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Full text of "L'exposition des primitifs flamands à Bruges"

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H.  Hymans 


L'Exposition 


RIMITIFS   FLAMANDS 


:x  X  ^  PARIS  ^  :x  x 
Gazette  des  Beaux-Arts 
XXX  1902  XXX 


B 


1 


yr-^ 


oJn^\/Ui/LxM  i/i^^^  .^vo-^^^y. 


L'EXPOSITION 


PRIMITIFS   FLAMANDS 


A  BRUGES 


LA  VIERGE   EN   PRIERE 

'Musée  d'Anvers  I 


GasEltc  des  Seaux-Ans 


Inip,  A, Clément  .Pari 


HENRI   HYMAXS 


L  EXPOSITION 


rniMITlFS  FLVMAMIS 

A  BRUGES 


PARIS 
GAZETTE  DE>   BEAUX-ARTS 

1902 


L'EXPOSITION 

DES 

PRIMITIFS  FLAMANDS 
A  BRUGES 


L'exposition  ouverte  cet  été  à  Bruges 
lut  une  véritable  évocation.  Aux  lieux 
mêmes  où  s'écoula  leur  existence  d'im- 
perturbable labeur,  des  maîtres,  grands 
parmi  les  plus  grands,  dont  la  gloire  illi;- 
inina  le  moyen  âge,  semblaient  renaître 
1  la  vie  pour  protester  contre  l'injuste  mé- 
(  onnaissance  de  leurs  droits  à  l'admiration 
(le  la  postérité.  Trop  longtemps  ils  furent 
délaissés.  Alors  que,  dès  le  xv'^  siècle, 
(Ivriaque  d'Ancônc  salue  en  van  Eyck  «  la 
gloire  de  la  peinture  »;  que  Barthélémy 
Facio,  mort  en  1437,  le  dénomme  «  le 
lince  des   peintres  de  son  siècle  »,  titre 


iliiiit  put  se  iilurilier  Riibcns;  que  Jean  Saiiti.  le  père  de  Kapliaël. 
exalte  Jan  van  Eyck  et  Huger  van  der  \Veyden,  au  point  de  dire, 
comme  le  devait  faire  plus  tard,  de  son  fils  môme,  la  célèbre  épitaplie 
du  Panthéon,  que  leur  art  le  dispute  en  perfection  à  la  nature  elle- 
même  : 

Di  colorire  furno  si  excellenti 

Clie  han  suporalo  spesse  voile  il  vero, 

des  générations  entières  n'auront  pour  ces  mêmes  peintres  ni  sou- 
venir, ni  respect.  De  quelques-uns  des  plus  grands  le  nom  même 
se  perdra,  et  des  collectionneurs  émcrites  dédaigneront  de  recueillir 
leurs  œuvres!  La  galerie  Wallace,  formée  au  prix  de  tant  de  loualile 
persistance  et  de  si  prodigieux  sacrifices  d'argent  par  lord  Herlford, 
ne  comprend  pas  un  seul  spécimen  de  l'art  des  maîtres  primitifs. 
Le  passionné  de  peinture  ancienne,  le  collectionneur  le  plus  éclairé 
des  maîtres  anciens  que  connut  le  xix'"  siècle,  —  j'ai  nommé  Louis 
La  Caze,  —  dans  son  enthousiasme  pour  les  virtuoses  du  pinceau, 
Hollandais,  Flamands,  Espagnols,  Français,  Anglais,  n'avait  pas 
d'œil  pour  ceux  que,  naguère,  nous  appelions  encore,  avec  dérision, 
les  «  gothiques  »  1 

Ce  temps  est-il  passé?  Espérons-le,  sans  oser  l'affirmer.  En  art, 
la  faveur  des  foules  n'est  guère  moins  versatile  qu'en  d'autres 
domaines;  seule,  la  science  évite  ses  caprices.  La  science,  en  vérité, 
n'est  pas  étrangère  à  la  conception,  à  la  réalisation  du  programme 
de  cette  fête  de  l'esprit  et  des  yeux  que  constitue  l'exposition.  Grâce 
à  elle,  des  horizons  plus  vastes  s'ouvrent  pour  ceux  que  préoccupe  le 
passé  de  l'art;  elle  leur  permet  de  remonter  à  la  source  de  la  pein- 
ture contemporaine. 

Le  rapprochement  en  un  même  local,  grandiose,  mais  de 
médiocre  éclairage,  d'authentiques  travaux  des  van  Eyck,  de  Petrus 
Cristus,  de  Roger  van  der  Weyden,  de  Memling,  de  Hugo  van  der 
Goes,  de  Thierry  Bouts,  de  Gérard  David,  avec  nombre  d'autres 
restant  à  déterminer,  devient,  pour  les  artistes  et  les  historiens,  une 
exceptionnelle  occasion,  encore  que,  pour  certains  maîtres,  leur 
étude  ne  puisse  porter  que  sur  des  pages  d'importance  secondaire, 
comparées  à  celles  que  détiennent  des  galeries  ou  des  églises,  dont  le 
comité  de  l'exposition  ne  pouvait  songer  à  obtenir  le  prêt.  L'en- 
semble, pourtant,  n'est  pas  disparate.  Il  est,  au  contraire,  frappant 
par  sa  tenue  ;  il  emprunte  un  relief  particulier  aux  pages  nom- 
breuses et  de  renommée  universelle  qui  s'y  trouvenl.  D'autre  pai't. 


il  comprend  dos  créations  de  moindre  envergure,  mais  non  de 
moindre  portée,  appartenant  à  des  galeries  pnljliqncs,  moins  géné- 
ralement visitées,  ou  à  dos  collections  particulières,  dont  quelques- 
unes  princières  :  Anlialt,  Doria,  Holienzollern,  Radzivill,  Liechten- 
stein. 

Les  connaisseurs  sont  dès  longtemps  familiarisés  avec  les 
œuvres  de  la  première  catégorie.  A  elles  ira,  comme  de  juste,  l'admi- 
ration, sinon  la  surprise  de  l'arrivant.  Vers  les  secondes  se  portera, 
comme  instinctivement,  l'attention  des  hommes  d'étude,  des  érudits, 
de  ceux  que  préoccupe  la  solution  des  problèmes  qu'elles  poseni, 
de  ceux  qui  se  sentiront  la  force  d'en  essayer  la  solution.  Pour  les 
mieux  informés,  ce  sera  plutôt  un  complément  d'étude.  Leur  joie 
sera  sans  bornes  de  se  trouver  en  mesure  d'étudier  côte  à  côte  les 
o'uvres  d'un  même  |iinceau,  momeatanément  rassemblées  sur  les 
parois  du  Palais  provincial. 

Ici,  c'est  la  Cène  An  Thierry  Bouts,  de  l'église  Saint-Picire  de 
Louvain,  formant  le  centre  d'un  panneau  où,  d'une  part,  se  ren- 
contre le  Martyre  de  saint  Érasme,  de  Louvain  encore;  de  l'autre, 
le  Martyre  Je  faint  Hippolyte,  de  la  cathédrale  de  Bruges.  Plus  loin, 
c'est  l'admirable  Madone  environnée  de  saintes,  chef-d'œuvre  de 
Gérard  David,  appartenant  au  musée  de  Rouen,  servant  de  lien  aux 
deux  admirables  panneaux  du  même  peintre  appartenant  à  l'Aca- 
démie de  Bruges  :  la  Condaninatio/i  et  le  Supplice  de  Sisa)n7iès,  et, 
en  face,  les  magnifiques  panneaux  de  MM.  de  Somzée.  Ailleurs, 
c'est  la  série  exceptionnellement  riche  des  créations  de  Memling,  la 
C/idsse  de  sainte  Ursule,  tous  les  tableaux  de  l'hôpital  Saint-Jean  et 
du  musée  de  Bruges,  se  groupant  avec  ceux  des  musées  d'Anvers  et 
de  Bruxelles.  Tout  autour,  enfin,  une  incomparable  série  de  p(jr- 
traits  du  maître  appartenant  à  M.  Salting,  do  Londres,  au  musée 
de  La  Haye,  au  baron  Oppenheim,  de  Cologne,  au  duc  d'Anhalt, 
à  MM.  Léopold  Goldschmidt  et  N...,  de  Paris,  et  à  ([uebiues  autres 
amateurs. 

Van  Eyck  et  van  der  Weyden,  moins  abondamment  repré- 
sentés, le  sont  néanmoins  par  des  chefs-d'œuvre,  venus,  pour  le  pre- 
mier surtout,  de  Belgique  :  musées  de  l'Etat  belge,  d'Anvers,  de 
Bruges;  pour  le  second,  par  des  créations  plus  restreintes  en  nombre 
et  en  dimensions,  mais  de  qualité  rare,  tels  le  Portrait  de  Pierre 
Bladciin,  à  M.  R.  von  Kaufmaun,  de  Berlin,  la  Madone  de  M.  Malliys, 
de  Bruxelles. 

L'attention  du  visiteur  se  portait  avec  une  curiosité  particulière 


—  8  — 

sur  l'œuvre  de  certains  maîtres  encore  indéterminés,  bien  que  très 
typiques,  parmi  lesquels,  en  toute  première  ligne,  figurait  le  maître 
énigmatique  dit  »  de  Flémalle  »,  contemporain  de  Jan  van  Eyck  et 
presque  son  émule,  dont  l'identité,  jusqu'à  ce  jeur,  se  dérobe  aux 
recherches  d'investigateurs  notables.  N'arriveront  toutefois  au  degré 


L'.\XN0NC1.\T10X     et     la      VISIT.YTIUN,     IIEÏAIÎLE     DE      li  B  Û  E  D  E  H  L  A  M 
(Musée  de  Dijon.) 


de  pénétration  voulu,  pour  avoir  raison  du  secret  dont  s'environne 
encore  le  surprenant  ouvrier,  que  ceux  dont  la  mémoire  a  retenu  la 
vision  de  pages  antérieurement  étudiées  ailleurs  :  en  Espagne, 
à  Dijon,  à  Aix,  à  Saint-Pétersbourg,  comme  il  faut  aller  à  Dijon, 
encore,  pour  apprendre  à  juger  Mclchior  Broederlam,  à  Florence 
Hugo  van  der  Goes,  à  Douai  Jean  Bellegambe, 

L'étude  des  Primitifs  d'origine  néerlandaise  est,  pour  ce  moment 
encore,  des  moins  aisées.  La  dispersion  de  leurs  œuvres  y  contribue 


pour  uno  Ijonnc  pari.  Depuis  lo  temps  où  l'auteunlecos  lignes  faisait 
connaître  aux  lecteurs  de  la  Gazelle  des  B^nux-Arts  le  maître  dit  alors 
i'  de  Mérode  »,  devenu  depuis  «  de  Flémalle  ».  si  richement  repré- 
senté a  Madrid,  divers  spécimens  de  ce  nouveau  venu  ont  été  suc- 
cessivement  identifiés,  notamment  par  M.  H.  von  Tscliudi.  La  date 


PKÉSEXTATIOX   AU     TEMPLE    ET   LA    FUITE   EX    EGYPTE,     li  E  T  A  II  L  E    11  E    IlIKjEDEIiLAM 

(Miist'O  de  Dijon.) 


inscrite  sur  un  portrait  du  musée  du  Prado  nous  informe  qu'il  n'y 
a  point  lieu  de  songer  à  l'identifier  avec  Hubert  van  Eyck,  comme 
l'auraient  désiré  certains  critiques. 

Simon  Marmion  et  Jean  Bellegambe  sont  des  nouveaux  venus 
encore,  comme  Jean  Mostaert,  que  M.M.  Gustave  Gluck  et  Camille 
Benoît  s'accordent  pour  identifier  avec  le  maître  du  triptyque  ayant 
appartenu  au  comte  ¥\.  d'Oulfremont,  aujourd'hui  au  musée  de 
Bruxelles.  Le  »  Mostaert  »  de  ^Yaagon,  représenté  à  Bruges  par  une 


—   10  — 

nonibrouso  série  de  peintvires,  rentre,  du  même  coiii>.  parmi  les 
indéterminés. 

L'exposition,  en  somme,  a  marqué  une  date.  Elle  peut  être 
envisagée  comme  la  consécration  du  labeur  de  quelques  hommes, 
M.  James  Weale  en  tète,  dont  la  patiente  investigation  a  contribué 
pour  la  plus  large  part  à  percer  le  mystère  qui,  jusque  tout  récem- 
ment encore,  environnait  bon  nombre  de  maîtres  désormais  acquis 
à  l'histoire.  Cet  hommage  doit  leur  être  rendu,  au  moment  où  nous 
faisons  un  si  large  emploi  des  sources  vulgarisées  par  eux. 

Chose  à  constater  tout  d'abord,  et  plutôt  décourageante,  après 
comme  avant  le  voyage  de  Bruges  :  le  point  de  départ  de  notre 
connaissance  de  la  peinture  dans  les  Flandres  dépasse  de  peu  le 
début  du  xv""  siècle.  Gela  tient  à  des  causes  multiples.  La  première 
est,  sans  doute,  que  ni  les  van  Eyck,  ni  leurs  continuateurs  immé- 
diats, non  plus  que  leurs  principaux  contemporains,  van  der  Weyden, 
Memling,  Thierry  Bouts,  Gérard  David,  ne  sont  de  souche  brugeoise. 
La  présence  à  l'exposition  de  tout  ce  qui  est  antérieur  à  van  Eyck, 
de  certaines  peintures  assignées  à  Melchior  Broederlam,  était  à  cet 
égard  démonstrative.  A  les  supposer  même  d'un  autre  peintre  que 
le  remarquable  auteur  des  panneaux  du  retable  de  la  Chartreuse  de 
Ghampmol,  on  pouvait  les  rattaciicr  certainement  par  l'esprit  à  ses 
productions  et,  par  cela  même,  mesurer  l'immense  progrès  réalisé 
par  les  van  Eyck. 

Ab  Joie  principium!  L'adage  est  commode,  sans  doute,  mais  il 
faut  pourtant  chercher  ailleurs  le  point  de  départ  des  merveilles  que 
nous  avons  sous  les  yeux.  Parmi  les  peintres,  il  est  certain  que 
van  Eyck  n'a  pas  plus  de  rivaux  que  de  précurseurs,  surtout  dans 
les  Flandres.  Au  risque  de  tomlierdans  la  redite,  — n'hésitons  point  à 
le  constater  derechef,  —  ses  précurseurs,  il  les  trouva  parmi  les  minia- 
turistes. Gela  n'éclaircit  peut-être  pas  tout  à  fait  le  mystère  de  ses 
origines,  mais,  en  somme,  la  pei-fection  de  certaines  miniatures  de 
Pol  de  Limbourg,  ou  de  Jacquemart  de  Hesdin,  ornant  les  pré- 
cieux manuscrits  de  Jean  le  Magnilique,  duc  de  Berry,  le  frère  de 
Charles  V  de  France,  est  un  précieux  indice.  La  Gazplte  a  reproduit 
quelques  feuillets  des  Grandes  Heures  du  prince,  appartenant  au 
musée  de  Chantilly,  à  l'appui  d'un  travail  dû  à  la  plume  savante  de 
M.  Léopold  Delisle.  Les  précieux  autels  portatifs  exposés  à  Bruges 
par  MM.  Weber,  de  Hambourg,  et  Gardon,  de  Bruxelles;  le  Cnicifie- 
menl  de  l'église  Saint-Sauveur,  à  Bruges;  le  panneau  votif  apparte- 
nant aux  hospices  d'Vpres;  d'autres  peintures  que  l'on  peut  rattacher 


L'  HOMME   A    L'  ŒILLET 

I  MUSEE   DE   BERLIN  J 


Imp.A  Poi-cabeuf  Pa 


—  Il  — 

an  xiY''  siècle,  ne  i'aisaienl  présager  eu  rien  la  puissante  expression 
d'art  constituée  par  les  van  Eyck.  Voyons-y  des  incunables  et,  à  ce 
litre,  signalons-les  à  Taltenlion  de  l'arcliéologMU'. 


1  11  r  11  A  I  i-    n  I,    .1 1;  v  n    s  \  n  s    !■  lo  l  m 
(Collection  ilc  M.  le 


!.  i:ol.  K      l'L  1  M  A  \  IJK      lu       XV  ' 

ntc  (le  Limljurfî-Stiruni.j 


Broederlani  lui-même  n'a-t-il  [)oinl  manié  le  pinceau  du  minia- 
turiste? C'est  non  seulement  probable,  mais,  à  notre  avis,  presque 
certain,  à  en  juger  par  la  miniature  initiale  de  la  Cité  de  Dieu, 
traduction   de  Raoul  de  Prestes,  existant  à  la    Bibliothèque  royale 


—  12  — 

de  Belgique  in"  iXJO.'J  ilii  calaloguoi,  et  où  l'on  voit  saint  Aiiiiustin 
écrivant  son  livre,  ayant,  non  loin  de  lui,  le  roi  Charles  V.  Or, 
ce  précieux  manuscrit  provient  de  la  biidiothèque  des  ducs  de  Bour- 
gogne. 

Par  les  beaux  volets  appartenant  à  M.  Martin  Le  Roy,  de  Paris, 
où  sont  figurés  les  Pères  de  l'Eglise,  la  question  des  origines  semble 
faire  un  pas  de  plus.  Elle  le  semble,  disons-nous,  car,  en  réalité,  rien 
ne  prouve  que  ces  belles  et  vigoureuses  créations  soient  antérieures 
au  xv"^  siècle. 

Nous  donnons,  à  la  page  précédente,  la  gravure  d'un  portrait 
de  Jean  sans  Peur,  appartenant  à  M.  le  comte  Thierry  de  Limliurg- 
Stiruni,  œuvre  exposée  à  Bruges.  S'agit-il  de  quelque  production 
de  jeunesse  de  van  Eyck,  ou  de  la  copie  de  quelque  peinture  plus 
ancienne?  L'assassinat  de  Jean  de  Bourgogne  est  de  lil9:  les  deux 
choses  peuvent,  dès  lors,  se  concilier. 

A  cette  date,  van  Eyck  est,  pour  l'histoire,  im  inconnu.  11  ne 
travaille  point  encore  pour  les  ducs  de  Bourgogne.  Le  tableau  qui, 
tout  au  moins  par  sa  date,  1421,  nous  apprendrait  à  l'apprécier  à  une 
époque  rapprochée  de  ses  débuts,  le  Sacre  de  saint  Thomas  Becket, 
arrhcvèrjuc  ih  Cantorbéri/,  au  duc  de  Devonshire,  est  malheureuse- 
ment sans  valeur  probante.  A  le  supposer  du  maître,  il  ne  nous  est 
parvenu  que  dénaturé.  M.  Justi  le  range  même  parmi  les  produc- 
tions initiales  de  Mabuse.  Nous  sommes  loin  de  compte,  on  le  voit. 
L'attribution  n'a  vraiment  rien  d'inacceptable,  à  s'en  tenir  à  une 
autre  peinture  de  la  même  galerie  de  Chatsworth,  exposée  égale- 
ment, et  sous  le  nom  de  Mabuse  cette  fois.  Le  rapport  est  si  complet 
entre  cet  épisode  de  la  vie  d'un  saint  ayant  appartenu  à  quelque 
famille  princière,  abandonnant  ses  parents  en  larmes  pour  suivre  un 
groupe  de  prélats,  et  la  peinture  dont  il  vient  d'être  fait  mention, 
qu'en  vérité  la  présomption  de  M.  Justi  se  trouve  puissamment 
confirmée.  Rien  de  plus  semblable  que  le  procédé  des  deux  œuvres, 
certainement  anciennes,  mais  point  du  xV  siècle. 

Le  portrait  prétendu  de  Philippe  le  Hardi  appartenant  à 
M.  Gilliodts  van  Severen,  arcliivisle  de  Bruges,  est  de  conser- 
vation médiocre.  11  garde  pourtant  les  traces  d'une  réelle  beauté. 
Le  personnage,  représenté  à  mi-corps,  est  coiffé  d'un  large 
chaperon  rouge,  à  plis  abondants,  de  forme  assez  rarement 
aperçue  dans  les  portraits  de  l'époque.  Le  modelé  du  visage  et  du 
cou  a  dû  être  fort  remarquable  et  fait  songer  à  van  Eyck.  Nous 
inclinerions    plutôt,  cependant,  à   y  voir   une   onivre  du   maître  de 


U'.;:ee  de  Berlin 


LE    CONCERT   DES    ANGES 

Volels  supérieurs  du  retable  de  l'.Airneaii  mysUtjue- peint   par   les    frères    Van    Eyck. 


Gazetle  des  Beaux-Arts 


imp.A.Porcabeuf.  Par 


h\M      l;  r      tVE.     l'Ail      llLUKIiT      ET      ,1  A  X      VAX     EYCK 

(Musi'e  de  Dru\clk's.) 


Flrmallo,  (lonl  des  porlrails  oxislent  aux  musées  de  Londres  et  de 
Bruxelles. 

Si  nous  en  croyons  le  catalogue,  outre  les  deux  frères  van  Eyck, 
leur  sœur  Marguerite  serait  représentée  à  l'exposition.  Hubert  et 
IMarguerile,  bien  que  mentionnés  dans  l'histoire,  n'ont  pu  jus([u'à 
ce  jour  être  identifiés  avec  certitude.  C'est  donc  hypothétiquement 
qu'on  leur  attribue  telle  ou  telle  production.  Naturellement,  les 
figures  d'Adam  et  d'Eve  de  V Adoration  de  l'A(jncau  peuvent  être 
assignées  avec  assez  de  probabilité  à  Hubert,  que  l'on  sait  avoir 
eu  une  part  à  ce  vaste  ensemble. 

l'iiur  ce  qui  concerne  V Adoration  des  Mar/es.  cataloguée  comme 
de  la  sœur,  il  suffira  d'un  mot  pour  faire  justice  de  l'attribution  : 
les  volets  se  composent  d'emprunts  faits  à  des  estampes  de  Martin 
Scluingauer  et  de  Lucas  d<?  Leydel 

A  Hubert  van  Eyck  M.  NYeale,  dans  les  colonnes  mêmes  de 
la  (iazellr,  a  donné  la  remai(|iiable  peinture  appartenant  à  sir 
Fié(l(''ric  (liioU,  de  lîichmoud  :  Ia's  Saintes  Femmes  an  londjeaii  du 
Christ.  D'autres  auteurs  y  voient  plutôt  une  production  du  pin- 
ceau di'  .lan.  Nous  l'ayons,  pour  notre  part,  rattachée  à  l'œuvre 
(lu  maître  qui  traça  diverses  peintures  à  Madrid,  à  Douai,  etc., 
ioujdurs  rénigmati(iu('  ai'lisli\  désigné  comme  de  Flémalle,  localité 
d'oîi  proviennent  les  volets  du  musée  Stanlel,  à  b'rancforl '.  Que  le 
tableau  fût  d'Hubcil  van  Eyck.  serait  à  la  rigueur  admissible,  mais 
sûrement  les  caractères  de  .Jan  y  paraissent  effacés.  Or,  c'est  à 
Jan  que  l'attribue  M.  de  Tschudi.  Ces  femmes  en  turban,  ce  vase 
oriental,  ces  coiffures  étranges,  chargées  de  caractères  hébraïques 
tracés  en  or,  sont  des  particularités  qui  se  rencontrent  avec  cons- 
tance chez  le  mailre  dil  de  l'Iénialle;  nous  n'en  connaissons  jioint 
d'exemple  chez  van  Eyck.  Que  si  l'on  m'objecte  le  pittoresque  fond 
de  ville,  les  montagnes  loiutaines  chargées  de  neige,  les  plantes  du 
Midi,  le  ciel  bleu  où  llottent  de  légers  cirrus,  rien  de  tout  cela  n'est 
étranger  au  maître,  tour  à  tour  confondu  avec  van  Eyck  et  van  der 
Weydcn,  que  M.  Firmenich-Richartz  identifie  même  avec  ce  dernier, 
l'our  ce  savant,  l'imaginaire  maître  de  Flémalle  ne  serait  autre  que 
van  der  Weydcn  jeune. 

L'a'uvre  est,  du  reste,  remarquable  à  tous  les  titres.  Elle  l'est 
à  la  fois  par  la  composition  et  par  l'exécution,  par  l'originalité 
des  accessoires,  des  types  et  le  charme  du  fond  de  paysage.  L'ange, 
vêtu  de  blanc,  assis  sur  le  sé|)ulcre  oll're  quelque  analogie  avec  les 

1.  GnzAlc  des  Dcaiu--Ai-ts,  :;•  ji.'r.,  I.  I\,  p.  .380  el  suiv. 


types  d'anges  de  van  liyck  ou,  plus  jusleinenl,  avec  ceux  du  Triomphe 
de  rÉglise  stir  la  Synagogue  du  nius(?e  de  Madrid.  Mais,  oulre  que 
cette  peinture,  si  vantée  autrefois  par  nombre  d'auteurs,  Passavant 
en  tête,  n'est  sûrement  pas  une  création  originale,  chose  reconnue 


I'.  Il  A. NUI. NE     l.liUllI.K 
FR.\GMENT    DE     LA 


\AN      111.  H      l'AELE,     l'Ail      JAN      VAN     EYI 
VIEHOE     nu     CHAXOINE     PAELE     " 


(Musi'>e  do  Bruges.) 


actuellement  par  tous  les  connaisseurs,  nous  conservons  des  doutes 
sérieux  sur  l'intervention  de  \\n\  ]']yek  en  ce  qui  concerne  sa 
conception  mcnie. 

La  National  Gallery,  à  Londres,  possède  une  peinture  d'ori- 
gine flamande,  cataloguée  sous  le  n"  108G,  représentant  l'épisode 
où  le  Christ  apparaît   à   sa  mère  après  la    Résurrection.  Il  y  a  de 


sérieuses  raisons  pour  voir  ici,  non  pas  une  créalion  authentique. 
mais  la  copie  d'une  u'uvre  de  «  Flémalle  ».  En  y  regardant  de 
près,  on  verra,  dans  le  paysage  du  fond,  le  tombeau  sur  lequel 
est  assis  l'ange  et,  tout  autour  du  sépulcre,  les  soldats  endormis, 
disposition  très  proche  de  celle  du  tableau  attribué  à  Hubert  van 
Eyck.  La  rencontre  ne  nous  paraît  pas  un  simple  cITet   du  hasard. 

L'attribution  à  Jan  van  Eyci<  nous  paraît  bien  ébranlée,  du  reste, 
par  le  voisinage  de  l'exquis  petit  portrait  d'homme  en  chaperon 
bli'u.  tenant  de  la  main  liniitc  un  anneau,  d'abord  signalé  par 
^I.  Th.  de  Erinimel  dans  ses  Gulcriestudien.  Appartenant  à  la 
galerie  du  collège  évangélique  de  Herniannstadt,  en  Transylvanie, 
le  morceau  ne  nous  est  point  parvenu  intact.  Le  champ  du  pan- 
neau a  été  agrandi;  on  y  a  appliqué  même  le  monogramme  d'Albert 
Diîrer  avec  la  date  li!>7.  Le  [)inceau  du  retduclieur  ne  l'a 'point 
épargné  non  plus.  A'empéche  (|ne  tant  d'outrages  n'y  rendent 
point  méconnaissable  la  main  de  son  auteur.  Comme  partout,  van 
Eyck  est  ici  le  plus  vivant,  le  plus  inexorable  des  interprètes  de 
la  nature.  S'agit-il  de  quelqu'un  des  nombreux  orfèvres  au  service 
de  Philippe  de  Bourgogne  ou,  plus  probablement,  de  (jurlque  fiancé 
de  noble  maison?  ■N'importe,  l'onivre  nous  domine  par  la  fierté  de 
son  styh',  la  haulmir  de  son  expression.  Elle  a  dû  compter  parmi 
les  productions  capitales  de  son  auteur. 

Remarquons,  au  surplus,  que  van  Eyeiv  était  représenté  à  Bruges 
par  un  enseinlile  de  pages  de  si  haute  portée,  d'une  perfection 
technique  si  absolue,  que  leur  voisinage  faisait  nécessairement  pâlir 
des  productions  qui.  en  tout  autre  milieu,  réclameraient  une  part 
plus  considérable  d  atlenliim.  La  remarque  toutefois  ne  s'applique 
pas  à  l'œuvre  précitée.  Si  elle  ne  nous  est  point  parvenue  dans 
un  état  de  conservation  irn'qirochable,  elle  n'en  demeure  pas  moins 
une  page  de  très  haute  signification,  un  des  objets  les  plus  curieux 
(le  la  splendidc  réunion  qui  nous  occupe. 

Une  pièce  des  plus  intéressantes  encore,  bien  que  mal  (•(Uiservée, 
était  la  petite  Vieri/e  exposée  par  M""  Edouard  André,  où  l'Enfant 
Jésus  trempe  dans  l'écritoire.  tenue  |iar  sa  mère,  la  plume  dont  il 
se  servira  pour  signer  peut-être  un  document  mis  à  >a  portée. 
Celte  curieuse  manière  de  représenter  la  Madone  n'est  point 
uniqiie.  Nous  en  pouvons  citer  d'autres  exemples,  notamment  une 
Vierge  sculptée  à  la  fa(:ade  de  l'Ancienne  Boucherie,  à  (iand.  Le 
symbolisme  de  l'épisode  est  diversement  expliqué.  Sans  avoir 
rien  de  commun  avec  Jan  van  Eyik.  la   petite  i)eiuture   est  reniai- 


Jean  van  Eyck  pinx 


PORTRAIT    D  UN    INCONNU 


(Snnniiiire  cviiageliquc  dHcrmannslaJt) 


GAZETTE    DES    BEAUX-ARTS 


Iilip.  H.   DH  Banos- 


—   17   — 

qiiablo  par  sa  vigueur  de  coloris  et  son  charme  de  conception. 
Si  importante  que  fût  la  part  de  l'étranger  dans  la  somme  de 
splendeurs  réunies  à  Bruges  par  le  zèle  méritoire  des  promoteurs  de 
ce  groupement  de  trésors,  la  Belgique  y  contrijjuail  pour  la  pari  prin- 
cipale, il  n-'esl  point  possilde  à  l'homme  de  goût  de  franchir  le  seuil 


l'iPirniAn    me    la    femme    rJL     pkinthe,   I'AU    jax    vax    eyck 
(Musée  de  Bruges.) 

de  cet  ensemble  de  merveilles,  sans  se  sentir  gagné  par  l'émotion  à 
la  vue  des  pages  de  Jan  van  Eyck,  encore  qu'en  tout  temps  elles 
soient  à  Bruges,  comme  à  Bruxelles,  soumises  à  son  étude.  Comljien 
encore  se  renouvellent,  après  cinq  siècles  révolus,  l'admiration  el 
la  surprise  des  contemporains!  Peut-être  même  faudrait-il  dire 
stupeur  plutôt  que  surprise?  Laissant  à  part  même  la  supériorité  du 
coloris,  le  merveilleux  maniement  de  la  couleur  à  l'huile,  l'on  doit 


—    IS   — 

bien  s'avouer  qu'à  aucune  époque,  ni  tlans  aucune  école,  le  pinceau 
n'arriva  à  traduire  la  nalure  avec  une  puissance  égale  d'expression, 
avec  une  vérité  plus  haute.  Il  est  certes  oiseux  de  le  redire;  on  s'y 
attendait.  Pourtant  on  ne  se  lasse  point  de  considérer  celte  technique 
où  tout  tient  du  prodige,  dont  la  perfection  môme  t'ait  ([ii'à  travers 
les  siècles  nul  peintre  n'apparaît  comme  supérieur. 

Qu'ajouter  encore  au  ren<un  de  ce  tableau  de  1430,  où  le  vieux 
chanoine  van  der  Paele  est  agenouillé  en  adoration  devant  la  Madone  ; 
de  cette  tète  du  donateur,  de  ces  mains,  dont  la  vérité  le  dispute  à  la 
nature  elle-même!  Que  dire  enfin  de  ce  portrait  de  la  femme  du 
peintre,  âgée,  nous  dit  l'inscription  du  cadre,  de  ti'ente-trois  ans, 
en  li39!  C'est  bien,  à  notre  gré.  la  perle  de  ce  riche  écrin,  et  peut- 
être  le  plus  surprenant  morceau  biissé  par  l'incomparable  artiste. 
Mais  van  Eyciv  approche  du  terme  de  sa  carrière.  Comme  tant  d'autres 
peintres  illustres,  comme  Titien,  comme  Velazquez,  comme  Rubens. 
comme  Rembrandt,  il  tiiomphe  des  difficultés  matérielles  de  son  art. 
D'autres  pourr(mt  venir;  ils  sont  venus,  en  ell'et;  ils  se  sont  appelés 
i^etrus  Cristus,  van  der  Weydeu,  Thierry  Bouts,  Memling;  aucun 
Il  a  eu  II'  pouvoir  de  surpasser  ce  maître  des  maîtres. 

l'jl  nuus  trouvions  à  l'exposition  même  ce  qui  fut  peut-être  la 
dernière  page  de  ce  prodigieux  créatcMir,  un  liiplypi'  a\aul  appar- 
tenu à  l'église  Saint-Martin  d'Vpres,  resté  inachevé  à  la  moit  du 
peintre.  Van  Mander  l'indique  comme  tel  et  le  décrit. 

Des  connaisseurs,  non  des  moindres,  contestaient  l'authenticité 
du  morceau,  retenu  même  à  la  vente  de  la  collection  van  den  Schrieck. 
Depuis,  il  a  passé  aux  mains  d'un  membre  de  la  famille  de  ce  C('lèl)re 
amateur  et,  malheureusement  aussi,  par  celles  d'un  retoucheur,  qui 
nous  en  a  laissé,  à  ce  qui  semble,  à  peine  mieux  que  son  œuvre 
personnelle!  Il  serait  sans  objet,  en  de  seml)lables  conditions,  d'en 
discuter  le  jilus  ou  moins  de  mérite  ou  d'authenticité.  Ce  n'est  plus 
qu'à  (ilie  d'iiifornialion  et  aussi  de  ruine,  qiu-  nous  ayons  à  l'envi- 
sager. 


Jan  van  Eyck  mourut  le  il  juillel  li'tO.  Pour  exceptioniudle 
que  fût  sa  valeur,  pour  haut  et  étendu  son  renom,  il  n'était  |)as  un 
isolé.  L'histoire,  pourtant,  de  même  qu'elle  nous  laisse  dans  l'igno- 
rance de  ses  précurseurs,  omet  de  nous  éclairer  sur  les  continua- 
teurs immédiats  de  son  art. 

Elle  nous  renseigne  à  peine  davantage  sur  la  connaissance  et  le 


JKAN,  SEIGNEUR    DE    ROUBAIX 


IMuaec    de   Btrlh 


C-azeUe  des  Beaux-Arts 


maniemeiil  de  la  })oinluro  à  riiiiilc.  Le  procéilé  s'était  toiilel'ois  vul- 
garisé avec  une  promptitude  faite  pour  surprendre,  à  une  époiiue 
où,  entre  individus  et  nations,  les  rapports  semblent  avoir  dû  èli'e 
contrariés  par  des  obstacles  multiples.  Tous  les  trois  ans  — 
M.  Weale  ralTirme  dans  l'intruduction  au  catalogue  de  l'exposition 
de  Bruges  —  les  artistes  de  la  Flandre,  du  Braliant,  du  Tournaisis, 
s'assemblaient  pour  l'examen  en  commun  des  points  intéressant 
leur  profession.  Sans  être  aussi  formel,  nous  pouvons  rappeler  un 


MAIiliNK       \l        CM  A  il  I  lu:  l    \  .      I' A  M      .1   \  N      VAN      EVIIK 

(Collecuon  du  baron  Gustave  do  Rothscliild,  Paris.) 


document  publié  par  Pinchard,  pièce  de  laquelle  il  résulte  qu'après 
s'être  une  première  fois  trouvés  réunis,  pour  l'accomplissemenl  de 
quelque  grand  travail  ayant  nécessité  leur  présence  à  Bruges,  à  Gand, 
à  Lille,  les  peintres,  dès  la  seconde  moitié  du  xv"  siècle,  résolurent 
de  se  rencontrer,  de  leur  libre  accord,  pour  célébrer  la  fête  de  leur 
patron  saint  Luc,  dans  un  des  centres  où  existait  une  gilde. 

Huant  à  l'échange  des  œuvres  de  leur  pinceau,  il  était  des  plus 
suivis.  Bruges  surtout,  grâce  à  ses  rapports  de  commerce  avec  les 
pays  lointains,  exportait  couramment  les  productions  nées  sur  son 
sol.  L'Espagne,  ainsi  que  l'Italie  et  le  Nord,  fut  de  très  bonne  heure 
renseignée  sur  ses  maîtres.  Dès  l'année  liiS,  un  souvenir  très  évident 


—  20  — 

Je  VAdofiition  de  l'Agneau  se  retrouve  à  Barcelone,  dans  un  retaille 
de  Louis  Dalmau.  C'est  chose  digne  d'être  notée,  à  ce  point  de  vue, 
que,  précisément,  parmi  les  continuateurs  de  v'an  Eyck,  nul  nest 
plus  rapproché  de  lui  en  valeur  qu'Antonello  de  Messine,  venu  peut- 
être  en  Flandre,  mais  non  point,  comme  l'a  voulu  prétendre  Vasari, 
son  élève  direct.  Et,  sans  nous  occuper  ici  de  rechercher  l'auteur 
du  fameux  Saint  Jrràmp  du  musée  de  Naples,  on  ne  peut  y  mécon- 
naître l'inlluence  de  l'illustre  peintre  de  Philippe  le  Bon. 

Aucun  lien  très  apparent  ne  relie  à  Tteuvre  de  van  Eyck  une 
remarquable  peinture  attribuée  à  AntoncUo  par  le  catalogue  de 
l'exposition  de  Bruges  :  Le  Christ  pleuré  par  la  Vierge  et  les  Saintes 
Femmes,  œuvre  ayant  naguère  appai'tenu  à  Jules  Renouvier  et,  par 
héritage,  devenue  la  propriété  du  baron  d'Albenas,  à  Montpellier. 
(De  la  même  source  provient  la  Résurrection  de  Lazare,  atti'ibuée  à 
Gérard  de  Haarlem,  récemment  entrée  au  Louvre;. 

Empreinte  d'un  profond  sentiment  dramatique,  cette  petite  page 
se  range,  par  le  style  autant  que  par  le  coloris,  dans  les  écoles  méri- 
dionales. Sa  gamme  de  colorations  fait  songer  à  Piero  délia  Fran- 
cesca.  Quant  à  la  forme,  elle  est  anguleuse,  quelque  peu  brutale. 
On  rencontre  en  Espagne  des  tableaux  de  cette  physionomie  tra- 
gique. Le  Christ  repose  inerte  sur  les  genoux  de  la  Vierge,  sa 
tète  imberbe  rejetée  en  arrière.  La  jambe  gauche,  repliée  sous  la 
droite,  fait  voir  la  plante  du  pied.  Ce  mouvement  peu  gracieux 
s'explique  par  la  raideur  cadavérique.  Les  extrémités  inférieures, 
superposées  pendant  le  supplice,  ont  gardé  la  trace  de  cette  disposition 
contrainte.  Les  bras,  de  même,  sont  pendants  le  long  du  corps.  Rien 
ici  n'évoque  le  souvenir  d'Antonello  aperça  dans  les  œuvres  authen- 
tiques d'Anvers  et  de  Londres.  D'excellents  connaisseurs,  pourtant, 
attribuent  celte  peinture  à  l'impeccable  artiste.  Le  type  de  la  Vierge, 
amplement  drapée  de  bleu,  est  franchement  vulgaire.  Ce  qui  surtout 
impressionne  ici,  c'est  l'intensité  de  douleur  qui  se  reflète  sur  le 
visage  de  la  mère  du  Christ  et  agite  ses  compagnes.  Ensevelies  en 
quelque  sorte  dans  des  draperies  rouges  ou  nuancées  d'orange  aux 
plis  rigides,  les  Saintes  Femmes  s'isolent  dans  un  désespoir  muet  ; 
elles  se  dérobent  au  regard  et  elles  en  paraissent  plus  émouvantes. 
Non  loin  du  groupe  principal,  à  la  droite  du  tableau,  s'agenouille 
un  donateur,  gentilhomme  au  front  dégarni,  au  profil  aigu;  il  tient 
entre  ses  mains  jointes  un  chapelet.  Sur  le  velours  de  sa  longue 
casaque  noire  tranche  une  chaîne  d'or  à  laquelle  est  suspendue  une 
croix;   ses  chausses   sont  rouges  :    costume    essenti(dlrriiciit    niéri- 


ANTONEU.O  DK.  MF.SSINE  PIN'X' 


.lAlI.i.AW)   SCUi.P'' 


Itnp  A    Porcabsaf.  ?» 


—  51  — 

dional,  par  sa  coupe  et  par  le  clidix  des  nuances.  Le  ciel  clair,  où 
se  profilent  la  croix  du  Christ  et  les  cadavres  des  larrons  cruciliés, 
fait  se  silhouetter,  par  delà  les  murs  d'une  ville,  les  toits  des  mai- 
sons, un  campanile  ogival  et  un  vaisseau  d'église  où  apparaissent 
les  signes  précurseurs  de  la  Renaissance,  enfin  un  donjon  ruiné. 
A  l'horizon,  se  voit  une  succession  de  pics  neigeux,  les  Alpes  peut- 
être. 

Le  coloris,  pas  plus  que   le  style  de  cette  fort  intéressante  pein- 
ture, n'autorise  à  la  ranger  dans  l'école  llamande.  Encore  faudrait-il 


LE     r.  IIUIST     PI.  ET  11  K     PAU     LA      V  I  E  K  0  F,     ET     LES     S  A  I  .N  T  E  S     FEMMES 

A  T  T  111  11  U  Ê     A     A  X  T  0  N  E  L  L  0     DE     MESSINE 

(CoUoction  d'.illjcnas,  Montpellier.) 

hésiter  à  la  dater  du  xv"  siècle,  s'il  était  possible  de  lui  trouver  un 
auteur  parmi  les  représentants  de  cette  époque.  Pour  arriver  à  la 
détermination  de  cette  œuvre  énigmatique,  il  faudrait  connaître  et 
la  ville  et  le  personnage  représentés. 

L'exposition  de  Bruges  présentait  pour  l'étude  cet  intérêt  consi- 
dérable—  et  cet  inconvénient  aussi,  — de  nous  montrer  le  traditio- 
nalisme s'iniposant  à  la  plupart  des  maîtres  primitifs  d'origine 
flamande,  triomphant  d'une  habileté  pratique  peu  ordinaire,  mise 
au  service  d'un  souci  constant  des  réalités  ambiantes.  Mais  la  nature 
se  voit  et  se  traduit  par  eux  d'une  manière  quelque  peu  conven- 
tionnelle: d'où,  précisément,  pour  l'ensemble  de  ces  maîtres  prinii- 


til's,  lin  air  jironoiR'r  de  l'aiiiillc.  Aussi  lo  sens  criticiue  du  visileur 
<Mait-il  soumis  à  une  assez  rude  ('incuvo,  et  dérouté  quelque  jieu  par 
des  attributions  acceptées  par  cdurtoisie  sans  doute,  mais  dnnt,  pour 
notre  [lart,  nous  ne  saurions  l'aire  étal. 

Un  admirable  portrait  de  vieillard,  taisant  partie  de  la  célèbre 
galerie  du  baron  Albert  Oppenlicim,  à  Cologne,  comptait  jiarmi  les 
plus  précieuses  contributions  de  ce  grand  amateur  et  constituait  aussi 
une  des  plus  ravissantes  peintui'es  de  l'exposition.  Des  juges  dune 
compétence  admise  souscrivent  à  l'allribulii^in  à  .lan  van  Eyck.  Nous 
sommes  plus  bésitanl.  Le  l'aire  y  semble  plus  lilire,  le  procédé  plus 
ample  et,  pour  (nul  dire.  d'(''p0(|ue  moins  reculée.  (Jn  est  trop  mal 
renseigné  encore  sur  tous  les  artistes  du  temps  pour  s'aventurer  à 
proposer  d'autres  noms  que  ceux  des  trois  ou  quatre  maîtres  connus  ; 
van  Eyck.  van  di'r  ^V(■yden.  Memling.  van  der  Goes,  dont  les 
tableaux  se  reiicunlient  dans  nos  galeries.  La  raison  n'est  point 
suffisante  pnur  (ju'dn  se  liàte  d'admettre  dans  l'oeuvre  d'un  peintre 
ce  qui  ne  semlde  pas  porter  l'empreinte  de  son  individualité.  Il 
faut  d'ailleurs  admirer  sans  réserve  le  magnifique  morceau  que  son 
heureux  possesseur  avait  exposé  entre  un  Thierry  Bouts  el  nn 
JMemling  de  qualité  exceptionnelle. 

Avant  de  parler  des  |)eintres  fameux  en  qui  se  conliniie  hi  li'a- 
dition  de  van  Eyck,  il  inqiorle  de  dire  un  mot  de  ses  conteuipurains. 

Un  seul  nous  est  indiscutablement  connu  :  Roger  van  der 
^Veyden.  Le  surnom  de  <■  Hcger  de  Bruges  »,  adopté  d('jà  par 
van  Mander,  simplifiait  grandement  les  choses.  Les  deux  maîtres 
auraient  vécu  et  travaillé  presque  côte  à  côte,  obéi  aux  mêmes 
inlluences.  utilisé  les  mêmes  modèles.  Que  Roger  ait  eu  des  liens 
avec  la  cuur  de  Bnui'gogne,  la  chose  est  très  certaine.  Sans  compter 
(|n'nn  lui  allriliiie.  avec  toute  chance  de  raison,  des  portraits  du  duc 
IMiiliiipe,  ne  voyons-nous  pas  le  chancelier  Nicolas  Rolin  poser 
devant  son  pinceau,  et,  après  avoir  fourni  à  van  Eyck  l'occasion  de 
la  merveilleuse  Vierge  du  Louvre,  procurer  à  lui-même  l'occasion 
du  grandiose  retable  de  l'hôpital  de  Beaune ? 

A  l'exposition  de  Bruges,  le  rapport  s'atliruiail  à  nouveau  par  le 
portrait  d'un  autre  personnage  notable  de  la  cour  de  Bourgogne, 
Pierre  Bladelin,  chambellan  de  (Charles  le  Téméraire  et  trésorier  de 
la  Toison  d'or,  appartenant  à  ^1.  R.  von  Kaufmann,  de  Berlin.  C'est 
un  des  morceaux  les  plus  caractéristiques  du  maître  et,  certes,  une 
des  perles  de  l'exposition.  Autant  que  l'individu  nu"'me,  le  milieu  et 
ré|ioque  se  rellèlent  dans  celle  image,  doni  il  -^einMe  (|ue  le  jieiiilre 


ri)':KF<E    BLADIlLIII     IMIAMBEI.LAM   Dt   CI-fARLES   LE   TE  ME  t.A  I  P.E 
I  Collection  de  M.R.  von  Raufinann,  B  ei-lin     l 


—  23  — 

s'ci|i|iliijuo,    loul  (oniiiic  à   Beaiino.   dans  son  portrait  ilo  Rolin,  à 
souligner  le  côté  rébari)atif. 

Mais  pour  être  du  nièiuc  temps  et  subir  les  nièni(>s  inlluences, 
van  Eyck  et  van  der  Weytien  ne  soni  [loint  d'une  confusion  possible. 
Ce  portrait  même  le  ilémonlre.  Tournaisien  de  naissance  et  d'édu- 
cation, Roger  de  la  l'asture.  —  lel  l'ut  iiien  son  nom  ré(d,   comnii' 


ii;Aii    UE    .nii:mlas    kiili.n.    r.vii    nin.i,u     \  a  .\    plu     WLiMCN 
(Volet  au  triptyque  conservé  à  riiùpital  de  Beaune.) 


le  prouvent  les  documents  publiés  par  Alex.  Pincbart.  —  s'il 
n'éclipse  point  son  confrère  en  perfection,  est  bien  celui  des  deux 
maîtres  par  qui  l'art  tlamand  accomplit  une  nouvelle  étape  vers 
ses  destinées  ultérieures.  Les  circonstances  y  concourent.  Si  le 
temps  avait  respecté  l'ensemble  des  œuvres  de  Roger  et  notammenl 
ses  peintures  de  rb(')t(d  de  ville  de  Bruxelles,  nous  nous  trouverions 
avec  lui  en  présence  d'une  individualité  faite  pour  montrer  l'école 
des  Pays-Bas  en  possession  d'un  ensemble  de  ressources  dont  les 
|)roductions  existantes  constituent  à  peine  un  rellet  alTailili.  A  l'expo- 


sitiun  de  Bruges  môme,  et  si  parcimonieusemenl  nu'v  tùl  représenté 
van  lier  ^Veyden,  on  se  persuadait  sans  peine  qu'en  lui,  bien  plus 
niTen  van  Eyck,  se  continue  l'école  que  devaient  illustrer  Memling 


LE     ClimST     HESSLSCITÉ     A  I' TA  H  Al  S  S  A  X  T     A     LA      V  I  E  II  G  E 
PAU     IlOGER     VAX     DER     -WEYDEN 

(Volet  (lu  retable  de  Miraflores,  Musée  de  Berlin.) 


et  Gérard  David,   (juoiqiie  l'un  et   l'autre  aient  ol>éi  à  l'action  d  in- 
fluences exotiques. 

Outre  que  nous  sommes  redevables  à  Pinchart  de  la  connais- 
sance des  origines  tournaisiennes  et  du  nom  vrai  de  Roger  van 
der  Wevden,  nous  lui  devons  encore  celle  de  l'existence,  à  Tournai, 


Roger  van  der  Weyden  pinx 


LA    MADONE    ALLAITANT    L  ENFANT    JESUS 
(ColUctiaii  de  M.  Malhvi.  Bruxelles.) 


GAZETTE   DES  BEAUX-ARTS 


d'une  école  importante  de  peinlure  dont,  malheureusement,  aucune 
production  certaine  n'est  olTerle  à  notre  étude.  Si,  comme  le  propose 


bvl^ 


LA      VlEUiiE      AVKI.      I,   EM    \Ni      MM   s      s  1    11      I    .N      IIIUNE 
P  A  R     I)  0  G  E  n     V  A  X     n  E  R     W  E  Y  H  E  X 


(Collée 


do  lor.l  Xortlil.rook,  l.on.lros.l 


M.  Georges  Hulin,  et  comme  piiniit  l'admettre  le  catalogue  de 
l'exposition,  le  surprenant  arlisic  acdiellement  désigné  comme  le 
«  maître  de  Flémalle  »  pouvait  être  identifié  avec  Jacques  Daret, 
issu,  comme  Roger,  de  l'atelier  de  Robert  Canipin,  cette  importance 


serait  on  (jiu'lijuc  sorte  prouvëo.  L'iio  chose  n'est  guère  contestable  : 
l'étroite  relation  de  style  entre  les  deux  artistes,  rapport  sur  lequel 
se  fonde  l'ingénieuse  théorie  de  M.  Firmenich-Richartz  rappelée 
tout  à  l'heure. 

Nous   avons  signalé  plus  haut  l'existence  à  la  National  Gallery 
de    Londres    d'un   tableau    où,    senilde-t-il.    divers    éléments    sor.t 


lESSI.X     D    ENSEMBLE     D  A  P  R  E  S     «     LE     M  A  11  I  \  G  E     DE     LA      V  I  E  II  11  E     u 

I)  I  [>  T  Y  IJ  LE     1'  A  R     LE     "     M  A  i  T  H  E     1)  E      F  L  K  M  A  L  L  E     .1 

Musée  ,lu  Pra.i... 


enipruulés  au  niailre  de  Flénialle  :  L»  Christ  appfinn.ssdiit  à  la 
Vierge.  Précisément  M.  Firmenich-Rieluirti?  invoque,  à  l'appui  de 
sa  hèse,  un  exemplaire  presque  identique  du  même  sujet,  faisant 
partie  du  retable  de  Miratlores,  au  musée  de  Berlin.  La  chose 
n'importe  ici  que  secondairement.  Contentons-nous  de  dire  qu'à 
Bruges,  où,  comme  Roger,  «  Flémalle  »  était  représenté  par  des 
créations  restreintes  en  nombre  et  en  importance,  il  est  vrai, 
la    théorie    du  critique  allemand  ne  trouvait  pas   sa  coniirmatioii. 


Él'ISODES      IIE      LA      VIK      1)  K      S  A  I  .\  T     JÛSlil'Il,     ]■  A  H      11  U  G  E  K      \  A  .N      liEl;       \V  E  Y  D  E  N      (?) 

(Cailicdrali;  Notre-Dame,  Anvers.) 


—  28  — 

La  page  la  plus  iiiipui  laiilc  insiiitc  au  falalogue  sous  le  nom  de 
Roger,  le  Mariage  de  la  Vierye  appartenant  à  la  cathédrale  d'Anvers, 
a  d^s  longtemps  fait  l'objet  d'une  étude  de  M.  H.  von  Tschudi.  Pas 
plus  que  lui  nous  n'y  voyons  l'o'uvre  propre  du  maître  lournaisien, 
ce  qui  d'ailleurs  ne  rempèche  d'être  infiniment  intéressante.  Les 
rapports  y  sont  nombreux,  encore  une  fois,  avec  le  maître  de 
Flémalle,  dont,  au  surplus,  un  diptyque,  très  proche  comme  disposi- 
tion et  comme  pensée,  existe  au  musée  du  Prado.  11  est  à  obser- 
ver, cependant,  que  le  lal)leau  d'Anvers,  qu'il  soit  de  premièie  ou 
de  seconde  main,  dénote  une  période  plus  avancée  de  la  peinture. 
Outre  que  larclnlrcluie  en  est  remarquable,  l'expression  vivante 
des  physionomies,  la  gamme  des  colorations  révèlent  un  puissant 
observateur  de  la  nature  doublé  d'un  praticien  de  valeur  peu  ordi- 
naire. Divers  types  y  ap|iarli('iiucnt  manil'eslemenl  à  Roger,  d'autres 
à  Flémalle. 

La  petile  Modo/iP  de  loid  Xurlbbrudk,  plus  d'une  fois  repro- 
duite déjà,  accuse  plus  neilenient  son  auteur.  Elle  a  été  tour  à  tour 
attribuée  à  van  Eyck,  à  Memling  et  même  à  Albert  Diirer,  chose 
d'autant  moins  justifiable  que,  agrandie  par  la  pensée,  elle  nous 
ramène  à  Roger  van  der  Weyden,  autant  par  le  type  de  la  Vierge  et 
celui  de  l'Enfant  Jésus,  (pie  par  le  motif  architectural,  où  le  grand 
artiste  prodigue  les  sculptuies.  Rappebms-nous  aussi  la  petite 
Madone,  très  parente,  du  musée  de  Vienne.  Ici  comme  là,  la  robe 
bleue  de  la  Viei'ge,  la  robe  rouge  de  l'Enfant  Jésus,  forment  une 
harmonie  familière  à  Roger:  on  la  retrouve  dans  sa  De'/iosition 
de  croix,  prêtée  par  le  musée  de  Rruxellcs,  onivre  très  authentique, 
mais  de  peu  de  charme. 

Nous  mettons  sous  les  yeux  du  lecteui'  la  Madone  allaitant 
l'Enfant  Jésus,  un  Roger  van  der  AVcyden  typique,  ayant  fait  partie 
de  la  collection  du  D''  de  .Aleyer,  à  Rruges,  aujourd'hui  la  propriété 
de  M.  Mathys,  de  Rruxelles.  Bien  que  rapprochée  peut-être  des 
débuts  de  l'artiste,  autant  par  le  style  que  par  sa  gamme  des 
colorations,  Roger  se  présente  ici  avec  l'ensemble  de  ses  qualités 
et  de  ses  défauts.  Coloi'iste  remarquable,  dessinateur  correct,  mais 
anguleux,  on  le  voit  plus  préoccupé  de  la  justesse  des  elfets  que 
de  leur  charme.  S'il  arrive  à  un  puissant  degré  d'expression  dans  ses 
Vierges  éplorées,  son  type  de  la  Madone  jeune  se  signale  par  plus 
de  douceur  que  d'intelligence  ou  de  distinction.  l>e  même.  l'Enfant 
Jésus  manque  de  gracilité.  Sa  gaucberie  a  pourtant  bien  du 
charme.  Le  morceau  n'en  est  pas  moins  d'une  réelle  beauté  jiicturale 


—  3(1  — 

ot  c'est  une  merveilleuse  leirmonie  que  eclle  qui  existe  entre  le  l'oiul 
rouge  cramoisi  et  le  bleu  jtrol'ond  de  la  draperie  de  la  Vierge. 

Une  répétition  presque  intégrale  du  taldeau,  en  sens  inverse,  oîi 
la  Vierge  est  vue  jusqu'aux  genoux,  vêtue,  cette  fois,  d'une  robe 
rouge  et  se  détachant  sur  un  fond  d'or,  avait  été  exposée  par 
M"'"  Mayer  van  den  Bergh,  d'Anvers. 

De  composition  identi<iue  et  de  grandeur  pareille  aussi,  deux 
Madones,  l'une  exposée  par  lord  Crawford,  l'autre  par  M.  le  baron 
Oppenheim,  ont  figuré  isolément  à  diverses  expositions,  soit  en 
Angleterre,  soit  sur  le  continent.  Le  hasard  les  a  rapprochées  à  Bruges. 
Il  a  permis  de  constater  (|ue  les  deux  œuvres  n'émanent  pas  d'un 
même  pinceau.  L'exemplaire  de  lord  (Irawford  porte  le  monogramme 
fauxd'Alberl  Diirer.  La  chose  s'expli(iue  iteut-èlre  par  la  circonstance 
que  cette  peinture  appartint  au  D'' Campe,  le  biographe  de  Diirer,  et 
que,  sans  doute,  elle  fut  trouvée  à  Nuremberg.  L'ensemble  n'est 
pas  du  reste  sans  quelque  rapport  avec  les  Madones  de  Diirer,  qui, 
peut-être,  connut  cette  production.  Il  en  faut  rapporter  le  principe 
à  Roger  van  der  Weyden  et  y  voii-.  à  notre  avis,  une  œuvre  du 
pinceau  de  Gérard  David.  A  lui  le  catalogue  attribue  précisément 
l'exemplaire  du  baron  (Ipi)eniieim,  de  coloration  plus  faible  et  où 
manque  le  fond  de  riche  tissu  noir  à  ramages  d'or  sur  lequel  se 
détache  la  ligure  dans  le  tableau,  d'apparence  plus  archaïque,  de 
lord  Crawford.  Les  mains  de  la  Vierge  sont,  dans  celui-ci,  particu- 
lièrement belles. 

Le  Povirail  de  jeune  hoinine  en  robe  rouge  (n"  27),  à  M.  Cardon, 
ne  porte  pas  avec  une  entière  évidence  les  caractères  de  Roger,  ce 
qui  ne  l'empêche  d'être  une  fort  belle  peinture.  Le  comte  de  Wilczeck, 
de  Vienne,  exposait  comme  u'uvre  d'un  maître  inconnu  (n°  IIG),  une 
ancienne  et  très  remarquable  copie  du  Saint  Luc  de  van  der  Weyden 
appartenant  à  la  Pinacothèque  de  Munich.  11  nous  paraît  superflu  de 
mentionner  d'aulres  morceaux  de  même  nature,  dont  les  originaux 
ligurent  dans  les  galeries  publiques. 

Le  contingent  du  maître  dit  «  de  Flémalle  »  olfrait,  pour  sa  part, 
diverses  copies  également,  mais  dont  les  prototypes  n'ont  pas  jus- 
qu'à ce  jour  été  signalés.  La  Vierge  dans  une  chambre  appartenant 
à  MM.  de  Somzée  in"  23)  est  sans  doute  l'unique  production  origi- 
nale du  peintre  envoyée  à  Bruges.  C'est  un  morceau  déjà  célèbre, 
fréciuemment  exposé,  remarquable  surtout  par  le  détail,  mais  non 
la  production  principale  de  l'auteur.  Un  point  d'intérêt  considérable 
est  à  noter  relativement  à  cette  peinture  très  caractéristique  :  l'im- 


—  ;v2  — 

possibilité  de  la  eonfonilro  avec  les  créations  de  van  der  Weyden, 
malgré  les  rapports  d'ailleurs  incontestables,  et  déjà  relevés,  entre 
les  deux  maîtres. 

Le  très  intéressant  triptyque  de  la  Descente  de  croix  du  musée 
lie  Liverpool  (n"  221,  figurait  sous  le  nom  de  van  der  Weyden  dans 
le  catalogue  de  cette  importante  galerie  rédigé  par  M.  Conway.  Le 
morceau,  sans  être  un  original,  garde  néanmoins  une  très  haute 
signilieation.  11  ne  s'agit  de  rien  moins,  en  etl'et,  que  d'une  copie 
réduite  du  retalde  de  l'abbaye  de  Flémalle,  dont  les  fragments, 
attribués  jadis  à  van  der  \Yeyden,  appartiennent  actuellement  au 
musée  de  Francfort.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  nous  avons  sous 
les  yeux  l'intégralité  des  volets  dont  cette  galerie  ne  délient  que  des 
morceaux.  Deux  personnages,  vus  seulement  en  buste,  sur  le  volet 
de  gauche,  au  musée  Sta^del,  sont  en  figures  entières  sur  la  réduction. 
Au  bas  du  même  panneau  se  voient,  à  peine  déchiffrables,  les  armoi- 
ries de  Bruges.  M.  Weale  en  conclut  que  le  petit  retable  provient 
de   l'hospice  Sainl-Julien  de  ladite  ville. 

Chose  à  ne  point  passer  sous  silence,  naguère  (b'jà  signalée  par 
M.  \\.  von  Tschudi  :  dans  im  tableau  de  la  cathédrale  de  Bruges 
exposé  sous  le  n"  122  et  reprc'sentant  Le  Portement  de  croix,  Le 
Crucifiement  et  Lu  Di'jtosition  de  croix,  l'on  voit  se  répéter,  avec 
les  larrons,  divei's  groupes  eni)iruntés  au  maître  de  Flémalle.  Il 
est  permis  d'en  déduire  que  jusqu'au  xvi''  siècle  cette  page  et  son 
auteur  n'étaient  pas  oubliés  en  pays  flamands. 

Nous  en  avons  une  nouvelle  preuve  avec  le  tableau  n"  150, 
Iji  Messe  de  saint  Grégoire,  exposé  par  M.  E.  Weber,  de  Hambourg, 
nù  l'on  peut  lire  sur  une  fablette  pendue  à  la  droite  de  l'autel  les 
mots  :  Dees  lafel  icas  gliemaecld  int  jaer  0ns  Heeren  mv  xiv  (Ce 
tableau  fut  créé  en  l'an  du  Seigneur  1314).  Il  s'agit  ici  encore  d'une 
copie  d'après  Flémalle,  également  signalée  par  M.  H.  von  Tschudi. 
Nous  reproduisons  ce  très  curieux  morceau,  destiné,  dirait-on,  à 
servir  à  la  gravure,  tant  y  est  précisé  chaque  détail.  Impossible 
d'en  méconnaître  l'auteur.  Le  peintre  y  introduit,  d'ailleurs,  divers 
accessoires,  aperçus  déjà  dans  plusieurs  de  ses  créations.  De  même, 
l'intérieur  de  l'église  et  la  disposition  de  l'officiant  font  songer  au 
diptyque  an  Mariage  de  la  Vierge,  à  Madrid. 

Signalons,  comme  curiosité,  la  série  des  tètes  d'Apùtres  dans  des 
ronds,  peintes  en  couleurs  vives  et  insérées  au  pied  du  retable. 
Egalement  le  cierge,  assez  spécial,  tenu  par  l'acolyle.  Un  remar- 
quera que  ce  cierge  s'enroule  sur  une  fige.  Ses  spires  déroulées  lui 


33 


donneraient  une  prodigieuse  longueur.  Il  y  eut  au  moyen  âge  des 
cierges  ainsi  façonnés.  L'Iiistoire  parle  de  celui  que  les  Tournai- 
siens  vouèrent  à  la  Vierge  en   1340,  après  une  victoire   remportée 


sur  les  Flamands  :  ce  cierge  avait  la  longueur  du  grand  tour  d(>  la 

procession,  et,  enroulé  sur  un  treuil,  dit-on,  brûla  longtemps  dans 

la  chapelle  des  Flamands,  à  la  cathédrale.  Il  y  aurait  peut-être  ici 

un  détail  venant  corroborer  l'hypothèse  de  l'origine  tournaisienne 

du  peintre  '. 

1.  De  nouvelles    recherclies  ont  mis   sous  nos  yeux  d'autres   cierges   sem- 
blables. 


—  3t  — 

Los  rappoiis  artistiques  onlro  Drupes  ol  Tournai  ôlaionl  assez 
suivis.  Philippe  TriifTin,  le  principal  des  maîtres  tournaisiens  de 
l'époque,  lut  appelé  à  Bruges  en  1408,  pour  y  travailler  aux  décora- 
lions  des  fêtes  du  mariage  de  Charles  le  Téméraire. 

Plusieurs  autres  peintures  de  l'exposition  de  Bruges  rappelaient 
le  maître  de  Flémalle  :  Le  Cluisl  mort  dans  le  sein  du  Père  Éternel, 
copie  ancienne  identifiée  par  M.  11.  von  Tschudi,  appartenant  au 
musée  de  Louvain,  et  dont  M.  Lelirs  a  retrouvé  le  souvenir  dans 
une  i^ravure  du  maître  de  146(i  :  Ij-s  Apprêts  de  la  toilette  de  iKn/anl 
JésKs,  à  sir  Frederick  Cook.  lue  composition  semblahle  existe  au 
musée  de  l'Ermitage.  Dans  celle  qui  était  exposée  à  Bruges,  le 
peintre  a  introduit  des  anges,  absents  dans  l'autre  version.  N'ayant 
pas  vu  celle-ci,  nous  ne  pouvons  nous  prononcer  sur  sa  valeur,  mais 
il  nous  est  permis  de  signaler  de  nouveau  l'ingénieuse  préoccu- 
lialion  du  peintre  de  rajeunir  ses  données  :  dans  le  tableau  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  la  Vierge,  d'un  mouvement  plein  de  grâce, 
réchaulTe  sa  main  au  loyer  avant  de  la  porter  sur  les  chairs  déli- 
cates de  son  enfant. 

C'est  à  Flémalle  encore  que  se  rallache  un  curieux  ensemble  de 
la  Légende  de  saint  Joseph  [w°  3i-t),  exposé  par  l'église  de  Hoog- 
straeten,  dans  la  province  d'Anvers.  Dans  une  frise,  longue  de2mètres, 
haute  à  peine  de  00  centimètres,  on  voit  se  succéder  —  parfois  se 
confondre  —  les  épisodes  de  la  légende  de  l'époux  de  la  Vierge 
antérieurs  à  la  fuite  en  Egypte.  La  peinture  en  est  rude,  mais  des 
plus  expressives;  le  détail  surtout  y  est  d'rvtrème  intérêt.  Plusieurs 
des  personnages  appartiennenl  à  la  si'rie  des  acteurs  rencontrés 
dans  les  scènes  du  maître  de  Flémalle.  Dans  le  petit  groupe  de  deux 
ligures,  où  Josepli,  agenouillé  devant  ]Marie,  s'accuse  de  l'avoir  soup- 
çonnée, l'époux  delà  Vierge  porte  à  la  ceinture  les  outils  de  son  métier 
de  charpentier;  d'autres,  trop  volumineux,  sont  déposés  à  terre.  Ces 
outils,  nous  les  connaissons,  pour  les  avoir  vus  aux  mains  de  saint 
.loscph  dans  le  volet  du  retable  de  McM'ode,  ofi  il  fa(;onjie  des  souri- 
cières. Sans  être  nullement  délicale,  cette  peinture  constitue  nu 
document  des  plus  précieux  |)our  l'Iiistoire  de  l'art  en  Flandre  au 
début  du  XV'"  siècle. 

Les  salles  de  l'exposition  tle  Bruges  ])rocuraient,  on  le  voit,  au 
visiteur  nombre  d'informations  précieuses  pour  l'étude  du  maître 
encore  indéterminé;  il  n'y  a  point  exagération  à  le  ranger  aux  côtés 
de  van  Fyck  et  de  van  der  Weyden,  parmi  les  représentants  les  plus 
a\anci''s  de  l'ai't  de  leur  ('po(|ue. 


—  35  — 

l'iiis  indiiréreiile  lui  moins  l'onsoignôo  que  telle  de  notre  lonips, 
la  critique  d'autrefois,  sans  nul  [souci^  des  caractères  distinctifs 
et  sans  aucun  respect  non  plus  de  leur  valeur,  rattachait  béné- 
volement à  l'œuvre  des  van  Eyck  et  des  Memling  les  productions 
les  plus  disparates.    On  reproche   vnlonliers  à  notre   temps  l'excès 


LA    ME.-^i:    \'E    SAIM     (iUK'.OllIE.     COI'Ji:    h  AI'IIKS    LE    •'     MUIIIK    [■F    ILIÏHI.IK     ■ 

(Collection  de  M.  E.  Weber,  Hambouri;.) 

contraire,  de  créer  ou  de  défaire  comme  à  [daisir  les  attrilmlions. 
11  y  a  là  quelque  injustice.  On  perd  de  vue  nos  moyens  d'informa- 
tion précieux,  moyens  dont  ne  disposaient  pas  nos  devanciers,  en 
toute  première  ligne  la  facilité  des  voyages  et  la  photographie, 
sans  compter  les  sources  authentiques  vulgarisées  à  pleines  mains, 
sans  parler  enlin  d'expositions  comme  celle  qui  nous  occupe,  et 
dont  l;i  critique  tirera  certainement  profit. 


—  36  — 

Une  lies  premières  constatations  qu'y  faisait  le  visiteur  (Mait  l'ab- 
sence presque  totale  de  pages  signées.  Seul,  Petrus  Crislus  apj)ose 
une  signature  au  bas  de. ses  tableaux.  Le  fameux  Sain/  Eloi  appar- 
tenant à  la  riche  galerie  du  baron  Oppenheim,  à  Cologne,  est  daté  de 
lii9.  Cristus,  originaire  d'une  bourgade  de  la  Flandre,  était  devenu 
bourgeois  de  Bruges  en  liii.  donc  au  lendemain,  en  quelque  sorte, 
de  la  mort  de  van  Eyck,  considéré  naguère  comme  son  maître.  En 
ellel,  ou  le  voit  introduire  largement  dans  ses  œuvres  les  accessoires 
empruntés  à  l'illustre  artiste.  Selon  M.  Weale,  il  se  contenta  de 
les  acquérir  à  la  mort  de  leur  premier  possesseur.  Dans  une  de 
ses  peintures  existant  à  Francfort,  on  retrouve  un  Inpis  utilisé  di'jà 
par  van  Eyck;  ailleurs  une  escarcelle. 

Très  nettement,  à  Bruges,  l'inlhience  de  van  Eyck  s'accusait 
dans  le  précieux  portrait  de  jeune  gentilhomme,  nu-tète,  vêtu  de 
rouge,  exposé  par  M.  Salting.  La  coloration  en  est  remarquable 
par  sa  puissance  et  sa  richesse,  par  la  vigueur  peu  commune  de 
ses  ombres.  Outre  cela,  praticien  excellent,  Cristus  révèle  une  très 
sérieuse  étude  de  la  forme.  Il  ne  se  montre  pas  impénétrable  à 
l'émotion,  sans  toutefois  s'y  abandonner  autant  (lue  van  der  Wcy- 
den.  Néanmoins,  la  Déposition  de  croix  appartenant  au  musée  de 
Bruxelles,  page  importante  par  sa  grandeur  et  dont  l'allribution  au 
maître  nous  parait  non  moins  justifiée  que  celle  du  ciiarmant  Cnl- 
vaire  de  la  galerie  du  duc  d'Anhalt,  est  d'un  vrai  sentiment  reli- 
gieux, encore  que,  dans  les  scènes  précédentes,  plus  d'un  acteur 
fasse  preuve  d'indilTérence. 

Mais,  incontestablement,  par  la  proportion  des  personnages 
aiilaiil  (1U(^  jiar  l'heureux  ensemiile  de  la  eomposilion.  par  l'intérêt 
du  détail,  le  Saint  Éloi  mérite  de  compter  parmi  les  œuvres  capitales 
du  maître  et  revendique  sa  place  parmi  les  pages  les  plus  impor- 
tantes du  xv"  siècle.  Le  patron  des  orfèvres  y  est  représenté  dans  sa 
boutique,  pesant  l'anneau  des  liançailles  d'une  jeune  dame  de  qua- 
lité, —  sainte  Godeberte,  selon  M,  Weale,  —  placée  juès  de  lui.  Au 
bas  du  tableau,  tracée  en  grandes  lettres,  la  signature  Petrus 
C/irislK.s" me  fecit,  .suixie  de  la  date  /  !  !!>.  La  corporation  des  orfèvres 
d'Anvers  avait,  paraît-il,  commandé  cette  peinture. 

Les  églises  et  les  couvents  brugeois  n'avaient  fourni  cjunn 
assez  pauvre  contingent.  Ils  u'oiil,  en  somme.  gard(''  aucune  page 
de  premier  ordre  des  maîtres  locaux.  Seule,  la  participation  des 
Sœurs  noires  se  distinguait  par  une  série  de  peintures  d'un  très  haut 
intérêt    historique,   signalées     naguère    par    Waagen.    Le    célèbre 


critique  assignait  à  ces  panneaux  la  date  tle  1  i2(j.  Ils  soni  sûrement 
postérieurs,  mais  semblent  avoir 
précédé  la  Châsse  de  sainte  Ursule  de 
Memling,  dans  l'évocation  des  épi- 
sodes de  la  légende  de  la  martyre. 
Peintes  à  l'huile,  ces  IVirl  l'cmar- 
quables  compositions  relèvent  plutôt 
de  la  miniature,  par  leur  coloris 
autant  que  par  la  disposition  géné- 
rale des  groupes.  Memling  les  a  t-il 
connues?  11  ne  leur  a  rien  emprunté 
et  n'avait  non  plus  à  le  faire.  On 
verra  toutefois,  par  les  deux  panneaux 
que  nous  empruntons  à  cet  ensemble, 
la  Confusion  de  la  Synago(/ue  et  la 
Vénération  des  reliques  de  sainte 
Ursule,  qu'il  s'agit  ici  d'un  maître  de 
très  sérieuse  valeur. 

Le  judaïsme  est  figuré  de  la 
manière  traditionnelle,  tel  qu'il  ap- 
paraît dans  les  sculptures  des  cathé- 
drales :  c'est  une  figure  de  femme, 
les  yeux  couverts  d'un  bandeau  et 
perdant  l'appui  de  la  hampe  brisée 
de  sa  bannière.  Sa  main  défaillante 
laisse  échapper  les  tables  de  la  Loi. 
Le  caractère  général  nous  ramène 
vers  l'allégorie  du  panneau  de  Ma- 
drid, oîi,  cependant,  le  judaïsme  est 
figuré  sous  les  traits  d'un  person- 
nage masculin. 

La  Vénération  des  reliques  de 
sainte  Ursule  offre  cet  intérêt,  assez 
spécial,  de  nous  mettre  en  présence 
d'une  scène  très  fidèlement  emprun- 
tée au  milieu  où  vivait  l'artiste.  Rien, 
du  reste,  n'a  été  négligé  pour  lui 
donner   ce    caractère.    Les    pèlerins 

s'agenouillent  devant  la  châsse  vénérable   contenant  les    reliques 
de  la  sainte;  ils  appartiennent  aux  diverses  classes  de  la  société. 


i,.\  svNA(.(j(;iE  iii;kaili,ante 

PAU    UX    MAITRE  BIlllOEOIS    DU    XV"  SIÈCLE 
(Couvent  des  Sœurs  Noires,  Bruges.) 


—  38  — 

C'est  ainsi  qu'une  dame  reçoit  son  missel  des  mains  d'un  serviteur 
respectueux.  A  gauche  de  l'autel,  on  remarque,  suspendue,  une 
rangée  d'ex-voto  en  cire  :  bras,  jambes,  etc.  Enfin,  dans  la  nef, 
non  loin  de  l'entrée  de  la  chapelle,  nue  femme,  vêtue  de  rouge, 
vend  à  une  Brugeoise  en  <•  faille  »  —  un  vêtement  qu'on  prétend 
avoir  été   importé  par   les   Espagnols   —    des   chandelles    bénites. 

Ilàtons-nous  d'ajouter  qu'au  point  de  vue  de  la  valeur  artis- 
tique, ces  petites  pages,  dont  un  spécimen  est  mis  sous  les  yeux  du 
lecteur,  méritent  une  attention  liés  particulière.  La  facture  en  est 
iilire,  l'expression  singnlièremcnl  \i\anli'. 

Si  nous  parlons,  à  celte  place,  du  charmant  diptyque,  si  connu 
d'ailleurs,  exposé  par  le  musée  d'Anvers  (n°  118),  ce  n'est  point 
avec  l'urrière-pensée  qu'il  le  faille  ranger  parmi  les  productions  de 
l'école  de  van  Eyck,  mais  pour  faire  ressortir  la  persistance  du  sou- 
venir de  ce  maître.  Un  des  volets  de  ce  délicat  ouvrage  reproduit  une 
œuvre  envisagée  comme  émanant  de  lui  :  La  Vierge  avec  VEnfunl 
Jésus,  représentée  dans  une  église  gothique,  tableau  conservé  au 
musée  de  Berlin  et  dont  une  seconde  répétition,  appartenant  au 
prince  Doria,  n'a  pas  été  envoyée  à  Bruges. 

11  est  permis  d'assigner  la  peinture  ilu  musée  d'Anvers  à  rm 
jiinceau  brugeois.  En  elfet,  l'un  de  ses  panneaux  représente  un 
abbé  du  monastère  des  Dunes,  Chrétien  de  Hondt,  agenouillé,  en 
prière. 

Tour  à  tour  donné  à  van  Eyck  et  à  Memling.  le  précieux 
diptyque  du  musée  d'Anvers  ne  trouve  à  l'exposition  de  Bruges 
aucun  maître  à  qui  l'on  puisse  avec  certitude  en  attribuer  la  pater- 
nité. Chrétien  de  Hondt  ne  devint  abbé  qu'en  li9o,  et  l'on  peut  lire, 
au  revers  du  panneau,  la  date  1499,  Nous  disons  Chrétien  de  Hondt, 
attendu  que  les  semelles  des  poutres  portent,  avec  les  armoiries  de  son 
couvent,  les  siennes  propres  et  les  initiales  C.  H.  Certains  ont  proposé 
un  autre  dignitaire  du  même  ordre,  Jean  de  Clerck,  ce  qui  d'ail- 
leurs importe  peu.  Nul  doute,  en  tout  cas.  (jue  le  portrait  ne  soit  une 
chose  exquise. 

L'appartement  oii.  les  mains  jointes  sur  un  riche  missel,  s'age- 
nouille le  prélat,  ayant  à  ses  pieds  un  petit  chien  endormi,  est  un 
des  plus  délicieux  intérieurs  du  genre.  Tout  y  respire  le  calme,  le 
bien-être.  Dans  sa  haute  cheminée  de  pierre  blanche,  à  laquelle 
s'appuie  la  crosse  abbatiale,  derrière  de  superbes  chenets,  flambe 
un  feu  vif.  Sur  une  des  consoles  de  cette  cheminée  reposent,  à  portée 
de  la  main,  des  fruits.  Plus  loin,  sur  une  crédence,  s'alignent  par 


—  3!l   — 

rang  de  taille  tics  cruches  de  métal  de  forme  élégante  et  des  coupes; 


VKXEHATIOX     II  F.  S     H  E  L  I  Q  tl  E  S     DE     S  A  I  .\  T  E     IHSULE 
PAU     UN    M  AIT  11 E     BRIIOEOIS     DU     XV'     SIÈCLE 

(Couvent  des  .Sœurs  Noires,  Bruges. 1 

en  retour,  c'est  un  lit  drapé  de  courtines  bleues.  Des  livres  reposent 
sur  une   planche.  A   peine  ose-t-on  penser  que   van  Eyck    eût  fait 


mieux, 
nello  lie 
(iallery 
à  ce  nio 


—  iO  — 

Nous  ne  connaissons  vraiment  que  le  Saiiit  Jérôme  d'Anlo- 
Messine,  jadis  à  lord  Norlhbrook,  maintenant  à  la  National 
de    Londres,    qui   se    puisse    comparer   sans   désavantage 

rceau  d'exceptionnel  attrait. 

Au  XVI''  siècle,  comme 
l'u'uvre  précc'dente,  il  nous 
iaut  reporter  le  portrait  de 
t;enlii]iomme  agenouillé  sous 
la  protection  de  saint  Antoine 
(n"  100).  le  même  personnage 
(|ui,  dans  le  diptyque  du  prince 
l»oria,  sert  de  complément  à 
l'image  de  la  Vierge.  Le  fond 
de  paysage  nous  fixe  assez 
(|uant  à  l'époque,  et  presque 
quant  au  maître,  très  voisin 
de  Gérard  David.  Des  connais- 
seurs proposent  aussi  Mabuse. 
C'est,  d'ailleurs,  im  ravissant 
morceau,  traité  avec  la  déli- 
catesse d'une  miniature.  Le 
portrait  aurait  eu  pour  modèle 
un  gentilliomme  sicilien,  An- 
tonio Siciliano,  d'après  l'Ano- 
M\nu'  (K'  Morelli. 


l'nlre  les  divers  maîtres 
dont  les  œuvres  se  trouvaient 
rassemblées  sur  les  parois  de 
l'hùtel  provincial  de  Bruges, 
aucun  n'est  d'identification 
plus  incertaine  que  Hugo  van 
der  Goes.  Le  grandiose  trip- 
tyque de  la  Nativité,  du  musée 
des    Offices,    à    Florence,   est 


LA      .M  A  iMiN  K      A  \  Kl.      1.   i:  MA  NI 

Il  AXS     LXE     ÉGLISE 

(lllPTYulïE     DE     L'aISBÉ     DES     D  L  N  E  S  ) 

ï;  Cil  LE     DE     ME. ML  IX  G 


(Mus 


il  Auv 


runi(iue  production  d'oiigine  liistoritiuemcnt  établie  qu'on  soit  en 
droit  d'attribuer  à  ce  remarquable  coloriste.  Ses  points  d'attache  à  Jan 
van  Eyck,  dont  quelques  historiens,  après  van  Mander,  avaient  songé 
à  le  faire  élève,  se  cherchent  en  vain.  Traducteur  impitnyable  de  la 
réalité  dans  son   paysage  autant  que  dans  ses  ligures,  il  se  signale 


par  une  netteté  de  trait  que,  préeisément.  louait  eliez  lui  son  contem- 
porain, le  poète  Jean  Le  Maire,  dans  la  Couronne  Margarilique.  La 
précision  des  contours  confine  à  la  sécheresse,  l'éclat  du  coloris  à  la 
crudité.  Dans  la  forme,  il  cherche  peu  l'élégance.  Ses  mains  sont 
caractéristiques  ;  correctement 
dessinées,  d'ailleurs,  elles  sont 
trapues,  noueuses,  même  chez 
les  femmes.  Ses  tètes  mascu- 
lines, superbes  d'énergie  par- 
fois, laissent  surtout  apprécier 
sa  valeur.  \,àMort  de  la  Vierge, 
appartenant  au  musée  de  Bru- 
ges et  depuis  peu  d'années 
restituée  au  maître,  est  un 
morceau  de  très  grand  style, 
auquel  il  n'a  manqué,  pour 
devenir  célèbre,  que  d'être 
traité  dans  les  proportions  de 
la  grandeur  naturelle.  Les 
têtes  des  Apàtres  sont,  pour  la 
plupart,  admirables.  M.  H.  von 
Tschudi  a  fait  un  rapproche- 
ment très  juste  entre  ce  tableau 
et  le  même  sujet  traité  par  le 
maître  de  Flémalle  —  encore 
lui!  —  appartenant  à  la  Na- 
tional Gallery  de  Londres. 

La  gamme  des  colorations, 
par  une  circonstance  diflicile 
à  expliquer,  est  atténuée.  On 
croit  se  trouver  en  présence 
d'une  détrempe.  Ailleurs  le 
coloris  de  van  der  Goes  est 
riche,   sinon   harmonieux.  Un 

(Miisi'C  d'Aiiveis.) 

petit  triptyque  de  1  Aaoration 

(les  Mages,  exposé  par  le  prince  de  Liechtenstein,  scintille  comme 
un  joyau.  Le  rouge,  le  bleu,  le  pourpre,  le  vcii,  s'y  mêlant  aux 
ors  et  aux  brocarts,  font  songer  à  quelque  émail  translucide. 

Que  la  pensée  soit  venue  de  ranger  dalis  l'o'iivre  de  van  der  tioes 
11-  Portrai/  de  chanoine  avec  sain/  Viclur  oit  saint  Maiiruf    u"  1(10  du 


:illiLllK.\     m.      lin. NUI,      \  l;  l:  k     nh>     l)UNEÈ 

E  N      1'  H  I  K  11  K 

(,0  1  l'T  V(J  LE      II  F,      LAIIUK      DES      11  U  N  E  S  ) 

ÉCOLE     liE      MEMLING 


—  -4-2  — 

catalogue)  appartenant  au  musée  de  Glascow,  déjà  reproduit  par  la 
Gazette  des  Beaux-Arts  à  l'appui  d'un  travail  de  M.  Camille  Benoît', 
on  se  l'explique  par  la  dureté  des  oppositions.  L'éclat  du  coloris,  la 
fermeté  du  dessin,  la  surprenante  facture,  l'œuvre  étant  tenue  pour 
llaniande,  l'avaient  fait  tour  à  tour  attribuer  à  van  Eyck,  à  van  der 
Goes,  à  Memling,  à  Géraid  David  et  même  à  Mabuse.  Dans  le  milieu 
oîi  elle  se  produit,  vouloir  la  rallacher  à  aucun  des  maîtres  précités 
nous  paraîtrait  hasardeux.  Le  tableau  n'est  point  d'ailleurs  d'une 
période  avancée  du  xv""  siècle.  Il  est  français  sans  doute',  comme 
le  portrait  de  la  dame  placée  sous  la  protection  de  sainte  JNIarie- 
J\Ladeleine  i^à  i\IM.  de  Somzée)  ;  nous  en  avions  dès  l'origine  informé  le 
possesseur.  Le  personnage  représenté  dans  la  peinture  de  Glasgow 
est  bien  de  la  maison  de  Clèves,  à  en  juger  par  l'écu  i  de  Saint-Victor  » 
et  par  sa  l)annière,  où  se  répète  l'escarboucle  à  huit  rais  d'or  sur 
fond  de  gueules.  Notre  savant  confrère  M.  Bouchot  assure  qu'il 
s'agit  de  saint  Georges  ou  de  saint  Michel,  lesquels  toujours,  au 
xV^  siècle,  ont  leur  écu  chargé  du  même  ornement.  Nous  ferons 
remarquer  que  saint  Michel  est  rarement  représenté  sans  ailes. 
Divers  membres  de  la  famille  de  Clèves  furent  élevés  à  la  prélature. 
Il  y  eut  notamment  les  deux  fils  de  Jean  \"'  (-J-  1481),  Adolplu\  qui 
lit  partie  du  chapitre  de  Saint-Lambert,  à  Liège,  mort  âge  de  '37  ans 
eu  li98,  et  Philippe,  né  en  1467,  successivement  prévôt  de  Stras- 
bourg, évèque  de  Nevers,  d'Amiens  et  d'Autun,  mort  en  l.'JOo'. 
A  s'en  rapporter  aux  études  de  M.  Bené  de  Vauloger  sur  la  même 
œuvre,  parues  dans  la  Chron'ujue  des  Arts',  ni  l'un  ni  l'autre  ne 
peuvent  être  acceptés.  On  demeure  frappé  cependant  de  la  grande 
analogie  de  traits  de  Jean  I"  de  Clèves,  dans  un  portrait  du  Cabinet 
des  estampes  de  Paris,  avec  le  personnage  de  la  peinture  de  Glasgow. 
Ceci  nous  amène  à  nous  demander  si  le  père  et  le  fils  n'y  sont  pas 
figurés  côte  à  côte. 

Plus  d'un  portrait  exposé  à  Bruges  pourrait  être  attribué  à 
Hugo  van  der  Goes.  Si,  comme  nous  l'assure  le  catalogue,  les  deux 
belles  effigies  appartenant  à  M.  Léopold  Goldschmidt  représentent 
Tommaso  Portinari  et  sa   femme,   les  droits  de  Memling    sur  ces 


■/.  ha  Pointure  francake  à  la  fin  du  XV  sirdc  (Gazette  t/e,s  Beau.v-.irt^,  3''  pér., 
t.  X.WI,  p.  371). 

2.  M.  le  D"'  Friedlœnder  l'avait  iléclai'é  tel  k  l'exposition  de  la  New  (lallery 
à  Londres,  en  1900  [Repertorium^fùr  Kiinstwissensclutft,  t.  XXIV,  p.  24S-2b8.) 

3.  Baron  de  Chestret  de  Hanefl'e,  Histoire  de  la  maison  de  Lamarck.  Lièpe,  18'J8. 

4.  20  avril,  10  et  17  mai  1!X)2. 


SAINTE  MADELEINE  ET   UNE   DONATRICE 

Ecole  Française  de  la  (in  duXV?siicle 

<  CoUeclion  Somiée  I 


ûftKAtte  dou  lic&ux  Arts 


i3  — 


remarquables  peintures  se  Irouvenl  passablement  affaiblis,  encore 
que  le  privilège  de  retracer  l'image  du  représentant  des  Médicis  à 
Bruges  eût  pu  être  attribué  à  plus  d'un  peintre  en  renom.  Les 
«  Portinari  »  des  portraits  de  1  exposition  semlilent  plus  jeunes  de 


l  .N      CllAXÛlKE     ASSISTE     liE     SAINT     V  I C  ï  0  H     OU     SAINT     MAURICE 

l^ÉCOLE    FRANÇAISE    DU    XV"     SIÈCLE) 

(Musée  de  Glasgow.) 

beaucoup  que  ceux  du  retable  de  Florence,  dont  l'bomme,  surtout, 
n(>  rappelle  qu'assez  vaguement  la  physionomie.  Seulement,  —  un 
critique  très  familiarisé  avec  les  choses  de  Florence,  M.  A.  War- 
burg,  en  a  fait  la  remarque,  —  le  collier  de  la  dame  est  le  même 
que  celui  porté  par  l'épouse  de  Tommaso  dans  le  portrait  des  Offices. 
Longtemps  ce  fut  à  van  der  (îoos,  aussi,  que  la  tradition  attribua 
le  joli  portrait  de  l'hilippc  le  Beau  — oui)Iutôt  Cliarles-Quinl  jeune  — 


;iliii;iili'n:iiil  ;i  la  calInMlrale  di'  Saiiit-Sauvciir.  à  Bruf;os.  Le  calaloguo 
lo  donne  aujourd'hui  comme  d'un  maître  inconnu,  chose  à  coup  sûr 
prudente  en  ce  qui  concerne  van  der  Goes,  mort  en  1182,  quand 
Philippe  avait  quatre  ans  à  peine. 

Thierry  Bouts,  Memling,  Gérard  David  étaient,  à  l'exposition  de 
Bruges,  les  personnalités  dominantes.  A  eux  appartenait  la  grande 
salle  de  l'exposition.  C'est  comme  pour  défier  le  parallèle  que  les 
églises  et  les  couvents  de  Bruges  s'étaient  dessaisis  de  leurs  œuvres 
maîtresses,  ^lentionner  la  Cliàsse  de  sainti'  Ursule,  le  Mariage  nujs- 
tiqne  lie  sainte  Catlteriiv,  le  Portrait  de  Martin  ran  Niena:enliore, 
équivaut  à  proclamer  de  nouveau  h'ur  supériorité.  La  Vierge  envi- 
ronnée de  saintes,  le  clier-d'ciHivre  de  Gérard  David  que  possède  le 
musée  de  Rouen,  a  été,  dans  la  Gazette  des  Beaar-Arts,  l'objet  de 
savantes  études,  au  temps  où  cette  grandiose  production,  de  maître 
jusqu'alors  inconnu,  fut  restituée  pai'  M.  Weale  à  son  légitime  auteur  '. 

Entre  Gérard  David  et  Memling  les  rapports  sont  manifestes  : 
ils  puisent  aux  mêmes  sources,  marchent  dans  les  mêmes  sentiers. 
Bouts,  à  aucun  titre,  ne  se  confond  avec  eux,  et  l'on  ne  songe  pas 
sans  surprise  que  ses  pages  jirincipales  aient  pu  être  longtemps 
attribuées  àMemling. 

A  Haarlem,  sa  ville  natale,  à  Louvain,  sa  patrie  d'adoption,  il 
subit  d'autres  inlhicnces.  Non  loin  de  lui  avait  travaillé  ce  typique 
Gérard,  dit  de  Saint-Jean,  ou  encore  Petit  (iérard.  qui,  dans  sa 
brève  cai'rière,  créa  plus  d'un  chef-d'œuvre,  et  cet  Albert  van 
Ouwaler,  dont  le  musée  de  Berlin  conserve  une  production  (la  seule 
déterminée  jusqu'ici  avec  une  entière  certitude),  où  un  prodigieux 
sentiment  de  la  nature  se  mêle  à  une  faculté  de  la  rendre  dont  bien 
certainement  ses  successeurs  devaient  subir  l'influence. 

A  l'exposition  de  Bruges,  Gérard  de  Saint-Jean  était  représenté 
par  un  liml  jirlil  lalilcau,  très  remarqué  dès  le  début,  appartenant  à 
M.  l'ercy  .Macijuoid,  l'artiste  anglais  bien  connu-.  Le  peintre  y  a 
représenté  Saint  Jean-Baptiste  au  désert.  Un  coup  d'œil  suffit  pour 
le  rattacher  à  ses  pages,  de  si  puissante  expression,  appartenant  au 
musée  de  Vienne.  Le  type  du  saint  anachorète  est  exactement  le 
même  que  celui  du  personnage  du  premier  plan  de  la  scène  repré- 
sentée par  le  j)eintre  dans  un  des  panneaux  du  musée  autrichien. 
Ce  visage    est    d'ailleurs   bizarre    et   de   facile    récognition    :    long, 

1.  Gazette  des  Becnix-Arts,  {"  péi.,  t.  XX,  p.  542. 

2.  Ce   précieux   morceau    est,   depuis,  devenu   la   propriété   du  musée   de 
Berlin. 


VOUZT  DF;  droite   du  triptyque  "L'ADORAnON  DES  BERGERS 


'Musée  de  Santa  Maria  Nuova.  à   Floi-e::co) 


tte  des  Beaux-Arts 


l'macié,  des  yeux  très  rapprochés,  un  front'  presque  caché  par  une 
chevelure  noire  se  confondanl  avec  la  barbe.  Pour  les  deux  figures, 


Il  E    L  \     \  I  E  i;  r,  E  , 


\  T  r  lu  11  U  E 

.In  Lyon.) 


un  même  modèle  a  posé.  Relevé  par  une  tonalité  harmonieuse  (une 
draperie,  d'un  bien  turquoise  rarement  rencontré  dans  les  tableaux 
du  temps,  en  fournit  la  note  dominante),  de  facture  à  la  fois  très 
savante  et  très  libre,  un  délicieux  fond  de  paysage  faisant  songer  à 
celui  de  la  Pic/à  de  l'aiilrc  panneau  de  Vienne,  le  petit  ensemble 


—  46  — 

niôrito  dT'Iiv  signait''  cumme  dos  plus  iiitércssaiils  pour  réhule  de 
son  auti'iu-. 

Un  anh'c  lahlcau.  de  plus  grandes  diniensious.  s'il  n'est  pas  do 
Gérard,  osl  ooilainonioiil  lo  travail  d'uu  artiste  très  inlUiencé  par  lui. 
Cette  œuvro,  oxiioséo  par  sir  C.-A.  Turnor,  à  Londres,  a  pour  sujet 
L'Instihiliu))  de  la  dêrotiun  au  Rosaire  i\\°  2.j(j),  c'est-à-dire  la  remise 
du  Rosaire  à  saint  Dominique  parla  Vierge,  la  distribution  et  la 
vénération  du  Rosaire,  la  prédication  de  saint  Dominique.  Un  déver- 
nissage poussé  trop  loin  semble  avoir  altéré  la  couleur  de  ce  tableau, 
d'aspect  imprévu.  L'extraordinaire  liberté  de  la  faclure.  l'iieurouse 
disposition  des  groupes,  la  remarquable  entente  do  la  perspective 
aérienne,  lui  donnent  un  aspect  presque  moderne.  La  présence, 
dans  cette  composition,  d'une  reine  de  Franco  suivie  de  sa  cour 
a  fait  croire  à  une  œuvre  de  l'école  française  ;  le  type  confine  de 
trop  près  à  celui  de  Gérard  de  Saint-Jean  pour  no  pas  donner  une 
présomption  très  forlo  qw  faveur  do  l'attribution  à  ce  maître.  11  y  a 
même  à  l'avanl-plan,  à  droite,  un  Cduilisan  de  la  suite  de  la  prin- 
cesse, dont  la  longue  cbeveluro  blonde,  la  toque  posée  sur  l'oreille, 
lo  justaucorps  vert,  le  manteau  rouge  et  les  houseaux  jaunes  font 
partie  de  la  garde-robe  du  peintre  de  Ilaarleni.  Nous  devons,  faute 
do  place,  nous  abstenir  de  consacrer  un  plus  long  examen  à  cette 
[leinlurede  si  puissant  intérêt  et  de  si  haute  valeur  artistique. 

A  l'école  de  Ilaarlem  se  rattache  aussi  le  Calvaire  exposé  par 
M.  (ilitza,  do  Hambourg,  une  page  extrêmement  curieuse  attribuée 
peut-être  à  tort  à  Gérard  de  Sainl-Joan,  mais  certainement  conçue 
dans  le  style  de  ses  œuvres. 

Signalons,  enfin,  comme  se  rattachant  à  la  même  catégorie  de 
productions  énigmatiques,  la  petite  Vierge  debout,  tenant  l'Enfant 
.lésus,  à  l'entrée  de  l'abside  d'une  chapelle.  Deux  anges  musiciens 
forment  les  volets  de  ce  ti'iptytjuo,  apparlonant  à  M.  Mann,  de  Glas- 
gow n"  8'Ji.  Cette  peinture,  présentée  dans  d'autres  expositions 
déjà,  y  fui,  comme  à  Rruges,  l'objet  d'intéressantes  controverses. 
Désignée  tour  à  tour  comme  espagnole,  comme  italienne,  comme 
llamando,  on  la  cataK)gue  maintenant  comme  de  Memling.  Elle  nous 
semble  infiniment  plus  près  de  l'école  de  Ilaarlem.  Le  type  des 
anges  surtout  la  rappnjche  des  œuvres  de  Gérard  de  Saint-Jean.  La 
Vierge  est  d'ailleurs  très  particulière  et  rappelle  certaines  estampes 
du  XV''  siècle.  La  draperie,  d'un  blanc  bleuâtre,  à  plis  épais,  constitue 
un  remarquable  morceau  de  peinture,  et  d'un  caractère  trop  spécial 
pour  suggérer  aucun  rapport  avec  Memling. 


Tliioriy  Bouts,  l'oinu'  tians  le  voisiiia;;e  inmiéJial  île  Gérard  de 
Saint-Jean,  n'esl  pas  sans  trahir  l'intlueuce  de  communes  origines. 
Déjà  M.  Camille  Benoît,  dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts,  a  insisté  sur 


LE      CliVCl  FIE. M  EN  1 


1  N  M   A  I       l,E  NI  11  \  I.     m       r 

(CatUédrale  do  Lubeck.) 


.  -i  r  T  Y  l,a  E     DE     M  E  M  L  I  -N  G 


ce  point.  La  Cène,  magistrale  peinture  appartenant  à  l'église  Saint- 
Pierre  de  Louvain,  qui  occupa  son  auteur  du  mois  de  mars  14Gi  au 
mois  de  février  tiG8;  le  Martyre  de  saint  Érasme,  à  la  même  église; 
le  Martyre  de  saint' Hippolyte,  à  la  cathédrale  de  Bruges,  formaient 
à  l'exposition  un  ensemljle  impressionnant  et  imprévu. 


D('ssiii;ileur  de  grand  style.  l)ien  qii"iin  pou  ant;iileux.  coloriste 
admiralile  et  singulier  en  outre.  Bouts  compte  parmi  les  plus  hautes 
personnalilés  artistiques  du  xv''  siècle.  Si  la  Cène  avait  pu  être 
rapprocliée  de  ses  volets,  aujourd'hui  à  Munich  et  à  Berlin,  l'efTel 
d'ensemhle  eût  été  écrasant.  Les  types  de  Bouts  sont  très  accusés, 
très  personnels  et,  d'emhlée.  remettent  en  mémoire  ceux  de  Gérard 
de  Saint-Jean.  Les  Apôtres  de  la  Crnr  en  fournissent  le  plus  pré- 
cieux exposé  :  figures  graves,  aux  joues  creuses,  au  nez  droit, 
rarement  aquilin,  à  la  barhe  plus  longue  que  fournie,  laissant  à 
découvert  une  bouche  aux  lèvres  fines  et  abaissées.  A  peine  est-il 
besoin  de  faire  ressortir  combien  ce  type  est  voisin  de  celui  du 
Christ  de  Quinlcn  Massys.  Impossible  de  ne  point  se  sentir  gagné 
jiar  la  conviction  que  vt)ici  le  maître  du  forgeron  d'Anvers,  par 
l'origine  louvaniste  de  celui-ci.  La  chose  est  si  vraie  que,  même  à 
l'exposition,  figurait  sous  le  nom  de  Massys  une  Tête  de  C/irisf  appar- 
tenant à  ]MM.  de  Somzée,  laquelle  n'est,  comme  déjà  le  lit  remar- 
quer Jl.  Friedhender  lors  de  l'exposition  de  la  New  Gallery,  à 
Londies,  en  t900,  qu'une  œuvre  d'un  pseudo-Bouts,  le  maître  dit 
«  tle  V Assomption  de  la  Virr(i<'  »,  sans  duute  Albert,  le  fils  du  peintre. 

Le  type  féminin  clioz  Bouts  est  ri'gulier,  mais  impassible.  Du 
reste,  le  peintre  idéalise  peu.  Sous  son  pinceau,  les  martyres  de 
saint  Hippolyte  et  de  saint  Erasme  se  réduisent  presque  à  de  purs 
incidents.  Les  spectateurs,  les  acteurs  eux-mêmes,  s'en  émeuvent 
peu.  Dans  le  Martyre  île  saint  Erasme,  de  la  plus  affreuse  cruauté, 
puisqu'ony  voit  enrouler  sur  un  treuil  les  entrailles  du  bienheureux, 
les  tortionnaires  s'acquittent  de  leur  besogne  en  vulgaires  tâche- 
rons. L'un  d'eux  seulement  serre  les  dents  sous  l'effort,  et  nous 
retrouvons  précisément  cette  contraction  du  visage,  à  Anvers,  dans 
le  chef-d'œuvre  de  Quinten  ÎNIassys,  où  l'on  voit  saint  Jean  plongé 
dans  la  chaudière  d'huile  bouillante. 

Bouts,  avons-nous  dit,  est  un  remarquable  paysagiste.  C'est,  en 
outre,  un  traducteur  fidèle  de  la  nature  ambiante.  Dans  le  fond  d'un 
Crucifiement  appartenant  à  ^L  A.  Thiem,  de  San  Remo  (n°  40i,  se 
découvre  un  panorama  de  Bruxelles,  avec  la  tour  de  l'hôtel  de  ville, 
la  porte  de  liai  et  le  beffroi  (l'église  Saint-Nicolas'. 

La  haute  et  inflexible  conscience  de  Bouts  lui  permettait  d'être  à 
roccasion  un  portiaitiste  de  premier  ordre.  Dans  la  Cène,  il  s'est 
représenté  dans  un  rôle  secondaire;  un  portrait,  le  sien  encore, 
appartenant  à  M.  le  liaron  Oppenheim,  le  classe  au  premier  rang 
des  maîtres  du  genre.  C'est  de  nouveau  son  image  sans  nul  doute. 


llins  Mtmlin 


LA  MADONE   ET  U  ENl'ANT    ENTRE  DEUX  ANGES 
Musée   des   Offices.  Florence. i 


:  des  Beaux-Arts 


Imp  Paul  Mo^& 


i9 


que  l'on  retrouve  sous  les  traits  de  saint  Luc,  dans  un  tableau  mal- 
heureusement assez  maltraité  par  une  restauration,  appartenant  à 
lord    Penrhyn    m"   115).    Le  saint  patron  des  peintres   s'occupe  de 


LE     ruUTEMEXT      DE      Cl;  0 1 X ,     LA     MISE      AU     1  U  M  If  E  A  i:     ET     LA      IIKSLHHECTII 
\  0  L  E  T  S     I  X  T  É  m  E  U  It  S     DU     r  0  L  Y  r  T  Y  O  U  E     HE     M  E  M  L  I  X  G 

(CathéJrale  do  Lul.e^k.) 


tracer  sur  le  papier  le  portrait  de  la  Vierge,  assise  devant  lui  sur 
un  haut  fauteuil  à  baldaquin,  tenant  l'Enfant  Jésus.  La  Madone  n'est 
point  gracieuse;  le  petit  Jésus  est  plutôt  maussade.  Saint  Luc,  sous 
les  traits  de  Bouts,  moins  avancé  en  âge  que  dans  la  Cène,  est,  en 
revanche,  une  belle  et  noble  figure.  Le  peintre,  coiffé  de  son  tradi- 
tionnel  bonnet,   de   teinte  violacée  cette  fois,   porte   une    robe    de 


.so 


nuance  plus  claire.  Il  s'a^jciKuiillo  à  même  le  pavement.  Le  mobilier 
(le  la  pièce,  le  paysage  du  i'und,  vu  par  les  arcades,  l'atelier  du 
|)eintre  surtout,  qu'on  aperçoit  par  une  porte  entr'ouverte,  pré- 
sentent un  Krand  intérêt.  Saint  Luc  a  momentanément  délaissé  le 


s  A  I  -M      B  L  A  I  S  E      ET      S  A  I  .N  1      J  .:  A  N  -  B  A  T  1  1  >  T  E 
VOLETS     E  X  T  É  K I E  U  H  S     DE     GAUCHE     VV     P  .  i  L  V  r  T  ï  Q  U  E     DE     M  E  M  L 1 X  G 

(Cathélral;  <lc  I.u'ieck.' 


chevalet  où  repose  une  image  éi)auchée  de  la  Malone.  Elle  se 
découpe  en  blanc  sur  le  fond  ro:ige.  Les  ustensiles  du  peintre,  ses 
pinceaux,  sa  palette  de  inrme  assez  spéciale,  sont  des  détails  d  in- 
formation précieuse.  La  gamme  un  peu  criarde  des  colorations,  le 
vert  intense  de  la  draperie  recouvrant  un  siège  au  fond  de  l'appar- 
tement, doivent  être  portés  au  c  jmple  de  la  fàcbeuse  remise  à  neuf 


Gasetie  âes  Bca^x-Az-ti 


SAINTS     ET    DONATEURS 

Vol.li     a.    i-e-able 
Colltclion    i„   M   Rodolphe   H.nn 


de   celle    intéresscinle    proilnclinn.    nécessairement    antérieure  à   la 
Cène,  Bouts  y  apparaissant  plus  jeune. 

Le  Christ  clwz  Simon  in"  SO'l,  à  M.   Tliieni,   peut  V'tre 'envisagé 
connue  le  prcitolype  de  diverses  r(''pétili(ins.  Tue  d'elles  est  au  musée 


s  A  I  .N  T     J  h  11  U  M  i;      E  T      ^  A  l  .\  1'     I .  I  L  L  t  > 

VOLETS     EXTÉBIELIIS     DE     D  II  0  I  T  E     IIL"     P  O  L  Y  P  T  Y  ij  L"  E     IJ  E     M  E  M  L  I  N  G 

(CatliL'.lralL-  .le  Lubeck.) 


des  Hospices,  à  Bruges  même;  une  seconde,  en  contre-partie,  au 
musée  de  Bruxelles.  L'attribution  à  Bouts  se  motive  par  de  très 
hautes  qualités  picturales,  un  coloris  splendide,  l'exécution  admi- 
rable des  détails.  Il  y  a  là  aussi  un  jeune  moine  blanc,  prosterné 
en  prière  dans  l'embrasure  d'une  porte,  qui  est  un  véritable  chef- 
d'œuvre.  Les  types,  cependant,   ne   concordent  pas  d'une    manière 


prL^cise  avec  ceux  de  Bouts;  le  (llirist  surtniiL  nous  laisse  perplexe. 

Comme  portrailiste  t'neoic,  le  peinti'c  donne  de  nouvelles 
preuves  de  sa  supériorité  dans  les  images  d'Hippolyte  Berllioz  et 
d'Elisabeth  de  Keverwyk,  donateurs  du  Mur/i/re  de  .^aiiil  HljipDhjtc. 
figurés  sur  le  volet  île  ce  précieux  lelahle. 

Nous  avons  déjà  dit  un  mot  tlu  fils  de  Tliierry,  Ailiert.  le  peintre 
probable  de  Y  Assomption  de  la  Vierge,  deux  fois  répétée  au  musée 
de  Bruxelles.  De  lui  procèdent  de  nombreuses  productions  exposées 
à  Bruges  :  les  beaux  volets  du  Buisson  ardent  et  de  la  Toison  de 
Gédéon  (n"  il),  à  M.  Crews,  de  Londres,  répliijue  de  deux  remarqua- 
bles peintures  de  la  collection  Rodolphe  Kann,  de  Paris;  deux  autres 
vdii'ts  repi'ésentant  des  ecclésiastiques  avec  leurs  saints  patrons, 
appiirt(>nant  à  M.  R.  von  Kaufmann  (  «  Gérard  David  »,  n°^  141-142)  ; 
une  tète  du  Christ  couronné  d'épines,  au  D"'  .Marlius,  de  Kiel,  etc. 

Malgré  l'importance  et  les  origines  multiples  des  œuvres  qui  y 
figuraient,  l'exposition  de  Bruges  fui,  peut-on  dire,  la  glorification  de 
Memling  et  de  Gérard  David.  A  l'exception  de  la  Vierge  de  liouen, 
c'était  avec  ses  propres  ressources  qu'y  pourvoyait  la  Belgique.  La 
part  de  l'étranger,  si  importante  qu'elle  fût,  ne  constituait  qu'un 
appoint.  ^loins  que  David,  Memling  se  révélait  sous  un  jour  nouveau. 
Seuls  peut-être,  ses  portraits  donnaient  une  note  quelque  peu  impré- 
vue. Aussi  avons-nous  jugé  devoir  mettre  les  principaux  sous  les 
yeux  du  lecteur,  baissent-elles  été  plus  aljondantes  encore,  les 
œuvres  exposées  du  noble  et  suave  artiste  ne  pouvaient  rien  ajouter 
de  nouveau  à  la  caractéristique  de  son  génie. 

On  pouvait  regretter  l'absence  de  la  Bethsabée  de  Stuttgart,  mais, 
sauf  cette  lacune,  étant  donné  ce  qu'on  pouvait  faire.  .Meniling  appa- 
raissait dans  tout  le  rayonnement  de  sa  gloire.  Par  malheur,  rien 
n'est  venu  éclaircir  le  problème  de  ses  débuts.  Le  merveilleux  petit 
triptyque  dit  c<  de  sir  .lohii  Donne  »  exposé  jiar  Ir  duc  de  Devonshire, 
et  dont  la  date,  d'après  les  supputations  de  M.  .1.  Weale.  se  fixe  à 
1468  environ,  cette  petitr  Glorification  de  la  Vierge,  n'est  jtas  sensi- 
blement ditférente  des  créations  similaires  de  date  fort  postérieure. 
Le  peintre  parait  s'y  être  représenté  sur  l'un  des  volets.  Il  est  sans 
barbe  et  fort  dill'érent,  comme  physionomie,  des  portraits  tradition- 
nels; mais  il  apparaît  ici  dans  la  force  de  l'âge.  Kh  bien  1  dans  cette 
création  (la  plus  reculée  qu'on  connaisse  de  son  pinceau  ,  nous 
trouvons,  d'ores  et  déjà,  les  types,  les  attitudes,  les  relations  de  Ion 
qui  nous  sont  familiers.  La  Vierge,  l'Enfant  Jésus,  les  anges,  ne 
sont    en    rien   dilTéreiits   tle  ceux  aperçus  à  travers  l'ensemble  des 


Memlino-  pmx  Gauje 

UN  DONATEUR  PRESENTE  PAR  SAINT  JEAN-BAPTISTE 

(  Musée   du   Louvre  ) 


lelte  des  Beaux-Arts 


lmp,A,Cléiiient,Fai-is 


t 


ï 


—  53 


prodiKiions  du  maître,  à  part,  peiit-ôtro,  un  pou  plus  de  délicatesse 
dans  le  procédé.  Le  saint  Jean  est  pri'S((iu:'  identique  à  celui  d'un 
des  volets  de  Vienne.  De  même,  l'un  dos  anges  placés  aux  côtés 
de    la   Madone   oITre.   en   souriant,   une  pomme  à   l'Enfant  Jésus. 


(.Kciiri:    iiES    sAiMi;s    i];mm]:s 

•rlUÉ     lu      l'A>iXEAL-     CKXTllAL     l)  i;     POLYPTYQIE     [JE     M  E  M  H  N  t 


(Catlii'drale  Je  Lubook.) 


Cotte  donnée,  on  lo  sait,  se  répète  vingt  fois  dans  les  peintures 
de  Memling.  De  mémo,  nous  vnyons  roparailro,  avec  les  couleurs 
l'éelles,  sur  un  tableau  appartenant  au  prince  do  Liechtenstein,  lo 
saint  Antoine  figuré  on  grisaille  sur  lo  volet  extérieur  droit  du  petit 
triptyque  de  sir  John  Donne. 

Au   point  de  vue  do   la   recliorclio    des   origines    artistiques   de 
Memling,  il  importe  de  signaler  spécialement  un  tableau  de  maître 

7 


inconnu,  invoqué  par  M.  Weale  comme  ayant  inllué  sur  Gérard 
David  :  le  Mariage  de  sainte  Catherine  conservé  aujourd'hui  au 
musée  do  Bruxelles.  Cette  peinture  appartint,  à  dater  de  1489,  à 
l'église  Xotre-Danie  de  Bruj^es.  Elle  était  autrefois  classée,  à  Bru- 
xelles, parmi  l'école  allemande  et,  malgré  tout,  elle  détonne 
quelque  peu  dans  le  milieu  où  elle  se  produit.  Dans  cet  ensemble, 
à  certains  égards  très  remarquable,  où  la  Vierge,  comme  dans  le 
tableau  de  Gérard  David,  est  environnée  de   saintes,  il  importe  de 


[iK  POSITION     HE     ClKiIX      l'Ai;      11  A  N  S     MEMLlXl 
(Collection  (lo  M.  R.  von  Kaul'maiin,  Borlin.) 


signaler  l'identité  presque  absolue  du  groupe  de  Marie  et  de  l'Enfant, 
avec  le  groupe  correspondant  du  l'etable  du  duc  de  Devonshire.  Les 
rencontres  de  ce  genre  ne  sont  point  fortuites'.  A  rapprocher  les 
deux  créations,  on  hésite  à  envisager  celle  de  l'inconnu  comme 
inspirée  par  l'autre. 

Qu'on  ne  nous  en  veuille  pas  d'omettre  ici  l'analyse  des  pages 
grandioses  de  Memling  répandues  dans  les  collections  belges  et  où 
celles  de  Bruges  occupent  le  premier  rang.  Celles  venues  de  loin, 
que  le  hasard  a  un  moment  rapprochées,  sollicitent  les  premières 

1.  La  MaJeli'ine,  comme  le  faisait  observer  M.  huraiul-Gréville,  est  exac- 
tement la  même  figure  que  celle  qui  représente  la  même  sainte  dans  la  Mine  au 
tombeau  de  Ror'er  van  der  Weyden,  de  la  galerie  des  Offices. 


—  o5  — 


notre  allenlion,  non  pa^^  qu'elles  soient  supérieures,  mais  à  cause 
de  l'intérêt  qu'elles  éveillent.  Tout  le  monde  connaît  le  Mariagp 
de  sainte  Catherine  de  l'hôpital  Saint-Jean;  peu  de  personnes  avaient 
eu,  jusqu'ici,  l'occasion  de  voir  sa  réduction  appartenant  à  M.  Léo- 


l'UKTKAlT     U    lluMME,     PAU     11  A  X  S     M  L  M  LI  X  I. 

(Musc'e  do  la  Haye.) 


pold  Goldschniidl,  de  Paris.  Il  est  certain  que  les  changements 
apportés  par  le  peintre  ont  amélioré  la  composition.  Le  donateur 
y  apparaît  dans  le  champ  même  du  lahleau;  un  paysage  admirable 
remplace  le  fond  d'architecture.  Les  anges,  tous  deux  musiciens, 
sont  plus  gracieux  aussi.  C'est,  en  un  mot,  une  œuvre  nouvelle  et 
puissante  dans  ses  étroites  dimensions. 

Que   Memling  ait  appartiMiu   aux  citoyens  aisés   de  Bruges,  on 


s'en  ctoiino  jieu  à  mesurer  sa  fort  une  à  l'éleiidue  de  sa  clientèle. 
S'il  lia\;iilla  pour  les  églises,  il  travailla  aussi  pour  les  oratoires. 
La  (juanlilé  de  ses  petites  Madones  accompagnées  d'anges  ou  de 
donateurs  est  surprenante.  Toutes  relèvent  d'une  même  donnée. 
Leur  dimension  varie  moins  que  leur  qualité,  laquelle  fait  croire 
parfois  à  l'intervention  d'auxiliaires,  M.  Justi  en  a  retrouvé  jus- 
qu'au fond  de  la  chapelle  des  Rois  catholiques  à  la  cathédrale  de 
Grenade.  Plusieurs  figuraient  à  l'exposition  de  Bruges,  prêtées  par 
le  prince  de  Liechtenstein,  par  M.  Tliieni,  par  le  duc  d'Anhalt. 
par  M""'  Stephenson  Clarkc.  (li'llr  drrnièrc  nous  parait  duvoir. 
pr(''cisément,  être  la  répéliliim  de  la  peinture  indiquée  par  M.  Justi. 
l'armi   les   }ilus  précieux  envois   de  l'étranger  figurail   \'Aiino)i- 


I.  A     .M  I J  II  T  ,     LE     P  É  11  E     É  T  E  K  N  E  L     E  .\  T  O  L  11  É     D  A  .\  G  ES,     L' E  N  F  E  H  ,     LA      \  A  M  T  1; 
PAR     II  A  N  S     M  E  M  L  I  X  0 

(Must-e  de  Strasliourg.) 


dation  appartenant  au  prince  Rad/.iwili,  de  lierlin.  (_)n  assuri'  que 
le  cadre  primitif  de  cet  exceptionnel  morceau  portait,  sur  le  chan- 
frein, la  date  1  iS2,  considérahie  dans  la  vie  du  maître,  antérieure 
d'une  couple  d'années  à  l'aclièNenienl  du  portrait  ihi  ii(iuii;nu'stre 
.Miireel,  morceau  capital,  faisant  partie  du  retable  de  saint  Christophe, 
saint  Maur  et  saint  Gilles,  que  nous  i-cqiroduisons. 

Rompant  avec  la  formule  établie  par  les  Italiens,  Memling  place  la 
Vierge  debout.  Elle  est  vêtue  d'une  robe  llottantc,  de  couleur  blanche 
légèrement  nuancée  de  bleu,  et  d'un  manteau  bleu.  Elle  s'est  levée 
lespectiunisement  à  l'appariliun  du  messager  céleste,  vêtu  d'une 
chape  tissée  de  pourpre  el  d'ur.  Au-dessus  de  sa  tête  plane  le  Saint- 
Esprit  ;  elle  se  sent  défaillir.  II<mix  anges  la  soutiennent  avec  des 
témoignages  de  joie  et  de  respect.  Leurs  robes  aux  nuances  tendres, 
lilas  et  blanc  irisé,  s'harmonisent  avec  leurs  ailes  bleues  et 
vertes.  L'intérieur  où  se  passe  la  scène,  le  lit  aux  courtines  rouges, 
la  crédence  avec  ses  menus  accessoires,  tout  l'ensemble  de  la  di>po- 


Hans  Memling  pm.x 


GUILLAUME    MOREEL,     BOURGMESTRE    DE    BRUGES 
AVEC    SES    C[NQ_F1LS    ET     SON     PATRON.     GUILLAUME    DE     MALEVAL 

yolcl  g.jtichc  Ju  Iripirquc  .le  S,uilt-Chrislaplic 
(Miiscc  lie  Bruges,) 


GAZETTE  DES    BEAUX-ARTS 


—  S7  — 

sition,  l'elYel  même,  sont  nouveaux  pour  nous.  Si  le  coloris  a  moins 
d'éclat,  en  revanche  il  a  plus  de  douceur  et  ajoute  au  charme  de  la 
scène,  la  plus  gracieuse  qu'ait  trace'e  le  pinceau  de  Memling. 

Comme  Fromentin  le  dit.  «  Memling  copie  et  il  idéalise  ». 
Ses  personnages  sont  peints  d'après  nature.  Les  femmes,  douces  et 
gracieuses,  puisent  dans  leur  modestie  un  charme  tout  particulier. 


l'UHTUMT     IIE     FEMME     .\  C,  E  E  .     PAU     H  A  .X  S     M  E  M  L  I  X  t 

(Collection  de  .M.  N...,  à  Paris.) 


Leur  chevelure,  à  peine  ondulée,  encadre  un  front  élevé,  d'une 
remarquable  pureté.  La  paupière  mi-close,  sous  l'arc  régulier  des 
sourcils,  la  bouche  petite,  le  menton  très  court,  forment,  avec  l'ovale 
régulier  du  visage,  un  ensemble  agréable,  mais  de  peu  d'expression. 
Il  est  des  œuvres  où  la  Vierge  semble  moins  jeune  que  dans  d'autres. 
On  peut  en  dire  autant  de  l'Enfant  Jésns,  qui  n'est  plus  le  chétif 
nourrisson  de  van  der  Weyden,  mais  est  empreint  de  la  grâce 
mutine  d'un  enfant  conscient  de  ses  gestes.  Nous  en  avons  trouvé 


—  oS  — 

le  type,  avec  un  peu  de  surprise,  dans  le  petit  garçon  plaeé  derrière 
le  personnage  du  portrait  exposé  par  le  collège  évangélicjue  de  Iler- 
mannstadt.  Dans  le  portrait  de  femme  qui  sert  de  pendant  au  précé- 
dent lignre  le  petitchien,  un  barbet,  presque  identiquement  représenté 
aux  pieds  de  la  suivante  dans  la  lirthsabre,  la  magnifique  peinture  de 
Stuttgart  ;  le  même  chien  réapparaît  dans  un  des  petits  panneaux  expo- 
sés par  le  musée  de  Strasbourg,  oeuvres  dont  il  importe  de  dire  un  mot. 

Quelle  est  la  part  de  Memling  dans  cette  suite  intéressante  de 
peintures?  Aucune,  disent  certains  critiques.  Nous  n'allons  jias 
aussi  loin.  Tout  d'abord  il  convient  de  noter  la  signification  de  cet 
ensemble.  M.  «  Georges  de  Loo  »  (Georges  Hullin),  dans  son  très  savant 
(iitalngue  critique  de  l'exposition,  la  détermine  à  merveille.  C'est  un 
liiptyque,  avec,  au  centre,  le  Ciel  (Dieu  le  père),  l'Enfer  (Lucifer); 
sur  les  volets,  à  l'intérieui',  la  Mort  opposée  à  la  Vanité  de  la  vie; 
à  l'extérieur,  les  armoiries'  du  propriétaire  et  une  tète  de  mort; 
au-dessous  de  celle-ci.  nous  iisuns  celte  phrase  :  Scio  rniiii  qiiod 
Redemptor  meus  vivit. 

Nous  n'insistons  pas  sur  la  ressemblance  évidente  de  l'image 
du  Père  Eternel  avec  le  panneau  central  du  grand  retable  de  Najera, 
au  musée  d'Anvers;  à  l'exposition,  tout  le  monde  la  constatait. 
Nous  pouvons  passer  sous  silence  les  symboles.  IMus  intéressante 
est  la  ligure  de  la  l'aiii/c,  jeune  femme  dépouillée  de  tout  voile, 
debout,  dans  un  riant  paysage  où,  sur  le  tapis  de  fleurs,  trois  chiens 
prennent  leurs  ébats.  Cette  figure  nue  a  surpris,  choqué  même, 
quelques  personnes.  Memling  en  a  fait  d'autres,  les  a  même  mul- 
tipliées dans  son  JiKji'inciil  iln-itin-  de  Dantzig.  La  figure  à'Èn\  du 
musée  de  Vienne,  nous  fournit  une  autre  étude  de  nu.  Ce  n'est 
donc  point  cette  particularité  qui  peut  faire  repousser  l'idée  de  son 
intervention.  Considérées  au  point  de  vue  de  la  valeur  artistique, 
les  peintures  ont  un  mérite  sérieux.  Jadis  à  Strasbourg,  on  les 
attribuait  à  Simon  ^hirmion.  Nous  n'avions  jamais  cessé  de  les 
considérer  comme  plus  apparentées  avec  Memling.  L'impression  de- 
meure, sauf  à  croire  au  concours  du  pinceau  de  quelque  auxiliaire. 

Les  scènes  de  la  l'assion,  dans  l'œuvre  de  Memling,  sont  d'ex- 
pression   beaucoup  plus  ennlenue  que   chez   van  der  Weyden,  son 

I.  Ces  arinoiiies  soiU  :  d'uiycnl,  au  (jvifl'on  de  ijucidef,  iii-iiic  et  becqui-  d'or,  au 
chef  d'azur,  a  troi^  fleurs  de  hjg  d'or.  Devise  :  Nul  iicii  suiisprine.  Plusieurs  familles 
françaises  oui  adopté  cette  devise  :  de  la  Noue  Ilaront.  de  Haull;  également 
Montemerli,  famille  italienne,  sans  doute.  Elles  a|ipartieiinent  en  réalité  à  la 
famille  lîorelli. 


maître.  Dans  la  Pietà  que  nous  reproduisons,  appartenant  au  prince 
Doria,  le  plus  émouvant  des  sujets  de  ce  genre  issus  de  son  pinceau, 
l'arlisto    introduit  un  donateur,  très  proche   du  personnage  repré- 


P  0  11  T  H  A  I  T     DE     F  E  .M  M  E     I  X  G  0  X  N  U  E  ,      A  T  1"  lU  1!  U  E     A     M  E  M  L  1  N  G 

(Collection  do  S.  A.  S.  lo  duc  d'Anlialt,  'Woorlitz.) 

sente  dans  le  portrait  de  Hcrmannsladt.  La  nature  tendre  et  recueillie 
de  Memling  répugne  à  la  déformation  des  traits  sous  l'empire  de  la 
douleur.  C'est  d'ailleurs  une  scène  profondément  touchante  que  le 
baiser  déposé  par  Marie  sur  le  front  meurtri  du  Sauveur.  Madeleine, 
on  le  remarquera,  s'essuie  les  yeux  d'un  bout  de  son  voile.  Le  geste 
ne  manque  pas  de  grâce. 


—  00  — 

Comme  portraitiste,  Momling  trouva  ses  principaux  modèles 
dans  l'opulente  bourgeoisie  brugeoise.  Si  l'on  en  juge  par  l'attitude 
de  ses  personnages,  fréquemment  représentés  en  prière,  ses  por- 
traits ont  dû  souvent  faire  partie  d'ensembles  religieux.  On  ne 
peut  douter  que  tel  fut  le  cas  du  Jeune  (jenlil homme  un  des 
plus  délicieux  portraits  de  l'exposition,  appartenant  aujourd'hui  à 
M.  G.  Salting,  de  Londres,  comparable  pour  le  charme  de  la  phvsio- 


SSE      DE     SAl.N'TE     l' 11  ÏS  l"  L  E  ,     TAU     11  A  >' S     M  E  M  1, 1  N  ( 

[Muscle  de  Bruges.) 


nomie  et  la  grâce  juvénile  à  ce  portrait  de  lord  Philippe  Wiuulon 
qui  fut  le  succès  de  l'exposition  van  Dyck,  à  Anvers. 

C'est  encore  le  cas  du  beau  portrait  d'homme,  que  reproduit 
notre  gravure,  appartenant  au  musée  de  la  Haye.  Probablement 
lils  de  quelque  étranger  fixé  à  Bruges,  fervent  du  fameux  tir  de 
saint  Sébastien,  un  autre  personnage,  dont  le  splendide  portrait 
appartient  au  baron  Oppenheim,  se  présente  avec  plus  de  crànerie. 
Sa  physionomie  déterminée,  sa  lèvre  altière,  font  croire  à  quelque 
gentilhomme  de  haut  rang. 

Une  partie  de  l'intérêt  de  ces  effigies  se  perd,  malheureusement, 


Haiis  Memlini;  pinx 


(Colltiliait   ,ii,  pHuce   Du;;,,,    fin. 


GAZETTE  DES   BEAUX-ARTS 


—  61  — 

par  suite  de  I'ij;noram'e  oii  nous  sommes  do  l'idenlilé  des  person- 
nages représentes.  Il  est  à  craindre  que  cette  lacune  ne  soit  jamais 
comblée.  Œuvre  d'une  nature  privée,  le  portrait  est  condamné 
à    ce   sort    inévitable  et    conlradictoii-e    de    perdre    sa    destination 


LE     JLOEMEXT     DE     CAMBVSE,     PAR     0  E  11  A  11  I.     DAVID 
iMusf'e  de  Bruges. 1 

essentielle,  la  pérennité  du  souvenir  de  celui  qu'il  représente. 
Avonons,  au  surplus,  qu'il  y  a  bien  du  cliarme  aussi  dans  les 
spéculations  auxquelles  donne  naissance  l'étude  de  ces  pliysio- 
nomies  si  caractéristiques  de  leur  temps.  A  quel  milieu  social  appar- 
tenait la  femme  âgée  dont  le  peintre  nous  a  laissé  le  merveilleux 
portrait,  appartenant  à  M.  X...,  de  Taris?  On  sait  que  le  pendant 
de  ce  morceau  de  nature  «  naturante  »,  provenant,  comme  lui.  de  la 


coUeclion  Meazza,  à  Milan,  fait  pailio  du  muscle  de  Berlin;  c'est  le 
portrait  présumé  du  mari  de  la  dame,  quelque  vieux  serviteur  de 
la  maison  de  Bourgogne  sans  doute.  L'œuvre  de  Memling  ne  contient 
point  de  pages  plus  attachantes  que  ces  effigies  de  si  frappante 
vérité,  les  plus  belles  de  l'école  flamande  depuis  van  Eyck,  couple 
dont  les  hasards  du  temps  ont  dissous  l'union,  rêvée  sans  doute 
éternelle  ! 

Pas  de  Memling,  mais  digne  de  lui,  cet  autre  portrait  de  femme, 
de  physionomie  si  étrange  (n"  108),  provenant  de  la  Maison  gothique 


TKOIS      11  ES     PAKNEAIX     DE     LA     CUÂSSE     11  E     SAINTE     UnSULE,     P  A  I\    II  A  N  S     M  K  M  I.  I N  ci 

(Musée  de  Bruges.) 

de  Woerlitz.  Cette  fois  encore,  il  s'agit  de  quelque  temme  de  haut 
parage  ;  la  coupe  et  la  richesse  du  costume  le  prouvent.  D'ordre 
supérieur,  la  facture  indique  un  maître  de  date  quelque  peu  anté- 
rieure à  Memling,  maître  anonyme  dont,  croyons-nous,  un  autre 
portrait  féminin  est  entré  à  la  National  Gallery,  de  Londres,  par  le 
legs  Lyne  Stephens.  Nous  ne  nous  iiasardons  à  proposer  aucun  nom. 
Il  s'agit  sûrement  d'un  Flamand. 

La  Châsse  de  sainte  Ursule,  (|ue  hi  légende  avait  placée  au 
début  de  fa  carrière  de  Memling,  en  fut  le  couronnement.  Combien 
plus  poétique  la  réalité  et  plus  touchante  la  pensée  de  cet  ensemble 
de  haute  perfection,  marquant  la  fin  d'une  existence  écoulée  tout 
entière  dans  l'oubli  des  heures  et  sanctifiée  par  la  conscience  de  la 
joie  que  procurait  aux  autres  la  joie  qu'avait  éprouvée  lui-même 
cet  ouvrier  sans  reproche  dans  l'accomplissement  de  sa  tâche! 


Ourinin   l.lrfll 


r.,v/.ctte  des  l'iCAUx  Ai-is 


LA     M  A  D  E  L I-  1  N  L 

'  Musée    d  Anvers 


Imp  A,  Porcabeuf,  Paris 


—  6:J  — 


Le  périlleux  honneur  de  recueillir  la  succession  d'un  tel  peintre 
échut  à  Gérard  David.  Arrivé  de  Hollande  artiste  accompli,  comme 


LE     BAl'TI-ME     DU     CHRIST,    P  A  X  X  E  A  U    CEXTUAL     D  f     TlilPTYyUE     b  E     G  É  11  A  11  D    DAVIK 

(Musée  de  Bruges.) 


Memling  était  venu  d'Allemagne,  David  fut,  du  vivant  même  de  son 
confrère,  en  1488  chargé  de  travaux  par  la  municipalité  de  Bruges. 
De  là  l'origine  de  ses  deux  grandes  pages  de  la  Justice  de  Camhyse 
et  du  Supplice  de  Sisamnès,  datées  de  1489,  appartenant  au  musée 
de  Bruges.  A  l'exposition,  elles  encadraient  sa  Vierge  environnée  de 


sainles.  ihi  musée  de  Rouen, 
commiinaiilé  des  relia-ieiises  de 


>  V  I  \  r        I   II  ANi;nIS        11  ASSISE 

lu:  I  :  K  V  A  N  T    LES    s  I  I  f.  M  \  T  E  S 
AT  ni  HUÉ     A     OKRAIIIi     IlAVII» 

(Collection  ilc  M.  R.  von  Kautniann.  Berlin.) 

semble  que  dans  la  figure  de 
tement   le   peintre    ail  voulu 
bleu.  Bien  avant  Gainsborough 
insurmontaljle   par   Reynolds. 


oflerte  par  le  peinti'e  hii-mènie  à  la 
Sion,  en  l'iOU.  L'ère  des  «  Primitifs  » 
est  close.  Gérard,  contemporain  de 
Lucas  de  Leyde  et  d'Albert  Diirer, 
(jue,  sans  nul  doute,  il  vit  venir  à 
liriiges,  meurt  plus  tard  que  Ra- 
pliaël.  On  ne  peut  nier  cependant 
(|ue  ses  œuvres  ne  le  rattachent 
pi  11  lût  à  Mcmling.  A  l'exposition 
lii;iirail  de  lui.  sous  le  nom  de 
Mabuse,  une  Adoration  dea  Mages, 
a[ipartenant  au  musée  de  Bruxelles, 
priiilurc  (|ui,  très  longtemps,  fut 
désignée  el  cataloguée  coninu'  de 
Jan  van  Kyck.  Et,  d'autre  part, 
l'admirable  Sainte  Famille  appar- 
tenant à  ^L  ^larlin  Le  Roy,  de 
i'aris,  était  désignée  à  Bruges  sous 
le  niim  de  Quinten  Massys. 

Sous  le  nom  de  Memling,  un 
petit  triptyque  de  la  Messe  de  saint 
Grégoire  \\\"  87  ).  par  Gérard  David, 
répète,  en  petit,  ses  ligures  de 
saint  ^lichel  et  de  saint  Jérôme 
du  musée  de  Vienne,  tandis  que 
la  ravissante  Vierge  à  la  bouillie, 
du  musée  de  Strasbourg  (n°  209), 
figura  sous  le  nom  de  Memling,  à 
l'exposition  des  Alsaciens-Lor- 
rains. En  somme,  David  n'est  nul- 
lement un  peintre  immobile,  et 
voici,  pour  le  prouver,  une  Annon- 
ciation, composée  des  volets  d'un 
ancien  triptyqiu'  du  musée  de 
Siegmaringen  (n"  128).  La  gamme 
des  tonalités  y  est  remarquable.  Il 
la  Vierge  et  dans  le  fond  de  l'appar- 
harmouiser  les  diverses  nuances  du 
,  il  a  triomphé  d'une  difficuHé  réputée 
Le  manteau  de  l'ange  nous  niontre 


tlinMitiii  Ma^sv■.  pm\ 


LE    CRUCIFIEMENT 


(CoiUdioii  du  pnilic  de  Liuhlauteiii.  Viemic.) 


GAZETTE    DES    BEAUX-ARTS 


—  H6   — 

aussi,  dans  sa  doublure,  des  couleurs  diaprées,  peu  habituelles  chez 
notre  artiste. 

C'est  sans  doute  une  œuvre  de  jeunesse  de  David  que  le  petit 
Saint  François  recevant  les  stigmates,  pendant  d'un  Saint  Jean-Bap- 
tiste, tous  deux  à  M.  R.  von  Kaulmann.  L'extase  du  saint  se  traduit 
d'une  manière  et  avec  un  sentiment  rares  à  rencontrer,  si  ce  n'est 
au  xv"  siècle. 

Placée  dans  le  proche  voisinage  de  l'admirable  triptyque  du 
Baptême  du  C/^m/,  un  des  trésors  du  musée  de  l'Académie  (reproduit 


IU:iMuN     I1AX5     LK     l'AIiC     HL'     C  11  A  T  E  .V  C     DE     li  r  M  li  E  K  E  , 
TAlt     LX    MAITHE    FLAMAND    DU    XV'    SIÈCLE 

(Collection  de  M.  le  comte  Thierry  de  Limburg-Stirum,  Bruxelles.) 

encore  comme  de  ÎMemling  dans  les  Chefs-d'œuvre  des  grands 
maîtres  de  Kellerhoven),  la  Transfiguration  de  l'église  Notre-Dame 
nous  parait  bien  décidément  devoir  être  attribuée  à  David,  comme 
ausi  la  Conversion  de  saint  Paul  (n»  332'),  à  M.  A.  Voriieagen. 
Exposée  comme  de  Jacques  Cornelisz,  elle  a  sûrement  des  titres 
moins  sérieux  à  cette  attribution  que  le  n"  281,  un  triptyque  repré- 
sentant La  Vierge  avec  l'Enfant  Jésus  et  des  donateurs,  cataloguée 
comme  de  ((  Jacques  d'Amsterdam  »,  c'est-à-dire  du  même  maître. 
Nous  allons  étonner,  sans  doute,  plus  d'un  en  soulevant  la 
question  de  savoir  si  Gérard  David  n'est  pour  rien  dans  l'exécu- 
tion du  ravissant  tableau  (n"  273)  appartenant  au  comte  de  Lim- 


Il  t-,KUiJiAut, 

Dessin  dp  M  Franck  d* après  le  Volet  ôauche  de  L'Ensevelissement  du  Christ  n 

L,  .  'Musée    d'Anvers  f  ,      ,  „,.  ,,    , 


burg-Slirum  :  U)H'  Fêle  de  famille  en  plein  air  au  château  de  Rum- 
beke.  Le  château,  situé  non  loin  de  Roulers,  existe  toujours.  Seul,  le 
couronnement  de  la  tourelle  a  disparu.  Nous  sommes  donc  en  pleine 
Flandre.  David,  personne  ne  l'ignore,  est  un  paysagiste  de  premier 
ordre.  Le  fini  de  ses  lointains  confine  au  prodige.  Il  eut  sûrement  un 
œil  conformé  comme  celui  de  Meissonier,  capable  de  voir  et  de 
rendre  avec  précision   les  moindres  détails  d'un   arrière-plan.  Or, 


m;i,.m:    hk    chasse,    I'Aii    juaciiim    I'Atenikis 
iCollcctioii  de  M"'  Wcscndonck,  Berlin.) 


celui  de  cette  Fête  au  château,  où  défile  une  cavalcade,  où  passe  un 
troupeau  de  moutons,  sans  parler  d'autres  menus  détails,  est  la  chose 
la  plus  exquise  qu'on  puisse  considérer.  Les  personnages  sont  des 
portraits  assez  mal  conservés;  mais,  chose  essentielle,  l'ensemble 
de  la  coloration  est  conçu  dans  la  gamme  harmonieuse  de  David. 
M.  Weale  assure,  nous  le  savons,  que  David  n'est  point  lui- 
même  l'auteur  des  paysages  que  l'on  trouve  dans  son  œuvre  et  que 
ceux-ci  auraient  été  exécutés  par  Joachim  Patenier.  La  Ihèse  est 
évidenmient  trop  absolue.  Patenier  a  pu  prêter  son  concours  à 
Gérard,  comme  il  le  prêta  à  d'autres,  surtout  à  Quinten  .Massys,  chose 
établie  par  des  documents.  11  n'y  a  certes  aucune  analogie  entre  les 


paysages  de  ce  dernier'  et  ceux  de  son  contemporain  David.  On 
en  trouvait  la  preuve  à  l'exposition  même,  dans  le  merveilleux  petit 
Cincl/iri/icnt   appartenant  au   prince  de  Liechtenstein  et  issu  de  la 


J  E  U  N  F.     F  E  M  M  E     E  t  K  1  V  A  N  T     t  .\  E     L  E  T  T  11  E 

PAR     LE     MAITllE      DIT     <i     I>  E  S     FEMMES     A     MI-CORPS     » 

(Collection  Pacully.  Paris.) 

collaboration  des  deux  artistes".  Figures  et  paysage  se  rattachent 
directement  au  grand  tableau  de  Y  Ensevelissement  du  Christ.  Il  n'y 

1.  Yuir  la  gravure  de  la  pa,i;i'  66. 

2.  Il  existe  des  répélilioiis  nombreuses  de  cette  composition,  probablement 
empruntée  à  un  grand  tableau  de  Massys  que  posséda  l'église  Notre-Dame 
d'Anvers,  et  qui  périt  dans  li'S  troubles  religieux  du  xvi"^  siècle.  .Nous  avons  autre- 


POR.TRAIT  D'HOMME 

(  Musée  de  Francfort  ) 


ctte  des  Beai!J5-Arts 


Irap  Ch  Cil 


E 

^^ 

Hj^^ 

fÊÊM 

il 

'TB 

^1 

—  70 


à  aucun  rapport  entre  les  paysages  très  ilamands  de  David  et  les 
sites  mosans  de  Patenier.  Personne  ne  miîconnaitra  sans  doute  que 


LUOMME    A     LA    MKDAILLE   DE   L  ANNONCIATION,    PORTRAIT    AlTlUilLK    A    JEAN    MOSTAEKT 

(Musée  de  Berlin.) 

l'étang  avec  ses  cygnes,  dans  la  Fè/e  au  château,  ne  soit  un  niotil 

fois  signalé  dans  la  Gazette  des  Beau's.-Aits  |3"=  për.,  t.  I,  p.  3ol)  une  des  versions, 
exposée,  toujours  comme  l'œuvre  de  Patenier,  à  la  National  Gallery  de  Londres. 
Une  autre,  avec  figures  demi-nature,  fait  partie  de  la  collection  Mayer  van  deu 
Bergh,  à  Anvers. 


LK    CHKVALIKK  AU    CHAPbLfcl  ■ 
î^usèe    de  Brux.eUes  ■ 


—  71 


fréqucnl  des  fonds  de  IMeniling  et  de  Gérard.  Il  n'y  a  donc  rien  de 


L  A  D  0  R  A  T  I  0  X     DES     MAGES,     ]'  E  1  NT  U  11  E     A  T  T  111  11  L  1:  E     A     JE  A  N     .M  0  S  T  A  E  11  T 

(Musée  d'Ainsti-rdam.) 


forcé  dans  le  rapprochement  que  nous  faisons  entre  le  paysage  de 
Rumbeke  et  les  peintures  de  David. 

Mais  il  nous  faut  poursuivre.  L'exposition  de  Bruges  est  ample- 


Et'.CE     HOMO;     l.K     COL'RO.N.NE.MhNÏ      IiLlMNES 
PEINTURES     INTKUIEIRES     DES     VOLETS     DU     T  R  1 1' T  Y  n  U  E     D  '  0  r  I.  T  R  E  M  O  .\  T 

(Musée  de  Bruxelles.; 


L  A     .M  ARCHE     AU     C  A  L  V  A  I  11  E 
l'EIMLRES     EXTÉRIElllES     DES     VOLETS     D  L'     TRIPTYrjLE     D  '  0  C  LT  H  E  M  0  X  T 

(Musée  de  Bruxelles.) 


mciil  |K)iirviie  des  créations  do  deux  peintres  proches  de  David.  L'un 
est  le  i<  Mostaert  »  de  Waagen,  le  peintre  des  Sept  Douleurs  de  la 
Vierge,  tableau-type  de  Noire-Dame,  exposé  sous  le  n"  178,  et  son 
pendant,  le  n"  179,  Porlrail  de  Georges  van  de  Velde,  bourr/mestre 
de  la  ville  de  Bruges  et  prévôt  de  la  confrérie  du  Saint-Sang,  du 
musée  de  Bruxelles.  Ce  pseudo-Mostaert,  identifié  simultanément 
par  MM.  Weale  et  Hulin  avec  Adrien  Isenbrant,  élève  de  Gérard 
David,  était  déjà  signalé  par  Waagen  comme  se  rattachant  au  maître 
dit  '(  des  Femmes  à  mi-corps  »,  de  qui  nous  reproduisons  un  char- 
mant spécimen,  exposé  par  M.  Pacully,  de  Paris  :  une  Jeune  femme 
écrivant  une  lettre.  On  a  été  frappé  à  l'exposition  du  rapport  entre 
ce  peintre  des  Femmes  à  mi-corps  et  Fauteur  du  tableau  de  lîumbeke. 
D'instinct  l'on  s'est  dit  qu'il  fallait  chercher  dans  son  voisinage 
l'auteur  de  la  Fête  au  château.  Que  cet  auteur  ne  soit  point  lui, 
mais  plus  près  encore  de  David,  cette  opinion  résulte  de  tout  un 
ensemble  de  caractères  appartenant  en  propre  à  celui-ci  et  que  nous 
ne  trouvons  ni  chez  Isenbrant,  ni  chez  le  peintre  des  Femmes  à 
mi-corj)s.  Le  professeur  F.  Wickholî  a,  dans  un  récent  travail, 
cherché  à  identifier  avec  Jean  Clouet  ce  maître  encore  indéterminé. 
Sa  thèse  se  fonde  en  grande  partie  sur  les  textes  français  des 
poésies  que  chantent  fréquemment  les  jeunes  femmes'  :  le  savant 
auteur  a  pu  établir  que  les  jolies  paroles  servant  de  thème  à  la 
musique  jouée  par  les  trois  gracieuses  jeunes  femmes  du  tableau 
du  comte  llarrach,  exposé  à  Bruges,  sont  de  Clément  Marot. 

Sans  discuter  ici  le  bien-fondé  de  l'hypothèse  de  M.  Wickhoff, 
il  nous  faut  signaler  un  tableau,  non  étudié  jusqu'à  ce  jour,  du 
maître  des  Femmes  à  mi-corps,  un  Repos  en  Egypte  (n"  266)  apparte- 
tenant  au  comte  Ch.  d'Ursel,  de  Bruges.  Le  paysage  y  est  tout  à  fait 
remarquable,  tlamand  croyons-nous,  avec  un  chemin  de  grands 
arbres,  unique  dans  les  tableaux  du  temps  et  n'offrant  aucune  ana- 
logie avec  le  paysage  de  Rumbeke. 

Le  pseudo-Mostaert  de  Waagen  disparu,  nous  tenons  du  moins 
le  réel,  grâce  à  l'identification,  par  M.  Gustave  Gluck,  en  1896'-,  du 
Portrait  d'homme  —  sans  doute  celui  du  maître,  mentionné  par  van 
Mander  —  appartenant  au  musée  de  Bruxelles  et  exposé  à  Bruges 
comme   du   «   maître   d'Oultremont   ».   Nous  renvoyons  le  lecteur 

1.  Joissaiice  vous  donneray  —  Mon  ami,  el  si  vous  nienneray  —  La  on  prétend 
voslre  espérance.  —  Vivante  ne  vou^  laisseray,  —  Eicorjs  qia.il  m  ul  seiviy 
—  Sy  vous  auray  en  souvenance. 

2.  Zeilxchrift  fin-  hihlcnilc  Kun>:t. 


des   Beaiix-Ar 


LA     MADELEINE 
'Musée   de   Berlin  1 


Imc.Forcabc 


au  travail  de  M.  Gliick   et   à  la  savante  dissertation  de  M.  Ganiillo 
Benoît,  publiée  par  la  Gazette  des  Beaux-Arts  en  1899'. 

A    l'apport  du  musée   do  Bruxelles   élait    venue    se   joindre,    à 


■IhHHK     hl      L  -N     i)l)>\n.  lli  >\l-Nl      !■  A  L  1 

VOLETS     d'un     T  R  I  P  ï  y  Q  f  E     A  T  T  H  1  liU  É     A     JEAN     Ml 


h  1     L  .N  E 
1  T  A  E  U  T 


Bruges,  une  belle  lête  A'Ecce  Homo  appartenant  à  M.  Willett,  de 
Brighton  (n»  338),  identique  à  celle  du  volet  de  gauche  du  retable 
du  musée  de  Bruxelles,  ainsi  qu'un  portrait  de  jeune  homme,  dit 
Juste  van  Bronckhorst,  appartenant  à  M""=  0.  Hainauer,  de  Berlin. 

1.  Gazette  des  Beau.v.Arts,  3''  pér.,  t.  XXI,  p.  263. 


La  Si/ji/Z/e  persig/fe  exposc'C  par  M""'  .1.  IlainaïKM-,  de  Berlin,  sous  le 
nom  de  Mostaert  est  la  répélilion  tlii  buste  de  femme  désigné  comme 
un  portrait  de  Jacqueline  de  Bavière,  au  musée  d'Anvers  et  encore 


ECCE      HOMO      »,     PAR      J  K  11  O  M  E      11  o  S  C  H 

(Collection  de  M.  L,  Maeterlinck.  Gand.; 


ailleurs.  M.  L.  Dimier  a  signalé  aux  lecteurs  de  la  Chronique  dis 
Ar/s'  un  autre  exemplaire  de  ce  tableau  donné  comme  un  portrait 
de  demoiselle  Anne  de  Driedreven,  et  daté  de  1506.  L'intervention 
de  Mostaert  est  à  rechercber.  Nous  ne  l'écartons  pas  dune  manière 
absolue. 

I.  Chronojiic  dex  Arl»  du  12  avril  l'Joi.  p.   110. 


Gazette  des  Beaux-Arts 


LE    JUGEMENT   DERNIER 

Tslt  JehanBellegambe 
Parie  centrale  ÎTm  triptvtiue  du  Musée  deBerlm 


L'église    Saint-Jaccjues    de    Bruges,    entre    divers     tableaux     de 
maîtres  inconnus,  exposait,  sous  le  noiu  d'Allicrt  Cornelisz,  un  Con- 


L  E     M  A  li  l  VUE     Ll  li     5  A  1  X  1'  E     U  11  S  U  L  E  ,     1'  A  U     J  É  II  Li  >[  E     B  0  S  C  11 

(Musi^e  impérial  de  Vionne.) 

ronnrment  de  hi    Vierge,  dont  on  trouvera   la   reproduction  dans  la 
Revue  de  l'Art   chrélien  [{.  Xil,  1901,  pi.  VI  .  C'est  jus(iu"ici  runi(|ue 

10 


spécimen  connu  du  peintre,  décédé  à  Bruges  en  ['o-i'I  et  sur  l'ori- 
gine duquel  M.  Weale  n'a  pu  rien  découvrir.  Van  Mander  nous 
parle  d'un  Corneille  Cornelisz,  dit  Kunst,  iils  et  élève  do  Corneille 
Engeliirechtzen.  Ledit  Cornelisz,  dit  van  Mander,  s'en  allait  par 
intervalles  travailler  durant  plusieurs  années  à  Bruges.  Nous  ne 
savons  s'il  y  a  quelque  parenté  entre  lui  et  l'auteur  de  la  peinture 
de  l'église  Saint-Jacques.  Au  nombre  des  renseignements  donnés  par 


LE     JL'GE.ME.Nr     1)  E  11  X  I  K  il  ,     l'A  11      Jl.  IIMME     HO  S  Cil 

(Collection  de  M.  Pa.nilly,  Paris.) 

M.  Weale'  sur  ce  peintre  énigmatique,  nous  recueillons  celui-ci: 
qu'Albert  eut  des  fils  peintres  et  que  l'un  eut  pour  prénom  Corneille. 

Ne  manquons  pas  de  dire  en  passant  qu'un  joli  portrait  équestre, 
dénommé  Charles-Qidnt  [n"  164),  exposé  par  lord  Northbrook  comme 
de  Bernard  van  Orley,  de  qui  sûrement  il  n'est  pas,  serait  une  œuvre 
authentique  de  Corneille  Engelbrechtzen,  d'après  l'attribution  de 
M.  Friedlœnder,  lors  de  l'exposition  de  la  New  Gallery,  à  Londres, 
en  1900. 

Jean  Prévost,  «  bon  peintre  »,  dit  Albert  Diirer,  qui  fut  son 
hùte  à  Bruges  en  lo21,  est  encore  un  Brugeois  d'adoption.  Natif  de 

1.  te  heffvoi,  t.  I    1863;,  p.  1-22. 


J  Bosch  pinx 


(  Panneau  de  triptyque  àlfiscurial  ) 


Gazette  des  Beaux-Arts 


ImpCh.Witlma 


-  80 


Mons,  on  lliiinaut.  il  travailla  à  Anvers.  Son  grand  JiKjemcnl  rfeniirr, 
rt'produit  par  noire  gravure,  est  au  musée  de  Bruges.  Il  fut  peint 
pour  la  municipalité  on  ialli.  L'inllueiice  do  van  Orley  s'y  fait  sentir, 
ainsi  que  colle  de  Jérùmo  Bosch.  Deux  autres  inlerprétations  de  la 
môme  donnéo  apparlionnout  à  M.  Welier,  do  Hambourg,  et  au  comte 


l'UHIllAIT    I)    ISABELLE    II    AUTRICHE,     l'Ait     JEA.N     (.IJ.SSAIII,     DIT     M  A  11  l  S  E 
(Collection  de  M.  CLir.loii,  liruxcllcs.) 

Ruiïo  de  Bunuoval,  à  Briixolles.  Elles  somldonl  plus  anciennes'. 
Uo  Jérôme  Bosch,  ou  supposés  tels,  nous  trouvions  à  Bruges, 
outre  le  curieux  tableau  Lr  Christ  présenté  au  jicuplr,  appartenant  «à 
M,  L.  Maeterlinck,  de  Gand,  que  son  possesseur  a  décrit  dans  la  Gazette 
fies  Beaux-Arts-  et  que  nous  reproduisons  page  78,  —  un  beau  Juge- 

1.  M.  Georges  Hulin  a  récemment  consacré  à  Jean  Prévost   l'rovost;  une  très 
intéressante  étude,  dans  la  revue  belge  Kunsl  en  Leven  (L'Art  et  la  Vie]. 

2.  Gazette  des  Beaux-Arts,  3'  pér.,  t.  XXIII.  p.  68. 


—  81  — 

ment  dernier,  apparlonanl  à  M.  Pacully,  de  Paris,  — un  Portement  de 
croix,  à  la  Société  des  Amis  du  musée  de  Gand,  et  diverses  «  dia- 
bleries »,  titre  sous  lequel  nous  rencontrons  une  ancienne  et  bonne 


LA      \  i  li  J\  t 


LA     F  U  N'  T  A  I  N  E  ^     l' A  li     JE  A  X     11  L  L  L  E  r.  A  .M  11  i: 

(Musée  de  Glasgow.) 


copie  du  Jardin  des  dé/ires  de  l'Escurial,  appartenant  à  M.  Cardon, 
de  Bruxelles.  M.  Dollmayr,  dans  sa  très  reniar(|uablc  et  importante 
étude  sur  Bosch,  assignait  à  Jan  Mandyn  une  bonne  partie  des  œuvres 
de  ce  maître  existant  en  Espagne,  y  compris  les  grands  panneaux 
de  l'Escurial.  De  Mandyn  aussi  nous  parait  être  le  Sai)it  C/iris/op/ie 
(n"  2'iï]  ap})artenanl  à  M.  Novak,  de  Prague.  La  question  Bosch  est 


—  8'2  — 

d'ailleurs  forl  complexe.  Il  était  avéré  dès  le  xvr  siècle  que  nomlire 
de  pages  signées  de  son  nom  ne  pouvaient  être  son  œuvre. 

11  y  eut  au  xvi'' siècle  un  copiste  fameux,  Marcel  ColTermans  ou 
KolTermaus,  dont  M.  Schloss,  de  Paris,  expose  une  Sainle  FcDnilIr 
signée,  laquelle  n'est  qu'une  copie  de  l'estampe  du  maître  B.  M. 
(B.,  n"  1).  Le  même  Gotrermans  '  serait  l'auteur  responsable  des  deux 
«  Lucas  de  Leyde  «  (^n°"  391  et  392^,  où  se  répètent  des  gravures  du 
célèbre  artiste  et  d'autres  œuvres  similaires  existant  dans  beaucoup 
de  galeries.  De  lui  encore  émane,  sans  doute,  la  jolie  suite  de  la 
Passion  d'après  les  gravures  de  Goltzius,  appai'tenant  à  M.  L.  Car- 
don, de  Bruxelles  (n"  392).  L'on  se  demande  s'il  n'est  point  en  outre 
l'auteur  du  petit  triptyque  (n"  87)  déjà  mentionné,  la  ,1/rv.sp  de  saint 
Gn-r/airf.  Le  susdit  ColTermans,  dont  nous  avons  signalé  jadis  aux 
lecteurs  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts  une  grande  figure  de  la  Made- 
leine rencontrée  en  Espagne,  est  par  lui-même  un  maître  pi'u 
intéressant,  apparenté  à  F"rans  Floris.  Un  mot,  en  passant,  d'un 
remarquable  profil  d'bomme  exposé  par  M.  Cardon,  de  Bruxelles. 
Cette  œuvre,  attribuée  à  Lucas  de  Leyde,  est  sûrement  italienne, 
lombarde,  et,  selon  plusieurs  critiques,  de  Bernardino  Conti. 

Sachons  gré  aux  organisateurs  de  l'exposition  d'y  avoir  ménagé 
une  place  aux  maîtres  du  xvi''  siècle.  Nous  avons  dû  à  cette  circon- 
stance bon  nombre  de  pages  d'un  intérêt  sérieux  et  parfois  de  liante 
valeur,  comme,  par  exemple,  la  très  remarquable  représentation  de 
Lancelot  Blondeel,  maître  trop  peu  étudié  jusqu'ici,  et  de  Pierre 
Pourbus,  son  gendre,  un  portraitiste  admirable. 

Mabuse,  Quinten  Massys  et  van  Urley,  à  côté  de  (|uelques 
œuvres  non  douteuses,  servaient  aussi  de  prête-noms  à  des  attribu- 
tions fantaisistes.  Nous  tenons  pour  très  authentique  le  Vieillard 
amoureux  (n"  359)  de  Massys  appartenant  à  la  comtesse  de  Pourtalès, 
aussi  bien  que  les  Têtes  de  rieillards  (n"  382)  au  prince  Doria.  Le 
Cadran  d'horloge ,  easeigno  supposée  de  la  bouli([ue  de  Josse,  le  frère 
de  Quinten  Massys,  à  M.  van  Even,  l'historien  de  l'école  louvanisie, 
est  d'un  très  sérieux  intérêt.  Nous  avons  dit  ailleurs  que  le  Profil  de 
vieillard,  signé  Quiiitiiua  Metsiis  pingebal  anno  1513,  appartenant 
aujourd'hui  à  M""'  André,  a  pour  point  de  départ  le  portrait  de  Cosme 
de  Médicis,  des  Offices.  Le  Christ  bénissant,  au  baron  de  Schickler, 
nous  a  paru  une  œuvre  belle  et  ancienne,  répétant  la  fameuse  tète 
du  musée  d'Anvers. 

I.  C'est  à  M.  Adolplie  Coldsclimidt  qu'est  du»  la  mise  imi  évidence  de  Coflei- 
mans  comme  faussaire. 


LE  BOUFFON 

Musée  Impérial  de  Vienne 


ces  ûeaux-Ans 


Le  somptueux  purliait  d'Jsaùellr  d'Aidrithc,  par  ^labuso,  appar- 
tenant à  M.  Gardon,  est  tout  ensemlile  un  morceau  de  haute  valeur 
artistique  et  do  vif  intérêt  pour  l'histoire.  C'est  une  excellente  chose 
également  que  le  portrait  de  Philippe  de  Bourgogne  —  tout 
au  moins  le  personnage  est  présumé  tel,  —  à  M.  Mac(|uoid,  de 
Londres. 

Nullement  de  JMabuse,  mais  de  Jean  BoUegambe,  est  la  Vierge 
du  musée  de  Glasgow,  reproduite  par  notre  gravure.  Le  coloris,  le 


LE     PAYS     UE     eue  Ali  Mi,     l' A  U     I' I  K  l>  U  E      [lUELiillEL     LE     ViELX 

(Collection  do  M.  R.  von  Kaufmana,  Berlin.) 

type  de  l'Enfant  Jésus  et  de  la  Madone,  enlin.le  fond  d'architecture, 
sont  caractéristiques  du  maître. 

A  Dirck  Velaert  peut  être  attribué  le  charmant  petit  triptyque 
n"  191,  L'Adoration  des  Mages,  La  Pentecôte  et  La  Vierge  dans  une 
gloire,  exposé  par  sir  F.  Gook  sous  le  nom  de  Mabuse.  On  sait  que 
Velaert  a  été  récemment  identifié  par  M.  Gliick  avec  le  fameux  D*  V. 

Trois  peintures  authentiques  de  Pierre  Breughel,  dont  deux 
jusqu'à  ce  jour  inédites,  forment  le  contingent  très  important  de  ce 
grand  peintre.  V Adoration  des  Mages  appartenant  à  ^L  Roth,  de 
Vienne,  est  un  morceau  de  haute  saveur,  remarquable  par  la 
gamme  claire  des  colorations  et  l'expression  des  types,  confinant  à 
la  caricature.  Cette  œuvre  précieuse  est  datée  de  136.3.  Le  souvenir 
de  Jérôme  Bosch  y  est  très  apparent;  mais,  certainement,  Breughel 


reste    inférieur    à    la    grandiose    interprétation    de  son    devancier. 

Le  Pays  de  cocaijnc,  en  revanclie,  à  M.  von  Kaul'niann,  est  de 
conception  et  d'exécution  également  délicieuses.  On  ne  se  lasse  point 
d"en  admirer  le  détail  :  le  ravissant  paysage  où  poussent  des  arlu'es 
en  gâteaux,  oîi  h'  cochon  tout  rôti  court  déjà  entamé,  où  les  haies 
sont  en  saucisses,  où  un  lleuve  de  lait  serpente  entre  des  montagnes 
de  sucre,  où  l'œuf  môme,  prêt  à  être  gohé,  marche  vers  la  houche 
du  désœuvré.  Et,  dans  ce  pays  de  délices,  sont  étendus,  à  l'omhre 
d'une  tahle  servie,  les  représentants  des  diverses  classes  sociales  : 
l'étudiant,  le  lahoureur,  le  guerrier.  La  gamme  des  tons  est  aussi 
claire,  aussi  joyeuse  C[ue  la  ilonnée  elle-même.  Le  rose  temire  du 
costume  du  jeune  clerc,  les  chausses  rouges  du  soldat,  le  vêle- 
ment gris  du  laboureur,  tout  cela  forme  une  harmonie  ex{[uise. 
Disons  que  ce  charmant  tableau  est  daté  de  1507.  Le  Ui-nombrcmeid 
"  Bethléem,  au  musée  de  Bruxelles,  est  de  ITiOli.  (^es  diverses  pein- 
tures sont  donc  de  la  dernière  période  de  la  carrière  de  leur  auteur, 
illustrée  par  le  petit  tableau  des  Giieii.r  du  Louvre  et  coui'onnée  par 
la  Paraholc  i/rs  /irri/i//es   (lu  inusiV'  de  .Naples. 

La  Jddil/i.  (|ue  leproduil  mitre  gravure  d'après  l'nriginal  de 
Jan  Massys  appartenant  à  M.  Uannat,  est  un  morceau  de  gi'and  style, 
non  seulement  un  des  plus  beaux  de  son  auteur,  mais  un  des  plus 
remarquables  d'une  période  de  l'arl  llamaud  jugée  par  quelques 
critiques  avec  une  sévérité  presque  excessive.  Li-  tableau  est  signé 
sur  la  lame  du  glaive  tenu  par  l'héroïne  biblique. 

Nous  nous  sommes  demandé,  en  considérant  cette  peinture,  si, 
en  dernière  analyse,  Jan  Massys  ne  serait  pas  l'auteur  de  la  fameuse 
Betlisabrc  d(^  Stuttgart,  comme  déjà  nous  en  avions  le  soupçon. 

En  déposant  la  plume,  mitre  tâche  serait  imparfaitement  rem- 
plie sans  l'expression  d'une  gratitude  très  vive  envers  les  promo- 
teurs et  les  organisateurs  d'une  manifestation  d'art  destinée,  non 
pas  seulement  à  laisser  d'inell'açables  souvenirs  à  ceux  (jui  dut  eu 
le  bonheur  de  la  Vdir,  uuiis  destinée  aussi,  nous  en  avons  l'espé- 
rance, à  devenir  le  point  de  départ  de  nouvelles  et  fructueuses 
études  sur  l'histoire  de  la  peinture  au  xv"  et  au  xvi"  siècle. 

A  ce  titre  même,  nous  avons  à  exprimer  le  regret  de  n'avoir 
consacré  qu'un  espace  relativement  restreint  à  l'analyse  de  ses  tré- 
sors. Beaucoup  d'ceuvres  aussi,  arrivées  tardivement,  n'ont  pas  [)u 
être  étudiées  à  la  place  qui  logiquement  leur  appartenait.  C'est 
notamment  le  cas  des  précieux  panneaux  appartenant  à  M.  Théo- 


c   - 


phile  Belin,  Ui  Lnjciidc  ilc  ■^ai/it  Georges,  dont  il  nous  eût  élé  ayrôaljle 
de  pouvoir  donncM-  l'analyse  et  la  reproduction.  Il  on  est  de  même 
des  panneaux  de  M.  E.  Delignières,  d'Abheville,  lesquels,  comme  les 


.1 L  nrni ,    \'.\  [;     ,i  \  N     m  assvs 
(C.li'Clinn  do  M.  D:.iHiat,  Paris.' 

précédents,  nous  ont  paru  français.  Parmi  les  historiens  darl  qui 
les  ont  vus  à  Bruges,  il  s'en  trouvera,  nous  nous  plaisons  à  le 
croire,  de  plus  renseignés  qu(>  nous  sur  r(U'igine  de  ces  intéres- 
santes créations  '. 

1.  Déjà  M.  Georges  Hulin,  dans  le  dernier  fascicule  do  sou  catalogue  crilique, 
leur  consacre  quelques  pages  inléressaules. 

11 


TABLE  DES  GRAVURES' 


Anto.nello  de  Mess;IiNe.  —  Portrait  de  condottiere.  (Musée  du  Louvre.)  (ini- 

vure  de  (jaillard,  tiri}e  hors  texte 20 

Antonello  de  Messine  (Attrilmé  ài.  —  Le  Clirist  pleuré  par  la  Vierge  et  les 

Saintes  Femmes  (u°  32).  (Collection  d'Albenas,  Montpellier.) 21 

Bellegambe  (Jean).  —  Le  Jugement  dernier  (partie  centrale  d'un  tripty(iue). 

(Musée  de  Berlin.)  HéHogravure  tirée  hors  texte 70 

—  La  Vierge  à  la  fontaine  (n°  lo4).  (Musée  de  Glasgow.) Hl 

Bosch  (Jérôme).  —  «  Ecce  Homo  »  (n"  28.">|.  (Collection  de  M.  L.  Maeterlinck, 

Gand.) 76 

—  Le  Martyre  de  sainte  Ursule.  (Musée  impérial  de  Vienne.) 77 

—  Le  Jugement  dernier  (n»  288).  (Coll.  de  M.  PacuUy,  Paris.) IS- 

—  «  Ecce  Homo  »,  (volet  de  triptyque).  (Escurial)  (iravure  de  Jasinski,  tirée 

hors  texte 78 

Breughel  le  Vieux  (Pierre).  —  Margot  l'enragée.  (Coll.  de  M'"°  Mayer  van  der 

Bergh,  Anvers.) 7'J 

—  Visite  à  la  ferme,  giisaille  (Musée  d'Anvers).  Héliogravure  tirée  hors  texte.     8t> 

—  Le  Bouffon.  (Musée  impérial  de  Vienne.)  Gravure  de  M.  L.  Mlller,  tirée 

hors  texte 82 

—  Le  Pays  de  cocagne  (n"  ;io7).  (Coll.  dr  .M.  H.  vini  Kaufmann,  Berlin.).    .    .     83 

—  Les  Mendiants.  (Musée  du  Louvre.)  (irarure  de  M.  L.  Mi'ller,  tirée  hors  texte.     84 
Broederlam  (Melchior).  —  L'Annonciation  et  la  Visitation.  (Musée  de  Dijon.).       8 

—  La  l'ri'sentation  au  Temple  et  la  Fuite  en  Egypte.  (Musée  de  Dijon).    .    .       '.i 
David  (Gérard).  —  Le  Jugement  de  Cambyse  (n"  121).  (Musée  de  Bruges.).    .     01 

—  Le  Baptême  du  Christ,  partie  centrale  d'un  Iriptyque  (n"  123).  (Musée  de 

Bruges.) 03 

—  La  Vierge  avec  des  saintes  (n"  124).  (Musée  de  Rouen.) G.l 

David  (Attribué  à  Gérard).  —  Saint  François  d'Assise  recevant  les  stigmates 

(n°  134  6i's).  (Coll.  de  M.  R.  von  Kaufmann,  Berlin.) 04 

Van  Eyck  (Hubert  et  Jan).  —  Le  Concert  des  anges  (volets  supérieurs  du 
retable  de  l'Agneau  mystique).  (Musée  de  Berlin.)  Gravure  de  (iAH.iEAN. 
tirée  hurs  texte 12 

—  Adam  et  Eve  (volets  latéraux  [du  retable  de  l'.Vgneau  mystique)  'n"  9). 

(Musée  de  Bruxelles.) 13 

Van  Eyck  (.Vttribué  à  Hubert).  —  Les  Saintes  Femmes  au  tombeau  du  Christ 

(n»  7).  (Coll.  de  sir  Fred.  Cook,  Richmond.)  Photogravure  tirée  hors  texte.     14 
Van  Eyck  (Jan).  —  L'Homme  à  l'œillet.  (Musée  de  Berlin. 1  Gravure  de  Gail- 
lard, tirée  hors  texte 1'^ 

1.  Les  numéros  entre  p.irentlièses  sont  ceux  du  lataloguc  officiel  de  l'exposition. 


Van  Evc.k  (Jan).  —   Le  cli:iiioine   (ieorijes    van   cler  Pacle,  fragment    de    la 

n  Vierge  du  chanoine  Paele  »  in"  10).  (Musée  de  Bruges. i Ki 

—  Porirait  d'un   inconnu  (u"  lo).  (Collège  évangélii|ne'  de   Hermannstadt.) 

l'Itctoi/rtinire  tirée  hors  texte 10 

—  Portrait  de  la  femme  du  peintre  (n"  12).  (Musée  de  Bruges.) 17 

—  Jean,  seigneur  de  Roubaix.  (Musée  de  Berlin.)  Hclioijravure  tirée  hors  texte.     18 

—  La  Madone  au  chartreux.  (Coll.  du  baron  G.  de  Uothscbild,  Paris.)  .    .    .     ly 
Van  iiEn  Goes  (Huc;o;.  —  La  femme  de  Toniraaso  Portinari  et  sa  petite  lille, 

présentées  par  sainte  Madeleine  et  sainte  Marguerite  (volet  droit  du 

triptyque  de  r.Vdoration  des  bergers).  (Musée  des  Oftices,  Florence.) 

Gravure  de  M.  J.  PAYnAU,  tirée  hors  texte 4i 

-  liencontre   de  David  et  Abigaïl.    (Musée  des  Arts  di'coialifs,   Biuxelles) 

Héliograrure  tirée  hors  texte 46 

Van  der  Goes  (Attribué  à  Hugo).  —  La  Généalogie  de  la  Vierge.  (Musée  de  Lyon.)    45 
Maiu'se  (Jean  Go:^saht  dit).  —  Portrait  d'Isabelle  d'Autriclie  in"  221).  (Coll.  de 

M.  Cardon,  Bruxelles.) 80 

Ma~svs  (Jan).  —  Judith  (n°  241).  (Coll.  de  M.  Daniiat,  Paris.) 8o 

Massys  (Quinten).  —  La  Vierge  en  prière.  (Musée  d'Anvers.)  Gravure  de  Gau- 

jean,  tirée  hors  texte Frontispice 

—  La  Madeleine.  (Musée  d'Anvers.)  Gravure  de  Gaimkan,  tirée  hors  texte.    .    .     1)2 

—  Le    Oucitiement  (n"  19Si.  (Coll.  de  S.  A.  .S.  le  prince  de   Liechtenstein, 

Vienne.)  Vholoijravure  tirée  hors  texte 04 

—  llérodiade,   volet  gauche  du    triptyque   de  l'Ensevelissement  du  Christ. 

(Musée  d'Anvers.)  Hélioijravure  Urée  hors  texte 66 

—  Portrait  d'homme.  (Musée  de  Francfort. )   Graiurc  (/e  Jasinski.  tirée  hors 

texte 68 

—  La  Madeleine.  (Musée  de  Berlin.)  Gravvre  de  Gau.iean,  tirée  hors  texte  .    .     7i 
Memlinc.  (Hans).  —  Le  Cruciliemeut  (panneau  central   du  polyptyque  de    la 

cathédrale  de  Lubeck) 47 

—  Le  Portement  de  croix,  la  Mise  au  tombeau  et   la   Uésurreclion  (volets 

intérieurs  du  polyptyque  de  la  cathédrale  de  LubecU) 40 

—  Saint    Biaise    et  saint    Jean-Baptiste    (volets    exléiieurs    de    gauclie    du 

liolyplyque  de  la  cathédrale  de  Lubeck). liO 

—  Saint  Jérôme  et  saint  Gilles  (volets  extérieuis  de  dmite  du  polyptyque  de 

la  cathédrale  de  Lubeck) lit 

—  Groupe  des  Saintes  Femmes  (tiré  du  panneau  central  du  polyptyque  de  la 

cathédrale  de  Lubeck) ."i3 

—  La  Madone  et  l'Enfant  entre  deux  anges.  (Musée  des  (Jftices,  Florence.) 

Hélio(jravurc  tirée  hors  texte 48 

—  Saints   et   donateurs    volets   de  retahlei.  (Coll.   de  M.  llddoljilie   Kann. 

nélioijravure  tirée  hors  texte 50 

—  L'n  donateur  présenté  par  saint  Jean-Ba|iliste.  (Musée  du  Louvre.)  Gra- 

vure de  Gau.iean,  tirée  hors  texte 52 

-    Déposition  de  croix.  (Coll.  de  M.  B.  von  Kaulinarin,   Berlin.; ■'>4 

—  Portrait  d'homme  (n"  73).  (Musée  de  La  Haye.) 5.") 

—  La  Mort,  le  Père  Eternel  entouré   d'anges,  l'Enfer,  la   Vanité  (n"  176). 

(Musée  de  Strasbourg.) 56 

—  Guillaume  Moreel,  lïourgmestre  de  Bruges,  avec  ses  cinq  tils  et  sou  jiatron 

tiuillaume  de  Maleval  (volet  gauche  du  triptyque  de  saint  Christophe) 
(n"  06).  (Musée  de  Bruges.)  Photogravure  tirée  hors  texte 56 

—  Portrait  de  femme  âgée  (n°  71).  (Coll.  de  M.  .\...,  à  Paris.) 57 

—  La  Chasse  de  sainte  Ursule  (ensemble)  (u"  68).  {Mus('t  de  Bruges.).    ...     60 


—   ,S9  — 

Mi:yLiiNti  (HaiNs).  —  Trois  des  pannonux  de  la  cliàsse  de  sainio  Ursule  iMiisée 

de  Bruges.) 02 

—  Pietà(a°  91).  (Coll.  du  priucc  Doria,  Homo.)  PItotogrururc  tirée  hors  te.rle .  00 
Memling  (Attribué  à  Ha.ns).  — Portrait  de  femme  iucounuc  lU"  108).  (Coll.  de 

S.  \.  S.  le  duc  d'Anhalt,  Woerlilz.) :i!i 

.Memling  (École  de).  —  Diptyque  de  l'abbé  des  Dunes  (ii"  1 18)   Musée  d'Anvers)  : 

La  Madone  avec  l'Enfant  dans  une  église 40 

Clirétieu  de  Hond(,  aldié  des  Dunes,  en  prière 41 

MosTAERT  (Jeax).  —   Le  Chevalier  au  chapelet,  i Musée  de   Bruxelles.)  Hrlio- 

ijracure  tirée  hurs  te-vte - T(t 

Mostaert  (Attribué  à  .Jean).  —  Portrait  de  Juste  van   Bronckborst   m"  223!. 

(Coll.  de  -M»"^  0.  Hainauer,  Berlin. ii'.t 

—  Le  Sire  à  la  médaille  de  la  Vierge  niére  et  à  la  Toison  d'or.  (Musée  du 

Louvre. iiy 

—  L'Homme  à  la  médaille  de  l'.\nnonciation.  (Musée  de  Berlin 70 

—  L'Adoration  des  .Mages.  (Musée  d'.\msterdani.j 71 

— ■  Saint   Pierre  et  un   donateur;    saint  Paul  et   une   donatrice    videls  de 

triptyque).  (Musée  de  Bru.xelles.) 7:i 

Patemer  (Joaciiim v  —  Scène  de  chasse.  (Coll.  de  M"":  Wesendonck,  Berlin.),  tiii 
Prévost  (Jean).  —  Le  Jugement  dernier  (ii"  107).  (Musi'e  de  Bruges.)  Photo- 

grariire  tirée  hors  texte .'is 

Wevden  (Roger    van    der).    —  Piern.'    Bladelin,    chanibellaii    de   Charles    le 

Téméraire  (a"  26).  (Coll.  de  M.  B.  von  Kaufmaini,  BerHn.)  Ilclioijruritre 

tirée  hors  texte ■ 22 

—  Portrait  de  Micolas    Holin   (volet  du  Iriplyque  conservé   à   l'hôpital    de 

Beaune) 2:t 

—  La    Madone    allaitant    l'Enfant    Jésus    (n"    28i.     Coll.    de    M.    Matliys, 

\haxeUes.)  Photogravure  tirée  hors  texte 21 

—  Le  Christ  ressuscité  apparaissant  à  la  Vierge  (volet  du  retable  de  Mira- 

flores).  (.Musi'e  de  Berlin.) 24 

—  La  Vierge  avec  l'Enfant  Jésus  sur  un  trône  iu»  30).  (Coll.  de  lurd  North- 

brook,  Londres.; 2.') 

—  Les  Sept  Sacrements,  triplyque.  (Musée  d'Anvers.) 2'.t 

Weydën  (Attribué  à  Roger  van  der).  —  Épisodes  de  la  vie  de  saint  Joseph 

(11°  29).  (Cathédrale  Notre-Dame,  Anvers 27 

Anonymes  : 

Maître  brugeois  du  xV  siècle.  —  La  Synagogue  défaillanle  [n"  40).  (Couvent 

des  Sœurs  Noires,  Bruges.) 37 

—  Vénération  des   reliques  de   sainte    Ursule  (a°  47j.    (Couvent  des  Sœurs 

Noires,  Bruges.) 39 

Maître  Dit  «  des  Femmes  a  mi-i'.oiu>s  ".    —  Jeune  femme  écrivant  une  lettre 

(n°  265).  (Coll.  de  M.  Pacully,  Paris.) 08 

Maître  dit  o  de  Flkmalle  ».   —  Le  Mariage  de   la  Vierge,    diptyque  ^dessin 

d'ensemble.)  (.Musée  du  Prado. ^ 20 

—  La  Nativité.  (Musée  de  Dijon.) 33 

Maître  dit  «  de  Flémalls  ■>  (D'après  lej.  —  Descente  de  croix  (n"  22).  (Musée 

de  Liverpool.) 31 

—  La  Messe  de  saint  Grégoire  (11°  l.">6).  (Coll.  de  M.  E.  Weber,  Hambourg.).  33 
École  flamande  du  xv  siècle.  —  Portrait  de  Jean  sans  Peur  (n"  33).  (Coll. 

de  M.  le  comli'  Thierry  de  Limburg-Stirum,  Bruxelles.) H