et  com- 
mençait à  lui  esquisser  le  sujet  de  la  Tétralogie,  ce  qui, 
du  reste,  l'intéressait  vivement,  car  elle  n'en  avait  pas  la 


Théâtre  des  Fêtes.  —  Façado. 

moindre  idée,  quand,  l'obscurité  envahissant  la  salle  et  les 
grondements  de  l'admirable  prélude  du  premier  acte  de 
la  WaUajrie  se  faisant  entendre,  il  dut  interrompre  cette 
éducation,  bien  tardivement  commencée,  hélas! 

Une  grande  heure  avant  le  moment  fixé  pour  le  spec- 
tacle, on  voit  se  former  la  longue  file  de  voitures  condui- 
sant le  public  au  théâtre.  Ces  voitures,  trop  peu  nom- 
breuses pour  lafOuence  d'amateurs,  sont  prises  d'as?aut; 


LA    VIE    A    BAYREUTH  25 

il  est  bon  de  les  retenir  à  l'avance  si  l'on  ne  veut  pas 
aller  à  pied,  ce  qui  constitue  d'ailleurs  une  charmante 
promenade  d'environ  vingt  minutes,  par  les  contre-allées 
ombragées  accompagnant  l'avenue  principale.  Les  landaus 
et  victorias,  guimbardes  quelque  peu  démodées,  faites 
pour  être  traînées  par  deux  chevaux,  n'en  ont  jamais 
qu'un  seul,  attelé  au  coté  droit  de  la  flèche,  la  cavalerie 
étant  insuffisante  aussi,  ce  qui  leur  donne  un  aspect  du 
plus  comique  effet. 

Si  vous  êtes  arrivé  dans  les  premiers,  vous  avez  tout 
le  loisir  d'examiner  les  nouveaux  venus  et  de  constater 
que  les  toilettes  ont  singulièrement  gagné  en  élégance 
depuis  quelques  années.  Autrefois  tout  le  monde  se  con- 
tentait du  simple  costume  de  voyage;  puis,  peu  à  peu  le 
niveau  a  monté,  et  si  l'on  voit  encore  quelques  tenues  de 
touristes,  elles  sont  en  minorité.  Je  parle  ici  surtout 
pour  les  dames,  qui  arborent  les  toilettes  claires  et  fran- 
chement habillées.  Le  seul  point  gênant  pour  elles  c'est 
le  chapeau,  qu'elles  ne  consentent  pas  à  confier  aux  ves- 
tiaires pendant  les  actes,  durant  lesquels  il  leur  est  pour- 
tant sévèrement  défendu  de  le  garder  sur  la  tête.  Elles  se 
résignent  donc  à  le  tenir  sur  leurs  genoux,  ce  qui  n'est 
que  médiocrement  commode. 

Ce  moment  d'attente  en  plein  air  et  en  plein  jour,  car 
les  représentations  commencent  à  quatre  heures,  est  tout 
à  fait  charmant.  (On  commence  par  exception  à  cinq  heu- 
res le  jour  du  Rheingold.)  La  situation  du  théâtre,  habile- 
ment choisie  par  Wagner,  dominant  la  riante  campagne, 
avec  la  ville  pour  premier  plan,  et  les  bois  et  les  prés  de 
cette  verte  Franconie  comme  horizon,  est  absolument 
séduisante.  Par  exemple,  il  ne  faut  pas  qu'il  pleuve;  car 
le  bâtiment,  si  bien  combiné  pour  le  reste  ,  n'offre,  sous 
ses  galeries  extérieures  ouvertes  à  tous  les  vents,  qu'un 


26  VOYAGE    A    BAYREUTH 

abri  sommaire,  où  s'entasse  alors  le  public  parmi  les  para- 
pluies ruisselants  d'eau.  Mais  Dieu  protège  sans  doute  les 
spectateurs  de  Bayreulh,  car  il  fait  généralement  beau,  et 
on  peut  rester  dehors  jusqu'au  dernier  moment. 

Pénétrons  maintenant  dans  la  salle,  avec  laquelle  nous 
allons  faire  connaissance,  pendant  qu'elle  est  encore  bril- 
lamment éclairée. 

On  y  accède  de  la  façon  la  plus  simple  :  pas  de  mes- 
sieurs en  habit  noir  assis  derrière  un  comptoir.  Un 
employé  se  trouve  seulement  à  chacune  des  nombreuses 
entrées,  pour  s'assurer  que  vous  ne  vous  trompez  pas  de 
porte,  et  détache  le  coupon  de  la  représentation  du  jour. 
Vous  reviendrez  ensuite  après  chaque  entr'acte  sans  que 
personne  s'inquiète  de  vous. 

La  salle,  que  nous  décrirons  plus  loin  en  détail,  donne 
assez,  avant  l'ouverture  du  rideau,  l'impression  d'une 
ruche  en  activité;  chacun  s'y  agite,  plus  ou  moins  excité, 
causant  avec  son  voisin,  échangeant  ses  impressions, 
racontant  ses  précédentes  venues  dans  la  cité  musicale; 
puis  on  cherche  dans  les  rangs  éloignés  les  amis  ou  sim- 
plement les  ce  figures  de  connaissance  «  qu'on  sait  être  à 
la  même  série  que  soi. 

Pendant  ce  temps  la  galerie  réservée  aux  têtes  cou- 
ronnées, et  qu'on  appelle  «  la  loge  des  Princes  »,  se  gar- 
nit. Voici  les  places  de  M"^*^  Wagner  qui  se  meublent  à 
leur  tour.  Sa  silhouette  aristocratique  se  profile  sur  le 
fond  de  la  loge;  elle  sinstalle  avec  ses  gracieuses  filles 
sur  le  premier  rang,  et  M.  Siegfried  Wagner,  le  vivant 
portrait  de  son  père,  vient  les  rejoindre  quand  ses  fonc- 
tions ne  le  retiennent  pas  à  l'orchestre  ou  sur  la  scène. 

Cependant  le  dernier  appel  de  la  fanfare  (voyez  ch.  VI) 
retentit  au  dehors;  les  rares  retardataires  entrent  enfin. 
Tout  à  coup  l'obscurité  envahit  la  salle,  le  calme  se  fait. 


LA    VIE    A    BAYREUTH  1' 

Je  l'aimerais  mieux  plus  complet,  se  produisant  dès  l'en- 
trée. Il  me  semble  que  toute  cette  agitation  est  une  mau- 
vaise préparation  à  ce  qui  va  suivre;  mais  on  ne  peut 
l'empêcher. 

L'œil  ne  distingue  rien  d'abord,  puis  il  arrive  à  s'o- 
rienter dans  la  faible  clarté  produite  par  quelques  lampes 
laissées  en  veilleuse  tout  en  haut,  près  du  plafond. 

A  partir  de  ce  moment  on  entendrait  une  mouche  vo- 
ler; chacun  se  recueille,  et  une  bonne  émotion  vous  fait 
battre  le  cœur.  Alors,  parmi  les  buées  lumineuses  et  dorées 
qui  sortent  des  profondeurs  de  «  l'abime  mystique  », 
montent,  chaudes,  vibrantes  et  veloutées,  les  incompara- 
bles harmonies,  inconnues  ailleurs,  qui,  s'emparant  de 
tout  votre  être,  vous  transportent  dans  le  monde  du  rêve. . . 

Le  rideau  s'ouvre  par  le  milieu  et  vient  se  masser  de 
chaque  côté  de  la  scène,  laissant  voir  des  décors  fort 
beaux  pour  la  plupart.  La  critique,  qui  ne  perd  jamais  ses 
droits,  désapprouve,  presque  toujours  à  tort  selon  nous, 
bien  des  choses;  mais  laissons- la  de  côté,  ainsi  que  la  re- 
présentation, dont  nous  traiterons  à  fond  plus  lard,  pour 
reprendre  nos  impressions  à  la  lin  de  l'acte,  alors  que,  le 
dernier  accord  venant  de  se  faire  entendre,  nous  sortons 
de  notre  extase  pour  aller  respirer  l'air  pur  du  dehors. 

Constatons  en  passant  cjue  l'atmosphère  de  la  salle, 
grâce  probablement  à  un  ingénieux  système  de  ventila- 
tion, ne  nous  a  jamais  semblé  méphitique,  comme  dans  la 
plupart  des  théâtres  à  nous  connus;  ou  n'éprouve  pas  en 
y  rentrant  la  sensation  asphyxiante  si  désagréable  ordi- 
nairement. 

Rien  de  plus  délicieux  et  de  plus  reposant  que  ces 
entr'actes  passés  en  pleine  campagne,  rien  de  plus  gai 
non  plus;  on  se  retrouve  là  nombreux,  on  entend  parler 
français  de  tous  côtés,  et  on  a  la  sensation  d'être  chez  soi 


28 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


coiufoe  à  la  sortie  du  Conservatoire,  des  concerts  Lamou- 
reux  ou  Colonne.  Le  souvenir  delà  u  patrie  absente  »  ne 
se  présente  pas  du  tout  triste  à  la  pensée. 

C'est  généralement  une  fois  le  spectacle  fini  que  l'on  va 


Ua  entr'acte. 


souper  dans  un  des  grands  restaurants  qui  avoisinent 
immédiatement  le  théâtre.  Il  y  en  a  un  troisième  un  peu 
plus  haut,  un  peu  plus  isolé,  où  les  gens  qui  aiment  à 
prolonger  leur  recueillement  trouveront  un  asile  calme, 
et  pourtant  confortable 


LA    VIE    A    BAYREUTH  29 

Il  est  prudent  de  retenir  sa  table  d'avance  au  grand 
restaurant,  sans  quoi  l'on  risque  de  souper  fort  tard.  La 
cuisine  y  est  très  soignée.  On  peut  à  volonté  combiner 
un  menu  des  plus  raffinés...  que  l'on  vous  fait  payer  en 
conséquence,  ou  s'y  réconforter  d'une  façon  amplement 
suffisante  pour  un  prix  très  raisonnable.  Les  artistes  s'y 
donnent  souvent  rendez-vous,  et  il  n'est  pas  rare,  lors- 
que arrive  après  la  représentation  un  des  interprètes  qui 
ont  le  plus  charmé  le  public,  de  voir  tout  le  monde  se 
lever  spontanément  pour  lui  faire  une  chaude  et  bruyante 
ovation.  Et  cela  d'autant  plus  volontiers  que  yama/s  ils  ne 
viennent  sur  la  scène  recueillir  les  suffrages  de  leurs 
admirateurs.  C'est  une  coutume  établie  par  Wagner  dès 
l'origine.  Il  était  même,  au  début,  sévèrement  interdit 
d'applaudir  à  la  fin  de  l'ouvrage,  et  les  exécutions  de 
VAnneau,  qui  pendant  la  première  année  ont  défrayé  le 
programme  des  Fêtes,  se  terminaient  dans  un  silence  res- 
pectueux et  ému,  qui  cadrait  certes  mieux  avec  l'impres- 
sion poignante  laissée  par  l'admirable  scène  finale,  que  de 
bruyantes  démonstrations;  quelques  regrettables  infrac- 
tions eurent  pourtant  lieu,  l'enthousiasme  se  manifestant 
sous  sa  forme  accoutumée,  dont  Wagner  ne  voulait  pas, 
et  qu'il  eut  beaucoup  de  peine  à  refréner.  Il  est  toujours 
resté  de  tradition  de  ne  pas  applaudir  à  Parsifal,  mais 
pour  les  autres  œuvres  le  public  a  forcé  la  consigne  :  on 
ne  peut  empêcher  ses  bravos  d'éclater  à  la  fin  des  repré- 
sentations; il  s'était  même  mis  en  tête,  en  1896,  dès  la  fin 
de  la  première  série,  de  voir  M.  Richter,  qui  avait  con- 
duit d'une  façon  magistrale  la  Tétralogie.  Pendant  plus 
d'un  quart  d'heure  des  applaudissements  frénétiques,  des 
appels  à  faire  crouler  la  salle,  se  sont  fait  entendre  de 
toutes  parts;  mais  le  vaillant  et  modeste  artiste,  fidèle  à 
la  chose  établie,  n'a  pas  cédé  au  vœu  général,  et  est  resté 

3 


SO 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


obstinément  invisible,  évitant  même  de  se  montrer  au 
souper,  où  il  craignait  sans  cloute  de  voir  recommencer 
la  manifestation.  Pareille  scène  s'est  renouvelée  pour 
M.  Molli  huit  jours  plus  lard.  Il  avait  littéralement  élec- 
risé  son  public  par  sa  façon  admirable  de  mener   l'or- 


Place  Maximilien. 

chestre;  mais,  aussi  réservé  que  son  émule,  il  s'est  dérobé 
avec  la  même  modestie.  Et  quand  vint  le  tour  de  M.  Sieg- 
fried Wagner  de  conduire  l'œuvre  de  son  père,  il  se  con- 
forma tout  aussi  respectueusement  à  la  tradition,  malgré 
les  rappels  sympathiques  de  toute  l'assistance. 


Les   matinées  passent  vile  à  Bayreuth;   en   attendant 
l'heure  du  théâtre,  on  visite  la  ville,  les  monuments,  qui 


LA    VIE    A    BAYREUTH  31 

n'offrent,  à  vrai  dire,  qu'un  intérêt  secondaire;  mais  la 
flânerie  y  est  charmante. 

Les  guides  locaux  diront  au  lecteur  qu'il  faut  voir  l'an- 
cien Château  où  se  trouve  une  tour  dans  laquelle  on  peut 
monter  en  voiture  comme  au  Château  d'Araboisej,  et  d'où 
l'on  découvre  une  assez  belle  vue  sur  la  contrée  avoisi- 
nante,  véritablement  gaie,  riante  et  fertile;  le  Nouveau 
Château  aussi,  qui  renferme  une  collection  de  tableaux  mé- 
diocres; ils  lui  désigneront  les  statues  de  rois,  d'écrivain 
et  de  pédagogue  qui  ornent  les  places,  et  lui  indiqueron* 
le  nombre  d'églises  à  visiter  en  lui  énumérant  les  tom- 
beaux de  Margraves  qu'elles  renferment.  Les  touristes 
consciencieux  ne  manqueront  certainement  pas  de  faire 
cette  tournée  en  détail.  D'autres,  au  contraire,  tenant  à 
bien  affirmer  qu'ils  viennent  uniquement  en  pèlerinage 
musical,  ne  veulent  pas  connaître  autre  chose  que  le  chemin 
menant  au  Théâtre  des  Fêtes. 

Beaucoup  emploient  leurs  matinées  à  relire  la  parti- 
tion qu'ils  doivent  entendre  le  soir,  ou  le  poème,  et  ce 
ne  sont  pas  les  plus  malavisés.  On  peut  même  se  pro- 
curer à  prix  d'or  des  pianos  passables,  mais  il  faut  être 
milliardaire  pour  louer  un  piano  à  queue!  —  Dans  toutes 
les  rues  résonnent  les  accords  harmonieux,  et  des  nom- 
breuses fenêtres  ouvertes  sortent  à  flots  les  leit- motifs 
bien  connus. 

Les  flâneurs  se  contentent,  pour  se  reposer  l'esprit, 
des  promenades  tranquilles  de  par  les  rues,  des  stations 
aux  boutiques  des  libraires  où  l'on  voit  la  collection  clas- 
sique des  portraits  du  Maître,  les  j)hotographies  des  prin- 
cipaux artistes  et  une  lithographie  représentant  «  une  soi- 
rée à  Wahnfried  ».  Il  y  avait  aussi  autrefois  les  magasins 
de  «  souvenirs  de  Bayreuth  »,  qui  se  livraient  à  toutes  les 
extravagances  possibles  et  étaient  vraiment  amusants. 


32  VOYAGE    A    BAYREUTH 

C'est  alors  qu'on  voyait  des  annonces  comme  celles-ci 


NOUVEAUTÉ  SOOEMR  DE  BAIREUTH  nouveauté 

Se  composant  d'une  très  joli  boîte  décorée  de  scènes 
d'opéras  de  Richard  Wagner  et  contenant  de  pains 
d'épices  d'un  goût  exquisit;  très  recommandé  à  tous 
les  visiteurs  des  fêtes. 


REICHSTE    AUSWAHL 

In  Manschetten  -  Knôpf en  und  Cravatten- 
Nadeln  mit  dem  Bildnisse  unseres  grossen  Meisters 
Richard  Wagner. 


Mais  ils  sont  devenus  plus  sobres  maintenant,  et  on  au- 
rait eu  de  la  peine  à  trouver  cette  année  les  foulards  avec 
le  Théâtre  des  Fêtes  imprimé  en  deux  couleurs,  et  les 
plastrons  de  chemise  tout  brodés  de  leit-motifs. 

L'heure  du  déjeuner  arrive  vite  ainsi;  on  se  dirige 
alors,  selon  sa  bourse  ou  ses  goûts,  soit  vers  un  des  restau- 
rants élégants  et  en  renom  qui  se  trouvent  dans  les  rues 
fréquentées  et  dans  tous  les  grands  hôtels  :  c'est  là  que 
l'on  rencontre  les  étoiles  et  les  premiers  sujets  du  théâtre; 
soit  vers  les  brasseries,  plus  pittoresques,  plus  couleur 
locale,  comme  Vogl  ou  Sammet,  où  se  donnent  souvent 
aussi  rendez-vous  les  artistes  et  les  vieux  habitués  de 
Bayreuth,  après  les  représentations. 

On  y  déguste  en  plein  air  la  bière  si  excellente  du  pays, 
servie  dans  des  chopes  d'une  hauteur  et  d'une  capacité 
invraisemblables,  surmontées  d'un  couvercle  d'étain,  et 


LA   VIE    A    BAYREUTH  33 

qui  embarrassent  autant  les  novices  que  le  vase  au  long 
col  embarrassait  le  renard  de  la  fable.  Ces  chopes  se  payent 
le  prix  étonnant  de  15  pfennigs.  A  cette  bière  bavaroise 
il  ne  messied  pas  de  joindre  une  omelette  aux  confitures, 
ou  ces  délicieux  pfannhuchen  dont  la  cuisine  allemande 
a  le  secret,  ou  encore  un  plat  de  saucisses  et  de  chou- 
croute. Que  les  palais  délicats  ne  se  récrient  pas  :  ce  qui 
semble  grossier  chez  soi  devient  exquis  servi  dans  le  ca- 
dre voulu.  Le  buffet  de  la  gare  offre  aussi  pour  les  déjeu- 
ners une  ressource  à  laquelle  personne  ne  pense;  mais 
on  y  est  bien  traité,  et  servi  plus  promptement  qu'ailleurs. 
Disons  ici  que  ,  contrairement  à  l'opinion  répandue, 
le  voyage  de  Bayreuth  ne  constitue  pas  forcément  une 
dépense  excessive,  et  peut  être  à  la  portée  des  bourses 
moyennes.  Songeant  combien  il  serait  profitable  et  ins- 
tructif pour  des  étudiants  musiciens  ou  même  pour  des 
jeunes  gens  amateurs  dans  une  situation  modeste  de  pou- 
voir assister  à  ces  représentations  modèles,  nous  avons 
étudié  le  plan  de  ce  voyage  au  point  de  vue  économique, 
nous  appliquant  même,  dans  ce  but,  à  expérimenter  des 
restaurants  de  différents  niveaux,  qui  nous  ont  paru  très 
acceptables;  et  nous  avons  compté  qu'un  jeune  homme  ne 
craignant  pas  de  voyager  en  seconde,  et  de  mettre  vingt- 
quatre  heures  pour  arriver  à  Nuremberg,  dépensera  pour 
son  chemin  de  fer,  aller  et  retour,  à  peu  près  130  fi-ancs 
(le  billet  double  est  de  121  fr.  25).  Comptons-lui  environ 
40  francs  de  faux  frais  et  de  frais  de  buffet  pendant  les 
deux  jours  qu'il  passe  en  route  en  allant  et  en  revenant, 
soit  170  ^rancs.  Il  pourra  très  convenablement  vivre  à 
Bayreuth  pour  une  douzaine  de  francs  par  jour,  chambre 
et  repas.  Reste  donc  à  voir  combien  de  représentations  il 
voudra  s'offrir  et  à  se  rappeler  que  le  prix  unique  des 
places   est   de   25   francs.    En  admettant  qu'il  assiste   à 


34  VOYAGE    A    BAYREUTH 

quatre,  ce  qui  a  constitué  jusqu'à  présent^  les  plus  lon- 
gues séries,  nous  arriverons,  sans  être  grand  mathéma- 
ticien, à  conclure  qu'il  ])eut,  pour  350  francs,  se  défrayer 
de  tout  pendant  six  jours  d'absence.  Il  est  certain  qu'il 
ne  lui  faudra  pas  -aire  de  folies  ni  même  de  dépenses 
inutiles,  qu'il  devra  se  contenter  d'une  simple  valise  pour 
éviter  les  excédents  de  bagages  (on  n'a  droit  à  aucune 
franchise  en  Allemagne',  qu'il  se  servira  de  ses  jambes 
pour  les  excursions,  et  qu'il  ne  rapportera  pas  de  cadeaux 
à  chacun  des  membres  de  sa  famille.  Mais  en  revanche 
que  de  souvenijs  profonds,  inoubliables,  il  se  rapportera 
à  lui-même,  et  quelle  précieuse  leçon  il  en  aura  tirée! 

Pour  celui  qui  entend  voyager  confortablement,  sans  se 
rien  refuser,  la  dépense  à  prévoir  est  de  500  à  600  francs. 

Pendant  les  jours  de  repos  réservés  entre  les  repré- 
sentations ou  pendant  les  matinées,  il  est  agréable  de 
faire  quelques-unes  des  excursions  qu'offrent  les  en- 
virons. 

On  peut  aller  à  Berneck;  le  trajet  est  d'environ  deux 
heures  en  voiture  :  il  vous  fait  voir  un  coin  pittoresque 
dans  la  riante  vallée  de  l'ŒUriitz;  la  petite  ville,  bien  cam- 
pée sur  le  rocher,  est  située  dans  un  pays  montagneux  et 
agreste;  c'est  une  jolie  promenade  à  faire. 

Il  y  a  aussi  l'Ermitage,  dont  le  beau  parc  et  la  célèbre 
charmille  méritent  plus  l'attention  que  les  horribles  cons- 
tructions du  château,  incrustées  de  haut  en  bas  de  coquil- 
lages et  de  galets  taillés.  Mentionnons  pourtant  une  assez 
gracieuse  colonnade  en  hémicycle,  ainsi  que  les  bassins 
où  l'on  fait  jouer  en  votre  honneur  différents  jets  d'eau 
rappelant  de  très  loin  ceux  de  Versailles. 

1  Pour  la  première  fois,  en  1897,  il  y  aura  cinq  œuvres  repré- 
sentées :  la  Tétralogie  et  Parsifal. 


LA    VIE    A    BAYREUTH 


Zt 


La  Fantaisie,  dont  le  parc  est  ouvert  au  public,  est  une 
propriété  particulière  presque  toujours  louée,  pendant  la 
saison,  à  quelque  hôle  de  marque.  De  la  terrasse  du  clià- 
teau  on  a  une  vue  ravissante  et  mélaacoiique  qui  lait 
penser  à  certaines  compositions  de  Gustave  Doré. 


i  \\-jrii^£S^  » ,.-' 


Pièce  d'eau  à  l'Ermit;! 


Tcii?  ces  endroits  sont  naturellement  pourvus  de  res- 
taurar.tè  où  l'on  peut  déjeuner;  on  s'y  retrouve  avec  ses 
voisins  de  la  veille  et  du  lendemain,  et  aussi  avec  les  ar- 
tistes qui  viennent  en  famille  se  délasser  de  leurs  intéres- 
sants mais  rudes  travaux.  Le  courant  sympathique  s'éta- 
blit bie:i  vite  avec  eux,  et  l'on  ne  résiste  pas  au  plaisir 
d'aliç.'  Àf^HT  i;errer  la  main  et  les  féliciter,  même  si  on  ne 
les  caviJi.vil  pas  particulièrement,  sur  leur  intellicrenle 
iiiterpi'îi2£î!\>n.  On  peut  s'exprimer  en  français  si  l'on  ne 


36 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


parle  pas  l'allemand  :  il  est  des  choses  que  l'on  comprend 
dans  toutes  les  langues.  C'est,  à  mon  gré,  un  des  charmes 
de  la  vie  de  Bayreulh  que  ces  fréquentes  rencontres  avec 
les  artistes,  ces  vaillants  combattants  dont  l'existence  offre 
souvent  d'intéressantes  particularités. 


La  Fantaisie. 


On  a  aussi  l'occasion  de  les  voir  à  Wahnfried  quand  la 
bonne  chance  veut  qu'on  ait  quelque  titre  à  y  être  présenté. 

M'^*^  ^Yagner,  dominant  toutes  les  fatigues  que  lui  cau- 
sent ses  surmenantes  occupations,  donne  chaque  semaine, 
pendant  la  saison  des  Fêtes,  des  réunions  auxquelles  elle 
convie  ses  amis  personnels  et  un  petit  nombre  d'heureux 
élus.  C'est  un  souvenir  précieux  entre  tous  que  celui  des 
moments  passés  dans  cette  maison  du  Maître,  encore  si 
pleine  de  lui,  et  parmi  ceux  qui  l'ont  connu  et  entouré. 


LA   VIE    A    BAYREUTH  37 

Comment  dépeindre  le  charme  exceptionnel  de  la  maî- 
tresse du  logis  et  l'exquise  affabilité  avec  laquelle  elle  ac- 
cueille les  plus  modestes  comme  les  plus  autorisés  admi- 
rateurs de  Wagner?  Nous  en  sommes,  i)our  notre  part, 
profondément  touché,  ainsi  que  de  sa  gracieuse  et  très 
particulière  courtoisie  à  l'égard  des  Français.  M™^  Wagner , 
est  admirablement  secondée  dans  son  rôle  par  son  fils  et 
par  ses  toutes  charmantes  filles,  qui  rivalisent  d'amabilité 
en  recevant  leurs  hôtes. 

On  applaudit  à  ces  réunions  les  interprètes  du  théâtre, 
et  quelquefois  aussi  des  artistes  étrangers,  merveilleuse- 
ment accompagnés  par  M.  INIottl,  qui,  ne  se  contentant  pas 
de  ses  qualités  hors  ligne  de  chef  d'orchestre,  est  aussi 
un  pianiste  de  la  plus  haute  valeur. 

Le  grand  hall  central  de  la  villa,  où  se  fait  la  musique, 
est  orné  d'un  fort  beau  buste  de  Wagner  et  des  statues 
de  ses  principaux  héros  :  le  Hollandais,  Tannhauser,  Lo- 
hengrin ,  Walter  de  Stolzing,  Hans  Sachs...  Une  frise 
peinte  en  grisaille  représente  les  scènes  marquantes  de 
la  Tétralogie.  La  superbe  bibliothèque  attenante  à  ce  hall 
atteste,  par  le  nombre  et  le  choix  des  volumes  qu'elle 
renferme,  de  l'érudition  rare  comme  de  l'éclectisme  de 
celui  qui  l'a  composée.  On  y  admire  aussi,  parmi  une  pro- 
fusion d'objets  d'art  et  de  souvenirs  précieux,  des  toiles 
remarquables,  portraits  intéressants  du  Maître  et  de  sa 
compagne. 

La  villa  se  trouve  située  dans  un  beau  parc  à  l'extré- 
mité de  la  rue  Richard-Wagner,  anciennement  nommée 
Renmveg,  l'une  des  artères  principales  de  la  ville.  Elle  est 
construite  dans  le  style  des  villas  romaines  et  a  pour  fron- 
ton, au-dessus  de  la  porte  d'entrée,  une  fresque  allégorique 
représentant  Wotan  avec  ses  deux  corbeaux,  entouré  de  la 
Tragédie  et  de  la  Musique,  auprès  desquelles  se  tient  «  le 


a8  VOYAGE    A    BAYREUTH 

jeune  Siegfried,  le  chef-d'œuvre  de  l'avenir  ».  Au-dessous 
on  lit  une  inscription  dont  voici  la  traduction  :  «  Ici,  où 
mon  imagination  a  trouvé  la  paix,  que  cette  maison  soit 
appelée  ])ar  moi  la  paix  de  l'iraaginalion.  » 

C'est  dans  l'enceinte  même  de  la  propriété,  à  l'endroit 
choisi  d'avance  par  lui,  que  le  Maître  dort  son  dernier 


Wahnfricd. 


sommeil,  tout  près  de  ceux  qui  l'ont  tant  aimé  et  qui  ne 
vivent  que  pour  vénérer  et  glorifier  sa  mémoire.  Le  di- 
manche matin  on  peut  .  accomplissant  un  pieux  pèlerinage, 
pénétrer  jusqu'à  la  tombe  sévère  et  nue,  par  la  grille 
alors  ouverte,  qui  donne  sur  la  promenade  de  la  ville,  un 
beau  parc  planté  d'arbres  séculaires. 

L'abbé  Liszt  repose  non  loin,  au  cimetière  de  Ba3*reuth, 
dans  une  chapelle  encore  encombrée  des  témoignages  de 
regrets  de  ses  nombreux  fanatiques.  La  mort  l'a  surpris 


LA    VIE    A    BAYREUTH  39 

en  1886,  au  cours  des  représentations,  à  Bayreuth,  où  il 
était  venu,  déjà  souffrant,  rendre  visite  à  sa  fille,  et  ap- 
porter encore  une  fois  l'hommage  de  son  affectueuse  ad- 
miration à  l'œuvre  de  l'ami  qu'il  avait  été  un  des  premiers 
à  comprendre,  et  qu'il  n'avait  cessé  de  consoler  et  de  ré- 
conforter dans  le  pénible  chemin  de  la  gloire. 

Quand  on  lit  la  correspondance  de  Wagner,  ses  bio- 
graphies, et  qu'on  se  rend  compte  des  luttes  qu'il  a  eu  à 
soutenir,  des  difficultés  sans  nombre  qui  se  sont  trouvées 
sur  sa  route,  des  mauvais  vouloirs,  des  entraves  inintelli- 
gentes qui  ont  retardé  pendant  des  années  l'épanouisse- 
ment de  ses  travaux,  qui  sont  allés,  non  jusqu'à  le  faire 
douter  de  son  génie,  il  le  sentait  trop  vibrant  en  lui  pour 
pouvoir  le  méconnaître,  mais  jusqu'à  le  faire  douter  s'il 
pourrait  jamais  lui  permettre  de  déployer  ses  ailes;  quand 
on  se  rappelle  toutes  ces  amertumes,  toutes  ces  tristesses, 
et  qu'on  voit  maintenant  l'œuvre  debout,  vivante,  grandis- 
sant chaque  jour  et  groupant  autour  d'elle  tant  de  dé- 
vouements fidèles,  cette  ville  de  Bayreuth,  presque  ignorée 
jusqu'ici  et  portant  aujourd'hui  inscrit  pour  toujours  en 
lettres  d'or  dans  son  histoire  ce  nom  prestigieux  qui  lui 
met  une  auréole  lumineuse,  ces  milliers  de  pèlerins  ac- 
courant de  tous  les  points  du  monde  pour  apporter  ici  le 
tribut  de  leur  culte  enthousiaste,  et  qu'on  songe  que  tout 
cela  est  le  résultat  de  la  volonté  et  de  la  grandeur  de  pen- 
sée émanant  d'un  cerveau  humain,  on  reste  silencieux, 
pensif,  pénétré  d'admiration  pour  cette  prodigieuse  intel- 
ligence et  cette  organisation  inouïe,  dont  on  ne  retrouve- 
rait pas  le  pendant  parmi  les  annales  du  passé. 


.  J 


Richard  Wagner. 


CHAPITRE    III 
BIOGRAPHIE 


«  ...  Il  fallait  qu'il  fût  malheureux, 
car  c'était  uu  hoinme  de  génie,  u 
H.  Heine. 


Richard  Wagner  naquit  le  22  mai  1813  à  Leipzig, 
de  Cari- Friedrich-  Wilhelni  Wagner,  employé  de  police 
élevé  au  grade  de  chef  de  police  par  Davoust  pendant 
l'occupation  française,  et  de  Johanna-Rosina  Bertz,  qui 
mourut  en  1848. 

Parmi  les  huit  frères  et  sœurs  de  Richard  Wagner, 
plusieurs  embrassèrent  la  carrière  théâtrale  :  Albert,  qui 
fut  le  père  de  Johanna  Jachmann,  cantatrice  connue  ; 
Johanna-Rosalie,  épouse  de  Oswalcl  Marbach,  fut  actrice 
distinguée;  Clara- Wilhelmine,  qui  chanta  aussi  avec  ta- 
lent. 

Après  la  bataille  de  Leipzig,  une  épidémie  enleva  le 
père  de  famille,  qui  laissa  sa  veuve  dans  une  situation 
précaire.  Elle  se  remaria  en  1815  kLudwig  Geyer,  acteur, 
dramaturge  et  peintre  de  portraits  ;  Geyer  emmena  sa 
femme  et  les  enfants  de  celle-ci  à  Dresde,  où  l'appelait  son 
engagement,  et  prit  en  grande  affection  le  petit  Richard, 
qui  l'aima  comme  un  père,  et  dont  il  voulait  faire  un  pein- 
tre. Mais  l'enfant  montrait  peu  de  dispositions  pour  le 
dessin  et  manifestait  au  contraire  un  penchant  marqué 
pour  la  musique.  Wagner  raconte  lui-même  que  la  veille 
de  la  mort  de  son  beau-père,  en  1821,  ayant  joué  au  piano 
des  morceaux  que  ses  sœurs  lui  avaient  appris,  il  enten- 


42  VOIAGE   A    BAYREUTH 

dit  le    moribond  dire  d'une  voix  faible,  dans  la  pièce  à 
côté  :  «  Aurait-il  le  don  de  la  musique?  » 

Dès  son  plus  jeune  âge,  il  eut  un  véritable  culte  pour 
Weber  ;  il  savait  par  cœur  le  Freyschûtz  et  se  cachait 
pour  contempler  son  auteur,  qui  venait  fréquemment  voir 
M"""  Geyer,  dont  l'intelligence  attirait  les  artistes. 

Dès  le  début  de  ses  études  à  la  Kreutzschule  de  Dresde, 
se  révéla  chez  lui  un  grand  penchant  pour  la  littérature 
ainsi  qu'une  facilité  évidente  pour  la  versification,  Eschyle, 
Sophocle  et  Shakes|)eare  excitaient  vivement  son  admira- 
tion, et  il  conçut,  sous  l'empire  de  ce  sentiment,  un  grand 
drame  dont  les  quarante-deux  personnages  mouraient 
tous  au  cours  de  la  pièce,  si  bien  qu'il  dut  les  faire  repa- 
raître à  l'état  de  spectres  pour  pouvoir  terminer  son  cin- 
quième acte  ! 

En  1827  il  avait  été  retiré  de  la  Kreutzschule,  où  il  fai- 
sait sa  troisième,  et  placé  à  Y  École  Nicolaï  de  Leipzig  en 
quatrième,  ce  qui  le  découragea  complètement.  Il  devint 
fort  mauvais  élève  et  négligea  ses  études  pour  s'occuper 
exclusivement  de  son  drame.  Il  entendit  pour  la  première 
fois  à  cette  époque,  aux  Gewandhaus  Concerts,  les  Sym- 
phonies de  Beethoven  et  Egmont,  qui  firent  sur  lui  une 
profonde  impression.  Dans  son  enthousiasme,  il  voulut 
écrire  de  la  musique  de  scène  pour  sa  fameuse  œuvre,  et 
se  mit  à  ce  travail  avec  ardeur,  à  la  grande  désolation  de 
sa  famille,  qui  ne  croyait  pas  à  sa  vocation.  Pourtant  il 
insista  tellement  auprès  d'elle  qu'il  obtint  de  prendre  des 
leçons  de  musique  avec  un  organiste  nommé  Mûller. 
Xe  doutant  de  rien,  il  écrivit  une  Ouverture  à  grand 
orchestre,  qu'il  parvint  à  faire  exécuter.  «  Ce  fut,  dit-il 
lui-même,  le  point  culminant  de  mes  absurdités.  Ce  qui 
me  fit  surtout  du  tort,  ce  fut  un  roulement  de  timbales 
fortissimo,  lequel  revenait  régulièrement  toutes  les  qua- 


BIOGRAPUIE  43 

tre  mesures  tout  le  long  du  morceau.  La  surprise  qu'é- 
prouva alors  le  public  se  changea  en  une  mauvaise  hu- 
meur non  dissimulée,  puis  en  une  gaieté  qui  m'affligea 
fort  !  » 

Les  troubles  de  juillet  1830  survenant  alors,  le  jeune 
Richard  tourne  uniquement  ses  pensées  vers  la  politique 
révolutionnaire,  et,  s'y  jetant  à  corps  perdu,  il  abandonne 
toute  étude,  y  compris  la  musique.  Il  entre  pourtant  à 
V Université  de  Leipzig  pour  suivre  les  cours  d'esthéti- 
que et  de  philosophie,  mais  il  se  livre  surtout  aux  extra- 
vagances de  la  vie  d'étudiant.  Il  s'en  dégoûte  heureu- 
sement vite  et  sent  le  besoin  de  se  remettre  à  ses  travaux. 
Il  a  la  bonne  chance  de  trouver  en  l'excellent  Théodor 
Weinlig  un  remarquable  professeur  qui  sait  gagner  sa 
confiance  et  lui  fait  faire  une  étude  approfondie  de  la 
fugue  et  du  contrepoint.  Il  apprend  alors  à  connaître  et  à 
apprécier  Mozart  et  compose  une  Polonaise  et  une  So- 
nate, maladroite  imitation  des  procédés  de  Beethoven  et 
de  Schubert,  qu'il  dédie  à  son  maître  Weinlig.  Ces  deux 
morceaux  furent  publiés  chez  Breitkopf  et  Hàrtel,  où  on 
les  trouve  encore.  Les  leçons  ne  durèrent  que  six  mois, 
car  il  en  profita  dune  façon  remarquable  et  «  acquit 
ainsi,  comme  il  l'a  écrit  lui-même,  \ indépendance  dans  sa 
manière  d'écrire  ». 

II  partit  en  1832  pour  Vienne,  qu'il  trouva  toute  à  la 
musique  française  et  aux  «  pots  pourris  ».  En  revenant 
il  s'arrêta  à  Prague  et  parvint  à  y  faire  exécuter  i)lusieurs 
compositions,  entre  autres  une  Symphonie.  Il  y  écrivit  le 
poème  et  le  premier  numéro  d'un  opéra,  la  Noce,  dans 
lequel  se  fait  sentir  la  déplorable  influence  de  la  mau- 
vaise école  française,  et  qu'il  déchira  l'année  suivante, 
parce  que  le  sujet  déplaisait  à  sa  sœur  Rosalie. 

En  1833   commence   réellement  sa  carrière   de  musi- 


44  VOYAGE    A    BAYREUTH 

cien;  il  se  rend  à  Wurtzbourg  près  de  son  frère  Albert, 
chanteur  distingué,  et,  tout  en  remplissant  les  fonctions 
de  chef  des  chœurs  au  théâtre  de  la  ville,  il  compose,  d'a- 
près une  fable  de  Gozzi,  le  livret  et  la  musique  d'un  opéra 
romantique,  les  Fées,  qui  contenait  beaucoup  de  bonnes 
choses  et  était  manifestement  inspiré  de  Beethoven  et 
de  Weber.  Des  fragments  en  furent  exécutés  au  théâtre  de 
Wurtzbourg,  puis  l'ouvrage  entier  à  Munich,  en  1888.  Le 
manuscrit  devint  plus  tard  la  propriété  du  roi  de  Bavière. 

C'est  en  1834  que  Wagner  entendit  pour  la  première 
fois  M™®  Schrœder-Devrient,  dont  le  talent  dramatique  eut 
sur  son  génie  une  si  puissante  influence,  en  lui  faisant 
comprendre  quelle  force  pourrait  avoir  l'intime  union 
du  poème  et  de  la  musique.  Bien  plus  tard,  dans  le  cou- 
rant de  sa  carrière,  il  disait  d'elle  :  a  Chaque  fois  que  je 
compose  un  caractère,  c'est  elle  que  je  vois.  » 

C'est  à  cette  époque  aussi  qu'il  commença  à  écrire  son 
opéra  la  Défense  d'aimer  (intitulé  aussi  la  Novice  de  Pa- 
ïenne], qu'il  acheva  en  1836,  alors  qu'il  était  directeur  du 
théâtre  de  Magdebourg.  Une  seule  exécution  de  cette  œu- 
vre (dans  laquelle  il  abandonna  tout  à  fait  ses  premiers 
modèles  pour  subir  l'ascendant  de  la  musique  française 
et  italienne)  eut  lieu  précipitamment  le  même  hiver,  avant 
le  licenciement  de  la  troupe  du  théâtre;  depuis,  après 
avoir  causé  mille  ennuis  à  son  auteur,  elle  ne  fut  jamais 
reprise. 

En  quittant  Magdebourg,  l'artiste,  en  proie  à  des  em- 
barras financiers,  se  rendit  à  Berlin,  puis  à  Kœnigsberg, 
où  il  passa  une  année  stérile  et  composa  en  tout  une  ou- 
verture, Ride  Britannia.  C'est  à  Kœnigsberg  qu'il  épousa 
la  cantatrice  Minna  Planner,  à  laquelle  il  s'était  fiancé  un 
an  avant,  à  Magdebourg;  mais  il  avait  dû  ajourner  son 
union  faute  d'argent  pour  se  mettre  en  ménage. 


BIOGRAPHIE  45 

En  1837  il  obtient  le  poste  de  Directeur  Musical  du 
théâtre  de  Riga.  Il  écrit  alors  plusieurs  morceaux  et  un 
commencement  dopera  bientôt  abandonné,  parce  qu'il 
s'aperçoit  avec  dépit  qu'il  est  en  train  de  faire  de  la  mu- 
sique «  à  la  Adam  «. 

11  éprouve  alors  le  besoin  de  s'atteler  à  une  œuvre  im- 
portante, dans  laquelle  il  lonnera  libre  essor  aux  facultés 
artistiques  qu'il  sent  grandir  en  lui.  Il  se  met  au  travail 
avec  ardeur,  et  quand  il  quitte  Riga  en  1839,  les  deux  pre- 
miers actes  de  son  Rienzi  sont  achevés.  L'espoir  de  faire 
exécuter  son  ouvrage  sur  une  grande  scène  le  détermine 
à  partir  pour  Paris. 

11  s'embarque  avec  sa  femme  et  son  chien,  un  grand 
danois  du  nom  de  Robber,  sur  un  voilier  à  destination  de 
Londres. 

C'est  pendant  la  traversée,  qui  fut  terrible,  se  prolon- 
gea trois  semaines,  et  au  cours  de  laquelle  le  navire  dut 
chercher  un  refuge  dans  les  fjords  de  Norvège,  que  Wa- 
gner recueillit  de  la  bouche  des  matelots  la  légende  du 
Hollandais  volant.  Il  garda  de  cette  lutte  grandiose  avec 
les  éléments  déchaînés,  et  durant  laquelle  il  vit  plusieurs 
fois  la  mort  face  à  face,  une  profonde  impression,  qui 
mûrit  son  génie  et  eut  sur  lui  une  influence  décisive. 

Après  un  arrêt  insignifiant  à  Londres,  il  débarqua  à 
Boulogne,  où  il  séjourna  quatre  semaines.  Il  y  fit  la  con- 
naissance de  Meyerbeer,  qui  parut  écouter  avec  intérêt 
les  deux  actes  de  Rienzi  et  lui  donna  des  lettres  d'intro- 
duction pour  Léon  Pillet,  directeur  de  l'Opéra,  l'éditeur 
Schlesinger,  propriétaire  de  la  Gazette  musicale,  et  diver- 
ses autres  personnes.  Le  jeune  compositeur  arriva  à  Paris 
armé  d'espérances  qui  se  résolurent  presque  toutes  en 
déceptions  :  Meyerbeer,  éloigné  constamment  de  la  capi- 
tale à  cette  époque,  ne  put  rendre  effectif  le  bienveillant 


46  VOYAGE   A    BAYREUTH 

appui  qu'il  lui  avait  promis.  Le  théâtre  de  la  Renais- 
sance, sur  le  i)oint  de  jouer  son  opéra  la  Défense  d'aimer, 
fit  malencontreusement  faillite,  et  le  Uirecteur  de  l'Opéra, 
quand  il  lui  proposa  timidement  son  Rienzi,  enveloppa 
un  refus  formel  dans  de  banales  phrases  de  politesse. 
Du  reste,  notre  première  scène  française  ne  répondit  pas 
du  tout,  quant  à  l'interprétation,  à  ce  qu'il  en  attendait, 
et  les  chanteurs  italiens  qu'on  y  appréciait  si  fort  à  cette 
époque  achevèrent  de  le  dégoûter  de  la  musique  italienne. 

Par  contre,  il  prit  un  immense  intérêt  à  l'audition  des 
Symphonies  de  Beethoven,  aux  Concerts  du  Conserva- 
toire, alors  dirigés  |)ar  Habeneck;  l'exécution  de  la  Neu- 
vième surtout  excita  au  plus  haut  point  son  admiration; 
c'était,  du  reste,  sa  préférée  entre  toutes. 

Les  ressources  pécuniaires  s'épuisaient  cependant;  le 
ménage  avait  quitté  la  rue  de  la  Tonnellerie  pour  s'éta- 
blir rue  du  Helder,  dans  un  appartement  meublé  à  neuf  : 
c'est  là  qu'il  connut  toutes  les  angoisses  de  la  misère. 
Wagner  dut  accepter  d'écrire  la  musique  d'un  vaude- 
ville, la  Descente  de  la  Courtille.  Il  en  ébaucha  un  com- 
mencement, qui  fut  déclaré  injouable  par  les  interprètes. 
II  chercha  ensuite  vainement  à  se  faire  engager  comme 
choriste  dans  un  petit  théâtre  du  boulevard!  On  l'y  refusa 
à  cause  de  son  manque  de  voix. 

Il  écrivit  alors  la  musique  des  Deux  Grenadiers  de 
Heine,  et  trois  mélodies  sur  des  paroles  de  Ronsard  et 
de  Victor  Hugo;  il  en  tira  quelque  peu  d'argent. 

Il  terminai  cette  époque  une  magistrale  Ouverture  sur 
Faust,  qui  ne  fut  jouée  que  quinze  ans  plus  tard,  et  dans 
laquelle  l'influence  de  Beethoven  se  fait  de  nouveau  pro- 
fondément sentir. 

Se  trouvant,  par  l'avortement  de  tous  ses  projets, 
maître   de  son   temps,   il    se  remit  à  Rienzi,    qu'il  desti- 


BIOGRAPHIE  47 

nait  alors  au  théâtre  de  Dresde,  où  son  nom  n'était  pas 
inconnu  et  où  chantaient  alors  M™^  Devrient  et  le  célèbre 
ténor  TlcJiatschek.  îl  termina  son  ouvrage  en  novembre 
et  l'envoya  à  Dresde,  où  il  fut  immédiatement  reçu.  Il  y 
fut  exécuté  en  1841. 

C'est  à  cette  époque,  1840,  que  Meyerbeer,  de  passage 
à  Paris,  le  fait  entrer  de  nouveau  en  relations  avec  Léon 
Pillet,  le  directeur  de  l'Opéra,  à  qui  il  soumet  l'esquisse  de 
son  poème  le  Hollandais  volant,  appelé  depuis  en  France  le 
Vaisseau  fantôme,  emprunté  en  partie  à  la  légende  recueillie 
pendant  la  traversée,  et  en  partie  au  Salon  de  H.  Heine. 
L'idée  plut  tellement  à  Pillet,  qu'il  lui  pro|)Osa...  de  la  lui 
acheter  pour  la  faire  traiter  par  un  autre.  Wagner  refusa 
tout  d'abord  énergiquement,  comptant  reprendre  la  ques- 
tion plus  tard,  quand  Meyerbeer,  de  nouveau  absent,  pour- 
rait lui  prêter  son  appui;  et  il  se  mit,  pour  se  procurer 
les  secours  pécuniaires  dont  il  avait  le  plus  grand  besoin, 
à  écrire  dans  la  Gazette  musicale  plusieurs  articles,  entre 
autres  Une  Visite  à  Beethoven,  et  la  Fin  d'un  musicien  alle- 
mand à  Paris,  qui  eurent  assez  de  succès.  Il  fit  aussi,  pour 
augmenter  ses  ressources,  les  réductions  au  piano  de  la 
Favorite,  Y Elisire  d'Amore,  la  Reine  de  Chypre  et  le  Guit- 
tarero,  puis  des  arrangements  d'opéras  pour  piano  et... 
pour  cornet  à  pistons  ! 

L'hiver  1841  se  passe  à  lutter  ainsi  avec  la  misère.  Au 
printemps,  apprenant  que  son  projet  du  Hollandais  volant 
a  été  divulgué  à  un  auteur  qui  s'apprête  à  en  tirer  parti, 
il  se  décide  à  en  céder  la  propriété  pour  la  France.  Avec 
la  modeste  somme  qu'il  en  relire  (500  francs  il  se  réfugie 
à  Meudon  et,  reprenant  l'idée  dont  il  a  été  dépossédé,  il 
se  met  à  la  traiter  en  vers  allemands. 

Ce  n'est  pas  sans  une  profonde  émotion  qu'ayant  fait 
venir  chez  lui  un  piano,  il  se  demande  s'il  sera  encore 


48  VOYAGE    A    BAYREUTH 

capable  d'écrire,  après  avoir  passé  de  si  longs  mois  éloi- 
gné, par  les  difficultés  matérielles,  de  toute  atmosphère 
musicale.  Enfin  il  s'aperçoit  avec  joie  qu'il  est  plus  que 
jamais  apte  à  la  composition,  et  en  sept  semaines  il  ter- 
mine les  trois  actes,  poème  et  musique,  de  son  ouvrage. 
L'ouverture  seule  est  retardée  par  de  nouveaux  embarras 
d'argent.  Pendant  ce  temps  il  était  entré  en  pourparlers 
avec  Munich  et  Leipzig  pour  sa  partition,  qui  est  refusée 
sous  prétexte  qu'elle  ne  pourrait  plaire  à  l'esprit  alle- 
mand! Il  l'avait  pourtant  écrite  en  vue  de  ses  compatriotes. 
Mais  enfin,  grâce  à  l'intervention  de  Meyerbeer,  elle  est 
acceptée  en  principe  par  le  Théâtre  Royal  de  Berlin;  on 
ne  1'}^  joua  qu'en  janvier  1844. 

La  perspective  de  l'exécution  de  ses  deux  dernières 
œuvres  en  Allemagne  le  décide  à  quitter  ce  Paris  où  il  a 
tant  et  si  diversement  souffert,  mais  qui,  en  somme,  ne 
lui  a  pas  été  inutile  et  où  il  a  lié,  comme  il  le  dit  lui-même, 
de  précieuses  et  solides  amitiés. 

Il  le  quitte  donc  avec  sa  femme  au  printemps  de  1842, 
heureux,  ému  jusqu'aux  larmes  de  retrouver  sa  patrie 
allemande,  à  laquelle  il  jure  une  fidélité  éternelle. 

Rienzi  fut  monté  avec  un  très  grand  luxe  et  joué  à  Dresde 
en  octobre  1842,  avec  le  concours  de  M™^  Devrient  et  de 
Tichatschek;  il  eut  un  énorme  succès.  A  l'issue  de  la 
première  représentation,  qui  dura  de  six  heures  à  minuit, 
l'auteur  proposa  des  coupures  auxquelles  s'opposèrent  les 
artistes,  qui  ne  voulaient  pas  voir  retrancher  une  seule 
note  de  leurs  rôles.  Deux  autres  représentations  eurent 
lieu  devant  une  salle  comble,  et  lorsque,  à  la  fin  de  la 
troisième,  le  chef  d'orchestre,  Reissiger,  remit  au  jeune 
compositeur  un  bâton  d'honneur,  l'enthousiasme  du  public 
tourna  au  délire. 

Encouragés  par  cette  réussite  qui  dépassait  leurs  espé- 


BIOGRAPHIE  49 

rances,  les  directeurs  du  théâtre  de  Dresde  s'empressè- 
rent de  monter  le  Hollandais  volant,  qui  fut  représenté 
en  1843.  M™^  Schrœder-Devrient  remplissait  le  rôle  de 
Senta.  Mais  le  public,  qui  attendait  un  opéra  dans  le  style 
de  Rlenzi,  fut  un  peu  déçu,  ou  plutôt  étonné.  L'œuvre  n'en 
fut  pas  moins  appréciée  par  des  musiciens  d'autorité  : 
Spohr  et  Schumann  en  parlèrent  avec  éloge;  on  la  donna 
avec  succès  à  Riga  et  à  Cassel,  et  l'année  suivante  ce 
furent  MM.  Botticher  et  Tzschiesche  et  M^'^  Marx  qui 
l'interprétèrent  à  Berlin. 

Les  qualités  de  chef  d'orchestre  dont  avait  fait  preuve 
Wagner  en  dirigeant  Rlenzi  lui  valurent,  au  commence- 
ment de  1843,  le  poste  de  Hofkapellmeister  à  Dresde.  Il 
avait  hésité  à  se  présenter  au  concours  qui  s'était  ouvert 
à  cet  effet;  mais  c'était  pour  lui  l'indépendance,  lui  per- 
mettant de  se  livrer  à  ses  travaux,  libre  de  tout  souci 
matériel.  Il  se  décida  à  en  tenter  les  chances,  et  triompha 
de  ses  compétiteurs  en  conduisant  d'une  façon  magistrale 
Euryante,  de  son  maître  vénéré  Weber. 

Il  inaugura  ses  nouvelles  fonctions  en  dirigeant  les  œu- 
vres de  Berlioz,  qui  faisait  alors  une  tournée  en  Allemagne 
et  qui  apprécie  dans  ses  Mémoires  le  zèle  et  le  dévoue- 
ment dont  il  fit  preuve  en  cette  circonstance.  Par  contre, 
le  compositeur  français  n'accorde  que  de  maigres  éloges 
à  Rienzi  et  au  Vaisseau,  qu'il  eut  l'occasion  d'entendre. 

Pendant  les  sept  années  où  Wagner  remplit  ces  impor- 
tantes fonctions  (1843-1849),  il  monta  successivement 
Euryante,  Freyschûtz,  Don  Juan,  la  Flûte  enchantée,  la 
Clémence  de  Titus,  Fidelio,  la  Vestale,  le  Songe  d'une  nuit 
d'été,  Arrnide,  etc.,  etc. 

Laprésence  de  Spontini,  venu  à  son  instigation  à  Dresde 
pour  y  diriger  sa  Vestale,  fut  féconde  en  dérangements, 
mais  aussi  en  enseignements  pour  le  jeune  compositeur. 


50  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Les  exi2:ences  du  vieux  maître  vis-à-vis  de  l'orchestre  lui 
causèrent  bien  des  embarras,  dont  il  sut  triompher  patiem- 
ment. Il  ne  cessa  de  montrer  une  grande  déférence  à  l'au- 
teur de  la  Vestai'e,  qui  le  prit  en  affection  et  lui  donna 
amicalement,  en  le  quittant,  ce  singulier  conseil  :  «  Quand 
j'ai  entendu  votre  Rlenzi,  j'ai  dit  :  C'est  un  homme  de 
génie,  mais  il  a  déjà  fait  plus  qu'il  ne  peut  faire.  Croyez- 
moi,  renoncez  dès  maintenant  à  la  composition  drama- 
tique. » 

Il  avait  tout  d'abord  espéré  pouvoir  rénover  bien  des 
choses  autour  de  lui,  et  relever  le  niveau  artistique  à 
Dresde;  mais  il  se  heurta  à  des  résistances  et  à  des  pré- 
jugés qui  lui  firent  abandonner  ses  projets  de  réforme.  Il 
apporta  pourtant  une  grande  ténacité  dans  les  études  de 
la  9°^^  Symphonie  de  Beethoven,  et,  parvenant  à  com- 
muniquer son  enthousiasme  à  ses  musiciens,  il  obtint  une 
exécution  merveilleuse,  qui  fut  une  véritable  révélation 
pour  son  public  dilettante.  A  ce  concert  assistaient,  dit- 
on,  deux  de  ses  futurs  disciples  et  collaborateurs,  Hans 
de  Bulow  et  Hans  Richter. 

Au  milieu  de  ses  multiples  occupations,  il  trouva  le 
temps  d'écrire  une  cantate,  la  Cène  des  apôtres,  qui  fut 
exécutée  en  1843  à  l'église  Notre-Dame,  mais  dont  les  très 
remarquables  qualités  passèrent  tout  à  fait  inaperçues. 
Son  œuvre  principale  durant  cette  période  fut  Tédifica- 
tion  de  son  opéra  Tannhauser. 

Il  en  avait,  pendant  les  dernières  semaines  de  son  sé- 
jour en  France,  conçu  une  première  idée  en  lisant  les 
légendes  de  Tannhauser  et  de  Lohengrin  dans  le  vieux 
minnesinger  Wolfram  d'Eschenbach,  et  il  fut  séduit  par  le 
parti  que  l'on  pouvait  tirer  du  concours  de  chant  à  la  Wart- 
burg.  Dès  cette  époque,  abandonnant  l'esquisse  presque 
terminée  d'un  poème  sur  Manfred,  il  rompit  décidément 


BIOGRAPHIE  51 

à  tout  jamais  avec  les  sujets  historiques,  qui  lui  opposaient 
mille  entraves,  pour  ne  plus  traiter  que  les  sujets  d'ordre 
purement  humain,  qui  seuls  lui  paraissaient  justifier  l'em- 
j)ioi  simultané  de  la  poésie  et  de  la  langue  musicale. 

En  1844  il  avait  été  mis  à  la  tête  du  comité  qui  s'était 
formé  à  Dresde  pour  y  ramener  les  cendres  de  Weber, 
mort  à  Londres  en  1826.  Il  composa  pour  la  circonstance 
une  Marche  funèbre  sur  deux  motifs  d'Euryante ,  et  un 
chœur  pour  voix  d'hommes,  qui  produisirent  un  excellent 
effet. 

C'est  sous  l'influence  de  cet  événement,  qu'il  avait  pris 
grandement  à  cœur,  qu'il  termina  en  1845  la  musique  de 
Tannliauser  inon  telle  qu'elle  est  jouée  maintenant;  il  lui 
fit  subir  plus  tard  de  nombreux  remaniements  :  la  scène 
du  Vénusberg,  entre  autres,  est  devenue  bien  plus  im- 
portante parla  suite,  ainsi  que  la  scène  finale  du  troi- 
sième acte. 

Le  théâtre  de  Dresde  s'empressa  de  monter  l'ouvrage, 
avec  une  grande  richesse  de  décors  et  de  mise  en  scène  : 
mais  il  ne  répondit  pas  plus  que  le  Vaisseau  fantôme  à 
l'attente  du  public,  qui  avait  encore  espéré  voir  le  com- 
positeur revenir  au  genre  qui  lui  avait  valu  un  si  grand 
succès  avec  Pûenzi .  et  il  atteignit  à  grand'peine  sept 
représentations.  Le  rôle  de  Tannhauser  était  tenu  par 
Tichatschek  et  le  fatiguait.  M™^  Devrient  avait  accepté 
par  dévouement  le  rôle  de  Vénus,  persuadée  de  n'en  rien 
pouvoir  tirer.  Le  personnage  d'Elisabeth  élait  confié  à 
une  débutante,  Johanna  Wagner,  nièce  de  l'auteur. 

L'insuccès  de  Tannhauser  fut  un  grand  déboire  pour 
AVagner,  qui  s'était  flatté  d'amener  le  public  à  lui  sans  lui 
rien  sacrifier  de  son  côté  a  Un  sentiment  d'isolement 
complet  m'envahit,  écrivit-il;  ce  n'était  pas  vanité;  je 
m'étais  sciemment  préparé  ma  déception,  et  j'en  restais 


52  VOYAGE    A    BAYREUTH 

maintenant  tout  étourdi.  Une  seule  pensée  me  vint  :  ame- 
ner le  public  à  comprendre  et  à  participer  à  mes  vues,  et 
faire  son  éducation  artistique.  » 

Les  musiciens  ne  furent  pas  plus   indulgents  pour  lui 
que  le  vulgaire.  Mendelssohn,  Spohr  et  Schumann  criti- 
quèrent vivement  l'ouvrage,  tout  en  reconnnaissant  qu'il 
renfermait  çà  et  là  de    bonnes    choses.    Schumann   alla 
même  jusqu'à  écrire  à  son   sujet,  en  1853  :  «  C'est  de  la 
musique   d'amateur    vide   et  déplaisante  !  »  Spohr,    à  la 
même  époque,    avoue  pourtant  que    «  l'opéra    contient 
certaines  choses  nouvelles   et  belles  que  tout  d'abord  il 
n'aimait  pas,  et  qu'il  s'était  habitué  à  plusieurs  parties  ». 
L'année  qui  suivit,    1846,  fut  troublée   pour  ^yagner 
par  de  nouveaux  soucis  de  toutes  sortes  ;  la  publication 
de  ses  opéras  Rienzi,  le   Vaisseau  fantôme  et  Tannhauser 
l'entraînèrent  dans  de  désastreuses  complications  finan- 
cières ;  puis  il  se  lança  à  cette  époque  dans  la  politique 
et  se  fit  de  nombreux  ennemis  ;  la  presse  devint  de  plus 
en  plus  sévère  pour  lui    et  influença  les   directeurs  de 
théâtre,  qui  refusèrent  de  jouer  ses  œuvres,  le  regardant 
comme  un  excentrique  et  un  personnage  difficile  à  vivre. 
Se  retirant  alors  pour  un  temps  des  agitations  politi- 
ques, il  reprit  activement  son  nouvel  ouvrage  Lohengrin, 
à  peine   ébauché  en  1845  et  dont  le    sujet  lui  avait  été 
fourni,  comme  celui  de   Tannhauser,  par  W.  d'Eschen- 
bach.  Il  y  travailla  tout  en  comprenant  qu'il  s'éloignait 
plus  que  jamais  du  goût  actuel  du  public,  uniquement  en- 
goué, à  ce  moment,  des  opéras  de  Donizetti.  La  direction  du 
théâtre  de  Dresde  s'en  rendit  si  bien  compte  aussi  qu'elle 
en  remit  indéfiniment  l'exécution,  et  que  la  seule  partie 
de  l'œuvre  que  put  entendre  son  auteur  à  cette  époque  fut 
le  finale  du  premier  acte,  exécuté  en  septembre  1848  poiAT 
l'anniversaire  de  l'inauguration  de  la  chapelle  royale. 


BlOx^RAPHIE  53 

Une  fois  sa  partition  de  Lohengrln  terminée,  Wagner 
songea  à  un  drame  sur  Jésus  de  Nazareth;  puis  il  en 
abandonna  le  projet,  dont  il  reprit  plus  tard  l'idée  mys- 
tique sous  une  autre  forme,  et  hésita  une  dernière  fois 
entre  un  sujet  historique,  Frédéric  Barberousse,  et  une 
idée  purement  mythique,  Siegfried,  dont  il  trouvait  lem- 
bryon  dans  le  vieux  poème  des  Niebelungen  et  dans  les 
Eddas  Scandinaves. 

Il  se  décida  pour  le  mythe,  et  écrivit  dès  lors  le  poème 
de  la  Mort  de  Siegfried;  mais  son  travail  fut  interrompu 
pendant  toute  la  période  de  troubles  politiques  qui  écla- 
tèrent alors  en  Allemagne. 

Il  élabora  à  ce  moment  tout  un  plan  de  réformes  qui 
ne  tendaient  à  rien  moins  qu'au  bouleversement  complet 
de  l'état  des  choses  musicales  en  Saxe. 

C'est  à  cette  époque  qu'il  se  lia  avec  Auguste  Rœckel 
et  avec  le  révolutionnaire  Bakounine,  qui  prit  rapidement 
un  grand  empire  sur  lui.  Se  jetant  avec  sa  fougue  habi- 
tuelle dans  la  politique  militante,  il  prononça  dans  un 
club  dont  il  faisait  partie  plusieurs  discours  imprudents, 
qui  déplurent  fort  en  haut  lieu  de  lapartdun  kapellmeis- 
ter  de  la  Cour  ! 

Craignant  à  juste  titre  d'être  inquiété  à  Dresde,  il  alla 
à  Weimar  rejoindre  Liszt,  qui  dirigeait  alors  activement 
les  répétitions  de  Tannhauser,  et  avec  lequel  il  s'était 
intimement  lié,  en  dépit  de  l'aversion  qu'il  avait  vouée 
dans  sa  jeunesse  aux  virtuoses  en  général,  et  à  celui-ci 
en  particulier.  Mais  un  ordre  d'arrestation  vint  aussitôt 
le  troubler  dans  sa  quiétude  :  il  était  signalé  comme  un 
agitateur  dangereux  !  Liszt  lui  procura  rapidement  un 
passe-port  sous  un  faux  nom,  et  il  dut  au  plus  vite  quit- 
ter sa  patrie.  L'exil  qui  commençait  pour  lui  devait  durer 
douze  ans. 

4 


54  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Tout  d'abord  il  se  dirigea  sur  Paris,  où  il  espérait  faire 
exécuter  ses  ouvrages.  Mais  quel  théâtre  aurait  été  à  ce 
raoment  disposé  à  monter  une  œuvre  tragique  ?  Il  tenta 
aussi  de  publier  une  série  d'articles  sur  des  sujets  artis- 
tiques et  révolutionnaires,  et  dans  lesquels  il  aurait  exposé 
les  idées  qui  bouillonnaient  alors  dans  son  cerveau.  Mais 
sa  proposition  fut  accueillie  plus  que  froidement  par  le 
directeur  du  Journal  des  Débats  auquel  il  s'était  adressé. 
Voyant  qu'il  n'avait  rien  à  faire  à  Paris,  il  partit  en  juin 
1849  pour  Zurich,  où  sa  femme  vint  le  rejoindre  et  où  il 
trouva  plusieurs  de  ses  amis,  réfugiés  politiques  commelui. 

La  vie  d'exil  ne  lui  fut  pas  dure  ;  il  devint  citoyen  de 
Zurich  et  rencontra  de  suite  des  sympathies  éclairées, 
qui  l'entourèrent  dune  atmosphère  intelligente  et  dé- 
vouée. Cette  période  fut  une  des  plus  profitables  et  des 
plus  fécondes  de  son  existence.  Dans  cette  calme  retraite 
où  il  se  reprit  tout  entier,  son  génie,  s'élevant  graduelle- 
ment à  chaque  production,  arriva  à  trouver  sa  forme 
définitive  et  atteignit  à  sa  plus  haute  expression.  C'est  à 
pas  de  géant  qu'il  marche,  de  sa  première  œuvre  con- 
çue dans  l'exil,  à  la  dernière,  Tristan.  Dès  lors  il  a  trouvé 
sa  voie  et  n'a  plus  qu'à  continuer  ainsi. 

Eprouvant  décidément  le  besoin  de  faire  connaître 
ses  théories  politiques  et  socialistes  et  laissant  pour  un 
temps  toute  production  musicale,  il  publia  successive- 
ment jilusieurs  écrits  :  l'Art  et  la  Révolution,  puis  l'Œu- 
vre d'art  de  l'avenir.  En  1850,  enfin,  la  Nouvelle  Gazette 
musicale  de  Leipzig  fit  paraître  un  article  ayant  pour 
titre  :  Du  Judaïsme  dans  la  musique,  signé  Freigedank, 
mais  dans  lequel  tout  le  monde  reconnut  avec  raison  le 
style  et  les  idées  de  Wagner.  Cet  article  fut  apprécié  de 
bien  des  façons  différentes,  et  violemment  blâmé  par  ses 
adversaires,  qui  l'accusaient  d'une  noire  ingratitude  en- 


BIOGRAPHIE  S5 

vers  Meyerbeer,  son  premier  protecteur  en  France  et 
aussi  en  Allemagne,  spécialement  visé  par  lui  dans  cet 
écrit  virulent,  qui  agita  vivement  le  monde  musical. 

Tous  ces  travaux  ne  suffisant  pas  à  l'activité  du  Maî- 
tre, il  composa  en  même  temps  un  drame  intitulé  Wleland 
le  Forgeron,  qu'il  destinait  à  l'Opéra  de  Paris,  en  dépit  du 
décourageant  accueil  qu'il  y  avait  reçu  à  plusieurs  re- 
prises. Il  l'y  présenta,  sur  les  conseils  de  Liszt,  au  com- 
mencement de  1850,  et  le  nouveau  refus  qu'il  essuya  fut 
cause  de  désordres  nerveux  dans  sa  santé. 

C'est  dans  le  courant  de  1850  que  Wagner,  retrouvant 
dans  ses  cartons  Lohengrin  qu'il  y  avait  presque  oublié, 
le  recommanda  à  Liszt  alors  à  Weimar.  Liszt  s'empressa 
de  le  monter  pour  les  fêtes  de  l'anniversaire  de  Gœlhe. 
L'œuvre  eut  un  immense  retentissement,  bien  qu'après 
la  première  représentation  l'auteur  dût  autoriser,  à  con- 
tre-cœur, quelques  coupures.  Les  critiques  qui  avaient 
été  conviés  de  toutes  parts  s'en  occupèrent  dans  un  sens 
généralement  favorable,  et  c'est  de  cette  époque  que 
date  vraiment  la  renommée  de  Wagner  en  Allemagne. 
Lohengriti  fut  joué  avec  succès  dans  maintes  villes  les 
années  suivantes. 

Vers  1851,  dans  une  lettre  à  son  ami  Rœckel,  Wagner 
constate  que  sa  célébrité  se  développe  d'une  façon  inat- 
tendue, mais  qu'il  la  doit  à  l'incompréhension  du  véri- 
table esprit  de  ses  œuvres,  les  artistes  comme  le  public 
n'en  voyant  que  le  côté  efFéminé  et  n'en  saisissant  ni  le 
caractère  grandiose  ni  l'énergique  passion.  Deux  ans 
plus  tard,  en  écrivant  au  même,  il  se  réjouit  «  de  ne  de- 
voir ])lus  travailler  uniquement  pour  l'argent.  Quoi  que 
j'entreprenne  ici  (Zurich;,  jamais  je  ne  fais  payer  (ce  que 
je  ne  ferais  d'ailleurs  jamais,  fussé-je  privé  de  toute  res- 
source], car  faire  de   l'art  pour   de   l'argent,  c'est  ce  qui 


S6  VOYAGE    A    BAYREUTH 

pourrait  m'éloigner  à  jamais  de  l'art,  comme  c'est  aussi, 
au  demeurant,  ce  qui  provoque  tant  d'erreurs  au  sujet  de 
l'essence  des  œuvres  d'art.  « 

A  Zurich  il  dirigea  plusieurs  concerts  syraphoniques 
au  théâtre  de  la  ville,  assisté  par  deux  de  ses  jeunes  disci- 
ples Karl  Riiter  et  Hans  de  Bulow,  et  se  remit  à  son  tra- 
vail des  Nibelungen.  Il  n'avait  tout  d'abord  eu  l'inten- 
tion de  traiter  que  la  Mort  de  Siegfried  (qui  devint  plus 
tard  le  Crépuscule  des  dieux)-,  puis  il  fut  conduit  successi- 
vement, pour  la  clarté  du  drame,  à  écrire  Siegfried,  puis 
la  Walkyrie,  et  enfin  le  Prologue  de  ces  trois  parties, 
l'Or  du  Rhin.  En  1852,  ses  poèmes  étant  terminés,  il  en 
donna  une  première  lecture,  sauf  le  prologue,  aux  veil- 
lées de  Noël  chez  ses  amis  Wille  à  Mariafeld,  près  de  Zu- 
rich, en  trois  soirées.  M™®  Wille  raconte  à  ce  propos  que 
le  dernier  soir  de  cette  lecture  elle  fut  obligée,  appelée 
près  d'un  de  ses  enfants  malade,  de  quitter  un  instant 
le  salon,  et  que  Wagner,  mécontent  de  ce  manque  de 
forme,  la  gratifia  à  son  retour  du  nom  de  Fricka^  !  Son 
caractère  nerveux,  quoique  essentiellement  bon  au  fond, 
l'entraînait  souvent  à  s'irriter. 

Quand  il  était  surexcité,  il  parlait  volontiers  français. 

Il  commença  à  écrire  la  musique  de  sa  Tétralogie  dès 
1853,  en  débutant  par  celle  du  Prologue. 

Il  raconte  lui-même  qu'au  cours  d'un  voyage  en  Italie, 
pendant  une  nuit  d'insomnie  à  la  Spezzia,  il  conçut  net- 
tement le  plan  musical  de  VOr  du  Rhin,  et  que.  ne  vou- 
lant pas  l'écrire  sur  le  sol  italien,  il  revint  en  toute  hâte 
à  Zurich,  où  il  se  mit  à  l'œuvre.  En  mai  1854,  l'Or  du 
Rhin  fut  terminé.  Il  acheva  la  partition  de  la  Walhjrie 
dans  l'hiver  1854-1855,   et  les   deux  premiers  actes  de 

1.  Dans  la  Tétralogie,  Fricka  est  la  déesse  du  mariage,  douée  d'un 
caractère  assez  grincheux. 


BIOGRAPHIE  57 

Siegfried  exï  1857.  Une  longue  interruption  survint  alors. 
Il  laissa  de  côté  la  Tétralogie  pour  s'occuper  de  Tristan, 
qui  cadrait  mieux,  pendant  cette  période,  avec  son  état 
d'âme. 

Tout  en  s'?.donnant  à  ce  colossalitravail,  Wagner  avait 
mené  de  front  bien  d'autres  occupations.  Il  avait  monté 
Tannhauser  à  Zurich  et,  au  cours  d'un  long  séjour  que 
fit  auprès  de  lui  Liszt,  organisé  à  Saint-Gall  un  concert 
dans  lequel  il  conduisit  la  Symphonie  Héroïque  et  où 
Liszt  dirigea  ses  Poèmes  Symphoniques,  Orphée  et  ses 
Préludes. 

A  cete  époque  on  \\\\.  -..nri-  .;  lier  donner  des  concerts 
en  Amérique;  mais  il  déclara  a  n'être  pas  disposé  à  se 
trimbaler  comme  donneur  de  concerts,  même  pour  beau- 
coup d'argent  » . 

Pourtant  en  janvier  1855  il  accepta,  a  plutôt  en  curieux 
et  pour  voir  ce  que  font  les  s:t;ns  là-bas  »,  d'aller  diriger 
huit  concerts  de  la  «  Philharmonie  Society»  de  Londres. 
Il  noua  alors  des  rapports  pleins  de  cordialité  avec  Ber- 
lioz, qui  conduisait  dans  le  même  temps  l'orchestre  de  la 
société  la  «  New-Philharmonie  ».  Une  correspondance 
s'établit  même  entre  eux  au  retour  de  Wagner  en  Suisse. 

Le  prince  Albert  apprécia  fort  la  musique  du  Maître 
allemand,  bien  que  celui-ci  ne  l'introduisît  que  fort  dis- 
crètement dans  ses  programmes.  Après  l'audition  de  l'ou- 
verture de  Tannliauser,  qui  excita  l'enthousiasme  général, 
la  famille  royale  fit  demander  l'auteur  dans  sa  loge  pour 
le  féliciter.  La  presse  anglaise  j^ourtant  fut  dure  pour  lui. 
On  lui  reprocha,  entre  autres,  vivement,  dit-on,  de  con- 
duire par  cœur  les  Symphonies  de  Beethoven.  Wagner 
alors,  pour  complaire  à  son  auditoire,  parut  au  |)rochain 
concert  avec  une  partition;  le  public  s'en  montra  fort 
satisfait  et  prétendit  ensuite  que  réexécution  avait  ainsi  été 


58  VOYAGE    A    BAYREUÏH 

bien  meilleure;  mais  quelle  fut  l'indignation  de  tous  lors- 
qu'on s'aperçut,  un  peu  plus  tard,  que  la  partition  était 
celle  du  Barbier  et  qu'elle  était  à  l'envers  sur  le  pupitre! 

Wagner  écrivait  encore  à  son  ami  Rœckel  :  «  Si,  au 
demeurant,  une  chose  avait  pu  accroître  mon  mépris  du 
monde,  ce  serait  mon  expédition  de  Londres.  Laisse-moi 
seulement  te  dire  en  peu  de  mots  que  je  paye  cruellement 
la  sottise  que  j'ai  faite  en  acceptant  cet  engagement,  en- 
traîné que  j'étais,  malgré  les  expériences  déjà  subies,  par 
une  folle  curiosité.  » 

Pendant  son  séjour  à  Londres,  le  Maître  confia  à  Klind- 
worth  le  soin  de  réduire  ses  partitions  au  piano. 

C'est  à  son  retour  d'Angleterre  que,  tout  en  souÉFrant 
de  fréquents  accès  d'érysipèle  facial,  il  termina  l'instru- 
mentation de  la  Walkyrie;  puis,  qu'effrayé  du  travail  lui 
restant  à  accomplir  pour  achever  V Anneau  du  Nihelung, 
qu'il  n'entrevo3'ait  pas  alors  la  possibilité  de  faire  exécu- 
ter sur  aucune  scène,  et  désirant  édifier  une  œuvre  qui 
eût  quelque  chance  d'être  facilement  représentée,  il  se 
mit  à  travailler  activement  au  poème  de  Tristan. 

Parmi  le  petit  cercle  choisi  que  le  Maître  aimait  à  fré- 
quenter à  Zurich  se  trouvait,  avec  Wille  et  Gottfried  Sem- 
per,  le  poète  Herweg,  fervent  disciple  et  admirateur  de 
Schopenhauer.  Il  fit  connaître  les  œuvres  du  philosophe 
à^Yagner,  qui  en  conçut  une  vive  impression.  C'est  sous 
l'influence  de  ces  idées  et  aussi  de  la  tragédie  intime  qui 
se  jouait  en  ce  moment  dans  son  âme,  que  Wagner  écrivit 
son  nouveau  drame,  qu'il  termina  en  1859. 

11  fut  tout  d'abord  question  de  le  jouer  à  Karlsruhe,  où 
le  rôle  de  Tristan  devait  être  tenu  par  Schnorr^  un  jeune 
ténor  du  plus  grand  talent,  qui  avait  voué  un  véritable 
culte  à  la  musique  de  Wagner.  Mais  le  Maître  ne  con- 
naissait le  chanteur  que  par  ouï-dire,  et  hésitait  à  pren- 


BIOGRAPHIE  59 

dre  comme  interprète  un  personnage  affligé  d'un  em- 
bonpoint exagéré,  dont  il  craignait  l'effet  ridicule  sur  la 
scène.  Il  raconte  dans  ses  Souvenirs  qu'étant  à  Karlsruhe 
en  1852  au  moment  où  Schnorr  y  chantait  Lohengrin.  et  ne 
l'ayant  encore  jamais  vu,  il  alla  incognito  l'entendre,  et 
fut  tellement  impressionné  par  l'intelligence  hors  ligne 
dont  fit  preuve  l'artiste  dès  les  premières  notes  de  son 
rôle,  que,  retrouvant  en  cette  circonstance  une  émotion 
analogue  à  celle  que  lui  avait  causée,  dans  son  adolescence, 
M"*®  Schrœder-Devrient,  il  écrivit  de  suite  à  Schnorr  pour 
l'inviter  à  venir  le  voir.  Schnorr,  accompagné  de  sa  femme, 
passa  alors  plusieurs  semaines  à  Bieberich  avec  le  Maître 
et  Hans  de  Bulow,  qui  était  venu  les  rejoindre.  Il  tra- 
vailla V Anneau  et  surtout  Tristan,  qui  devint  par  la  suite 
une  de  ses  plus  magnifiques  interprétations. 

L'espoir  qu'avait  eu  Wagner  de  faire  représenter  Tris- 
tan à  Karlsruhe  ne  tarda  pas  à  être  déçu,  malgré  la  bien- 
veillante sympathie  que  lui  montrait  le  grand-duc  de  Bade. 
Il  n'obtint  pas  non  plus  l'autorisation  de  séjourner  d'une 
manière  définitive  dans  les  Etats  badois,  ni  de  rentrer  en 
Allemagne  comme  il  le  désirait  tant. 

Tournant  de  nouveau  ses  vues  sur  Paris,  il  y  arriva  en 
septembre  1859,  avec  l'espérance  d'y  faire  entendre  son 
oeuvre;  mais  il  dut  bientôt  renoncer  à  une  exécution  qu'il 
rêvait  de  confier  à  des  interprètes  allemands.  Il  comptait 
aussi  sur  Tannhauser  et  Loliengriii  traduits  en  français. 
M.  Carvalho,  alors  directeur  du  Théâtre  Lyrique,  avait  eu 
quelque  velléité  de  monter  Tannhauser.  Il  vint  même  un 
soir  rue  Matignon  chez  le  compositeur,  qui  lui  joua  son 
ouvrage,  mais  ne  put  arriver  à  lui  en  faire  comprendre 
l'intérêt. 

Le  Maître,  qui,  malgré  ses  succès  croissants  en  Allema- 
gne, n'était  guère  plus  connu  à  Paris  que  lorsqu'il  y  vint 


60  VOYAGE    A    BAYREUTH 

pour  la  première  fois,  résolut  alors,  pour  se  présenter  au 
public  parisien  et  l'initier  à  sa  musique,  de  donner  quel- 
ques concerts,  qu'il  organisa  aussitôt  à  la  salle  Ventadour. 
Les  répétitions  eurent  lieu  à  la  salle  Beethoven,  passage 
de  l'Opéra.  Hans  de  Bulow  conduisait  les  chœurs,  compo- 
sés en  grande  partie  d'amateurs  allemands.  Au  programme 
figuraient  l'Ouverture  du  Vaisseau  fantôme,  plusieurs 
pièces  de  Tannhauser  et  de  Lohengrin  et  le  Prélude  de 
Tristan. 

Wagner  atteignit  son  but  et  attira  sur  lui  l'attention  du 
monde  dilettante,  mais  le  résultat  financier  des  trois  pre- 
miers concerts  fut  maigre;  aussi,  après  avoir  constaté 
le  déficit  de  6,000  francs,  n'accepta-t-il  pas  l'offre  que  le 
maréchal  Magnan  lui  faisait,  de  la  part  des  Tuileries,  de 
la  salle  de  l'Opéra  pour  une  quatrième  audition.  Il  donna 
deux  concerts  à  Bruxelles,  qui  ne  furent  pas  plus  heureux, 
pécuniairement  parlant. 

Un  découragement  bien  légitime  commençait  à  le  pren- 
dre, lorsqu  un  intelligent  patronage  vint  lui  apporter  un 
appui  sur  lequel  il  ne  comptait  pas.  M^®  deMetternich  et 
quelques  membres  de  la  colonie  allemande  à  Paris  surent 
si  bien  intéresser  Napoléon  III  en  sa  faveur,  que  le  sou- 
verain, généralement  assez  indifférent  aux  choses  musi- 
cales, donna  l'ordre  de  monter  Tannhauser  à  l'Opéra. 
Tout  d'abord  cette  nouvelle  n'enchanta  pas  le  Maître,  qui 
craignait  avec  raison  le  public,  fort  travaillé  par  une 
presse  hostile,  devant  lequel  il  allait  avoir  à  produire  son 
œuvre;  pourtant  la  direction  se  montra  si  large  quant  aux 
questions  de  mise  en  scène,  si  empressée  à  fournira  l'au- 
teur toutes  les  répétitions  voulues,  tous  les  artistes  dont 
il  pouvait  désirer  le  concours  on  avait  engagé  exprès 
pour  le  rôle  de  Tannhauser  le  ténor  allemand  Nieman,  qui 
avait  une  bonne  prononciation  française),  que  Wagner  se 


BIOGRAPHIE  61 

sentit  réconforté  et  se  montra  tout  disposé  aux  remanie- 
ments qu'on  pouvait  lui  demander  et  que  lui-même  trou- 
vait rationnels;  c'est  ainsi,  notamment,  qu'il  donna  plus 
d'extension  à  la  scène  du  Vénusberg. 

Quelques  semaines  avant  la  première,  il  avait  cru  de- 
voir expliquer  ses  idées  sur  le  drame  musical,  idées  si 
nouvelles  pour  le  monde  dilettante  parisien  et  qu'il  avait 
déjà  développées  quelques  années  auparavant  dans  son 
article  intitulé  Opéra  et  Drame.  Il  publia  donc  une  longue, 
explicite  et  intéressante  Lettre  sur  la  musique ,  qui  peut 
être  considérée  comme  la  profession  de  foi  de  la  théorie 
wagnérienne^  Mais  ses  adversaires,  très  montés  contre 
lui  et  incapables  de  comprendre  la  sincérité  artistique  et 
la  hauteur  de  vues  de  cette  âme  éprise  du  beau  et  du  vrai, 
ne  voulurent  y  voir  que  l'outrecuidance  d'un  orgueil  dé- 
mesuré. 

Est-il  besoin  de  rappeler  ici  les  incidents  qui  sont  en- 
core dans  toutes  les  mémoires  :  les  exigences  du  directeur 
qui  voulait,  pour  ses  abonnés,  un  ballet  au  beau  milieu  de 
l'action;  la  résistance  si  logique  de  l'auteur,  et  la  cabale 
menée  par  les  membres  d'un  club  influent  et  quelques 
journalistes,  qui  firent  tant  et  si  bien  que,  malgré  la 
sympathie  très  affichée  de  l'Empereur  et  de  la  Cour,  mal- 
gré l'intérêt  marqué  de  la  plus  grande  partie  du  public, 
l'œuvre  sombra  à  la  troisième  représentation? 

Combien  en  est-il,  parmi  les  survivants  de  cette  coterie 
inintelligente,  qui,  sans  comprendre  plus  qu'alors  le  gé- 
nie du  Maître,  se  pâment  maintenant  en  entendant  le  duo 
de  Tristan  ou  le  prélude  de  Parsifal?  Mais  à  cette  époque 

1.  Cette  Ze^^re,  adressée  à  M.  Frédéric  Villot,  et  suivie  des  quatre 
poèmes  d'opéras  :  le  Vaisseau  fantôme,  Tannhauser,  Lohengrin  et 
Tristan  et  Iseiilt.  est  éditée  chez  A.  Durand  et  fils,  4,  place  de  la 
Madeleine. 


62  VOYAGE    A    BAYREUTH 

il  n'élait  pas  Àe  mode  d'apprécier  Wagner;  et  le  grand 
artiste,  renonçant,  par  dignité,  à  imposer  plus  longtemps 
sou  œuvre  à  un  public  inapte  à  en  saisir  l'intérêt,  retira  sa 
partition  et  reprit  la  route  de  l'Allemagne,  que  ses  dévoués 
protecteurs  avaient  réussi  pendant  ce  temps  à  lui  rouvrir. 

Gomment  s'étonner  si,  par  la  suite,  Wagner  conserva 
quelque  amertume  contre  un  public  dont  tant  de  fois  il 
avait  recherché  les  suffrages,  qui  l'avait  accueilli  d'abord 
avec  une  indifférence  ignorante,  bien  pénible  pour  un 
génie  qui  a  conscience  de  sa  valeur,  et  finalement  avec  une 
dureté  inhospitalière  touchant  de  bien  près  à  la  gros- 
sièreté? Disons  en  passant  que  Wagner,  en  dépit  delà 
légende  qui  s'est  formée  et  qui  pendant  longtemps  nous 
a  valu  d'être  privés  de  connaître  et  d'admirer  son  œuvre 
dans  notre  pa3's,  ne  s'est  jamais  rendu  coupable  envers 
la  France  des  sorties  haineuses  qu'on  lui  a  prêtées.  Ceux 
qui  veulent  s'en  convaincre  n'ont  qu'à  lire  sa  lettre  à 
M.  Monod;  qu'ils  prennent  aussi  sa  boutade  appelée  Une 
Capitulation  qu'on  lui  a  tant  reprochée  :  ils  pourront  la 
trouver  d'un  esprit  douteux  et  lourd,  mais  verront  que 
c'était  simplement  une  plaisanterie,  une  farce  de  mauvais 
goût  dirigée  aussi  bien  contre  ses  compatriotes  que  con- 
tre nous.  D'ailleurs  il  ne  l'avait  pas  écrite  pour  être  pu- 
bliée, et  par  conséquent  avec  l'idée  de  nous  offenser.  Elle 
n'a  été  imprimée  que  plusieurs  années  après  la  guerre,  et 
en  allemand. 

Il  faut  tenir  compte  aussi,  pour  le  comprendre,  du 
caractère  du  Maître,  singulièrement  fougueux  et  porté 
aussi  bien  aux  accès  de  gaieté  impétueuse  où  son  esprit, 
mis  en  belle  humeur,  n'épargnait  personne,  qu'à  des  pha- 
ses de  tristesse  où  il  désespérait  de  tout  et  se  trouvait 
profondément  malheureux.  Citons  à  ce  propos  l'intéres- 
sante appréciation  de  M.  Monod  :    , 


BIOGRAPHIE  f»3 

«  Il  exerce  sur  ceux  qui  l'approchent  un  irrésistible 
ascendant,  non  seulement  par  son  génie  musical,  par  l'o- 
riginalité de  son  esprit,  par  la  variété  de  ses  connaissan- 
ces, mais  surtout  par  une  puissance  de  tempérament  et  de 
volonté  qui  éclate  dans  toute  sa  personne.  On  sent  qu'on 
est  en  présence  d'une  sorte  de  force  de  la  nature  qui 
s'agite  et  se  déchaîne  avec  une  violence  presque  irres- 
ponsable. Quand  on  l'a  vu  de  près,  tantôt  d'une  gaieté 
sans  frein,  livrant  passage  à  un  torrent  de  plaisanteries 
et  de  rires;  tantôt  furieux,  ne  respectant  dans  ses  atta- 
ques ni  titres,  ni  puissances,  ni  amitiés,  toujours  obéis- 
sant à  l'éclat  irrésistible  du  premier  mouvement,  on  finit 
par  ne  plus  lui  reprocher  trop  durement  les  manques  de 
goût,  de  tact  et  de  délicatesse  dont  il  s'est  rendu  coupa- 
ble ;  on  est  tenté,  si  l'on  est  juif,  de  lui  pardonner  sa  bro- 
chure sur  le  Judaïsme  dans  la  musique;  si  l'on  est  Fran- 
çais, sa  pantalonnade  sur  la  Capitulation  de  Paris  ;  si  l'on 
est  Allemand,  toutes  les  injures  dont  il  a  accablé  l'Alle- 
magne; comme  on  pardonne  à  Voltaire  la  Pucelle  et  cer- 
taines lettres  à  Frédéric  II;  à  Shakespeare  certaines  plai- 
santeries et  certains  sonnets,  à  Gœthe  certaines  pièces 
ridicules,  à  Victor  Hugo  certains  discours.  On  le  prend 
tel  qu'il  est,  plein  de  défauts,  peut-être  parce  qu'il  est 
plein  de  génie,  mais  incontestablement  un  homme  supé- 
rieur, un  des  plus  grands  et  des  plus  extraordinaires 
que  notre  siècle  ait  produits.  « 

M™^  Judith  Gautier,  qui  a  vécu  dans  l'intimité  de  Tribs- 
chen*  et  avait  voué  au  Maître  une  profonde  admiration,  dit 
à  son  tour  :  «  Il  y  a  dans  le  caractère  de  Richard  Wagner, 
il  faut  bien  le  reconnaître,  des  violences  et  des  rudesses 
qui  sont  cause  qu'il  est  si  souvent  méconnu,  mais  seule- 

1.  Habitation  de  Wagner  sur  le  lac  des  Quatre-Cantons,  en  face 
de  Lucerne. 


64  VOYAGE    A    BAYREUTH 

ment  de  ceux  qui  ne  jugent  que  par  l'extérieur  des  cho- 
ses. Nerveux  et  impressionnable  à  l'excès,  les  sentiments 
qu'il  éprouve  sont  toujours  poussés  à  leur  paroxysme; 
une  peine  légère  est  chez  lui  presque  du  désespoir,  la 
moindre  irritation  a  l'apparence  de  la  fureur.  Cette  mer- 
veilleuse organisation,  dune  si  exquise  sensibilité,  a  des 
vibrations  terribles,  on  se  demande  même  comment  il 
peut  y  résister  :  un  jour  de  chagrin  le  vieillit  de  dix  ans; 
mais,  la  joie  revenue,  il  est  plus  jeune  que  jamais  le  jour 
d'après.  Il  se  dépense  avec  une  prodigalité  extraordinaire. 
Toujours  sincère,  se  donnant  tout  entier  à  toutes  choses, 
d'un  esprit  très  mobile  pourtant,  ses  opinions,  ses  idées, 
très  absolues  au  premier  moment,  n'ont  rien  d'irrévo- 
cable; personne  mieux  que  lui  ne  sait  reconnaître  une 
erreur;  mais  il  faut  laisser  passer  le  premier  feu.  Par  la 
franchise,  la  véhémence  de  sa  parole,  il  lui  arrive  assez 
souvent  de  blesser,  sans  le  vouloir,  ses  meilleurs  amis; 
excessif  toujours,  il  dépasse  le  but  et  n'a  pas  conscience 
du  chagrin  qu'il  cause.  Beaucoup,  froissés  dans  leur 
amour-propre,  emportent  sans  rien  dire  la  blessure,  qui 
s'envenime  dans  la  rancune,  et  ils  perdent  ainsi  une  amitié 
précieuse;  tandis  que,  s'ils  avaient  crié  qu'on  les  blessait, 
ils  eussent  vu  chez  le  Maître  des  regrets  si  sincères,  il  se 
serait  efforcé  avec  une  effusion  si  vraie  de  les  consoler, 
que  leur  amour  pour  lui  s'en  serait  accru.  » 

A  ces  deux  portraits  joignons,  pour  les  compléter,  celui 
tracé  dans  une  récente  publication  par  M.  Emile  Olivier, 
le  beau-frère  de  Richard  Wagner  :  «  Le  double  aspect 
de  cette  personnalité  puissante  se  marquait  sous  son 
masque;  la  partie  supérieure,  belle  d'une  vaste  idéalité, 
éclairée  par  des  yeux  réfléchis,  profonds,  sévères,  doux 
ou  malins  suivant  l'occasion;  la  partie  inférieure,  grima- 
çante et  sarcaslique;  une  bouche  froide,  calculée,  pincée, 


BIOGRAPHIE  65 

s'y  creusait  en  retrait  au-dessous  d'un  nez  im|Térieux,  au- 
dessus  d'un  menton  projeté  en  avant  comme  la  menace 
d'une  volonté  conquérante.  » 

Wagner,  en  18G1,  rentrait  dans  sa  patrie  avec  le  désir 
de  plus  en  plus  grand  de  faire  exécuter  Tristan;  mais, 
malgré  la  renommée  qu'il  avait  acquise  dans  ces  dernières 
années,  augmentée  par  son  échec  si  retentissant  à  Paris, 
qui  lui  avait  valu  une  recrudescence  de  sympathie  parmi 
ses  compatriotes,  aucun  directeur  ne  se  souciait  de  mon- 
ter sa  partition.  Le  Grand-Duc  de  Bade,  après  s'être  mon- 
tré disposé  pour  l'reuvre,  s'en  désintéressa,  et  à  Vienne, 
où  l'on  mit  les  répétitions  en  train,  on  renonça  à  la  cin- 
quante-septième, sous  prétexte  que  le  ténor  x\nder  était  à 
bout  de  forces. 

Les  années  qui  suivirent  alors  furent  parmi  les  plus  pé- 
nibles de  la  vie  du  Maître.  Tout  concourait  à  l'accabler  : 
la  grande  déception  que  lui  causa  la  mauvaise  fortune  de 
Tristan,  l'isolement  de  sa  vie,  car  son  foyer  était  mainte- 
nant désert,  et  son  ménage  dissous;  sa  femme,  créature 
bonne  et  dévouée,  mais  terre  à  terre,  n'avait  pas  su  com- 
prendre son  génie  :  de  là  des  heurts  continuels  qui  s'étaient 
résolus  à  la  longue  par  une  séparation. 

Quelques  années  plus  tard,  des  bruits  malveillants  cou- 
rurent à  ce  propos  sur  Wagner  :  on  l'accusa  de  laisser 
sa  femme  sans  ressources,  et  elle  écrivit  elle-même,  quel- 
ques jours  avant  sa  mort,  pour  démentir  ces  calomnies, 
attestant  que  son  mari  lui  avait  toujours  fourni,  au  con- 
traire, des  subsides  très  suffisants. 

De  nouveaux  embarras  pécuniaires  le  talonnèrent  en- 
core, ses  opéras  lui  rapportant  fort  peu,  d'après  les  arran- 
gements consentis  en  Allemagne  entre  théâtres  et  auteurs. 
Il  eut  pourtant  enfin  la  satisfaction  de  voir  représenter 


66  VOYAGE    A    BAYREUTH 

son  Lohengrin  à  Vienne,  au  mois  de  mai.  C'est  alors  qu'il 
se  mit  à  écrire  le  poème  et  à  travailler  à  la  partition  des 
Maîtres  Chanteurs,  dont  il  avait  jeté  le  premier  essai  sui 
le  papier  dès  1845,  aussitôt  après  l'achèvement  de  son 
Tannliauser,  auquel  il  voulait  dès  lors  faire  un  pendant 
comique. 

Le  poème  des  Maîtres  Chanteurs  fut  terminé  à  Paris 
pendant  un  court  séjour  qu'y  fit  Wagner  en  1862,  et  aus- 
sitôt publié  par  la  maison  Schott,  de  Mayence,  qui  avait 
déjà  traité  avec  le  Maître  pour  Y  Anneau  du  Nibelung.  Mais 
la  musique,  dont  il  s'occupa  pourtant  dès  ce  moment, 
ne  fut  terminée  qu'en  1867. 

Toute  l'année  1863  fut  employée  par  Wagner  à  voyager 
en  Allemagne  et  en  Russie  et  à  donner  des  concerts  qui 
rétablirent  un  peu  l'état  de  ses  finances.  La  Grande-Du- 
chesse Hélène,  qui  était  une  musicienne  intelligente  et 
une  admiratrice  passionnée  de  ses  œuvres,  contribua  puis- 
samment à  son  succès  en  Russie. 

A  ses  programmes  figuraient  les  Symphonies  de  Beetho- 
ven et  des  fragments  des  Maîtres  Chanteurs  et  de  Y  Anneau. 
Il  fit  aussi  exécuter  à  Vienne,  avec  un  succès  très  grand, 
l'ouverture  de  Freyscliûtz  telle  qu'elle  avait  été  écrite 
par  Weber  et  telle  aussi  qu'on  ne  la  donnait  jamais.  Au 
retour  de  son  voyage  en  Russie,  Wagner  s'était  fixé  à 
Penzig,  aux  environs  de  Vienne,  où  il  vivait  paisiblement 
entre  ses  deux  domestiques  et  son  chien  fidèle.  (Wagner 
de  tout  temps  a  passionnément  aimé  les  animaux  :  «  Je 
suis  particulièrement  ému,  déplus  en  plus  profondément, 
de  nos  rapports  avec  les  animaux  si  odieusement  mal- 
traités et  torturés  par  nous;  je  suis  on  ne  peut  plus  heu- 
reux de  pouvoir,  aujourd'hui,  m'abandonner  sans  honte  à 
la  forte  compassion  que  j'ai  de  tout  temps  éprouvée  pour 
eux,  et  de  n'avoir  plus  à  recourir  à  des  sophismes  pour 


BIOGRAPHIE  67 

essayer  d'embellir  la  méchanceté  des  hommes  à  ce  point 
de  vue.  »)  Des  mesures  d'économie  indispensables  lui 
firent  renoncer  à  cette  installation;  il  alla  demander  asile 
à  ses  amis  de  Zurich,  avec  l'intention  de  terminer  là  ses 
Maîtres  Chanteurs. 

Quant  à  la  Tétralogie,  il  avait  à  cette  époque  abandonné 
totalement  l'espoir  de  la  faire  jamais  représenter  (il  lui 
eût  fallu  pour  cela  le  théâtre  idéal  que  ses  rêves  avaient 
conçu  depuis  longtemps,  mais  qu'il  ne  croyait  pas  devoir 
jamais  exister),  et  en  avait  publié  le  poème,  dès  1853, 
comme  œuvre  littéraire,  sans  plus  s'occuper  d'en  complé- 
ter la  musique. 

C'est  en  1864,  alors  qu'abreuvé  d'amertumes  de  toutes 
sortes  il  était  arrivé  au  summum  du  découragement  et  ne 
se  sentait  plus  la  force  de  lutter,  qu'intervint  dans  sa  vie 
cetteprotection  inouïe,  inespérée,  qui,  changeant  d'un  coup 
de  baguette  la  face  de  sa  destinée,  lui  permit  de  prendre 
un  nouvel  essor,  délivré  désormais  de  toutes  les  entraves 
misérables  où  s'était  débattu  si  longtemps  son  génie. 

Le  jeune  roi  Louis  II  de  Bavière,  devenu  souverain  à 
dix-neuf  ans  par  la  mort  de  son  oncle  Maximilien  II,  ad- 
mirateur ardent,  passionné,  du  Maître,  dont  les  œuvres 
avaient  été  ses  seules  éducatrices,  s'empressa,  quinze  jours 
après  son  avènement,  d'appeler  auprès  de  lui  le  grand 
artiste  pour  le  mettre  à  même,  écartant  de  son  chemin 
toutes  les  difficultés  matérielles  et  mesquines,  de  terminer 
ses  Nihelungs  abandonnés  et  de  faire  représenter  magnifi- 
quement ses  autres  œuvres. 

Voici  en  quels  termes  il  racontait  cet  événement  le  jour 
même,  4  mai  1864,  à  son  amie  de  Zurich  M™''  Wille  : 
«  Vous  savez  que  le  jeune  roi  de  Bavière  m'a  fait  cher- 
cher; je  lui  ai  été  présenté  aujourd'hui.  Il  est  malheureu- 


68  VOYAGE    A    BAYREUTH 

sèment  si  beau,  si  intelligent,  si  ardent  et  si  grand,  que  je 
crains  que  sa  vie  ne  s'évanouisse  dans  ce  monde  vulgaire 
comme  un  rêve  fugitif  et  divin.  Il  m'aime  avec  l'ardeur  et 
la  ferveur  du  premier  amour,  il  sait  et  connaît  tout  ce  qui 
me  concerne.  Il  veut  que  je  reste  à  jamais  près  de  lui, 
que  je  travaille,  que  je  me  repose  et  que  je  fasse  exécuter 
mes  œuvres;  il  veut  me  donner  tout  ce  dont  j'ai  besoin; 
il  veut  que  je  termine  les  Nibelungs,  et  il  les  fera  exécuter 
comme  je  le  désire.  Et  tout  cela,  il  l'entend  sérieusement 
et  littéralement,  comme  vous  et  moi  quand  nous  parlions 
ensemble.  Tout  souci  pécuniaire  doit  m'être  enlevé;  j'au- 
rai tout  ce  dont  j'ai  besoin,  à  la  seule  condition  que  je 
reste  auprès  de  lui.  Que  dites-vous  de  cela?  qu'en  dites- 
vous?  Est-ce  pas  inouï?  esl-ce  que  cela  peut  être  autre 
chose  qu'un  rêve  ?  » 

Le  premier  soin  de  Wagner  fut,  par  reconnaissance 
pour  le  roi,  de  se  faire  naturaliser  bavarois  et  de  compo- 
ser en  l'honneur  de  son  souverain  une  marche  militaire, 
Huldigungsmarscli  :  puis  il  élabora,  sur  la  demande  de  son 
royal  ami,  le  projet  d'une  école  nationale  de  musique  à 
établir  à  Munich;  mais  ce  projet  ne  fut  pas  mis  à  exécu- 
tion, par  suite  du  mauvais  vouloir  des  musiciens  de  cette 
ville.  Dès  l'année  1864,  il  fit  jouer  dans  la  capitale  de  la 
Bavière  le  Hollandais  volant,  et  dirigea  des  concerts  uni- 
quement composés  de  ses  œuvres;  mais  les  bavarois,  àê]k 
mécontents  et  inquiets  de  la  faveur  inouïe  du  composi- 
teur, dont  on  craignait  l'influence  sur  le  roi,  n'assistèrent 
pas  à  ces  auditions,  et  la  salle  resta  presque  vide.  Cepen- 
dant le  royal  protecteur,  sans  s'inquiéter  de  ces  manifes- 
tes hostilités,  s'occupait  activement  dès  lors  de  l'érection 
du  théâtre  rêvé  par  Wagner  et  en  étudiait  les  plans  avec 
Gottfried  Semper,  l'ami  du  Maître.  Puis  il  faisait  venir 
de  Dresde,  en  paj-ant  un  dédit  au  directeur  du  théâtre 


BIOGRAPHIE  G9 

Schnorr  et  sa  femme  pour  chanter  Tristan.  Il  profita  de  la 
présence  de  l'interprète  incomparable  pour  se  faire  donner 
une  splendide  et  unique  représentation  de  Tannhaaser. 

L'étude  de  Tristan  fut  dirigée  avec  la  plus  grande  au- 
torité par  Hans  de  Bulow,  le  disciple  et  ami  du  Maître, 
nommé  à  cette  époque,  sur  les  instances  de  Wagner,  pia- 
niste du  roi  de  Bavière.  L'exécution,  qui  eut  lieu  dans  le 
courant  de  1865,  fut  superbe.  Wagner  connut  alors  l'in- 
time et  profonde  satisfaction  d'entendre  son  œuvre  telle 
qu'il  l'avait  rêvée  et  voulue.  Schnorr  apportait  dans  l'in- 
terprétation du  personnage  de  Tristan  une  telle  intelli- 
gence, une  telle  intensité  d'émotion,  que  Wagner,  boule- 
versé lui-même  jusqu'au  fond  de  l'âme,  déclara,  après  la 
quatrième  représentation,  qu'il  n'en  voulait  pas  d'autre  et 
refusa  de  laisser  son  ami  s'épuiser  par  un  effort  au-dessus 
des  forces  humaines.  Schnorr,  qui  avait  contracté,  pendant 
le  troisième  acte  de  la  dernière  soirée,  un  rhumatisme 
causé  par  les  courants  d'air  de  la  scène,  mourut  quinze 
jours  après  à  Dresde,  et  priva  ainsi  les  ouvrages  du  Maî- 
tre de  leur  plus  merveilleux  protagoniste. 

Cependant,  la  cabale  organisée  contre  le  protégé  du  roi 
prenait  une  tournure  menaçante,  et  le  souverain  dut,  le 
30  novembre  1865,  pour  calmer  les  esprits,  éloigner  de 
lui  pendant  un  temps  le  grand  artiste.  Il  paraît  pourtant 
certain  qu'en  tant  que  politique  il  n'avait  aucune  influence 
sur  le  roi;  lorsqu'il  abordait  ce  sujet,  a-t-il  raconté  lui- 
même,  le  prince  regardait  en  l'air  et  se  mettait  à  sifQer. 
Ce  que  le  peuple  pouvait  redouter  avec  plus  de  raison, 
c'était  les  dépenses  excessives  auxquelles  il  entraînait  le 
souverain. 

Wagner,  dont  le  système  nerveux  était  très  éprouvé  et 
avait  besoin  de  repos,  fît  alors  un  court  vo3'ag8  dans  le 
midi  de  la  France  et  en  Suisse  et  vint  s'installer  à  Tribs- 


70  VOYAGE    A   BAYREUTH 

chen,  près  de  Lucerne.  Le  roi  n'abandonnait  pas  pour  cela 
son  protégé,  et  vint  le  voir  dans  le  plus  strict  incognito. 

Le  Maître  profita  de  cette  période  de  calme  pour  écrire 
quelques  articles  dans  le  journal  de  son  vieil  ami  Au- 
guste Rœckel;  il  publia  une  brochure  sur  l'Art  allemand 
et  la  Politique  allemande,  et  termina  la  partition  des  Maî- 
tres Chanteurs.  C'est  à  cette  époque  que  Hans  de  Bulow 
présenta  au  Maître  un  jeune  musicien  de  grande  valeur, 
Hans  Rlchter,  qui  se  fit  alors  son  secrétaire  fidèle  et  dévoué 
et  devint  par  la  suite  un  des  plus  merveilleux  auxiliaires 
des  représentations  de  Munich  et  de  Bayreuth. 

La  première  exécution  des  Maîtres  Chanteurs  eut  lieu  à 
Munich  en  juin  1868.  Wagner  avait  confié  les  études  de 
son  œuvre  à  son  ami  Bulow,  qui  s'acquitta  de  sa  tâche  avec 
le  dévouement  le  plus  éclairé.  Toutefois  le  Maître  put  ve- 
nir assister  aux  dernières  répétitions  et  aux  six  représen- 
tations qui  obtinrent  un  succès  enthousiaste. 

Il  se  remit  alors  activement  à  la  composition  de  la  mu- 
sique de  X Anneau,  qu'il  avait  abandonnée  en  1857,  au  mi- 
lieu du  second  acte  de  Siegfried.  Il  acheva  Siegfried  en 
1869,  et  le  premier  acte  du  Crépuscule  en  1870;  mais  ce 
n'est  qu'en  1874  qu'il  le  termina  complètement.  11  y  a 
donc  un  écart  de  vingt-deux  ans  entre  la  première  ébau- 
che et  le  parachèvement  de  la  Tétralogie.  II  est  vrai  que 
dans  l'intervalle  se  placent  Tristan  et  les  Maîtres. 

En  1870  Wagner,  rendu  libre  cinq  ans  auparavant  par 
la  mort  de  sa  première  femme,  épousa  la  fille  de  son  ami 
Liszt,  ]\I™®  Hans  de  Bulow.  L'année  suivante  elle  lui  donna 
un  fils,  qu'il  appela  Siegfried,  du  nom  de  son  héros  favori. 

A  l'occasion  de  la  naissance  de  l'enfant,  qui  eut  pour 
marraine  M™^  Judith  Gautier,  une  exquise  fête  de  fa- 
mille eut  lieu  à  Tribschen;  le  Maître  avait  caché  dans  le 
jardin  de    la  villa  un  petit  orchestre  d'élite  dirigé   par 


BIOGRAPHIE  71 

Hans  Richter,  et  qui  entonna,  au  moment  où  M"^®  Wagner 
sortit  sur  le  perron,  une  délicieuse  pièce  composée  par 
l'heureux  père,  sur  une  vieille  berceuse  allemande,  et 
quatre  leit-motifs  qui  se  trouvent  réunis  dans  le  troi- 
sième acte  de  Siegfried  :  la  Paix,  le  Sommeil,  Siegfried 
trésor  du  monde,  la  Décision  d'aimer.  Cette  pièce  fut  pu- 
bliée sous  le  nom  de  Siegfried-Idyll  en  1877. 

Le  roi  Louis  II,  impatient  d'entendre  l'Or  du  Rhin,  en 
avait  exigé  une  représentation  à  Munich,  malgré  toutes  les 
difficultés  de  mise  en  scène  et  d'exécution  qni  se  présentè- 
rent. Le  résultat  fut  médiocre,  et  l'œuvre,  incomprise  d'un 
public  mal  préparé,  fut  accueillie  froidement.  L'année  sui- 
vante la  Walkyrie  obtint  un  bien  plus  grand  succès,  mais 
ces  représentations  ne  faisaient  qu'augmenter  le  désir  qu'a- 
vaient le  Maître  et  son  royal  protecteur  d'édifier  une  scène 
spéciale  pour  y  donner  l'ensemble  de  la  Tétralogie. 

Après  avoir  publié  ses  deux  études  sur  l'Art  de  diriger 
et  sur  Beethoven,  Wagner  se  mit  en  campagne  pour  trou- 
ver le  pays  idéal  où  installer  son  théâtre. 

La  vie  du  Maître  pendant  les  années  qui  suivirent,  si 
intimement  liée  avec  l'histoire  du  Théâtre  de  Bayreuth, 
sera  tracée  à  la  fin  de  ce  chapitre.  Disons  pourtant  qu'en 
1875  Wagner  eut  la  satisfaction  d'entendre  à  Vienne 
Tannliauser  et  Lohengrin  exécutés  intégralement.  C'est 
lui  qui  dirigea  les  répétitions.  On  donna  également  avec 
succès  Tristan  à  Berlin  en  1876.  En  1877,  la  série  de  con- 
certs qu'il  consentit  à  aller  diriger  à  Londres  alternative- 
ment avec  son  dévoué  collaborateur  Hans  Richter,  lui  va- 
lut des  marques  de  sympathie  de  la  famille  royale,  et  des 
ovations  enthousiastes  de  la  part  du  public  londonien,  qui 
apprécia  hautement  aussi  son  remarquable  lieutenant.  Il 
fit  exécuter  avec  succès  sa  Kaisermarsch  et  des  fragments 


72  VOYAGE    A    BAYREUTH 

de  toutes  ses  œuvres.  Mais  le  résultat  pécuniaire  ne  fut 
pas  très  brillant  ni  correspondant  à  l'effort  tenté. 

Wagner  avait,  en  1877,  écrit  le  poème  de  Parsifal,  em- 
prunté par  lui  à  la  légende  du  Graal,  chantée  par  les  vieux 
trouvères  et  dont  l'idée  initiale  avait  déjà  hanté  son  cer- 
veau lorsque,  en  1852,  à  Zurich,  il  projetait  son  Jésus 
de  Nazareth.  Il  emporta  avec  lui  à  Londres  son  nouveau 
poème,  dont  il  donna  lecture  à  un  groupe  intime  chez 
M.  Edouard  Dannreuther,  son  ami  et  son  historiographe 
fidèle  ^dans  la  remarquable  étude  biographique  duquel 
beaucoup  de  renseignements  ont  été  puisés  pour  cette 
brève  esquisse  de  la  vie  du  Maître).  Il  composa  la  mu- 
sique des  deux  premiers  actes  de  Parsifal  dans  le  cou- 
rant de  l'année  1878  ;  le  prélude  fut  exécuté  dans  une  fête 
intime  à  Bayreuth,  à  l'occasion  des  fêtes  de  Noël;  il  ter- 
mina le  troisième  acte  en  1879. 

Obligé  par  des  raisons  de  santé  (il  souffrait  cruelle- 
ment d'un  douloureux  érysipèle)  de  passer  ses  hivers  en 
Italie,  il  acheva  en  1882,  à  Palerme,  l'orchestration. de 
cette  œuvre,  qu'il  sentait  devoir  être  la  dernière. 

Pour  la  représenter  on  rouvrit  le  Théâtre  des  Fêtes, 
fermé  depuis  1876.  Les  seize  représentations  qu'on  en 
donna  marchèrent  merveilleusement  et  eurent  le  plus 
grand  succès.  Le  Maître  se  donna  le  plaisir,  le  dernier 
soir,  de  prendre  des  mains  du  distingué  chef  d'orchestre, 
Hermann  Levi,  le  bâton  de  directeur  et  de  conduire  lui- 
même  son  œuvre. 

Cette  nouvelle  série  de  représentations  et  les  études 
préparatoires  fatiguèrent  beaucoup  le  Maître,  qui,  au 
cours  des  répétitions,  s'était  même  trouvé  une  fois  sérieu- 
sement atteint  d'un  accès  d'étouffements.  Une  maladie  de 
cœur,  constatée  à  son  insu  par  im  médecin,  le  minait  len- 
tement. Il  partit  pour  Venise  avec  sa  femme  et  sa  famille 


74 


VOYAGE    A  BAYREUTH 


au  commencement  de  Ihiver  1882-1883  et  s'installa  au 
palais  Vendramin-Calergi,  une  des  plus  splendides  rési- 
dences vénitiennes,  située  sur  le  grand  canal. 


Le  cortège  funèbre  dans  la  rue  de  l'Opéra. 

C'est  là  qu'une  crise  fatale  l'emporta  subitement,  le 
13  février  1883,  à  l'instant  où,  quittant  son  piano,  sur  le- 
quel il  venait  de  jouer  et  de  chanter  la  dernière  scène  de 


BIOGRAPHIE  75 

L'Or  du  Rhin,  il  s'apprêtait  à  monter  en  gondole  pour  sa 
promenade  journalière. 

Le  corps  fut  rapporté  en  grande  pompe  à  Bayreuth,  où 
ses  amis  et  ses  admirateurs  lui  firent  des  funérailles  émues 
et  solennelles.  Il  fut  accompagné  à  sa  dernière  demeure 
par  les  accents  poignants  et  grandioses  de  la  Marche  fu- 
nèbre de  Siegfried 

Maintenant  il  repose  sous  une  simple  pierre  sans  ins- 
cription, gardé  par  son  fidèle  chien  Russ  enterré  sous  un 
tertre  voisin,  et  parmi  les  ombrages  mêmes  de  sa  villa  de 
Wahnfried,  non  loin  de  ce  théâtre  qui  semble  symboliser 
et  synthétiser  l'aspiration,  l'œuvre  de  toute  sa  vie,  et  sur 
lequel  le  pèlerin  qui  vient  à  Bayreuth  sent  encore  pla- 
ner le  souffle  de  son  colossal  génie. 


é^l^  ;,J,;^ 


Tombeau  de   Richard  Wagner. 


76  VOYAGE    A   BAYREUTH 

Historique  du  Théâtre. 

L'idée  d'édifier  un  Tliéâtre  modèle,  spécialement  des- 
tiné à  l'exécution  de  ses  grands  drames,  et  expressément 
construit  en  vue  de  cette  affectation,  a  longuement  germé 
dans  l'esprit  de  Wagner  avant  qu'il  lui  fût  donné  de  la 
mettre  à  exécution. 

Déjà,  en  1836,  dans  une  Communication  à  mes  amis,  on 
voit  Wagner  déclarer  qu'il  n'écrit  plus  dorénavant  des 
«  pièces  de  répertoire  »,  et  que  son  désir  est  de  voir  ses 
œuvres  représentées  «  à  un  endroit  fixe  et  dans  des  con- 
ditions spéciales  ». 

En  1853,  après  le  succès  de  ses  concerts  à  Zurich,  il 
avait  déjà  conçu  l'idée  d'établir  un  théâtre  sommairement 
construit,  mais  approprié  à  toutes  ses  exigences,  en  Suisse, 
pour  y  faire  représenter,  pendant  un  an,  toutes  ses  œu- 
vres, y  compris  la  Tétralogie  de  V Anneau,  ainsi  qu'il  res- 
sort d'une  lettre  adressée  à  son  ami  Rœckel,  prisonnier 
politique  à  Waldheim,  alors  que  lui-même  était  exilé,  et 
datée  de  Zurich,  8  juin  1853. 

Plus  tard,  en  1862,  dans  la  préface  de  l'Anneau  du 
Nibelung,  il  exprima  encore  plus  nettement  le  désir  de 
construire  un  théâtre  nouveau  pour  y  instituer  des  fêtes 
théâtrales,  et  là  il  émet  cette  idée  que  le  concours  des 
particuliers  serait  nécessaire,  et  surtout  la  haute  protec- 
tion d'un  souverain...  curieux  pressentiment,  car  deux 
ans  après,  en  1864,  l'avènement  au  trône  de  Bavière  du- 
roi  Louis  II,  âgé  de  dix-neuf  ans,  vint  mettre  le  comble  à 
ses  vœux.  De  1865  à  1870,  Tristan,  les  Maîtres  Chanteurs, 
l'Or  du  Rhin  et  la  Walkyrie  furent  représentés  à  Munich. 
Alors  fut  décidée  en  principe  la  construction  d'un  Théâ- 
tre de  Fêtes;  le  roi  l'aurait  voulu  à  Munich;  Wagner  ne 
le  voulut  pas. 


HISTORIQUE    DU    THEATRE  77 

Toutefois,  dès  1867,  un  grand  artiste  de  ses  amis,  l'ar- 
chitecte Gottfried  Seraper,  avait  été  chargé  par  le  roi 
Louis  II  de  dessiner  un  plan  réalisant  les  idées  de  ^^'a- 
gner;  mais  Semper  ne  comprenait  que  le  grandiose,  les 
formes  fîères  et  imposantes;  il  présenta  un  projet  tel  que 
le  roi  lui-même  fut  effrayé  des  dépenses  exorbitantes  qu'il 
eût  entraînées,  dépenses  fort  au-dessus  des  ressources 
de  la  cassette  royale. 

Wagner  dut  alors  reconnaître  que,  malgré  tout  son 
prestige,  l'appui  du  roi  restait  encore  insuffisant,  et  il 
prit  le  parti,  pour  arriver  à  ses  fins,  de  s  adresser  à  la 
nation  allemande  tout  entière,  en  faisant  vibrer  les  cordes 
de  son  orgueil  artistique. 

Cest  au  mois  de  mai  1871  qu'après  avoir  parcouru  et 
examiné  plusieurs  localités,  il  visita,  pour  la  première 
fois,  la  jolie  petite  ville  de  Bayreuth.  qui  le  séduisit  au 
premier  coup  d'œil.  Il  prit  alors  le  conseil  damis  sérieux, 
d'hommes  pratiques,  notamment  MM.  Feustel  et  Gross, 
qui  obtinrent  de  la  municipalité  la  cession  à  titre  gracieux 
des  terrains  nécessaires  à  l'édification  de  son  théâtre  et  de 
sa  maison  d'habitation  S  et  ce  fut  le  9  novembre  de  cette 
même  année  que,  dans  la  maison  de  M.  Feustel.  située  à 
proximité  de  la  gare,  entre  la  Hirchenstrasse  et  la  Mlttel- 
strasse,  maison  désormais  historique,  il  fut  décidé  que  le 
Théâtre  des  Fêtes  s'élèverait  à  Bayreuth.  et  non  ailleurs. 

L'architecte  Semjîer  fut  de  nouveau  chargé  des  plans 
définitifs.  Il  ne  manquait  plus  que  l'argent,  et  la  dépense 
pré\'ue  était  de  1,125,000  francs!!! 

Mais  AVagner  n'était  pas  homme  à  se  laisser  démonter 

1.  La  Tille  n'a  pas  eu  à  se  repentir  de  cette  intelligente  et  artisti- 
que largesse  :  elle  y  troure  son  compte  dans  le  mouvement  de  voya- 
geurs qu'amènent  les  Représentations  des  fêles.  C'est  pour  elle  une 
véritable  résurrection. 


78  VOYAGE    A    BAYREUTH 

pour  si  peu.  A  ce  moment,  il  n'était  bruit  dans  toute 
l'Allemagne  artistique  que  de  ses  écrits,  de  ses  manifes- 
tes; ses  concerts  attiraient  la  foule,  et  les  représentations 
de  ses  dernières  œuvres  obtenaient  le  plus  éclatant  suc- 
cès ;  des  cercles  wagnériens  se  créaient;  il  profita  de 
cette  effervescence,  et,  sur  le  conseil,  dit-on,  d'un  de  ses 
plus  enthousiastes  admirateurs,  le  pianiste  Tausig,  il 
émit  1,000  actions  de  1,125  francs  l'une,  moyennant  les- 
quelles le  souscripteur-fondateur  acquerrait  le  droit  d'as- 
sister aux  trois  représentations  complètes,  en  quatre 
soirées  chacune,  de  la  Tétralogie,  Les  actions  pouvaient 
se  fractionner  en  tiers,  chaque  tiers  permettant  d'assister 
à  l'une  des  représentations. 

Le  conseil  d'administration  avait  pour  président 
M.  Friedrich  Feustel,  riche  banquier  de  l'Allemagne  du 
Sud,  et  se  composait  de  MM.  Adolphe  Gross  ;  Théodor 
Muncker,  de  Bayreuth;  Emil  Heckel,  de  Mannheim;  Frie- 
drich Schœn,  de  Worms. 

L'un  d'eux,  M.  Heckel,  avait  fondé  à  Mannheim  la  pre- 
mière des  associations  wagnériennes  et  avait  acquis  la 
certitude  que  beaucoup  de  gens,  dans  l'impossibilité  de 
verser  1,125  francs,  seraient  pourtant  disposés  à  venir  en 
aide  à  l'œuvre,  dans  la  mesure  de  leurs  moyens.  Aussi  le 
conseil  d'administration,  devenant  comité  de  patronage, 
encouragea  et  provoqua  même  la  création  de  cercles  wa- 
gnériens non  seulement  en  Allemagne,  mais  dans  le  monde 
entier,  en  France,  en  Russie,  en  Hollande,  en  Belgique, 
en  Suède,  en  Angleterre,  en  Italie,  en  Egypte,  aux  Etats- 
Unis,  dont  la  mission  était  de  recueillir  des  souscrip- 
tions, si  minimes  qu'elles  fussent,  pour  la  triple  repré- 
sentation de  V Anneau  du  Nibelung,  car  c'était  là  le  seul 
but  poursuivi  :  exécuter  trois  fois  la  Tétralogie. 

A  peine  avait-on  réuni  le  tiers  de  la  somme  totale  né- 


HISTORIQUE    DU    THEATRE  70 

cessaire,  on  procéda,  en  grande  solennité,  à  la  pose,  par 
Wagner  lui-même,  de  la  première  pierre  du  Théâtre  des 
Fêtes.  Cela  eut  lieu  le  22  mai  1872  (cinquante-neuvième 
anniversaire  de  la  naissance  de  Wagner). 

A  cette  occasion,  un  concert  fut  donné  dans  la  salle  si 
élégante  des  anciens  margraves  de  Bayreuth;  on  y  exé- 
cuta la  Kaisermarsch  et  la  Symphonie  avec  chœurs  de 
Beethoven,  avec  quelques  adjonctions  qui  ne  sont  peut- 
être  pas  absolument  respectueuses;  c'est  un  détail. 

Plus  de  quatre  cents  artistes  allemands,  tant  chanteurs 
qu'instrumentistes,  étaient  accourus  à  cette  cérémonie 
imposante,  à  l'issue  de  laquelle  Wagner  adressa  une  vé- 
ritable proclamation  à  ce  vrai  petit  peuple  d'artistes. 

Les  travaux  furent  aussitôt  commencés,  sous  la  direc- 
tion des  architectes  Runkwitz  et  Briickwald;  mais  l'ar- 
gent manqua,  les  souscriptions  n'arrivaient  plus;  sans 
hésiter,  Wagner  se  mit  en  campagne  et  donna,  dans  les 
plus  grandes  villes  d'Allemagne,  des  concerts  qui  rap- 
portèrent près  de  250,000  francs,  un  concert  à  Pesth, 
avec  Liszt,  plusieurs  à  Vienne  ;  de  j)lus,  il  accepta  de  com- 
poser une  Marche  de  Fête  en  vue  de  l'ouverture  de  l'Ex- 
position universelle  de  Philadelphie,  en  1876,  qui  lui  fut 
payée  25,000  francs;  tout  cela  allait  à  la  caisse  de  Bay- 
reuth,  mais  eût  encore  été  insuffisant  sans  une  nouvelle 
générosité  de  Louis  II,  qui  avança  la  somme  manquante, 
se  réservant  de  se  rembourser  sur  les  actions  vendues 
ultérieurement. 

Ce  n'est  donc  qu'au  bout  de  quarante  ans  de  luttes  et 
d'efforts  incessants  que  Wagner  vit  se  réaliser  le  projet 
colossal  qui  germait  en  lui  depuis  1836,  et  peut-être  avant. 
Voilà  une  belle  leçon  de  persévérance  et  un  bon  sujet  de 
méditation  à  l'usage  des  gens  au  découragement  trop 
facile 


«0  VOYAGE    A   BAYREUTH 

Les  premières  répétitions  d'étude  durèrent  deux  mois 
pleins,  juillet  et  août  1875,  et  furent  reprises,  en  1876, 
du  3  juin  au  6  juillet;  alors  seulement  le  succès  de  l'en- 
treprise put  être  définitivement  considéré  comme  certain, 
et  furent  fixées  les  dates  des  répétitions  générales  et  des 
représentations;  alors  aussi  on  vit  pour  la  première  fois 
le  spectacle  réconfortant  d'artistes  convaincus,  abandon- 
nant leurs  emplois  lucratifs,  ou  sacrifiant  leur  temps  de 
vacances  pour  venir  se  ranger  sous  la  bannière  de  l'art 
nouveau,  et  donnant  ainsi  l'exemple  de  cet  esprit  d'abné- 
gation, de  cette  abstraction  de  toute  prétention  person- 
-nelle,  qui  sont  restés  et  doivent  rester  la  caractéristique 
de  l'artiste  à  Bayreuth. 

Les  répétitions  générales  devaient  commencer  le  6  août. 
Dès  le  5,  désirant  y  assister  intégralement,  était  arrivé 
le  roi  de  Bavière,  le  protecteur  quasi  miraculeux.  Il  au- 
rait aimé  y  être  tout  seul  ;  mais  dès  le  début  de  la  première 
répétition  il  dut  renoncer  à  ce  projet  de  gourmet  ;  la 
sonorité  de  la  salle,  absolument  vide,  ne  rendait  pas  du 
tout  l'effet  cherché,  et,  de  la  meilleure  grâce,  il  consentit 
à  ce  qu'on  y  laissât  entrer...  tout  le  monde.  Alors  se 
produisit  une  bousculade  générale,  qui  nécessita  l'inter- 
vention de  la  police.  Cet  incident  suggéra  aux  organisa- 
teurs l'idée  de  faire  payer  l'entrée  pour  les  répétitions 
suivantes,  d'où  résulta  une  recette  imprévue  d'environ 
24,000  francs. 

Les  trois  représentations  de  la  Tétralogie  eurent  lieu, 
comme  cela  avait  été  annoncé,  lapremière  du  13  au  16  août, 
la  deuxième  du  20 au  23,  la  troisième  du  27  au  30,  chacune 
d'elles  commençant  un  dimanche,  se  terminant  un  mer- 
credi, et  séparée  de  la  suivante  par  trois  jours  de  repos, 
comme  la  tradition  s'en  est  encore  conservée  à  Bayreuth. 

Mais  si  le  succès  artistique  fut  grand,  il  en  fut  autre- 


HISTORIQUE    DU    THÉÂTRE  81 

ment  du  succès  financier,  car  le  déficit  total  était  de 
187,500  francs  (150,000 marks),  les  frais  étant  de  beaucoup 
plus  considérables  qu'on  ne  l'avait  prévu.  Ce  déficit  ne 
pouvait,  en  aucune  manière,  affecter  les  souscripteurs, 
qui  avaient  rempli  leurs  engagements,  et  il  retomba  tout 
entier  sur  Wagner  seul.  Il  fallait  parer  à  ce  nouveau  dé- 
sastre. Wagner  partit  donc  pour  Londres  où  il  alla  don- 
ner, au  printemps  de  1877,  une  série  de  concerts,  ce  qui 
lui  était  toujours  pénible;  de  plus,  il  permit  à  un  impré- 
sario, l'imprésario  Neumann,  je  crois,  de  prendre  pos- 
session des  décors  de  la  Tétralogie  pour  les  colporter  de 
ville  en  ville;  ces  décors  étaient  fort  beaux,  et  ce  dut 
être  un  crève-cœur  pour  lui  de  les  abandonner  ainsi  ^ 
Tout  cela  ne  suffisait  pas;  la  générosité  du  jeune  roi  de 
Bavière  et  de  quelques-uns  des  anciens  fondateurs  dut 
encore  intervenir,  et  enfin  Wagner  se  trouva  entièrement 
libéré  de  ses  engagements,  avec  la  satisfaction  d'avoir 
accompli  loyalement  et  sans  défaillance,  grâce  à  sa  persé- 
vérante ténacité,  le  rêve  de  sa  vie,  la  création  du  Théâtre 
de  Fêtes  et  la  représentation  intégrale  de  sa  Tétralogie. 
Mais  pendant  six  ans,  jusqu'en  .1882,  il  fut  impossible 
de  rouvrir  le  théâtre,  faute  d'argent,  malgré  l'excellente 
gestion  du  conseil  d'administration. 

De  son  vivant,  Wagner  vit  donc  seulement  deux  fois 
s'ouvrir  le  théâtre  de  ses  rêves  :  en  1876,  pour  l'inaugu- 
ration, par  la  Tétralogie,  et  en  1882,  pour  Parslf al. 

Depuis  sa  mort,  on  a  joué  neuf  iois  :  en  1883, 1884, 1886, 
1888,  1889,  1891,  1892,  1894  et  1896,  sous  l'administra- 
tion active  et  infatigable  de  M.  von  Gross,  exécuteur  tes- 

1.  Il  entendait  seulement  les  prêter.  Mais  ils  furent  totalement 
perdus,  et  lors  de  la  reprise  de  la  Tétralogie,  en  1896.  il  a  fallu  en 
faire  de  nouTeaux:  de  même  pour  les  costumes  et  accessoires. 


«2  VOYAGE   A  BAYREUTH 

-tamentaire  de  Wagner  et  tuteur  de  son  fils.  M""»  Wagner 
n'a  jusqu'ici  prélevé  aucun  tantième  sur  les  recettes,  ce 
■théâtre  étant  considéré  par  elle  non  comme  une  entre- 
prise industrielle,  mais  comme  une  œuvre  exclusivement 
artistique.  Quand  une  année  laisse  un  bénéfice,  ce  béné- 
fice est  mis  en  réserve,  afin  d'assurer  l'exploitation  à  la 
prochaine  saison  et  de  couvrir  les  frais  d'amélioration  et 
■de  renouvellement  du  matériel,  ainsi  que  l'entretien  du 
théâtre. 

La  salle  du  théâtre-modèle  contient  1,344  places  dis- 
posées en  amphithéâtre  et  en  éventail  dans  un  bâtiment 
rectangulaire.  Chaque  stalle  consiste  en  un  siège  canné, 
large,  se  relevant  comme  an  strapontin,  et  sans  aucun 
-appui  pour  les  bras.  Kn  raison  de  la  disposition  en  éven- 
tail, le  nombre  des  places  n'est  pas  le  même  à  chaque 
rangée;  la  première  n'en  contient  que  trente-deux,  et  la 
trentième  en  a  cinquante-deux;  les  sièges  sont  placés  d'une 
■façon  alternative  d'une  rangée  à  l'autre,  ce  qui  fait  qu'on 
■est  aussi  peu  gêné  que  possible  par  ses  voisins,  et  que 
<le  partout  on  voit  bien.  Toutefois,  il  est  certain  que  les 
•tneilleures  places,  tant  pour  la  vue  que  pour  l'acoustique, 
-sont  celles  des  4™%  5"°,  6"®,  7™%  et  8°^^  rangs,  au  centre. 

Derrière  cet  amphithéâtre,  et  occupant  conséquem- 
ment  le  fond  de  la  salle,  se  trouve  une  série  de  neuf  lo- 
ges, confondues  sous  la  dénomination  générale  de  Loge 
■des  Princes  ;  ces  places  sont  réservées  aux  souverains  et 
aux  invités  personnels  de  ^I™^  Wagner.  Je  crois  pourtant 
qu'on  en  peut  obtenir  quelquefois  à  prix  d'argent,  mais 
■officiellement  elles  ne  sont  pas  à  la  disposition  du  public, 
-qui  n'a  rien  à  regretter,  car  on  y  est  plutôt  moins  bien 
^qu'ailleurs,  trop  loin. 

Enfin,  au-dessus  de  la  Loge  des  princes  il  y  a  encore 
•une  large  galerie  contenant  deux  cents  places,  affectées 


84  VOYAGE    A   BAYREUTH 

aux  entrées  de  faveur  pour  le  personnel...  On  y  entend 
merveilleusement,  mais  on  voit  assez  mal,  et  il  y  fait  très 
chaud.  Tout  compris ,  la  salle  peut  donc  contenir  1, 500  spec- 
tateurs environ. 

Il  n'y  a  pas  de  contrôle  ;  l'entrée  et  la  sortie  se  font  au 
moyen  de  dix  portes  latérales,  cinq  à  droite,  cinq  à  gau- 
che, donnant  accès  directement  de  l'extérieur  dans  la  salle 
et  commandant   chacune    un   certain   nombre  de  rangs. 

L'éclairage  consiste  en  une  double  rangée  de  lampes 
électriques  à  incandescence  ;  la  rangée  inférieure,  placée 
à  mi-hauteur  des  colonnes  qui  entourent  la  salle,  est 
entièrement  éteinte  une  minute  avant  le  commencement 
de  chaque  acte;  l'autre,  toute  proche  du  plafond,  est  seu- 
lement mise  en  veilleuse  ;  l'obscurité  est  donc  presque 
totale. 

L'aération  est  parfaite  ;  il  ne  fait  jamais  trop  chaud,  et 
l'on  ne  sent  pourtant  aucun  courant  d'air. 

L'orchestre,  rendu  invisible  au  moyen  d'un  double 
écran  qui  le  recouvre  en  partie,  est  disposé  sur  des  gra- 
dins continuant  ceux  des  spectateurs  et  se  prolongeant,  en 
descendant,  au-dessous  de  la  scène  comme  dans  une  sorte 
de  cave  qui  a  reçu  le  nom  «  d'espace  mystique  »  ou  «  abîme 
mystique  ».  Là,  les  instruments  sont  groupés  par  familles 
exactement  comme  dans  les  grands  concerts  symphoni- 
ques,  sauf  que  c'est  juste  le  contraire,  que  le  chef  d'or- 
chestre et  les  violons  sont  en  haut ,  et  les  instruments 
bruyants  en  bas,  tout  au  fond;  sauf  aussi  que  les  premiers 
violons  sont  à  droite,  les  seconds  à  gauche;  c'est  tout  sim- 
plement un  orchestre  ordinaire  renversé. 

L'espace  réservé  à  la  scène  et  aux  loges  d'artistes  est 
un  peu  plus  grand  que  la  salle  ;  le  rideau  partage  à  peu 
près  le  bâtiment  en  deux  parties  égales,  dans  le  sens  de 


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HISTORIQUE    DU    THÉÂTRE  87 

sa  longueur.  La  scène  a  donc  une  profondeur  très  suffi- 
sante, peut-être  même  superflue,  car  on  ne  l'emploie  ja- 
mais complètement,  et  le  fond  sert  de  magasin  d'acces- 
soires. Les  aménagements  intérieurs  du  théâtre  n'ont 
rien  de  particulier  ;  c'est  ce  qu'on  voit  partout,  ou  à  peu 
près,  dans  tous  les  théâtres  bien  machinés;  la  hauteur 
des  combles  et  la  profondeur  des  dessous  permettent  d'j' 
enlever  ou  d'y  plonger  un  décor  entier,  qu'on  peut  égale- 
ment faire  disparaître  par  les  côtés.  Les  loges  d'artistes, 
assez  spacieuses,  sont  d'une  extrême  simplicité. 


La  salle,  l'orchestre  et  la  scène. 


88  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Une  petite  pièce  sert  de  foyer  aux  instrumentistes  pour 
y  accorder  leurs  instruments,  ce  qu'ils  ne  doivent  pas  faire 
dans  l'orchestre,  où  le  silence  est  imposé. 

Il  n'y  a  pas  de  foyer  pour  le  public;  la  campagne  voi- 
sine en  tient  lieu  lorsqu'il  fait  beau,  ce  qui  est  fréquent 
en  juillet  et  août;  en  cas  de  mauvais  temps,  on  se  réfugie 
dans  l'un  des  cafés-restaurants  qui  ont  été  établis  tout  à 
proximité,  dès  1876,  et  subsistent  toujours.  Pourtant,  de 
plain-pied  avec  la  Loge,  des  Princes,  dans  le  petit  avant- 
corps  construit  après  coup  en  1882,  il  existe  trois  beaux 
salons,  dont  l'un  est  meublé  en  buffet  salle  à  manger,  qui 
peuvent  servir  de  foyer  aux  invités  privilégiés;  ces  pièces 
servent  aussi  aux  répétitions  partielles,  mais  le  public  n'y 
pénètre  pas.  Enfin,  tout  à  fait  dans  le  haut,  à  l'étage  de 
la  galerie,  dans  une  longue  pièce  en  forme  de  couloir, 
sont  pieusement  conservées,  suspendues  aux  murs,  les 
innombrables  couronnes  envoyées  de  toutes  les  parties  du 
monde  à  l'occasion  des  funérailles  de  Wagner;  là  aussi 
on  voit,  sous  un  verre  protecteur,  l'ardoise  sur  laquelle 
il  avait  l'habitude  d'écrire  les  heures  de  rendez-vous  pour 
les  répétitions,  qui  porte  encore  son  dernier  ordre  du 
jour.  Dans  des  pièces  voisines  s'entassent  les  archives, 
déjà  volumineuses. 

Extérieurement,  l'édifice  n'a  rien  de  remarquable.  C'est 
une  grande  construction  en  briques  rouges,  avec  poutres 
apparentes,  et  un  soubassement  en  pierre  de  taille,  d'un 
aspect  peu  artistique  en  lui-même;  ce  qu'il  y  a  de  mieux, 
c'est  l'avant-corps  en  forme  de  Loggia,  ajouté  après  coup, 
avec  balcon,  contenant  les  salons  de  réception;  mais  tout 
ceîa  n'a  aucune  prétention  architecturale;  c'est  conçu  uni- 
quement en  vue  de  la  commodité,  des  aménagements  inté- 
rieurs, et  ce  but  est  bien  atteint. 


CHAPITRE    IV 
ANALYSE    DES   POÈMES* 


«  L'art  parfait,  l'art  qui  prétend 
révéler  l'homme  tout  entier,  exigera 
toujours  ces  trois  modes  d'expres- 
sion :  geste,  musique,  poésie.  » 
Richard  Waoxer. 


Nous  n'en  sommes  plus,  Dieu  merci,  et  depuis  long- 
temps, à  l'époque  où  Wagner  était  discuté,  avait  besoin 
de  défenseurs  ;  s'il  lui  reste  encore  quelques  rares  détrac- 
teurs, esprits  chagrins  ou  paradoxaux,  ils  sont  quantité 
négligeable,  et  pas  gênants  du  tout. 

Aussi  me  paraîtrait-il  absolument  déplacé,  et  je  tiens  à 
le  dire  au  début  de  cette  étude  du  style  de  Wagner,  de  lui 
distribuer  des  louanges  dont  il  n'a  cure,  comme  de  réfuter 
les  critiques  qu'il  a  eu  à  subir,  mais  que  personne  ne 
s'avise  plus  de  formuler.  Ce  n'est  donc  pas  par  tiédeur, 
je  l'explique  ici  une  fois  pour  toutes,  que  je  m'interdis 
l'emploi  d'épithètes  laudatives  qui  resteraient  toujours 
inférieures  à  mon  admiration,  mais  dans  un  sentiment  de 
profond  respect,  le  même  qui  fait  qu'on  n'applaudit  pas 
à  Parsifal.  Devant  ce  colossal  génie,  devant  son  œuvre 
gigantesque,  on  doit  s'incliner  le  front  découvert,  mais 
rester  muet,  le  silence  étant  en  certains  cas  la  plus  haute 
et  la  plus  éloquente  forme  de  la  vénération.  Si  Wagnei 

1.  Ceux  qui  voudront  étudier  à  fond  l'art  dramatique  si  puissant 
de  Wagner  ne  pourront  consulter  d'ouvrages  plus  sérieusement  écrits 
et  plus  sincères  que  ceux  de  MM.  Ernst,  Kufferath  et  Stewart  Chai*' 
berlain;  ce  dernier  n'est  pas  encore  traduit  en  français. 


ANALYSE   DES   POÈMES  91 

vivait  encore,  personne  ne  s'aviserait,  je  pense,  de  de- 
mander à  lui  être  présenté  pour  lui  faire  des  compliments 
sur  son  talent.  On  regarde  le  soleil,  on  le  contemple  dans 
sa  course,  mais  on  n'a  pas  la  prétention  de  le  féliciter  sur 
sa  puissance,  de  croire  qu'on  augmentera  en  quelque 
chose  sa  gloire  en  y  ajoutant  l'appoint  infime  de  son  ap- 
préciation personnelle.  Voilà  pourquoi  je  m'abstiendrai 
systématiquement  de  tout  témoignage  admiratif,  me  ren- 
fermant, à  cet  égard,  dans  le  silence  contemplatif,  qui 
seul  me  paraît  suffisamment  respectueux. 

A  présent  donc,  tout  le  monde  admire  Wagner,  mais  de 
différentes  façons  et  à  des  degrés  divers,  résultant  de  la 
somme  de  culture  intellectuelle  de  chacun,  comme  de  ses 
études  antérieures  et  de  son  initiation  spéciale.  Ce  sont  ces 
degrés  dans  l'admiration  individuelle,  ces  nuances,  que 
je  voudrais  d'abord  préciser  et  faire  nettement  distinguer. 

Il  y  a  d'abord  l'admirateur  exclusif  de  Wagner,  celui 
pour  lequel  il  n'existait  rien  avant,  et  rien  ne  peut  être 
créé-  après.  Cette  intransigeance,  si  honorable  qu'elle 
soit,  me  paraît  exagérée,  excessive,  et  je  dirai  même  peu 
respectueuse  à  l'égard  du  Maître  de  Bayreuth,  qui  avait 
ses  enthousiasmes  passionnés,  qu'il  ne  cachait  pas  ;  il 
me  semble  qu'on  peut  et  doit  admettre  tout  au  moins 
ceux  pour  lesquels  lui-même  professait  une  admiration 
sans  bornes  :  Sophocle,  Eschyle,  Shakespeare,  Gœthe, 
Bach,  Beethoven,  Weber...  Or,  il  est  assez  difficile  d'ad- 
mettre Bach  sans  accorder  quelque  attention  à  certains 
de  ses  devanciers,  ne  fût-ce  que  Palestrina,  Monteverde, 
Heinrich  Schùtz,  et  à  son  contemporain  Haendel;  on  ne 
peut  guère  séparer  Beethoven  de  Mozart  et  Haydn,  dont 
il  dérive;  il  est  impossible  de  reconnaître  une  valeur  à 
Weber  en  dédaignant  totalement  les   œuvres  de   Men- 


92  VOYAGE    A    BAYREUTH 

deissohn,  de  Schubert,  de  Schumann,  dont  les  partitions 
ornent  encore  la  splendide  bibliothèque  de  Wahnfried, 
comme  elles  ornaient  l'esprit  de  son  illustre  fondateur. 

Les  sympathies  de  Wagner  pour  Bellini  et  d'autres 
maîtres  italiens  ne  sont  pas  plus  douteuses;  il  les  a  affir- 
mées, et  on  en  retrouve  des  traces  indubitables  dans  la 
structure  mélodique  de  ses  œuvres. 

Or,  tous  ces  maîtres  et  bien  d'autres,  longtemps  avant 
qu'on  ne  les  puisse  considérer  comme  des  précurseurs 
de  Wagner,  celui-ci  n'existant  pas,  étaient  par  eux-mêmes 
de  puissants  génies,  et  c'est  une  idée  très  fausse  de  croire 
qu'on  l'élève  en  les  abaissant,  eux  dont  les  travaux  ont 
préparé  sa  voie  triomphale  en  lui  fournissant  les  éléments 
nécessaires.  Le  mont  Blanc  ne  paraîtrait  pas  plus  haut 
parce  qu'on  nivellerait  les  montagnes  voisines;  tout  au 
contraire,  c'est  en  s'élevant  sur  leurs  cimes  qu'on  décou- 
vre le  mieux  toute  sa  majesté.  Le  wagnérien  intransigeant 
et  exclusif  me  fait  assez  l'effet  d'un  alpiniste  qui  nierait 
l'existence  du  Buet  ou  de  la  Jungfrau,  croyant  de  bonne 
foi  augmenter  ainsi  le  prestige  qui  s'attache  invincible- 
ment au  plus  haut  sommet  européen. 

J'irai  plus  loin  :  je  crois  que  pour  pouvoir  se  vanter, 
vis-à-vis  de  soi-même,  de  comprendre  réellement  et  en 
entier  Wagner,  il  faut  avoir  d'abord  la  conviction  de 
comprendre  je  dis  comprendre  dans  le  sens  à' apprécier, 
je  ne  dis  pas  :  admirer  tout  ce  qui  l'a  honorablement  pré- 
cédé'dans  l'évolution  de  l'Art.  Et  tel  qui  prétend  ne  com- 
prendre g^^e  le  Wagner,  qui  rejette  impertinemment  comme 
indignes  de  son  attention  les  œuvres  de  nos  grands  con- 
temporains, croyant  se  décerner,  en  ce  faisant,  un  brevet 
de  haute  intelligence  musicale,  ne  prouve  qu'une  chose, 
c'est  qu'il  ne  comprend  rien  du  tout. 

Il  y  a  l'admirateur  rationnel,  celui  dont  l'admiration  est 


ANALYSE    DES    POÈMES  93 

basée  sur  l'étude  et  l'analyse  des  classiques  par  lesquels 
a  été  constitué  progressivement,  au  moyen  d'efforts  sécu- 
laires, l'édifice  de  l'art  allemand,  déjà  superbe  lorsque 
Wagner  (un  classique  lui  aussi,  puisqu'il  les  résume  tous 
en  sa  prodigieuse  personnalité)  est  arrivé  pour  lui  appor- 
ter son  colossal  et  splendide  couronnement. 

Celui-là,  c'est  l'admirateur  complet  et  érudit;  il  ap- 
précie les  beautés  d'ordre  purement  musical  de  J.-S.  Bach; 
il  voit  se  développer  avec  Gluck  le  sens  de  la  déclamation 
expressive;  il  pénètre  dans  les  profondeurs  philosophi- 
ques du  style  de  Beethoven,  et  se  rend  compte  que  de  lui 
date  la  science  toute  moderne  de  l'orchestration;  il  saisit 
comment  Weber  et  Schumann  sont  entraînés  dans  l'évo- 
lution romantique  et  l'idéalisme;  et  lorsqu'il  retrouve  en 
Wagner  tous  ces  éléments  réunis  et  d'autres  encore,  tous 
portés  à  une  puissance  supérieure  et  mis  au  service  d'un 
dramaturge  grand  parmi  les  plus  grands,  il  a  le  droit  de 
dire  qu'il  admire,  parce  qu'il  comprend  ce  qu'il  y  a  à 
admirer.  Des  beautés  de  tout  genre  dont  fourmille  l'œuvre 
de  Wagner,  aucune  ne  lui  est  cachée,  toutes  lui  appa- 
raissent dans  un  épanouissement  d'autant  plus  complet 
qu'il  en  connaît  mieux  les  origines,  et  son  seul  embarras 
est  de  savoir  où  porter  sa  plus  grande  admiration;  car 
Wagner,  lorsque  cela  lui  plaît,  est  aussi  pur  d'écriture 
que  Bach;  car  sa  déclamation  est  encore  plus  expressive 
et  plus  vraie  que  celle  de  Gluck  ;  car  son  orchestre  efface, 
par  sa  richesse  et  sa  variété,  celui  pourtant  si  prodigieux 
de  Beethoven,  de  Weber  et  de  Mendelssohn;  car  il  est 
aussi  poétique  et  moins  nébuleux  que  Schumann;  car, 
en  tout,  il  a  surpassé  chacun  de  ceux  dont  il  avait  fait 
ses  modèles,  et  qu'au-dessus  de  tout  cela  plane,  comme 
la  colombe  du  Graal,  le  souffle  de  son  inspiration  per- 
sonnelle, la  note  individuelle  et  caractéristique  de  son 


94  VOYAGE    A    BAYREUTH 

génie,  qui  fait  que,  tout  en  pouvant  établir  sûrement  les 
grandes  lignes  de  sa  généalogie  artistique,  on  ne  saurait 
le  confondre  avec  aucun  de  ceux  qui  l'ont  précédé,  et 
que  chacune  de  ses  pages  est  comme  scellée  de  son  sceau, 
de  la  marque  indélébile  de  son  génie  incommensurable. 

Il  y  a  encore  l'admirateur  intuitif,  sans  aucune  con- 
naissance musicale,  mais  doué  d'une  exquise  sensibilité 
qui  lui  tient  lieu  d'érudition.  Je  n'oserais  pas  dire  qu'il 
comprend,  mais  il  sent.  C'est  autre  chose,  et  c'est  la  même 
chose. 

Ce  qui  le  captive  d'abord,  c'est  le  caractère  grandiose 
de  la  manifestation  artistique  ;  peu  à  peu  il  en  pénètre 
les  détails  par  des  auditions  fréquemment  renouvelées, 
et  surtout  en  s'aidant  du  poème  ;  car,  s'il  est  ignorant  en 
musique,  il  est  loin  d'être  illettré;  peu  à  peu  aussi  l'assi- 
milation des  Leit-motifs  avec  des  situations  analogues  le 
frappe,  simpose  à  son  esprit  d'observation  et  le  pénètre 
d'émotion;  il  cherche  toujours  à  les  chanter,  et  toujours 
les  chante  faux;  l'instrumentation  lui  en  impose  par  sa 
pompe  et  son  inépuisable  richesse  de  coloris,  sans  qu'il 
s'inquiète  de  savoir  comment  elle  est  faite;  il  se  laisse 
imprégner  avec  bonheur  de  tous  ces  effluves  ,  il  subit 
lascendant  du  grand  art  allemand,  mais  il  serait  inca- 
pable d'expliquer  à  un  autre  la  cause  de  son  émoi,  parfois 
même  de  se  l'expliquer  à  lui-même  ;  quand  il  l'entreprend, 
il  patauge,  mais  il  est  ému  et  sincère. 

Celui-là  est  peut-être  le  plus  sympathique  des  admira- 
teurs, celui  dont  le  suffrage  instinctif  a  le  caractère  le 
plus  flatteur;  mais  ce  n'est  pas  le  plus  heureux  :  car  plus 
il  est  artiste  au  fond  de  l'âme,  et  plus  il  souffre  du 
manque  d'instruction  technique  qui  lui  permettrait  de 
comprendre  et  d'analyser  ce  qu'il  ressent  si  vivement. 

Il  y  a    enfin   l'admirateur  partiel,   celui   qui    fait    des 


ANALYSE    DES    POEMES  95 

restrictions,  qui  trouve  trop  noir  le  commencement  du 
deuxième  acte  de  Lohengrin,  qui  se  plaint  de  la  longueur 
des  récits  de  Wotan  ou  de  Gurnemanz,  qui  voudrait  qu'on 
fît  des  coupures  dans  les  duos  de  Tristan  avec  Iseult 
ou  avec  Kurwenal,...  tout  en  reconnaissant  par  ailleurs 
des  beautés  qui  le  passionnent  et  le  transportent. 

C'est  un  admirateur  au  premier  degré  de  l'initiation;  t1 
s'il  est  de  bonne  foi,  s'il  n'a  pas  l'entêtement  de  se  buter 
dans  son  impression  première,  il  verra  graduellement 
s'agrandir  son  horizon.  S'il  est  musicien,  le  plus  simple 
pour  lui  est  d'étudier  attentivement  et  sans  parti  pris  les 
partitions,  en  s'attachant  surtout  à  la  déclamation*;  s'il 
appartient  à  la  catégorie  des  amateurs  intuitifs,  c'est  par  la 
lecture  et  l'analyse  du  poème,  ainsi  que  par  des  auditions 
réitérées,  qu'il  parviendra  au  même  résultat.  Gela  pourra 
être  long,  mais  il  y  arrivera;  car  on  n'aime  pas  Wagner  à 
moitié,  et  ce  qu'on  n'admire  pas,  c'est  qu'on  ne  l'a  pas 
compris. 

Autrefois  j'ai  fait  sur  moi-même  une  expérience  que 
je  ne  regrette  pas,  mais  que  je  ne  recommencerais  pour 
rien  au  monde,  car  elle  est  des  plus  pénibles.  La  série  de 
représentations  auxquelles  je  devais  assister  se  compo- 
sait de  Parsifal,  les  Maîtres  Chanteurs,  Tristan  et  Iseult, 
puis  une  deuxième  fois  Parsifal.  J'avais  consacré  plusieurs 
semaines  à  une  étude  approfondie  de  Parsifal,  qui  ne 
pouvait  me  réserver  aucune  surprise;  je  connaissais  très 
suffisamment  les  Maîtres  Chanteurs,  qui  d'ailleurs  se  com- 
prennent de  suite;  mais  (et  c'est  en  cela  que  résidait 
l'expérience)  ye«'ac<2is  pas  lu  une  seule  note  de  «  Tristan  et 

1.  Bien  entendu,  je  parle  ici  de  la  partition  allemande,  et  autant 
que  possible  de  la  partition  d'orchestre.  Si  on  ne  parle  pas  assez 
l'allemand  pour  comprendre  la  langue  poétique,  fort  difficile,  de 
Wagner,  il  est  aisé  de  se  procurer  une  traduction  mot  à  mot. 


96  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Iseult  »,  dont  je  ne  connaissais  que  quelques  fragments 
par  des  exécutions  insuffisantes. 

Or,  voici  ce  qui  est  arrivé  :  les  deux  journées  de  Par^ 
sifal  furent  pour  moi  deux  journées  du  bonheur  le  plus 
pur,  inoubliables;  je  vivais  réellement  au  milieu  des  che- 
valiers du  Graal,  et,  au  début  des  entr'actes,  il  me  semblait 
rêver  quand  je  me  promenais  dans  la  campagne  en  fumant 
des  cigarettes;  l'illusion  scénique  était  donc  aussi  com- 
plète que  possible,  et  l'impression  bienfaisante  que  j'en 
ai  ressentie  ne  pourra  jamais  s'effacer  de  ma  mémoire.  Je 
me  suis  plus  amusé  aux  bouffonneries,  pourtant  un  peu 
grosses,  des  Maîtres  Chanteurs  que  jamais  au  Palais- 
Royal,  en  même  temps  que  j'étais  profondément  remué 
par  Fattendrissante  bonté  de  Sachs  et  son  touchant  esprit 
de  sacrifice.  Quant  à  Tristan,  je  n'y  ai  rien  compris,  mais 
rien,  rien,  absolument  rien.  Est-ce  clair? 

Il  faut  un  certain  courage  pour  avouer  ces  choses-là, 
surtout  lorsque  depuis  on  a  réussi  à  pénétrer  les  innom- 
brables beautés  de  Tristan  et  Iseult;  mais  je  voudrais 
que  mon  triste  exemple  servît  à  d'autres,  et  pour  cela  il 
fallait  bien  le  raconter. 

On  ne  doit  donc  aller  à  Bayreuth  qu'après  avoir  fait 
une  étude  préalable  sérieuse  des  œuvres  qu'on  y  va  enten- 
dre, et  cette  étude  doit  porter  autant  sur  le  poème  que  sur 
la  musique.  Plus  elle  sera  prolongée  et  intelligemment 
conduite,  et  plus  on  pourra  se  promettre  de  jouissance. 

Il  va  sans  dire  que  je  ne  range  dans  aucune  catégorie 
d'admirateurs  les  malheureux  atteints  de  snobisme,  qui 
vont  à  Bayreuth  par  genre,  pour  faire  de  la  toilette,  qui 
se  posent  en  intimes  de  la  famille  Wagner...  et  se  font 
expliquer  la  pièce  par  M.  Ernst  pendant  les  entr'actes.  Le 
diagnostic  de  leur  affection  —  hélas!  incurable  —  est  des 


ANALYSE    DES    POÈMES  .97 

plus  faciles  :  il  suffit  de  se  mettre  au  piano  et  d'improviser 
quelques  mesures  dépourvues  de  tout  bon  sens,  qu'on 
décore  du  nom  de  leit-motif  ;  aussitôt  ils  tombent  en  pâ- 
moison. Mais  cette  expérience  n'est  pas  sans  quelque  dan- 
ger; car  si  par  hasard  ils  s'en  aperçoivent,  ils  peuvent 
vous  sauter  aux  yeux. 

Ce  n'est  donc  pas  pour  eux  que  j'écris,  non  plus  que 
pour  l'admirateur  rationnel,  auquel  je  n'aurais  rien  à 
apprendre,  mais  pour  l'intuitif  et  l'admirateur  à  restric- 
tions; ceux-là  seuls  peuvent  trouver  leur  avantage  à  être 
guidés  et  à  profiter  de  l'expérience  d'un  autre  pour  diri- 
ger leurs  recherches  avec  une  certaine  méthode,  seul 
moyen  de  ne  rien  négliger. 

Il  convient  d'examiner  d'abord  la  structure  générale, 
les  grandes  lignes  de  l'œuvre. 

Tous  les  grands  ouvrages  de  Wagner  sont  divisés  en 
trois  actes  *  ;  je  n'ai  vu  nulle  part  la  raison  qui  l'a  porté  à 
adopter  cette  division,  dont  le  parti  pris  est  évident,  mais 
il  me  semble  qu'elle  est  moins  fatigante  que  celle  en  qua- 
tre ou  cinq  actes;  j'aime  mieux  deux  longs  entractes  que 
quatre  petits;  d'ailleurs  cette  coupe  se  trouve  admirable- 
ment convenir  à  chacun  des  sujets  traités  par  Wagner, 
ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  par  la  lecture  des  poèmes 
ou  des  brèves  analyses  qui  suivent. 

Les  actes  eux-mêmes  ne  sont  plus  divisés,  comme  dans 
l'opéra,  en  morceaux  séparés,  mais  en  scènes  s'enchaî- 
nant  entre  elles  sans  solution  de  continuité,  tellement  que 
dans  bien  des  cas  il  serait  difficile  de  préciser,  à  quelques 
mesures  près,  où  finit  l'une,  où  commence  l'autre.  Sauf 
cette  façon  de  tout  relier  par  une  trame  orchestrale  per- 

1.  A  la  seule  exception  de  Rienzi,  qui  a  cinq  actes,  et  affecte  d'ail- 
leurs la  forme  de  l'opéra. 


98  VOYAGE   A   BAYREUTH 

manente,  cette  division  du  drame  musical  par  scènes  n'est 
point  du  tout  une  innovation  de  Wagner.  Il  n'a  fait  qu'en 
amplifier  la  forme  et  lui  donner,  pour  ainsi  dire,  force  de 
loi  après  la  déviation  dramatique  qui  a  pris  naissance  au 
commencement  de  notre  siècle. 

Presque  tous  les  musiciens  des  xvii®  et  xviii^  siècles, 
et  surtout  les  Français,  ont  toujours  divisé  leurs  œuvres 
dramatiques  par  scènes,  suivant  en  cela  les  usages  de  la 
tragédie  en  vers. 

Dans  la  plupart  de  ces  scènes  étaient  intercalés,  il  est 
vrai,  des  airs  à  une,  deux  ou  trois  voix,  voire  des  airs 
purement  instrumentaux;  mais  il  existe  dans  les  œuvres 
musicales  de  cette  époque  beaucoup  de  scènes  où  la  mar- 
che de  l'action  est  traitée  sans  qu'aucun  air  proprement 
dit  (l'air  n'étant  alors  qu'une  réflexion  sur  la  situation) 
y  figure. 

Pour  ne  citer  qu'un  exemple  dans  l'une  des  plus  belles 
tragédies  lyriques  du  xviii^  siècle,  et  des  plus  connues, 
prenons  le  deuxième  acte  de  Dardanus  de  Rameau.  Nous 
trouvons  : 

Scène  première.  — Un  prélude  orchestral  s'enchaîuant  à  un 
récit  très  mélodique  d'Isménor  qui  n'est,  à  proprement  par- 
ler, ni  un  air,  ni  ce  que  les  anciens  appelaient  le  récitatif  ac- 
compagné. 

Sans  interrompre,  suit  la 

Scène  ii.  —  Dialogue  entre  Isménor  et  Dardanus  ;  ce  dia- 
logue contient  un  passage  de  vingt-quatre  mesures  intitulé 
air.  parce  que  la  phrase  musicale  s'y  expose  d'une  façon  ré- 
gulière, mais  qui  n'a  rien  de  commun  avec  le  type  air  usité 
plus  tard  ;  puis  le  dialogue  continue  et  s'enchaîne  à  ua  second 
air  de  huit  mesures  seulement,  qui  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une 
suite  du  dialogue,  et  ne  peut  pas  plus  passer  pour  un  air  tel 
que  nous  l'avons  entendu  depuis,  que  la  phrase  mélodique  de 
Gurnemanz  sur  «  le  charme  du  Vendredi  Saint  »  ne  peut  por- 
ter celte  dénomination 


ANALYSE    DES    POEMES  99 

Scène  m.  —  La  grande  incantation  d'Isménor  et  de  ses 
«  ministres  k,  coupée  d'airs  symphoniques  accompagnant  une 
pantomime  et  de  récits  très  mélodiques  (notamment  le  fameux 
récit  accompagné  par  les  doubles-cordes),  est  bien  vraiment 
une  scène  dramatique,  et  non  un  air  construit  musicalement. 
Cette  scène  se  continue  à  l'arrivée  d'Anténor  par  un  dialogue 
très  mouvementé  entre  Anténor  et  Dardanus  sous  la  figure 
d'Isménor. 

Scène  iv.  —  Dardanus  et  Iphise,  contenant  un  air^  ou 
plutôt  une  phrase  mélodique  d'Iphise,  de  quarante  mesures, 
plus  semblable  à  nos  airs  d'opéra  eu  raison  de  sa  coupe 
A  mineur  et  majeur  »,  «  andante  et  allegro  »,  puis  le  dialogue 
continue  et  se  termine  sur  la  reconnaissance  de  Dardanus  par 
Iphise,  action  qui  clôt  l'acte,  ainsi  qu'il  était  d'usage  alors; 
mais  eu  somme,  durant  tout  cet  acte,  le  musicien  ne  tient 
compte  que  de  la  marche  de  l'action  dramatique  et  de  l'ex- 
pression exigée  par  les  péripéties  de  cette  marche,  sans  ar- 
rêter le  dialogue  autrement  que  d'une  façon  très  courtement 
épisodique. 


C'est  exactement,  toutes  réserves  faites  sur  le  rôle  de 
la  musique  ambiante,  l'ossature  des  scènes  ^vagnériennes, 
et  cette  coupe  n'est  point  particulière  à  Rameau;  nous  la 
retrouvons  chez  tous  les  auteurs  des  deux  siècles  préci- 
tés, avant  que  la  virtuosité  ait  rendu  sans  intérêt  la  partie 
récitée  [alors  partie  la  plus  importante  de  l'action  et  ait 
donné  une  prépondérance  exagérée  à  la  partie  air  (sonate 
ou  concerto  de  voix),  ingérence  de  la  forme  symphonique 
dans  la  construction  du  drame,  qui  a  engendré  tout  notre 
système  actuel  d'opéra  avant  Wagner. 

Il  ne  faut  donc  pas  croire  qu'en  cela  consiste  ce  qu'on  a 
appelé  la  réforme  wagnérienne,  mot  impropre,  puisqu'il 
ne  s'agit  pas  ici  de  modifications  ou  d'améliorations  ap- 
portées à  une  forme  déjà  existante,  mais  d'une  conception 
nouvelle  de  l'œuvre  d'art  elle-même.  C'est  plus  vaste  et 
plus  profond.  C'est  là  une  des  choses  que  Wagner  a  eu  le 


100  VOYAGE    A   BAYREUTH 

plus  de  peine  à  faire  saisir,  et,  parmi  ses  admirateurs  les 
plus  fervents  et  les  plus  passionnés,  il  en  est  un  bon  nom- 
bre qui  ne  le  comprennent  pas  encore. 

Ce  n'est  pas  dans  un  ouvrage  d'aussi  modeste  enver- 
gure que  celui-ci  qu'on  peut  entreprendre  de  discuter  à 
fond  cette  question  fort  souvent  controversée  :  qui  fut  le 
plus  grand  chez  Wagner,  du  poète  ou  du  musicien,  du 
compositeur  ou  du  dramaturge? 

On  ne  peut  pourtant  pas  la  négliger  complètement,  sous 
peine  de  laisser  trop  de  choses  dans  l'obscurité. 

Pour  établir  une  sorte  de  terrain  neutre  entre  ceux  qui 
veulent  voir  en  Wagner  surtout  le  poète  dramatique,  et 
ceux,  plus  nombreux,  qui  admirent  de  préférence  en  lui 
le  musicien,  déplaçons  la  question  en  y  introduisant  un 
troisième  terme,  et  disons  :  Wagner  était  avant  tout  un 
profond  philosophe ,  dont  la  pensée  revêtait  tour  à  tour, 
avec  une  égale  facilité,  la  forme  poétique  et  la  forme  mu- 
sicale; et  c'est  ainsi  qu'il  faut  le  concevoir  pour  le  bien 
comprendre  sous  ses  deux  aspects. 

Les  philosophes  de  l'antiquité  étaient  souvent,  à  la 
fois,  mathématiciens,  astronomes,  poètes,  musiciens,  et 
au  besoin  législateurs.  Ils  possédaient  donc  des  apti- 
tudes bien  tranchées,  qui  n'étaient  pourtant  que  des  ma- 
nifestations variées  de  leur  haute  intelligence,  de  leur 
génie.  Or,  le  génie  de  Wagner,  absolument  tendu,  dès  sa 
prime  jeunesse,  vers  un  but  unique,  l'extension  et  l'exal- 
tation de  la  puissance  dramatique,  se  trouvait  en  pré- 
sence de  deux  modes  d'expression,  la  musique  et  la  poé- 
sie, aussi  énergiques  et  aussi  incomplets  l'un  que  l'autre, 
et  il  pressentait  qu'en  les  fondant  en  un  art  unique  il  les 
porterait  à  leur  extrême  puissance. 

Tout  l'effort  de  sa  vie,  sa  direction  inébranlable  à  tra- 
vers les  luttes,  sa  fixité  d'idées,  l'unité  de   ses  œuvres, 


ANALYSE    DES    POÈMES  101 

témoignent  de  cette  conviction,  avec  laquelle  un  caractère 
opiniâtre  comme  le  sien  ne  pouvait  se  laisser  dévier  de 
la  ligne  droite,  du  but  obstinément  poursuivi. 

L'art  nouveau  qu'il  a  créé,  dit-il  lui-même,  dérive  de 
l'ancien  théâtre  grec.  Or,  chez  les  Grecs,  nous  voyons 
réunis  sous  le  seul  nom  de  musique  trois  arts  qui  à  pré- 
sent nous  semblent  distincts  :  la  poésie,  déjà  dans  sa 
splendeur;  la  musique,  alors  bien  rudimentaire;  et  la 
danse,  qu'il  faut  considérer  comme  de  la  mimique;  les 
mêmes  personnages  formant  le  chœur  chantaient  sur  des 
paroles  rythmées  et  dansaient  à  la  fois;  cet  ensemble 
constituait  l'art  des  Muses,  la  musique,  qui  était  donc  un 
art  complexe  si  jamais  il  en  fut.  Et  l'on  n'a  jamais  en- 
tendu dire  qu'il  fût  question  en  ce  temps-là,  comme  de 
nos  jours,  d'une  collaboration  entre  un  poète,  un  musi- 
cien et  un  chorégraj)he  ;  la  tragédie  entière  sortait,  tout 
armée,  du  cerveau  d'un  seul  et  unique  auteur,  lequel 
était  un  philosophe  poète  et  musicien. 

Tel  est  aussi  Wagner,  un  génie  dramatique  complet, 
se  suffisant  à  lui-même  et  ayant  pour  principe  inné  que 
la  plus  haute  puissance  tragique  ne  se  peut  obtenir  que 
par  l'union  intime  et  de  tous  les  instants  entre  la  musique 
et  la  poésie  aidées  de  la  mimique,  chacune  d'elles  restant 
dans  sa  sphère  d'action  et  y  déployant,  sans  gêner  l'autre, 
ses  mo3'ens  les  plus  intensifs. 

Ceci  demande  quelque  explication;  car,  dira-t-on,  de 
tout  temps  cela  s'est  fait,  on  a  mis  de  la  musique  sur  des 
paroles.  C'est  bien  aussi  ce  qui  a  fait  que  pendant  un 
temps  ^^'agner  a  cru  que  la  forme  de  l'opéra  pourrait 
correspondre  à  son  desideratum;  on  y  trouve,  en  effet,  au 
moins  depuis  Gluck,  la  concordance  expressive  du  mot 
avec  la  note,  du  son  avec  la  parole,  du  vers  avec  le  senti- 
ment mélodique  ;  mais  il  est  incontestable  que  le  scénario, 


102  VOYAGE    A    BAYREUTH 

tout  en  étant  pour  le  compositeur  un  canevas  indispen- 
sable comme  point  de  départ,  devient  secondaire,  et  qu'à 
l'exécution  Tintérèt  du  spectateur  s'attache  presque  uni- 
quement à  la  musique.  Ce  n'est  donc  pas  là  la  fusion 
intime  rêvée,  puisque  le  drame  est  absorbé  par  la  partie 
purement  musicale,  et  que  le  librettiste  lui-même  est 
astreint  à  scinder  son  œuvre  littéraire  selon  des  formes 
de  convention,  pour  les  seuls  besoins  de  la  musique.  Dans 
d'autres  circonstances,  au  contraire,  on  sent  que  l'inter- 
vention de  celle-ci  est  comme  superflue,  qu'elle  n'ajoute 
rien  à  l'action,  dont  le  caractère  prosaïque  et  terre  à 
terre  se  passerait  même  volontiers  de  la  forme  versifiée. 

Serait-ce  que  tous  les  genres  de  sujets  ne  convien- 
di'aient  pas  à  la  musique  et  au  mode  d'expression  qui  lui 
est  particulier? 

C'est  ici  qu'entre  le  musicien  et  le  poète  intervient  le 
philosophe,  et  voici  comment  il  résout  cette  question  : 

«  Tout  ce  qui,  dans  un  sujet  de  drame,  s'adresse  à  la 
raison  seule,  ne  peut  s'exprimer  que  par  la  parole;  mais, 
à  mesure  que  le  contenu  émotionnel  grandit,  le  besoin 
d'un  autre  mode  d'expression  se  fait  sentir  de  plus  en  plus, 
et  il  arrive  un  moment  où  le  langage  de  la  musique  est  le 
seul  adéquat  à  ce  qu'il  s'agit  d'exprimer.  Ceci  décide  pé- 
remptoirement du  genre  de  sujets  accessibles  au  poète- 
musicien,  ce  sont  les  sujets  d'un  ordre  purement  humain^ 
et  débarrassés  de  toute  convention,  de  tout  élément  n'ayant 
de  signification  que  comme  forme  historique.  «  ^Richard 
Wagner,  1858.) 

1.  «  Ce  que  Wagner  appelle  «  le  fond  purement  humain  w  est  ce 
qui  constitue  l'essence  même  de  l'humanité;  ce  qui  plane  au-dessus 
des  différences  superficielles  de  temps,  de  lieu,  de  climat,  au-des- 
sus des  conditions  historiques  ou  autres,  en  un  met  tout  ce  qui  pro- 
•  cède  directement  de  la  source  divine.  »  (H. -S.  Chamberlain',  le 
Drame  wagnerien.) 


ANALYSE    DES    POEMES  103 

Voilà  qui  fixe  un  premier  point  essentiel,  à  savoir  le 
choix  du  sujet. 

Dorénavant  Wagner  n'acceptera  plus  de  lui-même  des 
sujets  camme  Rienzi,  qui  est  historique,  comme  le  Vais- 
seau fantôme,  qui  n'est  que  légendaire;  il  gravira  les 
degrés  du  Montsalvat  ou  ceux,  tout  aussi  mystérieux,  du 
WalhaHâ,  et  se  maintiendra  à  des  hauteurs  où  la  raison 
et  le  raisonnement  n'ont  plus  le  droit  d'intervenir.  Là, 
en  effet,  l'émotion  et  la  musique  régnent  en  maîtresses 
souveraines,  et  la  fantaisie  pent  à  l'aise  prendre  son  essor. 

Cette  question  du  choix  des  sujets  a  donc  une  impor- 
tance capitale,  et  le  drame  wagnérien  ne  peut  se  mouvoir 
que  dans  les  régions  du  mysticisme,  du  surnaturel,  de  la 
mythologie,  ou  de  la  pure  fable,  comme  dans  Tristan  et 
Iseult.  11  ne  dérogera  pas  à  cette  loi  en  traitant  le  sujet 
des  Maîtres  Chanteurs,  qui  sous  son  apparence  légère 
recèle  un  vrai  drame  de  sacrifice  et  d'abnégation,  lequel 
drame  se  déroule  à  l'intérieur  de  l'esprit  de  Sachs,  et  par 
cela  appartient  au  domaine  émotionnel  musical. 

On  voit  donc  déjà  ici  que  le  musicien,  par  cette  con- 
ception même,  est  indissolublement  lié  au  dramaturge,  et 
qu'il  serait  inutile,  oiseux  même,  de  chercher  à  établir  une 
priorité  en  faveur  de  1  un  ou  de  l'autre,  puisque  en  vérité 
ils  ne  font  qu'un  et  qu  il  n'en  peut  être  autrement. 

La  précision  de  la  parole  et  l'accent  plus  pénétrant  des 
sonorités  musicales  lui  paraissaient  tous  deux  égale- 
ment nécessaires  à  l'expression  de  sa  vaste  pensée,  qu'un 
seul  de  ces  deux  moyens  eût  été  impuissant  à  exprimer 
dans  son  étendue,  comme  dans  toute  sa  splendeur.  Il  faut 
aussi  y  adjoindre  la  mimique,  le  jeu  de  scène;  car  Wagner, 
contrairement  à  ses  devanciers  allemands,  essentielle- 
ment symphonistes,  a  pour  objectif  unique  le  théâtre.  Il 
n'écrivait  ses  poèmes  qu'en  vue  de  les  mettre  lui-même 


104  VOYAGE    A    BAYREUTH 

en  musique,  et  il  eût  été  sans  doute  fort  mal  à  son  aise 
s'il  lui  eût  fallu  travailler  sur  le  libretto  d'un  autie,  ce 
qu'il  n'a  jamais  essayé  de  faire  ^  Ce  qui  fait  sa  grande 
et  incomparable  force,  c'est  qu'il  résume  en  lui  seul  tous 
les  éléments  nécessaires  à  la  mise  debout  de  l'œuvre  d'art 
dramatique  telle  qu'il  l'a  conçue,  impressionnante  et  émo- 
tionnante  au  suprême  degré,  laquelle  œuvre  reste  véri- 
tablement une,  d'un  bloc,  et  par  cela  même  plus  émou- 
vante et  plus  attachante. 

Il  écrivait  ses  poèmes  longtemps  avant  d'en  écrire  la 
musique;  mais  en  les  écrivant  il  devait  la  pressentir, 
cette  musique;  elle  devait  même  planer,  en  quelque  sorte, 
sur  sa  conception  poétique,  et  y  être  contenue  à  l'état 
latent;  car  sans  elle,  sans  sa  vivification,  ces  mêmes 
poèmes  resteraient  incomplets;  on  y  sent  un  besoin  de 
quelque  chose  de  supérieur,  de  plus  élevé,  qui  ne  peut 
être  que  la  musique  et  qui  a,  peut-être  même  incons- 
ciemment, présidé  à  leur  inspiration. 

Là  où  cesse  la  puissance  du  langage  parlé,  commence 
l'action  de  la  musique,  seule  capable  de  dépeindre  ou 
provoquer  des  états  d'âme,  et  là  aussi  où  la  parole  de- 
vient insuffisante,  \Yagner  poète  doit  appeler  le  concours 
de  Wagner  musicien. 

Il  ne  faut  pas  plus  voir  en  lui  un  poète  qui  sait  mettre 
ses  vers  en  musique,  qu'un  compositeur  qui  se  fait  à  lui- 
même  ses  poèmes;  mais  un  génie  complet,  un  philosophe, 
un  grand  penseur,  qui  a  à  sa  disposition  deux  langages, 
deux  moyens  de  se  faire  comprendre  de  ses  semblables, 
la  poésie  et  la  musique,  et  qui,  des  deux  réunis,  n'en  fait 
plus  qu'un  seul,  d'une  intensité  expressive  absolument 
incomparable.  Par  la  poésie,  Wagner  nous  révèle  l'homme 

1.  Nenlrentpas  en  ligne  ici  ses  mélodies,  fort  remarquables  d'ail- 
leurs, sur  des  poésies  de  Victor  Hugo,  Ronsard  et  Henri  Heine. 


ANALYSE    DES    POÈMES  105 

extérieur,  celui  qui  parle,  qui  agit;  avec  la  musique,  il 
nous  fait  pénétrer  dans  les  profondeurs  de  la  pensée 
intime  de  l'homme  intérieur;  avec  la  musique  aussi,  il 
nous  élève  au-dessus  de  l'humanité  terrestre,  et  nous 
transporte  dans  les  régions  surnaturelles  de  l'idéal. 

L'équilibre  à  établir  entre  ces  deux  formes  du  langage 
dramatico-musical  fut  l'objet  des  constantes  préoccu|)a- 
tions  de  Wagner,  comme  aussi  de  nombreux  tâtonne- 
ments. Il  y  tendit  constamment,  dès  ses  premières  œu- 
vres, et,  là,  d'une  façon  inconsciente;  dans  Tannhauser 
et  Lohengriti,  il  en  approche  considérablement;  et  l'é- 
quilibre est  complet,  parfait,  dans  tous  ses  derniers  ou- 
vrages, Tristan,  les  Maîtres  Chanteurs ,  la  Tétralogie  et 
Parsifal,  qui  apparaît  comme  le  chef-d'œuvre  par  excel- 
lence de  l'Art  Nouveau  et  complexe  qu'il  s'agissait  de 
créer;  là,  la  fusion  est  complète,  le  compositeur  et  le 
dramaturge  ne  font  plus  qu'un  et  l'émotion  atteint  sa 
plus  haute  puissance. 

11  semblerait  donc  que  la  façon  la  plus  normale  d'a- 
nalvser  des  œuvres  douées  d'une  telle  cohésion  fût  de 
s'attaquer  à  la  fois  à  la  musique  et  au  poème,  puisqu'ils 
sont  indissolublement  inséparables. 

Mais,  après  un  essai,  j'ai  reconnu  que  ce  système,  pour 
séduisant  qu'il  soit,  manquerait  totalement  de  clarté.  J'y 
ai  donc  renoncé,  à  regret,  et  je  vais  tout  d'abord  raconter 
ici  les  poèmes,  rejetant  à  un  chapitre  suivant  ce  qui  a 
trait  plus  spécialement  à  la  musique. 

En  ce  qui  concerne  les  poèmes,  mon  seul  désir  est 
d'arriver  à  les  présenter  sous  leur  aspect  réel,  qui,  au 
fond,  est  toujours  simple,  en  suivant  l'action  pas  à  pas, 
sans  pourtant  négliger  les  détails  nécessaires  à  la  com- 
plète intelligence  du  drame;  mais  je  m'abstiendrai  sys- 
tématiquement de  commentaires,   de  digressions,    d'an- 


tOfi  VOYAGE   A    BAYREUTH 

notations  superflues,  FœuTre  étant  là  pour  s'expliquer 
elle-même  dans  les  parties  qui  doivent  être  comprises, 
et  les  autres  parties  puisant  souvent  un  prestige  tout  par- 
ticulier dans  le  troublant  mystère  où  le  Maître  s'est  plu  à 
les  ensevelir.  Il  me  semblerait  presque  aller  à  l'encontre 
de  ses  vœux  en  cherchant  à  apporter  une  lumière  factice 
là  où  il  a  désiré  l'obscurité,  et  le  spectateur  que  je  pré- 
tends guider  n'y  gagnerait  rien,  puisque  en  ce  faisant  je 
le  priverais  de  l'une  des  jouissances  intellectuelles  qui  lui 
sont  réservées,  la  pénétration  par  lui-même  de  l'essence 
intime  du  drame. 

Toutefois,  le  côté  musical  ne  sera  jamais  complètement 
séparé  de  la  conception  poétique. 

Au  début  de  chaque  analyse  de  poème,  je  place  un 
tableau  synthétique  de  l'ouvrage  entier,  que  je  crois  de- 
voir expliquer,  parce  qu'il  est  fait  dans  une  forme  neuve. 

La  première  colonne  contient  le  nom  des  personnages 
dans  l'ordre  exact  de  leur  première  apparition  en  scène, 
avec  l'indication  de  leur  voix;  elle  résume  aussi  en  quel- 
ques mots  leur  caractère,  leur  généalogie  quand  il  y  a 
lieu;  les  autres,  en  nombre  variable,  font  savoir,  acte 
par  acte,  tableau  par  tableau,  scène  par  scène,  les  réap- 
paritions successives  des  mêmes  personnages. 

On  peut  donc  ainsi  être  renseigné,  en  un  coup  d'œil, 
sur  le  caractère  du  personnage,  sur  le  timbre  de  sa  voix, 
sur  l'importance  de  son  rôle,  sur  les  scènes  auxquelles  il 
prend  part,  sur  le  nombre  dacteurs  en  scène  à  un  mo- 
ment précis,  sur  l'intervention  des  chœurs  et  la  nature 
des  voix  qui  les  composent,  sur  les  grandes  divisions  de 
l'ouvrage,  etc.  ^ 


1.  Dans  tous  ces  tableaux,  le  signe  3  indique  une  partie  de  rôle 
muet;  l'acteur  estenscène,  mais  ne  parle  pas. 


TANNHAUSER 

PERSONNAGES 

1"  ACTE 

Orne 

3  me 

selon  l'ordre 

de  leur  première  entrée 

en  scène. 

1" 
tabl. 

2™« 
tabl. 

— 

A 

CT 

E 

A 

CTE 

i      1 

- 

SCÈNES   : 

1 
■ 

- 

3 

4 

1 

2 

3 

4     .5 

.1 

2 

sU 

5 

Les  Sirènes  (Chœur:  sopr.,contr.i. 

Vénus  (soprJ.  Déesse  de  la  beauté, 
qui  a  séduit  Tannhauser,  et  l'a  en- 
tiaiue  dans  son  domaine. 

□ 

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■ 

Tannhauser    (ténor).    Chevalier- 
poete  et  ciianteur,  aime  Elisabeth, 
qu  il  a  abaudoDQee  pour  Véuus. 

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Un  jeune  Pâtre  (sopr.).  Person- 
nage episodique. 

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Les  Pèlerins  {Chœur:  tén., basses). 

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■ 

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.. 

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■ 

Le  landgrave  llerniann  (basse). 

Prince  de  Thuriuge,  seigneur  de 
la  Wartburg,  oncle  d'Elisabeth.     . 

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■ 

■ 

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1 

Walther  (ténor).  Chevalier-poète  et 

c  hauteur. 

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1    .. 

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■ 

Biterolf  ibaryt.).  Chevalier-poète  et 
chanteur.                                                 ' 

•• 

•• 

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■ 

Wolfram  (baryt.).  Chevalier-poete 
et    ciianteur,'  aime   discrètement 
Elisabeth. 

•• 

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1 

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Henri  (ténor).  Chevalier-poète   et 
chanteur. 

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1     .. 

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Beinmar  (basse).  Chevalier-poète 

et  chaateur. 

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m 

ÉlisabeîU     sopr.).  Nièce  du  land- 
grave Herinann,  aime  Tannhauser. 

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1 

!  ■ 

Le  Peuple  {Chœur  :  sopr.,  ténors, 

basses.^. 

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■  1 

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4  Pages  (sopr.,  contr.). 

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... 

■ 

Les    Seigneurs    (  Chœur  :  ténors, 

basses;. 

•■ 

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1 

Les    Jeunes    Pèlerins    (  Chœur  : 
sopr.,  contr. j. 

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t08  VOYAGE   A   BAYREUTH 

TANNHAUSER 

OU    LE    TOURNOI    DES    CHANTEURS    A    LA    WARTBURG 


1"  Acte. 

Scène  I. — La  scène  représente  le  Vénusberg  ou  roysiume 
souterrain  de  Vénus  (près  d'Eisenach).  Tout  au  fond  de  la 
grotte,  éclairée  d'une  lumière  rose  et  qui  s'étend  à  perte 
de  vue,  un  lac  bleu  dans  lequel  nagent  des  sirènes  et  des 
naïades. 

Sur  les  plages  et  sur  les  tertres  sont  étendus  des 
groupes  amoureusement  enlacés;  des  nymphes  et  des 
bacchantes  dansent  dans  un  mouvement  de  plus  en  plus 
effréné.  Au  premier  plan,  à  gauche,  sous  un  magnifique 
dais,  un  somptueux  lit  de  repos  sur  lequel  est  étendue 
Vénus.  A  ses  pieds,  et  la  tête  appuyée  sur  ses  genoux,  est 
Tannhauser. 

Les  sirènes  invitent  les  habitants  du  voluptueux  em- 
pire à  s'enivrer  des  délices  de  l'amour;  les  danses  s'ani- 
ment de  plus  en  plus,  puis  l'apaisement  se  fait,  les  couples 
s'éloignent,  et  des  vapeurs  qui  montent  en  s'épaississant 
devant  l'arrière-plan  ne  laissent  plus  voir  que  le  groupe 
formé  sur  le  devant  de  la  scène  par  Vénus  et  Tannhauser. 

Scène  h.  —  Le  chevalier,  semblant  sortir  d'un  songe, 
passe  sa  main  sur  son  front  comme  s'il  voulait  chasser  son 
rêve;  il  croit  entendre  les  cloches  de  son  pays  natal,  dé- 
serté, hélas,  depuis  si  longtemps!  En  vain  son  amante 
cherche-t-elle  à  le  calmer;  le  souvenir  des  merveilles  ter- 
restres ,  du  firmament  étoile ,  des  vertes  prairies ,  du 
radieux  printemps,  le  hantent;  il  regrette  ces  choses  et 


ANALYSE    DES    POEMES  109 

voudrait  les  retrouver.  Vénus  lui  rappelle  quelles  souffran- 
ces il  endurait  sur  cette  terre  et  les  compare  aux  joies 
qu'il  goûte  à  présent  auprès  d'elle.  Elle  l'engage  à  pren- 
dre sa  harpe  et  à  chanter  l'amour,  l'amour  qui  lui  a  con- 
quis la  déesse  de  la  beauté. 

Saisissant  résolument  l'instrument,  il  célèbre  les  eni- 
vrantes extases  de  la  volupté  que  la  déesse,  faisant  de  lui 
l'égal  des  dieux,  lui  a  prodiguées  si  généreusement;  mai" 
son  chant  se  termine  par  un  cri  de  lassitude  :  il  ne  veux 
plus  de  ces  ivresses  et  demande  à  s'en  éloigner  pour 
jamais.  En  vain  l'enchanteresse  veut-elle  le  retenir,  me- 
naçante, suppliante  tour  à  tour.  Par  deux  autres  fois  il 
entonne  l'hymne  dans  lequel  il  exalte  la  beauté  de  sa 
reine  et  les  enchantements  de  son  empire,  jurant  de  les 
chanter  toujours;  mais  son  aspiration  à  voir  la  fraîche 
nature,  les  bois  verdoyants,  devient  de  plus  en  plus  im- 
périeuse; il  supplie  la  déesse  de  le  laisser  partir. 

En  proie  à  une  violente  colère,  elle  y  consent  enfin,  le 
menaçant  de  toutes  les  douleurs  sur  cette  terre  qu'il  veut 
absolument  revoir,  et  souhaitant  dans  sa  haine  qu'il  re- 
grette amèrement  le  séjour  qu'elle  lui  avait  fait  si  doux  et 
qu'elle  lui  ferme  à  tout  jamais;  puis,  par  un  prompt  re- 
tour, elle  cherche  à  le  retenir  encore,  se  faisant  de  nou- 
veau séductrice  et  enveloppante. 

Le  chevalier  n'aspire  qu'à  la  régénération,  au  repen- 
tir, à  la  mort;  animé  d'une  exaltation  toujours  croissante, 
il  appelle  à  lui,  dans  un  élan  plein  de  ferveur,  le  secours 
de  la  Vierge  Marie. 

Sa  prière,  entendue  sans  doute  de  la  divine  protec- 
trice, rompt  l'enchantement  qui  le  tenait  asservi  :  un  coup 
formidable  se  fait  entendre  ;  le  royaume  de  volupté  dis- 
paraît soudain,  et  le  pécheur,  délivré,  se  trouve  tout  à  coup 
dans  la  belle  vallée  q,ue  domine,  à  droite,  la  Wartburg. 


110  TOYAGE   A   BAYREUTH 

Scène  m.  —  Au  fond,  dans  le  lointain,  le  Hœrselberg, 
qui  donne  accès  à  la  contrée  maudite.  A  gauche,  un  che- 
min parmi  les  arbres  et  les  rochers  descend  jusque  sur 
le  devant  de  la  scène;  à  droite,  une  route  dans  la  monta 
gne,  à  mi-chemin  de  laquelle  est  une  image  de  la  Vierge. 

On  entend,  dans  les  bois  à  gauche,  les  cloches  des 
troupeaux;  un  berger  assis  sur  une  haute  roche  chante 
et  célèbre  le  printemps  qui  vient  de  renaître,  puis  il  joue 
du  chalumeau.  Pendant  ce  temps  on  perçoit  dans  le  loin- 
tain, à  droite,  venant  de  la  montagne,  des  chœurs  de 
voix  d'hommes.  Ce  sont  de  vieux  pèlerins  se  rendant  à 
Rome  pour  obtenir  l'expiation  de  leurs  fautes,  et  chan- 
tant les  louanges  de  Jésus  et  de  la  Vierge,  dont  ils  implo- 
rent le  céleste  appui.  Ils  traversent  lentement  la  scène, 
chantant  toujours,  puis  s'éloignent;  le  berger  agite  son 
chapeau  à  leur  passage  et  se  recommande  à  leurs  prières. 

Tannhauser,  qui  pendant  toute  la  scène  est  resté  de- 
bout, immobile,  dans  une  extase  muette  et  profonde, 
tombe  alors  à  genoux,  suppliant  à  son  tour  ce  Dieu  qu'il 
a  si  cruellement  offensé;  pendant  que  de  lointaines  clo- 
ches d'églises  se  font  entendre  dans  la  vallée,  il  mêle  son 
ardente  prière  à  celle  des  pèlerins,  dont  le  chant  se  perd 
peu  à  peu  dans  l'espace.  Des  larmes  étouffent  la  voix  du 
pécheur;  il  pleure  amèrement  sur  ses  crimes  et  fait  vœu  de 
les  expier  enfuyant  le  repos  et  cherchant  les  souffrances. 

Scène  iv.  —  C'est  dans  cette  pose  pleine  d'une  dou- 
loureuse humilité  que  le  trouvent  le  Landgrave  et  les  Che- 
valiers chanteurs  qui,  revenant  de  la  chasse,  sortent  des 
bois.  Wolfram,  un  de  ses  anciens  compagnons,  le  recon- 
naît ;  oui,  c'est  bien  lui  le  chevalier  Henri  Tannhauser, 
qui  prenait  si  souvent  et  si  victorieusement  part  aux  poé- 
tiques tournois  de  la  Wartburg,  et  qui  disparut  mysté- 
rieusement pendant  sept  années. 


ANALYSE    DES   POÈMES  ÎH 

Tous  lui  souhaitent  une  bienvenue  pleine  de  cordialité 
et  le  pressent  de  questions,  auxquelles  il  répond  d'une 
façon  évasive.  Ses  amis,  heureux  de  ravoirretrouvé,  veu- 
lent le  retenir  parmi  eux;  il  s'en  défend,  secrètement  fidèle 
au  vœu  qu'il  vient  de  formuler  ;  mais  Wolfram  prononce 
un  nom  qui  a  sur  lui  une  puissance  invincible  :  c'est  celui 
à^ Elisabeth,  la  nièce  du  Landgrave,  chaste  et  pure  jeune 
fille  qui  aimait  en  secret  Tannhauser  et  qui,  depuis  la 
disparition  du  chevalier,  languit,  silencieuse  et  déso- 
lée, fuyant  les  réunions  qu'elle  ornait  jadis  de  sa  pré- 
sence. 

Tannhauser  ému  se  laisse  alors  convaincre,  et,  enton- 
nant avec  ses  compagnons  un  chant  plein  d'allégresse, 
demande  à  être  conduit  près  de  la  douce  créature  pour 
laquelle  il  sent  son  amour  renaître..  Le  Landgrave,  son- 
nant du  cor,  rassemble  ses  chasseurs,  qui  montent  sur 
leurs  coursiers,  et  le  cortège  prend  joyeusement  le  che- 
min de  la  Wartburg. 

2"«  Acte. 

Scène  i.  —  Le  théâtre  représente  la  salle  des  chanteurs 
àla  Wartburg.  De  larges  baies,  au  fond,  laissent  aperce- 
voir l'enceinte  du  château,  puis  la  campagne  à  perte  de  vue. 

Elisabeth,  émue  et  joyeuse,  entre  dans  la  salle  qu'elle 
a  si  longtemps  désertée  et  qu'elle  salue  avec  allégresse, 
se  sentant  renaître  à  Papproche  de  l'élu  de  son  cœur. 

Scène  ii.  —  Il  ne  tarde  pas  à  paraître,  accompagné  de 
son  loyal  compagnon  Wolfi^am,  qui  demeure  à  l'entrée  de 
la  salle,  tandis  que  Tannhauser,  dans  un  élan  impétueux, 
se  précipite  aux  pieds  de  la  princesse.  Éperdue,  elle  le 
relève  et  lui  demande  d'où  il  vient.  — D'une  contrée  loin- 
taine qu  il  a  déjà  oubliée,  répond^-il,  et  d'où  seul  un  miras- 
cle  l'a  fait  s'échapper.  —  Elle  s'^i^  montre  radieuse,  mais 


112  VOYAGE    A    BAYREUTU 

se  reprend,  confuse  de  cet  élan  profane,  tout  en  laissant, 
avec  une  grâce  empreinte  d'une  pudeur  exquise,  échap- 
per le  secret  de  son  cœur  virginal, 

Tannhauser  rend  grâce  au  dieu  de  l'amour  qui  lui  a 
permis  de  trouver,  à  l'aide  de  ses  mélodies,  le  chemin  de 
cette  âme  pure.  Elisabeth  mêle  son  hymne  de  bonheur  â 
celui  de  son  chevalier,  tandis  que  Wolfram,  qui  aimait  la 
jeune  fille  d'une  tendresse  discrète  et  profonde,  contem- 
ple avec  tristesse  l'écroulement  de  son  propre  espoir. 

Scène  m.  —  Pendant  que  les  deux  chevaliers  s'éloignent 
ensemble,  le  Landgrave  paraît,  tout  heureux  de  voir  sa 
nièce  revenir  à  la  gaieté  et  à  la  vie;  il  sollicite  une  conû- 
dence,  que  lajeune  fille,  émue,  ne  lui  fait  qu'à  demi,  mais  il 
respecte  son  secret  :  le  concours  qui  se  prépare  se  char- 
gera de  le  dévoiler  peut-être  ! 

Entendant  les  trompettes  annoncer  les  seigneurs  qu'il 
a  conviés,  il  va,  ainsi  qu'Elisabeth,  à  l'entrée  de  la  salle, 
recevoir  ses  invités,  qui  arrivent  en  masse. 

ScÈXE  IV.  —  Les  chevaliers,  donnant  la  main  aux  nobles 
dames  et  conduits  par  des  pages,  saluent  d'abord  leur 
hôte  le  Landgrave  et  prince  de  Thuringe,  puis  se  rangent 
sur  des  estrades  disposées  autour  du  siège  surmonté  d'un 
baldaquin,  que  vont  occuper  le  Landgrave  et  sa  nièce. 

Scène  v.  —  Les  chanteurs,  auxquels  des  tabourets  ont 
été  réservés  en  face  de  l'assemblée,  entrent  à  leur  tour  cl 
s'inclinent  avec  grâce  et  dignité,  Tannhauser  est  à  une 
extrémité,  et  Wolfram  à  l'autre. 

Le  Prince  alors  se  lève,  rappelle  à  l'assistance  les 
mélodieux  concours  qui  ont  eu  lieu  déjà  dans  cette  même 
salle  et  les  glorieuses  couronnes  qui  y  ont  été  disputées, 
alors  que  ses  armées  combattaient,  victorieuses,  pour  la 
majesté  de  l'Empire  allemand. 

Mais  ce  que  le  Landgrave  propose   de  fêter  en  ce  jour 


ANALYSE    DES    POÈMES  113 

heureux,  c'est  le  retour  d'un  vaillant  poète  que  des  des- 
tinées mystérieuses  ont  longtemps  retenu  éloigné  de  la 
Wartburg.  Peut-être  ses  chants  révéleront-ils  son  odys- 
sée... Et  le  généreux  prince  termine  en  proposant  comme 
sujet  de  tournoi  la  définition  de  l'amour,  engageant  le 
vainqueur  à  oser  briguer  la  plus  haute  et  la  plus  précieuse 
récompense,  que  sa  nièce  Elisabeth  sera  heureuse  d'ac- 
corder comme  lui. 

Les  chevaliers  et  les  dames  applaudissent  à  sa  décision, 
et  quatre  pages  s'avancent  pour  recueillir  dans  une  coupe 
d'or  les  noms  des  candidats,  afin  de  décider  de  l'ordre  de 
l'épreuve. 

Le  nom  de  Wolfram  d'Eisenhach  sort  le  premier.  Tan- 
dis que  Tannhauser,  appuyé  sur  sa  harpe,  semble  perdu 
dans  sa  rêverie,  le  chevalier  se  lève  et  développe  sa  con- 
ception de  l'amour.  Il  le  comprend  pur,  éthéré,  respec- 
tueux, et  le  compare  aune  belle  source  d'eau  limpide  qu'il 
craindrait  de  troubler  par  son  approche.  Sa  seule  vue 
remplit  son  âme  d'ineffables  voluptés,  et  il  préférerait 
verser  jusqu'à  la  dernière  goutte  du  sang  de  son  cœur, 
plutôt  que  de  la  souiller  de  son  contact. 

Son  discours  terminé,  il  reçoit  de  chaleureuses  appro- 
bations de  l'assemblée.  Mais  Tannhauser,  se  levant  vive- 
ment, comb-at  celte  définition  de  l'amour,  qui  n'est  pas  la 
sienne;  il  conçoit  la  passion  moins  idéale  et  sous  une 
forme  plus  matérielle,  plus  charnelle.  Elisabeth,  qui  dans 
sa  candeur  accepte  aveuglément  la  manière  de  voir  de 
Tannhauser,  fait  un  mouvement  |)our  applaudir,  mais 
s'arrête  timidement  devant  le  maintien  grave  et  froid  de 
l'assemblée.  Walther  de  la  Wogelweide ,  puis  après  lui 
Bltterolf,  prennent  part  au  débat,  exprimant  les  mêmes 
idées  que  Wolfram.  Tannhauser,  répondant  avec  vivacité, 
défend  de  plus  en  plus  chaleureusement  ses  théories  de 


114  VOYAGE    A    BAYREUTH 

l'amour  païen,  fait  de  voluptés  et  de  jouissances,  qu'il 
oppose  à  la  pure  et  respectueuse  extase  célébrée  par  les 
autres  chevaliers.  La  discussion  s'envenime,  les  épées 
sortent  de  leurs  fourreaux;  le  Landgrave  fait  de  nobles 
efforts  pour  apaiser  le  tumulte;  Wolfram  appelle  l'assis- 
tance du  Ciel  pour  faire  triompher  la  vertu  par  son  chant, 
mais  Tannhauser,  au  comble  de  1  exaltation  et  de  la  dé- 
mence, évoque  le  souvenir  des  jouissances  passées,  de  la 
déesse  qui  les  lui  a  fait  connaître,  et  engage  les  mortels 
ignorants  de  ces  ardeurs  brûlantes  à  se  rendre  au  Venus- 
berg,  où  elles  leur  seront  révélées  ! 

Un  cri  dhorreur  s  échappe  de  toutes  les  poitrines  à 
cette  évocation  criminelle;  tous  s" écartent  du  maudit, 
échappé  du  royaume  de  Vénus,  et  qui  ose  les  souiller  de 
sa  présence  ! 

Seule  Elisabeth,  dontle  visage  a  revêtu  une  expression 
de  douleur  effrayante,  demeure  à  sa  place,  en  s'appuyant 
d'un  geste  égaré  à  son  siège. 

Le  Landgrave  et  les  chevaliers  se  réunissent  pour 
punir  le  réprouvé ,  qui  est  resté  immobile ,  extasié.  Ils 
se  précipitent  sur  lui  l'épée  en  main,  mais  Elisabeth  se 
jette  devant  eux,  faisant  au  coupable  un  rempart  de  son 
corps  :  —  Que  vont-ils  faire,  quel  mal  leur  a-t-il  causé? 
Vont-ils,  en  plongeant  le  pécheur  dans  Fabîme  de  la  mort, 
au  moment  où  son  âme  est  sous  l'influence  d'un  charme 
maudit,  le  condamner  sans  rémission  à  la  pénitence  éter- 
nelle ?  Ont-ils  le  droil  d'être  ses  juges?  —  Elle,  la  pure 
et  triste  fiancée,  si  cruellement  désabusée,  s'offre  à  Dieu 
comme  victime  d'expiation;  c'est  elle  qui,  souffrant  pour 
le  criminel,  implorera  le  Ciel  afin  qu'il  envoie  au  pécheur 
le  repentir  et  la  foi  nécessaires  à  sa  rédemption. 

Tannhauser,  qui  peu  à  peu  est  revenu  de  son  éga- 
rement et  a  entendu  la  prière  d'Elisabeth,  tombe  à  terre, 


ANALYSE    DES    POEMES  115 

vaincu  par  la  douleur  et  le  remords.  Le  Landgrave  et  les 
chevaliers,  touchés  par  la  généreuse  supplication  de  la 
miséricordieuse  princesse,  remettent  leurs  épées  au  four- 
reau ;  le  Landgrave  engage  alors  celui  dont  l'âme  est  char- 
gée d'un  forfait  si  lourd,  à  aller  implorer  son  pardon 
à  Rome,  se  joignant  pour  cela  à  une  troupe  de  jeunes 
pèlerins  qui,  partant  de  tous  les  points  de  la  Thuringe, 
entreprennent  en  ce  moment  le  saint  voyage.  S'il  revient 
absous  par  le  Souverain  Pontife,  les  siens  oublieront  à 
leur  tour  sa  faute.  Tous  se  joignent  au  Landgrave  pour 
lui  promettre  alors  l'oubli  de  son  crime. 

Les  chants  pieux  se  font  entendre  dans  le  lointain  :  c'est 
la  troupe  des  jeunes  pèlerins  déjà  en  marche  pour  la  cité 
bénie.  Tous  écoutent  avec  émotion,  et  Tannhauser,  main- 
tenant soutenu  par  la  divine  espérance,  se  précipite  avec 
exaltation  à  la  suite  des  pécheurs  repentants. 

3°i«  Acte. 

Scène  I.  — Le  paysage  est  le  même  qu'àlafin  du  l^""  acte, 
mais  avec  un  aspect  automnal.  Le  jour  est  à  son  déclin; 
on  aperçoit  dans  la  montagne  Elisabeth  qui,  prosternée 
aux  pieds  de  la  Vierge,  prie  avec  ferveur.  Wolfram  des- 
cend des  bois  à  gauche  et  s'arrête  en  l'apercevant;  il  con- 
temple la  sainte  créature  qui  implore  jour  et  nuit  le  Ciel 
pour  celui  qui  l'a  si  cruellement  trahie.  Déjà,  pense  Wol- 
fram, l'automne  s'approche,  annonçant  1»  retour  des  pè- 
lerins. Sera-t-il  parmi  les  élus  qui  ont  reçu  l'absolution  de 
leurs  fautes  ?... 

Absorbé  dans  ses  réflexions,  il  continue  à  descendre, 
lorsqu'on  perçoit  dans  le  lointain  un  chœur  de  vieux  pà^ 
lerins  qui  s'approchent;  il  s'arrête  de  nouveau.  Elisabeth 
a  entendu  les  chants  ;  elle  supplie  les  bienheureux  du  ciel 
de  l'assister  dans  ce  moment  plein  d'angoisse,  et  se  lève 


116  VOYAGE    A    BAYREUTH 

pour  voir  passer  les  pieux  voyageurs,  qui  célèbrent  le 
Seigneur  et  les  grâces  qu'il  a  bien  voulu  leur  prodiguer. 

Elisabeth  cherche  anxieusement  Tannhauser  parmi  la 
sainte  cohorte  ;  ne  l'apercevant  pas,  elle  s'agenouille 
dans  une  attitude  de  douloureuse  résignation,  pendant 
que  la  procession  s'éloigne,  et,  dans  une  ardente  invoca- 
tion à  la  Mère  de  Dieu,  où  elle  s'accuse  des  désirs  profa- 
nes et  des  j)ensées  mondaines  qui  ont  jadis  occupé  son 
cœur,  elle  supplie  la  Divine  Consolatrice  de  la  rappeler 
à  elle,  de  lui  ouvrir  le  séjour  des  bienheureux,  d'où  elle 
pourra  plus  efficacement  prier  pour  celui  qui  porte  tou- 
jours le  fardeau  de  son  crime.  Son  regard  illuminé  est 
tourné  vers  le  ciel;  elle  se  relève  lentement,  et  quand 
Wolfram,  qui  l'a  contemplée  avec  une  émotion  profonde, 
s'approche  d'elle  et  lui  demande  la  grâce  d'accompagner 
ses  pas,  elle  lui  fait  comj^rendre  par  un  geste  affectueux 
et  reconnaissant  que  la  route  qu'elle  doit  prendre  est  celle 
qui  mène  au  ciel,  et  que  personne  ne  doit  l'y  suivre.  Elle 
gravit  lentement  le  sentier  se  dirigeant  vers  le  château. 

Scène  ii.  —  Wolfram  la  regarde  tristement  s'éloigner, 
puis,  resté  seul,  il  prend  sa  harpe  et,  après  avoir  préludé, 
fait  entendre  un  chant  plein  d'une  mélancolique  poésie, 
dans  lequel  il  salue  la  suave  étoile  du  soir,  dont  la  pure 
lumière,  éclairant  la  nuit  profonde  qui  enveloppe  la  val- 
lée, monlre  son  chemin  au  voyageur  angoissé.  A  cette 
douce  étoile,  il  confie  celle  qui  va  quitter  à  tout  jamais  la 
terre  pour  s'élancer  dans  le  séjour  des  bienheureux. 

Scène  m.  —  Pendant  son  chant  la  nuit  est  survenue  ; 
un  pèlerin  excédé  de  fatigue,  les  vêtements  déchirés,  le 
visage  défait,  s'avance,  péniblement  appuyé  sur  son  bâ- 
ton ;  c'est  Tannhauser,  en  qui  Wolfram  reconnaît  avec 
effroi  le  pécheur  non  pardonné.  Gomment  ose-t-il  repa- 
raître dans  la  contrée  ? 


ANALYSE    DES    POÈMES  117 

Tannhauser,  d'un  air  sinistre,  lui  demande  le  chemin» 
qu'il  connaissait  si  bien  autrefois,  mais  qu'il  ne  retrouve 
plus,  du  Vénusberg.  A  ces  mots,  Wolfram  est  frappé  d'é- 
pouvante ;  son  ancien  compagnon  n'a  donc  pas  été  à 
Rome  implorer  îa  grâce  divine?  La  colère  de  Tannhau- 
ser éclate  alors,  et,  dans  un  récit  d'une  poignante  déses- 
pérance, il  retrace  les  étapes  de  son  douloureux  voyage, 
son  humilité,  son  désir  de  souffrance  qui  lui  faisait  mul- 
tiplier les  épreuves  et  les  difficultés  de  la  route  ;  puis  soa 
arrivée  à  R.ome,  son  immense  espoir  à  la  vue  du  Pontife 
qui  promettait  la  rédemption  à  tous  les  repentirs,  et  enfin 
l'effondrement  de  tout  son  être  après  qu'ayant  confessé, 
éperdu,  ses  crimes  passés,  il  s'est  vu,  seul  parmi  des  mil- 
liers de  pécheurs,  repoussé  impitoyablement  par  le  repré- 
sentant de  Dieu,  parle  Souverain  Pontife,  qui  l'a  déclaré 
à  jamais  maudit  et  lui  a  prophétisé  les  souffrances  d'une 
fournaise  infernale  dans  laquelle  l'espérance  ne  refleurirait 
pas  plus  que  ne  reverdirait  jamais  son  bâton  de  pèlerin. 

Tel  fut  à  ce  moment  l'excès  de  son  désespoir,  qu'il 
tomba  inanimé,  expirant,  sur  le  sol;  mais  maintenant,  re- 
venu à  lui,  il  mesure  l'étendue  de  sa  misère;  une  seule 
issue  lui  reste,  vers  laquelle  il  se  précipite  avec  l'àpreté 
de  la  douleur  :  à  lui  Vénus,  à  lui  l'enchantement  corrup- 
teur de  ses  ardentes  voluptés! 

Scène  iv.  —  En  vain  Wolfram  veut-il  arrêter  l'évoca- 
tion.maudite  sur  les  lèvres  du  malheureux  et  l'entraîner 
avec  lui  :  Vénus  a  entendu  l'appel  qui  lui  a  été  fait,  elle 
s'empresse  d'accourir.  Un  nuage  léger  envahit  la  vallée, 
de  délicieux  parfums  emplissent  les  airs,  on  aperçoit  dans 
l'atmosphère  voilée  de  rose  les  dansée  des  nymphes  sé- 
duisantes; bientôt  on  distingue  dans  la  lumière  brillante 
la  déesse  étendue  sur  un  lit  de  repos.  Elle  appelle  à  elt© 
Taîinhauser  enivré,  lui  rappelant  les  plaisirs  sans  nom- 


nS  TOYAGE   A   BAYREUTH 

bve  qui  l'attendeTït  de  nouveau  dans  son  royaume.  Wol- 
fram lutte  désespérément,  voulant  arracher  son  ami  à  ces 
fatales  séductions;  mais  Tannhauser  résiste  à  toutes  les 
Vertueuses  exhortations  du  chevalier.  Encore  un  instant, 
et  -sa  perdition  va  être  consommée,  Vénus  va  s'emparer 
à  tout  jamais  de  sa  proie,  lorsque,  pour  la  seconde  fois,  le 
nom  d'Elisabeth,  cet  ange  de  pureté,  prononcé  par  Wol- 
fram, produit  son  effet  béni.  En  l'entendant,  Tannhauser 
reste  comme  foudroyé,  immobile. 

Scène  v.  —  A  ce  moment  un  chœur  d'hommes  venant 
du  lointain  annonce  la  fin  des  souffrances  de  la  pieuse 
martyre.  Son  âme,  affranchie  désormais  des  douleurs  ter- 
restres, s'est  élancée,  radieuse,  dans  les  sphères  célestes, 
où  elle  prie  pour  le  pèlerin  au  pied  du  trône  de  Dieu. 

Vénus,  comprenant  enfin  qu'elle  est  vaincue,  disparaît 
HTec  tout  son  entourage  magique. 

De  la  vallée  descendent  alors  les  longues  théories  de 
nobles  accompagnant  le  Landgrave,  puis  les  pèlerins  qui 
portent  sur  un  brancard  le  corps  de  la  sainte  en  chantant 
ïin  cantique  d'actions  de  grâces.  Sur  un  signe  de  Wol- 
fram, ils  déposent  la  mortelle  dépouille  d  Elisabeth  au 
milieu  de  la  scène  ;  Tannhauser  tombe  à  côté,  invoquant 
le  secours  de  la  Bienheureuse,  puis  il  meurt  accablé  par 
la  douleur  et  le  repentir. 

A  ce  moment  s'avancent  les  jeunes  pèkrins  portant  la 
crosse  reverdie  et  couverte  de  fleurs,  miraculeuse  mani- 
festation du  pardon  divin,  et  tous  les  assistants,  saisis 
d'une  émotion  profonde,  font  entendre  un  alléluia  de  re- 
connaissance pour  Celui  qui,  prenant  en  pitié  les  souffran- 
ces du  pécheur  et  exauçant  les  prières  de  sa  douce  pro- 
tectrice, a  accordé  au  coupable  sa  suprême  miséricorde. 


LOHEXGRÎN 


PERSONNAGES 

selon  l'ordre  de  leur  première  entrée 

en  scène. 


Un  béraut  d'armes  (basse).  Apparaissant 
le  plus  souvent  escorté  dé  4  trompettes 
sonnant  l'appel  au  Roi. 

Les  chevaliers  Brabançons  [chœur  :  tén.. 
basses  . 

Le  Roi  Henri  (basse).  Rbi  d'Alleniagno. 
Personnagi-  historique  :  Henri  !«■•,  lOise- 
leur,  empereur  d'Allemagne. 

Les  Chevaliers  saxons  [chœur  :  ténors, 
basses^. 

Frédéric  de  Telramund  baryt.).  Comte 
brabançon.  Autrefois  tiancé  a  Eisa.  Epoux 
d'Ortrude;  devient  par  ambition  traître 
a  l'honneur,  et  accusateur  de  l'innocente 
Eisa. 

Ortrnde  imez.  sopr.l.  Epouse  de  Frédéric; 
fille  de  Ratbold.  roi  des  Frisons  :  héritière, 
de  la  couronne  de  Brabant  à  défaut  d'Eisa 
et  de  son  frère.  Magicienne ,  sacrifie  aux 
dieux  pa'iens.  Mauvais  génie  de   Frédéric. 

Eisa  de  Brabant  fsopr.).  Fille  et  héritière 
du  duc  de  Brabant;  faussement  accusée  du 
meurtre  de  son  jeune  frère  par  Frédéric  et 
Ortrude.  Epouse  Lohengrin. 


Jeunes  fliies  {chœur 
vantes  d'Eisa. 


sopr.,  contr.).  Sui- 


Lohengrin  (tenon.  L'un  des  Chevaliers  du 
iiraal,  fils  de  Parsifal;  défenseur  d'Eisa, 
qu'il  épouse.  Il  est  proclamé  Protecteur  du 
Brabant. 


ACTE 


D'H'B 


ACTE 


■  ■ 


3"-  ACTE 


4  \obles  brabançons  (2  ténors,  2  basses). 
Conspirent  avec  Frédéric  contre  Lohengrin. 

î  Pages  '2  sopr.,  2  contr.}. 

Les  Pages  [chœur  :  sopr.,  contr.). 


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Î20  VOYAGE    A    BAYREUTU 


LOHEXGRIN 


l«"^  Acte. 


Scène  i.  —  L'aciion  a  lieu  au  x®  siècle,  en  Brahant ; 
la  première  scène  se  passe  sur  les  bords  de  V Escaut,  aux 
environs  à' Anvers.  Au  second  plan,  à  gauche,  un  énorme 
chêne  plusieurs  fois  séculaire,  derrière  lequel  coule  le 
fleuve,  qui  décrit  une  vaste  courbe,  de  sorte  que  l'on  aper- 
çoit une  deuxième  fois  ses  méandres  tout  à  fait  à  l'arrière- 
|>lan. 

Au  lever  du  rideau,  le  souverain  dAllemagne,  Henri 
rOiseleur,  est  assis  sous  le  chêne,  entouré  des  comtes  de 
Saxe,  de  Thuringe  et  des  seigneurs  qui  forment  le  Ban 
du  Roi.  En  face  d'eux  se  tiennent  la  noblesse  et  le  peuple 
de  Brabant,  a3^ant  à  leur  tête  Frédéric  de  Telraniund  et 
son  épouse  Ortrude. 

Le  héraut  d'armes,  s'avançant,  sonne  lappel  du  Roi  et 
demande  pour  lui  l'obéissance  de  ses  sujets  brabançons  ; 
tous  jurent  fidélité.  Le  roi  Henri  se  lève  alors  et  expose 
il  ses  féaux  la  situation  de  l'Allemagne  :  il  rappelle  ses 
luttes  acharnées  avec  les  Hongrois,  les  fréquentes  inva- 
sions du  côté  de  l'orient,  la  trêve  de  neuf  années  qu'il  a 
obtenue  et  employée  à  fortifier  les  frontières,  à  exercer 
ses  armées  ;  mais,  maintenant  que  le  délai  est  expiré, 
Tennerai,  refusant  toute  conciliation,  s'avance  de  nouveau, 
menaçant,  et  le  souverain  organise  une  levée  en  masse  de 
son  peuple  pour  repousser  ses  adversaires  et  leur  impo- 
ser le  respect  de  l'empire  allemand,  qu'ils  ne  songeront 
|)lus  alors  à  insulter. 


ANALYSE    DES    POEMES  12Î 

Mais  à  son  arrivée  dans  cette  province,  à  laquelle  il  ve- 
nait demander  assistance,  quelle  n'a  pas  été  sa  peine  en 
apprenant  les  discordes  à  laquelle  elle  est  en  proie!  Que 
s'est-il  donc  passé,  et  pourquoi  vit-elle  sans  prince  et 
livrée  aux  luttes  intestines?  Le  souverain  interroge  à  ce 
sujet  Frédéric  de  Telramund,  le  chevalier  vertueux  qui 
répondra  sans  détour. 

Frédéric,  promettant  à  son  roi  et  suzerain  un  récis 
véridique,  expose  ainsi  les  faits  qui  se  sont  écoulés  : 

Le  vieux  duc  de  Brabant,  en  mourant,  a  laissé  deux 
enfants  :  une  fille,  Eisa,  et  un  jeune  prince,  héritier  de  son- 
trône,  Godefroid,  dont  il  avait  confié  l'éducation  à  soi> 
fidèle  chevalier  Telramund.  Quelle  n'a  pas  été  un  jour  la 
douleur  de  celui-ci  en  apprenant  que  le  jeune  prince^ 
pendant  une  promenade  qu'il  faisait  avec  sa  sœur,  avait 
disparu,  sans  que  l'on  puisse  retrouver  sa  trace!  Saisi 
d'horreur  à  la  pensée  d'un  crime  que  seule  Eisa  avait  p» 
perpétrer,  Frédéric  s'est  hâté  de  renoncer  à  la  main  de 
la  jeune  fille,  qui  lui  avait  été  promise,  et  de  s'unir  à  Or— 
trude;  à  présent,  il  demande  justice  contre  l'odieuse  cou- 
pable, tout  en  rappelant  au  roi  Henri  que  c'est  lui  quS 
maintenant  a  les  droits  directs  à  l'héritage  du  Brabant 
par  sa  parenté  avec  le  vieux  duc,  et  aussi  j)ar  Ortrude^ 
son  épouse,  issue  de  sang  princier. 

Tous  les  assistants,  émus  par  l'accusation  du  chevalier^ 
essayent  de  prendre  la  défense  d'Eisa;  le  roi  lui-même 
doute  de  son  forfait;  mais  Frédéric,  acharné,  explique  les- 
noirs  desseins  de  la  jeune  fille,  disant  qu'elle  a  au  cœur 
un  amour  secret,  auquel  elle  serait  plus  libre  de  s'adonner 
si  elle  restait  maîtresse  souveraine  du  Brabant  à  la  place 
de  son  frère  assassiné  par  elle. 

Henri  décide  alors  de  faire  comparaître  l'accusée  el 
d'instruire  sans  retard  son  procès.  H  invoque  l'aide  de 


122  T.OTAGE    A    BATREUTH 

Dieu  pour  que  la  sagesse  du  Très-Haut  Téclaire  dans  cet 
instant  solennel. 

ScEXE  II.  —  Eisa  s'avance  lentement,  d'un  air  grave  et 
triste,  suivie  du  cortège  de  ses  femmes;  son  aspect  S3^ra- 
pathique  et  doux  gagne  tous  les  coeurs;  le  souverain  lui 
demande  si  elle  veut  l'accepter  comme  juge  et  si  elle  sait 
de  quel  crime  elle  est  accusée.  Qu'a-t-elle  à  alléguer  pour 
sa  défense  ? —  A  toutes  ces  questions  elle  n'a  répondu  que 
par  des  gestes  de  résignation,  puis,  les  yeux  perdus  dans 
le  vague,  elle  murmure  doucement  le  nom  de  son  frère. 
La  curiosité  de  tous  est  excitée  par  cette  étrange  altitude, 
et,  le  roi  l'engageant  à  s'expliquer,  Eisa,  se  parlant  plutôt 
à  elle-même  et  plongée  dans  une  sorte  d'extase,  se  rap- 
pelle le  jour  où,  accablée  de  douleur,  elle  adressait  au 
Seigneur  une  arjdente  supplication,  et  tomba  dans  un  lourd 
sommeil  ;  dans  ce  sommeil,  un  chevalier  vêtu  d'une  ar- 
mure étincelante  lui  apparut,  envoyé  par  le  Ciel  pour  la 
protéger.  C'est  lui  quelle  attend;  il  sera  son  défenseur  et 
fera  éclater  son  innocence. 

Voyant  la  douce  créature  rêver  ainsi,  le  roi  ne  peut 
croire  A  sa  culpabilité  ;  Frédéric  persiste  pourtant  dans 
son  rôle  d'accusateur,  et,  pour  se  faire  mieux  écouter, 
rappelle  à  tous  sa  vaillance  passée,  défiant  ceux  qui  vou- 
draient, prenant  parti  pour  Eisa,  combattre  contre  lui. 
Tous  les  nobles  se  récusent.  Henri,  ne  sachant  comment 
décider,  en  appelle  au  jugement  de  Dieu  et  demande  à  Eisa 
qui  elle  choisit  pour  défenseur;  elle  répète  encore  une 
fois  que,  confiante  en  la  protection  du  Seigneur,  elle  attend 
le  chevalier  qui  doit  combattre  pour  elle  et  auquel  elle 
accordera,  en  récompense  de  son  dévouement,  son  cœur 
et  sa  couronne. 

Le  roi  fait  sonner  ses  trompettes  aux  quatre  points  car- 
dinaux et  ordonne  de  proclamer  le  combat;  mais  un  silence 


ANALYSE    DES    POÈMES  123 

lugubre  répond  seul  à  la  proclamation.  Eisa,  tombant  aux 
genoux  du  souverain,  l'adjure  de  faire  répéter  de  nouveau 
l'appel,  que  son  chevalier  n'a  pas  entendu  de  sa  retraite 
lointaine.  Henri  accède  à  sa  demande,  et  les  trompettes 
sonnent  encore  une  fois.  Eisa,  dans  une  ardente  prière 
au  Très-Haut,  le  supplie  de  ne  pas  l'abandonner. 

Tout  à  coup,  ceux  des  assistants  qui  se  trouvent  près 
du  rivage  aperçoivent  au  loin  sur  le  fleuve  une  nacelle 
tirée  par  un  cygne  et  portant  un  chevalier,  debout,  revêtu 
d'une  armure  d'argent.  Ils  appellent  toute  l'assemblée, 
chacun  crie  au  miracle,  l'admiration  est  à  son  comble; 
cependant  le  cygne  continue  d'avancer  en  suivant  les 
méandres  du  fleuve,  et  le  frêle  esquif  dépose  bientôt  le 
voyageur  sur  la  rive.  Le  roi  contemple  la  scène  de  la 
place  qu'il  occupe;  Eisa  regarde,  ravie;  Frédéric  est  en 
proie  au  plus  profond  étonnement,  et  Ortrude,  dont  le 
visage  est  empreint  d'une  haineuse  et  inquiète  expres- 
sion, porte  tour  à  tour  ses  regards  de  colère  sur  Eisa  et 
sur  le  mystérieux  arrivant. 

Scène  m.  — ■  Le  chevalier,  en  quittant  sa  nacelle,  se 
penche  sur  le  cygne  et,  lui  adressant  de  touchants  adieux, 
lui  enjoint  de  retourner  vers  les  contrées  lointaines  d'où 
ils  viennent;  le  cygne  oriente  la  nacelle  vers  la  route  déjà 
parcourue  et  vogue  majestueusement  en  remontant  le 
cours  du  fleuve.  Le  mystérieux  inconnu  le  suit  des  yeux 
avec  mélancolie,  puis,  quand  il  l'a  perdu  de  vue,  il  re- 
descend vers  le  roi  Henri  et,  le  saluant  avec  respect,  il 
lui  annonce  qu'il  vient,  envoyé  de  Dieu,  pour  défendre 
l'innocente  jeune  fille  accusée  injustement  du  plus  noir 
des  crimes.  Ensuite,  s'adressant  à  Eisa,  qui  depuis  son 
arrivée  le  suit  du  regard  sans  bouger  et  dans  une  sorte 
d'extase,  il  lui  demande  si  elle  veut  lui  remettre  le  soin 
de  défendre  son  honneur  et  si  elle  aura  confiance  en  son 


124  VOYAGE    A    BAYREUTH 

bras  ])our  combattre  son  ennemi.  Sur  la  réponse  affirma- 
tive d"Elsa,  que  ces  paroles  ont  enfin  tirée  de  sa  contem- 
plation muette  et  qui  se  jette  à  ses  genoux  pour  lui  expri- 
mer une  ardente  reconnaissance,  il  la  prie,  lorsqu'il 
l'aura  défendue  victorieusement,  de  consentir  à  devenir 
son  épouse;  si  elle  lui  accorde  ce  bonheur,  il  implorera 
une  grâce  de  plus  :  c'est  qu'elle  ne  cherchera  jamais  à 
savoir,  soit  par  persuasion,  soit  par  surprise,  ni  quel  est 
son  nom  ni  d'où  il  vient.  Il  insiste  solennellement  sur 
cette  clause  importante,  et,  la  jeune  fille  lui  ayant  fait  la 
promesse  formelle  de  ne  jamais  essayer  de  percer  le  mys- 
tère qui  a  entouré  sa  venue,  de  nejamais  lui  demander  son 
nom  ni  son  origine,  il  la  presse  tendrement  sur  son  cœur, 
aux  yeux  du  roi  et  du  peuple  charmés. 

Puis  il  confie  à  la  garde  du  roi  sa  fiancée,  dont  il  pro- 
clame hautement  l'innocence,  et  appelle  le  comte  de  Tel- 
ramund  au  combat  dont  Dieu  sera  le  juge. 

Frédéric  laisse  voir  un  trouble  profond;  son  entourage, 
convaincu  maintenant  de  l'injustice  de  sa  cause,  l'engage 
à  refuser  le  combat;  mais,  craignant  de  passer  pour  un 
lâche  s'il  se  dérobe,  il  répond  par  une  provocation  à  la 
provocation  de  son  adversaire.  Le  roi  désigne  alors  trois 
témoins  pour  chacun  des  champions,  que  le  héraut  d'ar- 
mes met  bientôt  en  présence,  après  leur  avoir  rappelé  les 
conditions  de  la  lutte.  Les  deux  chevaliers  engagent  le 
fer,  et,  après  plusieurs  passes  habiles,  l'inconnu  étend 
Frédéric  à  terre  à  la  merci  de  son  épée;  d'un  coup  il 
le  pourrait  transpercer;  mais,  jugeant  l'épreuve  assez 
convaincante  ainsi,  il  lui  fait  grâce  de  la  vie  et,  se  tour- 
nant vers  le  souverain  bienveillant,  il  reçoit  de  ses  mains 
Eisa  émue  et  radieuse.  Tous  partagent  l'allégresse  du 
vainqueur;  les  chevaliers  et  les  nobles  envahissent  le 
champ  clos,  et,  tandis  que  Frédéric  se  traîne  douloureu- 


ANALYSE    DES    POEMES  125 

sèment  sur  le  sol  en  pleurant  son  honneur  perdu,  tandis 
qu'Ortrude  poursuit  l'élu  de  Dieu  de  ses  murmures  hai- 
neux, la  noblesse  saxonne  élève  le  vainqueur  sur  son 
propre  bouclier;  de  même  les  Brabançons,  plaçant  Eisa 
sur  le  bouclier  du  roi  recouvert  de  leurs  manteaux,  por- 
tent en  triomphe  les  deux  fiancés  hors  de  la  scène,  au 
milieu  des  chants  de  joie  et  des  clameurs  enthousiastes  de 
tout  le  peuple  émerveillé. 

2-"=  Acte. 

Scène  i.  —  Le  théâtre  représente  la  cour  intérieure  du 
burg  d'Anvers.  Au  fond  le  Palas,  ou  demeure  des  cheva- 
liers, dont  les  fenêtres  sont  vivement  éclairées;  à  droite, 
le  parvis  de  l'église,  et  plus  au  fond  la  porte  qui  donne 
dans  la  ville;  à  gauche,  la  Keinenate,  ou  demeure  des  fem- 
mes, à  laquelle  on  accède  par  un  escalier  couronné  d'une 
sorte  de  balcon. 

Au  lever  du  rideau,  un  couple  sombrement  et  miséra- 
blement vêtu  est  assis  sur  les  marches  de  l'église.  Ce  sont 
le  chevalier  de  Telramund  et  son  épouse.  Frédéric  se 
répand  en  imprécations  contre  sa  compagne  :  que  ne  lui 
reste-t-il  pas  une  arme  pour  la  frapper  et  se  débai'rasser 
à  jamais  de  son  odieuse  présence  !  C'est  elle  qui  l'a  en- 
gagé dans  ce  combat  et  lui  a  fait  perdre  l'honneur;  elle 
qui,  menteuse  et  calomniatrice,  lui  a  affirmé  avoir  vu  de 
loin,  dans  la  forêt,  Eisa  accomplir  son  forfait;  elle  encore 
qui,  antérieurement,  l'a  engagé  à  renoncer  à  la  main  de  la 
jeune  fille  pour  briguer  son  alliance  à  elle,  Ortrudë,  qui 
prétendait,  comme  dernier  rejeton  de  la  race  des  Ratbold, 
être  bientôt  appelée  à  régner  sur  le  Brabant! 

Ortrude  répond  à  peine  à  ce  flot  de  reproches  et  impute 
à  Frédéric  la  honte  de  sa  défaite;  que  n'a-t-il  su  opposer 
une  pareille  rage  à  son  adversaire  !  il  aurait  bientôt  vaincu 

8 


126  VOYAGE   A    BAYREUTH 

ce  soi-disant  protégé  de  Dieu!  Mais,  quoi  qu'il  en  soit, 
dit-elle,  tout  peut  encore  se  réparer,  car  les  sciences 
occultes  qu'elle  a  approfondies  lui  ont  révélé  ce  qu'elle 
avait  à  faire  et  vont  lui  en  fournir  les  moyens  :  que  Tel- 
ramund  la  laisse  agir,  et  elle  répond  du  succès.  Il  faut 
avant  tout  circonvenir  Eisa  et  insinuer  dans  son  cœur  un 
ferment  de  curiosité  à  l'égard  du  passé  de  son  époux 
S'ils  peuvent  obtenir  que,  manquant  à  sa  promesse,  elle 
le  questionne  sur  son  origine  et  la  lui  fasse  divulguer,  le 
charme  qui  protège  le  mystérieux  chevalier  sera  rompu. 
D'ailleurs,  pour  le  forcer  à  se  révéler  il  suffirait  d'accuser 
le  héros  d'avoir  trompé  le  tribunal  à  l'aide  d'un  sortilège. 
A  défaut  de  ces  moyens,  il  en  reste  un  autre  :  si  pendant 
le  combat  Frédéric  avait  réussi  à  entamer  le  corps  de  son 
adversaire  de  la  moindre  parcelle,  le  charme  protecteur 
aurait  égalemcTit  cessé  de  le  défendre.  Il  faudrait  donc  le 
provoquer  de  nouveau  et  tâcher  de  le  blesser  légèrement, 
car,  quelque  légère  que  fût  l'égratignûre,  elle  suffirait  à 
rompre  l'enchantement. 

En  écoutant  ces  perfides  paroles,  Frédéric,  tout  à  sa 
haine,  reprend  courage  et  jure  à  son  épouse  de  la  secon- 
der dans  ses  ténébreux  desseins. 

Scène  ii.  —  A  ce  moment  Eisa,  vêtue  de  blanc,  vient 
s'accouder  au  balcon  de  la  Kemenate  pour  rêver  à  son 
bonheur.  Ses  deux  ennemis  sont  toujours  sur  les  mar- 
ches de  l'église,  mais  l'obscurité  l'empêche  de  les  aper- 
cevoir. 

Ortrude  s'approche  sous  le  balcon  et,  appelant  d'une 
voix  humble  et  gémissante,  se  fait  reconnaître  d'Eisa;  elle 
implore  sa  pitié.  Qu'a-t-elle  fait  pour  être  si  cruellement 
frappée?  Elle  se  le  demande  en  vain.  Est-ce  parce  qu'elle 
a  épousé  celui  qu'Eisa  avait  si  dédaigneusement  repoussé? 
En  quoi  a-t-elle  pu  encourir  une  telle  disgrâce?  Et,  con- 


ANALYSE    DES    POÈMES  127 

tinuant  ses  hypocrites  discours,  elle  excite  la  pitié  de  la 
douce  Eisa,  qui,  émue  d'une  si  grande  infortune,  lui  pro- 
met sa  protection  et  sa  rentrée  en  grâce. 

Pendant  que  la  jeune  fille  quitte  le  balcon  pour  descen- 
dre auprès  d'elle,  Ortrude,  voyant  déjà  sa  victime  entre 
ses  mains,  lance  une  farouche  évocation  aux  dieux  païens. 
Wotan  et  Freïa,  auxquels  elle  sacrifie  en  secret,  mais 
reprend  son  attitude  suppliante  au  retour  d'Eisa,  qui 
la  relève  avec  bonté,  lui  promettant  de  plaider  sa  cause 
auprès  de  l'époux  qui  va  la  conduire  à  l'autel;  elle  entend 
que  son  amie,  sa  protégée,  parée  elle-même  d'atours  ma- 
gnifiques, accompagne  ie  cortège  nuptial. 

Ortrude,  feignant  la  plus  vive  reconnaissance,  dit  vou- 
loir lui  témoigner  toute  sa  gratitude  en  lui  donnant  un 
sage  conseil  :  cet  époux  mystérieux  auquel  Eisa  va  lier 
son  existence,  il  ne  faut  pas  se  fier  aveuglément  à  sa  pa- 
role; un  jour  peut-être  s'en  retournera-t-il  comme  il  est 
venu,  délaissant  sa  trop  confiante  compagne.  Eisa,  trou- 
blée par  le  discours  d'Ortrude,  lui  répond  qu'elle  ne  peut 
douter  de  celui  qu'elle  aime,  et  repousse  ces  insinuations; 
mais  l'œuvre  de  perfidie  germera  quand  même.  Ortrude 
pénètre  avec  sa  victime  dans  le  palais,  pendant  que  Fré- 
déric, resté  devant  l'église,  inaperçu,  mais  ayant  tout  en 
tendu,  lance  sa  malédiction  sur  la  douce  créature. 

Scène  m.  —  Le  jour  commence  à  poindre. 

Il  se  lève  maintenant  tout  à  fait;  les  soldats  sonnent  le 
réveil  et  se  répondent  d'une  tour  à  l'autre.  Des  valets,  sor- 
tant du  burg,  vont  tirer  de  l'eau  à  la  fontaine,  le  gardien 
ouvre  la  porte  massive,  le  mouvement  populaire  s'accen- 
tue. Quatre  trompettes  se  montrent  au  seuil  du  palais  et 
sonnent  l'appel  du  roi;  les  nobles  et  les  chevaliers  enva- 
hissent la  cour  et  se  saluent  en  causant. 

Le  héraut  d'armes  paraît  et  proclame,  de  par  la  volonté 


128  VOYAGE    A    BAYREUTH 

du  roi,  que  Frédéric  est  banni  de  l'Empire  pour  avoir 
affronté  de  mauvaise  foi  le  jugement  de  Dieu;  de  plus,  il 
menace  du  même  sort  quiconque  lui  donnerait  asile  ou 
protection.  Puis,  après  une  nouvelle  sonnerie  de  fanfares, 
il  déclare,  toujours  au  nom  du  roi,  que  l'étranger  envoyé 
de  Dieu  à  qui  Eisa  fait  le  don  de  sa  main,  décline,  en  ac- 
ceptant la  couronne,  le  titre  de  duc,  qu'il  entend  remplacer 
par  celui  de  Protecteur  du  Brabant,  et  invite  ses  nouveaux 
sujets  à  se  préparer  sans  retard  aux  combats  où,  accom- 
])agnant  le  roi  dans  ses  expéditions  guerrières,  ils  récol- 
teront une  nouvelle  moisson  de  gloire. 

Le  peuple,  qui  a  suivi  avec  attention  la  proclamation  du 
héraut  d'armes,  partageant  les  sentiments  du  roi  en  ce  qui 
concerne  Telramund  aussi  bien  que  son  enthousiasme  à 
l'égard  du  chevalier  inconnu,  approuve  avec  joie  ses  pro- 
jets belliqueux;  mais,  tandis  que  la  foule  devise  avec  en- 
train, il  se  forme  sur  le  devant  de  la  scène  un  groupe  de 
quatre  nobles,  mécontents  des  agissements  du  Protecteur 
et  jaloux  de  sa  nouvelle  autorité.  Voyant  leurs  malveil- 
lantes dispositions  à  l'égard  de  son  ennemi,  Frédéric 
s'approche  d'eux  sournoisement  et  leur  révèle  en  quel- 
ques mots  le  projet  de  la  lutte  qu'il  veut  entreprendre 
contre  l'étranger. 

Le  cortège  nuptial  s'avance,  et  Frédéric  n'a  que  le  temps 
de  se  dissimuler  derrière  les  seigneurs  qui  le  dérobent  à 
la  vue  de  l'assistance. 

Scène  iv.  —  Eisa  paraît  au  milieu  du  cortège,  vêtue  de 
sa  toilette  de  mariée.  Ortrude  la  suit,  également  parée 
avec  richesse  ;  mais,  au  moment  où  sa  bienfaitrice  va  mon- 
ter les  degrés  de  l'église,  elle  laisse  éclater  sa  colère  et, 
se  plaçant  vivement  entre  Eisa  et  la  porte  du  temple,  elle 
prétend  ne  pas  rester  plus  longtemps  au  second  rang  et 
reconquérir  la  place  qu'un  jugement  trompeur  lui  a  fait 


ANALYSE    DES    POÈMES  129 

perdre.  Quel  est-il,  cet  inconnu  qui  a  surpris  la  bonne  foi 
de  tous  au  détriment  d'un  chevalier  jusqu'ici  unanimement 
estimé?  Peut-il  justifier  de  sa  noblesse?  dire  quelle  est 
son  origine  et  de  quelle  contrée  il  vient?  S'il  a  défendu  à 
celle  qu'il  épouse  de  l'interroger  à  ce  sujet,  c'est  sans  doute 
qu'il  a  de  graves  motifs  pour  garder  son  secret.  En  vain 
Eisa  cherche-t-elle  à  arrêter  ce  flot  de  paroles  haineuses, 
Ortrude  ne  cesse  le  scandale  qu'en  voyant  approcher  le 
cortège  du  roi. 

Scène  v.  —  Le  souverain,  n'ayant  entendu  que  de  loin 
le  colloque,  demande  quelle  en  était  la  cause,  et  le  fiancé, 
apprenant  ainsi  la  noirceur  d'âme  d'Ortrude,  la  chasse  avec 
énergie.  Après  ce  rapide  incident,  le  cortège  se  reforme  et 
se  prépare  à  entrer  dans  l'église,  lorsque  Frédéric,  à  son 
tour,  en  arrête  la  marche  et,  malgré  la  foule  qui  veut  l'é- 
carter, s'approche  du  roi  et  profère  l'accusation  qu'il  avait 
préparée  contre  son  adversaire  :  il  le  déclare  formellement 
coupable  d'avoir  surpris  la  confiance  générale  au  moment 
du  combat,  et  prétend  vouloir  au  moins  connaître  le  nom 
et  l'origine  de  celui  qui  lui  a  ravi  l'honneur.  Le  roi  et 
toute  l'assemblée  attendent  anxieusement  la  réponse  du 
chevalier,  qui,  se  défendant  de  toute  déloyauté,  refuse  de 
révéler  son  origine  à  Telramund.  Il  n'est  qu'une  seule 
personne  à  qui  il  répondra  si  elle  le  demande,  c'est  Eisa, 
qui,  troublée,  ne  pose  pas  néanmoins  la  fatale  question; 
mais  on  la  sent  inquiète  au  fond  de  l'âme,  car  le  venin 
produit  son  effet.  Le  roi  et  les  seigneurs  brabançons  ne 
doutent  pas,  eux,  du  parfait  honneur  du  Protecteur  du 
Brabant;  toutes  les  sympathies  du  souverain  comme  celles 
du  peuple  sont  pour  lui.  Cependant  Frédéric  et  Ortrude 
considèrent  à  l'écart  leur  victime,  Eisa,  et  suivent  sur  ses 
traits  les  dangereuses  pensées  que  leurs  perfidies  ont  fait 
naître   en  elle.   Tandis  que  le  souverain  prodigue  à  son 


130  VOYAGE    A    BAYREUTH 

protégé  de  nobles  paroles  de  confiance,  le  traître  s'ap- 
proche à  la  dérobée  d'Eisa  anxieuse  et  effrayée;  il  lui 
conseille,  pour  s'attacher  à  jamais  son  époux  et  se  rendre 
maîtresse  du  charme  qui  le  liera  pour  toujours,  de  con- 
sentir à  accepter  son  appui  à  lui,  Frédéric.  Il  lui  déclare 
qu'il  sera  cette  nuit  même  aux  abords  de  l'appartement 
nuptial,  prêt  à  répondre  à  son  premier  appel.  Le  fiancé 
d'Eisa,  surprenant  cet  odieux  aparté,  marche  menaçant 
vers  son  ennemi,  dont  il  devine  les  ténébreuses  menées. 
Il  le  chasse  et  demande  une  dernière  fois  à  Eisa  si  elle  a 
assez  confiance  en  lui  pour  ne  jamais  chercher  à  pénétrer 
son  origine;  sur  la  réponse  affirmative  et  passionnée  de 
celle-ci,  il  la  conduit  à  l'autel,  accompagné  des  vœux  de 
tout  le  peuple.  Les  cloches  sonnent  à  toute  volée,  les 
orgues  se  font  entendre  dans  l'église,  et  la  fiancée,  qui, 
au  moment  de  pénétrer  dans  le  temple,  a  rencontré  une 
dernière  fois  le  regard  menaçant  d'Ortrude,  franchit  le 
portail  en  se  serrant,  effrayée,  contre  son  époux. 

3™«  Acte. 

Scène  i.  —  La  première  scène  nous  fait  entrer  dans 
la  chambre  nuptiale,  richement  décorée.  A  droite,  près 
d'une  fenêtre  largement  ouverte  sur  des  jardins,  se  trouve 
un  lit  de  repos  très  bas.  A  gauche,  porte  donnant  sur  des 
appartements.  Au  fond,  une  autre  porte  par  laquelle  entre 
le  cortège  accompagnant  les  nouveaux  époux,  Eisa  entou- 
rée de  ses  femmes,  et  le  Protecteur  escorté  du  roi  et  des 
nobles. 

Les  seigneurs  et  les  femmes  chantent  un  chœur,  offrant 
leurs  vœux  au  jeune  couple,  puis  le  roi  présente  Eisa  à 
son  époux;  des  pages  enlèvent  ensuite  au  chevalier  le 
riche  manteau  que  portaient  ses  épaules,  pendant  que  les 
suivantes  otent  également  à  Eisa  le  vêtement  qui  couvrait 


ANALYSE    DES    POEMES  131 

sa  robe  nuptiale;  puis  l'assistance,  après  avoir  salué  les 
mariés,  s'éloigne  en  continuant  ses  chants,  qui  se  perdent 
peu  à  peu. 

Scène  ii.  —  Eisa,  accablée  par  une  douce  émotion,  tombe 
dans  les  bras  de  son  amant,  qui  l'entraîne  vers  le  lit  de 
repos,  où  il  la  tient  tendrement  enlacée.  Il  murmure  à  son 
oreille  des  paroles  d'amour,  auxquelles  elle  répond  avec 
ardeur  :  leurs  cœurs,  avant  de  se  connaître,  s'étaient  déjà 
entendus  et  compris.  Ne  Favait-elle  pas  déjà  vu  en  rêve, 
celui  que,  dans  sa  détresse,  elle  avait  appelé  pour  la  dé- 
fendre? et  lui,  à  cet  appel  lointain,  n'était-il  pas  accouru, 
attiré  par  la  force  invincible  de  l'amour? 

Il  redit  alors  passionnément  le  nom  de  la  bien-aimée, 
qui  déplore  de  ne  pouvoir  à  son  tour  prononcer  celui  de 
l'époux  auquel  elle  s'est  donnée  tout  entière  ;  pourquoi  ne 
consentirait-il  pas  à  le  lui  révéler  maintenant  qu'ils  sont 
seuls  et  que  nulle  oreille  indiscrète  ne  peut  les  entendre? 
Il  feint  de  ne  pas  comprendre  ces  paroles  et,  l'embras- 
sant avec  tendresse,  il  l'entraîne  près  de  la  fenêtre  pour 
respirer  avec  elle  les  parfums  enivrants  qui  montent  des 
fleurs.  Mais  Eisa,  obsédée  par  la  fatale  idée  que  lui  ont 
suggérée  Orlrude  et  Frédéric,  réitère  sa  question,  se  fait 
plus  pressante  ;  en  vain  son  époux  la  conjure-t-il  d'avoir 
en  lui  la  confiance  absolue  que  lui  a  eue  en  elle  alors  que, 
sans  preuves,  il  a  cru  en  son  innocence  et  s'en  est  porté 
garant,  Eisa  insiste;  le  chevalier,  pour  la  calmer,  lui 
assure  qu'elle  n'a  rien  à  craindre  de  son  origine,  qui  est 
plus  élevée  même  que  celle  du  roi,  et  que  la  région  d'où 
il  vient  est  splendide  et  divine. 

Ces  paroles  ne  font  qu'exciter  la  fièvre  de  curiosité 
d'Eisa,  qui  se  change  bientôt  en  un  véritable  délire  :  elle 
croit  voir  arriver  le  cygne  venant  lui  ravir  son  héros,  et, 
au  comble  de  l'angoisse  et  de  la   déraison,  elle  formule 


132  VOYAGE    A    BAYREUTH 

nettement  les  questions  fatales  qu'elle  s'était  engagée  par 
serment  à  ne  jamais  poser.  Fût-ce  au  prix  de  sa  vie,  elle 
veut  connaître  le  nom  de  son  époux,  savoir  qui  il  est  et 
d'où  il  vient 

A  peine  a-t-elle  prononcé  ces  mots,  qu'il  a  vainement 
essaA^é  d'arrêter  sur  ses  lèvres,  que  Frédéric  et  les  quatre 
nobles  brabançons  qui  l'accompagnent  font  irruption  dans 
la  pièce,  brandissant  leurs  armes.  Eisa,  revenant  à  elle,  se 
précipite  sur  l'épée  de  son  chevalier,  qu'il  avait  déposée 
sur  le  lit  de  repos,  et  la  lui  donne;  il  fond  sur  Frédéric  et 
l'étend  d'un  seul  coup  mort  à  ses  pieds.  Les  compagnons 
du  traître,  effrayés,  tombent  aux  genoux  du  héros,  tandis 
qu'Eisa,  épuisée,  s'évanouit  entre  les  bras  de  son  époux, 
qui  la  considère  avec  douleur.  11  ordonne  alors  aux  quatre 
nobles  de  porter  le  corps  de  Telramund  au  tribunal  du 
roi;  puis,  appelant  les  femmes  d'Eisa,  il  leur  commande 
de  parer  leur  maîtresse  et  de  la  conduire  devant  le  sou'- 
verain,  en  présence  de  qui  il  répondra  aux  néfastes  ques- 
tions qu'elle  a  eu  la  triste  imprudence  de  lui  poser. 

Un  rideau  vient  voiler  toute  la  scène.  On  entend  des 
trompettes  et  des  fanfares  guerrières. 

Scène  m.  —  Quand  la  toile  se  relève,  la  scène  repré- 
sente de  nouveau  le  cours  de  l'Escaut,  la  place  où  avait 
atterri  la  nacelle,  la  prairie  et  le  chêne  :  le  même  décor 
qu'au  premier  acte. 

Les  nobles  brabançons  qui  se  réunissent  pour  aller 
combattre  sous  la  bannière  royale,  défilent  les  uns  après 
les  autres,  suivis  de  leurs  écuyers  et  de  leurs  porte-éten- 
dard; les  comtes  acclament  l'arrivée  du  roi  Henri,  qui  les 
remercie  de  leur  noble  ardeur.  On  n'attend  plus  que  le 
Protecteur  du  Brabant;  mais  soudain  des  exclamations 
d'effroi  retentissent,  à  la  vue  des  quatre  nobles  portant  le 
cadavre   de  Telramund  sur  une  civière.  Eisa  suit,  pâle  et 


ANALYSE    DES    POÈMES  133 

défaite,  et  le  roi,  qui  s'est  avancé  à  sa  rencontre,  lai  de- 
mandant la  cause  de  son  trouble,  la  conduit  à  un  siège 
élevé  disposé  pour  elle,  puis  il  revient  prendre  sa  place 
sous  le  chêne. 

Le  chevalier  paraît  alors,  vêtu  de  son  armure  d'argent; 
il  s'avance  seul  et  sans  escorte;  son  visage  est  empreint 
d'une  profonde  tristesse,  et  il  répond  au  bienveillant 
accueil  du  souverain  en  exprimant  la  douleur  qu'il 
éprouve  de  ne  pouvoir  conduire  ses  armées  au  combat.  Il 
n'est  venu  à  ce  rendez-vous  que  pour  remplir  de  pénibles 
devoirs  :  tout  d'abord,  se  justifier  d'un  acte  qu'il  a  dû  ac- 
complir pour  défendre  sa  propre  vie;  et  il  raconte  le  guet- 
apens  dont  il  a  failli  être  victime  de  la  part  de  Telramund. 
Etait-il  bien  dans  son  droit  en  tuant  son  ennemi,  et  son 
souverain  l'absoudra-t-il  ?  Henri  le  rassure  sur  la  légi- 
timité de  sa  cause  et  se  détourne  avec  horreur  du  cada- 
vre du  traître  exposé  à  sa  vue. 

Alors  le  héros,  poursuivant  sa  triste  mission,  accuse 
hautement  et  devant  tous  la  femme  qu'il  aime,  d'avoir 
manqué  à  la  promesse  qu'elle  lui  avait  solennellement  faite 
à  cette  même  place,  et  maintes  fois  renouvelée.  Aveuglée 
par  les  perfides  conseils  de  ses  ennemis,  elle  a  follement 
trahi  son  serment,  et,  puisqu'elle  l'exige,  c'est  ici,  en  pré- 
sence de  tous,  qu'il  va  lui  livrer  le  redoutable  secret  dont 
tous  deux  payeront  la  révélation  par  la  perte  de  leur 
bonheur  : 

Dans  une  contrée  mystérieuse  et  lointaine,  sur  un  som- 
met vierge  de  tout  contact  profane,  s'élève,  au  milieu  d'un 
château  magnifique,  un  temple  qui  n'a  son  égal  dans  nul 
autre  pays.  Dans  ce  temple  on  garde  un  vase  précieux 
apporté  autrefois  par  une  légion  d'anges,  et  qui  ne  doit 
avoir  pour  gardiens,  dans  son  tabernacle  sacré,  que  des 
chevaliers  de  la  plus  pure  et  la  plus  noble  essence.  Ce 


k 


134  VOYAGE   A    BAYREUTH 

vase  est  doué  d'une  force  divine  et  miraculeuse,  qu'une 
colombe,  descendant  des  célestes  régions,  vient  renouve- 
ler une  fois  l'an  :  ce  vase,  c'est  le  Saint-Graal. 

Quiconque  est  élu  son  gardien  reçoit  par  ce  fait  même 
un  pouvoir  surnaturel,  mais  à  la  condition  expresse  qu'il 
ne  laisse  pénétrer  son  secret  par  aucun  être  humain;  car, 
aussitôt  sa  qualité  connue,  s'il  restait  au  milieu  des  hom- 
mes, il  serait  déchu  de  sa  force  et  de  sa  puissance;  donc 
ce  qui  obligeait  le  héros  à  cacher  si  rigoureusement  son 
origine,  c'est  qu'il  est  l'un  des  serviteurs  du  Graal.  Son 
père,  Parsifal^,  est  le  prince  de  ces  chevaliers,  à  la  légion 
glorieuse  desquels  il  appartient,  lui,  Lohengrin. 

A  ce  nom  prononcé  pour  la  première  fois,  toute  l'assis- 
tance se  sent  envahie  par  un  saint  respect;  Eisa  suc- 
combe sous  l'empire  de  l'émotion,  et  Lohengrin,  la  rete- 
nant dans  ses  bras,  lui  fait  de  tendres  et  douloureux 
adieux.  C'est  en  vain  que  l'infortunée,  comprenant  alors 
toute  l'étendue  de  sa  faute,  veut  retenir  son  époux  bien- 
aimé  et  lui  offre  de  racheter  sa  malheureuse  curiosité  par 
la  plus  dure  des  expiations  ;  c'est  en  vain  aussi  que  le 
souverain  et  les  guerriers  conjurent  le  chevalier  de  rester 
à  la  tête  de  leurs  armes  :  Lohengrin  doit  partir.  Déjà  le 
Graal  s'irrite  d'une  si  longue  absence;  mais,  avant  de  s'é- 
loigner, il  veut  laisser  une  promesse  consolatrice  au  mo- 
narque qui  l'a  accueilli  avec  une  si  noble  confiance,  et  il 
lui  annonce  solennellement  que  plus  jamais  le  sol  alle- 
mand n'aura  à  subir  la  honte  de  l'invasion  barbare.  C'est 
à  la  pureté  de  leur  souverain  que  les  vassaux  de  Henri 
devront  ce  bonheur. 

Tout  à  coup  une  clameur  partant  des   bords  du  fleuve 

1.  Tout  comme  les  Templiers,  les  Chevaliers  du  Saint-Graal  fai- 
saient vœu  de  chasteté  et  de  célibat.  Seul 'leur  Grand-Maître ,  le 
Prêtre-Roi,  en  était  relevé,  afin  de  perpétuer  la  dynastie. 


ANALYSE    DES    POEMES  135 

se  fait  entendre.  Ce  sont  les  assistants  qui  ont  aperçu  le 
cvgne  conduisant  la  nacelle,  vide  cette  fois,  comme  il  Tavait 
tait  au  début  en  amenant  le  chevalier.  Lohengrin  s'appro- 
che de  lui,  le  contemple  avec  tristesse,  lui  disant  quel  est 
son  chagrin  de  le  revoir  dans  de  si  pénibles  circonstances, 
lui  qui  avait  pensé  le  retrouver  un  jour  dans  des  contrées 
meilleures,  libre  et  dégagé  du  charme  qui  le  tient  enchaîné. 
Le  sens  de  ses  paroles  échappe  aux  assistants. 

Se  retournant  ensuite  du  côté  d'Eisa,  Lohengrin,  en 
proie  à  un  intense  chagrin,  lui  dit  combien  il  avait  espéré 
pouvoir  un  jour  lui  ramener  ce  frère  qu'elle  croyait  à  ja- 
mais perdu.  Cette  joie  lui  est  interdite,  puisqu'il  s'éloigne; 
mais  si  jamais  Godefroid  est  rendu  à  sa  tendresse,  qu'elle 
lui  donne,  au  nom  du  chevalier  disparu,  ce  cor,  qui  lui  sera 
précieux  dans  le  péril  ;  cette  épée,  qui  le  rendra  invincible  ; 
et  cet  anneau,  qui  rappellera  à  sa  mémoire  le  défenseur  de 
l'infortunée  sans  appui.  Il  dépose  des  baisers  sur  le  front 
d'Eisa,  qui  tombe  inanimée  dans  les  bras  de  ses  femmes; 
puis  il  se  dirige  vers  la  nacelle,  pendant  que  tous  manifes- 
tent une  douleur  profonde. 

Alors  paraît  Ortrude,  donnant  les  signes  d'une  joie 
cruelle;  s'adressant  à  Eisa,  elle  lui  révèle  que  le  cygne 
mystérieux  qui  remmène  à  tout  jamais  le  héros  bien-aimé 
n'est  autre  que  Godefroid  lui-même,  qu'elle  a,  par  ses 
maléfices,  transformé  ainsi,  et  qui  va  maintenant  être 
irrévocablement  perdu;  que  si  Lohengrin  était  resté,  il 
aurait  pu,  grâce  à  sa  puissance,  délivrer  l'enfant  et  ren- 
dre à  la  tendresse  de  sa  sœur  l'héritier  du  Brabant. 

Lohengrin,  qui  s'apprêtait  à  monter  dans  la  nacelle,  s'est 
arrêté  en  entendant  cette  nouvelle  révélation  de  la  noir- 
ceur d'Ortrude.  Il  tombe  à  genoux  au  bord  du  fleuve  et 
élève  au  ciel  une  ardente  et  muette  prière.  On  voit  alors 
planer  au-dessus  de  la  nacelle  une  colombe  blanche  :  c'est 


136  VOYAGE    A    BAYREUTH 

la  colombe  du  Graal.  Lohengrin  s'approche  du  cygne  el 
lui  enlève  la  chaîne  qui  l'attachait  à  la  nacelle;  le  C3'gne 
plonge  et  disparaît,  mais  au  même  moment  il  est  rem- 
placé par  un  adolescent  dans  lequel  tous  les  assistants  re- 
connaissent le  jeune  duc  de  Brabant,  Godefroid. 

Lohengrin  sélance  alors  dans  la  nacelle,  dont  la  douce 
colombe  prend  immédiatement  la  direction. 

Tandis  qu'elle  s'éloigne,  Eisa,  transfigurée  par  une  joie 
fugitive,  reçoit  son  frère  dans  ses  bras,  puis  elle  tombe 
inanimée,  voyant  que  son  bien-aimé  l'a  quittée  à  tout  ja- 
mais. Ortrude,  sentant  ses  sortilèges  déjoués,  se  traîne 
agonisante,  et  expire  de  rage,  pendant  que  les  nobles, 
heureux  de  la  délivrance  de  leur  jeune  suzerain,  l'entou- 
rent de  manifestations  enthousiastes. 


TRISTAN   ET    ISEULT 


PERSONNAGES 
selon  l'ordre  de  leur  première  entrée 


en  scène. 


Un  Jeune  Matelot  (ténor).  Personnage  épi- 
sodique. 

Iseult  (soprano).  Princesse,  quelque  peu 
ni;igicieuue,  fille  diS  souverains  d  Irlande; 
fut  liancce  à  Moi-old.  que  tua  TrisS.iu;  de- 
vient lépouse  du  roi  Marke.  Aime  Tristan, 
d'abord  eu  secret. 

Bran^aine  (soprano).  Suivante  et  confidente 
dévouée  d'Iseult. 

Kurwenal  (basse).  Écuyer;  serviteur  vieux 
et  fidèle,  passionnément  attaché  à  Tristan. 

Tristan  (ténor). Chevalier  d'origincbretonne; 
neveu  du  roi  Marke,  défenseur  du  trône  de 
Cornouailles.  Aime  Iseult ,  d'abord  en  se- 
cret. 

Les  Matelots  {chœur  :  ténors,  basses). 

Chevaliers,  Écuyers,  Hommes  d'armes 

(c/iŒur  .•  ténors,  basses). 


.1        _l. 


(invisibles. 1 


ACTE 

1  i  2  j  3 


3me 

ACTE 


1  I  2  ;  :i 


^  ..  m 


MélOt  (ténor).  L'un  des  chevaliers  du  roi 
Marke.  Traître  à  l'amitié  de  Tristan.  Aime 
Iseult  secrètement  et  se  venge  d'elle. 

Le  Roi  Marke  (basse).  Prince  géuéreux,  roi 
de  Cornouailles,  oncle  de  Tristan.  Epouse 
Iseult. 


Un  Berger  (ténor).  Personnage  épisodique, 
Un  Pilote  (basse).  —  — 


■ 


138  VOYAGE   A    BAYREUTH 


TRISTAN  ET  ISEULT 


Iseult,  princesse  d'Irlande,  a  été  autrefois  fiancée  à 
Sire  Morold,  chevalier  irlandais,  qui,  allant  guerroyer  en 
Cornouailles,  a  trouvé  la  mort  dans  un  combat  avec  Tris- 
tan, le  neveu  du  roi  Marke.  L'adversaire  peu  généreux  a 
eu  la  cruelle  ironie  d'envoyer  la  tête  de  sa  victime  à  la 
princesse,  qui  a  découvert  dans  la  plaie  profonde  un 
éclat  d'acier  provenant  de  l'arme  du  meurtrier. 

Mais  Tristan,  au  cours  de  la  lutte,  a  été  lui-même 
atteint  par  la  lame  empoisonnée  de  Sire  Morold,  et  sa 
blessure  ne  veut  pas  se  fermer;  alors  il  se  souvient  que 
la  jeune  souveraine  d'Irlande  a  le  secret  de  baumes  pré- 
cieux, seuls  capables  de  guérir  son  mal,  et  il  décide  d'aller 
lui  demander  le  secours  de  sa  science. 

Il  se  fait  conduire  en  barque,  mourant,  jusqu'en  Irlande, 
et,  se  présentant  comme  un  inconnu  à  Iseult,  sous  le  nom 
de  Tantris,  il  implore  son  assistance.  La  jeune  princesse, 
émue  des  souffrances  du  moribond,  le  soigne  avec  dé- 
vouement; mais  un  événement  imprévu  lui  fait  un  jour 
découvrir  la  vérité  :  l'épée  de  Tantris  est  celle  qui  a  donné 
la  mort  à  son  fiancé,  car  à  sa  lame  est  une  brèche  se  rap- 
portant exactement  au  fragment  d'acier  trouvé  dans  la 
blessure  de  Morold. 

Indignée^  Iseult  brandit  l'arme  sur  la  tête  de  l'impos- 
teur; elle  va  lui  porter  le  coup  fatal,  lorsque  leurs  yeux 
se  rencontrent:  le  regard  de  Tristan  supplie,  et  Iseult  lui 
fait  grâce.  Elle  tait  à  tous  le  secret  qu'elle  a  découvert; 
Tristan  retournera  sain  et  sauf  dans  son  pays  et  délivrera 
la  princesse  de  sa  vue  odieuse.  Le  chevalier  part,  après 


ANALYSE    DES    POÈMES  139 

avoir  protesté  de  sa  reconnaissance  et  de  son  dévoue- 
ment; mais,  ô  trahison!  il  revient  bientôt,  sous  son  vrai 
nom  de  Tristan  et  entouré  d'un  luxueux  appareil,  deman- 
der la  main  de  la  jeune  fille  pour  son  oncle  le  roi  Marke. 
Les  parents  d'Iseult  acceptent  l'alliance  pour  leur  fille, 
qui  par  obéissance  doit  partir  sous  la  conduite  du  cheva- 
lier pour  les  Etats  de  son  futur  époux. 

Mais  son  âme  est  secrètement  rongée  par  la  douleur  : 
car  ce  héros  qu'elle  a  sauvé  et  qui  la  trahit  si  indigne- 
ment, elle  s'en  croyait  aimée,  et  l'aime  sans  se  l'avouer, 
en  dépit  du  passé  sanglant  qui  se  dresse  entre  eux. 

Tel  est  l'état  des  choses  quand  le  rideau  s'ouvre  pour 
le  premier  acte. 

Nous  l'esquisserons,  ainsi  que  les  deux  autres,  à  très 
grands  traits  et  brièvement.  Les  situations  sont  simples, 
et  les  péripéties  peu  nombreuses  dans  le  poème  de  Tris' 
tan.  Tout  l'intérêt  du  drame  réside  dans  les  états  d'âme 
des  héros.  Comment  les  expliquer  sans  atténuer  la  poi- 
gnante émotion  qui  en  résultera  à  l'audition?  Ne  vaut-il 
pas  mieux  laisser  chacun  la  percevoir  et  la  sentir  selon 
sa  propre  nature,  que  la  déflorer  en  insistant  inutilement 
sur  des  détails  d'ordre  purement  psychologique? 

1"  Acte. 

Scène  i.  —  Iseult  est  sur  le  navire  qui  la  mène  en 
Cornouailles;  une  tente  formée  de  riches  tapisseries  est 
dressée  sur  le  pont  et  complètement  fermée  au  fond.  La 
princesse  est  étendue  sur  un  lit  de  repos;  la  mélanco- 
lique chanson  qu'un  matelot  fait  entendre  dans  la  hune 
la  blesse  et  l'irrite,  et  elle  laisse  éclater  son  désespoir 
en  apprenant  de  sa  suivante,  Brangaine,  que  la  terre  est 
proche  et  que  le  voyage  touche  à  son  terme. 

Scène  ii.    —   Elle  envoie   sa    compagne    ordonner   à 


140  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Tristan  de  paraître  devant  elle;  depuis  le  commencement 
de  la  traversée  il  l'évite  avec  persistance,  oubliant  ainsi 
tous  les  égards  qu'il  doit  à  sa  souveraine.  Brangaine  porte 
l'ordre  de  sa  maîtresse  au  chevalier,  qui,  profondément 
troublé  en  entendant  prononcer  le  nom  d'Iseult,  se  remet 
cependant,  mais  refuse,  avec  respect  et  fermeté,  de  quitter 
le  gouvernail  du  navire  confié  à  sa  garde. 

Scène  m.  —  Brangaine  vient  rapporter  à  sa  maî- 
tresse la  réponse  du  chevalier,  et  Iseult,  se  laissant  alors 
aller  à  toute  son  amertume,  révèle  à  sa  compagne  une  par- 
tie de  son  secret,  lui  raconte  les  soins  empressés  qu'elle 
donna  jadis  à  Tristan,  qui  l'a  si  mal  récompensée  de  sa 
pitié  envers  lui.  Cachant  la  vraie  cause  de  sa  douleur,  elle 
se  révolte  à  l'idée  de  devenir  l'épouse  du  prince  de  Gor- 
nouailles,  qu'elle  juge  indigne  de  sa  gloire,  à  elle  dont  la 
couronne  d'Irlande  a  ceint  le  front.  Brangaine  cherche  en 
vain  à  la  calmer  et  à  justifier  la  conduite  de  Tristan,  qui 
a,  selon  elle,  brillamment  payé  sa  dette  de  reconnaissance 
en  lui  faisant  don  d'un  royaume  aussi  beau  que  celui  de 
Cornouailles.  Iseult  reste  pensive  et,  se  parlant  à  elle- 
même,  déplore  d'être  condamnée  au  supplice  de  vivre 
toujours  près  d'un  être  accompli  auquel  elle  ne  saurait 
inspirer  d'amour.  C'est  à  Tristan  qu'elle  pense;  mais 
Brangaine,  se  méprenant  sur  le  sens  de  ses  paroles, 
l'engage,  si  elle  craint  de  n'être  pas  assez  aimée  du  roi 
Marke,  à  avoir  recours  aux  philtres  merveilleux  que  sa 
mère,  la  reine  d'Irlande,  lui  a  remis  à  son  départ.  Il  en 
est  un  qui  soumet  infailliblement  ceux  qui  le  boivent  à  la 
puissance  de  l'amour.  Iseult  accueille  avec  une  sombre 
résolution  le  conseil  de  sa  suivante  et  se  fait  apporter  par 
elle  le  précieux  coffret  contenant  les  breuvages  magiques. 
Mais  ce  n'est  pas  le  philtre  amoureux  qu'elle  choisit;  il 
lui  en  faut  un  plus  puissant  encore,  et  elle  s'empare  du 


ANALYSE    DES    POEMES  141 

flacon  rempli  de  la  liqueur  de  mort  :  c'est  celle-là  qu'elle 
fera  prendre  à  Tristan. 

Scène  iv.  —  Il  faut  se  liâter,  car  la  terre  est  proche  : 
déjà  l'on  aperçoit  le  pavillon  d'allégressse  qui  flotte  au 
faîte  du  château  royal.  Kiir^venal,  l'écuyer  fidèle  du  che- 
valier, vient  annoncer  l'entrée  au  port.  Iseult  alors  fait 
demander  à  Tristan  un  moment  d'entretien  et  ordonne  à 
Brangaine  épouvantée  de  verser  dans  une  coupe  le  breu- 
vage fatal;  en  vain  la  suivante  éperdue  essaye-t-elle  de  la 
détourner  de  son  fatal  dessein,  Iseult  commande,  impé- 
rieuse; elle  fait  un  violent  effort  pour  paraître  calme  à 
l'arrivée  de  Tristan,  qui  se  présente  respectueusement 
devant  elle. 

Scène  v.  —  Ils  se  considèrent  longuement  en  silence; 
enfin  Iseult,  après  lui  avoir  reproché  l'éloigneraent  dans 
lequel  il  s'est  tenu  pendant  le  voyage,  lui  rappelle  la 
dette  de  sang  qui  est  entre  eux  et  qu'elle  n'a  pas  oubliée  : 
elle  n'a  pas  pardonné  le  meurtre  de  son  fiancé;  et  puisque 
nul  homme  ne  s'est  présenté  pour  venger  le  mort,  c'est 
à  elle  de  frapper  le  coupable.  Tristan  l'a  écoutée,  pâle  et 
sombre;  il  lui  présente  le  glaive  et  est  prêt  à  mourir. 

Mais  non,  lui  dit  Iseult,  elle  ne  doit  pas  priver  le  roi 
de  son  plus  fidèle  soutien,  celui  auquel  il  doit  titre  et 
couronne;  et  si  une  fois  déjà  elle  a  épargné  le  meur- 
trier de  Morold,  elle  doit  lui  pardonner  encore.  Qu'il 
boive  donc  à  la  coupe  de  réconciliation  et  d'oubli.  Pen- 
dant que  les  matelots  poussent  des  cris  d'allégresse  à 
l'approche  de  la  terre,  Brangaine  a  été,  chancelante,  pré- 
parer le  philtre  fatal.  Iseult  lui  arrache  la  coupe  des 
mains  et  la  présente  à  Tristan. 

Tristan,  qui  a  pénétré  les  sombres  desseins  d'Iseull, 
s'empare  résolument  du  breuvage  qui  le  délivrera  des 
maux  dont  son  cœur  aussi  est  accablé;  il  le  porte  à  ses 


142  VOYAGE    A    BAYREUTH 

lèvres  et  boit;  mais  Iseult  lui  arrache  alors  la  coupe  et 
achève  de  la  vider,  puis  la  jette  au  loin. 

Tous  deux,  en  proie  à  une  émotion  intense,  se  regar- 
dent avec  extase;  dans  l'attente  du  moment  suprême, 
leurs  yeux  ne  cherchent  plus  à  celer  le  secret  qui  dévore 
leurs  âmes;  enfin  ils  tombent  dans  les  bras  l'un  de  l'autre 
et  restent  longuement  enlacés,  tandis  que  Brangaine,  se 
détournant  avec  accablement,  commence  à  mesurer  la  por- 
tée de  son  erreur  volontaire  :  au  philtre  de  mort  elle  a 
substitué  le  breuvage  d'amour!...  Les  deux  amants,  per- 
dant le  sentiment  de  la  réalité,  sont  tout  à  leur  mutuelle 
contemplation  ;  ils  s'aperçoivent  à  peine  du  mouvement 
que  produit  autour  d'eux  l'arrivée  au  port.  Iseult  revêt 
machinalement  le  manteau  royal;  Brangaine,  pour  la  rap- 
peler à  elle,  lui  révèle  alors  avec  désespoir  la  fatale  subs- 
titution qu'elle  a  osé  opérer.  Tristan  et  Iseult  se  regardent 
éperdus  ;  Iseult  tombe  évanouie  dans  les  bras  de  sa  sui- 
vante, tandis  qu«  l'équipage  acclame  joyeusement  l'arrivée 
du  roi  sur  le  navire. 

2">«  Acte. 

Scène  i.  —  Le  seuil  de  la  demeure  d'Iseult,  accédant 
par  des  degrés  à  un  parc  planté  de  grands  arbres  et  sur 
lequel  il  règne  une  nuit  d'été  claire  et  radieuse.  Une 
torche  allumée  est  placée  près  de  la  porte. 

On  entend  au  loin  des  fanfares  de  chasse  qui  s'affaiblis- 
sent peu  à  peu  et  auxquelles  Brangaine,  debout  sur  les 
marches,  prête  une  oreille  attentive.  Iseult,  en  proie  à 
une  grande  agitation,  sort  de  ses  appartements  et  inter- 
roge sa  suivante.  Elle  attend  impatiemment  que  la  chasse 
royale  se  soit  éloignée  du  palais  pour  donner  le  signal 
qui  amènera  Tristan  à  ses  pieds;  mais  Brangaine  la  sup- 
plie d'être  prudente  :   elle  soupçonne  des  pièges  tendus 


ANALYSE    DES   POÈMES  143 

autour  des  deux  amants  et  suspecte  surtout  Mélot,  qui, 
dès  la  première  heure,  alors  que  le  roi  venait  sur  le  pont 
du  navire  recevoir  sa  fiancée,  scrutait  l'attitude  agitée  de 
Tristan  et  d'Iseult  et  a  dû  découvrir  la  cause  du  trouble 
qui  régnait  dans  leurs  âmes.  Depuis,  il  les  épie  constam- 
ment; et  cette  chasse  nocturne  organisée  à  son  instiga- 
tion doit  cacher  un  piège,  celer  quelque  perfidie.  Malgré 
les  protestations  de  la  reine,  qui  a  une  foi  aveugle  en  la 
fidélité  de  Mélot,  le  confident,  lami  de  Tristan,  Bran- 
s^aine  se  désole  de  la  désobéissance  qui  lui  a  fait  substi- 
tuer le  philtre  d'amour  au  breuvage  fatal;  mieux  eût  valu 
le  sombre  et  bref  dénouement  que  ces  cruelles  angoisses. 
Elle  s'accuse  amèrement  de  tous  les  maux  qui  peuvent 
fondre  sur  sa  maîtresse. 

—  Non,  lui  dit  celle-ci,  Brangaine  n'est  pas  coupable; 
dame  Minne^  a  tout  fait  :  c'est  elle,  à  qui  la  vie  et  la  mort 
sont  soumises,  qui  a  transformé  la  haine  en  amour;  Iseult 
est  désormais  sa  vassale  et  subira  aveuglément  ses  arrêts. 

Malgré  Brangaine  qui  l'exhorte  à  la  prudence,  elle  ar- 
rache la  torche  et  l'éteint  sur  le  sol  :  c'est  le  signal  con- 
venu avec  Tristan.  Brangaine  se  détourne  consternée  et 
monte  lentement  l'escalier  qui  conduit  à  la  plate-forme 
de  la  maison. 

Iseult  alors  fouille  du  regard  1  avenue,  cherchant  à  voir 
dans  la  nuit;  enfin  ses  gestes  indiquent  qu'elle  a  aperçu 
le  bien-aimé;  son  émotion  est  à  son  comble. 

ScÈNii  II.  —  Tristan  entre  impétueusement;  ils  se  pré- 
cipitent dans  les  bras  l'un  de  l'autre  d'un  élan  passionné. 
Leurs  cœurs  débordent  d'amour  et  de  ravissement;  ils 
maudissent  la  lumière  du  jour,  si  hostile  à  leur  bonheur; 
n'est-ce  pas  le  jour  qui  amena  Tristan  en  Irlande  afin  de 

1.  Minue  personnifiait  l'amour.  Elle  était  la  protectrice  des  amants. 


144  VOYAGE   A   BAYREUTH 

solliciter  Iseult  pour  le  roi  Marke?  le  jour  encore  qui,  bai- 
gnant le  chevalier  d'une  fausse  lueur,  l'avait  fait  paraître 
digne  de  haine  à  celle  qui  déjà  le  chérissait  du  fond  du 
cœur?...  Ah!  que  n'ont-ils  pu,  les  deux  amants,  s'ense- 
velir à  tout  jamais  dans  le  doux  crépuscule  de  la  nuit  et 
de  la  mort,  qui  eût  indissolublement  uni  leurs  âmes,  leurs 
destinées!...  Ils  s'asseyent  sur  un  banc  de  fleurs  et  se 
tiennent  longuement  enlacés,  appelant  le  trépas  si  ardem- 
ment désiré  par  eux. 

Tandis  qu'absorbés  dans  leur  extase  ils  laissent  s'en- 
voler les  heures  et  perdent  la  notion  du  temps,  Brangaine, 
qui  veille  en  haut  de  la  plate-forme,  les  avertit  que  le 
jour  redouté  se  lève  et  ramène  avec  lui  le  danger.  Par 
deux  fois  elle  les  arrache  à  leur  mutuelle  contemplation; 
puis  on  l'entend  pousser  un  cri  d'alarme,  et  en  même 
temj3s  le  brave  et  dévoué  Kurwenal  entre  précipitamment 
le  dos  tourné  et  jouant  de  son  épée. 

Scène  m.  —  Derrière  luise  pressent  tumultueusement, 
suivis  de  quelques  courtisans,  Mélot  et  le  roi  Marke,  qui 
s'arrêtent  en  face  du  couple  et  le  considèrent  attentive- 
ment avec  des  expressions  diverses.  Brangaine  est  ac- 
courue auprès  de  sa  maîtresse,  qui  s'est  détournée  et  de- 
vant laquelle  Tristan,  d'un  mouvement  instinctif,  a  étendu 
son  manteau  pour  la  dérober  aux  yeux  des  arrivants. 

Mélot  se  vante  au  roi,  qui  est  resté  frappé  d'une  dou- 
loureuse stupeur,  du  service  signalé  qu'il  vient  de  lui 
rendre  et  dont  le  prince  n'a  pas  le  triste  courage  de  le 
remercier.  Il  est  tout  à  la  profonde  douleur  que  lui  cause 
l'affreuse  découverte  qu'il  vient  de  faire.  Ce  Tristan,  qu'il 
regardait  comme  l'honneur  et  la  vertu  mêmes,  en  qui  il 
avait  mis  l'espoir  de  ses  vieux  ans,  refusant  jusqu'alors, 
pour  lui  laisser  un  jour  intact  son  héritage,  de  prendre 
une  nouvelle  épouse  après  que  la  mort  lui  eut  ravi  la  pre- 


ANALYSE    DES    POÈMES  145 

mière;  c'est  lui,  ce  neveu  perfide  qui  lui  amena  la  beauté 
merveilleuse  que,  dans  son  adoration,  le  généreux  roi  a 
respectée  comme  Teût  fait  un  père;  c'est  lui  encore  qui, 
après  avoir  rendu,  par  la  possession  de  ce  trésor,  son  cœur 
plus  sensible  à  la  douleur,  vient  lui  faire  cette  cuisante 
blessure,  et  verse  en  son  âme  le  cruel  poison  du  doute 
envers  ce  qu'il  aimait  le  plus  au  monde.  Pourquoi  l'avoir 
précipité  dans  cet  enfer  dont  rien  ne  pourra  l'arracher 
désormais?  Tristan,  qui  a  écouté  les  reproches  du  noble 
prince  avec  une  tristesse  croissante,  lève  sur  lui  un  re- 
gard plein  de  pitié;  son  secret,  il  ne  peut  le  dire;  nul  ne 
le  saura  jamais.  Se  tournant  ensuite  vers  Iseult,  qui  le 
contemple  avec  des  yeux  suppliants,  il  lui  annonce  son 
départ  pour  la  sombre  contrée  où  sa  mère  autrefois  l'en- 
fanta dans  la  douleur  et  la  mort.  C'est  là  qu'il  offre  un 
asile  à  la  bien-aimée,  si  elle  veut  le  suivre  dans  sa  triste 
retraite.  Iseult  lui  répond  que  rien  ne  l'empêchera  de 
s'attacher  à  ses  pas,  il  n'a  qu'à  lui  montrer  la  route;  son 
amant  la  baise  doucement  au  front;  mais  alors  Mélot,  bon- 
dissant de  rage,  tire  son  épée  et  provoque  Tristan,  qui  se 
met  vivement  en  garde.  Leurs  armes  se  croisent,  et  Tris- 
tan s'affaisse,  blessé  par  son  adversaire.  Il  tombe  dans 
les  bras  de  Kurwenal,  tandis  quTseult,  éplorée,  se  pré- 
cipite sur  son  sein. 

s»»  Acte. 

Scène  i.  —  La  scène  représente  les  jardins  incultes  et 
désolés  du  vieux  manoir  de  Tristan,  Karéol,  situé  en  Breta- 
gne, surune hauteur  aubord  delà  mer.  Auloin,  on  aperçoit 
la  ligne  d'horizon  par-dessus  les  murs  à  moitié  en  ruine 
et  envahis  par  la  végétation.  Au  fond,  une  porte  de  château 
féodal  avec  des  meurtrières.  Au  milieu  de  la  scène,  à  l'om- 
bre d'un  grand  tilleul,  la  litière  sur  laquelle  repose  Tristan. 


146  VOYAGE   A   BAYREUTH 

L'infortuné  se  meurt  de  la  blessure  que  lui  a  faite  le 
traître  Mélot  ;  son  fidèle  Kurwenal  Ta  amené  dans  une 
barque,  expirant,  jusqu'au  domaine  de  ses  ancêtres  et  le 
dispute  au  trépas,  attendant  avec  une  impatience  déses- 
pérée l'arrivée  d'Iseult,  qu  il  a  envoyé  chercher  en  Gor- 
nouailles  par  un  serviteur  dévoué.  Un  pâtre,  qui  a  été 
placé  en  vigie  au  haut  de  la  falaise  pour  signaler  l'arrivée 
du  navire  portant  Iseult  dès  qu'il  poindra  à  l'horizon,  fait 
entendre  sur  son  chalumeau  une  mélodie  triste  et  plain- 
tive, à  laquelle  il  substituera  des  accents  joyeux  si  la  voile 
tant  désirée  se  montre  au  large. 

Au  lever  du  rideau,  il  a  quitté  pour  un  instant  son  poste 
d'observation,  et  vient  s'enquérir  des  nouvelles  de  son  sei- 
gneur ;  quelle  mystérieuse  et  sombre  aventure  l'a  réduit 
en  si  triste  état?  Kurwenal  refuse  de  répondre  et  l'envoie 
de  nouveau  guetter  l'horizon  désert,  où  nul  vaisseau  ne 
paraît.  Le  berger  reprend  la  mélancolique  mélopée,  dont 
le  rythme  tire  l'agonisant  de  sa  mortelle  torpeur.  Il  ne  re- 
connaît tout  d'abord  pas  les  lieux  qui  l'entourent;  le  bon 
Kurwenal  l'aide  à  rassembler  ses  souvenirs  ;  mais  la  seule 
pensée  qui  se  présente  nette  à  son  esprit  est  celle  d'I- 
seult. Son  amour  le  reprend  tout  entier,  il  appelle  éper- 
dument  la  bien -aimée,  et  une  factice  lueur  de  vie  le 
ranime  lorsque  son  fidèle  serviteur  lui  promet  la  pro- 
chaine venue  de  l'adorée.  Dans  sa  fièvre,  il  voit  défiler 
devant  ses  yeux  toute  sa  triste  vie,  sa  jeunesse  malheu- 
reuse, son  voyage  néfaste  vers  la  terre  d'Irlande  et  le 
breuvage  terrible,  cause  apparente  de  tous  ses  malheurs; 
son  exaltation  va  grandissant,  mais  ses  forces  le  trahis- 
sent, et  il  tombe  évanoui.  Kurwenal  épouvanté  le  ranime 
avec  peine.  Que  n'arrive-t-il  pas,  le  navire  qui  apportera 
la  joie  et  la  guérison  ? 

Scène  ii.  —  Soudain  une  mélodie  joyeuse  se  fait  en- 


ANALYSE    DES    POÈMES  147 

tendre  ;  c'est  le  signal  convenu  pour  annoncer  la  bonne 
nouvelle.  Déjà  Kurwenal,  qui,  sur  les  instances  de  Tristan, 
est  monté  en  haut  de  la  tour,  voit  flotter  parmi  les  voiles 
le  pavillon  d'allégresse.  C'est  Iseult  qui  arrive;  le  navire 
a  passé  le  cap  redouté  et  entre  au  port.  La  bien-aimée  fait 
des  signes,  elle  s'élance  sur  le  rivage,  et  Kurwenal  va  la 
recevoir,  laissant  Tristan  en  proie  à  la  plus  grande  agita- 
tion. Le  blessé,  croyant  désormais  pouvoir  défier  le  tré- 
pas, se  précipite  au-devant  de  son  amie;  mais  il  a  trop 
présumé  de  ses  forces  :  elles  l'abandonnent,  et  il  tombe  en 
expirant  dans  les  bras  de  l'adorée. 

La  mort,  appelée  autrefois  avec  tant  d'ardeur,  l'a  enfin 
exaucé  ;  la  nuit,  bienheureuse  adversaire  du  jour  hostile, 
l'enveloppe  de  ses  voiles.  S'agenouillantprès  de  lui,  Iseult 
l'enlace  doucement  et  le  supplie  de  la  laisser  guérii  sa 
profonde  blessure,  de  vivre  encore,  ne  fût-ce  qu'une 
heure;  mais,  le  voyant  à  jamais  sourd  à  sa  voix,  elle 
tombe  mourante  sur  le  corps  de  celui  qu'elle  a  tant  ai  né. 

Scène  m.  —  Kurwenal  a  assisté,  muet  de  douleur,  à 
cette  scène  navrante;  ses  regards  ne  peuvent  se  détacher 
de  Tristan.  On  entend  à  ce  moment  un  cliquetis  d'armes  :  le 
berger  accourt  pour  annoncer  qu'un  second  navire  vient 
d'entrer  dans  le  port.  Une  grande  confusion  se  produit 
alors.  Kurwenal,  croyant  à  une  incursion  hostile  de  la 
part  du  roi  Marke,  se  précipite  sur  Mélot,  qui  entre  un 
des  premiers,  et  le  tue.  Il  est  lui-même  blessé  mortelle- 
ment dans  la  lutte  et  vient  expirer  auprès  du  corps  de 
son  maître  bien-aimé.  Cependant,  quelle  méprise  était  la 
sienne!  Le  noble  et  magnanime  roi,  instruit  trop  tardive- 
ment ,  hélas  !  par  Brangaine ,  des  désastreux  effets  du 
philtre  et  enfin  convaincu  que  la  fatalité  seule  a  rendu 
traîtres  les  deux  êtres  qu'il  a  tant  chéris ,  venait  leur 
apporter  son  pardon  et  les  unir  à  tout  jamais.  Il  reproche 


148  VOYAGE    A    BAYREUTH 

doucement  à  Iseult  de  n'avoir  pas  su  tout  lui  avouer  ;  il 
eût  été  si  heureux  de  découvrir  l'innocence  de  son  ami  le 
plus  cher!  L'infortunée  ne  le  comprend  pas  :  d'un  œil 
hagard,  elle  contemple  la  dépouille  mortelle  de  Tristan, 
mais  déjà  son  âme  s'est  envolée  auprès  de  celle  de  son 
imant,  et  elle  expire,  transfigurée  par  la  mort  bienheu- 
reuse, dans  les  bras  de  sa  fidèle  Brangaine. 

Le  roi  Marke  bénit  les  cadavres,  au  milieu  de  l'émotion 
profonde  de  tous  les  assistants. 


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ANALYSE    DES    POEMES  149 


LES  MAITRES  CHANTEURS 


Je  crois  bien  faire  en  donnant  moins  d'extension  à  l'a- 
nalyse du  poème  des  Maîtres  Chanteurs  qu'à  celles  des 
drames,  parce  qu'ici,  même  pour  une  première  audition, 
le  spectateur  a  beaucoup  moins  besoin  d'être  renseigné. 

C'est  une  comédie  toute  faite  d'esprit  et  de  tendresse 
émue;  et  si  l'ignorance  de  la  langue  allemande  s'oppose  à 
ce  que  l'on  en  comprenne  les  nombreux  jeux  de  mots  et 
les  coq-à-l'âne,  le  caractère  gai  et  enjoué  de  la  musi- 
que, la  mimique  suggestive  des  acteurs  en  rend  la  com- 
préhension presque  aussi  aisée  que  s'il  s'agissait  d'une 
simple  pantomime. 

L'essentiel  est  de  bien  saisir  les  caractères  principaux  : 
Sachs,  c'est  le  type  de  la  bonté,  de  la  droiture,  du  bon 
sens;  Beckmesser,  son  antithèse,  c'est  le  pédant  ridicule 
et  haineux  ;  Pogner  trouve  sublime  l'idée  de  mettre  sa 
fille  au  concours  ;  David  est  un  gai  compagnon,  et  Ma- 
deleine une  brave  servante  ;  Walther  et  Eva  sont  des 
amoureux,  de  nature  avant  tout  poétique. 

Les  Maîtres  Chanteurs  en  eux-mêmes  ne  sont  nullement 
grotesques,  parce  qu'ils  sont  convaincus  :  ce  sont  de  bons 
et  honnêtes  bourgeois  qui  se  sont  érigés  en  conservateurs 
de  l'art  du  chant,  et  sont  à  cheval  sur  les  règles  tradition- 
nelles, dont  ils  n'aiment  pas  qu'on  s'écarte. 

Tous  leurs  noms  sont  rigoureusement  historiques, 
ainsi  qu'il  appert  d'un  écrit  publié  à  Altdorf,  en  1697,  par 
J.-ChristO|)he  AVagenseil;  on  y  voit  aussi  que  l'assem- 
blée des  Mailres  avait  lieu,  à  l'issue  de  l'office  de  midi,  en 
l'église  Sainte-Catherine,  aujourd'hui  fermée.  Les  déno- 


T50  VOYAGE    A    BAYREUTH 

minations  cocasses  des  divers  modes  et  les  règles  de  la 
tablature  sont  exposées  dans  ce  même  ouvrage ,  d'une 
extrême  rareté. 

Mais  il  y  avait  quatre  marqueurs  ;  Wagner  a  dû  les 
réunir  en  un  seul  pour  composer  le  désopilant  et  antipa- 
thique personnage  de  Beckmesser,  sur  le  dos  duquel  se 
joue  toute  la  pièce. 

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Scène  i.  —  L'action  a  lieu  à  Nuremberg,  au  commen- 
cement du  XVI®  siècle.  La  première  scène  se  passe  dans 
l'église  Sainte-Catherine;  le  décor,  planté  de  biais,  ne 
permet  d'apercevoir  que  les  derniers  bancs  de  la  nef,  qui 
est  censée  se  prolonger  vers  la  gauche. 

Les  fidèles  achèvent  de  chanter  un  psaume.  Deux  fem- 
mes, assises  au  dernier  rang,  fixent  l'attention  d'un  jeune 
gentilhomme,  le  chevalier  Walther  de  Stolzing,  qui,  adossé 
à  un  pilier,  ne  quitte  pas  du  regard  la  plus  jeune  d'entre 
elles,  Eva,  la  fille  de  Veit  Pogner,  orfèvre  et  bourgeois  de 
la  ville  de    Nuremberg. 

Walther  adresse  une  muette  mais  éloquente  supplication 
à  la  jeune  fille,  qui  lui  répond  timidement  par  une  mimique 
discrète  et  un  peu  confuse. 

Une  fois  l'office  terminé,  le  temple  se  vi-de  peu  à  peu,  et 
le  chevalier  s'approche  de  celle  qu'il  aime.  L'innocente 
enfant,  malgré  sa  candeur,  ne  serait  pas  fâchée  de  se  mé- 
nager un  tête-à-tête  avec  le  beau  gentilhomme;  elîe  feint, 
avec  une  ingénuité  charmante,  d'avoir  oublié  sur  son  banc, 
dans  l'église,  un  fichu,  qu'elle  envoie  reprendre  par  sa 
nourrice.  Pendant  ce  temps,  Walther  la  supplie  de  dé- 
cider de  son  sort  et  de  prononcer  le  mot  qui  encouragera 
ses  espérances  ;  depuis  son  arrivée  à  Nuremberg,  où  il 
a  reçu  une  si  cordiale  hospitalité  de  Pogner,  le  père  d'Eva, 


ANALYSE    DES    POEMES  1.51 

il  adore  la  jeune  fille  et  aspire  à  devenir  son  fiancé,  si  tou- 
tefois elle  est  libre. 

La  nourrice  est  revenue  sur  ces  entrefaites,  et  Eva,  pour 
pouvoir  prolonger  l'entretien,  l'expédie  encore  à  la  re- 
cherche d'une  broche,  tombée  en  route  probablement.  Le 
tête-à-tête  se  continue  à  souhait  pour  les  deux  amou- 
reux, car  Madeleine  à  son  tour  a  oublié  son  livre  de  psau- 
mes et  s'éloigne  une  troisième  fois.  Quand  elle  s'appro- 
che de  nouveau  et  qu'elle  voit  le  chevalier,  elle  le  remercie 
vivement  d'avoir  gardé  Eva  en  son  absence  et  l'invite  à 
revenir  voir  maître  Pogner.  N'a-t-il  pas  été  bien  accueilli 
dès  son  arrivée  à  Nuremberg,  qu'on  ne  l'ait  plus  revu? 
Mais  le  jeune  homme  déplore  cette  visite  faite  à  la  mai- 
son de  l'orfèvre,  car  depuis  qu'il  a  aperçu  Eva,  c'est 
fait  de  son  repos.  La  nourrice  se  récrie  à  cette  déclara- 
tion faite  à  haute  voix  en  plein  temple,  et  qui  va  compro- 
mettre sa  jeune  maîtresse;  elle  veut  partir,  mais  Eva  l'ar- 
rête :  elle  ne  sait  comment  répondre  elle-même  àWalther 
qui  demande  si  elle  est  fiancée,  et  désire  que  sa  compa- 
gne parle  pour  elle.  Madeleine,  un  instant  distraite  par 
la  vue  de  son  amoureux,  l'apprenti  David,  qui  sort  de  la 
sacristie,  Madeleine  explique  alors  à  Walther  qu'Eva  est 
promise...  sans  l'être  :  l'orfèvre  Pogner  a  résolu  d'offrir  la 
main  de  sa  fille  comme  récompense  au  vainqueur  du  con- 
cours qui  va  s'ouvrir  entre  les  Maîtres  Chanteurs  de  Nu- 
remberg. Personne  ne  connaît  donc  encore  l'heureux  élu, 
que  du  reste  Eva  sera  libre  de  refuser  s'il  lui  déplaît. 

La  jeune  fille  appuie  vivement  sur  cette  dernière  partie 
du  récit  de  sa  nourrice  et  déclare  avec  feu  à  celle-ci,  pen- 
dant que  Walther,  en  proie  à  une  grande  émotion,  par- 
court la  salle  à  grands  pas,  qu'il  faut  absolument  qu'elle 
obtienne  le  chevalier.  Elle  s'est  sentie  à  première  vue  ga- 
gnée par  lui  ;  d'ailleurs  ne  ressemble-t-il  pas  à  David?... 


157  VOYAGE    A    BAYREUTH 

—  A  David  ?  s'écrie  la  nourrice  stupéfaite,  pensant  à  son 
promis  à  elle.  —  Oui,  réplique  Eva;  le  roi  David,  non 
celui  que  l'on  voit  sur  la  bannière  des  Maîtres,  mais  le  Da- 
vid peint  par  Diirer  et  représenté  par  le  peintre,  le  glaive 
au  côté,  la  fronde  à  la  main,  et  la  tête  auréolée  de  bou- 
cles d'or.  —  Quiproquo  compliqué,  amusant  à  la  scène. 

Ce  nom  de  David  plusieurs  fois  répété  a  attiré  l'atten- 
tion de  l'apprenti,  qui  va  et  vient,  préparant  la  séance 
qui  va  avoir  lieu  d'ici  un  instant  dans  la  sacristie  même.  A 
cette  séance  de  présentation,  on  doit  émanciper,  nommer 
Maître,  l'apprenti  qui  n'aura  pas  manqué  aux  règles  de 
la  tablature.  —  Le  chevalier  arrive  donc  à  point  pour  su- 
bir l'épreuve,  réplique  Madeleine.  —  Elle  confie  le  jeune 
gentilhomme  à  David  pour  que  celui-ci  l'initie.  Il  est 
lui-même  l'élève  de  Hans  Sachs,  aussi  bien  comme  cor- 
donnier que  comme  chanteur,  et  étudie  depuis  longtemps 
dans  l'espoir  d'obtenir  quelque  jour  la  maîtrise  :  il  ren- 
seignera donc  parfaitement  le  chevalier  sur  les  difficultés 
à  vaincre  pour  le  concours  du  lendemain  et  l'épreuve  pré- 
paratoire qui  va  avoir  lieu  immédiatement.  Et  les  deux 
femmes  se  retirent  chez  elles. 

ScÈxE  II.  —  Il  s'agit  d'abord,  explique  David,  de  gravir 
le  premier  échelon  et  obtenir  ses  lettres  de  franchise.  Mais 
l'accolade  de  Maître  Chanteur  ne  se  gagne  pas  si  prompte- 
ment,  et  il  y  a  auparavant  plusieurs  grades  à  conquérir. 
Il  faut  apprendre  à  connaître  et  à  chanter  sans  hésitation 
les  mélodies  et  les  timbres  pour  devenir  chanteur.  Et 
David,  dans  une  longue  énumération,  cite  à  Walthertous 
les  titres,  parfois  burlesques,  des  modes  avec  lesquels  il 
devra  se  familiariser  :  le  bref,  le  long,  le  traînard,  l'aubé- 
pin  parfumé,  la  tortue,  la  lige  de  cannelle,  le  veau,  la 
grenouille,  le  i)élican  fidèle,  etc.  Ensuite  il  lui  faudra 
composer  des  paroles  s'adaptant  exactement  à   l'un  des 


ANALYSE    DES    POÈMES  153 

modes  déjà  connus;  c'est  ce  qui  lui  vaudra  le  grade  de 
poète. 

Puis  enfin  vient  la  troisième  et  plus  redoutable  épreuve  : 
l'édification  d'une  œuvre  complète,  poème  et  musique, 
dans  laquelle  le  juge  ne  devra  pas  relever  plus  de  sept 
infractions  aux  règles  établies.  Si  Walther  triomphe  de 
cette  difficulté  dernière,  honneur  à  lui,  il  recevra  la  cou- 
ronne fleurie  des  vainqueurs  et  sera  proclamé  Maître 
Chanteur. 

Les  apprentis,  qui  pendant  toute  cette  scène  n'ont 
cessé  de  harceler  et  d'interrompre  David,  tout  en  aména- 
geant la  salle,  ont  finalement  apj)orté  au  milieu  du  théâtre 
une  estrade  entourée  de  rideaux  noirs;  puis  ils  dressent 
une  chaire,  un  pupitre,  et  placent  un  tableau  noir  auquel 
est  suspendu  un  morceau  de  craie  au  bout  d'une  ficelle. 
Accompagnés  de  David,  ils  souhaitent  bonne  chance  au 
candidat,  en  le  plaisantant  et  en  dansant  une  ronde  au- 
tour de  lui,  puis  ils  se  reculent  avec  respect  en  voyant 
arriver,  les  uns  après  les  autres,  les  Maîtres. 

Scène  III.  —  Un  des  membres  de  la  corporation,  Beck- 
messer,  personnage  ridicule  et  antipathique,  accom- 
pagne Veit  Pogner  et  insiste  auprès  de  lui  pour  obtenir 
la  main  d'Eva,  qu'il  convoite,  mais  dont  il  devine  n'être 
pas  aimé.  L'orfèvre  lui  promet,  sans  toutefois  s'engager 
à  rien,  sa  bienveillance,  ce  qui  ne  suffit  pas  au  grotesque 
personnage,  inquiet  sur  l'issue  de  son  projet;  aussi  ac- 
cueille-t-il  à  contre-cœur  toute  figure  nouvelle  venue  et 
dévisage-t-il  avec  malveillance  Walther  lorsque  le  jeune 
chevalier  s'approche  de  Pogner,  étonné  de  le  trouver 
dans  la  salle  des  délibérations,  lui  déclarant  qu'il  veut  af- 
fronter l'épreuve  et  se  faire  recevoir  tout  à  l'heure  membre 
de  la  compagnie.  Pogner,  au  contraire,  est  ravi  à  cette  idée 
et  promet  un  cordial  appui  au  gentilhomme. 


T54  VOYAGE    A    BAYREUTH 

L'assemblée  est  maintenant  au  complet,  Haiis  Sachs 
venant  d'arriver;  l'un  des  Maîtres  fait  l'appel,  ce  qui 
donne  lieu,  dans  le  texte  allemand,  à  une  série  de  plai- 
santeries et  de  jeux  de  mots  plus  ou  moins  spirituels  dont 
le  sens  échappe  à  la  traduction. 

Pogner  alors  prend  la  parole  pour  rappeler  de  quelle 
importance  est  la  fête  qui  doit  les  réunir  le  lendemain, 
jour  de  la  Saint-Jean.  Des  prix  sont  réservés  aux  vain- 
queurs du  concours  de  chant,  et  lui,  Pogner,  voulant 
réagir  contre  la  réputation  d'avarice  que  l'on  fait  dans 
toute  l'Allemagne  à  la  bourgeoisie,  voulant  prouver  qu'il 
ne  met  rien  au-dessus  de  l'art,  a  décidé  que  ce  qu'il  offri- 
rait comme  prix  au  triomphateur,  ce  serait  son  trésor  le 
plus  précieux,  sa  fille  unique,  Eva,  avec  tout  le  bien  cons- 
tituant son  avoir.  Une  seule  restriction  est  faite  à  cet  enga- 
gement :  Eva  sera  libre  de  refuser  le  vainqueur  s'il  ne  lui 
plaît  pas;  mais  elle  ne  pourra  toutefois  pas  choisir  un 
époux  en  dehors  de  la  corporation  des  Maîtres  Chanteurs. 

Sur  ce  discours  de  Pogner,  une  foule  de  discussions 
s'élèvent,  accompagnées  des  acclamations  bruyantes  des 
apprentis,  heureux  de  manifester  d'une  façon  tapageuse. 
Les  uns  approuvent  l'orfèvre,  d'autres  critiquent  son  idée  : 
parmi  ceux-ci  Beckmesser,  qui,  se  croyant  sûr  de  la  vic- 
toire, sent  combien  cette  condition  dernière  lui  sera  dé- 
favorable. Hans  Sachs  propose  de  joindre  le  jugement 
du  peuple  à  celui  des  Maîtres,  certain  que,  dans  son 
simple  bon  sens,  il  saura  donner  de  sages  avis  et  se  trou- 
vera tout  naturellement  d'accord  avec  le  sentiment  de  la 
jeune  fille;  les  apprentis  applaudissent  bruyamment  à 
cette  motion,  mais  plusieurs  des  Maîtres  repoussent 
l'idée,  ne  voulant  pas  laisser  le  vulgaire  s'immiscer  dans 
leurs  affaires.  L'orfèvre  ayant  fait  comprendre  à  Sachs 
combien    de    complications    entraînerait    cette   nouvelle 


ANALYSE    DES    POEMES  155 

clause,  il  y  renonce  avec  sa  caractéristique  bonne  grâce. 
Une  petite  escarmouche  a  lieu  alors  entre  le  cordonnier 
et  Beckmesser;  ce  dernier,  ayant  voulu  ridiculiser  l'ex- 
cellent Hans,  s'entend  dire  par  lui  qu'ils  sont  trop  vieux 
tous  deux  pour  aspirer  à  la  main  de  la  jeune  fille,  ce  qui 
vexe  fort  le  grotesque  personnage. 

Enfin  l'effervescence  se  calme,  et  Pogner  présente  à 
ses  collègues  le  jeune  chevalier,  de  la  noblesse  et  de  l'ho- 
norabilité duquel  il  se  porte  garant,  qui  demande  à  subir 
l'épreuve  de  Maîtrise.  Beckmesser,  voulant  créer  des  diffi- 
cultés à  celui  chez  qui  il  pressent  un  rival,  essaye  d'ajour- 
ner l  examen;  mais  les  Maîtres  passent  outre  et  se  pré- 
parent à  écouter  le  candidat,  lui  demandant  tout  d'abord 
quel  est  l'artiste  dont  il  a  reçu  les  précieuses  leçons. 

Walther  a  étudié  la  poésie,  dit-il,  dans  le  silence  des 
longues  veillées  d'hiver,  en  relisant  cent  fois  le  bouquin 
poudreux  d'un  des  plus  célèbres  Minnesingers  de  l'Alle- 
magne; c'est  donc  ce  vieux  maître  qui  lui  a  enseigné  l'art 
poétique.  Quant  à  la  musique,  il  l'a  apprise  en  enten- 
dant chanter  les  oiseaux  des  bois,  alors  qu'au  printemps 
la  nature,  débarrassée  des  frimas,  s'éveille  au  souffle  em- 
baumé du  renouveau. 

Sur  ces  explications,  les  discussions  recommencent. 
Les  uns,  Beckmesser  en  tête,  qui  n'a  cessé  de  ricaner 
pendant  les  réponses  du  gentilhomme,  déclarent  les  pré- 
tentions de  Walther  absurdes;  d'autres,  aux  idées  artis- 
tiques plus  larges,  comme  Vogelgesang,  Pogner  et  Sachs, 
préjugent  mieux  du  jeune  candidat  et  décident  la  corpo- 
ration à  l'entendre.  Walther  accepte  l'examen,  et,  pour 
gagner  le  bien  précieux  auquel  il  aspire,  il  tâchera  de 
traduire  poétiquement  et  mélodiquement  les  souvenirs  de 
son  enfance  :  il  chantera  sous  l'invocation  de  l'Amour 
dans  lequel  il  a  rais  toute  son  espérance.  Beckmesser  est 


T56  VOYAGE    A    BAYREUTH 

désigné  comme  a  marqueur  »  ;  c'est  lui  qui  s'enfermera 
dans  la  chaire  entourée  de  rideaux  apportée  tout  à  l'heure 
par  les  apprentis,  pour  inscrire  sur  le  tableau  noir  les 
fautes  de  l'aspirant;  il  s'installe  dans  son  tribunal,  après 
avoir  souhaité  la  meilleure  chance  à  son  rival,  acc<;mpa- 
gnant  ce  souhait  d'une  grimace  ironique  et  mauvaise. 

^^'akhe^  se  recueille  un  moment,  tandis  qu'un  des  Maî- 
tres, Koihtier,  qui  s'est  fait  apporter  par  les  apprentis  un 
grand  tableau  accroché  à  la  muraille,  lui  lit  les  règles  de 
la  tablature  qu'il  va  avoir  à  appliquer  s'il  veut  être  reçu; 
puis  il  monte  dans  la  chaire  réservée  aux  candidats,  et, 
après  avoir  évoqué  la  gracieuse  image  d'Eva  pour  se 
donner  du  courage,  il  entonne  la  première  strophe  de 
son  poème  musical,  dont  il  fait  un  hymne  à  la  nature,  au 
printeujps  et  à  l'amour. 

Pendant  qu'il  dit  le  premier  coujdet,  on  entend  s'agiter 
Beckmesser  dans  la  loge  du  juge  et  marquer  avec  rage 
les  fautes  sur  le  tableau  noir.  Le  gentilhomme,  un  instant 
troublé,  se  remet  et  poursuit  la  deuxième  strophe;  mais  le 
greffier,  sans  lui  laisser  le  temps  d'entamer  la  troisième, 
ouvre  les  rideaux  et  déclare  d'une  voix  criarde  que  le  nom- 
bre des  erreurs  permises  est  de  beaucoup  dépassé,  qu'il 
a  perdu  et  n'a  plus  qu'à  se  retirer.  Il  montre  alors  à  l'as- 
sernljlée  le  tableau  tellement  criblé  de  l'ageurs  coups  de 
craie,  que  tous  éclatent  de  rire.  Le  débat  recommence 
alors,  plus  vif  que  jamais;  le  jaloux  greffier,  triomphant, 
pérore  au  milieu  de  ses  confrères,  se  moquant  des  efforts 
malheureux  du  jeune  chevalier  et  ralliant  à  son  avis  tous 
les  vieux  Maîtres  routiniers  qui  n'ont  pas  su  comprendre 
quelle  fraîche  poésie  émanait  de  l'œuvre  de  Walther;  de 
leur  côté,  les  partisans  du  gentilhomme,  Pogner  et 
Sachs,  défendent  la  forme  nouvelle  qu'il  a  adoptée;  Sachs 
réclame  au  moins  pour  son  protégé  que  l'on  veuille  bien 


ANALYSE    DES    POEMES  157 

l'entendre  jusqu'au  bout  :  il  a  régulièrement  le  droit  de 
terminer  l'épreuve;  et  d'ailleurs,  ajoute  le  poète-cordon- 
nier, est-il  bien  juste  qu'il  soit  jugé  par  celui-là  même  qui 
est  son  rival  en  amour?...  A  ces  mots,  le  dépit  de  Beck- 
messer  ne  connaît  plus  de  bornes.  En  vain  Pogner  veut- 
il  calmer  l'efTervescence  générale  :  la  plupart  des  Maîtres 
prennent  fait  et  cause  contre  Wallher,  très  énervé  lui-» 
même,  et  qui  n'a  guère  pour  le  défendre  que  le  bienveil- 
lant Sachs,  dont  l'âme  d'artiste  sympathise  avec  celle  du 
jeune  homme. 

Beckmesser  recommence  avec  un  nouvel  acharnement 
sa  campagne  de  dénigrement  ;  tous  se  rangent  de  son  côté, 
et  c'est  au  milieu  du  tumulte  général  que  Wallher,  remon- 
tant à  la  tribune,  entonne  sa  troisième  et  dernière  stro- 
phe, dont  il  fait,  dans  l'excilalion  du  désespoir,  une  cri- 
tique amère  à  l'égard  de  ses  persécuteurs. 

Le  bon  Sachs  admire  la  courageuse  attitude  du  gentil- 
homme; mais  elle  ne  sert  qu'à  lui  attirer  plus  encore  le 
mécontentement  des  entêtés  bourgeois,  qui  déclarent, 
à  l'unanimité,  qu'il  a  perdu,  perdu  sans  appel.  Tout  le 
monde  se  sépare  avec  agitation.  Les  apprentis,  se  mê- 
lant aux  Maîtres,  ajoutent  encore  au  désordre  et  à  la  con- 
fusion. Ils  entament  de  nouveau  une  ronde  folle  autour 
de  la  loge  du  marqueur  et  essayent  d'entraîner  dans  leur 
sarabande  Sachs,  qui,  resté  enfin  seul,  témoigne  par  un 
geste  expressif  de  toute  sa  déconvenue  et  de  son  décou- 
ragement. Les  assistants  se  dispersent. 

2«"  Acte. 

Scène  i.  —  La  scène  représente  un  côté  de  rue  à  Nu- 
remberg, coupé  au  milieu  par  une  ruelle  qui  va  tourner 
à  l'arrière-plan.  Le  coin  qu'elle  forme  à  droite  est  oc- 
cupé par  la  maison  de  Pogner,   riche  habitation  bour- 


158  VOYAGE    A    BAYREUTH 

geoise  à  laquelle  on  accède  par  quelques  marches  :  en 
haut  du  perron,  une  porte  à  voussure  avec  des  bancs  de 
pierre.  Devant  la  maison,  un  tilleul  au  milieu  d'un  massif 
d'arbustes,  et  devant  le  tilleul,  un  banc.  Le  coin  de  gau- 
che est  formé  par  la  demeure,  plus  modeste,  de  Hans 
Sachs;  la  porte  de  son  atelier  de  cordonnier,  divisée  ho- 
rizontalement en  deux  vantaux,  ouvre  directement  sur  la 
rue  et  pst  ombragée  par  un  sureau  touffu.  La  maison  a, 
du  côlf  delà  ruelle,  deux  fenêtres,  dont  la  première  appar- 
tient à  l'atelier,  et  la  seconde  à  la  chambre  de  l'apprenti 
David. 

L'acte  se  passe  pendant  une  belle  soirée  d'été,  la  nuit 
tombe  peu  à  peu.  David  et  d'autres  apprentis  ferment 
avec  des  volets  les  boutiques  de  leurs  maîtres,  tout  en 
chantant  et  en  célébrant  d'avance  la  fête  de  la  Saint-Jean 
qui  doit  avoir  lieu  le  lendemain.  Les  garnements  accom- 
pagnent de  leurs  lazzi  leur  camarade  David  en  essayant 
d'imiter  la  voix  de  Madeleine,  qui  sort  sans  bruit  de  la 
maison  de  l'orfèvre,  un  panier  au  bras,  et  appelle  à  voix 
basse  son  amoureux,  à  qui  elle  apporte  des  friandises, 
mais  auquel  elle  veut  avant  tout  demander  des  nouvelles 
de  l'examen  de  chant  qui  a  eu  lieu  le  matin.  Le  chevalier 
est-il  sorti  victorieux  de  l'épreuve  ?  Sur  la  réponse  néga- 
tive de  David,  elle  lui  retire  vivement  le  panier,  dans  le- 
quel il  plongeait  déjà  :  il  n'y  a  pas  de  récompense  pour 
le  porteur  de  mauvaises  nouvelles;  et  elle  rentre  à  la 
maison  en  manifestant  sa  désolation  par  des  gestes  ex- 
pressifs. Les  apprentis,  qui  avaient  suivi  la  scène  de  loin, 
se  rapprochent  de  leur  camarade  penaud,  qu'ils  félicitent 
de  la  bonne  fortune  qu'il  a  d'épouser  une  vieille  fille,  et 
dansent  autour  de  lui;  David,  furieux,  va  leur  distribuer 
des  coups,  lorsque  Sachs,  sortant  de  sa  boutique,  demande 
la  raison  de  tout  ce  bruit  et  renvoie  dans  sa  chambre  le 


ANALYSE    DES    POÈMES  159 

leuiie  Datailleur,  qui,  en  punition  de  sa  mutinerie,  ira  dor- 
mir sans  avoir  sa  leçon  de  chant.  Tandis  qu'ils  rentrent 
tous  deux,  les  apprentis  se  dispersent,  et  l'on  voit  appa- 
raître du  côté  de  la  ruelle  Eva  revenant  de  la  prome- 
nade, appuyée  sur  le  bras  de  son  père. 

Scène  ii.  —  Pogner,  secrètement  préoccupé  du  con- 
cours du  lendemain,  du  sort  de  sa  fille,  voudrait  causer 
avec  son  ami  Sachs,  et  regarde  par  la  fente  du  volet  si 
le  cordonnier  est  encore  éveillé;  la  jeune  fille,  soucieuse 
aussi,  sans  en  rien  vouloir  laisser  paraître,  garde  le  si- 
lence. Elle  espère  vaguement  pour  le  soir  même  la  visite 
de  celui  qu'elle  aime  et  dont  elle  n'a  pas  eu  de  nouvelles 
depuis  le  matin  ;  aussi  ne  prête-t-elle  qu'une  oreille  dis- 
traite aux  propos  de  son  père,  voulant  l'entretenir  du 
tournoi  qui  se  prépare  et  dont  elle  sera  l'héroïne  ;  elle 
insiste  pour  quitter  le  banc  où  ils  sont  assis  et  pour  re- 
gagner la  maison. 

Pogner  passe  le  premier,  et  la  jeune  fille,  restée  sur  le 
seuil,  échange  rapidement  quelques  mots  à  voix  basse 
avec  sa  nourrice  qui  la  guettait.  Elle  apprend  de  Made- 
leine l'échec  du  gentilhomme  et  forme  le  projet  daller 
en  cachette,  après  souper,  demander  de  plus  amples  infor- 
mations à  son  vieil  ami  Sachs.  Madeleine  a  encore  un 
message  pour  elle,  de  Beckmesser;  mais  celui-là  lui  im- 
porte peu  :  Eva  n'en  prend  pas  note  et  remonte  à  son  tour 
chez  elle. 

Scène  m.  —  Sachs,  api'ès  avoir  adressé  à  son  apprenti 
quelques  paroles  de  morale  sur  sa  turbulence,  lui  fait 
installer  près  de  la  porte  l'établi  et  l'escabeau  et  l'envoie 
dormir.  Quant  à  lui,  il  s'installe  avec  l'intention  d'avan- 
cer son  ouvrage;  mais,  à  peine  seul,  sa  rêverie  l'envahit 
malgré  lui;  il  quitte  son  travail,  et,  s'accoudant  au  van- 
tail de  la  porte,    il  donne  le  vol  à    ses   pensées,   qui  se 


160  VOYAGE   A    BAYREUTH 

reportent  sur  l'épreuve  du  matin  :  Quelle  poésie  dans  ce 
chant,  formé  cependant  contre  toutes  les  règles  reçues  ! 
comme  cet  hymne  au  ])rintemps  était  nouveau,  plein  de 
fraîcheur!  comme  il  émanait  d'une  âme  d'artiste,  et  qu'il 
a  su  gagner  le  cœur  du  bon  Sachs  ! 

Scène  iv.  —  Pendant  qu'il  devise  ainsi  avec  lui-même, 
Eva,  qui  est  sortie  de  sa  demeure,  s'est  approchée  de  la 
porte  de  l'atelier,  regardant  de  tous  côtés  si  on  ne  l'a 
pas  aperçue  ;  elle  souhaite  le  bonsoir  à  son  vieil  ami,  et, 
s'asseyant  près  de  lui  sur  le  banc  de  pierre,  elle  cher- 
che à  amener  la  conversation  sur  le  sujet  qui  la  préoc- 
cupe tant  :  le  concours  du  lendemain  dont  elle  doit  être 
la  récompense.  —  Qui  prendra  part  à  ce  concours,  se  de- 
mande-t-elle  ?  Le  poète-cordonnier,  qui  a  le  grade  voulu 
pour  tenter  l'épreuve,  n'aura-t-il  pas  l'idée  de  se  mettre 
sur  les  rangs  ?  —  Elle  l'interroge  d'une  manière  détour- 
née, mais  est  bientôt  rassurée  :  l'excellent  Sachs  l'aime 
comme  une  enfant  qu'il  a  vue  naître,  mais  ne  prendra  pas 
pour  femme  une  aussi  jeune  fille  :  ce  serait  folie  de  sa 
part;  d'ailleurs,  n'a-t-il  pas  été  marié  et  père  de  famille 
déjà?...  Et  il  repousse  l'idée  sur  laquelle  Eva  insiste, 
et  qui  lui  tient  peut-être  plus  au  cœur  qu'il  ne  voudrait 
se  l'avouer  à  lui-même.  —  N'a-t-il  pas  alors  le  projet  de 
favoriser  Beckmesser?  —  Non  encore,  répond  le  digne 
homme,  qui  voit  fort  bien  où  veut  en  venir  la  fine  mou- 
che; aussi  quand,  après  quelques  nouveaux  détours,  elle 
arrive  à  parler  de  l'examen  du  matin,  demandant  qui  s'y 
présentait,  ne  peut-il  s'empêcher,  en  songeant  à  l'amour 
fraîchement  éclos  dans  ce  jeune  cœur  qu'il  chérit  à  son 
insu  et  qu'on  ne  lui  donnera  jamais,  d'avoir  un  moment 
de  tristesse,  et  se  fait-il,  malgré  toute  sa  bonhomie,  un 
malin  plaisir  de  critiquer  le  chant  qu'a  produit  Walther, 
en  assurant  que  le  jeune  chevalier,   avec  ses  idées  baro- 


ANALYSE    DES    POEMES  161 

ques  et  nouvelles,  n'arrivera  jamais  à  rien  et  peut,  dès 
à  présent,  renoncer  pour  toujours  à  l'espoir  d'obtenir  le 
grade  de  Maître. 

Eva,  à  ces  mots,  ne  peut  retenir  son  dépit;  elle  se  lève 
vivement  en  déclarant  que  si  Walther  ne  trouve  pas 
grâce  auprès  des  pédants  routiniers  de  Nuremberg,  il 
sera  certainement  apprécié  ailleurs  près  des  cœurs 
chauds,  ardents  et  accessibles  au  progrès.  Puis,  sans  plus 
attendre,  elle  s'éloigne  avec  Madeleine,  qui  est  venue  l'ap- 
peler à  voix  basse. 

Le  bon  Sachs,  à  qui  l'attitude  de  sa  jeune  amie  a  appris 
ce  qu'il  voulait  savoir,  la  suit  d'un  regard  pensif  en  la 
voyant  partir  boudeuse,  et  se  promet  généreusement  de 
protéger  de  tout  son  pouvoir  ses  innocentes  amours.  li 
s'occupe  alors  à  fermer  le  vantail  supérieur  de  sa  porte, 
qui  ne  laisse  plus  passer  qu'un  mince  filet  de  lumière^ 
pendant  que  les  deux  femmes,  retirées  à  l'écart,  discutent 
vivement  à  mi-voix.  Madeleine  essaye  de  faire  rentrer 
Eva,  que  son  père  a  apj)elée  à  plusieurs  reprises  ;  mais  la 
jeune  fille  est  décidée  à  attendre  sur  la  place  le  chevalier, 
qui  ne  peut  manquer  de  venir  et  auquel  elle  veut  absolu- 
ment parler.  La  nourrice  lui  transmet  alors  le  message 
de  Beckmesser  :  ce  ridicule  soupirant  demande  à  faire 
entendre  à  sa  belle  le  chant  avec  lequel  il  concourra  le 
lendemain,  et  qu'il  va  venir  débiter  avec  accompagnement 
de  luth  sous  ses  fenêtres,  ce  soir  même,  pour  le  soumet- 
tre à  son  approbation.  Eva,  voulant  se  débarrasser  de 
lui,  envoie  Madeleine  se  poster  au  balcon  à  sa  place,  à 
la  grande  désolation  de  la  gouvernante,  qui  craint  d'exci- 
ter ainsi  la  jalousie  de  David.  Mais  Eva  n'écoute  rien; 
eUe  pousse  sa  compagne  dans  la  maison,  d'où  Pogner  ne 
cesse  de  l'appeler,  et  reste,  malgré  Madeleine  qui  cher- 
che à  l'entraîner  aussi,  sur  le  seuil,  prêtant  l'oreille  à  ua 

10 


162  VOYAGE    A   BAYREUTH 

bruit  de  pas  qui  annonce  sans  doute  la  venue  tant  dési- 
rée de  Walther. 

Scène  v.  —  C'est  en  effet  le  jeune  chevalier  qui  arrive 
par  la  ruelle.  Eva  se  précipite  à  sa  rencontre  et  lui  dé- 
clare, très  exaltée,  que,  quoi  qu'il  advienne,  c'est  lui  qu'elle 
choisit,  envers  et  contre  tous,  comme  compagnon  et 
comme  époux.  Walther,  encore  ému  et  indigné  de  son 
échec  du  matin,  raconte  à  son  amie  avec  quel  mépris  ces 
Maîtres  arriérés  l'ont  accueilli,  lui  qui,  plein  de  courage, 
réconforté  par  son  amour,  s'était  prêté  à  leurs  épreuves. 
Aussi  voit-il  bien  que  jamais  il  n'acquerra  ce  titre,  con- 
dition indispensable,  d'après  la  volonté  de  l'orfèvre,  pour 
obtenir  la  main  d'Eva  ;  une  seule  ressource  leur  reste, 
s'ils  veulent  être  l'un  à  l'autre  :  c'est  de  fuir  ensemble,  de 
conquérir  la  liberté...  Dans  sa  fièvre  et  son  excitation, 
il  croit  entendre  les  railleries  des  Maîtres  le  poursuivant 
encore  et  proclamant  leurs  prétentions  sur  sa  bien-aimée; 
farouche,  il  met  la  main  sur  la  garde  de  son  épée  ;  mais  le 
bruit  lointain  qu'il  a  entendu,  c'est  seulement  la  trompe 
du  veilleur  de  nuit  qui  fait  sa  ronde  et  invite  au  repos  les 
habitants  de  la  ville.  Les  deux  amoureux  n'ont  que  le 
temps  de  se  dissimuler  à  sa  vue  :  Eva  disparaît  dans  l'in- 
térieur de  la  maison  avec  Madeleine,  qui  est  revenue  la 
chercher,  et  Walther  se  blottit  derrière  le  tilleul  pen- 
dant que  Sachs,  qui  a  surpris  leur  conversation,  ouvre  un 
peu  plus  sa  porte  et  baisse  sa  lampe  pour  continuer  d'ob- 
server sans  être  aperçu,  se  promettant  bien  de  surveiller 
les  deux  imprudents  et  de  les  empêcher  de  commettre 
leur  folie. 

Le  veilleur  s'est  éloigné,  et  Walther  sort  de  sa  retraite, 
attendant  avec  anxiété  le  retour  d'Eva.  Elle  reparaît  bien- 
tôt, affublée  des  vêtements  de  sa  nourrice,  qu'elle  a  pris 
pour  se  mieux  cacher.   Elle    indique   déjà  à  son  ami  le 


ANALYSE    DES   POEMES  163  > 

chemin  par  lequel  ils  vont  fuir,  lorsque  Sachs,  qui  les 
guettait  de  l'intérieur  de  sa  boutique,  projette  vivement 
sur  eux  la  lumière  de  sa  lampe  à  travers  la  porte  grande 
ouverte. 

Scène  vi.  —  Les  deux  fugitifs  ainsi  éclairés  ne  savent 
à  quoi  se  résoudre  :  prendre  par  la  rue,  c'est  risquer  de 
rencontrer  le  veilleur;  s'aventurer  dans  la  ruelle  sous  les 
regards  du  cordonnier  est  impossible.  Walther  veut  al- 
ler éteindre  la  lampe  du  voisin  gênant,  mais  apprend  avec 
étonnemeat  qu'il  n'est  autre  que  ce  Sachs  qui  l'a  si  bien 
défendu  le  matin  même  et  qui,  lui  dit  Eva,  le  dénigre 
maintenant  tout  comme  les  autres. 

Sur  ces  entrefaites  se  présente  pour  eux  une  nouvelle 
difficulté,  sous  les  traits  disgracieux  de  Beckmesser  venant 
donner  sa  sérénade.  L'irritation  du  chevalier  redouble  en 
reconnaissant  son  ennemi  déclaré;  mais  Eva  le  calme  en 
l'assurant  que  le  personnage  ridicule  ne  saurait  rester 
longtemps  là  et  partira  une  fois  sa  chanson  chantée.  Ellei 
entraîne  son  ami  vers  le  banc,  et  ils  se  cachent  tous  deux 
derrière  le  buisson. 

Sachs,  qui,  à  l'arrivée  de  Beckmesser,  avait  détourné 
sa  lampe,  projette  de  nouveau  sa  lumière  dans  la  rue  au 
moment  où  le  greffier  commence  à  accorder  son  luth  pour 
chanter,  et,  s'installant  à  son  établi,  il  entonne  à  tue-tête 
un  chant  populaire,  tout  en  tapant  à  coups  redoublés  sur 
sa  forme.  Le  grotesque  Beckmesser,  furieux,  cherche  ce- 
pendant à  faire  bonne  contenance  et  entame  la  conver- 
sation avec  Sachs  pour  arriver  à  le  faire  taire  et  chanter 
à  son  tour;  mais  le  malicieux  cordonnier  ne  se  prête  nul- 
lement à  ses  combinaisons  ;  il  feint  de  croire  que  Beck- 
messer est  venu  le  presser  pour  la  livraison  d'une  paire 
de  souliers,  et  se  met  à  y  travailler  avec  ardeur,  en  re- 
doublant son  vacarme.  Le  chant  qu'il  a  choisi  a  pour  but 


164  VOYAGE    A    BAYREUTH 

rl'2xaspérer  l'horrible  greffier,  dont  la  fureur  augmente 
d'une  réjouissante  façon,  et  de  prévenir  Walther  et  Eva 
qu'un  ami  est  au  courant  de  leur  escapade  et  saura  se 
mettre  en  travers  de  leur  projet  insensé.  La  jeune  fille  est 
désolée  et  a  toutes  les  peines  du  monde  à  calmer  l'irrita- 
tion du  chevalier,  quand,  par  une  heureuse  diversion,  la 
fenêtre  d'Eva  s'ouvre  doucement  et  laisse  apercevoir,  con- 
fuse, une  forme  féminine  qui  n'est  autre  que  Madeleine 
vêtue  des  vêtements  de  sa  maîtresse.  Ce  tour  joué  à  son 
prétentieux  rival  amuse  Walther,  qui  maintenant  suit  la 
scène  avec  intérêt.  Beckmesser,  se  croyant  en  présence 
de  la  bien-aimée,  veut  absolument  lui  roucouler  sa  mé- 
lodie; aussi  prend-il  comme  prétexte  qu'il  est  venu  la 
chanter  à  Sachs  pour  avoir  son  avis;  mais  le  rusé  Hans 
décline  toute  compétence  et  s'acharne  bruyamment  sur  les 
souliers  du  greffier,  qui  semblent  concentrer  entièrement 
son  intérêt.  Beckmesser  insiste,  s'emporte;  Sachs,  sous 
une  apparente  naïveté,  continue  imperturbablement  ses 
taquineries  et  s'entête  à  ne  pas  vouloir  lâcher  son  assour- 
dissant travail.  La  situation  s'éternise  de  la  façon  la  plus 
comique  ;  le  greffier  est  sur  les  épines  :  pourvu  qu'Eva 
impatientée  ne  quitte  pas  la  fenêtre!...  Enfin  ils  finissent 
par  s'entendre  tant  bien  que  mal  :  Beckmesser,  vaincu 
par  la  ténacité  bonasse  du  cordonnier,  accepte  en  soupi- 
rant d'être  jugé  par  Hans,  qui  ne  laissera  pas  pour  cela 
ses  chers  souliers  et  marquera  les  fautes  du  poète  en 
enfonçant  à  coups  de  marteau  les  clous  dans  les  semelles. 
Le  chanteur  se  place  bien  en  vue  de  la  fenêtre  d'Eva  qui 
s'est  ouverte  toute  grande,  et  commence,  après  avoir 
préludé  sur  le  luth  que,  dans  sa  fureur,  il  a  accordé  faux, 
son  premier  couplet,  bientôt  interrompu  par  un,  puis  par 
deux,  trois  coups.  Il  se  retourne  sans  bruit,  mais  fu- 
rieux, contre  ce  nouveau  marqueur,  qui  l'arrête  à  chaque 


ANALYSE    DES    POÈMES  165 

instant  par  des  observations  sur  ses  vers  et  finit  par  l'en 
gager  tranquillement  à  recommencer  de  nouveau  son- 
chant.  Dans  ce  chant,  il  célèbre  la  journée  qui  va  bientôt 
se  lever,  le  concours  qui  va  avoir  lieu,  et  la  belle  jeune 
fille  qui  en  sera  le  prix.  Au  fur  et  à  mesure  que  son  œuvre 
se  déroule,  les  coups  de  marteau  de  Sachs  redoublent, 
s'accélèrent,  se  précipitent.  A  chacun  d'eux,  Beckmesser 
fait  une  grimace  significative  et,  pour  tâcher  de  les  étouf- 
fer, il  chante  de  plus  en  plus  fort,  donnant  ainsi  à  son 
morceau,  qu'il  voulait  langoureux  et  expressif,  une  allure 
bruyante,  saccadée  et  tout  à  fait  ridicule.  Sachs  alors  lui 
demande,  avec  le  plus  grand  sérieux,  s'il  a  fini  sa  chanson  : 
pour  lui,  Sachs,  il  a  terminé  son  travail,  grâce  aux  nom- 
breuses fautes  qu'il  a  eu  à  marquer;  pnis,  lui  donnant  en 
deux  mots  son  appréciation  peu  flatteuse  sur  son  œuvre 
poétique,  il  lui  éclate  de  rire  au  nez  et  lui  tourne  le  dos. 
Beckmesser  exaspéré,  mais  qui  n'en  veut  pas  démordre, 
continue  à  chanter  sous  les  fenêtres  de  sa  belle,  bien  que 
celle-ci  se  soit  retirée  avec  un  geste  de  désapprobation; 
il  crie  à  tue-tête  d'une  voix  de  fausset  et  fait  un  tel  bruit 
que  les  voisins  réveillés  commencent  à  se  montrer  aux 
fenêtres.  David  paraît  comme  les  autres  et,  croyant  com- 
prendre que  c'est  à  Madeleine,  qu'il  reconnaît  de  loin,  que 
s'adresse  la  sérénade,  il  bondit  dans  la  rue,  un  gourdin  à 
la  main,  et,  fondant  sur  le  grefiier,  lui  brise  son  luth  et  lui 
administre  une  volée  qui  continuera  pendant  toute  la  scène 
suivante.  Les  habitants  du  quartier  descendent  alors  dans 
la  rue  à  moitié  endormis,  et,  sous  prétexte  de  séparer  les 
deux  combattants,  se  querellent  entre  eux.  Les  apprentis 
accourent  de  toutes  parts,  enchantés  de  compliquer  le 
tumulte,  puis  les  compagnons  tisserands,  corroyeurs, 
bouchers,  potiers,  etc.,  etc.;  les  Maîtres  et  les  bourgeois 
de  la  ville,  attirés  par  le  bruit,  arrivent  à  leur  tour  ;  char-un 


166  VOYAGE    A    BAYREUTH 

se  dispute  et  bataille  avec  son  voisin  :  les  femmes  s'en 
mêlent  en  reconnaissant  leurs  maris,  leurs  frères;  la  ba- 
garre est  à  son  combl»,  le  tumulte  général,  tout  le  monde 
-crie,  est  excité,  on  ne  voit  de  tous  côtés  que  nez  qui  sai- 
gnent et  yeux  pochés.  Madeleine,  de  sa  fenêtre,  est  arrivée 
à  faire  lâcher  prise  à  David,  qui  tapait  toujours  sur  Beck- 
messer;  mais  Pogner,  qui  croit  voir  en  elle  Eva,  dont  elle 
a  les  vêtements,  la  fait  rentrer  dans  la  maison  et  lui  enjoint 
de  se  tenir  tranquille,  puis  il  descend  au  rez-de-chaussée 
et  paraît  sur  le  seuil  de  sa  porte.  Depuis  le  commencement 
de  la  bagarre,  Eva  et  Walther,  pleins  d'inquiétude,  sont 
restés  blottis  sous  le  tilleul;  mais,  profitant  du  tumulte  gé 
néral,  ils  songent  de  nouveau  à  la  fuite;  le  chevalier  s'a- 
vance Tépée  à  la  main,  suivi  de  sa  compagne,  pour  se  frayer 
un  chemin  parmi  la  foule  à  la  faveur  de  la  nuit,  car  la 
lampe  du  cordonnier  n'éclaire  plus  la  scène;  mais  Sachs, 
■qui  n'a  cessé  de  surveiller  les  tourtereaux  et  vient  de  faire 
lâcher  prise  à  David  en  l'envoyant  d'un  coup  de  pied  rou- 
ler dans  la  boutique,  tandis  que  Beckmesser  tout  éclopé 
s'enfuit  au  plus  vite,  Sachs  s'avance  au  milieu  de  la  rue  et 
pousse  Eva  vers  sa  maison,  où  l'orfèvre,  croyant  reconnaî- 
tre Madelon.  la  reçoit  et  l'enferme  vivement;  Hans  alors 
saisit  Walther  par  le  bras  et  l'entraîne  dans  sa  boutique, 
dont  il  ferme  la  porte  derrière  lui.  A  ce  moment,  les  com- 
pagnes des  belligérants  ont  l'idée,  pour  calmer  ces  furieux, 
•de  les  arroser  d'eau  en  criant  :  «  Au  feu  !  »  La  déroute  alors 
commence;  puis  on  entend  au  loin  la  trompe  du  veilleur 
■de  nuit  qui  se  rapproche  peu  à  peu;  les  bourgeois,  com- 
pagnons et  apprentis  prennent  peur,  se  dispersent  en  un 
•clin  d'oeil  et  disparaissent  dans  leurs  maisons,  dont  ils 
ferment  rapidement  fenêtres  et  portes,  de  sorte  que,  quand 
'le  veilleur  arrive  sur  la  place  pour  inviter  les  habitants  au 
repos,  le  quartier  a  repris  son  calme  accoutumé;  le  bon- 


ANALYSE    DES    POÈMES  167 

homme,  croyant  avoir  rêvé  lorsqu'il  a  entendu  les  échos 
lointains  de  la  bataille,  se  frotte  les  yeux  et  ne  trouve  plus 
qu'une  ville  endormie  dans  la  superbe  clarté  de  la  lune 
qui  vient  de  se  lever. 

3""  Acte. 

Scène  i.  —  Nous  entrons  maintenant  dans  l'atelier  de 
Sachs.  Au  fond,  la  porte  de  la  rue,  dont  le  panneau  supé- 
rieur est  ouvert.  A  gauche,  une  fenêtre  garnie  de  pots 
de  fleurs  et  donnant  sur  la  ruelle;  à  droite,  une  porte 
ouvrant  sur  un  cabinet. 

Le  cordonnier  est  assis  dans  un  grand  fauteuil  près  de 
la  fenêtre,  éclairé  par  les  rayons  d'un  soleil  matinal;  il 
est  absorbé  dans  la  lecture  d'un  gros  in-folio  qu'il  tient 
sur  ses  genoux,  et  n'entend  pas  arriver  son  apprenti,  qui, 
de  la  rue,  avance  la  tête  avec  précaution  et  jette  un  re- 
gard dans  la  pièce,  puis,  se  voyant  inaperçu,  entre  sur  la 
pointe  des  pieds  et  dépose  doucement  derrière  l'établi  un 
panier  qu'il  avait  au  bras.  Il  en  examine  avec  curiosité  le 
contenu  et  en  tire  successivement  des  fleurs,  des  rubans, 
puis  un  gâteau  et  un  saucisson,  qu'il  se  dispose  à  entamer, 
lorsque,  au  bruit  que  fait  Sachs  en  tournant  une  feuille  de 
son  livre,  il  tressaute  et  cache  vivement  ses  richesses. 
Puis,  redoutant  la  colère  de  son  maître  à  l'égard  de  sa 
pétulante  conduite  de  la  nuit  dernière,  il  entame  sa  justi- 
fication en  un  flot  de  paroles  que  Sachs,  toujours  à  sa 
lecture,  n'entend  pas.  David,  pénétré  de  son  sujet,  conti- 
nue à  plaider  sa  propre  cause  avec  une  ardeur  touchante 
et  comique  à  la  fois,  jetant  de  temps  à  autre  un  regard 
expressif  et  inquiet  sur  ses  provisions,  pour  lesquelles  il 
tremble.  Le  bon  poète  ferme  enfin  son  livre  et,  sortant 
peu  à  peu  de  sa  rêverie,  est  tout  étonné  de  voir  à  ses 
genoux  David,  que  la  frayeur  a   fait  trébucher  et  qui  le 


168  VOYAGE    A    BAYREUTH 

regarde  craintivement.  Sachs,  apercevant  les  fleurs  et  les 
rubans,  se  met  à  deviser,  tranquillement  et  sans  courroux, 
au  grand  plaisir  de  David,  de  la  fête  qui  se  prépare,  et 
fait  réciter  à  son  élève  sa  leçon,  le  verset  sur  la  Saint-Jean. 
Le  jeune  homme,  dans  son  trouble,  débite  les  paroles  du 
verset  sur  l'air  de  la  ridicule  sérénade  de  Beckmesser, 
puis,  à  un  signe  d'^étonnement  de  Sachs,  il  reprend  dans 
le  ton  juste,  cette  fois,  son  cantique,  qui  a  pour  sujet  le 
baptême  d'un  enfant  de  Nuremberg  transporté  sur  les  ri- 
ves du  Jourdain  et  nommé  Johannès  en  latin  ou  Hans  en 
allemand;  cette  transition  amène  le  chanteur  à  souhaiter 
la  fête  de  son  maître,  en  lui  offrant  avec  élan  les  fleurs  et 
friandises  qu'il  a  dans  son  panier;  il  termine  en  formant 
le  vœu  que  Sachs,  triomphant  au  concours  et  obtenant 
la  main  d'Eva,  orne  ainsi  sa  maison  d'un  gracieux  visage 
qui  y  amènerait  la  gaieté.  L'excellent  homme  lui  répond 
doucement,  mais  d'une  façon  réservée,  en  ne  lui  livrant 
pas  le  fond  intime  de  ses  pensées,  pensées  tristes  de  re- 
noncement à  un  bonheur  entrevu  et  que,  dans  son  coura- 
geux bon  sens,  il  ne  s'est  jamais  avouées  à  lui-même,  et 
il  l'envoie  se  parer  pour  la  fête  dont  l'heure  approche. 
David,  tout  ému  et  heureux  d'avoir  esquivé  sa  répri- 
mande, baise  avec  respect  la  main  de  son  maître  et  entre 
dans  sa  chambre,  pendant  que  le  poète-philosophe  re- 
prend le  fil  de  sa  rêverie,  tenant  toujours  son  in-folio  sur 
les  genoux.  Il  médite  profondément  sur  la  nature  humaine, 
si  prompte,  hélas  !  à  la  méchanceté,  à  la  querelle.  Gomme 
un  rien  suffit  à  déchaîner  les  passions,  à  faire  s'entre- 
choqu«r  les  hommes  !  Pourquoi  ces  placides  habitants  de 
Nuremberg  étaient-ils  aussi  enragés  la  nuit  dernière? 
Une  cause  inconnue,  puérile  à  coup  sûr,  les  a  déchaînés 
les  uns  contre  les  autres  :  les  effluves  d'un  sureau  en 
fleur,  l'intention  malicieuse  d'un  kobold,  la  lourdeur  de 


ANALYSE    DES    POÈMES  t69 

l'air  en  cette  nuit  de  Saint-Jean  peut-être?...  Cette  idée 
de  la  Saint-Jean  qui  surgit  tout  à  coup  dans  son  cerveau 
lui  rappelle  qu'il  a  une  tâche  à  accomplir  en  ce  jour  main- 
tenant arrivé.  Il  s'agit  de  manœuvrer  habilement  et  de 
mettre  tout  en  jeu  pour  aboutir  au  bonheur  des  deux 
enfants  dont  il  protège  les  amours. 

Scène  ii.  — A  ce  moment  la  porte  du  cabinet  s'ouvre 
et  livre  passage  à  Walther,  qui  reste  un  instant  immobile 
à  contempler  Sachs;  celui-ci  se  retourne  et  laisse  glisser 
l'in-folio  de  ses  genoux  à  terre. 

Walther,  qui  a  reçu  une  cordiale  hospitalité  de  son  pro- 
lecteur, a  passé  sous  son  toit  une  nuit  réconfortante  et 
réparatrice,  pendant  laquelle  il  a  fait  un  rêve  d'une  idéale 
beauté.  Hans  l'invite  alors  à  prendre  ce  rêve  comme  base 
de  son  Chant  de  Concours  :  car  il  veut  lui  voir  tenter 
l'aventure,  malgré  sa  déconvenue  de  la  veille.  Il  ne  faut 
pas  garder  rancune  à  d'honnêtes  gens  qui  ont  pu  se  trom- 
per en  toute  sincérité  et  ont  été  un  peu  troublés  par  la 
forme  nouvelle  et  impétueuse  du  lied  qu'on  leur  présen- 
tait. Sachs  ne  perd  nullement  espoir  de  voir  son  protégé 
réussir;  sans  cela  n'aurait-il  pas  été  le  premier  à  favori- 
ser la  fuite  et  l'union  des  deux  amoureux?  Allons,  vite 
au  travail,  et  que  Walther  compose  un  beau  chant  de 
Maître. 

Mais  d'abord,  qu'entend-on  par  chant  de  Maître  ?  ré- 
plique le  gentilhomme;  à  quoi  servent  ces  règles  étroites 
qu'ils  prétendent  imposer  à  tous?  Le  génie  peut-il  s'accom- 
moder ainsi  des  entraves  que  l'on  met  à  son  essor?  —  Cer- 
tes, lui  dit  le  bon  Sachs,  au  printemps  de  la  vie,  alors 
que  toute  l'ardeur,  la  sève  de  la  jeunesse  affluent  au  cœur, 
au  cerveau,  le  génie  peut  se  passer  des  règles  et  réussit 
souvent  sans  leur  secours  à  produire  une  œuvre  belle  et 
forte;  mais  quand  les  ans,  quand  la  vie  avec  son  cortège 


170'  VOYAGE    A   BAYREUTH- 

de  tristesses,  ont  glacé  cet  élan,  refroidi  ces  ardeurs,  ce- 
lui qui  n'est  plus  guidé  par  Tenthousiasme  et  par  les  illu- 
sions juvéniles  ne  saura  rien  créer  s'il  ne  peut  s"appuyer 
sur  la  science;  ceux  qui  se  sont  donné  la  peine  de  for- 
muler, de  grouper  ces  règles,  ont  été  justement  des  hom- 
mes éprouvés  par  les  misères  de  la  vie  et  qui  se  sont  rendu 
compte  de  la  nécessité  d'un  tel  soutien.  Et  Sachs,  après 
une  mélancolique  allusion  à  son  propre  état  d'âme,  ter- 
mine en  engageant  le  jeune  chevalier  à  commencer  sans 
retard  son  travail;  il  racontera  son  rêve,  qui  lui  servira 
de  base,  de  sujet,  et  son  maître  lui  enseignera  par  quels 
procédés  le  mettre  d'accord  avec  les  règles  des  Maîtres 
Chanteurs,  de  façon  à  ce  qu'il  puisse  être  approuvé  et  cou- 
ronné par  eux. 

Walther,  dans  une  première  strophe,  chante  d'abord, 
recueillant  ses  souvenirs,  un  merveilleux  jardin  parfumé 
des  plus  suaves  senteurs  et  s'ouvrant  à  lui  dans  la  clarté 
d'une  aube  éclatante. 

A  merveille,  lui  dit  Sachs,  qui  l'engage  à  composer 
immédiatement  la  deuxième  strophe,  pour  que  la  simili- 
tude soit  parfaite.  Walther  continue,  en  un  second  cou- 
plet, à  dépeindre  le  jardin  enchanteur,  puis,  sur  les  con- 
seils de  son  professeur,  ajoute  la  conclusion,  dans  laquelle 
il  célèbre  une  beauté  radieuse  qui  s'offre  à  ses  regards 
enivrés  et  le  mène  vers  l'arbre  de  la  vie.  Sachs,  ému  de 
la  poésie  qui  se  dégage  du  premier  bar^,  invite  le  jeune 
poète  à  en  composer  un  deuxième,  dans  lequel  Walther 

1.  «  Chaque  chant  de  Maître  ou  Bar  a  sa  mesure  régulière. ..  Un  Bar 
comprend  le  plus  souvent  différentes  strophes...  Une  strophe  se 
compose  ordinairem^ent  de  deux  Stollen  qui  se  chantent  sur  la  même 
mélodie.  Un  Stoll  se  compose  d'un  certain  nombre  de  vers;  lorsqu'il 
est  terminé,  on  l'indique  par  une  croix.  Vient  ensuite  VAbgesang 
(l'en-voi)  ;  il  comprend  aussi  un  certain  nombre  de  vers,  que  toute- 
fois l'on  chante  sur  une  autre  mélodie.  »  (Wagexseil  [1697].) 


ANALYSE    DES    POEMES  171 

met  encore  toute  son  âme.  Il  en  faudrait  un  troisième; 
mais  le  chevalier  saura  bien  l'édifier  au  moment  même  du 
concours;  il  s'agit  pour  l'instant  d'aller  revêtir  ses  vête- 
ments de  fête,  car  l'instant  solennel  approche.  Sachs,  plein 
de  confiance  sur  l'heureuse  issue  de  l'épreuve  que  va  abor- 
der son  protégé,  lui  ouvre  la  porte  de  la  chambre  et  le 
fait  passer,  avec  un  air  de  grande  déférence. 

Scène  m.  —  Beckmesser  paraît  alors  à  la  fenêtre  et, 
ne  voyant  personne,  se  risque  à  entrer.  Il  est  en  grande 
toilette,  mais  a  une  démarche  piteuse,  qui  se  ressent  en- 
core de  la  volée  que  lui  a  administrée  David  la  veille.  Il 
boite,  se  frictionne  les  membres  et  paraît  furieux;  il  fait 
des  gestes  de  colère  en  regardant  la  maison  de  Pogner  et 
la  fenêtre  d'Eva,  puis  il  va  et  vient,  et  tout  à  coup  s'arrête 
en  apercevant  sur  l'établi  le  papier  sur  lequel  Sachs  \^ent 
de  griffonner  la  composition  de  Walther.  Il  la  parcourt 
indiscrètement  et  laisse  éclater  sa  fureur,  croyant  que  le 
cordonnier  est  l'auteur  pour  son  propre  compte  de  cet 
essai  poétique.  Puis  il  cache  précipitamment  le  papier 
dans  sa  poche,  car  il  entend  s'ouvrir  la  porte  de  la  cham- 
bre; c'«st  Hans  qui  arrive,  paré  aussi  de  ses  habits  de 
fête  et  qui,  paraissant  heureusement  surpris  de  sa  visite, 
lui  demande,  sur  un  ton  de  malicieux  empressement,  com- 
ment il  se  trouve  des  souliers  terminés  et  livrés  la  veille. 
Hélas  !  les  semelles  qui  ont  servi  de  cible  aux  coups  du 
marqueur  improvisé  sont  bien  minces  et  ne  préservent 
guère  leur  propriétaire  des  cailloux  du  chemin;  mais  c'est 
bien  de  cela  vraiment  qu'il  s'agit!  Le  greÉBer  déclare  à 
Sachs  qu'il  voit  clair  maintenant  dans  son  jeu  et  lui  revau- 
dra quelque  jour  sa  traîtresse  plaisanterie  de  la  veille, 
plaisanterie  destinée  à  le  ruiner,  lui,  Beckmesser,  dans 
Tesprit  de  la  jolie  Eva,  et  au  contraire  à  servir  les  projets 
ambitieux  du  cordonnier  près  de  celle  dont  il  convoite  et 


172  VOYAGE    A    BAYREUTH 

la  personne  et  la  richesse.  Sachs  a  beau  protester  de  son 
innocence  et  de  son  peu  de  prétentions  sur  la  jeune  fille, 
le  greffier  refuse  de  le  croire  et,  voulant  le  confondre, 
lire  de  sa  poche  le  feuillet  sur  lequel  est  écrite  l'ébauche 
du  morceau  de  Walther  et  le  lui  présente.  Le  cordonnier 
raille  le  vilain  personnage  sur  le  procédé  peu  délicat 
dont  il  vient  d'user  en  dérobant  cet  essai  poétique;  et, 
pour  lui  prouver  le  peu  de  cas  qu'il  fait  de  ce  chiffon  de 
papier,  il  le  lui  abandonne.  Beckmesser  est  surpris  et 
ravi  de  posséder  une  poésie  de  Sachs  pour  lui  servir  de 
Chant  de  Concours  :  quelle  aubaine  !  Il  change  absolument 
d'allure  envers  celui  quil  vient  d'injurier  si  violemment, 
et,  après  s'être  assuré  que  le  morceau  lui  est  bien  donné 
en  toute  propriété,  que  Sachs  n'en  revendiquera  jamais 
la  paternité,  il  se  fait  bonhomme,  patelin,  flatteur,  et  s'en 
va,  toujours  clopin-clopant,  mais  triomphant,  persuadé 
que  son  talent  personnel  de  musicien,  uni  au  travail  de 
Sachs,  lui  vaudra  haut  la  main  le  prix  qu'il  ambitionne  et 
qu'aucun  rival  ne  saurait  lui  disputer.  Sachs  le  suit  du 
regard  en  souriant  et  en  songeant  que  l'acte  indiscret  de 
cette  nature  basse  et  vile  va  servir  merveilleusement  ses 
projets. 

Scène  iv.  —  A  peine  Beckmesser  a-t-il  le  dos  tourné 
que  la  mignonne  Eva,  exquise  dans  sa  blanche  toilette  de 
fiancée,  paraît  à  l'entrée  de  la  boutique;  elle  vient  sous 
prétexte  de  montrer  à  son  vieil  ami  les  souliers  qu'il  lui 
a  faits  et  qui,  prétend-elle,  ne  lui  vont  pas  et  la  blessent. 
Le  bon  Sachs  comprend  fort  bien  le  manège  de  la  rusée, 
mais  feint  de  ne  pas  s'en  apercevoir,  non  plus  que  du  cri 
qu'étouffe  la  jeune  fille  à  l'arrivée  de  Walther,  qui  se  mon- 
tre sur  le  seuil  de  la  porte,  vêtu  d'un  brillant  costume; 
Walther  reste  en  extase  devant  la  blonde  beauté  qui  s'offre 
à  ses  regards.  Sachs,  oui  tourne  le  dos,  semble  toujours 


ANALYSE    DES    POÈMES  173 

absorbé  dans  l'examen   du  fin  soulier;  il  l'enlève,  pour 
l'arranger,  du  pied  de  sa  jeune  amie,  se  dirige  vers  l'é- 
tabli comme  s'il  n'avait  rien  vu,  et  philosophe  tout  en  tra- 
vaillant; il  exprime  le  plaisir  qu'il  aurait  si,  pendant  qu'il 
accomplit  sa  besogne,  quelqu'un  voulait  lui  chanter  de 
poétiques  couplets.    Qu'il   en   a  entendu  de  jolis  tout  à 
l'heure  et  qu'il  voudrait  en  connaître  la  suite  !  Walther, 
qui  a  compris  l'invite,  se  met  à  chanter  le  troisième  bar 
de  son  Morceau  de  Concours,  qui  traite,  comme  les  autres, 
de  son  amour,  et  de  son  culte  pour  l'objet  de  sa  passion. 
Sachs,  qui  s'est  occupé  tout  le  temps  de  son  travail,  rap- 
porte les  chaussures  et  les  remet  à  Eva,  restée  jusqu'ici 
immobile  et  comme  en  extase.  Elle  comprend  alors  ce  qui 
vient  de  se  passer;  troublée  par  cette  musique  si  poéti- 
que, par  la  délicate  bonté  de  son  noble  ami,  par  son  dé- 
vouement à  leur  cause,  vaincue  par  l'émotion,  elle  éclate 
en  sanglots  et  tombe  dans  les  bras  de  Sachs,  qu'elle  jn'esse 
sur  son  cœur,  tandis  que  Walther,  s'approchant  aussi, 
serre  les  mains  de  l'homme  excellent  qui  a  tant  fait  pour 
,  lui.   Hans,  pour   cacher  l'attendrissement  qui   le  gagne, 
lui  aussi,  se  livre,  moitié  riant,  à  quelques  considérations 
plaisantes  sur  son  difficile  métier  de  cordonnier...  et  de 
confident  de  jeunes  filles  qui  cherchent  des  maris;  puis, 
pour  pouvoir  laisser  seuls  les  deux  tourtereaux,  il  feint  de 
chercher  David;  mais  Eva  le  retient;  elle  veut  lui  expri- 
mer toute  la  reconnaissance  dont  son  cœur  déborde  et 
toute  l'affection  qu'elle  éprouve  pour  lui,  affection  qui  lui 
aurait  fait  le  choisir  pour  époux  si  un  autre  amour  plus 
violent  n'avait  pris  place  en  son  cœur.  Le  bon  Sachs  re- 
pousse celte  pensée  :  s'il  l'a  eue  un  instant,  la  triste  histoire 
de  Tristan  et  Iseult  et  du  roi  Marke  lui  a  servi  d'exemple 
et  l'a  empêché  de  s'égarer  dans  un  rêve  téméraire.  Il  ne 
s'appesantit  pas   sur   ces  pensers  dangereux  et  appelle 

11 


174  VOYAGE    A    BAYREUTH 

vivement  Madeleine,  qui,  en  habits  de  fête,  rôde  autour 
delà  maison, puis  David,  paré  aussi,  et  propose  de  procé- 
der au  baptême  du  mode  nouveau  qui  vient  de  naître  de  la 
poétique  imagination  du  jeune  chevalier.  Il  s'en  déclare 
le  parrain,  désigne  Eva  comme  marraine  et  David  pour 
témoin;  mais,  comme  un  Apprenti  ne  saurait  être  appelé  à 
une  telle  dignité,  il  confère  de  suite  à  son  élève  le  grade 
de  Compagnon  et  lui  donne,  à  la  grande  joie  du  jeune 
homme,  l'accolade,  sous  la  forme  d'un  vigoureux  soufflet. 
Puis  il  offre  à  son  filleul  tous  ses  vœux  de  réussite,  qu'il 
aurait  voulu  formuler  dans  une  joyeuse  chanson,  si  son 
pauvre  cœur,  un  peu  meurtri  par  toutes  les  luttes  qu'il 
vient  de  soutenir,  lui  en  avait  laissé  les  moyens. 

Eva  et  Walther  unissent  leurs  voix  et  leurs  vœux  pour 
le  prochain  succès,  qui  les  comblerait  de  bonheur.  David 
et  Madeleine,  tout  heureux  de  voir  leurs  affaires  de  cœur 
en  si  bon  chemin,  grâce  au  grade  auquel  vient  d'être  élevé 
le  nouveau  Compagnon,  se  mêlent  à  l'allégresse  générale. 

Tandis  qu'Eva  se  rend  chez  son  père  afin  de  l'engager 
au  départ  pour  la  prairie  où  doit  avoir  lieu  le  Concours, 
et  que  David  ferme  les  volets  de  la  maison  de  Sachs, 
l'orchestre  passe  à  un  air  joyeux,  qui  se  résout  en  un 
rythme  de  marche,  et  le  rideau  se  referme  rapidement. 

Scène  v.  —  Quand  il  s'ouvre  de  nouveau,  la  scène  re- 
présente la  prairie  à  travers  laquelle  serpente  la  Pegnitz; 
et  on  aperçoit  dans  le  lointain  la  ville  de  Nuremberg;  le 
paysage  est  animé  par  des  tentes  sous  lesquelles  on  vend 
des  rafraîchissements,  et  par  un  va-et-vient  continuel  de 
bateaux  qui  déposent  sur  la  rive  les  bourgeois  et  leurs 
familles  en  grande  toilette.  Sur  le  côté  droit,  une  estrade, 
déjà  pavoisée  de  trois  côtés  avec  les  bannières  des  cor- 
porations, est  dressée  et  garnie  de  bancs.  Les  apprentis 
des  Maîtres  Chanteurs,  en  vêtements  de  fêtes,  remplissent 


ANALYSE    DES    POÈMES  175 

les  fonctions  de  commissaires  et  font  les  honneurs  aux 
nouveaux  arrivants;  ils  conduisent  et  font  placer  les  cor- 
porations, parmi  lesquelles  on  remarque  surtout  :  les  Cor- 
donniers, qui  chantent  un  couplet  en  l'honneur  de  saint 
Grépin,  lequel  volait  le  cuir  pour  faire  des  souliers  aux 
pauvres;  puis,  précédés  des  fifres  et  des  fabricants  d'ins- 
truments de  musique  pour  les  enfants,  les  Tailleurs,  qui 
proclament,  en  un  jo3'eux  chant,  la  bravoure  et  la  ruse  d'un 
des  leurs  qui  sut  sauver  la  ville  des  attaques  de  l'ennemi 
en  s'affublant  de  la  peau  dun  bouc.  Les  Boulangers  suc- 
cèdent ensuite  aux  tailleurs,  vantant  l'utilité  de  leur  mé- 
tier, sans  lequel  on  mourrait  de  faim;  mais  ils  sont  inter- 
rompus par  l'arrivée  d'une  nacelle  pavoisée  et  chargée 
de  gracieuses  jeunes  paysannes,  au-devant  desquelles  se 
précipitent,  pour  les  aider  à  débarquer,  les  Compagnons 
et  les  Apprentis;  ces  derniers  l'emportent  auprès  des 
nouvelles  venues,  qu'ils  entraînent  pour  les  soustraire  aux 
Compagnons  et  avec  lesquelles  ils  se  mettent  à  valser. 
David,  qui  fait  partie  de  la  bande  joyeuse,  prend  une 
belle  fille  par  la  taille  et  danse  avec  entrain,  effarouché 
un  instant  par  la  menace  que  lui  font  ses  camarades  de 
l'arrivée  de  Madeleine. 

Enfin,  les  Compagnons,  qui  étaient  restés  en  obser- 
vation au  débarcadère,  signalent  l'approche  des  Maîtres 
Chanteurs.  Chacun  quitte  précipitamment  sa  danseuse; 
David,  en  prenant  congé  de  la  sienne,  lui  donne  un  baiser 
enthousiaste,  et  tout  le  monde  se  range  sur  la  rive  pour 
laisser  passer  les  Maîtres  qui  se  rendent  en  cortège  jus- 
qu'à l'estrade,  ayant  à  leur  tète  Kothner  portant  la  ban- 
nière, et  Pogner  qui  tient  Eva  par  la  main.  La  jeune  fille 
est  suivie  de  compagnes  richement  parées  aussi  et  de 
Madeleine.  Le  peuple  salue  avec  joie  la  docte  Corpora- 
tion et  agite  les  chapeaux  sur  son  passage.  Eva  et  son 


176  VOYAGE    A    BAYREUTH 

père  vont  occuper  les  places  d'honneur  sur  l'estrade; 
Kothner  plante  bien  en  vue  la  bannière  des  Maîtres  Chan- 
teurs, et  les  apprentis  invitent  l'assemblée  au  silence. 

Sachs  alors  s'avance  pour  parler  à  la  foule  ;  mais  le 
peuple,  à  la  vue  de  son  poète  aimé,  celui  qui  sait  si  bien 
chanter  ses  souffrances  et  ses  espérances,  fait  retentir  de 
nouveau  des  exclamations  enthousiastes  et,  avec  une  tou- 
chante spontanéité,  entonne  un  beau  chant  que  Hans  a 
composé  jadis  et  qui  est  dans  toutes  les  mémoires  comme 
dans  tous  les  cœurs.  Sachs,  qui  pendant  tout  le  temps  est 
resté  perdu  dans  une  lointaine  rêverie,  abaisse,  ému,  ses 
regards  sur  ses  compatriotes  et  les  remercie  de  leur  ac- 
cueil. Puis,  s'adressant  aux  Maîtres,  il  leur  rappelle  com- 
bien est  élevé  le  but  du  Concours  qui  va  s'ouvrir  et 
comme  est  précieux  le  Prix  réservé  au  vainqueur.  Il  de- 
mande que  tout  poète  ait  le  droit  de  se  présenter  libre- 
ment et  sans  conditions,  pouvu  qu'il  puisse  justifier  de 
son  passé  sans  tache,  qui  sera  une  sûre  garantie  de  bon- 
heur pour  l'adorable  enfant  qui  constituera  une  si  haute 
récompense.  Pogner  remercie  en  termes  chaleureux  l'ami 
qui  a  bien  voulu  se  faire  l'exact  interprète  de  ses  senti- 
ments, puis  Sachs  désigne,  pour  subir  le  premierl'épreuve, 
Beckraesser,  qui  depuis  un  long  moment  déjà  s'efforce  en 
cachette  d'apprendre  par  cœur  la  poésie  dérobée  chez  le 
cordonnier,  et,  n'y  parvenant  pas,  s'essuie  le  front  en 
donnant  les  marques  du  plus  comique  désespoir. 

Il  quitte  l'estrade  des  Maîtres  et  se  hisse  tant  bien  que 
mal  sur  le  tertre  couvert  de  gazon  qui  doit  servir  de 
chaire  aux  concurrents,  aidé  malicieusement  par  les  Ap- 
prentis, qui  se  moquent  de  lui,  le  bousculent  et  le  font 
trébucher,  en  riant  sous  cape.  Le  peuple,  voyant  pa- 
raître ce  disgracieux  personnage,  exprime  son  étonne- 
ment  et  plaisante  à  voix  basse,  tandis  que  le  candidat. 


ANALYSE    DES    POEMES  i7/ 

après  avoir  fait  à  Eva  une  prétentieuse  révérence,  com- 
mence sur  le  thème  de  sa  sérénade  une  adaptation  de  ce 
qu'il  croit  être  les  paroles  du  manuscrit  dérobé;  mais  la 
mémoire  lui  fait  défaut,  il  s'embrouille,  perd  toute  suite 
dans  les  idées  et  se  met  à  débiter  un  flot  de  paroles  in- 
cohérentes qui  constituent  les  coq-à-l'âne  les  plus  ridi- 
cules et  exorbitants. 

La  foule  stupéfaite  commence  à  chuchoter;  lui  cepen- 
dant ne  perd  pas  son  aplomb  ni  sa  prétention,  et  continue 
de  plus  belle,  confondant,  interposant  ou  dénaturant  tous 
les  mots  de  la  poésie,  formant  ainsi  des  phrases  extrava- 
gantes; les  chuchotements  du  peuple  s'élèvent  et  finissent 
par  se  fondre  en  un  bruyant  éclat  de  rire.  Le  greffier 
ainsi  bafoué  se  retourne  furieux  vers  Sachs  et  le  dénonce 
à  tous  comme  un  fourbe  et  un  traître  qui  est  l'auteur  de 
cette  œuvre  grotesque.  Hans  ramasse  avec  calme  les  feuil- 
lets que  Beckmesser  a  froissés  et  jetés  à  terre,  et,  décla- 
rant qu'il  n'est  pour  rien  dans  cette  poésie,  désigne,  en 
montrant  Walther,  son  véritable  père  ;  à  l'appui  de  son 
dire,  il  enjoint  en  même  temps  au  jeune  chevalier  d'en 
donner  la  preuve  en  chantant  sur  les  paroles  de  ce  poème 
la  mélodie  qui  a  été  faite  pour  l'accompagner.  11  passe  aux 
Maîtres  le  manuscrit,  et  Walther,  qui  s'est  élancé  d'un 
pas  délibéré  vers  le  tertre,  commence  son  Chant,  formé 
de  trois  strophes. 

La  première  de  ces  strophes  célèbre  le  jardin  merveil- 
leux, resplendissant  à  la  lumière  du  matin,  dans  lequel 
lui  est  apparue  la  femme  qu'il  aime,  son  Kva,  qui  résume 
pour  lui  les  délices  du  paradis.  La  deuxième  chante 
l'onde  pure  et  la  source  sacrée  vers  laquelle  l'a  guidé  sa 
muse,  l'envoyée  du  Parnasse.  Enfin  la  troisième  exalte  à 
la  fois  l'amour  et  la  poésie,  puisque  c'est  sous  les  traits 
de  la  bien-aimée  que  s'est  montrée  à  lui  l'inspiratrice,  la 


178  VOYAGE   A   BAYREUTH 

muse  au  front  divin,  et  que  la  douce  inoage  d'Eva  est  insé 
parablement  unie   dans  son  âme  à  la  première  manifes- 
tation de  génie  quelle  y  a  fait  éclore. 

Les  Maîtres  émus  écoutent  avec  ravissement;  le  peu- 
ple commence  à  manifester  librement  son  admiration 
pour  le  jeune  poète,  et,  sans  attendre  la  décision  du  tri- 
bunal, proclame  avec  enthousiasme  sa  victoire.  Les  Maî- 
tres sanctionnent  alors  le  jugement  de  la  foule  et  décer- 
nent le  prix  à  Walther,  au  milieu  de  la  joie  générale.  Eva, 
qui  depuis  le  commencement  a  écouté  avec  extase  le 
chant  de  son  bien-aimé,  s'avance  radieuse  au  bord  de 
l'estrade  et  dépose  sur  le  front  du  vainqueur,  agenouillé 
devant  elle,  une  couronne  de  myrtes  et  de  lauriers;  puis 
elle  le  conduit  à  son  père,  devant  lequel  ils  s'inclinent 
tous  les  deux  et  qui  étend  ses  mains  pour  les  bénir. 

La  foule  acclame  Hans,  qui  a  si  judicieusement  su  com- 
prendre et  défendre  le  poète  méconnu  hier  et  admiré 
maintenant;  mais  la  tâche  du  bon  Sachs  n'est  pas  tout  à 
fait  terminée  :  le  jeune  vainqueur,  peu  soucieux  de  la  Maî- 
trise que  veut  lui  conférer  Pogner,  dédaigne  de  senrô- 
ler  dans  la  phalange  des  Maîtres  Chanteurs  et  refuse  la 
chaîne  ornée  de  l'image  du  roi  David  qui  est  l'insigne  de 
l'ordre.  Hans  lui  fait  comprendre  quelle  serait  son  in- 
gratitude s'il  agissait  ainsi  envers  ces  hommes  qui  vien- 
nent de  lui  décerner  le  Prix  si  précieux  à  son  bonheur; 
il  lui  rappelle  aussi  tout  le  mérite  qu'ils  ont  eu  de  conser- 
ver intactes  les  nobles  traditions  de  Fart  allemand,  et 
termine  en  faisant  un  chaud  panégyrique  du  génie  et  de 
l'art  national,  qu'il  sent  menacés  par  les  vicissitudes  que 
traverse  l'Empire  et  qu'il  recommande  au  patriotisme  et 
à  la  fidélité  de  tous. 

A  ces  mots,  les  exclamations  du  peuple  recommencent, 
plus  enthousiastes  que  jamais;   Eva  prend  la  couronne 


ANALYSE    DES    POÈMES  179 

du  front  de  Walther  pour  la  poser  sur  celui  de  Sachs; 
les  deux  fiancés  l'entourent  à  Tenvi,  pendant  que  Pogner, 
pour  lui  rendre  hommage,  fléchit  le  genou  devant  lui. 
Toutes  les  mains  applaudissent,  les  chapeaux  s'agitent,  et 
le  rideau  se  referme  sur  une  véritable  apothéose  du  poète 
populaire  que  les  Maîtres  Chanteurs,  dans  un  élan  géné- 
ral, semblent  désigner  comme  leur  chef  à  tous. 

Il  est  facile  de  voir  dans  le  sujet  des  a  Maîtres  Chan- 
teurs »  une  sorte  de  pendant  gai  et  comique  au  poème  de 
Tannhauser;  ce  qui  était,  d'ailleurs,  dans  la  pensée  d*» 
Wagner. 


ISO  VOYAGE   A    BAYREUTH 

LA  TÉTRALOGIE 

DE 

L'ANNEAU  DU  NIBELUNG 


La  Tétralogie  %  ou  plus  exactement  La  Trilogie  de 
l^Anneau  du  Nibelung  (der  Ring  des  Nibehmgen), 
festival  scénique  en  un  prologue  :  L'Or  du  Rhin  [das 
Rheingold],  et  trois  journées  :  La  Walkyrie  [die  Wal' 
kûre],  Siegfried  [Siegfried]  et  Le  Crépuscule  des 
dieux  Gœtterdœmmerung]^  a  été  tirée  par  Wagner  des 
Eddas  Scandinaves  et  du  vieux  Doèrae  des  Nibelungs,  mais 
considérablement  remaniés,  modifiés,  amplifiés  par  l'art 
merveilleux  de  son  puissant  génie. 

Les  quatre  drames  qui  forment  l'ensemble  du  Ring 
développent  les  ])éripéties  produites  par  la  malédiction 
que  le  Nibelung  Alberich  a  attachée  à  l'Anneau  dispen- 
sateur de  la  puissance,  forgée  par  lui  avec  l'Or  du  Rhin 
dérobé  aux  Ondines,  et  qu  à  son  tour  Wotan  lui  a  ravi. 
A  travers  maintes  vicissitudes,  la  bague  maudite  cause  la 
perte  de  tous  ceux  qui  la  possèdent;  la  série  de  catastro- 
phes qu'elle  suscite  aboutit  à  la  ruine  finale  de  la  race 
des  dieux  et  ne  prend  fin  que  lorsque  sa  dernière  vic- 
time, Briinnhilde,  rendant  aux  flots  purificateurs  du  Rhin 
le  trésor  qu'on  lui  avait  dérobé,  délivre  enfin  le  monde 
du  terrible  anathème. 

Ces  personnages  appartiennent  à  la  mythologie  Scandi- 
nave, mais  sont  souvent  modifiés,  parfois  même  dénaturés 
par  le  caprice  de  l'auteur. 

1.  Le  vrai  nom  est  :  Trilogie  avec  prologue,  mais  l'appellation  de 
Tétralogie  est  consacrée  par  l'usage. 


3ELUNG 

SFRIED 

CRÉPUSCULE  DES 

DIEUX 

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3  me 

ACTE 
1  2  3 

§  ACTE 
S  ,  1  2  3 

2<ne 

ACTE 
12  3  4  5 

3me 

ACTE 
I   2  3 

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LA   TÉTRALOGIE   DE   L'ANNEAU   DU   NIHRLUNG 


PERSONNAGES 
selon  l'ordre  de  leur  première  entrée 

L'OR 
du 
RHIN 

ACTE 
1   2  3 

«  WUKÏRI 

2".- 
ACTE 

1  2  3  4  ,1 

ACTE 
I   2  3 

SIECFRIE 

ACTE  ACTE 
12  3     12  3 

D 

ACTE 
1  2  .■! 

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CRÉPUS 

ACTE 
1  2  3 

CULE  DES  OIEUI 

ACTE       ACTE 
1   2  3  4  .5     12  3 

1    'J  3   '. 

Les  Killcs  t  WoRliDde  (sopr.).      1  NymphesouNixes 
<lu              WelIguDde  (niezzo).           g^irdiennes 
Rhin.       1  rlosshildo(coutr.).    \    de  l'Or  du  Rhin. 
41bericll   (baryt.)-   Gnome  hideux,   Roi    des    Ailes 
noirs  ou  Nibciungs,  race  de  nains  habitants  des  ca- 
vernes et  habiles  forgerons. 
Fricka  (me7.7.o).  Déesse  du  Mariage,  Épouse  de  Wo- 

tan,  sans  enfants;  soeur  de  Freïa,  Donner  et  Froh. 
Watan  fie  Voyageur)  (baryt.).  Boi  des  Dieux  ;  pure 
des  9  WalkyriJ!^.  dont  Erda  est  la  mère.  Pure  aussi 
^     de  Siegmund  et  Sieglinde.  Epoux  de  Fricka. 
a  Freïa  (sopr.)  Déesse  de  l'Abondance  et  de  l'Amour. 
H      Sœur  de  Fricka,  de  Donner  et  de  Froh. 
1-,  Fasoll  (baryt.).  L'un  des  Géants  chargés  par  Wotan 
g      de  construire  le  palais  des  Dieux,  le  VValhalIa. 
(g  Fafncr  le  [Dragonl  (basse).  Autre  Géant,  qui,  dans 
O     Siegfried,  se  transforme  en  dragon. 
J  Froll  (ténor).  Dieu  de  la  Joie.  Frère  de  Donner,  de 
Fricka  et  de  Freïa. 
Donner  (baryt.).  Dieu  du  Tonnerre.  Frère  de  Fricka, 

de  Fieïa  et' de  Froh. 
Loge  (ténor).  Dieu  du  Feu,  dos  Flammes,  et  aussi  de 

la  Ruse  et  du  Mensonge,  astucieux  et  malfaisant. 
Mime  (ténor).  Wain  ou  Nibelung,  forgeron,  père 

adoptif,  mais  haineux,  de  Siegfried,  qui  le  tue. 
Erda  (contr.).  Déesse  de  la  Sagesse  et  de  la  Terre. 
Mère  des  Nornes,  et  des  Walkyries,  dont  le  père 
est  Wotan. 

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Siegmund  (ténor).  Fils  de  Wotan  (sous  le  nom  de 
Wœlse),  frère  et  époux  de  Sieglinde,  père  de  Sieg- 
fried. 

Sieglinde  (sopr.).  Fille  de  Wotan  (sous  le  nom  de 
„      Wselse),  épouse  de  Hunding,  puis  de  Siegmund,  son 
1      frère.  Mère  de  Siegfried. 

S  Handing  (basse).  Premier  époux  de  Sieglinde,  qui 
g      le  déteste,  car  elle  lui  a  été  vendue. 
►J  Briinnhilde  (sopr.).  L'aînée  des  Walkyries,  nile  de 
5      Wotan  et  d'Erda,  épouse  de  Siegfried,  puis,  par 
^      trahison,  de  Gunthe.!! 

^                             Helmwigue.Guerhilde  l  vi^r»».  a,„.r- 
^          ,„             WfZul(me..,.                 F  IF 

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g      puis,  par  trahison,  de  Gutrune  (suiur  do  Gunthor). 
Û  L'Oiseau  (sopr.).  Personnage  prophétique  et  mys- 

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Filles  de  la  Terre,  qui 
M      ,„.      ll"Norne(contr.).        filent  la  destinée  des 
Sk„      ».  ^2— Norne(mez.).         Dieux  commecoUe  des 
1  Nornes.  j  3„.  Norne  sopr.).        humains,  et  eoanais- 
^                                                           sent  l'avenir. 
Q  Guniher  (baryton).  Fils  de  Gibicb  et  de  Grimhildo, 
a      frère  de  Gutrune  ;  demi-frère  do  Hagen  ;  époux,  par 
g      trahison,  de  Bruinhilde. 

g  Hagen  (baryt.).  Fils  du  nain  Alberich  et  de  Grimhildo 
S      (séduite  par  l'or  du  gnome)  et  demi-frère  de  Gunther 
•g      et  de  Gutrune. 

"  Gutrune  (sopr.)  Fille  do  Gibich  et  Grimbildc;  sœur 
S      de  Gunther,  domi-sœur  do  Hagen;  épouse,  par  tra- 
hison, de  Siegfried. 

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ANALYSE    DES    POÈMES  t81 

Il  faut  les  accepter  ici,  non  tels  que  la  tradition  nous 
les  rapporte,  mais  selon  la  conception  propre  au  poème  de 
Wagner,  et  avec  le  caractère  qu'il  attribue  à  chacun  d'eux. 

Ce  n'est  à  vrai  dire  ni  la  mythologie  du  Nord,  ni  celle 
du  Rhin.  —  C'est  la  mythologie  ^vagnérienne ,  tout 
comme  la  religion  du  Graal,  que  nous  avons  entrevue 
dans  «  Lohengrin  r,  et  que  nous  retrouverons  dans  a  Par- 
sifal  »,  n'est  pas  la  religion  chrétienne,  mais  un  culte 
spécial  sorti  du  cerveau  de  Wagner,  avec  l'aide  de  quel- 
ques légendes  également  poétisées  et  transformées. 

L'OR    DU    RHIN 

Scène  i.  — L'action  du  premier  tableau  de  ce  prologue 
se  passe  dans  les  profondeurs  du  Rhin,  parmi  les  eaux 
verdâtres  et  limpides,  les  rochers  et  les  cavernes. 

Les  trois  Ondines,  ou  Nixes,  filles  du  Rhin,  folâtrent 
au  milieu  des  flots  tout  en  gardant  le  précieux  trésor, 
l'Or  pur,  qui  leur  fut  confié  par  le  fleuve. 

Alberlch,  le  plus  astucieux,  le  plus  avide  et  le  plus  hi- 
deux des  Nibelungs,  sortes  de  gnomes  ou  nains  repous- 
sants, habitant,  dans  les  entrailles  de  la  terre,  le  noir 
royaume  de  Nibelheim,  Alberich  s'est  glissé  dans  l'hu- 
mide demeure,  et,  plein  de  désirs  voluptueux,  voudrait 
séduire  les  nymphes;  tour  à  tour  elles  l'attirent  par  de 
trompeuses  promesses,  puis  se  moquent  de  lui;  mais  elles 
lui  révèlent,  par  leurs  bavardages,  la  magie  du  dépôt  dont 
elles  ont  la  garde  :  l'Or  du  Rhin,  forgé  en  anneau  par 
l'audacieux  qui  saura  s'en  rendre  maître,  donnera  à  son 
possesseur  un  pouvoir  illimité  sur  tout  l'univers,  car  il 
sera  plus  puissant  que  les  dieux  mêmes,  mais  à  la  dure 
et  formelle  condition  de  renoncer  à  tout  jamais  à  l'amour. 

Le  gnome,   rendu  furieux  })ar  les  refus  narquois  des 


(K.    ^<.  fiU 


182  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Ondines,  sent  s'éveiller  en  lui,  à  leurs  paroles  impruden- 
tes, une  nouvelle  convoitise,  celle  de  l'Or  et  de  la  domi- 
nation ;  il  escalade  le  rocher  sur  lequel  brille  le  trésor  et, 
malgré  les  lamentations  des  trois  Nixes,  s'en  empare, 
après  avoir  formulé  sa  renonciation  à  l'amour  :  c'est  lui 
qui  forgera  l'anneau  enchanté  et  détiendra  la  puissance 
suprême.  Il  s'éloigne  en  laissant  éclater  un  triomphant 
et  sinistre  ricanement. 

Le  fleuve,  dès  qu'il  n'est  plus  éclairé  par  son  jo^'-au, 
s'emplit  de  ténèbres  épaisses,  dans  lesquelles  disparais- 
sent les  Ondines  à  la  poursuite  de  l'Alfe  ^  ravisseur.  Des 
flots  sombres  montant  de  tous  côtés  envahissent  la  scène 
de  haut  en  bas,  puis  finissent  par  se  calmer  et  s'éclaircir  ; 
ils  font  place  peu  à  peu  à  un  brouillard,  qui  se  dissipe  et 
découvre,  éclairée  par  le  jour  naissant,  une  contrée  ro- 
cheuse traversée  au  second  plan  par  la  vallée  au  fond  de 
laquelle  coule,  invisible,  le  Rhin.  Au  loin  se  dresse,  sur 
le  sommet  d'une  montagne  élevée,  un  Burg  aux  multiples 
coupoles  étincelant  aux  rayons  de  l'aurore. 

SeÈXE  II.  —  Le  dieu  Wotan  et  son  épouse  Fricka,  re- 
posant sur  un  tertre,  s'éveillent  et  contemplent  l'édifice 
que  viennent  de  construire,  sur  les  ordres  du  dieu,  les 
géants  Fasoh  et  Fafner.  La  récompense  promise  pour  ce 
travail  par  le  Maître  de  l'univers,  et  à  l'instigation  du 
rusé  dieu  Loge,  doit  être  Freïa,  la  déesse  de  lajeunesse, 
de  l'amour  et  de  la  beauté,  sœur  de  Fricka  et  des  dieux 
Froh  et  Donner  ;  mais  Fricka  est  effrayée  à  l'approche  de 
l'imminente  échéance,  car  les  géants  vont  venir  réclamer 
leur  salaire;  elle  reproche  à  Wotan  l'engagement  incon- 
sidéré qu'il  a  pris,   et  la   construction  du  palais  qu'elle- 

1.  Les  Alfes  (ou  Albes)  sont  des  génies  tantôt  supérieurs  et  beaux  ' 
les  Alfes  lumineux;  tantôt  inférieurs  :  les  Alfes  ténébreux,  «  plus 
noirs  que  la  poix  w.  Albericb  était  un  Alfe  noir. 


(^  cu  ha^ 


ANALYSE    DES    POEMES  183 

même  avait  pourtant  désiré,  espérant  y  retenir  son  vo- 
lage époux. 

Wotan  lui  promet  de  ne  point  abandonner  Freïa,  qui 
arrive  éplorée  et  poursui'S'ie  par  Fafner  et  Fasolt.  Elle 
appelle  à  son  aide  les  dieux  ses  frères  ;  un  débat  s'élève 
entre  eux  et  les  géants,  et  menace  de  s'envenimer,  lorsque 
apparaît  Loge,  qui  avait  été  parcourir  le  monde,  à  la 
recherche  d'une  compensation  à  offrir  aux  constructeurs 
en  échange  de  la  radieuse  divinité.  Mais,  Loge  n'a  rien 
trouvé  que  l'on  puisse  préférer  à  la  femme  et  à  la  jeu- 
nesse. Un  seul  être,  le  nain  Alberich,  a  renoncé  à  ces 
biens  précieux  pour  l'Or  qui  donne  la  puissance,  et  il  a 
maudit  l'amour.  Loge  raconte  le  rapt  du  trésor  par  le 
gnome  et  les  lamentations  des  filles  du  fleuve,  qui  implo- 
rent l'assistance  du  maître  des  dieux.  Les  géants,  ayant 
entendu  ce  récit,  sont  frappés  de  convoitise;  ils  se  con- 
certent à  l'écart  et  proposent  d'échanger  Freïa  contre 
l'Or  du  Rhin.  Ils  mettent  Wotan  en  demeure  de  se  le 
procurer  pour  le  leur  donner,  et  emmènent  la  déesse  en 
otage,  se  réservant  de  la  garder  si  le  trésor  ne  leur  est 
pas  promptement  livré.  A  peine  ont-ils  entraîné  Freïa, 
les  dieux  commencent  à  dépérir,  car  elle  seule  savait  cul- 
tiver les  Pommes  d'Or  qui  leur  donnaient  la  jeunesse 
éternelle  ^  Wotan  prend  alors  la  résolution  de  descendre 
au  sombre  royaume  des  Alfes  et  d'y  conquérir  l'anneau, 
non  pour  le  rendre  aux  Nixes,  mais  pour  en  faire  la  ran- 
çon de  la  déesse.  Accompagné  de  Loge,  il  s'enfonce  au 
milieu  des  rochers  dans  les  entrailles  de  la  terre  à  la  re- 
cherche du  Xibelheim. 


1.  Loge  seul  conserve  sa  vigneur,  car,  en  sa  qualité  de  dieu  se- 
condaire, il  ne  participait  point  à  la  nourriture  régénératrice.  C'est 
à  cause  de  son  infériorité  que  nous  le  verrons,  dans  la  suite  da 
drame,  séparer  sa  cause  de  celle  des  autres  dieux. 


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184  VOYAGE    A    BAÏREUTH 

Scène  m.  —  Une  épaisse  vapeur  jaillit  de  la  crevasse 
par  laquelle  ils  sont  passés  (la  faille  du  soufre)  et  enve- 
loppe le  paysage  de  nuages  opaques  qui  assombrissent 
toute  la  scène  et  la  plongent  dans  une  totale  obscurité. 
Quand  les  ténèbres  se  dissipent,  on  se  trouve  dans  un 
vaste  souterrain  hérissé  de  rochers;  à  droite,  au  fond,  un 
passage  descendant  de  la  surface  de  la  terre  ;  à  gauche, 
dans  une  caverne,  une  forge  avec  des  lueurs  incandescen- 
tes et  des  tourbillons  de  fumée  rougeâtre. 

C'est  le  royaume  des  Alfas  noirs,  où  Alberich,  grâce  à 
l'anneau  magique  qu'il  a  forgé  avec  l'Or  du  Rhin,  com- 
mande aux  autres  Nibelungs  et  leur  fait  fouiller  les 
profondeurs  du  sol  pour  en  extraire  les  richesses  accumu- 
lées ;  il  s'est  fait  fondre  par  l'un  d'eux.  Mime,  habile  for- 
geron, les  mailles  d'un  heaume  enchanté,  le  «  Tarnhelm  », 
qui  le  rendra  invisible.  Mime  aurait  bien  voulu,  par  ma- 
lice, conserver  son  ouvrage;  mais  Alberich,  grâce  au 
talisman,  se  dérobe  à  la  vue  de  son  esclave  et  le  roue  de 
coups.  Les  plaintes  du  misérable  sont  entendues  de  Wo- 
tan  et  de  Loge  qui  descendent  par  l'orifice  de  la  caverne. 
Ils  lui  font  raconter  ses  infortunes,  le  travail  auquel  il  est 
contraint,  et  lui  promettent  ironiquement  assistance.  A 
ce  moment  on  voit  défiler  en  longues  théories  dans  le 
fond  de  la  grotte  le  peuple  des  Nibelungs,  ployant  sous 
le  poids  des  trésors  réunis  par  les  ordres  d'Alberich; 
celui-ci  injurie  ses  frères  et  les  pousse  devant  lui  à  coups 
de  fouet;  mais  quand  il  aperçoit  les  deux  nouveaux  venus, 
c'est  vers  eux  qu'il  tourne  ses  invectives,  les  prévenant, 
lorsqu'il  les  a  reconnus,  des  projets  de  vengeance  qu'il  a 
formés  contre  leur  race,  maintenant  qu'il  a  la  toute-puis- 
since.  Wotan,  outré,  lève  sa  lance  sur  l'audacieux;  mais 
Loge,  plus  retors  et  plus  politique,  arrête  ce  mouvement  de 
colère  du  dieu,  et,  s'adressant  au  nain,  le  félicite  sur  son 


6y^ 


d^ 


ANALYSE    DES    POÈMES  185 

pouvoir  si  grand,  dont  il  doute  cependant...  Piqué  au  jeu 
dans  son  amour-propre,  et  voulant  lui  montrer  ce  dont 
il  est  capable,  Alberich,  à  l'aide  du  casque  magique,  se 
transfDrrae  d'abord  en  dragoa  terrifiant,  puis  en  crapaud 
immonde;  Wotan  et  Loge  peuvent  alors  s'en  emparer 
facilement  en  mettant  le  pied  dessus;  ils  l'ont  à  leur  merci, 
le  garrottent  et  remontent  avec  leur  prisonnier,  écumant 
de  rage,  à  la  surface  de  la  terre. 

Scène  iv.  —  La  caverne  s'emplit  de  vapeurs   comme 
précédemment;  et  lorsqu'elles  s'éclaircissent,  le  décor  est 
le  même  qu'à  la  deuxième  scène,  mais  l'arrière-plan  reste 
enveloppé  de  brumes.  Wotan  et  Loge,  sortant  du  gouffre, 
traînent  derrière  eux  le  nain  fou  de  colère,  k  leur  tour 
de  le  railler.  Ils  l'obligent  d'abord  à  leur  livrer  le  trésor 
qu'il  a  amassé  et  que,  sur  ses  paroles  magiques,  les  Ni- 
belungs  apportent  de  leur  retraite  profonde  ;  puis  ils  exi- 
gent,  malgré  ses  récriminations,  le  heaume  enchanté  forgé 
par  Mime,  et  enfin  le  forcent,  malgré  sa  résistance  folle 
et  les  injures  qu'il  bave  dans  sa  méchanceté  exaspérée,  à 
leur  livrer  l'anneau  qu'il  voulait  garder  comme  suprême 
ressource.  Alberich,  au  comble  de  la  fureur,  se  voit  arra- 
cher le  talisman  par  Wotan;  mais,  dans  une  farouche  et 
sinistre  imprécation,  il  voue  aussitôt  à  une  terrible  malé- 
diction celui  qui  s'emparera  de   son  bien  :  «  Que  désor- 
mais son  charme  engendre  la  mort  pour  quiconque  le  por- 
tera;... que  celui  qui  le  possédera  soit  rongé  d'angoisse, 
et  celui  qui  ne  le  possédera  pas  dévoré  d'envie;...  que  nul 
n'en  tire  profit,  mais  soit  voué  à  l'égorgeur;...  que  la  peur 
enchaîne  le  lâche  ; . . .  que  le  maître  de  l'anneau  soit  l'esclave 
de  l'anneau,...  et  cela  jusqu'à  ce  que  le  Nibelung  rentre 
en  possession  du  bien  qui  lui  est  ravi!  » 

Il  s'abîme  dans  les   profondeurs  de  la  crevasse  après 
avoir  proféré  ces  terrifiantes  paroles.  Wotan,  qui  ne  tient 


186  VOYAGE    A    BAYREUTH 

pas  compte  de  leur  menaçante  portée,  met  paisiblement  la 
bague  à  son  doigt  et  se  perd  dans  sa  contemplation. 

Les  géants  paraissent  alors  vers  la  droite,  venant  cher- 
cher le  trésor  qu'on  doit  leur  livrer  en  échange  de  Freïa. 
A  l'approche  de  la  déesse,  les  autres  divinités  sentent  leur 
vigueur  et  leur  jeunesse  les  animer  de  nouveau  et  lui  font 
fête;  mais  Fasoll  met  un  terme  à  leurs  épanchements  en 
réclamant  la  rançon  promise.  Il  plante  en  terre  son  pieu 
et  celui  de  Fafner  et  prétend  que  l'on  amoncelle  entre  eux 
assez  de  richesses  pour  lui  masquer,  comme  le  ferait  un 
rideau,  la  vue  de  l'enchanteresse  qu'il  aime  et  dont  il  re- 
grette de  se  séparer.  Lui  et  son  compagnon  entassent  les 
joyaux  précieux,  y  compris  le  heaume  magique,  mais  par 
un  interstice  on  voit  encore  briller  le  doux  regard  de 
Freïa;  pourtant  les  trésors  sont  tous  réunis  là;  il  ne  reste 
plus  que  l'anneau  dont  on  puisse  disposer  pour  combler 
le  vide;  les  géants  l'exigent  énergiquement.  Wotan  re- 
fuse, un  débat  s'élève,  ils  vont  remmener  pour  toujours 
la  déesse,  lorsque  la  lumière  s'obscurcit,  et  la  divinité, 
l'âme  antique  de  la  terre,  Erda,  la  mère  des  trois  Nornes 
qui  filent  le  câble  du  destin,  Erda,  celle  qui  sait  toutes 
choses  et  rêve  l'avenir,  apparaît  dans  les  profondeurs 
d'une  grotte  parmi  les  rochers  et  baignée  d'une  lueur 
pâle  et  voilée.  Déjà  elle  prévoit  le  crépuscule  des  dieux 
et  conjure  Wotan  de  céder  l'anneau  merveilleux,  mais 
maudit.  Wotan,  étonné  de  ses  paroles,  l'interroge  :  il 
veut  savoir  et  se  précipite  vers  l'antre  mystérieux  pour  la 
contraindre  à  s'expliquer;  mais  la  prophétesse  a  déjà  dis- 
paru; le  dieu  s'abîme  alors  dans  une  profonde  méditation, 
puis  enfin,  résolument,  se  décide  à  jeter  l'anneau  sur  le 
trésor.  Les  géants  se  le  disputent  aussitôt,  éprouvant 
ainsi,  eux  les  premiers,  l'effet  de  la  malédiction  que  le 
Nibelung  y  a  attachée  :  ils  en  viennent  aux  mains,  et  Faf- 


J 


ANALYSE    DES   POÈMES  187 

ner,  frappant  brutalement  Fasolt,  l'étend  mort  à  ses  pieds 
d'un  coup  de  massue.  Il  reste  donc  seul  possesseur  de  la 
bague  maudite  et  des  richesses;  il  les  entasse  tranquil- 
lement dans  un  grand  sac  qu'il  a  apporté,  et  disparaît,  le 
traînant  après  lui,  sans  même  jeter  un  coup  d'œil  sur  le 
cadavre  de  son  frère.  Les  dieux  épouvantés  restent  muets 
d'horreur;  le  ciel  s'assombrit,  un  nuage  lugubre  se  forme. 
Donner,  le  dieu  des  tempêtes,  pour  rasséréner  l'atmos- 
phère, appelle  à  lui  tous  les  nuages  et  disparaît  dans  une 
nuée  ;  le  tonnerre  gronde,  la  foudre  éclate,  puis  les  brouil- 
lards se  dissipent  et  laissent  voir  un  merveilleux  arc-en- 
ciel  édifié  par  Froh  au  plus  fort  de  la  tempête  et  qui  servira 
de  pont  pour  arriver  au  Burg  inaccessible.  Wotan,  après 
avoir  ramassé  une  épée  oubliée  par  Fafner,  et  provenant 
de  son  butin,  invite  les  dieux  à  pénétrer  avec  lui  dans  le 
Walhalla  qu'il  a  payé  d'un  salaire  maudit;  mais  il  pré- 
voit la  lutte  qu'il  va  avoir  à  soutenir  avec  les  puissances 
de  l'ombre  et  songe  dès  à  présent  à  créer,  pour  la  leur 
opposer,  une  race  de  vaillants  héros.  Le  rusé  Loge,  qui 
de  son  côté  est  pénétré  des  mêmes  pressentiments' que 
Wotan,   pense  à  séparer  sa  cause  de  celle  des    autres 
dieux  et  à  édifier  sa  propre  fortune  sur  leur  ruine. 

On  entend  dans  les  profondeurs  de  la  vallée  les  filles  du 
Rhin  qui  pleurent  leur  trésor  perdu;  les  dieux,  sans  pitié 
pour  leurs  lamentations,  s'égaient  des  railleries  de  Loge 
à  l'égard  des  Ondines  et  s'engagent  sur  la  route  lumi- 
neuse qui  leur  est  ouverte. 

Le  rideau  se  referme  lentement. 

LA    WALKYRIE 

1"  Acte. 

Scène  i.  —  L'action  va  se  dérouler   dans   une  vaste 
cabane  rustique  construite  autour  d'un  énorme  frêne  qui 


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188  VOYAGE   A   BAYREUTH 

couvre  le  sol  de  ses  racines  et  dont  la  puissante  ramure 
traverse  la  toiture.  Dans  le  tronc  de  l'arbre  on  aperçoit 
la  garde  d'une  épée  dont  la  lame  tout  entière  est  enfoncée 
et  dont  la  poignée  se  voit  confusément  dans  l'ombre.  A 
droite,  au  premier  plan,  un  brasier  devant  lequel  est  un 
amoncellement  de  peaux  de  bêtes  formant  une  sorte  de  lit 
de  repos.  Au  pied  de  l'arbre  qui  occupe  tout  le  milieu, 
une  table  rustique  et  des  escabeaux.  Derrière  le  brasier, 
des  degrés  conduisant  à  un  garde-manger.  A  gauche,  un 
escalier  menant  à  une  chambre. 

L'orage  gronde  avec  force  au  dehors,  la  chaumière  est 
déserte. 

La  porte  du  fond  s'ouvre  brusquement  et  livre  passage 
à  un  guerrier  sans  armes,  les  vêtements  en  désordre,  l'air 
harassé  de  fatigue;  tout  en  lui  dénote  un  fugitif.  Après 
avoir  fouillé  du  regard  la  pièce  inhabitée,  il  se  laisse  glis- 
ser sur  les  fourrures  devant  le  foyer,  et,  cédant  à  la  lassi- 
tude, ne  tarde  pas  à  s'endormir. 

L'habitante  de  la  rustique  demeure,  Sieglinde,  survient, 
et  apercevant,  étonnée,  cet  inconnu,  elle  l'éveille  et  s'en- 
quiert  avec  sollicitude  de  son  état;  elle  lui  donne  à  boire 
et  apprend  de  lui  que,  traqué  par  ses  ennemis,  trahi  par 
ses  armes  qui  se  sont  brisées  entre  ses  mains,  il  a  dû  cher- 
cher son  salut  dans  la  retraite.  Avec  de  longs  regards 
d'amour,  il  accepte  l'hydromel  que  lui  verse  Sieglinde  et 
dont,  selon  l'usage,  il  lui  demande  de  goûter  avant  lui, 
mais  veut  fuir  sans  retard  son  hospitalité,  car  il  apporte  le 
malheur  partout  où  il  repose.  —  Hélas  !  lui  répond-elle,  la 
tristesse  depuis  longtemps  habite  cette  maison,  ce  n'est 
pas  lui  qui  l'y  attirera;  et  elle  l'engage  à  attendre  le  retour 
de  son  époux,  Hunding^  qui  va  rentrer  de  la  chasse. 

Scène  ii.  —  Ils  se  considèrent  mutuellement  avec  une 
attention  soutenue  et  un  intérêt  toujours  croissant,  quand 


ANALYSE    DES    POÈMES  I8a 

le  maître  du  logis  se  fait  entendre  au  dehors  ;  il  paraît  sur 
le  seuil  de  la  chaumière;  surpris  de  la  présence  de  l'é- 
tranger, il  interroge  Sieglinde  du  regard.  Renseigné  par 
elle,  il  demande  à  son  hôte  de  lui  dire  son  odyssée  et  le 
fait  asseoir  avec  eux  à  sa  table.  Une  chose  le  frappe  pen- 
dant le  récit  de  l'inconnu  :  c'est  la  ressemblance  qui  existe 
entre  sa  femme  et  le  nouveau  venu. 

Celui-ci  leur  raconte  alors  sa  vie,  qui  semble  vouée  au 
malheur.  Son  enfance  s'était  écoulée  heureuse  entre  son 
père,  qui  avait  nom  Wàlse  (le  loup),  sa  mère  et  une  sœur 
jumelle.  Mais  un  jour,  au  retour  de  la  chasse,  son  père  et 
lui  trouvèrent  leur  habitation  réduite  en  cendres  et  la  mère 
assassinée  ;  quant  à  sa  jeune  sœur,  nul  ne  j)ut  jamais  en 
retrouver  la  trace.  Les  auteurs  de  ce  forfait  étaient  les 
Neidings,  fils  de  la  haine  et  de  l'envie.  A  partir  de  ce  mo- 
ment, son  père  et  lui  errèrent  dans  la  forêt  jusqu'au  jour 
où  le  vieillard,  traqué  lui-même  parleurs  ennemis,  dis- 
parut à  son  tour. 

Lui,  poursuivi  sans  cesse  par  la  destinée,  ce  qui  l'a  fait 
surnommer  We/nvalt  (qui  cause  le  malheur),  repoussé  de 
tous,  sans  armes,  vient  enfin  d'éprouver  un  dernier  échec 
en  voulant  affranchir  une  jeune  femme  sans  défense  que 
les  siens  allaient  livrer  à  un  fiancé  détesté  ;  il  a  vu  sa  pro- 
tégée mourir  sous  ses  yeux,  tandis  que  lui,  accablé  par  le 
nombre,  a  dû  renoncer  à  la  lutte. 

Dès  les  premières  paroles  de  ce  récit,  que  Sieglinde  a 
écouté  avec  une  émotion  profonde,  Hunding  reconnaît 
dans  le  fugitif  un  adversaire  de  sa  race  que  les  siens  ve- 
naient justement  de  l'appeler  à  combattre;  il  lui  accor- 
dera néanmoins  l'hospitalité  pour  la  nuit,  mais  le  provo- 
quera dès  l'aube  prochaine  pour  une  lutte  sans  merci.  Il 
se  retire  menaçant  et  ordonne  à  son  épouse  de  le  suivre, 
après  lui  avoir  préparé  sa  boisson  du  soir.   Sieglinde, 


Wc\X^i^ 


1»  VOYAGE    A   BAYREUTH 

absorbée  dans  ses  pensées,  va  chercher  dans  une  armoire 
des  épices  quelle  mêle  au  breuvage  de  son  maître,  puis, 
en  s'éloignant,  elle  jette  un  long  et  tendre  regard  à  l'é- 
tranger et  semble  lui  indiquer  le  tronc  du  frêne  où  se 
trouve  fichée  lépée.  Hunding,  surprenant  ce  regard,  lui 
enjoint  de  rentrer  dans  son  appartement,  où  on  l'entend 
s'enfermer  avec  elle. 

ScÈ:«îE  III.  —  La  scène  n'est  plus  éclairée  que  par  le  feu 
mourant  dans  l'âtre,  qui,  en  s'écroulant,  projette  sa  lu- 
mière sur  la  poignée  de  l'arme  et  la  fait  scintiller  dans 
l'ombre.  Le  guerrier,  sans  rapercevoir,  se  demande  avec 
inquiétude  s'il  trouvera  jamais  le  glaive  promis  jadis  par 
son  père  pour  le  défendre  dans  la  détresse  suprême  :  puis 
ses  pensées  prennent  un  autre  cours  :  il  se  souvient  avec 
ravissement  de  la  beauté  de  Sieglinde  et  du  sentiment  pro- 
fond qu'elle  a  fait  naître  en  son  cœur  :  le  rayon  qui  éclaire 
cet  arbre,  est-ce  le  regard  de  la  bien-aimée  qui  l'a  al- 
lumé?... Mais  le  feu  séteint,  la  nuit  devient  presque  to- 
tale, et  Sieglinde,  vêtue  de  blanc,  sortant  avec  précaution 
de  sa  chambre,  s  avance  doucement  vers  son  hôte. 

Elle  a  versé  à  son  époux  un  breuvage  assoupissant,  afin 
de  pouvoir  s'entretenir  avec  celui  dont  la  vue  ravit  son 
âme.  Elle  lui  révèle  que  le  jour  de  ses  tristes  noces  avec 
Hunding,  à  qui  des  brigands  l'avaient  vendue,  un  vieil- 
lard drapé  dans  un  ample  manteau  et  coiffe  d'un  large 
chapeau  cachant  un  de  ses  yeux,  est  entré  dans  cette  chau- 
mière, causant  l'effroi  à  tous,  sauf  à  elle,  qui  sentait  en  ce 
vieillard  un  protecteur  et  a  reconnu  en  lui  les  traits  d'un 
père  chéri.  Enfonçant  jusqu'à  la  garde  une  épée  dans  le 
tronc  du  frêne,  il  a  promis  que  cet  acier  appartiendrait  au 
héros  qui  pourrait  l'arracher  de  sa  gaine  vivante.  Aucun 
n'a  pu  jusqu'ici  triompher,  malgré  des  efforts  renouvelés; 
mais  Sieglinde  Dressent  que  le  vainqueur  sera  l'ami  que 


ANALYSE  DES    POEMES  191 

le  sort  lui  envoie,  celui  qui  saura  guérir  les  blessures  de 
son  cœur  et  auquel,  dans  un  élan  passionné,  elle  promet 
le  don  de  sa  personne.  Le  fils  de  Wàlse  l'étreint  ardem- 
ment; ils  se  regardent  avec  ivresse,  lorsque  la  porte  de 
la  chaumière  s'ouvre  spontanément,  mue  par  une  main 
invisible ,  et  laisse  voir  la  forêt  baignée  dans  la  douce 
atmosphère  d'une  nuit  radieuse  et  inondée  par  la  blanche 
clarté  de  la  lune,  projetant  ses  rayons  lumineux  sur  les 
deux  amants,  qui  peuvent  ainsi  se  contempler  ravis.  «  Qui 
donc  est  sorti?  »  murmure  Sieglinde  effrayée.  Personne 
n'est  sorti,  mais  quelqu'un  est  entré  :  c'est  le  doux  Prin- 
temps, c'est  le  Renouveau  qui  vient  leur  chanter  son  épi- 
thalame  et  célébrer  l'amour  qui  fleurit  au  fond  de  leurs 
cœurs. 

En  considérant  de  nouveau  son  bien-aimé,  Sieglinde 
croit  ravoir  déjà  vu  autrefois;  leurs  souvenirs  se  réveil- 
lent en  même  temps.  Ce  regard  si  brillant  qu'ils  possè- 
dent tous  les  deux,  c'est  le  signe  distinctif  de  1  héroïque 
race  des  Wàlsungs;  ils  sont  enfants  du  même  père,  et  le 
nom  de  Siegmund  doit  être  celui  du  héros  à  qui  Wâlse 
destina  la  vaillante  épée.  A  lui  aussi  est  réservé  de  dé- 
livrer Sieglinde  du  joug  odieux  qui  la  tient  enchaînée. 
Siegmund,  plein  d'enthousiasme,  s'élance  vers  le  frêne,  et, 
saisissant  la  poignée  du  glaive,  l'arrache  avec  une  force 
irrésistible,  en  la  nommant  à  son  tour  Nothung,  l'arme  pro- 
mise à  sa  détresse.  Sieglinde,  enivrée  de  joie  et  d'amour, 
se  précipite  dans  les  bras  de  son  fiancé. 

Le  rideau  se  referme  rapidement. 

â-ae  Acte. 

Scène  i.  —  La  scène  représente  une  contrée  monta- 
gneuse, sauvage  et  aride;  à  droite,  un  chemin  taillé  dans 
le  roc  monte  à  une  sorte  de  plate-forme  pierreuse.  Sous 


Î92  VOYAGE   A    BAYREUTH 

cette  plate-forme  se  trouve  une  grotte.  Au  milieu  du  théâ- 
tre s'ouvre  un  passage  étroit  avec  un  chaos  de  rochers  à 
l'arrière-plan;  puis,  vers  la  gauche,  encore  un  amoncel- 
lement de  blocs  dans  lequel  sélève  une  route  qui  fait  un 
coude  et  va  aboutir  aux  rochers  du  fond. 

^^'otan  remet  entre  les  mains  de  sa  fille  préférée,  la 
vierge  guerrière  Brûnnliilde,  le  sort  de  Siegmund,  qu'il 
veut  voir  sortir  vainqueur  de  la  lutte  avec  Hunding.  La 
Walkyrie  se  retire,  heureuse  de  la  mission  qui  lui  est 
confiée,  en  poussant  son  cri  de  guerre  et  annonçant  à  son 
père  la  venue  de  la  déesse  Fricka,  qui  s'avance  dans  un 
char  conduit  par  deux  béliers  et  vient  combattre  la  réso- 
lution de  son  époux. 

L'amour  coupable  de  Siegmund  et  de  Sieglinde  l'of- 
fense, elle,  la  gardienne  des  liens  sacrés  du  mariage  et 
de  la  famille,  et  elle  réclame  la  victoire  pour  Hunding, 
le  mari  outragé,  qui  lui  a  confié  sa  défense.  En  vain  le 
dieu  soutient-il  la  cause  de  ceux  qui  s'aiment  et  qu'il 
trouve  libres  de  suivre  l'entraînement  de  leur  amour;  en 
vain  expose-t-il  à  la  déesse  les  motifs  impérieux  qu'il  a 
de  conserver  Siegmund  pour  accomplir  l'acte  qui  devra 
sauver  les  dieux  du  péril  extrême  :  la  déesse,  déjà  maintes 
fois  blessée  parles  infidélités  de  son  volage  époux,  a  bien 
voulu  consentir  à  supporter  la  présence  des  Walkyries, 
ses  filles  illégitimes,  qui  du  moins,  elles,  sont  respec- 
tueuses de  son  autorité;  mais  que  le  dieu  vienne  à  pré- 
sent protéger  le  couple  criminel,  vivant  témoignage  de 
ses  amours  avec  une  mortelle,  alors  que,  sous  le  nom  de 
Wâlse,  il  errait  dans  les  forêts,  cela,  elle  ne  le  tolérera  pas. 

Wotan,  au  fond  de  sa  conscience,  est  forcé  de  recon- 
naître la  légitimité  des  revendications  de  sa  compagne. 
Ne  représente-t-elle  pas  Tordre  établi,  la  sagesse  des 
choses,  et  n'a-t-il  pas  jadis  payé  sa  précieuse  conquête, 


ANALYSE    DES    POÈMES  193 

lorsqu'il  a  voulu  boire  à  la  source  de  Sapience,  de  l'aban- 
don d'un  de  ses  yeux? 

Après  une  lutte  violente  avec  lui-même,  il  a  fait  le  ser- 
ment que  réclame  Fricka,  et,  resté  seul  en  proie  à  une 
sombre  douleur,  tandis  que  la  déesse  s'éloigne,  forte  de 
la  promesse  obtenue,  il  voit  revenir  Brijnnhilde  à  laquelle 
il  va  dicter  de  nouvelles  instructions. 

Scène  ii.  —  La  Walkyrie,  saisie  d'inquiétude  en  pré- 
sence de  l'allure  triomphante  de  Fricka,  s'approche  vive- 
ment de  son  père,  qu'elle  trouve  accablé  par  l'assaut  qu'il 
vient  de  subir  et  le  serment  qu'il  a  été  contraint  de  faire. 
Navrée  de  l'abattement  de  ce  père  chéri ,  elle  jette  au 
loin  ses  armes,  son  bouclier,  et  se  laisse  tomber  devant 
lui  dans  un  mouvement  plein  de  confiance  et  d'affection; 
elle  le  conjure  de  décharger  son  cœur.  Il  se  confie  alors  à 
sa  fille  préférée,  celle  qui  est  la  vaillante  expression  de  sa 
volonté  et  de  sa  pensée  la  plus  intime.  Devant  elle  il  re- 
voit, descendant  au  plus  profond  de  son  âme,  les  fautes  qui 
l'ont  amené  à  ce  résultat  :  l'ambition  qui  s'est  emparée  de 
son  cœur  lorsque  l'ardeur  de  l'amour  légitime  s'est  éteinte 
en  lui;  les  traités  qu'il  a  contractés,  avide  de  domination 
et  sur  les  conseils  du  rusé  Loge,  pour  asservir  les  autres 
dieux;  le  rapt  de  l'anneau,  qui  lui  a  valu  la  haine  impla- 
cable du  Nibelung  Alberich.  Cet  anneau,  il  eût  fallu  le 
rendre  aux  abîmes  du  Rhin  pour  faire  cesser  tous  les 
dangers  qu'il  suscite,  mais  Wotan  en  a  fait  le  payement 
du  Burg  que  lui  ont  construit  les  géants,  le  Walhalla,  et  il 
est  maintenant  la  proj)riété  de  Fafner,  qui  le  garde  avec 
un  soin  jaloux  au  fond  de  sa  caverne. 

Dans  sa  détresse,  le  dieu  a  voulu  consulter  Erda,  qui 
déjà  une  fois  lui  avait  donné  de  salutaires  avis;  il  la  con- 
trainte à  lui  dire  toute  sa  pensée  ;  puis,  la  séduisant  à  l'aide 
d'un  philtre  d'amour,  il  l'a  rendue  mère  de  neuf  vierges 


WAc. 


\^ 


194  VOYAGE    A    BAYREUTH 

guerrières,  Brûnnhilde  et  ses  sœurs,  dont  il  voulait  faire 
l'instrument  de  son  salut  :  les  Walkyries  ont  reçu  de  lui 
la  mission  d'amener  au  Walhalla  tous  les  héros  morts  sur 
les  champs  de  bataille,  et  de  peupler  ainsi  le  royaume  de 
Wotan  de  défenseurs  intrépides  pour  le  jour  où  l'armée 
d'Alberich  s'avancerait  menaçante.  Mais  toutes  ces  pré- 
cautions seraient  vaines  si  le  gnome  pouvait  de  nouveau 
s'emparer  de  l'anneau  maudit;  il  faut  l'en  empêcher  à 
tout  prix,  et  pourtant  Wotan  ne  peut  dérober  à  Fafner  ce 
qu'il  lui  a  donné  jadis.  Un  seul  pourrait  accomplir  ce 
prodige  :  ce  serait  un  héros  libre,  indépendant,  et  qui 
agirait  inconsciemment,  sans  en  avoir  reçu  la  mission. 
Le  dieu  avait  choisi  Siegraund  son  fils  pour  être  ce  héros; 
dès  longtemps  il  l'a  préparé  à  cet  acte  de  rédemption  : 
il  a  erré  avec  lui  dans  les  forêts,  le  stimulant  à  la  témé- 
rité; il  la  armé  dune  épée  invincible;  mais  à  quoi  servi- 
ront maintenant  tous  ces  soins,  puisque  Fricka  a  contraint 
son  époux  à  céder  à  ses  vœux? 

La  fureur  et  le  désespoir  de  Wotan  éclatent  à  la  pensée 
d'abandonner  celui  qu'il  aime  et  qu'il  aurait  voulu  proté- 
ger, et,  dans  sa  désolation,  il  maudit  sa  souveraineté  et 
souhaite  la  fin  des  dieux.  Cette  fin,  il  la  prévoit;  Erda  la 
lui  a  annoncée  pour  le  jour  où  naîtrait  un  fils  à  Alberich  : 
or  ce  fils  est  enfanté,  il  va  voir  le  jour  ;  et  W^otan,  dans 
l'excès  de  sa  colère,  lui  lègue  les  tourments  et  les  splen- 
deurs funestes  de  la  divinité. 

En  vain  Briinnhilde  plaide-t-elle  la  cause  de  Siegmund, 
qu'elle  sait  aimé  de  son  père  ;  elle  voudrait  agir  selon  le 
secret  désir  du  dieu,  en  dépit  du  serment  qu'il  a  fait  ;  mais 
Wotan  est  inébranlable  ;  il  lui  enjoint  avec  amertume 
d'obéir  à  Fricka;  et,  menaçant  la  Walkyrie  de  son  châti- 
ment si  elle  tentait  de  transgresser  ses  ordres,  il  s'éloigne 
dans  la  montagne 


ANALYSE    DES    POÈMES  195 

Brùnnhilde,  effrayée,  affligée,  ramasse  tristement  ses 
armes  et  se  dirige  vers  la  grotte  où  est  son  coursier 
Grane,  en  jetant  un  regard  sur  Siegmund  et  Sieglinde 
gui  montent  le  ravin. 

Scène  m.  —  Sieglinde,  sourde  aux  paroles  d'amour 
que  lui  murmure  Siegmund,  le  conjure  de  fuir  à  présent; 
elle  ne  veut  plus  se  donner  à  celui  qu'elle  aime  après 
avoir  appartenu  de  force  à  un  maître  détesté. 

Les  accents  lointains  du  cor  et  de  la  meute  de  Hunding 
la  font  tressaillir;  son  ami  ne  pourra  lutter  contre  tant 
d'adversaires,  et  son  épée  sera  impuissante  à  le  défendre. 
Folle  de  douleur  et  d'angoisse,  entendant  l'ennemi  se  rap- 
procher, elle  croit  voir,  en  son  hallucination,  son  amant 
devenir  la  proie  des  dogues  furieux,  et,  poussant  un  cri 
déchirant,  elle  s'évanouit.  Siegmund  l'étend  avec  précau- 
tion sur  le  sol  et,  mettant  un  baiser  sur  son  front,  il  s'as- 
sied sur  un  tertre  et  place  sur  ses  genoux  la  tête  de  sa 
bien-aimée. 

Scène  iv.  —  Pendant  ce  temps  Briinnhilde  s'avance, 
conduisant  avec  gravité  son  noble  coursier.  Elle  se  mon- 
tre au  guerrier  et  lui  annonce  qu'il  est  désigné  pour  périr 
dans  le  combat  qui  s'apprête;  elle  n'apparaît  qu'aux  hé- 
ros voués  à  la  mort  glorieuse  :  il  doit  se  préparer  à  la 
suivre  au  Walhalla.  Siegmund,  méprisant  le  trépas,  lui 
demande  si,  dans  la  demeure  des  dieux,  il  retrouvera  sa 
Sieglinde  adorée.  —  Non,  lui  répond  Briinnhilde,  ce 
sont  les  Walkyries  qui  lui  verseront  l'hydromel;  Sieg- 
linde doit  rester  encore  sur  cette  terre.  —  Le  guerrier 
refuse  alors  les  joies  du  séjour  enchanté,  s  il  ne  doit 
pas  les  partager  avec  sa  compagne  chérie;  il  luttera 
sans  crainte  contre  Hunding,  grâce  à  l'arme  invincible 
dont  son  père  lui  a  annoncé  le  succès;  mais  si  celui- 
ci  lui  retire    maintenant  sa  protection,    s'il   faut  périr, 


196  VOYAGE    A    BAYREUTH 

qu' Hella^  le  ])renne  :  il  ne  veut  pas  partager  le  sort  des 
immortels,  et,  avant  de  mourir,  il  tuera  sa  fiancée,  afin  que 
nul  être  ne  la  touche  vivante.  —  Il  tire  son  épée  et  va 
transpercer  Sieglinde  toujours  évanouie;  en  vain  Briinn- 
hilde  lui  révèle-t-elle  qu'en  frappant  sa  compagne,  c'est 
deux  vies  quil  va  trancher,  car  Sieglinde  porte  en  elle  un 
gage  de  son  amour;  il  veut  quand  même  lui  donner  le 
coup  fatal,  lorsque  la  Walkyrie,  touchée  de  compassion 
devant  tant  de  fidélité,  arrête  son  bras  et,  lui  promettant 
son  appui  et  son  assistance  pour  l'heure  du  combat,  lui 
donne  rendez-vous  sur  le  champ  de  bataille  et  s'éloigne 
avec  Grane.  Siegmund,  transfiguré  par  le  bonheur,  la  suit 
des  yeux. 

Scène  v.  —  Il  dépose  doucement  Sieglinde  endormie 
sur  un  siège  de  pierre  et  s'élance  dans  la  direction  de 
l'ennemi,  au  milieu  des  lourdes  nuées  d'orage  qui  se  for- 
ment et  assombrissent  tout  le  fond  de  la  scène.  Les  fan- 
fares guerrières  de  l'adversaire  se  rapprochent  de  plus 
en  plus. 

Sieglinde,  dans  son  rêve,  évoque  ses  souvenirs  d'en- 
fance :  elle  revoit  l'incendie  néfaste  qui  a  consumé  sa 
maison  et  dispersé  les  siens,  puis  elle  est  brusquement 
réveillée  par  l'éclat  du  tonnerre  qui  gronde  de  toutes 
parts  ;  on  entend,  venant  des  rochers  de  l'arrière-plan 
entourés  de  brouillards,  les  voix  des  deux  combattants, 
Siegmund  et  Hunding,  qui  se  provoquent  mutuellement. 
Sieglinde  veut  s'élancer  pour  les  séparer,  elle  est  aveu- 
glée par  les  éclairs  et  chancelle.  On  aperçoit  alors  Briinn- 
hilde  dans  la  nue  au-dessus  de  Siegmund,  qu'elle  protège 
et  encourage  de  la  voix  ;  il  va  donner  à  Hunding  le  coup 
mortel,  lorsque  Wotan,  apparaissant  à  son  tour  dans  un 

1.  Hella  personnifie  la  mort  vulgaire.  A  elle  appartiennent  ceux 
qui  périssent  loin  des  combats. 


ANALYSE    DES    POÈMES  197 

sillage  de  feu,  étend  son  épieu  entre  les  deux  ennemis; 
à  ce  contact,  la  lame  de  Siegmund  se  brise,  et  Hunding 
peut  lui  enfoncer  son  arme  dans  le  cœur.  Les  ténèbres 
envahissent  la  scène  ;  on  dislingue  à  ])eine  Briinnhilde 
enlevant  Sieglinde  inanimée  et  la  plaçant  sur  son  cour- 
sier pour  disparaître  avec  elle.  A  ce  moment  le  nuage 
sentr'ouvre  et  laisse  voir  Hunding  retirant  son  épée  du 
corps  de  Siegmund.  Wotan  contemple  avec  désespoir  le 
cadavre  de  son  fils  et  lance  à  Hunding  un  si  terrible  re- 
gard que  celui-ci  tombe  foudroyé  à  ses  pieds;  puis  le 
dieu  laisse  éclater  son  courroux  furieux  contre  la  fille 
rebelle  qui  a  osé  lui  désobéir,  et  s'élance  à  sa  poursuite 
pour  la  châtier  terriblement.  Il  disparaît  parmi  les  éclairs 
et  la  tourmente. 

Le  rideau  se  referme  rapidement. 

a»»  Acte. 

Scène  i.  —  La  scène  représente  un  plateau  rocheux 
au  sommet  d'une  montagne.  Quelques  sapins  le  parsè- 
ment d'une  maigre  verdure  ;  dans  le  lointain,  séparés  des 
premiers  plans  par  de  larges  vallées,  d'autres  sommets 
qui,  pendant  les  premières  scènes,  sont  cachés  par  des 
brouillards  balayés  par  le  vent  et  montant  sans  cesse  des 
profondeurs.  A  droite,  une  éminence  rocheuse  dans  la- 
quelle se  taille  une  sorte  d'escalier  ;  au  milieu  du  théâtre, 
au  second  plan,  un  bloc  aride  formant  un  poste  d'obser- 
vation au-dessus  de  la  vallée.  A  gauche,  plusieurs  sen- 
tiers donnant  accès  au  plateau  ;  derrière,  un  sapin  plus 
vaste  que  les  autres  étend  ses  larges  ramures  au-dessus 
de  ses  racines  puissantes. 

Quatre  des  Walkyries,  Gerliilde,  Ortlinde,  Waltraute, 
Schivertleite ,  armées  de  pied  en  cap,  sont  étagées  en 
observation  jusqu'au   sommet  du  rocher   de  droite  ;  elles 

12 


W^ifev 


198  VOYAGE   A   BAYREUTH 

font  entendre  leur  cri  de  guerre  pour  appeler  leurs  sœurs, 
qui,  à  l'exception  de  Brùnnhilde,  arrivent  tour  à  tour, 
chevauchant  dans  les  airs  sur  des  nuées  rapides  et 
ayant,  attachés  à  leurs  selles,  des  cadavres  de  guerriers 
morts  en  héros  et  destinés  au  Walhalla.  Les  nouvelles 
venues,  Helnuvige,  Siegrune,  Grimgerde,  et  Rosstveisse, 
font  paître  leurs  chevaux,  encore  animés  de  l'ardeur  de  la 
lutte,  et  attendent  la  retardataire  Briinnhilde,  qui  paraît 
bientôt,  hors  d'haleine,  montée  sur  son  beau  coursier 
Grane  et  portant  en  croupe  une  femme  vivante...  Sieg- 
linde. 

Interrogée  par  ses  sœurs,  elle  leur  apprend  qu'elle 
fuit  la  fureur  de  Wotan,  auquel  elle  a  osé  désobéir  et  qui, 
courroucé,  la  poursuit  ;  elle  les  conjure  de  l'aider  à  sau- 
ver sa  protégée  ;  mais  les  Walkyries  ne  veulent  pas  atti- 
rer sur  elles  la  colère  du  dieu  et  refusent.  Sieglinde, 
désespérée  de  survivre  à  celui  quelle  aimait,  reproche 
à  Briinnhilde  de  l'avoir  dérobée  à  la  mort  et  l'adjure  de 
lui  plonger  son  épée  dans  le  cœur;  mais  Briinnhilde  lui 
révèle  qu'elle  porte  un  Wàlsung  en  son  sein,  quelle  doit 
vivre  pour  conserver  les  jours  de  ce  fils  qui  naîtra  bien- 
tôt, et  qui  sera  un  héros  vaillant.  Sieglinde,  effrayée  d'a- 
bord, puis  saisie  d'une  joie  immense,  veut  maintenant 
vivre  à  tout  prix  ;  sur  le  conseil  des  Walkyries,  et  pour 
sauver  son  enfant,  elle  se  réfugiera  seule  dans  la  forêt 
qui  s'étend  vers  l'est  et  qui  est  habitée  par  Fafner,  gar- 
dien jaloux  du  trésor  funeste.  Jamais  Wotan  ne  porte 
par  là  ses  pas  ;  elle  sera  donc  en  sûreté  dans  cette  re- 
traite. 

Mais  il  faut  se  hâter,  car  l'orage  précurseur  de  la  venue 
de  Wotan  se  rapproche  de  plus  en  plus  ;  des  éclairs  sil- 
lonnent la  nue,  et  Waltraute  signale  bientôt  l'arrivée  du 
père  des  dieux. 


ANALYSE    DES    POÈMES  199 

Brûnnhilde  hâte  la  fuite  de  l'infortunée  et,  l'exhortant 
à  supporter  vaillamment  la  rude  vie  qu'elle  va  mener  so- 
litaire, elle  lui  promet  que  l'enfant  qu'elle  porte  dans  ses 
flancs  sera  un  héros  sublime  entre  tous.  Son  nom  sera 
Siegfried,  et  sa  mère  l'armera,  quand  il  en  sera  temps,  de 
l'épée  de  son  père,  qui  n'est  autre  que  lEpée  des  Dieux, 
brisée  par  Wotan  lui-même  dans  le  combat  funeste,  et 
dont  la  Walkyrie  a  soigneusement  recueilli  les  tronçons, 
qu'elle  confie  à  Sieglinde.  La  fugitive  bénit  Briinnhiide 
pour  sa  tendre  sollicitude  et  s'élance  dans  la  forêt  vers  la 
retraite  désignée. 

Pendant  cette  dernière  scène,  l'orage  a  redoublé  d'in- 
tensité. 

Scène  ii.  —  Entre  les  roulements  du  tonnerre  on  en- 
tend gronder  la  voix  de  Wotan;  Briinnhiide  ne  peut  plus 
fuir  ;  pâle,  éperdue,  elle  se  cache  au  milieu  de  ses  sœurs  ; 
elles  essayent  en  vain  de  la  dérober  au  regard  de  leur 
père,  qui,  en  proie  à  une  colère  terrible,  réclame  la  cou- 
pable. La  vierge  se  détache  alors  du  groupe  des  Walkv- 
ries,  et,  dans  une  attitude  respectueuse,  mais  ferme  et 
héroïque,  vient  se  soumettre  aux  valontés  de  son  juge.  Il 
éclate  alors  en  reproches  contre  cette  fille  autrefois  aimée 
entre  toutes,  qu'il  se  plaisait  à  charger  des  plus  glo- 
rieuses missions,  qui  était  l'enfant  de  son  vœu  et  qui  main- 
tenant, rebelle,  a  osé  le  braver.  C'en  est  fait  d'elle  :  il 
l'exile  du  Walhalla,  la  renie  et  la  prive  à  jamais  de  son 
essence  divine.  H  la  laissera,  sans  défense,  endormie  sur 
le  bord  du  chemin,  et  le  premier  passant  qui  l'éveillera 
pourra  en  faire  son  esclave  ;  elle  filera  le  lin,  soumise  à 
un  mortel,  et  sera  la  risée  de  tous. 

Les  autres  ^^'alkyries  poussent  des  cris  de  désespoir 
et  essayent  en  vain  de  fléchir  leur  père,  qui  les  menace 
du  même  sort  si  elles  tentent  de   défendre  la  révoltée. 


\idk^.' 


200  VOYAGE   A   BAYREUTH 

Elles  s'enfuient  en  donnant  les  signes  d'une  douleur  fa- 
rouche, et  on  les  aperçoit  bientôt  dans  le  lointain,  che- 
vauchant parmi  les  nuages. 

La  tempête,  qui  n'a  cessé  de  gronder,  se  calme  peu  à 
peu  ;  les  brouillards  se  dissipent,  une  nuit  sereine  fait 
place  à  la  tourmente  et  enveloppe  la  nature. 

Scène  m.  —  Briinnhilde,  qui  était  restée  abîmée  aux 
pieds  du  dieu,  lève  la  tète  et  cherche  à  rencontrer  le  re- 
gard de  son  père  pour  implorer  son  pardon.  Elle  l'adjure 
d'examiner  sa  faute  avec  plus  de  douceur  :  son  crime 
était-il  tellement  infâme  qu'elle  ait  mérité  une  peine  si 
cruelle  et  si  dégradante  ?  D'abord  il  lui  avait  commandé 
de  soutenir  et  de  faire  triompher  le  ^Yàlsung;  ce  n'est 
que  sous  la  pression  d'une  promesse  arrachée  par  con- 
trainte qu'il  a  détourné  sa  protection  de  son  fils  ;  mais 
elle,  Briinnhilde,  l'enfant  de  son  cœur,  a  cru  agir  selon 
sa  pensée  intime  et  son  secret  désir,  en  favorisant  quand 
même  Siegmund.  —  Non,  lui  dit  Wotan,  elle  ne  devait 
pas  s'arroger  le  droit  de  faire  ce  qu'il  eût  si  volontiers 
accompli  en  personne,  sans  le  fatal  serment  arraché  par 
Fricka,  elle  ne  devait  pas,  à  l'heure  même  où  son  père, 
torturé  par  le  destin,  rêvait,  dans  son  désespoir,  de 
s'anéantir  à  tout  jamais,  se  laisser  aller  au  doux  bonheur 
d'écouter  sa  tendre  compassion;  le  dieu  persiste  dans  son 
arrêt  rigoureux  :  il  la  bannit  pour  toujours  de  sa  présence, 
et,  puisqu'elle  s'est  laissé  dominer  de  son  plein  gré  par 
l'amour,  c'est  l'amour  qui  désormais  fera  d'elle  son  es- 
clave. 

La  Walkyrie  infortunée  adjure  son  père  de  se  souve- 
nir, s'il  la  bannit  de  son  existence,  qu'elle  a  fait  partie 
autrefois  de  son  être  divin,  et  que  ce  serait  se  déshono- 
rer lui-même  que  de  la  livrer  au  premier  venu,  un  lâche 
peut-être...  Un  nouveau  héros  va  naître  de  la  race  des 


ANALYSE   PES    POÈMES  201 

Wàlsungs,  valeureux  et  brave;  que  ce  soit  lui  son  sauveur 
et  son  maître!...  Sur  le  nouveau  refus  du  dieu,  elle  le 
supplie  au  moins  de  permettre  qu'un  obstacle  terrible  se 
dresse  autour  d'elle  pendant  le  fatal  sommeil,  afin  que 
seul  un  mortel  inaccessible  à  la  crainte  puisse,  en  triom- 
phant du  danger,  s'assurer  sa  conquête.  Le  dieu,  enfin 
touché  par  la  vaillance  de  son  enfant  infortunée,  sent  son 
cœur  paternel  se  fondre  devant  tant  de  fierté  dans  la  dé- 
tresse ;  il  consent  à  exaucer  son  dernier  vœu  :  autour 
d'elle  il  élèvera  un  foyer  ardent,  dont  le  feu  dévorant 
chassera  les  timides,  et  que  seul  sera  capable  de  franchir 
le  héros  désiré;  puis,  la  relevant,  il  la  tient  longuement 
embrassée  sur  son  sein  en  lui  faisant  de  tendres  adieux. 
—  Que  ces  lèvres,  qui  chantaient  si  joyeusement  la  gloire 
des  héros,  se  taisent;  que  ces  yeux  lumineux  qu'il  a  si 
souvent  baisés  avec  bonheur  et  dont  la  vue  l'a  maintes  fois 
réconforté  aux  heures  de  tristesse,  se  ferment  à  jamais 
pour  l'éternel  infortuné,  et  ne  se  rouvrent  que  pour  le 
mortel  heureux  qui  saura  la  conquérir.  —  Dans  un  su- 
prême baiser,  il  lui  enlève  sa  divinité  et  lui  clôt  les  pau- 
pières. Briinnhilde,  vaincue  par  le  sommeil,  s'endort 
peu  à  peu  ;  il  la  conduit  alors  sur  un  tertre  de  mousse 
ombragé  par  un  sapin  aux  lourdes  branches,  à  l'abri 
duquel  il  Tétend  inanimée.  Il  la  contemple,  ému,  puis 
ferme  son  casque,  étend  à  côté  d'elle  sa  lance  en  signe 
de  commandement,  et  la  couvre  de  son  long  bouclier 
d'acier  de  Walkyrie. 

Puis,  frappant  trois  fois  le  roc  de  son  épieu,  il  évoque 
Loge,  le  dieu  du  feu.  Une  flamme  s'allume,  grandit  et 
enveloppe  bientôt  le  rocher  dune  redoutable  et  gran- 
diose ceinture  de  feu,  formant  un  rempart  inaccessible 
autour  de  la  vierge  endormie. 

Ici  le  rideau  se  referme  très  lentement. 


202  VOYAGE  A   BAYREUTH 

SIEGFRIED 

l^'  Acte. 

Scène  i.  —  Le  décor  représente  une  vaste  caverne  au 
milieu  de  la  forêt,  et  dans  laquelle  Mime  a  établi  son  gîte 
et  sa  forge.  Au  fond  et  à  droite,  de  larges  ouvertures 
naturelles  par  lesquelles  on  aperçoit  la  verdure  des  bois 
ensoleillés.  A  droite,  au  premier  plan,  un  lit  recouvert 
de  peaux  de  bêtes;  au  second  plan,  à  gauche,  le  fourneau 
et  le  soufflet  de  la  forge  dont  la  fumée  s'écha|)pe  par  une 
vaste  cheminée,  naturelle  aussi.  Au  premier  plan,  une 
armoire  dans  laquelle  le  gnome  renferme  ses  aliments. 
Escabeaux  épars. 

Mime  forge,  en  maugréant,  une  nouvelle  épée  pour 
Siegfried,  qui  prend  un  malin  plaisir  à  briser  sans  cesse 
les  lames  que  le  nain  lui  présente. 

Ah!  que  ne  peut-il  venir  à  bout  de  ressouder  les  tron- 
çons de  NotJiung,  l'arme  de  Siegmund!  Entre  les  mains  de 
l'adolescent,  elle  triompherait  aisément  de  Fafner,  qui, 
changé  en  dragon,  est  toujours  détenteur  de  l'anneau  ma- 
gique. Siegfried  pourrait  s'emparer  du  talisman,  que  lui, 
Mime,  saurait  bien  à  son  tour  lui  soustraire;  mais,  vains 
efforts!  Les  débris  de  l'épée  mystérieuse  ne  veulent 
pas  se  réunir  entre  ses  mains!  Plein  de  dépit,  il  conti- 
nue à  frapper  sur  l'enclume  tout  en  devisant  avec  lui- 
même. 

Siegfried,  vêtu  en  habitant  des  forêts,  un  cor  d'argent 
en  sautoir,  paraît,  joyeux,  menant  en  laisse  un  ours  qu'il 
a  capturé  dans  les  bois  et  qu'il  excite  contre  Mime  ef- 
frayé. Il  raille  celui-ci  de  sa  poltronnerie,  puis,  détachant 
Tours,  qui  s'enfuit  dans  la  forêt,  il  réclame  du  Nibelung 
l'arme  qu'il  lui  avait  commandée,  et  qu'il  brise   sur  l'en- 


ANALYSE    DES    POEMES  203 

clume  au  premier  essai,  comme  il  l'avait  fait  des  précé- 
dentes. Son  discours  témoigne  clairement  du  peu  d'af- 
fection et  d'estime  qu'a  su  lui  inspirer  le  nain;  et  Mime 
récapitule  vainement  toutes  les  peines,  tous  les  soins  qu'il 
a  pris  de  lui  depuis  sa  naissance,  Siegfried  va  s'étendre 
sur  le  lit  de  repos  et  jette  à  terre,  d'un  méprisant  coup 
de  pied,  les  aliments  que  le  nain  lui  présente;  il  le  bafoue 
et  se  demande  comment,  étant  donnée  l'aversion  que  lui 
inspire  ce  misérable  gnome,  il  revient  chaque  jour  ici 
après  ses  courses  à  travers  la  forêt.  —  Cela  prouve,  lui 
répond  son  père  nourricier,  qu'en  dépit  de  ses  boutades 
Mime  est  cher  à  son  cœur.  —  Mais  Siegfried  rit  à  cette 
idée;  il  pose  de  nouvelles  questions  au  nain  et  se  refuse 
à  croire  que  cet  avorton  louche  et  méchant  soit  l'auteur 
de  ses  jours,  comme  le  fourbe  veut  le  lui  persuader.  Il  le 
presse  de  lui  dire  quels  étaient  ses  vrais  parents;  Mime 
cherche  à  éluder  la  réponse,  puis  finit  par  lui  avouer,  con- 
traint par  le  jeune  homme  irrité,  qu'il  est  né  d'une  mal- 
heureuse fugitive  qui,  accablée  de  tristesse  et  d'angoisse, 
avait  un  jour  cherché  refuge  dans  la  forêt  et  est  morte 
en  le  mettant  au  monde.  Siegfried  manifeste  une  grande 
émotion  à  ce  récit.  L'astucieux  nain  veut  sans  cesse  en 
revenir  à  l'énumération  de  ses  bienfaits  envers  l'enfant 
que  la  pauvre  Sieglinde  mourante  avait  confié  à  ses  soins, 
mais  l'impétueux  adolescent  l'interrompt  sans  pitié  et  le 
force  à  lui  révéler  la  fin  de  son  histoire.  Il  apprend  peu 
à  peu  que  sa  mère,  avant  d'exjnrer,  lui  a  donné  son  nom 
de  Siegfried,  et  que  son  père  avait  été  tué  dans  un  com- 
bat, laissant  pour  tout  héritage  les  tronçons  d'une  épée 
qui  s'était  brisée  pendant  la  lutte  suprême  et  dont  lui,  le 
Nibelung,  détient  maintenant  les  morceaux.  Sur  cette  ré- 
vélation, Siegfried  s'emporte;  il  somme  le  nain  de  lui  res- 
souder les  fragments  du  glaive  paternel,  avec  lequel  il  veut, 


804  VOYAGE    A   BAYREUTH 

libre  et  joyeux,  quitter  la  forêt  et  parcourir  le  monde; 
cette  épée,  il  la  lui  faut  de  suite;  il  exige  que  Mime  la 
lui  forge  sans  retard,  et  s'élance  hors  de  la  grotte  après 
avoir  menacé  le  nain,  qui,  resté  seul,  se  désespère  :  il  ne 
sait  pas  plus  comment  faire  pour  manier  l'acier  rebelle 
que  pour  retenir  près  de  lui  celui  dont  le  bras  inconscient 
devait,  selon  ses  ténébreuses  machinations,  lui  conquérir 
le  trésor  qui  fait  son  envie  et  qui  est  si  bien  gardé  dans 
le  repaire  par  l'effroyable  dragon. 

Scène  ii.  —  Pendant  qu'il  se  livre  à  ces  décourageantes 
réflexions,  entre  dans  sa  caverne  un  inconnu  amplement 
drapé  dans  un  sombre  manteau,  coiffé  d'un  large  cha- 
peau lui  cachant  une  partie  du  visage.  Cet  inconnu,  qui 
n'est  autre  que  le  dieu  Wotan,  refuse  de  révéler  sa  per- 
sonnalité à  Mime;  il  s'intitule  le  Voyageur  eX.  demande  à 
se  reposer  des  fatigues  de  la  route.  Malgré  le  mauvais 
accueil  du  gnome,  qui  voit  en  lui  un  espion  dont  la  pré- 
sence l'effraye  et  l'inquiète,  le  dieu  entre  et,  s'asseyant 
au  foyer,  dit  à  son  hôte  que  souvent,  errant  sur  le  dos  de 
la  terre,  il  a  payé  l'hospitalité  reçue,  par  les  sages  conseils 
qu'il  donnait  à  qui  voulait  l'interroger,  et  il  offre  sa  tête 
en  gage  à  Mime  si  celui-ci,  le  questionnant,  n'apprend 
point,  par  ses  réponses,  ce  qu'il  lui  importerait  de  savoir. 
Le  nain,  pour  se  débarrasser  de  l'importun,  accepte  la 
gageure  et  lui  pose  trois  questions,  que  le  Voyageur  pro- 
met d'élucider  :  «  Quelle  est  la  population  vivant  dans 
les  entrailles  de  la  terre?  demande  tout  d'abord  Mime. 
—  Ce  sont  les  Nibelungs,  que  leur  chef  Alberich  avait 
asservis  grâce  à  la  puissance  de  l'anneau  magique,  lui 
répond  l'inconnu.  —  Quelle  race  respire  à  la  surface  du 
globe?  —  La  race  des  géants,  dont  les  princes,  Fasolt  et 
Fafner,  ont  conquis  les  richesses  du  Rhin  et  l'anneau 
maudit.   Fafner  a  tué  son  frère,  et,  changé   en   dragon, 


ANALYSE    DES    POEMES  205 

il  garde  maintenant  le  trésor,  »  Mime,  profondément 
intéressé  par  les  réponses  du  Voyageur,  lui  demande  en- 
core :  «  Quels  sont  les  habitants  des  cimes  nébuleuses? 
—  Ce  sont  les  Alfes  de  lumière  qui  habitent  le  Walhalla, 
et  leur  chef,  Wotan,  a  conquis  l'univers  grâce  à  sa  lance, 
sur  laquelle  sont  gravés  les  pactes  divins.  » 

En  achevant  ces  mots,  l'inconnu  frappe  le  sol  de  son 
bâton,  un  roulement  de  tonnerre  se  fait  entendre,  arra- 
chant Mime  à  sa  rêverie.  Le  nain,  satisfait  des  réponses 
qui  lui  ont  été  faites,  veut  maintenant  éloigner  le  Voya- 
geur, dans  lequel  il  a  enfin  reconnu  le  père  des  dieux; 
mais  celui-ci  le  questionne  à  son  tour,  prenant  sa  tête  en 
gage  s'il  ne  répond  pas  à  ses  interrogations  :  «  Quelle 
race  est  persécutée  par  Wotan,  malgré  l'amour  qu'il  a  pour 
elle?  —  Les  Wâlsungs,  répond  Mime,  qui  en  trace  rapide- 
ment l'historique.  —  Quelle  épée  pourra,  suivant  les  té- 
nébreuses menées  d'un  Nibelung  avisé,  tuer  Fafner  par 
l'entremise  de  Siegfried  et  rendre  le  nain  maître  de  l'an- 
neau?—  Nothung!  s'écrie  Mime  entraîné  par  l'intérêt  que 
lui  inspire  la  question.  —  Enfin,  quel  est  l'habile  forge- 
ron qui  saura  ressouder  les  merveilleux  débris  du  glaive  ?  » 
A  ces  mots  Mime  tressaute  d'effroi;  cette  demande  ré- 
veille toutes  ses  angoisses,  et  le  Voyageur,  riant  de  son 
émoi,  lui  apprend  que  seul  celui  qui  ne  connaîtra  pas  la 
peur  pourra  triompher  du  problème.  Le  nain  n'a  pas  su 
répondre  à  cette  dernière  interrogation  :  sa  vie  appartient 
donc  à  l'étranger,  qui  s'éloigne  dans  la  forêt  en  léguant  la 
tête  du  gnome  à  «  celui  qui  n'a  jamais  appris  la  crainte  ». 

Scène  m.  —  Se  retrouvant  seul,  Mime  s'affaisse  der- 
rière lenclume;  cette  peur,  qu'il  faudrait  ne  jamais  avoir 
ressentie  pour  pouvoir  marteler  victorieusement  l'acier, 
elle  l'envahit  tout  entier;  déjà,  dans  son  affolement,  il 
croit  voir  s'approcher  le  dragon,  le  terrible  Fafner;  il 


206  VOYAGE    A    BAYREUTU 

tremble  de  tous  ses  membres,  pousse  des  cris  et  se  roule 
sur  le  sol. 

C'est  dans  cet  état  que  le  trouve  Siegfried  en  rentrant 
de  son  expédition  dans  la  forêt.  Il  réclame  de  nouveau 
son  épée;  mais  le  nain  sait  maintenant  qu'il  ne  pourra  la 
lui  forger  lui-même,  puis  comprend  que  l'adolescent,  qui 
n'a  jamais  connu  la  crainte,  est  celui  à  qui  le  Voyageur  a 
légué  sa  tête  en  partant.  Pour  échapper  au  péril,  il  lui 
faudra,  coûte  que  coûte,  imprimer  T effroi  dans  celte  âme 
téméraire,  et  pour  cela,  il  imagine  de  déclarer  à  Siegfried 
qu'il  ne  peut,  selon  le  vœu  de  sa  mère,  quitter  cette  soli- 
tude sans  avoir  auparavant  appris  la  peur.  Pour  l'y  exci- 
ter, il  lui  fait  un  tableau  troublant  de  la  forêt  à  l'heure  où 
l'ombre  l'envahit  de  toutes  parts,  où  des  murmures  mys- 
térieux se  mêlent  aux  grognements  farouches  des  fauves. 

—  Siegfried  la  connaît  bien,  cette  heure  indécise  dans  les 
bois,  mais  elle  n'a  jamais  jeté  l'angoisse  dans  son  cœur. 

—  Mime  alors  lui  parle  du  dragon  terrible,  Fafner,  qui 
étrangle  et  dévore  tout  ce  qui  tente  de  l'approcher,  et 
dont  le  repaire,  Neidliolile,  la  caverne  d'envie,  se  trouve 
à  l'extrémité  de  la  forêt. 

Ce  récit  du  nain  ne  fait  qu'éveiller  la  curiosité  du  bouil- 
lant enfant  :  c'est  devant  le  repaire  du  monstre  qu'il  veut 
aller  chercher  la  peur;  il  va  donc  partir,  mais  non  sans 
être  armé  de  Nothung,  et  il  somme  une  dernière  fois 
Mime  de  la  lui  forger.  Sur  les  nouveaux  atermoiements 
du  méchant  gnome,  qui  se  sait  impuissant  pour  une  telle 
besogne,  Siegfried  lui  arrache  des  mains  les  morceaux 
de  l'épée  et  se  met  lui-même  à  réduire  le  métal  en  limaille 
pour  le  travailler  ensuite  avec  ardeur.  En  l'honneur  de 
l'arme  chérie,  il  entame  un  joyeux  chant,  qui  alterne  avec 
les  imprécations  de  l'Alfe  haineux,  sentant  renaître  toutes 
ses  angoisses  et  voyant  son  plan  ténébreux  s'écrouler 


ANALYSE    DES    POEMES  207 

Le  nain  va  cependant  tenter  un  dernier  effort  pour 
s'assurer  le  succès  :  il  laissera  le  téméraire  vaincre  le 
dragon  avec  son  épée  fameuse,  puis,  comme  ce  combat 
l'aura  épuisé,  Mime  lui  présentera,  sous  prétexte  de  le 
réconforter,  un  breuvage  enchanté  dont  quelques  gout- 
tes l'endormiront  d'un  profond  sommeil  et  le  lui  livreront 
sans  défense.  Alors  le  Nibelung  n'aura  plus  qu'à  se  frayer 
son  passage  vers  la  grotte,  où  il  s'emparera  facilement 
du  trésor  si  ardemment  et  si  longuement  convoité  par  lui. 
Déjà  il  se  voit  en  possession  de  l'anneau  renfermant  le 
charme  tout-puissant,  et  savoure  par  avance  à  longs  traits 
les  enivrements  de  la  royauté  souveraine.  Il  prend  dans 
son  armoire  les  sucs  nécessaires  à  son  infernale  cui- 
sine, qu'il  met  cuire  sur  l'extrémité  du  fourneau  de  la 
forge. 

Cependant  Siegfried,  tout  en  chantant,  a  fini  de  marte- 
ler son  arme  merveilleuse;  il  la  trempe,  puis  la  brandit 
sur  l'enclume,  que  cette  fois  il  fend  en  deux  d'un  mou- 
vement plein  de  force  et  d'aisance.  Le  nain,  arraché  à  ses 
méditations,  sursaute  et  tombe  affolé  par  terre,  tandis 
que  l'adolescent  élève  joyeusement  son  épée  en  signe  de 

triomphe. 

2'°«  Acte. 

Scène  ï.  —  L'action  se  passe  dans  la  forêt,  devant  la 
caverne  ou  Fafner  assoupi  garde  son  trésor.  A  droite,  au 
premier  plan,  des  roseaux  touffus  ;  au  milieu,  un  vaste 
tilleul  aux  puissantes  frondaisons  et  dont  les  racines  of- 
frent une  sorte  de  banc  naturel.  Au  second  plan,  qui  est 
un  peu  surélevé,  se  trouve,  à  gauche,  à  demi  cachée  par 
un  amas  de  rochers,  l'ouverture  de  l'antre  du  dragon. 
L'arrière-plan  est  formé  par  une  muraille  de  rocs  à  pic. 
Une  nuit  obscure  règne  sur  toute  la  scène. 

Alberich  veille  anxieusement  aux  abords  de  Xeidhôhle, 


208  VOYAGE    A    BAYREUTH 

le  repaire  du  monstre  auquel  il  conserve  l'espoir  d'arra- 
cher son  trésor,  lorsque  arrive,  accompagné  d'un  souffle 
de  tempête,  leVoyageur,  subitement  éclairé  par  un  rayon 
de  lune  qui  perce  la  nuée. 

L'Alfe,  rendu  furieux  par  la  présence  de  son  ennemi, 
éclate  en  menaces  et  en  injures  contre  le  dieu,  qu'il  soup- 
çonne de  vouloir  assister  Siegfried  dans  sa  lutte  avec  le 
monstre.  Mais  Wotan,  qui  est  venu  pour  voir  et  non  pour 
agir,  ayant  la  ferme  volonté  de  ne  protéger  en  rien  le  héros 
dont  il  a  été  contraint  d'abandonner  la  race,  répond  à  Al- 
berich  que  le  seul  qu'il  ait  à  redouter,  c'est  Mime.  Mime 
seul  désire  l'anneau,  dont  l'adolescent  ignore  la  puissance 
magique.  Wotan,  lui,  le  dédaigne.  A  l'appui  de  son  dire,  il 
propose  au  Xibelung  l'idée  d'avertir  le  monstre  du  danger 
qui  le  menace  et  de  lui  offrir  la  vie  sauve  en  échange  du 
talisman.  Le  dragon  Fafner,  réveillé  de  son  lourd  som- 
meil, se  refuse  à  la  proposition  qui  lui  est  faite  :  il  ne  veut 
pas  se  départir  de  son  inutilepossession.Ledieu,  riant  de 
la  déconvenue  du  nain,  s'éloigne  au  milieu  des  gronde- 
ments de  l'orage,  en  lui  conseillant  de  tenter  une  démar- 
che conciliatrice  auprès  de  son  frère  Mime. 

Le  Nibelung,  le  suivant  de  son  regard  haineux,  renou- 
velle ses  imprécations,  se  jure  de  poursuivre  sa  conquête 
et  d'écraser  un  jour  la  race  détestée  des  dieux.  Il  se  cache 
dans  un  creux  du  rocher;  l'aube  commence  à  poindre. 

Scène  ii.  —  Mime  et  Siegfried  arrivent,  Siegfried 
armé  de  son  épée.  Il  s'assied  sous  le  grand  tilleul,  son 
compagnon  se  place  en  face  de  lui  et  commence  à  vouloir 
le  terroriser  en  lui  montrant  le  repaire  qui  s'ouvre  béant 
à  quelques  pas  d'eux,  en  lui  dépeignant  l'horrible  monstre, 
habitant  de  ce  gouffre,  qui  engloutit  dans  sa  gueule  épou- 
vantable ceux  qui  ont  l'imprudence  de  l'approcher,  qui 
répand  sur  eux  une  bave  venimeuse  consumant  la  chair 


ANALYSE    DES    POEMES  209 

de  ses  victimes,  ou  les  élreint  dans  sa  longue  queue  elles 
étouffe  en  les  brisant. 

Siegfried,  très  calme  à  ce  récit,  se  promet  d'enfoncer 
Nothung  dans  le  cœur  du  monstre  ;  et  lorsque  Mime  insiste 
et  lui  prédit  qu'il  ressentira  la  peur  en  se  trouvant  face  à 
face  avec  le  dragon,  il  s'impatiente  et  l'oblige  à  s'éloigner, 
en  le  menaçant  à  son  tour  de  l'affreuse  bête. 

Resté  seul  en  attendant  le  combat,  Siegfried  pense  avec 
joie  qu'il  va  quitter  à  tout  jamais  ce  nain  odieux  qui  lui 
fait  horreur;  il  songe  aussi  avec  un  profond  attendrisse- 
ment à  cette  mère  qu'il  aurait  tant  aimée  et  dont  les  cares- 
ses lui  ont  été  refusées.  Il  se  plaît  à  se  la  représenter  belle 
et  douce,  avec  des  yeux  clairs  et  brillants  comme  ceux  des 
gazelles.  Il  soupire  et  médite,  puis  est  tiré  de  son  rêve 
par  les  murmures  de  la  forêt  qui  montent  de  tous  côtés  et 
emplissent  son  âme  d'une  poésie  mystérieuse  ;  parle  chant 
joyeux  d'un  oiseau  perché  au-dessus  de  sa  tête  et  dont  il 
regrette  de  ne  pouvoir  comprendre  le  doux  langage;  peut- 
être  lui  parlerait-il  de  cette  mère  tant  aimée?  Il  veut 
essayer  d'imiter  son  gazouillement  et  taille  un  roseau 
avec  son  épée  pour  s'en  faire  un  chalumeau  ;  mais  il  ne 
peut  tirar  que  des  sons  criards  de  ce  primitif  instrument, 
et  le  jetant  avec  dépit,  il  le  remplace  par  son  cor  d'argent, 
sur  lequel  il  sonne  sa  joyeuse  fanfare. 

C'est  ainsi  que  jadis,  demandant  à  la  forêt  un  cher  com- 
pagnon, il  n'a  trouvé  que  l'ours  et  le  loup  :  que  viendra- 
t-il  maintenant  ? 

En  se  parlant  ainsi,  Siegfried  se  retourne  et  se  trouve 
en  présence  de  Fafner,  qui,  sous  la  forme  d'un  reptile  hi- 
deux, s'est  avancé  vers  le  milieu  de  la  scène  et  fait  enten- 
dre un  grognement  sonore.  L'adolescent  rit  à  sa  vue  et 
ne  s'effraye  nullement  des  paroles  menaçantes  du  monstre  ; 
il  le  raille  sur  les  mignonnes  dents  qu'il  exhibe,  et,  tirant 

13 


210  VOYAGE    A    BAYREUTH 

son  épée,  se  place  résolument  en  face  de  lui.  Le  dragon, 
essaye  vainement  de  lui  lancer  sa  bave  mortelle  et  de  l'en 
lacer  dans  sa  queue  pour  le  broyer  :  le  jeune  héros  déjoue 
ses  calculs  et,  profitant  d'un  instant  où  son  ennemi  se  re- 
tourne, il  lui  enfonce  Nothung  dans  le  cœur.  Fafner  expi- 
rant admire  le  courage  de  cet  enfant  qui  a  osé  le  braver;  il 
lui  révèle  quelle  personnalité  il  cachait  sous  cette  forme 
hideuse,  et  ses  dernières  paroles  sont  un  utile  avis  à  Sieg- 
fried, qui  devra  se  tenir  en  garde  contre  les  noires  menées 
de  celui  qui  l'a  conduit  jusqu'ici;  puis  il  roule  inanimé 
sur  le  sol.  Au  moment  où  Siegfried  retire  son  épée  de  la 
poitrine  du  monstre,  sa  main  est  inondée  d'un  sang  brû- 
lant qui  sort  de  la  blessure;  il  porte  involontairement  ses 
doigts  à  ses  lèvres  pour  essuyer  le  sang,  puis  il  reste  un 
instant  rêveur.  Soudain  son  attention  est  attirée  par  le 
chant  des  oiseaux,  dont  il  lui  semble  maintenant  compren- 
dre la  signification.  Est-ce  d'avoir  goûté  au  sang  qui 
opère  en  lui  un  tel  prodige  ?  L'oiseau,  dans  un  langage 
intelligible,  lui  conseille  de  pénétrer  dans  la  caverne  et  de 
s'emparer  du  Tarnhelm  et  de  l'anneau,  dont  il  lui  révèle  la 
puissance.  Le  héros  remercie  son  gracieux  protecteur  et 
disparaît  dans  les  profondeurs  de  la  grotte. 

Scène  III.  — Pendant  qu'il  l'explore,  Mime  sort  de  sa 
retraite,  et,  ne  voyant  plus  Siegfried,  veut  se  diriger  vers 
la  caverne,  lorsque  Alberich,  surgissant  à  son  tour  de  sa 
cachette,  lui  barre  le  passage.  Une  furieuse  discussion 
s'engage  alors  entre  les  deux  nains  au  sujet  du  trésor  con- 
voité. Mime  finit  par  proposer  un  partage  à  son  frère,  qui 
le  repousse  avec  dédain  :  il  lui  offre  l'anneau  et  gardera 
pour  lui  le  Tarnhelm,  pensant,  dans  sa  ruse,  qu'il  lui  sera 
facile,  plus  tard,  à  laide  du  casque  enchanté,  de  ravir  la 
bague  à  son  frère.  Celui-ci  refuse  avec  mépris;  la  querelle 
s'envenime,  et,  chacun  se  jurant  à  lui-même  que  le  trésor 


ANALYSE    DES   POEMES  211 

lui  appartiendra  tout  entier,  ils  disparaissent  au  milieu 
des  arbre«  et  des  rochers  pour  laisser  place  à  Siegfried, 
qu'ils  voient  avec  rage  sortir  de  la  caverne  en  considérant 
longuement  la  coiffure  magiane  et  l'anneau .  Il  s'arrête  sous 
l'arbre,  se  demandant  à  quoi  lui  seront  utiles  ces  joyaux 
qu'il  n'a  recueillis  que  sur  l'avis  de  l'oiseau,  dont  il  n'a  pas 
compris  exactement  la  portée,  et  qui  lui  rappellent  seule- 
ment sa  victoire,  dans  laquelle  il  n'a  pas  appris  la  peur. 

Au  milieu  du  silence,  les  murmures  de  la  forêt  repren- 
nent, grandissent  et  montent  en  une  adorable  symphonie 
jusqu'à  l'âme  de  l'adolescent,  qui,  en  communion  complète 
maintenant  avec  les  voix  mystérieuses  de  la  nature,  en 
perçoit  pleinement  le  sens  sublime  et  caché.  Le  chant  de 
l'oiseau  se  fait  de  nouveau  entendre  pour  l'instruire  de  la 
traîtrise  de  Mime  :  Siegfried  n'aura  qu'à  écouter  attenti- 
vement les  paroles  du  gnome  pour  en  comprendre  le  sens 
véritable.  En  effet,  l'astucieux  s'avance,  méditant  la  trahi- 
son qui  doit  lui  assurer  la  victoire  si  longuement  convoitée; 
son  langage  le  trahit  malgré  lui,  et  ses  paroles  correspon- 
dent exactement  avec  ses  vilains  sentiments  intimes,  bien 
qu'il  veuille  les  faire  rassurantes  et  affectueuses  :  il  a  tou- 
jours haï  l'enfant  qui  lui  a  été  confié,  mais  il  voulait  s'en 
faire  un  instrument  pour  conquérir  le  trésor  ;  il  lui  pré- 
sente maintenant,  sous  prétexte  de  le  réconforter,  un  breu- 
vage empoisonné,  et  lorsque  sa  victime  sera  couchée  par 
terre,  les  membres  raidis  par  la  mort,  il  lui  enlèvera  enfin 
le  talisman,  objet  de  son  ardent  désir.  Siegfried,  indigné 
des  odieux  calculs  du  fourbe,  brandit  son  épée  et,  le  trans- 
perçant, l'étend  à  ses  pieds;  puis  il  ramasse  le  corps  et  le 
jette  dédaigneusement  au  fond  de  la  caverne,  devant  la- 
quelle il  roule  ensuite  le  cadavre  du  dragon;  ils  garderont 
ainsi  ensemble  les  richesses  entassées  dans  l'antre. 

Fatigué  par  tous  ses  exploits,  le  héros  s'étend  au  pied 


212  VOYAGE   A    BAYREUTH 

de  l'arbre;  les  mélodies  de  la  forêt  se  font  de  nouveau  en- 
tendre, et  il  demande  à  son  gentil  compagnon,  l'oiseau,  de 
chanter  encore.  L'ami  qui  lui  a  déjà  donné  de  si  précieux 
conseils  ne  peut-il  continuer  à  le  guider,  lui,  si  seul  au 
monde  et  qui  aspire  si  ardemment  aux  affections  dont  son 
cœur  sevré  est  avide  ?  L'oiseau  merveilleux  lui  révèle  alors 
que  sur  un  rocher  solitaire  dort,  entourée  de  flammes  qui 
la  gardent  jalousement,  la  plus  belle  des  femmes;  elle  y 
attend  le  fiancé  qui  saura  braver  le  feu  pour  la  conqué- 
rir; Briinnhilde  est  son  nom;  elle  n'appartiendra  qu'au 
héros  dont  l'âme  n'aura  jamais  été  accessible  à  la  peur. 
Siegfried,  dont  le  cœur  est  vierge  de  toute  crainte,  re- 
connaît en  lui-même  l'élu  qui  doit  triompher.  Ravi,  exalté, 
ivre  de  désirs,  il  s'élance  à  la  conquête  de  la  bien-aimée; 
l'oiseau,  qui  lui  montrera  le  chemin,  plane  dans  les  airs, 
et  le  héros,  poussant  des  cris  d'allégresse,  suit  la  roule 
qui  lui  est  indiquée. 

3°>«  Acte. 

Scène  i.  —  Le  décor  représente  un  étroit  défilé  dans 
une  contrée  rocheuse  d'aspect  sévère  et  dénudé.  Une 
crypte,  dont  on  aperçoit  la  sombre  ouverture,  est  taillée 
dans  la  montagne  qui  se  dresse  à  pic  au  second  plan.  A 
gauche  un  passage  parmi  les  chaos  de  rochers  ;  une  obs- 
curité relative  règne  sur  le  paysage. 

Le  Voyageur  s'est  arrêté  à  l'entrée  delà  crypte,  au  sein 
de  laquelle  repose  de  son  éternel  sommeil  Erda,  l'âme 
antique  de  la  terre.  Il  l'évoque,  et  par  la  puissance  de  son 
charme  la  force  à  s'éveiller.  Il  veut  l'interroger,  car  elle 
est  la  sagesse  du  monde  ;  aucun  mystère  ne  lui  est  inconnu, 
et  le  dieu  est  avide  de  partager  sa  science. 

La  prophétesse  émerge  lentement  de  sa  mystérieuse  re- 
traite, enveloppée  d'une  lueur  confuse;    sa  chevelure  et 


.m 


ANALYSE    DES    POÈMES  213 

ses  vêtements  scintillants  semblent  couverts  de  givre.  Elle 
s'est  arrachée  avec  peine,  et  sous  l'influence  du  charme,  à 
son  profond  assoupissement,  mais  elle  ne  sait  rien  :  tout 
son  savoir  l'abandonne  lorsqu'elle  veille  ;  elle  ne  peut 
répondre  à  Wotan,  et  elle  lui  conseille  de  s'adresser  aux 
Nornes,  qui  dans  le  câble  des  destins  filent  et  lissent  toute 
la  science  de  leur  mère  éternelle.  —  Mais  ce  que  cher- 
che le  dieu,  ce  n'est  pas  de  connaître  l'avenir  :  il  voudrait 
le  modifier.  —  Pourquoi  n'interrogerait-il  pas  la  fille  de 
son  vœu,  la  voyante  Briinnhilde?  lui  demande  la  Vala  ^ 
Alors  Wotan  lui  apprend  le  châtiment  qu'il  a  dû  infliger  à 
la  vierge  rebelle.  —  Peut-il,  maintenant  qu'il  l'a  privée  de 
sa  divinité,  la  consulter  encore  ?  —  La  déesse  médite  lon- 
guement ;  ses  pensées  se  troublent  depuis  qu'elle  est  éveil- 
lée ;  elle  ne  veut  pas  conseiller  celui  dont  elle  blâme 
les  agissements,  celui,  qui,  après  avoir  ordonné  à  la  Wal- 
kyrie  d'agir,  la  punit  d'avoir  agi;  qui  tour  à  tour  protège 
ou  entrave  la  justice  et  qui  se  parjure  pour  tenir  ses  ser- 
ments; d'ailleurs  elle  ne  peut  pas  changer  les  lois  immua- 
bles de  ce  qui  doit  être.  Elle  demande  à  être  délivrée 
du  charme  et  à  se  replonger  dans  son  sommeil  séculaire. 
—  Wotan,  ne  pouvant  rien  obtenir  d'elle,  la  laissera  donc 
redescendre  dans  sa  sombre  retraite.  Que  les  destins  s'ac- 
complissent :  il  ne  luttera  plus  contre  la  fin;  ce  qu'il  a 
décidé  autrefois,  maintenant  il  l'exécutera  avec  joie  ;  et  le 
monde  que,  dans  sa  colère,  il  avait  voué  à  la  haine  du  Xi- 
belung,  il  le  lègue  maintenant  au  fils  des  Wàlsungs  :  le 
héros  qui,  libre  de  toute  crainte,  a  su  se  conquérir  l'an- 
neau magique,  va  réveiller  Briinnhilde,  et  la  fille  déchue 
des  dieux  accomplira,  consciente,  l'acte  libérateur  qui 
affranchira  le  monde;  c'est  elle  qui  rendra  au  Rhin  l'or 

1.  Vala  est  le  nom  que  donnaient  les  Scandinaves  aux  prophé- 

tesses. 


214  VOYAGE    A    BAYREUTH 

maudit  qui  a  causé  de  si  grands  malheurs  ;  c'est  elle  aussi 
qui,  embrasant  le  Walhalla  d'un  incendie  grandiose,  dé- 
terminera la  fin  des  dieux.  Wotan  alors  rompt  le  charme 
qui  retenait  la  prophétesse  ;  elle  disparaît  dans  l'abîme, 
qui  est  de  nouveau  plongé  dans  l'obscurité;  la  tempête 
se  calme,  et  le  voyageur  attend,  silencieux,  l'arrivée  de 
Siegfried. 

Laube  matinale  commence  à  éclairer  la  scène;  l'oi- 
seau prolecteur  s'approche  en  voletant,  puis  tout  à  coup 
inquiet,  car  il  a  aperçu  les  deux  corbeaux  qui  accompa- 
gnent toujours  le  Maître  du  Monde,  il  dispara' t  à  tire- 
d'aile. 

Siegfried  s'avance  joyeux  en  suivant  le  chemin  que  lui 
a  indiqué  l'oiseau. 

Scène  ii.  —  Le  dialogue  s'engage  entre  lui  et  Wotan 
qui  l'interroge,  et  à  qui  il  raconte  son  odyssée,  son  exploit 
avec  le  dragon,  l'épée  merveilleuse  qu'il  a  entre  les  mains 
et  la  douce  conquête  qu'il  aspire  à  faire. 

Ces  paroles  ravivent  momentanément  chez  le  dieu  l'an- 
goisse des  événements  qui  vont  se  dérouler  et  qu'il  ac- 
ceptait tout  à  l'heure  encore  avec  une  ferme  volonté;  une 
dernière  fois  il  est  tenté  d'agir,  et  cherche  à  s'opposer  à 
la  marche  du  jeune  héros.  Siegfried  veut  suivre  quand 
même  la  route  que  l'oiselet  lui  avait  montrée  avant  de  fuir 
la  présence  des  corbeaux  de  Wotan;  il  s'irrite  contre  l'im- 
portun qui  veut  lui  barrer  la  route,  et  déclare  qu'il  le 
privera,  s'il  résiste,  du  seul  œil  qui  lui  reste  ;  mais  le  Voya- 
geur, dédaignant  le  courroux  du  jeune  téméraire  et  se  di- 
sant gardien  du  rocher  où  dort  Briinnhilde,  menace  de  ses 
flammes  l'audacieux  qui  veut  passer  outre  ;  dans  un  ac- 
cès de  colère,  il  lui  ferme  le  passage  avec  sa  lance,  Sieg- 
fried, dont  l'impatience  est  à  son  comble,  tire  son  épée  et 
en  frappe  lépieu  de  Wotan,  qui  se  brise  avec  fracas.  Le 


ANALYSE    DES    POÈMES  215 

tonnerre  gronde,  un  océan  de  feu  emplit  la  scène;  le 
dieu,  se  sentant  décidément  vaincu,  cède  la  place  au  jeune 
et  impétueux  combattant  et  disparaît  dans  l'embrasement 
général. 

Siegfried,  maintenant  tout  à  sa  conquête,  sonne  une  fan- 
fare joyeuse  et  se  précipite  au  travers  des  flammes  qui 
envahissent  de  plus  en  plus  la  montagne  ;  on  entend  le  son 
du  cor  qui  s'éloigne  et  indique  que  le  sonneur  escalade  le 
rocher;  puis  le  feu  s'apaise,  les  nuées  disparaissent  et 
laissent  voir  sous  un  ciel  d'azur  le  rocher  où  dort  Briinn- 
hilde.  Le  décor  est  le  même  qu'au  troisième  acte  de  la 
Walkyrie. 

Scène  m.  — Siegfried,  dont  la  fanfare  a  cessé,  regarde 
autour  de  lui  avec  étonnement;  il  aperçoit  un  noble  cour- 
sier qui  sommeille  à  l'ombre  des  sapins,  puis  des  armes 
en  acier  brillant  qui  reluisent  au  soleil;  il  s'approche,  et 
voit  un  guerrier  armé  qui  repose,  endormi,  la  tête  serrée 
par  un  heaume.  Il  détache  doucement  le  heaume  pour 
mettre  plus  à  l'aise  le  dormeur.  Une  magnifique  chevelure 
s'échappe  de  la  coiffure.  Siegfried  reste  stupéfait  et  en 
admiration.  Il  veut  maintenant  ôter  la  cuirasse  étouffante  ; 
du  tranchant  de  son  épée  il  coupe  avec  précaution  les. 
lanières  qui  tiennent  l'armure  :  il  demeure  confondu  et 
troublé  en  voyant  un  gracieux  corps  de  femme  enveloppé 
d'un  blanc  vêtement  aux  plis  harmonieux.  Un  charme 
troublant  l'envahit  soudain,  une  angoisse  mortelle  l'é- 
treint,  et  dans  son  émoi  il  évoque  le  souvenir  de  sa  mère. 
Est-ce  la  peur  qu'il  éprouve  enfin?  Était-il  réservé  à  cette 
adorable  créature  de  la  lui  faire  connaître? 

Pour  réveiller  la  jeune  fille,  il  dépose  un  long  baiser  sur 
ses  lèvres  ;  Briinnhilde  ouvre  alors  les  yeux,  et  ils  se  con- 
templent avec  ravissement. 

La  Walkyrie  se   dresse  lentement  et  adresse  un  salut 


216  VOYAGE    A    BAYREUTH 

solennel  à  la  lumière  du  soleil,  dont  ses  regards  ont  été 
privés  si  longtemps.  Qui  l'a  éveillée  de  son  interminable 
sommeil?  Siegfried  ému  se  nomme,  bénissant  la  mère  qui 
Fa  enfanté,  la  terre  qui  l'a  nourri,  et  lui  ont  permis  de  voir 
se  lever  ce  jour  bienheureux. 

Brijnnhilde  mêle  son  chant  d'allégresse  et  de  recon- 
naissance à  celui  de  Siegfried,  ce  Siegfried  bien-aiméqui, 
avant  même  d'être  engendré,  a  été  l'objet  de  son  amour  et 
de  sa  sollicitude. 

Ces  paroles  singulières  donnent  le  change  au  jeune 
héros  :  n'est-ce  pas  sa  mère  qu'il  croyait  à  tout  jamais 
perdue  pour  lui  et  qu'il  a  retrouvée?  —  Non,  lui  dit  la 
vierge  en  souriant,  sa  mère  ne  lui  est  point  rendue,  mais 
il  a  près  de  lui  celle  qui  l'a  toujours  aimé,  qui  pour  lui  a 
toujours  lutté,  car  c'est  inconsciemment,  mais  par  le  fait 
de  son  amour,  qu'elle  a  autrefois  transgressé  les  ordres 
de  Wotan  et  mérité  la  longue  expiation  sur  le  rocher  et 
l'exil  du  Walhalla.  A  cette  pensée,  une  tristesse  l'enva- 
hit; elle  veut  résister  aux  ardentes  caresses  du  héros  et 
ressaisir  sa  virginité  divine,  son  essence  éternelle;  elle 
contemple  avec  regret  l'acier  éclatant  de  sa  cuirasse,  l'ar- 
mure brillante  qui  protégeait  autrefois  son  chaste  corps 
contre  les  regards  des  profanes;  elle  fait  appel  à  sa  sa- 
gesse, à  sa  clairvoyance  passées,  et  comprend  avec  effroi 
qu'elle  n'en  est  plus  animée;  son  savoir  reste  muet,  les 
ténèbres  descendent  dans  sa  pensée  :  la  fille  des  dieux  est 
devenue  une  simple  femme  ! 

Mais  en  même  temps  l'amour  terrestre  monte  en  son 
âme  et  lenvahit  toute;  en  vain  veut-elle  lutter  encore  avec 
elle-même  et  repousser  les  ardeurs  de  Siegfried  qui  la 
supplie  d'être  à  lui;  l'amour  est  le  plus  fort.  Briinnhilde 
en  est  enivrée  :  elle  abandonnera  la  cause  des  dieux. 
Qu'ils  périssent  tous,  race  vieillie  et  sans   force  ;  que  le 


ANALYSE    DES    POEMES  217 

Walhalla  s'écroule,  que  le  Burg  tombe  en  poussière,  que 
les  éternels  finissent... 

Nornes,  rompez  le  câble  des  destinées  divines;  que  le 
crépuscule  des  dieux  commence  :  la  vierge  ne  vit  \jIus 
que  pour  l'amour  de  Siegfried,  son  bien,  son  tout,  son 
étoile...  Eperdue,  elle  se  précipite  dans  les  bras  de  son 
époux,  qui  la  reçoit  extasié. 

LE   CRÉPUSCULE    DES    DIEUX 

Prologue.  —  Le  décor  représente,  ainsi  qu'au  troi- 
sième acte  de  la  Walkyrie,  le  rocher  de  Briinnhilde,  mais 
la  scène  est  plongée  dans  la  nuit  noire.  Le  lointain  s'é- 
claire seul  d'un  vague  reflet  de  flammes. 

Les  trois  Nornes,  drapées  dans  de  longs  vêtements  flot- 
tants, tressent  le  câble  d'or  de  la  destinée,  qu'elles  se  pas- 
sent tour  à  tour.  La  première,  la  plus  âgée,  est  assise  au 
second  plan  à  gauche,  sous  le  sapin;  la  deuxième  est 
étendue  à  l'entrée  de  la  grotte  de  droite;  et  la  troisième, 
la  plus  jeune  des  trois,  est  assise  au  pied  du  roc  qui  com- 
mande la  vallée.  La  première  Norne  montre  à  ses  sœurs 
la  clarté  qu'entretient  sans  cesse  Loge  autour  du  rochei 
de  Briinnhilde,  et  elle  les  engage  à  chanter  et  à  filer.  Elle 
attache  le  câble  d'or  à  une  des  branches  du  sapin  et  se 
souvient  que  jadis  elle  accomplissait  sa  tâche  avec  joie, 
s'abritant  sous  les  puissantes  ramures  du  frêne  du  monde, 
au  pied  duquel  bruissait  une  source  fraîche  d'où  sortait 
la  sagesse.  Un  jour  vint  où  Wotan  s'approcha  de  l'onde 
limpide  pour  y  boire,  et  paya  la  redevance  sacrée  du 
sacrifice  d'un  de  ses  deux  yeux;  puis  il  cueillit  un  des 
plus  vigoureux  rameaux  de  l'arbre  pour  s'en  faire  un 
épieu  de  combat.  Mais,  à  dater  de  ce  moment,  le  frêne 
périclita,  son  feuillage  jaunit,  tomba;  au  cours  des  siècles, 


218  VOYAGE    A   BAYREUTH 

le  tronc  périt,  et  la  source  en  même  temps  se  tarit.  — 
Qu'arriva-t-il  alors?  Et  la  Norne,  jetant  le  câble  à  sa 
deuxième  sœur,  l'invite  à  parler  à  son  tour.  —  Wotan, 
reprend  la  Sibylle,  avait  gravé  sur  son  épieu  les  runes 
des  traités  qui  faisaient  sa  force;  il  vit,  sombre  présage, 
son  arme  brisée  dans  sa  lutte  avec  un  jeune  héros;  alors 
il  réunit  les  guerriers  du  Walhalla  et  leur  fit  abattre  le 
frêne  du  monde.  Qu'advint-il  depuis?  demande  la  Norne  à 
sa  plus  jeune  sœur,  à  qui  elle  lance  la  corde.  —  Les  héros 
formèrent  un  bûcher  colossal  autour  de  la  demeure  des 
éternels,  et  Wotan  est  silencieusement  assis  au  milieu  de 
l'auo^uste  assemblée  des  dieux.  Si  le  bois,  s'embrasant, 
allume  le  Burg  magnifique,  ce  sera  la  fin  des  maîtres  du 
monde.  Wotan  a  asservi  le  rusé  Loge  et  l'a  fixé  en 
flammes  claires  autour  du  rocher  de  Brûnnhilde;  puis  il  a 
plongé  les  éclats  de  son  arme  brisée  au  cœur  du  flam- 
boj'ant.  Que  se  passe-t-il  alors?  —  Le  fil  que  tressent  les 
Nornes  s'embrouille,  le  roe  tranchant  l'entame;  c'est 
l'anathème  d'Alberich,  le  ravisseur  de  l'or  du  Rhin,  qui 
porte  ses  funestes  fruits  ;  enfin  le  câble  se  rompt  par  le 
milieu,  et  avec  lui  s'évanouit  la  clairvoyance  des  trois 
sœurs,  qui  se  lèvent  épouvantées;  elles  en  renouent  les 
bouts  avec  précipitation  et,  se  liant  entre  elles,  elles  des- 
cendent dans  les  profondeurs  de  la  terre  retrouver  Erda, 
leur  mère  éternelle. 

Le  jour  s'est  levé  progressivement;  il  brille  maintenant 
de  tout  son  éclat  et  laisse  voir  Siegfried  arrivant  armé  en 
guerre,  et  Briinnhilde  qui  l'accompagne,  tenant  son  noble 
coursier  Grane  par  la  bride. 

L'amoureux  couple ,  qui  goûte  déjà  depuis  de  longs 
jours  un  radieux  bonheur,  échange  des  serments  de  fidé- 
lité. Brûnnhilde  a  transmis  à  son  époux  les  runes  sacrées 


ANALYSE    DES    POÈMES  219 

que  les  dieux  lui  avaient  enseignées;  elle  lui  a  donné  toute 
sa  science  et  ne  lui  demande  en  retour  que  sa  constance,  sa 
tendresse;  elle  l'excite  à  de  nouveaux  exploits.  Siegfried, 
qui  va  partir  après  l'avoir  encore  assurée  de  son  amour,  lui 
donne  en  gage  de  sa  fidélité  l'anneau  dérobé  à  Fafner,  et  qui 
ne  vaut  pour  lui  que  par  les  vertus  qu'il  a  dû  déployer  afin 
de  le  conquérir. 

Brijnnhilde,  ravie,  lui  fait  don,  en  échange,  de  Grane, 
le  noble  compagnon  qui  l'a  jadis  si  souvent  portée  à  ses 
prouesses  guerrières.  Que  le  superbe  coursier,  au  milieu 
des  combats,  rappelle  Briinnhilde  au  souvenir  de  son 
époux. 

Le  couple  se  sépare  après  un  dernier  embrassement; 
Siegfried  descend  le  rocher,  conduisant  sa  monture; 
Briinnhilde  le  suit  longtemps  du  regard,  extasiée,  et  Ion 
entend  dans  le  lointain  retentir  la  joyeuse  sonnerie  du 
cor  du  héros. 

l^"^  Acte. 

Scène  i.  —  Le  décor  représente  le  palais  des  Gihichs, 
sur  les  bords  du  Rhin.  La  grande  salle,  largement  ou- 
verte à  larrière-plan,  est  de  plain-pied  avec  la  rive;  elle 
laisse  voir  le  fleuve  dans  toute  sa  largeur.  A  droite,  au 
second  plan,  une  table  autour  de  laquelle  sont  des  sièges. 
A  gauche  et  à  droite,  l'entrée  des  appartements  privés. 

Gunther  et  sa  sœur  Gutrune,  enfants  de  la  dynastie  des 
Gibichs,  conversent  avec  Hagen,  fils  de  leur  mère  Grim- 
hilcle,  et  rendent  hommage  à  la  sagesse  de  ce  frère  qui 
leur  a  toujours  donné  d'utiles  avis. 

Hagen,  le  continuateur  de  la  noire  pensée  de  son  père 
Alberich,  qui  poursuit  toujours  l'idée  de  la  reconquête  de 
son  anneau  dérobé  par  Wotan,  Hagen,  instruit  des  vail- 
lants exploits  de  Siegfried  et  de  ses  amours  avec  la  Wal- 


220  VOYAGE    A    BAYREUTH 

kyrie,  mais  les  taisant  soigneusement,  conseille  à  son  frère 
et  à  sa  sœur,  ignorants  de  ces  faits,  de  consolider  leur  dy- 
nastie par  de  glorieuses  unions  :  pour  Gunther,  il  veut 
Brùnnhilde,  la  vierge  qui  dort  sur  un  rocher  inaccessible, 
protégée  par  un  océan  de  flammes;  mais  à  Gunther  n'est 
pas  réservé  de  franchir  l'obstacle  redoutable  :  Siegfried 
seul  peut  accomplir  l'acte  héroïque,  Siegfried,  le  dernier 
rejeton  des  Wàlsungs,  qui  a  vaincu  Fafner  et  s'est  emparé 
du  trésor  des  Nibelungs. 

C'est  lui  que  Hagen  destine  à  la  fille  des  Gibichs.  Il 
cédera  facilement  l'objet  de  sa  victoire  à  Gunther  si  son 
cœur  est  asservi  aux  charmes  de  Gutrune,  et  à  cela  elle 
pourra  aider  en  faisant  boire  au  héros  certain  breuvage 
enchanté  qui  fera  son  âme  oublieuse  des  serments  passés 
et  le  rendra  l'esclave  de  celle  qui  versera  le  philtre. 

Le  frère  et  la  sœur  adoptent  avec  enthousiasme  le  pro- 
jet de  Hagen  et  attendent  impatiemment  celui  qui  doit 
réaliser  leurs  vœux,  que  ses  courses  peuvent  amener  d'un 
moment  à  l'autre  dans  leurs  parages. 

Scène  ii.  —  Le  son  du  cor  se  fait  entendre  dans  la 
direction  du  Rhin,  annonçant  justement  l'arrivée  de  Sieg- 
fried. Hagen  aperçoit  le  jeune  guerrier  dirigeant  d'une 
main  habile  la  barque  qui  le  porte  avec  Grane.  Gunther 
descend  sur  le  rivage  pour  le  recevoir,  et  Gutrune,  après 
avoir  contemplé  de  loin  le  héros,  se  retire  dans  ses  ap- 
partements, en  proie  à  une  émotion  visible. 

Siegfried  débarque  avec  son  coursier  et  demande  aux 
deux  hommes  lequel  d'eux  est  Gunther,  dont  il  a  entendu 
vanter  la  gloire  et  auquel  il  vient  offrir,  à  son  choix,  le 
combat  ou  son  amitié.  Gunther  se  nomme  et  répond  à  son 
hôte  par  des  serments  d'alliance  et  de  fidélité.  Hagen, 
qui  a  pris  soin  de  Grane  et  Ta  emmené  par  la  bride,  re- 
vient et  interroge  Siegfried  sur  les  richesses  des  Nibe- 


ANALYSE    DES    POEMES  221 

lungs,  dont  il  le  sait  maître;  mais  le  héros,  dédaigneux  de 
ces  inutiles  trésors,  les  a  laissés  dans  le  repaire  du  dra- 
gon; il  n'en  a  pris  que  ce  heaume  accroché  à  sa  ceinture 
et  dont  Hagen  lui  révèle  la  puissance  magique,  sans  tou- 
tefois frapper  son  attention.  Il  possède  encore  un  autre 
objet  provenant  du  trésor  conquis  :  c'est  un  anneau  qu'il 
a  donné  à  une  noble  femme,  comme  gage  de  sa  foi.  Hagen 
alors  appelle  Gutrune,  qui  arrive,  portant  une  coupe, 
qu'elle  présente  en  signe  de  bienvenue  à  Siegfried. 

Celui-ci  s'incline  et,  au  moment  de  vider  la  coupe, 
s'absorbe  en  un  souvenir  tendre  et  ému  pour  Briinn- 
hilde,  jurant  au  fond  de  son  cœur  de  ne  jamais  oublier 
leur  fidèle  et  brûlant  amour. 

Il  boit  et  rend  la  corne  à  Gutrune  confuse, et  troublée; 
mais,  sous  le  charme  du  philtre,  la  passion  s'allume  sou- 
dain dans  ses  yeux  en  regardant  la  jeune  fille;  il  lui  fait 
part  du  sentiment  qui  vient  de  l'envahir  tout  entier,  et 
demande  sur-le-champ  à  Gunther  de  lui  donner  sa  sœur. 
Gutrune,  oppressée  par  le  remords  qu'elle  éprouve  de 
forcer  ainsi  le  sentiment  du  héros,  lui  fait  signe  qu'elle 
n'est  pas  digne  de  lui,  et  quitte  la  salle  en  chancelant, 
Siegfried,  charmé,  l'a  suivie  des  yeux,  et  interroge  alors 
son  ami  sur  lui-même.  A-t-il  déjà  fait  choix  d'une  épouse? 

Gunther  lui  répond  en  lui  disant  la  difficulté  qu'il  aura 
pour  conquérir  celle  quil  aime,  Briinnhilde,  emprisonnée 
par  les  flammes  sur  un  rocher  solitaire.  Siegfried,  à  ce 
nom  tout  à  l'heure  tant  aimé,  est  vaguement  frappé  par 
une  réminiscence  qui  s'efface  de  suite;  le  philtre  continue 
son  œuvre;  il  offre  à  Gunther  de  poursuivre  pour  lui  cette 
conquête,  et  n'y  met  qu'une  condition,  le  don  de  Gutrune 
en  récompense. 

A  l'aide  du  Tarnhelm,  il  prendra  l'aspect  de  son  hôte 
et  lui  ramènera  la  fiancée  promise.  Ils  s'engagent  par  un 


222  VOYAGE    A   BAYREUTH 

solennel  serment  à  ne  jamais  trahir  leur  alliance,  et  ci- 
mentent le  pacte  en  buvant  tour  à  tour  dans  une  corne, 
ayant  auparavant  mêlé  au  breuvage  quelques  gouttes  de 
leur  sang.  Hagen,  qui  a  refusé  de  participer  à  l'engagement 
fraternel,  prétextant  de  son  origine  bâtarde,  et  s'est  tenu 
à  l'écart,  brise  la  corne  d'un  coup  d'épée,  tandis  que 
Gutrune,  inquiète  et  agitée,  est  venue  présider  au  départ 
des  guerriers;  il  médite  et  pense  avec  une  ironie  mé- 
chante que  ces  deux  vaillants,  égarés,  l'un  par  ses  per- 
fides conseils,  l'autre  par  son  odieux  sortilège,  sont  en 
train  d'édifier  sa  fortune  à  lui,  l'humble  fils  du  Nibelung. 

Un  superbe  rideau  se  déploie  sur  le  devant  de  la  scène 
et  la  ferme;  lorsqu'il  se  rouvre,  on  voit,  comme  au  pro- 
logue, le  rocher  de  la  Walkyrie. 

Scène  m.  —  Briinnhilde,  silencieuse  et  pensive,  est 
assise  à  l'entrée  de  la  grotte,  contemplant  l'anneau  que 
Siegfried  lui  a  donné,  et  qu'elle  couvre  de  baisers  pas- 
sionnés. Elle  entend  au  loin  un  bruit  jadis  familier  : 
c'est  le  galop  d'un  coursier  aérien;  elle  prête  l'oreille, 
et,  ravie,  s'élance  au-devant  de  Waltraute,  la  Walkyrie  sa 
sœur,  qui  vient  la  trouver  dans  sa  retraite  et  dont  elle  ne 
remarque  pas  l'expres&ion  d'inquiétude;  est-ce  le  pardon 
du  dieu  trop  sévère  que  sa  compagne  chérie  lui  apporte 
enfin?  Wotan  s'était  adouci  envers  la  coupable,  puisqu'il 
avait  permis  que  le  feu  dévorant  la  protégeât  dans  son  som- 
meil, et  que  de  son  châtiment  même  sortît  sa  félicité;  elle 
appartient  maintenant  à  un  héros  dont  l'amour  l'enivre 
d'orgueil  et  qui  a  fait  d'elle  la  plus  heureuse  des  femmes. 

Waltraute,  qui  ne  partage  pas  l'allégresse  de  sa  sœur, 
est  venue  à  elle  pleine  d'angoisse  et,  malgré  la  défense  de 
W^otan,  pour  la  conjurer  de  sauver  le  Walhalla  du  malheur 
qui  le  menace  :  depuis  l'exil  dont  il  a  frappé  la  fille  de 
son  vœu,  le  dieu  des  armées,  inquiet,  découragé,  n'a  cessé 


ANALYSE   DES    POEMES  ^28 

de  jDarcourir  le  monde  comme  un  voyageur  solitaire  :  un 
jour,  il  rentra  de  ses  courses  vagabondes,  tenant  à  la 
main  son  épieu  brisé;  muet  et  sombre,  il  ordonna  alors 
d'un  geste  à  ses  héros  d'abattre  le  frêne  du  monde  et 
d'en  former  un  vaste  bûcher  autour  de  la  demeure  des 
éternels;  puis  il  convoqua  le  conseil  des  dieux,  et  depuis, 
il  trône,  immobile  et  farouche,  parmi  eux  et  les  héros,  con- 
sidérant avec  douleur  son  arme  vaincue;  c'est  en  vain  que 
ses  filles,  les  vierges  guerrières,  l'implorent  et  veulent 
le  réconforter;  il  reste  sourd  à  leurs  prières,  attendant 
ses  deux  corbeaux  qu'il  a  envoyés  au  loin  et  qui,  hélas! 
ne  viennent  lui  rapporter  aucune  nouvelle  rassurante  ! 

Une  seule  fois,  ému  des  caresses  de  sa  fille  Waltraute, 
son  regard  s'est  voilé  au  souvenir  de  Brûnnhilde,  et  il  a 
laissé  tomber  ces  paroles  :  «  Si  elle  rendait  aux  filles  du 
Rhin  l'anneau  maudit,  les  dieux  et  le  monde  seraient 
sauvés.  »  Alors,  Waltraute  a  quitté  furtivement  la  demeure 
endeuillée,  pour  venir  supplier  sa  sœur  d'accomplir  l'acte 
rédempteur. 

Brimnhilde,  à  ces  mots,  se  révolte  :  sacrifier  l'anneau 
de  Siegfried,  le  gage  sacré  de  leur  amour,  plus  précieux 
pour  elle  que  la  race  des  dieux,  que  la  gloire  des  éter- 
nels? A  cela  jamais  elle  ne  consentira,  dussent  les  splen- 
deurs du  Walhalla s'écrouler  à  l'instant;  et  elle  laisse  s'é- 
loigner sa  sœur  désolée,  emportant  sa  décision  immuable. 

Waltraute,  au  comble  du  désespoir,  s'enfuit  vers  le 
palais  de  son  père,  accompagnée  par  une  nuée  d'orage 
sillonnée  d'éclairs;  la  nuit  est  venue,  et  la  flamme  qui 
entoure  le  rocher  brille  d'un  éclat  inusité. 

On  entend  le  cor  de  Siegfried  qui  retentit  dans  le  loin- 
tain. Brûnnhilde,  ravie,  s'élance  au-devant  de  lui,  puis 
recule  épouvantée  à  l'aspect  dun  guerrier  inconnu  :  cest 
son  époux  qui,  toujours  sous  l'influence  du  philtre  maudit 


224  VOYAGE   A   BAYREUTH 

qui  aveugle  son  âme,  et  grâce  au  pouvoir  du  heaume,  se 
présente  à  elle  sous  les  traits  de  Gunther,  au  nom  duquel 
il  veut  la  conquérir.  L'infortunée,  frappée  d'horreur,  se 
débat  en  vain,  appelant  dans  sa  détresse  Wotan,  dont  elle 
croit  éprouver  de  nouveau  le  courroux.  Elle  invoque  vai- 
nement le  pouvoir  de  l'anneau,  ses  forces  la  trahissent. 
Siegfi  ied  la  terrasse  et,  lui  arrachant  la  bague,  qu'il  passe 
à  son  propre  doigt,  il  la  déclare  fiancée  de  Gunther  et  la 
force  à  entrer  dans  la  grotte,  où  il  la  suivra,  mais  où, 
fidèle  à  la  parole  donnée  à  son  allié,  il  la  gardera  intacte 
pour  le  fils  de  Gibich.  Il  en  prend  Nothung,  son  épée, 
à  témoin. 

2'^'  Acte. 

Scène  i.  —  Le  Rhin  offre  une  belle  et  longue  perspec- 
tive, et  forme  vers  la  gauche  un  brusque  coude  passant 
devant  le  palais  des  Gibichs,  que  l'on  aperçoit  de  profil  au 
premier  plan  à  droite.  Des  rives  du  fleuve,  qui  sont  escar- 
pées et  rocheuses,  monte  à  droite,  au  second  plan,  un  che- 
min au  bord  duquel  sont  étagées  des  pierres  de  sacrifice, 
les  deux  premières  dédiées  à  Fricka  et  à  Donner,  enfin 
une  troisième,  plus  grande  que  les  autres,  consacrée  à 
Wotan. 

Il  fait  nuit  obscure.  Hagen,  assis  immobile  et  en  armes  à 
la  porte  du  palais  qu'il  garde,  semble  dormir,  bien  qu'il 
ait  les  yeux  ouverts.  Son  père,  Alberich,  accroupi  devant 
lui,  dirige  son  rêve  et,  lui  parlant  à  voix  basse,  l'excite  à 
la  lutte  dans  laquelle  il  s'est  engagé  pour  reconquérir 
l'anneau  sur  Wotan  le  maudit  :  déjà  le  dieu  est  affaibli 
par  sa  propre  lignée;  un  Wàlsung  lui  a  brisé  son  épieu, 
instrument  de  sa  force  et  de  sa  puissance,  et  le  dieu  dé- 
sarmé, amoindri,  voit  avec  angoisse  approcher  sa  fin  et 
celle  du  Walhalla.  Si  Hagen  veut  aider  l'Alfe  qui  l'a  en- 


ANALYSE    DES    POÈMES  225 

gendre,  il  peut  recueillir  à  son  profit  la  souveraineté  des 
dieux.  L'anneau,  dont  il  faut  s'emparer  à  tout  prix,  est 
aux  mains  de  Siegfried;  mais  le  héros,  n'en  connaissant 
pas  la  puissance  ou  la  dédaignant,  échappe  par  cela  même 
à  la  malédiction  qui  s'attache  à  la  possession  du  talisman  ; 
il  faut  donc  ruser  avec  lui  et  agir  en  toute  hâte,  afin  que, 
conseillé  par  la  noble  femme  dépositaire  de  la  bague  ma- 
gique ,  il  n'ait  pas  le  temps  de  rendre  aux  filles  du  Rhin  le 
trésor  qu'elles  réclament  avec  tant  d'instances  et  qui  dès 
lors  serait  irrévocablement  perdu  pour  les  Nibelungs. 

Scène  ii.  —  Hagen,  toujours  rêvant,  jure  à  son  père, 
à  lui-même,  qu'il  saura  s'emparer  de  l'anneau.  Alberich 
disparaît,  excitant  son  fils  à  tenir  sa  promesse.  Une  om- 
bre épaisse  couvre  Hagen,  le  jour  point  du  côté  du  Rhin, 
et  le  soleil  se  lève,  se  reflétant  dans  le  fleuve  et  éclairant 
l'arrivée  de  Siegfried,  qui,  transporté  par  la  puissance  de 
son  heaume  magique,  vient  du  rocher  où  il  a  conquis 
Brûnnhilde  pour  Gunther,  annoncer  la  bonne  nouvelle  à 
la  fille  de  Gibich. 

Gutrune,  ravie,  se  fait  conter  le  nouvel  exploit  de  son 
fiancé  et  apprend  avec  joie  que  Gunther,  ayant  par  un 
habile  subterfuge  reçu  son  épouse  des  mains  du  vain- 
queur, est  en  route  avec  elle  pour  le  palais  de  ses  pères. 

Scène  m.  —  Il  faut  se  hâter  de  préparer  la  réception 
du  nouveau  couple;  Hagen,  qui  était  en  observation  sur 
la  hauteur,  appelle  à  son  de  trompe  les  vassaux  de  son 
frère;  ils  accourent  en  armes,  se  demandant  quel  danger 
court  leur  seigneur  et  maître;  mais  Hagen  les  rassure  : 
il  s'agit  seulement  de  souhaiter  la  bienvenue  à  l'épouse 
qu'il  a  conquise  à  l'aide  de  Siegfried,  et  de  préparer  des 
sacrifices  aux  dieux  qui  leur  ont  été  propices.  Sur  l'autel 
de  Wotan,  qu'ils  immolent  un  vigoureux  taureau;  un  san- 
glier pour  Froh,  un  bouc  pour  Donner,  et  qu'ils  consa- 


226  VOYAGE    A   BAYREUTH 

crent  une  douce  brebis  à  Fricka,  pour  qu  elle  accorde  aux 
nouveaux  époux  un  heureux  hymen. 

Les  vassaux,  entraînés  par  les  gaies  paroles  de  Hagen, 
habituellement  sombre  et  farouche ,  se  réjouissent  et  ju- 
rent protection  à  leur  future  souveraine. 

Scène  iv.  —  La  barque  amenant  Gunther  et  Briinnhilde 
vient  d'atterrir.  Le  guerrier  en  sort  avec  sa  triste  fiancée, 
qui  se  laisse  conduire,  pâle  et  les  yeux  baissés.  Il  la  pré- 
sente aux  vassauxj  qui  l'acclament  joyeusement,  puis  à 
Gutrune  et  à  son  futur  époux. 

Briinnhilde,  en  voyant  Siegfried,  reste  muette  d'épou- 
vante et  s'arrête  en  le  regardant  fixement;  lui,  incons- 
cient de  ce  qui  se  passe  dans  l'âme  de  l'infortunée,  sup- 
porte avec  calme  son  regard;  elle  est  sur  le  point  de 
défaillir,  Siegfried  froidement  la  soutient;  elle  aperçoit 
l'anneau  au  doigt  du  parjure  ;  alors  elle  se  redresse  avec 
violence  et  demande  comment  la  bague  que  lui  a  arrachée 
Gunther  et  qu'il  dit  être  le  gage  de  leur  union  est  en  la 
possession  dun  autre.  Le  fils  de  Gibich  se  trouble  et  ne 
sait  que  répondre.  Siegfried,  perdu  dans  sa  rêverie  en 
contemplant  l'anneau,  se  souvient  seulement  qu'il  l'a  con- 
quis jadis  dans  sa  lutte  avec  le  dragon;  il  l'affirme  loya- 
lement. Hagen,  se  mêlant  au  débat,  feint  de  soupçonner  le 
AYàlsung  de  trahison  et  engage  Briinnhilde  à  la  vengeance  ; 
celle-ci,  en  proie  à  une  douleur  et  une  révolte  suprêmes, 
déclare  Siegfried  fourbe  et  infâme;  elle  accuse  les  dieux 
de  tous  les  maux  qui  l'accablent  et  repousse  Gunther  qui 
cherche  à  la  calmer,  le  reniant  pour  son  époux  et  dési- 
gnant le  fils  de  ^Yâlse  comme  celui  à  qui  elle  s'est  don- 
née, corps  et  âme. 

L'émotion  est  à  son  comble;  Siegfried  veut  se  disculper 
d'une  telle  traîtrise;  tous  le  somment  de  déclarer  sous  la 
foi  du  serment  qu'il  n'a  point  tailli  à  la  parole  donnée  et 


I 


ANALYSE    DES    POÈMES  227 

qu'il  a  respecté  en  Briirinhilde  l'épouse  de  Gunther.  Il 
raffirme  solennellement  sur  l'arme  que  lui  présente  Ha- 
gen  :  qu'il  périsse  par  cette  arme  même,  s'il  a  forfait  à 
l'honneur. 

Scène  v.  —  Brùnnhilde  s'avance,  indignée,  terrible, 
appelant  la  vengeance,  par  ce  fer  aigu  et  tranchant,  sur 
le  traître  et  le  parjure,  et  tandis  que  Siegfried  s'éloigne, 
insouciant  de  ses  menaces  et  ne  songeant  plus  qu'à  sanou- 
Telle  fiancée,  qu'il  entraîne  dans  le  palais,  la  malheureuse 
créature,  restée  en  proie  à  la  plus  affreuse  des  douleurs, 
se  demande  avec  angoisse  de  quel  cruel  sortilège  elle  a 
été  la  victime,  quel  est  l'astucieux  ennemi  qui  lui  a  sus- 
cité une  pareille  infortune  et  comment  elle  dénouera, 
maintenant  qu'elle  a  perdu  sa  science  divine,  les  liens 
odieux  qui  l'enserrent.  Hagen  s'approche  alors  de  la  pau- 
vre abandonnée  et  lui  offre  le  secours  de  son  bras  pour 
la  venger  ;  m  lis  à  cette  proposition  elle  rit  amèrement  : 
u'a-t-elle  pas  elle-même  pris  soin  de  rendre  le  héros  invul- 
nérable? et  d'ailleurs  sa  bravoure  ne  paralyserait-elle  pas 
quiconque  voudrait  se  mesurer  avec  lui  ?  —  Hagen  connaît 
son  infériorité  dans  une  telle  lutte;  mais  n'y  aurait-il  au- 
cun moyen  secret  de  vaincre  le  coupable  ? 

Briinnhilde  lui  révèle  alors  qu'un  seul  point  est  atta- 
quable, qu'elle  n'a  point  compris  dans  ses  enchantements, 
sachant  bien  que  jamais  il  ne  tournera  le  dos  à  l'ennemi  : 
si  Hagen  peut  l'atteindre  entre  les  épaules,  il  lui  portera 
là  un  coup  mortel.  —  Le  misérable  se  promet  de  profiter 
du  précieux  avis  ;  il  fait  part  de  son  projet  à  Gunther,  resté 
à  l'écart,  abîmé  dans  ses  pensées  et  accablé  par  l'accusa- 
tion de  lâcheté  que  porte  contre  lui  son  épouse.  Gunther 
frémit  à  la  pensée  de  trahir  celui  qu'il  a  nommé  son  frère 
d'armes;  mais  Hagen  cherche  à  endormir  ses  remords  : 
il  lui  rappelle  à  voix  basse  quelle   puissance  découlera 


228  VOYAGE   A    BAYREUTH 

pour  lui  de  cet  acte,  puisqu'il  le  rendra  maître  de  l'an- 
neau. Gunther  hésite  encore  en  songeant  à  la  douleur  de 
Gutrune.  Ce  nom  éveille  toute  la  haine  jalouse  de  Briinn- 
hilde  :  cette  femme  qui  a  dû,  par  un  charme,  lui  ravir 
son  époux,  il  faut  qu'elle  soit  châtiée  dans  son  amour;  et 
Briinnhilde  associe  ses  instances  à  celles  de  Hagen.  Sieg- 
fried périra  donc,  Gunther  s'y  résigne;  la  chasse  qui  doit 
avoir  lieu  le  jour  suivant  fournira  le  prétexte  de  sa  mort  : 
un  sanglier  l'aura  frappé  dans  un  lieu  isolé. 

Pendant  que  le  noir  complot  se  trame,  Siegfried  et  Gu- 
trune, accompagnés  de  leur  cortège  nuptial,  paraissent,  la 
tête  ornée  de  fleurs  et  de  feuillages.  Ils  invitent  leurs  frère 
et  sœur  à  les  imiter,  et  tandis  que  Gunther,  prenant  la 
main  de  Briinnhilde,  suit  la  joyeuse  assemblée  avec  elle, 
Hagen,  resté  à  l'écart,  invoque  l'assistance  de  son  père 
Alberich,  l'Alfe  haineux,  et  se  jure  à  lui-même  d'être  bien- 
tôt le  possesseur  de  l'anneau  tant  convoité. 

S""  Acte. 

Scène  i.  —  La  scène  représente  un  ravissant  paysage 
des  bords  du  Rhin;  les  eaux  azurées  du  fleuve,  encaissées 
entre  deux  rives  montagneuses  et  agrestes,  permettent  de 
voir  dans  leurs  flots  transparents  les  Ondines  qui  pren- 
nent leurs  ébats.  Au  premier  plan,  une  sorte  de  plage 
occupe  le  devant  du  théâtre;  à  droite,  un  sentier  monte 
escarj)é,  parmi  les  rochers,  et  atteint  les  sommets  élevés 
de  la  rive. 

Woglincley  Wellgunde  et  Flosshilde,  les  trois  filles  du 
Rhin,  tout  en  évoluant  dans  l'onde,  se  lamentent  sur  la 
perte  de  leur  or,  dont  l'éclat  pur  égayait  jadis  le  fond  du 
fleuve,  voué  maintenant  à  l'obscurité  et  à  la  tristesse.  Si  le 
possesseur  du  trésor  voulait  consentir  à  le  leur  rendre  ! . . . 

Justement,  le  son  du  cor  dans  le  lointain  leur  apprend 


ANALYSE    DES    POÈMES  229 

que  le  héros  vient  dans  leurs  parages.  Elles  plongent 
pour  aller  délibérer  entre  elles,  quand  Siegfried,  armé  de 
toutes  pièces,  apparaît  sur  la  hauteur,  égaré  dans  la  cam- 
pagne à  la  poursuite  du  gibier. 

Les  Ondines  reparaissent,  interrogent  le  chasseur  et 
lui  offrent  de  lui  retrouver  l'ours  qui  s'est  dérobé  à  ses 
coups,  s'il  veut  leur  abandonner  en  échange  l'anneau  d'or 
qu'il  a  au  doigt. 

Il  refuse  la  proposition  desNixes  :  donner  un  bien  con- 
quis au  prix  d'un  combat  terrible  avec  le  dragon  Fafner, 
jamais!  Elles  le  taquinent,  se  moquent  de  son  avarice  et 
de  la  crainte  qu'il  a,  lui  si  beau,  si  fort,  d'être  battu  par 
sa  femme  si  elle  s'apercevait  de  l'absence  de  la  bague,  et 
elles  disparaissent  de  nouveau  sous  les  flots.  Siegfried, 
ébranlé  par  ces  railleries,  se  décide  presque  à  leur  offrir 
le  joyau  auquel  il  tient  si  peu;  il  les  rappelle;  mais  les 
trois  sœurs,  qui  se  sont  concertées  et  sont  devenues  gra- 
ves, lui  conseillent  de  conserver  l'anneau  jusqu'à  ce  qu'il 
comprenne  la  malédiction  qui  y  est  attachée  ;  alors  il  le  leur 
abandonnera  avec  joie.  Elles  savent  de  funestes  choses 
concernant  Siegfried  :  son  anneau  maudit,  fait  avec  l'or  du 
Rhin,  voue  au  malheur,  par  l'anathème  de  celui  qui  l'a  forgé, 
quiconque  s'en  rendra  possesseur.  Gomme  Fafner  a  péri, 
il  périra  lui-même,  à  moins  qu'il  ne  rende  le  joyau  aux 
gouffres  du  fleuve;  seuls  ses  flots  auraient  le  pouvoir  d'an- 
nuler la  malédiction,  cette  malédiction  que  les  Xornes  ont 
tressée  dans  le  câble  du  destin.  Siegfried  ne  se  laisse  pas 
troubler  par  ce  qu'il  regarde  comme  de  vaines  menaces; 
il  n'attache  aucune  foi  au  récit  des  nymphes  et  bravera 
les  prophéties  alarmantes  des  Nornes,  dont  Nothung  saura, 
au  besoin,  trancher  la  corde.  Cet  anneau  lui  assure,  dit-on, 
l'empire  du  monde  :  il  le  donnerait  volontiers  aux  gra- 
cieuses Nixes  si  elles  lui  offraient,  en  échange,  l'amour 


230  VOYAGE    A    BAYREUTH 

et  ses  douces  extases;  car  la  vie  sans  l'amour,  il  s'en 
soucie  comme  de  ceci  (en  prononçant  ces  paroles,  il  prend 
une  motte  de  terre,  qu'il  jette  au  loin);  mais  ce  n'est  pas 
devant  des  menaces  qu'il  cédera  jamais,  car  la  peur  lui 
est  inconnue. 

Les  Ondines,  le  voyant  sourd  à  leurs  exhortations,  re- 
noncent à  convaincre  un  insensé  qui  n'a  pas  su  conserver 
et  apprécier  le  bien  le  plus  précieux  qui  lui  était  échu, 
l'amour  de  la  Walkjane,  et  ignore  même  avoir  gaspillé  son 
bonheur  tandis  qu'il  s'acharne  à  la  possession  du  talisman 
qui  le  voue  à  la  mort.  Mais,  heureusement  pour  elles,  au- 
jourd'hui même  son  héritage  passera  aux  mains  d'une  no- 
ble femme  qui,  elle,  écoutera  leurs  prières  et  y  fera  droit. 
Elles  se  hâtent  d'aller  la  trouver.  —  Siegfried  les  suit  de 
l'œil  en  souriant  et  en  admirant  leurs  ébats  gracieux. 

Scène  ii.  —  Des  fanfares  de  chasse  se  font  entendre 
au  loin  et  se  rapprochent  peu  à  peu;  le  jeune  chasseur 
répond  joyeusement  de  son  cor  d'argent.  Gunther  et  Hagen 
descendent  la  colline  avec  leur  suite.  Les  serviteurs  pré- 
parent le  repas,  tandis  que  les  chasseurs  s'étendent  à  terre 
et  se  mettent  à  boire  en  causant.  Siegfried,  tout  en  con- 
fessant qu'il  a  fait  une  chasse  nulle,  raconte,  insouciant, 
sa  rencontre  avec  les  sœurs,  qui  lui  ont  prédit  sa  mort 
pour  le  jour  même,  Gunther  se  trouble  et  regarde  furti- 
vement Hagen,  qui  demande  à  Siegfried  de  lui  parler  du 
temps  où,  dit-on,  il  savait  converser  avec  les  oiseaux.  — 
Mais  le  héros  a  cessé  depuis  longtemps  de  comprendre 
leurs  gazouillements,  auxquels  il  préfère  maintenant  de 
doucesparoles  de  femme.  Hagen  insiste,  ainsi  que  Gunther, 
pour  connaître  cette  aventure.  Siegfried  leur  retrace  alors 
son  enfance  dans  la  forêt  en  compagnie  de  Mime,  le  gnome 
astucieux  dont  il  a  mis  à  néant  les  noirs  projets,  son  com- 
bat contre  Fafner  à  l'aide  de  Nothung,  sa  vaillante  épée, 


ANALYSE    DES    POÈMES  231 

la  conquête  du  trésor  et  les  sages  conseils  de  l'oiseau 
merveilleux.  Quand  le  héros  est  arrivé  à  ce  point  de  son 
récit,  Hagen  mêle  en  cachette  à  son  breuvage  un  philtre 
réveillant  ses  souvenirs  endormis;  Siegfried,  dès  lors 
en  pleine  possession  de  sa  mémoire,  raconte  devant  tous, 
au  profond  étonnementde  Gunther,  qui  l'écoute  avec  une 
émotion  croissante,  son  odyssée  victorieuse  pour  aller 
délivrer  Briinnhilde  et  la  délicieuse  récompense  qui  l'at- 
tendait pour  prix  de  sa  vaillance.  Gunther,  abîmé  de 
stupéfaction,  semble  commencer  à  comprendre.  A  ce  mo- 
ment, deux  corbeaux  sortant  d'un  buisson  voisin  viennent 
tournoyer  au-dessus  de  Siegfried,  qui  se  retourne  pour 
les  regarder;  Hagen  profite  de  ce  moment  pour  fondre 
sur  celui  que  sa  haine  guette  si  lâchement,  et  lui  enfoncer 
son  épieu  entre  les  deux  épaules.  Gunther,  plein  d'hor- 
reur, s'élance ,  trop  tard  hélas  !  pour  détourner  le  bras 
du  meurtrier.  Siegfried  lève  son  bouclier  pour  écraser 
le  traître,  mais  ses  forces  l'abandonnent,  et  il  tombe  sur 
le  sol,  tandis  que  son  lâche  assassin  s'éloigne  tranquille- 
ment et  gagne  la  hauteur.  Avant  d'expirer,  Siegfried 
peut  encore  envoyer  un  suprême  adieu  à  la  bien-aimée 
qu'il  n'a  toujours  pas  conscience  d'avoir  trahie  et  dont 
le  radieux  souvenir  adoucit  ses  dernières  souffrances. 
Il  meurt  en  emportant  la  chère  vision  dans  son  cœur 
extasié. 

Les  vassaux  placent  le  corps  du  héros  sur  une  litière 
de  verdure.  Le  funèbre  cortège  se  forme  :  Gunther  le  pre- 
mier suit  le  cadavre,  en  donnant  les  signes  du  plus  pro- 
fond désespoir.  Les  rayons  de  la  lune  éclairent  le  lugubre 
défilé,  puis  des  brouillards  se  dégageant  du  Rhin  vien- 
nent envahir  le  devant  de  la  scène.  — Quand  ils  se  dissi- 
pent, le  théâtre  représente  de  nouveau  la  grande  salle  du 
palais  des  Gibichs,  plongée  cette  fois   dans   l'obscurité. 


232  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Seul  le  fleuve,  à  l'arrière-plan,  est  éclairé  par  le  brillant 
reflet  de  la  lune. 

Scène  m.  —  Gutrune  sort  du  palais  endormi  et  si- 
lencieux, attendant,  inquiète,  le  retour  de  son  époux  et  de 
son  frère;  elle  est  envahie  par  de  sombres  pressentiments. 
Le  rire  enfiévré  et  sinistre  de  Brûnnhilde  a  interrompu 
son  sommeil.  Est-ce  cette  femme  qu'elle  a  vue  dans  le 
lointain  se  diriger  vers  le  fleuve?  Elle  s'assure  en  effet 
que  Briinnhilde  a  quitté  ses  appartements,  et  elle  est  sur 
le  point  de  rentrer  dans  le  palais  ;  mais  elle  entend  la  voix 
de  Hagen  qui  la  glace  d'effroi.  Voici  le  retour  des  chas- 
seurs :  comment  n'entend  elle  pas  le  son  éclatant  du  cor 
de  Siegfried?  Elle  interroge  Hagen,  qui  d'abord  lui  dit 
que  son  époux  revient  et  de  se  préparer  à  le  saluer,  puis 
lui  apprend  brutalement  que  le  héros  ne  fera  plus  en- 
tendre sa  joyeuse  fanfare,  car  il  a  trouvé  la  mort  dans  un 
combat  contre  un  sanglier  furieux. 

Le  funèbre  cortège  arrive  à  ce  moment,  et  toute  la  foule 
des  serviteurs  se  presse,  apportant  des  torches  et  des 
brandons.  Les  chasseurs,  parmi  lesquels  se  trouve  Gun- 
ther,  déposent  le  corps  au  milieu  de  la  salle.  La  cons- 
ternation est  générale.  La  malheureuse  Gutrune  tombe 
évanouie  en  voyant  sans  vie  celui  qu'elle  aimait.  Gunther 
veut  la  relever;  mais,  revenant  à  elle,  elle  repousse  avec 
horreur  son  frère,  qu'elle  accuse  d'avoir  assassiné  son 
époux.  Gunther  se  disculpe  et  dévoile  alors  le  crime 
de  Hagen,  qu'il  maudit  et  voue  au  malheur  et  à  l'angoisse. 
Le  traître  s'avance  impudemment  et  proclame  avec  hau- 
teur son  acte  odieux;  il  exige  comme  droit  de  dépouille 
la  bague  qui  brille  au  doigt  du  héros.  Gunther  lui  défend 
de  toucher  à  l'héritage  de  Gutrune.  Hagen  le  menace,  ils 
dégainent  tous  deux,  et  Gunther,  frappé  par  l'épée  de  son 
frère,  tombe  mort  à  ses  pieds.  L'assassin  veut  alors  s'em- 


ANALYSE    DES    POEMES  235 

parer  de  l'anneau  et  se  jette  sur  le  corps  de  Siegfried  pour 
le  prendre;  mais  la  main  du  cadavre  se  dresse  mena- 
çante, serrant  l'anneau  entre  ses  doigts...  L'épouvante  est 
à  son  comble.  Gutrune  et  ses  femmes  poussent  des  cris 
aigus. 

Briinnhilde,  paraissant  alors  au  fond  du  théâtre,  s'a- 
vance, calme  et  imposante,  et  veut  faire  taire  ces  clameurs; 
elle,  la  femme  abandonnée  et  trahie  par  tous,  vient  poui 
venger  le  héros  dont  la  mort  ne  sera  jamais  assez  digne- 
ment pjleurée. 

Gutrune  éclate  en  reproches,  l'accusant  d'avoir  attiré 
tous  les  malheurs  sur  leur  maison;  mais  Brunnliilde,  avec 
noblesse,  lui  impose  silence,  elle,  l'épouse  légitime  que 
seule  Siegfried  a  jamais  aimée  et  à  laquelle  il  avait  juré 
une  éternelle  fidélité.  Gutrune  alors,  au  comble  du  déses- 
poir, comprend  quel  rôle  odieux  Hagen  lui  a  fait  jouer 
en  lui  conseillant  de  faire  usage  du  philtre  maudit,  et, 
appelant  sur  le  misérable  l'anathème,  elle  tombe  abîmée 
de  douleur  sur  le  corps  de  Gunther.  Hagen,  dont  le  re- 
gard est  animé  dune  expression  de  défi,  reste  à  l'écart^ 
absorbé  dans  une  sombre  rêverie. 

Briinnhilde,  après  avoir  contemplé  longuement  et  dou- 
loureusement le  visage  de  Siegfried,  ordonne  avec  solen- 
nité aux  vassaux  de  former  sur  les  bords  du  fleuve  un 
bijcher  destiné  à  recevoir  le  corps  du  héros;  puis  on  lui 
amènera  Grane,  son  fidèle  et  noble  coursier,  avec  qui  elle 
veut  partager  les  honneurs  sacrés  réservés  au  plus  va- 
leureux des  guerriers. 

Pendant  que  les  vassaux  entassent  les  fortes  bûches  sur 
lesquelles  les  femmes  jettent  des  tapisseries  et  des  fleurs, 
Briinnhilde  se  perd  de  nouveau  dans  la  contemplation  du 
bien-aimé,  le  pur  des  purs,  le  cœur  loyal  entre  tous,  celui 
qui  cependant  l'a  trahie,  abandonnée,  elle,  la  seule  qu'il 

14 


234  VOYAGE    A    BAYREUTH 

ait  chérie.  —  Gomment  cela  s'est-il  fait?  0  Wotan,  dieu 
inexorable,  qui  n'a  pas  craint,  pour  réparer  sa  faute  éter- 
nelle, de  vouer  sa  fille  à  cette  extrême  détresse  en  sacri- 
fiant ainsi  celui  qu'elle  aimait!  Combien  douloureusement 
elle  a  appris,  par  l'excès  de  son  malheur,  ce  quil  lui  fallait 
savoir  !  Maintenant  elle  voit,  elle  sait,  elle  comprend  tout, 
mais  au  prix  de  quelles  souffrances!... 

Elle  aperçoit,  tourbillonnant  dans  les  airs,  les  deux 
noirs  messagers  du  Père  des  combats  :  qu'ils  retournent 
au  Walhalla  annoncer  que  maintenant  tout  est  accompli, 
consommé,  et  que  la  race  divine  aura  bientôt  cessé  d'ê- 
tre. Repose,  repose,  ô  race  des  dieux!... 

Elle  fait  signe  aux  vassaux  de  porter  sur  le  bûcher  la 
dépouille  de  Siegfried,  à  qui  elle  enlève  d'abord  l'anneau, 
qu'elle  passe  à  son  doigt.  Cet  anneau  néfaste  dont  elle 
reprend  possession,  elle  le  lègue  aux  Filles  du  Rhin  : 
qu'elles  viennent  le  rechercher  tout  à  l'heure,  au  milieu 
de  ses  cendres,  après  que  le  feu  l'aura  purifié  de  la  malé- 
diction qui  a  pesé  si  lourdement  sur  tous  ceux  qui  l'ont 
possédé  ! 

Elle  s'approche  du  bûcher  où  repose  déjà  le  corps 
du  héros,  et,  brandissant  une  torche,  elle  enjoint  de  nou- 
veau aux  corbeaux  d'aller  alors  dire  à  Wotan  ce  qui  se 
p^sse  ici;  puis,  qu'ils  volent  jusqu'au  rocher  où  elle  a 
dormi,  et  ordonnent  à  Loge,  qui  y  séjourne  encore,  de  se 
transporter  au  Walhalla  et  d'embraser  la  royale  demeure 
des  dieux;  car  le  crépuscule  éternel  commence  pour  eux, 
et  le  feu  qui  va  bientôt  la  consumer  elle-même  se  propa- 
gera jusqu'à  l'inaccessible  retraite  du  Maître  du  monde. 

Elle  lance  le  brandon  sur  le  bûcher,  qui  s'enflamme 
aussitôt.  Puis,  se  retournant  une  dernière  fois  vers  le 
peuple  assemblé,  elle  lui  lègue,  dans  un  suprême  adieu,  le 
trésor  de  sa  science  sacrée  :  la  race  des  dieux  est  éteinte, 


AîiAtYSE   DES    POEMES  235 

l'univers  est  sans  maître  ;  mais  il  lui  reste  un  bien  pré- 
cieux entre  tous  et  qu'il  doit  apprendre  à  chérir  plus  que 
l'or,  plus  que  la  gloire  et  la  grandeur  :  c'est  V amour,  qui 
seul  peut  sortir  victorieux  de  toutes  les  épreuves  et  don- 
ner la  félicité  parfaite. 

Briinnhilde  reçoit  son  coursier  Grane,  que  deux  jeunes 
gens  lui  amènent;  elle  lui  enlève  tous  ses  harnais,  le  dé- 
bride, lui  montre  le  bûcher  où  repose  son  maître,  puis, 
s'élançant  sur  le  noble  animal,  elle  bondit  avec  lui  dans 
les  flammes,  qui  s'élèvent  en  crépitant  et  gagnent  toute  la 
scène.  Le  peuple  consterné  se  disperse,  puis  le  bûcher 
s'écroule  en  dégageant  une  épaisse  icolonne  de  fumée. 
Bientôt  la  nuée  se  dissipe,  et  l'on  aperçoit  les  flots  du 
Rhin  qui  débordent  maintenant  et  montent  jusqu'au  seuil 
du  palais,  amenant  les  trois  Ondines  sur  leurs  eaux. 

Hagen,  qui  a  observé  toute  la  dernière  scène  avec  une 
sombre  angoisse,  se  précipite,  poussant  un  dernier  et 
formidable  cri  de  convoitise,  au  milieu  des  flots  pour  y 
chercher  l'anneau;  mais  il  se  voit  saisi  et  entraîné  au  fond 
de  l'abîme  par  Wellgunde  et  Woglinde,  tandis  que  Floss- 
hilde  se  montre  à  la  crête  des  vagues,  brandissant  joyeuse 
PAnneau  enfin  reconquis!... 

Au  loin  le  ciel  s'embrase  :  l'incendie  ^agne  tout  l'hor 
rizon,  et  les  vassaux,  muets  de  stupeur,  contemplent  le 
sinistre  et  saisissant  spectacle  de  l'anéantissement  du 
palais  des  dieux,  qui  s'abîme  dans  l'horreur  grandiose 
d'un  océan  de  feu. 

C'est  par  cet  émouvant  cataclysme  que  se  termine  la 
quatrième  et  dernière  journée  de  l'Anneau  du  Nibe-* 
lung. 


Î36  VOYAGE   A    BAYREUTH 


PARSIFAL 


Sur  un  pic  inaccessible  des  Pyrénées,  le  Montsalvat, 
se  dresse  un  burg  élevé  par  Titurel  pour  conserver  en  une 
demeure  inviolable  et  inabordable  aux  profanes  le  vase 
sacré  dans  lequel  but  le  Christ  lors  de  son  dernier  repas 
avec  ses  disciple-s.  Cette  coupe  sainte,  le  Graal,  contenant 
le  sang  qui  s'échappa  des  divines  blessures  du  Sauveur 
sur  la  croix,  ainsi  que  la  Lance  qui  causa  ces  blessures, 
ont  été  confiés  par  des  messagers  célestes  au  pur  cheva- 
lier, dans  un  temps  de  luttes  impies  où  les  ennemis  de 
la  foi  menaçaient  de  profaner  ces  précieuses  reliques. 

Titurel,  après  leur  avoir  construit  un  sanctuaire  gran- 
diose, a  groupé  autour  de  lui,  pour  l'aider  à  les  garder, 
une  élite  de  chevaliers  que  leur  pureté  a  rendus  dignes  de 
ces  augustes  fonctions.  Le  Graal  récompense  ces  nobles 
serviteurs  de  leur  pieuse  fidélité,  en  les  investissant  d'une 
force  et  d'une  vaillance  miraculeuses  qui  leur  permettent 
d'entreprendre,  pour  l'exaltation  de  leur  foi,  des  œuvres 
dont  ils  ne  pourraient  sortir  victorieux  sans  son  divin 
secours;  et  chaque  année  une  colombe  descendant  des 
célestes  espaces  vient  renouveler  la  force  du  saint  Graal 
et  de  ses  chevaliers. 

Un  habitant  de  la  contrée  voisine  du  Montsalvat, 
Klingsor,  voulant,  pour  le  rachat  de  ses  fautes,  s'enrôler 
dans  la  pieuse  phalange,  a  vainement  essayé  de  faire  taire 
en  son  âme  l'instinct  du  péché;  n'y  pouvant  parvenir,  il 
en  a  détruit  les  aspirations  brutales  en  portant  sur  lui- 
même  une  main  profanatoire  ;  son  indigne  action  lui  ayant 
à  tout  jamais   fermé  les  portes  du  Burg  sacré,  il  écouta 


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ANALYSE    DES    POEMES  237 

l'esprit  du  mal  et  reçut  de  lui  les  enseignements  maudits 
de  l'art  de  la  magie.  Plein  de  haine  alors  contre  ceux  qui 
l'ont  renié  comme  frère,  il  a  employé  son  fatal  pouvoir  à 
transformer  la  lande  aride  en  un  jardin  plein  de  délices 
où  croissent,  moitié  fleurs,  moitié  femmes,  des  êtres  fan- 
tastiques d'une  beauté  irrésistible,  déployant  leurs  séduc- 
tions pour  s'appliquer  à  perdre  ceux  des  chevaliers  du 
Graal  qui  sont  assez  faibles  pour  tomber  dans  leurs 
pièges. 

Beaucoup  déjà  s'étaient  laissé  entraîner,  lorsque  Am- 
fortas,  le  fils  du  vénérable  Titurel,  à  qui  son  père  affaibli 
par  les  ans  avait  cédé  la  couronne,  Amfortas  voulut  met- 
tre fin  à  ces  enchantements  funestes  et  descendit  lui- 
même,  secondé  par  l'assistance  sacrée,  dans  le  repaire  des 
coupables  délices;  mais,  hélas!  il  ne  fut  pas  plus  fort  que 
ceux  qui  l'avaient  précédé,  et  succomba  comme  eux.  0 
comble  de  la  honte  et  de  la  défaite!  son  ennemi  s'empara 
de  la  lance  sacrée,  la  relique  précieuse  confiée  à  sa  garde, 
et,  la  tournant  contre  son  défenseur  même,  fît  au  flanc 
d'Amforlas  une  profonde  blessure,  qu'aucun  remède  ne 
put  jamais  cicatriser. 

L'infortuné  roi  regagna  cependant  le  Montsalvat,  y  rap- 
portant la  souillure  du  péché,  avec  d'éternels  remords,  plus 
cuisants  encore  que  la  plaie  inguérissable  qui  saigne  à  son 
côté. 

Depuis  ce  temps,  la  confrérie  auguste  des  chevaliers 
est  plongée  dans  la  tristesse  et  la  honte,  chacun  d'eux 
prenant  sa  part  de  Thumiliation  et  des  douleurs  du  roi 
déchu.  Lui-même,  cherchant  vainement  un  remède  à  ses 
souffrances  physiques  et  morales,  les  voit  s'accroître 
chaque  fois  qu'il  doit,  comme  prêtre-roi,  célébrer  les 
saints  mystères,  et  chaque  fois  il  en  recule  l'accomplis- 
sement avec   effroi.  C'est  en  vain  quil  demande  au  lac 


238  VOYAGE   A   BAYREUTH 

sacré  qu'abrite  la  forêt,  le  soulagement  bienfaisant  de 
ses  ondes  fraîches;  en  vain  que  des  régions  les  plus  éloi- 
gnées ses  chevaliers  lui  rapportent  des  baumes  précieux. 

Un  jour  où,  prosterné  devant  le  tabernacle,  il  implorait 
la  pitié  du  Seigneur,  il  entendit  une  voix  céleste  pro- 
phétisant la  guérison  de  sa  blessure  et  le  rachat  de  ses 
fautes  par  un  Être  tout  de  pureté  et  de  miséricorde,  un 
Chaste,  un  Simple,  qui  viendrait  rendre  au  Graal  son 
éclat  immaculé  et,  après  avoir  ravi  aux  mains  criminelles 
de  Klingsor  la  lance  profanée,  la  rapporterait  au  sanc- 
tuaire, où  un  seul  de  ses  attouchements  cicatriserait  la 
plaie  jadis  faite  par  elle  au  prince  oublieux  de  sa  sainte 
mission. 

Ce  chaste  fou,  ce  héros  plein  de  compassion  pour  les 
douleurs  d'autrui,  ce  sera  Parsifal,  le  prédestiné  que  les 
desseins  de  la  Providence  auront  amené  par  des  chemins 
mystérieux  jusqu'au  Montsalvat,  en  le  lançant  à  la  pour- 
suite d'un  cygne  sacré;  qui,  ayant  assisté  au  sublime 
sacrifice,  ayant  été  témoin  de  la  détresse  morale  et  phy- 
sique d'Amfortas,  aura  senti  son  âme  éclairée  d'une  cé- 
leste lumière ,  compris  quelle  tâche  auguste  et  régéné- 
ratrice lui  était  réservée,  et  conçu  du  péché  une  sainte 
horreur,  qui  le  préservera  des  embûches  infernales  que 
Klingsor  lui  tendra  à  son  tour  avec  l'aide  de  son  âme 
damnée,  son  esclave  Kundry,  dont  il  a  fait  la  vassale  de  ses 
criminelles  volontés. 

Celte  figure  étrange  de  Kundry,  créée  de  toutes  pièces 
par  Wagner,  apparaît  tour  à  tour  comme  la  servante  pas- 
sionnément dévouée  des  chevaliers  du  Graal  quand  elle  est 
livrée  à  sa  propre  nature,  ou  comme  leur  ennemie  achar- 
née, l'instrument  de  leur  déchéance,  lorsque,  subissant 
malgré  elle  le  magique  ascendant  de  Klingsor,  elle  se 
transforme  en  une  femme  «  effroyablement  belle  »  et  de- 


ANALYSE    DES    POEMES  239 

vient  ie  moyen  de  séduction  le  plus  irrésistible  des  jar- 
dins enchantés.  Les  pieux  chevaliers  ignorent  cette  double 
nature  et  ne  voient  en  elle  qu'un  être  bizarre,  malade, 
indompté,  dont  les  fréquentes  et  longues  absences,  précé- 
dées d'un  profond  sommeil,  correspondent  toujours  à  un 
nouveau  malheur  venant  fondre  sur  eux;  mais  c'est  elle 
qui  a  séduit,  perdu  Amfortas,  et  c'est  sur  elle  encore  que 
compte  le  sorcier  pour  faire  sombrer  la  vertu  du  chaste 
fou.  Effroyables  missions  contre  lesquelles  l'infortunée 
se  révolte;  aussi  la  voit-on  sombre  et  angoissée  chaque 
fois  qu'elle  sent  s'appesantir  sur  ses  yeux  le  lourd  som- 
meil hypnotique  dans  lequel  la  plonge  Klingsor  lorsqu'il 
veut  la  soumettre  à  son  odieuse  puissance.  Elle  expie  ainsi 
le  crime  d'une  existence  antérieure,  alors  qu'étant  Héro- 
diade,  elle  a  poursuivi  de  son  rire  cruel  et  impie  le  Christ 
gravissant  le  Golgotha.  Ce  ricanement  sauvage,  elle  le 
retrouve  dans  sa  nouvelle  incarnation  lorsqu'elle  est  sous 
le  charme  maudit  de  l'enchanteur  :  alors,  devenant  sa 
digne  servante,  elle  l'égale  en  perversité.  Mais  quand  elle 
est  délivrée  de  l'ensorcellement,  elle  aspire,  autant  que 
sa  nature  sauvage  et  inculte  le  lui  permet,  au  bien,  aura- 
chat  des  fautes  de  l'enchanteresse,  dont  elle  conserve  un 
vague  et  inconscient  souvenir.  C'est  ce  qui  lui  fait  re- 
chercher avec  tant  d'ardeur  les  baumes  qui  pourront  gué- 
rir la  blessure  d'Amfortas,  cette  blessure  à  laquelle  elle  a 
coopéré,  et  ne  vouloir  aucun  remerciement  pour  prix 
de  ses  peines;  et  c'est  aussi  cette  aspiration  au  repentir, 
à  la  rédemption,  qui,  triomphant  enfin,  avec  le  secours  de 
la  grâce  divine,  de  la  noire  magie  et  des  ensorcellements 
de  Klingsor,  lui  permettra  de  se  régénérer  dans  leau 
sainte  du  baptême  que  versera  sur  son  front  Parsifal  de- 
venu, par  l'accomplissement  de  sa  mission  sacrée,  prêtre 
et  prince  du  Graal  à  la  place  d'Amfortas. 


240  VOYAGE   A   BAYREUTH 

Ces  explications  préliminaires  étaient  absolument  né- 
cessaires pour  Fintelligence  de  la  brève  analyse  qui  suit. 

l»»^  Acte. 

Premier  tableau.  - —  La  première  scène  se  passe  dans 
une  clairière  de  la  forêt  qui  entoure  le  Burg  du  Montsal- 
vat.  Sur  la  gauche,  un  chemin  monte  au  château  situé  sur 
l'éminence.  A  l'arrière-plan  à  droite,  la  déclivité  de  la 
route  fait  pressentir  un  lac  dans  un  bas-fond. 

On  est  à  la  pointe  du  jour.  Gurnemanz ,  un  des  plus 
vieux  chevaliers  du  Graal,  et  deux  jeunes  écuyers  dorment 
sous  un  arbre.  Aux  sons  des  trompettes  qui,  dans  la  di- 
rection de  rédifîce,  font  entendre  une  fanfare  solennelle, 
Gurnemanz  s'éveille  et  invite  les  jeunes  gens  qu'il  a  tirés 
de  leur  sommeil  à  faire  avec  lui  la  prière  du  matin.  Ils 
«'agenouillent  tous  trois;  puis,  lorsqu'ils  ont  terminé  leur 
méditation,  Gurnemanz  engage  ses  compagnons  à  s'oc- 
cuper du  bain  dans  lequel  Amfortas  va  chercher  l'apaise- 
ment de  ses  souffrances.  Il  demande  à  deux  chevaliers  qui 
s'approchent,  descendant  du  Burg,  comment  se  trouve  le 
prince,  et  si  le 'nouveau  remède  appliqué  à  sa  blessure  lui 
a  apporté  quelque  soulagement.  Sur  leur  réponse  néga- 
tive, le  vieux  serviteur  baisse  mélancoliquement  la  tête, 
découragé,  mais  non  surpris.  A  ce  moment,  un  des  jeunes 
écuvers  signale  la  venue  d'un  nouveau  personnage,  qu'il 
désigne,  ainsi  que  ses  compagnons,  sous  les  noms  divers 
de  cavale  d'enfer,  d'amazone  sauvage,  et  l'on  voit  apparaî- 
tre une  femme  à  la  physionomie  bizarre,  au  teint  foncé^ 
aux  yeux  perçants  et  au  regard  farouche,  qui  porte  de 
longues  tresses  noires  et  flottantes  et  est  vêtue  d'un  cos- 
tume étrange;  c'est  Kundry.  Elle  arrive  précipitamment, 
paraissant  exténuée  par  une  longue  course,  et  présente 
à  Gurnemanz  un  flacon  de  cristal  contenant  un  baume 


ANALYSE    DES    POEMES  241 

qu'elle  a  été  chercher  dans  les  régions  les  plus  reculées 
de  l'Arabie,  pour  adoucir  les  douleurs  de  l'infortuné  Am- 
fortas;  puis,  cédant  à  la  fatigue,  elle  se  laisse  tomber  à 
terre  et  reste  couchée,  tandis  qu'arrive  le  cortège  de  che- 
valiers et  d'écuyers  accompagnant  la  litière  du  roi,  ce  qui 
détourne  d'elle  l'attention  des  assistants. 

Le  malheureux  prince,  torturé  sans  répit  par  ses  souf- 
frances, implore  du  Ciel  la  mort  ou  la  venue  du  Fou  plein 
de  compassion  qui  doit  mettre  un  terme  à  son  martyre; 
il  accepte  toutefois  des  mains  de  Gurnemanz  le  baume 
apporté  par  Kundry  et  veut  en  remercier  l'étrange  créa- 
ture; mais  elle,  inquiète  et  agitée,  fait  peu  d'accueil  à  la 
reconnaissance  du  roi.  Amfortas  ordonne  à  ses  serviteurs 
de  porter  sa  litière  jusqu'au  lac  sacré,  et  le  cortège  s'éloi- 
gne, suivi  tristement  du  regard  par  le  respectable  che- 
valier. 

Les  écuyers  alors  apostrophent  Kundry  méchamment, 
la  traitant  de  magicienne  et  lui  reprochant  de  fournir  au 
roi  des  drogues  nuisibles;  mais  Gurnemanz  prend  sa  dé- 
fense et  leur  rappelle  de  quel  dévouement,  au  contraire, 
elle  fait  preuve  chaque  fois  qu'il  s'agit  de  rendre  service 
aux  chevaliers  du  Graal,  d'aller,  prompte  comme  l'éclair, 
porter  un  message  à  ceux  que  leur  mission  retient  dans 
les  contrées  lointaines. 

Depuis  longtemps  déjà  elle  est  connue  au  Montsalvat, 
et  lorsque  Titurel  consacra  le  Burg,  il  la  trouva  endormie 
parmi  les  buissons  de  la  forêt.  C'est  là  toujours  qu'on  la 
découvre  après  chacune  de  ses  longues  absences  inexpli- 
quées, mais  qui  coïncident  fatalement  avec  un  nouveau 
malheur  venant  fondre  sur  les  serviteurs  du  Graal.  Pen- 
dant la  dernière  de  ces  absences  a  eu  lieu  le  néfaste  com- 
bat si  funeste  à  Amfortas.  Où  errait-elle  pendant  ce  temps 
et  pourquoi  elle,    si   dévouée  habituellement,  n'esl-elle 


242:  VOYAGE    A   BAYREUTH 

point  venue  au  secours  du  prince  infortuné  ?  Kundry  reste 
silencieuse  à  cette  question,  et  Gurnemanz,  se  plongeant 
de  nouveau  dans  ses  pensées  douloureuses,  retrace  à  ses 
jeunes  compagnons  toutes  les  phases  de  l'humiliante  dé- 
faite. 

Ses  auditeurs  lui  demandent  ensuite  de  les  instruire 
sur  les  orimnes  du  Graal  :  il  leur  en  fait  une  lonçjue  nar- 
ration,  au  cours  de  laquelle  Kundry,  toujours  étendue  sur 
le  sol,  manifeste  une  violente  agitation,  et  il  termine  en 
leur  révélant  la  promesse  consolante  venue  d'en  haut,  qui 
soutient  seule  le  courage  du  prince  si  éprouvé. 

A  peine  a-t-il  achevé  son  récit,  que  des  cris  se  font 
entendre  du  côté  du  lac  :  ce  sont  des  chevaliers  qui  ont 
aperçu  un  cygne  sauvage,  hôte  respecté  de  la  contrée  et 
aimé  du  roi,  qui  vient  d'être  blessé  par  une  main  incon- 
nue. L'animal,  battant  de  l'aile,  vient  tomber  expirant  sur 
le  sol,  tandis  que  des  écuyers,  ayant  découvert  le  meur- 
trier, l'amènent  à  Gurnemanz,  qui  l'interroge  sur  son  inu- 
tile cruauté  et  la  lui  reproche  paternellement. 

Le  coupable,  Parsifal,  est  un  adolescent  qui  semble 
inconscient  de  l'acte  qu'il  vient  de  commettre.  Il  ne  sait 
dire  ni  son  nom  ni  dans  quelle  contrée  il  a  vu  le  jour  ; 
il  se  rappelle  seulement  que  sa  mère  se  nommait  Herze- 
leîde  (Cœur-Brisé),  et  qu'il  vivait  avec  elle  parmi  les  forêts 
et  les  plaines  sauvages.  —  C'est  Kundry  qui,  après  avoir 
observé  attentivement  le  jeune  innocent,  complète  les 
renseignements  qu'il  a  si  imparfaitement  donnés  :  il  a 
vu  le  jour  après  la  mort  de  son  père  Gamuret,  tué  dans 
un  combat;  et  sa  mère,  espérant  lui  épargner  le  même 
sort,  la  élevé  loin  des  humains  et  de  leurs  luttes.  —  Parsi- 
fal se  souvient  alors  qu'un  jour,  ayant  vu  passer  des  hom- 
mes brillamment  armés,  montés  sur  de  nobles  bêtes,  il  a 
vainement  cherché  à  les  atteindre,  puis  que,  dans  sa  pour- 


ANALYSE    DES    POEMES  243 

suite,  s'étant  égaré,  il  a  eu  à  se  défendre  contre  des  ani- 
maux sauvages  et  contre  des  hommes  pleins  de  force  ; 
mais  dans  ^a  naïveté  il  ne  s'est  même  pas  rendu  compte  des 
méchantes  intentions  de  ces  hommes  à  son  égard.  —  Kun- 
dry  alors  lui  apprend  que,  dans  une  de  ses  courses  désor- 
données ,  elle  a  rencontré  Herzeleïde  succombant  au 
chagrin  que  lui  causa  la  disparition  de  son  fils,  et  qu'elle 
l'a  vue  expirer  sous  ses  yeux.  Parsifal,  hors  de  lui  à  cette 
nouvelle,  se  précipite  sur  Kundry  et  l'étranglerait  sans 
l'intervention  de  Gurnemanz,  qui  délivre  la  malheureuse. 
L'inconscient  semble  alors  regretter  sa  violence  ;  il  est 
saisi  d'un  tremblement  et  va  se  trouver  mal;  mais  Kundry 
s'est  déjà  élancée  vers  une  source  voisine  et,  rapportant 
de  l'eau  fraîche  dans  une  corne,  le  soigne  et  le  ranime. 

Gurnemanz  approuve  cet  acte  de  pardon  et  de  charité; 
mais  l'étrange  créature  se  détourne  avec  tristesse,  re- 
poussant cette  approbation  ;  elle  demande  seulement  à 
se  reposer  de  l'immense  fatigue  par  laquelle  elle  se  sent 
envahie,  et,  pendant  que  le  digne  chevalier  s'occupe  de 
l'adolescent,  elle  se  traîne  vers  un  buisson  voisin  pour 
y  dormir.  Soudain  l'idée  de  ce  sommeil  impérieux,  an- 
goissant, qui  précède  toujours  pour  elle  l'odieux  enchan- 
tement, la  révolte  ;  elle  lutte  et  veut  s'y  soustraire  :  mais 
la  force  mystérieuse  l'emporte  sur  sa  résistance,  et  elle 
tombe  inanimée  derrière  le  buisson,  où  elle  reste  inerte 
et  invisible. 

Pendant  ce  temps  on  perçoit  du  côté  du  lac  le  mouve-" 
ment  des  chevaliers  et  des  écuyers  accompagnant  le 
retour  d'Amfortas  au  palais  après  son  bain.  Gurnemanz, 
soutenant  la  marche  encore  chancelante  de  Parsifal,  s'ap- 
prête à  le  conduire  au  Burg  sacré,  où  il  le  fera  assister 
au  repas  mystique  des  serviteurs  du  Graal.  Qui  sait  si 
cet  innocent,  providentiellement  guidé  dans  les  chemins 


244  VOYAGE   A    BAYREUTH 

inaccessibles  du  Montsalvat,  n'est  pas  ce  Chaste  Fou,  cet 
élu  destiné  à  la  rénovation  du  Graal?. .. 

Le  chevalier  et  Parsifal  semblent  marcher,  mais  c'est 
en  réalité  le  décor  qui  se  déroule  derrière  eux;  et,  après 
un  long  parcours  dans  les  rochers,  ils  franchissent  une 
porte  donnant  accès  dans  de  vastes  galeries  souterraines 
qu'ils  semblent  parcourir  toujours  en  montant. 

Deuxième  tableau.  —  On  entend  des  bruits  de  clo- 
ches et  de  trompettes  qui  paraissent  se  rapprocher  ; 
enfin  ils  se  trouvent  dans  une  immense  salle  couronnée 
par  une  coupole  lumineuse.  Les  sonneries  des  cloches 
partent  du  sommet  de  cette  coupole.  Parsifal  est  comme 
fasciné  par  la  grandeur  du  spectacle  qui  s'offre  à  ses  yeux, 
et  Gurnemanz  l'observe  avec  attention  pour  surprendre 
dans  son  attitude  la  révélation  espérée. 

A  droite  et  à  gauche,  au  fond  de  la  salle,  s'ouvrent  deux 
portes,  laissant  passer  en  deux  longues  théories  les  che- 
valiers qui,  dans  une  attitude  grave  et  recueillie,  viennent 
se  placer  autour  des  tables  sur  lesquelles  se  trouvent 
des  coupes.  Ils  se  préparent  à  célébrer  les  agapes  spi- 
rituelles comme  les  avait  instituées  le  Sauveur. 

Après  eux  arrive  le  cortège  du  roi,  couché  sur  sa 
litière  et  entouré  de  frères  servants  et  d'écuyers.  Deux 
pages  qui  le  précèdent  portent  une  châsse  soigneuse- 
ment voilée,  qu'ils  déposent  sur  un  autel  surélevé  auprès 
duquel  est  placé  comme  un  trône  le  lit  de  repos  oii  l'on  a 
étendu  Amfortas.  Derrière  ce  lit  de  repos  est  une  cha- 
pelle obscure  et  en  contre-bas,  d'où  sort  une  voix  grave, 
celle  de  Titurel,  engageant  le  pauvre  infortuné  à  célébrer 
sans  retard  le  saint  mystère.  Amfortas,  qui  sait  quelles 
souffrances  accompagnent  pour  lui  l'acte  sacré,  veut  en 
retarder  l'accomplissement;  il  supplie  son  père  d'officier 
à  sa  place;  mais  le  vieillard,  à  qui  reste  à  peine  une  étin- 


ANALYSE    DES    POÈMES  245 

celle  de  vie,  s'y  refuse  et  somme  son  fils  de  remplir  sans 
tarder  son  devoir.  Amfortas,  au  comble  de  l'angoisse, 
invoque  la  pitié  des  assistants,  supplie  le  Créateur  de 
mettre  fin  à  ses  douleurs  physiques,  à  ses  souffrances 
morales,  mille  fois  plus  cruelles  encore  :  il  subit  toutes 
les  tortures  qu'a  endurées  le  Seigneur  sur  la  croix  ;  il 
voit  comme  lui  s'écouler  tout  son  sang  par  la  blessure  que 
rien  ne  peut  faire  refermer,  et  son  cœur  est  ulcéré  de 
honte  et  de  remords  en  se  voyant,  lui  si  indigne,  inflexi- 
blement désigné  pour  accomplir  le  divin  sacrifice. 

Mais  il  supplie  en  vain  :  la  voix  de  Titurel  se  fait  en- 
tendre de  nouveau,  ordonnant  qu'on  découvre  le  Graal. 
Les  enfants  dévoilent  la  châsse  et  en  retirent  le  calice, 
qu'ils  placent  devant  l'officiant.  Amfortas  s'abîme  dans 
une  ardente  prière  en  s'inclinant  devant  la  coupe  sainte  ; 
il  célèbre  la  Cène,  la  cène  mystique  du  Montsalvat;  une 
ombre  épaisse  envahit  la  salle,  et  un  rayon  de  lumière 
surnaturelle,  descendu  de  la  coupole,  vient  embraser  le 
vase  sacré  d'une  lueur  pourpre  et  éclatante.  Amfortas 
alors,  transfiguré  par  la  foi,  élève  le  Graal  devant  toute 
l'assistance  pieusement  agenouillée.  Peu  à  peu  les  ténè- 
bres se  dissipent,  l'éclat  du  calice  pâlit,  et  lorsque  le  roi 
l'a  déposé  sur  la  table,  lorsque  le  jour  est  revenu  par 
degrés,  on  aperçoit  toutes  les  coupes  pleines  de  vin,  et 
un  pain  est  à  côté  de  chacune  d'elles.  Les  chevaliers 
prennent  place  autour  des  tables,  pendant  que  des  voix 
d'adolescents  se  font  entendre,  célébrant  les  louanges 
du  Très-Haut  en  un  cantique  d'actions  de  grâces. 

Gurnemanz   veut  faire    asseoir  Parsifal    à  ses  côtés; 
mais  celui-ci,  absorbé  dans  son  ravissement,  ne  comprend 
pas  l'invite  :  depuis  son  arrivée  il  est  resté  immobile,  de- 
bout, tournant  le  dos  aux  spectateurs  et  cdmme  stupéfié. 
Les  chevaliers,  après  avoir  communié  sous  les  deux 

15 


246  VOYAGE    A    BAYREUTH 

espèces,  se  donnent  l'accolade  fraternelle.  Pendant  ce 
temps,  Amfortas,  qui  est  sorti  peu  à  peu  de  son  extase, 
maniteste  par  des  signes  la  douleur  que  lui  cause  de 
nouveau  la  blessure  dont  le  sang  s'échappe  avec  vio- 
lence. Tous  s'empressent  autour  de  lui,  ses  écuyers  le 
recouchent  sur  sa  litière,  et  le  cortège  se  reforme  dans 
le  même  ordre  qu'à  l'arrivée,  entourant  le  roi  et  la  châsse 
précieuse.  Le  jour  disparaît  gi-aduellement,  et  les  cloches 
se  font  entendre  encore. 

Parsifal,  qui,  bien  qu'immobile,  semblait  pendant  l'office 
avoir  vécu  les  terribles  souffrances  d'Amfortas,  portant 
comme  lui,  avec  angoisse,  les  mains  à  son  flanc,  est  tou- 
jours plongé  dans  le  rêve  qui  le  sépare  du  reste  du 
monde.  Gurnemanz,  ne  se  i*endant  pas  compte  de  ce  qui 
se  passe  dans  l'esprit  de  l'adolescent,  et  déçu  dans  son 
attente,  le  prend  brusquement  par  le  bras  et  le  chasse 
hors  de  la  salle,  le  bannissant,  avec  de  dures  paroles,  du 
séjour  sacré  auquel  il  ne  le  croit  pas  digne  de  demeurer. 

Orne  Acie- 

Premier  tableau.  —  Le  théâtre  représente  le  repaire 

du  magicien  Klingsor,  situé  dans  une  tour  dont  le  toit  est 
absent.  Un  escalier  descend  dans  les  profondeurs  de  la 
tour,  et  de  nombreux  instruments,  seiTant  à  l'art  cabalis- 
tique, miroirs  magiques,  etc.,  meublent  la  salle,  plongée 
dans  une  obscurité  presque  totale. 

Klingsor,  par  ses  sortilèges,  attire  vers  sa  région  mau- 
dite Parsifal,  que  Gurnemanz,  imprudent  et  ignorant  de 
ce  qui  se  passait  dans  cette  âme  naïve,  a  rejeté  hors  du 
Monlsalvat.  Le  magicien,  plus  perspicace,  pressentant 
dans  le  pur  adolescent  l'élu  qui  doit  sauver  et  régénérer 
le  Graal,  veut  tenter  de  le  perdre  comme  il  l'a  fait  d'Am- 
fortas, et  appelle  à  son  aide  oour  cela  Kundry,  dont  il  a 


ANALYSE    DES    POEMES  247 

préparé  le  nouvel  asservissement  en  la  plongeant  dans 
son  lourd  sommeil  magnétique. 

Il  se  livre  à  des  incantations  et  fait  brûler  des  herbes, 
dont  les  épaisses  vapeurs  emplissent  la  scène.  De  ces 
fumées  violettes  et  sinistres  émerge  confusément  et  tout 
au  fond  de  la  salle  la  forme  vague  et  comme  fluidique  de 
Kundry.  S'éveillant  de  sa  léthargie,  elle  répond  à  l'en- 
voûteur  par  un  cri  de  douleur  et  d'angoisse  qui  se  résout 
en  un  long  gémissement.  Il  se  met  à  la  railler  de  son 
attachement  pour  les  chevaliers  du  Graal,  vers  lesquels 
elle  retourne  dès  qu'elle  est  libérée  du  pouvoir  magique, 
et  lui  rappelle  en  ricanant  de  quelle  aide  précieuse  elle 
lui  a  été  malgré  tout,  lorsqu'il  s'est  agi  de  faire  succom- 
ber la  pureté  et  la  vertu  d'Amfortas.  L'infortunée,  cher- 
chant à  recouvrer  la  parole,  se  débat  contre  ces  odieux 
souvenirs  et  les  maudit  d'une  voix  rauque  et  entrecou- 
pée. Mais  Klingsor,  impitoyable,  poursuit  en  lui  annon- 
çant que,  pour  aujourd'hui  même,  il  lui  réserve  une  vic- 
toire encore  plus  éclatante,  car  il  s'agit  de  vaincre  un 
être  protégé  des  faiblesses  de  la  chair. par  le  rempart  de 
l'innocence.  Kundry,  au  comble  de  l'angoisse,  refuse  en 
vain  d'obéir  :  le  maudit  lui  rappelle  qu'il  est  son  maître, 
le  seul  sur  qui  le  pouvoir  magique  de  sa  beauté  ne  saurait 
avoir  de  prise...  Kundry,  poussant  alors  un  éclat  de  rire 
strident,  le  raille  à  son  tour  sur  sa  chasteté  forcée  ;  le 
sorcier,  rendu  furieux  par  cette  allusion,  lui  déclare 
qu'on  ne  l'insulte  pas  en  vain  :  combien  chèrement  a-t-il 
fait  payer  à  Titurel  et  à  sa  race  le  mépris  qu'ils  lui  ont 
témoigné  lorsqu'il  a  voulu  s'enrôler  dans  leur  pieuse 
cohorte  ! 

Mais  voici  venir  le  jeune  héros,  que  le  sorcier,  monté 
sur  la  muraille  de  la  tour,  aperçoit  au  loin  :  plus  de  ré- 
sistance, il  faut   se  préparer  à  le  vaincre.  Kundry  lutte 


248  VOYAGE    A    BAYREUTH 

encore,  mais  en  pure  perte  :  le  charme  transformateur 
commence  à  opérer,  le  rire  sinistre  s'empare  d'elle,  se 
résolvant  subitement  en  un  cri  de  douleur,  puis  elle  dis- 
paraît tout  à  coup  pour  aller  accomplir  sa  mission  mau- 
dite, et  avec  elle  s'évanouit  la  lueur  violacée  qui  l'enve- 
loppait. Pendant  ce  temps,  Klingsor  voit,  de  son  poste 
d'observation,  la  troupe  damnée  des  chevaliers  par  lui 
ravis  au  Graal  se  précipiter  sur  Parsifal,  qui  les  met  ra- 
pidement hors  de  combat,  puis  le  sorcier  disparaît  ainsi 
que  sa  tour,  qui  s'abîme  dans  les  profondeurs  du  sol,  lais- 
sant la  place  à  des  jardins  enchantés,  remplis  d'une  végéta- 
tion luxuriante,  de  plantes  tropicales,  de  fleurs  géantes 
et  fantastiques.  Au  fond  s'élève  un  château  dans  le  style 
oriental,  dominant  plusieurs  étages  de  terrasses. 

Deuxième  TABLEAU.  —  Parsifal,  debout  sur  la  muraille 
qui,  seule,  subsiste  du  décor  précédent,  considère  avec 
étonnementle  spectacle  qui  s'offre  à  ses  yeux.  Soudain,  du 
palais  et  des  bosquets,  sortent  en  désordre  les  Filles- 
Fleurs,  les  jeunes  et  belles  enchanteresses  que  Klingsor 
a  créées  pour  la  perdition  des  chevaliers  du  Graal,  et  qui 
accourent  en  déplorant  les  désastreux  effets  du  combat 
entre  leurs  compagnons  et  le  jeune  héros.  Elles  maudis- 
sent tout  d'abord  Parsifal  ;  mais,  après  avoir  constaté  qu'il 
ne  leur  veut  aucun  mal,  elles  essayent  sur  lui  le  pouvoir 
de  leurs  charmes  et  cherchent  à  le  séduire,  oubliant  pour 
lui  les  preux  qu  elles  ont  déjà  asservis  et  damnés. 

Elles  se  dissimulent  tour  à  tour  dans  les  massifs  pour 
y  revêtir  des  costumes  leurdonnant  l'aspect  de  gracieuses 
fleurs  vivantes,  et,  entourant  le  jeune  homme,  elles  se 
disputent  sa  conquête,  se  faisant  lascives  et  troublantes, 
pour  le  mieux  gagner;  mais  c'est  en  vain,  car  il  les  re- 
pousse résolument  et  veut  les  fuir.  —  Alors  on  entend  une 
voix  sortant  d'un  bosquet  et  appelant  doucement  :  «  Par- 


ANALYSE    DES    POEMES  249 

sifal!  ))  L'innocent,  se  souvenant  subitement  que  sa  mère 
le  nommait  ainsi,  s'arrête  ému,  tandis  que  les  filles-fleurs 
s'éloignent  à  regret,  sur  l'injonction  de  la  voix  inconnue; 
il  se  retourne  lentement  vers  le  bosquet  qui  s'est  entr'ou- 
vert,  et  y  voit  étendue  sur  un  lit  de  fleurs  une  jeune 
femme  d'une  radieuse  beauté,  qui  lui  sourit  et  l'invite  à 
s'approcher. 

C'est  Kundry,  qui,  transformée  par  les  artifices  du  ma- 
gicien et  entièrement  soumise  maintenant  à  sa  domination, 
va  poursuivre  ses  perverses  menées. 

Pour  mieux  s'emparer  du  chaste  adolescent  que  sa  sim- 
plicité protège,  elle  fait  d'abord  vibrer  en  lui  le  senti- 
ment de  l'amour  filial,  le  seul  qui  ait  jamais  eu  accès  dans 
son  cœur  pur;  elle  lui  raconte  la  tendresse  d'Herzeleïde 
pour  l'être  faible  auquel  elle  a  donné  le  jour  dans  la  soli- 
tude des  bois;  sa  sollicitude  de  chaque  instant,  ses  alar- 
mes sans  nombre,  puis  son  désespoir  causé  par  la  fuite 
de  l'enfant  ingrat,  et  enfin  sa  mort  solitaire  et  cruelle  quand 
elle  eut  perdu  tout  espoir  de  revoir  son  fils  bien-aimé. 
Parsifal,  à  ce  récit,  manifeste  la  plus  vive  douleur  et  s'a- 
dresse à  lui-même  de  véhéments  reproches  pour  avoir  ou- 
blié ainsi  la  plus  douce  des  mères  ;  l'enchanteresse  alors 
feint  de  vouloir  le  consoler;  elle  l'enlace  doucement  et 
veut  lui  persuader  que  l'amour  seul  guérira  ses  remords. 
L'adolescent,  tout  à  ses  larmes,  ne  songe  pas  à  résister, 
mais  lorsque,  se  faisant  plus  pressante  encore, /elle  im- 
prime sur  ses  lèvres  un  long  et  ardent  baiser,  il  se  lève 
soudain,  en  proie  à  une  indicible  terreur,  et  porte  la  main 
à  son  cœur,  où  il  semble  ressentir  une  profonde  douleur. 
Le  souvenir  d'Amfortas  s'est  présenté  à  sa  pensée  ;  il  revoit 
la  cruelle  blessure  que  rien  ne  peut  guérir,  la  honte, 
l'humiliation,  l'angoisse,  le  remords  causés  par  la  faute 
irrémédiable;  il  revit  la  terrible  Cène  dont  on  l'a  rendu 


250  VOYAGE    A   BAYREUTH 

témoin  là- haut  au  Montsalvat;  il  se  rappelle  les  lamenta- 
tions de  l'infortuné  qui  a  failli  à  sa  mission  divine;  il  en- 
tend jusqu'aux  plaintes  de  ce  Dieu  de  miséricorde  et  de 
bonté  dont  on  a  trahi  et  souillé  le  sanctuaire,  qui  ont  retenti 
au  plus  profond  de  san  cœur  et  l'ont  illuminé  d'une  pres- 
cience mystique.  Cette  terrible  vision  le  sauvera  des  sorti- 
lèges amoncelés  pour  sa  perdition;  et  quoique  la  corrup- 
trice ait  allumé  dans  ses  veines,  par  son  infernal  baiser,  un 
feu  qui  le  torture  et  le  dévore,  il  la  repousse  avec  violence, 
ainsi  qu'aurait  dû  le  faire  Amfortas  lorsqu'elle  lui  offrit 
les  fatales  séductions  de  sa  beauté  maudite.  C'est  en  vain 
que  Kundry,  prise  maintenant  à  ses  propres  pièges,  le 
conjure  de  répondre  à  l'amour  qu'elle  sent  vibrer  en  elle, 
en  vain  qu'elle  cherche  à  exciter  sa  pitié  en  lui  révélant 
les  souffrances  quelle  endure  depuis  l'outrage  qu'elle  jeta 
jadis  à  la  face  du  Sauveur,  le  poursuivant  de  son  rire 
cruel  et  impie,  en  vain  qu'elle  le  supplie  de  la  régénérer 
et  de  la  racheter  en  partageant  sa  passion  :  Parsifal  ne 
se  laisse  pas  vaincre,  un  rayon  divin  a  inondé  son  âme 
et  éclairé  sa  route.  Si  la  pécheresse  veut  le  suivre  dans  la 
voie  du  renoncemeut  et  du  sacrifiée,  il  purifiera  son  es- 
prit pervers,  il  lavera  et  effacera  le  passé  criminel  dans 
la  source  de  vie  et  de  vérité  ;  là  seulement  est  le  salut  pour 
elle  comme  pour  tous  ceux  qui  ont  péché;  mais,  pour  mé- 
riter cette  grâce  inespérée,  il  faut  qu'elle  aide  celui  qu'elle 
voulait  perdre  en  lui  facilitant  l'accomplissement  de  sa 
mission  sacrée  et  qu'elle  lui  fasse  retrouver  les  routes 
mystérieuses  et  inaccessibles  qui  le  mèneront  vers  Am- 
fortas. 

Kundry,  en  entendant  prononcer  ce  nom,  éclate  de  son 
ricanement  infernal  et  maudit,  puis,  ivre  de  colère  et  d'a- 
mour, elle  supplie  et  menace  tour  à  tour  le  héros,  lui  pro- 
mettant^ s'il  cède  à  ses  séductions,  de  le  guider  dans  les 


ANALYSE    DES    POÈMES  251 

chemins  désirés,  ou  lui  fai'-ani  r«^<i<)uter,  s'il  lui  résiste,  la 
même  lance  qui  j.idis  a  vaincu  et  blessé  celui  dont  il  veut 
s'ériger  le  défeni^'ur. 

Elle  lui  offre  dp  nouveau  ses  caresses,  mais  Parsifal  la 
repousse  avec  horreur;  elle  tombe  en  proférant  les  plus 
terribles  imprécations  et  en  maudissant  tous  les  efforts 
qu'il  fera  désormais  pour  retrouver  le  Montsalvat. 

Klingsor,  accouru  aux  cris  de  Kundry,  brandit  et  lance 
avec  force  Tépieu  sacré  dont  il  veut  blesser  Parsifal; 
mais  l'arme  reste  miraculeusenjent  suspendue  au-dessus 
de  la  tête  du  héros,  qui  s'en  empare  pour  tracer  solennel- 
lement dans  les  airs  un  large  signe  de  croix.  A  ce  signe, 
l'enchantement  créé  jadis  par  Klingsor  se  trouve  subite- 
ment rompu  :  le  castel  magique  s'écroule,  les  jardins  se 
dessèchent  et  deviennent  arides  comme  un  désert,  les 
filles-fleurs  gisent  sur  le  sol  comme  des  plantes  fanées, 
et  Parsifal,  debout  sur  la  muraille,  s'adressant,  avant  ds 
s'éloigner,  à  Kundr}^  étendue  à  terre,  épuisée  par  la 
lutte,  lui  rappelle  qu'il  l'attend  là-bas,  aux  sources  ra- 
dieuses de  la  vie,  de  la  miséricorde  et  du  pardon. 

3'^^  Acte. 

Premier  tableau.  —  Le  troisième  acte  nous  ramène 
sur  le  territoire  sacré  du  Montsalvat,  mais  en  un  autre  site 
qu'au  premier  acte.  La  scène  représente  un  paysage  printa- 
nier;  au  fond,  une  prairie  émaillée  de  fleurs  et  montant  en 
pente  douce;  à  droite,  la  lisière  d'un  bois  avec  une  source 
au  premier  plan;  à  gauche,  un  rocher  auquel  est  adossée 
une  pauvre  chaumière  habitée  par  Gurnemanz.  Le  bon 
chevalier,  parvenu  à  un  grand  âge,  vit  en  ermite  dans  la 
forêt,  pleurant  toujours  la  détresse  du  Graal  que  nul  ne 
vient  secourir. 

Au  lever  du  rideau,  le  jour  naît  à  peine;  mais  le  soli- 


252  VOYAGE    A    BAYREUTH 

taire  sort  de  sa  demeure,  attiré  par  des  gémissements 
plaintifs  partant  d'un  taillis  épais.  Il  s'en  approche  et 
découvre  le  corps  inanimé  de  Kundry,  dont  le  sommeil 
semble  troublé  par  des  rêves  pénibles.  Depuis  combien  de 
temps  la  malheureuse  est-elle  parmi  ces  broussailles?  Il  la 
tire  hors  du  buisson,  la  porte  sur  le  gazon  et  s'efforce,  par 
de  vigoureuses  frictions,  de  la  faire  revenir  à  elle.  Elle  finit 
par  se  ranimer  et,  regardant  aux  alentours  avec  stupeur, 
fixe  longuement  l'ermite.  Elle  répare  le  désordre  de  ses 
vêtements  et  de  ses  cheveux;  son  aspect  est  le  même, 
mais  pourtant  moins  farouche,  moins  sauvage,  qu'au  temps 
où  elle  était  la  servante  des  chevaliers.  Son  teint  a  pâli, 
et  l'expression  de  ses  yeux  s'est  faite  en  quelque  sorte 
plus  douce,  plus  soumise.  Elle  se  met  à  vaquer,  comme 
par  habitude,  à  des  travaux  domestiques,  sans  profé- 
rer une  parole,  au  grand  étonnement  du  vieillard,  sur- 
pris de  ne  recevoir  aucun  remerciement  pour  sa  sollici- 
tude. 11  lui  en  fait  l'observation;  Kundry  répond  à  ses 
reproches  d'une  voix  rauque  et  entrecoupée,  et  par  ce  seul 
mot  :  «  Servir.  »  Mais,  hélas  !  plus  n'est  besoin  de  son  tcé- 
vouement  empressé.'  plus  de  messages  à  porter  au  loin! 
les  serviteurs  du  Graal  restent  mornes  et  sombres  dans 
leur  domaine  ! 

Kundry,  qui  décidément  a  repris  son  humble  allure  de 
servante  des  chevaliers,  ayant  trouvé  dans  la  cabane  une 
cruche  vide,  est  venue  la  remplir  à  la  source;  de  là  elle 
aperçoit  du  côté  de  la  forêt  un  nouvel  arrivant,  qu'elle 
indique  par  signes  à  Gurnemanz. 

Un  chevalier  couvert  d'une  armure  noire,  la  visière 
baissée,  sort  des  bois,  marchant  lentement  et  d'un  pas 
hésitant;  c'est  Parsifal  qui  erre  depuis  longtemps  à  la 
recherche  des  chemins  du  Graal,  dont  l'avait  éloigné  la 
malédiction  de  l'enchanteresse.  Il  s'assied,  exténué,  sur 


ANALYSE    DES    POEMES  253 

un  tertre,  et  ne  répond  que  par  des  signes  de  tête  aux 
questions  pleines  daménité  et  de  bienveillance  que  lui 
adresse,  sans  le  reconnaître,  le  pieux  ermite.  Le  vieillard 
l'invite  à  quitter  son  appareil  de  combat,  qu'il  n'est  pas 
convenable  de  porter  dans  le  domaine  sacré  :  on  n'y  doit 
pas  marcher  en  armes,  la  visière  baissée,  surtout  en  ce 
jour  anniversaire  de  la  divine  expiation  du  Sauveur. 
Parsifal  lui  fait  comprendre  par  un  geste  qu'il  ignorait 
être  au  Vendredi  Saint,  puis,  se  levant,  il  plante  en  terre 
la  lance  qu'il  tenait  à  la  main,  il  dispose  à  côté  son  épée 
et  son  bouclier  ainsi  que  son  casque,  et,  s'agenouillant, 
il  se  recueille  dans  une  ardente  prière.  Gurnemanz,  qui 
avec  Kundry  a  suivi,  étonné,  les  mouvements  du  chevalier, 
le  reconnaît  alors  ;  il  est  saisi  d'émotion  à  sa  vue  ;  Kundry, 
elle  aussi,  est  troublée  en  présence  de  Parsifal  et  détourne 
la  tête. 

Le  pur  héros,  qui  est  sorti  de  sa  méditation,  se  relève, 
et,  s'adressant  enfin  au  vieux  chevalier,  lui  témoigne  le 
bonheur  qu'il  éprouve  de  se  retrouver,  après  tant  d'ef- 
forts, sur  cette  terre  du  Graal  dont  il  a  vainement  cherché 
l'accès  pendant  si  longtemps  :  la  malédiction  terrible  qui 
pesait  sur  lui  l'égarait  sans  cesse  quand  il  croyait  tou- 
cher au  but,  lui  suscitant  d'innombrables  ennemis,  dont 
il  reçut  de  nombreuses  blessures,  car  il  ne  devait  pas 
employer,  pour  combattre,  la  sainte  lance  enfin  reconquise 
avec  l'aide  divine,  et  qu'il  voulait  rapporter  intacte,  pure 
de  toute  souillure,  au  sanctuaire  où  elle  brillera  désor- 
mais d'un  éclat  immaculé.  Gurnemanz  se  sent  envahir  par 
une  émotion  intense  à  la  vue  de  l'arme  sacrée  qu'il  a  si 
longtemps  désiré  contempler  de  nouveau  et  dont  le  retour 
doit  changer  les  tristes  destinées  du  Graal  en  une  nou- 
velle ère  de  gloire  et  d'allégresse. 

11  apprend  à  Parsifal  la  grande  détresse  de  la  noble  et  * 


254  VOYAGE   A  BAYREUTH 

sainte  confrérie,  les  sonBrances  toujours  grandissantes 
du  roi  infortuné,  mais  lâche,  qui  a  résolu,  pour  mettre  un 
terme  à  ses  tortures  et  pour  appeler  plus  promptement 
la  mort  à  son  secours,  de  ne  plus  accomplir  ses  saintes 
fonctions.  C'est  en  vain  que  ses  chevaliers  le  supplient  : 
il  ne  leur  distribue  plus  la  nourriture  céleste,  et  les  laisse 
s'alimenter  de  mets  grossiers  qui  ne  soutiennent  plus 
leurs  forces  défaillantes.  Enfin,  ô  comble  d'infortune  !  le 
vieux  et  noble  Titurel,  privé  comme  tous  de  la  vue  récon- 
fortante et  sacrée  du  Graal,  n'a  pu  survivre  à  sa  misère, 
et  vient  de  mourir,  victime  de  la  faute  de  son  propre  fils. 

Au  récit  de  toutes  ces  trist-esses,  Parsifal  manifeste  la 
plus  profonde  douleur;  il  s'acouse  de  tous  les  maux  qui 
pèsent  sur  le  Graal,  et  dans  l'excès  de  son  chagrin  il  est 
sur  le  point  de  tomber  en  défaillance.  L'ermite  le  soutient, 
et  Kundry  s'empresse  pour  le  rafraîchir  avec  l'eau  qu'elle 
a  apportée  dans  un  bassin  ;  mais  le  vieillard  éloigne  la 
femme,  et  mène  près  de  la  source  sainte  le  chevalier,  qui 
y  trempera  ses  membres  lassés  par  son  long  voyage  et 
souillés  par  la  poussière  des  chemins.  Que  son  corps  soit 
pur  comme  son  âme,  car  aujourd'hui  même,  sans  doute,  il 
sera  appelé  à  accomplir  une  solennelle  et  grande  mission. 

Tandis  que  Ournemanz  enlève  la  cuirasse  du  héros 
et  que  Kundry  lui  baigne  les  pieds,  iltémoigne  dunevoix 
faible  encore  Le  désir  d'être  conduit  sans  retard  vers 
Amfortas.  Le  vieux  chevalier  lui  répond  affirmativement  : 
ce  même  jour  il  le  mènera  au  sanctuaire  où  doivent  avoir 
lieu  les  funérailles  de  Titurel,  et  pendant  lesquelles  son 
fils  infortuné,  coupable  de  cette  mort  auguste,  a  promis 
de  découvrir  encore  une  fois  le  Graal  et  d'officier,  quelles 
que  soient  ses  souffrances.  Mais  ces  saintes  fonctions, 
dont  il  n'est  plus  digne,  il  faut  désormais  qu'il  s'en  dé- 
mette et  en  laisse  le  soin  à  celui  qui  a  su  sortir  victorieux 


ANALYSE    DES    POÈMES  255 

des  épreuves  dangereuses.  A  Parsifal  doivent  revenir  les 
titres  et  les  droits  de  prince  et  de  pontife  du  Graal.  Il 
en  a  le  sentiment  ainsi  que  Gurnemanz;  aussi  demande- 
t-il  au  noble  serviteur  de  Dieu  de  répandre  sur  sa  tête 
l'eau  purificatrice  du  baptême.  Pendant  que  le  vieillai^d 
asperge  le  front  penché  du  néophyte,  Kundry,  nouvelle 
Madeleine  pieusement  agenouillée  devant  son  seigneur, 
répand  sur  ses  pieds,  qu'elle  essuie  ensuite  avec  son  opu- 
lente chevelure,  les  parfums  précieux  d'une  ampoule  dor 
qu'elle  a  tirée  de  son  sein.  Parsifal,  lui  prenant  Tampoule 
des  mains,  demande  alors  à  Gurnemanz  d'achever  son 
œuvre  de  sanctification  et  de  l'investir  de  la  double  au- 
réole de  pontife  et  de  roi. 

Le  vieux  chevalier,  dont  la  vie  entière  a  été  un  long 
exemple  de  pureté  et  d'austérité,  est  digne  d'accomplir 
ce  grand  acte  :  il  salue  en  Parsifal  l'élu  du  Seigneur,  le 
Chaste  auquel  sa  compassion  pour  les  souffrances  d'au- 
trui  a  donné  la  force  d'accomplir  l'acte  héroïque  qui  va 
rendre  au  Graal  sa  vigueur  et  son  éclat  disparus.  Alors, 
répandant  sur  sa  tête  le  contenu  de  l'ampoule  d'or,  il  le 
fait  Prince  et  Roi  da  Graal,.  il  le  fait  Prêtre,  appelant  sur 
lui  en  des  paroles  solennelles  la  bénédiction  et  la  grâce 
du  Très-Haut. 

A  peine  investi  de  ses  saintes  fonctions,  Parsifal,  sa- 
chant qu'ici  même  est  une  pécheresse  avide  du  pardon  et 
qui  attend  avec  anxiété  le  rachat  de  son  âme,  puise  avec 
ses  mains,  sans  être  aperçu,  de  l'eau  à  la  source  et  pro- 
nonce sur  la  tête  de  Kundry,  toujours  agenouillée,  les  pa- 
roles rédemptrices  qui  effaceront  les  souillures  du  passé 
maudit.  La  pairs're  créature,  se  sentant  enfin  sous  la  sau- 
vegarde de  La  clémence  divine,  s'incline  jusqu'à  terre  et 
donne  un  libre  cours  à  son  émotion  et  à  ses  larmes. 

Reportant  alors   ses  regards  sur  le  radieux  paysage 


256  VOYAGE    A    BAYREUTH 

qui  l'environne,  Parsifal  admire  la  beauté  des  bois  et  de 
la  prairie,  leur  calme  épanouissement,  la  pureté  des  flo- 
raisons de  cette  contrée  bénie,  qu'il  compare  avec  les 
fleurs  du  mal  entrevues  jadis.  Mais  il  s'étonne  de  la  séré- 
nité de  la  nature  en  ce  jour  anniversaire  de  deuil  et  de 
douleur  où  tout  ce  qui  vit,  respire,  devrait  se  lamenter  et 
se  désespérer.  Non,  lui  dit  Gurnemanz,  la  nature  fécondée 
par  les  larmes  et  le  repentir  du  pécheur  se  relève  au  con- 
traire, vivifiée  à  cette  rosée  bienfaisante;  toutes  les  créa- 
tures, sentant  planer  sur  elles  le  céleste  pardon,  s'élancent 
en  un  hymne  reconnaissant  vers  le  divin  Rédempteur; 
l'homme  purifié  par  le  sublime  sacrifice  adresse  à  son 
Sauveur  un  long  cantique  d'amour;  la  joie  et  l'allégresse 
animent  la  création  tout  entière,  et  c'est  ce  qu'expriment 
les  fleurs  des  prairies  en  se  montrant  si  radieuses  en  cette 
journée  bénie;  c'est  l'Enchantement  du  Vendredi  Saint I 

Kundry,  sortant  de  sa  longue  extase,  lève  sur  Parsifal, 
au  milieu  de  ses  pleurs,  un  regard  profond  et  calme  qui 
semble  l'implorer.  Il  la  baise  doucement  au  front  et  se 
souvient  des  compagnes  de  la  pécheresse  qui,  elles,  n'ont 
pas  su  répandre  les  larmes  de  repentir  et  de  rédemption. 
Mais  on  entend  au  loin  les  cloches  :  c'est  le  Montsalvat 
qui  appelle  à  lui  ses  serviteurs  pour  la  funèbre  cérémonie. 

Gurnemanz  revêt  respectueusement  celui  qu'il  vient  de 
sacrer  Roi,  de  l'armure  et  du  long  manteau  des  chevaliers 
du  Graal  qu'il  est  allé  chercher  dans  sa  chaumière.  Il  ou- 
vre la  marche,  suivi  de  l'Elu  qui  porte  solennellement  la 
Lance,  et  de  Kundry  humblement  repentante.  La  contrée 
se  déroule  comme  au  premier  acte,  mais  en  sens  inverse, 
car  nous  étions  sur  l'autre  versant  du  Montsalvat  :  la 
brêt  disparaît,  les  trois  voyageurs  s'engagent,  après  avoir 
franchi  des  portes  dans  le  rocher,  dans  des  galeries  où 
l'on  anerçoit  de  longues  files  de  chevaliers  vêtus  de  deuil 


ANALYSE    DES    POÈMES  257 

Le  son  des  cloches  se  rapproche,  et  l'on  pénètre  enfin  dans 
la  grande  salle  du  Burg,  qui  est  dégarnie  de  ses  tables  et 
présente  un  aspect  lugubre.  Les  portes  latérales  s'ouvrent, 
donnant  passage  aux  chevaliers  qui,  d'un  côté,  escortent 
le  cercueil  de  Titurel,  et  de  l'autre  accompagnent  la  litière 
d'Amfortas  précédée  de  la  châsse  voilée  du  Graal. 

Deuxième  tableau.  —  Un  catafalque  occupe  le  milieu 
de  la  scène,  et  derrière,  sous  un  dais,  se  trouve  le  trône 
d'Amfortas. 

Les  deux  cortèges,  entamant  un  chant  dialogué,  redisent 
la  mort  lamentable  du  vieux  Titurel  privé  de  la  vue  ré- 
confortante du  calice  sacré,  et  annoncent  la  suprême 
célébration  des  saints  mystères  par  le  prince  coupable 
dont  la  faute  a  causé  tous  ces  grands  malheurs.  Ils  pla- 
cent le  cercueil  sur  le  catafalque,  Amfortas  sur  son  lit  de 
repos,  et  le  somment  de  remplir  encore  une  fois  son  office. 
Mais  lui,  épouvanté,  se  dresse  sur  sa  couche  et,  implorant 
son  père,  le  héros  vaillant  et  pur,  il  lui  demande  grâce,  le 
supplie  d'avoir  pitié  de  son  atroce  martyre  et  de  ne  pas 
prolonger  ses  tortures  en  l'obligeant  à  contempler  une 
fois  de  plus  la  coupe  sacrée  dont  la  vue  ne  lui  donnera 
une  force  nouvelle  que  pour  souffrir  encore.  Il  appelle  la 
mort  à  son  secours  :  elle  vient,  la  libératrice  dont  il  sent 
déjà  les  bienfaisantes  ténèbres  l'envelopper,  et  il  contrac- 
terait de  nouveau  un  pacte  avec  la  vie  et  les  angoisses 
sans  fin?  Non,  non,  rien  ne  le  forcera  à  vivre  :  que  ses 
chevaliers  achèvent  l'œuvre  de  destruction,  qu'ils  plon- 
gent leurs  épées  dans  la  plaie  béante,  qu'ils  délivrent  le 
malheureux  de  son  horrible  tourment,  et,  de  lui-même, 
le  Graal  reprendra  son  éclat  et  sa  splendeur  ternis!  Au 
paroxysme  de  l'exaltation,  en  proie  à  une  extase  angois- 
sante, Amfortas  a  déchiré  son  vêtement  et  découvert  son 
affreuse  blessure  :  tous  se  sont  écartés  avec  effroi...  Alors 


258  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Parsifal,  qui,  accompagné  de  Gurnemanz  et  de  Kuiidry,  a 
pu  se  faire  place  sans  être  remarqué,  s'avance  en  bran- 
dissant le  fer  de  la  Lance  sacrée,  dont  il  touche  le  flanc 
de  l'infortuné;  Amfortas,  sentant  ses  douleurs  s'apaiser, 
comprenant  que  ses  supplications  ont  enfin  été  exau- 
cées, s'abîme  dans  un  saint  ravissement;  il  chancelle  et 
tombe  dans  les  bras  de  Gurnemanz.  Parsifal  prononce 
alors  sur  lui  des  paroles  de  bénédiction  et  de  paix  et 
présente  aux  serviteurs  du  Graal,  émus  et  ravis,  la  Sainte 
Lance  enfin  reconquise  par  lui,  le  fou  hésitant,  à  qui  le 
Très-Haut  a  donné,  avec  la  compassion  des  souffrances 
humaines,  la  force  nécessaire  pour  accomplir  l'acte  héroï- 
que et  rédempteur.  Puis,  se  déclarant  désormais  le  ser- 
viteur et  le  pontife  du  Graal,  il  ordonne  de  découvrir 
la  châsse  et,  en  retirant  la  coupe  sacrée,  il  se  prosterne 
devant  la  sainte  relique  et  l'adore  avec  ferveur.  A  son  tour 
il  célèbre  la  Cène.  Le  calice  s'embrase  et  répand  sa  lu- 
mière sur  toute  l'assemblée.  Titurel,  reviTant  un  moment, 
se  lève  et  bé«it  l'assistance,  tandis  qu'une  Colombe  blan- 
che descend  des  hauteurs  de  la  coupole  et  plane  au-dessus 
de  l'Elu,  qui,  prenant  le  Graal,  trace  avec  lui  un  large  et 
solennel  signe  de  croix  sur  la  foule  en  adoration.  Kundry 
tombe  inanimée  aux  pieds  de  Parsifal,  devant  lequel  Am- 
fortas et  Gurnemanz  s'inclinent  en  une  muette  admira- 
tion, tandis  que  l'ensemble  des  chevaliers,  des  pages  et 
des  écuyers,  échelonnés  à  tous  les  étages  de  l'édifice  jus- 
qu'au sommet  de  la  coupole,  font  entendre  à  mi-voix,  de 
tous  les  points  de  l'église,  un  immense  cantique  d'amour 
et  d'actions  de  grâces. 


CHAPITRE    V 
ANALYSE    MUSICALE 


a  Le  musicien  nous  révèle  l'es- 
sence intime  d^u  monde,  il  se  fait 
l'interprète  de  la  sagesse  la  plus 
profonde, tout  en  parlant  unelangua 
que  la  raison  ne  comprend  pas.  » 

SCHOPENHAUER. 

Ce  chapitre  est  le  complément  du  précédent,  avec  le- 
quel originairement  il  ne  devait  faire  qu'un.  De  même 
qu'en  étudiant  les  poèmes  il  m'a  été  impossible  d'éviter 
totalement  de  parler  de  la  musique,  il  an^vera  souvent  ici 
que,  pour  mieux  faire  pénétrer  le  sens  intime  de  l'action 
musicale,  je  serai  entraîné  à  des  retours  sur  l'action  dra- 
matique. Peu  importe,  si  c'est  plus  clair  ainsi. 

Et  déjà,  avant  de  commencer,  je  rappelle  que  le  rôle 
spécial  de  la  musique,  tel  que  le  conçoit  Wagner,  est  de 
mettre  directement  le  spectateur  en  communion  avec  l'es- 
prit même  du  personnage,  d'éclairer  les  dessous  de  sa 
pensée,  de  le  rendre  comme  transparent  pour  nous  audi- 
teurs, qui  arrivons  ainsi  à  le  connaître  souvent  mieux  qu'il 
ne  se  connaît  lui-même. 

La  musique  peut  donc  être  en  contradiction  avec  la 
parole,  mais  non  avec  l'action  ;  si  nous  sommes,  par  exem- 
ple, en  présence  d'un  être  retors,  faux  ou  subtil,  elle  nous 
révèle  son  mensonge  et  nous  permet  de  saisir  le  mobile 
véritable  de  ses  actes,  fussent-ils  inconscients. 

Ajoutons  que,  par  une  convention  iné\àtable,  les  per- 


260  VOYAGE    A    BAYREUTH 

sonnages  en  scène  sont  seuls  censés  ne  pas  entendre  le 
perpétuel  commentaire  orchestral. 

A  présent  entrons  dans  le  domaine  musical,  et  exami- 
nons séparément  chacun  de  ses  éléments  constitutifs. 

Il  convient  d'abord  d'étudier  la  mélodie  "wagné- 
rienne  et  de  comprendre  en  quoi  elle  consiste. 

La  pauvreté  de  la  langue  française  veut  que  ce  mot  de 
mélodie  évoque  infailliblement  chez  nous  l'idée  de  la  mé- 
lodie d'origine  italienne,  la  cantilène,  basée  sur  la  car- 
rure des  phrases,  le  sentiment  de  la  tonalité  et  la  termi- 
naison invariable  par  une  cadence  parfaite,  telle  qu'elle  a 
été  pratiquée  non  seulement  en  Italie,  mais  aussi  bien  en 
France  depuis  Monsigny  jusqu'à  Félicien  David  et  au 
delà,  qu'en  Allemagne  par  Mozart  et  Haydn. 

Or  cette  forme  rythmique  et  purement  tonale,  d'ail- 
leurs parfaitement  logique,  n'est  ni  inconnue  de  Wagner 
ni  méprisée  par  lui,  puisqu'il  en  fait  souvent  emploi,  no- 
tamment dans  la  Romance  de  l'étoile  et  la  Marche  de 
TannJiauser,  dans  le  chœur  des  Fileuses  du  Vaisseau 
fantôme,  dans  la  Marche  nuptiale,  la  Marche  religieuse 
et  le  Chœur  des  Fiançailles  de  Lohengrin,  dans  le  Chant 
de  concours  et  le  Motif  de  la  couronne  des  Maîtres  Chan- 
teurs, et  en  maintes  autres  occasions  jusqu'en  ses  der- 
niers ouvrages. 

Mais  ce  n'est  là  qu'une  des  façons  de  concevoir  la 
mélodie,  et  il  faut  donner  au  mot  lui-même  une  plus 
large  acception  pour  saisir  comment  il  est  envisagé  par 
Wagner,  qui  a  déclaré  que,  selon  son  sentiment,  a  en 
musique  tout  est  mélodie  ». 

La  mélodie  pure,  la  mélodie  par  essence,  la  seule  à  la- 
quelle on  devrait  réellement  réserver  ce  nom,  serait  celle 
qui  est  complète  par  elle-même  et  ne  réclame  aucun  con- 


ANALYSE    MUSICALE  261 

cours  harmonique;  le  langage  scientifique  musical  l'ap- 
pelle plus  volontiers  homophonle.  Peu  importe  le  mot; 
rhomophonie  et  la  mélopée  sont  des  formes  purement 
mélodiques.  Les  Hymnes  des  premiers  chrétiens,  tels 
que  peut  nous  en  donner  idée  le  plain-chant  catholique 
lorsqu'on  l'exécute  sans  accompagnement,  c'est-à-dire 
dans  sa  pureté  native,  avaient  aussi  caractère  nettement 
mélodique;  on  n'y  trouve  pourtant  aucune  trace  de  phra- 
ses carrées,  et  le  sentiment  de  la  tonalité  est  tout  autre- 
ment compris  que  de  nos  jours.  Il  en  est  de  même  de  la 
musique  orientale,  même  actuelle,  et  de  beaucoup  d'airs 
populaires  de  tout  pays,  qui  ont  été  conçus  sans  accom- 
pagnement, et  auxquels  on  ne  peut  en  adapter  aucun  sans 
les  dénaturer  plus  ou  moins.  Le  choral  luthérien,  lui,  de 
création  plus  récente,  revêt  de  suite  la  forme  polypho- 
nique et  la  tonalité  moderne,  mais  toute  idée  de  carrure 
en  est  absente;  la  ponctuation  seule  est  indiquée  par  des 
cadences  suivies  de  points  d'orgue;  personne  cependant 
n'aura  l'idée  de  nier  que  son  chant  constitue  une  véritable 
mélodie...  Au  temps  de  Palestrina,  le  chant  occupait  le 
plus  souvent  la  partie  grave  de  l'harmonie,  la  basse...  Il 
fut  un  temps  où  le  cantus  fîrnius  était  dévolu  au  ténor, 
discantus ;  actuellement  on  a  l'habitude  de  le  placer  à  la 
partie  la  plus  aiguë...  Voilà  bien  des  acceptions  diverses 
d'un  seul  mot. 

Il  ne  faut  pas  oublier  qu'étymologiquement  mélodie 
vient  du  grec  mélos  (qui  signifie  nombre,  rythme,  vers, 
membre  de  phrase)  et  ôdé  (chant,  ode);  c'est  donc  à  pro- 
prement parler  :  le  chant  d'un  membre  de  phrase,  d'un 
vers.  Par  le  mot  mélos  les  anciens  entendaient  aussi  la 
do;iceur  de  la  voix  articulée,  le  chant  de  la  parole,  la 
mu-ique  du  discours. 

Ceci  posé,  pour  bien  établir  que  la  mélodie  peut   se 


262  VOYAGE    A    BAYREUTH 

comprendre  de  différentes  manières,  il  importe  de  saisir 
que  la  mélodie  wagnérienne  n'est  astreinte  ni  aux  lois  de 
la  carrure,  ni  à  se  mouvoir  dans  une  tonalité  unique,  ni 
à  se  terminer  par  une  cadence  parfaite.  C'est  la  mélodie 
libre  et  infinie,  dans  le  sens  de  non  finie,  cest-à-dire  ne 
se  terminant  jamais  et  s'enchaînant  toujours  à  une  autre 
mélodie,  admettant  aussi  toutes  les  modulations.  C'est,  si 
on  aime  mieux,  une  suite  ininterrompue  de  contours  mé- 
lodiques, de  tronçons  de  mélodie  ayant  plus  ou  moins  le 
caractère  vocal.  L'exemple  de  telles  mélodies  disconti- 
nues est  donné  par  Beethoven  dans  son  développement 
symphonique,  où  il  n'étonne  nullement;  mais  il  apparte- 
nait à  Wagner  de  transporter  la  symphonie  au  théâtre  et 
d'en  faire  le  commentaire  vivant  de  l'action,  le  puissant 
auxiliaire  de  la  parole. 

Le  plus  souvent,  donc,  c'est  à  l'orchestre  qu'est  dévo- 
lue cette  mélodie  perpétuelle,  laissant  ainsi  au  chanteur 
toute  liberté  dans  sa  déclamation  musicale,  au  grand 
profit  de  la  vérité  de  la  diction.  Ces  deux  points,  la  sin- 
cérité absolue  de  l'accent  dramatique  et  sa  liaison  intime 
de  tous  les  instants  avec  le  tissu  symphonique,  peuvent 
être  considérés  comme  la  caractéristique  du  style  wagné- 
rien  parvenu  à  sa  plus  complète  expansion. 

Dans  le  genre,  fort  en  vogue  en  France  depuis  quel- 
ques années,  qu'on  appelle  l'adaptation  musicale,  hono- 
rable dérivé  de  l'ancien  mélodrame,  nous  voyons  un  dé- 
clamateur,  tragédien  ou  comédien,  réciter  des  vers  dont 
l'orchestre,  ou  parfois,  hélas!  le  piano,  s'efforce  de  souli- 
gner l'accent. 

Quoique  hybride,  cette  combinaison  peut  atteindre  à 
une  intensité  considérable';  mais  quelle  difficulté  d'exé- 

1.  Meyerbeer,  l'un  des  premiers,  en  a  donné  l'exemple  dans  uns 
des  dernières  scènes  de  Siruensée. 


ANALYSE   MUSICALE  263 

cutioa,  et  aussi  quelle  complication  pour  l'auditeur  s'il 
veut  s'intéresser  également  à  la  musique  et  au  poème 
récité?  Le  musicien  et  le  déclamateur  n'aj^ant  entre  eux 
rien  de  commun,  ni  la  mesure  ni  l'intonation,  n'ont  aucun 
moyen  de  se  mettre  d'accord  ni  de  marcher  rigoureuse- 
ment ensemble;  on  doit  se  contenter  d'un  à  peu  près. 

Qu'à  la  déclamation  proprement  dite  on  substitue  la 
déclamation  lyrique,  que  les  vers  soient  scandés  et  l'into- 
nation réglée  au  moyen  de  la  notation  musicale,  tout  en 
laissant  à  l'orchestre  son  rôle  à  la  fois  mélodique  et  sym- 
phonique,  et  on  aura  réalisé  une  partie  du  programme 
wagnérien,  la  cohésion  intime  de  la  parole  chantée  et 
de  la  trame  orchestrale,  toutes  deux  convergeant  vers  le 
même  but,  la  puissance  et  la  clarté  de  l'accent  dramati- 
que, et  chacune  d'elles  conservant,  avec  sa  liberté  d'al- 
lure, ses  plus  énergiques  moyens  d'expression. 

Mais  un  autre  élément  entre  dans  la  composition  du 
tissu  mélodique  sans  fin  tel  que  le  comprend  Wagner. 
C'est  le  leit-motif  ^  Pour  en  faire  entrevoir  l'essence, 
j'aurai  recours  à  une  comparaison.  Quand  nous  lisons  un 
roman  dans  lequel  les  personnages  ou  les  sites  sont  vi- 
goureusement tracés,  comme  dans  Walter  Scott,  Victor 
Hugo,  George  Sand,  Balzac  ou  Zola,  ces  personnages  ou 
ces  sites,  bien  que  souvent  de  pure  fantaisie  et  sortis  de 
l'imagination  du  romancier,  se  gravent  dans  notre  esprit 
selon  une  forme,  une  silhouette  ou  une  disposition  de 
perspective  désormais  invariables.  Que,  dix  ans  plus 
tard,  nous  relisions  le  même  roman,  ces  mêmes  images, 
et  non.  d'autres,  se  représenteront  à  notre  pensée  d'une 
façon  frappante,  avec  les  mêmes  attitudes,  les  mêmes  jeux 

1.  Motif  typique,  motif  conducteur. 


264  VOYAGE    A    BAYREUTH 

de  physionomie,  les  mêmes  détails  qu'à  la  première  lec- 
ture, si  bien  qu'il  nous  semblera  retrouver  de  vieilles 
connaissances  ou  voyager  dans  un  pays  déjà  parcouru; 
mais  si,  à  une  nouvelle  lecture,  nous  avons  affaire  à  une 
édition  illustrée,  quelle  que  soit  la  valeur  du  dessinateur, 
nous  serons  souvent  choqués  en  n'y  reconnaissant  plus 
nos  mêmes  personnages,  en  y  voyant  notre  paysage  idéal 
autrement  interprété  que  nous  ne  l'avions  conçu. 

Donc,  lorsque  nous  sommes  vivement  frappés  par  la 
description  d'un  caractère,  nous  y  attachons  instinctive- 
ment une  image  qui  lui  reste  propre  (tout  en  nous  étant 
personnelle),  qui  devient  pour  nous  sa  synthèse.  Nous  ne 
pourrons  plus  nous  le  figurer  autrement;  la  seule  pensée 
du  personnage  évoquera  Yimage,  qui  à  son  tour  et  inver- 
sement, si  elle  se  présente  la  première  à  notre  souvenir, 
ramènera  l'idée  du  personnage  avec  tous  les  détails  de 
son  caractère,  tel  que  nous  l'avons  compris  primitivement. 

Le  nom  du  héros  lui-même  est  indissolublement  lié  au 
type  sous  lequel  nous  nous  le  représentons. 

Il  en  est  de  même  d'une  localité  décrite,  d'un  intérieur, 
comme  encore  d'une  action  émouvante,  un  meurtre,  un 
tournoi,  une  scène  de  torture,  une  apparition  surnatu- 
relle... Nous  nous  les  figurons  une  première  fois  sous 
l'influence  du  prestige  de  l'écrivain,  et  elles  restent  ainsi 
définitivement  fixées  dans  notre  esprit. 

Cette  impression  ne  s'efface  pas  avec  le  temps;  elle 
peut  être  modifiée  dans  ses  détails  par  la  réflexion,  par 
la  maturité,  comme  par  la  lecture  d'autres  ouvrages  dans 
lesquels  les  mêmes  hommes  ou  les  mêmes  faits  seront 
présentés  sous  un  autre  aspect,  sous  un  jour  nouveau; 
mais  les  grandes  lignes  subsisteront  toujours. 

C'est  ce  dont  chacun  a  pu  se  rendre  compte. 

Qu'on  admette  à  présent,  ce  qui  n'est  pas  difficile,  que 


ANALYSE    MUSICALE  265 

'^a.gner  pensait  en  musique,  c'est-à-dire  que  chaque  idée 
objective  ou  subjective  revêtait  chez  lui  une  forme  musi- 
cale, un  contour  mélodique  qui  lui  restait  dorénavant 
attaché,  et  on  aura,  je  crois,  la  meilleure  notion  élémen- 
taire de  ce  qu'est  un  Leit-motif. 

C'est,  en  quelque  sorte,  la  matérialisation,  sous  forme 
musicale,  d'une  idée,  quelle  qu'elle  soit,  et  Wagner  n'est 
ni  le  premier  ni  le  seul  à  avoir  ainsi  pensé  en  musique, 
donné  un  corps  nettement  reconnaissable  et  perceptible 
par  l'audition  à  un  personnage,  à  un  fait,  ou  une  im- 
pression déterminée. 

Le  langage  musical,  malgré  son  manque  de  précision, 
et  peut-être  même  par  cela,  constitue  l'expression  la  plus 
haute,  la  j3lus  pure  et  la  plus  sincère  de  la  pensée  hu- 
maine, la  plus  dégagée  de  matérialité  et  de  convention. 
—  Quiconque  arrive  à  jienser  en  musique  comme  il  pen- 
serait dans  une  langue  dont  la  pratique  lui  est  familière, 
voit  par  cela  même  le  cercle  de  ses  idées  s'élargir  étran- 
gement. —  Cette  faculté,  dans  sa  plénitude,  est  réservée 
à  l'élite,  mais  il  n'est  pas  un  seul  vrai  musicien  qui  n'en 
ait  eu  le  pressentiment. 

Là  est  l'origine  du  Leit-motif.  Des  traces  embryonnai- 
res de  motifs  typiques  peuvent  déjà  être  relevées  dans 
Gluck,  Mozart  et  Beethoven*;  elles  deviennent  plus  fré- 
quentes dans  Weber,  et  encore  plus  caractérisées  dans 
Meyerbeer  et  Berlioz,  ceux-ci  des  contemporains  de  Wa- 
gner. On  peut  dire  que  cette  faculté  d'assimiler  une  con- 
ception intellectuelle  ou  un  état  d'âme  à  un  contour  musi- 

1.  Dans  ses  œuvres  purement  symphoniques,  Beethoven  n'avait 
pas  à  attacher  à  un  motif  l'idée  d'un  personnage,  mais  à  coup  sûr 
chacun  des  motifs  choisis  par  lui  pour  donner  lieu  à  un  dévelop- 
pement est  associé  à  une  pensée  philosophique  qui  s'en  dégage,  et 
devient  par  là,  dans  l'ordre  symphonique,  l'équivalent  absolu  de 
ce  qu'est  le  Leit-motif  dans  l'ordre  dramatique. 


266  VOYAGE    A    BAYREUTH 

cal  qui  en  devient  la  représentation  quasi  hiéroglyphique, 
a  existé  à  l'état  latent  chez  tous  les  compositeurs  et  en 
tout  temps;  mais  aucun  n'avait  songé  à  l'ériger  en  prin- 
cipe, à  en  faire  l'un  des  points  fondamentaux  d'un  sys- 
tème. C'était  un  fait  isolé,  pourtant  expressif,  mais  qui 
pouvait  échapper  à  l'attention  de  l'auditeur  superficiel. 

Wagner  lui-même,  dans  ses  premières  œuvres,  jusqu'à 
Rienzi,  ne  semble  pas  y  faire  attention.  C'est  dans  le 
Vaisseau  fantôme  qu'on  en  voit  chez  lui  la  première  et 
assez  modeste  application;  trois  formes  caractéristiques, 
qu'on  trouve  réunies  dans  la  Ballade  de  Senta  ainsi  que 
dans  l'Ouverture:  un  appel,  un  dessin  d'accompagnement, 
uncontour  purement  mélodique,  sont  l'objet  de  fréquents 
rappels.  Dans  Tannhauser  nous  trouvons  déjà  cinq  motifs 
typiques  nettement  caractérisés,  et  neuf  tout  au  moins 
dans  LoJiengrin;  mais  leur  emploi  est  intermittent,  épiso- 
dique,  limité  à  certaines  scènes  importantes  sur  lesquelles 
ils  doivent  appeler  fortement  l'attention  ;  s'ils  ne  consti- 
tuent pas  encore  la  partie  essentielle  du  développement 
S3nnphonique,  ils  y  sont  pourtant  déjà  employés  avec 
plus  d'insistance  et  de  sagacité  que  jamais  auparavant. 

C'est  à  partir  de  ce  moment  que  Wagner  a  compris  la 
puissance  extraordinaire  de  ce  nouvel  engin,  et  dans 
toutes  les  œuvres  suivantes  qui  constituent  sa  dernière 
manière,  dans  Tristan,  dans  les  Maîtres  Chanteurs,  dans 
la  Tétralogie  et  dans  Parsifal,  nous  en  voyons  l'emploi 
désormais  systématique  à  l'état  de  parti  pris  absolu  et 
raisonné. 

Le  Leit-motif  wagnérien  est  toujours  court  et  simple, 
facile  à  retenir  et  à  reconnaître.  Il  est  presque  toujours 
présenté  une  première  fois  dans  son  entier  sous  des  pa- 
roles fixant  le  sens  qui  lui  est  attaché,  ou  dans  un  moment 
où  l'action  scénique  ne  permet  pas  de  se  méprendre  sur  sa 


ANALYSE    MUSICALE  267 

signification.  Ensuite  il  pourra  se  représenter  modifié  à 
l'infini,  soit  comme  rythme,  soit  dans  les  détails  de  son 
contour  mélodique  ou  dans  son  harmonisation,  soit  dans 
son  instrumentation,  morcelé,  dénaturé,  anobli  ou  ridi- 
culisé, par  augmentation,  par  diminution,  rem^ersé^,  il 
restera  toujours  recoanaissable  et  fera  naître  chez  l'au- 
diteur, même  passif,  un  état  dame  analogue  à  celui  qui  a 
accompagné  sa  première  apparition. 

Là  est  sa  force;  en  quelques  notes,  il  évoque  tout  un 
ensemble  d'idées,  et  cela  sans  plus  d'effort  pour  l'auditeur 
que  si  on  faisait  passer  devant  ses  yeux  une  image  connue. 
C'est  un  portrait  musical,  mais  souvent  de  convention 
et  de  pure  imagination. 

En  effet  les  Leit-rootifs  ayant  caractère  imitatif  et  des 
criptif  sont  en  minorité  ;  j  en  citerai  pourtant  quelques-uns 
qui  sont  de  véritables  onomatopées  musicales  ;  le  ricane 
ment  nerveux  de  Kundry,  le  galop  des  chevaux  dans  la 
Chevauchée,  les  mugissements  du  Dragon,  les  bruits  de  la 
Forge,  et  peut-être  par-dessus  tout  l'ondulation  des  flots 
au  début  de  l'Or  du  Rh'm ;  ceux-ci  s'adressent  directe- 
ment à  l'oreille.  Ce  sont  des  images  sonores. 

D'autres  appellent  puissamment  à  lesprit,  par  leur  ca- 
ractère même,  l'idée  de  la  chose  qu'ils  veulent  représen- 
ter :  le  Walhalla est  grandiose,  solennel;  l'Épée  étincelle, 
le  Feu  pétille  ;  le  motif  de  la  Gène,  dans  Parsifal,  s'épand 
comme  un  immense  signe  de  croix...  Là  encore  il  est  dif- 
ficile de  s'y  tromper.  On  pourrait  en  citer  beaucoup  d'au- 
tres aussi  typiques,  notamment  dans  les  Maîtres  Chan- 
teurs. 

Mais  ce  n'est  pas  là  un  caractère  indispensable  au  Leit- 
motif,  dont  la  forme  est,  au  contraire,  dans  la  plupart  des 

1.  Procédés  de  contrepoint. 


268  VOYAGE    A    BAYREUTH 

cas,  beaucoup  plus  libre,  plus  arbitraire.  De  là  sans  doute 
les  notables  divergences  dans  les  noms  qu'attribuent  à  un 
même  thème  les  divers  commentateurs;  pour  n'en  citer 
qu'un  exemple,  il  est  un  motif  dans  Tristan  qui  est  con- 
sidéré par  l'un  comme  représentant  la  Vengeance,  par  un 
autre  le  Héros,  par  un  troisième  le  Destin.  A  vrai  dire, 
cela  n'a  pas  une  importance  capitale;  ce  n'est  pas  un  nom 
qu'il  faut  leur  attacher,  c'est  une  idée,  ou,  mieux,  un  en- 
semble d'idées,  une  conception  philosophique  :  le  nom 
n'est  qu'une  étiquette;  pourtant,  dans  la  suite  de  cet  ou- 
vrage, je  m'efforcerai  de  désigner  chaque  motif  par  le 
vocable  sous  lequel  il  est  le  plus  généralement  connu, 
afin  d'éviter  les  méprises. 

Le  plus  souvent  le  Leit-motif  consiste  en  un  contour 
mélodique  de  quelques  notes  qui  pourra  être  modifié  dans 
sa  contexlure  même,  dans  son  rythme,  dans  son  harmo- 
nie ou  dans  son  orchestration  ;  ces  diverses  transforma- 
tions ne  lui  enlèvent  jamais  sa  signification  première, 
mais  en  font  varier  soit  l'importance,  soit  l'expression 
momentanée  ;  il  passera  ainsi  tour  à  tour  par  des  phases 
de  tendresse,  d'héroïsme,  de  tristesse  ou  de  joie,  sans 
jamais  cesser  de  s'appliquer  à  son  objet  spécial;  il  pos- 
sède une  exquise  sensibilité  quand  il  a  à  dépeindre,  par 
exemple,  le  personnage  de  Walther  dans  sa  fierté  cheva- 
leresque, puis  triste,  anxieux,  ou  encore  caricaturé  par 
son  rival;  il  acquiert  une  éloquence  émouvante  s'il  doit 
décrire  le  Walhalla  détruit,  en  ruine,  après  nous  l'avoir 
fait  connaître  dans  sa  splendeur;  il  est  parfois  spirituel 
jusqu'à  1  inconvenance  ;  lorsque,  dans  la  Walkyrie,  la 
vertueuse  Fricka  s'indigne  des  amours  incestueuses  de 
Siegmund  et  de  Sieglinde,  l'orchestre  indulgent  les  excuse 
en  murmurant  :  «  C'est  le  printemps,  »  avant  même  que 
Wotan  ait  ouvert  la  bouche  pour  répondre. 


ANALYSE    MUSICALE  2..W 

Dans  d'autres  cas,  plus  rares,  le  Leit-motif  revêt  une 
forme  harmonique  invariable;  seules  alors  pourront  chan- 
ger la  structure  rythmique  et  les  combinaisons  instru- 
mentales; j'en  donnerai  comme  exemple  l'Harmonie  du 
Voyageur,  l'Harmonie  du  Casque  [Tarn/ielm],  l'Harmonie 
du  Sommeil  éternel  dans  la  Tétralogie  ;  l'Harmonie  du 
Cygne  dans  Lofiengrin  et  Parslfal;  l'Harmonie  du  Songe 
dans  les  Maîtres  Chanteurs. 

Encore  plus  rarement  la  caractéristique  du  motif  est 
son  rythme  persistant,  comme  dans  le  motif  de  la  Forge, 
de  Siegfried,  comme  dans  la  Chevauchée,  encore. 

Quelle  que  soit  celle  de  ces  catégories  (mélodique,  har^ 
monique,  rythmique)  à  laquelle  ils  appartiennent,  les  Leit- 
motifs  se  présentent  toujours  à  l'auditeur  sans  exiger 
d'effort  d'attention  ou  de  recherche  de  sa  part;  Wagner 
les  met  constamment  en  relief  d'une  façon  quelconque, 
les  souligne  en  quelque  sorte,  les  répète  s'il  le  faut,  et 
ils  ne  peuvent  passer  inaperçus  que  dans  le  cas  où  ils 
n'ont  pas  une  importance  réelle.  C'est  donc  une  erreur 
de  se  torturer  l'esprit  à  les  chercher;  ils  viennent  vous 
prendre  eux-mêmes  pour  peu  que  vous  sachiez  en  quoi 
ils  consistent,  dès  que  vous  vous  intéressez  à  l'action 
dramatique.  Ce  sont  de  véritables  guides,  des  conduc- 
teurs précieux  qui  expliquent  et  commentent  les  situa- 
tions, ne  vous  laissent  pas  vous  égarer  en  des  supposi- 
tions erronées,  et  apportent  au  scénario  une  clarté  ana- 
logue à  celle  d'une  légende  placée  sous  un  dessin. 

Plusieurs  formes  de  motifs  typiques  semblent  hanter 
spécialement  Wagner  et  s'offrir  à  son  esprit  à  diverses 
occasions  :  tels  les  deux  accords  par  lesquels  il  représente 
le  Cygne,  aussi  bien  dans  Lohengrin  que  dans  Parsifal.  Et 
quoi  de  plus  naturel?  N'est-ce  pas  toujours  le  Cygne  du 
Graal?  Sans  quitter  les  mêmes  ouvrages,  on  peut  obser- 

16 


270  VOYAGE    A    BAYREUTH 

ver  que  la  première  entrée  des  trombones,  dans  le  Pré- 
lude de  Lohengrin,  fait  pressentir  par  sa  terminaison  le 
motif  de  la  Lance,  de  Parsifal;  ceci  s'explique  encore, 
car  le  Prélude  de  Lohengrin  ne  raconte  pas  autre  chose 
que  les  m^-stères  du  Montsalvat.  Plus  involontaire  est 
peut-être  la  similitude  pourtant  justifiée  d'un  groupe 
d'accords  fréquemment  répétés  dans  l'entr'acte  du  3®  acte 
de  Taimhauser  (qui  se  retrouvent  ensuite  dans  le  récit 
de  Tannhauser  revenant  de  Rome),  avec  le  thème  de 
la  Foi,  de  Parsifal.  On  peut  citer  d'autres  analogies  : 
entre  deux  fragments  appartenant  l'un  à  La  Romance  de 
l'Étoile,  l'autre  au  grand  Duo  de  Tristan  avec  Iseult; 
aussi  entre  une  phrase  qui  se  trouve  à  l'orchestre  dans 
les  Maîtres  Chanteurs,  44  mesures  après  le  commence- 
ment du  Choral  du  Jourdain  (3®  acte  ,  scène  i) ,  et  une 
autre  belle  phrase  chantée  par  Fricka  à  la  97™®  mesure 
de  la  2*  scène  de  l'Or  du  Rhin;  ici  la  ressemblance  est 
plus  harmonique  que  mélodique  ;  c'est  comme  un.  air  de 
famille;  mais,  toujours  dans  les  Maîtres  Chanteurs,  21 
mesures  avant  le  Souvenir  de  Jeunesse  (3®  acte,  scène 
ii'i,  le  contour  mélodique  de  Walther  reproduit  exacte- 
ment celui  de  l'austère  déesse  du  mariage  ;  or,  il  parle 
justement,  à  ce  moment-là,  de  l'amour  conjugal;  il  n'y 
faut  pas  voir  un  effet  du  hasard;  entre  la  Colère  de  Wo- 
tan  et  les  Hésitations  de  Brangaine...  Enfin,  deux  fois 
Wagner  se  cite  musicale ntent  lui-même  avec  un  à-propos 
admirable  :  la  première  en  intercalant  deux  motifs  de  Tris- 
tan (le  Désir  et  la  Consternation  ,  au  3®  acte  des  Maîtres 
Chanteurs,  peu  avant  le  célèbre  Quintette  du  Baptême; 
la  deuxième  en  introduisant  dans  Parsifal  quelques  me- 
sures de  Tannhauser^. 

1.  Un  rapprochement  des  plus  curieux  peut  être  fait  entre  la  fia 


ANALYSE   MUSICALE  271 

Une  chose  assez  remarquable,  c'est  que  certains  de  ces 
motifs  ont  une  prédilection  marquée  pour  une  tonalité 
voulue,  ou  les  tonalités  voisines  ;  le  motif  du  Walhalla 
affectionne  les  tons  fortement  bémolisés  ;  l'Epée  apparaît 
le  plus  souvent  en  ut;  le  Feu  préfère  de  beaucoup  les 
dièses,  et  la  Walkyrie  dort  en  mi  majeur,  etc. 

Bien  qu'il  ne  soit  pas  fait  des  motifs  typiques  un  usage 
constant  et  exclusif,  ce  qui  occasionnerait  une  trop  forte 
tension,  il  faut  reconnaître  en  eux  les  plus  puissants 
matériaux  de  la  Symphonie  wagnérienne,  aussi  bien 
au  point  de  vue  mélodique  qu'en  ce  qui  concerne  l'har- 
monie. 

Wagner  ne  recherche  jamais  les  voix  extraordinaires. 
Il  n'écrit  pas  en  vue  de  procurer  à  tel  ou  tel  chanteur 
l'occasion  de  pousser  une  note  que  lui  seul  peut  atteindre, 
ou  de  faire  parade  de  sa  virtuosité.  Il  écrit  simplement 
pour  Soprano,  Contralto,  Ténor  et  Basse,  Mezzo-Soprano 
ou  Barj'ton,  ne  demandant  à  chacun  que  ce  qu'il  peut 
normalement  donner;  maintenant  chaque  voix  dans  la 
tessltura  qui  lui  est  convenable,  mais  faisant  table  rase 
des  fioritures,  des  roulades,  des  trilles,  que  l'école  ita- 
lienne considérait  comme  l'embellissement  du  style  vocal, 
et  dont  jusqu'à  lui  ni  l'école  allemande  ni  l'école  fran- 
çaise ne  s'étaient  entièrement  débarrassées. 

Il  écrit  surtout  et  avant  tout  pour  des  musiciens,  pour 
des  gens  sachant  chanter  juste  et  rigoureusement  en  me- 

de  l'Ouverture  du  Vaisseau  fantôme  (les  15  premières  mesures  du 
6/4)  et  le  début  àeVOrdu  Rhin  par  l'entrée  de  Woglinde.  C'est  exac- 
tement le  même  procédé  harm.onique,  et  presque  le  même  contour 
mélodique. 

(Bien  que  le  Vaisseau  fantôme  sorte  du  cadre  de  cette  étude,  limi- 
tée aux  œuvres  qui  forment  le  répertoire  de  Bayreuth,  il  m'a  paru 
intéressant  de  signaler  cette  réminiscence,  à  onze  ans  de  distance.) 


272  VOYAGE   A   BAYREUTH 

sure;  il  ne  s'agit  pas  ici  de  se  pâmer  sur  une  belle  note, 
et  le  chef  d'orchestre  n'est  pas  là  pour  suivre  le  chan- 
teur; car  la  forme  même  de  sa  mélodie,  telle  que  nous 
venons  de  la  décrire,  qui  passe  constamment  de  la  scène 
à  l'orchestre  et  de  l'orchestre  à  la  scène  (séjournant 
bien  plus  longtemps  à  l'orchestre),  exige  l'interpréta- 
tion symphonique.  Il  n'en  peut  être  autrement,  et  c'est 
là  le  secret  de  sa  puissance;  elle  est  instrumentale  et 
commentatrice  du  vers  ou  de  l'action,  et  c'est  en  cela 
qu'elle  diffère  de  la  mélodie  italienne  et  française,  basée 
sur  la  carrure  et  l'effet  chatoyant  du  contour  vocal,  de  la 
vocalise. 

Les  ornements  mélodiques  sont  rares  dans  Wagner; 
le  grupetto  semble  réservé  à  l'expression  des  sentiments 
amoureux,  passionnés,  ou  bien  alors  il  entraîne  l'idée  de 
la  suprême  élégance. 

Mais  ce  qui  est  loin  d'être  rare,  c'est  l'emploi  épiso- 
dique  des  formes  mélodiques  les  plus  franchement  ita- 
liennes. Voir  le  Chant  d'amour  dans  Tristan  (page  325 
ci-après];  la  phrase  en  re  bémol  de  Flosshilde,  au  P""  ta- 
bleau de  l'Or  du  Rhin;  puis,  à  la  scène  ii,  la  deuxième 
partie  de  la  phrase  de  Fricka  déjà  citée  précédemment, 
page  270  ,  reprise  aussitôt  par  Wotan  un  ton  plus  bas,  et 
qui  a  reçu  le  nom  de  la  Fascination  de  l'amour  page  380). 
Il  faut  d'ailleurs  se  souvenir  que  Wagner  a  fort  admiré,  au 
moins  en  un  temps,  l'élégance  et  la  souplesse  de  la  phrase 
vocale  de  Bellini...  «  Chez  Bellini  c'était  la  claire  mé- 
lodie, ce  chant  si  simplement  noble  et  beau  qui  nous  a 
charmés;  retenir  et  croire  cela  n'est  vraiment  pas  un 
péché;  ce  n'en  est  peut-être  pas  un  non  plus  que  de  prier 
encore  le  Ciel,  avant  de  se  coucher,  pour  que  vienne  aux 
compositeurs  allemands  l'idée  de  telles  mélodies  et  un« 


ANALYSE    MUSICALE  273 

telle  façon  de  traiter  le  chant.  »  (Richard  Wagner,  Étude 
sur  Bellini.) 

Pour  momentanée  qu'elle  fût,  cette  impression  a  existé, 
et  il  en  est  toujours  resté  trace.  Wagner  était  donc  un 
éclectique;  il  savait,  dans  chaque  école,  discerner  ce  qu'il 
y  avait  de  réellement  beau,  et  vraiment,  chez  Bellini,  ce 
n'était  pas  l'harmonie. 

Le  système  harmonique  de  Wagner  se  rapproche 
beaucoup  de  celui  de  J.-S.  Bach  et  de  Beethoven  dans  sa 
troisième  manière  ;  c'est  dire  qu'il  relève  plus  des  procé- 
dés du  contrepoint  que  de  ceux  de  l'harmonie  proprement 
dite.  Non  qu'il  les  ignore,  mais  parce  que  la  nécessité  de 
combiner  fréquemment  les  Leit-motifs  entre  eux,  d'une 
façon  simultanée,  devait  le  conduire  à  placer  au-dessus 
de  tout  la  marche  indépendante  des  parties,  telle  que  la 
comporte  le  style  fugué;  c'était  la  seule  manière  de  pou- 
voir jouer  librement  avec  eux,  de  les  faire  apparaître  tan- 
tôt dans  une  partie,  tantôt  dans  une  autre,  en  variant 
sans  cesse  leurs  aspects,  de  les  faire  s'entre -croiser, 
s'enlacer,  se  chevaucher,  courir  les  uns  après  les  au- 
tres comme  le  font  dans  la  fugue  le  sujet  et  ses  contre- 
sujets. 

Il  nous  faudrait  entrer  dans  des  considérations  trop 
techniques  pour  analyser  ici  la  structure  harmonique  des 
œuvres  de  Wagner.  Disons  seulement  que  ceux  qui  croi- 
raient voir  dans  certains  passages  des  incorrections  se- 
raient absolument  dans  l'erreur;  si  quelques  enchaîne- 
ments d'accords  sont  irréguliers  selon  les  règles  strictes 
de  l'harmonie,  ils  apparaissent  d'une  logique  irréfutable 
lorsqu'on  les  considère  avec  la  hauteur  de  vue  du  contre- 
point, d'un  contrepoint  considérablement  élargi  et  dra- 
matisé, très  libre,  et  enrichi  des  hardiesses  de  l'harmonie 


274  VOYAGE    A    BAYREUTH 

moderne,  avec  l'emploi  très  fréquent  de  l'accord  de  5'* 
augmentée  et  ses  renversements,  qu'on  trouve  déjà  chez 
Sclîumann,  avec  un  luxe  extraordinaire  de  pédales,  sou- 
vent déguisées,  et  un  mépris  évident  des  contraintes  con- 
ventionnelles. 

D'ensemble,  il  est  incontestable  que  ce  système  n'est 
pas  simple,  mais  ses  complications  sont  toujours  ingé- 
nieuses et  appropriées  aux  circonstances.  Elles  ne  sont 
d'ailleurs  pas  continuelles;  il  suffirait  de  citer  le  motif  du 
Walhalla  (l'Or  du  Rhin,  au  début  de  la  scène  ii),  entiè- 
rement construit  en  accords  parfaits  ;  d'autres  exemples 
ne  sont  pas  rares;  toutefois  c'est  l'exception. 

La  conduite  des  modulations,  au  point  de  vue  purement 
musical,  ne  paraît  pas  importer  beaucoup  à  Wagner,  et 
en  cela  il  se  sépare  nettement  de  Beethoven  et  de  Bach  ; 
le  choix  des  tonalités  n'est  guidé  chez  lui  que  par  l'inté- 
rêt dramatique  et  des  considérations  du  domaine  de  l'or- 
chestration; une  fois  l'action  engagée,  la  modulation  est 
perpétuelle,  et,  en  bien  des  endroits,  le  plus  malin  serait 
dans  l'impossibilité  de  dire  en  quel  ton  on  est  ;  il  en 
résulte  une  impression  de  vie  et  de  lutte  d'une  inconce- 
vable puissance.  En  revanche,  au  début  des  actes,  on  le 
voit  attacher  fréquemment  une  importance  extraordinaire 
à  l'établissement  de  la  tonalité  première,  importance  sur 
laquelle  j'aurai  l'occasion  de  revenir. 

La  cadence  parfaite  est  d  une  extrême  rareté,  ce  qui  est 
la  conséquence  inévitable  du  système  de  la  mélodie  con- 
tinue ;  en  effet,  le  sens  de  la  cadence  parfaite  est  la  con- 
clusion, l'achèvement  ;  or,  toutes  les  phrases  de  Wagner 
s'enchaînant  les  unes  aux  autres  sans  se  terminer  à  cha- 
que instant,  la  cadence  doit  être  presque  exclusivement 
réservée  aux  fins  d'actes  ou  parfois  de  scènes,  là  où  le 
repos  est  obligatoire;  on  en  rencontre  bien  par-ci  par-là 


ANALYSE    MUSICALE  275 

dans  le  discours  musical,  mais  dissimulées,  atténuées, 
sans  importance  ;  ce  n'est  que  dans  les  grandes  conclu- 
sions qu'on  en  trouve  de  nettement  caractérisées,  bien 
amenées  et  pressenties.  Aucun  auteur  n'a  fait  de  la 
cadence  parfaite  un  emploi  si  restreint;  il  est  pourtant 
un  cas  où  il  en  fait  un  usage  très  caractéristique,  et  d'au- 
tant plus  frappant  qu'il  lui  semble  réservé  :  c'est  lorsque 
le  sens  affirmatif  de  la  parole  dénonce  le  côté  spéciale- 
ment loyal  et  chevaleresque  du  caractère  d'un  héros; 
la  page  suivante  (276)  présente  trois  remarquables  exem- 
ples, pris  dans  des  ouvrages  différents,  de  cette  belle  et 
noble  forme,  d'un  caractère  solennel  et  héraldique,  très 
fréquente  chez  Wagner  dans  ce  cas  spécial,  qu'on  pour- 
rait appeler  la  formule  de  loyauté,  et  qui  ne  trouve  sa 
place  qu'aux  moments  de  grande  émotion,  dans  l'annonce 
de  la  mort  (Walkyrie),  dans  la  Marche  funèbre  de  Sieg- 
fried [Crépuscule]... 

D'une  façon  générale,  les  accords  consonants  sont 
beaucoup  moins  fréquents  que  les  accords  dissonants,  et 
encore  sont-ils  rarement  présentés  dans  leur  pureté  na- 
tive, mais  presque  toujours  dénaturés  par  des  artifices  de 
composition,  des  retards,  des  appogiatures,  des  altéra- 
tions, beaucoup  d'altérations  surtout,  qui  leur  enlèvent  la 
plus  grande  partie  de  leur  caractère  de  repos.  Tout  cela 
est  voulu,  logique.  Il  est  certain  que  l'accord  dissonant, 
avec  ses  notes  à  marche  contrainte,  avec  ses  résolutions 
diverses,  est  infiniment  plus  vivant,  plus  passionnel  que 
l'accord  parfait,  réservé  par  Wagner  à  l'expression,  plus 
rare  dans  le  drame,  des  sentiments  de  calme  et  de  placi- 
dité. 

Quant  aux  duretés  qui  étonnent  parfois  le  lecteur  de 
la  partition  réduite  au  piano,  elles  sont  considérablement 
atténuées   par  le   choix  des  instruments  et  la  variété  des 


276 


VOYAGE   A   BAYREUTK 

rLOHEl>77KfiV^_Scene  finale) 


LOHENGRIN 


Sei/iHit .  ter    ich         bm  Lohenffnu    (je-iianni 
Et   Lo.hpii.gTin,       «ion  chevalier,  c'est mo! 


-(0      ^ 


i  Là    WALh  Y  H  lE  Acte  II  ScèiielV) 
BRUNNfilLDE 


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S 


me?    à  !a  main. 


■ffingi      dichhold    mit       hnvh 
fait  tomber,      les         ai    . 


(LE   CHEPVSCILK  _  Scène  finaJeJ 
BRUSNRILDE 


ANALYSE    MUSICALE  277 

timbres;  elles  sont  plus  apparentes  que  réelles;  elles  dis- 
paraissent dans  l'exécution  symphonique,  et  à  Bayreuth 
on  ne  s'en  aperçoit  pas  le  moins  du  monde;  tout  l'ensem- 
ble est  admirablement  fondu,  d'une  douceur,  d'une  har- 
monie et  d'une  plénitude  incomparables,  sauf  de  rares 
exceptions  voulues  dans  une  intention  pittoresque. 

L'attention  de  l'auditeur  est  bien  plus  sollicitée  par  le 
mouvement  individuel  des  parties,  par  leur  caractère 
expressif,  par  l'intérêt  que  leur  communique  l'apparition 
suggestive  des  Leit-motifs,  par  la  diversité  des  timbres 
instrumentaux,  que  par  l'individualité  des  accords  consi- 
dérés en  eux-mêmes.  Chaque  voix  symphonique  chante 
une  partie  indépendante  ayant  son  sens  propre,  dialo- 
guant avec  les  autres,  toujours  appropriée  à  la  nature  et 
au  timbre  de  l'instrument  interprète,  sans  traces  de  for- 
mules banales  d'accompagnement,  sans  remplissage  d'au- 
cun genre. 

Autrefois  on  disait  que  dans  Wagner  il  n'y  avait  pas 
de  mélodie;  je  crois  être  plus  dans  le  vrai  en  disant  qu'il 
n'y  a  pas  d'accompagnements,  mais  des  superpositions 
de  mélodies. 

Constatons  en  plus,  pour  tâcher  d'être  complet,  la  dis- 
parition totale  des  marches  d'harmonie,  que  presque  tou- 
tes les  écoles  abandonnent  aujourd'hui  en  raison  de  leur 
banalité;  la  suppression  des  redites,  des  reprises  d'un 
motif  principal  annoncées  par  une  rentrée,  ceci  au  même 
titre  que  la  suppression  de  toute  répétition  de  vers  ou  de 
mots;  toujours  et  partout  du  nouveau,  de  l'invention,  de 
l'imprévu  et  de  l'ingénieux,  toujours  de  la  création,  de  la 
sincérité  et  de  la  vie...,  et  nous  aurons,  je  crois,  touché 
aux  principaux  points  caractéristiques  de  ce  qu'on  nomme 
un  peu  trop  brièvement  la  formule  wagnêrienne,  formule 
qu'on  ne  saurait  trop  admirer  et  contempler,  mais  que 


278  VOYAGE    A    BAYREUTH 

nos  compositeurs  feront  bien  de  ne  pas  chercher  à  imiter, 
cela  par  deux  raisons  : 

La  première,  suffisante  par  elle-même,  c'est  que  c'est 
impossible  :  «  Pour  la  continuer  dans  le  vrai  sens  du  mot,  il 
faudrait  un  homme  de  la  même  envergure  que  lui;  et  si  cet 
homme  existe,  il  ne  consentira  pas  à  jouer  le  rôle  d'un  imi- 
tateur :  il  voudra,  lui  aussi,  inventer  quelque  chose  de 
nouveau  ^ .  » 

La  deuxième,  c'est  qu'il  faut  toujours  être  de  son  pays 
et  en  parler  la  langue.  Or,  de  même  que  Wagner  déplo- 
rait en  ces  termes  les  tendances  des  musiciens  allemands 
à  imiter  l'art  français  : 

«  J'ai  reconnu  aux  Français  un  art  admirable  pour  don- 
ner à  la  vie  et  à  la  pensée  des  formes  précises  et  élégantes; 
j'ai  dit,  au  contraire,  que  les  Allemands,  quand  ils  cher- 
chent cette  perfection  de  formes,  me  paraissent  lourds  et 
impuissants^.  » 

de  même,  dis-je,  les  Français,  à  leur  tour,  doivent  se  met- 
tre en  garde  contre  cette  fausse  forme  de  l'admiration 
qui  conduit  au  plagiat;  ils  doivent  cons«rv€r  intactes  les 
qualités  propres  de  notre  st3'le  national,  qui  ont  toujours 
été  et  seront  toujours,  en  littérature  comme  en  musique, 
la  clarté,  l'élégance  et  la  sincérité  d'expression. 

Si  Wagner  était  là  pour  les  conseiller,  c'est  certaine- 
ment ce  que  sa  propre  logique  le  conduirait  à  leur  dire. 

L'orchestration  de  Wagner  est  encore  plus  riche  et 
plus  colorée  que  celle  de  Beethoven.  Cela  tient  certaine- 
ment en  grande  partie  aux  nouveaux  timbres  qu'il  y  a  intro- 
duits, cor  anglais,  clarinette-basse,  contrebasson,  trora- 


1.  La  Musique  et  les  Musiciens,  p.  494. 

2.  R.  Wagner,  Lettre  à  M.  Monod  (25  octobre  1876). 


ANALYSE  MUSICALE  279 

bones*,  la  famille  des  tubas,  la  trompette-basse  =^;  en 
partie  aussi  à  la  façon  dont  il  a  complété  les  groupes  d'ins- 
truments à  vent,  écrivant  trois  parties  de  flûtes,  trois  de 
hautbois,  trois  de  clarinettes,  etc.  (au  lieu  de  deux  gé- 
néralement employées  jusqu'alors,  sauf  dans  Meyerbeer 
et  Berlioz),  ce  qui  lui  permet  d'obtenir  un  accord  complet 
avec  un  timbre  homogène  ^  ;  en  partie  encore  à  la  division 
fréquente  des  instruments  du  Quatuor  à  cordes;  mais  sur- 
tout et  avant  tout  à  sa  profonde  science  de  Tinstrumenta- 
tion,à  son  ingéniosité  sans  pareille,  qui  l'a  conduit  à  de 
prodigieuses  trouvailles. 

Chaque  instrument  est  traité  par  Wagner  avec  la  même 
sûreté  de  main  que  s'il  en  avait  joué  lui-même;  il  a  su 
comme  personne  s'en  assimiler  les  ressources,  et  il  ne 
lui  demande  que  ce  qui  est  bien  vraiment  dans  ses  moyens. 
C'est  souvent  difficile  d'exécution,  jamais  ingrat,  jamais 
maladroit  ni  gauche. 

Malgré  le  nombre  considérable  d'exécutants  qu'il  exige, 
jamais  on  ne  le  voit  avoir  recours,  dans  son  orchestra- 
tion, à  des  procédés  compliqués;  les  combinaisons  sont 
toujours  simples  et  claires,  ce  dont  résulte  une  sonorité  à 
la  fois  franche  et  puissante.  Les  Leit-motifs  se  promènent 
sans  cesse  dans  tout  l'orchestre,  passant  d'un  pupitre  à 
un  autre;  mais  chacun  d'eux  toutefois  possède  une  pré- 
dilection pour  un  instrument  ou  un  groupe  en  harmonie 
avec  son  caractère,  chez  lequel  il  a  pris  naissance,  et  chez 
lequel  il  revient  élire  domicile  chaque  fois  qu'il  doit  se 
produire    avec  une  importance   prépondérante;    parfois 


1.  Beethoven  avait  déjà  employé  le  Contrebasson  et  les  TrombO' 
nés.  mais  à  titre  exceptionnel. 

2.  La  Trompette-basse  ne  figure  que  dans  la  Tétralogie. 

3.  Sonorité  d'orgue. 


280  VOYAGE    A    BAYREUTH 

on  1  a  reconnu  dès  sa  première  note,  sous  l'influence  de 
ce  timbre  caractéristique. 

On  voit  maintenant  clairement,  je  crois,  comment,  dans 
le  style  musical  de  Wagner,  tout  concourt,  mélodie,  har- 
monie et  orchestration,  à  accentuer  et  à  préciser  l'action 
dramatique  :  la  mélodie,  mélopée  ou  récitatif  mesuré,  par 
sa  belle  diction  et  le  souci  constant  de  l'excellence  de  la 
prosodie;  l'harmonie,  par  ses  procédés  audacieux  et  l'em- 
ploi des  motifs  conducteurs;  l'orchestration,  par  la  ri 
chesse  jusqu'alors  sans  pareille  de  son  coloris. 

Avant  d'entreprendre  l'analyse  de  chaque  œuvre  prise 
séparément,  je  voudrais  appeler  l'attention  du  lecteur  sur 
la  partie  purement  symphonique  qui  constitue  les  Prélu- 
des, auxquels  Wagner  a  attaché  un  intérêt  spécial  et  de 
nature  psychologique,  dont  ne  se  doute  même  pas,  hélas  ! 
le  public  de  l'Opéra;  car  s'il  s'en  doutait,  il  ne  profiterait 
probablement  pas  de  ce  moment  pour  causer  plus  bruyam- 
ment que  jamais,  se  moucher,  fermer  les  portes  avec  fra- 
cas..., il  ferait  tout  cela  avant,  comme  à  Bayreuth. 

Jusqu'à  Tannhauser  inclusivement,  Wagner,  se  confor- 
mant à  l'usage,  a  écrit  des  Ouvertures  pour  ses  opéras. 

A  partir  de  Lohengrin,  ce  sont  des  Préludes,  et  chaque 
acte  à  le  sien^ 

Dans  les  Préludes,  Wagner  philosophe  s'adresse  di- 
rectement à  l'âme  par  la  musique;  il  lui  fait  subir  une 
sorte  de  préparation,  il  la  dispose  à  son  gré,  et  cela  sans 
jamais  donner  à  ces  pièces  instrumentales  une  extension 
excessive. 

Le  but  d'un  Prélude,  sa  raison  d'être,  est  essentiellement 

î.  Une  seule  exception,  l'Ouverture  des  Maîtres  Chanteurs;  mais 
les  Maîtres  Chanteurs  eux-mêmes  sont  une  exception  dans  l'œuvre 
de  Wagner. 


ANALYSE    MUSICALE  281 

de  préparer  l'esprit  du  spectateur,  de  le  placer  dans  l'é- 
tat d'âme  que  l'auteur  juge  le  plus  convenable  pour  qu'il 
subisse  dans  sa  plénitude  l'impression  des  faits  qui  vont 
faire  l'objet  de  l'acte  suivant.  Ce  but  peut  être  poursuivi 
au  moins  de  quatre  façons  différentes  : 

1°  Par  simple  apaisement,  c'est-à-dire  dégageant  seu- 
lement l'esprit  des  préoccupations  extérieures,  en  y  ame- 
nant un  calme  complet,  afin  qu'il  devienne  malléable  et 
facilement  accessible  aux  moindres  émotions; 

2<*  Par  le  rappel  de  faits  précédents  que  le  specta- 
teur a  pu  perdre  de  vue  pendant  l'entr'acte,  et  dont  le 
souvenir  lui  est  nécessaire  pour  la  parfaite  intelligence 
de  ce  qui  va  suivre; 

3°  Inversement,  par  des  emprunts  faits  à  l'avance  à 
l'acte  suivant,  pour  préparer  l'auditeur  aux  événements 
qui  vont  se  dérouler;  en  ce  cas,  l'action  commence  en 
quelque  sorte  pendant  le  prélude  ; 

4°  En  plongeant  l'esprit  dans  le  vague,  en  excitant  là 
curiosité  et  en  captivant  l'attention  par  des  harmonies 
indécises,  des  sonorités  étranges,  des  modulations  impré- 
vues, incohérentes  même,  ne  laissant  rien  pressentir  de 
ce  qui  va  se  passer;  c'est  la  forme  la  plus  troublante,  celle 
qui  prépare  le  mieux  aux  émotions  poignantes. 

Selon  les  circonstances,  Wagner  emploie  toutes  ces 
formes;  ne  pouvant  multiplier  les  exemples,  j'en  donnerai 
un  seulement  de  chacune,  laissant  au  lecteur  le  soin  de 
compléter. 

1"  forme  :  apaisement  :  l'Or  du  Rhin. 

2»  forme  :  rappel  de  motifs  :  3®  acte  de  Siegfried. 

3*  forme  :  annonce  de  motifs  :  2^  acte  de  Lohengrin. 

4*  forme  :  vague  :  3^  acte  de  Parsifal. 

Toutefois,  la  troisième  forme,  et  ensuite  la  deuxième» 
sont  de  beaucoup  les  plus  fréquentes. 

17 


282  VOYAGE    À    BAYREUTH 

Une  chose  très  intéressante  c'est  l'insistance  extraor- 
dinaire avec  laquelle  Wagner,  au  début  de  beaucoup  ûe 
ses  Préludes,  établit  la  tonalité;  on  chercherait  vainement 
des  exemples  analogues  chez  tout  autre  compositeur;  c'est 
surtout  dans  la  Tétralogie,  où  toutes  les  proportions  sont 
gigantesques,  que  ce  système  s'affirme  d'une  façon  saisis- 
sante. 

Dans  l'Or  du  Rhin,  les  136  premières  mesures  repo- 
sent sur  un  seul  et  unique  accord  parfait  en  mi  [>  majeur; 
le  Prélude  de  la  2^  scène  ne  contient,  pendant  15  mesu- 
res, que  des  accords  parfaitsà  l'état  fondamental,  apparte- 
nant au  ton  de  ré  bémol  ou  aux  tonalités  voisines,  et  ve- 
nant aboutir  dans  le  ton  delà  dominante;  l'enchaînement 
de  la  2®  scène  à  la  3®  se  fait  au  moyen  d'une  pédale  de 
dominante,  sur  fa,  d'abord  inlérieure,  puis  supérieure, 
qui  se  prolonge  pendant  55  mesures. 

Dans  la  Walkyrie,  au  1"  acte,  la  tonalité  est  établie 
au  moven  d'une  pédale  supérieure  de  tonique  qui  dure 
64  mesures,  après  lesquelles  on  reste  encore  longtemps 
sans  s'éloigner  du  ton  de  ré.  Au  3^  acte,  la  prédominance 
du  ton  de  si  mineur,  accusée  par  la  dominante  fa  ;i,  s'ac- 
centue et  se  maintient  pendant  34  mesures,  jusqu'au  levier 
du  rideau. 

Dans  Siegfried,  au  l**"  acte,  une  longue  pédale  inférieure 
de  dominante  sur  la  note  fa  pendant  50  mesures,  laquelle 
devient  pédale  supérieure  pendant  33  autres  mesures,  et 
à  laquelle  succède  une  pédale  de  tonique  de  12  mesures 
sur  si  Q,  voilà  de  quoi  bien  affirmer  une  tonalité. 

Dans  le  Crépuscule  des  dieux,  au  3*^  acte,  c'est  encore 
plus  marqué,  car  le  ton  de  fa  n'est  pas  quitté  pendant 
149  mesures  embrassant  non  seulement  le  Prélude,  mais 
encore  le  Trio  des  Ondines  qui  le  suit. 

Citerai-je  encore  le  premier  Prélude  de  Parsifal,  qui, 


ANALYSE    MUSICALE  283 

sauf  pendant  quelques  mesures,  ne  quitte  pour  ainsi  dire 
pas  le  ton  de  la  \f? 

En  dehors  des  Préludes,  les  longues  et  imposantes 
tenues  sont  assez  fréquentes  ;  le  thème  de  l'Arc-en-ciel, 
presque  à  la  fin  de  l'Or  du  Rhin,  donne  lieu  à  nn  accord 
parfait  sur  sol  j?,  qui  se  prolonge  pendant  20  mesures  dans 
un  mouvement  lent;  dans  Lohengrin,  les  longues  fan- 
fares qui  saluent  le  lever  du  soteil,  au  2^  acte,  scène  m, 
ne  contiennent  pas  moins  de  58  mesures,  augmentées 
encore  par  des  points  d'orgue,  sur  le  seul  accord  parfait 
majeur  de  ré,  auxquelles  succèdent  immédiatement  (avec 
un  seul  accord  transitoirei  15  mesures  sur  l'accord  par- 
fait à'iit  majeur.  On  pourrait  multiplier  ces  exemples 
intéressants,  qui  démontrent  que  c'est  surtout  au  début 
des  actes  ou  des  scènes  que  Wagner  aimait  à  solidement 
asseoir  la  tonalité,  contrairement  à  Beethoven,  qui  insis- 
tait plus  volontiers  pour  la  rétablir  fermement  lors  de  la 
péroraison  finale. 

Les  ensembles  sont  rares,  sauf  dans  Tannhauser  et 
Lohengrin,  qui  participent  encore,  en  cela  notamment,  de 
la  coupe  de  l'opéra. 

A  partir  de  Tristan,  abstraction  faite  des  Maîtres  Chan- 
teurs, où  ils  jouent  un  rôle  considérable,  on  peut  les 
compter  : 

Dans  le  Duo  qui  termine  le  1"  acte  de  Tristan  il  y  a 
un  ensemble  de  42  mesures;  le  grand  Duo  du  2®  acte, 
scène  ir,  donne  lieu  à  quatre  ensembles  tous  admirables, 
le  premier  commençant  par  un  dialogue  de  plus  en  plus 
serré,  le  dernier  contenant  des  dissonances  fort  curieuses^ 
car  elles  sont  aussi  douces  à  entendre  que  cruelles  à  la 
lecture. 

Dans  l'Or  du  BJdn,  les  cris  de  joie  des  nymphes  et  l'A- 


28'4  VOYAGE    A    BAYREUTH 

doration  de  l'Or;  à  la  scène  m,  Wotan  et  Loge  disent 
quelques  mots  ensemble;  dans  la  Walkyrie,  l'Octuor  vo- 
cal de  la  Chevauchée,  dont  parfois  les  huit  parties  sont 
indépendantes;  dans  Siegfried  on  ne  peut  pas  considérer 
ainsi  les  quelques  notes  simultanées  de  Mime  et  de  Sieg- 
fried à  la  fin  du  l^""  acte;  mais  au  3^,  au  moment  du  ré- 
veil de  Brùnnhilde,  il  y  a  un  véritable  ensemble  d'une 
douzaine  de  mesures,  puis  un  autre,  plus  développé,  qui 
termine  la  pièce;  dans  le  Crépuscule  des  dieux,  les  Nor- 
nes  chantent  bien  un  instant  à  la  fois,  mais  à  l'unisson; 
ensuite  Siegfried  et  Briinnhilde  terminent  leur  Duo  par 
quelques  exclamations  en  "d"^^^  ou  Q>^^^;  autre  ensemble  de 
quelques  mesures  lorsque  Siegfried  et  Gunther  signent 
leur  pacte  le  verre  en  main;  à  la  fin  du  2^  acte,  un  vérita- 
ble Trio  entre  Briinnhilde,  Gunther  et  Hagen;  au  3^  acte, 
le  séduisant  Triodes  Filles  du  Rhin,  très  développé,  qui 
devient  même  Quatuor  par  l'arrivée  de  Siegfried. 

Dans  Parsifal  on  n'en  trouve  pas  un  seul. 

On  remarquera,  dans  cette  énuméralion,  que  les  en- 
sembles n'ont  jamais  lieu  qu'entre  personnages  ayant 
à  exprimer  des  sentiments  analogues.  Partout  ailleurs 
chacun  parle  à  son  tour,  comme  dans  la  tragédie  classi- 
que, ce  qui  est  beaucoup  plus  intelligible,  et  sans  répéter 
les  vers,  ce  qui  est  bien  plus  vivant. 

Peu  de  choses  sont  connues  sur  la  manière  do  com- 
poser de  Wagner.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'il  écri- 
vait d'abord  son  poème,  et  n'entreprenait  de  le  mettre  en 
musique  que  lorsqu'il  était  complètement  achevé,  parfois 
même  après  l'avoir  laissé  reposer  plusieurs  années  :  le 
poème  de  Tannhauser  fut  terminé  en  1843,  et  la  musique 
en  1845;  le  poème  de  l'Or  du  Rhin  fut  terminé  en  1852, 
et  la  musique  en  1854. 

En  ce  qui  concerne  la  musique,  il  la  concevait  comme 


ANALYSE    MUSICALE  285 

Beethoven,  en  marchant,  en  allant,  venant  et  gesticulant; 
quand  elle  commençait  à  prendre  corps,  il  se  la  jouait  à 
lui-même  au  piano,  assez  gauchement,  dit-on,  pour  bien  en 
arrêter  les  contours,  puis  seulement  alors  il  entreprenait 
d'écrire.  Il  écrivait  sur  deux  ou  trois  portées  comme  pour 
le  piano  ou  pour  l'orgue,  peut-être  aussi  parfois  sur  un 
plus  grand  nombre,  et  il  ne  passait  au  travail  à'orchestra- 
/lon  qu'après  avoir  parachevé  la  composition  :  le  Crépuscule 
des  dieux  fut  terminé  en  1872,  son  orchestration  en  1874; 
Parsifal  fut  terminé  en  1879,  son  orchestration  en  1882. 

De  plus,  il  menait  toujours  plusieurs  œuvres  de  front, 
généralement  deux,  travaillant  simultanément  à  la  musi- 
que de  lune,  au  scénario  de  l'autre. 

Tout  cela  est  fort  déroutant;  car  lorsqu'on  examine  de 
près  son  œuvre,  tout,  poème,  déclamation  lyrique,  con- 
texture  mélodique  et  harmonique,  orchestration,  ne  forme 
plus  qu'un  seul  bloc,  et  il  semble,  tellement  est  parfaite  la 
cohésion  de  toutes  ces  parties,  que  l'ensemble  a  dû  être 
lui-même  coulé  d'un  jet,  la  musique  venant  s'adjoindre 
d'elle-même  à  la  parole,  et  entraînant  nécessairement  à 
sa  suite  des  combinaisons  instrumentales  qui  ne  sauraient 
être  autres  que  ce  qu'elles  sont,  tellement  elles  réalisent 
l'idéal  de  la  perfection.  C'est  là  une  illusion;  le  labeur 
était  beaucoup  plus  complexe,  et  plus  longue  la  gestation  : 
la  première  ébauche  des  Maîtres  Chanteurs,  terminés  en 
1867,  remonte  à  1845  (22  ans  d'écart);  la  première  ébau- 
che de  Parsifal,  terminé  en  1882,  date  de  1857  (ici  25  ans)  : 
c'était  Le  Charme  du  Vendredi  saint. 

Dans  les  analyses,  nécessairement  brèves  et  sèches 
qui  vont  suivre,  de  chacune  des  œuvres  admirables  que 
l'on  exécute  à  Bayreuth,  je  n'ai  pas  la  prétention  de  cata- 
loguer tous  les  Leit-motifs. 


286  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Il  y  a  pour  cela  plusieurs  raisons  : 

D'abord  je  crois  que  nul  ne  pourrait  se  vanter  de  n'en 
laisser  échapper  aucun,  car  il  en  est  qui  consistent  en 
deux  notes  seulement,  et  n'apparaissent  que  deux  ou  trois 
fois;  rien  ne  prouve  d'ailleurs  que  Wagner  lui-même  les 
ait  considérés  comme  tels;  ce  sont  peut-être  de  simples 
réminiscences  invoulues  et  purement  géniales,  des  accents 
analogues  reproduits  sans  intention  arrêtée  dans  des  cir- 
constances elles-mêmes  analogues. 

Ensuite,  de  semblables  catalogues  très  complets,  peut- 
être  plus  que  complets,  existent;  il  y  en  a  de  très  bien 
faits,  et  je  les  indiquerai. 

Mais  la  raison  principale,  c  est  que  cela  m'eût  paru 
sortir  du  cadre  de  ce  livre,  qui  est  un  simple  Guide  pour 
les  non  initiés,  et  qu'il  est  préférable  pour  eux  de  pos- 
séder bien  à  fond  un  nombre  restreint  de  thèmes  qu'ils 
reconnaîtront  infailliblement,  qu'un  nombre  plus  consi- 
dérable qui  leur  occasionnerait  souvent  des  confusions 
regrettables.  Toutefois,  je  ne  négligerai  jamais  de  signa- 
ler, en  dehors  des  thèmes  principaux,  ceux  qui,  bien  que 
secondaires,  ont  une  importance  réelle  et  sont  fréquem- 
ment reproduits.  Ceux  qui  voudront  ultérieurement  pous- 
ser leurs  recherches  plus  loin,  pénétrer  une  œuvre  plus 
à  fond,  pourront  toujours  le  faire  à  l'aide  des  catalogues 
dont  j'ai  déjà  parlé. 

Appliquant  ici  aux  Leit-motifs  le  même  procédé  que  j'ai 
employé  pour  les  personnages  dans  l'analyse  des  poèmes, 
je  place  en  tête  de  chaque  analyse  musicale  un  tableau 
synoptique  des  diverses  scènes  dans  lesquelles  apparaît 
un  même  motif. 

Toutefois,  il  faut  bien  tenir  compte  : 

1^  Que  ces  tableaux  n^  contiennent  que  les  motifs  les 
plus  importants;  .   :      .,-.!.. 


ANALYSE    MU  SI  G  A  L&  "287 

2''  Que  de  ces  motifs  importants  je  ne  signale  que  les 
emplois  très  nettement  caractérisés; 

3°  Que  les  partitions  réduites  au  piano  ^  ne  peuvent  pas 
toujours  et  partout  présenter  tous  les  motifs  contenus 
dans  la  partition  d'orchestre. 

Tels  qu'ils  sont,  je  crois  que  ces  tableaux  seront  ins- 
tructifs et  faciliteront  les  recherches. 

Ony  pourra  juger  instantanément  de  l'importance  rela- 
tive des  motifs  par  la  fréquence  de  leur  emploi,  les  grands 
motifs  essentiels  traversant  toute  l'oeuvre,  et  les  motifs 
simplement  épisodiques  ne  figurant  que  dans  deux  ou 
trois  colonnes  voisines  ;  on  y  verra  quelles  sont  les  scènes 
dans  lesquelles  un  motif  donné  a  déjà  paru  ou  reparaî- 
tra ;  quels  sont  les  motifs  qui  forment  la  charpente  de 
telle  ou  telle  scène,  etc.  En  comparant  entre  eux  les 
divers  tableaux  relatifs  à  des  ouvrages  d'époques  diffé- 
rentes, on  voit  en  quelque  sorte  le  procédé  se  former, 
l'emploi  des  Leit-motifs,  purement  accessoire  dans  Tann- 
hauser,  devenir  déjà  considérable  dans  Lohengrin,  puis, 
à  partir  de  Tristan,  absolument  systématique  et  orga- 
nisé. 

Dans  les  analyses,  comme  dans  les  tableaux,  les  thèmes 
seront  présentés  dans  l'ordre  de  leur  première  apparition 
intégrale,  en  suivant  le  cours  du  drame,  ce  qui  permettra 
de  les  découvrir  sans  difficulté  en  feuilletant  attentivement 


1.  Les  réductions  les  plus  complètes  et  les  plus  fidèles  de  Tristan, 
(les  Maîtres  Chanteurs,  de  la  Tétralogie  et  de  Parsifal  sont  celles  de 
Klingworth,  qui  ne  s'adressent  qu'aux  virtuoses;  les  amateurs  se- 
ront plus  à  leur  aise  avec  la  réduction,  parfois  incorrecte,  de  Klein- 
michel.  C'est  à  cette  dernière  édition  que  sont  empruntés,  avec 
l'autorisation  des  maisons  Schott  et  C'*  et  Breitkopf  et  Hârtel,  la 
plupart  des  exemples  de  ce  volume.  MM.  Durand  et  fils  m'ont  donné 
une  autorisation  analogue  en  ce  qui  concerne  les  partitions  de 
Tannhauser  et  de  Lohensrin. 


288  VOYAGE    A    BAYREUTH 

la  partition,  sans  jamais  avoir  à  revenir  en  arrière.  Les 
parties  de  texte  entre  [  ]  et  les  exemples  gravés  en 
petits  caractères  concernent  certaines  transformations  de 
motifs,  qu'il  m'a  paru  spécialement  intéressant  de  signa- 
ler, ne  pouvant  songer  à  les  indiquer  toutes.  Ces  modifi- 
cations peuvent  ne  se  présenter  que  dans  les  actes  ou 
scènes  ultérieures;  l'endroit  précis  en  sera  toujours  men- 
tionné. 

En  dehors  des  Leit-motifs  je  signalerai  aussi,  dans  plu- 
sieurs ouvrages,  certaines  grandes  phrases  de  caractère 
indépendant  formant  par  elles-mêmes  un  tout  complet, 
une  mélodie  terminée,  sur  lesquelles  il  est  nécessaire  d'ap- 
porter son  attention;  aussi  des  Chorals,  des  Chansons, 
parfois  étrangers  à  la  structure  générale,  d'autres  fois  s'y 
reliant  indirectement,  dont  plusieurs  ont  reçu  des  noms 
spéciaux. 

En  ce  qui  concerne  les  noms  mêmes,  qui  sont  la  chose 
la  moins  importante,  je  répète  que  je  choisirai  toujours 
de  préférence  ceux  sous  lesquels  les  motifs  typiques  me 
paraissent  être  le  plus  généralement  connus. 

TANNHAUSER 

Bien  que  Wagner  ait  intitulé  Tannhauser  action^,  ma- 
nifestant par  cela  l'intention  de  créer  une  nouvelle  forme 
dramatico-musicale,  il  est  bien  certain  que  par  sa  coupe 
générale,  avec  morceaux  d'ensemble,  airs,  duos,  fina- 
les... et  ouverture,  cet  ouvrage  se  rattache  encore  musica- 
lement aux  procédés  de  l'ancien  opéra,  et  qu'on  y  retrouve 
maintes  fois  l'influence  de  l'admiration  que  Wagner  pro- 
fessait hautement  pour  Weber.  Disons  même  que  c'est 
un  Opéra  dans  toute  la  force  du  terme.  Toutefois  Wagner 

1.    Handlung. 


ANALYSE    MUSICALE 


289 


s'y  dessine  déjà  par  une  tendance  marquée  à  éviter  les 
répétitions  de  paroles,  par  lasouplessedes  liens  qui  unis- 
sent les  morceaux,  par  la  beauté  et  la  pureté  de  la  diction, 
et  surtout  peut-être  par  l'absence  de  toute  idée  de  con- 
cession au  goût  public.  On  y  trouve  aussi  de  grandes  en- 
volées et  des  formes  mélodiques  qui  lui  sont  bien  person- 
nelles. 


Di:sir,\ATiox 

dos  principaux  Leit-niotifs 

de  TANNHAUSER 

dans  Tordre  de  leur 

première    apparition 

intégiaie. 

sciiXES  : 

1. 

3 

1 

• 

1 

AC 
2 

TE 
3 

• 

4 

• 

- 

1 

A 
2 

•• 

2m, 

CT 
3 

E 
4 

5 

• 
• 

• 

• 
• 

1 
• 

A 
2 

3m, 

CT 

3 

• 

• 

E 
4 

5 

• 

Le  Vénusber"' 

Elisabeth 

Le  Chant  de  Wolfram 

La  Damnation 

•• 

•• 

L'ouverture  contient  en  raccourci  tout  le  résumé  du 
drame. 

En  premier  lieu  apparaît  le  fameux  Chœur  des  Pèlerins^ ^ 
représentant  l'élément  religieux;  il  est  d'abord  présenté 
avec  une  gravité  pleine  d'onction,  puis  majestueusement 
développé  sous  un  dessin  persistant  des  violons,  et  il 
s'éteint  en  s'éloignant.  Sans  transition,  le  motif  du  Véniis- 
berg  nous  transporte  au  séjour  de  la  luxure  et  des  jouis- 
sances maudites. 


1.  Je  crois  superflu  de  noter  en  musique  ici  les  thèmes  ayant 
caractère  indépendant,  qui  sont  dans  la  mémoire  de  tous,  et  d'une 
riche  abondance  dans  Tannhaaser. 


290 


VGYA-GE   A   BAYREUTH 
LE  VEyUSbEHG 


[D'une  allure  qui  rappelle  à  la  fois  Weber  fantastique  et  Mendels- 
sohn  féerique,  celui-ci  a  le  caractère  de  Leit-motif,  car  nous  le  re- 
trouverons dans  la  scène  du  concours  2^  acte,  scène  vj,  chaque  fois 
que  Tannhauser  va  prendre  la  parole,  trahissant  ainsi  avant  lui 
son  état  desprit  ;  puis  encore  au  3*  acte,  à  la  fin  de  la  scène  iv,  où 
il  annonce  lapparition  de  Vénus/ 

Plus  loin  éclate  comme  une  fanfare  Y  Hymne  à  Vénus,  d'a- 
bord en  si  majeur,  puis,  après  de  beaux  déveiopperaenls 
symphoniques,  dans  le  ton  principal,  /??/ majeur  ;  une  lon- 
gue pédale  de  dominante  ramène  le  Chœur  des  Pèlerins, 
bientôt  escorté  du  trait  strident  des  violons,  et  l'Ouver- 
ture se  termine  par  une  large  et  étincelante  péroraison. 

Cest  une  coupe  très  classique,  très  belle  aussi. 


Au  lever  du  rideau,  et  comme  encadrés  dans  une  bac- 
chanale qui  reproduit  la  plupart  des  motifs  profanes  de 
rOuverture,  une  Danse  de  Bacchantes,  un  Chœur  de  Sirènes, 
puis  le  grand  Duo  entre  Tannhauser  et  Vénus,  dans  lequel 
apparaît  par  trois  fois,  et  chaque  fois  un  demi-ton  plus 
haut  (en  re' p,  en  ré,  en  riii\))  \ Hymne  à  Vénus,  déjà  en- 
tendu dans  l'Ouverture.  Cette  scène, 4'une  exaltation  tou- 
jours croissante,  est  d  un  effet  des  plus  saisissants. 

Au  deuxième  tableau,  un  berger  prélude  sur  son  cha- 
lumeau, et  fredonne  une  chanson  d'un  tour  archaïque,  à 
laquelle  s'enchaîne  immédiatement,  pendant  que  conti- 
nue à  se  dérouler  en  capricieuses  arabesques  la  rusti- 


ANALYSE   MUSICALE  2r<l 

que  ritournelle,  le  Chant  des  Pèlerins  en  forme  de  choral. 

LE  CHANT  hES    PELEHINS 
TKXORS 


m 


t^ 


^f=P 


S 


V 
BASSES 


[Il  reparaîtra  à  l'orchestre  au  début  de  la  grande  phrase  du  Land- 
grave qui  coupe  le  Finale  du  2''  acte,  comme  encore  à  la  fin  de  ce 
même  acte.] 

Il  n'est  séparé  que  par  une  fanfare  de  chasse  du  Septuor, 
qui  lui-même  est  interrompu  lorsque  Wolfram  prononce 
le  nom  à' Elisabeth  répété  comme  en  extase  par  Tann- 
hauser. 


ELISABETH 


WOLFRA.Vj 


FANNHAUSER 


[Une  disposition  absolument  semblable  se  retrouve  au  début  du 
Finale  du  3'=  acte,  lorsque  les  mêmes  personnages  évoquent  le  sou- 
venir d'Elisabeth,  dont  le  cortège  funèbre  passe  devant  eux.] 

Ensuite  le  Septuor  reprend  et  se  termine  par  un  bel 
ensemble. 

2-«  Acte. 

Après  un  court  entr'acte,  le  2^  acte  débute  par  un  Air 
d'Elisabeth,  précédé  d'un  récitatif;  ici  encore  on  retrouve 
la  couleur  de.Wçber:  viejjt  mg.  Duo  dâns^la  forme  cbnsa- 


292  VOYAGE    A.    BAYREUTH 

crée  entre  Elisabeth  et  Tannhauser,  un  récitatif  entre  le 
Lando-rave  et  sa  nièce,  puis  la  Marche  avec  Chœurs  annon- 
çant le  Concours  des  chanteurs.  Au  début  de  cette  scène  du 
concours,  Wolfram  chante  l'amour  sur  une  belle  mais 
froide  cantilène,  qui  donne  lieu  à  une  vive  discussion  en- 
tre Tannhauser,  Walther  et  Biterolf  ;  ici  se  place  le  beau 

CHA^T  DE  WOLFRAM 

WOLFRAM 


ANALYSE    MUSICALE  293 

Chant  de  Wolfram,  large  et  chaude  mélodie,  d'une  coupe 
noble  et  pure,  célébrant  l'amour  chaste  et  respectueux. 

Ce  n'est  point  ainsi  que  le  comprend  Tannhauser,  qui 
discute,  et  dont  chaque  réplique,  comme  nous  l'avons 
déjà  fait  observer,  est  annoncée  par  un  rappel  du  Fe- 
nusberg. 

Biterolf  prend  la  parole  à  son  tour  et  le  provoque; 
avant  la  réponse  dédaigneuse  de  Tannhauser,  troisième 
apparition  du  même  motif. 

Enfin,  Tannhauser,  au  comble  de  l'exaltation,  entonne 
une  dernière  fois  son  Hymne  à  Vénus^,  encore  un  demi- 
ton  plus  haut  que  précédemment  fen  mi  majeur),  et  l'acte 
s'achève  par  un  ensemble  puissant,  très  mouvementé  et 
longuement  développé. 

3"«  Acte. 

Cet  acte  est  certainement  le  plus  beau  de  l'ouvrage.  Un 
imposant  Entracte,  qui  serait  mieux  nommé  Prélude,  le 
précède,  contenant;  dans  ses  développements,  des  rap- 
pels du  Chœur  des  Pèlerins  et  l'annonce  du  thème  de  La 
Damnation,  qui  ne  paraîtra  que  plus  tard. 

Les  Pèlerins  reviennent  de  Rome,  chantant  avec  re- 
cueillement le  chœur  que  nous  a  fait  connaître  l'ouverture  ; 
Elisabeth  exhale  une  suave  Prière,  et  remonte  lentement 
la  colline,  comme  en  extase,  accompagnée  des  regards  de 
Wolfram,  que  souligne  tristement  le  motif  du  Chant  de 
Wolfram,   confié  maintenant  à  la  clarinette-basse.   C'est 


1.  Ces  fréquentes  répétitions  de  l'Hymne  à  Vénus  en  font  le  motif 
principal  et  dominant  de  l'ouvrage,  mais  ne  le  transforment  pas  en 
Leit-motif,  car  il  ne  sort  jamais  que  de  la  bouche  de  Tannhauser, 
et  il  est  toujours  chanté  in  extenso.  Il  figure  aussi  dans  l'Ouverture, 
mais,  au  cours  de  l'œuvre,  il  ne  donne  lieu  à  aucune  allusion  sym- 
phonique,  à  aucune  insinuation,  ce  qui  est  le  propre  des  Leit-motifs. 


294 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


alors  que  celui-ci,  après  un  récit  plein  d'ampleur,  soupire 
la  célèbre  Romance  de  l'Etoile. 

Aussitôt,  à  l'entrée  de  Tannhauser,  tout  s'assombrit,  le 
thème  de  La  Damnation  se  fait  entendre,  lugubre  et  terri- 
fiant. 


1.4  DAMyATWy 


et,  après  un  court  dialogue  avec  Wolfram,  Tannhauser 
entreprend  l'émouvant  Récit  de  son  voyage  à  Rome,  au 
cours  duquel  La  Damnation  se  fait  encore  entendre.  Ce  ré- 
cit, l'une  des  plus  belles  pages  de  l'ouvrage,  est  empreint 
du  désespoir  le  plus  navrant,  de  l'émotion  la  plus  étrei- 
gnante.  Soudain  l'orchestre  mystérieux,  dont  les  sons 
semblent  jaillir  du  sein  de  la  montagne,  reprenant  avec 
persistance  des  fragments  empruntés  au  motif  du  VénuS' 
berg,  annonce  l'apparition  de  Vénus,  soulignée  par  un 
ingénieux  rappel  du  Chœur  des  Sirènes. 

Tannhauser  va  faiblir  de  nouveau  et  se  laisser  enlever, 
lorsque  dans  le  lointain  on  entend  les  voix  des  Pèlerins 
qui  transportent  le  covY^sd'Elisaljetli.  Tannhauser  se  pros- 
terne sur  son  cercueil  et  y  tombe  mort.  Il  est  sauvé! 

Alors  toutes  les  voix  réunies  entonnent  un  immense 
chant  de  foi  et  d'espérance,  merveilleux  et  grandiose  épilo- 
gue qui  s'élève  comme  une  sorte  d'Alléluia  joyeux  et  triom- 
phal, pour  trouver  son  épinouissement.  splendide  sur  Us 
premières  mesures  du  thème  religieux  de  rOuvertui  «^, 


ANALYSE   MUSICALE' 


^îtô 


nous  laissant  sous  l'influence  consolatrice  du  grand  acte 
de  Rédemption  qui  vient  de  s'accomplir  sous  nos  yeux. 


Il  est  encore  dans  la  partition  certaines  formes,  soit 
mélodiques,  soit  harmoniques,  que  l'on  peut  considérer 
comme  des  Leit-motifs  d'ordre  secondaire  ou  épisodique, 
comme,  par  exemple,  le  Chant  des  Sirènes  du  1"  acte, 


CHAM  DES   SIHEISES 


qui  accompagne,  au  3®  acte,  l'apparition  de  Vénus, 
La  deuxième  phrase  du  Chœur  des  Pèlerins, 


FHACMEyT  l\l  CHŒVH  DES  PELEHiyS 


êA 


m 


^^ 


ri 


^j    j  »iT3 


^ 


qui  se  retrouve  dans  leur  C/m/;^en  forme  de  Choral,  puis, 
à  la  27^  mesure  de  l'Entr'acte  du  3*  acte,  après  avoir  déjà 
figuré  dans  l'ouverture,  et  dont  Wagner  fera  plus  tard 
un  nouvel  emploi  dans  «  Parsifal  »  ; 


,3o'l  ni  infiia 


296 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


Enfin  la  belle  harmonie  *  qui  traverse  tout  le  récit  du 
Voyage  à  Rome,  Le  Pardon, 


i 


?Z=S=3^ 


MOTIF  DU  PAHUOIS 


^ 


^ 


^^ 


^=^^=F^ 


^ 


fâ 


^ 


y;    J     J 


r^^'ig  r' 


-e- 


:§:i 


et  a  déjà  une  grande  importance  dans  l'Entr'acte  précé- 
dent; et  peut-être  d'autres... 

On  peut  encore  remarquer,  à  titre  de  rappel  mélodi- 
que, cette  phrase  de  Vénus  dans  le  Duo  du  l^""  acte, 


ELISABETH 


qui  se  retrouve  intentionnellement  (dans  le  ton  de  mi  bé- 
mol) vers  le  milieu  de  l'Entr'acte  qui  précède  le  2°  acte 
encore  celle-ci, 


WOLFRAM 


ft    JL 


1.  Cette  belle  harmonie,  par  son  onction,  offre  beaucoup  de  rap- 
ports, comme  caractère,  avec  certains  motifs  de  «  Parsifal  »,  notam- 
ment la  Foi. 


ANALYSE    MUSICALE 


%7 


chantée  par  Wolfram  dans  le  Septuor,  peu  après  le  motit 
Élisabetli ,  reproduite  à  l'orchestre  pendant  le  discours 
que  le  Landgrave  adresse  aux  chanteurs  après  la  Marche, 
et  peut-être  quelques  autres. 


LOHENGRrN 


ni;sir,NATto>- 
des  princi|)niix  Loit-motifs  de 

LOHENGRIN 

dans   l'ordie   de   leur  première 

apparition  intégrale. 

sciiNES  : 

a, 
O 

A 
1 

1er 
CT 

E 
3 

• 
• 

1 

O 

• 
• 
• 

A 
2 

• 

• 

2m, 

CT 
.3 

• 
• 

E 
4 

5 

e 

e 

• 
• 

• 

s 

S 

= 

1 

A 
1 

3m. 

CT 

'^ 

2 
® 

E 

• 

Le  Graal 

Eisa 

Lohen<''rin •.«•.... 

Le  Mvstere  du  Nom 

Le  Doute 

PRELUDE 


Le  Prélude  de  Lohengrin  nous  transporte  dans  les 
régions  sacrées  du  Montsalvat.  Un  seul  motif,  merveil- 
leusement développé,  en  fait  tous  les  frais  ;  il  symbolise 
le  Graal. 


298 


VDTAG E   A   KA YHIEUTH 
LE    GHÂAL 


?r^-f-f-jr  t. 


FMfc= 

j      n^^' 

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p         ~r^"i 

^ 

^ 

1    .      . 

A \— 

En  effet,  comme  Wagner  nous  l'a  dit  îui-mème,  c'est  le 
r^^.tour  du  Saint-Graal  sur  la  m»«Uagne  des  pieux  cheva- 
liers, au  milieu  dune  troupe  danges,  que  cette  introduc- 
tion a  pour  mission  d'exprimer. 

Le  motif  mystérieux  apparaît  d'ab-^rd  dans  les  régions 
suraiguës  des  violons  divisés,  passe  aux  instruments  en 
bois,  de  là  aux  altos,  violoncelles,  clarinettes,  cors  et  bas- 
sons, éclate  aux  trompettes  et  trombones,  puis,  après  ce 
prodigieux  crescendo,  s'éteint  graduellement  et  meurt 
dans  le  scintillement  des  violons  en  sourdine,  nous  lais- 
sant un  éblouissement  de  vision  surnaturelle  qui  est 
comme  un  avant-goût  de  «  ParsifaP  ». 

1.  Il  ne  faut  nullement  s'étonner  de  Toir  ainsi  apparaître,  dès 
«  Tannhanser  »  et  «  Lohengriti  ».  des  g-ermes  qui,  après  s 'êlre  déve- 
loppés, s'épanouiront,  bien  des  années  plus  tard,  dans  «  Parsifal  i), 
la  merveille  des  merueilles.  C'est  ainsi  que  Wagner  a  formé  son 
propre  langage:  il  atonfours  ùs^iirtilé  une  pensée  philosophique 
soit  à  un  contour  mélodique,  soit  à  une  forme  harmonique  on  ryth- 


A^^A.LYSE   MUSICALE 


299 


I"  Acte. 

Les  trompettes  et  le  Uérantproclaiment  L'Appel  du  Roi. 
Après  un  noble  récitatif  du  Roi,  coupé  de  quelques  répli- 
ques du  choeur,  vient  la  dénonciation  de  Frédéric,  qui 
porte  plainte  contre  Eisa. 

Nouvel  appel  du  Héraut,  puis  entrée  d'Eisa;  à  ce  mo- 
ment se  fait  entendre  à  l'orchestre  ce  motif, 


EISA 


plein  d'espérance  et  de  résignation,  qui  lui  restera  per- 
sonnellement attaché. 

[Il  va  d'ailleurs  se  représeutei^  presque  aussitôt,  sous  une  forme 
légèrement  modifiée,  dans  le  récit  qu'Eisa  fait  de  son  rêve.J 


ELSA 


^^^-JJJ-       ^. 


^     *'f 


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3 


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!3?^'^'4) 


^ 


±1 


l 

m-ique,  dont  l'expression,  étant  donnés  des  cas  identiques,  se  con- 
serve à  travers  tous  ses  ouvrages;  et  en  étudiant  son  œu^re  on  peut 
observer  de  nombre  ux  faits  analo^xbes.       . ...  j^^i- ;.. 


300 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


Dans  ce  même  morceau,  qui  dès  son  début  est  comme 
placé  sous  l'invocation  du  Graal,  apparaît  un  nouveau 
thème  étincelant,  représentant  Lohengrin  revêtu  de  sa 
blanche  armure  d'argent,  tel  qu'elle  l'a  vu  dans  son  songe, 


tOJiENGtUN 


ELSA 


gè  ^  ;i^  i 


et  tel  que  nous-mêmes  le  verrons  bientôt. 


ANALYSE    MUSICALE 


301 


[Ce  motif  si  caractéristique,  svelte,  audacieux  et  chevaleresque, 
escortera  le  vaillant  chevalier  dans  toutes  les  circonstances  héroï- 
ques, avec  peu  de  transformations. 

Nous  le  retrouverons  jusqu'à  la  dernière  page  de  l'ouvrao-e,  au 
moment  où  Lohengrin  part;  mais  là,  après  s'être  présenté  sous  la 
forme  triomphale  qui  lui  est  habituelle,  il  prend  le  deuil,  il  em- 
prunte la  tonalité  mineure.] 


^    ^    f^ 


i^ '—m u d 

-! ^ ^ 

1— :.  r  T — 

'j**-'Z~~^ 

T 


C'est  également  pendant  le  récit  du  Rêve  d'Eisa  qu'on 
entend  pour  la  première  fois  cet  autre  motif,  complétant 
en  quelque  sorte  celui  de  Lohengrin,  dont  il  semble  pro- 
clamer La  Gloire  et  célébrer  les  hauts  faits. 


LA   GLOIHE 


ELSA 


ây.'r-if-r 


[Celui-là  se  retrouvera  à  la  scène  suivante,  à  l'arrivée  du  héroaj 

4-     ^ 


puis  à  la  scène  finale  du  3»  acte.] 


302  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Frédéric  maintenant  son  accusation  calomnieuse,  le  Roi 
propose  Le  Jugement  de  Dieu  *, 

LE  U'GEMEyT  DE  VIEV 


dont  le  motif  est  bientôt  suivi  de  celui  d'Eisa.  Le  Héraut 
et  ses  quatre  trompettes  font  entendre  deux  appels  suc- 
cessifs ;  Eisa  tombe  en  prière,  accompagnée  par  un  chœur 
de  femmes,  et  sa  prière  se  termine  par  un  émouvant  rap- 
pel de  son  propre  motif.  C'est  alors  que  Lohengrin  appa- 
raît au  loin  dans  une  nacelle  traînée  par  un  cygne;  l'or- 
chestre fait  entendre  les  motifs  de  Lo/icngrin  et  de  La 
Gloire,  qui  ont  ici  un  caractère  spécialement  pompeux  et 
impressionnant.  Un  bel  ensemble  vocal  salue  son  arrivée. 
A  peine  à  terre,  il  bénit  son  Cygne  et  lui  fait  ses  adieux, 


HABMOISiE  OV  CYGNE 


LOHENGRiX 


i 


^ 


^ 


f^ 


précédés  d'un  rappel  du  Graal.  Ce  rappel  se  renouvelle 

1.  A  remarquer  une  analogie  avec  Le  Traité,  dans  l'Anneau  du 
Hibelung 


ANALYSE    MUSICALE 


303 


lorsque,  après  avoir  salué  le  Roi,  il  s'adresse  à  Eisa  et 
lui  fait  connaître  qu'il  ne  peut  prendre  sa  défense  qu'à  la 
condition  expresse  qu'elle  ne  saura  jamais  son  nom,  et 
ne  cherchera  même  pas  à  le  savoir. 

Ici  le  thème  à  la  fois  étrange  et  imposant  :  Le  Mystère 
du  nom, 


LOHENGRÏN 


LE  MYSTEB£DL  yOM 


qui  fait  partie  du  beau  récitatif  dentrée  de  Lohengiin,  et 
qu'il  répète  deux  fois  avec  insistance,  la  deuxième  fois  sur 
un  ton  plus  élevé,  qui  lui  donne  plus  de  force. 

L'ensemble  reprend,  puis  se  déroule  la  superbe  scène 
du  combat,  dont  tout  d'abord  le  Héraut  proclame  les  lois, 
ce  qui  ramène  Le  Jugement  de  Dieu  ;  ensuite  un  beau  mor- 
ceau d'ensemble  :  Prière  du  Roi  et  Quintette  avec  choeur. 
Le  combat  commence;  à  chaque  attaque  de  l'un  ou  l'autre 


304  VOYAGE    A    BAYREUTM 

adversaire,  le  thème  du  Jugement  de  Dieu,  traité  en  canon, 
fait  une  nouvelle  entrée  ;  le  motif  de  Lohengr'ui  le  rem- 
place pourtant  triomphalement  lorsque  celui-ci  va  porter 
le  coup  décisif. 

Une  belle  phrase  enthousiasmée  d'Eisa  salue  sa  vic- 
toire; cette  même  phrase  est  reprise  ensuite  parle  chœur, 
mais  avec  un  développement  nouveau  tiré  du  motif  de  La 
Gloire.  Ce  grand  et  puissant  ensemble,  très  étendu,  cou- 
ronne brillamment  l'acte,  puis,  au  moment  où  le  rideau 
va  se  fermer,  l'orchestre  entonne  encore  une  fois  le  motif 


de  Lohengrin. 


Acte. 


Le  2®  acte  ne  nous  révélera  que  deux  nouveaux  motifs 
typiques,  tous  deux  contenus  dans  la  sourde  phrase  qui 
gronde  aux  violoncelles  au  commencement  du  Prélude. 
D'abord,  Les  Projets  ténébreux  d'Ortrude,  ainsi  repré- 
sentés : 

LES  PHOJETS  TÉyÉBHEUX 


[Ce  motif  reparaîtra  notamment  au   cours   du  récitatif  dialogué 
entre  Ortrude  et  Frédéric,  qui  ouvre  l'acte.] 


ORTRl'OE 


ANALYSE   MUSICALE  305 

Le  deuxième,  caracté- 
risant Le  Doute  qu'Or- 
trude  veut  jeter  dans 
l'âme  d'Eisa,  doute  qui 
doit  la  perdre,  est  exposé 
dans  cette  même  phrase 
des  violoncelles,  dix  me- 
sures après  son  début, 
LE  DOVTK 


et  la  Yoici  telle  qu'on  la  retrouve,  peu  de  pages  plus  loin,  dans  le 
même  long  récitatif  dialogué  déjà  cité, 


FHEDFRIC 

-we— : ft 


ORTRIDE 


^  ^  :$  ^ 

mélangée  à  de  significatifs  rappels  du  Mystère  du  nom.] 


18 


â06  VOYAGE    A    BAYREUTH 

11  est  impossible  de  dire  plus  clairement  en  musique 
qu'Ortrude  projette  d'insinuer  perfidement  dans  l'âme 
d'Eisa  des  doutes  sur  la  pureté  et  l'origine  de  son  che- 
valier, et  veut  lui  inspirer  la  curiosité  de  percer  le  mys- 
tère dont  il  tient  à  entourer  son  nom. 

Quand  on  en  pénètre  le  sens  intime,  ce  sombre  et  té- 
nébreux épisode  constitue  l'une  des  plus  belles  pages  de 
l'œuvre.  Il  se  termine  par  une  terrible  phrase  d'impré- 
cation, chantée  à  loctave  par  les  deux  voix,  et  qui  scelle 
leur  odieux  pacte  de  vengeance. 

Eisa  paraît  et  exhale  une  suave  cantilène;  dans  la  se- 
conde partie  de  son  Duo  avec  Ortrude  on  reconnaît  à  l'or- 
chestre le  motif  du  Doute,  immédiatement  suivi  du  Mys- 
tère du  nom;  les  projets  ténébreux  s'accomplissent,  le 
venin  est  inoculé  et  fera  son  œuvre. 

Le  jour  se  lève.  De  longues  sonneries  de  fanfares  se 
font  entendre,  se  répondant  de  tour  en  tour,  sur  les  notes 
de  l'accord  re-/*a ::-/«,  puis,  quand  subitement  le  ton  à' ut 
lui  succède,  c'est  L'Appel  du  Roi  qui  résonne.  Aussitôt 
après,  le  ton  de  ré  reparaît.  Procédé  audacieux,  d'un  effet 
saisissant.  Dans  cette  scène  comme  dans  celles  qui  sui- 
vent :  Eisa  se  rendant  à  l'église,  l'irruption  scandaleuse 
d'Ortrude,  l'arrivée  du  Roi  et  de  Lohengrin,  il  n'est  fait 
aucun  emploi  des  Leit-motifs,  jusqu'à  la  scène  v,  qui  dé- 
bute par  L'Appel  da  Roi,  immédiatement  suivi  du  motif 
de  Lohengrin;  puis,  lorsque  Frédéric  s'avise  d'attribuer  à 
la  ruse  ou  à  la  magie  la  victoire  de  son  adversaire,  signa- 
lons une  réapparition  du  Jugement  de  Dieu,  qu'on  ose 
suspecter. 

Ensuite,  et  successivement  jusqu'à  la  fin  de  l'acte,  re- 
paraissent dans  l'orchestre  :  Le  Doute,  Le  Mystère  du  nom. 
Les  Projets  ténébreux  ;  puis,  au  moment  où  le  Roi  va  fran- 
chir, avec  Eisa  et  Lohengrin,  le  seuil  de  l'église,  retentit 


ANALYSE    MUSICALE  307 

de  nouveau  L'Appel  du  Roi,  immédiatement  suivi  du  Mys- 
tère du  nom,  et  le  rideau  tombe. 

3™<^  Acte. 

Le  3®  acte  n'ajoutera  rien  à  la  liste  des  motifs  typiques; 
mais  tous  v  seront  activement  mis  en  œuvre.  Pa.s  au  dé- 
but, pourtant. 

Tout  d'abord,  servant  d'introduction,  c'est  la  splendide 
Marche  des  FLancailles ,  aussijoyeuse  que  pompeuse,  sui- 
vie, dès  le  lever  du  rideau,  d'un  charmant  chœur,  gracieux 
épithalame;  arrive  le  Duo  entre  Eisa  et  Lohengrin;  là, 
peu  après  une  belle  phrase  de  Lohengrin,  et  dès  qu'Eisa 
manifeste  sa  coupable  curiosité,  Le  Mystère  du  nom  se  rap- 
pelle par  deux  fois;  le  motif  du  Doute  entre  en  jeu,  tou- 
jours de  plus  en  plus  envahissant;  puis,  une  courte  allu- 
sion au  Cygne  qu'Eisa  croit  voir,  ou  feint  de  croire  voir; 
enfin,  quand  elle  a  formulé  la  question  fatale,  Le  Mystère 
du  nom  éclate  furieusement;  lorsque  Lohengrin  vient  de 
tuer  Frédéric,  Le  Doute  subsiste  encore;  on  emporte  le 
corps,  rappel  du  Jugement  de  Dieu;  Lohengrin  annonce 
à  Eisa  qu'il  va  apprendre  à  tous  qui  il  est,  de  nouveau  Le 
Mystère  du  nom,  suivi,  cette  fois,  du  Graal!  Est-ce  assez 
explicite  ? 

Et  quand,  au  dernier  tableau,  Eisa  comparaît  devant 
le  Roi,  les  Nobles  et  les  Guerriers,  c'est  encore  par  Ze 
Mystère  du  nom,  qu'elle  a  violé,  qu'elle  est  annoncée;  à 
présent  il  s'est  fait  lugubre,  et  s'enchaîne  directement 
avec  le  fatal  Doute;  le  motif  d'£'/sa  ne  paraît  qu'en  troi- 
sième, et  se  termine  en  mineur;  il  semble  être  aussi  hon- 
teux quelle-même.  Quand  on  apporte  devant  le  B.oi  les 
restes  de  Frédéric,  Le  Jugement  de  Dieu  nous  rappelle 
que  c'est  lui  qui  l'a  frappé;  quand  Lohengrin,  en  un  récit 
des  plus  émouvants,  raconte  les  splendeurs   du  Mont- 


308  VOYAGE   A   BAYREUTU 

salvat,  Le  Graal  en  dévoile  le  mystère  ;  quand,  enfin,  il 
prononce  son  propre  nom,  LoJiengrin  est  redit  par  les 
fanfares  les  plus  éclatantes,  mais  aussitôt  l'orchestre  s'as- 
sombrit. 

Le  reste  est  court.  Lohengrin  va  partir  :  malgré  les  sup- 
plications d'Eisa,  du  Roi,  des  Seigneurs,  il  est  inébran- 
lable, ille  faut.  Le  Cygne  reparaît,  avec  sa  jolie  et  calme 
harmonie  ;  le  chevalier  fait  à  Eisa  ses  tendres  adieux, 
lui  remet  son  cor,  son  épée,  son  anneau,  l'embrasse  au 
front,  met  le  pied  sur  la  nacelle  :...  ici,  pas  de  Leit-motifs. 
Mais  aux  dernières  pages,  après  l'odieuse  malédiction 
d'Ortrude,  quand  la  blanche  colombe  vient  planer  au- 
dessus  de  la  tête  du  héros,  se  place,  avec  plus  de  solen- 
nité que  jamais,  le  thème  du  Graal,  puis,  très  large  aussi, 
celui  de  Lohengrin,  a-wec  La  Gloire;  Lohengrin  disparu,  le 
même  thème  est  en  mineur;  enfin,  l'ouvrage  s'achève 
comme  il  a  commencé,  par  l'harmonie  sacrée  du  Graal. 


Jû 


.i^^tX- 


^j/  / 


^  umu)  yvuynvuLcL  tuM  a  vc^  e^-irvot-t^u^  unvho 


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ilyyx^^ 


ùji  Oyctû  ^Ll  ê^^  crû  Ul^Lxryt^ ,  tt-  (^<-^<^  Canu)  o-aJU^^ 
UX/yi/LiK-en^  j  ta.  yyvL4^t*dux^  dLl^I'^Hi-t^Vu  c^t^ldtu/e7^ 


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û  ■  Û  l     ^   Û 

unv  tu  hx^^uyn^V  ôUui^yyvau  iyytthuuy^  e^-»^ 
tCQu^  uux^r^  Ivi^œ^i-o^  (Xi^ji^l^  k^^^o-^^ 

?Hj^ucûLu)  hvLZcie^-  ^iec^^zuM^  a^^^  ^^^  -^-^ 


TRISTAN    ET   ISEULT 


DÉSIGNATION 

des  priQcipaux  Leit-motifs  de 

TRISTAN  ET  ISEULT 

dans  Tordre  de  leur  première 

apparition  intégrale. 

scènes: 

6 

-3 

1er 

ACTE 

a 

-5 
o 

2me 

ACTE 

'.- 

3m. 

ACTE 

1 

2 

• 
• 

;; 

.3 

© 

4 

e 
• 
e 

9 
® 

* 

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• 
• 
• 

1 

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• 

• 
• 
• 
• 

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• 

e 
• 

• 

• 
• 

• 

• 

• 
• 
• 

3 

• 

• 

•- 

• 
• 

• 
• 
• 
• 
• 
• 

• 

•• 
• 

1 

• 

• 

• 
• 
• 

• 

• 

• 
• 

• 
• 

2 

• 
• 
• 
• 
• 

• 

• 
• 

• 
• 

3 

• 
• 

• 

• 
• 

• 
• 
• 

'Aveu ....•.«...•••....• 

® 

G 
O 
© 

: 

• 
•• 

e  Désir 

•  Re^'ard 

e  Breuvao'e  d'amour 

iG  Coffret  niagiciuc . 

Lia  Mort    

jloire  de  Tristan .• 

Tristan  héroÏQue  ....•....• .• 

e  Jour         .    

L'Ardeur 

L'Elan  passionné 

Invocation  à  la  Nuit 

La  Mort  libératrice 

La  Félicité 

Le  Chant  de  mort 

Le  Chagrin  de  Marlce   .,    ..... 

La  Consternation 

La  Solitude 

La  Tristesse 

L'Allégresse  de  Kurwenal 

Karéol 

•• 

•• 

•• 

! 

810 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


PRELUDE 

Le  Prélude  du  1"  acte  de  Tristan  et  Iseult  est  presque 
entièrement  construit  au  moyen  de  sept  motifs  des  plus 
importants,  faisant  dès  ce  moment  pressentir  la  prédo- 
minance du  genre  chromatique  qui  persistera  dans  la 
plus  grande  partie  de  cet  ouvrage,  et  qui  nous  sont  ainsi 
présentés  dès  le  début.  Tout  d'abord  L'Aveu, 


[que  l'on  retrouvera  à  la  scène  v  (au  moment  où  Iseult  boit  à  Tris- 
tan) sous  cette  aiUre  forme  :] 

ISEULT 


mais  qui  dans  le  Prélude  est  constamment  suivi  de  cet 
autre  motif,  Le  De'sir\ 


LE  VESÏB 


1.  A  signaler  une  certaine  analogie  avec  le  motif  du  Sorl  dans 
«  l'Anneau  du  îs'ibelung  ». 


ANALYSE    MUSICALE 


311 


qui  enxcomplète  le  sens  harmonique  et  donne  l'impres- 
sion d'un  triste  et  pénible  point  d'interrogation,  quatre 
fois  répété  avec  de  longs  et  émouvants  silences. 

[De  fréquents  emplois  de  ce  motif  ont  lieu  dans  le  cours  de  l'ou- 
vrage sous  les  formes  les  plus  variées.] 

cspfe.s-.siiio 


Aussitôt  apparaît  un  nouveau  thème  exprimant  avec 
éloquence  que  la  passion  de  Tristan  et  Iseull  a  eu  pour 
cause  première,  pour  point  de  départ,  la  rencontre  de 
leurs  yeux,  c'est  Le  Regard. 


LE  BEGABf) 


W. 


[D'ailleurs,  ce  thème  du  Regard  se  rencontrera  fréquemment  au 
cours  de  l'ouvrage,  plus  en  moins  modifié  ;  j'en  donne  ci-après  une 
forme  intéressante,  qui  se  trouve  à  la  ISS»  mesure  de  la  scène  m 
(réduction  Kleinuiichel,  p.  32,  2™'  mesure).] 


312 


VOYAGE   A     3AYREDTH 


ISEi'LT 


ir 

g  r  '     M- 1 

f  'i      r  r  1  r     •     i 

:■""                   ! H 

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hJ    j       ^1 

W 

o 

(TCSC. 

Hr4f=- 

Al J 

-H 

— e 

LeiUu 


Continuant  l'analyse  du  Prélude,  dans  lequel  ce  m^tif 
du  Regard  est  l'objet  de  nombreux  et  importants  déve- 
loppements, jusqu'au  point  de  prendre  en  certains  mo- 
ments la  prépondérance,  nous  rencontrons,  dans  l'espace 
de  quatre  mesures,  deux  phrases  fortement  expressives, 
caractérisant  les  deux  philtres,  celui  d'amour  et  celui  de 
mort,  dont  la  substitution  est  comme  le  nœud  de  l'action  : 
Le  Breuvage  d'amour  et  Le  Breuvage  de  mort, 


ANALYSE    MUSICALE 
LE  BHEVVAGE  l)\A.)10iR 


311 


^^ 


i 


LEBBELTAGE  MORTEL 
le  premier  plein  de  poésie  et  de  passion,  le  deuxième 
formant  une  opposition  sinistre  et  lugubre,  qu'accentue 
encore  l'instrumentation  en  le  confiant  tantôt  aux  gros 
cuivres,  tantôt  à  la  clarinette-basse  et  aux  hautbois. 

[Ce  dernier  apparaîtra  de   nouveau  à  la  fin  de  la  scène  m,  au 
moment  où  BrangaÎTie  cherche  les  flacons  dans  le  coffret.] 

ISEÙLT 


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\'^^tL 

« 



Voici  maintenant  le  motif  qu'on  peut  considérer  comme 
dérivé  de  celui  du  Regard,  auquel  est  attachée  l'idée  de 
ce  précieux  coffret  de  secours  :  Le  Cojfret  magique. 


314 


VOYAGE    A   BAYREUT: 


LE   COFFBET  M. 

-h— d 

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4; 1 

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f-     i 

[motif    qui    nécessairement    trouvera   son   emploi    lorsqu'on    aura 
recours  au  coffret  :  scène  m)  ou  lorsqu'il  y  sera  fait  allusion.! 


BRAN GAI NE 


Alors,  préparé  par  un  superbe  crescendo  dont  le  motif 
du  Begard  fait  les  frais,  est  introduit  le  thème  de  La  Dé- 
livrance par  la  mort,  le  dernier  de  ceux  que  nous  présente 
le  Prélude,  qui  se  termine  ensuite  par  de  nouvelles  com- 
binaisons des  Leit-raotifs  déjà  énoncés 


LA  DÈLiVHA^CE  PAU  LA    MO  HT 


[Au  sujet  du  motif  de  Lo  Dtiln'rance^  observons  qu'il  subit  souvent 
des  modifications  profondes;  c'est  ainsi  que  lorsque  nous  le  retrou« 


ANALYSE    MUSICALE 


315 


Terons  au  début  de  la  scène  ii  du  3°  acte,  il  aura  revêtu  la  forme 
suivante  :] 

TRlSTAJi 


Acte. 


Scène  i.  —  Le  chant  du  jeune  matelot,  perché  dans  la 
mâture,  n'est  pas  par  lui-même  un  Leit-motif;  mais  son 
troisième  membre  de  phrase  :  La  Mer, 


LA  MEH 


UN  JEUNE  MATELOT 


$ 


m 


^^ 


en  constitue  un,  dont  l'emploi  sera  fréquent,  et  qui  subira 
les  plus  curieuses  transformations.  Ici,  presque  au  début 
de  la  scène  i,  c'est  Iseult  dépitée  d'avoir  à  faire  ce  voyage 
en  Mer,  dont  le  but  ne  lui  est  pas  S3'mpathique; 


ISEULT 


316 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


quelques  pages  plus  loin  (quand  arrive  le  ton  de  fa), 
c'est  bien  le  flegme  et  l'indiflérence  des  matelots  pendant 
une  longue  et  paisible  traversée;  c'est  le  calme  de  La  Mer; 


[à  la   scène  iv,  on  approche  de  terre,  on  est  joyeux,   et  c'est  encore 
le  motif  de  La  Mer  qui  est  chargé  de  nous  le  dire  : 


pn'         1            -            M         Fr-f 

^h^—. 

f  p  r  f  1 

r  f  ^  r — 

9» 

H"    '  M 

L  ■ff'^^'^ 1 : 

dim. 

^ï-l  tj 

•p    ■.  ï    ■,= 

q 

î=f= 

r-^'—» 1^ 

\ — k : — p 1 

^ 

F F 

Ailleurs,  on  le  rencontrera  sous  bien   d'autres   formes,    qui  ne 
peuvent  trouver  leur  place  ici.] 

Le  motif  de  La  Colère  est  facilement  reconnaissable  et 
expressif. 

LA  COLÈBE 

4t  ' 


Scène  11.  — Il  en   est  de  même    de  celui   qui    prédit 


ANALYSE    MUSICALE 


317 


d'une  façon  si  lugubre  La  Mort  de  Tristan  et  les  douleurs 
d'Iseult. 


LA  MOHT 


ISEULT 

1  Pik  7  ^'^ "^r  •  b  1 

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[S'il  ne  se  répète  pas  toujours  dans  son  entier,  il  est  fréquem- 
ment représenté  par  l'une  ou  l'autre  de  ses  moitiés,  la  première 
entraînant  plus  spécialement  l'idée  de  Tristan,  la  deuxième  celle 
d'Iseult,  et  de  nombreuses  allusions  y  sont  faites  au  cours  de  l'ou- 
vrage.^ 

Après  divers  retours ,  motivés  par  les  épisodes  scé- 
niques,  de  plusieurs  des  thèmes  importants  qui  nous 
sont  déjà  connus,  notamment  Le  Regard,  Le  Désir,  La 
Mer  sous  la  forme  calme  que  j'ai  signalée  en  troisième 
lieu,  Le  Breuvage  et  amour,  etc.,  la  scène  se  termine  parla 
narquoise  chanson  d'allure  populaire  de  Kurwenal,  dont 
le  refrain,  joyeux  salut  :  Gloire  à  Tristan, 

19 


3Î8' 


VOYAGE    A    BAYREUTH 
GLOIhE    A    THJSTAIS 


KIRWE.NAL 

10^   ('   i      L  Ti^ 

^ 

=^=^ 

.2, 

-•-  • 

^ 

n 

/    (-    '■     y    y  ' 

'^ 

=^=^q 



-^ 



ff= 

^  c-i  ,  f  r  r 

-^ 1 1 

-^ 1 

^ k-e- 

r 

/p^-  <^...  _L 

U-tf 

J^^JJ 

^ 

1 — 

9 — 



-j — 

est  repris  en  chœur  par  les  matelots,  mais  une  tierce  plus 
haut,  par  un  amusant  caprice  de  l'auf^ur. 

Scène  m.  —  La  scène  m  ne  fait  connaître  qu'un  seul 
nouveau  motif  d'importance  capitale,  celui  qui  nous  mon- 
tre Tristan  alors  que,  blessé,  il  fut  soigné  et  sauvé  par 
Iseult,  Tristan  blessé. 

TBISTAy  BLESSE 


ISEULT 


Ce  motif,  dont  il  sera  fait  un  emploi  considérable  dans 
la  suite  du  drame,  subit  en  général  peu  de  modifications 
dans  sa  forme  mélodique,  mais  les  dessins  d'accompa- 
gnement avec  lesquels  il  apparaît  dans  les  diverses  cir- 
constances sont  variés  avec  une  admirable  et  inépuisable 
fécondité.  En  voici  quelques  exemples  . 


ANALYSE   MUSICALE 


319 


-X^}^ 


,        ISEULT 

1  \ 

~I ~7~ 

.^ 

y  '  1        ^n-f       '1 

J.^_ sJ_ 

\^= 

i.,.,jr'     Zu 

i-j        ij 

1  1          Ti 

-1^:-=— 

2JZ-1 5*    1 

— %.éj:i^ 

— jf — 

l^^'^r^    • 

U^^ ^_ 

^H — - — 

-f- 

Le  reste  de  la  scène  est  tissé  avec  des  motifs  déjà  con- 
nus, qui  se  présentent  à  peu  près  dans  cet  ordre  :  Gloire 
à  Tristan,  Le  Désir,  Le  Regard,  La  Colère,  Le  Coffret  ma- 
gique, La  Délivrance,  Le  Breuvage  d'amour.  Le  Breuvage 
mortel,  pendant  qu'Iseult  raconte  à  Brangaine  la  trahison 
de  Tristan,  et  lui  révèle  ses  sinistres  projets. 

Scène  iv.  —  Après  une  apparition  du  motif  de  La  Mer, 
sous  sa  forme  gaie,  reviennent  successivement  ceux  de 
Tristan  blessé,  La  Mort,  Le  Désir,  Le  Breuvage  mortel,  et 
enfin  La  Colère.  Cette  scène  ne  comporte  pas  de  Leit-motif 
nouveau. 


Scène  v.  —  Les  premiers  accords  de  la  scène  v  nous 
montrent  Tristan  Jiéroïque  venant  saluer  respectueuse' 
ment  sa  souveraine. 


320 


Lento 


VOYAGE    A   BAYREUTH 
THiSTAy  HEHOIQVE 


m 


Puis,  pendant  que  se  déroule  l'action  capitale  de  la 
pièce,  la  substitution  des  philtres,  vont  défiler  tous  les  mo- 
tifs du  l^''  acte,  qui  se  termine  par  les  acclamations  du 
peuple,  avec  une  nouvelle  forme  du  motif  de  La  Mer. 

2^^  Acte. 

Scène  i.  —  Presque  toute  la  l""^  scène  se  développe 
sur  ce  nouveau  motif,  d'une  importance  considérable,  et 
l'un  de  ceux  que  Wagner  s'est  complu  à  présenter  sous 
les  aspects  les  plus  variés  et  inattendus,  après  l'avoir 
exposé  dans  sa  forme  la  plus  simple  dès  le  début  du 
Prélude. 

Allegro  molto  ^^  ^^^'^ 


£1'     ^^ 

■^v 

K 

kJ-i  Q — 

^ — tr-ir1 

\^\ 

V    2       —\ 

^ — M- 
-H 

^^  ^.     -• 

ANALYSE    MUSICALE  321 

C'est  Le  Jour,  ennemi  des  amours  de  Tristan  et  Iseult. 

[Voici  comment  on  le  retrouvera  à  la  scène  ii,  dans  l'ensemble 
en  la  bémol,  à  trois  temps  : 


^ 

ISEULT 

"7^*"=) — 1 

TRISTAN 



w      vJ' 

^ 

^ 

-^ — 

'.r^^ 

pj)  dulct 

f  ^  tCtt 

^ 
-^ 

^^1,^  !{   J     '         ^         ^'     '     1 

1 — \/ 

et  précédeuiment,  dans  le  même  duo,  par  diminution 
ISEULT 


En  voici  une  autre  forme,  très  fréquente  dans  le  même  morceau, 
ISECLT 


■    J' M      n 

H F ^ 

et  enfin  le  voici,  cette  fois  par  forte  augmentation,  tel  qu'il  est  pré- 
senté par  Brangaine  protégeant  les  amours  de  Tristan  et  Iseult  : 


322 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


1/  1 

BRANGAir^E 
P 

=3>^ 

k^M-f  ---^ 

_^: 

r  r 

._ 



_ 

^>  ;.  Jf  f — 

W ~F~ 

pz: 

i- 

===^=q 

^^ 

M 

^ 

bî 

^=^= 

""r^ 

ft^^ 

R- 

kL  sJp  T 

-<V^  .<<-: 

^ 

H-^ 

.-^ 

IN  *<^ 

1 V— 

4  LLLT' 

-M *^ 

J 1 \L 

Une  chose  à  observer,  c'est  que  les  deux  notes  initiales  de  ce 
motif  sont  tantôt  en  rapport  de  5te.  tantôt  en  rapport  de  4te  ;  dans 
le  premier  de  ces  deux  cas,  il  a  une  ressemblance  très  marquée 
avec  celui  de  Gloire  à  Tristan,  dont  il  n'est,  pour  mieux  dire,  que 
la  transposition  en  mineur. 

Il  subit  encore  beaucoup  d'autres  transformations,  que  je  ne  puis 
noter  toutes  ici,  et  qu'on  aura  plaisir  à  rechercher  dans  la  parti- 
tion.] 


ANALYSE    MUSICALE  323 

Dès  la  9^  mesure  du  Prélude  se  dessine  le  motif  de  V  Im- 
patience, qui  pourtant  n'atteint  sa  forme  définitive  qu'à  la 
21^  mesure  : 


3  3  3  3 


[îl  trouvera  son  emploi  principal  lorsque  Iseult,  après  avoir  fait  à 
Tristan  le  signal  convenu,  l'attend  anxieusement.] 


A  peine  quelques  mesures  plus  loin,  ce  motif,  très 
légèrement  modifié,  se  combine  heureusement  avec  celui 
de  L'Ardeur  (qu'on  nomme  aussi  l'Appel  d'amour),  dune 
imi^ortance  considérable  dans  tout  cet  acte; 

L'ARDELR 


JTn  nj..  Jrrj 


-.. ^-^ 

— e — — 

V   ^P   9        ^  — 

324  VOYAGE   A    BAYREUTH 

le  voici  sous  une  deuxième  forme, 


BRA.VGAINE  1SEULT 


qui  en  change  complètement  le  caractère.  Il  subit  en  géné- 
ral peu  de  transformations,  et  il  en  est  de  même  du  sui- 
vant, L'Élan  passionné. 


i:  ELA?s  PASSIOISISE 


[que  nt»us   retrouverons  pourtant,    par  augmentation  et  en  partie 
syncopé,  à  la  scène  il,  peu  avant  L'Invocation  à  la  nuit  : 


Il  reparaîtra  encore,  à  la  fin  de  l'ouvrage,  pour    servir  d'accom- 
pagnement aux  dernières  paroles  d'Iseult.] 

Le   Chant  d'amour,  qui  forme  la  trame  orchestrale  de 


ANALYSE   MUSICALE 


525 


toute  la  partie  de  cette  scène  qui  précède  l'extinction  de 
la  torche,  et  dont  l'allure  tout  italienne  ne  laisse  pas  de 
surprendre  ceux  qui  n'ont  pas  encore  remarqué  combien 
elle  est  fréquente  chez  Wagner, 


I.E  CHA.'ST  D'A)IOVH 


ISEL'LT 


m 


i^^^^J^j- ,f"^j^il^^P}4 


se  représente  ensuite  très  fréquemment  dans  le  reste  du 
2°^^  acte. 

Parmi  les  thèmes  déjà  connus,  ceux  qui  concourent  spé- 
cialement à  la  structure  musicale  de  cette  V^  scène  sont  : 
Le  Désir,  Le  Breuvage  mortel,  La  Mort,  L'Impatience, 
et  ils  se  présentent  à  peu  près  dans  l'ordre  ci-dessus. 

Scène  ii.  — Cette  scène  n'est  qu'un  long  Duo  d'amour 
(Brangaine  dit  bien  quelques  mots,  mais  elle  est  invisi- 
ble, sur  la  tour);  pendant  le  premier  ensemble,  la  partie 
symphonique  présente  les  plus  beaux  entrelacements 
des  motifs  de  L'Elan  passionné,  de  L'Ardeur;  plus  loin 
reparaît  le  thème  du  Jour,  celui  de  Gloire  à  Tristan, 
le  Chant  d'amour,  le  Breuvage  mortel;  puis  apparaît, 
d'abord  sous  cette  forme  provisoire,  et  fort  peu  après 
sous  sa  forme  définitive,  L'Invocation  à  la  nuit,  large  et 
suave  cantilène, 


326 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


J.WOCATIOy  A   LA    MIT 


TRISTAN 


qui  donne  lieu  à  un  deuxième  et  important  ensemble,  d'une 
beauté  saisissante. 


ISEL'LT 


ANALYSE  MUSICALE 


32T 


Au  cours  de  ce  même  ensemble,  constamment  soutenu 
par  un  rythme  syncopé  plein  de  vie  et  de  passion,  où 
transparaissent  quelques  notes  du  Jour,  la  phrase  subit 
de  nombreuses  et  profondes  modifications;  elle  revêt 
notamment  cet  aspect  tout  nouveau,  résultant  de  l'intro- 
duction de  notes  de  passage,  et  d'une  structure  tout  autre 
de  sa  coupe  harmonique,  qu'on  appelle  quelquefois  «  La 
nuit  révélatrice  ». 


Lento  moderato 

ISEULT 

phiUtipil/l' 


[Or,  il  faut  noter  que  lorsque  cette  même  phrase,  avec  ses  notes 
de  passage,  mais  par  mouvement  contraire,  renversée,  sera  enten- 
due au  dernier  acte,  sa  signification  sera  tout  autre  et  entraînera 
l'idée  du  Soupçon.] 


328 


VOYAGE   A   BAYREUTH 
LE  SOVPÇON 


TRISTAN 


ISEL'LT 


LA  MO  HT  LIBEHATRICR 


va/lcu(. 


^ 


^m 


Vers  la  fin 
apparaît  le  mo- 
tif de  La  Mort 
libératrice,  avec 
ses  si  curieuses 
dissonances. 


fe^— i-^= 


i 


ANALYSE   MUSICALE 


329 


[qui  réapparaîtra  souvent  dans  le  reste  du  drame,  tantôt  aux  voix, 
tantôt  à  l'orchestre,  rarement  modifié  en  tant  que  contour  mélodi- 
que, mais  souvent  avec  des  variantes  harmoniques  ou  rythmiques.] 


Aussitôt  cet  ensemble  terminé,  Brangaine,  du  haut  de 
la  tour,  fait  entendre  le  motif  du  Jour  sous  la  forme  indi- 
quée page  320,  puis  arrive  alors  ce  ravissant  motif: 


LA  FELICITE 


■iintifjvviiioll't  Iriuif] 


■^^-¥ ■ ^-^ M -=^ 


J.J,  li..l 


i 


^^ 


^^ 


^=F 


|iJ'P-j^J    rfh 

y 

"    T  r   ^ 

^  n  ,X-,f 1- 

4^- 

d'un  charme  pénétrant  et 
d'une  suavité  idéale,  expri- 
mant si  bien  le  bonheur 
calme  et  La  Félicité, 


330  VOYAGE    A    BAYREUTH 

[lequel  ne  sera  jamais  reproduit  intégralement;  mais,  outre  les  ré- 
pétitions partielles,  de  nombreuses  allusions  y  seront  faites,  et  il 
sera  fréquemment  transformé  ;  je  signale  seulement  ici  l'une  des 
plus  curieuses  formes,  à  5  temps  et  à  la  basse  (3*  acte,  scène  ii).] 


TRISTAN 


Voici  maintenant  le   superbe  Cliant  de  Mort  sous  les 
deux  aspects  qu'il  revêt  dans  cette  scène, 


LE  CHAM  DE  MORT 


TRISTAN 


ANALYSE  MUSICALE 


331 


^      TRISTAN 


OÙ  il  fournit  un  troisième  et  merveilleux  ensemble. 

[Dans  la  scène  finale  du  drame,  légèrement  modifié,  il  servira  de 
base  au  chant  d'Iseult,  jusqu'au  moment  où  celle-ci.  s'exallant  de 
plus  en  plus,  trouvera  son  soutien  dans  le  motif  de  L'Élan  passionné.] 


-.^.    f^^     ^7T-.      ^Ç}-.^-'^^-*^ 


Après  divers  retours  de  La  Félicité,  de  La  Mort  libéra' 
trice,  du  Breuvage  mortel,  du  Jour,...  la  scène  se  termine 
par  l'arrivée  subite  de  Mélot  et  du  roi  Marke. 


332 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


Scène  m.  —  Aussitôt  apparaissent  de  nouveau  les  mo- 
tifs de  l'Impatience,  du  Chant  de  Mort,  du  Jour,  puis  deux 
autres  thèmes,  qui  n'auront  pas  d'emploi  ailleurs  qu'en 
cette  fin  d'acte;  d'abord  celui-ci,  qui,  très  en  dehors  dans 
l'orchestre,  souligne  la  peine  profonde  qu'éprouve  le  roi 
Marke  en  constatant  la  trahison  de  Tristan  :  c'est  Ze  Cha- 


grin de  Marke, 


ME  LOT 


LE  CHAGBiy   DE   MABKi: 


(Le  sentiment  qui  domine  chez 
l'excellent  roi  Marke,  ce  n'est  pas 
la  colère,  ce  n'est  pas  la  jalousie, 
ce  nest  pas  le  désir  de  vengeance, 
ni  la  haine  :  c'est  une  vive  afflic- 
tion, un  profond  chagrin  :  comme 
3  c'est  bien  exprimé  î) 
puis,  peu  après,  cet  autre,  qui  caractérise  sa  Consterna- 
tion et  peut-être  aussi  celle  de  Tristan  : 


ANALYSE   MUSICALE 


LA  coys.TEHyATioy 

Lento  moderato.comeprimo 


;à^ 


m 


^ 


E 


p     cspies'^ivo e  rfclce. 


^ 


W= 


La  fin  de  celte  scène  est  construite  en  grande  partie  à 
l'aide  de  ces  deux  nouveaux  motifs,  avec  de  fréquents 
rappels  de  La  Colère,  L'Aveu,  Le  Désir,  La  Félicité,  La 
Mort  libératrice,  et  L' Invocation  à  la  nuit. 


3me  Acte. 

Scène  i.  —  Le  Prélude  nous  transporte  de  suite  au 
manoir  de  Tristan,  au  moyen  d'un  motif  en  exprimant  ad- 
mirablement Za  Solitude,  qui  ne  sera  employé  qu'au  début 
de  ce  dernier  acte,  mais  dont  les  notes  initiales  ne  sont 
pas  sans  une  certaine  analogie  avec  le  motif  déjà  connu 
du  Désir. 

En  l'analysant  par  fragments,  on  découvre  dans  ces 
premières  notes  le  sentiment  de  la  désespérance  causée 
par  la  fatalité,  auquel  succède,  dans  la  montée  en  tierces 
et  quartes  augmentées,  Timage  de  la  solitude,  de  l'infini 
de  l'Océan;  un  nouveau  dessin  exprime  l'état  de  détresse 
et  d'isolement  où  se  trouve  Tristan  (voir  p.  338);  après 
un  triple  point  d'orgue,  les  mêmes  dessins  se  reprodui- 
sent, suivis,  cette  fois  (au/7*j,  des  dernières  notes  de  La 
Mort;...  puis  la  montée  par  tierces  revient  une  troisième 
fois  et  forme  le  lien  avec  la  l""*^  scène. 

L'iusemble  de  ce  Prélude,  d'une  profonde  mélancolie, 
prédispose  merveilleusement  l'esorit  au  dénouement  du 
drame. 


434  VOYAGE   A    BAYREUTH 

LA  SOIJTl  DE 
Lento  moderato 


Aussitôt  le  rideau  levé,  on  entend,  derrière  la  scène, 
un  navrant  solo  de  cor  anglais  sans  aucun  accompagne- 
ment,  fort  curieusement  développé  et  expressif. 
LA  TRISTESSE 


•:    [Au  déûut  du  1"  acte,  un  jeune  matelot  chantait  dans  les  mâts  dj 
navire,  et  un  fragment  de  sa  chanson  a  fourni  le  motif  de  La  Mer; 


ANALYSE    MUSICALE 


335 


ici,  c'est  un  pâtre  qui  joue  sur  son  chalumeau  un  chant  triste  et 
plaintif,  qui  servira  dans  l'orchestre  à  accompagner  une  bonne  par- 
tie du  récit  de  Tristan  en  délire,  après  que  le  pâtre  l'aura  fait  en- 
tendre une  seconde  fois.] 

Cet  autre  motif  est  spécial  au  personnage  àe  Kurwenal, 
dont  il  dépeint  piltoresquement  l'allégresse  d'abord  lors- 
que Tristan  rouvre  les  yeux,  comme  plus  tard  lorsqu'il 
pense  quiseult  peut  le  guérir  définitivement. 

IJ  ALIÈGHESSE  DE  hliBWEyAL 
KLRWENAL 


râ:^ 

^• 

^ 

^= 

■3 

M: 

"3 

4 

^ 

3 

=3= 

=^^f#= 

L. 

V 

A- 

cr 

'St. 

— u> 

ta. ' 

- 

^^ 

^  i — 

y^^ 



i 

[Il  apparaîtra  encore  au  moment  où  Kurwenal  s'élance  sur  la 
suite  du  roi  Marke  pour  y  trouver  la  mort,  à  la  fin  de  la  scène  m.] 

Le  calme  et  paisible  motif  de  Karéol,  formant  une  oppo- 
sition souriante  à  l'angoisse  de  l'action,  n'apparaît  que 
deux  fois,  et  assez  rapprochées,  '  l'orchestre,  pour  rap- 
peler à  Tristan  le  temps  heureux  de  sa  jeunesse. 


hAHEOL 


KUKWENAL 


^ 


336 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


A  partir  d'ici,  tous  les  principaux  Leit-motifs  se  î)res- 
sent  dans  un  tel  enchevêtrement  que  leur  énuraération 
deviendrait  fastidieuse;  au  surplus,  on  les  a  rencontrés 
déjà  assez  souvent  pour  les  reconnaître  facilement,  soit  à 
la  lecture,  soit  à  l'audition.  Parmi  les  plus  fréquents,  on 
peut  pourtant  appeler  l'attention  sur  :  Gloire  à  Tristan, 
La  SoUtiule,  puis,  après  un  retour  de  Karéol,  L'invoca- 
tion  à  la  nuit,  La  Mort  libératrice. . . 

Un  seul  motif  nouveau  reste  à  signaler;  celui-ci  aussi 
dépeint  la  Joie,  mais  il  n'est  pas,  comme  celui  de  L'Allé- 
gresse, spécialement  attaché  à  un  seul  personnage;  il  se 
rapporte  aussi  bien  à  la  joie  de  Tristan  qu'à  celle  de  Kur- 
wenal;  de  Tristan  lorsque,  dans  sa  fièvre,  il  croit  voir 
Iseult  arriver,  de  Kurwenal  lorsque  celui-ci  peut  enfin, 
en  frappant  à  mort  le  traître  Mélot,  venger  son  maître. 


TRISTAN 


lA    JOIE 


ANALYSE    MUSICALE 


337 


Les  scènes  ii  et  m  ne  fournissent  pas  de  motifs  nou- 
veaux; voici  l'ordre  dans  lequel  on  retrouvera  les  précé- 
dents, qui  y  fourmillent. 

Scène  ii.  —  L'Invocation  à  la  nuit.  Le  Chant  d'amour, 
La  Délii^rance,  La  Félicité,  L'Ardeur,  La  Mort,  Le  Désir 
L'Aveu,  Le  Regard,  La  Mort  libératrice.  Le  Chant  de  mort, 
TYistan  blessé,  Le  Breuvage  de  mort... 


ScÈNF.  ni.  —  La  Joie,  Karéol,  Le  Chant  de  mort,  L'Aveu, 
Le  Désir,  L'Élan  passionné,...  et  le  rideau  se  referme  sur 
une  dernière  transformation  du  Désir. 


338 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


En  dehors  de  ces  thèmes  essentiels,  il  en  est  plusieurs 
d'une  importance  secondaire,  mais  pourtant  d'un  usa^e 
assez  fréquent,  tel  le  motif  de  L' Exaltation,  apparaissant 
dès  le  1"  acte, 


puis  au  2%  au  moment  de  l'arrivée  de  Tristan.  Plusieurs 
fois,  il  sert  de  développement  au  motif  de  La  Colère. 

Seulement  à  partir  du  3^  acte,  mais  dès  le  Prélude,  on 
rencontre  celui-ci,  très  expressif  : 


lAhKJHESSF.    DE   THÏSTAIS' 


L' Anéantissement  ne  se  présente  que  deux  fois,  sous 
des  formes  très  distinctes,  à  la  scène  i,  après  la  deuxième 
apparition  de  Karéol, 


AN  À  L  Y  s  E    M  U  s I C  A  L  E 


339 


TRISTAN  Adagio 


et  tout  à  fait  à  la  fin.  presque  aux  derniers  mots  d'iseult. 


Celui-ci  aussi,  également  à  la  scène  i,  arrivant  fort  peu 
après  le  précédeaf.  *- 


ZkO 


VOYAGE   A    BAYREUTH 
UaMOVH  IMi'LACABLE 


TRISTAN 


Oet  autre,  à  la  scène  ii,  devançant  de  quelques  pages 

un  charmant  rappel  de  La  Félicité  : 

MALEDlCTWy  m  PHILTHE  ir  AMOIH 
TRISTA.V 


Ce  dernier  enfin,  aussitôt  après  la  mort  de  Triitiîi. 
LA    MOHT  VAhTAGÉE 


^       ISEL'LT 


On  pourrait  certainement  en  signaler  beaucoup  d'au- 


ANALYSE    MUSICALE  3U 

très,  mais  ceux-ci  me  ]:)araissent.  suffisants  pour  l'intelli- 
gence de  l'œuvre  ;  d'ailleurs,  en  entrant  dans  cette  voie,  on 
ne  saurait  exactement  où  s'arrêter,  et  on  arriverait  finale- 
ment à  trouver  des  Leit-motifs  là  où  il  n'y  a  que  de  la  belle 
déclamation  lyrique  et  des  formes  caractéristiques  du 
langage  musical  de  Wagner.  L'essentiel,  c'est  que  le  lec- 
teur sache  qu'il  lui  en  reste  à  découvrir  qui,  pour  êlre 
secondaires,  n'en  sont  pas  moins  intéressants. 


20 


LES  MAITRES  CHANTEURS  DE  NUREMBERG 


DÉ>ia>'ATIO>' 

des 

principaux:  L^it-motifs 

des  MAITRES  CHANTEURS 

daus  lordre  de  leur 

première  apparition 

intégrale. 

SCÈNES  : 

> 

3 

• 
• 

© 

1"- 

ACTE 

4 

Orne 

ACTE 

_o 

3me 

ACTE 

• 

1 

l.r 

3 

.2 

5 

• 

• 
• 

1 

2 

3 

9 

1 

•• 

• 

• 

• 

2 

• 

• 
• 

3 

• 
• 

4 

• 

5 

• 

• 

• 

• 
• 

• 

6 

• 

• 
• 
• 

• 
• 
® 

1 

• 
• 

• 
• 

• 
• 

• 

• 

• 

• 
• 

2 

• 
• 

• 
• 

• 
• 
• 

• 

3 

• 

• 

• 

• 
• 

• 
• 

4 

• 

• 
• 

• 

• 

• 
• 

• 
• 

Les  ^laîtres 

®  • 
•  @ 

L'Amour  naissant 

La  Bannière 

La  Passion  déclarée 

L'Ardeur  impatiente. . . 
David 

La  Couronne    ......... 

W'alther 

Beckmesser  querelleur. 

Motif  patronal   de  Nu- 

Éva 

Calme  de  la  nuit  dété. . 

•• 

•• 

•• 

La  Bastonnade 

Profonde     émotion     de 

•• 

•• 

•• 

Nuremberg  endimanché 

Harmonie  du  Songe 

Récit  du   Songe  (Chaut 
de  Maîtrise 

Anxiété  d"Éva 

•• 

•• 

•• 

"" 

** 

•• 

.. 

•• 

iLA^^^ 


14$  CcrchoUtCL^ni^^^  -  C^Ul^  vi^iM^^c^fn^XL^ù-i-^^^--^ 


von  Ji  OULà  L>La^  C^Cn^UjCU^àiLolû^  a^h^<KK  'VlMlJ^ 
foCLA^CZ^  Ù4.AJL  <iJL  ci^^kL^g^^UX^cxA-  OOJ^to  cÙ^uh 


CO*U^O'CX)UC^L^VTL^    <i^L4^ 


ANALYSE    MUSICALE 


343 


OUVERTURE 

L'Ouverture  des  Maîtres  Chanteurs,  bien  qu'elle 
constitue  un  superbe  portique  à  1  œuvre  et  un  morceau 
symphonique  en  apparence  indépendant  et  complet  par 
lui-même,  ne  peut  être  entièrement  comprise  et  admirée 
comme  elle  le  mérite  que  par  celui  qui  a  déjà  une  con- 
naissance complète  de  l'ouvrage  entier,  c'est-à-dire  à  une 
deuxième  lecture  ou  aune  deuxième  audition.  Elle  est 
construite  sur  cinq  thèmes  pris  parmi  les  plus  importants 
de  l'ouvrage,  dont  elle  expose  le  sujet  réduit  à  sa  plus 
grande  simplicité.  Deux  de  ces  thèmes  font  connaître  la 
docte  et  prétentieuse  corporation  des  Maîtres  Chanteurs; 
les  trois  autres  nous  dépeignent  les  diverses  phases  de 
l'amour  d'Eva  et  du  chevalier  Walther  de  Stolzinc^ 

Tout  d'abord,  des  accords  lourds  et  pompeux,  d'une 
allure  à  la  fois  noble  et  pédante,  affectant  un  rythme  de 
marche 


LES  MAiTHES 

Moderato,  sempre  largamente  e  pesante 


dessinent  énergiquement  le  caractère  des  Maîtres  Chan-^ 
teurs,  gens  à  convictions  profondes,  à  principes  inébran- 
lables, respectables  au  fond,  mais  poussant  parfois  leur 
zèle  jusqu'à  l'absurdité;  d'ailleurs  gais  et  dispos. 

Par  une  douce  opposition,  aussitôt  se  fait  entendre  le 
charmant  motif  de  Z'^moMr«a/55(3«?,  à  la  fois  léger,  discret, 
déjà  tendre  pourtant  :  l'éclosion  de  l'amour  inconscient  : 


3'i4 


VOYAGE   ^   BAYREUTH 


L'AMOVH  iSAJSSA^T 
Molto  tranquilio 


fNous  le  retrouverons  sans  cesse  dans  l'ouvrage,  parfois  indiqué 
seulement  par  quelques  notes  initiales.] 

Cet  épisode  est  court  :  14  mesures;  bientôt  apparaît  un 
2^  motif  caractéristique  des  Maîtres. 
Celui-ci  a  nom  La  Bannière  : 

LÀ  BAyyiÈRE 


i.Ll''u{?iJ    '   ^   I 


^m 


^ 


^M 


i 


Il  est  moins  bourgeois,  je  dirais  presque  plus  héraldi- 
que que  le  motif  des  Maîtres  proprement  dit;  on  voit  la 
bannière  flotter  largement  au  vent,  la  belle  bannière  avec 
le  roi  David  jouant  de  la  harpe,  le  signe  extérieur  et 
glorieux  de  la  dignité  de  la  corporation,  lemblème  de  sa 
science,  de  sa  fidélité  aux  règles,  de  son  orgueil. 

[De  même  qu'une  bannière  est  faite  pour  être  portée  en  tête  de 
toute  société  ou  maîtrise  qui  se  respecte,  lorsqu'elle  a  à  se  mani- 
fester, à  prendre  part  à  une  fête  ou  une  réjouissance  publique,  nous 
verrons  le  motif  de  La  Bannière  faire  escorte  à  celui  des  Mai'lres 
dans  toutes  les  grandes  circonstances.] 


ANALYSÉ   MUSICALE  345 

Ce  motif  s'étale  largement,  ayant  pour  continuation  de 
beaux  développements  qui  font  voir  sous  de  nouveaux 
aspects  le  motif  des  Maîtres,  lequel  se  termine  par  une 
majestueuse  cadence.  Après  un  court  épisode  de  huit 
mesures  (qu'on  a  appelé  l'Interrogation  d'amour),  il  se 
présente  un  nouveau  thème  d'importance  capitale,  La 
Passion  déclarée. 

Là  PASSlOy  hECLAHEE 


[qui  parcourra  tout  l'ouvrage,  et  trouvera  sa  plus  haute  expression, 
comme  sa  forme  définitive,  au  dernier  acte,  dans  le  chant  de  maî- 
trise, puis  lorsque  le  peuple  s'associe  au  triomphe  de  Walther  et  de 
son  amour.] 

Un  dernier  motif,  attaché,  celui-ci,  au  seul  personnao-e 
de  Walther,  entre  encore  dans  la  contexture  de  l'Ouver- 
ture. On  l'appelle  L'Ardeur  impatiente. 


VAHitEiH  impatie:ste 


[Nous  le  verrons  hanter  spécialement  le  bon  Sachs,  notamment 
vers  la  fin  de  la  scène  m  du  2"  acte.] 


34C 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


Molto  soslenuto 

SACHS 


L'Ouverture  se  développe  ensuite  par  des  alternances 
de  ces  divers  motifs,  jusqu'au  moment  où  trois  d'entre 
eu3r  :  Les  Maîtres,  La  Bannière,  et  La  Passion  déclarée ^ 
se  combinant  simultanément  de  la  façon  la  plus  ingé- 
nieuse, viennent  nous  faire  pressentir  ce  que  sera  le 
dénouement  de  l'action  elle-même  :  l'alliance,  la  fusion 
de  l'Art  savant,  mais  routinier,  des  vieux  Maîtres  avec  un 
Art  nouveau,  plus  spontané,  celui  de  Walther,  inspiré 
par  l'amour. 

Cette  Ouverture  est  donc  entièrement  symbolique;  elle 
résume  l'action,  en  écartant  les  personnages  épisodiques 
et  les  incidents  burlesques,  et  en  expose  nettement  la 
conception  philosophique,  qui  a  puissance  de  thèse. 


1=-^  Acte. 

Scène  i.  —  Au  lever  du  rideau,  et  pendant  les  points 
d'orgue  du  Clioral  du  Baptême  [p.  264),  Walther  exprime 
d'abord  sa  flamme  par  une  mimique  expressive,  qu'ac- 
compagnent tout  naturellement,  ainsi  que  son  dialogue 
avec  Eva,  les  motifs  de  L'Amour  naissant,  L'Ardeur  impa- 
tiente, La  Passion  déclarée.  Ensuite,  préparant  l'Assem- 
blée des  Maîtres,  nous  voyons  pour  la  première  fois  ^a- 


ANALYSE    MUSICALE  347 

vid,  avec  son  motif  gai  et  sautillant,  à  l'air  bon  garçon  : 


s/r/, 

Plus  loin  nous  retrouvons  de  fréquents  emprunts  aux 
Maîtres  et  à  La  Bannière,  ainsi  qu'aux  motifs  d'amour 
précités. 

ScÈxE  II.  —  La  scène  11  ne  nous  fait  connaître  que 
deux  nouveaux  thèmes  :  celui  de  Saint  Crépin,  patron  des 
cordonniers,  personnifiant  Hans  Sachs  dans  l'exercice 
prosaïque  de  sa  profession  manuelle, 

S^CHÉPlPi  (ou  HANS  SACHS   CORDONNIER) 
DAVID 


qui  apparaît  ici  une  seule  fois  à  l'orchestre  pendant  que  Da- 
vid, tout  en  vaquant  à  ses  occupations,  s'efforce  d'ensei- 
gner à  Wallher  les  règles  saugrenues  de  la  tablature  ;  et 
celui  de  La  Couronne,  la  belle  couronne  de  Qeurs,  en  forme 


348 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


de  refrain  populaire,  que  David  chante  le  premier,  et  que 
les  écoliers  joyeux  et  espiègles  reprennent  en  chœur. 


LA  c  or  HO  y. y  t: 


PAVID 


i_A  chacun  de  ses  retours  il  restera  caractéristique  de  la  joie  en- 
fantine des  écoliers,  qui  le  chai.tent  souvent  en  dansant  une  ronde 

folle.] 

Avant  l'exposition  de  ces  deux  thèmes,  ceux  de  David, 
de  L'Amour  naissant,  de  La  Bannière,  de  L'Ardeur  impcjm 
tiente,  sont  assez  souvent  rappelés. 

Scène  m.  —  Accompagnant  l'entrée  de  Pogner  et 
Beckmesser,  nous  entendons  le  thème  de  L' Assemblée  : 

L'ASSEMBLÉE 


celui-ci  représente  les  Maîtres,  non  plus  dans  leurs  fonc- 
tions extérieures,  leur  apparat,  mais  dans  leurs  occupa- 
tions intérieures  et  en  quelque  sorte  administratives, 
leurs  examens  d'admission,  auxquels  ils  conservent  les 


ANALYSE    MUSICALE  3/i9 

mêmes  formes  solennelles  et  rituelles,  le  même  sentiment 
de  leur  importance.  Moins  bouffi  d'orgueil  que  celui  des 
Maîtres,  moins  fanfaron  que  celui  de  La  Bannière,  celui- 
ci  est  empreint  d'une  onction  et  d'une  dignité  voisines  de 
la  fatuité,  et  achève  délicieusement  le  portrait  musical 
de  la  docte  confrérie.  Il  règne  pendant  tout  le  temps  où 
entrent  successivement  les  douze  apôtres  de  l'art,  puis 
aussitôt  après  l'appel  de  leurs  noms,  Pogner  nous  fait 
connaître  un  motif  plein  de  sérénité,  La  Saint-Jean, 


POGNER 


i.AS\n:Ais 


qui,  en  lui-même,  exprime  la  joie  et  l'allégresse  de  la  fête 
patronale,  laquelle  sera  célébrée  le  lendemain,  mais  qui 
pour  l'instant  est  inséparable,  dans  l'esprit  du  brave  or- 
fèvre, de  la  satisfaction  qu'il  éprouve  à  l'idée  que  sa  fille 
Eva  sera,  avec  sa  fortune,  le  prix  du  concours,  que  ceia 
la  rendra  très  heureuse  et  relèvera  fameusement  le  pres- 
tige de  la  docte  corporation. 

Après  son  discours,  le  motif  de  La  Saint-Jean  se 
combine  avec  L'Assemblée  et  avec  Les  Maîtres;  La  Cou- 
ronne fait  deux  courtes  apparitions.  La  discussion  s'aigrit, 
tout  le  monde  parle  à  la  fois.  C'est  alors  que  Pogner  pré- 
sente le  chevalier  Walther  de  Stolzing  aux  Maîtres  assem- 
blés, et  voici  le  motif  qui  accompagne  cttte  présentation, 


S50 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


motif  dessinant  en  quelques  notes  sa  tournure  élégante  et 
svelte,  sa  distinction  de  race  : 


WALTHEH 

Tranquillo  e  niisuralo 


[Ce  fier  motif,  qui  ne  s'applique  jamais  qu'à  Walther,  traversera 
tout  le  reste  de  l'ouvrage.] 

Il  est  très  amusant  de  voir  la  façon  dont  il  est  dénaturé, 
au  cours  de  la  même  scène,  une  dizaine  de  pages  plus 
loin;  c'est  alors  Walther  tel  que  le  voit  Beckmesser  à  tra- 
vers les  yeux  hargneux  de  sa  jalousie  : 


KOTHNF.R 


BECKMESSER 


Walther  chante  presque  aussitôt  son  ravissant  Lied, 
«  fô  Lied  aux  Maîtres  de  Walther  ».  (Voir  p.  265.) 

Kothner  donne,  sur  une  psalmodie  bizarre  et  archaïque, 
lecture  des  règles  immuables  de  la  tablature  ;  Beckmesser 
lance  son  rauque  :  «  Commencez!  »  et  Walther,  saisissaiu 
le  mot  au  vol,  improvise  son  Hymne  au  Printemps  (voir 


ANALYSE    MUSICALE 


351 


p.  2G6),  qui  est  fort  mal  accueilli^  surtout  par  Beckmes- 
ser,  ce  qui  était  à  prévoir, 

HKCKMESSEH    QIEHEILEVH 
VVALTHEH 


dont  ce  motif  saccadé,  cassant,  plein  de  dissonances  que 
l'orchestre  se  plaît  à  rendurcir,  dépeint  bien  le  cara;c- 
tère  rechigné,  querelleur,  sournois  et  chicanier. 

Une  sorte  de  lutte  s'établit  à  l'orchestre  entre  le  motif 
de  Beckmesser  et  ceux  de  Walther,  comme  sur  la  scène 
entre  les  deux  personnages,  jusqu'au  moment  où  Hans 
Sachs  prend  la  parole.  Poursuivi  parle  souvenir  de  L'ar- 
deur impatiente^  il  s'exprime  avec  une  onction  douce  et 
calme  qui  fait  un  heureux  contraste  avec  les  violences  pré- 
cédentes. Voici  le  thème  qui  a  été  nommé  La  Bonté  de 


LA  BOiyTE    liE   SACH: 


SACHS 


352 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


[Jusqu'ici,  il  ne  peut  éprouver  pour  Walther  que  de  Ja  sympathie; 
aussi  lorsque, plus  tard,  nous  retrouverons  ce  motif  au  3^  acte,  scèneii, 
il  aura  acquis  toute  son  expansion;  ce  n'est  plus  alors  seulement 
de  la  sympathie  qu'il  exprimera,  mais  le  plus  affectueux  des  dé- 
vouements.] 


SACHS 


Dans  le  reste  de  la  scène,  la  querelle  s'envenime  de 
plus  en  plus  entre  tous  les  motifs,  et  finalement  le  pauvre 
Sachs  est  battu  par  le  haineux  Beckmesser,  aidé  d'un  mé- 
chant rappel  de  Saint  Crépin. 

^Yalthe^  est  évincé.  Les  Écoliers  s'en  amusent  sur  l'air 
de  La  Couronne;  les  Maîtres  routiniers  triomphent,  mais 
quand  le  rideau  tombe,...  un  basson  vengeur  tourne  en 
ridicule  le  motif  des  Maîtres! 

S"»  Acic. 

Scène  i.  —  Le  Prélude  du  2^  acte  rappelle  le  motif  de 
La  Saint- Jean.  —  Le  rideau  levé,  il  alterne  avec  La  Coii^ 
ronne,  celui-ci  chanté  et  dansé  par  les  Écoliers. 


Scène  ii.  —  Pendant  le  dialogue  entre  Pogner  et  sa 
fille,  se  fait  jour  dans  l'orchestre  Le  motif  patronal  de  Nu- 
remberg, qui  représente  bien  le  brave  bourgeois  alle- 
mand du  xvi^  siècle,  le  contentement  qu'il  éprouve  de  la 
fête  populaire,  de  ce  repos  à  la  fois  joyeux  et  pompeux, 


ANALYSE    MUSICALE  353 

qui  flatte  sa  vanité  de  bon  citoyen  aisé,  motif  calme,  sans 
bruit,  sans  tapage,  d'une  gaieté  placide  et  un  peu  lourde. 

yOTlF  PATHOiyAL  Î)F.   M'HEMBEBG 
POCNER 


Les  motifs  de  Saini  Crépin  et  de  L'Amour  naissant,  à 
peine  indiqués,  sont  les  seuls  de  cette  scène. 

Scène  m.  —  Après  quelques  nouvelles  allusions  à 
Saint  Crépin,  le  motif  de  L'ardeur  impatiente  prend  une 
grande  importance  pendant  le  Monologue  de  Sachs,  de 
plus  en  plus  ému. 

Scène  iv.  —  Ici  apparaît,  avec  Eva,  son  thème  carac- 
téristique, empreint  de  grâce  et  de  charme.  C'est  bien  le 
type  de  la  jolie  fille  allemande,  gracieuse  sans  coquette- 
vie,  simple,  P.aîve  et  sensible,  intelligente  aussi 


>ACHS 

EVA 

— ^ — ? P — f ^ — 

=s 

sf        .       1 

^     \     \     \          '    '        1^       1 

'^.r-^    h 

J  •      .  ^^   J^  ^ 

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t^ — 

A'iPS  J   " 

jj^ ! \. 

< 

V  \^  - 

— \— 

21 

354 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


EVA 


C'est  bien  ainsi  que  doivent  la  voir  \Yalther  avec  son 
enthousiasme  de  poète,  Sachs  avec  sa  tendresse  quasi 
paternelle.  Elle  se  fait  câline  auprès  du  bon  Sachs  pour 
tâcher  de  savoir  ce  qui  s'est  passé  et  ce  qui  pourra  bien 
advenir. 

Les  motifs  de  Saint  Crépin,  de  WaltJter,  de  Beckinesser 
querelleur,  reviennent  sans  cesse  sous  le  dialogue,  com- 
mentant la  conversation  animée. 

Scène  v.  —  Walther  paraît,  escorté  de  son  motif  typi- 
que ;  il  rencontre  Eva  motif  de  L'Ardeur  impatiente)  ;  ils 
causent  de  la  décision  de  Pogner  (motif  des  Maîtres);  le 
Veilleur  de  nuit  fait  entendre  sa  trompe  burlesque,  et 
aussitôt   surgit  un   nouveau  motif  d'amour,  impersonnel, 


CALME  DE  LA  MIT    D'ÉTÉ 
Moderato 


ANALYSE    MUSICALE 


355 


celui-là,  dont  l'harmonie,  d'un  charnue  exquis,  semble 
étendre  sur  toute  la  nature  son  influence  apaisante.  Le 
Veilleur  psalmodie  sa  mélopée  moyenâgeuse,  constatant  le 
calme  de  la  petite  ville,  donne  dans  le  lointain  un  dernier 
coup  de  corne  ;  et  alors  commence,  pour  ne  finir  qu'avec 
l'acte,  une  série  de  scènes  désopilantes  dans  lesquelles  la 
musique  prend  la  part  b  plus  spirituelle,  mais  inénarrable. 

ScÈ>.'E  VI.  —  Beckmesser  arrive  pour  croasser  sa  Sé- 
rénade sous  la  fenêtre  de  sa  belle  ;  il  accorde  cocassement 
son  luth,  et  Sachs  lui  coupe  la  parole  avec  sa  Chanson 
biblique  (p.  367).  Il  parvient  pourtant  à  chanter,  tant  bien 
que  mal,  et  avec  force  contorsions  ;  mais  le  malicieux 
Sachs  scande  violemment  chacune  de  ses  fautes  d'un 
grand  coup  de  marteau  sur  sa  forme  d^  cordonnier. 

La  Sérénade  elle-même  est  parfaitement  grotesque, 
aussi  bien  par  sa  musique  et  sa  prosodie  que  par  l'absur- 
dité des  paroles,  un  vrai  chef-d'œuvre  d'ineptie,  de  bouf- 
fonnerie germanique,  un  peu  lourde,  un  peu  grosse,  mais 
bien  amusante  ;  le  luth  qui  l'accompagne  est  joué  dans 
l'orchestre  par  un  des  musiciens-assistants  ;  c'est  une 
!^orte  de  harpe  informe  dont  les  cordes  ressemblent  à  de 
gros  fils  de  fer;  les  sons  qui  en  sortent  sont  horribles  et 
aussi  baroques  que  la  voix  du  greffier. 


356 


VOÏAGE   A    BAYREUTH 
LA  SÉBEISADE 


RF.CKMESSER 


Le  motif  de  Im  Sérénade  est,  clans  Tidée  de  Beckmes- 
ser,  on  le  sent,  construit  selon  les  principes  réguliers, 
bien  carré,  et  embelli  des  ornements  les  plus  ridicules. 
C'est  le  triomphe  de  la  pédanterie. 

Scène  vu.  —  Tout  ce  bruit  ameute  d'abord  les  voisins, 
puis  le  quartier  et  la  population  entière;  tout  le  monde  se 
querelle,  se  bat;  du  motif  de  La  Sérénade,  né  lui-même  de 
l'accord  du  luth,  dérive  celui  de  La  Bastonnade  : 

LA    BASTOiMSAhE 


tous  deux  sont  traités  par  Wagner  en  forme  de  fugue  des 
plus  spirituelles,  dans  laquelle  chacun  a  sa  partie,  Sachs, 


ANALYSE   MUSICALE 


357 


Walther,  les  Maîtres,  les  Apprentis,  les  Voisins,  les  Voi- 
sines; les  violons  grincent,  les  cuivres  beuglent,  le  tu- 
multe fait  rage,  et  tout  cet  admirable  charivari  n'est  fait 
qu'avec  des  fragments  du  Luth  et  de  la  malheureuse  Sé- 
rénade; c'est  Beckraesser  bafoué  par  ses  propres  motifs. 

Cn  coup  de  trompe  du  placide  Veilleur  met  tout  le 
monde  en  fuilè,  et  quand  il  arrive,  chacun  est  rentré  dans 
sa  demeure. 

Seul  règne  Le  Calme  de  la  nuit  d'été,  dont  la  fraîcheur 
repose  de  tout  cet  amusant  vacarme. 


;«"«  Acte. 


Scène  i.  —  Le  Prélude  est  tissé  au  moyen   de  trois 
motifs  nouveaux  :  La  Profonde  Émotion  de  Sachs 


PROFONDE  EM0T10?i   DE  SACHS 

Prélude  Un  poco  sostenuto 


lui  sert  de  début  comme  de  conclusion;  le  Choral  de  Sachs 
(p.  364)  et  sa  Chanson  biblique  'p.  367)  en  constituent  le 
milieu.  Le  premier,  grave  et  triste,  qu'on  a  aussi  appelé  le 
thème  de  la  Sagesse  Humaine,  a  déjà  fait  une  très  courte 
apparition,  presque  inaperçue,  au  2«  acte  (scène  iiij;  il 
va  devenir  très  important. 

Dès  le  lever  du  rideau,  il  se  combine  avec  le  gai  motif 
de  David,  formant  une  curieuse  ojiposition;  puis  vien- 
nent des  souvenirs  du  Luth,  de  La  Sérénade,  de  La  Bas- 
tonnade; peu  après,  David  chante  Le  Choral  du  Jourdain 


358  VOYAGE   A    BAYREUTH 

(p.  364';  rappel  de  La  Profonde  émotion  s'entremélant 
avec  L'Amour  naissant;  le  Motif  Patronal  de  Nurember" 
reparaît,  accompagné  d'une  nouvelle  forme  qui  semble 
caractériser  Nuremberg  endimanclié,  la  ville  en  fête; 


ffUhEMbEHG  EFs'DÎMAlSCHF 


SACHS 


Le  Calme  de  la  nuit  d'été  se  représente  à  la  pensée  de 
Sachs,  avec  de  nouvelles  réminiscences  de  La  Sérénade 
et  de  La  Bastonnade;  La  Saint-Jean  se  confond  avec  L'A- 
mour naissant.  Tous  ces  motifs  nous  font  pénétrer  dans 
la  pensée  intime  de  Sachs,  ils  se  rapportent  tous  à  l'objet 
de  ses  préoccupations,  et  son  émotion  va  croissant  à  me- 
sure quil  voit  approcher  le  moment  où  il  pourra  terminer 
son  œuvre  en  faisant  deux  heureux. 

Scène  ii.  —  Un  arpège  prolongé  nous  annonce  l'arri- 
vée de  ^Yalther,  accueilli  par  La  Profonde  émo'ion,  à  la- 
quelle se  mélange  de  nouveau  L'Amour  naissant 


ANALYSE   MUSICALE 


359 


Walther  raconte  qu'il  a  fait  un  rêve  merveilleux;  aus- 
sitôt s'esquisse  dans  l'orchestre  V Harmonie  du  songe. 


HAhMONlEDU  S0i\6E 
WALTHEB         SACHS 


[qui  ne  srira  exposée  en  entier  qu'à  la  scène  iv, 


lorsqu'il  s'agira  de  donner  un  nom  à  la  mélodie  issue  de  ce  rêve, 
c'est-à-dire  quelques  mesures  avant  le  Quintette  du  Baptême.] 


360  /'OYAGE    A    BAYREUTH 

C'est  dans  cette  scène  que  le  thème  de  La  Profonde 
émotion  de  Saclis  atteint  son  summum,  pendant  que  Sachs 
donne  à  Walther  la  plus  belle  et  la  plus  élevée  des  leçons 
de  composition.  Incidemment  reparaissent  à  chaque  ins- 
tant, soulignant  les  démonstrations,  La  Passion  déclarée, 
Walther,  Nuremberg  endimanché,  escorté  du  Motif  Patronal. 

C'est  aussi  au  cours  de  cette  leçon  que  Sachs  intercale 
la  jolie  mélodie  Souvenir  de  jeunesse  (p.  368),  et  que  Wal- 
ther ébauche  son  gracieux  et  poétique  Récit  du  songe. 


RECIT   nu   SOiVCtMChantdeMaît 


[qui  deviendra  plus  tard,  mûri  et  mis  à  point  selon  les  conseils  du 
bon  maître,  le  Chant  de  Maîtrise.] 

A  noter  que  le  début  de  la  troisième  Strophe  n'est 
autre  que  le  motif  de  La  Passion  déclarée,  qui  nous  est 
connu  depuis  l'ouverture,  et  trouve  ici  son  emploi  justifié. 

WALTHEl 


ANALYSE    MUSICALE  -%1 

Scène  m.  —  Divers  fragments  du  Luth,  de  La  Séré» 
nade  et  plus  encore  de  La  Bastonnade  accompagnent  l'en- 
trée de  Beckmesser,  non  sans  se  heurter  à  La  Profonde 
émotion,  à  Saint  Crépin,  au  Récit  du  songe,  à  Nureniherg, 
à  Beckmesser  querelleur,  etc.  Ici,  aucun  nouveau  motif. 

Scène  iv.  —  Peu  après  l'arrivée  d'Eva,  il  faut  remar- 
quer un  joli  dessin  mélodique,  d'une  charmante  souplesse, 
qui  se  prêtera  à  merveille  à  dépeindre  son  Anxiété'  dans 
toutes  les  phases  par  où  elle  passera  successivement. 


AfSXlETE    D'EVA 


EVA 


espoir,  crainte,  inquiétude...  La  plu|)ai't  des  autres  mo- 
tifs lui  font  cortège,  notamment  celui  de  WaltJier,  qui 
répète  intégralement  son  Récit  du  songe,  suivi  d'une  nou- 
velle explosion  de  La  Profonde  émotion  de  Sachs,  bien 
en  situation. 

Ici  se  place  un  fait  musical  sans  analogue  dans  toute 
l'œuvre  wagnérienne,  et  plein  d'un  spirituel  à-propos  : 

Sachs  ayant  à  dire  qu'il  connaît  l'histoire  de  Tristan 
et  Iseult,  et  qu'il  n'entend  pas  donner  un  pendant  au  Roi 
Marke,  c'est  par  des  emprunts  faits  à  la  partition  même  de 
a  Tristan  et  Iseult  y>  que  l'orchestre  souligne  ses  paroles. 
Et  combien  ils  sont  heureusement  choisis!  L'amour  de 
Tristan  et  Iseult  est  représenté  par  le  motif  du  «  Désir  », 


362  VOYAGE   A    BAYREUTH 

et  le  Roi  Marke  par  celui  de  la  «  Consternation  ».  (Voir 
p.  3i0  et  333.) 

Ensuite,  Le  Choral  du  Baptême  (acte  1^%  scène  i)  est 
plusieurs  fois  spirituellement  rappelé,  L'Harmonie  du 
songe  reçoit  ici  toute  son  extension,  puis  arrive  le  sédui- 
sant ensemble  vocal  qui  a  reçu  le  nom  de  Quintette  du 
Baptême,  et  qui  sort  singulièrement  des  habitudes  wagné- 
riennes.  Nous  en  reparlerons  fp.  369). 

Une  sorte  d'intermède  orchestral,  formé  surtout  des 
motifs  de  Nuremberg,  de  La  Saint-Jean,  des  Maîtres-,  en- 
trecoupés d'appels  de  cors  et  de  trompettes,  et  pendant 
lequel  le  décor  change,  sert  de  trait  d'union  avec  le  ta- 
bleau suivant,  entièrement  formé  d'une  seule  scène. 

Scène  v.  —  Cette  dernière  scène  de  l'ouvrage  ne  con- 
tient aucun  thème  nouveau. 

Les  corporations  défilent  :  les  cordonniers  sont  ac- 
compagnés par  La  Saint-Crépin;  les  tailleurs  et  les  bou- 
langers sont  précédés  de  leurs  fanfares  respectives;  les 
Ecoliers  dansent  une  Valse  rustique  et  pleine  d'entrain; 
enfin  l'entrée  des  Maîtres  a  lieu  aux  sons  de  leur  propre 
motif  typique,  escorté,  cela  va  de  soi  vu  la  solennité,  de 
La  Bannière,  acclamée  par  tout  le  peuple,  lequel  entonne 
spontanément  Le  Choral  de  Sachs  (p.  364),  ce  qui  redou- 
ble La  Profonde  émotion  de  l'excellent  homme. 

Il  fait  un  court  mais  chaleureux  discours,  accompagné 
par  le  dessin  de  L'Assemblée,  par  le  motif  des  Maîtres, 
et  celui  de  La  Saint-Jean.  Puis  commence  le  concours. 

Beckmesser  ouvre  le  feu.  Il  ânonne  les  vers  de  Wal- 
ther,  défigurés  et  dépourvus  de  tout  sens,  sur  une  mélo- 
die (?)  du  genre  de  sa  Sérénade,  en  s'accompagnant  sur  son 
inénarrable  guimbarde;  il  se  trompe,  il  bafouille,  il  est 
hué  par  la  foule,  et  encore  plus  par  l'orchestre,  il  rage  : 
Beckmesser  querelleur  reparaît. 


ANALYSE    MUSICALE  363 

Après  ce  retour  de  la  grosse  bouffonnerie  du  2®  acte, 
c*est  à  Walther  à  chanter;  il  fait  entendre  une  dernière 
fois  le  Récit  du  songe,  parvenu  à  son  complet  épanouis- 
sement, et  qui  prend  ici  le  nom  de  Chant  de  Maîtrise. 

Le  peuple  l'applaudit,  les  Maîtres  eux-mêmes  lui  sont 
gagnés,  tous  les  motifs  d'amour  se  croisent  dans  l'or- 
chestre, et  Eva  lui  décerne  la  couronne,  qu'elle  dépose 
sur  son  front  en  reproduisant  elle-même  le  contour  mé- 
lodique initial  de  la  3'^  Strophe  du  Chant  de  Maîtrise. 

Inutile  de  dire  que  tous  les  motifs  ont  trouvé  l'occa- 
sion de  s'en  donner  à  cœur  joie  pendant  cette  scène 
d'ensemble. 

Sachs  s'avance  pour  haranguer  le  vainqueur,  lui  prend 
la  main,  et  alors  nous  entendons,  comme  dans  la  péro- 
raison de  l'ouverture,  La  Passion  déclarée  (3®  Strophe 
du  Chant  de  Maîtrise)  associée  au  thème  des  Maîtres 
Chanteurs,  auquel  ne  tarde  pas  à  se  joindre,  bien  en- 
tendu, la  pompeuse  Bannière. 

C'est  sur  ces  derniers  motifs,  c'est-à-dire  ceux  de  l'Ou- 
verture, que  l'ouvrage  se  termine  en  une  orgie  de  trom- 
pettes étincelantes. 


CHORALS 


La  partition  des  Maîtres  Chanteurs  de  Nuremberg, 

dont  l'époque  nous  reporte  aux  premiers  temps  de  la 
réforme  luthérienne,  contient  trois  Chorals  dont  il  im- 
porte fort  d'avoir  connaissance. 

Le  premier  est  entendu  dans  la  vieille  église  de  Sainte- 
Catherine,  dès  le  lever  du  rideau,  et  harmonisé  dans  la 
manière  austère  et  classique  de  J.-S.  Bach. 


364 


Soprant 


Tennrr, 
Basses. 


VOYAGE   A  BAYREUTH 

C  HO  H  AL  liV  BAPTÊME 

L'istesso  tempo  (moderato)     ^ 


Le  deuxième  est  entonné  par  David  presque  au  début 
du  3^  acte  (scène  i),  sous  la  forme  mélodique. 


CHOHAL  DU  JouanAiiy 


DAVin 


Le  troisième,  soi-disant  attribué  à  Hans  Sachs,  figure 
dans  le  Prélude  du  3®  acte  juste  assez  pour  qu'on  le 
reconnaisse  lorsqu'à  la  scène  finale  le  peuple  lui  en  fait 
une  flatteuse  ovation. 


CHORAL  DE  SACHS 


ANALYSE    MUSICALE 


365 


MOTIFS     INDEPENDANTS 

Il  convient  de  signaler  encore,  bien  qu'elles  ne  cons- 
tituent pas  des  Leit-motifs,  de  grandes  et  belles  formes 
mélodiques  absolument  indépendantes,  avant  leur  auto- 
nomie et  formant  à  elles  seules  un  tout  complet.  Il  faut  y 
voir  des  sortes  de  Lieder  qui  apportent  comme  un  repos 
au  milieu  de  la  trame  contrepointée  de  la  mélodie  infinie,  à 
laquelle  ils  se  rattachent  pourtant  maintes  fois,  soit  par  des 
détails  amusants  de  leur  structure  harmonique,  soit  par  les 
contours  mélodiques  introduits  à  dessein  dans  les  formules 
d'accompagnement.  Ce  sont  principalement  : 

Le   motif  des  Maîtres  de    Waltlier,  qui  se  déroule   en 

deux  strophes,  plus  Yenvoi  fj®'  acte,  scène  m); 
Moderato 

WALT HE R 


Vpf= 

r=fn 

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:« 

VOYAGE    A    BAYREUTH 


L'Hymne  au  Printemps,  deux  strophes  aussi,  mais  dis- 
semblables celles-ci,  d'une  ravissante  poésie  et  d'une 
exquise  fraîcheur,  dont  l'accompagnement  est  presque 
entièrement  construit  avec  des  fragments  de  L'Ardeur 
impatiente  [i"  acte,  scène  m); 


WALTHER 


HYyi^E  Ai:  PRINTEMPS 


La  Mélopée  du  Veilleur  de  nuit,  qui  apparaît  deux  fois 
(2^  acte,  scène  v;  2^  acte,  fin  de  la  scène  vu),  chaque  fois 


ANALYSE   MUSl CALE 


■367 


précédée  et  suivie  d'un  comique  appel  de  trompe,   qui 
sonne  toujours  abominablement  faux; 


.MhLOPEE  iJi   VElLLEUli 
LE  VEILLEUR  DE  MIT 


La  Chanson  biblique,  d'un  tour  à  la  fois  archaïque  et 
plein  de  la  plus  spirituelle  bonhomie, 


SACHS 


CHA.ySOy  blBLIQl  E 


'  ^  -' 


368 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


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-T^ ^r— 

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-=1 — U— 

^^^ ^— 

JjO(  fl    (If  >( 

qui    est    formée    de    trois    couplets   réguliers    (2^    acte, 
scène  vi).  Elle  est  rappelée  dans  le  prélude  du  3®  acte; 

Le  Souvenir  de  jeunesse  (3'  acte,  scène  il), 


Moderato 

SACHS 


SorvF.MH  lit:  JEIWES^E 


et  le  délicieux  ensemble  du    Quintette   du  Baptême,  qui 


ANALYSE    MUSICALE 


termine  la  scène  iv  du  3™®  acte  de  la  façon  la  plus  gra- 
cieuse et  la  plus  poétique. 

LE  RÊVE   PHOPHÉTIOLE  (Quintette  du  Baptême) 
EVA 


La  présence  d'un 
Quintelle,  d'un  mor- 
ceau d'ensemble  ré- 
gulièrement déve- 
loppé, est  faite  pour 
surprendre  dans  une 
œuvre  de  la  pleine 
maturité  de  Wagner. 
On  peut  pourtant 
l'expliquer  en  consi- 
dérant que  les  cinq  personnages  en  scène  sont  à  ce  mo- 
ment en  parfaite  communion  d'idées,  ce  qu*.  lui  enlève 
tout  caractère  d'illogisme. 

Toutefois,  il  est  vraisemblable  que  ce  morceau  aura  été 
écrit  longtemps  avant  le  reste  de  la  partition,  dont  il  se- 
rait une  des  premières  ébauches  (voir  p.  285  ,  remontant 
à  l'époque  de  «  Tannhauser  ». 


370  VOYAGE   A   BAYREUTH 


L'ANNEAU  DU  NIBELUXG 


L'OR   DU    RHIN 

Prélude.  —  Le  prélude  de  TOr  du  Rhin  consiste  «««- 
çMe/?2e«? en  cette  colossale  tenue  d'un  seul  accord,  l'accord 
de  mi  p,  dont  nous  avons  déjà  parlé  (p.  282).  Cette  tenue 
elle-même  est  déjà  un  Leit-motif  des  plus  expressifs  et  des- 
criptifs, du  caractère  le  plus  philosophique.  Elle  symbo- 
lise l'élément  primitif,  leau,  à  l'état  de  repos;  leau,  dont, 
suivant  la  donnée  mythologique,  sortirala  vie  tout  entière, 
avec  ses  luttes,  ses  passions.  Pendant  cette  longue  tenue, 
nous  allons  entendre  se  constituer  la  vie;  voilà  de  ces 
choses  qui  échappent  au  domaine  de  la  parole,  et  que  seule 
la  musique,  parlant  sans  intermédiaire  à  Fintelligence, 
peut  tenter  de  nous  faire  concevoir. 

Une  seule  note  mystérieuse,  fort  grave,  se  fait  d'abord 
très  longuement  entendre:  c'est  la  nature  qui  sommeille; 
à  ce  son  fondamental,  unique,  primitif,  vient  s'adjoindre 
sa  quinte  ;  longtemps  après  encore,  l'octave;  puis  peu  à 
peu,  tous  les  autres  harmoniques  dans  l'ordre  même  où 
les  produit  la  nature:  puis  des  notes  de  passage,  de  plus 
en  plus  fréquentes;  des  rythmes  apparaissent,  d'abord 
rudimentaires ,  et  se  compliquent,  se  mélangent;  c'est 
déjà  un  commencement  d'organisation;  les  instruments 
s'ajoutent  les  uns  aux  autres,  à  de  longs  intervalles;  une 
sorte  d'ondulation,  régulière  et  cadencée ,  s'établit  et 
donne  le  sentiment  de  leau  en  mouvement;  la  sonorité 
s'enfle  graduellement,  envahit  l'orchestre  comme  un  tor- 
rent: l'agitation  des  vagues  s'accentue,  un  frémissement 
s'annonce  et  grandit,  faisant  pressentir  la  vie.  et  lorsque 


LUNG 


LE  CRÉPUSCULE  DES  DIEUX 

des  priu 

L'ANNA 

dans  1' 
ap 

3m, 

ACTE 

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ACTE 

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Le  Rhin  . . 
Los  Filles 
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LA  TÉTRALOGIE   DE    L'ANNEAU   DU    NIBELUNG 


DÉSIGNATION 

des  principaux  Leit-motifs  de  la 

T(5ti-alogie    de 

L'ANNEAU  DU  NIBELUNG 

dans  l'ordre  de  leur  première 

apparition  intégrale.                    J 
SCÈNES   :   î 

L'OK 

du 
KHIN 

12  3  4 

LA  -WAISKYRIE 

SIEGFRIED 

LE  CRÉPDSCDLE  DES  DIEDX 

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ACTE 
1  2  3 

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ACTE 

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ACTE 
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Le  Traité 

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Convention  avec  les  Géants '  . 

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Le  Regret  de  l'amour 

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LaRéflction 

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Cri  de  triomphe  du  Nibelung 

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Travaifde  destruction  des  Nibeiungs.  . 
Malédiction  de  l'anneau 

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L'Arc-en-ciel , 

L'Epée 

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La  Race  des  Waelsungs 

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Hymne  au  Printemps.     . 

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(Le  Sort 

(La  Mort '...    [ 

Siegfried  gardien  de  l'Epée 

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Le  Sommeil  éternel 

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L'Annonce  d'une  nouvelle  vie 

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L'Amour  de  la  vie 

L'Amour  filial 

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L.  Puissance  divine 

Mime  rampant 

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La  Fonte  de  l'acier 

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L'i've'nt'èàn'  é 

LOiseau 

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Eulhousiasme  de  l'amour 

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La  Paix 

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La  tiécision  d'aimer 

3runnhilde 

L'Amour  héro-ique 

La  TralSson  par  la  magie 

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Bienvenue  de  Gutriine 

Justice  de  l'expiation 

Le  Meurtre 

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99 

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ANALYSE    MUSICALE 


371 


le  rideau  se  lève...  nous  ne  sommes  nullement  surpris 
de  nous  trouver  au  fond  d'un  large  fleuve  coulant  à  pleins 
bords;  notre  esprit  l'avait  déjà  conçu  tel  que  le  montre 
le  décor. 

[Ce  prodigieux  motif,  qu'on  appelle  souvent  motif  de  l'Élément 
Originel,  restera  destiné,  dans  toute  la  «  Tétralogie  »,  à  personnifier 
Le  Rhin,  et  néanmoins  ses  rappels  ne  seront  pas  des  plus  fréquents. 
En  dehors  du  Prologue,  qu'il  encadre,  nous  le  retrouverons  seule- 
ment, d'une  façon  incidente,  esquissé  en  passant  dans  la  i'^  scène 
de  «  Siegfried  )>,  simplement  parce  que  celui-ci,  dans  son  langage 
imagé,  parle  de  poissons  qui  nagent;  il  reprend  la  plus  grande  im- 
portance dans  le  «  Crépuscule  »,  toutes  les  fois  qu  il  est  question  de 
rendre  son  bien  au  Rhin,  considéré  ici  comme  représentation  de 
l'élément  primordial,  l'eau. 

Mais  son  importance  capitale  domine  l'œuvre  entière,  et  se  mani- 
feste en  ceci  que  la  plupart  des  motifs  les  plus  essentiels  sont  for- 
m^és  de  ses  éléments  constitutifs,  c'est-à-dire  des  sons  harmoniques 
naturels  (l'accord  parfait  majeur),  groupés  de  différentes  façons  et 
plus  ou  moins  ornés  de  notes  de  passage  que  tout  musicien  saura 
discerner.  Parmi  ceux  qui  en  dérivent  ainsi  le  plus  indubitablement 
et  qu'on  rencontrera  par  la  suite,  je  citerai  principalement  :  Les  Fil- 
les du  Rhin,  VOr  du  Rhin,  Les  Pommes  d'or,  Les  Nomes,  Le  Déclin 
des  Dieux,  L'Incantation  du  Tonnerre,  L' Arc-en-ciel,  L'Épée,  La  Che- 
vauchée des  Walkyries,  Le  Sommeil  de  Rrûnnhilde,...  dont  la  signifi- 
cation, soit  matérielle,  soit  psychologique,  soit  métaphysique,  per- 
met toujours  d'établir  un  lien  quelconque  entre  eux  et  l'idée  de 
l'élément  originel.] 

Voici  donc  ce  très  important  motif  sous  quelques-unes 
des  formes  principales  qu'il  revêt  successivement  dès  le 
début  du  Prélude, 


LE  HHiy 


372 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


lequel  Prélude  il  remplit  dans  son  entier,  toujours  crois- 
sant, grandissant  et  envahissant,  sans  jamais  quitter  le 
seul  et  unique  accord  de  mi  ^  majeur. 
C'est  une  merveille  d'audace  et  de  génie. 

Scène  i.  —  Aussitôt  qu'apparaît  un  nouvel  accord,  la 
vie  elle-même  se  manifeste  par  la  présence  et  le  chant 
plein  de  séduisante  innocence  des  charmantes  Filles  du 
Rhin,  nageant  gracieusement  autour  de  leur  Or. 


LES  FILLES  TiC  HHiy 


WOGLINOE 


ANALYSE    MUSICALE 


373 


Ce  motif  souple  et  charmeur,  mélangé  avec  celui  du 
Rliin,  domine  tout  l'ensemble  de  la  scène  i,  dans  laquelle 
pourtant  se  dessinent  certains  rythmes  saccadés  et  heur- 
tés, apparaissant  l'un  à  l'entrée  d'Alberich  [sol  mineur), 
l'autre  au  2/4,  tous  deux  caractérisant,  sans  nul  doute,  la 
disgracieuse  démarche  et  les  allures  répulsives  de  l'anti- 
pathique gnome. 

[On  reconnaîtra  le  deuxième  au  début  de  la  scène  iii.j 

Lorsque  Alberich  a  successivement  essuyé  les  refus  mo- 
queurs des  trois  Ondines,  il  exhale  sa  rage  en  une  sorte 
de  cri  douloureux,  deux  fois  répété,  formé  de  deux  notes 
seulement,  en  seconde  mineure  descendante,  qui  exprime 
énergiquement  le  désespoir  que  lui  cause  son  impuis- 
sance. 


374  VOYAGE    A    BAYREUTH 

ALBRRICM 


-v9- 


LA   SEHVITUIjF 


^ 


^5^ 


^ 


tria*: 


* 


^ 


^3^ 


:?=t=*: 


as:^ 


// 


Sv 


Sp 


Sv 


M'^^" 


Sv 


[Cette  brève  formule  restera  attachée,  pendant  tout  le  cours  de  la 
«Tétralogie»,  aux  idées  de  Servitude,  de  servage,  d'asservissement, 
et  ses  emplois  seront  très  fréquents,  pour  ne  pas  dire  perpétuels. 

Si  elle  est  difficile  à  reconnaître  en  raison  de  sa  brièveté,  en  re- 
vanche le  caractère  pénible  de  son  expression  la  signale  toujours  à 
î/attention.] 

Au  moment  où  l'Or  s'illumine,  il  est  salué  par  une 
brillante  fanfare,  plusieurs  fois  répétée,  qui  restera  son 
motif  caractéristique, 


LOn 


^• 


f    f 


x-^-^ 


visiblement  dérivé  du  Rhin,  ainsi  que  le  veut  la  logique, 
puisque  c'est  de  TOr  du  Rhin  qu'il  s'agit. 

Dans  l'ensemble  chatoyant  des  trois  voix  qui  suit  im- 
médiatement cette  apparition  de  l'Or,  il  est  glorifié  par 
une  sorte  de  cri  de  joie  des  n3''mphes,  lequel  affecte  deux 
formes  différentes,  pouvant  se  présenter  séparément  ou 
réunies  sans  pour  cela  rien  perdre  de  leur  signification, 
mais  ne  restant  pas  plus  attaché  à  leur  personne  qu'il 
n'entraînera  nécessairement  par  la  suite  l'idée  de  la  joie. 
C'est  L' Adoration  de  l'Or,  et  rien  autre. 


ANALYSE    MUSICALE 


375 


Cette  première  forme  est  généralement  répétée  deux 
fois.  (Il  est  d'ailleurs  à  remarquer  que  lorsque  Wagner 
veut  incruster  un  Leit-motif  dans  l'oreille  de  l'auditeur, 
il  ne  craint  jamais  d'insister  dessus,  et  c'est  là  une  des 
choses  qui  font  qu'on  n'a  nul  besoin  de  les  chercher;  il 
suffit  de  savoir  écouter.) 

\VELLG'lM)E     ÀfiOHATlOA  de  LOM 
FLOSSHILDE 


Dans  la  deuxième  forme,  il  faut  distinguer  l'accent  vo- 
cal, son  inflexion  caractéristique,  et  le  dessin  instrumen- 
tal, scintillant  comme  du  métal  poli;  l'un  et  l'autre  seront 
employés  isolément,  sans  que  leur  signification  soit  mo- 
difiée :  c'est  toujours  L'Adoration  de  l'Or 


37b 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


C'est  alors  que  Tune  des  nymphes  commet  l'impru- 
dence insigne  de  révéler  au  gnome  la  toute-puissance  qui 
serait  attachée  à  cet  or  forgé  en  anneau,  et  cela,  au  moyen 
de  ce  nouveau  motif,  qui,  on  le  remarquera,  offre  beau- 
coup de  rapports  avec  celui  de  l'Anneau,  lequel  n'apparaît 
qu'un  peu  plus  loin. 


LA  PilSSAyCE  DE  L'AyyEAl' 

WELLGLNDE 


P 


fe 


^^m 


m 


àS 


m 


^^ 


Ici  se  noue,  à  vrai  dire,  l'action  du  drame  entier;  sans 
le  bavardage  inconsidéré  des  Nixes,  Alberich  n'aurait 
pas  songé  à  dérober  l'Or,  qui  va  causer  tant  de  malheurs. 

Mais,  pour  posséder  cet  or,  lui  apprend  à  son  tour 
une  autre   fille  du  Rhin,  il  faudrait  renoncer  à  l'amour. 


FEyoycE.MEyr  a  lamolb 


WOCLINDE 

''*•    f.    >,jv| 

— 1 — 

—  :      Mvi 

^^ ^— v^ 

i — , /_j — 1 

7-2 

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pp 

1     i                   [            =\ 

JV 

1 e 

'  A  - 

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PiT'^^P 


r^f'^^r 


ANALYSE    MUSICALE 


3:7 


fr''i  "-" 

^^ 

'^yi — [m 

7i' 

— ' 

b^. 


Alberich  n'hésite  pas  longtemps;  se  voyant  dans  l'im- 
possibilité d'atteindre  et  d'enlacer  les  agiles  nymphes,  il 
tourne  son  ambition  vers  la  richesse  et  la  puissance; 
l'orchestre,  écho  de  sa  pensée,  murmure  sourdement  le 
thème  de  La  Puissance  de  l' Anneau,  suivi  de  la  formule 
de  Renoncement,  et  dès  lors,  s'élançant  âprement  sur  le 
roc,  le  gravissant,  l'escaladant  plutôt,  il  peut  s'emparer 
de  ror  convoité. 

A  l'extrême  fin  de  la  scène  i  apparaît  pour  la  première 
fois  le  thème  spécialement  attaché  à  L'Anneau. 

L'Ay.yEAV 


[Celui-là,  bien  entendu,  traversera  l'ouvrage  tout  entier."] 


Scène  ii.  —  Par  un  procédé  fréquent  chez  Wagner, 
mais  qui  trouve  ici  une  de  ses  plus  belles  applications, 
le  motif  précédent,  au  moyen  d'une  suite  de  transfor- 
Diations  insensibles,  vient  se  fondre  en  celui  du  Walhalla, 

22 


878  VOYAGE    A    BAYREUTII 

d'un  caractère  absolument  différent,  et  dépeignant  ma- 
jestueusement la  somptuosité  du  Palais  des  dieux.  Ce 
motif  déroule  placidement  sa  splendeur  dans  la  douce  et 
calme  tonalité  de  ré  ^  majeur. 

LE  WALHALLA 


i  i 


PV"J^  r 


44  ?  1 


p  mollo  do  le*' 


f 


^ 


S 


m 


-É-É 


[Il  sera  l'objet  de  multiples  transformations.  Au  3*  acte,  scène  i 
de  «  Siegfried  ».  nous  le  voyons  triomphant,  à  4  temps,  et  associé 
au  thème  de  L'Épée; 


au  2"  acte  du  «  Crépuscule  »,  à  la  fin  de  la  scène  i,  où  Alberich  excite 
Hagen  à  reconquérir  le  pouvoir,  il  apparaît  comme  démantelé,  en 
mine,  méconnaissable. 


ANALYSE   MUSICALE 


379 


Il  a  déjà  été  entrevu  en  cet  état  lorsque,  à  la  scène  ii  du  2»  acte  de 
la  «  Walkyrie  »,  Wotan  prévoit  la  fin  prochaine  des  dieux. 

Enfin  il  est  souvent  représenté  par  ses  seules  dernières  notes, 
formant  une  resplendissante  conclusion,  dans  laquelle  on  peut  voir 
une  sorte  de  grandiose  Salut  au  Walhalla.  qui  se  trouve  dans  «  L'Or 
du  Rhin  w,  scène  ii,  trois  mesures  avant  la  suppression  des  bémols.] 

SAUT    Al'   WALHALLA 
WOTAN 


^^^^^ 


Encore  trois  mesures  plus  loin  apparaît  le  thème  dit 
du  Traité,  représentant  d'une  façon  générale  l'idée  d'un 
traité  quelconque,  d'un  pacte,  d'un  marché  conclu,  ce 
qu'expriment  énergiquement  d'abord  ses  deux  notes  ini- 
tiales (qui  sont  celles  de  La  Servitude],  puis  sa  descente 
par  degrés  pesants,  lourds,  implacables  comme  la  des- 
tinée, entraînant  l'idée  d'un  devoir  à  remplir. 


r    FRlfKA 

d     .^-^-m . :; »r — -^^^ — \ 

;.t  THAITE 

f      ffr.-vr^ 

-^—  -";'"'-  ' 

^ u 

-/  f^^— ^ ■ — 

P  ^__— ^ 

_ 

^5  4    ^ 

380 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


42  mesures  ensuite  se  présente  le  joli  thème  de  La 
Fascination  de  l'amour,  qui  forme  d'abord  la  deuxième 
moitié  d'une  belle  phrase  de  Fricka  (en  fa)^  et  que  \A'otan 
reprend  ainsi  peu  après  (en  mi  p)  : 


LA   FASCINATION  liE  L'AMOrH 


WOTAN 


'^^^S^^ 


¥^ 


Au  moment  même  où  Freia  entre  en  scène  en  courant, 
on  entend  pour  la  première  fois  ce  motif  en  quelque  sorte 
double,  dont  les  deux  parties  ont  deux  significations  dis- 
tinctes :  la  première  appartient  à  Freïa,  déesse  de  l'A- 
mour, et  lui  restera  personnelle;  la  deuxième  représente 
La  Faite,  et  exprimera  par  la  suite  l'acte  de  fuir,  quel 
que  soit  le  personnage  fuyant.  Tel  qu'il  se  présente  ici» 
c'est  Freïa  en  fuite,  poursuivie. 


ANALYSE    MUSICALE  381 

FHFIA  /-^    Fl'ITt: 


m 


Feu  après,  nous  voyons  apparaître  Les  Géants,  avec 
leur  motif  lourd,  pesant,  massif,  qui  a  l'air  de  remuer  des 
pierres.; 


ce  thème  sera  l'objet  d'une  curieuse  transformation  dans 
«  Siegfried  »,  lorsqu'il  devra  représenter  l'un  des  Géants 
lui-même  métamorphosé  en  Dragon  (page  428). 

Lorsqu'il  s'agit  de  désigner,  non  plus  un  pacte  ou  un 
traité  quelconque,  mais  bien  et  seulement  celui  conclu 
avec  les  Géants  pour  la  construction  du  Walhalla,  Wagner 
a  recours  à  cette  nouvelle  forme,  qui  n'est  pas  sans  quel- 
que parenté  avec  le  motif  du  Traité. 


352 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


coyyt:.\Tioy  avec  les  cea^ts 


et  fju'il  traite  généralement  en  canon. 

C'est  dans  cette  scène,  37  mesures  après  l'armature  du 
ton  de  la  p,  que  ce  motif  est  entendu  pour  la  première  fois. 

Environ  deux  pages  plus  loin,  un  gracieux  contraste 
est  fourni  par  l'élégant  contour  des  Pommes  d'or  (ces 
pommes  qui  donnent  aux  dieux  la  jeunesse  éternelle,  que 
seule  Freïa  sait  cultiver),  que  Fafner  nous  présente  sur 
les  notes  les  plus  caverneuses  de  sa  voix  de  basse-taille, 
ce  qui  produit  par  opposition  un  effet  assez  curieux. 
LES  PO  M  y]  ES  h  OH 


FAF.NRR 


rf^  ^^^r^t 


Le  raotif-t3'pe  correspondant  à  la  personnalité  du  mali- 
cieux dieu  Loge  est  aussi  changeant  et  aussi  variable  que 
lui-même.  L'exemple  que  j'en  donne  ici,  et  qui  accompa- 


ANALYSE    MUSICALE 


383 


gne  ses  premières  entrées,  réunit,  groupées,  plusieurs 
des  formules  essentiellement  chromatiques,  tortueuses  ou 
sifflantes  par  lesquelles  il  est  toujours  représenté;  ces 
mêmes  dessins  sont  fréquemment  intervertis,  devenant 
alors  descendants,  ou  tronqués,  modiliés,  mais  ils  restent 
toujours  aisément  reconnaissables,  aucun  autre  Leit-motif 
n'ayant  cette  allure  sautillante  et  malicieuse. 


WOTAN 


LOGE 


-•      <^ 

■    »    ■ c ^ , 

1 i V ' 

(h  -^ f— — \ — \ — ^  -1 — ^^— 

-W tf — i — ^.J  0 — \ — ^J— , 

i^-i'}i}i'''^-' 

^^TT^rf  f^f. 

L\.il    tt 

^ 

z^ë^ 

r  T  r  M 

y 

^ 

.,1      1    Tl  iiIttI-^ 

VOÏAGE    A    BAYREUTH 


Assez  proche  parent  de   ce   dernier   est   le   scintillant 
motif  des  Flammes,  qui  apparaît  ici  lui  faisant  suite, 


CHARME  DES  FLAMMES 


UOTAN 


[et  protégera  le  sommeil  de  Brunuhilde  au  3"«  acte  de  «  La  Wal- 
kyrie  ».] 


Le  dernier  nouveau  motif  que  nous  présente  celte  scène 

est  celui-ci,  qu'on  trouvera  aisément  au  moment  où  appa- 

3 
',aît  l'armature  du  ton  de   ré  et  la  mesure  à  -,  et  qui  a 


nom  :  Le  Regret  de  l'Amour. 


ANALYSE    MUSICALE 


385 


LE  HEGHET  DE  LAMOCH 


LOGE 


Ici  se  place,  pendant  le  changement  de  décor,  une  sorte 
d'intermède  purement  musical,  figurant  la  descente  de 
Wotan  et  de  Loge  dans  le  sombre  Xibelheim,  dans  la 
forge  souterraine  d'Alberich.  Cet  intermède  est  principa- 
lement construit  au  moyen  du  motif  de  Loge,  avec  quel- 
ques rappels  de  La  Lamentation,  de  La  Servitude,  de  L'Or 
et  de  La  Fuite,  dont  Tà-propos  ne  fait  pas  de  doute  ;  peu  à 
peu  s'établit  à  l'orchestre  le  rythme  du  motif  de  La  Forge, 

LA  FOHGE 


dont  s'emparent  avec  une  vigueur  croissante  des   enclu- 
mes accordées  placées  derrière  la  scène. 

Encore  un  double  rappel  de  La  Servitude  et  de  L'An- 
neau, et  commence  la 

Scène  m,  où,  presque  au  début,  Alberich  désirant 
mettre  à  l'épreuve  la  puissance  du  Heaume  magique,  le 
Tarnhelni,  qu'il  s'est  fait  forger  par  Mime,  l'orchestre 
nous  fait  connaître  la  mystérieuse  harmonie  par  laquelle 
il  sera  désigné  musicalement.  Ces  accords,  confiés  par- 
fois à  des  cors  placés  dans  la  coulisse,  produisent  l'effet 


38& 


VOTAGE    A    BAYREUTH 


le  plus  étrange.  Le  mot  allemand  Tarnhelni  a  été  traduit 
de  différentes  façons  :  le  Casque  enchanté,  le  Charme  du 
Casque,  ou  encore 

LE  POUVOIR   1)11  CASQIE 


(7^ 

:H^^r-.-— ] 

— 1 — 

— 

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1 — 1 

' 1 — 

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'     .  -L... 

1 

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s 


-^  P  i'  n 


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i 


erQ 


i 


17 

Après  une  bruyante  reprise  du  rythme  de  La  Forge  se 
présente  une  singulière  suite  de  tierces  disjointes,  qui 
paraît  représenter  La  Réflexion,  une  méditation  profonde, 

LA  BÉFLEXlODi 


MIME 


et  peut  s'appliquer  à  divers  personnages. 

Beaucoup  plus  loin  dans  la  même  scène,  lorsque  Albe- 
rich,  au  comble  de  l'orgueil,  embrasse  son  anneau  et  le 
brandit  d'une  façon  menaçante,  se  fait  entendre  pour  la 
première  fois  le  motif  caractéristique  de  sa    puissance. 


ANALYSE    MUSICALE 


387 


comme  de  la  vanité  qu'il  en  tire.  Il  est  fort  intéressant 
d'étudier  de  près  ce  motif  en  quelque  sorte  complexe, 
qui,  dans  l'exemple  ci-dessous,  est  confié  à  l'orchestre, 


LA  PUISSANCE  DALBEBICH 
ALBERICH 


et  dans  lequel  on  peut  retrouver,  quelque  peu  dénaturées 
par  l'emploi  du  mode  mineur  et  du  genre  chromatique, 
les  deux  formes  de  L'Adoration  de  l'or  (p.  375)  suivies 
des  notes  initiales  de  L' Amoncellement  du  trésor,  ci-après. 

(La  1"  forme  de  J' Adoration  de  l'or  se  confond  ici  avec 
celle  de  La  Servitude.) 

Un  peu  plus  loin  encore,  apparaît  le  motif  de  YAmon- 
cellement  du  trésor  qui  fait  la  gloire  momentanée  du  nain. 


388 


LOGE 


VOYAGE   A   UAÏREUTH 

L'AMOPfCELLEMEIST  DU  TRÉSOB 
ALBERICH 


[On  le  retrouvera,  curieusement  associé  à  La  Servitude  et  à  La 
Forge,  lorsque  le  nain  capturé  devra  livrer  son  trésor  à  Wolau.j 


La  servitude 


Un  motif  curieusement  constitué  est  celui  qui  a  reçu  le 
som  de  Cri  de  triomphe  du  Nibelung.  11  se  compose  d'une 
mesure  empruntée  au  Walhalla.  et  d'une  mesure  affectant 
la  forme  habituelle  k  Loge,  démontrant  ainsi  qu'Alberich 
se  croit  déjà,  pir  le  feu.  le  maître  du  monde,  ce  dont  il 
exulte. 


ANALYSE    MUSICALE 
CHI  I)E  TRIOMPHE  DE  JSlbELVm 


389 


LOGE 


Beaucoup  plus  simple,  mais  bien  descriptif,  est  le  mu- 
gissant motif  du  Dragon,  qui  trouve  naturellement  sa 
place  lorsque,  sur  la  demande  de  ses  visiteurs,  l'orgueil- 
leux nain,  à  l'aide  de  son  heaume,  revêt  cette  forme. 


LE  DRAGON 


Le  nain  capturé,  les  dieux  remontent  à  la  surface  de  la 
terre  avec  leur  prisonnier,  ce  qui  donne  lieu  à  un  nouveau 
changement  de  décor  et  à  un  nouvel  intermède  sympho- 
nique.  Celui-ci  débute  par  un  rappel,  à  coup  sûr  ironique, 

23 


390 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


du  Triomphe  du  Nibelung,  clans  lequel  l'élément  du  feu, 
Loge,  prend  un  développement  inaccoutumé;  L'Anneau 
paraît  joyeux,  puis  se  termine  par  La  Lamentation  ;  alors 
reparaissent  les  bruits  de  Forge,  mais  en  diminuant  ;  on 
éprouve  cette  sensation  qu'on  parcourt  le  même  chemin, 
mais  en  sens  inverse.  Après  un  retour  de  La  Fuite,  le  mo- 
tif des  Géants  se  fait  sourdement  entendre,  comme  pour 
rappeler  qu'ils  ne  sont  pas  loin;  il  se  combine  avec  Le 
Walhalla,  puis  avec  La  Servitude,  et  s'enchaîne  avec  la 
scène  suivante  au  moj'en  d'une  pédale  de  dominante  sur 
laquelle  on  retrouve  L'Adoration  de  l'or  et  plusieurs  des 
motifs  précédents. 

Scène  iv,  —  Dès  le  début  de  la  scène,  à  la  9*^  i-^iasure, 
une  amusante  petite  figure  sautillante  représente  le  dieu 
Loge  dansant  de  joie  autour  du  nain  ficelé,  en  faisant  cla- 
quer ses  doigts.  Sans  avoir  caractère  de  Leit-motif,  elle 
se  reproduit  deux  pages  plus  loin. 

Remarquer  aussi  la  façon  imitative  dont  l'orchestre 
rend  le  bruit  du  frottement  des  cordes  lorsque  Loge  déli- 
vre graduellement  le  Nibelung  de  ses  liens. 

Aussitôt  qu'il  est  libre,  gronde  sourdement  dans  les  pro- 
fondeurs de  l'abîme  mystique  ce  rythme  menaçant, 


THAVAIL  DE  DESTHVCTIOJS  liFS  I^IBELUNGS 


décelant  le  travail  continu  par  lequel  dorénavant  les 
gnomes  rancuniers  vont  sans  cesse  miner  l'édifice  divin, 
le  saper  dans  sa  base  jusqu'à  sa  ruine  complète. 


AiNALYSE    MUSICALE 


391 


[Ce  rythme  bien  reconnaissable  ne  paraîtra  pas  dans  la  «  Wnl- 
kyrie  »,  mais  on  le  retrouvera  très  souvent  dans  «  Siegfried  »  et  le 
■î  Crépuscule  ».] 

Aussitôt  Alberich,  dans  une  phrase  à  l'allure  démonia- 
que, lance  son  anathème  à  V Anneau  qu'il  maudit,  et  qui 
devra  dorénavant  porter  malheur  à  tous  ses  possesseurs. 

MALÉDICTION  DE  LAiyyEAU 
ALBERICH         == h. 


Ce  haineux  motif  est  presque  constamment  accompa- 
gné du  rythme  de  Destruction,  et  vers  la  fin  du  récit  par  La 
Puissance  d'AlbericJi,  aussitôt  atténuée  par  La  Servitude. 

L'action  se  déroule  sans  qu'il  soit  besoin  d'y  introduire 
de  nouveaux  motifs  jusqu'au  moment  de  l'apparition 
d'Erda,  qu'annonce  sinistrement  le  thème  des  Nornes,  ses 
filles,  les  Parques  de  la  mythologie  Scandinave.  Ce  motif 


392 


VOYAGE    A    BAYREUTU 

LES  youyES 


reDroduit,  mais  en  mineur  et  à  ^  temjis,  la  forme  princi- 
pale de  celui  du  Rhin,  de  l'élément  originel. 

De  même  en  dérive,  par  mouvement  contraire,  Le  Dé' 
clin  des  dieux  ^ , 


BRDA 


LE  DECUy  DES  DIEUX 


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<pir.pre  plu    pjj 


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qui  ne  tarde  pas  a  apparaître,  ainsi  que  L'Anneau,  aux 
derniers  mots  de  la  prophétie  d'Erda,  laquelle  a  reçu 
pour  accompagnement  les  motifs  des  Nomes  et  du  Tra~ 
vail  de  destruction. 

Les  nombreux  Leit-motifs  déjà  établis  suffisent  à  Wa- 
gner jusqu'à  la  formidable  Incantation  du  Tonnerre,  que 
répercute  avec  fracas  l'écho  des  cuivres  tonitruants. 

1.  Le  terme  classique  adopté  est  :  Le  Crépuscule  des  dieux;  j'em- 
ploie ^ci  le  mot  déclin  uniquement  pour  éviter,  dans  la  suite  de  cette 
analyse,  la  confusion  entre  le  Leit-motif  et  la  4""  journée  de  la  Té- 
tralog-ie. 


ANALYSE   MUSICALE 

riscA^TATio^  nu  TOyyEfiFE 


393 


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[Ce  thème  ne  se  représentera  qu'une  seule  fois,  dans  le  Prélude 
de  «  La  Walkyrie».] 

Après  le  passage  d'un  court  orage,  apparaît  rapide- 
ment, radieux,  le  thème  serein  de  Z'^rc-e/i-c/e/ traçant 
une  belle  courbe  sous  un  trille  mesuré  et  étincelant  des 
violons,  des  flûtes  et  de  tous  les  instruments  aio-us. 


L'ARC  Ey  CIEL 


j^:^.:..MmÈâmMÊÊÊmék 

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p-.\rj  g      J  ■  =^ 

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p  dnlci 


394 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


-î/-  J^.?    »■  ^'  »•  »ry>i  y>i  ^'  \  ^-  ^  f<  »i  g»,  f  f  f  ^^      K  ■ 


[Ce  motif  ne  reparaîtra  pas  dans  les  journées  suivantes.] 

Le  motif  du  Walhalla  accompagne  le  passage  des  dieux 
sur  ce  pont  céleste.  On  sent  se  presser  dans  le  cerveau  de 
Wotan  l'idée  de  L'Anneau  qu'il  a  dû  conquérir,  puis  don- 
ner, pour  payer  son  Burg;  du  Wiin  auquel  il  a  été  anté- 
rieurement volé,  et  de  la  nécessité  de  créer  une  milice 
invincible  pour  le  défendre;  de  là  jaillit  comme  un  éclair 
la  pensée  de  L'Épée  des  dieux. 

L'ÉPÉE 


le  dernier  Leit-motif  nouveau  que  présente  le  Prologue. 
Les  Filles  du  Rhin  se  font  entendre,  pleurant  leur  or 
dérobé,  et  l'entrée  au  Walhalla  a  lieu  sur  une  pompeuse 
reprise  du  thème  de  L'Arc-en-ciel. 

LA   WALKYRIE 


1"  Acte. 

Scène  i.  —  Le  Prélude  représente  un  orage  violem- 
ment déchaîné;  au  milieu  des  rafales  mugissantes,  des 
r-clairs  et  du  tonnerre,  des  averses,  on  distingue  à  plu- 
sieurs reprises  le  thème  de  L'Incantation  du  Tonnerre 
combiné  avec  le  thème  propre  de  La  Tempête;  c'est  un 


ANALYSE    MUSICALE 


3G5 


des  plus  beaux  orages  qui  existent,  soit  au  théâtre,  soit 
dans  la  symphonie. 


LA  TEMPETE 
Ê.         4      #      4      «     ^ 


$.       Ê.      M.      ^      ^ 


Au  lever  du  rideau,  la  tempête  se  calme 

Alors,  les  six  notes  descendantes  ^sl,  la,  sol,  fa,  mi,  ré) 
du  motif  de  La  Tempête,  par  une  légère  modification  ryth- 
mique, deviennent  caractéristiques  de  La  Lassitude  de 
Siegmund  (lassitude  causée  en  partie  par  la  tempête),  ve- 
nant s'affaler  harassé  et  poursuivi  par  l'orage. 

LASSITUDE  DE  SIEGMCIS'D 


[Ce  fait  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui  que  nous  avons  remar- 
qué dans  la  transition  du  1"  au  2*  tableau  de  «  l'Or  du  Rhin  »,  où 
le  thème  du  Walhalla  semble  sortir  de  celui  de  L'Anneau  par  lequel 
il  a  été  payé.  D'autres  exemples  du  même  genre,  que  nous  ne  pour- 
rons tous  signaler,  sont  assez  fréquents  dans  l'ouvrage,  et  toujours 
ces  fusions  de  motifs  trouvent  leur  logique  dans  une  association 
d'idées.] 

A  ce  premier  motif  vient  presque  aussitôt  (un  peu  après 
l'arrivée  de  Siegliiide  s'en  adjoindre  un  deuxième  qui  lui 
sera  très  souvent  associé  ;  celui-ci  personnifie  la  tendre 


396 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


sympathie  de  Sieglinde  pour  Siegmund,  et  a  reçu  pour 
nom  :  La  Compassion. 


LA  COMPASSIOiy 


A  la  suite  d'un  beau  contour  de  violoncelles  sans  ac- 
compagnement, tiré  de  La  Lassitude,  reparaît  le  motif  de 
La  Fuite,  que  nous  avons  déjà  vu,  dans  «  L'Or  du  Rhin  », 
mais  tout  autrement  rythmé,  et  combiné  avec  celui  de 
Freïa.  Celte  fois,  il  se  relie  à  un  nouveau  thème,  Z'^1- 
mour,  ce  qui  peut  s'expliquer  ainsi  :  c'est  La  Fuite  qui  a 
amené  Siegmund  sous  le  toit  de  Sieglinde,  et  qui  est  donc 
par  conséquent  la  cause  occasionnelle  de  L'Amour. 


LA  FUITE 


L'AXOVfi 


ANALYSE   MUSICALE 


397 


[Quelques  pages  plus  loin,  le  thème  de  L'Amour  précédera  celui 
de  La  Fuite',  cela  signifiera  alors  que  Y  Amour  e?t  à  son  tour  la  rai- 
son d'être  de  La  Fuite  des  deux  jumeaux.] 

Au  moment  où  Siegmund,  un  peu  réconforté  et  déjà 
prêt  à  partir,  se  décide,  sur  les  instances  de  Sieglinde,  à 
rester  sous  son  toit,  se  fait  entendre  pour  la  première 
fois  l'un  des  thèmes  empreints  de  noble  tristesse  qui  re- 
présenteront dorénavant  la  race  si  profondément  malheu- 
reuse et  persécutée,  quoique  d'essence  divine,  des  Wàl' 
sunss. 


LA  H  ACE  DES  WALSl'IS'GS 


%  5  J  tJ^jr^^ 


p  tran(j}allo  f^d  t-spr^ssivo 


^ 


J  .iJ"  J_J 


Associé  à  La  Compassion,  puis  suivi  de  L'Amour,  ce 
beau  thème  se  fait  entendre  deux  fois,  presque  de  suite, 
avant  l'arrivée  de  Hundins. 


Scène  ii.  —  Le  thème  de  celui-ci,  quoique  noble  d'al- 
lure, forme  par  sa  violence,  son  rythme  dur  et  sa  rude 
orchestration,  un  contraste  heurté  avec  le  précédent, 


et  dès  à  présent  les  deux  caractères  des   deux  hommes 


398 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


sont  nettement  dessinés;  autant  Siegmund  est  dignb 
et  résigaé  dans  sa  souffrance,  autant  Hunding  nous 
apparaît  violent,  implacable  et  brutal.  Tout  le  dialogue 
entre  les  deux  ennemis  est  paraphrasé  par  ces  deux  mo- 
tifs alternant  entr'eux,  avec  quelques  courtes  apparitions 
de  L'Amour,  de  La  Compassion,  correspondant  à  un  mot 
ou  même  à  un  geste  de  Sieglinde,  comme  aussi  du  Traité, 
de  L'Orage  ou  même  du  Walhalla,  selon  les  événements 
antérieurs  auxquels  le  poème  fait  allusion.  C'est  seule- 
ment lorsque  le  Wiilse  termine  le  récit  de  ses  malheurs, 
qu'au  premier  thème  de  La  Race  des  Wàlsungs  vient  s'ad- 
joindre, le  suivant  immédiatement,  un  deuxième  thème  de 
sentiment  analogue,  mais  caractérisant  d'une  façon  spé- 
ciale L Héroïsme  de  cette  race  dans  la  souffrance  qui  la 
poursuit. 

HEROÏSME  DES  WALSViycS 


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'    -     ^'    ' 


Avant  la  fin   de  la  scène,  lorsque  Sieglinde  cherche  à 
attirer  l'attention  de  son  hôte  sur  l'arme  qui  est  plantée 


ANALYSE   MUSICALE 


399 


dans  le  frêne,  retentit  par  deux  fois  le  motif  de  L'hpêe, 
aussitôt  suivi  de  la  menace  de  Hundins. 

Scène  m.  —  Cette  scène,  une  des  plus  émouvantes  de 
l'ouvrage,  se  déroule  à  l'aide  des  motifs  déjà  connus, 
auxquels  s'adjoint,  vers  la  fin  du  récit  de  Sieglinde,  une 
éclatante  fanfare  et  un  riche  trait  de  violons  qui  font  pen- 
ser à  Weber,  et  se  retrouvent  fréquemment,  mais  dans 
cette  scène  seule.  C'est  alors  qu'après  un  souffle  de  vent 
figuré  par  des  arpèges  de  harpes,  souffle  par  lequel  la 
massive  porte  se  trouve  subitement  ouverte,  apparaît, 
radieux,  le  délicieux  Hymne  au  Printemps, 


SIEGMl'Vf: 


wv.VxYé:  m  printemps 


qui,  bien  que  constituant  une  phrase  indépendante,  peut 


400 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


aussi  être  considéré  comme  un  Leit-motif,  puisqu'il  don- 
nera lieu  à  des  rappels  suggestifs  dans  l'acte  suivant. 

Peu  après  apparaît,  escorté  des  motifs  de  L'Amour,  de 
Freïa,  déesse  de  1  Amour,  du  Printemps,  celui,  nouveau, 
de  La  Volupté,  enlaçant,  enivrant,  que  nous  retrouverons 
dans  le  Prélude  de  la  scène  m  du  2^  acte  : 


LA  VOLVPTE 


P     SlEGLl.VU 


i.  J'JJ  J'J- 

1=^3 J     -^     "^ ^^-I-J ^    ^      *^ St» *- 

'  {^'' ''*.... \ 

•'^-l-r4 

.     ...=.':» 

- 

^    ^      .. 

\—ç—, 

Siegmund  va  arracher  l'épée;  alors  se  i)ressent  les  mo- 
tifs des  Wàlsungs,  de  L'Héroïsme,  du  Traité,  de  L'Epée,  et 
la  formule  terrible  du  Renoncement  à  l'amour,  sur  un  éner- 
gique dévelopjiement  de  laquelle  le  glaive  des  Dieux 
reste  aux  mains  du  héros;  à  ce  moment  précis  le  thème 
de  L'Epée  atteint  son  maximum  d'éclat,  et  Tacte  se  ter- 


ANALYSE    MUSICALE 


401 


raine  par  des  combinaisons  symphoniques  des  motifs 
précédents,  parmi  lesquels  dominent  L'Amour,  Le  Prin- 
temps, La  Fuite,  et  finalement,  dans  les  deux  derniers 
accords,  La  Servitude. 

2'°«>  Acte. 

Prélude.  —  Ce  Prélude  est  constitué  par  le  plus  cu- 
rieux amalgame  de  thèmes  saccadés  ou  rendus  saccadés 
pour  la  circonstance,  ce  qui,  dès  le  début,  fait  pressentir 
la  Chevauchée,  qui  pourtant  n'apparaîtra  qu'en  dernier. 

Dans  la  mesure  du  début,  il  faut  reconnaître  L'Epée,  dé- 
naturée comme  rythme  et  comme  mode;  viennent  ensuite  : 
La  Fuite,  qui  ressemble,  ainsi,  à  L'Appel  des  Walkyries,  La 
Volupté,  et  enfin,  pour  l'explosion  finale,  La  C/ievaacIiée. 


La  cheval'chee 


Scène  i.  —  Le  strident  Cri  d'appel  des  Walkyries,  avec 
lequel  Briinnhilde  fait  ici  sa  première  entrée,  présente  celle 


402 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


particularité,  peut-être  unique  dans  l'œuvre  wagnérienne, 
d'une  période  de  18  mesures  formant  un  sens  complet, 
se  terminant  par  une  cadence,  et  répétée  deux  fois  (pres- 
que de  suite)  sans  la  moindre  modification  ni  dans  la  mé- 
lodie, ni  dans  l'harmonie,  ni  dans  l'orchestration. 

CRI  D'APPEL  DES  WALKFRIES 

BRU.V.NHILDE 


L'entrée  de  Fricka,  qui  suit  immédiatement,  est  annon- 
cée par  les  deux  notes  de  La  Servitude;  sa  discussion  avec 
Wotan  donne  lieu  à  des  rappels  de  HuncUng,  de  L'Amour, 
du  Printemps,  de  L'Épée,  de  La  Fuite,  du  Traité,  de  L'An» 
neau,  de  La  Convention  avec  les  Géants,  sujets  qui  se  re- 
présentent souvent  soit  dans  leur  dialogue,  soit  dans  leurs 
esprits. 

Lorsque  Wotan  se  sent  vaincu  par  les  arguments  et  la 


ANALYSE    MUSICALE  4».5 

ténacité  de  la  vertueuse  mais  acariâtre  déesse,  l'orcheslie 
nous  fait  connaître  une  nouvelle  forme  qui  représente 
Wotan  en  colère,  le  Courroux  de  Wotan; 

LE  COURROUX  DE  WOTÀS 


à  noter  que  cette  forme  bien  significative,  dont  il  sera 
fait  un  très  fréquent  usage,  est  souvent  réduite  à  ses  deux 
notes  initiales,  semblables  à  celles  de  La  Servitude,  ce  qui 
s'explique  naturellement,  mais  en  conservant  presque 
toujours,  dans  ce  cas,  le  grupetto  qui  accentue  si  éner- 
giquement  la  première,  et  lui  donne  le  caractère  d'une 
sorte  de  rugissement. 

Le  retour  de  Briinnhilde  nous  ramène  la  Chevauchée, 
accompagnée  du  Cri  des  Walkyries ;  après  quoi  Fricka 
célèbre  la  victoire  qu'elle  vient  de  remporter  sur  son 
époux  par  une  phrase  de  grande  allure,  que  Le  Traité 
vient  sceller  comme  un  pacte,  suivi  de  près,  aussitôt  que 
Fricka  a  disparu,  par  La  Malédiction  de  l'anneau  et  Le 
Courroux  de  Wotan,  qui  fournit  l'enchaînement  avec  la 
scène  suivante. 

Scène  ii.  —  Cette  longue  scène,  dans  laquelle  Wotan 
est  contraint  d'avouer  à  sa  fille  ses  crimes  et  ses  erreurs 
aussi  bien  que  les  circonstances  qui  l'ont  amené  à  les  com- 
mettre, ne  peut  manquer  de  nous  les  remémorer  au  moyen 
des  Leit-motifs  ;  on  y  retrouve  L'Amour,  Le  Traité,  Le  Re- 
gret de  l'amour,  La  Puissance  de  l'anneau.  Le  Walhalla, 


404 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


Les  Nomes,  La  Chevauchée,  L' Anneau,  La  Convention  avec 
/e?  Géants...  Un  seul  dessin  nouveau  s'y  fait  jour,  celui 
qui  caractérise  La  Détresse  des  Dieux  ; 

DÉTRESSE  DES  DIEUX 


reviennent  ensuite  La  Malédiction  de  l'anneau,  L'Epét,  Le 
Travail  de  destruction  des  Nibelungs ;  ici  se  place  la  trans- 
formation si  curieuse  du  Walhalla  (signalée  à  la  page  378), 
qui  laisse  entrevoir  l'édifice  miné,  ruiné,  écroulé,  et  qui 
se  représente  deux  fois  à  une  vingtaine  de  mesures  de 
distance,  annonçant  l'effondrement  et  l'anéantissement 
de  la  race  des  Dieux.  Toutefois,  le  motif  qui  domine,  sur- 
tout au  début,  est  celui  du  Courroux  de  Wotan.  —  Quand 
on  arrive  à  surmonter  l'impression  pénible  causée  par 
la  situation,  cette  scène  apparaît,  malgré  sa  longueur, 
comme  l'une  des  plus  grandioses  de  l'ouvrage;  mais  elle 
est  aussi  une  des  plus  difficiles  à  saisir  à  première  lec- 
ture ou  audition. 

Au  moment  où  Briinnhilde,  restée  seule,  ramasse  ses 
armes,  remarquer  le  thème  de  La  Chevauchée,  alourdi  et 
attristé  ;  aussitôt  après,  sa  pensée  la  ramène  vers  La  Race 
des  Wàlsungs,  puis  se  reporte  sur  le  Courroux  de  Wo- 
tan et  La  Détresse  des  Dieux.  Tout  cela  est  merveilleu- 
sement exprimé. 

Scène  m.  —  Siegmund  et  Sieglinde  arrivent,  fuyant 
devant  la  poursuite  de  Hunding;  le  moûïàe.  La  Fuite,  pré- 
senté de  mille  laçons  plus  ingénieuses  les  unes  que  les 


ANALYSE    MUSICALE 


405 


autres,  fait  tous  les  frais  de  la  scène  pendant  une  dizaine 
de  pages,  parfois  accompagné  de  V Amour,  parfois  de  La 
Volupté.  Après  un  rappel  de  L' Héroïsme  des  Wàlsungs 
et  de  U Épée,  Hunding  s'annonce  par  le  rythme  de  son 
motif,  confié  aux  timbales,  aussitôt  suivi  de  La  Poursuite 


SIEGLINDE 


LA  POURSUITE 


et  de  l'aboiement  rauque  de  sa  meute. 

Quand  Sieglinde  s'évanouit  entre  les  bras  de  Sieg- 
mund,  L'Amour  reparaît  avec  le  souvenir  de  La  Fuite. 

Scène  iv.  —  Ici,  une  des  scènes  capitales.  Briinnhilde 
vient  annoncer  au  héros  qu'il  va  mourir.  L'orchestre  nous 
apprend  que  Le  Sort  a  décidé  La  Mort  de  Siegmund,  et 
qu'il  doit  aller  au  Walhalla. 

B'ien  examiner  ces  deux  nouveaux  motifs,  qui  sont 
intimement  liés  :  d'abord  Le  Sort, 


LE  SORT 


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406 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


dont  rharmonisation  est  à  peu  près  invariable,  et  dont 
la  formule,  généralement  répétée  deux  fois,  séparées  par 
des  silences,  se  dresse  comme  un  énigmatique  et  lugubre 
point  d'interrogation;  La  Mort  en  dérive  évidemment, 
puisque  en  supprimant  ses  trois  notes  de  début  on  se 
trouve  en  présence  de  la  double  formule  du  Sort, 

LA  MORT 


\Ji*\!(-  i"'^^ 

1  1        II 

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{ 1 1 ^ 1 

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r   .  b ..  — 

' CJ ' 

Ces  nouveaux  motifs,  entremêlés  à  ceux  du  WalJialla, 
de  Freïa,  de  Za  Chevauchée,  de  L' Amour  avec  Za  Fuite,  du 
Courroux  de  Wotan,  du  Regret  de  l'amour,  suffisent  pour 
commenter  l'action  tant  que  Brijnnhilde  dépeint  à  Sieg- 
mund,  qui  ne  veut  pas  abandonner  Sieglinde,  les  splen- 
deurs et  les  séductions  de  la  céleste  demeure;  mais  à 
rinstant  où  le  Wiilsung  désespéré  lève  son  glaive  sur  sa 
femme  endormie,  nous  entendons  pour  la  première  fois, 
sous  une  forme  encore  vague,  le  thème  de  Siegfried  ^ar- 
dien  de  l'épée  (voir  3®  acte,  scène  i),  qui  nous  révèle  la 
présence  de  l'enfant  dans  le  sein  de  sa  mère.  C'est  alors 
que  Briinnhilde,  saisie  d'une  tendre  émotion  devant  cet 
acte  d'héroïsme,  se  décide,  transgressant  l'ordre  divin,  à 
prendre  le  parti  de  Siegmund,  décision  qui  doit  la  per- 
dre ;  c'est  alors  aussi  que,  par  un  merveilleux  trait  de 
génie,  Wagner  transforme  subitement  le  motif  de  La  Mort 
de  mineur  en  majeur,  en  change  l'allure,  y  introduisant 
le  rythme  de  La  Fuite;  ce  n'est  plus  le  trépas  de  Sieg- 
mund qui  est  décrété,  c'est  celui  de  Hunding.  A  partir 


ANALYSE    MUSICALE 


407 


de  ce  moment,  voici  comment  est  transtiguré  le  motif  de 
La  Mort  : 


BRUNNHILDE 


r^^ 


,r-^"  1 t—i — — rH*- 


Brijnnhilde  disparue,  la  question  du  Sort  se  pose  d« 
nouveau,  mélangée  au  Courroux  de  Wotan  et  s'enchaînant 
avec  L'Amour. 


Scène  v.  —  La  scène  v  ne  comporte  pas  de  motifs 
nouveaux. 

Quoique  très  courte,  on  peut  la  considérer  comme  di- 
visée en  quatre  parties  :  1,  les  adieux  de  Siegmund,  par- 
tant pour  le  combat,  à  Sieglinde  endormie  ;  2,  la  poursuite 
des  adversaires  pendant  le  Rêve  de  Sieglinde  ;  3,  le  com- 
bat,   avec  la  double    intervention  de   Brimnhilde   et   de 


408  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Wotan;  4,  la  malédiction  lancée  par  Wotan  à  la  Wal- 
kyrie. 

Pendant  la  première  partie  dominent  les  motifs  tendres 
de  L'Amour  et  de  Freïa,  troublés  par  ceux  du  Sort  et  de 
La  Poursuite.  —  Dans  la  deuxième,  l'appel  sauvage 
■de  Hu/ullng,  L'Épée,  et  La  Poursuite,  qui  devient  de  plus 
en  plus  pressante  (çà  et  là,  des  éclairs,  pareils  à  ceux 
qu'on  a  vus  dans  le  l®""  Prélude).  —  Dans  la  troisième,  le 
combat;  en  quelques  secondes,  on  perçoit  le  galop  du 
cheval  de  Briinnhilde,  venant  encourager  Siegmund  à  la 
lutte,  La  Chevauchée;  puis  arrive  Wotan,  qui,  contraint 
par  Le  Traité,  brise  L'Épée  ;  la  mort  de  Siegmund  est 
accompagnée  de  quatre  douloureux  rappels  de  La  Servi- 
tude, suivis  de  L' Héroïsme  des  Wàlsu/igs,  du  Sort,  et  du 
Courroux  de  Wotan;  enfin  Briinnhilde  enlève  sur  son 
cheval  la  malheureuse  Sieglinde,  d'où  un  retour  de  la 
Chevauchée,  puis  toujours  du  Sort.  Tout  cela  se  passe 
avec  une  ra})idité  extrême,  en  moins  de  temps  qu'il  n'en 
faut  pour  le  lire  ici.  —  Dans  la  quatrième  partie  de  la 
scène  enfin,  Wotan,  tout  en  foudroyant  Hunding  d'un  re- 
gard, considère  qu'il  a  loyalement  accompli  son  engage- 
ment envers  Fricka,  ce  que  nous  fait  connaître  le  motif 
du  Traité,  qui,  on  s'en  souvient,  s'applique  à  tout  pacte, 
à  tout  contrat,  de  quelque  genre  qu'il  soit;  d'ailleurs, 
aussitôt  reparaît  le  Courroux,  loin  d'être  apaisé,  et  W^o- 
tan,  éclatant  dans  une  fureur  soudaine,  maudit  la  Wal- 
kyrie  désobéissante  et  la  voue  à  une  vengeance  cruelle. 
Le  rideau  se  ferme  rapidement  pendant  que  l'orcliestre 
nous  rappelle  La  Détresse  des  dieux,  ainsi  que  divers  épi- 
sodes de  l'acte,  les  éclairs  qui  l'ont  sillonné,  et  La  Pour- 
suite, dont  c'est  la  dernière  apparition. 


ANALYSE    MUSICALE 


409 


o'»^  Actft. 

Prélude.  — Le  Prélude  du  3^  Acte  se  passe  de  tout  com- 
mentaire. C'est  La  Chevauchée  dans  son  développement 
complet,  avec  ses  hennissements  sonores,  ses  piaffements, 
ses  cris  sauvages  et  joyeux,  son  infatigable  activité,  ses 
appels  et  ses  rires  farouches. 

Scène  i.  —  Dans  toute  la  première  partie  de  cette 
scène,  tant  que  règne  le  ton  de  si  mineur  et  le  rythme  à 
9/8,  tout  est  emprunté  à  La  Chevauchée,  dont  ce  n'est,  à  vrai 
dire,  que  la  continuation,  sauf  une  courte  allusion  au  Wal- 
halla,  lorsque  Rossweisse  demande  s'il  est  temi)S  de  s'y 
rendre,  23  mesures  avant  le  3/4  en  wMnineur  qui  annonce 
l'arrivée  de  Brûnnhilde.  Là,  bien  que  le  rythme  en  soit 
changé,  on  reconnaît  le  dessin  de  basses  de  La  Détresse 
des  dieux;  peu  après,  en  ré  mineur,  c'est  le  chant  de  La 
Mort,  puis  La  Fuite.  Aucun  autre  motif  ne  se  manifeste 
d'une  façon  importante  jusqu'aux  paroles  de  Schwertleite 
dépeignant  Le  Dragon  veillant  sur  l'anneau. 

Dans  le  Ç^j^  de  Briinnhilde  apparaît  avec  toute  son  am- 
pleur le  thème  grandiose  de  Siegfried  gardien  de  l'Épée, 
seulement  entrevu  dans  la  scène  iv  de  l'acte  précédent, 


SIEGFRIED  GARDIEy  DF  L'EPEE 
BRUXXHILDE  ,  CHS- 


410 


VOYAGE    A   BAYRt:UTH 


immédiatememt  suivi  de  L'Epée  ;  puis,  lorsque  Sieglinde 
reprend  la  parole,  apparaît  le  motif  enthousiaste  et  su- 
blime de  La  Fiédeniption  par  l'amour 


LA  REDEMPTION  PAB  L'AWUR 


yj  ^f  J'ir 


#  ,r 


m 


ANALYSE  MUSICALE 


411 


[Celui-là  ne  reparaîtra  plus  que  dans  la  scène  finale  du  «  Crépus- 
cule des  Dieux  ».  où  il  acquerra  une  importance  prépondérante,  et 
fournira  l'émouvant  couronnement  de  l'œuvre  tout  entière.] 

Aussitôt  après  reparaissent  La  Tempête  avec  La  Servie 
îude,  puis  un  ensemble  très  court  des  huit  Walkyries 
termine  la  scène. 

Scène  ii.  —  La  scène  ii  (les  admonestations  de  Wo- 
tan  à  BriJnnhilde  devant  ses  soeurs,  qui  cherchent  d'abord 
à  la  cacher,  puis  à  la  défendre)  est  assez  expressive  dra- 
matiquement pour  se  passer  de  motifs  conducteurs  ;  pour- 
tant, au  Ijout  d'un  certain  temps,  on  y  retrouve,  fréquem- 
ment renouvelé,  Le  Courroux  de  Wotan,  puis  La  Mort, 
superbement  développée,  Le  Traité,  et  enfin,  au  moment 
de  la  dispersion  des  Walk3'ries,  La  Chevauchée,  qui  res- 
semble alors  à  une  déroute,  et  dont  se  dégage  une  large 
phrase  qui  s'élève,  et  n'est  pas  sans  quelque  analogie  avec 
le  chant  de  La  Mort. 

Scène  m.  —  Le  début  de  la  scène  ne  met  en  jea,  pen- 
dant assez  longtemps,  que  deux  motifs  typiques,  dont  l'un 
estZe  Courroux,  que  nous  connaissons.  L'autre,  qui  appa- 
raît, par  un  dessin  de  violoncelle,  dès  la  4^  mesure, 
représente  ici  la  soumission  résignée  de  la  pauvre  Briinn- 
hilde  à  la  volonté  paternelle  qui  va  lui  imposer  une 
nouvelle  vie,  une  existence  humaine  ; 


il  se  reproduit  de  la  même  manière  7  mesures  plus  loin, 
puis,  modifié,  à  la  102^  mesure,  cette  fois  aux  violons. 


, — -v.^     _i^' — .    r^.-^  aj^ 


412 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Il  faut  la  considérer  comme  une  forme  préparatoire,  une 
sorte  d'acheminement  vers  un  motif  très  important  qui 
paraîtra  sous  peu,  à  l'arrivée  du  ton  de  mi  majeur,  L'Art' 
nonce  d'une  noui-elle  vie. 


C  ANNOISCE  D 'UNE  mUVELLE  VIE 

BRLXNHILDE 


'>-r.  :  fj 


mais  n'atteindra  son  plus  complet  épanouissement  que 
dans  la  partie  symphonique  qui  précède  les  adieux  de 
Wotan,  cette  fois  à  4/4,  presque  à  la  fin  de  l'acte. 


ANALYSE    MUSICALE 


413 


A  partir  de  ce  moment  on  retrouve  plus  souvent  des 
Leit-motifs  :  Le  Regret  de  l'Amour,  La  Malédiction  de  l'An- 
neau, Le  Sort,  Le  Traité,  L'Amour,  L'Héroïsme  des  Wàl- 
sungs ,  Siegfried  gardien  de  l'Épée,  puis  L'Épée;  enfin, 
lorsque  ^Yotan  dicte  son  inflexible  sentence,  nous  enten- 
dons résonner  pour  la  première  fois  l'harmonie  mysté- 
rieuse du  Sommeil  éternel. 


LE  SOMMEIL  ETEH.yEL 


WOTAN 


i 


^ 


¥    ^- 


90      qc 


41^ 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


[qui  reparaîtra  souvent,  tant  dans  la  fin  de  cet  ouvrage  que  dans 
les  suivants,  sans  s'appliquer  plus  à  un  personnage  qu'à  un  autre, 
et  parfois  accompagnée  dun  dessin  emprunté  aux  Flammes.] 


Ici  nous  l'entendons  deux  fois  de  suite,  séparées  par 
un  très  court  rappel  du  Walhalla. 

Presque  aussitôt  se  fait  pressentir,  à  plusieurs  reprises, 
et  d'abord  en  mineur, 


le  motif  saisissant  par  son  calme  imposant  qui  deviendra 
bientôt  Le  Sommeil  de  la  Walkyrie. 


LE  SOMMEIL  DE  BRUNNUILDE 


ANALYSE    MUSICALE 


415 


Celui-ci  va  prendre  de  plus  en  plus  d'importance  et  ter- 
minera la  deuxième  journée  de  la  «  Tétralogie  »,  accom- 
pagné du  scintillement  des  feux  de  Lo^e. 


Mais  auparavant  se  place  la  scène  si  émouvante  des 
Adieux  de  Wotan  et  de  Tlncantation  du  feu.  On  peut  con- 
sidérer qu'elle  commence  précisément  à  cet  endroit,  dor>l 
nous  avons  déjà  parlé,  où  le  motif  de  L'Annonce  d'une  nou- 
velle vie,  en  mi  majeur  et  à  4/4,  revêt  son  aspect  le  plus 
grandiose  et  le  plus  éblouissant,  pour  venir,  par  un  cres- 
cendo splendide,  s'épanouir  magnifiquement  sur  un  accord 
de  quarte  et  sixte  dans  le  Ûvhmt  an  Sommeil  de  Brûnnhilde. 

Alors  le  .Comme// s'assombrit,  la  tonalité  mineure  repa- 
raît, et,  au  cours  d'une  belle  période  (à  la  18®  mesure  du 
mineur),  nous  entendons  la  phrase  proprement  dite  Chant 
d'adieu  de  Wotan,  pleine  de  tendresse  et  d'émotion, 


WOTAN 


CHAyT  L'ADIEU  DE  WOTAPi 


k\è 


VOYAGE   A    BAYREUTH 
^     ^        ^ -^ -^ 


que  ne  cessera  plus  jamais  d'accompagner  le  dessin  du 
Sommeil. 

Ensuite  Le  Sort,  Le  Renoncement  à  l'Amour,  puis,  au  mo- 
ment où  cesse  la  parole,  Le  Sommeil  éternel,  pendant  le- 
quel la  Walkyrie  s'endort  dans  les  bras  du  dieu.  Et  pen- 
dant qu'il  l'étend  sur  la  roche,  place  ses  armes  à  ses  côtés 
et  la  couvre  de  son  bouclier,  l'orchestre  nous  redit  dans 
tout  son  développement  la  phrase  si  touchante  du  Chant 
d'adieu,  avec  les  caressants  enlacements  du  Sommeil. 

Vient  alors  l'Incantation  du  feu.  Aussitôt,  les  motifs 
changent.  C'est  d'abord  Le  Traité,  puis  les  dessins  chro- 
matiques de  Loge;  encore  Le  Traité,  suivi  cette  fois  des 
Flammes.  Ces  deux  motifs  (Loge  et  Les  Flammes)  ne  cessent 
de  se  poursuivre  pendant  l'embrasement  de  la  roche,  et 
servent  d'accompagnement  aux  autres,  quels  qu'ils  soient, 
jusqu'à  la  chute  du  rideau.  Alors  revient  encore  une  fois 
Le  Sommeil  éternel,  dans  la  forme  arpégée  que  nous 
avons  prédécemment  notée  p.  414,  puis,  cette  fois  pour  ne 
plus  cesser,  Le  Sommeil  de  Brïmnhilde  de  plus  en  plus 
placide  et  enveloppant. 

Les  dernières  notes  de  Wotan  pourraient  ne  pas  porter 
de  paroles;  elles  reproduisent  dans  son  entier,  majes- 
tueusement amplifié,  le  beau  motif  de  Siegfried  gardien  de 


ANALYSE    MUSICALE  417 

VÉpée,  que  l'orchestre  répète  aussitôt,  en  lui  donnant 
pour  conclusion  la  phrase  solennelle  des  Adieux  de  Wotan. 
Dix  mesures  avant  la  fin,  au  dernier  regard  de  Wotan 
sur  sa  fille  endormie,  sans  que  pour  cela  s'interrompent 
ni  Le  Sommeil  ni  le  scintillement  des  Flammes,  gronde 
sourdement  la  sinistre  menace  du  Sort  ;  puis  un  grand 
calme  se  fait,  et  le  rideau  se  ferme  lentement. 


SIEGFRIED 
le"-  Acte. 

Prélude.  —  Si  l'on  envisage  l'ensemble  de  la  «  Tétra- 
logie »  comme  une  sorte  d'immense  symphonie  conçue 
dans  des  proportions  gigantesques,  et  dont  chaque  jour- 
née constituerait  l'un  des  morceaux,  a  Siegfried  «  en  ap- 
paraît comme  le  Scherzo,  le  pétulant  Intermezzo. 

Tout  y  est  gai,  alerte  et  dispos,  comme  la  jeunesse 
même  du  héros;  l'élément  comique  lui-même  y  trouve  sa 
place,  et  intervient  fréquemment  dans  le  rôle  de  Mime. 
La  plupart  des  motifs  nouveaux  présentent  des  rythmes 
nerveux,  allègres,  ou  sont  empreints  dune  ardeur  juvé- 
nile, communicative.  C'est  là  aussi  que  les  musiciens 
trouveront  les  harmonies  les  plus  neuves,  les  plus  témé- 
raires si  l'on  veut,  parfois  difficiles  à  expliquer,  et  les 
plus  amusantes  combinaisons  des  Leit-motifs  entre  eux 
C'est  une  journée  de  repos  et  de  fraîcheur,  dont  l'élément 
tragique  est  presque  exclu,  au  bénéfice  de  l'esprit  et  de 
la  verve,  pour  reparaître  plus  poignant  le  lendemain. 

Le  Prélude  se  meut  sur  des  thèmes  déjà  connus  :  d'a- 
bord La  Réflexion,  puis  L'Amoncellement  du  trésor,  coupé 
par  une  brève  allusion  au  Courroux  de  Wotan,  lequel  se 
transforme  bientôt  en  La  Servitude,  La  For^e,  Le  Cri  de 


418 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


triomphe  du  Nibelung,  L'Anneau,  L'Épée,  Le  Dragon,  mo- 
difié dans  son  rythme, . . .  enfin  tout  ce  qu'il  faut  pour  nous 
faire  pressentir  que  nous  sommes  dans  la  forge  agreste 
où  le  rusé  Mime  travaille  ténébreusement  en  vue  de  con- 
quérir à  son  tour  le  trésor  qui  lui  assurerait  la  domina- 
tion du  monde. 

Scène  i.  —  Les  mêmes  motifs,  ou  d'autres  également 
connus,  alimentent  la  scène  i  jusqu'à  l'arrivée  de  Sieg- 
fried, qui  s'annonce  allègrement  par  son  Appel  du  fils  des 
bois,  la  fanfare  de  chasse  du  jeune  et  intrépide  héros, 
respirant  la  franchise,  la  hardiesse  et  la  bonne  humeur. 

Al'PEL  f)i  FII.S  DES  BOIS 


[On  la  retrouvera,  dans  ce  même  rythme  à  6/8,  mais  dans  le  ton 
de  fa  et  très  développée,  à  la  scène  ii,  car  c'est  par  elle  que  Sieg- 
fried provoque  le  Dragon  ;  et  encore  au  début  du  3*  acte  du  a  Cré- 
puscule ».] 

[Prendre  en  note  que  ce  même  motif,  transformé  et  à  4  temps,  se 
représentera  d'autres  fois  dans  le  «  Crépuscule  »,  où  il  prendra  un 
caractère  spécialement  héroïque,  en  perdant  tout  son  enjouement.] 


H,            fl"^f 

0          ^     f 

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[Noter  aussi  la  curieuse  combinaison  de  ce  motif  avec  ceux  des 
Flammes  et  du  Sommeil  éternel  qui  se  trouvent  dans  «  Siegfried  », 
au  3*  acte,  lorsque  le  héros  va  franchir  le  cercle  de  feu  dans  lequel 
dort  la  Walkyrie.] 


4/^  ^ 


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0  '  iJùJuntJ)  • 


Saj,  ^ 


11^X^4} 


J  ^Lru  tyyjLHUuitO  eA^n^n^-O^^o  ^ru^rr^A) 
cUH  duN  l)(Tj^  7Le-H^  ùri^  e-Ld-cv  oitL  /1/î-^^ 


1HAX4)Ut^yTA^(^  <L^  vVcJtàrL^  ;  Cr-uiL^n.  Loué 


Zut^o^  oJ^^iynho  liLtcuà  nj  ^eri^hryii^i^tivshvyriui^n^ 


ANALYSE    MUSICALE 
Charme  des  flnmmp% 


419 


Le  Sommfi!  éternel 


Fjfe= 

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J- 

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Aussitôt  que  Siegfried,  sur  deux  rappels  successifs  du 
Gardien  de  l'Épée,  a  fait  voler  en  éclats  l'arme  forgée 
par  Mime,  apparaît  un  nouveau  motif  plein  d'entrain  : 
L'Amour  de  la  vie,  qui  va  régner  pendant  une  bonne  partie 
de  la  scène;  c'est  plutôt  l'exubérance  de  la  vie,  la  joie  de 
vivre  qu'il  y  faut  voir,  une  joie  presque  enfantine. 


VAMOIR  DE  LA  VIE 


SIEGFRIED 

-M. 


420 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


s»  r  *  r  ;ï 

Il  n'est  guère  interrompu  que  par  la  Complainte  pleur- 
nicharde de  Mime  (3/4,  fa  mineur),  recommençant  dix  fois 
à  raconter  à  Siegfried,  sans  le  convaincre  davantage,  les 
bienfaits  de  l'éducation  qu'il  lui  a  donnée,  et  tentant  de 
l'attendrir  sur  sa  fausse  sollicitude.  Siegfried  ne  se  laisse 
nullement  toucher,  et  préfère  parler  de  l'amour  des  en- 
fants pour  leur  mère,  qu'il  a  observé  lui-même,  d'abord 
chez  les  oiseaux,  puis  chez  les  fauves,  ce  qui  le  porte 
impérieusement  à  désirer  connaître  le  nom  de  sa   mère. 

Toute  cette  partie  se  déroule  sur  une  mélodie  douce  et 
caressante  qui  caractérise  le  sentiment  naïf  de  L'Amour 
filial  tel  qu'il  le  conçoit, 

L'AMOUR  FILIAL 


^>!i  rr~^ 


pp 


^ 


^^ 


^5-r^ 


fréquemment  coupée  par  des  retours  intempestifs  de  la 
Complainte  de  l'éducation,  comme  aussi  par  des  allu- 
sions à  divers  motifs   des    Wàlsungs,    de  La  Forge,   de 


ANALYSE    MUSICALE 


421 


L'Epée,  dont  l'à-propos  est  toujours  saisissant  :  il  ra- 
conte avoir  vu  son  image  se  refléter  dans  l'eau  (Siegfried 
gardien  de  l'épée);  quelle  était  cette  eau?  [Le  R/nn]  ;  le 
récit  de  sa  naissance  est  accompagné  de  La  Race  des 
Wcilsiings,  de  La  Compassion  et  de  L'Amour,...  le  tout 
encadré  dans  L'Amour  de  la  vie. 

Lorsque  enfin  il  connaît  son  origine,  un  intense  désir 
se  développe  en  lui  de  quitter  à  jamais  l'antre  du  gnome 
antipathique,  ce  qu'exprime  à  merveille  une  alerte  phrase 
indépendante  à  3/4,  vers  la  fin  de  laquelle  on  rencontre 
ces  deux  mesures  que  les  divers  commentateurs  dési- 
gnent sous  les  noms  de  Siegfried  errant.  Chanson  de 
voyage,  le  Désir  de  voyager. 


LE  DESIH  DE  VfjYAGER 


m^    r  r  r  J 

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-H-^^ 

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r-^-ft — r 

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-U- 

^    '■ 

■    .  1 

y= 

Nous  nous  arrêterons  à  cette  dernière  dénomination, 

[en  constatant  que  ce  même  motif  se  retrouvera  exprimer  le  même 
sentiment  dans  le  Prologue  du  «  Crépuscule  des  Dieux  »,  lorsque 
Siegfried  se  dispose  à  quitter  Briinnhilde  pour  courir  de  nouvelles 
aventures,  puis  encore  au  l"acte,  scène  ii,  en  dialogue  avec  Gunther.] 

L'Anneau,  La  Forge,  La  Réflexion,  Le  Dragon  et  Le  Re- 
gret de  V amour  relient  cette  scène  à  la  suivante. 

Scène  ii.  —  Coïncidant  avec  l'entrée  de  Wotan  sous  la 
forme  du  Voyageur,  apparaît  l'harmonie  puissante  et 
mystérieuse  de  Wotan  errant  ou  le  Voyage  de  Wotan, 


422  VOYAGE   A   BAYREUTH 

laquelle  se  divise  en  deux  parties,  l'une  chromatique  et 
étrange,  l'autre  entièrement  diatonique  et  d'une  placide 
solennité,  qui  par  la  suite  seront  exploitées  séparément, 
mais  seulement  dans  «  Siegfried  », 


MIMF. 


WOTAy  ERHAyT 


La  façon  dont  est  conduite  musicalement  cette  scène 
si  curieuse  à  tous  les  points  de  vue  mérite  un  examen 
attentif. 

Tout  d'abord,  c'est  par  le  thème  du  Traité  que  le  dieu 
oblige  le  gnome  à  accepter  la  singulière  gageure  dont 
l'enjeu  est  leur  propre  tête  ;  et,  après  malicieuse  Réflexion- 
c'est  sur  le  même  motif  que  le  nain  accepte  le  défi;  on 
sent  qu'il  veut  en  imposer  à  son  tour,  faire  le  brave. 

Ensuite,  chaque  fois  que  Mime  cherche  une  question  à 


ANALYSE   MUSICALE  42g 

formuler,  cette  recherche  est  accompagnée  des  bruits  de 
La  Forge  et  du  motif  de  La  Réflexion,  auxquels  s'adjoi*- 
^-nent,  la  première  fois  seulement,  Le  Traité,  qui  le  lie,  et 
L'Anneau,  objet  de  sa  convoitise. 

Sa  première  question  porte  sur  «  la  race  qui  vit  au  sein 
de  la  terre  ».  La  réponse  de  AYotan  est  soulignée  par 
tous  les  motifs  des  Nibelunfrs,  La  Forore,  L'Anneau.  La 
Puissance  cl' Aller icJi,  L'Adoration  de  l'or,  Le  Cri  de  triom.-^ 
l^heduNibelung,  L'Amoncellement  du  trésor,  enfin Ze  Traité. 

Sa  deuxième  question  vise  «  cette  autre  race  qui  vit 
sur  le  dos  de  la  terre  ».  Aussitôt,  avec  la  réponse,  appa-» 
laissent  les  motifs  des  Géants,  de  La  Puissance  de  l'An- 
neau, du  Dragon,  et  toujours  Le  Traité. 

Sa  troisième  question  concerne  «  la  race  qui  plane 
sur  les  sommets,  au  milieu  des  nuages  ».  C'est  alors  Le 
Walhalla  qui  se  déroule  dans  sa  splendeur,  suivi  d'une 
allusion  à  Alherich  terrassé  et  à  L'Anneau.  Pourtant,  au 
cours  de  cette  troisième  réponse  victorieuse  du  dieu  er- 
rant, se  fait  jour  un  thème  nouveau,  de  grande  allure, 

[qui,  assez  fortement  modifié  et  agrandi,  prendra  une  grande  im- 
portance dans  la  4'  journée  :] 

c  est  celui  de  La  Puissance  divine. 


LA  PUISSANCE  DIVIISE 

LE  VOYAGEUR 


424  VOYAGE    A    BAYREUTH 

dont  je  ne  donne  ici  que  la  première  moitié,  et  qui  se 
termine,  comme  on  peut  le  voir  dans  la  partition,  par 
une  longue  gamme  descendante  qui  n'a  plus  rien  de 
triomphal. 

Le  voyageur,  Wotan  errant,  a  satisfait  au  T^ra^Ve  conclu; 
l'orchestre  le  constate  avec  lui.  C'est  à  son  tour  à  inter- 
roger, et  Mime  devra  répondre.  Aussitôt  s'insinue  une 
figure  humble  et  sournoise  qui  dépeindra,  pendant  toute 
cette  deuxième  moitié  de  la  scène,  la  contre-partie  de  la 
première,  l'attitude  piteuse  du  malicieux  Nibelung  lorsque 
Wotan  à  son  tour  le  tient  sur  la  sellette. 

[Elle  ne  reparaîtra  ensuite  qu'à  la  scène  m  du  2*  acte,  peu  avant 
la  mort  de  Mime.] 

En  voici  l'un  des  aspects.  Appelons-la  Mime  rampant. 


MIME  RAMPANT 


MIXiE 


Htm 


car  elle  ne  s'applique  à  aucun  autre  personnage. 

Avant  que  commence  son  interrogatoire,  Mime  cher- 
che un  prétexte  pour  s'esquiver  ;  il  allègue  qu'il  habite 
depuis  longtemps  sa  Forge  et  ne  sait  plus  rien  du  monde  : 
car  il  a  reconnu  Wotan  dans  le  Voyageur,  ainsi  que  nous 
l'apprend  un  court  rappel  du  Wallialla  ;  pourtant  il  doit 
courber  la  tête  sous  La  Servitude  ;  donc,  il  répondra. 


ANALYSE    MUSICALE  42ô 

En  premier  lieu,  Wotan  lui  demande  ce  qu'il  sait  de 
«  la  race  héroïque  à  laquelle  il  semble  cruel  ».  La  ré- 
ponse de  Mime  est  accompagnée  par  tous  les  motifs  des 
IVaîsu/tgs,  leur  Race,  leur  Héroïsme,  et  même  Siegfried 
gardien  de  l'Épée. 

En  second  lieu,  il  veut  savoir  «  quel  fer  doit  brandir 
le  jeune  homme  pour  conquérir  l'anneau  en  terrassant  le 
Dragon  ».  Ici  le  seul  motif  qui  se  mélange  à  ceux  de  Mime 
rampant  et  de  La  Forge,  c'est  L'Epée,  l'épée  des  dieux. 

En  troisième  lieu  enQn,  il  est  rais  en  demeure  de  dé- 
signer «  celui  qui  j)ourra  reforger  cette  lame  brisée  ». 
C'est  alors  que  Mime  se  perd,  car  il  ne  sait  pas  nom- 
(uer  Siegfried  ;  mais  l'orchestre  nous  le  fait  connaître  par 
le  retour  persistant  de  V Amour  de  la  vie,  qui  ne  laisse 
aucun  doute  sul^sister  sur  la  personnalité  du  héros. 

Wotan  va  se  retirer.  L'harmonie  étrange  et  solennelle 
qui  la  introduit,  Wotan  errant,  reparaît,  pour  bientôt 
faire  place  à  L'Épée,  au  Traité,  au  Dragon,  lorsque  le 
dieu  vainqueur  voue  la  tête  du  vaincu  à  celui  qui  n'a 
jamais  connu  la  peur,  à  celui  qui  tuera  le  Dragon,  autre- 
ireraent  dit  à  Siegfried  gardien  de  l'Épée. 

Les  sifflements  railleurs  de  Loge  apparaissent  sous  les 
dernières  paroles  de  Wotan,  pour  continuer  pendant  une 
bonne  partie  de  la  scène  qui  vient. 

Scène  m.  —  Quoique  très  développée  et  du  plus 
grand  intérêt,  celle-ci  s'analyse  assez  rapidement. 

Mime,  resté  seul,  est  d'abord  terrorisé  par  les  crépi- 
tements de  feu  de  Loge;  revient  Siegfried,  et  avec  lui 
les  gais  motifs  du  Désir  de  voyager  et  de  L'Amour  de  la 
vie  ;  puis,  accompagnant  de  la  façon  la  plus  spirituelle 
chaque  phrase,  parfois  chaque  mot  du  dialogue,  on  re- 
connaît successivement  :  Le  Dragon,  LJÉpée,  L.a  Servitude, 

25 


4-26 


VOYAGE    A    BAYRKUTH 


M'oran  errant,  Le  Gardien  de  l'Épée,  L'Amour  de  la  pie, 
La  Race  des  Wàlsungs,  Loge,  Le  Charme  des  flammes.  Le 
Sommeil  éternel.  Le  Sommeil  de  Brïinnhilde ,  L' Appel  du 
fils  des  bois...  Pendant  ce  temps,  Siegfried  ne  songe 
qu'à  forger  lui-même  son  glaive  avec  les  tronçons  que 
Mime  lui  a  remis.  Il  se  met  à  l'œuvre  et  chante  gaiement, 
tout  en  limant  l'acier  et  activant  le  feu.  un  joyeux  Chant 
en  trois  couplets,  le  troisième  avec  d'élégantes  variations, 
dont  l'accompagnement  imite  le  sifflement  du  soufflet  de 
la  forge,  comme  précédemment  on  a  entendu  le  grince- 
ment de  la  lime  :  appelons-le  Chant  du  soufflet,  pour  le 
distinguer  d'un  autre  qui  le  suit  de  près.  Mime,  dans  un 
coin,  lui  prépare  sournoisement  un  breuvage  empoi- 
sonné qui,  selon  lui,  doit  le  plonger  dans  Le  Sommeil 
éierncf  et  lui  permettra  de  s'emparer  lâchement  du  glaive 
si  vaillamment  reconstitué,  après  qu'il  aura  conquis  à 
son  profit  L'Or  et  L'Anneau.)  Peu  après  que  Siegfried  a 
trempé  la  forme  en  la  plongeant  dans  une  cuve  d  eau,  ce 
c{!ii  donne  lieu  à  un  curieux  effet  de  sonorité  imitative, 
apparaît  le  seul  thème  nouveau  de  cette  scène,  qu'on 
appelle  généralement  La  Fonte  de  l'acier. 


LA  FONTE nE.L'ACJER 


SIEGFRIED 

^      J'  f 

^ f — 1 

Q  ■   A    ' ■— 

-^ -^  P 

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N>s.    3    g    g  S=f:f= 

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ff f 'ff 

1 

g  r^ g — » — 2 — à — 

^"T!4-'  fr^f 

^H+f4=a 

ANALYSE    ilUSICALE 


427 


el  qui  se  mélange  avec  une  sorte  de  reprise  en  majeur 
du  Chant  du  soufflet. 

Ici  se  place  un  nouveau  chant,  le  Chant  de  la  Forge, 
rythmé  par  des  coups  de  marteau  sur  l'enclume,  d'une 
vérité  étonnante;  celui-là  n"a  que  deux  couplets,  séparés 
par  une  réplique  de  Mime,  qui  continue  ses  manipula- 
tions malfaisantes. 

Le  deuxième  couplet  est  à  peine  achevé  lorsque  Sieg- 
fried plonge  de  nouveau  1  arme  encore  rouge  dans  l'eau 
et  s'amuse  du  bruit  qu'elle  fait  en  se  refroidissant. 

Ensuite,  pendant  qu  il  la  termine  et  l'assujettit  dans 
sa  poignée,  la  martèle  une  dernière  fois,  nous  reconnais- 
sons les  motifs  de  La  Forge,  de  Mime  rampant,  de  La  Fonte 
de  l'acier,  de  L'Épée,  avec  de  curieux  rythmes  de  deux 
et  trois  mesures,  et  finalement,  lorsque  Siegfried  brise 
lenclume  pour  essayer  le  tranchant  de  son  arme,  jaillit 
le  motif  du  Fils  des  bois,  qui  termine  joyeusement  l'acte. 

2»«  Acie. 


Scène  I.  —  Le  Prélude,  intimement  lié  à  la  scène  i,  nous 
fait  tout  d'abord  entendre  les  rauques  rugissements  de 
Fafner,  le  survivant  des  deux  Géants  du  prologue,  trans- 


428  VOYAGE    A   BAYREUTH 

formé  en  Dragon,  et  couvant  jalousement  son  trésor  et 
son  Anneau  (je  rappelle  que  ce  motif  de  Fafner  n'est  au 
tre  qu'une   transformation  de  celui  des  Géants,  dont  la 
note  la  plus  grave  est  abaissée  d'un  demi-ton). 

TAFNEK 


Vers  le  milieu  éclate  La  Malédiction  de  l'anneau,  que  sui- 
vent de  près  le  r^-thme  du  Travail  de  destruction  et  Le 
Cri  de  tnoniphe  du  Nibelung.  Alberich  est  en  scène. 

Aces  motifs  viennent  s'adjoindre,  peu  après  le  lever 
du  rideau,  un  dessin  de  Chevauchée  et  le  thème  de  La 
Détresse  des  dieux,  annonçant  l'arrivée  du  dieu- voyageur, 
que  salue  un  rappel  du  Walhalla. 

L'état  d'âme  du  gnome  haineux  à  l'égard  du  dieu, 
dont  il  n'a  pas  oublié  les  procédés  peu  délicats,  se  ma- 
nifeste par  un  nouveau  motif,  La  Vengeance, 

LA  VElSGEAPiCE 


^S'^bpb 


î 


qui  n'a  dans  l'ouvrage  qu'une  importance  secondaire. 

[Il  reparaîtra  pourtant  dans  le  a  Crépuscule  des  Dieux  »  au  2"  acte, 
•cènes  iv  et  v,  sous  uue  forme  plus  saisissante.] 


ANALYSE    MUSICALE 


429 


'N\.r     - 

1    ^       -q^l-i^ 

t==z 

tV-lvT, = 

^ 

VP  ^  ^            ^ 

^ 

S^_^^=] 

U-e^ zj 

Ki= 

i^   t 


b-cr 


On  retrouve  plus  loin  les  thèmes  de  Wotan  errant,  du 
Courroux  de  Wotan,  du  Traité,  de  Xa  Convention  avec  les 
géants,  de  Loge,  de  Za  Malédiction  de  l'anneau,  et  d'au- 
tres faciles  à  reconnaître.  Les  quelques  mots  de  Fafner 
à  Wotan  sont  soulignés  par  son  propre  thème,  auquel  se 
mélange  curieusement,  pendant  un  instant,  L'Épée  qui 
semble  menacer  L'Anneau.  Ensuite  on  reconnaît  Les  Nor- 
ncs.  Le  Désir  de  voyager  ;  puis,  au  moment  du  départ  de 
Wotan,  La  Chevauchée  reparaît,  avec  un  souvenir  du 
Chant  d'adieu  de  Wotan,  immédiatement  suivi  de  Z«  iWa- 
lédiction  de  l'anneau,  deux  fois  répétée,  avec  le  rythme 
de  Destruction,  et  la  scène  finit  comme  elle  a  commencé, 
par  le  motif  de  Fafner,  sinistre  et  menaçant. 

Scène  ii.  —  Arrive  Siegfried,  conduit  par  Mime;  L'A- 
mour de  la  vie  et  le  joyeux  début  de  la  strophe  variée  du 
Chant  du  Soufflet  leur  font  escorte,  avec  quelques  ryth- 
mes de  Forge  et  une  sorte  de  pressentiment  du  Sommeil  de 
BrûnnJiilde.  Mime,  désireux  d'enseigner  La  Peur  à  son 
élève,  emprunte  à  Loge  quelques  traits  chromatiques;  on 
entend  rugir  Fafner,  auquel  Siegfried  oppose  L' Héroïsme 
des  Wdlsungs  ;  L'Amour  de  la  vie  aussi  est  brièvement 
r8i^)elé. 

Mime  parti,  ou  plutôt  caché,  Siegfried  reste  seul  en 
scène.  Ici  commence,  à  proprement  parler,  avec  les  des- 
sins de  doubles  croches  à  6/8,  en  m/ majeur,  la  ravissante 


430 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


idylle  dite  «  Les  Murmures  de  la  forêt  »,  que  les  pages 
précédentes  avaient  déjà  annoncée.  A  travers  ces  frais  et 
calmes  bruissements,  nous  percevons  les  idées  qui  se 
pressent  dans  lame  du  jeune  héros  ;  il  pense  d'abord  à 
La  Race  des  Wàlsungs,  puis  à  sa  mère,  ainsi  que  nous 
l'apprend  L'Amour  filial,  ce  qui  le  conduit  à  entrevoir  la 
beauté  et  L'Amour,  représenté  ici  par  le  thème  de  Freïa. 
Mais  son  attention  est  bientôt  attirée  par  le  chant  d'un 
oiseau,  qui  sautille  et  gazouille  dans  les  branches  au- 
dessus  de  lui;  voici  quelques  fragments  de  ce  délicieux 
chant  de  L  Oiseau. 


;-,'r.  ,  ir 

A     VOISEAV 

^-M 

i^    '  l^^ 

^_Jkk ,     Qj     ^J    1 

.   1 

-H — 1 

i^Il   est  bon  de   savoir  que  chacun  des  fragments   ci-dessus  aura 
parla  suite  une  signification  pré-  L'oiseau.  A 

cise.  Pour  n'en  donner  quun  seul 
exemple,  le  3"^.  par  lequel  L'Oi- 
seau réTélera  à  Siegfried  l'exis- 
tence de  la  Walkyrie  endormie, 
est  identique  au  thème  du  Som- 
meil de  Briinnhilde.  lequel  n'est 
lui-même  qu'une  transposition, 
avec  modifications  rythmiques , 
des  Filles  du  RhinÀ 

[A  partir  diri,  il  sera  fait  perpétuellement  des  allusions  et  aes 


^JO 


CJ-<-^ 


oie.  cùm^oU^  û<x£uy  tcju  E<)h'ûuôLoL.  a^u^diur 
eut  yu^uy^  LVu  Uù^Mj:aA^  ^  u^  'yyta/oco  J^^ 

bec  ^yyvecUi)  d^  Uiyi^î.cu  cle^  LûuR<xy^(^<J^ 


^ 


i^vjiot}7i.dula-;  y  Li^rurd^  Cad (U.  Sc^£y^^J^  , 

Oy^yYUÂU  du.  c<u  lloi/yyviju-  QLcù/nh  duZ^ 
UXa\-  0^ticv^<) ,  "tf  hi^t^  j^^T^  (xniu)  ^Ayi^L^ixJ^i^^^^^^^^ 


ANALYSE   MUSICALE 


431 


citations  de  ce  Chant  de  L'oiseau,  les  unes  très  étendues  et  appelant 
forcément  l'attention,  d'autres  consistant  en  quelques  notes  seule- 
ment :  témoin  celle-ci,  qu'on  trouvera  dans  l'interlude  instrumen- 
tal pendant  lequel  Siegfried  traversera  les  flammes  (3e  acte,  après 
la  fin  de  la  scène  ii).  Ici,  quatre  motifs  sont  en  conjonction.] 

A  do  rai  10  ndeVor 


K\ 


If'-T        — ^1:      r         ^ 

J 

Le  fih  dea  bots 

3                                       3                                 'a 

J|^,^H,A,J'^-  in  - 

J  :<   ^^^^ 

JE 

il' 

Donc,  Siegfried,  ayant  entendu  l'Oiseau,  essaye  d'a- 
bord de  l'imiter  au  moyen  d'un  chalumeau  rustique  qu'il 
taille  avec  son  Epée,  ce  qui  motive  un  incident  d'un  doux 
comique  ;  n'y  parvenant  pas,  il  embouche  son  cor,  et 
sonne  sa  joyeuse  fanfare,  L'Appel  du  fils  des  bois,  dans 
laquelle  il  intercale,  comme  pour  se  mieux  faire  connaî- 
tre, Siegfried  gardien  de  l'Epée. 

C'est  Le  Dragon  qui  lui  répond  par  d'effroyables  bail- 


432  VOYAGE   A    BAYREUTH 

lemenls  ;  c'est  Fafner  qui  sort  de  son  antre  pour  livrer 
combat  à  son  provocateur.  Le  combat  a  lieu;  L'Épée  at- 
teint le  cœur;  Fafner  va  mourir.  Mais,  avant  de  mourir, 
il  retrace  son  histoire,  que  l'orchestre  commente  à  l'aide 
de  plusieurs  Leit-motifs  appropriés  :  Le  Travail  de  des- 
truction, La  Malédiction  de  l'anneau,  Le  Gardien  de  l'Épée, 
son  vainqueur,  Les  Géants,  L' Anneau,  Le  Dragon,  Le  Fils 
des  bois,  et  enfin  Fafner  meurt,  sur  un  coup  de  timbale, 
au  second  temps  de  la  mesure. 

Une  éclatante  fanfare  du  Fils  des  bois  célèbre  cette  pre- 
mière victoire,  puis  aussitôt  reprennent  les  «  Murmures 
de  la  forêt  ».  Mais  cette  fois  le  langage  de  L'Oiseau  est 
devenu  intelligible  ])our  le  jeune  guerrier,  parce  qu'il  a 
sucé  le  sang  du  dragon  (?)  ;  pour  nous  aussi,  mais  par 
une  autre  raison  :  c'est  qu'il  est  confié  à  un  soprano. 

Scène  m.  —  La  scène  m,  malgré  son  grand  dévelop- 
pement et  sa  complication,  ne  fait  connaître  aucun  motif 
nouveau;  il  n'y  a  donc  qu'à  y  rechercher  ceux  déjà  présen- 
tés. Pour  plus  de  clarté,  considérons-la  comme  divisée 
en  quatre  parties. 

Dans  la  première  (dialogue  entre  ?\Iime  et  Alberich), 
les  seuls  motifs  légèrement  esquissés  sont  :  Le  Pouvoir 
du  Casque,  La  Forge,  et  Le  Cri  de  triomphe  du  Nibelung. 

Dans  la  deuxième  (quand  Siegfried  sort  de  la  caverne), 
apparaissent  :  L'Anneau,  L'Adoration  de  l'Or,  L'Or,  puis 
de  nouveau  les  «  Murmures  de  la  forêt  »,  bientôt  associés 
à  la  Race  des  Wàlsungs. 

Dans  la  troisième  (lorsque  Mime  s'approche  obsé- 
quieusement de  Siegfried),  c'est  d'abord  L'Oiseau  et  La 
Fonte  de  l'acier  ;  plus  loin,  la  Complainte  de  l'Éducation, 
dont  le  ton  doucereux  est  démenti  par  les  paroles  ;  au 
moment  de  la  mort  de  Mime,  remarquer  la  singulière  suite 


ANALYSE    MUSICALE  433 

de  3*='^^  descendantes  et  discordantes,  empruntées  à  La 
Réflexion,  qui,  jointes  au  ricanement  d'Alberich 'Za  Forge), 
lui  font  une  assez  piteuse  mais  digne  oraison  funèbre. 

Dans  la  quatrième  partie  (qui  va  de  là  jusqu'à  la  fin 
de  la  scène  ,  paraissent  ou  reparaissent  La  Malédiction  de 
l'anneau,  La  Forge,  quand  Siegfried  jette  dans  l'antre  le 
cadavre  de  Mime  ;  Fafner,  quand  il  y  roule  celui  du  Dra- 
gon; puis  L'Anneau,  et,  suivi  du  rappel  de  L'Oiseau,  le 
chant  de  L'Amour  filial,  qui,  avec  quelques  souvenirs  de 
la.  Forge,  nous  conduit  à  un  dernier  retour  des  «  Murmu- 
res de  la  forêt  ».  Cette  fois,  L'Oiseau  propose  à  Siegfried 
de  le  conduire  auprès  de  la  \YaIkyrie  endormie  au  milieu 
d'un  cercle  de  feu  (voir  p.  430);  aussi  les  derniers  motifs 
de  l'acte  sont-ils  :  Le  Charme  des  flammes,  Siegfried  gar- 
dien de  l'Épée,  Le  Sommeil  de  Brûnnhilde. ..  et,  brochant 
sur  le  tout,  le  ramage  de  L'Oiseau,  qui  ne  se  tait  qu'à 
l'accord  final. 

3™«  Acte. 

Prélude.  — Un  rythme  persistant  de  Chevaucliée  nous 
fait  pressentir  la  venue  de  Wotan.  En  même  temps  re- 
paraît un  imposant  dessin  ascendant  de  basse,  dans  lequel 
on  peut  reconnaître  soit  Les  Nornes,  soit  La  Détresse  des 
dieux,  soit  encore,  lorsqu'il  passe  en  majeur,  Le  PJiin, 
tous  motifs  proches  parents,  par  leur  contexture  et  leur 
sens  symbolique,  et  dont  la  présence  ici  s'explique  aussi 
naturellement  pour  l'un  que  pour  l'autre.  Le  Courroux  de 
Wotan,  Le  Traité,  Le  Déclin  des  dieux,  La  Puissance  d'Aï- 
berich,  apparaissent  çà  et  là,  et  le  Prélude  se  soude  à  la 

Scène  i  par  l'harmonie  mystérieuse  et  solennelle  du 
Sommeil  éternel,  à  laquelle  succèdent,  sans  interruption, 
Le  Sort,  Le  Traité,  et,  juste  avant  le  premier  mot  du  Voya- 
geur, L'Annonce  d'une  nouvelle  vie. 


434 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Les  mêmes  motifs  accompagnent  le  monologue  de  Wo- 
tan,  révocation  d'Erda,  avec  un  rappel  de  JVotan  errant; 
ils  dominent  aussi  dans  la  réponse  d'Erda  et  son  dialo- 
gue avec  Wotan,  pendant  lesquels  reparaissent  en  plus  : 
L'Anneau,  Le  Regret  de  l'amour.  Le  Walhalla,  Le  Travail 
de  destruction  des  Nibelungs,  Le  Chant  d'adieu  de  Wotan, 
et  quelques  autres  motifs  seulement  esquissés. 

C'est  seulement  à  la  fin  de  cette  scène,  qui  compte 
parmi  les  plus  admirables  de  la  «  Tétralogie  ^>  tout  en- 
tière, qu'apparaît  un  thème  nouveau,  L'Héritage  du  monde. 


VITERITAGE  VU  yO'SLE 


de  ce  monde  sur  lequel  Wotan,  prévoyant  el  désirant  la 
fin  des  dieux,  n'entend  plus  régner,  et  qu'il  lègue  à  son 
fils,  au  Wàlsung  triomphant.  Aussi  ce  motif,  qui  est  ex- 
posé à  plusieurs  reprises  avant  la  disparition  d'Erda, 
est-il  escorté  de  ceux  qui  touchent  de  près  le  jeune  héros  : 
Siegfried  gardien  del'Épée,  L'Épée,  Le  Walhalla,  La  Puis- 
sance de  l'anneau,  La  Fuite,  L'Amour  ;  quand  Erda  s'en- 
fonce sous  terre,  quatre  beaux  accords  nous  annoncent 
qu'elle  se  plonge  de  nouveau  dans  son  Sommeil  éternel. 

ScÈXE  II.  —  Guidé  par  L'Oiseau,  Siegfried  approche, 
portant  son  Épée.  Wotan  lui  barre  le  chemin,  et  l'oblige 
à  lui  raconter  le  but  de  son  voyage,  aussi  bien  que  les 
raisons  qui  l'ont  porté  à  l'entreprendre. 


ANALYSE    MUSICALE  435 

De  là  les  fréquentes  allusions  orchestrales  à  L'Oiseau 
qui  l'a  conduit,  à  Fafner  dont  le  sang  lui  a  donné  le  pou- 
voir de  comprendre  le  chant  des  oiseaux,  à  La  Forge  où 
il  a  été  élevé  ;  à  La  Race  des  Wàlsungs  dont  il  est  issu  ; 
à  U Amour  de  la  vie  qui  l'anime;  les  paroles  du  Voyageur, 
au  contraire,  sont  soulignées  par  Wotari  errant,  par  Le 
WaUialla,  par  Le  Courroux  de  Wotan,  plus  tard  par  Le 
Traité,  par  les  dessins  chromatiques  de  Loge,  par  Le 
Charme  des  flammes,  par  La  Chevauchée  et  Le  Sommeil 
éternel,  lorsqu'il  déclare  être  le  gardien  de  la  roche  où 
dort  la  Walkyrie  ;  à  ces  motifs,  Siegfried,  toujours  ins- 
piré par  le  souvenir  de  L'Oiseau,  oppose  les  siens,  Le 
Gardien  de  l'Épée,  La  Race  des  Wàlsungs,  puis  enfin,  d'un 
seul  coup,  L'Épée  brise  la  lance  du  dieu.  Alors  reparais- 
sent, assombris,  Le  Traité,  Le  Déclin  des  dieux.  Le  Regret 
de  l'amour,  toujours  entremêlés  des  joyeux  gazouillements 
de  L'Oiseau,  et  Siegfried  s'élance  à  travers  les  flammes, 
accompagné  par  la  merveilleuse  combinaison  de  thèmes 
typiques  que  nous  avons  déjà  signalée  par  avance  ^p.  431) 
et  où  se  retrouvent  simultanément  L'Appel  du  fils  des 
bois.  Le  Charme  des  flammes,  Siegfried  gardien  de  l'Épée, 
V Adoration  deVor,  L'Oiseau,  Loge,  puis,  quelques  mesu- 
res plus  loin.  Le  Sommeil  éternel  et  Le  Sommeil  de  Brûnn- 
hilde.  Tout  ce  dernier  déploiement  de  Leit-motifs  a  lieu 
pendant  qu'un  rideau  de  feu  et  de  vapeurs  embrasées 
nous  masque  le  changement  de  décor. 

Scène  m.  —  Les  vapeurs  se  dissipent  tandis  que  trans- 
paraissent les  motifs  du  Sommeil  de  Brûnnhilde  et  du 
Sort,  suivis  d'un  chatoyant  dessin  des  violons  seuls,  dans 
lequel  on  reconnaît  en  plus  le  profil  de  Fréta,  la  déesse 
de  l'amour.  Puis  Le  Sort,  L'Adoration  de  l'or,  L'Oiseau. 

Pendant  que   Siegfried  contemple  la  Walkyrie  immo- 


436 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


bile,  se  fait  entendre  très  discrètement  d'abord  le  motif 
de  La  Fascination  de  l'amour,  que  nous  n'avons  pas  eu  à 
signaler  depuis  la  2^  scène  de  «  l'Or  du  Rhin  »,  et  dont 
l'emploi  devient  par  là  ])articulièrement  expressif.  Nous 
retrouvons  Brùnnhilde  comme  entourée  encore  des  mo- 
tifs au  milieu  desquels  nous  l'avons  laissée,  La  Chevau- 
cJiée,  Le  Chant  d'adieu  de  Wotan  qui  se  déploie  en  entier  ; 
en  quelques  délicats  coups  d^Épée,  Siegfried  coupe  les 
liens  de  la  cuirasse  ;  La  Fascination  de  l'amour  prend  plus 
d'importance.  Le  souvenir  de  La  Race  des  Wàlsungs  est 
évoqué,  et  nécessairement  Le  Sommeil  de  Brànnhilde  repa- 
raît souvent,  accompagné  du  séduisant  contour  de  Freïa, 
qu'entrecoupe  sinistrement  la  question  du  Sort,  mais  dont 
les  élégants  enlacements  annoncent  gracieusement  le  ré- 
veil de  la  déesse  déchue. 

Ce  réveil  a  lieu  sur  les  accords  clairs  et  lumineux  du 
Salut  au  monde,  d'un  merveilleux  étincellement, 


SAUT  Al  yioy])E 


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ANALYSE    MUSICALE 


437 


deux  t'ois  répétés,  et  chaque  fois  suivis  d  arpèges  sonores^ 
puis  de  grésillements  scintillants  des  harpes,  se  dévelop- 
pant en  une  phrase  large  à  laquelle  une  longue  série  de 
tierces  et  un  trille  prolongé  donnent  une  physionomie 
tout  à  fait  italienne.  Cest  sur  ce  Salut  que  Briinnhilde 
prononce  ses  premiers  mots;  mais  lorsqu'elle  en  vient  à 
demander  le  nom  du  héros  qui  Ta  réveillée,  elle  trahit  sa 
pensée  intime  et  son  désir,  car  sa  déclamation  emprunte 
les  notes  mêmes  sur  lesquelles  Wotan  Ta  quittée,  après 
l'avoir  endormie  sur  son  rocher,  au  dernier  acte  de  «  La 
Walkyrie  »,  lesquelles  ne  sont  autres  que  celles  de  Sie^^ 
fried  gardien  de  l'épee. 

A  son  tour,  Siegfried  radieux  entonne  son  Salut  à  l'a^ 
mour,  plein  d'ardeur  juvénile  et  d'enthousiasme, 

SALIT  A  L'AMOiH 
SIEGFRIKD 


438 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


se  terminant,  comme  le  Salut  au  monde  de  Brûnnhilde, 
par  la  phrase  en  tierces  ci-dessus  mentionnée,  qui  appa- 
raît encore  plus  italienne  à  présent  qu'elle  est  chantée 
en  duo  par  les  deux  voix. 

Aussitôt  après  les  deux  poir^ts  d'orgue  et  le  trille  qui 
terminent  cette  période,  les  basses  attaquent  vigoureu- 
sement le  thème  de  La  Race  des  Wàlsungs,  auquel  répond 
joyeusement  le  nouveau  motif  de  L'Enthousiasme  de  l'a" 
mour. 


E^THOrSlASME  DE  LAMOlfi 


lui  encore  constitué  par  une  suite  de  tierces  et  de  sixtes, 
fait  assez  rare  chez  Wagner  pour  mériter  d'être  signaié. 

VHéritage  du  monde  fait  ensuite  plusieurs  réappari- 
tions dans  des  tons  différents,  mais  maintenant  à  3/4,  ce 
qui  enlève  un  peu  de  sa  solennité. 

Se  mélans:eant  avec  lui,  selon  les  péripéties  du  diaio* 


ANALYSE    MUSICALE 


439 


gue,  on  reconnaîtra  principalement  Z'£'/i?/iOM5iasme  de  l'a- 
mour. Le  Salut  à  l  amour,  L' Annonce  d'une  nouvelle  vie,  un 
souvenir  du  Courroux  de  Wotan  et  de  La  Chevauchée,  plus 
loin  La  Malédiction  de  l'anneau,  La  Servitude  ;  lorsque  ar- 
rive le  ton  de  mi  majeur,  nous  faisons  connaissance  avec 
deux  thèmes  qui  n'en  forment  presque  qu'un  seul,  le 
deuxième  étant  la  suite  du  premier.  C'est  d'abord  La  Paix, 


LA  P.4/A 


iX">^  \^ — =j>  rrl^ 

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1 ^ 

Epji7^]"^r"ï   j — ' 

1  ."~K"T:7i 

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J  nw^Jj^ji 

^ 

motif  d'une  douce  et  placide  sérénité,  qui  n'a  aucun  em- 
ploi en  dehors  de  cette  scène,  dans  laquelle  il  introduit 
un  élément  de  calme   et  de  fraîcheur;  puis,  20  mesures 


440 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


plus  loin,  aussi  tendre,  mais  plus  passionné,  Siegfried  tré" 
sor  du  monde. 


SIEGFRIED  TBESOB  liU    yfOyDE 


BRLXXHILDE 


b-#.  . 


que  nous  retrouverons  deux  fois  dans  a  le  Crépuscule  ». 
Ces  motifs  paisibles  s'associent  ensuite,  pendant  le 
reste  du  duo  d'amour  que  constitue  cette  scène,  à  la  plu- 
part des  motifs  déjà  cités,  auxquels  il  faut  joindre  Le  Sort, 
I.e  ■'i'>n\n\?.U de  Brunnhilde,  Le  Dragon,  La  Ciievauchée,  qui 
ne  lontquede  courtes  apparitions,  \)\\\s  Siegfried  gardien 
de  Vcpée,  mis  cette  fois  dans  la  bouche  même  du  héros, 
au  paroxysme  de  la  passion;  L'Oiseau,  Le  Cri  des  Walky- 
ries,   après  quoi  une  dernière  reprise  de  L' Enthousiasme 


ANALYSE    MUSICALE  441 

de  l'amour  nous  conduit  à  une  sorte  de  sirette  à  deux  voix 
qui  a  reçu  le  nom  de  Résolution  de  l'amour,  ou  La  Décision 
d'aime^* . 

LA  nécisioy  d'aimeh 


BRUXXHILDE 


^^ 


S 


Pl 


f 


f 


-Ç-* 


-4 — Ç->- 


s^ 


m 


>r- 


Dans  ce  finale  entraînant  se  trouve  encore  intercalé  le 
Salut  à  l'amour  de  Siegfried;  ici  encore,  les  deux  voix  se 
marient  en  rapports  fréquents  de  tierces  et  de  sixtes,  et 
ia  cadence  terminale  présente  un  brio  inaccoutumé.  Les 
derniers  accords  de  l'orchestre  reproduisent  les  motifs 
du  Gardien  de  l'épée  et  de  L' Enthousiasme  de  l'amour. 

LE  CRÉPUSCULE  DES  DIEUX 


Le  Crépuscule  des  Dieux  diffère  des  deux  pièces  pré- 
cédentes, en  ce  qui  concerne  la  coupe  générale,  par  l'ad- 
jonction d'un  Prologue  très  développé  et  remplaçant  un 

1.  Les  trois  derniers  motifs  cités  ici,  La  Paix,  Siegfried  trésor  du 
monde  et  La  Décision  d'aimer,  sont  avec  Le  Sommeil  ceux  sur  les- 
quels Wagner  a  composé  la  ravissante  pièce  symphonique  «  Sieg- 
fried-Idyll  ».  (Voir  p.  71.) 


442  VOYAGE    A   BAYREUTH 

Prélude  pour  le  1^""  acte,  auquel  il  est  relié  sans  inter- 
ruption. Ce  Prologue  peut  lui-même  être  considéré  comme 
divisé  en  deux  parties  ;  la  première  est  la  belle  et  sombre 
scène  des  Nornes  filant  le  câble  de  la  destinée  des  dieux 
comme  de  celle  des  humains;  la  deuxième  nous  montre 
les  adieux  de  Briinnhilde  à  Siegfried  partant  pour  de 
nouveaux  combats. 

Prologue.  —  Dans  les  deux  premiers  accords,  on  re- 
connaît Ze  Salut  au  monde  de  Briinnhilde,  auquel  succède 
immédiatement  le  mouvement  ondulatoire  de  l'élément 
j)rimordial,  Le  Rhin,  qui  se  transforme  (au  moment  où 
la  1"  Norne  va  parler)  en  La  Détresse  des  dieujc  ;  quatre 
mesures  après,  Le  Charme  des  flammes.  Gomme  les  trois 
sœurs,  dans  leur  dialogue,  passent  en  revue  tous  les  évé- 
nements que  nous  avons  vus  se  dérouler  dans  les  jour- 
nées précédentes,  il  est  naturel  que  l'orchestre,  de  son 
côté,  fasse  défiler  les  motifs  correspondant  aux  diverses 
phases  du  drame  ;  aussi  retrouve-t-on  fréquemment  Le 
Walhalla,  Le  Salut  au  Walhalla,  La  Mort,  La  Puissance 
des  dieux.  Le  Traité,  Le  Déclin  des  dieux.  Le  Sort,  Loge, 
Le  Charme  des  flammes.  Le  Sommeil  éternel,  L'Anneau,  Le 
Regret  de  l'amour,  L'Adoration  de  l'or.  Le  Cri  de  triomphe 
du  Nibelung,  L'Épée,  L' Appel  du  fils  des  bois,  La  Malédic' 
tion  de  l'anneau,  qui  se  produisent  une  première  fois  dans 
l'ordre  ci-dessus,  ce  qui  permettra  de  les  retrouver  aisé- 
ment sur  une  partition  ;  la  scène  des  Nornes  se  termine 
par  le  motif  du  Sort,  deux  fois  répété. 

Pendant  l'intermède  qui  accompagne  le  lever  du  soleil, 
L'Appel  du  fils  des  bois,  héroïquement  transformé  à  4/4, 
comme  nous  lavons  indiqué  à  la  page  418,  se  combine 
heureusement  avec  un  nouveau  thème,  qui  personnifie 
Briinnhilde  dans  son  amour  humain ,  dans  son  amour  de 


détenu  dU, ^ YU^  yy\£yyiArL-^  cJL djL- ^À^ U~t^ rurê 'yjiayLf^ 


^4 1 


ti ^tjAA.rulc  euh  ^^S-uaJ^uIo  nn^LeAj^  cl. 


I 


ANALYSE    MUSICALE 


443 


BRl'NNHILDE 


BRUXNHILDE 


femme,  et  dont  lélégance  est  relevée  par  un  grupetlo 
(expressif.  Quatre  mesures  avant  que  Brûnnhilde  prenne 
la  parole,  signalons  un  court  rappel  de  La  Chevauchée, 
encadrant  Le  Fils  des  bois;  car  c'est  lui,  et  non  plus  elle, 
qui  chevauchera  Grane  désormais.  Quatorze  mesures 
plus  loin,  apparaît  encore  un  autre  motif  appartenant 
spécialement  à  Brijnnhilde  et  caractérisant  son  Amour 
héroïque. 

LWyiOlH  HÉHOIQLE 


BRUNNHILDE 

M. 


[De  ce  dernier,  il  sera  fait  peu  d'emploi  en  dehors  dos  deux  der- 
nières scènes  du  2*  acte.l 


Ces  derniers  motifs  sont  ceux  qui  dominent  dans  ie 
tissu  harmonique  de  cette  deuxième  moitié  du  Prologue, 
associés  à  quelques  autres  que  je  présente,  comme  tou- 


444  VOYAGE    A    BAYREUTH 

jours,  dans  l'ordre  de  leur  production  :  Salut  à  l'amour. 
Loge,  Siegfried  gardien  de  l'épée,  Le  Sort,  L'Héritage  du 
monde,  L'Anneau,  La  Chevauchée,  le  cri  de  joie  des  Filles 
du  Rhin,  L'Or,  La  Chevauchée,  L'Amour,  Le  Désir  de  voya- 
ger, L'Épée  ;  c'est  encore  le  motif  de  Brïtnnhilde  qui  suit  le 
héros  du  regard  pendant  qu'il  s'éloigne,  au  début  des  pa^ 
ges  symphoniques  qui  séparent  le  Prologue  du  l®""  acte, 
puis,  lorsqu'on  ne  le  voit  plus,  résonne  dans  le  loin- 
tain sa  joyeuse  fanfare  de  chasse,  L'Appel  du  fils  des  bois, 
revenu  à  sa  forme  primitive  ;  dans  ce  même  entr'acte  on 
reconnaît  La  Décision  d'aimer.  Le  Regret  de  l'amour^  L'A" 
doration  de  l'or,  L'Or  et  Le  Rhin,  La  Puissance  de  l'an^ 
neau,  et  enfin  Le  Cri  de  triomphe  du  Nibelung,  précédant 
de  quelques  mesures  seulement  le  lever  du  rideau. 

Comme  on  le  voit,  la  plupart  des  précédents  Leit-motifs 
sont  suggestivement  remémorés  à  l'auditeur  dans  ce  vaste 
Prologue,  sorte  de  récapitulation  et  de  résumé  des  jour- 
nées précédentes,  qui  prédispose  merveilleusement  l'es- 
prit aux  émotions  violentes  qui  vont  l'assaillir  en  ce  der- 
nier drame. 

1"  Acte. 

Scène  i.  —  Je  laisse  volontairement  de  côté,  ici,  quel- 
ques motifs  d'importance  relativement  secondaire,  se  rap- 
portant à  la  tribu  des  Gibichs  et  au  personnage  peu  sym- 
pathique de  Hagen,  qui  sont  exposés  dès  les  premières 
notes  de  l'acte  ;  bien  que  nettement  caractérisés  (ce  qui 
permettra  à  tout  lecteur  sagace  de  les  découvrir  lui- 
même),  ils  n'ont  qu'un  emploi  épisodique;  c'est  ce  qui 
me  porte  à  n'en  pas  parler,  dans  cette  étude  forcément 
brève,  pour  m'attacher  aux  grands  motifs  typiques  qui 
dominent  l'œuvre  entière  et  sont  nécessaires  pour  sa 
complète   intelligence.    Faisons  pourtant  remarquer  que 


ANALYSE    MUSIGALli  445 

le  motif  des  Gibichs  (6®  mesure  de  celte  scènej  ne  laisse 
pas  ignorer  que  nous  sommes  sur  les  bords  du  Rhin. 

C'est  Hagen  qui  conduit  cette  scène;  pour  servir  ses 
ténébreuses  ambitions,  il  veut  que  Gunther  épouse  Briinn» 
Mlde,  et  que  Gutrune  devienne  la  femme  de  Siegfried. 
Il  cherche  à  faire  naître  Tamour  dans  leurs  cœurs  [Fréta]', 
à  Gunther  il  dépeint  Briinnhilde  sur  son  rocher  [La  Che" 
vauchée,  Le  Charme  des  flammes,  même  L'Oiseau);  à  Gu« 
trune  il  fait  le  portrait  de  Siegfried  [Héroïsme  des  WàU 
sungs.  Appel  du  fils  des  bois,  L'Anneau,  la  victoire  sur 
Fafner);  il  leur  explique  la  cause  de  sa  puissance  [Puis- 
sance  de  Vanneau,  Regret  de  l'amour,  L'Or,  Le  Cri  de 
triomphe  d'Alberich);  et  enfin  il  leur  révèle  par  quels 
moyens  magiques  il  entend  arriver  à  réaliser  ce  double 
mariage,  sans  toutefois  leur  laisser  comprendre  cju'au 
fond  de  sa  pensée  le  but  unique  est  d'arriver  par  eux  à 
conquérir  l'Anneau  avec  le  pouvoir  qui  y  est  attaché.  Cette 
situation  motive  l'emploi  de  deux  motifs  nouveaux  :  l'un 
exprime  L'Amitié  perfide  de  Hagen  pour  Siegfried,  dont 
au  fond  il  ne  désire  que  la  mort, 


AMITIE  l'EHFIDE  DE   HAGEy 
GIT RU NE 


^r    ^l 


et  l'autre  La  Trahison  par  la  Magie, 


446 


VOYAGE    A   BAYREUTa 


LA   THAHISOy  PAh  LA    PLAGIE 

3 


souvent  précédé  de  quelques  notes  du  Pouvoir  du  casque, 
qui  nous  font  savoir  que  le  heaume  enchanté,  le  Tarnhelm, 
est  l'un  des  moyens  dont  Ilagen  entend  se  servir. 

Ces  deux  nouveaux  motifs  apparaissent  à  peu  de  dis- 
tance l'un  de  1  autre,  plus  loin  que  le  milieu  de  la  scène, 
à  l'indication  mena  mosso ;  d'abord  La  Trahison,  après 
deux  mesures  de  La  Puissance  du  casque,  et,  17  mesures 
plus  tard,  L' Amitié  perfide  ;  ils  sont  accompagnés  de  quel- 
ques rares  rappels  de  L'Épée,  de  Freïa,  de  La  Malédiction 
de  l'anneau,  après  quoi  Siegfried  s'annonce  par  son  air 
favori,  L'Appel  du  fils  des  bois,  qui  résonne  d'abord  dans 
le  lointain,  puis  plus  près;  aussitôt  se  réxeiWe  L'Adora- 
tion de  l'or,  qui  ramène  à  son  tour  le  bruissement  des  va- 
gues an  Rhin,  L'Anneau,  et,  au  momentmêmeoù  Siegfried 
quittant  sa  nacelle,  met  pied  à  terre. 

Scène  ii,  La  Malédiction  de  Vanneau  fait  retentir  de 
nouveau  son  terrible  anathème. 

Les  premières  paroles  de  courtoisie  sont  échangées 
pendant  que  l'orchestre  salue  Siegfried  gardien  de  l'épée  ; 
aussitôt  le  héros  recommande  qu'on  prenne  le  plus  grand 
soin  de  Grane,  ce  qui  motive  le  rappel  de  La  Chevauchée, 


ANALYSE    MUSICALE 


447 


auquel  se  rattache  immédiatement  un  tendre  souvenir  de 
Brûnnhilde.  Dans  la  conversation  qui  suit,  des  allusions 
sont  laites  à  L'Amitié  perfide  de  Hagen,  à  L' Héroïsme  des 
Wàlsungs,  à  L'Épée  que  Siegfried  raconte  avoir  forgée, 
à  La  Forge  par  conséquent,  au  Dragon  qu'il  a  tué,  à  La  Ser- 
vitude, au  Pouvoir  du  casque,  que  Hagen  fait  connaître  à 
Siegfried,  k  L'Anneau,  etc. 

Ici  a  lieu  l'acte  de  trahison.  A  l'instigation  de  Hagen, 
sa  sœur  s'avance  gracieusement  et  offre  à  Siegfried,  avec 
d'aimables  paroles,  que  souligne  le  Xh.éme  àe  La  Bienvenue 
de  Gutrune, 


HIEMEM-E    DE  GVTBVPiE 


GUTRLXE 


tj 


^Ori=Jt^à 


la  coupe    enchantée  dans  laquelle  il  doit  boire  l'oubli; 


448  VOYAGE    A    BAYREUTH 

avant  d'absorber  le  breuvage  magique,  Siegfried,  encore 
fidèle  à  son  amour,  envoie  un  souvenir  à  Brùnnhilde;  c'est 
à  elle  qu'il  boit,  ainsi  que  l'attestent  les  thèmes  du  Salut  à 
l'amour,  de  L'Héritage  du  monde,  et  la  terminaison  en 
tierces  que  nous  avons  signalée  dans  le  duo  du  3*  acte 
de  «  Siegfried  ».  [Cette  forme  typique  si  caractéristique  fera  sa 
dernière  apparition  à  la  scène  il  du  3"*  acte,  lorsque  Siegfried  se 
retrouve  en  pleine  possession  de  sa  mémoire.] 

Au  moment  même  où  il  absorbe  le  fatal  breuvage  (au  ton 
de  sol  majeur,  après  un  trille  prolongé),  résonne  sourde- 
ment le  sombre  thème  de  La  Trahison  par  la  magie,  suivi 
de  La  Bienvenue  de  Guirune ;  tout  aussitôt  le  philtre  opère, 
le  pur  héros  perd  la  mémoire,  oublie  le  passé,  et  ne  brûle 
d'un  ardent  amour  que  pour  Gutrune.  Quelques  très  fu- 
gitives réminiscences  de  L' Enthousiasme  de  l'amour,  du 
Charme  des  flammes,  de  L'Oiseau,  font  deviner  les  efforts 
impuissants  qu'il  fait  pour  ressaisir  ses  souvenirs  envo- 
lés; dorénavant  il  est  sous  le  charme  du  traître  Hagen, 
dont  il  va  accomplir  passivement  les  ténébreuses  volon- 
tés. Aussi  les  motifs  de  La  Trahison  (qu'on  appelle  aussi 
l'Imposture  magique  et  celui  de  Gutrune  vont-ils  prendre, 
dans  le  reste  de  la  scène,  une  importance  considérable. 

Le  pacte  infâme  qu'on  lui  impose  est  contracté  sur  les 
thèmes  de  La  Trahison,  de  Loge  dont  il  devra  de  nouveau 
traverser  les  flammes,  de  La  ChevaucJiée,  de  L'Épée,  de 
La  Malédiction  de  l'anneau,  et  fréquemment  scellé  par  de 
signiûcatifs  retours  du  Traité. 

Le  serment  solennel  échangé,  les  voix  des  deux  frères 
d'armes  s'unissent  en  un  ensemble  de  courte  durée  dans 
lequel  se  fait  jour  Le  Désir  de  voyager,  sous  une  forme 
dialoguée,  ainsi  qu'un  nouveau  motif,  que  chacun  d'eux 
chante  à  son  tour,  et  qui  a  reçu  le  nom  de  Justice  de  l'ex- 
piation (selon  d'autres  Le  droit  à  l'expiation). 


GINTHER 


ANALYSE    xMUSIGALE 
JISTÏCE  DEL' EXPIAT! 0?i 


4'iO 


C'est  comme  la  sanction  du  serment:  celui  qui  le  trahi- 
rait devrait  payer  celte  trahison  de  sa  mort. 

Après  quelques  courts  épisodes,  pendant  lesquels  se 
font  entendre  de  nouveau  Le  Traité,  La  Bienvenue,  L' An- 
neau, Les  Pommes  d'or  curieusement  associées  diLa  Forge 
(l'origine  divine  du  héros  et  son  éducation  par  le  nain), 
Le  Regret  de  l'amour,  La  Clievauchée  combinée  avec  Lo^€ 
(Grane  traversant  les  flammes) ,  les  deux  chevaliers  se 
mettent  en  route  sans  plus  tarder. 

Gutrune  les  suit  par  la  pensée,  avec  son  motif  de  Bien- 
venue, et,  peu  après,  les  espérances  ambitieuses  de  Ilagen 
sont  formulées  nettement  par  une  série  de  motifs  typi- 
ques qui  dénotent  une  association  d'idées  sur  la  signifi- 
cation de  laquelle  il  n'y  a  pas  à  se  méprendre  :  Ze  Travail 
de  destruction  des  Nibelungs,  Le  Cri  de  triomphe  du  Nibe- 
lung,  Siegfried  gardien  del'épée,  La  Chevauchée,  Le  Regret 
de  l'amour,  L'Or,  L' Anneau,  objet  de  ses  convoitises,  L' Ap- 
pel du  fils  des  bois,  La  Servitude...;  lui  aussi  suit  les  deux 
guerriers  par  la  pensée.  Nous,  portés  sur  les  ailes  de 
la  symphonie,  nous  les  devançons;  au  cours  du  même 
interlude  orchestral,  nous  sommes  déjà  ramenés  près  de 
Brunnhilde  d'abord  par  son  propre  motif,  puis  par  son 

26 


450  VOYAGE   A    BAYREUTH 

Saint  au  monde,  entremêlés  des  menaces  de  La  Malédic" 
tion,  du  Travail  de  destruction  et  de  L'Anneau,  qu  elle  pos- 
sède encore. 

Scène  m.  —  En  effet,  quand  le  rideau  se  rouvre,  aux 
accents  de  La  Trahison  par  la  magie,  c'est  en  contempla- 
tion de  1  anneau  que  nous  la  retrouvons;  son  état  d'âme 
nous  est  de  suite  révélé  par  le  souvenir  de  Siegfried  tré- 
sor  du  monde,  auquel  succèdent  bientôt  de  vagues  bruits 
de  Chevauchée.  C'est  Waltraute  qui  vient  visiter  sa  sœur 
exilée,  lui  révéler  la  détresse  des  dieux,  et  la  supplier, 
pour  les  sauver,  de  rendre  l'anneau  fatal  au  Rhin.  De  là 
une  éloquente  succession  de  motifs  :  Le  Cri  d'appel  des 
Walkyries,  avec  les  hennissements  et  les  piaffements, 
V Annonce  d'une  nouvelle  vie.  Le  Salut  au  monde.  Le  Salut 
à  l'amour,  témoins  de  l'inébranlable  fidélité  de  Briinn- 
hilde  à  Siegfried  gardien  de  l'épée  ;  ensuite  le  souvenir  du 
terrible  Courroux  de  Wotan,  de  La  Détresse  des  dieux,  des 
splendeurs  du  Walhalla,  du  Traité,  de  La  Puissance  di" 
vine,  si  fortement  ébranlée,  du  Sort,  des  Pommes  d'or,  aux- 
quelles Wotan  ne  touche  plus;  ici  encore,  le  Walhalla 
est  représenté  à  l'état  de  ruine;  puis  viennent  La  Servie 
tude,  L' Adoration  de  l'or,  cause  de  tout  le  mal,  un  touchant 
rappel  du  Chant  d'adieu  de  Wotan,  L'Anneau,  La  Malé' 
diction.  Le  Regret  de  l'amour,  Le  Cri  de  triomphe  du  Nibe- 
lung  prêt  à  ressaisir  sa  proie,  les  deux  cruelles  notes  de 
La  Servitude...  enfin  tous  ceux  des  motifs  qui  s'adaptent 
aux  sujets  de  l'entretien  des  deux  sœurs  ;  mais  Briinn- 
hilde  ne  cède  pa»,  elle  conservera  son  anneau  de  fiancée, 
tous  ses  thèmes  d'amour  se  pressent  de  nouveau  pour 
mieux  affirmer  sa  constance,  et  Waltraute  part  précipi- 
tamment sur  une  tumultueuse  reprise  de  La  Chevauchée. 

Restée  seule,  Briinnhilde  voit  Le  Charme  des  flammes 


A^^\LY6E    MUSICALE  451 

se  renouveler,  la  roche  s'embraser;  elle  pressent  le  re- 
tour de  Siegfried,  dont  résonne  déjà  la  fanfare  du  Fils 
des  bois;  elle  court  à  sa  rencontre!...  Soudain  Le  Pouvoir 
du  casque  se  fait  entendre  froid  comme  un  glas  :  Siegfried, 
coiffé  du  Tarnhelra,  a  pris  la  forme  de  Gunther;  elle  ne 
peut  le  reconnaître. 

Cette  deuxième  partie  de  la  scène  est  une  des  plus  pé- 
niijles  que  je  connaisse  au  théâtre,  et  le  mieux  est  de  se 
raccrocher  à  l'intérêt  purement  musical  pour  supporter 
Todieux  spectacle  du  pur  et  héroïque  Siegfried  devenu 
traître  à  l'honneur  et  à  l'amour,  fût-ce  par  un  subterfuge 
magique,  comme  aussi  des  violences  auxquelles  il  se  livre, 
dans  cet  état  inconscient,  envers  la  malheureuse  et  tou- 
jours aimante  Walkyrie.  Heureusement  cela  ne  dure  pas 
longtemps. 

Dès  l'arrivée  de  Siegfried-Gunther,  Le  Pouvoir  du 
casque  s'impose,  aussitôt  suivi  de  La  Trahison  par  la  ma- 
gie; Le  Sort  inexorable  lui  succède,  mais  c'est  le  motif  des 
Gibichs  qui  accompagne  la  voix  de  Siegfried  ! ...  Le  rythme 
souterrain  du  Travail  de  destruction  des  Nibelungs  se  fait 
entendre  sourdement;  Briinnhilde  tente  en  vain  de  résis- 
ter par  Ij' Anneau  au  brutal  envahisseur  :  celui-ci  y  oppose 
La  Malédiction  de  l'anneau,  lutte  avec  elle,  lui  arrache  la 
bague,  la  terrasse,  et  la  contraint  de  tomber,  épuisée,  dans 
ses  bras,  sur  un  navrant  rappel  de  Siegfried  trésor  du 
monde,  celui  qu'elle  aime  tant  et  qui  ne  la  reconnaît  plus, 
effroyable  situation  que  souligne  un  rappel  simultané  du 
Pouvoir  du  casque  et  de  l'amour  humain  de  Brunnhilde, 
et  que  rend  encore  plus  explicite,  s'il  est  possible,  un 
retour  de  La  Trahison  infâme. 

C'est  fini,  elle  est  vaincue,  brisée  :  les  thèmes  qui  re- 
viendront [Le  Travail  de  destruction,  Brïuinhilde,  Le  Sort 
même)  ne  nous  diront  rien  de  plus;  mais  il  faut  reraar- 


kht 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


quer,  bien  qu'ils  n'aient  pas  absolument  caractère  de 
Leit-motif,les  énergiques  accents  d'orchestre  sur  lesquels 
Siegfried,  convaincu  d'avoir  agi  en  loyal  et  vaillant  che- 
valier, tire  son  glaive  du  fourreau,  pour  protéger  sa  mal- 
heureuse victime. 


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[On  les  retrouvera  au  2*  acte,  puis  au  3'',  dans  l'émouvante  scène 
finale,  où  leur  signification  ne  pourra  être  bien  saisie  qu'en  se  re- 
mémorant cette  poignante  situation.] 

A  la  suite  reparaissent  L'Épée,  soi-disant  protectrice, 
avec  Le  Traité,  puis  La  Bienvenue  de  Gutrune,  qui  seule 
hante  maintenant  l'esprit  du  héros,  Ze  Casque  eX.  La  Trahi- 
son par  la  magie,  dont  il  est  le  jouet,  et  l'amour  de  Bri'/nn- 
hilde,  qu'il  méconnaît.  Le  dernier  motif  énoncé  par  l'or- 
chestre est  celui  di\i  Pouvoir  du  casque,  qui,  de  fait,  a  joué 
dans  l'acte  le  rôle  le  plus  terrifiant. 


Orne    Acte. 

Prélude  et  scène  i.  —  Le  rythme  persistant  du  Tra- 
vail de  destruction,  Le  Cri  de  triomphe  du  Nihelung,  et  en 
dernier  lieu  L'Anneau,  font  seuls  les  frais  de  ce  Prélude, 
qui  s'enchaîne  directement  à  la  scène  i. 

Cette  scène  se  passe  dans  des  ténèbres  profondes,  à  la 
clarté  blafarde  de  la  lune,  très  voilée,  entre  le  Nibelung 
Alberich,  émergeant  des  profondeurs  du  Rhin,  et  son  fils 
Hagen,  engourdi  dans  un  demi-sommeil  ;  les  motifs  de 


ANALYSK    MUSICALE 


453 


haine  et  d'ambition  y  dominent  nécessairement  ;  d'abord 
ceux  signalés  dans  le  Prélude,  et  qui  forment  le  fond, 
puis  La  Puissance  de  l'anneau.  Le  Regret  de  l'amour,  puis 
un  nouveau  thème  effroyablement  expressif,  Le  Meurtre, 
l'excitation  au  meurtre, 


LE  MEUBTBE 


[qui  retrouvera  son  emploi  dans  les  scènes  iv  et  v  du  même  acte;] 

et,  comme  pour  mieux  préciser  celui  à  qui  s'adresse  cette 
menace,  voici  venir  L'Épée  avec  laquelle  Siegfried  a  tué 
Fafner,  L'Anneau  qu'il  a  en  sa  Puissance,  et  L'Appel  du 
fils  des  bois,  sa  fanfare  caractéristique. 

Plus  loin,  dans  la  même  scène,  des  allusions  sont  faites 
à  Briinnhilde,  représentée  par  L'Annonce  d'une  nouvelle 
vie,  et  aux  Filles  du  Rhin,  aussi  au  Walhalla  défiguré,  dont 
la  ruine  est  le  but  fin.il;  mais  ces  motifs  passent  rapide- 
ment, laissant  la  prépondérance  à  ceux  de  couleur  sombre, 
qui  définissent  les  caractères  vindicatifs  et  sournois  da 
père  et  du  fils,  Le  Meurtre,  La  Malédiction  de  l'anneau, 
La  Servitude. 


Scène  ii.  —  Le  lever  du  soleil  est  ici  représenté  par 
une  souple  figure  traitée  en  canon  sur  une  assez  longL.e 


46i  VOYAGE    A    BAYRÉUTH 

Pédale  de  tonique  (5/  p),  qui  n'est  pas  sans  quelque  rap- 
port éloigné  avec  le  motif  du  Rhin;  c'est  un  lever  de  so- 
leil sur  les  bords  du  Rhin. 

L'arrivée  de  Siegfried  est  annoncée  par  Le  Pouvoir  du 
Casque,  qu'il  a  encore  sur  la  tète,  et  la  fanfare  alerte  du 
Fils  des  bois.  II  raconte  à  Hagen,  puis  à  Gutrune  qui  sur- 
vient, le  succès  de  son  vo^^age,  sa  traversée  des  flammes, 
d'oîi  des  retours  du  thème  scintillant  de  Loge,  de  La  Bien- 
venue de  Gutrune,  de  La  Traliiso/i  par  la  magie,  comme 
aussi  des  trois  grands  coups  d'orchestre,  en  octaves  sans 
aucune  harmonie,  que  nous  avons  signalés  page  452,  sui- 
vis de  L'Epée,  combinaison  qui  indique  la  façon  loyale  et 
chaste  dont  il  a  accompli  sa  mission. 

Scène  m.  —  Le  cri  de  Ilagen  appelant  les  vassaux  de 
Gunther  reproduit  les  notes  de  La  Servitude;  tandis  que 
le  dessin  de  basse,  procédant  ])ar  grands  sauts  d'une  al- 
lure lourdement  joviale,  semble  caractériser  la  gaieté  de 
Hagen,  à  la  2™®  mesure,  nous  trouvons  un  thème  nou- 
veau, L'Appel  au  mariage, 


APPEL  AU  yiAFlAGE 


^y.J    f-    fif-^^J 


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qui  ressemble  considérablement  à  la  Bienvenue  de  Gu- 
trune, dont  il  n'est  qu'une  transformation. 

Aussitôt  les  vassaux  arrivent,  ce  qui  donne  lieu  à  un 
chœur  d'hommes  très  développé,  pendant  lequel  la  sou- 


ANALYSE    MUSICALE  455 

nerie  d'appel  retentit  fréquemment,  alternant  avec  la  voix 
de  Hagen  qui  ordonne  des  sacrifices  aux  dieux. 

Scène  iv.  —  Ce  chœur  ne  prend  fin  qu'après  le  début  de 
la  scène  iv,  à  l'arrivée  de  Gunther  conduisant  Briinnhilde. 

L'entrée  de  cette  dernière  est  soulignée  par  quelques 
tristes  rappels  de  La  Chevauchée  suivis  de  L' Appel  au  ma- 
riage; quand  elle  reconnaît  Siegfried  et  pendant  le  mo- 
ment de  stupeur  qui  suit,  se  succèdent  éloquemment  à 
l'orchestre,  presque  sans  interruption  :  L'Appel  du  fils 
(les  bois,  La  Vengeance,  Le  Sort,  Le  Pouvoir  du  casque,  La 
Trahison  par  la  magie,  L'Appel  au  mariage,  Brunnhilde, 
L'Anneau,  La  Malédiction  de  l'anneau.  Le  Travail  de  des- 
truction, L'Or,  Le  Dragon,  L'Adoration  de  l'or,  Fafner, 
Siegfried  gardien  de  l'épée,  La  Servitude,  qui  nous  font 
passer  avec  oppression  par  toutes  les  phases  rapides  de 
la  pensée  de  la  malheureuse  Walkyrie  déchue.  Au  moment 
où  elle  invoque  les  dieux,  c'est  Le  Walhalla  qui  résonne, 
suivi  de  La  Venoeance  el  de  La  Destruction. 

o 

Le  reste  de  la  scène  se  déroule  à  l'aide  des  motifs  pré- 
cédents; on  y  retrouve  encore,  moins  fréquemment,  Le 
Regret  de  l'amour,  L'Amour  héroïque,  La  Justice  de  l'expia- 
tion, tii  les  trois  coups  d'épée  symboliques  de  la  loyauté 
avec  iifpielle  Siegfried  a  conscience  d'avoir  accompli  son 
pacte  ;  le  serment  prêté  par  Siegfried,  et  que  Briinnhilde 
redit  à  son  tour,  recèle  vers  le  milieu  le  motif  du  Meurcre, 
auquel  il  se  condamne  lui-môme  sans  le  savoir.  Ensuite 
nous  retrouvons  encore  La  Servitude,  Loge,  Le  Pouvoir  du 
casque,  L'Anneau,  L'Appel  au  mariage,  sur  lequel  Briinn- 
hilde semble  méditer  profondément  pendant  la  page  d'or- 
chestre qui  sépare  cette  scène  de  la  suivante,  après  le 
dépa?^t  de  Siegfried  avec  Gutrune 


456  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Scène  v.  —  Restée  seule  avec  Gunther  et  Hagen,  ses 
tristes  pensées  suivent  leur  cours,  le  motif  du  Travail  de 
destruction  l'obsède,  La  Justice  de  l'expiation  et  La  Servi- 
tude l'accablent,  et  elle  semble  pressentir  Le  Meurtre;  Le 
Sort,  pourtant,  dont  elle  a  été  un  des  agents,  la  hante  par- 
ticulièrement, L' Héritage  du  monde  et  L'Amour  liéroïque 
lui  reviennent  en  cuisants  souvenirs;  deux  de  ces  motifs 
spécialement,  Le  Meurtre  et  La  Servitude,  se  combinent 
simultanément  con^.ae  pour  faire  pressentir  Tissue  fatale; 
de  tendres  souvenirs  ramènent  encore  Siegfried  gardien 
de  Vépée,  L' Enthousiasme  de  l'amour  avec  ses  suites  de 
tierces  et  de  sixtes;  mais  toujours  dominent  les  thèmes 
sombres...  C'est  sur  le  rythme  persistant  de  l'opiniâtre 
Travail  de  destruction  des  Nibelungs  que  Briinnhilde 
révèle  à  Hagen  que  Siegfried  reste  vulnérable  par  le  dos, 
et  qu'ainsi  peut  l'atteindre  un  assassin,  ce  qui  décide  de 
saperte.  Le  Regret  de  /'a/72o«r  apparaît  plusieurs  fois,  avec 
La  Vengeance,  La  Servitude  ;  l'idée  du  Meurtre  prend  de 
l'intensité. 

Hagen,  s'appuyant  sur  les  motifs  de  La  Vengeance,  de 
La  Destruction,...  propose  la  mort  de  Siegfried. 

Gunther,  un  instant  ému  parla  pensée  du  chagrin  qu'en 
éprouvera  sa  sœur,  hésite,  doù  les  retours  de  Za  Bienve-- 
nue  de  Gutrune,  de  Freïa...  a  II  aura  été  tué  par  un  san- 
glier, »  propose  Hagen;  et  Gunther  cède,  par   faiblesse. 

Quant  à  Briinnhilde,  s'aidant  du  motif  du  Meurtre,  et 
considérant  Siegfried  comme  un  lâche  qui  l'a  trahie,  elle 
est  la  première  à  vouloir  sa  mort. 

Les  trois  personnages  en  scène  étant  mus  par  cette  uni- 
que pensée,  ici  se  place  un  ensemble  en  Trio,  dans  lequel 
la  mort  de  Siegfried  est  décidée. 

Le  double  cortège  nuptial  se  reforme,  aux  sons  de  L'Ap- 
pel au  mariage,  de  La  Bienvenue  de  Gutrune.;  mais  au  me- 


ANALYSE    MUSICALE  457 

ment  où  le  rideau  se  referme,  l'idée  de  La  Vengeance  et 
surtout  celle  de  La  Servitude  dominent  les  bruits  de  fête. 

3™«  Acte. 

Prélude  et  scène  i.  —  Après  les  émotions  violentes 
des  deux  actes  précédents,  on  éprouve  un  indicible  besoin 
de  calme  et  de  fraîcheur. 

La  ravissante  scène  de  «  Siegfried  et  les  Filles  du 
Rhin  »  arrive  merveilleusement,  comme  une  soulageante 
diversion,  pour  détendre  les  nerfs  surexcités,  et  les  ren- 
dre par  cela  même  plus  sensibles  aux  tragiques  événe- 
ments qui  termineront  le  drame. 

J3ès  les  premières  notes  du  Prélude  se  fait  entendre 
encore  une  fois,  alerte  et  joyeuse,  la  fanfare  à' Appel  du 
fils  des  bois,  à  laquelle  répondent  dans  l'éloignement  le 
ror  de  Gunther  et  la  trompe  de  Hagen.  (Le  motif  de 
chasse  de  Gunther  n'est  autre  que  l'Appel  au  mariage, 
dérivé  lui-môme,  on  s'en  souvient,  de  la  Bienvenue  de  Gu- 
Irune.)  Le  gémissement  de  La  Servitude,  qui  est  rappelé 
l)ar  deux  fois,  est  la  seule  note  sombre  de  cette  scène 
toute  de  jeunesse  et  d'enchantement. 

Nous  retrouvons  d'abord  Le  Rhin,  que  (sauf  une  allu- 
sion presque  inaperçue  dans  «  Siegfried  »)  nous  n'avons 
pas  entendu  depuis  la  première  journée;  L'Adoration  de 
l'or  lui  fait  escorte,  avec  L'Or,  sur  lequel  les  appels  de 
chasse  se  renouvellent.  Ensuite  l'orchestre  nous  présente 
la  gracieuse  mélodie  qui  va  devenir  un  nouveau  Trio  des 
séduisantes  ondines,  qui  s'ébattent  cette  fois  à  fleur  d'eau, 
accompagnées  de  l'incessant  murmure  des  flots  du  Rhin, 
avec  des  souvenirs  de  L'Or  perdu. 

Le  Trio  devient  Quatuor  par  l'arrivée  de  Siegfried,  qui 
s'est  égaré  à  la  chasse  en  poursuivant  un  ours.  Les  nym- 
phes l'attirent  et  le  captivent  par  leur  grâce  et  leur  joyeux 


458  VOYAGE    A    BAYREUTH 

chant;  elles  lui  demandent  de  leur  donner  sa  bague 
[Adoration  de  l'or,  L'Anneau]^  qu'il  a  conquise  en  tuant  le 
Dragon  furieux;  il  s'y  refuse,  elles  le  narguent  sur  son 
avarice,  l'excitent  par  leurs  rires  moqueurs,  puis,  au 
moment  où  il  va  céder,  elles  prennent  une  physionomie 
sérieuse  et  lui  révèlent  l'anathème  attaché  à  L'Anneau 
(cette  phrase  se  termine  par  Ze  Regret  de  l'amour]  ;  elles  lui 
annoncent  sa  mort  prochaine  s'il  ne  leur  rend  l'anneau 
maudit  [^Puissance  de  l'anneau,  Malédiction  de  l'anneau, 
La  Servitude,  L'Adoration  de  l'or,  etc.).  II  aurait  cédé  à 
leurs  charmes,  mais  il  ne  cédera  pas  en  face  d'une  me- 
nace; du  moment  où  l'anneau  constitue  un  danger  pour 
son  possesseur  [Le  Traité,  L'Anneau,  Fafner),  il  le  gar- 
dera [Cri  de  triomphe  du  Nibelung).  Grande  agitation  des 
Nixes,  qui  voient  encore  une  fois  leur  or  leur  échapper; 
elles  essayent  de  persuader  le  téméraire  de  sa  démence, 
mais,  voyant  qu'il  leur  faut  renoncer  à  ressaisir  Z'^^/zeaw, 
elles  reprennent  paisiblement  leurs  ébats  et  disparaissent 
sur  une  reprise  du  chatoyant  ensemble  qui  a  ouvert  l'acte. 
Resté  seul,  Siegfried  entend  les  fanfares  de  Gunther  et 
de  Hagen  se  rapprocher,  accompagnées  par  les  motifs 
de  La  Malédiction  de  l'anneau  et  La  Servitude,  et  leur 
répond  par  L'Appel  du  fils  des  bois. 

Scène  ii.  —  Pendant  que  Gunther  et  Hagen  s'appro- 
chent, suivis  des  hommes  qui  portent  le  produit  de  leur 
chasse  et  l'entassent  au  pied  des  arbres,  l'orchestre  se 
joue  avec  les  motifs  de  chasse,  laissant  transparaître  par- 
fois quelques  dessins  empruntés  au  Trio  des  Filles  du 
Rhin,  encore  dans  l'esprit  de  Siegfried,  auxquels  se  joi- 
gnent, dès  que  le  dialogue  s'engage,  L' Amitié  perfide  de 
Hagen,  La  Servitude,  La  Vengeance,  quelques  notes  de 
L'Oiseau,  un  peu  plus  loin  L'Amour  héroïque  et  La  JuS" 


ANALYSE    MUSICALE  455 

tice  de  l'expiation,  combinés  ensemble,  Loge  (la  ruse),  La 
Trahison  par  la  magie,  qui  poursuit  son  cours,  puis,  lors- 
que Siegfried,  à  l'incitation  de  Hagen,  propose  de  racon- 
ter son  enfance  et  sa  jeunesse,  La  Forge,  puis  encore 
L'Oiseau. 

Le  récit  qui  suit,  et  qui  nous  conduit  directement  à  la 
scène  de  l'assassinat,  est  si  merveilleusement  commenté 
par  l'orchestre  qu'on  pourrait  en  suivre  toutes  les  péri- 
péties sans  le  secours  des  paroles. 

C'est  d'abord  La  Forge  où  il  a  été  élevé  dans  un  état  de 
Servitude,  dans  l'espoir  qu'un  jour  il  tuerait  Le  Dragon; 
c'est  la  doucereuse  complainte  de  Mime;  c'est  la  fonte  de 
L'Épée  et  la  victoire  sur  Le  Dragon;  ensuite  reparaissent 
les  «  murmures  de  la  Forêt  »,  dans  lesquels  Siegfried  à 
présent  chante  la  partie  de  L'Oiseau;  la  mort  de  Mime  mo- 
tive un  dernier  retour  de  La  Forge.  A  ce  moment,  Hagen, 
poursuivant  ses  maléfices,  prépare  un  nouveau  philtre 
qui,  celui-là,  rend  la  mémoire,  et  le  lui  présente  sous  les 
contours  trompeurs  de  L' Amitié  perfide  ;  Siegfried  vide  la 
coupe  d'un  trait,  pendant  que  mystérieusement  glisse 
dans  l'orchestre  le  thème  de  La  Trahison  par  la  magie, 
sournoisement  préparé  par  La  Puissance  du  Casque,  et 
instantanément  suivi  de  L'Amour  héroïque  et  de  l'amour 
humain  de  Brûnnhilde.  La  mémoire  est  revenue,  le  récit 
reprend;  avec  lui,  de  nouveau,  les  «  murmures  de  la  fo- 
rêt yy  ^  L' Oiseau,  Le  Charme  des  flammes.  Fréta,  la  beauté, 
Le  Sommeil  de  Brûnnhilde,  L' Héritage  du  monde.  Le  Salut 
au  monde,  avec  la  terminaison  en  tierces  du  Duo  d'amour, 
le  souvenir  des  premières  extases...  C'est  alors  que  le 
traître  Hagen,  montrant  à  Siegfried  les  deux  corbeaux  de 
Wotan  qui  passent  en  croassant,  le  contraint  à  tourner  le 
dos,  et  enfonce  son  épieu  entre  les  deux  épaules  du  hé- 
ros. La  Malédiction  de  l'anneau  retentit  violemment,  puis, 


460  VOYAGE    A    BAYREUTH 

2omme  un  douloureux  glas  de  deuil,  Siegfried  gardien  de 
l'épée,  que  suivent  à  peu  de  distance  Le  Sort  et  La  Justice 
de  l'expiation,  au  milieu  de  la  stupeur  générale.  Siegfried 
est  blessé  à  mort,  mais  il  n'est  pas  mort.  Agonisant  et 
dans  un  état  extatique,  il  poursuit  son  récit,  que  le  coup 
fatal  a  seulement  interrompu.  Le  Salut  au  monde  reprend, 
dans  son  développement  complet,  Le  Sort,  Le  Gardien  de 
l'épée,  Le  Salut  à  l'amour,  L'Enthousiasme  de  l'amour,... 
puis,  sur  un  dernier  rappel  du  Sort,  il  tombe  mort. 

Ici  commence  (au  ton  à^ut  mineur)  l'admirable  page 
symphonique  qu'on  a  coutume  d'appeler  la  «  Marche  fu- 
nèbre de  Siegfried  »,  mais  dans  laquelle  il  faut  voir,  plu- 
tôt qu'une  Marche,  la  plus  émouvante  et  la  plus  éloquente 
des  oraisons  funèbres  :  oraison  funèbre  muette,  sans  un 
mot,  et  par  cela  même  encore  plus  poignante  et  plus 
grandiose,  car  nous  sommes  arrivés  à  ce  degré  de  tension 
011,  la  parole  devenue  impuissante,  la  musique  seule  peut 
encore  fournir  des  éléments  à  une  émotion  presque  sur- 
naturelle. 

Toute  la  vie  du  héros  va  nous  être  retracée.  Tous  les 
motifs  héroïques  que  nous  connaissons  vont  défiler  ici, 
non  plus  dans  leurs  allures  accoutumées,  mais  lugubre- 
ment voilés  de  deuil,  entrecoupés  de  sanglots,  portant 
avec  eux  la  terreur,  et  formant  dans  l'atmosphère  qui 
entoure  le  héros  mort  un  cortège  invisible  et  impalpable, 
le  cortège  mystique  de  pensées  vivantes.  D'abord,  grave 
et  solennel,  ZT/e'roisme  des  Wàlsungs,  que  nous  nous  sou- 
venons avoir  entendu  pour  la  première  fois  lorsque  Sieg- 
mund,  au  début  de  «  la  Walkyrie  »,  fait  le  triste  récit  de 
ses  malheurs;  vient  ensuite  La  Compassion,  représentant 
la  malheureuse  Sieglinde,  et  L'Amour,  l'amour  de  Sieg- 
raund  et  Sieglinde,  d'où  devait  naître  Siegfried:  ne  sem- 
ble-t-il  pas  que  les  tendres  âmes   de  son  père   et  de  sa 


ANALYSE    MUSICALE  461 

mère,  qu'il  aimait  tant  sans  les  avoir  connus,  planent  sur 
lui  et  sont  venues  conduire  le  deuil?  Puis  c'est  La  Race  des 
Wàlsungs  tout  entière  qui,  dans  un  superbe  mouvement 
de  basses,  se  joint  au  funèbre  cortège;  comme  sur  un 
cercueil  on  pose  les  armes  du  défunt  :  L'Épée,  la  fîère  épée 
est  là,  toujours  étincelante,  flamboyante,  devenue  héral- 
dique dans  la  lumineuse  clarté  à'ut  majeur,  qui  n'appa- 
raît qu'à  ce  seul  instant;  enfin  voici  le  motif  par  excel- 
lence du  héros,  Siegfried  gardien  de  l'épée,  deux  fois 
répété  par  une  marche  ascendante,  la  deuxième  fois  avec 
sa  franche  et  loyale  conclusion,  et  suivi  du  Fils  des  bois 
dans  sa  forme  héroïque  encore  singulièrement  élargie, 
qui  fait  place  à  un  souvenir  embaumé  de  Brunnhilde,... 
de  son  unique  amour...  Que  peut-on  rêver  de  plus  atten- 
drissant? Aux  dernières  notes  de  la  «  Marche  funèbre  », 
qui  ne  se  termine  qu'à  la 

Scène  m,  se  font  entendre  deux  lugubres  accords  qui 
participent  autant  de  La  Servitude  que  du  Cri  de  triomphe 
du  Nibelung,  de  même  qu'aux  mesures  suivantes  un  autre 
contour,  souligné  par  La  Malédiction  de  l'anneau,  peut 
être  considéré  à  volonté  comme  un  amer  souvenir  soit  de 
La  Bienvenue  de  Gutrune ,  soit  de  L'Appel  au  mariage, 
deux  motifs  se  rapportant  également  l'un  et  l'autre  à  l'idée 
*le  trahison. 

Plusieurs  fois  l'auditeur,  s'abusant  comme  Gutrune, 
croit  entendre  L'Appel  accoutumé  du  Fils  des  bois  ;  mais 
la  fanfare  ne  s'en  développe  point  ;  elle  est  toujours  brisée 
et  comme  chancelante;  on  entend  Grane  hennir  farouche- 
ment, avec  quelques  notes  de  La  Chevauchée  ;  inquiète, 
Gutrune  cherche  Brunnhilde  :  elle  est  obsédée  par  l'idée 
du  Sort,  auquel  s'adjoint  Le  Cri  de  triomphe  du  Nibelung. 
Soudain  reparaît  le  motif  de  La  Vengeance  accompagnant 

27 


462  VOYAGE    A    BAYREUTH 

le  rauque  appel  de  Hagen,  emprunté  à  Za  Servitude; 
d'ici  à  la  mort  de  Gunlher,  Torchestre  se  meut  sur  un 
petit  nombre  de  motifs  :  L'Appel  du  fils  des  bois,  trans- 
formé en  mineur,  Le  Regret  de  l'amour  ;  à  l'arrivée  du 
corps,  Siegfried  gardien  de  l'épée,  qui  n'est  plus  repré- 
senté que  par  ses  premières  notes,  Le  Meurtre,  La  Jus- 
tice de  l'expiation,  L'Anneau,  La  Malédiction,  Le  Sort. 
C'est  sur  ce  dernier  que  Gunther  est  frappé. 

Aussitôt  Hagen  veut  s'emparer  de  la  bague  magique; 
aussitôt  aussi  le  bras  du  cadavre  de  Siegfried  se  redresse 
menaçant,  serrant  l'anneau  dans  son  poing  fermé,  avec 
un  terrifiant  éclat  de  L'Epée,  qui,  même  mort,  le  protège. 

Alors,  sur  un  large  dessin  formé  du  Déclin  des  dieux^ 
des  Nomes,  du  Rhin,  et  se  terminant  tragiquement  par  Le 
Sort,  apparaît  Briinnhilde.  A  la  fin  de  sa  première  phrase, 
le  développement  du  Sort  nous  donne  le  chant  de  La  Mort. 
Elle  congédie  Gutrune,  lui  rappelant  sa  perfide  Bienve- 
nue, et,  par  le  thème  de  L'Héritage  du  monde,  se  proclame 
la  seule  véritable  épouse  du  héros  mort  ;  sur  un  dernier 
rappel  de  La  Trahison  par  la  magie,  Gutrune  maudit 
Hagen  auquel  elle  a  obéi,  et  se  retire  honteuse  et  désolée. 

A  partir  d'ici,  le  personnage  de  Briinnhilde  remplira 
seul  cette  inoubliable  scène  de  terreur  grandiose  et  res- 
plendissante, tellement  splendide  et  émotionnante  qu'elle 
ne  saurait  être  décrite. 

Pendant  que  Briinnhilde  ordonne  qu'on  élève  un  bû- 
cher, qu'on  aille  chercher  son  cheval,  les  motifs  domi- 
nants sont  :  La  Puissance  divine.  Le  Charme  des  flammes, 
Siegfried  gardien  de  l'épée,  La  Chevauchée;  ensuite  repa- 
raissent de  tendres  souvenirs,  avec  Le  Salut  à  l'amour  et 
un  rappel  de  L'Épée  (que  nous  entendons  ici  pour  la  der- 
nière foisi;  ces  touchants  accents  sont  brusquement  cou- 
pés par  les  trois  significatifs  coups  d'orchestre  que  nous 


ANALYSE    MUSICALE  463 

avons  trouvés  pour  la  première  fois  dans  le  terrible  Duo 
du  P'"  acte  :scène  m  ;  dans  l'action  du  héros  alors  sous 
le  pouvoir  dun  charme,  ils  avaient  pour  signification  ce 
qui  était  pour  lui  la  loyauté  chevaleresque  ;  ici,  ils  repré- 
sentent pour  Briinnhilde  la  froide  et  incompréhensible 
trahison.  Après  un  rappel  du  Sort,  elle  s'adresse  aux 
dieux;  alors,  c'est  Ze  Wal  h  ail  a,  L'Annonce  d'une  nouvelle 
vie,  qui  reparaissent  plus  émouvants  que  jamais  ;  à  La 
Servitude,  à  La  Malédiction  de  l'anneau,  et  à  La  Détresse 
des  dieux,  succède  comme  un  adieu,  triste  et  pourtant 
radieux,  un  dernier  Salut  au  Walhalla. 

La  Puissance  divine  reparaît  un  instant,  suivie  du  Dé- 
clin des  dieux  et  du  Rhin,  trois  motifs  prochement  appa- 
rentés ;  c'est  aux  Filles  du  Rhin  qu'elle  parle,  maintenant, 
de  L'Or  qu'elle  va  leur  rendre,  sous  la  forme  de  L'Anneau 
que  le  feu  du  bûcher  va  enfin  délivrer  de  La  Malédiction 
qui  pèse  sur  lui. 

Aux  accents  d'une  énergie  brutale  du  Traité  succèdent 
les  dessins  crépitants  du  Charme  des  flammes,  de  Loge, 
du  Déclin  des  dieux,  des  Nomes  ;  Briinnhilde  a  saisi  une 
torche,  et,  après  avoir  embrasé  le  bûcher,  elle  a  lancé 
un  brandon  d'incendie  jusqu'au  Walhalla. 

La  Chevauchée  reparaît,  impétueuse  et  farouche  ;  c'est 
à  son  fidèle  Grane  qu'elle  s'adresse  à  présent,  c'est  lui 
qui  la  portera  vivante  sur  le  bûcher,  et  y  mourra  héroï- 
quement comme  elle.  Alors  apparaît  dans  sa  prodigieuse 
splendeur  le  magnifique  motif  de  La  Rédemption  par  l'a- 
mour,  que  l'auteur  génial,  après  nous  l'avoir  seulement 
laissé  entrevoir  au  3®  acte  de  «  la  ^^'alkyrie  »  (scène  i, 
dans  le  rôle  de  Sieglinde),  a  tenu  en  réserve  pour  en  faire 
ici  l'auréole  vibrante  de  la  pure  et  intrépide  héroine.  Ce 
jnotif  vasans  cesse  montant  et  grandissant,  s'entrelaçant 
amoureusement  avec  celui  de  Siegfried  gardien  de  l'épée. 


464  VOYAGE   A   BAYREUTH 

pendant  que  l'exaltation,  encore  excitée  parle  pétillement 
incessant  des  Flammes,  atteint  au  paroxysme  de  l'inten- 
sité ;  soudain,  avec  un  entraînant  éclat  de  son  ancien  Cri 
de  Walkyrie,  elle  enlève  son  noble  cheval  au  galop,  et 
tous  deux  vont  s'effondrer  dans  le  brasier  ardent! 

Les  flammes  s'élèvent,  le  feu  siffle,  les  motifs  de  Loge  et 
des  Flammes  font  rage,  Le  Sommeil  éternel  s'étend  large- 
ment, Le  Rhin  monte  et  envahit  la  scène  ;  La  Malédiction 
de  l'anneau  se  fait  entendre  encore  une  fois,  mais  brisée, 
inachevée  ;  le  tenace  Hagen  se  précipite  dans  les  flots 
pour  saisir  l'anneau,  que,  joyeuses,  ont  enfin  reconquis 
Les  Filles  du  Rhin. 

Le  drame  est  accompli,...  mais  il  reste  à  entendre  un 
prodigieux  Épilogue  purement  instrumental,  pendant 
lequel  l'émotion,  qui  semble  à  son  comble,  va  pourtant 
s'accroître  encore,  et  cela  par  la  seule  puissance  de  la 
musique  et  des  combinaisons  harmoniques  des  Leit-motifs. 
Pendant  que  le  Rhin,  s'apaisant  graduellement,  entraîne 
en  son  cours  Les  Filles  du  Rhin  jubilantes,  folâtrant  avec 
leur  anneau  d'or,  pendant  que  Le  Walhalla,  perdu  à  tout 
jamais,  définitivement  condamné,  mais  toujours  superbe 
et  solennel,  s'éclaire  des  lueurs  de  l'incendie  naissant 
qui  va  le  dévorer  et  l'anéantir,  vient  planer  au-dessus  de 
tout,  comme  l'enivrant  et  suave  parfum  qui  s'exhale  de 
l'âme  pure  de  Briinnhilde,  comme  l'épanouissement  de 
son  immense  tendresse,  le  chant  radieux  de  la  Rédemption 
par  l'amour,  devenant  de  plus  en  plus  élhéré...  Tous  ces 
motifs  s'échelonnent  comme  dans  un  rêve  prophétique  et 
lumineux,  sans  se  confondre,  chacun  conservant  immua- 
ble son  caractère,  soit  grandiose,  soit  enjoué,  soit  extati- 
que, et  il  en  résulte  une  impression  complexe,  indéfinissa- 
ble, profondément  troublante,  qui  plonge  l'âme  attendrie, 
après  toutes  ces  scènes  d'essence  mythologique,  dans  ua 


ANALYSE    MUSICALE  465 

état  de  contemplation  surnaturelle  et  d'idéalisme  presque 
chrétiens. 

Je  donne  ici,  dans  les  quatre  pages  suivantes,  une  sorte 
de  maquette  montrant  de  quelle  curieuse  manière  une  si 
prodigieuse  combinaison  a  pu  être  résolue,  et  en  indi- 
quant, à  peu  près,  l'orchestration  merveilleuse. 

Ce  qui  attire  d'abord  l'attention,  c'est  le  majestueux 
thème  du  Wallialla,  confié  à  la  famille  des  Tubas  et  à  la 
Trompette-basse  (les  cuivres  wagnériens),  s'épandant 
avec  solennité  dans  la  mesure  à  3/2  ;  lorsque  ce  motif  se  tait 
momentanément,  les  Tubas  sont  remplacés  par  les  Trom- 
bones, avec  lesquels  ils  ne  se  confondent  pas.  —  Pendant 
ce  temps,  aux  Violoncelles,  aux  Altos  et  aux  Harpes  se 
dessine  le  mouvement  ondulatoire  des  (lots  du  Rhin,  avec 
son  rythme  habituel  à  6/8.  —  Les  Hautbois  et  Clarinet- 
tes, auxquels  s'adjoignent  plus  tard  le  Cor  anglais  et  la 
3™*  flûte,  rappellent  les  souples  évolutions  des  nageuses 
Filles  du  Rhin.  —  Ce  n'est  qu'en  dernier  qu'apparaît  aux 
Violons,  1"  et  2'%  renforcés  par  deux  flûtes,  le  thème 
resplendissant  comme  une  merveilleuse  apothéose,  La  Ré- 
demption par  l'amour,  celui-ci  dans  une  large  mesure 
à  2/2,  et  tellement  grand,  tellement  sublime  en  cette  su- 
prême transformation,  que  l'on  se  sent  transporté  dans 
les  sphères  de  l'inconnu. 

On  retrouve  ensuite  La  Puissance  divine,  qui  s'effondre 
en  traits  de  basses  précipités  ;  on  assiste  à  l'embrasement 
et  l'écroulement  du  Palais  des  dieux,  une  dernière  fois 
retentit  la  vaillante  sonnerie  du  Gardien  de  l'épée,  tandis 
que  plane  encore  plus  haut,  dans  les  espaces  célestes, 
comme  une  dernière  et  suprême  bénédiction,  la  phrase 
consolatrice  si  douce  et  si  noblement  empreinte  de  séré- 
nité, en  laquelle  se  résume  tout  le  drame  :  La  Rédemption 
par  l'amour  ! 


mSçj 


470  VOYAGE    A    BAYREUTH 

C'est  d'une  ampleur  inouïe,  et  tout  cela  se  meut  avec 
une  telle  aisance  que  l'auditeur  n'éprouve  pas  un  seul 
instant  l'impression  de  la  complication  réelle  en  présence 
de  laquelle  il  se  trouve.  Tous  les  molifs  se  détachent  net- 
tement, et  les  dissonances  qu'ils  forment  parfois  entre  eux 
disparaissent  grâce  à  la  diversité  nettement  tranchée  des 
timbres.  Nulle  confusion,  nulle  dureté;  on  nage  avec  béa- 
titude dans  un  océan  embrasé  de  flots  d'harmonie ,  on 
voudrait  pouvoir  prolonger  indéfiniment  cette  sensation 
délicieuse,  et,  quelque  lentement  que  le  rideau  se  referme, 
on  est  toujours  trop  tôt  arraché  de  ce  beau  rêve  pour  ren- 
trer dans  la  réalité  de  la  vie. 

Et  l'enseignement  qui  s'en  dégage  est  celui-ci  :  a  Elle 
a  passé  comme  un  souffle,  la  race  des  dieux;...  le  trésor 
de  ma  science  sacrée,  je  le  livre  au  monde  :  ce  ne  sont 
plus  les  biens,  l'or  ou  les  pompes  divines,  les  maisons, 
les  cours,  le  faste  seigneurial,  ni  les  liens  trompeurs  des 
sombres  traités,  ni  la  dure  loi  des  mœurs  hypocrites, 
mais  une  seule  chose  qui  dans  les  bons  et  les  mauvais 
jours  nous  rend  heureux  :  l'Amour  !  »  (R.  Wagxer.^ 


PARSIFAL 


DESIGNATION 

des  principaux  Leit-motifs  de 
PARSIFAL 

dans  l'ordre  de  leur  première 
apparition  intégrale. 

SCÈNES *   : 

1er 

ACTE 

a 

r 

2me 

ACTE 

3m. 

ACTE 

• 
• 
9 

1 

2 

• 

3 

• 
• 
• 
• 

• 

• 

• 

• 

9 

- 

1 

2     3 

9 

9 
9 

9 

" 
® 

• 

• 

9 
9 
9 
9 

9 
9 

9 
9 
9 
9 
9 

9 

9 
9 

9 

9 
9 
9 
9 

2 

• 

• 

• 
• 

• 

La  Cène  .               

Le  Graal 

•    ■ 

!© 

La  Foi 

• 
• 

•  • 

•  • 

•  • 

•  • 

•  • 

r 

•  d 

■  © 

•  9 

■  9 

>   • 

•  • 

•  • 

i   9 

•  • 

•  • 

La  Souffrance 

La  Galopade 

Kundrv  

La  Brise 

Klingsor 

Les  Filles-Fleurs 

Parsifal 

Herzeleide 

• 

• 

•   - 

Plainte  des  filles-fleurs 

Le  Deuil  d'Herzeleide 

Le  Vendredi  Saint 

•• 

•• 

Le  Désert 

L'Expiation 

Deuxième  forme  du  Désert 

Le  Charme  du  Vendredi  Saint 

' 

1 

1.  Pour  Parsifal,  cette  division  par  scènes  est  purement  arbitraire,  mais 
correspond  à  celle  adoptée  dans  l'analyse  ci-après. 


472 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


PARSIFAL 

Prélude.  —  Par  le  Prélude  même,  nous  sommes  de 
suite  initiés  à  tous  les  grands  motifs  symboliques  de  la  re- 
ligion du  saint  Graal. 

Le  premier  son  qui  émerge  des  profondeurs  de  «  l'abîme 
mystique  »,  un  simple  la  bémol  grave  de  la  4°  corde  des 
32  violons,  dans  un  mouvement  démesurément  lent,  ce 
son  «  désorientant  »  en  ce  qu'il  semble  surgir  à  la  fois  de 
tous  les  points  de  la  salle,  est  la  note  initiale  du  mysté- 
rieux motif  de  La  Cène, 


L\  CEyE 


4  j>i  j]jj^n:zi 


piu  p 


motif  d'une  ampleur  inouïe  dans  sa  calme  et  majestueuse 
simplicité;  d'abord  présenté  à  découvert,  sans  aucune 
espèce  d'accompagnement,  il  est  aussitôt  répété  harmo- 
nisé par  d'enveloppants  arpèges  auxquels  la  harpe  ap- 
porte son  caractère  hiératique. 

Après  un  long  silence,  le  même  motif  reprend,  mais  en 
mineur  cette  fois,  ce  qiii  lui  communique  une  extraordi- 
naire expression  de  souffrance,  encore  plus  pénible  lors- 
qu'elle est  soulignée  par  l'harmonisation. 

Nouveau  silence,  très  long!  Ces  silences  solennels  sont 
prodigieusement   éloquents   et  expressifs;  on  sent   que 


y.- 

(jucoyYvhou)i^yi-^xA'yzy(iynJ^  deJL  ^uchou  nA^ojc/tioCâu 

aum.  ôcLtA-i)u  oijoo  tl^ru^.^  tcdM^.  (yuXAxJi 
âMu^i^oLô  auL  dz^  Heu  Fh^  aujL^-LcLtocVco-cLù^^ 


V^  l^^  cU^i^  Pt^tUcvtit^ 


'cJL  Pluc^ ^  e/yuaduL  -âcrio   ^/^  il OâUmcrr^ 

(juj^  k)oL  i)<J^  t-hUl^cJL/)'^^  ^ûryuix^^  ^^u^u)yvuûx^^ 
cLo/pu  CL  IL  OtU/yU^  (L^^hAJU)(UjLh-cuJLû  LiX^ 


ANALYSE   MUSICALE 


473 


sur  le  sujet  unique  qui  vient  d'être  exposé  il  y  a  à  mé- 
diter i)rofondément,  et  on  médite. 

Dans  des  analyses  plus  détaillées,  on  verra  comment  ce 
premier  motif  peut  être  décomposé  en  plusieurs  frag- 
ments dont  chacun  possède  une  signification  mystique 
spéciale. 

Le  deuxième  thème  qui  apparaît,  c'est  Le  Graal, 


LE  GHAAL 


qui  représente  musicalement  le  vase  sacré,  et  par  exten- 
sion le  temple  où  il  est  pieusement  conservé. 

En  troisième  lieu,    toujours  sans  quitter  le  ton  de  la 
bémol,  l'austère  motif  de  La  Foi^ 


^ 


LA  FOI 

A        A        A 


^       J       J       J 


^ 


V<'<v»~- 


'y-j'"*!  ± 


longuement  et  pompeusement  développé,  un  instant  coupé 
par  un  retour  du  Graal,  et  s'épanouissant  magnifique- 
ment. 

Un  mystérieux  roulement  de  timbales,  auquel   succeae 
un  trémolo  prolongé  des  instruments  à  cordes,  annonce  et 


474  VOYAGE    A    BAYREUTH 

accompagne  la  réapparition  de  La  Cène  avec  de  nouvelles 
et  curieuses  harmonies,  dont  se  détache  un  motif  formé 
de  quatre  de  ses  notes,  qui  personnifiera  La  Lance 


et  reparaîtra  constamment  dans  toutes  les  parties  de  l'ou- 
vrage, saut  dans  le  Prélude  du  2™^  acte  et  dans  la  scène 
des  Filles-Fleurs.  Bien  que  fort  court,  il  est  aisément 
reconnaissable  et  souvent  orchestré  d'une  façon  mordante 
et  incisive  qui  appelle  sur  lui  l'attention. 

[Ces  quatre  motifs,  La  Cène,  Le  Gi'aal,La  Foi  et  La  Lance  consti- 
tuent, avec  un  cinquième  qui  paraîtra  bientôt  (La  Promesse),  l'élé- 
ment religieux  et  en  quelque  sorte  liturgique  qui  domine  dans  les 
actes  I  et  III.  Seul  parmi  ces  motifs  importants,  celui  de  La  Foi  est 
soumis  à  des  transformations  harmoniques  et  rj-thmiques  qui  peu- 
vent empêcher  de  le  reconnaître  à  première  vue,  et  dont  il  est  bon 
d'être  prévenu;  et»*,  pourquoi  j'ouvre  ici  une  parenthèse  pour  le 
présenter  sous  plusieurs  «spects  différents  qu'il  revêt  des  le  commen- 
cement du  lo-acte  (aux  mesures  34,  134,  404  et  486),  toujours  dans 
le  rôle  de  Gurnemanz,  le  chevalier  à  robuste  croyauco,  dont  c'est, 
naturellement,  le  thème  favori.] 
ClKNEMANZ 


ANALYSE   MUSICALE 


475 


GL'RNEMAN'Z 


glknemanz 


^^^rrrir 


GIRNEMAS: 


Après  un  court  développement  de  La  Lance,  le  motif  de 
La  Cène  vient  enchaîner  le  Prélude  au  l^""  acte. 


47G 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


l"  Acte. 

—  Parsifal  n'étant  pas  divisé  par  scènes,  nous  devrons, 
pour  la  clarté  de  l'analyse,  établir  des  démarcations  de 
convention  entre  les  diverses  parties  d'un  même  acte. 

Pour  le  l^^  distinguons  trois  parties  :  1,  du  début  à 
l'arrivée  de  Parsifal;  2,  de  l'arrivée  de  Parsifal  au  chan- 
gement de  décor;  3,  la  scène  dans  le  temple.  — 

Les  motifs  de  La  Cène,  du  Graal,  deZa  Foi  et  tncnre  de 
£rt  Cène  donnent  le  signal  du  réveil  et  de  la  prière  mati- 
nale. Le  dialogue  s'engage  entre  Gurnemanz  et  deux  de 
ses  jeunes  compagnons,  deux  écuyers  du  Graal;  ici  l'or- 
chestre nous  présente  La  Fol  sous  la  première  transforma- 
tion indiquée  ci-dessus  (en  si  maj.),  et,  quatre  mesures 
plus  loin,  un  douloureux  dessin  de  basse  nous  raconte  La 
Souffrance  physique  du  roi,  d'Amfortas,  qui  descend, 
porté  sur  une  litière,  prendre  le  bain  qui  seul  lui  apporte 
un   soulagement  momentané. 


Gl'RNEMANZ 


LA  SOVFVRANCE 


A  la  65*  mesure  de   l'acte,  rorchestre  indique  expres- 

sivement,  mais  encore  vaguement,  le  motif  de  La  Promesse^ 
qu'on  saisira  mieux  quelques  pages  plus  loin  (voir  p.  479). 


ANALYSE    MUSICALE  477 

Un  bruissement  de  feuilles  donnant  la  sensation  d'une 
course  échevelée  se  fait  entendre,  suivi  du  rythme  ner- 
veux et  saccadé  de  La  Galopade, 


LA  GALOPADE 


qui,  après  avoir  persisté  pendant  quelques  mesures,  gran- 
dissant et  approchant,  vient  se  terminer  sur  une  sorte  de 
ricanement  convulsif,  qui  accomj)agnera  presque  toujours 
les  apparitions  de  l'étrange  personnage  de  Kundry. 


hVJSliR\ 


Ces  trois  derniers  motifs,  celui  si  pénible  de  la  Souf- 
france corporelle  du  roi,  ceux  si  violents  de  la  Galopade 
et  du  farouche  hennissement  de  Kundry,  arrivant  après 
les  harmonies  graves  et  pleines  d'onction  des  thèmes  re- 
ligieux du  Prélude,  produisent  un  effet  de  contraste  vive- 
ment saisissant. 

Celui-ci,  de  moindre  importance,  et  qui  accompagne 
les  (juelques  mots  rudes  et  entrecoupés  de  Kundry,  est 


478  VOYAGE   A    BAYREUTH 

attaché  à  l'idée  du  Baume  qu'elle  a  été  quérir,  sans  ordre, 
et  de  son  propre  chef,  au  fond  de  l'Arabie. 
LE   RAVME 


KUXDRY 


Le  cortège  d'Amfortas  s'avance  ;  nous  reconnaissons 
à  l'orchestre  La  Souffrance,  La  Foi  dans  une  deuxième 
transformation  fpage  473  en  ré  bémol)  et  un  court  emprunt 
à  La  Cène.  La  Souffrance  reprend  encore,  mais  elle  semble 
atténuée  par  la  venue  du  charmant  et  rafraîchissant  motif 
de  La  Brise. 

LA  hhlSF 


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L^T,— 

ANALYSE    MUSICALE 


479 


la  brise  bienfaisante  qui  apaise  pour  un  instant  les  dou- 
leurs de  l'infortuné  Amfortas,  et  vient  se  terminer  par  les 
dernières  notes  du  thème  de  La  Cène. 

[Le  motif  de  La  Brise  se  retrouvera  lég-èrement  indiqué  au  3'  acte 
peu  après  l'arrivée  de  Parsifal  à  la  cabane  de  Gurnemanz,  mais 
modifié  d'aspect,  en  mi  majeur  et  à  4/4.1 


PARSIFAL 

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Quelques  notes  du  récit  du  Roi  nous  font  connaître  le 
thème  prophétique  de  La  Promesse  sur  la  foi  duquel  il 
attend  un  sauveur,  lequel  ne  peut  être  qu*  «  un  Simple,  un 
Pur,  qu'instruit  son  cœur»  ! 


APPORTAS 


L^   PHOHESSt 


Le  flacon  que  lui  remet  Gurnemanz  rappelle  le  motif  du 
Baume,  avec  celui  de  La  Galopade  et  le  sinistre  ricane- 


480  VOYAGE    A   BAYREUÏH 

rnent  de  Kundry  ;  pendant  que,  farouche,  elle  refuse  les 
remerciements  du  rci,  des  dessins  tortueux  et  sournois, 
nénssés  de  notes  chromatiques,  nous  révèlent  quelque 
chose  de  sa  nature  bizarre;  ils  se  terminent  par  un  re- 
tour plus  violent  du  rire  nerveux.  Le  cortège  s'étant  remis 
en  marche,  aux  gémissements  de  La  Souffrance  cruelle, 
pourtant  tempérée  par  La  Brise,  la  conversation  reprend 
intime  et  affectueuse  entre  le  chevalier  Gurnemanz  et  les 
jeunes  écuj^ers  avides  de  s'instruire.  Sur  quoi  peut-elle 
rouler?  Sur  le  saint  Graal,  objet  de  toutes  les  préoccupa- 
tions des  pieux  chevaliers,  sur  les  allures  singulières 
et  énigmatiques  de  Kundry,  sur  sa  Galopade  encore  ré- 
cente; sur  La  Cène,  qui  forme  la  base  symbolique  du  culte 
du  Graal;  sur  La  Promesse  d'un  nouveau  Rédempteur,  qui 
viendra  délivrer  le  roi  de  ses  tortures  ;  sur  La  Ma^ie, 


LA  MAGIE 


GrRNEMAPiZ 


à^^lMi^A:^ 


qui  oppose  ses  maléfices  et  ses  envoûtements  à  la  pureté 
de  la  sainte  religion  du  Graal,  de  La  Lance  et  de  La  Foi, 
que  résume  en  un  mot  La  Cène. 

[Le  thème  de  La  Magie,  ainsi  que  le  suivant,  Klingsor,  prendront 
leur  grande  extension  au  2"  acte;  ils  ne  figurent  ici  qu'épisodique- 
ment,  pour  documenter  le  récit.] 


A iN AL YSE  MUSICALE  481 

Un  court  retour  de  La  Souffrance  adoucie  par  La  Brise 
a  lieu  au  moment  où  deux  des  écuyers,  remontant  du  lac, 
donnent  en  passant  des  nouvelles  du  roi;  puis  le  bon 
Gurnemanz  continue  à  instruire  ses  élèves  ;  cette  fois, 
non  sans  de  nouvelles  considérations  sur  La  Foi,  Le  Graal, 
La  Cette,  La  Lance  (tous  ces  motifs  s'échelonnant  comme 
je  les  énonce),  il  leur  révèle  ce  qu'est  Kicngsor, 


GURNEMANZ 


HLUyGSOR 


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son  infamie,  les  séductions  par  lesquelles  il  tente  de  cor- 
rompre les  saints  chevaliers,  l'emploi  qu'il  fait  de  La  Magit 
(ici  passent  rapidement  dans  l'orchestre  les  motifs  de  Kun- 
dry  et  des  Filles-Fleurs,  suppôts  de  Klingsor),  et  enfin 
comment  le  malheureux  Amforlas,  ayant  voulu  le  combat- 
tre, fut  sa  victime,  perdant  à  la  fois  et  sa  chasteté  et  La 


482 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Lance  divine,  rapportant  de  plus  la  terrible  blessur»?  ■  fue 
rien  ne  peut  fermer  »,  si  ce  n'est,  comme  cela  lui  a  été 
révélé  prophétiquement,  l'intervention  du  «  simple  et 
|)ur  »,  l'objet  de  La  Promesse.  Emerveillés  autant  qu'at- 
tendris par  ce  récit,  les  Ecuyers  répètent  en  chœur  le 
motif  de  La  Promesse,  lorsqu'une  fanfare  éclatante, 
alors  réduite  à  ses  trois  premières  notes,  mais  dans 
laquelle  on  reconnaîtra  plus  tard  le  motif  personnel  de 
Par  s  if  al; 


PARSIFAL 

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suivie  de  clameurs  et  de  cris  d'effroi,  met  fin  à  l'entre- 
lien. 

[Quand  Parsifal  reparaît  dans  son  armure  noire,  au  début  du 
3* acte,  ce  motif  est  en  si\,  mineur; 


et  lorsque,  à  la  fin  de  l'ouvrage,  devenu  à  son  tour  Prètre-Chevaiier 
et  Souverain  du  Graal,  il  accomplit  le  miracle  de  guérir  la  blessure 
du  Koi,  il  prend  cette  forme  particulièrement  triomphale  :] 


ANALYSE    MUSICALE 


483 


Ici  commence  la  2^  partie  de  l'acte.  Parsifal,  ignorant 
la  loi  du  Graal  qui  veut  que  sur  ses  domaines  la  bête  soit 
sacrée,  vient  de  tuer  un  cygne;  cette  profanation  est  cause 
de  tout  Témoi.  On  apporte  le  cygne  mourant  au  bon  Gur- 
nemanz,  qui  interroge  et  réprimande  sévèrement  Tincons- 
cient.  Aux  premiers  mots  de  sa  réponse,  son  caractère 
nous  est  révélé  dans  toute  sa  naïveté. 


Aux  thèmes  de  La  Cène  celui-ci  à  peine  indiqué  ,  de  La 
Foi,  qui  accompagne  toujours  les  discours  de  Gurncraanz, 
àe  La  Brise  bienfaisante,  se  mélange  ici  un  thème  nouveau, 
consistant  en  deux  accords  seulement,  mais  qui  est  bien 
nettement  associé  chez  AVagner  à  l'idée  du  Cygne,  puis- 
qu'il l'a  déjà  employé  dans  «.  Lohengrin  ». 

LE  CÏCyE 


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Sensible  aux  reproches  paternels  du  bon  chevalier, 
Parsifal  ému  brise  son  arc  et  jette  ses  flèches.  Gurne- 
raanz,  poursuivant  son  interrogatoire,  n'en  peut  rien 
tirer,  sinon  qu'il  se  souvient  de  sa  mère,  ce  qui  nous  vaut 
le  triste  et  doux  motif  à'Uerzeleïde, 


484 


PARSIF> 


VOYAGE    A    BAYREUTH 
HERZELEWE 


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(Cœur  dolent  ou  la  Douloureuse,  selon  les  coramenta- 
leurs:.  Entre  temps  reparaît  le  motif  du  Cygne,  dans  les 
quelq-ucs  mesures  émues  et  solennelles  qu'on  a  l'habitude 
d'appeler  un  peu  exagérément  «  La  marche  funèbre  du 
Cygne  ». 

Lorsque  ]ilus  tard  Kiuidry,  l'aidant  à  rassembler  ses 
souvenirs,  lui  apprend  la  mort  de  sa  mère,  nous  retrou- 
vons La  Galopade,  ))lusieurs  éclairs  de  Parslfal,  puis 
Herzeleïde  ;  lorsqu'il  veut  sauter  à  la  gorge  de  la  femme 
sauvage,  c'est  sur  un  puissant  mais  dissonant  éclat^  du 
motif  de  Parsifal,  auquel  succède  un  douloureux  rappel 
à'  Herzeleïde  ;  lorsque  Parsifal  s'évanouit,  et  que  Kundry 


ANALYSE    MUSICALE 


485 


court  lui  chercher  de  leau,  revient  La  Galopade,  suivie  du 
fatal  ricanement;  lorsqu'elle  lui  offre  cette  eau,  ce  soula- 
gement, c'est  Ze  Graa/ qui  l'inspire,  l'idée  du  ^«?</72e  s'in- 
tercale; c'est  la  Kundry  bienfaisante,  mais  aussitôt  elle 
est  reprise  par  les  motifs  salaniques,  La  Magie  et  ses  en- 
voûtements, A7i//or5or  qui  déjà  l'appelle  :  elle  frémit,  cher- 
che à  se  raidir,  tombe  à  terre  en  proie  à  des  convulsions, 
puis  elle  s'endort  profondément. 

C'est  alors  que  le  décor  se  déroulant  nous  donne  l'im*- 
pression  de  faire,  en  compagnie  de  Gurnemanz  et  Parsi- 
fal,  l'ascension  du  Montsalvat  ;  dans  ces  pages  presque 
exclusivement  symphoniques,  et  dont  le  motif  principal 
annonce  la  sonnerie  des  Cloches  du  Graal,  se  retrouvent 
nécessairement  tous  les  thèmes  de  caractère  religieux, 
et  en  plus  le  douloureux  dessin,  moins  fréquemment  em- 
ployé jusqu'ici,  mais  pourtant  caractéristique,  de  L'Ap" 
pel  au  Sauveur. 


L'APPEL  AU  SAUVEUR 


486  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Vers  la  fin  de  cet  intermède,  le  motif  de  La  Cène,k  laquelle 
nous  allons  assister,  prend  une  importance  prédominante, 
jusqu'au  moment  où  les  Cloches  (voir  p.  502),  sonnant  à 
toute  volée,  nous  introduisent  dans  le  sanctuaire  même. 
Pendant  toute  cette  troisième  partie  de  l'acte,  Parsifal  va 
rester  immobile,  comme  pétrifié  d'étonnement,  tournant 
le  dos  au  public,  contemplant  en  silence  la  scène  gran- 
diose et  émouvante  de  l'office  du  saint  Graal. 

Sur  un  rythme  pesant  que  scande  la  sonnerie  des 
Cloches,  les  chevaliers,  se  rendant  à  l'appel  du  Graal, 
viennent  se  ranger  solennellement  autour  des  tables;  «ur 
le  même  rythme,  mais  en  doublant  le  pas,  de  jeunes 
écuyers,  plus  alertes,  entrent  à  leur  tour  et  prennent 
place.  Des  voix  de  Jeunes  Gens,  formant  un  chœur  à  trois 
parties,  placé  à  mi-hauteur  de  la  coupole,  font  entendre 
L'Appel  au  Sauveur,  que  l'orchestre  accompagne  des  no- 
tes de  La  Lance,  puis  de  l'harmonie  du  Graal.  Un  autre 
chœur,  d'Enfants  celui-ci,  à  quatre  parties,  et  placé  tout 
en  haut  de  la  coupole,  entonne  à  son  tour  le  thème  de 
La  Foi,  traité  en  manière  de  choral.  (Ce  curieux  échelon- 
nement de  trois  chœurs  placés  à  des  hauteurs  différentes, 
les  hommes  sur  le  sol  du  temple,  les  adolescents  à  mi- 
hauteur  et  les  enfants  au  sommet  du  dôme,  qui  produit  un 
effet  des  plus  saisissants,  avait  été  essayé  par  Wagner 
longtemps  avant,  en  1843,  à  l'église  Notre-Dame  de 
Dresde,  dans  «  La  Gène  des  Apôtres  «.j 

La  voix  de  Titurel,  sortant  des  profondeurs  d'une  sorte 
de  crypte,  ordonne  à  son  fils  daccomplirle  saint  sacrifice  ; 
Amfortas,  sur  le  motif  de  L'Appel  au  Sauveur,  supplie 
qu'on  le  dispense  de  remplir  sa  tâche;  mais  Titurel,  sou- 
tenu par  deux  saints  rappels  du  Graal,  commande  qu'on 
découvre  le  vase  sacré.  Alors  commencent  les  effroyables 
tortures  du  malheu.  eux  Prêtre-Roi  déchu,  tortures  bien 


ANALYSE    MUSICALE  487 

plus  morales  que  physiques,  que  nous  révèlent  de  cui- 
sants souvenirs  de  Kundry,  se  mêlant  aux  thèmes  sacrés 
du  Graal,  de  La  Cène,  de  L'Appel  au  Sauveur,  de  La  Lance, 
avec  lesquels  lutte  le  motif  satanique  de  La  Magie,  pendant 
qu'il  nous  décrit  les  cruelles  souffrances  endurées  par  lui 
chaque  fois  qu'il  est  contraint  d'exercer  son  sacerdoce.  Du 
chœur  de  Jeunes  Gens  tombe  mystérieusement  le  souvenir 
deZa  Promesse  ;  les  chevaliers  imposent  à  l'infortuné  l'ac- 
complissement de  son  devoir,  et  la  voix  de  Titurel,  encore 
plus  impérative,  exige  qu'on  découvre  Le  Graal, 

Alors  La  Cène  se  fait  entendre  dans  toute  sa  majesté,  à 
peu  près  dans  la  même  disposition  orchestrale  qu'au  début 
du  Prélude,  sauf  que  les  Violons  sont  remplacés  par  les 
voix  d'Enfants  qui  semblent  venir  du  ciel,  avec  les  paroles 
de  la  Consécration.  C'est  pendant  ce  temps  que  s'accom- 
plit le  miracle. 

On  entend  de  nouveau  Les  Cloches;  alors  les  trois 
chœurs,  d'abord  celui  des  Enfants,  ensuite  celui  des  Jeu- 
nes Gens,  et  en  dernier  lieu  celui  des  Chevaliers,  enton- 
nent un  cantique  d'action  de  grâces.  Puis,  par  une  dispo- 
sition inverse,  les  hommes  d'abord,  puis  les  adolescents 
et  enfin  les  enfants,  s'élèvent  en  une  sorte  d'acte  de  foi, 
d'espérance  et  de  charité  qui  a  pour  harmonie  le  thème 
du  Graal,  et  va  se  perdre  dans  les  hauteurs  de  la  coupole. 

Le  cortège  du  Roi  se  retire,  puis  celui  des  Chevaliers, 
et  les  théories  de  Jeunes  Garçons,  toujours  marchant  d'un 
pas  plus  agile,  escortés  des  mêmes  motifs  qui  ont  accom- 
pagné leur  entrée  et  du  carillon  des  Cloches  du  Graal. 

Gurnemanz  et  Parsifal  restés  seuls  en  scène,  l'orches- 
tre, dans  une  combinaison  singulièrement  expressive, 
rappelle  les  motifs  de  La  Promesse,  de  L'Appel  au  Sauveur, 
Parsifal  et  Le  Cy^ne ;  et  lorsque  Gurnemanz,  après  avoir 
chassé  Parsifal,  s'est  retiré   lui-même,   quand  la  scène 


488  VOYAGE    A    BAYREUTH 

reste  vide,  une  voix  prophétique  fait  encore  entendre  La 
Promesse,  à  laquelle  répondent  comme  un  écho  céleste 
les  voix  de  la  coupole,  par  Le  Graal  et  La  Lance. 

2'"«  Acte. 

—  Procédant  comme  nous  l'avons  fait  pour  le  1^'  acte, 
nous  diviserons  celui-ci  en  trois  parties  qui  s'imposent 
naturellement  :  1,  l'évocation  de  Kundry  ;  2,  les  Filles- 
Fleurs;  3,  la  scène  de  Kundry  avec  Parsifal,  et  la  vic- 
toire de  celui-ci  sur  Klingsor.  — 

Le  Prélude  fait  entièrement  corps  avec  la  scène;  il  se- 
rait complètement  formé  des  motifs  diaboliques  de  Kling- 
sor, de  La  Magie  et  de  Kundry,  sans  l'immixtion  de  L'Appel 
au  Sauveur,  qu'on  ne  s'explique  pas  de  suite  :  l'évocation 
a  lieu  par  La  Magie,  par  Klingsor,  mais  l'apparition  mêine 
de  Kunàvy  Ydimhiie  L' Appel  au  Sauveur ,  unique  et  suprême 
aspiration  de  la  malheureuse  damnée  ;  elle  s'y  cram- 
ponne désespérément,  cherchant  à  se  soustraire  par  cette 
ardente  prière  à  l'influence  du  magicien.  Chacun  de  ces 
eff*orts  impuissants  est  accentué  par  un  farouche  cri  de 
Kundry,  de  la  femme  sauvage  dont  la  terrible  destinée  est 
d'être  alternativement  soumise  aux  puissances  infernales 
et  aux  doux  effluves  du  temple  saint. 

Klingsor  lui  rappelle  leurs  nombreuses  victoires,  La 
Lance  que  grâce  à  elle  il  a  réussi  à  ravir,  et  lui  désigne  la 
nouvelle  victime  qu'il  lui  réserve  pour  aujourd'hui  :  «  Un 
simple,  un  pur,  »  celui  que  personnifie  le  motif  de  La 
Promesse.  Le  reste  de  cette  scène,  pendant  laquelle  Kundry 
ne  cesse  de  tenter  une  résistance  inutile  à  la  volonté  do- 
minatrice de  Tenvoûteur,  motive  de  fréquents  retours  des 
motifs  précédents,  entremêlés  de  rappels  de  La  Souffrance 
d'Amfortas,    dont    se  réjouit  le    hideux   enchanteur;  du 


I 


ANALYSE    MUSICALE  (.89 

Graaï,  dont  il  croit  conquérir  le  sceptre;...  de  nouveau  re- 
tentit la  fanfare  de  Parsifal...  Klingsor,  grimpant  sur  les 
créneaux  de  sa  tour,  le  voit  avec  bonheur  mettre  hors  de 
combat  tous  les  défenseurs  de  son  castel,  qu'il  excite  à 
la  bataille,  pendant  que  Parsifal  continue  à  avancer, 
accompagné  tantôt  par  son  propre  thème,  Par-sifal,  tantôt 
par  c^dui  qui  symbolise  son  caractère  et  sa  mission  incon- 
sciente, Za  Promesse.  Entre  iem^y^,  Kiindry,  défmitivonient 
subjuguée,  a  disparu  pour  se  préparer  à  son  rôle  de  sé- 
ductrice. 

Deuxième  tableau  :  les  Filles-Fleurs.  A  cette  s<  ène  som- 
bre et  farouche  succède  instantanément,  par  un  de  ces 
violents  contrastes  que  Wagner  recherche  toujours,  le 
tableau  séduisant,  sinon  par  le  décor,  au  moins  par  la 
musique  et  l'action,  des  Jardins  Enchantés,  du  lieu  de 
perdition  créé  par  Klingsor  à  l'intention  des  chevaliers 
du  Graal.  Là,  de  séduisantes  et  perfides  créatures,  moitié 
feinines,  moitié  fleurs,  vont  soumettre  notre  chaste  héros 
aux  épreuv^es  pour  lesquelles  il  est  le  moins  préparé. 
Avant  son  arrivée,  tout  effarées,  elles  exhalent  leur  Plainte 
e?i  un  dialogue  très  serré,  où  intervient  fréquemment  ce 
dessin  caractéristique: 


PLAjyTE  DES  FILLES  FLEURS 
flLLES  FLEURS 


490  VOYAGE   A   BAYREUTH 

elles  ne  songent  qu'à  déplorer  l'agression  qui  vient  de 
semer  la  terreur  parmi  leurs  amants,  les  asservis  de 
Klingsor;  mais,  dès  qu'apparaît  Pars^/a/,  leurs  allures  se 
modifient  subitement,  elles  ne  sont  plus  que  des  enjôleu- 
ses; la  Plainte  s'éteint  graduellement  et  fait  place  à  des 
motifs  pleins  de  grâce  et  de  charme,  parmi  lesquels  plu- 
sieurs formes  enveloppantes,  telles  que  celles-ci, 


LES  FILLES  FLELHS 
FILLES  FLEURS 


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ANALYSE    MUSICALE 


•91 


l^"*  Groupe 


^in\'  rrfriv    rrnr 


s'enlacent  de  la  façon  la  plus  voluptueuse  et  la  plus  clia- 


492 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


t03-ante.  Moitié  chanteuses,  moitié  danseuses  frnimes],  les 
Filles-Fleurs  renouvellent  bien  des  fois  leurs  assauts,  que 
PrtrsZ/'rt/ repousse  toujours  avec  une  douceur  qui  n'est  pas 
exempte  d'une  certaine  curiosité,  bien  excusable  en  pré- 
sence de  si  provocantes  agaceries;  de  là  de  fréquents  en- 
trelacements du  motif  typique  du  chaste  héros  et  de  ceux, 
pleins  de  perverse  càlinerie,  des  charmeuses  séductrices. 


PARSIFAL 


C'est  alors  que  Kundry  entre  enjeu;  c'est  aussi  la  pit- 
mière  fois  que  le  nom  de  Parsifal  est  prononcé,  ^t  les 
notes  sur  lesquelles  il  est  prononcé  ne  sont  autres  que 
celles  du  motif  de  La  Promesse.  La  perfide  enchanteresse 
commence  par  l'attendrir  en  lui  parlant  longuement  ae  sa 
mère,  Herzeleïde,  après  avoir  renvoyé  la  folâtre  troupe 
dont  on  reconnaît  encore  La  Plainte. 

La  grande  scène  de  séduction,  fortement  développée  et 
l'une  des  plus  importantes  de  l'œuvre,  met  en  action  plu- 
sieurs des  thèmes  déjà  connus,  et  nous  en  fait  connaître 
deux  nouveaux;  voici  à  peu  près  dans  quel  ordre  les  uns 
et  les  autres  se  présentent  :  La  Promesse,  personnifiant 
le  caractère  chaste  et  pur  du  héros;  La  Lance,  qu'il  vient 
conquérir;  La  Magie,  qui  lui  tend  ses  filets;  Herzeleïde, 
Le  Deuil  d' Herzeleïde  qu'on  appelle  souvent  2'"^  motif 
d' Herzeleïde], 


ANALYSE   MUSICALE 
LE  fiEUIL  DHERZELEIHE 


498 


Ensuite  reparaît  le  thème  propre  à  Kundry  ;  le  baiser 
de  celle-ci  appartient  à  La  Magie;  mais  aussitôt  Parsifal  se 
souvient  de  La  Cène  à  laquelle  il  a  assisté,  de  L'Appel  au 
Sauveur,  il  comprend  le  rôle  odieux  de  Kundry,  La  Souf- 
france d'Amfortas  lui  revient  à  l'esprit  avec  Le  Graal,  La 
Lance...  Tous  ces  motifs,  puissamment  développés,  lut- 
tent avec  ceux  de  La  Magie  et  de  Kundry,  qu'il  reconnaît 
pour  être  celle  qui  a  perdu  le  Roi.  Elle-même  lui  révèle 
sa  nature  psychique,  la  malédiction  qui  pèse  sur  elle,  et 
la  faute  par  laquelle  elle  a  mérité  ce  châtiment  :  qu'elle  a  vu 
le  Sauveur  {La  Cène],  au  jour  de  son  supplice  [Le  Vendredi 
Saint  ^), 


LE  VEiMïFEDI  SAfyT 


KUNDRY 


qu'elle  a  ri  (Kundry) ,  qu'elle  est  la  cause   des  douleurs 

1.  Il  faut  bien  se  garder  de  confondre  ce  motif  avec  Le  Charme 
du  Vendredi  Saint  (ci-après,  p.  498),  d'un  tout  autre  caractère. 


494  VOYAGE   A    BAYREUTH 

d'Amfortas  La  Souffrance),  qu'elle  agit  sous  la  puissance 
de  l'envoûtement  d'un  magicien  [Kllngsop,  La  Magie). 
Parsifal  promet  à  Kundry  sa  rédemption  [La  Promesse,  La 
Foi  ;  elle,  de  plus  en  plus  passionnée,  déploie  de  nouveau 
tous  ses  moyens  de  séduction,  elle  le  supplie  [Plainte  des 
Filles-Fleurs),  elle  le  menace,  le  poursuit  [La  Galopade), 
elle  veut  de  force  l'étreindre  dans  ses  bras  [Kundry]... 
Soudain  apparaît  Klingsor,  brandissant  La  Lance  dont  il 
menace  Parsifal;  mais  l'arme  reste  suspendue  immobile 
au-dessus  de  la  tête  de  celui-ci,  qui  s'en  saisit  et  trace 
dans  les  airs  le  signe  de  la  croix  [Le  Graal)^.  A  ce  signe, 
les  jardins  s'effondrent,  les  fleurs  magiques  se  dessèchent, 
Klingsor  tombe  mort. 

On  voit  avec  quel  art  admirable  le  procédé  des  Leit- 
motifs  est  exploité  dans  cette  scène  capitale,  dont,  grâce  à 
eux,  on  peut  suivre  pas  à  pas  les  émouvantes  péripéties, 
même  dans  lignorance  de  la  langue  ou  sans  distinguer 
les  paroles. 

3"»  Acte. 

—  Ce  dernier  acte  se  divise  de  lui-même  en  deux  ta- 
bleaux :  1,  la  cabane  du  vieux  chevalier  Gurnemanz,  sur 
les  domaines  du  Graal  ;  2,  la  scène  dans  le  Temple.  — 

Le  Prélude,  qui,  ici  encore,  s'unit  directement  à  l'ac- 
tion, nous  présente,  dès  le  début,  un  des  aspects  à  la  fois 
riants  et  austères  de  la  campagne  avoisinant  le  burg  du 
Montsalvat^  celui  du  Désert  fertile  et  pittoresque. 

1.  A  l'instant  précis  où  Klingsor  lance  l'arme  sacrée  dans  la  direc- 
tion de  Parsifal.  un  curieux  effet  d'orchestre  mérite  d'être  signalé  à 
l'auditeur  attentif  :  pour  produire  l'impression  du  sifflement  de  la 
lance  dans  l'air.  Wagner  tmploie  un  \on^ gUssando  des  harpes,  sur 
une  étendue  de  deux  ortaves,  singulièrement  descriptif. 


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ANALYSE    MUSICALE 
LE  DÉSERT 


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où  a  établi  sa  retraite  le  pieux  serviteur  du  Graal,  ainsi 
que  les  sujets  qui  font  l'objet  de  sa  méditation  cons- 
tante, Ténigmatique  Kundry,  La  Promesse  dun  nouveau 
rédempteur,  les  sortilèges  de  La  Magie,  La  Lance  que  seul 
«  un  pur  et  simple  »  pourrait  reconquérir,  le  rôle  diabo- 
lique des  Filles-Fleurs  (représentées  par  leur  Plainte)  et 
du  sorcier  Klingsor.  L'attention  de  Gurnemanz  est  attirée 
par  des  gémissements  qui  semblent  partir  d'un  buisson, 
et  auxquels  sa  piété  le  porte  aussitôt  à  rattacher  l'idée  de 
L'EXPIATloy 


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496  VOYAGE    A    BAYREUTH 

L'Expiation;  en  effet,  sous  des  broussailles,  il  découvre 
le  corps  inerte  de  Kundry,  encore  sous  l'influence  occulte 
de  La  Magie.  Il  réussit  à  la  ranimer,  et  en  s'éveillant,  avec 
un  souvenir  de  La  Plainte,  de  son  sommeil  hypnotique, 
bien  que  désormais  sous  la  douce  influence  du  Graal,  elle 
pousse  un  grand  cri,  que  continue  sinistrement  le  dessin 
fantastique  du  ricanement  de  Kundry ;  un  rappel  du 
Baume  démontre  clairement  que  nous  sommes  en  pré- 
sence de  la  Kundry  bienfaisante  et  repentante.  Gurne- 
manz  remarque  pourtant  un  changement  dans  ses  allures, 
qu'il  attribue  à  la  sainteté  du  jour  béni  entre  tous  au 
Graal,  le  Vendredi  Saint.  Tout  en  vaquant  à  des  occupa- 
lions  qui  paraissent  lui  être  habituelles ,  elle  prévient 
par  signe  Gurnemanz  qu'un  étranger  s'approche  du  côté 
de  la  forêt.  De  suite  l'orchestre  nous  apprend  quel  est 
cet  étranger;  c'est  Parsifal,  couvert  d'une  armure  noire, 
visière  baissée,  et  que  Gurnemanz  ne  peut  reconnaître. 
Il  le  reçoit  pourtant  avec  bienveillance,  avec  le  salut  du 
Graal,  et  lui  apprend  qu'en  ce  jour  de  Vendredi  Saint  on 
ne  marche  pas  en  armes  sur  le  domaine  sacré.  Parsifal 
alors  se  dépouille  de  son  armure,  et  la  dispose  en  une 
sorte  de  trophée,  devant  lequel  il  s'agenouille  pieusement. 
Alors  aussi  Gurnemanz  et  Kundry  le  reconnaissent,  ce 
qui  ramène  nécessairement  les  motifs  saints  de  La  Cène, 
de  La  Lance,  que  Gurnemanz  revoit  avec  une  fervente  émo- 
tion, de  La  Promesse,  de  L'Appel  au  Sauveur,  du  Vendredi 
Saint,  et,  au  moment  où  Parsifal  achève  sa  prière,  du 
Graal. 

Ici  se  présente,  sous  quelques  mots  du  vieux  Chevalier, 
un  court  dessin  mélodique  qui  se  reproduira  avec  une 
certaine  fréquence,  et  qu'on  peut  considérer  comme  un 
nouvel  aspect  de  la  campagne  environnante,  une  deuxième 
forme  du  Désert; 


ANALYSE  MUSICALE 


497 


huit  mvîsures  plus  loin,  remarquer  un  joli  et  séduisant 
retour  de  La  Brise.  Tous  les  motifs  qui  s'entre-croisent 
pendant  la  suite  de  la  scène  sont  maintenant  trop  connus 
du  lecteur  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  les  lui  signaler  ;  de 
même,  pendant  la  scène  d'essence  biblique  ou  plutôt 
évangélique  où  Kundrylave  les  pieds  de  Parsifal,  où  Gur- 
aemanz  le  sacre  et  l'oint  roi  du  Graal,  nous  retrouvons 
nécessairement  tous  les  thèmes  de  caractère  sacré,  avec 
quelques  rares  allusions,  comme  soumises,  à  ceux  de  na- 
ture démoniaque,  tels  que  celui  de  la  Plainte  des  Filles- 
Fleurs,  devenue  à  partir  d'ici  la  Plainte  de  Kundry.  Lors- 
qu'à son  tour  Parsifal  baptise  la  pécheresse,  c'est  La 
Foi  qui  domine  :  le  sinistre  ricanement  nerveux  s'est  tu 
et  ne  reparaîtra  plus  désormais. 

Aussitôt  après  le  baptême,  une  ravissante  phrase,  un 
dessin  enveloppant  et  empreint  de  la  plus  douce  onction, 
s'impose  doucement  à  l'attention  ;  il  a  déjà  été  annoncé 
d'une  façon  vague  et  sous  un  rythme  syncopé,  dans  le 
ton  de  la  bémol,  tel  que  je  le  reproduis  ci-dessous, 


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498 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


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peu  après  le  début  de  l'acte,  à  l'arrivée  de  ParsifaI, 
quand  Kundry  annonce  à  Gurnemanz  l'approche  d'un 
étrangerj  ;  sans  constituer  absolument  un  Leit-Motif, 
car  une  seule  allusion  y  sera  faite  par  la  suite,  il  a  une 
très  grande  importance  dans  cette  scène,  sur  laquelle 
il  répand  un  intense  sentiment  de  calme  et  de  doux  re- 
cueillement ;  on  l'appelle  Le  Charme  (ou  ï Enchantement) 
du  Vendredi  Saint  ^. 

LE  CHARME  DV  VEISnEEDI  S  Al  M 


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1.  On  l'appelle  aussi  parfois  :  La  Prairie  fleurie. 

Il  a  été  écrit  longtemps  avant  le  reste  de  la  partition. 


ANALYSE    MUSICALE 


499 


Au  cours  de  ce  suave  et  placide  épisode,  pendant  lequel 
Gurneraanz  explique  à  son  nouveau  roi  comment  ce  jour, 
que  tous  considèrent  comme  néfaste  et  maudit,  est  au 
contraire  envisagé  au  Montsalvat  con^me  celui  de  la  su- 
prême bénédiction,  nous  retrouvons  dans  la  trame  orches- 
trale :  L'Expiation,  plusieurs  fois  répétée;  La  Cène,  le 
Vendredi  Saint,  La  Lance,  L'Appel  au  Sauveur,  Le  Graal, 
la  Plainte  des  Filles-Fleurs  (plainte  de  Kundry  ,  et  finale- 
ment  La  Promesse.  Mais  ce  qui  est  particulièrement  inté- 
ressant, c'est  qu'on  y  trouve  aussi  cet  emploi,  si  caracté- 
ristique du  style  wagnérien,  de  la  marche  harmonique  et 
mélodique  qui  forme  le  milieu  des  deux  Chœurs  des  Pè- 
lerins dans  «  Tannhauser  »,  sur  lequel  j'ai  déjà  appelé 
l'attention  page  295. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  à  une  ressemblance  fortuite  ou 
à  une  simple  réminiscence;  en  présence  de  sentiments 
identiques,  il  était  rationnel  d'employer  un  mode  d'ex- 
pression identique,  et  c'est  ce  que  l'auteur  a  fait  sans 
hésiter. 


GUR.VEMAXZ 


500  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Les  Cloches  du  Montsalvat  nous  rappellent  vers  le 
saint  lieu.  Comme  au  l®*"  acte,  un  décor  mouvant  nous  y 
conduit.  Nous  y  pénétrons  même  avant  l'arrivée  des  per- 
sonnages. 

Là,  dans  le  même  décor  qu'au  1"  acte,  nous  voyons 
d'abord  deux  cortèges  se  croiser,  portant,  l'un  le  cercueil 
de  Titurel,  l'autre  la  litière  d'Amfortas,  et  de  nouveau 
ce  dernier  est  mis  en  demeure  par  tous  les  Chevaliers 
d'accomplir  encore  une  fois  ses  fonctions  sacerdotales; 
mais  ni  L'Appel  au  Sauveur,  ni  La  Foi,  ni  La  Cène  et  Le 
Vendredi  Saint  ne  peuvent  l'y  déterminer;  La  Souffrance 
à  endurer  le  remplit  d'épouvante. 

C'est  alors  qu'apparaît  Parsifal,  suivi  de  Gurnemanz 
et  de  Kundry,  encore  mieux  escorté  par  les  divins  motifs 
du  Graal  et  de  La  Lance,  qu'il  tient  dans  sa  main.  De  la 
pointe  de  l'arme  sainte,  il  touche  la  cruelle  blessure,  et 
La  Souffrance  vient  s'évanouir  dans  le  thème  de  La  Pro- 
messe, désormais  réalisée. 

Le  motif  de  Parsifal  résonne  alors  triomphant,  suivi  de 
La  Foi,  de  La  Lance,  et  à  son  tour  il  commande  «  qu'on 
découvre  le  saint  Graal  ».  Entre  ses  mains  alors,  le  mi- 
racle se  renouvelle  ;  au  milieu  d'étincelants  arpèges  se 
font  entendre  les  thèmes  du  Graal,  de  La  Cène,  de  La 
Foi,  et  les  trois  chœurs  étages,  cette  fois  marchant  en- 
semble, chantent  en  un  puissant  alléluia:  «  Rédemption 
au  Rédempteur  ». 

Puis  les  motifs  de  La  Foi,  et  finalement  de  La  Cène, 
terminent  grandiosement  l'épilogue  symphonique.  «  Fort 
est  le  Désir;  mais  plus  puissante  est  la  Résistance.  » 
[R.  Wagner.) 


ANALYSE    MUSICALE 


501 


On  peut  encore,  dans  le  courant  de  l'œuvre,  relevei 
un  certain  nombre  de  thèmes  secondaires  ayant  plus  ou 
moins  caractère  de  Leit-motifs,  mais  dont  la  connais- 
sance n'est  pas  indispensable  pour  l'intelligence  de  l'œu- 
vre, PU  raison  de  l'emploi  purement  épisodique  qui  en 
est  fait.  J'en  signale  ici  quelques-uns  seulement,  dans  le 
seul  but  de  faciliter  les  recherches,  en  répétant  qu'une 
(ois  entré  dans  cette  voie,  on  peul^  ici  comme  ailleurs, 
en  découvrir  un  bien  plus  grand  noiïibre  : 

L'Ardeur,  qui  n'apparaît  que  daufi  la  deuxième  partie 
du  Duo  entre  Kundrv  et  Parsifal,  a:r  2^  acfe  : 


L'ARDEl'B 


KLWDRY 


La  Résignation,  seulement  esquissée  quelques  pages 
plus  loin,  mais  qu'on  retrouve  dans  la  forme  exacte  où 
je  la  donne  ici,  dans  la  V^  scène  du  3^  acte,  lorsque  Kun- 
dry  apporte  de  l'eau  à  Parsifal  défaillant  : 


LA  RESlGI\ATIOi\ 


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)02 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


La  Bénédiction,  qui  succède  immédiatement  au  motif 
précédent  : 


LA  F^EISEDICTIOPi 


77^' j  ;— ^^^^ 


Les  Lamentations  de  Gurnemanz  sur  la  mort  de  Titu- 
rcl,  qui  ne  sont  séparées  de  la  Bénédiction  que  par 
26  mesures,  et  se  retrouveront  aux  premières  paroles  du 
chœur  des  Chevaliers  (dernier  tableau)  : 


LES  LAMEMATIOyS 


Les  Cloches  du  Montsalvat,  dont  le  grave  et  solennel 
tintement  accompagne  ou  annonce  presque  toujours  les 
cérémonies  religieuses, 


^ 


LES  CLOCHES  DU  >/OAT  SALVAT 

-\ — \ — r 


8^^bassa. 


^ 


ANALYSE    MUSICALE  50S 

lequel,  par  une  transformation  toute  naturelle,  devient  le 
rythme  de  marche  sur  lequel  défilent  les  Chevaliers  du  saint 
Graal,  etc. 


En  terminant  par  la  sonnerie  des  cloches  du  Montsalvat 
cette  brève  analyse  du  style  créé  par  Wagner,  je  ne  puis 
manquer  de  placer  ici  une  remarque  (qui  vient  à  l'appui 
de  ce  que  nous  avons  déjà  dit,  pages  263,  269,  270,  275, 
276,  296,  298,  371  et  autres,  et  qui  sera  mieux  compris 
maintenant)  sur  ce  qu'on  pourrait  appeler  les  racines  de 
la  langue  musicale  wagnérienne. 

Si  on  compare  entre  eux  certains  motifs  bien  caractéris- 
tiques, notamment  :  Les  Cloches  du  Montsalvat. 
qui  fournissent  la  marche  des  chevaliers, 

L'Amour  naissant j -J? r>  J^ 

des  «  Maîtres  Chanteurs  », 

La  Bastonnade 

du  2°^®  acte  du  même  ouvrage,  '^ 

La  Valse  des  apprentis ,  ,  .  .   f^ 
du  3™«  acte,  ir--<.  i". 


L'Amour  de  la  vie ...,.,, ,   iû'"2%^srf^ 


dans  «  Siegfried  «,  J     '^' 

et  La  Décision  d'aimer j: 

également  dans  «  Siegfried  »,  3™^  acte,  < 
on  est  frappé  par  l'analogie  de  structure  qu'ils  présen- 
tent, avec  leurs  descentes  régulières  par  quartes  justes 
successives,  comme  de  la  similitude  des  sentiments  ex- 
primés par  les  uns  et  par  les  autres  :  c'est  toujours  l'idée 
du  mouvement  volontaire  et  de  la  décision,  d'une  résolu- 
ti(?n  prise 


50'i 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Il  est  donc  indiscutablement  certain  que  cette,  forme 
particulière  et  énergique  se  présentait  naturellement  à 
Tesprit  de  Wagner  cliaque  fois  qu'il  s'agissait  d'exprimer 
l'idée  de  l'action  vo'cntaire,  du  mouvement  libre,  sans 
contrainte,  et  qu  il  1  i  inployait  ainsi.  Que  ce  soit  de  parti 
pris  ou  inconsciemm  Mit,  peu  importe:  c'est  un  fait. 

Et  cette  remarque  devient  encore  plus  intéressante  si 
l'on  constate  que  Beethoven,  qui  est  à  coup  sûr  un  des 
ancêtres  géniaux  de  Wagner,  le  plus  indiscutable  de  ses 
précurseurs,  avait  déjà  employé  une  formule  identique- 
ment semblable  dans  le  but  d'exprimer  un  acte  de  labo- 
rieuse décision  :  la      \sol  ^^''"^fa. 


a  Der  schwer  gefasste  Entschluss*. 

Grave 


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Muss  es  sem? 

Allegro 


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J  H    .1  '  Il  ^Mnv 


Es 


muss  sem! 


Es  muss  sein! 


Voilà  une  racine.  —  Il  y  en  a  d'autres,  il  y  en  a  beau- 
coup d'autres,  dont  quelques-unes  seulement  ont  pu  être 
indiquées  par  des  rapprochements,  au  cours  de  ce  cha^ 
pitre.  —  C'est  toute  une  mine  inexplorée  à  exploiter  pour 
les  savants  chercheurs  musicographes  qui  voudront  pé- 
nétrer plus  profondément  les  mystères  de  la  philosophie 
"svagnérienne,  où  tout  n'est  pas  encore  découvert. 

1.  «  La  résolution  difEcilement  prise  »  (mot  à  mot). 

2.  «  Le  faut-il? —  Il  le  faut!  il  le  faut!  a  (Beethoven,  épigraphe 
du  quatuor  en  fa  majeur,  op.  135.) 


CHAPITRE    VI 
L'INTERPRÉTATION 


0  Accommode  l'action  à  la  parole, 
la  parole  à  l'action,  en  observant 
toujours  avec  soin  de  ne  jamais 
dépasser  les  bornes  du  naturel; 
car  tout  ce  qui  va  au  delà  s'écarte 
du  but  de  la  scène,  qui  a  été  de 
tout  temps  et  est  encore  mainte- 
nant de  réfléchir  la  nature  comme 
dans  un  miroir.  » 

Shakespeare. 

On  a  vu  dans  la  vie  de  Wagner  à  quel  point  lui  répu- 
gnait la  simple  pensée  de  faire  de  l'art  pour  de  l'ar- 
gent. L'argent  lui  était  pourtant  nécessaire,  indispensable 
même,  pour  la  réalisation  de  ses  vastes  conceptions;  mais 
il  ne  l'ajamais  considéré  que  comme  un  moyen,  non  comme 
un  but. 

Cette  noble  façon  de  comprendre  le  culte  de  l'art  est 
devenue  en  quelque  sorte  la  devise  de  la  valeureuse  pha- 
lange que  recrute  le  Théâtre  des  Fêtes,  chaque  fois  qu'il 
s'ouvre  pour  une  série  de  représentations  ;  la  caractéris- 
tique de  tout  artiste-interprète  wagnérien,  tel  qu'on  le 
trouve  à  Bayreuth  (et  là  seulement),  c'est  le  désintéresse- 
ment complet,  l'abnégation  de  sa  personnalité,  aussi  bien 
<[ue  de  ses  intérêts;  selon  l'exemple  donné  par  le  Maître, 
il  vient  là  n'ayant  d'autre  mobile  que  le  pur  désir  de 
faire  de  l'art  pour  l'art.  Aussi  aucun,  pas  plus  les  chan- 
teurs que  les  choristes,  pas  plus  les  instrumentistes  que 
les  assistants  sur  la  scène,  les  répétiteurs  ou  les  chefs 
d'orchestre,  ne  touche  rien  qui  ressemble  à  un  cachet  ou 


5C6  VOYAGE   A    BAYREUTH 

à  des  appointements  ;  tous  reçoivent  une  simple  indem- 
nité, à  peine  égale  à  leurs  frais  de  séjour  ;  parfois  même 
ils  l'ont  refusée  ;  on  leur  rembourse  leur  dépense  de 
voyage,  et  ils  sont  logés  chez  l'habitant  par  les  soins  de 
l'administration  ;  ils  repartent,  les  représentations  ter- 
minées, sans  avoir  réalisé  aucun  bénéfice,  car  ils  n'étaient 
pas  venus  pour  cela.  Le  bonheur  de  collaborera  la  grande 
œuvre,  de  participer  à  une  grandiose  manifestation  du 
beau,  leur  suffit;  ce  sont  des  Prêtres  de  l'Art,  des  artistes 
dans  le  sens  le  plus  pur  et  le  plus  élevé  du  mot,  et,  sauf 
de  rares  exceptions,  des  artistes  religieux  et  convaincus 
de  la  hauteur  de  leur  mission. 

Pour  le  chanteur  qu'on  entend  à  Paris,  à  Munich,  à 
Bruxelles  ou  ailleurs,  le  plus  grand  compositeur  sera  tou- 
jours celui  qui  lui  a  valu  les  plus  nombreux  succès  ;  le 
meilleur  ouvrage,  celui  dans  lequel  il  a  le  plus  beau  rôle; 
il  ne  sépare  pas  la  cause  de  l'art  de  celle  du  métier,  vise 
avant  tout  à  plaire  au  public  et  à  se  faire  confier  un  rôle 
important  et  sympathique,  afin  de  pouvoir  ambitionner 
par  la  suite  un  engagement  plus  avantageux,  et  finalement 
s'enrichir.  Mais  le  jour  où  il  vient  à  Bayreuth,  toute  idée 
de  lucre  a  été  par  avance  écartée  :  c'est  un  pèlerinage  qu'il 
accomplit,  et  dès  lors  toute  sa  volonté,  toute  son  intelli- 
gence, ne  tendront  plus  qu'à  une  pieuse  interprétation  de 
l'oeuvre,  en  laissant  de  côté  les  mesquineries  et  les  jalou- 
sies de  coulisses.  Son  seul  but  désormais  sera  de  s'ef- 
forcer à  rendre  aussi  fidèlement  qu'il  est  en  son  pouvoir 
la  part  de  pensée  qui  lui  est  confiée,  sans  chercher  à  y 
introduire  d'autres  effets  que  ceux  qui  y  sont  contenus, 
en  se  conformant  respectueusement  à  la  lettre  écrite  et  à 
la  tradition  encore  vivante  dans  l'esprit  et  dans  la  mémoire 
des  derniers  collaborateurs  du  Maître  respecté. 

On  conçoit,  abstraction  faite  de  la  valeur  individuelle 


L'INTERPRETATION  507 

de  chacun,  ce  que  Texécution  et  l'interprétation  peuvent 
gagner  de  cohésion  et  de  vérité  lorsque  l'acteur  se  pé- 
nètre de  tels  sentiments,  lorsqu'il  envisage  sa  fonction 
comme  un  sacerdoce  accompli  avec  bonheur  et  jQerté,  et 
lorsqu'il  ne  sent  autour  de  lui  que  des  camarades  impré- 
gnés du  même  respect  de  la  dignité  artistique. 

Ce  n'est  donc  pas  à  la  perfection  ou  à  la  virtuosité  per- 
sonnelle de  tel  ou  tel  sujet  qu'il  faut  attribuer  le  carac- 
tère particulièrement  saisissant  et  captivant  des  repré- 
sentations de  Bayreuth,  mais  à  cette  intime  solidarité,  à 
ce  dévouement  sans  bornes  à  la  cause  commune,  qui  permet 
à  un  artiste  habitué  à  jouer,  partout  ailleurs,  les  premiers 
rôles,  d'accepter  ici,  sans  se  figurer  déchoir,  un  person- 
nage épisodique,  dont  il  s'acquittera  avec  autant  de  con- 
science, autant  de  zèle  que  s'il  était  le  héros  de  la  pièce. 
On  pourra  retrouver  ces  mêmes  chanteurs  sur  d'autres 
scènes,  ils  n'y  seront  plus  les  mêmes,  parce  que  ce  ne  sera 
plus  le  même  milieu. 

L'interprète  qui  entend  s'attaquer  au  répertoire  wagné- 
rien  doit  être  doué  de  qualités  rares  et  multiples.  Il  faut 
avant  tout  qu'il  possède  nativement  le  sens  artistique, 
qu'il  soit  excellent  musicien,  un  musicien  qu'aucune  dif- 
ficulté d'intonation  ne  saurait  dérouter  :  —  car  AYagner, 
par  la  logique  même  de  son  style,  nous  l'avons  démontré, 
traite  les  voix  comme  des  instruments  chromatiques,  ou 
mieux  à  clavier*,  ayant  une  limite  grave  et  une  limite 

1.  J'ai  vu,  dans  un  ouvrage  que  j'estime  tout  particulièrement 
(Ernst,  Richard  Wagner  et  le  drame  contemporain),  ce  même  sujet 
exposé  en  termes  qui,  à  première  lecture,  semblent  contradictoires 
avec  les  miens;  il  n'en  est  pourtant  rien,  et  c'est  une  simple  ques- 
tion de  mots.  J'appelle  style  vocal  la  façon  dont  Mozart  a  traité  les 
voix,  ne  négligeant  pas  entièrement  le  côté  virtuosité,  et  je  trouve 
par  comparaison  la  m.anière  dont  Beethoven  emploie  les  voix  plus 
instrumentale.  Quand  je  dis  que  Wagner  traite  la  voix  comme  un  ins- 


508  VOYAGE    A    BAYREUTH 

aiguë,  et  des  registres  divers,  mais  il  ne  tient  et  ne  doit 
tenir  aucun  compte  de  l'effort  exigé  pour  passer  d'une 
note  à  l'autre,  pour  changer  constamment  de  tonalité, 
pour  franchir  des  intervalles  difficiles  ;  il  ne  cherche  ni  à 
être  facile  ni  à  favoriser  les  effets  de  virtuosité  du  chan- 
teur; l'accent  dramatique,  la  déclamation  chantée  et  notée, 
passent  pour  lui  avant  toute  autre  considération,  et  c'est 
par  ce  moyen  qu'il  obtient  la  vérité  de  la  parole,  la  cohé- 
sion absolue  entre  le  poème  et  le  récitatif  mesuré  que 
les  chanteurs  doivent  débiter  en  scène,  pendant  que  dans 
l'orchestre  se  déroule  la  trame  symphonique,  deux  élé- 
ments d'égale  importance.  — L'interprète  wagnérien  doit 
aussi  avoir  de  véritables  qualités  de  tragédien;  car  il  y  a 
autant  à  jouer  et  mimer  qu'à  chanter,  et  la  moindre  faute, 
la  moindre  maladresse  scénique  devient  ici  l'équivalent 
d'une  fausse  note  :  c'est  une  discordance. 

Mais  ce  qu'il  lui  faut  indispensablement,  c'est  une  sou- 
plesse et  une  docilité  à  toute  épreuve  à  toutes  les  obser- 
vations qui  lui  seront  faites,  d'ailleurs  avec  une  douceur 
et  une  urbanité  parfaites,  par  les  répétiteurs  chargés  de 
l'étude  des  rôles,  par  M.  J.  Kniese,  qui  remplit  depuis 
de  longues  années  les  fonctions  de  Chef  du  chant,  et  sur- 
tout par  M™^  Wagner,  qui  veille  maternellement  sur  les 
merveilles  confiées  à  sa  garde,  assiste  et  prend  part 
active  à  toutes  les  études  et  répétitions,  possède  mieux 
que  qui  que  ce  soit  la  précieuse  tradition  et  n'entend  pas 
la  laisser  péricliter,  ce  en  quoi  elle  a  bien  raison. 

Chaque  rôle  a  été  minutieusement  réglé  par  Wagner 
jusque  dans  ses  plus  petits  détails;  il  n'y  a  pas  d'effets  à 

trument,  j'entends  par  là  un  instrument  spécial,  l'instrument  vocal- 
déclamatoire,  si  l'on  veut,  et  je  ne  prétends  pas  plus  dire  qu'il  écrit 
pour  la  voix  comme  pour  le  violon,  qu'il  n'écrit  les  parties  de  flû- 
tes comme  celles  de  trumbones.  ce  qui  serait  une  simple  absurdité. 


L'INTERPRETATION 


509 


chercher,  mais  simplement  à  se  rendre  compte  de  ceux 
qui  sont  voulus.  Le  meilleur  interprète  est  donc  le  plus 


^^ 


Juiius  Kniese. 


fidèle  et  le  plus  sincère.  Et  qu'on  n'aille  pas  croire,  sur- 
tout, que  cette  façon  docile  et  respectueuse  de  comprendre 
l'interprétation  amoindrit  en  quoi  que  ce  soit  le  prestige 


510  VOYAGE    A    BAYREUTH 

du  chanteur;  elle  démontre  au  contraire  chez  lui  l'exis- 
tence du  plus  pur  et  du  plus  exquis  sentiment  artistique. 
Voici  d'ailleurscomment  Wagner  lui-même,  parlant  du 
célèbre  ténor  Sclmorr,  1:  merveilleux  créateur  du  rôle  de 
Tristan,  s'exprime  à  ce  sujet  : 

«  Schnorr  était  né  poète  et  musicien  :  ainsi  que  moi,  il  passa 
d'une  éducation  classique  générale  à  l'étude  particulière  de  la  mu- 
sique ;  il  est  très  vraisemblable  qu'il  serait  déjà  parvenu  de  bonne 
heure  à  la  voie  où  il  aurait  suivi,  d'intention  et  de  fait,  ma  propre 
direction,  s'il  ne  s'était  pas  produit  chez  lui  ce  développement  de 
l'appareil  vocal  qui,  en  sa  qualité  d'organe  inépuisable,  devait  ser- 
vir à  réaliser  mes  visées  les  plus  idéales,  et  qui,  par  conséquent, 
devait  l'associer  directement  à  ma  carrière,  en  apportant  un  com- 
plément à  la  tendance  propre  de  ma  vie.  Dans  cette  situation  nou- 
velle, notre  civilisation  moderne  n'offrait  pas  d'autre  expédient  que 
d  accepter  les  engagements  de  théâtre  ,  de  se  faire  ténor ^  à  peu 
près  comme  Liszt,  dans  un  cas  analogue,  s'est  fait  pianiste.   » 

Ce  disant ,  il  assimilait  le  génie  d'interprétation  au 
génie  créateur,  et  montrait  en  quelle  estime  il  tenait  lui- 
même  l'artiste  capable  de  simprégner  de  la  pensée  intime 
de  l'auteur  et  de  la  traduire  fidèlement. 

Au  surplus,  on  ne  doit  pas  venir  à  Ba3-reuth  pour 
écouter  l'acteur,  mais  pour  contempler  l'œuvre,  s'esti- 
mant  heureux  si  on  a  la  bonne  chance  de  tomber  sur  une 
interprétation  géniale ,  ce  qui  arrive  parfois ,  sans  être 
nécessaire  pour  l'intelligence  des  oeuvres. 

Depuis  son  origine  jusqu'en  1892,  le  Théâtre  des  Fêtes 
était  entièrement  tributaire,  en  ce  qui  concerne  son  per- 
sonnel chantant,  des  grands  théâtres  d'Allemagne,  à 
présent  commence  à  porter  ses  fruits  l'Ecole  de  chant 
dramatique  dont  Wagner  avait  depuis  longtemps  rêvé  la 
création,  qui  n'existe  encore,  à  vrai  dire,  qu'à  l'état  rudi- 
mentaire,  et  qu'on  appelle  souvent,  assez  improprement, 
le  Conservatoire  de  Bayreuth. 


L'INTERPRÉTATION  511 

Là,  sous  la  direction  de  M.  Julius  Kniese ,  et  sous  la 
haute  impulsion  de  M™^  Wagner,  des  jeunes  gens  bien 
doués  vocalement  apprennent  ce  qu'il  faut  savoir  pour 
interpréter  l'œuvre  wagnérienne  ;  on  en  fait  d'abord  de 
vrais  musiciens  et  des  lecteurs,  on  développe  leur  voix, 
on  élève  leur  intelligence  de  la  musique  et  de  l'art  dra- 
matique, on  leur  fournit  l'occasion  de  s'exercer  sur  des 
scènes  d'ordre  secondaire  et  parfois  mieux,  puis  ils  font 
modestement  leurs  premières  armes  au  Théâtre  des  Fêtes 
en  qualité  de  simples  choristes.  C'est  ainsi  que,  dès  1894, 
on  voit  figurer  dans  les  chœurs  5  élèves  de  l'Ecole  de 
Baj-reuth,  dont  3  femmes  et  2  hommes,  MM.  Breuer  et 
Burgstaller;  l'un  et  l'autre  étaient  en  même  temps  pour- 
vus de  rôles  épisodiques  da.ns  Lo/iengrin,  Parsifalet  Tann- 
liauser.  Le  premier  a  fourni  en  1896  un  excellent  Mime, 
tandis  que  le  second  interprétait  d'une  façon  plus  que 
satisfaisante  le  rôle  important  de  Siegfried. 

Ce  sont  là  les  premiers  produits  de  la  jeune  Ecole  de 
Bayreuth,  dont  on  peut  espérer  voir  sortir  une  race  de 
chanteurs-musiciens,  espèce  d'une  extrême  rareté,  pres- 
que introuvable,  hélas  !  en  nos  climats. 

Le  théâtre  de  Bayreuth  a  été  ouvert  11  fois  depuis  sa 
création  jusqu'en  1896. 

En  1876,  on  a  donné  trois  exécutions 

de  la  Tétralogie  de  L'Anneau  duNibelung,so\\..  12  repr. 

En  1882,onajouéPars^7a/ 16  fois. 

En  1883,        —      Parsifal 12   — 

En  1884,        —      Parsifal 10    — 

En  1886,        —      Parsifal 9   — 

et  Tristan  et  Iseult 8   — 


512  VOYAGE   A   BAYREUTH 

En  1888,  on  a  joué  Parsifal 9  fois 

et  Les  Maîtres  chanteurs .  ...  8   — 

En  1889,        —      Parsifal 9    — 

Tristan  et  Iseult 4   — 

et  Les  Maîtres  chanteurs  ....  5    — 

En  1891,       —      Parsifal 10   — 

Tristan  et  Iseult 3   — 

et  Tannhàuser 7    — 

En  1892,       —      Parsifal 8   — 

Tristan  et  Iseult 4   — 

Tannhàuser 4   — 

et  Les  Maîtres  chanteurs .  ...  4   — 

En  1894,        —      Parsifal 9   — 

Lohengrin 6   — 

et  Tannhàuser 5   — 

En  1896,  on  a  donné  cinq  exécutions 

de  la  Tétralogie  de  L'Anneau,  soit 20  repr, 

ce  qui  fait  un  total  de  182  soirées, 

dont  32  de  la  Tétralogie  (8  fois  chaque  pièce), 
92  de  Parsifal, 
19  de  Tristan, 
17  des  Maîtres  chanteurs, 
16  de  Tannhàuser, 
et  6  de  Lohengrin. 

Et  voici  quelle  a  été  la  distribution  des  rôles,  ainsi 
que  le  personnel  dirigeant,  à  chacune  de  ces  séries  de 
représentations  ;  je  crois  que  l'on  pourra  trouver  à  l'oc- 
casion des  renseignements  intéressants,  à  des  points  de 
vue  très  divers,  dans  ces  documents  absolument  inédits, 
dont  je  garantis  la  parfaite  authenticité  : 


L'INTERPRETATION 


513 


L'ANNEAU    DU    NIBELUNG 

En  1876  et  en  1896. 


Chefs 
d'orchestre  : 

Directeur 
de  la  scè>'e  : 

répétiteurs 
et  musiciens- 
assistants 
sur  la  scène  : 


18761 

Hans  Richter. 

Karl  Brandt. 

Anton  Seidl. 
Franz  Fischer. 
Hermann  Zimmer. 
Demetrius  Lallas. 
Joseph  Rubinstein. 
Félix  Mottl. 


1896 

Hans  Richter. 
Félix  Mottl. 
Siegfried  Wagner. 

Julius  Kniese. 

Michael  Balling. 
Frantz  Beidler. 
Willibald  Kâlher. 
Oscar  Merz. 
Cari  Pohlig. 
Edouard  Risler. 


L'OR    DU    RHIN 


Wotan. 

Frantz  Betz. 

Donner. 

Eugen  Gura. 

Froh. 

Georg  Unger. 

Loge. 

Heinrich  Vogl. 

Alberich. 

Cari  Hill. 

Mime. 

Cari  Schlosser. 

Fasolt. 

Albert  Eilers. 

Fafner. 

Franz  von  Reichenberg. 

Mesdames 

Fricka. 

Friederike  Griln. 

Freïa. 

Marie  Haupt. 

Erda. 

Luise  Jaïde. 

Filles 
du  Rhin. 

Lilli  Lehmann. 
Marie  Lehmann. 
Minna  Lammert. 

Hermann   Bachmann. 

Cari  Perron, 
Hermann  Bachmann. 
Alois  Burgstaller. 
Heinrich  Vogl. 
Fried.  Friedrichs. 
Hans  Breuer. 
Ernst  Wachter. 
Johannes  Elmblad. 

Mesdames 
Marie  Brema. 
Marion  "Weed. 
E.  Schumann-Heink. 
Joséphine  v.  Artner. 
Katharina  Rosing, 
Olive  Fremstad. 


1.  Les  noms  des  créateurs  de  la   Tétralogie  sont  gravés  sur  une 
plaque  de  marbre  sous  le  péristyle  du  théâtre. 


514 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


LA    WALKYRIE 


Siegniund.       Albert  Memann. 


Hunding. 
Wotan. 


Joseph  Niering. 
Frantz  Betz. 


Mesdames 
Sieglinde.        Joséphine  Schefzky. 
Brûnnhilde.   Amalie  Materna. 


Fricka. 

Gerhilde, 

Helmwige. 

Ortlinde. 

Waltraute. 

Siegrune. 

Rossweisse. 

Grimgerde. 

Schwartleite. 


Friederike  Griin. 
Marie  Haupt. 
Lilli  Lehmann. 
Marie  Lehmann. 
Luise  Jaïde. 
Antonie  Amann. 
Minna  Lammert. 
Hedwig  Reicher- 

Kindermann. 
Johanna  Jachmann- 

Wagner. 


Emil  Gerhâuser. 
Heinrich  Vogl'. 
Ernst  Wachter. 
Hermann    Bachmann. 

Cari  Perron. 

Mesdames 
Rosa  Sucher. 
Ellcn  Gulbranson. 

Lilli  Lehmann-Kalisch. 
Marie  Brema. 
Joséphine  v.  Artner. 
Augusta  Meyer. 
Marion  Weed. 
E.  Schumann-Heink. 
Johanna  >>'eumayer. 
Luise  Reuss-Belce. 
Katharina  Rôsing. 

Olive  Fremstad. 


i 


SIEGFRIED 


Siegfried.         Georg  Unger. 

Mime.  Cari  Schlosser. 

Le  Voyageur.  Frantï  Betz. 

Alberich.         Cari  Hill. 

Fafner.  Franz  von  Reichenberg. 

Mesdames 
Ërda.  Luise  Jaïde. 


Alois  Burgstaller. 

Wilhelm  Gruning. 

Gustav  SeideP. 
Hans  Breuer. 
Hermann    Bachmann. 

Cari  Perron. 
Fried.  Friedrichs. 
Johannes  Elmblad. 

Mesdames 
E.  Schumann-Heink. 


1.  Le  nom  de  M.  Vogl  n'était  pas  porté  sur  les  programmes. 

2.  M,  Seidel  figurait  sur  les  programmes,  mais  n'a  pas  été  appelé 
à  remplir  le  rôle. 


Di 


1802 


i894 


nn  Levi. 

[   Jnlius  Kuiese. 
\  Hermann  Levi. 
/  Félix  Mottl. 

Julius  Kniese. 

( 

ïottl. 

Hermann  Levi 

d'oik 

'  Félix  Mottl. 

i  Cari  Miick. 

J  Hans  Richter. 
f   Rich.  Strauss  . 

[  HansRichter. 

Kniese. 

^es. 

DES 

ibruster. 

/  Armbruster,  directeur  de 

'  Armbruster. 

ter. 

la  musique  de  scène. 

l   E.  Humperdinck 

fumperdinck 

Kurt.  Hôsel. 

\  Oscar  Junger. 

ohse. 

Eng.  Humperdinck 

1  Fr.  !Mikorey. 

RÉp 

^z. 

0.  Merz. 

'  G.  Pohlig. 

^aertner. 

\  C.  Pohlig. 

H.  Porges. 

nài 

^Ôhr. 

j  H.  Porges,   directeur  du 

Ant.  Schlosser. 

sur 

steiner. 

1       chœur  des  Filles-Fleurs. 

V  Siegf.  Wagner. 

Strauss. 

1   Max  Schillings. 
\  Siegf.  Wagner. 

nann. 

(  J.  Kaschmann. 

C  Kaschmann. 

^emantel. 

1  Scheidemantel. 

}  Reichmann. 

f  Takatz. 

( 

:;ha. 

G.  Bûcha. 

Bûcha. 

Titi 

hlosser. 

Wilhelm  Fenten. 

; 

rengg. 

(  Moritz  Frauscher. 

(  Garl  Grengg. 
/  MaxMosel. 

rL„v 

nd. 

1  Garl  Grengg. 

PARSIFAL 

1883,  1884,  1886,  1888,  1889,  1891,  1892,  1894. 


Chefs        |  H.- 


Chefs 

DES    CUŒUItS 


RÉrÉTITEURS 

et 

assistants 

sur  la  scène 


'  JuHus  Kniese. 

H.  Poigcs. 

Osc;ir  Mcrz 
I  Eiig.  lliiinperd 

C.  l'.'anck. 

OUo  Hieber. 

Stich. 

Fianz  Thoms. 

A    Gorter. 


Amfortas. 

Titurel. 

Gurnemanz. 

Parsifal.        j 

Klingsor. 

1"  Chevalier, 
2""  Chevalier. 
3'"°  Écuyer. 

4"'"  Écuyer. 

1"  Écuyer. 
2"'"  Écuyer. 
Kundry. 


Reichmann. 
Fuchs. 


Scaria. 
Siehr. 

Gudehu». 

Winkelmann. 

Jaeger. 


Fuchs. 
Stumpf. 


Mikovey. 
Mesda, 


\  Fronz  Fiscbe 


nn  Levi.    j   llermnnn  Levi. 
Franz  Fischer. 


1886 

Hermnnn  Lcvi. 
Félix  Molli 


i   llans  Richler. 
(   Félix  Molli. 


Hermann  Levi. 
Félix  Molli. 
Hans  Richler. 


Les  Filles- 
Fleurs. 


Galfy. 
(   Malerna. 
\  Malien. 
(  Marianne  Brandi. 

I    Hor»on. 
\  Mel». 
]  Keil. 
\  André. 
/  Relce. 
(  Galfy. 

Chœurs 
de  46  hommes, 

36  femmes 
et  45  enfants. 

upplûraent  (page  583)  la  dis 


Scaria. 
Siehr. 


Gudehus. 
Winkelmann. 


Pegela. 

Fuchs. 

Stumpf. 

Hubbenet. 

Mikorey. 

Mesdames 
Keil. 

Galfy. 
i  Materna, 
i  Malien. 


\  Horson.  I 

N  Keil.  ) 

/  Galfy.  / 

[  Belce.  \ 


Chœurs 

de  kd  hommes, 

•36  femmes 

et  'i5  enfants. 

ribuûoQ  des  rôles 


Scaria. 
Siehr. 


Gudehus. 
Winkelmann. 


Kellerer. 
Wieden. 
Hubbenet. 

Mikorey. 

Mesdames 
Keil. 

Galfy. 
(   Materna. 
)  Malien. 

I  Herzog. 
\  Meta 
Horson. 


E.  Gura. 
Reichmann. 


Siehr. 
Wiegand. 

Gudehus. 
Heinr.  Vogl. 
Winkelmann. 

1  Plank. 

j  Scheidcmantel. 

A.  Grupp. 

Schneider. 

Forest. 

GuggenbUhler. 

Mesdames 
Reuss-Belce. 

Sieber. 
/  Malien. 
I  Materna. 
(  Sucher. 
/  Fritsch. 
V  Forsler. 


iger. 


Galfy. 
Belce. 

Chœurs 
de  46  hommes, 

36  femmes 
et  45  enfants. 


Hedi 
Kaue 
Reuss-Belce 
Sieber. 

Chœurs 
de  46  hommes, 

36  femmes 
et  45  enfants 


Julius  Kniese.     (  Julius  Kniese 

)  H.  Porges. 
H.  Porges.  /  C. 

C.  Franck. 
C.  Armbrusler. 
E.lhimperdinck, 
Bopp. 
0.  Merz. 
Singer. 
Schlosser. 
Sleinmann. 


Otto  Gieseler. 
Eng.  Humperdinck. 
O.  Mcrz. 
Hugo  Rôhr. 
H.  Schwarlz. 
Art.  Smolian. 
Rich.  Strauss. 


j  Reichmann.  (  Cari  Perron. 

(  Scheidcmantel     /   Reichmann. 


Heinr-Hobbing. 
Schneider. 
Gillmeister. 
Wiegand. 

Ernst  van  Dyck. 
Ferd.  Jâger. 


Plank. 

Scheidemanlel. 
A.  Grupp. 
Wieden. 
HofmUller. 

GuggenbUhler. 
Mesdames 
Kanfer. 

Franeoni. 

Malien. 

Materna. 

Sucher. 

Beltaque. 

Dielrich. 

Fritsch. 

Hedinger. 

Kanfer. 

Rigl.  _ 

Chœurs 
de  56  hommes, 

41  femmes 
et  45  enfants. 


Lievermann. 

E.  Blauwaert. 
Siehr. 
Wiegand. 
Van  Dyck. 


(   Anton  Fuchs. 

A.  Grupp. 

Wieden. 
\  Dippel, 
(  HofmUller. 

GuggenbUhler. 
Mesdames 
(  Kanfer. 
(  Reuss-Belce. 

Franeoni. 
(  Malien. 
j  Materna. 

iBorchers. 
Lilli    Dressler. 
Fritsch. 
Hedinger. 
Kanfer. 
Reuss-Belce. 

Chœurs 
de  55  hommes, 

41  femmes 
et  45  enfants. 


18»1 


nn  Levi. 


Julius  Kniese. 

H.  Porges. 

C.  Armbrusler. 

...  Gorter. 

Eng.  Humperdinck. 
I  Olto  Lohse. 

O.  Merz. 
1  Paumfj'aertner. 

Hugo  Rôhr. 

Hans  Steiner. 
1  Rich.  Strauss. 


Reichmann. 
Scheidemantel. 

C.  Bûcha. 
Fr.  Schlosser. 
Cari  Grengg. 
Wiegand. 


1802 

.Julius  Kniese. 
1   Hermann  Levi 
I  Félix  Molli. 
I  Cari  Mttck. 

Hans  Richler. 


4  804 

I  Julinii  Kniese. 
\  Hermann  I.«Ti 
-  Félix  Mottl. 
j  Hans  Ricbter. 
'  Rich.  Straass . 


Van  Dyck. 
GrUning. 


i  Liepe. 
I  Plank. 

A.  Grupp. 

G.  Buoha. 

Zeller. 

Scheulen. 

Mesdames 
Klein. 

Luise   Mulder. 
Mailhac. 
Malien. 
Materna. 

de  Anna. 

Hedinger. 

Hevzog. 

Klein. 

Slolzenberg. 

Wiborg. 

Chœurs 
de  53  hommes, 

46  femmes 
et  40  enfants. 


/  Armbrusler,  directeur  de 
ta  musique  de  scène. 

Kurt.  Hôsel. 

Eng.  Humperdinck 

O.  Merz. 

C.  Pohlig. 

H.  Porges,  directeur  du 
chœur  des  Filles-Fleurs. 

Max  Schillings. 
,  Siegf.  Wagner. 

J.  Kaschmann. 
Scheidemantel. 


Moritz  Frauscher. 
Cari  Grengg. 


Van  Dyck. 
GrUning. 


Liepe. 
Plank. 
Gerhâuser. 
G.  Bûcha. 
Max  Wandren. 

GuggenbUhler. 

Mesdames 
Luise  Mulder. 

Franeoni. 
Mailhac. 
Malien. 
Mohor-Ravenslein. 

Harlwig. 

Hedinger. 

Mitschiner. 

Mulder. 

Pfund. 

Wiborg. 

Chœurs 
de  61  hommes, 

42  femmes 
et  40  enfants. 


Armbraster. 
E.  Humperdinck 
Oscar  JUnger. 
Fr.  .Mikorey, 
C.  Pohlig. 
H.  Porges. 
Ant.  Schlosser. 
Siegf.  Wagner. 


Kaschmann. 
Reichmann. 
Tak.ltz. 
Bûcha. 

Wilhelm  Fenten. 
Cari  Grengg. 


Birrenkoven. 

Doeme. 

Van  DycV 

GrUning. 

Plank. 

Popovici. 

Gerhâuser. 

C.  Bûcha. 

Scheulen. 

Hans  Breuer. 

Mesdames 
Luise  Mulder. 


Deppe. 


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L'INTERPRETATION 


515 


Brûnnhilde.     Amalie  Materna. 
L'Oiseau.  Marie  Haupt. 


Ellen  Gulbranson. 

Lilli  Lehmann-Kalisch. 
Joséphine  \.  Artner. 


LE    CRÉPUSCULE    DES    DIEUX 


Siegfried.  Georg  Unger. 


Gunther. 

Hagen. 

Aiberich. 


Eugen  Gura. 
Gustav  Siehr. 

Cari  HiU. 


Mesdames 
Briinnhilde.      Amalie  Materna. 


Gutrune. 
Waltraute. 

Les  Nomes. 


Les  Filles 
du  Rhin. 


Mathilde  Weckerlin. 

Luise  Jaide. 
'  Johanna  Jachmann- 
I        Wagner. 
I  Joséphine  Schefzky. 

Friedei-ike  Griin. 

Lilli  Lehmann. 

Marie  Lehmann. 

Minna  Lammert. 

Chœurs  de  28  hommes 
et  9  femmes. 


Alois  Burgstaller. 

"Wilhelm  Grilning. 

Gustav  Seidel. 
Cari  Gross. 
Johannes  Elmblad. 

Cari  Greng. 
Fried.  Friedrichs. 

Mesdames 
Ellen  Gulbranson. 

Lilli  Lehmann-Kalisch. 
Luise  Reuss-Belce. 
E.  Schumann-Heink. 
Marie  Lehmann. 
Luise  Reuss-Belce. 
E.  Schumann-Heink. 

Joséphine  t.  Artner. 
Katharina  Rôsing. 
Olive  Fremstad. 

Chœurs  de  .30  hommes 
et  12  femmes. 


Vcir  au  Supplément  (page  5S3)  la  distribuli 


les  ruies  en 


1897. 


.18 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


LOHENGRIN 

1894. 

'  Julius  Kniese. 

i  Hermann  Levi. 

Chefs  d'orchestre  : 

<    Félix  MotU. 

]  Hans  Richter. 

l  Richard  Strauss, 

'  Cari  Armbruster. 

E.  Humperdinck. 

RÉPÉTITEURS 

Oscar  Jiinger. 

et 

Franz  Mikorey. 

musiciens-assistants 

Cari  Pohlig. 

sur  la  scène  : 

Heinrich  Porges. 
Anton  Schlosser. 
Siegfried  Wagner. 

Le  roi  Henri. 

Cari  Greng.  —  Max  Mosel. 

Lohengrin. 

Ernest  van  Dyck. 

Frédéric. 

Demeter  Popovici. 

Le  Hérault. 

Hermann  Bachmann. 

4  nobles. 

Hans  Breuer,   Cari  Bûcha,  Joseph 
Heinr.  Scheuten. 
Mesdames 

Cianda 

Eisa. 

Lilian  Nordica. 

Ortrude. 

Marie  Brema.  —  Pauline  Muilhac. 

Chœurs  de  65  hommes  et  52  femmes. 


La  composilion  de  l'orchestre  est  à  peu  près  invaria- 
blement fixée;  elle  ne  peut  guère  être  augmentée,  étant 
donnée  l'inextensibilité  de  l'espace  qui  lui  est  réservé,  mais 
certains  ouvrages  nécessitent  la  présence  d'un  nombre 
plus  ou  moins  grand  d'instrumentistes  sur  le  théâtre. 

Voici  l'état  numérique  exact  de  la  composition  de  l'or- 
chestre aux  diverses  époques  de  représentations  : 


L'INTERPRETATION 


519 


1876 

1886 

1888 

1889 

1891 

1892 

1894 

1896 

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32 

31 

32 

32 

32 

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12 

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12 

12 

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4 

4 

4 

4 

4 

4 

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Violons 

Altos 

Violoncelles , , 

Contrebasses 

Flûtes  

Hautbois  

Cor  anglais 

Clarinettes 

Clarinette-basse 

Bassons 

Contrebasson 

Cors 

Trompettes 

Trompette-basse  . .  . . 
Trombones . 

Tromb. -contrebasse  . 

Tubas-ténors 

Tubas-basses 

Tuba  contrebasse  .  . . 
Paires  de  timbales  .  . . . 
Harpes . . 


Comme  on  voit  le  Quatuor  n'a  jamais  subi  que  des  mo- 
dijfications  insignifiantes;  les  plus  curieuses  se  rapportent 
aux  Cors,  dont  le  nombre  avarié  de  7  à  11;  la  Trompette- 
basse,  le  Trombone-contrebasse  et  le  Tuba-contrebasse 
n'apparaissent  que  lorsqu'on  joue  L'Anneau  du  Nibelung, 
qui  seul  exige  également  un  troisième  Timbalier,  et 
4  Harpes  supplémentaires. 

L'orchestre  le  plus  nombreux  a  donc  été  celui  de  1896, 
comprenant  125  musiciens,  9  de  plus  qu'en  1876. 

Gomme  le  personnel  chantant,  celui  de  l'orchestre  est 
recruté  un  peu  de  tous  les  côtés,  en  Allemagne  surtout, 
naturellement,  mais  aussi,  pour  une  assez  grande  partie, 
à  l'étranger  C'est  un  personnel  d'élite,  incontestable- 
ment, et  il  n'est  pas  rare  d'y  rencontrer  des  artistes  rem- 
plissant ailleurs  les  fonctions  et  portant  le  titre  de  Chef 


520  VOYAGE    A    BAYREUTH 

d'orchestre,  de  Gapellmeister,  de  Directeur  de  musique 
de  la  cour. . .  Mais  ici,  sous  l'admirable  direction  des  grands 
artistes  que  sont  MM.  Hans  Richter,  Hermann  Levi  et 
Félix  Mottl,  ils  reçoivent  à  la  fois  un  complément  d'ins- 
truction technique  et  une  impulsion  artistique  qu'ils  cher- 
cheraient vainement  ailleurs. 

Nul  besoin  de  sévérité  pour  obtenir  d'eux  exactitude 
et  discipline;  tous  sont  venus  bénévolement,  avec  la  cons- 
cience de  leur  valeur,  se  ranger  sous  la  grande  et  noble 
bannière;  l'orchestre  est  une  famille  unie,  et  l'autorité 
indiscutée  du  chef  est  empreinte  d'une  bonhomie  toute 
paternelle.  A  une  récente  répétition  de  Siegfried,  l'un  des 
timbaliers  avait  donné  un  coup  de  baguette  un  peu  avant 
le  moment  voulu  :  «  Monsieur,  lui  dit  doucement  Rich- 
ter, je  vous  ferai  observer  que  Fafner  ne  meurt  qu'au 
deuxième  temps.  »  Ce  qui  fut  compris. 

Pendant  les  exécutions,  s'il  lance  un  coup  d'œil  cour- 
roucé vers  celui  qui  vient  de  commettre  une  faute  (là 
comme  ailleurs  cela  arrive) ,  il  ne  manque  jamais  d'a- 
dresser un  sourire  de  satisfaction  et  d'encouragement 
au  soliste  qui  vient  de  se  distinguer  par  une  interpréta- 
tion exacte  de  son  rôle;  je  dis  rôle,  car,  il  ne  faut  pas  s'y 
tromper,  tous  les  rôles  ne  sont  pas  sur  la  scène  :  il  y  en  a 
beaucoup,  et  non  des  moins  importants,  exclusivement 
confiés  à  l'orchestre,  et  chaque  musicien,  de  par  l'instruc- 
tion même  acquise  au  cours  des  répétitions,  sait,  à  tout 
moment,  ce  que  veut  dire  ce  qu'il  fait,  s'il  concourt  sim- 
plement à  un  effet  d'ensemble,  ou  si  le  contour  musical 
dont  il  est  chargé  possède  une  signification  précise,  à 
souligner,  et  dans  quel  sens  elle  doit  être  soulignée  ;  il 
n'est  pas  un  d'eux  qui  ne  connaisse,  mieux  encore  que 
tous  les  commentateurs,  la  portée  des  Leit-motifs,  sou- 
vent sans  en    savoir  le  nom,  toujours  de    convention  et 


L'INTERPRETATION 


521 


souvent  variable,  mais  en  comprenant,  ce  qui  vaut  mieux, 
l'esprit  et  le  sentiment  intime.  De  là  une  exécution  sym- 
phonique  qui,  si  elle  pèche  parfois  par  la  virtuosité  indi- 


Hans  Richter. 

viduelle,  a  pour  caractéristique  une  intelligence  excep 
lionnelle;    ce    n'est    pas   toujours    la    perfection,    mais 
l'intention  juste  est  toujours  perceptible,  et  jamais  ne  se 
produit  un  non-sens. 

30 


622 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


A  Bayreuth,  l'orchestre,  pourtant  nombreux,  n'est 
jamais  bruyant.  Si  on  pouvait  lui  adresser  un  reproche,. 
ce  serait  plutôt  celui  d'être  parfois  trop  discret;  il  ne 


Hermann  Levi. 


couvre  jamais  la  voix  du  chanteur,  et  toutes  les  syllabes 
arrivent  distinctement  à  l'auditeur;  cela  peut  tenir  par- 
tiellement à  la  diction  généralement  très  nette  des  acteurs 


L'INTERPRÉTATION  523 

et  aux  consonnes  multiples  de  la  langue  allemande;  mais 
il  est  certain  que  la  disposition  même  de  l'orchestre  en 


Fclix  Mottl. 


sous-sol,  comme  un  amphithéâtre  renversé,  et  en  partie 
recouvert  par  des  écrans,  y  est  pour  beaucoup;  la  fusion 
des  cuivres  et  des  instruments  à  cordes  dans  le  grave 


524  VOYAGE   A    BAYREUTH 

y  produit  parfois  une   sonorité  d'orgue  qu'on  n'entend 
que  là. 

Rien  de  plus  curieux,  d'ailleurs,  que  la  physionomie 
de  l'orchestre  pendant  une  représentation;  malheureuse- 
ment personne,  sans  exception  aucune,  n'est  autorisé  à  y 
pénétrer,  la  consigne  est  formelle.  Les  lampes  à  incan- 
descence, soigneusement  recouvertes  d'abat-jour,  n'é- 
clairent que  les  pupitres  devant  lesquels  sont  assis  les 
musiciens,  la  plupart  en  manches  de  chemise,  car  il  fait 
chaud,  en  juillet,  et  on  y  va  de  tout  cœur;  on  aime  à  ra- 
conter qu'auprès  d'eux  s'accumulent  des  bocks,  auxquels 
on  ne  toucherait,  bien  entendu,  que  lorsqu'il  y  a  un  cer- 
tain nombre  de  pauses  à  compter,  mais  c'est  absolument 
faux.  Ce  qui  est  vrai,  c'est  que  lorsque  leur  partie  leur 
laisse  des  loisirs,  les  déshérités  de  l'orchestre,  les  Trom- 
bones, les  Tubas,  qui  habitent  le  fond  de  la  cave,  grim- 
pent subrepticement,  se  faufilant  à  travers  les  pupitres, 
pour  essayer  d'apercevoir,  ne  fût-ce  qu'un  instant,  un  coin 
de  la  scène,  bonheur  réservé  seulement  à  ceux  des  l^'*  et 
2mes  violons  placés  à  la  première  rangée,  celle  du  haut. 

Seul,  le  chef  d'orchestre  (qui,  comme  les  autres,  a  re- 
tiré sa'vareuse  et  sa  cravate)  est  éclairé  de  face  par  deux 
lampes  dont  les  puissants  réflecteurs  sont  tournés  vers 
lui,  afin  que  personne,  sur  la  scène  ou  dans  l'orchestre, 
ne  perde  un  de  ses  gestes,  un  de  ses  jeux  de  physiono- 
mie; ce  n'est  pas  sa  partition  qu'on  éclaire,  il  la  sait  par 
cœur  et  la  regarde  rarement;  c'est  lui,  le  maître  absolu, 
le  seul  sur  lequel  retombe  toute  la  responsabilité  de  l'en- 
semble de  l'interprétation. 

Malgré  le  talent  et  la  conscience  de  chacun,  malgré  la 
profonde  expérience  et  la  conviction  des  chefs,  ce  n'est 
pas  sans   des   études   nombreuses   et  laborieuses   qu'on 


L'INTERPRÉTATION  525 

arrive  à  mettre  debout  des  œuvres  aussi  complexes  que 
celles  qui  forment  le  répertoire  de  Bayreuth.  Les  chan- 
teurs arrivent,  sachant  leurs  rôles  par  cœur,  et  la  plu- 
part des  musiciens  ont  déjà  eu  l'occasion,  dans  d'autres 
théâtres  allemands,  de  jouer  leur  partie  (sauf  toutefois 
lorsqu'il  s'agit  de  Parsifal,  qui  n'a  jamais  été  représente 
ailleurs);  mais  il  leur  reste  à  acquérir  cette  merveilleuse 
cohésion,  ce  sentiment  respectueux  de  l'œuvre,  qui  ca- 
ractérise spécialement  et  donne  une  couleur  particulière 
àTinterprétation-modèle  du  Théâtre  des  fêtes. 

Aussi  me  paraît-il  intéressant  de  mettre  sous  l'œil  du 
lecteur,  à  titre  d'exemple,  le  Tableau  des  Répétitions  aux- 
quelles a  donné  lieu,  en  1896,  la  Tétralogie  de  L'Anneau 
du  Nibelung. 

Ce  travail  préparatoire,  absolument  combiné  et  arrêté 
d'avance,  a  duré  du  15  juin  au  18  juillet,  sans  autres  ar- 
rêts que  trois  jours  de  repos,  savamment  ménagés  vers 
la  fin  des  études. 

Le  voici,  avec  tous  ses  détails  : 

L'Or  du  Rhin. 

!  9  h.  à  11  h.  Instruments  à  vent*. 

11  h.  à  1  h.  Instruments  ù  cordes. 

10  h.  En  scène,  au  piano. 

3h.l/2à5li.l/2.  Tout  l'orchestre. 

5  h.  1/2  à  8  h.  En  scène,  au  piano. 

(  9  h.  à  11  h.  Tout  l'orchestre. 

16  juin.  /  Il  h.  à  1  h.  En  scène,  au  piano. 

/  3  h.  à  7  h.  En  scène,  au  piano. 

(  10  h   à  1  h.  En  scène,  avec  orchestre. 

il  4  h.  à  7  h.  Orchestre. 


17  juin. 


1.  Les  répétitions  partielles  dorchestre  ont  lieu  dans  le  Restau- 
rant-Brasserie qui  est  à  gauche  en  regardant  le  théâtre.  Le  chef 
d'orchestre  s'installe  bravement  sur  une  table,  avec  sa  chaise  et  son 
pupitre,  et  les  musiciens  se  groupent  autour  de  lui.  C'est  très  pitto- 
resque et  très  familial. 


526 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


La  Walkyrie. 


18  juin 


19  juin. 


20  juin. 


21  juin. 


22  juin. 


23  juin. 


24  juin. 


25  juin. 


26  juin. 


9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

1"  Acte. 

11  h.  àlh. 

Instruments  à  cordes. 

10  h. 

En  scène,  au  piano. 

3h.  à5h. 

Tout  l'orchestre. 

5  h. 

En  scène,  au  piano. 

9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

2"'*  Acte. 

11  h.  àlh. 

Instruments  à  cordes. 

10  h.  àlh. 

En  scène,  au  piano. 

3  h.  à  5  h. 

Tout  l'orchestre. 

5  h.  à  8  h. 

En  scène,  au  piano. 

9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

3"*  Acte. 

11  h.  à  1  h. 

Instruments  à  cordes. 

lOh.  àl  h. 

En  scène,  au  piano. 

3h.  â5h. 

Tout  l'orchestre. 

5  h. 

En  scène,  au  piano. 

9  h.  1/2  à  1  h. 

En  scène,  avec  orchestre. 

1"  et  2-^^  Acte». 

5  h. 

En  scène,  avec  orchestre. 
Siegfried. 

S"*  Acte. 

9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

1"  Acte. 

11  h.  àl  h. 

Instruments  à  cordes. 

10  h. 

En  scène,  au  piano. 

3h.  à5h. 

Tout  l'orchestre. 

5  h. 

En  scène,  au  piano. 

9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

2"»  Acte. 

11  h.  àlh. 

Instruments  à  cordes. 

10  h.  à  1  h. 

En  scène,  au  piano. 

3h.  à5  h. 

Tout  l'orchestre. 

5h.  à8h. 

En  scène,  au  piano. 

9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

3"'«  Acte. 

11  h.  à  1  h. 

Instruments  à  cordes. 

lOh.  àl  h. 

En  scène,  au  piano. 

3h.  à5h. 

Tout  l'orchestre. 

5  h. 

En  scène,  au  piano. 

1 

1 

9h.  1/2  àlh. 

En  scène,  avec  orchestre. 

1"  et  2"«  Actes 

5  h. 

En  scène,  avec  orchestre. 

3-"'=  Acte. 

Le  Crépuscule  des  Dieux. 

9  h.  à  11  h. 

Instruments  à  vent. 

Prologue. 

11  h.  àlh. 

Instruments  à  cordes. 

10  h. 

En  scène,  au  piano. 

3h.  à5h. 

Tout  l'orchestre. 

,5h. 

En  scène,  au  piano. 

L'INTERPRÉTATION 


527 


27  juin. 


28  juin. 


29  juin. 


juin. 


9h.  k  11  h. 
11  h.  à  1  h. 

10  h. 

3  h.  à  5  h. 
5h.  • 

9  h.  à  11  h. 

11  h.  à  1  h. 

10  h. 

3  h.  à  5  h. 
5  h. 

9  h.  à  11  h. 

11  h.  à  1  h. 

10  h. 

3  h.  à  5  h. 
5  h. 

9  h.  12  àl  h. 
5  h. 


Instruments  à  vent. 
Instruments  à  cordes. 
En  scène,  au  piano. 
Tout  l'orchestre. 
En  scène,  au  piano. 
Instruments  à  vent. 
Instruments  à  cordes. 
En  scène,  au  piano. 
Tout  l'orchestre. 
En  soène,  au  piano. 
Instruments  à  vent. 
Instruments  à  cordes. 
En  scène,  au  piano. 
Tout  l'orchestre. 
En  scène,  au  piano. 
En  scène,  avec  orchestre. 
En  scène,  avec  orchestre. 


1"  Acte 


Acte. 


Acte. 


Prol.etl^'Acte. 
2°^«et3"'=Actes. 


1  juillet. 

2  juillet. 

3  juillet. 

4  juillet. 

5  juillet. 

6  juillet. 

7  juillet. 

8  juillet. 

9  juillet. 

10  juillet. 

11  juillet. 

12  juillet. 

13  juillet. 

14  juillet. 

15  "juillet. 

16  juillet. 

17  juillet. 

18  juillet. 


L'or  du  Rhin. 

» 

La  "Walkyrie. 

» 

Siegfried. 

» 

Le  Crépuscule  des  Dieux. 

)) 

(Jour  de  repos). 

L'or  du  Rhin. 

La  "Walkyrie. 

(Jour  de  repos). 

Siegfried. 

Le  Crépuscule  des  Dieux. 

(Jour  de  repos). 


Répétitions  intégrales 
avec  orchestre. 


Raccords. 
Répétition  générale. 
Répétition  générale. 

Répétition  générale. 

Répétition  générale. 

Raccords. 


Le  lendemain,  le  19,  ont  commencé  les  représentations. 


Les  études  avaient  été  autrement  conduites  et  plus 
longues  à  l'époque  de  l'inauguration. 

Les  quatre  semaines  de  juillet  1875  avaient  été  consa- 
crées aux  répétitions  au  piano  •  V^  semaine,  L'Or  du  R/iin  ; 


528  VOYAGE    A   BAYREUTH 

2™^  La  Walhyrle;  S'^^  Siegfried;  4°^«  Le  Crépuscule  des 
Dieux.  Du  l^'"  au  15  août  de  la  même  année,  répétitions 
des  mêmes  pièces,  avec  orchestre;  dans  la  3°^®  semaine 
d'août,  étude  de  la  mise  en  scène  et  des  évolutions  scé- 
niques. 

Ce  n'étaient  pourtant  que  des  répétitions  préparatoires  : 
car,  en  1876,  on  recommença  dès  le  3  juin  les  répétitions 
partielles,  tantôt  au  piano,  tantôt  à  l'orchestre,  puis  en 
scène;  du  6  au  9  août  eurent  lieu  les  répétitions  généra- 
les, et  le  dimanche  13,  à  7  h.,  la  première  représentation 
commençait,  par  L'Or  du  Rhin. 

Tant  en  1875  qu'en  1876,  on  avait  donc  répété  environ 
trois  mois. 

On  voit  par  là  que  la  vie  des  artistes  de  l'orchestre 
n'est  pas  oisive  pendant  le  temps  des  études  prépara- 
toires. 

Mais  on  sait  la  leur  rendre  agréable.  M°^°  Wagner  est 
là,  qui  aime  à  les  recevoir,  à  leur  faire  bon  accueil,  les 
fêter,  les  encourager  au  travail.  Ils  sont  les  bienvenus  à 
Wahnfried. 

En  général,  ils  prennent  leurs  repas  en  commun,  par 
groupes,  selon  leurs  heures  de  répétitions,  dans  l'un  des 
grands  restaurants  qui  avoisinent  le  théâtre,  où  ils  sont 
fort  bien  servis,  à  des  prix  fort  réduits. 

Certes,  ils  travaillent  beaucoup,  ils  se  fatiguent;  mais 
au-dessus  de  leur  fatigue  plane  l'idée  fortifiante  de  la 
belle  exécution  à  réaliser,  du  but  à  atteindre;  et  pas  un 
ne  se  plaint,  tous  se  réjouissent  des  efforts  communs, 
s'entr'aident  et  s'encouragent. 

Directement  sous  les  ordres  du  chef  d'orchestre  sont 
placés  les  musiciens-assistants  sur  la.  scène,  généralement 
au  nombre  de  huit,  parfois  six,  rarement  neuf.  Leurs  fonc- 


L'INTERPRETATIOI^  529 

lions  sont  multiples  et  participent  de  celles  de  chef  du 
Chant,  de  chef  des  Chœurs,  de  souffleur,  de  répétiteur 
d'accompagnateur  chargé  de  l'étude  des  rôles;  ils  sor^ 
constamment  disséminés  sur  le  théâtre,  les  uns  à  poste 
fixe,  à  droite  et  à  gauche  du  rideau,  les  autres  suivant  les 
chanteurs,  en  se  dissimulant  derrière  les  portants  et  les 
décors,  tous  une  partition  à  la  main,  s'occupant  sans 
cesse  à  guider  les  acteurs,  à  leur  donner  le  ton,  à  battre 
la  mesure  pour  les  faire  partir,  à  assurer  la  concordance 
absolue  entre  la  manœuvre  des  trucs  et  le  texte  musical, 
à  donner  le  signal  pour  les  effets  de  lumière,  etc.  Ce 
sont  les  officiers  d'ordonnance  du  chef.  Rentrent  encore 
dans  leurs  attributions  le  jeu  des  instruments  d'un  em- 
ploi exceptionnel,  du  giand  orgue  dans  Loliengrui  et 
dans  les  Maîtres  Chanteurs ,  d'un  autre  orgue  tout  petit 
(il  n'a  que  quatre  tuyaux,  qui  est  placé  dans  un  coin  de 
l'orchestre  et  sert  notamment  à  renforcer  le  mi  'r,  au  dé- 
but de  L'Or  du  RJiin^  du  Glockenspiel,  des  Cloches,  du 
Luth  de  Beckmesser,  du  tonnerre...  Inutile  de  dire  que 
ces  importantes  fonctions,  pleines  de  responsabilité,  ne 
peuvent  être  remplies  que  par  des  musiciens  d'une  sûreté 
impeccable,  doués  d'un  grand  sang-froid  et  capables  d'i- 
nitiative. En  1876,  Mottl  était  au  nombre  des  assistants  ; 
plus  tard  on  y  voit  fréquemment  les  noms  d'Humper- 
dinck,  de  Garl  Armbruster,  capellmeister  à  Londres  ;  de 
Heinrich  Porges;  enfin,  en  1892  et  1894,  Siegfried  Wa- 
gner y  prélude  à  ses  fonctions  de  chef  d'orchestre. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  donner  les  noms  de  tous  ces 
vaillants  musiciens,  venus  de  tous  les  points  de  l'Alle- 
magne, de  l'Autriche,  de  l'Angleterre,  de  la  Suisse,  de  la 
Russie...  En  1876, la  France  n'était  représentée  à  l'orches- 
tre que  par  un  M.  Laurent,  alors  violoniste  à  Montbéliard  ; 
en  1896,  deux  Français  ont  participé  à  l'exécution,  l'un 


530 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


comme  premier  violon,  l'autre  comme  répétiteur  des 
rôles  et  assistant  sur  la  scène  ;  ce  sont  :  MM.  Gus- 
tave  Fridrich,  qui    fut  pendant  longtemps   l^""  violon   à 


Sietrfried  Wagner, 


l'Opéra  et  à  la  Société  des  Concerts;  et  Edouard  Risler, 
le  jeune  et  déjà  grand  pianiste,  l'un  des  plus  beaux  fleu- 
rons de  notre  Conservatoire  de  Paris,  qui  a  accompagné 
au  piano  la  plupart  des  répétitions  en  scène. 


L'INTERPRETATION 


531 


Ces  deux  artistes,  dont  ]\1™^  Wagner  a  su  apprécier  la 
haute  valeur  ainsi  que  le  dévouement,  ont  été  appelés  à 
plusieurs  reprises  à  charmer,  concurremment  avec  les 
premiers  sujets  du  chant,  l'auditoire  d'élite  convié  pen- 
dant la  saison  des  fêtes  théâtrales  aux  soirées  de  Wahn- 
tried. 


Wagner  attachait  une  très  grande  importance  aux  dé- 
cors, qu'il  composait  lui-même,  et  qui  étaient  exécutés 
sous  ses  ordres,  d'après  ses  indications  précises,  par  les 
artistes  décorateurs.  Aucun  détail  ne  lui  était  indifférent. 

Il  est  facile  de  concevoir  que  dans  une  salle  entière- 
ment obscure,  où  l'œil  du  spectateur  n'est  ni  aveuglé  par 


532  VOYAGE    A    BAYREUTH 

la  rampe,  ni  attiré  par  aucune  distraction  futile  ou  mon- 
daine, la  puissance  expressive  du  décor  s'accroît  singuliè- 
rement. Le  Rideau  lui-même  est  déjà  expressif.  Il  ne  se 
lève  pas,  comme  partout  ailleurs;  il  s'ouvre  par  le  milieu 
en  se  soulevant  gracieusement  vers  les  angles,  et  cela, 
selon  les  circonstances,  avec  une  soudaineté  ou  une  ma- 
jestueuse lenteur,  réglées,  comme  tout  le  reste,  par  le 
Maître  méticuleux  qui  ne  laissait  rien  aux  hasards  de 
l'interprétation.  Après  la  terrifiante  scène  qui  termine  le 
Crépuscule  des  dieux,  par  exemple,  il  se  referme  comme 
à  regret,  laissant  voir  encore  longtemps  les  émouvantes 
lueurs  du  bûcher  et  l'embrasement  du  Walhalla;  tandis 
qu'il  clôt  brusquement  les  scènes  bouffonnes  du  2™®  acte 
des  Maîtres  Chanteurs  en  retombant  d'un  seul  coup,  pen- 
dant que  la  salle  s'inonde  de  lumière,  au  milieu  des  rires 
joyeux  des  spectateurs. 

Si  les  décors  wagnériens  ne  sont  pas  toujours  d'une 
extrême  richesse,  s'ils  sont  plus  sobres  que  ceux  de 
l'Opéra  de  Paris  ou  du  Ghâtelet,  en  revanche,  ils  sont 
plus  harmonieux,  j'entends  par  là  qu'ils  s'harmonisent 
mieux  avec  l'œuvre,  et  font,  pour  ainsi  dire,  corps  avec 
elle;  sauf  de  rares  exceptions,  ils  sont  suffisants  pour  pro- 
duire l'illusion  désirable. 

Parmi  ceux  qui  me  paraissent  défectueux,  je  signalerai 
celui  des  Filles-Fleurs,  aux  tons  criards  et  brutaux,  aux 
floraisons  difformes  et  invraisemblables,  qui  font  plutôt 
penser  à  certaines  tentures  de  chambres  d'hôtel  dans  les 
petites  villes  de  province,  qu'à  une  végétation  magique  et 
ensorcelée;  l'Arc-en-Giel  du  S'"^  acte  de  L'Or  du  Rhin, 
qui  a  l'air  d'être  en  bois;  le  tableau  du  Vénusberg,  qui, 
celui-là,  n'a  jamais  été  réussi  sur  aucun  théâtre,  et  qui 
est  peut-être  irréalisable  ;  on  peut  reprocher  au  dieu  Loge 
d'être  bien  parcimonieux  des   flammes  qui  devraient  en- 


L'INTERPRETATION  533 

tourer  de  toutes  parts  la  Walkyrie  endormie  ;  on  peut 
trouver  la  Chevauchée  enfantine...  Mais  ce  sont  là  des 
détails  minimes,  auxquels  on  ne  prête  plus  aucune  atten- 
tion quand  on  est  captivé  par  le  sujet. 

Ce  qu'on  peut  admirer  sans  restriction,  ce  sont  les 
superbes  toiles  du  3°^^  acte  de  Tannhàuser,  du  l®""  et  du 
3™''  acte  de  Lohengrin,  du  Vaisseau  et  de  Karéol  dans 
Tristan  et  Iseult,  presque  tous  les  décors  des  Maîtres 
Chanteurs,  et  celui,  peut-être  le  plus  saisissant  de  tous 
dans  son  austère  sincérité,  des  l®*"  et  3™^  actes  de  Par^ 
sifal;  dans  la  Tétralogie  de  V Anneau  du  Nibelung,  le  pre- 
mier décor  du  prologue,  les  profondeurs  du  Rhin,  la  ca- 
verne d'Alberich,  le  Rocher  des  Walkyries,  la  Forge,  le 
site  forestier  sur  le  Rhin,  et  les  deux  vues,  intérieure  et 
extérieure,  avec  le  fleuve  comme  fond,  de  la  demeure  de 
Gunther.  Tous  ceux-là  sont  vraiment  splendides,  et  ajou- 
tent quelque  chose  à  l'émotion  musicale. 

La  machination  n'a  rien  d'extraordinaire,  quoi  qu'on 
en  ait  dit  ;  c'est  celle  de  tout  théâtre  bien  organisé;  elle 
est  pourtant  parfois  ingénieuse,  mais  toujours  avec  des 
procédés  simples;  ainsi  le  décor  qui  marche,  d'abord  de 
droite  à  gauche,  ensuite  de  gauche  à  droite,  dans  Parsi- 
fal,  donnant  au  spectateur  l'illusion  que  c'est  lui  qui  se 
déplace,  est  obtenu  ])ar  le  simple  enroulement,  avec  des 
vitesses  différentes,  de  toiles  placées  à  divers  plans,  sur 
des  cylindres  verticaux  plantés  entre  les  portants.  — 
Pour  éviter  de  fermer  les  rideaux  entre  les  tableaux,  on 
a  recours  à  un  ingénieux  système  de  jets  de  vapeur  mon- 
tant du  plancher  et  venant  habilement  se  confondre  avec 
les  rideaux  de  nuages  peints  sur  gaze  qui  masquent  au 
public  les  changements  de  décors.  —  Les  Filles  du  Rhin, 
qui  semblent  vraiment  nager  entre  deux  eaux ,  qui  évoluent 

31 


634  VOYAGE    A    BAYREUTH 

avec  une  aisance  surprenante  et  parcourent  toute  la  hau- 
teur de  la  scène,  bondissant  parfois  jusqu'aux  cintres 
comme  pour  aller  respirer  l'air  à  la  surface  de  l'eau, 
sont  simplement  couchées  sur  une  armature  de  fer,  une 
sorte  de  gouttière,  et  soulevées,  au  moyen  de  fils  invisi- 
bles, par  de  vigoureux  machinistes  circulant  au-dessus 
du  théâtre  ^  A  la  première  répétition,  l'une  d'elles  s'est 
évanouie  ;  il  n'y  a  pourtant  aucun  danger,  car  chacune  des 
Ondines  est  confiée  à  une  équipe  de  six  hommes,  com- 
mandée par  l'un  des  musiciens-assistants  sur  la  scène, 
afin  de  faire  coïncider  leurs  évolutions  avec  la  musique  et 
avec  les  efforts  impuissants  d'Alberich,  qui  a  un  faux  air 
de  bernard-lerraite  poursuivant  des  crevettes  ou  des 
hippocampes  dans  un  aquarium.  —  Le  Dragon  est  un 
i.ruc  ordinaire  de  féerie;  un  homme  lui  fait  ouvrir  la 
gueule  et  rouler  les  yeux,  tandis  que  l'acteur  (Fafner), 
placé  derrière  la  toile  de  fond,  bâille  et  mugit  dans  un 
immense  porte-voix. 

La  mise  en  scène  est  autrement  comprise  que  chez  nous. 
Les  acteurs  jouent  beaucoup  moins  pour  le  public  que 
pour  eux-mêmes;  quand  ils  se  parlent,  ils  se  regardent; 
ils  ne  craignent  pas  de  tourner  le  dos  au  public  si  la  vé- 
rité l'exige,  témoin  Parsifal,  qui  reste  dans  cette  attitude 
immobile,  à  l'avant-scène,  pendant  la  moitié  du  l^'  acte; 
ils  se  comportent  sur  la  scène  comme  ils  le  feraient  dans 
la  vie,  sans  paraître  s'apercevoir  qu'il  y  a  une  salle  devant 
eux.  Cette  façon  d'être  leur  est  si  naturelle  qu'on  ne  la 
remarque  nullement;  mais  s'il  arrive  que  l'un  d'eux  s'en 
écarte  et  joue  selon  la  convention  généralement  admise, 
en  adressant  gestes  et  paroles  au  spectateur,  celui-ci  en 
est  immédiatement  étonné  et  choqué.  Les  choristes,  quand 

1.  Ce  truc  date  de  1896.  Le  procédé  employé  en  1876  était  à  la  fois 
plus  compliqué  et  moins  ingénieux. 


L'INTERPRETATION  535 

il  y  en  a,  ne  viennent  pas  davantage  se  ranger  symétri- 
quement sur  deux  rangs,  alignés  comme  des  soldats,  ou  en 
demi-cercle,  bien  en  face  du  public,  pour  lever  les  bras 
comme  des  automates,  tous  à  la  fois,  à  la  note  la  plus  forte. 
Chacun  a  son  rôle  individuel,  il  le  joue,  le  mime  et  le 
chante,  ce  qui  donne  une  apparence  de  vie  et  de  vérité 
infiniment  plus  satisfaisante. 

Wagner  avait  donc  réalisé,  depuis  longtemps,  le  sys- 
tème de  mise  en  scène  sincère  tenté  dans  ces  dernières 
années  à  Paris,  au  Théâtre-Libre,  par  un  comédien  fran- 
çais, système  qui,  fort  heureusement,  tend  de  plus  en  plus 
à  se  généraliser. 

Les  costumes  d'hommes  sont  en  général  fort  beaux; 
ceux  des  femmes  prêtent  moins  au  luxe  que  les  brillantes 
armures  des  chevaliers.  A  part  l'équipement  guerrier  de 
la  Walkyrie,  quelques  riches  toilettes  féminines  dans 
Lohengrin,  les  atours  de  fiancée  d'Eva,  ceux  d'Iseult  reine 
de  Cornouailles,  les  héroïnes,  par  leurs  caractères  mêmes, 
n'ont  pas  à  faire  parade  d'élégance.  Signalons  en  passant 
que  le  parure  de  Freïa,  dans  L'Or  du  Rliin,  a  été  copiée 
trait  pour  trait  sur  une  des  plus  gracieuses  figures  du 
Printemps  de  Botlicelli. 

Les  dépenses  sont  très  considérables;  pour  n'en  don- 
ner qu'un  exemple,  les  frais  nécessités  en  1896,  pour  re- 
mettre à  la  scène  L'Anneau  du  Nibelung,  se  sont  montés  à 
la  somme  de  800,000  francs,  répartie  en  deux  années  de 
travail. 

A  ceux  que  cette  dépense  étonnerait,  je  puis  apprendre 
que  les  décors  seuls  ceux  de  1876  ayant  été  perdus)  ont 
coûté  155,000  fr.,  dont  35,000  rien  que  pour  les  nuages; 
et  les  décors  ne  sont  pas  tout;  il  y  a  leur  entretien  et 
leur  machination,  l'entretien  du  théâtre  lui-même  peu- 


536  VOYAGE    A    BAYREUTH 

dant  les  années  de  sommeil;  il  y  a  les  costumes,  il  y  a 
l'éclairage,  pour  lequel  a  été  établie,  à  proximité  du 
théâtre,  une  usine  spéciale  d'électricité;  il  y  a  les  indem- 
nités de  A-oyage  et  de  séjour  à  payer  à  tous  les  artistes, 
chanteurs  solistes  ou  choristes,  instrumentistes,  etc. 

Il  y  a  enfin,  là  comme  dans  tout  théâtre,  un  nombreux 
personnel  que  le  spectateur  ne  voit  jamais,  nécessaire 
pour  le  maniement  des  décors,  la  machination,  pour  l'é- 
clairage, l'habillage;  celui-là,  on  le  paye;  en  voici  le 
détail  : 


Sur  la  scène 


A  l'usine 
d'électricité 


2  chefs  mécaniciens. 

2  sous-chefs. 

28  ouvriers  mécaniciens,  venus  de  Dresde,  Carls- 

ruhe,  Darmstadt... 
45  charpentiers. 
10  menuisiers. 
10  simples  ouvriers. 
1  chef  de  l'éclairage  pour  les  effets  de  lumière. 

3  ouvriers.  ] 
1  chef  d'éclairage  général. 

5  ouvriers. 

1  chef  mécanicien. 

2  ouvriers  électriciens  pour  la  manœuvre  des  dy- 

namos. 
2  simples  ouvriers. 
1  chef  tailleur. 

4  tailleurs. 

5  couturières. 

12  habilleuses  (quand  on  joue  Tristan  ou  Lohengrin, 
où  il  y  a  parfois  250  personnes  en  scène,  le 
nombre  des  habilleuses  est  porté  à  80). 

1  chef  coiffeur. 

1  maîtresse  coiffeuse. 

4  coiffeurs. 


Total  :  de  140  à  220  personnes. 

En  additionnant  les  acteurs  et  figurants  ou  choristes 
qui  peuvent  se  trouver  en  scène  (250  parfois),  l'orchestre, 
lorsqu'il  est  au  grand  complet  avec  11  cors  et  8  harpes- 


L'INTERPRETATION  537 

(125;,  les  assistants  (8)  et  le  personnel  de  la  scène  (220), 
on  arrive  au  total  de  603  pour  l'effectif  respectable  de  la 
petite  armée  que  le  chef  d'orchestre  réunit  directement 
ou  indirectement  sous  son  commandement. 

Il  n'y  a  pas  de  sonnette  pour  annoncer  la  fin  des  en- 


La  fanfare  d  appel. 


tr'actes.  Quand  le  moment  est  venu,  une  bande  de  trom- 
pettes et  de  trombones,  fournie  par  le  corps  de  musique 
du  régiment  en  garnison  à  Bayreuth,  mais  en  costume 
civil,  sort  du  théâtre,  et  lance  successivement  aux  quatre 
points  cardinaux  une  éclatante  fanfare.  Les  motifs  de  ces 
sonneries  d'appel,  comme  tout  le  reste,  ont  été  réglés  par 
Wagner  lui-même.  Ils  sont  toujours  empruntés  à  l'ou- 
vrage joué,  et  annoncent  l'un  des  motifs  de  l'acte  qui  va 
commencer.  Les  voici  d'ailleurs  au  complet  : 


^-^8  VOYAGE   A   BAYREUTH 

TANNHAUSER 

La  Chasse. 

Trompettes 
en  Ut. 


l"  Acte. 


r  m-  f  f 

Dr  but  de  la  Marche. 


a"»'  Acte. 


S»"  Acte. 


Mot  if  du  Pardon 

/\       A  A  ^ 


Trompettes 


Troinhon 


LOHfcNGRIN 


V appel  du  Roi 


^^  Acte. 


L'INTERPRÉTATION 
Le  mystère  du  nom 


53!) 

2me    ACtfî. 


Troml 


3""  acte. 


Le  Granl 


il 


Tromb. 


1^ 

r^^T- 

N^ 

=4= 

/'     .  - 

^ 

4= 

^â^ 

1      B 

n^  1 

fr— y: 

^ 

TRISTAN     ET    ISEULT 

Fraqmenf  de  laChanson  du. Jeune  matelot 


Tromp. 

^ 

fc^=^= 

f — »î — 

1  f       ; 

V ' 

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«nSj  -li 

w 

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Tromb  1 

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1            U^^ 

f  ■■■ 

-^ 

^^ri 

_£ f  ■  ir    :  H    ^— ^ 


540 


VOYAGE   A    BAYREUTH 
La  Mort 


a»»  Acte. 


a™"  Acte 


Fragment  de /aTristesae—Mof//' d//  pâtre. 


Tromp. 
enl't.i 

dh^ 

.    ,  .     ■     .-J 1 

— ^ — 

,1        \   A 

e)''  j  j .}  ^f     j 

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j 

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-b.ç . — 

Tromh\ 

'y-n  r  r  'F    \       r 

^'  >  hf  i  ■-■  r — 1 

1 — ^_4^ — f^ — ! ^ 1 

'.y-^r-r^  r    J 


^^ 


LES    MAITRES    CHANTEURS 

Z-e.s  Mûîfres 


1"  Acie. 


Tromp. 

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Tromb! 

V't:  ^     r  •  D 

M 

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r  r  '  ' 

Tromh 


L'INTERPRÉTATION 


La  Sérénade 


541 
2»»  Acte. 


S""»  Acte. 


Fanfare  des  corporaltons 


LA   TÉTRALOGIE  DE  L'ANNEAU  DU  NIBELUNG 
L'OR    DU    RHIN 

LeCharmedu  Tonnerre 

rs ^^ 


LA   WALKYRIE 


\"  et  s™--  i^^ 


LEpée 


Tro  m  b . 


542 


VOYAGB   A.  3AYREUTH 
LEpee 


3mo  Acte. 


Tromt 


iVomb 


f^ 

f," 

=^-= 

^                 1             1 

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s  1  s  i -i^  i^  t  £  D 


Trom 


omp. 


Appel  du  fi  h  des  Lois 


yananfe  de l 'ajipeldufils dts boi?; 


I"  Acie. 


8«»e  Acte. 


Troi 


Tromb, 


Tromp 


Tromb. 


s  iegfried  g  a  rdien  de  /'Ep  ée 


3»»  Acte. 


L'INTERPRETATION 


5A3 


LE    CRÉPUSCULE    DES    UiEUX 

Malédiction  de  C anneau 


2«"»  Âcîe. 


Appel  au  mariage 


S-^e  Acte. 


544  VOYAGE    A    EAYREUTH 

PARSI  FAL 

La  Cène 


t"  Acte. 


Tromb 


2>»«  Acie. 


Pars,  if aC 


s-o  Acte. 


La  Cène 


ta  lance 


Tromi 
en  Si 


Tromb. 


f-^      \        h      1    1  J'   ' 

itf; 

-^  r   t  r  î- 

^J-il j ! 



Selon  l'importance  du  Motif  servant  d'annonce,  selon 
qu'il  est  présenté  avec  ou  sans  son  harmonie,  le  nombre 
des  exécutants  varie;  pour  les  derniers  appels  de  Lohen^ 
grill  et  du  Crépu^ule  des  Dieux,  qui  sont  particulièrement 
pompeux,  il  y  a  eu  jusqu'à  24  musiciens. 

On  ne  frappe  pas  a  les  trois  coups  »  traditionnels 
Lorsque  chacun,  obéissant  à  l'injonction  des  trompettes 
héraldiques,  a  regagné  sa  place,  l'obscurité  se  fait,  en- 
traînant avec  elle  le  silence  le  plus  complet.  Une  minute 
s'écoule  ainsi,  dans  un  recueillement  absolu;  puis  le  pre- 
mier son  sort  de  l'orchestre. 


L'INTERPRÉTATIOiN  545 

C'est  solennel,  digne  et  majestueux;  cela  commande  le 
respect. 


Péristyle  du  Théâtre. 


Ici  prend  fin  cette  Étude  du  Théâtre  de  Bayreuth  et  de 
son  fonctionnement.  Je  souhaite  que  le  lecteur  ait  pris 
autant  d'intérêt  à  la  lire  que  j'ai  moi-même  éprouvé  de 
plaisir  à  en  rassembler  les  éléments. 

J'ai  cru  devoir  entrer  dans  bien  des  détails  matériels, 
parmi  lesquels  il  en  est  qui  pourront  paraître  oiseux  à 
quelques-uns,  mais  non  à  tous;  selon  mon  sentiment,  il 
n'en  est  pas  d'insignifiants,  lorsqu'on  se  trouve  ^n  face 


546  VOYAGE    A    BAYREUÏH 

d'une  organisation  si  merveilleusement  comprise  et  si 
complète. 

J'ai  pu  démontrer  la  facilité  et  l'agrément  du  court  voyage 
nécessaire,  décrire  l'accueil  courtois  et  empressé  dont  on 
Deut  être  certain  de  la  part  des  habitants  bavarois  ;  j'ai 
pu  retracer  à  grands  traits  les  principales  époques  de  la 
vie  si  agitée,  et  pourtant  conduite  en  ligne  droite,  ten- 
dant fermement  et  inébranlablement  vers  le  but  unique 
auquel  il  a  atteint,  du  créateur  de  toutes  ces  prodigieuses 
merveilles;  j'ai  pu  fournir  une  double  analyse,  dramati- 
que et  musicale,  qui  me  semble  de  nature  à  guider  le 
néophyte,  et  à  lui  faciliter,  au  moins  lors  d'une  première 
audition,  l'intelligence  du  style  wagnérien  pur;  j'ai  pu 
encore  faire  connaître  les  détails  de  l'agencement  inté- 
rieur du  Théâtre  des  Fêtes  et  de  ses  Représentations- 
Modèles,  où  tout  est  à  la  fois  si  savamment  et  si  artiste- 
ment  combiné  pour  le  triple  plaisir  de  l'intelligence,  des 
oreilles  et  des  yeux;  mais  i:t  que  je  dois  renoncer  à  ex- 
primer, parce  que  c'est  inexprimable,  c'est  l'émotion 
profonde  et  durable  qui  ressort  de  l'ensemble  enveloppant 
d'une  interprétation  ainsi  conçue  et  préparée  On  peut 
entendre  du  Wagner  partout  ailleurs,  dans  des  conditions 
en  apparence  satisfaisantes,  avec  une  partie  des  mêmes 
interprètes,  ou  même  des  interprètes  supérieurs,  si  l'on 
veut;  nulle  part  on  ne  vit  de  la  vie  des  personnages  du 
drame,  on  ne  s'identifie  avec  eux  de  la  même  manière, 
nulle  part  on  n'est  envahi  iusquà  l'obsession,  et  quelle 
douce  obsession!  par  Faction  dramatique  et  musicale. 

D'une  belle  représentation  bayreuthienne  de  Parsifal, 
de  la  Tétralogie  ou  des  Maîtres  Chanteurs,  celui  qui  sait 
entendre  et  jouir  sort  avec  la  sensation  intime  et  délicieuse 
d'une  amélioration  morale. 

Faute  de  points  de  comparaison,  il  n'y  a  qu'une  seule 


L'INTERPRÉTATION  547 

manière  de  se  rendre  compte  de  cette  bienfaisante  fasci- 
nation quasi  magnétique,  c'est  d'aller  soi-même  à  Bay- 
reuth  ;  aucune  description,  si  ardente  et  enthousiaste 
qu'elle  soit,  ne  peut  remplacer  le  voyage. 

«  Celui  qui  veut  comprendre  le  poète  doit  aller  dans  le 
pays  du  poète.  »  On  ne  comprend  réellement  Wagner 
qu'en  allant  à  Bayreuth,  comme  on  ne  comprend  Raphaël 
qu'en  visitant  les  musées  d'Italie. 


FIN 


CHAPITRE  COMPLEMENTAIRE 


Il  m'a  semblé  qu'il  ne  serait  pas  indifférent  de  connaître 
ies  noms  de  ceux  de  nos  compatriotes  qui  ont  été,  aux 
différentes  époques,  assister  aux  représentations  du  Théâ- 
tre de  Fêtes. 

J'ai  eu  beaucoup  de  peine  à  en  reconstituer  la  liste,  et 
encore  ne  puis-je  affirmer  que  celle  que  je  présente  ici  ne 
contient  ni  erreurs  ni  omissions,  parce  que  les  listes  d'é- 
trangers [Fremdenliste]  publiées  à  Bayreuth  à  l'aide  des 
feuilles  de  location  et  des  feuilles  de  police  ont  toujours 
été  aussi  mal  faites  que  possible,  cela  souvent,  il  faut  le 
dire,  par  la  faute  des  voyageurs  eux-mêmes.  Parfois, 
pour  une  famille  nombreuse,  le  chef  de  famille  seul  s'est 
inscrit;  il  en  est  de  même,  et  c'est  plus  grave,  pour  un 
groupe  d'amis  voyageant  ensemble;  d'autres  fois,  par  une 
exagération  de  scrupule,  on  a  donné  les  noms,  prénoms 
et  âge  de  la  femme  de  chambre;  très  souvent,  une  écriture 
peu  soignée  a  conduit  le  typographe  allemand  à  dénatu- 
rer les  noms  en  les  germanisant  :  la  plupart  des  noms 
sont  défigurés  au  point  d'être  méconnaissables;  souvent 
aussi,  des  étrangers  venant  de  France  ou  des  Français 
venant  de  l'étranger  ont  cru  bien  faire  en  indiquant  leur 
lieu  de  provenance,  tandis  qu'on  leur  demandait  leur 
nationalité;  il  y  en  a  encore  qui  avaient  pris  des  billets, 
et,  bien  qu'empêchés  devenir,  sont  restés  inscrits;  enfin, 
sans  parler  des  gens  qui  se  refusent  à  remplir  les  feuilles 
de  police,  il  existe  des  spectateurs  (j'ai  connu  'beaucoup 


COMPLÉMENT  649 

de  Français  dans  ce  cas)  qui,  arrivant  de  Nuremberg,  de 
Carlsbad  ou  d'ailleurs,  pour  l'heure  de  la  représentation, 
reprennent  le  train  aussitôt  après  le  spectacle,  sans  lais- 
ser trace  de  lear  passage  dans  la  ville.  On  conçoit  que 
toutes  ces  circonstances  réunies  rendent  matériellement 
impossible  de  songer  à  dresser  maintenant  une  liste  d'une 
exactitude  rigoureuse.  J'ai  fait  de  mon  mieux,  en  ra'en- 
tourant  de  documents  ,  pour  rectifler  l'orthographe  de 
beaucoup  de  noms  propres,  mais  je  n'ose  me  vanter  d'être 
arrivé  à  un  résultat  complet;  et,  en  cas  d'erreur,  je  décline 
ici  toute  responsabilité*. 

LISTE  APPROXIMATIVE  DES  FRANÇAK 

VENUS  AUX  REPRÉSENTATIONS  DU  THEATRE  DES  FETES  DE  BAYREUTB 

Depuis  Forigine  jusqu'en  1896. 


1876.  — 

Adelsdorfer  (M"»).  —  Paris. 
Arco-Walley  (Comte   Louis),  secré- 
taire d'ambassade.  —  Paris. 

Baron  (Raoul),  professeur.  —  Alfort. 

Bénédictus  (L.l.  —  Paris. 

Benoit  (Camille).  —  Paris. 

Bertin.  —  Blois. 

Bayer  (J.),  compositeur.  —  Paris. 

Bordier  (Jules).  —  Angers. 

Bovet.  —  Montbéliard. 

Braver   (J.  de),    comp.  —  Paris. 

Bumay  (Alfred).  —  Paris. 

Catcrs  (M"»  de),  cantatrice.  —  Paris. 
Ducatte,  prof,  de  litt.  —  Paris. 
Duvernoy  (Alphonse).  —  Paris. 

Eichthal  (Eugène  d').  —  Paris. 


Tétralogie. 

Erlanger  (Emile).  —  Paris. 

Fantin.  —  Paris. 

Fuillard  (Baronne).  —  Paris. 

Gaillard.  —  Bordeaux. 

Gaillard-Lechat.  —  Paris. 

Gautier   (M"»    Judith),   écrivain.    — 

Paris. 
Gouzien  (A.),  journaliste. —  Paris. 
Guiraud  (E.),  compositeur.  —  Paris. 
Holmès(Mii«A.), compositeur. —  Paris. 
Indy  (Vincent  d')  compos.  —  Paris. 

Kastner  ("M"*  Léonie).  —  Paris. 
Kern.  —  Paris. 
Kunkelmann.  —  Reims. 


Lasaux  (M'i") .  -  Paris. 
Lascoux  (M.,  M™«  A.).  —  Paris. 

1.  Les  personnes  qui  voudraient  bien  me  faire  le  plaisir  de  m'a- 
dresser  des  rectifications  peuvent  être  certaines  qu'il  en  sera  tenu 
compte  au  tirage  suivant. 


550 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


Latham.  —  Paris. 

Laugier-Villars  (Comte  de),  secrétaire 
de  l'ambassade  de  France.  —  Berlin. 
Leroy  (Léon),  journaliste.  —  Paris. 
LéN'y  (Joseph).  -  Paris. 
Lorbac  (de).  —  Paris. 
Lyrot  (Vicomte  de).  —  Nantes. 
Mendés  (Catulle),  écrivain.  —  Paris. 
Michael  (M.,  M^").  —  Paris. 
Œchsner.  —  Le  Havre. 
Ordenstedy.  —  Paris. 
Ott  (M»»).  — Paris. 
Pelou.^3  ¥™6).  —  Paris. 


Saint-Saëns    (Camille),    compositeur. 

—  Paris. 
Schall.  —  Paris. 

Schnéegans,  journaliste.  —  Paris. 
Schuré  (M.,  M"»  Edouard).  —  Paris. 
Sinibaldi,  artiste  peintre.  —  Paris. 
Tardieu  (Ch.),  journaliste.  —  Paris. 
Toché  (Ch.),  artiste  peintre.  —  Paris. 
Villaud  (M-ne  de).—  Paris, 
Wagner  (F.).  —  Paris. 
Weber  (Johannes).  —  Paris. 
Widor,  organiste.  —  Paris. 
Wolff  (Albert),  du  Figaro.  —Paris. 


1882.  —  Parsifal 


Ackermann  (Baronne  d').  —  Paris. 

Allard  (Mii>=).  —  Paris. 

Alois.  —  Paris. 

Amie  (Henri).  —  Paris. 

Aranda  (de).  —  Paris. 

Argeni  (Léo  d').  —  Paris. 

Baraite  (Ed.).  —  Paris. 

Baronnet,  ingénieur.  —  Paris. 

Beaufort  (Duc  de).  —  Paris. 

Benoit  (C),  compositeur.  —  Pans. 

Blache.  —  Paris. 

Bordier  (J.),  compositeur. —  Angers. 

Boring.  —  Le  Havre. 

Bouchor  (Maurice),  homme  de  lettres. 

—  Paris. 
Bonis  (M™«).  —  Nice. 
Braycr  (J.  de),  compositeur.  —  Paris. 
Bréville  (Onfroy  de).  —  Paris. 
Broulin.  —  Paris. 

Cahen  (Albert).  —  Paris- 

Cahen  (Louis).  —  Paris, 

Cammel.  —  Paris. 

Capsewitch.  —  Paris. 

Cercan  (M.  et  M-»»).  —  Paris. 

Chalier.  —  Paris. 

Chausson  (E.),  compositeur.  —  Paris. 

Chevalier.  —  Paris. 

Collary.  —  Paris. 

Cosquin.  —  Vitry-le^François. 

Cougoul.  —  Paris. 

Davidoff  (M"').  —  Paris. 
Delhomœe  (M°")-  —  Paris. 


Delibes  (Léo),  compositeur.  —  Paris. 
Dettelbach  (Ch.)  —  Paris. 
Dujardin  (È.),  journaliste.  —  Paris. 

Egusquiza  (de).  —  Paris. 

Faber.  —  Paris. 

Ferry  (Comtesse).  —  Paris. 

Fischer.  —  Paris. 

Four.  —  Paris. 

Fridrich  (G-.),  violoniste.  —  Paris. 

Ganjeau  (M"»  Théa).  —  Paris. 

Garcin  (Jules),  professeur  au  Conser- 
vatoire. —  Paris. 

Gautier  (M™*  Judith),  écrivain.  — 
Paris. 

Girette   (Marcel),  reporter.  —  Paris 

Graffenried  (de).  —  Paris. 

Grensli.  —  Paris. 

Goudchaux,  banquier.  —  Nancy. 

Goudchaux  (M™«).  —  Nancy. 

Goutrion.  —  Paris. 

Guiraud  (E.),  compositeur.  —  Paris. 

Hahne  (Franz).  —  Paris. 

Hammer,  organiste.  —  Cette. 

Hermann  Polemann.  —  Paris. 

Hess  (M"«  Amélie).  —  Nancy. 

Hess  (Henri).  —  Nancy. 

Hippeau  (Ed.),  chef  d'orch.  —  Paris. 

Hochstedt.  —  Paris. 

Hue,  compositeur.  —  Paris. 

Indy  I Vincent  d'),  compositeur.  — 
Paris. 


COMPLÉMENT 


551 


Isaac  (Léon).  —Paris. 

Jaccoud  (Docteur  et  M»»").  —  Paris. 
Jacquemont  (Colonel  de).  —  Paris. 
Jeliin    (  Léon  ) ,   chef  d'orchestre     — 

Bruxelles. 
Joly.  —  Paris. 

Kling  (Auguste).  —  Nancy. 

Lannelier. —  Lyon. 

La  Rochefoucauld  (C»  de).  —  Paris. 

Lascoux  (A.).  —  Paris. 

Laurence  (Raymond).  —  Lyon. 

Leclerc  (André),  ingénieur.  —  Paris. 

Le  Crosnier  (R.).  —  Paris. 

Lefebvre  (Ch.),  compositeur.  —  Paris. 

Lejeune.  —  Paris. 

Lepetit.  —  Paris. 

Leroy  (Léon).  —  Paris. 

Libioulle.  —  Charleroy, 

Linche  (H.  de).  —  Paris. 

Lorrain  (Mi'e).  —  Paris. 

Lucas  (de).  —  Paris. 

Maçon.  —  Bordeaux. 

Marise  (J.),  consul  de  Russie.  —  Paris. 

Martinet  (André).  —  Paris. 

Mausselin  (M.,  M™«  et  M^e).  —  Paris. 

Mekay.  —  Paris. 

Mendel  (Christophe).  —  Paris. 

Mendelssohn.  —  Paris. 

Mendés  (Catulle).  —  Paris. 

Mendl  (M°>«).  —  Paris. 

Million  (de).  —  Paris. 


Missaliére  (M.  et  M"»»).  —  Versailles, 

Mourousy.  —  Paris. 

Néron.  —  Lj'on. 

Pétronio.  —  Paris. 

Pierrefond  (Lieutenant).  —  Paris. 

Polignac  (Princesse  L.  de).  —  Paris. 

Pourtalès  [C'»  Alphonse  de).  —  Paris. 

Pucher.  —  Paris. 

Purgnets.  —  France. 

Rjinach.  —  Paris. 

liollan  du  Roqiian.  —  Carcassonne. 

Rosemund.  —  Paris. 

Rossini.  —  Paris. 

Ruchti.  —  Lyon. 

Snint-Saëns(C.), compositeur. — Paris. 

S.ilvayre,  compositeur.  —  Paris. 

Sî\mmels.  —  Chantilly. 

Sarembe.  —  Nice. 

Schickler  (Baron  de).  —  Paris. 

Steumann.  —  Paris. 

Stoullig,  journaliste.  —  Paris 

Tavarith.  —  Paris. 
Turner  (M"»).  —  Paris. 

Vaney.  —  Paris. 
Vollhardt.  —  Paris. 

Wagner.  —  Paris. 

Wilhelm  (Léo),  architecte.  —  Lyon. 

Ziéreuc.  —  Paris. 
Zischet.  —  Paris. 
Zuylen  de  Nyevelt  (Baron).  —  Paris. 


1883.  —  Parsifal. 


Achard  (J.).  — Paris. 
Arlés-Dufour.  —  Lyon. 

Bellaque  (de).  —  Paris. 
Berlier  de  Vauplane,  avocat.  —  Mar- 
seille. 
Boutroue  (Alexandre).  —  Paris. 
Caillarder,  professeur.  —  Paris. 
Cambert.  —  Paris. 
Chausson  (E.),  compositeur.  —  Paris. 
Crignier  (de).  —  Tours. 

Damon.  —  France. 
Dettelbach  (Ch.).  —  Paris. 
Dujardin.  —  Paris. 


Dumesnil.  —  Paris. 

Dumont.  —  Paris. 

Duparc,  compositeur.  —  Paris. 

Egusquiza  (de).  —  Paris. 
Engeroff.  —  Paris. 

Flandres  (Chevalier  de).  —  Paris. 
Forbes  (Charles).  —  Paris. 
Gordridge.  —  Paris. 
Iménéz  (N.).  —  Tours. 
Indy    I Vincent  d"),  compositeur. 
Paris. 


Jaccoud  iDocteur  et  M™»). 
Jaëll  \M™').  —  Paris. 


Paris. 


552 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Kapff  (A.  de).  —  Paris. 
LamoureiiK  (Charles),  chef  d'orches- 
tre. —  Paris. 
Lamoiireux  (M"«).  —  Paris. 
Lascoux.  —  Paris. 
Lechat.  —  Paris. 
Leroy  (Léon) .  —  Paris. 
Lerves  (Baron  de).  —  Paris. 
Loignier  (de).  —  Tours. 
Maçon.  —  Bordeaux. 
Maçon  (Jacques  i.  —  Paris. 
Marre  ^de).  —  Paris. 
Martin.  —  Lyon. 
Mersier.  —  Paris. 
Meunier.  —  Lyon. 
Orville.  —  Paris. 
Patilla  (de).  —  Paris. 
Péerèse  (de).  —  Paris. 
Pelouze  (M"e).  —  Paris. 


Pinède  (M"').  —  Paris. 
Pinneda  (A.  de).  —  Agen. 

Randolph  (M"*).  —  Paris. 

Rilchis.  —  Paris. 

Roda.  —  Paris. 

Roder  (Jean).  —  Paris. 

Rollan  du  Roquan.  —  Carcaasonne. 

Schauer.  —  Bordeaux, 
Schuré  lEdouardi.  —  Paris. 
Séligmann,  banquier.  —  Paris. 
Serf  (de!.  —  Paris. 

Tachard.  —  Paris. 
Tennal.  —  Paris. 
Timmo.  —  Paris. 

Vigier   (Vicomte,  Vicomtesse  René). 
—  Paris. 

Wilder  (Victor).  —  Paris. 
Wolikopff.  —  Paris. 


1884.  - 

Alençon  (Duc,  Duchesse  d').  —  Paris. 

Alençon  (Princesse  Sophie  d').  —  Pa- 
ris. 

Berger  (M.  et  M°»«).  —  Paris. 

Bœswihvald  (Aug.).  —  Le  Havre. 

Bouchet  (M"»«  de).  —  Paris. 

Bouchet  (Charles  de).  —  Paris. 

Bouchet  (Victor  de).  —  Paris. 

Carlsbon  (Arthur).  —  Paris. 

Chamberlain  (H.  S.),  homme  de  let- 
tres. —  Paris.- 

Colemann  (M">»  de).  —  Paris. 

Cousinno  (A.).  —  Paris. 

Davanie  iM"«).  —  Arras. 

Dervier.  —  Paris. 

Gérond  (E.).  -  Paris. 

Girard.  —  Paris. 


ParsifaL 

Goldschmidt  (Otto).  —  Paris. 

Jaquartier  (M.,  M»»  et  M"»»).  —  Le 
Havre. 

Lambert  (A.),  architecte.  —  France. 

Lamoureux  (Charles),  chet  d'orches- 
tre. —  Paris. 

Lamoureux  (Mi'").  —  Paris. 

Lascoux.  —  Paris. 

Le  Crosnier.  —  Paris. 

Lewita  (Gustave),  prof.  —  Paris. 

Marie.  —  Paris. 
Marre  (de).  —  Paris. 

Pelouze  (M"»").  —  Paris. 

Servais  (O.).  —  Paris. 

Vaney.  —  Paris. 

Vigier  (V'^et  V'«"René).  —  Paris. 


1886.  —  Parsifal,  Tristan  et  Isenlt. 


Albert  (M.  et  M»»  Eugène  d').  —  Paris. 
Allard  (André),  sculpteur.  —  Paris. 

Badène  (Marquis  de).  —  Paris. 
Bagès  (Maurice).  —  Paris. 
Bannelier  I Charles).  —  Paris. 
Baron  (Raoul).  —  Altfort. 


Barrère  (Camille),  ministre  plénipo- 
tentiaire. —  Paris. 
Bauer  (Henri).  —  Paris. 
Beausacq  (Comtesse  de).  — Paris. 
Bellaigue  (Camille).  — Paris. 
Beulé  (M™«).  —  Paris. 
Bonheur.  —  Paris. 


COMPLEMENT 


553 


Bonnanza  (Comte  de).  — Paris. 

Bonnier.  —  Paris. 

Bonnières  de  Wierre  (M.  et  M"«  de). 
—  Paris. 

Bordes  (Charles).  —  Paris. 

Bourget  (Paul),  écrivain.  —  Paris. 

Bovet  (Alfred).  —  Valontigny. 

Brandlia  (M-»*  J.).  —  Paris.' 

Bransay  (M™').  —  Paris. 

Brantès  (M°>e  de).  —  Paris. 

Brantés  (M"»  C.  de).  —  Paris. 

Brayer  (J.  de),  compositeur.  —  Paris. 

Bréville  (P.  de),  compositeur.  —  Pa- 
ris. 

Bruck  (Paul),  professeur.  —  Besançon. 

Buchet  (Charles  de).  —  Paris. 

Burns  (M"«).  —  Paris. 

Cahen  (Albert).  —  Paris. 

Cahen  (Louis).  —  Paris. 

Cambford  (Marquis  de).  —  Paris. 

Chabrol  (Comte  de).  —  Paris. 

Chambrun  (Comte  de).  —  Paris. 

Chevillard.  —  Paris. 

Chevillier  (M-n-^  Fanny).  —  Paiis. 

Clemenceau.  —  Paris. 

Cogniet  (Marcel).  —  Paris. 

Combertens  (de).  —  Paris. 

Conchy  (de).  — Paris. 

Couillard  (Michel).  —  Paris. 

Cordier  (M.  et  M""  Henri).  —  Paris. 

Cossy  (J.).  —  Paris. 

Costa-Foro  (M""e).  _  Paris. 

Courmont  (Emile).  —  Lille. 

Courval  (M.  et  M"»  de).  —Paris. 

Cousinno.  —  Paris. 

Croy  (P«"«  de).  —  Paris. 

Damacke  (M™*).  —  Paris. 

Delagrave  (M.,  M°"  et  M">^).—  Paris. 

Delagrave  (Roger).  —  Paris. 

Deldevez.  —  Paris. 

Denys  (Docteur  Joseph).  —  Louvain. 

Dépinay  (Joseph).  —  Paris. 

Derenbourg  (M.  et  M"«  Hartwig).  — 
Paris. 

Desplanques,  attaché  à  l'ambassade 
française.  —  Munich. 

Dettelbach  (Ch.).  —  Paris. 

Diémcr  (M.  et  M™«  Louis).  —  Paris. 

Dujardin  (Edouard),  journaliste.  — 
Paris. 

Dukas,  —  Paris. 


Dutacq  (M»»).  —  Paris. 
Duttenhofer  (M.  et  M«>').  —  Paris. 
Egusquiza  (R.  de).  —  Paris. 
Ernst  (Alfred),   critique  musicaL   — 

Paris. 
Ettinger  (M°»«).  —  Paris. 

Fiat.  —  Paris. 

Fouques-Duparc.  —  Paris, 

Fourchy.  —  Paris. 

Fridrich  (Gustave).  —  Paris^ 

Fuchmann.  —  Paris. 

Fuchs  (M™«  M.).  —  Paris. 

Garcin  (J.).  —  Paris. 

Gaupillat  (Marcel).  —  Paris. 

Gilmann  (M.  et  M^^).  _  Parisv 

Godet  (Robert).  —  Paris. 

Grégoire  (Jacques).  —  Paris, 

Grunebaum  (M"").  —  Paris. 

Grunebaum  (F.).  —  Paris. 

Gubbay  (Reuben).  —  Paris. 

Giiilmant   (Alexandre),  organiste.  — 

Paris. 
Gunbrum  (Comtesse  de).  —  Paris. 

Hallays  (André).  —  Paris. 

Hardion.  —  Paris. 

Hartmann  (M.  et  M™^).  —  Paris. 

Henningen  (Albert).  —  Paris. 

Hellmann  (M.  et  M»«).  —  Paris- 

Hutchins.  —  Paris. 

Indy   (Vincent  d'),   compositeur.   ^ 

Paris. 
Jay  (M™«).  —  Paris. 
Jossouin  de  Valgorge  (Comte  de):  — 

Paris. 
Kœchlin  (Jean).  —  Paris. 
Kœchlin  (Raymond).  —  Paria. 
Krafft  (Hugues).  —  Paris. 
Kuhn  (M.  et  M™').  —  Paris. 
Kunkelmann-Kerval.  —  Paris. 

Lagrenée  (M.  et  Mi'"  de).  — Parisv 
Lamoiireux  (M.  et  M"»).  —  Paris. 
Lascoux.  —  Paris. 
Luuth  (Docteur).  —  Paris. 
LavedaD.  —  Orléans. 
Lazzari  (Sylvio),  compositeur.  —  Pa- 
ris. 
Le  Crosnier  (M.  et  M"»  H.).  —  Paris. 
Legoux  (Baronne  Jules).  —  Paris. 
Lenoir  (Charles).  —  Paris. 


£54 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Lévy  (M.  et  M»«  Emile).  —  Paris, 
Loiseau  (Charles).—  Paris. 
Lorning  (James).  —  Paris. 
Lutz  (Henri).  —  Paris. 

Magnard  (Albéric).   —  Paris. 

Maillart  (Georges),  avocat.  —  Paris. 

Marioni.  —  Paris. 

Marty  (Georges),  comp.  —  Paris. 

Mary  (C).  —  Lyon. 

Massenet,  compositeur.  —   Paris. 

Mendel(H.).  — Paris. 

Messager    (André),   compositeur. 

Paris. 
Messey  (Comte  de).  —  Paris. 
Montesquiou  (Comte  de).  —  Paris. 
Montpensier  (Due  de).  —  Paris. 
MouUé.  —  Paris. 
Mucke.  —  Paris. 
Négrat  (Stanislas).  —  Lyon. 
Nicole  (Maurice).  —  Paris. 

Oppenheim.  —  Paris. 

Pannier  (Paul).  —  Lille. 

Pavilly.  —  Paris. 

Pelouze  (M™«).  —  Paris. 

Penel  (M.  et  M^^e  Julien).  —  Paris. 

Pépin  Lehalleur.  —  Paris. 

Périn  (M"«).  —  Paris. 

Perreau  (Xavier],  comp.  —  Paris. 

Petit  (Fernand).  —  Paris. 

Picot  (Mii«).  —  Paris. 

Podenas  (Comte  de),  —  Paris. 

Podenas  (Marquis  de).  —  Paris. 

Polignac  (Princesse  de).  —  Paris. 

Poujaud  (Paul).  —  Paris. 


Read  (M"»  Fanny).  —Paris. 
RoU  (M.  et  M""^).'-  Paris. 
Rolland  du  Roquan.  —  France. 
Romain  (Comte,  Comtesse  de).  —  Pa- 
ris. 

Saint-René-Taillandier  (G.).  —  Paris. 
Schmidt.  —  Paris. 
Schuré  iM"!*  Mathilde).  —  Paris. 
Soldi  (Emile),  sculpteur.  —  Paris. 
Souza  (Docteur).  —  Paris. 
Sylvestre  (Henri).  —  Paris. 

Thième  (Docteur).  —  Nice. 

Thomé  (Francis),  compositeur.  — Pa- 
ris. 

Tiersot  (Julien).  —  Paris. 

Toché  (Charles),  artiste  peintre.  — 
Paris. 

Tuchmann  (A.).  —  Paris. 

Vaney  (Ém.).  —  Paris. 

Vauvray.  —  Paris. 

Vidal  (Paul).  —Paris. 

Vigier  (Vicomte    et    Vicomtesse).  — 

Nice. 
Villars  (M™»  Marguerite).  —  Paris. 
Villeneuve  (Marquis  et  Marquise  de). 

—  Paris. 
Virieu  (Marquise  de).  —  Paris. 

Weiland  (Ed.).  —  Reims. 
Weiland  (M"e  Marie).  —  Reims. 
Weissweiller  (Raron  de).  —  Paris. 
Wiernsberger.  —  Reims. 
Wilder  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Winchester  du  Rouchet.  —  Paris. 
Wyzewa  (de),  —  Paris. 


1888.  —  Parsifal,  Les  Maîtres  Chanteurs. 


Aderhoff  (Docteur  et  M™«).  —  Paris. 
Appia  (Adolphe).  —  Paris. 
Armaven  (H.).  —  Marseille. 

Bagès  (Maurice).  —  Paris. 
Bardet  (Louis).  —  Nantes. 
Bargon  (Docteur).  —  Paris. 
Bastard  (M"»*  et  M»»  de).  —  Paris. 
Baugnies  (M.  et  M™*  Eugène).  —  Pa- 
ris. 
Bénardaky  (M.,  M»»  et  M»").  —  Paris. 
Berckheim  (Baron  de).  —  Paris, 
Berckheim  \de).  —  Paris. 


Bernard  (Augustin).  —  Saint-Valéry. 
Beulé  (Max).  —  Paris. 
Blauche  (Jacques).  —  Paris, 
Boscowitch  (A.),  —  Paris. 
Bouillier  (Victor).  —  Paris. 
Bourbon  (Docteur  H.).  —  Paris. 
Bovet  (-llfred).  — Valentigny. 
Braver  (de),  —  Paris. 
Breitner  (Ludovic).  —  Paris. 
Bré ville  (Pierre  de),  compositeur.  — 
Paris. 

Cantacuzéne  (Jean).  —  Paris. 
Chapuis  (A.),  comp.  —  Pari». 


COMPLEMENT 


555 


Chardons.  —  Paris. 
Chevillard  (M.  et  M»»).  —  Paris. 
Contour  (M'"^  F.).  —  Paris. 
Coppet  ^Ed.  de).  —  Paris. 
Courval  ^ Vicomtesse  de).  —  Paris. 
Cros  Saint-.A.nge,  professeur.  —  Paris. 
Croy    (Princesse    Elisabeth    de).   — 

Paris. 
Cuvier.  —  Nancy, 

Damacke  (M™*  Louise).  —  Paris. 
Debussy   (Achille),    compositeur.   — 

Paris. 
Demaisons,  avocat   —  Reims. 
Destranges  (Raoul).  —  Nantes. 
Dettelbach  (Charles».  —  Paris. 
Diémer  (Louis),  pianiste.  —  Paris. 
Diémer  (M™»  Louis).  —  Paris 
Dujardin  (Edouard),  éditeur,—  Paris. 
Dupin  (Charles).  —  Paris. 
Dupont  iHenri),  banquier.  —  Valen- 

cieunes. 
Duval  (Albert),  avocat    —  Paris. 

Egusquiza  (R.  de).  —  Paris. 

Ernst   (Alfred),  critique   musical.  — 

Paris. 
Ernst  (M°>e  Alfred).  —  Paris. 
Eyragues  (M.  et  M"»»  d'),  —  Paris. 

Fallot  (M.  et  M™"  A.).   —  Valentigny. 
Ferron  (Docteur).  —  Nice. 
Ferronay.  —  Paris. 
Fook.  —  Paris. 

Gama.  —  Paris. 

Godet  (Robert).  —  Paris. 

Grelloy.  —  Paris. 

Griffon.  —  Paris. 

Grunebauer  iM™"  Paula).  —  Paris. 

Guilhorin,  avocat.  —  Paris. 

Gunstier  (M"'  W.).  —  Bordeaux. 

Hellmann.  —  Paris. 
Helmore  (Walter).  —  France. 
Heugel  (Henri),  directeur  du  Ménes- 
trel. —  Paris. 

Indy    (Vincent  d'),   compositeur.  — 
Paris. 

Jaccoud  (Docteur).  —  Paris. 

Kahn  (Edouard).  —  Paris. 
Knox  (M"'  Suzanne).  —  Paris. 
K-rafft  (Hugues).  —  Paris. 


Kimkelmann.  —  Paris. 
Kunst  (D.).  —  Paris. 

Lafond  (Horace). —  Boulogne-s.-Mcr. 
Lamoureux  (Ch.),  ch.  d'orch.  —  Paris. 
Lascoux  (A.).  —  Paris. 
Lazzari  (Sylvio),  comp.  — Paris. 
Lefebvre  iCh.î,  comp.  —  Paris. 
Lefévre  (E.).  —  Reims. 
Lemoine  (A.).  —  Paris. 
Lepelletier.  —  Paris. 
Loring  (James).  —  Paris. 
Loyd  iMm'^  Dolorés).  —  Paris. 
Lurcy  (M™«  et  M '«  de).  —  Paris. 
Luze  (M.  et  M'-'  de).  —  Bordeaux 

Magnard  (Albéric).  —  Paris. 
Mailhac  (Georges).  —  Paris. 
Massini  (M™").  —  Le  Havre. 
Messager  (A.),  compositeur.  —  Paris. 
Metman  iLouis).  —  Paris. 
Michon.  —  Lyon. 
Montesquieu.  —  Paris, 
Montgommery  (M.  et  M™"  de). — Paris. 
Montpensier  (Duc  de).  —  Paris. 
Montpensier  (Prince  A.  de).  —  Paris. 
Mucke.  —  Paris. 

Picard,  banquier.  —  Paris. 
Polignac  (Prince  de).  —  Paris. 
Poliguac  (Princesse  de).  —  Paris. 
Porcier  (François).  —  Bretagne. 
Prado.  —  Paris. 

Rain  (M™*).  —  France. 
Rebell  (Hugues).  —  Nantes. 
Remesson.  —  France. 
Romain  (Comte  de) .  —  Angers. 

Saint-Mesmin  (de).  —  Paris. 
Savard  (A.)  compositeur.  —  Paris. 
Séailles.  —  France. 
Scey-Montbéliard  (Prince,  Princesse 

de).  —  Paris. 
Senn  (Olivier).  —  Paris. 
Sériba  (de).  —  Nice. 
Sieberg  i Auguste).  —  Paris. 
Souso  (M™').  —  Paris. 
Souza  (Docteur  A.  de).  —  Paris. 
Standish  (H.).  —  Paris. 
Stewart  (Robert).  —  Paris. 

Talleyrand-Périgord    (Comte,  Com- 
tesse). —  Paris. 
I  Tedtewroth  (Comte).  —  France. 


556 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


Thième  (Docteur).  —  Nice. 
Thomas  (Jules).  —  Châlons. 
Valentin.  —  Paris. 
Van  Zandt  (M"»),  cantatrice.  —  Paris. 
Vernes  d'Arlandes  (M.  et  M™«  Théo- 
dore). —  Paris. 


Vernier  (A.).  —  Boulogne-sur-Mer 
Viola  (Georges).  —  Paris. 
Walmann  (Henri).  —  Paris. 
Weiland  (M.  et  M™«).  —  Reims. 
Wiernsberger.  —  Reims. 
Wittering  (M™«).  —  Reims. 


1889.  —  Parsifal,  Tristan  et  Iseolt,  Les  Maîtres 
CbanteiiFS. 


Backham.  —  Boulogne. 

Bagès  (Maurice).  —  Paris. 

Barthélémy  (Marquis  de).  —  Paris. 

Batès.  —  Paris. 

Béer  (M.  et  M"»  Jules).  —  Paris. 

Bénédictus  (Edouard).  —  Paris. 

Bergame.  —  Valence. 

Bergen  (Frédéric).  —  Paris. 

Berthier  (R.).  —  Le  Havre. 

Blanche  (Jacques).  —Paris. 

Bockhaus.  —  Paris. 

Bonnanza  (Comte  de).  —  Paris. 

Bonnat  (Léon),  de  l'Institut.  —  Paris. 

Bonnet  (de).  —  Paris. 

Bontan.  —  Nice. 

Boulenger  (MH«  Thérèse).  —  Paris. 

Bouret  (M.,  M"»»  et  M"").  —  Paris. 

Bovet  (M.  et  M""  Alfred).  —  Valen- 
tigny. 

Boyadiou  (Docteur).  —  Paris. 

Bréville  fP.  de)  compositeur.  — Paris. 

Bunge  (T.).  —Paris. 

Cahen  (Albert), compositeur.  —  Paris. 

Cahen  d'Anvers.  —  Paris. 

Campocelice  (Duchesse  de).  —  Paris. 

Cantacuzène  (Jean).  —  Paris. 

Carré  de  Malberg.  —  Paris. 

Chabrier  (Em.), compositeur. —Paris. 

Chambrun  (C",  C'""  de).  —  Paris. 

Chapman.  —  Paris. 

Charlonne.  —  Reims. 

Chausse  (Roger).  —  Paris. 

Chausson  (Er.),  compositeur. —Paris. 

Chausson  (M'").  —  Paris. 

Chéramy  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Chevillàrd  (M.  et  M"«).  —  Paris. 

Chollet  (de).  —  Paris. 

Clermont  (de).  —  Paris. 

Clermont  (M""»  et  M'i»   de)  —  Paris. 

Cleveland.  —  Paris. 

Cohen.  —  Paris. 

Cosquin  (Emmanuel).  —  Paris. 


Dargent  (Docteur  et  M"»»).  —  Paris. 
Debussy  (.Ichille).  —  Paris. 
Delagravc  (M.,  M"=«  et  M"«).—  Paris. 
Delagrave  (Max).  —  Paris. 
Dépinay.  —  Versailles. 
Desplanques  (Abel).  —  Paris. 
Destranges  (Etienne).  —  Nantes. 
Dettelbach  (Ch.).  —  Paris. 
Diotatis  (Comtesse).  —  Paris. 
Duirielle  (Pierre  de).  —  Paris 
Dupin  (Etienne).  —  Paris. 
Duteil  dOzanne.  —  Paris. 
Duteurtre  (M"»).  —  Paris. 
Eggers  (M-n^  Elisabeth).  —  Marseille. 
Egusquiîa  (R.  de).  —  Paris» 
Eichthal  (Eugène  d').  —  Paris. 

Fabre  (Joseph).  —  Paris. 
Familleureux  (de).  —  Paris. 
Fontanes  (M.  et  M"").  —  Paris. 
Frary-Leyssier  (de).  —  Paris. 
Gallet  (M.  et  M"'^).  —  Paris. 
Garnier  (Charles).—  Paris. 
Gaiipillat  (M'»^).  —  Paris. 
Gantier    (Antoine).  —  Nice. 
Geigcr  (Baron  A.  de).  —  Paris. 
Germain  (M.  et  M»*).  —  Bordeaux. 
Godet  (R.).  —  Paris. 
Greuay  (M"°«  de).  —  Paris. 
Guéry.  —  Paris. 

Hallue  (Marquis  de).  —  Paris. 
Halphen  (Edmond).  —  Paris, 
Harcourl  (Eugène  d').  —  Paris. 
Hellmann.  —  Paris. 
.  Hennecourt-Mackau  (C'"^").  —  Paris. 
Hérold  (A.),homme  de  lettres.— Paris- 
Heyberger,  professeur  au  Conserva- 
toire. —  Paris, 
ludy  (Vincent  d'),  comp.  —  Paris. 
Iniéjné  (de).  —  Paris. 
Jaccoud  (Docteur).  —  Paris. 


COMPLEMENT 


557 


Jaigné  (M.  et  M"=  de).  —  Lyon. 
Jousselin  (Armand).  —  Paris, 
Kam  (M.  et  M»«).  —  Paris. 
Lamoureux,  chef  d'orch.  —  Paris. 
Lascoux.  —  Paris. 
Lascoux  (Antoine}.  —  Paris. 
Launay  (M"°«  Julie).  —  Saint- Germain. 
Laurencie  (de  la).  —  Valence. 
Leborne  (F.),  compositeur. —  Paris. 
Lebrun.  —  Paris. 
Le  Camos.  —  Paris. 
Léclanché  (M.  et  M"»:).  —  Paris. 
Lehalleur  (M.  et  M^^  Pépin).  —  Paris. 
Lubeck  du  Planty.  —  Paris. 
Luzzato  (F.),  compositeur.  —  Paris. 
Luzzato  (M"*).  —  Paris. 
MagnardiM.  et  M"»  Francis).  —  Paris. 
Marcel.  —  Paris. 
Mathieu  (Maurice).  —  Paris. 
Matton  (Docteur  René).  —  Paris. 
Mazelière  (de  la).  —  Paris. 
Ménil  (Baron  de).  —  Paris. 
Michent  (Paul).  —  Paris. 
Montgommery  (M.  et  M'"^  de) .  —  Paris. 
Montgommery  (&.  de).  —  Paris. 
Montpensier  (Duc  de).  — Paris. 
Moorhouse  (M.  et  Mii«).  —Paris. 
Moson  {M'°o  Jeanne).  —  Paris. 

Neufville  (Sébastien  de).  —  Paris. 

Nicolle  (Maurice).  —Paris. 

Oppenheim  (M^^).  — Paris. 

Orval  (M.  et  M»»  d').  —  France. 

Ozoad.  —  Nice. 

Paléologue.  —  Paris. 

Paléologue  (M"e).  —  Paris. 

Pelouze  (M"»*).  —  Paris. 

Pernolet  (M""*).  —  Paris. 

Poujaud  (Paul),  avocat.  —  Paris. 

Rain  (Mii«  Clotilde).  —  Paris. 

Reilleur  (D.).  —  Paris. 

Risler  (Edouardi,  pianiste.  —  Paris, 


Roll  (M-e).— Paris. 

Romain    (Comte ,   Comtesse    de).    — 

Paris. 
Ropartz  (Guy),  compositeur.  —  Paris. 
Rossel.  —  Paris. 
Roux  iGaston).  —  Paris. 
Rush  (M.  et  M"*).  —  Le  Havre. 
Saillard.  —  Valence. 
Saint-Étienne  (F.).  —  Bourg. 
Saint-Phalle  (Comte  de).  — Paris. 
Sardou  (Gaston).  —  Paris. 
Saussine    (Comte,   Comtesse    de).  — 

Paris. 
Scey-Montbéliard   (Princesse  de).  — 

Paris. 
Schilling  (Théodore).  —  Paris. 
Schmitt  (F.).  —  Bordeaux. 
Schnecklud.    —  Paris. 
Scriba  (Baron  de).  —  Nice. 
Seckendorf  (de).  —  Paris. 
Sée  (M»«R.).  —  Paris. 
Séguier  (Baronne).  —  Paris. 
Séguier  (M'i^  M.).  —  Paris. 
Seillére  (Baronne).  —  Paris. 
Séligmann  (M™»).  —  Paris. 
Séligmann,  banquier.  —  Paris. 
Thorel  (Jean).  —  Paris. 
Vaney  (Emmanuel).  — Paris. 
Vaney  (M^'*).  — Paris. 
Varagnac  (M.  et  M"'^).  —  Paris. 
Villars  (M.  et  M^^).  —  Paris. 
Viollat.  —  Paris. 
Wailly  (Paul  de).  —  Paris. 
Wassermann  (M"»  et  M"»).  —  Paria. 
Wassermann-Melville  (Docteur).  — 

Paris. 
Wiernsberger.  —  Reims. 
Willemin  (Alexandre).  — Paris. 
Willemin  (Eugène).  — Paris. 
\Volir(M«'«).  — Paris. 
Worms  (Docteur).  —  Paris. 
Wvzewa  (de).  —  Paris. 


1891.  —  Parsifal,  Tristan  et  Isenlt,  Taunhauser. 


Albuquerque  (Baron  d').  —  Paris. 
Astorg  (Comtesse  d').  —  Paris. 
Avaray  (Comtesse  d').  —  Paris. 

Bacqua  (Auguste),  —  Nantes. 


Bagès  (Maurice).  —  Paris. 
Bail  (Mlle  J.).  —  Paris. 
Barrére  (M.  et  M™»).  —  Paris. 
Barrés  (M.  et  M™«  Maurice).  —  Paris. 
Bartholoni  (M»*  et  Mi'").  —  Paris. 

32 


558 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


Bastard  (M"»»  et  M'i«  de).  —  Paris. 

Baume  (Comtesse  de  la).  —  Paris. 

Béer   Julesi.  ~  Paris. 

Bergont.  —  Paris. 

Bernard  'M°>e  et  MH»).  —  Paris. 

Berseville  (E.).  —  Paris. 

Bertelin   M.  et  M"*).  —  Paris. 

Bertrand  E.),  dir.  de  l'Opéra. —Paris. 

Béthouart.  —  Chartres. 

Billv  (>!■"«).  —  Paris. 

Bimont.  —  Paris. 

Biron  iPrince).  — Paris. 

Bischoffsheim  (R.).  —  Paris. 

Blackenhagen  ^L.i.  —Paris. 

Bonnet  (Maurice).  —  Paris, 

Bordier  (J.),  compositeur.  —  Angers. 

Bossy  (Albert).  —  Paris. 

Bouchard.  —  Paris. 

Bougère     G.),  banquier.   —  France. 

Bouichère,  M«  de  chapelle.  —  Paris. 

Bourras    Eugène^.  —  Lyon. 

Bovet  Alfred  .  —  Valentigny. 

Braud  (Paul).  —  Paris. 

Bréat  (M"«).  —  Paris. 

Breton   Jules).  —  France. 

Bréville  P.  dei,  compositeur  — Paris. 

Bruge  (de).  — Paris. 

Brûck  (Paul).  —  Paris. 

Caillet  (Louis).  —  Paris. 

Caben  d'Anvers  (Comtesse).  —  Paris. 

Cantacuzéne  (Jean).  — Paris. 

Caraman  (M"-  de  .  —  Paris. 

Carré  de  Malberg  (M"'  et  M"«).— Paris. 

Champigny-Lamarque  (M™*  et  M"»). 

—  France. 
Chaponay  iMnrquisc  de  .  —  Paris. 
Charbonneau  (Emile).  —  Reims. 
Charbonneau   Georges;.  —  Reims. 
Charpentier    G. s  comp. — Paris. 
Chauvel.  —  Paris. 
Cholet  (Guy  de).  —  Paris. 
Clairin  Georges),  peintre.  —  Paris. 
Clerey   M"=  de).  —  Paris. 
Cochin   M.  et  M™e  Henri  .  —  Paris. 
Codegen.  —  Lyon. 
CoUinet.  —  Paris. 

Colonne  M.,  M"«  et  M''«  Ed.}—  Paris. 
Combe  fÈdouard).  —  France. 
Combes  (Alphonse).  —  Paris. 
Combes  (Charles).  —  Paris. 
Contapie  (Docteur  Henri;.  —  Lyon. 


Coppet  M.  et  M.^^  de).  —Nice. 
Cossé  iComte,  Comtesse  de).  —  Paris. 
Cottinet  (Émilei.  —  Paris. 
Courcy  (Henri  de).  —  Paris. 

Danel-Duplan  (Julien).  —Paris. 
Dargent  (Docteur  et   M™*).  —  Paris. 
Demonts  iM"*  et  M"e).  —  Paris. 
Desnoyers.  — Paris. 
Deutsch  lEmile).  —  Paris. 
Deutsch  (Henri),  ingénieur.  —  Paris. 
Diaz-Albertini.  —  Paris. 
Donard  (Eugène).  —  Paris. 
Doncieux  (Docteur).  —  Paris. 
Dubois   (Th.),  compositeur.  —  Paris. 
Duchesne  (Comtesse).  —  Paris. 
Dufer  (M™ej.  —  France. 
Dukas  (Adrieni.  —  Paris. 
Dupont  (M.  et  M™«  Gustave).  —  Paris. 
Durand  (Auguste),  éditeur.  —  Paris. 
Durand  (Jacques),  éditeur.   —  Paris. 
Durand  (M™»  Jacques).  —  Paris. 
Duringe  (A.).  —  Lyon. 

Eggers  (M™e  E.).  —  Marseille. 
Egusqiii/a   de).  — Paris. 
Eichthal  ;Eugène  d').  —  Paris. 
Ermont  (M™«  d").  —  Paris. 
Ernst  [A..],  critique  musical.  —  Paris. 
Eroset  (M™*).  —Paris. 
Estang  ide  F).  —  Paris. 
Eyrargues  {M.  etM"^  d'i.  —  Paris. 

Fabre  (Eugène).  —  Narbonne. 

Fabre  (Maurice),  avocat.  —  Narbonne. 

Fabry  (.\ndré).  —  Paris. 

Falcke  (Henri).  —  Paris. 

Fimbel,  ch.  d'orch.  —  Moulins. 

Flachat,  ingénieur.  —  Paris. 

Flaget  (Docteur  le).  —  Paris. 

Fiat  iM.  et  M""').  —  Paris. 

Fonjallaz.  —  Versailles. 

Fontainas  (M.  et  M™<=  André).  —  Paris. 

Fontana    M.  et  M™=  Mari  us).  —  Paris. 

Fortun  iM.  et  M'n^  Emile).  —  Paris 

Fould  (André).  —  Paris. 

Fourchy.  —  Paris. 

Fournier.  —  Paris. 

Frank.  —  Biris. 

French.  —  Paris. 

Friedrich  lOtto).  —  Paris. 

Gallet  (M.  et  M™«  Maurice).  —  Paris. 
Gans  \ Alfred  .  —  Paris 


COMPLEMENT 


559 


Ganté.  —  Nantes. 
Garden(MiieL.).  —Paris. 
Gaupillat  iMarcel).  —  Paris. 
Gay  (Charles  le).  —  Paris. 
Girette  (Marcel).  —  Pontoise. 
Glandaz  (Albert).  —  Paris. 
Godebski.  —  Paris. 
Goguel  (Docteur).  —  Paris. 
Goldschmidt  i Henri).  —  Paris. 
Goldschmidt  iM-°«  L.).  —  Calais. 
Gramacini-Soubre  l'Sl'^^).  — Paris. 
GrammoQt  ;Comte  Th.  de.  —Paris. 
Grange  (de  la).  —  Paris. 
Grant  (M"^).  —  Paris. 
Grunebaum  iM"»  et  M''«).  —  Paris. 
Guilhommet    (M.   et   M™»   Henri).   — 

France. 
Guilmant  (Alex.),  organiste.  —Paris. 
Hagermann  (James),  peintre.  —  Paris- 
Halphen  (Constant!.  —  Paris. 
Halphen   Edmondi.  —  Paris. 
Halphen  (Fernand).  —  Paris. 
Harilowsky  (M™<=|.  —  Paris. 
Hébrard  'Jacquesi.  —  Paris. 
Hellmann.  —  Paris. 
Henry,  auteur  dramatique.  —  Paris. 
Herbaut  (d').  —  Lyon. 
Hermant  (M.  et   M"«  Abel).  —  Paris. 
Hermant  (Pierre).  —  Paris. 
Hérold  (Ferdinand).  —  Paris. 
Heymann.  —  Paris. 
Histouri  (d').  —  Paris. 
Hoffmann  (M"^).  — Paris. 
Holmes  (M"^  Aug.),  comp.  — Paris. 
Horrack(M.,M™«  et  M'^^  de).  — Paris. 
Hoskicr  (E.l.  —  Paris. 
Howell  (M.  et  M^e).  —  Paris. 
Hue  (M»'^).  —  Paris. 
Hue  (Georges),  compositeur.  — Paris. 
Hufïer  (M.,  M°>«    et  M'^^'.  —  France, 
Humbert,  ingénieur.  —  Blois. 
Jaccoud  (Docteur,  et  M™«).  —  Paris. 
Jacquet  (Docteur).  —  Paris. 
Jacquot  (Général),  consul.  —  Leipsig. 
Japy  (M.  et  M-^»  E.).  —  Paris. 
Javal  (M°«  et  M'i=).  —  Paris. 
Jœst  (M°e).  —Paris. 
Joly  (Charles),  critique  d'art.  — Paris. 

Kann  (Edouard).  —  Paris. 
£ann  (René).  —  Paris. 
Kann  (Rodolphe).  —  Paris, 


Kauffmann.  —  Paris. 

Keidel.  —  Lyon. 

Knox  (M'^e  Suzanne).  — Paris. 

Lambelin  (Roger).  — Paris. 

Lambert  (A.).  —  Paris. 

Lamoureux  (M.  et  M™»).  —  Paris. 

Langenhagen  (Charles).  —  Nancy. 

Lascoux  (M.,  M"'^  et  Mii«).  —  Paris. 

Lascoux  (Antoine).  — Paris. 

Laurence  (Vicomle  de  La).  —  Paris. 

Lautier  (Eugène).  —  Paris. 

Lefebvre  (Ch.),  compositeur.  —^ Paris. 

Lefévre,  professeur.  —  Reims. 

Legendre  (Louis).  — Paris. 

Legras  (Paul).  —  Paris. 

Lehideux  (Roger).  — Paris. 

Lelièvre.  —  Le  Havre. 

Lemonnier  (M™"  Suzanne).  —  Paiis. 

Léopold  (Richard).  —  France. 

Lepcl-Cointet  (M™'^).  —  Paris. 

Le  Rouvre  (M-^e  Alfred).  —  Paris. 

Leroyer  (M™»).  —  Paris. 

Le  Slay.  — Paris. 

Lestra  (M™«).  —  Lyon 

Lévèque  (Docteur  et  M™«).  —  Reims. 

Limet  (Charles),  avocat.  —  Paris. 

Livingston  (J  -H.).  —  Clermont-Fer- 

rand. 
Llano  lEusébe  de).  —  Paris. 
Lœb  (Louis),  peintre.  — Paris. 
Louys  (Pierre).  —  Paris. 
Lur-Saluces  (C'«,  C'""  de).  —  Paris. 
Luzzato  (F.).  —  Paris. 

Malherbe  (Maurice).  —  Paris. 
Mangin  (Marc).  —  Lyon. 
Marcel  (B.),  homme  de  lettres.  — Tou- 
louse. 
Marie  (G.),  chef  d'orchestre.  —  Paris. 
Marteau  (M.    et   M™»  Ch.i.  — Reims. 
Martin  du  Nord  i Fernand).  —  Paris 
Marx  (M.  et  M"»  Louis).  —  Paris. 
Marx  (Marcel).  —  Paris. 
Mazeliére  (Marquise  de).  —  Paris. 
Méandre  (L.).  —  France. 
Mélinette,  avocat.  —  Paris. 
Mendolia.  —  Paris. 
Metman  (M.  et  M"«  Louis i.    —Paris. 
Michaux  (Lucien),  ingénieur.  —  Paris. 
Michel  (Charles).  —  Marseille. 
Michel  (Marius).  —  Paris. 
Mignard  (Joseph).  —  Paris. 


560 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


Moch  (M.  et  M"8  Gaston).  —  Paris. 
MoQod  (Jacques).  —  Paris. 
Moatesquiou  (Comte  R.  de).  —  Paris. 
Montgommery  (M.  et  M™«  de). — Paris. 
Montgommery  (M"»»  J.-N.  de).  —  Paris. 
Morell  (M.  et  M™*  Jules).  —  France. 

Nédonchel  (Marquis  de).  —  France. 

0«as  (M.  et  M™«  Louis).  —  Paris. 
Oppenheim  (Stanislas).  —  Paris. 
OuarassofF  (Prince  Léon).  —  Paris. 

Panton  (M.  et  M'i»).  —Paris. 

Paraf  (M.  et  M"«  Gustave).  —  Paris. 

Parker  (Stephen).  —  Paris. 

Paumier  (D.).  —  Nantes. 

Pelouze  (M™«).  —  Paris. 

Pennantier  (M.  et  M°>e  de).  —  Paris. 

Pfeiffer  (G.),  compositeur.  —  Paris. 

Picquart  (Georges).  —  Paris. 

Piérard  (Baronne  de).  —  Paris. 

Poirée  (Elle).  —  Paris. 

Polignac  (Princesse  de).  —  Paris. 

Pottecher  (Maurice).  —  Paris. 

Potter.  —  Pau. 

Pouzait  (M°").  —  Paris. 

Pugno  (Raoul),  pianiste.  —  Paris. 

Raphaël.  —  Paris. 
Raynaud.maître  de  chap.—  Toulouse. 
Rebatel  (Docteur).  —  Lyon. 
Ivebell,  homme  de  lettres.  —  Paris. 
K.écy  (René  de).  —  Paris. 
Regnault  (Henri).  —  Paris. 
Rînard.  —  France. 
Rînaud  (F.).  —  Lyon. 
Illchelot  (Gustave).  —  Paris. 
R=jkofr  (Martin).  —  Paris. 
Risler  (Edouard),  pianiste.  — Paris. 
Rivollet.  —  Paris. 
Robillart.  —  Paris. 
Robins  (M™«).  —  Paris. 
RolMM"»").— Paris. 
Romain  (G'»,  C««"«  de).  —  France. 
Ronjat,  avocat.  —  Paris. 
Rosenier.  —  Tours. 
Rothan  (M-^^MH*).  —  Paris. 
Rouché  (Jacques).  —  Paris. 
Round  (M'io).  —  Paris. 
Roussel  (Ernest).  —  Roubaix. 
Roussel  (Raymond).  —  Paris. 
Roux  (Gaston).  —  Paris. 
Rowe  (William).  —  Paris. 
Rubinstein  (Adolphe).  Paris. 


Rubinstein  (MH»  Ida).  —  Paris. 
Sabachnikoff  (Théodore).  —  Paris. 
Sachs  (Gustave).  —  Paris. 
Saimos.  —  Paris. 

Sainl-Didier  (Baronne  de).  —  Paris. 
Saint-Paul  (Marquise  de).  —  Paris. 
Saint-Phalle  (Comte  de).  —  Paris. 
Saint-René   Taillandier  (M.   et  M™«). 

—  Paris. 
Saint-René  Taillandier   (M™»   E.)-   — 

Paris. 
Sainville  (Emmanuel  de).  —  Paris. 
Sandoz  (M">«).  —  Paris. 
Sarchi  (Paul).  —  Paris. 
Schacppi  (M"e).  —  Paris. 
Schair.  —  Paris. 

Schlumberger  (Emmanuel).  —  Paris. 
Schlumberger  (Georges).  —  Paris. 
Schôn  (M'ie  Olga).  —  Paris. 
Schuré  (M.  et  M-"»  Edouard).  —  Paris. 
Séguin  (Paul).  —  Lyou. 
Séligmann  (Arthur).  —  Paris. 
Serres  (M.  et  M"»*  Louis  de).  —  Paris. 
SéruUaz  (Victor).  —  Lyon. 
Singer  (M.  et  M™»).  —  Paris. 
Sizeranne  (M.  et  M"»  M.  de  la).  — Pai  is» 
Sorbée  (de).  —  Paris. 
Soubre  (M"«  Mariette).  —Paris. 
Spielmann.  —  Paris. 
Steinitz  (M™*).  —  Paris. 
Stern  (Ernest).  —  Paris. 
Stern  (René).  —  Paris. 
Tardy.  —  Lyon. 
Tenstin.  —  Lyon. 
Terrand-Holstein  (M™«).  —  Lyon. 
Terrand-Holstein(M.etMiies).— Lyon. 
Theurey  (M™ej.  —  Paris. 
Thième  (Docteur).  —Nice. 
Thisen,  peintre.  —  Paris. 
Thonnié  (M.  et  Mlle).  —  Moulin». 
Thureau-Dangin  (M.  et  M^^).  —  Paris. 
Tiersot  (Julien).  —  Paris. 
Toché  (M-"»).  —  Paris. 
Vaney  (Emmanuel).  — Paris. 
Yarsagnac  (M.  et  M°»«  Emile).  -Pari». 
Vergennes  (Comte  de).  —  Paris. 
Véry  (M°>«).  —  Paris. 
Vèzes  (Maurice).  — Paris. 
Vigier-Cruvelli  (Comtesse).  —  Paria 
Vincennes  (M™«  de).  — Paris. 
-Vincent.  —  Paris. 


COMPLÉMENT 


561 


Voorhève  (Mii«  Marguerite).  —  Pau. 
Vuillet  (Baron  Maurice).  —  Paris. 
Walz  (M-ne).  —  Paris. 
Wassermann  (M'"^  et  M''»').  —  Paris. 
Wedel  (Comte).  —  Paris. 
Weiland  (M.  et  M-^^).  —  Reims. 
Weisweiller  (Georges  de).  —  Paris. 


Wilder  (André).  —  Paris. 

Wilder  (Victor).  —  Paris. 

Wisser  ( J.).  —  Paris. 

^Yitte  (Baron  et  Baronne  de).  — Paris. 

Wolff  (Bernard).  —  Paris. 

Wyzewa  (de).  —  Paris. 

Zerk  (M"»*  Berthe).  —  Pau. 


1892. 


Parsifal,  Tristan  et  Isenlt,  Les  Haitres 
Chanteurs,  Tanuhauser. 


Adam  (M.  et  M'"^).  —  Paris. 
Adam  (M.  et  M^»»  Eugène).  —  Paris. 
Aicard,  avocat.  —  Marseille. 
Alvin  (Henri).  —  Limoges. 
Ambre  (M°i«),  professeur.  —  Paris. 
Amie  (Henri).  —  Paris. 
Aquard.  —  Paris. 
Arietta  (Louis).  — Paris. 
Armand  (Auguste).  —  Paris. 
Aron  (M.  et  M"e  Arthur).  —  Paris. 
Audibert  (M.  et  M°i«  Adrien).  —  Paris. 
Autran.  —  Marseille. 
Aynard  (Edouard),  banquier.  —  Lyon. 
Bachelet  (AL),  compositeur.  —  Paris. 
Baignières  (A.).  —  Paris. 
Baignieres  (Jacques).  —  Paris. 
Baillehache  (Alfred).  —  Paris. 
Bamet  (Louis).  —  Lyon. 
Barnaby  (M™«).  —  Paris. 
Barnicka  (Comtesse).  — Paris. 
.Baronnet,  ingénieur.  —  Paris. 
Barrère,  ministre  de  France.  —  Mu- 
nich. 
Barrés  (Maurice),  député.  —  Paris. 
Base  (M'i«).  —  Bordeaux. 
Baudenet.  —  Paris. 
Béarn  (Comtesse  de).  —  Paris. 
Beaucaire  (Georges).  — Paris. 
Beaudet  (Jean).  —  Paris. 
Béer  (Edouard).  —  Paris. 
Bégouen  (Vicomte  et  V'«s").  —  Paris. 
Belden  (M^i^).  —Paris. 
Benoist  (René),  journaliste.  — Paris. 
Béraud  (M.  et  M>"e  A.).  —  Paris. 
Bernard  (F.).  —  Paris. 
Berthelier  (E.).  —  Paris. 
Berthelier  (M.  et  M»"*).  —  Paris. 
Berthen.  —  France. 
Bert'ji.  —  France. 


Bertrand,  direct,  de  l'Opéra.  — Paris. 

Besfond.  —  Paris. 

Béthouart,  ingénieur.  —  Chartres. 

Béthouart  (M>"«  et  Mii«).  —  Chartres. 

Beulé  (M"'^).  —  Paris. 

Billy  (M"«).  —Paris. 

Binder.  —  Paris. 

Blain  (Paul).  —  France. 

Blanche  (Jacques),  peintre.  —  Paris. 

Boellmann  (M.  et  M™^).  —  Paris. 

Boisard  (Aug.),  journaliste.  —  Paris. 

Boissard.  —  Aix. 

Boissert.  —  France. 

Bompaix,  avocat.  —  Paris. 

Bonnadier  (A.).  —  Paris. 

Bonnet  (E.).  —  Paris. 

Bonnet,  avocat.  —  Paris. 

Bossy  (Albert).  —  Paris. 

Bougere  (F.).  —  Angers. 

Bouichère(E. ), maître  de  chap. — Paris. 

Bourgault-Ducoudray,  professeur  au 

Conservatoire.  —  Paris. 
Bourras  (Eugène).  —  Lyon. 
Brisac  (Edouard).  —  Paris. 
Britt  (Ernest),  professeur.  —  Paris. 
Brov.ning  (John).  —  Paris. 
Bucquet,  avocat.  — Paris. 
Bucquet  (M™«).  —  Paris. 

Cage.  —  Paris. 

Cahen  (M.   et  M-"»  Albert).  —  Pari». 

Cahen  (M"'^  et  M"").  —  Paris. 

Cahen  (René).  —  Paris. 

Cail  (Edmond).  —Paris. 

Caillât  (Pierre).  —  Paris. 

Caillebotte  (M.  et  M"»»  Martial).  —  Pa- 

ris. 
Calmann-Lévy  (G.),  éditeur.  —  Paris. 
Campbell  (M°^»  et  Mii«).  —  Paris. 
Cantacuzène  (Jean).  —  Paris. 


562 


VOYAGK   A    BAYREUTH 


tarage  (Comte  de).  —  France. 
Carpentier  (Henri).  —  Paris. 
Carraud(G.),  compositeur.  —  Paris. 
Carré  (Albert).  —  Paris. 
Carter  (M"«  E.-B.).  —  Dieppe. 
Casagrande  (Emile).  —  Valence. 
Catusse.  —  Paris. 
Cazalis  {il^"  L.).  —  Paris. 
Ceulon  (Paul).  —  France. 
Ceux  (Herbert  de).  —  Paris. 
Chain  (Henri),  avocat.  —  Paris. 
Chair  (Henri).  —  Paris. 
Chappuy  (Léo).  —  Paris. 
Chartier  (Emile).  —Paris. 
Chauvinière  (de  la).  —  Paris. 
Chéramy.  —  Paris. 
Chéronnet  (Henri).  —  Paris. 
Chevarrier  (de).  —  Paris. 
Chéveneau  (Louis).  —  Paris. 
Chevillard  (M.  et  M™«).  —Paria. 
Chevillard  (M-"-).  —  Paris 
Chiault.  —  Belfort. 
Chibret  (Docteur  Paul).  — ■  France. 
Chobert  (Henri).  —  Paris. 
Choisnel,  compositeur.  —  Paris. 
Cholet  (Guy  de).  —  Paris. 
Chopperin  (Joseph).  —  Paris. 
Christensen,  consul  d'Italie.  —  Paris. 
Christophle  (M.  et  M'"«=  Paul).  —Paris. 
Clapiers  (Comte  de).  — Paris. 
Clarke  (Alexandre).  —  Paris. 
Clarke  (Mi^»  L.).  —  Paris. 
Clausse  (Roger), attaché  d'ambassade. 

—  Munich. 
Cointreau.  —  Angers. 
Colonne  (É.),  chef  d'orchestre. — Paris. 
Combes  (Alphonse).  —  Paris. 
Combes  (Ch.),  professeur.  -  Paris. 
Corbin  (M»»).  —  Paris. 
Corneau  (A.), critique  musical. — Paris. 
Cornély.  —  Paris. 
Cornier.  —  Lille. 
Cornu  (Marcel),  avocat.  —  Paris. 
Cotelle.  —  Paris. 
Courtois  (.A.,  de).  — Paris. 
Cousino  (Albert).  —  Paris. 
Cramaussel  (Edmond).  —  Paris. 
Crâne.  —  Paris. 
Crémieux  (M»e  p.).  _  Paris. 
Cretonnier  (Jules).  —  Marseille. 
CuCfer  (Docteur  et  M»^).  —Paris. 
Cuis  (Robert  de).  —  Paris 


Culmann  (M"»  Camille).  —  Paris. 

Cunha  (Louis  da),  ingénieur.  — Paris. 

Cuntz  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Custot.  —  Paris. 

Daubels  (MH").  —  Paris. 

Debrinay  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Degoulet  (Charles),  avocat.  —  Paris, 

Delacroix  (Henri).  —  Paris. 

Delasalle  (M^^).  —Paris. 

Delbruck.  —  Paris. 

Delsart(J.),  violoncelliste.  — Paris. 

Derenbourg,    professeur.  —  Paris. 

Dethomas  (Maxime).  —  Paris. 

Dettelbach.  —  Paris. 

Deutsch.  —  Paris. 

Dezanneau  (Alfred).  —  Angers. 

Diaz  (M.  et  M-^^).  —  Paris. 

Dia/.-Albertini  (M.  et  M"').  —  Paris. 

Diémer  (Louis) ,  professeur  au  Con- 
servatoire. —  Paris. 

Diémer  (M"»e  Louis).  —  Paris. 

Diesbach  (M"=  de).  —  Paris. 

Dissard  (Mn»e).  _  Lyon. 

Dolhassary  (Lucien).  —  Bordeaux. 

Drée  (Comtesse  de).  —  France. 

Droz  (M-,  M"«  et  MUe).  _  Paris. 

Dubufe  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Dujardin  (E.).  —  Paris. 

Dulong  (de  Rosnay).  —  Paris. 

Dumont  (M^^  et  M"«).  —  Paris. 

Dumont  (Henri-Louis).  —  Paris. 

Duperrier  (G.) ,  ingénieur.  —  Paris. 

Durand  (Auguste),  éditeur.  —  Paris. 

Durand-Dassier  (M"^).  —  Paris. 

Dussau  (Charles).  —  France. 

Duteil  de  Berset  (M.,  M™»  et  M'i") 
—  Paris. 

Duteil  d'Ozanne,  comp.  —  Paris. 

Dyhan  (Félix).  —  France. 

Edouard  (Mi'«).  —  Paris. 

Egusquiza  (R.  de).  —  Paris. 

Eichtal  (Baron  et  Mii«  d').  —  France. 

Eisenmann  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Ellissen  (M"^).  —  Paris. 

Engels  (M.  et  M»*).  -  Le  Havre. 

Enthoven  (M.  et  M°>^).  —  Paris. 

Erhard  (D>").  —  Clermont-Ferrand. 

Ernst  (  Alf.),  critique  musical.  —  Paris. 

Ernst  (M"»-  Alfred).  —  Paris. 

Eu  (Comtesse  d').  —  Paris. 

Fairchild  (Mii«).  —  Paris. 


COMPLEMENT 


563 


Farre  (M.  et  M"»«).  —  Reims. 

Faucheur.  —  Lille. 

Favarger  (M.  et  M"«  Th.).   —  Paris. 

Fels  (Comte  et  Comtesse  de).  —  Paris. 

Ferreira-Lage.  —  Paris. 

Ferry  ÇA.  et  M™«  de).  —  Paris. 

Fielde    >I"e  Adèle).  —  Paris. 

Finaly  ,M'ie).  —  Paris. 

Fiscbei-  (Docteur  Henri).  —  Paris. 

Flamentz  (François).  —  Paris. 

Flamm  (Rodolphe).  —  Paris. 

Fiat  (M.  et  M"'»  Paul).  —  Paris. 

Flery  (Comtesse).  —  Paris. 

Foucart  (Léon),  ingénieur.  — Paris. 

Fournier  (Paul).  —  Paris. 

Frank  (M'i^  Valentine).  —  Lille. 

Frankfurter  (Eugène).  —  Paris. 

Frazier.  —  Bordeaux. 

Fridrich  (G.),  violoniste.  — Paris 

Gabé  (Eugène).  —  Paris. 

Gaillard  (>!>»«  et  M"e).  —  France. 

Galinier  (M.),  avocat.  —  Versailles. 

Galle  (Emile).  —  Paris. 

Gallet  (M"e  B.).— Paris. 

Garde  (Marquise  de  la).  —  Lyon. 

Garden  (M'i*  L.).  —  Paris. 

Garnaud,  avocat.  —  Paris. 

Garnaud  (M™»).  —  Paris. 

Garnier.  —  Paris. 

Gauthier- Villars  (Henri).  —  Paris. 

Gautier  (Antoine).  —  Nice. 

Gelet  (M.  et  M™e).  —  Paris. 

Gellis  (M-"»  et  M'ie).  _  Paris. 

Gentien  (Maurice).  —  Paris. 

Gentien  (Paul).  —  Paris. 

Gersdorff  (Georges  de).  — Paris. 

Gervex,  peintre.  —  Paris. 
Gignoux  (M™«).  —  Lyon. 

Gilbert  (René).  —  Paris. 
Girodon  (Paul).  —  Paris. 
Gironde  (Comte  et  C'«"e  de).  —  Paris. 
Gœrsan  (H.).  —  Paris. 
Gonté  (Arthur).  —  Paris. 
Gonté  (Charles).  —  Nantes. 
Gouin  (M.  et  M™»  Julesj.  —  Paris. 
Goujon  (A.),  ingénieur.  —  Paris. 
Goullet  (Auguste).  —  Paris. 
Grammont  (Duchesse  de).  —  Paris. 
Grammont  (Comte  Ch.  de).  — Paris. 
Grandprey  (C.  de).  —  Paris. 
Grange?  du  Bonet  (A  drien) .  —  Nantes. 


Granier  (André).  —  Paris. 

Granier  (Charles).  —  Paris. 

Granier  (M™*  Jeanne),  artiste  drama» 

tique.  —  Paris. 
Grant  (M'i^).  —  Paris. 
Grimann  (M.  et  Mi'^).  —  Paris. 
Grimberghe  (Edmond  de).  —  Paris. 
Grimberghe  (Vicomte  R.  de).  — Paria. 
Grincour  (M">«  Gustave).  —  Paris. 
Grunebaum  (M"«  et  M"^'.  —  Paris. 
Grunebaum  (Louis).  —  Paris. 
Grunebaum  (Paul).  —  Paris. 
Guénantin  (M™^  Marie).  —  Paris. 
Guérin  (Alexis).  — Paris. 

Haas  (Charles).  —  Paris. 

Haar  (Baronne  de  la).  —  Paris. 

Hiihn  (Reynaldo),  comp.  —  Paris. 

Hamel  (Albert).  —  Paris. 

Hank  (M"e  Jeanne).  —  Paris. 

Harrisson.  —  Paris. 

Hart  (Benjamin),  —  Paris. 

Hartnicon  (Henri).  —  Paris. 

Haupt,  journaliste.  —  Paris. 

Hautiére  (M™«  de  la).  —  Paris. 

Hayn  (M»»*).  —  Le  Havre. 

Heaton  (M"«).  —  Paris. 

Hébert  (Marcel).  —  Paris. 

Hellmann  (M.  et  M^e).  _  Paris. 

Henry  (G.).  —Paris. 

Hermann.  —  Paris 

Hermant  (J.),  architecte.  —  Paris. 

Hermant  (M™«  Jacques).  —  Paris. 

Herzl.  —  Paris. 

Hesse  (Lucien).  — Paris. 

Heydt  (M>"«  et  M^'e  ).  —  Paris. 

Hiilemacher  (M.  et  M™«  L.).  —Paris. 

Hœrner  (M^^e  Marie).  —  Paris. 

Hofmann  (Baronne  de).  —  Paris 

Horn  (de).  —  Paris. 

Hornor  (M™*).  —  Paris. 

Horrack  (M.,  M-^^  et  M'i^  de).  —  Paris. 

Horsfall  (Ch.).  —  Paris. 

Horton  (M™»).  — Nice. 

Hottinguer  (Baronne).  —  Paris. 

Howard  (M"«).  —  Paris. 

Howell  (Mii«).  —  Paris. 

Huard  (Gustave).  —  Paris. 

Hue  (Georges),  compositeur. — Paris. 

Humbert  (G.),  ingénieur.  —  Paris. 

Humières  (Comte  d').  —  Paris. 

Hunt  (M»e  Julio).  —  Paris. 


56i 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Isaac  (Ma  irice).  —  Lyon. 

Ivan  (Guillaume),  ingénieur.  —  Paris. 

Jaccoud   Docteur).  —  Paris. 

Jacquet   Docteur  L.).  —  Paris. 

Jacqueminot(M"e  Elisabeth). — Paris. 

Jametel  (Comte).  —  Paris. 

Jamin  (Docteuri.  —  Lyoo. 

Jandonin,  professeur.  —  Angers. 

Jobin  iM.  et  M^^^).  —  Belfort. 

Jollivet  (M.  et  M"e  Gaston).  —  Paris. 

Jolly  (Charles).  —  Paris. 

Joly  (Emile),  ingénieur.  — Paris. 

Jones  (Mii«).  —  Pau. 

Jonge  (M.  et  M"^  S.  de).  —  Paris. 

Joret  (Pierre  .  — Paris. 

José  (Mlle).  _  Paris. 

José  (Emile).  — Paris. 

Jouffroy  d'Abbans   (C'«"   Iseult).  — 

Paris. 
Jousselin  (M»»).  — Paris. 
Jullien  (Ad.),  journaliste.  —  Paris. 
Kahn    M™«  Edouard).  —  Paris. 
Kann  (Rodolphe).  —  Paris. 
Kapierrer  (Charles).  —  Paris. 
Kern  i  Alexandre).  —  Paris. 
Kleisy  (M»-).  —  Belfort. 
Kohn  (G.)-  —  Paris. 
Kornprobost.  —  Orléans. 
Krafft  (Hugues).  —  Paris 
Krohn  iM^-^)-  —  Paris. 
Krumpschneid  (M™«).  —  Paris. 
Kunkelmann.  —  Paris. 
Labbé  fAlbertl.  —  Montmirail. 
Lackenmeyer  (M.  et  M™^).  — Paris. 
Lambari  (Si.  et  M^^).  —  Paris. 
Lambert  de  Rothschild  (M.  et  M™*  ).  — - 

Paris. 
Landowsky  (Docteur;.  —  Paris. 
Langlois  (M.  et  M»«).  —  Paris. 
Lasand  (Docteur  et  M™«).  —  Nice. 
Lascoux  (M.,  M™»  et  Mi'^sj.  — Paris. 
Lassier.  —  Paris. 
Lau  (Marquise  de).  —  Paris. 
Lavoignat.  —  Paris. 
Laya  (M^i^  de).  —  Paris. 
Lazard  (Simon),  banquier.  —  Paris. 
Leborne.  —  Paris. 

Lecreux  (M.  et  M™«  Gaston).  —  Paris. 
Le  Crosnier.  —  Paris. 
Lefèvre  (du  Figaro).  —  Paris. 
Lefévre  (M»»»)   —  Paris. 


Lefèvre  (Ém.),  compositeur.  —  Paris. 

Legage.  —  Paris. 

Legrand  (M"»),  —  Paris. 

Legras  (Auguste).  —  Paris. 

Legras  (Paul).  —  Paris. 

Legendre.  —  Paris. 

Lehideux  (M.,  M--  et  M'i^).  —  Paris. 

Lehideux  (André).  —  Paris. 

Lehmann  (Albert).  —  Paris. 

Leite  (M"«).  —  Paris. 

Lemsine,  procureur  de  la  république 

—  Bar-sur-Aube. 
Léo  (Auguste).  —  Paris. 
Lepel-Cointet  (M™^  Eric).  —  Paris. 
Lepelletier  (Emile).  —  Paris. 
Lepiére.  —  Paris. 

Lequen  (D»-  et  M™<=  Félix).  —  Paris. 
Léser  (Georges).  —  Lyon. 
Leven  (M.  et  M™^  £,mile).  —  Paris. 
Leverroy.  —  Paris. 
Lévy  (Charles).  —  Paris. 
Lewin-Bendit  (M.   et  M»*  Jules).  — 

Paris. 
Liwache  (Achille).  —  Paris. 
Lloyd  (M"e  Dolorés).  —  Paris. 
Lœb  (J.).  —  Paris. 

Lcewenstein  (M. ,  M™*  et  Mii«)._Pari8. 
Lorgeril  (de).  —  Nantes. 
Louys  (Pierre).  —  Paris. 
Lur-Saluces  [O"  et  C'""  de).  — Paris. 
Lutaud.  —  Paris. 
Lutz  (Henri).  —  Paris. 
Luze  (C'«  et  C"«e  Maurice  de).  —  Paris. 
Lyon-Caen  (Charles).  —  Paris. 

Magitot  (Docteur  Emile).  — Paris. 
Mahr  (Harald),  journaliste.  —  Paris. 
Malartic  (Comte  G.  de).  — Paris. 
Malherbe  (Maurice).  —  Paris. 
Malherbe  de  Maraimbois  (Comte).  — 

Paris. 
Marc  (A.).  —  Paris. 
Maréchal  (Henri).  —   Saint-Quentin. 
Marie  (Gabriel),  chef  d'orchestre.  — 

Paris. 
Marqué  (L.).  —  Paris. 
Martimprey   (Hugues  de).   —  Nancy. 
Martin  (M.  et  M™«  Alphonse).  — Parig. 
Martin  iAuguste),  avocat.  —  Paris. 
Massougnes.  —  Paris, 
Mathews  (M^^).  —  Paris. 
Mathews  (i!.douard,i.  —  Paris. 


MPLÉMENT 


56S 


Mathias.  —  Paris. 

Maupéou  (M.  et  M™»  de).  —  Paris. 

Maurel  (M.  et  M™«).  —  Paris. 

Maurocordato  (Marquis  de).  — Paris. 

Maurocordato  (Mathieu).  —  Paris. 

Mayrarques  (M-^e  Alfred).  —  Paris. 

Mayrarques  (M'i»  et  M.).  —  Paris. 

Melb  (M»»).  —  Paris. 

Ménard-Dorian   (M.,  M"»  et  M'i»).  — 
Paris. 

Mendel  (M.  et  M"«  Henri).  —  Paris. 

Mercier  (Charles).  —  Paris. 

Mermann  (M.  et  M^^  G.) .  —  Bordeaux. 
Mermann  (M.  et  M™»  J.).  —  Bordeaux. 
Mermann  (M"«  V.).  —  Bordeaux. 
Mesnard  (Léon  et  Georges).  —  Paris. 
Mcyer  (Docteur).  —  Paris. 
Meynier  (M™*  Raoul).  —  Paris. 
Michaux  (Lucien) ,  ingénieur.  —  Paris. 
Michonnes.  —  Paris. 
Millot  (Etienne),  avocat.  —  Paris. 
Mimaut  (M"»  Louise).  —  Paris. 
Miquel  (M.  et  M'"»  Mathieu).  —  Paris. 
Mocqueris  (Ed.).  —  Neuilly. 
Molend  (A.).  —  Paris. 
Momey  (Comte  de).  —  Paris. 
Montbrison  (de).  —  Paris. 
Montesquieu  (Comtesse  de).  — Paris. 
Montesquieu  (Léon  de).  —  Paris. 
Montigny  (Comte  et  C'e"^  de).  —  Paris. 
Morel  (Jules).  —  Lyon. 
Morla  (M"«).  —Paris. 
Mors  (Louis),  ingénieur.  —  Paris. 
Morsier  (M.  et  M™«  Ed.  de).  —  Paris. 
Moustier  (M.  et  M™»  de).  —  Paris. 
Munroe  (John).  —  Paris. 


Natanson  (Stéphane),  archit.  — Paris. 
Nicholson.  —  Paris. 
Nievlas-Goérens.  —  Paris. 
Nivac  (Comte  de).  —  Reims. 
Normand  (Jacques),  homme   de  let- 
tres. —  Paris. 

Ochs(M«"E.).  — Paris. 
Odéro  (Alexandre).  —  Nice. 
Odéro  (Florent).  —  Nice. 
Oppenheim  (M^^).  _  Paris. 
Oppenheim  (Stanislas).  —  Paris. 
Oppert  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Orbier  (Eugène).  —  Marseille. 
Orléans  (S.  A.  R.  le  duc  d). 
Ormesson  (Comte  et  C'""  d') .—  Paris. 


Ostheimer  (Georges;.  —  Paris. 
Painlequé  (Paul),  professeur  à  l'Uni- 
versité. —  Paris. 
Pallier  (Félix).  —  France. 
Parafe  (Gustave).  —  Paris. 
Pasteur  (Docteur).  —  Morillon. 
Patinot  (Georges).  —  Paris. 
Paty  de  Clam  (Marquis).  —  Paris. 
Payson  (Charles).  —  Paris. 
Pelletier  (M™e)._  Paris. 
Pentia  (M'ie  da).  —  Reims. 
Percave  (Léonce).  —  Bordeaux. 
Pérez  de  Brambilla  (M'i^).  —  Paris. 
Pérouze  (Denis),  ingénieur.  — Paris. 
Perrot  (M^^^).  —  Paris. 
Petit-Dutaillis  (Charles).  —  Paris. 
PfeilTer   (Georges) ,   compositeur.    — 

Paris. 
Philipon  (Paul).  —Paris. 
Philipon  (René).  —  Paris. 
Picard  (Charles),  professeur.  —  Paris. 
Pictet  (Auguste).  —  Chambéry. 
Pidoux  (M™e).  _  Paris. 
Pierre  (Louis).  —  Paris. 
Pillet-Will  (Comtesse).  —Paris. 
Piol  (René).  —  Paris. 
Polières  (Marquis  de).  — Toulon. 
Poligiiac  (Princesse  de).  —  Paris. 
Poterie  (de  la),  avocat.  —  Paris. 
Pourtalés  (Comtesse  de).  — Paris. 
Pozzi  (Docteur).  —  Paris. 
Pressensé  (Francis  de).  —  Paris. 
Prieur  (R.),  professeur.  —  Limoges. 
Propper  (Siegfried),  banq.—  Paris. 
Quaire  (M"»  du).  —  Paris. 
Rain  (Mn").  —Paris. 
Rain  (Pierre).  —  Paris. 
Raynal  (M"»*).  —  Paris. 
Reada  (M™=).  —  Paris. 
Rebell.  —  Paris. 
Récy  (R.  de).  —  Paris. 
Reitlinger  (Arnold).  —  Paris. 
Remours.  —  Tunis. 
Renouard  (},l<^^  Eugène).  —  Paris. 
Richard  (Marc).  —  Paris. 
Richelot  (Docteur  et  M"»).  — Paris. 
Riéger  {M^^).  —  Paris. 
Rikoir  (M.   et  M-"*  Martini.  —  Paris. 
Risler^  (Edouard),  pianiste.  —  Paris. 
Rist  (Edouard).  —  Paris. 
I  Ritter  (William).  —  Besançon. 


966 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


Rivollet,  conseiller  à  la  cour  des  comp- 
tes. —  Paris. 
Robb.  —  Paris. 

Robertson  (Adolphe).  —  Paris. 
Roger  (M"«  et  M'i^).  —  Paris. 
Rolle  (A.).  — Paris. 
Romain  (Comte  et  C'"«»  de).  — Paris. 
Romazotti  (Maurice).  —  Paris. 
Romieu,  professeur.  —  Paris. 
Rondeau  iPauIi.  —  Angers. 
Rongier  (Emile).  —  France. 
Rossel.  —  Montbéliard. 
Rossignot  (M™«  Charlotte).  —  Paris. 
Rostand  (Alexisi.  —  Paris. 
Rothan(M°>'^).  —  Paris. 
Rothschild  (Baronne  Ed.  de).  — Paris. 
Rouast  (M.  et  M"»  G.).  —  Lyon. 
Rousau  (M"»*).  —  Paris. 
Roussel  (M.  et  M"").  —  Paris. 
Roussel  (Mii«).  —  Paris. 
Roussel  (MM.).  — Paris. 
Rousselt  (Vicomtesse).  —  Lyon. 
Rubinstein  (M»'«  Ida).  —  Paris. 

Saint-Mesmin  (M»*  de).  —Paris. 
Saint- Mesmin  (M.   et  M»«  J.  de).  — 

Paris. 
Saint-Phalle  (Comte  A.  de).  —  Paris. 
Sainville  lE.  de). —Paris. 
Salomon  iM'"«  et  M''^).  —  Paris. 
Salomon  (M™*  Adèle).  —  France. 
Salomon  (Ch.).  —  Paris. 
Sands  (Henri).  —  Paris. 
Sandoz  (M^s).  —Paris. 
Sarchi  (Paul).  —Paris. 
Sauvy  (François).  —Perpignan. 
Scey-Montbéliard  (Princesse  de).   — 

Paris. 
Schlesinger  (M.  et  M'ne  h.).  —  Paris. 
Schneider  [Eugènei.  — France. 
Schœn  (Baronne  dei.  —  Paris. 
SeJigmann,  banquier.  —  Paris. 
Sembat  (Marceli.  —  Paris. 
Serre  (M.   et  M^n^  Louis  de).  —Paris. 
Sevestre  (Albert).  —  Paris. 
Shea.  —  Paris. 
Siegfried  (Jacques).  — Paris. 
Singer  (M.  et  M"»  Louis).  —  Paris. 
Singer  (Otto).— Paris. 


Smith.  —  Paris. 

Somer ville  (M.  et  M™»  Alb.).  —  Paris. 

Somier.  —  Paris. 

Spandow.  —  Paris. 

Stern  (Jean).  —  Paris, 

Stern  (M™«  Louish  — Paris. 

Taffanel  (Jacques).  — Paris. 

Taftanel   iP.),  chef  d'orch.  —  Paris. 

Talbot  (R.I.  — Paris. 

Tardé  (MM.  et  M"=).  —  Paris. 

Tardy.  —  Lyon. 

Teil  (Baron  Joseph  du).  —  Paris. 

Théveneau    (M.     et    M™»  Louis).   — 

France. 
Tillet  (Jacques  du).  —  Paris. 
Torriziani  (M°>e).  —  Paris. 
Touteuille  (M™*  de).  —  Paris. 
Tracy.  —  Paris. 
Tucher,  consul.  —  Paris. 
Tuchmann  lEuiile).  —  Paris. 
Turckheim  (Baron  de).  — Paris. 
UHmann  (Constantin).  —  Paris. 
Valcours  (Docteur  et  M™»  Théodore 

de).  —  Cannes. 
Vallet  (Joseph).  —  Paris. 
Vallet  (M^'<=  Marie).  —  Paris. 
Vaney  (Emmanuel).  — Paris. 
Vergennes  (Comte  de).  —  Paris. 
Vézes  (Maurice).  —  Paris. 
Vidal  ,E.).  —Paris. 
Vidal-Naquet.  —  Paris. 
Vielle.  —  Angers. 
Vignot  (Pierre).  —  Paris. 
Villeneuve.  —  Marseille. 
Vital  (Mnie).  —Paris. 
Wagram  (Princesse  de).  —  Paris. 
Watermann  (Charles).  —  Paris. 
Weckermann.  —  Paris. 
Weisweiller  (Henri).  —  Paris. 
Weisweiller  (Jacob),  avocat.  —  Paris. 
Weisweiller  (Charles).  —Paris, 
Wilmerding.  —  Paris. 
Wolff  (M"^*).  —Paris. 
Wolkenstein  (de).  —  Paris. 
Worms  (Docteur  et  M«"«).  —  Paris. 
Wuel  (MM.).  —  Paris. 
I  Zuylen  deNyevelt  (Baronne).  —  Paris. 


COMPLEMENT 


567 


1894*  —  Parsifal,  Lohengrîn,  Tannhaaser. 


Accard.  —  Marseille. 
Ackermann.  —  Paris. 
Adt  'Émilei.  —  Paris. 
Albert   Eugène  d').  —  Paris. 
Alvin.  —  Limoges. 
Anthen.  —  Paris. 
Augustin.  —  Paris. 
Avril  (Charles).  —  Paris. 
Azevédo  (Comte  d').  —  Paris. 

Barbaux  (M.  et  M"*).  —  France. 

Bauer  (de).  —  Paris. 

Baxter  iMm^i. —  Paris. 

Béarn  (Comte  et  C'-^""  de).  —  Paris. 

Becke  (Comtesse  de).  — Paris. 

Béhier.  —  Paris. 

Bémont  (Docteur  et  >!■"«  Ch.)  —  Paris. 

Bénard  iM.  etM^^).  —Paris. 

Bernestiel  (MM.i.  —  Paris. 

Bernète.  —  Paris. 

Bernheim.  —  Paris. 

Béthouart.  —  Chartres. 

Bettwiller.  —  Paris. 

Blanc.  —  Digne. 

Blangy  iMii<=).  — Paris. 

Blumenthal  (M.  et  M™»).  —  Lyon. 

Bœsch.  —  Paris. 

Bos  iM.  et  M'"^  du).  —Paris. 

Bosdari  (Comte  et  C*«"«  de).  —  Paris. 

Boucher  iHenrii.  —  Paris. 

Boucher  (M™^  G.I.  —  Paris. 

Bouguet  (M"^; .  —  Paris. 

Bouiller  (Victor).  — Paris. 

Bourlon  de  Sarty.  —  Paris. 

Bourton.  —  Lille. 

Boutard  (Joseph).  —  Lyon. 

Bouwens  van  derBoyen  (M™«). — Paris. 

Bovet  (Alfred).  —  France. 

Bresson  (Comtesse  de).  —  Paris. 

Bret.  —  Marseille. 

Bret  (Gustave).  —  Aix. 

Bréville  (Comte  de).  — Paris. 

Bright  iM.  et  M"»*).  —  Paris. 

Brissac  (Comte  de).  —  Paris. 

Broch,  statuaire.  —  Paris. 

Brull.  —  Paris. 

Brunière  (de  la).  —  Paris. 

Caduneau  (M™«  H.).  —  Paris. 


Camondo  (Comte  de).  —  Paris. 
Campincan.  —  Versailles. 
Cantacuzéne  (Docteur  JeanK  —  Paris. 
Cantriano  (Prince).  —  Paris. 
Capitant  (Henri  .  —  Grenoble. 
Cardier  (Joseph).  —  Lyon. 
Carels  (M.  et  M^^*).  —Paris. 
Carlfield.  —  Paris. 
Carmouche  (Henri),  avocat.  —  Nancy. 
Carré  (Albert).  —  Paris. 
Casembroct  (M.  et  M"«  de).  —  Paris. 
Castellane  (Marquis  de).  —  Paris. 
Castrone  (Marquis   et   Marquise  de). 

—  Paris. 
Cerutti  (M'i^).  —  Paris. 
Cervetti  (M.  et  M"»).  — Paris. 
Cessoles  (Comte  de).  —  Paris, 
Chandon  de  Briailles  (Baron).  —  Paris. 
Chandon  de  Briailles  (C'«).  —  Paris. 
Chenevière  (Paul),  avocat.  —  Lyon. 
Chevillard  (M.  et  M"").  —Paris. 
ChoUet  (M.  et  M™«  Ludovic).  —  Paris 
Clapiers  (Comte  de).  —  Paris. 
Claude  (M™e  Nicolas).  —  Paris. 
Codman.  —  Paris. 
Combe  (Docteur  et  M™»).  —  Paris. 
Corneau  (André).  — Paris. 
Corneau  (Georges).  — Paris. 
Cornu  (M™*).  —  Paris. 
Cornu.  —  Paris. 
Cossé  (de).  —  Paris. 
Costabelle  (M""*  de).  —  Montpellier. 
Courtois  (Georges),  architecte. 
Cousin  (M"«  Pauline).  —  Paris. 
Creyeran  (M.  et  M"').    —  Bordeaux. 
Crozier  (Philippe). —  Paris. 
Custard  (Henri).  — Paris. 
Custol.  —  Paris. 
Dagmann.  —  Paris. 
Daiart  (Raymoud).  —  Paris. 
Danel-Duplan  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
David  I Lucien).  —  Paris. 
Davidson.  —  Paris. 
Debore  (Maurice).  —  Paris. 
Decugis  (M.  et  M™=).  —  Paris. 
Decugis  (M 'e).  —  Paris. 
Decugis  (MM.).  —  Paris. 
Delaborde  (Léon).   —  Paris. 


568 


VOYAGE   n.   BAYREUTH 


Delaborde  (Marquise).  —Paris. 
Delagrave  (M.,  M°>«  et  M>'«).  —  Paris. 
Delagrave  (M.  Max).—  Paris. 
Delbrùck  (Alfred).  —  Paris. 
Delius  (MM.).  —  Paris. 
Demonts.  —  Paris. 
Denégre.  —  Paris. 
Desforges  (Pierre).  —  Paris. 
Désiard  (Pierre).  —  Paris. 
Devy  (M-«).  —Paris. 
Dichie  (M'i"  de).  —  Lyon, 
ûietrich  (Baronet  Baronne).—  Paris. 
Dino  (Duchesse  de).  —Paris. 
Dolhassary.  —  Bordeaux. 
Dubasty,  avocat.  —  Paris. 
Dubasty  (M-»*).  —  Paris. 
Duberrier.  —  Paris. 
Dufourmantelle.  —  Paris. 
Duluard  (Gaston).  —  Paris. 
Dumba.  —  Paris. 
Dûment  (H.-L.;.  —  Paris. 
Dûment  (Georges).  —  Paris. 
Dupert  (Paul).  —Paris. 
Dupont  \E.)  architecte.  —  Paris. 
Durand  (Auguste),  éditeur.  —  Paris. 
Durand  (Jacques),  éditeur. —  Paris. 
Economes.  —  Paris. 
Egusquiza  (M.    et  M"«  de).  —  Pans. 
Ephrussi  (Chevalier  Ignace).  —  Paris. 
Erlanger,  compositeur.  —  Paris. 
Ernst  (Alfred).  —  Paris. 
Estrées    de   Lanzac    de  Laborie   (M., 

Mme  et  Mlle  d").  — Paris. 
Evans  (D--  Thomas).  —  Paris. 
Falkemberg.  —  Nice. 
Fancheville  (M.  et  M°>«).  —  Paris. 
Faugier.  —  Lyon. 
Faulotte  (M-»«  de  la).  —  Paris. 
Faulotte  (Louis  de  la).  —  Paris. 
Fernandez.  —  Paris. 
Ferrerie.  —  Nice. 
Feuilloy.  —  Paris. 
Fligel  (Émilien).  —  Paris. 
Forêts  (des).  —  Paris. 
Fournier-Sarlovcze.  —  Paris. 

Gadot.  —  Paris. 

Gailhard,  direct,  de  l'Opéra.  —  Paris. 
&alin  (M-»»).  —  Paris. 
Gardier  (Jean).  —  France. 
Gardner  (M"'  Hélène).  —  Paris. 
Garnier  (Adolphe).  —  Nancy. 
Garnier  (Charles), architecte.  —  Paris. 
Gasmault  (Paul).  —  Paris. 


Gautier  (A.),  —  Nice. 

Gehin  (M"*  Claude).  —  Paris. 

Gensoul  (M™«).  —  Lyon. 

Gentien  (Maurice).  — Paris. 

Gentil.  —  Paris. 

Germain  (M^^).  —  Paris. 

Germain.  —  Paris. 

Germiny  (Comte  Charles  de).  —  Paris. 

Gilbert-Boucher  (M.  et  M"«). —Paris. 

Gillet  (Paul).  —  Lyon. 

Gillon  (Albert).  —  Paris. 

Gilmour.  —  Paris. 

GioUet,  avocat.  —  France. 

Girard  (M^ej.  _.  Lyon. 

Godet  (Docteur).  —  Paris. 

Gortschakoff  (Prince).  —  Paris. 

Goudchnux  (Edmond).  —  Paris. 

Gounet  (Jean  de).  —  Paris. 

Grammont  (Comte  de).  —  Paris. 

Grandin.  —  Paris. 

Grecn.  —  Paris. 

Grensard.  —  France. 

Grioss  (M.  et  M-n^  Jean).  —  Alger. 

Griswold.  —  Paris. 

Grochu.  —  Paris. 

Guérin  (Charles).  —  Paris. 

Guérin  (M.  et  M™«  Edmond).  —  Paris. 

Guérin  (Marcel).  —  Paris. 

Guignet.  —  Paris. 

Haag  (M"»«).  —  Le  Havre. 
Hache  (MH'  et  M.).  —  Paris. 
Hacke  (M™«).  —  Paris. 
Halipre  (André).  — Paris. 
Harcoiirt  (Eugène  d').  —  Paris. 
Hart  (M°"=  Charlotte).  —  Paris. 
Hartonstein  (Léon).  —Paris. 
Hartmann  (M-»»).  —  Paris. 
Hartmann  (Alfred).  —  Paris. 
Havn.  —  Le  Havre. 
Hecht  (M-'^  Albert).  —Paris. 
Hecht  (Mil').  — Paris. 
Henry  (Paul).  —  Paris. 
Heraiaun  (M^e).  _  Paris. 
Hoppin.  —  Paris. 
Horrack  (de).  —Paris. 
Hoskier  (M.  et  M°"=).  —  Paris. 
Hosstrup.  —  Bordeaux. 
Holtinger  (Joseph).  —  Paris. 
Hovelacque  (Docteur).  —Paris. 
Howlaud.  —  Paris. 
Hubbel.  —  Paris. 
Hubert  (Alfre  ' 


COMPLÉMENT 


5G9 


Huf.  —  Paris. 
Hurt  (Victor). 


Paris. 


Jacob  (Eugène).  —  Paris. 
Jamain.  —  Paris. 
Jansenn.  —  Lyon. 
Johnson.  —  Paris. 

Kahn  (Albert).  —Paris. 
Kinen  iM.  et  M'ne).  _  Paris. 
Knoptr  (Docteur  et  M"-»).  —  Paris. 
Komoro\vicz.  —  Nice. 
Krafft  (Hugues).  —  Paris. 
Kullmann  iM"«  Berthei.  —  Paris. 
Kullmann  (Henri).  —  Paris. 

Labbé  (M.  et  M'ie).  —Paris. 
Laborie  (M.  et  M"^).  —  Paris. 
Lacotte-Minard.  —  Paris. 
Laferme  (Adolphe).  —  Paris. 
Lamoureux  (Charles).  —  Paris. 
Lamy.  —  Paris. 
Langer  (M™«).  —  Paris. 
Lannelongue  (Docteur).  —  Paris. 
Lascoux.  —  Paris. 
Lascoux  (Antoine).  —  Paris. 
Lassalle  (Docteur,  M"e  et  M"»).   — 

Villefranche. 
Lassimonne  iM"»).  —  Paris. 
Laubergat.  —  Paris. 
Laurençot  iM"e).  —  Paris. 
Lanvajat  (de).  —  Paris. 
Lazard  iM.  et  M™«  Adolphe).  — Paris. 
Leclercq  l'abbé).  —  Paris. 
Lefebure  (M'"^).  — Paris. 
Lefébure  (Léon).  —  Paris. 
Lefebvre.  —  Paris. 
Lefère  (M.  et  M™').  —  Paris. 
Leglay  (M.  et  M™«  André).  —  Paris. 
Lcgras  (Docteur  Paul).  —  Épinal. 
Lehideux  (Frédéric).  —  Paris. 
Lehideux  (Jacques).  —  Paris. 
Lenorraant  (Charles).  —  Paris. 
Léon  (Docteur  de».  —  Mende. 
Lerch  (dei.  — Paris. 
Leredde  (Emile).  —  Paris. 
Levalois.  —  Paris. 
Levy  (M.  et  ^D'^'^j.  —  Paris. 
Lutaud    Charles).  —  Ajaccio. 
Lyon  (M^e  Edouard'.  —  Paris. 
Lyon  (Mlle  Jeanne.  —  Paris. 
Lyon  (M.  et   M°«  Gustave).  —  Paris. 
Lyon  (M.  et  M™e  Max).  —  Paris. 


Mallet  (Albert).  —  Paris, 

Mallet  (Guillaume).  —  Paris. 

Manessie  (Docteur).  —  Paris. 

Marchesi  (M™'  M.).  —  Paris. 

Margerie  (dei.  —  Paris. 

Marion  (Edgar).  —  Paris. 

Marsay  (Vicomte  R.  de).  —  Paris. 

Marlimprey  (de).  —  Nancy. 

Martin  (Docteur).  —  Paris. 

Max  (Louis).  —Paris. 

Mauveruay  (M.  et  M"»  de).  —  Paris. 

Méguin  (Mnie).  —Paris. 

Méletta  (Louis).  —  Paris. 

Mendcl  i Henri i.  —  Paris. 

Messorer.  —  Marseille. 

Micliaiix    Lucien).  —  Paris. 

Micliel  (Edouard).  —  Paris. 

Miclielot    L.i,  professeur.  — Paris. 

Mignot -  Arduin  -  Chedaille   (MM.) .  — 
France. 

Mocqueris.  —  Neuilly. 
Monnier  (Henri).  —  Paris. 
Montebello  (C»«  Adrien  de).  —  Pari!>, 
Montgolfier.  —  Paris. 
Morane.  —  Paris. 
Morjfse  iPaul).  — Paris. 
Mugmer  d'abbé).  —  Paris. 
Murât  iM.  et  M-n*).  —  Paris. 
Nivac  (Baron  et  Baronne  de;.  —  Paris. 
Nœtzlin   Edmond  .  —  Paris. 
Normant  (Pierre).  —  Paris. 
Ollone   (d').  — Saint-Dié, 
Oppenheim  (D.).  —  Paris. 
Osiander.  —  Lyon, 
Oulif  Edmond).  —  Nancy. 
Oursel.  —  Paris. 
Paillette   Henri).  — Paris. 
Parciuncula  iM™=).  — Paris. 
Pariset.  —  Paris. 
Payen  (MM.).  —Paris. 
Périaul,  professeur.  —  Paris. 
Pcrkins   M.  et  M^m.  —Paris. 
Petit   Charlesi.  —  Paris. 
Philibert  (Henri).  —  Paris. 
Pichin  (M.  et  M«>«).  —  Paris. 
Picquart,  professeur.  —  Paris. 
Picquart  iM"«).  —Paris. 
Pillet-Will  (Comtesse).  —Paris. 
Pillon   Pierre).  —  Lyon. 
Pointu  (Julcs).  —  France. 
Pomereu  (V'«  et  V'«"e  de).—  Paris, 


33 


570 


VOYAGE  A  bayreut:: 


Pons  (Charles).  — Nice. 

Pottiche  (M.  et  M»"'  Maurice).— Paris. 

Potter  (M™e).  —  Paris. 

Pottier  (Renéi.  —  Paris. 

Pozzi  (Docteuri.  —  Paris. 

Prax  (Georges).  — Béziers. 

Prégi  (Mii«  M.),  cantatrice.  —  Paris. 

Prévost.  —  Paris. 

Prieur,  professeur.  —  Limoges. 

Pujo  (Maurice).  —  Paris. 

Pujol  (Joseph).  — Paris. 

Querqui  (M"«).  —  Paris. 

Rastit  (Henri).  —  Marseille. 

Ray  (M.  et  M"«).  —  Paris. 

Reèd  iM"«  Jenny).  —  Paris, 

Regressier  (Jean).  — Paris. 

Remond  (M"«1.  —  Paris. 

René  (Pierre).  —  Paris. 

Reneufre.  —  Bordeaux. 

Reneuille  (Henri).  —  Paris. 

Renié  (Jean),  compositeur.  —  Paris. 

Renié  (Mn^  H.).  —  Paris. 

Renié.  —  Paris. 

Renré.  —  Paris. 

Rey.  —  Paris. 

Reynaud.  —  Paris. 

Ribot  (M™«).  —  Paris. 

Richard.  — Paris. 

Ringley.  —  Paris. 

Riom  (Gustave).  —  France. 

Riom  (Robert).  —  France. 

Riquencourt  (de).  —  Paris. 

Riqueur  (M™»).  — Paris. 

Risler  (Edouard),  pianiste.  —  Paris 

Risler  (Georges).  —  Caudebec. 

Robert  (Georgesi.  —  Paris. 

Robin  (Jules).  —  Paris. 

Robin  (Docteur  Laurent).  —  Paris. 

Rondebusk.  —  Paris. 

Rondolotti.  —  Paris. 

Rongier  (H.).  —  France. 

Rouché  (Jacques).  —Paris. 

Boulier.  —  Paris. 

Rouvenat  (M"«).  —  Paris. 

Rouy  (Paul).  —  Paris. 

Ruckston.  —  Paris. 

Sachs  (Docteuri.  —  Paris, 

Saint-Chéron  (René).  —  Paris. 

Saint-Didier  (Baronne  de).  —  Paris. 

Saint-Paul  (Marquise  de).  —  Paris. 
Saint-Quentin  (Gabriel  de).  —Paris. 


Salaberry  (de),  —  France. 
Salles  (A^dolphe).  —  Paris. 
Sallion  (M"»).  —  Paris. 
Sampayo  (de).  —  Paris. 
Sandmayer  (M"»).  — Paris. 
Sbriglia^  professeur.  —  Paris. 
Schepper  (M.  et  ^i'^^).  — Paris. 
Schœn  (M™«).  —  Paris. 
Schuré  (Edouard).  —  Paris. 
SchAvabacher.  —  Paris. 
Serpelli-Giffard.  —  Paris. 
Severyns  (Jean).  —  Paris. 
Seydoux.  —  Paris. 
Silhol  (Louis).  —  Paris. 
Simon  (M'i«  Marie).  —  Paris. 
Sommier  (Alfred).  —  Paris. 
Soulier.  —  Paris. 

Soulif  (Auguste),  professeur.  — Paria. 
Souza  (Comtesse  de).  — Nice. 
Spandoni  (Eugène).  —  Paris. 
Spanier  (M.  et  M"=).  —  Bordeaux. 
Spandous  (Alexandre).  — Paris 
Sperry.  —  Paris. 
Staron  (Henri).  —  Lyon. 
Sleinbruck.  —  Nice. 
Stern  (M"»!.  —  Paris. 
Steuben  (Baron  de).  —  Paris. 
Tabor.  —  Rochefort. 
Tardy.  —  Lyon. 

Ternaux-CompaDs(M.  etM»>«).  -  Parig. 
Théveneau.  —  Béziers. 
Thorailler  (Henri).  —Paris. 
Thorailler  (Jacques).  —  Paris. 
Thorel  (Jean).  —  Paris. 
Thurner.  —  Paris. 
'Tisserand  (Pierre).  —  Bourges. 
Tonger  (Benoît).  —  Lyon. 
.Trafford.  —Paris. 
Thrystam.  —  Paris. 
Tucher  iHenri  de).  —  Paris. 
UUmann  (Constantin).  —  Paris. 
Vagliano    M.  et  M«°^).  —  Marseille. 
Vallin  (  G.) ,  compositeur.  —  Nancy. 
Van  Delden.  —  Paris. 

Vernet  (Camille).  —  Cannes. 

Vèzes  (Docteur  et  M°*).  —  Rennes. 

Vicat  (M"').  —  Paris. 

Vidal  (M™'  Blanche).  —  Paris. 

Vidal  (Paul).  —  Montpellier. 

Viennot.  —  Paris. 

Villard.  —  Lyon. 


COMPLÉMENT 


571 


Waddington  (M.  et  M"^!.  —  Paris. 
Wegmann  (M"«  de  .  —  Paris. 
West  (M-n-  Clara,,.  —  Paris. 
Williams  (Georges).  —  Paris. 
Worth.  —  Paris 


Zamoïska  iComtesse).  —  Paris. 
Zarifi  (Georges).  —  Marseille. 
Zipperlen  (Adolphe).  —  Paris. 
Zipperlen  (M"'*).  —  Paris. 


1896.  —  ï.a  Tétralosie. 


Adam  (M.  et  M»^  Eugène).  —  Paris. 
Alberton.  —  Paris. 
Allix  i Georges;.  —  Grenoble. 
Amie  I Henri!.  —  Paris. 
Amillet  M.  et  M^-^).  —  Paris. 
Anderson  iM!'"=).  —  Paris. 
Antoque  (André  d').  —  Béziers. 
Aramon  (Comte  et  C'="e  d').  —  Paris. 
Aramon  (Marquise  douairière  d').  — 

Paris. 
Aramon  (Marquis  et  Marquise  d').  — 

Paris. 
Aron  (M^e).  —  Paris. 
Artigue.  —  Paris. 
Astruc.  —  Bordeaux. 
Aubey  (Léon'.  —  Paris. 
Aubry  (M.  et  M-»-^  H.).  —  Paris. 
Auby.  —  Paris. 
Ausset  (M-ne).  —  Algérie. 
Autran  (Frédéric),  avocat. — Marseille. 
Auvray  (Gaston  dj.  —  Sceaux. 

Bagès  (Maurice).  —  Paris. 
Balfour  (M.  et  M«>e).  —  Marseille. 
Barbarroux.  —  Marseille. 
Barbaux  (M.  et  M™«  Ernest). —  Paris. 
Barlhelès  iM.  et  M""^).  —  Lyon, 
Basch  (Victor;,  professeur  à  l'Univer- 
sité. —  Rennes. 
Bastien  (M'i^  .  —  Paris. 
Baume  (Comtesse  de  la).  —  Paris. 
Béarn  (Comtesse  de).  —  Paris. 
Béer  (Jules).  —  Paris. 
Bélard.  —  Paris. 
Bemberg,  compositeur,  —  Paris. 
Benoit  (Camille  .  —  Paris. 
Bèrard  (MM.i.  —  Paris. 
Bérardi  (Gaston).  — Paris. 
Bérengier.  —  Paris. 
Béret  lErnest).  —  Paris. 
Bergon  {W'  Claire;.  —  Paris. 
Bergon  (Frédéric).  — Paris. 
Bergon  (Paul),  compositeur,  —  Paris. 


Berkheim  (Baron  Th.  de).  —  Paris. 

Bernard  (M-^^).  — Paris. 

Bernier  (Louis).  —  Paris, 

Bertrand,  direct,  de  l'Opéra.  —  Paris. 

Bessand  'Charles".  —  Paris. 

Béthouard.  —  Chartres. 

Bibesco  'Princesse).  —  Paris. 

Bibesco  (Princes  Antoine  et  Emma- 
nuel i.  —  Paris. 

Bigot  iM-eCh.^  — Paris. 

BischoCfsheim  (Raphaël). —  Paris. 

Blanchart.  —  Tours. 

Bloch    Emile).  —  Paris. 

Blumenschein.  —  Paris. 

Blumenlhal.  — Paris. 

Bocchois.  —  Paris. 

Boddien  (de).  —  Strasbourg. 

Bois  iDocteur  du;,  —  Paris. 

Boizel  (M.  et  M™«).  —  Paris. 

Bonnet  iMaurice.  —  Paris. 

Bonnier  Jules;.  —  Paris. 

Bonnin.  — Paris. 

Bordes  iCh.),  compositeur.  —  Paris. 

Borel  iMariusi.  —  Paris. 

Borel  (Maxime),  secrétaire  d'ambas- 
sade. —  Paris. 

Borel  iM™«  Maximei.  —  Paris. 

Borghez  (M"=  Yvonney.  —  Paris. 

Borlunt.  —  Paris. 

Bougère.  —  Angers. 

Bouiller  (Victor).  —  Paris. 

Boullé.  —  Paris. 

Bourdin-Bourg.  —  Paris. 

Bourtouline  (Comtesse).  —  Paris. 

Bousquer  (Goonges).  — Paris. 

Boutard  Joseph).  —  Lyon. 

Bouteiller.  —  Paris. 

Boutrouc  (.Alexandre).  —  Paris. 

Bouval  i  Jules),  compositeur.  —  Paris. 

Bouvard  iM"^).  —  Paris. 

Bovet  (Alfred).  —  Valentigny. 

Boyer,  professeur  de  lettres.  —  Paris. 

Brasseur  (M'i«  Marguerite).  —  Paris. 


572 


VOYAGE   A   BAYREUTH 


Bréal.  —  Paris. 
Bregfur  (Hippolyte).  —  Paris, 
Brcitling  (M.  et  M"»).  —  Paris. 
Brémont  (M.  et  M"»»  Charles).  —Paris. 
Bret  (Gustave^,  avocat.  —  Paris. 
Breuilland  (Edmond).  —  Paris. 
Bréville  (J.  de).  —  Paris. 
Brcvillc  (M"»  J.  duU  —  Paris. 
Bréville  V.  de),  compositeur.  — Paris. 
Brossct-Hœckel  (M™').  —  Lyon. 
Brugnon  (Henri).  —  Av. 
Bullet  (M"e  Emma).  —  Paris. 
Burlet  (M"-»).  —  Paris. 

Cagarriga  (Raymond  de).  —  Paris. 

Cahen  d'Anvers  (Comtesse).  —  Paris. 

Cahen  d'Anvers  (M'i«).  —Paris. 

Caillât  IPierre).  —  Paris. 

Caillebotte  (M.  et  M"*  M.).  —  Paris. 

Callemand  (de).  —  Montpellier. 

Calmann-Lévy  (M"«).  — Paris. 

Campbell- Wallet  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Cane  iM.  .  —  Paris. 

Capet  (Eugène).  —  Paris. 

Carlo-Germano,  artiste  musicien.  — 
Nice. 

Carltrian.  —  Paris. 

Carmouche  (Henri),  avocat.  —  Nancy. 

Carnes.  —  Paris. 

Carnot,  ingénieur.  —  Paris. 

Caron  (M"«  Rose),  cantatrice.  —  Paris. 

Carré  (Albert),  directeur  du  Vaude- 
ville et  du  Gymnase.  —  Paris. 

Cartes  (Mi'«  Marie  de).  —  Paris. 

Cézanne  (Alphonse).  —  Marseille. 

Chapias  (Comte  de).  — Paris. 

Chauffeur  (G.).  —Paris. 

Chaumeix  (André).  —  Paris. 

Chaumet  ( W.  ),  compositeur.  —  Paris. 

Chéneviére  (Paul).  —  Lyon. 

Chéradame  (André),  avocat.  —  Paris. 

Chéramy  (Paul).  —Paris. 

Chesnay  (la),  professeur.  —  Paris. 

Chevereau  (Comtesse  U.).  —  Paris. 

Chevillard,  compositeur.  —  Paris. 

Chevillard  (M°>^).  —  Paris. 

Choisnel  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Chopelot  (M.  et  M"").  —  Paris. 

Clary.  —  Paris. 

C.Uussmann  (Aloys),  compositeur.  — 
Clermont-Ferrand. 

Clérissy  (Pierre).  —  Nice. 

Clérissy  (M"«  Vve).  —  Nice. 


Clicquot  de  Mentque  (M"«).  —  Paris. 

Clouet  (M.  et  M"«).  —  Paris. 

Cochin  (Henri),  député.  —  Paris. 

Cochin  iM™=  Henri).  —  Paris. 

Cogordan,  ministre  de  France  en 
Egypte.  —  Paris. 

Cogordan  (M"^).  —  Paris. 

Collas.  —  Paris. 

Colonne  (Edouard),  chef  d'orchestre. 
—  Paris. 

Comminges  (Comtesse  de).  —  Paris. 

Conte  (Alfred).  —  Paris. 

Coppet  (M.  et  M"'^  de).  —  Nice. 

Corneau  (André).  —  Paris. 

Cortot  (Alfred),  pianiste.  —  Paris. 

Cossé  (Comtesse  de).  —  Paris. 

Coste  (M.  et  M°i«).  —  Marseille. 

Coltet  (Charles).  —  Paris. 

Cottinet.  —Paris. 

Courcy  (de).  —  Paris. 

Courtier  (Jules),  professeur  à  l'Uni- 
versité. —  Paris. 

Cramer  (Mi"^  Olga  de).  —Paris. 

Crémor.  —  Paris. 

Crosse  de  Bionville  (Paul).  —  Paris. 

Curel  (François  de),  homme  de  let- 
tres. —  Paris. 

Currie  (J.).  —  Le  Havre. 

Curtis.  —  Lille. 

Dalmas  (Comte  de).  —  Paris. 
Dargent  (Docteur  et  M"=).  —  Paris. 
Debaise  (M"«).  —  Paris. 
Deceter  (Arthur).  —  Paris. 
Decrais,    secrétaire    d'ambassade.  — 

Paris. 
Decrais  (M™e),  —  Paris. 
Degoulet  (Charles),  avocat.  —  Paris. 
Deharme.  —  Paris. 
Deitte  (M"»  Marie).  —  Paris. 
Delacroix  (Henri).  —  Paris. 
Delafosse  (Léon),  pianiste.  —  Paris. 
Delanglade  (Ch.),  sculpteur.  —  Paris. 
Delanslade  (M.  et  M™e).  —  Marseille. 
Delasalle   M.  et  M°>e  a.).  —  Paris. 
Deléage.  —  Paris. 
Deleschamps  (Docteur).  —  Paris. 
Delinois    M.  et  Mii«).  —  Paris. 
Delna  iM'i«  Marie),  cantatrice.  —  Paris. 
Delpire  (M'»^  et  M»»).  —  Paris. 
Demaisons  (Maurice),  avocat.  — 

Paris 


COMPLÉMENT 


573 


Denucé,  professeur    à   la   faculté   de 
médecine.  —  Bordeaux. 

Desgaroc.  —  Marseille. 

Deslandes  (Baron).  —  Paris. 

Destranges  (Etienne).  —  Nantes. 

Deville  iM^^  Jeanne).  —Paris. 

Dino  (Duchesse  de).  —  Paris. 

Dolhassary,  avocat.  —  Bordeaux. 

Doncieux  (M.  et  M-^^j,  _  Paris. 

Donne  {.M™^).  —  Paris. 

Dosen  (M-^^).  —  Paris. 

Doyen  (M.  et  M^e).  —  Paris. 

Drake  (Jacques).  —  Paris. 

Droit  (Charles).  —  Nancy. 

Dubreuil  (MM.).  —  Paris. 

Ducasse  (Henri).  —  Bordeaux. 

Duchène  (M.  et  M"»^).  —    Paris. 

Dufresne  (M.  et  M"«).  —  Dieppe. 

Dujardin.  —  Lille. 

Dujardin  (Edouard).  —  Paris. 

Dukas  (Adrien).  —  Paris. 

Duluard  (Gaston).  —  Paris. 

Dumas  (Adrien).  —  Nîmes. 

Dumas  (M^»  Alice).  —  Nîmes. 

Dumas  (Alphonse).  — Nîmes. 

Dumont  (H.-L.).  —  Paris. 

Dunoyer  (Léon),  avocat.  —  Paris. 

Dupré  (Henri).  — Paris. 

Dupuis  (M^e  j).  _  Paris. 

Durand  (M.  et  M»"»).  —  Paris. 

Durand  (Auguste),  éditeur.  —  Paris. 

Dusart  (Paul).  — Paris. 

Duteil     d'Ozanne,    compositeur.    — 

Paris. 
Eardley  (M""»).  —  Paris. 
Economos  (Aristide).  —  Paris. 
Egusquiza  (Roger  de).  —  Paris. 
Eichthal  ^M.  et  M'i»  d').  —  Paris. 
Eiffeneau.  —  Paris. 
Engel  (Alfred),  professeur.  —Paris. 
Epinois  (de  1').  —  Paris. 
Ephrussi  (J.).  —  Paris. 
Erlanger  (C),  compositeur.  —  Paris. 
Ernst  (.\lf.),  critique  musical.  —  Paris. 
Essel  (Mii«).  —  Paris. 
Estermières  (Robert  d').  —  Paris. 
Estienne  (Henri).  —  Paris. 
Eymar  (Edmond).  —  Marseille. 


Fanta  (M"*).  —  Versailles. 
Farcley.  —  Lyon. 
Fauconnier  (L.).  —  Narbonne. 
Faugier.  —  Lyon. 
Favatier  (P.).  —  Narbonne. 
Ferry  (M.  et  M"*  de).  —  Paris. 
Fey  (Mme^.  _  PaHg. 
Fey  (Comtesse).  —  Paris. 
Fey  (Vicomte).  —  Paris. 
Fiérens-Gévaert  (M^^).  —  Paris. 
Fildesoye  (M.  et  M-"*).  —  Paris. 
Filliaux-Tiger    (M'nsj,    compositeur. 

—  Paris. 
Fitz-Douglas.  —  Paris. 
Fontanes  (M.   et  il'^^j.  —  Paris. 
Fougère  (M'i«  de).  —  Paris. 
Fouillée  iM.  et  M"-  Alfred).  —  Paris. 
Foulquier.  —  Paris. 

Fourchy  (J.).  —  Paris. 

Francillon  (M»*). —Paris. 

Frank   Eugène),   maître  de  chapelle. 

—  Avignon. 

Freyrc-au  (M.  et  M'»^).  —  Bordeaux. 
Fridrich  iGust.),  violoniste.  —  Paris. 
Frœlich  (M"*).  —  Paris. 
Froment  (Marquis  de).  —  Toulouse. 


Fabre  (M.  et  M"»  Marc).  —  Paris. 
Fabre  (Maurice).  —  Narbonne. 
Falconnet  (M"*).  —  Paris. 
Falleck(Mii%M.L.  delà,.— Bordeaux 


G-arets  (M.  et  M""»  des).  —  Paris. 
Garnier  (Charles).  —  Paris. 
Gasnier  (M-"*  Guy).  —  Paris. 
Gasparin  (Comtesse  et  M"«  de).  — 

Nîmes. 
Gauthier-Villars  (M.  et  M»*  Albert). 

—  Paris. 
Gauthier-Villars  (M.   et  M"-  Henri). 

—  Paris. 
Gautier  (.\ntoine).  —  Nice. 
Gavignot  (.A.ndré).  —  Paris. 
Gély  (Paul).  —  Béziers. 
Gentien  (.\ndré).  —  Paris. 
Gentien  (M.  et  M^^  Maurice).  —  Paris. 
Gentien  (Paul).  —  Paris. 
Geoffroy  (Edouard.  —  Paris. 
Georges  (M-»*).  —  Paris. 
Georges  (Éd.),  architecte.  —  Paris. 
Gifford-Dyer    (M.,  M™«   et   Mi'^).   ~ 

Paris. 
Gilbert  (M"*).  —  Paris. 
Gillot.  —  Paris. 
Gimbat  (M.  et  M»«).  —  Paris. 
Girette  (M.,  M-^^  etM"«).  —Paris. 
Gironde  (Comte  et  €'«"•  de).  —Paris. 


574 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


Gjertz  (Bernard). —  Marseille. 
Godillot  (M.  et  M°i«  Alexis).  —Paris. 
Goguet  (Docteur  et  M™'=).  —  Paris. 
Goirand  (Louis).  —  Paris. 
Goldschmidt  (Fernand).  —  Paris. 
Goldschmidt  (Léopold).  —  Paris. 
Goluta.  —  Nice. 
Gompel.  —  Paris. 
Gonnet  (Marquis  de).  —  Paris. 
Gonse  (M"<=).  —  Paris. 
Gouget  (Albert).  —  Paris. 
Goutière-VernoUe.  —  Nancy. 
Gouttenoire  de  Toury.  —  Paris. 
Granfeem  (M'i«  Jeanne).  —  Paris. 
Gras  (Edmond).  —  Paris. 
Griset  (M.  et  M-"»  Jules).  —  Paris. 
Grousset  (M.  et  M^^  de).  —Marseille. 
Grunbaum  (Paull,  auditeur  au  conseil 

d'État.  —  Paris. 
Grunebaum  (M"').  —  Paris. 
Grunebaum-Ballin  (M™»).  —  Paris. 
Gsell  (Paull.  — Paris. 
Guérin  (MM.).  —  Lunéville. 
Goilmant  (Alex.),  organiste.  —  Paris. 
Guiot  (Georges).  —  Paris. 
Guyon  fM"«).  —  Paris. 
Guyot  (M.  et  M^e  Emile).  —  Paris. 
Guyot  (Joseph).  —  Paris. 

.  Haech  (M™«  Jeanne).  —  Paris. 
Hallays  (André),  avocat.  —  Paris 
Halphen.  —  Paris. 
Harcourt (Comte  Eugène d').  — Paris. 
Hartenstein  (Léon).  —  Paris. 
Hartmann  (Docteur).  —  Paris. 
Hartmann  (M°»«).  — Paris. 
Haviland.  —  Paris. 
Hayn.  —  Le  Havre. 
Hébrard(J.),  sénateur.  —  Paris. 
Hecht  (Ernest).  —  Paris. 
Hecht  (M.  et  M"»»  Myrtil).  —  Paris. 
Heine  (Louis),  architecte.  —  Paris 
Hellmann  (M.,  M"=  et  M"*).  —  Paris. 
Herbault.  —  Paris. 
Hérold  (Ferdinand).  —  Paris. 
Herrenschmidt  (M'i««).  —  Paris. 
Hervé  (M.  et  M™«).  —  Paris. 
Heuzey  (M.  et  M"e).  —  Le  Havre. 
Hewlett  (Charles).  —  Paris. 
Higcl  (Docteur).  —  Paris. 
Hillemacher  (P.),  composit.  —  Paris. 
Hirsh  (Edmond).  —  Paris. 
Hohn  (Romana).  —  Paris. 


Holden(M'»«).  -  Paris. 

Homberg  (Octave).  —  Paris. 

Horrack  (M.,  M^^  et  M"*  de).  —  Paris, 

Housebeke(M»»«').  —  Paris. 

Huard  (Gustave >  —  Paris. 

Hubert  (M^e).  —  Paris. 

Hue  (G.),  compositeur.  —  Paris. 

Hue  (Joseph).  —  Béziers. 

Humbcrt    (Georges),    ingénieur    des 

mines.  —  Paris. 
Humiéres  (Vicomte  d').  —  Paris. 
Hunt  iM'i«).  —  Paris. 
Hutchinson  (M"«).  —  Clermont. 

Imbs  (MM.).  —  Paris. 

Jaccoud  (Docteur).  —  Paris. 

Jannel  (M"»  Marie  de),  professeur.  — 

Paris. 
Jansen  (M"^).  —  Paris. 
Jarreau  (Gustave).  —  Bordeaux. 
Javali  Mlle).  — Paris. 
Jeanselme.  —  Paris. 
Jobin  (Joseph).  —  Belfort. 
Joly  (Charles).  —  Paris. 
Jossic  (M.  et  M'as  Henri).  —  Paris. 
Jouon  (Docteur).  —  Nantes. 
Jourdan  (Henri).  —  Marseille. 
Jouve  (Mi'«  Marie-Th,).  —  Cavailloa. 
Juigné(de).  —  Lyon. 
Juillard  (MM.).  —  Épinal. 
Julien  (Charles).  —  Paris. 
Jumet  (M.  et  M"»').  —  Paris. 

Kahn  (Albert).  —  Paris. 

Kahn  (Léopold).  —  Paris. 

Kahn  (M™»  Pauline).  —  Montmédy. 

Keller  (Docteur).  —  Paris. 

Kinen  (M.  et  M™^).  _  Paris. 

Kleeberg  (M"*  Cl.),  pianiste.  —  Paris. 

Klein  (Léon).  —  Paris. 

Klepper  (MH*  Anna).  —  Bordeaux. 

Klug  (Christian).  —  Paris. 

Koning  (M"«  de).  —  Paris. 

Kopfif  (Docteur  et  M-»*).  —  Paris. 

Kunkelmann  (Henri).  —  Paris. 

Lackenbacher,  avocat.  —  Paris. 
Lacombe  (M.  et  M™^  Daniel).  — Paris. 
Lacroix  (M.  et  M<»e).  —  Mulhouse. 
Lacroix  (M'i»   Jeanne).   —  Mulhouse. 
Ladureau.  —  Pontoise. 
Lafaulotte  (Henri).  —  Paris. 
Lambert  (Ant.),  architecte.  —  Paris. 


COMPLEMENT 


575 


Lambert-Cousin  (René).  —  Paris. 

Langen  (M""=).  — Paris, 

Langlois  (Armand'.  —  Paris. 

Langlois  (Charles).  —  Paris. 

Langlois  (Jacques).  — Paris. 

Langlois  -M'i*  M.).  —  Paris. 

Langlois  (Pierre).  —  Paris. 

Lardé  (M.  et  M^^^  René).  —  Paris. 

Lascoux  fAnt.),  ingénieur.  — Arbois. 

Lascoux  (M.  et  M"*),  —  Paris. 

Lasseux  de  Chambine  (M«"»i.  —  Paris. 

LassoAv  (M™e  et  M^-«i.  —  Paris. 

Laurand   Docteur;.  —  Paris. 

Lautier.  —  Paris. 

Léaaté  (MM.).  —  Paris. 

Léauté  (M"»).  — Paris.. 

Le  Bas  'M'iri.  —Paris. 

Lcbaudy  (M.  et  Mm<=  Pierrei.  —  Paris. 

Lebrasseur  (M.  et  M™*).  —  Paris. 

Leclcrcq   l'abbé).  —  Paris. 

Leclercq  iM.  etM"=i.  —  Paris. 

Le  Crosnier  (M.  etM™«),  —  Pnris. 

Ledoux  (Charles;.  —  Paris. 

Leduc  (M.,  Mme  et  M''^).  —  Paris. 

Lee  lM™«  Austini.  —  Paris. 

Lefebvre   Ch.i,  compositeur.  —  Paris. 

Lefèvre  i Gustave).  —  Paris. 

Lefévre  iM°»«).  —  Paris. 

Lefranc  (M.,M'°«  et  M'i^).  —Paris. 

Le  Glay.  —  Paris. 

Legras  i Docteur  Paul).  —  Épinal. 

Leix  (Charles).  —  Paris. 

Lemoine  Albert  ,  procureur  de  la  ré- 
publique. —  Bar-sur-Seine. 

Lemonnier  iM.  et  M"«).  —  Paris. 

Lepel-Cointet  (M°>e).  — Paris. 

Leredde  (Docteur  et  M^^).  —   Paris. 

Léser  (Georges i.  —  Lyon. 

Level.  —  Paris. 

Levéziel  (M™*),  —  Paris. 

Levillain  (Docteuri.  — Nice. 

Lévy  lErnest).  —  Paris. 

Lévy  (M.  etM™«i.  —Paris. 

Liau  (M""^  .A  ).  —  Paris. 

Lichtal  (Docteur  de).  —  Gironde. 

Lichtcnberger  (Henri),  professeur.  — 
Nancy. 

Lidenlaub  (Théodore).  — Paris. 

Liebmnnn.  —  Paris. 

Ligcrct,  professeur.  —  Paris. 

Limet  (Charlesi,  avocat.  —  Paris. 

Liouel-Dauriac.  —  Paris. 


Litvinne  (M^ie).  —  Paris. 
Livington  ^M.  et  M"*;,  — Clermont. 
Loys  iR.  ,  violoncelliste.  —  Paris. 
Lucas  (M"«  Reine),  gouvernante  fran- 
çaise. —  Boston. 
Luquet  (Docteur).  —  Paris. 
Lur-Saluces  (Comtesse  de).  —  Paris. 
Luzzato  (F.  ,  compositeur.  —  Paris 
Lyon  (Mïoe  Edouard).  —  Paris. 
Lyon  (M"e  Jeanne).  — Paris. 
Lyon    M.  et  M"«  Gustave).  —  Paris. 
Lyon  iMax  ,  ingénieur.  —  Paris. 
Lyon    M™°  Max  .  —  Paris. 

Madero  iC;  — Paris. 

Madrazo,  peintre.  —  Paris. 

Maès  iM.  et  M-^^).  —  Paris. 

Maf  'Eugèue-.  —  Paris. 

Magnard  (Albéric),  —  Paris. 

Magny   Comtesse  de).  — Paris. 

Malherbe  iGaston).  —  Rennes. 

Mallarmé  (André).  —  Alger. 

Mallet  (M.  et  M"^  Guillaume;.  —  Paria 

Mancel  (M.  et  M"«).  —  Paris. 

Manchon.  —  Paris. 

Mancilla  (Garcia).  —  Paris. 

Mandard  (M.  et  M-^e).  _  Paris. 

Maquet  (M.  et  M^»^).  —  Lille. 

Maquet  (Henri).  —  Lille. 

Marcel.  — Paris. 

Marcy  (M™^),  cantatrice.  — Paris. 

Mare'(M.  et  M'ie  de).  —  Paris. 

Margolie  (de).  —  Paris. 

Marie  (Docteur).  —  Paris. 

Marigny  (de).  —  Marseille. 

Marotte  (Francisque).  —  Paris. 

Martimprey  (de).  —  Paris. 

Martin   M.  et  M"»'  Al.).  —  Xarbonne 

Martin  lÉmile).  —  Paris. 


Martin  (Maurice) 


Paris. 


Martinet  (M>»«).  —  Vendôme. 
Marx  (M.  et  M^-^  E,).  —  Paris. 
Marx  (J.).  —Paris. 
Marx  (L.).  —Paris. 
Masse,  avocat.  — Nice. 
Masse  (M"').  —  Nice. 
Masurel  (Albert).  —  Tourcoing 
Mathieu  (Maurice).  —  Paris. 
Mattel  (M"«^  Marie).  —  Paris. 
Mauban.  —  Paris. 
Mauny  (dei.  —  Paris. 
Maupéou  (M"«  et  M^'").  —  Paris. 


')76 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


Maury-Renaud  (M™»).  —  Paris. 
Ménard-Dorian  (M^e).  —  Paris. 
Mendcissohn  (Théodore).  —  Paris. 
Merle  (M.  et  M"e  Louis).  —  Paris. 
1    Mersch  (M^e).  —  Paris. 
Mesnard  (Georges).  —  France. 
Mesnard  (Léon). —  France. 
Messager  (A.),  compositeur.  —  Paris. 
Messerer  (Henri).  — Marseille. 
Michaux  (M.  et  M""»  L.).  —  Chartres. 
Michel  (Edouard).  —  Paris. 
Michelot,  maître  de  chapelle.  —  Paris. 
Migeon  (GastonV  —Paris. 
Millot  (MM.  Al.  et  Etienne).  —  Paris. 
Mimant.  —  Paris. 
Molinier  (Auguste).  —  Paris. 
Molinier  (M"«s).  —  Paris. 
Monnier  (Adolphe).  —  Paris. 
Monod  (M.  et  M'ie).  —  Versailles. 
Monod  (Edouard). —Lyon. 
Monrel  (M""  de).  —  Paris. 
Montefiore  (de).  —  Paris. 
MoDtesquiou  (Comte  et  Comtesse  L. 

de).  —  Paris. 
Montesquiou  (Comte  Vladimir  de).  — 

Paris. 
Montrichard  (de).  —France. 
Moore  M.  et  M"«).  —  Paris. 
Moqueris.  —  Neuilly. 
Moreau  (Emmanuel).  —  Paris. 
Moret  (Alexandre).  —  Paris. 
Morisse  (Paul).  —  Paris, 
Mortier  (Alfred).  —  Paris. 
Motereau  iLouis).  —  Paris. 
Mouchet  (M™«).  —  Paris. 
Mouchet  (Paul).  —  France. 
Mugnier  (l'abbé).  —  Paris. 

if  avello.  —  Paris. 
Neufville  (Alexandre  de).  —  Paris. 
Neufville  (Jean  de).  —  Paris. 
Nicolopulo.  —  Paris. 
Nivard-Vaudrey  (Paul).  —  Paris. 

Ocampo  (Narciosso).  —  Paris. 
OUone  (Max  d').  —  Paris. 
Oppenheim  (Baron  Félix).  —  Paris. 
Oppermann  (M.  et  M™«).  —  Marseille. 
Ostermeyer-Chatelain.  —  Alsace. 
Oulmont.  —  Paris. 
Ouvré  (Henri).  —  Bordeaux. 

Painlevé.  —  Paris. 


Paléologue  (Maurice),  homme  de  let- 
tres. —  Paris. 
Pannier  (Paul).  —  Lille. 
Parconnel  (de).  —  Marseille. 
Parent  (M'ie),  prof,  de  piano.  —  Paris. 
Parissot  (.\lberlt.  —  Paris. 
Pavia.  —  Paris. 
Pegnaux.  —  Paris. 
Péladan  (Princesse).  — Paris. 
Péladan  (Sâr).  —  Paris. 
Perreau  (Xavier),  compositeur. 
Perret  (M"*  Méry).  —  Paris. 
Peter  (René).  —  Paris. 
Petit-Thomas  (M^n^  du).  —  Paris. 
PfelT'el  iBaron  et  Baronne).  —  ParisL 
PfeifTer  (G.),  compositeur.   —  Paris 
Philibert.  —  Le  Havre. 
Philipp  (J.),  compositeur.  —  Paris. 
Piault  (René),  avocat.  —  Paris. 
Piazzi  (C).  —Paris. 
Pillet-Will  (Comtesse).  —  Paris. 
Pister  (L.),  chef  d'orchestre.  — Paris. 
Poix  (Princesse  de).  —  Paris. 
Polignac  (Princesse  de).  —  Paris. 
Polignac  (Prince  Ed.  de).  —  Paris. 
Poncé  (Elie).  — Paris. 
Porgès-Wodianer(M'"«etM"«). — Paris* 
Pottier  (René).  —  Paris. 
Pousello  (Mme  et  Mii«).  —  Paris. 
Pouy  (Vicomte  de).  —  Paris. 
Pozzi.  —  Paris. 

Propper  (Siegfr.),  banquier.  —  Paris. 
Provost  (M'ie  Cécile).  —  Paris. 
Pugno  (Raoul),  pianiste.  —  Paris. 
Puyfontaine  (Comte  de).  — Paris. 

Rabaud  (H.),  prix  de  Rome.  —  Paris. 

Raffard  (M"*).  -Paris. 

Raimbourg.  —  Paris. 

Rastit  (Henri).  —  Paris. 

Reed  (Mii<=  Fanny).  —  Paris. 

Reinach  (Joseph).  —  Paris. 

Rémy  (M^*  Adèle).  —  Paris. 

Renaudin  (Paul). —  Paris. 

Renoir  (Pierre)  —  Paris. 

Renou-Soye.  —  Vendôme. 

Réol  (M.  et  M»»").  —  Paris. 

Ricard  (M"»^).  —Paris. 

Richard  iMarius).  —  Paris. 

Richelot  (Gustave).  —  Paris, 

Risler  (M"»  M.).  —  Paris. 

Risler  (Edouard),  pianiste.  —  Paris. 


COMPLEMENT 


577 


Rîvollet  (M.  et  M»»).  —  Paris. 
Robert  iGustave),  avocat.  —  Riom. 
Robinet  de  la  Pichardais.  —  Paris. 
Roccolino  (Baron  de).  — Paris. 
Roche  (Jules),  député.  —  Paris. 
Rodel  (M.  et  M'"^!.  —  Bordeaux. 
Rodocanachi  (Théodore).  —  Paris. 
Roger  (M^e  et  M"=).  —  Paris. 
Rollez  (Gustave).  —  Paris. 
Romain  (Comte  etM"«  dej.  — Angers. 
Romain-Rolland  (M.  et M->ie).  —Paris. 
Romieu.  —  Paris. 
Ronjat  (Jules).  —  Paris. 
Rose  (M.  et  M-^*).  —  Paris. 
Rosset  (Charles).  —  Paris. 
Rosset  (M-ne  Ernest),  —  Paris. 
Rostand  (Alexis).  —Paris. 
Rothschild  (Baronne  G.  de).  — Paris. 
Rouff  (Marcel).  —  Paris. 
Roujon  (Henri),  directeur  des  Beaux- 
Arts.  —  Paris. 
Round  (Mi'M.  —  Paris. 
Rouvillc    Ulric).  —  Paris. 
Roux  (Emile).  — Paris. 
Ruyssen,  professeur.  —Paris. 

Sachs  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Saint-Didier  (Baronne  de).  —  Paris. 
Saint-Didier  (M"«»  de).  —  Lyon. 
Saint-Paul  (A.  de).—  Nantes. 
Saint-Paul  (Marquise  de).  —  Paris. 
Saint-Pierre  (Baronne  R.  de).  —  Paris. 
Saint-Sauveur (C'«"«  de).  —  Paris. 
Saint-Selve  (de).  —  Gironde. 
Sainville  (M.  et  M"*^  de).  —  Paris. 
Salles  (M.  et  M-^^).  —  Paris. 
Samazeuilh  (M.  et  M™e  Ferdinand).  — 

Bordeaux. 
Samazeuilh  (Gustave).  — Bordeaux. 
Sampago  (0.  de).  — Paris. 
Sarchi  (Paul).  — Paris, 
Sarti  (M.  et  M'ne),  _  Paris. 
Saujaud  (Charles),  avocat.  —  Paris. 
Saussaie  (de  la).  —  Paris. 
Sauvage  (M"»  Louise).  —  Paris. 
Sauvrezis  (M''»  Alice).  —  Paris. 
Scaramangna  (M.  et  M"=) .  —  Marseille. 
Schaff  (Ottoi,  compositeur.  —  Paris. 
Schirmer  (Henri).  —  Lyon. 
Schlumberger  (Emmanuel).  — Paris. 
Schlitts  (M.  et  M'ie«).  —Paris. 
Scbmidt.  —  Paris. 


Schutz.  —  Paris, 

Scossa  (M.  et  M"»).  —  Paris. 

Serres  (Baron  et  Baronne  de),  —Paris. 

Servières.  —  Paris. 

Siegfried  (M"»»).  —Paris. 

Silva  (Comtesse).  —  Paris. 

Silva-Lisboa  (M^e).  —  Paris, 

Simon  (André).  —  Paris. 

Simon  (M-^ei.  —  Sarbruck. 

Simon  (M"«  Marguerite;.  —  Paris, 

Simon  (Stanislas),  banquier.  —  Paris. 

Simon-Mégret  (Emile).  — Paris. 

Singer  (L.).  —  Paris, 

Siry  {M'»«).  — Paris. 

Soleniére  (Eugène).  —  Paris, 

Soubre(Mii«).  —Paris. 

Spanier  (C.)  —  Bordeaux. 

Spanier  (J.),  avocat.  — Bordeaux. 

Stanley.  — Paris. 

Stouls'  (M.,  M="«  et  M"e).  —  Paris. 

Stuers  (de) ,  ministre  plénipotentiaire, 
—  Paris. 

Suarez  (M.  et  M^n^).  —  Paris. 

Sultzbach  (M^^  Maurice).  —  Paris. 

Sutte  (J.-F.).  —  Paris. 

Sylvestre  (Armand).  —  Paris. 
Taffanel  (Jacques).  —  Paris. 
Taisne  (Baron  de).  —  Paris, 
Talansier  (M.  et  M»*).  —  Paris. 
î  Tanstein.  —Paris. 
Taravant  (M^'^j.  —  Paris. 
Ternaux-Compan  (M™e).  —Paris. 
Thériane  (M"»  Hélène  de).  —  Paris. 
Thévenin.  —  Paris, 
Thiault  (Camille).  —  Paris. 
Thibault.  —  Chambéry. 
Thiébaut.  —  Paris. 
Thion  de  la  Chaume.  — Paris. 
Thoraillcr(  Jacques  et  Henri). —  Paris. 
Thoret  (M.  et  M">«).  —  Paris. 
Tiersot  (J.), critique  musical. — Paris, 
Tillet  (Jacques  du).  —  Paris. 
Torre   (M'»  de),  diplomate,  —  Paris. 
Tracol  (.André).  —  Paris. 
Trélat  (M™«).  —Paris. 
Trézel,  avocat.  —  Paris. 
TrézeliM^e).  —Paris, 
Trompeaux  (M™*  de).  — Paris. 
Trouselle  (M»*).  —  Paris. 
Ulmann  (Constantin).  —  Paris  . 
Unziker  (Paul).  —  Paris. 


578 


VOYAGE   A    BAYREUTH 


Vaissier  (M»»  A.).  —  Paris. 

Valette  (M.,  M""»  et  M^»).  —  Paris. 

vallon  (Antoine).  —Paris. 

Var-y  (Féli>ct.  —  Paris. 

Vaiicher  (M.  et  M'^^).  —  Mulhouse. 

Vercher  (Gabriel).  —  Saint-Germain. 

Verdier  (Herman).  —  Paris. 

Verneaux  iV'"se  et  Mi'"').  —  Paris. 

Vidal-Naquet.  —  Paris. 

Vidil  (Paul).  —  Giens. 

Viennot.  —  Paris. 

Vignon  (A.)  —  Lyon. 

Villeneuve  (Docteur).  —  Marseille. 

Vital  (M-e).  — Paris. 

Vitali  (Comtesse).  —  Paris. 

Vlasto  (M'»^).  —  Paris. 

VuatinéfM.  et  M"«  Léon).  —  Rennes. 

Vuillet  Baron  .—  Paris. 


Wailly  (Paul  de).  —Paris. 
Walkèr  (M"'^).  —Paris. 
Weingerbcr  (M.  et  M™»).  —  Paris. 
Wendcl  (M.)  —  Paris. 
Wcndcl  (M™e).  —  Paris. 
Wetmore  (M'i*).  — Paris. 
Williere  (M'"^  Berthe).  —Paris. 
Willemin  {^l^^  Eugène).  — Paris. 
Wolft  (Bernard).  — Paris. 
Wolkenstein-Trotsburg   (G'«"e).   — 

Paris. 
Wood  (Mme  Alice).  —  Paris. 
Woolett.  —  Paris. 
Worms  (Docteur).  —  Paris. 
Wyzewa  (M.  et  M^e  de).  —  Paris. 

Zegers-Veckens,  consul.  —  Nice. 
Zeigler  de  Loes  (M.  et  M™«).  — Paris. 


Voir  au  Supplément  (page  5S7)  pour  la  liste  des  TÎsîteurs  Français  en  1S97. 


CATALOGUE  DES  OUVRAGES  LES  PLUS  IMPORTANTS 
Publiés  en  français  sur  Richard  "Wagner  et  son  œuvre'. 


(Je  place  en  tète  les  écrits  de  Wagner  lui-même.  Les  autres  sont 
classés  par  ordre  alphabétique  d'auteurs.  L'astérisque  indique  -^eux 
qui  m'ont  fourni  le  plus  grand  nombre  de  documents.) 

R.  Wagner.  Art  et  Politique.  'Bruxelles.  /.  Sonnes,  1S68.) 
R.  "Wagner.  Le  Judaïsme  dans  la  musique.  (Bruxelles.  /.   Sannes, 
1869.) 

*  R.  Wagner.  L'Œuvre  et  la  Mission  de  ma  vie,  trad.  Hippeau. 
{Dentu.j 

*  Richard  Wagner.  Quatre  Poèmes  d'opéras  'Le  Vaisseau  Fantôme, 
Tannhaeuser,  Lohengrin,  Tristan  et  Iseult)  précédés  d'une  lettre 
sur  la  musique,  avec  notice  de  Charles  Nuitter. 

Nouvelle  édition.  [A.  Durand  et  fils  et  Calmann-Lévy,  189.3.) 
Baudelaire.  Richard  Wagner  et  Tannhauser  à  Paris.  (1861.) 

*  Camille  Benoit.  Richard  Wagner,  Souvenirs  traduits  de  l'alle- 
mand. [Charpentier.  188i.) 

Camille  Benoit.  Les  Motifs  typiques  des  Maîtres  chanteurs.  [Schott.) 
LÉONIE  Bernardini.  Richard  Wagner.  [Marpon  et  Flammarion.) 
*Louis-PiLATE  DE  Brinn'  Galbast  et   Edmond  B.vrthélemy.  La 
Tétralogie  de  l'Anneau  du  Nibelung.  (E.  Dentu,  1894.) 

*  Louis-PiLATE  DE  Brinn'  Gaubast    et  Ed.mond  Barthélémy.   Les 

Maîtres  chanteurs  de  Nurnberg.  {E.  Dentu,  1896.) 

*  Houston    Stewart  Ch.vmberlain.    Le  Drame  wagnérien     {F^con 

Chailley,  1894.) 

Comte  de  Chambrun  et  Stanislas  Legis.  Wagner,  avec  une  intro- 
duction et  des  notes,  illustrations  par  Jacques  Wagrez  (2  volu- 
mes). [Calmann-Lévy,  1895.) 

Champfleurt.  Richard  Wagner.  (1860.) 

Guy  DE  Charnacé.  Wagner  jugé  par  ses  contemporains.  [Lachèze 
et  O',  Angers.) 

1.  Il  existe  un  catalogue  général  de  tous  les  écrits  publiés  sur  'Wagner, 
sous  le  titre:  Katalog  eincr  Richard- Wagner-Bibliothek,  Nachschlagebuch 
inder  gesammten  Wagner-Littcratiir.  —  3  vol.,  Leipzig,  1836-1891. 

Prix  :  3.5  marks;  relié  :  40  marks  50  pfennigs. 


580  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Ernest  Closson.  Siegfried  de  Richard  Wagner.  (Bruxelles.  Schott 
frères.) 

Charles  Cotard.  Tristan  et  Iseult.  Essai  d'analyse  du  drame  et 
des  Leitmotifs.  [Fischbachei\  1S95.) 

Théodore  Duret.  Critique  d'A vaut-Garde.  (1869.) 

D-WELSHAUVERS.  Il    Wagner.  {DibliolJièqnc  Gilon.  Verriers,  1889.) 

Dwelshalvers-Dery.  Tannhaeuser  et  le  Tournoi  des  chanteurs  à  la 
Wartbourg.  [Fischbacher.) 

*Alfred  Eknst.  Richard  Wagner  et  le  Drame  contemporain.  [CaU 
mann-Léi'y.) 

*Ai,FRED  Ernst.  LArt  de  Richard  Wagner.  [Pion,  Nourrit  et  6"'«, 
1893.)  l"^""  volume  'paru).  L'œuvre  poétique;  2"^  volume  (annoncé). 
Lœuvre  musicale. 

Alfred  Er>"st  et  Poirée.  Tannhauser.  [Durand  et  fils.) 

Edmond  Evenepoel.  Le  Wagnérisme  hors  d'Allemagne  (Bruxelles 
et  la  Belgique).  [FischbacJicr,  1891.) 

Flat  (Pavl).  Lettres  de  Bayreuth. 

FrcHS  [M""*).  L'Opéra  et  le  Drame  musical,  d'après  l'œuvre  de  Ri- 
chard Wagner.  (1887.) 

Gasperini  (A.  de).  La  Nouvelle  Allemagne  musicale  :  Richard  Wa- 
gner. 

*  John  Grand-Carteret.  Wagner  en  caricatures.  (Larousse.,  1891.') 
Marcel  Hébert.  Trois  Moments  de  la  pensée  de  Richard  Wagner. 

{Fischbacher,  1894.) 
Marcel  Hébert.  Le  Sentiment  religieux  dans  l'œuvre  de  Richard 

Wagner.    Fischbacher.  1895.) 
Edmond  HiPPEAU.Parsifalet  l'Opéra  wagnérien.  {Fischbacher,  1883  ) 
Adolphe    Jlllien.  Mozart  et  Richard  Wagner  à  l'égard  des  Fran- 
çais  (1881.) 

*  Adolphe  Jullien.  Richard  "Gagner,  sa  vie  et  ses  œuvres.  (1886). 
M.  K.  Maurice  Kufferath).  Richard  Wagner  et  la  9™^  symphonie  de 

Beethoven.  {Schott.  1875.) 
M.    KvFFERATH.  Parsifal  de  Richard  Wagner.  (1890.) 
M.    Klfferath.  L'Art  de   diriger   l'orchestre.    Richard  Wagner  et 

Hans  Richter.  La  Neuvième  Symphonie  de  Beethoven.  (1891.) 

*  Maurice  Klfferath.  Le  Théâtre  de  R.  Wagner.  De  Tannhaeuser 
à  Parsifal.  {Fischbacher,  1891.) 

*  Malrice  Klfferath.  Lettres  de  R.  Wagner  à  Auguste  Rœckel. 
{Breitkopf  et  Hartel,  1894  ) 

Pall  Lindau.  Richard  Wagner.  {Louis  Westhauser,  1885.) 

Charles  de  Lorbac.  Richard  Wagner.  (1861.) 

Catulle  Mendés.  Richard  Wagner.    1886.) 

M""'  E.MILIE  DE  MoRsiER.  Parsifal  et  l'idée  de  la  Rédemption.  {Fisch-» 

bâcher,    1893.) 
Georges  Noufflard.  Richard  Wagner  d'après  lui-même.  (1885.) 


BIBLIOGRAPHIE  581 

Jacques  d'Offoel.  L'Anneau  du  Nibelung  et  Parsifal,   traduction 

en  prose  rythmée  exactement  adaptée  au  texte  musical  allemand. 

[Fischbacher,  1895.) 
HiPPOLYTE   Prévost.  Étude  sur  Richard   Wagner,   à    propos   do 

Rienzi.  (1869.). 
M.  DE  RoMAi>'.  Etude  sur  Parsifal,  [Lachèze  et  C'e,  Angers.) 
M.  DE  Romain.  Musicien-philosophe  et  Musicien-poète.  [Lachèze  et 

C'«,  Angers.) 
*1mile  de  Saixt-Auban.  Un  pèlerinage  à  Bayreuth.  [^Albert  Savine, 

1892.) 
Camille  Saint-Saens.  Harmonie  et  Mélodie. 

*  Edouard  Schuré.  Le  Drame  musical.  (1886.) 

Georges  Servières.  Richard  Wagner  jugé  en  France.  [Librairie 
illustrée.) 

A.Lf3ERT  SouBiEs  et  Chahles  Malherbe.  L'Œuvre  dramatique  de 
Uichard  Wagner.  [Fischbacher,  1885.) — Epuisé. 

Albert  Souries  et  Charles  Malherbe.  Mélanges  sur  Richard 
Wagner.  [Fisbacher,  1892.) 

Charles  Tardieu.  Lettre  de  Bayreuth.  L'Anneau  du  Nibelung.  Re- 
présentations données  en  1876.  [Schott,  1883.) 

Eliza  Wille,  née  Sloma>\  Quinze  Lettres  de  Richard  Wagner,  tra- 
duites de  V allemand  ■par  Auguste  Staps.  (Bruxelles,  feui'e  Mon- 
nom,  1894.) 

Ha>"s  de  Wolzogen.  L'Anneau  des  Nibelungen,  l'Or  du  Rhin,  la 
Yalkyrie  ,  Siegfried,  le  Crépuscule  des  Dieux.  Guide  musical. 
(Paris,  Delagrave.) 

*  La  Revue  wagnérienne.  1'^  année,  du  8  février  1885  au  8  jan- 
vier 1886;  2»  année,  du  8  février  1886  au  15  janvier  1887  (très 
rare.) 


L'INTERPRETATION 


58S 


PARSIFAL 

En  1897. 
(Huit  représentations,  dont  la  dernière  —  19  août  —  était  la  100* 


Chefs  d'orchestre 
Chef   des    chœurs 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-assistants 

sur  la  scène  : 


Amfortas. 

Titurel. 
Gurnemanz. 

Parsifal. 

Klingsor. 

1"  Chevalier. 
2"*  Chevalier. 
3^  Écuyer. 
4"*  Écuyer. 

1"  Écuyer. 
2"*  Écuyer. 


Félix  Mottl. 
Anton  Seidl. 
Julius  Kniese. 
Franz  Beidler. 
Sigm.  von  Hausegger. 
Willibald  Kâhler. 
Oscar  Merz. 
Cari  Pohlig. 
Heinrich  Porges 
Paul  Radig. 
Edouard  Risler. 
Paul  Schumann. 
Rudolf  von  Milde. 
Cari  Perron  i. 
Anton  von   Rooy. 
Wilhelm  Fenten. 
Garl  Grengg. 
Ernst  Wachter. 
Ernest  van  Dyck. 
Wilheim  Gruning. 

Fritz  Plank. 

Wolfg.  Ankenbrank. 
Max  Bucksuth. 
Heinrich  Scheuten. 
Franz  Froneck. 

Mesdames 
Luise  Mulder. 
Luise  Hofer. 


1.  Perron  seul  a  été  appelé  à  tenir  le  rôle  pendant  les  huit  représentations. 


5S4  VOYAGE    A   BAYREUTH 

,  i  Marie  Brema. 

^'  (  Anna  von  Mildenburg. 

Emilie  Gleiss. 
Thila  Plaichinger, 
Josefine  Pfaff. 
Hilda  Pazofsky. 
Luise  Mulder. 
Marie  Altona. 


Les  Filles-fleurs. 


Chœurs  de  44  hommes,  32  femmes 
et  (?)  enfants. 


L'ANNEAU    DU    NIBELUNG 

En  1897. 

(Trois  représentations,  dont  la  dernière  —  du  14  au  17  Août  — 
était  la  35«.) 


Chefs  d'orchestre 
Directeur 

DE   LA    SCÈNE    : 


C  Hans  Richter. 


RÉPÉTITEURS 

et 
musiciens-assistants 
sur  la  scène  : 


Siegfried  Wagner. 
Julius  Kniese. 

Franz  Beidler. 

Sigm.  von  Hausegger. 

Willibald  Kâhler. 

Oscar  Merz. 

Cari  Pohlig. 

Heinrich  Porges. 
I  Paul  Radig. 

Edouard  Risler. 
\  Paul  Schumann. 

L'OR    DU    RHIN 

Cari  Perron. 


Wotan,  ,  .   ,  r,        , 

Anton  van  Rooy  ', 
l.  Van  Rooy  seul  a  été  appelé  à  tenir  le  rôle  pendant  les  trois  représentaliona 


L'INTERPRETATION 


585 


Donner. 

Max  Bucksath. 

Froh. 

Aloïs  Burgstaller. 

Loge. 

Heinrich  Vogl. 

Alberich. 

Frieti.  Friedrichs. 

Mime. 

Hans  Breuer. 

Fasolt. 

Ernst  Wachter. 

Fafner. 

Joliannès  Elmblad. 

Mesdames 

Fricka. 

Mario  Brema. 

Freïa. 

Marion  Weed. 

Erda. 

E.  Schumann-Heink. 

Les  Filles 
du  Rhin. 

(  Joséphine  von  Artner. 

)  Hélène  Hieser. 

(  Luise  Geller-Wolter. 

LA    WALKYRIE 


Siegmund. 

Hunding. 

Wotan. 


Sieglinde. 

Briinnhilde. 

Fricka. 

Gerhilde. 

Helmwige. 

Ortlinde. 

"Waltraute. 

Siegrune. 

Rossweisse. 

Grimgerde. 

Schwartleite. 


j  Heinrich  Vogel  *. 
[  "Wilhelm  Grilning. 

Ernst  Wachter. 

Anton  von  Rooy  *. 

Cari  Perron. 
Mesdames 

Sucher. 

Ellen  Gulbranson. 

Marie  Brema. 

Joséphine  von  Artner. 

Hedwig  Materna. 

Marion  Weed. 

E.  Schumann-Heink. 

Hélène  Hieser. 

Thila  Plaichinger. 

Marie  Altona. 

Luise  Geller-Wolter. 


1.  Vogl  seul  a  été  appelé  à  tenir  le   rôle  aux  trois  représentationa. 

2.  Van  Rooy  seul  a  été  appelé  à  tenir  le  rôle  aax  trois  représentation». 


586 


VOYAGE    A    BAYREUTU 


Siegfried. 

Mime. 

Le  Voyageur. 

Alberich. 

Fafner. 
Erda. 

Briinnliilde. 
L'Oiseau. 


SIEGFRIED 

(  Aloïs  Burgstaller. 
(  Wilhelm  Grûning. 

Hans  Breuer. 
(  Garl  Perron. 
i  Anton  van  Rooy  *. 

Friedr.  Friedrichs. 

Johannes  Elmblad. 

E.  Schumann-Heink. 

Ellen  Gulbranson. 

Emilie  Gleiss. 


Siegfried. 

Gunther. 

Hagen. 

Alberich. 

Brûnnhilde. 

Gutrune. 

Waltraute. 

Les  Nornes. 


Les  Filles 
du  Rhin. 


LE    CREPUSCULE    DES    DIEUX 

Aloïs  Burgstaller. 
Wilhelm  GrUning. 
Rudolf  von  Milde. 
Paul  Greeff. 
Friedr.  Friedrichs. 
Ellen  Gulbranson. 
Luise  Reuss-Belce. 
E.  Schumann-Heink. 
Thila  Plaichinger. 
Luise  Reuss-Belce. 
E.  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Hélène  Hieser. 
Luise  Geller-Wolter. 


Chœurs  de  44  hommes  et  32  femmes. 


1.  Van  Piooy  seul  a  été  appelé  à  tenir  le  rôle  aux  trois  représeotations. 


L'INTERPRÉTATION 


587 


L'ANNEAU    DU   NIBELUNG 

En  1899. 


CuEF    d'orchestre  :  Siegfried  "Wagner. 

Directeur 

Julius  Kniese. 

Michel  Balling. 
Willibald  Kahler. 
Cari  Luze. 
Cari  Muller. 
Cari  Pohlig. 
Eduard  Reuss. 
Paul  Schumann. 
Léopold  Stolz. 
Cari  Waack. 


DE    LA     SCENE 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-assistants 

sur  la  scène  : 


"Wotan. 

Donner. 

Froh. 

Loge. 

Alberich. 

Mime. 

Fasolt. 

Fafher. 

Fricka. 

Freïa. 

Erda. 


Les  Filles 
du  Rhin. 


L'OR    DU    RHIN 

Anton  van  Rooy. 
Hans   Schutz. 
Aloïs  Burgstaller. 
Otto  Briesemeister. 
Fritz  Friedrichs  i. 
Demeter  Popovici. 
Hans  Breuer. 
Hans  Keller. 
Johannes  Elmblad. 

Mesdames 
Luise  Reuss-Belce. 
Marion  Weed. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Adèle  Morano. 
Luise  Geller-Wolter. 


1.  M.     Friedrichs    figurait   sur    les    programmes,    mais    n'a    pas    été  appelé  à 
remplir  ie  rôle. 


&88 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


LA    WALKYRIE 


Siegmund. 

Hunding. 
Wotan. 

Sieglinde. 

Brûnnhildl. 

Fricka. 

Gerhilde. 

Helmwige. 

Ortlinde. 

Waltraute. 

Siegrune. 

Rossweisse. 

Grimgerde. 

Schwartleite. 


Aloïs  Bui'gstaller. 
Ernst  Krauss. 
Peter  Heidkamp. 
Hans  Keller. 
Anton  van  Rooy. 

Mesdames 
Rosa  Sucher. 
Ellen  Gulbranson. 
Luise  Reuss-Belce. 
Marie  Brandis. 
Joséphine  von  Artner. 
Else  Breuer. 

Ernestine  Schumann-Heiuk. 
Johanna  Dietz. 
Emilie  Feug-e-Gleiss. 
Adiienne  Osborne. 
Luise  Geller-Wolter. 


SIEGFRIED 


Siegfried. 

Mime. 

Le  Voyageur. 

Alberich. 

Fafner. 

Erda. 

Briinnhildl. 

L'Oiseau. 


Ernest  Krauss. 
Erik  Schmedes. 
Hans  Breuer. 
Anton  van  Rooy. 
Fritz  Friedrichs. 
Demeter  Popovici. 
Johannes  Elmblad. 

Mesdames 
Ernestine  Schuraar.n-Heink. 
Ellen  Gulbranson. 
Emilie  Feuge-Gleiss. 


L'INTERPRETATION 


589 


LE    CRÉPUSCULE    DES    DIEUX 


Siegfried. 

Gunther. 
Hagen. 

Alberich. 

Brûnnhild. 

Gutrune. 

Waltrautel. 

Les  Nornes. 


Les  Filles 
du  Rhin. 


Ernst  Krauss. 
Erik  Schmedes. 
Léopold  Demuth. 
Félix  Krauss. 
Fritz  Friedrichs. 
Demeter  Popovioi. 

Mesdames 
Ellen  Gulbranson. 
Johanna  Dietz. 
Ernesline  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Adrienne  Osborne. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Adèle  Moruno. 
Luise  Geller-Wolter. 


Chœurs  de  49  hommes,  45  femmes. 


PARSIFAL 

En  1899. 


Chef    d'orchestre 

Directeur 

de  la  scène  : 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-assistants 

sur  la  scène  : 


Franz  Fischer. 

Julius  Kniese. 

Michel  Balling. 
^yillibald  Kahler. 
Cari  Luzc. 
Cari  Muller, 
Cari  Pohlig. 
Eduard  Reuss. 
Paul  Schumann 
Leopold  Stolz. 
Cari  Waack 


590 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Amfortas. 

Titurel. 

Gurnemanz. 


Parsifal. 

Klingsor. 
1"  Chevalier. 
2"' "  Chevalier. 
3  ■•=  Écuyer. 
4"'  Écuyer. 

1"  Écuyer. 
2"*'  Écuyer. 

Kundry. 


Les  Filles-fleurs. 


Hans  Scbûtz. 
Wilhelm  Fenten. 
Félix  Krauss. 
Anton  Sistermans. 
Ernst  Wachter. 
Aioïs  Burgstaller, 
Emile  Gerhaûser. 
Erik  Schmedes. 
Demeter  Popovici. 
Hans  Durber. 
Cari  Schmiedek. 
Wolfgang  Ankenbrank. 
Hans  Breuer. 
Mesdames 
Adèle  Morano. 
Adrienne  Osborne. 
EUen  Gulbranson. 
Milka  Ternina. 
Josépbine  Ton  Artner. 
Else  Breuer. 
Jobanna  Dietz. 
Emilie  Feuge-Gleiss. 
Adèle  Morano. 
Marion  Weed. 


Gbœurs  de  49  bommes,  45  femmes  et  40  enfants. 


LES    MAITRES   CHANTEURS 

En  1899. 


Chef  d'orchestre  : 
Directeur 
de  la.  scène  \ 


Hans  Ricbter. 
Julius  Kniese. 


L'INTERPRETATION 


S91 


RÉPÉTITEURS  1 

.  .     "    .  ) 

musiciens-assistants  \ 

sur  la  scène  :  i 


Hans  Sachs.  j 

Veit  Pogner. 

Sextus  Beckmesser. 

Fritz  Kothner. 

Walther  von  Stolzing. 

David. 

Vogelgesang. 

Nachtigall. 

Zorn. 

Eislinger. 

Moser. 

Ortel. 

Schwartz. 

Foltz. 

Le  Veilleur  de  nuit. 

Eva.  j 

Madeleine. 


Michel  Balling. 

Willibald  Kahler. 

Cari  Luze. 

Cari  Muller. 

Cari  Pohlig. 

Eduaid  Reuss. 

Paul  Schumann. 

Léopoid  Stolz, 

Cari  Waack. 

Léopoid  Demuth. 

Anton  van  Rooy. 

Anton  Sistermans. 

Fritz  Friedrichs. 

Peter  Heidekamp. 

Ernst  Krauss. 

Schramm. 

Otto  Briesemeister. 

Schmiedek. 

Pennarini. 

Durber. 

Ankenbrank. 

Thomasczeck. 

Eberth. 

Keller. 

Adam. 

Mesdames 
Johanna  Gadski-Tauscher.  " 
Beatrix  Kernic. 
Ernestine  Schumann-Heink. 


Chœurs  de  49  hommes,  45  femmes. 


592 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


L'ANNEAU    DU    NIBELUNG 

En  1901. 


Chefs  d'orchestre 

Directeur 
de  la  scène  : 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-a'sistants 

sur  la  scène  : 


Hans  Richter. 
Siegfried  Wagner. 

Julius  Kniese. 

Michael  Balling. 
Franz  Beidler. 
Alfred  Goriot. 
WiUibald  Kàhler. 
C.  Kaiser. 
Car]  Luze. 
Cari  Millier. 
Eduard  Reuss. 
Hugo  Riidel. 
K.-D.  Schwab. 


Wotan. 

Donner. 

Froh. 

Loge. 

Alberich. 

Mime. 

Fasolt. 

Fafner. 

Fricka. 

Freïa. 

Erda. 


Les  Filles 
du  Rhin. 


L'OR    DU    RHIN 


Théodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 
Hans  Schtitz. 
Alois  Burgstaller. 
Franz  Joseph  Petler. 
D'  Otto  Briesemeister. 
Fritz  Friedrichs. 
Hans  Breuer. 
Hans  Keller. 
Johannes  Elmblad. 

Mesdames 
Louise  Reuss-Belce. 
Fanchette  Verhunk. 
Ernestinc  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Sophie  David. 
Ottilie  Metzger. 


L'INTERPRETATION 


5'J3 


Siegmund. 

Hunding. 

Wotan. 

Sieglinde. 

Brûnnhild. 

Fricka. 

Gerhilde. 

Helmwige. 

Ortlinde. 

Waltraute. 

Siegrune. 

Rossweisse. 

Grimgerde. 

Schwertieite. 


LA    WALKYRIE 

Alois  Burgstaller. 
Ernst  Kraus. 
Peter  Heidkamp. 
Théodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 

Mesdames 
Marie  Wittich. 
Ellen  Gulbranson. 
Louise  Reuss-Belce. 
Sophie  David. 
Joséphine  von  Artner. 
Fanchelte  Verhunk. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Rosa  Ethofer. 
Maria  Knupfer. 
Ottilie  Metzger. 
Anna  Huber. 


Siegfried. 

Mime. 

Le  Voyageur. 

Alberich. 
Fafner. 

Erda. 

Brûnnhild. 

L.*Oiseau. 


SIEGFRIED 

Ernst  Kraus. 
Erik  Schmedes 
Hans  Breuer. 
Théodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 
Fritz  Friedrichs. 
Johannes  Elmblad. 

Mesdames 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Ellen   Gulbranson. 
Emilie  Feuge-Gleiss. 


LE    CREPUSCULE    DES  DIEUX 


r  iegfried. 

Gunther. 

Hagen. 

A-lberich. 


Ernst  Kraus. 
Erik  Schmedes. 
Rudolf  Berger. 
Robert  Blass. 
Fritz  Friedrichs, 


594 


VOYAGE  A  BAYREUTH 


Brûnnhild. 

Gutrune. 

Waltraute. 

Les  Norncs. 

Les  Filles 
du  Rhin. 


Mesdames 
Ellen  Gulbranson. 
Louise  Reuss-Belce. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Louise  Reuss-Belce. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Sophie    David. 
Ottilie  Metzger. 


Chœurs  de  32  hommes,  12  femmes. 


PARSIFAL 

En  1901. 


Chef  d'orchestre 
Directeur 
DE  LA  scÈ>E  : 


Répétiteurs 

et 

musiciens-assistants 

su?-  la  scène  : 


Amfortas. 
Titurel. 
Gurnemanz. 
Parsifal. 


Karl  Muck. 

Julius  Kniese. 

Michael  Balling. 
Franz  Beidler. 
Alfred  Cortot. 
Willibald  Kâhler. 
C.  Kaiser. 
Cari  Luze. 
Cari  Muller. 
Eduard  Reuss. 
Hugo  Rûdel. 
K.-D.  Schwab. 
Rudolf  Berger. 
Hans  Schtitz. 
Robert  Blass. 
Paul  Knupfer. 
Robert  Blass. 
Paul  Knupfer. 
Ernest  Van  Dyck. 
Erik  Schmedes. 


Klingsor. 

1"  Chevalier. 
2'  Chevalier. 
3®  Ecuyer. 
4"  Écuyer. 

V  Écuyer. 
2'  Écuyer. 

Kundry. 


Les*Filles-Fleurs. 


L'INTERPRETATION 

Fritz  Friedrichs. 
Hans  Schtitz. 
Franz  Joseph  Petter. 
Richard  Kônnecke. 
Willy  Merkel. 
Hans  Breuer. 
Mesdames 
Fanchette  Verhunk. 
Rosa  Ethofer. 
Ellen  Gulbranson. 
Marie  Wittich. 
Joséphine  von  Artner. 
Sophie  David. 
Rosa  Ethofer. 
Emihe  Feuge-Gleiss. 
Maria  Kntipfer. 
Fanchette  Verhunk. 


595 


Chœurs  de  60  hommes,  46  femmes  et  45  enfantf 


LE    VAISSEAU    FANTOME 

En  1901. 


Chef  d'orchestre 
Directeur 
DE  LA  scÈN  e: 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-assistants 
sur  la  scène  : 


Daland. 


Félix  Mottl. 

Julius  Kniese. 

/  Michael  Balling. 
Franz  Beidler. 
Alfred  Cortot. 
Willibald  Kâhler. 
C.  Kaiser. 
Cari  Luze. 
Cari  Mûller. 
Eduard  Reuss. 
Hugo  Rûdel. 
K.-D.  Schwah. 
Peter  Heidkamp, 


5i)6 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Erik. 

X.e  Pilote. 

X.e  Hollandais. 


Seata. 
Mary. 


Alois  Burgstaller. 
Ernst  Kraus, 
Franz  Josef  Petter. 
Théodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 

Mesdames  ' 

Emmy  Destinn. 
Louise  Reuss-Belce. 
Ernestine  Schumann-Heink. 


Chœurs   de  60  hommes,  46  femmes. 


L'ANNEAU    DU    NIBELUNG 

En  1902. 


Obefs  d'orchestre 

Directeur 
de  la.  scène  : 


■■\ 


RÉPÉTITEURS 

et 

47iusiciens-assistants 

sur  la  scène  : 


Hans  Richter. 
Siegfried  Wagner. 

Julius  Kniese. 

Michael  Balling. 
Frantz  Beidler. 
Charles  Inches. 
C.  Kaiser. 
Alfred  Lorenz. 
Cari  Millier. 
Julius  Priiwer. 
Eduard  Reuss. 
Anton  Schlosser. 


"Wotan. 

Donner. 
Froh. 
Loge. 
Alberich. 


L'OR    DU    RHIN 

(  Théodor  Bertram. 
(  Anton  %^an  Rooy. 

Hans  Schtitz. 

Aloïs  Burgstaller. 

D'  Otto  Briesemeister. 

Fritz  Friedrichs. 


L'INTERPRETATION 


5Î>7 


Mime. 

Hans  Breuer. 

Fasolt. 

Paul  Bender. 

Fafner. 

Johannes  Elmblad. 

Mesdames 

Fricka. 

Louise  Reuss-Belce. 

Freia. 

Olga  Pewny. 

Erda. 

Ernestine  Schumann-Heink, 

Les  Filles 
du  Rhin. 

/  Joséphine  \on  Artner. 
)  Maria  Knupfer. 
(  Ottilie  Metzger. 

LA    WALKYRIE 


Siegmund. 

Hunding. 

"Wotan. 


Sieglinde. 

Brûnnhild. 

Fricka. 

Gerhilde. 

Helmwige. 

Ortlinde. 

Waltraute. 

Siegrune. 

Ros-weisse. 

Grimgerde. 

Schwertleite. 


Aloïs  Burgstaller. 
Ernst  Kraus. 
Max  Lohfing. 
Théodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 

Mesdames 
Marie  Wittich. 
Ellen  Gvilbranson. 
Louise  Reuss-Belce. 
Adèle  Olto-Morano. 
Joséphine  von  Artner. 
Olga  Pewny. 

Ernestine  Schumann-Heink. 
Hermine  Kittel. 
Maria  Knilpfer. 
Ottilie  Metzger. 
Johanna  Neumeyer. 


SIEGFRIED 


Siegfried. 

Mime. 

Le  Voyageur. 

Alberich. 
Fafner. 


Aloïs  Burgstaller. 
Ernst  Kraus. 
Hans  Breuer. 
Tbéodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 
Fritz  Friedrichs. 
Johannes  Elmblad, 


598 


VOYAGE  A  BAYREUTH 


Erda. 

BrûnnMld. 

r.'Oiseau. 


Mesdames 
Ernestine  Schumann-Heink. 
EUen  Gulbranson. 
Emmy  Destinn. 


LE    CRÉPUSCULE    DES    DIEUX 


Siegfried. 

■Gunther. 

Bagen. 
Alberich. 

Brûnnhild. 

Outrune. 

"Waltraute. 

Xies  Nornes. 


Les  Filles 
du  Rhin. 


Aloïs  Burgstaller. 
Ernst  Kraus. 
Theodor  Bertram. 
Cari  Perron. 
Hans  Schiitz. 
Richard  Mayr. 
Fritz  Friedrichs. 

Mesdames 
Ellen  Gulbranson. 
Luise  Reuss-Belce. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Hermine  Kittel. 
Ottilie  Metzger. 
Ernestine  Schumann-Heink. 
Joséphine  von  Artner. 
Maria  Knupfer. 
Ottilie  Metzger. 


Chœurs  de  32  hommes,  12  femmes. 


PARSIFAL 

En  1902. 


Chefs  d'orchestre 
Directeur 

DE   LA   scène  : 


Félix  Mottl. 
Karl  Muck. 

Julius  Kniese. 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-assistants 

sur  la  scène  ; 


Amfortas. 


Titurel. 

Gurnemanz. 

Parsifal. 

Klingsor. 

1"  Chevalier. 
2^  Chevalier. 
3«  Écuyer. 
4'  Écuyer. 

1"  Écuyer. 
2*  Écuyer. 

Kundry. 


Les  Filles-Fleurs. 


L'INTERPRÉTATION 

Mifhacl  Balling. 
Frantz  Beidier. 
Charles  Inches, 
G.  Kaiser. 
Alfred  Lorenz, 
Cari  Muller. 
Julius  Priiwer, 
Eduard  Reuss. 
Anton  Schlosser. 
Cari  Perron. 
Theodor  Reichmann. 
Hans  Schutz. 
D'  Félix  Kraus. 
Paul  Knupfer. 
D''  Félix  Kraus. 
Paul  Knupfer. 
Aloïs  Burgstaller. 
Erik  Schmedes. 
Fritz  Friedrichs. 
Hans  Schutz. 
Cari  Wil(îbrunn.    . 
Richard  Mayr. 
Philip  Brozel. 
Hans  Breuer. 

Mesdames 
Olga  Pewny. 
Hermine  Kittel. 
Ellen  Gulbranson. 
Marie  Wittich. 
Olga  Pewny. 
Adèle  Otto-Morano. 
Aima  Saccur. 
Joséphine  von  Arlner, 
Maria  Knupfer. 
Hertnine  Kittel. 


599 


Chœurs  de  60  hommes,  46  femmes  et  45  enfant». 


600 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


LE    VAISSEAU    FANTOME 

En  1902. 


Chef  d'orchestre 

Directeur 

de  la  scène  : 


RÉPÉTITEURS 

et 

musiciens-assistants 

sur  la  scène  : 


Daland. 

Erik. 

Le  Pilote. 

Le  Hollandais. 


Senta. 
Mary. 


Félix  Mottl. 

Julius  Kniese, 

Michael  Balling. 
Frantz  Beidler. 
Charles  Inches. 
C.   Kaiser. 
Alfred  Lorenz. 
Cari  Millier. 
Julius  Prûwer. 
Eduard  Reuss. 
Anton  Schlosser. 
Paul  Knùpfer, 
Max  Lobfing. 
Emil  Borgmann. 
Ernst  Kraus. 
Philip  Brozel. 
Theodor  Bertram. 
Anton  van  Rooy. 

Mesdames 
Emmy  Destinn. 
Ernestine  Schumann-Heink. 


Chœurs  de  60  hommes,  42  femmes. 


LISTE    APPROXIMATIVE    DES    FRANÇAIS 

VENUS  AUX  REPRÉSENTATIONS  DU  THEATRE  DES  FETES  DE  BAYREUTH 

En  1897. 


ISeX  —  La  Tétralogie.  Parsifal. 


Adam  (M.  et  M"").  —  Paris. 
Adiny  (M"").  —  Paris. 
Adt  (M.  et  M"«  Emile).  —  Paris. 
Agache  (Alfred).  —  Paris. 
Allix  (M.  et  M"*  Georges).  —  Gre- 
noble. 
Alquier  (Maurice).  —  Paris. 
Alvarez.  —  France. 
Alverny  (M"«  d').  —  Paris. 
Amie  (Henri).  —  Paris. 
Anosoff  (M°°«).  —  Paris. 
Amoureux  (M.  et  M°").  —  Paris. 
Aoust  (J.).  —  Montpellier. 
Arnault.  —  Paris. 
Aron  (Armand).  —  Paris. 
Austin-Lee  (M"').  —  Pans. 
Auvity  (€■-').  —  Paris. 
Azevedo  (C'«  et  C'«"«).  Paris. 

Balay  (M.  et  M"^  H.).  —  Lyon. 
Baldensperger.  —  Nancy. 
Barbarroux  (Paul).  —  Marseille. 
Barbaux  (M.  et  M™'  Ernest).  —  Paris. 
Barbette  (M"»").  —  Paris. 
Baume  (C'""  de  la).  —  Paris. 
Bauer  (M"'  de).  —  Paris. 
Beaufort  (C®  de).  —  Paris. 
Beaunis  (M.  et  M"=).  —  Cannes. 
Béchet  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Béchet  (Maurice).  —  Paris. 
Béer    (M.    et   M'"^    Guillaume).     — 

Paris. 
Béer  (Jules).  —  Paris. 
Belland  (M"»).  —  Béziers. 
Bénilan  (A.).  —  Paris. 
Benoist  (M"°^).  —  Béziers. 
Benoit-Champy  (M-^^).  —  Paris. 
Bérard  (MM^=).  —  Paris. 
Bérard  (M^^  Ph.).  —  Paris. 


Bernac  (Jean).  —  Paris. 
Bernand  (M""*^;.  —  Yillefranche. 
Bernhardt  (M"«j.  —  Pau. 
Bertelin  (M'"^).  —  Paris. 
Berthelin  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Berthier  (H.).  —  Paris. 
Béthouart  (M.  et  M"«).  —  Chartres. 
Beyle  (Gaston).  —  Paris. 
Bibesco  (Presse  Al.).  —  Paris. 
Bibesco    (P<="    Emm.    et   Ant.).    — 

Paris. 
Birmont  (Paul).  —  Paris. 
Bischoffsheim  (R.),  député.  —  Paris. 
Bizot.  —  Paris. 
Blachire  (M"«).  —  Lyon. 
Blanc  (Bo°  et  B°°°^).  —  Paris. 
Blanc  (Albert).  —  Paris. 
Blanc-Garin  (M.  et  M""»).  —  France. 
Bloch  (M.  et  M""^  Emile).  —  Paris. 
Blum  (M"«  L.).  —  Paris. 
Blumenthal  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Boca  (Léon).  —  Paris. 
Bochud  (M.  et  M"-).  —  Paris. 
Boeswillwald,   ingénieur.   —   Paris. 
Boivin.  —  Paris. 
Bonnal  (E.).  —  Montpellier. 
Bonegal  (G"').  —  Paris. 
Borel  (M.).  —  Paris. 
Borghez  (M"=  Yvonne).  —  Paris. 
Bouchez  (xM.  et  M'i^  H.).  —  Paris. 
Boullé  (Maurice).  —  Paris. 
Boulois  (M'"^  et  M"').  —  France. 
Boutet  de  Monvel  (M"").  —  Paris. 
Boutroue  (M.  etM™^  Alex.).  —  Paris. 
Bourget  (M"«  M.).  —  Paris. 
Bouwens  van  der  Boyen  (M.  et  M°«). 

—  Paris. 
Boyer  (A.).  —  Bordeaux. 
Bret  (Gustave).  —  Paris. 


602 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Bréval  (M"'  Lucienne),  de  l'Opéra. 

—  Paris. 
Brenziger  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Briantchaninoff.  —  Paris. 
Brière  (Henri).  —  Paris. 
Brin  (B»""').  —  Paris. 
Brincart  (B""  Georges).  —  Paris. 
Brossel-Hecker  (M"").  —  Lyon. 
Brossin  de  Méré  (V'»).  —  Paris. 
Brotemann  (Arthur).  —  Lyon. 
Brunel  (Ed.).  —  Pau. 
Brussel  (Robert).  —  Paris. 
Bulteau  (M»").  —  Paris. 

Cahen  (C'""  Louis).  —  Paris. 

Gain  (Henri).  —  Paris. 

Calvé  (M"«  Emma),  de  rOpéra-Comi- 
que.  —  Paris. 

Capet  (Eug.).  —  Paris. 

Carfort  (C"  et  C»""  de).  —  Paris. 

Carmouche,  avocat.  —  Nancy. 

Caron  (M.  et  M""').  —  Paris. 

Carré  (Albert).  —  Paris. 

Carricu  (Eug.).  —  Nîmes. 

Casa  Riera  (M"  de).  —  Paris. 

Cauvet  (M.  et  M»»).  —  Marseille. 

Castera  (René  de).  —  Paris. 

Caussade  (Georges).  —  Paris. 

Cazabonne  (M.  et  M<^^).  —  Angers. 

César  (M"^).  —  Paris. 

Cerf  (M.  et  M"«).  —  Paris. 

Chabaneix  (Joseph).  —  Nontron. 

Chambannes  (C»"«  de).  —  Paris. 

Chamberet  (Raoul, ,  attaché  à  la  Lé- 
gation. —  Munich. 

Chandon  de  BriaUes  (C"  et  C'«"  G.). 

—  Paris. 
Chanoine-Davranches   (M.   et  M"«). 

—  Rouen. 
Chanoine-Davranches     (MM").     — 

Rouen. 
Chapelet  (R.).  —  Paris. 
Charbonneaux  (Georges).  —  Reims. 
Charpentier  (MM").  —  Toulon. 
Chartran  (M.  et  M""*  Th.).  —  Paris. 
Chautard  (Emile),  artiste  dramatique. 

—  Paris. 

Cheramy  (P.-A.).  —  Paris. 
Chesneau  (M.  et  M»*  G.).  —  Paris. 
Chevalier  (M.  et  M»'  P.).  —  Paris. 


Chevillard   (M.  et  M°«  Camille).  — 

Paris. 
Chibie.  ^-  Lyon. 
Chiiîon  (de).  —  Versailles. 
Christiani  (B»°  F.).  —  Paris. 
Cid  Garcia  (M"').  —  Paris. 
Clado.  —  Paris. 
Claparède  (René).  —  Juvisy. 
Clapiers  (C  de).  —  Paris. 
Clay  (M»').  —  Paris. 
Clériceau  (Alfred).  —  Paris. 
Cochino  (C^  P-)-  —  Paris. 
Cogordan  (M.  et  M°«).  —  Paris. 
Collet.  —  Paris. 
CoUinet.  —  Paris. 
Colonne  (Edouard),  chef  d'orchestre. 

—  Paris. 
Comminges  (C'""  de).  —  Châlons. 
Coninck  (M.  et  M"*  R.  de).  —  Chà- 

teauroux. 
Coppet  (M.  et  M"«  de).  —  Nice. 
Coppet  (Ch.-A.  de).  —  Nice. 
Corbière  (M"=  de  la).  —  Nîmes. 
Gordeux.  —  Paris. 
Corner  (Edouard).  —  Paris. 
Cortot  (Alfred).  —  Paris. 
Coste  (M"«)-  —  Paris. 
Courtois.  —  Lille. 
Courtois  (de).  —  Paris. 
Courval  (V«»»««  de).  —  Paris. 
Coutouly  (Gust.).  —  Paris. 
Cramer  (M"«  O.  de).  —  Paris. 
Crèvecœur  (L.  de).  —  Paris. 
Cuewas  (M"^).  —  Paris. 
Cuffer  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Custot  (F.).  —  Paris. 

Dalmas  (C"  de).  —  Paris. 
Dampt  (Jean).  —  Paris. 
Debans  (M"^).  —  Bordeaux. 
Defruis.  —  Paris. 
Delacroix  (M»«).  —  Paris. 
Delacroix  (H.).  —  Paris. 
Delaporte  (D').  —  Paris. 
Deleschamps  (D')-  —  Paria 
Deligand  (M»«).  —  Paris. 
Desalles.  —  Béziers. 
Desbleds  (M»«).  —  Paris. 
Detivieux  (M«").  —  Paris. 
Deutsch  (Henri).  —  Paris. 
Devin  (Charles).  —  Paris. 


COMPLÉMENT 


6C3 


Didot  (Louis).  —  Paris. 
Diémer  (M.  et  M™*).  —  Paris. 
Dilavare  (M.  et  M™').  —  Paris. 
Dorado  (M"«  L.).  —  Paris. 
Doyen  (M-"'  Th.).  —  Paris. 
Dreyfus  (Hippolyte).  —  Paris. 
Dreyfus  (M.  et  M™«  T.).  —  Paris. 
Droz  (M»*).  —  Montbéliard. 
Droz  (M.  et  M"»).  —  Paris. 
Dubois  (M.  et  M"»).  —  Bordeaux. 
Duborg  (Jules).  —  Marseille. 
Duceau  (H.).  —  Paris. 
Dufresne  (M.  et  M"«).  —  Dieppe. 
Duguet  (Charles).  —  Paris. 
Dujardin.  —  Lille. 
Dujardin  (M.  et  M""  Ed.).  —  Paris. 
Dulong  de  Rosnay  (C'"").  —  Paris. 
Dulong  de  Rosnay  (Joseph).  —  Paris. 
Duluard  (G.).  —  Paris. 
Dumont  (M.  et  M™«  H.).  —  Paris. 
Dupuy  (M""'  J.).  —  Paris. 
Durand  (M.  et  M™«).  —  Grenoble. 
Durand  (M.  et  M-"*  J.).  —  Paris. 
Durand  (M.  et  M""  Eug.).  —  Lyon. 
Dusard  (P.).  —  Paris. 

Economes  (d').  —  Paris. 
Ecorcheville.  —  Paris. 
EUissen  (MM").  —  Paris. 
Ephrussi  (M"»  et  M"«).  —  Paris. 
Equer.  —  Paris. 

Ernst,  homme  de  lettres.  —  Paris. 
Escandon  (M.  et  M»«  d').  —  Paris. 
Eustis  (Georges).  —  Paris. 

Fabre  (M.  et  M'»^).  —  Paris. 
Fabre  (M"«  B.).  —  Paris. 
Fargueil-le-Rousseau  (M"«).  —  Paris. 
Fatou  (P.).  —  France. 
Faugier  (M.  et  M">«  Benoit).  —  Lyon. 
Faure-Beaulieu  (M.).  —  Paris. 
Fayet  (M.  et  M™«  G.).  —  Béziers. 
Félin  (Armand).  —  Lille. 
Feray  (G.).  —  Paris. 
Fildesoye  (M.  et  M"").  —  Paris. 
Filliaux-Tiger  (M"»).  —  Paris. 
Foucart  (Léon).  —  Paris. 
Fourchy  (Jacques).  —  Paris. 
Fournier  (M.  et  M""'  M.^.  —  Paris. 
Fournier  (Paulj.  —  Paris. 
Fourniols.  —  Paris. 


Franc  (Eugène).  —  France. 
Francfort  (C  et  M°«).  —  Vannes. 
Francfort  (L'  et  M"«).  —  Vannes. 
Franchet.  —  Lyon. 
Fressinet-Bellanger  (M''  de).  —  Paris 
Fridrich  (Gustave).  —  Paris. 
Froment  (de).  —  France. 
Fromont.  —  Paris. 
Funck-Brentano  (M"=).  —  Paris. 

Gabriac  (C"»"  de).  —  Paris. 

Gallet  (M"»  M.).  —  Paris. 

Galopain  (C).  —  France. 

Ganney  (M"  de).  —  Paris. 

Gauthier- Villars  (M.  et  M™=  A.).  — 
Paris. 

Gautier  (Antoine).  —  Nice. 

Gély  (M.  et  M"*  P.).  —  Béziers. 

Gentien  (Maurice).  —  Paris. 

Gentien  (Paul).  —  Paris. 

Gérard  fM"«).  —  Paris. 

Gesne  (A.  de).  —  Paris. 

Getting  (M"^).  —  Paris. 

Gigon.  —  Bordeaux. 

Gillet  (Charles).  —  Lyon. 

Gillet  (Louis).  —  Paris. 

Gillot.  —  La  Fère. 

Giraudet  (A.),  prof,  au  Conservatoire. 
—  Paris. 

Girette  (M.,  U"",  M"«).  —  Paris. 

Girod  (M.  et  M°"  P.).  —  Paris. 

Gjertz  (M"«=  Marie).  —  Paris. 

Glaenzer  (M.  etM""»  Eugène-.— Paris. 
Goegel  (M"').  —  Montbéliard. 
Goldschmidt  (D').  —  Paris. 
Goldsmith  (M™«  S.).  —  Paris. 
Gournod  (M"«  R.).  —  Paris. 
Gouttenoire  de  Toury.  —  Paris. 
Gouy  d'Arcy  (M"'  de).  —  Paris. 
Grailly  (C'""  de).  —  Paris. 
Grammont  (D"  de).  —  Paris. 
Grandpierre  (H.).  —  Paris. 
Grau.  —  Paris. 
Gries  (M"«).  —  Paris. 
Grincour  (M"»).  —  Paris. 
Griolet  (M.  et  M"»).  —  Paris. 
Guénée  (Georges).  —  Paris. 
Guérillot,  avocat.  —  Paris. 
Guillon  (R.).  —  Nantes. 
Guilloux  'M™').  —  Paris. 
Guillot  (Georges).  —  Paris. 


604 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Gunzbourg  (Raoul).  —  Paris. 
Guyon  (Adrien).  —  Paris. 
Guyot  (M"').  —  Paris. 
Guttmann  (MM").  —  Paris. 

Halévy  (D.).  —  France. 

Hall  (M"»  Ch.  Kennerley).  —  Paris. 

Hallays  (André),  avocat.  —  Paris. 

Halphen  (Fernand).  —  Paris. 

Hardy  (M»^).  —  Paris. 

Hartmann  (G.).  —  Paris. 

Hartmann  (S.).  —  Paris. 

Hartmann-Marti  (M"«).  —  Paris. 

Hauconnier  (M"«).  —  Paris. 

Hecht  (M™"  et  M'i^-  —  Paris. 

Héglon  (M°'),  de  l'Opéra.  —  Paris. 

Helbronner  (M'"^  H.).  —  Paris. 

Heldt  (M^e).  _  Paris. 

Henry  (M.  et  M"'').  —  Paris. 

Hérard  (Joseph).  —  Lyon. 

Hermens  (M™^).  —  Paris. 

Heret.  —  Paris. 

Hérold  (Ferdinand).  —  Paris. 

Herpin  de  Mas.  —  Paris. 

Hesse  (L.).  —  Paris. 

Hocquard.  —  Nice. 

Hœuver.  —  France. 

Horrack  (de).  —  Paris. 

Houck  (M"').  —  Paris. 

Huber  (T.;.  —  Paris. 

Hue  (Georges),  compositeur.  —  Paris. 

Humbeck  (M.  et  M™«).  —  Paris. 

Humbert  (G.).  —  Paris. 

Isely  (Jules).  —  Paris. 

Japy  (M""  et  Mii«).  —  France. 

Japy  (M.  et  M""»).  —  Paris. 

Jeanselme  (H.).  —  Paris. 

Jendt,  prof.  —  Paris. 

JolTroy.  —  Paris. 

Johannot  (M"«).  —  Paris. 

Joly  (Charles),  du  Figaro.  —  Paris. 

Josserand.  —  Lyon. 

Jossic  (M.  et  M"«  H.).  —  Paris. 

Juigné  (M.  et  M""  E.  de).  —  Lyon. 

Juillard  (M.  et  M™').  —  Épinal. 

Jules  (D'  et  M"«).  —  Paris. 

Jullemier,  avocat.  —  Paris. 


Kadelbourg  (M"*).  —  Paris. 
Kaeuffer  (M.  et  M"«  Ed.).  - 


Lyon. 


Kalm  (MM").  —  Paris. 
Kahn  (M.  et  W-^").  —  Paris. 
Karpeles  (M.  et  M""' Jules).  —  Paris. 
Kech  (M"«).  —  Paris. 
Klotz  (Victor).  —  Paris. 
Kœchlin  Ray.  —  Paris. 

Labadye  (C'""  de).  —  Paris. 
Labbé  (A.).  —  Paris. 
Labey.  —  Paris. 
Labouret  (Ch.).  —  Paris. 
Ladureau.  —  France. 
Lafont  (C"'  et  C'""  de).  —  Tours. 
Laloy  (Louis).  —  Paris. 
Lamoureux  (Charles),  chef  d'orcLcs- 

tre.  —  Paris. 
Langlois  (M.  et  M"»).  —  Paris. 
Langlois  (Jacques).  —  Paris. 
Langlois  (Pierre).  —  Paris. 
Lapy  (M"^  et  M"').  —  France. 
Laprune  (J.).  —  Paris. 
Larroque  (M"«).  —  Paris. 
Lascoux  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Lasscux  de  Chambine  (M°").  —  Paris. 
Lau  (M""'  du).  —  Paris. 
Launay  (A.).  —  Angers. 
Laurand  (D""  Georges).  —  Paris. 
Laurencie  (V'«  de  la).  —  Paris. 
Laurent  'M°").  —  Boulogne. 
Laurent  (Em.).  —  Montpellier. 
Lecrosnie-  (H.).  —  Paris. 
Léderlin  (Armand).  -   Epinal. 
Lefebvre'(M.  et  M""»  F.).  —  Lille. 
Lehmann  (Albert  .  —  Paris. 
Lelubez  (R.).  —  Paris. 
Lemaire  (G.).  —  Lille. 
Leprieur  (Paul).  —  Paris. 
Leriche  (Paul).  —  Roanne. 
Le  Roux  (Hugues).  —  Paris. 
Leroy-Lyvenat  (M"').  —  Paris. 
Leseur  (M.  et  M"^  Félix).  —  Paris 
Lesterps  (C""«  de).  —  Paris. 
Levallois  (M.).  —    Paris. 
Lève  (M.  et  M""'  E.).  —  Paris. 
Lévi  (M"«).  —  Lyon. 
Lietmann.  —  Paris. 
Limet  (Charles).  —  Paris. 
Lindenlaub  (Th.).  —  Paris. 
Lisboa  (M""'  de).  —  Paris. 
Litvinnc  (M'"').  --  Paris. 
Livache  (Achille).  —  Paris. 


COMPLEMENT 


605 


Lluche.  —  Paris. 

Loonen  (M""'  Charles).  —  Paris. 

Loquiel  M.  et  M»«  de).  —  Paris. 

Lostalot  (de).  —  Paris. 

Loth  (M.  et  M»'  Emile).  —  France. 

liOuis  (M"»  et  M"').  —  Paris. 

Loys  (Richard).  —  Paris. 

LuDelle  1  M.  et  M™').  —  Paris. 

Luquet  (D'  et  M"').  —  Paris. 

Lutaud.  —  Paris. 

Lyon  (M.  et  M-"'  G.).  —  Paris. 

Madrazo  (R.  de).  —  Paris. 
Mallet  (Ern.).  —  Paris. 
Mangcon  (M.).  —  Angers. 
Marchegai  (M.  et  M"«,.  —  Paris. 
Marquart  (R.  de).  —  Paris. 
Martin  /M"*;.  —  Saint-Etienne. 
Martin  (Emile).  —  Paris. 
Martin  (Eugène).  —  Paris. 
Masse  (Maurice;.  —  Nice. 
Mathieu  ;M. ;.  —  Paris. 
Maupeou  (M'"  de).  —  Paris. 
Maurel  (Victor;,  de  l'Opéra.  —  Paris. 
Moritz  (M°«  de^.  —  Paris. 
Max  (Charles).  -  -  Paris. 
Mendiola  (Y.  de).  —  Paris. 
Ménard-Dorian  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Mercier  (Edmond).  —  Paris. 
Merle  (M.  et  M°"  L.).  —  Paris. 
Meyer.  —  Paris. 
Meyer  (Richard;.  —  Marseille. 
Meyer-May  (M°"   et  M"«).  —  Paris. 
Michau  (MM").  —  Paris. 
Michelin.  —  Paris. 
Milliet-Arding  (M.  et  M°").  —  Paris. 
Mocqueris  (Edmond).  —  Paris. 
Mollard  (Guillaume).  —  Paris. 
Molinier  (A.).  —  Paris. 
Monod  (M°'  et  MM"").  —  Paris. 
Monod  (Bernard).  —  Versailles. 
Monod  (M''«).  —  Versailles. 
Monod  (Edmond).  —  Lyon. 
Monod  (Georges).  —  Paris. 
Montero  de  Sand  (M"").  —  Paris. 
Montrichard  (A.  de).  —  Paris. 
Moreau  (Léon).  —  Paris. 
Morin-Pons  (Henri).  —  Lyon. 
Morisse  (Paul).  —  Paris. 
Morsier  (Auguste  de).  —  Paris. 
Moure  (M.  et  M"«).  —  Bordeaux. 


Munroe  (M"«).  —  Paris. 

Nathan  (M»*  Ed.).  —  Paris. 
Neufville  (M.  et  M™«  J.  de).  —  Paria. 
Neut'ville  (M""  Sébastien  de).—  Paris. 
Nicolopoulo  (Alexandre).  —  Paris. 
Nieger  (M.  et  M"^).  —  Nancy. 
Noue  (M"«  de).  —  Paris. 

Oblat  (M.  et  M»«  L.).  —  Paris. 
Odero  (M.  et  M""-^).  —  Paris. 
Onimm.  —  Marseille. 
Oppenheim  (B»"  et  B»""').—  Marseille. 

Painlevé  (Paul).  —  Paris. 

Paira  (M"").  —  Paris. 

Pam  (M.  et  M"').  —  Paris. 

Paléologue  (M.).  —  Paris. 

Pallier  (F.).  —  Nîmes. 

Pannier  (Paul).  —  Lille. 

Parent  (M"«  Hortense^.  —  Paris.. 

Paratoux  (M'"^  et  M"^j.  —  Paris- 

Payne  (M.  et  M'»'^).  —  Paris. 

Péladan  (P<="").  —  Paris. 

Perret  (M.  et  M"«).  —  Paris. 

Petiot  (Ed.).  —  Paris. 

Philipon  (René).  —  Paris. 

Pierre.  —  Marseille. 

Pierret  (M.  et  M"*  M.).  —  Paris^ 

Pillet-Will  (C'"«).  —  Paris. 

Pilloud.  —  Lyon. 

Pirrot-Franconi  (M'"').  —  Paris. 

Piver  (M™').  —  Paris. 

Plançon  (Paul),  de  l'Opéra.  —  Paris. 

Poiried  (M"«).  —  Paris. 

Poincaré  (L.).  —  Paris. 

Polignac  (P="«  E.  de).  —  Paris. 

Polignac  (P<=«  F.  de,.  —  Paris. 

Pomar  (Duc  de).  —  Paris. 

Pommaret  (M.  et  M"*).  —  Avignon. 

Pontgibaud  (V'""  de).  —  Paris. 

Porgcs-Wodianer   (M°"    et  M''«).  — 

Paris. 
Pottier  (René).  —  Paris. 
Pottier  (M.  et  M""  Edmond).  —Paris. 
Pouget  (MM"").  —  Paris. 
Pozzi  (Df  et  M"=;.  —  Paris. 
Puech  (M"=).  —Nîmes. 
Pujalet  (Eugène).  —  Paris. 

Radet  (M.  et  M"«).  —  Paris. 


606 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Radiguer  (Henri).  —  Parrsî 

Raiberti.  —  Paris. 

Rambourg  ((>""•).  —  Saint-Etieûnc. 

Ramsay.  —  Paris. 

Ratheneau.  —  Beaune. 

Raynal  (^fM.).  —  Paris. 

Raynal  (Edm.).  —  Paris. 

Raynal  (M"«  Léon).  —  Paris. 

Redorte  (V"  et  V'""  de  la).  —  Paris. 

Rée  (M""  et  M"').  —  Paris. 

Reinach  (Joseph).  —  Paris. 

Rémy  (M.  et  M«"^  M.).  —  Cognac. 

Renaut.  — Paris. 

Rençais  (M.  et  M»').  —  Paris. 

Renié  (J.-E.).  —  Paris. 

Reynaud    (Charles),    architecte.    — 

Paris. 
Ricateau  (D''  André).  —  France. 
Ricqlès  (Emile).  —  Paris. 
Risler  (Edouard).  —  Paris. 
Rivière  (M°«  A.).  —  Paris. 
Rivoli  (Duc,  D"»  et  MM^^"   de).   — 

Paris. 
Robin  (M.  et  M"«  A.).  —  Cognac. 
Rodin  (Aug.),  sculpteur.  —  Paris. 
Roche  (de  la).  —  Lyon. 
Romain  (C*"'«  et  M"'  de).  —  Angers. 
Romieu  (J.).  —  Paris. 
Rondel  (Aug.).  —  Marseille. 
Rose.  —  Paris. 
Rose  (M°"  Myrtil).  —  Paris. 
Rossel,  ingénieur.  — Paris. 
Rossel  (M.  et  M™^).  —  Montbéliard. 
Roth  (M*«).  —  Paris. 
Rothschild  (B»""*  de).  —  Paris. 
Rouart  (Ernest),  peintre-  —  P^ris-. 
Rouchi  (M.  et  M"'  J.).  —  Paris. 
Roujon  (M.  et  M"^  H.).  —  Paris. 
Roussel  (M«"  Eug.).  —  Paris. 
Roussel  (Raymond).  —  Paris. 
Ronx  (Ch.).  —  Paris. 
Rueff  (M'i'o).  —  Paris. 

Sabatier  (M*»»  H.).  —  Paris. 
Saint- André  (A.).  —  Paris. 
Sainte-Foy  (M'"^).  —  Paris.    • 
Saint-Pierre  (B""^'  et  M"^).  —  Paris. 
Salles.  —  Trouville. 
Samazeuilh  (M.  et  ^P"*).  —  Bordeaux. 
Sanderson  (M"«  Sibyl).  —  Paris. 
Bantos  (M»*).  —  Paris. 


Sarchi  (Paul).  —  Paris. 
Saucaret  (M»»  et  M"»).  —  Paris. 
Saunière  (M""»).  — Paris. 
Sauvage  (M""  Louise).  —  Paris. 
Savolli  (de).  —  Lyon. 
Saville  (M""),  artiste  lyrique.  —  Pàlis. 
Sauvrezis  (M"«  Alice).  —  Paris. 
Scherer  (B"""'  de).  —  Paris. 
Schmidt  (M"').  —  Paris. 
Schneider  (M.  et  M"«  Eug.).  —Paris. 
Schutz.  —  Paris. 
Schwartz  (A.).  —  Paris. 
Schweitzer  (G.).  —  Paris. 
Segresta  (MM").  —  Bordeaux. 
Séjourné  (Paul).  —  Dijon. 
Seligman  (Ant.).  —Paris. 
Seligman-Lui  (M™*  G.).  —  Paris. 
Sers  (C"  et  C"«»«  de).  —  Paris. 
Servant  (D""  Paul).  —  Paris. 
Siegfried  (M"«  Jacques).  —  Paris. 
Siffet  (M"«).  —  Paris. 
Sigauville  (de).  —  Lyon. 
Silvers  (M.  et  M™).  —  Paris. 
Singer  (Si.  et  M°"  Louis).  —  Paria. 
Siry  (Etienne).  —  Paris. 
Spoor  (Ch.).  —  Paris. 
Sodlange-Sodin  (M°«).  —  Paris. 
Solenière  (M.  et  M°*  de).  —Paris-. 
Sommier  (E.).  —  Paris. 
Stapfer  (Henri).  —  Paris. 
Stem  (M™*  E.).  —  Paris. 
Storez  (M"«  et  M'^»).  —  Paris. 
Story-Eames  (M"^).  —  Paris. 
Strobèle.  —  Lyon. 
Sturge  (D'  et  M"*).  —  Nice. 

Tanternstein  (M^^).  —  Paris. 
Taschereau  (M.  et  M^'«).  — Paria- 
Tchamitch  (N.).  —  Paris. 
Telt'ener  (C^se.  ©t  M"").  —  Parit.. 
Terry  (M.  et  M°«  Aot.).  —  Paris. 
Teulon  (Paul).  —  Nîmes. 
Théveneau  (M.,  M"''  et  M"^).  —  Bé- 

ziers. 
Thierry  d'Hennequin  (C.  le).  —  Paris. 
Thomas  (Paul).  —  Marseille. 
Tisserand  (M**).  —  Paris. 
Tourtoulon  (B»°  et  B'">»«-P.  de).  —  Aix. 
Traxelles (M.  et  M"-'^  L.).  —  Lunéville. 
Tromeur  (M''*).  —  Paris. 
Trompeaux  (M"»).  —  Paris- 


COMPLEMENT 


607 


Tuchesse  (de).  —  Lyon 
Tuchmann.  —  Paris. 

Ulrich  (E.).  —  Paris. 

Vaguez  (D'  Henri).  —  Paris. 

Vallin  (Gaston).  —  Nancy. 

Vaucher  (M»«  et  M"«).  —  Paris. 

Vautier  (G.).  —  Lyon. 

Vautier  (M.  et  M""  Th.).  —  Lyon. 

Vaux  (B»"  Raoul  de).  —  Paris. 

Vedel  (M.  et  M°"  E.}.  —  Paris. 

Vermorel  (M.  M"«  et  M"').  —  Ville- 
franche. 

Vian  (G.).  —  Paris. 

Vidal  de  la  Blache  (Sî.  et  M"«).  — 
Paris. 

Viennot.  —  Paris. 

Vieu  (M««  J.).  —  Paris. 

Villain.  —  Nancy. 

VilleneuTe  (M""  et  M"«  de).  —  Paris. 

Villeneuve  (IKJ.  —  Marseille. 


Wacquez  (M"').  —  Pans. 
Wagenmann     (M.  et    M'™*    J.).    -~ 

Paris. 
Wagram  (pce»««  de).  —  Paris. 
Wahl-Alt  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Waubert  (Henri  de).  —  Paris. 
WeiUer  (M"^  S.).  —  Paris. 
Weisgerber  (M.  et  M"»;.  —  Paris. 
Weissweiler  (M™»  Ch.).  —  Paris. 
Weissweiler  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Weissweiler  (Ed.).  —  Paris. 
Wendel  (M™«  de).  —  Paris. 
Wendel  (MM.  de).  —  Piaris. 
Willière  (M™«).  —  Paris. 
Wolkenstein-Trotsburg  (C»"»«  de).  — 

Paris. 

Yeatmann  (M»»  L.).  —  Paris. 

Zadoks  (M.  et  M""»  Ph.).  —  Paris. 
Zamoyska  (C'"^«  Ch.).  —  Paris. 
Zarifi.  —  France. 


1899. 


Parsifal^  Les  Maîtres  Chauteurs, 
La  Tétralogie. 


Adam  (M.  et  M»«  Eugène).  —  Paris, 
Adam  (Henri).  —  Paris. 
Adour  (M.  et  M™'  P.).  —  Paris. 
Aine  (d').  —  La  Rochelle. 
Alverny  (M"«  d').  —  Paris. 
Amschel  (M™«).  —  Paris. 
André  (M-»'  E.).  —Paris. 
Arco-Valley  (C««  et  G""«M.).  — Paris. 
Argot  (M»'}.  —  Paris. 
Aron  fMM").  —  Paris. 
Arthus  (M"«).  —  Paris. 
Aubert  (MM").  —  Paris. 
Aubigny  (C*  d').  —  Paris. 
Aumalou  (François).  —  Rouen. 

BkdonQ  (Pascal-Emile).  —  Paris. 
Bagès  (Maurice).  —  Paris. 
Balay  (M.  et  Mme).  —  France. 
Balligny  (M»«  A).  —  Paris. 
Earbarroux.  —  Marseille. 
Barbaus  (Ernest .  —  Paris. 
Bareille  (M.  et  M"«).  —  Montpellier. 
Barthou  (Louis).  —  Paris- 


Baruzi  (Joseph).  —  Paris. 

Bassaraba  de  Brancovan  rp«e"e). 

Paria. 
Baugnies  (Jacques).  —  Paris. 
Baume  (C"""  de  la).  —  Paris. 
Bausset(Ct<="«).  —Paris). 
Béarn  (C'"»^  de).  —  Paris. 
Beaufort  (0"  de).  —  Paris. 
Béchis  (D').  —  Lyon. 
Béer  fj).  —  Paris. 
Benoit-Champy  (B"»"").  —  Paris. 
Bentall.  —  St-Raphaël. 
Berch.  —  Paris, 
Bercy  (M™«  de).  —  Paris. 
Bernard  (M.  etM^'Ch.).  —  Beauoe. 
Bessand  (Charles).  —  Paris. 
Béthouard  (M.  et  M"*;.  —  Paris. 
Bévière  (de  la).  —  Paris. 
Bidart  (M'i«).  —  Paris. 
Biétrix  (M™»).  —  Paris. 
Blanchet  (Marcel/.  —  Paris. 
Boislisle  (Jean  de).  —  Paris. 
Boizel  (M.  et  M'»^).  —  Paris. 


608 


VOYAGE    A    BAYREUTU 


Bojano  (Duc  et  D^»").  —  Paris. 

Bondart.  —  France. 

Boniface  (A.).  —  Paris. 

Boniface  (M°0-  —  Paris. 

Bonnal  (M.  et  M"').  —  France. 

Borel.  —  Paris. 

Boucherie.  —  Lyon. 

Boutet  de  Monvel  (M»=  C).  —  Paris. 

Brancovan  (P<=^).  —  Paris. 

Bréville  (P.  de).  —  Paris. 

Brosset-Heckel  (M"").  —  Lyon. 

Brugnon  (H.;.  —  Ay. 

Bucy  (M"""  de).  —  Paris. 

Buisson  (Pierre).  —  Paris. 

Bulteau  (M"')-  —  P^^is. 

Gahn  (M.,  M'"^  et  M"').  —  Paris. 
Cahn  (Th.)  —  Paris. 
Caperon  (M"^).  —  Paris. 
Carlier  (M.,  M"«  et  M"^).  —  Paris. 
Caron  (M.  et  M°"  E.).  —  Paris. 
Carpentier  (M.  et  M""  H.).  —  Paris. 
Geste  (M"*).  —  Paris. 
Champeaux  (G'""  de).  —  Paris. 
Ghanoine-Davranches  (M.  et  M"^).  — 

Rouen. 
Ghanoine-Davranches   (MM").   — 

Rouen. 
Ghaudier  (M"«)-  —  Paris. 
Ghéramy.  —  Paris. 
Ghéveneau  (M.  et  M"^).  —  Béziers. 
Ghevillard  (M.  et  M-"'  G.).  —  Paris. 

Glark  (M™").  Paris. 

Glautade  (André  de).  —  France. 

Glary  (C*  et  C'"»=  J.).  —  Paris. 

Glément  (M"»»  la  Gén^^   et  M"').  — 
Vincennes. 

Glériceau  (A.).  —  Paris. 

Glicquot  de  Mentque  (M"').  —  Paris. 

Glugner.  —  Paris. 

Gomminches  (G'^^"  de).  —  Paris. 

Gonte  (M™'  et  M"^).  —  Paris. 

Goppet  (M.  et  M"'  de).  —  Nice. 

Gorbin  (Paul).  —  Nice. 

Gornumel  (H.).  —  Paris. 

Gossé  (G'""  de).  —  Paris. 

Courcelles  (de).  —  Lille. 

Gourtois  (de).  —  Paris. 

Gourval  (V'"«  de),  —  Paris. 

Couvert  (M.  et  M""»  L.).  —  Lyon. 

Crimail  (F.).  —  Pontoise. 


Groy  (P«es.e  de).  —  Paris. 
Gurrie  (M.  et  M"«  de).  —  Paria. 
Gustot  (M.  et  M"").  —  Paris. 

Darmières  (M""').  —  Paris. 
Davergne  (M"*  et  M"«).  —  Marseille. 
Delafosse  (Léon).  —  Paris. 
Delagrave  (Charles).  —  Paris. 
Deleschamps  (D"").  —  Paris. 
Demont.  —  Paris. 
Derbanno  (Jacques).  —  Paris. 
Deroye  (M.  et  M*"').  —  Dijon. 
Desrez  (Maurice).  —  Rouen. 
Didier  (M°"  J.).  —  Lyon. 
Dimitri.  —  Paris. 
Dor  (DO-  —  Lyon. 
Dorney  (M"«).  —  Paris. 
Drapier  (Georges).  —  Paris. 
Dreyfus-Gonzalez.  —  Paris. 
Dreux  (Ernest).  —  Beaune. 
Dubois  (M.  et  M"«  P.).  —  Paris. 
Dujardin  (D').  —  Lille. 
Dumba  (G.).  —  Paris. 
Durand  (Eugène).  —  Lyon. 
Dusart  (MM").  —  Paris. 
Duvernoy   {D'  et  M°").  —  Valenti- 
gney. 

Eddy  (M.  et  M°"  Glarence).  —  Paris. 
Ephrussi  (M°«  et  M"«).  —  Paris. 

Fatou  (P.).  —  Paris, 
fauconnier  (Lucien).  —  Paris. 
Favay  (M"'  et  M"').  —  Paris. 
Favargot  (M"»  et  M"«).  —  Paris. 
Fée  (D--  et  M"<^).  —  Nantes. 
Feray  (Georges).  —  Paris. 
Fischotf  (M°«  Eugène).  —  Paris. 
Fougères  (M"«  de).  —  Paris. 
Fourrier  (D'  M.).  —  Paris. 
Francilien  (D^).  —  Paris. 
Fressinet  de  Bellanger  (M"'  et  M'"). 

—  Paris. 

Fressinet  de  Bellanger  (M"«  et  M.). 

—  Paris. 

Fridrich  (Gustave).  —  Paris. 
Froment  (M"°«  de).  —  France. 

Gaigneron  (V""«  de).  —  Paris. 
Gaillard  (E.).  —  Paris. 
Gaillard  (L.).  —  Paris. 


COMPLEMENT 


6Û9 


Gandara.  —  Paris. 

Gap   —  Paris. 

Gaupillat  (Gabriel).  —  Paris. 

Gauthier-Villars  (M.  et  M"»  Albert). 

—  Paris. 

Gauthier-Villars  (M.  et  M""=  Henri}. 

—  Paris. 

Gautier  (Antoine).  —  Nice. 
Gélis-Didot  (M.  et  M"").  —  Paris. 
Gentien  (Maurice).  —  Paris. 
Gheest  (M.  et  M"^).  —  Paris. 
Ghika  (N.).  —  Paris. 
Gillaud.  —  Marseille. 
Girette  (M.,  M""=  et  M"«).  —  Paris. 
Gjertz  (M"«).  —  Paris. 
Glaenzer  (M.  et  M°").  —  Paris. 
Gouttenoire  de  Toury.  —  Paris. 
Gouvello  (de).  —  Paris. 
Graymuller    (B»-"'   et    M"*    de).    — 

Bordeaux. 
Gueylar  (J.  de).  —  Marseille. 
Guidé  (MM.).  —  Paris. 
Guilmin  (Alex.).  —  Moulins. 
Guisetta  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Guttmann.  —  Paris. 

Hallays  (A.).  —  Paris. 

Harcourt  (Eugène  d').  —  Paris. 

Hartmann  (G.).  —  Paris. 

Henriot  (M"=).  —  Paris. 

Hermant  (Abel).  —  Paris. 

Herrenschmidt.  —  Paris. 

Hervieu  (M™«  et  M"«).  —  Paris. 

Herz  (E.).  —  Paris. 

Holden  (M°").  —  Paris. 

Horrack   (M.,   M""    et    M"»   de).   — 

Paris. 
Houssemenne.  —  Paris. 
Hue  (Georges).  —  Paris. 
Hunt  (M»"^).  —  Paris. 

Jackson  (M"«).  —  Paris. 
Jacquemont  (Ch.).  —  Paris. 
Javal  (M"«).  —  Paris. 
Johnston  (M"").  —  Paris. 
Joly  (Ch.).  —  Paris. 
Juillard  (MM").  —  Epinal. 

Kahn  (Al.).  —  Paris. 
Kalindero  (G.),  —  Paris. 
Knopp  (M"«).  —  Paris. 


Kopff  (Df  et  M"«).  —  Paris. 
Krafft  (H.).  —  Paris. 

Labouchère  (M.  et  M™'  A).  —  Paris. 

Labouchère  (L.  et  G.)  —  Paris. 

La  Chapelle  (C'*»«  de\  —  Paris. 

Ladureau.  —  France. 

Lafont  (C"  et  C'«'«  de  .  —  Tours. 

Lagarde  (M""  P.).  —  Paris. 

Landesque  (M""').  —  Paris. 

Lang  (M.  et  M"").  —  Paris. 

La  Porte  (de).  —  Paris. 

Lascoux  (A.).  —  Paris. 

Lasseux  de  Chambine  (M"'}.  —  Paris. 

La  Soudière    (M""  de).  —  Paris. 

La  Tour  ^C"»'  de).  —  Paris. 

Laurand  (D^).  —  Paris. 

Le  Bourgeois.  —  Paris. 

Le  Bret  (Robert).  —  Paris. 

Lederlin  (M.  et  M"»).  —  France. 

Lefèvre  (M'"«).  —  Paris, 

Légat  (M"').  —  Lyon. 

Lehideux-Vernimmen  (M"').  —  Paris. 

Legrand.  —  Paris. 

Lepelletier  (G.).  —  France. 

Leroux  (Henri).  —  Paris. 

Lespinasse  (M"').  —  Paris. 

Levacon  (M"').  —  Paris. 

Lévy.  —  Paris. 

Lévy  (M.  et  M°"  F.).  —  Paris. 

Lévy  (Lazare).  —  Paris. 

Ligeer.  —  Paris. 

Limet  (Charles).  —  Paris. 

Lionel-Dauriac.  —  Paris. 

Lionneton.  —  Ay. 

Lorette  (Ch.)  —  Paris. 

Loth  (M.  et  M""").  —  France. 

Luuyt  (M.  et  M"«  Maurice).  —  Paris. 

Luys  (M.  et  M°"  Georges).  —  Paris. 

Luze  (B»"  et  B-"»  Ch.  de).  —  Bordeaux. 

Maas  (M.,  M"»  et  M"*).  —  Paris. 
Mac-Connel  (M""  et  M"').  —  Paris. 
Marsay  (V'«  René  de).  —  Paris. 
Mars.  —  Paris. 

Marsilly  (M.,  M""  et  M"«).  —  Lille. 
Matharel  (C'""  de).  —  Paris. 
Marti  (M.    et  M"»).  —  Montbéliard. 
Masson  (M"»),  —  Paris. 
Mattes  (M«").  —  Paris. 
Mauny  (M°"  de).  —  Paris. 


fiin 


VOYAGE    A    BAYREUTH 


Maurel  (M"',  M"«  et  M.).  —  Bordeaux. 

Maurey  (M""  et  M"«).  —  TersaiUes. 

Max  (Ch.).  —  Paris. 

Méeus  (M»'  et  M"^).  —  Paris. 

Meyer.  —  Marseille. 

Michaud  (Léon).  —  Reims. 

Michel  fEd.).  —  Paris. 

Mie?  (Si.  et  M""»  G.).  —  Le  Havre. 

Miller  (M"«).  —  Paris. 

Mocqueris.  —  Paris. 

Momus.  —  Bordeaux. 

Monod  (Aug.).  —  France. 

Monod  (M.  et  M™'  G.).  —  Versailles. 

Mont  (B°°  et  B»°°«  de).  —  Paris. 

Montbrison  (M"»  de).  —  Paris. 

Montebello  (C"  A.  de).  —  Paris. 

Montpezar  (de).  —  Blois. 

Montrichard  (d^).  —  Paris. 

Moreau  (Léon).  —  Paris. 

Mores  (M'"  et  M"'  de).  —  Paris. 

Moret  (Alex.).  —  Lyon. 

Morris  (M"«).  —  Paris. 

Mors  (M.,  M"'  et  M"«).  —  Paris- 

Moullé  (M.  et  M"*).  —  Paris. 

Mouquet  (Ch.)  —  Paris. 

Mugnier  (l'abbé).  —  Paris. 

Munrœ  (John).  —  Paris. 

Nathan  (M.  etM"«A.).  —  Marseille. 
Naumann.  —  Paris. 
Nettre  (M"*).  —  Paris. 
Neufville  (de).  —  Paris. 
Neyssière  (M"^"  L.  de).  —  Lyon. 
Nicodème  (G.).  —  Lille. 
Nicolopulo  (Alex.).  —  Paris. 
Nuovina  (M"«  de).  —  Paris. 


OUivier  (M.  et  M"«  H.). 
Otis  (F.).  —  Paris. 


Paris. 


Pagert  (M"=).  —  Paris. 
Pajeot  (M*"').  —  Nantes. 
Pannicr  (Paul).  —  Lille. 
Pardey  (M""^).  —  Lille. 
Parent  (M"^  et  M"'.)  —  Paris. 
Pastré  (C'«  A).  —  Paris. 
Perry  (A).  —  Paris, 
Petiot.  —  Paris. 
Pillet-Will  (C'^"^).  —  Paris. 
Pinkusse.  —  Bordeaux. 
Pittavin.  —  France. 


Piver  (Lucien).  —  Paria. 
Poix  (P<="^«  de).  —  Paris. 
Pomar(Duc  de). —  Paris. 
Ponnelle  (Lazare).  —  Beaune. 
Ponselle  (M-=  et  M"^).  —  Paris. 
Pouget  (A.).  —  Algérie. 
Pouquet  (M"").  —  Paris. 
Pourtalès  (G««"«  de).  —  Paris. 
Pozzi  (D--  Samuel).  —  Paris. 

Hambourg  (M"«  de).  —  Paris. 

Tlapp.  —  Nantes. 

Raty  (Jules).  —  Rambouillet. 

Rechtenberger  (M"«).  —  Paris. 

Régnier  (Eugène).  —  Paris. 

Richard  (M'i«).  —  Paris. 

Risler  (Edouard).  —  PaTis. 

Rivoire  (V.).  —  Paris. 

Robert  (Em.).  —  Parfs. 

Roche  (M.,  M»«   et  M»'  Jules).  — 

Paris. 
Renesson  (M"«)-  —  ïaris. 
Rossel  (M.,  M""  et  M"«).  —  Montlîé- 

liard. 
Rostand  (M.,  M"«  fit  M"*).  —  Paris. 
Rozet.  —  Paris. 

Saint-Mareaau  (M*^).  —  Paris. 
Salinelles  (de).  —  Montpellier. 
Sceukowicz  (M"*).  —  Paris. 
SchiUito  (M""^.  —  Paris. 
Schneider  (L.).  —  Paris. 
Schulz  (M.  'et  M""^).  —  Paris. 
Schuré  (M.  et  M-"»  E.).  —  Paris. 
Sedano  (R.).  —  Paris. 
Séguier  (M.  et  M""  de).  —  Bordeanx. 
Sembat  (M.  et  M""  M.).  —  Paris. 
Sert  (J.).  —  Paris. 
Sinadino  (A.).  —  Paris. 
Sommier  (MM").  —  Paris. 
Soyer  (M.  et  M™*  H.).  —  Paris. 
Steimbach  (M.   et   M"»   J).  —   Ver- 
sailles. 
Steinberg  (O.).  —  Pans. 
Stirbey  Tpcesse  ^jj^  _  Paris. 

Tardy.  —  Lyon. 

Taunay  de  Koning  (M"«).  —   Paris. 
Terrail  (M.  et  M"'  de).  —  Nice. 
Thorailler  ,'Jacques".  —  Paris. 
Tilîeneau  l'Marc).  —  Paris. 


COAlPLEMEÎiT 


6ît 


Tissaz  (M"»).  —  Lyon. 
Toledo.  —  Paris. 
Tonnelier  (Paul,.  —  Paris. 
Trompeaux(M"%!.  —  Paris. 
Tuchmann.  —  Paris. 

Vallon.  —  Paris. 
Vaquez  (MM").  —  Paris. 
Vaucher  (M""»  et  M"«).  —  Paris. 
Vautier  (M.  et  M""  G.).  —  Lyon. 
Vélasque  (MM").  —  Nantes. 
Vengochéia  (M"*).  —  Paris. 
Voysseyre  (Paul).  —  Paris. 


Voge!.  —.Paris. 

Vogiié  (C"  de).  —  Paris. 

\S*aldner  (de).  —  Paris. 
W'allerstein  (M.  et  M^^  P.).  —  Paris. 
\Varambon  (M"'}.  —  Paris. 
Weinweile.  —  Paris. 
Weiss  (M.  et  M"«  Ch.).  —  Paris. 
Weissweiler  (Ed.).  —  Paris. 
Wendel  (MM"  de).  —  Paris. 
WolkeûStein-TrotsbuTg  {C^  et   C'«"» 
de).  —  Paris. 

Zarifi  (M.  et  M"»  G.).  —  Marseille 


*901.  —  Papsifal,  Tétralogie,  le  Vaisseau  Fantôme. 


Adam  (M.  et  M"*  Eugène).  —  Paris. 

Adam  (Henri).  —  Paris. 

Agache.  —  Paris. 

Alfassa  (M'"^,  M"«  et  M.).  —  Paris. 

Ancey  (M.  et  M""*  Georges).  —  Paris. 

Argent  'd').  —  Paris. 

Atger  (Albert).  —  Montpellier. 

Autran.  —  Marseille. 

Azéma.  —  Bordeaux. 

Baignères  (Jacques).  —  Paris. 

Baillet  M.  et  M"*  Gaïton).  —  Paris. 

Barbarroux  (M.  et  M"^).  —  Mar- 
seille. 

Bartet  (M"«  Julia,).  —  Paris. 

Barthou  (M.,  M"»  et  W^  L.)v  — Paris. 

Bassano  (M"«).  —  Paris. 

Baudet  (Jean;.  —  Paris. 

Baudouin.  —  Paris. 

Baume  (C'"'«  de  la).  —  Paris, 

Bausset  (G'""  de).  —  Paris. 

Bazille  (MM.).  —  Montpellier. 

Béarn  (C""'  de).  —  Paris. 

Beaucliamp.  —  Paris. 

Beaumond(M^^  et  M.  de).  —  France. 

Beauvau  vP<=«  de).  —  Fontainebleau. 

Beauverger  (B"""®  de).  —  Paris. 

Beck  (M-"').  —  Paris. 

Béer  (M.  et  M"' Guillaume).  —  Paris. 

Bellanger  (M.  et  M»"  R.).  —  Fon- 
tainebleau. 

Bénilan  (André).  —  Paris. 

Bérardi  (Gastonj.  —  Paris. 


Béret.  —  Paris. 

Bernard  (M.  et  M»^).  _  Paris. 

Bernheim    (M.  et  M-   Camille).   — 

Lyon. 
Bertier  (M.  et  M"').  _  Paris. 
'Bertrand    Ernest).  —  Paris. 
Bessand  (Charles).  —  Paris. 
Béthemont  (M»«  et  M"«;.  —  Paris 
Béthouart  ÇSL  et  M»»).  —  Chartres! 
Bigot  (Charies).  —  Paris. 
Bobrinsky  (M™").  —  Paris. 
Bosse.  —  Paris. 

Boniface  (M.  et  M"«  A.).  —  Lille. 
Boulachère  (M»»).  —  Lyon. 
Boutard  (J.).  —  Lyon. 
Brancovan(P»«  Constantin).  — Paris. 
Bray.  —  Paris. 

Bricon  (^L  et  T^I"^  E.).  —Paris. 
Brois.  —  Bordeaux. 
Brosset-Heckel  (»■"«).  —  Betfort. 
Brossin  de  Méré  Çv'^  de).  —  Paris. 
Bourboulon  (C»«  et  C'«»«  Robert  de) 

—  Paris. 
Buguet.  —  Paris. 
Bulteau  (M°").  —  Paris. 
Bunel  (Roger).  —  Rouen. 

Caillas  (M.,  M""»  et  M""  de).  —  Paris. 
Cantacuzène  (P«"«e).  —  Paris. 
Carré   de  Malberg  (M.  et  M"*}.  — 

Bar-sur-Aube. 
Caron  (M.  et  M""),  —  Paris. 
Castex  (G»i  et  M»«  de).  —  Paris. 


612 


VOYAGE    A   BAYREUTH 


Cattage  (M.  et  M™«  François  de}.  - 

Paris. 
Ceissière  (Jean).  —  Marseille. 
Chandlcr  iM"«).  -  Paris. 
Chapelot  (M.  et  M""*»).  —  Paris. 
Chéramy.  —  Paris. 
Chevallier  (M.  et  M""  Georges).  - 

Paris. 
Chevigné  (C  de).  —  Paris. 
Chevillard  (M.  et  M™«  Camille).  - 

Paris. 
Cladel  (Judith).  —  Paris. 
Clariez.  —  Paris. 
Clérissy  (Pierrej.  —  Nice. 
Coinneck  (Raymond).  —  Épinal. 
Colonne  (Edouard).  —  Paris. 
Contain.  —  Paris. 
Corbin    (M.    et    M""    Richard).    - 

Paris. 
Cerneau  (André).  —  Paris. 
Cornély  (J.).  —  Paris. 
Cortot  ^Alfred).  —  Paris. 
Coste  (M"').  -  Paris. 
Cousino  (M.  et  M"»").  —  Paris. 
Craponne  (M"'  de).  —  Lyon. 
Custot(M.  et  M"«).  —  Paris. 

Dalligny  (M"').  —  Paris. 
Decaux.  —  Paris. 
Degoulet.  —  Paris. 
Deleschamps  (.'^.Ibert).  —  Paris. 
Delmas  (Francisque).  —  Paris. 
Delorme  (M"").  —  Paris. 
Dem«nts  (M.  et  M»^).  —  Paris. 
Desains  (MM.  et  M»»).  —  Paris. 
Desrez  (MauriceV  —  Rouen. 
Dictrich  (B°°  et  B»""").  —  Paris. 
Dornès  (Pierre).  —  Paris. 
Douglas  (M"«).  —  Paris. 
Doux  (M.  et  M"").  —  Paris. 
Drogoul  (Fernand).  —  Marseille. 
Dubosy.  —  Lille, 
■^uez  (M"').  —  Paris. 
>)ujardin  (M.  et  M"").  —  Fontaine- 
bleau. , 
Duranton  (M"«).  —  Paris. 
Duval  (M"").  —  Paris. 

Economos  (André).  —  Paris. 
Eichtal  (C'«  et  M"«  d').  —  Paris. 
Emden  (M.  et  M"').  —  Paris. 


Enesco  (Georges). 
Ephrussi  (Charles). 


Paris. 
-  Paris. 


Faure  (MM.).  —  Limoges. 
Fée  (Dr  et  M"e;.  _  Nantes. 
Ferté  (Léon).  —  Paris. 
Feuchental.  —  Lyon. 
Fischoff  (M--).  —  Paris. 
Flacourd  (de).  —  Abbeville. 
Frédéric  (MM.).  —  Paris. 
Fridrich  (Gustave).  —  Paris. 

Gailhard.  —  Paris. 
Gaisfort.  —  France. 
Garcia-Mansilla  (M.  et  M"»»).  —  Paris. 
Gauthier-Villars  (M.  et  M"«  H.).  — 

Paris. 
Gautier  (Antoine).  —  Nice. 
Gélis-Didot  (M.  et  M™«).  —  Paris. 
Georget.  —  Paris. 
Gille.  —  Montmorency. 
Gillot  (M.  et  M"').  —  Paris. 
Girette  (Jean).  —  Paris. 
Giron.  —  Paris. 
Gjertz  (M"').  —  Paris. 
Gloria  (M"«).  —  Paris. 
Glotz  (M""  et  MM.).  —  Paris. 
Grouvel  (C'«  et  C"'"^).  —  Paris. 
Guttmann  (MM.).  —  Paris. 

Hartenstein.  —  Paris. 
Hartmann  (M"«  Albert).  —  Paris. 
Hatto  (Mii«  Jeanne).  —  Paris. 
Hellmann  (M.,  M"'  et  M'")-  —  Paris. 
Henran  (A.).  —  Paris. 
Henry  (M"'  Félicie).  —  Paris. 
Henry  (Louis).  —  France. 
Hesse.  —  Paris. 
Horrack   (M.,  M"»  et  M"«    de).  — 

Paris. 
Hoskier.  —  Paris. 
Huber  (M.  et  M"')-  —  Paris. 
Hunt  (M"«).  —  Paris. 

Jaucourt  (M'*«  et  M"«  de).  —  Paris. 
Joly  (Charles).  —  Paris. 
Juillard  (MM.).  —  Épinal. 

Kahn  (M»«  et  M"«).  —  Paris. 
Kahn  (M.  et  M™').  --  Paris. 
Kahn  (Albert).  —  Paris. 


COMPLÉMENT 


Kalindero  (Georges).  —  Paris. 
Kateneff.  —  Paris. 
Keiler  (MM.\  —  Paris. 
Kennerly-Hall  (M™*  Ch.).  —  Paris. 
Kirmisson  (M™*  et  M"e).  —  Paris. 
Kunkelmann  (H.).  —  Paris. 

Lafont  (C'«»e  g.  de).  —  Tours. 
Lagarde  (M.  et  M"«  P.).  —  Paris. 
La  Grange  (B»-  L.  de).  —  Paris. 
Lambert  (M™*  et  M"«).  —  Paris. 
Langenhagen  (M™*  de).  —  Paris. 
Lautier  (M.  et  M"*  E.).  —  Paris. 
La  vallée  (  Alph.).  —  Paris. 
Leclerc  de  la  Fresnaye.  —  Paris. 
Lederlin  (M.  et  M"").  —  Épinal. 
Lefebvre  (M.  et  M»«  Ch.}.  —  Paris. 
Lefort  (M.  et  M^^  Paul).'—  Lille. 
Leick  (M"').  —  Paris. 
Leroy  (>!"■«  et  M"«).  —  Paris. 
Levrat  (M"').  —  Lyon. 
Loutil.  —  Paris. 
Louvencourt  (C'«  de).  —  Paris. 
Lubach  (M-"»).  —  Paris. 
Luuyt(M.etM"*  Maurice).—  Paris. 

Maas  (M"«  et  M''«).  —  Paris. 
Mackcnzie  fM"«).  —  Paris. 
Magnau  (M"«).  —  Paris. 
Maindreville  (Paul  de).  —  Paris. 
Mante  (M.  et  M"«  Louis).  —  Mar- 
seille. 
Marc  (M"«  de).  —  Paris. 
Marcelin  (F.).  —  Paris. 
Marcius-.Simons.  —  Paris. 
Marie  (M.  et  M"«).  —  Fontainebleau. 
Marius  (Richard).  —  Paris. 
Maroger  (MM.).  —  Paris. 
Marsay.  —  Paris. 
Martel  (M™«).  —  Paris. 
Martinez  (Etienne).  —  Paris. 
Marx  (M^e).  —  Paris. 
Masnou  (Maurice).  —  Paris. 
Mavrargues.  —  Montpellier. 
Mcllini  .'M"«).  —  Paris. 
Melno  (M"6  Charlotte).  —  Paris. 
Merveille  (Alfred;.  —  Lille. 
Meyer  (Richard).  —  Marseille. 
Michel  (Ed.).  —  Paris. 
Mocqucris  (Ed.).  —  Paris. 
Moisson.  —  Paris. 


613 

Monicourt  (de).  —  Paris. 
Monnier  (M.  et  M"'^  Louis).  —  Paris. 
Montebello  ^C'«  A.  de).  —  Paris. 
Montpezat  (M'*  de).  —  Blois. 
Moreau  (Léon).  —  Paris, 
Mouras  (André).  —  Pau. 
Mouton  (M.  et  M"*).  —  Lyon. 
Mugnier  (Abbé).  —  Paris. 
Munrode  (Julien).  —  Paris. 

Neufville  (Ed.  de).  —  Paris. 
Neufville  (J.  de).  —  Paris. 
Nicolopulo  (Alex.).  --  Paris. 
N'oriot  (Maurice).  —  Paris. 
Nuovina  (M"^  de).  —  Paris. 

O'Connore  (M"*).  —  Paris. 
Odelin  (M™«  et  M"«).  —  Paris. 
Orléans  (S.  A.  R.  Philippe,  duc  d'). 

Padovani  (Paul).  —  Nice. 
Pain  (Henri).  —  Paris. 
Pannier  (M.  et  M''«).  —  Paris. 
Pegram.  —  Paris. 
Pcreyra  (M.  et  M"«).  —  Paris. 
Pinget  (Georges).  —  Paris. 
Place  (M"«).  —  Paris. 
Poidatz  (M""  et  M"«).  —  Paris. 
Pommier  (M.  et  M"^).  —  Lyon. 
Porcher  (M°").  —  Paris. 
Pourtalès  (C'""  de).  —  Paris. 
Pozzi  (Samuel).  —  Paris. 

Raiberti.  —  Paris. 
Rain  (M"«).  —  Paris. 
Ralliou  (Louis).  —  Paris. 
Raunay  (M™«  Jeanne).  —  Paris. 
Reichert  (Alfred).  —  Paris. 
Renard  (M.  et  M™^).  —  Paris. 
Renaud  (Maurice).  —  Paris. 
Rendolph  ("M"^).  —  Paris. 
Richelot  (D^  M'"^  et  M"";.  —  Paris. 
Risler  (Edouard).  —  Paris. 
Robert  (M.  et  M"*  Emile).  —  Paris. 
Robin  (M.  et  M™'=  Ch.).  —  Paris. 
Robineau.  —  Versailles. 
Roche    (M.,  M"«  et   M»'  Jules).  — 

Paris. 
Rœder  (F.).  —  Paris. 
Rogers  (M™*  et  M"«y.  —  Paris. 
Rojo  (M™<=).  —  Paris. 


614 


TOYAGE    A    BAYREUTH 


Rondelotti  (F.),  —  Nice. 
Rossel  (M.  et  M"»).  — Montbéliard. 
Rothschild  (^laurice).  —  Paris. 
Rouquès.  —  Paris. 

Salinelles  (M"»  de).  —  Montpellier. 
Sands  (M"').  —  Paris. 
Sarchi  (Paul).  —  Paris. 
Scaramanga.  —  'Marseille. 
Schuré  (M.  et  M"^  Ed.).  —  Paris. 
Schûtz  (Willy).  —  Paris. 
Schweitzer  (M™*).  —  Paris. 
Sehde  (M°",  M»*  et  M.  de).  —  Paris. 
Seligman  (M"«).  —  Paris. 
Singer.  —  Paris. 
Soyer  (M"«  et  MM.).  —  Paris. 
Suiu    V'"»«  de).  —  Paris. 

Taillefer{Ch.).  —  Béziers. 
Tardy  (J.).  —  Lyon. 
Thurber  (M.  et  M™^).  —  Paris. 
Thureau.  —  Paris. 
Toledo.  —  Paris. 
Trompeaux  (M"").  —  Paris. 
Tuchmann.  —  Paris. 


Turban  (M™'  et  M"«).  —  Paris. 

Vaquez  (MM.).  —  Paris. 
Yarambon  (M°"  et  M"«).  —  Paris. 
Yaucher  (M""").  —  Paris. 
Yialet.  —  Mente-Carlo. 
Y'idal-Naquet  (M.  et  M"").  —  Paris, 
Y'ignon.  —  Lyon. 
Y'iasto  (M.  et  M"«).  —  Marseille. 
Vogué  (C'«  et  C'""  de).  —  Paris. 

Wacquez  (M"").  —  Paris. 
Wagram  (P«'5«  de).  —  Paris. 
Wagram  (P«'  Alex.  de).  —  Parts. 
YValker  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Weerth  (de).  —  Paris. 
AVeisgerber  (M.  et  M»*  Ed.  ).  —  Paris 
Welch  (Francis).  —  Paris. 
YVolkenstein-Trotsbnrg  (C'o  et  C'"" 
de).  —  Paris. 

Zarifi  (Georges).  —  Marseille. 
Zopographo  (M"»*).  —  Paris. 
Zurbiau  (D'').  —  Paris. 


1903. 


—  La  Tétralogie.  —  Parsifal. 
Le  Vaisseau  Fantôme. 


Adam  (A.).  —  Paris. 

Albers  ;M.  et  M»'  H.).  —Paris. 

Allotte    de    la   Faye    (M"»   L.).    — 

Nantes. 
Ancey  (M.  et  M"«  G.).  —  Paris. 
Aoste  (S.  A.  R.  !>»«  Hélène  d').    — 

France. 
Astres  (D"'  L.).  —  Marseille. 
Audran  (Ch.).  — Paris. 
Auîigny  (C'«  d').  —  France. 
Antzau  (D^).  —  Marseille. 

Baillet  (G.).  —  France. 

Baird.  —  Paris. 

Barbarroux  (M.  et  M"»  P.).  —  Mar- 
seille. 

Baruzi  (J.).  —  Paris. 

Bauer  :M"«^).  —  Paris. 

Baumeister  (M.,  M"«  et  Mi'«).  — 
Paris. 

Bazille.  —  Montpellier. 


Becker  (M"«).  —  Paris. 
Belabre  (M'»  et  M"'  de).  —  Paris. 
Belleville  (J.).  —  Rouen. 
Bénardaky  (M°"  de).  —  Paris. 
Bérard  (Ch.).  —  Paris. 
Benoit  (M°"^  et  M"«).  —  Paris. 
Billy  (M.  et  M»«  Ed.  de).  —  Paris, 
Biron  (C'""  de).  —  Paris. 
Blat  (M"«  et  M"«  E.).  —  Paris. 
Boésé  (M"e  L.).  —  Paris. 
Bonchy  (Ed.).  —  Paris. 
Bonnard  (M.  et  M'^«).  —  Paris. 
Bordinal  (Aug.).  —  Paris. 
Boure  (M"«  B.).  —  Paris. 
Bréval  (M"'  Lucienne).  —  Paris. 
Bricard  (D').  —  Paris. 
Brissac  (D«"'  de).  —  Paris. 
Broglie  (P«'  J.  de).  —  Paris. 
Bruneau  (M.  et  M"").  —  France. 
Brunel,  —  Pau. 


COMPLEMENT 


615 


Caccia-Bagnaud  (M"^}.  —  Nice. 
Casimir-Perier  (Clande'.  —  Paris. 
Castellmann.  —  Paris. 
Chaisnay.  —  Paris. 
Chandon  (M"*'.  —  France. 
Chapelle  (C"-^=  de  la^.  —  Paris- 
Chapelot  (M"«;.  —  Paris. 
Charbo  (F.).  —  Paris. 
Chaumont-Quitrj-  (C"*"  de).  —Paris. 
Cheramy.  —  Paris. 
Chevillard  (M.  et  M»«  C).  —  Paris. 
Clary  (C«*).  —  Paris. 
Copreaux  (M"*).  —  Paris. 
Cordier  (D"').  —  Paris. 
Corneau  (A.).  —  Paris. 
Costallat  (M""  et  M"«}.  —  Paria. 
Coubertin  (B°"  et  B"^"*  de).  —Paris. 

Dammauget  (ïf^).  —  Parris. 
Daurand  (J.).  —  France. 
Delafosse  (M"'-;.  —  Paris. 
Demonts  (M.  et  M"^'  M.).  —  Paris. 
Desrez  (M.).  —  Ronen. 
Donne  (de).  —  Thorigny. 
Drogoul  (F.).  —  Marseille. 
DubeaB.  —  Paris. 
Dular  (A.).  —  Paris. 
Dumas  (M"'  A.). —'Paris. 
Dupont  (M.).  —  Paris. 
Duranton(îiI.«tM"»M.1.  — 'LeMans. 
Duvemoy  i^D"-  et  M"'^  M.).  —  Talen- 
tigney. 

Ephrussi  (Ch.).  —  Paris. 

Faucon  (Ch.).  —  Paris. 

Faure  (M™^  et  M"«/.  —  Lille. 

Favre  (M»').  —  Paris. 

Feray  (G.;.  —  Paris. 

Ferrand  i;.M.  et'M'"^).  —  Paris. 

Fiacourt  (M.  et  M"^  de).  —  Paris. 

Fontaine  (MM.).  —  Paris. 

Forbel  (M™').  —  Paris. 

Fournier  (M.  et  M"*  E.).  —  Mar- 
seille. 

Franchetii  (B"").  —  Paris. 

France  (S.  A.  R.  P"»*  Louise  de). 
—  France. 

Fridrich  (Gustave).  —  Paris. 

Gasparin  (M"»  de),  —  Paris. 
Gatine  (M.  et  M"'  Lucien).  —  Paris. 


Garen  (J.).  —  Lyon. 

Gautier  (Antoine).  —  Nice. 

Gautier  (P.).  —  Marseille. 

Gay  (M.  et  M"'-').  —  Rouen. 

Germain  (M'"^  Henri;.  —  Paris. 

Gerville  (M.  et  M-"^,.  —  Montéliniar. 

Ginan  (M.  et  M"»  de).  —  France, 

Girette  (Jean).  —  Paris. 

Girod  'Ml").  —  Paris. 

Goronitz  (M"«).  —  Paris. 

Goujon  (MM.).  —  Paris. 

Grand   d'Hauteville  (Ch.).  —  Paris. 

Grand  d'Hauteville  (Fred.).  —  Paris. 

Grandjean  (M°»«  Louise;.  —  Paris. 

Grandmaison  (6°°  de).  —  Paris. 

Greffulhe  (G*"«).  —  Paris. 

Grobet  (M.  et  M"«  L.).  —  Marseille. 

Guilloux  (Ph.).  —  Paris. 

Haeck  (M°«).  —  Paris. 

Halbers  (E.).  —  Paris. 

Halfen.  —  Paris. 

Happer.  —  Paris. 

Haralamb  ^M.).  —  Paris. 

Harcourt  (C"  et  C""<  E.  d').—  Paris. 

Haymann  M""  .  —  Paris. 

Heckeren  (B*»»»  etM»«  de).  —  Paris. 

Hentsch  (M"«).  —  Paris. 

Hoff  (M"^^  —  Paris. 

Joly  (Ch.),  —  Paris. 
Jnillard  (A.).  —  Épinal. 

-Kaeuffer  (M.  et  M"»  Ed.).  —  Lyon. 
Kahn  'A.).  —  Paris. 
Kaliniero  '&earges>  — ;Pari8. 
Kerjégu  (M''«  de).  —  Paris. 
Kerjégu  (J.  de^.  —  Paris. 
,Klepper  (A.).  —  Bordeaux. 
Koptf  (D^  et  M"*).  —  Paris. 
XusnetzoflF  (M°«  et  M'^»*;.  —Paris. 

Lacroix  (M"*  et  M'i«  de).  ~  Paris, 

La  Mazelière  (M''  de).  —  Paris. 

Lambert  (J.).  —Paris. 

Langeloth.  —  Bordeaux. 

Lasard  (M"'^  A.).  —  Nice. 

Lascoux  (.A.).  —  Paris. 

La  Tombelle  (B»""  de).  —  Paris. 

Laurent  (A.).  —  Paris. 

Le  Brun  (M.  et  M"").  —  Bordeaux. 

Leclerc  (R.).  —  Lyon. 


616 


VOYAGE  A  BAYREUTH 


Lecointre  (C""«  et  M"«).  —  Paris. 
Le  Dentu  (Prof.  A.).  —  Paris. 
Lefebvre.  —  Paris. 
Legrand  (M"*).  —  Paris. 
Lehmann  (MM.  et  M"*).  —  Paris. 
Léon  (M™^  et  M"«).  — Bordeaux. 
Léon  (Df  et  M"').  —  Paris. 
Leusse  (C'  et  C'"'^  de).  —  Paris. 
Lévy  (M.  et  M"«  E.).  —  Paris- 
Lhoste  (M"').  —  Nice. 

Mante  (M.  et M°"  Louis).— Marseille. 

Marcius-Simons  (P.).  —  Paris. 

Martin  .D''  Félix).  —  Paris. 

Masson  (M"').  —  Paris. 

Maurice  (M.  et  M"*).  —  Bordeaux. 

Mauvernaj'  (M.  et  M"*  P.).  —  Lyon. 

Mayer  (D').  —  Paris. 

Mayer  (M.,  M°«  et  M"^  Gaston).  — 

Paris. 
Max  (M.  et  M°"  E.).  —  Paris. 
Mazenher  (L.).  --  Nice. 
Ménard-Dorian  ^M"").  —  Paris. 
Meyer  (J.).  —  Paris. 
Michaut  (M.  et  M"').  —  Paris. 
Minsart  (X.)-  —  Paris. 
Mitchell.  —  Paris. 
Mocqueris  (Ed.).  —  Par-if;. 
Moltke  (C'^"«  de).  —  Paris. 
Momméja  (MM.).  —  Bordeaux. 
Monicourt  (de).  —  Paris. 
Mondaud.  —  Lyon. 
Monnier  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Montpezat  (M'^  de).  —  Paris. 
Montpensier  (S.  A.  R.  Duc   de).   — 

Paris. 
Montrichard  (de).  —  Paris. 
Morel  (A.).  —  Lyon. 
Mortier  (A.).  —  France. 
Mulotte  (A.).  —  Paris. 

Nagelj'.  —  Marseille. 
Navenarn  (F.  de).  —  Paris. 
Nicolopulo  (A.).  —  Paris. 
Nolte  (M"'^).  —  Paris. 

Oppenheim.  —  Paris. 
Orléans  (S.  A.  R.  le  Duc  d"). 
Ormesson  (C'«5'«  y.  d').  —  Paris. 

Payson  (M"^').  —  Paris. 


Périsse  (M"').  —  Paris. 
Perretière  (Antoine).  —  Lyon. 
Porgès  (M"«  et  M"<^  Th.).  —  Paris. 
Pracomtal  (M'«  et  Mi^'de).  —  Paris. 
Puech  (M"«).  —  Nimes. 
Puyfontaine  (C"  et  C""«  de).  —  Paris. 

Ralli  (M.  et  M"*).  —  Paris. 
Ralliou  (L.).  —  Paris. 
Raunay  (M"«  Jeanne).  —  Paris. 
Raymond  (M.  et  M"*).  —  Fives-Lillo. 
Rey  (Emile).  —  Marseille. 
Revnaud  (Jean).  —  Lyon. 
Richard  (MM.).  —  Paris. 
Richelot  (D^  M""  et  M"").  —  Paris. 
Richou  (D^  M"«  et  M"«).  —  Angers. 
Riley.  —  Paris. 
Risler  (Edouard).  —  Paris. 
Roger  (Ch.).  —  Alger. 
Rondelotti  (F.).  —  Nice. 
Rouville.  —  Paris. 

Salinelle  (M.  et  M™^).  —  Montpellier. 
Salles.  —  Lyon. 

Samazeuilh  (M.  et  M""  J.).  —  Bor- 
deaux. 
Sands  (H.).  —  Paris. 
Sartiges  (V*  de).  —  France. 
Sayve  (V'«  et  V'*'"  de;.  —  Paris. 
Sazilli  (de).  —  Thorigny. 
Scaramanga  (A.).  —  Marseille. 
Schelling  (M"«).  —  MarseiUe. 
Seeg.  —  Paris. 

Sismanglou  (MM.).  — Marseille. 
Smyth.  —  Paris. 
Sommier  (Ad.).  —  Paris. 
Sommier  (M.  et  M'"^  Edme).  —  Paris. 
Soubeyran  (B""  de).  —  Paris. 
Soubies  (M.  et  M"«  Eug.).  —  Paris. 
Soyer  (MM.).  —  Paris. 
Spire  (M.  et  M"'  E.).  —  Nancy. 
Stanley-Musio  (M"^  L.).  —  Paris- 
Steibel  (Ch.).  —  Paris. 
Stcrnbcrg  (H.).  —  Paris. 
Suin  (V'«"  de).  —  Paris. 

Tardy  (J.).  —  Lyon. 
Tazard  (M"')-  —  St  Etienne. 
Tenillàtre  (P.).  —  Paris. 
Thévin  (M"*).  —  Paris. 
Thill  (M»*).  —  Paris. 


COMPLEMEiNT 


617 


Tour-St-Ygest  (Dr  et  M»»  de  la). 

Paris. 
Tracey  (M"«  M.).  —  Paris. 

Ursel  (C*  et  C'""  d').  —  Paris. 

Vautier  (MM°").  —  Lyon. 
Vautier  (G.).  —  Lyon. 
Verdonnet  (C'«  de).  —  Paris. 
VUlard  (P.).  —  Lyon. 
Vivier  (M.  et  M"«  du).  —  Paris. 


Vogué  (C'""R.  de).—  Paris. 

Waxmann  (M"^).  —  Paris. 
Willière  (M"').  —  Paris. 
Wolklenstein-Trotsburg(C'«etC'*"«) 
—  Paris. 

Yvert  (M.  et  M"«  L.).  —  Amiens. 

Zafiropulo.  —  Marseille. 
Zafiropulo  (M.  et  M""^}.  —  Paris. 
Zarifi  (M»"  G.).  —  Marseille. 


TABLE   DES   MATIÈRES 


Pages. 

Chaj>.      I.  —  Comment  on  va  à  Bayreuth  :  billets,  loge- 
ments, trajet 1 

Nancy 3 

Strasbourg '4 

Stuitgard^  Roilienbourg,  Nuremberg 5 


Chap.     II.  —  La  vie  à  Ba3rreuth. 17 

Budget  de  voyage 33 

ExcuTsions-  :  Bcrnech,  l'Erruitagc,  la  Fan- 
taisie   34 

Wahnfried .  ,  36 

Chap.  III.  —  Biographie  de  Wagner 41 

Historique  du  Théâtre 76 


CiiAP.   rv.  —  Analyse  des  Poèmes 90 

Tannhauser 107 

Lohengrin 119 

Tristan  et  Iseult , 137 

Les  Maîtres  Chanteurs 149 

Tétralogie  de  l'Anneau  du  Nibclung 180 

L'Or  du  Rhin ^  81 

La  Walkyrie 187 

Siegfried 202 

Le  Crépuscule  des  Dieux 217 

Parsifal 236 

Cdap.     V.  —  Analyse  musicale 259 

La  mélodie 260 

Les  Leit-motiTs 263 

Le  système  harmonique 273 


620  VOYAGE    A    BAYREUTH 

Paprcs. 

L'orchestration , 278 

Les  Préludes 280 

Les  Ensembles 283 

■     Tannhauser 288 

Lohengrin 297 

Tristan  et  Iseiilt 309 

Les  Maîtres  Chanteurs 342 

Tétralogie  de  l'Anneau  du  Nibelung 370 

L'Or  du  Rhin 370 

La  Walkyrie 394 

Siegfried 417 

Le  Crépuscule  des  Dieux 441 

Parsifal 471 

Chap.   VI.  —  L'Interprétation 505 

L'artiste  wagnérien 507 

Le  personnel  dirigeant  et  le  personnel  chan- 
tant aux  diverses  époques 513 

Composition  de  l'orchestre 518 

Les  répétitions 524 

Les   décors ,  la  machination  et  la  mise  en 

scène 531 

Les  Sonneries  d' Appel 536 

Chap.  complémentaire.  —  Liste  alphabétique  des  Fran- 
çais ayant  assisté  de  1876  à  1896  aux  repré- 
sentations de  BayreuUi 548 

Catalogue    des   principaux  ouvrages  publiés 

en  français  sur  Richard  Wagner  et  son  œuvre.  579 

Supplément  1 898 583 

Distribution  des  rôles  en  1897 583 

Liste  des  spectateurs  français  en  1897 514 

Supplément  1900 587 

Distribution  des  rôles  en  1899 587 

Liste  des  spectateurs  français  en  1899 598 

Supplément  1903 592 

Distribution  des  rôles  en  1901 592 

Distribution  des  rôles  en  1902 5£K 

Liste  des  spectateurs  français  en  1901 611 

Liste  des  spectateurs   français  en  1902 614 


AOO-Û?.  —  Coulommicrs.  Inip.  Pacl  BRODARD.  —  POi-07. 


m 

100 

W2L3 

1903 


Laviffnac,   Albert 

Le  voyage  artistique  a 
Bayreuth       7.  éd. 


^ 


Mïisîc 

MT    Lâvignac,  Albert 

100      Le  voyage  artistique  à 

W2L3   Bayreuth  7-ed. 

1903 

4 

r 

1