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Full text of "L'Exposition universelle de 1889 : grand ouvrage illustré, historique, encyclopédique, descriptif"

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L'EXPOSITION    UNIVERSELLE 

de     1889 


//  a  été  tiré  de  cet  ouorage 
':<)  Exemplaires  numérotés  sur  papier  des  Manufactures  Impériales 

du  Japon . 


E.   MONOD 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE 

de  1889 


-ssG^K^tei- 


GRAND     OUVRAGE     ILLUSTRÉ 

HISTORIQUE,   ENCYCLOPÉDIQUE,    DESCRIPTIF 


l'II  Bl.lli 


Sous  le  patronage  de   M.   (e   Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie 

et    des   Colonies 

COMMISSAIRE    GÉNÉRAL   DE    L'EXPOSITION 


Tu. mi:    III 


PARIS 

E.     DENTU,     ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     DES     GENS     DE     LETTRES 

3,    Place    de    Valois   (Palais-Royal) 

1890 

C  Tous  droits  réservés  ) 


TME  GETTY  KNTER 


AVANT-PROPOS 


Le  troisième  et  dernier  Volume  termine  l'ensemble  de  l'ouvrage  par  l'étude 
des  Sections  Étrangères  et  la  description  des  diverses  Sections  Industrielles. 

Pour  cette  dernière  partie  —  la  plus  importante  à  beaucoup  près  de  la 
publication,  —  j'ai  suivi,  dans  la  mesure  du  possible,  la  classification  adoptée 
par  l'Administration  de  l'Exposition. 

Devant  l'impossibilité  absolue  de  m'occuper  avec  quelques  détails  des  objets 
sans  nombre  exposés  et  des  milliers  de  maisons  représentées,  j'ai  préféré  prendre 
pour  type,  dans  chaque  classe  ou  groupe  d'industrie,  un  ou  plusieurs  exposants 
dont  la  participation  à  l'Exposition,  soigneusement  décrite  et  étudiée,  permet  de 
juger  sainement  l'ensemble  de  la  classe. 

En  terminant,  je  tiens  à  remercier  les  nombreuses  personnes  qui,  par  des 
documents  et  renseignements  communiqués,  m'ont  permis  de  mener  à  bien  la 
rédaction  de  ce  troisième  Volume,  dont  le  caractère  plus  spécialement  technique 
et  descriptif  ne  laissait  pas  de  présenter  certaines  difficultés. 

Pour  les  Sections  Étrangères,  nous  avons  eu  recours,  suivant  le  cas,  aux 
Commissaires  généraux  ou  aux  Chancelleries;  nous  avons  pu  recueillir  ici  un 
ensemble  complet  de  documents  qui,  en  facilitant  notre  lâche,  ont  donné  une 
autorité  indiscutable  à  notre  travail. 

De  même  pour  l'étude  et  la  description  des  Sections  Industrielles,  je  dois 
les  plus  vifs  remerciements  à  MM.  les  Présidents  et   Rapporteurs  des  diverses 


VI  AVANT. PROPOS 


classes  et  groupes,  dont  les  précieuses  indications  et  le  bienveillant  concours 
donnent  aux  notices  analytiques  et  descriptives  consacrées  à  chaque  classe  un 
caractère  absolu  d'autorité  et  de  rigoureuse  exactitude. 

Je  dois  enfin  un  dernier  remerciement   à  la  maison   E.  Dentc,   grâce    au 

développement  et   à  l'activité   de  laquelle  l'œuvre  entreprise  a  pu  être  menée 

à  bien,  et  je  lui  suis  profondément  reconnaissant  de  l'irréprochable  exécution 
matérielle  de  mon  ouvrage. 

Emile  MONOD. 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE 

DE     1889 


L'AMÉRIQUE    DU    NORD 


ensemble  des  sections  américaines,  ou   mieux  encore,   l'Exposition  du   Nouveau 
Monde,  ainsi  qu'on  l'a  si  justement  dénommée,  pouvait  être  divisée  en  trois  parties 


i^Mi  bien  distinctes. 


En  premier  lieu,  l'exposition  de  l'Amérique  du  Nord,  comprenant  l'exposition  colom- 
bienne, installée  au  premier  étage  du  Palais  de  l'Uruguay,  et  le  Palais  du  Mexique. 

Puis,  l'exposition  de  l'Amérique  centrale  ou  Centre-Amérique,  comprenant  le  Guate- 
mala, le  Honduras,  le  Nicaragua,  le  Salvador  et  Costa-Rica. 

Enfin  les  nombreuses  expositions  de  l'Amérique  du  Sud  :  République  Argentine, 
Bolivie,  Brésil,  Chili,  Equateur,  Paraguay,  Pérou,  Uruguay  et  Etats-Unis  du  Vene- 
zuela. 

Nous  ne  parlons  que  pour  mémoire  de  la  gigantesque  exposition  des  États-Unis  que 
nous  avons  étudiée  précédemment. 

Nous  allons  successivement  passer  en  revue  et  décrire  ces  diverses  sections  en  conser- 
vant, pour  la  facilité  du  classement,  les  trois  grandes  divisions  géographiques  que  nous 
venons  d'indiquer. 


LA    COLOMBIE 


Dans  une  galerie  du  premier  étage  du  Palais  de  l'Uruguay  était  installée  l'exposition  de 
la  Colombie.  Pressé  par  le  temps,  cet  État  avait  été  obligé  de  demander  asile  à  son  hospi- 
m  1 


L' EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


talière  sœur  des  bords  de  l'Atlantique,  qui  lui  fit  sous  son  toit  une  bonne  et  large  place.  Il 
eût  été  véritablement  dommage  que  la  Colombie,  manquât  à  la  fête,  car  son  exposition, 
quoique  réduite,  mais  soigneusement  aménagée,  ne  laissait  pas  d'être  intéressante,  tant 
par  des  échantillons  minéralogiques  que  par  des  collections  très  complètes  d'écorecs 
de  quinquina  de  différentes  espèces  et  de  produits  pharmaceutiques  succédanés. 

La  Colombie  possède  des  richesses  minières  relativement  importantes. 

La  Société  exploratrice  de  Bolivar  exposait,  dans  cet  ordre  d'idée,  une  très  importante  et 
curieuse  collection  de  minéraux.  Les  minerais  d'or  y  figuraient  en  bonne  place,  provenant 
des  régions  des  Andes  nouvellement  soumises  à  l'exploitation. 

Il  convient  de  signaler  aussi  d'autres  échantillons  de  minerais  d'or  exposés  par  une 
compagnie  française,  la  Société  des  mines  de  Néchi,  et  les  minerais  d'argent  envoyés  par  le 
département  d'Antioquia. 

La  section  colombienne  possédait  la  collection  la  plus  complète  des  quinquinas  et  des 
différents  produits  pharmaceutiques  qu'on  en  retire,  tels  que  sulfate  de  quinine,  chlor- 
hydrate et  tartrate  de  quinine,  etc.;  elle  présentait  à  ce  point  de  vue  un  intérêt  consi- 
dérable. 

La  Colombie  exposait  aussi  des  échantillons  absolument  remarquables  de  bois  d'ébénis- 
tei-ie  de  la  plus  haute  valeur  et  de  la  plus  grande  utilité,  tels  que  le  bois-rose,  le  bois-satin  et 
le  bois-écaille. 

Signalons  enfin,  dans  la  section  colombienne,  de  jolis  petits  tableaux  représentant  des 
paysages,  très  curieux  à  examiner,  en  ce  sens  que,  dans  leur  confection,  les  plumes  multi- 
colores des  oiseaux  du  pays  avaient  remplacé  les  couleurs. 


REPUBLIQUE    MEXICAINE 

L'exposition  mexicaine  comptait  au  nombre  des  plus  instructives  à  visiter.  L'honorable 
président  de  cet  Etat,  M.  le  général  Porfirio  Diaz,  dans  un  discours  prononcé  le  1er  avril  1880, 
à  l'ouverture  de  la  deuxième  session  du  Congrès,  disait:  «  Nous  avons  envoyé  à  l'Exposition 
de  Paris  tous  les  objets  et  tous  les  produits  susceptibles  de  faire  connaître  le  Mexique  de  la 
manière  la  plus  exacte  et  la  plus  avantageuse.  Depuis  les  travaux  des  diverses  branches  de 
l'administration  publique  jusqu'à  ceux  des  plus  modestes  industries,  tous  auront  leurs 
représentants  dans  cette  exposition.  »  Et  de  fait,  elle  fut  des  plus  complètes  et  une  de  celles 
qui,  sans  notices,  sans  explications,  par  elles-mêmes,  donnaient  une  idée  exacte  des  diverses 
productions  du  pays  et  de  ses  institutions. 

Le  monument  mexicain,  exécuté  sur  les  plans  que  M.  Antonio  Anza,  ingénieur,  avait 
dressés  d'après  les  documents  fournis  par  un  savant  archéologue,  M.  le  docteur  Antonio 
Penafiel,  rappelait  par  ses  vastes  proportions,  par  ses  lignes  droites  et  raides,  par  ses  hautes 
murailles  rougeâtres  sans  ouvertures,  en  talus  comme  celles  d'une  forteresse,  par  son  orne- 
mentation bizarre,  l'antique  et  sévère  architecture  des  Aztèques.  D'ailleurs,  chaque  fragment 
de  l'édifice  avait  été  scrupuleusement  copié  sur  des  ruines  authentiques.  Le  grand  escalier, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


aux  marches  trop  raides  et  trop  étroites,  semblable  à  celui  des  anciens  Teocalis,  sur  lequel 
les  prêtres  jetaient  les  corps  des  victimes  humaines,  n'était  que  pour  la  décoration;  le  public 
pénétrait  par  deux  portes  latérales,  qui  s'ouvraient  sur  deux  salles  de  24  mètres  de  profon- 
deur et  12m,50  de  largeur;  de  là  on  passait  dans  une  salle  centrale  qui  ne  mesurait  pas 
moins  de  40  mètres  de  long  sur  24  de  large.  Du  milieu  de  cette  salle  centrale  partait  un  esca- 
lier à  double  rampe  conduisant  aux  galeries. 

L'exposition  mexicaine  avait  été  composée  en  grande  partie  par  les  différents  services 


Le  Pavillon  rie  la  République  Mexicaine. 


publics  :  ainsi  le  Ministère  de  la  Guerre  était  représenté  par  une  collection  d'armes,  de  pro- 
jectiles, de  harnachements  et  de  matériel  de  guerre  fabriqué  dans  ses  arsenaux;  ùnerayeuse 
pour  canons  de  fusils  fonctionnait  sous  les  yeux  du  public.  Le  Ministère  de  l'Instruction 
publique  avait  organisé  de  nombreuses  exhibitions  des  écoles  relevant  de  l'État.  Notons 
également  de  belles  et  très  complètes  collections  familiarisant  le  visiteur  avec  la  faune  mexi- 
caine, ainsi  que  des  peintures  et  des  mannequins  revêtus  de  costumes  indigènes. 

Autour  de  la  grande  salle  du  rez-de-chaussée,  chaque  État  de  la  Confédération  avait 
exposé  séparément,  sur  des  étagères  ou  dans  des  vitrines,  alternant  avec  des  collections  de 
bois,  de  textiles  ou  de  peaux,  les  différents  échantillons  de  minerais  que  son  sol  renferme. 
Citons  la  collection  de  31.  C.  F.  de  Landero,  qui  a  été  offerte  à  notre  École  des  mines  de  Paris. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


Les  minerais  qu'on  trouvait  en  plus  grand  nombre  dans  l'exposition  mexicaine  étaient  les 
minerais  d'argent.  Pour  se  rendre  compte  de  l'activité  minière  de  ce  pays,  il  suffit  de  se 
reporter  aux  statistiques  qui  indiquent,  d'avril  1887  à  septembre  1888,  l'enregistrement  offi- 
ciel de  2,077  déclarations  nouvelles  de  mines  et  de  33  déclarations  d'usines  de  traitement. 
Les  mêmes  statistiques  portent  que  dans  les  cinq  mois  suivants  082  de  ces  mines  et  les 
33  usines  de  traitement  ont  été  mises  en  exploitation. 

Dans  une  vitrine  on  remarquait  une  collection  d'opales,  les  unes  déjà  travaillées,  les 


La  réculte  du  pulque  à  l'Exposition  mexicaine. 

autres  brutes  et  d'autres  encore  emprisonnées  dans  leur  gangue.  Les  onyx  tenaient  une  large 
place  avec  leurs  couleurs  naturelles  des  plus  variées  se  graduant  depuis  le  vert  d'eau  pâle 
jusqu'au  rouge  intense. 

Les  richesses  agricoles  du  Mexique  sont  considérables.  Il  convient  de  citer  en  première 
ligne  le  cacao. 

Le  cacaoyer  demande  des  terres  chaudes  et  fertiles;  sa  culture  n'est  ni  difficile  ni  oné- 
reuse, et  n'exige  de  soins  que  pour  le  séchage  de  ses  fruits.  Au  bout  de  trois  ou  quatre  ans, 
une  plantation  donne  ses  premiers  fruits,  et  à  partir  de  ce  moment  la  récolte  se  succède, 
sans  discontinuer,  durant  toute  l'année,  et  cela  pendant  cinquante  à  quatre-vingts  ans. 

La  plantation  doit  être  établie  a  l'ombre  d'arbres  de  grande  futaie;  il  faut  préserver  les 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


cacaoyers  de  la  chute  des  branches  mortes,  les  débarrasser  des  végétations  parasites,  cueillir 
les  fruits  mûrs  et  pourchasser  les  gourmands  ailés,  friands  de  la  pulpe  rafraîchissante,  au 
goût  suave,  qui  enveloppe  les  amandes. 

Bien  que  toutes  les  contrées  d'Amérique  —  à  peu  d'exceptions  près  —  produisent  le 
cacao,  il  convient  de  placer  en  première  ligne  le  Mexique  et  le  Venezuela,  le  Brésil,  le  Guate- 
mala et  le  Nicaragua. 

Le  cacao  de  Saconezco  (Mexique)  est  réputé  le  meilleur  de  tous  les  cacaos  connus. 

La  canne  à  sucre  et  ses  dérivés  étaient  abondamment  représentés  dans  toutes  les  sections 
américaines,  et  notamment  au  pavillon  du  Mexique. 

On  pouvait  y  remarquer  aussi  de  nombreux  envois  de  sagou  et  de  tapioca.  Le  Mexique 
est,  en  effet,  avec  le  Brésil,  le  grand  producteur  de  la  précieuse  fécule. 

Le  riz  ainsi  que  de  nombreuses  variétés  d'haricots  figuraient  en  bonne  place  dans  l'ex- 
position du  Mexique;  ils  entrent,  du  reste,  pour  une  part  considérable  dans 
l'alimentation  de  la  population. 

Les  exposants  mexicains  présentaient  également  de  nombreux  lots  de 
tabac  et  de  nombreux  échantillons  de  coton  et  de  ramie. 

Les  agaves  ou  aloès,  qui  poussent  presque  sans  aucun  entretien  dans 
les  terres  les  moins  fertiles,  prennent  des  proportions  gigantesques  sous 
les  tropiques.  Avec  la  pulpe  de  leurs  feuilles,  on  prépare  des  boissons  fer- 
mentées,  sous  le  nom  de  pulque  au  Mexique  et  de  cucuy  au  Venezuela. 

De  plus,  c'est  une  espèce  d'agave  qui  fournit  la  pita  ou  cocuiza  pour 
cordelettes  et  cordes  d'une  grande  solidité;  avec  ces  cordelettes  se  fabri- 
quent les  hamacs  fins  qu'on  voyait  se  balancer  au  plafond  de  presque  tous 
les  pavillons  américains;  avec  les  cordes  se  fait  le  la%zo.  Le  Mexique,  dont 
l'exposition  était  riche  en  textiles  de  toutes  espèces  {heniquen);  le  Venezuela, 
le  Salvador,  le  Paraguay,  l'Equateur  et  surtout  le  Nicaragua  montraient  de 
nombreux  échantillons  de  pita. 

La  collection  de  plantes  médicinales  exposées  par  le  Mexique  occupait 
quatre  grandes  étagères  et  était  fort  complète.  On  remarquait  encore 
quelques  échantillons  de  vins  de  liqueur,  de  bière  et  des  alcools  de  dif- 
férente nature. 

Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire  des  fruits  merveilleux  du  Mexique  et  de  ses 
précieuses  essences  forestières;  le  tout  était  dignement  représenté  au  Champ-de-Mars. 

Le  Mexique  exposait  aussi  des  écailles  de  tortues  marines  de  grande  dimension.  On 
voyait  encore  cette  matière  dans  les  pavillons  dominicain,  vénézuélien,  salvadorien  et 
brésilien.  Les  tortues  marines  abondent  dans  l'Amazone. 

Les  objets  manufacturés  étaient  peu  nombreux  dans  les  expositions  américaines  ; 
généralement  ils  ne  présentaient  pour  le  visiteur,  au  point  de  vue  commercial,  qu'un 
intérêt  secondaire.  Uniquement  destinés,  presque  tous,  à  la  consommation  indigène,  ils 
avaient  été  envoyés  là  surtout  pour  faire  consacrer  et  pour  relever  le  prestige  de  leur 
marque  par  l'appréciation  d'un  jury  autorisé.  Dans  tous  les  cas  ces  exhibitions  ont  eu 
l'avantage  de  montrer  l'état  de  perfectionnement  auquel  est  arrivée  l'industrie  dans  les 
Amériques. 

La  chaussure  et  la  sellerie  étaient  les  industries  les  mieux  représentées.  Dans  le 


Acocote. 

Exposition 

ni  e  x  i  c  a  i  n  o  . 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


pavillon  du  Mexique,  le  public  admirait  les  magnifiques  selles  mexicaines,  toutes  brodées 
de  fils  d'or  et  d'argent,  au  pommeau  garni  de  plaques  d'argent. 

Les  articles  fabriqués  en  chiendent  occupaient  une  modeste  vitrine  dans  le  Palais  du 
Mexique.  C'est  sur  les  versants  orientaux  du  Popocatepelt  que  se  récoltent  ces  racines  ; 
on  ne  se  douterait  guère  qu'elles  donnent  lieu  à  un  commerce  d'une  certaine  importance, 
occupant  plus  de  cinq  cents  ouvriers. 

A  côté  de  ces  objets,  on  a  pu  en  remarquer  beaucoup  d'autres  exclusivement  en  usage 
dans  leurs  pays  d'origine,  tels  que  larges  sombrero*  mexicains,  chargés  de  lourdes  torsades 
de  passementerie  d'argent,  étoffes  de  soie  aux  brillantes  couleurs,  vêtements  sombres, 
garnis  de  grossiers  ornements  en  perles,  ustensiles  dont  se  servent  les  Indiens,  etc. 


L'AMÉRIQUE    CENTRALE 


exposition  du  Centre-Amérique  comprenait  les  sections  du  Guatemala,  du  Hon- 
duras, du  Nicaragua,  du  Salvador  et  de  Costa-Rica. 


REPUBLIQUE  DE  COSTA-RICA 

Costa-Rica,  la  plus  petite  des  Républiques  du  Centre-Amérique,  avait  installé  son  expo- 
sition dans  un  pavillon  précédemment  destiné  à  une  société  française. 

Les  principaux  produits  exposés  étaient  le  café  et  les  essences  forestières. 

Malgré  sa  superficie  réduite,  Costa-Rica  possède  une  population  relativement  importante 
et  se  trouve  être  l'une  des  contrées  les  plus  en  progrès  de  l'Amérique  Centrale;  son  exposi- 
tion, bien  que  restreinte,  affirmait  pleinement  cette  situation  florissante. 


LE    GUATEMALA 


Le  Guatemala,  pays  d'une  extension  réduite,  mais  grand  par  les  germes  de  richesse  que 
son  sol  renferme  et  le  caractère  laborieux  de  ses  habitants,  a  accepté  avec  enthousiasme 
l'invitation  qui  lui  fut  laite  de  concourir  au  grand  tournoi  pacifique  auquel  la  France  a  convié1 
tous  les  peuples  et  toutes  les  nations. 

Le  Guatemala  ne  prétend  pas  se  distinguer  dans  les  travaux  de  l'industrie  :  nation  qui 
compte  à  peine  une  courte  période  de  vie  propre  et  d'activité  féconde,  elle  ne  peut  songer  à 
entrer  en  lutte  avec  des  pays  prospères  et  qui  sont  à  la  tête  du  mouvement  industriel.  Les 
produits  que  la  République  a  envoyés  à  Paris  démontraient  toutefois  d'une  façon  péremp- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1SS9 


{dire  le  vaste  champ  d'action  qui  est  ouvert  aux  facultés  des  Guatémaltèques  et  les  progrès 
qu'ils  ont  su  réaliser  dans  un  si  court  laps  de  temps. 

L'étranger  qui  examinait  avec  attention  tout  ce  qui  était  exposé  dans  la  section  du 
Guatemala  se  trouvait  à  même  d'étudier  les  conditions  et  les  besoins  de  cette  partie  de 
l'Amérique  Centrale  dont  le  sol  fertile,  doué  dans  sa  plus  grande  partie  d'un  climat  sain  et 
clément,  était  vu  jadis  avec  dédain  par  ceux  qui  n'y  trouvaient  pas  aussi  facilement  qu'ils 
l'auraient  voulu  pour  satisfaire  leur  insatiable  avidité  l'or  et  l'argent. 

Les  communications  nécessaires  au  trafic  par  terre  sont  aujourd'hui  un  fait  accompli, 
et  les  voies  ferrées,  qui  depuis  1880  ont  commencé  à  faire  apprécier  leurs  avantages,  se 
développent,  sous  la  protection  du  gouvernement,  conformément  aux  besoins  du  com- 
merce et  de  l'agriculture,  démontrant  ainsi  l'estime  et  le  souci  que  le  Guatemala  prend  de 
ces  puissants  agents  de  civilisation. 

Le  chemin  de  fer  central,  qui  met  en  communication  directe  la  ville  de  Guatemala  avec 
le  port  de  San-José  sur  le  Pacifique  et  qui  a  un  embranchement  à  Guarda-Viejo,  ne  laisse 
rien  à  désirer,  aussi  bien  au  point  de  vue  de  la  construction  que  de  l'exploitation,  et  reçoit 
constamment  les  améliorations  utiles  par  les  soins  de  M.  Nanne,  son  directeur   actuel. 

Le  chemin  de  fer  qui  unit  le  port  de  Champerico  avec  la  ville  de  Retalhuleu  rend  d'ex- 
cellents services  au  commerce  d'importation  et  d'exportation  cîans  la  section  occidentale  de 
la  République,  services  qui  se  décupleront  lorsque  cette  ligne  sera  prolongée  jusqu'à  la 
ville  de  Quezaltenango  et  au  port  d'Ocôs,  traversant  des  contrées  fertiles  et  desservant  des 
populations  qui  se  développent  chaque  jour  davantage. 

La  sécurité  indispensable  au  développement  de  l'industrie  et  de  la  richesse  générale  est 
amplement  garantie  au  Guatemala  non  seulement  par  les  lois,  mais  encore  par  les  ins- 
tructions données  aux  fonctionnaires  pour  respecter  les  droits  des  personnes,  leur  pro- 
priété, et  favoriser  tout  ce  qui  peut  contribuer  au  bien-être  de  la  République.  L'étranger 
sait  donc  qu'alors  qu'il  vient  s'établir  au  Guatemala,  il  n'y  rencontrera  aucune  entrave  à 
son  activité  et  que  rien  ne  viendra  paralyser  son  labeur. 

La  République  de  Guatemala  est  située  entre  13°42'  et  17°49'  latitude  nord,  et  88°10' 
et  92°3{r  longitude  ouest  (méridien  de  Greemvich).  Sa  superficie  est  d'environ  50,000  milles 
géographiques  carrés,  et  sa  population  atteint  le  chiffre  de  1,527,116  habitants.  Le  Gua- 
temala fait  partie  de  ce  territoire  que  l'on  nomme  aujourd'hui  l'Amérique  Centrale,  décou- 
vert par  Colomb  en  1502;  sous  la  domination  espagnole,  qui  prit  fin  en  1821,  ce  territoire 
était  désigné  sous  le  nom  de  royaume  de  Guatemala.  Ses  frontières  sont,  au  nord,  les  États 
de  Campèche  et  de  Yucatan  Mexique,  la  possession  anglaise  de  Belize  et  le  golfe  de  Hon- 
duras; à  l'est,  les  Républiques  de"  Honduras  et  de  Salvador;  au  sud,  l'océan  Pacifique,  et  à 
l'ouest,  les  États  mexicains  de  Chiapas  et  Tabasco.  Le  climat  est  généralement  sain  et 
tempéré;  s'il  est  vrai  que  sur  les  côtes  on  ressent  des  chaleurs  tropicales,  on  jouit  sur  les 
plateaux  d'une  température  assez  fraîche,  en  sorte  que  l'on  trouve  au  Guatemala  tous  les 
climats.  Les  terribles  épidémies  qui,  dans  des  pays  de  conditions  climatériques  analogues, 
font  de  si  grands  ravages  y  sont  excessivement  rares. 

II  est  donc  prouvé  (pie  les  conditions  du  sol  sont  des  plus  privilégiées  et  qu'il  n'a 
lien  à  envier  à  celles  des  contrées  les  plus  favorisées  par  la  nature.  Ainsi  que  l'a  si  bien  dit 
M.  Cornez  Carrillo  dans  l'introduction  de  sa  remarquable  histoire  du  Guatemala  :  «  Les 
plantes  et  les  arbres  possèdent  chez  nous  une  vigueur  inconnue  partout  ailleurs;  les  fruits 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


sont  d'une  proportion  extraordinaire,  et  les  fleurs,  d'un  éclat  sans  égal,  captivent  l'attention 
de  l'Européen  qui,  pour  la  première  fois,  visite  notre  sol.  Les  oiseaux,  parmi  lesquels  on 
remarque  le  merveilleux  quetzal,  reflètent  toutes  les  couleurs  de  l'are -en-ciel,  et  il  n'est  pas 
jusqu'aux  insectes  qui  ne  soient  revêtus  d'incomparables  atours.  Pendant  la  nuit,  dans  les 
bois  près  de  la  mer,  des  milliers  de  mouches  brillantes  tracent  de  fantastiques  dessins,  et 
ces  lumières  phosphorescentes  charment  les  regards.  Dans  les  sites  silencieux  et  mélanco- 
liques, l'abeille  diligente  vole  et  bourdonne,  le  papillon  repose  sur  les  feuilles  du  suguinay  et 
de  Yamate,  les  vents  se  taisent,  et  seul  se  fait  entendre  le  chant  rythmé  de  la  tourterelle  qui 
s'élève  dans  les  airs  pour  se  rapprocher  du  ciel.  » 

Ce  n'est  pas  à  cette  place  que  nous  pouvons  faire  l'inventaire  de  tous  les  produits  que 
contenait  la  section  guatémaltèque;  l'observateur  y  pouvait  satisfaire  sa  curiosité  en  contem- 
plant la  variété  infinie  des  produits  naturels  du  pays,  ainsi  que  ceux  qui  sont  dus  au 
travail  de  l'homme  dans  ses  manifestations  multiples.  L'activité  qui  se  développe  librement 
non  seulement  dans  le  sens  matériel,  mais  encore  dans  le  sens  intellectuel,  fournit  un 
témoignage  flatteur  pour  les  progrès  obtenus  jusqu'à  ce  jour  et  reste  un  heureux  présage 
pour  ceux  restant  à  accomplir. 

A  côté  de  produits  qui  affirmaient  les  efforts  courageux  pour  assurer  le  bien-être,  on 
voyait  des  œuvres  littéraires  et  musicales  :  avant  les  échantillons  de  café,  de  cacao,  de 
céréales,  d'indigo,  de  cochenille  et  autres  produits  de  l'industrie  agricole,  se  trouvaient 
des  dessins,  des  peintures,  dus  aux  élèves  des  écoles  et  à  des  jeunes  filles  qui  se  vouent  au 
culte  des  beaux-arts.  Près  des  minéraux  empruntés  aux  riches  filons  d'argent  et  d'or  qui 
abondent  et  des  sables  aurifères  recueillis  dans  les  rivières,  surtout  dans  les  lavaderos 
d'Izabal,  des  tissus  et  d'autres  échantillons  de  l'industrie  des  aborigènes  démontraient  que 
.  les  premiers  habitants  du  Nouveau-Monde  ont  toujours  été  dévoués  aux  tâches  utiles,  au 
commerce,  et  qu'ils  sont  susceptibles  d'apprécier  les  bienfaits  de  la  civilisation  et  de  s'as- 
similer tout  ce  qui  peut  leur  être  profitable.  C'est  avec  raison  que  les  Européens  qui,  au  com- 
mencement du  seizième  siècle,  ont  visité  cette  partie  de  l'Amérique  jugèrent  ses  habitants 
beaucoup  plus  civilisés  que  ceux  des  Antilles.  Cette  appréciation  se  basait  sur  le  caractère 
laborieux  des  Indiens,  leur  goût  pour  les  arts  et  leur  amour  du  commerce.  Les  restes 
qui  subsistent  au  Guatemala  des  anciens  monuments,  tels  que  ceux  de  Tical  dans  le  Petén, 
ceux  d'Izabal  et  Quiche,  sont  les  preuves  évidentes  de  l'état  de  culture  relative  qu'avaient 
su  atteindre  les  premiers  habitants  de  ce  pays.  L'étranger  se  trompe  s'il  les  considère 
comme  réfractaires  au  progrès,  incapables  de  civilisation  et  rebelles  à  tout  travail  qui 
exige  de  l'intelligence;  bien  au  contraire,  l'histoire  et  les  faits  prouvent  que  du  sein  de 
ces  masses  se  sont  élevés  des  hommes  supérieurs  aussi  bien  dans  les  lettres  et  l'industrie 
que  dans  le  métier  des  armes. 

Une  terre  aussi  privilégiée  doit  forcément  attirer  chez  elle  l'habitant  d'autres  pays 
moins  favorisés.  Aussi  le  Guatemala  peut-il  compter  que  bientôt  une  émigration  de 
travailleurs  honnêtes  viendra  augmenter  sa  force  productrice  en  même  temps  qu'elle 
assurera  aux  émigrants  un  bien-être  qu'ils  ne  pouvaient  espérer  dans  leur  patrie.  Cette 
prospérité  matérielle  fortifiera  le  Guatemala  et  développera  toutes  les  branches  de  son 
commerce,  de  son  industrie  et  de  son  agriculture. 

Il  n'est  pas  hors  de  propos  d'appeler  l'attention  sur  le  mérite  des  photographies  qui 
figuraient  dans  cette  exposition;  grâce  à  elles,  on  pouvait  se  persuader  que  la  République 


10  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    188 

possède  des  édifices  dignes  d'un  peuple  éclairé  et  qui  pourraient  figurer  dans  des  centres 
plus  populeux  et  plus  connus.  L'examen  de  ces  photographies  permettait  d'acquérir 
la  preuve  qu'il  existe  dans  ce  pays  des  monuments  d'une  architecture  élégante  appro- 
priés avec  le  meilleur  goût  à  l'objet  pour  lequel  ils  ont  été  construits.  Ce  que  nous  disons 
des  édifices,  nous  pouvons  le  dire  aussi  d'un  grand  nombre  d'habitations  particulières, 
dont  quelques-unes  sont  de  somptueuses  résidences,  confortables,  bien  ventilées  et  avec 
abondance  d'eau  jaillissante,  etc.,  etc. 

Il  existe  dans  toute  la  République  des  lignes  télégraphiques,  et  dans  les  principales 
villes,  des  tramways  et  des  téléphones.  Quelques-unes  sont  éclairées  à  la  lumière  électrique. 

Si  le  Guatemala  est  fier  de  posséder  tant  d'éléments  de  culture,  il  serait  injuste  d'ou- 
blier les  établissements  de  bienfaisance,  tels  que  le  magnifique  hôpital  général,  l'hôpital 
militaire,  le  seul  de  son  espèce  dans  le  Centre-Amérique  et  qui  a  été  édifié  d'après  les  der- 
niers perfectionnements  de  la  science:  les  hospices  pour  les  enfants  abandonnés,  la  maison 
de  santé,  qui  rend  de  si  grands  services  aux  malades,  sont  de  véritables  établissements 
modèles.  La  charité  privée  multiplie  ses  efforts  pour  adoucir  les  souffrances  des  malheu- 
reux, et  c'est  dans  ce  but  qu'a  été  fondée  la  Société  de  charité,  qui  a  des  ramifications  dans 
tout  le  pays  et  qui  compte  parmi  ses  membres  aussi  bien  les  étrangers  que  les  Guaté- 
maltèques. 

La  République  de  Guatemala  présente  non  seulement  les  signes  évidents  d'une  civilisa- 
tion avancée,  mais  encore  des  éléments  considérables  de  bien-être  donnés  par  la  nature  ou 
dus  aux  efforts  de  l'homme.  On  peut  prédire  au  Guatemala  d'ores  et  déjà  un  avenir  des  plus 
brillants;  ses  institutions,  ses  ressources  naturelles,  le  prestige  plus  grand  qu'il  acquiert 
chaque  jour,  grâce  à  la  sagesse  et  aux  qualités  de  sa  population,  en  sont  les  plus  sûrs 
garants. 

Si  l'idéal  du  bonheur  existe,  c'est  bien  là,  où  l'on  rend  un  culte  à  la  paix  et  au  travail, 
ces  divinités  tutélaires  des  peuples. 

Le  Guatemala,  laborieux  et  digne,  concourant  au  grand  tournoi  auquel  la  France 
a  convié  l'univers  entier,  confirmait  l'opinion  favorable  qu'il  a  su  mériter  par  ses  vertus 
et  continuera  à  briller  comme  un  astre  éclatant  dans  le  ciel  de  la  libre  Amérique. 


REPUBLIQUE   DE  HONDURAS 

Le  Honduras  avait  organisé  sa  petite  exposition  —  très  intéressante  d'ailleurs  —  dans 
le  Palais  des  Industries  diverses,  près  du  vestibule  conduisant  aux  sections  étrangères,  non 
loin  de  la  République  de  Saint-Marin  et  de  la  section  hellénique. 

La  production  minière  du  pays  était  représentée  par  divers  minerais  d'or  et 
d'argent. 

Parmi  les  produits  agricoles,  mentionnons  tout  d'abord  la  canne  à  sucre  et  le  rhum. 

Le  tabac  figurait  aussi,  dans  cette  section,  sous  des  formes  diverses,  cigares,  cigarettes, 
tabacs  de  toute:-  '-pères  et  de  toutes  qualités:  c'est  là.  du  reste,  l'une  des  principales  cultures 
du  pays. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  11 

Le  Honduras  présentait  aussi  de  forts  beaux  échantillons  de  coton. 
Les  produits  pharmaceutiques  de  ce  pays  méritent  une  mention  spéciale,  notamment  le 
quinquina  et  la  salsepareille,  dont  de  nombreux  échantillons  figuraient  à  l'Exposition. 


RÉPUBLIQUE    DE    NICARAGUA 

La  République  de  Nicaragua  est  à  coup  sur  l'un  des  pays  les  plus  intéressants  de 
l'Amérique  Centrale,  au  triple  point  de  vue  économique,  social  et  administratif.  Cet  État 
s'est  beaucoup  développé  dans  ces  dernières  années,  et  l'exécution  du  canal  interocéanique 
qui  doit  traverser  ce  pays,  et  qui  est  certainement  le  plus  pratique  pour  réunir  les  deux 
océans,  lui  donnera  une  importance  beaucoup  plus  grande  encore. 

La  République  de  Nicaragua  s'étend  entre  10°4o'  et  lo°lO'  de  latitude  nord,  entre  83°U' 
et  87°38'  de  longitude  ouest  (méridien  de  Greenwich).  Elle  est  bornée  au  nord  par  la  Répu- 
blique de  Honduras,  au  sud  par  la  République  de  Costa -Rica,  à  l'ouest  par  l'océan  Pacifi- 
que, à  l'est  par  l'océan  Atlantique.  Elle  a  environ  580  kilomètres  de  longueur  sur  190  kilo- 
mètres de  largeur,  et  sa  superficie  totale  est  d'environ  148,000  kilomètres  carrés. 

Ce  pays,  admirablement  situé  au  point  de  vue  commercial  et  qui  possède  300  milles  de 
côtes  sur  l'Atlantique  et  200  nulles  sur  le  Pacifique,  a  été  découvert  et  exploré  peu  de  temps 
après  la  découverte  de  l'Amérique,  par  Cil  Gonzalez  Davila.  En  1821,  les  pays  de  l'Amé- 
rique Centrale,  qui  forment  aujourd'hui  cinq  républiques,  se  révoltèrent  contre  l'Espagne 
et  proclamèrent  leur  indépendance.  Le  Nicaragua,- qui  jusqu'alors  avait  formé  une  pro- 
vince de  la  capitainerie  générale  du  Guatemala,  était  au  nombre  de  ces  cinq  nouveaux 
États,  qui,  en  1823,  se  constituèrent  en  fédération.  Mais  l'union  ne  dura  pas  longtemps,  et, 
après  bien  des  tiraillements,  la  séparation  eut  lieu  en  1838.  Depuis  lors,  le  Nicaragua  est  un 
État  autonome. 

La  disposition  topographique  et  la  fertilité  de  cette  contrée,  une  des  plus  pittoresques 
qui  existent,  en  font  un  champ  admirable  pour  l'agriculture,  l'industrie  et  le  commerce.  Elle 
est  arrosée  de  nombreuses  rivières  qui  se  jettent  dans  l'Atlantique,  et  possède  de  vastes 
lacs  d'eau  douce  dont  les  rives  sont  couvertes  d'une  magnifique  végétation.  Le  long  de  la 
côte  occidentale  est  une  ligne  de  volcans  d'un  effet  grandiose. 

Parmi  les  richesses  végétales  du  Nicaragua,  il  faut  signaler  de  vastes  forêts  où  l'on 
trouve  d'innombrables  spécimens  des  essences  les  plus  recherchées.  Comme  le  climat  varie 
beaucoup  suivant  les  différences  d'altitude,  le  sol  se  prête  à  tous  les  genres  de  culture  de  la 
zone  torride  et  de  la  zone  tempérée.  Les  produits  végétaux  les  plus  estimés  sont  le  café  et 
le  caoutchouc. 

Le  climat  est  chaud  en  général,  mais  salubre.  Dans  les  régions  montagneuses,  il  est 
excellent,  et  l'on  doit  regretter  que  ces  régions  si  favorisées  ne  soient  habitées  que  par  une 
population  bien  insuffisante  pour  exploiter  leurs  richesses  naturelles. 

Le  règne  minéral  contribue  pour  une  large  part  à  ces  richesses.  On  trouve  dans  la 
région  montagneuse  des  métaux  de  toute  espèce. 


12  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


Par  une  singulière  anomalie,  la  population,  bien  peu  nombreuse  pour  un  pays  aussi 
vaste  et  ne  dépassant  guère  300, oui)  habitants,  est  établie  presque  tout  entière  sur  le  ver- 
sant du  Pacifique,  qui  est  la  partie  la  moins  fertile  et  la  plus  chaude  du  pays. 

Dans  la  région  la  plus  peuplée,  les  communications  sont  assurées  par  un  chemin  de 
fer  et  par  une  ligne  régulière  de  vapeurs  qui  fonctionne  sur  les  lacs.  D'autre  part  les  va- 
peurs de  la  malle  royale  anglaise  font  régulièrement  escale  au  port  de  Greytown.  Enfin,  les 
ports  du  Pacifique  sont  desservis  par  les  vapeurs  de  la  Compagnie  américaine,  qui  font  le 
trajet  entre  Panama  et  la  Californie. 

Le  service  des  postes  se  fait  régulièrement  ;  les  lignes  télégraphiques  s'étendent  sur 
plus  de  1,600  kilomètres,  et  transmettent  plus  de  800  télégrammes  par  jour.  Les  communi- 
cations avec  l'extérieur  se  font  par  un  câble  sous-marin  qui  atterrit  à  San-Juan  del  Sur. 

Managua,  la  capitale,  siège  du  gouvernement,  est  une  jolie  ville  très  commerçante, 
dont  la  population  est  de  plus  de  20,000  habitants.  Les  autres  villes  importantes  sont 
Léon  (40,0(1(1  habitants),  ancienne  capitale  et  siège  d'une  université;  Granada  (25,000  habi- 
tants), sur  le  lac  du  même  nom;  Masaya  (12,000  habitants),  ancienne  ville  indienne;  Rivas 
(15,000  habitants),  à  une  lieue  du  lac  de  Nicaragua. 

La  constitution  est  démocratique  ;  le  pouvoir  législatif  appartient  à  deux  chambres  :  un 
Sénat  et  une  Chambre  des  députés.  Le  pouvoir  exécutif  appartient  au  président  de  la  Répu- 
blique 

La  liberté  de  la  presse  est  complète,  la  tolérance  religieuse  absolue. 

L'instruction  publique  a  trois  degrés:  primaire,  secondaire  et  universitaire.  Le  service 
militaire  est  obligatoire. 

Le  commerce  se  fait  surtout  avec  l'Angleterre,  l'Allemagne  et  les  États-Unis.  Les  pro- 
duits français  sont  très  estimés,  surtout  les  articles  de  luxe  ;  mais  malheureusement  les 
frais  de  transport  et  de  douane,  qui  sont  fort  élevés,  empêchent  les  consommateurs  de 
donner  à  ces  articles  la  préférence  qu'ils  méritent,  et  leur  font  acheter,  à  contre-cœur  du 
reste,  des  articles  à  bas  prix  et  de  qualité  inférieure. 

Le  Nicaragua  possède  trois  ports  excellents  pour  le  commerce  :  Greytown  ou  San-Juan 
del  Norte,  sur  l'Atlantique  ;  San-Juan  del  Sur  et  Corinto,  sur  le  Pacifique.  L'exportation  com- 
prend principalement  le  café,  l'indigo,  le  caoutchouc,  le  bois  d'ébénisterie,  les  peaux,  l'or; 
l'importation  consiste  surtout  en  tissus,  mercerie,  parfumerie,  quincaillerie,  vêtements, 
vins  et  liqueurs,  etc. 

Après  avoir  accepte  l'invitation  île  la  France,  le  gouvernement  du  Nicaragua  nomma 
pour  l'organisation  de  cette  exposition  un  comité  dont  voici  la  composition  : 

MM.  J.  F.  Médina,  ministre  de  la  République  de  Nicaragua,  président; 
G.  Menier,  commissaire  délégué,  vice-président; 
A.  Petitdidieii,  consul  général,  commissaire; 
E.  Mejia,  secrétaire  de  la  légation,  commissaire; 

Francis  A.  Stout,  vice-président  de  la  Société  géographique  de  New-York,  commis- 
saire; 
A.  Salaverry,  commissaire  spécial; 
E.  Chevallev,  secrétaire. 


14  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

dette  commission  a  organisé  très  habilement  l'exposition  du  Nicaragua,  qui  lui  fait 
grand  honneur,  et  son  président,  M.  J.  F.  Médina,  a  notamment  une  grande  part  dans  le 
beau  résultat  cpii  a  été  obtenu. 

Le  pavillon  du  Nicaragua,  édifié  sur  les  plans  de  M.  Sauvestre,  l'architecte  de  la  Tour 
Eiffel,  en  avant  et  tout  près  de  l'Exposition  des  Arts  Libéraux,  était  tout  en  bois  et  mesurait 
20  mètres  sur  10.  Construit  dans  le  style  de  la  Renaissance,  il  est  recouvert  de  tuiles  en 
forme  d'écaillés,  ayant  la  couleur  de  la  terre  cuite  et  parsemées  de  tuiles  émaillées,  dont  les 
tons  chauds  sont  du  plus  heureux  effet  et  rappellent  des  constructions  du  pays.  Le  faîte  est 
couronné  d'épis  en  terre  cuite  d'un  dessin  gracieux  et  original,  imitant  les  magnifiques  épis 
dont  on  ornait  les  toits  à  l'époque  de  la  Renaissance,  et  qu'on  fabriquait,  au  xvr  siècle,  à 
Lisieux  et  à  Manerbe.  Ce  pavillon  a  été,  après  l'Exposition,  transporté  dans  les  environs  de 
Paris,  au  Vésinet. 

Cette  construction  comprend  une  grande  salle  et  deux  pavillons  annexes.  Au  centre 
de  la  grande  salle  était  exposé  un  plan  en  relief,  qui  attirait  l'attention  de  tous  les 
visiteurs.  Ce  plan  est  celui  du  futur  canal  interocéanique  du  Nicaragua.  Il  a  été  exécuté  par 
la  Compagnie  du  Canal,  sur  les  instances  de  M.  Médina.  Le  président  du  Comité  a  pensé 
avec  raison  qu'il  y  avait  un  haut  intérêt  à  mettre  sous  les  yeux  des  visiteurs  le  plan  de  cette 
œuvre  colossale,  dont  l'exécution  sera  pour  le  Nicaragua  une  source  de  prospérité  et  d'im- 
menses richesses. 

Quant  aux  produits  exposés,  et  qui  constituaient  une  exposition  intéressante  et  com- 
plète, nous  n'entreprendrons  pas  de  les  énumérer  ici.  On  pouvait  se  rendre  compte, 
en  examinant  cette  exposition,  de  toutes  les  richesses  naturelles  du  pays,  notamment 
de  ses  richesses  minérales.  Nous  signalerons  seulement  une  très  curieuse  collection 
de  poteries,  vestiges  de  l'antique  civilisation  indienne,  et  une  collection  d'histoire 
naturelle,  ou  l'on  pouvait  admirer  les  oiseaux  aux  couleurs  étineelantes  de  la  région  équa- 
toriale. 

Nous  le  répétons,  cette  exposition  a  fait  honneur  au  Comité,  et  spécialement  à  M.  Médina, 
qui  a  pressé  son  Gouvernement  de  prendre  des  mesures  pour  centraliser  les  objets  suscep- 
tibles d'être  exposés.  A  cet  effet,  le  Gouvernement  avait  nommé  des  comités  locaux  qui, 
nous  devons  l'ajouter,  se  sont  fort  bien  acquittés  de  leur  mission. 

Le  succès  de  l'exposition  du  Nicaragua  nous  permet  de  finir  en  félicitant  le  Comité  et 
son  président  pour  la  manière  dont  ils  ont  mené  à  bien  cette  tâche  délicate.  Nous  sommes 
heureux  de  terminer  par  cet  hommage  au  sympathique  diplomate  qui  représente  si  digne- 
ment à  Paris  la  République  de  Nicaragua. 


REPUBLIQUE    DE    SALVADOR 

La  République  de  Salvador,  la  première  peut-être  des  nations  américaines,  a  été  heu- 
reuse de  déclarer  son  intention  de  participer  à  la  célébration  du  glorieux  centenaire  de  1789. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


15 


Reconnaissante  des  bienfaits  de  la  Révolution,  qui  lui  a  tracé  le  chemin  de  la  liberté,  elle 


Le    Pavillon  île   la    République   île   Salvador. 


a  désiré  donner  à  la  nation  française  une  preuve  de  déférence  et  d'amitié;  aussi,  dès  l'an- 


16  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1889 

nonce  de  l'Exposition  qui  devait  avoir  lieu  en  1889,  le  Gouvernement  de  la  République  se 
mit  vigoureusement  à  l'œuvre  sous  la  haute  direction  de  S.  Exe.  le  général  Menendez,  son 
Président,  pour  qu'au  milieu  de  ce  concours  de  toutes  les  nations  civilisées  le  Salvador  pût 
occuper  la  place  que  méritaient  son  travail  et  son  industrie. 

Le  docteur  David  J.  Guzman,  directeur  du  Jardin  botanique  de  San  Salvador,  profes- 
seur à  la  Faculté  des  sciences,  que  l'expérience  acquise  dans  la  classification  des  produits 
expédiés  en  1878  pour  l'Exposition  Universelle  de  Paris  indiquait  tout  naturellement  à 
ses  concitoyens,  fut  choisi  par  le  général  Menendez  pour  préparer  l'envoi  des  collections 
diverses  représentant  l'état  d'avancement  et  de  développement  des  richesses  naturelles 
et  industrielles  de  la  République. 

La  tâche  était  difficile  :  grouper  tant  d'objets  divers,  préparer  des  collections  à  des 
époques  ne  correspondant  pas  aux  récoltes,  et  convaincre  les  exposants  qu'ils  pouvaient 
envoyer  leurs  produits  avec  la  certitude  qu'ils  occuperaient  à  Paris  une  place  convenable 
et  que  les  intérêts  de  ceux  que  la  distance,  les  frais  d'un  si  grand  déplacement,  etc.,  empê- 
cheraient de  faire  le  voyage  d'Europe  seraient  sérieusement  représentés. 

Le  docteur  Guzman,  soutenu  énergiquement  par  le  président  et  son  Gouvernement, 
se  mit  en  rapport  avec  les  gouverneurs  ou  préfets  des  départements,  les  municipalités,  etc., 
et  parvint  à  réunir  une  collection  qui,  quoique  n'étant  pas  aussi  complète  qu'il  eût  été  à 
désirer,  donnait  une  idée  de  l'immense  progrès  réalisé  par  le  Salvador  depuis  quelques 
années,  grâce  au  travail  opiniâtre  de  ses  habitants  qui  ont  su  développer  les  ressources 
presque  inépuisables  de  son  sol  fertile.  Les  difficultés  étaient  grandes,  elles  furent  aplanies 
à  force  de  travail  et  de  persuasion  auprès  de  bien  des  personnes  retenues  par  les  craintes 
indiquées  ci-dessus,  et  enfin,  le  1"  novembre  1888,  les  collections  destinées  au  Cliamp- 
de-Mars  se  trouvaient  réunies  dans  le  Théâtre  national  de  San  Salvador  en  Exposition 
préparatoire.  La  scène,  la  salle,  le  foyer  et  le  vestibule  offraient  aux  nombreux  visiteurs 
salvadoriens  les  résultats  que  procurent  à  un  pays  libre  l'instruction  développée,  le 
travail  et  un  Gouvernement  honnête  guidé  simplement  par  l'amour  patriotique  du  bien 
public. 

Les  progrès  à  réaliser  sont  grands  encore,  mais  plus  grands  sont  le  désir  et  la  volonté 
du  peuple  salvadorien. 

Pendant  ce  temps,  les  ordres  avaient  été  donnés  à  Paris  au  représentant  du  Salvador, 
31.  Eugène  Pector,  le  consul  général  plénipotentiaire  en  France,  qui  était  nommé  commis- 
saire général,  et  des  crédits  importants  étaient  ouverts. 

Par  suite  de  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  du  Gouvernement  de  Salvador, 
M.  Eugène  Pector  ne  fut  autorisé  que  très  tardivement  à  adresser  à  l'administration  fran- 
çaise la  demande  d'emplacement,  alors  que  la  division  du  Champ-de-Mars  était  terminée, 
plusieurs  sections  construites  déjà  et  les  concessions  accordées;  malgré  cela,  MM.  Alphand 
et  Berger  mirent  à  la  disposition  du  Salvador  deux  terrains  bien  petits  :  un  situé  sur  la  ter- 
rasse du  Palais  des  Arts  Libéraux  et  l'autre  à  quelque  distance  :  le  premier,  le  Pavillon 
central,  pour  les  produits  manufacturés;  le  second  devant  servir  à  l'exposition  de  l'agriculture 
et  de  la  sylviculture. 

Avec  l'aide  de  M.  Simon  Lazard,  nommé  commissaire,  des  indications  spéciales  étaient 
données  à  M.  J.  Lequeux,  l'éminent  architecte,  qui  s'empressait  d'établir  les  croquis,  les 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889  17 

plans  les  devis  des  édifices  à  construire,  et  bientôt  M.  E.  Kasel,  entrepreneur  adjudicataire, 
commençait  les  constructions. 

Le  style  des  édifices  à  construire  fut  déterminé  par  le  gouvernement,  donnant  pour 
instructions  d'élever  une  construction  qui  se  rapprochât  autant  que  possible  du  genre 
architectural  de  la  nation. 

Race  indienne  conquise  par  les  Espagnols,  il  était  donc  tout  naturel  de  songer  à  un 
style  hispano- mauresque,  rappelant  par  des  souvenirs  ethnographiques  ces  doubles 
origines. 

Sur  les  indications  du  Commissaire  général,  M.  Lequeux  traça  le  croquis  du  Pavillon 
dans  le  style  indiqué;  il  mit  en  œuvre  toutes  les  explications  qui  lui  furent  données 
pour  l'ornementation  des  fenêtres  avec  leur  grilles  à  encorbellement,  les  balcons,  etc. 
Pour  la  décoration  ethnographique,  le  problème  était  plus  difficile,  il  fallait  remplacer  la 
céramique  arabe  par  la  céramique  américaine  et  n'admettre  comme  décoration  que  des 
motifs  absolument  exacts;  grâce  au  concours  dévoué  de  M.  Rémi  Siméon,  le  savant amé- 
ricaniste,  dont  les  travaux  sur  les  antiquités  historiques  et  ethnographiques  de  l'Amérique 
centrale  sont  connus,  des  dessins  et  notes  précises  furent  remis  à  M.  Lequeux  de  façon  à 
lui  permettre  de  fournir  à  M.  Gondouin,  l'intelligent  et  consciencieux  directeur  de  la 
fabrique  artistique  de  Gien,  les  cartons  nécessaires  à  la  confection  des  innombrables  signes 
et  symboles  qui  décoraient  les  parois  du  pavillon. 

Pour  l'Annexe,  le  problème  à  résoudre  était  des  plus  faciles  :  il  n'y  avait  qu'à  adopter 
le  style  des  édifices  publics  de  la  République  :  Palais  du  Congrès,  Université,  Quartier 
d'artillerie,  Cathédrale  de  Santa  Ana,  etc.,  c'est-à-dire  élever  une  construction  aux  lignes 
architecturales  classiques. 

L'installation  des  produits  envoyés  présentait  de  bien  grandes  difficultés;  il  s'agissait 
de  les  répartir  en  deux  locaux  distincts,  tous  les  deux  insuffisants.  Il  fut  décidé  que  dans  le 
Pavillon  seraient  exposées  les  collections  industrielles  et  ethnographiques,  et  dansl'annexe- 
scrre  les  collections  de  la  sylviculture  et  de  l'agriculture,  etc.,  etc. 

Il  est  à  regretler  que  l'arrivée  de  S.  Exe.  le  docteur  Quiros,  nommé  ministre  à  Paris 
pour  affirmer  plus  hautement  encore  la  participation  du  Salvador  à  cette  grande  solennité, 
ait  été  si  tardive  ;  il  aurait  apporté  son  précieux  concours  à  la  préparation  de  l'Exposition, 
et,  sans  aucun  doute,  à  son  grand  avantage. 

Il  ne  rentre  pas  dans  le  cadre  de  notre  étude  de  faire  l'éloge,  quelque  mérité 
qu'il  soit  d'ailleurs,  de  chacun  des  exposants;  cependant  il  semble  nécessaire  d'indi- 
quer brièvement  la  nature  de  leurs  envois;  au  Pavillon,  on  pouvait  remarquer  la  sel- 
lerie, la  céramique,  les  instruments  de  musique,  les  broderies,  les  fleurs  artificielles, 
la  nouvelle  soie  native  découverte  au  Salvador  par  le  docteur  Guzman,  les  meubles, 
l'orfèvrerie,  les  tissus  de  soie  et  de  coton,  la  chaussure,  la  chapellerie,  les  modes, 
les  bougies,  les  savons  industriels  et  commerciaux,  les  tabacs,  les  cigares  et  cigarettes,  les 
minerais  d'or  et  d'argent,  les  modèles  des  palais  et  édifices  nationaux,  une  grande  carte  de 
la  République,  des  types  de  librairie,  des  œuvres  d'art,  tableaux  et  bustes,  une  splendide 
collection  ethnographique,  etc.,  etc.,  en  un  mot  tout  ce  qui  pouvait  servir  à  démontrer 
les  progrès  artistiques,  scientifiques,  littéraires  et  industriels  réalisés  depuis  quelques 
années. 

m  2 


1S  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

Dans  la  serre-annexe  se  trouvaient  réunies  de  nombreuses  collections  de  café,  sucre, 
cacao,  indigo,  baume  (1),  ramie,  coton  et  autres  produits  textiles,  bois  d'ébénisterie  et  de 
construction,  tabacs  en  feuilles,  plantes  et  extraits  médicinaux,  caoutchouc,  grains,  farines, 
pâtes  alimentaires,  conserves,  iromages,  liqueurs,  huiles,  fruits,  etc.,  qui  entouraient  une 
exposition  de  plantes  vivantes  du  Salvador,  parmi  lesquelles  étaient  à  remarquer  des  plants 
de  café  avec  leurs  fruits,  d'indigo,  de  caoutchouc,  de  salsepareille,  etc.,  etc. 

(1)  Production  toute  spéciale  au  Salvador  et  non  au  Pérou  comme  on  le  croit  généralement  à  tort. 


L'AMÉRIQUE   DU   SUD 


tiVfcgj'iNsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'Exposition  de  l'Amérique  du  Sud  comprenait 
"  les  neuf  sections  suivantes,  que  nous  allons  successivement  étudier  en  conser- 
W.  vant  l'ordre  alphabétique  où  nous  les  plaçons  ici  :  République  Argentine,  Bolivie, 
Brésil,  Chili,  Equateur,  Paraguay,  Pérou,  Uruguay,  États-Unis  du  Venezuela. 


LA    RÉPUBLIQUE    ARGENTINE 

Parmi  les  États,  naguère  encore  arriérés,  et  qui  ont,  depuis  quelques  années,  grâce  à 
une  période  de  paix  assez  longue,  montré  comment  un  peuple  peut  progresser,  figure  en 
tête  assurément  la  République  Argentine.  Son  immense  territoire  (4  millions  de  kilomètres 
carrés)  n'est  encore  peuplé  que  de  4  millions  1/2  d'habitants,  et  son  sol,  d'une  richesse 
agricole  incalculable,  pourrait  en  nourrir  100  millions;  c'est  dire  que  si  ce  pays  continue  sa 
marche  progressive,  il  atteindra,  avant  peu  d'années,  une  situation  exceptionnelle,  mar- 
chant d'étape  en  étape  vers  une  prospérité  toujours  croissante,  comme  les  États-Unis  du 
Nord. 

L'immigration,  favorisée  par  le  gouvernement  qui  dépense,  pour  ce  seul  fait,  7  mil- 
lions 1/2  par  an,  est  considérable;  elle  est  en  moyenne  de  130,000  étrangers  par  an.  Aussi 
la  population  s'accroit-elle  très  rapidement,  et  avec  elle  l'agriculture,  l'industrie  et  le 
commerce. 

Ce  qui  nous  attache  encore  à  ce  pays,  nous  Français,  c'est  le  nombre  considérable  de 
nos  compatriotes  établis  là-bas  (on  l'évalue  à  70,000),  et  le  chiffre  énorme  d'affaires  qui  se 
lait  entre  la  France  et  la  République  Argentine.  En  efiet,  le  commerce  total  de  la  Confédéra- 
tion, exportations  et  importations  réunies,  se  monte  à  1  milliard  400  millions,  et  la  France 
figure  dans  ce  total  pour  280  millions. 

Ces  considérations  sont  nécessaires  pour  bien  faire  saisir  tout  l'intérêt  que  devait 
présenter  l'exposition  argentine  de  1889.  On  était  anxieux  de  voir  de  près  les  produits  de  ce 


20  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

vaste  territoire,  dont  l'avenir  est  si  grand,  si  rien  ne  vient  en  contrarier  la  progression  en 
plein  essor. 

L'exposition  de  la  République  Argentine  a  été,  pour  un  grand  nombre  de  visiteurs, 
une  véritable  révélation  des  richesses  de  toutes  sortes  qu'on  peut  tirer  de  ce  beau  pays.  Le 
gouvernement  argentin  a  voulu  faire  grand,  même  colossal  ;  il  a  complètement  réussi. 

Le  palais  argentin,  au  Champ-de-Mars,  d'une  superficie  de  1,700  mètres  carrés,  a  été 
édifié  d'après  les  plans  de  M.  Albert  Ballu,  architecte  ;  il  a  été  en  outre  décoré  par  un  grand 
nombre  d'artistes  :  Tony  Robert-Fleury,  Olivier-Merson,  Barrias,  Cormon,  Gervex,  Jules 
Lefebvre,  Hector  Le  Roux,  Ch.  Toché,  Roll,  Duez,  etc.  Ce  palais  se  composait  d'un  corps  de 
bâtiment  principal,  surmonté  d'un  dôme  central  de  28  mètres  de  hauteur,  flanqué  lui-même 
de  quatre  coupoles  hautes  de  22  mètres;  enfin,  à  droite  et  à  gauche,  il  possédait  deux  ailes 
symétriques.  Un  escalier,  placé  dans  l'axe  d'entrée,  conduisait  au  premier  étage. 

Ce  bâtiment  a  encore  été  un  succès  pour  le  fer;  son  ossature  était,  en  effet,  entièrement 
métallique;  elle  était  garnie  de  terres  cuites  polychromes,  de  vitraux,  de  mosaïques  et  de 
cabochons  en  cristal  éclairés  par  des  lampes  électriques,  formant  900  points  lumineux,  le 
tout  d'un  très  bel  effet. 

Enfin,  disons  que  les  quatre  pylônes  d'angle,  l'entrée  principale  et  les  pendentifs  de  la 
grande  coupole  étaient  ornés  de  sculptures  décoratives. 

Le  pavillon  de  la  République  Argentine,  qui  a  coûté  1,400,000  francs,  a  été  démonté 
après  l'Exposition  pour  être  réédifié  à  Buenos-Ayres  et  servir  de  palais  d'exposition  dans 
cette  belle  capitale,  qui  renferme  près  de  500,000  habitants. 

En  entrant  dans  le  pavillon  argentin,  on  remarquait  une  carte  en  relief  très  détaillée, 
qui  montrait  les  immenses  étendues  de  terres  qui  attendent  encore  d'être  défrichées  ;  il  y  a 
donc  là  encore  de  la  «  place  au  soleil  »  pour  les  émigrants  futurs. 

Si  le  prix  de  la  terre,  dans  ces  régions  encore  délaissées  est  presque  nul,  puisqu'elle 
appartiendra  à  ceux  qui  voudront  bien  s'y  établir  en  suivant  les  obligations  prescrites,  on 
jugera  des  variations  subies  dans  la  province  de  Buenos-Ayres,  quand  on  saura  que  le  prix 
de  l'hectare  a  passé  de  6  à  400  et  même  1,000  francs,  de  1852  à  1889. 

L'agriculture,  et  surtout  l'élevage  du  bétail,  sont  la  source  principale  de  la  richesse 
nationale  des  États  du  Bio  de  la  Plata.  Ces  produits  étaient  largement  représentés  à 
l'Exposition. 

La  Société  Sansinena,  de  Buenos-Ayres,  nous  montrait  la  reproduction  d'une  chambre 
servant  à  la  conservation  de  la  viande  de  mouton  par  le  froid.  Ces  procédés  frigorifiques 
permettent  à  la  viande,  provenant  des  pampas  argentines,  d'être  conservée  pendant  très 
longtemps,  avec  son  aspect  primitif,  mais  le  public  européen  se  montre  généralement 
méfiant  à  cet  égard,  et  l'exportation  n'augmente  pas  beaucoup,  en  France,  quoique  ce  genre 
de  conserve  soit  réellement  assimilable  à  la  viande  fraîche.  Néanmoins,  en  1888,  il  a  été 
exporté  de  la  Plata  plus  de  18  millions  de  kilogrammes  de  viande  de  mouton  congelée  dans 
le  monde  entier,  mais  surtout  en  Angleterre.  On  a  essayé,  mais  sans  grand  succès,  l'expor- 
tation des  animaux  vivants,  à  cause  des  frais  de  transport  et  de  nourriture  à  bord,  et  la 
mortalité  durant  la  traversée. 

Aussitôt  après  leur  abatage,  les  moutons  sont  placés  dans  une  chambre  où  ils  subis- 
sent une  congélation  méthodique,  puis  dans  les  chambres  Iroides  des  navires,  où  la  tempé- 
rature est  maintenue  à  12°  au-dessous  de  zéro. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


21 


A  signaler  aussi  les  extraits  de  viandes  Kemmerich,  à  Santa-Helena. 

Une  collection  de  laines  de  toutes  qualités,  et  fort  complète,  exposée  par  la  chambre  de 
commerce  de  Buenos-Ayres,  figurait  dans  les  galeries  du  premier  étage  ;  chaque  échantillon 
portait  l'indication  de  son  origine  et  de  son  rendement;  on  y  pouvait  constater  que  les 
laines  les  plus  profitables  proviennent  d'animaux  croisés  avec  notre  race  de  Rambouillet. 


l'avillou  du  Brésil  :  Entrée  principale. 


La  République  Argentine  produit  350,000  balles  de  laine,  de  400  kilogrammes  environ, 
sur  lesquels  plus  de  130  millions  de  kilogrammes  sont  vendus  à  l'étranger,  dont  la  moitié 
en  France. 

Certains  pâturages  argentins  nourrissent  maintenant  des  animaux  dont  les  laines 
peuvent  être  employées  pour  les  étoffes  les  plus  fines  comme  celles  de  Reims,  Roubaix, 
Elbeuf  ;  aussi  un  grand  nombre  de  maisons  françaises  se  fournissent-elles  aujourd'hui  à 
Buenos-Ayres. 


22  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

Les  cuirs  et  peaux,  qui  sont  encore  un  des  principaux  éléments  de  l'exportation  argen- 
tine en  Europe,  étaient  bien  représentés  à  l'Exposition. 

Les  produits  agricoles  aussi  étaient  fort  nombreux  ;  c'est  que  les  cultures  ont  une 
grande  valeur  dans  cette  partie  de  l'Amérique  méridionale,  où  600,000  hectares  de  terres 
cultivées  produisent  600,000  tonnes  de  blé,  dont  200,000  sont  exportées.  Après  le  blé,  la 
céréale  la  plus  cultivée  est  le  mais  (400,000  hectares  fournissant  1  million  de  tonnes). 

Le  lin  argentin  est  encore  un  produit  du  sol  dont  l'étranger  achète  une  bonne  partie; 
il  s'en  vend  de  40  à  80,000  tonnes  par  an. 

Outre  ces  végétaux  de  première  utilité,  on  en  a  acclimaté,  depuis  quelque  temps,  de 
nouveaux,  tels  que  l'olivier,  dont  on  tire  une  excellente  huile,  et  que  de  beaux  échantillons, 
dans  la  salle  du  rez-de-chaussée,  signalaient  à  l'attention  des  curieux. 

La  ramie  vient  aussi  d'être  implantée  sur  ce  sol  par  une  Société  anonyme.  La  canne  à 
sucre  vient  à  merveille  dans  la  province  de  Tucuman,  où  déjà  des  usines,  dont  le  matériel 
est  presque  exclusivement  français,  se  sont  élevées  et  se  livrent  à  l'industrie  sucrière. 

La  vigne,  enfin,  a  donné  des  résultats  très  satisfaisants,  et  les  crus  des  provinces  de 
Mendoza,  de  San-Juan,  d'Entre-Rios,  de  Salta  et  de  Buenos-Ayres,  fournissent  des  vins 
excellents.  La  récolte  est  considérable,  et  les  plantations  de  vignobles  ont,  surtout  depuis 
1887,  pris  une  grande  extension;  le  nombre  des  sarments  introduits  est  évalué  à  plus  de 
4  millions  1/2.  Aussi,  ces  progrès  ont-ils  eu  comme  conséquence  inévitable  une  brusque 
diminution  de  l'importation  des  vins  étrangers,  auxquels  l'avenir  réserve  une  diminution  de 
plus  en  plus  grande,  jusqu'à  ce  que  les  vins  argentins  eux-mêmes  viennent  à  leur  tour  faire 
concurrence  à  nos  vins  sur  nos  propres  marchés. 

L'exposition  des  bois  de  la  République  était  très  belle;  ses  ressources  forestières  sont, 
en  effet,  très  grandes.  Les  principaux  spécimens  ou  petits  échantillons  exposés,  au  nombre 
de  plus  de  600,  étaient  des  cèdres-acajou,  des  québrachus,  des  acacias,  des  cocos,  etc.  Il  y 
avait  en  outre  de  gros  échantillons  de  cèdre-acajou  mesurant  6m  X  lm.80  X  0,10  et  un  autre 
de  7  mètres  de  long  sur  0m,40  d'équarrissage.  Les  forêts  de  ce  pays  sont  peuplées  principale- 
ment de  palmiers,  de  bananiers,  de  goyaviers,  de  grenadiers,  de  pistachiers,  d'oliviers, 
d'orangers,  etc. 

Le  développement  des  chemins  de  fer,  dont  nous  nous  occuperons  plus  loin,  a  eu  pour 
conséquence  la  progression  de  l'industrie  minière  qui,  née  d'hier,  acquerra  bientôt  un  grand 
développement,  grâce  aux  encouragements  du  gouvernement.  Des  mines  de  houille  ont  été 
découvertes  récemment,  ainsi  que  des  nappes  pétrolifères,  et  des  sociétés  nouvelles  se 
fondent  en  grand  nombre  pour  fouiller  et  exploiter  le  sol  argentin,  riche  surtout  dans  le 
massif  central  et  dans  la  région  des  Andes,  et  qu'on  trouve  tous  les  jours  de  plus  en  plus 
productif. 

Des  échantillons  des  diverses  richesses  minérales  de  la  République  Argentine  permet- 
taient de  se  rendre  compte  de  la  variété  de  ces  produits  naturels,  dont  l'exportation  com- 
mence à  atteindre  des  chiffres  respectables.  Citons  parmi  ces  produits  :  les  sables  aurifères, 
le  bismuth,  le  cuivre  en  barres,  l'étain,  l'argent,  les  minerais  de  cuivre,  d'argent  et  de 
plomb,  l'argent  amalgamé,  etc.  La  valeur  de  ces  différents  articles  exportés  a  atteint  plus 
d'un  million  et  demi  de  piastres  en  1888,  alors  que  l'année  précédente  elle  n'atteignait  que 
186,000  piastres. 

Parmi  les  collections  de  minerais  exposées,  citons  celles  de  la  commission  centrale  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  23 

Buenos-Ayres  (900  échantillons),  de  M.  Hoskold  (1,300  échantillons),  do  l'Université  de 
Cordoba,  dans  laquelle  M.  Brakebusch  avait  réuni  2,000  échantillons  variés,  enfin,  celle  de 
M.  Alfredo  Tello.  La  collection  de  fossiles  de  M.  O.  Durand-Savoyat  méritait  aussi  d'être  citée. 

Si  l'on  étudie  les  chiffres  statistiques  du  commerce  argentin,  on  constate  que  l'impor- 
tation d'un  caractère  reproductif  augmente,  tandis  que  celle  pour  la  simple  consommation 
reste  stationnaire,  et  que  les  capitaux  monnayés  augmentent  également,  par  suite  des 
emprunts  contractés  en  Europe.  Un  pays  qui  cherche  à  prendre  une  place  prépondérante 
là-bas,  c'est  l'Allemagne  ;  son  chiffre  d'importations  augmente  dans  des  proportions  consi- 
dérables ;  le  nôtre  n'augmente  que  très  légèrement  ;  celui  de  l'Angleterre  diminue  même. 
Il  y  a  là  un  point  où  l'attention  des  commerçants  français  doit  être  appelée.  Quant  au  com- 
merce total,  il  augmente  d'une  façon  colossale;  il  a  passé  de  1,100  millions  en  1887,  à  plus 
de  1,300  millions  de  francs  en  1888,  dont  172  pour  l'importation  et  108  pour  l'exportation. 

L'Angleterre  vient  au  premier  rang  avec  plus  de  406  millions  (dont  320  pour  l'impor- 
tation) ;  puis  viennent  la  France  avec  le  chiffre  de  280  millions  (dont  140  millions  à  l'im- 
portation); l'Allemagne,  qui  figure  pour  215  millions  (dont  145  à  l'importation),  la  Belgique 
pour  120  millions,  les  États-Unis  pour  82  millions  et  demi,  etc. 

Les  voies  de  communication,  naturelles  ou  autres,  font  la  richesse  d'une  nation,  et 
développent  son  commerce.  Les  chemins  de  fer  surtout  se  sont  développés  clans  les  provinces 
argentines,  avec  une  activité  fiévreuse,  peut-être  même  exagérée.  Il  ne  faut  pas  aller  trop 
vite  en  besogne,  et  plusieurs  lignes  ont  été  concédées  à  des  compagnies  d'une  incapacité 
prouvée  depuis  et  que  le  gouvernement  a  refusé  de  garantir.  Mais  ce  sont  là  des  fautes 
légères,  en  face  des  résultats  déjà  acquis,  et  de  ceux  que  promet  l'avenir.  Diverses  lignes 
ont  complètement  renouvelé  certaines  régions  naguère  désertes,  aujourd'hui  pleines  de 
vigueur,  et  certaines  actions  de  chemins  de  fer  ont  fait  100  0/0  de  prime. 

Une  carte  du  réseau  ferré  de  la  Confédération,  exposée  au  premier  étage  du  pavillon,  et 
dressée  par  les  soins  du  Ministère  des  travaux  publics,  nous  montrait  l'état  actuel  de  ce 
réseau,  qui  embrasse  la  plupart  des  provinces.  Elle  nous  apprenait  qu'en  1887,  le  réseau 
argentin  mesurait  7,526  kilomètres,  avec  un  trafic  de  3  millions  de  tonnes  de  mar- 
chandises. Au  1er  janvier  1889,  les  lignes  s'étant  beaucoup  augmentées,  avaient  atteint 
8,252  kilomètres  ;  le  capital  qui  y  est  engagé  est  de  un  milliard.  On  a  calculé  que  la  cons- 
truction d'un  kilomètre  revient  à  une  moyenne  de  125,000  francs,  y  compris  le  matériel 
roulant. 

En  1887,  le  rendement  kilométrique  a  été  de  6,500  francs;  le  matériel  roulant  se 
composait  de  1,240  voitures  à  voyageurs,  et  de  19,470  wagons  à  marchandises.  Le  nombre 
des  stations  était  de  490,  celui  des  employés  de  20,000  environ. 

Le  développement  extraordinaire  des  voies  ferrées,  n'a  pas  fait  oublier  au  gouverne- 
ment argentin  les  autres  travaux  publics,  tels  que  ports,  routes,  etc. 

L'Exposition  nous  montrait  une  série  de  documents,  mémoires,  plans  et  photographies 
des  ports  en  construction  de  Buenos-Ayres.  Cette  ville  colossale,  le  plus  grand  centre 
commercial  de  l'Amérique  du  Sud  avec  la  capitale  brésilienne,  verra  bientôt  s'achever  en 
effet  quatre  ports  et  docks  qui  lui  assureront  un  énorme  développement  maritime. 

Déjà,  son  mouvement  de  navigation  a  passé  successivement  de  512,000  tonnes  en  1865, 
à  1,756,000  en  1884  et  à  plus  de  8  millions  en  1888. 


24  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

L'ensemble  des  quatre  ports  donnera  25  kilomètres  de  canaux  et  35  kilomètres  de 
quais.  Le  commodore  Lasserre  exposait  son  projet  de  transformation  d'un  banc  de  sable 
situé  en  face  de  Buenos-Ayres,  en  un  port  de  premier  ordre,  avec  un  chenal  profond. 

Signalons  aussi  le  projet  de  relier  Buenos-Ayres  et  Montevideo  par  un  tunnel  sous- 
marin.  Nous  avons  parlé  des  richesses  naturelles  du  pays,  du  développement  de  son  com- 
merce et  de  ses  voies  ferrées.  Les  progrès  de  l'instruction  ont  marché  de  pair  avec  ces 
derniers.  Les  documents  exposés  par  M.  Gabriel  Carrasco,  directeur  du  recensement  général 
pour  l'année  1887,  permettaient  aux  visiteurs  de  s'en  rendre  compte. 

Le  nombre  des  élèves  fréquentant  les  écoles  diverses  est  de  plus  de  227,000,  alors  qu'il 
n'était  que  de  146,325  en  1883.  Le  nombre  total  des  écoles  est  de  3,028,  dont  2,712  sont 
publiques.  La  ville  de  Buenos-Ayres  est  bien  dotée  d'établissements  d'instruction  ;  le  nombre 
des  élèves  y  est  de  27,209  pour  116  écoles  publiques.  Le  budget  scolaire  en  1887  s'est  monté 
à  plus  de  21  millions  ;  il  y  a  3,579  professeurs,  où,  chose  curieuse,  les  femmes  figurent  pour 
un  nombre  sensiblement  supérieur  à  celui  des  hommes  (1,968  femmes  et  1,611  hommes). 
En  outre,  deux  universités  à  Buenos-Ayres  et  à  Cordoba  donnent  l'instruction  supérieure, 
et  des  écoles  d'ingénieurs,  d'agriculture,  d'arts  et  métiers  et  militaire,  existent  dans  diffé- 
rentes villes. 

L'Exposition  nous  permettait -encore  de  nous  rendre  compte  de  la  situation  financière 
de  l'État  argentin.  La  plus-value  des  terres  et  de  la  propriété  urbaine,  l'augmentation  de  la 
production,  l'extension  du  commerce,  la  création  de  banques  nouvelles,  le  développement 
du  capital  et  du  crédit,  telles  sont  les  causes  qui  ont  largement  contribué  à  augmenter  le 
Trésor  public.  Les  revenus  de  la  nation  ont  passé  de  233  millions  et  demi  de  francs  en  1886 
à  350  millions  en  1888,  et  la  dette  publique,  d'après  les  évaluations  officielles,  serait  éteinte 
dans  huit  ans. 

On  a  appris  il  y  a  quelques  mois  que  des  troubles  regrettables  avaient  éclaté  à  Buenos- 
Ayres,  résultats  de  la  dépréciation  du  billet  de  banque.  Il  serait  vivement  à  espérer  qu'une 
situation  aussi  brillante  que  celle  que  nous  venons  de  présenter,  et  telle  que  nous  la  mon- 
trait l'Exposition,  ne  soit  plus  brusquement  noircie.  La  vitalité,  les  ressources,  les  débou- 
chés de  la  Bépublique  Argentine  auront  vraisemblablement  raison  de  ces  embarras,  que 
nous  croyons  n'être  que  temporaires. 

L'étude  des  ressources  présentes  et  surtout  futures  de  pays  d'avenir  tels  que  la  Répu- 
blique Argentine,  doit  appeler  toute  notre  attention, car  il  est  incontestable  que  l'axe  du 
monde  se  déplace.  La  civilisation  pénètre  partout,  et  y  apporte  avec  elle  l'industrie  perfec- 
tionnée et  les  rapides  moyens  de  fabrication  et  de  production.  Avant  peu,  tous  ces  pays 
neufs  de  l'Amérique  du  Sud,  hier  états  de  quatrième  ordre,  suivant  l'exemple  des  États- 
Unis  dans  la  voie  du  progrès  constant,  atteindront  une  puissance  égale  aux  états  séculaires 
de  la  vieille  Europe. 

La  sève  puisée  de  ce  côté-ci  de  l'Atlantique,  aura  germé  d'une  façon  étonnante  de  l'autre 
côté,  grâce  aux  conditions  si  favorables  qu'on  y  rencontre.  Ce  moment-là  est  plus  proche 
qu'on  ne  pense  ;  il  est  donc  utile  de  suivre  ce  mouvement,  dont  les  conséquences  sont 
incalculables,  par  rapport  aux  destinées  des  nations.  C'est  pourquoi  nous  avons  cru  devoir 
nous  étendre  quelque  peu  sur  ces  pays  d'outre-mer,  afin  de  les  faire  mieux  connaître.  Du 
reste,  l'Exposition  a  singulièrement  facilité  notre  tâche. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  25 


LA    BOLIVIE 

Un  des  pavillons  qui  attiraient  le  plus  l'attention  fut,  sans  contredit,  celui  de  la  Bolivie. 
La  fortune  de  ce  pays  consistant  surtout  dans  ses  mines  d'argent,  les  murs  de  l'édifice 
étaient  peints  en  larges  bandes  marron  foncé  et  jaune  blanchâtre,  rappelant  ainsi  les  roches 
feldspathiques,  nommées  chocolatés  par  les  mineurs,  et  les  roches  trachytiques,  indices  du 
voisinage  du  minerai  d'argent.  L'intérieur  du  pavillon  était  divisé  en  quatre  salles.  La  pre- 
mière, très  spacieuse  et  entourée  d'une  galerie,  était  affectée  aux  produits  de  l'industrie  et 
de  l'agriculture;  on  pouvait  y  voir  de  riches  collections  de  vaisselle  plate  et  de  nombreuses 
antiquités  indiennes;  dans  une  vitrine  très  intéressante,  un  de  nos  compatriotes,  M.  André 
Bresson,  exposait  les  produits  de  ses  nombreuses  découvertes,  au  cours  d'explorations  dans 
l'Amérique  australe.  De  cette  salle,  on  passait  dans  une  vaste  rotonde,  exclusivement  occupée 
par  la  compagnie  des  mines  d'argent  de  Huanchaca,  sauf  un  côté  réservé  à  une  exhibition 
de  la  faune  bolivienne.  Suivaient  deux  salles  latérales  de  moindres  dimensions,  véritables 
musées  géologiques.  Le  visiteur  sortait  par  une  galerie  de  mine  reproduisant  le  tunnel 
d'entrée  de  la  mine  de  Pulacayo. 

L'Exposition  minière  de  la  Bolivie  occupait  à  elle  seule  plus  de  la  moitié  du  pavillon  de 
la  section.  Elle  était  installée  dans  une  grande  et  vaste  salle  formant  rotonde  et  de  deux 
autres  pièces  carrées  de  moindre  dimension. 

Dans  la  rotonde,  on  remarquait  l'exhibition  de  la  compagnie  des  mines  d'argent  de 
Huanchaca  :  outre  les  lourds  saumons  et  les  gros  lingots  d'argent  brut  sortant  de  ses  fon- 
deries, que  le  public  pouvait  contempler  de  près  et  pouvait  même  toucher,  elle  exposait 
différents  minerais;  celui  qui  donne  lieu  à  l'exploitation  principale  est  le  cuivre  gris  argen- 
tifère cristallisé  ou  amorphe,  dont  la  teneur  moyenne  en  argent  est  de  10  0/0  ;  les  minerais 
auxiliaires  également  exploités  sont  :  des  blendes,  des  galènes,  des  pyrites  de  fer  et  de 
cuivre,  des  calcopyrites  et  de  la  stibine  argyrythrose,  ne  donnant  pas  plus  au  dosage  que 
1  à  2  0/0  d'argent.  Dans  les  deux  autres  salles  consacrées  à  la  métallurgie  bolivienne,  on 
voyait  de  fort  intéressantes  collections  des  même  minerais  présentées  par  différentes  com- 
pagnies, telles  que  celles  d'Aulagas,  de  The  Royal  Silver  mines,  etc.  Le  public  s'arrêtait  avec 
curiosité  devant  une  vitrine  contenant  de  nombreux  échantillons  de  bismuth,  aux  cristaux 
irisés,  bizarrement  entassés  comme  les  monuments  d'une  fantastique  cité,  et  aussi  devant 
les  capricieuses  végétations  du  sulfate  de  cuivre. 

Parmi  les  produits  agricoles  à  la  section,  les  cafés  figuraient  en  première  ligne.  Les 
cafés  de  Yungas  (Bolivie)  sont  universellement  estimés;  on  en  remarquait  de  nombreux 
échantillons. 

Les  tabacs  étaient  aussi  fort  bien  représentés. 

La  Bolivie  présentait  de  remarquables  collections  de  quinquina  et  de  succédanés  de  la 
même  plante;  la  coca  figurait  sous  forme  de  feuilles,  d'extrait,  de  teinture  et  d'élixir. 

Enfin  une  annexe  du  pavillon  bolivien  contenait  un  diorama  zoologique  où,  dans  une 
clairière  de  forêt  vierge,  on  voyait  plus  de  quatre  cents  spécimens  d'oiseaux,  de  mammi- 
fères et  de  reptiles. 


2G  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


LE    BRESIL 

L'exposition  du  Brésil  répondait  au  rang  que  cet  État  occupe  par  son  étendue,  sa 
population,  son  mouvement  commercial,  parmi  les  puissances  du  Sud-Amérique.  L'emploi 
le  plus  judicieux  fut  fait  par  le  comité  franco-brésilien  des  800,000  francs  votés  par  les 
Chambres  pour  construire  et  aménager  un  pavillon  au  Champ-de-Mars  (M.  Dauvergne, 
architecte)  et  aussi  pour  aider  les  exposants,  a  contribué  au  succès.  Le  palais,  dont  l'em- 
placement avait  été  demandé  par  l'empereur  Dom  Pedro,  dans  une  lettre  autographe 
adressée  au  commissariat  général,  était  situé  au  pied  même  de  la  tour  Eiffel,  et  il  fut  un  des 
plus  élégants  des  expositions  américaines. 

Protégé  contre  l'écrasement  de  sa  colossale  voisine  grâce  à  un  minaret  très  élevé,  aux 
lignes  sveltes  et  hardies,  il  se  composait  d'un  vaste  corps  de  bâtiment,  aux  portes  ornées 
de  statues  allégoriques  représentant  les  principaux  fleuves  du  Brésil.  En  arrière  s'étendait 
un  jardin  orné  de  plantes  exotiques.  L'intérieur,  luxueusement  décoré,  présentait  un  hall 
spacieux  au  rez-de-chaussée,  puis  deux  étages  de  larges  galeries  où  étaient  artistement 
disposées  toutes  les  richesses  de  la  faune,  de  la  flore  et  de  l'industrie  brésiliennes.  Les  pro- 
duits avaient  déjà  passé  par  une  exposition  préparatoire,  ouverte  à  Bio-de-Janeiro  le  11  dé- 
cembre 1888.  Ils  furent  présentés  en  si  grand  nombre  que  la  partie  historique  et  archéolo- 
gique, préparée  parle  gouvernement,  ne  put  trouver  place  dans  le  palais  même  et  dut  être 
installée  dans  une  des  constructions  de  l'Histoire  de  l'habitation. 

L'enseignement,  tout  aussi  bien  en  Amérique  qu'en  France,  est  une  des  grandes  préoc- 
cupations des  pouvoirs  publics.  Dans  le  palais  du  Brésil  et  dans  le  palais  argentin,  l'expo- 
sition scolaire  tenait  une  place  importante.  De  même,  dans  le  palais  mexicain  on  voyait  des 
cartes,  plans  et  ouvrages,  travaux  de  la  commission  de  géographie  et  d'exploration;  des 
thèses  et  des  brochures  envoyées  par  l'école  nationale  de  médecine  ;  des  documents,  livres 
et  travaux  adressés  par  l'école  nationale  de  commerce  ;  un  certain  nombre  d'objets  fabri- 
qués à  l'école  des  arts  et  métiers;  toute  une  série  de  travaux  d'aiguille  exécutés  à  l'école 
secondaire  de  demoiselles,  et  enfin  des  instruments,  méthodes  et  partitions,  envoi  du 
Conservatoire  national  de  musique.  L'Uruguay  montrait  un  matériel  scolaire  ingénieux, 
accompagné  des  nombreuses  œuvres  pédagogiques  et  didactiques  du  docteur  F.-A.  Berra. 

Les  tableaux  et  les  statues  exposés  dans  beaucoup  de  pavillons  prouvaient  en  quel 
honneur  les  Latins  d'Amérique  tiennent  les  arts.  Parmi  les  plus  remarquables  de  ces  expo- 
sitions, il  faut  citer  celle  du  Mexique,  qui,  dans  un  salon  spécial,  avait  réuni  un  certain 
nombre  de  toiles  des  maîtres  et  des  meilleurs  élèves  de  son  école  des  beaux-arts  ainsi  que 
quelques  beaux  bustes.  Le  Chili  montrait  les  deux  œuvres  importantes  de  l'habile  sculpteur 
Yirjinio  Arias,  l'Homme  du  peuple  défendant  la  pairie  et  une  Descente  de  croix.  Au  palais  du 
Brésil  et  de  l'Uruguay,  les  tableaux  étaient  nombreux  et  quelques-uns  remarquables.  Le 
Mexique  et  le  Guatemala  avaient  une  exposition  d'œuvres  musicales. 

La  littérature  était  représentée  dans  les  expositions  argentine,  brésilienne,  mexicaine, 
chilienne,  guatémaltèque,  uruguayenne  et  vénézuélienne,  par  les  œuvres  choisies  des 
meilleurs  historiens,  romanciers  et  poètes  de  ces  pays. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


27 


Il  y  a  lieu  de  mentionner  d'une  manière  particulière  les  ouvrages  de  droit  exposés  dans 
la  bibliothèque  de  la  République  Argentine,  qui  possède  des  jurisconsultes  distingués. 

Presque  partout,  des  collections  ethnologiques  racontaient  aux  visiteurs  l'histoire  de 
ces  peuplades  indiennes,  presque  disparues  aujourd'hui,  qui  habitèrent  le  continent  amé- 
ricain. Parmi  les  plus  complètes  mentionnons  la  collection  d'antiquités  et  de  curiosités  que 
le  Brésil  avait  réunie  au  pavillon  Amazone.  Au  pavillon  du  Venezuela,  une  salle  spéciale 


Le  Pavillon  du  Brésil  et  la  Serre  brésilienne  (F'rés  la  Tour  Eiffel). 


avait  été  réservée  à  ce  genre  d'exposition  ;  elle  comprenait  une  série  très  nombreuse  de 
crânes  ayant  appartenu  aux  différentes  races  d'Indiens  qui  vécurent  dans  le  bassin  de 
rOrénoque,  ainsi  que  toute  une  collection  d'ustensiles  dont  ils  faisaient  usage.  Dans  la  même 
salle  se  trouvait  la  réduction  de  la  nécropole  précolombienne,  découverte  par  M.  Marcano. 
Le  Mexique  avait  également  envoyé  des  objets  de  l'époque  des  Aztèques  et  une  bannière  de 
l'ordre  de  Saint-Jacques,  exposée  par  M.  Ramon  Fernandez,  ministre  à  Paris.  Le  Nicaragua, 
la  Bolivie,  le  Guatemala,  le  Paraguay,  la  Colombie,  le  Salvador,  le  Venezuela  et  l'Equateur 
avaient  tous  de  fort  curieuses  exhibitions  de  bijoux,  d'idoles,  d'armes,  de  parures  et  de 
menus  objets,  vestiges  d'une  civilisation  disparue.  Dans  les  collections  de  la  Colombie  et  de 
l'Equateur,  on  remarquait  des  tètes  d'Indiens  désossées  et  momifiées  par  un  procédé  dont 


les  Indiens  Ibarros ,  tribu 
encore  sauvage  des  bords  de 
l'Amazone,  gardent  le  secret. 
Ces  têtes,  dont  la  face  est 
noire  et  pas  plus  grosse  que 
celle  d'un  petit  ouistiti,  sont 
garnies  d'une  abon- 
dante chevelure. 

Leur  état  de  con- 
servation est  parfait, 
et  même  dans  sa 
contraction, le  visage 
a  conservé  tous  ses 
traits. 

Les  richesses 
minérales,  végétales 
et  animales  du  Bré- 
sil sont  considéra- 
bles. 

Le  diamant  se 
rencontre     en    as- 
sez grande  quantité 
dans  les  rivières  bré- 
siliennes et  aussi  sur 
les  sommités  rocheu- 
ses des  hautes 
chaînes  du  pays. 
Il  en  est  de  même 
del'oretaussidu 
platine  ;   enfin , 
le   manganèse , 
le  soufre  et  la 
houille  se  trou- 
vent en    abon- 
dance dans  cer- 
tains   districts. 
Le  règne  vé- 
gétal est  le  véri- 
table   triomphe    des    terres 
brésiliennes.  Sans  nous  arrê- 
ter aux  magnificences  de  ses  admi- 
rables forêts,  signalons  parmi  les  plus 
importants  de  ses  produits  naturels  : 
les  bois  de  teinture,  le  bois  de  fer  et 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  29 

de  nombreuses  essences  propres  à  l'ébénisterie  et  à  la  construction,  le  café,  le  coton, 
l'indigo,  le  caoutchouc,  le  quinquina  et  le  tabac. 

Quant  à  la  faune,  elle  est,  au  Brésil,  d'une  très  grande  variété.  Les  animaux 
domestiques  et  les  espèces  utiles  y  sont,  toutefois,  peu  nombreux,  sauf  les  bœufs  et  les 
chevaux. 

Au  surplus,  les  produits  de  toute  nature  abondaient  au  Champ-de-Mars,  et  chaque 
règne  y  était  brillamment  représenté. 

L'exposition  minière  du  Brésil  était  de  tous  points  remarquable. 

Une  très  élégante  vitrine  située  au  centre  du  hall,  et  autour  de  laquelle  les  visiteurs 
pouvaient  circuler,  abritait  la  plus  grande  partie  de  la  section  rninéralogique.  La  belle 
collection  de  pierres  fines  de  Mme  la  vicomtesse  de  Cavalcanti  attirait  tout  d'abord  les 
regards.  Il  y  avait  là  des  diamants  magnifiques  et  d'une  pureté  incomparable  provenant 
des  terrains  diamantifères  des  provinces  de  Minas-Geraes,  de  Baliia,  de  Parana,  de  Goyas, 
de  M atto- Grosso  et  de  San-Paulo. 

Il  est  inutile  de  rappeler  que  les  diamants  du  Brésil,  au  nombre  desquels  on  compte 
l'Etoile  du  Sud,  sont  les  plus  beaux  du  monde.  Généralement,  ils  sont  de  petite  dimension  ; 
on  les  trouve  dans  les  dépôts  d'alluvions  quaternaires  dont  la  présence  est  décelée  par  une 
couche  de  gravier  formée  de  divers  éléments,  mais  où  dominent  les  oxydes  de  titane,  les 
tourmalines  roulées,  l'alumine  hydratée  avec  acide  phosphorique,  les  oxydes  de  fer,  l'ana- 
tase,  l'hématite,  etc.  Les  diamants  du  Brésil  sont  rarement  colorés;  c'est  plus  particulière- 
ment clans  les  gisements  de  la  province  de  Bahia  qu'on  trouve  les  diamants  noirs,  mais 
en  petit  nombre. 

On  remarquait  encore  dans  cette  vitrine  des  améthystes,  des  grenats  et  des  topazes 
superbes,  provenant  des  schistes  micacés  d'Ouro-Preto. 

Les  échantillons  de  minerais  d'or  étaient  abondants.  C'étaient  surtout  des  pyrites 
aurifères,  etc.,  ainsi  que  de  la  poudre  d'or  recueillie  par  les  orpailleurs  et  quelques  pépites 
très  pures,  mais  de  petit  volume. 

Le  métal  le  plus  abondant  au  Brésil  est  le  fer,  et  les  gisements  de  Ipanema  (San-raulo) 
ainsi  que  ceux  des  environs  d'Ouro-Preto  sont  considérables.  On  estime  le  fer  qui  pourrait 
en  être  extrait  à  cent  millions  de  tonnes.  L'usine  de  l'État  à  Ipanema,  qui  exploite  et  traite 
ces  minerais,  avait  exposé  les  produits  de  ses  hauts  fourneaux. 

Si  les  collections  minéralogiques  et  les  richesses  minières  du  Brésil  sont  des  plus 
importantes,  ses  richesses  agricoles  sont  plus  considérables  encore. 

Tel  est,  du  reste,  le  cas  de  toutes  les  contrées  de  l'Amérique  centrale  et  méridionale. 

Le  caféier,  par  exemple,  réussit  admirablement  dans  tous  les  pays  du  Centre-Amérique 
et  donne,  dans  certaines  contrées,  des  variétés  d'une  excellente  qualité  et  très  renommées. 
Sa  culture  demande  des  soins  et  surtout  des  capitaux.  Une  plantation  de  caféiers  ne  com- 
mence guère  qu'au  bout  de  deux  ou  trois  ans  à  donner  quelques-unes  de  ces  baies,  sem- 
blables à  des  cerises,  qui  renferment  le  précieux  grain,  et  ce  n'est  qu'au  bout  de  cinq  ou 
six  ans  qu'elle  se  trouve  en  plein  rapport.  La  cueillette  réclame  des  soins  attentifs  et  une 
main-d'œuvre  assez  considérable,  car  il  faut,  après  avoir  cueilli  les  baies,  les  faire  dessécher, 
puis  décortiquer  le  grain,  le  laver,  opération  délicate  dans  un  pays  chaud  où  il  est  difiieile 
de  se  défendre  contre  tout  commencement  de  fermentation.  Ensuite  on  fait  sécher  ce  grain 
au  soleil,  on  le  trie,  on  le  met  en  sac,  etc.  Toutes  ces  opérations  sont  méticuleuses;  le 


30  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1S89 

moindre  grain  imparfaitement  séché  ne  manquerait  point  de  se  corrompre  et  de  donner  a 
un  lot,  quelquefois  à  la  récolte  entière,  ce  goût  saumàtre  que  tout  le  monde  connaît. 
Cependant,  le  caféier  est  d'un  bon  rapport;  d'ailleurs,  son  produit  est  d'écoulement  facile. 
Aussi  peut-on  le  classer  parmi  les  cultures  les  plus  importantes  et  les  plus  productives  de 
l'Amérique. 

Le  Brésil,  qui  cultive  beaucoup  de  caféiers,  avait  une  très  belle  exposition  de  ces  grains 
dont  une  dégustation  permettait  également  d'apprécier  la  saveur. 

Le  maté,  ou  plus  exactement  yerba  maté,  figurait  avantageusement  aussi  à  l'exposition 
brésilienne.  Nous  aurons  occasion  de  reparler  plus  en  détails  de  ce  produit,  en  décrivant 
la  section  du  Paraguay. 

La  culture  du  blé  est  maintenant  très  répandue  au  Brésil,  bien  que  pendant  longtemps 
on  l'ait,  pour  ainsi  dire,  totalement  négligée.  La  province  de  Bio-Grande  du  Sud  avait 
envoyé  à  l'Exposition  de  merveilleux  épis.  Il  est  à  remarquer  que  par  suite  de  la  faveur 
nouvelle  et  très  marquée  dont  jouit  cette  culture  aujourd'hui,  le  manioc  qui  formait  aupa- 
ravant la  base  de  l'alimentation  des  classes  pauvres,  ne  servira  bientôt  plus  qu'à  la  fabri- 
cation du  tapioca. 

Les  diverses  variétés  de  maïs,  rouge,  jaune,  blanc  présentaient  aussi  de  superbes 
échantillons. 

L'exposition  brésilienne  avait  également  une  exposition  vinicole  de  quelque  impoi\  \nce, 
surtout  celle  de  Sao-Paulo  et  celle  de  Bio-Grande.  Plus  spécialement  riche  était  la  section 
pharmaceutique  avec  les  nombreux  spécimens  de  la  flore  médicinale;  parmi  les  plantes  les 
plus  utiles  on  distinguait,  en  dehors  des  quinquinas,  la  salsepareille,  l'ipécacuanha,  le  jabo- 
randi  ou  pilocarpe  dont  on  extrait  la  pylocarpine,  le  cubèbe,  le  copahier,  qui  donne  le 
baume  de  copahu,  la  stryehnos  castelnaèna  et  la  sirychnos  toxifera  dont  les  Indiens  retiraient 
le  curare,  la  noix  vomique  et  des  quantités  de  solanacées  et  de  loganiacées  employées  en 
médecine. 

Les  expositions  séricicoles  étaient  peu  nombreuses.  Citons  cependant,  comme  assez 
remarquables,  celles  de  la  Bolivie,  du  Salvador  (soies  du  Bombyx  salvatorensis),  du  Vene- 
zuela, de  l'Argentine  et  de  l'Uruguay;  dans  ce  dernier  pays,  comme  au  Brésil,  on  commence 
seulement  à  iaire  l'éducation  des  vers. 

Au  Brésil,  au  Guatemala,  au  Honduras,  à  l'Equateur,  au  Salvador  et  au  Paraguay,  le 
vanillier  iplante  grimpante  de  la  famille  des  Orchidées)  donne  un  bon  rendement;  son 
exposition  montrait  des  gousses  de  plus  de  20  centimètres  de  longueur  sur  2  centimètres 
de  largeur,  toutes  recouvertes  de  blancs  et  odorants  cristaux  en  aiguilles  d'acide  benzoïque. 
A  l'exposition  mexicaine  également,  un  élégant  coffret  de  cristal,  bondé  de  belles  gousses, 
répandait,  malgré  son  hermétique  lermeture,  une  odeur  délicieuse. 

Dans  tous  les  pavillons  américains,  on  trouvait  le  tabac  sous  toutes  ses  formes  :  cigares, 
cigarettes,  tabac  à  fumer,  à  priser  et  à  chiquer.  L'Amérique  est  la  vraie  patrie  du  tabac; 
donc,  il  est  inutile  d'insister  sur  la  qualité  des  produits  du  Mexique,  du  Brésil  (Bahia),  où  le 
gouvernement  français  fait  d'importants  achats  pour  ses  manufactures  :  cigares  du  Vene- 
zuela, dont  les  tabacs  émigrent  en  masse  à  la  Havane,  où  ils  sont  baptisés  et  reçoivent  des 
noms  fameux;  de  l'Argentine,  du  Paraguay,  du  Guatemala,  de  la  Bolivie,  de  l'Equateur,  de 
la  Bépublique  Dominicaine,  du  Salvador  et  du  Honduras,  qui  cultivent  en  grand  le  tabac; 
du  Mexique,  qui  avait  ouvert  un  débit  à  l'une  des  portes  de  son  palais. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  31 

Une  large  place  avait  été  également  partout  réservée  aux  fabriques  de  cigares  et  de  ciga- 
rettes, qui  étageaient  de  belles  et  élégantes  boites  dans  leurs  vitrines.  L'exposition  de  l'Uru- 
guay se  distinguait  entre  toutes. 

En  divers  pays  de  l'Amérique  du  Sud,  à  Parana,  par  exemple,  le  coton  produit  des 
résultats  extraordinaires.  L'espèce  cultivée  est  le  coton  herbacé  qui  donne  parfois  cent  cin- 
quante capsules  sur  un  même  pied.  Les  lots  exposés  étaient  presque  tous  de  qualité  supé- 
rieure; ceux  du  Mexique,  du  Brésil,  du  Salvador  (coton  blanc  et  couleur),  du  Paraguay,  de 
l'Uruguay,  du  Honduras,  de  l'Equateur  et  de  la  République  Dominicaine,  étaient  les  plus 
importants.  Le  coton  des  provinces  orientales  du  Venezuela  est  remarquable  pour  la  finesse 
et  la  longueur  de  son  fil. 

Sans  entrer  dans  le  détail  des  nombreuses  essences  qui,  au  Brésil,  comme  dans  toute 
l'Amérique,  font  la  beauté  et  la  richesse  des  innombrables  forêts,  disons  quelques  mots  des 
palmiers  que  l'on  pouvait  admirer  dans  la  superbe  serre  annexée  au  palais  brésilien. 

Le  palmier,  dont  les  espèces  sont  très  nombreuses,  est  la  plante  par  excellence  des 
contrées  tropicales.  C'est  peut-être  entre  tous  les  végétaux  celui  qui  offre  à  l'homme  le  plus 
de  ressources  :  ses  fruits  donnent  une  nourriture  saine,  ses  feuilles  des  filaments  pour  le 
tissage;  il  produit  encore  de  l'huile  bonne  à  manger  ou  à  brûler,  du  miel,  de  la  cire;  son 
bois  est  très  propre  à  de  nombreux  usages,  etc. 

Le  caoutchouc  occupait  l'une  des  premières  places  dans  les  expositions  agricoles 
d'Amérique. 

C'est  au  pavillon  du  Brésil  qu'il  était  le  mieux  représenté,  puis  dans  ceux  du  Nicaragua, 
du  Guatemala,  de  la  Bolivie,  de  l'Equateur,  du  Honduras,  du  Salvador  et  du  Venezuela.  Le 
caoutchouc  est  le  suc  coagulé  de  certains  grands  arbres  appelés  xeiïwja,  sur  les  bords  de 
l'Amazone  et  de  l'Orénoque,  et  appartenant  à  la  famille  des  Euphorbiacées,  des  Moracées  et 
des  Apocynacées.  Les  seringa  croissent  dans  les  forêts,  à  l'état  sauvage,  mêlés  à  d'autres 
essences,  et  c'est  par  des  procédés  encore  bien  primitifs  que  se  font  la  récolte  et  la  prépara- 
tion de  la  sève.  Les  indigènes  se  contentent  de  coller  un  peu  de  terre  glaise  en  forme 
d'écuelle  au-dessous  d'une  incision  transversale  pratiquée  sur  le  caoutchoutier.  En  quelques 
heures  l'écuelle  est  remplie  de  liquide;  alors  on  la  verse  dans  une  calebasse;  quand  cette 
calebasse  est  pleine,  l'ouvrier  la  porte  dans  sa  cabane,  et  là  il  coagule  la  sève  en  l'exposant 
à  la  fumée,  puis  en  la  versant  cuillerée  par  cuillerée  sur  une  espèce  de  poêle  sans  rebords. 

On  peut  rapprocher  du  caoutchouc  la  gutta-percha. 

La  gutta-percha  du  Brésil  provient  de  deux  arbres  appartenant  à  la  famille  des  Sapota- 
cées,  le  jaqua  et  Yaprahiu  vermelho.  La  gutta-percha  a  beaucoup  d'analogie  avec  le  caout- 
chouc. Comme  celui-ci,  elle  est  imperméable;  mais  elle  ne  possède  pas  ses  qualités 
rétractiles.  Les  échantillons  exposés  par  le  Brésil,  l'Equateur  et  le  Salvador  étaient  assez 
beaux. 

L'Amérique  est  le  plus  beau  pays  forestier  qu'on  puisse  rêver,  et  ses  forêts  vierges, 
comme  variété  d'essences  et  comme  qualité  de  bois,  peuvent  rivaliser  avec  celles  des  Indes. 
Aussi,  les  expositions  forestières  du  Mexique,  de  la  République  Argentine,  du  Venezuela,  de 
la  Bolivie,  de  l'Equateur,  du  Honduras,  du  Chili,  du  Paraguay  et  du  Guatemala  étaient-elles 
des  plus  intéressantes,  avec  leurs  spécimens  de  bois  précieux,  tant  pour  la  construction 
que  pour  l'ébénisterie. 

Le  cèdre  d'Amérique  n'a  rien  de  commun  avec  notre  cèdre  du  Liban.  Il  appartient  à  la 


32  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

famille  des  Cédrélacées  méliacées,  tandis  que  son  homonyme  appartient  à  la  famille  des 
Conifères.  Le  cèdre  d'Amérique  est  un  arbre  magnifique  qui  atteint  d'énormes  dimensions 
et  qui  est  très  recherché  pour  la  construction.  Dans  l'exposition  mexicaine  on  voyait  de 
monstrueux  madriers  de  cet  arbre,  du  poids  de  6,  10  et  même  20  tonnes. 

Il  était  représenté  dans  presque  toutes  les  autres  expositions  forestières;  d'ailleurs, 
il  était  entré  pour  une  bonne  part  dans  la  construction  des  pavillons  faits  en  bois,  notam- 
ment dans  le  chalet  du  Nicaragua.  Au  Brésil,  il  abonde  sur  les  rives  de  l'Amazone. 

Le  palissandre  croit  dans  les  forêts  des  tropiques;  on  en  rencontre  plusieurs  variétés. 
Il  fait  l'objet  d'un  commerce  d'exportation  très  important,  tant  en  Europe  qu'aux  États- 
Unis.  Le  Brésil  nous  offrait  des  échantillons  bruts  et  travaillés.  On  le  trouvait  également 
aux  pavillons  du  Mexique,  du  Paraguay,  du  Venezuela,  de  Costa-Bica,  du  Salvador,  du 
Guatemala,  du  Nicaragua  et  de  la  République  dominicaine. 

Les  bois-rose,  les  bois-salin  et  les  bois-écaille,  dont  on  fait  des  cannes,  croissent  dans  la 
vallée  de  l'Amazone,  dans  les  forêts  de  la  Colombie,  du  Venezuela,  du  Nicaragua,  de  la 
République  dominicaine  et  du  Honduras.  Tous  ces  bois  sont  précieux  pour  l'ébénisterie. 

Le  tapinkoam  ressemble  beaucoup  à  notre  bois  de  chêne.  Il  est  employé  plus  particu- 
lièrement pour  la  construction  navale. 

La  peroba  revessa  est  mouchetée  comme  l'érable,  mais  d'un  jaune  d'or  vif  et  brillant.  On 
l'emploie  à  Paris  pour  la  fabrication  des  pianos.  C'est  au  Brésil  qu'on  en  voyait  les  plus 
beaux  échantillons.  La perba  de  Campos  est  employée  dans  les  arsenaux  du  Brésil. 

Le  genipopo,  beau  bois  très  homogène  et  très  élastique,  d'une  couleur  lilas,  a  été  tout 
récemment  introduit  dans  l'ébénisterie.  Il  appartient,  comme  le  caféier,  à  la  famille  des 
Rubiacées  et  donne  un  excellent  fruit. 

De  la  province  de  Bahia  nous  vient  Yitapicurâ,  bois  splendide  ressemblant  à  du  palis- 
sandre veiné  de  jaune  d'or. 

De  la  République  dominicaine  vient  surtout  le  caoba  (acajou). 

L'araucaria  brasiliensis  est  un  eonilère  haut  de  20  à  30  mètres  sur  1  mètre  à  lra,50  de 
diamètre,  dont  le  bois  rappelle  le  sapin  d'Europe.  On  le  trouve  en  abondance  dans  la 
province  de  Parana,  au  Brésil,  au  Paraguay,  sur  le  territoire  du  Gran-Chaco,  ainsi  qu'au 
Chili,  etc.  C'est  un  excellent  bois  de  menuiserie. 

La  flore  forestière  est,  dans  ces  contrées,  d'une  richesse  inouïe.  Il  semble  qu'elle  offre 
un  bois  pour  chaque  genre  de  travail;  les  uns,  par  leur  solidité,  ressemblent  au  bronze; 
les  autres,  par  leur  flexibilité,  rappellent  l'acier.  Le  bois  de  Yoleo  vermelho,  par  exemple, 
supporte  des  tensions  considérables  et  ne  se  rompt  que  sous  l'effort  de  13ksr,880  par 
millimètre  carré,  sans  déformation  apparente,  tandis  que  le  genipopo  plie  comme  une  fine 
lame  d'épée  à  la  moindre  pression.  Parmi  les  bois  les  plus  résistants  et  dont  il  serait  utile 
pour  l'industrie  de  bien  connaître  toutes  les  propriétés,  il  faut  citer  Yacapou,  Yangico, 
Yarroeira,  Y  araucaria,  Yarariba,  Yipe,  Yiacaranda,  Yoleo  et  la  peroba,  qui  étaient  surtout 
exposés  par  le  Brésil. 

Les  forêts  américaines  ne  se  contentent  pas  de  donner  des  bois  pour  la  construction 
terrestre  et  navale  ainsi  que  pour  la  fabrication  des  meubles,  elles  offrent  encore  de  pré- 
cieux éléments  pour  la  tannerie  et  la  teinturerie. 

Dans  presque  tous  les  pavillons,  on  voyait  pour  la  première  catégorie  le  caroubier,  le 
quebracho,  et  pour  la  seconde  catégorie,  le  bois  de  campêche,  Yindigotier,  le  roucouyer,  Yalga- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


33 


robilla,  la  talayiba,  le  nasare,  etc.  Quoique  la  demande  des  bois  de  teinture  ait  considéra- 
blement diminué  depuis  la  découverte  des  nouvelles  couleurs  extraites  de  la  houille,  le 
commerce  de  ce  bois  a  toujours  une  certaine  importance. 


Dans  la  serre  brésilienne. 

Viennent  ensuite  les  arbres  résineux,  non  moins  utiles,  et  dans  presque  toutes  les 

expositions  on  remarquait  le  sang-dragon,  le  copal,  le  guyacan,  Yelemi,  le  nandipa,  etc., 
exposés  avec  leurs  sécrétions  résineuses. 

m  3 


34  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    IS89 

Les  produits  de  la  chasse  et  de  la  pèche,  étaient,  eux  aussi,  richement  représentés. 
On  trouve  dans  la  pampa  une  autruche  appelée  nandu,  qui  donne  de  belles  plumes; 
mais  cet  oiseau  disparait  peu  à  peu  devant  la  colonisation.  Au  nord  et  au  sud  du  Brésil, 
cette  autruche  est  nommée  ema.  Les  éleveurs  s'ingénient  à  la  nourrir  dans  d'immenses 
enclos,  mêlée  au  bétail  :  en  même  temps,  ils  ont  entrepris  d'acclimater  l'autruche  d'Afrique 
Dans  les  expositions  argentine,  uruguayenne  et  paraguayenne,  on  voyait  des  spécimens 
de  plumes  d'autruche,  dont  quelques-uns  étaient  très  beaux. 

On  ne  se  figure  pas  la  quantité  de  dépouilles  d'oiseaux  aux  brillantes  couleurs  que 
consomme  annuellement  la  mode  C'est  par  centaines  de  mille  que  les  oiseaux-mouches  sont 
capturés,  ainsi  que  les  étincelants  colibris.  La  plus  intéressante  des  expositions  de  ce  genre 
était  celle  de  M.  A.  Boucard,  au  pavillon  du  Guatemala;  on  voyait  là  un  spécimen  de  cette 
faune  si  riche  des  tropiques  et  on  avait  l'idée  de  ce  qu'il  est  possible  de  faire  avec  les 
[il urnes  diaprées  des  trochilides. 

Dans  toutes  les  expositions  américaines,  les  peaux  des  grands  fauves  aux  robes 
superbes  tapissaient  les  murs.  Les  carnassiers  sont  nombreux  dans  les  forêts  vierges  de 
l'Amérique,  mais  quoiqu'ils  prélèvent  un  lourd  tribut  sur  les  troupeaux,  ils  n'ont  ni  la  force 
ni  la  férocité  de  leurs  congénères  de  l'Afrique  et  de  l'Asie.  Le  jaguar  et  le  puma  ou  couguar, 
ce  tigre  et  ce  lion  d'Amérique,  abondent  dans  les  pays  boisés  du  Nord,  ainsi  que  plusieurs 
espèces  de  panthères,  de  lynx,  de  chats  sauvages,  etc. 

Au  Palais  du  Brésil,  on  voyait  des  Heurs  artificielles  fabriquées  avec  des  plumes 
d'oiseaux  et  dans  celui  du  Chili  et  du  Salvador,  des  couvertures,  également  en  plumes.  Au 
Nicaragua,  des  tableaux  représentaient  divers  oiseaux  du  pays  faits  avec  leur  propre  plu- 
mage. 

Au  Salvador,  on  remarquait  de  non  moins  curieux  tableaux  composés  de  petits  coquil- 
lages multicolores.  Au  Guatemala  figuraient  des  costumes  indiens  faits  avec  des  plumes  et 
des  coquillages. 

Le  Brésil,  qui  comptait  le  plus  grand  nombre  d'objets  manufacturés  et  qui,  au  point 
de  vue  industriel,  semble  marcher  à  la  tète  des  nations  sud-américaines,  avait  une  belle 
exposition  de  meubles  en  palissandre  sculpté.  Les  autres  objets  qu'il  exposait  :  draps,  toiles, 
cotonnades,  ganterie,  confections,  chapellerie,  passementerie  d'ameublement,  papeterie, 
imprimerie  et  lithographie,  et,  en  particulier,  instruments  de  précision,  indiquaient  de  la 
part  de  ses  ouvriers  beaucoup  d'habileté  et  de  connaissances  pratiques. 

Comme  objets  d'orfèvrerie,  rien  à  signaler  que  le  très  beau  travail  d'art  de  l'École  des 
arts  et  métiers  de  Montevideo. 

La  dentelle  est  fort  en  vogue  dans  les  pays  hispano-américains,  surtout  dans  ceux  du 
centre.  Les  dentelles  du  Paraguay  qu'on  appelle  Nanduty  (toiles  d'araignée),  ainsi  que  celles 
de  Venezuela  (Soles  (h-  Maracatbo),  sont  particulièrement  à  citer.  Les  Indiennes  qui  les  fabri- 
quent se  servent  des  mêmes  métiers  que  ceux  qui  sont  employés  par  les  dentellières  du 
l'uy,  dans  la  Haute-Loire.  Ce  sont  les  mêmes  bobines  entrecroisant  leurs  fils  sur  des  épingles 
à  tête  de  verre  piquées  sur  un  coussin.  Le  Chili,  le  Brésil,  le  Mexique,  le  Salvador  et  l'Equa- 
teur avaient  également  de  nombreux  travaux  de  dentelle  de  crochet  et  de  broderie. 

Au  pavillon  du  Salvador  on  voyait  de  jolis  meubles,  lits  et  bureaux  sculptés  en  bois 
précieux,  fabriqués  dans  le  pays;  des  chaussures,  de  la  dentelle,  de  la  lingerie,  des  modes 
et  des  tissus  de  soie. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  35 

L'exposition  de  savons  du  pavillon  dominicain  et  celle  de  bougies  du  Salvador  étaient 
remarquables  par  la  variété  des  échantillons. 

L'Equateur,  le  Salvador  et  le  Guatemala  exposaient  de  très  beaux  chapeaux  de  Panama 
confectionnés  avec  la  feuille  du  bombanaxa,  sorte  de  palmier.  Les  Indiens  qui  se  livrent  à 
cette  fabrication  cueillent  la  feuille  de  bombanaxa  encore  jeune,  puis  ils  la  découpent  en 
lanières  minces,  au  moyen  de  deux  aiguilles  plantées  dans  un  petit  bâton  et  dont  l'écarte- 
ment  donne  la  grosseur  du  brin.  Le  chapeau  est  tissé  sur  une  forme  conique  en  bois  ou  en 
pierre,  en  commençant  par  le  fond.  Quelques-unes  de  ces  coiffures  sont  d'une  finesse  in- 
croyable ;  elles  sont  presque  inusables  ;  mais  leur  prix  reste  fort  élevé  à  cause  du  temps  et 
des  soins  que  demande  leur  fabrication.  Les  plus  fins  et  les  plus  souples  sont  faits  d'une 
feuille  plus  délicate,  appelée  toquilla,  qui  sert  également  à  tisser  des  hamacs  de  luxe.  Les 
Indiens  les  plus  réputés  pour  la  confection  de  ces  chapeaux  sont  ceux  de  Moyabamba,  dans 
la  République  de  l'Equateur. 

Au  Nicaragua,  belle  exposition  de  meubles  en  marqueterie,  notamment  un  bureau 
offert  au  Président  de  la  République  française. 

La  République  Argentine  et  le  Brésil  avaient  également  des  spécimens  de  l'industrie  du 
cuir  de  bonne  fabrication,  l'ourla  cordonnerie,  il  était  peu  de  pavillons  qui  n'en  présen- 
tassent au  moins  uncou  deux  vitrines. 

Au  Guatemala,  une  importante  expositioii  de  chaussures  et  de  meubles  fabriqués  avec 
les  bois  du  pays. 

Le  Chili  exposait  des  malles  en  cuir,  des  chaussures,  de  la  sellerie,  etc. 

L'ensemble  des  produits  que  nous  venons  de  passer  en  revue  montre  toute  l'importance 
commerciale  des  États  américains. 

D'après  la  Press,  de  New-York,  le  montant  des  articles  introduits  dans  l'Amérique  latine 
serait  de  1,614  millions  environ.  Si  l'on  considère  que  la  presque  totalité  de  ces  articles  se 
compose  d'objets  manufacturés  venant  en  majeure  partie  d'Europe,  on  jugera  de  l'impor- 
tance des  débouchés  que  ces  pays  offrent  à  notre  industrie. 


RÉPUBLKJUE    DU    CHILI 

Le  pavillon  chilien  était  une  élégante  construction  aux  murs  en  armature  métallique 
peinte  dans  des  tons  éteints,  avec  enchâssement  de  briques  enluminées,  à  la  toiture  sur- 
montée de  cinq  coupoles  vitrées.  On  admirait  la  porte  monumentale,  donnant  accès  dans 
un  vaste  hall  autour  duquel  courait,  à  la  hauteur  du  premier  étage,  une  très  large  galerie 
également  en  foi'.  Avec  cette  ornementation  gracieuse,  le  pavillon  du  Chili  (architecte, 
M.  Pieq)  conservait  pourtant  quelque  chose  d'austère,  bien  en  rapport  avec  les  solides  et 
viriles  qualités  de  ce  peuple.  Tout  le  monde  a  visité  l'exposition  relative  aux  mines,  dont 
l'industrie  constitue  la  principale  richesse  du  pays.  La  partie  agricole  était  également 
remarquable  et,  en  particulier,  les  produits  œnicoles. 


36  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

Dans  les  galeries  du  premier  étage  du  pavillon  du  Chili  se  trouvaient  de  véritables 
trésors  géologiques.  Cette  république  doit  à  ses  mines  une  partie  de  sa  fortune.  Le  Chili 
exporte,  par  an,  un  million  de  tonnes  de  nitrate. 

Entre  les  très  nombreux  échantillons  classés  et  étiquetés  avec  soin,  relevons  les  noms 
de  quelques-uns,  tels  que  :  argent  sulfuré,  chlorobromurc  d'argent,  calcaire  pyriteux,  cal- 
caires argentifères,  nitrates,  or  natif,  quartz  aurifère,  sulfate,  sulfure  et  silicate  de  cuivre, 
cuivre  carbonate,  cuivre  oxysulfuré;  enfin  des  minerais  de  mercure  sulfuré  et  de  sulfure  de 
mercure,  de  fer  magnétique,  d'amiante  et  de  beaux  échantillons  d'anthracite.  Cette  collec- 
tion géologique  était  complétée  par  une  série  d'échantillons  des  eaux  de  toutes  les  rivières 
et  de  tous  les  canaux  du  Chili,  dont  l'analyse  était  donnée  sur  les  flacons  qui  les  contenaient. 
Par  extension,  et  à  cause  de  leur  mode  d'exploitation  qui  est  en  tout  semblable  à  celui 
des  mines,  quelques  mots  sur  les  guanos.  Ceux-ci  sont  formés,  comme  on  le  sait,  par 
l'amoncellement  des  fientes  d'oiseaux  migrateurs  qui  viennent,  à  époque  fixe,  atterrir  dans 
les  îles  du  Pacifique.  Ces  amoncellements  atteignent  parfois  vingt  et  trente  mètres  d'épais- 
seur. Les  échantillons  exposés  au  pavillon  chilien  provenaient,  les  uns  du  gisement  de  Pa- 
bellon-de-Pica,  où  sont  les  guanos  les  plus  riches  en  azote;  les  autres,  de  Lobos-de-Afuera, 
où  l'acide  phosphorique  domine,  enfin,  des  guanos  (gisements  de  Punta-de-Lobos  et  de 
Huanilos)  qui,  par  leur  dosage  en  azote,  acide  phosphorique  et  potasse  prennent  place  entre 
ceux  de  Pabcllon-de-Pica  et  de  Lobos-de-Afuera. 

Le  Chili  avait  exposé  des  échantillons  de  l'orge  appelée  ehevelier, qualité  recherchée  pour 
la  brasserie.  Le  Paraguay  et  l'Uruguay  avaient  également  une  exposition  d'orge. 

C'est  le  Chili  qui  avait  l'exposition  de  vins  la  plus  importante.  Les  vins  rouges  et  blancs 
ordinaires  et  les  vins  de  liqueur  étaient  nombreux;  on  pouvait  même  goûter  un  vin  mous- 
seux imitation  de  Champagne. 

La  vigne  commence  à  être  cultivée  avec  succès  dans  un  grand  nombre  de  pays  améri- 
cains. La  République  Argentine,  le  Chili,  le  Brésil,  l'Uruguay  et  le  Paraguay  exposaient  des 
vins  provenant  de  leurs  plantations.  Ces  vins,  sans  pouvoir  être  comparés  aux  nôtres,  sont 
cependant,  en  général,  de  suffisante  qualité.  Le  Chili  produit  annuellement  3  millions  d'hec- 
tolitres. Cette  république  exposait  également  un  lot  de  raisins  secs. 

L'exposition  purement  industrielle  du  Chili  était  peu  importante;  par  contre,  la  section 
du  pavillon  chilien  consacrée  aux  produits  animaux  naturels  offrait  un  réel  intérêt. 
On  admirait  notamment  de  merveilleuses  fourrures  de  chinchilla. 
Le  chinchilla,  ce  joli  petit  animal,  sorte  d'écureuil  à  la  fourrure  fine  et  argentée,  est 
commun  dans  les  bois  de  la  Bolivie,  du  Chili  et  du  Salvador;  les  pavillons  de  ces  États  en 
montraient  une  magnifique  exposition. 

Un  industriel  de  Valparaiso,  dans  l'Exposition  Chilienne,  montrait  des  peaux  de  gre- 
nouilles de  grande  taille,  tannées  par  un  procédé  spécial.  Ces  peaux  ont  une  belle  couleur 
vieil  argent  et  peuvent  servir  aux  menus  objets  de  la  maroquinerie  de  luxe. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    ÎS^O 


37 


REPUBLIQUE    DE    L'EQUATEUR 


Qui  ne  se  rappelle,  au  milieu  d'une  pelouse  touchant  presque  à  l'un  des  piliers  de  la 
tour  Eiffel,  ce  cube  de  granit  gris,  tout  uni,  percé  seulement  de  deux  portes  gardées  par 
d'énormes  batraciens  de  pierre,  aux  sculptures  primitives,  et  ayant,  à  son  faite,  pour  seul 
ornement,  une  ligne  de  créneaux  recourbés  en  points  d'interrogation?  Cette  construction, 
une  des  plus  petites  du  Champ-de-Mars,  copie  exacte  des  antiques  maisons  aztèques,  était 
le  pavillon  de  l'Equateur. 
La  simplicité  extérieure 
de  l'édifice,  rappelant  une 
civilisation  disparue,  fai- 
sait un  étrange  contraste 
avec  l'intérieur,  luxueu- 
sement décoré.  Là,  dra- 
peaux aux  vives  couleurs, 
étoffes  soyeuses,  oiseaux 
au  brillant  plumage,  pa- 
noplies d'armes  indigè- 
nes, bibelots  rares,  ser- 
vaient de  cadre  aux  pro- 
duits agricoles  et  aux 
minerais  précieux  d'une 
terre  féconde  et  riche. 

Parmi  toutes  ces  ré- 
publiques américaines, 
qui  ont  été  tant  de  fois 
agitées  par  des  révolu- 
tions et  de  sanglantes  guerres  civiles  depuis  le  jour  où  elles  se  sont  affranchies  du  joug  de 
l'Espagne,  nous  pouvons  citer  la  République  de  l'Equateur  comme  une  de  celles  qui  sont 
entrées  définitivement  dans  la  voie  du  progrès,  et  qui  ont  ouvert  largement  leurs  portes  à 
tous  les  bienfaits  de  la  civilisation.  Sous  la  cruelle  dictature  présidentielle  de  Morcno,  déjà 
de  grands  encouragements  avaient  été  donnés  à  l'agriculture,  à  l'industrie  et  au  commerce, 
mais  c'est  surtout  dans  ces  dernières  années,  grâce  au  calme  qui  s'est  fait  dans  les  esprits, 
que  l'Equateur  a  pu  assister  au  développement  et  à  l'exploitation  de  toutes  les  richesses  de 
son  sol,  un  des  plus  fertiles  de  l'Amérique  du  Sud.  Avec  la  nouvelle  direction  qui  est  donnée 
aux  affaires  par  le  président  Flores,  le  pays  verra  se  développer  davantage  tous  les  progrès 
qui  n'ont  été,  jusqu'ici,  qu'ébauchés  par  les  administations  précédentes,  et  nous  avons  tout 
lieu  d'espérer  que  bientôt  les  relations  commerciales  de  la  jeune  république,  rendues  plus 
faciles  par  la  tranquillité  qui  règne  sur  tout  le  territoire,  accroîtront  la  richesse  et  le  bien- 
être  de  la  nation  équatorienne. 

Déjà  des  routes  nationales,  des  lignes  de  chemins  de  1er  et  de  télégraphe  relient  entre 
elles  les  principales  villes  du  pays;  des  services  de  bateaux  à  vapeur  font  communiquer  les 


Pavillon  de  la  République  de  l'Equateur. 


38  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    188M 

différents  ports  avec  tous  les   autres  pays  du  monde,  et  un  câble  sous-marin  part  de 
Guayaquil  et  aboutit  à  New-York,  après  avoir  traversé  l'isthme  de  Tehuantepec. 

Avec  une  population  de  1,200,000  habitants  environ,  parmi  laquelle  se  répand  peu  à 
peu  l'instruction  dans  toutes  les  classes  de  la  société,  l'Equateur,  dont  le  budget  ne  sera 
jamais  grevé  par  de  lourdes  charges  militaires  ou  navales,  doit  être  considéré  comme  un 
pays  de  grand  avenir.  Le  climat  y  est  chaud,  mais  dans  les  vallées  et  sur  les  plateaux,  la 
température  est  fraîche  et  agréable. 

Si  l'on  en  juge  par  l'exposition  des  produits  qui  étaient  renfermés  dans  le  pavillon  du 
Champ-de-Mars,  on  peut  se  laire  une  idée  de  la  richesse  agricole,  forestière  et  minière  de 
la  République.  Nous  avons  admiré  des  graines  énormes  du  cacaoyer,  dont  la  culture  est 
activement  poussée,  et  qui  a  fourni  à  l'exportation  en  1887  :  23,227,048  livres  pour  une 
somme  de  5,080,918  piastres.  M.  Seminario,  le  propriétaire  de  la  plus  grande  cacaoyère  de 
l'Equateur,  a  envoyé  des  échantillons  magnifiques  de  cacao.  Un  autre  produit  d'avenir,  et 
qui  est  destiné  à  être  une  des  grandes  sources  de  richesse  de  l'Equateur,  le  café,  a  déjà  donné 
à  l'exportation  1,880,088  livres  pour  249,736  piastres;  le  quinquina  (112,011  piastres),  le 
caotchouc  (102,541  piastres),  le  chanvre,  le  coton,  l'ivoire  végétal,  la  laine  végétale,  le  ta- 
marin, le  tabac  fournissent  également  à  l'exportation  des  sommes  énormes  qui  vont  cha- 
que année  en  s'augmentant. 

Le  Pavillon  renfermait  des  échantillons  de  tous  ces  produits  de  l'agriculture,  mais  il 
contenait  aussi  des  curiosités  que  nous  devons  signaler  à  l'attention  des  visiteurs.  Nous 
avons  remarqué  une  très  belle  collection  de  broderies  et  d'ouvrages  à  l'aiguille,  qtti  avaient 
été  exposés  par  des  dames  de  la  colonie  équatorienne  à  Paris  :  M,ne  d'Escombrera  et 
MUe  D.  Dorn  avaient  mis  à  la  disposition  du  Comité,  des  travaux  d'une  très  grande  finesse 
d'exécution  et  qui  ont  été  entièrement  faits  par  des  Indiennes  de  l'intérieur  du  pays.  Un 
autre  curieux  échantillon  des  travaux  faits  à  la  main,  était  un  tapis  en  laine,  de  couleurs 
artistiquement  nuancées  :  son  poids  est  de  420  livres,  et  il  a  été  estimé  à  3,000  francs. 

Signalons  également  des  ouvrages  en  plumes  d'oiseaux,  un  magnifique  cadre  en  bois 
sculpté,  un  caparaçon  exposé  par  M.  Flores,  et  qui  provient  de  l'époque  de  la  domination 
espagnole,  des  collections  de  minéraux,  de  métaux  précieux,  d'oiseaux  empaillés,  et  enfin 
des  curiosités  artistiques  d'une  grande  valeur,  comme  des  coffres  de  mariage  et  une 
lanterne  en  argent  massif  qui  appartient  à  M.  Rcyne,  un  des  membres  du  jury. 

Nous  avons  pu  examiner  très  attentivement  deux  têtes  d'Indiens  de  la  tribu  des  Ibaros, 
qui  sont  bien  une  des  choses  les  plus  curieuses  que  nous  ayons  vues  dans  notre  visite  au 
Pavillon  de  l'Equateur.  Ces  têtes  ont  été  désossées  et  se  trouvent  réduites  à  la  grosseur  du 
poing;  elle  ont  conservé  la  forme  exacte  de  la  physionomie  avec  les  cheveux,  les  cils,  les 
sourcils,  et  on  pourrait  croire  que  ce  sont  des  sculptures  sur  bois,  si  on  ne  se  rendait  pas 
compte  en  les  touchant  que  ce  sont  bien  des  têtes  humaines  auxquelles  on  a  fait  subir  cette 
opération  très  bizarre,  dans  le  but  de  les  conserver  éternellement.  C'est  M.  Lasserre,  ancien 
consul  à  Guayaquil,  qui  avait  prêté  ces  tètes  d'Indiens. 

Que  dirons-nous  maintenant  des  clïapeaux  de  paille  dont  la  finesse  dépasse  tout  ce  que 
l'on  peut  imaginer.  Une  vitrine  du  pavillon  en  renfermait  une  collection  qui  comprenait 
toutes  les  variétés  depuis  les  plus  ordinaires  jusqu'aux  échantillons  les  plus  beaux.  C'est 
dans  la  République  de  l'Equateur  que  l'on  confectionne,  en  effet,  ces  chapeaux  impropre- 
ment appelés  de  Panama,  et  qui  s'exportent  dans  le  monde  entier. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  39 

En  terminant,  rappelons  que  le  pavillon  qui  renfermait  tous  ces  produits  et  ees  curio- 
sités de  l'Equateur  était  l'œuvre  de  M.  Cliedame,  qui  a  étudié  les  antiquités  américaines 
dans  les  collections  mises  à  sa  disposition  par  M.  Ballen  et  M.  Fugère,  'sculpteur,  qui  a 
trouvé  au  Musée  ethnographique  du  Trocadéro  des  moulures  authentiques  de  sculptures 
provenant  de  temples  du  temps  des  Incas. 


RÉPUBLIQUE    DU    PARAGUAY 

Le  pavillon  que  la  République  du  Paraguay  avait  fait  élever  au  Champ-de-Mars  (côté  de 
l'avenue  de  Suiïrcn,  près  du  Palais  des  Beaux-Arts),  pour  l'exposition  des  principaux  pro- 
duits de  l'agriculture  et  de  l'industrie  de  ce  pays  dont  le  sol  est  d'une  rare  fertilité,  mérite 
d'être  signalé. 

L'espace  total  réservé  au  Paraguay  était  de  200  mètres  carrés.  La  surface  couverte  était 
de  158  mètres  carrés  et  se  composait  : 

1°  D'un  pavillon  octogonal  de  7  mètres  sur  7  mètres  et  de  9  mètres  de  hauteur; 

2°  D'un  pavillon  rectangulaire  central  de  10  mètres  sur  10  mètres  et  de  8  mètres  de 
hauteur; 

3°  D'une  tourelle  carrée  de  3  mètres  sur  3  mètres,  à  deux  étages,  ayant  15  mètres  de 
hauteur  totale. 

Les  deux  pavillons  et  la  tourelle  constituaient  ensemble  une  façade  décorative  d'une 
longueur  de  20  mètres,  bien  que  chacune  de  ces  trois  parties  forme  un  tout  distinct  pou- 
vant être  isolé,  si  on  le  désire,  des  deux  autres.  C'est,  du  reste,  ce  qui  a  eu  lieu  après 
l'Exposition  :  ces  bâtiments  ont  été  démontés  et  expédiés  kAsuncion,  capitale  du  Paraguay, 
pour  y  être  remontés  et  servir  à  une  exposition  de  produits  français. 

Ces  constructions,  entièrement  en  fer  et  en  bois,  sont  formées  de  panneaux  facilement 
démontables.  On  s'est  attaché,  autant  que  possible,  à  reproduire,  dans  l'ensemble,  aussi 
bien  que  dans  les  détails,  des  motifs  empruntés  au  type  d'architecture  des  habitations  ou 
des  monuments  publics  du  Paraguay. 

C'est  ainsi  que  les  deux  pavillons  reproduisaient  dans  leurs  colonnes  légères  et  d'un 
aspect  un  peu  étrange,  mi-palmiers,  mi-torses;  dans  les  ogives  capricieuses  des  portes; 
dans  les  toitures  avancées  et  découpées  :  soit  des  détails  empruntés  aux  églises  de  Villa-Riea 
et  d'Ita,  soit  à  d'autres  monuments  élevés  pendant  la  domination  espagnole.  Quant  à  la  tou- 
relle, dont  les  principaux  détails  ont  été'  traités  comme  de  la  menuiserie  d'art,  c'est  une 
élégante  copie  du  Mirador  (l)  qui  surmonte  au  Paraguay  toutes  les  maisons  isolées  en  rase 
campagne. 

Nous  signalerons  encore  la  corniche  du  pavillon  octogonal,  d'un  dessin  très  original, 
ainsi  que  les  portes  en  bois  curieusement  découpées  et  les  grilles  en  fer  forgé  qui  ferment 
les  diverses  ouvertures. 

(1)  Après  la  conquête  espagnole,  tous  les  établissements  agricoles  fondes  par  les  nouveaux  colons  étaient  pourvus 
d'une  tour  assez  élevée,  d'où  un  guetteur  pouvait  surveiller  la  plaine  et  signaler  l'approche  des  indigènes  pillards 
ou  des  animaux  féroces  contre  lesquels  il  fallait  se  garder.  C'est  cette  tour  élevée  qui  se  nomme  Mirador. 


40  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1SS9 


Dans  cette  élégante  construction,  il  n'est  entré  que  25  mètres  cubes  de  bois  et  trois 
tonnes  de  fer. 

Ajoutons  que  l'intérieur  des  pavillons  était  garni  de  grandes  vitrines  (de  3m,75  de  hau- 
teur sur  0m,50  de  profondeur)  dont  les  couleurs  éclatantes  (vert,  rouge,  or,  etc.)  se  déta- 
chaient vivement  sur  la  teinte  uniforme  de  la  construction  en  bois. 

Le  Paraguay  est  situé  presque  au  centre  de  l'Amérique  du  Sud  entre  la  Bolivie,  le 
Brésil,  l'Uruguay  et  la  République  Argentine.  Il  est  compris  entre  20°14'  et  27°30'  de  latitude 
australe;  58°18'  et  62°55'  de  longitude  occidentale  (de  Greenwich).  Sa  superficie  totale,  en  y 
comprenant  le  territoire  du  grand  Chaco,  est  d'environ  250,0(10  kilomètres  carrés,  sa  popu- 
lation est  à  peine  de  450, ooo  habitants. 

Cette  contrée  abonde  en  richesses  forestières  qui  ne  sont  pas  exploitées,  bien  qu'elle 
soit  traversée  par  deux  grands  fleuves,  le  Paraguay  et  le  Parana,  qui  pourraient  servir  de 
voies  importantes  de  transport  jusqu'à  la  mer.  —  Les  principales  productions  du  sol  sont  : 
le  tabac,  la  canne  à  sucre,  le  manioc,  le  ris,  le  maïs,  etc.  —  A  signaler  encore  l'élevage  du 
bétail,  des  moutons,  des  chevaux. 

Nous  n'entreprendrons  pas  ici  une  description  détaillée  de  l'exposition  du  Paraguay;  les 
produits  présentés  par  ce  pays  et  les  objets  envoyés  par  ses  exposants  étaient  nécessaire- 
ment les  mêmes  que  ceux  dont  nous  venons  de  nous  occuper  à  propos  de  nos  études  pré- 
cédentes. 

Nous  devons  toutefois  mentionner  spécialement  un  produit  nouveau,  qui  nous  parait 
appeler  à  un  avenir  considérable  ;  nous  voulons  parler  du  maté. 

Bien  que  cette  plante  ait  été  exposée  à  la  fois  dans  plusieurs  des  sections  américaines, 
il  nous  parait  équitable  de  la  rattacher  plus  particulièrement  à  l'exposition  du  Paraguay, 
car  elle  est,  par  excellence,  le  produit  de  cette  contrée. 

La  plante  yerba  maté  est  encore  peu  connue  en  Europe.  Elle  appartient  à  la  famille  des 
Ilicinacées.  Sa  feuille  luisante  et  épaisse,  ayant  quelque  ressemblance  avec  celle  du  laurier, 
donne  une  infusion  parfumée,  rappelant  le  thé  de  Chine,  mais  moins  agréable. 

On  a  attribué  à  Vyerba  maté  nombre  de  qualités  passablement  merveilleuses  et  dont 
l'exactitude  reste  encore  à  démontrer.  Les  premiers  importateurs  ou  introducteurs  du  maté 
en  Europe,  ont  prétendu  que  cette  Herbo  jouait  un  rôle  considérable  dans  l'alimentation 
et  dans  la  manière  de  vivre  des  tribus  indiennes. 

De  nombreuses  études  faites  sur  ce  produit  n'ont  pas  permis  d'y  trouver  les  extraordi- 
naires vertus  que  les  indigènes  lui  attribuent,  entre  autres  celle  de  remplacer  tout  nourri- 
ture pendant  plusieurs  jours. 

Quelques  spécialistes  ont  conclu  qu'il  convient,  mieux  que  le  café,  aux  femmes,  aux 
enfants,  aux  convalescents,  aux  névrotiques,  à  tous  ceux,  enfin,  qui  souffrent  d'insomnies 
ou  de  complications  nerveuses. 

Dans  ses  pays  d'origine,  le  Paraguay,  le  Brésil,  l'Argentine,  il  se  fait  une  grande  con- 
sommation de  maté. 

La  récolte  des  feuilles  s'effectue  tous  les  deux  ou  trois  ans;  pour  les  livrer  au  commerce 
on  les  torréfie,  on  leur  fait  subir  un  commencement  de  fermentation  et  on  les  pulvérise. 

A  ce  nom  de  yerba  maté  se  rattache  celui  d'un  de  nos  savants  compatriotes  qui  eut  son 
heure  de  célébrité  :  Aimé  Bonpland.  C'est  Aimé  Bonpland  qui  le  premier,  dans  l'Argentine, 
cultiva  méthodiquement  cet  arbrisseau;  par  là  il  acquit  la  reconnaissance  de  son  pays 


sa 
3 


42  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

d'adoption,  si  bien  qu'après  sa  mort,  survenue  en  1858,  le  gouvernement  de  la  province  de 
Corrientes  décréta  l'érection  d'un  monument  à  sa  mémoire. 

Le  maté,  qu'on  appelle  encore  thé  du  Paraguay,  devait  être  bien  représenté  à  l'exposi- 
tion de  ce  pays.  On  le  trouvait  aussi  en  bonne  place  au  palais  argentin  et  à  l'exposition 
brésilienne  :  il  remplissait  deux  grandes  vitrines,  contenant  des  produits  préparés  par  la 
grande  usine  à  maté  de  M.  Fontana  de  Parana. 

En  terminant  cette  trop  rapide  étude  de  l'exposition  du  Paraguay,  il  convient  de  féli- 
citer son  honorable  organisateur,  M.  Ch.  Cadiot,  le  sympathique  consul  général  de  la  Répu- 
blique à  Paris. 


LE    PEROU 

Le  Pérou,  lui  aussi,  avait  tenu  à  participer  à  l'Exposition.  Malheureusement,  soit  faute 
de  temps,  soit  pour  tout  autre  motif,  l'exposition  de  cet  intéressant  pays  n'a  pas  été  ce 
qu'elle  devait  être. 

Comme  la  Colombie,  c'est  dans  le  Pavillon  de  l'Uruguay  que  le  Pérou  avait  installé  son 
exposition. 

Cette  exposition  ne  manquait  pas  d'intérêt,  et  tout  ce  que  les  autres  États  américains 
avaient  exposé  en  grand,  mines,  agriculture,  produits  manufacturés,  le  Pérou  l'exposait  en 
petit  et  certains  de  ses  produits  étaient  assurément  remarquables. 


RÉPUBLIQUE    DE    L'URUGUAY 

Le  Pavillon  de  l'Uruguay,  modeste  sans  doute,  mais  parfaitement  compris  et  très  intel- 
ligemment disposé  faisait  le  plus  grand  honneur  à  son  architecte,  M.  Schmitt. 

Il  se  composait  essentiellement  de  grands  murs  de  briques  coloriées,  enchâssées  dans 
une  armature  métallique,  peinte  en  bleu  gris. 

Une  porte  monumentale  donnait  accès  au  pavillon;  cette  porte  décorée  de  céramiques 
aux  couleurs  éclatantes  était  du  plus  bel  aspect  et  formait  un  ensemble  décoratif  du  plus 
heureux  effet. 

La  lumière,  habilement  ménagée,  était  distribuée  abondamment  sur  la  grande  salle  et 
les  galeries  par  une  large  coupole  flanquée  de  quatre  autres  plus  petites. 

Le  jour  tombait  ainsi  d'aplomb  sur  les  vitrines  éparses,  mettant  en  valeur  les  très  nom- 
breuses et  très  intéressantes  collections  d'objets  exposés. 

Quoique  merveilleusement  doué  au  point  de  vue  de  la  production  agricole,  l'Uruguay 
tire  cependant  ses  principales  ressources  des  richesses  souterraines  de  son  sol.  Aussi  l'expo- 
sition minière  était-elle  particulièrement  intéressante. 

On  remarquait  notamment  une  magnifique  collection  présentée  par  les  mines  d'or  de 
Cùna-Piru  et  de  nombreux  minerais  divers. 

Il  convient  de  signaler  aussi  quelques  marbres.  Il  ne  faut  pas  oublier  les  eaux  minérales 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  43 

de  Santa-Lucia  et  de  Santa-Anna,  présentées  dans  des  bouteilles  étiquetées,  bouchées  et 
capsulées  comme  celles  qui  contiennent  les  eaux  de  Vichy  et  de  Vais. 

L'Uruguay  compte  aujourd'hui  459,000  hectares  de  terrains  comptantes  en  vignes;  il  est 
encore  loin  de  suffire  à  sa  consommation.  La  vigne  y  est  une  industrie  naissante,  mais  très 
prospère. 

Son  exposition  offrait  quelques  échantillons  de  vins  ordinaires.  A  signaler,  là 
aussi,  certaines  préparations  de  viandes  qui,  par  leur  aspect  et  leur  goût,  appartiennent 
plus  à  l'art  pharmaceutique  qu'à  la  cuisine  ordinaire. 


ETATS-UNIS    DU    VENEZUELA 

Il  n'existait  pas,  dans  toute  la  partie  du  Champ-de-Mars  réservée  aux  pavillons  amé- 
ricains, une  seule  construction  qui  puisse  être  comparée,  pour  l'élégance  artistique  et  le 
style  de  l'architecture,  à  celle  qui  avait  été  élevée  par  M.  Paulin,  sous  la  direction  du  Comité 
vénézuélien.  Ce  pavillon  rappellait  par  sa  forme  extérieure  et  son  aménagement  intérieur 
les  édifices  hispano-mauresques  avec  la  disposition  des  maisons  d'habitation  du  Venezuela. 

C'est  dans  les  vastes  salles  de  ce  palais,  qui  jetait  une  note  d'un  blanc  de  marbre  au 
milieu  de  toutes  les  bâtisses  américaines,  que  M.  Alvacado,  commissaire  délégué  du  gou- 
vernement, avait  installé,  avec  beaucoup  de  goût,  tous  les  produits  qui  lui  furent  adressés 
du  Venezuela  par  M.  Parra  Bolivar,  consul  au  Havre,  spécialement  chargé  de  l'organisation 
primitive  de  l'Exposition  à  Carracas. 

Les  collections  des  richesses  agricoles  et  minières  étaient  nombreuses  et  classées  sans 
encombrement,  de  façon  à  permettre  aux  visiteurs  d'admirer  et  d'étudier  sans  fatigue  tous 
les  échantillons  des  bois  de  construction,  de  teinture  et  d'ébénisterie,  ainsi  que  les  plantes 
industrielles,  textiles  et  médicinales,  qui  sont  une  grande  source  de  revenu  pour  le 
Venezuela. 

Nous  devons  spécialement  mentionner  les  cafés,  qui  sont  très  estimés  et  d'une  qualité 
tout  à  fait  supérieure  ;  les  cacaos,  qui  alimentent  nos  meilleures  usines  européennes  ;  et  les 
excellents  tabacs  qui  se  vendent  aux  différentes  industries  étrangères  pour  la  fabrication 
des  cigares  dits  de  la  Havane. 

Le  règne  minéral  était  représenté  par  une  collection  très  intéressante  et  très  complète. 
La  fameuse  mine  d'El-Callao,  dont  la  production  a  dépassé  112  millions  dans  ces  17  der- 
nières années,  exposait  des  minerais  d'or  très  remarquables.  Il  faut  aussi  signaler  les  quartz 
aurifères,  argentifères  et  ferrifères,  les  kaolins,  les  argiles,  les  carbonates  de  cuivre,  les  char- 
bons de  terre,  les  schistes,  puis  la  collection  des  eaux  minérales,  dont  le  pays,  comme  on 
sait,  est  fort  riche. 

Pour  attirer  l'attention  des  visiteurs  et  leur  rendre  plus  compréhensibles  les  résultats  de 
son  exploitation,  la  compagnie  minière  du  Callao  avait  imaginé  de  représenter  par  une 
pyramide  de  bois  doré  le  volume  de  l'or  extrait  jusqu'à  ce  jour.  Si  cette  pyramide  avait  été 
réellement  en  or,  elle  aurait  pesé  1,217,057  onces,  et  sa  valeur  en  francs  aurait  été  de  rent 
vingt  millions.  A  côté  de  la  pyramide  du  Callao  se  trouvaient,  sous  vitrine,  des  minerais  de 


44  1,'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

cuivre  de  l'exploitation  d'Aroa  ;  puis,  dispersés  un  peu  de  tous  côtés,  des  échantillons  de 
de  fer  oligiste,  de  galènes  argentifères,  de  marbre  et  des  spécimens  de  houille  des  gisements 
de  Toas,  d'Orituco,  de  Curamichate  et  de  Ncveri,  ainsi  que  des  huiles  minérales,  huiles  de 
naphte,  huile  carbonique,  etc. 

Le  docteur  G.  Marcano  avait  organisé,  dans  le  pavillon  vénézuélien,  une  superbe  expo- 
sition ethnographique  qui  comprenait  plus  de  2,000  numéros  et  qui  a  été  l'objet  d'études 
très  sérieuses  de  la  part  des  savants  de  tous  les  pays  qui  ont  visité  le  pavillon.  On  y  voyait 
les  ustensiles  employés  par  les  Indiens  autochtones,  avant  et  après  la  découverte  de  l'Amé- 
rique, des  armes  et  autres  objets  en  silex,  plus  de  200  crânes  d'indigènes,  des  tombeaux, 
des  idoles  indiennes,  des  reproductions  d'habitation,  etc. 

La  collection  d'histoire  naturelle  était  également  très  complète  :  elle  comprenait  un 
grand  nombre  de  types  de  la  faune  indigène  et  une  classification  des  insectes  du  pays. 

Les  sections  industrielles  de  l'Exposition  du  Venezuela  étaient  importantes  et  pré- 
sentaient un  intérêt  réel. 

On  remarquait  de  nombreuses  préparations  à  la  salsepareille,  arbrisseau  aux  racines 
traçantes  qui  croit  en  abondance  dans  les  environs  de  Caracas,  au  quinquina  sous  forme 
de  vins  et  de  rhums,  ainsi  qu'à  la  coca,  etc. 

Les  rhums  de  bonne  qualité  méritent  une  mention  spéciale,  de  même  que  plusieurs 
espèces  de  bitters,  particulièrement  le  bitter  d' Angostura,  fébrifuge  connu  en  Europe  sous  le 
nom  de  bitter  américain.  De  savants  chimistes  de  Caracas,  MM.  A.  Muntz  et  Marcano, 
avaient  exposé  des  spécimens  de  pevseite,  ù'achrosite  et  de  dulcite  de  byrsonima,  nouvelles 
matières  sucrées,  fruit  de  leurs  récentes  découvertes,  ainsi  que  des  peptones,  des 
glultens,  etc. 

La  vue  de  toutes  ces  richesses  rassemblées  dans  l'élégant  palais  du  Venezuela,  donnait 
une  idée  des  ressources  de  ce  pays  fertile  entre  toutes  les  contrées  de  rAmérique  du  Sud. 

Le  tableau  suivant  permet  du  reste  d'apprécier  toute  l'importance  du  commerce 
vénézuélien.  C'est  le  relevé  officiel  du  trafic  du  Venezuela,  à  l'importation  et  à  l'exportation. 

Importation.  Exportation. 

Allemagne 10.331.279  13.460.390 

Angleterre 17.744.480  23,510.113 

Belgique 71.197  182.610 

Espagne 1.343.358  1.821.256 

Hollande 475.721  811. G77 

Italie.  .        SOC. 012  251.770 

France 13.059.364  12.651.777 

Élals-Unis 24.862.879  19.713.82:5 

Colombie 2.433.868  4.345.471 

Uruguay 53.491  » 

Guyane  anglaise 2.980  » 

Suisse d  2.300 

Antilles  espagnoles 207.034  178.622 

Antilles  hollandaises 55s. 234  942.639 

Antilles  anglaises 1.534.047  1.052.843 

Antilles  françaises 2.121  » 

Antilles  danoises 1.780  » 

Il  faut  ajouter  à  ces  chiffes  5,000,130  de  marchandises  en  transit  pour  la  Colombie. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  45 

Nous  compléterons  notre  visite  à  l'exposition  du  Venezuela  en  donnant  quelques  notes 
sur  la  situation  des  États-Unis  de  Venezuela  qui  sont  bornés  au  nord  par  la  mer  des 
Antilles,  au  sud  par  le  Brésil  et  la  Guyane  anglaise,  à  l'est,  par  l'Océan  Atlantique  et  à 
l'ouest  par  les  États-Unis  de  Colombie.  La  superficie  du  pays  est  immense  et  peut  être 
évaluée  au  triple  de  celle  de  la  France. 

Ce  sont  les  Espagnols  qui  abordèrent  pour  la  première  fois  au  Venezuela  en  1499  et 
c'est  en  1527  qu'ils  en  firent  la  conquête  définitive.  Jusqu'à  la  fin  du  xvin0  siècle,  le  pays  fut 
tenu  par  le  gouvernement  espagnol  dans  une  véritable  servitude,  mais,  en  1797, un  premier 
soulèvement  eut  lieu,  suivi  en  1806  d'une  insurrection  dirigée  par  Miranda.  Ces  tentatives 
d'indépendance  échouèrent  et  furent  réprimées  par  d'horribles  massacres.  En  1810  et  1811 
l'insurrection  éclata  de  nouveau  et  fut  suivie  de  la  proclamation  de  l'indépendance  de 
toutes  les  provinces  qui  forment  aujourd'hui  la  Confédération  des  États-Unis  de  Venezuela. 
Ce  ne  fut  pourtant  qu'en  1820  après  la  lutte  incessante  de  l'illustre  général  Bolivar  que  la 
guerre  avec  l'Espagne  fut  définitivement  terminée. 

Depuis  cette  époque,  le  Venezuela  a  passé  par  des  périodes  de  calme  et  d'agitation 
intérieure  qui  ont  entravé  pendant  quelques  années  le  complet  développement  du  pays. 
Aujourd'hui,  après  l'administration  du  général  Guzman-Blanco  et,  surtout,  à  la  suite  de 
l'élection  à  la  présidence  du  docteur  Rojas  Paul,  habile  administrateur  et  homme  intègre, 
les  États-Unis  de  Venezuela  semblent  entrer  définitivement  dans  la  voie  de  la  tranquillité 
absolue. 

Les  passions  politiques  s'apaisent,  les  querelles  de  partis  s'effacent  devant  le  désir  qui 
anime  tout  Vénézuélien  de  faire  de  son  pays  une  nation  grande  et  forte,  laborieuse, 
industrieuse  et  capable  de  tenir  la  tête  parmi  les  républiques  américaines. 

En  terminant  notre  visite  aux  pavillons  américains,  nous  dirons  que  la  France  a  été 
particulièrement  heureuse  du  concours  que.  les  républiques  d'au  delà  de  l'Atlantique  ont 
bien  voulu  apporter  à  l'Exposition  de  188'.».  Elle  a  eu  plaisir  à  saluer  ces  nations  amies,  dont 
l'activité  commerciale  et  industrielle  s'est  si  brillamment  révélée,  et  elle  fonde  les  plus 
grandes  espérances  pour  l'avenir  sur  les  relations  plus  étroites  qu'elle  a  été  à  même  de  nouer 
avec  elles. 


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ROYAUME    D'HAWAI 


les  vingt  récompenses  décernées  par  le  jury  de  l'Exposition  Universelle  à  la  section 
hawaïenne  prouvent  tout  le  succès  qu'elle  a  obtenu  dans  ce  concours  international. 
L'archipel  des  Iles  Hawaïennes,  ou  Sandwich,  découvert  en  1778  par  Cook,  est, 
sans  contredit,  le  plus  civilisé  des  archipels  océaniens,  bien  qu'il  soit  le  plus  isolé  de 
toute  la  Polynésie. 

Il  se  compose  île  huit  iles  principales  ayant  une  superficie  totale  de  20,000  mètres  carrés; 
sa  population  est,  d'après  les  derniers  recensements  de80,000  habitants  environ,  dont  moitié 
indigènes  et  moitié  étrangers. 

C'est  en  1810  que  le  roi  Kamehameha  Ier  réussit  à  réunir  ce  groupe  d'iles  sous  son 
pouvoir  et  fonda  le  royaume  hawaïen.  Il  chercha  alors,  à  l'aide  de  missionnaires  anglais,  à 
introduire  les  éléments  de  la  civilisation  européenne. 

Les  Havaïens  sont  généralement  de  belle  taille,  robustes,  courageux  et  intelligents;  leurs 
yeux  sont  noirs  et  brillants,  leurs  cheveux  ne  sont  pas  crépus,  leur  physionomie  est 
gracieuse,  leur  caractère  est  gai,  affable;  ils  ont  des  mœurs  très  douces  et  sont  très  hospita- 
liers. 

Les  missionnaires  anglais  et  américains  leur  ont  fait  abandonner  leurs  anciennes  cou- 
tumes en  les  convertissant  au  christianisme.  C'est  le  fils  de  Kamehameha  Ier  qui  a  donné 
lui-même  l'exemple  à  son  peuple  en  embrassant  la  religion  chrétienne. 

L'ancien  culte,  les  anciennes  lois,  les  anciennes  coutumes  ont  promptement  disparu,  et 
le  voisinage  de  la  grande  cité  de  San-Francisco  n'a  pas  peu  contribué,  par  son  influence 
civilisatrice,  à  pousser  ces  pays  nouveaux  dans  la  voie  du  progrès. 

Les  Hawaïens,  aussi  bien  les  femmes  que  les  hommes,  savent  lire,  écrire  et  compter  ; 
l'instruction  est  obligatoire,  et  il  y  a  des  quantités  d'écoles  de  différents  degrés  dans  le 
royaume. 

Les  systèmes  employés  pour  le  développement  de  l'instruction  faisaient  l'objet  principal 
delà  section  du  royaume  hawaïen  à  l'Exposition  Universelle  de  Paris,  où  l'on  pouvait  voir  les 
spécimens  des  résultats  obtenus  dans  l'enseignement,  lesquels  ont  remporté  une  médaille  d'or. 

L'anglais  est  la  langue  qui  a  été  adoptée  pour  remplacer  l'ancien  dialecte  de  l'origine. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE     1889  47 

Les  principales  richesses  du  pays  consistent  en  l'élevage  du  bétail,  la  culture  de  la 
canne  à  sucre  et  du  caféier;  en  outre,  les  indigènes  se  livrent  à  la  fabrication  de  tissus  et  de 
sacs  de  fibres  végétales. 

De  nombreuses  éruptions  de  volcan  eurent  lieu  pendant  longtemps,  de  telle  sorte  que 
les  terres  des  îles  Hawaïennes  sont,  en  général,  empreintes  de  laves  refroidies,  dont  on 
trouve  encore  des  traces  dans  les  forêts. 

Le  sol  est  cependant  très  fertile,  et  les  habitants  le  cultivent  avec  beaucoup  de  soins. 

Le  pays  est,  du  reste,  fort  pittoresque,  on  y  voit  de  hautes  montagnes  couvertes  de 
neiges,  d'où  s'écoulent  de  nombreux  cours  d'eau  qui  arrosent  de  riches  et  fertiles  vallées. 
La  température  y  est  modérée,  la  pluie  assez  fréquente. 

Les  Hawaïens  ont  commencé  à  se  livrer  au  commerce,  qui  était  précédemment  entre 
les  mains  des  Anglais  et  des  Américains. 

Parmi  les  principaux  produits  qui  peuvent  s'exporter,  il  faut  citer  en  première  ligne  le 
sucre,  dont  la  production  est  de  120,000  tonnes;  puis  après  le  riz,  le  café,  les  peaux  de 
bœufs  et  de  chèvres,  la  laine,  le  coton,  les  bois  de  santal  et  le  bois  d'ébénisterie,  l'arrow- 
root,  le  tabac,  l'indigo,  le  ricin,  le  blanc  de  baleine,  les  bananes,  etc. 

L'importation  se  fait  de  l'Amérique,  de  l'Angleterre,  de  l'Allemagne  et,  malheureuse- 
ment pour  une  trop  petite  part,  de  la  France,  et  encore  par  l'intermédiaire  d'étrangers.  Elle 
consiste  en  meubles,  bois  de  construction,  boissons  de  toutes  sortes,  habillements,  confec- 
tions, fantaisies,  articles  de  modes,  charbons,  épices,  céréales,  provisions,  chaussures, 
quincaillerie,  outils,  ferblanterie,  médicaments,  etc. 

La  navigation,  qui  a  déjà  pris  un  grand  développement,  tend  à  s'accroître  tous  les  jours; 
l'archipel  des  îles  Hawaïennes  offre  plusieurs  ports  sûrs,  et  il  existe  des  services  réguliers 
entre  Honolulu  et  San-Francisco. 

Tout  ce  groupe  d'iles  obéit  au  même  roi,  entouré  d'un  gouvernement  pris  parmi  les 
membres  élus  de  deux  chambres.  —  Cet  essai  d'un  gouvernement  constitutionnel  sembla- 
ble aux  gouvernements  de  la  libre  Europe  est  tout  nouveau,  et  on  ne  peut  encore  savoir 
ce  qu'il  pourra  donner  de  bon.  L'expérience  seule  fera  connaître  s'il  peut  convenir  aux 
mœurs  de  ce  peuple  gouverné  jusqu'ici  par  un  roi  absolu  et  des  coutumes  des  gouverne- 
ments personnels. 

David  Laamca  Kalakaua,  proclamé  roi  le  12  février  1873  et  couronné  à  Honolulu  le 
12  février  1883,  est  une  personnalité  remarquable.  D'une  haute  taille  et  d'une  ligure  expres- 
sive, il  est  très  intelligent  et  possède  une  instruction  très  complète. 

Il  fit  des  études  très  suivies,  études  militaires  et  études  de  droit;  il  a  parcouru  tous  les 
grades,  a  occupé'  les  hautes  fonctions  de  président  delà  cour  suprême  de  justice  et  de 
membre  du  conseil  privé  de  l'Etat.  Il  a  été  secrétaire  du  Ministère  de  l'intérieur,  puis  maître 
général  des  postes  et  enfin  chambellan  du  roi  Kamchameha  V. 

Il  fit  de  nombreux  voyages  à  l'étranger,  et,  il  y  a  trois  ans,  il  parcourut  le  monde  entier 
et  visita  les  principales  cours  de  l'Europe. 

Il  a  étudié  tous  les  progrès  de  la  civilisation  moderne  pour  en  faire  profiter  son  peuple, 
et  il  recherche  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  sa  prospérité. 

Les  chemins  de  fer,  le  télégraphe,  le  téléphone,  la  lumière  électrique,  toutes  les  in\  en- 
tions et  tous  les  progrès  modernes  ont  été  introduits  dans  ces  pays  par  ce  roi  intelligent 
et  civilisateur. 


48  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

L'ile  Hawaï  est  la  plus  grande  de  l'archipel  :  184  kilomètres  de  longueur  sur  132  de 
largeur;  on  y  rencontre  les  montagnes  les  plus  élevées,  entre  autres  le  Mouna-Roa,  dont 
l'altitude  est  de  4843  mètres. 

Le  littoral  est  très  habité  et  très  cultivé;  les  productions  du  sol  sont  riches  et  nom- 
breuses, la  principale  est  la  canne  à  sucre. 

L'ile  Ooahou  est,  après  Hawaï,  sinon  la  plus  grande,  du  moins  la  plus  importante,  c'est 
là  que  se  trouve  la  capitale,  Honolulu. 

L'intérieur  de  l'ile  est  aride,  mais  tout,  le  littoral  est  d'une  très  grande  fertilité  et  le 
climat  y  est  très  doux. 

Les  autres  iles  sont  :  Kanouaï,  où  il  existe  de  grandes  quantités  de  corail;  Manouï,  où 
l'on  trouve  les  mêmes  productions  qu'à  Hawaï;  Moloknï,  Lanaï,  Nilhaou,  Kadoulaw, 
cette  dernière  inhabitée. 

La  capitale  du  royaume,  Honolulu,  dans  l'ile  Ooahou,  dont  la  population  est  d'en- 
viron 15,000  habitants,  mérite  en  tous  points  son  titre. 

Sa  situation  maritime  est  excellente  au  point  du  vue  commercial  et  de  ravitaillement; 
elle  a  un  port  intérieur  et  un  port  extérieur;  le  mouvement  commercial  est  très  actif. 

Honolulu,  la  résidence  du  roi,  possède  de  superbes  palais  et  de  nombreux  édifices,  des 
rues  régulières  et  de  vastes  quais. 

Parmi  les  autres  villes,  on  doit  signaler  Keara  Kehoua,  située  sur  la  côte  occidentale 
de  l'ile  Hawaï,  où  Cook  fut  massacré  le  14  février  1779. 

Le  gouvernement  hawaïen,  qui  a  accepté  de  participer  à  l'Exposition  Universelle,  avait 
exposé  dans  un  coquet  pavillon  séparé,  une  collection  fort  curieuse  d'objets  anciens  et 
modernes.  On  y  remarquait  une  magnifique  armoire,  en  bois  indigène,  fabriquée  aux  iles 
même;  des  tables  en  marqueterie,  des  morceaux  de  laves  de  la  coulée  de  1868  et  de  celle 
de  1887,  des  tableaux  et  photographies  représentant  différentes  vues  du  pays,  beaucoup 
d'objets  en  plume  d'oiseaux  et  de  paons,  tapis,  sortie  de  bal,  cadres  tous  fort  curieux  et 
un  superbe  casque  en  plumes  d'oiseaux  rares  ayant  appartenu  au  roi  Kaumualii,  dernier 
roi  de  l'ile  Hawaï,  vaincu  il  y  a  un  siècle  par  Kamehameha  I"  ;  enfin  des  textiles,  des 
coquillages  et  deux  grands  portraits  du  roi  Kalakaua  Ier  et  de  la  reine  Kapiolani. 

La  participation  de  ce  pays,  pour  ainsi  dire  nouveau,  à  la  grande  œuvre  de  l'Exposition 
de  1889,  est  un  gage  assuré  de  ses  progrès  futurs  dans  la  voie  de  la  civilisation.  Ces  progrès 
sont  certains  pour  celui  qui  s'est  rendu  compte  de  ceux  qu'il  a  faits  dans  la  voie  de  l'ins- 
truction. 

L'instruction  publique  est  organisée  aux  îles  Hawaï  comme  dans  les  pays  les  plus  civi- 
lisés de  l'Europe  ;  elle  est  obligatoire  et  à  peu  près  gratuite,  et  les  progrès  faits  par  ces  jeunes 
générations  sont  surprenants. 

11  faut,  pour  être  juste, faire  honneur  de  ces  résultats  admirables,  à  ce  monarque,  qui  est 
entré  avec  une  résolution  si  méritoire  et  une  intelligence  si  clairvoyante,  dans  les  grandes 
voies  du  progrès  moderne. 

Le  commerce  a  pris  dans  ces  dernières  années  un  grand  développement.  En  1870,  les 
produits  hawaïens  exportés  atteignaient  le  chiffre  de  1,514,425  dollars  ;  en  1880,  celui  de 
4,889,194 dollars  ;  en  1886,  celui  de  10,448,970  dollars.  Cette  grande  augmentation  de  l'ex- 
portation des  produits  du  pays  provient  surtout  de  l'extension  prise  par  la  culture  de  la 
canne  à  sucre.  Les  principaux  produits  exportés  sont  le  sucre,  la  mélasse,  le  riz,  le  café,  les 


III 


50  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

peaux,  les  suifs,  les  laines,  les  bananes.  Le  principal  commerce  d'exportation  se  fait  avec 
les  États-Unis,  puis  avec  l'Angleterre,  la  Chine,  le  Japon,  etc. 

Les  principales  importations  consistent  en  matières  nécessaires  à  l'industrie, 
en  vêtements,  en  chapeaux,  etc.  Le  chiffre  des  importations  s'est  élevé,  en  1886,  à 
4,877,738  dollars.  En  somme,  le  mouvement  commercial  est  extrêmement  satisfaisant. 

Il  nous  reste  bien  peu  de  place  pour  parler  de  l'Exposition  du  royaume  d'Hawaï,  fort 
intéressante  cependant.  Elle  comprenait  non  seulement  les  produits  naturels  du  sol,  mais 
encore  les  produits  industriels,  car  il  faut  noter  que  l'industrie  s'est  beaucoup  développée 
dans  ce  pays. 

Quand  le  gouvernement  hawaïen  eut  décidé  de  participer  à  l'Exposition,  il  fit  choix, 
comme  commissaire  spécial,  de  M.  Houle,  consul  général  du  royaume  à  Paris.  C'est  M.  Houle 
qui  s'est  occupé  de  l'installation  et  de  l'organisation  de  l'exposition,  et  certes  le  gouverne- 
ment d'Honolulu  ne  pouvait  faire  un  meilleur  choix.  Cette  installation  a  fait  grand  honneur 
au  commissaire  spécial. 

L'Exposition  hawaïenne  était  installée  dans  un  chalet  très  coquet,  proche  des  pavillons 
des  républiques  américaines.  Ce  chalet,  fort  original,  el  décoré  d'incrustations  en  faïence 
représentant  les  armes  du  pays,  avait  été  construit  par  M.  Bon,  architecte. 

Parmi  les  produits  naturels  exposés,  nous  citerons  des  échantillons  de  sucres,  de 
cannes  à  sucre,  de  riz,  de  cafés,  de  tabacs,  de  racines,  de  taro,  de  bois,  de  plantes,  etc. 

L'industrie  était  représentée  par  des  éventails,  par  différents  objets  fabriqués  en 
plumes,  etc.;  l'art,  par  des  peintures  à  l'huile,  des  gravures,  des  albums  de  photographies, 
des  instruments  de  musique,  etc. 

Mentionnons  aussi  des  curiosités  du  pays,  des  laves  et  des  minéraux,  des  antiquités 
et  des  idoles. 

Nous  attirerons  l'attention  sur  les  rapports  relatifs  à  l'instruction  publique,  les  livres 
d'enseignement,  les  plans  d'écoles,  les  travaux  des  élèves.  C'est  là,  à  notre  avis,  la  grande 
gloire  du  royaume  d'Hawaï,  et  nous  tenons,  en  terminant,  à  signaler  de  nouveau  ce  fait 
si  surprenant  que  l'instruction  primaire  n'est  répandue  nulle  part  autant  que  dans  ces 
îles  océaniennes,  naguère  à  l'état  sauvage.  En  1867,  c'est  Hawaï  qui  a  obtenu  le  grand 
diplôme  d'honneur  pour  la  propagation  de  l'instruction  publique  :  c'était  là  une  belle  leçon 
de  civilisation  donnée  par  ce  petit  État  aux  grandes  nations  européennes.  Nous  avons 
été  heureux  de  retrouver  le  même  État  à  notre  Exposition  de  1889  et  de  constater  que 
depuis  vingt-deux  ans  Hawaï  ne  s'est  pas  arrêté  dans  la  voie  du  progrès;  qu'il  a,  au 
contraire,  toujours  marché  en  avant,  non  seulement  pour  l'instruction,  mais  encore 
sous  le  rapport  de  l'industrie,  ainsi  que  les  visiteurs  de  l'Exposition  ont  pu  le  constater 
avec  un  étonnement  mêlé  d'admiration. 


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L'ASIE    A    L'EXPOSITION 


'exposition  des,  Pays  du  soleil,  selon  l'heureuse  expression  quia  servi,  en  1889,  à 
désigner  l'ensemble  des  sections  d'Orient  et  d'Extrême-Orient,  comprenait  non 
seulement  l'Egypte  et  le  Maroc  —  c'est-à-dire  l'Afrique  —  mais  encore  la  Chine, 
le  Japon,  la  Perse  et  le  Siam,  représentant  la  vieille  Asie  dans  cette  exhibition  spéciale  des 
continents  privilégiés  et  mystérieux. 

Pour  le  grand  public,  Orient,  Extrême-Orient,  Pays  du  soleil,  tout  cela  ne  signifiait  pas 
grand'chose,  tout  se  résumant  et  se  synthétisant  dans  une  seule  appellation  :  la  rue  du 
Caire.  Et  pour  la  foule,  la  rue  du  Caire,  c'était  l'Egypte,  —  d'aucuns  disaient  même  la  Turquie. 
II  serait  grandement  injuste  de  tenir  pour  exacte  cette  définition. 

Sans  amoindrir  en  rien  le  très  grand  succès  et  l'incontestable  mérite  de  l'exhibition 
égyptienne  —  à  laquelle  on  peut  joindre  et  assimiler  l'exposition  du  Maroc  —  il  n'est  que 
juste  d'insister  sur  le  grand  attrait  et  l'indiscutable  valeur  des  sections  asiatiques  au 
double  point  de  vue  artistique  et  pittoresque. 


LA   SECTION   CHINOISE 


Ceux  qui  ont  pu  admirer  la  section  chinoise  en  1867  et  1878  se  demandent  comment 
l'empire  chinois,  qui  n'a  pourtant  subi  aucune  transformation  politique  ni  administrative,  a 
été  réduit  à  occuper  un  espace  aussi  restreint  en  1889.  La  réponse  est  facile  à  faire  :  le  gou- 
vernement n'a  pu,  malheureusement,  prendre  part,  cette  fois,  à  l'Exposition  Universelle 
de  1889,  tous  ses  crédits  étant  absorbés  par  la  nécessité  de  remédier,  au  plus  vite,  aux 
misères  causées  par  le  débordement  du  fleuve  Jaune;  car,  à  chacune  de  ses  dernières 
participations,  la  Chine  avait  donné  une  subvention  de  4  à  500,000  francs  aux  exposants  ; 
il  lui  était  impossible  d'agir  de  même,  cette  fois,  en  face  des  désastres  occasionnés  par 
une  calamité  sans  exemple  depuis  un  siècle. 

Pourtant,  désireux  de  témoigner  de  sa  bonne  volonté  à  l'égard  du  gouvernement  de  la 


52 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


République  française,  le  cabinet  chinois   avait  donne  l'ordre  aux  sous-intendants  des 
douanes  de  tous  les  ports  ouverts  au  commerce  d'encourager  les  négociants  ou  industriels 


Au  café  du  Maroc  :  la  rlansc  des  écliarpes. 


qui  voudraient  prendre  part  à  l'Exposition.  Il  leur  était  accordé  franchise  des  droits  à  l'ex- 
portation pour  tous  objets  destinés  à  figurer  au  Ghamp-de-Mars. 

Malgré  ces  facilités,  les  maisons  chinoises  hésitaient  :  cela,  pour  plusieurs  raisons. 
D'abord,  les  négociants  chinois  ignorent,  en  général,  les  langues  étrangères;  ensuite,  en 
l'absence  de  chambres  de  commerce  et  de  comités  organisateurs,  personne  n'osait  prendre 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


53 


l'initiative,  s'aventurer  seul  dans  des  régions  aussi  lointaines  et  risquer  des  frais  de  dépla- 
cement et  de  transports  considérables. 

Les  uns  attendaient  l'exemple  des  autres,  et,  finalement,  aucun  signal  n'était  donné. 

Ces  hésitations  firent  que  le  représentant  de  Chine  à  Paris,  en  l'absence  de  demandes, 
ne  crut  pas  devoir  s'engager  pour  faire  réserver  l'emplacement  que  la  Direction  générale 
de  l'Exposition  avait  eu  l'intention  d'allouer  aux  habitants  de  l'Empire  du  Milieu. 

Tel  était  l'état  des  choses,  lorsque  au  début  de  l'année  1889  quelques  riches  négociants 
de  Canton,  encourages  par  le  succès  et  les  récompenses  par  eux  obtenus  à  l'Exposition 


IjUnlUlIlIlil'll 


Jt.^' 


Lettré  annamite. 


Médecin  annamite. 


de  Barcelone,  s'adressèrent  à  la  légation  de  Chine,  à  Paris,  pour  demander  un  empla- 
cement. 

Il  était  trop  tard.  Tout  était  pris.  Enfin,  après  de  nombreux  pourparlers,  l'exposition 
chinoise  se  vit  attribuer  un  terrain  de  trois  cents  mètres,  situé  sur  l'avenue  de  Suffren,  en 
face  de  la  section  grecque. 

L'essentiel  était  obtenu.  Maintenant,  il  s'agissait,  pour  les  retardataires,  de  se  hâter, 
afin  d'être  prêts  en  temps  voulu.  Faire  venir  de  Chine  le  matériel  et  le  personnel  nécessaires 
pour  la  construction  d'un  édifice  n'était  plus  possible  ;  pressés  par  le  temps,  les  inté- 
ressés s'adressèrent  à  un  architecte  français,  qui  éleva,  avec  beaucoup  de  goût  et  d'intel- 
ligence de  la  couleur  locale,  un  pavillon  en  bois,  d'un  intérieur  assez  simple,  dont  la  déco- 
ration extérieure  fut  achevée  au  moyen  de  garnitures  en  bois  sculptés  et  de  couleur,  envoyés 
de  Chine. 


54 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


Le  bâtiment,  un  peu  composite,  représentait  assez  bien,  avec  son  toit  surmonté  de 
trois  tours,  une  aile  d'un  monastère  bouddhiste.  Ce  n'était  pas  l'idéal,  mais  c'était  tout 
ce  qu'on  pouvait  faire,  étant  donnés  les  circonstances  et  le  peu  de  temps  qui  restait  jusqu'au 
S  mai. 

La  section  chinoise  comprenait  en  tout  quinze  exposants,  dont  quatre  seulement  figu- 


ré --^~' 


La  rue  ilu  Cuire.  —  Repousseur  et  graveur  sur  cuivre. 


raient  au  catalogue.  De  ces  derniers,  deux  sont  les  négociants  de  Canton  auxquels  nous  avons 
fait  allusion  plus  haut,  et  qui  occupaient  les  cinq  septièmes  du  pavillon;  les  deux  septièmes 
restants  furent  partagés  entre  des  commerçants  chinois  établis  à  Paris  depuis  plusieurs 
années. 

Nous  connaissons  le  bâtiment  et  ses  occupants.  Franchissons  la  porte. 

Le  coup  d'oeil  était  assez  intéressant:  c'était,  d'abord,  un  pêle-mêle  d'étoffes,  de  meubles, 
d'ivoires,  de  bambous,  de  petits  bibelots  de  toute  matière,  de  toute  forme  et  de  toutes  cou- 
leurs; les  marchandises  n'étant  pas  exposées  par  classes  et  groupes,  l'œil  incertain  ne  savait 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  55 

d'abord  où  se  porter.  Cela  ressemblait  assez  à  l'art  incohérent  qui  jette  au  hasard  tous  les 
tons  de  sa  palette. 

Mais  pour  le  connaisseur,  ce  désordre  apparent  n'était  pas  une  gène,  au  contraire.  Au 
plaisir  de  voir,  se  joignait  celui  de  chercher  et  de  découvrir  ce  quelque  chose  de  personnel 
que  nous  aimons  à  mettre  en  tout  et  partout.  La  division  en  groupes  et  classes,  le 
visiteur  la  faisait  lui-même,  dès  qu'il  s'était  dégagé  de  l'impression  confuse  du  premier 
moment. 

Chacun  sait  que  les  articles  principaux  du  commerce  chinois  sont  la  soie,  le  thé,  la 
porcelaine,  les  meubles  sculptés.  Ces  quatre  éléments  se  trouvaient  largement  représentés 
au  pavillon.  Disons  tout  de  suite  que  les  objets  d'art  très  anciens,  non  destinés  à  être 
vendus,  et  qui  provoquèrent  une  admiration  si  parfaitement  justifiée  en  1878,  n'abondaient 
pas  cette  fois-ci.  Et  cela  se  comprend  :  l'exposition  chinoise  de  1889,  relevant  avant  tout  de 
l'initiative  des  commerçants,  ne  pouvait  être  aussi  purement  artistique  et  rétrospective  que 
sa  devancière. 

Mais,  pour  être  de  fabrication  plus  récente,  les  objets  exposés  n'avaient  rien  perdu  en 
fait  de  choix  des  matières  premières,  d'inspiration  des  artistes  et  d'habileté  des  exé- 
cutants. 

L'article  principal  de  cette  exposition  était,  incontestablement,  la  broderie  chinoise. 

On  sait  comment  les  Chinois  exécutent  ces  travaux  délicats;  quelle  patience  et 
quelle  adresse  exigent  ces  tableaux  brodés,  fins  comme  des  peintures.  Il  faut  voir  les 
artistes  penchés  sur  leur  métier  si  simple,  pour  se  rendre  compte  de  leur  valeur  artistique, 
qui  ne  le  cède  en  rien  aux  admirables  tapisseries  des  Gobelins.  Quelles  que  soient  la 
dimension  ou  la  forme  de  l'objet,  l'ouvrier  montre  un  amour  toujours  égal  pour  son 
œuvre,  dans  ces  inventions  ducs  au  caprice  de  sa  fantaisie,  qu'il  commence  et  poursuit 
jusqu'au  bout,  sans  autre  modèle  que  celui  qu'il  a  conçu  dans  son  cerveau.  Un  croquis 
tracé  sur  l'étoffe,  à  coups  de  bois  noirci  au  feu,  lui  suffit  ;  tout  le  reste  est  livré  à  l'imagina- 
tion du  moment. 

Uniquement  inspirés  de  la  nature,  ces  coloristes  d'instinct  suivent  leur  rêve  intérieur 
en  retraçant  sur  la  soie  les  formes  fugitives,  et  savent,  avec  une  richesse  et  une  variété 
incomparables  de  couleurs,  tour  à  tour  chaudes,  lumineuses  ou  tendres,  ne  jamais  manquer 
à  l'harmonie  générale  des  tons,  qui  est  la  condition  essentielle  de  la  beauté  de  ces  sortes  de 
travaux. 

Les  nombreuses  aiguilles,  extrêmement  fines  et  chargées  de  fils  de  soie  passés  à  la  cire, 
courent,  reviennent,  s'entrelacent  et  se  mêlent  dans  ce  concert  des  nuances,  où  pas  une 
fausse  note  ne  détonne. 

Car  c'est  là  le  côté  caractéristique  de  l'art  chinois  :  s'il  n'a  pas  atteint,  à  certains  points 
de  vue,  la  perfection  idéale  qui  distingue  les  chefs-d'œuvre  de  la  peinture  européenne,  du 
moins  il  conserve  cet  avantage  de  ne  pas  tomber  au  rang  d'art  industriel.  Il  n'y  a  pas  en 
Chine  de  grande  industrie,  pas  de  division  du  travail,  qui  en  résulte  ;  l'ouvrier  ne  se  cristallise 
pas  dans  l'éternelle  répétition  d'une  manœuvre  mécanique,  toujours  la  même,  également 
fatale  à  l'intelligence  du  producteur  et  à  la  beauté  du  produit,  qui  perfectionne  les  détails 
mécaniques  aux  dépens  de  la  qualité  artistique,  et  tue  la  personnalité. 

Tout  ce  qu'ils  produisent,  au  contraire,  porte  toujours  la  forte  empreinte  d'un  cachet 


56 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1S89 


individuel.  Le  visiteur  du  pavillon  chinois  trouvait  cette  vérité  confirmée  à  chaque  pas  par 
le  moindre  objet  qui  frappait  ses  yeux. 

Mais  c'est  surtout  dans  les  broderies  que  se  montrait  cette  originalité  des  conceptions 
de  l'ouvrier.  Examinons,  par  exemple,  ce  grand  panneau  long  de  7  mètres  sur  2m,5Û  de 
large,  et  qui  a  coûté  dix-huit  mois  d'un  labeur  patient  et  ininterrompu  !  L'idée  s'y  fait 
sentir  dans  toute  sa  liberté  :  on  peut  suivre,  pas  à  pas,  le  développement  d'un  plan  nette- 
ment conçu  dans  son  ensemble,  librement  modifié  dans  les  détails,  au  courant  de  l'aiguille  ! 


■* .  „  '  -'  - '  -' , 


Coin  du  bazar  marocain. 


La  volonté  de  l'ouvrier  éclate  aux  regards.  Aussi  n'est-ce  pas  un  simple  article  industriel, 
mais  une  véritable  œuvre  d'art,  que  ce  panneau  de  dimensions  malheureusement  très 
grandes,  qui  en  rendent  remploi  assez  difficile. 

N(  tus  avons  dit  que  tous  les  produits  se  distinguaient  par  ce  sceau  de  la  personnalité.  Ceci 
était  rendu  évident  par  l'examen  îles  objets  sculptés,  assez  nombreux,  en  bois  de  fer  et  de 
teck.  Comme  l'outil  a  fouillé  avec  amour  dans  ces  mille  méandres,  creusés  dans  la  matière 
première,  si  dure  et  si  résistante!  Comme  l'artiste  a  su  donner  de  la  légèreté  et  de  la  sou- 
plesse aux  innombrables  replis  qui  creusent  le  bois,  l'ajourent  et  mettent  de  la  finesse  et  île 
la  transparence  dans  les  charpentes  massives  des  paravents,  des  sièges,  des  tables,  du 
meuble  sous  toutes  ses  formes  ! 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


57 


Quant  à  l'ivoire,  il  y  avait  des  morceaux  de  grande  beauté.  On  se  demande  souvent 
comment  les  Chinois  peuvent  arriver  à  réaliser  des  tours  de  force  qui  paraissent  d'abord 
impossibles,  à  faire,  par  exemple,  ces  sphères  concentriques,  renfermées  les  uns  dans  les 
autres,  toutes  prises  dans  le  même  bloc  et  découpées  sans  solution  de  continuité.  Au  lieu 
de  nous  décrire  les  ivoires  exposés,  et  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer,  nous  préférons 
répondre  à  cette  question  en  dévoilant  un  secret  connu  des  artistes  chinois  depuis  des  mil- 
liers d'années,  et  qui  présentera  quelque  intérêt  à  la  science  moderne. 


Section  japonaise.  —  Pavillon  intérieur,  iigurant  un  salou. 


On  a  tant  écrit  sur  la  manière  de  recueillir  l'ivoire  !  Nous  ne  croyons  pas  avoir  jamais 
lu  la  description  du  procédé  par  lequel  les  Chinois  ramollissent  cette  matière  si  dure  et  si 
difficile  à  sculpter. 

Lorsque  l'ouvrier  a  examiné  son  ivoire  et  déterminé  l'usage  auquel  il  le  destine,  il  le  fait 
pénétrer,  de  vive  force,  dans  le  tronc  d'une  espèce  de  palmier,  où  il  le  laisse  séjourner  plus 
ou  moins  de  temps.  La  sève  de  l'arbre  agit  sur  le  dent  d'éléphant.  Quand  on  le  retire,  au 
moment  voulu,  l'ivoire  est  devenu  blanc  comme  du  papier  et  mou  comme  la  pâte.  Il  se  laisse 
alors  travailler  avec  la  plus  grande  facilité  :  peu  à  peu,  il  sèche  et  recouvre  toute  sa  dureté 
primitive.  Voilà  le  mystère  dévoilé.  Nous  devons  ajouter,  à  notre  grand  regret,  que  l'arbre  ne 


5g  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


survit  pas  au  traitement  qu'on  lui  a  infligé,  ce  qui  ajoute  encore  au  prix  de  ces  sortes 
d'ivoires. 

En  ce  qui  concerne  la  porcelaine,  nous  n'avons  que  peu  de  choses  à  dire.  Non  pas  qu'il 
manquait  de  pièces  d'une  très  belle  exécution.  Mais  la  porcelaine  chinoise  a  surtout  de  la 
valeur  lorsqu'elle  est  ancienne,  la  rareté  venant  s'ajouter  à  la  qualité.  Ces  produits  de  l'art 
antique,  les  plus  intéressants  au  point  de  vue  idéal,  ne  se  trouvaient  pas  à  l'Exposition  chi- 
noise, qui  s'est  bornée  à  apporter  à  Paris  ce  que  les  fabricants  modernes  ont  fourni  de  plus 
beau  et  de  plus  décoratif. 

Le  thé  ne  pouvait  manquer  :  on  pouvait  en  voir  de  toutes  sortes.  Cet  article,  de  consom- 
mation universelle,  est  trop  connu  pour  que  nous  ayons  besoin  d'en  parler.  Nous  regrettons 
seulement  que  le  commerce  français,  au  lieu  de  s'approvisionner  par  entente  directe  avec 
les  négociants  chinois,  passe  par  l'intermédiaire  de  maisons  étrangères,  auxquelles  il  paye 
ainsi  un  impôt  assez  lourd;  sans  compter  qu'il  n'est  jamais,  dans  ces  conditions,  tout  à  fait 
sûr  de  la  qualité. 

Nous  croyons  devoir  nous  arrêter  à  ces  considérations,  devenues  déjà  trop  longues.  Nous 
n'en  finirions  pas  si  nous  voulions  entrer  dans  les  détails  et  décrire  tour  à  tour  les  mille 
objets  façonnés  en  bambou,  les  instruments  de  musique,  les  boites  de  laque,  l'encre  de 
Chine,  les  éventails  aux  formes  variées,  les  essences...,  et  tant  d'autres  encore!  Il  faudrait 
un  volume,  au  lieu  d'un  article. 

Nous  devons,  toutefois,  dire  quelques  mots  d'un  projet  que  nous  regrettons  de  n'avoir 
pas  vu  réaliser.  Il  avait  été  question  de  faire  venir  à  l'Exposition  Universelle  un  certain 
nombre  de  fabricants  chinois  qui  eussent  fourni  au  public  une  leçon  de  choses  de  la 
plus  haute  valeur,  en  l'initiant  à  tous  les  procédés  de  leur  industrie.  Ainsi,  le  potier  eût 
fait  passer  devant  les  yeux  des  spectateurs  toute  la  série  des  opérations  par  lesquelles  le 
kaolin  brut  se  trouve  transformé  en  porcelaine  transparente,  aux  éclatantes  couleurs.  Le 
fabricant  de  soie  eût  exécuté  tous  les  travaux  auxquels  il  est  tenu,  depuis  l'élevage  des  vers 
jusqu'à  l'achèvement  des  fins  tapis  brodés;  et  ainsi  de  suite. 

Il  y  avait  là,  à  la  fois,  un  enseignement  pour  tous  et  un  moyen  de  créer  des  relations 
plus  suivies  et  plus  régulières  entre  les  producteurs  chinois  et  le  public  français  et  européen. 

A.  défaut  d'une  subvention  qu'on  ne  pouvait  leur  fournir  pour  les  raisons  détaillées 
plus  haut,  les  fabricants  visés  se  sont  abstenus  :  ils  ont  eu  tort.  La  section  chinoise  y  eût 
gagné  un  surcroît  d'intérêt. 

Telle  qu'elle  était,  elle  présentait  encore  assez  d'attraits  pour  tous  ceux  qu'intéressent 
l'industrie  et  les  arts  de  ce  pays.  En  tout  cas,  les  Célestes  étaient  là  et  faisaient  assez  bonne 
figure  à  côté  de  leurs  voisins.  Et  personne  ne  pourra  dire  qu'au  rendez-vous  universel 
de  1889  la  Chine  ait  brillé  par  son  absence. 


JAPON 


Il  n'est  pas  impossible  de  trouver  à  Paris  des  artistes  et  surtout  des  amateurs  pour 
vous  assurer  que  les  Japonais  sont  les  premiers  artistes  du  monde.  Ne  vous  récriez  pas  : 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 


59 


l'opinion  a  cours,  elle  a,  parmi  les  connaisseurs,  nombre  de  partisans  tout  prêts  à  la 
défendre.  Notre  rôle  étant  moins  de  discuter  que  de  rendre  compte,  nous  nous  bornerons 


Farade  de  la  section  japonaise. 

à  enregistrer  cette  opinion,  laissant  à  notre  étude  consciencieusement  impartiale  le  soin 
de  faire  ressortir  ce  qu'elle  a  d'exagéré  clans  son  absolutisme;  car,  il  ne  nous  en  coûte  pas 
de  le  déclarer,  elle  est,  sur  certains  points,  au  moins  facile  à  soutenir. 


60 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


Pendant  longtemps,  nous  avons  eu,  à  Paris,  à  l'état  quasi  endémique,  la  passion 
japonisante,  une  passion  dont  la  fièvre  qui  sévit  actuellement  sur  les  collectionneurs  de 
timbres-poste  ne  nous  donne  qu'une  idée  vague.  En  sorte  qu'à  l'heure  où  s'ouvrit  l'Expo- 
sition Universelle  le  publie,  surtout  le  public  parisien,  initié  de  longue  date  à  toutes  les 
finesses  de  l'art  japonais  et  y  ayant  dépensé  tous  ses  ravissements,  ne  trouva  plus  rien  à 
admirer  dans  des  collections  qui,  pour  lui,  ne  recelaient  aucune  surprise.  En  vérité,  il  ne 


Menuisiers  japonais  à  ['Exposition. 


manqua  à  l'Exposition  japonaise,  si  riche  dans  son  ensemble,  si  remarquable  dans  ses 
détails,  que  de  nous  offrir  ce  que  le  Français  recherche  et  réclame,  n'en  fût-il  plus  au 
monde  :  la  nouveauté.  Au  fond,  peut-être  est-ce  nous,  blasés  faciles,  qui  sommes  à  plaindre, 
tenus  que  nous  sommes,  par  notre  réputation  de  peuple  arrivé,  à  surveiller  nos  admira- 
tions. 

Que  de  choses  exquises,  pourtant,  dans  cette  section  japonaise  !  Quel  ruissellement 
d'art!  Quelle  débauche  de  talent  dans  ces  mariages  de  couleurs,  dans  ces  dessins  d'illus- 
tration, dans  ces  gravures  et  ces  sculptures  à  la  loupe  !  Et  l'on  ne  sait  ce  qu'il  y  a  de  plus 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


Gl 


étonnant  dans  l'effet  obtenu,  de  la  virtuosité  de  l'artiste  ou  de  la  simplicité  de  son  procédé. 
Et  quelle  perfection  dans  l'emploi  et  le  maniement  de  la  matière  !  Céramique,  faïences  et 
porcelaine,  laques,  émaux,  métaux  fondus,  ciselés  ou  patines,  soie  tissée,  tapisserie,  bois 
ou  ivoire  sculpté,  vous  eussiez  parcouru  toute  l'Exposition  sans  rien  trouver  de  supérieur  à 
ces  produits  de  l'art  japonais...  Mais  voilà!  toutes  ces  merveilles,  nous  les  connaissions 
déjà,  nous  les  avions  vues  ailleurs,  depuis  longtemps;  nous  les  retrouvions,  toujours  déli- 


Section  japonaise.  —  Céramique. 

cieusement  parfaites,  exquises  de  raffinement  dans  le  fini  de  l'exécution,  mais  toujours 
les  mêmes,  sans  rien  qui  dénotât  un  progrès  ou  même  un  effort  vers  le  plus  beau... 
Étrange  stagnation  d'un  talent  qui  confine  au  génie  !  On  dirait  d'artistes  arrivés  au  sum- 
mum de  l'art  et  regardant  monter  les  autres,  sans  nul  souci  désormais  que  de  rester  égaux 
à  eux-mêmes... 

Passons  aux  produits  naturels  —  si  tant  est  que  les  produits  naturels  chez  nous  le 
soient  encore  au  Japon,  en  ce  diable  de  pays  tellement  artiste  que  les  fleurs,  les  plantes 
et  les  arbres  n'y  ont  le  droit  d'éclorc  ou  de  pousser  que  suivant  l'esthétique  nationale  et 
dans  la  mesure  fixée  par  elle. 


62  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

L'exposition  d'horticulture  japonaise  eut,  on  s'en  souvient,  un  grand  succès,  et  la  curio- 
sité des  visiteurs  put,  à  bon  droit,  s'y  donner  carrière.  Une  installation  modeste  : 
trois  terrasses  superposées,  un  kiosque  de  bambou  et  de  nattes  avec  cabinet  garni  de 
plantes  et  de  fleurs,  des  étagères  parallèles  chargées  de  spécimens  d'horticulture  ;  à  terre,  de 
petites  plantes  dans  des  pots  sans  disposition  cherchée,  une  réduction  de  nos  marchés  aux 
fleurs,  tel  était  ce  jardin  japonais  qui  tint  pourtant  une  des  premières  places  à  l'exposition 
d'horticulture.  A  vrai  dire,  étant  donnée  la  réputation  de  ses  cultivateurs  de  fleurs  et  d'ar- 
bustes, nous  pouvions  nous  étonner  que  le  Japon  n'eût  pas  fait  plus  grand.  Sur  ce  point, 
du  moins,  il  lui  était  facile  de  nous  émerveiller;  nous  savions  peu  de  chose  de  ses  jardins 
étonnants,  notre  fièvre  de  collection  ne  s'étant  guère  exercée  que  sur  le  bibelot  japonais.  Il 
parait  que  nous  n'eûmes  là  sous  les  yeux  qu'une  exposition  privée,  un  marché  aux  fleurs 
organisé  par  un  simple  particulier,  d'ailleurs  horticulteur  de  mérite.  N'importe!  telle  quelle 
cette  exhibition  réussit  pleinement  —  et  le  marchand  dut  faire  de  bonnes  affaires,  vendant 
beaucoup  et  à  des  prix! 

Il  vous  est  sans  doute  arrivé  de  vous  dire,  en  suivant  dans  les  illustrations  japonaises 
le  dessin  de  certaines  plantes,  que  ce  sont  là  des  produits  de  l'imagination  de  l'artiste. 
Vous  vous  trompiez.  Ces  plantes  existent  réellement;  nous  les  avons  retrouvées  dans  le 
Jardin  japonais...  seulement  l'art  a  passé  par  là;  l'artiste  dessinateur  n'a  eu  qu'à  copier 
les  résultats  obtenus  par  son  frère  l'horticulteur,  miniaturiste  comme  lui.  Miniaturiste,  le 
Japonais  l'est  avant  tout,  et,  sans  conteste  cette  fois,  il  tient  là  le  premier  rang.  C'est  un 
artiste  d'intimité,  il  travaille  pour  l'intérieur,  et  c'est  surtout  chez  l'horticulteur  qu'éclate 
ce  souci,  avec  les  efforts  patients  qu'il  dépense  pour  ramener  à  des  proportions  d'appar- 
tement les  produits  de  la  nature,  humiliants  pour  l'homme  en  leurs  développements 
grandioses.  Livrés  à  eux-mêmes,  la  plupart  de  ces  arbustes  que  nous  admirions  au  Jardin 
japonais  dans  leurs  petits  pots  à  fond  blanc  enjolivés  de  dessins  en  couleurs,  ce  thuya, 
ce  podocarpe,  ces  variétés  de  pins,  fussent  devenus  de  grands  arbres.  L'horticulteur  japo- 
nais les  a  gardés  à  l'état  nain  ;  pour  lui,  le  triomphe  de  la  science  horticole,  ce  sera  de 
faire  tenir  une  forêt  sur  une  table  de  salon. 

Comme  fleurs,  le  jardin  japonais  nous  offrait  des  lis,  miniatures  des  nôtres,  fluets 
et  graciles,  à  corolles  retombantes.  Ici,  comme  partout,  l'art  a  fait  des  siennes  :  la  robe 
blanche  du  lis  japonais  est  tachetée  de  rouge;  la  collection  renfermait  même  des  lys 
rouges  pointillés  de  jaune.  Au  cours  de  l'Exposition,  il  y  eut  un  arrivage  de  chrysan- 
thèmes, la  fleur  du  Japon  par  excellence. 

Un  dernier  mot  avant  de  quitter  la  section  japonaise,  où  tout  était  arrangé  au 
coin  de  la  délicatesse  la  plus  raffinée.  Étant  donnée  cette  délicatesse  en  toutes  choses, 
comment  les  Japonais  peuvent-ils  s'accommoder  de  la  cuisine  nauséabonde  dont  ils  nous 
exhibaient  des  échantillons  sous  forme  de  conserves  alimentaires  restées  probablement 
sans  dégustateurs?  Oh!  ces  viandes  accommodées  à  la  mélasse!...  Et  dire  qu'ils  ont  de 
si  bon  thé! 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


63 


PERSE 

Est-ce  son  aigrette  aux  scintillements  attirants  ?  Est-ce  son  charme  personnel,  se 
dégageant  surtout  de  la  fidélité  de  ses  sympathies  pour  la  bonne  ville  de  Paris  ?  Les 
Parisiens  regardent  le  Schah  comme  leur  ami  et  lui  font  fête  chaque  fois  qu'il  lui  plait 
de  nous  visiter.  Ils  n'y  manquèrent  pas  pendant  l'Exposition,  et  se  montrèrent  d'autant 
plus  prodigues  d'enthousiasme  que  le  Schah  fut,  avec  ce  brave  Salifou,  le  seul  souverain  à 
ne  rien  craindre,  pour  sa  couronne  ou  sa  dignité,  d'une  visite  à  la  manifestation  organisée 


Cheminée  persane  en  faïence. 


par  la  République  française.  Pauvre  Salifou  !  à  l'heure  où  nous  écrivons,  il  pleure  son 
trône  perdu.  Les  splendeurs  parisiennes  lui  avaient,  paraît-il,  tourné  la  tète  ;  rentré 
dans  ses  États,  il  montra  tant  de  sans-gène  que  ses  sujets  le  supprimèrent  pour  n'avoir 
plus  à  l'aborder.  L'Exposition  lui  aurait  donc  porté  malheur  !  —  Que  Mahomet  protège  et 
nous  conserve  notre  ami  le  Schah  ! 

La  présence  du  souverain  asiatique  était  bien  faite  pour  ajouter  aux  attraits  de 
l'Exposition  persane,  une  des  moindres,  comme  étendue,  du  Champ-de-Mars  ;  aussi  cette 
section,  tout  empreinte  du  plus  pur  asiatisme  et  n'offrant  que  des  attractions  d'un 
goût  sévère,  eut-elle  sa  large  part  de  vogue. 

La  section  persane  était  commandée,  pour  ainsi  dire,  par  une  cheminée  en  faïence 
remarquablement  belle,  avec  ses  panneaux  reproduisant  des  faits  de  chasse  et  de  guerre. 


Gt  L' EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Cette  cheminée  était  certainement  un  des  plus  riches  échantillons  de  céramique  orne- 
mentale envoyés  à  l'Exposition  Universelle,  celle  céramique  familière  à  l'ancienne 
Perse,  qui  s'y  montra  supérieure.  A  ajouter  à  ce -morceau  capital,  de  jolis  vases  émaillés 
à  base  de  bleu  et  de  vert  avec  filets  rouges,  et  comme  emploi  des  couleurs  et  mise  en 
scène  quelques  tableautins  célébrant  un  sujet  unique  :  l'adoration  du  souverain,  relié 
en  pierres  précieuses,  par  les  grands  de  l'empire.  Mentionnons  très  spécialement  avec 
les  honneurs  que  le  monde  leur  accorde  à  juste  titre,  les  tapis  et  les  châles,  les  armes, 
sabres  et  couteaux,  et,  à  côté  d'autres  produits  du  sol,  grains  et  opium,  saluons  dans 
leurs  flacons  écrases  les  échantillons  du  vin  de  Chiraz... 

Nous  nous  permettons  de  rapprocher  de  la  section  persane  une  fort  jolie  restitution 
du  palais  d'Artaxerxès,  à  Suze,  avec,  au  dehors,  la  Irise  des  Lions  et,  au  dedans,  la 
frise  des  Archers,  dont  notre  musée  du  Louvre  possède  la  reproduction  en  miniature. 
Cette  restitution,  due  à  M.  Dieulafoy,  figurait  au  pavillon  des  Travaux  publics. 


ROYAUME    DE    SI  A M 

Le  royaume  actuel  de  Siam  se  compose  du  Siam  proprement  dit  ou  Siam  occi- 
dental, et  de  portions  de  territoire  appartenant  à  la  péninsule  malaise,  au  Laos  et  à 
l'ancien  royaume  du  Cambodge.  Ses  frontières  ne  sont  pas  bien  délimitées,  et  sont 
occupées  par  des  tribus  à  demi  sauvages,  tout  à  fait  indépendantes,  et  par  quelques 
petits  royaumes  tributaires.  Du  golfe  du  Bengale  au  golfe  du  Tongking,  le  littoral  du 
Siam  forme  le  milieu  géographique  de  l'Indo-Chine. 

La  nation  que  les  étrangers  appellent  «  Siamoise  »,  mais  qui  se  donne  elle-même 
le  nom  de  Thaï  «  Hommes  libres  »,  est,  dans  la  péninsule  orientale  des  Indes,  celle 
qui  a  exercé  la  plus  grande  influence   sur  les  populations  sauvages  de  l'intérieur. 

Ni  la  superficie  réelle  du  territoire  siamois,  ni  le  nombre  des  habitants  qui  s'y 
trouvent  ne  sont  connus  d'une  manière  bien  précise.  Ce  territoire  s'étend  du  4°  au 
211e  degré  de  latitude  nord  et  du  9l>'  au  102e  degré  de  longitude  orientale  (méridien  de 
Greenwich),  embrassant  une  aire  superficielle  de  680,000  kilomètres  carrés  suivant 
certains  auteurs,  et  de  plus  de  800,000  kilomètres  carrés  suivant  d'autres.  Quant  à  la 
population,  on  l'évalue  à  5  ou  0  millions  d'habitants,  soit  une  moyenne  de  8  habi- 
tants par  kilomètre  carré.  Et  encore  cette  population  se  composerait-elle  de  2  millions 
de  Siamois  seulement,  de  1,800,000  Chinois,  1,000,000  de  Malais,  1,000,000  de  Laotiens, 
350,000  Cambodgiens,  50, non  Pégouans. 

Le  «  maitre  de  la  terre  »  ou  «  maître  de  la  vie  »,  ainsi  qu'on  appelle  le  roi  de 
Siam,  jouit  d'un  pouvoir  absolu;  il  possède  les  terres  de  son  royaume  en  toute  pro- 
priété; il  dispose  aussi  de  la  vie  de  ses  sujets. 

Les  produits  de  tous  les  impôts,  droits  de  douanes,  taxes  sur  les  marchandises, 
revenu  des  monopoles,  tributs  des  royaumes  inféodés,  sont  versés  dans  le  trésor  royal, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


65 


et   le   souverain  en  use  à  son  gré,  soit  pour  le   bien    public,    soit   pour   son   propre 
plaisir.  Ce  revenu  annuel  est  évalué  à  une  centaine  de  raillions  de  francs. 

Presque  tout  le  mouvement  d'échanges  de  Siam,  taxé  par  les  douanes  d'un  droit 
de  3  0/0  sur  les  importations,  se  concentre  dans  la  capitale  de  Bangkok.  Ce  sont  les 
Chinois   qui  ont  accaparé  tout   le  trafic   de    détail,   qui   tiennent  les  boutiques   et  les 


Pavillon  de  Siam. 


bazars  toujours  approvisionnés  en  poteries,  porcelaines,  soieries,  métaux  et  articles 
divers.  Aussi  après  le  roi  et  les  princes  détenteurs  des  monopoles,  ce  sont  les  Chinois 
qui  retirent  les  bénéfices  de  tout  le  mouvement  d'échange  qui  se  fait. 

En  1879,  les  importations  ont  été  de 32.t30.000  lï. 

En  1879,  les  exportations  ont  été  de ai. 050. 000 


Ensemble 


86.500.000  fr. 


Le  nombre  des  bateaux  à    vapeur   entrés   dans   le  port  de  Bangkok  en  1880,  a 
m  5 


66  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


été  de  18:2,  dont  153  anglais,  et  le  nombre  de  navires  à  voiles  de  26;i,  dont  138 
siamois. 

Le  commerce  extérieur  de  Bangkok  se  fait  presque  exclusivement  avec  les  ports 
de  Hongkong  et  de  Singapour.  Le  commerce  direct  de  la  France  avec  le  pays  de 
Siam  est  presque  nul. 

Le  sol  produit  du  poivre,  du  tabac,  du  sucre  et  du  café  d'excellente  qualité,  et 
de  grandes  quantités  de  riz.  C'est,  du  reste,  le  riz  qui  l'orme,  avec  le  poisson  sec 
ou  salé,  la  base  de  l'alimentation  siamoise.  En  temps  ordinaire,  la  production  du 
riz  dépasse  de  beaucoup  les  besoins  de  la  consommation  et  permet  d'alimenter  les 
marchés  de  Hongkong,  de  Singapour,  de  Batavia,  et  même  de  fournir  une  part  de 
l'importation  européenne. 

Signalons  encore  comme  articles  d'exportation  siamoise  :  du  poisson  salé,  du 
benjoin,  du  poivre,  du  sésame,  du  teck  et  autres  bois  de  construction  et  d'ébénis- 
terie,  des  bestiaux. 

L'industrie  est  fort  peu  développée,  les  besoins  du  pays  se  bornant  aux  choses 
usuelles  de  la  vie.  Il  se  fait  pourtant  à  Bangkok  des  objets  de  luxe,  mais  en  très 
petit  nombre,  et  à  destination  des  palais  royaux.  Les  artisans  travaillent  chez  eux, 
et  non  en  commun;  de  sorte  qu'un  étranger  est  assez  embarrassé  pour  se  procurer 
des  produits  du  pays;  d'autant  plus  que  tous  ces  objets  ne  sont  faits  que  sur  la 
commande   directe  de  l'acheteur. 

La  ville  de  Bangkok  a  déjà  plus  d'un  demi-million  d'habitants,  bien  qu'elle  ne 
date  guère  que  d'un  siècle  comme  capitale.  Elle  est  située  à  une  trentaine  de  kilo- 
mètres de  la  mer  sur  la  Menam  (Mère  des  eaux),  beau  fleuve  qui  mérite  bien  le  nom 
qu'il  porte,  par  l'abondance,  la  largeur  et  la   profondeur  de  ses  eaux. 

La  ville  parait  magnifique  quand  on  la  voit  du  lleuve,  avec  le  palais  du  Roi 
et  ses  nombreuses  pagodes ,  des  canaux  la  traversent  dans  tous  les  sens,  et  seule- 
ment dans  ces  dernières  années,  des  rues  semblables  à  celles  des  villes  européennes 
ont  été  ouvertes  le  long  du  lleuve  et  dans  le  voisinage.  Autrefois,  on  ne  se  promenait 
qu'en  bateau  dans  l'intérieur  de  la  ville. 

De  vastes  faubourgs  prolongent  Bangkok  en  amont  et  en  aval  de  la  cité  proprement 
dite,  qui  est  sur  la  rive  gauche,  et  aujourd'hui  l'agglomération  urbaine  s'étend  aussi 
sur  la  rive  droite  et  occupe  un  espace  d'au  moins  40  kilomètres  carrés.  Une  des  rues  les 
plus  importantes  est  parallèle  au  lleuve  et  part  du  palais  du  Boi  pour  aboutir  à  l'une 
des  pagodes  les  plus  riches  ;  elle  n'a  pas  moins  de  deux  kilomètres  de  longueur  et  est 
habitée  en  majeure  partie  par  des  Arabes  et  des  Chinois,  de  sorte  qu'elle  a  tout  à  fait 
l'aspect  d'un  véritable  bazar  oriental. 

Le  palais  du  Roi  et  ses  jardins  occupent  un  espace  immense,  et  contiennent,  outre 
le  palais  royal  lui-même  qui  est  un  bel  édifice  de  style  italien,  à  galerie,  péristyle  et 
colonnes  géminées:  plusieurs  petits  édifices  élégants  ornés  de  dorures  et  de  peintures  pour 
la  reine  et  les  femmes  du  harem,  la  pagode  royale,  la  bibliothèque,  le  théâtre,  les  arse- 
naux, les  écuries  pour  les  éléphants  et  les  chevaux  du  roi. 

Les  pagodes  royales  situées  dans  la  ville  et  hors  de  la  ville  sont  au  nombre  de  80 
environ,  ;  toutes  ont  leurs  trésors,  pierres  précieuses,  métaux  ouvrés,  sculptures  délicates 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


07 


ce  sont  des  espèces  de  monastères  où  logent  plusieurs  milliers  de  talapoins  ou  prêtres  de 
Bouddha. 

Le  climat  du  royaume  de  Siam  est  plus  ou  moins  variable  selon  la  latitude;  à  Bang- 
kok, la  température  pendant  le  jour  varie  de  27°  à  40°.  L'époque  la  plus  chaude  com- 
prend les  mois  de  mars  et  d'avril  ;  il  y  a  deux  saisons,  celle  des  pluies,  celle  de  la 
sécheresse. 

On  trouve  dans  le  pays  de  Siam  des  productions  végétales  de  toute  nature  :  citons, 
outre  le  riz,  le  mais  et  les  légumes  ;   le  palmier,   le  figuier,   le   bananier,   l'oranger, 


Section  siamoise.  —  Meubles. 


le  citronnier,  l'olivier,  le  mûrier,  le  cotonnier,  l'amandier,  l'indigotier,  les  bois  de 
teinture,  le  bois  de  teck,  le  tabac,  etc.  On  y  trouve  aussi  les  fruits  savoureux  de 
l'Orient,  tels  que  le  durian,   le  mangoustan,  la  mangue,  le  jack. 

Dans  le  règne  animal,  signalons  en  particulier  les  éléphants,  qui  sont  fort  nom- 
breux dans  les  forêts  du  Laos,  et  dans  quelques  parties  du  bassin  de  la  Menam.  Ré- 
duit à  l'état  de  domesticité,  l'éléphant  est  doux,  intelligent  et  rend  de  très  grands 
services  à  son  maître. 

Comme  richesses  minières,  on  peut  citer  les  mines  d'or,  de  cuivre,  d'étain,  de  plomb, 
d'antimoine,  de  zinc  et  de  1er;  on  y  trouve  aussi  des  pierres  précieuses,  telles  que  topazes, 
saphirs,  rubis  et  énieraudes.  Toutes  ces  richesses  ne  sont  pour  ainsi  dire  pas  exploitées. 


68 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Mentionnons  pourtant  une  mine  d'or  très  importante,  située  dans  la  montagne  de  Bang- 
Taphan  (province  de  Xumphoni,  qui  appartient  au  roi  et  est  gardée,  contre  les  incursions, 
par  des  soldats.  On  peut  pourtant  aller  y  extraire  de  l'or,  à  la  condition  de  payer  au  roi 
une  somme  fixée  d'avance. 

Les  monnaies  actuelles  du  royaume  de  Siam  sont  en  argent  et  en  cuivre;  elles  ont 
une  valeur  intrinsèque  équivalant  à  leur  poids.  Ainsi  le  tical,  qui  pèse  15  grammes, 
vaut  3  francs.  Mais  la  pièce  de  monnaie  la  plus  usitée  au  Siam  comme  dans  toute  l'Indo- 
Cliine,  pour  les  transactions  commerciales,  est  la  piastre  en  argent,  tout  à  fait  analogue 


L'Orient  à  l'Exposition.  —  Au  café  Maure. 


à  notre  pièce  de  5  francs  ;  mais  dont  la  valeur  a  baissé  dans  ces  dernières  années,  et 
qui  ne  vaut  guère  maintenant  que  3  fr.  80  à  4  francs.  Elle  est  divisée  en  cent  parties 
que  l'on  nomme  cents. 

La  section  siamoise  était  située  dans  le  Palais  des  industries  diverses,  côté  de  l'avenue 
de  Suffrcn,  le  long  de  la  rue  du  Caire,  entre  les  sections  du  Japon  et  de  l'Egypte.  Elle  occu- 
pait une  superficie  d'environ  250  mètres  carrés. 

La  façade  de  la  galerie  des  industries  diverses  était  un  spécimen  d'ordre  composite  où 
l'on  avait  réuni  divers  détails  d'ornementation  empruntés  aux  palais  et  aux  temples  de  Bang- 
kok. Tous  les  frais  d'organisation  et  d'installation  ont  été  supportés  par  le  roi  de  Siam,  qui 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


69 


a  été  d'ailleurs  le   seul   exposant.  Ajoutons  que  le  royaume    de   Siam  avait  déjà  été 
représenté  aux  deux  Expositions  de  1867  et  de   1878. 

Ce  qui  distinguait  la  section  siamoise,  ce  qui  lui  donnait  son  cachet  particulier  d'ori- 
ginalité, c'est  que  tous  les  objets  exposés  ou  du  moins  tous  ceux  qu'on  apercevait 
en  jetant  un  coup  d'œil  d'ensemble  à  l'entrée  de  la  section,  étaient  dorés.  L'on  n'a- 
percevait que  de  l'or,  la  salle  en  paraissait  remplie. 


La  rue  du  Caire.  —  Le  potier. 


Les  quatre  coins  de  la  salle  étaient  occupés  par  des  ameublements  à  la  siamoise 
tout  resplendissants  d'or.  Us  se  composaient  de  lits,  fauteuils,  canapés,  tabourets,  à 
dossiers  et  sans  dossiers,  de  meubles  divers  en  bois  de  forme  capricieuse.  Mais  on  peut 
dire  que  la  pièce  la  plus  importante  de  chacun  de  ces  ameublements  était  le  lit.  L'un 
d'eux  surtout,  en  bois  doré  qui  était  fort  beau,  constituait  un  objet  de  grand  luxe, 
et  a  été  fort  admiré  par  les  visiteurs.  Ce  lit,  qui  ne  ressemble  en  rien,  cela  va  sans 
dire,   à  nos  lits  européens,   car  il    ne  comporte  ni  matelas,  ni  draps,  ni  coussins,  res- 


70 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


semble  en  réalité  à  une  petite  tente  de  bois  doré,  composée  de  trois  lambris  supportant 
un  dôme,  reliés  entre  eux  par  des  panneaux  plus  ou  moins  ouvragés  et  dorés  sur 
toutes  les  faces,  moins  le  devant  qui  reste  libre.  En  outre  du  bois  de  lit,  il  n'y 
a  pour  tous  accessoires  qu'un  simple  oreiller  en  bois  léger  pour  reposer  la  tète  ; 
rien   n'est  plus  primitif,  comme  on  le  voit,   mais  l'hygiène  du  pays  le  veut  ainsi. 

Le  reste  de  l'ameublement  d'une  riche  demeure  siamoise  était  représenté  par  un  se- 
crétaire de  fort  bonne  apparence,  par  des  tables,  des  sièges  bas  et  lourds,  des  buffets 
auxquels  s'ajoutait  l'inévitable  pagode,  où  l'or  ruisselle  de  toutes  parts. 

Le  milieu  de  la  salle  était  occupé  par  de  grandes  vitrines  élégantes,  où  étaient  exposés 
les  divers  produits  du  pays.  Citons  d'abord,  comme  particulièrement  remarquables,  les 


Le  café  Marocain. 


objets  d'orfèvrerie  siamoise.  On  y  voyait  des  bijoux,  des  coffrets,  des  théières,  des  boites  à 
parfum,  dont  la  richesse  et  la  perfection  du  travail  ont  fait  l'étonnement  îles  spécialistes. 
On  se  demande  en  effet  comment  des  ouvriers  dépourvus  de  machines  perfectionnées, 
peuvent,  avec  le  seul  secours  de  leurs  outils  rudimentaires,  parvenir  à  façonner  des  objets 
qui  ne  constituent  pas  seulement  des  œuvres  de  grande  patience,  mais  bien  de  véri- 
tables œuvres  d'art.  Il  y  avait  aussi  de  nombreuses  pièces  d'argenterie  au  repoussé,  ciselées, 
émaillées  ou  filigranées. 

Les  étoffes  de  soie  anciennes  et  modernes  de  la  section  siamoise  étaient  très  belles 
et  pour  la  plupart  d'un  prix  inestimable. 

Signalons  aussi  des  étoffes  chatoyantes  où  le  vert  dominait,  des  habits  d'hommes  et 
de  femmes,  des  panungs  de  soie  aux  couleurs  éclatantes,  brodés  de  fleurs,  d'or  et  d'argent  ; 
de  la  vannerie  très  belle  et  très  fine  ;  des  ustensiles  de  cuivre  ;  des  jouets  d'enfants,  ayant 
la  figure  des  divinités  terribles;  des  ivoires  curieusement  travaillés;  des  défenses  d'éléphant; 
des  palanquins,  des  harnais,  des  fleurs  conservées,  des  boissons  fermentées,  etc. 

A  peu  de  distance  de  la  salle  contenant  cette  exposition,  mais  en  plein  air,  dans  le 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  71 

prolongement  de  la  rue  du  Caire,  se  trouvait  un  petit  édifice,  tout  en  bois  doré,  qui  atti- 
rait l'attention  par  sa  richesse  extérieure  et  qu'on  appelait  le  Pavillon  Siamois. 

Ce  pavillon  carré,  avait  environ  8  mètres  de  côté  et  10  mètres  d'élévation.  Il  se  compo- 
sait de  quatre  salles  à  frontons,  adossées  l'une  à  l'autre,  de  façon  à  pouvoir  communiquer 
entre  elles.  La  salle  centrale  ou  salon  de  réception  était  ornée  d'une  table  et  de  tabourets 
longs. 

On  entrait  dans  ce  pavillon  par  quatre  portes,  qu'on  pourrait  orienter  vers  les  quatre 
points  cardinaux  ;  un  escalier  de  six  marches  y  donnait  accès.  Au  bas  de  chaque  escalier, 
sur  un  perron  élevé  d'un  mètre,  se  trouvaient  des  divinités  guerrières  brandissant  des  armes 
(trident,  arc,  etc.).  Des  flammes,  des  pendentifs,  des  idoles,  formaient  l'ornementation  de  ces 
portes  d'entrée  qui,  toutes  quatre,  étaient  surmontées  d'un  Bouddha.  Des  toits  coquets,  à  trois 
étages,  peints  en  diverses  parties  et  qui  se  terminaient  en  pointe  recourbée,  imitant 
l'oiseau,  couvraient  entièrement  le  Pavillon  siamois  et  reposaient  sur  des  piliers  non  moins 
coquets,  revêtus  entièrement  de  nacre,  aux  reflets  chatoyants.  Quant  au  plafond,  il  était 
à  compartiments,  et  tout  rouge,  à  la  mode  siamoise;  mais  il  était  orné  de  rosaces 
d'or  qui  complétaient  l'ensemble  de  cette  décoration  picturale. 

Il  n'y  avait  pas  d'exposition  dans  ce  pavillon,  qui  a  été  expédié  à  grands  frais  de 
Bangkok  et  qui  était  là  comme  un  spécimen  type  de  l'architecture  siamoise. 

Ajoutons  que  cette  exposition  avait  été  organisée  par  M.  A.  Gréham  (Plira-Siam  Dhu- 
ranuraks),  consul  général  tle  Siam,  commissaire  général. 


L'AFRIQUE    A    L'EXPOSITION 


EGYPTE  —  MAROC  —  LA   RUE   DU   CAIRE 

iaroc,  Egypte,  rue  du  Caire  —  tout  cela  se  tient  et  repasse  brusquement  devant 
vos  yeux  dans  le  même  coup  d'une  vision,  exquise  en  ses  étrangetés,  de  l'Orient. 
Cette  vision,  que  nous  évoquons  d'un  trait  de  plume,  constitua,  on  s'en  souvient, 
une  des  plus  grandes  attractions  de  l'Exposition  Universelle  ;  c'est  là  que,  dès  le  début,  la 
foule  se  porta,  affamée  de  nouveau  ou  d'étrange,  menée  par  cette  curiosité  quasi  senti- 
mentale de  l'exotique,  inhérente  à  notre  race  et  développée  en  elle  par  les  légendes  dont 
notre  enfance  fut  bercée.  Ceux-là  nous  connaissaient  bien  qui  eurent  l'idée  de  ce  tableau 
oriental  à  offrir  à  nos  appétits  du  merveilleux,  et  il  convient  —  quoiqu'ils  aient  trouvé  la 
récompense  naturelle  de  leurs  efforts  dans  le  succès  obtenu  —  il  convient  de  fixer  ici  les 
noms  de  M.  le  baron  Delort  et  de  son  jeune  collaborateur,  M.  Quillet,  architecte,  qui  pré- 
sidèrent à  l'établissement  de  ce  tableau. 

Mais  procédons  prudemment,  et,  avant  de  pénétrer  dans  la  rue  du  Caire,  où  vous  savez 
qu'on  s'oubliait  volontiers,  contournons-la  et  revoyons  l'exposition  du  Maroc. 

Tout  d'abord,  le  Pavillon  impérial,  une  mosquée  blanche  dont  l'aspect,  à  distance,  vous 
donnait  l'illusion  —  excusez  l'irrévérence  —  d'une  énorme  citrouille  blanchie  à  la  chaux, 
tranquillement  assise  sur  une  table  carrée.  Dès  qu'on  se  rapprochait  et  qu'on  pouvait  saisir 
les  détails  de  sa  façade,  sa  grande  porte,  ses  fenêtres  en  fer  à  cheval  llanquées  d'étoiles 
franchement  découpées,  sa  terrasse  ceinturée  d'une  dentelle  de  créneaux,  on  passait  à 
d'autres  sensations,  on  éprouvait  le  besoin  de  pénétrer  l'inconnu  mystérieux  qu'on  sentait 
s'abriter  là,  entre  ces  murs  étoiles,  sous  cette  —  pardon  !  j'allais  dire  citrouille  —  sous  cette 
coupole  blanche  léchée  par  le  soleil,  et  l'on  entrait. 

Dès  le  premier  pas,  on  était  chez  le  Prophète;  ses  couleurs,  vert  et  rouge,  éclataient 
au  plafond.  On  passait  en  saluant  le  drapeau  rouge  du  Maroc  et  l'on  pénétrait  dans  le 
sanctuaire,  au  fin  fond  du  mystérieux,  qui,  —  il  faut  bien  le  dire  —  vous  laissait  un  peu 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


73 


déçu  :  vous  vous  trouviez  dans  une  salle  carrée,  aux  murs  blancs,  d'une  nudité  sévère,  que, 
pour  les  croyants,  emplissait  suffisamment  sans  doute,  cette  inscription,  tirée  du  Coran, 
courant  en  frise,  quatre  fois  répétée,  tout  autour  et  en  haut  :  •<  Il  n'y  a  rien  au-dessus  de 
Dieu  !  » 

Faut-il  rappeler  les  produits  exposés  là,  si  connus  des  amateurs  d'exotique,  produits 
rares  comme  le  travail  en  ce  pays  gâté  du  soleil  et  endormi  dans  l'orgueilleux  souvenir  de 
l'ancêtre  Mahomet  :  les  faïences  illustrées  en  bleu  sur  fond  blanc,  les  malles  en  cuir  maro- 


va 


La  danse  ilu  miroir. 


Ouled-Naïl  dansant  la  danse  des  sabres. 


cain  —  bien  entendu  —  à  clous  dorés,  encore  aux  couleurs  du  Prophète,  ce  rouge  et  ce  vert 
qui  forment  le  fond  de  l'éclatante  palette  des  artistes,  ses  disciples  ;  les  armes  à  feu,  faciles  à 
reconnaître  à  leur  crosse  énorme  en  ébène,  évidée  en  croissant;  les  ceintures  or  sur  fond 
vert,  les  tentures  en  laine  aux  couleurs  criardes  à  plaisir  mariées  ;  les  lits,  les  tapis,  les 
babouches,  les  éventails,  les  chéchias,  et  enfin  et  surtout,  parmi  tous  ces  échantillons  plus 
ou  moins  remarquables  de  l'industrie  marocaine,  le  produit-type  des  descendants  de 
Mahomet  :  la  sellerie,  où  revit  et  se  perpétue  le  souvenir  au  moins  de  leur  ancienne  splen- 
deur. 

Dehors,  autour  de  la  mosquée  et  le  long  de  la  galerie  en  arcades,  divisée  en  petites 
loges,  quelque  chose  comme  un  alignement  debarraques  Collet  décorées  à  l'orientale;  c'était 
le  marche  marocain,  une  foire  furieusement  animée,  avec  sa  foulé  de  marchands  arabes, 


•74 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


maltais,  juifs,  de  toute  nationalité,  de  toute  religion,  criant  à  l'envi  et  se  disputant  la 
clientèle,  vendant  de  tout,  depuis  le  nougat  de  Montélimar  jusqu'aux  lézards  empaillés 
d'Algérie  !  A  travers  les  bruits  du  bazar,  nous  arrivait,  assourdi,  le  son  de  la  tarabouka, 
grinçant  son  chant  monotone  coupé  d'un  martèlement  de  1er,  destiné  sans  doute  à  marquer 
la  mesure  pour  l'aimée  qui,  sous  la  grande  tente  blanche  abritant  la  cour  de  l'exposition 
marocaine,  initiait  le  lion  public  aux  hardiesses  suggestives  de  la  danse  du  ventre. 

Ah  !  cette  danse  du  ventre  !  — 
Passons,  nous  la  retrouverons...  Voici 
la  rue  du  Caire,  attirante  entre  toutes 
les  attractions  de  ce  colossal  groupe- 
ment de  spectacles  imposants  ou 
aimables  que  l'ut  l'Exposition  Uni- 
verselle. 

Nous  avons  plus  haut  —  asso- 
ciant au  succès  de  son  œuvre  le  jeune 
architecte  qui  fut  chargé  par  lui  de  la 
haute  conduite  des  travaux,  M.  Quillet 
—  nommé  M.  le  baron  Delort,  l'au- 
teur de  cette  rue  du  Caire  dont  la 
reconstitution  l'ut,  de  l'avis  de  tous, 
une  merveille  d'exactitude.  On  devine 
que  M.  le  baron  Delort  a  longtemps 
habité  l'Egypte  —  vingt-cinq  ans, 
nous  dit-on  —  et  fait  une  étude  spé- 
ciale de  l'art  arabe  et  de  ses  produc- 
tions. Méry  a  bien  pu,  avec  son 
adorable  trilogie  :  Heva,  la  Guerre  du 
Nizam,  la  Floride,  nous  initier  aux 
mystères  de  l'Inde  et  nous  dépeindre 
très  pratiquement  ce  pays  qu'il  ne 
visita  jamais;  même  pourvu  de  l'ima- 
gination de  Méry,  même  doté  d'une 
baguette  magique,  le  scrupuleux  ar- 
tiste qui  présida  à  la  reconstitution 
du  quartier  égyptien,  n'eût  jamais, 
sans  études  préalables,  sans  visites  prolongées  du  pays,  pu  arriver  à  reproduire,  faire  sortir 
de  terre  une  rue  du  Caire  si  étonnante  de  vérité  que  les  petits  àniers,  s'y  croyant  encore 
chez  eux,  nous  y  traitaient  comme  des  étrangers  égarés  sous  le  ciel  bleu  du  Nil. 

Vingt-cinq  maisons,  de  types  divers  et  caractéristiques  d'époques,  une  petite  loggia, 
un  minaret,  offrant  un  joli  spécimen  d'architecture  religieuse  et  trois  portes  monumentales 
donnant  accès  dans  le  Palais  des  Industries  diverses,  composaient  la  rue  du  Caire.  Un  point 
sur  lequel  nous  insistons  à  plaisir,  parce  qu'il  fait  bien  ressortir  la  somme  énorme  de 
travail  dépensée  par  M.  le  baron  Delort  à  la  réalisation  de  son  plan,  les  unes,  de  ces  vingt- 
cinq  maisons,  rappelaient  les  premiers  temps  du  Caire,  les  autres  étaient  d'architecture 


s-.:^ 


Frcsco  !  Frcsco. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


75 


récente  :  à  les  étudier  sérieusement,  on  pouvait  suivre  Fart  arabe  dans  ses  progrès,  depuis 
les  vieilles  maisons  dont  les  murs  laissaient  passer  des  poutres  a  peine  équarries,  jusqu'aux 
habitations  quasi  modernes  où  l'on  retrouve  encore  ces  bouts  de  poutres,  mais  sculptés, 
ornementés,  accusant  un  réel  souci  d'élégance  extérieure.  Toutes  étaient  pourvues  de  la 
moucharaby,  ce  grillage  des  fenêtres  essentiellement  arabe.  Tout  cela,  léger,  gracieux,  avec, 
dans  l'ornement  des  murs  et  des  plafonds,  d'exquis  échantillons  de  ces  arabesques  qui 
sont  le  dernier  mot  de  l'art  linéaire 
travaillant  sur  un  fonds  inépuisable 
de  fantaisie. 

La  rue  construite,  restait  la  vie  à 
lui  donner.  Les  maisons  deviennent 
des  boutiques  tenues  par  des  juifs 
et  des  musulmans  ;  l'arrivée  des 
jeunes  âniers  aux  longues  blouses 
flottantes,  chassant  devant  eux  leurs 
petits  ânes,  toujours  si  propres,  pres- 
que coquets,  dans  leur  robe  blanche 
agrémentée,  aux  cuisses,  de  dessins 
découpés  au  ciseau  dans  le  poil 
compléta  l'illusion.  Et  quand,  par  une 
après-midi  ensoleillée,  au  sortir  du 
Champ-de-Mars  incendié,  vous  arri- 
vez là,  dans  la  fraîcheur  de  cette  rue 
arabe,  peuplée  de  marchands  de  café 
débitant  leur  caouà  épais  et  cré- 
meux, de  menuisiers  assis  sur  leurs 
jambes  croisées,  de  cigariers  offrant 
la  marque  khédiviale,  de  confiseurs 
vendant  des  douceurs  du  Liban,  de 
fruitiers  à  l'éventaire  chargé  de  noix 
de  coco  et  de  bananes,  à  l'enseigne 

du  crocodile  empaillé,  vous  auriez  pu,  bousculé  par  la  troupe  turbulente  des  àniers  et 
n'eût  été  la  cohue  des  Européens,  vous  croire  au  pays  des  Pyramides... 

Mais  laissons  un  instant  les  séduction 5  faciles  et  les  attractions  aimables  de  la 
rue  du  Caire,  et  tachons  de  voir  ce  que  nous  cache  la  façade  pittoresque  et  sordide  à 
la  fois  de  ce  mystérieux  pays. 

Peu  façonné  aux  besognes  industrielles  et  surtout  peu  disposé  du  travail,  le  peuple 
égyptien  ne  s'adonne  guère  à  d'autres  soins  qu'aux  travaux  agricoles  les  plus  grossiers 
et  les  plus  primitifs. 

Parfois  cependant  l'industrie,  ou  mieux  les  petites  industries  propres  à  ce  pays 
semblent  posséder  un  certain  cachet  artistique,  et  l'artisan  qui  s'y  attache  parait  s'élever 
au  delà  de  la  pratique  purement  manuelle  de  son  métier;  mais  c'est  là  une  apparence 
bien  plus  qu'une  réalité,  et  dans  la  plupart  des  cas  la  routine  seule  tient  lieu  d'inspi- 
ration à  l'artiste,  qui  demeure  ainsi  un  véritable  ouvrier. 


La  rue  du  Caire 


76 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


C'est  là  très  exactement  l'impression  qui  se  dégageait  d'une  visite  attentive  et 
impartiale  aux  divers  ateliers  qui  bordaient  la  rue  du  Caire,  et  dans  lesquels  divers 
artisans  confectionnaient,  sous  le  regard  curieux  du  public,  les  mille  et  un  objets  qui 
forment  le  tonds  de  l'industrie  locale 

Tel  était  notamment  le  cas  des  nombreux  tourneurs  sur  bois,  chaudronniers  et 
fabricants  d'objets  divers  en  doublé,  en   corail  et  en  ambre,  sans  oublier  le  fastidieux 

brodeur  et  l'inévitable  marchand  de  babouches 
et  de  pipes  orientales. 

Nous  devons  cependant  faire  une  exception 
en  laveur  d'un  marchand  d'objets  filigranes  qui 
exposait,  entre  autres  choses,  un  magnifique 
service  à  verres  monté  sur  argent,  avec  plateau 
et  accessoires,  le  tout  installé  sur  une  très  curieuse 
table  ad  hoc. 

Ce  service  constituait,  aussi  bien  par  son 
dessin  que  par  sa  fabrication ,  une  véritable 
merveille  de  goût  et  un  chef-d'œuvre  d'exé- 
cution. 

Certes,  il  y  a  pour  l'observateur  matière  à 
d'amples  réflexions  dans  cette  déchéance  pro- 
fonde, absolue,  irrémédiable  et  définitive  d'un 
peuple.  Comme  on  l'a  dit,  l'Egypte  est  l'aïeule 
du  monde  civilisé  ;  ce  n'est  donc  pas  sans  un 
sentiment  de  vague  tristesse  que  les  civilisations 
modernes  doivent  contempler  son  état  actuel, 
dans  lequel  elles  peuvent  trouver  une  menace, 
ou  du  moins  un  enseignement. 

Que  l'on  songe,  en  effet,  que  lors  de  l'époque 
—  bien  éloignée  de  nous  cependant,  de  Cambyse 
et  de  l'empire  des  Perses  —  l'Egypte  s'enorgueil- 
lissait à  juste  titre  d'un  passé  historique  remon- 
tant à  plus  de  cinquante  siècles  en  arrière. 

A  cette  époque,  les  futurs  empires  de  l'Eu- 
rope actuelle  ne  présentaient  guère  que  d'im- 
menses territoires  incultes,  couverts  de  forêts  profondes  et  redoutables,  peuplés 
d'hommes  primitifs,  à  demi  nus  et  plus  qu'à  demi  barbares.  Et  au  même  moment, 
l'Egypte,  éclairée  et  policée,  possédait  une  organisation  intérieure  complète,  et  les  aïeux 
des  pauvres  àniers  égyptiens  étaient  les  maîtres  et  les  éducateurs  du  monde  civilisé. 

De  vrais  gavroches,  ces  àniers.  On  en  avait  fait  venir  cinquante,  de  tout  jeunes 
gens,  presque  des  gamins,  de  quinze  à  seize  ans  :  turbulents  et  gouailleurs,  en  dépit  de 
leurs  yeux  aimables  et  d'une  douceur  orientale  ;  excités,  d'ailleurs,  en  leur  effronterie 
naturelle  par  les  gâteries  dont  ils  étaient  l'objet  de  la  part  du  public  parisien,  ils  don- 
naient, parait-il,  du  lil  à  retordre  à  leur  gouverneur...  Chez  eux  la  nature  ne  perdait 


La  danse  da  ventre. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


77 


jamais  ses  droits  :  ils  restaient  toujours  gavroches,  prêts  à  la  blague.  Aux  heures  de  repos, 
assis  en  rond  au  centre  de  l'écurie,  ils  gémissaient  gravement  le  chant  de  là-bas  en  se 
balançant  d'avant  en  arrière.  Autour  d'eux  le  public  accourait;  à  chaque  visiteur  sur- 
venant, le  visage  grave  et  comme  inspiré  des  àniers  s'éclairait  d'une  folle  envie  de  rire, 
et  se  coulant  des  regards  significatifs,  ils  se  disaient  positivement:  ça  mord!  —  Et  brus- 
quement, deux  ou  trois  d'entre  eux,  suspendant  leur  exercice,  se  levaient  et  tendaient 
leur  fez  au  public  avec  des  mines  d'une  irrésistible  drôlerie. 

Comme  spectacle,  les  derviches  tourneurs  et  encore  et  toujours  la  danse  du  ventre. 


IÉ^  Vj  Ceci  se  passait  au  café  arabe,  dans  une 
pièce  aux  tentures  d'une  réelle  magnificence. 
L'estrade  était  au  fond,  toute  petite,  l'espace 
est  inutile  :  le  derviche  et  l'aimée  pourraient 
opérer  dans  une  assiette.  Comme  musique,  deux  gratteurs  de  guitare  avec  accompa- 
gnements de  darbouka.  Les  yeux  fermés,  les  bras  étendus,  le  derviche  en  jupe  blanche 
tournait  sur  ses  talons,  accentuant  son  mouvement  circulaire  et  sans  grâce  qui  ne  nous 
arrachait  qu'une  exclamation:  a-t-il  la  tête  assez  solide  ce...  tourneur-là!  Puis  c'était  le 
tour  des  aimées.  Elles  étaient  deux  :  la  première  un  flacon  sur  la  tète,  exécutait  une 
danse  à  dessins  saccadés,  tout  le  mérite  de  la  danseuse  consistait  à  garder  la  tête  im- 
mobile sur  son  corps  en  tous  sens  agité  ;  la  seconde,  l'étoile  sans  doute,  réservée  pour  la 
bonne  bouche,  se  livrait  à  la  danse  du  ventre,  cette  danse  fameuse  dont  les  voyageurs, 
retour  d'Orient,  ne  parlaient  qu'avec  de  mystérieuses  réticences...  Eh  bien!  que  les  aimées 
nous  pardonnent,  ce  trémoussement  soi-disant  voluptueux  du  ventre,  entre  le  roulis 
des  hanches  et  le  ballottement  des  seins  éperdus,  nous  laisse  froids,  plutôt  désenchantés 


78 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Il  nous  manquait  probablement  quelque  chose  pour  goûter  l'émouvante  beauté  du  spec- 
tacle, le  soleil  qui  grise,  les  parfums  qui  troublent,  la  foi  peut-être  qui  aveugle. 

Revenons  à  l'ensemble  du  tableau  égyptien.  Merveilleusement  réussi,  il  fut,  nous  le 
répétons,  une  des  attractions  les  plus  courues  de  l'Exposition  Universelle  et  il  reste  l'un 
de  ses  plus  agréables  souvenirs. 


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Types  du  café  Maure. 


LES   SECTIONS  EUROPEENNES 


|ous  venons  d'étudier  et  de  décrire  successivement  les  diverses  sections  étrangères 
extra-européennes.  Nous  avons   vu  les   antiques  civilisations  asiatiques  et  les 
avons  comparées  aux  troublantes  exhibitions  de  l'Afrique  inconnue  ou  du  moins 
trop  ignorée  encore. 

Il  nous  reste  à  examiner  les  multiples  sections  européennes,  qui  toutes  —  ou  presque 
toutes,  à  titre  officiel  ou  privé  —  ont  pris  une  large  part  à  notre  grande  Exposition  et 
ont  présenté,  dans  leur  ensemble  aussi  bien  que  dans  leurs  détails,  l'importance  la 
plus  indéniable  et  l'intérêt  le  plus  absolu. 

Nous  allons  les  étudier  successivement,  en  conservant,  comme  base  de  notre  classi- 
fication, l'ordre  nominal  alphabétique. 


LA   SECTION   AUSTRO-HONGROISE 


Nous  avons  failli  ne  pas  avoir  un  seul  exposant  austro-hongrois  en  1889;  du  gouver- 
nement même,  il  n'y  avait  naturellement  rien  à  espérer  d'une  monarchie  adepte  de  la 
triple  alliance,  et  après  les  paroles  si  peu  bienveillantes  à  notre  égard,  prononcées  par 
M.  Tisza,  on  aurait  pu  s'attendre  à  l'absence  complète  d'une  participation  danubienne. 
Heureusement  que,  quoi  qu'on  ait  dit,  les  peuples  valent  souvent  mieux  que  les  gouverne- 
ments qu'ils  ont,  et  que  les  paroles  de  M.  Tisza  n'ont  pas  eu  l'effet  qu'il  aurait  désiré. 

Il  s'est  trouvé  un  commerçant  autrichien  bien  connu,  habitant  la  France  depuis  vingt 
ans,  pour  tenter  un  mouvement  en  sens  inverse,  et  il  a  réussi  dans  son  entreprise,  qui 
semblait  téméraire.  Nous  avons  nommé  M.  Louis  Burgcr,  et  c'est  à  lui  que  revient  la  plus 
grande  partie  du  mérite  et  du  succès  de  la  section  austro-bongroise.  M.  Louis  Burger  fut  donc 
le  président  du  Comité  général  de  cette  section,  qui  comprenait  entre  autres  MM.  Léon 


80 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 


Orosdi,  Léopold  Wedelcs,  Louis  Taub,  Élie  M.  Cattani,  Constant  Dreyfus  (secrétaire 
général),  Edouard  Kohn,  Max  Dubsky  (chef  des  secrétariats),  etc.  Le  comité  constitué  ainsi, 
et  avec  une  certaine  peine,  a  réussi  à  recueillir  un  grand  nombre  de  demandes  de  parti- 
cipation, parmi  lesquelles  280  ont  été  trouvées  dignes  de  figurer  au  Champ-de-Mars.  Ce 
nombre  d'exposants  est  sans  doute  inférieur  à  ce  que  l'Autriche  et  la  Hongrie  auraient 
donné  dans  d'autres  circonstances,  il  n'est  pas  dans  le  rapport  exact  de  l'importance  de  la 


La  Gsarda  hongroise. 


monarchie  des  Habsbourg  sur 
la  carte  de  l'Europe  ;  mais 
le  résultat,  vu  les  conditions 
particulières  de  l'époque  et 
certaines  tendances,  aurait  pu 
être  absolument  nul.  Nous 
ne  pouvons  donc,  au  con- 
traire, que  nous  réjouir  de 
ce  succès,  tout  relatif  qu'il 
est.  Encore  une  fois,  M.  Louis 

Burger  en  a  été  le  promoteur,  et  c'est  lui  qui,  avec  l'aide  de  dévoués  collègues,  a  pu  le 
mener  à  bonne  fin. 

Pourquoi  faut-il  qu'après  avoir  félicité  les  Austro-Hongrois  qui  ont  accepté  la  place  que 
nous  leur  offrions  au  grand  concours  international  de  1889,  nous  soyons  obligés,  par 
l'ordre  numérique,  d'exprimer  maintenant  un  regret? 

Oui,  nous  regrettons  l'absence,  non  pas  relative,  mais  absolue  de  la  nation  dont 
nous  parlons  dans  le  groupe  I  (Œuvres  d'art)  ;  pas  un  seul  participant  !  Et  cependant 
l'Autriche  ne  manque  pas  d'artistes.  Les  seuls  noms  contemporains  de  Makart,  Char- 
lemont,  Weistheimer,  d'Angeli  pour  la  peinture,  ceux  de  Gasser,  Kundmann,  Tilgner 
pour  la  sculpture,  Semper  pour  l'architecture,  sont  là  pour  l'affirmer.  Mais  que  voulez- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


81 


vous,  il  y  a  eu  des  hésitants,  des  timorés,  et  bref  l'art  viennois  ou  hongrois  n'a  pas  été 
représenté.  Nous  n'y  pouvons  rien.  Tassons. 

Le  groupe  II  (enseignement)  avait  33  exposants  austro-hongrois. 

L'instruction  a  encore  beaucoup  à  faire  pour  pénétrer  toutes  les  couches  de  la  société 
austro-hongroise,  et  en  Cisleithanie,  34  0/0  des  habitants  sont  complètement  ignorants. 
Néanmoins,  il  y  a  tendance  à  l'amélioration,  et  la  Hongrie  qui,  comme  on  sait,  a  une 
constitution  à  part,  est  plus  avancée  sous  ce  rapport  que  l'Autriche  proprement  dite.  En 


Section  austro-hongroise  :  Céramique. 


Autriche,  l'instruction  primaire  est  laïque,  mais  non  obligatoire,  et  gratuite  dans  quelques 
provinces  seulement;  en  Hongrie,  elle  est  laïque,  gratuite  et  obligatoire. 

Peu  d'exposants  austro-hongrois  dans  les  classes  VI,  VIII  et  IX.  Dans  cette  dernière 
(imprimerie  et  librairie),  une  mention  spéciale  est  due  à  MM.  Gerbach  et  Schenk.  Dans  la 
classe  X  (papeterie,  etc.),  deux  grands  prix  ont  été  remportés  par  MM.  Piette,  de  Frcihit 
i Bohème)  et  Smith  et  Meynier,  de  Fiume;  en  outre,  M.  Ellissen  mérite  d'être  cité.  Des  classes  XI, 
XII  et  XIV,  il  y  a  peu  de  chose  à  dire.  Pour  la  classe  XIII  (instruments  de  musique),  on 
doit  surtout  signaler  les  instruments  exposés  par  MM.  Cerveny  et  Sôhne,  de  Rôniggraatz 
(Bohême).  Dans  la  classe  XV  (instruments  de  précision),  MM.  Ncmetz  Joseph,  de  Vienne,  a 
obtenu  un  grand  prix,  et  le  microscope  de  M.  C.  Reichert  méritait  une  sérieuse  attention. 

Le  groupe  III  (mobilier  et  accessoires)  comptait  72  exposants,  tant  cisleithans  que 
translithans.  L'ameublement  (bois  courbé,  etc.),  la  maroquinerie  de  luxe,  la  bijouterie,  etc., 
sont  des  industries  prospères  sur  les  bords  du  Danube  et  de  la  Theiss.  Sur  les  meubles  delà 
ni  c 


82  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

classe  XVII,  il  n'y  a  rien  à  dire  de  particulier,  mais  la  classe  XIX  (cristaux,  verreries  et 
vitraux)  était  une  de  celles  où  l'on  rencontrait  le  plus  d'exposants  austro-hongrois,  et 
MM.  Gegling  Barl  Erben,  Harrach  Graf,  Moser  Ludwig,  Rasch  Clemens  et  Sohn,  Lotz  Joh, 
s'y  distinguaient  tout  spécialement;  ce  dernier  a  obtenu  un  grand  prix;  il  est  Bohé- 
mien, c'est  tout  dire;  l'industrie  du  verre  est  en  effet  la  richesse  de  la  Bohême,  et  elle  y 
existait  déjà  au  moyen  âge;  les  centres  industriels  actuels  sont  près  des  gîtes  de  matières 
premières:  silice,  bois,  houille.  La  Bohême  fabrique  en  masse  les  wiederkomm,  brocs  de 
couleur  verte  ornés  d'armoiries  et  de  figures  historiques,  des  potiches,  vases,  cassettes,  etc., 
simulant  la  porcelaine.  L'Exposition  en  montrait  une  grande  variété. 

La  classe  XX  (céramique)  avait  aussi  un  certain  nombre  d'exposants  austro-hongrois, 
la  plupart  de  la  Bohême;  nous  devons  citer  entre  tous  MM.  J.  Fischer  et  Alfred  Stellmacher. 
Dans  la  classe  XXI,  les  tapis  de  M.  J.  Ginzkey,  de  Maffersdorf  (Bohême)  méritent  d'être  cités. 

Les  industries  de  l'Autriche  et  de  la  Hongrie,  en  ce  qui  concerne  l'orfèvrerie,  les 
bronzes  artistiques,  l'horlogerie,  les  appareils  de  chauffage,  la  maroquinerie,  etc.,  étaient 
plus  ou  moins  bien  représentés  dans  les  classes  XXX,  XXVI,  XXVII,  XXVIII  et  XXIX.  La 
maroquinerie  de  luxe  notamment  était  bien  soulignée  par  les  belles  expositions  de 
MM.  Lichtblau  Adolf  et  Budolt. 

Le  groupe  IV  (tissus,  vêtements,  etc.)  comptait  environ  70  exposants  d'Autriche- 
Hongrie.  L'industrie  cotonnière  est  en  grand  progrès  dans  l'Empire-Boyaume  ;  mais 
l'Exposition  était  fort  avare  d'exposants  de  cette  catégorie.  On  peut  en  dire  autant  de 
l'industrie  du  lin  et  du  chanvre,  qui  occupe  cependant  un  nombre  considérable  de 
bras,  et  est  très  ancienne,  et  aussi  de  celle  de  la  laine,  une  des  plus  prospères  du  pays, 
dont  les  progrès  réalisés  depuis  dix  ans  sont  très  importants,  par  suite  des  notables 
perfectionnements  apportés  à  l'outillage  des  procédés  mécaniques.  Pour  les  laines  cependant 
nous  devons  citer  les  expositions  de  MM.  Brùck  et  Engelsmann,  de  Brùnn,  et  de 
MM.  Dcmuth,  Anton  et  Sôhne.  L'industrie  de  la  soie,  qui  est  en  décroissance,  n'avait  même 
pas  un  seul  représentant  qui  en  attestât  l'existence. 

La  classe  XXXV  était  bien  mieux  représentée  par  l'Autriche. 

Les  articles  de  bonneterie,  de  lingerie  et  les  accessoires  du  vêtement  y  avaient  pour 
principaux  représentants  de  cette  nationnalité  MM.  Jeileles  Jakob,  H.  Sohn  Veil  et  Cie,  etc. 
Les  broderies  et  dentelles  faisaient  défaut. 

Les  habillements  des  deux  sexes  figuraient,  pour  l' Autriche-Hongrie,  dans  la 
classe  XXXVI,  notamment  avec  MM.  J.  Fluss,  Herrmann  Daniel,  Kompert  Franz  et  Ernst 
Lœwenstein  Adolf,  M.  et  J.  Mandl,  B.  Strakosch,  etc. 

La  joaillerie  et  la  bijouterie,  qui  constituent  des  industries  viennoises  figurant  parmi 
les  plus  en  faveur,  étaient  bien  représentées  dans  la  classe  XXXVII,  entre  autres  par 
MM.  Bœhm  et  Herrmann,  de  Vienne. 

Nous  arrivons  au  groupe  V  (Industries  attractives,  Produits  bruts  et  ouvrés).  Là, 
l'Autriche-Hongrie  n'avait  pas  accumulé,  comme  on  aurait  pu  s'y  attendre,  en  considérant 
les  richesses  de  son  sol,  les  nombreux  produits  qu'elle  en  extrait  et  qui  sont  sa  plus 
grande  richesse.  l'eu  de  pays  ont,  en  effet,  des  mines  en  aussi  grande  abondance,  et 
si  la  production  est  encore  faible,  en  regard  des  ressources,  elle  a  un  brillant  ave- 
nir, dans  la  main  de  gens  sachant  en  tirer  parti.  Le  produit  minéral  par  excellence 
de  la  Monarchie,  c'est  le  fer;  il  est  dans  toutes  les  provinces,  en  Styrie,  en   Carin- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


83 


thie,  en  Bohème,  en  Moravie,  en  Hongrie,  en  Transylvanie.  Après  le  fer,  c'est  le  sel 
qui  domine,  et  il  se  rencontre  sous  des  formes  variées  :  sel  marin,  sel  fossile  de 
Wieliczka  (Gallicie),  etc.  A  Parajd,  on  voit  une  montagne  de  sel  pur  de  sept  kilomètres 
de  tour.  La  houille  est  aussi  très  répandue,  surtout  en  Bohème;  l'or  se  trouve 
dans  la  Hongrie  et  la  Transylvanie;  l'argent  en  Bohème  et  en  Hongrie;  enfin,  on  trouve 
encore  en  divers  endroits  du  cuivre,  du  plomb,  du  mercure  à  Idria  (Carniole),  de  l'étain, 
du  soufre,  de  l'antimoine,  du  cobalt,  du  nickel,  du  manganèse,  du  chrome,  de  la  magnésie, 
du  graphite,  du  pétrole  dans  les  Carpathes,  de  l'asphalte,  des  eaux  minérales  très 
abondantes,  surtout  en  Bohème  (eaux  de  Sedlitz,  de  Pùllna,  etc.)  Des  carrières  de  pierres 
de  taille,  de  grès,  de  granit,  de  chaux,  d'argile,  de  plâtre,  d'alun,  de  pyrites,  sont  exploitées. 


Musiciens  de  la  Csarda  hongroise. 


Malgré  cette  abondance  et  cette  variété  peu  communes,  la  section  austro-hongroise 
de  la  classe  XLI  était  presque  nulle,  et  celle  de  la  classe  XLVIII  l'était  même  complètement. 

L'Exposition  ne  permettait  donc  pas  au  visiteur  de  voir  les  progrès  de  l'Autriche  dans 
cet  ordre  d'idées,  et  de  les  comparer  avec  les  progrès  d'autres  puissances  métallurgiques 
et  minières. 

L'industrie  du  fer  possède  là-bas  280  hauts  fourneaux,  produisant  par  an  500,000 
tonnes  de  fonte,  et  les  aciéries  Bessemer  et  Martin-Siemens  sont  très  nombreuses,  de 
même  que  les  fabriques  du  matériel  des  voies  ferrées. 

Dans  la  classe  XLII,  nous  ne  trouvons  guère  à  mentionner  spécialement  que 
M.  J.  Schmitt,  et  cependant,  là  encore,  l'Autriche  aurait  pu  taire  mieux,  car  elle  en  a  les 
moyens,  et  ses  forêts  sont  une  des  plus  grandes  richesses  agricoles  de  l'Empire. 

Au  point  de  vue  général  de  l'agriculture,  c'est  la  Hongrie  qui  est  la  partie  la  plus  riche 
de  la  Monarchie.  Les  deux  tiers  des  céréales  en  proviennent  ;  ce  sont  surtout  le  froment, 
le  colza,  le  seigle,  l'orge,  l'avoine,  le  sarrasin,  le  maïs  ;  on  récolte  une  centaine  de  millions 


84  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1X89 

d'hectolites  de  pommes  de  terre,  des  légumes,  du  riz,  des  graines  oléagineuses,  du  tabac, 
des  betteraves,  du  houblon,  du  chanvre,  du  lin,  des  châtaignes  du  Tyrol,  des  fruits,  des 
oliviers,  etc. 

Parmi  les  rares  produits  agricoles  non  alimentaires  autrichiens  de  la  classe  XLIV, 
citons  ceux  de  M.  Benj.  Selnvarz. 

Les  produits  exposés  au  groupe  VII  (Agriculture),  dans  les  classes  LXXIV,  LXXV, 
LXVI  et  LXVIII  (Horticulture),  étaient  trop  peu  importants  pour  qu'on  puisse  juger  du 
pays  d'où"  ils  proviennent. 

Le  groupe  VI  (Industries  mécaniques)  était  aussi  trop  peu  représenté  dans  la  section 
austro-hongroise  ;  nous  avons  déjà  indiqué  cependant  l'importance  de  l'industrie  minière 
et  métallurgique  dans  l'Empire  danubien,  le  parti  à  tirer  de  la  sage  exploitation  forestière, 
le  développement  des  industries  de  filature  et  de  tissage,  et  cependant  tous  ces  travaux 
étaient  à  peine  soupçonnés  à  l'Exposition,  de  même  que  les  machines  en  général,  les 
chemins  de  fer,  l'électricité,  etc.  Dans  la  classe  LXIV  (Hygiène),  M.  Hay  Moritz,  de  Vienne, 
mérite  d'être  cité. 

Dans  le  groupe  VII  (Produits  alimentaires),  la  section  dont  nous  nous  occupons  était 
mieux  représentée.  Pour  les  céréales  et  produits  farineux,  un  grand  prix  a  été  remporté 
par  M.  Pannonia-Dampfmùhle,  de  Budapest  ;  on  peut  encore  citer  dans  cette  classe  LXVI1 
MM.  Brum  et  Solin,  Deutsch  Maurus,  Hauser  et  Sobotka,  M.  Kohn,  etc.  Dans  la  classe  LXIX, 
on  doit  citer  les  produits  de  MM.  Mandel-Eduard  et  Cie  ;  et  dans  la  classe  LXXI,  les  fruits  de 
MM.  Sgalitzer  et  Kovary. 

Comme  boissons  fermentées  (Classe  LXXIID,  l'Autriche  se  distinguait  surtout  par  des 
vins,  dont  les  plus  renommés  sont  ceux  de  Tokai,  de  Dalmatie,  etc.  ;  nous  pouvons  relever, 
comme  principaux  exposants,  les  noms  de  MM.  Wellisch  et  J.  Grosse  (de  Krakau). 

On  voit  par  ce  court  compte  rendu  quelle  place  occupait  à  l'Exposition  l' Autriche-Hon- 
grie. L'absence  complète  de  cet  Empire  dans  certaines  classes  très  importantes  ne  nous 
a  pas  permis  de  pouvoir  jeter  sur  lui  le  coup  d'œil  d'ensemble  que  nous  aurions  souhaité. 
Ce  que  nous  en  avons  vu  a  suffi  pour  nous  montrer  des  efforts  que  l'avenir  couronnera 
certainement  de  succès  ;  mais  dans  un  pays  où  les  luttes  de  races  sont  loin  d'être  assou- 
vies, où  l'égalité  ne  règne  pas,  il  est  difficile  que  des  progrès  importants  soient  accomplis. 
L'avenir  dira  si  les  hommes  d'État  de  P Autriche-Hongrie  comprendront  assez  tùt  le  danger 
qu'il  y  a  pour  eux  à  laisser  subsister  cet  état  de  choses. 


LA    BELGIQUE 

La  participation  de  la  Belgique  à  l'Exposition  Universelle  de  1889  a  été  relativement  des 
plus  imposantes  si  l'on  considère  l'étendue  de  terrain  occupée  par  elle,  et  la  variété  de  ses 
manifestations  industrielles,  artistiques  et  autres.  Nous  devons  dire,  pourtant,  que  nulle 
part  elle  ne  nous  a  causé  de  ces  surprises  que  les  amis  du  progrès  à  outrance  recherchent 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


85 


avidement.  Elle  s'est  montrée  à  nous  telle  que  nous  la  connaissions,  c'est-à-dire  avec  un 
excellent  ensemble  de  qualités  d'ordre  moyen,  qui  charment  souvent  et  plaisent  toujours, 
sans  toutefois  nous  remuer  fortement. 

La  Belgique  est  venue  à  l'Exposition  dans  des  conditions  toutes  particulières.  Sa  partici- 
pation n'a  pas  été  officielle,  et  cependant  ses  Chambres  ont  voté,  à  cet  effet,  une  subven- 
tion de  600,000  francs.  Ce  pays  n'est  pas  représenté  à  notre  grande  World'»  fair  par  un 
commissaire  officiel,  et  pourtant  le  gouvernement  belge  a  notifié  au  nôtre  la  nomination 
d'un  commissaire  pris  dans  une  commission  non  officielle.  Un  mouvement  irrésistible  s'est 
produit  au  sein  du  pays,  et  le  gouvernement  a  dû  céder,  tout  en  laissant  voir,  d'une  façon 
plus  ou  moins  adroite,  qu'il  ne  le  faisait  qu'à  contre-cœur. 

On  a  dit  avec  raison  :  la  Belgique  était  un  peu  partout  à  l'Exposition  Universelle.  L'en- 


Dentclliércs  belges. 

semble  des  emplacements  qu'elle  occupait  forme  un  total  de  13,000  mètres  carrés,  ainsi 
répartis  :  au  Champ-de-Mars,  3,750  mètres  carrés,  dans  les  galeries  des  industries  diverses; 
4,000  mètres  carrés  à  la  galerie  des  machines  et  400  sur  les  balcons;  enfin  1,500  mètres 
carrés  couverts  par  différents  pavillons  éparpillés  dans  les  jardins.  Au  quai  d'Orsay,  les 
produits  agricoles  et  alimentaires  s'alignaient  sur  une  surface  de  950  mètres  carrés.  Nous 
relevons  430  mètres  aux  Arts  Libéraux;  le  reste  était  réparti  dans  diverses  sections  :  Sylvi- 
culture, Économie  sociale,  Beaux-Arts,  etc. 

C'est  à  droite,  en  entrant  du  côté  de  l'avenue  de  Labourdonnais,  que  nous  trouvons  la 
Belgique,  dans  le  Palais  des  industries  diverses.  La  façade  de  cette  section  a  été,  à  bon  droit, 
considérée  comme  une  des  plus  remarquables.  C'était  une  immense  boiserie  dans  le  style  de 
la  Benaissance  flamande  :  les  moulures  s'enlevant  avec  beaucoup  d'élégance  sur  les  fonds 
en  vieux  noyer.  La  longue  frise  nous  montrait  les  blasons  des  provinces  belges,  et  quatre 


8G  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

niclies,  qui  la  coupaient  symétriquement,  étaient  occupées  par  des  statues  en  bronze  foncé, 
personnifiant,  sous  l'aspect  d'artisans  du  Moyen  Age,' les  principaux  corps  de  métiers  du 
pays.  Ces  figurines  étaient  très  finement  traitées  et  parfaitement  en  rapport  avec  le  caractère 
fouillé  de  l'ensemble.  Les  peintures  de  I'acrotère  rehaussaient  encore,  par  leur  tonalité  d'un 
goût  délicat,  l'impression  qui  résultait  de  l'effet  général.  Pourquoi  faut-il  qu'on  ait  cru  devoir 
imposer  à  cette  façade  l'appoint  non  seulement  inutile  mais  encore  déplacé  de  colonnes  en 
onyx  avec  chapiteaux  et  bases  en  bronze  doré?  Supposez  que  ces  hérauts  d'armes  fassent 
soudain  irruption  dans  un  cabinet  de  travail  entouré  de  meubles  d'une  teinte  sévère,  emmi- 
touflés de  lourdes  draperies,  etc.,  et  qu'ils  se  mettent  à  emboucher  avec  entrain  leurs 
bruyantes  trompettes.  Eh  bien!  cela  ne  saurait  être  plus  choquant  que  l'aspect  de  ces 
colonnes  d'onyx  coiffées  et  chaussées  de  dorures  au  milieu  de  boiseries  qui  constituaient 
un  chef-d'œuvre  de  délicatesse  et  de  bon  goût. 

Il  suffisait  de  parcourir  la  section  belge,  pour  se  convaincre  que  tous  les  objets  exposés 
étaient  solides  et  bien  faits,  d'une  élégance  sérieuse  ou  d'un  confortable  très  étudié.  Évidem- 
ment, nous  sommes  en  présence  d'un  peuple  qui  aime  à  s'entourer  de  tous  les  accessoires 
du  bien  être.  Aussi  pratique  d'instinct  que  la  race  anglo-saxonne,  il  est  d'un  caractère  plus 
souple  et  d'une  humeur  plus  riante.  Il  subit  d'une  façon  continue  les  influences  de  Londres 
et  celles  de  Paris,  et  par  suite  d'une  sélection  qui  tait  honneur  à  son  bon  sens,  il  ne  s'assi- 
mile que  ce  qui  lui  parait  véritablement  bon  en  soi.  Il  se  montre  en  un  mot  utilitaire  sans 
sécheresse  et  raffiné  sans  excès.  Les  Belges  profitent  donc  de  tous  les  progrès,  et  se  haussent 
toujours  à  temps  au  niveau  de  la  civilisation  la  plus  avancée.  Cette  situation  a  des  avan- 
tages incontestables;  mais  elle  n'est  pas  sans  inconvénients.  Il  est,  par  exemple,  beaucoup 
plus  difficile  à  ce  peuple  qu'à  tout  autre  de  produire  des  œuvres  parfaitement  originales. 
C'est  pourquoi  les  produits  de  son  industrie  ont  en  général  quelque  chose  de  déjà  vu.  Les 
plus  remarquables,  les  seuls  qui  portent  véritablement  son  empreinte,  ne  sont  guère  que 
des  reproductions  d'œuvres  anciennes,  créées  à  l'époque  florissante  de  l'art  flamand.  Ceci 
peut  se  dire,  non  seulement  des  beaux  meubles  en  bois  sculpté  de  Malines,  mais  encore  des 
fers  forgés  :  lanternes,  landiers,  grilles,  balcons,  qui  semblent  avoir  été  laits,  en  Flandre,  à 
l'époque  de  la  Renaissance. 

Voici,  pourtant,  des  parquets  de  marqueterie  d'une  grande  originalité  de  dessin.  Il  y  a 
là  des  jeux  de  relief  étonnants.  Mais  ici  la  tendance  originale  a  peut-être  un  tant  soit  peu 
dépassé  le  but;  car  un  parquet  doit  s'accuser  comme  une  surface  plane,  ou,  tout  au  moins, 
ne  pas  vous  donner  l'illusion  trop  violente  de  plans  disposés  en  gradins  suivant  une  direc- 
tion sans  cesse  contrariée.  Cela  ne  peut  manquer  de  troubler  désagréablement  la  vue.  On  se 
plait  trop,  en  général,  à  prêter  aux  parquets,  par  des  combinaisons  de  formes  géométriques 
et  de  bois  de  couleur,  l'aspect  de  cubes  en  saillie  sur  lesquels  on  va  marcher,  et  nous 
sommes  surpris  que  les  personnes  nerveuses  puissent,  sans  risquer  de  perdre  équilibre, 
aller  et  venir  sur  des  figures  de  marqueterie  d'une  hardiesse  aussi  ahurissante. 

Arrêtons-nous  devant  les  tapisseries  exposées  par  la  manufacture  royale  de  Malines  que 
dirige  M.  Braquenié.  Nous  serions  heureux  de  pouvoir  admirer  sans  réserve  tout  ce  qui  se 
trouve  ici,  et  pourtant  il  nous  faut  reconnaître  que  certains  ouvrages  sont  mieux  venus  ou 
plus  intéressants  que  d'autres.  Les  portraits  nous  semblent  peu  réussis,  mais  il  y  a  là  des 
panneaux  décoratifs  d'un  grand  effet  et  d'une  remarquable  exécution.  Voyez  surtout  cette 
tenture,  la  Députation  des  Gueux  présentant  sa  requête  à  la  régente,  dont  le  carton  est  dû  à 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  87 

M.  Geets,  l'artiste  indispensable  de  l'établissement.  Ce  morceau  d'importance  est  en  vérité 
d'une  belle  facture.  Quelle  richesse  de' coloris  et  quelle  perfection  dans  le  rendu  des  cos- 
tumes! Sans  une  certaine  sécheresse  qui  gâte  le  modelé  des  chairs,  notre  admiration  serait 
absolue. 

Il  faut  dire  que  l'autre  exposition  de  M.  Braquenié  nous  a  rendu  quelque  peu  diffi- 
cile. Nous  voulons  parler  des  ouvrages  qu'il  a  fait  exécuter  dans  ses  ateliersji'Aubusson. 
Il  y  a  là  aussi  des  œuvres  qui  ne  sont  point  à  notre  goût;  par  exemple,  le  portrait  de 
Charles  I"  (d'après  Van  Dick),  se  noyant  dans  un  fond  jaune  éclatant,  destiné  à  le  faire  res- 
sortir. Nous  regrettons  qu'on  ait  cru  devoir  infliger  un  aussi  cruel  supplice  à  la  noble  effigie 
de  cet  infortuné  monarque.  Mais  à  côté  de  ce  Van  Dick  incohérent,  nous  remarquons  de 
fort  belles  pièces  :  V Automne  et  le  Printemps,  tissés  d'après  les  cartons  d'Ehrmann,  une  suite 
des  Mois,  d'après  Àudran,  et  des  sièges  dans  le  goût  du  xvme  siècle.  On  peut  citer  aussi 
Y  Échange  des  deux  Peines,  d'après  Rubens,  etc.  Pour  en  revenir  à  la  section  belge,  recon- 
naissons franchement  que  la  Manufacture  royale  de  Malines  y  fait  bonne  figure,  et  ne  nous 
perdons  pas  dans  des  critiques  de  détail,  qui  gâteraient  tout  notre  plaisir. 

Le  clou  de  cet  endroit  était  évidemment  le  petit  pavillon  où  l'on  voyait  à  l'ouvrage  les 
dentelières  flamandes.  Sous  le  bonnet  de  forme  singulière  qui  leur  cache  en  partie  le  visage, 
elles  semblent  demi-cloitrées.  Et,  de  fait,  on  dirait  des  sœurs  d'un  ordre  étrange.  Leurs 
doigts,  qui  se  meuvent  avec  une  aérienne  délicatesse,  font  comme  des  fils  de  la  Vierge,  avec 
variations,  ou,  si  vous  aimez  mieux,  des  toiles  d'araignée  à  prendre  les  cœurs.  Remarquez 
le  sourire  significatif  qui  anime  les  physionomies  si  diverses  du  public  féminin,  et  voyez, 
d'autre  part,  l'expression  de  curiosité  inquiète  qui  rend  si  drôles  tous  les  visages  appar- 
tenant au  sexe  fort. 

Que  de  merveilleux  travaux  s'offrent  à  nos  regards  dans  quelques-unes  des  vitrines  qui 
nous  entourent!  Nous  n'ignorons  pas  qu'à  Malines  comme  ailleurs  on  fait  des  dentelles  à  la 
mécanique,  mais  c'est  toujours  à  la  main  que  se  font  les  beaux  ouvrages.  Est-il  rien  de  plus 
ravissant  que  le  voile  de  mariée  exposé  là,  et  l'éventail  sur  ce  sujet,  les  Adieux:'  Pourtant  il 
faut  avouer  qu'en  général  les  fleurs,  les  feuillages  et  les  ornements  se  prêtent  mieux  à  ce 
genre  de  travail  que  les  personnages,  si  légers  qu'ils  soient...  Le  toile  de  la  dentelle  dite 
matines  est  plus  fin  et  plus  vaporeux  que  celui  de  la  valenciennes.  Afin  d'en  souligner,  pour 
ainsi  dire,  les  formes,  on  a  cru  devoir  accuser  les  contours  de  ce  tissu,  plus  impalpable 
qu'un  nuage,  à  l'aide  d'un  fil  plat  un  peu  brillant,  qui  en  fait  ressortir  le  dessin.  Pendant 
longtemps  le  fond  de  neige  lut  en  vogue,  mais  on  finit  par  s'apercevoir  que  ce  fond,  très 
élégant  en  lui-même,  tirait  l'œil,  et  nuisait  à  l'effet  du  feuillage;  et  puis  il  alourdissait  sin- 
gulièrement une  dentelle  qui  doit,  avant  tout,  paraitre  ce  qu'elle  est,  c'est-à-dire  la  plus 
légère  de  toutes.  On  adopta  donc,  avec  raison,  un  treillis  de  mailles  rondes  d'une  merveil- 
leuse finesse  sur  lequel  les  ornements  et  les  tleurs  si'  détachent  avec  une  admirable  netteté'. 
Des  ajours  habilement  ménagés  dans  certaines  parties  des  motifs  leur  donnent  toute  la  grâce 
et  la  délicatesse  imaginables.  Le  centre  de  la  production  des  malines  se  trouve  dans  la 
région  située  entre  Malines,  Anvers  et  Louvain.  renchez-vous  et  regardez  en  détail  les 
féeriques  tissus  que  renferment  ces  vitrines.  Votre  goût  en  deviendra  plus  fin,  vos  idées, 
par  l'effet  d'une  sympathie  inexplicable,  y  gagneront  peut-être  en  légèreté,  sans  rien  perdre 
de  leur  consistance;  enfin  les  mots  eux-mêmes  que,  d'ordinaire,  vous  assemblez  avec  peine, 
s'échapperont  de  votre  bouche,  rapides  et  légers  pour  traduire  en  un  divin  langage  l'im- 


88  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

pression  délicieuse  que  vous  ressentirez.  Remarquez  aussi  ces  valenciennes  :  elles  méritent 
de  retenir  votre  attention.  Mais,  direz-vous,  c'est  un  genre  français  que  les  Belges  ont 
copié.  Entendons-nous.  Jusqu'à  la  Révolution,  la  ville  de  Valenciennes  a  été  le  centre  de 
cette  fabrication  et,  par  suite,  son  nom  y  est  attaché,  bien  que  de  nos  jours  elle  n'en  fasse 
plus.  C'est,  maintenant,  à  Courtrai,  Poperinghe,  Ypres  et  Gan'd  que  se  fait  surtout  le  com- 
merce de  ce  genre  de  dentelles.  C'est  dans  les  couvents  de  filles  pauvres  et  les  béguinages 
qu'on  en  fabrique  la  plus  grande  partie.  En  France,  il  n'y  a  guère  qu'à  Bailleul,  petite  ville 
de  la  frontière,  où  l'on  en  fasse  encore.  Un  curieux  travail  est  celui  des  Valenciennes- 
Brabant,  qui  est  connu  depuis  une  trentaine  d'années  environ.  Il  consiste  à  exécuter 
d'abord  les  feuillages,  ou  les  fleurs;  le  réseau  vient  ensuite  remplir  les  intervalles.  Ce  pro- 
cédé permet  de  faire  par  petites  parties  des  dentelles  d'une  grande  étendue  et  d'une  exécu- 
tion fort  difficile  par  bandes.  Nous  resterions  volontiers  des  heures  entières  à  contempler 
ces  jolis  ouvrages;  mais  il  nous  faut,  bon  gré,  mal  gré,  faire  place  à  d'autres,  curieux  ou 
connaisseurs,  qui  ne  demandent  qu'à  nous  voir  partir. 

Marchons  maintenant  à  l'aventure  à  travers  les  salles  de  la  section  belge.  Voici  l'expo- 
sition de  l'industrie  textile,  qui  nous  montre  tous  les  états  par  lesquels  passe  la  laine,  de- 
puis l'état  brut  jusqu'aux  plus  fins  tissus.  Plus  loin,  nous  pénétrons  dans  un  pavillon  carré, 
drapé  en  velours  bleu,  où  des  échantillons  de  peaux  s'étalent  prétentieusement.  Que  voulez- 
vous,  chacun  désire  attirer  l'attention,  et  les  articles  les  plus  modestes,  qui  sont  venus  là 
pour  être  vus,  se  dressent  ou  se  contournent  pour  qu'on  les  remarque.  Ceci  nous  porte  à 
excuser  l'étrangeté  de  ces  colonnes  faites  de  peaux  enroulées.  Sous  une  tente,  on  a  disposé, 
de  façon  à  forcer  l'attention  du  public,  un  grand  choix  de  vêtements  militaires.  Ailleurs, 
nous  voyons  des  armes,  des  fusils  de  chasse,  des  revolvers,  des  poignards,  etc.  La  cérami- 
que et  la  verrerie  occupent  beaucoup  d'espace,  mais  il  n'y  a  rien  là  d'absolument  remar- 
quable. La  carrosserie  belge  est  très  soignée.  Les  voitures  ordinaires  et  les  carrosses  de  gala 
que  l'on  nous  montre  dans  cette  section  inspirent  de  la  confiance  au  point  de  vue  de  la  so- 
lidité; de  plus  elles  ont  toute  l'élégance  que  ce  genre  comporte. 

Passons  dans  le  vestibule  qui  sépare  la  Belgique  de  l' Autriche-Hongrie,  et  jetons  un 
coup  d'œil  aux  diamants  exposés  par  Latinie.  Cette  vitrine  ne  saurait  vous  arrêter  bien 
longtemps,  si  vous  avez  vu  dans  la  section  française  les  chefs-d'œuvre  de  joaillerie  de  Bapst 
et  Falize,  Boucheron  et  Vever.  Il  y  a  pourtant  ici  une  petite  croix  en  diamant,  d'un  seul 
morceau,  qui  représente  un  travail  énorme;  mais  il  faut  être  du  métier  pour  s'en  rendre 
compte.  Ce  qu'il  a  fallu  de  patience  pour  façonner  ce  petit  bijou  de  forme  banale  est  vrai- 
ment inimaginable.  Songez  aussi  à  la  perte  considérable  de  précieuse  substance  qu'un  tel 
ouvrage  a  dû  entraîner. 

En  quittant  cette  galerie  du  côté  de  l'avenue  de  Labourdonnais,  nous  sommes  en  pré- 
sence de  divers  pavillons  qu'il  nous  faut  rapidement  visiter.  Ici  se  trouve  l'exposition  de 
M.  Blaton-Aubert,  fabricant  de  ciment  hydraulique  (statues,  carrelures,  céramique,  etc.). 
Là,  c'est  une  fabrique  de  potasse,  de  M.  Solvay.  Enfin  dans  un  grand  bâtiment,  en  sapin 
verni,  se  trouve  l'importante  exposition  des  mines  de  Mariemont  et  de  Bascoup.  On  regarde 
toujours  avec  intérêt  les  plans  en  relief  de  ces  exploitations  ;  mais  les  badauds  qui  traînent 
là  leurs  petits  enfants  regrettent  l'absence  de  pièces  mécaniques,  de  petits  bonshommes 
allant  et  venant  comme  il  y  en  avait  aux  anciennes  Expositions.  Il  y  a  pourtant  l'installa- 
tion complète  d'un  puits  de  mine,  avec  machines  d'extraction  et  d'épuisement,  des  ventila- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  89 

teurs,  un  lavoir  à  charbon  au  feldspath,  un  appareil  à  monter  et  à  descendre  les  mineurs. 
Ces  charbons  de  différentes  sortes  et  ces  briquettes  nous  étonnent  peu.  Pourquoi?  Parce  que 
nous  savons,  de  longue  date,  qu'il  n'y  a  pas  de  charbonnages  supérieurs  à  ceux  du  Bori- 
nage  et  du  bassin  de  Charleroi.  Les  journaux  et  les  ouvrages  spéciaux  que  nous  avons  lus 
contenaient  d'amples  informations  à  ce  sujet,  et  il  en  résulte  que  nous  entrons  dans  ce  pa- 
villon sans  curiosité  et  que  nous  en  sortons  sans  regret. 

Le  compartiment  belge  à  la  galerie  des  Machines  était  d'une  importance  capitale  et  du 
plus  haut  intérêt.  Nous  aurons  à  nous  en  occuper  ultérieurement  dans  notre  étude  analy- 
tique des  classes. 

L'impression  qui  résulte  pour  nous  de  notre  visite  à  la  section  belge,  c'est  que  nous  y 
avons  vu  des  produits  fort  nombreux  et  très  variés,  qui  méritent  presque  tous  d'être  exami- 
nés de  près.  En  somme,  c'était  une  exposition  sérieuse  et  importante.  Il  y  avait  de  tout,  et  les 
articles  étaient  en  général  de  bonne  qualité.  Mais,  à  l'exception  des  dentelles,  qui  à  elles  seules 
méritent  d'attirer  au  Champ-de-Mars  les  personnes  de  goût  du  monde  entier,  nous  n'y  avons 
avons  rien  remarqué  d'absolument  original.  Comme  nous  le  disions  en  commençant,  les 
Belges  sont  des  gens  pratiques,  et  tant  qu'ils  pourront  prospérer  sans  faire  le  moindre  effort 
d'imagination,  ils  n'auront  garde  de  se  laisser  conduire  par  la  folle  du  logis. 


LA    SECTION    ESPAGNOLE 

Le  gouvernement  monarchique  de  l'Espagne,  à  l'exemple  des  autres  monarchies 
européennes,  n'a  pas  voulu  participer  officiellement  à  notre  Exposition  Universelle.  Mais  la 
sympathie  de  nos  frères  latins  ne  pouvait  certainement  manquer  d'être  représentée  à 
cette  grande  fête  internationale. 

Un  comité  de  19  membres  fut  formé  en  temps  utile  à  Madrid,  afin  de  centraliser  les 
demandes  de  participation  des  artistes,  industriels  ou  commerçants  espagnols,  et  de 
communiquer  avec  une  délégation  générale  installée  à  Paris.  Le  président  du  comité  de 
Madrid  fut  Son  Excellentissime  Sr.  D.  Matias  Lôpez  y  Lôpez,  sénateur  ;  les  vice-présidents 
furent  Son  Excellentissime  D.  Celestino  de  Ansorena,  et  Sr.  D.  Teodoro  Bonaplata;  les 
secrétaires  généraux  :  Sr.  D.  Tornas  Caro,  Sr.  D.  Mijuel  Moya,  Sr.  D.  Clémente  F.  Aramburo 
et  Sr.  D.  Francisco  Bivas  Moreno. 

Quant  à  la  délégation  siégeant  à  Paris,  elle  eut  pour  délégué  général  Son  Excellentis- 
sime Sr.  D.  Juan  Navarro  Beverter,  assisté  de  onze  autres  membres,  dont  quatre  adjoints. 
En  outre,  quatre  délégués  représentaient  les  chambres  de  commerce  de  la  Havane,  de 
Manille,  de  Porto-Bico,  etc. 

Ce  concours  de  bonnes  volontés,  choisies  parmi  les  personnes  les  plus  honorables  et  les 
plus  notables  de  la  Péninsule  Ibérique  devait  assurer  le  succès  de  l'Espagne  en  1889,  et 
c'est  ce  qui  est  arrivé,  surtout  pour  les  vins.  Bref,  l'Espagne  a  figuré  dans  la  plupart  des 
classes,  et  si  ses  nationaux  n'ont  pas  eu  partout  des  récompenses  importantes,  elle  a  au 
moins  montré  que  toutes  les  branches  de  l'activité  humaine  avaient  des  représentants 
chez  elle. 

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90 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


Le  nombre  des  personnes  qui  ont  répondu  à  l'appel  du  Comité  d'organisation  a  été 
très  grand,  et  tant  pour  la  Péninsule  que  pour  ses  colonies,  2,325  exposants  d'origine 
espagnole  figuraient  au  Champ  de  Mars,  et  occupaient  en  tout  S, 258  mètres  carrés. 

Un  très  élégant  pavillon  espagnol,  dû  au  talent  de  MM.  A.  Melida  et  Poupinel,  de  70  mètres 
de  long  sur  15  de  large,  fut  élevé  sur  le  quai  d'Orsay,  entre  le  pont  de  l'Aima  et  des 
Invalides,  pour  recevoir  les  vins  et  produits  alimentaires  qui  constituent  les  principales 
richesses  de  l'Espagne.  On  avait  réuni  dans  l'architecture  de  ce  pavillon  les  principaux 
styles  espagnols  de  diverses  époques  ;  d'abord  le  style  arabe  influencé  par  la  domination 

chrétienne  (style  madejar),  puis  le 
style  gothique  fleuri,  avec  ornements 
en  faïences,  reste  de  l'influence  arabe; 
enfin,  le  style  Plateresco,  qui  date 
du  commencement  de  la  Renais- 
sance. Les  caractères  différents  de 
ces  styles  ne  s'harmonisent  pas  tou- 
jours bien  ;  c'est  ce  qui  donnait  au 
pavillon  un  aspect  d'ensemble  un 
peu  disparate.  Mais  il  ne  fallait  y  voir 
que  le  but  de  faire  connaître  aux 
Français  ces  intéressants  styles  peu 
connus,  et  le  manque  d'espace  pour 
en  constituer  plusieurs  pavillons. 

Nous  nous  occuperons  tout  d'a- 
bord de  ce  que  ce  pavillon  conte- 
nait, pour  aborder  ensuite  l'étude 
des  produits  espagnols  disséminés 
aux  palais  des  Beaux-Arts,  des  Arts 
Libéraux,  des  Machines,  etc. 

Le  pavillon  espagnol  se  compo- 
sait de  deux  étages.  Au  rez-de-chaus- 
sée étaient  les  vins  ;  la  disposition 
avait  un  caractère  local  très  accen- 
tué ;  elle  rappelait  bien  les  caves 
espagnoles,  avec  leur  température  agréablement  fraîche.  La  décoration 
était  constituée  par  des  pilastres  et  colonnes  octogonales  et  par  la  charpente  apparente  du 
premier  étage.  Malheureusement,  les  installations  ayant  été  complètement  abandonnées  à 
l'initiative  des  exposants,  ne  présentaient  pas  la  régularité  ni  la  symétrie  désirables. 

Cette  réserve  faite,  nous  ne  ménagerons  pas  notre  admiration  à  la  superbe  exhibition 
des  vins  espagnols.  C'était  à  la  fois  par  lu  qualité  et  par  la  quantité  qu'ils  se  distinguaient. 
Du  reste,  les  vins  espagnols  sont  estimés  dans  le  monde  entier;  on  en  exporte  pour 
315  millions  de  francs  par  an  ;  tout  le  monde  connaît  les  crus  de  Valence,  de  l'Andalousie, 
de  Xérès,  de  Malaga,  de  l'Aragon,  des  Castilles,  etc.,  dont  la  qualité  est  grandement 
favorisée  par  le  beau  soleil  castillan. 

Trois  maisons  espagnoles  ont  obtenu  des  grands  prix  pour  leurs  vins  :  MM.  Gonzalès 


Un  coin  de  cave  du  palais  d'Espagne. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1889  91 

Diass,  Pladellorens,  Aurelio  Segovia  ;  deux  autres  grands  prix  ont  été  décernés  à  MM.  Ayala 
et  Cie  et  la  Sociedad  de  Cosecheros,  pour  leurs  spiritueux,  eaux-de-vie,  etc.  Quant  aux 
médailles  d'or,  leur  liste  serait  trop  longue  et  trop  fastidieuse  pour  être  donnée  ici  ;  mais, 
comme  curiosité,  il  est  intéressant  de  dire  que  la  classe  LXXIII  seule  (boissons  fermentées) 
renfermait  1,079  exposants  espagnols.  C'est  dire  l'immense  participation  de  l'Ibérie  à  cette 
classe,  pour  les  vins  surtout. 

Le  premier  étage  du  pavillon  espagnol  était  divisé  en  plusieurs  salles,  et  renfermait  les 
produits  alimentaires,  agricoles  et  d'autres  encore.  Les  murailles  étaient  blanches,  comme 
en  Espagne,  les  plafonds  étaient  en  papier  provenant  d'Espagne  même,  et  celui  du  salon 
central  était  la  reproduction  exacte  d'un  plafond  de  la  sinagoga  de  Transita,  de  Tolède. 

Les  terres  cultivées  n'occupent,  en  Espagne,  que  le  tiers  environ  du  sol  ;  le  reste  est  en 
pâturages  et  en  forêts.  Néanmoins  l'Espagne  produit  assez  de  céréales  (blé,  orge,  maïs  ou 
riz)  pour  pouvoir  en  exporter. 

Les  exposants  les  plus  notables  de  la  classe  LXVII  étaient  MM.  Calderon  et  Hijos,  pour 
leurs  farines,  M.  Juan  Clôt,  pour  ses  pâtes  alimentaires,  la  chambre  de  commerce  de 
Logrono,  pour  ses  céréales,  etc.  ;  en  outre  un  grand  nombre  de  produits  du  même  genre 
étaient  présentés  par  les  maisons  les  plus  renommées  de  la  Péninsule. 

A  signaler  surtout  dans  la  classe  LXIX,  les  expositions  d'huiles  de  M.  Enrique  de 
Cuadra  (grand  prix\  celles  de  MM.  Amoros,  Caries,  Casas  y  Bordas,  Gonzalo  Priéto,  Mena 
y  Zorilla,  Mondai  va  Hermanos,  Poréar  (huile  d'olives),  Quinza  Hermanos,  Sard,  Vives  y 
Colon,  etc.,  qui  ont  affirmé  une  fois  de  plus  les  bonnes  qualités  des  huiles  espagnoles. 

L'Espagne  nourrit  beaucoup  d'animaux  utiles  ;  ses  ânes  et  ses  mulets,  notamment, 
sont  considérés  comme  les  plus  beaux  de  l'Europe;  en  outre,  elle  élève  aussi  des  chevaux, 
des  bœufs  estimés,  possède  25  millions  de  moutons,  qui  constituent  la  branche  dominante 
de  l'industrie  pastorale,  et  parmi  lesquels  on  compte  beaucoup  de  moutons  mérinos  ;  enfin 
des  taureaux  s'élèvent  dans  la  Sierra  Morena,  la  Sierra  Guadarrama  et  la  Navarre,  pour 
servir,  hélas!  à  l'amusement  d'un  peuple  qui  semble  y  tenir  autant  qu'à  ses  vieilles 
coutumes  et  à  sa  liberté  ! 

Mais  revenons  à  l'Exposition  ;  la  classe  LXX  (viandes  et  poissons)  nous  montrait  un 
grand  nombre  d'envois  de  l'autre  côté  des  Pyrénées.  Nous  sommes  encore  obligé  de  n'en 
citer  que  quelques-uns  ;  nous  n'oublierons  pas  cependant  les  conserves  présentées  par 
M.  Tomas  Museros  et  par  la  Société  commerciale  de  Lequeito,  les  salaisons  de  MM.  Carbo 
frères  et  Cie,  les  anchois  de  MM.  Parent  frères,  etc. 

Dans  la  classe  LXXI,  nous  citerons  seulement  les  envois  de  légumes  de  M.  Lopez  Seoane; 
les  raisins  secs  et  les  fruits,  en  général,  favorisés  par  un  beau  ciel,  sont  exquis  ;  il  nous 
suffira  de  nommer  les  grenades  et  les  oranges  de  Valence. 

Dans  la  classe  LXXII,  nous  devons  surtout  noter  comme  produits  qui  étaient  les  mieux 
représentés  :  le  safran  (M.  Alcaraz»,  le  café  (MM.  Aréno  Felipe,  Canals  Coll  et  Cie,  Laurnaga, 
Nicolau  frères,  Pietri  frères,  etc.),  le  chocolat  et  la  confiserie  (MM.  Artez,  Blanca,  Cie  colo- 
niale, Juncosa.  Léal,  Raventos,  etc.),  les  liqueurs  (MM.  Bosch,  Escat  et  Cie,  Morel),  etc. 

Revenons  maintenant  au  groupe  I  (œuvres  d'art).  La  patrie  de  Murillo  n'a  pas  perdu 
ses  qualités  artistiques,  et  un  pays  aussi  pittoresque  ne  peut  que  favoriser  l'éclosion  d'ar- 
tistes de  grand  talent. 

De  nombreuses  peintures  à  l'huile  figuraient  dans  la  section  espagnole  ;  on  en  comptait 


92  L'EXPOSITION'    UNIVERSELLE    DE    1889 

plus  d'une  centaine.  Le  tableau  de  Luis  Jiménez  intitulé  :  Une  salle  d'hôpital  —  La  visite, 
était  le  plus  remarquable  de  la  série  ;  c'est  de  la  bonne  peinture,  d'où  l'allégorie  a  été  heu- 
reusement proscrite  et  où  la  vérité  seule  est  représentée  dans  toute  sa  grandeur,  dans 
toute  la  tristesse  du  cas  particulier  qu'on  a  voulu  peindre. 

Ceci  nous  amène  à  constater  avec ' satisfaction  la  tendance  de  la  nouvelle  école  espa- 
gnole de  s'éloigner  de  plus  en  plus  du  classique  pour  s'inspirer  uniquement  des  traditions 
de  l'école  nationale  et  du  naturalisme. 

Les  titres  seuls  des  tableaux  suivants,  exposés  dans  la  classe  I,  indiquent  nettement 
cette  tendance  :  La  chaise  de  Philippe  II,  par  Luis  Alvarez;  Rêverie,  Une  partie  d'échecs,  Les 
Politiques,  etc.,  par  José  Jiménez  Aranda  ;  Le  dernier  des  Fortuny,  par  Ricardo  Madrazo,  etc., 
pour  ne  citer  que  les  principaux.  Rappelons  encore  comme  étant  à  la  tète  de  la  peinture 
espagnole  les  noms  connus  de  Francisco  Pradilla,  Émilio  Sala,  Ortiz,  etc.  Parmi  les  paysa- 
gistes figurant  à  l'Exposition,  on  peut  nommer  Martin  Rico,  José  Masriera,  etc.  Parmi  les 
aquarelles  espagnoles  (classe  II),  il  nous  faut  citer  celles  de  José  Jiménez  Aranda,  ainsi  que 
celles  très  nombreuses  de  Daniel  Urrabieta  Vierge,  et  celles  de  José  Tapiro.  En  outre, 
plusieurs  envois  représentaient  le  pastel,  fort  en  honneur  dans  la  Péninsule. 

Les  sculpteurs  et  les  graveurs  de  l'Espagne  sont  bien  moins  nombreux,  et  ont  une 
réputation  infiniment  moindre  que  ses  peintres  ;  aussi  croyons-nous  inutile  de  citer  des 
noms  dans  cette  catégorie. 

Nous  allons  pénétrer  maintenant  dans  le  groune  II  (Enseignement).  Le  développement 
de  l'enseignement  est  la  condition  sine  qua  non  du  relèvement  d'un  pays  comme  l'Espagne, 
aussi  sommes-nous  heureux  de  constater  les  efforts  faits  dans  ce  sens  depuis  quelques 
années.  MM.  Juan  et  Antoine  Bastinos,  éditeurs  à  Barcelone,  Eusèbe  Moreno  Martinez,  fabri- 
cant de  tables  pour  écoles,  à  Madrid,  etc.,  montraient  à  l'Exposition  leur  participation  à  ce 
mouvement  progressiste  en  ce  qui  concerne  l'enseignement  primaire.  Mais  l'Espagne  est 
néanmoins  un  des  pays  les  plus  arriérés  du  continent  sous  ce  rapport,  et  elle  n'a  pas  trop 
de  la  concentration  de  toutes  ses  forces  vives  pour  développer  cette  source  primordiale  de  la 
prospérité  nationale. 

Signalons  encore  la  participation  importante  de  l'Institut  de  Fomento  du  collège  na- 
tional d'Espagne  à  la  classe  VIII  (Enseignement  supérieur). 

En  ce  qui  concerne  l'imprimerie  et  la  librairie,  nous  avons  remarqué  surtout  les  beaux 
travaux  de  typographie  et  de  gravure  exposés  par  La  llustraciôn  Espanola  y  Americana,  de 
Madrid,  et  par  les  successeurs  de  N.  Ramirez,  de  Barcelone  ;  se  distinguaient  aussi,  les 
maisons  Bailly-Baillière,  Ed.  Greiner,Juan  Maisonnave,  etc. 

Parmi  les  papetiers  espagnols  qui  figuraient  à  la  classe  X,  la  maison  Pedro  H.  Osenalde, 
de  Madrid,  occupait  un  rang  important.  La  papeterie  est  une  industrie  qui  s'est  beaucoup 
développée  en  Espagne  depuis  trente  ans. 

Dans  la  classe  relative  à  la  photographie,  nous  pouvons  citer,  entre  autres,  la  maison 
Ramirez  et  Cie. 

Le  groupe  III  (mobilier  et  accessoires^  est  celui  où  les  exposants  castillans  ont  le  moins 
brillé.  Quelques  meubles,  des  mosaïques,  des  objets  de  parfumerie  attestaient  cependant  le 
bon  goût  espagnol.  Une  exception  doit  être  faite  à  ce  que  nous  avons  dit  ci-dessus:  sur  les 
dix  exposants  espagnols  de  la  classe  XXV,  sept  ont  été  récompensés,  dont  un,  M.  Zuluaga 
y  Zuluaga,  a  obtenu  un  grand  prix  pour  ses  objets  en  fer  repoussé,  et  cinq  ont  eu  des  nié- 


■■=1 


94  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

dailles  d'or  pour  des  bronzes  d'art  ou  des  travaux  artistiques  en  ferronnerie  ou  métal 
repoussé  ;  ce  sont  MM.  Manuel  Beristany,  R.  Contreras  é  hijo,  T.  Ibarzaral,  A.  Sanchez. 

Les  grands  progrès  réalisés  en  Espagne  dans  le  tissage  et  la  filature  étaient  bien  attestés 
par  le  groupe  IV  de  l'Exposition  ;  c'est  surtout  dans  la  région  de  Barcelone  et  dans  la  Cata- 
logne que  ces  industries  se  sont  développées. 

Deux  exposants  de  fils  et  tissus  de  coton  ont  obtenu  des  grands  prix.  Ce  sont  MM.  Pa- 
radella  et  Cie,  et  La  Espana  Industrial,  de  Barcelone;  en  outre  on  doit  signaler  MM.  Sard  et 
Cie,  de  la  même  ville. 

Pour  les  fils  et  tissus  de  laine,  un  grand  prix  a  été  obtenu  par  l'Association  des  fabri- 
cants de  Sabadell;  on  doit  encore  citer  dans  cette  classe  la  belle  exposition  de  la  Collectivité 
des  fabricants  de  Tarrasa,  MM.  Planas,  Rodriguez  frères,  et  bien  d'autres  encore,  attestant 
les  progrès  de  l'Espagne  dans  cet  ordre  d'idées. 

Pour  les  tissus  de  soie,  très  peu  nombreux  en  ce  qui  concerne  l'Espagne,  la  maison 
Fabregas  et  Refart,  de  Barcelone,  se  faisait  à  peu  près  seule  remarquer  d'une  façon  spé- 
ciale. 

Dans  la  classe  XXXIV,  on  admirait  particulièrement  les  dentelles  blondes  de  MM.  Garau 
et  Callejon,  de  Grenade. 

Nous  aurions  encore  à  parler  des  exposants  espagnols  pour  les  objets  accessoires  du 
vêtement,  pour  les  habillements  eux-mêmes,  car  il  y  a  de  bons  tailleurs  dans  tous  les  pays, 
et  les  modèles  que  nous  montraient  MM.  Garau,  Juan  Frivas,  Sais,  etc.,  étaient  au-dessus  de 
tout  éloge;  mais  les  industries  extractives  appellent  toute  notre  attention  et  vont  nous  per- 
mettre de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  richesses  naturelles  du  sol  espagnol. 

L'Espagne  est,  en  effet,  un  pays  excessivement  riche  au  point  de  vue  minéral,  et  ses 
mines  sont  connues  depuis  fort  longtemps,  puisque  les  Carthaginois,  et  après  eux  les 
Romains  les  ont  jadis  exploitées.  On  y  exploite  aujourd'hui  le  plomb  argentifère  à  Linarès 
(Andalousie);  le  cuivre,  dans  la  vallée  du  Rio  Tinto,  etc.;  le  minerai  de  mercure,  l'étain, 
dans  les  Asturies;  le  fer,  un  peu  partout;  le  sel,  le  marbre,  la  chaux,  le  plâtre,  la  houille,  etc. 
Malheureusement  l'Exposition  renfermait  trop  peu  de  ces  produits,  dont  certains  man- 
quaient même  totalement,  pour  pouvoir  juger  sur  place  de  leurs  qualités. 

L'attention  du  visiteur  de  la  classe  XLI  était  surtout  attirée  par  la  Compagnie  Royale 
Asturienne  (grand  prix),  qui  montrait  de  beaux  échantillons  du  zinc  qu'elle  exploite  sur  une 
si  grande  échelle;  un  autre  grand  prix  a  été  obtenu  par  la  Société  de  fiiscaye.  On  remar- 
quait encore,  entre  autres,  les  minéraux  divers  de  la  Société  anonyme  des  mines  de  Apattio, 
de  Jumilla,  les  phosphates  de  la  Société  générale  de  Cacérès,  etc. 

Dans  la  classe  XLII,  on  pouvait  remarquer  surtout,  en  fait  de  produits  espagnols,  les 
lièges  et  bouchons  de  MM.  Andren  frères  et  Cie;  Isem,  Casos  et  Bordas,  de  Séville;  du  Con- 
seil de  ville  et  de  la  Chambre  de  commerce  de  Palamos,  etc. 

Dans  la  classe  XLIV,  les  tabacs  de  la  Compagnie  fermière  de  Madrid,  les  laines  de 
M.  Matias  Moreno,  et  les  produits  de  M.  Martincz  Rivero  ont  été  les  plus  remarqués. 

Comme  produits  chimiques,  après  les  bougies  de  MM.  Lizariturri  et  Rezola,  de 
San  Sébastian,  on  remarquait  encore  des  savons,  des  produits  pharmaceutiques,  des 
essences,  etc. 

La  tannerie  espagnole  se  trouvait  représentée  principalement  par  les  cuirs  et  peaux 
de  MM.  Fargas  et  Vilaseca,  Gatius,  Matas  et  Cie,  etc.;  encore  une  industrie  de  transfor- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  95 

mation  récente,  et  qui  a  son  siège  principal  en  Catalogne,  la  région  la  plus  industrielle 
de  l'Espagne. 

Nous  arrivons  maintenant  au  groupe  VI  (outillage  et  procédés  des  industries  méca- 
niques). C'est  sous  ce  rapport  que  notre  sœur  latine  a  encore  beaucoup  à  faire,  car  si  son 
sol  est  riche,  il  faut  mettre  la  science  en  œuvre  pour  en  tirer  parti. 

Les  exposants  espagnols  de  ce  groupe  n'étaient  pas  très  nombreux,  et  leur  outillage 
n'est  pas  encore,  en  bien  des  points,  à  la  hauteur  des  perfectionnements  modernes,  mais  le 
progrès  est  néanmoins  notable.  On  ne  transforme  pas  ses  procédés  mécaniques  en  un  jour. 

On  remarquait  d'intéressantes  machines  agricoles,  une  seule  pour  l'exploitation  des 
mines  (!),  très  peu  pour  les  industries  chimiques,  pour  les  procédés  du  tissage,  pour  le 
matériel  de  couture,  pour  les  impressions,  pour  la  carrosserie,  pour  les  travaux  publics, 
pour  la  navigation,  pour  l'art  militaire;  mais  où  l'absence  presque  absolue  de  l'Espagne  se 
faisait  vivement  sentir,  c'était  pour  la  mécanique,  pour  l'électricité  et  pour  les  chemins  de 
fer,  qui  sont  aujourd'hui  cependant  les  grands  facteurs  du  progrès  contemporain.  Nous 
sommes  heureux  d'avoir  à  citer  l'exposition  de  la  corderie  Ibérique,  de  JIM.  Orsola,  Sola 
et  Cie  classe  LXIII,  de  M.  Caldas  de  Bisaga  et  de  plusieurs  autres  dans  la  classe  de  l'hygiène, 
notamment  des  exposants  d'eaux  minérales,  qui  sont  —  par  parenthèse  —  très  nom- 
breuses en  Espagne.  Mais  à  part  ces  expositions,  on  peut  dire  que  le  groupe  VI  n'a  pas  été 
ce  qu'il  aurait  dû  être  pour  l'Espagne,  dont  la  marine,  les  chemins  de  fer,  les  travaux 
publics  sont  assez  développés  pour  présenter  certaines  particularités  intéressantes  et  sus- 
ceptibles de  prendre  place  sous  le  toit  du  Palais  des  Machines. 

Mais  ne  nous  plaignons  pas  trop.  L'Espagne  était  livrée  à  ses  propres  forces,  son  gou- 
vernement ne  l'ayant  pas  encouragée  à  venir  prendre  sa  place  au  Champ-de-Mars;  elle  a  fait 
ce  qu'elle  a  pu;  nous  l'en  remercions. 

Pour  nous  résumer,  le  rapide  coup  d'œil  que  l'Exposition  nous  a  permis  de  jeter  sur 
les  produits  de  l'Espagne  nous  fait  constater  que  les  ressources  de  ce  pays  sont  très  grandes. 

Avec  une  bonne  gestion  de  ses  finances,  de  nombreuses  voies  de  communication  et  une 
bonne  organisation  des  différents  services  publics,  l'Espagne  pourrait  reprendre  le  rang 
que  les  révolutions  intérieures  et  les  souffrances  de  plusieurs  siècles  lui  ont  fait  perdre. 

Du  reste,  depuis  vingt  ans,  sa  situation  économique  s'est  grandement  améliorée,  et  la 
paix  actuelle  lui  est  un  sûr  garant  de  l'avenir.  Seulement  il  est  juste  de  faire  remarquer 
que  c'est  aux  étrangers  et  à  leurs  capitaux  que  sont  dus  la  plupart  de  ces  progrès,  et  les 
Français  surtout  ont  montré,  dans  cette  circonstance,  leur  salutaire  influence  sur  l'Es- 
pagne, en  y  créant  des  industries  nouvelles,  en  exploitant  ses  mines,  en  relevant  la 
grande  culture.  Le  commerce  extérieur  total  de  l'Espagne  est  de  près  de  un  milliard  et 
demi,  dont  700  millions  pour  l'exportation;  c'est  peu,  cependant,  pour  un  État  peuplé  de 
près  de  18  millions  d'habitants. 

Mais  les  progrès  de  tous  genres,  si  rien  ne  vient  en  contrarier  la  marche  ascendante, 
achèveront  de  relever  l'Espagne,  qui  en  avait  vraiment  besoin,  après  tous  les  malheurs  qui 
s'y  sont  accumulés  depuis  le  commencement  de  ce  siècle.  La  paix  est  nécessaire  à  tous  les 
peuples  pour  se  développer,  et  à  l'Espagne  en  particulier.  Il  faut  que  l'on  puisse  dire  avec 
plus  de  justesse  qu'au  temps  de  Louis  XIV  :  «  Il  n'y  a  plus  de  Pyrénées!  » 


96  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Les  Colonies  espagnoles  :  Cuba,  Porto-Paco,  Philippines.  —  Après  avoir  parlé  de  l'Es- 
pagne, il  nous  faut  parler  maintenant  de  ses  colonies,  qui  ont  aussi,  selon  leurs  moyens, 
tenu  à  prendre  part  à  l'Exposition  à  côté  de  leur  métropole. 

Quoique  Cuba  soit  incontestablement  la  plus  ancienne  et  la  plus  commerçante  des 
possessions  espagnoles  d'outre-mer,  c'est  elle  qui  avait  le  moins  d'exposants,  soit  54, 
tandis  que  Porto-Rico.  infiniment  moins  peuplée  et  moins  grande,  avait  néanmoins  67  ex- 
posants et  les  Philippines  56. 

Cuba,  la  reine  des  Antilles,  a  une  population  de  1,600,000  habitants,  qui  s'occupe 
surtout  des  travaux  agricoles,  et  notamment  de  la  canne  à  sucre,  du  cacao,  du  tabac, 
du  café  et  du  cotonnier.  Aussi  n'y  a-t-il  pas  lieu  de  s'étonner  du  succès  obtenu,  dans 
la  classe  XLIV,  par  les  tabacs  de  la  Havane,  si  universellement  estimés.  La  collectivité 
des  exposants  de  cigares  de  la  Havane  a  obtenu  un  grand  prix,  et  il  nous  faut  citer 
encore  dans  cette  classe  les  importantes  expositions  de  cigares  de  compagnies  commer- 
ciales, la  Carona,  Partagos,  et  de  MM.  Vencedora,  Coranas,  Manuel  Valle,  etc.,  tous  de  la 
région  havanaise. 

Dans  la  classe  LXX1I,  on  pouvait  voir  les  beaux  échantillons  de  sucre  de  MM.  Mariano 
Artez,  de  Matanzas,  les  fruits  conservés  d'une  façon  si  habile,  par  M.  Francisco 
Rabentos,  etc. 

La  suppression  de  l'esclavage  à  courte  échéance,  dans  l'île  de  Cuba,  décrétée  récem- 
ment, apportera  des  modifications  profondes  dans  l'organisation  sociale  de  cette  colonie, 
car  la  grande  culture  ne  pourra  plus  s'y  faire,  comme  auparavant,  par  des  milliers  de 
nègres,  plies  sous  le  joug  d'un  blanc. 

Cuba  a  un  sol  riche  en  minéraux,  mais  non  encore  exploité. 

Porto-Rico,  voisine  de  Cuba,  mais  qui  est  séparée  de  cette  dernière  par  Saint-Domin- 
gue, est  peuplée  de  815,000  habitants  ;  son  sol  est  riche,  tant  au  point  de  vue  minéral 
qu'au  point  de  vue  végétal. 

Parmi  les  produits  assez  nombreux  qu'elle  étalait  à  l'Exposition,  nous  citerons  une 
belle  exposition  de  bois,  dans  la  classe  XLII,  qui  donnait  une  faible  idée  des  ressources 
forestières  de  l'île,  des  tabacs,  des  huiles,  des  sirops  (surtout  ceux  de  MM.  Monclova 
frères),  des  farines  (notamment  celles  de  la  Chambre  de  commerce  de  Porto-Rico  et  de 
MM.  Monclova  frères).,  des  légumes  et  fruits  originaires  de  l'île  (surtout  ceux  de  M.  José 
Bailesteros  Munoz),  des  eaux-de-vie  et  alcools  (de  MM.  Julian  Blanco,  de  San  Juan,  etc.), 
etc.  Mais  l'exposition  la  plus  notable  de  Porto-Rico  était,  comme  pour  Cuba,  celle  des 
cafés,  chocolats  et  sucres,  représentés  principalement  par  MM.  Félix  Arena  ;  Julian 
Blanco;  Canals,  Coll  et  Cie  ;  Piétri  frères,  etc. 

Les  Philippines  forment  le  plus  beau  fleuron  de  l'empire  colonial  espagnol;  les  nom- 
breuses îles  qui  composent  cet  archipel  ne  comptent  pas  moins,  en  effet,  de  7,500,000  habi- 
tants. Les  principales  ressources  du  sol  sont  le  riz,  la  canne  à  sucre,  le  coton,  des  fruits 
exquis,  des  bois  précieux,  du  camphre,  du  marbre,  du  soufre,  du  fer,  du  plomb,  de  l'or,  etc. 

La  Chambre  de  commerce  de  Manille  a  été  la  principale  exposante  des  Philippines,  et 
elle  a  obtenu  de  nombreuses  récompenses;  elle  se  faisait  remarquer  surtout  par  des  cha- 
peaux et  des  malles,  dans  la  classe  XXXVI;  par  de  beaux  échantillons  de  bois,  dans  la 
classe  XLII;  par  de  belles  variétés  de  riz  dans  la  classe  LXVII;  et  enfin  par  de  la  cannelle,  du 
cacao,  du  café,  du  sucre,  dans  la  classe  LXXII. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


97 


Outre  la  chambre  de  commerce,  on  doit  citer  l'exposition  de  la  Compagnie  générale 
des  tabacs  des  îles  Philippines,  dont  le  siège  est  à  Manille,  et  M.  Régino  Garcia,  de  Manille, 
qui  a  obtenu  un  grand  prix  pour  ses  variétés  de  riz  et  autres  produits  agricoles. 


FINLANDE 


Ceux  qui  assistaient  à  l'inauguration  du  pavillon  Finlandais  n'oublieront  jamais  la 
musique  qu'ils  y  entendirent,   chantée  par  les  Muntere  Musikanten  d'Helsingfors,    cent 


Le  Chalet  finlandais 


cinquante  voix  formant  un  ensemble  d'une  sonorité  savamment  mesurée,  avec  des 
solistes  très  remarquables  et  très  goûtes,  tant  pour  la  richesse  de  leur  organe  que  pour 
l'art  indiscutable  avec  lequel  cet  organe  était  conduit.  Le  répertoire  des  chanteurs 
finlandais  est  très  étendu  et  très  varié  :  il  s'étend  des  chœurs  nationaux,  des  chants  de 
guerre  —  échos  pieusement  conservés  des  vieux  bardes  —  aux  sérénades  modernes,  si 
tendrement  touchantes  en  leur  poétique  simplicité.  Heureux  artistes  !  ils  en  sont  encore 
au  culte  de  la  mélodie,  et  les  effets  que,  harmonistes  inpeccables,  d'ailleurs,  ils  savent 
en  tirer  ne  sont  pas  pour  les  faire  sortir  de  cette  voie.  Rappelons  les  titres  de  leurs 
m  7 


98  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1889 

cliants,  ils  suffisent  à  donner  la  note  de  leur  poétique  :  la  Marche  du  Bataillon  de  Vasa 
et  le  Chant  de  Suoni,  Suoni,  la  Finlande  des  vieux  bardes;  le  Son  des  Cloches,  les  Etoiles, 
Ma  bien-aimée  est  loin,  la  Sérénade  au  bord  de  la  mer. 

Les  Manière  Musikanten  qu'il  nous  fut  donné  d'entendre  constituent  évidemment  le 
meilleur  groupe  des  chanteurs  de  la  Finlande,  mais  non  pas  une  exception  dans  ce 
pays  où  tout  le  monde  chante,  où  la  poésie  hante  jusqu'aux  plus  pauvres  chaumières. 
Si  vous  passez,  le  soir,  devant  ces  dernières,  vous  entendrez  certainement  des  voix 
douces  chanter  les  légendes  nationales  en  s'accompagnant  du  kantilé,  instrument  de 
musique  national,  une  cithare,  que  le  chanteur  a  devant  lui,  sur  une  table,  et  dont  il 
pince  les  huit  cordes  sonores. 

Nous  devions  cet  hommage  d'un  charmant  souvenir  aux  Muntere  Musikanten  *  dont 
les  chœurs  harmonieux  nous  préparaient  si  agréablement  à  la  visite  de  l'Exposition 
finlandaise. 

Le  pavillon  de  cette  exposition— un  grand  chalet  qu'on  pourrait  facilement  qualifier 
de  palais  —  avait  été  construit  à  Helsingfors  ;  des  ouvriers  du  pays  n'avaient  eu  qu'à 
le  remonter  au  Champ-de-Mars.  Construit  en  bois  verni,  flanqué,  aux  angles,  de  quatre 
pavillons  au  toit  quadrangulaire,  monté  d'un  dôme  central  crevé  de  larges  baies, 
pourvu,  sur  chacune  de  ses  faces,  de  balcons  extérieurs  et,  à  l'intérieur,  d'une  élégante 
galerie  circulaire,  le  chalet  finlandais,  tout  bourdonnant  d'harmonies,  était  d'un  spectacle 
charmant  et  d'une  poétique  originalité. 

Au  rez-de-chaussée,  l'exposition  offrait  des  bois,  de  la  marqueterie,  des  fers,  des 
aciers,  des  instruments  d'agriculture,  des  minerais,  des  granits,  des  quartz  :  c'était  le 
rayon  des  produits  du  sol.  Au  premier,  une  fort  jolie  collection  de  fourrures  et  d'animaux 
empaillés.  On  y  remarquait  un  loup  énorme  traînant,  attachée  à  sa  dépouille,  une 
terrible  légende  qui  nous  rappelait  celle  de  notre  bête  du  Gémudan. 

Une  mention  spéciale  est  due  aux  sculpteurs  sur  bois,  travail  quasi  national,  car  tout 
le  monde  s'y  livre,  depuis  les  enfants  des  écoles  jusqu'aux  femmes  du  monde,  qui  trom- 
pent l'ennui  des  longues  veillées  d'hiver  en  se  livrant,  sans  autre  outil  qu'un  couteau, 
à  la  confection  de  cuillers,  de  fourchettes  et  même  d'instruments  de  musique.  Chaque 
habitation  a  son  kantilé,  l'instrument  national,  le  plus  souvent  fabriqué  ainsi  par  la 
famille.  Le  couteau  a  une  réelle  importance  en  Finlande  ;  tout  Finlandais  porte  le  sien, 
pendu  à  sa  ceinture,  dans  une  gaine  en  cuir  noir.  C'est  vous  dire  que  la  coutellerie  y 
constitue  une  industrie  de  premier  ordre,  dont  les  produits  sont  très  estimés. 

Le  chalet  finlandais  eut  une  vogue  méritée.  Comme  nous,  les  Muntere  Musikanten  ont 
dû  garder  un  excellent  souvenir  de  l'Exposition  ;  peut-être  ont-ils  aujourd'hui  Paris 
devant  les  yeux,  quand  ils  soupirent  leur  Sérénade  au  bord  de  la  mer  : 

Flots,  roulez  sans  bruit  !  Ah  !  si  vous  pouviez  chanter  et  jusqu'à  elle  porter  mes  accents  ! 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


99 


GRANDE-BRETAGNE   ET   COLONIES 


Comme  on  le  sait,  le  gouvernement  de  la  Grande-Bretagne  n'a  pris  officiellement 
aucune  part  à  l'Exposition  de  1889.  La  section  britannique  s'est  organisée  sous  la  direction 
de  sir  Polydore  de  Keyser, 
maire  de  Londres,  qui  fut 
nommé  président  du  comité, 
en  février  1888.  Les  colonies 
anglaises  qui  ont  participé  à 
l'Exposition  sont  Victoria,  la 
Nouvelle-Zélande,  la  Tasma- 
nie  et  le  cap  de  Bonne-Espé- 
rance, et  il  y  avait  en  outre 
beaucoup  d'exposants  cana- 
diens. L'Inde,  désireuse  de 
vendre  ses  produits  sur  place, 
a  dû  se  taire  construire  un 
palais  à  part,  dans  la  région 
du  Champ-de-Mars  réservée 
aux  Orientaux.  Pour  couvrir 
ses  frais,  le  comité  de  la 
Grande-Bretagne  a  établi  un 
droit  de  cinq  shillings  par 
pied  carré  de  l'espace  occupé, 
tarif  que  l'on  a  réduit  de 
moitié  pour  les  exposants  des 
galeries  de  l'Agriculture  et  de 
la  section  de  Photographie. 
En  somme,  si  l'on  considère 
avant  tout  l'espace  occupé 
par  elle  et  par  ses  colonies, 
la  participation  de  l'Angle- 
terre à  notre  grande  Exposi- 
tion a  été  des  plus  imposantes. 

Le  succès  a-t-il  couronne  ces  efforts  ?  La  Grande-Bretagne  a-t-elle  produit  sur  les  visi- 
teurs du  Champ-de-Mars  une  impression  proportionnée  à  la  haute  position  qu'elle  occupe 
dans  le  monde  ?  Nous  ne  saurions  l'affirmer,  du  moins  en  ce  qui  concerne  l'Angleterre  pro- 
prement dite.  Il  est  vrai  que  la  plupart  de  ses  principaux  manufacturiers  ont  cru  devoir 
s'abstenir,  et  que,  dès  lors,  il  nous  est  impossible  de  juger  exactement,  d'après  ce  que 
nous  avons  eu  sous  les  yeux,  des  progrès  réalisés  par  l'industrie  anglaise  depuis  1878. 

Ceci  ne  doit  pas,  néanmoins,  nous  empêcher  de  faire  une  petite  promenade  rétrospec- 
tive dans  la  section  britannique  et  d'examiner  rapidement  tout  ce  qui  mérite  d'attirer  notre 


Menuisiers  anglais  procédant  aux  travaux  d'installation. 


100  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

attention.  Ce  qui  nous  frappe  tout  d'abord,  en  entrant  parle  couloir  qui  avoisine  la  galerie 
de  la  Sculpture,  c'est  remplacement  considérable  occupé  par  la  céramique,  dont  tous  les 
objets  sont  exposés  d'une  façon  très  habile.  Tout  cela  est  on  ne  peut  mieux  groupé,  ressort 
admirablement  en  perspective,  et  semble  vous  appeler  de  loin.  Dans  la  boutique-salon  de 
MM.  Minton  se  dressent  deux  éléphants  énormes,  en  faïence  ruisselante  de  couleur  et  d'or. 
La  même  maison  expose  aussi  des  objets  d'un  genre  moins  encombrant.  Voici,  par  exemple, 
un  service  à  dessert  en  bleu  turquoise,  avec  bordure  à  jour  très  mouvementée  ;  les  sujets 
peints  au  centre  sont  d'Angclica  Kauffmann.  Les  noms  des  artistes  habituels  de  cet  établis- 
sement sont  loin  de  nous  être  inconnus.  Il  y  a  là  des  œuvres  de  Boullemier,  de  Leroy  et  enfin 
de  Solon,  dont  les  vases,  pâte  sur  pâte,  sont  d'un  effet  incomparable.  En  réalité,  tout  ce 
qui  met  en  relief  les  produits  de  MM.  Minton  est  dû  à  des  mains  étrangères,  pour  la  plupart 
françaises.  Ce  qu'il  nous  importe  de  savoir,  c'est  quelle  influence  le  voisinage  de  Solon  et 
de  ses  compatriotes  peut  avoir  sur  l'esprit,  en  général  antiartistique,  de  leurs  camarades 
anglais.  C'est  malheureusement  ce  dont  nous  ne  pouvons  rendre  compte. 

Une  autre  maison  nous  montre  quelques  vases  assez  remarquables  décorés  de  sujets, 
genre  Watteau,  par  Boullemier,  déjà  nommé.  Voici  maintenant  une  grande  machine,  des- 
tinée à  frapper  l'esprit  des  visiteurs  et  faire  écarquiller  les  yeux  aux  ruraux  en  rupture  de 
moisson.  C'est  un  vase  de  3m,3u  de  hauteur  sur  2  mètres  de  diamètre.  Il  représente,  paraît-il, 
la  Terre  recevant  les  dons  delà  Nature.  Quatre  figures,  placées  à  intervalles  égaux,  sont 
les  allégories  des  Saisons.  Une  procession  de  personnages  armés  pour  les  travaux  de  la 
campagne  se  trouve  arrêtée  autour  de  la  base.  Évidemment  tous  ces  bonshommes,  à  la 
mine  résignée,  se  demandent,  avec  le  flegme  britannique,  quel  chemin  ils  pourraient  bien 
prendre  pour  aller  aux  champs.  Cette  énorme  pièce,  traitée  en  blanc  et  vert  tendre,  est 
exposée  par  un  céramiste  du  Staffordshire. 

La  verrerie  anglaise,  telle  que  nous  la  montre  M.  Webb,  mérite  que  nous  l'examinions 
un  moment.  Ces  produits  son  vraiment  irréprochables.  Il  y  a  là  des  cristaux  parfaits 
comme  blancheur  et  comme  taille,  et  des  verres  faits  de  couches  diversement  colorées  et 
superposées,  d'un  très  bel  effet.  Citons  notamment  une  coupe  où,  sur  un  fond  sombre,  se 
détache  en  nuance  claire,  jaune  pâle,  un  décor  très  fin.  Admirons  aussi  une  sorte  de  carafe, 
de  forme  persane,  ainsi  qu'un  grand  plateau  qui  l'avoisine.  Ces  objets  doivent  la  vie  à  une 
seule  et  même  inspiration  et  à  des  procédés  identiques,  mais  des  nuances  différentes  les 
distinguent.  Ici  règne  le  bleu,  là  se  montre  une  teinte  orangée  blanchissante,  etc.  Il  y  a 
pourtant  quelques  pièces  inférieures,  mais  nous  devons  reconnaître  qu'elles  ne  sont  point 
dues  à  une  détente  dans  le  travail.  La  main  qui  les  a  produites  ne  s'est  pas  lassée  de  bien 
faire  ;  seul,  le  goût  artistique  a,  dans  cette  occasion,  fait  défaut. 

Les  imitations  d'ivoire  exposées  par  M.  Webb  sont  assurément  fort  curieuses,  mais 
avouons  en  toute  sincérité  qu'elles  nous  plaisent  moins.  Ces  objets  font  un  certain  effet  à 
distance,  mais  dès  qu'on  s'en  approche,  tout  leur  charme  emprunté  disparaît.  A  quoi  bon 
tenter  de  semblables  efforts  dans  le  but  de  nous  faire  prendre  du  verre  pour  de  l'ivoire. 
Toute  matière  doit  conserver  ses  qualités  et  son  caractère  propres.  Néanmoins  quelques 
pièces  ornées  de  verre  rouge,  imitant  le  rubis,  sont  dignes  d'attirer  l'attention. 

Deux  artistes  de  Londres,  MM.  Clayton  et  Bell,  ont  exposé  une  série  de  verrières,  dans 
ce  genre  archaïque  si  cher  à  nos  voisins  d'outre-Manche.  L'exécution  en  est  extrêmement 
remarquable.  Il  faut  regretter  que  les  plus  importants,  comme  dimension,  parmi  ces 


102  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

spécimens  colorés  avec  vigueur,  soient  aussi  mal  placés  au  point  de  vue  de  l'éclairage,  ce 
qui  ne  permet  point  d'en  apprécier  tout  l'effet.  Heureusement,  nous  avons  pu  voir  de  près 
des  grisailles,  dans  le  style  des  xve  et  xvr  siècles,  dont  la  perfection  suffirait  à  nous  édifier 
sur  le  talent  de  ces  artistes.  M.  Didron,  qui  se  trouve  auprès  de  nous,  appelle  notre  attention 
sur  une  belle  verrière  Renaissance,  consacrée  à  la  glorification  de  la  peinture  et  entourée 
d'une  bordure  à  médaillons.  Il  nous  arrête  aussi  devant  une  série  de  figures  dont  les 
vêtements  sont  colorés  en  partie  :  saint  Etienne,  sainte  Barbe,  sainte  Dorothée,  portant  une 
corbeille  de  fleurs.  Voici  maintenant  une  annonciation,  de  conception  originale,  surtout  le 
vitrail  qui  représente  la  Vierge-Mère  entre  saint  Patrice  et  saint  Georges.  Il  y  a  là  beaucoup 
de  caractère  et  une  touche  absolument  parfaite.  Laissons  l'éminent  connaisseur  en 
contemplation,  car  il  nous  faut  continuer  notre  route. 

L'orfèvrerie  anglaise,  que  nous  voyons  ici,  paraît  assez  peu  intéressante.  Il  n'y  a  du 
reste  parmi  les  exposants  ni  Elkington  et  C°,  ni  Mappin  et  Webb.  Devons-nous  admirer 
cette  espèce  de  bock  de  forme  lourde  couvert  de  pièces  d'argent  historiques,  au  nombre 
de  37,  paraît-il  ?  Faut-il  détailler  la  Polo  Cup,  coupe  de  prix  mal  venue  et  à  peine  ciselée  ? 
Cela  nous  semble  inutile.  L'orièvrerie  de  vente  courante,  en  Angleterre,  et  dont  quelques 
spécimens  sont  exposés  ici,  a  surtout  un  caractère  d'utilité.  Elle  ne  comporte  en  général 
qu'un  décor  fait  de  godrons  et  de  larges  fleurs,  dont  le  style  n'a  pas  varié  depuis  deux 
siècles.  C'est  un  genre  qui  ne  saurait  plaire  et  qui,  du  reste,  ne  se  prête  à  aucun  examen 
critique. 

Tenez-vous  à  inventorier  ces  vitrines  de  bijouterie  ?  Non,  n'est-ce  pas  ?  car  vous  savez 
aussi  bien  que  nous  qu'il  n'y  a  là  aucune  pièce  intéressante.  Laissons  donc  les  blondes 
filles  d'Albion  s'extasier  devant  ces  lourds  colliers  d'or,  gages  de  la  servitude  pesante  qui 
les  attend,  et  ne  soyons  pas  surpris  outre  mesure  de  les  entendre  murmurer  :  «How  prctty  !  » 
à  la  vue  de  ces  bijoux  barbares  ;  car  elles  admirent  sans  réserve  tout  ce  qui  se  fait  dans 
leur  pays. 

Notre  promenade  devient  d'une  monotonie  désespérante.  Engagés  dans  un  couloir  à 
peine  aussi  large  qu'un  sentier  d'amoureux,  nous  le  quittons  pour  en  prendre  un  autre  et 
ainsi  de  suite...  Partout  se  dressent  des  vitrines  qui  ressemblent  à  des  placards  en  verre,  où 
tout  a  l'air  d'être  serré  avec  soin.  Évidemment  on  ne  veut  pas  que  nous  y  touchions...  Est-il 
seulement  permis  d'y  jeter  un  coup  d'œil  ?  qui  sait  ?  Nous  finissons  par  nous  croire  horrible- 
ment indiscrets...  Après  tout  rien  ici  ne  sollicite  notre  attention,  rien  n'éveille  notre  curiosité. 
Vous  avez  vu,  n'est-ce  pas,  ces  pyramides  d'épingles  rue  Auber,  ces  costumes  d'amazones 
rue  de  Rivoli,  ces  lampes  empanachées  boulevard  des  Capucines  et  ces  chapeaux  avenue  de 
l'Opéra  ?  Le  trophée  de  cartouches  fait  de  l'effet  et  la  factory  construite  avec  des  milliers  de 
bobines  de  toutes  couleurs  est  drôle...  et  après?  Si  vous  m'en  croyez,  nous  passerons  sous 
cet  arc  triomphal,  tout  en  or,  à  ce  qu'affirme  un  campagnard  bien  repu  qui  nous  coudoie 
vigoureusement. 

Nous  sommes  maintenant  dans  une  galerie  réservée  à  l'Australie  et  à  la  Nouvelle- 
Zélande.  Au  moins  ces  gens-là,  Anglo-Saxons  dépouillés  de  leur  morgue,  y  vont  franc  jeu. 
Ils  ont  tenu  à  nous  donner  un  aperçu  de  toutes  leurs  ressources.  Le  sens  pratique  de  la  race 
anglaise  s'impose  ici  avec  une  énergie  singulière.  Dans  cette  galerie,  les  richesses  animales, 
minérales  et  végétales  s'empilent  en  sobres  échantillons  que  l'on  devine  utilisables,  et  rien 
n'est  placé  là  pour  le  vain  plaisir  d'un  étalage.  Des  trophées  de  lingots  mathématiquement 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  103 

reproduits  montrent  en  niasses  et  en  chiffres  la  quantité  d'or  extraite  de  la  terre  colonisée. 
Il  y  a  des  spécimens  de  bois,  parmi  lesquels  l'acacia,  l'eucalyptus,  se  présentent  sous  une 
foule  de  variétés,  offrant  toutes  des  qualités  distinctes,  dont  un  industriel  habile  pourrait 
tirer  sans  doute  un  parti  considérable. 

Le  Musée  Botanique  de  Melbourne  a  envoyé  quatorze  caisses  contenant  les  insectes 
classés  dans  l'entomologie  économique.  Voici  ce  que  M.  French  (Charles),  de  là-bas,  nous 
dit  à  ce  sujet  :  «  En  insectes,  ainsi  qu'en  oiseaux,  en  mammifères,  etc.,  l'Australie  a  une 
faune  qui  lui  est  toute  spéciale,  et  peu  de  familles  appartenant  à  d'autres  pays  peuvent  s'y 
rencontrer.  La  plupart  des  insectes  qui,  par  le  fait  d'un  hasard,  se  sont  introduits  dans 
nos  colonies  ont  été  reconnus  nuisibles,  et  il  faut  avouer  que,  malheureusement,  les 
insectes  australiens  sont  presque  tous  la  terreur  des  fermiers  et  des  cultivateurs  de  fruits. 
D'autres,  non  moins  terribles,  s'acharnent  à  détruire  nos  arbres,  et  par  leur  nombre  incal- 
culable portent  la  ruine  dans  nos  forêts.  Au  premier  rang  de  nos  entomologistes,  il  faut 
placer  M.  Macleay,  de  Sidney,  et  feu  M.  le  comte  de  Castelnau,  de  Victoria.  » 

Nous  remarquons  également,  dans  cette  galerie,  des  animaux  étranges  empaillés  :  orni- 
thorinques,  kangourous,  opossums.  Près  d'eux  s'étalent  de  riches  fourrures  déjà  préparées. 
Plus  loin  nous  voyons  des  plumes  d'autruches  et  enfin  des  laines. 

Les  collections  minéralogiques  exposées  là  offrent  un  intérêt  considérable  et  annoncent 
une  richesse  prodigieuse.  A  moins  de  reproduire  ici  de  nombreuses  pages  du  catalogue, 
il  nous  serait  fort  difficile  de  vous  en  donner  une  idée. 

Deux  vitrines  renferment  des  fac-similés  de  pépites  d'or  trouvées  dans  la  colonie  de 
Victoria  de  1858  à  1887.  Il  y  en  a  46  en  tout.  La  plus  grosse  représentait  une  valeur  de 
10,000  livres  sterling,  c'est-à-dire  250,000  francs. 

Tout  cela  est  bien  fait,  en  vérité,  pour  éveiller  en  nous  la  passion  des  voyages,  et 
l'Australie  peut  s'attendre  à  recevoir  un  fort  surcroît  de  visiteurs. 

Il  faut  revenir  sur  nos  pas  et  retraverser,  pour  sortir,  la  section  de  la  Grande-Bretagne. 
L'impression  de  monotonie  que  nous  ressentions  tout  à  l'heure  s'est  accrue  d'une  manière 
sensible.  Tous  ces  employés,  hommes  ou  femmes,  assis  ou  debout  derrière  leurs  vitrines, 
semblent  dormir  les  yeux  ouverts.  Il  y  a  là  comme  une  vie  automatique  en  suspens,  qui  se 
réveille  de  temps  à  autre  par  mouvements  saccadés.  A  quoi  cela  tient-il?  La  réponse  est 
bien  simple,  du  moins  pour  nous  qui  avons  vu  de  près  les  enfants  d'Albion.  En  général, 
l'Anglais  ne  parle  et  n'agit  que  dans  un  but  pratique  et  bien  déterminé.  Il  obéit  instinc- 
tivement à  des  principes  économiques  absolus,  et  ne  dépense  jamais,  sciemment,  en  pure 
perte  sa  parole  ni  ses  gestes.  C'est  ce  qui  fait  sa  force.  C'est  aussi  ce  qui  le  rend  peu 
sympathique  aux  autres  nations.  Le  tempérament  qui  résulte  de  cet  état  d'esprit  lui 
assure  la  suprématie  en  toutes  circonstances  où  l'énergie  calme  et  continue  doit  l'emporter. 
Dans  le  domaine  des  arts,  où  l'inspiration,  fille  de  la  fantaisie,  vient  visiter  les  natures 
rêveuses  et  antipratiques,  il  se  sent  dépaysé.  Il  ne  comprend  pas  que  pour  faire  œuvre  de 
génie  il  faille  de  temps  à  autre  s'envoler  dans  l'azur. 

Et  voilà  pourquoi,  dans  la  section  britannique,  les  employés  des  deux  sexes  ne 
répondent  que  par  monosyllabes. 

C'est  également  pour  cette  raison  que  les  Anglais  réussissent  mieux  que  personne  à 
produire  des  objets  essentiellement  utiles.  Leur  unique  but  est  d'augmenter  sans  cesse, 


104  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

à  l'aide  d'accessoires  nouveaux,  le  bien-être  matériel;  leur  seule  ambition  est  d'avoir  un 
confortable  home.  Moquez-vous  donc  tant  qu'il  vous  plaira  de  leur  esprit  terre-à -terre  ;  mais 
soyez  certains  que,  de  leur  côté,  ils  vous  trouvent  parfaitement  ridicules.  Ils  sourient 
dédaigneusement  à  la  vue  de  vos  services  de  toilette  lilliputiens,  de  vos  chaises  incom- 
modes et  de  vos  couteaux  qui  ne  coupent  pas.  Vantez  votre  Paris,  capitale  des  plaisirs 
intellectuels  et  autres.  Eux  sont  fiers  de  leur  London,  où  se  brassent  les  grandes  affaires. 
Comment  pourriez-vous  les  juger,  puisqu'il  vous  est  impossible  de  les  comprendre? 


LA    GRECE 


Tous  les  visiteurs  de  la  section  hellénique  à  l'Exposition  Universelle  en  rapportèrent 
la  même  impression:  celle  du  réveil  d'une  nation  endormie  dans  le  souvenir  de  sa  grandeur 
passée  et  dont  l'effacement  laissait  un  déplorable  vide  dans  le  concert  européen.  Que  de 
progrès  accomplis  depuis  cinquante  ans  que  la  Grèce  moderne  a  commencé  d'exister!  Quel 
réveil  plein  de  promesses,  et  que  ne  peut-on  attendre  d'un  peuple  qui,  dès  son  retour  à  la 
vie,  se  montre  digne  de  son  passé  et  marche  si  résolument  dans  les  voies  qu'il  avait  trop 
longtemps  abandonnées,  après  les  avoir  lui-même  ouvertes  aux  autres  nations! 

Le  premier  réveil  de  l'hellénisme  date  déjà  de  loin,  mais  celui-là  fut  tout  platonique; 
l'œuvre  d'un  engouement  dont  on  retrouve  l'influence  chez  nos  auteurs,  dans  les  nom- 
breuses relations,  publiées  au  commencement  du  siècle,  de  voyages  en  Grèce.  La  mère  des 
arts  dormait  encore,  ignorante  et  pauvre,  elle  qui  fut  la  lumière  et  la  richesse;  elle  ne 
vivait  pas,  elle  achevait  de  mourir,  dans  ce  renoncement  pénible  des  peuples  qui,  tout 
espoir  de  résurrection  éteint,  se  survivent  par  les  souvenirs  immortels  de  leur  passé. 

Les  voyageurs  dont  nous  parlons  plus  haut  et  ceux  qui  ont  connu  la  Grèce  par  les 
récits  de  ces  voyages  seraient  étrangement  surpris  en  parcourant  la  Grèce  d'aujourd'hui, 
ressuscitée,  relevée,  revenue  au  vrai  culte  de  ses  glorieuses  traditions,  témoignant  d'une 
activité  commerciale  et  industrielle  et  d'une  intensité  de  vie  intellectuelle  qui,  d'ores  et 
déjà,  lui  assurent  le  rang  qu'elle  a  le  droit  d'ambitionner  dans  la  lutte  pour  le  progrès. 

C'est  surtout  au  cours  de  ces  trente  dernières  années,  sous  le  gouvernement  éclairé  du 
roi  Georges  Ier,  que  s'est  puissamment  développé  ce  mouvement  de  renaissance.  Le  roi  Georges 
est  un  prince  charmant,  d'une  instruction  supérieure,  et  qui  porte  très  dignement  cette 
couronne  de  roi  des  Hellènes,  si  lourde  par  les  souvenirs  historiques  qu'elle  évoque.  Il  fit 
une  visite  à  l'Exposition  Universelle  et  tint  à  s'assurer  par  lui-même  que  la  section  hellé- 
nique y  faisait  bonne  figure,  affirmant  ainsi  sa  sympathie  pour  la  France  et  sa  sollicitude 
pour  le  pays  aux  destinées  duquel  il  préside. 

Tout  d'abord,  on  avait  songé,  pour  la  section  hellénique,  à  construire  une  façade  de 
temple  grec  avec  portique  et  fronton  triangulaire,  conforme,  en  un  mot,  au  type  archi- 
connu  que  tout  le  monde  a  devant  les  yeux.  Le  temps  faisant  défaut  pour  l'exécution  de  ce 
projet,  la  commission  hellénique  eut  la  très  heureuse  inspiration  de  demander  une  façade 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


105 


à  reliefs  réduits,  d'un  puissant  effet  artistique,  et  que  nous  ne  saurions  mieux  décrire  qu'en 
rappelant  le  programme  tracé  par  la  commission  à  l'architecte  M.  Sauffroy  : 

«  L'exposition  hellénique  ne  doit  pas  être  exclusivement  ancienne:  elle  doit  rappeler 
la  Grèce  classique  dont  les  Grecs  modernes  sont  si  justement  fiers,  mais  elle  doit  aussi 
souligner  le  progrès  industriel  de  la  Grèce  moderne.  Pour  figurer  harmonieusement  ce 
double  rappel,  on  représentera  d'un  côté  du  portique  central  une  fresque  reproduisant 
une  vue  d'Athènes  antique,  et  de  l'autre  côté  quelques  grands  travaux  publics,  tels  que 
le  canal  de  Corinthe  ou  les  mines  du  Laurium.  Les  motifs  de  décoration  devront  être 
inspirés  des  vestiges  du  grand  art  grec.  On  devra  rappeler  du  côté  de  la  Grèce  antique  les 
grandes  batailles  livrées  pour  la  défense  de  la  patrie,  et  du  côté  de  la  Grèce  moderne'ses 


Façade  de  la  section  hellénique. 


luttes  pour  la  liberté.  Les  inscriptions,  présentant  un  caractère  ornemental,  relateront  les 
noms  des  grands  hommes  dont  la  Grèce  et  l'humanité  sont  fières.  À  l'intérieur,  dans  les 
caissons  du  plafond,  on  inscrira  quatre  noms  des  villes  principales  de  la  Grèce  ancienne  et 
quatre  noms  des  villes  remarquables  de  la  Grèce  moderne.  » 

Tous  les  comptes  rendus  de  l'Exposition  attestent  que  ce  programme,  dont  l'exécution 
avait  été,  nous  l'avons  dit,  confiée  à  M.  Sauffroy,  fut,  sous  la  direction  de  M.  Ernest  Vlasto, 
réalise  avec  un  rare  bonheur.  A  côté  de  cette  attestation  si  flatteuse  en  son  unanimité,  il 
convient  d'inscrire  l'opinion  de  MM.  Charles  Garnier  et  Paul  Sédille;  appelés  à  juger  du 
projet,  les  deux  grands  architectes  parisiens  lui  donnèrent,  tant  pour  l'ensemble  que  pour 
les  détails,  une  complète  et  chaude  approbation. 

La  simple  lecture  du  programme  que  nous  venons  de  transcrire  suffit  amplement  à 
rappeler  à  ceux  qui  l'auraient  oublié  et  l'ait  suffisamment  connaître  à  ceux  qui  n'en  purent 
jouir  l'aspect  harmonieux  et  puissant  de  cette  façade  monumentale.  Les  deux  fresques 
dont  il  est  parlé  dans  ce  programme  constituaient  deux  jolis  morceaux  de  peinture  :  celle 


106  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

de  droite  représentait  un  paysage  d'Athènes,  avec  l'Acropole  pour  motii  principal  ;  celle  de 
gauche,  les  usines  du  Laurium  dans  la  pleine  activité  de  leur  chantier. 

Bien  disposé  pour  une  vue  d'ensemble,  l'intérieur  de  la  section  hellénique  s'offrait  dans 
toute  son  étendue  au  premier  regard  du  visiteur.  Au  plafond  de  cette  grande  salle,  on  avait 
inscrit,  toujours  conformément  au  programme,  les  noms  de  quatre  villes  de  la  Grèce 
ancienne  :  Athènes,  Thèbes,  Sparte,  Corinthe,  et  de  quatre  villes  de  la  Grèce  moderne  : 
Pirée,  Corfou,  Syra,  Patras.  Un  vélum  garni  d'un  lambrequin  à  dessin  bleu,  ce  dernier 
d'après  les  vases  anciens  de  notre  musée  du  Louvre,  tamisait  agréablement  le  jour.  Tout  le 
pourtour  supérieur  était  orné  de  tapis,  la  plupart  drapés  de  façon  à  décorer  les  piliers  et 
portant  l'écusson  royal.  Le  fond  était  occupé  par  les  vitrines,  le  milieu  par  un  meuble  de 
repos  supportant  une  plante  décorative.  Le  tout  installé  dans  un  aimable  esprit  de  variété, 
avec  une  coquetterie  du  meilleur  goût. 

Tous  éloges  adressés  aux  organisateurs  de  la  section  hellénique,  nous  ne  pouvons  nous 
dispenser  de  constater  de  nombreuses  lacunes  dans  l'exposition  des  produits  de  la  Grèce, 
lacunes  qu'il  convient  de  mettre  sur  le  compte  de  l'extrême  modestie  des  représentants  de 
ce  pays.  C'est  ainsi  que,  dans  ce  sentiment  louable,  mais  certainement  exagéré,  furent  éli- 
minées les  machines,  l'industrie  du  meuble  et  celle  du  vêtement.  Parmi  les  produits  à  expo- 
ser, on  alla  jusqu'à  n'exhiber  que  les  objets  susceptibles  d'un  échange  avec  les  pays 
étrangers.  Mais  pour  corriger  le  côté  un  peu  sèchement  utilitaire  de  cette  exposition,  on  fit 
large  part  à  la  librairie,  aux  publications  archéologiques,  à  la  photographie,  et  les  soies,  la 
broderie,  les  éponges  lurent,  dans  leur  exhibition,  l'objet  de  soins  particuliers.  Mais,  nous 
le  répétons,  au  point  de  vue  du  réveil  de  l'hellénisme  et  de  sa  marche  en  avant,  d'ailleurs 
bien  établie,  il  eût  été  possible  encore  de  donner  des  preuves  plus  éclatantes  de  cet 
essor  :  l'Université  d'Athènes,  l'Observatoire,  les  ministères,  les  écoles  du  gouvernement 
n'auraient  eu  qu'à  prendre  part  à  l'Exposition.  Par  suite  de  leur  abstention,  partielle 
ou  totale,  le  groupe  II,  comprenant  l'éducation  et  l'enseignement,  l'imprimerie,  les  arts 
libéraux,  ne  pouvait  donner  qu'une  idée  insuffisante  des  progrès  de  la  Grèce  sur  ces  diffé- 
rents points. 

Nous  retrouvons  plus  loin  le  groupe  F  des  œuvres  d'art. 

Sur  le  groupe  III,  nous  avons  déjà  dit  que  les  produits  de  l'ameublement  avaient  été 
éliminés.  Les  ébénistes  grecs  ne  manquent  pourtant  pas  d'habileté;  mais  leurs  modèles, 
n'étant,  en  général,  que  la  copie  des  nôtres,  tombaient  sous  l'application  du  principe  qui 
limitait  l'admission  aux  produits  susceptibles  d'exportation.  Bornons-nous  donc  à  signaler 
dans  ce  groupe  —  mobilier  et  accessoires  —  l'industrie  des  tapis,  une  des  plus  remarquées 
de  la  section  hellénique.  Celle  des  tissus  —  groupe  IV  —  jugée  ordinaire  quant  aux  tissus 
de  coton  et  de  laine,  eut  un  vif  succès  avec  ses  tissus  de  soie.  A  noter  expressément  dans 
ce  groupe  la  classe  36,  pour  sa  cordonnerie,  que  le  jury  devait  mettre  en  première  ligne, 
après  les  produits  anglais. 

Il  est  superflu  de  dire  que  dans  le  groupe  V  (industries  extractives)  la  Grèce,  d'où  nous 
est  venue  la  métallurgie,  était  dignement  représentée  par  des  collections  très  intéressantes 
de  minerais  et  les  échantillons  de  ses  marbres  classiques.  Dans  la  classe  des  produits  agri- 
coles, les  tabacs  étaient  un  peu  sacrifiés,  mais  la  cire  y  venait  en  bonne  place.  Mentionnons 
également,  dans  la  classe  47,  les  produits  de  la  tannerie,  dont  l'industrie  est  en  progrès 
évident. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  107 

Chose  bizarre  et  qui  appelle  des  explications,  les  céréales  et  les  farines  de  la  Grèce, 
desquelles  les  excellentes  qualités  sont  universellement  connues,  n'eurent  aucun  succès 
dans  le  groupe  des  produits  alimentaires,  alors  que  les  pâtes  de  toutes  sortes  fabriquées 
avec  les  mêmes  farines  obtenaient  les  plus  hautes  récompenses.  Cet  insuccès  immérité  doit 
rester  à  la  charge  des  agriculteurs,  qui  avaient  pris  leurs  échantillons  de  céréales  au  hasard 
dans  leurs  greniers  ;  quant  aux  farines,  exposées  à  l'air,  à  Athènes,  depuis  un  an,  avant  de 
venir  échouer  à  l'Exposition  de  Paris,  elles  étaient  dans  un  état  d'altération  qui  aurait  dû 
les  faire  éloigner  de  tout  concours.  Dans  la  classe  des  corps  gras  alimentaires  —  même 
groupe  —  les  huiles  grecques  valaient,  par  le  mode  d'extraction  et  leur  fabrication  soignée, 
qu'on  les  remarquât. 

Tout  le  monde  connaît  le  raisin  de  Corinthe;  la  culture  et  la  vente  de  ce  produit  cons- 
tituent, on  le  sait,  une  industrie  de  premier  ordre  en  Grèce.  Après  cela,  il  eût  été  surpre- 
nant que  les  collections  exposées  à  la  section  hellénique  ne  fussent  pas,  de  tous  points, 
remarquables.  Cette  partie  de  la  section  se  distinguait  à  la  fois  par  l'abondance  et  la  supé- 
riorité des  produits.  Les  exposants  avaient  répondu  au  nombre  de  115  à  l'appel  de  la 
commission  et  envoyé  des  échantillons  hors  ligne. 

L'art  grec,  à  l'Exposition,  mériterait  une  étude  spéciale.  Une  des  salles  du  Palais  des 
Beaux-Arts  avait  été  réservée  à  l'exposition  des  œuvres  envoyées  par  les  peintres  et  les 
sculpteurs  grecs.  Nous  ne  prétendons  pas  qu'il  y  eût  là  une  seule  œuvre,  toile  ou  statue, 
de  nature  à  déchaîner  l'enthousiasme  d'un  public  gâté  par  les  productions  de  ses  artistes; 
mais,  si  l'on  songe  que  la  Grèce  moderne  n'a  qu'un  demi-siècle  d'existence,  qu'elle  est 
sortie  d'une  autre  Grèce  asservie  pendant  des  siècles  et  condamnée  intellectuellement  à 
mort,  on  devra  admirer  la  puissance  d'un  réveil  artistique  qui  produit,  en  si  peu  de  temps, 
des  œuvres  pouvant  faire  figure  dans  le  Palais  des  Beaux-Arts,  peuplé  de  chefs-d'œuvre. 
Aussi  bien,  les  spécimens  de  statuaire  envoyés  par  les  artistes  grecs  :  la  Tentation,  de 
Mm°  Zambaco;  la  Jeune  fille  enchaînée,  de  M.  Sochos;  le  Paris  du  vestibule,  une  figure  reli- 
gieuse de  la  Foi,  avec  la  croix,  parurent  dignes  des  grandes  traditions  de  l'art  grec. 

Nous  ne  terminerons  pas  cette  revue  sans  rappeler  la  petite  maison  grecque  si  remar- 
quée dans  la  série  *des  constructions  de  l'Histoire  de  l'habitation.  Édifiée  sous  la  haute 
direction  de  M.  Garnier,  d'après  un  modèle  pris  sur  un  bas-relief  ancien  du  musée  du 
Louvre  et  représentant  le  triomphe  de  Bacchus,  bas-relief  de  l'époque  de  Périclès ,  cette 
maison  était  la  reproduction  scrupuleusement  exacte,  jusqu'en  son  ameublement  recons- 
titué d'après  des  documents  originaux,  d'une  maison  d'habitation  de  la  Grèce,  cinq  siècles 
avant  l'ère  chrétienne. 

La  maison  était  entourée  d'un  mur  d'enceinte  et  précédée  d'une  cour  ;  à  droite  et  à 
gauche  de  la  construction  principale,  deux  petites  loges  destinées  au  portier  et  au  gardien 
et  éclairées  par  le  jour  d'un  corridor  conduisant  à  une  petite  cour  couverte  où  se  trou- 
vait l'autel  des  dieux  domestiques  et  le  puits.  Comme  pièces,  une  grande  salle  rectangu- 
laire aux  murs  recouverts  d'une  couche  de  peinture  bleue  avec  filets  blancs,  éclairée  par  en 
haut  —  la  salle  des  repas  et  des  réceptions  ;  —  de  chaque  côté,  deux  salles  plus  petites 
communiquant  avec  la  principale  par  des  ouvertures  fermées  de  portières  en  étoffe  glissant, 
au  moyen  d'anneaux,  sur  des  tringles  en  bronze  :  c'étaient  les  appartements  privés  de  la 
famille.  La  maison  grecque  n'avait  pas  d'étage  supérieur.  Elle  était  placée  sous  la  garde  de 
Jupiter  Trophomidès,  dont  on  pouvait  voir,  dressée  sur  une  stèle  devant  la  maison  du 


108  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Champ-de-Mars,  une  très  jolie  statue.  Les  différentes  salles  de  cette  maison  étaient  occupées 
par  des  petits  magasins  de  vendeurs  et  de  vendeuses  en  costume  de  l'époque. 


LA    SECTION    ITALIENNE 

Italie!  Que  de  souvenirs  variés  ce  seul  nom  n'éveille-t-il  pas  en  nous?  Que  d'émotions 
diverses  ne  nous  fait-il  pas  ressentir? 

Douces  émotions  quand  nous  songeons  que  cette  féconde  terre  italienne  a  nourri  jadis 
le  plus  puissant  peuple  du  monde,  les  Romains,  et  que  plus  tard  elle  a  encore  donné 
naissance,  ou  tout  au  moins  protégé  les  artistes  et  les  savants  à  qui  nous  devons  la  Renais- 
sance du  xve  siècle.  Rome  peut  s'enorgueillir  ajuste  titre  d'avoir  par  deux  fois  porté  le 
flambeau  de  la  civilisation,  presque  exclusivement,  flambeau  qu'elle  avait  dû  allumer, 
préalablement,  ces  deux  lois,  il  n'est  que  juste  de  le  dire,  chez  les  vieux  Grecs,  à  Athènes  et 
dans  le  Péloponèse. 

Mais  n'est-il  pas  regrettable  qu'un  peuple,  ou  plutôt  que  les  descendants  d'un  peuple, 
d'un  passé  aussi  glorieux,  quoique  taché  de-ci  et  de-là,  comme  l'histoire  de  tous  les  peuples, 
ne  se  souvienne  plus  qu'il  doive  à  la  France  son  indépendance  politique,  et  que  son  gou- 
vernement aille  tendre  la  main  aujourd'hui  aux  ennemis  de  sa  libératrice  de  la  veille! 
Heureusement  que  la  nation  italienne  et  son  gouvernement  font  deux. 

La  tendance  que  nous  venons  de  signaler  se  reflétait  naturellement  à  l'Exposition  de 
1889.  Comme  il  fallait  s'y  attendre,  le  gouvernement  italien  avait  décliné  l'offre  de  la  France, 
il  a  fallu  un  certain  courage  à  l'initiative  privée  de  la  péninsule  pour  se  montrer  au- 
dessus  de  ces  petites  vilenies,  et  pour  apprendre  à  l'Europe,  comme  d'autres  du  reste,  que 
le  peuple  italien  existait  en  dehors  du  gouvernement  du  Quirinal. 

Parmi  ceux  qui  acceptèrent  la  mission  d'encourager  l'industrie  italienne  à  participer  à 
ce  tournoi  international,  ont  figuré  des  personnalités  du  monde  parlementaire  et  les  prin- 
cipales chambres  de  commerce. 

Le  comité  central  formé  à  Rome  dans  ce  but  eut  même  comme  président  un  des  vice- 
présidents  de  la  Chambre  des  députés  d'Italie,  M.  Tommaso  Villa.  Un  autre  comité  italien 
fut  installé  à  Paris,  avec  M.  le  comte  de  Camondo  comme  président. 

Ces  deux  comités  se  mirent  en  rapport,  désignèrent  comme  secrétaire  général  commun 
M.  Gentili  de  Giuseppe,  et  ouvrirent  une  souscription  parmi  leurs  amis.  Ce  sont  les  sommes 
recueillies  de  cette  façon  qui  ont  servi  à  couvrir  les  frais  d'installation  de  la  section  ita- 
lienne, tant  au  Champ-de-Mars  proprement  dit  que  dans  les  annexes. 

Les  produits  italiens  ont  figuré  dans  la  plupart  des  classes  de  l'Exposition,  quoique 
leur  absence  dans  certaines  ait  été  à  regretter  vivement. 

Les  demandes  d'admission  ont  été  au  nombre  de  deux  mille,  mais  le  comité  italien,  en 
raison  de  l'emplacement  trop  restreint  dont  il  disposait,  n'a  pu  accepter  que  780  exposants. 
C'est  relativement  peu  pour  une  nation  de  plus  de  30  millions  d'âmes. 


110  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Le  groupe  I  (Œuvres  d'art)  ne  pouvait  manquer  de  renfermer  un  grand  nombre 
d'œuvres  italiennes,  l'Italie  ayant  sur  ce  point  une  réputation  séculaire. 

Parmi  les  peintres  qui  ont  le  plus  attiré  l'attention  du  jury,  il  faut  placer  les  noms  de 
MM.  Rossi,  Boldini  (grand  prix),  Bazzaro,  Cercano,  Ciardi,  Morbelli,  Sartorio,  Ségantini, 
dont  les  belles  peintures  à  l'huile  ont  été  appréciées  à  leur  haute  valeur,  et  MM.  Maccari, 
Simoni,  etc.,  pour  leurs  peintures  diverses. 

La  section  italienne  des  Beaux-Arts,  dans  ses  nombreux  dessins  et  tableaux,  nous 
montrait  bien  ce  caractère  ordinaire  do  l'École  italienne,  qui  se  distingue  surtout  par  la 
profusion  des  couleurs,  la  coquetterie  des  formes  et  des  tons;  mais,  il  n'est  que  juste  de  le 
dire,  à  cette  grande  habileté,  se  mêle,  dans  bien  des  œuvres  exposées,  une  absence  de 
simplicité  et  de  naturel,  c'est  de  la  peinture  trop  recherchée,  et  où  la  vérité  manque 
quelquefois. 

Si  les  peintres  italiens  étaient  nombreux,  on  ne  peut  en  dire  autant  des  sculpteurs; 
la  plupart  des  maîtres  s'étaient  abstenus;  aussi,  pour  la  sculpture  italienne,  c'est  à  peine 
si  nous  pouvons  citer  les  quelques  noms  de  MM.  Rossano,  Romanelli,  Butti,  Ferrari, 
Gemito,  les  trois  derniers  ayant  eu  des  grands  prix,  et  de  MM.  Danielli,  Maccagnani, 
Podini,  auxquels  on  doit  savoir  gré  de  n'avoir  pas  imité  le  silence  de  leurs  puissants  collè- 
gues. 

La  section  industrielle  était  la  partie  la  plus  importante  de  l'exposition  italienne  ;  elle 
ne  comptait  pas  moins  de  700  exposants,  et  occupait  une  surface  de  2,560  mètres  carrés 
dans  le  Palais  des  Industries  diverses,  pour  l'éducation  et  l'enseignement,  le  matériel  et  les 
procédés  des  arts  libéraux,  le  mobilier  et  accessoires,  les  tissus,  vêtements  et  accessoires, 
et  les  industries  extractives  (Produits  bruts  et  ouvrés). 

L'habile  organisateur  de  cette  section,  M.  Verardini,  ingénieur,  avait  fait  exécuter, 
d'après  les  plans  de  M.  Manfredi,  architecte,  professeur  à  l'Université  de  Rome,  deux 
façades,  du  côté  des  Arts  Libéraux  et  du  côté  de  la  Suisse,  qui  rappelaient  les  modèles  les 
plus  purs  de  l'art  florentin  du  xve  siècle.  Le  fond  de  la  construction  était  constitué  par  la 
pielra  serena,  dont  le  ton  sévère  a  été  parfaitement  imité.  L'harmonie  résultant  de  l'emploi 
de  vieux  marbres  d'un  éclat  discret  et  de  pierre  en  grisaille,  de  fines  dorures  et  de 
mosaïques  comme  les  Italiens  savent  en  faire,  des  colonnes  torses  ornementées  elles- 
mêmes  de  mosaïques  et  d'une  sobre  élégance,  tout  cela  constituait  un  ensemble  très 
remarquable  avec  les  motifs  de  sculpture  si  fins,  les  denticules  en  imitation  de  marbre, 
dont  la  légèreté  ornementale  formait  un  si  pittoresque  couronnement  de  l'intérieur  des 
arcs  et  des  portes. 

Dans  le  groupe  II  (Éducation  et  enseignement),  nous  mentionnerons  la  vitrine  qui 
contenait  les  ouvrages  de  science,  de  lettres  et  de  musique,  édités  par  la  librairie  Son- 
zogno,  de  Milan,  qui  imprime  le  journal  politique  le  plus  important  de  l'Italie,  Il  Secolo, 
et  la  vitrine  de  M.  Jules  Ricordi,  grand  éditeur  de  musique  à  Milan  (classe  IX)  ;  ils  ont 
tous  deux  obtenu  des  grands  prix.  A  signaler  également,  dans  la  classe  X,  M.  Pierre 
Miliani;  dans  la  classe  XI,  MM.  Édel,  Manfredi,  Gentili  di  Giuseppe;  dans  la  classe  XII 
(Photographie),  les  envois  de  MM.  Alinari  frères,  etc.  L'industrie  du  papier,  très  déve- 
loppée en  Italie,  avait  plusieurs  représentants  à  l'Exposition. 

Mais  c'est  surtout  dans  le  mobilier  et  accessoires  (groupe  III)  que  nous  avons  à 
signaler  d'intéressants  et  beaux  produits  de  l'industrie  italienne. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  111 

On  y  remarquait  une  grande  quantité  de  meubles  artistiques  de  tous  genres,  de 
luxe  et  à  bon  marché,  tels  que  ceux  de  MM.  Besiarel-Panciera  frères,  Quartara,  Toso,  etc.  ; 
les  tapisseries  de  M.  Valdinocci;  des  verreries  soufflées  et  émaillées,  des  lustres  et  objets 
d'art  en  cristal,  des  glaces  et  vitraux,  surtout  dans  les  expositions  de  MM.  Salviati,  Can- 
diani,  et  de  la  Société  Venise-Murano. 

Cette  dernière  était  établie  dans  une  dépendance  de  la  maison  renaissance  de  l'His- 
toire de  l'habitation  humaine,  et  travaillait  sous  les  yeux  des  visiteurs.  Les  verriers 
vénitiens,  qui  s'intitulent  eux-mêmes  maestri,  c'est-à-dire  maîtres,  méritent  réellement 
ce  titre.  Murano  est  le  nom  d'une  petite  ile  située  au  nord  de  Venise,  où  les  premiers 
verriers  commencèrent  leurs  essais  au  moyen  âge  ;  le  directeur  actuel  de  l'établissement  est 
M.  Giulio  Salviati.  Le  matériel  est  tout  primitif  ;  il  ne  se  compose  que  d'une  longue  canne 
à  souffler  en  fer,  d'une  paire  de  grands  ciseaux  et  de  quelques  tiges  graduées  pour  mesurer. 
Avec  ce  bagage,  les  artistes  vénitiens  font  des  prodiges  ;  mais  ce  métier  est  rude,  et  la 
cécité  les  atteint  pour  la  plupart  entre  quarante  et  cinquante  ans.  Heureusement  que  les 
journées  sont  fructueuses  et  qu'ils  meurent  presque  tous  dans  l'aisance. 

Puis  se  déroulaient,  dans  la  classe  de  la  céramique,  une  longue  suite  de  produits 
plus  admirables  les  uns  que  les  autres  :  verres  et  mosaïques  de  Venise,  faïences  artis- 
tiques, majoliques,  mosaïques  de  Florence,  dont  les  exposants  les  plus  en  vue  étaient 
MM.  Cantagalli,  Salviati,  déjà  nommé,  avec  l'établissement  de  Murano,  etc.  Les  faïences 
et  les  poteries  italiennes,  d'une  si  grande  finesse,  ont  une  célébrité  justement  méritée. 

Oublierons-nous  les  bronzes  d'art  et  les  travaux  en  fer  forgé,  surtout  «ceux  de 
MM.  Sebastien  de  Angelis,  G.  Lomazzi,  A.  Pandiani  ? 

Arrivons  au  groupe  IV  (Industrie  des  tissus  et  vêtements)  ;  on  y  remarquait  surtout 
des  soies  grèges  et  apprêtées,  comme  celles  de  MM.  A.  Beaux  et  S.  Craponne;  des  travaux 
en  fil  et  des  dentelles,  des  écharpes  en  soie,  des  couvertures  en  bourre  de  soie,  etc. 

La  chambre  de  commerce  de  Côme  avait  eu  l'heureuse  idée  d'exposer  quatre  grands 
albums  de  tissus  de  soie  des  principales  fabriques  de  la  région  milanaise.  On  sait  que  la 
soie  est  une  des  principales  sources  de  richesse  de  l'Italie,  qui  fournit  les  trois  quarts  de 
la  soie  employée  en  Europe  (2,300,000  kilogr.  par  an);  180,000  personnes  vivent  de  cette 
industrie. 

Le  chanvre  et  la  laine  occupent  aussi  en  Italie  un  grand  nombre  de  bras.  Les 
chapeaux  de   paille  forment  une  industrie  florissante  en  Toscane  et  dans  les  Abruzzes. 

Dans  la  classe  XXXVII  (Joaillerie  et  bijouterie),  les  objets  exposés  par  MM.  Ernest  Fiori, 
G.  Melillo,  Villa  Benvenuto,  ont  été  particulièrement  remarqués. 

La  participation  de  l'Italie  au  groupe  V  (Industries  extractives)  consistait  en  échan- 
tillons d'amiante,  de  gomme  et  de  gutta-percha,  d'ocre  colorant  et  de  tripoli,  de  talc, 
de  marbre,  tous  produits  que  l'Italie  extrait  de  son  sol  ou  fabrique  en  grandes  quantités. 
La  réputation  des  marbres,  surtout  ceux  de  Carrare,  et  du  tripoli  italien  n'est  plus  à 
faire.  On  peut  en  dire  autant  du  soufre,  si  abondant  en  Sicile,  où  l'on  extrait  des  solfa- 
tares 400,000  tonnes  par  an;  du  borax,  employé  comme  fondant  dans  la  métallurgie;  de 
l'albâtre,  du  sel  gemme,  etc. 

La  Société  anonyme  des  mines  de  Malfidano,  qui  a  obtenu  un  grand  prix,  avait 
une  exposition  très  remarquable  ;  dans  la  classe  XLI,  on  doit  encore  citer  MM.  A.  Cirlh 


112  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

et  G.-A.  Gregorini.  Parmi  les  produits  chimiques  italiens  les  plus  en  vue  de  la  classe  XLV, 
figuraient  ceux  des  huileries  et  savonneries  et  ceux  des  salines  de  Salsomaggiore. 

Les  fers,  aciers  et  fontes  de  l'Italie  avaient  également  des  représentants;  on  sait  que 
l'ile  d'Elbe  renferme  le  plus  grand  dépôt  de  minerai  de  fer  du  monde.  La  plupart  des  chan- 
tiers sont  à  ciel  ouvert. 

Dans  la  classe  XLVII  on  remarquait  les  cuirs  et  peaux  de  MM.  Mora  frères. 

Voyons  maintenant  le  groupe  VI  (Outillages  et  procédés  des  industries  mécaniques). 

Dans  le  Palais  des  Machines,  l'Italie  avait  pour  le  matériel  des  chemins  de  fer  une  très 
intéressante  exposition. 

La  Société  des  Chemins  de  fer  de  la  Méditerranée  (grand  prix)  présentait,  comme  maté- 
riel roulant,  une  puissante  locomotive  à  voyageurs  et  deux  voitures  de  première  classe,  et 
comme  matériel  fixe,  un  appareil  hydro-dynamique  pour  les  changements  de  voie  et  les  si- 
gnaux à  distance.  La  locomotive  en  question  pèse  47,000  kilogrammes  et  peut  remorquer 
en  palier  un  train  de  160  tonnes  à  la  vitesse  de  80  kilomètres  à  l'heure.  Les  voitures  sont 
munies  de  water-closets  ;  elles  ont  été  contruites  par  la  compagnie  à  Pietrasra  (Naples). 

La  Société  italienne  des  Chemins  de  fer  méridionaux  exploite  plus  de  5,500  kilomètres 
sur  les  12,350  kilomètres  dont  se  compose  le  réseau  complet  des  voies  ferrées  de  la  pénin- 
sule; ses  lignes  sont  dans  le  versant  de  l'Adriatique;  elle  possède  1,000  locomotives,  et 
exposait  une  voiture  pour  trains  rapides,  munie  également  de  water-closets. 

La  Société  Miani,  Silvestri  et  Cie  possède  à  Milan  les  ateliers  les  plus  importants  de 
toute  l'Italie  pour  le  matériel  des  voies  ferrées.  Ils  s'étendent  sur  douze  hectares  et  produi- 
sent par  an  1,200  wagons,  200  voitures,  50  locomotives,  etc.  Une  locomotive  et  sept  voitures 
des  diverses  classes  représentaient  bien  cette  société  dans  la  classe  LXI.  La  locomotive  était 
à  trois  essieux;  elle  a  remorqué  sur  de  fortes  rampes  un  train  de  160  tonnes,  à  la  vitesse  de 
45  kilomètres.  Parmi  les  voitures  exposées,  figurait  une  voiture  de  luxe,  renfermant  des  lits, 
des  lavabos,  etc. 

L'Italie  était  encore  représentée  :  dans  la  classe  XLVIII,  par  une  perforatrice  à  percus- 
sion, marchant  indifféremment  à  l'air  comprimé  ou  à  la  vapeur;  dans  la  classe  LU,  par  une 
pompe  hydraulique  destinée  aux  puits  de  petites  dimensions,  et  un  modèle  de  pompe  pour 
élever  de  grandes  masses  d'eau  à  une  petite  hauteur;  dans  la  classe  LIV,  par  un  appareil 
complet  pour  filer  la  soie;  dans  la  classe  LXII,  par  divers  modèles  d'accumulateurs  électri- 
ques de  systèmes  différents  ;  dans  la  classe  LXIII,  par  un  malaxeur  à  mortier  de  chaux,  ci- 
ment, etc.,  avec  distribution  à  dosage  automatique,  et  par  un  treuil  élévateur  à  mortier  et 
à  briques,  à  action  continue. 

Dans  la  classe  LXIV  (Hygiène),  on  a  remarqué  attentivement  l'exposition  de  la  ville  de 
Naples,  qui  nous  montrait  les  importants  travaux  d'adduction  qui  ont  fait  de  cette  grande 
ville  la  plus  peuplée  de  l'Italie  (elle  compte  512,000  habitants;  Rome,  402,000),  autrefois 
malsaine,  une  des  mieux  pourvues  d'eau  potable. 

Dans  les  groupes  VII  (Produits  alimentaires)  et  VIII  (Agriculture),  l'Italie  ne  pouvait 
manquer  de  bien  figurer.  C'est  en  effet  le  pays  agriculteur  par  excellence;  l'agriculture, 
favorisée  par  son  beau  ciel  et  un  sol  d'une  fertilité  sans  égale,  y  occupe  les  trois  quarts 
des  bras  et  constitue,  pour  le  trésor  italien,  la  principale  source  des  revenus.  Les  exporta- 
tions consistent  surtout  en  maïs,  en  riz  et  en  vins.  On  sait  qu'au  point  de  vue  vinicole  l'Ita- 
lie occupe  le  second  rang  en  Europe  et  vient  aussitôt  après  la  France.  Les  olives  sont  aussi 


3 

a. 


III 


114  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

bien  cultivées  et  l'huile  qu'on  en  retire  très  recherchée  des  gourmets.  Les  pâtes  alimen- 
taires sont  encore  une  spécialité  de  l'Italie.  La  betterave,  le  chanvre  et  le  lin  y  viennent 
aussi  très  bien. 

Les  aurantiacées  (oranges,  citronniers,  limoniers)  forment  dans  le  sud  de  véritables 
forêts.  Les  fruits  donnent  une  récolte  d'une  valeur  de  50  millions  par  an.  Les  forêts  sont 
dévastées  sans  ménagements. 

Tous  ces  produits  étaient  représentés  dans  les  galeries  agricoles  du  quai  d'Orsay  par 
un  grand  nombre  d'exposants. 

Un  pavillon  spécial,  situé  sur  ce  même  quai,  abritait  un  grand  foudre  de  80,000  li- 
tres de  capacité. 

Les  corps  gras  alimentaires,  les  laitages,  les  œufs,  etc.,  étaient  représentés  surtout 
par  MM.  Agostini  Vénérosi  délia  Sota,  Délie  Sedie,  A.  Giuli,  J.  Mayrarque,  Samuel  Raé, 
Bernard  Talonge,  etc.  (classe  LXIX),  dont  les  produits  étaient  de  premier  choix. 

L'Italie  est  pauvre  en  bétail,  mais  la  pêche  est  très  abondante.  Dans  les  classes  LXX, 
LXXI  (viandes,  poissons,  légumes,  fruits),  nous  ne  trouvons  à  mentionner  que  les  envois 
de  MM.  J.  Bonicelli,  Narini  frères,  etc.  Dans  la  classe  LXXII  (liqueurs),  il  faut  citer,  entre 
autres,  ceux  de  MM.  Branca  et  Cora. 

Quant  à  la  classe  LXXIII,  nous  n'entreprendrons  pas  de  donner  les  noms  des  prin- 
cipaux vignerons  italiens  qui  y  ont  pris  part,  car,  même  en  ne  prenant  que  les  princi- 
paux, nous  aurions  trop  de  noms  à  citer.  Disons  seulement  que  la  vigne  occupe  en  Italie 
plus  de  deux  millions  d'hectares,  qu'elle  fournit  par  an  30  millions  d'hectolitres  de  vin, 
valant  plus  d'un  milliard.  La  Sicile  est  au  premier  rang,  grâce  aux  procédés  de  vinification 
améliorés  par  les  étrangers;  les  vins  de  Marsala,  Zucco,  Catani,  Syracuse,  sont  célèbres  ; 
en  Toscane,  on  cite  ceux  de  Chianti;  en  Piémont,  ceux  du  Barolo  et  d'Asti;  en  Vénitie, 
le  cru  du  val  Policella,  etc.  Toutes  ces  variétés  figuraient  à  l'Exposition. 

Dans  les  sections  d'économie  sociale,  à  l'Esplanade  des  Invalides,  l'Italie  était  repré- 
sentée par  une  série  de  documents  importants  et  par  diverses  publications  concernant 
les  sociétés  de  secours  mutuels,  les  sociétés  coopératives  d'assurances,  les  banques  popu- 
laires, les  diverses  questions  ouvrières  et  sociales,  etc. 

Citons  parmi  les  exposants  les  plus  méritants,  MM.  Alberto  Errera,  Lanificio  Rossi, 
pour  la  participation  aux  bénéfices;  la  Société  de  secours  mutuels  de  Bologne  (pré- 
sident :  M.  Rava»  ;  les  associations  contre  les  accidents  et  sur  la  vie  dont  l'une,  la  Casa 
nazionale  di  associazione  fier  gli  inforluni  degli  opérai  sul  lavaro,  de  Milan,  a  obtenu  un  grand 
prix,  et  la  Patronato per  gli  infortuni  délia  voro;  enfin  les  caisses  d'épargne  de  Milan  et  de 
Bologne,  et  la  Société  édificatrice  de  Milan  (habitations  ouvrières). 

Nous  terminerons  en  signalant  la  participation  italienne  à  la  section  d'anthropologie 
criminelle  (au  Palais  des  Arts  Libéraux),  la  maison  pompéienne,  qui  renfermait  des  objets 
du  Vésuve  et  de  Naples,  la  maison  étrusque  occupée  par  un  restaurant,  etc. 

En  résumé,  l'exposition  italienne,  quoique  incomplète  en  bien  des  points,  offrait  néan- 
moins un  vaste  champ  d'observations  aux  chercheurs. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


115 


MONACO 


Ah  !  le  gracieux  petit  palais  que  ce  pavillon  de  Monaco  et  comme  il  méritait  bien  la 
place  à  part  qui  lui  avait  été  faite  près  du  Palais  des  Beaux-Arts,  et  l'engouement  tout  parti- 
culier du  public!  Par  exemple,  ne  nous 
demandez  pas  de  vous  en  définir  l'archi- 
tecture, de  vous  en  préciser  le  style  :  la 
iantaisie  seule  présida  à  cette  composition, 
menée  par  le  seul  souci  de  taire  quelque 
chose  qui  participât  à  la  fois  du  français 
et  de  l'italien,  comme  la  Principauté  elle- 
même,  sans  rien  aliéner  de  l'esprit  d'indé- 
pendance qui  fait  le  lond  du  caractère  mo- 
négasque. D'époque  précise,  pas  davan- 
tage... Au  fait,  nous  devons  nous  tromper. 
C'est  peut-être  réaliser  le  comble  du  mo- 
dernisme, voire  même  de  fin  de  siècle  que 
de  composer  en  jouant  des  coudes  à  travers 
.  les  styles  et  les  époques,  en  prenant  son 
bien  où  on  le  trouve  et  le  beau  partout  où 
il  fleurit.  Si  nous  jugeons  des  résultats  qu'on 
peut  y  obtenir  par  le  succès  qui  valut  à 
son  architecte  M.  Ernest  Fauty  la  compo- 
sition du  pavillon  de  Monaco,  nous  n'au- 
rons qu'à  nous  incliner,  charmés  —  et  nous 
nous  inclinons. 

Nous  nous  revoyons  encore  arrivant 
au  pavillon,  accueillis  par  les  statues  rêvant 
près  des  fontaines,  dans  l'ombre  des  pal- 
miers, des  eucalyptus  et  des  oliviers,  parmi 
les  senteurs  voluptueuses  des  orangers  et 
des  roses.  Comme  cet  accueil  vous  dispo- 
sait à  trouver  tout  aimable,  à  tout  admirer. 
Et,  de  fait,  on  s'extasiait,  sans  avoir  à  y 
mettre  la  moindre  condescendance. 

Le  pavillon  se  composait  d'un  grand 
hall  avec  quatre  pavillons  carrés  aux  an- 
gles. Comme  entrée  principale,  une  loggia 
en  portique.  Les  quatre  façades  décorées 
en  faïences  monégasques  formant  frises,  ces  faïences  dont  nous  retrouverons,  à  l'intérieur, 
des  échantillons  remarquables  par  la  vivacité  de  leurs  couleurs  et  le  dessin  de  leurs  orne- 
ments, et  témoignant  d'un  effort  réel  dans  la  voie  artistique. 


^V     L.  TzcrvauM-v 


Le  sergent  monégasque.  —  Au  pavillon  de  Monaco. 


116  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 

L'intérieur  du  hall  comprenait  une  grande  net  avec  bas-côtés  séparés  d'elle  par  des 
colonnes  et  doucement  éclairés  par  des  baies  à  vitraux.  A  droite  de  l'entrée,  le  portrait  du 
prince  héritier  de  Monaco  ;  au  fond  de  la  nef,  émergeant  des  fleurs  d'une  serre,  le  buste  en 
marbre  du  prince  Charles  III,  placé  là  comme  chez  lui,  au  pays  des  roses... 

Chose  bizarre  !  Cette  terre  privilégiée,  gâtée  par  le  soleil,  bercée  par  les  bruits  de  la  mer, 
abritée  des  vents  par  la  montagne;  cette  terre  où  tout  est  motif  à  rêverie,  où  tout  invite  au 
farniente  nous  envoya  une  exposition  presque  uniquement  composée  de  produits  indus- 
triels. Ce  n'est  pas  que  les  artistes  manquent  dans  la  Principauté  :  mais  ils  sont  français  ou 
italiens  ;  Monaco  se  contente  de  leur  fournir  son  soleil  et  les  enchantements  de  ses  sites. 
Signalons  pourtant  —  car  elles  le  méritent  —  deux  œuvres  artistiques  remarquées  au  pavil- 
lons monégasque:  un  buste,  de  M.  Stecchi,  et  une  vierge,  de  M.  Cordier,  cette  dernière  scul- 
ptée pour  la  cathédrale  de  Monaco. 

Après  avoir  donné  un  coup  d'œil  aux  produits  industriels  :  les  faïences  —  dont  nous 
avons  déjà  parlé  —  la  parfumerie,  la  marqueterie,  les  chapeaux  de  paille  et  ces  paniers 
brodés  si  connus,  on  s'arrêtait  avec  un  intérêt  des  plus  vifs,  devant  l'exposition  des  travaux 
du  prince  héritier,  exposition  qui,  d'ailleurs,  occupait  la  moitié  de  la  place  totale  et  consti- 
tuait le  seul  attrait  sérieux  de  l'intérieur  du  pavillon. 

Le  prince  héritier  —  aujourd'hui  régnant  —  fut  et  est  resté  sans  doute  un  amant  pas- 
sionné de  la  mer  en  même  temps  qu'un  savant  affamé  de  découvertes.  Tous  les  ans, 
il  s'embarquait  sur  son  yacht  et  passait  les  mois  d'été  à  étudier  le  fond  de  l'océan. 
Ce  sont  les  résultats  de  ces  études,  de  véritables  chasses  à  l'inconnu,  qui  nous  furent 
exhibés  au  pavillon  monégasque.  D'abord,  des  photographies  prises  par  le  prince  au  cours 
de  ses  voyages  et  indiquant  ses  travaux  ;  puis,  dans  des  bocaux,  les  animaux  cueillis  au 
fond  de  la  mer  ou  entre  les  rochers  :  des  crabes  nains  et  des  crevettes  géantes,  des 
chenilles,  un  porc-épic  et  des  araignées  de  mer,  un  poisson-chien,  une  façon  de  sirène 
à  tête  de  dogue,  des  polypes  enfin,  la  plupart  inconnus  —  et  à  côté  de  ces  trouvailles, 
comme  le  fusil  près  du  gibier  rapporté,  l'appareil  inventé  par  le  prince  pour  sonder  le  fond 
de  la  mer,  jusqu'à  une  profondeur  de  trois  kilomètres,  et  en  ramener  les  algues  et  leurs 
habitants. 

Un  autre  travail  à  l'exécution  duquel  les  goûts  scientifiques  du  prince  héritier  ne 
furent  sans  doute  pas  étrangers,  ce  sont  des  reproductions  de  sceaux  anciens  exposés  par 
M.  Saige,  archiviste  de  la  principauté,  un  savant  doublé  d'un  littérateur  de  talent. 

En  somme,  à  part  les  travaux  maritimes,  du  prince  héritier,  peu  de  chose  à  voir  dans 
le  pavillon  monégasque  et  absence  presque  complète  d'œuvres  d'art.  Eh  bien  !  si  peu  que 
cela  fût,  nous  nous  étonnions  encore  de  l'y  trouver  :  c'est  surtout  aux  pays  de  soleil  qu'il 
est  doux  de  ne  rien  (aire,  et  parmi  ces  pays,  nous  n'en  savons  pas  qui  offrent  plus  de  cir- 
constances atténuantes  à  la  mollesse  que  cette  Principauté  enchantée. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


117 


LA    NORVEGE 

La  Norvège  a  participé,  depuis  1811,  non  seulement  à  toutes  les  Expositions  universelles 
qui  ont  eu  lieu  à  Londres,  à  Paris,  à  Philadelphie  et  à  Vienne,  mais  encore  à  un  nombre 
considérable  d'autres  grands  concours,  d'un  caractère  plus  ou  moins  international.  Elle  a, 
particulièrement,  pris  une  large  part  aux  expositions  Scandinaves,  à  Stockholm  en  1866,  et 
à  Copenhague  en  1888.  Enfin,  la  Norvège  a  été  représentée  à  plusieurs  exhibitions  spéciales 


Le  chalet  norvégien. 


internationales,  notamment  aux  expositions  des  pêcheries,  dont  l'une,  celle  de  1865,  a  eu 
lieu  en  Norvège  même,  à  Bergen. 

Jusqu'en  1878,  la  participation  de  la  Norvège  aux  différentes  expositions  eut  générale- 
ment lieu  sous  la  direction  immédiate  de  l'Etat.  Mais  ce  système  fut  reconnu  comme  trop 
coûteux.  Aussi  décida-ton,  en  1880,  qu'à  l'avenir  l'Etat,  laissant  à  l'initiative  privée  le  soin 
d'organiser  et  de  diriger  sa  participation  nationale,  se  bornerait  à  prêter  son  concours  en 
accordant  une  subvention  aux  organisateurs.  C'est  ainsi  qu'il  fut  procédé  depuis,  à  l'occasion 
des  expositions  de  Londres  en  1883,  d'Anvers  en  1885,  de  Liverpool  en  1886  et  de  Copenhague 
en  1888. 


118  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

La  Commission  centrale  constituée  en  vue  de  l'Exposition  Universelle  de  1889  adressa 
immédiatement  au  gouvernement  norvégien  une  demande  de  subvention  de  100,000  cou- 
ronnes (1  couronne  égale  1  fr.  39).  Le  gouvernement,  en  soumettant  cette  demande  à  la 
représentation  nationale,  —  le  Storthing  —  crut  devoir  réduire  d'un  quart,  eu  égard  aux 
charges  du  budget,  le  chiffre  de  la  subvention  à  accorder.  Pourtant,  dans  sa  séance  du 
17  mai  1888,  le  Storthing  votait,  par  56  voix  contre  44,  la  somme  intégrale  demandée  par  la 
Commission. 

Dès  le  début,  du  reste,  il  avait  été  convenu  qu'en  1889  la  participation  norvégienne 
devait  avoir  un  caractère  quelque  peu  différent  de  celui  qu'elle  avait  eu  en  1867  et  en  1878, 
un  caractère  pour  ainsi  dire  plus  utilitaire.  Dans  sa  première  communication  au  gouverne- 
ment norvégien,  la  commission  de  Christiana  avait  émis  l'opinion  qu'il  fallait  se  restreindre 
à  la  représentation  des  industries  dont  les  produits  sont  déjà  ou  peuvent  devenir  des  objets 
d'exportation  —  en  y  ajoutant  toutefois  les  beaux-arts,  ainsi  que  les  objets  pouvant  donner 
aux  étrangers  une  idée  des  beautés  du  pays,  et  par  là  inviter  les  touristes  à  venir  le  visiter. 
Ce  programme  fut  entièrement  approuvé  par  le  gouvernement  et  par  la  représentation  natio- 
nale. Il  était,  en  outre,  presque  imposé  par  le  budget,  beaucoup  plus  restreint  qu'en  1878, 
dont  on  disposait  cette  fois,  et  par  la  nécessité  absolue  de  ne  pas  permettre  aux  dépenses  de 
dépasser  la  limite  fixée.  On  était  donc  obligé  d'observer  la  plus  grande  économie  et  de  réduire 
au  plus  strict  nécessaire  les  frais  de  décoration  de  toute  nature.  Il  fallait  sacrifier  certaines 
représentations  pour  lesquelles  des  dépenses  élevées  eussent  été  indispensables.  De  plus,  on 
ne  pouvait  réclamer,  comme  on  l'avait  fait  avec  succès  dans  des  circonstances  antérieures, 
une  large  participation  des  administrations  et  institutions  officielles.  Enfin  on  allait  se  trou- 
ver en  face  d'une  difficulté  grande  —  plus  considérable  peut-être  pour  la  représentation 
norvégienne  que  pour  celle  de  la  plupart  des  autres  nations  et  créée  par  la  disposition  même 
des  emplacements  sur  lesquels  elle  aurait  à  s'installer,  —  celle  de  faire  valoir  pleinement, 
bien  que  morcelée  et  éparse,  l'exposition  nationale. 

En  effet,  les  produits  durent  être  séparés  en  deux  grandes  divisions  d'une  importance 
presque  égale  :  l'une,  où  les  industries  du  bois  et  des  métaux  prédominaient,  située  sur  l'em- 
placement qui  avait  été  accordé  dans  les  galeries  des  industries  diverses,  entre  les  sec- 
tions des  États-Unis  et  du  Japon;  l'autre  dans  les  galeries  de  l'agriculture,  au  quai  d'Orsay, 
où  il  avait  fallu  reléguer  les  installations  très  complètes  des  pêcheries,  ainsi  que  les  indus- 
tries de  boissons  fermentées.  Encore  n'étaient-ce  pas  là  les  seuls  points  de  l'enceinte  de 
l'Exposition  où  le  drapeau  norvégien  fût  arboré.  Dans  le  palais  des  Beaux-Arts,  la  section  de 
la  Norvège  était  placée  au  premier  étage,  entre  celles  du  Danemark  et  de  la  Suède.  Dans  le 
jardin  du  Champ-de-Mars,  au  pied  de  la  tour  Eiffel,  s'élevait  le  grand  pavillon  en  bois,  cons- 
truit et  exposé  par  la  maison  M.  Thams  et  Cic,  où,  pendant  la  durée  de  l'Exposition,  les 
bureaux  du  Commissariat  norvégien  étaient  installés,  et  où  plus  tard  les  bureaux  de 
l'administration  de  la  Société  de  la  tour  Eiffel  leur  ont  succédé.  A  quelques  pas  de  là  un 
petit  chalet  en  bois  contenait  l'exposition  d'une  nouvelle  industrie  norvégienne,  celle  du  lait 
stérilisé  conservé.  Sur  la  Seine,  dans  la  section  des  embarcations  flottantes,  se  balançait  un 
grand  bateau  de  Nordland  —  petit-fils  en  ligne  directe  des  navires  sans  pont  sur  lesquels, 
il  y  a  un  millier  d'années,  les  ancêtres  norvégiens  vinrent  faire  leurs  premières  visites  à  la 
capitale  de  la  France. 

Il  est  hors  de  doute  que  la  réunion  sous  le  même  toit  de  toutes  ces  parties  de  l'expo- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


119 


sition  aurait  constitué  un  ensemble  à  la  fois  complet  et  plus  pittoresque.  Néanmoins, 
nous  devrons  reconnaître  que  l'impression  générale  produite  par  ces  différentes  sections 
sur  les  visiteurs  a  été  de  tous  points  très  défavorable.  A  ce  sujet,  la  Norvège  a  lieu  d'être 
tout  particulièrement  satisfaite  du  témoignage  qu'une  voix  des  plus  autorisées  a  bien 
voulu  accorder,  dans  les  termes  les  plus  flatteurs,  au  caractère  de  sincérité  de  la  repré- 
sentation norvégienne  au  Champ-de-Mars  en  1889.  C'était  précisément  là  le  caractère  que 
l'on  s'était  efforcé,  dès  le  premier  moment,  de  lui  donner,  et  qui  seul  était  susceptible  de 
lui  faire  avoir  une  valeur  de  bon  aloi. 

Le  nombre  total  îles  exposants  norvégiens  était  de  578;  certains  d'entre  eux  expo- 
saient dans  plusieurs  Classes.  Parmi  ces  578  exposants,  six  se  trouvaient  hors  concours 


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Intérieur  de  la  section  norvégienne. 

comme  membres  du  jury  des  récompenses;  deux  exposaient  dans  la  section  rétro- 
spective de  l'histoire  du  travail  où  il  n'a  pas  été  décerné  de  récompenses.  Le  nombre  des 
exposants  qui  concouraient  à  des  récompenses  était  donc  de  570.  Le  jury  leur  en  décerna 
255,  savoir  :  cinq  grands  prix,  un  diplôme  équivalant  à  un  grand  prix,  quarante  médailles 
d'or,  soixante-sept  médailles  d'argent,  soixante-quinze  médailles  de  bronze  et  soixante-quatre 
mentions  honorables. 

Dans  le  groupe  I  (Beaux-Arts),  le  nombre  des  exposants  concourant  était  de  76;  celui  des 
récompensés  fut  de  35.  Dans  l'ensemble  des  autres  groupes,  le  nombre  des  exposants 
concourant  était  de  194;  celui  des  récompensés  fut  de  178,  de  sorte  que,  dans  ces  derniers, 
seize  exposants  norvégiens  seulement  n'eurent  aucune  récompense. 

Onze  exposants  norvégiens  reçurent  des  distinctions  honorifiques,  savoir:  sept,  la  croix 
de  la  Légion  d'honneur,  et  quatre,  les  palmes  académiques. 


120  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 

Enfin,  une  médaille  d'argent  et  trois  de  bronze  furent  décernées  à  des  colla- 
borateurs. 

En  reconnaissance  de  l'accueil  si  cordialement  bienveillant  qui,  à  cette  occasion, 
a  été  fait  à  la  Norvège,  quelques  souvenirs  de  la  participation  ont  été  offerts  et  ont 
été  gracieusement  acceptés  par  des  institutions  françaises.  Nous  citerons  :  la  façade  d'un 
grenier,  construction  en  bois,  exposée  par  M.  Egeberg  et  donnée  par  l'exposant  au  Musée 
des  arts  décoratifs;  collection  de  produits  et  engins  de  pêche,  exposée  par  la  Com- 
mission norvégienne,  et  donnée  par  elle  au  Musée  municipal  de  la  ville  de  Boulogne-sur- 
Mer  ;  grande  carte  ornementale  de  la  Norvège,  dessinée  et  exposée  par  MM.  0.  et  Th.  Holmboe, 
donnée  par  M.  Aug.  Pellerin,  membre  de  la  Commission  de  réception  des  chœurs  norvégiens, 
à  la  Société  de  géographie  de  Paris;  collection  de  modèles  de  constructions  en  bois,  expo- 
sée par  la  maison  M.  Thams  et  G",  et  donnée  par  elle  au  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers  ; 
collection  d'objets  d'ancienne  bijouterie  nationale,  donnée  par  M.  Hammer,  orfèvre  et  anti- 
quaire à  Bergen,  au  Musée  d'ethnographie  ;  collection  d'éditions  de  musique  norvégienne, 
donnée  par  M.  C.  Warmuth,  éditeur  de  musique  à  Christiana,  au  Conservatoire  de 
musique. 


HOLLANDE 


De  tous  côtés  on  rencontrait  la  Hollande  à  l'Exposition  de  1889,  et  partout  elle  nous  offrait 
quelque  chose  d'utile,  de  curieux  et  d'intéressant.  On  aurait  dit  que  ce  petit  peuple  qui  occupe 
une  place  si  importante  dans  l'histoire  industrielle,  artistique  et  politique,  s'était  préparé 
de  longue  main  à  nous  donner  des  preuves  multiples  de  sa  prodigieuse  vitalité.  Il  n'en  est 
rien  pourtant,  il  a  fallu  dissiper  bien  des  craintes,  faire  tomber  sous  l'argument  irrésistible 
de  l'intérêt  une  foule  d'hésitations.  La  section  hollandaise,  à  notre  grand  concours  univer- 
sel, a  été  organisée  en  dehors  de  toute  intervention  du  gouvernement,  par  un  comité  qui, 
par  bonheur,  réunissait  en  lui  toutes  les  qualités  auxquelles  cette  nation  étonnante  doit  sa 
prospérité.  Avec  de  l'énergie,  de  la  patience,  de  la  ténacité,  on  a  pu  réunir  les  fonds  néces- 
saires, persuader  aux  industriels  qu'ils  ne  devaient  qu'à  eux-mêmes  de  prendre  part  à  cette 
lutte  pacifique  et  chasser  le  cauchemar  à  la  fois  terrible  et  enfantin  du  spectre  rouge.  De 
brillants  résultats  ont  couronné  ces  efforts.  Il  serait  exagéré  de  dire  que  nous  avons  eu  ici  une 
manifestation  absolument  complète  de  l'industrie  des  Pays-Bas.  Du  reste,  parmi  les  peuples 
étrangers,  nous  ne  voyons  que  les  États-Unis,  la  Suisse  et  les  républiques  de  l'Amérique 
du  Sud  qui  nous  aient  donné  toute  la  mesure  de  ce  qu'ils  pouvaient  faire.  Cependant,  la 
section  hollandaise  renfermait  des  éléments  assez  nombreux  et  assez  variés  pour  nous  faire 
connaître  à  fond  ce  petit  peuple  éminemment  industrieux  et  pratique. 

Dans  le  Palais  des  industries  diverses,  la  Hollande  occupait  la  galerie  latérale  qui  reliait 
le  Dôme  Central  à  l'avenue  de  la  Bourdonnais.  La  façade  de  cette  section  a  été  traitée  dans  le 
style  Benaissance.  Devant  nous  se  dressait  un  arc  de  triomphe,  flanqué  de  colonnes  à  canne- 
lures, coiffées  de  chapiteaux  composites.  Des  arcades  s'ouvraient  à  droite  et  à  gauche.  En 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE    DE    1889 


121 


levant  les  yeux,  nous  voyions  un  tympan  et  une  corniche  d'élégantes  proportions,  puis  nos 
regards  se  portaient  vers  des  peintures  murales  d'un  bel  effet,  symbolisant  le  Commerce  et 
l'Industrie.  Cette  façade  était  d'une  couleur  vieux  chêne,  avec  reflets  métalliques  sur  les  car- 
touches, guirlandes  et  chapiteaux.  Elle  a  été  exécutée  par  Niermans,  d'après  les  dessins  de 
l'architecte  Posthumus  Meyjes.  Tous  nos  éloges  à  M.  Willy  Martens  pour  ses  peintures  déco- 
ratives. Maintenant,  donnez-vous  la  peine  d'entrer.  Ce  qui  nous  frappe  à  première  vue,  c'est 
le  singulier  aspect  qu'offre  l'ensemble  des  étalages.  Évidemment,  chacun  ici  désire  s'orga- 
niser à  sa  façon.  Bien  qu'ils  aient  le  même  tempérament  et  les  mêmes  visées,  tous  ces 
gens-là  ont  leur  individualité  propre,  qu'ils  affirment  avec  une  entière  indépendance.  Ne 


Façade  do  la  section  néerlandaise. 


soyez  donc  pas  surpris  du  manque  d'alignement  et  de  régularité  qui  distingue  entre  toutes 
cette  pittoresque  galerie.  Nous  remarquons,  en  entrant,  de  grandes  plaques  de  verre  ondu- 
lées et  gravées,  puis  des  faïences  de  Delft  qui  accaparent  aussitôt  notre  attention.  N'allez 
pas  croire,  avec  tant  d'autres  aveuglés  par  leur  parti  pris,  qu'il  s'agit  ici  de  reproductions 
plus  ou  moins  exactes  de  l'ancien.  La  fabrique,  dont  les  produits  sont  exposés  là,  n'a  pas 
été  fondée  dans  le  but  de  copier  le  genre  d'autrefois,  mais  pour  faire  renaître,  sous  une  forme 
quelque  peu  différente,  l'industrie  à  laquelle  la  ville  de  Delft  doit  son  renom.  Elle  veut 
s'affranchir  des  méthodes  surannées,  et,  dès  qu'elle  le  pourra,  s'ouvrir  des  horizons  nou- 
veaux. 

Sous  l'impulsion  d'un  artiste  de  haute  valeur,  M.  Le  Comte,  professeur  à  l'école 
polytechnique  de  Delft,  elle  marche  clans  une  voie  qui  doit  peu  à  peu  l'amener  à  produire 
des  œuvres  remarquables,  à  la  fois,  par  l'origine  du  style  et  la  perfection  du  rendu.  Pour  le 
moment,  l'homme  de  goût  dont  nous  parlons,  étudie  avec  beaucoup  de  soin  l'art  décoratif 


122  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 

du  xvie  et  du  xvii"  siècle,  et  en  reproduit  les  traits  les  plus  heureux  sur  des  panneaux  de 
faïence.  Ce  qu'il  nous  montre,  aujourd'hui,  ce  sont  de  scrupuleuses  copies  des  chefs-d'œuvre 
de  l'École  hollandaise,  avec  un  délicieux  encadrement  où  d'élégantes  colonnettes  se  dressent 
au  milieu  de  guirlandes,  qui  ont  beaucoup  de  grâce  et  de  légèreté.  Pendant  longtemps,  les 
dessins  furent  traités  en  bleu  sur  fond  blanc,  mais  on  est  enfin  parvenu  à  faire  des  faïences 
polychromes,  remarquables  comme  couleur  et  comme  décoration.  Nous  devons  cependant 
considérer  ces  nouvelles  faïences  de  Delft  comme  annonçant  une  nouvelle  évolution  et  rien 
de  plus.  Ce  sont  de  belles  promesses  dont  la  complète  réalisation  exigera  peut-être  bien  des 
années.  Les  artistes  hollandais  qui  abordent  le  genre  décoratif  sentent  le  besoin  d'étudier  à 
fond  les  vieux  maîtres  de  leur  pays.  Mais  il  leur  faut  pour  y  parvenir  complètement,  copier 
les  œuvres  les  plus  marquantes  des  peintres  de  tempéraments  divers,  et  ce  n'est  certes  pas 
une  mince  besogne.  Supposons,  néanmoins,  que  parmi  ces  copistes  il  se  trouve  un  homme 
admirablement  doué,  capable  de  s'assimiler  rapidement  les  différentes  méthodes  qui 
ont  produit  tant  de  chefs-d'œuvre.  Notre  artiste  décorateur,  hollandais  pur-sang,  n'aura 
bientôt  plus  qu'un  seul  but  :  créer,  à  son  tour,  à  l'aide  d'éléments  choisis  dans  la  nature  et 
le  milieu  qui  l'environne,  des  scènes  réelles,  sans  banalité,  des  ornements  gracieux,  sans 
fadeur,  et  des  motifs  pleins  de  vie,  qui  ne  devront  rien  ni  au  seizième  siècle,  ni  à  d'autres. 
Malgré  tout  le  bien  que  nous  pensons  des  nouvelles  faïences  de  Delft,  exposées  dans  la  sec- 
tion des  Pays-Bas,  nous  n'osons  dire  qu'elles  nous  annoncent  la  venue  prochaine  du  Messie 
de  l'art  décoratif. 

La  fabrique  royale  de  Deventer  exposait  de  fort  beaux  tapis  de  grande  dimension.  L'un 
d'eux,  dans  le  style  Louis  XV,  avait  toute  la  grâce  et  toute  la  fantaisie  que  ce  genre  comporte, 
les  autres  étaient  d'un  style  persan  très  étudié.  La  laine,  que  cette  fabrique  emploie,  est 
achetée  sur  les  marchés  de  la  province  de  Gueldre.  Il  est  inutile  de  dire  que  le  lavage,  la 
filature  et  la  teinture  de  cette  laine  se  font  à  Deventer.  Quant  au  mode  de  travail,  il  est  le 
même  que  dans  tous  les  établissements  de  premier  ordre  :  la  tapisserie  se  fait  à  la  main 
sans  aucun  mélange  de  jute  ou  d'autre  matière  textile. 

On  sait  que  la  ville  de  Harlem  est  une  des  premières  où  l'impression  à  l'aide  de  carac- 
tères mobiles  ait  été  pratiquée.  Cette  vieille  cité,  qui  s'enorgueillit  d'avoir  vu  naître  Laurens 
Janszoon  Koster,  ne  pouvait  mieux  faire  que  de  se  présenter  à  nous  sous  un  aspect  con- 
sacré par  un  renom  indiscutable.  Il  nous  était  donc  facile  d'admirer  la  superbe  collection 
de  types  et  de  clichés  que  l'imprimerie  Johannes  Enschedé  et  fils,  de  Harlem,  avait  mis  sous 
nos  yeux. 

Signalons,  en  passant,  de  beaux  spécimens  de  chromolithographie  et  des  reliures  très 
soignées.  Les  éloges  que  nous  pourrions  adresser  à  la  maison  Van  Gelder  Zonen,  d'Ams- 
terdam, seraient  inutiles;  car  la  qualité  du  papier  de  Hollande  qu'elle  fabrique  est  connue  de 
tous.  Les  amateurs  de  livres  imprimés  en  caractères  elzéviriens  caressent,  sans  cesse,  avec 
une  passion  contenue,  faite  de  ferveur  et  de  timidité  respectueuse,  des  feuillets  de  ce  pré- 
cieux papier,  dont  le  grain  procure  à  leurs  doigts  de  connaisseurs  une  sensation  de  su- 
prême plaisir. 

N'oublions  pas  de  mentionner  les  balances  de  précision,  de  MM.  Becker  et  fils,  de 
Botterdam.  Citons  également  les  élégantes  voitures  de  M.  Vcth,  d'Arnhem,  et  le  modèle  de 
bateau  à  vapeur  de  M.  Fop  Smit,  de  Kinderdijk. 

Il  nous  faut,  à  présent,  revenir  sur  nos  pas  et  pénétrer  dans  une  salle  carrée,  qui  sert, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


123 


pour  ainsi  dire,  de  vestibule  à  la  galerie  que  nous  venons  de  visiter.  Ici,  la  serin •  change,  et 
notre  curiosité  s'éveille,  car  nous  sommes  entourés  de  mille  objets  d'où  s'exhale  un  vague 
mélange  de  parfums  exotiques.  Un  trophée  monumental  de  produits  coloniaux  se  dresse 
devant  nous  :  ce  sont  les  richesses  de  l'Inde  néerlandaise  qui  se  groupent  fièrement  sous 
nos  yeux.  Il  peut  sembler  puéril  de  contempler  ainsi  des 
articles  qui,  pour  la  plupart,  nous  sont  familiers,  et  il 
faudrait  se  monter  singulièrement  l'imagination  ou  faire 
une  œuvre  de  haute  fantaisie  pour  parvenir  à  poétiser  de 
vieilles  connaissances  telles  que  le  café,  le  quinquina,  le 
thé,  le  riz,  la  gomme,  le  tabac,  l'indigo,  etc.  Et  pourtant 
ces  produits  que,  dans  notre  ménage  nous  considérons 
tout  bonnement  comme  fort  utiles  ou  très  agréables,  ont, 
ici,  dans  leur  agglomération  savante,  un  aspect  vain- 
queur qui  est  bien  loin  de  nous  paraître  ridicule.  A  quoi 
cela  tient-il?  L'explication  en  est  des  plus  simples.  Ils 
forment  un  ensemble  de  ressources  merveilleuses. 

Voyez  donc,  maintenant,  les  jolis 
oiseaux  que  renferme  cette  vitrine. 
Quelle  admirable  symphonie  de  cou- 
leurs !  Vous  croyez,  sans  doute,  que 
ces  braves  Hollandais  ont  fait  venir 
ces  naturels  des  iles  Moluques  dans 
le  seul  but  de  nous  éblouir  ?  N'en 
croyez  rien  :  ils  désirent  aussi  nous 
tenter...  Et  ils  sont  bien  près  d'y 
réussir,  car  les  dames,  qui  nous  ac- 
compagnent, murmurent  à  voix  basse, 
en  les  admirant,  mille  imprécations  contre  la  mode 
cruelle  qui  exile  de  leurs  chapeaux  ces  adorables 
petits  êtres. 

Remarquez  également  ces  tortues,  dont  le  nom 
seul  donne  de  la  valeur  à  certain  potage  aimé  des 
enfants  d'Albion,  et  dont  l'écaillé  précieuse  se  rit 
de  la  vaine  concurrence  de  l'effrontée  eelluloïde. 
Jetons  un  coup  d'œil  à  ces  papillons  aux  ailes  dia- 
prées ;  et,  enfin,  avant  de  quitter  cette  salle  intéressante,  arrêtons-nous  devant  les  costumes, 
les  armes  et  les  instruments  de  musique  indigène,  qui  forment  un  ensemble  si  curieux. 
Les  produits 'et  objets  que  vous  avez  admirés  avec  nous  sont  empruntés  à  des  collections 
particulières.  De  notables  commerçants  d'Amsterdam  et  de  Rotterdam  se  sont  fait  un  plai- 
sir d'en  prêter  le  plus  grand  nombre.  Voici  les  noms  de  ceux  qui  ont  donné  leur  concours 
à  cette  partie  de  l'Exposition  :  M.  Jouslain,  ancien  consul  général  de  France  à  Batavia, 
M.  Freiwal  et  M.  Pierson,  qui  tous  trois  habitent  Paris;  la  Société  Natura  Artis  Magistra, 
d'Amsterdam;  MM.  Wùste,  Calkoen,  Briegleb,  ten  Kate,  Zeverijn,  Zentinck,  Fritz  Olie 
et  Cie,  Repelius  frères,  Wessaanen  et  Laanen.  tous  d'Amsterdam  ;  MM.  Thorman  et  C", 


Servante  hollandaise. 


124  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

de  Rotterdam;  le  prince  Mangko  Negoro,  MM.  Mundt,  Kerkhoven,  de  Java,  etc.,  etc. 

Quittons  le  palais  des  industries  diverses,  et  faisons  un  petit  tour  en  plein  air.  Cette 
promenade  assez  courte  nous  amène  devant  une  construction  dont  l'aspect,  à  la  fois  solide 
sérieux  et  reposé,  jette  une  note  d'une  gravité,  pour  ainsi  dire,  captivante,  au  milieu  du 
flamboiement  architectural  qui  règne  de  tous  côtés.  Nous  sommes  devant  une  ancienne 
maison  hollandaise,  reproduite  d'après  les  plans  de  M.  Posthumus  Meyjes  et  meublée  dans 
le  style  du  xvie  siècle.  Les  murs  sont  ornés  de  carreaux  de  Délit,  et  la  boiserie  est  en  vieux 
chêne.  De  fraîches  jeunes  filles,  évidemment  contemporaines  des  vieux  carreaux,  à  en 
juger  par  leurs  costumes  qui  cependant  ne  semblent  pas  avoir  souffert,  ont  été  ressuscitées, 
dans  tout  l'éclat  de  leurs  vingt  ans,  pour  illuminer  cette  sévère  demeure.  Elles  ne  parais- 
sent pas  avoir  là  une  sinécure.  On  voit  de  loin  leur  casque  d'or  ou  leur  bonnet  de  dentelle 
aller,  venir,  tourner  à  droite,  virer  à  gauche,  et  même  plonger  en  quête  de  quelque  objet, 
évidemment  fort  précieux.  Que  font-elles  donc?  Elles  servent  du  cacao  à  raison  de  20  cen- 
times la  tasse,  et  leur  petit  commerce  nous  fait  l'effet  d'être  prospère. 

A  quelque  distance  de  là,  une  maison  non  moins  hollandaise,  vieux  style,  attire  notre 
attention.  Un  public,  qui  ressemble  à  celui  de  ces  hôtels  où  l'on  parle  toutes  les  langues,  y 
pénètre  lentement,  et  comme  religieusement.  Prenons  la  file.  Nous  voici  dans  une  grande 
salle  qui  regorge  de  monde,  et  l'on  fait  circuler  de  gauche  à  droite.  C'est  une  taillerie  de 
diamants,  installée  par  MM.  Boas  frères,  d'Amsterdam. Les  ouvriers,  attentifs  à  leur  ouvrage, 
échangent  quelques  mots  de  temps  en  temps,  et  ne  paraissent  nullement  remarquer  la 
foule  bigarrée  qui  s'étouffe  devant  leurs  établis.  Suivons,  si  vous  le  voulez  bien,  le  mieux 
qu'il  nous  sera  possible,  les  différentes  opérations  à  l'aide  desquelles  on  transforme  une 
sorte  de  caillou,  de  modeste  apparence  en  une  éblouissante  pierre  précieuse.  Voyons 
d'abord  le  clivage.  L'ouvrier,  chargé  de  ce  travail,  vient  de  prendre  un  diamant  informe, 
qu'il  s'agit  de  préparer  pour  la  taille,  sans  qu'il  y  ait  par  trop  de  perte.  Il  sait,  par  expé- 
rience, que  cette  pierre  se  laisse  fendre  assez  facilement  dans  la  direction  de  l'octaèdre  :  il 
faut  donc  qu'avant  tout  il  y  pratique  une  entaille  avec  le  bord  tranchant  d'un  diamant  déjà 
clivé.  Vous  le  voyez  prendre,  à  cet  effet,  un  bâton  terminé  par  une  virole  de  cuivre  dans 
laquelle  il  introduit  un  ciment  formé  de  mastic,  de  colophane  et  de  sable  fin,  qu'il  amollit 
doucement  à  la  chaleur  de  la  lampe  voisine.  Il  enfonce,  alors,  la  pierre  à  cliver  dans  cette 
matière  plastique  où  elle  se  fixe  par  l'effet  du  refroidissement.  Il  prend  ensuite  un  morceau 
de  diamant  à  arête  vive  et  saillante  et  l'enchâsse  de  la  même  manière  à  l'extrémité  d'un 
autre  bâton.  Devant  notre  homme  se  trouve,  solidement  vissée  à  son  établi,  une  boite  en 
cuivre  munie  de  deux  chevilles  en  1er;  et  des  petits  trous  pratiqués  au  fond  de  cette  boite 
laissent  tomber  dans  un  double  fond  la  précieuse  poussière  qui  résulte  du  clivage.  L'ou- 
vrier tient,  maintenant,  un  de  ces  deux  bâtons  de  chaque  main,  et,  se  servant  comme  de 
point  d'appui  des  chevilles  de  fer,  il  met  les  deux  diamants  en  contact.  Puis  par  des  pro- 
pulsions répétées  en  un  mouvement  de  va-et-vient,  il  arrive  à  produire  une  fente  en  forme 
de  V  dans  la  pierre  attaquée.  Il  continue,  et  toujours  attentif,  il  constate  bientôt  que  la 
ligne  de  fond  correspond  au  plan  de  clivage  du  diamant.  Il  fixe  alors  le  bâton,  qui  tient  la 
pierre  entaillée,  dans  un  bloc  de  plomb  percé  d'un  trou  ad  hoc  et  placé  devant  la  boite. 
L'ouvrier  saisit  maintenant  de  la  main  gauche  un  couteau  à  lame  d'acier  trempé;  il  en 
pose  dans  la  fente  le  tranchant  mousse,  d'un  coup  sec  appliqué  avec  une  baguette  de  fer, 
il  fend  la  pierre  dans  le  sens  prévu.  Le  fragment  est  mis  aussitôt  dans  un  tiroir,  et  l'opé- 


i     a 


— 
s 


126  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

ration  se  poursuit.  Elle  donne  nécessairement  comme  résultat  définitif  un  solide  se  rap- 
portant au  système  cubique  :  soit  un  octaèdre  ou  un  dodécaèdre,  etc. 

Voyons  rapidement  le  tailleur  et  le  polisseur,  car  on  nous  bouscule  ferme.  Le  premier 
est  arme  aussi  de  deux  bâtons  un  peu  plus  gros  que  ceux  du  cliveur,  et  il  frotte  l'un  contre 
l'autre  deux  diamants  qu'il  y  a  fixés.  Mais  ici  n'allez  pas  croire  que  l'une  de  ces  pierres  ait 
pour  mission  de  tailler  l'autre  en  pièces.  Bien  au  contraire,  elles  s'acharnent  à  s'embellir 
mutuellement,  en  faisant  disparaître  toutes  les  rugosités  qui  les  déparent.  Le  tailleur  ne  se 
contente  pas  de  rendre  moins  rudes  les  diamants  qu'il  frotte,  il  leur  donne  encore  une 
forme  définitive.  Si  la  pierre  est  assez  épaisse  pour  qu'on  puisse  en  faire  un  brillant,  comme 
c'est  le  cas  pour  celle  que  l'on  taille  sous  mis  yeux,  l'ouvrier  forme  d'abord  la  table,  puis  la 
culasse,  et  enfin  toutes  les  facettes  du  pavillon  et  du  collier.  Ce  que  les  visiteurs  suivent 
avec  le  plus  d'intérêt,  c'est  le  polissage.  Cette  meule,  dont  la  vitesse  de  rotation  est  de 
2,000  tours  par  minute,  semble  les  magnétiser.  La  pierre  est  presque  enfouie  dans  un  amas 
de  soudure,  mélange  de  plomb  et  d'étain,  déposée  dans  une  coquille  en  cuivre  à  laquelle 
est  fixée  une  tige  de  même  métal.  Le.  polisseur  armé  de  tenailles,  à  vis,  moitié  en  fer  et 
moitié1  eu  bois,  maintient  cette  tige  d'une  façon  inébranlable,  en  présentant  à  la  meule  le 
côté  de  la  |iicrre  qui  émerge  du  pâté  de  soudure.  Tous  les  gens  qui  travaillent  dans  cette 
taillerie  vous  ont  un  air  tranquille  qui  ferait  croire  à  une  mystification  mal  jouée.  Et,  pour- 
tant il  y  a  dans  leur  regard  une  certaine  intensité  d'attention,  qui,  seule,  devrait  sulfire  à 
nous  les  faire  prendre  au  sérieux.  Les  meules  que  nous  voyons  sont  mues  par  une  machine 
à  gaz,  à  l'exception  de  celle  qui  se  trouve  là,  dans  le  coin,  et  qui  est  mue  au  pied.  On  a  cru 
devoir  mettre  en  présence  l'ancien  système  et  le  nouveau.  Retournez-vous,  s'il  vous  plaît, 
et  jetez  un  coup  d'oeil  à  la  vitrine  du  milieu  qui  renferme  pour  plus  de  deux  millions  de 
diamants.  Afin  d'amuser  les  badauds,  on  a  formé  à  l'aide  de  ces  pierres  une  tour  Eiffel  de 
trente  centimètres  de  haut,  en  demi-relief,  ainsi  qu'une  couronne,  etc.  Enfin  l'inscription 
suivante,  en  lettres  éblouissantes  :  Taillerie  de  diamants,  Boas  frères,  Amsterdam.  Ces 
messieurs  essaient  évidemment  de  rivaliser  avec  l'inoubliable  maison  Costcr.  Quoi  qu'il  en 
soit,  ils  portent  haut  l'étendard  de  cette  corporation,  une  des  plus  estimables  de  la  Hollande. 

Si  nous  allions  prendre  un  verre  de  curaçao.  Qu'en  pensez-vous  ?  —  Cela  vous  convient. 
Alors  ce  que  nous  avons  de  mieux  à  faire,  c'est  de  nous  diriger  vers  le  quai  d'Orsay.  Nous 
y  voilà.  Ces  installations  hollandaises  ont  décidément  un  air  de  bonhomie  et  de  confortable 
bien  franc  qui  vous  inspire  à  première  vue  une  confiance  illimitée.  11  est  vrai  que  plusieurs 
de  ces  maisons,  celles  de  Wijnand  Focking  et  de  Lucas  Bols,  par  exemple,  ont  une  renom- 
mée plusieurs  fois  centenaire,  et  dame!  noblesse  oblige.  Mais  non,  c'est  dans  la  race.  Tous 
ces  gens-là  seraient  incapables  de  faire  des  produits  inférieurs  :  ils  ne  sauraient  comment  s'y 
prendre.  Goùtez-moi  ce  curaçao...  quel  montant,  quelle  richesse  de  ton...  comme  cela  vous 
rend  gaillard  I  .Mesdames,  prenez  deux  doigts  de  cette  anisette  délicieuse,  et  ce  pur  nectar 
vous  fera  vite  oublier  vos  petites  misères.  Allons,  mon  brave,  avalez  ce  verre  de  genièvre, 
et  s'il  vous  fait  cligner  de  l'œil,  ce  sera  de  plaisir.  Il  n'y  a,  voyez-vous,  qu'à  Amsterdam  et  à 
Rotterdam  que  l'on  sache  confectionner  de  tels  cordiaux. 

Approchons-nous,  maintenant,  de  cette  étable,  qui  est  une  réduction,  à  un  tiers  de 
grandeur,  de  celles  qui  existent  là-bas.  C'est  ici  que  la  propreté  hollandaise  brille  véritable- 
ment dans  tout  son  éclat.  Décidément,  ce  petit  peuple  a  les  aptitudes  les  plus  diverses;  en 
fait  d'agriculture,  il  est  admirable.  Dans  chaque  province,  il  existe  une  société  composée 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  127 

des  agriculteurs  les  plus  influents.  Ils  organisent  des  expositions  locales,  décernent 
des  prix,  et  leur  activité  toujours  en  éveil  amène  des  résultats  merveilleux. 

Nous  retrouvons  encore  la  Hollande  sur  la  hauteur  du  Trocadéro,  où  les  pépiniéristes 
de  Boskoop,  près  de  Gouda,  ont  installé  tout  un  jardin  de  conifères  et  de  plantes  de 
gazon.  Les  conifères  sont,  en  Hollande,  d'une  vigueur  et  d'un  développement  extra- 
ordinaires. Depuis  plus  de  six  siècles,  on  cultive  ces  arbres  à  Boskoop.  Les  pépinié- 
ristes, qui  forment  toute  la  population  de  cette  localité  de  cinq  mille  âmes,  expédient  leurs 
plantes  dans  le  monde  entier,  et  notamment  en  Angleterre  et  en  Amérique. 

Entrons  quelques  instants  dans  le  Palais  des  Arts  Libéraux,  où  nous  sommes  arrivés 
péniblement,  car  la  foule,  au  dehors,  se  porte  indécise,  dans  tous  les  sens.  Il  règne  en  ce 
palais  une  sorte  de  calme  relatif  qui  repose  :  on  y  découvre  même  des  coins  absolument 
ignorés,  endroits  charmants,  favorables  à  l'étude  et  à  la  méditation.  Ici,  la  section  hollan- 
daise s'annonce  de  loin  par  un  dessin  énorme  qui  représente  le  cours  d'un  embranchement 
de  la  Meuse,  on  a  cru  devoir  le  creuser  afin  d'évacuer  l'eau  qui  tous  les  ans,  inonde  une 
région  très  étendue  autour  de  Bois-le-Duc.  Ce  travail  gigantesque  est  en  voie  d'exécution  et 
les  habitants  du  Nord-Brabant  en  suivent  les  progrès  avec  un  intérêt  des  plus  vifs.  Un 
autre  dessin  non  moins  monumental  représente  le  cours  de  la  Meuse,  entre  Botterdam  et 
la  mer  du  Nord.  On  a  doté  ce  fleuve  d'une  nouvelle  embouchure  pour  permettre  aux  paque- 
bots de  fort  tonnage  de  parvenir  à  Botterdam  sans  passer  par  des  écluses.  Ces  projets  qui 
sont  la  gloire  des  habiles  ingénieurs  du  Watcrstaat,  sont  exposés  par  Tlnstitut  royal  des 
ingénieurs.  D'autres  dessins  nous  donnent  tous  les  détails  de  la  construction  du  nouveau 
canal  entre  Amsterdam  et  Gorcum,  qui  doit  permettre  à  la  batellerie  du  Rhin  de  faire  une 
concurrence  sérieuse  et  utile  à  la  voie  ferrée.  C'est  en  réalité,  une  nouvelle  rivière  que  l'on 
crée,  pour  que  les  grands  bateaux,  venant  de  Mayence  et  de  Coblentz,  puissent  transporter 
leur  chargement  jusqu'à  Amsterdam.  En  dehors  de  ces  superbes  projets  en  voie  d'exécution, 
vous  pouvez  voir,  ici,  un  grand  nombre  de  dessins,  représentant  divers  travaux  publics 
récemment  achevés,  tels  que  :  la  grande  gare  centrale  d'Amsterdam,  due  à  L'ingénieur 
M.  Leyds;  le  siphon  que  M.  Kluyt  a  pratiqué  en  dessous  du  nouveau  canal,  pour  le  dégage- 
ment des  eaux  de  la  même  ville  ;  les  plans  des  conduites  d'eau  alimentaire,  également  pour 
Amsterdam,  un  nouveau  système  de  traverses  élastiques,  en  fer,  inventé  par  M.  Post. 
Enfin  nous  remarquons  une  magnifique  série  de  dessins  qui  nous  initient  aux  détails 
de  la  construction  des  machines  de  M.  Huct  pour  l'élévation  des  eaux  dans  les  contrées 
basses,  etc. 

Les  Hollandais  nous  montraient  également  dans  le  Palais  des  Arts  Libéraux,  une  collec- 
tion fort  intéressante  de  travaux  scolaires,  qui  prouvaient  que  les  écoles  professionnelles 
et  celles  d'art  industriel  comptent  parmi  leurs  plus  chères  préoccupations. 

Nous  sera-t-il  permis,  maintenant,  de  nous  hasarder  dans  la  section  des  Beaux-Arts, 
bien  que  cette  promenade  se  trouve  en  dehors  de  notre  itinéraire?  Comment  ne  pas  nous 
laisser  tenter?  Car  nous  savons  qu'il  se  trouve  là  de  véritable  chefs-d'œuvre  signés  Joseph 
Israëls,  Mesday,  J.  Maris,  etc.  L'art  moderne  des  Pays-Bas  ne  le  cède  en  rien  à  celui  d'autre- 
fois. C'est  la  même  facture  consciencieuse,  la  même  sincérité  dans  le  rendu.  Mais  les  sujets 
sont  dillérents  et  la  conception  n'est  plus  la  même,  ce  qui  donne  à  cette  nouvelle  École  une 
puissante  originalité.  Voyez  par  exemple  les  Travailleurs  de  la  mer,  d'Israëls.  Non  seulement 
le  peintre  nous  fait  réellement  voir  ces  braves  pêcheurs  tels  qu'ils  sont,  mais  il  nous  fait 


128 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


encore  sentir  leur  latigue,  supportée  avec  une  résignation  robuste.  L'inquiétude  à  peine 

visible  et  la  souf- 
france refoulée  que 
nous  lisons  sur  ces 
physionomies  de  - 
viennent  nôtres.  Le 
Déjeuner  de  paysans, 
et  le  Berceau  nous 
font  connaître  la  vie 
des  humbles,  et  il 
se  dégage  du  spec- 
tacle de  ces  joies  in- 
times quelque  chose 
de  sain  et  de  rafraî- 
chissant. 

Le  Souve- 
nir d'Amster- 
dam et  le  Canal 


Une  des   danseuses   du    sultan   de   Solo  au    Kampong. 


à  Rotterdam  de  J.  Maris  attestent  chez  leur  auteur  une  singulière  délicatesse  de  sensation 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


129 


habilement  mise  en  valeur  par  une  science  parfaite  du  clair-obscur,  pour  ainsi  dire  innée 
chez  un  Hollandais.  Tout  ce  qu'il  nous  montre  est  réel,  mais  d'une  réalité  vivante.  Voyez  : 
une  flottille  de  nuages  glisse  mollement  dans  le  ciel,  des  reflets  dansent  sur  l'eau,  des  mâts 
et  des  agrès  semblent  se  perdre  par  un  éloignement  graduel  dans  le  vague  de  la  perspective. 
Ici  les  vieilles  pierres  d'un  clocher  se  dorent  sous  un  chaud  rayon,  et  là  des  briques  viola- 
cées s'endorment  mélancoliquement  dans  la  pénombre. 

Il  nous  est  pénible  de  conclure  et  pourtant  il  le  faut,  car  nous  avons  encore  d'autres 
sections  à  visiter.  Du  reste  nous  allons  bientôt  retrouver  la  Hollande  au  village  Javanais.  En 
attendant,  un  devoir  des  plus  agréables  nous  incombe,  celui  de  remercier  M.  A.  L.  H.Obrenn, 
l'ingénieur  aussi  savant  qu'aimable  qui  a  bien  voulu  nous  servir  de  guide  dans  cette  pro- 
menade à  la  fois  attrayante  et  instructive.  Grâce  à  lui,  nous  avons  pu  apprécier,  dans  toute 
leur  étendue,  les  qualités  solides,  variées  et  absolument  supérieures  de  cet  admirable  petit 
peuple.  Le  Hollandais  merveilleusement  équilibré,  s'élève  au  premier  rang,  sans  efforts 
visibles  et  toujours  sans  tapage  dans  toutes  les  branches  de  l'activité  humaine.  Qu'il  soit 
agriculteur,  marin,  colonisateur,  industriel,  artiste,  etc.,  on  le  trouve  en  tout  point  à  la  hau- 
teur de  sa  tâche.  Laborieux  et  inventif,  il  ne  s'embarrasse  de  rien,  et  sa  franche  bonne 
humeur  illumine  sans  cesse  une  existence  bien  remplie.  Que  pourrions-nous  dire  de  plus? 
Et  quel  autre  peuple  est  à  même  de  nous  donner  un  tel  exemple  de  conscience  dans  les 
transactions  commerciales,  de  bonhomie  dans  les  relations  journalières,  enfin  de  sincérité 
profonde  dans  les  manifestations  de  l'art. 


KAMPONG    JAVANAIS 


Qui  de  vous  n'a  franchi  plus  de  vingt  fois  l'entrée  du  Karapong  javanais,  attiré  par  le 
charme  irrésistible  de  tonalités  étrangement  captivantes?  Nous  avons  vu  de  farouches  cri- 
tiques pénétrer  dans  ce  village  enchanté; 
nous  les  avons  suivis  et  nos  regards  se  sont 
fixés  sur  leurs  visages  de  sphinx  à  lunettes. 
Un  phénomène  extraordinaire  s'est  produit 
alors  sous  nos  yeux.  Une  rayonnante  ex- 
pression de  joie  indicible  a  soudain  animé 
ces  traits  que  nulle  émotion  douce  n'avait 
pu  détendre  jusqu'à  ce  jour.  A  quoi  cela 
tient-il  ?  Visitons  ensemble  cet  endroit  qui 
est  décidément  la  great  attraction  de  l'Es- 
planade, et  nous  aurons,  peut-être,  la  clef 
de  ce  mystère.  Efforçons-nous,  d'abord,  de  rester  calmes,  afin  de  voir  les  choses  telles  qu'elles 
sont  et  de  bien  nous  en  rendre  compte. 

De  tous  côtés  s'élèvent  des  constructions  de  bambou,  couvertes  de  jonc  ou  de  feuilles  de 
palmier.  Ces  maisonnettes,  qui  sont  à  peu  près  toutes  de  même  hauteur,  sont  entourées 
m  ;i 


Une  maison  sur  pilotis. 


130 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1SS9 


d'une  véranda.  En  voici  quelques-unes  dressées  sur  pilotis.  Les  parois  de  ces  habitations 
consistent  en  un  treillis  plus  ou  moins  compliqué,  dont  l'aspect  est  toujours  identique.  La 
tonalité  blonde  de  l'ensemble  a  quelque  chose  de  simple  et  d'élégant,  à  la  fois,  qui  nous  charme 
à  première  vue.  Évidemment,  M.  Bernard,  à  qui  revient  l'honneur  d'avoir  installé  le  Kampong, 
n'a  pas  jugé  à  propos  de  reproduire  exactement  un  village  javanais.  Là-bas,  au  centre  de 
la  localité,  on  voit  d'ordinaire  la  demeure  des  chefs,  et  la  pagode  qu'ombrage  un  bauyau. 
Ici  rien  de  semblable  :  il  n'y  a  point  de  pagode,  et  la  résidence  du  chef  est  remplacée  par 
un  restaurant,  qui  nous  a  tout  à  fait  l'air  de  faire  ses  frais.  A  part  ces  légères  modifications, 
l'effet  général  est  conforme  à  la  réalité. 

Arrêtons-nous  devant  cette  véranda,  où  des  gens,  accroupis,  semblent  travailler  sans 
relâche.  Ce  sont  des  hommes  et  des  femmes  qui  tressent  des  chapeaux  de  paille.  Indifférents 
à  notre  curiosité  badaude,  ils  semblent  plongés  dans  une  sorte  de  méditation,  tandis  que 


La  Buvette  (construite  sur  le  module  des  pagodes  javanaises). 


leurs  mains  infatigables  font  avec  une  rapidité  singulière  un  nattage  fin,  souple  et  solide, 
d'une  perfection  absolue.  Les  hommes  sont  habillés  d'un  pantalon  de  toile  peinte,  et  d'une 
jaquette  bleue  marine,  qui  les  déguise,  mais  que  le  changement  de  climat  leur  fait  endurer 
sans  se  plaindre. 

Ici,  une  femme  d'intérieur  (saluons  !)  raccommode  ses  hardes.  Là,  c'est  une  autre  à  qui 
son  bambin  donne  de  l'ouvrage.  Qu'ils  sont  polis  ces  petits  Javanais  avec  leur  teint  animé  par 
de  folles  courses  à  travers  le  Kampong  !  Habillés,  avec  un  art  inconscient,  d'un  pantalon  d'in- 
dienne et  d'une  blouse  de  couleur,  ils  jouent  sur  le  sable,  en  souriant  au  public.  Quelle  note 
pittoresque  ils  jettent  au  milieu  de  ce  village! 

Remarquez  ce  pavillon  qui  sert  de  buvette,  que  domine  une  sorte  de  comble  couvert  de 
chaume.  Désirez-vous  goûter  cette  décoction  de  cacao  ?  Non,  eh  bien  !  ce  sera  pour  une  autre 
fois.  Ce  grenier  sur  pilotis,  élevé  près  de  là,  est  vraiment  curieux,  avec  son  toit  surplom- 
bant et  ses  parois  légèrement  évasées  comme  les  côtés  d'une  charrette.  On  y  pénètre  par 
une  fenêtre  haute,  à  l'aide  d'une  échelle.  Voici  maintenant  l'auberge  du  village,  avec  son 
hangar  soutenu  sur  de  forts  piliers,  où  les  charretiers  attachent  leurs  buffles,  avant  d'aller 
s'étendre  sur  les  nattes  de  bambou  tressé  qui  garnissent  les  lits  de  bois  de  la  salle  commune. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


131 


Une  plaintive  mélopée  qui  semble  sortir  d'une  maison  voisine  arrive  jusqu'à  nos  oreilles. 
Écoutons  :  c'est  une  berceuse,  empreinte  d'une  douceur  alanguie,  avec  laquelle  on  endort 
un  joli  petit  bambin.  Approchons-nous  et  jetons  un  coup  d'œil  dans  l'intérieur  de  cette 


Sariem,  danseuse   du   Kampoog. 

habitation.  Chut!  ne  réveillons  pas  le  jeune  chérubin.  La  maisonnette  est  divisée  par  une 
cloison  de  bambou  tressé-,  qui  sépare  le  père  et  la  mère  de  leurs  enfants.  Le  mobilier  de  ces 
deux  pièces  est  composé  de  bancs  et  de  tabourets  sans  parler  des  nattes.  Il  s'y  trouve  égale- 
ment un  rideau  de  cotonnade  imprimée. 


132 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Javanaise  dessinant  sur  étoffe. 


Que  fait  donc  cette  femme  accroupie  là-bas,  devant  une  autre  cabane  ?  Pressons  le  pas 
afin  d'être  bien  placés  pour  la  voir,  car  une  bande  de  curieux,  comme  nous,  se  dirige  vers  elle. 
Eh!  mais...  c'est  une  artiste.  Devant  elle,  sur  une  perche,  des  étoffes  de  coton  sont  tendues, 
et  à  l'aide  d'un  chalumeau  très  effilé  du  bout  et  que  surmonte  un  godet  de  métal,  elle  1rs 

couvre  de  dessins  à  la  cire.  De 
temps  à  autre,  elle  trempe  à 
l'envers,  sa  plume  originale 
dans  une  espèce  de  marmite 
posée  sur  un  petit  fourneau, 
à  côté  d'elle.  La  cire  noire, 
dont  la  provision  se  renouvelle 
sans  cesse,  coule  indéfiniment 
dans  le  chalumeau,  et  la  main 
infatigable  de  l'artiste  impas- 
sible, dessine  sans  interrup- 
tion sur  ces  étoffes  dont  le 
stoke  est,  paraît-il,  inépuisable. 
Ces  noirceurs  ont  la  forme 
d'animaux  fantastiques,  de 
dragons  qui  tirent  la  langue,  d'insectes  se  poursuivant,  etc.,  le  tout  enlevé  d'une  façon  un 
peu  sommaire.  Chaque  pièce  est  plongée  à  tour  de  rôle  dans  un  bain  de  teinture.  La  cire 
préserve  les  dessins  qui  se  teindront  ensuite  par  le  même  procédé,  le  fond  se  trouvant  épar- 
gné par  un  enduit  semblable. 

Une  troupe  de  musiciens  s'avance  de  notre  côté.  Ils  agitent  des  instruments  de 
bambou  évidé  qui  ressemblent  à  des   lyres  primitives  et  qui  sont  ornés  de  plumes  de 

différentes  couleurs.  Les  ang-klongs,  c'est 
ainsi  qu'on  les  nomme,  rendent  des  sons 
dont  la  différence  correspond  à  la  lon- 
gueur et  à  la  grosseur  des  tuyaux  de 
bambou  et  qui,  dans  chaque  instrument, 
forment  entre  eux  des  accords  toujours 
harmoniques.  Il  suffit  donc  de  les  entre- 
choquer en  cadence.  Des  tam-tams,  ap- 
pelés bedongs,  ponctuent  le  rythme  de 
leur  boum  assourdi.  L'effet  de  cet  en- 
semble, monotone  pour  des  oreilles  eu- 
ropéennes, n'a  pourtant  rien  de  barbare. 
C'est,  parait-il,  la  musique  des  cortèges 
de  noces.  D'aimables  farceurs,  que  l'hymen  enchaînera  un  jour  ou  l'autre,  disent  qu'elle 
symbolise  à  merveille  la  vie  conjugale.  Ces  joueurs  d'ang-ldongs  et  de  bedongs  sont  vêtus  de 
cotonnade  zébrée  de  brun  ou  de  noir  et  de  vestes  de  couleurs.  Ce  sont,  à  n'en  point  douter, 
des  artistes  à  tous  crins.  Leurs  longs  cheveux  sont  relevés  sur  la  tête,  couverte  d'un  fou- 
lard rouge-sombre,  noué  en  turban  autour  du  front.  Leur  taille  est  petite  ;  ils  ont  le  teint 
remarquablement  jaune  et  leur  barbe  est  absente.  Leur  présente  mission  est  de  nous  an- 


Magasin  de  riz. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1889 


133 


noncer  que,  clans  quelques  minutes,  les  danseuses  du  sultan  de  Solo  vont  donner  une  re- 
présentation au  Pendoppo,  ou  maison  commune  du  village.  Nous  ne  manquerons  pas  d'y 
assister. 

Il  y  a  ici  une  soixantaine  d'indigènes  répartis  en  groupes  que  dirige  un  chei  subalterne 
ou  mandoer.  Chaque  famille  est  installée  dans  une  case,  et  les  célibataires  sont  parqués 
dans  un  bâtiment  à  part.  Trois  races  quelque  peu  différentes  sont  représentées  au  Kampong: 
l<s  Malais,  les  Javanais  et  les  Soudanais.  Les  premiers  sont  grands  et  bien  bâtis,  et  leur 
teint  est  relativement  clair.  Les  Javanais  et  les  naturels  des  iles  de  la  Sonde  tiennent, 
parait-il,  du  Chinois,  de  l'Hindou,  de  l'Arabe  et  du  Mongol.  Leur  taille  est  petite,  et  ils  sont 


Les  danseuses  Faminali,  Sariem,  Saria  et  Neskiem. 


doués  d'une  foule  de  qualités  que  paralysent,  hélas!  certains  défauts.  Sobres,  patients, 
industrieux,  ils  ont  le  caractère  doux  et  l'intelligence  vive,  mais  leur  nature  contemplative 
les  conduit  facilement  à  la  paresse.  De  plus,  ils  raffolent  de  musique  et  de  danse,  et  le  jeu 
les  passionne.  Et  puis  il  y  a  le  bétel,  l'ignoble  bétel,  dont  ils  font  toujours  ample  provision. 
Ils  en  ont  constamment  sur  eux,  dans  une  petite  boite  d'or,  d'argent  ou  de  cuivre,  selon 
leur  position  de  fortune.  Les  malheureux  arrivent  à  mâcher  ces  feuilles  de  bétel  du  matin 
au  soir.  Ils  préparent  eux-mêmes  cette  abominable  drogue,  qui  leur  ronge  et  leur  rougit 
les  dents  d'une  façon  terrible.  Les  femmes,  que  la  coquetterie  la  plus  ordinaire  devrait 
prémunir  contre  une  manie  de  ce  genre,  en  sont  également  esclaves.  Ces  màcheurs  de  bétel 
préparent  souvent  leurs  feuilles  favorites  avec  des  noix  du  palmier  d'arec,  de  la  chaux 
et  d'autres  substances  qui  donnent  encore  plus  de  mordant  à  cette  saveur  irritante. 

Quelques  habitants  du  Kampong  viennent  de  se  grouper  pour  faire  un  bout  de  causette, 


134 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


et  l'ensemble  qu'ils  forment  ainsi  est  vraiment  pittoresque.  Certains  hommes  ont  un 
pantalon  à  dessins  noirs  qui  tranchent  sur  un  fond  blanc,  et  les  femmes  ont  des  fichus  et 
des  sarongs  de  couleurs.  Quelle  harmonie  singulière  et  plaisante  forment  toutes  ces  nuances 
rapprochées  par  hasard.  Rien  ne  détone,  rien  ne  choque  la  vue.  C'est  un  régal  artistique 
du  plus  haut  goût.  Les  bruns  et  les  gris  atténuent,  comme  par  enchantement,  l'éclat  hardi, 

mais  nullement  tapageur,  de  ces  verts  et  de  ces 
rouges,  qu'avoisinent  des  jaunes  et  des  roses  ;  l'or 
des  bijoux  jetant,  ici  et  là,  une  note  brillante. 

Continuons  notre  promenade.  Nous  voici  main- 
tenant près  de  la  cuisine  du  Kampong.  On  y  fait  cuire 
du  riz  et  de  la  viande,  fraîche  ou  conservée.  La  mar- 
mite est  posée  sur  un  trépied;  au-dessous  brûle 
l'éternel  bambou  qui,  bien  sûr,  roseau-phénix,  doit 
renaître  de  ses  cendres,  car  ici  l'on  en  voit  partout, 
et,  nulle  part,  la  provision  ne  diminue. 

Mais  voyez  donc  la  foule  énorme  qui  se  bouscule, 
autour  de  cette  maison  à  l'extrémité  du  village.  Que 
se  passe-t-il  dans  cette  habitation?  Pressez  un  peu 
le  pas,  et  peut-être  qu'en  nous  faufilant,  nous  par- 
viendrons à  nous  en  rendre  compte.  Eh!  mais...  c'est 
la  demeure  des  bayadères  du  sultan  de  Solo.  La  porte 
est  entr'ouvcrte;  on  peut  donc,  sans  indiscrétion,  y 
jeter  un  coup  d'oeil.  Ah!  dam!  s'il  avait  fallu  regarder 
par  le  trou  de  la  serrure,  c'eût  été  différent.  Nous 
eussions  tous,  sans  hésiter,  rebroussé  chemin,  n'est-ce 
pas?  Que  font-elles  donc?  Une  de  ces  jaunes  prin- 
cesses de  la  rampe  est  accroupie  devant  une  table 
plus  que  basse,  sur  laquelle  sont  placées  de  petites 
écuelles.  Sur  ses  genoux  est  posé  un  miroir  que 
maintient  sa  main  gauche,  tandis  que  de  sa  droite, 
elle  tient  un  pinceau,  avec  lequel,  délicatement,  elle 
se  peint  les  souucils.  Une  autre,  nonchalamment 
étendue  sur  une  natte,  semble  oublier,  dans  sa  rêverie,  que  l'heure  de  la  danse  va  sonner. 
La  troisième,  très  éveillée,  est  en  train  de  manger  du  riz.  Enfin  la  dernière,  qui  vient 
apparemment  de  terminer  sa  toilette,  car  elle  laisse  glisser  sur  son  écharpe  un  regard 
alangui,  sort  à  pas  lents  et  va  s'adosser  à  la  véranda.  Une  vieille  femme,  souriante  à  la  vue 
des  badauds,  leur  apporte  du  thé  qu'elles  boivent  à  petits  coups. 

L'heure  de  la  représentation  a  sonné.  Les  joueurs  d'arik-longs  s'avancent,  les  quatre  dan- 
seuses quittent  leur  demeure  et  le  cortège  se  met  en  marche  dans  la  direction  du  Pendoppo, 
qui  est  à  la  fois  le  lieu  des  assemblées  populaires,  des  réunions  du  conseil  des  vieillards 
et  des  fêtes  publiques.  Indifférentes,  en  apparence,  aux  regards  de  la  foule  qui  les  envi- 
ronne, ces  jeunes  filles,  presque  des  enfants,  s'en  vont,  la  tête  légèrement  inclinée  et  la 
démarche  nonchalante,  puis  elles  gagnent  l'escalier  de  l'estrade,  qu'elles  montent  sans  se 
presser.  Le  public  s'entasse  alors  sous  la  véranda  du  Pendoppo,  dont  les  poutres  sont 


Bauseuse  javanaise. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


135 


ornées  d'emblèmes  asiatiques  avec  lesquels  le  croissant  de  Mahomet  se  détache  sur  des 
trophées  de  drapeaux.  Si  vous  nous  en  croyez,  il  vaudra  mieux  que  nous  restions  en 
dehors.  Là,  sur  la  gauche,  on  est  très  bien,  car  on  peut  jouir  d'un  double  spectacle  :  celui 
de  la  scène  et  celui  de  la  salle.  L'estrade  est  de  forme  polygonale,  et  le  fond  est  tendu 
d'étoffes  rouges  retenues  par  une  bordure  de  bois  noir  avec  à  jours.  L'inévitable  bambou  se 
montre  dans  la  toiture  et  sur  les  côtés.  Au  second  plan  sont  accrochées  des  marionnettes 
multicolores,  dont  les  tètes  bizarres  diffèrent  par  l'expression,  caricaturale  chez  les  unes  et 
grave  chez  les  autres.  C'est  la  troupe  du  théâtre  javanais,  dont  les  acteurs  représentent  des 
personnages  historiques  de  terrible  mémoire,  ou  de  joyeux  compères.  Devant  cette  haie  de 
bonshommes  qui  forment  un  curieux  ensemble,  viennent  s'asseoir  les  cinq  danseuses.  Les 


Musicien  javanais  jouant  du  rebab. 


Musicien  javanais  jouant  du  bonang. 


quatre  premières,  avec  lesquelles  nous  avons  fait,  indiscrètement,  connaissance,  répondent 
aux  doux  noms  de  Faminah,  Sariem,  Saria  et  Neskiem.  La  plus  jeune  d'entre  elles  a 
douze  ans  et  l'ainée  en  a  seize.  Nées  dans  la  forteresse  du  Sultan  de  Solo,  elles  n'en  sont 
jamais  sorties,  et  ne  la  quitteront  que  pour  épouser,  à  l'époque  fixée  par  les  rites,  un  homme 
du  pays  de  Djogjakarta,  la  patrie  sacrée  des  danseuses.  Elles  font  partie  d'un  corps  de 
ballet  composé  de  soixante  sujets,  et  Manka  Negara,  leur  souverain  maître,  prince  indépen- 
dant, n'a  consenti  à  les  laisser  venir  en  France,  que  sur  les  instances  réitérées  de  M.  Cores 
de  Vries,  l'éminent  délégué  du  comité  des  Pays-Bas.  Ici,  comme  ailleurs,  le  tact  et  la  bon- 
homie courtoise  du  Hollandais  ont  conquis  la  confiance.  Ces  fillettes  au  torse  gracile  et  dont 
la  tenue  est  empreinte  d'une  distinction  étrange,  sont  vêtues  d'un  corselet  de  soie,  sur 
lequel  frissonnent  des  franges  d'or.  Leurs  épaules  délicates  sont  nues  et  luisent  sous  l'enduit 
de  safran  qui  les  recouvre.  Un  pagne  d'étoffe  précieuse  est  enroulé  autour  des  hanches  et 
tombe  jusqu'aux  chevilles  :  il  laisse  voir,  en  s'ouvrant,  une  courte  culotte  de  velours  qui 


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L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


s'arrêteaux  genoux.  Enfin,  une  reharpe  rouge,  verte  ou  jaune,  richement  brodée,  est  serrée 
à  la  taille  et  flotte  entre  les  jambes.  Ce  costume,  d'un  goût  si  caractéristique,  est  complété 
par  une  coiffure  qui  en  rehausse  singulièrement  l'effet.  C'est  un  casque  d'or,  que  cou- 
ronnent de  larges  plumes  noires,  et  sur  lequel  brille  un  soleil  surmonté  d'un  bel  ornement. 
Ce  noble  couvre-chef,  d'aspect  sacerdotal,  cache  en  partie  le  front,  et  fait  valoir  la 
ligne  hardie  des  sourcils  peints.  Les  yeux  obliques  sont  agrandis  par  le  kohl,  et  les  fortes 
lèvres  fardées  font,  au  repos,  une  expression  légèrement  dédaigneuse.  Des  bracelets  d'or, 
où  se  cramponne  un  dragon  ailé,  enserrent  le  haut  des  bras,  d'énormes  boutons  avec  pen- 
dants ornent  les  oreilles,  et  un  riche 
collier  descend  vers  la  poitrine.  La 
cinquième  danseuse  n'appartient  pas 
à  la  même  caste  :  c'est  une  nomade, 
de  mœurs  peu  farouches.  Vêtue  d'une 
simple  robe  de  toile,  elle  n'a  pour 
toute  coiffure  que  ses  cheveux  noirs, 
tordus  en  chignon  sur  la  nuque.  Sa 
physionomie  nous  semble  empreinte 
d'une  mélancolie  teintée  d'amertume. 
Le  voisinage  de  ces  brillants  atours, 
qui  captivent  tous  les  regards, 
en  est,  sans  doute,  la  cause.  Peut- 
être   gémit-elle   aussi  de  son    em- 


prisonnement relatif  en  songeant 
aux  joyeux  hasards  de  sa  vie  er- 
rante. 

La  représentation  commence. 
Une  douzaine  de  musiciens,  accrou- 
pis des  deux  côtés  de  l'estrade,  font 
entendre  les  premières  notes  d'une 
symphonie  dont  le  motif  unique  va 
se  dérouler,  pour  ainsi  dire,  sans 
lin. 

Voici  de  quels  instruments  se 
compose  l'orchestre  javanais  :  il  y  a  d'abord  le  kamelong,  sorte  de  xylophone  dont  on 
frappe  le  clavier  avec  des  baguettes  de  bois  ;  puis  h-  bonang,  jeu  de  gongs,  de  dif- 
férentes dimensions,  dont  l'ensemble  forme  deux  gammes,  et  sur  lesquels  on  frappe 
avec  une  baguette  enveloppée  de  laine  afin  de  produire  des  sons,  en  sourdine  ;  ensuite  le 
rebàb,  viole  à  deux  cordes,  le  selumpret,  sorte  de  hautbois,  et  enfin  les  tam-tams.  Il  en  résulte 
une  harmonie  étrange  dont  les  accords  sont  comme  des  dissonances  atténuées.  Ces  notes 
cristallines  de  cloches  lointaines,  cette  tonalité  alanguie  dont  la  douceur  plaintive  semble 
exprimer  de  vagues  douleurs  nous  bercent  délicieusement.  La  mélancolie  engourdissante 
qui  nous  envahit,  le  plaisir,  mêlé  de  souffrance  indécise,  que  nous  éprouvons,  paraissent 
inexplicables.  Pourquoi  nous  efforcer  de  les  définir?  Peut-on  analyser  un  rêve?  Par  suite 
d'un  phénomène  qui  nous  échappe,  cette  musique  fait  vibrer  en  nous  des  cordes  demeurées 


ÏW\.U\i 


Enfant  javanais  an  Kampong 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


137 


vierges,  et  la  fraîcheur  des  sensations  qui  en  résultent  intensifie  la  jouissance  qu'elles  nous 
procurent. 

Regardez.  Les  quatre  fillettes,  qui,  jusqu'ici  jasaient  et  riaient  entre  elles,  se  lèvent  et 
dansent  avec  lenteur.  Une  gravité,  que  rehausse  encore  une  expression  singulièrement  no- 
ble, se  Ut  sur  leur  visage,  et  leur  corps,  qui  se  meut  à  peine,  se  redresse  avec  une  dignité 
sant  raideur.  Leurs  mains,  d'une  élégance  et  d'une  beauté  rares,  se  meuvent  avec  une  déli- 
cate souplesse.  Elles  se  relèvent,  se  détournent  et  s'infléchissent,  en  cadence,  autour  des 
poignets  cerclés  de  serpents  d'or,  tandis  que  les  pieds,  d'un  mouvement  plus  lent,  pivotent 
avec  grâce.  Peu  à  peu,  les  quatre  danseuses  se  rapprochent  vers  le  centre  de  la  scène  et 
l'effet  de  ces  gestes  rythmés,  de  ces  danses  empreintes 
d'une  poésie  chaste,  s' ajoutant  à  celui  des  couleurs 
ors  qui  s'opposent  et  se  répondent  avec  un  art  par 
imprévu,  complète  le  charme  dont  la  mu- 
sique nous  enveloppe. 

Nos  fillettes  se  reposent.  C'est  mainte- 
nant la  cinquième  danseuse  qui  s'avance. 
Elle  est  vêtue,  comme. 
vous  le  voyez,  d'une 
simple  robe  de  toile  et 
sa  position  apparente 
est  des  plus  humbles. 
Un  jeune  homme,  d'une 
beauté  remarquable, 
parait  à  son  tour,  et 
nous  assistons  à  une 
scène  véritablement  pa- 
thétique. Quoi  de  plus 
émouvant,  en  effet,  que 
ce  duo  d'amour  où  le 

seul  langage  employé  consiste  en  gestes  sobres,  en  attitudes  respectueusement  suppliantes 
ou  gravement  indignées!  Le  visage,  naturellement  impassible,  de  ces  artistes  inspirés,  a  des 
lueurs  subites,  où  nous  saisissons  le  sentiment  qui  les  anime,  et  parfois  leurs  mains  et  leurs 
pieds  se  meuvent  avec  une  sorte  d'éloquente  volubilité,  sous  le  flot  des  passions  qui  les 
agitent. 

Les  danseuses,  richement  vêtues,  reparaissent.  Jetons  maintenant  un  coup  d'œil  dans 
la  salle.  Un  silence  presque  absolu  y  règne.  Des  échantillons  de  toutes  les  races  européennes 
sont  parqués  sous  nos  yeux,  mais  les  Parisiens  sont  en  majorité.  Il  y  a  surtout  un  petit  clan 
d'amateurs  dont  les  physionomies  jubilantes,  bien  que  d'expression  variée,  font  plaisir  à 
voir.  Eh!  mais...  voici  des  figures  de  connaissance.  Chut!  les  impitoyables  critiques,  dont 
nous  parlions  au  début  de  notre  promenade,  sont  à  demi  renversés  dans  leurs  sièges.  Ils 
ont  une  mine  extatique,  et  leurs  lunettes  qui,  d'habitude,  lancent  de  terribles  éclairs,  lais- 
sent échapper  de  doux  rayons.  Ces  inconscientes  charmeuses  de  serpents  les  ont  subjugués. 

Quel  est  donc  ce  monsieur  au  teint  fleuri,  qui  roule  des  yeux  de  tous  côtés  ?  Plus  de 
doute  :  c'est  un  fort  négociant  de  province  qui  se  demande  ce  que  l'on  fait  ici.  Naturellement, 


Danseuse  du  Kampong  su  maquillant. 


138 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


il  y  est  venu  pour  s'amuser,  et  dam!  il  voudrait  bien  comprendre...  Dans  l'espoir  que  ses 
voisins  pourraient  le  renseigner,  cet  homme,  qui  est  la  courtoisie  en  personne,  s'est  penché 
vers  eux  avec  un  aimable  sourire  cl...  voyant  leur  mine  recueillie,  il  a  cru  devoir  retenir  sa 

langue.  Ce  monsieur  sent  bien,  vaguement, 
qu'il  a  eu  tort  de  venir.  Évidemment,  cet 
endroit  est  une  sorte  de  temple  oriental,  où 
l'on  cherche  à  émouvoir  les  infidèles  par 
l'éloquence  des  mains  et  des  pieds,  accom- 
pagnée d'une  musique  étrange.  Certaine- 
ment, il  respecte  tous  les  cultes  ;  mais,  en 
somme,  le  sens  de  ces  rites  lui  échappe, 
et  ce  qu'il  a  de  mieux  à  faire  est  de  s'en 
aller.  Il  se  lève  donc,  et  après  avoir,  à  plu- 
sieurs reprises,  dit,  à  voix  basse  :  Mille  par- 
dons!... il  sort  sur  la  pointe  des  pieds. 
Cependant,  les  mignonnes  ballerines 
continuent  leurs  évo- 
jBjges^^  fc  lutions   lentes    et    ca- 

dencées et  peu  à  peu 
l'intéressante  représen- 
tation tire  à  sa  fin  ;  c'est 
presque  à  regret  que 
nous  quittons  ce  coin 
enchanté  :  les  souve- 
nirs que  nous  en  em- 
portons ne  sauraient 
s'effacer  de  notre  mé- 
moire. Ce  ne  sont, 
certes,  pas  les  danses 
du  ventre,  et  autres 
trémoussades  sans  ca- 
ractère, que  l'on  nous 
a  montrées  ailleurs, 
qui  pourraient  chasser 
de  notre  esprit  ces  ra- 
vissantes visions.  Le 
besoin  de  trouver  la  ou 
les  causes  du  plaisir 
délicat,  que  nous  avons  éprouvé  aujourd'hui,  devient  de  plus  en  plus  impérieux.  Ce  n'est 
pas,  après  tout,  aussi  difficile  que  nous  le  supposions.  C'est,  en  effet,  pour  les  artistes  de  la 
plume  et  du  pinceau,  les  vrais  poètes  en  prose  ou  en  vers,  et  les  évocateurs  de  mondes 
pittoresques  disparus,  ou  enfouis  dans  des  régions  ignorées,  que  ce  spectacle  a  été  comme 
un  suprême  régal.  Ces  quatre  Tandak,  ou  royales  danseuses,  font  revivre  sous  nos  yeux, 
sans  artifice,  et  simplement  par  le  l'ait  de  traditions  ininterrompues,  les  traits  les  plus  heu- 


La  fin  du  maquillage. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


139 


reux  d'une  civilisation,  qui  brillait  dans  tout  son  éclat  bien  avant  notre  ère.  Les  somp- 
tueux costumes  qu'elles  portent,  reproduisent  presque  identiquement  ceux  que  nous  mon- 
trent certains  bas-reliefs  des  ruines  Kmers,  glorieux  débris  de  gigantesques  monuments 
édifiés  par  des  artistes  venus  de  l'Inde.  Ce  n'est  pas  une  fade  ou  caricaturale  imitation  de 
danses  démodées  que  nous  avons  vue  :  c'est  quelque  chose  de  réel  et  de  vivant,  bien  que 
cela  date  de  plus  de  vingt  siècles.  Une  noble  et  religieuse  inspiration  anime  les  corps  sou- 
ples et  graciles  de  ces  jeunes  prêtresses,  dont  les  évolutions  cadencées  obéissent  à  des  rites 


Apivs  la  représen talion. 


plus  de  vingt  fois  centenaires.  Ici,  tout  s'enchaine  et  se  complète  :  l'harmonie  des  sons  que 
l'on  retrouve  jusque  dans  les  mots  singulièrement  imitatifs  fait  mieux  comprendre  celle 
des  couleurs,  la  mièvre  délicatesse  des  formes  revêt,  pour  ainsi  dire,  de  chasteté  la  grâce  et 
l'élégance  des  mouvements. 

Remercions  encore  une  fois  M.  Cores  de  Vries,  le  sympatique  délégué  du  comité  Néer- 
landais, de  nous  avoir  permis  d'assister  à  ce  spectacle  inoubliable.  Il  nous  en  restera 
longtemps  comme  un  parfum  délicieux  que,  malheureusement,  nous  chercherions  en  vain 
dans  notre  monde  de  science  et  de  progrès. 


140  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


LA    SECTION    PORTUGAISE 


Le  Portugal,  la  patrie  de  Camoëns,est  un  des  États  de  l'Europe  les  moins  importants; 
il  ne  possède  que  100,000  kilomètres  carrés  à  peine,  peuplés  de  4,700,000  âmes.  La  civi- 
lisation lui  est  redevable  cependant  de  beaucoup  de  choses,  et  il  a  pris  une  large  part, 
aux  xv°  et  xvi6  siècles,  au  grand  mouvement  qui  a  entraîné  alors  tous  les  peuples  de  la 
vieille  Europe  vers  l'élargissement  de  nos  connaissances  géographiques.  Cette  nation  sym- 
pathique, fière  de  son  indépendance,  conserve  aujourd'hui  encore,  grâce  à  l'esprit  de  dou- 
ceur qui  caractérise  son  administration  coloniale,  éparse  dans  les  quatre  parties  du  monde, 
les  respectables  vestiges  de  sa  puissance  passée;  mais,  comme  toutes  les  nations,  le  Por- 
tugal a  été  entraîné,  dans  notre  siècle,  à  agrandir  le  cercle  de  ses  connaissances,  et  poussé, 
malgré  lui,  sur  la  voie  du  progrès. 

Nous  allons  donc  exposer  brièvement  les  résultats  de  ses  efforts,  tels  que  l'Exposition 
nous  permettait  de  les  voir,  ainsi  que  de  ceux  qu'il  a  tentés  dans  ses  colonies  séculaires 
qui  sont  encore  aujourd'hui  sous  son  égide. 

Quoique  n'ayant  pas  pris  part  à  l'Exposition  d'une  façon  officielle,  le  gouvernement 
de  Lisbonne  a  engagé  ses  nationaux  à  y  figurer;  il  leur  a  même  alloué  une  subvention 
et  a  lait  les  frais  du  pavillon. 

Trois  sections  distinctes  renfermaient  les  différents  produits  envoyés  des  bords  du 
Tage  :  la  section  des  arts  libéraux,  au  Champ-de-Mars  ;  la  section  industrielle,  au  Palais 
des  Industries  diverses,  et  enfin  la  section  agricole  et  coloniale  dans  le  pavillon  portugais 
élevé  au  quai  d'Orsay,  sur  la  berge  de  la  Seine.  Ce  pavillon  constituait  la  partie  la  plus 
intéressante  à  visiter,  et,  de  fait,  il  a  attiré  tous  les  regards,  à  la  fois  par  le  contenu  et 
par  le  contenant,  mêlant  ainsi  l'agréable  à  l'utile  :  Utile  dulci. 

Mais  commençons,  pour  suivre  l'ordre  de  classement  général  de  l'Exposition,  par  la 
section  qui  était  installée  au  Palais  des  Arts  libéraux,  au  premier  étage.  Elle  comprenait 
les  beaux  travaux  statistiques  de  la  Direction  générale  des  contributions  directes,  du 
Conseil  supérieur  des  Douanes  portugaises  (classe  VIII)  ;  diverses  publications  scienti- 
fiques et  commerciales,  notamment  celles  des  observatoires  de  Coïmbre  et  de  l'infant  don 
Luis  (classe  VIII)  de  l'Institut  commercial  et  industriel  de  Lisbonne,  de  l'Imprimerie  natio- 
nale de  Lisbonne  (grand  prix  dans  la  classe  IX),  etc.  Il  est  vivement  à  regretter  que  le 
Portugal  se  soit  abstenu  presque  complètement  de  figurer  à  l'Exposition  pour  les  œuvres 
d'art  (peinture,  sculpture,  etc.),  de  même  que  pour  l'enseignement;  car  à  part  les  travaux 
que  nous  venons  de  signaler,  il  n'y  avait  rien  de  réellement  notable  dans  cette  caté- 
gorie. C'est  que  le  Portugal  a  encore  beaucoup  à  taire  pour  améliorer  l'instruction  de  ses 
nationaux,  surtout  l'instruction  primaire,  et  qu'il  est,  sous  ce  rapport,  en  retard  sur  bien 
des  États  du  continent. 

Dans  la  classe  II,  nous  ne  pouvons  pas  omettre  la  participation  importante  de  l'Éta- 
blissement de  la  Monnaie  de  Lisbonne ,  ni  dans  la  classe  XII  les  belles  photographies 
exposées  par  M.  Carlos  Relvas,  ni  enfin,  dans  la  classe  XVI,  les  cartes  géographiques 
présentées  par  la  Direction  générale  des  Colonies  portugaises. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


141 


La  section  industrielle  occupait  un  espace  de  520  mètres  carrés. 

La  céramique  y  était  brillamment  représentée  par  des  produits  très  nombreux,  et  dont 
un  grand  nombre  étaient  véritablement  remarquables;  l'industrie  de  la  porcelaine  n'a 
été  cependant  entreprise  par  les  Lusitaniens  que  depuis  peu  d'années.  Les  faïences  fines 
à  couverte  colorée,  les  faïences  blanches  artistiques,  les  carreaux,  les  tuiles,  les  pote- 
ries communes  de  la  Compagnie  des  faïences  de  Caldas  da  Rainha  méritent  assurément 
d'être  mentionnées;  on  y  sent  l'influence  d'anciens  modèles  portugais.  Les  faïences  de  la 
fabrique  royale  de  Sacavem,  près 
Lisbonne;  les  porcelaines  delà  fa- 
brique royale  de  Vista  Alegre  doivent 
également  être  citées  et  sont  dignes 
de  remarque.  Enfin,  pour  en  termi- 
ner avec  la  céramique,  signalons  en- 
core divers  échantillons  de  poteries 
et  faïences  exposés  par  le  Musée  in- 
dustriel et  commercial  de  Lisbonne, 
ainsi  qu'une  collection  très  complète 
de  la  poterie  d'Estremoz,  remar- 
quable surtout  par  les  qualités  ré- 
frigérantes de  l'argile  qui  sert  à 
cette  fabrication. 

Dans  la  classe  XXII,  nous  avons 
remarqué  les  papiers  peints  de 
MM.  Callado  et  O. 

Dans  le  groupe  IV,  le  Portugal 
était  bien  représenté,  et  permettait 
de  se  rendre  compte  de  l'importance 
des  filatures  de  ce  pays,  en  même 
temps  que  de  la  bonne  qualité  des 
produits  sortant  de  ses  manufac- 
tures. 

La  filature  royale  de  Thomar, 
fondée  il  y  a  bientôt  un  siècle,  et 

qui  occupe  900  ouvriers,  nous  montrait  une  importante  exposition  où  figuraient  divers 
produits  tissés,  tels  que  toiles,  serges,  molletons,  coutils,  cachemires,  etc.  (classe  XXXl 
Dans  la  même  classe,  la  Compagnie  de  Fiaçao  e  Tecidos  Lisbonense  exposait  ses  fils  et 
tissus  de  coton. 

Les  industries  textiles,  les  manufactures  de  coton,  de  lin,  de  laine,  de  dentelles,  sont 
les  plus  importantes  du  Portugal,  et  tous  ces  produits  étaient  dignement  représentés  à 
l'Exposition. 

C'est  ainsi  que  dans  la  classe  XXIV  on  remarquait  entre  autres,  les  dentelles,  tulles, 
broderies  ou  passementeries  de  MM.  Francisco  et  Jorge  Bello  et  de  l'École  industrielle  de 
Maria  Pia,  à  la  presqu'île  de  Péniche,  près  Lisbonne.  Ce  dernier  établissement  est  fort 
ancien;  depuis  des  temps  immémoriaux,  d'aucuns  disent  même  depuis  les  Romains,  tan- 


Le  Palais  du  Portugal. 


142  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

dis  que  les  hommes  de  Péniche  s'occupent  de  la  pèche,  leurs  femmes  font  de  la  dentelle 
au  fuseau.  Cette  dernière  industrie  peut  donc  être  considérée  comme  foncièrement  portu- 
gaise; ses  centres  principaux  de  production  sont  généralement  établis  sur  les  côtes  portu- 
gaises, et  les  procédés  s'y  sont  transmis  par  tradition. 

Mentionnons  encore  quelques  échantillons  d'ouvrages  en  tricot  (classe  XXXV),  d'ha- 
billements, les  armes  portatives  et  de  chasse  du  Musée  colonial  portugais,  etc. 

Signalons  enfin  plusieurs  spécimens  de  filigranes  d'argent  et  d'or  de  Porto.  C'est  là 
aussi  une  industrie  nationale  que  le  gouvernement  portugais  s'efforce  de  soutenir  contre 
la  concurrence,  par  l'établissement  de  droits  prohibitifs  sur  les  produits  de  l'industrie 
étrangère. 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  partie  la  plus  intéressante  et  la  plus  importante  de 
l'exposition  portugaise,  au  pavillon  même  du  Portugal,  qui  renfermait  la  section  com- 
merciale et  la  section  agricole,  et  couvrait  une  surface  de  500  mètres  carrés. 

Ce  pavillon,  construit  sous  les  ordres  de  M.  Hermant,  architecte,  comprenait  un 
rez-de-chaussée  et  deux  étages,  avec  une  tour  de  35  mètres  de  hauteur  environ.  Il  était 
conçu  dans  le  style  portugais  du  xvin0  siècle.  Pour  la  décoration  intérieure  des  salles, 
l'architecte  avait  habilement  emprunté  ses  motifs  aux  produits  dominants  de  l'industrie 
lusitanienne ,  tels  que  couvertures  en  déchets  de  chiffons ,  nattes ,  mouchoirs  d'Alco- 
baca,  etc. 

Proche  de  ce  pavillon,  une  annexe  avait  été  construite,  pour  renfermer  l'exposition 
particulière  de  vins  rouges,  de  vins  blancs  et  d'huile  d'olives,  organisée  par  l'Association 
royale  d'agriculture  de  Lisbonne. 

Entrons  donc  —  par  le  souvenir  —  dans  le  pavillon  en  question,  et,  en  suivant  l'ordre 
des  classes  de  l'Exposition,  voyons  un  peu  les  produits  les  plus  marquants  qu'il  renfer- 
mait, tant  en  ce  qui  concerne  le  Portugal  qu'en  ce  qui  touche  à  ses  possessions  exotiques. 
Disons,  pour  ne  plus  avoir  à  y  revenir,  que  le  Portugal  a  peu  ou  point  figuré  dans  les 
classes  où  les  machines  dominaient. 

La  classe  XLI  est  la  première  dont  nous  devons  nous  occuper;  elle  nous  permettra 
de  parler  des  richesses  minières  du  pays. 

L'industrie  des  mines,  en  Portugal,  jadis  florissante,  a  été  ensuite  abandonnée  pen- 
dant longtemps;  un  mouvement  vers  l'utilisation  de  ces  richesses  séculaires  se  manifeste 
depuis  plusieurs  années. 

Le  fer  se  trouve  partout;  le  cuivre  est  également  assez  répandu;  d'autres  produits 
sont  en  quantités  variables,  tels  sont  l'antimoine,  le  plomb,  l'anthracite  (mines  de  Pejdo, 
de  Folgoso,  de  Barrai),  le  lignite,  le  bois  fossile,  la  houille,  les  calcaires  bitumeux,  le 
nickel,  le  cobalt,  l'étain,  le  wolfram,  le  granit,  l'albâtre  calcaire,  l'ocre  rouge,  l'ocre 
jaune,  le  manganèse,  la  galène  argentifère,  l'étain,  le  sel,  l'argile,  etc.  Les  carrières 
de  marbre  se  rencontrent  aussi  en  grande  quantité,  mais  l'exploitation  n'en  est  pas 
méthodique.  Enfin,  l'or  a  été  rencontré  près  deVallongo  (province  de  Minho),  et  il  était 
déjà  exploité  à  cet  endroit  par  les  Romains;  en  outre,  plusieurs  rivières,  et  en  parti- 
culier le  Mondego,  près  de  Coïmbre,  charrient  des  paillettes  aurifères. 

Tous  ces  produits  miniers  étaient  représentés  à  l'Exposition,  et  étaient  réunis  dans 
une  salle,  au  rez-de-chaussée  du  pavillon  portugais. 

La  Société  exploratrice  des  mines  et  industries  du  cap  Mondego,  à  Figuera  de  Foz, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


143 


exposait,  en  outre,  de  nombreux  échantillons  de  produits  divers  du  sol,  notamment  de 
la  houille,  du  jais,  du  charbon,  du  coke,  etc.,  dont  elle  produit  G, 000  tonnes  par  an. 

Citons  encore,  pour  la  classe  XLI,  les  produits  de  la  Compagnie  de  San  Domingo, 
qui  a  obtenu  un  grand  prix,  et  ceux  des  musées  commerciaux  de  Lisbonne  et  de 
Porto. 

La  classe  LXII  de  l'Exposition  nous  a  révélé  les  richesses  torestières  du  Portugal  et 
aussi  celles  de  ses  colonies.  Les  expositions  de  liège  ont  été  très  remarquées.  Le  gouver- 
nement même  de  Portugal 
avait  tenu  à  figurer  digne- 
ment en  présentant  un  en- 
semble de  ses  ressources 
forestières  ;  il  a  remporté 
un  grand  prix.  Après  lui,  on 
doit  citer  les  belles  exposi- 
tions de  lièges  ou  autres 
bois  de  la  Banque  coloniale 
portugaise  (pour  les  exo- 
tiques), celles  de  la  Com- 
mission centrale  de  Lis- 
bonne, enfin  celles  de  MM.  F. 
Porte  et  Fragoso,  Villarinho 
et  Sobrinho,  duc  de  Bra- 
gance,  Mira,  Quintella,  etc. 

La  Commission  du  Por- 
tugal a  obtenu,  dans  la 
classe  LXIII,  un  grand 
prix,  pour  l'exposition  des 
pêcheries  de  ce  pays.  On  sait 
que  la  pêche  est  abondante 
sur  les  côtes  portugaises  et 
dans  plusieurs  de  ses  cours 
d'eau.  Un  proverbe  national 
dit,  en  parlant  du  poisson- 
neux Douro  :  «  Son  eau 
n'est  pas  de  l'eau,  mais 
du  bouillon.  »  La  pêche  donne  une  moyenne  annuelle  de  5  millions  de  francs. 

Les  colonies  portugaises  ont  figuré  avantageusement  dans  cette  même  classe  XLI11, 
avec  le  Musée  des  colonies. 

Il  convient  maintenant  de  consacrer  quelques  lignes  à  la  situation  agricole  du 
Portugal. 

Les  plaines  et  les  vallées  sont  d'une  grande  fertilité,  mais  l'agriculture  est  encore 
peu  avancée,  et  les  pâturages,  avec  les  terres  incultes,  occupent  la  moitié  du  sol.  Tou- 
tefois, il  est  à  prévoir  que  l'intluence  des  écoles  d'agriculture,  fondées  récemment,  et 
l'exemple  de  quelques  propriétaires  qui  se  sont  appliqués  à  faire  valoir  leurs  terres  par 


Costume  d'un  paysan  do  Madère  à  l'Exposition. 


144  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

les  meilleures  méthodes  modernes  de  culture  exerceront  une  influence  salutaire  sur 
l'agriculture  portugaise,  influence  qu'on  commence  même   déjà  à  constater. 

L'exposition  de  céréales  de  la  Compagnie  de  Mougens  da  Estella  (classe  LXVII) 
était  remarquable. 

Les  principaux  produits  du  sol  sont,  comme  céréales  :  le  blé,  le  maïs,  l'avoine,  le 
seigle,  l'orge,  le  riz;  comme  légumes  :  les  fèves,  les  haricots,  les  lentilles,  les  pois 
chiches,  etc.;  comme  fruits  :  les  oranges,  les  citrons,  les  figues,  etc.  En  1888,  il  a  été 
exporté  pour  G  millions  de  francs  de  fruits  et  raisins,  et  le  Musée  colonial  de  Lisbonne 
nous  présentait  (classe  LXXI)  une  belle  exposition  fruitière  des  colonies  portugaises. 

Mais  la  culture  de  la  vigne  constitue  la  richesse  du  pays  et  figurait  au  premier  rang 
à  l'Exposition. 

Dans  toutes  les  provinces  du  Portugal  continental,  ainsi  que  dans  l'archipel  des  Açores 
et  dans  Pile  de  Madère,  on  récolte  le  vin,  non  seulement  pour  la  consommation  du  pays, 
mais  encore  pour  une  large  exportation.  Les  vins  généreux  portugais,  notamment  ceux  du 
Douro,  dits  de  Porto,  de  Carcavellos  et  de  Colarès,  le  muscat  de  Sétubal,  le  Madère,  etc., 
dont  la  renommée  était  déjà  si  grande  dans  le  monde  entier,  et  de  longue  date,  s'est  encore 
affirmée  une  fois  de  plus  à  l'Exposition  de  1889,  par  la  belle  exposition  de  la  section 
agricole  portugaise. 

Dans  cette  section  figuraient  surtout,  outre  les  vins,  les  huiles  d'olive  et  les  lièges. 

Indépendamment  des  vins  que  nous  avons  cités  plus  haut,  il  se  fait,  depuis  quelques 
années,  une  exportation  de  vins  de  table  portugais  dont  les  variétés  sont  nombreuses,  depuis 
les  plus  ordinaires  jusqu'aux  plus  fins,  exportation  toujours  croissante.  La  variété  extrême 
des  crus  en  Portugal  s'explique  par  le  relief  du  pays,  qui  est  très  accidenté,  par  la  multi- 
plicité des  formations  géologiques,  par  les  grandes  différences  qui  existent  entre  les  consti- 
tutions des  terrains  arables,  en  un  mot,  par  la  grande  diversité  des  conditions  dans 
lesquelles  se  trouvent  les  différents  vignobles  et  les  innombrables  cépages  cultivés. 

Les  vignobles  qui  occupaient,  il  y  a  un  peu  plus  de  dix  ans  (1876),  270,000  hectares 
du  territoire  portugais,  en  couvrent  maintenant  plus  de  300,000,  et  cela,  malgré  les  pertes 
occasionnées  par  le  phylloxéra  (1).  Pendant  que  le  terrain  réservé  à  la  vigne  s'augmentait 
dans  ces  proportions,  la  production  vinicole  passait  de  5  à  8  millions  d'hectolitres  de  1878 
à  1889.  Quant  à  l'exportation,  qui  n'atteignait  que  425,000  hectolitres  à  la  première  de  ces 
dates,  elle  a  atteint  dix  ans  après  1,730,000  hectolitres  d'une  valeur  de  70  millions  de  francs. 

Nous  voilà  un  peu  éloignés  de  l'Exposition,  nous  dira-t-on  peut-être;  mais,  au  con- 
traire, cet  exposé  ne  fait  que  résumer  l'ensemble  des  résultats  qu'il  était  donné  de 
constater  à  l'Exposition. 

Parmi  les  nombreux  exposants  portugais  de  la  classe  LXXIII,  en  ce  qui  concerne  les 
vins,  il  nous  faut  citer  au  moins  l'Association  commerciale  de  Porto,  la  Collectivité  des 
exposants  de  Madère  et  la  Ligue  des  propriétaires  du  Douro,  qui  ont  obtenu  des  grands 
prix.  En  outre,  un  nombre  considérable  de  médailles  diverses  ont  été  décernées  aux  plus 
méritants  des  autres  exposants  portugais. 

Les  spiritueux  étaient  aussi  très  bien   représentés  par  le  Portugal,  et  les  noms  de 

(1)  Ce  sont  les  nouvelles  cultures,  et  surtout  l'introduction  de  la  vigne  américaine,  qui  ont  compensé,  et  bien  au 
delà,  les  pertes  subies  de  ce  chef. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  145 

MM.  Albino  de  Sousa  Rebello,  Fabien  Chedenac,  Monteiro,  Pereira,  vicomte  de  Provenca 
a  Welpa,  méritent  d'être  mentionnés  ;  nous  devons  encore  signaler  des  expositions  de 
liqueurs  diverses. 

Après  les  vins,  les  principaux  produits  d'exportation  lusitanienne  sont  l'huile  d'olive, 
le  liège,  le  miel,  les  pommes  de  terre,  les  oignons,  les  châtaignes. 

Les  oliviers  se  trouvent  dans  la  plupart  des  provinces  et  donnent  lieu  à  une  active 
fabrication  d'huile,  qui  constitue  une  branche  importante  de  l'industrie  agricole.  Cette 
fabrication,  trouvée  autrefois  défectueuse,  a  été  grandement  améliorée,  et  les  huiles  d'olive 
portugaises  font  déjà  concurrence  à  celles  d'Italie  et  d'Espagne.  La  production  a  passé  de 
270,000  hectolitres  en  1878  à  400,000  en  1888.  Aussi  les  exposants  portugais  de  la 
classe  LXIX  étaient-ils  extrêmement  nombreux,  et  cette  classe  a-t-elle  été  pour  le  Portugal 
un  de  ses  plus  beaux  succès  à  l'Exposition.  M.  Galache  a  obtenu  un  grand  prix,  et  les 
autres  récompensés  sont  trop  nombreux  pour  pouvoir  trouver  place  ici.  Disons  au  moins 
que  le  nombre  des  médailles  d'or  décernées  à  des  Portugais,  dans  cette  classe  LXIX,  a  été 
de  24. 

Le  liège,  qui  constitue  le  point  de  départ  d'un  commerce  important  (exportation  en 
1888  :  5,000,000  kilogrammes),  était  largement  représenté  à  l'Exposition,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut  à  propos  de  la  classe  XLII. 

Comme  produits  agricoles  non  alimentaires,  citons  surtout  ceux  du  musée  des 
colonies  de  Lisbonne  (classe  XLIV),  qui  a  été,  dans  la  plupart  des  classes,  le  principal 
exposant  du  Portugal,  et  qui  y  a  obtenu  partout  de  nombreuses  récompenses. 

Dans  la  classe  XLV,  nous  n'omettrons  pas  de  signaler  les  produits  chimiques  ou  phar- 
maceutiques de  MM.  Brito  Cunha,  Franco  et  Filhos,  etc. 

Les  richesses  animales  du  Portugal,  quoique  moins  grandes  que  celles  de  l'agriculture, 
sont  cependant  notables.  L'industrie  des  bestiaux,  et  particulièrement  des  races  bovine, 
chevaline,  porcine,  est  favorisée  par  les  nombreux  pâturages  qu'on  trouve  dans  le  pays. 
En  1888,  il  a  été  exporté  pour  7  millions  de  francs  de  bétail  vivant. 

Après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  sur  les  principales  ressources  du  Portugal,  il  pourra 
être  intéressant  de  connaître  le  mouvement  commercial  de  cet  État.  Il  a  été,  en  1888,  de 
473  millions  de  francs,  dont  186  pour  l'exportation.  Le  Portugal  achète  donc  plus  à 
l'étranger,  et  surtout  à  l'Angleterre,  dont  il  est  un  bon  client,  qu'il  ne  lui  vend. 

Le  mouvement  maritime  est  très  important  et  a  lieu  surtout  par  les  ports  de  Lisbonne 
et  de  Porto.  Les  voies  de  communication  se  développent  en  même  temps  que  le  mouvement 
industriel;  ce  dernier  a  doublé  depuis  dix  ans.  Il  y  a  15,000  kilomètres  de  routes  et 
2,400  kilomètres  de  chemins  de  fer  en  exploitation. 

Enfin,  pour  en  terminer  avec  le  Portugal  et  sa  participation  à  l'Exposition,  signalons 
encore,  dans  la  classe  LXIV  (Hygiène  et  Assistance  publique),  les  expositions  du  minis- 
tère de  la  marine  et  des  colonies  et  de  MM.  Caldas  da  Rainha,  Vidago,  etc.,  et  dans  la 
classe  LXXIII  bis  (Agronomie),  celles  de  la  direction  des  travaux  de  la  carte  agricole  du 
Portugal,  de  M.  Continho  Pereira,  etc. 

Quelques  mots  maintenant  sur  les  colonies  portugaises.  Ce  sont,  en  Afrique  :  le  cap 
Vert,  une  partie  de  la  Guinée,  Saint-Thomas  et  Prince,  Angola,  Mozambique  ;  en  Asie  : 
Macao  et  l'Inde  portugaise;  en  Océanie  :  une  partie  de  l'île  de  Timor. 

La  section  coloniale  était  peut-être  la  partie  la  plus  instructive  du  pavillon  portugais, 
m  10 


1  jr,  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

car  le  public  est  peu  familier  avec  les  produits  et  denrées  d'outre-mer.  C'étaient  les  cafés 
qui  dominaient  (classe  LXXII).  Ils  l'ont  l'objet  d'un  important  trafic.  Le  musée  colonial  de 
Lisbonne  (grand  prix)  y  figurait  surtout  avec  une  belle  collection  d'échantillons  de  cafés, 
comprenant,  non  seulement  les  variétés  cultivées,  mais  encore  les  espèces  sauvages  indi- 
gènes, des  cafés  rares  et  peu  connus,  tels  qu'un  café  du  Mozambique  qui  provient  d'un 
caféier  qui  pousse  spontanément  dans  cette  colonie.  Le  cap  Vert  et  Angola  produisent  aussi 
le  café  en  grande  quantité;  cette  dernière  province  en  exporte  pour  3  millions  de  francs 
chaque  année.  Lisbonne,  par  lequel  passe  la  plus  grande  partie  du  café  produit  aux  colo- 
nies, en  a  reçu  environ  4  millions  de  kilogrammes  en  1889. 

Après  le  café,  le  cacao  est  un  des  principaux  éléments  du  commerce  colonial  (1  mil- 
lion 1/2  de  kilogrammes  entrent  annuellement  à  Lisbonne);  puis  viennent  les  eaux-de-vie, 
les  caoutchoucs,  les  gommes  (et  en  particulier  la  gomme-copal),  les  résines,  les  matières 
colorantes  et  les  produits  médicinaux,  la  cire  végétale,  les  filaments  tirés  de  diverses 
[liantes  indigènes  (surtout  les  fibres  du  cocotier,  avec  lesquelles  on  fabrique  des  cordes), 
les  huiles  comestibles  et  industrielles,  des  huiles  de  poisson,  l'huile  de  ricin  (l'ile  de  San- 
tiago en  exporte  50,000  tonnes  par  an),  etc. 

Tous  ces  produits  pouvaient  se  voir  à  l'Exposition.  On  y  constatait  la  grande  variété 
des  eaux-de-vie  :  eaux-de-vie  de  mandarines,  de  cannes  à  sucre,  de  sorgho,  d'anis,  de 
pinha,  de  raisin,  etc. 

A  l'exposition  des  caoutchoucs,  on  remarquait  une  variété  provenant  d'une  plante  d'An- 
gola, absolument  inconnue  auparavant,  qui  pousse  spontanément  dans  tout  le  pays.  Le 
caoutchouc  est  retiré  des  racines  par  les  indigènes  à  l'aide  de  procédés  très  primitifs;  le 
rendement  obtenu  varie  de  40  à  50  0/0  du  poids  à  l'état  frais. 

Pour  terminer,  citons  le  riz  de  l'Inde  portugaise  (Goa),  dont  l'exportation  progresse, 
ainsi  que  les  céréales,  qu'on  cultive  maintenant  dans  la  plupart  des  colonies  lusitaniennes. 

Les  ressources  considérables  des  colonies  portugaises  ont  pu  être  appréciées  à  leur 
juste  valeur  par  les  visiteurs  de  l'Exposition  de  188'J,  en  même  temps  qu'ils  ont  pu  constater 
que  les  descendants  de  Vasco  de  Gama  et  d'Albuquerque  sont  loin  d'avoir  perdu  leur  vitalité 
en  matière  de  colonisation. 

A  un  point  île  vue  moins  spécial,  l'Exposition  montrait  clairement  la  tendance  des 
riverains  des  bords  du  Tage  à  s'éloigner  de  plus  en  plus  de  la  routine,  et  à  chercher  dans 
des  procédés  nouveaux  et  des  améliorations  incessantes  la  prospérité  de  leur  agriculture 
et  de  leur  industrie,  qui  sont,  dans  notre  fin  de  siècle,  la  première  condition  de  l'existence 
d'une  nation. 


ROUMANIE 

Elles  datent  de  loin  et  ne  négligent  aucune  occasion  de  s'affirmer  énergiquement,  les 
sympathies  de  la  Roumanie  pour  notre  pays,  auquel  la  rattachent  ses  origines  latines  et 
tant  de  points  communs  aux  deux  peuples  dans  leur  caractère  et  leurs  aspirations.  Entre 
autres  témoignages  des  sympathies  roumaines,  nous  n'oublierons  jamais  ceux  qui  nous 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


147 


furent  donnés  à  l'heure  du  malheur,  à  l'heure  où  il  y  avait  quelque  courage  à  se  ranger  du 
côté  des  vaincus... 

Nous  n'oublions  pas,  la  colonie  roumaine  à  Paris  le  sait,  la  Roumanie  ne  saurait  en 
douter  ;  elle  en  eut  la  preuve  éclatante  dans  la  façon  paternelle  dont  la  France  accueillit  et 
traita  sa  participation  à  l'Exposition  Universelle.  Autour  de  l'organisateur  de  cette  section, 
le  prince  Bibesco,  vinrent  se  grouper,  pour  former  la  commission  roumaine,  avec  le  prince 
Souza  et  le  prince  Ghika,  les  personnalités  les  plus  éminentes  des  diverses  branches  de 
l'art  français  :  MM.  Meissonier,  Octave  Feuillet,  Jules  Simon,  Victor  Duruy,  Fery  d'Esclands, 


Lo  Cabaret  roumain.  —  Cote  de  la  rue  du  Caire. 


Edouard  Hervé,  l'amiral  Jurien  de  la  Gravière.  Comme  on  le  voit,  la  littérature  était  large- 
ment représentée  dans  cette  commission  bien  digne  de  représenter  un  pays  délicat  et 
généreux  où  trône  la  poésie,  dans  la  personne  auguste  de  sa  reine  et  sous  l'aimable  pseu- 
donyme de  Carmen  Sylva.  A  ce  propos,  qu'il  nous  soit  permis  de  rendre  ici  pleine  et  entière 
justice  au  véritable  promoteur  de  la  participation  roumaine  à  l'Exposition,  M.  Circu,  dont 
l'activité  et  le  dévouement  ne  se  sont  pas  un  instant  démentis. 

La  section  roumaine  occupait  une  petite  place  dans  les  galeries  industrielles,  à  la 
suite  de  l'exposition  de  la  Grèce  ;  mais  grâce  au  zèle  du  prince  Bibesco  et  à  sa  connaissance 
profonde  de  la  Roumanie,  sa  patrie,  cette  petite  place  était  si  bien  remplie  !  Les  plus 
remarquables  produits  de  l'industrie  nationale  y  étaient  représentés.  On  s'y  arrêtait,  un  peu 
surpris  de  sa  solidité  résistante,  devant  un  obélisque  de  sel,  blanc  veiné  de  noir,  envoyé 


148 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


par  les  salines  roumaines.  A  côté,  parmi  des  selles,  des  harnais,  un  léger  traîneau,  le  tout 
façonné  à  la  russe;  des  armes  estimées,  des  pièces  de  pyrotechnie,  des  chaises  en  bois 
sculpté,  habilement  exécutées,  mais  ne  révélant  pas  l'effort  artistique;  des  échantillons 
de  céramique  dans  le  goût  allemand,  hélas!  qui,  sans  parti  pris,  est  mauvais;  des  stucs 
de  procédé  italien;  des  cordages  essentiellement  roumains,  par  exemple,  et  dont  la 
réputation  est  européenne.  L'ensemble  de  ces  produits  témoignait  d'une  grande  habileté 
dans  la  main-d'œuvre,  et  pour  certains,  d'une  réelle  virtuosité;  mais,  comme  nous  le 
disions  tout  à  l'heure  à  propos  des  bois  sculptés,  l'effort  artistique  n'y  apparaissait  pas  et  la 

recherche  du  mieux  dans  le  nouveau  était  à 
peu  près  absente.  Ce  n'est  pourtant  pas  que 
l'imagination  fasse  défaut  là-bas,  au  pays  des 
Lautars,  l'orchestre  endiablé  dont  nous  parle- 
rons tout  à  l'heure.  Est-ce  que  la  musique  et 
la  poésie  auraient  pris  toute  la  source  pour 
elles  ? 

L'exhibition  des  fourrures  et  des  robes 
laissait  froid  ;  la  tendance  au  parisianisme  y 
était  par  trop  évidente.  À  ces  copies  de  nos 
modes,  le  publie  eût  évidemment  préféré  de 
simples  spécimens  des  costumes  populaires  ; 
aussi  s'arrêtait-il  charmé  devant  une  vitrine  où 
s'étalaient  une  jupe  et  un  gilet  brodés  de  perles, 
toilette  bien  simple,  comme  vous  voyez,  mais 
si  jolie  ! 

Les  broderies  roumaines  —  soie,  laine  ou 
perles  —  sont  généralement  confectionnées  à 
demeure.  Le  paysan,  homme  ou  femme,  y 
excelle.  La  nécessité  l'a  rendu  industrieux,  la 
pratique  le  rend  artiste,  et  les  produits  sortis 
de  ses  mains  sont  très  recommandables,  té- 
moin, avec  les  broderies,  les  lainages  aux  cou- 
leurs éclatantes,  ornés  d'agréables  dessins; 
les  harnais,  les  faïences,  la  poterie,  venus  tout  droit  des  fermes  roumaines  et  faisant 
bonne  ligure  à  l'Exposition.  —  A  ajouter  à  ces  envois,  parmi  les  produits  du  sol,  des 
gerbes  de  blé  vraiment  étonnantes,  et  des  douves  de  chêne  particulièrement  estimées  pour 
la  conservation  du  vin. 

Après  cela,  les  produits  roumains  vus  et  appréciés,  le  public  avait  l'aimable  faculté  de 
vivre  un  peu  de  la  vie  des  producteurs.  A  l'entrée  de  la  rue  du  Caire,  le  cabaret  roumain 
s'ouvrait  à  tous,  trop  étroit  pour  la  clientèle  qu'y  amenait  une  vogue  rapidement  conquise 
et  chaque  jour  accrue.  Ce  restaurant,  élevé  sur  le  modèle  d'une  maison  de  paysan  rou- 
maine, offrait  un  type  agréable  de  coquetterie  dans  le  rustique.  La  cuisine  y  était  excel- 
lente, —  française,  d'ailleurs,  et,  peut-être  pour  cela,  très  chère,  —  le  service  bien  fait, 
surtout  au  début  du  repas,  quand  les  jolies  Roumaines  s'avançaient,  troublantes  sous  le 
collant  de  leur  costume  brodé,  et  vous  versaient  l'indispensable  ouverture  de  tout  bon 


Une  des  Roumaines  du  cabaret. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


149 


repas  roumain,  le  petit  verre  d'eau-de-vie  de  prune,  ce  pendant  que,  se  démenant  comme 
de  beaux  diables  dans  leur  enceinte  réservée,  les  Lautars,  en  paysans  roumains  :  veste 
blanche  brodée  en  rouge,  à  larges  manches  laissant  passer  la  chemise,  faisaient  pleurer 


L'orchestre  des  Lautars 


sur  nous  la  longueur  de  leurs  valses  ou  s'éparpiller  dans  l'air  les  notes  serrées  et  joyeuses 
d'un  galop  passionné. 

Les  Lautars  sont  proches  parents  des  Tziganes,  que  nous  connaissons  de  longue  date  ; 
comme  ces  derniers,  ils  n'emploient  que  des  instruments  à  cordes,  avec  un  seul  instru- 
ment à  vent,  la  flûte  de  Pan,  que  les  chevriers  parisiens  nous  ont,  en  petit,  rendue 
familière. 


150 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


LA    SECTION    RUSSE 


Une  nation  aussi  puissante  que  l'est  la  Russie  d'aujourd'hui,  dont  le  territoire,  tant  en 
Asie  qu'en  Europe,  est  plus  grand  que  ce  dernier  continent,  et  dont  la  population  est  forte 
de  108  millions  d'habitants,  ne  pouvait  certainement  pas  manquer  de  prendre  une  large 
part  à  l'Exposition  de  1889,  d'autant  plus  que  nous  avons  en  elle  une  nation  amie. 

Si,  par  des  raisons  de  pure  politique,  le  gouvernement  russe  n'a  pas  cru  devoir  prendre 
part  officiellement  à  ce  tournoi  international,  les  artistes  et  les  industriels  moscovites  ont 
largement  répondu  à  notre  appel. 

Un  écrivain  distingué,  M.  Joseph  Poznanski,  est  le  premier  qui  songea  à  créer  un  comité 
pour  encourager  ses  compatriotes  à  participer  à  l'exhibition  parisienne.  M.  E.  d'Andrceft 

accepta  la  présidence  du 
comité;  MM.  J.  Poznanski 
et  C.  Vargouninc  en  fu- 
rent les  deux  vice-prési- 
dents. M.  R.  Rahmann 
voulut  bien  se  charger 
de  la  direction  de  la 
section  des  Beaux-Arts. 
En  outre,  un  comité  fut 
formé  à  Paris  ;  son  prési- 
dent fut  M.  P.  Jabloch- 
koff,  avec  MM.  de  Chou- 
bersky  et  A.  Shloss 
comme  vice-présidents. 
Enfin ,  furent  délégués  à 
Paris,  MM.  J.  Florand  et 
L.  Varango,  de  Moscou, 
et  MM.  le  comte  Ch.  Zamoiski  et  C.  Godcbski.  C'est  à  ce  concours  de  bonnes  volontés  que 
la  Russie  doit  sa  participation  à  l'Exposition  Universelle  de  1889. 

L'art  est  encore  jeune  en  Russie;  néanmoins,  plusieurs  artistes  célèbres  peuvent  déjà 
être  cités,  tels  sont  :  MM.  Aïvasovsky,  Antokolsky ,  Bogoliouboff,  Botkinc,  Vercstchaguine, 
Makovsky,  Scmiradsky,  Sokoloff.  Aussi,  dans  le  groupe  I  (œuvres  d'art),  voyait-on  un  grand 
nombre  de  peintures  à  l'huile,  sculptures,  dessins  et  gravures  russes.  Ainsi ,  on  ne  comptait 
pas  moins  de  170  tableaux  et  32  bustes  et  statues,  dont  plusieurs  étaient  vraiment  remar- 
quables. 

Le  peintre  Chelmonsky  a  obtenu  un  grand  prix  pour  ses  quatre  beaux  tableaux  : 
«  Marché  aux  chevaux  »,  «  Un  Dimanche  en  Pologne  »,  a  Les  Connaisseurs  »,  «  Retour  de  la 
messe  ». 

signalons  encore  le  grand  et  légitime  succès  obtenu  par  (les  tableaux  tels  que  le 
i  Jugement  de  Paris  »,  «  La  Mort  d'Ivan  le  Terrible  »  et  le  a  Démon  »,  de  Mahovsky.  On  ne 
pouvait  non  plus  ne  pas  admirer  la  «  Dame  sous  le  Directoire  »,  de  M.  Lelnnann,  ni  les 


L'Izba  russe  au  Ghamp-dc-Miirs. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  151 


ravissantes  têtes  d'enfants  de  M.  Harlamoff,  ou  la  «  Rixe  des  montagnards  polonais  dans  un 
cabaret  »,  de  M.  Szymanovski.  Tout  cela  est  du  réalisme  bien  senti,  et  tel  qu'en  demande  le 
goût  contemporain.  Parmi  les  autres  artistes  russes  de  premier  ordre,  dans  le  groupe  I, 
mentionnons  31.  Tourgueneff,  qui  a  obtenu  un  grand  prix  pour  ses  statues  en  marbre ,  en 
plâtre  et  en  bronze. 

Dans  le  groupe  II  (éducation  et  enseignement),  les  objets  russes  exposés  se  distinguaient 
plus  par  la  qualité  que  par  la  quantité. 

Un  curieux  livre  intitulé  :  Que  faut-il  donner  à  lire  au  peuple/  de  M"'e  Christine 
Altchevsky,  recueil  qui  est  le  résultat  de  près  de  trente  ans  de  travaux.  Son  auteur  a 
fondé,  à  Kharkov,  une  école  pour  le  peuple  qui  se  tient  seulement  le  dimanche  et  qui 
compte  370  élèves;  dans  un  pays  aussi  arriéré  que  la  Russie  au  point  de  vue  social, 
une  telle  entreprise  méritait  d'être  dignement  récompensée  :  M"10  Altchevsky  a  reçu  un 
grand  prix. 

La  Société  impériale  libre-économique,  à  Saint-Pétersbourg,  exposait  32  éditions  popu- 
laires diverses.  Mentionnons  encore  M.  Souvarine,  rédacteur  en  chef  du  journal  Novoie 
Vremia,  et  M.  Sytine  (classe  IX). 

A  signaler  également  le  succès  obtenu  dans  la  classe  X  (papeterie),  où  la  fabrique  de 
Sozcewka  exposait  ses  papiers  divers,  fins  et  de  luxe,  ainsi  que  MM.  Vargouine  frères  et 
M.  Sviridoff,  ce  dernier  se  distinguant  d'une  façon  toute  particulière  par  ses  admirables 
livres  de  comptabilité. 

L'unique  exposant  de  la  classe  XI,  M.  Grilikhes,  présentait  un  superbe  cachet  en  cristal 
de  roche,  d'une  gravure  très  artistique. 

Un  portrait  sur  porcelaine  de  l'impératrice  de  Russie,  de  Mm°  Flint,  mérite  d'être  signalé. 
La  photographie  possédait  des  représentants  russes  d'un  réel  talent;  nous  citerons 
surtout  M.  Solovieff,  de  Saint -Pétersbourg. 

Parmi  les  instruments  de  musique  exposés  (classe  XIII),  il  en  est  qui  ont  été  tout  parti- 
culièrement remarqués  ;  tel  est  le  cas,  par  exemple,  pour  les  pianos  de  MM.  Kerntopf  et  fils, 
Hlavatch,  Krall  et  Zeidler,  de  Varsovie,  etc. 

La  Russie  était  moins  bien  représentée  dans  la  classe  XIV  (médecine  et  chirurgie),  mais, 
dans  la  classe  XV  (instruments  de  précision),  on  remarquait  surtout  deux  de  ses  nationaux, 
MM.  Rabinovitch  et  Tichkoff. 

Nous  arrivons  maintenant  au  groupe  III  (mobilier).  L'industrie  du  meuble  est  arrivée, 
en  Russie,  à  un  haut  degré  de  perfection.  La  maison  P.-M.  Grunvaldt  exposait  des  meubles 
pour  pavillon  de  chasse,  d'un  effet  vraiment  gracieux.  L'élégance  est  encore  l'apanage  de 
MM.  F.  Svirsky,  surtout  pour  ses  mosaïques  en  bois. 

Il  faudrait  citer  bien  d'autres  noms,  mais  nous  passons.  Citons  au  moins  l'exposition 
des  meubles  en  bois  courbé  de  la  maison  Vojcechow,  à  Varsovie,  dont  la  production 
annuelle  atteint  300,000  pièces,  d'une  valeur  de  près  de  deux  millions  de  francs,  et  qui 
occupe  1,200  ouvriers. 

Dans  la  classe  XIX,  on  ne  rencontrait  que  M.  A.-J.  Dutfoy  comme  exposant  russe  ; 
il  présentait  les  objets  sortant  de  sa  manufacture  de  verrerie  ,  qui  produit  pour  une  valeur 
annuelle  de  1,200,000  francs. 

Les  porcelaines  et  faïences  de   M.  S.  M.  Kousnctzoff,  de  Moscou,  exposées  dans  la 


152 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


classe  XX  (céramique),  montraient  les  progrès  qu'a  faits  cette  fabrication  dans  les  États  du 
Czar,  surtout  au  point  de  vue  du  bon  goût. 

On  remarquait  aussi  les  beaux  tapis  du  Caucase  dans  la  classe  XXI. 
La  coutellerie  (classe  XXIII),  en  Russie,  est  surtout  l'apanage  du  district  de  Gorbatoff 
(gouvernement  de  Nijni),  où  elle  occupe  9,000  ouvriers  sur  80  points  différents,  mais  sur- 
tout au  bourg  de  Paiiow,  où  les  ouvriers  travaillent  à  façon.  Parmi  les  exposants  de  coutel- 
lerie, on  doit  placer  au  premier 
rang  M.  D.-D.  Kondratoff,  à  Vatch, 
qui  occupe  500  ouvriers. 

La  réputation  universelle  dont 
jouit  depuis  longtemps  l'orfèvrerie 
russe  ne  s'est  pas  démentie  en 
1889,  et  la  classe  XXIV  nous  mon- 
trait, comme  il  fallait  s'y  attendre, 
de  véritables  chefs-d'œuvre,  par- 
mi lesquels  nous  citerons  en  tète 
MM.  F.  Ovtchinnikoff  et  iils,  de 
Moscou,  et  M.  J.-E.  Khelebnikoff, 
de  Saint-Pétersbourg. 

La  maison  J.-.I.  Fragct,  de 
Varsovie,  se  distinguait  par  sa  belle 
exposition  d'argenterie  ;  cette  mai- 
son, fondée  en  1824,  par  deux  Fran- 
çais, occupe  aujourd'hui  350  ou- 
vriers, et  tous  les  progrès  modernes 
y  ont  été  appliqués,  surtout  l'élec- 
tricité. Son  chiffre  d'affaires  atteint 
4  millions  de  francs  par  an.  De 
véritables  artistes  sculpteurs,  cise- 
leurs, graveurs  et  modeleurs  sont 
attachés  à  la  maison. 

Des  caisses  d'épargne  et  de 
secours  pour  les  ouvriers  achèvent 
de  classer  cette  maison  non  seule- 
ment parmi  les  plus  importantes,  mais  encore  parmi  les  plus  humanitaires  de  l'Empire 
Russe. 

Comme  nouveauté  dans  cette  classe  XXIV,  on  doit  citer  l'émail  mosaïque  de  M.  G.  Klin- 
gert,  de  Moscou. 

Dans  la  classe  XXV  (bronze  d'art,  métaux  repoussés),  les  magnifiques  expositions  de 
bronzes  de  MM.  F.-G.  Woerffel  et  Rertaut,  de  Saint-Pétersbourg,  attiraient  l'attention  de 
tous  les  visiteurs.  Le  premier  brillait  surtout  par  ses  meubles,  cadres,  etc.,  où  l'on  trouvait 
un  mariage  fort  assorti  de  bronze  et  de  malachite  (pierre  précieuse  verte),  dont  l'effet  est 
saisissant. 

Une  lanterne  exposée  par  «l'Asile  d'enfants  du  prince  Pierre  d'Oldenbourg»,  à  Saint- 


Le  moujik  sculpteur  à  l'Izba  russe. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  153 

Pétersbourg,  nous  fournit  l'occasion  de  signaler  cette  utile  institution,  qui  reçoit  des  élèves 
de  11  à  18  ans,  et  qui  les  initie  aux  travaux  industriels. 

La  parfumerie  russe  (classe  XXVIII)  était  représentée,  entre  autres,  par  MM.  Brocard 
et  O,  de  Moscou,  qui  font  2,500,000  francs  d'affaires  annuelles,  et  par  MM.  G.  Dutfoy,  de 
Saint-Pétersbourg,  et  A.  Rallet,  de  Moscou,  tous  trois  d'origine  française. 

Une  particularité  de  la  classe  XXIX  mérite  assurément  d'être  signalée  :  ce  sont  les 
objets  très  artistiques  en  papier  mâché,  recouverts  de  laque,  exposés  par  M.  B.  Wischniakoff. 

La  petite  industrie  russe  :  maroquinerie,  etc.,  était  bien  représentée  dans  la  classe  XXIX. 

Le  progrès  pénètre  de  plus  en  plus  en  Russie,  sous  tous  les  rapports.  Pour  en  citer  un 
exemple  frappant,  dans  la  fabrication  des  tissus  et  étoffes  (groupe  IV),  on  pouvait  se  rendre 
parfaitement  compte  du  haut  degré  de  perfection  qu'elle  a  atteint,  grâce  au  système  protec- 
tionniste du  gouvernement  impérial,  qui  a  oblige  la  Russie  a  fabriquer  elle-même  en 
élevant  les  tarifs  douaniers  des  produits  de  source  étrangère. 

Les  manufacturiers  sont  presque  tous  cantonnés  dans  les  gouvernements  de  Wladimir 
et  de  Moscou. 

Les  grands  fabricants  de  fils  et  tissus  de  coton,  MM.  Baranoff,  à  Karabanovo,  Sokolow 
et  Moscou,  et  Z.-S.  Morosoff,  à  Bogorodsk,  ont  obtenu  des  grands  prix  dans  la  classe  XXX. 
Ces  usines  comptent  ensemble  plus  de  21,000  ouvriers,  et  peuvent  rivaliser  avec  les  fabriques 
françaises  et  étrangères  de  premier  ordre. 

Les  tissus  de  lin  et  de  chanvre  (classe  XXXIi  et  les  tissus  de  laine  (classe  XXXII)  de 
fabrication  russe  méritent  aussi  tous  les  éloges;  aussi  de  nombreuses  récompenses  ont-elles 
été  accordées  aux  plus  notables  exposants,  parmi  lesquels  on  doit  citer  en  première  ligne 
M.  T.  Mikhailoff,  à  Moscou. 

Dans  la  classe  XXXI II  (  soies  et  tissus  de  soies),  le  succès  des  exposants  russes  n'a  pas 
été  moindre.  La  plus  ancienne  maison  de  soieries,  celle  de  MM.  Sapojinikoff,  de  Moscou,  a 
obtenu  un  grand  prix  pour  ses  velours,  peluches,  soieries  brochées  et  satin  de  premier 
choix;  cette  maison,  qui  occupe  plus  de  400  ouvriers,  possède  300  métiers  et  produit  par  an 
pour  six  millions  de  francs. 

En  outre,  trois  maisons  de  Moscou  :  MM.  J.  Soloweff,  C.-O.  Giraud  et  Cie,  Moussy  et  Goujon, 
nous  montraient  leurs  velours,  peluches,  soieries,  etc.  Les  deux  dernières  maisons  sont 
encore  d'origine  française;  elles  occupent  chacune  de  1,500  à  1,800  ouvriers. 

Beaucoup  d'exposants  russes  figuraient  également  pour  les  dentelles,  tulles,  broderies, 
passementerie,  lingerie,  objets  accessoires  du  vêtement,  etc.  (classe  XXXIV  et  XXXV),  parmi 
lesquels  figurait  M.  V.  Levisson,  de  Moscou. 

Ce  qui  attirait  surtout  l'attention  des  visiteurs  sur  les  exposants  russes  du  groupe  IV, 
c'étaient  les  costumes  nationaux  si  curieux,  les  chaussures  d'une  variété  si  grande,  les 
objets  de  voyage  si  bien  conditionnés,  etc. 

Mais  nous  ne  pouvons  nous  appesantir  là-dessus,  et  devons  nous  occuper  du  groupe  V 
(industries  extractivesï. 

On  sait  que  la  Russie  est  très  riche  en  métaux  et  minéraux,  dont  une  exploitation  rai- 
sonnée  pourrait  tirer  un  grand  parti,  et  jusqu'à  présent,  malgré  les  progrès  réalisés,  il  y  en 
a  encore  beaucoup  à  faire. 

Dans  la  classe  XLI,  au  point  de  vue  de  la  participation  russe,  c'était  le  naphte  qui  tenait 
la  première  place. 


154 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


La  maison  Nobel,  fondée  en  1879,  et  qui  exploite  les  mines  de  Bakou,  dans  le  Caucase, 
a  obtenu  un  grand  prix.  Elle  a  pris  une  importance  considérable,  ses  usines  emmagasinent 
et  purifient  une  quantité  de  plus  en  plus  grande  de  pétrole. 

En  1888,  les  centaines  de  fontaines  de  napbte  de  Balkou  ont  produit  603  millions  de 
kilogrammes  de  naphte  brut,  215  millions  de  kilogrammes  de  pétrole  raffiné  et  18  millions 
de  kilogrammes  d'huiles  de  graissage.  Le  pétrole  russe  s'importe  de  plus  en  plus  en  France; 

il  fait  une  rude  concurrence  à  celui  de  la  Pen- 
sylvanie  (Etats-Unis). 

Une  autre  entreprise  d'exploitation  du 
même  genre,  la  Société  de  naphte  Caspienne 
et  de  la  mer  Noire,  fondée  en  1883,  doit  aussi 
être  citée.  En  1888,  elle  a  exporté  à  l'étranger 
208  millions  de  kilogrammes  de  pétrole,  sur 
les  496  millions  qui  représentent  l'exportation 
totale  du  pétrole  russe.  La  société  possède  près 
de  vingt  bateaux-citernes  qui  font  un  service 
régulier  entre  Batoum  et  les  différents  autres 
ports  à  pétrole.  En  trois  ans,  de  1886  à  1889, 
le  nombre  de  ses  puits  exploités  a  passé  de  5 
à  20,  et  leur  production  totale  en  naphte  brut 
a  passé  de  4  à  18  millions  de  pouds  i65,000  à 
295,000  mètres  cubes).  Une  médaille 
d'or  a  été  accordée  à  cette  Société', 
ainsi  qu'à  la  Société  Chibaeff. 

Dans  la  même  classe,  nous  n'a- 
vons pas  été  étonnés  de  trouver 
M.  Alibcrt,  avec  son  graphite  de 
Sibérie,  réputé  le  meilleur  du  monde. 
Qui  ne  connaît  les  crayons  Alibert? 
On  connaît  moins  le  lieu  de  prove- 
nance de  leur  minerai,  Batougoul, 
dans  les  monts  Saïans,  et  la  date  de 
sa  découverte  :  1847.  Outre  cela, 
M.  Alibert  exposait  encore  sa  né- 
phrite, splendide  pierre  provenant  du  torrent  Annotte,  près  des  mines  de  graphite,  et  qu'on 
emploie,  en  Chine  surtout,  à  la  fabrication  d'objets  de  luxe. 

Les  minerais  de  mercure  et  le  mercure  métallique  présentés  par  M.  Aucrbach  sont 
exploités  dans  le  gouvernement  d'Ekaterinoslav.Les  minerais  d'or  et  modèles  de  machines 
aurifères  de  M.  AstachefT  présentaient  aussi  un  grand  intérêt.  Mais  une  nouveauté  s'il  en 
fût,  c'était  le  pyrogranit,  exposé  par  M.  P.  Kristofovitch,  ainsi  que  des  marbres  et  granits 
artificiels.  L'invention  consiste  dans  un  mélange  variable  d'argile  rouge  ordinaire  et  d'ar- 
gile réfractaire,  porté  à  l'état  de  fusion  dans  des  moules  spéciaux,  où  il  est  soumis  à  une 
pression  énorme.  Le  produit  est  un  corps  compact,  homogène,  sans  soufflures  ni  vitrifica- 
tion, d'une  grande  densité  et  d'une  grande  durée.  Le  pyrogranit  raye  le  verre;  pour  en 


Paysanne  russe  à  l'Izba. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  155 

écraser  un  cube  de  la  dimension  d'un  pavé  ordinaire,  il  faut  une  pression  de  260  tonnes. 

Le  charbon  russe  était  représenté  par  les  Sociétés  minières  d'Alexelffsk  et  de  la  Russie 
méridionale,  et  par  M.  J.-S.  Koschkine,  de  Rostoff,  dont  on  se  rappelle  la  belle  porte  monu- 
mentale du  poids  de  20  tonnes,  faite  exclusivement  en  anthracite.  Les  mines  de  M.  Koshckine, 
qui  se  trouvent  au  bord  de  la  mer  d'Àzof,  sont  éclairées  à  l'électricité;  le  téléphone  les  relie 
à  la  ville  de  Rostow,  et  un  service  de  bateaux  les  met  en  communication  avec  les  ports  de  la 
mer  Noire. 

Les  objets  en  fonte  exposés  par  la  Société  d'aciéries  d'Alexandrovsk,  et  les  fers,  fils  de 
fers  et  clous  de  la  Société  métallurgique  de  Moscou,  qui  produisent  chacune  pour  10  millions 
de  francs  par  an,  méritent  aussi  d'être  cités. 

Avaient  encore  fait  des  envois  notables  dans  cette  classe  :  MM.  Roudzki  et  Cio, 
de  Varsovie,  qui  emploient  450  ouvriers,  et  exposaient  des  tubes  et  tuyaux  en  fonte; 
MM.  Worontzoff  frères,  si  remarqués  pour  leurs  célèbres  samowars,  machines  à  thé  russes, 
connus  dans  le  monde  entier,  etc. 

Les  forêts  sont  considérables  en  ('tendue  en  Russie,  et  cependant  la  classe  XLII  (pro- 
duits des  industries  forestières)  ne  renfermait  que  quatre  exposants  russes.  C'est  que  ces 
forêts  sont,  pour  la  plupart,  encore  vierges. 

On  remarquait  surtout  M.  Kriegsmann,  de  Riga,  pour  ses  bouchons,  dont  il  fabrique 
1  milliard  par  an.  D'autres  exposants  présentaient  des  fils  de  bois  et  des  parquets. 

Mais  où  la  Russie  brillait  incontestablement,  c'était  dans  la  classe  XLIII  (produits  de 
la  pêche  et  de  la  chasse),  où  elle  occupait  la  première  place  pour  ses  fourrures.  C'est  à  M.  P.- 
M.  Grunwaldt  qu'est  due  la  plus  grande  partie  de  ce  succès.  Son  importante  exposition  a  fait 
dire  à  plusieurs  personnes  autorisées  qu'il  était  impossible  de  faire  concurrence  aux  four- 
rures de  Russie  ;  elle  occupait  une  immense  étendue.  M.  Grunwaldt  exposait  des  spécimens 
empaillés  des  animaux  dont  on  tire  les  fourrures  :  tels  que  zibelines,  renards  noirs,  argentés 
et  bleus,  putois,  petits-gris,  loups-cerviers,  karbayans,  kolinskg,  et  aussi,  bien  entendu,  les 
objets  fabriqués  avec  leurs  belles  peaux  :  manchons,  couvre-pieds  chauds  et  moelleux,  man- 
teaux, etc. 

Il  est  très  difficile  de  se  procurer  certaines  fourrures;  il  n'existe  au  monde  qu'un  marché, 
celui  d'Irbit,  en  Sibérie  (gouvernement  de  Permi,  où  il  soit  possible  de  trouver  réunies  toutes 
les  espèces  de  fourrures  qu'y  apportent  les  gens  de  la  contrée,  dont  la  chasse  est  l'unique 
ressource.  C'est  là  que  s'approvisionne  la  maison  que  nous  venons  de  citer,  et  qui  est  une 
des  plus  renommées  du  monde  entier. 

La  collectivité  des  fourreurs  russes  a  obtenu  un  grand  prix.  MM.  Eggers,  de  Moscou,  et 
Saltikoff  nous  montraient  leurs  soies  de  porc.  Enfin,  pour  terminer  la  classe  XLIII,  notons 
les  produits  naturels  pharmaceutiques  de  M.  Ségal,  de  Vilna. 

Comme  produits  non  alimentaires  (classe  XLIV),  la  Russie  exposait  des  tabacs,  du  lin  et 
des  laines.  Citons,  comme  étant  d'une  qualité  supérieure,  les  laines  provenant  des  bergeries 
du  comte  Poletylo,  de  la  collectivité  de  §4  bergeries  polonaises,  de  la  Société  impériale 
d'économie  libre  et  de  Mm°  Foltz-Fein. 

Cette  dernière  compte  plusieurs  centaines  de  mille  brebis  et  30,000  chiens  de  garde, 
ce  qui  montre  l'importance  colossale  des  bergeries  russes,  surtout  celles  de  la  Pologne.  Dans 
ce  dernier  pays,  l'élevage  de  la  race  ovine  n'a  été  introduit  qu'au  commencement  de  ce 
siècle;  on  y  compte  maintenant  3,500,000  moutons,  produisant  1  million  de  kilogrammes 


156  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

de  laine  courte  ou  fine,  dont  de  beaux  échantillons  figuraient  à  l'Exposition.  Il  nous  est 
impossible  de  citer  les  56  bergeries  polonaises  qui  y  ont  pris  part.  Celle  du  comte  Albert 
Poletyllo,  fondée  en  1858,  compte  7,000  animaux  ;  le  croisement  s'y  fait  entre  espèces  diffé- 
rentes. La  tendance  dans  l'élevage  est  de  produire  sur  des  animaux  de  grande  taille  une 
laine  à  peigne  d'une  grande  finesse,  souple  et  forte.  En  un  mot,  les  éleveurs  russes  tâchent 
d'égaler  les  qualités  de  la  bergerie  française  de  Rambouillet,  où  ils  ont  acheté  leurs  premières 
brebis  et  leurs  premiers  béliers. 

L'industrie  des  produits  chimiques  et  pharmaceutiques  (classe  XLV)  a  fait  des  progrès 
énormes  en  Russie  depuis  dix  ans.  Le  combustible  liquide  y  tient  la  première  place,  avec  la 
Société  du  naphte  de  Bakou,  la  Société  russe  du  naphte,  MM.  Schibaeff  et  Ragozine,  qui 
tous  figuraient  à  l'Exposition  avec  une  quantité  de  produits  extraits  des  résidus. 

Les  huiles  et  graisses  étaient  bien  représentées  par  M.  Boulfroy  ;  les  bougies  stéari- 
ques,  la  glycérine  et  la  stéarine  en  tablettes,  par  M.  Kreslovnikoff  ;  les  extraits  de  bois 
pour  teinture  et  impressions,  par  MM.  Kuenemann  et  Cie;  l'outremer,  par  les  frères  Des- 
champs, etc. 

A  signaler  spécialement  la  nouvelle  huile  «  progrès  »,  de  M.Ch.  Schmidt,  de  Riga,  pour 
le  graissage  des  wagons  et  des  machines  ;  elle  contient  des  essences  végétales,  animales  et 
minérales;  elle  est  très  économique  et  d'un  avenir  assuré.  La  Société  Schmidt  exposait,  en 
outre,  des  huiles  ordinaires,  dont  elle  produit  annuellement  pour  une  valeur  de  8  millions 
de  francs. 

Dans  la  classe  XLVII  (cuirs  et  peaux),  la  Russie  devait  nécessairement  briller,  car  les  cuirs 
russes  ont  une  réputation  universelle.  M.  Théodore  Savine  était  le  principal  exposant.  Il 
emploie  le  tannage  végétal,  ce  qui  lui  permet  d'obtenir  une  finesse  de  fleur  et  une  souplesse 
rares.  Il  exposait  des  peaux  très  minces  pour  la  chapellerie,  d'autres  pour  chaussures,  maro- 
quinerie, reliure,  etc.  Il  produit  près  de  300,000  peaux  par  an. 

M.  Alafouzoff,  de  Kazan,  M.  Brousnitzine  et  la  Société  méridionale  des  cuirs  de  Russie 
exposaient  aussi  des  cuirs  et  des  peaux  remarquables  ;  enfin,  n'oublions  pas  les  peaux  de 
daim  exposées  par  M.  Kozlofl,  de  Moscou. 

Dans  le  groupe  VI  (outillage  et  procédés  des  industries  mécaniques  et  électricité),  la 
Russie  brillait  moins.  Cependant,  dans  la  classe  XLVIII,  on  remarquait  les  modèles  de 
machines  de  MM.  Astacheff  et  Cie,  servant  au  lavage  de  l'or,  et  les  machines  et  outils  em- 
ployés par  la  Société  de  naphte  Caspienne  et  de  la  mer  Noire  pour  le  forage  et  l'exploitation 
de  ses  puits. 

Nous  aurions  encore  à  citer  dans  les  classes  qui  suivent  quelques  machines  russes  pour 
le  chocolat,  le  sucre,  les  cigarettes,  etc.,  mais  la  place  nous  ferait  défaut.  Citons  seulement, 
dans  la  classe  LX,  les  selles  et  harnais  de  MM.  Thiel  et  Cio,  de  Moscou,  qui  fournissent  par  an 
un  nombre  considérable  de  selles  à  l'armée. 

L'électricité  ne  pénètre  que  lentement  dans  l'Europe  orientale;  n'oublions  pas  néan- 
moins que  la  Russie  est  la  patrie  de  Jablochkoff.  Parmi  les  électriciens  russes  qui  expo- 
saient, MM.  Ladyguine  et  Imchenetsky  occupaient  la  première  place. 

Dans  la  classe  LXIII,  après  avoir  signalé  au  passage  les  dessins  d'architecture  de 
MM.  Phietta  et  Ricerski,  arrivons  au  ciment  de  M.  Ch.  Schmidt,  de  Riga.  L'industrie  du 
ciment,  grâce  au  développement  des  voies  ferrées,  aux  travaux  de  fortifications,  et  aussi,  il 
faut  bien  le  dire,  grâce  aux  tarifs  protectionnistes,  s'est  beaucoup  développée  en  Russie. 


158  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

L'  «  export-ciment  »  de  M.  Schmidt  a  une  densité  moindre  d'un  quart  de  celle  de  Portland, 
et  il  est  d'un  cinquième  moins  cher,  tout  étant  de  très  bonne  qualité.  Cette  maison  produit 
155,000  tonnes  de  ciment  Portland  et  15,000  de  ciment  romain  par  an.  Citons  encore  les 
ciments  de  M.  Wysoka  et  de  la  Société  moscovite,  cette  dernière  exposant  de  belles  colonnes 
en  ciment  et  le  plan  de  son  usine. 

Dans  la  classe  LXVI,  nous  ne  devons  pas  omettre  la  nouvelle  pompe  à  feu  de  31.  A. 
Trœtzer,  de  Varsovie. 

Le  groupe  VII  (produits  alimentaires)  a  encore  fourni  à  la  Russie  de  nouveaux  succès, 
dus  à  sa  situation  importante  comme  pays  agricole. 

La  classe  LXVII  (céréales,  produits  farineux,  etc.)  rappelait  son  énorme  production 
céréale,  et  le  rôle  qu'elle  joue  comme  exportatrice  dans  toute  l'Europe,  d'où  les  blés  améri- 
cains, australiens  et  indiens  essayent  vainement  de  la  déloger.  Vingt-sept  exposants  russes 
y  avaient  pris  part. 

Un  grand  prix  a  été  obtenu  par  la  Société  des  moulins  de  Novorossisk,  pour  ses  farines, 
gruaux,  etc.,  qui  produit  pour  une  valeur  annuelle  de  8  millions  de  francs. 

Citons  encore,  comme  ayant  pris  une  grande  part  à  l'Exposition  Universelle,  les  impor- 
tantes maisons  suivantes  :  MM.  J.  Altoundji  et  fils,  à  Tliéodosic  (Crimée),  où  les  moulins  à 
vapeur  ont  pris  la  place  des  vieux  moulins  hydrauliques  primitifs,  et  qui  produisent  par  an 
1,200,000  ponds  de  farines  de  qualité  supérieure;  MM.  Baschkiroff  et  fils,  à  Xijni-Novgorod 
et  à  Samara,  qui  produisent  7  millions  de  pouds  d'une  valeur  de  30  millions  de  francs; 
M.  le  comte  Berg,  à  Liflande  ;  M.  le  prince  Dolgorouski,  à  Koursk  ;  M mc  la  comtesse  Potocka, 
à  Grodno;  M.  Epstein,  à  Varsovie;  M.  S.  Javoronkeif,  M.  A.  Petroff,  M.  S.  Taldykine,  tous 
trois  à  Orel;  M.  E.  Weinstein,  à  Odessa  et  Kherson,  qui  produit  46  millions  de  pouds  de 
farine;  etc.,  etc. 

Citons  spécialement  la  belle  collection  de  blés  en  grains  que  nous  montrait  le  Comité 
central  de  la  section  russe. 

Dans  la  classe  LXIX  (corps  gras  alimentaires),  on  remarquait  surtout,  parmi  les 
exposants  russes,  les  envois  d'huile  solaire  faits  par  M.  Petroff,  l'huile  de  moutarde,  et  enfin 
le  caviar  exposé  par  M.  Pitoeff,  de  Tiûis  ;  on  sait  que  le  caviar  est  un  mets  très  estimé  en 
Russie,  et  qui  se  fait  avec  des  œufs  salés  d'esturgeon. 

Passons  à  la  classe  LXXII  (sucres  et  confiseries),  où  M.  Kharitonenko  (grand  prix) 
présentait  les  beaux  produits  de  ses  raffineries,  qui  occupent  plus  de  5,000  ouvriers  et 
produisent  pour  près  de  40  millions  de  francs  par  an.  Le  chocolat  avait  d'importants  repré- 
sentants dans  MM.  Siou,  de  Moscou,  et  G.  Bormann,  de  Saint-Pétersbourg,  ce  dernier  qui 
faisait  vendre  aussi  des  bonbons  russes  par  des  employés  en  costume  national. 

Nous  sommes  encore  obligés  de  mentionner  les  grandes  raffineries  de  sucre  de  bette- 
rave de  MM.  Botkine  et  fils;  des  Sociétés  de  raffinerie  de  Kharkoff  et  de  Kiev;  des  maisons 
Constancia,  Hermandrow  (à  Varsovie),  Tchoupakhovka  (à  Kharkoff),  et  enfin  de  la  société 
d'Alexandrovsk  (à  Kiev).  Cette  dernière  produit  près  de  53  millions  de  kilogrammes  de 
sucre  raffiné  et  près  de  13  millions  de  kilogrammes  de  sucre  en  poudre;  la  Russie  produit 
plus  de  sucre  qu'elle  n'en  a  besoin  ;  le  surplus  est  exporté. 

Les  liqueurs  russes  ont  été  fort  goûtées  des  visiteurs  ;  les  principaux  exposants  mé- 
ritent d'être  cités;  ce  sont  .MM.  Blankenhagen  (kummel,  crème  Allasch),  Kalaschnikoff,  le 
comte  Païen  (liqueur  Eckau),  etc. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  159 

La  vigne  n'est  guère  cultivée  en  Russie  que  dans  la  Crimée  et  au  Caucase,  et  les  vins 
russes  commencent  seulement  à  se  faire  connaître,  car  il  n'y  a  pas  trente  ans  qu'ils  étaient 
laits  d'une  façon  toute  primitive. 

L'avenir  fera  des  vins  russes  de  sérieux  concurrents  aux  vins  italiens. 

On  remarquait  surtout  les  vins  rouges  et  blancs  du  Caucase,  présentés  par  31.  Djardjadse, 
de  Tiflis,  auquel  un  grand  prix  a  été  donné  ;  les  vins  mousseux  de  Crimée,  du  prince  L. 
Galitzine,  desquels  notre  Champagne  doit  se  métier;  enfin  les  vins  du  Caucase  de  31.  31aka- 
roff,  et  ceux  mousseux  du  prince  Bagrattion-Moukhransky,  de  Tiflis. 

Comme  spiritueux,  les  maisons  A.-YV.  Dolgoff,  à  Nijni-Novgorod  (grand  prix),  Blanken- 
hagen,  Pierre  Smirnoff,  Ivanoff  et  Kalaschinikoff  étaient  celles  qui  étaient  les  plus  remar- 
quées, ne  laissant  pas  en  oubli  le  renom  de  l'alcool  russe.  31.  Ivanoff,  à  Taschkent,  possède 
une  usine  et  une  distillerie  à  alcool  recommandable  à  tous  égards. 

Enfin,  nous  arrivons  au  groupe  VIII  (horticulture),  où  l'on  ne  trouvait  (pie  deux  expo- 
sants russes  :  M.  B.  Dokoutchaïetf,  avec  sa  collection  géologique  si  appréciée,  ses  cartes 
donnant  la  distribution  des  divers  terrains  sur  le  sol  russe,  etc.,  et  M.  A.  Krivtzoff,  d'Odessa, 
qui  a  beaucoup  fait  pour  l'élevage  rationnel  des  abeilles  (apiculture). 

Il  nous  reste  encore  à  signaler  l'exposition  collective  de  la  petite  industrie  et  de  l'Asso- 
ciation de  secours  mutuels  des  Artisans,  de  3Ioscou,  dont  le  chiffre  d'affaires  annuelles  se 
monte  à  un  million  de  francs. 

En  résumé,  la  participation  de  la  Russie  à  l'Exposition  Universelle  de  188'J  était  digne  de 
ci1  grand  pays;  il  y  avait  bien  quelques  lacunes,  mais  il  faut  se  rappeler  (pie  c'est  aux  efforts 
personnels  des  industriels,  et  non  au  gouvernement  russe,  que  nous  devons  cette  partici- 
pation. Les  anciens  sujets  de  Pierre  le  Grand  sont  décidément  devenus  un  peuple  actif  et 
intelligent,  plein  d'avenir. 


REPUBLIQUE    DE    SAINT-MARIN 

La  République  de  Saint-3Iarin  a  été  l'un  des  premiers  Etats  qui  aient  accepté  de  prendre 
part  officiellement  à  l'Exposition  Universelle  de  Paris.  Dès  le  mois  de  novembre  1887,  elle 
désignait  pour  ses  commissaires  généraux  à  Paris  :  31.  le  baron  Morin  de  Malsabrier,  ministre 
de  la  République  auprès  du  gouvernement  français,  et  31.  le  chevalier  Emile  Réaux,  secré- 
taire de  légation,  déjà  ses  représentants  à  l'Exposition  Universelle  de  1878.  En  même 
temps,  elle  organisait  sa  commission  locale  par  la  nomination  de  Leurs  Excellences  : 

.M.  le  commandeur  Piétro  Tonnini,  président  ; 
31.  le  commandeur  Domenico  Fattori,  secrétaire; 
31.  le  docteur  Menetto  Bonelli,  membre; 
31.  le  capitaine  Ivo  Fabbri,  membre. 

La  République  de  Saint-Marin  voulait  donner  ainsi  un  témoignage  de  sympathie  à  sa 
grande  sœur  la  République  française. 


160  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Avant  d'aborder  le  compte  rendu  de  l'Exposition  San-Marinoise,  peut-être  n'est-il  pas 
inutile  de  résumer  l'histoire  peu  connue  et  d'exposer  brièvement  les  institutions  actuelles 
de  cette  République. 

La  République  de  Saint-Marin,  enclave  du  royaume  d'Italie,  est  située  sur  le  mont 
Titan,  l'un  des  sommets  les  plus  élevés  des  Apennins,  à  quelques  kilomètres  de  la  ville  de 
Rimini. 

La  superficie  de  ce  petit  État  est  d'environ  62  kilomètres  carrés,  et  sa  population  s'élève 
à  8,000  habitants,  pour  la  plupart  propriétaires  fonciers.  —  Il  n'y  a  pas  de  mendiants  dans 
cette  heureuse  République. 

Le  territoire  est  arrosé  par  le  fleuve  Saint-Marin  et  les  torrents  Marano  et  Auza. 

Quant  aux  produits  du  sol,  nous  les  avons  vus  à  l'Exposition. 

La  capitale,  Saint-Marin,  compte  4,000  habitants  ;  elle  est  défendue  par  une  triple  enceinte 
de  remparts  et  par  trois  tours,  dont  la  plus  vaste,  la  Rocca,  sert  de  prison.  C'est  sur  cette 
tour  que,  les  jours  de  fêtes,  on  déploie  l'étendard  bleu  et  blanc  de  la  République.  On  re- 
marque dans  la  ville  un  élégant  théâtre,  une  place  spacieuse,  dite  du  Piancllo,  décorée 
d'une  superbe  statue:  la  Liberté  protégeant  Saint-Marin;  plusieurs  palais  et  une  belle  ca- 
thédrale. Saint-Marin  possède  encore  une  bibliothèque,  un  musée,  un  mont-de-piété  et  un 
magnifique  hôpital  très  bien  administré. 

Les  chefs-lieux  de  commune  sont  :  Mongiardino,  Serravalle  et  Faetano. 

La  fondation  de  la  République  de  Saint-Marlin  remonte  au  troisième  siècle  de  notre 
ère;  elle  est  attribuée  à  un  pauvre,  mais  vertueux  tailleur  de  pierres,  d'origine  dalmate, 
nommé  Marinus,  qui,  converti  au  christianisme,  et  voulant  échapper  à  la  persécution, 
s'enfuit  de  Rome  et  vint  se  réfugier  sur  le  mont  Titan. 

La  République  de  Saint-Marin  est  donc  la  plus  ancienne  des  républiques  modernes, 
en  même  temps  qu'elle  nous  offre  le  phénomène  presque  miraculeux  d'un  État  conservant 
pendant  quinze  siècles  son  principe  fondamental  au  milieu  des  guerres  et  des  révolutions 
qui  bouleversèrent  si  souvent  l'Italie. 

En  1796,  Saint-Marin  refusa  un  agrandissement  de  territoire  qui  lui  était  proposé  par 
l'heureux  vainqueur  de  Lodi  et  d'Arcole.  Plus  tard  Napoléon,  après  la  conquête  des  États 
pontificaux,  voulut  les  partager  avec  le  royaume  d'Italie;  se  souvenant  alors  du  rare  désin- 
téressement des  San-Marinois,  il  répondit  au  ministre  Marescalchi,  qui  lui  demandait  ce 
qu'il  fallait  faire  de  la  République  Titane  :  «  Ma  foi,  il  n'y  a  qu'à  la  conserver  comme 
un  échantillon  de  République!  »  C'est  ainsi  que  fut  sauvé  ce  qu'avaient  épargné  qua- 
torze siècles.  En  1868,  le  gouvernement  de  Saint-Marin  repoussa  les  offres  brillantes 
de  spéculateurs  qui  demandaient  l'autorisation  d'établir  sur  son  territoire  une  maison 
de  jeux. 

Le  pouvoir  législatif  est  exercé  par  un  grand  conseil  princier  et  souverain,  composé  de 
soixante  membres  nommés  à  vie  et  recrutés  en  nombre  égal  parmi  la  noblesse,  la  bour- 
geoisie et  les  propriétaires.  C'est  à  ce  corps  législatif  qu'appartient  le  vote  et  la  réforme  des 
lois,  ainsi  que  le  droit  de  grâce.  Il  est  également  chargé  d'élire  les  deux  Capitaines-Régents, 
dont  les  pouvoirs  n'ont  que  six  mois  de  durée.  A  côté  du  grand  conseil  souverain  fonctionne 
un  petit  conseil  de  douze  membres,  sorte  de  sénat,  dont  les  deux  tiers  sont  renouvelés  tous 
les  ans. 

Les  Capitaines-Régents  sont  investis  du  pouvoir  exécutit  ;  ils  ont  le  titre  d'Excellence, 


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Types  hollandais  au  Cliamp-de-Mars  (jeunes  filles  en  costume  national,  maison  Van  Houteni, 


III 


11 


163  •       L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

et,  dans  les  cérémonies  officielles,  ils  portent  la  grand-croix  de  l'Ordre  équestre  de  Saint- 
Marin,  dont  ils  sont  les  grands-maîtres. 

La  régence  a  deux  Secrétaires  d'Etat,  l'un  pour  les  affaires  étrangères  et  l'autre  pour 
l'intérieur. 

Les  convocations  du  grand  Conseil  souverain  et  du  Sénat  sont  laites  légalement  par  les 
Capitaines-Régents. 

Dans  chaque  commune,  un  syndic  est  chargé  de  l'administration  locale. 

La  République  de  Saint-Marin  a  des  ministres  plénipotentiaires  et  des  consuls  dans  les 
principaux  États  de  l'univers. 

Deux  docteurs-médecins  et  un  chirurgien  nommés  par  l'État  donnent  gratuitement 
leurs  soins  à  tous  les  habitants.  En  cas  d'épidémie,  les  Régents  peuvent  nommer  deux 
médecins  suppléants. 

L'organisation  judiciaire  comprend  des  tribunaux  civils  et  une  cour  suprême.  Les 
magistrats,  élus  pour  trois  ans,  sont  choisis  parmi  les  jurisconsultes  étrangers,  afin  qu'ils 
ne  subissent  pas  l'influence  de  parents  ou  d'amis.  Un  code  spécial  iixe  la  pénalité  applicable 
à  chaque  délit.  —  La  peine  de  mort  a  été  abolie  en  1859. 

L'armée  san-marinoise  est  composée,  selon  les  principes  républicains,  de  tous  les 
citoyens  valides  de  18  à  60  ans.  Les  magistrats,  les  professeurs,  les  savants  diplômés  et  les 
prêtres  sont  seuls  exemptés  du  service.  Une  musique  militaire  donne  des  concerts  toutes 
les  semaines  sur  les  places  publiques. 

Les  nominations  aux  divers  grades  de  l'armée,  dont  le  plus  élevé  est  celui  de  général, 
sont  faites  par  le  gouvernement. 

L'instruction  publique  compte  un  collège  d'État  et  diverses  écoles  élémentaires  pour 
les  enfants  du  peuple. 

Grâce  à  l'économie  qui  règne  dans  l'administration,  les  recettes  et  les  dépenses 
s'équilibrent  chaque  année,  et,  chose  remarquable,  l'État  de  Saint-Marin  n'a  pas  de  dette 
publique,  bien  que  les  impôts  soient  très  légers. 

Saint-Marin  ne  possède  à  son  effigie  qu'une  monnaie  de  billon  ayant  cours  légal  en 
Italie. 

La  République  de  Saint-Marin  a,  comme  État  souverain  et  indépendant,  le  droit  de 
conférer  des  titres  nobiliaires  et  des  distinctions  honorifiques.  Des  hommes  éminents,  dont  la 
République  avait  reçu  des  services  signalés,  ont  été  honorés  des  titres  de  comte  ou  de  duc. 

En  ISoi,  le  Conseil  souverain  décréta  l'institution  d'une  médaille  du  Mérite  militaire  et 
civil,  destinée  à  récompenser  les  services  rendus  à  la  République.  Celle  médaille  est2  selon 
le  degré  du  mérite,  en  or,  en  argent  ou  en  bronze.  Le  ruban  est  bleu  liséré  de  rouge. 

Un  ordre  de  chevalerie,  désigné  sous  le  nom  d'Ordre  équestre  de  Saint-Marin,  a  été 
institué  en  1859.  Il  compte  cinq  grades  :  grand-croix,  grand  officier,  commandeur, 
officier,  chevalier.  La  croix  de  l'ordre  est  d'or,  émaillée  de  blanc  ;  elle  est  surmontée  d'une 
couronne  fermée,  et  suspendue  à  un  ruban  de  soie  moirée,  à  quatre  raies  bleues  et  trois 
blanches,  liséré  de  blanc. 

Le  Conseil  souverain  seul  a  le  droit  de  conférer  l'ordre,  et  il  le  fait  avec  une  modé- 
ration qui  lui  conserve  une  valeur  réelle. 

Enfin  Saint-Marin  a  son  Livre  d'Or,  où  sont  inscrits  les  noms  des  patriciens.  Le  patriciat 
peut  être  conféré  à  titre  héréditaire  ou  seulement  à  vie.  Au-dessous  de  cette  haute  dignité, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  163 

il  y  a  le  droit  de  cité  (la  cittadinanza),  honneur  fort  recherché,  réservé  aux  étrangers  qui 
ont  bien  mérite  de  la  République. 

Cette  rapide  esquisse  de  l'histoire  et  du  gouvernement  de  la  République  de  Saint-Marin 
suffit  à  montrer  que  bien  peu  de  peuples  ont  joui  comme  elle  d'une  prospérité'  prés  de 
quinze  liés  séculaire. Puisse  son  exemple  inspirer  l'amour  de  l'indépendance  et  de  la  liberté, 
la  pratique  de  mœurs  régulières  et  paisibles,  le  respect  constant  d'institutions  sagement 
libérales  comme  celles  qui,  dès  sa  fondation, ont  assuré  sa  durée,  et  qui. aujourd'hui  encore, 
en  lont  presque  un  objet  d'envie  pour  des  États  bien  autrement  vastes  et  puissants,  mais 
certainement  moins  heureux. 

La  section  de  Saint-Marin  occupait  une  superficie  de  248  mètres  carres,  avec  une  façade 
monumentale  de  28  mètres  de  développement  sur  l'avenue  de  Suffren.  Cette  façade  se  com- 
posait d'une  porte  renaissance,  encadrée  de  faïences  d'art  et  couronnée  d'un  écusson  aux 
armes  de  la  République  :  trois  monts  de  sinople  sur  champ  d'azur,  portant  trois  tours 
d'argent  avec  panaches  de  même.  L'écu  était  surmonté  d'une  couronne  fermée  et  entouré 
de  deux  branches,  l'une  de  feuilles  de  chêne  et  l'aulre  de  feuilles  de  laurier,  reliées  par  un 
ruban  sur  lequel  est  écrite  la  devise  :  Libertas.  De  chaque  cété  de  la  porte,  on  aperce- 
vait deux  remarquables  verrières,  signées  Ch.  Champigneulle.  Elles  sont  destinées,  après 
l'Exposition,  à  orner  le  nouveau  palais  du  Conseil  souverain  que  le  gouvernement  fait 
construire  à  Saint-Marin. 

L'intérieur  de  la  section  offrait  un  aspect  curieux  et  original.  Dans  un  spacieux  vestibule 
conduisant  au  salon,  trois  grandes  peintures  frappaient  dès  l'entrée  la  vue  du  visiteur.  Ces 
toiles,  très  habilement  brossées,  représentaient  la  ville  de  Saint-Marin,  perchée  comme 
un  nid  d'aigle  au  sommet  du  mont  Titan;  les  environs  de  cette  petite  capitale,  qui  sont 
extrêmement  pittoresques,  et  la  vieille  citadelle  de  la  Rocca.  qui  couronne  un  roc  à  pic  de 
quatre  cents  mètres  d'élévation.  —  «  C'est  en  Espagne,  ce  joli  pays  de  Saint-Marin?  disent 
de  braves  commerçant?  de  Paris.  (Ils  confondent  probablement  avec  le  Val  d'Andorre,  i 
—  îson,  c'est  en  Amérique,  répond  un  loustic  en  nous  regardant  du  coin  de  l'œil.  »  —  Qu'ils 
le  placent  en  Espagne  ou  en  Amérique,  tous  s'accordent  du  moins  à  déclarer  que  le  pays 
est  charmant. 

Le  sol  de  Saint-Marin,  calcaire  et  ferrugineux,  se  réchauffant  bien  au  soleil,  est  très 
favorable  à  la  culture  de  la  vigne  ;  aussi  la  viticulture  est-elle  une  des  principales  branches 
de  la  production  agricole  de  ce  pays.  Le  vignoble  de  la  République  est,  par  un  heureux 
privilège,  encore  indemne  du  phylloxéra,  ce  terrible  puceron  avec  lequel  nous  sommes  aux 
prises  depuis  plus  de  vingt  ans  en  France.  Cette  immunité'  phylloxérique  n'est  pas  sans 
influer  sur  la  qualité  des  vins;  car  personne  n'ignore  que,  dans  un  même  terrain,  les  jeunes 
vignes  reconstituées  ne  peuvent  donner  des  vins  aussi  bons  que  ceux  produits  par  des 
vignes  âgées. 

Les  agriculteurs  de  la  République  se  livrent  avec  succès  à  l'élevage  des  bestiaux,  et 
obtiennent,  par  la  vente  des  divers  produits  qui  en  résultent,  des  profits  considérables. 

Les  terrains  de  ce  petit  Etat  sont  pour  la  plupart  propres  à  la  culture  des  céréales,  des 
légumes  et  même  du  tabac. 

Ces  produits  donnent  lieu  à  un  commerce  très  actif.  L'exportation  des  grains  surtout 
esl  considérable.  Une  variété  de  blé  nous  a  paru  très  remarquable  :  le  grain  a  une  longueur 
d'un  centimètre  un  tiers  et  donne  une  excellente  farine  très  blanche. 


164 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Malgré  ses  ressources  très  restreintes,  la  petite  République  de  Saint-Marin  aura  tenu  à 
l'Exposition  de  Paris  de  1889  une  place  très  honorable.  Les  cinquante-deux  récompenses 
qu'elle  a  obtenues  en  sont  la  meilleure  preuve.  Mais  si  le  succès  de  l'Exposition  de  Saint- 
Marin  a  été  complet,  c'est  grâce  à  l'habileté  et  au  dévouement  des  commissaires  généraux, 
M.  le  baron  Morin  de  Malsabrier  et  M.  le  chevalier  Emile  Réaux.  Nous  tenons  à  remercier 
tout  particulièrement  M.  Emile  Réaux,  qui,  avec  une  courtoisie  parfaite  et  un  empressement 
rare,  nous  a  communiqué  tous  les  renseignements  nécessaires  pour  donner  à  ce  compte 
rendu  le  seul  mérite  auquel  il  prétende,  celui  de  l'exactitude. 

Nous  quittons  la  section  de  Saint-Marin  convaincu  que  ce  petit  peuple,  à  l'existence  si 
tranquille  et  si  laborieuse,  verra  s'accroître  de  plus  en  plus  ses  ressources  commerciales  et 
agricoles,  et  que  l'avenir  tiendra  toutes  les  promesses  d'un  présent  déjà  très  honorable. 


SUÉDE 


Des  splendeurs   des   palais,   des   éclatantes   richesses   des  pavillons,  passons  à  la 
simplicité   délicieuse   des  chalets   Scandinaves,   coquettement  assis   près   des   lacs    du 


Le  Chalet  suédois  (vue  prise  du  lac,  près  la  Tour  Eiffel). 

Champ-de-Mars.  Fatigués  d'éblouissements,    arrêtons-nous  ici  —  la  réminiscence  s'im- 
pose —  en  pleine  poésie  septentrionale. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


165 


De  purs  cniants  du  caprice,  ces  gracieux  édifices,  suédois,  norvégiens  ou  finlandais, 
délicats,  même  frêles  en  leurs  détails,  et  d'une  solidité  éprouvée;  élégants  sans  pré- 
tention, si  simples  en  leur  grâce  qu'on  les  croirait  modestes  par  coquetterie.  De  la 
maçonnerie,  juste  ce  qu'il  en  faut  pour  le  soubassement;  le  reste,  du  bois,  pin, 
hêtre,  bouleau,  découpé,  ajouré,  fouillé,  vraiment  travaille  avec  un  art  consommé  et 
un  sentiment  très  réel  du  beau.  Sur  tous  ces  points,  c'est  le  chalet  suédois  qui  nous 
parait  offrir  la  plus  grande  perfection.  Voulez-vous  le  revoir?  Relisez  ces  cinq  lignes 
envolées  de  l'admiration  d'un  artiste  : 

«  Je  l'aime,  ce  chalet,  dans  ses  proportions,  dans  son  ensemble  et  ses  détails.  Le 
pignon  de  sa  façade  et  la  triple  baie  du  premier 
étage,  aux  voliges  qui  s'échappent  en  tous  sens, 
comme  autant  de  rayons,  et  vont  se  perdre  sous 
le  cintre  auréolé,  en  bois  découpé,  qui  l'encadre 
—  l'arcature  exquise  qui  s'évide  au-dessus  des  frêles 
colonnettes  où  l'auvent  de  la  véranda  s'est  posé  — 
le  profil  délicat  des  balustres  qui  montent  à  l'assaut 
de  l'escalier  —  autant  de  modèles  accomplis  d'élé- 
gance et  de  bon  goût..;  » 

On  arrivait  par  un  perron  de  quatre  marches 
au  rez-de-chaussée,  composé  de  trois  pièces  grou- 
pées autour  de  l'escalier  conduisant  au  premier 
étage,  où  l'on  retrouvait,  dans  la  même  disposition, 
les  trois  pièces  du  rez-de-chaussée-,  l'as  de  plafond, 
le  toit  même,  en  couleur:  la  poutre  et  les  chevrons 
en  bleu,  les  voliges  en  rouge  vif.  Aux  murs,  des 
tentures  blanches  avec  sujets  brodés  en  bleu  et  en 
rouge,  et  des  toiles  imprimées  d'un  dessin  primitil 
qui  ne  laissait  pas  d'amuser  le  public. 

Comme  exposition,  une  très  riche  collection  de 
coutellerie  et  d'orfèverie,  des  sièges  en  bois  bien 
compris  au  point  de  vue  de  la  commodité  et  élé- 
gamment façonnés,  et  enfin  des  fourrures  :  renard 
bleu,  martre,  loutre,  hermine,  —  à  damner  nos  jolies  frileuses.  Dans  la  cuisine  —  recons- 
titution exacte  du  type  des  vieilles  habitations  Scandinaves,  due  à  M.  Hugo-Ramon  —  un 
atelier  d'orfèvres  en  costume  national  :  culottes  rouges  sur  bas  blancs  avec  jarretières  à 
pompons  rouges. 

Une  jeune  fille  —  tout  était  grâce  dans  ce  chalet,  où  l'on  rêvait  malgré  soi  de 
l'opéra-comique  —  une  jeune  fille  faisait  les  honneurs  de  l'exposition,  et  son  charme 
extérieur  n'était  pas  sans  nuire  aux  produits  qu'elle  vous  montrait  et  que  l'œil,  tout 
occupé  à  la  détailler  elle-même,  oubliait  un  peu  de  regarder  sérieusement.  Nous  avons 
donné  le  costume  des  orfèvres,  donnons  celui  de  la  jeune  fille  :  un  jupe  longue  tombant 
droit,  un  tablier  rayé  de  vert,  de  rouge,  de  jaune,  de  blanc  et  de  bleu,  et  sur  la 
chemise  deux  longues  manches  d'un  blanc  éclatant,  un  corselet  vert,  lacé,  avec  agrafes 
d'argent.  D'argent  aussi,  la  ceinture  retenant  une  aumônière  en  drap  rouge,  brodée  et 


Paysanne  dèlècarlienno  (Chalet  sucilois 


166  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

pomponnée.  En  vérité,  nous  n'exagérons  pas  la  galanterie  quand  nous  disons  que  cette 
jolie  personne  faisait  du  tort  à  la  coutellerie  universellement  renommée,  aux  vidrecomes 
et  aux  pièces  d'orfèvrerie  qu'elle  nous  présentait. 

Le  chalet  suédois  est  un  des  plus  aimables  souvenirs  de  l'Exposition  Universelle. 


SERBIE 


La  participation  officielle  de  la  Serbie  nous  fut,  dès  le  premier  jour,  acquise,  sans 
tiraillements  au  sein  de  la  Skouptchina,  sans  la  moindre  pensée  de  résistance  de  la  part 
du  roi.  Milan  Ier,  qui,  depuis,  a  abdiqué,  se  souvint  à  propos  de  sa  première  jeunesse 
écoulée  dans  un  collège  de  Paris  et,  s'embarrassant  peu  de  l'évocation  de  1789,  il  accorda, 
d'avance  et  très  délibérément,  son  approbation  au  vote  de  son  Parlement  portant  ouver- 
ture d'un  crédit  pour  l'organisation  de  la  section  serbe. 

La  Serbie,  on  le  sait,  est  un  pays  essentiellement  agricole;  les  neuf  dixièmes  de  sa 
population  cultivent  la  terre  et  font  de  l'élevage.  Il  était  donc  naturel  qu'une  grande  partie 
de  son  exposition  fût  occupée  par  les  produits  du  sol:  blé  et  maïs,  pruneaux  —  le  commerce 
d'exportation  de  ce  produit  est  très  important  en  Serbie  —  vins  de  Negotin,  de  Joupa,  de 
Semandria  et  eau-dc-vie  de  prune.  Nous  serions  fort  étonné  que  la  Serbie  n'eût  pas  retiré 
déjà  des  bénéfices  de  son  exposition;  au  point  de  vue  de  son  commerce  d'exportation,  ses 
pruneaux  furent  fort  appréciés  et  ses  vins  jugés  très  propres  au  coupage. 

L'industrie  serbe  comprend  quelques  fabriques  de  drap,  un  grand  arsenal,  l'exploita- 
tion des  mines  de  cuivre  et  de  charbon,  et  la  broderie  pour  chemises,  serviettes,  vestes, 
dont  les  échantillons  en  vitrines  firent  merveille.  Nous  réservons  l'industrie  des  tapis 
exercée  à  demeure  par  les  paysannes  de  Pirot  qui  fabriquent  à  la  main,  sur  un  métier 
primitif,  non  moins  rudimentaire  que  celui  des  tisserands  du  fin  fond  de  nos  campagnes, 
ces  tapis  aux  laines  teintes,  aux  couleurs  si  vives  et  toujours  fraîches,  et  d'une  solidité  à 
toute  épreuve.  Le  fond  est  généralement  rouge;  les  ornements  qui  s'en  détachent  ont  un 
cachet  bizarre,  les  fleurs  surtout,  plus  extraordinaires  que  celles  des  dessins  japonais  et  ne 
relevant  que  de  la  fantaisie  de  l'ouvrière  ou  plutôt  de  la  tradition  qui  lui  en  a  légué  les 
modèles  avec  les  tapis  tissés  par  la  main  des  grand'mères.  Ce  n'est  pas  précisément  de 
l'art,  mais,  comme  métier,  c'est  assurément  très  remarquable. 


LA    SECTION    SUISSE 

La  Confédération  Helvétique  est  l'un  des  rares  États  qui  ont  bien  voulu  participer 
à  l'Exposition  Universelle  de  1889   d'une  façon  officielle.  L'appui  financier  de  la  Confé- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


167 


di'ration  n'a  pas  été  ménage  aux  exposants  suisses  qui  ont  manifesté  le  désir  de  figurer 
à  notre  grande  fête  internationale.  Cela  n'a  pas  lieu  de  nous  surprendre,  car  déjà,  en  plus 
d'une  circonstance,  en  effet,  la  Suisse  nous  a  donné  des  marques  évidentes  de  sa  sym- 
pathie pour  nous,  et  quand  ce  ne  serait  que  son  titre  de  République  la  plus  ancienne  de 
l'Europe,  ce  titre  seul  suffit  pour  expliquer  sa  présence  officielle  et  sa  large  part  à  notre 
Exposition. 

Une  commission  centrale  avait  été  organisée  à  cet  effet,  dès  la  fin  de  1887  ;  elle  eut  pour 
président  M.  le  conseiller  fédéral  Numa  Droz.  En  outre,  M.  Voegeli-Bodmer  fut  nommé 
commissaire  général,  avec  M.  Eugène  Schnider  comme  secrétaire. 

La  Suisse  n'avait  pas  fait  construire,  pour  abriter  ses  exposants,  de  pavillon  indé- 


Façailc  de  la  Section  helvétique. 


pendant,  et  ses  produits  étaient  disséminés  en  cinq  endroits  différents,  ce  qui  est  très 
regrettable.  M.  Henri  Fivaz  avait  été  choisi  comme  architecte  de  la  section. 

L'ensemble  des  emplacements  attribués  à  la  Suisse  représentait  une  surface  de  plus 
de  0,000  mètres  carrés,  dont  2,140  dans  le  Palais  des  Machines. 

Le  nombre  total  des  exposants  helvétiques  a  été  de  1,048,  dont  308  pour  le  groupe  II  ; 
le  canton  le  mieux  représenté  était  celui  de  Zurich,  avec  201  exposants. 

L'exposition  suisse  des  beaux-arts  ne  comprenait  en  tout  que  76  exposants;  ce 
chiffre  eût  pu  facilement  être  triplé  si  les  emplacements  eussent  été  suffisants  ;  mais  devant 
le  manque  de  place,  le  jury  a  dû  éliminer  certaines  œuvres  secondaires,  qu'il  aurait 
certainement  acceptées  sans  cet  inconvénient. 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  telle  qu'elle  se  présentait,  l'exposition  suisse  suffisait  pour  qu'on 
se  fit  une  idée  des  tendances  artistiques  de  ce  petit  pays,  fort  intéressant  à  ce  point  de  vue. 
Du  reste,  quoique  les  Suisses  montrent,  en  général,  d'assez  bonnes  dispositions  artistiques, 


168  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

ces  qualités  ne  profitent  guère  à  la  nation,  et  les  Helvètes  sont  attirés  par  les  écoles 
étrangères,  où  ils  poursuivent  leurs  études,  soit  à  Paris,  en  Italie  ou  en  Allemagne.  Leurs 
études  terminées,  ils  ont  pris  goût  à  la  vie  du  pays  où  ils  habitent,  et  finissent  pour  la 
plupart  par  s'y  fixer  d'une  façon  définitive.  La  Suisse  perd  donc  ses  artistes  —  tant 
peintres  que  sculpteurs  —  qui  vont  enrichir  ses  voisins  ;  la  faute  en  est  au  gouvernement 
fédéral,  qui  ne  sait  pas  retenir  ses  compatriotes  par  la  fondation  d'écoles  des  beaux-arts 
pouvant  rivaliser  avec  les  autres  de  l'Europe;  et  quoique  plusieurs  sociétés  particulières 
essayent  de  réagir  contre  ce  mouvement  d'expatriation,  on  ne  voit  pas  encore  de  chan- 
gement bien  notable  dans  ces  dispositions. 

L'influence  de  l'éducation  étrangère  se  reflète  naturellement  sur  les  productions  des 
artistes  suisses,  aussi  n'ont -ils  pas  de  caractère  bien  tranché.  Tout  ce  qu'on  peut  dire 
pour  caractériser  un  peu  les  peintres,  c'est  que  les  rares  artistes  suisses  qui  habitent 
leur  patrie  sont  surtout  paysagistes  ;  c'est  probablement  aux  beautés  naturelles  du  pays 
que  cela  doit  être  attribué. 

Les  maîtres  suisses  ne  figuraient  pas  à  l'Exposition  ;  on  y  voyait,  parmi  les  peintures 
à  l'huile,  des  tableaux  signés  des  noms  d'E.  Girardet,  Burnand,  Giron,  etc.  ;  n'oublions 
pas  non  plus  de  mentionner  M"e  Louise  Breslau,  l'impressionniste  bien  connue. 

La  sculpture  reçoit,  en  Suisse,  encore  moins  d'encouragements  que  la  peinture,  et  la 
plupart  des  artistes  de  cette  catégorie  habitent  l'Italie  ;  parmi  les  artistes  qui  ont  exposé 
à  Paris,  citons  M.  Breda. 

Quant  à  l'architecture,  elle  était  très  faiblement  représentée  par  quelques  dessins 
et  modèles  dans  la  classe  IV. 

La  Suisse  a  obtenu  un  bien  plus  grand  succès  dans  le  groupe  II,  où  elle  avait  plus  de 
300  exposants  ;  on  sait,  en  effet,  que  l'éducation  et  l'enseignement  y  sont  tenus  en  grand 
honneur;  que  l'instruction  publique  y  est  très  développée,  et  que  les  illettrés  sont  fort 
rares  ;  depuis  longtemps,  l'obligation  et  la  gratuité  de  l'enseignement  primaire  existent, 
et  les  écoles  professionnelles  sont  très  nombreuses. 

Pour  ce  qui  concerne  l'enseignement  primaire,  l'intérêt  de  la  participation  du  Dépar- 
tement fédéral  de  l'intérieur  suisse  lui  a  valu  un  grand  prix,  ainsi  qu'aux  écoles  primaires 
des  cantons  d'Argovie,  Bàle,  Berne,  Genève,  Neuchàtel,  Soleure,  Schaffouse,  Saint-Gall, 
Thurgovie,  Vaud  et  Zurich.  Après  ces  expositions,  qui  figuraient  au  premier  rang  par 
l'intérêt  des  travaux  exposés,  nous  devons  en  citer  d'autres,  notamment  celles  des  cantons 
de  Berne,  de  Zurich,  du  Département  de  l'instruction  publique  de  cette  dernière  localité, 
de  l'Institut  de  sourds-muets  de  Frienisberg  (canton  de  Berne),  des  Jardins  d'enfants  de 
Genève  et  de  Saint-Gall,  de  la  ville  de  Bàle,  du  Musée  pédagogique  de  Zurich,  enfin  les 
expositions  de  MM.  Ganz,  C.  Grob,  Haenselman,  Mauchain-Genest,  Bandergger,  etc.  La 
profusion  des  exposants  scolaires  suisses  nous  oblige  à  en  passer,  parmi  les  meilleurs. 

Pour  l'enseignement  secondaire,  le  grand  prix  l'emporté  par  le  Département  de  l'ins- 
truction publique  mérite  assurément  d'être  relevé,  sans  oublier  les  expositions  de 
MM.  Dodel-Port,  Matins  Lussy,  Orcll  Fussli,  etc. 

Enfin,  l'enseignement  supérieur  n'était  pas  moins  bien  représenté  pour  la  Suisse 
par  l'École  polytechnique  fédérale  de  Zurich,  par  les  diverses  universités  suisses  (grands 
prix),  par  l'Académie  de  Lausanne,  la  Société  helvétique  des  sciences  naturelles,  etc. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  la  librairie  et  l'imprimerie,  qui  concourent  si  largement 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  169 

à  taire  pénétrer  l'instruction  dans  les  plus  basses  couches  sociales  d'une  nation,  la  Suisse, 
quoique  moins  bien  représentée  dans  l'enseignement  proprement  dit,  nous  présentait,  en 
MM.  Huber,  Orell  Fussli,  etc.,  des  travailleurs  de  premier  ordre  (classe  IX). 

Dans  la  classe  X  (applications  du  dessin  et  de  la  plastique),  nous  tenons  à  signaler 
spécialement  l'Ecole  des  arts  industriels  de  Genève  (grand  prix),  M.  Gattiker,  etc.  ;  dans  la 
classe  XII  (photographie),  la  maison  Orell  Fussli,  déjà  citée  par  nous  à  plusieurs  reprises; 
enfin  dans  la  classe  XIV  rmédecine),  les  expositions  de  l'Institut  vaccinal  suisse  et  de 
M.  Laskowski. 

Pour  les  instruments  de  précision,  une  des  industries  suisses  les  plus  florissantes,  le 
grand  prix  de  M.  Kern  le  place  hors  de  pair  dans  la  section  suisse;  après  lui,  on  peut 
encore  citer  M.  Usteri-Reinacher. 

La  cartographie  a  été  un  grand  succès  pour  la  Confédération.  Cinq  grands  prix  ont  été 
décernés,  en  effet,  à  des  exposants  suisses;  ce  sont:  le  Bureau  topographique  fédéral,  la 
Commission  géologique  de  la  Société  helvétique  des  sciences  naturelles,  et  MM.  Infeld, 
Simon  et  Wurster  Randegger  et  C'e.  Nous  devons  encore  rappeler  dans  cette  classe  XVI  le 
nom  de  M.  Albert  Hein. 

Enfin,  la  plupart  des  instruments  de  musique  que  la  Suisse  fabrique  en  si  grande 
proportion  étaient  représentés.  Ce  sont  des  boites  à  musique,  des  orgues  (de  Lucerne),  etc. 

Le  groupe  III  (mobilier)  comprenait  230  exposants  suisses. 

L'industrie  du  mobilier  proprement  dit  est  peu  développée  en  Suisse,  mais  les  acces- 
soires :  tentures,  orfèvrerie,  tapisseries,  etc.,  sont  au  contraire  l'objet. d'une  importante 
fabrication. 

On  remarquait  les  beaux  ouvrages  de  tapissiers  et  décorateurs  suisses,  comme 
MM.  Muller  frères  et  Zoppino  frères,  par  exemple,  ainsi  que  les  gracieux  objets  d'orfè- 
vrerie de  M.  Bossa rd. 

Nous  arrivons  à  la  classe  XXVI  (horlogerie).  Tout  le  inonde  sait  que  les  Suisses  sont 
passés  maitres  en  la  matière.  L'horlogerie  date,  en  Suisse,  de  la  lin  du  seizième  siècle;  elle 
est  concentrée  dans  la  région  jurassique;  Genève  est  le  centre  principal  de  la  fabrication 
de  luxe;  les  autres  ateliers  et  écoles  d'horlogerie  sont  à  Xeuchàtel,  le  Locle,  la  Chaux- 
de-Fonds,  la  Bienne,  Porentruy,  etc.  Aussi,  sur  dix  grands  prix  décernés  à  l'Exposition 
dans  la  classe  XXVI,  cinq  ont  été  attribués  à  des  Suisses  :  la  Collectivité  de  l'horlogerie  suisse, 
la  Collectivité  des  écoles  d'horlogerie  suisse,  MM.  Ernest  Francillon,  Paul  Nardin,  Patek 
Philippe  et  Cie.  Les  exposants  les  plus  notables  étaient  ensuite  MM.  Agassiz,  Bergeron 
frères,  Charles  Barbezat-Baillot,  Dubail,  Monain,  Frossard  et  Gie,  Girard-Perrégaux  et  C°, 
Goley-Laresehe,  Henri  Grandjean,  Charles  Humbert,  Jules  .lurgensen,  Lecoultre  et  C'", 
W.  Sehovhlin,  G.  Tommen,  /entier  frères,  etc. 

Dans  la  classe  XXIX  (maroquinerie)",  nous  devons  citer  MM.  .1.  Isler  et  (',"'. 

La  céramique,  les  poteries,  les  faïences  suisses  n'avaient  pas.  à  l'Exposition;  une  repré- 
sentation en  rapport  avec  la  production  du  pays. 

La  Suisse  n'avait  pas,  dans  le  groupe  IV,  autant  d'exposants  que  dans  ceux  qui  précè- 
dent; Cependant  sa  participation  en  ce  qui  regarde  l'industrie  des  tissus,  vêtements  et 
accessoires  suffisait  pour  faire  constater  que  cette  industrie  est  prospère  dans  les  cantons 
suisses.  L'industrie  textile  est,  en  effet,  avec  celle  des  métaux,  la  plus  développée  de  la 
région.  La  filature,  le  tissage  en  blanc  et  en  couleur,  la  teinture  et  l'impression,  la  broderie 


170  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

et  surtout  l'industrie  de  la  soie  tiennent  le  rang  principal.  Cette  dernière  existe  dans  le 
pays  depuis  le  treizième  siècle.  L'exportation  à  l'étranger  des  produits  de  l'industrie  textile 
suisse  est  considérable;  elle  atteint  la  valeur  de  385  millions  de  francs  sur  670  qui  repré- 
sentent le  total  des  produits  exportés;  cette  exportation  consiste  principalement  en  mous- 
selines, broderies,  fils  de  coton,  tissus  blancs  et  de  couleur,  lainages,  fils  de  laine  peignée, 
et  surtout  en  soieries  et  rubans.  Quant  à  l'industrie  du  lin  et  du  coton,  elle  n'occupe  en 
Suisse  que  fort  peu  de  bras,  surtout  dans  la  région  bernoise. 

A  l'Exposition  de  1889,  les  principales  maisons  suisses  les  mieux  représentées  étaient  : 
pour  l'industrie  cotonnière,  M.  Henri  Runz  (grand  prix);  pour  les  soies  et  tissus  de  soie, 
MM.  Baumann  aine  et  Cie,  Sehwarzenbach-Landis,  le  Tissage  mécanique  de  soieries  d'Ad- 
liswell  (grand  prix),  MM.  Baumann  et  Streuly,  Noz  et  Diggelmann,  Rûtschi,  E.  Stehli-Hirt, 
les  Tissages  mécaniques  de  soie  de  Rûti  et  de  Winterthur,  etc.  ;  pour  les  dentelles,  brode- 
ries, etc.,  l'École  de  dessin  industriel  de  Saint-Gall,  MM.  Eisch,  Hummel  et  Seclig,  Pfaïndler, 
Fritz  Schclling,  Seiler,  Prcisig  et  CiG,  Tanner,  Sonderegger,  Sturzenegger,  Wetter,  etc. 

Parmi  les  articles  de  bonneterie,  de  lingerie  et  les  accessoires  du  vêtement,  MM.  Bally 
et  Schmitter,  Blumer-Votsch  et  Ci0,  Zimmerli  et  Cie,  se  distinguaient  tout  particulièrement 
par  leurs  beaux  modèles  exposés.  Les  tresses  et  les  chapeaux  de  paille  sont,  en  Suisse,  l'ob- 
jet d'un  commerce  important.  Pour  les  vêtements  eux-mêmes,  on  peut  citer  entre  autres 
MM.  Janneret  et  C'%  Thiébaud,  etc. 

La  bijouterie  et  la  joaillerie  avaient  pour  exposants  suisses  principaux  MM.  Hantz, 
Rossel  fils,  etc. 

Les  armes,  qui  ont  cependant  beaucoup  de  fabricants  en  Suisse,  avaient  peu  de  repré- 
sentants à  l'Exposition. 

Le  groupe  V  tout  entier  (industries  extractives)  ne  renfermait  guère  qu'une  soixantaine 
d'exposants  suisses;  la  rareté  et  la  médiocre  importance  des  minéraux  dans  ce  pays  en  sont 
la  cause.  On  y  rencontre  de-ci  et  de-là  des  gisements  d'anthracite,  de  houille,  surtout  de 
tourbe,  de  l'asphalte,  des  salines,  des  eaux  minérales  et  thermales  extrêmement  nom- 
breuses et  variées,  des  eaux  ferrugineuses  et  sulfureuses. 

On  trouve  encore  un  peu  de  fer  dans  le  Jura,  des  marbres  variés,  surtout  dans  les  Gri- 
sons ;  du  granit  en  abondance,  des  ardoises,  du  porphyre,  du  plâtre,  de  l'albâtre,  de  la 
serpentine,  des  pierres  meulières,  etc.  Comme  produits  miniers  suisses  figurant  dans  la 
classe  XLI,  on  ne  peut  guère  citer  que  ceux  de  la  Société  anonyme  pour  l'industrie  de 
l'aluminium. 

Les  produits  des  forêts  helvétiques,  exposés  classe  XL1I,  étaient  peu  importants  ; 
celles-ci  sont  en  effet  en  partie  détruites.  Mais,  à  ce  propos,  il  est  intéressant  de  signaler 
l'industrie  des  bois  sculptés,  très  répandue  dans  l'Oberland.  Dans  la  classe  XLIX,  la 
Suisse  figurait  avec  quelques  machines  agricoles. 

Malgré  l'importance  relative  de  la  pêche  en  Suisse,  qui  renferme  dans  les  eaux  douces 
du  lac  de  Genève  des  saumons  et  des  truites,  dans  le  Tessin  des  anguilles,  etc.,  il  n'y  avait 
rien  à  signaler  dans  la  classe  XLIII,  relative  à  la  pêche  et  aussi  à  la  chasse.  Cette  dernière 
opération  ne  peut  plus  guère  se  faire  en  effet  en  Suisse,  où  les  derniers  gibiers  dispa- 
raissent d'année  en  année,  chassés  par  l'homme,  et  dont  le  domaine  ne  peut  pas  dépasser 
la  limite  des  neiges  éternelles. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  171 

En  fait  de  produits  chimiques  exposés,  la  classe  XLV  renfermait  ceux  de  la  manufac- 
ture suisse  de  gélatine  ;  il  y  avait  encore  à  signaler  les  couleurs  d'aniline. 

Quelques  exposants  représentaient  encore  la  Suisse  pour  la  blanchisserie  et  la  tannerie. 
Ces  deux  industries  comptent  parmi  les  principales  du  pays,  surtout  cette  dernière.  Poul- 
ies cuirs  et  la  peau  (classe  XL VII),  nous  devons  signaler  les  beaux  produits  exposés  par 
MM.  Jean  Mercier  (grand  prix),  J.-.I.  Punter,  Denncville,  etc. 

Le  groupe  VI  renfermait  125  exposants  suisses.  Les  machines  à  vapeur  et  les  outils, 
surtout  ceux  de  Zurich,  sont  en  effet  une  des  richesses  industrielles  de  la  Confédération,  et 
les  modèles  exposés  au  Palais  des  Machines  offraient  un  très  grand  intérêt. 

Pour  le  fonctionnement  des  machines  suisses  exposées,  la  force  motrice  était  fournie 
par  quatre  sociétés  nationales  :  Sulzer,  Escher-Wyss,  les  Ateliers  d'Oerlikon  et  la  Société  de 
construction  de  locomotives  et  de  machines  YVinterthur.  La  machine  Sulzer,  du  système 
compound,  était  de  la  force  de  300  chevaux  ;  tous  les  soins  les  plus  minutieux  ont  été 
apportés  par  les  constructeurs  suisses  dans  la  rectitude  de  la  construction,  la  perfection  du 
modèle,  et  aussi  dans  tous  les  détails.  Des  appareils  de  graissage  nouveaux  étaient  appli- 
qués à  ce  moteur  mécanique. 

Dans  la  classe  LU,  la  maison  Sulzer  figurait  avec  une  autre  machine  verticale  à  sou- 
papes, la  première  qui  ait  été  faite,  et  une  autre  horizontale  à  triple  expansion  d'un  modèle 
spécial,  dans  lequel  les  trois  cylindres  sont  placés  bout  à  bout.  C'est  encore  des  beaux 
ateliers  Sulzer  frères  que  sortait  une  machine  à  glace  fort  remarquée  dans  la  classe  L.  Elle 
était  du  type  adopté  pour  la  conservation  des  viandes  sur  les  paquebots. 

La  machine  motrice  de  MM.  Escher-Wyss  était  de  120  chevaux.  Les  mêmes  constructeurs 
ont  exposé  dans  un  grand  nombre  de  classes  du  groupe  VI  et  obtenu  de  nombreuses  récom- 
penses, attestation  officielle  de  la  valeur  de  leurs  travaux.  C'est  ainsi  qu'ils  présentaient 
(classe  LU)  une  pompe  à  haute  pression  (50  atmosphères),  actionnée  avec  une  turbine  de 
4m,50  de  diamètre  et  placée  comme  un  volant  entre  les  deux  corps  de  pompe.  C'est  le  type 
des  machines  élévatoires  delà  Chaux-de-Fonds.  Enfin,  MM.  Escher-Wyss  exposaient  encore 
une  machine  à  papier  (classe  LVIII),  avec  calandre  à  dix  cylindres  superposés,  et  un  canot 
muni  d'une  chaudière  à  huile  de  naphte,  semblable  à  ceux  qui  circulent  actuellement  sur 
le  lac  de  Zurich. 

Les  ateliers  d'Oerlikon  ont  fourni  une  machine  verticale  de  300  chevaux,  à  grande 
vitesse,  qui  actionnait  une  grande  machine  dynamo  de  150  chevaux,  à  quatre  pôles.  On  avait 
été  obligé  d'appliquer  là  le  transport  de  la  force  à  petite  distance,  pour  que  l'arbre  de 
couche  reçoive  le  mouvement. 

Les  ateliers  d'Oerlikon,  à  Zurich,  figuraient  aussi  :  dans  la  classe  LXII,  avec  une  petite 
machine  verticale  commandant  les  dynamos  de  l'éclairage  (ils  ont  obtenu  pour  ce  fait  un 
grand  prix);  dans  la  classe  LUI,  avec  plusieurs  machines-outils,  entre  autres  une  machine 
à  fraiser  les  engrenages  coniques;  et  aussi  dans  la  classe  LU,  etc. 

La  quatrième  machine  motrice  appartenait  à  la  fabrique  de  locomotives  et  de  machines 
de  Winterthur  :  c'était  un  puissant  moteur,  de  120  chevaux  de  force,  horizontal,  compound, 
à  tiroirs  et  à  échappement  libre.  La  même  importante  usine  avait  sa  principale  exposition 
dans  la  classe  LXI  (matériel  des  chemins  de  fer)  ;  elle  y  exposait,  entre  autres,  une  locomo- 
tive à  trois  essieux,  compound  ;  une  locomotive-tramway,  une  locomotive  du  chemin  de 
fer  du  Mont-Pilate,  exposée  sur  son  plan  incliné  ;  enfin,  une  locomotive  à  crémaillère  pour 


172  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


le  chemin  de  fer  du  Brunig.  Ces  différentes  machines  ont  bien  mérité  le  grand  prix  remporté 
par  la  société  de  Winterthur,  qui  figurait  aussi  dans  la  classe  LU. 

Nous  allons  voir  maintenant,  dans  les  différentes  classes  du  groupe  VI,  les  autres  expo- 
sants de  nationalité  suisse  qui  méritent  une  mention  particulière. 

Et  d'abord,  dans  la  classe  XLV1II,  les  pompes  à  ailettes  de  M.  Otto-Tritsclieller  (d'Arlon) 
et  MM.  Burckhardt  et  Cie  méritent  d'être  cités. 

Dans  la  classe  L,  les  machines  de  meunerie  de  M.  Millot  (de  Zurich),  celles  de  31.  Daverio 
et  de  M.  Wegmann  ;  enfin,  des  toiles  à  meuneries  présentées  par  la  Collectivité  des  fabri- 
cants zuricois. 

La  classe  LU  était  représentée  d'une  manière  particulièrement  notable;  elle  comprenait, 
outre  les  noms  déjà  cités,  l'exposition  de  la  fabrique  de  machines  de  Renie,  avec  trois 
locomoteurs  ou  petites  machines  verticales,  à  chaudière  attenante,  pour  exploitation  rurale. 
On  y  voyait  également  les  compresseurs  d'air  de  la  maison  Burckhardt  (de  Bàle),  d'un  type 
spécial,  à  tiroirs,  et  dont  le  pins  grand  avait  une  force  de  100  chevaux,  pour  une  compres- 
sion de  10  atmosphères. 

MM.  J.-J.  Rieter  (grand  prix),  de  Winterthur,  exposaient  une  série  de  turbines,  et  la 
Société  de  fabrication  mécanique  de  Baie  (ancienne  maison  Socin  et  Wick),  des  moteurs  à 
vapeur. 

Dans  la  classe  LUI  (machines-outils),  les  installations  principales  étaient  celles  de 
MM.  Àemmer  et  C'c,  de  Bàle,  avec  divers  tours  et  machines  à  raboter,  et  celle  de  M.  Heinrieh- 
Spulh,  «le  Saint-Fiden  (Saint-Gall),  qui  exposait  une  machine  à  fabriquer  les  ressorts  de  som- 
miers et  une  autre  à  faire  les  tuyaux  en  tôle  rivée,  capable  de  débiter  plus  de  2nu  mètres 
de  tuyaux  à  l'heure. 

La  classe  LIV  i filature)  comptait  plusieurs  expositions  intéressantes.  Nous  avons  déjà 
montré  l'importance  de  la  filature  et  du  tissage  en  Suisse.  MM.  Rieter  et  Cie  tenaient  le 
premier  rang  par  leur  exposition. 

La  classe  LV  (tissage)  était  représentée  par  les  métiers  de  MM.  Benninger  frères,  par 
ceux  de  la  fabrique  de  machines  de  Biiti  (près  Zurich),  ainsi  que  par  les  métiers  a  broder 
de  M.  Tristo  Cheller.  dans  la  galerie  du  premier  étage;  enfin,  on  y  voyait  également  les 
métiers  envoyés  par  .MM.  Saurer  et  fils,  Wiesendanger,  L.  Dubied,  etc. 

La  classe  LXI  (chemins  de  1er)  comprenait,  outre  les  envois  ci-dessus  mentionnés,  de 
la  Société  de  Winterthur,  ceux  de  MM.  Ed.  Locher,  Riggenbach,  etc. 

La  classe  de  l'Électricité  (classe  LXII)  comprenait,  outre  les  appareils  exposés  par  les 
ateliers  d'Oerlikon,  une  collection  de  machines  dynamos  construites  par  la  maison  Alioth 
et  C1*  (de  Bàle),  par  MM.  Cuenod-Sauter  (de  Genève),  qui  avaient  envoyé  une  dynamo  de 
90  chevaux  et  une  série  d'appareils  électriques. 

La  téléphonie  était  représentée  spécialement  par  la  Société  des  téléphones  de  Zurich, 
qui  exposait  en  outre  dis  dynamos  et  des  appareils  de  signaux  et  de  sûreté. 

Enfin,  dans  la  classe  LXIII,  nous  devons  énuniérer  les  noms  de  MM.  Georges  Fischer, 
Schlosser  et  Maillard,  Schupisser  cl  Meycr,  Thurnier-Bohn,  etc.,  qui  ont  exposé  divers 
appareils  ou  procédés  pour  travaux  publics. 

La  belle  installation  mécanique  de  la  Suisse,  dans  le  groupe  dont  nous  venons  de  nous 
occuper,  est  due  aux  bons  soins  de  MM.  Duplan,  commissaire  général  adjoint,  et  Falknaer, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  173 


Le  caractère  paisible  des  relations  de  la  Suisse  avec  ses  puissants  voisins,  sa  neu- 
tralité reconnue  par  toute  l'Europe,  et  aussi  les  défenses  naturelles  que  lui  offre  la  confi- 
guration montagneuse  de  son  sol,  la  mettent  en  dehors  des  préoccupations  militaires  qui 
prennent,  hélas!  trop  de  place  dans  les  travaux  des  grands  États  du  vieux  continent. 

Aussi,  est-il  besoin  de  le  dire,  la  Suisse  était  absente  des  classes  LXV  et  LXVI  (marine 
et  art  militaire).  Heureuse  nation!  Qu'il  serait  préférable  —  qu'on  nous  permette  cette 
digression  qui  peut  bien  prendre  sa  place  ici,  en  somme,  puisque  nous  avons  surtout  en 
vue  l'Exposition,  et  qu'elle  n'a  eu  pour  but  que  de  glorifier  la  paix  et  le  travail  —  qu'il 
serait  préférable  de  voir  toutes  les  intelligences  converger  vers  l'amélioration  du  sort  des 
malheureux  et  vers  l'augmentation  du  bien-être  et  de  la  sécurité  générale,  plutôt  que  d'en 
voir  une  si  grande  partie  occupée  à  trouver  des  armements  plus  traîtres  les  uns  que  les 
autres,  qui  montrent  le  côté  triste  des  applications  scientifiques  :  des  canons,  des  fusils  et 
tout  ce  qui  s'en  suit. 

L'exposition  suisse  des  groupes  VII  (produits  alimentaires,  195  exposants)  et  VIII 
(agriculture)  nous  montrait  le  bienfait  qu'on  peut  retirer  d'une  paix  durable,  qui  seule 
peut  assurer  la  prospérité  de  cette  agriculture  et  de  cette  industrie  qui  seront,  tant  qu'il  y 
aura  des  hommes,  les  deux  mamelles  d'une  nation. 

Le  sol  helvétique  comprend  576,000  hectares  déterres  arables,  702,000  en  pâturages, 
636,000  en  prairies  cultivées,  712,000  en  forêts,  34,000  en  vignobles,  etc. 

Le  froment  est  rare,  et  les  céréales  sont  insuffisantes  pour  la  consommation  du  pays,  dont 
elles  n'approvisionnent  guère  que  la  moitié;  le  maïs  croit  dans  le  Tessin,  les  Grisons,  etc. 

On  cultive  aussi  les  légumes  secs,  le  lin  et  le  chanvre,  le  tabac;  des  arbres  fruitiers  se 
rencontrent  en  Thurgovie,  et  servent  à  faire  du  cidre  et  des  eaux-de-vie  de  merises 
(Kirchwasser). 

Enfin,  les  vins  les  plus  notables  proviennent  de  Vaud,  du  Valais,  de  Neuchàtel,  du 
Tessin,  des  Grisons,  de  Saint-Gall.  La  récolte  viticole  se  chiffre  annuellement  par  1,150,000  hec- 
tolitres environ.  Ce  faible  rapport  des  vins  en  Suisse,  et  surtout  leur  peu  de  réputation  à 
l'étranger,  explique  le  peu  d'importance  relative  des  exposants  suisses  dans  la  classe  LXXIII, 
tant  en  ce  qui  concerne  les  vins  que  les  spiritueux;  plusieurs  maisons  présentaient  néan- 
moins des  boissons  de  premier  choix;  nous  regrettons  de  ne  pouvoir,  faute  d'espace,  en 
citer  quelques-unes. 

L'exposition  temporaire  d'animaux  reproducteurs,  qui  a  eu  lieu  durant  le  mois  de 
juillet  1889,  a  montre  les  ressources  que  la  Suisse  peut  offrir  dans  cet  ordre  d'idées. 

L'importance  des  pâturages  et  de  l'élevage  du  bétail  en  Suisse  est  un  fait  écono- 
mique à  signaler;  les  bœufs,  les  vaches  laitières,  les  chèvres,  moutons,  porcs,  chevaux, 
mulets  et  ânes  sont  les  animaux  dominants;  la  valeur  totale  de  ces  diverses  espèces  est 
évaluée  à  450  millions. 

C'est  grâce  à  l'excellence  des  alpages  (ou  pâturages  des  montagnes)  qu'on  fabrique  du 
beurre  et  des  fromages  d'une  renommée  universelle,  tels  que  le  gruyère  de  Fribourg  et  du 
Jura,  l'emmenthaler,  etc.  ;  on  fait  aussi  un  important  commerce  avec  le  lait  concentré  et  le 
miel  du  Valais.  La  production  laitière  est  évaluée  à  15  millions  d'hectolitres.  Durant  le 
mois  de  septembre  1889,  une  exposition  temporaire  de  la  laiterie  a  fait  connaître  les 
ressources  de  la  Suisse. 

La  Société  de  la  farine  lactée  de  Nestlé  avait  une  importante  exposition  dans  la  classe 


174  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

LXVII,  de  même  que  la  Société  laitière  de  Fribourg  dans  la  classe  LXXIII  bis.  La  plupart 
des  autres  produits  agricoles  suisses  figuraient  à  l'Exposition. 

Les  cocons  sont  nombreux  au  Tessin,  et  sont  la  cause  de  l'importance  que  l'industrie 
de  la  soie  a  acquise  dans  le  pays. 

MM.  Russ  Suchard  et  Cie  et  M.  Kolher  exposaient,  classe  LXXII,  des  produits  de  confi- 
serie fort  appréciés,  ainsi  que  du  chocolat. 

En  ce  qui  concerne  l'éducation  agricole,  citons  l'Exposition  de  l'Institut  agricole  du 
Cliamp-de-l'Air,  à  Lausanne,  dans  la  classe  LXXIII  ter. 

Nous  n'avons  rien  de  particulier  à  dire  de  l'Exposition  de  la  Suisse  dans  le  groupe  IX 
(horticulture)  et  dans  la  section  de  l'Économie  sociale,  où  la  Suisse,  par  sa  faible  partici- 
pation, n'a  pas  représenté  ce  que  ce  pays  a  fait  dans  cette  voie. 

Notre  compte  rendu  de  la  section  suisse  est  maintenant  terminé.  La  conclusion  à  en 
tirer  ne  peut  être  que  favorable  aux  efforts  de  ce  peuple  de  3  millions  d'àmes  qui  est  le 
premier  de  l'Europe  à  s'être  déclaré  libre,  au  moyen  âge,  et  qui  est  parvenu  à  maintenir 
sa  liberté  et  son  indépendance  en  face  de  la  monarchie  triomphante  dans  le  reste  de  l'Eu- 
rope. Aujourd'hui  même,  pas  un  État  de  l'Europe  ne  peut  se  vanter  d'avoir  une  aussi 
grande  liberté  qu'en  Suisse,  où  chacun  exprime  librement  son  opinion,  et  où  chacun  aussi 
sait  limiter  ses  prétentions.  Cet  exemple  suffit  amplement  à  démontrer  ce  que  peut  produire 
la  liberté  sagement  établie.  La  Suisse  est  peut  être  le  seul  État  de  l'Europe  qui  ne  demande 
pas  à  changer  ses  frontières  :  c'est,  pour  cette  raison  qu'il  est  le  plus  tranquille,  le  plus 
heureux.  Développer  son  industrie,  donner  un  plus  large  essor  à  son  agriculture,  instruire 
les  masses,  augmenter  ses  voies  de  communication  et  concourir  par  tous  ces  moyens  à 
améliorer  le  bien-être  général,  c'est  la  seule  prétention  du  peuple  et  du  gouvernement 
suisses. 

Puisse  son  exemple  servir  à  qui  de  droit  ! 


LE  MOBILIER. ET  SES  ACCESSOIRES 


L'AMEUBLEMENT 


^e  groupe  III,  consacré   au   mobilier  et  à  ses    accessoires,    a  offert,   en    1889, 
comme   à   toutes   les   Expositions   précédentes,  une   classification  absolument 
y^j^Mi  défectueuse. 

Reprenant  les  très  justes  critiques  formulées  en  1878,  nous  dirons  que  quelques-unes 
des  classes  de  ce  groupe  (classe  XIX,  verrerie  et  cristaux;  classeXX,  céramique;  classe  XXV, 
bronzes  d'art;  classe  XXIX,  maroquinerie)  n'ont  avec  lui  que  des  rapports  très  éloignés  et 
fort  indirects,  et  que  d'autres  n'en  ont  même  pas  du  tout.  Tel  est  le  cas,  notamment,  des 
classes  XXIII,  coutellerie;  XXVIII,  parfumerie,  etc.  Pour  ces  dernières,  nous  sommes 
fondé  à  croire  qu'elles  ont  été  maintenues  dans  le  groupe  III  par  la  seule  et  mauvaise 
raison  qu'on  ne  savait  où  les  placer. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  allons  examiner  tout  d'abord  les  quelques  classes  constituant 
l'ameublement  proprement  dit. 

Avant  toute  chose  occupons-nous  du  mobilier,  lequel  avait  été  réuni  dans  la  classe  XVII 
sous  le  titre  de  :  Meubles  à  bon  marché  et  meubles  de  luxe.  Disons  tout  de  suite  que  cette 
appellation  et  la  réunion  qu'elle  indique  et  consacre  dénotent  une  confusion  fâcheuse. 

Il  est,  en  effet,  regrettable  qu'une  même  classe  réunisse  les  meubles  de  luxe  et  les 
produits  de  la  fabrication  courante,  d'autant  que  rien  ne  diffère  plus  de  valeur,  d'aspect 
et  de  condition  que  les  meubles  de  choix  destinés  à  la  décoration  d'appartements  de  luxe 
et  les  meubles  ordinaires  qui  ont  pour  but  unique  de  répondre  aux  nécessités  de  la  vie  de 
tous  les  jours.  Il  y  a,  en  outre,  quelque  injustice  à  mettre  en  concurrence  et  à  faire  examiner 
par  le  même  jury,  disposant  des  mêmes  et  seules  récompenses  de  la  classe,  les  produits 
utiles  mais  peu  recherchés  de  la  fabrication  industrielle  à  bas  prix  et  les  merveilles  créées 
à  grands  frais  par  des  fabricants  qui  ont  fait  des  meubles  une  véritable  industrie  d'art, 
au  sens  absolu  du  mot. 

Pour  parer  à  cet  inconvénient  grave,  il  avait  été  fortement  question  d'organiser  en  1889 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


177 


une  section  spéciale  des  «  produits  à  bon  marché  ».  Ce  projet  a  été  abandonné;  nous  le 
regrettons  vivement  et  formulons  le  vœu  que  l'idée  soit  reprise  à  une  prochaine  Exposition. 

Cela  dit,  constatons  que  l'exposition  des  meubles,  très  recommandable  dans  son 
ensemble,  n'a  cependant  révélé  aucun  progrès,  aucun  avantage  sur  1878. 

Il  serait  difficile  de  nettement  déterminer  ici  la  cause  de  cette  stagnation,  nous  ne 
voulons  pas  dire  de  cette  décadence.  L'asservissement  trop  grand  de  nos  fabricants  aux 
modèles  anciens,  aux  «  styles  »,  pourrait  bien,  toutefois,  en  être  la  raison  déterminante. 


Canapé  bergère  Louis  XVI  a  têtes  d'amour.   (Maison  E.  Frager.) 


Il  n'est  que  juste  d'ajouter  que  les  fabricants  rejettent  la  faute  sur  les  amateurs  dont  le 
goût  trop  peu  éclairé  et  les  préférences  routinières  les  forcent  à  rester  éternellement  voués 
à  ces  styles  dont  la  reproduction  incessante  et  la  copie  servile  énervent  et  étiolent  la  fabri- 
cation contemporaine  complètement  privée  ainsi  d'initiative  et  d'inspiration. 

Des  deux  grands  prix  décernés  par  le  Jury,  l'un  attribué  à  la  maison  Dasson  est  le 
triomphe  et  la  consécration  de  cette  vassalité  de  nos  fabricants  envers  les  maîtres  du 
passé.  Cela  ne  veut  pas  dire  que  nous  méconnaissions  le  très  grand  mérite  des  meubles 
exposés  par  .MM.  Dasson  et  Beurdeley.  Nous  constatons  seulement  que,  poussés,  encou- 
ragés par  le  goût  public,  ces  messieurs  se  sont  voués  à  la  reproduction  —  disons  à  la 
reconstitution,  pour  être  plus  vrai  —  des  chefs-d'œuvre  anciens  et  nous  déclarons,  en  toute 
sincérité,  qu'ils  arrivent  ainsi  à  de  merveilleux  résultats. 

m  13 


17S 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


Meuble  d'art  exposé  par  la  maison  Zwièner. 


L'autre  grand  prix  a  été 
attribué  à  M.  Damon,  direc- 
teur de  la  maison  Krieger, 
et  c'est  justice. 

Il  n'est  personne  qui 
n'ait  remarqué  et  admiré 
l'escalier  monumental  ex- 
posé par  cette  maison.  C'est 
là,  sans  cloute,  le  chef-d'œu- 
vre du  bois  sculpté;  quant 
au  mobilier  proprement  dit, 
la  maison  Krieger  était  ad- 
mirablement représentée 
par  un  salon  de  tous  points 
remarquable.  Là,  encore,  le 
bois  sculpté  dominait  et 
permettait  d'apprécier  la 
pureté  et  la  beauté  du  sys- 
tème de  sculpture  méca- 
nique, obtenu  au  moyen 
d'une  machine  d'invention 
récente,  dite  «  tour  à  mé- 
daille »,  laquelle  exécute 
automatiquement ,  d'après 
le  modèle  en  plâtre,  le  tra- 
vail du  ciseau. 

Parmi  nos  grands  ta- 
pissiers parisiens ,  nous 
devrons  nous  borner  à 
mentionner  encore  quatre 
maisons  qui,  à  des  points 
de  vue  différents,  nous  pa- 
raissent avoir  l'ait  montre 
d'une  indiscutable  supério- 
rité. 

Un  fabricant  doublé 
d'un  grand  artiste  exposait 
entre  autres  choses  un  meu- 
ble à  bijou,  véritable  mer- 
veille artistique  que  nous 
reproduisons  ici. 

Il  n'est  pas  un  visiteur 
de  l'Exposition  qui  ne  se 
souvienne  de  la  magnifique 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


179 


Nue  d ensemble  de  l'exposition  de  la   maison  Van  Puecke-lteiiuiilt. 


exposition  d'ensemble  de  la  maison  Van  Poecke-Renault.  Il  nous  suffira  de  dire  que  cette 


180 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


maison,  qui  exposait  pour  la  première  fois,  a  obtenu  la  médaille  d'or,  ce  qui  constitue  un 
succès  sans  précédent. 


Meuble  de  salle  à  manger  style  renaissance  exposé  par  la   maison  R oit. 


Sans  entrer  dans  le  détail  de  cette  belle  exposition  rappelons  cependant  un  meuble 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


181 


Louis  XV  composé  dans  toutes  ses  parties  par  M.  Van  Poeeke-Renault  et  exécuté,  sur  ses 
dessins,  dans  les  ateliers  de  M.  Bettenfeld;  un  ravissant  fauteuil  Louis  XVI,  copie  d'un 
fauteuil  du  château  de  Fontainebleau  et  une  délicieuse  chaise  longue  Louis  XV  avec  étoffe 
ancienne  provenant  d'une  chaise  de  l'époque.  Signalons  enfin  un  décor  de  fenêtre  et  une 
bergère  Louis  XVI  reconstitués  d'après  différents  documents,  et  surtout  l'escalier  et  le 
salon  Louis  XIV,  exécutés  par  M.  Van  Poeeke-Renault  au  château  de  F...,  près  Bruges, 
en  Belgique. 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  des  meubles  de  salle  à  manger  exposés  par  la 
maison  Roll,  une  des  plus  anciennes  maisons  de  fabrication  du  faubourg  Saint- Antoine. 


Canapé  baignoire  Louis  XVI  à  tètes  de  Dauphin.  (Maison  E.  Frager. 


Le  meuble  du  style  Renaissance,  que  nous  reproduisons,  d'un  fini  et  d'un  goût  si  pur, 
a  fait  l'admiration  des  nombreux  visiteurs  de  noire  belle  exposition. 

La  maison  Roll  avait  également  exposé  dans  son  salon  une  table  Renaissance  et 
une  cheminée  monumentale,  une  vitrine  Louis  XVI  en  amarante  et  cuivres  d'une  très 
belle  exécution;  une  vitrine  Louis  XV  avec  panneaux  peints  et  des  sièges  de  salon 
Louis  XVI  qui  ont  justifié  la  réputation  de  cette  maison  et  mérité  la  haute  récompense 
qui  lui  a  été  accordée  par  le  jury  de  la  classe  XVII. 

La  province  était  brillamment  représentée  à  l'exposition  du  meuble. 

Il  faut  citer,  en  première  ligne,  la  maison  Emile  Galle,  de  Nancy;  les  meubles  de 
M.  Galle,  aussi  bien  que  ses  merveilleuses  céramiques,  sont  beaucoup  moins  des  objets  de 
fabrication  industrielle  que  des  produits  de  l'art  le  plus  châtié  et  le  plus  pur.  Bien  des 


182 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


connaisseurs  ont  trouvé  que  son  exposition  renfermait  les  meubles  les  plus  remarquables 
de  la  section;  nous  serions  disposés  à  partager  cet  avis. 

Très  remarquable  aussi  l'exposition  de  MM.  Flachat  et  Cochet,  de  Lyon,  maison  de 

tout  premier  ordre  où 
les  meilleures  tradi- 
tions industrielles  et 
artistiques  marchent 
de  pair  sans  se  heurter 
ni  s'exclure,  comme  il 
arrive  malheureuse- 
ment trop  souvent. 

Pour  en  finir  avec 
la  province,  il  nous 
reste  à  signaler  les  meu- 
bles, si  remarquables 
et  si  parfaitement  finis, 
exposés  par  la  maison 
Blanqui,  de  Marseille. 

Signalons  en  ter- 
minant la  très  remar- 
quable exposition  de 
M.  Frager,  successeur 
de  la  maison  Meynard. 

Rien  ne  peut  égaler 


l'élégance  et  la  grâce 
des  divers  meubles  ex- 
posés par  cette  maison 
et  que  nos  lecteurs 
retrouveront  ici  avec 
plaisir.  C'est  à  coup 
sûr  de  l'excellente  fa- 
brication, mais  c'est 
aussi  de  l'art  et,  à  ce 
titre,  nous  devons  en 
féliciter  hautement  le 
producteur;  car,  rap- 
pelons-le en  terminant,  d'une  manière  générale  et  sauf  les  trop  rares  exceptions  que 
nous  venons  de  signaler,  si  la  fabrication  courante  du  meuble  est  hautement  satisfai- 
sante, l'art  et  l'originalité  se  rencontrent  trop  rarement  chez  les  fabricants  actuels. 


Écran  Louis  XV  en  bois  doré.  (Maison  E.  Frager.) 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  183 


TAPIS    ET    TAPISSERIES 

Au  premier  coup  d'œil  général,  l'Exposition  Universelle  témoignait  avec  éclat  dans 
les  industries  artistiques  qui  se  rattachent  à  cette  classe,  d'un  progrès  considérable,  com- 
parativement aux  expositions  universelles  précédentes. 

Même,  entre  celle  de  1878,  la  différence  des  résultats  acquis  était  si  évidente,  que 
l'esprit  établissait  immédiatement  un  parallèle,  dont  la  conclusion  n'était  rien  moins  que 
flatteuse  pour  la  production  de  cette  période.  Cependant,  si  l'on  se  reporte  plus  loin  encore, 
à  1867,  ce  n'est  plus  un  fossé  que  l'on  découvre  entre  les  deux  dates  extrêmes,  mais  un 
vaste  et  profond  précipice.  Qui  oserait  prétendre  aujourd'hui  qu'il  sera  difficile  à  nos 
neveux  du  xxe  siècle  de  caractériser  nettement  le  style  de  cette  dernière  partie  du 
xixe  siècle?  Pour  nous,  déjà,  le  second  Empire  se  classe  avec  précision  dans  l'esprit,  au 
rappel  de  tout  ce  que  nous  avons  vu  dans  cette  Exposition  de  1867  et  de  tout  ce  que  nous 
retrouvons  ça  et  là  de  cette  époque.  Il  est  de  toute  clarté  qu'en  188!)  il  y  a  dans  les  tapis  et 
tapisseries  plus  d'art,  que  la  physionomie  collective  des  œuvres  produites  a  une  plus 
grande  allure,  plus  de  charme  et  plus  de  caractère.  On  sent  partout  une  attraction  plus 
impérieuse  vers  le  grand,  une  préoccupation  plus  vive  de  la  perfection  technique  et  une 
certaine  recherche  hardie  d'originalité. 

Sans  revenir  ici  sur  ce  que  nous  avons  déjà  dit  précédemment  des  Manufactures 
Nationales,  prenons  comme  exemple  l'exposition  des  Gobelins  et  de  Beauvais,  où  la 
démonstration  de  cette  opinion  sera  plus  aisée,  parce  qu'on  a  plus  fréquemment  sous 
les  yeux  dans  les  palais  nationaux  et  dans  les  musées  les  éléments  d'une  exacte  compa- 
raison chronologique.  La  supériorité  de  la  production  de  ces  manufactures  en  1889  est 
évidente,  et  à  tous  les  points  de  vue  auxquels  on  voudra  se  placer,  aussi  bien  l'art  que 
la  science  technique.  Les  artistes  tapissiers  des  Gobelins  sont  revenus  insensiblement,  sans 
révolution  bruyante,  par  la  seule  autorité  d'une  direction  persévérante  dans  ses  idées, 
aux  procédés  de  tissage,  qui  ont  permis  l'exécution  rapide,  économique  et  irréprochable 
des  merveilleuses  tentures  des  xvn°  et  xvin°  siècles.  La  démonstration,  la  plus  rigou- 
reuse mathématiquement,  s'en  fait  à  l'heure  présente,  par  la  reproduction  exacte  d'une 
pièce  de  la  célèbre  série  de  l'Histoire  du  Roy,  la  réception  du  Légat  ;  on  met  en  concur- 
rence, pour  ainsi  dire,  devant  le  métier,  grâce  aux  documents  historiques,  les  tapissiers 
de  Louis  XIV  et  les  tapissiers  de  la  troisième  République;  nous  n'avons  aucune  anxiété 
pour  le  succès  de  nos  contemporains. 

D'autre  part,  les  auteurs  des  modèles  de  tapisseries  ont  repris  les  vraies  traditions 
de  l'art  décoratif;  ils  font  des  compositions  nouvelles,  spéciales,  strictement  adaptées 
aux  conditions  du  tissage  et  non  plus,  comme  jadis,  de  simples  tableaux  à  reproduire 
avec  une  telle  fidélité  que  la  tapisserie  devait  donner  l'illusion  d'une  peinture  à  l'huile, 
l'idéal  poursuivi  avec  une  profonde  conviction  au  commencement  et  au  milieu  de  ce 
siècle.  Le  peintre  Guérin  écrivait  en  1833  au  directeur  des  Gobelins,  à  propos  de  son 
Andromaque  et  Pyrrhus,  tissé  dans  cette  manufacture  :  «  Je  me  reproche  d'avoir  différé 
de  deux  jours  à  vous  témoigner  ma  satisfaction  de  la  manière  dont  vos  artistes  des 
Gobelins  (car  ce  sont  de  vrais  artistes)  ont  traduit  mon  tableau.  Je  ne  puis  que  me  féli- 


1SI  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1S89 

citer  de  voir  mes  ouvrages  reproduits  avec  cette  exactitude,  je  puis  même  dire  avec  cette 
perfection.  Horace  Vernet,  lorsqu'il  vit  le  Massacre  des  Mameluks,  disait  avec  joie  aux 
tapissiers  qu'ils  «  avaient  mieux  l'ait  que  lui  ».  M.  Galland,  notre  premier  peintre  décora- 
teur, n'a-t-il  pas  donné  brillamment  la  preuve  de  l'ingéniosité  la  plus  féconde,  du  goût 
le  plus  délicat  et  de  l'originalité  la  plus  piquante  dans  les  seize  compositions  exécutées 
pour  les  salons  du  Palais  de  l'Elysée?  Le  Manuscrit  et  Y  Imprimerie,  peints  par  M.  Thrimann 
pour  la  décoration  des  salles  de  la  Bibliothèque  nationale,  ne  sont-ils  pas  de  fins  morceaux 
d'art  décoratif?  On  pourrait  mettre  sans  danger  pour  leur  réputation  d'artistes,  les  œuvres 
de  MM.  Charles  Lameire,  La\aslre  et  Luc -Olivier  Merson,  la  Marine,  la  Guerre,  l'Art,  les 
Sciences,  destinés  au  Palais  de  l'Elysée  à  côté  des  plus  belles  fantaisies  des  maîtres  d'au- 
trefois, les  Lemaire  cadet,  les  Jacques,  les  Biaise  de  Fontenay,  les  Duhamel,  les  Miolon,  etc. 
Trouverait-on  dans  les  trésors  du  Garde-Meuble  national,  même  parmi  les  tentures  de  la 
grande  période  des  Gobelins,  des  pièces  d'une  plus  audacieuse  truculence  de  coloris, 
d'une  allure  plus  monumentale,  que  la  Filleule  des  fées  de  M.  Mazerolle,  et  que  la  tapis- 
serie des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de  M.  Ehrman? 

La  tenture  célèbre  des  Indes,  si  fréquemment  remise  sur  les  métiers,  n'a  pas  une  flore 
ni  une  faune  plus  ingénieusement  décorative  et  plus  pittoresque  de  fantaisie  que  la 
tenture  de  l'escalier  du  Sénat,  dont  les  modèles  ont  été  demandés  à  des  paysagistes  et  à 
des  animaliers,  MM.  Bapin,  de  Carzon,  Paul  Collin  et  Lansyer,  qui  dans  le  Chevreuil,  YAra 
rouge,  le  Faisan  et  les  Cigognes,  ne  se  sont  pas  montrés  inférieurs  à  Desportes  et  Oudry. 
Nous  avons  écrit,  en  collaboration  avec  M.  Henry  Havard,  l'histoire  de  la  manufacture  de 
Beauvais;  eh  bien,  dans  les  nombreux  modèles  du  xvir  et  du  xvinc  siècle,  dans  les  tapis- 
series d'ameublement,  dans  les  canapés,  fauteuils  et  écrans  de  la  grande  période  de  la 
direction  d'Oudry,  nous  n'avons  pas  rencontré  des  œuvres  plus  exquises  que  celles  qui  ont 
été  exposées  au  Champ-de-Mars  en  1889.  L'artiste  fécond,  qui  a  tant  travaillé  pour  Beauvais, 
M.  Chabad  Dussurgey,  peut  aisément  être  comparé  à  Baptiste,  le  maitre  du  xvm°  siècle.  On 
avait  placé  dans  la  galerie  la  reproduction  d'un  canapé  du  second  à  côté  d'un  meu- 
ble semblable  du  premier;  l'un  et  l'autre  réunissaient  les  mêmes  suffrages  des  amateurs 
les  plus  délicats.  Les  écrans  et  les  panneaux  exécutes  d'après  les  cartons  de  MM.  Gérome, 
Muller,  Lambert,  Tony  Faivre,  Dourgagne,  Petit,  G.  Colin,  Philippe  Boumand,  etc.,  plai- 
saient fort  par  la  grâce  des  dessins,  par  l'harmonie  des  couleurs,  dans  le  voisinage  des 
Claude  Gillot  et  des  Bérain,  que  la  Manufacture  reprend  de  temps  à  autre,  avec  quelques 
légères  modifications,  sans  craindre  d'écraser  les  œuvres  modernes.  Jamais  Beauvais,  quoi 
qu'en  disent  certains  réformateurs  à  rebours,  n'a  été  plus  digne  de  sa  réputation  séculaire 
et  n'a  justifié  plus  largement  par  de  nombreux  chefs-d'œuvre  le  budget  que  l'Etat  lui 
consacre. 

Les  Manufactures  Nationales  ont  deux  missions  très  nettes  à  remplir  :  1°  Fournir  les 
éléments  de  la  décoration  mobilière  des  Palais  et  des  Musées;  2°  Constituer  des  conserva- 
toires d'art  et  de  science  technique  pour  les  industries  privées. 

Depuis  la  Révolution,  on  a  fort  disserté,  —  économistes  et  esthéticiens,  —  sur  l'utilité 
de  ces  missions,  surtout  sur  la  seconde,  et  aujourd'hui  encore,  chaque  discussion  de  budget 
ramène  des  controverses  plus  ou  moins  passionnées  sur  la  même  question.  L'Exposition  de 
1889  a-t-elle  montré  une  influence  quelconque  des  Gobelins  et  de  Beauvais  sur  les  produits 
des  manufactures  particulières,  constituant  la  classe  XXI?  Sans  aucune  hésitation,  je  dé- 


Tapisserie  de  Clicbj  [Maison  Chamagne  et  C' 


186  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


clare  que  cette  influence  était  de  toute  évidence  et  qu'elle  s'est  exercée  pour  le  plus  grand 
profit  de  ces  manufactures.  Une  atmosphère  de  clarté,  rayonnant  de  Beauvais  et  des  Gobe- 
lins,  égayait  cette  exposition,  neutralisant  la  monotonie  grise  qui  s'échappait  par  intermit- 
tence des  imitations  de  vieilles  tapisseries  éteintes,  dont  le  lot,  malheureusement,  était  en- 
core trop  considérable.  De  nombreuses  pièces  montraient  même  un  certain  air  de  parenté 
directe  avec  des  œuvres  des  Gobelins;  des  fournisseurs  ordinaires  de  cette  manufacture 
nationale,  MM.  Mazerolle  et  Erhmann,  n'avaient  point  dédaigné  de  donner  des  modèles  à 
des  artistes  tapissiers  d'Àubusson,  qui  les  avaient  reproduits  avec  beaucoup  de  goût.  Il  y 
avait  là  du  premier  une  Source,  exécutée  dans  les  ateliers  de  M.  Hamot,  qui  aurait  fait  fort 
brillante  figure  à  côté  des  pièces  de  la  tenture  de  l'escalier  du  Sénat. 

Le  tissage  'd'une  grande  figure  nue,  comme  celle  qui  constitue  l'allégorie  du  sujet,  se 
détachait  avec  vigueur  dans  la  splendeur  éclatante  de  ses  formes,  sur  un  fond  très  simple, 
dans  un  paysage  printanier,  comportait  une  certaine  crànerie  audacieuse  :  Audaces  fortuna 
juvat.  Le  second  était  l'auteur  de  deux  des  plus  beaux  panneaux  exposés  par  M.  Braquenié, 
le  Printemps  et  l'Automne,  qui  font  grand  honneur  aux  vieux  ateliers  de  la  Marche,  dont  la 
renaissance  paraît  devoir  marquer  la  fin  de  ce  siècle,  ce  qui  serait  un  joyeux  événement 
pour  l'art  français.  M.  Braquenié,  qui  dirige  habilement  la  manufacture  royale  de  tapisseries 
de  Malines,  montrait  en  même  temps  dans  la  section  belge,  comme  travaux  originaux, 
des  panneaux  décoratifs,  de  style  flamand,  d'une  bonne  qualité  de  dessin  et  une  superbe 
pièce,  de  très  grande  dimension,  destinée  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Bruxelles,  la  Députation  des 
Gueux  présentant  sa  requête  à  la  Régence,  d'après  M.  Geets.  Venaient,  après,  des  portraits,  un 
genre  à  réprouver  en  tapisserie,  quelque  puisse  être  le  mérite  de  la  reproduction  par  le  tis- 
sage. Dans  les  deux  sections,  la  même  maison  avait  exposé  plusieurs  pièces  d'après  des 
tentures  anciennes,  l'Echange  des  deux  Reines  de  Bubens,  une  suite  des  Mois  d'Audran,  une 
tapisserie  des  Maisons  royales  et  un  portrait  de  Charles  Ier,  d'après  Van  Dick,  dont  le  fond 
étrange  semblait  être  inspiré  de  celui  de  la  Salomé  de  Begnault.  L'exécution  technique,  seule 
à  louer  dans  cette  série  de  reproductions,  était  excessive  et  dépassait  même  les  espérances 
qu'on  fondait  sur  des  ateliers  privés  pour  des  œuvres  de  cette  valeur  et  de  cette  importance. 
Le  jour  où  les  amateurs  s'aviseront  intelligemment  de  commander  des  tentures  modernes, 
originales,  ces  ateliers  seront  en  mesure  de  donner  satisfaction  aux  plus  exigeants.  M.  Hamot 
en  faisait  également  la  preuve  avec  ses  copies  de  l'Automne  de  Lebrun,  de  l'Amour  et  Psyché 
de  Jules  Bomain,  du  Duc  de  Boucher,  et  de  nombreuses  pièces  d'ameublement  du 
xvme  siècle. 

Rendons  hommage  en  passant  à  la  magnifique  exposition  de  tapisseries  de  Clichy 
(maison  Chamagne  et  Cie).  Les  tapisseries  de  Clichy  ont  tout  l'aspect  et  la  solidité  des  plus 
beaux  Gobelins  ;  de  plus,  étant  l'œuvre  directe  de  l'artiste,  les  compositions  n'ont  jamais 
à  subir  les  déformations  de  dessin  inévitables  à  tout  tissage  de  sujet,  quelque  artistique- 
ment qu'il  soit  exéculé. 

Pour  atteindre  de  tels  résultats,  il  a  fallu  grouper  dans  le  magnifique  établissement  du 
château  de  Clichy,  ancien  repos  de  chasse  du  roi  Louis  XIV,  toute  la  série  des  opérations 
nécessaires: 

Tissage  sur  grandes  largeurs  (3  à  o  mètres)  du  tissu  Gobelins; 

Préparation  des  couleurs  dans  un  laboratoire  spécial  ; 

Vastes  ateliers  de  tapissiers  et  peintres,  pour  le  tendage  et  la  peinture  des  tissus; 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  187 

J . _' 

Machinerie  complète  pour  le  fixage  à  la  vapeur,  lavage  énergique,  essayage  et  séchage 
rapide  des  pièces  terminées. 

Il  y  a  donc  là  une  installation  de  premier  ordre  qui  permet  d'exécuter  en  très  peu 
de  temps  les  décorations  les  plus  importantes,  panneaux,  portières,  sièges,  etc.,  etc. 

L'imitation  servile  de  l'ancien,  le  vieux  neuf,  étaient  les  verrues  de  la  section  des  tapis 
et  tapisseries  à  l'Exposition  Universelle.  Grands  dieux  !  y  avait-il  là  des  tapis  turcs,  afghans, 
persans,  caucasiens;  des  portières,  des  broderies  du  Bclouchistan,  du  Khoromand,  du  Ko- 
nistand  !  C'en  était  à  se  croire  égaré  dans  un  bazar  du  Caire,  de  Constantinople,  où  l'Orient 
aurait  serré  toute  la  défroque  des  mosquées,  des  harems  et  des  Ksous.  N'y  voyait-on  pas 
même  deux  tapis  de  la  collection  Goupil,  reproduits  en  fac-similé  prodigieux,  avec  toutes  les 
éraillures,  les  piqûres  d'insectes,  les  tares  et  les  trous,  à  ne  pouvoir  distinguer  l'original  de 
la  copie!  Avec  quelle  joie,  on  découvrait  çà  et  là  un  beau  tapis  français  d'Aubusson  ou  de 
Roubaix,  sorti  des  ateliers  de  MM.  Sallandrouze,  Leborgne,  Vayson,  Croc  et  Jorrand,  Rom- 
beau-Monier,  Parent,  Moulin-Pipart,  etc.,  discret  de  coloris,  d'une  composition  simple;  une 
tenture  d'Occident,  harmonieuse  de  tons,  décorée  avec  les  éléments  traditionnels  de  notre 
art.  Il  faut  réagir,  avec  une  violente  énergie,  avec  cet  exotisme  oriental,  qui  nous  a  gâté  les 
yeux,  et  nous  a  brouillé  l'imagination.  Notre  industrie  en  a  été  engagée  dans  une  produc- 
tion où  se  stérilisent  toutes  nos  qualités  nationales  d'ingénieux  dessinateurs  et  de  coloristes 
délicats,  où  nous  sommes  condamnés  à  tourner  la  meule  de  la  copie  banale  d'œuvres  étran- 
gères au  genre  français. 

Cette  réaction  est  une  condition.  Les  Anglais  et  les  Autrichiens,  pour  ne  citer  que  deux 
pays  concurrents,  tissent  des  copies  et  des  imitations  des  tapis  d'Orient  qui  peuvent  lutter 
aisément  pour  la  richesse  du  tissu  et  l'éclat  du  coloris  avec  nos  meilleurs  produits.  L'expo- 
sition de  MM.  John  Frossley  and  sons  d'Halifax,  et  de  M.  Ginsky  à  Mofferdoff,  en  étaient  la 
preuve  bien  concluante.  La  matière  première  et  la  main-d'œuvre  ne  sont  point  les  seuls 
facteurs  dans  une  industrie,  qui  touche  si  étroitement  à  l'art  par  le  dessin  et  par  la  couleur. 
C'est  par  ceci  qu'il  nous  est  facile  de  nous  distinguer  brillamment  et  de  faire  une  concur- 
rence invincible  à  l'étranger.  Quand  nos  industriels  et  artistes  auront  résolument  et  défini- 
tivement rompu  avec  l'exotisme  oriental  pour  les  tentures  et  les  tapis,  qu'ils  lanceront  sur 
le  marché  des  modèles  nouveaux,  de  caractère  bien  français,  qu'ils  feront,  à  l'imitation  des 
auteurs  lyonnais  de  la  soierie,  du  naturalisme  véritable,  avec  la  délicatesse  et  l'esprit  fin  de 
notre  race,  ils  verront  quel  succès  sérieux  consacrera  leur  effort.  «  Maison  ne  nous  demande 
que  cela»,  vont-ils  nous  répondre,  sans  nous  étonner.  Hélas!  c'est  la  même  réponse  que 
nous  entendons  toujours  quand  ces  questions  sont  abordées  entre  nous. 

L'État,  les  municipalités,  des  associations  nombreuses  font  des  sacrifies  immenses  pour 
l'éducation  des  producteurs,  les  industriels  et  les  artistes;  celle  de  l'acheteur  serait  plus 
urgente  encore.  On  a  dit  au  bourgeois  gentilhomme  de  notre  siècle  qu'il  était  de  bon  ton 
pour  un  homme  de  qualité  de  n'avoir  chez  lui  que  de  vieilles  tapisseries,  de  vieilles  tentures, 
de  vieux  meubles;  M.  Jourdain  a  consenti  à  se  meubler  à  grands  frais,  tout  au  rebours  de 
la  logique,  du  bon  sens,  de  ses  habitudes  et  de  ses  commodités;  mais  il  est  dans  le  train,  à 
la  dernière  mode  du  beau  monde  et  il  passe,  à  ses  yeux,  pour  un  amateur  et  un  Mécène. 
N'avez-vous  pas  été  frappé  du  contraste  piquant  que  présentaient,  dans  la  galerie  lyonnaise, 
les  soieries  pour  robes  et  les  soieries  d'ameublement  '!  D'un  côté  :  la  fantaisie,  l'originalité 
des  dessins  et  des  coloris  nouveaux,  des  créations  audacieuses  et  une  recherche,  parfois 


188  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

même  troublante,  de  l'imprévu  et  de  l'inédit;  de  l'autre,  à  quelques  heureuses  mais  très  rares 
exceptions  près,  des  copies  et  des  imitations  d'anciennes  tentures.  La  femme,  par  qui  nous 
sommes  toujours  sauvés  dans  nos  mœurs  et  dans  nos  goûts,  s'est  déjà  émancipée  du  bro- 
cantage  ;  elle  ne  se  préoccupe,  en  aucune  façon,  des  styles  classiques,  si  sa  robe  lui  va  bien 
et  met  en  relief  ses  charmes  et  sa  beauté.  Le  mobilier  de  luxe  est  encore  aux  mains  des  faux 
amateurs  qui  ne  rêvent  que  de  Renaissance,  de  Régence,  de  Louis  XVI  et  même  de  l'Em- 
pire, suivant  les  caprices  des  marchands,  et  à  qui  il  ne  faut  que  des  pastiches  du  passé.  Et 
cette  fantaisie  pittoresque,  ce  naturalisme  délicieux  que  nous  rêvions  sur  ces  velours  et  sur 
lampas,  d'une  exécution  si  merveilleuse.,  savez-vous  où  nous  les  retrouvons?  sur  les  creton- 
nes et  les  toiles  imprimées,  sur  ces  modestes  tentures  à  quarante  sous  le  mètre,  que  se 
payent  avec  joie  les  gens  qui  ne  sont  pas  riches,  qui  ne  se  piquent  pas  d'éducation  et  de 
high-life,  qui  achètent  avec  simplicité  ce  qui  leur  plait,  ce  qui  leur  parait  gai  et  charmant 
et  de  nature  à  satisfaire  leurs  goûts  et  leurs  besoins. 

Revenons  au  passé,  mais  pour  apprendre  de  nos  aïeux  la  saine  morale  qu'ils  ont  prati- 
quée en  art,  celle  d'être  de  leur  temps  et  d'être  bien  français.  Si  nous  les  imitons,  nous  n'a- 
vons rien  à  craindre  de  personne. 


LA    CÉRAMIQUE 

Les  céramistes  ont  été  les  triomphateurs  de  l'Exposition.  Leur  véritable  trouvaille 
a  été  la  polychromie.  Les  dômes,  les  façades,  les  lignes,  tous  les  reliefs  du  fer  et  de  la 
brique,  sont  devenus  autant  d'appels  de  tons  et  de  gammes  de  couleurs.  Le  charme  des 
yeux  et  les  gaietés  de  l'espace  furent  les  résultats  tout  naturels  de  cet  orientalisme  du 
plein  air.  La  céramique  monumentale  sembla  donc  d'une  intervention  capitale.  On  eut 
raison  de  se  fier  à  sa  renaissance  actuelle  et  d'en  appeler  à  son  rénovateur,  M.  Emile 
Millier.  La  coïncidence  des  découvertes  de  la  mission  Dieulafoy,  en  Susiane,  avec  l'ex- 
tension de  plus  en  plus  connue  de  la  grande  émaillerie  décorative  de  M.  Emile  Mùller,  a 
prouvé,  de  reste,  combien  il  avait  eu,  d'instinct,  à  l'avance,  la  juste  notion  de  la  céramique 
majestueuse  du  vieil  Orient.  D'ailleurs,  si  d'autres  s'étaient  peut-être  travaillé  l'esprit  avec 
une  égale  perception  sur  le  même  thème,  lui  seul,  en  tous  cas,  est  parvenu  à  la  puissance 
de  fabrication  capable  de  produire  des  formats  grandioses  et  de  réaliser  ainsi  son  idéal  du 
genre  :  la  céramique  faisant  corps  avec  l'architecture  ! 

En  1854,  M.  Emile  Mùller  fondait  à  Ivry  une  vaste  manufacture  de  tuiles  devenue  vite 
renommée.  Cet  esprit,  l'un  des  plus  fins  de  la  haute  industrie  française,  fut  bientôt  amené 
par  son  tempérament  inventif  et  toujours  curieux,  comme  aussi  par  ses  goûts  d'architecte 
et  d'ingénieur,  à  introduire  l'art  dans  son  art  de  terre.  L'étude  toujours  passionnante  de 
l'émail  se  rattachait  trop  à  son  propre  domaine,  pour  ne  pas  lui  inspirer  des  tentatives 
d'essai  en  rapport  avec  l'application  habituelle  de  ses  produits,  c'est-à-dire  la  construction. 
A  force  de  voir,  comme  frontons  et  appliques  extérieures  des  hôtels  et  maisons,  de  minus- 
cules carreaux  verts,  rouges  ou  bleus,  plaqués  en  jeux  de  dominos,  sans  le  moindre  rapport 
de  proportion,  de  style  ni  de  goût  avec  les  lignes  des  architectures,  M.  Emile  Mùller  s'était 


Exposition  Universelle  de  1889.  —  Beaux-Arts. 


190  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

pris  à  chercher  les  moyens  de  fournir  aux  artistes  du  bâtiment  des  morceaux  de  revête- 
ments plus  dignes  de  façades  françaises.  Des  artistes  dont  le  talent  est  consacré,  répon- 
daient aux  besoins  de  la  décoration  intérieure  avec  des  émaux  d'une  élégance  plutôt  in- 
time et  d'un  format  toujours  restreint,  ou,  s'ils  sortaient,  par  hasard,  de  mesures  moyennes, 
c'était  pour  procéder  par  tout  petits  morceaux  sur  un  grand  travail.  Prendre  mille  minia- 
tures et  vouloir  en  faire  une  fresque  représente  assez  bien  le  résultat  analogue  d'un  en- 
semble céramique  composé  de  cent  menus  carrés.  Cela  n'enlève  rien  au  mérite  de  chaque 
miniature,  mais  un  fresquiste  tout  seul  aurait  bien  mieux  valu  !  M.  Emile  Mïiller,  dès  son 
point  de  départ,  n'avait  pas  dû  s'arrêter,  même  une  minute,  à  l'envie  de  mettre  plus  au 
large  ce  procédé  de  morcellements;  la  concordance  de  la  céramique  avec  l'architecture  lui 
parut  exiger  une  bien  autre  évolution  :  il  s'agissait  d'arriver  à  de  vrais  blocs  véritablement 
capables  de  s'harmoniser  aux  mesures  des  constructions  les  plus  importantes.  Devenue,  de 
cette  sorte,  partie  normale  et  comme  intégrale  de  l'architecture,  la  céramique  aurait,  seule- 
ment alors,  sa  raison  d'être  au  plein  jour  décoratif,  et  reviendrait  à  son  rôle...  antique  des 
civilisations  primitives.  Tout  restait  donc  à  découvrir  dans  cette  réalisation,  car  il  fallait 
mettre  la  terre  à  l'épreuve  des  grandes  dimensions.  M.  Emile  Mùller  dut  attendre  près  de 
vingt  ans  pour  voir  enfin  son  idée  sortir  du  feu,  rayonnante  et  décisive.  Un  problème  chi- 
mique à  double  inconnue  se  présentait  d'abord  en  redoutable  analyse.  Comment  arriver  à 
une  composition  de  terre  et  à  une  composition  d'émail  à  grand  feu,  capables  de  faire  assez 
corps  l'une  avec  l'autre  pour  devenir  des  éléments  de  décoration  extérieure  inattaquables 
par  le  climat  ?  Cela,  en  vue  de  la  simple  résistance  à  l'air.  Puis,  la  question  toute  directe  à 
l'art  lui-même  se  posait  immédiate  :  où  trouverait-on  jamais  des  terres  de  nature  à  se  prê- 
ter, en  gros  blocs  et  sans  craquement,  à  la  cuisson  ?  De  cette  dernière  condition  dépendait 
surtout  le  sort  de  l'entreprise.  On  soupçonne  facilement  combien  a  dû  exiger  de  persévé- 
rance coûteuse  la  solution  de  pareilles  recherches.  Enfin,  il  y  eut  un  jour  où  la  nature 
livra,  de  force,  son  secret,  avec  une  solidité  de  résultats  à  permettre  de  suite  les  applications 
d'art  les  plus  diverses.  L'estampage  et  la  fabrication  des  pièces  monumentales  entraient  aus- 
sitôt dans  la  pratique  de  la  manufacture  de  M.  Emile  Mùller.  Ce  fut  une  révolution  de... 
palais,  on  peut  le  dire,  de  voir  apparaître  les  premiers  beaux  blocs  de  la  réussite.  Leur 
emploi  concourut  tout  de  suite  à  l'architecture,  par  les  proportions  d'abord,  puis  par  le 
dessin  des  lignes  d'ensemble. 

Pour  mettre  en  usage  ces  pièces  considérables  émaillées  au  grand  feu  et  chacune  à 
l'échelle  de  leur  destination,  il  suffisait  de  les  produire  aux  regards  du  public.  A  cet  état  de 
belles  dimensions  et  comme  matières  décoratives,  elles  s'unifiaient  aux  mouvements  de 
l'architecture  et  supprimaient  les  jointures  et  les  lacunes  produites  par  les  na'ifs  carreaux 
de  jadis.  Ce  n'allait  plus  être  du  plaqué  conduit  au  cordeau  comme  une  grosse  mosaïque 
symétrique  :  il  s'agissait  de  parties  entières  de  construction  rattachées  par  leur  nature 
même  au  détail  général.  La  conséquence  logique  de  cette  très  heureuse  substitution  élait  la 
simplification  des  revêtements  muraux,  au  point  de  vue  de  la  solidité  et  de  la  facilité 
d'exécution.  L'architecte  pourrait  se  faire  des  étais,  des  appuis,  avec  ces  blocs  d'une  impor- 
tance désormais  significative,  au  lieu  d'en  être  réduit  à  enjoliver  maigrement  par  menus 
tracés  enfantins  ses  frontons  d'édifices.  De  cette  manière,  la  nouvelle  céramique  monumen- 
tale ne  forme  plus  seulement  revêtement,  mais  encore  construction.  Et  tout  s'est  ressenti 
île  cette  renaissance  inattendue,  la  couleur  comme  le  dessin.  A  la  place  de  ces  petits  car- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  191 

reaux  trop  brillants,  trop  neufs,  et  incapables  de  s'harmoniser  jamais  avec  la  patine 
progressive  des  maisons,  l'art  de  M.  Emile  Mùller  mettait  des  notes  à  larges  touches  et 
bien  faites  pour  se  fondre  d'ensemble  avec  les  effets  de  la  pierre  veillissante,  sans  compter 
l'extraordinaire  relief  réel  obtenu,  à  de  grandes  hauteurs,  par  cette  vaste  entente  des 
dimensions. 

L'une  des  premières  importantes  productions  de  M.  Emile  Millier  a  été  la  façade  du 
Ramleh-Casino  d'Alexandrie.  Avant  de  prendre  la  route  de  l'Egypte  où  l'architecte  M.  Jacotin 
allait  en  faire  un  véritable  décor  à  ciel  ouvert,  cet  ouvrage  eut  son  heure  de  succès  à  l'Ex- 
position du  Havre,  en  1887.  On  était  trop  habitué  au  vulgaire  et  mesquin  carrelage  commer- 
cial pour  ne  pas  se  sentir  heureux  de  cette  révélation  subite  de  la  céramique  monumentale 
et  de  ces  puissants  moyens  décoratifs  d'une  portée  si  précieuse  pour  l'architecture  mo- 
derne. Ce  spécimen  de  présentation  se  recommandait  d'ailleurs  par  son  importance  même. 
Les  soubassements,  les  pilastres,  les  chapiteaux,  les  frises  de  balustrade  et  d'entablement  se 
trouvaient  être  de  taille  à  garnir,  de  la  manière  la  plus  importante,  le  cadre  d'un  édifice 
grandiose.  Tous  les  calculs  de  la  perspective  et  de  l'air  ambiant  étaient  mis  à  profit  pour  le 
plus  parfait  effet  possible.  Et  puis,  l'horreur  naturelle  de  la  maison  Mùller  pour  toute  bana- 
lité allait  garantir  sûrement  de  la  monotonie  commerciale  toutes  ses  productions  du  genre 
et  créer  une  habitude  absolument  contraire  aux  moindres  routines.  A  chaque  commande 
d'architecte  ou  d'amateur,  M.  Mùller  soumet  des  projets  de  ses  dessinateurs  en  titre,  ou 
réclame,  de  préférence,  des  croquis,  de  la  main  même  des  intéressés.  Dans  l'un  et  l'autre 
cas,  l'exécution  donne  de  l'inédit,  et,  sitôt  les  résultats  au  jour,  les  moules  sont  détruits,  à 
la  volonté  du  destinataire.  On  se  trouve  avoir,  de  cette  sorte,  des  pièces  bien  à  soi,  et  sans 
nul  rapport  avec  celles  du  voisin.  Cette  manière  de  respecter  l'art  et  de  le  tenir  le  plus  loin 
possible  de  la  vulgarité  des  modèles  à  répétition  fut  tout  de  suite  l'honneur  et  la  scrupu- 
leuse enseigne  de  la  maison.  Comme  conséquence  de  cette  résolution  de  nouveauté  à  tout 
prix,  devaient  venir  d'autres  résultats  de  recherche  et  d'expérience.  Ainsi,  l'un  des  plus 
heureux  fut  le  mélange  des  parties  coloriées  et  des  fonds  de  terre  naturelle.  La  décoration 
polychrome  de  l'émail  mise  en  valeur  sur  les  tons  réels  de  la  terre  elle-même  s'y  détache  en 
belle  harmonie  fondue  et  comme  en  un  champ  tout  indiqué.  Les  motifs  de  dessin  japonais 
tirent,  surtout,  de  cette  entente  de  disposition,  des  effets  d'une  grâce  singulière.  Tout  est 
donc  à  souhait,  car  la  question  d'argent  elle-même  ne  fait  obstacle  aux  ressources  de  per- 
sonne. A  l'état  de  branche  annexe  de  la  manufacture  d'Ivry,  la  céramique  monumentale 
profite,  en  réalité,  des  moyens  et  des  bras  de  l'entreprise  d'ensemble,  sans  exiger  rien  de 
trop  spécial.  Les  conditions  de  prix  des  émailleurs  à  la  grosse  s'expliquent  par  leur  débit  de 
la  quantité  :  ils  font  au  million,  comme  disent  les  Anglais,  et  se  préoccupent  avant  tout  des 
rentrées  de  fin  de  mois.  On  paverait  les  continents  avec  leurs  bonnes  volontés...  de  petits 
carreaux  partout  les  mêmes.  Ils  appellent  cela  de  l'art  industriel;  or  ce  n'est  ni  de  l'art  ni 
de  l'industrie,  mais  bien  de  l'usine,  tout  court...  Procédant  presque  toujours  sur  demande 
individuelle  et  pour  telle  destination,  tel  endroit,  telles  dimensions,  l'atelier  Mùller  vise,  au 
contraire,  à  la  grande  qualité.  Ses  prix,  des  plus  abordables  et  possibles,  proviennent  donc 
uniquement  des  facilités  relativement  gratuites  de  la  mise  en  œuvre. 

L'exposition  Mùller  au  Champ-de-Mars  a  été  le  plus  grand  effort,  mais  aussi  l'honneur 
décisif  de  l'émaillerie  d'Ivry.  Désormais  les  architectes  des  deux  mondes  sauront  où 
prendre  le  plus  précieux  des  collaborateurs  pour  la  haute  part  décorative  des  construc- 


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L'EXPOSITION    UNIVERSELLE'    DE    1889 


tions.  De  tous  côtés,  en  effet,  les  yeux  rencontrent  les  produits  les  plus  excellents  et  variés 
de  la  maison  Mùller.  On  les  embrasse  d'un  seul  regard,  sans  sortir  des  jardins  vraiment 
enchantés  où  ils  projettent  leurs  rayons  d'éclat.  Il  n'y  aurait  même  pas  exagération  à  leur 
attribuer  l'incroyable  succès  panoramique  de  l'Exposition. 

Vu  des  hauteurs  du  Trocadéro,  ou  des  étages  de  la  tour  Eiffel,  l'ensemble  de  poly- 
chromies des  immenses  constructions  est  de  la  plus  brillante  et  harmonieuse  joyeuseté. 
Si  les  architectes,  M.  Formigé  surtout,  ont  su  répondre  à  merveille  à  la  préoccupation 
première  de  M.  Alphand  de  sortir  à  tout  prix  du  morne  aspect  des  dispositions  de  1S7S, 
leur  coopératcur  s'est  chargé  de  parfaire  encore  leur  réussite,  avec  une  superbe  distinc- 
tion de  coloris.  Même  au  jugement  des  plus  difficiles,  ces  façades  et  coupoles  ont  trouvé 
grâce  devant  les  délicats,  à  la  faveur  des  tonalités,  bien  vivantes,  mais  discrètes,  de  M.  Mill- 
ier. De  cette  foire  royale,  comme  aucun  roi  ne  s'est  encore  offert  la  pareille,  la  maison  Mùller 


éloigna  tout  ton  discordant  et  la 
couronna  de  jolies  nuances  estom- 
pées. Les  dômes  du  palais  des  Beaux- 
Arts  et  du  palais  des  Arts  libéraux, 
avec  leurs  deux  cent  mille  tuiles 
mosaïques  émaillées  bleu,  auraient 
presque  suffi  à  produire  ce  résultat. 
Mais  l'activité  de  la  manufacture 
dut  s'étendre  à  bien  d'autres  com- 
mandes ,  et  la  liste  doit  en  être 
précisée  :  les  trois  petits  dômes 
d'avant-plan,  —  les  grands  vases 
de  3m,60  de  hauteur,  les  corniches, 
attiques,  volutes  avec  œils-dc-bœuf, 
les  entrevous  cintrés  intérieurs  des 


Porte  de  la  céramique.  —  Décoration  supérieure. 


deux   grands  dômes . 


les    900 


mètres  -de  balustrades  couronnant 
les  deux  palais,  —  les  quatre  grandes  frises  des  porches  centraux  à  fond  d'or,  —  les 
grands  médaillons  d'enfants  de  lm,75  de  diamètre  dans  les  tympans  des  porches  des  deux 
palais  ouvrant  sur  les  jardins  et  les  archivoltes  décorés  de  torsades,  —  les  quatre  grandes 
pyramides  du  porche  d'entrée  du  palais  des  Arts  libéraux  avec  au  milieu  les  deux  statues 
Pax  et  Lalwr  du  sculpteur  Michel,  —  les  tuiles  de  formes  variées  du  Dôme  central  et  les 
grands  cabochons,  —  les  briques  émaillées  des  façades  du  grand  Dôme  central  et  des 
galeries,  —  les  soubassements  en  grès  avec  les  frises  des  chats  et  bandeaux  émaillés,  et 
les  garnitures  des  chéneaux  et  stèles  du  palais  de  la  République  Argentine,  —  les  balustrcs 
en  grès  entourant  la  première  plate-forme  de  la  tour  Eiffel,  —  les  briques  émaillées  du 
pavillon  du  ministère  des  Travaux  publics,  —  la  couverture  spéciale,  les  briques  émaillées 
et  les  métopes  à  fond  d'or  avec  rosaces  en  émail  du  pavillon  de  la  Presse,  les  garnitures 
de  rives  émaillées  du  pavillon  d'Haïti,  et  trois  autres  entreprises  privées. 

En  moins  de  dix-huit  mois  de  surmènement,  les  usines  céramiques  d'Ivry  ont  pu 
fournir,  à  heure  dite,  ces  nombreux  ensembles. 

La  marque  distinctive  de  ces  productions,  leur  supériorité  notable  sur  toutes  autres 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


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de  même  nature  est  —  à  notre  sens  —  un  indéniable  instinct  de  grand  art  et  de  moder- 
nisme. Comment  définir  autrement  le  plaisir  de  nouveauté,  la  plénitude  de  satisfaction 
de  l'œil  causés  par  chacun  de  ces  ouvrages? 

On  devrait  même  pouvoir  dire  ici  sa  pensée  bien  entière,  car  rien  ne  déshonore  la 
critique  et  les  revues  comme  cette  couardise  de  n'oser  prendre  parti  pour  aucune  per- 
sonnalité, de  peur  de  cesser  de  complaire  à  tout  le  monde.  Les  autres  céramistes  d'ar- 
chitecture montrent  des  résultats  techniques  d'une  valeur  parfois  approchante  et  d'un 
joli  faire  habile,  mais  on  ne  passe  jamais  devant  eux  sans  dire  :  «  C'est  charmant,  seule- 
ment je  connais  déjà  cela.  »  Où  donc  a-t-on  vu  mille  analogies?  Le  mot  de  banalité  serait 
injuste  et  faux;  il  est  à  peine  plus  permis  de  parler  de  bonnes  formes  courantes;  pourtant 
un  arrière-regret  vous  vient  de  sentir  appliquer  d'énormes  énergies  matérielles  à  l'expres- 
sion de  silhouettes,  de  reliefs  ou  de  tonalités  sans  caractère  vraiment  typique.  Le  tout 
n'est  pas  de  parler,  dit  le  proverbe,  c'est  de  parler  pour  dire  du  nouveau.  Trois  fois 
malheureux,  donc,  le  fabricant  condamné,  par  son  esprit  un  peu  trop  sédentaire,  à 
paraître  stationnaire,  même  dans  le  rendu  de  nouveautés  parfois  très  ingénieusement 
jeunes.  Comment  dire?  11  leur  manque,  à  la  plupart,  l'étincelle,  cette  lumière  cachée, 


Frise  des  Koses.  —  Grès  polychrome  exécuté  par  M.  Emile  Millier. 

seule  capable  de  produire  de  vraies  créations  :  sans  elle,  les  œuvres  ont  beau  se  présenter 
avec  tous  les  attraits  possibles  d'extrême  soin  et  de  réussite  manuelle  toute  parfaite,  un 
élément  capital  leur  lait  défaut  pour  sortir  du  domaine  de  la  matière  et  s'élever  à  de 
réelles  conditions  d'art,  La  distinction  spéciale  des  ouvrages  de  la  maison  Millier  est 
justement  cet  indéfinissable  sentiment  de  la  terre  travaillée  et  pensée  et  des  délicatesses 
bien  japonaises  des  colorations.  Il  n'y  a  là  aucun  effet  du  hasard,  ni  aucun  effort  de  labo- 
rieuse invention  :  c'est  le  fait  d'un  tact  particulier  inhérent  aux  procédés  Millier. 

Mais  il  est  temps  de  quitter  la  céramique  monumentale  pour  celle  qui  comprend 
spécialement  les  objets  d'usage,  services  de  table  ou  vases  d'appartement,  et  qui,  malgré 
l'infinie  variété  que  lui  donne  la  science  de  nos  modernes  artistes  du  feu,  se  divise  en 
deux  catégories  nettement  tranchées  :  la  porcelaine  et  la  [menée. 

La  porcelaine,  on  a  vu  quels  progrès  elle  a  réalisés  depuis  dix  ans  et  quelles  transfor- 
mations elle  est  en  train  de  subir,  dans  l'étude  approfondie  publiée  ici  même  sur 
la  Manufacture  de  Sèvres.  Mais  la  nouveauté,  la  surprise,  le  tour  de  force  à  l'exposition 
céramique  de  1889,  c'est  l'apparition  des  porcelaines  colorées  dans  la  masse,  c'est  la  pro- 
duction des  flambes. 

Qu'est-ce  qu'un  flambé  ?  Ici,  il  faudrait  entrer  dans  une  explication  technique,  laquelle, 
pour  brève  que  je  voudrais  la  rendre,  m'est  interdite.  Je  me  bornerai  donc  à  dire  que  les 
flambés  sont  ces  belles  décorations  allant  du  rouge  sang  de  bœuf  au  violet  améLhyste,  du 

m  l:i 


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L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    oK    1889 


gris  pâle  au  bleu  turquoise,  qui  pénètrent  la  pâte  kaolinique  de  fond  en  comble,  la 
changent  en  gemme,  en  agate,  en  jaspe,  apparaissent  çà  et  là  comme  des  coulées  écla- 
tantes et  inégales  sur  le  fond  devenu  onctueux,  minéralisé,  de  la  délicate  porcelaine.  Ces 
colorations  puissantes,  c'est  le  cuivre  qui  les  donne. 

Cette  propriété  du  cuivre,  que  les  Chinois  ont  connue,  et  dont  ils  ont  tiré  des  résultais 
extraordinaires  pour  leur  prestigieuse  céramique,  il  y  a  déjà  plusieurs  années  qu'en 
France  on  a  essayé  de  l'appliquer.  Dès  1808,  M.  Deck,  l'habile  faïencier  (car  les  flambés  ne 
sont  pas  interdits  à  la  faïence,  et  M.  Boulenger,  de  Choisy-le-Roi,  le  prouvait  à  l'Exposi- 
tion), M.  Deck,  disons -nous,  en  montra  de  curieux  essais.  De  même  la  Manufacture  de 
Sèvres,  en  ces  derniers  temps,  en  a  réussi  de  très  beaux.  Mais  on  n'en  avait  pas  vu  encore 
d'aussi  surprenants  que  ceux  de  M.  Chaplet.  Patricien  consommé,  céramiste  dans  l'âme, 
ayant  depuis  trente  ans  étudié  tous  les  caprices  du  feu,  cet  artiste  est  parvenu  à  gouverner, 

pour  ainsi  dire,  à  sa  volonté  le 
fantasque  élément,  si  bien  que 
l'oxyde  de  cuivre,  poussé  dans  son 
four  au  rouge  foie  de  mulet  ou  au 
lilas  pâle,  revêt,  presque  à  son 
gré,  une  même  pièce  des  colora- 
tions les  plus  inattendues.  Il  y  en 
a  un  notamment,  un  minuscule 
vase  carré,  qui  offre  à  la  fois  sur 
sa  surface  le  bleu  turquoise  et  le 
rouge  de  turquoise.  Beaucoup  d'au- 
tres céramistes  ont  exposé  égale- 
ment des  flambés.  Tels  sont,  par 
exemple,  MM.  Optât  Millet,  M.  Pull, 
MM.  Hache,  de  Vierzon,  qui  en  ont 
de  très  curieux.  Aucun  n'est  par- 
venu à  la  virtuosité  de  M.  Chaplet,  si  ce  n'est  peut-être  M.  Delaherche,  qui  opère,  lui,  avec 
une  matière  spéciale,  le  grès. 

Les  grès  de  M.  Delaherche  ont  été  un  des  succès  de  la  section  céramique.  Cela  tient 
a  deux  causes.  D'abord,  M.  Delaherche  est  un  artiste  qui  sait  ce  qu'il  veut,  et  pourquoi  il  le 
veut.  Ancien  élève  très  diplômé  de  l'École  des  Arts  décoratifs,  que  dirige  avec  une  si  haute 
intelligence  M.  L.  de  Lajolais,  il  dessine  et  modèle  lui-même  ses  vases,  ses  amphores  et  ses 
plats.  Il  adopte  toujours  des  formes  simples,  présentant  bien  le  caractère  d'une  œuvre 
de  terre,  c'est-à-dire  des  formes  que  l'on  devine  avoir  (Hé  façonnées  dans  la  mollesse 
de  l'argile,  et  non  de  ces  vases  aux  profils  aigus  qui  semblent  inspirés  de  leurs  similaires 
de  bronze.  Il  aime  les  décorations  peu  compliquées,  les  fleurs  ayant  le  caractère  et 
l'allure  qui  conviennent  à  la  matière  robuste  qu'il  met  en  œuvre  :  des  chardons,  des 
feuilles  de  lierre.  En  oulre,  M.  Delaherche  a  réussi  à  trouver,  pour  ces  formes  si  bien 
comprises  et  si  habilement  appropriées  à  l'argile  compael  et  vigoureux  qui  constitue  ses 
grès,  une  coloration  extrêmement  puissante.  J'ai  dit  qu'il  faisait,  des  flambés  remarquables. 
Je  dois  ajoute]'  qu'une  des  particularités  de  son  exposition  est  que  plusieurs  de  ses  flambés 
sont  transparents  et  laissent  voir  ledécor  qui  se  trouve  au-dessous.  L'effet  est  très  heureux. 


Sphinx.  —  tirés  polychrome  de   M.  Emile  Millier. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


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Revenons  à  la  porcelaine.  Son  rôle  n'est  pas  de  charmer  simplement  nos  yeux  par 
quelques  vases  d'ornement,  d'une  coloration  plus  ou  moins  chatoyante.  Elle  a  surtout 
une  fonction  d'utilité  à  remplir,  et  c'est  dans  les  services  de  table,  les  services  à  thé 
ou  à  café,  qu'il  faut  voir  comment  elle  se  comporte.  Il  faut  reconnaître,  tout  d'abord,  une 
tendance  générale  à  perfectionner  de  plus  en  plus  la  matière,  et  à  taire  des  tours  de  force 
d'exécution  dans  de  petits  objets  qui  sont  des  prodiges  d'habileté.  Ainsi  M.  Hache,  de 
Vierzon,  à  coté  de  ses  services  composés  par  M.  Rossigncux,  le  distingué  architecte,  qui 
sont  d'une  pâte  irréprochable,  exposait  des  petites  tasses  du  taire  le  plus  précieux,  et 
qui  semblent  formées  d'une  pellicule  de  porcelaine,  striée,  rayée,  quadrillée,  percée  à 
jour,  dont  le  blanc  laiteux  est  avivé'  par  un  léger  ourlet  vert  ou  bleu,  produit  dans  le 
coulage  dans  des  moules  de  plâtre.  M.  Pillevuyt,  un  amoureux  du  Japon,  a  demandé  à  la 
fantaisie  d'un  artiste  familier  avec  les  audaces  amusantes,  M.  Hahcrt-Dys,  la  composition 
d'un  service  fort  original.  Mais  la  palme,  dans  les  œuvres  de  porcelaine,  appartient  sans 


--—--— 


Frise  des  Griffons.  —  Gros  polychrome  de  M.  Emile  Mullcr. 


conteste  à  la  maison  Haviland,  de  Limoges,  qui  a,  d'ailleurs,  gagné  de  plusieurs  longueurs 
un  grand  prix  sur  ses  concurrents. 

Le  goût,  un  goût  poussé  à  sa  plus  haute  expression,  et  dont  le  caprice  n'a  pas  d'autres 
limites  que  le  respect  des  conditions  de  la  matière  sur  laquelle  il  s'exerce,  voilà  la  qualité 
enchanteresse  et  la  marque  de  tout  ce  qui  sort  de  la  célèbre  manufacture  de  Limoges  Sur 
le  fronton  de  leur  usine,  MM.  Haviland  pourraient  écrire  :  «  Ici  on  a  horreur  de  la  bana- 
lité. •>  Avez-vous  remarqué  combien  il  est  difficile  de  varier  la  forme  d'un  bouton  de 
couvercle?  Généralement  on  se  contente  de  poser  sur  les  couvercles  une  simple  pomme, 
quelque  chose  comme  un  bouchon  de  carafe  quelconque.  Cela  ne  signifie  rien,  ne  rime  à 
rien,  ne  s'accorde  nullement  à  l'esprit  du  service.  C'est  bête  et  laid.  Mais  cela  remplit  sa 
fonction,  qui  est  de  permettre  de  saisir  l'objet,  et  l'on  ne  se  met  pas  autrement  l'imagi- 
nation en  frais  pour  trouver  autre  chose.  Chez  MM.  Haviland,  observez,  au  contraire,  avec 
quel  soin  les  boutons,  les  attaches,  les  anses  des  théières,  sont  composés  et  logiquement 
attachés.  Ici,  la  nécessité  de  l'accessoire  devient  la  raison  d'être  du  décor.  Sun  rôle  d'utilité 
se  change  en  agrément.  Tantôt  c'est  une  fleur  jetée  librement  sur  un  couvercle  qui  sert  de 
bouton.  Tantôt  c'est  une  tige  élégamment  disposée  sur  le  liane  d'un  vase  qui  fait  l'office 


1% 


L* EXPOSITION] UNIVERSELLE    DE    1889 


d'anse.  C'est  le  retour  aux  vrais  principes  décoratifs.  MM.  Haviland  se  montrent  à  cet 
égard  des  virtuoses  incomparables. 

La  porcelaine  n'est  pas  toujours  traitée  avec  une  pareille  délicatesse  et  un  tel  art.  (l'est 
à  l'étranger,  dans  l'exposition  du  Danemark,  que  l'on  pouvait  trouver,  à  un  égal  degré, 
des  résultats  aussi  parfaits.  C'a  été,  pour  nous  autres  Français  et  pour  la  plupart  des 
amateurs,  une  véritable  révélation,  que  la  porcelaine  de  Copenhague.  Du  coup,  nos  céra- 
mistes ont  tressailli.  Elle  est  bien  simple,  pourtant,  cette  porcelaine.  Quel  charme,  quelle 
saveur  dans  ces  assiettes,  ces  vases,  ces  mille  objets  menus,  ces  poissons  minuscules  d'un 
aspect  si  vivant  et  d'une  réalité'  si  expressive  !  Quelle  leçon  pour  ceux  de  nos  fabricants 
dont  l'ambition  s'absorbe  uniquement  dans  la  recherche  des  procédés  chimiques  destinés 
à  enrichir  la  palette  céramique  ! 

Rien  n'est  simple  comme  la  porcelaine  de  la  manufacture  royale  de  Copenhague. 
Une  matière  blanche  et  pure,  des  couleurs  peu  nombreuses  où  un  bleu  vit  s'allie  à  un  brun 
clair  et  à  des  semis  d'or  d'une  extrême  délicatesse,  voilà  pour  les  ressources.  Point  de 

colorations  compliquées  obtenues  au 
feu  de  moufle,  mais  seulement  deux  ou 
trois  tons  au  grand  feu.  Avec  si  peu, 
voyez  ce  que  les  artistes  danois  ont 
fait!  C'est  qu'ils  se  sont  inspirés  direc- 
tement de  la  nature  et  n'ont  rien  des- 
siné de  chic.  Ces  paysages,  ce  sont 
ceux  qu'ils  ont  devant  les  yeux  et  qu'ils 
aiment  ;  ces  plantes,  ce  sont  celles 
qu'on  trouve  dans  les  jardins  de  Co- 
penhague; ces  poissons,  ils  les  ont 
vus  se  jouer,  vivants,  dans  les  eaux  de  leur  pays.  C'était  proprement  un  charme  et  un 
régal  pour  les  yeux  que  la  vitrine  où  toutes  ces  choses  exquises  étaient  exposées. 

Je  ne  puis  m'attardèr  à  une  description  plus  détaillée  des  œuvres  de  porcelaine  qui 
se  trouvaient  à  l'Exposition.  Après  la  France  et  le  Danemark,  c'est  l'Angleterre  qui  présen- 
tait les  produits  les  plus  intéressants;  et  les  beaux  vases,  les  tasses  à  café  de  MM.  Brown- 
Westhead,  Moore  and  C°,  d'une  mignardise  si  coquette;  les  somptueuses  pièces  de 
MM.  Goode,  de  la  maison  Daniell  and  Sons,  avec  leur  décor  en  pâtes  sur  fond  coloré,  qui 
ont  été  modelées  par  l'artiste  français  M.  Solon,  ou  dans  sa  manière;  enfin  les  grès  artis- 
tiques de  MM.  Doulton  and  C°,  méritaient  toujours  d'attirer  l'attention,  comme  en  1878. 

La  faïence  aurait  droit  à  une  étude  approfondie,  car  elle  a  fait  depuis  dix  ans  les  plus 
extraordinaires  progrès.  Ce  terme  générique  de  «  faïence  »  ne  désigne  plus  seulement 
aujourd'hui  les  ustensiles  d'argile,  les  poteries  à  cassure  terreuse  recouvertes  d'un  émail. 
Il  comprend  une  innombrable  variété  de  produits  fabriqués  avec  les  éléments  les  plus 
divers,  dont  l'argile  et  la  silice,  il  est  vrai,  sont  les  bases,  mais  que  l'ingéniosité  des  artistes 
transforme  à  plaisir,  que  les  ressources  de  la  chimie  permettent  de  décorer  avec  une 
richesse  extrême  et,  pour  ainsi  dire,  au  gré  de  chacun.  Il  y  avait  à  l'Exposition  peut-être 
cinquante  faïenciers  qui  sont  parvenus  ainsi  à  faire  œuvre  personnelle,  en  asservissant  la 
matière  à  leur  caprice,  en  recouvrant  leurs  pâtes  de  colorations  obtenues  par  des  procédés 
qui  leur  appartiennent,  et  en  demandant  à  la  flamme  des  fours  une  collaboration  parfois 


Frise  Renaissance  par  M.  Emile  Millier. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  197 

incertaine,  mais  souvent  heureuse.  Qu'ils  opèrent  avec  de  la  faïence  fine  ou  avec  de  la 
faïence  stannifère,  nos  potiers  contemporains  sont  à  la  recherche  de  toutes  les  combi- 
naisons pouvant  se  prêter  à  la  mise  en  valeur  de  décors  inédits.  Ils  savent  mélanger  1rs 
terres  pour  obtenir  à  la  cuisson  des  effets  imprévus;  ils  imaginent  des  glaçures  ou  vitreuses 
ou  opaques,  qui  font  vibrer  les  couleurs  et  rendent  celles-ci  plus  ou  moins  intenses  et  ont 
avec  la  pâte  une  affinité  favorable  à  l'aspect  vigoureux  et  fondu  de  l'ornementation.  Les 
découvertes  de  ces  dernières  années  les  ont  mis  sur  la  piste  de  nouvelles  tentatives.  Au 
borax,  qui  rend  les  glaçures  plus  dures  et  plus  brillantes,  ils  substituent  d'autres  agents, 
et  soit  qu'ils  emploient,  pour  constituer  leur  palette,  de  l'oxyde  de  chrome,  qui  leur 
fournit  le  vert,  le  jaune,  le  rouge,  le  rose;  soit  qu'ils  aient  recours  à  l'oxyde  de  fer,  qui 
donne  une  infinité  de  tons,  depuis  le  rouge  jusqu'au  brun,  ou  encore  à  l'oxyde  d'urane, 
à  l'oxyde  de  manganèse,  à  l'oxyde  de  cobalt,  par  lesquels  on  a  le  jaune  orange,  le  violet 
améthyste  ou  la  gamme  des  bleus,  —  il  n'en  est  aucun  parmi  eux  qui  ne  tienne  compte 
de  cette  règle  fondamentale  d'après  laquelle  la  qualité  d'une  glaçure  doit  toujours  être 
subordonnée  à  la  nature  de  la  pâte.  Et  comme 
tous,  maintenant,  comprennent  que  pour  étendre  Mgy^" 
la  gamme  des  colorations,  ils  n'ont  qu'à  décou  11^*'  I 
vrir  dans  la  nature  de  nouveaux  agents  chi-  *,,  -'; ,f  -;>a      ;. 

iniques  se  prêtant  à  leurs  caprices  de  décorateurs,  W 

il  s'ensuit  qu'on  les  voit  bien  plus  demander  y(71    '"' 

l'originalité  a  cette  partie  extérieure  de  leur  mé-  IxSJËÉMfe'-'' 
tier,  c'est-à-dire  au  procédé,  qu'à  la  grâce  ou  a  ||tB«wïS^*\ 
la  pureté  des  formes.  Là  pourrait  être  l'écueil,  et  „       ,.  ,  .     ,.  ,,    ,-.    ,    „„„„ 

1  r  Bas-relief  égyptien   par  SI.    Lnulo   .Millier. 

je  me  borne  à  le  signaler.  Il  ne  faut  pas  que  chez 

nos  céramistes  l'art  soit  tué  par  la  chimie.  L'un  est  le  but,  l'autre  ne  doit  être  qu'un  moyen. 

Parmi  les  artistes  qui  traitent  la  faïence  avec  le  plus  de  virtuosité,  je  citerai  M.  La- 
chenal,  et,  ne  pouvant  mieux  taire,  je  signalerai  quelques-uns  des  effets  nouveaux  qu'il 
a  obtenus  dans  ses  vases,  de  formes  si  variées;  dans  ses  grands  plats  aux  marlis  puis- 
sants, aux  fonds  ornés  de  figures;  dans  ses  assiettes,  enfin,  presque  toutes  également 
intéressantes.  L'artiste  a  trouvé  des  pâtes  qui,  tout  en  étant  transparentes,  sont  infusibles, 
ce  qui  lui  permet  d'obtenir  certains  tons  à  grosses  épaisseurs  qui  ne  coulent  pas  à  la 
cuisson  et  qu'il  gouverne  en  leur  donnant  une  forme  à  son  gré.  Ainsi,  il  a  un  grand 
vase  orné  de  feuilles  de  chardon  en  demi-relief  (je  crois  que  ce  vase  a  été  acquis  par  le 
Musée  des  Arts  décoratifs)  qui  présente,  en  épaisseur,  des  veines  de  couleurs  blanche, 
bleue,  verdàtre,  transparentes  sous  l'émail.  On  dirait  les  Ilots  de  la  mer  avec  leur  flui- 
dité mouvante  et  leur  profondeur.  Généralement,  quand  les  fiâtes  sont  infusibles,  elles 
sont  opaques.  M.  Lachenal  a  tourné  cet  obstacle.  Une  autre  nouveauté,  ce  sont  ses  gris 
appliqués  sur  une  pâte  spéciale,  et  qui  donnent  à  l'ensemble  des  pièces  sur  lesquelles  il 
l'emploie  une  harmonie  toute  particulière. 

Un  autre  faïencier,  qu'il  faut  mettre  hors  de  pair  pour  ses  procédés  nouveaux  et  ses 
recherches  décoratives,  est  M.  Emile  Galle,  l'admirable  verrier  que  l'on  connaît.  Il  a  trouvé 
une  pâte  dense,  fixe,  légère,  dure,  très  sonore,  dont  il  a  varie  à  l'infini  les  aspects  par 
les  colorations  les  plus  inattendues.  Dans  un  service  à  thé,  il  nous  montre  des  émaux 
beurre  frais,  violacés,    roses,  grand  feu.  Quelques-uns  sont  demi-opacifiés  par  de  fines 


198 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


parcelles  de  matières  en  suspension  et  qui  fournissent  des  nuances  du  lilas  au  vert  et  du 
brun  clair  au  brun  foncé.  Parfois  on  le  voit  superposer  des  émaux  de  teintes  et  d'opacités 

différentes,  cuits  à  des  feux  successifs.  Ce 
magicien  du  feu  a  réussi  à  fixer  une  palette 
nouvelle  de  fondants  colorés,  translucides, 
adaptés  à  une  donnée  spéciale  dont  il  tire  les 
plus  étonnants  effets.  Ajoutez  qu'il  fait  servir 
ses  procédés  à  la  délicate  expression  de  sen- 
timents ou  d'idées  poétiques.  Tour  à  tour,  son 
caprice,  doucement  attendri,  retrace  aux 
flancs  des  vases  des  légendes  lorraines,  l'his- 
toire de  la  bergère  de  Domrémy,  la  chasse 
merveilleuse  du  roi  de  Jérusalem,  et  sa  subti- 
lité s'inspire  de  la  rosée  sur  une  fleur,  et  de 
la  fluidité  d'un  ciel,  des  éclaboussures  de  l'eau 
qui  tombe,  de  toutes  les  harmonies  de  la  na- 
ture. Si  l'on  pouvait  adresser  un  reproche  à 
ce  maitre  unique,  ce  serait  de  confier  trop  de 
secrets  à  la  faïence  et  d'en  faire  sortir  trop  de 
confidences  aussi. 

Parmi  1rs  fabricants  qui  exécutent  indus- 
triellement et  en  de  vastes  proportions 


toutes  sortes  d'œuvres  de  faïence,  des 
services  de  table  de  prix,  aussi  bien 
que  des  panneaux  de  revêtement,  il 
est  juste  de  mentionner  MM.  Utzchnei- 
der  et  Gie,  dont  les  établissements  de 
Sarreguemines  et  Digoin  ont  une  im- 
portance considérable.  MM.  Utzchneider 
avaient  eu  l'ingénieuse  idée  d'organiser 
îur  exposition  dans  la  salle  à  manger  du  Pa- 
illon du  Gaz,  dont  ils  ont  fait  un  décor  vivant, 
nontrant  toutes  les  applications  de  leur  in- 
lustrie.   Les    murailles   étaient    revêtues    de 
panneaux  de  dimensions  variées. 

Après  avoir  résumé  à  grands  traits  les 
rogrès  considérables  réalisés  depuis  dix  ans 
par  la  céramique,  il  nous  restait  à  indiquer 
les  applications  les  plus  intéressantes  au  point 
de  vue  du  décor  qui  ont  été  tentées  aussi  bien 
pour  la  porcelaine  que  pour  la  faïence.  Ce  n'est 
pas  tout,  en  effet,  pour  l'artiste,  d'avoir  des  procédés  nouveaux  a  sa  disposition:  il  faut 
étudier  le  meilleur  parti  qu'on  peut  en  tirer.  Or,  l'élément  indispensable  aux  potiers,  le  feu,  se 
conduit  avec  tant  de  caprice  et  d'humeur  fantasque,  qu'il  dérange  souvenl  les  plus  savantes 


Ccr;imique  de  M.  Emile  Muller  a  l'fixposiLiou  Universelle. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


199 


combinaisons,  et  qu'il  faut  avoir  fait  avec  lui  une  sorte  de  pacte  d'amour  pour  obtenir  de  sa 
magique  influence  les  eft'ets  qu'en  attendent  les  décorateurs.  De  là  une  part  constante  d'im- 
prévu, ces  incertitudes,  ces  découragements  et  ces  espoirs  qui  poussèrent  jadis  Bernard  Pa- 
lissy  à  jeter  ses  meubles  dans  son  four,  et  qui  font  qu'en  somme  l'œuvre  du  céramiste  est 
une  œuvre  éminemment  personnelle,  comportant  certains  secrets  que  procure  seule  l'expé- 
rience. 

J'ai  parlé  déjà  de  plusieurs  de  ces  passionnés  des  arts  du  feu,  de  ces  laborieux  et  patients 
chercheurs  dont  le  public  ne  connaît  pas  assez  les  noms,  car  leurs  chefs-d'œuvre,  la  plupart 
du  temps,  se  vendent  sous  l'étiquette  des  grands  établissements  de  commerce.  C'est  un  ^\f> 
bienfaits  de  l'Exposition  Universelle  d'avoir  mis  en  relief 
la  personnalité'  de  certains  d'entre  eux. 

Voici,  par  exemple,  M.  Chaplet.  Céramiste,  celui-là 
l'est  dans  l'âme.  Ce  n'est  pas  lui  qui  songerait  à  trahir 
son  art  en  donnant  à  ses  porcelaines  ou  à  ses  grès  des 
apparences  trompeuses.  Ce  n'est  pas  lui  qui  se  conten- 
terait des  à  peu  près  que  la  chimie  moderne  arrive  à 
produire.  Il  faut  entendre  avec  quel  mépris  il  dénonce, 
le  borax  imposteur  ou  les  décevantes  potasses  que  des 
potiers  sans  scrupules  mélangent  à  leurs  pâtes  pour 
obtenir  des  colorations  brillantes  et  variées,  qui  ne 
pénètrent  point  la  matière,  s'arrêtent  à  la  surface  et 
communiquent  aux  porcelaines  cet  aspect  vitreux,  fade, 
cristallisé,  dont  il  se  sent  comme  outrage. 

M.  Chaplet,  on  le  sait,  est  le  prince  des  flambés. 
Ces  fameux  flambés  inventés  par  les  Chinois,  qui  en  ont 
d'ailleurs  perdu  le  secret  depuis  assez  longtemps,  ont 
été  une  des  nouveautés  les  plus  surprenantes  de  l'Exposi- 
tion Universelle.  Depuis  que  M.  Lauth,  l'ancien  directeur 
de  la  manufacture  de  Sèvres,  a  publié,  dans  le  Génie 
civil,  en  1889,  le  résultat  des  recherches  faites  pour 
retrouver  ce  procédé  de  décoration,  il  n'est  plus  question  que  des  flambés  parmi  les  céra- 
mistes, et  chacun  a  voulu  en  produire.  La  palme  appartient  sans  conteste  à  M.  Chaplet.  Il 
en  a  obtenu  de  merveilleux.  Avec  lui,  pas  de  tricherie.  Le  cuivre,  réduit  en  poudre,  est  posé 
sur  des  pièces  de  porcelaine,  s'incorpore  à  la  matière  dans  la  haute  chaleur  du  four, 
pénètre  sa  masse,  en  modifie  la  nature,  lui  donne  l'apparence  d'une  véritable  pierre  pré- 
cieuse, la  change  en  gemme,  en  jaspe,  avec  des  Ions  d'une  richesse  admirable,  solides, 
pleins,  résistants  au  regard.  Dès  l'ouverture  de  l'Exposition,  les  flambés  de  31.  Chaplet 
furent  salués  d'un  cri  d'admiration.  On  oublia  les  tentatives  précédentes  de  M.  Deck 
dans  le  même  genre,  celles  de  M.  Oplat-iMillet  et  de  la  manufacture  de  Sevrés.  Mais  en 
observant  ces  nuances  vigoureuses  allant  du  rouge  au  violet,  du  gris  au  céladon, 
en  voyant  ces  coulées  sang  de  bœuf  qui  accusent  les  arêtes  ou  les  courbes  des  vases 
sur  le  fond  onctueux  de  la  blanche  porcelaine,  on  s'est  dit  :  <■  Ce  sont  là  des  hasards 
du  four!  »  Pourtant,  comme  M.  Chaplet  n'a  cessé,  pendant  six  mois,  de  renouveler  inces- 
samment la   vitrine  de    son   exposition   en    apportant    d'autres  pièces  au   moins  aussi 


Jaunit-  d'Arc.  —  Terre  cuite  exposée 
par  M.  Chineau. 


21 III 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


curieuses  que  les  premières,  force  a  bien  été  aux  sceptiques  de  se  rendre  à  l'évidence. 
En  réalité,  M.  Cliaplet  semble  gouverner  à  son  gré  une  palette  pour  tout  autre  indocile, 
et  dont  il  étend  la  gamme  avec  une  virtuosité  incomparable.  Il  est  aujourd'hui  le  maitre 
des  flambés,  comme  il  a  été,  avant  M.  Delaherche,  le  maitre  des  grès,  et  comme  il  sera 
demain  peut-être  le  maitre  de  quelque  autre  application  céramique. 

Le  système  de  décoration  que  je  viens  de  décrire  n'offre  que  des  oppositions  violentes 
ou  imprévues  de  couleurs  amusantes  pour  les  yeux.  Sa  nouveauté,  sa  rareté,  expliquent  son 
succès.  Il  en  est  un  autre  plus  délicat,  plus  artiste  :  c'est  celui  des  pâtes  colorées.  Il  consiste 
à  placer  sur  les  pièces  de  porcelaine,  vases,  panneaux  ou  assiettes,  des  ornements  en  pâtes 
de  différents  tons,  parfois  en  relief,  qui,  recouverts  ensuite  d'émail,  forment  un  tout  homo- 
gène, offrant  les  plus  harmonieux  contrastes  de 
nuances.  Le  peintre  Solon,  maintenant  en  Angleterre, 
a  exécuté  des  merveilles  en  ce  genre.  Actuellement, 
c'est  M.  Dammouse,  de  Sèvres,  qui  tient  la  corde. 
Ses  œuvres  sont  un  régal  pour  les  amateurs.  Ce  sont 
des  vases  de  toutes  formes  et  de  toutes  grandeurs, 
sur  la  panse  desquels  se  détachent,  en  relief,  des 
grappes  de  fruits  dont  les  tons  —  bleu,  rose,  noir  — 
ont  une  infinie  douceur.  Ce  sont  des  assiettes,  de 
grands  plats  ornés  de  capricieuses  arabesques  se 
détachant  en  vigueur  sur  le  fond  clair  de  la  porce- 
laine, au  milieu  d'une  poussière  d'or  qui  souligne  le 
dessin,  adoucit  les  contours  ou  fait  vibrer  les  tons. 
M.  Dammouse  n'est  pas  seulement  ingénieux  prati- 
cien, décorateur  fécond,  coloriste  aimable  et  raffiné, 
son  talent  est  fait  de  charme  et  de  sensibilité.  Ses 
porcelaines  ont  je  ne  sais  quel  aspect  précieux  et 
rare.  Posées  sur  une  étagère,  ou  suspendues  aux 
murs  d'un  salon,  elles  doivent  engager  au  sourire 
et  inviter  à  la  tendresse, 
e  panneau  qui  représente,  sur  un  fond  gris,  au  milieu  de 


Le  Petit  Polisson.  —  Terre  ruile  exposée 
par  M.  Chineau. 


Il  faut  signaler  notamment 
rinceaux  de  ton  accentué,  une  femme  debout,  en  demi-relief  de  pâte  blanche,  figurant 
l'Amour  vainqueur.  Dans  un  autre  genre,  une  œuvre  exquise  est  un  vase  acheté  pour  le 
musée  de  Limoges.  Il  est  très  légèrement  bleuté,  avec  de  petits  médaillons  blancs  sur  le 
fond  couvert  de  rinceaux  gris  clair  avec  des  ornements  d'or.  Le  col  a  une  bordure  formée 
de  minuscules  cartels  d'un  vert  avivé  par  des  détails  d'or  tin.  Et  sur  la  panse  tombent  en 
grappes  des  fleurs  en  relief  qui  donnent  une  jolie  note  rose. 

Parmi  les  céramistes  qui  font  un  emploi  habile  des  pâtes  colorées,  j'aurais  à  citer  éga- 
lement M.  Doat,  de  Sèvres;  M.  Jouneau,  de  Parthenay,  qui,  lui,  s'applique  à  faire  revivre  la 
vieille  tradition  des  faïences  d'Oiron.  Mais  il  faut  savoir  se  borner.  Le  sujet  est  si  attrayant 
que,  pour  l'épuiser,  un  volume  serait  à  peine  suffisant. 

II  nous  reste  a  dire  quelques  mots  des  terres  cuites  d'art. 

Parmi  les  expositions  les  plus  brillantes  et  les  plus  artistiques  de  la  classe  XX,  nous 
devons  signaler  particulièrement  celle  de  M.  Chineau,  fabricant  et  éditeur  de  terres  cuites  d'art. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   18S9 


201 


A  ce  propos,  qu'on  nous  permette  une  réflexion  bien  judicieuse. 

L'industrie  de  la  terre  cuite,  qui  a  pour  but  la  reproduction  des  chefs-d'œuvre  de  la 
sculpture,  tout  comme  le  marbre,  le  bronze,  le  plâtre  et  les  autres  matières  plastiques,  est 
à  vraiment  dire  un  art  peu  apprécié  îles  céramistes. 

Elle  relèverait  plutôt  des  arts  décoratifs,  mais  cette  classe  n'existe  pas  dans  la  nomen- 
clature des  expositions;  force  fut  donc  de  la  laisser  dans  la  classe  de  la  Céramique,  où  la 
forme  vraie  île  la  statuaire  est  considérée  comme  secondaire;  de  là  probablement  cette 
parcimonie  à  l'égard  de  la  médaille  d'or,  que  pas  un  seul  fabricant  de  terres  cuites  artis- 
tiques n'a  pu  obtenir,  tandis  que  des  industries  telles  que  celle  de  la  brique,  entre 
autres,  ont  pu  obtenir  même  la  médaille  d'honneur; 
ceci  n'est,  du  reste,  qu'un  simple  rapprochement,  et 
s'il  y  avait  eu  une  médaille  d'or  dans  cette  catégorie 
de  la  classe  de  la  Céramique,  M.  Chineau  était  le  mieux 
placé  pour  l'obtenir, 

En  effet,  si  l'on  considère  son  exposition,  elle  se 
faisait  remarquer  tant  par  le  bon  goût  que  par  son 
ensemble  parfait  et  la  variété  des  modèles;  même  au 
point  de  vue  de  la  céramique,  qui  n'était  cependant 
pas  le  seul  à  considérer,  M.  Chineau  ayant  bien 
voulu,  lors  de  notre  visite,  nous  initier  aux  secrets 
de  son  art,  nous  avons  trouvé  ses  terres  cuites  bien 
supérieures. 

En  effet,  au  lieu  de  se  confiner  comme  ses  con- 
frères dans  les  chemins  battus,  M.  Chineau.  après  de 
longues  et  coûteuses  recherches,  est  arrive  à  com- 
poser une  terre  plastique  qui  possède  toutes  les  qua- 
lités que  doit  avoir  une  belle  terre  cuite  :  solidité,  finesse, 
régularité  dans  le  retrait  réduit  à  son  minimum  comme 
taille,  et  évitant  les  déformations  du  modèle.  Couleur 
se  rapprochant  exactement  des  terres  cuites  anciennes 
et  de  celles  des  xvir  et  xvine  siècles,  de  Bouchardon,  de  Clodion,  de  Claudin  et  des  maîtres 
de  ces  époques;  car,  après  les  avoir  épurées,  tamisées  et  décantées  pour  leur  enlever  la 
chaux,  qui  les  fait  éclater,  et  l'oxyde  de  1er,  qui  les  ternit  et  les  laisse  comme  couvertes  de 
taches  de  rouille,  il  peut,  par  des  mélanges  exactement  dosés,  obtenir  tous  les  tons,  depuis 
le  blanc  des  terres  de  Lorraine  jusqu'au  noir,  en  passant  par  toutes  les  gammes  du  jaune, 
du  rose,  du  rouge  et  du  marron. 

Comme  résultantes  de  ses  recherches  et  de  ses  soins,  il  a  pu  éviter  ce  qu'on  appelle 
en  céramique  les  coutures,  qui  déforment  le  plus  beau  sujet,  quand  on  n'a  pas  pris  le  soin 
ou  de  les  enlever  ou  de  les  éviter. 

Quant  à  la  cuisson,  une  autre  partie  très  intéressante  de  sa  fabrication,  M.  Chineau, 
grâce  aux  sacrifices  qu'il  a  faits  dans  l'installation  de  ses  ateliers  et  de  ses  trois  moufles, 
que  nous  avons  visités,  ne  craint  plus  la  casse,  ni  les  coups  de  feu,  ni  les  gerces  qui  se 
produisent  généralement,  et  les  terres  cuites  qu'il  exposait  sortaient  toutes  du  four  telles 
qu'on  a  pu  les  voir,  sans  badigeonnage  ni  retouche. 


Femme  égyptienne.  —  Terre  cuiie  exposée 
par  M.  Chiueau. 


202  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Nous  disons  toutes,  c'est  une  petite  erreur,  car  M.  Ghineau  exposait  tout  un  lot  de  terres 
cuites  orientales  d'après  Strasser  et  une  collection  de  figurines  du  Mexique,  de  l'Amérique 
Centrale  et  du  Sud  et  des  colonies,  de  M.  C.  Gauthier,  qui  a  visité  tous  ces  pays,  d'où  il  a 
rapporté  les  esquisses,  qui  sont  polychromes  dans  les  tons  chauds  de  ces  pays,  et,  malgré 
l'opposition  vive  des  couleurs,  l'harmonie  en  est  si  heureuse  que  non  seulement  elles  ne 
choquent  pas,  mais  encore  charment  nos  regards. 

Pour  le  choix  des  modèles,  qui  est  remarquable  dans  son  ensemble;  pour  la  diversité 
et  le  bon  goût,  M.  Chineau  s'attache  à  ne  reproduire  que  des  œuvres  d'art,  et  il  néglige, 
dans  toute  l'acception  du  mot,  souvent  au  détriment  de  ses  intérêts,  les  banalités  à  succès. 

Du  reste,  nous  n'avons  qu'à  signaler  quelques-unes  des  œuvres  reproduites  : 

V Hésitation  et  la  Jeune  Fille  à  la  fontaine,  de  Schœnevverk,  dont  les  originaux  sont  dans 
nos  Musées;  les  Hirondelles,  d'après  Peiffer,  dont  l'original  appartient  à  la  Ville  de  Paris; 
la  Surprise,  de  Delaroche,  qui  est  remarquable  de  finesse  et  de  réalisme  dans  le  bon  sens 
du  mot,  tant  le  modelé  et  la  forme  se  rapprochent  de  la  nature;  les  reproductions  des 
modèles  de  Bartet  et  de  Pierre  Ogé,  parmi  lesquels  il  faut  citer  la  Marguerite  de  Faust  et  la 
Jeanne  d'Are;  les  œuvres  de  Grégoire,  dont  le  Petit  Polisson  est  une  des  dernières;  les  bustes 
de  Gaston  Leroux,  etc.,  et  enfin  la  collection  des  œuvres  de  Strasser,  dont  le  Charmeur  de 
serpents  et  la  Tête  d'Arabe  sont  de  petits  chefs-d'œuvre  de  modelé,  de  vie  et  de  couleur. 

Toutes  ces  reproductions  sont  des  œuvres  d'art.  En  effet,  M.  Chineau  n'emploie  chez  lui 
pour  retoucher  ses  terres  cuites  que  des  sculpteurs,  tandis  que  dans  son  industrie  on 
emploie  des  mouleurs  ou  des  estampeurs  qui  ne  sont  pas  passés  par  l'École  des  Beaux-Arts. 

Joignez  à  cela  la  collection  des  œuvres  de  Graillon,  de  Dieppe,  et  de  Carpeaux,  dont 
M.  Chineau  a  le  dépôt  depuis  vingt  ans,  vous  ne  serez  pas  étonné  s'il  a  pu  avoir  une 
magnifique  exposition  et  si,  comme  nous  le  disions  en  commençant,  il  n'a  pas  mérité' 
mieux  que  la  médaille  d'argent  qui  a  été  la  plus  haute  récompense  donnée  à  cette  brandie 
de  la  Céramique  !  !  ! 


LES    VITRAUX 

Le  catalogue  officiel  indique  que  cinquante  et  un  exposants  français  et  quinze  étrangers 
ont  soumis  à  l'examen  du  public  des  vitraux,  ou  verres  décorés  de  ce  nom. 

Nous  avons  compté  environ  trente-huit  peintres  verriers,  dont  vingt-huit  Français, 
trois  Belges,  un  Anglais,  deux  Américains  et  quatre  Suisses.  En  1887,  ce  chiffre  était  bien 
supérieur;  en  1878,  il  était  plus  du  double. 

Les  peintres  verriers  semblent  se  désintéresser  de  plus  en  plus  des  expositions,  où  leurs 
œuvres  sont  placées  généralement  dans  de  mauvaises  conditions  d'éclairage,  d'élévation  et 
surtout  de  classification. 

On  devrait  accorder  aux  vitraux  une  classification  distincte,  un  jury  spécial.  Du  reste, 
la  peinture  sur  verre  subit  une  transformation  complète;  loin  de  rencontrer  la  protection 
du  gouvernement,  les  artistes  sont  obligés  maintenant  de  soumissionner  les  travaux  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    Issu  203 

restauration  de  vitraux  appartenant  aux  monuments  historiques,  absolument  comme  s'il 
s'agissait  de  badigeonnage  ou  de  maçonnerie. 

Le  caractère  laïque  du  vitrail  s'accentue  de  plus  en  plus;  les  habitations  particulières 
luxueuses  sont  maintenant  ornées  de  vitraux,  ordinairement  mauvais,  à  cause  du  prix  que 
l'on  accorde  à  des  œuvres  qui,  pour  être  artistiques,  sont  nécessairement  très  coûteuses. 

L'Exposition  de  1889  offrait  peu  de  vitraux  remarquables;  il  a  été  permis  cependant  de 
constater,  pour  certains  peintres  anglais  et  français,  une  remarquable  habileté  d'exécution. 

En  1878,  on  trouvait  des  éléments  d'étude  très  importants  dans  l'exposition  du  vitrail; 
depuis,  le  verre  lui-même  —  dont  la  fabrication  a  fait  de  réels  progrès  —  a  été  mis  plus  en 
valeur;  les  cives,  les  cabochons,  produisirent  certains  effets  nouveaux.  En  1889,  un  verre 
d'aspect  particulier,  marbré,  nacré,  strié,  «  voilé,  »  dit  verre  américain ,  a  fait  son  apparition 
dans  certains  vitraux,  et  l'effet  produit,  lorsque  ce  verre  est  employé  avec  discernement, 
avec  discrétion,  est  des  plus  satisfaisants.  L'inventeur  de  ce  verre,  M.  Lafarge,  avait  exposé 
entre  autres  un  vitrail  à  fond  jaunâtre  à  petits  feuillages  et  animaux  bizarres,  dont  la  colo- 
ration irisée  est  d'un  effet  charmant. 

Très  remarquable  aussi  était  le  plafond-vitrail  de  M.  Galland,  pavillon  de  M.  Krieger. 
MM.  Appert  ne  sont  pas  étrangers,  croyons-nous,  à  la  fabrication  et  pose  de  la  plupart  de 
ces  verres. 

L'Apollon  entoure  de  Muses,  de  M.  Anglade,  d'une  bonne  composition,  exécution  remar- 
quable, mais  de  coloration  trop  pale. 

L'Éducation  de  saint  Louis,  de  31.  C.  Champigneulle,  d'une  coloration  harmonieuse,  mais 
molle,  plate,  qui  lui  donne  l'aspect  d'un  store. 

Les  Japoneries  de  M.  Carot  dénotent  chez  cet  artiste  une  ingéniosité,  une  adresse  et  un 
talent  parliculier  à  ce  genre  de  vitraux. 

Le  Saint-Georges  de  M.  Bégule,  de  Lyon,  —  dans  ce  vitrail  le  verre  américain  est  employé 
très  judicieusement,  —  a  droit  à  tous  les  éloges  comme  style,  coloration,  dessin  correct  et 
franc. 

Il  est  regrettable  que  tous  les  efforts  dépensés  dans  l'énorme  vitrail  placé  dans  l'axe 
transversal  de  la  Galerie  des  Machines,  et  représentant  le  Char  du  Soleil,  ait  produit  ce  store 
banal,  indigne,  à  notre  avis,  du  nom  de  vitrail. 

La  Bataille  de  Bouvines,  œuvre  de  MM.  C.  Champigneulle  et  Frittel,  renferme  des  parties 
très  satisfaisantes,  comme  par  exemple  le  Combat  tigurant  dans  la  salle  où  se  tient  le  conseil 
de  guerre  de  Valenciennes;  ce  n'est  toutefois  pas  suffisant  pour  une  pièce  de  cette  impor- 
tance, qui  sera  bien  pâle  lorsqu'elle  sera  examinée  dans  son  cadre  définitif. 

On  a  beaucoup  vanté  le  vitrail  de  M.  Oudinot,  dessiné  par  0.  Merson  :  Jésus  à  table 
ayant  à  ses  cotés  les  pèlerins  cTEmmaùs.  Cette  œuvre  dénote,  de  la  part  de  l'artiste,  un  talent 
consommé,  mais  nous  préférons  voir  traiter  par  M.  0.  Merson  des  sujets  moins  religieux; 
les  deux  disciples  du  Christ  pourraient  être  aussi  bien  placés  dans  tout  autre  cadre  que 
dans  celui-ci. 

M.  Oudinot  a  exposé  d'autres  vitraux,  parmi  lesquels  il  y  a  à  constater  de  belles  parties; 
pas  un  de  ces  vitraux  n'offre,  à  notre  avis,  un  tout  bien  satisfaisant  et  réellement  remar- 
quable. Au  pavillon  de  la  République  argentine,  là  où  le  verre  a  été  employé  à  profusion 
pour  différents  emplois  ornementatifs,  il  y  avait  un  certain  nombre  de  vitraux,  parmi  lesquels 


204  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

il  convient  de  distinguer  l'intensité  et  l'harmonie  de  coloration  de  quatre  paons;  au  milieu 
de  cette  ornementation,  le  verre  américain  produisait  un  effet  magnifique. 

La  République  française  recevant  la  République  argentine  a  l'Exposition  Universelle  de  1889, 
tel  était  le  sujet  d'une  assez  grande  verrière  placée  en  haut  de  l'escalier  conduisant  au  pre- 
mier étage  de  ce  pavillon.  Composition  médiocre,  aspect  et  couleurs  heurtés,  en  somme 
peu  de  distinction  d'ensemble;  un  garde  municipal  et  son  cheval  occupaient  là  une  place 
trop  considérable  et  nuisaient  aux  autres  personnages,  dont  ils  diminuaient  l'importance. 

M.  Oudinot  a  autrefois  exposé  des  vitraux  en  grisaille  excellents.  Nous  avons  remarqué 
aussi  au  pavil.on  algérien  des  vitraux  de  M.  Didron,  vitraux  style  arabe,  très  colorés,  à  fond 
blanc  et  jaune;  ces  vitraux  sont  d'un  procédé  d'exécution  assez  sommaire  dû  à  M.  Didron, 
qui  consiste  à  tracer  des  rinceaux  en  pleine  coloration  et  aux  détails  multiples,  dont  les  tons 
variés  se  détachent  sur  un  fond  de  préférence  jaune  ou  blanc.  Les  fleurs  et  les  feuilles 
dominent,  le  dessin  est  constitué  par  le  plomb  :  or  cette  matière  servant  de  sertissure  ne 
doit  être  employée  que  pour  exprimer  une  forme.  C'est  donc  une  véritable  vitrerie  en  plomb 
assez  coûteuse  par  le  travail  qu'elle  exige.  Ces  vitraux  sont  solides  à  cause  de  la  petite 
dimension  des  pièces  de  verre  et  à  cause  de  la  multiplicité  des  plombs. 

Nous  signalerons  parmi  les  vitraux  étrangers  ceux  de  MM.  Clayton  et  Bell,  de  Londres; 
coloration  vigoureuse  dans  les  uns,  excellentes  grisailles;  quelques  figures  saintes,  et  entre 
autres  la  tête  de  sainte  Dorothée,  puis  la  Vierge,  donnent  une  haute  idée  du  talent  de  ces 
artistes.  MM.  Stalins  et  Janssens,  sujets  religieux  d'une  bonne  exécution.  MM.  Hosch,  de 
Lausanne,  avaient  exposé  une  quantité  de  petits  sujets,  dans  lesquels  on  remarquait  un 
travail  considérable  de  gravure  et  une  grande  ressemblance  avec  les  vitraux  suisses  du 
XVIe  siècle. 


CLASSE    XXVII 

APPAREILS  ET  PROCÉDÉS  DE  CHAUFFAGE.  —  APPAREILS  ET  PROCÉDÉS 
D'ÉCLAIRAGE  NON  ÉLECTRIQUE 

Le  chauffage  et  la  ventilation  forment  un  ensemble  d'applications  des  plus  indispen- 
sables dans  les  constructions  modernes,  soit  privées,  soit  publiques. 

Aujourd'hui,  la  plupart  des  théâtres,  des  musées,  des  églises,  des  lieux  de  réunion, 
des  écoles,  sont  pourvus  de  dispositions  spéciales  qui  permettent  de  les  chauffer  et  de 
les  ventiler  dans  une  certaine  mesure.  Nos  appartements,  au  point  de  vue  du  chauffage 
et  de  la  ventilation,  sont  aussi  plus  que  jamais  l'objet  de  recherches  de  la  part  des  archi- 
tectes et  des  constructeurs.  Mais  il  faut  cependant  reconnaître  que  les  problèmes  sou- 
levés par  ces  sortes  d'applications,  bien  qu'ayant  l'ait  de  grands  progrès  depuis  vingt 
ans,  sont  restés  très  complexes,  et  les  solutions  qu'ils  ont  reçues  sont  loin  de  répondre 
aux  desiderata  du  confortable  moderne.  Les  théâtres  et  les  lieux  de  réunion  donnent 
lieu  à  des  plaintes  continuelles  au  point  de  vue  de  la  température,  qui  s'y  élève  trop,  et 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


205 


de  la  ventilation,  qui  y  est  souvent  incomplète  ou  gênante.  Nos  appartements  laissent 

aussi  bien  souvent  à  désirer  au  double  point  de  vue  du  chauffage  et  de  la  ventilation. 

L'Exposition  n'a  pas  présenté  à  beaucoup  près  de  solutions  radicales  pour  ces  ques- 


Lustre  Wenham.  (Pouvoir  éclairant  45  bougies,  dépense  50  centimes  par  heure. 

tions  si  complexes;  mais  nous  aurons  à  enregistrer  des  appareils  et  des  dispositions 
témoignant  des  efforts  faits  par  les  constructeurs  pour  remplir  les  conditions  du  pro- 
blème . 

Nous  devons  distinguer  tout  d'abord  ce  qui  concerne  le  chauffage  et  la  ventilation 


206  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   1889 

de  nos  habitations,  bien  que  ce  soit  là  au  premier  abord  le  petit  côté  de  la  question, 
en  réservant  le  chauffage  et  la  ventilation  des  immeubles,  des  lieux  de  réunion,  des 
théâtres,  des  écoles,  etc.,  par  la  raison  que  le  chauffage  et  la  ventilation  de  nos  appar- 
tements intéressent  absolument  tout  le  monde. 

A  cet  égard,  le  seul  moyen  que  possède  la  partie  la  plus  nombreuse  de  la  popu- 
lation pour  se  chauffer  commodément  et  économiquement  est  l'emploi  du  poêle  à  com- 
bustion lente  et  à  fonctionnement  continu,  et,  malgré  tous  ses  inconvénients,  sa  vogue 
n'est  pas  près  d'être  éclipsée  par  d'autres  modes  de  chauffage,  et  l'on  peut  penser  que 
jusqu'à  ce  que  des  dispositions  soient  prises  dans  nos  maisons  à  loyers-  pour  chauffer 
entièrement  tous  nos  appartements  par  un  seul  appareil,  le.  poêle  restera  l'appareil  de 
chauffage  par  excellence  de  la  majorité  des  habitants  des  villes. 

Un  autre  mode  de  chauffage,  celui  de  la  cheminée,  beaucoup  moins  économique  que 
le  précédent,  est  aussi  pratiqué  dans  les  appartements. 

Le  principal  avantage  de  la  cheminée  est  de  fournir  une  puissante  ventilation;  mais 
on  n'utilise  ainsi  qu'une  faible  fraction  de  la  chaleur  produite.  La  chaleur  se  propage 
par  rayonnement  à  travers  l'air  de  la  pièce  à  chauffer;  mais  la  répartition  de  la  tempé- 
rature s'y  fait  assez  régulièrement  par  ce  mode  de  chauffage.  On  sait  que  l'air  s'échauffe 
peu  par  le  simple  rayonnement,  et  qu'il  s'échauffe  surtout  par  son  contact  avec  les  pa- 
rois qui  reçoivent  directement  le  rayonnement  du  foyer.  L'air,  échauffé  près  des  parois, 
monte  vers  le  plafond  et  redescend  dans  l'intérieur  de  la  pièce.  En  même  temps,  il  s'é- 
tablit un  courant  d'air  froid  à  la  partie  inférieure  des  portes  et  dés  fenêtres  par  les  fentes 
qu'elles  présentent  plus  ou  moins.  Cet  ensemble  de  circonstances  a  pour  effet  de  re- 
froidir la  pièce  à  sa  partie  inférieure  et  d'en  élever  la  température  à  la  partie  supérieure. 

Ou  remédie  en  partie  à  cette  distribution  irrégulière  de  la  chaleur  en  disposant  dans 
la  cheminée  des  bouches  de  chaleur  qui  envoient  latéralement  de  l'air  chaud  dans  la 
pièce  à  une  certaine  hauteur. 

Très  anciennement,  les  cheminées  étaient  munies  de  ventouses  ou  de  prises  d'air 
extérieures  qui  facilitaient  leur  tirage.  Ces  ventouses  débouchaient  en  arrière  du  foyer. 
Cette  disposition  avait  l'inconvénient  d'envoyer  dans  la  pièce  de  l'air  froid  qui  se  diri- 
geait directement  sur  les  personnes  proches  de  la  cheminée;  aujourd'hui,  lorsqu'on  em- 
ploie la  ventouse,  on  la  fait  déboucher  un  peu  en  avant  du  foyer,  qu'elle  active  direc- 
tement. Une  plaque  disposée  en  conséquence  peut  d'ailleurs  fermer  cette  ventouse. 

Depuis  longtemps  la  cheminée  a  été  améliorée,  au  point  de  vue  de  son  rendement,  au 
moyen  de  l'adjonction  d'un  appareil  soit  en  tôle,  soit  en  fonte,  recevant  l'air  froid  venant 
du  dehors.  Cet  air  s'échauffe  avant  d'être  mis  en  communication  avec  les  bouches  de  cha- 
leur débouchant  dans  la  pièce  à  réchauffer.  L'Exposition  présentait  deux  spécimens  de  ces 
appareils  :  l'un  ancien,  l'appareil  Fondel;  l'autre,  l'appareil  For':'!,  plus  récent,  qui  s'applique 
facilement  à  toutes  les  cheminées.  Le  constructeur  attribue  à  son  appareil  la  propriété  de 
rendre  le  tirage  plus  énergique  et  de  corriger  les  cheminées  qui  fument. 

Il  existe  beaucoup  de  systèmes  de  cheminées  qui  n'étaient  pas  représentés  à  l'Exposi- 
tion et  qui  sont  connus  depuis  longtemps  comme  étant  des  perfectionnements  ou  des  mo- 
difications de  l'appareil  Fondet.  Dans  certains  de  ces  appareils,  sur  la  plaque  de  fond  sont 
venus  des  renflements  ou  sortes  de  consoles  creuses  qui  reçoivent  directement  l'action  du 
feu  et  réfléchissent  dans  la  pièce  la  chaleur  qu'elles  reçoivent. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  807 

L'air,  amené  par  la  prise  d'air  dans  ces  consoles,  s'y  échauffe  et  est  lancé  dans  la  pièce 
par  les  bouches  de  chaleur  ordinairement  placées  sur  les  côtés  de  la  cheminée. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  plus  longtemps  sur  la  disposition  des  cheminées  puisque 
l'Exposition  elle-même  en  offrait  pou  d'exemples,  et  nous  passerons  à  l'examen  des  poêles, 
qui  présentaient  une  assez  grande  diversité. 

Cheminées  voulantes  et  poêles  mobiles.  —  On  construit  un  grand  nombre  de  cheminées 
dites  roulantes  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  poêles  mobiles  déguisés;  telle  est,  par 
exemple,  la  Salamandre,  construite  par  M.  Chaboche.  Le  devant  de  cette  cheminée  métallique 
présente  des  baies  en  mica  qui  laissent  voir  le  feu  à  l'intérieur  de  l'appareil.  La  disposition 
de  la  Salamandre,  qui  est  la  cheminée  mobile  la  plus  ancienne,  a  été  copiée  par  différents 
constructeurs.  On  en  retrouve  en  effet  les  principales  dispositions  dans  la  Favorite,  de 
M.  Grossot;  la  Française,  de  M.  Delaroche  ;  la  Sënëgalienne,  de  M.  Godin  ;  Y  Élégante,  de 
M.  Hervct,  etc.  Toutes  ces  cheminées  roulantes  sont  inférieures  aux  poêles  mobiles  au  point 
de  vue  du  chauffage  et  de  l'utilisation  de  la  chaleur  produite,  par  la  raison  que  les  poêles 
présentent  par  leurs  dispositions  une  plus  grande  surface  rayonnante  que  les  cheminées, 
dont  le  rayonnement  de  la  partie  postérieure  est  en  partie  supprimé. 

Certains  constructeurs  ont  construit  des  cheminées  fixes,  métalliques,  dont  la  partie 
antérieure  présente  une  surface  courbe  ayant  pour  effet  d'augmenter  le  rayonnement  de  la 
chaleur  dans  la  pièce  ;  telle  est  la  cheminée  que  M.  Godin,  de  Guise  (Aisne),  présentait  à 
l'Exposition. 

Abordons  les  poêles  mobiles  proprement  dits  à  chargement  continu  et  à  combustion 
lente,  qui  ont  pris  dans  ces  dernières  années  une  si  grande  extension  et  qui  ont  donné  lieu  à 
des  plaintes  motivées  par  des  accidents  produits  dans  des  conditions  particulières. 

Au  commencement  de  l'année  1889,  l'Académie  de  médecine  de  Paris  s'était  occupée  de 
la  question  des  poêles  à  combustion  lente  et  avait  exprimé  une  opinion  peu  favorable  con- 
cernant leur  usage.  En  effet,  pour  quelques-uns,  lorsque  le  tirage  du  poêle  se  fait  mal, 
l'oxyde  de  carbone  formé  à  l'intérieur  reflue  dans  la  pièce,  d'où  il  peut  résulter  des  acci- 
dents. 

Le  poêle  Choubersky,  un  des  plus  anciens,  consiste  en  un  cylindre  en  tôle  présentant 
son  foyer  à  la  partie  inférieure  dans  une  cavité  en  fonte.  Le  réservoir  à  combustible,  qui  est 
un  cylindre  en  tôle,  occupe  les  deux  tiers  supérieurs  de  l'appareil.  L'air  nécessaire  à  la  com- 
bustion entre  par  le  cendrier.  On  modère  le  tirage  au  moyen  d'un  registre  placé  sur  la  base. 

Quand  l'appareil  est  en  petite  marche,  l'oxyde  de  carbone  formé  à  l'intérieur  n'est  pas 
évacué  entièrement  dans  la  cheminée  et  il  arrive  qu'une  partie  de  cet  oxyde  est  refoulé  dans 
la  pièce,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  et  peut  occasionner  des  accidents. 

Les  imitateurs  du  poêle  Choubersky  y  ont  fait  quelques  perfectionnements  en  suppri- 
mant le  registre  sur  la  buse,  et  en  réglant  le  tirage  par  la  variation  de  largeur  des  ouvertures 
pratiquées  sur  le  devant  du  cendrier.  Des  tentatives  ont  été  faites  aussi  pour  diminuer  la 
quantité  d'oxyde  de  carbone  formé  à  l'intérieur.  Dans  cet  ordre  d'idées,  il  faut  citer  le  poêle 
Cadé,  (pu est  à  feu  visible,  mais  sans  l'intermédiaire  de  feuilles  de  mica.  Le  réservoir  à  coke, 
haut  et  très  étroit,  occupe  la  moitié  de  la  hauteur  du  corps  cylindrique  et  se  rétrécit  à  sa 
partie  inférieure.  Dans  ce  poêle,  la  formation  de  l'oxyde  de  carbone  est  moins  abondante 
que  dans  le  poêle  Chouberski,  par  la  raison  que  la  nappe  de  combustible  en  ignition,  étant 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


mince  par  suite  de  la  forme  du  réservoir,  est  dans  un  bain  d'air.  Cette  circonstance  a  pour 
effet  de  transformer  l'oxyde  de  carbone  en  acide  carbonique.  Citons  encore  comme  exemples 
de  poêles  à  rayonnement  et  à  chargement  continu  :  le  poêle  Vulcain,  de  MM.  Faure  père  et 
fils;  le  Bienfaisant,  de  M.  A.  Chevrau;  le  Flamboyant,  de  M.  Rossignol  ;  le  poêle  Rousseau,  le 
Parisien,  le  poêle  Vieille,  le  Centenaire,  de  M.  Grassot;  le  Rationnel,  de  M.  Henri  Martin.  Tous 
ces  poêles  ont  l'inconvénient  de  présenter  à  leur  surface  une  température  élevée  qui  dessèche 
l'air  et  le  brûle.  La  grande  chaleur  émise  par  leur  enveloppe  rend  inaccessible  toute  la  partie 
de  la  pièce  voisine  du  poêle  et  détériore  les  meubles  placés  à  proximité.  Il  faut  recourir  aux 
poêles  à  circulation  d'air  pour  trouver  de  bonnes  dispositions  pouvant  éviter  de  surchauffer 
l'air  et  le  dessécher. 

Dans  la  catégorie  des  appareils  à  circulation  d'air  que  l'on  rencontrait  à  l'Exposition,  il 
faut  citer  le  poêle  roulant  en  faïence  et  à  foyer  en  terre  réfractaire,  de  M.  Picquefeu  (un  nom 
approprié  à  la  circonstance);  le  poêle  Manivelle,  des  poêles  de  la  maison  Godin  (Société  du 
Familistère  de  Guise),  le  Splendide,  de  la  société  de  chauffage  hygiénique  l'Anthracite,  de 
M.  E.  Bondonneau;  les  calorifères  d'appartement  des  Forges  et  fonderies  de  Sougland 
(Aisne),  l'Isotherme,  de  M.  L.  Sommaire  ;  le  Calorifère  parisien,  de  MM.  Maugin  et  Aubrey  ;  le 
poêle  régulateur  de  MM.  Arnould  et  Gariot,  la  Fournaise,  de  .MM.  Lajourdie  et  Nicolas,  et 
bien  d'autres  encore  qui  témoignent  d'efforts  considérables  de  la  part  des  constructeurs 
pour  réaliser  les  meilleures  conditions  d'un  chauffage  économique  et  hygiénique.  Cepen- 
dant, dans  la  plupart  de  ces  poêles,  aucune  disposition  n'est  prise  pour  rendre  la  combus- 
tion complète,  c'est-à-dire  pour  transformer  l'oxyde  de  carbone  en  acide  carbonique. 

signalons  le  poêle  Besson,  qui  est  un  poêle  tubulaire  dans  lequel  des  tubes  verticaux  de 
5  centimètres  de  diamètre,  au  nombre  de  huit,  sont  disposés,  sans  le  toucher,  tout  autour 
du  coffre  cylindrique  qui  constitue  le  foyer.  Ces  tubes,  qui  sont  chauffés  par  rayonnement, 
sont  ouverts  par  les  deux  bouts.  L'air,  appelé  par  la  partie  inférieure  de  ces  tubes,  les 
traverse  et  s'échappe  à  leur  partie  supérieure  sous  le  couvercle  du  poêle  après  quoi  il  se  répand 
dans  la  pièce.  Dans  ce  poêle,  les  tubes  débouchent  par  en  bas  dans  la  pièce  même  où  est 
installé  le  calorifère,  mais  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  ces  tubes  soient  en  communication  avec 
un  carneau  formant  prise  d'air  à  l'extérieur.  Cette  disposition  témoigne  une  certaine 
recherche;  mais  ces  tubes  s'échauffent  beaucoup,  et  peut-être  assez  pour  dessécher  l'air  de  la 
pièce.  Aucune  disposition  n'est  prise  pour  rendre  complète  la  combustion,  c'est-à-dire  pour 
suroxyder  l'oxyde  de  carbone. 

Nous  citerons,  comme  appareil  de  chauffage  bien  étudié,  h'  poêle  Molinari,  qui  est  un 
poêle  fixe  en  terre  réfractaire.  Le  foyer,  en  terre  réfractaire,  est  surmonté  d'un  cylindre  métal- 
lique fermé  à  sa  partie  supérieure  par  un  joint  de  sable  ;  ce  cylindre  central  est  le  réservoir 
du  combustible;  autour  de  lui  sont  placées  concentriquement  deux  enveloppes  en  terre 
réfractaire.  Les  gaz  de  la  combustion,  avant  de  se  rendre  dans  la  cheminée,  circulent  entre 
lesdites  enveloppes.  Cette  disposition  augmente  la  surface  de  chauffe  et  contribue  à  l'utili- 
sation de  la  chaleur. 

Le  bas  et  le  haut  du  poêle  présentent  des  parties  métalliques  ajourées.  L'air  est  intro- 
duit par  les  ouvertures  inférieures  et  s'échauffe  en  passant  dans  les  parties  annulaires  avant 
de  s'échapper  par  les  ouvertures  supérieures  qui  servent  de  bouches  de  chaleur.  Le  chauf- 
fage de  la  pièce  se  fait  donc  par  l'air  chaud  lancé  par  ces  bouches  de  chaleur  et  en  même 
temps  par  le  rayonnement  de  l'enveloppe  extérieure.  Mais  il  est  bon  de  noter  que  les  appa- 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   1889 


209 


reils  en  terre  sont  sujets  à  caution,  parce  qu'il  y  a  souvent  à  redouter  les  fendillements  de 
la  terre  et  la  non-étanchéité  des  joints  des  parties  en  terre  avec  les  parties  métalliques.  Par 
les  fissures,  les  gaz  de  la  combustion  peuvent  passer  et  venir  dans  la  pièce  à  chauffer  ;  c'est 
le  point  faible  de  ces  sortes  d'appareils  qui  exige  une  grande  attention  dans  la  construction. 
Nous  devons  signaler  aussi  dans  l'exposition  belge  le  poêle  l'Hélicoïdale,  qui  se  com- 
pose d'une  colonne  en  fonte  creuse,  contenant  le  combustible  et  portant  à  l'intérieur 
deux  carneaux  en  hélice  venus  de  fonte  et  s'élevant  jusqu'à  la  buse.  La  fumée  est  as- 
treinte à  parcourir  ces  hélices  avant  de  se  rendre  à  la  cheminée.  Le  poêle  est 'fermé  à 

Quelques  types  de  lampe  parisienne  Wenliam. 


P.  L. 


P.  C. 


P.    I!. 


sa  partie  supérieure  par  un  joint  en  sable.  Dans  ce  poêle ,  la  chaleur  est  bien  utilisée 
par  le  long  parcours  de  la  fumée  avant  son  évacuation  dans  la  cheminée. 

Signalons  encore  les  dispositions  du  poêle  russe  constituées  par  trois  cylindres  con- 
centriques. Le  cylindre  intérieur  qui  surmonte  le  foyer  est  le  réservoir  du  combustible. 
L'espace  annulaire  compris  entre  celui-ci  et  le  cylindre  intermédiaire  est  parcouru  par 
les  gaz  de  la  combustion  avant  leur  entrée  par  la  buse  dans  la  cheminée  d'évacuation. 
L'espace  annulaire  compris  entre  le  cylindre  intermédiaire  et  l'enveloppe  extérieure  est 
destiné  à  la  circulation  de  l'air,  qui  s'y  échauffe  avant  d'être  lancé  dans  la  pièce  par 
des  bouches  de  chaleur.  Le  foyer  est  en  terre  réfractaire.  Tout  autour  de  la  paroi  du 
foyer  sont  ménagés  dans  l'épaisseur  de  la  terre  des  trous  verticaux  par  lesquels  l'air, 
entré  par  le  bas,  s'élève,  s'échauffe  et  vient  déboucher  tout  autour  du  talus  formé  par 
ni  14 


210  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE  1889 

le  combustible  tombé  dans  le  loyer.  Ce  talus  crée  en  cet  endroit  un  petit  vide  annulaire 
dans  lequel  l'air  dont  on  vient  de  parler  chemine  en  se  mêlant  aux  gaz  produits  par 
la  combustion  due  à  l'air  admis  par  la  grille.  Les  gaz  se  suroxydent  et  l'oxyde  de 
carbone  se  transforme  en  acide  carbonique. 

Le  tirage  se  règle  par  la  section  variable  d'entrée  de  l'air  sous  la  grille.  On  fait 
varier  aussi  la  quantité  d'air  chaud  envoyée  dans  la  pièce,  en  manœuvrant  un  bouton 
attenant  au  couvercle  supérieur  du  poêle.  En  somme,  ce  poêle  présente  de  bonnes  dis- 
positions. 

L'exposition  anglaise  comptait  les  poêles  de  MM.  Musgrave  et  Ci0  (qui  possèdent  une 
maison  de  vente  à  Paris).  On  est  certain  de  rencontrer  dans  les  poêles  anglais  du  con- 
fortable ,  mais  un  peu  de  complication  dans  leurs  agencements. 

Les  poêles  Musgrave  sont  de  forme  rectangulaire,  forme  que  les  Anglais  préfèrent 
et  qui  se  prête  bien  aux  effets  décoratifs  qu'ils  recherchent.  Dans  ces  poêles,  le  combus- 
tible est  placé  dans  un  coffre  en  fonte  doublé  de  terre  réfractaire.  Il  n'y  a  pas  de  grille 
et  l'air  nécessaire  à  la  combustion  entre  par  la  porte  inférieure,  qu'on  laisse  plus  ou 
moins  ouverte.  Les  cendres  sont  extraites  par  cette  même  porte  et  tombent  à  travers 
une  rainure  dans  un  cendrier  ménagé  dans  le  socle.  Les  gaz,  après  avoir  traversé  la 
colonne  de  combustible,  rencontrent  au  sommet  du  coffre  une  nappe  d'air  chaud  dans 
laquelle  se  fait  la  transformation  de  l'oxyde  de  carbone  en  acide  carbonique. 

L'air  à  chauffer  entre  par  le  socle  du  poêle  et  s'élève  à  travers  l'espace  qui  reste,  tout 
autour  du  poêle,  entre  le  coffre  et  les  conduits  en  fonte  d'une  part,  et  l'enveloppe  extérieure 
d'autre  part.  Suivant  les  modèles,  cette  enveloppe  est  en  fonte  ajourée  ou  en  carreaux  de 
faïence  émaillée.  L'air  chaud  se  répand  dans  la  pièce  par  les  ouvertures  des  parois  et  celles 
du  couvercle  de  l'enveloppe.  Un  saturateur,  placé  au  sommet,  fournit  à  l'air  chaud  l'humi- 
dité nécessaire.  Les  surfaces  de  chauffe  de  l'air  sont  augmentées  au  moyen  de  nervures 
venues  de  fonte  avec  le  coffre  intérieur  et  les  conduits  de  fumée.  Ces  poêles  remplissent 
les  conditions  suivantes  :  une  combustion  complète,  un  tirage  convenable  obtenu  par  une 
large  section,  une  évacuation  bien  assurée  des  gaz  et  un  contact  de  l'air  avec  des  surfaces 
modérément  chaudes. 

Passons  maintenant  en  revue  les  principaux  calorifères  de  l'Exposition. 

Calorifère*.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  calorifères  des  appareils  placés  loin  des  pièces 
que  l'on  se  propose  de  chauffer.  Le  plus  souvent  les  calorifères  sont  installés  dans  les  caves. 
Ils  se  composent  :  1°  d'un  foyer  muni  d'une  grille  sur  laquelle  on  brûle  le  combustible;  2"  de 
tuyaux  parcourus  par  la  fumée  ;  3°  d'une  conduite  générale  amenant  l'air  pris  au  dehors, 
lequel  air  s'échaullè  au  contact  des  tuyaux  de  fumée  avant  d'être  envoyé  dans  une  chambre 
de  chaleur  d'où  il  est  distribué  dans  les  pièces  à  chauffer  au  moyen  de  tuyaux  ou  de 
carneaux. 

Les  matériaux  employés  dans  la  construction  des  calorifères  sont  les  briques  réfrac- 
taires,  la  fonte  et  la  tôle. 

Dans  les  calorifères  en  terre  réfractaire,  on  développe  autant  que  possible  les  surfaces 
de  chauffe  afin  de  compenser  la  faible  conductibilité  de  la  brique. 

Les  calorifères  en  fonte  sont  plus  simples  de  construction  que  les  calorifères  en  brique. 
Il  existe  aujourd'hui  une  très  grande  variété  dans  la  disposition  des  calorifères. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    issu 


211 


L'Exposition  présentait  quelques  spécimens  de  calorifères,  parmi  lesquels  nous  men- 
tionnerons le  calorifère  Molinari,  construit  en  briques  réfractaires,  dont  la  disposition 
intérieure  est  celle  d'un  fer  à  cheval.  Des  diaphragmes  obligent  la  fumée  à  parcourir  de 
longs  espaces  avant  de  se  rendre  à  la  cheminée 

Citons  encore  le  calorifère  Défossé,  de  Rouen,  et  le  calorifère  à  chargement  continu  de 
M.  Bonneau,  qui  exige  un  seul  chargement  toutes  les  vingt-quatre  heures,  et  le  calorifère 


Lampe  Wenham.  —  Habillage  en  poterie  émaillée. 


Lampe  Wenham  à  ventilation. 


isotherme  Charles  Bourdon,  très  facile  à  entretenir,  qui  ne  demande  presque  pas  de  sur- 
veillance, et  qui  est  d'une  étanchéité  absolue. 

N'oublions  pas  les  calorifères  de  caves,  inventés  par  M.  Michel  Perret,  et  exploités 
actuellement  par  M.  Marins  Olivier;  ils  onl  des  foyers  à  étages,  et  brûlent  des  combustibles 
pulvérulents  et  pauvres,  utilisant  ainsi  les  déchets,  ce  qui  rend  ce  système  très  éco- 
nomique. 

Calorifères  à  eau  chaude  et  à  vapeur.  —  Le  transport  de  l'air  chaud  est  très  limité  sous  le 
rapport  de  la  distance.  11  en  résulte  que  pour  le  chauffage  de  grands  établissements  on  est 
obligé  de  multiplier  le  nombre  des  calorifères  à  air  chaud;  de  là  une  grande  dépense  dans 
l'établissement  de  ces  appareils  multiples  et  une  surveillance  difficile. 

Le  chauffage  à  vapeur  permet  rétablissement  d'une  seule  chaudière  effectuant  la  distri- 
bution de  la  vapeur  et  de  la  chaleur  à  de  grandes  distances,  sans  qu'il  y  ait  une  perte 
sensible  de  calorique,  à  cause  même  île  l'exiguïté  des  diamètres  des  tuyaux  employés. 

L'Exposition  présentait  un  certain  nombre  de  chaudières  et  d'appareils  de  circulation 
d'eau  chaude  ayant  pour  objet  le  chauffage  ;  mais  nous  ne  pouvons  pas  en  indiquer  les 


212 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 


dispositions  dans  une  revue  aussi  rapide  que  celle-ci.  Parmi  les  expositions  de  la 
classe  XXVII,  nous  citerons  celles  de  MM.  Anceau,  Renard,  Cuau,  Ch.  Gandillot,  Jules 
Grouvelle,  Fouclié,  d'Anthonay,  pour  les  appareils  de  chauffage  à  air  chaud,  à  eau  chaude 
et  à  vapeur.  En  outre,  le  chauffage  à  vapeur  nécessite  remploi  d'un  grand  nombre  d'appa- 
reils auxiliaires,  comme  les  robinets,  les  purgeurs,  les  détendeurs  de  pression,  etc.,  dont  on 
trouvait  des  spécimens  dans  les  expositions  des  nombreux  industriels  qui  figuraient  dans 
la  classe  XXVII,  et  notamment  dans  la  belle  exposition  de  MM.  Geneste  et  Herscher,  les 
constructeurs  bien  connus,  dont  l'importante  participation  les  a  placés  hors  de  pair;  en  effet, 
le  seul  grand  prix  décerné  dans  cette  classe  leur  a  été  dévolu. 

Chauffage  au  gaz.  —  Dans  ce  genre  de  chauffage,  on  l'ait  presque  toujours  usage  de 
l'amiante  comme  transmetteur  de  la  chaleur.  L'exposition  présentait  un  grand  nombre  de 

cheminées  et  de  poêles  chauffés  de  cette  manière.  Dans 
la  cheminée  Lequenne,  on  emploie  de  la  bourre  d'amiante 
comprimée  se  présentant  sous  la  forme  d'une  brique 
que  l'on  place  verticalement  dans  la  cheminée.  La  cha- 
leur-est réfléchie  dans  l'appartement  au  moyen  de  ré- 
flecteurs en  cuivre  poli,  disposés  autour  de  la  brique. 

Dans  la  cheminée  Fougeron,  l'amiante  est  disposée 
autour  de  fils  de  platine  que  l'on  suspend  devant  le 
foyer.  Dans  la  cheminée  Deselle,  des  briques  réfrac- 
taires,  entourées  d'amiante,  sont  placées  verticalement 
dans  un  cadre  métallique.  Toutes  ces  cheminées  sont 
alimentées  par  du  gaz  amené  par  un  brûleur  à  la  surface 
de  l'amiante. 

banni  les  poêles  et  fourneaux  à  gaz  exposés,  nous 
citerons  ceux  de  MM.  Legrand,  Vieillard,  Chabrier  jeune, 
Bizot  et  Akar,  Delafollye,  Bastide,  Castoul  aine  et  Gie,  etc. 
Plusieurs  de  ces  industriels  construisent  des  four- 
neaux à  gaz  propres  à  faire  la  cuisine. 

Enfin,  pour  en  terminer  avec  les  appareils  divers 
de  chauffage  figurant  dans  la  classe  XXVII,  rappelons 
le  système  de  MM.  Ancelin  et  Gillet  (chauffage  par  l'acé- 
tate de  soude),  les  appareils  en  fonte  brute  et  émaillée 
de  MM.  Boucher  et  Cic,  Allez  frères,  etc.  Ges  derniers, 
connus  de  longue  date,  présentaient  également  des  fourneaux  de  cuisine;  MM.  Besnard 
et  Cubain  se  faisaient  remarquer  par  des  fourneaux  et  calorifères  portatifs;  M.  Reveilhac, 
par  des  fourneaux  en  tôle  et  fonte;  MM.  Emile  Muller  et  Cie,  Ghibout,  par  des  installations 
de  chauffage  laites  sur  une  grande  échelle,  elc. 

Il  ressort  visiblement  de  l'étude  des  appareils  que  l'Exposition  présentait,  que  les 
appareils  de.  chauffage  d'appartement  le  plus  en  vogue  sont  les  poêles  à  combustion 
lente.  Le  public  renonce  volontiers  à  faire  usage  des  cheminées,  dont  le  chauffage  est  dis- 
pendieux. Le  chauffage  par  la  cheminée  est,  comme  on  le  sait,  un  moyen  puissant  de 
ventilation,  tandis  que  le  poêle  donne  une  ventilation  insuffisante.  Mais  il  faut  recon- 


Lampe  du  Musée  Rétrospectif. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    HE    1R89 


213 


naître  que  les  poêles  ont  été  bien  perfectionnés.  Un  bon  poêle  puise  l'air  à  une  prise 
extérieure  et  déverse  dans  la  pièce  de  l'air  chaud.  Il  s'établit  alors  dans  la  pièce  un 
excès  de  pression  qui  refoule  au  dehors  l'air  même  de  cette  pièce  par  les  lentes  des 
portes  et  des  fenêtres.  C'est  donc  le  contraire  de  ce  qui  se  passe  dans  le  cas  d'une  che- 
minée, qui  s'alimente  ordinairement  par  l'air  froid  venant  du  dehors  et  amené  par  les 
portes  et  les  fenêtres.  D'après  cela,  on  comprend  l'utilité  d'établir  des  prises  d'air  pour 
alimenter  les  poêles,  et  on  voit  combien  il  est  inexcusable  aujourd'hui  de  négliger,  dans  les 
nouvelles  constructions,  cette  mesure  sans  laquelle  tout  perfectionnement  au  chauffage 
domestique,  même  par  les  cheminées,  est  forcément  incomplet. 

Appareils  île  ventilation.  —  Nous  ne  pouvons  donner  ici  une  étude  détaillée  des  pro- 
cédés de  ventilation  qui  figuraient  dans  la  classe  XXVII.  Rappelons  seulement  les  beaux 
dessins  exposés  par  la  maison  Geneste,  Herscher  et  Gic,  figurant  les  installations  com- 
binées en  vue  de  la  ventilation  de  grands  édifices  publics  et  les  travaux  exécutés  prati- 
quement par  cette  maison  importante. 

APPAREILS  ET  PROCÉDÉS  D'ÉCLAIRAGE  NON  ÉLECTRIQUE 

L'Exposition  montrait   plutôt  toutes   les   utilisations  des  divers  moyens  d'éclairage 


Détail  de  l'intérieur  d'une  lampe  à  gaz  Wenham. 


que  les  moyens  techniques  eux-mêmes,  et  une  partie  de  ces  derniers  figurait  même  dans 
la  classe  LI.  C'est  le  gaz  qui  occupait  la  place  la  plus  considérable. 

Avant  l'apparition  de  l'éclairage  électrique,  qui  fait  déjà  une  sérieuse  concurrence 


214 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    18S9 


aux  anciens  procédés  par  le  gaz,  le  bec  papillon  était  le  seul  usité  dans  les  villes,  et 
brûlait  130  litres  de  gaz  par  unité  de  carcel. 

L'éclairage  électrique  suscita  des  recherches  dans  le  but  de  rendre  le  gaz  plus  éco- 


nomique, et  l'on  vit  alors  le  bec 
dit  du  Quatre- Septembre,  con- 
sommant 1,400  litres  à  l'heure, 
et  produisant  une  intensité  lumi- 
neuse de  12  à  13  carcels.  Mais  on 
ne  s'est  pas  arrêté  là,  et  on  a 
depuis  réalisé  des  foyers  de  20, 
30  et  même  50  carcels,  et  con- 
sommant seulement  50, 
même  35  litres  de  gaz  par  carcel. 

On  est  donc  arrivé  à  pro- 
duire plus  de  lumière  avec  une 
moins  grande  dépense  de  gaz. 

Les  lampes  peuvent  être  ra- 
menées à  trois  types  :  le  système 
Wenham,  inventé  en  1885;  le  sys- 
tème Schulke  et  les  lampes  à  in- 
candescence par  le  gaz. 

Les  deux  premiers  systèmes 
sont  basés  sur  le  principe  de  la 
récupération, 
c'est-à-dire  que 
l'air  qui  ali- 
mente le  loyer 
est  chauffé  par 
les  produits  de 
la  combustion, 
avant  d'agir 
comme  com- 
burant. 

Dans  le  type 
Wenham,  qui 
figurait  à  l'Ex- 
position, et  sur 
lequel  nous 
aurons  à  rêve- 


Lampe  Wenham.  —  GarDiture  en  fer  forgé. 


nir,  le  foyer  lumineux  est  cons- 
titué par  une  nappe  horizontale, 
éclairant  de  haut  en  bas.  Les 
systèmes  principaux  qui  en  déri- 
vent sont  ceux  deMM.W.  Sugg, 
Ezmos,  Danischouks,  etc.  On  pou- 
vait les  voir  fonctionner  à  l'Ex- 
losition,  de  même  que  ceux  de 
la  compagniefrançaise  des  lampes 
à  gaz  à  récupération. 

Dans  le  type  Schulke,  le  foyer 
lumineux   est   produit  par  une 
couronne  de  papillons  verticaux. 
Le  bec  parisien,  qui  en  dérive, 
brûle  60  litres  de  gaz  par  carcel; 
e  bec  industriel  de  MM.  Bengel 
frères  ne  brûle  que  35  litres  par 
carcel  ;  ce  dernier  système   est 
donc  très  économique,  mais  il 
nécessite    un     entretien     minu- 
tieux, inconvé- 
nient inhérent 
à  la  plupart  des 
appareils  per- 
fectionnés. 

Aussi,  le 
bec  papillon 
n'est-il  pas 
près  de  dispa- 
raître ;  c'est 
toujours  lui 
qui  est  utilisé 
dans  les  becs 
de  gaz  de  nos 
rues  parisien- 
nes. 


Le  gazomultiplex,  exposé  par  la  Société  anonyme  franco-belge  de  robinetterie  et  d'ap- 
pareils d'éclairage,  mérite  d'être  cité;  il  est  arrivé  à  atteindre  un  pouvoir  lumineux  de 
4  carcels,  avec  réflecteur,  chaque  carcel  ne  nécessitant  que  31  litres  de  gaz. 

Les  laiitjies  à  gaz  a  incandescence  conviennent  pour  l'éclairage  domestique,  tandis  que  les 
précédentes  sont  préférables  pour  l'éclairage  public,  et  cela  à  cause  de  leur  intensité  différente. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  215 

1 ■ 

Dans  ce  type,  le  gaz  qu'on  fait  brûler  à  la  plus  liante  température  possible  porte  au 
rouge  blanc  une  matière  réfractaire  quelconque  placée  à  cet  effet  devant  la  flamme  ;  c'est 
en  quelque  sorte  un  perfectionnement  de  la  lumière  de  Drummond. 

M.  Clamond  a,  en  1882,  imaginé  un  liée  où  la  combustion  du  gaz,  se  faisant  à  l'inté- 
rieur d'une  mèche  en  magnésie  filée,  rend  incandescente  cette  dernière. 

En  1885,  M.  Auer  von  Welsbach  a  réalisé  un  bec  très  ingénieux,  c'est  un  brûleur 
Bunsen,  surmonté  d'une  mèche  en  gaze  légère,  imprégnée  d'oxydes  métalliques,  qui 
devient  incandescente.  On  obtient  ainsi  un  carcel  pour  40  litres  de  gaz  par  heure,  et  les 
mèches  durent  800  heures.  Le  pouvoir  éclairant  est  de  "2  carcels. 

Parmi  les  régulateurs  à  gaz  exposés,  signalons  ceux  de  MM.  Laurent  Petit  et  Bablon, 
types  différents,  desquels  dérivent  plus  ou  moins  les  autres  systèmes. 

Le  premier  comprend  un  manomètre  sec,  d'un  type  spécial,  et  un  moteur  électrique 
actionnant  la  valve,  ouvrant  et  fermant  l'orifice  (l'admission. 

Le  régulateur  Bablon  se  visse  directement  sur  chaque  liée;  sa  section  d'admission 
est  constante  et  sa  section  d'échappement  peut  être  variée  à  volonté,  par  le  réglage. 

La  Société  de  perfection  de  l'éclairage,  dont  le  Président  est  M.  Du  Fay-Saval,  pré- 
sentait plusieurs  appareils  intéressants. 

Comme  appareils  divers  d'éclairage  au  gaz,  on  ne  peut  passer  sous  silence  ceux  de 
MM.  Seiler  frères,  Flicoteaux,  Potron,  etc. 

Parmi  les  lampes,  lustres,  torchères,  lanternes,  suspensions,  etc.,  que  l'Exposition 
renfermait  en  grande  quantité,  nous  devons  citer  spécialement  les  appareils  présentés 
par  MM.  Bosselut,  Parvillers,  Antony  Poullain,  Schlossmacher  et  J.  Ferreux,  Stanislas 
Gillet,  Girardin  et  Pioche,  etc.,  presque  tous  pour  le  gaz. 

Parmi  les  fabricants  de  lampes  à  pétrole  ou  à  huile,  figuraient  plusieurs  des  noms  pré- 
cédents, et  aussi  ceux  de  MM.  Boisson,  Brenot,  Peigniet-Changeur,  Bistelhueber,  etc. 

Signalons  les  bronzes  d'éclairage  exposés  par  M.  Prosper  Bonnet,  et  surtout  ceux  de 
M.  Caumers,  très  artistiques  et  de  styles  variés;  les  mèches  pour  lampes  de  M.  Edmond 
Lebas,  Bullot,  etc.,  ce  dernier  exposant  aussi  des  veilleuses;  les  soufflets  de  MM.  Enfer  et 
ses  fils;  les  bouches  de  chaleur  de  M.  Astorgis;  les  articles  de  fumisterie  de  M.  Isidore 
Dangien,  etc. 

Le  Pavillon  du  gaz,  que  nous  décrivons  ci-après,  nous  montrait  des  applications  de 
tous  les  systèmes  où  le  gaz  est  employé  à  un  titre  quelconque. 

Nous  ne  terminerons  pas  la  classe  il  sans  rappeler  tout  au  moins  les  noms  de 
M.  Henry  Lepaute,  ingénieur,  connu  pour  ses  beaux  phares  ;  de  la  Compagnie  générale 
des  allumettes  chimiques  (A.  Monchicourt,  administrateur  délégué),  etc. 

Bref,  la  partie  de  la  classe  XXVII  relative  à  l'éclairage  nous  montrait  que  l'éleclricite 
avait  encore  fort  à  faire  pour  détrôner  l'invention  de  Philippe  Lebon  ;  pendant  longtemps 
encore,  on  tirera  de  la  houille,  du  diamant  noir,  comme  on  dit  en  Angleterre,  le  gaz  qui 
éclaire  nos  rues,  nos  édifices  et  nos  loyers,  car  les  inventeurs  ont  perfectionné  leurs 
appareils,  afin  de  pouvoir  mieux  lutter  avec  les  concurrents  de  l'avenir.  Le  gaz  a  montré 
à  l'Exposition  de  188!)  qu'il  a  su  maintenir  sa  supériorité  comme  agent  universel  d'éclai- 
rage, de  chauffage,  de  ventilation  et  de  force  motrice,  principalement  pour  la  petite  in- 
dustrie. 


216  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 

EXPOSITION  COLLECTIVE  DE  L'INDUSTRIE  DU  GAZ 

Les  Compagnies  et  les  propriétaires  d'usines  éclairant  les  principales  villes  de  France, 
groupés  autour  de  la  Compagnie  d'éclairage  et  de  chauffage  par  le  gaz,  avaient  réuni  dans 
un  même  pavillon  toutes  les  applications  du  gaz.  Ce  pavillon,  érigé  tout  près  de  la  Tour 
Eiffel,  était  une  élégante  construction,  se  présentant  sous  la  forme  d'un  hôtel  moderne  ayant  : 
1°  un  sous-sol,  mais  qui,  dans  le  pavillon  du  gaz,  a  été  affecté  non  seulement  à  la  cuisine, 
mais  encore  aux  appareils  et  aux  moteurs  à  gaz,  et  aussi  à  des  laboratoires  de  physique  et 
de  chimie  disposés  pour  expériences  relatives  à  l'industrie  du  gaz  :  2°  un  rez-de-chaussée 
comprenant  une  galerie  consacrée  à  l'exposition  rétrospective  de  l'art  de  l'éclairage,  une 
salle  des  fêtes  sous  la  rotonde,  une  bibliothèque,  un  cabinet  de  travail  et  un  fumoir;  3° un 
premier  étage  où  l'on  trouvait  une  véranda,  une  salle  à  manger,  des  salons,  une  salle  de 
billard,  une  chambre  à  coucher,  un  boudoir,  un  cabinet  de  toilette,  une  salle  de  bains. 

Le  pavillon  mesurait  une  superficie  de  428  mètres  carrés,  ce  qui  donne  pour  l'ensemble 
une  étendue  de  1,284  mètres  carrés. 

La  question  si  importante  de  la  ventilation,  si  négligée  dans  nos  appartements,  a  été 
l'objet  d'une  étude  toute  particulière.  Elle  a  reçu  parfois  une  solulion  au  moyen  d'appareils 
d'éclairage  procurant  simultanément  la  lumière  et  le  renouvellement  de  l'air  des  pièces  où 
ils  sont  placés  et  d'autres  fois  par  des  orifices  d'évacuation  ménagés  dans  les  moulures  et  les 
corniches  des  plafonds. 

Tous  les  conduits  d'évacuation  se  réunissaient  dans  une  seule  grande  cheminée.  A  cet 
effet,  au  centre  de  cette  cheminée  unique,  se  trouve  un  tuyau  métallique  recevant  les  pro- 
duits de  la  combustion  du  calorifère  et  de  tous  les  appareils  de  chauffage  du  pavillon.  Cette 
disposition  assure  en  hiver  le  renouvellement  de  l'air  des  appartements  ;  en  été,  l'aération 
est  obtenue  par  un  foyer  d'appel,  formé  par  une  couronne  de  lumière. 

Dans  la  cuisine,  au  rez-de-chaussée,  la  ventilation  était  obtenue  au  moyen  de  quatre 
appareils  d'éclairage  Wenham.  Au-dessus  de  chaque  appareil,  une  ouverture  conduisait  l'air 
chaud  dans  une  fausse  poutre;  de  là,  l'air  chaud  conduit  dans  des  corniches  creuses,  con- 
tournant les  pièces,  était  évacué  dans  la  grande  cheminée  du  pavillon  avec  les  odeurs  et  les 
fumées  de  la  cuisine. 

Comme  on  le  voit,  c'est  un  exemple  intéressant  des  dispositions  à  adopter  pour  utiliser 
la  chaleur  du  gaz  à  l'assainissement  des  cuisines. 

Le  rez-de-chaussée  contenait,  comme  il  a  été  dit,  une  galerie  rétrospective  des  appa- 
reils d'éclairage  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays,  depuis  la  lampe  romaine  jusqu'au 
lustre  du  premier  empire.  Cette  rare  collection  a  été  réunie  et  classée  par  les  soins  de 
M.  Henri  d'Allemagne,  ancien  élève  de  l'École  des  Chartes. 

L'éclairage  de  cette  galerie  était  obtenu  au  moyen  d'appareils  Wenham  à  récupération 
et  à  ventilation. 

Au  rez-de-chaussée,  avons-nous  dit,  était  la  salle  des  fêtes,  placée  sous  la  coupole  et 
coupée  au  premier  étage  par  une  galerie  périphérique  en  surplomb.  Cette  coupole  vitrée 
était  munie  de  verres  de  couleur  perforés  de  telle  sorte  que  la  fraisure  des  trous  se  trouve 
en  dehors.  Ces  verres  fournissent  un  excellent  moyen  de  ventilation,  en  assurant  la  sortie 
de  l'air  chaud.  Un  grand  lustre  au  milieu  de  la  coupole  et  huit  petits  lustres,  placés  dans 


L'EXPOSITION'   UNIVERSELLE    DE    1S89 


217 


les  cntre-colonnements  du  rez-de-chaussée,  éclairaient  l'intérieur  de  cette  coupole  et  la 
transformaient  à  l'extérieur  en  un  globe  lumineux  qui  signalait  au  loin  le  pavillon  aux 
visiteurs  du  soir. 

A  signaler  aussi  l'éclairage  de  la  salle  de  billard  obtenu  avec  une  suspension  munie 
d'un  réflecteur.  En  outre,  il  régnait  un  cordon  de  petits  becs  de  gaz  rendant  lumineuse  la 
corniche  du  plafond.  Ces  liées  de  gaz,  placés  derrière  des  verres  colorés  et  dépolis,  produi- 
sent une  lumière  diffuse  convenable  pour  une  salle  de  billard.  Dans  le  fumoir,  le  gaz  four- 
nissait du  feu  pour  les  fumeurs  et  entretenait  bouillante  l'eau  pour  le  thé.  bans  le  cabinet 
de  toilette,  il  donnait  instantanément  de  l'eau  chaude.  Dans  le  water-closet,  un  système 
d'allumage  était  commandé  par  la  porte  d'entrée. 

La  salle  à  manger  du  pavillon   du  gaz  était  1res  bien  éclairée  au  moyen  d'une  série  de 


Rosace  lumineuse  Wenham  à  ventilation. 


becs  du  type  Wenham,  disposés  dans  un  caisson  faisant  partie  du  plafond.  Les  becs  étaient 
munis  de  cheminées  qui  entraînaient  au  dehors  les  produits  de  la  combustion  en  même 
temps  que  l'air  vicié  de  la  salle  à  manger. 

-  L'installation  de  la  salle  de  bains  avait  été  faite  au  moyen  de  l'appareil  de  M.  Barbas. 
L'eau  y  était  rapidement  portée  à  la  température  voulue  et  la  dépense  en  gaz  se  trouvait 
réduite  à  1,000  ou  1,200  litres  par  bain,  correspondant  a  une  dépense  de  0  fr.  30  à  0  fr.  40. 

Lu  chambre  à  coucher  du  pavillon  du  gaz  au  premier  étage  montrait  aussi  l'emploi  du 
gaz  dans  le  cas  où  il  exige  le  plus  de  soins.  Mais  il  est  incontestable  que  dans  un  cabinet 
d'habillage,  attenant  à  une  chambre  à  coucher,  une  installation  d'un  appareil  à  gaz  faite  à 
une  grande  hauteur  peut  donner  une  lumière  intense  qui  convient  à  l'essayage  des  toilettes. 

Pour  un  tel  service,  l'emploi  du  gaz  n'est  pas  seulemenl  utile  pour  assurer  un  bon 
éclairage;  il  est  indispensable  au  point  de  vue  du  chauffage.  11  est  nécessaire  aussi  de  ven- 


218 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


tiler  les  cabinets  d'essayage,  ce  qui  peut  s'obtenir  au  moyen  d'ouvertures  ménagées  dans 
les  corniches  des  plafonds. 

La  Compagnie  du  gaz  a  voulu  démontrer  qu'avec  des  précautions  on  peut  utiliser  le 
gaz  partout  comme  agent  d'éclairage,  de  chauffage  et  de  ventilation. 

Les  salons  et  la  véranda  du  premier  étage  ont  été  éclairés  également  au  gaz,  mais  dans 
des  conditions  qui  devaient  s'harmoniser  avec  la  décoration.  Ainsi  le  grand  salon  avait  été 

orné  dans  le  style  Louis  XVI,  par  MM.  Ter- 
nisien  frères.  Il  aurait  dû  être  éclairé  par 
des  bougies  de  cire  ou  même  par  des 
chandelles  qui  étaient  seules  employées  au 
xviii8  siècle.  On  ne  pouvait  donc  y  placer  des 
becs  à  récupération;  aussi,  pour  respecter, 
autant  que  possible,  le  style  de  l'époque, 
a  ton  placé  dans  le  lustre  et  les  torchères 
des  bougies  en  porcelaine  avec  des  flammes 
de  gaz.  On  a  obtenu  ainsi  un  éclairage  gai 
qui  convenait  parfaitement  à  une  salle  de 
réunion. 

La  véranda,  contigué  au  salon,  a  été 
éclairée  par  un  système  nouveau.  On  a  utilisé 
la  propriété  calorifique  du  gaz  de  porter  à 
une  très  haute  température  certaines  ma- 
tières réfractaircs,  ce  qui  permet  d'obtenir 
une  lumière  blanche  tout  à  fait  fixe. 

On  est  arrivé  ainsi  à  construire  des  ap- 
pareils donnant  une  intensité  lumineuse  va- 
riant d'un  à  vingt  becs,  suivant  la  consom- 
mation du  gaz. 

L'usage  du  gaz  pour  chauffage  présentait 
plusieurs  applications  dans  le  pavillon  du 
gaz,  notamment  dans  la  salle  de  billard.  La 
cheminée  Fletcher  utilise  le  rayonnement 
direct  des  matières  incombustibles  portées  à 
l'incandescence  par  les  flammes  du  gaz.  A 
cet  effet,  on  fait  usage  d'amiante,  qui  donne 
un  éclat  blanc,  et  aussi  des  branches  de  tonte,  qui  donnent  le  rouge  du  corail.  À  citer  aussi, 
dans  cette  sorte  d'applications,  le  foyer  à  boules  réfractaires  dans  lequel  la  chaleur  est  obte- 
nue en  portant  à  l'incandescence  des  boules  de  terre  réfractaire  et  d'amiante,  disposées 
dans  une  corbeille  de  fonte,  placées  au-dessus  de  rampes  de  gaz  formant  chalumeau.  La 
disposition  permet  de  modérer  le  feu  en  éteignant  une  ou  plusieurs  rampes.  De  plus,  ces 
appareils,  qui  sont  en  fonte,  peuvent  être  transformés  en  appareils  à  coke  dans  le  cas  011 
l'on  voudrait  supprimer  le  chauffage  au  gaz. 

Dans  le  cabinet  de  travail,  le  gaz  était  utilisé  pour  l'éclairage  au  moyen  d'un  lustre  de 
la  maison  Gally,  muni  d'un  bec  central  à  récupération  Wenham  et  plusieurs  becs  à  bougies 


Lampe  du  bar  de  Ceylon;  sjsiôuie  Wenham. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   IS89  219 


fournissant  l'éclairage  modéré  convenant  pour  un  cabinet  de  travail.  En  outre,  une 
lampe  était  placée  sur  le  bureau  et  des  appliques  étaient  disposées  près  de  la  cheminée. 

Le  chauffage  du  cabinet  du  travail  était  obtenu  par  le  système  Jacquot  à  réflecteur 
en  cuivre  de  la  maison  Vielliard  ou  par  le  système  à  réflecteur  avec  amiante  de  la  mai- 
son anglaise  L.  V.  Leeds  et  Cie.  Tous  les  appareils  de  chauffage  du  pavillon  du  gaz 
étaient  mis  en  communication  avec  la  grande  cheminée  d'évacuation. 

La  salle  des  machines  dans  le  sous-sol  était  éclairée  par  des  lampes  du  système 
albo-carbon  que  l'on  rencontre  aujourd'hui  dans  un  grand  nombre  de  magasins  de  la 
capitale. 

Cette  lampe  se  compose  d'un  réservoir  sphérique,  contenant  de  la  naphtaline.  La 
vapeur  de  naphtaline  se  dégage  et  vient  se  mélanger  et  brûler  avec  le  gaz  en  exaltant 
le  pouvoir  éclairant  de  ce  dernier. 

Dans  la  salle  des  machines  se  trouvaient  des  machines  motrices  à  gaz  de  divers 
systèmes  :  machine  Otto,  machine  Lenoir,  machine  Ravel,  machine  anglaise  Benz,  etc. 
Une  de  ces  machines  à  gaz  mettait  en  mouvement  une  pompe  rotative,  système  Dumont, 
qui  assurait  le  service  d'eau  du  pavillon  et  le  fonctionnement  d'un  petit  ascenseur 
Edoux  desservant  le  premier  étage. 

On  trouvait  aussi  dans  le  sous-sol  deux  compteurs  de  500  becs,  construits,  l'un  par 
la  Société  anonyme  de  fabrication  des  compteurs  (ancienne  maison  Brunt  etCie),  et  l'autre 
par  la  Société  Nicolas,  Chaînon,  Foret,  Siry,  Lizars  et  Cie. 

Enfin  disons  quelques  mots  de  la  rotonde  industrielle  installée  dans  le  sous-sol,  au- 
dessous  du  dôme,  dans  laquelle  on  avait  reporté  un  grand  nombre  d'appareils  de  chauf- 
fage et  d'éclairage.  Au  centre  de  cette  rotonde  étaient  disposés  la  plupart  des  becs  dits 
à  récupération  créés  dans  ces  dernières  années.  Divers  systèmes  de  rhéomètres  qui,  sous 
toutes  les  pressions,  assurent  le  passage  d'une  quantité  constante  de  gaz;  tels  sont  les 
rhéomètres  de  MM.  Giroud,  Bablon,  Sugg,  Clovis,  Grangeon,  etc. 

La  rotonde  présentait  aussi  de  nombreux  spécimens  d'appareils  à  gaz  pour  les  usages 
domestiques,  entre  autres  le  fer  à  gaz  à  repasser  de  M.  Saniot,  des  brûloirs  à  café.  La 
maison  Fletcher,  de  Londres,  exposait  dans  ce  genre  un  appareil  dans  lequel  le  calé'  est 
placé  dans  un  cylindre  en  tôle  perforée,  monté  sur  un  axe  que  l'on  tourne  à  la  main.  Un 
tube  en  cuivre,  formant  chalumeau,  envoie  à  l'intérieur  du  cylindre,  un  jet  de  flamme 
bleue  qui  se  mêle,  pour  ainsi  dire,  au  café,  dont  il  opère  rapidement  la  torréfaction.  Le 
même  industriel  exposait  aussi  un  appareil  destiné  au  chauffage  rapide  de  l'eau  et  qui  peut 
être  utilisé  dans  les  cabinets  de  toilette,  chez  les  coiffeurs,  etc. 

On  trouvait  aussi  dans  la  rotonde  de  nombreux  spécimens  d'appareils  de  chauffage 
au  coke,  entre  autres  le  calorifère  de  cave  de  Michel  Perret.  Dans  ce  calorifère,  on  utilise 
le  coke  sous  forme  de  poussier.  La  division  de  la  matière,  poussée  jusqu'à  la  pulvérulence, 
comporte  une  utilisation  plus  complète  du  coke  brûlé. 

D'après  ce  qui  précède,  le  gaz  présente  des  ressources  merveilleuses  comme  agent  de 
lumière,  de  chaleur  et  de  force  dynamique. 

Avant  de  clore  notre  revue  de  la  classe  XXVII,  il  nous  reste  à  signaler,  d'une  part,  les 
remarquables  types  de  poteries  réfractaires  exposés  par  M.  Emile  Muller;  d'autre  part, 
la  très  importante  exposition  d'ensemble  organisée  par  la  Wenham  C°. 

La  question  de  chauffage  domestique,  tant  au  point  de  vue  du  rendement  calorique  qu'à 


220 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


celui  de  la  salubrité,  préoccupe  aujourd 
de  chauffage  de  tous  systèmes,  soucieux 
poêles  et   aux  calorifères  en 
fonte  et  en  fer. 

M.  Emile  Muller,  il  y  a 
trente  ans  déjà,  cherchait  à 
introduire  l'usage  exclusif  de 
la  terre  réfractaire  dans  la 
construction  des  poêles  et  ca- 
lorifères, en  appliquant  à  ces 
appareils  l'emploi  de  garni- 
tures et  poteries  en  terre  ré- 
fractaire; les  résultats  heureux 
de  cette  innovation  ont  été 
d'ailleurs  consignés  dans  un 
rapport  du  25  mars  1870,  à 
l'Académie  des  sciences,  par 
M.  le  général  Morin,  directeur 
du  Conservatoire  des  Arts  et 
Métiers,  à  la  suite  des  expé- 


hui,  plus  que  jamais,  les  constructeurs  d'appareils 
d'éviter  les  inconvénients  justement  reprochés  aux 
riences  auxquelles  ce  dernier 
s'était  livré  sur  les  poêles  en 
terre  réfractaire  imaginés  par 
M.  Emile  Muller. 

Les  nombreux  types  de 
poteries  pour  calorifères  et  in- 
térieurs de  poêles  et  cheminées 
de  toutes  espèces  exposés  à  la 
classe  XXVII  démontrent  le 
chemin  parcouru  depuis.  Les 
constructeurs  d'appareils  en 
fonte  ont,  pour  la  plupart, 
adopté  les  garnitures  inté- 
rieures en  terre  réfractaire, 
sans  lesquelles  leurs  calori- 
fères et  poêles  sont  d'un  usage 
dispendieux  et  antihygiénique. 
En   ce  qui  concerne    la 


Lustre  Wonbam . 


Compagnie  Wenham,  disons  tout  d'abord  qu'elle  a  démontré  avec  le  plus  grand  succès  les 

avantages  immenses  résultant  de  l'emploi  du  gaz  au  moyen  des  appareils  qu'elle  fabrique, 

tant  au  point  de  vue  de  l'éclairage  qu'à  celui  si  important  et  tant  négligé  de  la  ventilation. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  quelques  types  plus  ou  moins  exacts  de  sa  fabrication  que 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


221 


celte  Compagnie  a  accrochés  dans  une  vitrine.  Au  contraire,  elle  n'a  pas  craint  de  montrer 
expérimentalement  ses  appareils  sous  toutes  leurs  formes,  et  cela  sur  la  plus  vaste  échelle. 
C'est  par  centaines  que  les  lampes  Wenharo  ont  fonctionné  pendant  toute  la  durée  de 
l'Exposition,  éclairant  brillamment  et  ventilant  un  grand  nombre  d'établissements,  parmi 
lesquels  nous  citerons  : 

Le  pavillon  du  gaz,  la  brasserie  Tourtel  (restaurant  français),  le  Grill  Room,  le  bar  de 


Lustre  du  Grill  room. 

Ceylon,  le  Bovril,  le  critérium,  le  restaurant  anglo-américain  à  la  tour  Eiffel,  restaurant 
Duval,  imprimerie  de  l'Exposition,  café  Marie  Brizard,  etc.,  etc. 

Ces  mêmes  lampes  avaient  encore  la  mission  d'éclairer  économiquement  les  nombreux 
et  élégants  chalets  érigés  par  la  Compagnie  Doulton. 

Pendant  six  mois,  un  millier  de  lampes  Wenham  ont  brûlé  chaque  soir,  réparties  par 
groupes  plus  ou  moins  nombreux,  soit  au  Champ-de-Mars,  soit  à  l'Esplanade  des  Invalides, 
et  pas  un  appareil  n'a  laissé  à  désirer  dans  son  fonctionnement  pendant  cette  longue 
période. 

C'est  donc  vaillamment  et  expérimentalement  que  cette  Compagnie  Wenham  a 
conquis  la  haute  distinction,  la  médaille  d'or,  qui  lui  a  été  attribuée  par  le  jury. 


222  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 

Au  Pavillon  du  gaz,  la  bibliothèque  était  éclairée  par  un  lustre  en  fer  forgé  portant 
treize  petites  lampes,  donnant  chacune  une  lumière  supérieure  à  celle  de  lampes  électriques 
à  incandescence  et  dépensant  en  gaz  cinq  fois  moins  que  les  lampes  électriques  en  force 
motrice. 

Deux  bras  de  même  style  portant  chacun  quatre  petites  lampes  complétaient  cette 
illumination  aussi  brillante  que  charmante  et  décorative. 

Ces  petites  lampes  que  la  Compagnie  Wenham  nomme  «  Parisiennes  »  sont  offertes  par 
elle  sous  diverses  formes  dont  la  plus  simple  n'est  tarifée  que  23  francs. 

Éclairant  comme  trois  bons  becs  à  gaz,  ne  dépensant  que  la  quantité  de  gaz  d'un  seul 
(160  litres  à  l'heure),  ne  revenant  qu'au  prix  d'un  seul  brûleur  monté  sur  la  lyre  la  plus 
simple,  elles  rendent  donc  les  services  de  trois  appareils  pour  la  dépense  occasionnée  par 
un  seul. 

Les  lampes  d'un  plus  fort  calibre  sont  encore  proportionnellement  plus  avantageuses. 

Signalons  d'abord  quelques  types  de  lampe  «  Parisienne  »  reproduits  pages  209. 

Dans  le  cabinet  de  travail  un  lustre  charmant,  à  10  bougies  gazantes,  portant  une 
lampe  Wenham  n°  2  à  sa  partie  inférieure,  montrait  que,  tout  en  obtenant  économique- 
ment une  grande  somme  de  lumière,  il  est  possible  de  réaliser  un  haut  degré  de  décoration 
artistique,  ainsi  que  le  prouve  notre  gravure  page  214. 

Dans  la  salle  à  manger,  toujours  au  Pavillon  du  gaz,  la  table,  ornée  des  plus  beaux 
spécimens  de  l'art  céramique  et  du  cristal,  était,  ainsi  que  toute  la  pièce,  brillamment 
éclairée  par  une  rosace  lumineuse  lixée  au  plafond.  Le  dessin  page  217  donne  une  idée  de 
l'effet  décoratii  nouveau  obtenu. 

Dans  une  salle  éclairée  de  cette  façon, les  convives  n'ont  nullement  à  souffrir  delà 
réverbération  ni  de  la  chaleur  produites  par  les  suspensions  ou  lustres  usuellement 
employés.  De  plus,  tous  les  produits  de  la  combustion  sont  évacués  au  dehors,  entraînant 
par  une  ventilation  active  l'air  vicié,et  on  jouit  dans  la  salle  d'une  atmosphère  d'une  pureté 
et  d'une  fraîcheur  inconnues  dans  les  appartements  éclairés  par  les  méthodes  usuelles  ou 
même  par  l'électricité. 

La  rosace  ci-dessus,  achetée  par  la  Compagnie  parisienne  du  gaz,  tigure  actuellement 
dans  la  salle  des  réclamations  de  l'hôtel  de  la  rue  Condorcet. 

Dans  la  salle  du  musée  rétrospectif,  cinq  lampes  seulement,  de  fort  calibre,  similaires  à 
celle  dessinée  page  212,  mais  montées  à  ventilation,  éclairaient  admirablement  les  mer- 
veilles anciennes  amoncelées  dans  cet  espace. 

De  plus,  en  raison  de  la  ventilation  très  active  obtenue  au  moyen  de  ces  appareils,  on 
éprouvait,  en  entrant  le  soir  au  Musée,  un  délicieux  sentiment  de  fraîcheur.  Il  était  rendu 
plus  remarquable  encore  pour  les  personnes  qui  sortaient  des  autres  salles  éclairées  à 
peine  aussi  brillamment  par  une  multitude  de  becs,  produisant  une  chaleur  suffoquante. 

Les  cuisines  et  l'office  étaient  aussi  éclairés  par  de  modestes,  mais  utiles  lampes 
Wenham  à  ventilation. 

Toute  la  chaleur  des  fourneaux  et  les  émanations  si  désagréables  de  la  meilleure  cui- 
sine étaient  évacuées  dans  des  cheminées  ad  hoc.  La  température  comparativement  fraîche, 
jointe  à  la  pureté  de  l'air,  a  été  l'objet  de  la  surprise  et  de  l'admiration  de  milliers  de 
visiteurs  qui  se  sont  risqués  dans  le  sous-sol. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


223 


Au  restaurant  français,  l'élite  des  dîneurs  a  pu  voir  que,  même  dans  une  installation 
provisoire,  le  côté  artistique  peut  être  joint  à  l'économie  et  au  confort. 

Deux  rosaces  lumineuses  au  plafond  (pareilles  à  celles  que  nous  donnons  page  224) 
répandaient  une  lumière  douce  et  brillante  dans  ce  vaste  vaisseau. 

Elles  avaient  en  outre  pour  effet  d'aspirer  l'air  vicié  par  les  émanations  variées  de 
centaines  de  repas,  et  aussi  par  les  huit  lustres  qui  complétaient  l'ornementation  et  ver- 
saient des  flots  de  lumière. 

Nous  donnons  dans  les  pages  qui  précèdent  les  dessins  de  quelques-uns  des  appareils 
Wenham  ornant  et  éclairant  divers  établissements  à  l'Exposition. 

Bien  que  quelques-uns  d'entre  eux  n'aient  eu  qu'un  caractère  éminemment  provisoire, 
ils  montrent  tous  les  variétés  de  forme  et  d'agencement  auxquelles  se  prêtent  les  lampes 
Wenham.  Elles  peuvent  donc  prendre  leur  place  partout,  quelle 
que  soit  la  simplicité  désirée  ou  le  luxe  dont  on  veut  s'entourer. 

Citons  plus  particulièrement:  Les  huit  lustres  de  la  bras- 
serie Tourtel,  composés  d'une  lampe  Wenham  n°  2  au  centre  et 
huit  lampes  étoile  ou  parisienne  au  pourtour.  (Un  de  ces  lushvs 
est  représenté  page  205.)  Pouvoir  éclairant,  450  bougies;  dépense 
horaire,  1,800  litres  seulement. 

Les  lustres  du  Grill  room,  portant  quatre  lampes  ('toile  ou 
parisienne.  Dépense  horaire,  700  litres;  pouvoir  éclairant, 
160  bougies.  (Lustre  représenté  page  221.) 

Au  restaurant  Duval,  les  lampes  Wenham  étaient  montées 
avec  habillage  en  faïence  décorée  du  plus  bel  effet. 

Ces  lampes  ainsi  habillées  ont  l'énorme  avantage  de  ne  pas 
s'altérer  à  l'usage  comme  cela  se  passe  pour  tous  les  appareils 
métalliques  décorés  par  les  procédés  anciens. 

C'est  là  une  heureuse  innovation  qui  nous  parait  devoir 
être  très  goûtée  du  public. 

Au  restaurant  américain  à  la  tour  Eiffel  et  au  bar  du  Bovril  se  trouvaient  un  certain 
nombre  de  lustres  semblables  à  celui  représenté  page  220. 

Une  autre  ravissante  lampe  est  celle  qui  est  représentée  page  21*. 

Plusieurs  ornaient  le  bar  de  Ceylon  et  étaient  beaucoup  remarquées  en  raison  non 
seulement  de  leur  formidable  pouvoir  éclairant,  niais  aussi  à  cause  du  goût  artistique 
qui  a  présidé  à  leur  ornementation. 

Les  lampes  Wenham  doivent  leur  immense  succès  et  leur  adoption  presque  géné- 
rale non  seulement  à  leur  pouvoir  éclairant,  porté  au  maximum  possible  pour  une 
dépense  de  gaz  réduite  au  minimum,  mais  elles  doivent  encore  la  faveur  toujours  crois- 
sante que  leur  accorde  le  public  à  leur  extrême  solidité  el  aux  soins  apportés  à  leur 
fabrication. 

Leur  durée  est  presque  indéfinie,  leur  entrelien  des  plus  simples,  ne  coûtant  en  réalité 
que  quelques  centimes  par  lampe  et  par  an.  A  consommation  de  gaz  égale,  elles  donnent 
de  trois  à  cinq  fois  plus  de  lumière  que  n'importe  quel  autre  appareil,  et  comme  achat 
elles  coûtent  beaucoup  moins  que  les  brûleurs  les  plus  simples,  puisqu'une  lampe  de 
48  francs  peut  remplacer  et  donner  la  même  lumière  que  s  becs,  dont  le  prix  :  brûleur, 


Lampe  Weuham, 


224 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1889 


verre,  lyre  ou  genouillère,  plomb,  soudures,  etc.,  etc.,  serait  de  plus  de  15  francs  chacun, 
soit  120  francs. 

De  nombreux  perfectionnements  successifs  ont  été  apportés  aux  appareils  Wenham, 


Rosace  lumineuse  ;ï  ventilation  Wenham. 


et  nous  devons  à  l'obligeance  de  la  Direction  de  la  Compagnie  de  pouvoir  présenter  à  nos 
lecteurs  un  dessin  (page  213)  montrant  la  simplicité  de  cette  admirable  construction. 

Toutes  les  parties  fondamentales  de  la  lampe  sont  faites  d'un  seul  bloc  de  fonte 
capable  de  résister  indéfiniment  à  l'action  des  gaz  qui  le  traversent. 

Aux  ateliers  de  la  C'c  Wenham,  situés,  à  Paris,  4,  rue  Couston  (place  Blanche),  tous  les 
intéressés  trouveront  une  multitude  de  modèles  et  de  types  de  lampes  à  gaz  s'adaptant 


ta 

55 


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15 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE  DE   1889 


à  tous  les  usages.  Depuis  la  lampe  d'atelier  de  20  francs  jusqu'aux  appareils  les  plus 
luxueux  et  les  plus  puissants. 

Ils  pourront,  comme  nous,  se  convaincre  que  là  seulement  on  peut  obtenir  le  maxi- 
mum de  lumière  pour  le  minimum  de  dépense. 


HORLOGERIE 

L'horlogerie  occultait  à  l'Exposition  Universelle  un  rang  de  premier  ordre  quant  à  la 
valeur  scientifique  des  objets  exposés. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  sur  l'utilité  de  l'horlogerie  et  sur  les  services  consi- 
dérables qu'elle  rend  à  l'astronomie,  à  la  marine,  aux  chemins  de  fer,  aux  expérimentateurs 
de  physique,  de  mécanique,  etc.,  ainsi  qu'à  nos  besoins  journaliers. 

L'exposition  de  l'horlogerie  renfermait  tout  ce  que  cette  industrie  a  fourni  de  merveilles 
et  d'applications  jusqu'à  ces  dernières  années  et  en  même  temps  les  plus  beaux  chefs- 
d'œuvre  artistiques  décoratifs,  concernant  les  pendules  et  les  montres. 

On  peut  diviser  l'horlogerie  en  trois  grandes  sections  : 

1"  La  grosse  horlogerie  ou  l'horlogerie  monumentale  des  villes,  des  clochers,  des 
usines,  des  chemins  de  1er.  Elle  comprend  des  pièces  de  mécanique  de  grande  précision. 

2"  L'horlogerie  moyenne  plus  délicate  que  la  précédente,  comprenant  les  régulateurs, 
les  pendules  d'appartements,  les  chronomètres. 

3°  L'horlogerie  portative  comprend  les  pendules  de  voyage,  les  réveils,  les  montres  de 
poche,  les  plus  simples  comme  les  plus  compliquées,  ces  dernières  donnant  des  indications 
multiples  ou  présentant  seulement  comme  particularités  des  dimensions  minuscules. 

Dans  toutes  ces  catégories,  les  fabricants  ont  rivalisé  de  soins  et  d'ingéniosité. 

Voici  les  pays  représentés  à  l'exposition  de  l'horlogerie,  placés  suivant  le  nombre  des 
exposants  :  France  —  Suisse  —  Grande-Bretagne  —  Etats-Unis  —  Norvège  —  Espagne  — 
Autriche-Hongrie  —  République  Argentine  —  Italie  —  Japon  —  Roumanie. 

La  France  comptait  281  exposants;  la  Suisse,  149;  la  Grande-Bretagne,  13. 

La  France  était  largement  représentée,  cependant  il  faut  signaler  l'absence  des  horlo- 
gers comtois. 

Commençons  par  étudier  la  grosse  horlogerie  monumentale. 

Cette  horlogerie,  quoique  ne  représentant  pas  de  principes  nouveaux,  offrait  cependant 
des  études  de  détails  qui  témoignaient  des  soins  particuliers  apportés  dans  son  exécution. 

Il  y  avait  moins  d'horloges  monumentales  exposées  en  1889  qu'il  y  en  a  eu  à  l'Exposi- 
tion de  1878. 

Dans  les  horloges  publiques  exposées,  on  pouvait  constater  la  tendance  à  adjoindre  au 
mécanisme  général  le  dispositif  du  remontoir  d'égalité  qui  a  pour  objet  de  régulariser  la 
force  motrice  des  horloges. 

Pour  qu'un  pendule  donne  un  bon  réglage,  il  est  indispensable  qu'il  reçoive  toujours  la 
même  impulsion. 

Le  remontoir  d'égalité  a  pour  effet  de  soustraire  le  pendule  à  l'action  des  résistances 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  227 

accidentelles  qui  peuvent  se  produire  par  l'action  brutale  des  coups  de  vent  sur  les  ai- 
guilles, circonstance  réalisée  dans  les  horloges  monumentales  dont  les  cadrans  sont  directe- 
ment en  contact  avec  l'atmosphère. 

Le  remontoir  d'égalité  est  un  dispositif  mis  en  mouvement  par  les  rouages  de  l'horloge 
et  qui  a  pour  fonction  de  remonter  un  poids  à  une  certaine  hauteur,  d'où,  en  redescendant, 
il  actionne  directement  la  roue  d'échappement.  Les  différents  systèmes  de  remontoir  d'éga- 
lité diffèrent  entre  eux  par  leurs  dispositions  et  aussi  par  la  période  de  temps  que  met  le 
remontoir  à  fonctionner. 

Ainsi  dans  certaines  horloges  le  remontoir  fonctionne  toutes  les  minutes,  dans  d'autres 
ce  temps  est  de  trente,  quinze,  dix  ou  même  cinq  secondes. 

Dans  l'horloge  de  M.  Henry  Lepaute,  que  l'on  pouvait  admirer  à  l'Exposition,  le 
remontoir  d'égalité  fonctionne  toutes  les  trois  secondes.  La  maison  Lepaute  a  fait  don  à 
l'Hôtel  de  Ville  de  Paris  de  cette  magnifique  horloge. 

Comme  exemples  d'horlogerie  monumentale,  il  faut  citer  l'exposition  de  M.  Paul  Gar- 
nicr  pour  ses  régulateurs  de  précision,  appliqués  aux  gares,  son  horlogerie  électrique  et  ses 
compteurs  de  rondes.  Une  de  ses  horloges  était  pourvue  d'un  échappement  de  gravité  de 
disposition  nouvelle.  Citons  aussi  la  maison  J.  Wagner  (dont  le  successeur  est  M.  B.  Borrel) 
pour  ses  régulateurs.  Une  partie  de  son  exposition  avait  pour  objet  l'unification  de  l'heure 
au  moyen  de  l'électricité.  Elle  comprenait  deux  parties  :  1"  Un  groupe  de  régulateurs,  reliés 
électriquement  et  produisant  la  synchronisation  tle  l'heure  d'après  le  système  de  M.  Cornu, 
à  l'usage  des  astronomes  et  des  physiciens. 

2°  Un  autre  groupe  d'horloges  reliées  électriquement  et  avec  remise  à  l'heure  d'après  le 
système  de  M.  WoH. 

Pour  ces  dernières  applications,  on  pratique  le  système  de  correction  de  l'avance, 
donnée  aux  horloges.  11  est  facile  de  maintenir  cette  avance  des  horloges  et  de  l'utiliser  pour 
leur  réglage.  À  cet  effet,  il  suffit  de  suspendre  momentanément,  à  des  périodes  égales  de 
temps,  la  marche  de  la  roue  d'échappement  de  l'horloge,  tout  en  laissant  le  balancier  con- 
tinuer ses  oscillations.  La  durée  de  l'arrêt  doit  correspondre  exactement  à  l'avance  prise  par 
l'horloge. 

Cette  condition  délicate  est  remplie  par  un  commutateur  qui  met  en  jeu  l'armature  d'un 
électro-aimant  portant  un  cliquet  d'arrêt  agissant  directement  sur  la  denture  de  la  roue 
d'échappement  pendant  le  temps  nécessaire  à  la  correction. 

Cette  méthode  de  correction  très  simple,  pratiquée  par  M.  Borrel,  donne  la  solution  de 
l'unification  de  l'heure.  Elle  est  applicable  à  toutes  les  horloges  quels  que  soient  leurs  sys- 
tèmes d'échappement. 

D'autres  horloges  présentaient  également  divers  systèmes  de  remise  à  l'heure  des  hor- 
loges par  l'électricité. 

L'adoption  de  ces  divers  systèmes  permettrait  de  réaliser  l'unification  de  l'heure  dans 
toute  la  France  de  la  manière  suivante  :  on  relierait  chacune  des  gares  de  Paris  avec  l'Obser- 
vatoire au  moyen  de  régulateurs  utilisant  les  fils  télégraphiques  pour  transmettre  l'heure 
aux  gares  et  celles-ci  transmettraient  l'heure  à  des  stations  ou  points  déterminés  dans  Paris; 
celles-ci,  à  leur  tour,  transmettraient  l'heure  aux  horloges  publiques. 

Quant  aux  départements,  ils  recevraient  l'heure  de  Paris  au  moyen  des  tils  établis  entre 
les  tètes  de  ligne  de  Paris  et  les  nombreuses  grandes  gares.  Il  serait  facile  de  tenir  compte 


228  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

pour  chaque  point  géographique  de  sa  longitude.  Ce  programme  de  l'avenir  mettra  sans 
doute  bien  longtemps  à  se  réaliser.  Il  comporterait  une  assez  grande  dépense. 

Il  faut  cependant  faire  remarquer,  à  propos  de  cette  question,  que  les  grands  horlogers, 
tels  que  MM.  Château,  Paul  Garnier,  Reclus,  étudient  constamment  la  question  de  l'unifica- 
tion de  l'heure  et  la  remise  à  l'heure  au  moyen  de  l'électricité.  Aujourd'hui  l'électricité  fait 
partie  de  l'horlogerie.  M.  Reclus  présentait  dans  son  exposition  un  ensemble  d'horlogerie 
électrique  et  particulièrement  des  applications  de  l'électricité  aux  sonneries  à  carillons, 
entre  autres  un  carillon  de  cloches  très  fortes  dont  les  marteaux  étaient  commandés  par 
une  horloge.  Une  pendule  ordinaire  peut  ainsi  commander  un  carillon. 

M.  Borrel  exposait  des  régulateurs  récepteurs  ne  présentant  aucun  rouage  et  dans  les- 
quels le  pendule  synchronisé  fait  avancer  les  aiguilles. 

Une  splcndide  exposition  que  nous  devons  signaler  dans  l'horlogerie  de  précision  était 
celle  de  M.  Auguste  Fénon,  qui  comprenait  des  régulateurs  et  appareils  électriques  dont  la 
plupart  sont  destinés  à  l'Observatoire  de  Toulouse.  Entre  autres  : 

Une  pendule  de  précision,  munie  d'un  balancier  compensateur  à  mercure,  réglée  sur  le 
temps  sidéral.  Les  variations  de  marche  de  cette  pendule  n'atteignent  pas  1/100  de  seconde 
en  24  heures.  Des  pendules  semblables  sont  employées  aux  Observatoires  de  Bordeaux  et 
de  Nice.  D'autres  en  construction  sont  destinées  aux  Observatoires  d'Alger  et  de  Rio-de- 
Janeiro; 

Un  balancier  compensateur  à  mercure,  appliqué  à  toutes  ses  pendules  de  précision. 
Dans  ce  balancier,  la  tige  et  les  réservoirs  à  mercure  se  mettent  simultanément  en  équilibre 
de  température  ; 

Un  électro-aimant  destiné  à  la  synchronisation  des  pendules  de  précision  et  fonction- 
nant avec  un  très  faible  courant  de  quelques  millièmes  d'ampère; 

Une  pendule  astronomique,  réglée  sur  le  temps  sidéral,  destinée  aux  observations 
équatoriales.  Elle  est  munie  d'un  interrupteur.  Des  pendules  semblables  ont  été  adoptées 
aux  Observatoires  de  Besançon,  de  La  Plata  et  de  Zickanéi  (Chine); 

Une  remise  à  l'heure  électrique  (système  Fénon)  appliquée  à  une  pendule  de  l'Observa- 
toire de  Toulouse.  Ce  système  fonctionne  depuis  dix  ans  avec  la  plus  grande  régularité  à 
l'Observatoire  de  Paris  ; 

Une  pendule  munie  d'un  commutateur  électrique  et  maintenue  au  temps  moyen  par  un 
curseur  à  compteur  métrique  (système  Fénon).  Cette  pendule  était  construite  pour  l'Obser- 
vatoire de  Toulouse  et  destinée  à  régler  les  horloges  de  la  ville  ; 

Un  chronomètre  électrique  dont  les  secondes  et  les  minutes  se  marquent  sur  la  bande 
de  papier  d'un  chronographe  ; 

Un  chronographe  à  deux  plumes  pour  les  observations  astronomiques  et  physiques; 

Un  relai  distributeur  (système  Fénon),  employé  pour  le  réglage  électrique  de  l'heure 
dans  les  Observatoires  de  Paris,  de  Marseille  et  de  La  Plata. 

Comme  on  le  voit,  la  chronométrie  française  était  dignement  représentée  à  l'Exposition 
Universelle. 

Nous  allons  passer  en  revue  quelques  expositions  particulières. 

Horloge  astronomique  de  l'abbé  Samson,  de  Constance.  —  Cette  horloge  comprend  vingt 
cadrans.  Sur  le  premier  cadran,  elle  donne  les  heures,  les  minutes  et  les  secondes.  En  outre, 


230  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

des  indications  de  toutes  sortes,  telles  que  le  flux  et  le  reflux  de  la  mer,  avec  l'heure  de  la 
haute  et  de  la  basse  mer;  les  positions  relatives  de  la  lune  par  rapport  au  soleil. 

Un  deuxième  cadran  donne  les  constellations  visibles  pour  chaque  jour  de  l'année  et 
pour  une  latitude  donnée. 

De  petits  cadrans  donnent  l'heure  des  principales  villes  du  monde. 

D'autres  indications  sont  également  données,  telles  que  les  phases  de  la  lune,  l'équa- 
tion du  temps,  c'est-à-dire  l'heure  d'une  montre  bien  réglée  lorsqu'il  est  midi  au  soleil  ; 
les  jours  de  la  semaine,  les  jours  du  mois,  quel  qu'en  soit  le  nombre,  que  l'année  soit  ou 
non  bissextile;  les  mois,  les  saisons  et  la  marche  apparente  du  soleil  dans  le  zodiaque;  la 
révolution  autour  du  soleil  de  chacune  des  huit  planètes  principales;  l'heure  du  lever  et  du 
coucher  du  soleil;  les  éclipses  du  soleil  et  de  la  lune;  la  date  de  la  fête  de  Pâques. 

Le  tout  est  accompagné  d'un  baromètre  et  d'un  thermomètre. 

Cette  horloge  curieuse  est  mise  en  mouvement  par  l'électricité.  Elle  est  disposée  pour 
marcher  pendant  trois  ans  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  recharger  les  piles  qui  sont  du 
système  Leclancher  et  qui  sont  contenues  dans  le  socle  de  la  pendule. 

Horloge  de  M.  de  Chàlonges,  de  Paray-le-Monial  (Saône-et-Loire).  —  L'inventeur  n'est  pas 
horloger,  mais  il  a  construit  un  nouvel  échappement  qui  mérite  d'être  signalé  par  son  origi- 
nalité. II  se  compose  d'une  série  de  leviers  et  de  sphères  mobiles  obéissant  à  la  gravité  et 
produisant  des  mouvements  périodiques  pouvant  régler  une  horloge. 

Horloge  xuis.se  de  M.  Berner,  au  Locle  (Suisse).  —  Citons  aussi  une  horloge  de  M.  Berner 
(Suisse),  qui  sonne  les  heures  et  les  quarts,  et  dont  le  mécanisme  est  extrêmement  simplifié. 
En  effet,  au  lieu  de  procéder  au  moyen  d'un  certain  nombre  de  roues  et  de  pignons  pour 
obtenir  les  vitesses  nécessaires,  soit  aux  aiguilles,  soit  au  mécanisme  de  la  sonnerie,  cette 
horloge  ne  présente  pour  chaque  fonctionnement  (heure  et  sonnerie)  qu'une  grande  roue 
engrenant  avec  une  vis  sans  fin  portant  un  volant  pour  la  sonnerie.  Le  mouvement  propre- 
ment dit,  qui  actionne  les  aiguilles,  se  réduit  à  une  grande  roue  engrenant  avec  la  roue 
d'échappement.  Il  y  a  donc  une  grande  simplicité  dans  les  rouages  ;  mais  il  convient  de 
faire  remarquer  que  l'emploi  de  la  vis  sans  fin  n'est  pas  à  recommander  dans  le  cas  actuel 
et  que  d'ailleurs  des  essais  de  ce  genre  ont  déjà  été  faits.  On  n'y  a  pas  donné  suite. 

Nous  allons  examiner  quelques  systèmes  spéciaux  pour  transmettre  l'heure  à  distance, 
applicables  aux  horloges  d'une  ville. 

Horlogerie  pneumatique.  —  Elle  sert  aussi  à  la  distribution  de  l'heure  à  distance  au  moyen 
d'une  horloge  unique.  La  transmission  se  fait  par  la  compression  de  l'air  ou  par  le  vide.  Un 
tuyau  principal  part  de  l'horloge  motrice,  et  des  tubes  flexibles  branchés  sur  ce  tuyau  prin- 
cipal aboutissent  aux  divers  récepteurs  qui  actionnent  les  aiguilles  des  cadrans  répétant 
l'heure  de  l'horloge  motrice. 

L'appareil  récepteur  est  formé  d'un  tube  métallique  à  parois  très  minces  présentant  la 
forme  de  cercle  dont  les  extrémités  fermées  s'articulent  à  deux  petites  bielles  qui  font  mou- 
voir un  levier  portant  un  cliquet  agissant  sur  une  roue  à  rachat  de  soixante  dents.  Les 
appareils  produisant  la  pression  ou  le  vide  dans  ce  tuyau  sont  généralement  des  pompes. 
L'horloge  motrice  peut  commander  un  robinet  qui  fonctionne  toutes  les  minutes  (ou  demie, 
ou  quart  de  minute).  A  chaque  mouvement  du  robinet,  l'air  se  comprime  dans  la  canalisa- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  231 

tion,  ou  un  vide  partiel  se  fait,  d'où  il  résulte  une  différence  de  pression  dans  le  récepteur, 
et,  par  suite,  le  piston  du  récepteur  agit  sur  la  minuterie  et  fait  mouvoir  les  aiguilles  brus- 
quement, soit  toutes  les  minutes,  demi-minute  ou  quart  de  minute. 

Ce  genre  d'horlogerie  de  M.  Bourdon  a  le  même  principe  que  son  baromètre  et  son 
manomètre,  bien  connus  depuis  longtemps. 

Téléchromètre,  système  Nicolas.  —  Ici  la  transmission  de  l'heure  à  distance  se  fait  au 
moyen  d'équerres,  de  renvois  de  mouvements  et  de  fils  de  bronze.  Ces  tils  peuvent  trans- 
mettre l'heure  à  distance  sur  un  cadran  portant  des  aiguilles  ordinaires. 

Ces  fils  sont  accouplés  deux  à  deux,  parallèlement,  au  moyen  de  deux  fléaux  à  couteaux, 
le  tout  formant  un  parallélogramme  qui  peut  avoir  la  longueur  voulue.  L'heure  est  trans- 
mise au  moyen  de  ce  parallélogramme  qui  reçoit  un  mouvement  de  va-et-vient  et  qui  est 
actionné  directement  par  un  rouage  faisant  partie  de  l'horloge  motrice.  Le  parallélogramme 
se  meut  toutes  les  minutes  alternativement  dans  un  sens  et  en  sens  contraire.  Ce  mouve- 
ment alternatif  fait  avancer  d'une  minute  à  la  fois  la  grande  aiguille  sur  le  cadran  récepteur 
ou  sur  les  cadrans  récepteurs,  parce  qu'en  effet  le  dispositif,  en  se  multipliant,  peut  trans- 
mettre l'heure  à  plusieurs  cadrans.  Il  y  avait  à  l'Exposition  un  exemple  de  cette  installation 
présentée  par  M.  Uiigerer. 

Régulateurs  de  précision,  chronomètres.  —  La  chronométrie  est  l'horlogerie  perfectionnée. 
Elle  était  représentée  dans  l'exposition  française  par  des  spécimens  d'une  exécution  remar- 
quable. Ceux  que  l'on  doit  mettre  au  premier  rang  sont  les  régulateurs  astronomiques  de 
M.  Fénon,  horloger  de  l'Observatoire;  de  M.Borrel,  de  M.  Paul  Garnier,  de  M.  Henry  Lepaute, 
de  M.  Chàteau-Collin. 

Aujourd'hui,  la  perfection  de  la  construction  des  régulateurs  est  telle  que  les  variations 
de  marche  sont  inférieures  à  1/100  de  seconde  en  vingt-quatre  heures. 

Les  chronomètres  de  marine  élaient  représentés,  dans  la  section  française,  par  plusieurs 
maisons,  entre  autres  les  maisons  Théodore  Leroy, B.Callier,  I)elepine,Rodanet,Bréguet,  etc.; 
dans  la  section  anglaise,  par  M.  Kulberg  Victor  ;  dans  la  section  suisse,  par  MM.  Nardin 
Paul,  et  Grandjean  Henry  (au  Locle);  dans  la  section  norvégienne,  par  M.  Iverson,  à 
Bergen,  et  M.  Michel  Fréderik,  à  Christiania. 

L'Angleterre  est  le  pays  qui  produit  le  plus  grand  nombre  de  chronomètres  de  marine 
en  raison  de  son  importance  maritime.  La  France  vient  ensuite. 

Dans  la  troisième  catégorie  de  l'exposition  de  l'horlogerie,  où  l'horlogerie  portative  est 
caractérisée  par  les  montres  de  poche  et  les  pendules  d'appartement,  il  n'y  avait  rien  à 
signaler  au  point  de  vue  général  du  mécanisme.  Ici,  la  décoration,  la  forme  de  l'enveloppe, 
le  contenant,  en  un  mot,  l'emporte  sur  le  contenu,  c'est-à-dire  le  mouvement.  A  cet  égard, 
nous  devons  citer  les  pendules  de  la  maison  Diette  et  Hour,  qui  présentent  des  mécanismes 
figurant  soit  une  locomotive,  soit  un  moulin,  soit  une  machine  à  vapeur  ou  bien  un 
phare,  etc. 

La  pendulerie  est  une  industrie  qui  est  arrivée,  en  France,  à  un  haut  degré  de 
perfection. 

Les  pendules  sont  très  variées  de  forme  et  donnent  des  indications  multiples,  ainsi 
que  certaines  montres  d'amateur. 

Mais  nous  sommes  tributaires  de  la  Suisse,  de  Genève  en  particulier,  dès  que  nous 


232  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   1889 

voulons  avoir  une  pièce  remarquable  au  point  de  vue  de  l'ornementation  de  la  boite.  Nous 
allons  entrer  dans  quelques  détails  concernant  les  subdivisions  de  l'horlogerie  au  point  de 
vue  des  produits  des  principaux  centres  de  fabrication  qu'on  pouvait  suivre  à  l'Exposition. 

Montre*  de  précision.  Montres  civiles.  Montres  courantes.  Pendulerie  et  régulateurs  de 
cheminées.  Réveils.  —  Le  caractère  dominant  de  l'industrie  des  montres  de  précision  est  la 
perfection  à  laquelle  on  est  arrivé  dans  ce  genre  d'horlogerie. 

La  montre  civile  est  celle  qui  est  appelée  à  un  usage  régulier  en  conservant  la  mesure 
du  temps  dans  des  limites  restreintes  et  sans  prétendre  à  la  haute  précision  du  réglage  des 
chronomètres. 

La  Suisse  doit  être  comptée  au  premier  rang  pour  la  fabrication  de  la  montre  civile. 
Ses  progrès  sont  dus  à  ses  fabriques,  faisant  la  montre  tout  entière  par  les  procédés  méca- 
niques dont  l'outillage  est  très  perfectionné. 

Besançon  compte  de  bonnes  maisons  de  fabrication  dans  l'horlogerie  de  précision, 
mais  on  y  trouve  peu  de  fabricants  faisant  la  montre  courante. 

La  Chaux-de  Fonds  est  le  grand  marché  de  l'horlogerie  de  poche.  Elle  fabrique  la 
montre  en  or  de  toutes  grandeurs.  Elle  fait  spécialement  la  montre  à  remontoir,  dont  la 
boîte  est  en  acier  et  argent. 

L'Angleterre  possède  à  Coventry  une  fabrique  importante  qui  s'est  mise  à  faire  de 
l'horlogerie  mécanique,  appliquée  à  la  montre  de  poche.  Elle  occupe  400  à  500  ouvriers  et 
produit  en  moyenne  100  montres  par  jour. 

Nous  devons  mentionner  une  autre  sorte  d'industrie,  celle  de  la  montre  courante,  dont 
l'objectif  est  de  produire  et  de  vendre  à  bas  prix.  Pour  les  gens  de  goût,  cette  fabrication, 
qui  ne  donne  que  des  produits  médiocres,  est  un  mal  industriel,  dont  la  conséquence  a 
pour  effet  de  diminuer  la  vente  de  bonnes  montres  ;  mais  on  a  fait  remarquer,  avec  quelque 
raison,  que  la  montre  courante,  qui  se  vend  6  ou  8  francs,  a  créé  le  besoin  de  porter  une 
montre,  et  l'on  doit  penser  qu'ayant  l'habitude  de  porter  une  montre,  même  médiocre, 
l'acquéreur,  un  jour  ou  l'autre,  la  remplacera  par  une  montre  de  meilleure  qualité. 

La  Suisse  fabrique  aussi  cette  montre  courante  connue  sous  le  nom  de  remontoir  en 
nickel.  Cette  montre  suisse,  bien  connue,  ne  figurait  pas  à  l'Exposition.  Au  contraire,  dans 
l'exposition  française  on  trouvait  la  montre  courante  de  l'importante  maison  de  MM.  Japy 
frères,  à  Beaucourt. 

En  1867,  cette  maison  fabriquait  en  moyenne  400  de  ces  montres  par  jour  ;  aujourd'hui, 
elle  en  fait  un  millier  par  jour,  qui,  pour  la  plupart,  sont  exportées  aux  États-Unis. 

Pour  la  confection  des  pendules  de  cheminées,  des  pendules  portatives  et  des  réveils, 
la  France  occupe  le  premier  rang  comme  importance  de  fabrication  et  comme  qualité  de 
produits. 

Les  pendules  sont  très  variées  ;  il  y  en  a  de  très  compliquées.  Elles  sont  à  répétition  de 
la  sonnerie,  d'autres  avec  quantièmes  perpétuels  et  phases  lunaires. 

La  maison  de  MM.  Japy  frères,  dont  nous  avons  déjà  parlé  à  propos  des  montres  à  bon 
marché,  fabrique  des  pendules  en  quantité  considérable.  Leur  chiffre  annuel  d'affaires  en 
pendulerie  est  de  trois  millions  de  francs.  Pour  cette  branche  spéciale,  la  maison  occupe 
1,200  ouvriers.  Il  faut  faire  remarquer  que  les  ressorts,  les  barillets  et  les  rouages  de  toutes 
ces  pendules  sont  les  mêmes,  malgré  la  diversité  des  boites. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE  1889  833 

Signalons  aussi  trois  centres  de  fabrications  de  montres  à  remontoir  dans  les  genres 
bon  marché  :  ce  sont  Montbéliard,  Seloncourt  et  Morteau. 

L'Angleterre  possède  aussi  une  grande  fabrique  de  pendules  à  bon  marché. 

Les  États-Unis  étaient  représentés  à  l'Exposition  par  trois  maisons,  dont  l'une  occupe 
1,200  ouvriers. 

L'Autriche  avait  seulement  deux  exposants  pour  cette  spécialité. 

La  Belgique  exposait  des  pendules  en  marbre  et  des  régulateurs. 

Horlogerie  en  blanc.  Fournitures  d'horlogerie.  Pièces  détachées.  —  L'horlogerie  du  Doubs 
était  représentée  par  des  fabricants  de  premier  ordre  qui  fournissent  à  Paris  ses  blancs  et 
roulants  de  pendules. 

La  France  et  la  Suisse  comptaient  un  grand  nombre  d'exposants  de  cadrans,  d'aiguilles, 
de  ressorts,  de  spiraux,  de  balanciers  et  de  pièces  détachées  de  toutes  sortes. 

Les  matières  premières  pour  fournitures  d'horlogerie  se  tirent  presque  toutes  de  la 
•France. 

La  Savoie  compte  de  nombreux  fabricants  de  pignons  pour  lesquels  la  Suisse  est  le 
principal  débouché.  La  Savoie  produit  aussi  des  outils  d'horloger,  et  entre  autres  des  fraises 
à  tailler  les  roues  d'engrenage  et  à  arrondir. 

Solence  possède  une  usine  de  premier  ordre  de  machines  automatiques  à  fabriquer  les 
.vis  pour  horloges  et  fournitures  diverses.  La  produclion  journalière  est  de  300,000  pièces. 
Cette  usine  a  créé  deux  séries  pour  les  diamètres  des  vis  :  le  pas  métrique  et  le  pas  suisse, 
qui  sont  généralement  adoptés  dans  l'industrie  horlogèrc.  Les  diamètres  du  pas  métrique 
s'expriment  en  dixièmes  de  millimètre.  La  simplification  apportée  par  ces  deux  systèmes 
de  visserie  et  la  régularité  des  produits  sont  à  signaler  aux  horlogers. 

Signalons  la  fabrique  de  joyaux  de  Lucens.  Elle  prépare  tous  les  genres  de  pierre  pour 
mouvements  de  montres,  pendules,  boussoles,  télégraphes.  Sa  filière  de  pivot  est  graduée 
en  centièmes  de  millimètre.  Cette  fabrique  occupe  800  ouvriers. 

Depuis  quelques  années,  on  fait  des  spiraux  et  des  balanciers  en  alliages  de  palladium. 
Ils  ont  l'avantage  de  ne  pas  s'oxyder  et  de  ne  pas  être  influencés  par  les  aimants  et  les 
courants  électriques.  On  s'en  sert  pour  les  chronomètres. 

Dans  des  vitrines,  on  voyait  des  émaux,  des  peintures  et  joailleries  de  Genève.  On  y 
remarquait  aussi  des  gravures  en  taille  douce  d'artistes  suisses. 

Exposition  rétrospective  d'horlogerie.  —  Dans  l'exposition  générale  rétrospective, 
M.  Rodanct  avait  eu  l'excellente  idée  de  placer  une  section  relative  à  l'horlogerie.  Citons 
celle  de  M.  Paul  Garnier,  dans  laquelle  on  retrouvait  des  chronomètres  de  bord  anciens 
exécutés  par  des  horlogers  célèbres. 

On  y  voyait  aussi  un  atelier  d'horloger  du  xvme  siècle,  qui  a  été  reconstitué  par 
M.  Durier,  horloger  du  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers  ;  une  horloge  du  xvne  siècle, 
tout  en  fer,  à  sonnerie  simple,  avec  échappement  à  ancre.  On  y  rencontrait  une  horloge 
décimale,  construite  par  Pierre-Basile  Lepaute,  pour  le  concours  du  nouveau  système 
horaire  décrété  par  la  Convention  nationale,  le  9  février  1794.  Cette  horloge  marque  les 
jours  d'après  le  calendrier  républicain.  Elle  marque  les  heures,  les  minutes  et  les  secondes 
dans  le  système  décimal,  c'est-à-dire  le  cadran  divisé  en  10  heures,  l'heure  en  100  minutes, 


234  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 

et  la  minute  en  100  secondes.  Elle  sonne  les  heures  et  les  quarts  avec  répétition  de  l'heure 
à  la  demie. 

Ecoles  d'horlogerie.  —  Pour  terminer,  disons  quelques  mots  des  écoles  d'horlogerie. 

L'École  d'horlogerie  de  Paris  a  été  fondée  par  M.  Rodanet  et  reconnue  d'utilité  publique 
en  1883.  Pour  donner  à  cette  école  toute  l'extension  dont  elle  avait  besoin,  sa  direction 
obtint  l'autorisation  d'émettre  un  emprunt  de  300,000  francs.  Les  premiers  fonds  furent 
bientôt  réunis,  et,  en  mai  1886,  un  terrain  d'une  contenance  de  1,200  mètres  carrés  fut 
acheté  rue  Manin,  où  l'on  construisit  la  nouvelle  école  montée  sur  un  grand  pied  et 
présentant  les  meilleures  conditions  hygiéniques.  L'Ecole  est  un  internat. 

Les  ateliers,  bien  éclairés,  sont  agencés  pour  recevoir  100  élèves.  Chaque  élève  a  son 
établi  et  son  tour  à  pédale. 

Il  y  a  quatre  ateliers  représentant  les  degrés  que  les  élèves  doivent  suivre  pendant  leur 
apprentissage. 

Dans  chaque  atelier,  il  y  a  une  forge,  de  gros  étaux,  une  enclume  et  l'outillage 
nécessaire  à  l'ébauchage  des  pièces  d'horlogerie.  Il  y  a,  en  outre,  dans  l'École  un  bon 
outillage  pour  la  fabrication  des  régulateurs,  des  pendules  et  des  montres,  et,  en  particulier, 
une  machine  à  tailler  les  pignons  et  les  roues  d'engrenage. 

La  durée  de  l'apprentissage  est  de  quatre  ans. 

Le  principe  dominant  de  l'École  est  de  faire  exécuter  aux  élèves  des  pièces  détachées 
d'horlogerie  lorsqu'ils  savent  bien  limer,  tourner,  planer,  tremper  et  polir.  Aussi  la  première 
année  est-elle  consacrée  à  ces  exercices  préliminaires. 

La  deuxième  année  est  consacrée  à  l'étude  des  échappements  et  à  la  construction  des 
régulateurs  et  des  pendules. 

La  troisième  année  est  destinée  à  l'étude  des  blancs  de  montres  simples  et  compliquées 
et  au  finissage  des  échappements  à  cylindre  et  à  ancre. 

Dans  la  quatrième  année,  les  élèves  étudient  et  construisent  des  montres  compliquées 
et  font  une  étude  complète  de  tout  ce  qui  concerne  la  chronométrie. 

En  résumé,  le  programme  de  l'École  de  Paris  vise  surtout  l'enseignement  de  la  fabri- 
cation de  la  pendule  et  du  chronomètre  de  marine 

L'École  d'horlogerie  de  Paris  était  dignement  représentée  à  l'Exposition  Universelle  par 
les  travaux  de  ses  élèves. 

Les  écoles  d'horlogerie  de  Cluses  (Haute-Savoie),  de  Besançon  et  celle  d'Anet  (Eure-et- 
Loir)  avaient  également  des  expositions  fort  intéressantes  se  composant  des  travaux  de 
leurs  élèves. 

Les  écoles  d'horlogerie  de  Bienne,  la  Chaux-de-Éonds,  Genève,  le  Locle,  Neuchàtel  et 
Saint-Imier  avaient  une  exposition  collective. 

L'Angleterre  compte  aussi  plusieurs  écoles  d'horlogerie.  Celle  de  Londres,  The  Briti*h 
lnstitute,  avait  seule  exposé. 

Personne  ne  doute  aujourd'hui  de  l'influence  heureuse  de  l'enseignement  professionnel. 
C'est  un  fait  acquis  depuis  longtemps,  et  tous  les  efforts  tendent  à  les  développer  de  plus 
en  plus. 


LÀ  NAVIGATION  ET  LES  CHEMINS  DE  FER 


LE  MATERIEL  DE  LA  NAVIGATION  ET  DU  SAUVETAGE 

a  marine,  tant  militaire  que  de  commerce ,  a  été  complètement  renouvelée 
en  Europe,  depuis  l'introduction  des  navires  à  vapeur  et  de  l'hélice,  dont  le 
premier  essai  sérieux,  le  Napoléon,  ne  date  que  de  1842. 
Les  nombreux  modèles  de  navires  de  toute  sorte  exposés  en  1889  étaient  répartis  dans 
les  sections  respectives  des  nations  auxquelles  ils  appartenaient  :  les  modèles  français 
étaient  dans  un  bâtiment,  sur  le  quai;  les  modèles  anglais  se  trouvaient  dans  le  Palais 
des  Machines,  le  splendide  modèle  du  paquebot  City  of  Paris  était  dans  la  section  amé- 
ricaine, etc.  Cette  dispersion  était  regrettable,  dit  avec  raison  M.  le  capitaine  L.  Millier, 
dans  le  Génie  civil ,  car  la  réunion  de  tous  ces  modèles  de  paquebots  et  de  navires  de 
guerre,  dans  la  même  salle,  eût  permis  de  se  rendre  beaucoup  mieux  compte  de  leurs 
caractères  respectifs. 

Marine  militaire.  —  Avant  de  nous  occuper  de  la  marine  marchande,  parlons  de  la 
marine  militaire  française,  dont  la  belle  exposition,  installée  dans  le  pavillon  situé  sur  la 
berge  de  la  Seine,  en  amont  du  pont  d'Iéna,  donnait  un  aperçu  de  notre  flotte  actuelle, 
considérée  au  point  de  vue  des  cuirassés,  des  croiseurs,  des  canonnières  et  des  torpilleurs. 

En  consultant  la  statistique,  nous  trouvons  que  la  France  possédait  au  1er  janvier  1890 
un  total  de  400  navires  de  guerre,  sur  lesquels  on  compte  20  cuirassés  d'escadre,  9  cui- 
rassés de  croisière,  11  gardes-côtes  cuirassés,  5  canonnières  cuirassées,  46  croiseurs,  4  croi- 
seurs-torpilleurs, 44  avisos,  15  avisos-transports,  8  avisos-torpilleurs,  16  canonnières, 
30  chaloupes-canonnières,  15  chaloupes  à  vapeur,  107  torpilleurs,  1  bateau  sous-marin, 
22  transports  à  vapeur,  3  navires-écoles,  et  enfin  44  navires  à  voiles  divers,  tels  que 
gardes-pêche,  cutters,  goélettes,  transports,  corvettes,  frégates,  etc.  Les  unités  de  com- 
bat n'ont  pas  beaucoup  progressé,  mais  elles  sont  bien  supérieures  aux  anciennes;  alors 


236 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    18S9 


qu'un  vaisseau  à  trois  ponts  valait  3  millions  il  y  a  cinquante  ans,  on  construit  aujour- 
d'hui des  cuirassés  qui  coûtent  20  millions. 

Flotte  cuirassée.  —  Le  plus  ancien  des  navires  cuirassés  dont  les  modèles  figuraient 
dans  la  classe  65  était  le  cuirassé  d'escadre  le  Trident,  qui  marque  la  fin  des  cuirassés  de 
combat  en  bois.  Ce  navire  est  à  réduit  central,  de  même  que  le  Colbert;  ce  genre  a  succédé 
aux  navires  à  batterie  précédemment  employés,  tels  que  la  Gloire,  la  Flandre,  etc.,  connus 

sous  la  dénomi- 
nation de  fré- 
gates cuiras- 


sées, et  qui 
étaient  blindés 
dans  toute  la 
hauteur  des  œuvres  mortes, 
c'est-à-dire  dans  les  parties  du 
vaisseau  hors  de  l'eau  mais  à 
12  et  15  centimètres  seulement 
d'épaisseur.  On  augmenta  l'é- 
paisseur du  blindage  dans  les 
vaisseaux  Solferino  et  Magenta, 
mais  on  fut  alors  obligé  de  re- 
noncer à  blinder  les  œuvres 
mortes  qui  sont  en  bois,  sauf 
dans  la  région  de  la  batterie, 
et  la  cuirasse  fut  réduite  à  une 
bande  tout  autour  de  la  flot- 
taison ;  la  batterie,  assez  courte, 
forma  sur  ces  navires  un  ré- 
uit  ou  fort  à  deux  étages. 

La  puissance  perforante  de 
'artillerie  obligea  encore  plus 
tard  à  augmenter  les  épaisseurs, 
aux  dépens  de  l'étendue  de  la 
surface  protégée;  c'est  alors  qu'on  réduisit  à  un  étage  la  hauteur  du  réduit,  mais  qu'on  le 
surmonta  de  tourelles  barbettes,  et  qu'on  imagina  de  faire  les  parties  des  œuvres  mortes 
non  protégées  en  1er.  Le  Friedland,  même,  eut  sa  coque  entièrement  métallique.  Les  navires 
l'Océan,  le  Marengo,  le  Suffren  sont  armés  chacun  de  huit  canons  placés  soit  dans  le  réduit, 
soit  dans  quatre  tourelles  barbettes  blindées  aux  quatre  angles  du  réduit.  Le  Richelieu  est 
du  même  genre,  mais  plus  fortement  cuirassé. 

Le  type  des  cuirassés,  tels  que  le  Colbert  et  le  Trident,  comprend  6  canons  de  27  centi- 
mètres, placés  dans  le  réduit,  qui  n'est  surmonté  que  de  deux  tourelles  à  l'avant  recevant 
chacune  une  pièce  de  27.  Sous  la  tengue,  et  pouvant  tirer  par  un  sabord  de  chasse,  une 
pièce  de  24  centimètres  est  placée,  ainsi  qu'une  autre  pièce  du  même  calibre  sur  le  gail- 
lard d'arrière,  qui  n'a  pas  de  dunette,  pour  le  tir  en  retraite.  En  outre,  l'armement  du 


l 'iiililiïli'jiliiillîBlinihi 

Lanterne  d'un  phare 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  237 

navire  est  complété  par  6  canons  de  14  centimètres  sur  les  gaillards,  en  avant  clu  réduit, 
et  par  14  canons-revolvers,  ce  qui  t'ait  un  total  de  28  canons  de  différents  calibres,  où  l'ar- 
tillerie moyenne  domine. 

Les  demi-tourelles  du  Trident  sont  entourées  d'une  simple  cloison  en  tôle.  La  ceinture 
du  navire  a  une  épaisseur  de  22  centimètres  à  la  flottaison,  et  de  16  au  réduit. 

La  machine  de  ce  cuirassé,  construite  à  Indret,  est  du  typeCorliss;  elle  développe  un 
travail  de  4,800  chevaux;  l'hélice  unique  est  à  quatre  ailes;  ce  navire  peut  marcher  à  la 
vitesse  de  14  nœuds,  2  à  l'heure.  Les  chaudières  sont  composées  de  8  corps  à  4  loyers  et 
timbrées  à  2k£,25  seulement. 

Le  Trident,  mis  en  chantier  en  1869,  a  été  mis  à  l'eau  le  9  novembre  1876  et  armé  en 
1878.  Son  effectif  était  de  730  hommes,  et  il  jauge  8,450  tonnes. 

Le.  Formidable,  également  exposé,  est  bien  plus  considérable  et  est  à  trois  tourelles 
barbettes;  mais  avant  de  le  décrire,  il  est  bon  de  suivre  les  transformations  que  la  marine 
militaire  a  subies  avant  d'en  arriver  là. 

En  effet,  à  l'exemple  de  l'Angleterre,  la  France  se  mit,  et  c'est  à  M.  de  Bussy  qu'est  dû 
chez  nous  ce  progrès,  à  remplacer  la  construction  en  bois  par  une  construction  métallique, 
et  à  substituer  l'acier  au  fer  pour  cette  fin,  par  suite  de  sa  plus  grande  résistance.  L'acier 
permet  de  réduire  les  échantillons  de  métal  nécessaire,  et  de  reporter  sur  la  cuirasse,  l'ar- 
tillerie et  la  machine  l'économie  de  poids  ainsi  obtenue.  Seules  les  tôles  de  bord  extérieur 
sous  l'eau  sont  encore  en  tôle  de  fer,  mais  plus  tard  on  en  est  même  arrivé  à  y  substituer 
l'acier  aussi. 

Le  Redoutable,  la  Dévastation,  le  Courbet,  ont  été  construits  dans  ce  système  ;  ce  sont  en- 
core des  cuirassés  à  réduit  central.  Ils  ont  un  double  fond,  divisé  en  un  grand  nombre  de 
compartiments  étanches,  afin  de  localiser  les  voies  d'eau  s'il  vient  à  s'en  produire  dans  les 
œuvres  vives,  car  dans  les  constructions  métalliques,  les  voies  d'eau  sont  bien  plus  à 
craindre  que  pour  les  navires  en  bois.  Le  Redoutable  est  muni  d'un  pont  cuirassé. 

Dans  VAmiral-Duperré,  qui  fut  construit  un  peu  plus  tard,  le  réduit  central  est  remplacé 
par  quatre  tourelles  barbettes,  disposées  en  forme  de  T. 

C'est  à  la  suite  de  ces  contractions  que  furent  édifiés,  sur  les  plans  de  M.  Godron, 
le  Formidable,  à  Lorient,  et  VAmiral-Baudin,  à  Brest,  qui  sont  actuellement  les  plus  grands 
bâtiments  de  la  marine  française;  leur  déplacement  atteint  en  effet  11,600  tonneaux 
environ.  Ils  sont  aussi  les  plus  fortement  cuirassés;  les  plaques,  qui  sont  en  acier  du  Creu- 
sot,  ont  55  centimètres  d'épaisseur  à  la  flottaison  et  45  au  rang  inférieur;  la  hauteur  totale 
du  blindage,  qui  est  d'une  seule  virure,  est  de  2m,50.  Le  poids  approche  de  4,000  tonnes. 

Le  Formidable  est  un  véritable  colosse,  comme  son  nom  l'indique;  on  en  jugera  mieux 
quand  nous  dirons  qu'il  mesure  102  mètres  de  longueur  de  l'axe  du  gouvernail  à  la  pointe 
de  l'éperon,  que  sa  largeur  extrême  est  de  21iu,24,  que  son  creux,  au  milieu,  au  pont  des 
gaillards,  est  de  13m,53;  que  son  tirant  d'eau  moyen  est  de  8m,03,  que  sa  surface  totale 
est  de  plus  de  1,864  mètres  carrés.  Enfin,  sa  puissance  exigée  au  tirage  naturel  est  de 
6,500  chevaux,  et  sa  vitesse  dépasse  15  nœuds  au  tirage  naturel,  ce  qui  est  beaucoup 
pour  un  bâtiment  aussi  pesant. 

Son  armement  consiste  en  trois  canons  de  37  centimètres,  placés  dans  trois  tourelles 
barbettes  placées  dans  son  plus  grand  axe,  et  ayant  une  hauteur  de  commandement  de 


238 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


8m,52.  Les  tourelles  sont  blindées  avec  des  plaques  de  Commentry  de  40  centimètres 
d'épaisseur. 

Les  canons  ont  28,5  longueurs  de  calibre,  et  pèsent  76  tonnes;  leurs  projectiles,  pesant 
560  kilogrammes,  sont  lancés  avec  une  vitesse  initiale  de  600  mètres. 

En  outre,  la  batterie  renferme  12  canons  de  14;  et  il  y  a  encore  sur  le  navire  2  canons 
à  tir  rapide  de  47  et  13  canons-revolvers  Hotchkiss  de  37.  Des  tubes  lance-torpilles  à  cuil- 


L'Exposition  du  Yacht-Club. 


1er,  au  nombre 
de  6,  situés 
dans  le  faux 
pont,  et  4  pro- 
jecteurs élec- 
triques de  60 
centimètres 
complètent  le 
matériel  du 
navire.  Deux 
mats  sans  voi- 
lure émergent  à  une  faible  hauteur  pour  le  placement  des  canons-revolvers  et  des  signaux. 
Le  Formidable,  commencé  en  1879,  a  été  lancé  en  1884. 

Approvisionné  de  800  tonnes  de  charbon,  il  peut  franchir  1,650  milles  sans  ravitaille- 
ment, à  la  vitesse  de  15  nœuds  2/10,  et  3,000  milles  à  la  vitesse  de  10  nœuds.  Il  porte  un 
équipage  de  500  hommes,  et  a  coûté  16  millions  de  francs. 

Un  autre  cuirassé  de  notre  escadre,  le  Magenta,  à  quatre  tourelles,  représenté  à  l'Expo- 
sition par  un  beau  modèle,  et  construit  à  Toulon,  a  des  dimensions  un  peu  moins  considé- 
rables que  le  précédent,  tout  en  étant  fort  respectables  cependant.  On  peut  en  dire  autant 
du  Marceau,  du  Neptune  et  du  Hoche,  construits  comme  lui  à  la  Seyne,  Brest  et  Lorient, 
d'après  les  mêmes  plans,  dus  à  M.  Huin. 

Le  Magenta  a  juste  100  mètres  de  longueur  totale  et  20  mètres  de  largeur  extrême; 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889  239 

son  tirant  d'eau  moyen  est  de  8  mètres;  enfin,  sa  surface  totale  est  de  près  de  3,755  mètres 
carrés,  dont  142  mètres  immergés,  et  son  déplacement  est  de  10,644  tonneaux,  dont  3,200 
fournis  par  la  cuirasse  et  3,750  par  la  coque. 

La  flottaison  est  protégée  par  une  ceinture  métallique  de  0m,45  d'épaisseur  en  haut  et 
de  0m,35  en  bas;  à  l'intérieur  se  trouve  un  pont  cuirassé  de  0ra, 08  d'épaisseur;  4  canons, 
dont  2  de  34  et  2  de  27  centimètres,  sont  abrités  par  quatre  tourelles  barbettes  cuirassées 
sur  une  épaisseur  de  0m,40,  et  disposées  en  croix.  Sur  les  gaillards  se  trouvent  encore 
2  canons  de  14  et  18  autres  du  même  calibre,  en  batterie.  Enfin,  sur  les  bastingages,  hu- 
nes, etc.,  sont  répartis  20  canons-revolvers,  et  deux  tubes  lance- torpilles  sont  installés  à 
l'avant  et  autant  au  travers. 

Les  deux  machines  ont  une  force  de  5,550  chevaux  avec  tirage  ordinaire,  et  peuvent 
en  produire  12,000  au  tirage  forcé.  L'hélice  tourne  avec  des  vitesses  respectives  de  72  et 
de  90  tours  dans  l'un  et  l'autre  cas  ;  avec  le  dernier,  le  navire  peut  franchir  16  nœuds  à 
l'heure. 

Le  Hoche  diffère  un  peu  du  précédent  par  son  armement  ;  deux  seulement  de  ses  tou- 
relles sont  barbettes,  c'est-à-dire  ouvertes  et  fixes,  tandis  que  les  deux  autres  sont  fermées. 
Le  chargement  du  Magenta  se  fait  au  moyen  d'un  monte-charges  placé  au  centre,  et  installé 
de  telle  sorte  que  les  pièces  peuvent  être  chargées  dans  toutes  les  positions. 

Les  chaudières  de  ces  divers  cuirassés  sont  tabulaires,  comme  celles  des  locomotives; 
elles  sont  séparées  du  foyer  par  une  chambre  de  combustion  où  l'on  peut  brûler  250  kilo- 
grammes de  charbon  par  mètre  carré  de  surface  de  grille  et  par  heure. 

Les  hélices,  au  nombre  de  deux,  sont  à  quatre  ailes,  en  bronze  manganifère. 

La  Société  de  la  Gironde  montrait  un  modèle  du  cuirassé  garde-côte,  le  Requin,  qu'elle 
a  construit  récemment  à  Bordeaux,  et  qui  est  du  même  type  que  le  Terrible,  l'Indomptable 
et  le  Caïman.  Les  plans  en  sont  dus  à  31.  Sabattier,  et  présentent  sur  les  gardes-côtes  anté- 
rieurs un  notable  agrandissement  de  l'armement  et  du  tonnage. 

Le  type  réalisé  précédemment  dans  le  Tonnerre  et  le  Fulminant,  et  dont  M.  de  Bussy  est 
l'auteur,  est  muni  d'une  ceinture  blindée  de  bout  à  bout,  qui  protège  la  flottaison,  et  d'un 
pont  cuirassé,  sur  lequel  s'élève,  sur  une  longueur  de  40  mètres,  un  parapet  blindé  égale- 
ment, qui  abrite  la  base  d'une  tourelle  blindée,  fermée  et  mobile,  qui  abrite  2  canons  de  27. 
Ces  cuirassés  déplacent  5,600  tonneaux,  et  filent  14  nœuds  à  l'heure. 

La  Tempête  et  le  Vengeur  sont  encore  du  même  type,  mais  d'un  déplacement  et  d'une 
vitesse  moindres. 

Le  parapet  n'est  plus  blindé  dans  le  Furieux  iO,000  tonneaux)  et  le  Tonnant  (5,100  ton- 
neaux), et  dans  ces  garde-côtes,  les  canons  de  34  sont  placés  sur  deux  tourelles  barbettes, 
l'un  à  l'arrière,  l'autre  à  l'avant. 

La  vitesse  et  l'armement  sont  puissamment  augmentés  dans  le  Requin,  le  Terrible,  le 
Caïman  et  l'Indomptable.  Ici,  la  longueur  totale  du  garde-côte  est  de  88m,25;  sa  largeur 
extrême  hors  cuirasse,  de  18  mètres  ;  son  tirant  d'eau  moyen,  de  7  mètres  ;  son  déplace- 
ment, de  7,184  tonneaux;  enfin  sa  surface  totale  est  de  plus  de  1,331  mètres  carrés  dont 
plus  de  111  mètres  immergés. 

Comme  les  autres  cuirassés  français  que  nous  avons  examinés  plus  haut,  ces  garde- 
côtes  sont  blindés  d'une  façon  efficace  (50  centimètres  d'épaisseur);  ils  sont  munis  de  deux 
tourelles  barbettes  disposées  comme  sur  le  Furieux,  et  portant  2  canons  de  42,  le  plus  fort 


240  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

calibre  de  notre  artillerie.  Il  y  a  en  outre  deux  mâts  militaires.  La  vitesse  est  de  15  nœuds, 
et  la  force  développée  par  les  machines,  de  4,800  chevaux  au  tirage  naturel. 

En  résumé,  de  l'examen  de  ces  divers  modèles,  il  ressort  que  les  cuirassés  d'escadre, 
primitivement  à  batterie,  ont  été  ensuite  construits  avec  un  réduit  ou  fort  central,  et  que 
maintenant  on  préfère  les  types  à  tourelles  pivotantes  ou  à  tourelles  barbettes  fixes  ;  ces 
bâtiments  sont  souvent  dépourvus  de  mats.  Quant  aux  cuirassés  de  croisière,  leur  mature 
est  assez  développée  pour  pouvoir  naviguer,  autant  que  possible,  à  la  voile  ;  leurs  dimen- 
sions sont  inférieures  aux  cuirassés  d'escadre. 

Croiseurs.  —  Le  rôle  assigné  en  temps  de  guerre  aux  croiseurs,  par  la  marine  moderne, 
est  de  surveiller  certains  parages,  de  servir  d'éclaireurs,  de  tenter  des  coups  de  main  sur  la 
Hotte  ennemie,  de  faire  des  croisières,  etc. 

On  comprend  dès  lors  la  nécessité  pour  ces  navires  d'avoir  une  grande  vitesse  et  de  pos- 
séder une  artillerie  d'une  grande  puissance.  La  vapeur  leur  a  été  appliquée  dès  le  principe, 
comme  mode  de  locomotion,  mais  ils  sont  aussi  munis  de  voiles  leur  permettant  de  pouvoir 
évoluer  par  l'action  du  vent,  car  il  peut  arriver  qu'ils  opèrent  dans  des  régions  trans- 
océaniennes où  le  combustible  peut  manquer,  dans  le  cas,  par  exemple,  d'une  lutte  coloniale. 

Les  croiseurs  français  ne  sont  pas  cuirassés,  car  le  blindage,  s'il  protège  le  navire  des 
coups  de  l'ennemi,  augmente  considérablement  son  poids  et,  par  suite,  lui  ôte  de  la  liberté 
dans  ses  mouvements. 

Les  croiseurs  français  étaient  représentés  par  huit  types  différents  à  l'Exposition. 

Le  Duquesne,  le  plus  ancien,  construit  sur  les  indications  de  M.  Lebelin  de  Dionne,  est  un 
croiseur  à  batterie  en  fer,  avec  revêtement  en  bois  sur  le  bordé  en  tôle,  pour  permettre  le 
doublage  qui  est  en  cuivre.  Son  déplacement  atteint  3,800  tonneaux,  sa  longueur  est  de 
102  mètres,  sa  largeur  de  15  mètres,  son  tirant  d'eau  de  8"\23.  Sa  machine  motrice,  forte  de 
8,000  chevaux,  permet  de  réaliser  une  vitesse  de  près  de  17  nœuds,  soit  31  kilomètres  à 
l'heure. 

De  même  que  le  Tourville,  son  similaire,  le  Duquesne  est  armé  de  14  canons  de  14  dans 
sa  batterie,  et  de  6  canons  de  19  sur  les  gaillards.  En  outre,  un  éperon  termine  l'avant  du 
vaisseau. 

LeSfax,  croiseur  en  acier  de  M.  Bertin,  a  été  mis  en  chantier  en  1882;  il  esta  double 
fond,  son  pont  est  blindé;  il  a  88ra,30  de  long,  15  mètres  de  large,  10  mètres  de  creux,  un 
tonnage  de  4,500. 

Les  machines  qui  l'actionnent  ont  une  force  normale  de  5,000  chevaux,  susceptible  de 
pouvoir  être  portée  à  7,500.  Deux  hélices  de  5m,  35  de  diamètre  permettent  d'atteindre  la 
vitesse  de  16  nœuds. 

Les  soutes,  pouvant  contenir  800  tonnes  de  houille,  permettent  ainsi  au  bâtiment  de 
franchir  sans  être  ravitaillé  6,200  milles,  à  la  vitesse  de  10  nœuds. 

L'armement  du  Sfax  comprend  16  canons  de  6  centimètres,  dont  2  tirant  en  chasse  et 
4  en  retraite, dans  ses  encorbellements  :  10  canons  de  14  et  8  canons-revolvers. 

Le  Cécille  est  un  des  croiseurs  à  batterie  les  plus  récents;  construit  à  la  Seyne,  sa  vitesse 
est  de  19  nœuds,  et  ses  machines  fortes  de  9,600  chevaux  au  tirage  forcé  et  de  6,900  au  tirage 
naturel.  Un  autre  croiseur  du  même  genre,  le  Tage,  non  exposé,  développe  12,400  chevaux. 
Tous  les  deux  ont  un  pont  cuirassé,  celui  du  Cécille  est  composé  de  cinq  parties  d'inclinai- 
sons variables,  mais  celle  du  milieu  est  horizontale. 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE    1889 


241 


Son  armement  consiste  en  6  canons  de  16,  10  de  14,  5  canons  à  tir  rapide  de  47  et 
10  canons-revolvers  de  37  millimètres. 

Quatre  des  canons  de  16  sont  placés  dans  deux  demi-tourelles  en  encorbellement  et  sur 
des  affûts  à  pivot  central;  les  deux  autres  sont  sur  les  gaillards.  Les  tourelles  sont  sur- 
montées de  deux  passerelles  en  acier  chromé  de  4  millimètres  d'épaisseur,  pour  protéger 
les  servanls  contre  la  mousqueterie  des  hunes. 

Le  Cécille  a  une  longueur  totale  de  1 15m ,50  une  largeur  qui  dépasse  15  mètres  et  un 
déplacement  total  de  5,766  tonnes. 

Le  Forbin,  croiseur  de  troisième  classe,  construit  à  Rochefortde  1886  à  1889,  également 
représenté  par  un  modèle,  ne  mesure  que  95  mètres  de  long,  et  que  9m,30  de  large  ;  sa  coque 
est  entièrement  en  acier;  son  déplacement  est  de  1,848  tonneaux,  en  charge. 


Exposition  maritime.  —  Salle  des  modèles. 


Le  Troude,  exposé  par  la  Société  de  la  Gironde,  et  concédé  à  elle  en  1886,  n'a  que 
93  mètres  de  long  et  9'",  50  de  large;  il  est  peu  différent  du  précédent  ;  son  armement  est  le 
même  :  2  pièces  de  14,  3  canons  à  tir  rapide  de  47,  4  canons-revolvers,  5  affûts  lance-tor- 
pilles. 

Le  Davout,  croiseur  de  deuxième  classe,  mis  en  chantier  en  1887,  a  les  même  formes  que 
le  Forbin;  il  mesure  88  mètres  de  longueur,  sur  12m,30de  largeur  extrême;  son  déplacement 
est  de  3,027  tonneaux,  et  sa  vitesse  de  20  nœuds. 

Ces  différents  croiseurs  n'ont  que  des  mâts  militaires. 

Le  Jean-Bai  t,  dont  les  plans  sont  de  M.  Thibaudier,  est  le  premier  croiseur  de  première 
classe  à  grande  vitesse;  il  a  été  mis  en  chantier  à  Rochefort  en  1886.  Sa  longueur  est  de 
105m,40,  avec  une  largeur  de  13"\28,  un  déplacement  de  4,162  tonneaux  et  une  vitesse  de 
19-nœuds. 

Le  Dupuy-de-Lôme  est  le  dernier  croiseur  figurant  dans  la  classe  LXV  ;  il  n'a  été  mis  en 
chantier  qu'en  1887  ;  il  est  blindé  dans  toutes  ses  œuvres  mortes,  sur  une  épaisseur  de 
10  centimètres  seulement.  Il  mesure  114  mètres  de  longueur,  pour  15m,70  de  largeur,  avec 
ni  16 


242  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

un  déplacement  total  de  près  de  6,300  tonnes  ;  sa  vitesse  espérée  est  de  20  nœuds.  C'est  le 
type  de  croiseur  le  plus  nouveau. 

Croiseurs-torpilleurs.  —  Les  torpilleurs  sont  des  bateaux  imaginés  pour  le  lancement  de 
la  torpille  sous  l'eau.  On  sait  que  la  torpille  est  un  engin  fusiforme  fait  d'un  métal  mince, 
1er  ou  acier,  qui  contient  à  l'avant  la  charge  de  matière  explosive;  puis  vient  un  réservoir 
à  air  occupant  à  peu  près  la  moitié  de  la  longueur  de  la  torpille  ;  enfin,  à  l'arrière,  est  une 
machine  mue  par  l'air  du  réservoir  et  qui  actionne  une  hélice.  Un  mécanisme  intérieur  règle 
la  profondeur  à  laquelle  doit  se  tenir  la  torpille,  et  fixe  sa  marche  en  ligne  droite  sous 
l'eau.  La  torpille  peut  ainsi  parcourir  de  200  à  2,000  mètres  à  une  vitesse  de  9  à  18  nœuds. 
C'est  l'introduction  de  la  torpille  dans  la  marine  moderne  qui  a  nécessité  de  protéger  les 
grands  bâtiments  contre  leur  action  perforatrice,  au  moyen  de  blindages  très  épais. 

Les  bateaux  torpilleurs  doivent  avoir  une  grande  vitesse,  et  des  dimensions  très  petites. 
deux  conditions  qu'il  est  difficile  d'allier  ensemble. 

Les  premiers  torpilleurs  employés  avaient  27  mètres  de  longueur  ;  on  les  a  successive- 
ment augmentés,  et  l'on  en  est  arrivé  an  Condor,  long  de  68  mètres  et  jaugeant  1,260  tonneaux, 
qui  est  le  type  du  croiseur-torpilleur.  C'est  un  navire  semblable  au  Forbin,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  mais  de  dimensions  moindres.  Son  armement  est  constitué  par 
5  canons  de  10  centimètres,  6  canons  Hotchkiss  de  37  et  1   canon  à  tir  rapide  de  68. 

La  Bombe  est  un  aviso-torpilleur;  son  rôle  est,  comme  le  Condoi;  de  combattre  contre 
les  torpilleurs  proprement  dits:  il  a  59"',  20  de  long,  G™,  Si  de  large  et  un  déplacement 
de  321  tonneaux.  La  coque  est  en  acier,  sauf  l'étrave  et  l'étambot  qui  sont  en  1er 
forgé. 

Torpilleurs.  —  Des  torpilleurs  proprement  dits  étaient  exposés  par  M.  Normand  et 
par  la  Société  de  la  Loire. 

Cette  dernière  exposait  un  modèle  de  torpilleur-éclaireur,  type  Ouragan,  dont  la  vitesse 
est  moindre  de  25  nœuds. 

M.  Normand  montrait  des  modèles  du  torpilleur  type  60  à  64,  de  33  mètres,  du  tor- 
pilleur russe  Sveaborg,  du  torpilleur  espagnol  Barcelo.  du  torpilleur  français  ÏAvant- 
Garde,  etc. 

Ce  dernier  a  42  mètres  de  long  sur  4"\  50  de  large;  son  déplacement  n'est  que  de 
119  tonnes,  et  il  file  20  nœuds  et  demi  à  l'heure,  avec  1,348  chevaux.  Il  porte  4  canons 
à  tir  rapide  de  47,  une  torpille  portée  à  l'avant  et  2  tubes  lance-torpilles  à  cuiller. 

Navires  construits  pour  l'étranger.  —  Quatre  navires  de  guerre  construits  en  France, 
mais  pour  l'étranger,  figuraient  au  pavillon  de  la  Marine. 

1°  Le  Pélayo,  construit  pour  l'Espagne,  à  la  Seyne,  sur  les  plans  de  M.  Lagane,  est 
un  cuirassé  très  bien  réussi,  dont  la  vitesse  dépasse  16  nœuds. 

2°  Vllydra,  cuirassé  grec,  exposé  par  la  Société  des  Forges  et  Chantiers. 

3"  L'itsukushima,  croiseur  japonais,  exposé  par  la  même  Société,  dont  la  coque  et  le 
pont  cuirasse  sont  en  acier,  et  dont  la  longueur  est  de  99  mètres,  la  largeur  de  15m,  54 
et  le  déplacement  de  4,228  tonneaux.  Il  ne  possède  qu'un   seul  mât  militaire. 

4"  L'Amiral  Karnilov,  construit  pour  la  Russie,  par  la  Société  de  la  Loire,  a  107  mètres 
de  long,  14"',  87  de  large,  et  déplace  5,000  tonneaux.  Son  pont  est  blindé  sur  une  épaisseur 
de  6  centimètres;  sa  vitesse  est  variable  autour  de  18  nœuds. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


US 


Marine  militaire  anglaise.  —  La  superbe  exposition  de  la  Grande-Bretagne  était  ins- 
tallée dans  la  Galerie  des  Machines;  c'était  la  seule  puissance  étrangère  ayant  exposé 
des  vaisseaux  de  guerre. 

La  maison  Napier,  de  Glasgow,  exposait  les  modèles  de  tous  les  navires  qu'elle  a 
construits  pour  l'Amirauté,  depuis  le  Simaon  (1849),  la  batterie  flottante  de  VÊrebus  pour 
la  guerre  de  Crimée,  jusqu'aux  cuirassés  et  croiseurs  modernes  :  VAuslralùi,  le  Galatea, 
l'Hector,  le  Black  Prince,  le  Phaéton,  etc. 

Le  Phaéton  a  91  mètres  de  longueur,  14  de  largeur,  6m,  90  de  tirant  d'eau  à  l'arrière 


Le  Salon  do  musique  ilu  Polynésien. 


et  4,300  tonneaux  de  déplacement.  La  machine,  forte  de  5,500  chevaux,  permet  de 
réaliser  une  vitesse  de  17  nœuds.  L'armement  consiste  en  II»  canons  de  18cm,2  et  14 
autres  canons,  soit  mitrailleuses,  soit  à  tir  rapide. 

VAustvalia  est  un  croiseur  cuirassé,  ûlant  19  nœuds  et  fortement  armé. 

La  Compagnie  Fairfield  et  Engineering  exposait  un  modèle  des  croiseurs  Magicienne 
et  Marathon,  doublés  en  cuivre,  dont  la  vitesse  approche  de  20  nœuds.  Ce  type  a  81  mètres 
dans  un  sens  et  12m,5  dans  l'autre. 

La  maison  Pahner,  de  Yarrow-on-Tyne,  montrait  une  canonnière-torpilleur  de 
420  tonneaux,  construite  pour  l'Autriche  ;  un  croiseur  cuirassé  pour  l'Espagne,  de  I03m,70 
de  long  sur  19m,81  de  large,  et  deux  avisos  de  1,600  tonneaux. 

MM.  Armstrong,  Mitchell  et  C",  d'Elswick,  exposaient  le  croiseur  Piemonte,  construit 
pour  l'Italie,  remarquable  par  la  torce  de  son  armement  comparée  à  son  faible  dépla- 


244  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

cernent  (2,500  tonneaux)  et  par  sa  grande  vitesse  (2!   nœuds).  Sa  machine  est  forte  de 
11,600  chevaux. 

Mnrini' de  commerce.  —  La  marine  de  commerce  française  était  bien  représentée  dans 
le  Pavillon  du  quai  d'Orsay;  mais  dans  le  Palais  des  Arts  Libéraux  on  pouvait  voir  les 
beaux  voiliers  en  acier,  à  quatre  mâts,  de  la  maison  Ant.  Dom.  Bordes  et  fils,  destinés 
aux  longues  traversées,  et  notamment  la  Persévérance  et  le  Tarapaca,  qui  ont  97  mètres  de 
longueur  sur   13  de  largeur,  et  d'une  jauge  moyenne  de  2, MOU  tonnes. 

La  Société  de  la  Loire  nous  montrait  le  yacht  de  plaisance  Saint-Joseph,  gréé  en 
goélette;  il  a 52  mètres  de  long,  7m,20  de  large,  4m,70  de  creux,  possède  une  vitesse  de 
14  nœuds,  avec  une  machine  à  pilon  compound,  à  deux  cylindres,  de  700  chevaux. 

L'Uruguay,  de  106  mètres  de  long,  exposé  par  la  même  Société,  tient  du  cargo-boat  et 
du  paquebot  ;  il  peut  recevoir  40  passagers  de  cabine  et  500  émigrants;  il  a  un  spardeck, 
un  roof,  un  salon.  11  est  maté  en  brick,  avec  deux  mâts. 

La  même  Société  a  encore  construit,  pour  la  Compagnie  des  Chargeurs  réunis,  un 
paquebot  plus  rapide,  le  Paraguay,  de  14  nœuds,  qui  peut  recevoir  100  voyageurs,  divisés 
en  deux  classes.  Sa  coque  est  toute  en  acier;  sa  longueur  est  de  114  mètres,  et  sa  largeur 
de  1 2  m ,  18. 

La  Compagnie  des  Messageries  maritimes,  dont  les  ateliers  sont  à  la  Ciotat,  nous  pré- 
sentait le  modèle  de  son  beau  paquebot  la  Plata,  semblable  au  Brésil;  ce  sont  des  navires 
longs  de  146  mètres,  larges  de  14,  d'un  déplacement  de  plus  de  8,000  tonneaux  et  d'une 
vitesse  de  17  nœuds.  Ils  sont  éclairés  par  500  lampes  à  incandescence,  et  munis  de  machines 
réfrigérantes  pour  la  conservation  des  vivres.  Us  pourront  être  utilisés  comme  croiseurs 
auxiliaires,  en  temps  de  guerre,  et  des  canons  pourront  y  être  placés. 

A  citer  tout  au  moins  le  beau  salon  à  musique  du  Polynésien,  dont  un  modèle  grandeur 
nature  figurait  à  l'Exposition  ;  ce  ronfle,  de  lom.  50  de  long,  est  en  bois  de  teck. 

La  Compagnie  Transatlantique  montrait  encore  un  beau  modèle  de  la  Touraine,  paquebot 
en  construction,  qui  aura  157  mètres  de  longueur,  avec  une  vitesse  espérée  de  18  nœuds  et 
une  force  (le  I2,î;00  chevaux. 

Enfin,  terminons  avec  les  deux  cargo-boats  le  Paruana  et  lu  Dordogne,  exposés  par  la 
Sociétédes  Forges  et  Chantiers;  parla  Ville-de-Metz,  appartenant  à  la  Compagnie  Havraisc 
Péninsulaire,  et  par  le  Brésil,  grand  paquebot  des  Messageries. 

La  maison  Henri  Satre  exposait  des  modèles  du  vapeur  à  roues  Igara,  construit  pour  le 
Sénégal;  du  remorqueur  et  porteur  à  roues  V  Armand-Dumeau,  enfin  du  remorqueur  de 
mer  la  Camargue.  Des  photographies  du  paquebot  à  roues  le  Bameses,  de  68m,S0  de  long, 
le  plus  grand  de  ceux  qui  naviguent,  sur  le  Nil;  du  vapeur  à  deux  hélices  le  Conquy, 
de  40  mètres  de  long,  qui  a  été  nu  Gabon;  d'un  bateau-pompe  à  grand  débit,  pouvant 
élever  2, nui)  litres  d'eau  par  seconde,  et  destiné  à  l'alimentation  de  la  Camargue;  celle 
d'un  vapeur-citerne,  construit  pour  Panama;  d'un  loueur  à  traction  sans  feu,  etc., 
complétaient  cette  curieuse  et  instructive  exhibition. 

Comme  plans,  on  pouvait  voir  ceux  du  Sergent-Malmine  et  de  VÊclaireur,  vapeur  de 
28  mètres  de  long;  celui  de  la  Ville-d'Alais,  bateau-écluse  en  acier,  long  de  83  mètres, 
qui  peut  recevoir  un  chaland  chargé  de  223  tonnes  de  marchandises,  et  le  passer  dans  les 
endroits  où  le  cours  d'eau  n'a  pas  un  tirant  d'eau  suffisant. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  245 

MM.  Fleming  et  Ferguson  exposaient  un  modèle  du  yacht  à  vapeur  Skeandhu,  muni 
d'une  machine  à  quadruple  expansion. 

Un  ferry-boat  (bac  à  vapeur)  à  quatre  hélices,  avec  un  pont  <>u  plate-forme  s'élevant 
ou  s'abaissant  à  volonté,  était  exposé  par  la  maison  Simons  et  C°;  il  est  très  intéressant  à 
examiner  attentivement.  Ce  bac,  long  de  24m,  40,  large  de  13™,  10,  est  utilisé  sur  la  Clyde, 
en  Ecosse,  pour  le  transport  des  voyageurs  d'une  rive  à  l'autre.  Il  peut  aussi  être  utilisé 
pour  le  transport  des  rails  et  des  wagons,  ainsi  que  pour  le  débarquement  des  troupes,  des 
chevaux  et  de  l'artillerie. 

Nous  devons  parler  ici  de  la  canonnière  démontable  construite  pour  le  Haut-Niger 
par  la- Société  générale  des  Forges  et  Ateliers  de  Saint-Denis,  qui  en  exposait  les  plans, 
ainsi  que  ceux  des  bateaux-express  de  la  Seine,  qu'elle  a  construits.  Disons  en  passant 
que  ces  derniers  ont  29m,20  de  long,  4m,80  de  large,  et  un  creux  de  2  mètres;  il  n'est  pas 
de  Parisien  qui  n'ait  profité  des  agréments  d'un  voyage  nautique  à  travers  la  grande 
ville,  soit  pour  sa  distraction,  soit  pour  son  travail  journalier. 

Un  modèle  de  chaloupe  à  vapeur  de  sauvetage,  destiné  à  l'amirauté  anglaise,  était 
exposé  par  M.  Forrest.  Le  même  exposait  encore  le  modèle  d'une  baleinière  en  acier 
démontable,  du  type  de  celles  que  l'on  a  utilisées  en  Afrique  dans  l'expédition  au  secours 
d'Emin-Bey,  et  un  autre  bateau  mû  par  deux  roues  placées  à  l'arrière. 

La  marine  de  commerce  anglaise  était  placée,  elle  aussi,  à  la  Galerie  des  Machines. 

La  Compagnie  Fairfield  exposait  le  bâtiment  le  plus  rapide  de  sa  flotte,  YAlaska;  il 
mesure  152  mètres  de  longueur,  15"',2ii  de  largeur,  un  creux  de  12'", 20  et  jauge  près  de 
7,000  tonneaux;  il  file  1!)  nœuds  à  l'heure,  avec  une  machine  de  11,000  chevaux.  La 
même  société  nous  montrait  aussi  le  modèle  d'un  bateau  à  roue,  type  Queen  Victoria  et 
Prince  of  Wales,  faisant  le  trajet  de  Liverpool  à  l'ile  de  Man;  ce  yacht  a  une  longueur  de 
100  mètres,  une  largeur  de  12  mètres  et  une  vitesse  de  20  nœuds. 

VOrmuz,  paquebot  armé  pour  servir  de  croiseur,  était  encore  présenté  par  la  même 
Compagnie. 

La  maison  Napier  présentait  des  modèles  de  navires  construits  pour  le  Mexique. 

La  maison  Laird  exposait  un  beau  modèle  du  superbe  paquebot  de  la  Compagnie 
Hambourgeoise-Américaine,  le  Columbia,  de  141  mètres  de  long  sur  17  de  large,  qui 
marche  à  raison  de  plus  de  10  nœuds  à  l'heure,  et  un  modèle  du  City  of  Dublin,  bateau  à 
roues  articulées,  marchant,  à  ce  qu'elle  assure,  à  la  vitesse  peu  croyable  de  22  nœuds. 

La  Caste  Une  exposait  le  modèle  de  son  plus  grand  navire,  le  Norham  Castle,  qui  l'ait 
en  19  jours  la  traversée  de  Darmouth  (Angleterre)  au  cap  de  Bonne-Espérance. 

La  Royal  mail  Une  présentait  les  modèles  de  l'Atrato,  do  la  Magdala/a  et  de  YOrinoeo, 
ce  dernier  de  près  de  II!)  mètres  de  long.  Nous  devons  encore  citer  les  modèles  exposés 
par  Y  Union  steamship  Company. 

Les  navires  de  la  White  star  Une  et  de  la  Canard  Une  se  disputent  avec  ceux  de 
Ylnman  Une  et  de  notre  Compagnie  Transatlantique  le  premier  rang  pour  la  rapidité  des 
traversées  d'Europe  en  Amérique. 

Les  paquebots  Umbria  et  Etruria,  dont  les  modèles  étaient  exposés  par  la  Canard  Une, 
l'ont  cette  traversée  en  six  jours. 

Le  Teutonie,  exposé  par  la  White  Star  Une,  a,  on  se  le  rappelle,  entrepris  récemment 
de  lutter  de  vitesse  avec  le  City  of  New  York  et  le  City  of  Rmne.   Partis  tous  trois  de 


216  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

Quenslown  le  8  août  1  s  s  '.  t .  le  City  of  New  York  arriva  le  premier  à  Sundy-Hook  (Amérique), 
après  une  traversée  de  2,790  milles,  en  6  jours,  14  heures  et  20  minutes,  ce  qui  fait  une 
moyenne  de  17",ls,6  par  heure,  vitesse  dont  le  chiffre  peu  élevé  s'explique  par  la  pré- 
sence de  brouillards  et  d'arrêls  forcés;  le  Teutonic  arriva  25  minutes  plus  tard,  et  le 
City  of  Rome,  17  heures  après. 

Le  Teutonic  et  le  Majestic,  paquebots  exactement  semblables,  sont  les  navires  les  plus 
longs  qui  existent,  depuis  la  démolition  du  Créât  Eastern;  ils  mesurent  177"', Hl  de  lon- 
gueur totale,  et  jaugent  9,700  tonneaux;  ils  sont  en  acier,  ei  destinés  à  servir,  en  temps 
de  guerre,  de  croiseurs  auxiliaires,  c'est  pourquoi  ils  possèdent  des  canons  à  leur  bord. 
La  force  développée  par  les  machines  de  ces  navires  est  de  17,(100  chevaux;  dans  de 
bonnes  conditions,  ils  atteignent  facilement  une  vitesse  de  20  nœuds.  Ils  sont  munis  de 
deux  énormes  cheminées  de  forme  elliptique,  et  de  trois  mâts  à  pible.  sans  vergues. 

Mais  si  le  Teutonic  est  le  plus  long  navire  du  monde,  le  plus  grand  marcheur  est  le 
City  of  Paris,  appartenant  à  Vlnman  Une;  il  est  le  seul  qui  ait  franchi  l'Atlantique  en 
moins  de  six  jours. 

Le  City  of  Paris  est  semblable  au  Cil  y  of  New  York;  en  temps  de  guerre,  il  serait  trans- 
formé en  croiseur  auxiliaire;  il  possède  10  mâts  de  charge  hydraulique,  porte  trois 
cheminées,  3  mâts  à  pible;  il  est  à  deux  hélices  à  trois  ailes  seulement.  Sa  vitesse  peut 
atteindre  21  nœuds. 

L'étude  de  ces  colosses  nous  amène  à  faire  cette  constatation,  c'est  que  notre  compa- 
gnie Transatlantique,  qui  a  été  la  première  à  construire  des  paquebots  à  deux  hélices, 
s'est  laissé  distancer  depuis  par  les  compagnies  rivales  anglaises  et  allemandes,  sous  le 
rapport  de  la  vitesse. 

Dans  le  pavillon  des  Arts  Libéraux,  on  pouvait  voir  des  steamers  faisant  en  moins 
d'une  heure  le  trajet  de  Calais  à  Douvres;  tels  sont  les  steamers  Empress  et  Victoria,  qui 
mesurent  99  mètres  de  long. 

Dans  la  section  américaine,  on  remarquait,  mitre  le  modèle  du  City  of  Paris,  celui  du 
paquebot  Friesland,  construit  par  la  Red  Star  Une,  d'Anvers,  et  celui  du  vapeur  Mackay 
Benett  (pour  les  cables  sous-marins).  Dans  la  section  italienne  figurait  le  modèle  du  paque- 
bot Raffaele  Ruballino;  dans  la  section  russe,  celui  du  vapeur-pétrolier  Russian  Prince,  etc. 

L'étude  de  la  marine  de  commerce  fait  voir  que  la  tendance  générale  est  dans  l'aug- 
mentation de  longueur  des  paquebots  rapides,  car  la  vitesse  s'accroît  non  seulement  en 
raison  de  la  puissance  en  lissante  des  machines,  mais  encore  en  raison  directe  du  rapport 
de  la  longueur  du  bâtiment  à  sa  largeur.  Pour  avoir  des  vitesses  de  19  à  20  nœuds,  dit 
M.  E.  Lisbonne,  dans  de  savantes  études  parues  dans  le  Génie  civil,  on  est  conduit  à 
prendre  pour  longueur  dix  fois  la  largeur,  et  à  présenter  à  la  vague  une  vraie  lame  de 
couteau. 

Le  bassin  à  flot  de  la  classe  LXV.  —  L'idée  d'un  bassin  à  flot,  comme  complément  de 
l'exposition  maritime,  était  excellente  en  elle-même,  mais  malheureusement  elle  n'a 
pas  eu  beaucoup  d'écho,  cinq  navires  seulement  y  ont  figuré,  mais  à  différents  inter- 
valles, et  un  seul  y  est  resté  pendant  toute  la  durer  de  l'Exposition. 

C'est  une  élégante  goélette,  Volage,  appartenant  au  baron  Blavien  de  Grainville;  elle 
jauge  104  tonneaux,  mesure  25  mètres  de  long,  S"°,32  de  large  et  un  creux  de  2m,90. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  247 

M.  Damey,  de  Dôle,  avait  fait  venir  à  Paris  un  bateau  à  deux  coques  jumelles  en 
acier,  V Excursionniste;  il  ressemble  à  un  chaland,  dont  toute  la  longueur  est  occupée 
par  un  ronfle  recouvert  d'un  toit  arrondi.  La  longueur  totale  de  ce  bateau  est  de 
28  mètres;  sa  vitesse  est  de  16  kilomètres  à  l'heure;  il  peut  contenir  70  personnes  à  bord 
et  sa  provision  de  charbon.  Il  est  muni  en  outre  de  quatre  gouvernails,  et  son  propulseur 
fonctionne  aussi  bien  à  l'avant  qu'à  l'arrière. 

Le  yacht  américain  Neversink  a  figuré  aussi  dans  le  bassin  à  flot;  il  a  traversé 
l'Atlantique,  et  est  long  de  11  mètres.  Il  est  à  double  coque,  et  muni  de  compartiments 
à  lest  d'eau  et  à  air  comprimé,  qui  le  rendent  insubmersible  et  inchavirable. 

Signalons  encore  le  canot  actionné  par  un  moteur  à  vapeur  de  pétrole,  de  M.  Yarrow, 
et  le  bateau  toueur-automoteur  de  M.  Raoul  Perrin,  d'un  système  tout  nouveau. 

Avant  d'examiner  les  industries  accessoires  de  la  navigation  groupées  classe  LXV,  nous 
devons  étudier  avec  quelques  détails  les  deux  grandes  Sociétés  qui  ont  obtenu  le  grand  prix 
dans  cette  classe  et  qui,  à  des  points  de  vue  distincts,  sont  l'honneur  et  la  gloire  de  notre 
industrie  nationale,  nous  avons  nommé  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditer- 
ranée et  la  Compagnie  générale  Transatlantique. 


FORGES   ET   CHANTIERS  DE   LA   MEDITERRANEE 

La  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  a  exposé  un  matériel  naval 
et  un  matériel  d'Artillerie.  Le  premier  appartenait  à  la  classe  LXV,  installée  sur  le  quai, 
près  du  Champ-de-Mars  ;  le  second  figurait  à  la  classe  LXVI,  au  pavillon  du  Ministère  de 
la  Guerre. 

Nous  ne  parlerons  ici  que  pour  mémoire  d'une  machine  dynamo  établie  par  la 
Société  dans  la  classe  LXII  pour  l'éclairage  de  l'Exposition,  et  du  modèle  des  appareils 
d'épuisement  des  formes  de  radoub  du  Havre  exposé  dans  la  classe  LXIII. 

L'Exposition  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  avait  une  telle  importance 
et  a  si  vivement  excité  la  curiosité  des  visiteurs,  surtout  par  son  matériel  d'Artillerie 
Canet,  que  nous  croyons  devoir  donner  sur  les  établissements  de  cette  Société  des 
renseignements  détaillés  qu'on  lira  avec  d'autant  plus  d'intérêt  que  l'Artillerie  Canet 
est  aujourd'hui  une  adversaire  redoutable  pour  les  Artilleries  Krupp  et  Amstro'ng,  ses 
seules  rivales  dans  le  monde  entier,  et  qu'à  en  juger  par  la  rapidité  de  ses  progrès,  on 
peut  prévoir  que,  bientôt,  aucun  établissement  ne  pourra  plus  lui  contester  la  première 
place. 

La  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée,  constituée  en  1855,  ne  cons- 
truisait au  début  que  des  navires  et  des  machines;  ses  premiers  établissements  étaient 
situés  à  Marseille,  au  faubourg  de  Menpenti,  et  à  la  Seyne,  dans  la  partie  sud-ouest  de  la 
rade  de  Toulon. 

Vers  la  fin  de  1870,  le  Gouvernement  de  la  Détense  Nationale  lit  appel  au  concours 


•48  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

de  la  Société  et  lui  contia  la  fabrication  d'une  partie  du  matériel  de  campagne  que  récla- 
mait la  continuation  de  la  Guerre.  Pour  répondre  à  cette  demande  et  apporter  son  con- 
tingent à  l'organisation  de  la  résistance,  la  Société  n'hésita  pas  à  approprier  son  personnel 
et  l'ensemble  de  son  outillage  à  l'exécution  de  ces  importants  travaux;  elle  put  ainsi 
livrer  en  quelques  mois  300  bouches  à  feu  et  1,200  prolonges  d'Artillerie. 

En  1872,  la  Société',  dont  la  prospérité  n'avait  cessé  de  croître,  fit  l'acquisition  des 
ateliers  mécaniques  bien  connus  de  M.  Mazeline  au  Havre  et  y  ajouta  les  Chantiers  de 
constructions  navales  de  Graville  situés  à  proximité.  Enfin,  lorsque  la  loi  du  14  août  1885 
vint  supprimer  les  entraves  légales  qui  s'opposaient,  en  France,  à  la  fabrication  des 
engins  de  guerre,  la  Société,  jalouse  d'armer  avec  du  matériel  de  sa  propre  fabrication 
les  navires  qu'elle  construisait,  créa,  au  Havre,  un  atelier  d'Artillerie  et  un  polygone  de 
tir  qui  sont  des  modèles  dans  leur  genre,  et,  aujourd'hui,  la  Société  peut  livrer,  non 
seulement  des  bâtiments  de  commerce  prêts  à  naviguer,  mais  aussi  des  bâtiments  de 
Guerre  du  plus  fort  tonnage,  complètement  armés  et  prêts  à  combattre  au  besoin. 

La  Société  occupait  à  ses  débuts  600  ouvriers  ;  elle  en  occupe  actuellement  7,500 
qui  sont  répartis  dans  les  six  établissements  suivants  : 

1°  Ateliers  de  constructions  mécaniques  de  Menpenti,  à  Marseille. 

2°  Chantiers  de  constructions  navales  de  La  Seyne. 

3°  Ateliers  de  constructions  mécaniques  du  Havre  (anciens  Ateliers  Mazeline). 

4°  Chantiers  de  constructions  navales  de  Graville  (banlieue  du  Havre). 

5°  Atelier  d'Artillerie  du  Havre. 

6°  Polygone  de  tir  du  Hoc,  près  du  Havre. 

Pour  donner  une  idée  de  la  puissante  organisation  de  la  Société  et  de  l'admirable 
fonctionnement  de  ses  ateliers,  nous  ferons  une  description  rapide  de  ces  divers  éta- 
blissements. 


ATELIERS  DE  MENPENTI 

Les  ateliers  de  Menpenti  construisent  spécialement  les  grands  appareils  à  vapeur 
pour  les  marines  militaires  ou  pour  les  paquebots  du  commerce,  et  d'une  manière  géné- 
rale les  engins  de  grande  puissance  tels  que:  dragues,  appareils  hydrauliques,  grandes 
machines-outils,  phares,  machines  d'épuisement  pour  bassins  de  radoub  ou  docks  flottants, 
cales  de  halage,  pontons,  moteurs  ii  vapeur  lixes,  matériel  de  mines,  roues  hydrauliques, 
gazomètres,  machines  pour  usines  diverses,  matériel  d'entrepreneurs,  etc.,  etc. 

L'usine  occupe  une  surlace  de  plus  de  quatre  hectares  et  compte  de  1,100  à  1,200  ou- 
vriers. Elle  comprend  les  ateliers  principaux  suivants:  tourneries  et  façonnages,  forgés, 
montages,  chaudronnerie  en  fer  et  chaudronnerie  en  cuivre,  modelage  et  menuiserie. 
Les  machines-outils  sont  au  nombre  de  350  environ  et  sont  actionnées  par  des  moteurs 
à  vapeur  d'une  puissance  totale  de  500  chevaux. 

La  Société  ne  recule  d'ailleurs  devant  aucun    sacrifice  pour  maintenir  ce  puissant 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  2-19 

outillage  à  la  hauteur  des  perfectionnements  les  plus  récents;  elle  l'accroit  et  le  renou- 
velle constamment. 

Parmi  les  outils  de  façonnage  les  plus  puissants,  nous  pouvons  citer  un  tour  capable 
de  tourner  des  pièces  de  2m,60  de  diamètre  et  de  10m,50  de  longueur  ;  une  machine  à 
raboter  à  fosse  pouvant  recevoir  des  pièces  de  11  mètres  de  longueur  et  4  mètres  de  lar- 
geur ;  une  machine  à  raboter  verticale  capable  d'opérer  sur  des  pièces  de  6"',40  sur  5"',30  ; 
un  tour  spécial  pour  les  grands  arbres  de  transmission  ou  d'hélice  des  machines  marines 
sur  lequel  quatre  chariots  porte-outils  peuvent  travailler  simultanément  ;  une  scie  à 
ruban  pour  les  pièces  en  acier  de  75  centimètres  d'épaisseur  et  10  tonnes  de  poids  ;  des 
grandes  machines  à  aléser  et  fraiser,  etc.,  etc. 

L'atelier  des  forges  est  d'une  moindre  importance  relative,  la  Société  recevant  ses 
plus  grandes  pièces  de  forge  des  usines  du  bassin  de  la  Loire.  Il  comprend  deux  fours, 
vingt  feux  de  forge,  cinq  marteaux  à  vapeur  d'une  puissance  variant  de  3,000  à  500  kilo- 
grammes. Il  est  muni  de  toutes  les  installations  nécessaires,  telles  que  :  four  à  cémenter, 
chaudières  à  vapeur  utilisant  les  gaz  des  fours  à  réchauffer,  grues,  ventilateurs,  etc.,  et 
peut  produire  toutes  les  pièces  des  grandes  machines  marines  jusqu'à  un  poids  d'environ 
5,000  kilogrammes. 

Il  y  a  deux  ateliers  de  montage  pour  les  grandes  machines  :  l'un  pour  les  machines 
horizontales  ou  de  dimensions  moyennes  en  hauteur;  l'autre,  construit  récemment  pour 
les  machines  verticales  de  grande  hauteur.  C'est  dans  ce  dernier  atelier  qu'ont  été  mon- 
tées les  machines  des  paquebots  transatlantiques  Bourgogne  et  Gascogne,  celles  du  cui- 
rassé français  Marceau,  du  croiseur  Cécille,  du  cuirassé  espagnol  Pelayo,  du  cuirassé 
chilien  Capitan  Vint  et  d'autres  encore. 

Les  ateliers  de  montage  sont  entièrement  distincts  de  ceux  d'usinage  et  de  façonnage, 
le  travail  devant  être  exécuté  par  des  ouvriers  spéciaux  et  exigeant  une  halle  de  grandes 
dimensions  desservie  par  des  grues  puissantes.  L'atelier  des  machines  verticales  n'a 
pas  moins  de  60  mètres  de  longueur  sur  18  de  largeur  et  12m,50  de  hauteur.  Il  est.  des- 
servi par  deux  ponts  roulants  de  30  tonnes  de  puissance  chacun  et  pouvant  être  accouplés 
pour  produire  une  force  de  60  tonnes.  Ces  ponts  sont  actionnés  par  la  machine  motrice 
des  ateliers  de  façonnage  et  un  homme  sullit  pour  manœuvrer  complètement  et  avec  la 
plus  grande  précision  ces  puissants  engins  de  levage. 

L'outillage  des  ateliers  de  montage  comprend  surtout  des  machines  à  percer  pour 
faire  les  trous  d'assemblage  des  pièces  entre  elles  après  leur  mise  en  place  provisoire, 
quelques  rabotteurs  pour  finir  le  réglage  des  faces  de  jonction  et  quelques  autres  outils 
en  petit  nombre,  de  manière  que  le  personnel  du  montage  soit  à  peu  près  complète- 
ment séparé  du  personnel  attaché  au  façonnage. 

La  chaudronnerie  en  [ci-  est  l'une  des  plus  importantes  qui  existe  en  France.  Elle 
couvre  une  superficie  de  5,500  mètres  carrés  et  occupe  300  à  400  ouvriers.  Elle  est  installée 
pour  exécuter  les  ouvrages  ordinaires  en  fer  :  cornières  et  tôles,  et  les  chaudières  à 
vapeur  de  tout  système  et  de  toute  dimension  :  chaudières  d'ateliers,  de  canots,  de  tor- 
pilleurs, de  paquebots,  de  navires  de  guerre  jusqu'à  un  poids  de  00  tonnes.  On  y  construit 
également  des  chaudières  ordinaires  à  tubes  en  retour  et  foyer  intérieur  ou  multitu- 
bulaire.  L'outillage  comprend  plus  de  70  machines  à  cisailler,  poinçonner,  chanfreiner, 
cintrer,  percer  et  river;  des  machines  à  percer  spéciales  travaillent  à  froid,  sur  place, 


250  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

après  assemblage  des  tôles.  L'une  de  ces  machines  destinées  au  perçage  des  enveloppes 
de  chaudières  possède  trois  porte-outils  entièrement  distincts,  disposés  pour  percer 
simultanément  trois  trous,  normalement  aux  tôles.  La  précision  et  la  rapidité  du  travail 
ne  laissent  rien  à  désirer. 

Deux  autres  machines  construites  à  Menpenti  même  percent  dans  les  mêmes  condi- 
tions de  vitesse  et  de  précision  les  trous  des  foyers  et  des  boites  à  feu  et  taraudent  les 
trous  d'entretoises. 

Lorsque  toutes  les  pièces  d'une  chaudière  ont  été  iaçonnées  et  percées,  avec  assem- 
blage provisoire,  au  moyen  de  boulons  d'arrêt,  on  les  démonte,  on  enlève  les  bavures  et 
on  recuit  les  tôles  au  rouge  cerise  clair  dans  un  grand  four  spécial.  Après  refroidissement 
à  l'abri  du  contact  de  l'air,  les  tôles  sont  sorties  du  four  et  assemblées  de  nouveau  :  la 
chaudière  est  alors  prête  pour  l'opération  du  rivetage. 

Il  y  a  quelques  années  la  pression  dans  les  appareils  à  vapeur  ne  devait  guère  dépas- 
ser S  kilogrammes  par  centimètre  carré;  le  rivetage  était  alors  opéré  à  la  main  par  les 
ouvriers  riveurs.  Aujourd'hui  on  exige  souvent  des  pressions  de  10  à  12  kilogrammes; 
on  fait  usage,  dans  ce  cas,  de  tôles  de  30  millimètres  d'épaisseur  et  de  rivets  ayant  parfois 
40  millimètres  de  diamètre.  Le  rivetage  ne  pouvant  plus  être  fait  à  la  main  dans  ces 
conditions,  on  a  recours  à  de  puissants  appareils  hydrauliques. 

L'usine  de  Menpenti  a  été  ainsi  amenée  à  employer  trois  riveuses  hydrauliques  fixes 
et  plusieurs  riveuses  portatives.  La  plus  grande  riveuse  fixe  a  une  puissance  d'écrasement 
de  150  tonnes  et  une  portée  de  3'", "20.  Elle  a  été  construite  à  Menpenti  par  M.  Twedell  et  est 
desservie  par  une  grande  grue  hydraulique  de  40  tonnes,  de  8  mètres  de  hauteur,  de 
C  mètres  de  portée,  qui  permet  à  un  seul  ouvrier  de  manœuvrer  avec  précision  une  chau- 
dière marine  de  la  plus  grande  dimension  et  de  présenter  à  la  riveuse  le  rivet  chauffé 
au  rouge   et  mis  en  place  par  un  aide. 

L'installation  des  appareils  hydrauliques  a  exigé  l'établissement  d'une  canalisation 
d'eau  sous  pression.  L'eau  est  envoyée  par  une  machine  à  vapeur  dans  des  accumulateurs 
où  elle  est  soumise  à  une  pression  de  100  atmosphères;  la  machine  s'arrête  automatique- 
ment dès  que  les  accumulateurs  sont  pleins  et  recommence  à  fonctionner  lorsqu'ils 
sont  vides. 

L'eau  sous  pression  actionne  également  une  grande  presse  à  emboutir  les  tôles  sous 
un  effort  de  160  tonnes;  cette  machine  permet  de  donner  aux  tôles  les  formes  compliquées 
qui  n'étaient  obtenues  autrefois  que  par  un  martelage  long  et  souvent  défectueux;  l'eau 
actionne  encore  une  deuxième  presse  de  -40  tonnes,  des  grues  et  des  palans  hydrauliques 
destinés  à  soulever  les  pièces  des  chaudières  en  cours  de  construction,  les  machines  à 
river  fixes  et  mobiles  disséminées  dans  diverses  parties  des  ateliers. 

Quand  les  chaudières  sont  terminées,  une  grue  hydraulique  spéciale  les  soulève  poul- 
ies peser  et  les  placer  sur  le  chariot  qui  doit  les  emporter. 

La  chaudronnerie  en  cuivre,  moins  importante  que  celle  en  1er,  est  établie  dans  une 
halle  largement  éclairée.  Son  outillage  comprend  des  feux  de  forge,  un  appareil  hydrau- 
lique à  cintrer  les  tuyaux,  un  petit  marteau  à  vapeur,  des  cisailles,  des  poinçons,  des 
machines  à  percer,  un  banc  à  étirer  et  l'installation  nécessaire  pour  couler  le  métal 
anti friction  sur  les  pièces  frottantes  des  machines. 

Le  modelage  el  la  menuiserie  sont  pourvus  de  scies,  tours,  machines  à  raboter  et  à 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  S51 


bouveter,  en  un  mot  de  tous  les  outils  nécessaires  à  la  confection  des  modèles  de 
machines  destinées  aux  ateliers  de  fonderie  (indépendants  de  l'usine  de  Menpenti).  A  la 
menuiserie  sont  annexés  des  magasins  à  bois,  un  dépôt  de  modèles,  une  grande  salle 
à  tracer,  enfin  un  atelier  de  charpentage. 

Nous  devons  mentionner  encore  un. atelier  de  précision  et  d'outillage  où  sont  exécutés 
par  un  personnel  spécial  et  avec  des  machines-outils  de  précision  tous  les  outils  de  l'usine: 
tours,  machines  à  percer,  à  fraiser,  à  faire  les  mèches  hélicoïdales,  à  rectifier  les  pièces 
trempées,  à  affûter  les  lames  de  scies  sans  fin  à  métaux  ou  à  bois.  On  y  voit  aussi 
des  meules  à  affûter  et  des  fours  à  gaz  pour  tremper  les  outils  en  acier. 

Les  outils  sont  classés  méthodiquement  dans  deux  magasins  affectés  l'un  aux  ateliers 
d'ajustage,  l'autre  aux  chaudronneries.  L'ouvrier  ne  fabrique  pas  lui-même  ses  outils  ; 
l'ajusteur,  le  tourneur  ou  le  monteur  qui  a  besoin  d'un  burin,  d'une  mèche  ou  de  tel 
autre  outil  le  reçoit  terminé,  affûté  même,  tel  qu'il  sort  des  mains  d'autres  ouvriers  qui 
ont  acquis  dans  ce  genre  de  travail  une  réelle  supériorité.  C'est  là  un  point  capital 
pour  la  bonne  exécution  des  travaux  mécaniques,  qui  ne  peut  être  réalisé  que  dans  un 
groupe  d'ateliers  de  l'importance  de  ceux  de  Menpenti. 

Les  grandes  halles  de  l'usine  sont  éclairées  à  l'électricité,  et  les  plus  grandes  précau- 
tions ont  été  prises  contre  les  dangers  d'incendie. 

Il  serait  trop  long  de  rappeler  ici  tous  les  travaux  exécutés  à  menpenti  depuis  la 
création  de  l'usine.  Il  nous  suffira  de  dire  que  de  1878  à  1890  seulement  la  valeur  des 
objets  de  toute  nature  qu'elle  a  fabriqués  à  atteint  près  de  60  millions  de  francs,  et  que  les 
machines  construites  pendant  cette  période  peuvent  développer  une  force  de  200,000  che- 
vaux. 

La  marine  militaire  française  entre  pour  une  large  part  dans  ces  travaux  :  sans  parler 
des  réparations  et  des  chaudières  pour  navires  existants,  nous  citerons  les  appareils 
moteurs  et  évaporatoires  de  21  torpilleurs,  notamment  ceux  de  l'Audacieux,  de  l'Agile,  de 
V Eclair,  du  Kabyle,  de  1' 'Orage  ;  puis  les  machines  du  Caïman  et  du  Requin,  du  Cécille, 
enfin  celles  du  Marceau,  qui  vient  de  terminer  avec  succès  ses  essais  officiels,  et  celles 
du  Bouvines,  en  cours  d'exécution. 

La  Grèce,  la  Russie,  la  Turquie,  la  Bulgarie,  la  Roumanie,  les  Pays-Bas,  l'Espagne, 
le  Brésil,  le  Chili  et  le  Japon  ont  suivi  l'exemple  du  gouvernement  français  et  confié  à 
l'usine  de  Menpenti  des  commandes  de  machines  pour  lesquelles  ces  pays  ne  s'adressaient 
autrefois  qu'aux  seuls  chantiers  anglais. 

L'établissement  de  Marseille  a  construit  notamment  les  machines  du  croiseur  grec 
Miaoulis,  du  croiseur  russe  Jaroslaw,  du  yacht  bulgare  Alexandre  1,  du  cuirassé  espagnol 
Pelago,  des  gardes-côtes  japonais  Itsukushima  et  Matsushima,  des  croiseurs  chiliens  Présidente 
Errazuris  et  Présidente  Pinto  et  du  cuirassé  chilien  Capitan  Prat. 

Les  ateliers  de  Marseille  ont  également  beaucoup  travaillé  pour  la  marine  du  com- 
merce. Les  Messageries  maritimes,  la  Compagnie  générale  Transatlantique,  la  Société 
générale  des  transports  maritimes,  la  Compagnie  des  Chargeurs  réunis  du  Havre,  la 
Compagnie  Fraissinet,  la  Compagnie  Paquet,  la  Compagnie  des  transports  à  vapeur  fran- 
çais, la  Compagnie  nationale  de  navigation  y  ont  l'ait  construire,  de  1878  à  1890,  un 
grand  nombre  de  machines  et  de  chaudières  pour  leurs  paquebots  et  leurs  cargo-boats. 

Tous  les  plans,  sauf  ceux  de  quelques  appareils  construits  pour  les  Messageries 


252  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

maritimes,  ont  été  dressés  par  la  Société  des  Forges  et  Chantiers,  et  ces  études  ont  permis 
de  réaliser,  au  double  point  de  vue  de  l'économie  de  combustible  et  de  l'économie  de 
poids,  des  perfectionnements  qu'il  est  facile  de  suivre  d'année  en  année.  Ainsi,  dans 
celte  dernière  période  de  douze  ans,  le  poids  des  grands  appareils,  qui  atteignait  autre- 
fois 200  kilos  par  cheval,  a  été  abaissé  à  90  kilos  et  même  à  moins  de  4S  kilos  pour  les 
torpilleurs  ;  la  triple  expansion  a  remplacé  le  système  Compound,  et  la  pression  aux  chau- 
dières a  passé  de  3  à  II  et  12  kilos  par  centimètre  carré.  L'usine  de  Menpenti  est  arrivée 
de  la  sorte,  par  un  progrès  continu  et  sans  jamais  éprouver  de  mécompte,  aux  résultats 
remarquables  fournis  aux  essais  par  le  Peyalo,  le  Cécille  et  le  Marceau. 

L'usine  de  Menpenti  est  dirigée  par  M.  le  Moine,  ancien  ingénieur  des  constructions 
navales,  qui  est  à  la  tête  de  cet  important  établissement  depuis  de  nombreuses  années. 
Elle  a  comme  sous-directeur  M.  Widmer,  qui  avait  précédemment  acquis  une  réputation 
méritée  comme  ingénieur  des  constructions  navales  de  l'État. 

II 
CHANTIERS   DE   LA   SEYNE 

Les  chantiers  de  constructions  navales  de  la  Seyne,  dans  la  rade  de  Toulon,  exis- 
taient avant  1855,  mais  ce  n'est  qu'à  partir  de  cette  époque  qu'ils  acquièrent  tout  leur 
développement,  lorsque,  sous  la  puissante  direction  de  son  président  M.  Bénie,  la 
Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  eut  dépensé  huit  millions  pour  cons- 
truire une  darse,  creuser  un  chenal  et  installer  des  ateliers  et  magasins  sur  des  terrains 
autrefois  submergés. 

L'établissement  s'étend  aujourd'hui  sur  une  longueur  de  950  mètres  au  bord  de 
a  mer  et  occupe  une  superficie  de  19  hectares. 

A  droite  de  la  darse  en  regardant  la  mer,  il  y  a  quatre  cales  de  construction  ;  il  y  en 
a  six  autres  a  gauche,  et  deux  de  ces  dernières  sont  disposées  pour  le  halage  de  navires 
de  2,000  tonneaux  de  jauge.  Ces  cales  sont  construites  en  maçonnerie;  leur  nombre  et  leur 
importance  pourraient  être  aisément  augmentés. 

Les  ateliers  sont  divisés  en  trois  groupes  distincts  : 

La  chaudronnerie  en  fer  ; 

L'ajustage,  les  forges  et  la  chaudronnerie  en  cuivre  ; 

La  menuiserie  et  l'ébénisterie. 

La  chaudronnerie  en  fer  est  affectée  au  travail  des  tôles,  des  cornières  et  des  fers  profi- 
lés de  toute  espèce  qui  entrent  dans  la  charpente  des  navires.  Elle  occupe  une  surface  de 
6,000  mètres  et  est  pourvue  d'un  outillage  puissant  et  perfectionné.  On  y  compte  30  poin- 
çonneurs,  16  cisailles,  6  laminoirs,  41  machines  à  percer,  15  machines  à  raboter  et  à 
chanfreiner,  3  scies  à  métaux. 

In  des  ateliers  de  la  chaudronnerie  est  plus  spécialement  destiné  au  travail  des 
barrots;  son  outillage  se  compose  de  deux  presses  à  barrots  de  la  plus  grande  puissance, 
de  10  poinçons,  4  cisailles  et  K»  machines  à  percer. 


254  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

La  chaudronnerie  comprend  encore  6  fours  à  réchauffer,  de  diverses  dimensions, 
pour  le  cintrage  des  membrures,  des  barrots,  des  galbords,  des  varangues,  etc.,  etc. 

Le  groupe  de  l'ajustage,  des  forges  et  de  la  chaudronnerie  en  cuivre  est  réservé  à  la 
confection  des  pièces  d'armement  entrant  dans  la  construction  des  navires.  Il  occupe  une 
superficie  de  2,600  mètres.  Un  atelier  de  zingage  lui  est  annexé. 

L'outillage  comprend  des  tours,  des  machines  à  percer  et  à  mortaiseret  cinq  marteaux- 
pilons  de  500  à  3,000  kilos.  Les  feux  de  forge  sont  au  nombre  de  55. 

Enfin  la  menuiserie  et  l'ébenislerie,  où  le  bois  est  travaillé-  pour  tous  les  aménagements 
intérieurs  des  navires,  comprennent  un  outillage  composé  de  scies  mécaniques,  détours,  de 
machines  à  moulures,  de  machines  à  tenons,  à  mortaises,  à  caillebotis,  etc. 

A  côté  des  trois  groupes  d'atelier  dont  nous  venons  de  parler  on  trouve  deux  salles  à 
tracer  dont  l'une  a  75  mètres  de  longueur  sur  20  de  largeur,  de  vastes  magasins  de  bois 
desservis  par  des  grues  roulantes,  enfin  un  puissant  outillage  hydraulique  disposé  pour  le 
halage  des  navires  sur  cales  et  pour  le  rivetage  hydraulique.  Cet  outillage  est  actionné 
par  deux  grandes  presses,  l'une  de  1,000,  l'autre  de  3,000  tonneaux. 

L'ensemble  des  chantiers  est  complété  par  trois  mâtures  flottantes  pouvant  soulever 
l'une  30,  la  seconde  50  et  la  troisième  80  tonnes. 

Les  machines-outils  de  chacun  des  trois  groupes  d'ateliers  sont  mues  actuellement  par 
des  machines  à  vapeur  spéciales,  qui  occupent  un  personnel  nombreux.  Mais  il  a  élé 
décidé  que  ces  moteurs  seraient  remplaces  par  une  seule  machine  dont  la  force  sera 
transmise  électriquement  aux  divers  ateliers.  Des  perceuses  électriques,  plus  économiques 
que  1rs  perceuses  à  bras,  sont  déjà  employées  à  bord  des  navires  et  les  applications  de 
l'électricité  prennent  chaque  jour  une  nouvelle  importance  à  La  Seyne. 

Depuis  leur  création  en  1855  les  chantiers  de  La  Seyne  ont  construit  un  très  grand 
nombre  de  navires  tant  pour  les  marines  militaires  française  et  étrangère  que  pour  le 
commerce. 

La  marine  espagnole  leur  doit  la  frégate  cuirassée  Numancia,  le  cuirassé  de  premier 
rang  Pelayo  et  une  série  de  canonnières,  d'avisos  et  de  croiseurs. 

Le  Pelayo,  de  9,902  tonneaux  de  déplacement,  est  armé  de  2  canons  de  32  centi- 
mètres, de  2  canons  de  28  centimètres,  de  12  canons  de  12  centimètres  et  d'un  canon  de 
16  centimètres.  Il  a  fourni  aux  essais  une  vitesse  de  16nds,  70  et  sa  construction  a  été 
terminée  en  quatre  ans. 

L'Italie,  l'Allemagne,  l'Autriche,  la  Russie,  le  Brésil,  l'Egypte,  la  Turquie,  la  Grèce,  etc., 
ont  fait  à  diverses  époques  de  nombreuses  et  importantes  commandes  aux  Forges  et  Chan- 
tiers de  la  Méditerranée.  Nous  ne  citerons  ici  que  la  Maria  Pia,  le  Friedrich  Karl,  le  Cyclop, 
le  Brasil,  Vlbraihmiah,  le  Yaroslaw. 

La  marine  française  a  fait  construire  à  La  Seyne  :  le  Tourville,  croiseur  à  grande 
vitesse;  YAmirul-Dupené,  cuirassé  de  premier  rang;  le  grand  croiseur  Cécille,  qui  a  donné 
aux  essais  pendant  six  heures  une  vitesse  de  19nds,175,  et  tout  récemment  le  Marceau,  qui 
vient  également  de  terminer  ses  essais  et  a  donné  une  vitesse  de  16nds,3.  Ce  dernier 
bâtiment  porte  des  canons  de  34  centimètres  qui  sont  manœuvres  par  des  appareils 
hydrauliques  d'un  fonctionnement  très  satisfaisant. 

Pour  la  marine  du  commerce  nous  n'avons  plus  à  citer  les  divers  clients  de  la  société 
déjà  énumérés  ci-dessus,  à  l'occasion  des  travaux  des  ateliers  de  Marseille,   mais  nous 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


255 


rappellerons  que  c'est  à  La  Seyne  qu'ont  été  construits  les  deux  magnifiques  paquebots  de 
150  mètres  Bourgogne  et  Gascogne  qui  font  le  service  du  Havre  à  New-York.  Ces  navires 
ont  réalisé  une  vitesse  de  1!)  nœuds  et  ont  été  construits  en  deux  ans. 

Il  y  a  actuellement  en  chantier  à  La  Seyne  : 

Le  Bouvines,  cuirassé  d'escadre  pour  la  marine  française,  d'un  déplacement  de 
6,000  tonneaux,  armé  de  2  canons  de  30  centimètres  et  de  8  canons  de  10  centimètres 
à  tir  rapide. 

Deux  gardes-côtes  cuirassés,    l'itsukushima  et  le  Matsushima,  pour  le  gouvernement 


Le  Ci'iille,  croiseur  a  huilerie  français,  construit  a  La  Seyne  (Yar). 


japonais,  d'un  déplacement  de  4,300  tonneaux,  armés  chacun  d'un  canon  de  32  centi- 
mètres et  11  de  canons  de  12  centimètres  à  tir  rapide. 

Un  cuirassé,  le  Capitan  Prat,  pour  le  gouvernement  chilien,  d'un  déplacement  de 
7,000  tonnes,  armé  de  4  canons  de  24  centimètres  et  S  canons  de  12  centimètres  à  tir 
rapide.  Ce  navire  doit  donner  aux  essais  une  vitesse  de  19  nœuds. 

Deux  croiseurs,  Présidente  Errazuris  et  Présidente  Pinto,  pour  le  même  gouvernement, 
d'un  déplacement  de  2,100  tonneaux,  armés  chacun  de  4  canons  de  15  centimètres  et  de 
2  canons  de  12  centimètres  à  tir  rapide.  Leur  vitesse  aux  essais  a  été  de  19  nœuds. 

Trois  torpilleurs  de  haute  mer  pour  la  marine  française  :  l'Audacieux,  l'Agile  et 
l'Éclair. 

Un  paquebot  pour  la  Société  générale  de  transports  maritimes,  d'un  déplacement  de 
6,600  tonneaux  (pas  encore  baptisé). 

Le  chantier  a  occupé  pendant  l'année  1890  une  moyenne  de  3,000  à  3,100  ouvriers. 


L'56  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Il  est  dirigé  depuis  plusieurs  années  par  M.  Lagane,  ancien  ingénieur  de  la  marine 
militaire,  qui  en  est  l'ingénieur  en  chef. 

III 
ATELIERS  DU   HAVRE 

Les  ateliers  du  Havre  sont  situés  à  l'extrémité  est  de  la  ville,  entre  la  ligne 
des  chemins  de  fer  de  l'Ouest  et  l'ancien  canal  d'Harfleur.  Ils  occupent  une  superficie  de 
49,000  mètres  dont  26,000  sont  couverts.  Un  réseau  de  voies  ferrées  les  raccorde  avec 
les  chemins  de  fer  de  l'Ouest. 

Us  construisent  des  machines  marines  de  types  et  de  dimensions  variés  pour  navires 
de  guerre  ou  de  commerce,  des  machines  à  vapeur  fixes,  des  machines-outils,  des  ma- 
chines spéciales  pour  la  fabrication  des  briquettes  de  houille,  des  appareils  hydrau- 
liques pour  les  poiis  et  les  docks,  des  appareils  d'épuisement  pour  formes  de  radoub; 
des  dragues  de  tous  systèmes,  des  matériels  d'entreprises,  des  locomotives,  des  canons 
avec  leurs  affûts,  des  tubes  lance-torpilles,  des  machines  électriques,  des  chaudières  de 
toute  nature. 

Neuf  ateliers ,  occupés  par  1,500  ouvriers  et  dirigés  chacun  par  un  chef  d'atelier, 
concourent  à  l'exécution  de  ces  divers  travaux  ;  ce  sont  les  ateliers  de  modelage ,  de 
fonderie  de  fer,  de  fonderie  de  cuivre,  de  forge,  de  chaudronnerie  de  fer,  de  chau- 
dronnerie de  cuivre,  d'ajustage  et  de  montage,  de  précision,  enfin  l'atelier  d'artillerie. 

Nous  allons  donner  quelques  indications  rapides  sur  les  huit  premiers,  nous  réser- 
vant de  nous  étendre  plus  longuement  sur  l'atelier  d'artillerie,  qui  est  le  plus  récent. 

1°  Modelage.  —  L'atelier  de  modelage  produit  les  modèles  nécessaires  à  la  fonderie 
de  fer  et  à  la  fonderie  de  cuivre  ainsi  que  les  pièces  de  menuiserie  et  de  charpente 
entrant  dans  la  composition  des  machines  et  appareils  construits  dans  les  ateliers;  son 
outillage  est  approprié  à  ses  besoins  et  comporte  notamment  des  scies  à  rubans,  des 
scies  circulaires,  des  tours  de  dimensions  variées,  des  meules  et  affùteuses  de  scies. 

La  force  motrice  lui  est  transmise  par  un  câble  télédynamique  partant  de  l'atelier 
d'ajustage. 

2°  Fonderie  de  fer.  —  La  fonderie  de  fer  occupe  avec  la  fonderie  de  cuivre  un  bâti- 
ment séparé  d'une  surface  de  3,500  mètres.  Elle  est  outillée  de  manière  à  produire  non 
seulement  toutes  les  pièces  moulées  nécessaires  pour  les  machines  construites  dans  les 
ateliers,  mais  encore  toutes  les  pièces  détachées  que  la  clientèle  peut  désirer.  On  peut 
y  couler  aisément  des  pièces  d'un  poids  atteignant  30  tonnes. 

La  nef  principale  de  la  fonderie  est  desservie  par  un  pont  roulant  de  35  tonnes  et 
par  quatre  grues  à  pivot  de  10  tonnes  chacune.  Pont  roulant  et  grues  sont  desservis  par 
une  transmission  actionnée  par  la  machine  motrice. 

Les  bas  côtés  sont  desservis  par  quatre  transbordeurs  de  5  tonnes  et  trois  grues  à 
pivot  manœuvrées  à  bras. 


III 


258  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

La  force  est  donnée  à  tout  l'atelier  par  une  machine  horizontale  de  40  chevaux  qui 
actionne  les  transmissions,  les  appareils  préparateurs  de  sable  et  les  ventilateurs. 

La  fonderie  possède  cinq  cubilots  produisant  de  1  à  S  tonnes  de  fonte  par  heure, 
et  quatre  étuves  pour  le  séchage  des  moules. 

Deux  des  étuves  ont  9m,16  de  longueur  sur  5ra,68  de  largeur  et  4m,o0  de  hauteur. 
Elle  sont  chauffées  chacune  par  un  four  à  coke. 

3°  Fonderie  de  cuivre.  —  La  fonderie  de  cuivre  occupe  un  angle  du  bâtiment  général 
des  fonderies  et  est  outillée  pour  produire  les  pièces  de  bronze  entrant  dans  la  composi- 
tion des  machines  construites  aux  ateliers.  Elle  peut  couler  des  hélices  en  bronze  de 
7  à  8  tonnes. 

L'outillage  comprend  un  four  à  réverbère ,  une  batterie  de  fours  à  creusets  de  six 
creusets,  un  four  portatif  du  système  Piat  et  une  étuve  spéciale  pour  le  séchage  des 
moules.  La  fonderie  est  desservie  par  une  grue  à  pivot  se  manœuvrant  à  bras. 

4°  Atelier  de  forge.  —  L'atelier  de  forge  occupe  un  bâtiment  couvrant  une  super- 
ficie d'environ  2,500  mètres. 

Il  est  outillé  pour  produire  toutes  les  pièces  de  forge  nécessaires  aux  machines  sor- 
tant des  ateliers,  notamment  les  arbres  coudés  et  de  transmission,  les  étraves,  étambots, 
gouvernails  et  autres  pièces  d'armement  des  navires  construits  sur  les  chantiers. 

L'atelier  de  forge  est  desservi  par  dix  pilons  de  puissances  diverses,  dont  un  de 
dix  tonnes  pouvant  marteler  des  lingots  de  10,000  kilogrammes  et  de  1  mètre  de  section. 
Il  possède  trois  fours,  dont  deux  peuvent  chauffer  des  lingots  de  10  tonnes,  six  grosses 
forges  et  cinq  forges  moyennes. 

Les  pilons  et  les  fours  sont  desservis  par  des  grues  à  pivots  dont  deux  de  30  tonnes 
et  deux  de  15  tonnes. 

L'outillage  est  complété  par  une  vingtaine  de  feux  de  forge  ordinaires,  deux  machines 
à  fabriquer  les  boulons  et  les  rivets,  des  cisailleuses  et  autres  machines. 

Une  machine  motrice  de  25  chevaux  actionne  les  ventilateurs,  et  une  autre  de  8  à 
10  chevaux  est  affectée  aux  machines  à  fabriquer  les  rivets. 

La  vapeur  est  fournie  aux  machines  ainsi  qu'aux  pilons  par  cinq  chaudières,  dont 
trois  sont  chauffées  par  les  gaz  des  fours. 

5°  Chaudronnerie  de  fer.  —  La  chaudronnerie  de  fer  est  séparée  des  ateliers  précé- 
dents par  le  canal  d'Harfleur.  Elle  occupe  un  bâtiment  couvrant  une  superficie  de 
.'i.l'ini  mètres. 

Cet  atelier  est  outillé  pour  construire  des  chaudières  de  tous  les  types.  Les  opérations 
principales  :  rivetage ,  poinçonnage ,  emboutissage ,  sont  faits  à  l'aide  d'engins  hydrau- 
liques. 

La  halle  de  montage  des  chaudières  est  desservie  par  deux  ponts  roulants,  un  de 
40  tonnes,  l'autre  de  20  tonnes,  mis  en  mouvement  par  une  transmission  funiculaire. 
En  outre,  deux  transbordeurs  à  bras  de  7  tonnes  et  plusieurs  autres  appareils  de 
levage  sont  répartis  sur  les  différents  points  de  l'atelier  pour  desservir  les  principales 
machines-outils  et  les  forges. 

Les  principaux  outils  de  l'atelier  sont  les  suivants  :  une  machine  à  4  forets  pour  le 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9  259 


perçage  des  grandes  viroles  de  chaudières  marines;  une  machine  à  percer  et  tarauder  les 
entretoises;  une  machine  radiale  à  3  forets  pour  le  perçage  des  plaques  tubulaires  ;  deux 
machines  à  river  hydrauliques  fixes,  dont  une  à  3  puissances,  pouvant  développer  sur  la  tète 
de  l'outil  des  pressions  de  60,  120  et  180  tonnes;  deux  machines  à  river  hydrauliques 
portatives;  une  poinçonneuse  hydraulique;  une  machine  à  emboutir  hydraulique  qui 
peut  emboutir  des  façades  de  chaudières  de  3,n,80  de  diamètre  à  trois  foyers;  deux 
machines  à  chanfreincr. 

L'outillage  est  complété  par  des  machines  à  cintrer  les  tôles  et  à  percer,  des  forges,  des 
poinçonneuses,  des  cisailles  à  tôles  et  à  cornières,  des  perceuses  électriques,  etc. 

La  force  motrice  est  fournie  par  une  machine  Compound  verticale  de  ISO  chevaux. 

Cette  machine,  qui,  en  cas  d'avarie,  est  remplacée  par  une  machine  de  secours,  conduit 
également  4  dynamos  pour  l'éclairage  des  ateliers,  et  actionne  les  pompes  des  accumulateurs 
hydrauliques. 

6°  Chaudronnerie  de  cuivre.  —  A  l'atelier  de  chaudronnerie  de  fer  est  annexé  un  petit 
atelier  de  chaudronnerie  de  cuivre  d'une  surface  de  4S0  mètres,  qui  produit  toutes  les  pièces 
de  cuivre  et  de  laiton  chaudronnés  entrant  dans  la  composition  des  machines,  tuyaux,  rac- 
cords, condenseurs,  etc. 

On  y  fabrique  aussi  les  petites  chaudronneries  légères  pour  ventilateurs,  habillage  des 
machines,  etc. 

Les  principaux  outils  de  cet  atelier  sont  des  bancs  à  étirer,  des  plaques  à  cintrer,  des 
cisailles,  des  machines  à  percer  et  à  poinçonner,  des  fours  à  recuire  le  laiton,  etc. 

Il  est  desservi  par  quatre  transbordeurs  d'une  tonne  chacun,  et  reçoit  la  force  motrice 
de  l'atelier  d'ajustage  par  une  transmission  télédynamique. 

7°  Atelier  d'ajustage  et  de  montage.  —  Cet  atelier  et  ses  annexes  couvrent  une  superficie  de 
12,000  mètres  environ. 

Il  comprend  principalement  deux  salles  de  montage  de  130  mètres  de  longueur  et 
17  mètres  de  largeur.  L'une  de  ces  salles  a  11  mètres,  l'autre  8  mètres  de  hauteur  sous  rails 
du  pont  roulant.  Elles  sont  séparées  par  une  nef  moins  élevée,  de  4  mètres  de  largeur,  et  sont 
complétées  à  l'est  et  à  l'ouest  par  des  bas  côtés. 

Elles  sont  affectées  au  montage  des  machines  marines  et  du  gros  matériel  d'artillerie, 
et  sont  desservies  par  des  ponts  de  10  tonnes  mus  par  la  transmission. 

L'atelier  de  montage  est  muni  d'un  outillage  puissant,  qui  se  complète  chaque  année  par 
l'adjonction  des  outils  les  plus  perfectionnés. 

Les  machines-outils  sont  au  nombre  dedeux  cents  environ  et  comprennent  des  tours,  des 
machines  à  raboter,  à  percer,  à  aléser,  à  fraiser,  à  façonner,  à  tarauder,  etc.  Les  plus  remar- 
quables de  ces  machines  sont:  le  grand  tour  à  surface,  pouvant  tourner  des  pièces  de 
7  mètres  de  diamètre  ;  le  tour  à  banc,  pouvant  tourner  des  arbres  de  14  mètres  de  longueur; 
les  deux  machines  à  raboter  verticalement  et  horizontalement,  pouvant  raboter  des  pièces 
ayant  4m,30  de  longueur  sur  3  mètres  de  hauteur  ;  les  alésoirs  pour  les  grands  cylindres,  pou- 
vant aléser  des  pièces  de  2  mètres  de  diamètre;  les  alésoirs  doubles  pour  l'usinage  des  cy- 
lindres de  freins  des  affûts  ;  la  machine  à  rayer  les  cylindres  d'affûts. 

On  trouve  encore  dans  l'atelier  d'ajustage  et  de  montage  une  presse  hydraulique  et 
quatre  grands  marbres  de  4  mètres  sur  3  mètres. 


260  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

La  force  motrice  est  fournie  par  une  machine  Compound  verticale  de  150  chevaux,  une 
machine  Compound  de  100  chevaux,  une  machine  horizontale  de  25  chevaux. 

L'atelier  est  éclairé  par  trente-quatre  lampes  à  arc  montées  en  séries  et  réglées  par  un 
tableau  de  distribution  unique. 

8°  Atelier  de  précision.  —  Cet  atelier  est  réservé  à  la  construction  des  petites  machines, 
des  machines  électriques  et  généralement  à  l'exécution  des  travaux  d'ajustage  exigeant  une 
précision  et  des  soins  particuliers. 

Il  est  contigu  à  celui  des  modèles  et  reçoit  la  force  motrice  par  la  transmission  télédy- 
namique partant  de  l'atelier  d'ajustage.  Il  est  éclairé  par  cinquante  lampes  à  incandes- 
cence alimentées  par  une  dynamo  spéciale. 

L'outillage  comprend  divers  tours,  dont  un  pour  la  fabrication  des  tarauds,  un  tour 
Colman  et  un  tour  à  revolver  ;  des  machines  à  tailler  les  fraises,  à  fraiser,  à  percer,  etc. 

Production  des  ateliers.  —  Depuis  1872,  époque  de  la  prise  de  possession  des  ateliers  Ma- 
zeline  par  la  Société  des  Forges  et  Chantiers,  cet  établissement  a  produit  plus  de  20,000  che- 
vaux de  machines  marines  de  tous  les  types  et  de  toutes  les  puissances  usuels,  tant  pour 
les  marines  de  guerre  française  et  espagnole  que  pour  les  navires  de  commerce. 

Les  ateliers  ont  également  construit  plusieurs  machines  fixes  de  100  à  150  chevaux, 
un  grand  nombre  de  machines-outils  pour  le  gouvernement  français  et  pour  l'industrie,  et 
enfin  des  machines-outils  pour  les  besoins  de  la  Société. 

Parmi  les  produits  des  ateliers  du  Havre  il  convient  de  citer  encore  des  machines  à 
fabriquer  les  agglomérés  de  houille,  système  Mazeline  perfectionné,  à  compression  hydrau- 
lique; des  machines  d'épuisement  pour  les  ports  de  Cherbourg  et  du  Havre,  des  appareils 
hydrauliques  pour  l'outillage  des  ports,  notamment  pour  celui  du  Havre  ;  des  dragues  dont 
vingt-deux  ont  été  livrées  à  la  Compagnie  du  canal  de  Panama,  des  locomotives  pour  les 
Compagnies  de  l'Ouest,  Paris-Lyon-Méditerranée,  des  Charentes. 

Mâture  de  100  tonnes.  —  Les  ateliers  de  constructions  mécaniques  sont  complétés  par 
une  mâture  fixe  à  vapeur  établie  sur  le  bassin  de  l'Eure  et  pouvant  soulever  un  poids  de 
100,000  kilogrammes. 

Cette  mature,  reliée  par  des  voies  ferrées  aux  ateliers  mécaniques  et  d'artillerie,  aux 
chantiers  de  Graville  et  au  polygone  du  Hoc,  permet  d'embarquer  tous  les  engins  prove- 
nant de  ces  divers  établissements  et  de  concourir  en  outre  à  l'armement  des  navires 
construits  par  la  Société. 

IV 
CHANTIER  DE  GRAVILLE 

Le  chantier  de  Graville  est  situé  sur  la  rive  nord  de  l'estuaire  de  la  Seine,  un  peu  en 
dehors  des  limites  de  la  ville  du  Havre. 

Il  a  été  créé  par  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  au  moment  de  l'acquisition  des 
ateliers  Mazeline  et  a  déjà  fourni  des  constructions  de  tout  genre  et  de  toutes  dimensions 
tant  pour  les  marines  de  guerre  française  et  étrangères  que  pour  le  commerce. 

La  superficie  du  chantier  est  de  140,000  mètres  et  son  développement  le  long  du  rivage 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


261 


est  de  plus  de  500  mètres.  Il  se  compose  de  sept  cales,  dont  cinq  en  maçonnerie,  et  se  prête 
à  la  construction  des  plus  grands  navires. 

L'une  des  cales,  réservée  aux  torpilleurs  et  aux  petits  navires,  est  munie  d'un  chemin  de 
fer  et  d'un  chariot  pour  la  mise  à  l'eau  de  ces  bâtiments. 

En  arrière  des  cales  et  parallèlement  à  la  rive,  on  voit  un  grand  hangar  de  144  mètres 
de  longueur  sur  38  de  largeur,  construit  en  1er  et  briques  et  composé  de  trois  nets.  Il  con- 
tient deux  fours  à  cornières  de  1S  mètres  de  longueur  et  un  four  à  tôles  de  huit  mètres,  une 
série  de  lorges  pour  la  chaudronnerie,  les  planchers  nécessaires  pour  le  tracé  des  verticaux 
d'exécution  et  deux  rangées  de  machines-outils.  La  nef  du  milieu  est  munie  de  deux  trans- 


Le  Cuirasse  hellénique  S/ielsia  à  la  vitesse  de  1"  nœuds  et  demi,  devant  Cherbourg. 

bordeurs  allant  d'un  bout  à  l'autre  de  l'atelier,  et  l'une  des  extrémités  du  hangar  est  occupée 
par  l'atelier  d'ajustage  et  d'armement. 

Perpendiculairement  à  cette  construction,  il  en  existe  une  autre  où  sont  installés  la 
machine  motrice  avec  ses  chaudières,  les  appareils  hydrauliques  et  une  série  de  machines- 
outils. 

Le  côté  ouest  du  chantier  est  bordé  par  un  grand  bâtiment  à  étage  qui  comprend  les 
bureaux,  le  magasin  général,  l'ambulance,  les  magasins  d'outils,  d'apparaux  et  des  plan- 
ches de  menuiserie,  l'atelier  des  modèles,  la  salle  à  tracer  et  l'atelier  de  menuiserie,  à  côté 
duquel  un  grand  hangar  est  réservé  au  montage  à  terre  des  cloisons  d'emménagements, 
des  claires-voies  et  des  roofs. 

A  l'est  et  au  nord  du  grand  hangar  de  chaudronnerie  est  installé  un  atelier  spécial 
pour  le  barrotage  et  un  atelier  pour  la  forge  d'armement,  puis  une  scierie  avec  magasins 
pour  les  bordages  de  ponts,  enfin  un  parc  à  bois  et  un  atelier  de  mâture. 


262  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Deux  grands  pares  aux  fers  munis  de  transbordeurs  et  de  grues  roulantes  permettent 
d'emmagasiner  plus  de  10,000  tonnes  de  tôles  et  cornières. 

Les  matières  arrivent  directement  à  ces  parcs  par  un  embranchement  particulier 
partant  des  lignes  de  l'ouest  et  se  dirigeant  vers  le  polygone  du  Hoc  après  avoir  traversé  le 
chantier. 

Le  personnel  du  chantier  pourrait  atteindre  facilement  2,000  ouvriers.  Son  outillage, 
nombreux  et  puissant,  est  actionné  par  une  machine  Compound  soit  par  transmission 
ordinaire,  soit  par  câbles  en  fil  d'acier. 

Un  accumulateur  alimenté  par  un  système  de  pompes  envoie  l'eau  sous  pression  à 
toutes  les  cales  de  construction  pour  le  fonctionnement  des  riveuses  hydrauliques  por- 
tatives employées  à  l'assemblage  de  toutes  les  membrures,  carlingues,  quilles,  bordures 
de  cloisons  étanches,  etc. 

Les  ateliers  et  l'intérieur  des  navires  en  construction  sont  éclairés  par  des  lampes 
électriques  alimentées  par  des  machines  système  Gramme. 

Le  chantier  est  alimenté  d'eau  douce  par  une  conduite  dérivée  de  la  distribution  des 
eaux  de  Graville,  et  des  bouches  d'incendie  munies  de  raccords  permettent,  en  cas  d'in- 
cendie, d'envoyer  immédiatement  de  l'eau  sous  pression.  L'établissement  possède  en  outre 
une  pompe  à  vapeur  Thirion. 

D'importantes  constructions  sont  déjà  sorties  du  chantier  de  Graville,  bien  qu'il  n'ait 
pas  encore  vingt  années  d'existence.  Nous  citerons  :  les  transports  français  Shamrock, 
Bien-Hoa,  Nive,  qui  ont  un  déplacement  de  près  de  6,000  tonneaux;  le  monitor  brésilien 
Javary,  le  croiseur  à  pont  cuirassé  japonais  Unébi  Kan,  dont  la  vitesse  dépasse  18  nœuds; 
les  cuirassés  grecs  Spetsia  et  Psara,  de  3,000  tonneaux,  et  une  série  de  bâtiments  de  guerre 
de  moindre  importance. 

Le  chantier  de  Graville  a  fourni  au  commerce  un  grand  nombre  de  navires  :  la  Com- 
pagnie des  Chargeurs-Réunis,  MM.  Taudonnet,  de  Bordeaux;  Paquet,  de  Marseille;  la  Com- 
pagnie Transatlantique,  la  Compagnie  commerciale,  la  Compagnie  de  Denain  et  d'Ànzin, 
MM.  le  Roy  et  Cie  et  Delmas,  de  La  Rochelle,  la  Compagnie  de  l'Ouest,  sont  ses  clients. 

Elle  a  livré  en  outre  19  torpilleurs  de  dimensions  diverses. 

Les  ateliers  du  Havre  et  le  chantier  de  Graville  sont  placés  sous  la  direction  de 
M.  Cazavan,  ancien  ingénieur  de  la  marine,  secondé  par  MM.  Landeau,  ingénieur  en  chef 
des  ateliers  du  Havre,  et  Marmiesse,  ingénieur  en  chef  du  chantier  de  Graville. 

V 
ATELIER   D'ARTILLERIE   DU   HAVRE 

La  Société  des  Forges  et  Chantiers  n'a  pas  attendu  la  loi  de  1885  sur  la  liberté  de  la 
fabrication  des  engins  de  guerre  pour  s'outiller  en  vue  de  la  construction  du  matériel  de 
guerre.  Comme  elle  avait  reçu,  dès  longtemps  avant  cette  époque,  des  commandes  impor- 
tantes, tant  du  Gouvernement  français  que  de  plusieurs  gouvernements  étrangers,  soit 
pour  l'usinage  des  canons,  soit  pour  la  construction  d'affûts,  de  projectiles,  elle  créa  en 
1882  un  service  spécial  d'artillerie  dont  la  direction  fut  confiée  à  M.  Canet,  qui  venait  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  263 

quitter  les  ateliers  d'artillerie  Vavasseur  en  Angleterre,  et  sur  la  demande  de  cet  ingénieur 
elle  n'hésita  pas  à  édifier  à  grands  frais  un  groupe  d'ateliers  exclusivement  affectés  à 
la  construction  du  matériel  de  guerre. 

Ces  ateliers  sont  annexés  aux  usines  et  chantiers  de  la  Société  au  Havre.  Ils  sont 
pourvus  d'un  outillage  puissant  et  peuvent  fabriquer  dans  les  meilleures  conditions  des 
bouches  à  feu  de  tout  calibre,  depuis  le  canon  de  montagne  de  100  kilogrammes  jusqu'au 
canon  de  côte  ou  de  marine  de  100  tonnes.  Ils  fabriquent  aussi  les  munitions  et  les  affûts 
de  ce  matériel  et  des  tubes  lance-torpilles.  Les  tourelles  mobiles  et  les  affûts  à  manœuvre 
hydraulique  pour  bouches  à  feu  de  gros  calibre  sont  seuls  exécutés  dans  les  ateliers  de 
constructions  mécaniques  du  Havre  ou  de  Marseille. 

Aucun  établissement  français  ne  possède  un  service  d'artillerie  organisé  d'une 
manière  aussi  complète  et  aussi  perfectionnée,  et  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  a  mon- 
tré qu'elle  pouvait  lutter  avantageusement  avec  les  puissants  établissements  Armstrong 
en  Angleterre  et  Krupp  en  Allemagne  ;  c'est  ce  qu'ont  déjà  compris  plusieurs  gouver- 
nements étrangers  qui  ont  l'ait  à  la  Société  des  commandes  importantes  de  matériel 
d'artillerie. 

Comme  la  fabrication  des  bouches  à  feu  par  l'industrie  privée  est  nouvelle  en  France 
et  que  les  résultats  obtenus  sont  à  tous  les  points  de  vue  des  plus  remarquables,  nous 
entrerons  ici  dans  quelques  détails  pour  bien  faire  connaître  les  tendances  de  l'artillerie 
moderne,  caractérisée  par  le  système  Canet,  propriété  exclusive  de  la  Société. 

Mais  avant  de  décrire  ce  matériel,  nous  dirons  quelques  mots  de  l'atelier  où  il  est 
construit. 

L'atelier  d'artillerie  du  Havre  occupe,  à  côté  des  ateliers  de  constructions  mécaniques, 
un  grand  terrain  rectangulaire  de  8,000  mètres  de  superficie  et  est  relié  aux  chemins  de 
fer  de  l'Ouest  par  une  voie  qui  le  traverse  et  permet  d'amener  les  wagons  sous  les  ponts 
roulants  pour  le  chargement  ou  le  déchargement  des  pièces. 

Les  divers  bâtiments  dont  il  se  compose  s'étendent  du  nord  au  sud  sur  une  lon- 
gueur de  126  mètres  et  communiquent  entre  eux  suivant  les  nécessités  du  service.  La  nef 
principale  a  une  portée  de  17  mètres  et  une  hauteur  sous  chéneau  de  9  mètres. 

La  répartition  des  machines-outils  a  été  faite  de  manière  à  rendre  le  plus  rapide  et  le 
plus  économique  possible  le  passage  de  l'un  à  l'autre  des  canons  qu'elles  doivent  façonner. 
C'est  ainsi  que  les  gros  tours,  les  grandes  machines  à  rayer  et  la  fosse  à  tuber  sont  groupés 
dans  la  grande  nef,  tandis  que  les  tours  et  machines  à  rayer  de  moyenne  importance  sont 
répartis  dans  la  nef  ouest,  la  nef  est  étant  spécialement  réservée  au  petit  outillage  et  à 
l'usinage  des  projectiles  et  des  bouches  à  feu  de  petit  calibre. 

On  peut  citer,  parmi  les  machines  les  plus  remarquables  de  l'atelier  d'artillerie  : 

10  grands  tours  permettant  de  façonner  des  pièces  de  12  à  14  mètres  de  longueur  et 
d'un  poids  de  60  à  100  tonnes; 

Deux  grandes  machines  à  rayer  pour  ces  mêmes  bouches  à  feu; 

Une  machine  à  essayer  les  métaux  du  système  du  colonel  Maillard; 

Pour  ces  essais,  la  Société  s'impose  les  conditions  que  la  marine  française  impose  à 
ses  fournisseurs  d'aciers  à  canon. 

La  Société  ne  prépare  pas  elle-même  les  métaux  qu'elle  emploie.  Elle  les  demande 
aux  meilleures  usines  de  France,  et  avant  que  les  éléments  des  canons  ne  soient  expédiés 


204 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


au  Havre,  des  agents  spéciaux  les  soumettent,  dans  les  usines  mêmes,  à  l'état  dégrossi, 
aux  essais  réglementaires.  Les  essais  sont  renouvelés  au  Havre  s'ils  ont  été  satisfai- 
sants dans  les  usines  productrices,  et  ce  n'est  qu'après  ces  deux  séries  d'épreuves  que  les 
métaux  sont  définitivement  acceptés. 

Nous  n'insisterons  pas   sur  les  garanties   que  donnent  ces  épreuves,  contrôlées  à 

chaque  instant  par  les 
agents  de  la  Société  et 
aussi  par  les  officiers  des 
divers  gouvernements  dé- 
légués à  cet  effet  auprès 
de  la  Société  ;  mais  nous 
ferons  remarquer  que  ce 
n'est  pas  ainsi  qu'il  est  pro- 
cédé dans  l'usine  Krupp, 
qui  interdit  généralement 
d'une  manière  absolue  l'ac- 
cès de  ses  ateliers  et  ne  se 
prête  à  aucune  épreuve  de 
vérification. 

Quand  les  éléments 
d'un  canon  :  tube  central, 
manchon  et  frettes,  ont 
été  acceptés,  on  procède 
aux  opérations  d'alésage 
et  de  tournage  nécessaires 
pour  les  amener  aux  di- 
mensions voulues  à  1/100 
de  millimètre  près;  en- 
suite on  passe  à  l'assem- 
blage : 

A  cet  effet,  on  dilate 
les  manchons  et  les  frettes 
en  les  chauffant  au  moyen 
d'un  fourneau  à  gaz  d'un 
modèle  spécial,  et  on  pro- 
cède   successivement   au 


Mauchonnage  et  mise  en  place  do  la  frette-agrafes  d'un  canon  Ganet 
de  32  centimètres. 


mauchonnage  et  au  frettage  en  descendant  l'une  après  l'autre  les  différentes  pièces  dans  le 
puits  de  frettage.  En  se  refroidissant,  le  manchon  et  les  frettes  se  contractent  et  resserrent 
le  tube.  Les  dimensions  ont  été  calculées  de  manière  que  le  serrage  donne  le  maximum 
de  résistance  transversale. 

Après  cette  opération,  le  canon  est  replacé  sur  les  machines  pour  y  subir  l'alésage, 
le  chambrage  et  enfin  le  tournage  extérieur  définitif.  Puis  il  est  rayé  et  enfin  la  pièce  est 
terminée  par  l'ajustage  de  la  culasse. 

Il  ne  reste  plus  qu'à  visiter  la  bouche  à  feu  et  à  mesurer  ses  dimensions  avec  le  plus 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


265 


grand  soin  pour  s'assurer  qu'elles  sont  conformes  aux  tracés  adoptés  et  satisfont  aux 
tolérances  de  la  marine  française,  qui  sont  celles  que  la  Société  s'est  imposées.  Ces  opé- 
rations se  font  au  gabarit  et  au  moyen  d'instruments  de  précision  et  de  l'étoile  mobile. 
Si  elle  a  satisfait  à  ces  diverses  épreuves,  la  pièce  est  prête  à  subir  au  polygone  les  essais 
de  tir  réglementaires  dont  nous  parlerons  plus  loin. 


Polygone  du  Hoc,  au  Havre.  —  Essais  de  canons  de  2"  centimètres  ot  de  32  centimètres,  de  la  marine  française. 


La  force  motrice  est  fournie  à  l'atelier  d'artillerie  par  deux  machines  Compound  du 
type  marin,  dites  machines  à  pilon,  qui  peuvent  marcher  isolément  ou  accouplées.  Elles 
ont  une  force  nominale  de  80  chevaux,  mais,  en  réalité,  elles  peuvent  développer  jusqu'à 
120  chevaux.  Elles  reçoivent  la  vapeur  de  trois  chaudières  Galloway.  Machines  et  chau- 
dières sortent  des  ateliers  de  constructions  mécaniques  de  la  Société. 

La  grande  nef  est  desservie  par  deux  ponts  roulants,  l'un  pouvant  lever  60  tonnes, 
l'autre  30  tonnes.  Les  vitesses  de  ces  deux  appareils  sont  réglées  de  façon  qu'ils  puissent 
concourir  simultanément  au  levage  d'un  poids  de  90  tonnes. 


268  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

dale,  et  comme  on  connaît  la  durée  des  vibrations,  la  forme  de  la  sinusoïde  permet  de 
reconnaître  la  loi  du  mouvement  de  l'affût.  On  voit  que  cet  instrument  constitue  un  véri- 
table chronographe  de  haute  précision.  Il  est  susceptible  de  mesurer  avec  la  rigueur  néces- 
saire des  intervalles  de  temps  si  petits  qu'ils  peuvent  être  inférieurs  à  1/10,000  de  seconde. 

Un  autre  appareil  intéressant  du  général  Sébert,  dont  il  est  lait  usage  dans  les  champs 
de  tir,  c'est  son  projectile  enregistreur  qui  inscrit  la  loi  du  mouvement  d'un  projectile 
soit  dans  l'âme  d'une  bouche  à  teu,  soit  dans  l'air,  soit  dans  un  milieu  résistant. 

L'appareil  se  compose  essentiellement  d'une  tige  métallique  à  section  carrée,  placée 
dans  l'axe  d'un  projectile  creux  et  servant  de  guide  à  une  masse  mobile.  Cette  masse  porte 
un  petit  diapason  vibrant  dont  les  branches  se  terminent  par  deux  petites  plumes  métal- 
liques qui  laissent  les  traces  de  leur  passage  sur  l'une  des  faces  de  la  tige  recouverte  à  cet 
effet  de  noir  de  fumée. 

La  masse  est  amenée  avant  le  tir  contre  la  face  antérieure  du  projectile,  et  les  branches 
du  diapason  sont  alors  maintenues  écartées  par  l'introduction  d'un  petit  coin  fixé  sur  la 
tige. 

Au  moment  du  tir,  la  masse,  par  son  inertie,  tend  à  rester  en  place,  le  projectile  se 
déplace  brusquement  en  entraînant  la  tige,  il  arrache  en  même  temps  le  coin  et  fait  vibrer 
le  diapason  dont  les  plumes  tracent  sur  le  noir  de  fumée  deux  courbes  sinusoïdales  symé- 
triques. 

En  déplaçant  à  la  main  avant  le  tir  la  masse  mobile  le  long  de  la  tige,  mais  laissant 
alors  le  diapason  au  repos  on  a  préalablement  tracé  deux  droites  parallèles  qui  constituent 
les  axes  ou  médianes  de  ces  traces  sinusoïdales. 

Tout  le  mécanisme  est  disposé  de  façon  à  pouvoir  tourner  autour  de  l'axe  de  la  tige 
centrale,  dont  les  extrémités  forment  tourillons;  par  conséquent  il  ne  participe  pas  au 
mouvement  de  rotation  imprimé  au  projectile  par  les  rayures  et  l'on  évite  ainsi  les  effets 
perturbateurs  qui  seraient  dus  à  cette  rotation. 

Les  projectiles  tirés  sont  dirigés  dans  les  chambres  à  sable  du  champ  de  tir  d'où  ils 
sont  facilement  extraits. 

Si  1  on  tire  un  projectile  muni  du  mécanisme  à  diapason,  après  avoir  pris  la  précaution 
de  placer  ce  mécanisme  a  l'arrière  et  non  à  l'avant,  la  masse  inerte  reste  appliquée  contre 
le  culottant  que  le  projectile  éprouve  une  accélération  dans  le  mouvement;  mais  aussitôt 
que  la  vitesse  diminue,  la  masse  en  vertu  de  son  inertie  prend,  par  rapport  à  la  tige  qui  la 
guide,  un  mouvement  propre  dont  le  diapason,  devenu  libre  à  cet  instant  même,  enre- 
gistre la  loi. 

C'est  ainsi  que  cet  appareil  a  permis  d'observer  la  loi  de  la  résistance  de  l'air. 

Et  si  dans  les  mêmes  conditions  on  fixe  la  masse  mobile  avec  une  goupille  de 
sûreté  suffisamment  résistante  pour  que  son  déplacement  ne  soit  pas  provoque  par  le 
ralentissement  dû  à  la  résistance  de  l'air,  mais  susceptible  de  se  briser  lorsque  le  pro- 
jectile rencontre  un  milieu  résistant,  tel  qu'une  chambre  à  sable,  un  massif  en  terre  ou 
même  une  muraille  cuirassée,  on  obtient  encore  sur  la  tige  des  tracés  qui  permettent  de 
déterminer  les  espaces  parcourus  par  le  projectile  en  fonction  des  temps.  Le  projectile 
enregistreur  du  général  Sébert  constitue  donc  pour  les  études  balistiques  un  appareil  des 
plus  précieux. 

D'autres  appareils  encore  existent  au  champ  de  tir  du  Hoc,  notamment  le  télémètre 


270  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

du  colonel  Peigné,  qui  permet  de  mesurer  les  distances  avec  une  erreur  qui  ne  dépasse 
pas  40  mètres  pour  une  portée  de  10,000  mètres. 

Nous  pouvons  dire,  d'une  manière  générale,  que  tous  les  instruments,  tous  les 
appareils,  toutes  les  installations  les  plus  perfectionnées  pour  l'étude  minutieuse  du  tir 
des  bouches  à  feu  ont  été  réunis  au  champ  de  tir  du  Hoc. 

C'est  au  général  Sébert,  administrateur  de  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  et  ancien 
directeur  du  laboratoire  central  de  la  marine,  qu'est  due  celle  savante  organisation,  et 
c'est  le  commandant  d'artillerie  Roger,  ancien  directeur  des  ateliers  de  Puteaux,  qui 
dirige  en  même  temps  l'atelier  d'artillerie  du  Havre  et  les  essais  de  tir  exécutés 
au  polygone. 

ARTILLERIE   CANET 

L'artillerie  Canet  a  réalisé,  en  quelques  années  à  peine,  des  progrès  si  importants 
qu'elle  parait,  aux  yeux  des  artilleurs  les  plus  compétents,  devoir  être  l'artillerie  de 
l'avenir. 

Le  matériel  Canet  a  été  étudie  méthodiquement  et  scientifiquement,  suivant  des  vues 
d'ensemble  qui  permettent  d'en  appliquer  les  principes  à  la  construction  de  toute 
espèce  de  bouches  à  feu,  quel  que  soit  leur  calibre  ou  leur  longueur  d'àme.  M.  Canet  cons- 
truit également  des  affûts  de  toute  nature  ;  et  comme  la  Société  des  Forges  et  Chantiers 
a  la  propriété  exclusive  de  ce  matériel,  les  établissements  du  Havre  sont  à  même  de 
satisfaire  à  toutes  les  demandes  de  matériel  d'artillerie  qui  peuvent  lui  être  adres- 
sées. 

Nous  allons  rapidement  passer  en  revue  les  principaux  types  de  canons  et  d'affûts 
de  l'artillerie  Canet. 

Nous  examinerons  successivement  :  l'artillerie  de  montagne  et  de  campagne,  l'ar- 
tillerie de  siège  et  de  place,  l'artillerie  de  côte  et  de  marine,  y  compris  les  obusiers 
et  les  mortiers,  l'artillerie  à  tir  rapide,  les  tubes  lance-torpilles. 

I.  —  Artillerie  de  montagne  et  de  campagne. 

Le  matériel  de  montagne  et  de  campagne  ne  comprend  qu'un  seul  calibre,  celui  de 
7S  millimètres,  mais  avec  trois  longueurs  différentes  : 

Le  canon  Canet  de  montagne  a  une  longueur  de  16  calibres  ;  il  pèse  100  kilogrammes 
et  sa  vitesse  initiale  est  de  30S  mètres; 

Le  canon  Canet  de  campagne  léger  a  une  longueur  de  24  calibres;  il  pèse  263  kilo- 
grammes et  sa  vitesse  initiale  est  de  430  mètres; 

Enfin  le  canon  Canet  de  campagne  lourd  a  une  longueur  de  32  calibres;  il  pèse  359  kilo- 
grammes et  sa  vitesse  initiale  est  de  550  mètres. 

Ces  longueurs  sont  mesurées  de  la  tranche  de  culasse  à  la  tranche  de  la  bouche. 
Elles  sont  donc  respectivement  de  lm,20,  lm,80et  2m,40. 

Les  trois  bouches  à  feu  tirent  les  mêmes  projectiles:  un  obus  ordinaire,  un  obus  à 
balles,  un  obus  à  mitraille  et  une  boite  à  mitraille  pesant  chacun  5k=',200. 

Les  bouches  à  feu  en  acier  martelé,  trempé  à  l'huile  et  recuit,  sont  formées  d'un 
tube  renforcé  par  une  longue  jaquette  qui  porte  les  tourillons  ;  en  avant  de  la  jaquette 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  271 

est  une  frette  de  calage.  Le  tube  présente  à  l'arrière  un  épaulement  contre  lequel  vient 
s'appuyer  la  jaquette,  qui  est  rendue  par  ce  moyen  solidaire  du  tube  dans  le  mouvement 
de  recul.  La  partie  postérieure  de  la  jaquette  est  en  saillie  sur  la  tranche  du  tube  et  forme 
un  godet  très  prononcé  qui  met  les  organes  de  la  fermeture  de  culasse  à  l'abri  des 
chocs  accidentels. 

La  chambre  est  cylindrique  et  les  rayures  de  l'àmc  sont  progressives  et  au  nombre 
de  22. 

Le  mécanisme  de  culasse  comporte,  comme  les  canons  réglementaires  en  France, 
une  vis  en  acier  à  filets  interrompus;  mais  il  présente  plusieurs  dispositions  originales, 
notamment  pour  la  mise  de  feu  et  l'appareil  de  sûreté  qui  s'oppose  à  l'inflammation  de  la 
gargousse  tant  que  la  fermeture  de  culasse  n'est  pas  complète.  L'obturation  est  assurée 
par  un  obturateur  plastique  d'un  tracé  spécial. 

Pour  tirer  le  canon  de  montagne  et  le  canon  lourd  de  campagne,  on  se  sert  d'une 
étoupille  réglementaire  française  à  friction,  et  avec  le  canon  de  campagne  léger,  qui 
a  été  construit  pour  servir  de  canon  d'embarcation,  on  fait  usage  d'une  étoupille  obtu- 
ratrice. 

Le  canon  de  campagne  lourd,  système  Canet,  soutient  avantageusement  la  comparai- 
son avec  le  canon  de  Range  de  80  millimètres. 

En  effet,  le  canon  Canet,  pesant  339  kilos,  lance  à  la  charge  de  lk~,500  de  poudre  un  pro- 
jectile de  5k?,200  avec  une  vitesse  initiale  de  550  mètres  et  produit  une  force  vive  de 
80,173  kilogrammètres,  tandis  que  le  canon  de  Bange,  pesant  425  kilos,  tire  à  la  même 
charge  de  poudre  un  projectile  de  5ks,600  avec  une  vitesse  initiale  de  400  mètres  et  ne  pro- 
duit qu'une  force  vive  de  68,530  kilogrammètres.  Et  si  l'on  observe,  d'une  part,  qu'à  raison 
de  la  différence  de  calibre  le  projectile  de  75  millimètres  conserve  mieux  sa  vitesse  dans 
l'air  et  que,  d'autre  part,  la  pièce  Canet  est  plus  légère  que  le  canon  de  Bange,  il  sera  facile 
de  se  rendre  compte  que  l'avantage  appartient  au  canon  Canet. 

II  existe  deux  types  d'affûts  pour  les  canons  de  75  millimètres,  l'un  destiné  au  canon 
de  montagne  et  de  campagne  léger,  l'autre  au  canon  de  campagne  lourd.  Nous  ne  parlerons 
que  de  ce  dernier,  que  M.  Canet  a  appelé  affût  élastique  et  qui  présente  quelques  dispositions 
nouvelles. 

Les  flasques  ne  reposent  pas  directement  sur  l'essieu,  comme  dans  les  affûts  de  cam- 
pagne ordinaires;  ils  sont  pourvus  de  pattes  qu'un  boulon  formant  charnière  relie  aux 
oreilles  de  deux  manchons  montés  sur  l'essieu.  Un  troisième  manchon  fixé  au  milieu  de 
l'essieu  est  articulé  avec  le  piston  d'un  cylindre  de  frein  monté  à  charnières  sur  une  des 
entretoises.  Les  flasques,  leurs  pattes  reliées  aux  manchons  d'essieu  et  la  tige  de  piston 
constituent  ainsi  un  triangle  articulé  dans  lequel  deux  des  côtés  ont  une  longueur  fixe,  tan- 
dis que  le  troisième  formé  par  le  frein  a  une  longueur  variable.  Le  piston  du  frein  est  plein 
et  le  cylindre  présente  quatre  rainures  à  profil  variable.  Au  milieu  du  liquide  est  noyé  un 
ressort  en  spirale  servant  de  récupérateur  et  maintenu  entre  le  couvercle  du  cylindre  et  le 
piston  ;  contre  la  partie  inférieure  de  celui-ci  sont  disposées  deux  rondelles  Belleville  pour 
supprimer  tout  choc  à  la  fin  du  retour  en  batterie. 

Lorsque  le  canon  recule,  au  départ  du  coup,  il  entraine  par  les  tourillons  l'affût  qui 
pivote  autour  de  l'essieu  en  faisant  fonctionner  le  frein  hydraulique.  Le  premier  choc  se 
trouve  ainsi  amorti  et  l'essieu,  au  lieu  d'être  brusquement  tiré  en  arrière,  est  soumis  à  un 


27-'  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

effort  progressif.  L'action  du  ressort  en  spirale  ramène  ensuite  l'affût  à  sa  position  initiale 
par  rapport  à  l'essieu. 

Le  frein  hydraulique  est  complété  par  deux  freins  à  patins  qui  agissent  sur  les  roues  et 
qui  peuvent  aussi  servir  de  freins  de  route. 

L'affût  pèse  490  kilogrammes  et  permet  de  tirer  sous  les  angles  limites  de  —  6°  et 
+  20°.  Le  recul  varie  suivant  les  angles  de  tir  de  2m,40  pour  un  angle  de  0°  à  lm,40  pour  un 
angle  de  17°. 

II.  —  Artillerie  de  siège  et  de  place. 

L'artillerie  Canet  de  siège  et  de  place  comprend  une  série  de  bouches  à  feu  de  huit 
calibres  :  9,  10,  12,  15,  19,  22,  24  et  27  centimètres.  En  outre,  pour  chaque  calibre,  il 
existe  deux  modèles,  le  court  et  le  long,  ce  qui  fait  en  tout  seize  modèles  différents. 

La  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  n'avait  exposé  qu'un  canon  de 
12  centimètres  sur  affût  de  siège  et  un  canon  de  15  centimètres  sur  affût  à  éclipse.  Il 
nous  suffira  de  décrire  ces  deux  bouches  à  feu  avec  leurs  affûts  pour  donner  une  idée  des 
dispositions  simples  et  originales  adoptées  par  M.  Canet. 

Le  canon  Canet  de  12  centimètres  de  siège  et  de  place  est  tonné  d'un  tube  recouvert  dans 
sa  partie  postérieure  par  une  longue  jaquette  qui  porte  les  tourillons;  la  jaquette  s'appuie 
contre  le  tube  au  moyen  de  deux  ressauts  ménagés  vers  l'arrière.  En  avant  de  la  jaquette 
sont  disposées  deux  frettes  de  calage  simplement  serrées  sur  le  tube.  La  chambre  à  poudre, 
d'un  diamètre  supérieur  à  celui  de  l'âme  avec  laquelle  elle  se  raccorde  par  un  cône  très  peu 
incliné,  a  une  longueur  de  3  calibres  environ.  L'âme  est  garnie  de  36  rayures  progressives. 

La  fermeture  de  culasse,  l'obturation  et  l'appareil  de  sûreté  sont  identiques  à  ceux  des 
canons  de  75  millimètres. 

Le  poids  de  la  bouche  à  leu  est  de  1,430  kilogrammes. 

L'affût  du  canon  de  12  centimètres  présente  les  mêmes  dispositions  générales  que 
l'affût  réglementaire  français  de  120  millimètres.  Il  se  compose  essentiellement  de  deux 
flasques  en  tôle  d'acier  assemblées  avec  leurs  entretoises  par  des  cornières  rivetées.  Il  est 
muni  d'encastrements  pour  loger  les  tourillons  soit  à  la  position  de  tir,  soit  à  la  position  de 
route,  et  un  marchepied  sert  pour  le  chargement.  Il  pèse  1,650  kilogrammes. 

Ce  qui  caractérise  cet  affût,  c'est  son  appareil  de  pointage  et  son  frein. 

Le  pointage  en  hauteur  s'obtient  au  moyen  d'un  pignon  que  l'on  actionne  à  l'aide  d'un 
volant  et  qui  engrène  avec  une  crémaillère  rectiligne  fixée  à  la  partie  inférieure  d'une  frotte 
qui  embrasse  la  culasse.  Cette  crémaillère  est  maintenue  en  prise  avec  les  dents  du  pignon 
par  deux  galets  en  bronze  qui  s'appuient  contre  sa  face  postérieure.  Le  volant  n'agit  pas 
directement  sur  le  pignon.  Afin  de  permettre  des  déplacements  très  petits  de  la  bouche  à 
feu  pour  une  course  du  volant  assez  grande,  on  a  interposé  entre  ce  volant  et  le  pignon  un 
engrenage  différentiel,  d'une  disposition  particulière  qui  permet  de  ne  faire  tourner  le 
pignon  que  d'un  vingtième  de  tour  pour  chaque  tour  du  volant. 

Le  frein  est  d'un  système  nouveau.  M.  Canet  l'a  appelé  frein  à  contre-tige  centrale. 
Voici  en  quoi  il  consiste  :  un  cylindre  de  frein  hydraulique  solidement  relié  à  la  plate-forme 
de  tir  par  son  extrémité  antérieure  est  relié  d'autre  part  à  la  flèche  d'affût,  à  la  hauteur  du 
marchepied,  par  l'extrémité  de  la  tige  de  son  piston.  Mais  cette  tige  est  creuse  et  sert  de 


274  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

logement  à  une  contre-tige  fixe  à  profil  variable;  en  outre,  la  tête  du  piston  est  percée  de 
quatre  ouvertures  communiquant  avec  l'orifice  central  par  lequel  passe  cette  contre-tige. 

Quand  l'affût  recule,  il  entraîne  la  tige  du  piston  et  le  liquide  traversant  ces  ouvertures 
s'écoule  par  l'orifice  central  suivant  une  section  variable  égale  à  la  différence  entre  la  section 
de  cet  orifice  et  la  section  variable  de  la  contre- tige,  section  qui  a  été  calculée  de  manière  à 
réaliser  autant  que  possible  une  pression  constante  dans  le  cylindre. 

Quand  le  recul  est  terminé,  une  soupape  ferme  les  ouvertures  de  la  tète  du  piston  et  le 
liquide  ne  peut  plus  repasser  que  par  des  orifices  rétrécis  et  des  rainures  ménagées  sur  cette 
soupape.  Le  retour  en  batterie  s'effectue  ainsi  avec  une  faible  vitesse.  L'air  renfermé  dans  la 
tige  du  piston  se  détend  pendant  le  recul  et  se  comprime  pendant  le  retour  en  batterie  et 
constitue  un  tampon  de  choc. 

Le  retour  en  batterie  est  d'ailleurs  assuré  par  deux  coins-sabots  placés  en  arrière  au 
contact,  des  roues  et  fixés  à  la  plate-forme  par  des  vis  de  pression. 

Les  flasques  de  l'affût  de  li  centimètres  ne  reposent  pas  directement  sur  l'essieu,  mais 
par  l'intermédiaire  de  manchons  en  caoutchouc  enfermés  dans  des  boites  métalliques  de 
manière  que  le  caoutchouc  soit  mis  à  l'abri  du  contact  de  l'air. 

Les  roues  entièrement  métalliques  sont  du  système  Arbel.  Elles  ont  lm,54  de  diamètre. 

Le  canon  de  1-2  centimètres  lance  un  projectile  de  18  kilogrammes  à  la  charge  de  4^,600 
avec  une  vitesse  initiale  de  560  mètres. 

Canon  Canet  de  15  centimètres  de  siège  et  déplace.  —  La  construction  du  canon  Canet  de 
15  centimètres  est  semblable  à  celle  du  canon  de  12  centimètres.  Ces  deux  bouches  à  feu 
ont  chacune  26  calibres  de  longueur.  Leur  fermeture  de  culasse,  leur  mécanisme  d'obtura- 
tion et  l'appareil  de  sûreté  sont  semblables.  Le  canon  de  13  centimètres  pèse  2,750  kilo- 
grammes. 

Le  modèle  exposé  était  monte  sur  un  affût  à  éclipse  à  pivot  central,  muni  d'un  frein 
hydraulique  horizontal  et  de  deux  récupérateurs  à  air  comprimé  pour  le  retour  en  bat- 
terie. 

(".et  affût  est  essentiellement  composé  de  deux  balanciers  en  fonte  fortement  entretoisés 
à  leur  partie  supérieure,  où  sont  ménagés  les  encastrements  des  tourillons.  Les  balanciers  sont 
mobiles  autour  d'un  axe  horizontal  réalisé  à  leur  partie  inférieure  par  deux  tambours  creux 
logés  sur  des  consoles  de  fonte  avec  le  châssis  d'affût.  Le  canon  est  en  outre  soutenu  en 
avant  des  tourillons  par  deux  bielles  articulées  avec  une  frette  disposée  en  avant  des 
frettes  de  calage.  A  leur  partie  inférieure  ces  bielles  sont  assemblées  entre  elles  par  une  tra- 
verse et  articulées  avec  des  bras  qui  prolongent  les  balanciers  au-dessous  des  tambours. 

Le  châssis  emboîte  le  pivot  de  la  plate-forme  et  repose  sur  la  sellette  par  l'intermédiaire 
de  24  billes  en  acier  isolées  les  unes  des  autres  par  des  échancrures  pratiquées  sur  le  (mur- 
tour  d'une  plaque  horizontale  en  tôle.  Le  pointage  latéral  devient  ainsi  très  facile. 

Dans  le  frein  hydraulique  le  piston  est  li\(;  invariablement  au  châssis  et  le  corps  de  pompe 
est  mobile.  Il  est  à  contre-tige  centrale. 

L'affût  est  pourvu  de  deux  récupérateurs  à  air  comprimé  logés  dans  les  tambours. 

Quand  la  pièce  tire,  les  balanciers,  entraînés  par  les  tourillons,  pivotent  autour  de  leurs 
tambours  et  la  pièce  s'abaisse  et  descend  à  la  position  d'éclipsé  ;  les  bras  qui  prolongent  les 
balanciers  sont  poussés  en  avant  et  agissent  sur  les  cylindres  de  frein  par  l'intermédiaire  de 


276  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 

bielles;  en  même  temps  la  pression  est  augmentée  dans  les  récupérateurs  à  air  et  les  ressorts 
Belleville  sont  comprimés.  Un  tampon  de  choc  renfermant  des  ressorts  Belleville  est  disposé 
sur  l'arrière  du  châssis  de  manière  à  recevoir  l'entretoise  supérieure  des  balanciers  et  à 
amortir  le  choc  dans  le  cas  où  le  recul  viendrait  à  dépasser  la  valeur  prévue. 

Pendant  que  la  pièce  est  éclipsée,  on  procède  au  chargement  ainsi  qu'au  pointage  en 
direction  et  en  hauteur,  la  pièce  restant  parallèle  à  elle-même  quand  elle  reprend  sa  position 
de  tir. 

Pour  remettre  la  pièce  en  batterie,  on  l'ait  agir  l'air  comprimé  en  ouvrant  à  l'aide  d'un 
volant  une  valve  qui  établit  la  communication  entre  le  récupérateur  et  le  corps  de  pompe.  La 
pression  fait  alors  remonter  lentement  la  bouche  à  feu. 

La  hauteur  des  tourillons  au-dessus  de  la  plate-forme  est  de  2m,85  quand  la  pièce  est 
en  batterie,  elle  n'est  que  de  0m,95  à  la  position  d'éclipsé. 

Pour  le  pointage  en  direction  on  agit  avec  un  levier  sur  le  châssis  dont  le  pourtour  porte 
une  graduation  en  degrés. 

Le  pointage  en  hauteur  s'obtient  à  l'aide  des  bielles  d'avant  qui  sont  terminées  par  des 
coulisseaux  taillés  en  crémaillères  sur  leur  face  extérieure  et  se  mouvant  dans  des  couli>ses 
circulaires  ménagées  sur  l'avant  des  consoles  du  châssis.  Le  mouvement  est  communiqué 
par  un  volant  monté  sur  un  pignon  qui  agit  sur  les  crémaillères  par  l'intermédiaire  d'un 
appareil  différentiel.  Sur  le  bord  des  coulisses  est  tracée  une  graduation  indiquant  les  posi- 
tions des  coulisseaux  pour  les  divers  angles  de  tir  de  la  bouche  à  feu. 

Un  masque  horizontal  en  acier  soutenu  par  des  colonnes  portées  par  le  châssis  et 
percé  d'une  ouverture  pour  les  déplacements  en  hauteur  de  la  pièce  protège  les  organes 
de  l'affût. 

Le  poids  total  de  l'affût  est  de  6,500  kilogrammes. 

Le  canon  de  15  centimètres  tire  à  la  charge  de  9  kilogrammes  un  projectile  de  35  ki- 
logrammes avec  une  vitesse  initiale  de  520  mètres. 

III.  —  Artillerie  de  côte  et  de  marine. 

Le  matériel  de  côte  et  de  marine  comprend  la  série  des  calibres  de  9,  10,  12,  U, 
15,  16,  19,  22,  24,  27,  30  1/2,  32,  34,  37  et  42  centimètres.  Chaque  calibre  comporte  des 
bouches  à  feu  de  20,  25,  30,  36,  43  et  50  calibres  de  longueur.  Les  conditions  du 
service  à  faire  et  la  vitesse  initiale  à  obtenir  sont  les  facteurs  qui  déterminent  la  lon- 
gueur qu'il  convient  d'adopter  en  chaque  cas. 

Les  longueurs  de  20,  25,  30,  36,  43  et  50  calibres  donnent  des  vitesses  initiales  qui 
sont  respectivement  de  590,  565,  630,  690,  745  et  800  mètres.  Ces  données  se  rapportent 
au  matériel  exposé  en  1889  qui  a  été  légèrement  modifié,  et  depuis  cette  époque,  de 
nouveaux  perfectionnements  ont  permis  de  réaliser  avec  des  bouches  à  feu  modèle  1889 
des  vitesses  encore  plus  considérables. 

Nous  ne  décrirons  ici  comme  types  des  pièces  de  côtes  et  de  marine  que  les  canons 
de  15,  de  24  et  de  32  centimètres. 

Le  canon  de  marine  de  15  centimètres  a  une  longueur  de  36  calibres.  Il  est  donc 
notablement  plus  long  que  le  canon  de  15  centimètres  de  siège  et  de  place;  il  lance  à 
la  charge  de   27  kilogrammes  de  poudre  prismatique   brune  un  projectile  de   42   ki- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  277 

logrammes  à  la  vitesse  initiale  de  700  mètres.  Il  exige  donc  une  construction  plus  solide 
que  le  canon  de  siège  et  de  place.  A  cet  effet,  on  a  superposé  à  la  jaquette  qui  recouvre 
le  tube  un  rang  de  frettes;  la  dernière  de  ces  frettes,  du  côté  delà  culasse,  prend  appui 
sur  un  épaulement  de  la  jaquette  avec  laquelle  elle  est  en  outre  agrafée.  La  volée  du  tube 
présente  une  série  de  portées  cylindriques  sur  lesquelles  sont  placés  deux  rangs  de 
frettes  :  le  premier  rang,  qui  s'étend  jusqu'à  la  bouche,  est  formé  de  cinq  manchons  de 
simple  épaisseur;  le  second  rang,  qui  s'arrête  vers  le  milieu  de  la  volée,  comprend  trois 
frettes  posées  sur  la  surface  extérieure  cylindrique  des  mandions  du  premier  rang.  La 
jaquette  et  le  premier  manchon  de  volée  sont  assemblés  par  la  frette-tourillons  qui  se 
visse  à  chaud  sur  le  manchon  et  porte  une  agrafe  appuyée  contre  un  ressaut  de  la 
jaquette.  On  s'est  proposé,  par  ce  mode  de  construction,  de  donner  à  l'ensemble  des 
éléments  :  tube,  jaquette,  premier  manchon  de  volée  et  frette-tourillons,  une  solidarité 
assurant  à  la  bouche  à  feu  une  résistance  aussi  grande  dans  le  sens  longitudinal  que 
dans  le  sens  transversal. 

Le  diamètre  de  la  chambre  est  de  180  millimètres  et  sa  longueur  est  de  6  calibres 
et  demi.  La  longueur  de  la  partie  rayée  est  d'environ  27  calibres  et  demi. 

La  fermeture  de  culasse  est  à  console  et  analogue  à  celle  des  canons  modèle  1870-81 
de  la  marine;  mais  l'emploi  de  l'obturateur  plastique,  qui  est  général  dans  les  canons 
Canet,  a  nécessité  la  division  du  verrou  en  deux  pièces  assemblées  à  queue  d'aronde, 
pouvant  prendre  l'une  par  rapport  à  l'autre  un  déplacement  parallèle  à  l'axe  du  canon. 
L'une  de  ers  pièces  porte  le  percuteur  et  est  toujours  en  contact  avec  le  culot  de  rétou- 
pille, quelle  que  soit  l'épaisseur  de  la  galette  obturatrice  qui  diminue  légèrement  par 
l'effet  du  tir;  l'autre  porte  le  marteau  et  les  organes  de  détente. 

L'armement  du  verrou  se  fait  à  la  main  en  tirant  en  arrière  le  bec  du  marteau. 
Ce  mouvement  ne  peut  s'effectuer  que  lorsque  la  culasse  est  complètement  fermée. 

Sur  la  face  antérieure  du  verrou  est  creusée  une  rainure  longitudinale  pour  l'échap- 
pement des  gaz ,  dans  le  cas  où  l'obturation  par  la  tête  de  l'étoupille  ne  serait  pas 
parfaite. 

L'extraction  de  l'étoupille  se  fait  à  la  main  avec  un  cabillot  à  grillé. 

Le  canon  de  marine  de  15  centimètres  lance  trois  sortes  de  projectiles  :  un  obus  ordi- 
naire, un  obus  de  rupture  ogival  et  un  obus  allongé  d'environ  4  calibres. 

Les  caisses  à  poudre  en  cuivre  destinées  à  l'emmagasinement  des  munitions  à  bord 
contiennent  chacune  six  gargousses. 

Suivant  la  position  qu'occupe  la  bouche  à  feu  sur  le  navire,  l'espace  disponible  et 
le  champ  de  tir  dont  il  convient  de  la  doter,  la  pièce  de  l.'i  centimètres  de  marine  est 
montée  sur  un  affût  à  pivot  central  ou  sur  un  affût  à  pivot  avant. 

L'affût  proprement  dit  est  en  bronze  et  recule  sur  les  glissières  inclinées  d'un  châs- 
sis en  acier.  Ce  châssis  repose  sur  la  sellette,  également  en  acier,  par  l'intermédiaire 
d'une  couronne  de  galets  coniques;  deux  agrafes  s'opposent  à  son  soulèvement. 

Le  recul  est  limité  par  deux  freins  à  contre-tige  centrale  dont  les  cylindres  font 
corps  avec  l'affût  et  sont  disposés  de  chaque  côté  au-dessus  des  glissières,  les  tiges 
des  pistons  sont  attachées  à  l'avant  du  châssis.  Le  retour  en  batterie  est  assuré  par  l'in- 
clinaison des  glissières.  Deux  butoirs  avec  ressorts  Belleville  reçoivent  l'affût  à  la  fin 
de  ce  mouvement.  Le  recul  maximum  est  de  0m,55. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Fermeture  de  culasse  tles  canons  Canet  de  gros  calibre  (n°  I). 


Une  petite  pompe  disposée  à  l'intérieur  du  châssis  et  manœuvrée  à  l'aide  d'un  levier 
articulé  permet  à  volonté  la  mise  hors  de  batterie  de  l'affût. 

Pour  le  pointage  en  hauteur  on  ac- 
tionne, à  l'aide  d'un  volant  extérieur  et 
par  l'intermédiaire  de  l'engrenage  diffé- 
rentiel habituel,  un  pignon  qui  engrène 
avec  un  secteur  denté  porté  par  une 
frette  fixée  sur  le  tonnerre  et  logé  entre 
le  châssis  et  le  canon. 

Le  pointage  en  direction  est  donné 
par  un  volant  actionnant,  par  l'intermé- 
diaire de  trois  roues  dentées,  un  arbre 
vertical  terminé  à  sa  partie  inférieure 
par  un  pignon  qui  engrène  avec  une 
crémaillère  circulaire  taillée  sur  la  sel- 
lette. Tous  ces  organes,  à  l'exception 
des  volants,  sont  disposés  à  l'intérieur 
du  châssis  et  mis  à  l'abri  des  chocs 
accidentels. 

Le  poids  de  l'affût  est  de  3, 150  kilo- 
grammes, dont  700  pour  l'affût,  1,650 
pour  le  châssis  et  800  pour  la  sellette. 
L'affût  à  pivot  avant  ne  diffère  du 
précédent  qu'en  ce  que  le  châssis  repose 
sur  uni'  sellette  massive  en  acier,  d'une 
seule  pièce,  ayant  la  l'orme  d'un  secteur 
d'environ  120  degrés  d'ouverture;  entre 
le  châssis  et  la  sellette  sont  interposés 
deux  rangs  de  galets  coniques  roulant 
sur  deux  voies  circulaires.  Il  n'y  a  pas  à 
proprement  parler  de  pivot.  Le  châssis 
et  la  sellette  affectent  à  l'avant  une 
iorme  circulaire  ayant  même  centre  que 
la  crémaillère  de  pointage  portée  par  la 
sellette.  Ils  sont  agrafés  ensemble  sur 
toute  la  longueur  de  l'arc.  On  a  eu  pour 
but,  en  supprimant  la  cheville  ouvrière 
et  en  formant  la  sellette  d'une  seule  pièce 
très  résistante,  de  mieux  répartir  les 
efforts  sur  le  pont,  afin  d'atténuer  les 
fléchissements. 

Les  organes  de  frein  et  de  pointage  sonl  semblables  à  ceux  de  l'affût  à  pivot  central. 

Le  poids  des  deux  affûts  est  à  peu  près  le  même. 

C'est  sur  le  type  du  canon  de  15  centimètres  de  bord 


Fermeture  de  culasse  des  canons  Cauel  de  gros  calibre  (11°  2). 


que  nous  venons  de  décrire  et 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


279 


Fermeture  de  culasse  dos  canons  Canet  do  gn>s  calibre  (n°  3). 


de  ses  affûts  que  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  vient  de  fabriquer  quinze  pièces  qui 
arment  les  cuirassés  grecs,  construits  sur  ses  chantiers.  Les  mêmes  navires  ont  reçu  en 
outre  neuf  canons  de  27  centimètres. 

Canon  Canet  de  27  centimètres.  — 
M.  Canet  a  construit  pour  le  gouver- 
nement japonais  un  canon  de  27  cen- 
timètres, dont  le  modèle  en  bois  figu- 
rait à  l'Exposition.  Cette  bouche  à 
feu,  destinée  à  l'armement  des  côtes, 
est  formée  d'un  tube  en  acier  et  d'un 
corps  de  canon  en  fonte  recouverts 
par  un  frettage  en  acier;  son  poids 
est  de  24,830  kilogrammes. 

La  fermeture  de  culasse  est  à 
mouvement  de  rotation  continu.  La 
vis,  dont  les  filets  sont  interrompus 
sur  quatre  secteurs  égaux,  est  portée 
par  un  volet  en  bronze,  prolongé  vers 
le  lias  par  une  console.  Elle  est  mu- 
nie, sur  sa  face  arrière,  d'un  secteur 
denté  engrenant  avec  une  crémaillère 
verticale,  portée  par  un  écrou  mobile; 
cet  écrou  est  monté  sur  une  vis  en- 
gagée  dans  deux  colliers  fixés  sur  la 
tranche  arrière  du  canon.  Quand  on 
fait  tourner  la  vis  verticale  à  l'aide 
d'un  pignon  engrenant  avec  une  vis 
sans  fin,  portée  par  l'arbre  de  la  ma- 
nivelle, l'écrou  mobile  s'êlève,  la  cré- 
maillère agit  sur  le  secteur  dénié  et 
l'ait  tourner  la  vis  de  culasse.  Quand 
l'écrou  est  arrivé  au  haut  de  sa  course, 
la  vis  de  culasse  a  tourné  d'une 
quantité  suffisante  pour  que  celle-ci 
soit  dégagée  de  son  écrou  ;  le  mouve- 
ment de  rotation  de  la  manivelle  con- 
tinuant, un  pignon  porté  par  l'écrou, 
qui  ne  pouvait  pas  tourner  jusqu'à 
ce  moment,  engrène  avec  une  amorce 

de  crémaillère  portée  par  la  vis  de  culasse  suivant  une  de  ses  génératrices,  puis  avec  un 
des  secteurs  filetés,  et  fait  reculer  cette  vis  pour  la  dégager  du  canon.  Quand  le  mouvement 
s'achève,  un  verrou  rend  solidaires  la  culasse  et  le  volet,  dont  l'ensemble  est  entraîné  dans 
le  mouvement  de  rotation  autour  de  la  vis  verticale.  Le  canon  est  ainsi  ouvert  par  un  mou- 
vement de  rotation  continu  effectué  toujours  dans  le  même  sens. 


Fermeture  de  culasse  des  canons  Canet  de  gros  calibre  (u°  i) 


2S0 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


En  manœuvrant  en  sens  inverse,  on  accomplit  successivement  les  différents  mouve- 
ments de  fermeture. 

L'obturateur  comprend  une  tige  vissée  avec  galette  plastique  et  champignon  mobile. 

Le  mécanisme  de  mise  de  feu  s'arme  automatiquement  pendant  la  rotation  de  la  vis 
de  culasse  pour  la  fermeture. 

Le  canon  de  27  centimètres  Canet  tire,  à  la  charge  de  76  kilogrammes  de  poudre  pris- 
matique brune  formée  de  deux  demi-gargousses,  un  projectile  de  216  kilogrammes,  à  la 
vitesse  de  576  mètres.  Les  essais  faits  ultérieurement  au  Japon,  avec  cette  bouche  à  feu,  ont 
montré  qu'elle  avait  une  justesse  remarquable. 

La  pièce  est  montée  sur  un  affût  de  côte,  à  pivot  central.  L'affût  proprement  dit  est 


Canon  Canet  do  15  centimètres,  de  .'îii  calibres,  mit  affût  de  batterie. 


disposé  sur  un  châssis  à  glissières,  qui  repose  lui-même  sur  une  sellette  par  l'intermédiaire 
de  galets  coniques.  Le  châssis  est  agrafé  à  la  sellette. 

Le  recul  est  limité  à  lm,45  par  des  freins  hydrauliques  a  contre-tiges  centrales;  les 
corps  de  pompe  fixés  à  l'affût  reculent  sur  les  glissières  inclinées  du  châssis;  des  galets 
logés  dans  les  glissières  facilitent  les  mouvements  de  l'affût. 

Le  pointage  en  hauteur  est  obtenu  par  l'intermédiaire  d'un  engrenage  différentiel 
agissant  sur  une  crémaillère  par  l'intermédiaire  d'un  pignon;  mais,  au  lieu  d'actionner 
directement  cet  engrenage,  le  volant  l'ait  tourner  un  barbotin  qui,  à  l'aide  d'une  chaîne 
sans  fin,  transmet  le  mouvement  à  un  autre  barbotin,  dont  l'arbre  engrène  avec  l'engre- 
nage différentiel. 

Pour  le  pointage  en  direction,  une  chaîne  sans  lin  est  enroulée  autour  de  la  sellette  et 
passe  sur  une  roue  à  empreintes  sur  l'axe  de  laquelle  est  calé  un  pignon  actionné  par  une 
vis  sans  fin  qu'on  manoeuvre  à  l'aide  de  deux  manivelles.  Avant  de  s'engager  sur  la  roue  à 
empreintes,  la  chaîne  passe  sur  deux  tendeurs  à  vis  qui  donnent  la  tension  convenable. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


281 


Le  chargement  de  la  bouche  à  feu  s'exécute  à  l'aide  d'un  monte-charge  placé  à  l'extré- 
mité d'un  bras  sur  l'axe  duquel  est  calé  un  secteur  denté  que  l'on  actionne  à  l'aide  d'une 
manivelle  et  de  deux  pignons.  Lorsqu'on  rabat  le  monte-charge,  il  comprime  par  son  poids 
une  pile  de  rondelles  Belleville,  dont  l'élasticité  facilite,  pour  le  coup  suivant,  l'ascension 
de  l'appareil.  Un  plancher  de  chargement  mobile  avec  l'affût  suit  celui-ci  dans  les  mouve- 
ments de  recul  et  de  mise  en  batterie,  entre  les  deux  parties  d'une  plateforme  fixe,  portée 

par  le  châssis. 

Le  poids  total  du  système  est  de  36  tonnes  environ. 


Canon  Caaet  de  -2'  centimètres,  sur  affût  de  côte. 

Canon  de  32  centimètres.  -  Le  canon  Canet  de  32  centimètres  a  une  longueur  de 
40  calibres.  11  est  construit,  d'après  le  même  type  que  le  canon  de  18  centimètres  de  marine 
et  se  compose  d'un  tube  recouvert  d'une  jaquette  et  d'un  rang  de  frettes  sur  toute  sa 
longueur,  et  en  outre  d'un  deuxième  rang  de  frettes  depuis  la  culasse  jusque  vers  le  milieu 

de  la  volée. 

Cette  bouche  à  feu  est  munie  de  la  fermeture  de  culasse  à  mouvement  de  rotation 
continu.  Elle  pèse  66  tonnes.  La  charge,  de  280  kilogrammes  de  poudre  brune  prismatique 
divisée  en  deux  demi-gargousses,  donne  au  projectile,  du  poids  de  450  kilogrammes,  une 
vitesse  initiale  de  700  mètres. 

Affût-   -  &  canon  de  3-2  centimètres  sur  son  affût  était  installé  dans  une  tourelle 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


barbette  du  modèle  de  celles  construites  à  bord  de  deux  gardes-côtes  cuirassés  commandés 
à  la  Société  des  Forgés  et  Chantiers  par  le  gouvernement  japonais. 

La  tourelle,  dont  le  diamètre  intérieur  est  de  T",W,  est  formée  de  deux  planchers  réunis 
par  une  poutre  cylindrique  creuse  et  par  une  série  d'entretoises  rayonnantes;  sous  la 
poutre  cylindrique  est  une  couronne  de  galets  coniques  par  l'intermédiaire  desquels  la 
tourelle  repose  sur  une  circulaire  en  acier  coulé  fixée  sur  le  pont  du  navire.  Les  entretoises 
sont  assemblées  sur  un  tube  central,  destiné  au  passage  des  munitions  et  taisant  corps 


Canon  Canot  de  Si  centimètres,  de  *  »  t  i  tonnes,  sur  affût  île  tourelle,  à  chargement  central  dans  toutes  les  positions 

avec  la  tourelle;  ce  tube  est  encastré  dans  un  rebord  annulaire  porté  parle  pont  et  dans 
lequel  tourne  l'ensemble  du  système. 

La  bouche  à  feu  ne  porte  pas  de  tourillons;  elle  est  encastrée,  au  moyen  de  frettes  à 
dents,  dans  un  berceau  qui  constitue  l'affût  proprement  dit.  Ce  berceau,  qui  porte  les  freins 
hydrauliques,  glisse  sur  un  châssis  constitué  par  deux  longerons  en  acier  coulé  formant 
glissières  et  réunis  par  trois  entretoises.  A  l'avant,  le  châssis  est  muni  de  deux  tourillons 
portés  par  des  paliers  fixés  sur  le  plancher  de  la  tourelle.  Les  longerons  sont  supportés  par 
deux  presses  hydrauliques  qui  servent  à  donnera  la  pièce  l'inclinaison  voulue;  les  angles 
de  tir  permis  varient  de  —  4°  à  4-  10". 

Le  frein  comporte  deux  corps  de  pompe  munis  de  la  contre-tige  centrale  et  portés  par 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


283 


le  berceau;  les  tiges  des  pistons  sont  attachées  à  l'arrière  du  châssis.  Au  moment  du  recul, 
le  liquide  chassé  par  les  tiges  des  pistons  s'échappe  par  un  conduit  et,  en  soulevant  une 
soupape  chargée,  se  rend  dans  un  cylindre  central  d'un  volume  égal  à  celui  des  deux  tiges 
de  piston;  dans  ce  cylindre  est  un  plongeur  dont  la  tige  est  fixée  à  l'avant  du  châssis.  Dès 
que  le  recul  est  terminé  la  soupape  retombe  sur  son  siège  et  ferme  toute  communication 
entre  les  cylindres  du  frein  et  le  cylindre  auxiliaire. 

Pour  ramener  la  pièce  en  batterie,  on  fait  arriver  de  l'eau  sous  pression  par  une  des 
tiges  des  pistons  du  frein,  pendant  qu'un  des  conduits  partant  du  cylindre  auxiliaire  est 
ouvert -à  l'évacuation.  Le  liquide  ainsi  introduit  agit  sur  le  fond  des  cylindres  du  frein  et 


Coupole  cuirassée,  système  Canet,  pour  deux  canons  i!e  15  centimètres. 

ramène  l'affût  en  batterie.  Pour  mettre,  sans  tirer,  la  pièce  hors  de  batterie,  on  fait  arriver 
l'eau  dans  le  cylindre  auxiliaire  et  l'on  ouvre  à  l'évacuation  les  cylindres  du  frein.  Les  con- 
duites d'alimentation  passent  par  l'axe  des  tourillons  du  châssis. 

Pour  le  pointage  en  direction,  le  tube  central  porte  à  sa  partie  inférieure,  au-dessous  du 
pont  cuirassé,  une  couronne  dentée  sur  laquelle  agit  une  chaîne  manœuvrée  par  deux 
presses  hydrauliques  placées  latéralement. 

Le  chargement  de  la  pièce  s'exécute  à  l'aide  d'un  monte-charge  qui  prend  les  muni- 
tions dans  les  soutes  et  les  amène  par  un  tube  central  jusqu'à  hauteur  de  la  culasse;  cette 
manœuvre  est  donc  indépendante  de  l'orientation  du  canon  et  n'exige  pas  qu'on  ramène 
la  tourelle  dans  une  position  déterminée.  Le  pointeur  peut  par  suite  suivre  à  tout  instant 
le  but  mobile  sans  s'occuper  du  chargement,  et  l'on  évite  la  perte  de  temps  notable  qu'en- 
traîne dans  les  installations  différentes  la  nécessité  de  ramener  le  système  à  sa  position  de 
chargement. 


284  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Cette  disposition,  qui  présente  de  grands  avantages,  a  été  indiquée  et  appliquée  pour  la 
première  fois  par  M.  Cane  t. 

Le  projectile  et  les  deux  demi-gargousses  composant  la  charge  sont  placés  dans  les 
trois  cases  d'un  porte-charge  revolver  maintenu  par  des  guides  en  acier  et  manœuvré  par 
deux  presses  hydrauliques  mouflées  placées  sur  le  plancher  supérieur  delà  tourelle;  les 
chaines  passent  sur  des  poulies  de  renvoi  et  vont  s'attacher  au  porte-charge. 

À  la  sortie  du  tube  central,  le  porte-charge  est  amené  devant  la  chambre  par  une 
manivelle  à  engrenage  et  présente  successivement  le  projectile  et  les  deux  demi-gar- 
gousses. 

La  mise  en  place  des  munitions  se  fait  à  l'aide  d'un  refouloir  télescopique  à  manœuvre 
hydraulique  qui  enfonce  d'abord  le  projectile  à  bloc. 

La  tourelle  est  disposée  à  l'avant  du  navire,  elle  est  entourée  d'un  cuirassement  formé 
de  plaques  en  acier  de  300  millimètres.  Elle  est  en  outre  protégée  à  sa  partie  supérieure 
par  un  toit  conique  en  acier  de  50  millimètres  d'épaisseur. 

Le  pointeur  est  installé  dans  une  guérite  cuirassée  de  plaques  en  acier  de  110  milli- 
mètres et  munie  à  l'avant  d'une  visière  de  protection.  Il  a  sous  la  main  tous  les  organes 
cli1  manœuvres  pour  le  pointage  en  hauteur  et  en  direction,  pour  les  mises  en  batterie  et 
hors  de  batterie  ainsi  que  pour  le  fonctionnement  du  monte-charge,  du  refouloir  hydrau- 
lique et  de  la  lance  pour  le  nettoyage  du  canon. 

Un  verrou  de  sûreté  permet  de  fixer  à  la  mer  la  tourelle  dans  une  position  invariable. 

Le  poids  total  de  la  tourelle  est  de  120  tonnes,  celui  du  cuirassement  est  de  210  tonnes. 

Une  tourelle  barbette  système  Canet  avec  canon  de  3:2  centimètres  est  installée  sur 
chacun  des  deux  gardes-côtes  japonais  :  Matsushima  et  Itsukushima,  qui  ont  été  commandés 
en  1887  à  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée. 

Nous  ajouterons  que  c'est  après  un  concours  auquel  avaient  pris  part  les  maisons 
Krupp,  Armstrong  et  plusieurs  constructeurs  français  que  le  gouvernement  japonais  a 
donné  la  préférence  aux  canons  Canet. 

IV.  —  Obusiers  et  mortiers. 

La  série  des  obusiers  et  mortiers  Canet  comprend  12  calibres  :  75  et  84  millimètres, 
10,  12,  15,  19,  22,  24,  27,  30,  32  et  34  centimètres. 

Ces  bouches  à  feu  sont  longues  ou  courtes;  les  premières,  qui  ont  en  moyenne  une 
longueur  de  12  calibres,  sont  dites  obusiers  et  impriment  à  leur  projectile  une  vitesse  de 
300  mètres;  les  secondes,  dont  la  longueur  n'est  que  de  8  calibres,  sont  dites  mortiers  et 
ne  donnent  qu'une  vitesse  de  200  mètres. 

Obusiers  et  mortiers  lancent  le  même  projectile  et  sont  souvent  montés  sur  le  même 
affût. 

Les  petits  et  moyens  calibres  sont  pourvus  de  la  fermeture  de  culasse  à  segments 
hélicoïdaux  que  nous  allons  décrire  ci-dessous,  et  les  gros  calibres,  de  la  fermeture  à  mou- 
vement de  rotation  continu  décrite  plus  haut. 

Le  mécanisme  de  fermeture  à  segments  hélicoïdaux  comporte  une  vis  en  acier  à  filets 
interrompus  sur  deux  secteurs  égaux  et  un  volet  en  bronze  réunis  entre  eux  comme  dans  le 
canon  de  campagne.  Les  secteurs,  au  lieu  d'être  limités  sur  la  vis  par  des  générations  du 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  285 

cylindre,  sont  en  retrait  les  uns  sous  les  autres  et  forment  des  bandes  hélicoïdales  de 
même  pas.  Sur  le  tube  l'écrou  présente  la  même  disposition. 

Les  deux  secteurs  évidés  portent  en  leur  milieu  des  coulisses  hélicoïdales  dans  lesquelles 
se  déplacent  des  galets  fixés  à  l'intérieur  du  volet.  .V  l'arrière  les  deux  coulisses  sont  cou- 
dées parallèlement  aux  filets  de  la  vis. 

Lorsqu'on  tourne  le  levier-poignée  d'un  quart  de  tour,  la  vis  cesse  d'être  en  prise  avec 
son  écrou,  les  galets  décrivent  la  partie  des  coulisses  qui  est  parallèle  aux  filets.  Si  l'on 
continue  à  tourner  dans  le  même  sens,  l'action  des  galets  sur  les  coulisses  hélicoïdales  t'ait 
sortir  la  vis  de  son  logement.  Le  pas  de  l'hélice  a  été  choisi  de  manière  que  le  mouvement  de 
translation  soit  terminé  quand  les  galets  sont  à  fond  de  course.  La  vis  n'est  plus  alors 
soutenue  que  par  le  volet,  et  il  suffit  de  tirer  vers  soi  le  levier-poignée  pour  ((('terminer  la 
rotation  de  l'ensemble  autour  du  boulon  de  charnière.  Le  mécanisme  se  trouve  donc 
complètement  ouvert  par  un  seul  mouvement  exécuté  dans  le  même  sens  avec  le  levier- 
poignée. 

La  fermeture  de  la  culasse  s'exécute  d'une  manière  inverse. 

La  vis  est  munie  d'un  obturateur  plastique  avec  tige  vissée  et  champignon  mobile  et 
d'un  appareil  de  sûreté  qui  rend  la  mise  de  feu  impossible  tant  que  la  vis-culasse  n'a 
pas  entièrement  achevé  son  mouvement  de  rotation. 

L'obusier  de  15  centimètres  d'une  longueur  de  1*2  calibres  pèse  S-20  kilos.  11  se  conquise 
d'un  tube  recouvert  d'une  jaquette  portant  les  tourillons  et  d'une  lïcl.le  de  calage.  Les 
rayures,  au  nombre  de  4(1,  sont  progressives;  leur  inclinaison  varie  de  0°30'  à  8". 

La  charge  eu  poudre  prismatique  brune  est  de  2k8,700;  le  projectile  pèse  35  kilo- 
grammes. 

L'affût  a  été  construit  pour  permettre  le  tir  plongeant  à  bord  des  navires  en  réduisant 
autant  (pie  possible  la  percussion  sur  les  ponts. 

La  pièce  repose  par  ses  tourillons  sur  un  balancier  en  acier  porté  par  deux  paliers  en 
saillie  sur  le  châssis  circulaire  également  en  acier;  elle  repose  en  outre  par  l'intermédiaire 
de.  deux  galets  sur  une  bielle  articulée  avec  le  balancier  et  supportée  par  un  piston  logé 
dans  le  balancier  et  s'appuyant  sur  un  ressort  à  boudin.  Grâce  à  ce  mode  de  liaison,  lorsque 
le  balancier  tourne  sur  les  paliers  il  entraîne  la  pièce,  qui  fait  toujours  avec  lui  un  angle 
constant. 

Le  châssis  repose  sur  la  sellette  par  l'intermédiaire  d'une  couronne  de  galets;  deux 
agrafes  s'opposent  au  soulèvement  des  châssis. 

Le  recul  est  limité  par  un  frein  hydraulique  dit  frein  circulaire,  dans  lequel  le  liquide  au 
lieu  d'être  déplacé  par  un  piston  est  chassé  de  sa  position  initiale  par  les  nervures  longitu- 
dinales d'un  arbre  qui  se  meut  avec  le  balancier  pendant  le  recul. 

Le  manchon  dans  lequel  tourne  cet  arbre  est  muni  intérieurement  de  trois  nervures 
longitudinales  semblables  à  celles  de  l'arbre,  et  le  liquide  comprimé  passe  de  l'autre  côté  de 
ces  nervures  en  s'écoulant  entre  leurs  extrémités  et  le  pourtour  de  l'arbre.  Un  tracé  conve- 
nable a  été  donné  aux  orifices  pour  assurer  autant  que  possible  un  pression  constante  dans 
le  liquide. 

Le  manchon  du  frein  se  prolonge  en  dessous  par  deux  bras  sur  lesquels  sont  fixées 
deux  bielles  articulées  avec  une  traverse.  Dans  le  recul  cette  traverse  comprime  une  pile  de 


286  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    issu 

ressorts  Belleville  logés  dans  un  cylindre  horizontal  boulonné  sur  le  châssis  et  servant  de 
récupérateur  pour  le  retour  en  batterie. 

Le  pointage  en  hauteur  est  donné  par  un  volant  qui,  par  l'intermédiaire  d'un  engrenage 
différentiel,  commande  une  vis  sans  fin  horizontale  dont  le  mouvement  est  communiqué  au 
tambour  du  balancier.  L'ensemble  du  balancier  et  de  la  pièce  est  ainsi  entraîné  et  s'incline 
à  mesure  qu'on  manœuvre  le  volant.  Une  graduation  en  degrés  est  tracée  sur  le  tourillon 
gauche  du  balancier. 

Pour  donner  le  pointage  en  direction  on  agit  sur  un  levier  de  manœuvre  et  on  l'ait 
tourner  l'équipage  autour  du  pivot  de  la  sellette.  Le  châssis  porte  sur  son  pourtour  une 
graduation  en  degrés. 

L'affût  à  frein  circulaire  permet  le  tir  de  0  à  00";  il  pèse  2,280  kilogrammes. 

Mortier  de  15  centimètres.  —  Le  mortier  de  l.'i  centimètres,  dont  la  construction  est  la 
même  que  celle  de  I'obusier,  pèse  437  kilogrammes.  11  porte  46  rayures  progressives  dont 
l'inclinaison  varie  de  I°30'  à  5°17'.  La  fermeture  de  culasse  est,  comme  celle  de  I'obusier,  à 
segments  hélicoïdaux.  Il  tire  les  mêmes  projectiles  de  32  kilogrammes,  à  la  charge  de  lke,500 
de  poudre  brune  prismatique  et  à  la  vitesse  de  200  mètres. 

Affût.  —  Le  mortier  de  15  centimètres,  destiné,  comme  I'obusier,  au  tir  plongeant  à 
bord  des  navires,  est  monté  sur  un  affût  à  balancier  présentant  extérieurement  une 
forme  semblable  à  celle  de  l'affût  précédent,  mais  disposé  d'une  manière  différente. 

Le  balancier  qui  supporte  la  pièce  tourne  autour  d'un  arbre  reposant  sur  deux  pa- 
liers venus  de  tonte  avec  le  châssis;  entre  l'arbre  et  le  balancier  est  interposé  un  fort 
manchon  en  caoutchouc  destiné  à  amortir  la  percussion  sur  la  plate-forme  de  tir.  Le 
balancier  se  prolonge  au-dessous  de  l'arbre  par  deux  bras. 

Deux  bielles  articulées  soutiennent  la  pièce  en  avant  des  tourillons;  la  première  est 
fixée  à  un  collier  porté  par  la  bouche  à  feu  ;  la  seconde  pivote  autour  de  l'axe  du  balancier. 

Le  balancier,  le  châssis  et  la  sellette  sont  en  acier. 

Le  recul  est  limité  par  un  frein  hydraulique  à  contre-tige  centrale,  dont  le  corps  de 
pompe  tourne  autour  de  deux  tourillons  qui  pénètrent  dans  des  évidements  pratiqués 
sur  les  bras  du  balancier.  La  tige  du  piston  est  invariablement  fixée  au  châssis;  un 
ressort  à  boudin  est  enroulé  autour  de  cette  tige  à  l'intérieur  du  corps  de  pompe  et 
sert  de  récupérateur  pour  le  retour  en  batterie. 

Le  châssis  repose  sur  la  sellette  par  l'intermédiaire  d'une  couronne  de  galets,  et  deux 
agrafes  s'opposent  au  soulèvement. 

Pour  pointer  en  hauteur  on  agit  sur  un  levier  qui  fait  tourner  la  bielle  d'appui 
de  la  pièce  autour  de  l'axe  du  balancier  et  entraine,  la  volée  du  mortier.  Une  vis  de 
frein  fixe  le  système  sous  l'angle  voulu,  d'après  les  indications  d'une  graduation  en  degrés 
inscrite  sur  la  sous-bande  du  côté  gauche. 

Le  pointage  en  direction  est  donné,  comme  pour  l'affût  d'obusicr,  par  un  levier  de 
manœuvre. 

Le  poids  de  l'affût  est  de  1,800  kilogrammes. 

Affût  de  côte  en  foule  pour  obusier  de  27  centimètres.  —  M.  Canet  a  construit  pour 
I'obusier  de  27  centimètres  un  affût  de  côte  en  fonte  qui  est  adopté  depuis  plusieurs  années 
par  le  Ministère  de  la  Guerre. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  2*7 

Le  système  comprend  trois  parties  :  l'affût  proprement  dit,  le  châssis  et  la  sellette. 

L'affût  porte  les  cylindres  de  frein  et  s'appuie  sur  le  châssis  par  des  glissières.  Ce 
frein  est  à  valve  tournante  système  Vavasseur-Canet  et  fonctionne  de  la  manière  suivante  : 
la  valve  placée  à  l'intérieur  de  la  tète  du  piston  peut  prendre  autour  de  la  tige  du 
piston  et  par  l'intermédiaire  de  deux  rainures  hélicoïdales  un  mouvement  de  rotation 
qui  modifie  la  section  de  l'orifice  d'écoulement  des  liquides  que  traverse  le  piston. 

Pour  modérer  la  vitesse  de  l'affût  pendant  la  rentrée  en  batterie,  on  a  disposé 
dans  l'axe  du  piston  une  soupape  qui  se  soulève  pendant  le  recul  pour  livrer  passage 
au  liquide  et  qui  se  ferme  pendant  le  retour  en  batterie,  de  manière  à  ne  laisser  au 
liquide  qu'un  passage  restreint  par  un  trou  ménagé  dans  la  tête  du  piston. 

Le  châssis  en  fonte  est  formé  de  deux  côtés  parallèles  réunis  par  des  entretoises 
et  terminés  par  une  base  circulaire  reposant  par  l'intermédiaire  d'une  couronne  de  galets 
sur  la  sellette.  Cette  sellette,  solidement  lixée,  porte  un  pivot  autour  duquel  le  châssis 
peut  tourner. 

Un  masque  en  acier  chromé  placé  en  avant  de  l'affût  protège  les  servants  de  la 
pièce. 

Le  pointage  en  hauteur  est  donné  par  la  manivelle  d'un  arbre  disposé  parallèle- 
ment aux  côtés  du  châssis  et  qui  actionne,  par  l'intermédiaire  de  roues  dentées,  un  arc  à 
crémaillère. 

Le  pointage  en  direction  s'obtient,  comme  dans  l'affût  du  canon  de  même  calibre, 
à  l'aide  d'une  chaîne  enroulée  autour  de  la  sellette  et  actionnée  par  une  vis  sans  fin  qu'on 
manœuvre  à  l'aide  de  deux  manivelles. 

Le  chargement  se  fait  mécaniquement  au  moyen  d'une  manivelle  et  d'un  système 
d'engrenage  permettant  d'amener  successivement  devant  l'ouverture  de  la  culasse  le 
projectile  et  la  charge  préalablement  placés  dans  un  porte-charge.  Des  ressorts  qui  se 
compriment  pendant  le  mouvement  descendant  de  celte  sorte  de  grue  diminuent  l'effort 
à  développer  pendant  le  chargement. 

Bien  que  les  poids  à  soulever  soient  très  considérables,  l'équilibre  est  si  bien  établi 
entre  les  divers  organes  qu'un  seul  homme  suffit  pour  pointer  soit  en  hauteur  soit  en 
direction. 

Le  recul  maximum  de  l'affût  est  de  0m,84.  Le  poids  total  de  l'équipage  est  d'environ 
2u  tonnes. 

V.  —  Canons  Canet  a.  tir  rapide. 

Les  canons  Canet  à  tir  rapide  sont  des  calibres  de  11)  centimètres,  12  centimètres 
et  15  centimètres.  Ils  occupent  aujourd'hui  une  place  importante  dans  l'armement  des 
navires  de  guerre,  qui  ont  à  se  défendre  contre  l'attaque  des  torpilleurs.  Il  s'écoule  en 
effet  un  temps  très  court  entre  le  moment  où  un  torpilleur  ennemi  est  signalé  et  celui  où 
il  peut  devenir  dangereux  ;  pour  éviter  un  désastre,  il  est  de  toute  nécessité  de  profiter 
de  ce  court  intervalle  pour  mettre  l'assaillant  hors  de  combat. 

C'est  dans  ce  but  qu'ont  été  construits  les  canons  rapides  de  petit  calibre  système 
Nordenfelt,  Hotchkiss,  Gardner,  etc.  .Mais  ces  bouches  à  feu,  très  efficaces  lorsqu'il  s'agis- 
sait de  lancer  une  grêle  de  projectiles  sur  les  anciens  torpilleurs,  qui  étaient  faiblement 
protégés,  sont  incapables  de  repousser  l'attaque  des  torpilleurs  modernes. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


Il  était  donc  nécessaire  de  créer  une  artillerie  à  tir  rapide  puissante  pouvant  lancer 
avec  une  grande  justesse  et  une  force  de  pénétration  suffisante  des  projectiles  capables  de 
mettre  un  torpilleur  hors  de  service. 

Les  canons  Canot  à  tir  rapide  qui  figuraient  à  l'Exposition  ont  48  calibres  de  lon- 


^1  - 


Canon  Cauet  de  1S  centimètres,  à  tir  rapide.  Manœuvre  électrique  de  l'affût. 


gueur.  Ils  sont  formés  simplement  d'un  tube  renforcé  par  une  jaquette  qui  s'appuie  contre 
un  épaulement  ménagé  près  de  la  tranche  arrière  ;  la  frette-tourillons  est  vissée  à  chaud 
sur  la  jaquette;  en  avant  des  tourillons  est  une  frette  conique  de  peu  de  longueur. 

Les  munitions  comprennent  des  cartouches  avec  douilles  en  laiton  embouti.  On  fait 
usage  de  la  poudre  sans  fumée  à  combustion  lente,  qui  fournit  une  pression  modérée  mais 
continue  et  des  vitesses  supérieures  à  800  mètres,  ne  fatigant  pas  le  matériel. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


289 


On  a  atteint,  dans  les  essais  faits  avec  le  canon  de  15  centimètres,  la  vitesse  initiale 
considérable  de  880  mètres. 

Les  canons  à  tir  rapide  lancent  des  obus  ordinaires  et  des  boulets  cylindriques  de 
rupture. 

Fermeture  de  culasse.  —  La  fermeture  de  culasse  est  la  fermeture  à  vis  française 
disposée  pour  effectuer  les  trois  mouvements  de  rotation,  de  recul  et  de  dégorgement  à 


Canon  Canet  de  10  centimètres,  à  tir  rapide. 


l'aide  d'un  simple  mouvement  de  levier  effectué  dans  un  même  sens  et  dans  un  même 
plan. 

La  vis  est  à  quatre  secteurs  interrompus  et  est  portée  par  un  volet  en  bronze  qui  se 
prolonge  par  une  console  dans  laquelle  est  pratiquée  une  rainure  longitudinale.  Elle 
porte  à  l'arrière,  logée  dans  une  cavité  circulaire,  une  pièce  présentant  trois  dents 
d'engrenage  conique  qui  engrènent  avec  un  pignon  calé  sur  un  pivot  relié  à  la  vis  et 
reposant  sur  la  console.  Ce  pivot  porte  également  un  coulisseau  rectangulaire  qui  glisse 
dans  la  rainure  longitudinale  de  la  console  et  un  levier  à  deux  branches,  la  grande 
branche  se  terminant  par  le  levier  de  manœuvre,  la  petite  branche  portant  un  galet  qui 
se  meut  dans  une  coulisse  horizontale  ménagée  sous  la  console  et  formée  de  deux  parties, 
une  circulaire  ayant  son  centre  sur  l'axe  du  pivot,  l'autre  rectiligne  oblique  par  rapport 
à  l'axe  de  la  pièce. 

Pour  ouvrir  la  culasse  on  tire  vivement  à  soi,  de  droite  à  gauche,  la  poignée  du  levier 
III  10 


290  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

de  manœuvre.  Le  pignon  engrenant  avec  les  dents  que  porte  lavis  fait  d'abord  tourner 
celle-ci  d'un  huitième  de  tour,  pendant  ce  temps  le  galet  parcourt  la  partie  circulaire  de  la 
coulisse;  l'effort  exercé  sur  le  levier  de  manœuvre  continuant,  la  poignée  force  le  cou- 
lisseau  du  pivot  à  se  déplacer  dans  sa  rainure,  tandis  que  le  galet  glisse  dans  sa  coulisse, 
et  la  vis  sort  du  volet;  quand  le  galet  est  arrivé  à  fond  de  course,  la  vis  et  le  volet  tournent 
ensemble  autour  du  boulon  de  charnière  qui  les  fixe  au  canon  et  la  culasse  est  ouverte. 

La  fermeture  s'opère  d'un  seul  mouvement  en  agissant  en  sens  inverse. 

La  mise  de  feu  des  canons  Canet  à  tir  rapide  peut  être  effectuée  avec  des  ('toupilles  à 
friction  ou  avec  des  étoupilles  électriques. 

L'étoupille  électrique  est  à  fil  de  platine.  Elle  est  vissée  dans  le  culot  de  la  gargousse 
et  comporte  un  tampon  obturateur  isolé  du  corps  métallique  par  une  enveloppe  en  bau- 
druche et  une  rondelle  en  caoutchouc. 

Sur  la  tranche  du  volet  sont  disposées  deux  bornes  d'attache  des  lits  électriques  enfer- 
més dans  un  conducteur  double  que  soutient  un  support  fixé  sur  la  tranche  du  canon. 
L'une  de  ces  bornes  est  simplement  vissée  dans  le  métal,  l'autre  est  isolée  et  communique 
avec  un  bouton  à  ressort  en  cuivre  qui  fait  saillie  à  l'intérieur  du  volet.  La  vis  est  traversée 
suivant  son  axe  par  une  aiguille  en  cuivre  isolée  par  des  bagues  en  ébonite  et  faisant 
légèrement  saillie  sur  la  tranche  antérieure.  Cette  aiguille,  poussée  par  un  ressort  à 
boudin,  est  par  son  extrémité  arrière  en  communication  électrique  avec  une  pièce  métal- 
lique isolée  en  saillie  sur  l'un  des  secteurs  lisses  de  lavis,  et  quand  lavis  est  poussée  à  fond 
elle  va  buter  contre  le  tampon  obturateur  de  l'étoupille.  Quand  le  1/8  de  tour  est  achevé, 
le  bouton  à  ressort  est  en  contact  avec  l'aiguille,  et  le  circuit  est  formé  par  l'intermédiaire 
du  métal  de  la  pièce  et  de  la  douille;  le  pointeur  n'a  plus  qu'à  agir  sur  un  ferme-circuit 
qu'il  tient  à  la  main  pour  faire  partir  le  coup. 

L'extraction  de  la  douille  vide  s'opère  à  l'aide  de  deux  grilles  logées  sur  les  côtés  de  la 
vis  dans  un  même  plan  diamétral.  Chacune  de  ces  griffes  pivote  autour  de  petits  tourillons 
logés  dans  la  vis  et  se  prolonge  vers  l'arrière  par  un  talon  qui  est  maintenu  soulevé  par 
un  ressort  à  boudin.  Quand  on  ferme  la  culasse,  les  griffes  s'écartent  pour  saisir  le  bour- 
relet de  la  douille  qu'elles  ramènent  ensuite  en  arrière  dans  le  mouvement  d'ouverture. 

Les  canons  à  tir  rapide  sont  montés  sur  des  affûts  en  acier,  à  recul  limité  et  retour 
automatique  en  batterie.  Ce  refour  est  obtenu  par  un  récupérateur  formé  de  deux  colonnes 
de  ressort  Bellevillc  et  actionné  par  un  plongeur  placé  dans  un  cylindre  central  où  se  rend 
le  liquide  refoulé  par  les  deux  corps  de  pompe  du  frein  hydraulique. 

Pour  le  pointage  en  hauteur,  l'appareil  mécanique  comporte  un  volant  actionnant,  par 
l'intermédiaire  d'un  engrenage  différentiel,  un  pignon  en  prise  avec  un  arc  denté  porté 
par  la  pièce. 

L'appareil  de  pointage  en  direction  se  compose  d'un  volant  actionnant  un  pignon  à 
arbre  vertical  qui,  par  l'intermédiaire  d'un  pignon  à  axe  horizontal,  engrène  avec  la 
crémaillère  placée  h  l'intérieur  du  châssis  de  l'affût. 

Le  pointage  du  canon  de  15  centimètres  peut  être  obtenu  électriquement  par  une  petite 
machine  électro-motrice  système  Krebs  qui  peut  faire  tourner  l'arbre  actionnant  le  pignon 
de  chacun  des  deux  appareils.  —  Il  faut  donc  deux  machines  électro-motrices. 

Les  appareils  mécaniques  et  électriques  de  pointage  en  direction  ne  marchent  pas  simul- 
tanément, et  on  a  disposé  à  la  partie  inférieure  du  châssis  un  levier  d'embrayage  qui  déplace 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  291 

le  long  de  son  axe  le  pignon  et  le  met  en  prise  soit  avec  l'appareil  électrique,  soit  avec  l'appa- 
reil mécanique. 

Les  machines  électromotrices  sont  actionnées  par  des  accumulateurs  Commelin-Desma- 
zures  au  zincatc  de  potasse.  La  rapidité  du  tir  du  canon  Canet  à  tir  rapide  est  de  12  coups  à 
la  minute  pour  le  calibre  de  10  et  de  12  centimètres,  et  de  8  coups  pour  le  calibre  de  15  centi- 
mètres. 

C'est  à  M.  Canet  que  l'on  doit  la  première  application  de  l'électricité  pour  la  manœuvre 
des  affûts. 

VI.  —  Tubes  lance-torpilles  canet 

M.  Canet  a  complété  son  système  d'artillerie  par  le  tube  lance-torpilles.  Cet  engin  est 
destiné  au  lancement  des  torpilles  automobiles  Whitehead  et  consiste  en  un  tube  de  bronze 
avec  rainure,  propre  à  guider  la  torpille,  et  fermeture  de  culasse  à  vis  à  filets  interrompus. 
Le  tube  est  porté  à  l'avant  par  une  fourche  à  tourillons  fixée  sur  un  pivot.  Autour  de  la 
crapaudine  de  ce  pivot  tourne,  pour  le  pointage  en  direction,  un  chariot  portant  l'écrou  du 
pointage  en  hauteur. 

Pour  charger  le  tube  on  bande  avec  un  levier  le  ressort  de  la  mise  de  feu,  on  ouvre  la 
porte,  on  introduit  la  torpille  que  l'on  arrête  dans  le  tube  par  un  verrou,  on  place  la  charge 
de  poudre  dans  le  godet  fixé  à  la  porte  et  on  ferme. 

Pour  la  mise  de  feu  on  agit  sur  un  levier  à  déclic  qui  produit  deux  mouvements  : 

1°  Il  fait  débander  le  ressort,  qui  actionne  par  transmission  le  verrou  et  le  marteau  du 
percuteur,  ce  qui  ne  peut  avoir  lieu  que  si  la  porte  est  bien  fermée; 

2°  Il  fait  éclipser  le  verrou  d'arrêt  de  la  torpille. 

La  torpille  poussée  par  les  gaz  de  la  charge  file  dans  le  tube  et  rencontre  un  loquet  qui 
ouvre  la  soupape  du  moteur. 

Le  déclenchement  des  organes  de  mise  de  feu  se  fait  électriquement. 

Pendant  le  tir  on  maintient  le  tube  par  des  palans  fixés  à  des  pitons  du  chariot  de  poin- 
tage en  direction. 

Les  tubes  lance- torpilles  sont  munis  d'ingénieux  appareils  d'optique  dont  l'usage  permet 
de  suivre  et  de  viser  avec  précision  les  buts  mobiles  qu'on  se  propose  d'atteindre. 

La  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  a  livré  récemment  au  gouverne- 
ment russe  plusieurs  tubes  lance-torpilles  dans  lesquels  on  peut  employer,  à  volonté,  pour 
projeter  la  torpille,  soit  la  poudre,  soit  l'air  comprime.  Dans  ce  dernier  cas  l'air  est  emma- 
gasiné dans  un  réservoir  aménagé  sous  le  tube  projecteur,  et  la  distribution  se  fait  par  le  jeu 
d'une  valve  convenablement  disposée. 

Bien  que  d'invention  toute  récente,  le  tube  lance-torpilles  Canet  a  déjà  fait  ses  preuves  à 
la  guerre  :  YAlmirante  Lynch,  bâtiment  chilien,  armé  de  cinq  de  ces  engins,  vient  en  effet  de 
couler  bas  le  Blanco  Encalada,  cuirassé  monté  par  les  insurgés,  en  lançant  contre  lui  une 
torpille  Whitehead  à  l'aide  d'un  tube  Canet  sorti  des  ateliers  du  Havre.  C'est  le  premier 
exemple  d'un  navire  coulé  par  une  torpille  automobile. 

Nous  avons  cru  devoir  exposer  avec  quelques  développements  les  principales  dispo- 
sitions du  matériel  d'artillerie  Canet,  afin  de  réagir  contre  ce  préjugé  trop  répandu  dans 
certains  pays  qu'il  ne  se  construit  de  bons  canons  qu'en  Angleterre  et  en  Allemagne.  A  cet 


292 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


égard  comme  sous  bien  d'autres  rapports,  l'Exposition  de  1889  aura  eu  pour  effet  de  mon- 
trer la  supériorité  de  l'industrie  française  sur  l'industrie  étrangère. 

Le  matériel  d'artillerie  Canet  marque  en  effet  un  progrès  sensible  sur  tout  ce  qui  a  été 
fait  jusqu'à  présent  en  artillerie.  Il  était  nécessaire  de  le  montrer  à  nos  visiteurs,  qui  ont 
d'ailleurs  rendu  pleine  justice  aux  efforts  de  la  Société  des  Forges  et  Chantiers,  en  déclarant 


4^- 


Tube  lance-torpilles  à  la  poudre,  système  Canet. 

que  les  canons  Canet  tenaient  à  l'Exposition  de  1889  la  place  qu'avaient  occupée  les  canons 
Krupp  à  l'Exposition  de  1867,  si  bien  que  dans  un  article  intitulé  «  Herr  Krupp's  French 
rivais  »  le  Times  a  pu  dire  que  la  Société  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  était 
l'adversaire  le  plus  redoutable  pour  le  célèbre  constructeur  d'Essen. 

C'est  une  revanche  de  l'industrie  française. 

Pour  terminer,  nous  donnerons  la  très  intéressante  nomenclature  de  la  production 
d'ensemble  des  divers  ateliers  et  usines  de  la  Société  : 


MATÉRIEL    D'ARTILLERIE 

BOUCHES  A  FEU 

2,076  canons,  parmi  lesquels  36  canons  de  32  centimètres  de  43  tonnes  et  14  canons  de 
27  centimètres  de  27  tonnes  pour  le  Gouvernement  français. 
2  canons  Canet  de  lo  et  de  24  centimètres,  commandés  par  l'usine  du  Creusot  pour 
essais  de  plaques  de  blindage. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  293 

12  canons  pour  la  Chine. 

12  canons  Canet  pour  le  Japon,  dont  3  canons  de  32  centimètres  de  66  tonnes. 

25  canons  Canet  pour  la  Grèce,  dont  9  canons  de  27  centimètres  de  35  tonnes,  destinés 

aux  cuirassés  en  construction  dans  les  chantiers  de  la  Compagnie. 
130  canons  pour  l'Espagne. 
10  canons  Canet  pour  le  Portugal  pour  l'armement  du  Massabi  et  du  Caeongo. 

5  canons  Canet  pour  Haïti.  Armement  du  Toussaint-Louverture. 

3  canons  pour  la  République  Dominicaine.  Armement  d'El  Présidente. 
14  canons  à  tir  rapide,  système  Nordenfelt. 

6  canons  automatiques  Eïaxim. 

24  canons  pour  le  Chili,  dont  4  de  24  centimètres. 
12  canons  pour  le  Maroc. 

1  canon  pour  Madagascar. 

6  canons  pour  le  Mexique. 

AFFUTS    ORDINAIRES   POUR  LE  SERVICE  A  TERRE   OU   A    BORD 

1,520  affûts  Canet  pour  le  Gouvernement  français,  dont  140  affûts  de  côte  de  24,  27  et 
32  centimètres. 
14  affûts  pour  la  Chine. 
14  affûts  pour  le  Japon.  Armement  de  YUnébi. 

5  affûts  pour  Haïti. 

28  affûts  pour  le  Portugal. 
130  affûts  pour  l'Espagne. 
21  affûts  pour  la  Grèce. 
16  affûts  pour  le  Chili. 

6  affûts  pour  le  Mexique. 
1  affût  pour  Madagascar. 

3  affûts  pour  le  Brésil. 
12  affûts  pour  le  Maroc. 

AFFUTS  DE  TOURELLE   A  MANOEUVRE  HYDRAULIQUE   POUR  CUIRASSÉS 
(Système  Canet  avec  chargement  central  dans  toutes  les  positions). 

4  attûts  et  tourelles  mobiles  pour  canons  de  27  centimètres,  des  canonnières  Achéron, 

Slyx,  Cocyle,  Phlégêton. 
4  affûts  et  tourelles  barbettes  pour  canons  de  3i  centimètres  du  cuirassé  français  le 

Marceau. 
4  affûts  de  tourelle  barbette  pour  canons  de  28  et  32  centimètres  du  cuirassé  espagnol 

le  Pelayo. 
3  affûts  de  tourelle  barbette  de  32  centimètres  pour  les  gardes-côtes  japonais  Matsushima, 

Itsukushima  et  Hashidate. 
8  affûts  et  tourelles  pour  6  canons  de  14  centimètres  et  2  de  19  centimètres  du  cuirassé 

français  Latouche-Tréville. 


294  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


4  affûts  de  tourelle  barbette  pour  canons  de  2't  centimètres  pour  le  cuirassé  chilien 
Capitan  l'rat. 

1  affût  de  tourelle  pour  canon  de  30  centimètres  et  demi  du  cuirassé  russe  Gangoute. 

AFFUTS  DE  TOURELLE   A  MANOEUVRE   A  VAPEUR    POUR    CUIRASSÉS 

3  affûts  de  tourelle  barbette  (système  Canet)  de  27  centimètres,  destinés  aux  cuirassés 
grecs. 

TUBES    LANCE-TORPILLES    CANET  A   LA    POUDRE 

85  tubes  lance-torpilles  Canet  pour  la  marine  française  :  TerribU,  Indomptable,  Hoche, 
Formidable,  Amiral-Baudin,  Cécille,  Sfax,  Requin,  Audacieux,  Agile. 

21  tulies  lance-torpilles  Canet  pour  le  Japon  :  Unébi,  Matsushima,  llsukuskima,  Hashidate, 
torpilleurs,  etc. 

2  tulies  lance-torpilles  Canet  pour  la  Turquie. 
2  tubes  lance-torpilles  Canet  pour  l'Angleterre. 

lu  tubes  lance-torpilles  Canet  pour  la  Roumanie  :  croiseur  Elisabetta,  torpilleurs  Naluca, 

Smeul  et  Sborul. 
6  tulies  lance-torpilles  Canet  pour  la  Russie  :  Amiral  Kornilow. 

2">  tubes  lance-torpilles  Canet  pour  le  Chili  :  Almirante  Cochrane,  Capitan  Prat,  Présidente 
Erracquis,  etc. 
4  tubes  lance-torpilles  Canet  pour  la  Grèce  :  cuirassés  Spetzia  et  Psara. 

1  tube  lance-torpilles  Canet  pour  le  Portugal. 

2  tubes  lance-torpilles  Canet  pour  la  Norvège  :  croiseur  Viking. 


101 

Soit  environ  : 

2,000  bouches  à  l'eu. 

1,800  affûts  de  toute  sorte  pour  le  service  à  bord  et  à  terre. 
100  tubes  lance -torpilles. 

La  valeur  des  commandes  de  matériel  de  guerre  reçues  par  la  Société  des  Forges  et 
Chantiers  de  la  Méditerranée  depuis  la  création  du  service  d'artillerie  se  monte  à  près  de 
50  millions. 

En  résumé,  la  Société  anonyme  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée  a  construit, 
depuis  1855,  plus  de  500,000  chevaux-vapeur. 

L'importance  seulr  de  sis  constructions  maritimes,  sans  tenir  compte  de  la  batellerie 
et  du  matériel  flottant  auxiliaire,  dépasse  déjà  450,000  chevaux-vapeur. 

Elle  a  livré  aux  marines  françaises  et  étrangères  : 

230  bâtiments  armés,  de  plus  de  195,000  chevaux-vapeur; 
53  machines  marines  d'une  puissance  totale  supérieure  à  100,001»  chevaux-vapeur. 

Au  commerce  maritime  : 

154  paquebots  d'une  puissance  totale  de  135,000  chevaux-vapeur. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE     18S9  ^95 

Et  un  grand  nombre  d'appareils  à  vapeur  ou  évaporatoires  isolés. 
Comme  matériel  d'artillerie,  environ  : 

2,000  bouches  à  feu; 

1,600  affûts  de  toutes  sortes  pour  le  service  à  bord  et  à  terre; 
160  tubes  lance-torpilles. 


LA    COMPAGNIE   GENERALE   TRANSATLANTIQUE 

La  Compagnie  Générale  Transatlantique  a  depuis  longtemps  l'entreprise  du  transport 
des  passagers  et  des  dépêches  entre  le  Havre  et  New-York,  service  assuré  par  cinq  magni- 
fiques paquebots  qui  effectuent  la  traversée  en  sept  ou  huit  jours. 

Elle  possède  aussi  de  nombreuses  autres  lignes,  parmi  lesquelles  nous  citerons  celle  de 
Marseille  à  Alger,  qu'elle  obtint  par  adjudication  en  1880,  et  celles  du  Mexique  et  des 
Antilles. 

En  1861,  la  Compagnie  Générale  Transatlantique  succéda  à  la  Compagnie  Générale  Ma- 
ritime, qui  elle-même  datait  de  1855.  Grâce  à  l'initiative  de  MM.  Emile  et  Isaac  Pereire,  la 
Compagnie  Générale  Transatlantique  fut  bientôt  pourvue  de  magnifiques  navires  qui  reliaient 
la  France  par  des  services  réguliers  avec  presque  toutes  les  parties  du  monde.  Plus  tard, 
M.  Eugène  Pereire,  président  de  la  Compagnie,  lui  donna  encore  des  développements  plus 
considérables,  la  poussant  avec  ardeur  dans  la  voie  du  progrès  et  établissant  de  nouveaux 
services  rapides,  sans  oublier  de  compléter  et  d'accroître  dans  d'importantes  proportions  les 
ligues  en  exploitation.  Actuellement  les  navires  de  la  Compagnie  sillonnent  les  principales 
mers  du  globe,  et  la  puissance  de  sa  flotte  est  considérable.  En  effet,  la  jauge  totale  des  na- 
vires transatlantiques,  naviguant  en  1888,  était  de  150,063  tonnes  et  leur  force  de 
•141,950  chevaux-vapeur.  Depuis  elle  a  construit  et  mis  eu  chantiers  d'autres  transports:  la 
Touraine,  le  Maréchal- Bugeaud,  le  Duc-de-Bragance,  le  Tarn,  le  Calvados,  le  Gard,  la  VUle-de- 
Tunis,  la  Ville-d'Alger.  Ce  dernier  navire  fait  actuellement  ses  essais  à  Saint-Xazaire,  puis 
rejoindra  Marseille,  son  port  d'attache,  pour  prendre  son  service  entre  cette  ville  et 
l'Algérie. 

Cette  ligne  a  pour  la  France  une  importance  capitale,  en  raison  des  relations  de  {dus  en 
plus  étroites  entre  notre  grande  colonie  et  la  métropole.  Aussi  la  Compagnie  Générale  Trans- 
atlantique lui  a-t-elle  donné  une  très  grande  extension.  C'est  ainsi  qu'il  existe  environ 
vingt  départs  de  Marseille  par  semaine.  Ce  qui  occasionne  un  mouvement  continuel  sur  les 
pontons  d'embarquement,  qui  peuvent  être  comparés  à  nos  gares  de  chemins  de  fer  les  plus 
fréquentées.  Il  est  vrai  que  les  facilités  et  le  peu  de  durée  de  ce  voyage  contribuent  pour  une 
large  part  dans  cette  affluence  du  public.  En  effet,  la  traversée  de  Marseille  à  Alger  s'effec- 
tue en  vingt-deux  ou  vingt-trois  heures,  et  l'on  peut  se  rendre  de  Paris  en  Algérie  en 
quarante  et  une  ou  quarante-deux  heures.  Déplus,  le  prix  du  passage  n'est  que  de  100  francs, 
malgré  tout  le  confortable  que  la  Compagnie  procure  aux  voyageurs  sur  ses  navires. 

Ce  nouveau  paquebot,  la  Ville-d'Alger,  est  un  des  plus  rapides  et  des  plus  perfectionnés 


296 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


de  la  Compagnie.  Construit  sous  la  direction  et  d'après  les  plans  de  M.  Dayncar,  ingénieur 
en  chef  de  la  Compagnie,  dans  les  ateliers  et  chantiers  de  Penhoét,  il  est  muni  d'un  sys- 
tème de  soufflage  spécial  à  la  Compagnie  et  qui  constitue  un  très  grand  progrès.  Il  mesure 
108m,S0  de  longueur,  10m,90  de  largeur  et  8  mètres  de  creux;  sa  force  est  de  4,000  chevaux- 
vapeur  et  sa  vitesse  de  18  nœuds  à  l'heure.  Dans  ce  navire,  rien  n'a  été  négligé  pour  donner 
aux  passagers  le  confort  désirable.  On  y  trouve  des  chambres  de  luxe  pour  une  seule  per- 
sonne, des  chambres  de  famille  magnifiquement  aménagées,  des  salons,  enfin  la  lumière 
électrique. 

Nous  devons  mentionner  encore  un  autre  paquebot  de  cette  ligne,  le  premier  de  la  série, 
l'Eugène-Pereire.  Possédant,  comme  la  Ville-d 'Alger,  tout  ce  qui  peut  contribuer  au  bien-être 
et  à  l'agrément  des  voyageurs,  il  mesure  106m,50  de  longueur,  10m,70  de  largeur  et  8  mètres 
de  creux.  Sa  force  de  machine  développe  en  service  courant  3,500  chevaux  et  sa  vitesse  est 
de  17  à  18  nœuds  à  l'heure. 

Comme  on  le  voit,  la  Compagnie  Générale  Transatlantique  a  donné  à  la  ligne  de 

Marseille  à  Alger  une  ex- 
tension considérable,  et 
grâce  à  elle,  et  surtout 
aux  efforts  constants  de 
M.  Eugène  Pereire,  nous 
nous  trouvons  en  rap- 
ports journaliers,  faciles 
et  rapides,  avec  le  nord 
de  l'Afrique. 

Nos  lecteurs  se  rap- 
pellent sans  doute  en- 
core le  Panorama  que  la 
Compagnie  avait  établi 
au  Champ-de-Mars.  Ils  ont  évidemment  reconnu  la  haute  intelligence  qui  a  conçu  cette 
œuvre  et  la  valeur  des  artistes  qui  l'ont  illustrée  de  leurs  talents.  Là  on  a  pu  se  rendre 
compte  de  l'importance  des  services  maritimes  effectués  par  cette  Compagnie  et  des  progrès 
réalisés  dans  la  construction  de  sa  flotte.  Ce  Panorama  existe  toujours  et  les  visiteurs  y  sont 
encore  admis.  C'est  de  la  part  de  la  Compagnie  une  heureuse  inspiration  et  nous  ne  saurions 
trop  l'en  féliciter. 

La  Compagnie  Transatlantique  possède  une  flotte  de  tout  premier  ordre,  ainsi  qu'on  en 
peut  juger  par  rénumération  suivante  : 

1°  Sur  la  ligne  de  New-York:  la  Touraine  (12,000  chevaux!),  la  Champagne,  la  Bretagne, 
la  Bourgogne,  la  Gascogne  et  la  Normandie,  auxquelles  se  joindra  bientôt  la  Navarre  (provisoi- 
rement, tout  au  moins,  car  la  Navarre  est  destinée  aux  Antilles); 

2°  Sur  la  ligne  des  Antilles  :  le  Labrador,  le  Canada,  le  Saint-Laurent,  V Amérique,  la  France, 
le  Lafayette,  le  Saint-Germain,  le  Ferdinand-de-Lesseps  et  neuf  autres  paquebots  de  800  à 
4,000  chevaux  ; 

3°  Sur  la  ligne  rapide  d'Alger  :  l'Eugène-Pereire,  le  Due-de-Bra/janee,  le  Maréchal-Bugeaud, 
la  Ville-d' Alger  et  bientôt  le  Général-Clianzy; 

4°  Enfin,  sur  les  diverses  lignes  de  la  Méditerranée  :  Ylsaac-Pereire,  la  Ville-de-Brest,  la 


Le  Panorama  de  la  Compagnie  Transatlantique  au  Champ-de-Mars. 


l/C  Pavillon  des  industries  Ju  gaz, 


298  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Villede-Tunis,  la  Ville-de-Bordeaux,  la  Ville-de-Naples,  la  Ville-de-Rome,  VAbd-el-Kader,  le  Kléber, 
YAjaccio,  la  Cwwr  et  douze  autres  paquebots. 

Quant  au  service  côtier,  il  est  assuré  par  quinze  bateaux  de  divers  tonnages,  sans 
compter  les  remorqueurs,  etc.,  etc.  Au  total,  soixante-six  paquebots,  toujours  maintenus  en 
un  merveilleux  état  d'entretien  que  prouvent  précisément  leur  vitesse  constante  et  leur  con- 
fort permanent. 

Mais  il  ressort  de  cette  simple  statistique  un  argument  singulièrement  plus  important 
que  tous  ses  détails  intimes,  car  il  intéresse  le  pays  tout  entier. 

Les  bâtiments  affectés  au  service  de  la  Méditerranée  font  tous  les  transports  militaires 
entre  la  France,  l'Algérie  et  la  Tunisie,  et  peuvent  être  appelés  à  une  véritable  mission  de 
défense  nationale,  car  le  Ministère  de  la  Marine  compte  parmi  eux  plusieurs  éclaireurs. 

Quant  aux  paquebots  de  la  ligne  du  Havre  à  New-York,  ils  seraient  comptés  comme 
croiseurs  au  jour  de  la  mobilisation,  et  on  devine  les  services  qu'ils  rendraient  ainsi  au  gou- 
vernement français. 

En  cas  de  guerre,  la  tlotte  de  la  Compagnie  Transatlantique  deviendrait  donc  «  la  Hotte 
auxiliaire  »  de, l'Etat  et  se  trouverait  toute  prête  pour  transporter  cent  cinquante  mille 
hommes  et  trente  mille  chevaux  avec  l'artillerie,  le  matériel,  les  approvisionnements  et  les 
munitions. 

Tout  est  combiné,  tout  est  disposé  pour  cela.  Et  le  même  ordre  parti  de  Paris  suffirait 
pour  faire  exécuter  dans  tous  les  ports,  à  la  même  heure,  la  même  consigne. 

Le  gouvernement  en  a  déjà  fait  l'expérience  pour  le  Mexique,  la  Tunisie  et  le  Tonkin. 

C'est  ainsi  que,  moyennant  une  subvention  relativement  minime, l'État  s'assure  à  toute 
heure  le  concours  immédiat  d'une  Hotte  de  177,000. chevaux,  flotte  toujours  prête,  dont  les 
officiers  et  les  matelots  sont  admirablement  instruits;  tlotte  splendide,  exclusivement  com- 
posée de  vapeurs  rapides,  et  dont  l'entretien  coûterait,  en  temps  de  paix,  beaucoup  plus 
cher  au  Ministère  de  la  Marine;  d'ailleurs,  ce  ministère,  n'en  ayant  pas  l'emploi  constant, 
serait  dans  l'impossibilité  de  la  maintenir  en  bon  état. 

Avec  la  Compagnie  Transatlantique  nous  n'avons  donc  pas  seulement  une  flotte  postale 
et  commerciale  en  progression  constante  :  nous  avons  aussi  et  surtout,  au  cas  de  guerre, 
une  flotte  nationale  de  transports,  un  auxiliaire  toujours  entretenu  et  toujours  prêt,  une 
puissance  latente,  incontestable  et  incontestée. 

Et  dans  ces  temps  difficiles  de  surprises  soudaines  et  de  commotions  immédiates,  où 
l'avenir  est  à  celui  qui  frappe  le  premier,  ce  rôle  de  la  Compagnie  Transatlantique  doit  tout 
dominer. 

Rappelons,  en  terminant,  que  la  Compagnie  générale  Transatlantique  a  obtenu  le 
grand  prix  à  l'Exposition  Universelle. 


APPAREILS  AUXILIAIRES   DE   LA   NAVIGATION 

Nous  ne  pouvons  nous  étendre  beaucoup  ici,  à  cause  de  leur  caractère  trop  technique, 
sur  les  appareils  auxiliaires  des  marines  militaire  et  de  commerce,  qui  figuraient  sur 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    HE   1889 


290 


la  berge  du  quai  d'Orsay;  nous  nous  bornerons  à  citer  les  principaux  appareils  exposés 
par  les  grandes  maisons. 

La  maison  Farcot,  de  Saint-Ouen,  exposait  :  1°  des  pompes  différentielles  à  double 
sifflet,  refoulant  l'eau  dans  une  presse  dont  la  pression  est  de  55  kilogrammes  par 
centimètre  carré;  elles  sont  munies  d'un  tiroir  régulateur,  d'un  modérateur  à  boules, 
et  enfin  d'un  compensateur-régulateur,  qui  permet  de  ne  pas  arrêter  le  service  des 
machines,  mais  seulement  de  le  ralentir  un  peu,  si  l'eau  fournie  par  les  pompes  devient 
un  instant  insuffisante;  2°  un  appareil  pour  la  manœuvre  hydraulique  de  la  culasse; 
3°  enfin  deux  treuils  servo-moteurs.  On  sait  que  le  servo-moteur,  inventé  en  1878 
par  M.  J.  Farcot,  est  un  engin  régulateur,  une  sorte  de  frein  autonome,  à  l'aide  duquel 
on  peut  diriger  et  retenir  d'une  façon  prompte  et  sûre  les  moteurs  les  plus  puis- 
sants. 

MM.  Gaillard  frères,  du  Havre,  nous  montraient  un  cabestan  hydraulique  et  un 
tiroir  compensé  de  leur  invention,  d'une  grande  simplicité,  et  qui  a  donné  en  pratique 
d'excellents  résultats.  Ils  exposaient  encore  une  machine  à  gouverner,  dans  laquelle  un 
servo-moteur,    appliqué   à  la 


Treuils  de  marine  de  la  Maison  Stapfer  de  Duclos  et  C". 


barre  du  gouvernail,  l'oblige  à 
suivre  instantanément  le  mou- 
vement donné  par  la  main  à  la 
manivelle  de  distribution  de  la 
machine. 

Des  servo-moteurs  appli- 
qués aux  gouvernails  et  pour 
hisser  des  embarcations  ou  des 
projectiles  étaient  encore  mon- 
trés par  MM.  Stapfer  de  Duclos 
et  Cie,  de  Marseille. 

Le  nom  de  cette  maison  se 
lit  aujourd'hui  sur  tous  les  treuils  et  machines  à  gouverner  les  paquebots  français;  sa 
production  annuelle  a  une  valeur  d'un  million  de  francs.  Son  treuil  silencieux  a  friction 
centrale  qui  figurait  dans  la  classe  65  et  son  manipulateur  hydraulique,  qui  permet,  au 
moyen  de  simples  tuyaux,  de  commander,  depuis  la  passerelle,  les  machines  à  gouverner 
placées  à  l'arrière  ou  dans  les  fonds  du  navire,  ont  été  très  remarqués. 

Les  ateliers  Fraissinet,  de  Marseille,  dont  le  directeur  actuel  est  M.  Jules  d'Allest, 
nous  montraient  deux  chaudières  pour  navires  :  l'une  multitubulaire,  à  retour  de  flamme; 
l'autre  à  combustion  sous  pression  pour  bateau  sous-marin;  enfin,  un  appareil  de 
chauffage  au  pétrole  pour  torpilleurs. 

Les  générateurs  Belleville,  que  nous  retrouverons  dans  la  classe  LXII,  et  qui  sont 
répandus  partout,  ne  pouvaient  non  plus  manquer  de  figurer  dans  la  présente  classe.  Les 
nouveaux  générateurs  de  cette  maison  peuvent  être  alimentés  à  l'eau  de  mer. 

.    Des   treuils,    guindeaux,    monte-escarbilles   et    des  servo-moteurs    figuraient  dans 
l'exposition  de  M.  Bossière,  du  Havre. 

Les  cabestans  de  marine,  que  nous  avons  précédemment;  cités,  sont  des  treuils 
verticaux  manœuvres  le  plus  souvent  au  moyen  de  barres  horizontales,  et  dont  l'un 


200  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1889 

des  principaux  usages  consiste  à  dérâper  les  navires,  ou,  si  l'on  aime  mieux,  à  déta- 
cher l'ancre  du  fond  dans  lequel  elle  est  fixée. 

Les  ateliers  de  M.  Satre  nous  montraient  un  modèle  de  machine  à  triple  expansion, 
de  2,500  chevaux  de  force,  disposée  de  manière  à  faire  mouvoir  un  globe  terrestre  d'un 
mètre  de  diamètre.  La  distribution,  très  simple,  est  du  système  Klùg. 

M.  J.  Durenne  exposait  des  dessins  et  modèles  d'embarcations  à  vapeur,  des  hélices 
et  un  compresseur  d'air,  du  système  Krebs,  en  usage  au  corps  des  sapeurs-pompiers  de 
Paris,  pour  feux  de  caves,  etc. 

M.  Arsène  Sue  exposait  son  crapaud  roulant,  que  nous  décrirons  dans  la  classe  63,  et 
qui  sert  à  déplacer  les  fardeaux  ;  il  montrait  aussi  un  fer  roulant  avec  billes  guidées, 
sans  essieux,  pour  mettre  à  l'eau  et  haler  à  sec  les  embarcations. 

La  maison  Geneste,  Herscher  et  Cie  exposait  ses  fours  de  bord,  une  étuve  à  vapeur 
pour  la  désinfection  à  bord,  des  ventilateurs  Ser,  etc. 

M.  Eugène  Blanc  exposait  un  microphone  prévenant  les  collisions  en  mer,  et  des 
horloges  marines;  des  maréographes  et  un  fluviographe  étaient  exposés  par  MM.  Château. 
Ce  dernier  appareil  est  constitué  par  un  cylindre  faisant  un  tour  en  deux  mois,  et  qui 
enregistre  les  niveaux  d'amont  et  d'aval  des  écluses  et  celui  des  crues. 

La  maison  Turlot  exposait  de  nombreux  échantillons  de  chaines-càbles,  d'ancres,  de 
grappins  et  de  clous  pour  la  marine. 

Les  plus  grosses  ancres  et  chaînes  de  l'Exposition  étaient  exposées  par  l'établisse- 
ment national  de  Guérigny-la-Chaussade;  les  ancres  pesaient  6,000  kilogrammes,  avec  un 
maillon  de  chaîne  de  72  millimètres  de  diamètre. 

M.  Jacquemier  exposait  un  intégromètre  appliqué  à  l'indicateur  de  Watt,  un  intégro- 
mètre  indiquant  la  force  d'une  machine  en  chevaux,  un  cinémomètre  muni  d'une  trans- 
mission électrique  synchrone,  et  un  autre  appliqué  au  loch  à  hélice. 

Le  cinémomètre  est  le  nom  donné  à  un  instrument  qui  fournit  continuellement  l'indi- 
cation de  la  vitesse  de  rotation  d'une  machine,  sans  employer  la  force  centrifuge,  et  au 
moyen  de  la  mesure  directe  de  chemin  parcouru  par  l'arbre  de  la  machine  pendant  un 
temps  déterminé. 

La  «  Société  générale  des  peintures  sous-marines  »  exposait  ses  produits  et  les  diffé- 
rentes sortes  de  peinture  que  l'on  emploie  pour  les  œuvres  vives  et  la  flottaison,  selon 
qu'il  s'agit  de  la  premjère  ou  de  la  seconde  couche. 

On  doit  encore  citer,  comme  appareils  auxiliaires  de  marine  exposés ,  de  superbes 
modèles  de  la  machine  à  triple  expansion,  de  l'hélice  et  de  la  butée  du  paquebot  Portugal, 
présentés  par  la  Compagnie  des  Messageries  maritimes;  la  même  Société  nous  montrait 
encore  un  modèle  d'ancre  sans  jas  de  3,800  kilogrammes,  adopté  sur  tous  les  paquebots 
de  la  Compagnie,  un  modèle  d'embarcation  sur  ses  porte-manteaux  à  bascule,  le  joint 
universel  de  la  ligne  d'arbre  du  paquebot  Australien,  et  enfin  un  arrière  de  navire  indi- 
quant le  principe  de  transmission  adopté  pour  les  drosses  du  gouvernail,  c'est-à-dire  pour 
le  dispositif  permettant  sa  manœuvre. 

Pour  nous  résumer,  l'aménagement  des  navires,  au  point  de  vue  mécanique,  a  atteint, 
ii  l'époque  actuelle,  un  haut  degré  de  perfection.  Les  bras  d'homme,  trop  coûteux  et  trop 
lents,  sont  remplacés  par  des  machines  spéciales  opérant  à  la  vapeur,  avec  puissance, 
précision,  vitesse  et  économie.  Aussi  les  navires  actuels,  qu'ils  soient  militaires  ou  de 


s 


302  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


commerce,  voire  même  de  plaisance,  possèdent-ils  à  leur  bord  un  outillage  qui  leur  permet 
d'économiser  du  temps  et  de  l'argent. 

C'est  avec  une  satisfaction  louable  que  nous  avons  pu  constater,  à  l'Exposition  de  1889, 
que,  malgré  la  vieille  réputation  des  constructeurs  anglais,  ceux  de  France  étaient  réel- 
lement à  la  hauteur  du  progrès  moderne. 

Cartes  marines.  —  Quelques  cartes  figuraient  dans  la  classe  que  nous  étudions. 

Celles  de  M.  R.  Vuillaume,  directeur  du  journal  si  connu  le  Yacht,  sont  spéciales  à 
la  navigation  intérieure;  elles  relatent  les  voies  navigables  de  l'est  et  du  nord  de  la 
France,  et  sont -à  l'échelle  de  1/50.000,  et  répondent  bien  au  but  que  leur  auteur  s'est 
proposé.  Elles  complètent  d'une  façon  intelligente  la  publication  si  utile  du  Manuel  des 
voies  navigables,  édité  par  le  Ministère  des  Travaux  publics. 

Dragves,  etc.  —  Les  ateliers  de  constructions  mécaniques  de  Lyon  et  d'Arles,  de  la 
maison  Henri  Satrc,  exposaient  plusieurs  modèles,  des  photographies  et  des  plans  des  divers 
bateaux,  dragues,  machines,  etc.,  qu'ils  ont  construits  pour  différents  pays. 

Les  dragues  méritent  une  mention  particulière.  Ce  sont  des  machines  flottantes  d'une 
très  grande  puissance,  que  l'industrie  actuelle  construit  pour  creuser  des  canaux  mari- 
times, enlever  des  bas-fonds,  etc.  Il  y  en  a  de  deux  types  principaux;  les  unes  déversant 
clans  des  bateaux  porteurs,  les  autres  dites  à  long  couloir.  L'extraction  se  fait  toujours  au 
moyen  d'une  chaîne  à  godets  mise  en  action  par  une  machine  à  vapeur,  et  dont  les  pots 
viennent  successivement  racler  les  fonds  où  ils  s'emplissent.  Une  chaîne  mise  en  action 
par  une  machine  à  vapeur  de  60  chevaux  peut  verser  45  godets  et  480  litres  de  déblais  à 
la  minute,  à  raison  de  7  tours  1/2  de  l'arbre  moteur  des  godets.  En  la  faisant  marcher 
chaque  jour  pendant  dix  heures,  on  peut  ainsi  enlever  théoriquement  2,880  mètres  cubes, 
mais  le  rendement  pratique  n'est  guère  que  de  1,800  mètres  cubes. 

Les  bateaux  porteurs  qui  reçoivent  les  matières  extraites  par  les  godets  sont  à  clapets 
ou  à  fond  fixe;  ceux  à  clapets  permettent  de  déverser  le  contenu  dans  des  eaux  plus  pro- 
fondes ou  en  pleine  mer;  ceux  à  fond  fixe  conduisent  les  déblais  à  la  rive,  où  un  débar- 
quement flottant  enlève  leur  contenu. 

Pour  les  dragues  à  long  couloir,  le  déversement  a  lieu,  non  plus  dans  des  bateaux 
ad  hoc.  mais  dans  un  tuyau  suspendu  à  des  haubans  en  fil  de  fer,  qui  conduit  les  déblais 
à  une  certaine  distance;  un  fort  courant  d'eau  envoyé  par  une  pompe  empêche  l'engor- 
gement de  ce  tuyau. 

Parmi  les  dragues  exposées  par  la  maison  Satre,  citons  celle  à  hélice,  de  300  chevaux 
de  force,  et  qui  mesure  40  mètres  de  long,  8  mètres  de  large  et  3"',50  de  creux,  et  une 
autre  de  .'il'", 54  de  long,  utilisée  sur  le  Nil,  en  Egypte. 

Une  drague  à  trémies,  c'est-à-dire  déchargeant  sur  le  rivage,  pouvait  se  voir  dans 
l'exposition  de  MM.  Fleming  et  Ferguson,  ainsi  que  des  photographies  de  la  drague 
Gladstone,  qui  porte  son  propre  propulseur  et  se  décharge  sur  les  chalands.  Une  autre 
drague,  Vêlez  Saréfield,  munie  de  quatre  machines  à  quadruple  expansion  d'un  nouveau 
système  et  d'une  puissance  collective  de  600  chevaux,  peut  draguer  §00  tonnes  à  l'heure, 
à  une  profondeur  de  9"',15;  ce  système  de  machines  à  quadruple  expansion  lait  gagner 
de  la  place  en  longueur,  l'ensemble  pèse  moins,  les  cylindres  sont  moins  élevés,  et  il  y  a 
moins  de  parties  frottantes  que  dans  les  systèmes  généralement  employés;  de  plus,  si 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1S89  303 


l'un  quelconque  des  cylindres  vient,  en  cas  d'avarie,  à  cesser  de  fonctionner,  la  machine  ne 
subit  pas  d'arrêt. 

Des  dragues  se  voyaient  encore  dans  l'exposition  de  MM.  W.  Simons  et  Cie;  elles  ont 
été  construites  pour  Belfast  (Irlande)  et  Melbourne  (Australie).  Ces  deux  dragues,  dont  les 
godets  sont  en  acier,  peuvent  draguer  600  et  1000  tonnes  à  l'heure;  elles  ont  réciproque- 
ment 56m,38  et  64  mètres  de  longueur;  toutes  deux  sont  éclairées  à  l'électricité,  ce  qui  leur 
permet  de  travailler  nuit  et  jour. 

Une  grue  flottante  de  50  tonnes,  construite  par  MM.  Hunter  et  Englisch,  était  exposée 
dans  la  section  anglaise,  avec  un  gros  canon  suspendu  à  l'extrémité  de  l'appareil. 

Les  dragues  maritimes  actuelles,  sont,  non  seulement  flottantes,  mais  automobiles; 
il  en  est  qui  ont  pu  traverser  l'Atlantique,  pour  se  rendre  à  Panama,  au  lieu  d'emploi;  elles 
portaient  alors,  outre  la  machine  dragueuse,  une  seconde  machine  actionnant  une  hélice. 
C'étaient  donc  de  véritables  navires. 

Appareils:  de  sauvetage.  —  Si  la  construction  des  navires  eux-mêmes  et  de  leurs  acces- 
soires est  de  plus  en  plus  perfectionnée,  et  de  telle  façon  que  les  accidents  de  personnes 
soient  de  moins  en  moins  à  craindre,  il  n'en  est  pas  moins  utile  d'avoir  à  sa  disposition  des 
appareils  spéciaux,  très  étudiés,  pour  sauver  les  malheureux  qui  n'ont  pu  éviter  un 
malheur. 

Les  appareils  de  sauvetage  sont  aujourd'hui  très  bien  conditionnés,  pas  assez  cepen- 
dant pour  toujours  réussir  à  atteindre  leur  but. 

Nous  allons  passer  succinctement  en  revue  les  plus  intéressants  parmi  ceux  qui  figu- 
raient dans  la  classe  65,  tant  pour  combattre  les  effets  du  feu  que  ceux  de  l'eau. 

Les  scaphandres,  que  tout  le  monde  connait,  exigent  surtout  un  soin  tout  particu- 
lier des  constructeurs,  car  malheur  à  celui  dont  le  scaphandre  viendrait  à  livrer  pas- 
sage à  l'eau  furieuse  ;  s'il  ne  prévient  pas  à  temps  pour  qu'on  le  remonte,  il  subit  le 
sort  de  la  victime  qu'il  vient  de  se  dévouer  à  sauver  ! 

La  difficulté  consiste  à  permettre  au  plongeur  de  respirer  suffisamment;  à  cet  effet, 
la  Manufacture  générale  de  caoutchouc  simple  et  durci  et  de  gutta-percha  exposait  une 
pompe  à  air  perfectionnée  pour  scaphandres;  elle  a  cinq  corps  de  pompe,  dont  trois  plus 
grands  refoulent  l'air  à  un  ou  plusieurs  plongeurs,  tandis  que  les  deux  autres  plus  petits 
rafraîchissent  les  corps  de  pompe  et  les  récipients  d'air  qui  alimentent  les  plongeurs. 

On  peut  transformer  cet  appareil  en  une  pompe  à  incendie,  en  ne  se  servant  que  des 
trois  corps  principaux.  Les  deux  volants,  en  fer,  peuvent  être  transformés  instantanément 
en  roues,  et  permettre  ainsi  à  un  seul  homme  de  transporter  rapidement  tout  le  sys- 
tème. 

La  même  maison  nous  montrait  encore  des  vêtements  en  amiante  pour  plongeurs  et 
mineurs,  des  appareils  à  feux  de  cale  ou  de  cave,  permettant  de  traverser  les  flammes  et  de 
respirer  dans  la  fumée.  Un  masque  en  mica  préserve  les  yeux,  et  ceux  qui  revêtent  ces  cos- 
tumes sont  alimentés  d'air  par  une  pompe  spéciale. 

La  Société  des  spécialités  mécaniques  exposait  des  appareils  respiratoires  pour  pom- 
piers et  professions  insalubres,  des  pompes  et  vêtements  pour  plongeurs,  etc. 

Le  descendeur  à  mouvement  de  va-et-vient,  en  usage  à  Paris,  dans  le  corps  des  sapeurs- 
pompiers,  était  représenté  par  un  modèle  de  frein  simple  à  lunette  permettant  de  l'appliquer 


304  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 

à  un  point  quelconque  de  la  corde,  et  un  modèle  de  frein  double  à  crochets  glissant  sur  la 
corde  qui  y  reste  emprisonnée. 

Les  descendeurs  Gugumus  et  A.  Evrard,  ce  dernier  automatique,  à  frein  régulateur  de 
vitesse,  méritent  au  moins  d'être  cités. 

Des  échelles  de  sauvetage  pour  incendie  figuraient  sur  le  quai.  On  y  voyait  l'échelle 
française  indépendante,  mécanique  et  articulée,  qui  se  manœuvre  en  quarante  secondes,  et 
dont  les  rampes  se  replient  (une  chaîne  mue  par  un  treuil  fait  monter  les  échelles  au  bout 
les  unes  des  autres)  ;  l'échelle  Gugumus,  pourvue  d'un  sac  cylindrique  pour  sauver  les  per- 
sonnes; l'échelle-ascenseur,  à  coulisse;  l'échelle  de  M.  Draulette,  etc. 

La  compagnie  de  Fives-Lille  exposait  une  pompe  à  incendie,  à  vapeur,  projetant  en 
même  temps  deux  jets  d'eau  cylindriques  de  23  et  de  30  millimètres,  ce  dernier  atteignant 
verticalement  40  mètres  de  hauteur;  cette  pompe  débite  2,000  litres  à  la  minute. 

D'autres  pompes  à  incendie  figuraient  dans  l'exposition  de  la  maison  Thirion;  la  plus 
puissante  débite  jusqu'à  4,800  litres  par  minute,  en  développant  80  chevaux  de  puissance. 

La«  Société  centrale  de  sauvetage  des  naufragés  »  exposait  un  grand  canot  de  sauve- 
tage avec  tout  son  armement.  Cette  société  a  pour  but  de  pourvoir  toutes  les  côtes  françaises 
d'engins  de  sauvetage  perfectionnés,  permettant  aux  populations  du  littoral  de  secourir  les 
naufragés,  dans  les  circonstances  les  plus  périlleuses.  En  1889,  elle  possédait  74  canots  de 
sauvetage  et  428  postes  de  porte-amarres;  elle  a  déjà  contribué  à  sauver  la  vie  à  5,368  per- 
sonnes, et  à  sauver  ou  secourir  762  navires.  C'est  une  entreprise  louable  à  tous  égards. 

Le  matériel  d'un  poste  de  secours  parisien  était  montré  par  la  «  Société  parisienne 
de  sauvetage  ». 

Des  canots  de  sauvetage  étaient  encore  présentés  par  la  «  Société  de  sauvetage  du 
Havre»;  l'un  d'eux  est  insubmersible, mesure 8m, 84  de  long,  2'", 21  de  large,  0m,79  de  creux, 
et  peut  porter  35  hommes  ;  l'autre  mesure  10m,37  de  long,  2m,52  de  large,  1  ra,06  de  creux,  et 
peut  porter  60  hommes. 

Enfin  terminons  avec  le  canot  et  le  radeau  de  sauvetage  combinés  qui  se  trouvaient  sur 
le  quai.  Ils  peuvent  être  lancés  à  la  mer,  du  pont  d'un  navire  et  sans  appareils,  dans  les 
cas  urgents. 

Eclairage.  —  En  fait  de  systèmes  d'éclairage  utilisés  dans  la  marine,  nous  devons  dire 
tout  d'abord  quelques  mots  du  système  de  projecteur  Mangin,  employé  pour  l'éclairage  des 
phares,  et  dont  un  modèle  monstre  a  été  construit  spécialement  pour  l'éclairage  de  la  tour 
Eiffel.  Ce  dernier  est  le  plus  grand  projecteur  construit  jusqu'à  ce  jour;  il  mesure  en  effet 
lm,50  de  diamètre,  alors  que  jusqu'ici  on  n'avait  pas  dépassé  la  dimension  de  0m,90.  Il  était 
nécessaire  de  construire  un  miroir  aplanétique  où  l'aberration  de  sphéricité  fût  nulle.  Par 
aberration  de  sphéricité,  on  entend  la  dispersion  des  rayons  lumineux,  due  à  la  sphéricité 
drs  verres  ou  des  miroirs  ;  elle  provient  de  ce  qu'un  verre  circulaire  ne  peut  faire  converger 
en  un  seul  point  tous  les  rayons  de  lumière  qui  le  traversent.  L'image  qui  se  produit,  n'étant 
pas  unique,  devient  alors  confuse.  On  obvie  à  cet  inconvénient  en  ramenant  le  faisceau  de 
rayons  en  un  même  point,  par  la  multiplicité  des  lentilles,  qui  compensent  leurs  différences 
de  pouvoir  réfrigérant,  et  en  diminuant  le  diamètre  des  ouvertures. 

Dans  le  miroir  aplanétique  dont  nous  nous  occupons  ici,  tous  les  rayons  lumineux 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  305 

parallèles  se  réfléchissant  sur  cette  surface  concourent  rigoureusement  en  un  point  de 
moins  d'un  millimètre  de  largeur. 

Le  pouvoir  amplificateur  de  cet  appareil  est  de  5,625  pour  une  lampe  de  150  ampères  ; 
le  foyer  donnant  environ  11,000  carcels,  l'intensité  du  faisceau  est  de  près  de  60  millions  de 
carcels  ;  à  100  mètres  du  projecteur,  l'éclat  est  donc  celui  du  soleil. 

L'œil  juge  toutefois  mal  de  ces  intensités  puissantes,  n'étant  plus  affecté  proportionnel- 
lement à  l'augmentation  de  l'intensité.  C'est  à  grande  distance,  en  éclairant  des  objets 
éloignés,  qu'on  peut  s'en  rendre  compte,  comme  par  exemple  dans  les  phares. 

La  perfection  obtenue  par  ce  réflecteur  optique  est  absolue.  Dans  un  miroir  sphérique 
de  même  diamètre  et  de  même  distance  focale,  l'aberralion  de  sphéricité  rendrait  à  une 
distance  peu  considérable  la  lumière  diffuse  et  éparpillée.  Cependant,  à  quelques  centaines 
de  mètres,  il  serait  impossible  de  percevoir  une  différence  entre  les  deux  faisceaux,  l'un 
d'un  miroir  concave,  l'autre  d'un  miroir  aplanétique. 

La  maison  Sautter-Lemonnier  et  Cie  exposait  un  projecteur  Mangin,  de  60  centimètres 
de  diamètre,  dans  la  classe  LXV.  Elle  montrait  en  outre  un  modèle  du  phare  de  l'ileMona 
(Porto-Rico),  à  feu  fixe  blanc,  varié  avec  des  éclats  toutes  les  trois  minutes  ;  un  moteur  à 
arbre  central  avec  dynamo-triplex,  le  dernier  type  de  la  marine  française  ;  des  fanaux  élec- 
triques, des  feux  de  position  et  de  remorquage,  des  protecteurs  à  commande  directe  ou  à 
distance,  etc. 

On  voit  par  cette  énumération  que  l'électricité  a  pris  une  bonne  place  dans  l'éclairage 
maritime.  Mais  elle  n'est  pas  seule  employée,  car  la  «  Société  internationale  d'éclairage  par 
le  gaz  d'huile  »  offrait  une  importante  exposition  du  concurrent  des  lampes  à  incandescence 
et  à  arc. 

Cette  Société  nous  montrait,  entre  autres,  l'emploi  du  gaz  pour  l'éclairage  des  balises 
et  des  bouées. 

Les  balises  et  les  bouées  sont  des  pieux,  des  barils,  des  tonneaux  flottants,  ou  toute 
autre  marque  destinée  à  indiquer  des  écueils  sur  les  côtes,  ou  les  endroits  pas  assez  pro- 
fonds pour  les  bateaux,  dans  une  rivière.  Il  est  nécessaire,  la  nuit,  d'éclairer  ces  indicateurs 
si  utiles,  et  qui  évitent  bien  des  accidents. 

Parmi  les  lanternes  à  balises  exposées,  il  y  en  a  dont  la  portée  est  de  14  milles,  et  qui 
éclairent,  sans  avoir  besoin  d'être  renouvelées,  pendant  25  jours  ;  ces  lanternes  sont  à  feu 
scintillant  rouge,  et  consomment  50  litres  par  heure  et  par  balise  ;  il  y  en  a  même  dont  le 
feu  a  une  durée  ininterrompue  de  1 15  jours. 

La  même  Société  d'éclairage  au  gaz  exposait  encore  une  pompe  automotrice  à  vapeur 
pour  la  compression  du  gaz  des  fanaux  pour  feu  de  port,  etc. 

'  Métal  Delta.  —  Le  métal  Delta  est  un  nouvel  alliage  qui  a  fait  son  apparition  il  y  a 
quelques  années  seulement,  et  avec  lequel  on  exécute  une  foule  de  choses. 

Cet  alliage  est  constitué  par  55  parties  de  cuivre,  pour  41  de  zinc  et  4  parties  de  fer  et 
divers;  il  est  homogène,  très  résistant,  malléable  et  inoxydable;  il  se  coule,  se  forge  et 
s'estampe  à  chaud  dans  d'excellentes  conditions  ;  il  est  susceptible  de  subir  très  bien  les 
opérations  de  laminage,  étirage,  tréfilage,  martelage,  repoussage  et  emboutissage. 

Ces  différentes  qualités  recommandaient  le  métal  Delta  pour  la  marine.  La  «  Société  du 

III  20 


306  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

métal  Delta  »  exposait  un  canot  à  vapeur  entièrement  construit  avec  cet  alliage,  et  une 
série  d'objets  destinés  à  en  faire  voir  les  principales  applications  à  la  marine. 

Le  canot  exposé  mesurait  7m,50  de  long,  lm,50  de  large  et  0m,90  de  haut  ;  son  poids  est 
de  1,200  kilogrammes.  La  grande  résistance  de  l'alliage  employé  a  permis  de  réduire  le 
poids  de  la  coque  et  des  autres  organes. 

Des  hélices,  des  ancres,  des  chaînes  en  métal  Delta  étaient  également  exposées,  et  cet 
alliage  a  été  reconnu  comme  très  convenable  pour  le  doublage  des  navires  ;  aussi  a-t-il  été 
employé  pour  plusieurs  canots  démontables  naviguant  en  Afrique  centrale,  de  préférence 
à  l'acier,  car  les  coques  constituées  avec  ce  métal  s'oxydent  trop  rapidement. 

Le  métal  Delta,  grâce  au  brillant  qu'il  conserve  très  longtemps,  sans  grand  entretien, 
commence  aussi  à  se  répandre  dans  l'artillerie.  Sa  limite  d'élasticité  est  de  80  kilogrammes 
par  millimètre  carré,  alors  qu'elle  n'est  que  de  5  kilogrammes  pour  le  bronze  à  canon. 

Enfin,  terminons  avec  le  métal  Delta,  auquel  un  grand  avenir  semble  réservé,  en  signa- 
lant la  torpille  Légé,  constituée  entièrement  avec  cet  alliage,  et  qui  figurait  à  l'Exposition; 
elle  a  la  forme  d'un  poisson,  et  peut  passer  en  dessous  des  filets  Bullivant,  dont  les  cui- 
rassés s'entourent  pour  se  protéger  contre  les  torpilles  lorsqu'ils  sont  au  mouillage. 

Navigation  de  plaisance.  —  Après  avoir  parlé  de  la  note  triste,  la  marine  militaire,  qui 
augmente  toujours  ses  armements  dans  des  proportions  effrayantes,  si  l'on  envisageait  une 
guerre  sur  mer  dans  ces  conditions,  après  avoir  parlé  aussi  de  la  note  sérieuse,  la  marine 
de  commerce,  qui,  elle,  enrichit  les  nations  et  fait  connaître  entre  eux  les  peuples  éloignés, 
nous  allons  terminer  ce  qui  regarde  les  voyages  sur  l'élément  liquide  avec  la  note  gaie,  le 
yachting  ou  la  navigation  de  plaisance. 

Cette  dernière  était  largement  représentée  dans  la  classe  LXV. 

En  tète,  nous  devons  placer  la  participation  importante  du  «  Yacht-Club  de  France  », 
qui  nous  montrait  un  admirable  modèle  du  yacht  à  vapeur  l'Eros,  appartenant  au  baron 
Arthur  de  Rothschild.  Il  mesure  74  mètres  de  long  sur  8m,24  de  large,  avec  un  tirant  d'eau 
de  4m,60,  et  jauge  G33  tonneaux;  il  est  gréé  en  goélette;  sa  machine  est  forte  de  1,350  che- 
vaux et  lui  permet  de  réaliser  14  nœuds  à  l'heure. 

D'élégants  modèles  de  bateaux  étaient  encore  exposés  par  le  Cercle  nautique  de  France, 
le  Cercle  de  la  voile  de  Paris  et  le  Rowing-Club,  et  un  bateau  jaugeant  un  tonneau,  avec  sa 
voilure  complète,  par  M.  Frébourg. 

Parmi  les  yachts  à  voiles  exposes  par  M.  Pérignon,  la  Mouquette  mérite  d'être  citée.  Un 
autre  yacht,  mais  à  vapeur,  le  Saint-Joseph,  se  voyait  dans  l'exposition  de  la  Société  des 
ateliers  et  chantiers  de  la  Loire;  il  appartient  à  la  République  d'Haïti. 

Des  canots  de  luxe,  l'un  en  style  Louis  XIV,  l'autre  en  style  Louis  XV,  étaient  présentés 
par  M.  Tellier. 

Le  nouveau  propulseur  a  palettes  de  M.  Eugène  Pombas  est  très  ingénieux,  en  ce  qu'il 
permet  à  la  personne  assise  sur  le  siège,  et  tournée  en  avant,  de  faire  avancer  le  bateau, 
en  imprimant,  avec  les  deux  poignées,  un  mouvement  d'avant  en  arrière  qui,  par  l'inter- 
médiaire des  manivelles  et  leviers  d'articulation,  transmet  l'impulsion  à  la  palette. 

Dans  la  section  suisse,  MM.  Escher,  Wyss  et  Cic  nous  présentaient  un  canot  pourvu 
d'un  moteur  actionné  par  de  la  vapeur  de  pétrole,  qui  donne  un  effet  utile  supérieur  à  la 
vapeur  d'eau.  Dans  ce  cas,  le  pétrole  est  également  employé  pour  chauffer  la  chaudière.  Ce 
système  a  donné  les  résultats  les  plus  satisfaisants. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  307 


LES  CHEMINS  DE  FER  EN  FRANCE 

L'industrie  des  chemins  de  fer,  dont  l'origine  remonte  à  peine  à  soixante  ans,  repré- 
sente, pour  la  France  seulement,  près  de  14  milliards  de  capitaux.  Elle  a  subi  bien  des  trans- 
formations, qu'il  serait  intéressant  de  pouvoir  suivre  dans  tous  leurs  détails,  mais  les 
quelques  pages  qui  nous  sont  accordées  pour  traiter  ce  sujet  nous  obligent  à  condenser  ce 
travail  et  à  ne  donner,  sans  appréciations  personnelles,  qu'un  aperçu  historique. 

Les  premiers  chemins  furent  en  bois  et  servirent  à  l'exploitation  des  forêts  situées  sur 
de  hautes  montagnes.  On  établissait  deux  longrines  inclinées  suivant  la  pente,  et  les  arbres 
glissaient  du  haut  en  bas.  Plus  tard  ces  bandes  longitudinales  furent  recouvertes  de  fonte 
ou  de  fer. 

Au  milieu  du  xvn°  siècle,  pour  soulager  les  chevaux  dans  les  exploitations  de  charbon 
de  terre,  on  plaça  sur  les  ornières  des  bandes  de  bois  parallèles,  que  plus  tard  on  remplaça 
par  des  bandes  saillantes,  dans  lesquelles  s'enchâssaient  les  roues.  Telle  est  l'origine  des 
rails.  En  1767,  on  commença  à  employer  la  fonte  seule,  à  la  place  du  bois  plaqué  de  métal  ; 
en  1805,  on  remplaça  les  bandes  de  fonte,  qui  étaient  trop  cassantes,  par  des  barres  de  fer; 
aujourd'hui  on  a  substitué  l'acier  au  fer. 

Le  Dr  Robison,  de  Glascow,  proposait  en  1759  l'emploi  de  la  vapeur  pour  mettre  en  mou- 
vement les  roues  d'un  chariot  ;  son  idée  ne  fut  pas  suivie  de  réalisation.  Dix  ans  après,  un 
Français,  nommé  Cugnot,  exécutait  à  Paris  un  chariot  mis  en  mouvement  par  deux  cylin- 
dres à  vapeur  à  simple  effet. 

Olivier  Evans,  en  1772,  proposait  de  substituer  la  vapeur  aux  chevaux  pour  la  traction 
des  voitures,  et  Watt,  en  1784,  prenait  un  brevet  en  Angleterre  pour  l'application  de  la 
vapeur  au  mouvement  des  voitures  ordinaires,  mais  ce  ne  fut  qu'en  1804  seulement  que 
l'ingénieur  Thevithick  réussit  à  faire  fonctionner  régulièrement  les  premières  machines 
locomotives  sur  le  railway  de  Merthyr-Tydvill,  dans  le  pays  de  Galles.  On  en  était  encore  à 
la  période  des  essais,  lorsqu'en  1825  l'ingénieur  français  Marc  Séguin  inventa  la  chaudière 
tubulaire,  et  en  1829  l'ingénieur  anglais  Robert  Stephenson  construisit  une  machine  à 
vapeur  plus  perfectionnée  que  celles  dont  on  se  servait  alors;  cette  machine  fut  essayée 
avec  succès.  La  traction  à  vapeur  était  trouvée,  et  le  15  septembre  1830  avait  lieu  en  Angle- 
terre l'inauguration  officielle  du  premier  chemin  de  fer  à  voyageurs.  Huit  locomotives  avaient 
été  attelées  au  train  qui  avait  emmené  de  Liverpool  à  Manchester  600  voyageurs,  parmi  les- 
quels le  duc  de  Wellington,  sir  Robert  Peel,  etc. 

C'est  au  26  février  1823  que  remonte  en  France  la  première  concession  de  chemin  de  fer, 
pour  l'exploitation  du  bassin  houiller  situé  entre  Andrézieux  et  Saint-Etienne.  Ce  chemin 
était  plutôt  un  chemin  industriel,  analogue  à  ceux  qui  desservent  les  mines,  qu'un  chemin 
de  fer  proprement  dit  ;  il  avait  une  étendue  de  23  kilomètres,  était  composé  d'ornières  en 
fonte,  et  la  traction  s'y  opérait  au  moyen  de  chevaux. 

Quelques  concessions,  peu  nombreuses,  exclusivement  affectées  au  transport  des  mar- 
chandises et  presque  toutes  destinées  à  mettre  des  centres  industriels  en  communication 

Nota.  —  Consulter  les  intéressants   ouvrages  de  M.  Aucoc,  ancien  président  de  section  au  Conseil  d'État,  et  de 
M.  Alfred  Picard,  inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées. 


308  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

avec  les  voies  navigables,  sont  accordées  de  1823  à  1832  :  Saint-Étienne  à  Lyon,  1826;  André- 
zieux  à  Roanne,  1828;  Épinal  au  canal  de  Bourgogne,  1830;  Toulouse  à  Montauban,  1831.  La 
traction  se  fait  par  chevaux. 

Pendant  cette  période  d'enfantement,  les  caractères  principaux  des  concessions  accor- 
dées sont  les  suivantes  :  perpétuité,  l'État  ne  se  réservant  pas  le  droit  de  reprise  éventuelle  ; 
concession,  par  simple  ordonnance  royale  ;  construction  aux  frais  des  concessionnaires, 
sans  prêt,  subvention  ni  garantie  de  l'État  ;  tarifs  réduits  à  un  prix  unique  pour  toutes  les 
marchandises;  capitaux  nécessaires  formés  par  l'émission  d'actions  à  l'exclusion  de  l'émis- 
sion d'obligations. 

C'est  en  juillet  1832  que.  la  Compagnie  concessionnaire  du  chemin  de  fer  de  Saint-Étienne 
à  Lyon  emploie  les  premiers  rails  en  fer  malléable  et  substitue  la  traction  par  locomotive  à 
la  traction  par  chevaux,  ajoutant  le  transport  des  voyageurs  au  transport  des  marchandises. 
C'est  donc  à  l'année  1832  que  l'on  doit  faire  remonter  la  création  des  chemins  de  fer  en 
France. 

A  partir  de  1833,  le  pouvoir  législatif  se  substitue  au  gouvernement  pour  la  déclaration 
d'utilité  publique  et  la  concession  de  toutes  les  lignes  de  quelque  importance.  Une  somme 
de  500,000  francs  est  mise,  par  la  loi  du  27  juin  1833,  à  la  disposition  du  Ministre  des  Tra- 
vaux Publics  pour  les  études  de  chemins  de  fer.  Les  concessions  perpétuelles  sont  remplacées 
par  les  concessions  temporaires,  avec  droit  pour  l'État  de  prendre  possession  des  chemins  à 
l'expiration  de  la  concession  ;  des  subsides  pécuniaires  sont  accordés  à  plusieurs  conces- 
sionnaires. 

Une  loi  du  9  juillet  1835  autorise  la  construction  d'un  chemin  de  fer  de  Paris  à  Saint- 
Germain,  qui  est  inauguré  le  24  août  1837. 

Cette  même  année  1837,  le  gouvernement  présente  à  la  Chambre  des  députés  les  projets 
de  lois  relatifs  à  la  concession  des  lignes  de  Paris  en  Belgique,  de  Paris  à  Tours,  de  Paris  à 
Rouen  et  au  Havre  et  de  Lyon  à  .Marseille.  La  question  est  vivement  discutée  de  savoir  s'il 
convient  d'abandonner  ces  travaux  à  l'initiative  privée,  ou  s'il  ne  faut  pas  les  réserver  à 
l'État.  Devant  les  hésitations  de  la  Chambre  des  députés  à  se  prononcer  dans  un  sens  ou 
dans  l'autre,  ces  projets  de  concessions  sont  ajournés.  En  1838,  diverses  concessions  sont 
faites  à  des  Compagnies  :  Strasbourg  à  Bàle,  Paris  à  la  mer  iRouen,  le  Havre,  Dieppe\ 
Paris  à  Orléans  avec  divers  embranchements,  Lille  à  Dunkerque.  Les  concessionnaires 
des  chemins  de  fer  de  Lille  à  Dunkerque  et  de  Paris  à  la  mer  renoncent,  dès  1839,  à  leur 
entreprise.  Viennent  ensuite  d'autres  concessions  :  16  octobre  1839,  chemin  de  fer  de  Mul- 
house à  Thann,  21  kilomètres;  1839  et  1840,  les  chemins  de  fer  de  Paris  à  Versailles,  rive 
droite  et  rive  gauche,  22  et  17  kilomètres;  1840,  Paris  à  Corbeil,  31  kilomètres;  Montpellier  à 
Cette,  27  kilomètres. 

La  Compagnie  d'Orléans,  fondée  infructueusement  en  1838,  se  reconstitue  en  1840, 
après  avoir  obtenu  que  sa  concession  soit  prorogée  de  soixante-dix  ans  à  quatre-vingt- 
dix-neuf  ans  et  que  l'État  lui  garantisse  un  intérêt  de  4  0/0  des  capitaux  engagés  dans  l'en- 
treprise; l'inauguration  de  ce  chemin  a  lieu  le  3  mai  1843  sur  un  parcours  de  123  kilo- 
mètres. 

Des  ruines  de  la  Compagnie  de  Paris  au  Havre  sort,  en  1840,  la  Compagnie  de  Rouen, 
avec  un  prêt  de  l'État;  l'inauguration  a  lieu  le  23  mai  1843  sur  un  parcours  de  137  kilo- 
mètres. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9  309 

Le  développement  des  chemins  de  fer  concédés,  ou  construits  par  l'Etat,  est,  à  la  fin  de 
1841,  de  883  kilomètres,  dont  573  kilomètres  livrés  à  l'exploitation.  Les  sommes  engagées 
s'élèvent  à  274  millions  ;  les  dépenses  effectuées,  à  179  millions. 

Les  difficultés  qu'éprouvent  les  Compagnies  à  se  constituer,  devant  le  peu  de  confiance 
qu'inspire  au  public  ce  nouveau  mode  de  transport,  amènent  les  Chambres  à  autoriser 
l'exécution  par  l'État  des  lignes  de  Montpellier  à  Nîmes,  de  Lille  et  de  Valenciennes  à  la 
frontière  de  Belgique  (loi  du  15  juillet  1840). 

La  loi  du  11  juin  1842  prescrit  l'établissement  des  grandes  lignes  du  réseau,  reliant  les 
différentes  parties  du  territoire  et  joignant  la  Capitale  aux  frontières.  Cette  loi  dispose  qu'il 
sera  établi  «  un  système  de  chemin  de  fer  se  dirigeant  de  Paris  sur  la  frontière  de  Belgique, 
par  Lille  et  Valenciennes  ;  sur  l'Angleterre,  par  un  ou  plusieurs  points  du  littoral  de  la 
Manche  à  déterminer  ultérieurement;  sur  la  frontière  d'Allemagne,  par  Nancy  et  Strasbourg  ; 
sur  la  Méditerranée  par  Lyon,  Marseille  et  Cette;  sur  la  frontière  d'Espagne,  par  Tours, 
Poitiers,  Angoulème,  Bordeaux  et  Bayonne;  sur  l'Océan,  par  Tours  et  Nantes;  sur  le  centre 
de  la  France,  par  Bourges.  On  y  ajoute  une  ligne  de  la  Méditerranée  au  Rhin  par  Lyon, 
Dijon  et  Mulhouse,  et  une  ligne  de  l'Océan  à  la  Méditerranée  par  Bordeaux,  Toulouse  et 
Marseille  ». 

D'après  cette  loi,  l'Etat,  avec  le  concours  des  départements  et  des  communes,  se  charge 
de  l'acquisition  des  terrains.  Les  terrassements,  les  ouvrages  d'art,  la  construction  des 
stations  et  des  maisons  de  garde  de  passage  à  niveau,  sont  exécutés  aux  frais  de  l'État. 
L'exploitation  est  réservée  à  des  Compagnies  fermières  qui  ont  à  fournir  la  voie  de  fer,  y 
compris  le  ballastage  et  le  matériel  d'exploitation,  et  qui  restent  chargées  de  l'entretien  et 
de  la  réparation  du  chemin.  Les  baux  passés  avec  les  Compagnies  doivent  être  approuvés 
par  une  loi  et  déterminent  la  durée  et  les  conditions  de  l'exploitation,  ainsi  que  le  tarif  des 
droits  à  percevoir.  A  l'expiration  des  baux,  la  valeur  de  la  voie  de  fer  et  du  matériel  doit 
être  remboursée,  à  dire  d'experts,  à  la  Compagnie  par  celle  qui  lui  succédera  ou  par  l'État. 
Un  crédit  de  125  millions  est  ouvert  à  l'État  pour  entreprendre  les  grandes  lignes  qui 
viennent  d'être  classées. 

La  loi  de  1842  donne  une  vive  impulsion  aux  travaux  de  chemins  de  fer.  —  En  1844, 
1845  et  1846,  les  lignes  d'Orléans  à  Bordeaux,  du  Centre,  de  Paris  à  Strasbourg,  de  Tours 
à  Nantes,  de  Paris  à  Rennes,  sont  entreprises  dans  les  conditions  de  cette  loi.  Celles  d'Avi- 
gnon à  Marseille,  d'Amiens  à  Boulogne,  de  Montereau  à  Troyes,  de  Paris  à  la  frontière  de 
Belgique,  de  Creil  à  Saint-Quentin,  de  Paris  à  Lyon,  de  Lyon  à  Avignon,  de  Bouen  à  Dieppe, 
de  Bordeaux  à  Cette,  sont  mises  pour  la  construction  et  l'exploitation  à  la  charge  des  con- 
cessionnaires. La  ligne  du  Nord,  concédée  en  1845,  rembourse  même  les  sommes  que  le 
Gouvernement  a  déjà  dépensées. 

La  disposition  de  la  loi  de  1842,  qui  impose  aux  départements  et  aux  communes 
une  contribution  aux  dépenses  d'expropriation,  soulève  de  si  nombreuses  réclamations 
qu'elle  est  abrogée  par  une  loi  du  19  juillet  1845. 

A  la  même  date,  la  Chambre  vote  la  loi  organique  sur  la  police  des  chemins  de  fer,  qui 
édicté  les  mesures  nécessaires  à  la  conservation  des  voies  ferrées  et  à  la  sûreté  de  la  circu- 
lation, ainsi  que  les  pénalités  encourues  par  les  concessionnaires  coupables  de  contraven- 
tion de  grande  voirie.  Un  règlement  d'administration  publique  du  15  novembre  1846 
complète  cette  loi. 


310  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

En  1848,  la  situation  compromise  d'un  certain  nombre  de  Compagnies,  dont  les  lignes 
sont  déjà  livrées  à  la  circulation,  est  encore  aggravée  par  un  projet  de  rachat  général. 

On  met  sous  séquestre  les  chemins  de  fer  de  Paris  à  Orléans,  de  Bordeaux  à  la  Teste, 
de  Marseille  à  Avignon  et  de  Paris  à  Sceaux;  le  Gouvernement  reprend  la  ligne  de  Paris  à 
Lyon,  propriété  d'une  Compagnie  aux  abois,  et  vient  en  aide  aux  Compagnies  d'Orléans  à 
Bordeaux  et  de  Tours  à  Nantes,  en  prolongeant  la  durée  de  leurs  concessions  et  en  les 
déchargeant  de  diverses  obligations  inscrites  dans  leurs  contrats  primitifs. 

Il  n'y  a  pas,  dans  cet  état  de  choses,  à  songer  à  constituer  des  Compagnies  nouvelles  ; 
aussi,  de  1848  à  1851,  une  seule  concession  est  faite,  celle  d'une  ligne  de  Paris  à  Bennes, 
dont  la  section  jusqu'à  Chartres  était  déjà  ouverte. 

Le  développement  du  réseau  d'intérêt  général  concédé,  ou  réservé  à  l'État,  qui  est  de 
4,704  kilomètres  à  la  un  de  1847,  ne  s'accroit  que  de  246  kilomètres;  l'État  doit  pourvoir  à  la 
construction  de  1,049  kilomètres  décrétés  et  non  concédés;  l'exploitation,  à  la  fin  de  1851, 
s'étend  de  1,832  kilomètres  à  3,554  kilomètres,  et  les  dépenses  de  construction  s'élèvent 
à  1,472  millions.  A  cette  même  époque,  l'Angleterre  compte  11,089  kilomètres  de  chemins 
de  fer. 

En  1852  le  régime  des  décrets  remplace  pour  une  large  part  le  régime  des  lois.  Le  Gou- 
vernement impérial  consolide  la  situation  des  Compagnies;  en  vue  d'obtenir  un  développe- 
ment considérable  des  travaux  de  chemins  de  fer,  il  relève  leur  crédit  en  portant  à  99  ans 
la  durée  des  concessions,  et  il  favorise  la  réunion,  la  fusion  de  ces  Compagnies,  afin  de 
constituer  des  sociétés  fortes  et  puissantes. 

On  voit  alors  se  former  les  trois  groupes  du  Nord,  de  Paris  à  Orléans  avec  prolonge- 
ments, et  de  Lyon  à  la  Méditerranée;  en  1853,  ceux  du  Midi  et  de  l'Est;  la  Compagnie  de 
Paris  à  Lyon  absorbe  plusieurs  petites  lignes.  En  1855,  se  constitue  la  nouvelle  ligne  de 
l'Ouest;  enfin,  en  1857,  les  Compagnies  de  Paris  à  Lyon  et  de  Lyon  à  la  Méditerranée  se 
réunissent  et  recueillent  une  partie  du  Grand  Central  concédé  en  1853. 

Le  nombre  des  Compagnies,  qui  s'élevait  à  33  en  1846,  tombe  successivement  à  24 
en  1855,  à  11  en  1857,  et  se  trouve  réduit  à  peu  près  à  6  en  1859.  La  fusion  des  Compagnies 
permet  d'imposer  des  lignes  onéreuses  aux  concessionnaires  des  lignes  rémunératrices, 
d'assurer  l'unité  du  service,  d'obtenir  l'uniformité  du  cahier  des  charges  et  d'unifier  le 
maximum  des  tarifs.  Des  concessions  nouvelles  portant  sur  3,684  kilomètres  sont  faites 
aux  diverses  Compagnies,  sans  subvention  ni  garantie  d'intérêt. 

A  la  fin  de  1858,  le  développement  des  chemins  de  fer  d'intérêt  général  concédés  défini- 
tivement ou  éventuellement,  et  celui  des  chemins  de  fer  industriels,  s'élève  à  16,081  kilo- 
mètres; l'exploitation,  à  8,770  kilomètres  ;  les  dépenses  faites  atteignent  4,124  millions. 

La  grande  étendue  des  lignes  secondaires  coûteuses  et  peu  productives,  dont  les 
Compagnies  avaient  accepté  la  concession  sans  subvention  ni  garantie  d'intérêt,  amène 
une  dépréciation  considérable  sur  les  valeurs  de  chemins  de  fer.  Les  Compagnies,  se  trou- 
vant aux  prises  avec  cette  crise  financière,  n'émettent  leurs  obligations  qu'à  des  conditions 
très  onéreuses.  Le  Gouvernement,  pour  leur  venir  en  aide  et  consolider  leur  crédit,  revient 
au  système  de  la  garantie  d'intérêt,  se  réservant  pour  des  cas  exceptionnels  d'intervenir, 
soit  au  moyen  de  subventions,  soit  au  moyen  de  travaux  payés  sur  les  fonds  du  Trésor. 

D'après  les  conventions  passées  avec  les  Compagnies,  ratifiées  par  la  loi  du  11  juin  1859, 
les  concessions  de  chaque  Compagnie  sont  divisées  au  point  de  vue  de  la  garantie  d'intérêts 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  311 

en  deux  groupes  distincts,  désignés  sous  les  noms  d'ancien  et  de  nouveau  réseau;  seules 
les  lignes  du  nouveau  réseau  jouissent  du  bénéfice  de  la  garantie  en  cas  d'insuffisance  de 
leurs  produits  nets.  Les  chemins  du  nouveau  réseau  étant,  en  général,  des  affluents  de  ceux 
de  l'ancien  réseau  et  leur  apportant  du  trafic,  on  fait  contribuer  l'ancien  réseau,  dans  une 
certaine  mesure,  à  l'exécution  et  à  l'exploitation  du  nouveau.  Le  produit  net  de  l'ancien 
réseau  dépassant  un  certain  chiffre  kilométrique  se  déverse  sur  le  nouveau  réseau  et  vient 
ainsi  diminuer  l'intérêt  garanti  par  l'État. 

Les  sommes  que  l'État  peut  être  appelé  à  verser,  à  titre  de  garant,  doivent  lui  être 
remboursées  avec  intérêts  à  4  0/0,  dès  que  les  produits  du  nouveau  réseau  ont  dépassé 
l'intérêt  garanti;  si,  à  l'expiration  de  la  concession,  l'État  est  créancier  de  la  Compagnie,  le 
montant  de  sa  créance  est  compensé,  jusqu'à  due  concurrence,  avec  la  somme  due  à  la 
Compagnie  pour  la  reprise  du  matériel.  L'origine  de  la  garantie  est  fixée  au  1er  janvier  1864 
pour  la  Compagnie  de  l'Est  et  au  1er  janvier  1865  pour  les  autres  Compagnies.— Les  Compa- 
gnies s'engagent  à  partager  avec  l'État,  à  partir  de  1872,  la  partie  de  leur  revenu  qui 
excéderait  un  chiffre  déterminé. 

La  création  d'un  réseau  complémentaire  est  indispensable,  mais  son  produit  devant 
être  peu  rémunérateur,  les  Compagnies  opposent  une  résistance  à  ces  nouvelles  conces- 
sions. Par  les  lois  du  1er  août  1860  et  2  juillet  1861,  le  Gouvernement  entreprend  la  cons- 
truction de  37  nouvelles  lignes  formant  1,709  kilomètres  en  attendant  qu'il  puisse  les 
concéder  aux  Compagnies  existantes  ou  à  de  nouvelles  Compagnies.  C'est  ainsi  que  se 
forment  la  Compagnie  des  Charentes  et  celle  de  la  Vendée. 

En  1863,  de  nouvelles  conventions  deviennent  nécessaires  pour  rectifier  certaines  erreurs 
commises  dans  les  conventions  de  1859  et  pour  donner  plus  d'extension  au  second  réseau. 
Des  conventions,  ratifiées  par  les  lois  et  décrets  des  1"  mai,  11  juin  et  6  juillet  1863,  aug- 
mentent le  montant  du  capital  ayant  droit  à  la  garantie  d'intérêts,  imposent  la  construction 
de  nouvelles  lignes,  mettant  à  la  charge  de  l'État  les  dépenses  d'infrastructure.  Le  Trésor 
ne  paye  les  dépenses  nouvelles  que  sous  la  forme  d'annuités. 

La  Compagnie  concessionnaire  des  clkemins  de  fer  d'Algérie,  concédés  en  1860,  ne 
pouvant  continuer  les  travaux  entrepris,  la  Compagnie  de  Paris  à  Lyon  et  à  la  Méditerranée 
se  charge  de  l'exécution  de  ces  lignes. 

En  1864,  constitution  des  Compagnies  d'Orléans  à  Châlons-sur-Marne  et  de  Lille  à  Valen- 
ciennes. 

La  loi  du  12  juillet  1865  crée  les  chemins  de  fer  d'intérêt  local  (1),  destinés  à  relier  des 
localités  secondaires  aux  grands  réseaux,  en  vue  de  chercher  les  produits  du  travail  natio- 
nal sur  les  lieux  mêmes  de  production  et  de  porter  aux  grandes  lignes  un  supplément  de 
trafic.  Le  Gouvernement  a  recours  pour  la  construction  de  ces  lignes  à  un  système  qui  fait 
converger  les  ressources  des  départements,  des  communes,  des  propriétaires  et  des  inté- 
ressés ;  il  n'intervient  que  pour  en  prononcer  la  déclaration  d'utilité  publique  et  en  auto- 
riser l'exécution. 

La  Compagnie  de  Paris  à  Lyon  et  à  la  Méditerranée  accepte  en  1867  la  rétrocession, 
avec  garantie  d'intérêt,  de  la  ligne  du  Rhône  au  Mont-Cenis  (partie  française  du  réseau 
du  chemin  de  fer  Victor-Emmanuel). 

(1)  M.  Noblemaire,  directeur  de  la  Compagnie  de  Paris  à  Lyon  et  a  la  Méditerranée,  vient  de  faire-  paraître  un 
volume  où  il  traite,  avec  sa  grande  compétence,  la  question  des  chemins  de  fer  départementaux. 


Histoire  du  Travail  et  il<~  Sciences  aulliropoloiîiqu* 


Palais  des  Arts  libéraux.  (La  lerre  culti\r.'. 


314  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

Les  conventions  de  1859  et  1863,  passées  avec  les  grandes  Compagnies,  subissent 
en  1868  et  1869  des  remaniements  importants,  sinon  dans  leur  principe,  du  moins  dans 
leurs  détails.  Des  concessions  nouvelles  sont  attribuées  à  ces  Compagnies  avec  des  sub- 
ventions représentant  en  général  les  dépenses  d'infrastructure  qui  sont  fournies  soit  en 
argent,  soit  sous  forme  de  travaux. 

La  répartition  des  lignes  entre  l'ancien  et  le  nouveau  réseau  est  modifiée,  de  manière 
a  éviter  les  détournements  de  l'une  sur  l'autre  au  détriment  de  la  garantie  d'intérêt. 
L'imputation  au  compte  de  premier  établissement,  pour  le  calcul  du  revenu  réservé  et  du 
revenu  garanti,  est  autorisée,  pendant  une  période  de  10  ans,  pour  les  dépenses  complé- 
mentaires concernant  l'augmentation  du  matériel  roulant,  l'extension  des  gares,  le  double- 
ment des  voies. 

La  loi  du  27  juillet  1870  restreint,  pour  la  déclaration  d'utilité  publique,  les  pouvoirs 
du  gouvernement,  qui  ne  peut  plus  qu'autoriser  la  construction  des  chemins  d'embran- 
chement ayant  moins  de  20  kilomètres. 

Le  développement  des  chemins  de  fer  d'intérêt  général  concédés  définitivement  ou 
éventuellement  et  celui  des  chemins  de  fer  industriels,  qui  était  de  16,081  kilomètres  à 
la  fin  de  1858,  s'élève  à  23,646  kilomètres  à  la  fin  de  1870;  l'exploitation  passe  de  8,770  kilo- 
mètres à  17,634  kilomètres;  les  dépenses  s'élèvent  de  4,124  millions  à  8,168  millions. 

Après  les  désastres  de  la  guerre  de  1870,  qui  nous  enlève  l'Alsace  et  une  partie  de  la 
Lorraine,  le  chemin  de  fer  de  l'Est,  par  le  traité  de  Francfort,  perd  840  kilomètres.  Le 
Gouvernement  conclut  avec  cette  Compagnie  une  convention,  ratifiée  par  la  loi  du 
17  juin  1873, qui  le  subroge  dans  ses  droits  sur  les  lignes  d'Alsace-Lorraine,  ainsi  que  dans 
ses  droits  pour  l'exploitation  des  chemins  de  fer  Guillaume-Luxembourg  ;  cette  subrogation 
est  consentie  moyennant  une  rente  de  20,500,000  francs,  représentant,  au  taux  de  l'emprunt 
du  2  juillet  1871,  l'indemnité  de  325  millions  payée  à  la  France  par  l'Allemagne  pour  prix 
de  la  cession  de  ces  lignes.  Cette  rente  doit  faire  retour  à  l'État  à  la  fin  de  la  concession 
de  la  Compagnie  de  l'Est.  La  Compagnie  reçoit,  en  outre,  la  concession  de  308  kilomètres. 

La  loi  du  23  mars  1874  transforme  en  concessions  définitives  des  concessions  éven- 
tuelles faites  en  1868  aux  Compagnies  d'Orléans,  de  Lyon,  du  Midi  et  des  Charcutes,  et 
autorise  la  mise  en  adjudication  de  deux  des  lignes  classées  en  1868,  ajoutant  ainsi  une 
longueur  de  677  kilomètres  au  réseau  des  chemins  de  fer  d'intérêt  général.  Cette  loi  généra- 
lisant une  disposition  insérée  dans  la  convention  de  1873  avec  la  Compagnie  de  l'Est  porte 
qu'en  cas  de  rachat  par  l'Etat,  les  Compagnies  pourront  demander  le  remboursement 
de  leurs  dépenses  de  premier  établissement  pour  les  chemins  concédés  depuis  moins  de 
15  ans. 

En  1875,  le  pouvoir  législatif  approuve  diverses  conventions  passées  par  le  Gouverne- 
ment avec  les  grandes  Compagnies,  à  l'exception  de  celle  d'Orléans.  Les  conventions 
portent  concession  de  2,250  kilomètres  environ.  Elles  stipulent  des  subventions,  soit  sous 
l'orme  de  travaux,  soit  sous  forme  de  versements,  payables  dans  les  conditions  prévues 
par  les  précédents  contrats  ;  elles  apportent  certains  remaniements  aux  règles  du  partage 
des  bénéfices  et  à  la  distribution  des  lignes  entre  l'ancien  et  le  nouveau  réseau,  et  renon- 
cent à  la  combinaison  du  réseau  spécial,  créé  en  1872,  pour  certaines  lignes  concédées  à 
la  Compagnie  du  Nord. 

La  loi  du  6  juillet  1875  autorise  la  création  du  chemin  de  fer  de  Picardie  et  Flandres 


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DiaqraTnmes 


Train  Z96Z  du  k  Juin  mS_Charae  675F' 
Vitesse  de  20  tolom.u5à  l'heure. 
Admission  35  S  VoJaher. 


Tram  LC  du  23  Novembre  1888 _(W  836Tm 
Vitesse  de  16  kilom1™5  (GO  Wagons) 
Admission  65  °lo. 


Ligne*  cUl   oùtc    "Jtsclu, 


Tram  13*2  du  12 Septembre  \WlJlatm150? 

Vitesse  de  ZlkW^i  l'heure 

Admission  ¥5°lo Rampe  de  5-5. 


Tram  950  du  22  Mai  1888 -Œaiye  550 H 
Vitesse  de  15  Mouilla  l'heure 
Admission  10°/o Rampe  de  lO^fa. 


Liane   du     oicU      absolu. 


fram  \lkZ  du  12  Septembre  1887_£fei .-  ^ô'F* 
-  se  de  Zl  talonna  l'heure 
Admission  5^5 


Tram  du  27  Mars  1888  _  CAarye  550  7™ 
;se  de  15  kilomn!s  a  l'heure 
Admission  13%  _  Rampe  de  lOE/m. 


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frain  1260  du  l?Mai  1889  -Charge  S00T 
DémaiTï    r  ir  Berlauaont    Y.  "■"."_ 
Admission  75  % -F  ttpt      Y:^/m 


LC  du  25  Novembre  mi -Charge  896  T1*3 
Dëmàrrage  de  Lens  i60  Wagons) 
.- [fission  82  % 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  319 

(réseau  Philippart),  celle  du  4  août  1875  concède  aux  Compagnies  du  Nord,  de  l'Est,  d'Or- 
léans et  de  Paris  à  Lyon  et  à  la  Méditerranée  syndiquées,  un  chemin  de  fer,  dit  de  Grande 
Ceinture  de  Paris,  appelé  à  rendre  de  grands  services  tant  au  point  de  vue  commercial 
qu'au  point  de  vue  stratégique  ;  il  comprend  88  kilomètres  de  lignes  nouvelles  et  emprunte 
pour  le  surplus  les  autres  lignes  déjà  établies. 

Les  Compagnies  de  chemins  de  fer  d'intérêt  général,  dont  le  nombre  était  à  peu  près 
réduit  à  6  en  1859,  s'élèvent,  en  dehors  des  6  grandes  Compagnies,  à  35,  sur  lesquelles 
8  seulement  ont  une  concession  supérieure  à  100  kilomètres  ;  le  développement  de  ces 
chemins  de  fer  et  celui  des  lignes  industrielles,  concédés  définitivement  ou  éventuellement, 
est  à  la  fin  de  1875  de  26,999  kilomètres,  dont  19,968  kilomètres  en  exploitation.  Les 
dépenses  s'élèvent  à  9,403  millions. 

Un  mouvement  très  considérable  se  produit  dans  le  sein  des  Conseils  Généraux  pour 
l'application  de  la  loi  sur  les  chemins  de  fer  d'intérêt  local;  les  concessions  s'élèvent  à  la 
fin  de  1875  à  4,382  kilomètres,  dont  1,804  sont  exploités. 

En  1871,  M.  Clément  Laurier  avait  voulu  rattacher  le  rachat  général  des  chemins  de  fer 
au  payement  de  l'indemnité  de  guerre;  en  1873,  des  députés  avaient  proposé  le  rachat  total 
à  l'occasion  de  la  reconstitution  du  réseau  de  l'Est.  En  1876,  le  rachat  par  l'État  devient  l'un 
des  principes  de  la  politique  financière  de  la  Chambre  des  députés;  à  cette  époque,  la  situa- 
tion de  la  Compagnie  des  Charentes  devenant  de  plus  en  plus  critique,  le  Gouvernement 
autorise  un  traité  de  fusion  entre  cette  Compagnie  et  celle  d'Orléans.  M.  Richard  Wad- 
dington,  rapporteur,  conclut  au  rejet  de  la  convention  et  au  vote  d'une  résolution  invitant 
le  Ministre  à  déposer,  dans  le  plus  bref  délai,  un  projet  de  loi  ayant  pour  objet  d'assurer  le 
service  des  lignes  comprises  dans  la  convention,  ainsi  que  le  service  de  celles  qui  les  com- 
plètent, soit  par  la  constitution  de  réseaux  distincts  et  indépendants,  soit  au  moyen  du 
rachat  par  l'État  et  de  l'exploitation  par  des  Compagnie  fermières.  À  la  suite  du  vote  émis 
par  la  Chambre  des  députés,  le  22  mars  1877,  le  Ministre  des  Travaux  publics  conclut  des 
conventions  avec  les  Compagnies  d'intérêt  général  des  Charentes,  de  la  Vendée,  de  Bressuire 
à  Poitiers,  de  Saint-Nazaire  au  Croisic,  d'Orléans  à  Ghâlons,  de  Clermont  à  Tulle,  et  avec  les 
Compagnies  d'intérêt  local  de  Poitiers  à  Saumur,  des  chemins  Nantais,  de  Maine-et-Loire  et 
d'Orléans  à  Rouen;  ces  conventions  portent  rachat  de  2,614  kilomètres,  moyennant  un  prix 
qui  fut  fixé  plus  tard  à  505  millions;  280  millions  pour  le  rachat  des  lignes  et  225  millions, 
y  compris  la  fourniture  du  matériel  roulant,  pour  mettre  les  lignes  rachetées  en  état  d'ex- 
ploitation. La  loi  approuvant  les  conventions  intervenues  entre  l'État  et  les  Compagnies  en 
souffrance  est  votée  le  11  mai  1878,  à  la  suite  d'une  déclaration  de  M.  de  Freycinet,  Ministre 
des  Travaux  publics,  se  prononçant  contre  le  rachat  total  des  chemins  de  fer  et  faisant  ses 
réserves  sur  le  principe  de  l'exploitation  par  l'État.  Telle  est  l'origine  du  réseau  de  l'État, 
organisé  par  deux  décrets  du  25  mai  1878,  donnant  à  cette  administration  une  existence 
presque  analogue  à  celle  des  Compagnies  concessionnaires. 

De  1878  à  1881,  plusieurs  lois  autorisent  le  rachat  par  l'État  de  14  nouvelles  lignes, 
comprenant  759  kilomètres  en  exploitation  et  840  kilomètres  en  construction. 

M.  de  Freycinet,  dans  son  rapport  du  12  janvier  1878  au  Président  de  la  République, 
évalue  à  plus  de  10,000  kilomètres  le  développement  des  lignes  à  ajouter  au  réseau  d'intérêt 
général.  La  loi  du  17  juillet  1879  porte  classement  de  8,826  kilomètres;  de  1879  à  1882  près 
de  3,200  kilomètres  sont  livres  à  l'exploitation. 


320  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 

La  loi  du  11  juin  1880  vient  modifier  celle  de  1865  sur  les  chemins  de  fer  d'intérêt 
local.  La  déclaration  d'utilité  publique  et  l'autorisation  d'exécution  sont  enlevées  au  pou- 
voir exécutif  et  attribuées  au  pouvoir  législatif;  la  subvention  en  capital,  qui  donnait  lieu 
à  des  spéculations,  est  remplacée  par  des  annuités. 

En  vue  de  donner  plus  d'importance  au  chemin  de  fer  de  l'État,  plusieurs  rapports 
sont  déposés  en  1879,  concluant  au  rachat  partiel  ou  total  du  réseau  d'Orléans.  La  Chambre 
des  députés  nomme,  le  9  juillet  1879,  une  Commission  de  33  membres,  chargée  d'étudier  le 
régime  des  chemins  de  fer;  cette  commission  se  divise  en  3  sous-commissions  :  la  première 
étudie  la  réforme  à  opérer  dans  la  législation  des  tarifs  ;  la  deuxième,  les  bases  du  rachat 
général  des  Compagnies  ;  la  troisième,  les  divers  modes  d'exploitation. 

La  deuxième  sous-commission  présente  un  rapport  proposant  le  rachat  total  de  la 
Compagnie  d'Orléans,  afin  de  faire  cesser  l'antagonisme  entre  cette  Compagnie  et  celle  de 
l'État,  et  d'assurer  l'exploitation  des  lignes  du  troisième  réseau  de  la  région. 

M.  Varroy,  Ministre  des  Travaux  publics  en  1880,  soumet  à  la  Chambre  une  convention 
portant  rachat,  moyennant  allocation  d'une  rente  annuelle  de  17,100,000  francs,  de  toutes 
les  lignes  situées  à  l'ouest  de  la  grande  artère  de  Paris  à  Bordeaux  et  fixant  les  règles  de 
partage  du  trafic  entre  les  itinéraires  concurrents.  M.  Baïhaut,  rapporteur  de  la  commission, 
conclut  au  rachat  total  de  la  concession  d'Orléans. 

La  première  et  la  troisième  sous-commissions  présentent,  à  la  même  époque,  des  rap- 
ports sur  les  tarifs  et  sur  les  différents  modes  d'exploitation. 

Le  projet  de  convention  présenté  par  M.  Varroy,  repoussé  par  la  commission  des  33, 
est  retiré  le  16  décembre  1880  par  M.  Sadi  Carnot,  Ministre  des  Travaux  publics.  M.  Varroy, 
chargé  de  nouveau  du  département  des  Travaux  Publics,  à  la  fin  de  1881,  cherche  à  conclure 
des  conventions  avec  les  Compagnies  dans  le  but  d'assurer  l'exécution  du  programme  des 
Travaux  publics  et  d'obtenir  l'abaissement  des  tarifs  de  la  grande  vitesse,  la  régularisation 
des  tarifs  généraux  et  spéciaux  de  petite  vitesse.  Le  22  mai  1882,  il  soumet  une  première 
convention  avec  la  Compagnie  d'Orléans  ;  la  commission  nommée  par  la  Chambre  repousse 
ce  projet.  Le  7  octobre  1882,  M.  Hérisson,  Ministre  des  Travaux  publics,  institue  une  com- 
mission extra-parlementaire  appelée  à  discuter  la  question  de  l'exploitation  par  l'État  ou  par 
l'industrie  privée,  à  élaborer  la  réforme  de  la  tarification,  à  établir  les  conditions  dans 
lesquelles  la  reprise  des  concessions  pourrait  s'effectuer.  Les  travaux  de  cette  commission 
ne  reçurent  aucune  consécration. 

Depuis  plusieurs  années  que  la  question  du  rachat  des  grandes  Compagnies  est  à 
l'ordre  du  jour,  les  chambres  de  commerce,  les  conseils  généraux,  les  tribunaux  de  com- 
merce, les  chambres  syndicales  ont  examiné  avec  le  plus  grand  soin  cette  question.  Sur 
66  chambres  de  commerce,  65  se  prononcent  contre,  une  seule  est  favorable  au  rachat,  mais 
elle  réclame  en  première  ligne  la  revision  des  tarifs  et  l'abaissement  des  taxes  ;  sur  46  con- 
seils généraux  qui  traitent  la  question,  tous  se  prononcent  contre  le  rachat  ;  sur  19  chambres 
syndicales  et  5  tribunaux  de  commerce  ayant  étudié  la  question,  pas  un  n'est  favorable  à 
l'idée  du  rachat.  Tous  refusent  de  substituer  un  régime  inconnu  et  peut-être  désastreux  à 
un  régime  imparfait,  mais  perfectible,  s'opposant  à  la  destruction  d'une  puissante  organi- 
sation et  aux  conséquences  d'un  emprunt  pour  rembourser  les  compagnies  dépossédées. 

Le  cabinet,  présidé  par  M.  Ferry,  désireux  de  mettre  fin  à  une  situation  incertaine  et 
très  préjudiciable  à  l'intérêt  public  et  au  crédit  de  l'État  et  des  grandes  compagnies,  porte, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  321 

le  22  février  1883,  devant  les  Chambres  la  déclaration  ministérielle  annonçant  «  l'ouverture 
de  négociations  avec  les  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer,  dans  le  ferme  espoir  qu'il 
en  sortira  des  conventions  équitables,  respectueuses  des  droits  de  l'État,  qui  faciliteront 
l'exécution  des  grands  travaux  publics,  sans  charger  à  l'excès  notre  crédit  ». 

Conformément  à  cette  déclaration,  M.  Raynal,  Ministre  des  Travaux  publies,  remet  à  la 
Chambre  des  députés,  en  juin  et  juillet  1883,  six  conventions  intervenues  avec  les  grandes 
Compagnies. 

Les  conventions  ont  pour  but  de  permettre  à  l'État,  sans  un  effort  financier  trop  con- 
sidérable, de  continuer  l'entreprise  du  troisième  réseau,  qui  exige  une  dépense  de  2  mil- 
liards 400  millions  pour  l'exécution  des  9,811  kilomètres  de  chemins  de  fer  paraissant  les 
plus  urgents  parmi  les  12,013  kilomètres  du  plan  Freyeinet  non  encore  concédés  ;  c'est  un 
traité  de  paix,  mettant  un  terme  à  une  trop  longue  période  de  discussions  et  de  luttes  et  à 
une  situation  qui  ne  pouvait  se  prolonger  sans  péril  pour  les  finances  du  pays. 

Ces  conventions  font  supporter  par  les  Compagnies  la  presque  totalité  des  travaux  à 
exécuter  dans  un  délai  de  dix  ans  environ,  elles  assurent  leur  concours  pour  une  quote-part 
de  330  millions,  non  compris  277  millions  de  matériel  roulant  à  fournir  sur  les  lignes 
ajoutées  à  leur  réseau.  Les  dettes  contractées  par  les  Compagnies  de  l'Est,  de  l'Ouest,  d'Or- 
léans et  du  Midi,  au  titre  de  la  garantie  d'intérêt,  soit  540  millions  exigibles  en  un  certain 
nombre  d'années,  sont  remboursées  à  l'État,  au  moyen  de  travaux  à  effectuer  par  les  Com- 
pagnies. 

Les  Compagnies  assument  les  insuffisances  de  l'exploitation  des  lignes  nouvelles. 

Elles  prêtent  leur  crédit  à  l'État  par  l'émission  de  leurs  obligations ,  pour  la  réalisation 
des  emprunts  destinés  à  faire  face  aux  dépenses  qui  restent  à  sa  charge. 

Elles  consentent  à  abaisser  le  point  de  partage  des  bénéfices  et  à  augmenter  la  part  de 
l'État  dans  les  excédents  de  recettes  en  lui  attribuant  les  deux  tiers  au  lieu  de  la  moitié. 

Elles  acceptent  une  pénalité  de  5,000  francs  par  kilomètre  et  par  an  pour  retard  apporté 
à  l'exécution  des  travaux. 

Les  Compagnies  s'engagent  aussi  à  réduire  de  10  0/0  les  taxes  des  voyageurs  de  deuxième 
classe  et  de  20  0/0  celles  des  voyageurs  de  troisième  classe,  au  cas  où  l'État  renoncerait  à  la 
surtaxe  de  10  0/0  ajoutée  en  1871  aux  impôts  de  grande  vitesse,  et  à  opérer,  en  outre,  de 
nouvelles  diminutions  équivalentes  à  celles jjue  l'État  viendrait  à  consentir  ultérieurement 
au  delà  de  cette  surtaxe. 

Le  réseau  de  l'État,  grâce  à  des  échanges  de  lignes  avec  la  Compagnie  d'Orléans,  devient 
possesseur  du  triangle  compris  entre  la  mer,  la  ligne  de  Tours  à  Nantes  et  celle  de  Tours  à 
Bordeaux,  et  débouche  sur  Paris  à  la  gare  Montparnasse  en  empruntant  de  Chartres  à  Paris 
la  ligne  de  l'Ouest. 

En  revanche,  les  Compagnies  obtiennent  divers  avantages,  tels  que  :  le  payement,  en 
cas  de  rachat,  des  lignes  dont  l'exploitation  remonterait  à  moins  de  quinze  ans,  basé  sur  le 
prix  réel  d'établissement  ;  le  remboursement  des  dépenses  de  travaux  complémentaires  de 
premier  établissement,  autres  que  celles  du  matériel  roulant,  sauf  une  réduction  d'un 
quinzième  pour  chaque  année  écoulée  ;  la  garantie  d'un  dividende  minimum,  ne  représen- 
tant aucun  bénéfice  nouveau  pour  les  Compagnies,  mais  seulement  le  maintien  d'une 
situation  depuis  longtemps  acquise  aux  termes  des  contrats  antérieurs  ;  l'extension  de 
leur  compte  de  premier  établissement;   l'imputation   prolongée  des   insuffisances  à  ce 

III  21 


322  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 

compte;  l'unification  de  leurs  réseaux;  la  simplification  de  leurs  comptes,  très  compliqués 
auparavant,  et  leur  consolidation,  leur  permettant  de  reprendre  les  travaux  arrêtés  par  la 
menace  du  rachat. 

Depuis  les  conventions  de  1883,  les  Compagnies  s'occupent  de  la  construction  des 
lignes  qui  leur  ont  été  concédées.  La  crise  commerciale  que  l'on  a  traversée  ces  dernières 
années  et  les  abaissements  de  tarifs  consentis  par  les  Compagnies  ont  amené  chaque  année, 
jusqu'à  l'exercice  1887,  une  diminution  sur  les  recettes  de  presque  toutes  les  Compagnies, 
ainsi,  en  1883,  les  recettes  brutes  s'élevaient  à  1,125,538,273  francs,  et  en  1887,  elles  n'at- 
teignent que  1,060,543,142  francs,  alors  que  l'étendue  du  réseau  exploité  passait  de  27,566  kilo- 
mètres à  32,000  kilomètres.  Avant  1883,  les  Compagnies  du  Nord  et  de  Paris-Lyon-Méditer- 
ranée— pour  son  réseau  général  —  n'avaient  pas  encore  eu  recours  à  la  garantie  d'intérêt,  et 
les  Compagnies  d'Orléans,  de  Paris-Lyon-Méditerranée  (seulement  pour  la  ligne  du  Mont- 
Cenis),  du  Midi  et  de  l'Est  avaient  commencé  à  rembourser  leurs  dettes  envers  l'État,  la 
Compagnie  de  l'Ouest  était  à  la  veille  de  commencer  ses  remboursements.  Depuis  1883, 
toutes  les  Compagnies,  moins  la  Compagnie  du  Nord,  ont  dû  faire  appel  à  la  garantie  de 
l'État. 

Après  avoir  esquissé  à  grands  traits  le  régime  des  chemins  de  fer  depuis  leur  origine 
jusqu'à  nos  jours,  nous  ne  pouvons  terminer  ce  travail  sans  consacrer  quelques  lignes 
aux  chemins  de  fer  à  voie  étroite,  aux  trains-tramways,  aux  chemins  de  fer  en  temps 
de  guerre,  et  sans  donner  une  statistique  de  la  situation  actuelle  des  lignes  d'intérêt 
général  comparée  à  celle  de  1877. 

Chemins  de  fer  à  voie  étroite.  —  Depuis  quelques  années,  le  Gouvernement,  comprenant 
qu'il  n'était  pas  possible  de  construire  toutes  les  lignes  du  troisième  réseau  à  voie  normale, 
est  revenu  en  partie  au  projet  présenté  à  la  Chambre,  le  17  mars  1875,  par  31.  Caillaux, 
Ministre  des  Travaux  publics.  Ce  projet  consistait  à  recourir  à  la  voie  étroite  de  1  mètre 
pour  les  chemins  peu  productifs,  ayant  à  desservir  des  populations  beaucoup  moins  denses 
que  celles  qui  se  trouvaient  sur  le  parcours  des  lignes  existantes.  Il  se  forme  alors  dans 
plusieurs  départements  une  certaine  quantité  de  petites  Compagnies  qui  sont  soutenues  par 
le  crédit  des  grandes  Compagnies  pour  la  formation  de  leur  capital  obligations.  La  dépense 
de  premier  établissement,  au  lieu  d'atteindre  le  chiffre  de  plus  de  360,000  francs  le  kilomètre, 
se  trouve  réduit  à  environ  100,000  francs  le  kilomètre ,  mettant  ainsi  en  rapport  la  dépense 
de  construction  avec  la  recette  d'exploitation,  dont  les  frais  ne  sont  plus  que  de  3,000  francs, 
au  lieu  de  7,000  francs.  MM.  Chavoix  et  Lesguiller,  députés,  comprenant  la  nécessité  de 
réduire  les  dépenses  pour  les  lignes  à  faible  trafic,  ont  déposé  à  la  session  de  1888  un  projet 
de  loi  tendant  à  faire  construire  à  voie  étroite,  et  en  utilisant  au  besoin  en  partie  la  plate- 
forme des  routes,  des  lignes  peu  importantes,  constituant  pour  la  plupart  ce  qu'on  peut 
appeler  la  vicinalité  ferrée,  les  chemins  de  fer  stratégiques  ou  destinés  à  relier  des  sections 
véritablement  d'intérêt  général  devant  seuls  être  construits  à  voie  normale. 

Les  dépenses  d'établissement  des  nouvelles  lignes  à  construire  seraient  alors  en  rapport 
avec  le  service  que  l'on  doit  en  attendre  et  avec  le  produit  que  l'on  doit  en  recueillir. 

Trains-tramivays.  —  La  Compagnie  du  Nord,  préoccupée  des  diminutions  de  recettes 
sur  son  réseau,  chercha  le  moyen  de  réduire  les  dépenses  de  l'exploitation,  de  manière  à  les 
maintenir,  sur  chaque  ligne,  en  proportion  avec  l'importance  des  recettes.  Elle  mit  alors  à 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  32g 

l'étude  le  système  des  trains  légers  et  des  trains-tramways,  qui  déjà  circulaient  depuis  plu- 
sieurs années  en  Autriche-Hongrie  et  aux  abords  de  Berlin.  Elle  tenta  un  premier  esssai  sur 
l'une  des  lignes  qu'elle  possède  en  Belgique  dans  la  banlieue  de  Liège,  et  sur  les  deux  lignes 
de  Lille  à  Tourcoing  et  de  Boulogne  à  Saint-Omer,  qui  virent  circuler  ces  trains  le  1er  juillet 
1888.  Les  résultats  obtenus  par  ces  essais  engagèrent  la  Compagnie  à  étendre  l'application 
de  ce  système  économique  sur  diverses  lignes  à  faible  trafic,  et  bientôt  les  autres  Com- 
pagnies adoptèrent  ce  mode  d'exploitation  pour  des  lignes  analogues. 

Les  trains-tramways  ne  transportent  pas  les  articles  de  messagerie,  les  chevaux,  les 
voitures,  les  bagages;  ils  sont  composés,  outre  la  locomotive,  soit  d'une  seule  voiture,  sans 
interposition  de  fourgon,  soit  de  plusieurs  voitures,  au  nombre  de  six  au  plus;  dans  les 
trains  formés  d'une  seule  voiture,  le  personnel  peut  être  réduit  à  un  mécanicien  et  à  un 
conducteur  garde-frein,  sous  la  réserve  qu'une  communication  existe  entre  la  locomotive  et 
la  voiture;  des  arrêts  facultatifs,  sans  installations  spéciales,  sont  établis  à  des  passages  à 
niveau.  Ces  trains-tramways  présentent  une  grande  économie  sur  les  frais  d'exploitation  de 
lignes  à  faible  trafic,  et,  en  même  temps,  ils  permettent,  par  leurs  arrêts  nombreux,  de 
donner  satisfaction  aux  populations  de  localités  peu  importantes. 

Chemitis  de  fer  en  temps  de  guerre.  —  Dès  1851,  les  transports  militaires  avaient  fait 
l'objet  d'un  règlement  qui  fut  remanié  et  développé  en  1855. 

Les  Compagnies,  dans  leurs  cahiers  des  charges,  article  54,  outre  des  réductions  de 
prix  accordées  aux  militaires  voyageant  seuls  ou  en  troupes,  avaient  accepté  la  condition 
que  :  «  Si  le  gouvernement  avait  besoin  de  diriger  des  troupes  et  un  matériel  militaire  ou 
naval  sur  l'un  des  points  desservis  par  le  chemin  de  fer,  la  Compagnie  serait  tenue  de 
mettre  immédiatement  à  sa  disposition,  oour  la  moitié  de  la  taxe  du  même  tarif,  tous  ses 
moyens  de  transport.  » 

En  1859,  le  transport  de  l'armée  d'Italie  par  la  Compagnie  de  Paris-Lyon  s'était  effectué 
conformément  à  ces  dispositions. 

Le  maréchal  Niel,  pendant  son  trop  court  séjour  au  Ministère  de  la  Guerre,  en  1869, 
avait  créé  une  commission  composée  de  l'élément  militaire  et  de  l'élément  technique, 
chargée  d'étudier  les  diverses  questions  auxquelles  peut  donner  lieu  le  transport  des  troupes 
sur  les  voies  ferrées.  Après  son  départ  du  Ministère,  les  travaux  de  cette  commission  furent 
interrompus. 

En  1870,  les  Compagnies  se  trouvèrent  en  présence  d'un  ancien  règlement,  présumé  en 
vigueur,  mais  en  réalité  abrogé  de  fait,  et  de  réformes  adoptées  en  principe,  mais  non  pro- 
mulguées. Il  fallait  cependant  ne  pas  perdre  de  temps,  faire  arriver  le  plus  proinptement 
possible  les  troupes  à  la  frontière,  en  assurant  leur  ravitaillement  et  le  transport  des  blessés; 
les  grandes  Compagnies  déployèrent  alors  un  zèle  qu'on  ne  saurait  trop  louer,  et  la  Com- 
pagnie de  l'Est  parvint,  du  16  juillet  au  4  août,  à  transporter  300,000  hommes,  64,700  che- 
vaux, 6,600  canons  et  voitures  et  4,400  wagons  de  subsistance  et  de  munitions.  Le  patrio- 
tisme avait  suppléé  à  des  règlements  incomplets.  Pendant  la  durée  de  cette  funeste  guerre, 
toutes  les  Compagnies,  surmontant  les  plus  grandes  difficultés,  procédèrent  aux  approvi- 
sionnements de  Paris  et  employèrent  toutes  leurs  ressources  aux  transports  des  troupes  qui 
leur  étaient  demandés. 

Le  Gouvernement  de  Bordeaux,  reprenant  la  pensée  du  maréchal  Niel,  décide,  le 
28  janvier  1871,  au  moment  même  de  la  signature  de  l'armistice,  que  les  Compagnies  de 


324  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

chemins  de  fer  devront  se  faire  représenter  auprès  du  Ministre  de  la  Guerre  par  un  agent 
supérieur,  muni  de  pouvoirs  suffisants,  pour  recevoir  les  ordres  du  Ministre  de  la  Guerre  et 
les  faire  exécuter  sur  son  propre  réseau. 

Depuis  cette  époque,  le  transport  de  l'armée,  de  son  matériel,  de  ses  approvisionne- 
ments, est  l'objet  d'études  approfondies  et  de  transformations  incessantes  qui  donnent  lieu 
à  une  série  de  lois  et  de  décrets. 

Un  décret  du  14  novembre  1872  nomme  une  Commission  militaire  supérieure,  composée 
d'éléments  empruntés  à  l'armée  et  au  personnel  technique  des  Compagnies,  chargée  d'ap- 
proprier l'exploitation  des  chemins  de  fer  aux  nécessités  de  la  défense  nationale.  Les  tra- 
vaux de  cette  commission  aboutissent  au  règlement  général  du  1er  juillet  1874,  pour  les 
transports  militaires  par  chemins  de  fer,  règlement  modifié  par  un  décret  du  29  oc- 
tobre 1884,  établissant  la  nécessité  absolue  de  donner  aux  troupes  de  toutes  armes  une 
instruction  spéciale  qui  leur  rende  familières  les  opérations  de  l'embarquement  et  du  débar- 
quement, et  indiquant  la  participation  du  personnel  des  Compagnies  dans  ces  opérations. 

La  loi  du  24  juillet  1873,  relative  à  l'organisation  de  l'armée,  complétée  par  la  loi  du 
3  juillet  1877,  dit  qu'en  cas  de  mobilisation  ou  de  guerre,  les  Compagnies  de  chemins  de 
fer  mettent  à  la  disposition  du  Ministre  de  la  Guerre  tous  les  moyens  nécessaires  pour  les 
mouvements  et  la  concentration  des  troupes  et  du  matériel  de  l'armée;  les  dépendances  des 
gares  et  de  la  voie,  y  compris  les  bureaux  et  fils  télégraphiques  ;  cette  loi  ajoute  qu'un  ser- 
vice de  marche  ou  d'étapes  sera  organisé  sur  les  lignes  de  chemins  de  fer. 

Le  service  des  chemins  de  fer,  d'après  la  loi  du  28  décembre  1888,  relève  tout  entier,  en 
temps  de  guerre,  de  l'autorité  militaire. 

Le  Ministre  de  la  Guerre  dispose  des  chemins  de  fer  dans  toute  l'étendue  du  territoire 
national  non  occupé  par  les  armées  d'opérations. 

Le  commandant  en  chef  de  chaque  groupe  d'armées,  ou  armée  opérant  isolément,  dis- 
pose des  chemins  de  fer  dans  la  partie  du  territoire  assignée  à  ses  opérations;  il  a  sous  ses 
ordres  un  personnel  spécial  comprenant  : 

1°  Des  sections  de  chemin  de  fer  de  campagne  organisées  en  tout  temps  avec  le  per- 
sonnel des  grandes  Compagnies  de  chemins  de  fer  et  du  réseau  de  l'État; 

2°  Des  troupes  de  sapeurs  de  chemins  de  fer; 

Des  sections  de  télégraphie  sont,  en  outre,  mises  à  sa  disposition. 

Les  sections  de  chemins  de  fer  de  campagne  sont  des  corps  militaires  organisés  en  tout 
temps  et  chargés  en  temps  de  guerre,  concurremment  avec  les  troupes  de  sapeurs  de  che- 
mins de  fer,  de  la  construction,  de  la  réparation  et  de  l'exploitation  des  voies  ferrées,  dont  le 
service  n'est  pas  assuré  par  les  compagnies  nationales.  Le  personnel  des  sections,  d'après  le 
décret  du  S  février  1889,  est  recruté  parmi  les  ingénieurs,  employés  et  ouvriers  attachés  au 
service  des  six  grandes  Compagnies  et  du  réseau  de  l'État,  et  divisé  en  neuf  sections  com- 
prenant chacune  les  trois  services:  1°  de  l'exploitation;  2°  de  la  voie;  3°  du  matériel  et  de  la 
traction,  et  se  composant  de  1,273  hommes;  ces  sections  forment  un  corps  distinct  ayant  sa 
hiérarchie  propre,  elles  sont  assujetties  à  toutes  les  obligations  du  service  militaire. 

Le  personnel  des  troupes  de  sapeurs  de  chemins  de  fer  est  pris  parmi  les  mécaniciens, 
chauffeurs,  sous-chefs  de  gare,  télégraphistes,  aiguilleurs,  charpentiers,  maçons,  ouvriers  en 
fer,  terrassiers,  poseurs  de  la  voie,  etc.  Afin  d'assurer  leur  recrutement  en  cas  de  mobili- 
sation, un  certain  nombre  de  militaires  ayant  accompli,  dans  l'arme  du  génie,  une  année  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9  325 

service  effectif  sous  les  drapeaux  sont  détachés  dans  les  Compagnies  de  chemins  de  fer 
pour  y  compléter  leur  instruction  professionnelle.  (Loi  du  13  mars  1875,  décrets  des  23  dé- 
cembre 1876,  18  juillet  1878.) 

Chaque  administration  de  chemin  de  1er  est  représentée  en  tout  temps  auprès  du 
Ministre  de  la  Guerre  par  un  agent  agréé  par  lui  et  chargé,  en  temps  de  paix,  d'assurer, 
d'après  les  instructions  du  Ministre,  la  préparation  complète  des  transports  en  temps  de 
guerre;  en  temps  de  guerre,  de  recevoir  les  ordres  du  Ministre,  d'en  assurer  l'exécution. 

Une  Commission  militaire  supérieure  créée  par  la  loi  du  14  novembre  1872,  consacrée 
par  la  loi  du  13  mars  187o  et  remaniée  par  la  loi  du  28  décembre  1888  et  le  décret  du 
o  février  1889,  est  instituée,  dès  le  temps  de  paix,  auprès  du  Ministre  de  la  Guerre.  Le  chef 
d'état-major  général  du  Ministre  de  la  Guerre  et  l'officier  général  désigné  pour  exercer  aux 
armées  la  direction  des  chemins  de  fer  et  des  étapes  la  |  résilient;  elle  est  composée  du 
directeur  des  chemins  de  fer  au  Ministère  des  Travaux  publics,  de  deux  inspecteurs 
généraux  ou  ingénieurs  en  chef  di^  Mines  ou  des  Ponts  et  Chaussées,  des  commissaires 
techniques  des  sept  commissions  de  réseau,  de  trois  officiers  supérieurs  de  l'armée  de  ferre, 
d'un  officier  supérieur  île  l'armée  de  mer,  des  commissaires  militaires  des  sept  commissions 
de  réseau  et  du  sous-chef  de  bureau  des  chemins  de  fer. 

Elle  assure  ainsi  la  collaboration  de  l'élément  militaire  et  de  l'élément  civil  des  Compa- 
gnies, considérés  avec  raison  comme  indispensables. 

Cette  Commission  est  chargée  d'examiner  tous  les  projets  de  lois,  règlements,  instruc- 
tions, etc.,  concernant  l'étude  et  les  modifications  du  matériel,  en  vue  des  transports 
militaires  ;  l'aménagement  ou  la  création  des  gares;  les  traités  et  conventions  à  passer  avec 
les  Compagnies  de  chemins  de  1er,  tant  pour  les  transports  que  pour  l'exécution  des  travaux; 
la  formation  et  l'instruction  des  troupes  de  chemins  de  fer;  les  projets  de  lignes  au  point 
de  vue  stratégique;  l'instruction  des  troupes  pour  les  embarquements  et  les -débarquements, 
chargements  et  déchargements,  etc. 

Le  service  militaire  des  chemins  de  fer  est  dirigé  par  le  chef  d'état-major  général,  sous 
l'autorité  du  Ministre  de  la  guerre. 

L'exécution  du  service  militaire  des  chemins  de  1er,  dans  chacun  des  six  grands  réseaux 
des  Compagnies  et  dans  le  réseau  de  l'État,  est  confiée  à  une  Commission  de  réseau  com- 
posée de  deux  membres,  savoir  :  le  représentant  de  l'administration  du  chemin  de  fer, 
commissaire  technique,  et  un  officier  supérieur,  nommé  par  le  Ministre  de  la  Guerre, 
commissaire  militaire. 

A  cette  Commission  peut  être  attaché  un  personnel  technique  et  militaire,  selon  les 
besoins  du  service. 

En  temps  de  paix,  la  Commission  du  réseau  a  dans  ses  attributions  : 

L'instruction  de  toutes  les  affaires  auxquelles  donne  lieu  le  service  militaire  des  chemins 
de  fer  sur  le  réseau  ;  l'étude  de  toutes  les  ressources  en  matériel  et  en  personnel  pour  les  ' 
besoins  de  la  guerre;  la  préparation  des  transports  stratégiques  et  l'établissement  des 
documents  qui  y  sont  relatifs;  la  vérification  de  l'état  des  lignes,  du  matériel  et  des  installa- 
tions diverses  tquais,  alimentations  d'eau,  dépôts  de  machines,  magasins,  ateliers  de  répa- 
rations, etc.);  l'instruction  spéciale  des  agents;  la  surveillance  des  voies  et  des  ouvrages 
d'art;  la  direction  des  expériences  de  toutes  natures  faites  sur  le  réseau,  en  vue  d'améliorer 
ou  d'accélérer  les  transports  militaires. 


326  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


En  temps  de  guerre,  la  Commission  de  réseau  prend  en  main  le  service  complet  du 
réseau,  sous  l'autorité  du  Ministre  de  la  Guerre;  elle  entre  en  fonctions,  à  ce  titre,  dès  le 
premier  jour  de  la  mobilisation  ;  elle  est  aidée  : 

1°  Par  des  sous-commissions  de  réseau,  composées  chacune  d'un  sous-commissaire  mili- 
taire nommé  par  le  Ministre,  et  d'un  sous-commissaire  technique  désigné  par  la  Commis- 
sion de  réseau; 

2°  Par  des  Commissions  de  gare,  formées  d'un  officier  et  du  chef  de  gare. 

Un  décret  du  10  octobre  1889  réorganise  l'ensemble  des  services  de  l'arrière  aux  armées, 
en  vue  d'assurer  la  continuité  des  relations  et  des  échanges  entre  les  armées  en  campagne 
et  le  territoire  national. 

Les  services  de  l'arrière  forment  deux  grandes  divisions  :  le  service  des  chemins  de  fer 
et  le  service  des  étapes;  ces  deux  services  sont  reliés  et  coordonnés,  pour  l'ensemble  des 
armées  obéissant  au  même  commandement,  au  moyen  d'une  direction  centrale  instituée 
auprès  du  commandant  en  chef  et  portant  le  nom  de  Direction  générale  des  chemins  de  fer 
et  des  étapes. 

Le  service  des  chemins  de  1er  aux  armées  est  réglé  dans  les  conditions  prescrites 
par  la  loi  du  28  décembre  1888  et  le  décret  du  S  février  1889.  Il  comprend  tout  ce  qui 
est  relatif  à  l'organisation,  l'entretien,  l'exploitation,  la  construction  et  la  destruction  des 
voies  ferrées. 

L'officier  général  ou  supérieur  placé  à  sa  tête  a  le  titre  de  Directeur  des  chemins 
de  1er  aux  armées;  il  est  assisté  d'un  ingénieur  des  chemins  de  fer  et  d'un  personnel 
militaire  et  technique. 

Le  service  des  étapes  est  organisé  par  armée.  Il  embrasse  pour  chacune  d'elles 
l'ensemble  des  services  de  l'arrière,  qui  ne  rentrent  pas  dans  le  service  des  chemins  de  fer 
proprement  dits. 

Il  est  dirigé  par  un  officier  général  qui  a  le  titre  de  Directeur  des  étapes. 

Enfin,  un  décret  du  5  juillet  1890  établit  un  service  de  garde  des  voies  de  communi- 
cation en  temps  de  guerre,  ayant  pour  but  d'assurer  la  sécurité  des  lignes  de  chemins  de 
fer,  canaux,  réseaux  télégraphiques  et  téléphoniques,  nécessaires  aux  besoins  des  armées. 

Amélioration  du  réseau,  ouverture  de  nouvelles  lignes  stratégiques,  pose  de  secondes 
voies,  création  dans  les  gares  de  longues  voies  de  croisement,  installation  de  nouvelles 
stations,  augmentation  des  moyens  d'alimentation  pour  les  machines,  construction  de 
pièces  de  locomotives  et  de  wagons,  etc.,  sont  en  outre,  depuis  1870,  l'objet  de  préoccupa- 
tions incessantes  en  vue  de  mettre  les  voies  ferrées  en  mesure  de  satisfaire  aux  besoins  de  la 
défense  nationale. 

Lors  de  la  mobilisation  du  17e  corps  d'armée,  en  septembre  1887,  la  Compagnie  du 
chemin  de  fer  du  Midi  et  une  partie  du  perspnnel  et  du  matériel  de  la  Compagnie  d'Orléans 
ont  démontré  que  du  domaine  de  la  théorie,  on  peut  arriver  à  celui  de  l'action  dans  des 
conditions  d'ordre  et  de  rapidité  qui  donnent  toute  satisfaction  aux  exigences  de  la  guerre. 

La  mobilisation  des  sections  techniques  d'ouvriers  de  chemins  de  fer  de  campagne,  qui 
a  eu  lieu  depuis  sur  plusieurs  réseaux  de  chemins  de  fer,  a  donné  les  meilleurs  résultats. 

D'après  les  derniers  documents  complets  publiés  en  1890  par  le  Ministère  des  Travaux 
publics,  nous  donnerons  quelques  renseignements  statistiques  sur  la  situation  des  chemins 
de  fer  arrêtée  au  31  décembre  1887,  en  la  comparant  à  celle  de  l'année  1877. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  327 

Chemins  de  fer  d'intérêt  général.  —  Les  six  grandes  Compagnies,  la  Grande  et  la  Petite 
Ceinture  de  Paris,  le  chemin  de  fer  de  l'État,  les  lignes  secondaires  de  Somain  à  Anzin, 
Chauny  à  Saint-Gobain,  Enghien  à  Montmorency,  Alais  au  Rhône  et  Médoc,  etc.,  ont 
en  exploitation  au  31  décembre  1887 32.000  kilomètres 

Au  31  décembre  1877,  elles  en  avaient 21.040       — 

Soit,  dans  cette  période  décennale,  une  augmentation  de  ....  10.960  kilomètres 
livrés  à  l'exploitation. 

Les  dépenses  de  premier  établissement  s'élèvent  à 13.277.620.395  fr. 

En  1877,  elles  n'atteignaient  que 9.280.643.985 

d'où  une  augmentation  de 3.996.976.410  fr. 


Ces  diverses  Compagnies  ont  transporté  pendant  l'année  1887       218 .  367 .  436  voyageurs 
contre  (en  1877) 138.826.539        — 

en  plus 79.540.897  voyageurs 

et 78.003.405  tonnes  de  marchandises 

contre  (en  1877) 61.603.968      — — 

en  plus  (pour  1887] 16.399.437  tonnes  de  marchandises 

En  1883,  l'année  la  plus  prospère,  elles  en  ont  transporté  89.056.198. 

Les  recettes  de  grande  vitesse,  impôt  déduit,  sont  (voyageurs,  bagages,  articles  de  mes- 
sageries, marchandises,  denrées,  colis  postaux)  de  (en  1887) 414.473.835  fr. 

contre  (en  1877) 318.408.617 


en  plus 96.065.218  fr. 

Les  recettes  de  petite  vitesse  sont  de  (en  1887) 603.847.804  fr. 

contre  (en  1877) 512.369.499 

en  plus  (pour  1887) 91.478.305  fr. 

Le  total  des  recettes  grande  et  petite  vitesse  et  location  de  matériel,  factage,  magasi- 
nage, domaine,  etc.,  est  de  (en  1887) 1.060.543.142  ir. 

et  de  (en  1877) 868.203.721 

en  plus  (pour  1887) 192.339.421  fr. 


Les  recettes  de  1887,  bien  qu'elles  soient  en  augmentation  sur  celles  de  1877,  sont  infé- 
rieures à  celles  de  1883,  qui  s'élevaient  à 1.125.528.273  fr. 

Les  dépenses  d'exploitation  se  montent  à  (en  1887) 560.084.763  fr. 

laissant  un  produit  net  de 499.858.379  fr. 

Elles  étaient  de  (en  1877) 452.713.316  fr. 

et  le  produit  net  de 415.490.405  fr. 

Le  chemin  de  fer  de  l'État  entre  dans  le  total  des  recettes  pour  .  .  33.160.222  fr. 

et  dans  celui  des  dépenses  d'exploitation  pour 26.527.338 

laissant  un  produit  net  de 6.632.884  fr. 


Histoire  du  Travail  et  des  Sciences  anthropoli 


,klf£ 


alais  des  Arts  Libéraux.  (Le  travail  du  fer.; 


330  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

En  1887,  le  rapport  des  dépenses  aux  recettes  donne,  pour  les  six  grandes  Compagnies, 
les  Ceintures  et  les  lignes  secondaires,  51  0/0;  pour  le  chemin  de  1er  de  l'État,  72.3  0/0. 
Les  profits  particuliers  que  l'État  retire  de  l'exécution  des  chemins  de  1er  sont,  en  1887  : 

1°  Recettes  perçues 174.249.032  fr. 

2°  Économies  réalisées 121.494.842 

29a. 743. 874  fr. 

Les  profits  de  l'État  étaient  de  (en  1877) 227.949.173 

en  plus  (pour  1887) 67.794.701  fr. 


Pendant  l'année  1887,  il  y  a  eu  39  voyageurs  tués  et  132  blessés,  donnant,  par  dix  mil- 
lions de  voyageurs  transportés,  1  voyageur  8  pour  les  tués  et  6  voyageurs  2  pour  les  blessés. 

Le  nombre  des  agents  de  tous  ordres  s'élève,  pour  1887,  à  223,599  (comprenant 
22,764  femmes  et  122,065  anciens  militaires);  en  1877,  il  y  avait  179,532  agents,  et  en  1883, 
240,972  agents.  Par  suite  des  mesures  économiques  apportées  dans  l'exploitation,  le 
nombre  des  agents  a  encore  diminué  depuis  1887,  bien  que  le  nombre  de  kilomètres 
exploités  ait  augmenté. 

Les  agents  commissionnés  jouissent  de  pensions  de  retraite. 

Des  caisses  de  secours  en  cas  de  décès,  de  maladie,  de  blessures  ou  d'infirmités  sont 
subventionnées  par  les  Compagnies  pour  tout  le  personnel. 

Des  bourses  sont  fondées  dans  des  Écoles  Commerciales  ou  des  Collèges  d'enseigne- 
ment secondaire  spécial  pour  les  fils  d'employés,  et  dans  des  Orphelinats  pour  les  filles 
d'agents  décédés. 

Des  ateliers  d'apprentis  sont  créés  par  certaines  Compagnies  et  entretenus  à  leurs  frais. 

Des  économats  fournissent  au  personnel  les  denrées  alimentaires  et  le  combustible  au 
prix  de  revient. 

Le  matériel  des  Compagnies  comprend  277,352  locomotives,  voitures  et  wagons,  se  dé- 
composant : 

Locomotives,  9,501  ;  voitures  à  voyageurs,  22,012;  wagons  divers  de  la  grande  vitesse, 
9,897  ;  wagons  de  marchandises,  235,942. 

Le  nombre  des  trains  grande  et  petite  vitesse  est,  en  1887,  de  3,514,606,  donnant  une 
moyenne  quotidienne  de  9,629  trains,  avec  un  parcours  annuel  de  205,824,211  kilomètres. 

En  1877,  il  y  avait  2,399,737  trains,  avec  une  moyenne  de  6,574  trains  par  jour  et  un 
parcours  annuel  de  154,792,000  kilomètres. 

Le  mouvement  des  voyageurs  aux  gares  de  Paris  seulement,  tant  au  départ  qu'à  l'ar- 
rivée, atteint,  pendant  l'année  1887,  le  nombre  de  64,150,090  voyageurs;  en  1877,  il  y  avait 
38,899,800  voyageurs. 

Au  31  décembre  1887,  les  Compagnies  ci-dessus  mentionnées,  moins  le  chemin  de  fer 
de  l'État,  avaient  émis  3,280,556  actions,  représentant  un  capital  réalisé  de  1,561,202,064  fr., 
et  emprunté  9,940,437,200  francs,  représentés  par  31,150,310  obligations. 

Sur  leur  produit  net,  les  Compagnies,  après  avoir  fait  face  au  service  des  emprunts 
(intérêts  et  amortissements  des  obligations),  ont  de  disponible,  pour  le  service  du  capital 
social  de  1,561,202,064  francs  versés,  une  somme  de  157,789,441  francs  (intérêts,  dividende, 
amortissement  des  actions),  tandis  que  le  chemin  de  fer  de  l'État  donne  seulement  un 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  331 

produit  net  de  6,632,884  francs  pour  les  973,000,000  de  francs  que  coûte  son  réseau, 
d'après  les  documents  fournis,  en  1888,  à  la  Chambre  des  députes,  par  M.  René  Brice,  ou 
643,545,000  francs,  d'après  ceux  fournis  par  le  Ministère  des  Travaux  publics. 

Les  chemins  de  fer  d'intérêt  local,  qui  ont  eu  plusieurs  lignes  classées  dans  le  réseau 
d'intérêt  général,  en  vertu  de  la  loi  de  rachat  du  18  mai  1878  et  des  conventions  de  1883, 
ont,  au  31  décembre  1887,  3,374  kilomètres  de  concédés  et  2,069  d'exploités  ;  ils  sont 
possédés  par  43  Compagnies  ;  leur  capital  est  de  51,036,640  francs,  représenté  par 
119,337  actions;  ils  ont  emprunté  77,903,940  francs,  représentés  par  218,138  obligations; 
ils  emploient  4,373  agents.  En  1887,  ils  ont  mis  en  marche  258,297  trains  et  ont  trans- 
porté 8,203,588  voyageurs  et  2,191,347  tonnes  de  marchandises. 

Le  très  rapide  aperçu  historique  que  nous  venons  de  donner  montre  les  progrès  accom- 
plis, dans  un  temps  relativement  court,  par  les  Chemins  de  fer,  qui  ont  introduit  une  véri- 
table révolution  dans  le  commerce,  l'industrie,  l'agriculture,  les  moyens  d'action  de  guerre 
et  les  rapports  des  nations  entre  elles. 

Le  régime  des  Chemins  de  fer  adopté  en  France,  bien  que  critiqué  et  même  vivement 

attaqué  dans  ces  dernières  années,  mérite  toujours  l'éloge  que  M.  Malou,  Ministre  des 

Finances,  en  faisait  devant  le  Parlement  de  Belgique  :  «  L'industrie  des  Chemins  de  fer  doit 

être  prospère  pour  être  utile,  pour  rendre  les  services  que  l'on  peut  attendre  d'elle.  C'est  ce 

que  la  France  a  admirablement  compris;  c'est  ainsi  qu'elle  a  organisé  son  système,  c'est 

ainsi  qu'elle  marche,  comme  bonne  organisation  de  cet  immense  service  des  transports,  à 

la  tête  de  toutes  les  nations.  » 

Gustave  Lacan 

(Avocat,  Secrétaire  adjoint  du  Chemin  de  fer  du  Nord.) 
Juillet    1890. 


MATERIEL    DES   CHEMINS   DE    FER 

Cette  exposition  considérable  mériterait  un  grand  développement  que  nous  ne  pouvons 
donner  ici.  Nous  ne  pouvons  que  résumer  à  grands  traits  les  objets  divers  qu'elle  ren- 
fermait, en  les  rapportant  à  des  divisions  générales  telles  que.  :  Voie,  Exploitation,  Matériel 
roulant,  Ateliers,  Machines-outils. 

Cette  classe  LXI  était  répartie  : 

1°  Au  rez-de-chaussée  de  la  Galerie  des  Machines  (Nord-Ouest),  où  elle  comprenait  des 
locomotives  et  des  voitures; 

2°  Au  premier  étage  (pignon  Ouest),  où  se  trouvaient  les  dessins  et  petits  objets; 

3°  A  l'extérieur  du  Palais  des  Machines,  où  était  le  matériel  de  la  voie. 

La  classe  LXI  occupait  à  l'Exposition  une  étendue  superficielle  de  16,600  mètres  carrés. 
C'est  par  l'exposition  de  la  voie  que  nous  allons  commencer  notre  résumé. 

Tracé  et  construction  de  la  voie.  —  On  comprend  sans  peine  l'importance  des  études 
préliminaires  géologiques  qui  doivent  précéder  le  tracé  définitif  d'une  voie  de  chemin  de 
fer.  Aussi  la  plupart  des  compagnies  de  chemins  de  fer  ont-elles  organisé  un  service  spécial 
d'études  géologiques.  Les  Compagnies  de  chemins  de  fer  de  l'Est  et  du  Nord  avaient  fait  une 
exposition  des  études  préliminaires,  des  tracés  et  des  moyens  de  drainage  et  d'assainisse- 


332 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


ment  des  terrains  suivant  leur  nature;  des  dessins  représentant  le  système  d'épuration  des 
eaux  destinées  à  l'alimentation  des  locomotives. 

Avant  de  parler  des  voies  normales  des  grandes  lignes,  disons  quelques  mots  des  che- 
mins de  fer  spéciaux  à  voie  étroite  ou  autres. 

On  retrouvait,  dans  cet  ordre  de  choses  :  le  projet  de  métropolitain  de  31.  Haag,  le  che- 
min de  fer-tramway  aérien  de  MM.  Julien  Fournier  et  Broca,  qui  consiste  en  un  viaduc 
portant  un  chemin  de  fer  monorail  du  système  Lartigue,  constitué  par  des  tronçons  indé- 
pendants. Le  caractère  distinctif  très  regrettable  de  ce  système,  c'est  qu'il  n'admet  aucune 
liaison  avec  les  lignes  existantes. 

Citons,  parmi  les  lignes  spéciales,  le  projet  de  chemin  de  fer  funiculaire  Humbert, 
destiné  à  desservir,  au  moyen  d'un  plan  incliné,  la  montagne  de  Notrc-Dame-de-la-Garde. 
Dans  ce  système,  le  poids  de  la  voiture  descendante  contre-balancerait  le  poids  de  la  voi- 
ture montante. 

Signalons  aussi  le  tramway  funiculaire  de  Brives  à  Thonon,  qui  fonctionne  depuis  avril 
1888  pour  les  voyageurs  et  qui  est  utilisé  pour  les  marchandises  depuis  septembre  1888. 
Cette  ligne,  n'a  qu'une  seule  voie  d'un  mètre  de  largeur  avec  une  voie  de  garage  au 
milieu  du  parcours.  L'inclinaison  de  la  ligne  est  de  0m,20  à  0m,22  par  mètre.  Le  chemin 
est  muni  d'une  crémaillère.  Il  a  coûté  160,000  francs. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  exposait  le  plan  en  relief  de  la  nouvelle  gare  Saint-Lazare 
là  Paris).  L'administration  de  l'Est  montrait  dans  un  album  les  installations  des  voies  et  des 
bâtiments  de  la  gare  de  Paris,  de  la  Villette  et  de  Pantin  ;  les  dispositions  de  la  cité  ouvrière 
de  Bomilly.  De  même  la  Compagnie  du  Nord  montrait  sa  cité  ouvrière  du  Bourget. 

Rails.  —  Les  rails  des  grandes  lignes  se  rapportent  à  deux  types.  Les  rails  à  coussinet 
et  les  rails  à  patin.  Presque  tous  les  rails  sont  en  acier  et  la  tendance  est  l'augmentation  du 
poids  par  mètre  courant.  Les  anciens  types  de  30  à  38  kilogrammes  ont  fait  place  aux  rails 
de  39  à  47  kilogrammes.  La  longueur  des  rails  a  aussi  augmenté  et  elle  est  de  10  à  12  mètres. 

La  Compagnie  de  l'Est  a  exposé  un  nouveau  rail  d'acier  de  44tg,2  par  mètre  se  con- 
solidant avec  des  éclisses  à  patin  et  semelles  en  feutre.  La  Compagnie  du  Nord  a  pré- 
senté un  nouveau  rail  en  acier  de  43>=g,2  et  de  12  mètres  de  long,  qui  doit  remplacer  son 
ancien  rail  de  30  kilogrammes  sur  les  voies  rapides.  La  comparaison  des  conditions  de 
résistance  de  ces  rails  est  établie  par  le  tableau  ci-dessous  : 


CHEMINS    DE   FER   DU    NORD 


CAIUCTÉRISTIQl'ES  DES  RÉSISTANCES 


Moment  d'inertie  dans  le  sens  vertical  Iv. 

—  des   fibres  extrêmes  du  sommet.    .   . 
v 

—  des  fibres  extrêmes  du  patin 

«' 

Moment  d'inertie  dans  le  sens  horizontal  lli 

—  des  fibres  extrêmes  du  champignon.  .  . 

—  des  fibres  extrêmes  du  patin 


MODÈLES 

43'f,213 

3Ok;,3O0 

O,O0OO1466 

0, 0000079 j 

0,0001971 

0,0001291 

0,0002169 

0.0001253 

0, 0000028o 1 

0,00000107 

0,00009506 

0,000038 

0,00004236 

0,0000219 

L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 


333 


CHEMINS   DE   FER   DU   NORD 


-  Riil  J«  4S  kil.  919. 


Les  rails  reposent  sur  les  traverses,  et  des  plaques  de  feutre  goudronnées  sont  inter- 
posées. Le  nombre  des  traverses  par  rail  augmente  avec  la  vitesse  des  trains.  Ainsi  : 
12  traverses  pour  vitesse  de  80  kilomètres  à  l'heure;  13  pour  vitesse  de  95  kilomètres  à 
l'heure;  14  pour  vitesse  dépassant  95  kilomètres  à  l'heure. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  montrait  une  disposition  pour  augmenter  l'assiette  des  rails 
de  30  kilogrammes  au  moyen  d'éclisses  à  patin  placées  à  l'intérieur  de  la  voie  et  en 
ajoutant  une  traverse  de  plus  par  longueur  de  rail  (10  traverses  au  lieu  de  9  pour  un  rail  de 
10  mètres). 

La  Compagnie  de  Paris-Lyon-Méditerranée  montrait  ses  modèles  de  joints  éclissés 
en  porte-à-faux,  appliqués  à  des  rails  de  39  kilogrammes,  et  des  éclisses-cornières  à  des  rails 
de  47  kilogrammes. 

La  Compagnie  du  Midi  exposait  son  rail  en  acier  de  38  kilogrammes  à  double  champi- 
gnon placé  dans  des  coussinets.  Ces 
rails,  de  11  mètres  de  longueur, 
sont  fixés  sur  12  à  14  traverses  pour 
les  voies  rapides,  au  moyen  de  cous- 
sinets à  larges  semelles  pesant  cha- 
cun 14^,5. 

L'exposition  des  Chemins  de  fer 
de  l'État  présentait  les  coins  en  acier 
(système  David),  de  divers  modèles, 
des  coussinets  et  des  boulons  d'é- 
clisses indesserrables. 

Voilà  pour  la  section  française 
les  choses  à  signaler.  Dans  les  sec- 
tions étrangères,  nous  relevons  dans 

la  section  belge,  le  rail  Goliath  de  52  kilogrammes,  adopté  par  l'État  pour  les  lignes  à  fortes 
rampes,  et  présenté  par  M.  Sandbcrg.  La  Compagnie  du  chemin  de  1er  de  Pensylvanie  pré- 
sentait son  rail  de  42kï,3  par  mètre.  Dans  la  section  anglaise,  nous  signalerons  le  système 
d'éclisse  de  joint,  applicable  aux  rails  à  champignons  inégaux. 

Les  rails  de  tramways  présentaient  deux  types  qui  doivent  être  signalés  :  1°  Le  nouveau 
rail  Marsillon,  qui  se  compose  de  deux  barres  d'acier  identiques,  l'une  formant  le  rail  pro- 
prement dit,  l'autre  servant  de  contre-rail.  La  réunion  de  ces  deux  barres  s'opère  au  moyen 
de  fourrures  en  fonte,  le  tout  serré  au  moyen  de  boulons.  Il  existe  deux  modèles  de  coussi- 
nets en  fonte:  l'un,  le  plus  léger,  est  appliqué  au  pavé  proprement  dit  et  au  pavage  en  bois; 
l'autre,  plus  lourd,  est  appliqué  aux  voies  construites  en  béton.  Les  traverses  sont  espacées 
d'un  mètre. 

2°  Le  rail  Broca  est  un  rail  Vignole  très  élevé  dont  le  champignon  présente  une  rainure. 
La  voie  de  ce  système  est  entretoisée  tous  les  trois  mètres  et  se  combine  facilement  avec  le 
pavage  ordinaire. 

Traverses  métalliques.  —  Depuis  un  grand  nombre  d'années,  les  traverses  métalliques 
sont  à  l'étude,  et  cependant  cette  étude  n'est  pas  encore  assez  ancienne  pour  qu'on  puisse  se 
prononcer  sur  la  valeur  économique  des  divers  systèmes  de  traverses  métalliques  et  sur 
l'économie  qui  pourrait  résulter  de  leur  emploi  par  rapport  aux  traverses  en  bois. 


334 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


L'Exposition  présentait  un  certain  nombre  de  ces  systèmes,  parmi  lesquels  nous  men- 
tionnons la  voie  entièrement  métallique  adoptée  en  1889  par  la  Compagnie  de  l'Ouest  pour 
certaines  parties  de  son  réseau.  Cette  voie  pèse  259  kilogrammes  le  mètre  courant.  Le  rail  à 
champignon  non  symétrique,  qui  pèse  44  kilogrammes,  est  fixé  sur  dix-huit  traverses  d'acier 
en  forme  d'U  renversé,  de  2™, 50  de  longueur,  0m,08  de  hauteur  et  0m,20  de  largeur.  Les 
coussinets  en  fonte  font  corps  avec  la  traverse  en  fonte.  Chaque  traverse  avec  ses  deux 
coussinets  pèse  119  kilogrammes  et  coûte  14  francs. 

La  Compagnie  de  l'Est  a  exposé  sa  traverse  métallique,  dont  la  forme  est  celle  d'une 
auge  renversée  et  qui  est  entièrement  enfouie  dans  le  ballast. 

La  Compagnie  du  Nord  a  exposé  des  traverses  à  plateaux  de  0m,40X0m>''5  sur  45  milli- 


CHEMINS  DE  FER   DU  MIDI.  —  Coussinet  a  large  semelle 


Profil  du  rail. 


Section  C  D 


Section  G1I. 


mètres  d'épaisseur.  Ces  plateaux  portent  les  rails  pesant  43  kilogrammes  le  mètre  courant. 

Les  chemins  de  fer  de  l'État  ont  présenté  leur  traverse  du  type  Vauthelin,  ayant  la 
forme  d'un  U  renversé,  présentant  les  dimensions  :  longueur,  2m,50;  largeur  à  la  base,  0m,253; 
épaisseur  de  la  table  supérieure  0m,01.  Le  poids  de  chaque  traverse  est  de  57ke,850.  Citons 
encore  la  voie  proposée  par  M.  Somzée,  qui  est  un  tablier  continu  en  tôle  ondulée,  reposant 
sur  le  ballast.  Une  longrine  en  fer  plat,  placée  sous  chaque  rail,  donne  à  celui-ci  l'inclinaison 
qui  convient.  Cette  voie  pèse,  y  compris  les  deux  rails,  166  kilogrammes  par  mètre  carré. 

Enfin,  signalons  les  traverses  Lambert  en  forme  d'U  renversé,  appliquées  sur  le  réseau 
des  Chemins  de  l'Est  et  de  Lyon  ;  les  traverses  en  fer  en  forme  de  Z  de  M.  Willemin,  appliquées 
aux  chemins  de  fer  vicinaux  par  la  Société  belge  ;  le  système  de  M.  Moncharmont,  se  com- 
posant d'une  traverse  métallique  en  U  renversé  et  de  coussinets.  Ce  système  est  applicable 
aux  chemins  de  fer  et  aux  tramways;  le  système  Sévérac,  qui  a  quelques  années  et  qui  est 
caractérisé  par  sa  traverse  en  forme  de  double  T,  dans  laquelle  le  ballast  participe  au  poids 
de  la  voie  pour  en  augmenter  la  stabilité. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


335 


A  signaler  le  système  de  M.  Helson  Cyriaque,  qui  utilise  de  vieux  rails  d'acier  (type 
Vignole)  pour  en  faire  des  traverses.  À  cet  effet,  on  cisaille  le  champignon  du  rail  Vignole 
aux  points  où  l'on  veut  placer  les  coussinets  en  fonte  qui  doivent  porter  la  voie. 

Appareils  de  la  voie.  —  Un  problème  difficile  consiste  à  utiliser  en  partie  une  voie  de 
largeur  normale  à  l'installation  d'une  voie  étroite  afin  de  réduire  les  dépenses  d'acquisition 

CHEMINS    DE    FER   DU    NORD 


Avertisseur  ds  h  q&c 
Disposition  schématique  j*  " 

d'un  avertisseur  à  crocodile.  rfcr^r 


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—  Commutateur  de  disque,  modifié  pour  l'avertisseur  de  gare. 
Position  II.  Position  I. 


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de  terrains.  Il  se  présente  alors  des  difficultés  assez  grandes  au  point  de  vue  des  aiguilles. 
Les  diverses  Compagnies  du  Nord,  de  Paris-Lyon-Méditerranée,  du  Midi,  les  Chemins  de 
fer  de  l'État,  etc.,  etc.,  ont  exposé  divers  systèmes  d'appareils  de  manœuvre  des  aiguilles 
à  distance.  Aujourd'hui,  il  existe  trois 

modes  généraux  de  manœuvre  des  CHEM,NS  DE  FEn  Du  N0RD_ 

aiguilles  à  distance  :  manœuvre  par 
fils,  manœuvre  hydraulique  et  ma- 
nœuvre électrique. 

Nous  ne  pouvons  que  signaler  des 
organes  de  la  voie  tels  que  plaques 
tournantes,  ponts  tournants,  chariots, 
employés  pour  faire  changer  de  voies 
les  locomotives  et  les  wagons.  Les 
diverses  compagnies  ont  exposé  un 
grand  nombre  de  ces  engins. 

Les  chemins  de  fer  de  l'État  présentaient  une  barrière  à  contre-poids,  se  manœuvrant 
à  distance  par  le  garde-barrière.  L'installation  comprend  un  système  de  sonnerie  électrique, 
permettant  au  public  de  demander  l'ouverture  de  la  barrière  et  au  garde  d'annoncer  la 
fermeture  de  la  barrière. 

A  signaler  dans  la  même  exposition  la  clôture  métallique  de  la  voie,  destinée  aux 
gares  et  formée  de  panneaux  de  2  mètres  de  longueur  horizontale.  Le  poids  de  cette 
clôture  est  de  18ks,8  le  mètre  courant. 


Installation  des  signaux.  —  Il  y  avait  à  l'Exposition  un  très  grand  nombre  d'appareils 


330  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   1889 

se  rapportant  aux  signaux.  L'étude  détaillée  des  appareils  présentés  par  les  diverses 
compagnies  est  trop  minutieuse  pour  être  entreprise  ici,  et  nous  ne  pouvons  que  faire 
une  nomenclature  assez  sèche  de  cette  partie  de  l'Exposition.  Dans  l'exposition  de  la  Compa- 
gnie du  Nord,  nous  signalerons  l'indicateur  de  direction  d'aiguilles  à  bras  horizontal,  le 
voyant  de  signal  d'arrêt,  le  compensateur  pour  disque  à  un  seul  fil  dont  le  contre-poids 
est  suspendu  au-dessous  du  sol  dans  un  tube,  l'indicateur  tournant  à  damier  vert  et  blanc, 
l'appareil  à  transmissions  multiples  permettant  la  manœuvre  d'un  signal  à  l'aide  de  plu- 
sieurs leviers  répartis  en  plusieurs  points  d'une  même  gare. 

La  Compagnie  du  Nord,  sur  les  indications  de  M.  A.  Sartiaux,  a  mis  en  expérience 
un  appareil  (avertisseur  de  gare)  qui  fait  annoncer,  par  le  train  lui-même,  le  moment  précis 
où  il  passe  devant  le  disque,  afin  de  prévenir  la  gare,  qui  doit  aussitôt  mettre  le  disque  à 
l'arrêt  s'il  n'y  était  déjà. 

Pour  obtenir  ce  résultat,  le  contact  fixe  ou  crocodile,  dont  sont  munis  les  disques  à 
distance,  a  été  modifié  et  fendu  transversalement,  de  manière  à  constituer  deux  appa- 
reils; chaque  fois  qu'une  machine  munie  d'une  brosse  métallique  passe  sur  ce  contact, 
et  quelle  que  soit  la  position  du  disque,  une  grosse  sonnerie  à  voyant  se  met  à  tinter 
dans  la  gare  et  ne  cesse  de  fonctionner  que  lorsqu'on  ramène  à  la  main  le  voyant  à  sa 
position  initiale. 

La  figure  schématique  indique  la  disposition  d'ensemble  des  appareils,  la  marche  des 
courants  et  l'emplacement  des  sources  d'électricité,  qui  ont  été  étudiés  par  M.  E.  Sartiaux. 

La  Compagnie  du  Midi  montrait  un  appareil  pour  la  manœuvre  de  plusieurs 
signaux  fixes  à  l'aide   d'un  seul  levier. 

La  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  Paris-Lyon-Méditerranée  présentait  un  disque  à 
distance  pouvant  se  manœuvrer  de  deux  points  différents;  le  disque  automoteur  Aubine, 
qui  réalise  la  mise  à  l'arrêt  du  signal  par  une  pédale  actionnée  par  le  passage  même  du 
train.  Après  le  déclenchement,  le  disque  est  maintenu  à  l'arrêt  et  ne  peut  être  effacé  que 
par  une  manœuvre  faite  de  la  gare;  le  signal  carré  portant  deux  feux  rouges  :  l'un  donné 
par  la  lanterne,  l'autre  réfléchi  par  un  miroir  incliné  à  45  degrés  par  rapport  à  l'axe  de  la 
voie  ;  le  sémaphore  de  block  pouvant  être  manœuvré  à  distance  et  dont  les  feux  sont 
mi-partis  rouges  et  mi-partis  verts  ;  le  sémaphore  de  bifurcation  ou  indicateur  de  direction 
d'aiguilles. 

La  Compagnie  de  l'Est  exposait  un  disque  (système  Aubine)  coté  plus  haut  et  un 
signal  carré.  Le  Grand  Central  belge  exposait  des  disques  à  distance  et  des  signaux  du 
type  de  l'État  et  du  Midi  et  un  sémaphore  électrique. 

Avertisseur  à  lanterne  mobile.  —  D'un  point  d'une  gare  à  l'autre,  il  est  quelquefois 
nécessaire  d'informer  le  personnel  de  la  gare  que  les  voies  principales  sont  occupées  et 
qu'il  ne  faut  pas  expédier  de  trains,  de  machines  ou  de  manœuvres  dans  la  direction  d'où 
vient  l'avis. 

M.  E.  Sartiaux  a  résolu  la  question  en  ayant  recours  à  l'électricité. 

Nous  donnons  ici  le  dessin  de  la  lanterne  et  celui  du  mécanisme  de  l'avertisseur  de 
cette  lanterne. 

Il  y  aurait  à  mentionner  des  appareils  compris  sous  la  dénomination  d'enclenchement. 
ayant  en  général  pour  but  d'empêcher  que  les  véhihules  ne  puissent  s'engager  sur  les  voies, 


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III 


338 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


si  celles-ci  ne  sont  pas  couvertes  par  les  signaux  réglementaires.  Les  appareils  de  sûreté,  les 
avertisseurs  électriques,  les  appareils  automoteurs,  la  trompe  d'appel  des  chemins  de  l'État, 


—  Appareil  avertisseur  à  lanterne. 


—   Mécanisme  de  l'avertisseur  à  lanterne. 


les  avertisseurs  de  gare,  les  cloches  électri- 
ques, les  appareils  électriques  de  contrôle, 
le  contrôleur  d'aiguilles,  le  contrôleur  de  si- 
gnaux, les  contrôleurs  de  rondes,  etc.,  tous 
ces  appareils  formaient  une  exposition  très 
étendue  et  très  complexe  que  nous  ne  pou- 
vons que  signaler. 

Exploitation.  —  Appareils  de  manœuvre  des 
wagons.  —  La  Compagnie  du  Nord  a  construit 
un  treuil  électrique  qui  est  en  service  à  la 
gare  des  marchandises  de  la  Chapelle.  Ce  treuil  est  porté  sur  un  chariot  à  quatre  roues 
portant  deux  machines  dynamo-électriques.  L'électricité  est  empruntée  à  la  machine  de 
l'éclairage  électrique  de  la  gare,  au  moyen  d'une  transmission  de  plusieurs  centaines  de 
mètres. 

La  Compagnie  du  Nord  a  entrepris  des  essais  qui  ont  pour  but  de  remplacer  la  force 
hydraulique  par  l'électricité  dans  la  manœuvre  des  cabestans  qui  font  mouvoir  les  wagons 
sur  les  plaques  tournantes.  Dans  les  gares  peu  importantes,  on  fait  usage  d'un  appareil  à 
vapeur  qui  transporte  avec  lui  sa  force  motrice. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  exposait  sa  belle  installation  hydraulique  de  la  gare  Saint- 
Lazare,  à  Paris,  au  moyen  de  laquelle  on  élève  les  wagons  à  la  gare  des  messageries,  rue  de 
Berne.  La  même  installation  sert  aussi  à  faire  tourner  les  locomotives  et  à  remorquer  les 
tricycles  portant  les  bagages  îles  voyageurs. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89  339 

Petit  matériel  des  gares.  —  Nous  mentionnerons  des  perfectionnements  de  détail  concer- 
nant les  systèmes  de  casiers  à  billets  de  la  Compagnie  du  Nord  et  des  chemins  de  fer 
d'Autriche-Hongrie  ;  la  brouette  en  fer  des  chemins  de  fer  de  l'État,  pour  le  transport  des 
bagages  dans  les  gares.  Cette  brouette  est  disposée  de  manière  que  la  plus  grande  partie  de 
la  charge  est  reportée  sur  l'essieu.  À  signaler  aussi  les  poulains  de  chargements  en  tôle 
emboutie,  substitués  aux  anciens  appareils  en  bois,  et  la  lanterne  à  pétrole,  dite  lanterne  à 
la  main,  pour  le  service  des  manœuvres  dans  les  gares. 

Télégraphie.  —  Le  service  de  la  télégraphie  est  multiple  et  très  étendu.  Il  sert  non  seu- 
lement à  transmettre  les  dépèches,  mais  encore  au  contrôle  de  diverses  manutentions. 

Le  nouveau  poste  télégraphique  exposé  par  la  Compagnie  de  l'Est,  dont  l'organisation 
est  due  à  M.  Dumont,  inspecteur  principal,  est  disposé  de  telle  sorte  que  l'on  puisse  mettre 
instantanément  en  relation  l'une  quelconque  des  lignes,  aboutissant  dans  le  poste,  avec 
l'un  quelconque  des  appareils  de  transmission.  Dans  la  même  exposition,  on  trouvait  une 
disposition  permettant  de  mettre,  en  cas  d'orage,  rapidement  à  la  terre  toutes  les  lignes, 
au  moyen  d'une  seule  manœuvre. 

La  Compagnie  Paris-Lyon-Méditerranée  a  remplacé,  dans  presque  toutes  ses  gares,  les 
appareils  Bréguet  par  des  appareils  Morse;  elle  exposait  son  dispositif  télégraphique. 

La  Compagnie  du  Nord  exposait  ses  divers  postes  télégraphiques  et  ses  téléphones.  La 
Compagnie  du  Midi  exposait  une  table  télégraphique  à  douze  directions. 

Une  application  fort  utile  de  l'électricité  aux  services  des  chemins  de  fer  est  celle  qu'on 
en  a  faite  à  l'unification  de  l'heure  dans  un  même  réseau.  Pour  obtenir  ce  résultat,  les  Com- 
pagnies procèdent  différemment.  Le  chemin  de  ter  de  l'État  exposait  une  disposition  qui 
transmet  automatiquement,  deux  fois  par  vingt-quatre  heures,  à  toutes  les  horloges  du 
réseau,  un  contact  électrique  qui  a  pour  fonction  de  faire  résonner  un  coup  de  timbre  aver- 
tissant le  chef  de  gare,  qui  a  pour  mission  de  mettre  l'horloge  à  l'heure. 

La  Compagnie  de  l'Est  exposait  un  système  plus  complet  qui  fait,  automatiquement,  la 
remise  à  l'heure  des  horloges  de  son  réseau.  Ce  système  permet  seulement  de  corriger  une 
avance  d'une  minute  par  douze  heures.  Toutes  les  horloges  sont  disposées  de  manière  à 
avancer  au  plus  d'une  minute  en  douze  heures. 

La  Compagnie  du  Nord  a  fait  l'application  de  synchronisation  marchant  par  l'électri- 
cité, de  (elle  manière  que  les  aiguilles  des  divers  cadrans  se  déplacent  sous  l'influence  du 
courant  électrique  d'une  quantité  égale  à  une  demi-minute  (pour  la  grande  aiguille).  11  ne 
peut  donc  y  avoir,  entre  le  régulateur  et  les  horloges,  qu'une  différence  d'une  demi-minute. 
L'électricité  a  permis  la  construction  d'appareils  de  contrôle  de  la  marche  des  trains. 
Celte  application  a  été  faite  au  chemin  de  1er  Paris-Lyon-Méditerranée,  au  chemin  de  fer  de 
l'État,  dans  le  réseau  d'Orléans  et  à  l'Est.  On  obtient  ainsi,  suivant  la  disposition  du  méca- 
nisme, la  marche  d'un  train  un  de  plusieurs  trains,  ainsi  que  leur  sens  et  leur  vitesse,  et 
on  peut  être  ainsi  averti  s'ils  marchent  à  la  rencontre  l'un  de  l'autre,  ou  de  toute  autre 
irrégularité  dangereuse. 

Éclairage  des  (jures.  —  Les  gares  sont  éclairées  au  moyen  du  gaz,  du  pétrole  ou  de 
l'électricité.  Un  grand  nombre  de  grandes  gares  sont  éclairées  par  l'électricité;  telles  sont 
la  plupart  des  gares  de  Paris,  puis  celle  de  Marseille  et  quelques  autres. 


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3'i2  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

La  Compagnie  Paris-Lyon-Méditerranëe  emploie,  pour  éclairer  les  gares  intermédiaires, 
le  gaz  et  le  pétrole 

La  Compagnie  du  Nord  a  fait  construire  dans  son  réseau  dix-huit  usines  de  force 
motrice  représentant  une  puissance  de  900  chevaux-vapeur,  et  produisant  une  intensité 
dépassant  4,000  ampères.  Partout  on  fait  usage  d'une  disposition  de  fil  électrique  qui 
permet  l'allumage  à  distance  des  becs  à  gaz  d'une  même  gare.' 

Matériel  roulant.  Voilures  île  voyageurs.  —  L'exposition  des  voitures  de  voyageurs  était 
fort  intéressante.  Aussi  les  voitures  des  diverses  compagnies  françaises  et  étrangères 
étaient-elles  visitées  chaque  jour  par  un  nombreux  publie.  Nous  signalerons  pour  les  prin- 
cipales compagnies  les  particularités  les  plus  caractéristiques. 

Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Est.  —  Cette  compagnie  montrait  une  voiture  de 
première  classe  à  deux  essieux,  à  couloir  partiel  et  à  cabinet  water-closet.  Le  couloir  laté- 
ral met  en  communication  les  deux  compartiments  extrêmes  de  7  places  chacun.  Sur  ce 
couloir,  s'ouvrent  aussi  deux  compartiments  à  6  places,  entre  lesquels  se  trouve  le  compar- 
timent réservé  au  cabinet  de  toilette  et  au  water-closet.  Les  compartiments  sont  accessibles 
chacun  des  deux  côtés,  afin  d'éviter  de  circuler  dans  le  couloir.  La  voiture  est  éclairée  au 
gaz  d'huile. 

La  même  compagnie  exposait  sa  voiture  à  deux  étages  (type  de  1882),  composée  de 
deux  caisses  superposées,  fermées  au  moyen  de  châssis  mobiles  ordinaires. 

Compagnie  du  Nord.  —  La  Compagnie  du  chemin  de  fer  du  Nord  exposait  une  voiture 
de  première  classe  à  trois  compartiments.  Un  de  ces  compartiments  est  à  8  places,  et 
les  deux  autres  renferment  chacun  trois  lits  et  un  fauteuil.  Ces  deux  derniers  comparti- 
ments communiquent  entre  eux  au  moyen  d'un  couloir  qui  donne  accès  à  deux  water- 
closets  et  lavabos.  Une  porte  roulante  permet  de  réunir  ou  de  séparer  les  deux  compar- 
timents à  lits.  Il  y  a  un  appareil  de  chauffage. 

La  même  compagnie  présentait  une  voiture-tramway  à  six  essieux  et  à  couloir  central, 
destinée  au  service  des  trains-tramways  sur  le  réseau  du  Nord.  La  voiture,  qui  est  articulée 
afin  de  passer  dans  les  courbes,  a  24  mètres  de  longueur.  Elle  contient  102  places  et  com- 
prend trois  classes  :  12  places  de  première  classe,  20  places  de  deuxième  classe  et  70  de 
troisième  classe.  Ces  voitures  sont  en  service  entre  Paris  et  Saint-Denis. 

Compagnie  de  l'Ouest.  —  Elle  exposait  une  voiture  de  première  classe  à  salon-lits,  à 
deux  essieux,  comprenant  dans  sa  portion  moyenne  un  compartiment  formant  salon  avec 
lits  et  toilette.  Chaque  extrémité  est  un  compartiment  de  première  classe.  Le  compartiment- 
salon  contient  o  places  de  jour  et  4  lits,  dont  3,  parallèles  à  la  voie,  se  développent  par 
un  mouvement  de  bascule.  Le  quatrième  lit,  assez  large  pour  deux  enfants,  se  forme  par  la 
banquette  de  2  places  de  jour.  Pour  prévoir  le  cas  du  transport  de  personnes  malades  ou 
infirmes,  la  porte  du  salon  est  à  deux  battants. 

La  même  compagnie  présentait  une  voiture  de  première  et  de  deuxième  classe  pour 
trains  légers. 

Compagnie  du  Midi.  —  La  Compagnie  du  Midi  présentait  quatre  voitures  à  voyageurs  à 
deux  essieux  chacune  :  deux  de  première  classe,  une  de  seconde  et  une  de  troisième. 

La  voiture  de  première  classe  présentait  deux  compartiments-coupés  aux  deux  extré- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


343 


mités  avec  cabinets  de  toilette  et  water-closets  au  centre.  Les  sièges  de  chacun  des  coupés 
peuvent,  sur  les  trois  quarts  de  leur  longueur,  être  transformés  en  un  lit  de  0m,80  de  lar- 
geur. Les  cloisons  séparatives  des  compartiments  sont  garnies  de  glaces  qui  permettent  de 


CHEMINS    DE    FER    DU    MIDI 


Deux  compartiments  de  l"  classe;  deux  cabinets  de  toilette  avec  water-closets. 
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voir Pintérieur  des  compartiments  voisins.  Le  wagon  est  muni  de  l'intercomuiunication 
pneumatique. 

Une  autre  voiture  de  première  classe,  présentée  par  la  même  compagnie,  comprend 
trois  compartiments  avec  cabinets  de  toilette  et  water-closets.  Deux  de  ces  compartiments 
communiquent  entre  eux  et  ont  accès  a  un  cabinet  de  toilette  avec  water-closet. 

La  voiture  de  seconde  classe  contient  cinq  compartiments  de  10  places  chacun 


344 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


La  voiture  de  troisième  classe  est  à  cinq  compartiments  de  10  places  chacun.  Le  com- 
partiment du  milieu  est  isolé  par  des  cloisons  pleines  munies  de  glaces  dormantes. 

Les  deux  compartiments  placés  de  chaque  côté  du  compartiment  moyen  sont  séparés 
entre  eux  par  de  simples  cloisons  à  jour,  s'arrètant  au  dossier  de  la  banquette. 


CHEMINS  DE  FER  DE  PARIS  A  LYON  ET  A  LA  MÉDITERRANÉE 

Elévation 


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Compagnie  Paris-Lyon-Méditerranée.  —  La  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  Paris-Lyon- 
Méditerranée  présentait  cinq  voitures  de  première  classe  et  une  voiture  de  troisième  classe. 

L'une  des  voitures  de  première  classe  est  à  trois  essieux  et  à  quatre  compartiments 
de  8  places  chacun. 

Une  autre  voiture  de  première  classe  est  à  huit  compartiments,  le  tout  monté  sur  deux 
bogies.  Six  des  compartiments  communiquent  entre  eux;  les  deux  autres  contiennent  des 


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346  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

fauteuils-lits  et  sont  communiquants.  Chaque  groupe  de  deux  compartiments  est  desservi 
par  un  cabinet  de  toilette  avec  water-closet.  Les  deux  bogies  sont  distants  d'axe  en  axe 
de  15  mètres.  La  longueur  de  la  voiture  hors  tampons  est  de  21m,5o0. 

Une  autre  voiture  de  première  classe,  montée  sur  bogies,  comprenait  huit  comparti- 
ments avec  couloir  brisé.  Les  quatre  compartiments  d'une  extrémité  sont  placés  à  droite  du 
couloir;  les  quatre  autres  sont  à  gauche.  La  voiture  présente  une  symétrie  boiteuse.  Chaque 
compartiment  contient  6  places,  soit  48  places  pour  l'ensemble.  A  chacune  des  extrémités 
du  couloir,  on  trouve  un  cabinet  de  toilette  avec  water-closet.  Des  passerelles  permettent 
de  passer  d'une  voiture  à  l'autre. 

Enfin,  parmi  les  deux  autres  voitures  de  première  classe  dont  il  nous  reste  à  parler, 
l'une  est  montée  sur  bogies  et  à  couloir  central,  l'autre  est  à  lits-salons  et  à  trois  essieux. 

La  voiture  de  troisième  classe  présentée  par  la  même  compagnie  comprend  cinq  com- 
partiments de  10  places  chacun. 

Chemin.':  de  fer  de  l'État.  —  Les  Chemins  de  fer  de  l'État  présentent  cinq  voitures,  dont 
trois  montées  sur  bogies.  Ces  dernières  présentent  de  grandes  améliorations.  Elles  permet- 
tent pour  les  trois  classes  de  voyageurs  la  circulation  d'un  bout  à  l'autre  et  même  d'une  voi- 
ture à  une  autre  et  l'accès  des  water-closets  pendant  la  marche  du  train.  Des  compartiments 
distincts  sont  réservés  pour  les  dames  voyageant  seules,  et  d'autres  aux  fumeurs.  Il  y  a 
aussi  des  compartiments  de  iamille.  Le  type  des  voitures  est  à  couloir  latéral. 

Compagnie  d'Orléans.  —  La  Compagnie  du  chemin  de  fer  d'Orléans  exposait  deux  types 
de  voiture  de  première  classe  :  l'une  de  ces  voitures,  destinée  aux  trains  rapides,  comprend 
deux  trucks.  Elle  peut  être  mise  en  communication  avec  un  wagon-restaurant  au  moyen 
d'une  passerelle.  La  voiture  comprend  sept  compartiments  de  6  places.  Les  sièges  sont 
munis  d'un  mécanisme  qui  permet  de  les  transformer  en  fauteuils-lits. 

L'autre  voiture  de  première  classe  présentée  par  la  même  compagnie  est  du  type 
courant;  en  outre,  des  dessins  donnaient  les  dispositions  d'une  voiture  de  première  classe 
à  neuf  lits-toilettes,  et  d'autres  voitures  de  première,  deuxième  et  troisième  classe. 

La  Compagnie  française  du  matériel  des  chemins  de  fer  (ateliers  à  Ivry-Port)  présentait 
une  voiture  de  première  classe,  reposant  sur  deux  bogies,  à  compartiments  isolés  et  à 
water-closets  à  couloir  extérieur  en  Z,  disposé  de  manière  que  la  voiture  soit  symétrique. 
La  caisse  de  la  voiture  présente  deux  parties,  séparées  par  un  couloir  transversal  qui  met 
en  communication  les  deux  couloirs  latéraux  situés,  l'un  à  droite,  l'autre  à  gauche  des 
compartiments  en  Z.  Les  voitures  communiquent  entre  elles  au  moyen  de  passerelles  pla- 
cées au  bout  du  couloir.  La  longueur  de  cette  voiture  hors  tampons  est  de  19m,68. 

La  Compagnie  de  Bône  à  Guelma  présentait  aussi  une  voiture  en  Z  comprenant  un 
compartiment  de  première  classe  de  6  places,  un  coupé  de  3  places;  quatre  compartiments 
de  deuxième  classe,  contenant  chacun  10  places;  un  cabinet  de  toilette  et  un  water-closet. 
La  même  compagnie  présentait  en  outre  deux  voitures  pour  voie  étroite  d'un  mètre,  et 
une  voiture  mixte  de  première  et  deuxième  classe  pour  la  même  voie  avec  couloir  central, 
cabinet  de  toilette  et  water-closet. 

La  Société  générale  des  chemins  de  fer  économiques  présentait  aussi  des  voitures  à 
trains  articulés  pour  voie  étroite  d'un  mètre. 

La  Compagnie  des  chemins  de  1er  du  Sud  de  la  France  présentait  une  voiture  mixte 
de  première  et  deuxième  classe,  formée  de  deux  trains  articulés.  La  caisse  comprend  deux 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


347 


compartiments  à  circulation  centrale  :  un  compartiment  de  première  classe  à  1S  places, 
divisé  en  deux  groupes.  Le  compartiment  de.  deuxième  classe  renferme  31  places,  réparties 
en  huit  séries  de  banquettes. 

La  Compagnie  des  chemins  du  Périgord  exposait  deux  voitures  :  l'une  de  deuxième 

CHEMINS  DE  FER  DE  PARIS  A  LYON  ET  A  LA  MÉDITERRANÉE 


VOITURE     A     LITS-SALONS 
Elévation 


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classe  à  18  places,  réparties  en  quatre  séries  de  banquettes;  l'autre  voiture  comprend  un 
salon  et  un  fumoir. 

La  Compagnie  générale  des  Omnibus  de  Paris  présentait  une  voiture -tramway  à 
60  places,  destinée  à  la  traction  mécanique.  Cette  voiture  comprend  une  caisse  à  impériale 
et  deux  plates-tormes  aux  extrémités.  Deux  escaliers  desservent  l'impériale.  L'impériale 
présente  26  places  et  chaque  plate-forme  7;  il  y  a  20  places  à  l'intérieur. 

La  Compagnie  des  Tramways  Sud  de  Paris  exposait  sa  voiture  qui  fait  le  service  de  la 
ligne  de  la  gare  Montparnasse  à  la  place  de  l'Étoile.  Cette  voiture  contient  47  places  :  23  à 
l'intérieur,  4  sur  la  plate-forme  et  20  à  l'impériale. 


318 


I.'FA'POSITION    UNIVERSELLE    DE    1«S9 


Le  réseau  des  Tramways  Nord  avait  présenté  une  voiture-tramway  de  57  places  :  26  à 
l'impériale.  10  sur  la  seule  plate-forme  d'arrière  et  21  à  l'intérieur. 

La  Compagnie  du  chemin  de  1er  de  Pensylvanie  a  exposé  un  fragment  de  voiture  à 
voyageurs.  Cette  voiture,  qui  a  14  mètres  de  long,  contient  50  places.  Elle  renferme  un 
lavabo-toilette  et  un  réservoir  d'eau  potable.  Elle  est  chauffée  par  deux  poêles  qui  amènent 
l'air  chaud  dans  des  coffres  placés  au-dessus  des  banquettes. 

Le  Grand-Central  belge  avait  présenté  une  voiture  mixte  de  première  et  deuxième 
classe,  comprenant  deux  compartiments  de  première  classe  à  8  places  chacun  et  deux  com- 
partiments de  deuxième  classe  à  10  places  chacun.  Le  chauffage  se  fait  à  l'eau  chaude  en 
circulation. 

La  Société  anonyme  internationale  de  Braine-le-Comte  avait  exposé  une  voiture  de  pre- 
mière classe  à  40  places  et  une  voiture  de  troisième  classe  de  80  places. 


CHEMINS    DE    FER    DE    L'ÉTAT 


Treuil. 


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Barrière  à  contrepoids  manœuvré? 
à  distance. 


La  Société  nationale  des  chemins  de  1er  vicinaux  de  Belgique  présentait  quatre  voitures 
pour  voie  étroite  d'un  mètre,  de  première  et  de  deuxième  classe. 

L'usine  Ragheno,  à  Malines,  présentait  une  voiture  mixte  à  trois  essieux  comprenant 
deux  compartiments  et  un  coupé  de  première  classe  et  donnant  ensemble  20  places;  trois 
compartiments  de  deuxième  classe  de  10  places  chacun. 

La  Société  anonyme  des  ateliers  de  construction  de  Malines  exposait  une  voiture  à 
bogies  à  cinq  compartiments  et  à  couloir  latéral.  Deux  compartiments  de  première  et  trois 
de  seconde  classe. 

La  Compagnie  italienne  des  chemins  de  fer  de  la  Méditerranée  présentait  une  voiture 
de  première  classe,  à  compartiments-lits,  construite  par  MM.  Miani  et  Silvestri,  de  Milan. 
Cette  voiture  contient  deux  compartiments  ordinaires  de  première  classe  à  8  places,  et 
deux  compartiments  ;i  2  places  chacun,  pouvant  se  transformer  en  lits,  par  rabatte- 
ment. La  voiture  est  éclairée  au  gaz.  La  même  compagnie  avait  envoyé  quatre  autres  voi- 
tures :  une  de  première  classe,  type  ordinaire,  avec  water-closet;  une  de  deuxième  classe  à 
quatre  compartiments,  communiquant  entre  eux  et  accessibles  à  un  water-closet;  une  voi- 
ture de  troisième  classe  à  cinq  compartiments,  de  10  places  chacun;  une  voiture  pour  ser- 
vice de  banlieue  et  des  lignes  secondaires,  qui  présente  des  plates-formes  aux  extrémités. 

La  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Adriatique  présentait  une  voiture  de  première 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


349 


classe  à  trois  compartiments,  communiquant  entre  eux,  avec  cabinet  de  toilette  et  water- 
closet. 

Les  Compagnies  du  London  and  Nord-Western  Caledonian  Railway  présentaient  une  voi- 
ture-salon, à  lits,  destinée  au  trajet  de  Londres  à  l'Ecosse.  Cette  voiture  est  divisée  en 
quatre  compartiments  attenant  chacun  à  un  cabinet  de  toilette.  Les  deux  compartiments 
extrêmes  sont  chacun  à  quatre  lits  superposés  deux  à  deux;  ceux  du  centre  n'ont  chacun 
que  deux  lits.  En  tout  douze  lits.  Le  chauffage  est  à  l'eau  chaud.'. 

Pour  terminer  l'exposition  des  voitures,  citons  la  voiture  mixte  pour  chemins  de  fer  du 
Cambrésis,  à  voie  d'un  mètre,  exposée  par  M.  Chevalier,  constructeur  à  Paris.  Cette  voiture 


CHEMINS   DE   FER   DE   L'ÉTAT 


LOCOMOTIVE    A    GRANDE    VITESSE    AVEC    DISTRIBUTION    BONNEFOND 


comprend  un  compartiment  de  chacune  des  trois  classes.  Citons  la  Société  internationale 
des  wagons-lits  pour  son  modèle  d'un  train  de  luxe  comprenant  une  voiture-salon,  une 
voiture-restaurant  et  un  fourgon. 

Citons  aussi  la  Société  industrielle  suisse  de  Neuhausen,  qui  a  exposé  une  voiture  à 
quatre  compartiments  de  six  places  chacun,  destinée  au  service  du'chemin  de  fer  de  Brûnig, 
et  une  voiture  pour  le  chemin  de  fer  du  Pilate.  Cette  voiture  contient  32  places  assises. 

Chauffage  des  trains.  —  Un  appareil  très  employé  est  le  thermosiphon  ou  appareil  de 
chauffage  des  voitures  par  une  circulation  continue  d'eau  chaude.  Ce  mode  est  appliqué  par 
les  Compagnies  de  l'Est,  d'Orléans  et  de  Paris-Lyon-Méditerranée.  L'eau  chaude  circule  dans 
les  chaufferettes  en  tôle  galvanisée,  placées  dans  les  compartiments  des  voitures.  Le  mécani- 
cien de  la  machine  peut  régler  à  volonté  ce  chauffage. 

Ce  même  mode  est  appliqué  aux  voitures  à  couloir  pour  chauffer  les  compartiments  et 
le  couloir. 


350 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Chaufferettes  à  acétate  (système  Ancelin).  —  Dans  ce  système,  l'eau  ordinaire  est  rem- 
placée par  l'acétate  de  soude  cristallisé,  contenant  quatre  équivalents  d'eau.  L'avantage  de 
ce  système  résulte  de  ce  que  l'acétate  emploie  neuf  heures  pour  abaisser  sa  température  de 
80  à  40  degrés,  tandis  que  l'eau  ordinaire  met  seulement  deux  heures  et  demie  pour  donner 
le  même  abaissement  de  température;  il  en  résulte  que  les  chaufferettes  à  l'eau  chaude 
doivent  être  réchauffées  plus  souvent  que  celles  à  l'acétate  de  soude.  Le  réseau  de  l'Ouest  fait 
usage  de  ce  système. 

Thermosiphon  Gallet.  —  Ce  système,  qui  est  appliqué  dans  les  voitures  à  bogies,  se  com- 


CHEMINS   DE   FER   DE   L'ÉTAT 


LOCOMOTIVE    MIXTE    DISPOSITION    COMPOUND,    SYSTEME    HA.LLET 


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LojtqtitHj    telaic.    >le_  {ïtjupija  _tn _Lvnpcit._   •_    i~3JÇ_ 


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pose  de  chaudières  tabulaires  boulonnées  sous  le  châssis  de  la  voiture.  Ces  chaudières  sont 
en  communication  avec  chacune  des  bouillottes  tubulaires  fixées  dans  les  compartiments. 
Le  combustible  employé  est  la  tourbe.  La  manutention  et  le  réglage  des  feux  se  font  en  dehors 
de  la  voiture  avant  le  départ  ou  après  le  départ  du  train.  L'approvisionnement  de  la  tourbe 
peut  durer  dix-huit  heures  et  le  rechargement  peut  être  effectué  en  dix  minutes.  Les  essais 
de  ce  système  ont  été  faits  entre  Paris  et  la  Rochelle  pendant  cinq  mois  sans  extinction  des 
feux  et  sans  que  les  appareils  aient  eu  besoin  de  réparation. 

Chaufferette  mixte  à  eau  et  à  briquettes  (type  Nord).  — L'appareil  est  compris  dans  une 
enveloppe  en  tôle.  Les  briquettes  employées  sont  en  charbon  aggloméré,  recuit  à  une  haute 
température.  Cette  chaufferette  est  appliquée  sur  les  lignes  secondaires  et  permet  d'assurer 
le  chauffage  des  voitures  pendant  sept  à  neuf  heures. 


Chauffage  continu  (système  Belleroche).  —  Ce  système,  qui  est  appliqué  sur  le  réseau 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  351 

du  Grand-Central  belge,  se  compose  de  chaufferettes  placées  au  niveau  du  plancher  des  voi- 
tures. Dans  ces  chaufferettes,  circule  de  l'eau  chaude  venant  de  la  locomotive  ou  d'un 
wagon  spécial.  Cette  eau  parcourt  toute  la  longueur  du  train  et  revient  au  point  de  départ. 

Intercommunication.  —  Il  y  a  deux  systèmes  principaux  d'intercommunication  qui  se 
pratiquent  suivant  les  prescriptions  ministérielles  et  qui  donnent  aux  voyageurs  le  moyen 
d'appeler  le  chef  du  train  ou  même  de  faire  arrêter  le  train  dans  le  cas  de  danger.  Ces 
deux  systèmes  sont  l'intercommunication  pneumatique  et  l'intercommunication  électrique. 

L'intercommunication  électrique  s'obtient  par  l'appareil  du  système  Prudhomme,  que 
les  compagnies  modifient  dans  les  détails,  mais  dont  le  principe  est  toujours  le  même  et  qui 
peut  se  résumer  ainsi.  Deux  tils  électriques  isolés,  allant  d'un  bout  à  l'autre  du  train, 
aboutissent  dans  chaque  fourgon  à  une  pile  Lechanché  de  six  éléments  et  à  une  sonnerie 
trembleuse,  laquelle  tinte  d'une  manière  continue  dès  que  l'on  réunit  les  deux  tils  sur  toute 
la  longueur  du  train.  Cette  circonstance  est  réalisée  automatiquement,  soit  lorsqu'il  y  a  une 
rupture  d'attelage,  soit  lorsqu'un  voyageur  tire  la  chaînette  de  son  compartiment,  destinée 
à  l'appel  de  secours.  Une  disposition  permet  aux  agents  du  service  le  moyen  de  vérifier 
l'état  des  communications  et  de  reconnaître  promptement  le  compartiment  d'où  le  signal 
d'arrêt  est  parti.  Ce  système  est  appliqué  aux  Compagnies  du  Nord  et  de  l'Est. 

Intercommunication  pneumatique.  —  Cette  intercommunication  se  fait  au  moyen  de  l'air 
comprimé  emprunté  au  frein  fonctionnant  lui-même  par  l'air  comprimé.  Le  tirage  de  la 
poignée,  à  l'intérieur  du  compartiment  de  voyageurs,  actionne  un  branchement  de  la  conduite 
d'air  comprimé  et  fait  en  même  temps  fonctionner  le  sifflet  avertisseur  de  la  locomotive. 
Le  sifflement  se  produit  jusqu'à  ce  que  ledit  robinet  soit  fermé  à  la  main.  Aux  chemins  de 
fer  de  l'État,  le  serrage  des  freins  se  fait  par  la  manœuvre  des  boites  d'appel.  Dès  que  la 
poignée  du  compartiment  de  voyageurs  est  tirée,  un  voyant  extérieur,  rendu  visible,  fait 
connaître  le  compartiment  d'où  est  parti  l'appel.  Le  mécanicien  doit  alors  fermer  son  régula- 
teur et  mettre  le  robinet  au  serrage. 


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Éclairage  des  rvagons.  —  L'éclairage  se  fait  au  moyen  de  lampes  à  l'huile  et  de  gaz 
d'huile. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  a  appliqué  l'éclairage  au  gaz  d'huile  aux  voitures  de  première 
classe  faisant  le  service  de  la  banlieue  et  de  la  Ceinture.  Chaque  voiture  porte  un  réservoir  à 
gaz  d'une  capacité  suffisante  pour  assurer  l'éclairage  pendant  seize  heures  en  grande 
flamme.  Un  robinet  spécial  permet  de  mettre  les  becs  en  veilleuse.  Une  usine,  installée  aux 
Batignolles,  distille  des  schistes  bitumineux  et  fournit  le  gaz  nécessaire  au  service  des 
lampes  alimentées  par  ce  procédé.  Cette  usine  est  reliée  à  la  gare  Saint-Lazare  de  Paris  par 
une  canalisation  en  plomb  de  trois  kilomètres,  et  aussi  à  la  gare  de  Courcclles  par  un  em- 
branchement de  650  mètres.  Cinq  accumulateurs  contiennent  une  réserve  de  gaz  de 
17  mètres  cubes  à  la  pression  de  11  kilogrammes. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  a  expérimenté  des  lampes  à  gaz  carburé,  dans  lesquelles  la 
naphtaline,  placée  dans  un  réservoir,  se  distille  sous  l'influence  de  la  chaleur  dégagée  par  les 
produits  de  la  combustion.  Du  gaz  ordinaire,  arrivant  par  un  tube  distinct,  se  mêle  aux 
vapeurs  de  naphtaline. 

Dans  les  voitures  de  première  classe  de  la  Compagnie  du  Nord,  on  fait  usage  d'une 


352 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


lampe  a  bec  rond,  à  l'huile,  qui  donne  une  grande  intensité  de  lumière  (3/4  de  carcel).  Les 
CHEMINS   DE   FER   DE   PARIS   A   LYON   ET   A   LA   MÉDITERRANÉE 


LOCOMOTIVE    COMPOUND    A    GRANDE    VITESSE 

Élévation. 


Vue  de  bout.  réflecteurs  sont  en  tôle  d'acier  doux  et  nickelé.  La  lumière 

directe  éclaire  toutes  les  parties  d'un  compartiment. 

Dans  le  réseau  d'Orléans,  on  fait  usage  de  lampes 
Shallis  et  Thomas,  alimentées  par  une  huile  minérale. 
L'air  nécessaire  à  la  combustion  est  pris  à  l'extérieur  de 
la  voiture.  La  mèche  est  coupée  et  réglée  à  chaque  voyage. 
Le  réglage  des  lampes  est  fait  pour  une  durée  de  douze 
à  quinze  heures.  Le  pouvoir  éclairant  d'une  lampe  est 
d'un  carcel. 

Signalons  les  ventilateurs  Pignatelli,  qui  ont  pour 

objet  d'empêcher  les  poussières  de  pénétrer  dans  les 

compartiments  de  voyageurs.  A  cet  effet,  l'air,  avant 

d'entrer  dans  le  wagon,  par  sa  partie  supérieure,  est 

forcé  de  traverser  des  cloisons  en  fils  de  fer  métalliques 

qui  le  débarrassent  des  grains  de  poussière  les   plus 

unis;  ensuite,  il  traverse  un  récipient  d'eau  où  il  achève 

de  se  purifier  avant  d'entrer  dans  le  wagon. 

Dans  le  réseau  de  l'Ouest,  on  fait  usage  pour  éclairer  les  voitures  d'une  lampe  à  huile 

du  système  Lefaurie  et  Potel  qui  est  à  niveau  constant.  La  consommation  est  de  25  à 

30  grammes  d'huile  de  colza  à  l'heure  et  la  durée  de  l'éclairage  est  de  seize  heures  environ. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889  353 

Fourgon  des  trains  sanitaires.  —  Le  transport  des  hommes  blessés  à  de  grandes  distances 
se  fait  au  moyen  de  wagons  spéciaux.  Les  diverses  compagnies  ont  présenté  des  spécimens 
différents  de  wagons.  La  Compagnie  de  l'Ouest  avait  expose  un  ensemble  de  23  wagons, 
dont  16  étaient  des  fourgons  réservés  aux  blessés  et  les  autres  comprenaient  les  services 
des  médecins,  de  la  chirurgie,  des  infirmiers,  de  la  cuisine  et  des  provisions  de  toutes  sortes. 
La  suspension  des  fourgons  de  blessés  est  la  même  que  celle  des  voitures  de  première 
classe.  Un  lanterneau  placé  au  centre  du  wagon  assure  la  ventilation.  En  outre,  les  portes 
d'extrémité  sont  munies  de  vasistas.  Un  poêle,  utilisé  pour  les  tisanes,  sert  à  chauffer  tout  le 
fourgon.  Le  fourgon  des  médecins  contient  trois  lits  en  fer,  un  bureau  et  un  water-closet.  Les 
fourgons  sont  munis  de  passerelles  permettant  le  passage  dans  toute  la  longueur  du  train. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  a  étudié  le  moyen  d'improviser  des  trains  pour  transporter  les 
blessés.  A  cet  effet,  elle  affecte  au  transport  des  blessés  des  wagons  de  marchandises  au 
moyen  d'une  transformation  qui  exige  cinq  à  six  minutes.  Le  matériel  qu'elle  emploie  est 
applicable  aux  fourgons  des  six  grandes  compagnies  et  des  chemins  de  fer  de  l'État.  On  peut 
installer  ainsi  12  malades  par  wagon  en  moins  de  dix  minutes. 

La  Compagnie  d'Orléans  montrait  un  fourgon  à  deux  guérites  extérieures  pour  bagages 
et  subsistances  de  chevaux.  La  Société  des  ateliers  de  construction  du  Nord  montrait  un 
fourgon  de  chargement  de  10  tonnes  pouvant  être  aménagé  au  besoin  pour  six  chevaux  ou 
pour  vingt-quatre  hommes. 

La  Compagnie  de  l'Est  exposait  le  dessin  d'un  wagon-écurie,  permettant  le  chargement 
des  chevaux,  soit  latéralement,  soit  par  bout.  Les  stalles  sont  disposées  longitudinalement. 
Un  compartiment,  placé  à  la  tête  des  chevaux ,  est  réservé  au  palefrenier.  Ce  wagon  peut 
être  attelé  aux  trains  de  grande  vitesse. 

La  Compagnie  de  l'Est  exposait,  en  outre,  un  de  ses  wagons  couverts.  Le  pavillon  est 
recouvert  d'une  toile  écrue  clouée  sur  les  rebords  et  ayant  reçu  trois  couches  de  céruse.  Cette 
toile,  ainsi  préparée,  présente  une  durée  plus  grande  que  la  toile  sablée  et  une  com- 
bustibilité moindre  que  cette  dernière.  Le  wagon  est  disposé  pour  recevoir  les  cables  de 
l'intercommunication  électrique  pour  le  cas  où  le  wagon  serait  intercalé  dans  un  train  de 
voyageurs. 

La  Compagnie  du  Midi  présentait  son  wagon  à  messagerie,  servant  au  transport,  en 
grande  vitesse,  des  bestiaux  et  des  marchandises  voyageant  à  couvert. 

La  Compagnie  du  Midi  présentait  aussi  une  plate-forme  servant  au  transport  en  petite 
vitesse  des  marchandises,  pouvant  voyager  à  découvert  ou  protégées  par  de  simples  bâches. 
Son  chargement  est  de  10  tonnes. 

La  Compagnie  du  Pennsylvania  Railroad  présentait  son  wagon  couvert,  destiné  au 
transport  des  grains  et  des  marchandises  susceptibles  de  s'altérer  par  l'humidité. 

La  Compagnie  du  Nord  présentait  un  wagon  plat,  à  deux  trains,  destiné  au  transport 
des  fers  longs  et  des  tôles  de  grandes  dimensions.  Ce  wagon  repose  sur  deux  bogies,  reliés 
l'un  à  l'autre  par  une  flèche.  La  distance  d'axe  en  axe  des  bogies  est  de  9  mètres;  la  lon- 
gueur hors  tampons  est  de  15"',90,  longueur  de  chaque  train  4m,96.  Le  chargement  peut 
atteindre  25  tonnes. 

Le  London  Brighton  and  South  Coast  Railway  exposait  une  plate-forme  à  deux  essieux, 
destinée  au  transport  des  voitures  de  déménagement  capitonnées.  Le  chargement  est  de 
4  tonnes. 

III  23 


354 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


La  Compagnie  du  Sud  de  la  France  présentait  un  wagon-tombereau  de  5m,50  de  lon- 
gueur, liors  tampons,  pouvant  contenir  un  chargement  de  10  tonnes,  et  aussi  un  wagon 
plat  dont  les  grands  côtés  peuvent  se  rabattre,  de  même  capacité. 


CHEMINS   DE   FER   DU   NORD 


LOCOMOTIVE     A     BOGIE     A     L  AVA  NT     POUR     TRAINS     EXPRESS 

Élévation. 


Vue  de  bout.  La  Société  nationale  des  chemins  de  fer  vicinaux  de  Rel- 

gique  présentait  un  wagon-tombereau  pouvant  transporter 
les  marchandises  ordinaires  et  aussi  des  arbres,  des  perches 
et  des  voitures. 

Le  Grand  Central  belge  exposait  un  grand  wagon  pouvant 
charger  20  tonnes  et  destiné  à  des  pièces  très  longues.  Il  est 
monté  sur  deux  bogies  distants  de  6m,40  d'axe  en  axe.  Ce 
wagon  peut  être  transformé  en  wagon  plat. 

Enfin,  signalons  dans  ce  même  ordre  de  véhicules  le 
wagon  à  plateforme  surbaissée  de  M.  Chevalier,  disposé  de 
manière  à  pouvoir  transporter  les  grues  mobiles,  employées 
dans  l'exploitation  des  chemins  de  fer. 

Dans  la  construction  des  wagons  spéciaux  pour  le  trans- 
port de  certaines  marchandises  comme  le  lait,  la  glace,  ou 
bien  pour  des  matériaux  qui  doivent  être  déversés  dans  cer- 
taines conditions  comme  la  houille,  des  déblais,  il  faut  satis- 
à  des  nécessités  particulières,  qui  exigent  des  wagons  construits  en  conséquence. 
Ainsi  la  Compagnie  d'Orléans  a  confectionné  un  wagon  à  lait  présentant  de  bonnes  condi- 
tions d'aération.  Les  parois  de  ce  wagon  sont  tonnées  de  lames  de  persiennes  perforées 


faire 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  355 

permettant  à  l'air  de  se  renouveler.  De  même  le  wagon-glacière  exposé  par  la  Merchants 
Dispatch  C°,  qui  est  destiné  au  transport  des  viandes  fraîches  et  des  conserves  en  boite 
des  abattoirs  de  Chicago  et  de  Saint-Louis  présente  des  dispositions  spéciales.  Ce  wagon 
sert  aussi  au  transport  des  volailles  et  du  lait.  Les  cloisons  de  ce  wagon  sont  isolées,  afin 
de  le  mettre  à  l'abri  des  gelées.  Dans  l'été,  on  y  place  de  la  glace  pour  assurer  la  fraîcheur 
des  denrées  transportées. 

La  Société  des  Usines  et  Fonderies  de  Baume  et  Marpont  présentait  un  wagon  pour 
desservir  les  quais  d'embarquement  dans  les  gares  de  la  Compagnie  du  Nord.  La  caisse 
s'ouvre  sur  les  côtés  de  telle  manière  que  la  masse  de  houille  versée  soit  considérable  et  que 
le  bris  soit  aussi  faible  que  possible. 

Citons  le  wagon  déversant  à  mouvement  pneumatique  de  M.  Chevalier  qui  contient 
6  mètres  cubes  et  porte  10  tonnes. 

La  Compagnie  du  Pennsylvania  Railway  présentait  un  wagon  à  houille ,  muni  d'un  fond 
basculant  à  trémie  pesant  10  tonnes.  On  utilise  aussi  ce  wagon  pour  les  minerais  et  les  bois 
de  charpente. 

Citons  le  wagon  à  plans  inclinés  latéraux,  exposé  par  MM.  Dietrich  et  destiné  au 
déchargement  automatique  de  la  houille  et  des  minerais.  Le  fond  de  la  caisse  du  wagon 
présente  un  dos  d'âne  à  45  degrés  pour  faciliter  le  déchargement.  Ce  wagon  est  en  service 
dans  les  exploitations  de  minerais  de  fer  de  la  Lorraine. 

La  Compagnie  de  l'Ouest  avait  exposé  un  fourgon  d'expériences,  dans  lequel  étaient 
installés  divers  appareils  ayant  pour  objet  de  mesurer  les  efforts  développés  en  service  par 
les  locomotives,  pour  recueillir  des  gaz  de  leur  combustion  et  pour  relever  sur  place  les 
diverses  circonstances  de  la  marche  des  trains.  Ce  fourgon  contient  un  compartiment 
muni  d'armoires  et  de  tablettes,  une  cuve  à  eau,  un  matériel  permettant  de  faire  des  expé- 
riences sommaires,  un  bâti  portant  des  appareils  enregistreurs,  etc.,  un  water-closet  avec 
lavabo. 

Citons  enfin  le  wagon  à  torpilleurs  de  M.  Partiot,  inspecteur  général  des  ponts  et  chaus- 
sées, dont  les  dessins  étaient  exposés  et  qui  a  servi  à  transporter  de  Toulon  à  Cherbourg 
les  torpilleurs  de  la  marine.  Ce  wagon  est  composé  de  deux  trucks  reliés  par  une  flèche. 

Détail  du  matériel  de  tramways.  —  M.  Arbel  présentait  des  roues  mixtes  en  bois  et  métal 
pour  tramways.  Le  corps  de  la  roue  est  en  fer  forgé,  confectionné  au  marteau-pilon.  Le 
pourtour  de  la  jante  présente  une  cannelure  dans  laquelle  est  encastrée  une  jante  en  bois, 
et  par-dessus,  on  place  à  chaud  un  cercle  de  roulement  en  fer  qui  est  maintenu  par  des 
boulons  à  tête  fraisée.  Une  boite  en  fonte  ou  en  bronze  est  enfoncée  dans  le  moyeu  de  ma- 
nière à  pouvoir  être  remplacée  en  cas  d'usure.  L'effet  pratique  de  la  jante  en  bois  interposée 
est  de  donner  de  l'élasticité  à  la  roue  et  de  diminuer  le  bruit  de  roulement  des  voitures. 
Cette  exposition  comprenait  une  soixantaine  de  spécimens  de  roues  applicables  aux  compa- 
gnies de  tramways. 

Les  boîtes  à  graisse  pour  wagons  formaient  une  exposition  de  détails  très  instructifs 
pour  les  intéressés.  Nous  citerons  l'exposition  de  M.  Verny,  constructeur  à  Réaumont,  la 
Société  des  usines  de  Baume  et  Marpont  pour  ses  boites  à  graisse  en  acier. 

Les  attelages  des  voitures  présentaient  une  assez  grande  variété.  Nous  citerons  le 
système  de  tendeur  à  déclanchement  de  la  Compagnie  de  l'Ouest  qui  permet  de  décrocher 
les  wagons  placés  en  queue  des  trains  express  pendant  la  marche. 


356 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


La  Compagnie  d'Orléans  présentait  aussi  son  modèle  d'attelage  qui  a  pour  but  d'assurer 
constamment  le  contact  des  tampons  des  wagons  dans  le  passage  des  parties  courbes  de  la 
voie. 

Citons  le  système  d'attelage  Bertli  et  Lcchleiter,  présenté  par  les  chemins  de  fer  de 
l'État  qui,  pouvant  être  manœuvré  latéralement,  évite  l'inconvénient  et  le  danger  qui  résulte 
pour  les  hommes  de  s'introduire  entre  les  tampons  des  voitures. 

Citons  aussi  l'attelage  de  M.  Mùller  et  celui  de  M.  Grason,  qui  présentent  de  nouvelles 
dispositions  de  détails. 

Enfin,  rappelons  que  le  système  de  M.  Hanrez,  ingénieur  à  Bruxelles,  permet  de  sup- 
primer les  arrêts  des  trains  de  voyageurs  en  accrochant  une  voilure  à  un  train  en  vitesse 
sans  arrêter  celui-ci  et  sans  produire  aucun  choc.  A  cet  effet,  la  voiture  que  l'on  veut  accro- 
cher porte  un  tambour  sur  lequel  s'enroule  un  câble  d'une  longueur  d'une  centaine  de 

CHEMINS  DE  FER  DE  L'EST.  —  Wagon  couvert 


mètres.  A  mesure  que  le  câble  s'enroule,  le  wagon  se  rapproche  progressivement  du  train 
en  vitesse  sans  produire  de  choc. 

Disons  maintenant  quelques  mots  de  la  fabrication  importante  des  essieux  et  des  bou- 
lons dont  on  trouvait  des  spécimens  à  l'Exposition  et  prenons  pour  exemple  l'impor- 
tante usine  Faugier. 

Le  personnel  de  M.  Antoine  Faugier  est  réparti  entre  ses  deux  usines,  dont  l'une  fait 
des  essieux  et  l'autre  s'occupe  spécialement  de  la  fabrication  des  boulons. 

Dans  l'usine  des  essieux,  il  y  a  une  centaine  d'ouvriers.  Les  essieux  sont  faits  avec  des 
riblons,  mis  en  paquets  et  soumis  à  l'action  des  marteaux-pilons  et  martilets.  Le  travail  est 
divisé  de  telle  sorte  que  des  équipes  d'ouvriers  sont  employées  au  tour,  au  taraudage  des 
fusées  et  aussi  à  la  confection  des  accessoires  de  l'essieu,  tels  que  clavettes,  écrous,  etc.  La 
maison  fabrique  aussi  les  boites  de  roues  qu'elle  coule  dans  sa  fonderie  et  qu'elle  alèse  et 
ajuste  sur  des  essieux.  La  production  mensuelle  est  de  75  à  100  tonnes. 

L'usine  des  boulons  du  même  industriel  occupe  200  ouvriers  à  la  fabrication  des  bou- 
lons, des  tire-fonds,  des  rivets  et  des  différents  articles  de  ferronnerie.  La  production  men- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


357 


suelle  est  de  250  à  300  tonnes.  Cette  maison  applique  un  système  particulier  de  taraudage 
dit  à  chaud  par  laminage.  La  machine  à  tarauder  est  construite  très  solidement.  Elle  com- 
prend trois  arbres  inclinés  de  l'arrière  à  l'avant  autour  de  l'axe  de  la  machine  d'un  même 
angle.  Ces  arbres  sont  commandés  par  une  série  d'engrenages  qui  leur  donne  le  même 
mouvement  de  rotation.  Chacun  de  ces  arbres  porte  un  cylindre  compresseur  portant  sur  sa 
surface  un  creux  représentant  le  filet  à  obtenir.  Le  tire-fond  à  tarauder,  tout  étant  main- 
tenu, est  introduit  entre  les  trois  cylindres  inclinés.  Ceux-ci  saisissent  le  tire-fond 
et  lui  font  supporter  un  laminage  tout  en  lui  imprimant  la  forme  des  filets.  Par  l'emploi  de 


Machine  à  fabriquer  les  boulons,  de  M.  A.  Faugier. 

cette  machine,  le  métal  est  à  la  fois  étiré  et  resserré.  Aussitôt  le  taraudage  terminé,  un  mou- 
vement automatique  renverse  la  marche  des  cylindres  inclinés,  le  tire-fond  est  chassé  et  on 
le  remplace  par  un  autre  tire-fond  chaud.  On  parvient  ainsi  à  tarauder  huit  tire-fond  à  la 
minute.  Cette  maison  fournit  par  mois,  à  chacune  des  compagnies  Paris-Lyon-Méditerranée 
et  Orléans,  de  150,000  à  200,000  tire-fond. 

Passons  en  revue  les  ateliers  des  compagnies  des  chemins  de  fer  qui  ont  pris  une  exten- 
sion si  considérable. 

Atelier  de  la  Compagnie  de  l'Est.  —  On  trouvait  à  l'Exposition  les  dessins  représentant 
les  dispositions  des  ateliers  de  Romilly-sur-Seine,  dans  lesquels  se  font  les  réparations  de 
peinture  des  voitures  de  troisième  classe,  des  wagons  et  des  fourgons,  les  remplacements 
des  bandages  des  roues  et  des  essieux,  la  construction  des  châssis  en  fer  des  voitures  et  des 


358  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

fourgons  et  aussi  la  construction  complète  des  fourgons  et  des  wagons  à  marchandises.  On 
y  fait  aussi  le  débit  des  bois  nécessaires  aux  ateliers  du  réseau  de  l'Est. 

Ces  ateliers  de  construction  récente,  relativement,  ont  été  fondés  de  1884  à  1887.  Ils 
occupent  une  superficie  de  10  hectares  environ.  Les  bâtiments,  seuls,  couvrent  une  étendue 
de  près  de  3  hectares  et  doivent  être  augmentés.  Les  voies  ferrées  peuvent  recevoir 
770  véhicules  dont  217  sont  à  couvert.  Ces  ateliers  occupent  360  ouvriers  qui  débitent 
annuellement  un  cube  de  bois  de  chêne,  de  sapin  et  de  pitch-pin  qui  peut  être  évalué  à 
3,650  mètres  cubes. 

En  dehors  de  beaucoup  de  détails  intéressants  qui  ne  pourraient  trouver  place  dans  cet 
aperçu,  nous  dirons  que  l'atelier  de  montage  a  une  étendue  de  15,650  mètres  carrés.  Il  est 
relié  par  15  voies.  L'atelier  d'ajustage  des  tours  comprend  3,630  mètres  carrés.  L'atelier  des 
machines-outils,  celui  des  machines  à  travailler  le  bois,  ont  chacun  la  même  étendue  que  le 
précédent. 

Il  y  a  deux  groupes  de  moteurs  produisant  une  puissance  totale  de  160  chevaux.  Des 
étuves  sont  montées  pour  le  séchage  des  bois  par  la  méthode  dite  de  fumage. 

Compagnie  du  Nord.  —  Elle  montrait  les  dispositions  de  ses  ateliers  d'Hellemmes,  près 
Lille,  qui  occupent  le  long  de  la  ligne  de  Lille,  à  Tournai,  une  étendue  de  18  hectares 
(1,100  mètres  en  longueur  et  170  mètres  de  largeur). 

Les  bâtiments  comprennent  trois  groupes  :  les  ateliers  de  réparation  des  machines  et 
des  tenders  ;  les  bâtiments  pour  wagons  ;  les  magasins  de  matières  premières.  En  outre,  il  y 
a  un  réfectoire  pour  900  ouvriers,  un  magasin  de  denrées  et  des  maisons  d'habitation.  Les 
surfaces  couvertes  se  chiffrent  par  36,200  mètres  carrés.  Le  personnel  comprend  :  poul- 
ies ateliers  des  machines,  700  à  800  ouvriers  ;  pour  les  ateliers  des  voitures,  500  à  600 
ouvriers  ;  pour  les  bureaux  et  magasins,  150  à  180  employés  ;  en  tout  de  1,350  à  1,580  per- 
sonnes. 

Il  y  a  une  fonderie  de  cuivre,  une  étuve  pour  le  fumage  des  bois,  des  ateliers  des 
apprentis  ajusteurs  et  des  apprentis  menuisiers.  Les  machines-outils  sont  actionnées  par 
une  machine  à  vapeur  de  150  clievaux.  La  forge  comprend  vingt-deux  feux  de  forge,  une 
machine  de  30  chevaux  et  un  marteau-pilon  de  2,500  kilogrammes  ;  en  outre,  il  y  a  dix 
marteaux  à  vapeur  et  une  grue  de  la  force  de  8,000  kilogrammes. 

Un  atelier  principal,  comprenant  les  bureaux  au  centre,  est  actionné  par  une  machine 
Corliss  de  75  chevaux. 

Compagnie  d'Orléans.  —  Nous  ne  dirons  rien  des  grands  ateliers  d'Ivry  qui  existent 
depuis  un  nombre  considérable  d'années,  et  nous  citerons  seulement  l'atelier  spécial  cons- 
truit à  Vitry  pour  la  préparation  des  huiles  de  graissage,  des  toiles  enduites  pour  bâches, 
des  peintures,  des  matières  désincrustantes  pour  chaudières  et  de  diverses  substances 
employées  dans  les  services  multiples  d'un  chemin  de  fer. 

Le  graissage  des  coussinets  de  wagon  et  des  organes  de  machine  comprend  une  étude 
très  importante  au  point  de  vue  de  la  conservation  des  organes  et  une  grande  variété 
suivant  les  applications.  Ainsi,  pour  le  graissage  des  machines,  la  Compagnie  d'Orléans  fait 
usage  d'un  mélange  d'huile  de  colza  et  d'huile  de  résine,  en  parties  équivalentes.  Pour  les 
wagons,  elle  fait  usage  d'un  mélange  d'huile  de  résine,  en  grande  proportion,  avec  de  l'huile 
de  colza  ou  de  l'oléonaphte. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  359 

Pour  les  boites  d'essieux,  la  graisse  est  séparée  de  l'huile  par  un  bouchon  fusible.  Si, 
par  une  cause  quelconque,  la  fusée  chauffe,  comme  on  le  dit,  si  la  température  devient 
supérieure  à  100  degrés,  le  bouchon  interposé  entre  en  fusion  et  la  graisse  s'infiltre  et 
empêche  la  détérioration  des  parties  frottantes. 

Dans  le  même  atelier  de  Vitry,  on  prépare  la  peinture  hydrofuge  pour  wagons  ;  elle  est 
formée  d'oxyde  de  zinc,  de  silice  et  de  peroxyde  de  fer.  L'humidité,  loin  d'altérer  cette 
peinture,  lui  communique  une  grande  dureté  qui  est  due  à  la  présence  de  la  silice. 

Les  toiles  pour  bâches  sont  enduites  dans  l'atelier  de  Vitry  de  trois  et  quelquefois  cinq 
couches  d'un  mélange  d'huile  de  lin,  de  cire,  de  caoutchouc  et  de  noir  de  fumée. 

La  Compagnie  d'Orléans  emploie  comme  matière  désincrustante  des  chaudières  un 
mélange  de  matières  tinctoriales,  de  carbonate  de  soude  et  d'eau. 

La  Compagnie  d'Orléans  fabrique  elle-même,  dans  ses  ateliers  de  Paris-Ivry,  le  bronze 
phosphore  employé  dans  les  coussinets  et  dans  les  tiroirs  de  distribution.  Ce  bronze  est 
meilleur  marché  que  le  bronze  ordinaire,  par  la  raison  que  le  zinc  est  remplacé  par  l'étain. 
Le  bronze  phosphore  fait  un  bon  service  et  s'use  moins  que  le  bronze  ordinaire  qui  contient 
de  l'étain. 

La  Compagnie  d'Orléans  confectionne  un  mastic  spécial  qui  se  moule  bien  et  qui  ne 
prend  pas  de  retrait  dans  la  pierre.  Il  se  compose  d'un  mélange  de  sulfure  que  l'on  obtient 
en  mélangeant  de  la  tournure  de  fonte  avec  du  soufre,  en  ajoutant  cinq  litres  d'eau  par 
10  kilogrammes  du  mélange.  On  obtient  ainsi  une  pâte  qui  est  mise  dans  des  barils  où  la 
réaction  s'opère;  ensuite,  la  matière  mise  en  poudre  tamisée  est  mélangée  par  parties 
égales  avec  du  soufre  fondu  et  coulée  dans  une  lingotière. 

Compagnie  de  l'Ouest.  —  Elle  montrait  les  dispositions  de  ses  nouvelles  installations  et 
magasins  construits  aux  Batignolles. 

L'atelier  de  peinture  de  Batignolles-Levallois  a  été  construit  en  1888.  Il  occupe  une 
étendue  de  3,500  mètres  carrés  et  peut  contenir  70  voitures.  Une  partie  de  cet  atelier  est 
réservée  à  la  peinture,  l'autre  au  vernissage  des  voitures.  En  hiver,  l'atelier  de  peinture  est 
chauffé  à  10  degrés,  et  celui  du  vernissage  à  18  degrés.  Afin  de  diminuer  les  chances 
d'incendie,  les  huiles  et  les  essences  sont  enfermées  dans  des  réservoirs  et  sont  tirées  au 
fur  et  à  mesure  des  besoins  au  moyen  de  pompes. 

Le  Magasin  central  des  Batignolles,  dont  la  Compagnie  de  l'Ouest  présentait  les  dispo- 
sitions, est  un  bâtiment  à  deux  étages  destiné  aux  ateliers  de  réparation  du  service  du 
matériel  et  de  la  traction. 

Une  transmission  donne  la  force  nécessaire  pour  faire  mouvoir  les  machines  d'essai. 
Au  rez-de-chaussée  sont  déposées  les  pièces  lourdes.  Le  premier  étage  est  affecté  aux 
pièces  ouvrées  pour  le  matériel  roulant.  Son  plancher  peut  porter  1,000  kilogrammes  par 
mètre  carré.  Le  second  étage  est  réservé  aux  objets  de  quincaillerie,  aux  tapis,  à  la  bros- 
serie; les  planchers  peuvent  porter  500  kilogrammes  par  mètre  carré.  Un  vitrage  central 
règne  sur  la  presque  totalité  de  la  longueur  du  magasin.  La  nuit,  l'éclairage  se  fait  par 
l'électricité. 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  des  machines-outils  exposées  dans  la  classe  LXI  par 
les  diverses  Compagnies  de  chemin  de  fer. 


360  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

Les  machines  portatives  rendent  de  grands  services  dans  la  réparation  des  locomotives. 
Telles  sont  les  machines  à  percer,  les  machines  à  aléser;  la  meule  alésoir,  etc.  Cette 
dernière,  particulièrement,  sert  à  rectifier  les  boutons  et  les  coulisses  de  distribution 
lorsque  ces  organes  sont  gauchis.  Elle  permet  aussi  d'aléser  les  pièces  ovalisées  par  l'usure. 
Elle  permet  de  faire  la  réparation  des  pièces  trempées  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  détremper 
les  pièces.  L'outil  de  cette  machine  est  une  meule  recevant  un  mouvement  de  rotation  très 
rapide  (4,500  tours  par  minute). 

La  meule  à  affûter  les  scies  à  métaux  rend  aussi  de  grands  services  et  remplace  le 
travail  à  la  main  du  tiers-point. 

La  Compagnie  du  Nord  présentait  des  machines-outils  servant  à  la  réparation  des 
locomotives.  La  Compagnie  d'Orléans  exposait  des  dessins  de  machines-outils  ayant  divers 
objets,  une.  entre  autres,  qui  permet  de  trancher  les  barres  d'acier,  et  d'autres  ayant  pour 
but  de  pratiquer  des  ouvertures  dans  ces  lames  et  de  les  cintrer. 

Enfin,  signalons  des  appareils  servant  aux  essais  des  métaux  au  choc,  des  appareils  à 
essayer  les  essieux  et  les  bandages  des  roues,  les  dynamomètres  hydrauliques  pouvant 
mesurer  des  efforts  de  traction  atteignant  28  tonnes  ;  des  appareils  servant  à  essayer  les 
huiles  pour  machines  et  permettant  de  vérifier  leur  pouvoir  lubréfiant. 


m 


MACHINES    ET    APPAREILS 


DE   LA  MECANIQUE  GENERALE 


^ette  classe,  très  importante  par  son  étendue  superficielle  et  par  le  nombre  d'objets 
qu'elle  embrassait,  était  répartie  :  1°  dans  le  Palais  des  Machines,  au  rez-de-chaus- 
sée, au  point  de  croisement  des  deux  allées  rectangulaires  qui  partageaient  le 
palais  en  quatre  régions  distinctes  ; 

2°  Au  premier  étage,  au-dessus  de  l'emplacement  correspondant  du  rez-de-chaussée; 

3°  Dans  trois  annexes,  situées  sur  la  berge  de  la  Seine,  en  aval  du  pont  d'Iéna. 

En  résumé,  au  point  de  vue  de  l'étendue  superficielle,  le  rez-de-chaussée  comprenait 
6,000  mètres  carrés,  le  premier  étage,  946;  les  trois  annexes  sur  la  Seine,  2,000.  En  tout,  cette 
classe  comprenait  environ  9,000  mètres  carrés. 

Il  serait  difficile  de  caractériser  la  nature  des  objets  exposés  sur  cette  grande  étendue, 
tant  ils  étaient  différents  ;  en  effet,  on  y  trouvait  des  appareils  mécaniques  qui  ont  leurs 
applications  dans  un  grand  nombre  d'industries,  tels  que  les  machines  et  chaudières  à  va- 
peur, les  turbines,  les  moteurs  à  vent,  les  grues  à  vapeur,  des  presses  hydrauliques,  les 
appareils  de  levage,  des  moteurs  à  gaz,  les  ascenseurs,  les  monte-charges,  etc.  En  outre,  on 
trouvait  des  accessoires  de  chaudières  et  de  machines  à  vapeur  ou  autres,  tels  que  flotteurs, 
appareils  de  sûreté,  soupapes,  injecteurs,  compteurs,  paliers,  poulies  de  transmission,  freins, 
roues  d'engrenage,  etc. 

Il  nous  serait  impossible  d'examiner  même  sommairement  les  milliers  d'objets  et  d'ap- 
pareils de  cette  classe  ;  nous  ne  pouvons  qu'en  donner  des  aperçus  généraux  et  citer  les 
exemples  les  plus  saillants.  Disons  tout  d'abord  que  par  rapport  à  l'Exposition  de  1878,  la 
mécanique  générale  n'a  pas  fait  de  progrès  considérables,  c'est-à-dire  que  l'Exposition  de 
1889  n'a  pas  présenté  d'inventions  nouvelles  qui  puissent  faire  époque.  Les  progrès  sont 
seulement  des  progrès  de  détail  et  d'exécution. 

Ne  pouvant  pas  étudier  les  machines  individuellement,  nous  serons  obligés  de  les  rap- 
porter à  des  groupes  généraux,  ce  qui  nous  permettra  d'exposer  des  généralités  sur  les 
machines  ayant  quelques  points  de  similitude,  soit  dans  leurs  dispositions,  soit  dans  leurs 
applications. 


302 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Nous  considérerons  successivement  les  machines  à  vent,  les  machines  hydrauliques, 
les  machines  à  vapeur,  et  les  moyens  de  transmettre  la  puissance  à  distance. 

Nous  commencerons  par  les  machines  à  vent  qui  industriellement  sont  les  moins 
importantes. 

Les  machines  à  vent,  ou  même,  moulins  à  vent,  paraissent  avoir  été  connues  très  an- 
ciennement. Quoi  qu'il  en  soit,  leur  introduction  en  France  date  des  Croisades. 

L'action  du  vent  est  transmise  par  des  roues.  On  a  fait  de  très  curieuses  études  sur  le 


Machine  a  vapeur  horizontale  (fixe)  à  double  cylindre  (Conipound)  à  condensation,  exposée  par  la  maison  J.  Iioulet  et  C1*. 

fonctionnement  et  la  marche  de  ces  moteurs.  Il  est  généralement  admis  que  la  marche 
forcément  inégale  d'un  moulin  à  vent  pendant  une  année,  soit  365  jours,  équivaut  à  ce  que 
serait  sa  marche  se  produisant  dans  des  conditions  complètement  favorables  pendant 
120  jours  environ. 

Le  reproche  le  plus  grave  qui  puisse  être  fait  à  ces  machines  est  bien  certainement 
l'irrégularité  forcée  de  leur  marche  et  partant  l'irrégularité  du  travail  obtenu  et  les  nom- 
breux chômages  imposés.  Malgré  cela,  les  moulins  à  vent  peuvent  être  et  sont,  en  effet,  très 
utilement  employés  à  l'assèchement  des  marais  (comme  en  Hollande,  par  exemple),  à  l'arro- 
sement  des  terres,  à  l'alimentation  des  réservoirs  d'eau,  etc. 

Tout  le  monde  sait  que  les  moulins  à  vent  ont  été  employés  depuis  des  siècles  à  la  mou- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


363 


ture  du  blé,  mais  qu'ils  tendent  à  disparaître  et  à  être  remplacés  par  un  outillage  très  per- 
fectionné, mû  le  plus  souvent  par  des  machines  à  vapeur.  Les  machines  à  vent  de  l'Expo- 
sition n'avaient  pas  en  vue  cette  destination,  elles  étaient  construites  pour  des  applications 
agricoles,  notamment  pour  l'élévation  des  eaux  destinées  aux  irrigations  ;  applications  dans 
esqu elles  l'eau  se  trouve  élevée  soit  au  moyen  de  pompes,  soit  au  moyen  de  godets.  Ces 
moteurs  pourraient  être  employés 
aussi  pour  certains  travaux  qui  n'exi- 
gent pas  une  régularité  absolue  et  qui 
peuvent  s'effectuer  à  certaines  heures. 

Il  y  avait  douze  moteurs  à  vent 
établis  sur  la  berge  de  la  Seine.  L'un 
de  ces  moteurs,  dit  l'Eclipsé,  construit 
par  M.  Beaume,  peut  marcher  huit 
jours  sans  qu'il  soit  nécessaire  de 
renouveler  le  graissage.  Le  dispositif 
du  moteur  consiste  en  une  roue  gar- 
nie dans  toute  sa  surface  de  petites 
ailes  droites  disposées  en  lames  de 
persiennes.  Cette  construction  est  très 
usitée  en  Amérique,  où  elle  a  donné 
de  bons  résultats.  Dans  d'autres  mo- 
teurs à  vent,  les  voiles  sont  au  con- 
traire de  grandes  dimensions. 

Le  moteur  aérien  de  MM.  Pécard 
frères  présente  une  voilure  qui  se 
modifie  suivant  l'intensité  du  vent  et 
qui  peut  même  s'effacer  pendant  les 
tempêtes. 

Les  ailes  s'ouvrent  ou  se  ferment 
sous  l'action  même  du  vent,  et  la 
pression  de  celui-ci  est  équilibrée  par 
un  contrepoids  mobile  à  volonté.  Un  gouvernail  permet  d'orienter  le  moteur.  La  disposition 
adoptée  permettrait  de  construire  des  moteurs  ayant  18  mètres  de  diamètre  et  pouvant 
fournir  une  puissance  de  40  chevaux. 

Citons  aussi  YEllienne  de  M.  Bollée  fils,  du  Mans,  qui  est  un  moteur  à  vent,  s'orientant 
de  lui-même  à  tous  les  vents  et  se  désorientant  pendant  les  tempêtes. 

Citons  encore  la  turbine  atmosphérique  de  M.  A.  Dumont,  qui  est  composée  de  voiles 
en  tôle  d'une  grande  étendue,  ayant  la  forme  d'une  surface  hélicoïdale. 

Une  turbine  de  ce  système,  de  lm,50  de  diamètre,  peut  élever  environ  2  mètres  cubes 
d'eau  par  jour  à  10  mètres.  Avec  6  mètres  de  diamètre,  cette  turbine  élève  50  à  60  mètres 
cubes  d'eau  en  24  heures  à  10  mètres  de  hauteur. 

Les  moteurs  à  vent  sont,  dans  l'état  actuel,  des  machines  imparfaites  qui  peuvent  cepen- 
dant rendre  des  services  dans  des  cas  spéciaux  ;  mais,  jusqu'à  présent,  ils  ne  peuvent  être 
utilisés  industriellement,  par  suite  de  leur  faible  puissance  et  du  travail  irrégulier  qu'ils 


Moulin  à  vent  actionnant  une  pompe, 
'exposé  par  la  maison  Rossin,  d'Orange. 


364 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


fournissent.  Si  l'on  parvenait  à  régulariser  leur  puissance  et  à  l'accumuler  pour  s'en  servir 

à  un  moment  donné,  ils  seraient  économiques  et  rendraient 
de  grands  services  pour  les  petites  industries  des  campa- 
gnes. Le  moteur  à  vent  de  M.  Leneutre,  qui  était  à  l'Exposi- 
tion, est  construit  surtout  en  vue  des  applications  indus- 
trielles. Citons  encore  les  moulins  Allaire,  Rossin  (d'Orange), 
David  (d'Orléans),  Alricq,  etc. 

Les  quatre  spécimens  de  moteurs  à  vent  exposés  par 
M.  H.  Rossin,  ingénieur  hydraulicien  à  Orange  (Vaucluse), 
appartenaient  à  un  type  spécial  dont  de  nombreuses  appli- 
cations ont  été  laites  dans  le  Midi  et  principalement  dans  la 
vallée  du  Rhône  où  les  vents  sont  très  fréquents  et  souvent 
d'une  violence  extrême. 

Ces  moulins  marchent  vent  debout  et  comportent  un 
gouvernail  articulé  placé  à  l'arrière  de  la  voilure,  qui  permet 
d'en  régulariser  la  vitesse  suivant  la  force  du  vent.  (Voir 
p.  363.) 

Un  frein  à  main  très  puissant,  manœuvré  par  un  volant, 
permet  d'arrêter  le  moulin  par  les  vents  les  plus  violents, 
tandis  qu'un  autre  volant  actionne  une  vis  sans  fin  et  permet 
de  le  carguer  en  plaçant  le  gouvernail  parallèlement  au  plan 
de  la  voilure.  Il  peut,  dans  ces  conditions,  résister  aux  plus 
grandes  tempêtes. 

Le  gouvernail  et  la  voilure  sont  placés  d'un  côté  de  l'axe 
Alimentation  d'eau  par  le  moulin  à  vcni  de  suspension  et  sont  équilibrés  de  l'autre  par  un  poids  en 
H-  Rossl"'  fonte  placé  à  l'extrémité  de  l'arbre  horizontal.  Ainsi  excen- 

trés, la  voilure  et  le  gouvernail  sont  plus  sensibles  aux  changements  de  direction  du  vent. 


Coupe  d'un  joint  avant  le  serrage 


Coupe  d'un  joint  après  le  serrage 


Système  do  tuyaux  pour  canalisation  de  H.  Rossin,  d'Orange. 

L'ensemble  de  la  voilure,  tout  en  tôle  et  fer,  est  d'une  rigidité  suffisante  pour  résister  aux 

plus  grands  vents. 

Pour  transmettre  la  puissance  de  ce  moteur,  deux  combinaisons  sont  adoptées  : 

1°  Dans  les  petits  appareils  jusqu'à  10  ou  12  mètres  carrés  de  surface,  qui  ne  doivent 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  365 

servir  qu'à  l'élévation  de  l'eau,  un  excentrique  venu  de  fonte  contre  la  poulie-frein,  donne 
un  mouvement  alternatif  qui  est  transmis  directement  à  la  pompe  par  un  tringlage  ; 

2°  Dans  les  grands  appareils,  la  transmission  de  mouvement  a  lieu  par  engrenages 
d'angle;  l'un  de  ces  engrenages  est  appliqué  contre  la  poulie-frein  et  l'autre  se  trouve  logé 
horizontalement  dans  une  chambre  ménagée  dans  le  support  de  la  voilure  ;  il  est  solide- 
ment claveté  sur  un  arbre  de  transmission  vertical  sur  lequel  on  peut  prendre  toutes  les 
dispositions  nécessaires. 

Quand  ce  moteur  doit  être  installé  sur  un  point  culminant,  afin  d'être  mieux  exposé 
au  vent,  ce  système  permet  de  transmettre  la  force  motrice  par  un  cable  télédynamique 
actionnant  directement  le  mouvement  des  pompes,  qui,  généralement,  dans  ce  cas,  se 
trouvent  à  une  assez  grande  distance. 

Si,  au  contraire,  on  a  besoin  d'actionner  des  machines  agricoles  telles  que  :  hache- 
paille,  coupe-racines,  concasseurs,  etc.,  et  qu'on  désire  une  certaine  régularité  dans  le 
mouvement,  on  interpose  deux  cônes  renversés  dont  la  courroie  est  déplacée  par  un  régu- 
lateur puissant  fixé  sur  l'arbre  vertical.  Si  une  grande  régularité  dans  la  marche  est  néces- 
saire, comme  pour  actionner  des  dynamos,  par  exemple,  on  emploie  des  pompes  et  des 
machines  à  air  comprimé. 

Enfin,  signalons  une  application  importante  du  système  de  moteur  à  vent  de  M.  Rossin, 
faite  en  décembre  1886,  à  la  halle  de  Valenton  (p.  364),  près  de  la  gare  de  Villeneuve-Saint- 
Georges,  sur  le  chemin  de  1er  de  grande  ceinture  de  Paris,  pour  l'alimentation  d'eau  d'un 
réservoir. 

Ce  moteur  à  vent  actionne  deux  pompes  pouvant  débiter  10  mètres  cubes  à  l'heure 
avec  une  élévation  de  16  mètres  de  hauteur.  Il  a  fonctionné  avec  une  grande  régularité 
par  tous  les  temps,  et  a  supporté,  depuis  plus  de  trois  ans  qu'il  est  installé,  des  tempêtes 
violentes,  sans  aucune  avarie. 

Une  application  analogue  du  moteur  et  de  la  pompe  à  vent  Rossin  a  été  faite  pour 
l'alimentation  du  réservoir  de  la  gare  de  Colleville  (chemin  de  fer  de  l'Ouest). 

M.  Rossin  avait  également  exposé  des  tuyaux  en  terre  cuite  avec  assemblage  au  caout- 
chouc vulcanisé,  complétant  ainsi  ses  appareils  par  une  canalisation  simple  et  économique 
pour  conduire  l'eau  qu'ils  peuvent  élever. 

Ces  tuyaux  sont  à  emboîtement.  Pour  faire  le  joint,  il  suffit  de  mettre  une  rondelle  en 
caoutchouc  vulcanisé  sur  le  chanfrein  du  bout  mâle,  de  présenter  ce  bout  en  regard  du 
manchon  avec  lequel  il  doit  s'adapter  et  de  pousser  à  fond. 

Ce  joint  étant  flexible,  les  tuyaux  peuvent  suivre  toutes  les  inflexions  du  sol  sans  risquer 
de  se  briser.  Nous  reproduisons  page  364  l'assemblage  terminé. 

Les  moteurs  hydrauliques  sont  les  moteurs  les  plus  parfaits  au  point  de  vue  théorique. 
Ce  sont  ceux  pour  lesquels  on  se  rend  le  mieux  compte  de  la  dépense  à  faire  pour  obtenir 
un  travail  imposé.  L'Exposition  de  1889  montrait  un  très  grand  nombre  de  moteurs  hydrau- 
liques employés  pour  des  applications  absolument  diverses  ;  mais  il  faut  bien  reconnaître 
qu'elle  présentait  peu  de  nouveautés  parmi  ces  moteurs  ;  en  revanche,  elle  était  surtout 
remarquable  par  l'extension  croissante  des  moteurs  hydrauliques  appliqués  à  l'industrie. 

Déjà,  à  l'Exposition  Universelle  de  1878,  la  section  anglaise  montrait  que  tout  le  travail 
de  la  chaudronnerie  pouvait  se  iaire  au  moyen  de  la  presse  hydraulique.  Depuis  ce  temps, 


366 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


l'expérience  a  permis  de  constater  que  le  rivetage  à  la  presse  hydraulique  est  excellent  et 
est  bien  supérieur  au  rivetage  effectué  mécaniquement  ou  à  la  main.  Dans  ces  derniers,  les 
rivets  ne  remplissent  pas  exactement  les  trous  pratiqués  dans  les  tôles,  tandis  que,  par  la 
rivure  hydraulique,  les  rivets  ne  laissent  aucun  vide  dans  les  trous  de  tôle  ;  d'où  il  résulte 
une  plus  grande  solidité,  une  plus  grande  étanchéité  dans  les  joints. 

Aujourd'hui  il  existe  un  grand  nombre  de  machines  hydrauliques  à  river,  à  cisailler, 
à  percer,  à  étirer,  à  emboutir,  à  forger,  etc. 

Depuis  1867,  les  pompes  contrifuges  de  grandes  dimensions  sont  employées  pour  les 
épuisements  et  les  irrigations.  Ces  pompes,  qui  rendent  de  grands  services,  se  sont  repré- 
sentées à  l'Exposition  de  1889  sans  offrir  aucun  changement  sensible  depuis  1878. 


! 


Tonneau  d'arrosage  et  à  purin  (système  Broquet). 

Les  turbines  étaient  très  nombreuses  à  notre  dernière  Exposition  ;  elles  sont  employées 
maintenant  pour  toutes  les  hauteurs  de  chute.  Ces  moteurs  ont  une  très  grande  vogue  et 
remplacent  dans  un  grand  nombre  de  cas  les  anciennes  roues  hydrauliques,  qui  ne  figu- 
raient même  pas  à  l'Exposition. 

Parmi  les  turbines  exposées,  citons  celles  de  MM.  Valletet  Burlin,  Royer,  Brault,  Teisset 
et  Gillet,  etc. 

L'eau,  comme  force  motrice,  est  utilisée  dans  les  ascenceurs,  pour  les  engins  et  outillage 
des  ports  tels  que  grues,  monte-charge.  Les  avantages  de  l'eau  sont  considérables  sur  les 
autres  moteurs.  Il  résulte  de  son  emploi  une  grande  sécurité  et  plus  de  douceur  dans  les 
mouvements  ;  ce  qui  atténue  les  clives  et  diminue  les  chances  de  rupture.  L'eau  permet 
aussi  le  transport  de  la  puissance  à  de  grandes  distances  et  dans  des  conditions  éco- 
nomiques. 

Une  application  de  l'eau  comme  force  motrice  est  faite  depuis  longtemps  au  moyen 
de  l'eau  en  pression  dans  les  conduites  de  la  Ville  en  se  servant  du  moteur  Sautter,  Lemon- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


367 


nier  et  Cie.  Son  installation  peut  être  faite  clans  les  sous-sols  et  même  dans  des  pièces  habi- 
tées. Ce  moteur  hydraulique  peut  rendre  des  services  pour  des  installations  industrielles 
exigeant  une  puissance  de  quelques  chevaux,  notamment  pour  pompes  et  ventilateurs. 

Parmi  les  machines  hydrauliques  les  plus  remarquables  de  l'Exposition  nous  citerons 
les  ascenseurs  à  pistons  articulés  du  système  Roux,  Combaluzier  et  Lepape,  installés  dans 
les  piliers  est  et  ouest  de  la  tour  Eiffel  qui  effectuent  l'ascension  depuis  le  sol  jusqu'au  pre- 
mier étage.  Ces  ascenseurs  ont  été  étudiés  par  M.  Guyenet,  ingénieur. 

La  Compagnie  Worthington  avait  un  grand  nombre  d'installations  hydrauliques  à 
l'Exposition,  dont  les  plus  importantes  étaient  la  machine  élévatoire  sur  la  berge  de  la  Seine, 


Pompe  à  incendie  construite  par  la  Compagnie  de  Fives-Lille. 

construite  par  M.  Thomas  Powel  de  Rouen  et  la  machine  de  MM.  de  Quillacq  et  Meunier  ; 
ces  pompes  alimentaient  le  Palais  des  Machines. 

Les  pompes,  placées  dans  le  pilier  sud  de  la  tour  Eiffel,  qui  faisaient  fonctionner  l'as- 
censeur Edoux,  étaient  aussi  du  même  système. 

Les  pompes  Worthington  sont  à  vapeur  et  à  action  directe,  c'est-à-dire  que  le  piston  de 
la  machine  à  vapeur  et  le  piston  de  la  pompe  ont  une  tige  commune.  Il  en  résulte  que  le 
piston  de  la  pompe,  arrivé  à  la  fin  de  sa  course,  a  un  temps  d'arrêt  qui  est  très  favorable  à 
la  fermeture  lente  des  soupapes,  ce  qui  est  une  excellente  condition  pour  éviter  les  chocs  et 
le  bris  des  pompes. 

Dans  ce  système,  la  machine  à  vapeur  n'a  pas  de  volant,  et  l'on  y  supplée  au  moyen  de 
pistons  hydrauliques  compensateurs  qui  régularisent  le  mouvement  des  pompes. 

Ces  dernières  sont  accouplées  de  telle  manière  qu'il  y  ait  une  pompe  à  l'arrêt  pendant 
que  l'autre  fonctionne.  Il  en  résulte  une  régularisation  dans  le  débit  des  pompes. 

Ces  pompes  sont  appliquées  aux  grandes  élévations  d'eau;  elles  sont  très  répandues  en 


36S 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Angleterre  et  en  Amérique.  On  les  utilise  aussi  pour  le  transport  du  pétrole,  qui  se  fait  au 
moyen  de  tuyaux  dans  lesquels  les  pompes  refoulent  le  pétrole.  Une  conduite,  établie  dans 
ce  but,  entre  la  région  des  huiles  et  New-York,  a  une  longueur  de  504  kilomètres. 

Mentionnons  la  pompe  à  colonnes  liquides  de  M.  Durozoi,  ingénieur,  qui  a  pour  objet 
de  transmettre  le  travail  de  l'eau  sans  pression  au  moyen  de  tuyaux  pouvant  suivre  toutes 
les  inflexions  du  terrain. 

Le  même  ingénieur-constructeur,  ainsi  que  M.  Bollée,  avait  exposé  des  béliers  hydrau- 


Pompe  à  incendie  (système  Broquetj. 


liques,  de  divers  systèmes,  de  grandes  dimensions,  tous  établis  d'après  le  principe  du  bélier 
de  Montgolfler.  Cet  appareil  a  pour  objet,  en  général,  d'utiliser  la  puissance  d'une  chute 
d'eau  en  élevant  à  une  certaine  hauteur  une  fraction  de  l'eau  de  cette  chute.  Le  progrès 
réalisé  à  l'Exposition  de  1889,  concernant  les  béliers  hydrauliques,  se  rapporte  à  leurs 
grandes  dimensions. 

.  Les  pompes  à  piston  captant  de  M.  de  Montrichard,  inspecteur  des  forêts  à  Montmédy, 
méritent  une  mention  particulière  :  dans  ce  système,  le  piston  est  animé  simultanément 
d'un  mouvement  de  va-et-vient  et  d'un  mouvement  de  rotation.  Ce  double  mouvement  pro- 
duit l'aspiration,  de  sorte  que  la  pompe  ne  présente  pas  de  clapet.  Ces  pompes  peuvent  être 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


369 


mises  en  mouvement,  soit  à  la  main,  soit  par  courroie  et  au  moyen  d'un  moteur  à  vapeur, 
comme  le  montrait  l'installation  faite  dans  la  section  belge,  au  Palais  des  Machines.  Des 
expériences  faites  au  Conservatoire  sur  ces  pompes,  actionnées  par  courroie,  ont  donné  des 
rendements  moyens  de  64  et  ~i  0/0,  suivant  la  vitesse  et  le  débit.  C'est  donc  un  bon 
appareil. 

Citons  les  pompes  de  MM.  Audeinard-Guyon,  Dumont  (centrifuge),  Orly  et  Grandemange, 
David  (d'Orléans),  Prudon  et  Dubost,  Ph.  Rousseau  et  F.  Baland  ;  le  moteur  à  colonne  d'eau, 
système  Hoppe. 

Citons  aussi  le  tuyau  rotatif  moteur  de  M.  Le  Blon,  ingénieur;  le  régulateur  de  vitesse 


Pompe  horizontale  a  double  effet,  pour  grandes  élévations  .système  Itroquet). 

de  la  maison  suisse  Rieter  de  YVintertliur,  la  turbine  Girard,  la  pompe  à  colonne  d'eau  du 
système  Roux,  et  les  pompes  de  MM.  Brouhot,  Cazaubon,  Letestu. 

Il  convient  de  consacrer  une  mention  spéciale  aux  pompes  de  la  maison  Broquet 
(anciennement  J.  Moret  et  Broquet).  C'est  plutôt  par  des  perfectionnements  de  détails  et  par 
les  soins  minutieux  apportés  à  l'établissement  de  leurs  appareils,  que  par  des  dispositions  et 
des  systèmes  nouveaux,  que  les  pompes  de  MM.  Moret  et  Broquet  se  recommandent  aux 
industriels,  aux  agriculteurs,  aux  négociants  en  vins,  bières,  alcools,  cidres,  huiles,  etc. 

Nous  avons  examiné  avec  soin  tous  les  modèles  de  pompes  que  M.  Broquet  soumettait 
aux  visiteurs  à  l'Exposition  Universelle.  Nous  les  avons  vus  fonctionner  sous  nos  yeux, 
et  nous  avons  répété  sur  elles  des  expériences  qui  nous  ont  permis  d'en  constater 
l'excellent  fonctionnement.  Enfin,  nous  avons  pu  nous  rendre  compte  du  mode  de  construc- 

III  .  24 


370 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


tion  de  ces  appareils  qui  sont  fabriqués  de  toutes  pièces  dans  les  ateliers  mêmes  de 
31.  Broquet. 

La  maison  Broquet  est  située  au  cœur  de  Paris,  121,  rue  Oberkampf,  elle  a  été  fondée 
en  1860. 

Un  ingénieur  expérimenté  est  attaché  à  la  maison  pour  s'occuper  plus  spécialement  des 
détails  de  la  construction,  des  plans,  devis,  installations,  etc. 

Les  ateliers  sont  distribués  avec  un  souci  minutieux  de  ménager  la  place. 

On  n'avait  pas  à  perdre  de  l'espace  et  l'on  n'en  a  pas  perdu  grâce  à  l'ordre  merveilleux 
et  à  la  méthode  dans  lesquels  toutes  les  opérations  se  succèdent.  A  part  la  fonderie  des 
pièces,  tout  se  construit  dans  l'usine:  les  taraudages,  la  forge,  l'ajustage,  les  alésages  des 
corps  de  pompes,  elc.  Pas  une  pièce  de  provenance  ou  de  fabrication  étrangère.  C'est  pour 


Pompe  Broquet  pour  l'arrosage  des  villes  et  des  propriétés  (système  Broquet). 

cette  raison  que  M.  Broquet  peut  garantir  la  construction  des  appareils  qui  sont  tous 
essayés  avant  l'expédition. 

Les  machines  composant  l'outillage  sont  actionnées  par  une  machine  à  vapeur  puis- 
sante de  31.  Le  Gavrian  (de  Lille)  ;  elle  est  verticale  :  le  cylindre  est  du  système  Corliss.  —  Un 
pont  roulant  facilite  les  opérations  de  transport  et.  de  manœuvre  des  pièces. 

Des  magasins  et  un  vaste  atelier  de  peinture  complètent  l'installation  de  la  rue 
Oberkampf. 

Distribution  d'eau  dans  les  ville*.  —  L'Exposition  présentait  un  grand  nombre  de 
modèles  de  distributions  d'eau  dans  les  villes.  Entre  autres,  celle  de  Genève,  obtenue  au 
moyen  de  turbines  et  de  pompes  construites  par  la  maison  Escher  "Wyss  et  Cie  (de  Zurich). 

La  ville  de  Genève  possède  deux  réseaux  d'eau,  l'un  à  haute  pression,  l'autre  à  basse 
pression.  Ces  deux  réseaux  fournissent  de  l'eau  potable  et  de  l'eau  motrice.  Le  service  com- 
prend huit  groupes  de  turbines.  Les  bâtiments  de  l'usine  pourront  recevoir  douze  nouveaux 
groupes  à  mesure  îles  besoins. 

La  même  maison  de  construction  Escher  Wyss  et  Gie  exposait  aussi   au  Palais  des 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


371 


Machines,  le  modèle  d'une  turbine  Girard,  à  axe  horizontal,  d'une  puissance  de  140  che- 
vaux. Trois  hircines  semblables  font  marcher  des  pompes  qui  alimentent  l'usine  élévatoire 
de  la  Chaux-de-Fonds.  Des  eaux  de  source,  situées  près  du  lit  de  la  Rcuse,  sont  élevées  par 
ces  pompes  à  une  hauteur  de  ortO  mètres  et  de  là  conduites  à  la  Chaux-de-Fonds. 

La  Compagnie  des  eaux  pour  l'étranger  avait  exposé,  dans  le  Palais  de  l'Hygiène,  à 
l'Esplanade  des  Invalides,  les  plans  relatifs  à  la  distribution  des  villes  de  Porto  (Portugal), 
de  Naples  et  de  Venise.  Ces  grands  travaux,  décrits  avec  beaucoup  de  détails  dans  la  Revue 
technique  ([>,  présentent  un  intérêt  considérable.  On  trouve  aussi  dans  le  même  ouvrage,  la 
description  des  usines  élévatoires  ayant  pour  objet  l'irrigation  du  Béhéra  dans  la  Basse- 
Egypte.  Cette  installation,  exposée  dans  la  section  égyptienne,  était  très  intéressante.  Ces 


Pompe  Croquet  à  double  elïet  pour  grandes  élévations. 

grands  travaux  ont  eu  pour  collaborateurs  MM.  Léon  Vigreux,  Farcot  et  Fcray  et  Cie, 
d'Essonnes. 

Indépendamment  des  objets  importants,  de  premier  ordre,  se  rapportant  à  l'hydrau- 
lique, cl  dont  nous  avons  donné  quelques  exemples,  il  y  avait  à  l'Exposition  un  très  grand 
nombre  d'appareils  secondaires  qui  sont  des  accessoires  indispensables  des  machines 
hydrauliques.  Tels  sont  les  compteurs  à  eau,  parmi  lesquels  ceux  de  MM.  Badois,  Bariquand, 
Casalonga,  Michel,  etc.;  les  flotteurs,  les  régulateurs  de  vanne  des  roues  hydrauliques,  les 
soupapes,  les  pistons,  surtout  ceux  de  M.  P.  Carré,  qui  sont  étanches;  les  clapets,  les 
nettoyeurs  mécaniques  et  automatiques  de  grilles  destinées  à  arrêter  complètement  les 
détritus  entraînés  par  les  eaux  d'alimentation  des  moteurs  hydrauliques.  Tous  ces  accessoires 
sont  pour  la  plupart  connus,  mais  offraient  cependant  une  étude  de  détails  très  intéressante 

pour  les  spécialistes. 

* 
*    * 


Moteurs  à  vapeur.  —  Les  moteurs  à  vapeur  étaient  nombreux  à  l'Exposition.  Tous  les 
types,  anciens  ou  moins  anciens,  avaient  un  nombre  considérable  de  représentants,  car  il 

(1)  Revue  technique  de  l'Exposition  Universelle  de  1889. 


372 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


n'y  a  pas  eu,  à  proprement  parler,  d'invention  nouvelle  depuis  l'Exposition  de  1878  et  le 
progrès  des  machines  à  vapeur  consiste  principalement  dans  une  exécution  précise  et  dans 
la  rivalité  des  constructeurs  à  se  surpasser  dans  le  fini  des  machines. 

Le  mécanisme  de  la  détente  fait  toujours  l'objectif  principal  de  toutes  les  recherches. 
La  théorie  de  la  machine  à  vapeur  est  loin  d'être  complète.  Il  reste  encore  bien  des  points  à 
élucider.  Cela  résulte  des  conférences  faites  en  1889,  au  Congrès  de  mécanique  appliquée. 

Quelques  mots  sur  les  générateurs  à  vapeur.  —  Quant  à  la  chaudière,  cet  organe  indispen- 


Machine  horizontale  demi-fixe  à  double  cylindre  (Compound)  à  condensation  avec  chaudière  tabulaire  à  foyer  amovible. 

sable  à  la  production  de  la  vapeur,  son  étude  est  assez  complète  et  permet  au  constructeur 
d'en  calculer  les  dimensions  les  plus  économiques,  suivant  les  conditions  variées  des 
besoins. 

Les  générateurs  de  vapeur  sont  restés  ce  qu'ils  étaient  en  1878,  au  point  de  vue  des 
formes;  mais  au  point  de  vue  de  la  matière  qui  les  constitue,  il  s'est  produit  une  transfor- 
mation :  la  tôle  de  fer  a  été  remplacée  par  la  tôle  d'acier  qui  présente  une  plus  grande 
sécurité;  d'autre  part,  il  est  incontestable  que  l'exécution  des  chaudières  actuelles  est  bien 
supérieure  à  celle  des  anciennes.  De  même,  les  accessoires  des  chaudières,  tels  que  mano- 
mètres, soupapes  de  sûreté,  indicateurs  de  niveau,  etc.,  sont  partout  exécutés  avec  un 
soin  minutieux. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889  373 


Les  chaudières  à  signaler  sont  les  chaudières  multitubulaires,  nommées  ainsi  parce 
qu'elles  présentent  un  grand  nombre  d'éléments  ou  de  tubes  de  petit  diamètre,  d'où  il 
résulte  une  grande  surface  de  chauffe  pour  un  faible  volume  d'eau.  Ces  chaudières  admet- 
tent des  pressions  plus  grandes  que  les  anciennes  chaudières  et,  malgré  cette  circonstance, 
les  chances  d'accident  sont  moindres  parce  que  la  masse  d'eau  chaude  est  considérablement 
réduite  ;  elles  présentent  donc  une  grande  sécurité. 

Le  service  de  la  force  motrice  nécessaire  au  Palais  des  Machines  de  l'Exposition  avait 
été  assuré  par  onze  installations  de  générateurs  de  vapeur. 

Le  système  multitubulaire  était  appliqué  dans  dix  de  ces  installations. 

Nous  indiquerons  pour  mémoire  quelques  noms  des  industriels  qui  ont  été  chargés  de 
lournir  de  la  vapeur  pour  les  services  de  l'Exposition  :  MM.  J.  Bellevilleet  Ci0  (Seine);  Naeyer 
et  O  (Willebroeck,  Belgique);  Roser  (Saint-Denis);  Daydé  et  Pillé  (Creil,  Oise);  Conrad, 
Knap  et  Cie  (Angleterre);  Compagnie  Babcook  et  Wilcox  (New-York  et  Londres);  Lacroix 
(Paris);  Pressard  (Paris):  Société  générale  coopérative  des  générateurs,  Terme  et  Deharbe 
(Paris)  ;  Société  anonyme  des  générateurs  Collet  (Paris). 

Quelques  autres  générateurs  assuraient  les  services  de  la  tour  Eiffel  et  ceux  des  sections 
d'électricité,  du  palais  de  la  République  Argentine,  etc. 

Il  y  avait,  en  outre,  un  grand  nombre  de  générateurs  au  repos,  disséminés  dans  le 
Palais  des  Machines  et  dans  diverses  sections. 

La  plupart  de  ces  générateurs  ne  sont  pas  nouveaux  et  reproduisaient  les  types  de 
l'Exposition  Universelle  de  1878.  Ils  ont  subi  des  modifications  de  détails  et  leur  exécution 
était  faite  avec  beaucoup  de  soins. 

A  part  les  industriels  que  nous  avons  déjà  cités,  nous  pouvons  encore  signaler,  comme 
types  de  chaudières  intéressantes,  celles  exposées  par  MM.  Girard,  Fontaine,  Meunier  de 
Lille,  Hermann-Lachapelle,  etc. 

Nous  mentionnerons  tout  particulièrement  le  nouveau  générateur  à  vaporisation 
instantanée  de  M.  Serpollet,  dont  le  principe  est  le  suivant  :  On  prend  un  tube  de  fer  d'une 
forte  épaisseur,  on  l'aplatit  et  on  le  lamine  à  chaud.  Entre  les  deux  parties  du  tube,  qui  se 
sont  rapprochées,  il  reste  comme  un  intervalle  très  mince,  qui  joue  le  rôle  principal  dans 
l'appareil.  On  donne  à  ce  tube,  ainsi  préparé,  la  forme  que  l'on  veut,  ordinairement  celle 
d'un  serpentin  et  l'on  adapte  à  chacune  de  ses  extrémités  un  raccord.  Le  tube  forme  alors 
un  élément  de  générateur  de  vapeur  :  en  effet,  si  on  le  porte  à  la  température  de  250  degrés,  et 
si  l'on  injecte  de  l'eau  à  une  de  ses  extrémités,  on  recueille  à  l'autre  de  la  vapeur  à  haute 
pression.  Cette  disposition  en  serpentin  a  été  appliquée  pour  constituer  des  moteurs  de 
faibles  dimensions.  Pour  les  générateurs  à  grandes  dimensions,  les  tubes  sont  droits,  étayés  et 
placés  au-dessus  d'un  foyer;  leurs  extrémités  sont  réunies  à  des  collecteurs  d'eau  et  de 
vapeur. 

Ce  générateur,  qui  présente  une  grande  sécurité,  a  été  appliqué  à  un  tricycle  et  à  un 
canot  qui  a  fonctionné  sur  la  Seine. 

La  classe  LU  présentait  un  nombre  considérable  d'accessoires  de  chaudières  à  vapeur, 
tels  que  manomètres  (notamment  ceux  de  M.  Ed.  Bourdon,  le  fils  de  l'inventeur  du  mano- 
mètre métallique),  soupapes  de  sûreté,  injecteurs  Giffard  et  autres,  indicateurs  de  niveau, 
sifflets  d'alarme,  appareils  de  robinetterie  (ceux  de  MM.  Muller,  Boger,  etc.).  En  outre  des 


GRAISSEUR    OI.EOMETRE 

Disposition  pour  montage  direct  sur  l'arrivée  de  vapeur. 


GRAISSEUR    OLEOMETRE 

Disposition  pour  montage  contre  un  support  vertical. 


It,  Récipient  en  bronze,  de  section  annulaire,  avec  orifice  an  centre  pour 
laisser  passer  le  tuyau  K. —  F,  Itobinel  principal  à  deux  orilices  pour 
l'arrivée  de  vapeur  par  le  luyau  K  et  le  retour  d  huile  par  le  tuyau  T. 

—  X,  Douille  à  tarauder  pour  fixer  l'appareil.  —  0,  Joint  tournant  à 
ëcrou  permettant  d'orienter  l'appareil  dans  la  position  convenable.  — 
L,  Bagues  en  bois  empêchant  la  chaleur  du  robinet  de  se  communiquer 
au  récipient.  —  K,  Tuyau  d'arrivée  de  vapeur.  —  I,  Vis  de  purge  avec 
raccord.  —  S,  Serpentin  pour  la  condensation.  —  B,  Robinet  introdui- 
sant l'eau  de  condensation  dans  le  récipient.  —  A,  Godet  à  vis  pour 
le  remplissage.  —  N,  Robinet  de  vidange.  —  M,  Robinet  distributeur 
pour  l'écoulement.  Ce  robinet  porte  deux  pointeaux,  P,  et  P2;  lorsque 
le  pointeau  horizontal  P,  est  ouvert,  c'est  île  l'huile  qui  s'écoule  dans 
le  tube  en  verre;  lorsque,  au  contraire,  le  pointeau  vertical  P2  est 
ouvert,  c'est  de  l'eau  qui  arrive  dans  le  tube.  —  V,  Tube  en  verre 
plein  d'eau  dans  lequel  montent  les  gouttes  d'huile.  —  P,  Vis  à  poin- 
teau pour  l'arrêt  de  l'écoulement  d'huile.  —  D,  Bouchon  démontable 
permettant  de  nettoyer  ou  de  remplacer  facilement  le  tube  eu  verre. 

—  T,  Tuyau  conduisant  l'huile  à  l'orifice  du  robinet  F. 


CC,  Plaque  en  fonte  vernie  percée  de  quatre  trous  pour  la 
fixation.  —  R,  Récipient  principal  en  bronze.  —  K,  Tuyau 
d'arrivée  de  vapeur.  —  I,,  Vis  de  purge  avec  raccord  de 
jonction.  —  S,  Serpentin  pour  la  condensation.  —  U,  Raccord 
de  jonction.  —  L,  Tuyau  d'arrivée  d'eau.  —  B,  Robinet  à 
vis  pour  l'introduction  de  l'eau  dans  le  graisseur.  —  N,  Ro- 
binet à  vis  pour  la  vidange  du  récipient.  —  A,  Godet  à  vis 
pour  le  remplissage  du  récipient.  —  M,  Robinet  distributeur 
pour  l'écoulement.  Ce  robinet  porte  deux  pointeaux  P,  et  Pa  ; 
lorsque  le  pointeau  horizontal  P,  est  ouvert,  c'est  de  l'huile 
qui  s'écoule  dans  le  tube  en  verre;  lorsque,  au  contraire,  le 
pointeau  vertical  Ps  est  nui  en,  r'esl  de  l'eau  qui  arrive  dans 
le  tube.  —  V,  Tube  en  verre  plein  d'eau  dans  lequel  moment 
les  gouttes  d'huiles.  —  P,  Robinet  à  vis  pour  l'arrêt  de  l'écou- 
lement de  L'huile.  —  T,  Tuyau  pour  le  départ  de  l'huile.  — 
V,,Tube  en  verre  indiquant  le  niveau  de  l'huile  dans  le  réci- 
pient R.  —  YZ,  Pièces  de  montage  faisant  communiquer  le 
tube  V,  avec  le  récipient.  —  DD,,  Bouchons  démoniables 
permettant  de  nettoyer  ou  de  remplacer  les  tubes  en  verre. 
—  Q,  Robinet  d'introduction  d'huile  avec  pointeau  pour 
l'amorçage. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


375 


produits  pour  la  désincrustation  des  chaudières  et  des  faisceaux  Lubulaires,  des  calorifuges 
employés  dans  le  revêtement  des  chaudières  et  des  canalisations  de  vapeur,  etc. 

Dans  la  classe  LU,  parmi  les  appareils  accessoires  de  machines  à  vapeur,  on  a  pu 
remarquer  les  oléomètres  de  M.  Edouard  Bourdon.  Ces  graisseurs  automatiques  sont  cons- 
truits pour  la  maison  Henri  Hamelle  qui  en  est  le  concessionnaire  et  qui  a  pu,  en  le  répan- 
dant dans  sa  clientèle,  en  faire  apprécier  tous  les  avantages.  Presque  toutes  les  machines  de 

ROBINET  A   CLEF   FOLLE   ET  SECTION  DIRECTE  dit   ROBINET   BROMULGER 
Fig.  A.  —  Vue  en  élévation.  Fig.  [;.  _  Vue  en  couc 

V  m 

Fig.  C.  —  Vue  en  plan. 


y 


A,  Boisseau  du  robinet:  —  B,  Clef  nervée.  —  C,  Vis  à  deux  filets.  —  D,  Guides  de  la  clef  formant  nervures.  —  F.  Cha- 
peau et  presse-étoupes.  —  H,  Taquets  de  guidage.  —  V,  Volant  de  manœuvre.  —  La  figure  C  montre  les  taquets  de 
guidage  HH  engagés  dans  les  guides  DD. 


la  galerie  de  l'Exposition  étaient  graissées  par  l'intermédiaire  d'un  oléomètre.  Le  principe  de 
l'appareil  est  l'écoulement  régulier  et  automatique  de  l'huile  à  travers  un  tube  de  verre 
appelé  compte-gouttes.  La  goutte  que  l'on  voit  ainsi  passer  donne  l'assurance  d'un  bon 
graissage  et  détermine  la  quantité  d'huile  envoyée  aux  machines. 

Un  des  grands  avantages  de  cet  appareii  est  de  réduire  au  minimum  la  quantité  de 
lubrifiant  et  d'envoyer  aux  cylindres  de  la  vapeur  huilée  qui  utilise  tous  les  principes  gras 
et  ne  laisse  aucun  dépôt.  Il  est  évident  que  si  on  diminue  la  quantité  il  faut  augmenter  la 
qualité.  On  y  arrivait  à  l'Exposition  en  employant  la  valvoline,  on  réduisait  ainsi  la  matière 


376  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

grasse  et  aussi  la  partie  grasse  qui  retournait  par  l'eau  de  condensation  dans  les  chau- 
dières. 

Ces  appareils  dont  nous  donnons  un  dessin,  fonctionnent  sous  la  pression  complémen- 
taire d'une  colonne  d'eau  obtenue  par  condensation  de  la  vapeur  dans  un  serpentin.  On 
comprendra  facilement  les  détails  en  se  rapportant  à  la  légende. 

Les  graisseurs  dits  directs  sont  placés  sur  la  machine  même,  le  graisseur  à  applique 
se  place  contre  le  mur  ou  une  colonne  aux  environs  de  la  machine. 

Signalons  aussi,  parmi  les  accessoires  les  plus  remarquables  exposés  dans  la  classe  LU, 
les  robinets  à  clef  folle  et  à  section  directe  de  MM.  Muller  et  Roger,  dits  robinets 
Bromulger. 

On  se  plaint  généralement  et  avec  quelque  raison  que  les  robinets  pour  vapeur 
employés  jusqu'à  ce  jour,  quel  que  soit  le  soin  apporté  à  leur  construction,  présentent 
toujours  certaines  défectuosités,  soit  dans  leur  manœuvre,  soit  dans  leur  étanchéité.  Le 
robinet  Bromulger,  qui  a  été  étudié  avec  soin  dans  tous  ses  détails,  résout  le  difficile 
problème  d'une  obturation  parfaite,  d'une  manœuvre  aisée,  d'un  volume  restreint  et  d'une 
solidité  à  toute  épreuve. 

Ce  robinet,  dont  les  ligures  ci-contre  donnent  la  vue  en  coupe  et  en  élévation,  présente 
sur  les  systèmes  construits  jusqu'à  ce  jour  de  sérieux  avantages. 

Comme  tous  les  robinets  à  clef  folle,  le  passage  de  la  vapeur  est  direct,  sans  étrangle- 
ment, la  clef  est  munie  de  fortes  nervures,  le  guidage  au  lieu  d'être  obtenu  par  des  guides- 
tiges,  sujets  à  se  casser,  est  absolument  assuré  grâce  aux  épaisses  nervures  de  la  clef  et  aux 
talons  renforcés  de  la  tige.  La  garde  est  considérable,  par  suite  les  chances  de  fuite  sont 
réduites  à  leur  minimum.  Ce  robinet  se  manœuvre  facilement  et  peut  fonctionner  à  hautes 
pressions,  les  épaisseurs  des  parois  étant  très  fortes,  les  brides  peuvent  être  établies  sur 
demande  avec  drageoirs  ou  emboîtages  pour  joints  prisonniers,  il  peut  donc  être  employé 
pour  résister  à  une  pression  de  12  à  15  kilos  par  centimètre  carré.  Le  volant  montant  avec 
la  tige,  on  peut  voir  aisément  l'ouverture  et  la  fermeture  du  robinet.  La  garniture  du 
presse- étoupes  et  la  vis  sont  absolument  soustraites  à  l'action  de  la  vapeur,  il  ne  peut  donc 
se  produire  aucun  encrassage,  ni  aucune  fuite.  La  liaison  de  la  clef  à  la  tige  filetée  ayant 
lieu  bien  au-dessous  du  centre  de  gravité,  la  fermeture  est  hermétique. 

Les  associations  françaises  des  propriétaires  d'appareils  à  vapeur  (au  nombre  de  dix 
associations)  avaient  également  exposé  collectivement  des  échantillons  de  tôles  de  chau- 
dières, montrant  les  défauts  les  plus  variés,  et  aussi  des  spécimens  d'incrustations  et  de 
corrosions  des  chaudières,  et,  de  plus,  des  publications  ayant  trait  à  tous  ces  objets. 

Dispositions  générales  des  machines  ù  vapeur.  —  Les  machines  à  vapeur  présentent  des 
différences  caractéristiques  dans  leur  ensemble.  L'ancienne  machine  à  vapeur  à  balancier, 
inventée  par  l'illustre  Watt,  n'est  pas  encore  abandonnée.  Elle  est  encore  appliquée  pour 
des  élévations  d'eau  au  moyen  des  pompes  et  la  maison  Windsor,  de  Rouen,  en  avait  pré- 
senté à  l'Exposition  une  fort  belle. 

Il  y  avait  aussi  un  grand  nombre  de  machines  à  vapeur  verticales  sans  balancier. 

Depuis  longtemps,  les  machines  horizontales  ont  eu  un  grand  succès.  Elles  sont  les  plus 
nombreuses  dans  l'industrie  et  elles  ont  fait  l'objet  de  modifications  successives  par  rapport 
à  leurs  bâtis  et  au  mode  de  distribution  de  la  vapeur. 


Machine  à  vapeur  Weyher  et  Rirhemond. 


378 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Aujourd'hui,  les  machines  à  vapeur,  soit  horizontales,  soit  verticales,  peuvent  se  rap- 
porter, quant  au  mode  de  distribution  de  la  vapeur,  à  trois  genres  généraux  bien  distincts 
(qui  subissent  chacun  des  modifications  suivant  les  constructeurs)  : 

1°  La  distribution  faite  au  moyen  de  tiroirs  plans  comprend  un  grand  nombre  de  spéci- 
mens. La  distribution  par  tiroirs  plans,  quoique  la  plus  ancienne,  est  encore  appliquée  dans 
un  grand  nombre  de  machines; 

2°  La  distribution,  genre  Corliss,  qui  est  moderne  et  qui  a  reçu  de  nombreuses  applica- 


Machine  dynamo  (système  Zipernowsky  . 

tions,  était  largement  représentée  à  l'Exposition  de  issu.  Elle  est  caractérisée  par  quatre 
obturateurs,  qui  au  début  de  l'invention  étaient  des  tiroirs  plans  et  que  Corliss  lui-même  a 
remplacés  par  des  tiroirs  cylindriques  (sortes  de  robinets)  ;  il  y  en  a  deux  pour  l'admission 
de  la  vapeur  et  deux  pour  son  évacuation. 

Les  distributions  Corliss  présentent  des  variétés  portant  principalement  sur  les  moyens 
plus  ou  moins  ingénieux  employés  pour  ouvrir  et  fermer  brusquement  les  obturateurs  d'en- 
trée et  de  sortie  de  la  vapeur; 

3°  La  distribution  Sulzér,  qui  date  de  1867,  est  absolument  distincte  de  la  précédente. 
Elle  se  fait  au  moyen  de  quatre  soupapes,  deux  pour  l'admission  de  la  vapeur  et  deux  pour 
son  évacuation.  Ces  soupapes  s'ouvrent  et  se  ferment  brusquement. 

Ces  deux  derniers  genres  de  distribution  Corliss  et  Sulzer,  qui  sont  considérés,  parmi 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


379 


grand  nombre  de  praticiens,  comme  représentant  un  progrès  sur  l'ancienne  distribution  (du 
premier  genre)  par  tiroirs  plans,  ont  fait  et  font  encore  depuis  1878  l'objet  d'un  grand 
nombre  d'études.  Ces  deux  genres  modernes  de  distribution  partagent  les  ingénieurs  et  les 

praticiens  et  des  exemples  intéressants  de  machines,  construites  dans  ces  deux  derniers 
genres,  fixaient  également  à  l'Exposition  l'attention  des  constructeurs. 

Il  y  a  même  à  ajouter  que  la  distribution  par  tiroir  est  préférée  par  certains  praticiens 
aux  deux  genres  modernes  Corliss  et  Sulzer  et  qu'elle  est  l'objet  de  recherches  constantes. 

La  distribution  est  le  point  délicat  des  machines  à  vapeur.  Il  s'agit,  en  effet,  d'obtenir, 
aussi  instantanément  que  possible,  l'admission  de  la  vapeur  dans  le  cylindre  et  son  éva- 
cuation. 

Une  des  modifications  importantes  à  signaler  dans  les  machines  à  vapeur  et  qui  sai- 
sissaient le  visiteur,  c'est  la  grande  vitesse  des  pistons  qui  est 
aujourd'hui  de  2  à  3  mètres  par  seconde  tandis  que  primitive- 
ment elle  était  de  lm,20  à  [m,30. 

Cette  modification  permet  d'obtenir  des  machines  puis- 
santes sous  un  petit  volume. 

Ces  machines  à  grande  vitesse  sont  utilisées  pour  action- 
ner les  machines  dynamo-électriques. 

Les  machines  à  vapeur  puissantes  marchent  à  150,  200, 
300  tours  par  minute,  et  des  machines  de  30  à  40  chevaux 
atteignent  460  à  500  tours. 

Les  machines  à  vapeur  à  grande  vitesse  permettent  de 
simplifier  les  transmissions  des  industries  électriques. 

Disons  quelques  mots  des  machines  à  vapeur  à  détente. 
On  sait  que  la  détente  consiste  à  admettre  la  vapeur  dans  le 
cylindre  seulement  pendant  une  Iraction  de  la  course  du 
piston,  puis  à  laisser  cette  vapeur  pousser  le  piston  pen- 
dant le  reste  de  sa  course  en  vertu  de  la  force  expansive 
île  la  vapeur,  qui  se  détend  comme  fait  un  ressort  (d'où  vient  l'expression  de  détente). 

L'expérience  a  appris  que  l'application  de  la  détente  produit  une  économie  de  vapeur. 
Le  plus  grand  nombre  des  machines  sont  à  détente. 

Dans  certaines  machines,  la  détente  s'obtient  au  moyen  de  deux  cylindres.  La  vapeur 
passe  dans  un  premier  cylindre,  puis  dans  un  cylindre  plus  grand.  Ces  machines  composées 
constituent  le  système  Woolf  ou  compound. 

Les  neuf  dixièmes  des  machines  qui  étaient  à  l'Exposition  sont  de  ce  système.  Des 
ingénieurs  très  distingués  considèrent  la  période  dans  laquelle  nous  sommes  comme  une 
période  d'expérience,  qui  n'a  pas  encore  dit  son  dernier  mot  sur  ce  mode  de  détente. 

Il  existe  même  dans  cet  ordre  d'idées  des  machines  à  trois  cylindres  dites  machines  à 
triple  expansion,  employées  principalement  dans  la  marine.  Ces  machines  à  double  et  à 
triple  expansion  sont  applicables  surtout  pour  un  travail  constant. 

Dans  l'exposition  de  MM.  Weyher  et  Richemond,  ainsi  que  dans  celle  de  MM.  Sulzer 
frères,  de  Winterthur,  on  trouvait  des  spécimens  de  machines  à  triple  expansion. 

Parmi  les  machines  à  vapeur,  signalons  comme  une  nouveauté  (connue  depuis  quelque 
années  seulement)  la  turbine  à  vapeur,  imaginée  par  M.  Parsons.  A  la  vérité,  l'appareil  se 


Machine  â  vapeur  veilicale 
(système  ISréval). 


380 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


compose  de  l'assemblage  de  petites  turbines  montées  sur  un  même  arbre.  La  vapeur  sortant 
de  l'une  des  turbines  entre  dans  le  distributeur  de  la  turbine  suivante,  et  après  avoir  par- 
couru successivement  toutes  les  turbines  s'échappe  après  avoir  épuisé  toute  sa  pression. 
La  disposition  au  point  de  vue  de  la  détente  a  pour  effet  de  faire  arriver  la  vapeur  dans  des 
espaces  successifs  de  plus  en  plus  grands.  Ce  moteur  occupe  un  petit  volume  et  fait  de  9  à 
10,000  tours  par  minute,  sans  faire  aucun  bruit. 

Notons  une  conséquence  importante  qui  résulte  pour  les  machines  à  vapeur  de  la  per- 
fection des  joints  des  chaudières,  faits  par  la  presse  hydraulique  :  c'est  de  faire  usage  de  la 


Dynamo-électriques  (fabrication  ilu  Greusot). 

vapeur  à  haute  pression  sans  pour  cela  augmenter  les  chances  de  rupture  des  chaudières. 
On  parvient  ainsi  à  des  pressions  de  12  atmosphères. 

Exemple*  principaux  de  machines  à  vapeur  de  l'Exposition  de  1889.  On  trouvait  encore  un 
grand  nombre  de  machines  à  un  seul  cylindre  avec  tiroir  ordinaire,  ancien  système. 

Un  grand  nom  lire  de  machines  horizontales,  entre  autres  la  machine  à  vapeur  de  la 
maison  Sulzer,  pouvant,  suivant  le  degré  d'admission  de  la  vapeur,  développer  une  puis- 
sance variant  de  26o  à  500  chevaux. 

Le  Creusot  exposait  un  machine  horizontale  puissante,  à  deux  cylindres  delm,2  de 
diamètre,  pouvant  fournir  une  puissance  de  3,000  chevaux.  Elle  fait  fonctionner  des  lami- 
noirs appliqués  à  la  production  des  plaques  de  blindage.  Le  volant  fait  75  tours  par 
minute. 

Signalons  aussi  la  belle  machine  Corliss,  horizontale  de  400  chevaux,  exposée   par 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


381 


la  même  usine,  et  une  machine  verticale  (Corliss)  d'une  puissance  de  900  à  1,000  che- 
vaux, machines  que  nous  décrivons  plus  loin. 

Mentionnons  la  grande  machine  horizontale  de  l'Exposition,  celle  de  la  maison  Farcot, 
pouvant  développer  1,300  chevaux.  Le  cylindre  unique  a  0m,900  de  diamètre.  Le  volant  de 
10  mètres  de  diamètre  est  formé  d'une  jante  mince  et  nervée,  en  fonte,  de  lm,50  de  largeur, 
pesant  21,000  kilogrammes.  Les  seize  bras  de  ce  volant  sont  en  tôle  d'acier.  Le  bâti,  en  fonte, 


La  machine  à  vapeur  de  l,OU0  chevaux  du  Palais  des  Machines  (J.  Farcot,  constructeur). 

de  la  machine  est  d'une  seule  pièce  et  pèse  19,000  kilogrammes.  La  distribution  spéciale  est 
à  déclanchement  (système  Farcot). 

La  Société  de  Marcinelle  et  Couillet  exposait  deux  machines  horizontales  et  jumelles  de 
1,200  chevaux,  à  détente  et  à  quatre  soupapes.  Ces  machines  extraient  la  houille  à 
1,000  mètres  de  profondeur. 

Il  faudrait  une  place  beaucoup  plus  grande  que  celle  dont  nous  pouvons  disposer  pour 
donner  les  particularités  d'un  grand  nombre  de  machines  à  vapeur  que  nous  signalerons 
seulement  par  les  noms  des  construteurs.  Telles  sont  celles  de  la  Société  de  l'Home  (à 
détente  Bonjour),  celle  de  M.  Windsor  de  100  chevaux  et  celle  de  Woolf  à  balancier.— 
Machine  Corliss  (ancienne)  modifiée  par  Lecouteux  et  Garnier.  —  Compagnie  de  Fives-Lille 
(machine  à  quatre  distributeurs).  —  Machine  soufflante  verticale  de  Cockerill  de  260  che- 
vaux. —  Machine  horizontale  compound  de  250  chevaux  de  la  Société  alsacienne  de  cons- 


382 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE  [1889 


truction  mécanique  et  deux  autres  machines  de  40  et  60  chevaux,  de  la  même  société.  — 
Celle  de  ISO  chevaux  de  la  maison  Escher,  Wyss  et  Cie,  de  Zurich.  —  .Machine  Biétrix  com- 


Hachine  liorizontale  fixe  (système  Bréval). 

pound  à  distributeur  rotatif  de  150  chevaux,  taisant   110   tours  par  minute.   Machine 

compound  de  200  chevaux  de  la  Société  des  anciens  établissements  Cail.  —  Machine  eom- 

pound  tandem  (c'est-à-dire  dont  les  deux  cy- 
lindres sont  en  prolongement  l'un  de  l'autre 
au  lieu  d'être  côte  à  côte)  de  M.  Windsor,  de 
400  chevaux.  —  Machine  Davey,  Paxman 
et  C,e  de  360  chevaux  (à  la  station  d'électri- 
cité Gramme).  —  .Machine  de  400  chevaux 
de  la  Société  anonyme  du  Phénix,  de  Gand. 
à  deux  cylindres  horizontaux,  placés  paral- 
lèlement de  chaque  côté  du  volant.  —  La 
machine  compound  Wheelock,  de  300  che- 
vaux, construite  par  M.  de  Quillacq  mou- 
veaux  tiroirs  à  grille).  —  Des  machines  à 
triple  expansion  de  la  maison  Sulzer,  de 
"VYillans  et  celles  de  la  maison  Weyher  et 
Richemond  ;  les  machines  horizontales  à 
grande  vitesse  de  Lecouteux  et  Garnier, 
d'Armington  et  Sims  ;  le  moteur  américain 

Strainght-Line,  construit  par  Steinlen,  de  Mulhouse;  les  machines  compactes  Westinghouse, 

répandues  seulement  en  Angleterre,  etc.,  etc. 


Poulie  en  fers  à  simple  T. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


383 


Mentionnons  aussi  plusieurs  types  de  machines  à  vapeur  de  la  maison  Boulet  (ancien- 
nement Hcrmann-Laehapelle);  les  machines  Gorliss  et  Whcelock  de  la  maison  Brasseur  de 
Lille,  qui  actionnaient  la  force  électrique  de  la  classe  XLIX;  celles  des  maisons  Chaligny, 
Âuffaud  et  Bobatel  Powell,  Aubert,  Jean  et  Perrusson,  Dykehoff,  de  Bar-le-Duc,  enfin,  les 
intéressantes  machines  verticales  et  horizontales,  système  Bréval,  que  nous  reproduisons  ici. 

Indépendamment  de  ces  grandes  machines  à  vapeur,  la  classe  LU  présentait  une  expo- 
sition d'accessoires  se  rapportant  aux  machines  à  vapeur,  tels  que  paliers,  coussinets,  cour- 


Roues  à  denture  hélicoïdale  ;ï  chevrons  [A.  Piat,  constructeur). 

roies  (ceux  de  MM.  Ghatran,  Domangft-Scellos,  etc.),  des  compteurs,  des  enregistreurs,  dia- 
grammes, etc. 

La  maison  Piat,  à  Paris,  avait  une  superbe  exposition  de  construction  mécanique,  qui 
reflétait  l'importance  de  la  spécialité  qui  caractérise  la  maison,  spécialité  des  engrenages  et 
des  transmissions  de  poulies.  Pour  satisfaire  à  toutes  les  exigences,  elle  a  créé  des  séries 
d'organes  telles  qu'un  industriel  est  certain  de  rencontrer  ceux  dont  il  a  besoin. 

Nous  devons  classer  également  dans  cette  section  les  pulsomètres  exposés  par  la  Société 
de  construction  des  Batignolles  (ancienne  maison  Gouini;  ces  appareils  n'ont  été  introduits 
en  France  qu'en  187S.  Le  pulsomètre  est  un  appareil  qui  peut  être  diversement  employé, 
mais  son  but  consiste  surtout  à  élever  l'eau  et  les  liquides  en  général,  par  suite  de  la  près- 


384 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 


sion  de  la  vapeur, 
fournie  par  un  géné- 
rateur quelconque, 
puis  par  la  conden- 
sation de  cette  même 
vapeur.  Le  pulsomètre 
aspire  d'abord  jusqu'à 
lui  le  liquide  à  élever, 
par  condensation  de 
la  vapeur,  et  quand 
ce  liquide  est  intro- 
duit dans  l'appareil, 

o 

|     la  vapeur,  en  agissant 
r-f     par  pression,    le  re- 
Z     foule  dans  un  tuyau 
|     d'élévation. 
|  En  terminant  cette 

a  trop  rapide  revue,  il 
g  convient  de  réserver 
'-  une  mention  spéciale 
.g  à  quelques  maisons 
j|  dont  les  expositions 
~  plus  particulièrement 
|  importantes  et  intë- 
»  ressantes  méritaient 
s  mieux  qu'une  simple 
*  énumération  :  tel  est 
•|  le  cas  des  ateliers  de 
s  construction  du  Crcu- 
|  sot  (Schneider  et  O), 
|  de  la  maison  J.  Boulet 
et  Cie  et  de  la  Com- 
pagnie Babcock  et 
Wilcox. 

Une  des  spécia- 
lités les  plus  intéres- 
santes des  Établisse- 
ments du  Creusot  est 
certainement  la  con- 
struction des  moteurs 
fixes  du  système  Cor- 
liss.  On  doit  se  sou- 
venir que  dès  l'appa- 
rition des  brevets  Corliss,  MM.  Schneider  et  O,  frappés  des  dispositions  ingénieuses  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    IiE    lssy 


385 


ce  type  de  machines,  et  notamment  la  régulation  facile  et  rapide  du  mouvement  par  la 
variation  instantanée  de  la  période  d'admission,  se  rendirent  concessionnaires  du 
brevet  pour  la  plus  grande  partie  de  la  France.  De  plus,  les  ingénieurs  de  la  maison 
Schneider  entreprirent  une  série  de  recherches  tendant  à  améliorer  le  rendement  de 
ces  moteurs,  et  à  assurer  le  mininum  de  dépenses  pour  une  puissance  donnée.  Le  moteur 
Corliss  construit  par  le  Creusot  se  distingue  par  une  exécution  minutieusement  vérifiée, 
un  choix  judicieux  des  métaux  employés,  des  soins  de  construction,  en  un  mot,  tout  à  fait 
spéciaux. 

Remplaçant  peu  à  peu  par  ces  nouvelles  machines,  les  anciennes  machines  de  leurs 
forges,  MM.  Schneider  ont  acuellement  une  puissance  effective  de  7,000  chevaux,  dont  le 
5/6  environ,  sont  employés  pour  actionner  les 
traînes  de  laminoirs  ;  et  le  Creusot  augmente 
chaque  jour  le  nombre  des  machines  de  ce  type 
en  service.  D'autre  part,  enfin,  grâce  à  leur  situa- 
tion spéciale,  MM.  Schneider  peuvent  établir  leurs 
moteurs  dans  des  prix  peu  sensiblement  supé- 
rieurs à  ceux  des  moteurs  similaires  d'autre  pro- 
venance. 

La  machine  Corliss  qui  figurait  à  l'Exposition 
était  d'une  puissance  de  400  chevaux;  le  diamètre 
du  cylindre  était  de  730  millimètres;  la  course  du 
piston,  de  1,400.  Le  mécanisme  de  déclic  produi- 
sant le  rappel  du  piston  était  le  même  que  dans 
le  type  Corliss  courant.  Les  obturateurs  d'admis- 
sion et  d'émission,  conservaient  la  même  position, 
avec  cette  différence  que  l'axe  des  obturateurs 
d'émission  avait  été  légèrement  abaissé.  L'enve- 
loppe de  vapeur  était  plus  complète  ;  les  pistons 
de  rappel  et  le  frein  à  huile  des  régulateur,  placés 
au-dessus  du  sol,  étaient  dans  une  position  plus 
facile  à  atteindre. 

Cette  machine  était  munie  d'un  régulateur 
Porter,  qui  permettait  d'arriver  à  augmenter  la  régularité  du  moteur;  cela,  surtout  en  vue 
de  l'éclairage  électrique.  Le  levier  de  Foucault  permettait  de  régler  le  degré  d'inclinaison 
du  régulateur,  et  le  contrepoids  mobile  de  ce  levier,  le  régime  de  la  machine.  Enfin,  on 
s'était  arrangé  pour  réaliser  une  disposition  assurant  l'arrêt  de  la  machine,  en  cas  d'arrêt 
accidentel  du  régulateur. 

C'est  à  M.  Delafond,  ingénieur  en  chef  des  mines,  qu'il  faut  en  grande  partie  attri- 
buer le  perfectionnement  de  la  machine  Corliss.  Parmi  les  applications  qui  en  furent  faites 
dans  ces  derniers  temps,  il  faut  citer  l'usine  pneumatique  de  l'hôtel  des  postes  de  Paris; 
sept  machines  de  la  manufacture  d'armes  de  Châtellerault;  une  installation  de  quatre 
machines  aux  manufactures  d'armes  de  Saint-Etienne  et  de  Tulle;  les  nouvelles  usines  de 
la  Compagnie  des  eaux,  dans  la  banlieue  de  Lyon,  etc. 

m  23 


Machines  à  un  cylindre  de  G  à  25  chevaux. 


386 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


La  maison  J.  Boulet  et  Ci0  (anciennement  Hermann-Lachapelle)  possédait,  dans  la 
classe  LU,  une  exposition  absolument  remarquable  de  machines  à  vapeur. 

Tout  d'abord,  comme  machines  verticales  figurant  dans  cette  exposition,  nous  devons 
mentionner  les  machines  verticales  fixes  à  un  ou  deux  cylindres,  dites  machines  à  pilon, 
et  les  machines  verticales  avec  chaudières  à  bouilleurs  croisés  et  à  foyer  intérieur. 

Depuis  quelques  années,  la  maison  Boulet  s'est  particulièrement  appliquée  à  créer  un 
certain  nombre  de  types  de  machines  bien  distincts  les  uns  des  autres,  afin  de  pouvoir 
offrir  à  chaque  client  ce  qui  lui  convenait  le  mieux. 

La  machine  verticale  dite  à  pilon,  par  suite  de  son  agencement  spécial,  convient  parti- 


Machine  à  vapeur  de  35  chevaux,  à  détente  variable,  exposée  par  la  maison  Jules  Leblanc. 


culièrement  aux  installations  d'éclairage  électrique  pour  la  commande  des  machines  à 
lumière;  dans  les  bateaux,  pour  la  commande  directe  de  l'hélice,  des  pompes  de  circulation, 
des  cabestans,  etc.  ;  on  les  emploie  avec  le  plus  grand  succès  aux  mouvements  des  ponts 
et  des  chariots  roulants,  treuils,  grues,  trucks,  transbordeurs,  excavateurs,  dragues,  etc. 

La  maison  construit  trois  types  de  ces  machines  à  pilon  : 

1°  La  machine  à  1  cylindre  ; 

2°  La  machine  à  2  cylindres  égaux  ; 

3°  La  machine  à  2  cylindres  inégaux  dite  Compound. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


Ml 


Dans  chacune  de  ces  machines,  contrairement  à  ce  qui  existe  dans  les  machines  verti- 
cales ordinaires,  l'arbre  du  volant  est  placé  au  bas  de  la  machine. 

Cette  disposition,  qui  est  très  avantageuse  pour  bien  des  conditions  de  transmission, 
permet  de  placer  une  machine  de  force  relativement  grande  dans  un  espace  très  restreint. 
En  outre ,  la  course  des  pistons  de  ces  machines,  comparativement  au  diamètre  des 
cylindres,  étant  beaucoup  plus  faible  que  dans  tous  les  autres  systèmes,  on  peut  les  iaire 
tourner  à  un  grand  nombre  de  tours  sans  exagérer  la  vitesse  des  pistons. 


Machino  à  vapeur  verticale  avec  chaudières  à  bouilleurs  croises  et  à  foyer  intérieur  (J.  Boulet  et  C"). 

Tout  le  mécanisme  a  été  étudié  avec  le  plus  grand  soin  ;  l'harmonie  de  l'agencement 
général  et  le  fini  de  chaque  pièce  assurent  la  régularité  de  la  marche  et  la  durée  de  la 
machine. 

Le  bâti,  formant  aussi  glissière,  est  fondu  d'un  seul  jet  avec  le  plateau  des  cylindres. 

La  machine  à  vapeur  verticale  avec  chaudières  à  bouilleurs  croisés  et  à  foyer  intérieur 
exposée  par  la  maison  J.  Boulet  et  O  était  également  fort  intéressante. 

Les  conditions  d'emploi  des  machines  à  vapeur  dans  l'industrie  et  l'agriculture  son 
maintenant  tellement  variées,  que  c'est  une  erreur,  à  notre  avis,  de  vouloir  appliquer  un 


3SS 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


même  type  de  machine  à  tous  les  cas  qui  peuvent  se  présenter.  Telle  considération,  dénuée 
d'importance  dans  une  ou  plusieurs  applications  données,  devient  au  contraire  prépon- 
dérante dans  une  application  spéciale. 

Il  en  est  des  clievaux-vapeur  comme  des  chevaux  animés,  et  il  y  a  des  qualités  qui 
s'excluent  et  entre  lesquelles  il  faut  donc  choisir  les  unes  ou  les  autres,  selon  le  résultat 
qu'on  se  propose  d'obtenir. 

C'est  pour  cela  que  la  maison  Boulet  s'est  attachée  à  créer,  depuis  quelques  années,  un 


Machine  à  vapeur  horizontale,  demi-fixe  (.1.  Iloulct  el  (/",  constructeurs). 

certain  nombre  de  types  de  machines  parfaitement  distincts  les  uns  des  autres,  afin  de 
pouvoir  offrir  et  conseiller  à  chaque  client  ce  qui  lui  convient  spécialement. 

La  machine  à  vapeur  verticale  à  socle-bâti  isolateur,  que  nous  allons  décrire  rapide- 
ment, est  une  de  celles  que  celte  maison  construit  depuis  le  plus  longtemps  et  qui  se 
prête  au  plus  grand  nombre  d'usages. 

Nous  pouvons  dire  qu'elle  a  puissamment  contribué  à  répandre  dans  l'agriculture  et 
dans  la  moyenne  industrie  l'usage  de  la  machine  à  vapeur. 

Voici  comment  on  peut  résumer  les  dispositions  fondamentales  : 

Isolement  complet  de  la  machine  par  rapport  à  la  chaudière,  cylindre  à  enveloppe  et  à 
circulation  de  vapeur;  détente  variable,  vitesse  modérée,  échauffement  de  l'eau  d'alimen- 
tation par  la  vapeur  d'échappement,  foyer  disposé  pour  utiliser  toute  espèce  de  combustible, 
combustion  complète  des  produits  gazeux,  simplicité  extrême. 


L'EXPOSITION'    UNIVERSELLE    DE    1889  389 

Ces  machines  tiennent  peu  de  place  :  moins  d'un  mètre  carré  suffit  à  une  machine  de 
1  cheval  de  force;  lin,50,  à  une  machine  de  4  chevaux. 

Elles  ne  demandent  aucuns  frais  d'installation.  On  les  pose  sur  une  pierre  d'assise  ou 
même  sur  les  sommiers,  sons  fondation  ni  bâtisse,  et  elles  sont  prêtes  à  fonctionner  une 
heure  après  leur  arrivée.  La  maison  Boulet  exposait,  en  outre,  plusieurs  types  de  machines 
horizontales. 

Dans  la  construction  de  ses  nouvelles  machines  horizontales  fixes  à  grande  délente, 
cette  maison  a  cherché  à  réunir  la  simplicité  à  l'élégance  des  formes,  et,  en  même  temps, 
elle  s'est  appliquée  à  apporter  à  la  distribution  de  la  vapeur  dans  le  cylindre  les  perfec- 
tionnements les  plus  récents. 

Tout  en  réalisant  une  économie  de  vapeur  supérieure  à  tous  les  résultats  obtenus 
jusqu'à  ce  jour,  elle  a  voulu  éviter  la  complication  et  la  délicatesse  des  organes  qui  entrent 
dans  les  mécanismes  à  quatre  distributeurs  du  genre  Corliss,  Sulzer  et  autres,  mécanismes 
qui  sont  sujets  à  de  fréquentes  réparations,  qui  nécessitent  un  entrelien  minutieux  et 
exigent  pour  leur  conduite  le  savoir  et  l'expérience  d'un  mécanicien  spécial. 

Les  organes  de  distribution  sont  simples  et  robustes,  les  mouvements  sont  doux  et 
rectilignes,  les  surfaces  frottantes  sont  largement,  calculées,  de  sorte  que  la  machine 
marche  sans  chocs  et  sans  bruit. 

Les  réparations  sont  nulles  et  toutes  les  pièces  facilement  abordables. 


COMPAGNIE  BABCOCK  ET  W1LCOX 

La  Compagnie  Babcock  et  Wilcox,  qui  obtint  la  plus  liante  récompense  (Grand  Prix)  à 
l'Exposition  Universelle,  a  aujourd'hui  deux  sièges,  l'un  en  Amérique,  l'autre  en  Europe.  Du 
siège  d'Amérique  dépendent  les  ateliers  d'Elisabethporl  (New-Jersey,),  avec  bureaux-succur- 
sales à  Philadelphie,  Boston,  Chicago,  Pittsburg,  Cincinnati,  New-Orléans  et  San  Francisco. 
L'établissement  du  siège  de  la  Compagnie  en  Europe  date  de  1881;  il  est  dû  à  M.  Charles 
A.  Knight,  administrateur-directeur,  qui  présida  à  la  création  de  nouveaux  ateliers  de  la 
Compagnie  à  Rilbowie  près  de  Glasgow,  et  à  l'installation  de  bureaux  succursales,  à 
Londres  18s:;.  Paris  I ss i-,  Manchester  même  année,  Melbourne  1887,  Bruxelles  1888;  eu  même 
temps  que  des  licences  de  construction  lurent  concédées  en  Allemagne  et  en  Autriche  et 
que  des  agences  fureni  constituées  dans  les  principales  villes  d'Europe. 

11  nous  suffira,  pour  donner  une  idée  de  l'importance  des  ateliers  d'Amérique  et 
d'Europe,  de  noter  que,  dans  le  courant  des  deux  dernières  années,  il  n'y  a  jamais  eu  à  la 
fois  moins  de  250  à  300  chaudières  en  construction. 

Quoique  l'espace  nous  soit  mesure,  l'intérêt  de  premier  ordre  qu'offrait  l'exposition  de 
la  Compagnie  Babcock.  et  "Wilcox,  intérêt  consacre,  d'ailleurs,  par  la  récompense  ci-dessus 
mentionnée,  nous  luisait  un  devoir  de  consacrer  uni'  élude  à  cette  exposition. 

La  simplicile  caractérise  ce  système  de  chaudière  d'une  manière  toute  spéciale  qui 
se  compose  essentiellement  d'un  réservoir  horizontal,  à  moitié  rempli  d'eau  et  de  vapeur, 
mis  en  communication,  à  l'avant  et  à  l'arrière,  avec  un  certain  nombre  d'éléments  tubu- 
laires  inclinés,  juxtaposés,  par  autant  de  tubes  d'inégale  longueur. 

Chaque  élément  lubulaire  se  compose  d'un  nombre  variable  de  tubes  assembles  à  leurs 


390 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


deux  extrémités  dans  les  collecteurs  d'une  seule  pièce,  et  de  forme  sinueuse,  de  façon  à 
obtenir,  après  leur  mise  en  plaee,  la  disposition  en  quinconce  de  tous  les  tubes  du  faisceau 
et  établissant  une  communication  directe  et  rapide  de  ces  tubes  avec  le  réservoir. 

A  la  partie  basse,  qui  se  trouve  être  aussi  la  partie  du  faisceau  la  plus  éloignée  du  feu. 


Coupe  longitudinale.  —  Type  à  réservoir  longitudinal. 

un  réservoir  transversal,  ou  collecteur  de  dépôts,  est  mis  en  communication  avec  chaque 
élément  tubulaire  par  un  tube  court. 

Le  tout  est  suspendu,  par  des  colliers  contournant  le  réservoir  d'eau  et  de  vapeur,  à 
ses  deux  extrémités,  h  des  poudres  doubles  en  fer  C  portées  par  des  colonnes  en  feri;  la 
chaudière  restant  ainsi  libre  de  se  dilater  et  de  se  contracter,  et  les  maçonneries  ne  formant 
plus  qu'une  enveloppe  de  fourneau  facile  à  réparer,  et  même  à  remplacer,  s'il  y  avait  lieu, 
sans  rien  toucher  à  la  chaudière. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


391 


La  simplicité  n'est  pas  d'ordinaire  la  propriété  dominante  des  choses  nouvelles,  et  il  est 
bien  rare  qui,  avant  de  l'obtenir,  les  inventeurs  puissent  arriver  au  but  de  leurs  recherches, 
et  à  la  réalisation  de  leurs  projets  sans  passer  par  des  moyens  plus  ou  moins  compliqués. 

Ce  fut  dans  une  certaine  mesure  le  cas  de  la  chaudière  Babcock  et  Wilcox  qui,  ayant 
paru  une  des  premières  parmi  les  chaudières  multitubulaires,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  et 
toujours  poursuivie  comme  étude  et  appli- 
cations par  une  même  maison  en  ayant 
fait  sa  spécialité,  a  passé  par  des  trans- 
formations successives,  qui  lui  consti- 
tuent aujourd'hui  une  histoire  que  nous 
avons  considérée  comme  méritant  d'être 
mise  à  cette  place  sous  les  yeux  de  nos 
lecteurs, 

Il  ne  s'y  trouve  pas  seulement  en  effet 
l'intérêt  propre  a  toute   étude  de  cette 
nature,  il  s'y  ajoute,  dans  le  cas  actuel, 
un  côté  instructif  d'une  importance  d'autant  plus  considérable  que  l'emploi  de  ces  appareils 
est  aujourd'hui  à  la  base  de  toute  industrie. 

Il  ne  sera  pas  rare  de  rencontrer,  au  cours  de  cet  historique,  la  description  de  certains 
types  qui  furent  successivement  établis,  appliqués,  puis  rejetés  par  la  Compagnie  pour  des 
causes  diverses,  et  que  d'autres  constructeurs  ont  ensuite  repris  comme  des  soi-disant 
perfectionnements  d'une  construction  mieux  éprouvée,  et  aujourd'hui  universellement 
appréciée. 

Les  raisons  de  ces  modifications  permettront  au  lecteur,  dans  la  plupart  des  cas,  d'appré- 
cier la  juste  valeur  des  divers  systèmes  comparés  au  type  qui  forme  aujourd'hui  comme  le 
couronnement  d'une  longue  période  de  travaux  et  d'applications. 

Invention  et  développements  successifs  de  la  chaudière  multitubulaire 

Babcock  et  Wilcox. 


Chaudière  Wilcox,  lypc  1856. 


La  chaudière  multitubulaire  Babcock  et  Wilcox  eut  pour  point  de  départ  la  chaudière 
de  Stephen  Wilcox  brevetée  en  1856;  on  peut  donc  en  réalité  en  faire  remonter  l'origine 
jusqu'à  cette  date,  bien  que  le  brevet  commun  ne  fut  pris  que  onze  ans  plus  tard.  Stephen 
Wilcox  fut  le  premier  à  employer  des  tubes  à  eau  inclinés  mettant  en  communication  les 
parties  arrière  et  avant  de  la  chaudière. 

N°  1  (Chaudière  originelle  Babcock  et  Wilcox,  brevetée  en  1867).  —  L'idée  dominante 
fut  la  sécurité,  et  toute  autre  considération  lui  fut  sacrifiée.  La  chaudière  était  composée 
d'un  faisceau  de  tubes  horizontaux,  tenant  lieu  de  réservoir  d'eau  et  de  vapeur,  super- 
posés et  reliés,  à  chaque  extrémité,  par  des  joints  boulonnés,  à  un  faisceau  de  tubes 
inclinés  remplis  d'eau.  A  l'intérieur  de  ces  derniers  étaient  placés  des  tubes  concentriques, 
de  plus  petit  diamètre,  pour  faciliter  la  circulation.  Les  tubes  étaient  en  fonte,  venus  d'une 
seule  pièce  avec  les  extrémités  formant  boite  de  connexion.  En  regard  de  chaque  tube  était 
ménagée  une  ouverture  pour  le  nettoyage. 


392 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Type  n°  1. 


N"  2.  —  On  reconnut  bientôt  que  les  tubes  intérieurs  gênaient  plutôt  qu'ils  ne  favori- 
saient la  circulation. 

Les  nos  1  et  2  furent  trouvés  défectueux  dans  l'ensemble  et  au  point  de  vue  de  la  matière 

employée.  Les  tubes  en  fonte  placés  di- 
rectement au-dessus  du  foyer,  se  fendi- 
rent dès  que  des  dépôts  vinrent  à  se  for- 
mer à  leur  surface. 

N°  3.  —  Aux  tubes  en  fonte  on  sub- 
stitua des  tubes  en  fer  forgé.  Pour  faire 
l'assemblage  des  tubes  avec  les  boîtes  de 
communication,  on  décapait  avec  soin 
leurs  extrémités,  et  après  les  avoir  placés 
dans  leur  position  respective,  on  venait 
couler  directement  les  boîtes  de  commu- 
nication. 

La  réserve  d'eau  et  de  vapeur  fut 
trouvée  insuffisante  pour  assurer  la  régularité  de  la  pression  et  la  siccité  de  la  vapeur. 
Quant  à  sécher  la  vapeur,  en  la  surchauffant,  ce  ne  fût  pas  considéré  comme  une  solution 

pratique  ;  en  effet,  suivant  la  quantité 
plus  ou  moins  considérable  de  vapeur 
consommée  dans  un  temps  donné,  cette 
vapeur  se  dégageait  ou  surchauffée  ou 
sèche  ou  humide  Enfin,  on  s'aperçut  que 
des  dépôts  venaient  se  former  à  la  partie 
la  plus  basse  de  la  chaudière,  où  ils  dé- 
terminaient la  rupture  de  la  fonte  ex- 
posée à  l'action  des  flammes. 

N°  4.  —  On  remplaça  le  faisceau  de 
tubes  horizontaux  par  un  réservoir  cylindrique  et  on  porta  le  niveau  de  l'eau  à  la  hauteur 
de  l'axe  de  ce  réservoir.  A  la  partie  arrière  de  la  chaudière,  qui  était  aussi  la  plus  basse  et 

la  plus  éloignée  du  feu,  on  plaça  un  col- 
lecteur de  dépôts. 

Par  l'introduction  d'un  réservoir  d'eau 
et  de  vapeur,  on  perdit  un  peu,  il  est  vrai, 
en  sécurité,  mais  on  retrouva  dans  l'en- 
semble un  grand  avantage  au  point  de 
vue  de  la  régularité  du  fonctionnement, 
grâce  à  la  plus  grande  réserve  d'eau  et  de 
vapeur. 

ouant  aux  joints  des  tubes  avec  les 
collecteurs  en  fonte,  tels  qu'ils  étaient  déjà  pratiqués  dans  le  n"  3,  on  (''prouva  de  grandes 
difficultés  à  les  obtenir  étanches. 

N°  5.  —  Aux  boîtes  en  fonte  reliant  les  tubes  entre  eux,  on  substitua  des  caissons  en 
fer.  La  disposition  des  tubes  en  quinconce  fut  alors  introduite  et  reconnue  plus  efficace  que 


<~.  .:/,... 


T\pc  D'  4. 


L'EXPOSITION.  UNIVERSELLE    DE    L889 


393 


". 


T\  pe  ir  (i. 


celle  par  rangées  verticales.  Sous  tous  autres  rapports,  la  construction  était  la  même  que 
pour  le  n°  4.  Mais  on  avait  perdu  un  très  grand  élément  de  sécurité,  en  employant  pour 
réunir  les  tubes,  des  caissons  en  tôle  à 
grandes  surfaces  planes,  entrecroisées. 
On  fit  une  grande  installation  de  ces  chau- 
dières pour  la  raffinerie  de  sucre  de  Cal- 
vert,  à  Baltimore;  le  fonctionnement  fut 
trouvé  satisfaisant,  mais  on  n'y  revint  pas. 

N°  6.  —  Simple  modification  du  n°  5, 
où  l'on  fit  usage  de  tubes  plus  longs,  dans 
le  but  d'obtenir  trois  circulations  de  gaz 
et  une  plus  grande  économie.  On  cons- 
truisit de  ce  type  un  grand  nombre  de 
chaudières,  mais  leur  coût  élevé,  le  peu  de  résistance  des  assemblages  sous  les  diverses 
variations  de  température,  la  difficulté  de  transport  et  de  montage,  le  développement  con- 
sidérable des  maçonneries  pour  toute 
installation  d'une  certaine  importance, 
conduisirent  bientôt  au  n°  7  où  les  boîtes 
en  fonte  indépendantes  furent  vissées 
aux  extrémités  de  chacun  des  tubes  et 
réunies  ensemble  par  un  long  boulon, 
passant  au  travers  de  chacune  des  sec- 
tions verticales,  les  joints  étant  établis 
d'une  boîte  à  l'autre,  métal  contre  métal. 
On  construisit  beaucoup  de  chaudières 
de  ce  système,  dont  plusieurs  fonction- 
nent encore  aujourd'hui  après  seize  et 
vingt  ans,  mais  dont  la  plupart  ont  été  transformées  suivant  les  derniers  modèles. 

Les  nos  8  et  9,  connus  d'abord  sous  les  noms  de  Griffith  et  Wundrum,  furent  réunis 
plus  tard  aux  Babcock  etWilcox.  On  fit  là 


l'essai  de  quatre  passages  de  gaz  à  travers 
le  faisseau  de  tubes,  et  la  circulation  de 
l'eau  fut  établie  à  l'arrière  par  la  partie 
inférieure  de  ce  faisceau.  Dans  le  n°  9  on 
essaya  de  réduire  la  capacité  d'eau  et  de 
vapeur  et  en  même  temps  le  coût  de  la 
chaudière,  tout  en  augmentant  la  sécurité. 
Mais  les  résultats  ne  répondirent  pas  suf- 
fisamment aux   espérances  qu'on  avait 

fondées. 

Le  n°  10  représente  une  tentative  dif- 
férente, faite  dans  le  même  but.  Au  lieu  d'un  réservoir  de  grand  diamètre  on  y  fit  usage 
de  plusieurs  réservoirs,  mais  de  petite  dimension,  avec  une  rangée  de  tubes  intermédiaires 
destinés  au  retour  de  l'eau  entraînée,  afin  de  ne  permettre  d'autre  dégagement  dans  les 


\~m 


Type  ii"  7. 


Type  il"  8. 


394 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


réservoirs  supérieurs  que  celui  de  la  vapeur.  Comme  résultat,  on  obtint  de  la  vapeur  très  hu- 
mide. Les  quatre  circulations  de  gaz  n'avaient  donné  par  rapport  à  l'économie  aucun  avantage. 

A'0  11.  —  Essai  d'un  système  à  ser- 
pentin, dans  lequel  l'eau  se  trouvait  forcée 
de  parcourir  en  plusieurs  fois  la  longueur 
du  fourneau  avant  d'arriver  au  réservoir. 
Cette  chaudière  possédait  une  circulation 
défectueuse,  un  fonctionnement  semblable 
à  celui  d'un  geyser,  et  finalement  ne  don- 
nait que  de  la  vapeur  humide. 

Tous  les  types  que  nous  venons  de 
décrire,  à  l'exception  des  numéros  5  et  6, 
possédaient  un  grand  nombre  de  joints 
boulonnés,  qui,  par  suite  des  dilatations 
inégales,  donnaient  lieu  à  des  fuites  nom- 
breuses, dès  que  la  surface  de  chauffe  commençait  à  se  recouvrir  d'une  mince  couche 
de  tartre.  Assez  de  chaudières  de  ces  différents  systèmes  ont  été  construites  et  ont  fonc- 
tionné pour  avoir  permis  d'apprécier  leur 


Type  n°  9. 


Type  n"  10. 


défectuosité  à  ce  point  de  vue. 

N°  li.  —  Tentative  faite  dans  le  luit 
de  remédier  à  ce  défaut,  et  d'accroître  le 
développement  de  surface  de  chauffe, 
dans  un  espace  donné.  Los  tubes  étaient 
mandrinés  dans  chacune  des  deux  pa- 
rois de  caissons  en  tôle,  placés  à  leurs 
extrémités,  et  présentaient  dans  l'in- 
tervalle des  ouvertures  pour  l'entrée  de 


l'eau  et  la  sortie  de  la  vapeur.  Afin  d'obtenir  un  plus  grand  développement  de  surface 
de  chauffe,  on  disposa  des  tubes  de  fumée  à  l'intérieur,  mais  à  cause  de  la  difficulté 

de  nettoyage,  on  ne  tarda  pas  à  les  supprimer. 
Le  numéro  13  montre  comme  collecteurs  des 
boites  en  fonte  d'une  seule  pièce  et  de  toute  la 
largeur  de  la  chaudière,  réunies  au  réservoir  par  des 
boulons. 

N"  14.  —  Aux  boites  en  fonte,  on  en  substitua 
d'autres  en  fer  réunies  par  entretoises.  Ce  fut  là, 
comme  nous  l'avons  expliqué  précédemment,  une 
construction  défectueuse,  au  point  de  vue  de  la  sé- 
curité,  bien  qu'elle  présentât  certains  avantages  sur 
le  numéro  6.  On  fit  le  mur  de  séparation  sous  le 
réservoir,  incliné  vers  l'arrière,  pour  augmenter  le 
volume  de  la  chambre  de  combustion,  mais  sans  grand  avantage  constaté  et  avec  l'in- 
convénient d'un  entretien  difficile  de  ce  mur. 

N°  15.  —  Chaque  rangée  verticale  de  tubes  fut  isolée  et  assemblée  dans  une  boite  de 


Type  n"  11. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


395 


Type  n°  12. 


communication  spéciale.  Cette  boîte  en  fonte  permettait,  par  sa  forme  sinueuse,  de  main- 
tenir la  disposition  des  tubes  en  quiconce.  La  forme  répondit  si  bien  aux  desiderata  long- 
temps poursuivis,  qu'elle  a  toujours  été  maintenue  depuis.  Le  réservoir  fut  supporté  par  des 
poutres  reposant  sur  les  maçonne- 
ries. On  supprima  tous  les  joints 
boulonnés  à  l'exception  de  ceux  qui 
servaient  à  réunir  les  collecteurs  au 
réservoir,  et  encore  ces  derniers 
furent-ils  ensuite  remplacés  par  des 
bouts  de  tubes,  mandrinés  dans  les 
deux  extrémités  des  pièces  à  réunir. 

N°  16.  —  On  lit  l'essai  de  collec- 
teurs en  forme  de  boîtes  triangu- 
laires, superposés  et  alternativement 
renversés,  réunis  ensemble  par  des 
bouts  de  tubes  et  avec  le  réservoir 
par  des  tubes  recourbés  normale- 
ment à  la  surface  cylindrique.  La 
circulation  n'était  pas  suffisante  et 
les  assemblages  des  collecteurs  entre  eux  ne  présentaient  qu'une  médiocre  résistance. 

N°  17.  —  On  essaya  des  collecteurs  droits  disposés  horizontalement  réunis  ensemble 
et  avec  le  réservoir  par  des  bouts  de  tubes.  Ce 
système   parut   être   d'une   construction  trop 
rigide,  et  la  circulation  sembla  ne  s'y  faire  que 
difficilement. 

Les  numéros  18,  19  furent  établis  en  vue 
d'obtenir  une  production  rapide  de  vapeur, 
dans  certains  cas  où  toutes  autres  considéra- 
lions  n'entraient  que  pour  une  part  secondaire. 
Les  résultats  à  ce  point  de  vue  furent  du  reste 
1res  satisfaisants. 

Tous  ces  divers  types  ne  furent,  à  propre- 
ment parler,  que  des  types  d'expérience  ou 
d'essai,  bien  qu'un  grand  nombre  de  chaudières 
aient  été  construites  sur  leurs  modèles,  mais 
il  permirent  de  déterminer,  peu  à  peu  et  d'une 
façon  très  nette,  les  diverses  conditions  auxquelles  devait  désormais  satisfaire  la  cons- 
truction d'une  parfaite  chaudière  multitubulairc  : 

1°  Emploi  de  collecteurs  ondulés,  d'une  seule  pièce  et  indépendants  pour  chaque  série 
verticale  de  tubes. 

2°  Communication  spéciale,  égale  et  à  grande  section,  avec  le  réservoir,  à  l'avant  et  à 
l'arrière,  pour  chaque  élément  ou  série  verticale  de  tubes. 

3°  Tous  joints  entre  les  diverses  parties  de  la  chaudière  obtenus  sans  vis  ni  bou- 
lons. 


Type  n"  13. 


306 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Type  11"  1  i. 


4°  Rejet  de  toutes  portions  de  surfaces  nécessitant  l'emploi  d'entretoiscs. 
S»  Suspension  de  la  chaudière  indépendante  des  maçonneries,  libre  de  se  dilater  et  de 
se  contracter. 

6°  Réservoirs  d'eau  et  de  vapeur  de  grand  diamètre. 
7°  Toutes  parties  d'un  accès  facile  pour  les  nettoyages  et  les  réparations. 
Sur  ces  données  fut  établi  le  numéro  20,  qui  dans  son  ensemble  présente  une  certaine 

analogie  avec  le  numéro  15,  mais  où  tous 
^  les  assemblages  sont  obtenus  par  l'em- 

ploi de  tubes  courts  mandrinés  à  leurs 
extrémités. 

Plusieurs  centaines  de  mille  chevaux 
ont  été  installés  d'après  ce  type  de  chau- 
dière, pendant  les  douze  années  qui  vien- 
nent de  s'écouler,  et  ont  toujours  donné 
la  plus  complète  satisfaction.  C'est  le  sys- 
tème le  plus  répandu  dans  toute  l'Amé- 
rique. 

N°21.  —  Construction  un  peu  diffé- 
rente de  la  précédente,  principalement 
connue  en  Europe.  Les  sections,  au  lieu  d'être  réunies  aux  réservoirs  par  les  fonds,  le  sont 
par  des  boites  de  connexion  spéciales  fixées  en  dessous  de  ces  réservoirs,  à  l'avant  et  à 
l'arrière.  Cette  disposition  permet  d'obtenir  une  plus  grande  longueur  de  réservoirs,  et  de 
faire  la  construction  des  fonds  en  tôle  au  lieu  de  fonte. 

N°  22.  —  Établi  d'après  les  derniers  perfectionnements  apportés  par  la  Compagnie  Rab- 

cock  et  Wilcox  dans  la  construction  des 
chaudières  raultitubulaires ,  et  au  delà 
desquels  il  semble  désormais  impossible 
de  prétendre  aller.  Ces  perfectionnements 
mit  consisté  principalement  dans  la  fa- 
brication en  fer  forgé  des  tubulures,  des 
collecteurs  ondulés,  des  boites  de  con- 
nexion, etc.,  de  telle  sorte  que  la  chau- 
dière se  trouve  constituée,  dans  toutes 
les  parties  de  la  surface  de  chauffe,  uni- 
quement de  pièces  en  fer  forgé.  Cette 
rype  ""  '•''■  construction  fut  poursuivie  tout  d'abord 

afin  de  satisfaire  à  la  réglementation  spéciale  de  certains  États  de  l'Europe.  Ses  avantages 
au  point  de  vue  de  la  diminution  du  poids  total  de  la  chaudière  et  de  l'augmentation  de 
résistance  et  de  durée  <]>■  ses  différentes  parties,  ont  conduit  pieu  à  peu  la  Compagnie  à 
l'adopter  d'une  façon  générale,  et  à  établir  dans  ses  ateliers  une  installation  complète  lui 
permettant  de  fabriquer,  d'une  façon  régulière,  toutes  ces  pièces  admirables  qui  sont,  à 
juste  titre,  regardées  comme  des  modèles  de  perfection  dans  l'art  de  forger. 

Nous  avons,  plus  haut,  souligné,  avec  chiffres  de  production  à  l'appui,  l'importance  des 


New-York  Steam  Company,  Station  B.  —  Fourniture  de  Vapeur  à  domicile. 

(Actuellement  13,482  chevaux  de  chaudières  Itabcock  et  Wilcox  en  fonctionnement.  L'installation  complète  comprendra 

04  chaudières  et  une  puissance  totale  de  10,000  chevaux. 


398 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


ateliers  d'Amérique  et  d'Europe  de  la  Compagnie  Babcock  et  Wilcox.  Il  n'est  pas  inutile,  il 
est  intéressant  de  revoir  la  genèse  de  cette  formidable  institution. 


La  Compagnie  Babcock  et  Wilcox.  —  Ses  principales  installations. 

La  Compagnie  qui  date  de  1881  est  une  société  privée  ayant  à  sa  tète,  comme  Président 
et  Vice-Président,  MM.  Babcock  et  Wilcox  qui,  comme  associés,  prirent  les  premiers  brevets 


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Type  h'  16. 


de  leur  type  de  chaudière,  en  1867,  et  les  exploitèrent  jusqu'en  1881,  époque  à  laquelle  la 
Compagnie  fut  constituée.  A  partir  de  ce  moment,  le  chiffre  des  affaires,  déjà  remarquable 


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Type  n°  17. 


et  sans  cesse  accru  sous  l'association  Babcock  et  Wilcox,  prit  un  essor  considérable  et  suivit 
une  progression  ascendante  dont  on  aura  l'idée  exacte  quand  nous  aurons  dit  que  les 
ventes  faites  par  la  Compagnie  en  1890  donnent  plus  que  le  quadruple  de  celles  qui  avaient 
été  réalisées  en  1881.  Aussi  bien,  pour  être  précis,  voici  les  chiffres  :  En  1881,  la  Compagnie 
installa,  par  ventes,  29,882  mètres  carrés  de  surface  de  chauffe;  en  1890,  ce  chiffre  a  été  de 
134,247  mètres  carrés. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


399 


Au  commencement  de  1891,  la  Compagnie  comptait  1,800  clients,  dont  550  pour  renou- 
vellement de  commandes. 

De  toutes  les  installations  de  la  Compagnie  Babcock  et  Wilcox,  la  plus  importante  était 
au  commencement  de  l'année  1891,  celle  de  la  New- York  Sleam  Company  à  New- York.  La 
New  York  Sleam  Company  est  une  société  qui  s'est  formée  dans  le  but  de  faire  dans  une 


Type  n-  18. 


usine  centrale  la  production  de  la  vapeur,  et  de  distribuer  cette  vapeur  à  domicile,  comme 
on  distribue  dans  nos  villes  l'eau  et  le  gaz,  et  aujourd'hui  l'air  comprimé  et  l'électricité. 
Cette  Compagnie  s'est  formée  en  1880.  De  1880  à  1889,  elle  a  réitéré  seize  fois  ses  com- 
mandes de  chaudières,  et  son  installation  comporte  actuellement  65  chaudières  de  265  mètres 
carrés  de  surface  de  chauffe  chacune,  formant  un  total  de  17,225  mètres  carrés.  L'usine 
centrale  est  installée  dans  un  des  quar- 
tiers les  plus  habités  de  New-York.  Le 
terrain  y  a  une  très  grande  valeur,  et  il 
n'était  guère  possible  de  développer 
l'usine  en  surface  couverte.  On  a  donc 
construit  une  maison  à  étages;  il  y  en 
a  cinq,  et  à  chacun  de  ces  étages  sont 
installés  des  groupes  de  chaudières.  Les 
tuyaux  qui  portent  celte  vapeur  à  do- 
micile passent  en  souterrain  à  travers 
les  rues  de  New- York,  et  le  développe- 
ment en  longueur  de  ces  tuyaux  est 
aujourd'hui  de  27,357  mètres.  La  vapeur 

se  trouve  ainsi  fournie,  pour  être  utilisée,  soit  à  produire  la  force  motrice  dans  des  ateliers, 
soit  à  des  usages  domestiques,  et  cela  avec  une  dépense  très  minime  pour  le  consom- 
mateur, et  un  très  large  bénéfice  pour  le  producteur. 

Dans  une  installation  de  cette  importance,  il  est  absolument  nécessaire  que  les  chau- 
dières soient  telles  qu'elles  puissent  donner  l'utilisation  la  plus  complète  du  combustible; 
telles  que  leurs  frais  d'entretien  se  trouvent  réduits  à  la  plus  faible  proportion;  telles  que 
la  sécurité  soit  assurée  pour  le  voisinage  d'un  pareil  centre  de  production  de  vapeur.  Il 
est  enfin  d'une  très  grande  importance  que  la  vapeur  qui  doit  être  portée  à  une  si  grande 


Type  u»  20. 


400 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


distance  ne  renlerme  pas  d'eau  entraînée  avec  elle.  Pour  satisfaire  à  ces  conditions,  on 
s'arrêta  au  choix  de  la  chaudière  Babcock  et  Wilcox,  et  l'expérience  montra  que  c'était  éga- 
lement celle  à  laquelle  il  y  avait  lieu  de 
s'en  tenir  pour  les  installations  sui- 
vantes : 

Par  ordre  d'importance,  l'instal- 
lation qui  vient  immédiatement  après 
celle  de  la  New  York  Steam  Company 
est  celle  de  la  Pennsylvania  Steel  Com- 
pany, dont  l'installation  de  Sparrows 
Poin t  (Mary land) comporte  actuellement 
00  chaudières,  de  chacune  255  mètres 
carrés  de  surlace  de  chauffe,  formant 
ensemble  16,830  mètres  carrés. 

Cette  installation  résulte  de  cinq 
commandes  successives,  de  1887  à  1889.  Les  Aciéries  pour  lesquelles  ces  chaudières  produi- 
sent la  vapeur,  d'une  installation  toute  récente,  sont  aujourd'hui  parmi  les  plus  impor- 
tantes en  Amérique. 

Un  très  grand  nombre  de  raffineries  possèdent  des  installations  complètes  de  chau- 
dières Babcock  et  Wilcox.  Nous  citerons  parmi  les  plus  importantes  : 

Mètres  carrés. 

Brooklyn  Sugar  Refming  C°,  Brooklyn,  New-York 4.229 

Decaslro  et  Donner  Sugar  Refming  O,  Brooklyn,  New-York 3 . 494 

Havemeyer  Sugar  Refming  C,  Brooklyn,  New-York 4.643 

Matlhiessen  et  Wicchers  Sugar  Refming  C°,  Jersey  City G. 319 

Ilarrison,  F razier  and  C°,  Philadelphie,  Pensylyanie 2.118 

Claus  Spreckels  Sugar  Refinery,   Philadelphie 8.025 

American  Glucose  C°  Buffalo  (New-York),  Peorie  (Illinois)  et  Leavenworth  (Kan).  0 . 35G 

Chicago  Sugar  Refming  C°,  Chicago,  lilinois 4.500 

Louisiana  Sugar  Refinerv  C°,  New-Orléans,  Louisiane 2.508 


Type  u°  21. 


Et  enfin  The  English-Auslrian  Sugar  Refineries  C°  limited,  dont  la  commande  a  été  remise 
seulement  depuis  le  commencement  de  cette  année  (1891),  pour  une  installation  de  20  chau- 
dières, de  chacune  404  mètres  carrés  de  surface  de  chauffe,  formant  ensemble  8,080  mètres 
carrés,  cette  nouvelle  raffinerie  devant  être  installée  à  Aussig,  en  Bohême. 

Dans  les  fabriques  d'huile,  l'installation  la  plus  importante  est  celle  de  la  Standard 
Oil  C°  à  Bayonne,  New-Jersey.  De  1880  à  1889,  cette  société  a  remis  à  la  Compagnie  Babcock 
et  Wilcox  trente-neuf  commandes  successives,  pour  un  chiffre  total  de  52  chaudières,  for- 
mant ensemble  7,950  mètres  carrés  de  surface  de  chauffe. 

Dans  les  usines  de  produits  chimiques,  l'installation  de  la  Solvay  Process  C°  à  Syracuse, 
comprenant  35  chaudières,  formant  ensemble  7,050  mètres  carrés  de  surface  de  chauffe, 
installées  d'après  neuf  commandes  successives  de  1882  à  1889.  Et  celles  de  MM.  Solvay 
et  ('/%  en  France,  en  Belgique  et  dans  le  grand  Duché  de  Bade,  comprenant  10  chaudières 
d'une  surface  de  chauffe  totale  de  1,300  mètres  carrés. 

Les  installations  dans  les  plantations  de  sucre  de  File  de  Cuba  sont  au  nombre  de  64 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


401 


Type  il0  22. 


et  couvrent  une  surface  de  chauffe  totale  de  27,438  mètres  carrés.  La  plus  importante  de  ces 
installations  est  celle  de  YYngenio 
Constancia  à  Cienfeugos,  qui  com- 
prend 21  chaudières,  formant  ensemble 
3,220  mètres  carrés  de  surface  de 
chauffe.  Un  certain  nombre  de  ces  ins- 
tallations ont  été  munies  récemment 
par  la  Compagnie  Babcock  et  Wilcox 
d'une  disposition  spéciale,  connue  sous 
le  nom  de  Cook's  Bagaste  Fumaee,  per- 
mettant de  brûler  la  bagasse  verte, 
et  dont  le  résultat  a  été  extrêmement 
satisfaisant. 

Dans  l'impossibilité  où  nous  som- 
mes de  reproduire  les  diverses  instal- 
lations pouvant  présenter  un  intérêt  à 
divers  points  de  vue,  nous  citerons,  en  dernier  lieu,  les  installations  pour  la  production 
de  l'éclairage  électrique,  en  renvoyant  aux  listes  publiées  par  la  Compagnie  Babcock  et 
Wilcox  pour  l'ensemble  de  leurs  installations.  Parmi  les  installations  d'éclairage  élec- 
trique figurent  comme  les  plus  importantes  : 

Mètres  l'arrés. 

Compagnie  Parisienne  de  l'Air  comprimé,  procédés  Victor  Popp,  Paris 4.337 

Impérial  Continental  Gas  Association,  Vienne,  Autriche 1.194 

Socielà  Anglo-Romana  per  l'Illuminazione,  Rome,  Italie 2.336 

Societâ  Générale  ltaliana  d'Electtricila.  Sistema  Edison,  Milan  cl  Livourne  (Pâlie).  3.193 

Ehvell-Parker  Ltd,   Wolverhamplon,  Angleterre 2.337 

Metropolitan  Electric  Light  C°,  Londres S. 033 

London  Electric  Supply  Corporation  Ltd,  Londres 6.520 

EdUon  Electric  Illuminaling  Company 9.582 

West  End  Street  Railway  C°,  Boslon,  Massachusetts 6.955 

L'installation  de  la  Compagnie  parisienne  de  l'air  comprimé  présente  pour  nos  lecteurs 
un  intérêt  tout  spécial  d'actualité.  La  nouvelle  usine  de  la  Compagnie  parisienne  de  l'air 
cumprimé  s'élève  maintenant  avec  rapidité  sur  le  quai  de  la  Gare,  à  l'angle  du  pont  Natio- 
nal, et  présente  déjà  un  aspect  grandiose.  Elle  sera  certainement,  au  point  de  vue  méca- 
nique, un  des  ensembles  les  plus  complets  et  les  plus  intéressants  que  nous  possédions 
dans  notre  pays.  Les  20  chaudières  de  225  mètres  carrés  chacune  sont  actuellement  en 
montage.  Elles  actionneront  quatre  machines  Corliss  à  triple  expansion  de  2,000  chevaux 
de  force  chacune. 

En  vertu  d'une  licence  spéciale,  les  chaudières,  aussi  bien  que  les  machines,  ont  été 
construites  dans  les  ateliers  du  Creusot,  MM.  Schneider  et  Ci8  se  trouvant  ainsi  chargés  de 
l'ensemble  de  l'installation  mécanique. 

Pour  en  terminer  avec  les  machines  à  vapeur,  signalons  encore  les  très  intéressantes 
constructions  deM.  Jules  Leblanc,  qui  avait  exposé  dans  la  classe  LU  les  machines  suivantes  : 
4°  une  machine  à  vapeur  de  10  chevaux;  2°  une  machine  locomobile  de  12  chevaux;  3°  un 
moteur  à  air  chaud,  système  Brown;  4°  une  machine  à  vapeur  de  35  chevaux  que  nous 

III  26 


402 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


reproduisons  page  386;  5°  un  compresseur  d'air  marchant  par  courroies;  6°  une  pompe  à 
vapeur  Compound  ;  7°  une  pompe  à  double  effet  à  courroies;  et  8°  enfin,  un  distributeur  poul- 
ies liquides  comprimés  à  de  fortes  pressions. 

Moteurs  à  gaz-.  —  Ces  moteurs  ont  reçu  un  développement  considérable  depuis  notre  der- 


Maisoo  J.  Boulet  et  <>.  —  Nouveau  moteur  à  gaz  vertical  (système  Kuertiug-Lieckfeld.) 

nière  Exposition  de  1878,  où  seulement  quelques  spécimens  étaient  exposés.  A  l'heure  actuelle, 
on  en  connaît  une  cinquantaine  de  types,  et  23  exposants  ont  reçu  des  récompenses  à  l'Expo- 
sition, pour  leurs  moteurs  à  gaz.  Le  moteur  à  gaz  du  système  Otto  date  de  1878.  Le  principe 
des  premières  machines  peut  se  résumer  ainsi:  Un  piston  peut  se  mouvoir  dans  un  cylindre. 
Sous  une  des  faces  du  piston,  on  fait  pénétrer  un  mélange  d'air  et  de  gaz  en  proportion  con- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


403 


venable  pour  le  rendre  explosif.  Le  feu,  mis  au  mélange,  détermine  l'explosion  et  le  piston 
est  chassé  par  la  pression  qui  en  résulte.  La  même  opération  se  répète  de  l'autre  côté  du 
piston,  et  celui-ci  est  ramené  à  sa  première  position  et  ainsi  de  suite.  Il  est  entendu  que  les 
gaz  refoulés  à  chaque  mouvement  du  piston  s'échappent  par  des  ouvertures  en  temps  conve- 
nable, et  qu'un  volant  régularise  le  mouvement. 

Le  docteur  Otto  a  transformé  sa  première  invention,  en  ne  laissant  entrer  que  la  quan- 
tité de  gaz  nécessaire  pour  échauffer  l'air  introduit  en  même  temps.  Il  a  ainsi  réalisé  une 
sorte  de  moteur  à  air  chaud. 

D'après  M.  A.  Witz,  ingénieur  (Revue  technique  de  l'Exposition  universelle  de  1889),  les  mo- 
teurs à  gaz  sont  compris  dans  les  quatre  types  suivants  : 

1er  type.  Moteurs  à  explosion  sans  compression. 
:2e  type.  Moteurs  à  explosion  avec  compression. 
3e  type.  Moteurs  à  combustion  avec  compression. 
4e  type.  Moteurs  atmosphériques. 

D'après  le  même  ingénieur,  le'premier  type  donne  un  rendement  médiocre.  Il  est  simple 
et  peu  coûteux.  On  en  fait 
usage  pour  de  faibles  puis- 
sances. Le  second  type  est 
excellent  théoriquement;  le 
troisième  lui  est  inférieur;  le 
quatrième,  théoriquement, 
l'emporte  sur  les  autres. 
Mais  l'auteur  ajoute  que  les 
deux  derniers  types  présen- 
tent de  telles  difficultés  d'exé- 
cution, qu'ils  sont  aban- 
donnés. Il  ne  reste  en  réalité 
que  les  deux  premiers  types. 
Dans  le  moteur  Otto,  la  com- 
pression se  fait  dans  le  cy- 
lindre, il  n'y  a  qu'une  im- 
pulsion motrice  pour  deux 
tours  de  volant,  et  l'on  dit 
que  le  cycleest  à  quatre  temps. 

Dans  un  autre  genre  de  moteur  à  gaz,  de  Benz,  la  compression  du  gaz  se  fait  encore  dans 
le  cylindre,  mais  le  cycle  est  à  deux  temps,  donnant  une  impulsion  pour  un  tour  de  roue. 
Enfin,  Griffin  a  construit  un  troisième  genre  à  un  temps  et  demi,  donnant  une  impulsion 
par  un  tour  et  demi  du  volant. 

Le  système  Otto  est  le  plus  économique,  mais  sa  marche  est  moins  régulière  que  celle 
des  systèmes  Benz  et  Griffin. 

Parmi  les  autres  moteurs  à  gaz  exposés,  citons  ceux  de  MM.  Powell,  Kœrting,  etc. 

La  consommation  moyenne  des  moteurs  à  gaz  a  fait  de  grands  progrès  depuis  1878.  Un 


Moteur  à  air  chaud  (système  Beuier). 


404  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

moteur  de  quatre  chevaux  exigeait  un  mètre  cube  par  cheval  et  par  heure.  Aujourd'hui,  cette 
consommation  est  réduite  à  600  ou  700  litres. 

Mais  o  n  réalisera  des  économies  sensibles  à  mesure  que  les  moteurs  à  gaz  seront  plus 
puissants.  Ce  n'est  plus  qu'une  question  de  temps.  L'Exposition  présentait  deux  moteurs  à 
gaz  de  100  chevaux  chacun.  C'est  là  un  événement  considérable  qui  donne  à  penser  que  les 
moteurs  à  gaz  pourraient  bien  détrôner  un  jour  les  machines  à  vapeur. 

Le  moteur  à  gaz  ne  peut  rendre  service  qu'à  la  condition  d'être  mise  en  communication 
avec  une  canalisation  de  gaz.  Il  serait  de  la  plus  grande  importance  de  s'affranchir  de  cette 
obligation. 

Le  pétrole,  à  l'état  de  vapeur,  semble  indiqué  pour  résoudre  la  question,  et  l'Exposition 
en  montrait  déjà  des  exemples  dans  les  moteurs  Benz,  Otto,  Diederics,  Rouart,  Lenoir,  etc. 
Cette  industrie  n'est  encore  qu'à  son  début.  Il  y  a  lieu  d'espérer  que  les  machines  à  pétrole  se 
perfectionneront  et  rendront  de  grands  services  à  l'industrie,  surtout  à  la  petite  industrie. 

Signalons  aussi  le  moteur  à  air  chaud  (système  Bénier),  dont  il  y  avait  cinq  types  exposés, 
de  6,  9, 12  et  1S  chevaux.  Des  applications  de  ce  moteur  ont  été  faites  en  divers  pays  et  par- 
ticulièrement à  Paris,  dans  les  quatre  ministères:  de  la  guerre  (service  télégraphique);  celui 
des  travaux  publics  (administration  des  phares);  celui  de  l'instruction  publique  (écoles  profes- 
sionnelles); et  celui  de  la  marine  (laboratoire). 

Dans  ce  moteur,  le  foyer  est  placé  dans  l'intérieur  même  du  cylindre.  L'air  froid,  refoulé 
par  une  pompe,  traverse  ce  foyer,  en  servant  à  la  combustion.  Les  gaz  chauds  remplissent 
le  cylindre  en  poussant  le  piston  placé  au-dessus  du  foyer. 

Appareils  de  levage.  —  L'Exposition  présentait  un  nombre  considérable  de  grues  à  vapeur  et 
de  grues  hydrauliques  que  l'on  rencontre  aujourd'hui  un  peu  partout:  dans  les  chantiers, 
dans  les  ports,  etc.  ;  mais  il  faut  noter  surtout  ceux  qui  permettent  d'élever  et  de  déplacer  de 
grandes  masses.  On  est  parvenu  à  soulever  des  masses  de  100  tonnes  (100,000  kilogrammes), 
dans  les  arsenaux.  La  maison  Bon  et  Lustremant  confectionne  des  appareils  hydrauliques 
permettant  le  maniement  de  pareilles  masses.  Ces  grues  puissantes  ont  pour  principe  l'usage 
de  l'eau  sous  pression. 

La  construction  et  le  montage  des  ponts  de  Garabit,  de  la  Galerie  des  Machines,  de  la 
tour  Eiffel  ont  nécessité  des  appareils  de  levage  spéciaux.  M.  Guyennet  exposait  son  système 
de  grues  ayant  servi  au  montage  de  la  tour  de  300  mètres. 

Une  sorte  d'appareils  qui  s'est  développée  et  généralisée  depuis  quelques  années,  ce  sont 
les  ascenseurs  qui  sont  devenus  absolument  courants.  Mais  il  est  bon  de  noter  que  les  ascen- 
seurs de  la  tour  Eiffel  sont  de  trois  systèmes  différents  remplissant  chacun  des  conditions 
absolument  complexes.  Il  nous  est  impossible  d'entrer  à  cet  égard  dans  des  détails  techniques 
qui  ont  été  donnés  d'ailleurs  dans  le  premier  tome  de  cet  ouvrage. 

Transmission  de  la  puissance  motrice  à  distance.  —  Disons  quelques  mots  de  la  transmission 
de  la  puissance  motrice  à  distance. 

Depuis  fort  longtemps,  pour  les  petites  distances,  on  fait  usage  d'engrenage,  de  câbles 
et  de  courroies.  Mais  pour  les  grandes  distances,  le  problème  est  difficile,  et  dans  ces  dernières 
années,  on  a  tenté  de  se  servir  de  l'électricité  pour  cet  objet.  Des  essais  ont  été  faits  et  ont 
donné  quelques  résultats;  mais  il  faut  attendre  que  les  procédés  soient  perfectionnés  pour 
devenir  économiques. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9  405 

Aujourd'hui,  l'eau  en  pression  dans  une  conduite  permet  de  transmettre  la  force  à  tous 
les  étages  d'une  maison. 

A  l'Exposition,  YBydraulic  Engineering  C°,  présentait  les  dessins  d'une  distribution  de 
puissance  qu'elle  a  établie  à  Londres,  au  moyen  de  l'eau  comprimée. 

Nous  pouvons  citer  d'autres  moyens  de  transmettre  la  puissance  à  distance,  notam- 
ment la  transmission  par  l'air  comprimé,  établie  sur  les  hauteurs  de  Montmartre,  par  la 
compagnie  Popp.  Cette  usine  qui  dispose  d'une  puissance  de  3,000  chevaux,  distribue  sa 
force  tout  le  long  des  boulevards  chez  un  grand  nombre  d'industriels. 

Enfin,  un  autre  mode  de  transmission  de  la  force  à  distance  consiste  à  employer  l'air 
raréfié  qui  parait  se  prêter  pour  la  distribution  à  domicile  d'un  grand  nombre  de  petites 
forces  dans  un  rayon  peu  étendu.  Ce  système,  outre  sa  simplicité,  comporte  le  grand  avan- 
tage d'être  hygiénique  puisqu'il  renouvelle  l'air  de  la  chambre  de  travail.  Ce  modèle  de 
transmission  de  la  force  est  appliqué  depuis  plusieurs  années  dans  la  rue  Beaubourg,  au 
milieu  d'une  population  ouvrière  très  agglomérée.  Le  principe  du  système  est  le  suivant  : 

On  entretient  au  moyen  de  machines  pneumatiques,  installées  dans  une  usine  centrale, 
un  vide  70  0/0  environ  dans  une  canalisation  pénétrant  dans  les  logements  des  travailleurs 
en  chambre  qui  peuvent,  à  volonté,  la  mettre  en  communication  avec  les  petits  moteurs  à 
air  installés  chez  eux  et  mettre  ainsi  ces  derniers  en  mouvement. 

Des  appareils  enregistreurs  et  totalisateurs  de  tours,  adaptés  aux  machines  aspirantes, 
font  connaître,  heure  par  heure,  les  variations  de  travail  chez  la  clientèle  et  rendent  compte 
du  travail  total  effectué  chaque  mois  pour  produire  la  force. 

Les  moteurs  sont  d'un  demi-cheval,  d'un  cheval  et  d'un  cheval  et  demi.  En  doublant  ce 
dernier,  on  peut  aller  jusqu'à  trois  chevaux  dans  la  distribution  à  domicile;  ce  qui  per- 
met de  satisfaire  la  petite  industrie  de  ce  quartier. 

Les  appareils  de  pesage  étaient  représentés  par  les  bascules  et  balances  Chameroy, 
Guillaumin,  Trayvou,  etc. 

La  classe  52  renfermait  encore,  au  premier  étage,  des  appareils  aérostatiques  très 
curieux  de  MM.  Tissandier  et  Olivier,  des  publications  et  journaux  relatifs  à  la  méca- 
nique, etc. 

Nous  devons  mentionner  encore  : 

Le  calorifuge  exposé  dans  cette  classe  par  M.  Emile  Millier  sous  le  nom  de  coton 
minéral,  qui  est  un  produit  céramique  puisqu'il  est  produit  par  le  laitier  coulant  des  hauts 
fourneaux  et  recevant  à  ce  moment  l'insufflation  d'un  jet  de  vapeur.  Le  laitier  n'est  autre 
que  la  gangue  argileuse  des  minerais  de  fer. 

La  qualité  exceptionnelle  de  cette  matière  la  place  au  premier  rang  des  calorifuges  et 
lui  a  valu  la  plus  haute  récompense  attribuée  à  ce  genre  de  produits.  En  effet,  le  coton 
minéral  est  incombustible,  léger  et  inaltérable  ;  il  a  donné  les  meilleurs  résultats  comme 
isolant  dans  les  diverses  applications  qui  en  sont  faites  :  1°  dans  l'industrie  pour  préserver 
le  refroidissement  de  tuyaux  de  vapeur  ou  d'eau  chaude,  des  réservoirs,  des  générateurs  de 
machines  à  vapeur,  etc.,  etc. 

2°  Dans  la  construction,  pour  assourdir  les  planchers,  les  cloisons,  amortir  les  vibra- 
tions des  machines,  préserver  contre  le  froid  et  la  chaleur,  contre  la  transmission  des 
incendies  et  contre  les  insectes  et  les  rongeurs.  Cette  qualité  de  coton  minéral  est  la  seule 


40G  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

qui  ait  donné  entière  satisfaction  comme  durée;  en  effet  elle  ne  se  réduit  pas  en  sable  et 
n'oxyde  pas  les  métaux  comme  certaines  laines  de  scories. 

Les  établissements  des  marines  française,  anglaise,  russe,  italienne,  les  établissements 
de  la  Guerre  et  les  Compagnies  de  chemins  de  fer  en  emploient  de  grandes  quantités. 

Les  inventions  mécaniques  françaises.  —  Dans  la  galerie  des  Machines,  trois  vitrines  de  la 
classe  LU  renfermaient  les  modèles  des  grandes  inventions  mécaniques,  d'origine  française. 
Nous  croyons  devoir  reproduire  ici  rénumération  de  ces  inventions  qui  font  la  gloire  scien- 
tifique de  notre  pays,  et  qui  montrent  la  grande  part  qu'il  a  prise,  durant  les  derniers  siècles 
où  est  née  la  science  expérimentale,  dans  le  mouvement  inventif  du  monde  entier  : 

Le  système  métrique,  Assemblée  nationale,  1790,  —  la  machine  de  Vaucanson,  Jacques 
de  Vaucanson,  1751;—  la  chaîne  de  Galle,  André  Galle,    1832;  —  la  noix  d'embrayage, 
Adolphe  Nepveu,  1840  ;  —  la  balance  de  Roberval,  Gilles  Personier  de  Roberval,  1670  ;  la 
presse  hydraulique,  Biaise  Pascal,  1650  ;  la  montgolfière,  Joseph-Michel  et  Jacques-Etienne 
de  Montgolfier,  17^3  ;  —  l'aérostat,  Jacques-Alexandre-César  Charles,  1783;  le  bélier  hydrau- 
lique, Joseph-Michel  de  Montgolfier,  1797  ;  —la  turbine  Fourneyron,  Claude  Burdin,  1824,  et 
Benoit  Fourneyron,  1832;  — la  turbine  Fontaine,  Pierre-Lucien  Fontaine  ;  4840  ;  la  roue 
Poncelet,  Jean- Victor  Poncelet,  1824;  —  la  chaudière  tubulàire,  Marc  Séguin,  1827  ;la  chau- 
dière à  petits  éléments,  Julien  Belleville,  1850  ;  —  le  ressort  Belleville,  Julien  Belleville,  1861; 
—  la  soupape  du  sûreté,  Denys  Papin,  1861  ;  le  manomètre  métallique,  Eugène  Bourdon, 
1849  ;  l'injecteur  automatique,  marquis  de  Mannoury  Dectol,  1818,  et  Henri-Jacques  Giffard, 
1858:  —  la  machine  à  vapeur  à  piston,  Denys  Papin,  1690;  la  détente  par  recouvrement 
Benoit-Paul-Émile  Clapeyron,  1842  ;  la  détente  Meyer,  Jean-Jacques  Meyer,  1841;  —  la  dé- 
tente variable  par  le  régulateur,  Marie-Joseph-Denis  Farcot,  1836  ;  —  le  régulateur  à  bras 
croisés,  Joseph  Farcot,  1854  ;  —  le  régulateur  Foucault,  Léon  Foucault,  1864;  le  compen- 
sateur de  régulateur,  Denis  et  Wegher,  1871  ;  —  la  machine  à  double  expansion,  Benjamin 
Normand  1856;  la  machine  à  triple  expension,  Benjamin  Normand,  1872;  —  la  navigation 
à  vapeur,  Denys  Papin,  1698,  Claude-François  Dorothée  et  marquis  de  Jouffroy  d'Abbans, 
1776;  —  l'hélice  propulsive,  Charles  Dallery,  1803,  le  capitaine  Delisle,  1823,  cl  Frédéric 
Sauvage,  1832;  —  le  servo-moteur,  Joseph  Farcot;  —  le  marteau  pilon,  François  Bourdon- 
1839;  —  la  machine  à  gaz,  Philippe  Lebon,  d'Hubersin,  1801,  Pierre  Hugon,  1860,  Jean- 
Joseph-Étienne  Lenoir,  1860,  et  Alphonse-Eugène  Beau  de  Rochas,  1862  ;  —  la  commande 
des  freins  à  distance,  Denys  Papin,  1687,  Désiré  Martin  et  Verdat  du  Tremblay,  1860  ;  —  le 
câble  télédynamique,  Ferdinand  Hir,  1850;—  le  dynamomètre  Morin,  Arthur-Jules  Morin, 
1831  ;  —  la  mesure  de  l'élasticité,  par  le  spiral  roulant,  Edouard  Phillips,  1869. 

Toutes  les  inventions  mentionnées  ci-dessus  sont  postérieures  à  la  seconde  moitié  du 
dix-septième  siècle;  la  plus  récente  date  de  1872.  Les  époques  les  plus  fructueuses  en  inven- 
tions mécaniques  françaises  sont  celles  de  la  monarchie  de  Juillet  et  du  second  Empire.  En 
effet,  sur  les  37  inventions  dont  nous  venons  de  donner  la  nomenclature,  dix  ont  eu  lieu 
entre  les  années  1830 el  L848,  el  douze,  de  I848à  1870. 


PRODUITS  DE  L'EXPLOITATION  DES  MINES 


ET    DE    LA    METALLURGIE 


■  h  serait  superflu  d'insister  sur  le  rôle  prépondérant  des  métaux  dans  toutes  les 
branches  de  l'activité  humaine.  Mais  c'est  surtout  le  fer  et  l'acier  qui  envahissent 
ra~w3  et  pénètrent  toutes  les  industries.  Les  machines,  les  chemins  de  fer,  les  appli- 
cations de  l'électricité  sont  là  pour  nous  rappeler  à  tout  instant  ce  fait  capital.  L'Exposition 
Universelle  en  a  été  une  imposante  manifestation,  et,  dans  son  ensemble,  elle  doit  la  plus 
grande  partie  de  son  éclat  aux  gigantesques  dimensions  de  ses  palais  métalliques. 

Le  contenant  saisissait  le  visiteur,  certainement,  encore  plus  que  le  contenu.  Aussi 
l'étude  de  la  classe  XLII,  qui  comprenait  les  produits  de  l'exploitation  des  mines  et  de  la 
métallurgie  était-elle  une  des  plus  instructives  par  la  raison  que  c'est  au  ter  et  à  l'acier  que 
le  xix6  siècle  doit  sa  toute-puissance  industrielle  et  que  la  plupart  des  industries  doivent 
leurs  perfectionnements  au  perfectionnement  même  des  arts  métallurgiques. 

Il  est  remarquable  que  le  perfectionnement  de  l'outillage  et  des  engins  de  guerre,  dans 
toute  l'Europe,  a  eu  une  très  grande  part  dans  le  développement  des  arts  métallurgiques  et, 
notamment,  dans  le  perfectionnement  des  moyens  de  fabriquer  l'acier  à  bon  marché,  rapi- 
dement et  en  grande  quantité. 

A  l'Exposition  de  1889,  les  Compagnies  métallurgiques  et  les  maîtres  de  forges  ont 
répondu  avec  empressement  à  l'appel  qui  leur  était  fait.  Malheureusement,  les  pays  étran- 
gers ont  fait  défaut  pour  la  plupart  ou  bien  ont  fait  des  expositions  peu  en  harmonie  avec 
leurs  ressources. 

Avant  d'étudier  l'exposition  métallurgique,  il  nous  a  paru  indispensable  de  rappeler 
brièvement  les  caractères  généraux  des  produits  connus  sous  les  noms  de  fontes,  fers  et 
aciers,  parce  que  les  nombreux  progrès  de  la  métallurgie  ont  donné  lieu  à  la  production  d'une 
grande  quantité  de  ces  produits  ayant  entre  eux  des  points  tellement  rapprochés,  qu'il 
est  souvent  difficile  de  les  différencier.  Il  est  donc  nécessaire  d'avoir  quelques  jalons  pour 
les  étudier. 

Le  fer  est  trop  connu  pour  que  nous  nous  y  arrêtions  longtemps.  On  sait  qu'on  l'a 
obtenu  et  qu'on  l'obtient  encore  directement  de  minerais  riches  en  les  chauffant  au  contact 


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Histoire  du  Travail  et  des  Sciences  anthropoloi 


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Palais  des  Arts  Libéraux  (la  métallurgie). 


412 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


quement  dans  un  liquide,  eau,  huile  ou  mercure.  Il  acquiert  ainsi  des  propriétés  nouvelles 
qui  sont  utilisées  dans  l'industrie. 

Suivant  le  degré  de  trempe,  c'est-à-dire  suivant  que  le  refroidissement  a  été  plus  ou 


Vue  intérieure  d'un  puits  à  uaphte,  à  Itakou  (Caucase). 


moins  brusque,  l'acier  devient  dur  et  même  cassant  comme  dans  les  limes,  ou  bien  élas- 
tique comme  dans  les  ressort. 

C'est  à  la  proportion  déterminée  du  carbone  dans  les  aciers,  variable  dans  les  limites 
très  resserrées,  qu'il  faut  attribuer  leurs  propriétés  spéciales  d'élasticité  ou  de  résistance 
qu'ils  acquièrent  par  la  trempe.  En  effet,  si  la  proportion  de  carbone  devient  supérieure  au 
chiffre  de  1.5  0/0,  le  produit  se  rapproche  de  la  fonte  et  ne  se  soude  pas  au  marteau. 

Un  produit  ferreux  qui  contient  seulement  0,25  0/0,  c'est-à-dire  1  400  de  son  poids  de 
carbone  n'a  pas  la  propriété  de  durcir  par  la  trempe. 


/ 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


413 


A  la  dose  de  0,6  0/0  de  carbone  (c'est-à-dire  1/166  de  carbone),  le  1er  devient  aciéreux  : 
il  commence  à  durcir  par  la  trempe. 

Dans  les  fers,  les  fontes  et  les  aciers,  les  corps  étrangers  comme  le  manganèse,  le  sili- 
cium, le  soufre,  le  phosphore,  l'arsenic,  le  chrome,  jouent  un  rôle  considérable.  Quelques- 
uns  de  ces  corps  sont  mis  à  profit  dans  la  fabrication  des  aciers. 


Fours  Martin  des  Forges  et  Trèfileries  de  Fourcljambault. 


Le  fer  qui  contient  même  une  très  petite  quantité  de  souire  ou  d'arsenic  est 
cassant. 

Le  phosphore  rend  le  1er  cassant  jusqu'à  la  proportion  de  0,5  0/0  (1/200).  Au  dessous  de 
cette  pi'oportion,  le  fer  peut  présenter  une  bonne  qualité  pour  confectionner  des  objets  qui 
exigent  de  la  dureté  à  l'usure  par  friction,  notamment  pour  les  rails. 

Un  fait  très  important  à  noter,  c'est  que  les  minerais  phosphoreux  sont  les  plus  abon- 
dants dans  la  nature.  Leur  richesse  en  fer  est  de  30  0/0  environ.  Ils  contiennent  1/2  0/0  de 
phosphore.  Les  fontes,  dérivées  de  ces  minerais  contiennent  de  1,5  à  2  0/0  de  phos- 
phore. 


414  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


C'est  seulement  depuis  une  dizaine  d'années  que  l'on  est  parvenu  à  transformer  directe- 
ment en  acier  les  fontes  phosphoreuses.  C'est  en  1878  que  MM.  Sydney  Thomas  et  Perey 
Gilchrist,  chimistes  aux  aciéries  Martin,  à  Blenavon,  firent  paraître  leur  premier  mémoire 
sur  leur  méthode  de  déphosphoration.  En  1879,  des  coulées  de  6,000  kilogrammes  furent 
obtenues  et  établirent  la  réussite  du  procédé. 

La  déphosphoration  des  fontes  s'est  répandue  plus  vite  à  l'étranger  qu'en  France.  Au- 
jourd'hui, l'Angleterre  en  tire  un  grand  parti  clans  ses  usines  de  Bolckow,  Waugham  et 
Schetlield. 

Depuis  longtemps,  l'acier  s'obtient  par  deux  procédés  très  distincts  cl  pour  ainsi  dire 
inverses  l'un  de  l'autre: 

1°  Par  la  décarburation  partielle  de  la  fonte  :  procédé  qui  a  pour  objet  de  lui  enlever  une 
partie  de  son  carbone.  On  obtient  ainsi  un  acier,  appelé  acier  naturel  ou  acier  puddlé,  sui- 
vant les  moyens  employés  pour  le  préparer  et  qui  diffèrent  seulement  par  les  dimensions  des 
fours.  Les  fours  de  petites  dimensions  servent  à  confectionner  l'acier  naturel. 

2°  On  obtient  une  autre  sorte  d'acier,  l'acier  de  cémentation,  par  la  carburation  du  fer; 
opération  qui  consiste  à  chauffer  des  barres  de  fer  pendant  douze  à  quinze  heures  au  contact 
de  la  poussière  de  charbon. 

Les  aciers  naturels  et  les  aciers  de  cémentation  ne  sont  pas  homogènes.  On  les  amé- 
liore en  les  chauffant  au  blanc  et  en  leur  faisant  subir  des  corroyages  successiis  sous  le 
marteau. 

On  désigne  depuis  longtemps  sous  le  nom  d'acier  fondu,  une  sorte  d'acier  supérieur  aux 
précédents,  obtenue  en  fondant  dans  un  creuset  de  l'acier  de  cémentation.  Cette  fusion  a 
pour  effet  de  rendre  l'acier  homogène.  Cet  acier  fondu  est  ensuite  martelé  et  étiré  en 
barres. 

Tels  sont  les  anciens  aciers  dont  la  production  était  très  restreinte  à  cause  même  des 
procédés  de  fabrication.  Il  faut  se  reporter  à  l'année  1855  pour  constater  une  révolution 
dans  la  production  de  l'acier  en  grande  masse,  obtenu  par  le  procédé  Bessemer.  Il  consiste 
à  soumettre  de  la  fonte  en  fusion  à  l'action  d'un  courant  d'air  oxydant  qui  brûle  une  partie 
du  carbone  de  la  fonte,  ainsi  que  le  manganèse  et  le  silicium  qu'elle  peut  contenir.  On  intro- 
duit, ensuite,  dans  la  masse  liquide,  de  la  fonte  manganésée  (fonte  préparée  à  l'avance  et 
contenant  une  forte  proportion  de  manganèse).  Cette  fonte  manganésée  s'empare  de  l'excès 
d'oxygène  et  fournit  le  carbone  nécessaire  à  la  transformation  du  fer  en  acier.  Le  résultat  de 
l'opération  est  l'acier  Bessemer. 

En  1865,  le  procédé  Bessemer  a  subi  un  perfectionnement  très  considérable,  dû  à  l'accu- 
mulateur de  chaleur  Siemens,  appliqué  d'abord  en  Angleterre,  puis  en  France,  sous  le  nom 
de  four  Martin-Siemens.  Cet  accumulateur  permet  de  produire  l'acier  fondu  sur  la  sole  d'un 
four  à  réverbère,  chauffé  au  gaz,  et  de  prolonger  l'opération  de  telle  manière  qu'on  puisse  se 
rendre  compte  de  la  qualité  des  aciers  obtenus. 

Le  procédé  Bessemer  est  le  procédé  rapide  ;  l'opération  dure  seulement  de  -20  à  30  minutes. 
Au  contraire,  la  méthode  Martin-Siemens  est  le  procédé  lent  qui  exige  de  8  à  10  heures.  Cette 
lenteur  est  une  des  causes  du  succès  de  la  méthode,  parce  qu'elle  permet  de  suivre  la  trans- 
formation du  métal  et  de  la  corriger  par  des  additions  successives  de  matières. 

Déjà,  en  1878,  M.  Jordan,  ingénieur,  faisait  remarquer  que  le  four  à  réverbère,  chauffé  au 
gaz,  était  un  appareil  excessivement  commode  et  complaisant,  qui  permettait  de  faire  une 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  415 

véritable  cuisine  métallurgique.  Il  en  donnait  comme  exemple,  que  pour  obtenir  un  métal 
très  doux  qui  ne  trempe  pas,  il  suffit  de  forcer  la  proportion  de  fer,  par  additions  successives, 
et  d'ajouter  à  la  fin  de  l'opération  une  certaine  dose  de  manganèse  métallique  aussi  pur 
que  possible.  Pour  obtenir  un  métal  doux  se  moulant  sans  soufflures,  le  manganèse  ne  suffit 
plus  et  il  est  nécessaire  d'ajouter  du  silicium  pour  décomposer  les  gaz  carbonés  et  éviter  ces 
soufflures. 

En  1878,  on  préparait  déjà  des  aciers  au  moyen  d'alliages  de  chrome,  de  manganèse  ou 
de  silicium.  Depuis,  ces  procédés  ont  pris  une  grande  extension.  M.  Hallopeau,  ingénieur,  a 
appelé  l'attention,  dans  une  conférence  faite  à  l'Exposition  de  1889,  sur  les  progrès  considé- 
rables accomplis  dans  l'emploi  du  haut  fourneau  pour  obtenir  la  fabrication  courante  d'une 
série  d'alliages  nouveaux,  servant  à  la  fabrication  de  l'acier.  Ces  alliages,  variables  au  gré  des 
usines,  sont  des  ferro-manganèses  de  39  à  80  0,  0  et  des  ferro-silicium  de  7  à  13  0/0. 

D'autres  progrès  sont  dus  au  réchauffage  de  l'air,  lancé  parla  soufflerie  avant  son  intro- 
duction dans  le  haut  fourneau  et  aussi  à  l'augmentation  de  la  pression  de  cet  air.  Les  souf- 
fleries fournissent  maintenant  de  l'air  à  la  température  de  700  degrés. 

M.  Hallopeau  a  rapproché  des  chiffres  fort  intéressants,  concernant  les  productions  mé- 
tallurgiques. 

En  1789,  un  haut  fourneau  alimenté  par  du  charbon  de  bois,  fournissait  seulement 
1,500  kilogrammes  de  lonte  par  24  heures.  Actuellement,  il  en  donne  dans  le  même  temps 
cent  fois  autant,  c'est-à-dire  150,000  kilogrammes,  en  marchant  au  coke,  tout  en  produisant 
des  fontes  de  première  qualité. 

La  production  des  1ers  et  des  aciers  présente  aussi  des  progrès  remarquables  au  point 
de  vue  des  quantités  obtenues.  Autrefois,  le  feu  catalan  par  affinage  direct  du  minerai  ou 
encore  le  feu  comtois,  par  affinage  de  la  fonte  produisait  en  plusieurs  heures  100  kilogrammes 
de  fer  martelé,  après  un  travail  des  plus  pénibles  et  avec  une  consommation  énorme  de 
charbon  ;  aujourd'hui,  l'affinage  de  la  fonte  se  fait  dans  la  cornue  Bessemer  et  donne,  en  une 
demi-heure,  jusqu'à  12  tonnes  d'acier  plus  ou  moins  dur.  Le  four  Martin-Siemens  produit  en 
douze  heures  jusqu'à  15  tonnes  d'acier  doux  ou  de  fer  fondu. 

Un  autre  perfectionnement  signalé  par  M.  Jordan  consiste  dans  la  nouveauté  du  procédé 
de  M.  G.  Robert,  administrateur  des  forges  Stenay,  pour  affiner  la  fonte,  en  appliquant  au 
convertisseur  Bessemer  le  soufflage  sur  un  seul  côté,  au  moyen  de  plusieurs  tuyères  placées 
horizontalement.  Ces  tuyères  effleurent  presque  la  partie  supérieure  du  bain  de  fonte.  Le  vent 
agit  seulement  sur  la  couche  superficielle  du  bain,  en  lui  imprimant  un  mouvement  gira- 
toire qui  amène  successivement  toutes  les  parties  en  contact  avec  le  courant  d'air.  Dans  ces 
conditions,  le  métal  obtenu,  sans  aucun  brassage,  est  sain,  sans  soufflures,  très  malléable, 
très  homogène  et  d'une  très  grande  résistance.  On  obtient  par  ce  procédé  des  aciers  moulés 
soudables  et  des  fers  fondus  soudables. 

La  Société  des  forges  de  Stenay  avait  présenté  à  l'Exposition  des  produits  remarquables, 
obtenus  au  moyen  de  son  convertisseur  Robert,  entre  autres  un  gouvernail  et  un  étambot, 
des  hélices  de  navires,  un  arbre  coudé  et  des  pièces  de  machines  agricoles. 

Les  aciers  nouveaux  sont  des  produits  tellement  variés  qu'il  s'est  établi  une  sorte  de 
confusion  par  rapport  aux  dénominations  métallurgiques.  La  proportion  de  carbone  dans 
les  fontes  et  les  aciers  ne  permet  pas  toujours  de  les  distinguer  les  uns  des  autres.  On  com- 
prendra facilement  d'où  vient  l'embarras  en  se  rappelant  que  le  fer  contient  une  très  petite 


416 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE^  DE    1889 


quantité  de  carbone,  0,002  à  0,005.  L'acier  en  contient  1  à  1,8  0/0,  et  la  fonte  2  à  8  0/0. 
On  comprend  que  dans  certains  produits  métallurgiques,   la  proportion   du   carbone 


Compagnie  de  Châlillon  et  Commentry.  —  Vue  extérieure  de  la  cage  à  pignons  du  grand  laminoir  universel 

de  l'usine  Saint-Jacques,  à  Montluçon. 


étant  près  de  la  limite  qui  sépare  la  fonte  de  l'acier,  il  y  ait  eu  confusion.  C'est  par  suite  de 
cette  confusion  que  des  produits  métallurgiques  sont  dénommés  :  fontes  aciéreuses,  fers 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


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aciôreux,  fer  fondu,  acier  doux,  acier  fondu,  fonte  trempée,  fer  soudé,  acier  soudé,  etc. 

Pour  bien  des  praticiens,  1"  le  fer  est  un  métal  qui  nu  se  trempe  pas  et  qui  se  soude  à 
lui-même  à  chaud  ; 

2°  L'acier  se  soude  à  chaud  comme  le  fer  et  se  trempe. 


Usines  de  Saiut-Chamond.  —  Ateliers  do  montase. 


Pour  tout  le  inonde,  la  fonte  ne  se  torge  pas;  mais  certaines  fontes  durcissent  par  la 
trempe. 

L'acier  fondu  est  nécessairement  obtenu  par  voie  de  fusion  ;  il  a  la  propriété  de  se  laisser 
forger. 

Au  point  de  vue  de  la  nomenclature  métallurgique,  il  y  a  donc  un  progrès  à  accom- 
plir. Des  tentatives  ont  été  laites  pour  classer  les  aciers  suivant  leurs  résistances;  mais 
il  ne  semble  pas  qu'on  soit  arrivé  à  un  accord  parlait.  Il  faudra  sans  doute  faire  intervenir 
d'autres  considérations  pour  obtenir  une  solution  satisfaisante. 

France.  —  Après  avoir  familiarisé  le  lecteur  avec  les  principaux  produits  métallur- 

III  27 


418  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

giques,  il  sera  plus  facile  de  poursuivre  l'étude  de  la  métallurgie  à  l'Exposition,  qui  était, 
en  cpielque  sorte,  comme  une  image  à  petite  échelle  des  principaux  centres  métallurgiques. 

Nous  allons  commencer  cette  étude  par  la  France. 

Le  groupe  du  Nord-Est,  qui  comprend  le  département  de  Meurthe-et-Moselle  et  une 
partie  de  celui  de  la  Meuse,  est  d'une  extrême  importance  au  point  de  vue  métallurgique  ; 
il  suffira  de  dire,  pour  le  montrer,  que  sur  1,689,000  tonnes  de  fonte,  représentant  en  1888 
la  production  de  la  France  entière,  le  département  de  Meurthe-et-Moselle  figure  dans  ce 
total  pour  911,000  tonnes,  et  ce  chiffre  tend  chaque  jour  à  s'accroître  aux  dépens  des 
autres  centres  de  production  française. 

Parmi  les  exposants  de  cette  région,  signalons  la  Société  des  aciéries  de  Longwy,  qui 
possède  six  hauts  fourneaux,  dont  un  présente  la  capacité  énorme  de  480  mètres  cubes; 
MM.  Ferry-Curicque,  à  Micheville-Villerupt;  la  Société  des  forges  et  aciéries  du  Nord  et  de 
l'Est,  à  Jarville,  etc. 

La  plupart  des  minerais  exposés  indiquaient  une  richesse  de  fer  de  30  à  40  0/0,  avec 
une  teneur  en  phosphore  de  0,50  à  0,80  0/0. 

Les  minerais  phosphoreux,  dont  on  ne  savait  tirer  parti  autrefois,  sont,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  utilisés  aujourd'hui  pour  la  fabrication  de  la  fonte  destinée  à  être 
transformée  en  fer  et  en  acier. 

Les  minerais  de  la  région  du  Nord-Est  produisent  surtout  des  fontes  d'affinage  et  des 
fontes  de  moulage. 

La  Société  des  hauts  fourneaux  et  fonderies  de  Pont-à-Mousson  s'est  créé  une  spécia- 
lité dans  la  fabrication  des  tuyaux  de  conduite  en  fonte  ;  elle  en  a  coulé,  en  1888,  une  lon- 
gueur presque  incroyable  de  743  kilomètres. 

La  fonderie  de  Pont-à-Mousson  n'a  pris  que  tout  récemment  de  l'importance;  en  1863, 
elle  ne  produisait  en  tout  que  2, 200  tonnes;  en  1888,  sa  production  totale  a  atteint 
35,800  tonnes. 

M.  Fould-Dupont,  maître  de  forges  à  Pompey,  a  fourni  une  des  deux  portes  par  lesquelles 
la  classe  XLI  aboutissait  à  la  galerie  centrale  du  palais  des  Industries  diverses.  C'est  le 
même  établissement  qui  a  fourni  les  7,000  tonnes  de  fer  exigées  par  la  construction  de  la 
tour  Eiffel. 

Le  groupe  du  Nord,  qui  comprend  le  département  du  Nord  et  une  partie  de  celui  du 
Pas-de-Calais,  était  abrité  sous  un  pavillon  spécial  construit  avec  des  matériaux  de  la  région. 
C'est  là  que  l'on  trouvait  la  Société  des  forges  et  aciéries  de  Denain  et  Anzin,  qui  possède 
dix  hauts  fourneaux  ;  la  Société  anonyme  de  Vezin-Àulnoye  ;  celles  des  Hauts  Fourneaux  de 
Maubeuge;  des  Forges  et  fonderies  de  Montataire,  à  Outreau  (Pas-de-Calais)  ;  celle  de  la  Pro- 
vidence, à  Hautmont,  et  enfin  celle  des  Aciéries  de  France,  à  Isbergues  (Pas-de-Calais). 

Signalons,  en  passant,  l'exposition  des  Fonderies  et  laminoirs  de  Biache-Saint-Waast 
(Pas-de-Calais),  pour  ses  deux  escaliers  fantaisistes,  tout  en  cuivre  rouge,  de  2  millimètres  l  2 
d'épaisseur,  et  aussi  pour  ses  tubes  en  cuivre  rouge  sans  soudure,  de  10m,50  de  longueur 
et  0ra,36  de  diamètre,  ce  sont  des  objets  d'une  fabrication  difficile. 

Le  département  du  Nord  qui  a  produit,  en  1888,  231,700  tonnes  de  fonte,  est  le  second 
sous  ce  rapport.  La  fabrication  de  l'acier  a  pris  aussi,  dans  cette  région,  une  grande  impor- 
tance. La  fabrication  des  rails,  surtout,  s'y  est  beaucoup  développée  et  y  est  faite  avec  beau- 
coup de  soin;  mais  comme  il  est  à  prévoir  que  les  fournitures  de  rails  diminueront,  on  voit 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  419 

déjà  la  fabrication  des  moulages  en  acier,  et  aussi  celle  des  fers  marchands,  prendre  quel- 
que importance  dans  le  groupe  du  Nord. 

Citons  encore  parmis  les  exposants  de  cette  région  :  les  établissements  de  Ferrières-la- 
Grandc,  ceux  de  MM.  Dorémieux  fils  et  Cie,  la  fabrique  de  fer  de  Maubeuge,  etc. 

Le  groupe  de  la  Champagne  et  des  Ardennes  renferme  les  établissements  groupés  surtout 
autour  de  Mézières  et  de  Saint-Dizier ;  il  est  bien  moins  important  que  les  précédents  au 
point  de  vue  métallurgique,  et  tend  à  décliner. 

Les  usines  qu'il  renferme  se  contentent  maintenant  de  prendre  au  passage  les  pro- 
duits bruts  provenant  d'autres  régions,  et  de  leur  faire  subir  un  nouveau  degré  d'élabo- 
ration. 

Les  exposants  les  plus  remarquables  étaient,  pour  cette  région  :  MM.  Hardy,  Capitaine 
et  Cie,  à  Nouzon;  la  Compagnie  des  forges  de  Champagne,  à  Saint-Dizier,  Marnaval  et 
Rachicourt;  la  Société  des  forges  d'Eurville;  la  Société  des  hauts  fourneaux  et  fonderies  de 
Brousseval  ;  la  Société  des  forges  et  fonderies  de  Montataire,  près  de  Creil,  et  enfin  celle  des 
forges,  fonderies  et  laminoirs  de  Saint-Roch- les- Amiens.  Ces  différents  établissements  pro- 
duisent surtout  la  fonte  malléable,  les  ters  lins,  les  fils  de  fer  et  d'acier,  les  clous  à  cheval,  la 
coutellerie,  des  articles  de  tréfilerie,  de  la  tôle,  du  fer-blanc,  etc. 

Le  groupe  du  Centre  est  formé  par  les  départements  de  l'Allier,  du  Cher,  de  la  Nièvre  et 
de  Saône-et-Loire. 

Comme  la  précédente,  la  prospérité  de  celte  région  tend  à  disparaître;  en  1878,  la  pro- 
duction de  la  fonte  y  était  de  1 10,000  tonnes  ;  en  1888,  elle  est  tombée  à  40,000  tonnes. 

Les  deux  principaux  exposants  de  cette  région  étaient  la  Société  de  Chàtillon-Commentry 
et  celle  de  Gommentry-Fourchambault.  La  première  est  en  progrès,  la  seconde  a  au  contraire 
perdu  de  son  importance. 

L'usine  de  la  première  de  ces  Sociétés,  connue  sous  le  nom  d'usine  Saint-Jacques,  à 
Montluçon  (Allier),  "prend  une  grande  part  à  la  fabrication  du  matériel  de  guerre  français 
et  les  fils  et  câbles  métalliques  des  deux  Sociétés  sont  de  premier  choix.  Mais  elles  ne  se 
contentent  pas  de  ces  fournitures,  et  les  produits  qui  en  sortent  sont  extrêmement 
variés. 

Dans  le  groupe  de  la  Loire,  comme  dans  celui  du  Centre,  la  fabrication  de  la  fonte  et 
celle  de  l'acier  Bessemer  ont  presque  totalement  disparu,  en  faveur  du  groupe  du  Nord- 
Est.  C'est  le  pilonnage  qui  constitue  la  spécialité  de  la  région,  et  on  n'y  rencontre  qu'un 
seul  haut  fourneau,  celui  de  la  Société  des  forges  et  aciéries  de  Firminy  ;  cette  même  Société 
s'est  adonnée  à  la  production  des  moulages  en  acier  coulé,  des  fers  et  aciers  lins  pour  la! 
carrosserie,  des  outils  et  enfin  de  la  tréfilerie. 

Dans  ce  groupe,  les  fours  Martin-Siemens  se  sont  beaucoup  multipliés,  ainsi  que  la 
fabrication  des  alliages  ferro-nianganèsc,  ferro-chrome,  fcrro-silicium,  etc. 

La  Société  des  forges  et  aciéries  de  la  marine  et  des  chemins  de  fer  occupait  à  l'Expo- 
sition une  place  prépondérante;  des  canons  y  étaient  installés,  ainsi  que  des  modèles  de 
blindages  et  de  coupoles  cuirassées. 

C'est  l'usine  de  Saint-Chamond,  avec  son  marteau-pilon  de  ion  tonnes,  et  ses  fours 
Martin-Siemens,  qui  est  le  centre  de  fabrication  de  cette  Société.  Les  usines  de  Rive-de-Gier 
et  d'Assailly  fournissent  surtout' les  chemins  de  fer.' J  ' 


420 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


La  Compagnie  des  fonderies,  forges  et  aciéries  de  Saint-Étienne  s'occupe  surtout  du 
laminage  des  tôles  et  du  forgeage  des  tubes  de  canons. 

L'Exposition  collective  des  Forges  de  la  Loire  et  en  particulier  celle  de  la  Compagnie 
des  Forges  de  Saint-Chamond  se  trouvaient  situées  à  l'entrée  de  la  classe  XLI.  Cette  Com- 
pagnie, qui  a  cinquante-deux  aimées  d'existence,  aujourd'hui,  et  qui  eut  pour  point  de 
départ  les  Forges  de  MM.  Pétin  et  Gaudet,  à  Rivc-dc-Gier  et  à  Saint-Chamond,  et  les 
aciéries  d'Assailly,  est  actuellement  dirigée  depuis  1874,  par  M.  A.  de  Mongolfier,  ingé- 


Marleau-pilou  de  100  lonncs  de  la  Société  de  Saint-Chamond. 

nieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées.  C'est  cette  Société  qui,  dès  son  début,  a  pris  part 
à  tous  les  grands  mouvements  industriels  et  en  a  provoqué  plusieurs,  et  il  n'est  pas 
inutile  de  rappeler  que  le  premier  marteau-pilon  de  1,200  kilogrammes  qui  fonctionna 
dans  la  Loire,  sortit  de  ses  ateliers  ;  de  même,  les  premiers  bandages  en  fer,  laminés,  sans 
soudure,  y  furent  fabriqués  en  1880. 

Parmi  les  autres  produits  dus  aux  usines  de  Saint-Chamond,  et  à  mettre  à  leur 
actif  comme  œuvres  de  premier  ordre,  il  convient  de  citer  la  fabrication  des  blindages. 
Depuis  vingt  ans,  la  Compagnie  a  fabriqué  les  blindages  de  cinquante-quatre  navires  fran- 
çais et  de  dix-sept  navires  étrangers,  soit  un  total  de  43,250  tonnes  de  blindages  de  toutes 
dimensions  en  fer,  en  métal  mixte  ou  en  acier.  —  La  première  aussi,  en  1861,  elle  installa 


4*2  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

dans  ses  aciéries  d'Assailly,  les  premiers  convertisseurs  Bessemer,  de  5,000  kilogrammes,  et 
fabriqua  les  premiers  rails  en  acier  utilisés  en  France.  —  Enfin,  en  1864,  elle  aborda  la 
fabrication  des  canons.  Sous  l'inspiration  du  général  Frébault  et  du  colonel  Maillard,  la 
Société  fabriqua,  dès  1865,  des  tubes  et  des  corps  de  canons  en  acier,  pour  les  calibres  de 
14,  16,  19  et  24  centimètres  de  la  marine.  Et  pendant  le  siège  de  Paris,  l'une  de  ces 
pièces  de  24  centimètres  en  acier,  la  «  Marie-Jeanne  »,  fut  utilisée  avec  avantage  au 
Mont-Valérien.  Depuis  lors,  la  Compagnie  livra  tant  à  l'État  français  qu'aux  gouver- 
nements étrangers,  les  éléments  en  acier  de  sept  mille  deux  cents  bouches  à  feu  de  tous 
calibres,  représentant  un  poids  total  de  5,645  tonnes.  —  La  fabrication  des  projectiles  et 
des  obus  en  acier  extra-dur  forgé  au  pilon  est  également  de  son  ressort,  et  l'on  remarquait 
dans  son  exhibition  de  la  classe  XLI,  une  intéressante  série  de  ces  projectiles  de  tous  cali- 
bres qui  ont  traversé,  sans  même  se  déformer,  les  diverses  plaques  de  blindage  en  fer  et  en 
acier  qui  leur  étaient  opposées  dans  les  essais  réglementaires.  L'idée  d'appliquer  l'acier 
fondu  à  la  fabrication  des  fusils  de  petit  calibre  à  tir  rapide  revient  aussi  à  Saint- 
Chamond  et  les  éléments  des  premiers  chassepots  furent  remis,  en  1865,  par  les  usines 
d'Assailly  à  la  manufacture  d'armes  de  Châtellerault. 

Devant  un  tel  développement,  M.  de  Mongolfier  créa  dans  ses  ateliers  un  service  d'ar- 
tillerie et  de  cuirassement,  sous  la  direction  de  M.  le  commandant  du  génie  Mougin,  et 
de  M.  l'ingénieur  Darmancier.  Les  résultats  de  cette  nouvelle  fabrication  se  résument  dans 
les  tourelles  cuirassées  qui  triomphèrent  des  tourelles  allemandes  Genstow  ;  dans  des 
batteries  complètes  de  canons  de  80  millimètres  de  campagne,  et  des  batteries  de  mon- 
tagnes, livrées  au  Mexique  ;  dans  des  plaques  de  blindage  pour  fortifications,  com- 
mandées par  la  Hollande  ;  dans  des  freins  hydrauliques  pour  canons  de  siège,  et 
de  place,  etc. 

Enfin,  en  1882,  la  Société  songea  à  établir  une  grande  usine  sur  les  bords  de  l'Océan  ; 
elle  fut  construite  au  confluent  de  l'Adour,  près  de  Bayonne,  au  Boucan,  et  elle  produit 
annuellement,  grâce  au  travail  de  ses  mille  ouvriers,  plus  de  100,000  tonnes  de  fonte, 
que  les  engins  les  plus  perfectionnés  transforment  ensuite  en  rails,  bandages  et  pro- 
fils de  tous  types. 

Parmi  les  objets  exposés,  il  fallait  remarquer  à  côté  des  lingots,  blindages,  tubes, 
canons,  frottes,  bandages,  essieux,  obus,  plaques  et  tourelles,  etc.,  l'arbre  coudé 
type  Champagne,  dont  les  similaires  fournis  en  une  seule  pièce  pour  la  Champagne  et 
la  Bretagne,  ont  parcouru  plus  de  350,000  kilomètres,  sans  la  moindre  altération,  les 
tourelles  avec  ou  sans  ('disse,  les  études  du  commandant  Mougin  (observatoire  cuirasse  à 
('■(disse,  fort  sans  fossé  ni  rempart  et  autres)  ;  le  fusil  à  répétition  de  M.  Daudeteau,  et  le 
canon  à  tir  rapide  de  MM.  Daudeteau  et  Darmancier  ;  le  matériel  de  voie  ferrée,  les 
vitrines  à  échantillons,  etc. 

De  cette  brillante  exhibition,  on  pourait  tirer  cette  conclusion  logique  et  indéniable, 
c'est  que  par  ses  usines  de  Saint-Chamond,  d'Assailly,  de  Rive-de-Gier,  de  Givors,  du 
Boucan,  la  Compagnie  dont  nous  venons  de  passer  une  revue  rapide,  est  une  décolles 
qui  font  le  plus  d'honneur  à  la  métallurgie  française,  et  qui  soutiennent  le  mieux  son 
bon  renom  à  l'étranger. 

MM.  Marrel  frères,  à  Rive-de-Gier,  avaient  exposé  des  tôles  et  blindages,  des  obus  et 
des  pièces  de  forge  dos  plus  grandes  dimensions.  MM.  Holzer  et  Cie,  à  Unieux  (Loire),  qui 


L' EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889  423 

ont  été  les  premiers  en  France  à  fabriquer  des  aciers  chromés,  exposaient  des  obus  consti- 
tués avec  ce  nouvel  alliage,  obus  devant  lesquels  on  peut  dire  qu'aucun  blindage  ne  résiste, 
puisque  des  plaques  de  50  centimètres  d'épaisseur  ont  été  traversées,  sans  déformation  des 
obus. 

La  fabrication  des  roues  en  fer  et  en  acier  forgé  était  bien  représentée  par  MM.  Arbel 
Deflassieux  frères  et  Brunon,  à  Rive-de-Gier. 

La  Société  anonyme  des  manufactures  de  glaces  et  de  produits  chimiques  de  Saint-Go- 
bain,  Chauny  et  Girey,  exposait  plusieurs  objets  relatifs  aux  mines  de  fonte  de  fer  de  Saint- 
Bel  (Rhône).  Guy  remarquait  surtout  un  bloc  de  5,000  kilogrammes  extrait  des  filons  durs, 
un  échantillon  de  pyrite  broyée,  un  échantillon  de  sélénium  graphitoïde,  que  la  pyrite  de 
Saint-Bel  renferme  en  proportion  appréciable,  etc. 

Citons  encore  la  Société  des  forges  d'Alais  (Gard),  celle  des  forges  de  Franche-Comté,  à 
Besançon,  où  l'on  remarquait  un  fil  de  fer  de  0m,0002  de  diamètre,  ayant  une  longueur  de 
22,355  mètres,  et  ne  pesant  que  S  kil.  45  ;  enfin,  la  Société  des  hauts  fourneaux  et  forges 
d'Allevard  [A.  Pinat  et  G6  (Isère)],  une  des  plus  anciennes  de  France,  dont  les  minerais  sont 
(l'excellente  qualité,  et  qui  fabrique  aussi  l'acier  par  le  procédé  Siemens. 

Ne  quittons  pas  ce  groupe  sans  signaler  en  passant  une  chaîne  d'acier  sans  soudure, 
exposé  par  M.  Oury,  maître  de  forges  à  la  Massadières  (Terrenoire  Ludrc),  qui  est  un  véri- 
table tour  de  force.  L'auteur  s'est  proposé  de  tirer  d'un  morceau  d'acier  continu  une  chaîne 
dont  les  maillons  sont  nécessairement  séparés  les  uns  des  autres. 

Enfin,  MM.  les  fils  de  Peugeot  frères,  à  Valentigney,  Beaulieu  et  Terres-Blanche,  s'occupent 
de  l'industrie  des  outils. 

Groupe  du  Midi.  —  Dans  le  Midi  de  la  France,  la  métallurgie  est  bien  moins  développée 
que  dans  le  Nord.  Cela  tient  à  la  rareté  des  minerais.  Quelques  Sociétés  cependant,  telles  que 
celle  de  l'Éclairage  au  gaz,  des  hauts  fourneaux  et  fonderies  de  Marseille  et  la  Société  métal- 
lurgique de  l'Ariège  à  Pamiers,  fabriquent  principalement,  la  première  des  fontes  manga- 
nésées,  du  ferro-manganèse,  etc.  ;  la  seconde,  du  matériel  de  guerre  et  de  chemins  de  fer. 
La  Société  métallurgique  du  Périgord  fait  surtout  sortir  de  ses  usines  des  tuyaux  en  fonte, 
et  celle  des  hauts  fourneaux,  forges  et  aciéries  du  Saut-du-Tarn,  à  Saint-Juéry  près  d'AIbi, 
s'adonne  spécialement  aux  limes  et  râpes  en  acier  fondu. 

L'usine  de  l'Adour  exposait  une  série  de  fers  spéciaux  pour  navires. 

P.ws  étrangers.  —  Autant  l'Exposition  française  de  la  classe  XLI  était  importante,  autant 
étaient  rares  les  produits  exposés  par  les  pays  étrangers.  Nous  le  regrettons,  car  nous  aurions 
pu  faire  là  d'instructives  comparaisons. 

L'Allemagne  et  l' Autriche-Hongrie  faisaient  complètement  défaut,  comme  dans  les  autres 
classes,  du  reste.  Leur  importance  au  point  de  vue  qui  nous  occupe  est  cependant  grande, 
car  l'Allemagne  a  produit  en  1887,  3,800,000  tonnes  de  fonte,  et  l'Autriche  705,000  tonnes. 
Nous  avons  vu  plus  haut  que  ce  produit  a  donné  en  France,  en  1888,  près  de  1,700,000 
tonnes. 

Les  États-Unis,  qui  ont  fait  faire  de  si  grands  pas  à  la  fabrication  du  fer  et  de  l'acier, 
étaient  à  peine  représentés  à  l'Exposition  par  quelques  échantillons  de  minerais.  Leur  pro- 
duction en  fonte  est  cependant  considérable;  ils  viennent  aussitôt  après  l'Angleterre,  avec 
le  chiffre  de  0,500,000  tonnes  en  1887. 

L'Angleterre,  dont  la  production  delà  fonte  atteint  le  plus  haut  chiffre  du  monde  entier, 


424  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

soit  7,700,000  tonnes  1 1887),  n'avait  pas  non  plus  de  nombreuses  vitrines.  Une  soûle  usine  à 
fonte,  celle  d'Ayresom,  à  Middlesbrough,  exposait  le  plan  de  ses  hauts  fourneaux  et  de  son 
aciérie  Bessemer.  On  remarquait  aussi  des  échantillons  de  fers-silicium  et  de  silico-spiegel. 
La  Compagnie  des  forges  de  Leeds  exposait  des  plaques  d'avant  de  chaudières  marines  et 
des  iongerons  de  wagons. 

La  plus  intéressante  exposition  étrangère  de  la  classe  XL1  était  celle  de  la  Belgique,  dont 
la  production  est  de  700,000  tonnes  de  l'unie.  Les  Sociétés  de  Marcinclle  et  de  Couillet,  et 
celles  de  Charleroi,  Thy-le-Château  et  Wez-Saint-Martin,  de  Monccau-sur-Sambre,  de  la  Pro- 
vidence, le  Syndicat  des  tôles  belges,  étaient  bien  représentés. 

La  Russie,  qui  produit  annuellement  plus  de  531,000  tonnes  de  fonte,  avait  tenu  aussi  à 
se  l'aire  représenter.  Du  reste,  la  plupart  de  ses  établissements  decegenre  sont  récents,  et  leur 
création  a  été  encouragée  par  le  concours  financier  et  technique  de  la  France  et  la  Belgique. 
La  Société  de  l'Huta-Bankowa  exposait  des  spécimens  de  l'acier  Martin-Siemens  qu'elle  pro- 
duit. La  Société  métallurgique  Dniéprovienne  du  sud  de  la  Russie,  à  Kamenskaia  (gouver- 
nement d'Ekatérinoslaw),  exposait  ses  minerais,  ainsi  que  des  plans  d'usines. 

Après  ces  différents  pays,  les  plus  importants  au  point  de  vue  métallurgique  sonl  la 
Suède  qui  produit  annuellement  465,000  tonnes  de  fonte,  l'Espagne,  qui  en  produit  128,000 
tonnes,  et  enfin  l'Italie,  25,000  tonnes. 

Statistique  métallurgique.  —  La  production  du  fer,  de  la  fonte  et  de  l'acier  réunis  a 
doublé  en  France  depuis  vingt  ans. 

Actuellement,  le  nombre  des  usines  sidérurgiques  en  activité  en  France,  dépasse  325, 
et  leur  production  totale  annuelle  est  d'environ  de  :>,(iiii),ii(in  tonnes.  Mais  la  France  ne  vient 
qu'au  quatrième  rang  sous  ce  rapport;  elle  est  précédée  par  l'Angleterre,  dont  la  production 
est  de  15,600,000  tonnes,  par  les  États-Unnis,  avec  8,000,000  de  tonnes,  enfin  par  l'Allemagne, 
avec  5,000,000  de  tonnes. 

On  voit,  par  ces  chiffres,  que  malgré  les  progrès  accomplis  en  France,  nous  avons 
encore  beaucoup  à  faire  pour  atteindre  les  chiffres  de  nos  concurrents. 

L'Allemagne  produit  une  fois  et  demie  plus  de  métaux  dérivés  du  fer  que  nous;  les 
États-Unis,  près  de  trois  fois  aidant;  l'Angleterre,  près  de  quatre  fois  notre  production. 

Après  la  France,  viennent  la  Belgique,  qui  produit  1,300,000  tonnes  et  l'Autriche-Hon- 
grie,  1,200,000  tonnes. 

La  seule  production  de  l'acier  en  France  est  actuellement  treize  fois  ce  qu'elle  était  il  y  a 
vingt  ans.  Elle  a  passé  successivement  de  38,000  tonnes  en  1866,  à  313,000  tonnes  en  Istii  : 
385,000  tonnes  en  L880;  158,000  tonnes  en  1882;  521,500  tonnes  en  188.",;  550,000  tonnes 
environ  en  îxs:;. 

Alors  que  la  production  de  la  fonte  cl  du  fer  a  diminué,  en  France,  durant  l'année  18S.">, 
la  production  de  l'acier  n'a  pas  cessé  d'augmenter. 

Actuellement,  vingt-quatre  départements  français  fabriquent  de  l'acier,  et  le  départe- 
ment de  la  Seine  vient  en  tète  en  fournissant,  à  lui  seul,  [très  du  quart  de  la  production 
totale. 

Usages  de  l'acier.  —  Les  palais  mémos  de  l'Exposition,  cl  en  particulier  la  Galerie  des 
Machines,  montrent  le  parti  que  l'on  peu!  tirer  du  métal  dans  les  constructions  à  grande 
portée.  ."M ais  il  est  certain  qu'il  reste  encore  aux  arts  métallurgiques  des  progrès  à  accom- 


426  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

plir  permettant  à  l'acier  d'entrer  dans  la  construction  courante.  Il  faut  reconnaître  que 
depuis  l'Exposition  de  1878,  l'emploi  courant  de  l'acier  à  bon  marché  n'a  pas  fait  de  progrès 

si 'lisibles. 

L'acier  est  encore  réservé  pour  des  constructions  spéciales  telles  que  les  ponts  et  les 
navires,  et  l'on  doit  s'étonner  que  les  palais  de  l'Exposition  de  1889  et  la  Galerie  des  Machines 
n'aient  pas  été  construits  en  acier.  La  raison  est  d'ordre  économique  :  l'emploi  de  l'acier 
eût  conduit  à  une  dépense  plus  élevée  que  celui  du  1er.  Il  reste  donc  des  progrès  à  accom- 
plir dans  la  fabrication  de  l'acier,  progrès  qui  permettront  d'abaisser  son  prix  et  de  le 
substituer  au  fer. 

La  principale  conséquence  de  l'emploi  de  l'acier  sera  une  réduction  des  dimensions  des 
supports  (sa  résistance  étant  presque  double  de  celle  du  fer)  et,  par  suite,  une  plus  grande 
légèreté  dans  les  édifices  métalliques,  peut-être  aussi  une  économie  pécuniaire,  si  à  poids 
égal  l'acier  futur  ne  coûtait  pas  plus  cher  que  le.  fer  d'aujourd'hui. 

L'Exposition  Universelle  de  1889  montrait  de  nombreux  exemples  de  l'emploi  de 
l'acier. 

Une  transformation  importante  à  signaler  c'est  la  substitution  des  rails  en  acier  aux 
rails  en  fer.  En  1866,  les  neuf  centièmes  seulement  des  rails  des  chemins  de  fer  français 
étaient  en  acier  ;  le  reste  était  en  fer.  Aujourd'hui,  la  quantité  des  rails  en  acier  est  décuple 
de  celle  des  rails  en  fer. 

En  1866,  on  ne  connaissait  pas  la  tôle  d'acier.  Aujourd'hui  elle  est  employée  dans  la 
fabrication  des  chaudières  à  vapeur.  Dans  la  marine,  on  en  fait  un  grand  usage,  mais  seule- 
ment depuis  1872,  bien  que  les  premiers  essais  de  construction  des  navires  en  acier  datent 
de  1858.  Un  des  grands  et  principaux  avantages  des  navires  en  acier,  c'est  qu'ils  pèsent 
sensiblement  moins  que  les  navires  en  fer.  La  dimension  de  poids  qui  est  de  20  0  0  est  duc 
à  la  plus  grande  résistance  de  l'acier  par  rapport  au  fer. 

L'emploi  de  l'acier  s'est  étendu  à  la  construction  des  ponts  pour  chemins  de  fer.  La 
première  idée  des  ponts  en  acier  remonte  à  l'année  1863.  A  cette  époque,  la  Hollande  cons- 
truisit un  pont  en  acier  de  30  mètres  de  portée  aux  environs  de  Maëstricht.  Dans  ces  der- 
nières années,  un  grand  nombre  de  grands  ouvrages  en  acier  ont  été  construits  dans  divers 
pays,  entre  autres  le  viaduc  bien  connu  de  Garabit,  construit  en  France  par  M.  Eiffel.  Il 
présente  un  arc  de  165  mètres  de  portée  et  une  flèche  de  52  mètres  ;  on  en  voyait  les  éléments 
à  l'Exposition  dans  le  pavillon  spécial  de  la  Compagnie  Eiffel.  Yn  autre  pont  en  acier  établi 
à  Saint-Louis,  sur  le  Mississipi  et  quia  été  terminé  en  1880,  présente  une  travée  centrale 
de  150  mètres  d'ouverture. 

On  a  fait  aussi  usage  de  l'acier  dans  la  construction  des  ponts  suspendus.  Le  célèbre 
pont  construit  entre  New-York  et  Brocklyn  en  est  un  exemple  remarquable.  Le  tablier  de 
26"\23  de  largeur  est  supporté  par  quatre  câbles  se  composant  chacun  de  8,000  lils  d'acier 
de  3  millimètres  de  diamètre. 

L'acier  entre  aussi  dans  la  construction  des  machines  de  toutes  sortes  :  arbres  de 
machines  à  vapeur,  arbres  d'hélices  de  bateaux,  essieux  de  locomotives,  etc.  Pour  ces 
derniers,  leur  durée  répond  à  un  parcours  de  740,000  kilomètres,  tandis  que  les  essieux  en 
fer  étaient  hors  de  service  après  un  parcours  de  50,000  kilomètres.  Au  point  de  vue  de  cette 
application,  l'acier  a  donc  une  durée  qui  équivaut  à  quinze  fois  celle  du  fer. 

Enfin  dans  les  engins  de  guerre,  l'acier  constitue  les  canons,  les  obus  et  les  blindages. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  427 

Le  z-inc.  —  Nous  sommes  obligés,  à  notre  grand  regret,  de  passer  sous  silence  plusieurs 
autres  métaux,  tels  que  Main,  le  plomb,  etc.,  qui  ont  certainement  leur  importance  dans 
un  grand  nombre  d'industries,  mais  qui  sont  néanmoins  au  second  plan  relativement  au 
fer  et  à  ses  dérivés.  Nous  avons  signalé,  en  passant,  quelques  produits  en  cuivre;  nous 
allons  maintenant  dire  quelques  mots  relativement  au  zinc. 

La  France  a  produit  en  1887,  13,300  tonnes  de  zinc,  et  plusieurs  sociétés  représentaient 
bien  ce  métal  a  l'Exposition.  La  Société  de  la  Vieille-Montagne  dont  les  mines,  exploitées 
depuis  plus  de  quarante  ans,  sont  situées  à  Moresnet,  territoire  indépendant,  entre  la 
Belgique  et  l'Allemagne,  se  distinguait  tout  particulièrement.  Elle  exposait,  comme  plusieurs 
autres  sociétés,  un  pavillon  spécial  très  élégant,  entièrement  en  zinc,  et  montrant  bien  tout 
l'effet  décoratif  que  l'on  peut  tirer  de  ce  produit,  dont  l'usage  s'est  multiplié  de  plus  en  plus. 

Le  zinc,  sortant  des  ateliers  de  la  Vieille-Montagne,  est  fourni  sous  quatre  formes  prin- 
cipales :  15  le  zinc  extra  pur,  qui  est  de  fabrication  récente,  et  qui  est  presque  chimiquement 
pur;  2"  le  zinc  fonte  d'art,  qui  rivalise  avec  le  bronze  pour  la  fabrication  d'objets  d'art; 
3°  le  zinc  laiton,  très  employé  dans  la  tuyauterie,  robinetterie,  chaudronnerie,  etc.;  4°  enfin, 
le  zinc  à  galvanisation  qui  n'est  autre  que  de  la  tôle  ou  des  fils  de  fer  recouverts  d'une  mince 
couche  de  zinc,  qui  empêche  l'usure  et  retarde  l'oxydation  de  ces  métaux.  Disons  sommai- 
rement maintenant  comment  le  zinc  brut  peut  être  transformé,  et  quels  sont  les  procédés 
de  fabrication  du  zinc  laminé,  du  blanc  de  zinc,  etc. 

La  malléabilité  du  zinc  est  resserrée  entre  des  limites  de  température  très  rapprochées; 
au-dessous  de  120  degrés,  le  métal  oppose  à  l'écrasement  une  grande  résistance  et  il  doit 
être  réchauffé,  ce  qui  n'est  pas  sans  inconvénient  pour  la  qualité.  Au-dessus  de  120  degrés, 
il  devient  cassant;  à  200  degrés,  on  peut  le  piler  dans  un  mortier. 

Le  zinc  brut,  après  avoir  été  refondu  et  épuré  dans  des  sortes  de  fours  à  réverbères, 
est  coulé  en  lingots  ou  plaques  d'épaisseur  variable,  suivant  les  dimensions  des  feuilles 
à  obtenir.  Ces  plaques  sont  d'abord  dégrossies  ou  ébauchées  entre  de  lourds  cylindres 
commandés  par  de  puissantes  machines.  Enfin,  ces  dégrossis  eux-mêmes,  après  avoir  été 
ramenés  par  le  cisaillage  à  un  poids  déterminé,  sont  conduits  aux  trains  finisseurs  où  le 
laminage  s'achève. 

Au  sortir  des  cylindres  finisseurs,  les  feuilles  sont  rognées  aux  dimensions  voulues  par 
une  cisaille;  il  y  a  plusieurs  systèmes  de  cisailles  :  les  plus  usitées  dans  nos  laminoirs  sont 
celles  à  guillotine  et  celles  à  bascule.  Enfin,  après  leur  rognage,  les  feuilles  de  zinc  sont 
triées  avec  soin  suivant  leur  épaisseur,  qui  peut  varier  de  1  dixième  de  millimètre  à  2m,",680. 

Le  plus  important  usage  du  zinc  est  incontestablement  la  confection  des  toitures.  La 
raison  qui  le  fait  employer  pour  ce  genre  d'ouvrages  est  que  peu  de  corps  ont  une  action 
sur  lui;  aussi  peut-on  dire  qu'une  toiture  en  zinc,  bien  faite,  peut  durer  presque  indéfini- 
ment, sans  réparation  sérieuse.  Les  principaux  systèmes  de  toitures  sont  : 

1°  Le  système  à  tasseaux  et  à  dilatation  libre,  dans  lequel  les  feuilles  de  zinc  sont 
posées  à  plat,  s'agrafent  entre  elles  et  dont  les  bords  longitudinaux  se  relèvent  de  0m,03 
environ  contre  des  tasseaux  en  bois  blanc  de  forme  trapézoïdale,  qui  se  trouvent  eux- 
mêmes  recouverts  par  des  bandes  de  zinc  dites  couvre-joints,  auxquelles  on  donne  la  forme 
des  tasseaux  ; 

2°  Le  système  d'ardoises  à  obturateur,  qui  est  plus  élégant  que  le  précédent  et  qui  est 


428 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


constitué  par  des  ardoises  carrées  en  zinc,  maintenues  par  de  fortes  pattes  en  zinc  sur  les 
voliges,  et  agrafées  entre  elles; 

3°  Le  système  Baillot  (feuilles  à  doubles  nervures),  très  élégant,  empêche  l'eau  qui 
tombe  sur  la  toiture  d'être  portée  par  le  vent  en  un  seul  point,  par  suite  de  sa  division  par 
les  nervures. 

11  y  a  en  outre  des  systèmes  de  zinc  cannelés,  ondulés,  etc.;  ces  couvertures  sup- 
priment la  nécessité  des  chevrons  et  même  des  voliges. 

Le  zinc  sert  encore  à  fabriquer  des  clous  spéciaux,  des  objets  de  ménage.  Il  est  employé 
dans  la  gravure,  dans  les  piles  électriques,  etc. 

Le  blanc  de  une  s'obtient  en  chauffant  au  rouge  le  zinc  ordinaire;  il  se  réduit  d'abord 
en  vapeurs,  qui  au  contact  de  l'air  s'oxydent  et  donnent  naissance  à  une  matière  blanche, 

impalpable,  qui  est  le  produit 


dont  nous  parlons.  Le  blanc  de 
zinc  est  employé  dans  la  pein- 
ture décorative  à  cause  de  son 
éclatante  blancheur,de  son  inal- 
térabilité à  l'air  et  de  son  inno- 
cuité sur  la  santé  des  ouvriers 
qui  le  manient.  Il  est  devenu  le 
rival  de  la  céruse,  dont  le  ma- 
niement est  dangereux. 

Signalons  en  passant  les 
diverses  expositions  des  Mines 
de  sel  et  salines,  notamment 
l'importante  exposition  des  Éta- 
blissements Daguin  et  Cie  (ex- 
ploitation du  puits  Saint-Jean- 
Baptiste  i. 


Établissements  Daguin  et  C",  Mines  de  sel  et  salines. 
Entrée  du  puits  SainC-Jcau-Baptisle. 


Les  asphaltes.  —  Une  expo- 
sition curieuse  était  celle  des 
asphaltes;  quelques  mots  sur  ce  produit  ne  seront  pas  inutiles.  Les  premiers  trottoirs  en 
asphalte  ont  été  construits  en  ISSN,  et  depuis  lors  l'usage  s'en  est  de  plus  en  plus  répandu. 
C'est  à  la  Société  générale  des  asphaltes  de  France  que  sont  dus  presque  tous  les  progrès 
réalisés  dans  cette  industrie.  M.  Léon  Malo  y  a  pris  une  large  part. 

Le  bitume  est  un  corps  minéral  d'un  beau  noir  brillant,  à  relief  légèrement  rougeàtre, 
que  l'on  rencontre  soit  à  l'état  natif,  soit  à  l'état  de  mélange.  Il  est  solide  à  basse  tempéra- 
ture, ductile  quand  on  le  chauffe  un  peu  et  qu'on  le  roule  quelques  instants  entre  les 
doigts;  il  devient  liquide  vers  50  degrés.  Sa  densité  est  à  peu  près  celle  de  l'eau. 

L'asphalte  est  une  roche  calcaire  qui  a  été  imprégnée  naturellement  de  bitume  dans  le 
sein  de  la  terre.  Lorsqu'il  est  de  bonne  qualité,  il  présente  un  grain  tin  couleur  chocolat 
foncé',  parfois  tigrée  noir  et  brun. 

L'asphalte  exposé  quelques  heures  au  soleil  ardent  tombe  en  poussière  brune  et  onc- 
tueuse. Lorsque  cette  poussière  est  à  la  température  de  su  à  mu  degrés,  et  qu'on  la  com- 


^  3 


a 


430  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

prime  fortement  clans  un  moule,  elle  reprend  en  se  refroidissant  sa  consistance  première. 
C'est  celle  curieuse  propriété  qui  a  donné  naissance  au  système  de  chaussée  connu  sous  le 
nom  d'asphalte  comprimé. 

Les  plus  importantes  mines  d'asphaltes  de  France,  exploitées  depuis  1796,  sont  situées 
à  Seyssel  (Ain).  L'exposition  montrait  de  nombreuses  applications  de  ce  produit  comme 
mastic  aux  brasseries,  aux  écuries  (il  est  inattaquable  aux  rongeurs),  aux  silos,  aux  fonda- 
tions des  machines  à  trépidation,  etc.  On  fabrique  aussi  du  béton  d'asphalte  applicable  aux 
fondations  sous-marines. 

Il  nous  reste  à  mentionner  pour  être  complets  la  magnifique  exposition  organisée  par 
l'importante  maison  A.  Deutsch  et  ses  Fils,  sous  le  nom  de  Panorama  de  l'industrie  du  pétrole. 

L'alfluence  du  public,  qui  durant  toute  l'Exposition  n'a  cessé  de"  se  porter  en  foule 
au  panorama  de  MM.  Deutsch,  a  prouvé  combien  était  intéressante  et  digne  d'éloges  l'ini- 
tiative prise  par  ces  grands  industriels,  qui  sont  aujourd'hui  les  maîtres  incontestés  de 
l'industrie  du  pétrole. 

Signalons  en  terminant  les  produits  du  Comptoir  Lyon-Alemand  exposés  dans  la 
classe  XLI  (produits  de  l'exploitation  des  mines  et  de  la  métallurgie)  qui  ont  été  admirés 
par  les  nombreux  visiteurs  que  le  grand  concours  industriel  international  de  1889  avait 
attirés  à  Paris. 

Il  était  curieux  de  voir,  au  milieu  des  puissantes  machines  industrielles  et  des  formi- 
dables engins  destinés  à  la  défense  nationale,  se  dresser  un  kiosque  élégant  renfermant  les 
matières  premières  déjà  préparées  pour  servir  aux  travaux  si  délicats  de  la  joaillerie,  de  la 
bijouterie  et  de  l'orfèvrerie,  et  on  regardait  avec  étonnement  les  produits  de  la  trétilerie  du 
Comptoir  Lyon-Alemand  consistant  en  traits  or,  argent  fin  et  faux  tirés  à  une  finesse  telle 
qu'un  kilogramme  de  métal  atteint  une  longueur  de  160,000  mètres. 

Le  jury  de  l'Exposition  de  1889  a  décerné  au  Comptoir  Lyon-Alemand  la  médaille  d'or; 
déjà,  en  1878,  pareille  récompense  lui  avait  été  accordée. 

La  fondation  de  la  maison  Lyon-Alemand  est  antérieure  au  commencement  de  notre 
siècle. 

En  1800,  M.  Alemand,  le  père  de  Mme  Lyon-Alemand,  était  déjà  marchand  d'or  et  d'ar- 
gent dans  la  rue  Saint-Martin. 

Dès  1830,  l'établissement  fondé  par  M.  Alemand  prenait,  sous  l'habile  direction  de 
M"1C  Lyon-Alemand,  secondée  par  ses  fils,  une  extension  considérable  et  contribuait  large- 
ment à  la  prospérité  depuis  lors  toujours  croissante  des  industries  si  françaises  de  la  bijou- 
terie et  de  l'orfèvrerie. 

Mme  Vve  Lyon-Alemand  mourut  pendant  le  siège  de  Paris,  à  l'âge  de  quatre-vingt-sept 
ans,  et  M.  Th.  Lyon-Alemand,  le  dernier  de  ses  fils,  quelques  mois  après,  en  mai  1871. 

Il  se  forma  alors,  pour  l'exploitation  delà  maison,  une  société  anonyme,  laquelle,  fidèle 
continuatrice  des  traditions  de  3Ime  Vvc  Lyon-Alemand,  n'a  négligé  aucune  occasion  d'aug- 
menter encore  les  importantes  affaires  que  traitaient  ses  prédécesseurs. 

Les  opérations  du  Comptoir  Lyon-Alemand  comprennent  l'affinage  des  matières  d'or, 
d'argent  et  de  platine,  et  la  vente  de  ces  métaux  bruts  ou  apprêtés  aux  industries  de  la 
bijouterie,  de  l'orfèvrerie,  de  la  trétilerie,  etc.,  ainsi  qu'au  commerce,  c'est-à-dire  aux  éta- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    188d  431 

blissements  de  banque,  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  à  la  Monnaie  et  à  la  Banque  de 
France. 

En  1889,  année  de  consommation  moyenne,  il  a  été  vendu  par  le  Comptoir  Lyon-Ale- 
mand  à  sa  clientèle  réunie  :  28,800  kilogrammes  d'or  et  218,000  kilogrammes  d'argent  ;  ces 
poids  représentent  en  francs  :  cent  vingt-cinq  millions. 

Les  industries  de  la  bijouterie  et  de  l'orfèvrerie  entrent  dans  ces  chiffres  pour  une 
somme  de  69  millions  de  francs,  représentant  15,000  kilogrammes  d'or  et  119,000  kilo- 
grammes d'argent. 

La  plus  grande  partie  de  ces  métaux  précieux  parvient  au  Comptoir  Lyon-Alemand  à 
l'état  de  lingots  bruts  à  tous  les  titres  et  de  monnaies  étrangères  d'or  et  d'argent  de  tous 
pays.  Ces  lingots  et  ces  monnaies  sont  affinés  dans  son  usine  de  la  rue  de  Charenton  qui, 
dans  ladite  année,  a  produit  20,000  kilogrammes  d'or  fin  et  200,000  kilogrammes  d'ar- 
gent lin. 

Ces  lingots  proviennent  du  Levant,  des  différentes  places  de  l'Amérique  du  Sud,  de  la 
Californie,  de  l'Angleterre,  de  l'Italie,  de  l'Allemagne,  etc.,  et  sont  plus  ou  moins  abondants 
sur  la  place  suivant  l'état  des  changes.  Les  déchets  de  la  bijouterie  et  de  l'orfèvrerie  en 
fournissent  aussi  une  quantité  considérable. 

Le  Comptoir  Lyon-Alemand  possède  différentes  succursales  ainsi  que  des  représen- 
tants en  Angleterre,  en  Belgique,  en  Espagne  et  en  Suisse. 

La  succursale  de  Marseille  achète  les  lingots  du  Levant,  fait  le  change  de  monnaies  et 
vend  aux  bijoutiers  et  orfèvres  de  la  ville  les  matières  d'or  et  d'argent  dont  ils  ont  besoin 
pour  leur  fabrication. 

La  succursale  de  Lyon  vend  aux  industriels  des  fils  d'or  et  d'argent  pour  la  guimperie  ; 
cette  succursale  alimente  aussi  les  bijoutiers  et  orfèvres  lyonnais. 

La  succursale  de  Besançon  livre  aux  fabricants  et  monteurs  de  boites  de  montres  de  la 
région  pour  une  somme  importante  des  matières  d'argent  apprêtées,  ou  à  l'état  fin. 

Le  Comptoir  Lyon-Alemand  fabrique  également  les  sels  d'or  et  d'argent  dits  :  nitrate 
d'argent  et  chlorure  d'or  et  l'or  brillant  de  Paris,  liquide,  pour  les  décorateurs  sur  porce- 
laine. Le  montant  des  livraisons  faites  annuellement  aux  argenteurs  de  glaces,  photo- 
graphes, pharmaciens  et  porcelainiers  est  supérieur  à  1,400,000  francs. 

Il  produit,  en  outre,  pour  plus  de  120,000  francs  de  sulfate  de  cuivre  provenant  de  ses 
résidus  d'affinage. 

Au  siège  social,  13,  rue  Montmorency,  il  y  a  110  employés  à  la  vente  et  à  la  compta- 
bilité. 

L'usine,  173,  rue  de  Charenton,  occupe  un  personnel  de  130  ouvriers  :  chimistes,  affi- 
neurs,  fondeurs,  lamineurs,  tréfileurs,  plaqueurs,etc,  elle  apporte  dans  ce  quartier  éloigné, 
par  ses  payes  d'ouvriers  et  les  travaux  qu'elle  fait  exécuter  exclusivement  dans  son  voisi- 
nage, un  bien-être  annuel  de  plus  de  300,000  francs. 

Si,  depuis  quarante  ans,  les  industries  de  la  bijouterie  et  de  l'orfèvrerie  ont 
pris  à  Paris  un  si  prodigieux  essor,  elles  en  sont  particulièrement  redevables  à  l'exis- 
tence de  la  Maison  Lyon-Alemand  qui  n'a  jamais  hésité  à  faire  crédit  aux  petits  industriels 
et  aux  ouvriers  habiles,  laborieux  et  honnêtes,  favorisant  ainsi,  au  delà  de  toute  expression, 
l'établissement  des  travailleurs  intelligents  et  probes;  beaucoup  de  fabricants  proclament 


432  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

aujourd'hui  qu'ils  doivent  en  grande  partie  leur  succès  et  leur  fortune  au  concours  que 
leur  a  prêté  la  Maison  Lyon-Alemand. 

Le  Comptoir  Lyon-Alemand  centralise  entre  ses  mains  la  plus  grande  partie  du  papier 
de  ces  industries,  et  par  la  profonde  connaissance  qu'il  a  de  la  solvabilité  de  tous  les  com- 
merçants qui  s'y  rattachent,  il  aide  considérablement  à  la  sécurité  des  transactions.  Ses 
opérations  d'escompte  dépassent  120,000,000  de  francs  par  an. 

Le  Comptoir  Lyon-Alemand  est  actuellement  dirige  par  MM.  Leriqucct  Dongé,  désignés 
pour  cette  fonction  lorsque  31.  Compère  fui  obligé,  pour  raison  de  santé,  et  peu  de  temps 
avant  sa  mort,  d'abandonner  la  direction. 

Formés  par  M"10  V™  Lyon-Alemand  avec  laquelle  ils  avaient  travaillé  pendant  une 
vingtaine  d'années  avant  la  transformation  de  la  maison  en  société  anonyme,  MM.  Leriquc 
et  Dongé  ont  à  cœur  de  continuer  son  œuvre,  et  leur  préoccupation  constante  est  de  cher- 
cher des  débouchés  nouveaux  pour  les  produits  chaque  jour  perfectionnés  du  Comptoir 
Lyon-Alemand. 


MATÉRIEL  ET  PROCEDES  DES  USINES  AGRICOLES 


ET  DES   INDUSTRIES  ALIMENTAIRES 


es  appareils  de  meunerie  et  de  distillerie,  la  fabrication  de  la  glace,  celle  du  pain, 
des  produits  et  des  conserves  alimentaires,  les  petits  appareils  de  ménage  servant 
aux  usages  les  plus  simples,  tout  cela  était  groupé  dans  la  classe  L.  On  juge  par 

là  de  son  importance  au  double  point  de  vue  économique  et  mécanique;  la  multiplicité  des 

appareils  qu'elle  renfermait  nous  force  à  en  omettre  beaucoup. 

Meunerie.  —  La  meunerie  est  une  opération  de  première  utilité  et  qui  mérite  toute 
l'attention,  puisque  c'est  elle  qui  nous  donne  l'aliment  dont  nous  pouvons  le  moins  nous 
passer  :  le  pain.  La  machine  a  envahi  à  son  tour  cette  industrie,  et  nos  vieux  moulins  seront 
bientôt  une  curiosité. 

Lorsque  la  moisson  a  été  faite,  que  les  gerbes  ont  été  battues  et  que  les  grains  de  blé 
en  ont  été  extraits,  il  s'agit  de  les  nettoyer. 

Le  nettoyage  des  céréales  peut  se  faire  par  le  procédé  Hignette,  figurant  à  l'Exposition. 
Le  blé,  introduit  dans  une  trémie,  tombe  ensuite  dans  un  émotteur-épierreur  qui  en  extrait 
toutes  les  matières  étrangères  volumineuses  et  lourdes,  passe  dans  un  tarare-aspireur,  puis 
dans  un  cylindre  trieur  à  alvéoles  qui  extrait  les  graines  rondes,  enfin  dans  un  nettoyeur- 
dégermeur  qui,  au  moyen  d'un  aspirateur,  enlève  toutes  les  poussières,  radicelles,  etc.  Tous 
les  déchets  sont  recueillis  en  sacs. 

La  maison  Hignette  exposait  dans  la  classe  50,  Palais  des  Machines,  un  ensemble  inté- 
ressant de  machines  pour  le  travail  des  grains. 

Nous  remarquons  d'abord  un  ensemble  de  nettoyage  simple  et  bien  compris,  convenant 
pour  la  meunerie,  brasserie,  distillerie,  etc.,  en  général  pour  toutes  industries  dans  les- 
quelles on  a  intérêt  à  ne  traiter  que  des  grains  propres  et  débarrassés  de  toutes  matières 
étrangères.  Ledit  ensemble  de  nettoyage  comprend  un  epierreur  représenté  page  435.  Dans 
cet  appareil,  animé  d'un  mouvement  alternatif,  le  blé  ou  autre  grain  se  sépare  des  pierres 
ou  autres  matières  étrangères  :  terres  lourdes,  fer,  verre. 

Ces  matières  étrangères  s'accumulent  dans  la  partie  01  et  sortent  par  la  vannette  P. 

Le  blé,  débarrassé  des  pierres  et  autres  matières  lourdes,  sort  par  deux  ouvertures  à 
l'extrémité  opposée. 

ni  ss 


434 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Cet  épierreur  sépare  surtout  les  pierres  de  même  grosseur  que  les  grains  de  blé. 
De  l'épierreur,  le  blé  passe  automatiquement  dans  un  aspirateur  qui  en  sépare  les 
poussières,  les  mauvais  grains,  et  classe  les  déchets  par  qualités. 
Ensuite  le  blé  passe  dans  un  trieur  à  alvéoles. 


Neltoyage  combiné  Schweitzer. 


Ce  trieur,  à  double  régulateur,  sépare  toutes  les  graines  rondes  :  nielles,  vesces,  ainsi 
que  les  graines  longues  :  orge  et  avoine. 

Les  bons  grains  recueillis  à  part  sont  enfin  introduits  dans  une  colonne  épointeuse 
avec  brosse  à  blé.  Cette  colonne  achève  le  nettoyage  et  donne  le  blé  complètement  propre 
et  prêt  pour  la  mouture. 

M.  Hignette  a  imaginé  pour  la  mouture  un  système  de  broyeur  à  for-ce  centrifuge  composé 
de  deux  plateaux  en  acier,  enfermés  dans  une  enveloppe  en  tôle  forte,  le  tout  monté  sur  un 
bâti  en  fonte  très  rigide. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


435 


Ensemble  de  nettoyage  système  Hignette, 


Les  deux  plateaux,  indépendants  l'un  de  l'autre,  sont  armés  de  broches  rondes  s'en- 
chevètrant  les  unes  dans  les  autres  et  de  plus  en  plus  rapprochées  vers  la  circonférence. 

Les  deux  plateaux  tournent  en  sens 
contraire  à  une  assez  grande  vitesse.  w  m 

Le  grain  à  moudre  :  blé,  orge, 
maïs,  etc.,  est  amené  au  centre  de 
l'appareil  entre  les  deux  plateaux. 

La  force  centriiuge  le  projette  vio- 
lemment contre  les  broches  et  le  désa- 
grège. —  Le  résultat  de  cette  opération 
est  un  mélange  de  sons  et  de  gruaux. 
—  Les  sons  se  trouvent  parfaitement 
curés. 

Quant  aux  gruaux,  on  les  repasse 
une  seconde  fois  dans  l'appareil  ou 
bien  on  les  moud  à  part  dans  des  con- 
vertisseurs. 

Ce  mode  de  mouture  est  évidem- 
ment très  simple. 

Ce  broyeur  tient  moins  de  place  qu'une  paire  de  meules  et  débite  autant  que  cinq.  Il 
ne  nécessite  aucun  entretien  ni  réparations. 

M.  Hignette  exposait  aussi  un  appareil  magnétique  rotatif.  Il  se  compose  d'un  tam- 
bour   dans    lequel    sont 
tixées  des  plaques  aiman- 
tées. 

Les  grains  introduits 
dans  la  trémie  coulent  sili- 
ce tambour  et  tombent 
ensuite  en  avant  de  l'ap- 
pareil; mais  s'il  se  trouve 
dans  les  grains  quelques 
parcelles  métalliques  : 
clous,  vis,  etc.,  elles  sont 
retenues  par  l'action  des 
plaques  aimantées  et  dé- 
posées en  arrière  dans  un 
récipient  à  part. 

L'emploi  de  cette  ma- 
chine est  très  utile  pour  éviter  la  détérioration  des  appareils  de  mouture. 

On  remarquait  aussi  dans  l'exposition  de  M.  Hignette  plusieurs  appareils  de  décorti- 
cation.  Le  modèle  exposé  fonctionne  à  bras,  mais  il  s'en  fait  de  plus  grands  fonctionnant 
par  manège  ou  par  moteurs  hydrauliques  ou  à  vapeur. 

Ces  appareils  sont  spécialement  destinés  à  décortiquer  les  riz,  cafés,  avoines,  etc.,  sans 
briser  les  grains. 


Trieur  à  double  effet  pour  graines  longues  et  rondes. 


436 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Enfin  la  maison  Hignette  construit  diverses  machines  pour  le  travail  de  la  ramie  : 
décortiqueurs,  etc. 

Nous  avons  vu  une  collection  d'échantillons  des  produits  de  cette  matière  :  filasse 
dégommée,  cordes  et  câbles  provenant  d'une  usine  récemment  installée  par  cette  maison 
d'après  des  procédés  nouveaux  et  brevetés. 

Dans  le  procédé  Robinson,  le  blé  est  passé  sur  un  tamis  séparateur  qui  en  extrait  les 
pailles,  les  pierres,  etc.  ;  de  là,  il  tombe  dans  un  appareil  qui  en  opère  le  nettoyage  par  frot- 
tement des  grains  l'un  contre  l'autre. 

Bien  d'autres  systèmes  figuraient  à  l'Exposition;  leur  principe  est  le  même;  ils  ne 
diffèrent  que  par  des  dispositions  de  détail,  et  par  le  plus  ou  moins  de  perfectionnement 


Appareils  do  meunerie  exposés  par  la  maison  Higuelie. 

apporté  à  leur  construction.  Citons  ceux  de  MM.  Dufour,  Muzey,  Dardel,  Lhuillier,  A.  Millot 
(système  Excelsior),  etc. 

On  emploie  aussi  des  laveuses  où  l'on  fait  intervenir  l'eau  sur  laquelle  les  grains  sur- 
nagent tandis  que  les  matières  plus  lourdes  restent  au  fond  ;  tels  sont  les  systèmes  de  cuviers 
de  MM.  Louis  Martin  et  Demaux. 

Pour  fendre  le  grain  en  deux  lobes,  dans  le  sens  longitudinal,  M.  Bruet  a  imaginé  une 
fendeuse  basée  sur  ce  principe  que  tout  grain  jeté  sur  une  plaque  cannelée,  animée  d'un 
mouvement  rapide  de  sas,  se  maintient  dans  le  sens  longitudinal,  la  fente  en  l'air,  par  suite 
de  la  position  du  centre  de  gravité,  au-dessous  de  la  ligne  d'axe  ;  le  tendeur  prend  les  grains 
un  à  un  et  les  ouvre,  mettant  ainsi  à  nu  le  grain  et  la  farine  noire.  D'autres  fendeurs  ont  été 
imaginés  par  MM.  Dardel,  A.  Millot,  etc. 

Pour  aplatir  les  grains  de  blé,  on  les  livre  à  un  appareil  comme  celui  de  MM.  Laurent 
et  Collot,  où  ils  passent  entre  deux  cylindres  aplatisseurs  en  fonte  qui,  par  leur  écartement 
variable  à  la  volonté  de  l'opérateur,  aplatissent  les  grains  au  degré  voulu. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


4S7 


M.  Maurel  exposait  un  nouveau  concasseur  à  blé. 

M.  Millot  avait  une  machine  dite  triple  eurêka  verticale  pour  épointer,  dégermer  et 
polir  les  grains.  Ces  diverses  opérations  terminées,  nous  arrivons  à  une  des  plus  impor- 
tantes, la  mouture,  c'est-à-dire  l'action  de  moudre  le  blé.  Jusqu'en  1883,  la  mouture  se  fai- 
sait en  France  au  moyen  de  meules  en  silex;  mais,  par  suite  de  la  concurrence  étrangère, 
nos  industriels  ont  été  obligés  de  perfectionner  leurs  procédés. 

On  peut  les  classer  en  trois  :  les  meules,  les  moulins  à  cylindres,  les  désintégrateurs 
ou  broyeurs. 

M.  Ch.  Renoult  exposait  une  nouvelle  meule  granulante,  tamisante  et  finisseuse;  elle 
comprend  trois  parties  concentriques.  La  partie  centrale,  le  cœur,  forme  une  petite  meule 
en  pierre  meulière,  qui  com- 
mence la  granulation  du  blé 
avant  son  passage  sur  la 
seconde  partie,  qui  est  métal- 
lique et  qui  forme  l'entrepied. 
Elle  est  garnie  de  cannelures 
et  de  rayons  ajourés  pour  li- 
vrer passage  aux  granules 
produits  et  pour  ne  retenir 
que  les  sons  ou  résidus  de  la 
mouture  des  grains,  compo- 
sés surtout  de  leur  écorce. 
Ces  sons  gras  sont  nettoyés 
par  leur  passage  sur  une  troi- 
sième partie,  en  pierre  meu- 
lière, constituant  la  feuillère, 
qui  expulse  la  mouture  à  sa 
périphérie,  comme  le  font  les 
meules  ordinaires. 

Le  système,  connu  sous 
le  nom  de  moulin  à  cylindres, 
se  compose  de  deux  ou  d'un 
plus  grand  nombre  de  cy- 
lindres métalliques  parallèles,  entre  lesquels  le  blé  se  trouve  broyé  et  moulu. 

Les  variétés  en  sont  nombreuses,  et  se  distinguent  par  le  mode  de  distribution  des 
grains  et  par  le  réglage  de  l'écartement  des  cylindres  et  de  leur  parallélisme,  qui  se  fait 
tantôt  à  l'aide  de  contrepoids,  tantôt  à  l'aide  de  ressorts,  etc. 

MM.  Feray  (d'Essonnes),  Outrequin,  Rose  frères,  etc.,  en  montraient  de  beaux  spéci- 
mens. Ces  derniers  exposaient  un  moulin  très  complet  et  renfermant  presque  tous  les  per- 
fectionnements modernes,  y  compris  un  collecteur  de  poussières  ;  on  y  voyait  entrer  le  blé 
en  grains,  puis  sortir  des  farines  de  différentes  qualités. 

Les  mêmes  constructeurs  montraient  aussi  leur  granulateur,  qui  écrase  le  grain  entre 
deux  disques,  dont  l'un  est  fixe  et  l'autre  mobile. 


Moulin  à  cylindres  de  MM.  Rose  frères. 


433 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


M.  Bordier  présentait  un  désintégrateur  ou  broyeur  horizontal  pour  la  mouture  des 
gruaux,  c'est-à-dire  des  grains  concassés  et  dépouillés  de  leur  écorce. 

MM.  Schweitzer  avaient  une  très  belle  installation  montrant  bien  les  différentes  opéra- 
tions à  faire  subir  au  blé  dans  les  moulins.  D'abord  le  fendage  longitudinal  du  grain  en 
deux  lobes,  puis  sa  dégermination  et  son  épuration  complète  avant  la  mouture,  ensuite  la 
réduction  graduelle  du  blé,  de  manière  à  en  extraire  le  plus  possible  de  semoules  (1)  et  de 


Mouliu  fendeur  Schweitzer. 


Granulateur  de  MM.  Rose  frères. 


gruaux,  jusqu'à  complet  écurement  du  son  ;  enfin,  la  conversion  des  semoules  et  gruaux  en 
farine. 

Le  système  de  moulin  Guillaume,  exposé  par  MM.  Dogde  et  Pillé,  est,  par  suite  de  sa 
dimension  exiguë  et  de  sa  construction  originale,  appelé  à  un  certain  avenir. 

Le  nouveau  désintégrateur  Hignette  se  compose  de  deux  plateaux  en  forme  de  tronc  de 
cône,  tournant  en  sens  contraire,  à  vitesse  différentielle.  Sur  ces  plateaux  sont  disposées  con- 
centriquement  plusieurs  rangées  de  broches  alternant  les  unes  avec  les  autres,  chaque  série 
de  cesLbroches  d'un  plateau  tournant  entre  deux  des  séries  de  l'autre  plateau.  Par  l'arbre 
creux  portant  le  plateau  supérieur,  on  introduit  les  grains  à  moudre.  Les  deux  plateaux,  en 
tournant,  produisent  la  mouture. 

(1)  Les  semoules  sont  les  parties  les  plus  fines  du  blé. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


439 


Des  systèmes  particuliers  de  moulins  étaient  exposés  encore  par  MM.  Huteau,  meunier 
à  Frizon;  Muzey,  Lhuillier,  Malliary-Doloire,  Lacroix,  Fontaine,  Maurel,  Turner,  Exher,  Wyss 
Brault  et  Teisset,  Darnel-Bosshardt,  Robinson,  etc. 

Nous  aurions  encore  à  parler  d'un  grand  nombre  d'appareils,  tels  que  le  détacheur- 
extracteur  Cordier,  le  répartiteur  du  broyage  Carter  et  Zimmer,  le  comprimeur  Millot  pour 
enlever  l'œil  des  blés,  etc.  ;  mais  il  faut  nous  borner  à  dire  quelques  mots  de  ce  dernier. 


WM/W/////////////M 

Moulin  réducteur  à  convertisseur. 


Il  se  compose  de  deux  cylindres  en  fonte  recouverts  d'un  manteau  de  caoutchouc  ;  le  blé,  en 
passant  entre  eux,  est  enfoncé,  grâce  à  sa  résistance,  dans  le  caoutchouc,  et  reste  intact, 
tandis  que  l'œil  s'aplatit  et  est  aspiré  par  un  ventilateur  ad  hoc. 

Après  avoir  subi  les  opérations  du  nettoyage  et  de  la  mouture,  le  blé  est  soumis  au  blu- 
tage, qui  consiste  à  séparer  la  farine  et  le  son.  Les  procédés  de  blutage,  autrefois  rudimen- 
taires,  doivent  beaucoup  de  leurs  perfectionnements  à  MM.  Rose  frères,  Hignette  (bluterie 
balance  et  bluterie  verticale),  Outrequin,  Maërki,  Haller  et  Ci6,  etc. 

M.  E.  Decollogne  a  fait  construire  une  bluterie  centrifuge  dans  laquelle  la  séparation  en 
question  est  obtenue  dans  un  cylindre  que  des  ailettes  font  tourner  et  qui  est  muni  d'une 
ouverture  en  haut  et  en  bas  ;  par  suite  de  la  densité  de  la  farine  'plus'  grande  que  celle  du 


440 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1889 


son,  la  force  centrifuge  a  plus  d'action  sur  ce  dernier  et  l'entraîne  à  la  périphérie,  tandis  que 
la  farine  s'en  sépare  et  sort  à  la  partie  inférieure. 

M.  Robinson  sépare  les  produits  au  moyen  de  plusieurs  tamis  horizontaux  rotatifs. 

Avant  d'arriver  chez  le  boulanger,  la  farine  a  encore  une  opération  à  subir,  celle  du  sas- 
sage,  c'est-à-dire  la  séparation  ou  passage  de  la  farine,  pour  la  classer  en  produits  de  diffé- 
rentes qualités. 

Les  sasseurs  sont  des  appareils  relativement  nouveaux;  l'Exposition  en  montrait  plusieurs 

dus  à  MM.  Bordier,  À.  Millot, 


Grand  broyeur  de  cannes   à  sucre  exposé  par  la  compagnie  de  Fives-Lille. 

mation  en  bonne  farine,  est  prêt  à  aller  dans  le  four  du  boulanger. 


Chevallier,  Paul  Caëns,  Maurel, 
Robinson  Goubet,  etc. 

Le  système  Millot  est  le  sui- 
vant : 

Les  gruaux,  introduits  dans 
une  trémie,  sont  saisis  ensuite 
par  des  palettes  et  projetés  en 
pluie  dans  le  vide  contre  la  pa- 
roi et  dans  les  ouvertures  d'un 
premier  canal  où  les  rougeurs 
sont  aspirées  par  un  ventilateur; 
de  là,  les  produits  passent  dans 
un  second  canal,  où  une  aspira- 
tion plus  forte  enlève  les  dé- 
chets, ainsi  que  les  soufflures 
épargnées  dans  le  premier  canal. 
Cette  épuration  se  produit  six 
fois  avant  que  les  gruaux  tom- 
bent sur  des  vis  sans  fin  pour 
sortir  de  la  machine  par  des 
canaux  disposés  des  deux  côtés. 

La  plupart  des  autres  sys- 
tèmes emploient  des  sacs  et  des 
tamis. 

Le  blé,  après  ces  diverses 
manipulations   et   sa  transfor- 


Collecteurs  de  poussières.  —  Pour  débarrasser  l'atmosphère  des  poussières  qu'elle  ren- 
ferme, on  se  sert  de  collecteurs  qui  figuraient  dans  la  classe  L. 

Dans  celui  du  système  Commerford,  une  matière  granuleuse  quelconque,  du  blé,  par 
exemple,  entre  à  la  partie  inférieure  du  collecteur,  qu'il  traverse  d'un  mouvement  descendant 
continu  ;  pendant  ce  trajet,  le  grain  se  charge  de  la  poussière  contenue  dans  l'air  envoyé  par 
un  ventilateur  et  filtre  ces  poussières  pour  ainsi  dire;  on  nettoie  ensuite  le  blé  qui  doit  re- 
servir pour  une  nouvelle  opération. 

Signalons  aussi  le  collecteur  de  poussières  Cyclone  et  celui  de  M.  Feray  (d'Essonnes). 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18*9 


441 


Fabrication  de  la  glace.  —  Dans  les  grandes  villes,  pendant  les  grandes  chaleurs  surtout, 
la  glace  est  d'une  grande  utilité;  aussi  a-t-on  recherché  les  moyens  les  plus  économiques 
de  la  fabriquer  artificiellement,  puisque  notre  climat  n'est  —  heureusement  —  apte  à  en 
donner  naturellement  que  pendant  une  seule  saison. 

Les  premiers  ingénieurs  qui  ont  fabriqué  des  machines  à  glace  sont  MM.  Rouart  frères; 
ils  montraient  à  l'Exposition  leurs  appareils  perfectionnés  à  ammoniaque;  ils  ont  réussi,  au 
moyen  des  liquides  dont  ils  se  servent  pour  véhiculer  le  froid  obtenu,  à  régler  les  basses 
températures  comme  on  règle  les  températures  au-dessus  de  zéro. 

D'autres  appareils  à  glace  très  connus  également,  ceux  de  M.  Ed.  Carré,  sont  de  deux 
sortes  :  les  uns  à  ammoniaque,  les  autres  à  acide  sulfurique  concentré. 

La  fabrication  artificielle  de  la  glace  est  basée  sur  ce  principe  que  l'évaporation  brusque 
produit    un    grand 


abaissement  de  tem- 
pérature. Ainsi  si, 
dans  une  carafe 
pleine  d'eau  que  l'on 
veut  congeler,  on 
place  un  tube  com- 
muniquant avec  une 
pompe  aspirante,  au 
moyen  de  laquelle  on 
retire  l'air,  le  vide 
se  faisant  dans  la 
carafe,  une  partie  de 
l'eau  se  vaporise,  et, 
si  on  fait  absorber 
cette  vapeur,  au  fur 
et  à  mesure  de  sa 
production,  par  de 
l'acide  sulfurique 
concentré,  un  grand 
froid  se  produit,  et  peu  d'instants  après  l'eau  restant  dans  la  carafe  se  prend  en  masse. 

D'autres  appareils  à  glace  étaient  exposés  par  la  Société  des  constructions  mécaniques, 
qui  emploie  l'ammoniaque;  par  M.  Douane-Jubin,  qui  utilise  le  chlorure  de  méthyle,  produit 
capable  de  congeler  le  mercure  par  son  évaporation;  M.  Bustin,  qui  emploie  pour  cela  la 
détente  de  l'air  comprimé;  M.  Raoul  Pictet,  qui  utilise  l'anhydride  sulfureux,  etc. 

Dans  ce  dernier  procédé,  l'anhydride  sulfureux,  qui  se  vaporise  à  —  10°,  est  placé 
liquide  dans  un  réservoir  hermétique,  qu'on  peut  faire  communiquer  avec  une  pompe; 
quand  cette  pompe  marche,  le  liquide  se  transforme  en  vapeur,  et  pour  cela  il  est  nécessaire 
qu'il  absorbe  de  la  chaleur.  Aussi,  si  l'on  place  le  réservoir  contenant  cet  anhydride  dans  un 
vase  plein  d'eau,  cette  eau  perdra  de  sa  chaleur  et  se  congèlera. 

Distillerie.  —  La  distillerie  était  surtout  représentée  par  les  appareils  à  distiller  et  à 
rectifier  les  alcools  de  MM.  Egrot,  Dreyfus,  Warin  et  Defrance,  Montauban  et  Marchandier 


Filtre  de  la  maison  A.  Simoneton. 


442  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE   DE    1889 

(avec  leurs  filtres-presses  Villette),  etc.  ;  des  carbonateurs  continus,  des  appareils  de  con- 
trôle pour  la  fabrication  des  sucres,  de  MM.  Horsin-Déon;  des  alambics,  des  appareils  spé- 
ciaux à  l'usage  des  liquoristes,  ceux  employés  dans  les  sucreries  (appareils  Jean  et  Peyrusson 
et  de  la  Société  Fives-Lille,  que  nous  reproduisons  page  440),  etc. 

On  voyait  aussi  un  appareil  de  M.Philippi,  pour  pasteuriser  les  liquides,  c'est-à-dire  pour 
chauffer  à  une  certaine  température  les  liquides  termentescibles,  de  façon  à  détruire  les 
germes  qui  déterminent  leur  altération. 

L'appareil  d'évaporation  Baudelot-Migeon  mérite  une  mention  spéciale;  les  liquides 
s'écoulent  goutte  à  goutte  sur  des  cylindres  remplis  de  vapeur,  offrant  une  grande  surface, 
et,  par  suite,  l'évaporation  est  considérable. 

On  peut  encore  placer  dans  cette  section  les  appareils  pour  la  fermentation  et  la  distil- 
lation des  grains,  betteraves,  topinambours,  etc.  ;  les  appareils  à  eau  de  seltz  (Durafort  et  fils, 
Boulet  et  Ci8,  Gueret  frères,  etc.),  des  pompes  à  bière,  etc.  Nous  étudierons  plus  loin  ces 
divers  appareils. 

Conserves  alimentaires,  pain,  etc.  —  Il  est  souvent  utile,  pour  remplacer  des  aliments  man- 
quants, d'avoir  des  conserves  de  ces  mêmes  aliments,  faites  dans  les  pays  où  la  production 
dépasse  la  consommation. 

Dans  cet  ordre  d'idées,  l'Exposition  renfermait  les  presses  hydrauliques  de  M.  P.  Morane 
aîné,  applicables  à  l'extraction  des  matières  grasses  de  toute  nature,  à  la  fabrication  des  pâtes 
alimentaires,  etc.  ;  les  armoires  à  froid  de  M.  Schepperd,  où  la  viande  se  conserve  et  s'améliore 
même  par  un  séjour  d'une  vingtaine  de  jours. 

On  voyait  aussi  dans  cette  classe  des  appareils  à  découper  et  à  mouler  les  pâtes,  des  tor- 
réfacteurs à  café  (de  M.  Ferro-Cardozo),  des  pétrins  mécaniques  (parmi  lesquels  celui  de 
M.  Dathis,  qui  avait  exposé  aussi  un  avertisseur  électrique  du  degré  de  fermentation  de  la 
pâte  ;  celui  de  M.  Dagry,  avec  ses  ingénieux  mouvements  pour  mélanger  et  aérer  la  pâte)  ; 
des  moulins  à  écraser  la  canne  à  sucre  pour  en  extraire  le  jus  sucré,  qui  sera  transformé  en 
sucre  et  en  alcool  par  la  fermentation  (appareils  Brissonneau,  Derouable  et  Cie);  des  moulins 
et  presses  à  huile  (Mabille  frères,  etc.),  des  appareils  à  faire  les  conserves,  la  cuisine  à  vapeur 
de  M.  Egrot,  un  moulin  à  fabriquer  la  moutarde,  de  M.  Vicat,  etc. 

La  Compagnie  générale  des  produits  antiseptiques  montrait  son  acide  carbonique  si 
employé  comme  antiseptique  dans  la  brasserie  de  la  bière.  Notons  en  passant  l'installation 
complète  d'une  brasserie,  avec  dégermeuse,  malteuse  pneumatique,  etc.,  faite  par  M.  Car- 
pentier. 

La  confiserie  était  bien  représentée  par  les  appareils  de  MM.  Leclaire  et  autres,  à  fabri- 
quer les  pastilles  et  les  dragées. 

Dans  la  machine  à  pastilles  de  la  maison  Ve  Baugod,  oh  voyait  le  mélange  du  sucre, 
des  colorants  et  des  parfums,  et  les  gouttes  qui,  tombant  sur  des  plaques  en  fer-blanc, 
s'étalent,  se  refroidissent  et  forment  chacune  une  pastille. 

La  machine  à  dragées  de  M.  Lecornu  nous  montrait  les  amandes  ou  autres  matières 
devant  former  le  noyau  de  la  dragée,  roulant  dans  des  bassines  inclinées  où  elles  s'enrobaient 
de  la  matière  sucrée;  celle-ci  s'y  attachait  et  s'y  solidifiait  tout  en  s'arrondissant. 

Enfin  les  machines  à  fabriquer  le  chocolat,  de  MM.  Bormann,  Beyer,  Lombard,  etc., 
étaient  bien  constituées. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


443 


L'une  des  plus  belles  installations  de  la  classe  L  a  été  sans  contredit  la  merveilleuse 
exposition  de  la  Chocolaterie  Lombart. 

D'une  origine  très  ancienne,  le  chocolat  rend  à  l'humanité  des  services  signalés.  Composé 
de  cacao  torréfié,  de  sucre,  il  constitue  moins  un  condiment  qu'un  aliment  véritable.  Tout 
le  monde  sait  qu'il  forme  une  substance  fort  agréable  au  goût,  très  nourrissante  et  qui  con- 
tient une  grande  quantité  de  matières  grasses.  C'est  pour  cela  que  les  Espagnols  et  les  Ita- 


Oouiptoir  do  vente  de  la  chocolaterie  Lombart  au  Palais  des  Machines. 

liens,  qui  en  consomment  beaucoup,  l'emploient  principalement  mêlé  d'eau,  pour  combattre 
la  soif,  autant  qu'à  l'état  solide,  pour  apaiser  la  faim.  Il  renferme,  de  plus,  un  alcaloïde 
puissant  qui  est  l'analogue  de  la  caféine  et  de  la  théine  et  qu'on  appelle  la  théobromine. 
Après  l'urée,  c'est  le  principe  organique  le  plus  azoté,  c'est-à-dire  le  plus  actif  et  le  plus 
reconstituant.  Découvert  en  1841,  par  un  chimiste  russe  de  haut  mérite,  Woskresensky,  son 
utilité  a  été  établie  rapidement  d'une  façon  définitive. 

Le  rôle  alimentaire  du  chocolat  est  devenu  des  plus  importants.  Apporté  du  Mexique  en 
Europe,  des  jeunes  filles  nobles  de  la  cour  royale  d'Espagne,  dégoûtées  de  tous  médicaments, 
trouvèrent  leur  guérison  dans  ce  produit  préparé  avec  de  la  vanille.  Dans  la  péninsule  hispa- 
nique, c'est  de  cette  époque  que  date  sa  popularité.  C'était  peu  de  temps  après  la  découverte 
de  l'Amérique.  En  France,  ce  fut  seulement  la  reine  Marie-Thérèse  qui,  après  son  mariage 


444  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

avec  le  roi  Louis  XIV,  répandit  en  France  le  goût  du  chocolat.  L'étymologie  de  cette  expres- 
sion vient  des  mots  aztèques  tchoco,  bruit,  et  latte,  eau,  parce  qu'on  soumettait  cette  subs- 
tance à  une  forte  ébullition  avant  de  la  prendre.  Quant  à  l'arbre  qui  porte  le  cacao,  le  cahuatl, 
nom  primitif  du  cacaoyer,  c'était  un  des  plus  beaux  ornements  du  paradis  terrestre  qui, 
selon  la  tradition  naïve  du  Guatemala,  se  trouvait  situé  à  Tula,  dans  cette  chaude  région  de 
l'Amérique  méridionale.  Dans  notre  pays,  tout  est  une  affaire  de  mode  avant  d'être  un  objet 
de  service  ou  d'utilité.  Après  la  mort  du  grand  Roi,  l'usage  du  chocolat  se  répandit  de  plus 
en  plus.  Tous  les  matins  le  Régent  en  prenait  à  son  lever,  et  pendant  ce  temps  il  recevait  les 
courtisans.  C'est  ce  qu'on  appelait,  disait  le  maréchal  de  Belle-Isle,  être  admis  au  Chocolat 
de  son  Altesse  Royale.  Sous  le  règne  de  Louis  XV,  les  seigneurs  portaient  toujours  sur  eux  des 
bonbonnières  remplies  de  pastilles  dont  le  cacao  formait  la  base.  Depuis  cette  époque,  la 
vogue  du  chocolat  a  suivi  une  marche  progressive,  grâce  aux  découvertes  de  la  chimie,  de 
la  thérapeutique,  à  l'invention  des  machines  à  vapeur  qui  ont  permis  de  fabriquer  à  meilleur 
marché,  tout  en  donnant  des  produits  d'une  qualité  supérieure. 

C'est  vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XV  que  cette  fabrication  a  pris  un  développement 
significatif.  En  effet  nous  voyons,  en  1760,  s'élever  la  célèbre  maison,  manufacture  Meunier, 
établie  originairement  rue  des  Vieilles-Étuves-Saint-Honoré,  3,  près  la  Croix  du  Trahoir, 
aujourd'hui  la  fontaine  de  l'Arbre-Sec.  C'est  donc  une  des  plus  anciennes  fabriques  de  cho- 
colat qu'il  y  ait  en  France.  Au  siècle  dernier,  la  cour  et  la  ville  étaient  ses  tributaires.  En  1789, 
son  fondateur  obtenait  du  roi  Louis  XVI  le  brevet  de  chocolatier  fournisseur  de  son 
A.  R.  Madame  Victoire  de  France. 

Sous  le  premier  Empire,  en  1804,  l'excellence  des  produits  de  Meunier  fut  de  nouveau 
constatée  par  ÏAlmanach  des  Gourmands,  rédigé  par  Grimod  de  la  Reynière,  un  des  ancêtres 
culinaires  de  Brillât-Savarin,  qui  déclare  considérer  cette  fabrique  comme  une  des  premières 
maisons  produisant  le  chocolat  supérieur.  Le  même  recueil,  dans  une  édition  de  1807  (p.  2:>o 
et  296),  dit  ce  qui  suit  :  «  Nous  ne  savons  pas  pourquoi  l'on  vante  tant  le  chocolat  de  Flo- 
rence, et  en  général  tous  ceux  d'Italie,  très  inférieurs,  selon  nous,  aux  chocolats  fabriqués 
par  les  Meunier  ;  ceux-ci  sont  plus  onctueux,  bien  plus  agréables  au  goût  que  les  chocolats 
ultramontains.  » 

Lorsque  Meunier  mourut,  sa  veuve  reprit  l'œuvre  de  son  mari,  et  reçut  en  1814,  sur 
parchemin,  le  titre  de  fournisseur  de  S.  A.  R.  Madame  la  duchesse  d'Angoulème,  et  la  pros- 
périté de  la  maison  s'accrut  aussitôt. 

Ces  deux  parchemins  doivent  demeurer  comme  des  documents  intéressants,  aussi  bien 
au  point  de  vue  de  l'histoire  générale  que  de  l'historique  plus  spécial  de  la  maison  elle- 
même.  Bien  peu  de  manufactures  comptent  derrière  elles  un  passé  aussi  fécond  et  des 
services  reconnus  d'une  façon  plus  officielle. 

Désormais,  ces  curieux  parchemins  vont  être  accompagnés  de  diplômes  qui  ne  seront 
plus  décernés  par  des  maisons  royales,  mais  par  des  corps  savants,  des  jurys  d'expositions, 
auxquels  viendront  s'ajouter  des  médailles  et  la  croix  de  la  Légion  d'honneur,  décernée  au 
chef  actuel  de  cette  importante  maison,  M.  Jules-François  Lombart,  le  23  juillet  1881,  à 
l'occasion  de  l'Exposition  internationale  de  Melbourne,  dont  il  fut  un  des  lauréats  les  plus 
en  vue. 

Il  y  a  vingt-neuf  ans  que  M.  Lombart  est  devenu  le  propriétaire  de  la  manufacture 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


445 


Meunier,  et  depuis  cette  époque  elle  est  entrée  tout  à  fait  dans  une  phase  nouvelle.  Dans 
l'industrie,  il  en  est  comme  dans  les  arts:  les  chefs  impriment  leur  influence  et  leur  marque 
personnelle  à  l'œuvre  poursuivie;  M.  Lombart  a  su  apporter  des  perfectionnements  nou- 
veaux, suggérés  par  sa  longue  expérience  et  les  progrès  de  la  science  et  de  la  mécanique.  Il 
a  fait  de  son  usine  un  établissement  modèle,  le  premier,  le  plus  puissant,  le  plus  remar- 
quable en  son  genre  de  tous  ceux  créés  à  Paris. 

Né  dans  la  capitale,  le  24  février  1830,  de  parents  originaires  de  Doullens  (Somme), 
M.  Jules-François  Lombart  devait  apporter  dans  son  industrie  la  persistance  picarde  de  ses 


La  broyeuse  et  le  malaxeur 


ancêtres  avec  l'habileté  et  la  finesse, 
qualités  éminentes  qui  sont  le  partage  des 
Parisiens  de  naissance.  Sous  l'influence  déci- 
sive et  heureuse  des  améliorations  introduites  dans 
l'industrie  chocolatière,  par  suite  des  perfectionnements 
apportés  dans  la  torréfaction  et  de  l'emploi  constant  de  matières  premières  de  choix, 
la  production  quotidienne  s'est  élevée  graduellement  à  plus  de  10,000  kilogrammes  de 
chocolat,  tous  d'une  qualité  égale  et  irréprochable.  Ces  produits,  garantis  par  le  nom 
et  la  marque  de  la  maison  Lombart,  ont  cours  dans  le  commerce  et  la  consommation 
courante,  comme  les  billets  de  la  Banque  de  France  dans  les  relations  commerciales  et 
financières. 

De  la  rue  des  Vieilles-Étuves-Saint-Honoré,  n°  3,  où  la  fabrication  s'exécutait  dans  une 
simple  boutique,  devenue  bien  vite  trop  étroite,  tout  le  matériel  fut  transféré  successi- 
vement rue  Jean-de-Beauvais,  puis  rue  Keller,  dans  le  onzième  arrondissement,  et  enfin 
avenue  de  Choisy,  n°  75,  où  l'ensemble  de  l'usine  englobe  aujourd'hui  une  étendue  de  plus 
de  20,000  mètres  et  occupe  plus  de  500  personnes,  qui  se  consacrent  journellement  à  la 
fabrication  du  chocolat.  La  maison  de  vente  est  située  dans  l'intérieur  de  Paris,  boulevard 
des  Italiens,  n°  11.  C'est  là  qu'on  peut  se  procurer  au  détail  tous  les  bonbons  fins  et  les 


446  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

chocolats  à  la  pistache,  au  nougat,  aux  essences,  qui  sont  recherchés  par  les  palais  les 
plus  délicats  d'une  clientèle  riche. 

L'outillage  de  l'usine  est  très  perfectionné.  Tout  marche  mathématiquement,  et  toutes 
les  précautions  sont  prises  pour  éviter  les  sinistres. 

M.  Lombart  est  d'ailleurs  membre  fondateur  de  la  société  pour  préserver  les  ouvriers 
contre  les  accidents  du  travail.  L'usine  est  entièrement  établie  sur  un  plan  qui  a  été  arrêté 
selon  les  lois  les  plus  sévères  de  l'hygiène.  La  lumière  du  soleil  se  répand  à  flots  dans  les 
ateliers,  supprimant  l'éclairage  artificiel,  qui,  malheureusement,  existe  dans  beaucoup 
d'usines.  Les  ateliers  aussi  sont  ventilés  régulièrement  d'après  les  règles  émises  par  le 
célèbre  hygiéniste  Michel  Lévy. 

Une  société  de  secours  mutuels  a  été  établie  depuis  vingt-six  ans  par  les  soins  de 
31.  Lombart  et  grâce  aux  premiers  subsides  qu'il  a  généreusement  fournis.  Il  demande  à 
chaque  membre  une  cotisation,  en  raison  de  laquelle  chacun  a  droit,  en  cas  de  maladie,  à 
une  allocation  quotidienne,  ainsi  qu'aux  visites  du  médecin  et  aux  médicaments  du  phar- 
macien. Cette  association  toute  philanthropique  pourvoit  également,  en  cas  de  décès,  aux 
frais  funéraires.  M.  Lombart  a  encore  établi  chez  lui  le  système  de  la  participation  aux 
bénéfices. 

En  dehors  de  l'usine  de  l'avenue  de  Choisy,  et  dans  son  voisinage,  aussi  bien  dans 
Paris  même  qu'en  dehors  des  fortifications,  M.  Lombart  a  établi  sur  ses  terrains,  achetés 
dans  ce  but,  des  maisons  ouvrières  qui  sont  des  modèles  de  constructions  intelligem- 
ment distribuées  et  saines.  Il  voudrait  inculquer  à  chacun  de  ses  ouvriers  l'amour  de  la 
propriété,  garant  du  travail,  et  amener  chacun  d'eux,  par  des  annuités  modérées,  à  devenir 
propriétaire  et  chef  de  famille  foncier.  Pour  les  y  aider  et  les  encourager  à  entrer  dans  cette 
voie  féconde,  il  a  consenti  à  tous  les  sacrifices.  La  devise  de  la  maison  est  :  Travailler  pour 
perfectionner.  La  décision  que  M.  Lombart  a  prise  le  1"  janvier  1884,  et  par  laquelle  il 
déclarait  à  ses  employés  qu'ils  devaient  se  considérer  tous  comme  étant  en  participa- 
tion et  travailler  en  conséquence,  prouve  qu'à  force  de  se  vouer  au  bien-être  des  autres 
chacun  a  fini  par  s'y  perfectionner  lui-même.  A  cette  époque,  il  a  prononcé  des  paroles 
mémorables,  qui  constituent  un  véritable  programme  social  et  qui  méritent  à  ce  titre  d'être 
retenues  : 

«  Que  les  sceptiques  se  rassurent.  Je  ne  ferai  pas  faillite  à  mes  ouvriers.  Il  ne  m'est 
jamais  venu,  et  il  ne  pouvait  me  venir  à  l'idée  de  ne  pas  tenir  ou  même  de  rester  à  côté 
d'une  promesse  que  j'avais  faite. 

«  Ainsi  que  vous  l'avez  vu,  j'ai  déjà  fait  un  peu  pour  améliorer  le  sort  de  tous;  mais  je 
reconnais  que  la  chose  principale  reste  encore  à  faire,  et,  à  mes  yeux,  cette  chose  prin- 
cipale consiste  à  fournir  à  tous  mes  travailleurs  les  moyens  de  devenir  rentiers  et  proprié- 
taires. 

«  Il  est  évident  que,  pour  atteindre  ce  but,  il  faut  qu'il  y  soit  pourvu  par  les  bénéfices 
nets  de  l'exploitation,  sans  toucher  en  quoi  que  ce  soit  au  salaire  quotidien;  or,  je  suis 
décidé  à  répartir  entre  tous,  sans  exception,  et  dès  cette  année,  une  part  de  ces  bénéfices.  Il 
va  sans  dire  que  le  quantum  de  chacun  sera  fixé  en  raison  de  son  apport  en  travail,  de  son 
intelligence  et  de  la  durée  de  ses  services. 

«  Je  ne  puis,  quant  à  présent,  rien  préciser  au  sujet  de  l'importance  de  la  part  qui  sera 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


447 


attribuée  à  la  masse,  puisque  je  ne  connais  pas  le  produit  des  comptes  de  fin  d'année.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  cette  décision  est  irrévocable,  et  je  vous  autorise  à  la  publier 
comme  telle. 

«  Maintenant,  ajouta  M.  Lombart,  voici  comment  j'entends  répartir  la  somme  affectée 
au  compte  particulier  de  mes  ouvriers  :  1/5  sera  remis  en  espèces  ;  2/5  seront  employés  à 
l'amortissement  du  prix  d'une  maison;  2/5  seront  versés  à  la  Caisse  des  retraites  de 
l'État. 

«  J'ai  acheté  à  proximité  de  mon  usine,  dans  et  hors  de  Paris,  de  vastes  terrains  où  je 


Cliuculiitorie  Luniljurl  au  Palais  du»  Machines. 

ferai  construire  des  maisons  particulières,  pareilles  au  type  que  je  vous  ai  montré  tout  à 
l'heure. 

«  Ces  habitations  seront  irréprochables  au  point  de  vue  des  commodités  et  de  l'hygiène; 
leur  prix  de  revient,  étant  donné  l'uniformité  de  type,  sera  réduit  aux  proportions  les  plus 
modérées;  je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  ce  prix  de  revient  sera  aussi  le  prix  de  vente. 

«  Insensiblement  et  sans  s'en  douter,  les  occupants  deviendront  propriétaires  sans 
bourse  délier,  en  même  temps  que  les  versements  à  la  caisse  des  retraites  leur  ménageront 
des  ressources  pour  le  moment  où  ils  ne  pourront  plus  travailler.  Inutile  de  déclarer  que 
l'amortissement  terminé,  ils  seront  propriétaires  absolus  et  libres  de  disposer  de  leur  avoir 
à  leur  convenance.  Voilà  de  quelle  façon  j'entends  faire  de  mes  collaborateurs  des  rentiers 
et  des  propriétaires  des  plus  sérieux.  » 

Au  moment  de  sa  promotion  dans  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur,  M.  Lombart  a  offert 
à  sa  grande  famille  industrielle  de  leur  faire  taire  une  excursion  par  un  train  spécial  à  Rouen 
et  au  Havre  pendant  deux  jours. 

Les  frais  d'un  grand  banquet  ont  été  ainsi  beaucoup  plus  utilement  et  fructueusement 


448 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


appliqués  au  plaisir,  à  la  curiosité,  à  l'instruction  de  tout  le  monde.  Mais,  au  bout  detrois 
années,  les  ouvriers  reconnaissants  ont  offert  d'eux-mêmes  une  fête,  avec  repas  solennel,  à 
leur  patron. 

Telle  est  l'œuvre  commerciale,  morale,  sociale  de  ce  grand  industriel. 

Quant  à  ses  titres  personnels,  les  voici  : 

Depuis  1859,  il  n'a  pas  cessé  d'être  administrateur  de  la  Caisse  d'épargne.  Aux  Exposi- 
tions de  Paris  :  en  1849, 1855  et  1867,  il  a  obtenu  des  médailles  de  bronze  et  d'argent.  En  1873, 
une  médaille  d'or  lui  a  été"  décernée  par  l'Exposition  gastronomique  de  Paris.  En  1873,  à 


Cliocolaterie  Lombart.  —  Atelier  de  pliage  et  d'empaquetage. 

Vienne;  en  1874,  à  Marseille;  en  1876,  à  Philadelphie;  en  1878,  à  Paris;  en  1881,  à  Mel- 
bourne, de  nombreuses  médailles  lui  ont  été  accordées.  Membre  de  l'Académie  nationale 
en  1874,  expert  en  douane,  en  1875,  au  Ministère  de  l'Agriculture;  délégué  cantonal,  vice- 
président  de  la  Chambre  syndicale  des  chocolatiers  et  confiseurs,  membre  du  Comité  des 
élections  consulaires,  membre  du  Comité  d'admission  du  jury  international,  du  Comité  de 
la  Loterie  nationale  en  1878;  trésorier  de  la  Chambre  syndicale  de  l'épicerie,  etc.,  etc.,  par- 
tout où  il  est  présent,  il  a  rendu  des  services  signalés. 

Tous  ces  titres  et  distinctions  honorifiques  sont  la  consécration  et  le  triomphe  d'un 
labeur  persistant,  que  rien  n'a  ébranlé. 

De  son  initiative  privée,  M.  Lombart  a  donc,  de  longue  date,  résolu  la  question  à  l'ordre 
du  jour  de  toutes  les  chambres  syndicales  :  La  lamille  universelle.  C'est  pour  cette  raison 
que  nous  avons  pensé  intéresser  nos  lecteurs  en  leur  donnant  quelques  détails  précis  sur  le 
fonctionnement  intérieur  de  cette  importante  et  célèbre  maison. 


m 


2b 


450  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

Signalons  également  comme  curiosité,  dans  la  classe  L,  la  machine  de  M.  Busson,  qui 
peut  laver  1,200  assiettes  à  l'heure,  en  les  trempant  dans  une  grande  cuve  où  elles  sont 
agitées,  puis  brossées  ;  et  aussi  la  machine  de  M.  Navarre,  pour  écosser  les  pois;  il  est  très 
amusant  de  voir  entrer  en  une  heure  7  ou  800  kilogrammes  de  pois  en  cosse,  et  de  les  voir 
sortir  écossés  et  classés  par  grosseur,  tandis  que  les  cosses  et  autres  débris  sortent  d'un 
autre  côté. 

La  maison  Simoneton  frères  exposait  dans  cette  classe  un  intéressant  appareil  à  filtrer. 

Ce  filtre  se  compose  essentiellement  d'une  série  de  plateaux  enveloppés  d'un  tissu 
filtrant.  Le  filtrage  s'exerce  par  pression. 

Le  liquide  à  filtrer  s'introduit  par  un  robinet,  remplit  successivement  les  chambres, 
exerce  la  pression  sur  les  tissus,  se  filtre  et,  descendant  le  long  des  cannelures,  vient  se 
recueillir  par  le  robinet  de  chaque  plateau,  dans  une  gargouille,  d'où  il  se  distribue  dans 
les  demi-muids,  barils,  etc.,  servant  à  en  faire  la  livraison. 

Lorsque  la  filtration  des  vins  ou  liquides  est  terminée,  le  liquide  s'égoutte  entièrement 
et  il  ne  reste,  le  long  des  tissus,  qu'un  peu  de  lie  qu'il  est  facile  de  laver  en  démontant  les 
serviettes. 

Lorsque  les  robinets  ne  donnent  plus  de  liquide,  malgré  l'introduction  de  nouvelles 
quantités  de  lies  ou  boues,  on  ouvre  les  plateaux  en  desserrant  les  vis  ;  la  matière  sèche 
sort  en  tourteaux  et  on  peut  recommencer  sans  démonter  les  toiles  à  chaque  opération. 

Parmi  les  installations  frigorifiques  de  la  classe  L,  l'une  des  plus  importantes  était 
celle  de  MM.  Rouart  frères  et  C!o. 

On  sait  que  le  froid  est  appelé  à  jouer  un  rôle  aussi  important  que  la  chaleur.  Dans  la 
question  de  l'alimentation  notamment,  le  froid  intervient  pour  la  conservation  des  viandes, 
du  poisson,  etc.  Il  rend  d'énormes  services  dans  la  fabrication  des  fromages,  les  industries 
de  la  laiterie,  de  l'huilerie  et  surtout  de  la  brasserie.  On  l'a  employé  à  concentrer  les  jus 
sucrés,  les  eaux  minérales,  etc. 

La  chambre  à  froid,  à  doubles  parois,  exposée  classe  L,  donne  une  idée  du  système  de 
refroidissement  des  caves  de  brasserie.  Un  ensemble  de  toiles  métalliques  est  disposé  dans 
la  partie  supérieure  de  la  cave  et  constamment  humecté  de  chlorure  de  calcium.  La  surface 
d'échange  obtenue  par  les  filets  liquides  coulant  sur  les  mailles  de  la  toile  est  bien  supé- 
rieure à  celle  que  peuvent  donner  des  tuyaux.  De  plus  le  chlorure  dessèche  l'air  en  même 
temps  qu'il  le  refroidit.  On  n'a  plus,  comme  avec  les  tuyaux,  cette  formation  de  givre  qui 
retarde  encore  l'échange  de  température  et  se  met  à  fondre  quand  on  arrête  l'appareil. 

A  côté  de  cette  chambre  figurait  une  caisse  montrant  les  procédés  employés  pour  la 
conservation  indéfinie  de  la  viande  ou  de  toute  autre  denrée  alimentaire.  Dans  la  pratique, 
la  caisse  à  viande  est  constituée  par  un  récipient  métallique  à  doubles  parois  et  de  formes 
quelconques,  wagon,  cale  de  navire,  etc.  On  introduit  dans  l'intérieur  la  viande  gelée  à 
—  15°  ou  —  20"  au  moyen  des  appareils  réfrigérants  installés  à  terre.  Dans  l'intervalle  des 
deux  enveloppes  se  trouvent  une  couche  d'eau  salée  dont  le  point  de  congélation  est  à  —  3° 
ou  —  5°,  suivant  le  degré  de  salure. 

La  caisse  est  enveloppée  par  un  corps  mauvais  conducteur  qui  l'isole  des  parois  du 
navire  ou  du  wagon. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE  1889 


451 


Dans  la  paroi  d'eau  est  logé  un  serpentin  dans  lequel  on  fait  passer  un  liquide  refroidi 
à  —  20°,  de  manière  à  convertir  en  glace  l'eau  salée,  et  former  ainsi,  tout  autour  du  réci- 
pient de  viande  gelée,  une  paroi  de  glace,  fondant  à  —  3°  ou  —  5°,  et  qui,  par  conséquent, 
maintiendra  cette  température  tant  qu'elle  ne  sera  pas  entièrement  fondue.  La  quantité  de 
glace  est  calculée  en  raison  de  la  longueur  du  trajet.  A  l'arrivée,  on  décharge  la  viande,  et 
si  on  remet  le  serpentin  en  communication  avec  une  machine  à  froid  installée  à  terre,  la 
caisse  regèle  et  se  trouve  rechargée  de  froid,  prête  pour  un  nouveau  voyage,  sans  qu'on  ait 
eu  à  déplacer  l'aménagement  frigorifique. 

Dans  le  pavillon  de  la  ville  de  Paris,  classe  LXIV,  un  plan  représentait  les  appareils  frigo- 
rifiques qui  fonctionnent  à  la  Morgue  de  Paris  pour  la  conservation  des  cadavres.  Ces  appa- 


Appareils  frigorifiques  de  la  Morgue  do  Taris. 

reils  (p.  451)  ont  été  installés  en  1 881  à  la  suite  d'un  rapport  du  Conseil  d'hygiène  publique 
et  de  salubrité,  dont  faisait  partie  M.  le  D'  Brouardel  ;  ils  fonctionnent  depuis  lors  sans 
arrêt.  Ils  servent  à  congeler  les  cadavres  à  une  température  de  15"  au-dessous  de  zéro,  et 
entretiennent  dans  les  salles  une  température  constante  de  —  2°.  Des  cadavres  ont  été 
conservés  sans  altération  pendant  plus  de  deux  ans. 

Terminons  rapidement  la  revue  de  la  classe  L  par  la  description  de  quelques  expositions 
spéciales. 


La  maison  Hermann-Lachapclle  était  représentée  dans  cette  classe  par  ses  ingénieux 
appareils  à  fabriquer  les  boissons  gazeuses. 

L'usage  des  boissons  gazeuses  est  aujourd'hui  général.  Chaque  peuple  en  consomme; 
mais  nulle  part  on  ne  les  fabrique  mieux  et  on  n'en  boit  plus  qu'en  France.  Quelque  cent 
mille  bouteilles  y  suffisaient  annuellement  il  y  a  trente  ans  à  peine  à  tous  les  besoins;  on 
estime  à  300  millions  de  siphons  ou  de  bouteilles  de  boissons  gazeuses  de  toutes  sortes  la 
consommation  actuelle,  et  la  production  considérable,  qui  représente  un  mouvement  de 


452 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE   DE   1889 


fonds  de  près  de  75  millions  de  francs,  est  loin  de  suffire  aux  demandes  dans  la  saison 
favorable. 

Les  savants  ont  tous  considéré  l'introduction  des  boissons  gazeuses  dans  le  régime 
alimentaire  comme  une  des  plus  grandes  conquêtes  de  l'hygiène  moderne.  «  Ce  sont,  dit 
l'Académie  de  médecine  dans  ses  rapports,  les  boissons  les  plus  salutaires,  toniques,  diges- 
tives.  Elles  rafraîchissent  et  éteignent  la  soif  sans  surcharger  l'estomac  d'une  grande  quan- 
tité de  liquide.  » 

«  L'eau  de  Seltz  et  les  boissons  gazeuses  en  général,  dit  M.  Bouchardat,  professeur 


Appareil  de  fabrication  à  deux  sphères  et  à  deux  corps  de  pompe  pour  grandes  fabriques  et  brasseries. 

(Hcrmann-Lachapelle,  constructeur.) 

Les  sphères  peuvent  fonctionner  isolement  ou  ensemble,  et  produire  simultanément, 
sous  deux  pressions  inégales,  deux  boissons  différentes. 


d'hygiène  à  la  Faculté  de  médecine,  dans  son  formulaire  magistral,  ont  une  action 
spéciale  sur  l'estomac,  qu'elles  fortifient  sans  l'irriter  et  dont  elles  calment  l'état  spasmo- 
dique  :  elles  sont  aussi  excellentes  pour  calmer  la  soif  et  surtout  utiles  dans  les  gastralgies, 
les  affections  nerveuses,  etc.,  etc.  L'eau  chargée  d'acide  carbonique  constitue  une  boisson 
aussi  agréai  île  qu'utile;  on  peut  en  boire  en  grande  quantité;  beaucoup  de  malades  ne 
peuvent  pas  supporter  d'autres  boissons.  » 

«  Buvez-en,  s'écriait  M.  Payen  en  s'adressant  à  son  nombreux  auditoire,  qui  se  pressait 
autour  de  la  chaire  de  l'éminent  professeur  du  Conservatoire  ;  —  en  en  mettant  dans  votre 
vin  vous  en  détruisez  les  parties  malfaisantes,  vous  vous  rafraîchissez,  vous  vous  fortifiez 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


453 


l'estomac  et  enfin  vous  évitez  l'ivrognerie,  qui  est  la  plaie  de  votre  bourse  et  la  ruine  de 
votre  santé.  » 

En  temps  d'épidémie  cholérique,  c'est  la  seule  boisson  diététique  prescrite  par  les  ins- 
tructions des  conseils  d'hygiène  et  de  l'Académie  de  médecine,  et  le  remède  le  plus 
employé. 

C'est  rendre  un  véritable  service  à  la  santé  publique  que  de  créer  des  ateliers  de  labri- 


Apparcil  continu  avec  gazomètre,  pour  la  fabrication  des  boissons  gazeuses. 
Vue  d'ensemble  de  l'appareil  complet  avec  gazomètre  et  tirage. 

cations  de  boissons  gazeuses  dans  les  localités  qui  en  manquent.  Nulle  industrie  ne  peut, 
en  outre,  réunir  des  conditions  économiques  plus  favorables,  ni  offrir  un  champ  plus  vaste 
et  d'un  meilleur  rapport  à  l'activité  de  celui  qui  s'y  livre. 


Pour  en  finir  avec  la  classe  L,  il  nous  reste  à  signaler  la  magnifique  exposition  de  la 
maison  Egrot,  et  plus  spécialement  ses  très  intéressantes  cuisines  à  vapeur. 

Cette  merveilleuse  invention  s'est  rapidement  répandue  dans  les  grands  établissements 
et  hôpitaux  de  l'Assistance  publique  :  Ivry,  Tenon,  l'Hôtel-Dieu;  dans  les  asiles  départemen- 
taux de  Sainte-Anne,  Vaucluse,  Ville-Evrard,  Villejuif,  Prémontré,  etc.;  dans  les  hôpitaux 


451 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE    DE    1889 


militaires,  les  casernes,  les  écoles,  les  couvents  et  les  grands  magasins,  tels  par  exemple 
que  les  magasins  du  Louvre. 


Exposition  do  la  maison  Egrol  (cuisines  à  vapeur) 

Cette  conception,  d'ailleurs,  se  perfectionna  de  jour  en  jour,  jusqu'au  moment  présent  ; 
à  ce  point  qu'ayant  été  d'abord  propre  seulement  à  permettre  une  cuisine  sommaire  et 
peu  savante,  elle  réalise  e  ifin  ce  qu'on  croyait  impossible;  les  rôtis  dorés  à  point,  les 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1839 


455 


fritures,  peuvent  être  obtenus  comme  le  plus  vulgaire  bouillon  et  les  ragoûts  primitifs. 
Au  premier  abord  on  est  tenté  de  ne  tenir  que  relativement  compte  de  ce  progrès; 
mais  dans  les  établissements  où  l'on  nourrit  un  nombreux  personnel,  aussi  bien  que  dans 
l'armée,  on  sait  combien  il  faut  apprécier  cette  facilité  de  varier  le  menu  quotidien. 


Groupe  circulaire  de  marmites  à  vapeur.  (Système  Egrot.) 


Pour  citer  quelques  exemples,  notons  que  le  restaurant  Rrébant,  installé  sur  la  plate- 
forme de  la  tour  Eiffel,  ne  s'est  servi,  pendant  toute  la  durée  de  l'Exposition,  que  de  la 
cuisine  à  vapeur  Egrot,  installée,  il  est  vrai,  avec  un  matériel  complet  : 

Marmites  à  vapeur  pour  bouillon,  ragoûts,  rôtis,  légumes,  poisson,  café,  etc.,  etc., 
sans  compter  les  tables  de  découpage  et  de  service,  les  armoires,  les  chauffe-plats,  les 
appareils  pour  le  lavage  de  la  vaisselle. 

Le  banquet  des  Maires,  avec  15,000  convives  ;  le  précédent  de  1888,  ont  été  pourvus  de 
même  façon,  c'est  tout  dire. 


EXPLOITATIONS   MÉTALLURGIQUES 


ET    FORESTIERES 


MATÉRIEL  ET  PROCEDES  D'EXPLOITATION  DES  MINES  ET  DE  LA  METALLURGIE 


exploitation  des  mines  a  une  grande  importance  dans  l'industrie;  la  houille  tient 
la  première  place  parmi  les  produits  qu'on  tire  des  mines.  Sans  la  houille,  pas 
de  fer,  pas  d'acier. 

C'est  l'Angleterre  qui  produit  le  p. us  de  houille:  en  1887,  elle  en  a  extrait  du  sol 
465  millions  de  tonnes. 

Les  États-Unis  viennent  aussitôt  après,  avec  lis  millions  de  tonnes  ;  puis  l'Allemagne, 
a  vit  70  millions. 

La  France  se  trouve  très  distancée  sous  ce  rapport,  et  elle  ne  produit  pas  assez  de 
houille  pour  sa  consommation  ;  en  1889,  elle  n'en  a  produit  en  effet  que  24,589,000  tonnes, 
chiffre  notablement  supérieur  cependant  à  ceux  des  précédentes  aimées,  et  sa  consomma- 
lion  se  monte  à  32  millions  de  tonnes;  elle  est  donc  tributaire  de  l'étranger  pour  le  combus- 
tible. 

Après  la  France,  les  pays  qui  produisent  le  plus  de  houille  sont  :  l'Autriche,  21  millions; 
la  Belgique,  17  millions,  et  la  Russie,  4  millions  de  tonnes. 

On  peut  dire  que  presque  toutes  les  Compagnies  houillères  françaises  figuraient  à 
l'Exposition.  La  plupart  exposaient  des  spécimens  de  leurs  minerais,  de  leurs  outils  et 
moyens  d'extraction,  de  leurs  lampes  de  sûreté,  des  coupes  et  plans  de  leurs  conces- 
sions, etc.  Il  nous  est  impossible  de  passer  en  revue  toutes  les  choses  remarquables  de 
cette  classe,  tant  il  y  avait  de  documents  intéressants. 

Le  bassin  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  le  plus  important,  puisqu'il  a  produit  en  1889 
13,456,000  tonnes  de  houille,  soit  plus  delà  moitié  de  la  production  entière  de  la  France, 
était  le  mieux  représenté,  par  les  mines  d'Anzin,  deLens,  de  Courrières,  d'Aniche,  de  Liévin, 
de  Bruay,  de  Béthune,  de  Bourges,  de  Douchy,  de  Vicoignes  et  >"u'iix,  de  l'Escarpelle,  de 
Meurchin,  île  Drocourt  et  de  Flichinelle. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1S89  457 

L'Exposition  de  la  Compagnie  des  mines  d'Anzin  attirait  tout  particulièrement  l'atten- 
tion par  un  modèle  montrant  les  progrès  accomplis  dans  l'industrie  de  la  houille  depuis  un 
siècle  au  moyen  de  deux  parties  ;  l'une  représentait  la  fosse  de  la  Croix-d'Anzin  en  1789  ; 
l'autre,  lafosse  Lagrange  en  1889.  Aux  bâtiments,  si  rudimentaires  et  couverts  en  chaume 
de  1789,  au  manège  à  chevaux  qui  sortait  le  charbon  de  la  fosse  il  y  a  cent  ans,  la  fosse 
Lagrange  oppose  des  installations  mécaniques  traitées  avec  les  derniers  perfectionnements. 
Cette  dernière  fosse  peut  extraire  1,000  tonnes  par  jour  à  1,200  mètres  de  profondeur.  Le 
chevalement  est  en  fer  ;  les  cages,  dont  un  modèle  figurait  à  l'Exposition,  sont  à  huit  ber- 
lines et  à  deux  étages.  Les  guidages  de  puits  sont  en  fer,  et  à  la  suite  du  puits  d'extraction 
se  trouvent  des  ateliers  de  criblage  et  de  lavage,  d'un  grand  perfectionnement. 

Entre  ces  deux  modèles  de  fosses,  s'élevait  une  pyramide  en  briquettes  de  houille  et  de 
coke  ;  sur  les  côtés  du  soubassement  de  cette  pyramide  il  était  inscrit  que  la  quantité  de 
houille  extraite  jusqu'au  l"  janvier  1889  est  de  90  millions  détonnes,  que  les  quantités  à 
extraire  jusqu'à  la  profondeur  de  8ou  mètres  sont  estimées  à  70  millions  de  tonnes  et  que 
les  quantités  à  extraire  jusqu'à  la  profondeur  de  1,200  mètres  sont  de  beaucoup  plus  consi- 
dérables encore. 

La  Compagnie  d'Anzin  a  commencé  ses  premières  recherches  du  charbon  en  1716,  à 
Fresnes.  Aujourd'hui,  elle  comprend  une  étendue  de  28,000  hectares,  se  répartissant  en  huit 
concessions,  qui  renferment  toutes  les  variétés  du  charbon,  depuis  le  charbon  maigre 
anthraciteux,  jusqu'aux  houilles  grasses,  servant  à  la  fabrication  du  gaz. 

Il  y  a  un  siècle,  en  1789,  les  mines  d'Anzin  produisaient  290,000  de  tonnes  de  houille  : 
en  1863,  la  production  (Hait  de  1  million  de  tonnes,  et  en  1888,  elle  aétéde  2,593,581  tonnes. 
Ces  étonnants  progrès  étaient  accusés,  d'une  façon  aussi  saisissante  que  possible,  par  les 
diagrammes  figurant  à  l'Exposition. 

La  compagnie  d'Anzin  dispose  de  ressources  peu  communes  :  elle  possède  des  établis- 
sements qui,  à  eux  seul,  couvrent  une  superficie  de  152  hectares.  Elles  a  204  machines  à 
vapeur  qui  développent  une  puissance  de  11,237  chevaux. 

La  Société  des  mines  de  Lens  montrait,  entre  autres  choses,  aux  visiteurs  l'emploi 
qu'elle  fait  de  l'air  comprimé'  pour  transmettre  la  force  à  distance,  et  les  moyens  pour 
assurer  plus  d'économie  et  plus  de  sécurité  aux  ouvriers  dans  le  travail. 

L'extraction  des  mines  à  Lens  se  fait  au  moyen  d'une  machine  Wolf  à  air  comprimé, 
oscillante  et  à  changement  de  marche.  Elle  est  munie  d'un  obturateur  d'arrêt  automatique, 
d'un  frein  à  serrage  automatique  et  d'un  pulvérisateur  d'eau  dans  les  conduites  d'air  com- 
primé, pour  prévenir  la  formation  de  la  glace.  C'est  par  l'utilisation  de  la  brusque  dépres- 
sion sur  l'une  des  faces  d'un  piston,  se  mouvant  dans  un  cylindre  alésé,  qui  reçoit  l'air 
comprimé  des  deux  côtés,  que  l'on  réussit  à  faire  fonctionner  ces  différents  accessoires. 

Lorsqu'une  cage  arrive  près  de  la  surface,  un  mécanisme  spécial  produit  une  dépression, 
qui  a  pour  effet  de  déplacer  vivement  le  piston,  qui  étrangle  alors  l'arrivée  d'air  comprimé 
de  la  quantité  nécessaire  pour  empêcher  la  descente.  Si  le  modérateur  reste  ouvert,  tout 
reste  en  place;  si  on  le  ferme,  le  levier  qu'il  manœuvre  introduit  alors  sous  piston  la  pression 
nécessaire  pour  fournir  à  la  machine  l'air  comprimé  qui  lui  est  nécessaire  pour  terminer  la 
course. 

Lorsque  le  piston  est  en  équilibre  et  qu'il  reçoit  sur  une  de  ses  faces  l'air  comprimé 
contenu  dans  un  réservoir  spécial,  muni  d'une  soupape  de  retenue,  s'il  vient  à  se  produire 


458  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

sur  la  conduite  une  rupture,  l'air  de  ce  réservoir  agit  seul  et  le  piston  se  déplace;  si  une  des 
cages  est  enlevée  au-dessus  de  la  recette  supérieure,  un  mécanisme  produit  la  dépression 
par  l'ouverture  d'une  soupape.  Dans  les  deux  cas,  le  mouvement  du  piston  produit  le  ser- 
rage du  frein  automatiquement. 

Les  câbles  servant  à  l'extraction  à  Lens  sont  plats  et  en  acier;  les  cages  sont  à  deux 
étages,  et  munies  de  parachutes  pour  guidages  en  fer. 

Pour  éviter  le  départ  anticipé  de  la  cage,  un  jeu  de  taquets  hydrauliques  à  simple  course 
est  appliqué  à  la  recette  inférieure,  et  un  autre  à  excentriques  à  la  recette  supérieure.  Par 
des  dispositions  spéciales,  ces  derniers  et  la  sonnerie,  sont  reliés  ensemble,  et  c'est  le  cordon 
de  la  sonnerie  qui  ouvre  les  verrous  des  taquets  et  ferme  ceux  des  barrières  du  fond. 

Signalons  encore  un  réservoir  d'air  comprimé  monté  sur  essieux,  très  bien  disposé. 

Les  mines  de  Lens  extraient  annuellement  du  sol  1,500,000  tonnes  de  houille,  tant 
grasse  que  maigre. 

La  Société  des  mines  de  Courrières  offrait  un  splendide  plan  en  relief  de  la  veine  Sainte- 
Barbe. 

La  Société  des  mines  d'Aniche  présentait  un  modèle  de  sa  fosse  Sainte-Marie,  à  l'échelle 
d'un  dixième.  L'extraction  y  est  exécutée  par  une  machine  à  deux  cylindres  de  M.  de 
Quillacq  ;  elle  est  munie  d'une  distribution  Wheelock,  à  tiroirs,  plans  et  grilles  équilibrées  ; 
ce  système  présente  le  grand  avantage  de  pouvoir  être  démonté  et  remis  en  place  en  quel- 
ques minutes.  Un  tambour  cylindro-spiraloïde  remplace  les  bobines;  c'est  sur  ce  tambour 
que  les  câbles  d'extraction  s'enroulent. 

Le  chevalement  du  puits  Sainte-Marie  est  en  fer;  il  a  25  mètres  de  hauteur.  L'installation 
a  été  faite  pour  extraire  500  tonnes  de  houille  par  jour  à  800  mètres  de  profondeur.  Les 
mines  d'Aniche  ont  extrait  725,1)00  tonnes  de  houille  en  1888,  au  moyen  de  8  sièges  d'ex- 
traction. 

La  Société  houillère  de  Liévin,  fondée  en  1858,  possède  une  concession  de  2.981  hectares. 
Elle  extrait  annuellement  580,000  tonnes  de  houille.  Elle  exposait  un  modèle  de  son  appareil 
de  transbordement  qui  sert  au  chargement  des  bateaux,  un  treuil,  un  ventilateur  à  air 
comprimé ,  des  cadres  en  fer  pour  soutènement  des  galeries.  Ce  genre  de  blindage  est 
appliqué  depuis  1879. 

Le  bassin  de  la  Loire  était  représenté  à  l'Exposition  par  les  mines  de  Roche-la-Molière 
et  Firminy,  de  Montrambert  et  la  Béraudière,  de  Saint-Etienne  et  de  la  Loire. 

La  Société  des  houillères  de  Saint-Etienne  exposait  un  beau  modèle  en  relief  de  son 
bassin  houiller,  et  un  autre  modèle  d'une  exploitation  en  grande  taille  chassante  et  mon- 
tante. 

La  Société  des  mines  de  la  Loire  montrait  un  modèle  d'exploitation  par  grande  taille 
montante  et  un  autre  modèle  d'un  approfondissement  effectué  avec  une  méthode  spéciale. 

C'est  au  commencement  du  xivc  siècle  qu'on  a  commencé  à  exploiter  la  houille  à  Roche- 
la-Molière.  Cette  exploitation  se  faisait  par  de  véritables  terriers  étroits  et  tortueux,  d'où 
sortaient  des  ouvriers  le  sac  de  houille  sur  le  dos.  La  Compagnie  actuelle  date  de  1820.  La 
concession  est  de  5,856  hectares.  Elle  occupe  la  partie  occidentale  du  bassin  de  la  Loire; 
elle  a  environ  12  kilomètres  de  longueur  sur  une  moyenne  de  5  kilomètres  de  largeur. 

En  1888,  la  production  de  la  houille  y  a  été  de  613,946  tonnes.  Elle  montrait  à  l'Expo- 
sition, par  cinq  modèles,  ses  diverses  méthodes  d'exploitation. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE  DE   18S9  459 

La  Société  houillère  de  Mon  tram  bert  et  la  Béraudière,  qui  date  de  1854,  et  dont  les  deux 
concessions  ont  une  contenance  de  1,140  hectares,  a,  depuis  dix  ans,  produit,  en  moyenne, 
272,600  tonnes  pour  Montrambert,  et  279,774  tonnes  pour  la  Béraudière. 

Cette  Société  exposait  les  modifications  apportées  à  ses  méthodes  d'exploitation,  en  vue 
d'augmenter  la  concentration  et  de  dépiler  rapidement  les  parties  préparées;  elle  montrait 
aussi  une  descenderie  à  remblais  et  un  nouveau  balancier  d'équilibre  pour  une  pompe 
d'épuisement. 

Le  bassin  de  Saône-et-Loire  n'était  représenté  que  par  les  mines  de  Blanzy.  Cette  Société 
applique  l'air  comprimé  sur  une  vaste  échelle;  elle  montrait  un  modèle  d'exploitation  en 
vallée  par  ce  procédé,  au  moyen  de  bosseyeuses  et  de  baveuses  qui  fonctionnaient  sous  les 
yeux  du  public. 

Le  bassin  du  Gard  avait  une  exposition  collective  où  figuraient  les  mines  de  Bessèges, 
de  la  Grand'Combe,  de  Rochebelle,  de  Trélys,  de  Cessons  et  Comberédonde,  de  Salles  et 
Montalet,  de  Porte  et  Sénéchas. 

On  y  remarquait  surtout  un  grand  plan  en  relief  du  bassin  houiller  de  la  région. 

Un  parachute  amovible  exposé  par  la  Société  de  Bessèges  mérite  d'être  signale. 

On  trouvait  encore  les  expositions  des  houillères  de  Carmeaux,  du  Tarn,  celles  de  la 
Société  de  Commentry-Fourchambault,  de  Chàtillon-Commentry,  de  Ronchamps,  de  Decize, 
les  mines  de  lignite  de  Saint-Zacharie  et  un  grand  nombre  d'expositions  particulières. 

Parmi  les  expositions  étrangères  de  cette  classe,  celles  de  la  Société  des  charbonnages 
de  Mariémont  et  de  la  Société  charbonnière  de  Bascoup ,  toutes  deux  belges ,  étaient  particu- 
lièrement remarquables.  L'exploitation  a  commencé  à  Mariémont  dès  le  xvie  siècle,  et  à 
Bascoup  en  1766.  Les  deux  Sociétés,  dont  les  charbonnages  sont  limitrophes,  extraient 
annuellement  un  million  de  tonnes  de  houille. 

Leur  exposition  réunie  montrait  un  modèle  réduit  d'un  puits  d'extraction  et  d'épuise- 
ment, construit  avec  les  derniers  perfectionnements. 

* 
*    * 

Outre  le  combustible,  la  classe  XLVIII  comprenait  aussi  le  matériel  d'exploitation  de 
la  métallurgie. 

C'est  ainsi  qu'on  y  voyait  l'exposition  des  mines  de  fer  de  Somorostro  (Espagne,  Bis- 
caye), montrant  les  divers  moyens  de  transport  du  minerai,  de  la  mine  au  lieu  d'embarque- 
ment; l'exposition  des  mines  d'or  de  Forest  Hill,  en  Californie,  montrant  l'exploitation  des 
sables  aurifères,  formant  le  lit  d'une  rivière  recouverte  autrefois  par  la  lave  d'un  volcan  ; 
l'exposition  des  appareils  servant  à  l'extraction  de  l'or  dans  les  alluvions  de  la  Sierra- 
Nevada,  de  Grenade  (Espagne);  cette  extraction  forme  deux  produits  :  l'un,  à  l'état  de 
paillettes  d'or  natif;  l'autre,  à  l'état  de  sables  et  graviers  contenant  de  l'or  à  l'état  de 
diffusion  métallifère  ;  ces  deux  produits  sont  traités  ensuite  par  trituration  et  amalgamation 
pour  en  retirer  l'or. 

Les  creusets  en  plombagine,  exposés  dans  la  classe  XLVIII,  constituent  une  des  créations 
de  la  maison  E.  Muller. 

Ces  creusets,  dont  la  fabrication  a  demandé  de  nombreuses  années  d'études  et  le 
sacrifice  de  capitaux  considérables,  sont  employés  dans  toutes  les  fonderies  de  la  guerre,  de 


460  L'EXPOSITION1  UNIVERSELLE    DE  1880 

la  marine  et  de  l'industrie  privée;  avant  1872  les  Anglais  seuls  les  fournissaient  à  la  France, 
c'est  donc  grâce  à  la  seule  initiative  de  M.  Emile  Muller  et  à  son  patriotisme  que  la  fonderie 
française  n'est  plus  tributaire  des  étrangers,  et  que  nos  arsenaux  sont  affranchis  de  l'obli- 
gation de  s'approvisionner  chez  eux. 

Citons  encore  l'exposition  de  la  Société  de  métallurgie  du  cuivre,  par  les  procédés 
Manhès,  qui  consistent  à  réduire  à  deux  le  nombre  des  opérations  à  faire  subir  au  minerai  : 
la  fonte  crue  du  minerai  pour  produire  une  matte,  puis  la  coulée  de  cette  matte  dans  un 
convertisseur,  où  elle  est  transformée  en  cuivre  par  l'oxydation  ;  le  métal  obtenu  par  le 
procédé  Manhès  contient  98  à  99  0/0  de  cuivre  pur. 

Signalons  aussi  1rs  échantillons  de  minerais  de  cuivre  de  Charrier-la-Prugne,  ceux  de 
fer  de  l'Isère  (exposés  par  M.  Boulanger),  l'exposition  de  la  Société  lyonnaise  des  schistes 
bitumineux  et  des  mines  d'étain  de  la  Villeder. 

Enfin,  la  Société  française  des  explosifs  nous  montrait  ses  produits  en  fac-similés,  ses 
amorces  et  appareils  à  produire  l'explosion,  et  la  Société  Générale  pour  la  fabrication  de  la 
dynamite  exposait  ses  mèches,  ses  cartouches,  etc. 


PRODUITS  DES  EXPLOITATIONS  ET  DES  INDUSTRIES  FORESTIÈRES 

Ea  question  du  bois  offre  un  intérêt  considérable;  c'est,  en  effet,  après  le  fer,  la  matière 
la  plus  utile  et  la  plus  répandue  dans  la  nature.  Aussi,  l'Exposition  Universelle  avait-elle 
réuni  des  spécimens  de  presque  toutes  les  merveilles  renfermées  dans  les  forêts  du  monde 
entier,  et  l'on  peut  dire  que,  malgré  les  lacunes  de  diverses  contrées,  toutes  les  espèces,  toutes 
les  variétés  européennes,  aussi  bien  que  celles  de  l'Afrique,  de  l'Asie,  du  Nouveau-Monde  et 
de  l'Australie,  étaient  mises  en  parallèle  et  étalaient  leurs  splendeurs  dans  un  petit  coin  du 
globe  sous  forme  d'échantillons. 

Cette  exhibition,  déjà  si  considérable,  grandit  encore  par  l'étude  de  tout  ce  qui  s'y  rat- 
tache, surtout  lorsqu'on  essaye  de  rétablir  à  leurs  véritables  dimensions  les  arbres,  les 
forêts  qui  ont  donné  ces  magnifiques  échantillons.  E'idée  que  ces  réserves  séculaires,  capi- 
tal immense  de  forces  industrielles,  peuvent  cependant  s'amoindrir  et  même  disparaître  par 
l'incurie  des  hommes  nous  entraine  à  étudier  les  moyens  de  conserver  et  de  perpétuer  ces 
belles  prodigalités  du  sol. 

A  considérer  l'universalité  des  services  rendus  par  le  bois,  on  reconnaît  que  les  forêts 
sont  la  seule  force  vivante  et  même  vivace  de  l'industrie  humaine,  parce  que  cette  force  a 
pour  principe  la  vie  même,  ou  la  propriété  de  se  renouveler  et  de  s'accroître  par  les  soins. 
Le  bois  diffère  donc  essentiellement  du  fer  et  de  la  houille,  qui,  dans  l'état  actuel  des  progrès 
de  l'industrie  des  pays  civilisés,  sont  bien  certainement  les  matières  premières  les  plus 
utiles.  Mais  leur  apparition  sur  le  globe  étant  le  résultat  d'une  série  d'accidents  géologiques 
dont  les  lois  ne  sont  pas  périodiques,  par  cela  même  leur  quantité  est  limitée  et  épuisable, 
tandis  que  le  bois  se  renouvelle  et  peut  s'accroître  par  la  culture. 

Il  est  certain  que  le  bois  peut  nous  être  d'un  grand  secours  comme  combustible  si 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  461 

nous  savons  le  ménager.  Aussi,  Michel  Chevalier  écrivait-il  déjà  en  1867  :  «  Un  bon  système 
de  culture  peut  régénérer  les  forêts  et  en  faire,  pour  l'espèce  humaine,  un  réservoir  inépui- 
sable de  calorique  et  de  force  motrice.  » 

L'exhibition  des  bois  est  chose  relativement  récente  dans  les  expositions.  Seul,  le  Canada, 
aux  Expositions  Universelles  de  Paris  en  18oo  et  de  Londres  en  180:2,  avait  révélé  des 
richesses  inconnues  auparavant  en  Europe.  La  France  n'avait  pas  pris  part  à  ces  deux 
Expositions  pour  la  section  des  bois,  et  c'est  seulement  en  1807,  à  l'Exposition  de  Paris, 
que  l'École  forestière  de  Nancy  s'est  fait  remarquer  par  ses  échantillons  méthodiques  de 
toutes  les  essences  de  bois  de  France. 

Le  mouvement  ascendant,  concernant  les  bois,  qui  s'était  produit  en  1807,  dans  les 
expositions  des  diverses  contrées  du  globe,  était  plus  accentué  encore  en  1878.  Enfin,  en 
1880,  l'exposition  des  bois  ne  le  cédait  en  rien  à  celle  de  1878,  tant  par  la  variété  des  pro- 
duits exposés  que  par  le  bon  choix  des  spécimens. 

Nous  commencerons  notre  étude  par  les  bois  français,  y  compris  ceux  de  l'Algérie  et  de 
la  Tunisie;  puis,  nous  passerons  en  revue  les  bois  des  autres  contrées  de  l'Europe  et  nous 
terminerons  par  les  bois  non  européens,  qui  présentent  un  intérêt  considérable  par  leur 
abondance,  la  variété  de  leurs  essences  et  les  ressources  que  la  France  peut  tirer  en  Algérie 
de  l'acclimatation  de  certaines  essences  australiennes. 

Bois  français.  —  L'exposition  méthodique  des  bois  français  se  trouvait  dans  le  pavillon 
des  Forêts,  au  Trocadéro.  Ce  pavillon  avait  été  construit  par  les  soins  de  l'Administration 
des  Forêts,  sous  la  direction  de  M.  Lucien  Leblanc,  architecte.  Il  était  constitué  avec  des 
arbres  non  écorcés,  provenant  des  diverses  essences  de  bois  exclusivement  français.  A  l'exté- 
rieur régnait  une  colonnade  de  pourtour,  faite  avec  des  troncs  d'arbres  séculaires  de  chêne, 
de  hêtre  et  d'érable.  Ces  colonnes  étaient  surmontées  de  chapiteaux  en  branchages  entre- 
lacés et  d'écorces  de  diverses  couleurs,  dont  l'effet  était  très  pittoresque.  Les  panneaux  et  les 
plafonds  étaient  faits  avec  des  bois  et  des  écorecs  de  nuances  tellement  variées  que  l'effet 
polychrome  obtenu  était  comparable  à  celui  de  la  mosaïque. 

A  l'intérieur,  le  pavillon  présentait  une  double  colonnade  formée  d'arbres  séculaires 
non  écorcés.  Ces  arbres-colonnes  divisaient  les  surfaces  murales  en  travées  comprenant  des 
expositions  distinctes  et  portant  des  dénominations  telles  que  :  érable,  tilleul,  sapin,  gené- 
vrier, aulne,  châtaignier,  hêtre,  charme,  noyer,  etc.  A  chaque  travée  correspondait  un 
ensemble  d'objets  confectionnés  avec  l'essence  correspondante  du  bois  dont  le  nom  servait 
d'enseigne.  Ces  expositions  partielles  formaient  un  ensemble  de  leçons  de  choses  faciles  à 
étudier  sur  place. 

L'Administration  des  Forêts  avait  fait  une  exposition  méthodique  des  outils  à  travailler 
le  bois  à  la  forêt  et  des  outils  servant  aux  bois  ouvrés  de  sciage,  de  fente,  de  sabotage,  de 
tour,  de  tonnellerie,  de  boissellerie,  etc. 

Mentionnons  des  photographies  relatives  à  l'exploitation  des  forêts  et  à  leur  reboise- 
ment, et  la  belle  carte  forestière  de  la  France,  qui  donne  les  rapports  de  la  distribution  des 
forêts  avec  la  nature  géologique  du  sol. 

De  très  grands  tableaux  perspectifs  représentaient  d'une  manière  fort  saisissante  les 
travaux  de  consolidation  du  torrent  du  Bourget,  dans  la  vallée  de  l'Ubaye  (Basses-Alpes),  et 


4G2 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


ceux  du  torrent  de  Rion-Bourdoux,  dans  la  même  vallée,  ainsi  que  les  nombreux  travaux 
forestiers  entrepris  récemment  dans  les  Hautes-Pyrénées. 

On  y  voyait  des  collections  d'échantillons  de  bois  des  diverses  forêts  de  France,  des 
collections  d'herbiers,  de  graines  de  feuilles,  de  résines,  de  lièges  et  de  matières  tanni- 
fères,  etc.  ;  des  expositions  minéralogiques  et  géologiques. 

Nous  signalerons  des  échantillons  de  bois  colorés  artificiellement  sur  pied  et  qui  présen- 
taient des  tons  d'un  grand  effet  :  vert  clair,  brun,  lie  de  vin,  les  veines  du  bois  ressortant 
en  lignes  jaunes.  Cette  industrie  a  déjà  quelques  années,  et  l'Exposition  de  1878  présentait 
des  échantillons  semblables.  Ces  résultats  très  variés  peuvent  être  utilisés  dans  l'ébénisteric 
et  pour  les  objets  de  tour.  Les  essences  de  bois  d'érable,  de  peuplier,  de  noisetier,  de  pom- 
mier, de  pêcher,  se  prêtent  à  ces  colorations. 

Signalons  aussi  une  série  de  préparations  de  coupes  très  minces  de  bois,  se  présentant 


Flan  du  Rez  de  Chaussée 
i 


Flan  du  l^Etage 


Vesaiule    '  Galerie    '.'  Vestibule 


^-TTT-^  1    U  fo CTT  f 


iT=r^ 


Plan  du   Pavillon  des  Forèls  au  Trocadéro. 


sous  la  forme  d'échantillons  carrés  de  2  centimètres  de  côté  sur  une  épaisseur  de  l/oO  de 
millimètre.  Ces  échantillons,  fixés  sur  des  plaques  de  verre,  pouvaient  être  examinés  au 
moyen  d'un  microscope  puissant.  Des  photographies  de  ces  mêmes  sections,  agrandies 
trente  et  même  soixante  fois,  montrent  les  détails  très  intéressants  de  la  texture  intime  des 
bois,  texture  très  variée  suivant  les  essences. 

Mentionnons,  parmi  les  nombreux  dérives  des  bois,  le  produit  connu  sous  le  nom  de 
soie  française,  qui  a  tout  à  fait  l'aspect  de  la  soie  proprement  dite.  Cette  soie  est  obtenue  en 
dissolvant  du  bois  râpé  dans  l'acide  acétique.  La  pâte  résultant  de  cette  dissolution  est  filée 
et  transformée  en  soie  qui  peut  recevoir  diverses  couleurs. 

Indépendamment  de  l'importante  exposition  organisée  par  l'Administration  des  Forêts, 
on  trouvait,  dans  les  galeries  de  l'Agriculture,  des  expositions  forestières  de  départements 
fort  bien  organisées,  comme  celles  de  la  Société  d'encouragement  du  Lot-et-Garonne,  de 
l'arrondissement  de  Bazas  (Gironde),  de  l'École  d'agriculture  de  Grignon,  etc. 

Enfin,  disons  quelques  mois  d'un  travail  considérable  entrepris  depuis  1850  sur  les 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    188'J  403 

Landes  de  la  Gascogne,  par  M.  Cbambrelent,  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées. 
Depuis  cette  époque,  des  forêts  ont  été  créées  sur  une  étendue  de  800,000  hectares  environ 
de  terres  incultes.  Cette  création  a  plus  que  doublé  la  surface  des  forêts  de  la  France. 

Ce  qui  a  frappé  le  jury  en  étudiant  les  échantillons  d'arbres  provenant  de  ces  forêts 
nouvelles,  c'est  la  rapidité  de  croissance  de  ces  arbres.  En  effet,  depuis  1850,  c'est-à-dire  en 
trente-neuf  ans,  des  arbres  ont  atteint  19  mètres  de  hauteur  et  lm,50  de  circonférence.  Dans 
les  forêts  du  Nord,  il  faut  cent  cinquante  et  même  deux  cents  ans  pour  obtenir  un  tel  résultat. 

Hervé-Mangon  s'exprimait  ainsi  dès  1859  en  parlant  de  l'œuvre  de  M.  Chambrclent  : 

«  Il  y  a  cent  ans,  les  dunes  qui  bordent  les  Landes  de  la  Gascogne  n'étaient  que  des 
montagnes  de  sable  mouvant,  qui  menaçaient  d'envahir  les  Landes  et  de  détruire  le  Lan- 
guedoc. L'illustre  Brémontier  apprit  à  les  fixer  et  à  les  planter.  M.  Cbambrelent  a  montré 
que  l'on  peut  assainir  les  Landes,  les  planter,  les  cultiver  et  y  trouver  des  eaux  salubres  et 
abondantes.  » 

Nous  allons  rattacher  à  l'exposition  française  la  préparation  des  bois  de  luxe,  qui,  pour 
la  plupart,  sont  étrangers  et  acquièrent  une  valeur  commerciale  très  élevée  suivant  leurs 
applications  à  l'ébénistcrie  et  à  des  objets  d'art.  Paris,  particulièrement,  fait  un  chiffre  con- 
sidérable d'affaires  avec  le  débit  et  la  préparation  des  bois  luxe. 

Bois  de  luxe.  —  Un  petit  nombre  d'industriels  exploitent  les  bois  de  luxe  de  toutes  prove- 
nances, aussi  bien  ceux  de  l'Océanie,  de  l'Asie,  que  ceux  de  l'Afrique  et  de  l'Amérique. 

On  remarquait  de  beaux  échantillons  de  bois  d'acajou,  des  plateaux  d'amboinc  d'Océanie, 
des  spécimens  de  coupe  de  noyer,  de  l'ébènc  de  Madagascar,  des  bois  de  rose,  des  bois  d'iris, 
du  bois  d'or,  du  bois  d'amarantlie,  des  frênes  de  Hongrie  jouant  les  effets  rubanés  des  étoffes 
de  soie  et  présentant  des  reflets  d'or,  du  bois  de  camphre  de  Chine,  de  l'érable  moucheté, 
du  thuya,  du  bois  de  violette,  du  cèdre  de  Virginie,  du  palissandre,  du  bois  de  grena- 
dine, etc. 

Mentionnons  une  feuille  de  placage  d'érable  moucheté,  de  2  mètres  de  largeur  sur 
100  mètres  de  longueur,  obtenue  en  débitant  un  tronc  d'arbre  de  2  mètres  de  hauteur,  monté 
sur  le  tour  ;  l'outil  suivait  une  surface  cylindrique  en  spirale,  en  attaquant  le  bois  depuis  la 
périphérie  jusqu'au  centre.  C'est  un  résultat  mécanique  qui  montre  jusqu'à  quelle  précision 
on  est  arrivé  dans  le  débit  des  placages. 

Richesses  forestières  de  la  France.  —  Les  renseignements  statistiques  nous  montrent  qu'a- 
vant 1789  les  forêts  occupaient  en  France  une  superficie  de  12  millions  d'hectares.  Aujourd'hui, 
cette  étendue  est  réduite  à  9  millions  d'hectares.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  la  France 
soit  tributaire  des  pays  étrangers  pour  le  tiers  de  sa  consommation  de  bois,  qui  augmente 
sans  cesse.  Mais  la  pénurie  des  bois  n'est  pas  exclusive  à  la  France,  elle  est  générale  dans 
toute  l'Europe. 

Depuis  un  demi-siècle,  on  songe  bien  à  reboiser  les  montagnes  dont  le  sol  est  improduc- 
tif sur  une  surface  de  plus  d'un  million  d'hectares,  mais  aucun  pas  décisif  n'a  encore  été 
fait  dans  cette  voie.  Cependant,  des  exploitations  régulières  ont  été  organisées  en  France; 
mais  il  reste  beaucoup  à  faire  dans  cet  ordre  d'idées. 

Le  département  le  plus  boisé  est  celui  des  Landes  (274,000  hectares),  couvert  de  pins 
maritimes;  puis  vient  celui  de  la  Nièvre.  La  plus  vaste  forêt  est  celle  d'Orléans. 

Les  forêts  appartenant  à  l'Etat  couvrent  en  France  une  étendue  de  990,000  hectares. 


464  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 

Celles  des  communes  et  des  établissements  publics  ont  une  étendue  de  1,900,000  hec- 
tares. 

La  France  consomme  annuellement  25  millions  de  mètres  cubes  de  bois,  dont  les  trois 
quarts  (18  millions  de  stères)  sont  employés  au  chauffage.  Après  le  chauffage,  viennent  la 
marine,  les  chemins  de  fer  et  les  mines.  Les  beaux  échantillons  recherchés  pour  la  marine 
nous  viennent  des  pays  étrangers.  Le  mauvais  mode  d'exploitation  des  forêts  françaises,  de 
celles  surtout  qui  appartiennent  aux  particuliers  et  aux  communes,  ne  permet  pas  aux  arbres 
d'atteindre  la  taille  nécessaire  pour  les  constructions  navales. 

Les  chemins  de  fer  français  consomment  chaque  année  trois  millions  et  demi  de  traverses 
en  bois  pour  l'entretien  des  voies  des  six  grandes  compagnies.  On  estime  que  jusqu'en  1895 
les  travaux  neufs  exigeront  chaque  année  1,51)0,000  traverses.  A  cette  époque,  l'entretien 
annuel  consommera  5,000,000  de  traverses.  L'importation  fournit  environ,  chaque  année, 
700,000  traverses  en  chêne  de  Galicie  et  d'Italie,  en  sapin  de  la  Baltique,  quelques-unes  en 
hêtre  et  en  pitchpin. 

L'importation  générale  des  bois  de  travail  a  décuplé  en  France  depuis  50  ans,  et  plus  que 
doublé  de  1862  à  1887.  La  France  ne  produit,  en  effet,  que  pour  189  millions  de  francs  de  bois 
par  an,  ce  qui  ne  représente  qu'une  fraction  de  sa  consommation.  L'importation  des  bois 
étrangers  en  France  s'est  chiffrée  en  1885  par  236  millions  de  francs,  alors  que  notre  ex- 
portation n'a  pas  dépassé  35  millions.  Dans  ce  tribut,  la  Suède  et  la  Norvège  figurent  pour 
100  millions,  l'Autriche  pour  43  millions,  l'Allemagne  pour  31  millions,  la  Russie  pour  24  mil- 
lions ;  le  reste  est  fourni  par  l'Italie  et  les  États-Unis. 

L'importation  est  surtout  représentée  par  le  sapin,  dont  on  introduit  en  France  pour 
130  millions  de  francs  par  an,  et  par  le  chêne,  qui  y  ligure  pour  00  millions.  Il  reste  ainsi 
46  millions  environ  pour  l'importation  des  bois  de  luxe  et  de  teinture. 

D'après  ce  qui  précède,  on  voit  que  la  pénurie  des  bois  de  construction  est  très  grande 
en  France.  Aussi  eherche-t-on  par  tous  les  moyens  possibles  à  augmenter  la  durée  des  bois 
de  travail.  Depuis  longtemps,  divers  procédés  d'injection  et  de  carbonisation  sont  pratiqués 
dans  ce  but,  notamment  pour  les  traverses  des  chemins  de  fer  et  pour  les  bois  employés  dans 
les  constructions  navales. 

Bois  algériens  et  tunisiens.  —Le  service  des  forêts  avait  organisé  dans  le  Palais  de  l'Algérie, 
à  l'Esplanade  des  Invalides,  une  très  belle  exposition  de  bois  algériens,  parmi  lesquels  on  re- 
trouvait tous  les  bois  de  la  France.  En  outre,  l'Algérie  fournit  d'excellents  bois  d'ébéniste- 
rie  et  de  tabletterie  dont  les  principaux  sont:  le  thuya,  l'olivier,  le  citronnier,  l'érable,  le  ju- 
jubier ou  acajou  d'Afrique,  le  palmier,  le  laurier-rose,  le  pistachier,  le  caroubier  et  quelques 
autres  moins  importants  que  les  précédents. 

Pour  les  constructions  navales,  l'Algérie  fournit  d'excellents  bois. 

Les  chênes-lièges  sont  très  abondants,  et  les  lièges  algériens  ont  une  réputation  uni- 
verselle. 

On  remarquait  de  beaux  échantillons  d'eucalyptus;  ce  bois  précieux,  originaire  d'Aus- 
tralie, est  en  voie  d'acclimatation  en  Algérie  depuis  1862.  Ce  bois  est  imputrescible  à  l'eau 
douce  et  même  à  l'eau  de  mer.  Aussi  l'emploie-t-on  dans  la  construction  des  digues,  des 
brise-glaces  et  pour  la  mâture  des  vaisseaux.  Dans  ces  derniers  temps,  on  en  a  fabriqué  des 
meubles,  ainsi  que  le  montraient  diverses  expositions  de  la  classe  de  l'ameublement. 


m 


yu 


466  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Les  propriétés  absorbantes  de  l'eucalyptus  et  ses  émanations  aromatiques  lui  font  rem- 
plir depuis  longtemps  un  rôle  salutaire  dans  les  pays  marécageux.  En  Algérie,  le  service  des 
ponts  et  chaussées  et  les  compagnies  de  chemins  de  fer  en  ont  fait  des  plantations  con- 
sidérables. 

La  croissance  de  cet  arbre  est  très  rapide.  On  sait  qu'il  en  existe  un  grand  nombre 
d'espèces.  L'eucalyptus  globulus  est  le  plus  estimé'. 

L'Algérie  fournit  l'alfa,  plante  textile,  formée  de  larges  touffes,  atteignant  un  mètre  de 
diamètre,  et  ressemblant  assez  au  jonc  par  ses  feuilles  etlilées  qui  donnent  la  partie  indus- 
trielle de  la  plante  dont  on  fait  des  ouvrages  de  sparterie  et  des  étoffes.  On  transforme  aussi 
l'alfa  en  une  pâte  qui  sert  à  fabriquer  du  papier  et  du  carton. 

L'Algérie  pourrait  donner  lieu  à  une  grande  exploitation  de  résine,  de  goudron,  de  brai 
pour  le  calfatage  des  navires.  Des  exploitations  de  ce  genre  ont  été  commencées,  mais  sur 
une  trop  petite  échelle  pour  donner  de  bons  résultats. 

La  surface  boisée,  soumise  à  la  surveillance  de  l'Administration  des  Forêts,  est  en  Algérie 
de  3,248,000  hectares,  soit  le  vingtième  du  territoire  algérien,  dont  la  superficie  est  d'environ 
607,000  kilomètres  carrés. 

Il  y  a  encore  beaucoup  à  faire  pour  réglementer  le  régime  des  lorèts  algériennes  qui 
sont  dévastées  par  des  populations  ignorantes.  Ainsi,  de  1876  à  1880,  l'incendie  a  ravagé 
142,000  hectares  de  forêts  représentant  3,845,000  francs. 

La  Tunisie  avait  exposé  à  l'Esplanade  des  Invalides,  dans  un  pavillon  construit  avec  des 
art  ires  non  écorcés,  les  divers  produits  qu'elle  peut  fournir.  On  y  voyait  une  très  belle  col- 
lection de  bois  dans  laquelle  on  retrouvait  les  principales  essences  de  l'Algérie,  et  aussi  des 
lièges,  des  écorces  de  tan,  des  charbons  de  bois,  des  goudrons,  de  l'alfa,  etc. 

L'étendue  du  service  forestier  est  de  810,000  hectares  dont  les  trois  quarts  sont  suscep- 
tibles d'exploitation. 

L'étendue  de  la  Tunisie  est  évaluée  à  13,300,000  hectares  ;  l'alfa  en  couvre  plus  du  hui- 
tième, et  les  forêts  connues  jusqu'à  ce  jour  un  seizième  environ. 

Avant  l'établissement  du  protectorat  français  sur  la  Tunisie,  le  gouvernement  beylical 
s'était  peu  ou  point  occupé  des  massifs  boisés  qui  couvrent  une  partie  importante  de  ce 
territoire  :  chacun  y  prenait,  comme  dans  tous  les  pays  non  civilisés,  les  produits  dont  il 
avait  besoin.  Depuis  1883,  un  service  forestier  y  a  été  créé.  La  période  de  dévastation  par 
les  incendies  et  les  exploitations  abusives  a  fait  place  à  une  exploitation  régulière  et  de 
traitement  rationnel  qui  donnera  de  bons  résultats  avec  le  temps. 

La  production  de  la  Tunisie,  de  même  que  celle  de  l'Algérie,  étant  supérieure  à  la  con- 
sommation, l'excédent  est  destiné  à  être  exporté.  Mais  l'exploitation  est  encore  si  peu  déve- 
loppée en  Tunisie,  eu  égard  à  ses  ressources,  que,  malgré  la  grande  richesse  forestière  du 
pays,  on  fait  venir  la  plupart  des  bois  de  l'Europe,  pour  construire  à  Tunis.  La  construction 
et  l'entretien  des  chemins  de  fer  tunisiens  exigeront,  dans  quelques  années,  une  grande 
quantité'  de  bois,  et  il  serait  désirable  qu'on  tirât  ces  bois  des  forêts  mêmes  du  pays. 

Les  recettes  des  forêts  ont  été  depuis  l'organisation  du  service  forestier  en  Tunisie  (1883) 
jusqu'au  1er  mai  1889  de  1,177,000  francs.  Le  chiffre  de  1888-1889  a  été  sept  fois  plus  grand 
que  celui  de  la  première  année. 

En  somme,  la  situation  générale  des  forêts  s'améliore,  les  routes  s'ouvrent,  les  grandes 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  467 

communications  par  chemins  de  fer  s'étudient.  L'administration  des  forêts,  en  Algérie  et  en 
Tunisie,  est  fortement  organisée.  Elle  fait  et  surveille  des  plans  considérables  de  repeuple- 
ment et  donne  partout  l'exemple  de  la  bonne  culture  et  des  nouvelles  méthodes  de  greffes. 

Dois  des  contrées  de  l'Europe  autres  que  la  France.  —  En  1878,  presque  tous  les  pays  de 
l'Europe  avaient  organisé  des  expositions  méthodiques  faites  par  les  gouvernements  ou  par 
des  sociétés  scientifiques. 

A  l'Exposition  de  1889,  quelques  pays  de  l'Europe  étaient  seulement  et  même  incomplè- 
tement représentés.  Aussi  serons-nous  obligés,  pour  combler  les  lacunes,  d'emprunter  à  la 
statistique  des  renseignements  complémentaires. 

L'Angleterre,  dont  les  forêts  avaient  jadis  une  grande  étendue,  en  estpresque  dépourvue 
aujourd'hui.  Elle  n'avait  pas  exposé,  mais  elle  s'est  largement  dédommagée  par  l'exposition 
de  ses  colonies,  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

La  Belgique  renferme  surtout  des  forêts  de  chênes  des  Ardennes.  Dans  les  galeries  de 
l'Agriculture,  la  Belgique  avait  une  grande  exposition  de  parquets  en  bois  de  toute  beauté. 

La  Suède  et  la  Norvège  ont  fait  des  expositions  insignifiantes  de  leurs  bois,  et  ont  ex- 
posé principalement  des  spécimens,  fort  réussis  du  reste,  de  leurs  chalets. 

On  sait  que  le  bois  forme  une  des  principales  richesses  de  ces  pays.  Les  forêts  couvrent 
environ  le  tiers  du  territoire.  Les  principales  essences  sont  le  hêtre,  le  chêne,  le  pin,  le  sa- 
pin et  le  bouleau. 

La  Suède  seule  produit  30  millions  de  mètres  cubes  de  bois  par  an  pour  le  chauffage  et 
les  constructions.  Ce  chiffre  serait  triple  si  les  forêts  avaient  été  depuis  longtemps  mieux 
aménagées  et  si  l'industrie  des  mines,  qui  coupe  les  bois  pour  alimenter  ses  forges,  ne  les 
livrait  pas  à  une  exploitation  effrénée.  Les  forêts  de  la  Couronne,  en  Suède,  replantées  et 
bien  aménagées,  couvrent  3,400,000  hectares  ;  en  Norvège  les  deux  tiers  sont  à  l'Etat. 

Ces  deux  pays,  produisant  bien  plus  que  leur  consommation,  expédient  à  l'étranger 
l'excédent  de  leur  production  forestière.  L'exportation  consiste  surtout  en  bois  ouvrés: 
planches,  madriers,  mats  et  vergues,  ainsi  qu'en  goudron,  poix  et  écorce-pulpe  pour  la 
marine. 

La  Norvège  exporte  spécialement  en  Australie  des  planches  et  des  constructions  dis- 
posées pour  être  mises  immédiatement  en  place. 

La  Suède  a  plus  de  3,000  scieries,  mues  par  des  cataractes  et  des  chutes  d'eau  ;  la  Norvège 
en  possède  un  plus  grand  nombre  encore  établies  dans  les  mêmes  conditions. 

Ces  scieries  débitent  le  bois  en  billes  et  en  planches  ouvrées  pour  parquets  et  objets  de 
menuiserie,  de  charpente,  de  tonnellerie,  etc.,  qui  sont  exportés  sur  tous  les  marchés  de 
l'Europe  et  qui  par  leur  bas  prix  font  une  redoutable  concurrence  aux  produits  de  l'indus- 
trie française. 

La  Suisse  n'avait  pas  exposé.  On  sait  que  sa  production  boisée  est  insuffisante  pour-  sa 
consommation. 

L'Allemagne  n'a  pas  pris  part  à  l'Exposition  ;  mais  on  sait  qu'elle  possède  de  magnifi- 
ques forêts,  et  leur  exploitation  y  est  bien  organisée.  Les  essences  dominantes  sont  les  pins 
sylvestres,  les  hêtres  et  les  sapins  de  la  Forêt-Noire.  L'industrie  des  bois  et  les  scieries  sont 
très  importantes  en  Prusse,  en  Silésie,  en  Saxe  et  en  Brandebourg. 

L' Autriche-Hongrie  avait  une  belle  exposition  de  bois  dans  les  galeries  de  l'Agriculture. 


408  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


S 


Les  forêts,  bien  que  dévastées  dans  l'est  par  une  spéculation  imprudente,  sont  encore  une 
grande  richesse  agricole  de  l'empire.  Les  forêts  se  rencontrent  surtout  dans  les  régions 
alpestres  et  dans  les  Carpathes.  On  y  trouve  le  pin,  le  hêtre,  le  chêne,  l'orme,  le  noyer,  le 
châtaignier,  l'acacia,  etc. 

Certains  troncs  de  hêtres  ont  atteint  en  Autriche  et  en  Hongrie  des  proportions  colos- 
sales. On  en  a  vu  s'élever  jusqu'à  40  mètres  avec  des  diamètres  de  1  mèlre  à  lm,30  ;  des  pins 
atteignant  une  hauteur  de  40  et  même  de  65  mètres  avec  des  diamètres  de  lm,30  à  1"\60.  La 
Hongrie  était  représentée  à  l'Exposition  par  plusieurs  blocs  de  chêne  de  plus  dedeux  cents  ans. 
La  Roumanie  avait  envoyé  à  l'Exposition  plusieurs  troncs  énormes  de  noyer  dont  l'un 
('■lait  évalué  2,000  francs.  La  Roumanie  est  un  pays  extrêmement  riche  en  bois.  Sa  consom- 
mation annuelle  est  très  grande  parce  que  le  bois  entre  presque  exclusivement  dans  la  cons- 
truction des  maisons.  Les  forêts,  qui  se  composent  principalement  de  chênes  et  de  sapins,  sont 
très  gaspillées.  Ce  pays  offrira  de  grandes  ressources  à  mesure  que  les  voies  de  communi- 
cation se  développeront. 

La  Turquie  n'a  pas  fait  d'exposition  de  bois.  Elle  renferme  encore  de  belles  iorèts  qui 
sont  négligées  par  l'Administration. 

La  Russie  est,  en  Europe,  le  pays  qui  renferme  le  plus  de  forêts.  Aussi  en  Russie 
un  grand  nombre  de  constructions  sont  en  bois  ;  en  outre,  le  combustible  préféré  est  le 
bois.  Les  difficultés  de  transport  rendent  encore  la  production  forestière  peu  active.  Le 
manque  de  méthode  dans  les  coupes  de  bois  a  amené  la  dévastation  des  forêts. 

La  Finlande,  très  boisée,  avait  installé  à  l'Exposition  un  charmant  pavillon  avec  des 
spécimens  de  ses  bois. 

En  Italie,  les  forêts  sont  clairsemées  et  vont  en  décroissant.  Elles  ont  été  dévastées  sans 
aucun  ménagement.  Les  montagnes  du  midi  surtout  sont  nues  et  stériles.  Depuis  quelques 
aimées,  cependant,  le  gouvernement  italien  s'est  émir  de  cette  situation;  il  favorise  le 
reboisement  et  fait  planter  l'eucalyptus  globulus  dans  les  contrées  ravagées.  Les  essences 
italiennes  les  plus  répandues  se  rencontrent  sur  les  hauteurs.  Les  chàtaigners,  les  chênes  de 
toutes  espèces,  et  particulièrement  le  chêne-liège,  abondent  en  Sardaigne.  Dans  les  plaines 
on  trouve  le  pistachier,  le  peuplier,  etc. 

En  Espagne,  les  forêts  sont  surtout  peuplées  de  chênes,  de  hêtres,  de  pins,  de  sapins  et 
de  chàtaigners;  mais,  presque  partout,  les  forêts  sont  en  mauvais  état.  L'Espagne  était 
représentée  à  l'Exposition  par  les  bois  de  ses  colonies,  que  l'on  trouvait  dans  un  pavillon 
spécial  installé  dans  les  galeries  des  expositions  agricoles. 

L'Administration  des  forêts  du  grand-duché  de  Luxembourg  avait  une  belle  exposition 
méthodique  de  bois. 

Le  Portugal  possède  surtout  des  forêts  de  pins.  Il  avait  une  très  belle  exposition  des  bois 
de  ses  colonies  dans  son  pavillon  construit  tout  près  de  la  Seine,  entre  les  ponts  de  l'Aima  et 
d'Iéna. 

En  résumé,  d'après  le  rapide  exposé  précédent,  on  peut  constater  que,  d'une  part,  la 
consommation  du  bois  augmente  en  Europe  dans  des  proportions  considérables  depuis  la 
construction  des  chemins  de  fer  et  avec  le  développement  de  l'industrie,  et  que,  d'autre  part, 
la  production  du  bois  diminue  et  que  la  pénurie  se  fait  de  plus  en  plus  sentir.  Malgré  les 
essais  de  reboisement  tentés  çà  et  là,  on  n'est  pas  encore  arrivé  à  combattre  la  disparition 
du  bois.  Néanmoins,  il  y  a  une  tendance  d'amélioration  depuis  quelques  aimées,  et  cette 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


469 


tendance  jointe  aux  ressources  que  l'on  peut  espérer  de  l'acclimatation  dos  essences  austra- 
liennes dans  diverses  régions  de  l'Europe  épargneront  sans  doute  à  celle-ci  une  crise  qui 

serait  inévitable  si  les  déboisements  devaient  se  poursuivre  quelques  années  encore  sans 
être  compensés  d'uni'  manière  quelconque. 


PAYS 

HICHESSES   FORESTIÈRES    DES   CONTRÉES    DE    L'EUROPE 

Étendue  territoriale 

en"  nef  tares. 

Etendue  forestière 
en   hectares. 

Étendue 

forestière 

proportionnelle 

du  territoire. 

•    OBSERVATIONS 

Europe 

9-.J.O0O.000 

287.000.0CO 

5  17 

( 

Production  annuelle  :    1S9  millions 
de  francs,   soit   moins  de  moitié 
de  la  consommation. 

52. 8 iO. 000 

9.388.000 

1     3 

Importation  étrangère:  236  millions 
de  francs.  Consommation  :  25  mil- 

lions de  mètres  cubes  par  an. 

S  16 

Exportation:  35  millions  de  francs. 
Exportation  florissante,  qui  pour- 

Autriche-Hongrie .... 

62.313  000 

18.943.000 

rait    être     augmentée    dans    de 

grandes  proportions. 

311.963. 010 

200.000.000 

2/3 

L'exportation  augmente. 
Forèls  très  négligées. 

34.032.000 

13.900.000 

,,, 

Exportation  importante. 
Exportation  régulière. 

31.493.000 

1.261.000 

,,,, 

Le  reboisement  s'y  poursuit  active- 
ment. 
Exportation  considérable:  bois  ou- 

Suède-Norvège  

76  101.000 

25.375.000 

1/3 

vres,   planches,   mats,   madriers, 
vergues. 

13.140.000 

2.000.000 

1   6  au   1/7 

Exportation  croissante. 
Gaspillage  des  forêts. 

Italie    

20.632.000 

3.636.000 

1/8 

L'exportation  diminue. 
Mauvais  état  des  forèls. 

49.724.000 

8.481.000 

1  6 

Les  forets  sont  en  mauvais  état. 

Belgique 

Danemark 

2.493.000 
3.596.000 

489.000 
190.000 

1/3 
1/20 

Les  forèls  ne  sont  qu'un  débris. 

6.468.000 
3.296.000 

830.000 
230.000 

1/7  au  1/8 
1/1  i 

» 

Hollande 

8.962.000 

471.000 

1/19 

M 

4.839.000 
4.139.000 

969.000 
781.000 

1/5 
1/3  au  1/6 

Production     insuffisante     pour     la 
consommation. 

Turquie,  Bulgarie,  Bosnie, 

33.403.000 

,  Assez  importante 
<    mais    rliflicile   à 
évaluer. 

'                          i) 

Forets  gaspillées. 

Nous  avons  condensé  dans  le  tableau  ci-dessus  les  principaux  renseignements  statistiques 
sue  les  richesses  forestières  des  différentes  contrées  de  l'Europe  :  la  superficie  de  ces  contrées, 
leur  surface  boisée,  le  rapport  de  la  surface  boisée  à  la  surface  totale,  le  rapport  de  la  popu- 
lation à  l'étendue  forestière,  et  différentes  observations  sur  l'état  actuel,  les  ressources  et 
l'avenir  de  ces  forêts.  Nous  regrettons  que  les  documents  nous  aient  fait  défaut  pour  dresser 
des  tableaux  semblables  pour  les  autres  parties  du  monde. 


470  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 

Nous  allons  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  bois  non  européens  très  intéressants  par  leur 
abondance  et  leur  variété. 

Bois  d'Amérique.  —  C'est  incontestablement  l'Amérique  qui  a  donné  la  plus  haute  note  à 
l'Exposition  Universelle  par  rapport  à  l'exhibition  des  bois. 

Le  Champ-de-Mars,  côté  de  l'avenue  de  Suffren,  non  loin  de  la  tour  Eiffel,  présentait  un 
groupe  important  d'expositions  des  bois  de  l'Amérique.  On  avait  placé  les  uns  à  côté  des 
autres  les  pavillons  du  Brésil,  de  la  République  Argentine,  du  Chili,  du  Mexique,  du  Vene- 
zuela, de  la  Bolivie,  de  la  République  Dominicaine,  du  Nicaragua,  de  l'Uruguay,  du  Para- 
guay, du  Guatemala,  etc.  Ces  expositions  présentaient  des  collections  admirables  de  bois,  et 
le  visiteur  était  véritablement  émerveillé  par  la  variété,  la  richesse  des  spécimens  et  leur 
profusion.  Nous  allons  essayer  de  résumer  les  principales  ressources  forestières  de  l'Amé- 
rique en  signalant  parmi  les  spécimens  exposés  les  plus  intéressants. 

Le  Canada,  qui  avait  fait  des  expositions  si  brillantes:  en  1855  à  Paris,  en  1862  à  Londres, 
puis  à  Paris  en  1868  et  en  1878,  n'a  pas  pris  part  à  l'Exposition  de  1889.  Nous  rappelons  que 
le  Canada  renferme  des  forêts  immenses  de  pins  dont  certains  atteignent  plus  de  100  mètres 
de  hauteur  dans  la  Colombie  britannique.  L'un  d'eux,  transporté  à  Londres,  mesurait 
137  mètres  de  haut  et  35  mètres  de  circonférence.  Le  Canada  produit  des  sapins,  des  mélèzes, 
des  chênes  moins  nerveux  que  ceux  d'Europe,  des  frênes,  des  cèdres,  des  hêtres,  des  bou- 
leaux, des  érables,  des  noyers  noirs,  des  tamaracs,  etc.  Les  bois  seuls  sont  pour  le  Canada 
l'objet  d'un  revenu  annuel  de  120  millions  de  francs. 

Les  États-Unis  de  l'Amérique  du  Nord  renferment  également  des  forêts  immenses,  com- 
prenant plus  de  130  espèces  de  bois;  cependant  leur  exposition  était  insignifiante  eu  égard  à 
la  variété  de  leurs  essences.  A  défaut  de  renseignements  sur  les  bois  américains,  nous  cite- 
rons quelques-uns  de  ses  bois,  ceux  qui  sont  le  plus  appréciés  dans  nos  applications. 

Le  pitchpin,  originaire  de  la  Floride,  de  l'Alabama  et  de  la  Louisiane,  est  un  bois  de 
couleur  jaune  clair.  Sa  densité  est  de  0.80.  Il  est  employé  en  France  depuis  1873  par  les 
ébénistes,  qui,  à  l'exemple  des  Anglais,  en  ont  tiré  un  bon  parti  pour  la  fabrication  des  meu- 
bles. On  l'utilise  aussi  dans  la  confection  des  marches  d'escalier,  des  lambris,  des  revête- 
ments. Ce  bois,  très  résineux,  est  inattaquable  par  les  insectes.  Il  fournit  des  palplanches  et 
pilots  de  grandes  dimensions.  On  en  fait  aussi  des  traverses  de  chemins  de  fer. 

L'epicea  nigra,  introduit  en  France  vers  1870,  est  originaire  des  États-Unis  et  du  Canada; 
il  fournit  des  pièces  de  grandes  dimensions  pour  la  menuiserie.  Cet  arbre  peut  atteindre  de 
25  à  30  mètres  avec  un  diamètre  de  0m,60. 

Le  noyer  blanc,  d'origine  américaine,  présente  une  grande  résistance.  Il  trouve  son 
emploi  pour  les  rais  et  les  jantes  des  roues  de  voitures. 

Le  Mexique  renferme  des  bois  précieux,  parmi  lesquels  sont  :  le  cèdre  ,  le  caoba,  le  bois 
du  Brésil,  le  bois  de  campêche  et  différents  autres  bois  de  teinture,  etc.  Le  pavillon  du 
Mexique  présentait  plusieurs  centaines  d'échantillons  de  bois  propres  à  l'ébénisterie  et  aux 
constructions. 

L'île  de  Saint-Domingue  est  peuplée  de  riches  forêts;  les  expositions  des  Républiques 
d'Haïti  et  Dominicaine  renfermaient  des  spécimens  de  bois  propres  à  l'ébénisterie. 

Les  Antilles  espagnoles,  Cuba  et  Porto-Rico  [présentaient  de  belles  expositions  métho- 
diques de  leurs  bois. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  471 

Les  Guyanes  anglaises,  hollandaises  et  françaises  sont  riches  en  bois  de  construction. 
On  y  trouve  plus  de  cent  espèces  de  bois,  parmi  lesquelles  :  l'acajou,  le  bois  de  fer,  le  palis- 
sandre, le  bois  de  rose,  l'angélique,  le  gaïac  de  Cayenne.  Ce  dernier  est  très  résistant; 
il  est  employé  pour  les  arbres  de  moulin  et  pour  la  confection  des  poulies. 

L'angélique  est  un  bois  très  estimé  pour  les  constructions  navales,  plus  que  le  chêne 
même.  Il  peut  donner  des  madriers  de  15  à  20  mètres  de  longueur.  Le  Palais  central  des 
colonies  à  l'Esplanade  des  Invalides  contenait  plusieurs  centaines  d'échantillons  de  bois  de 
la  Guyane  française. 

Le  Brésil  renferme  de  grandes  forêts  non  encore  exploitées  à  cause  de  leur  accès  diffi- 
cile. Les  essais,  faits  en  quelques  points  ,  ont  montré  les  ressources  considérables  du  pays, 
comme  bois  de  construction,  de  charpente,  d'ébénisterie  et  de  teinture.  L'exposition  des 
bois  du  Brésil  formait  une  collection  de  plus  d'un  millier  d'échantillons. 

La  République  Argentine  avait  au  Champ-de-Mars  une  exposition  colossale  de  bois,  com- 
prenant des  milliers  d'échantillons.  Ses  ressources  forestières  sont  très  grandes,  sans  appro- 
cher cependant  de  celles  du  Brésil. 

En  résumé,  l'Amérique  du  Sud  nous  a  révélé  depuis  1867  des  richesses  que  l'on  ignorait 
en  Europe.  On  peut  donc  espérer  que  si  un  jour  le  bois  venait  à  manquer  à  l'Europe,  l'Amé- 
rique pourrait  lui  venir  en  aide,  si  toutefois  les  moyens  de  transport  n'étaient  pas  trop 
dispendieux. 

Bois  d'Afrique.  —  En  dehors  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie,  l'Afrique  renferme  d'immenses 
forêts;  mais  dans  l'état  actuel  delà  civilisation,  on  ne  peut  songer  à  les  exploiter. 

Le  Sénégal  et  le  Soudan  renferment,  surtout  dans  la  région  du  Niger,  des  forêts  magni- 
fiques de  baobabs,  de  tamariniers,  de  bananiers,  de  dattiers,  d'acacias  à  gomme,  etc.;  mais 
les  moyens  d'exploitation  font  défaut.  Néanmoins,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  cette  région 
pour  l'avenir. 

Le  Maroc,  les  possesions  portugaises  de  Saint-Thomas,  le  Cap- Vert,  le  Congo,  la  Répu- 
blique  Sud-Africaine  (TranswaaH,  étaient  bien  représentés. 

Bois  d'Asie.  —  L'Exposition  présentait  peu  de  bois  asiatiques  malgré  les  nombreuses 
richesses  forestières  que  renferme  cette  partie  du  monde,  surtout  au  Caucase,  en  Perse,  dans 
les  Indes  et  en  Sibérie. 

Les  expositions  de  bois  du  Japon  et  de  la  Cochinchine  comprenaient  surtout  des  bam- 
bous et  quelques  bois  à  confectionner  de  petits  objets. 

Les  forêts  indiennes  sont  immenses,  et  le  commerce  du  bois  y  prend  tous  les  jours  une 
plus  grande  importance;  le  plus  précieux  bois  du  pays  est  le  teack,  qui  est  très  dur  et  peu 
sensible  aux  variations  de  température.  On  trouve  encore  le  catéchu,  qui  donne  le  cachou,  et 
le  bois  de  santal,  si  apprécié  pour  son  odeur. 

Les  cèdres  dominent  dans  la  Turquie  d'Asie. 

Bois  d'Océanie.  —  L'Australie  renferme  les  arbres  les  plus  extraordinaires  peut-être  du 
globe  par  leurs  dimensions. 

Dans  la  partie  septentrionale,  on  y  trouve  le  figuier  géant,  qui  peut  atteindre  30  mètres 
de  circonférence;  la  fougère  arborescente  et  l'hortie  géante,  qui  atteignent  jusqu'à  12  mètres 


Histoire  du  Travail  et  des  Sciences  anthropologiques. 


1  lis  '1rs  Arts  Libéraux.  ^La  pierre  cl  la  terre  cultivée.) 


474  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

de  tour  et  70  mètres  de  hauteur;  le  cèdre  rouge,  l'araucaria,  qui  présente  parfois  80  mètres 
tle  hauteur. 

Dans  la  partie  méridionale  de  l'Australie,  certains  arbres  se  rapprochent  de  ceux  de  nos 
climats,  tels  que  le  hêtre  et  le  frêne,  mais  on  y  rencontre  aussi  l'acacia  mélanogloss,  dont 
le  bois  noir  ressemble  au  noyer;  les  eucalyptus,  dont  nous  avons  parlé  à  propos  de  l'Algérie; 
le  gommier  rouge,  le  gommier  bleu,  l'écorce  de  fer,  etc. 

La  colonie  de  Victoria  avait  une  importante  exposition  de  ces  divers  bois.  On  y  remar- 
quait surtout  des  échantillons  nombreux  des  variétés  d'eucalyptus,  dont  certains,  de  tons 
très  clairs,  se  rapprochent  du  sapin,  et  d'autres,  au  contraire  de  tons  très  foncés,  se  rappro- 
chent de  l'acajou. 

L'eucalyptus  globulus  peut  fournir  des  madriers  de  60  mètres  sans  défaut  et  d'un  prix 
peu  élevé. 

La  Nouvelle-Zélande,  les  iles  Philippines,  les  Indes  néerlandaises,  la  Nouvelle-Calédonie, 
montraient  aussi  des  spécimens  de  leur  essences  forestières. 

Conclusion.  —  L'étude  que  nous  venons  de  faire  nous  conduit  à  bien  saisir  la  nécessité 
qu'il  y  aurait  pour  des  pays  industrieux  de  l'Europe  de  reboiser  les  forêts  qui  ont  été  détruites 
par  ignorance  ou  cupidité. 

A  part  l'utilisation  connue  du  bois  comme  moyen  de  chauffage  et  dans  la  construction, 
il  présente  des  avantages  de  premier  ordre  qu'il  faut  toujours  prendre  en  considération. 

Le  reboisement  des  montagnes,  par  exemple,  consolidera  beaucoup  celles-ci  et,  par 
suite,  empêchera  les  éboulements  de  se  produire. 

D'autre  part,  certaines  essences  ont  la  propriété  d'assainir  l'atmosphère;  on  pourrait 
donc  les  acclimater,  si  on  ne  l'a  déjà  fait,  dans  les  contrées  malsaines,  qui  se  modifieraient 
certainement  au  bout  de  peu  de  temps,  comme  cela  a  été  expérimenté  dans  certaines  régions 
de  l'Italie  et  de  l'Algérie. 

Il  faut  donc  poursuivre  simultanément  en  Europe  le  reboisement  et  l'exploitation 
régulière,  l'acclimatation  des  espèces  précieuses  des  autres  contrées  du  globe  et  la  facilité  de 
transport  dans  tous  les  continents. 

Il  serait  utile  également  de  rechercher  les  moyens  de  conserver  nos  bois  par  des  pro- 
cédés d'injection  et  de  carbonisation,  comme  cela  a  déjà  été  tenté,  et  enfin,  pour  répondre 
à  un  des  desiderata  les  plus  à  l'ordre  du  jour,  il  faut  essayer  de  donner  au  bois  une  nouvelle 
propriété,  l'incombustibilité  ! 

Nous  terminerons  l'étude  de  la  classe  LXI  par  la  monographie  de  divers  établisse- 
ments dont  la  participation  à  l'Exposition  Universelle  de  1889  a  été  plus  particulièrement 
intéressante. 

Le  Creusot.  —  L'énumération  des  machines  construites  au  Creusot  pour  le  compte  de 
l'État  fait  bien  comprendre  l'importance  qui  a  été  donnée  dans  cette  grande  usine  à  tout  ce 
qui  se  rapporte  à  l'exécution  des  appareils  marins. 

Nous  avons  eu  plusieurs  fois  occasion  dans  cet  ouvrage  de  nous  occuper  de  l'ensemble 
de  la  production  de  ce  grand  établissement.  Nous  étudierons  donc  plus  spécialement  ici  la 
fabrication  des  appareils  destinés  à  la  marine. 


L  EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


475 


Dès  le  début,  d'ailleurs,  MM.  Schneider  avaient  organisé  leurs  ateliers  en  vue  do  la  cons~ 
traction  des  plus  puissants  appareils,  Ils  avaient  créé  dans  oe  but  un  certain  nombre 
d'outils  spéciaux,  et  avaient  réuni  au  Creusât  les  diverses  industries  qui  concourent  à  l'exé- 
cution des  appareils  marins  ;  fonderies,  forges  et  chaudronnerie,  à  côté  de  leurs  ateliers 


Usines  du  Creusot.  —  Appareil  à  hélices  de  12,000  chevaux  pour  le  cuirassé  d'escadre  Magenta.  (Marine  française.) 

d'ajustage  et  de  montage.  Le  soin  de  n'employer  qu'un  outillage  de  premier  ordre  est  une 
des  caractéristiques  de  cette  grande  usine. 

Les  difficultés  successives  qui  se  sont  présentées  dans  la  métallurgie  et  la  construction 
ont  amené  à  maintes  reprises  des  perfectionnements  souvent  très  remarquables  de  ces 
instruments  de  travail.  Pour  n'en  citer  qu'un,  rappelons  que  le  premier  marteau-pilon  a 
été  étudié  et  construit  au  Creusot  pour  le  forgeage  des  grosses  pièces  que  nécessitait  la 
puissance  toujours  croissante  des  appareils. 

Peu  à  peu,  les  anciens  ateliers  ont  disparu,  ou  à  peu  près,  pour  faire  place  à  de  belles 


476  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

constructions  largement  aménagées  et  libéralement  pourvues  des  moyens  d'action  les  plus 
perfectionnés,  et  ce  qui  existe  encore  des  anciennes  installations  a  subi  des  remaniements 
si  importants  que  cela  équivaut  à  de  véritables  réfections.  Enfin  rien  n'a  été'  épargné  par 
MM.  Schneider  pour  tenir  leurs  établissements  à  la  hauteur  des  progrès  réalisés.  Cette  cons- 
tante préoccupation  jointe  au  souci  qu'ils  ont  religieusement  conservé  de  maintenir  dans 
leur  personnel  les  traditions  de  soin,  d'ordre,  d'exactitude  en  honneur  de  tout  temps  au 
Crcusot,  le  contrôle  de  chaque  instant  qu'ils  y  exercent  sur  la  fabrication,  sont  les  facteurs 
qui  ont  permis  à  MM.  Schneider  de  se  placer  au  premier  rang  parmi  les  constructeurs  d'ap- 
pareils de  marine. 

En  parcourant  la  nomenclature  des  appareils  exécutés  au  Greusot  depuis  un  demi-siècle, 
on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  aux  immenses  progrès  réalisés,  à  l'étonnante  transforma- 
tion qui  s'est  accomplie.  Les  hommes  qui  ont  vu  cette  période,  quand  ils  revivent  leur 
passé,  se  demandent  ce  que  l'avenir  réserve  à  leurs  enfants,  de  quels  engins  extraordinaires 
ils  se  serviront,  tant  pour  se  battre  sur  mer  que  pour  diminuer  les  distances  qui  séparent 
les  peuples. 

On  franchit  actuellement  l'Océan  Atlantique  en  six  jours,  et  l'ambition  des  construc- 
teurs n'est  pas  satisfaite  :  ils  visent  à  diminuer  encore  cette  courte  traversée.  Il  y  a  cin- 
quante ans,  il  fallait  plus  de  temps  pour  aller  de  Paris  à  Marseille.  Alger  est  maintenant 
à  quarante-huit  heures  de  Paris;  on  traverse  le  Pas-de-Calais,  de  Douvres  à  Calais,  en  une 
heure.  Les  peuples  les  plus  éloignés  sont  en  communication  instantanée  par  le  télégraphe, 
en  relations  rapides  par  les  paquebots-postes,  qui  effectuent  les  plus  longues  routes  avec  la 
régularité  mathématique  à  laquelle  les  chemins  de  fer  nous  ont  habitués.  Voilà  les  bienfaits 
dus  aux  perfectionnements  apportés  aux  machines  marines,  et  à  elles  surtout,  car  les  coques 
les  plus  parfaites  ne  servent  à  rien  quand  elles  ne  portent  pas  dans  leurs  tlancs  des  moteurs 
sûrs  et  puissants. 

Mais  si  ces  machines  de  navigation  transportent  avec  rapidité  d'un  bout  du  monde  à 
l'autre  les  produits  de  l'industrie  humaine  et  les  matières  d'échanges,  elles  donnent  aussi 
au  bâtiment  les  moyens  d'accélérer  toutes  les  manutentions  et  de  pourvoir  à  sa  sécurité. 

Elles  actionnent  des  pompes  d'un  débit  considérable,  qui  permettent  souvent  d'étancher 
des  voies  d'eau  et  de  sauver  cargaison  et  équipage;  d'autres  appareils  ventilent  le  bâtiment, 
d'autres  enfin  l'inondent  de  lumière  électrique.  Tous  les  perfectionnements  que  l'architecte 
apporte  à  nos  habitations  à  terre  trouvent  leur  application  sur  nos  navires,  de  telle  sorte 
qu'aujourd'hui,  grâce  à  la  puissance  emmagasinée  dans  leurs  cales,  on  navigue  avec  plus 
de  sécurité,  plus  vite  et  plus  confortablement  qu'autrefois.  Le  navire  n'est  plus  seulement 
une  ville  flottante,  c'est  plutôt  une  usine  flottante,  et  une  usine  d'une  rare  activité,  car  dans 
aucune  industrie  on  ne  concentre  dans  des  espaces  aussi  restreints  des  puissances  aussi 
énormes.  Et  en  vérité  ne  peut-on  se  demander  s'il  est  dans  l'art  si  complexe  de  l'ingénieur 
une  tâche  qui  le  prépare  mieux  à  résoudre  les  problèmes  les  plus  compliqués  de  la  méca- 
nique que  celle  qui  consiste  à  élaborer  les  plans  de  ces  immenses  appareils  de  navigation, 
à  en  assurer  l'exécution  et  le  fonctionnement? 

L'esprit  est  confondu  devant  ces  constatations  de  tous  les  jours  qui  nous  montrent  des 
machines  de  dix,  douze  mille  chevaux  et  plus  marchant  sans  à-coups,  pendant  de  longues 
traversées  océaniques.  Mais  si  la  marine  du  commerce  a  su  atteindre  de  si  admirables 
résultats  par  la  netteté  de  ses  vues  et  la  sagesse  de  ceux  qui  dirigent  ses  destinées,  il  faut 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


47? 


que  la  marine  militaire  s'inspire  enfin  des  procédés  de  celle  qu'elle  est  destinée  à  protéger: 
si  elle  continuait  à  méconnaître  les  théories  appliquées  par  les  grandes  compagnies  de 
navigation,  elle  manquerait  singulièrement  à  sa  tâche  et  se  montrerait  ainsi  incapable  de 
remplir  la  seule  mission  pour  laquelle  elle  existe. 

Nous  devons,  faute  d'espace,  terminer  ici  ces  notes  trop  rapides;  mais  pour  bien  faire 
comprendre  comment  une  grande  usine  comme  le  Creusot  conserve  le  haut  rang  qu'elle 
a  su  conquérir  dans  tant  de  branches  de  l'industrie  métallurgique,  il  nous  resterait  à  signaler 


Usines  du  Creusot.  —  Appareil  a  hélice  de  0,000  chevaux  pour  le  cuirasse  de  premier  rang  Redoutable.  (Marine  française. 

une  série  d'institutions  qui  ne  sont  pas  étrangères  à  sa  prospérité  et  à  sa  puissance  :  nous 
voulons  parler  des  fondations  hospitalières,  scolaires  et  autres  faites  par  MM.  Schneider. 
C'est  un  des  traits  les  plus  frappants  de  notre  époque,  que  l'industriel  ne  sépare  plus 
son  sort  de  celui  du  travailleur,  et  qu'il  se  préoccupe  sans  cesse  du  bien-être  moral  et 
matériel  du  plus  humble  de  ses  collaborateurs.  Instruire  l'enfance,  lui  fournir  des  armes 
pour  le  combat  de  la  vie,  l'aider  à  gravir  les  échelons  qui  mènent  à  l'aisance  et  parfois  à  la 
richesse,  secourir  l'ouvrier  dans  ses  moments  de  détresse,  lui  préparer  un  abri  pour  ses 
vieux  jours,  c'est  là  une  tâche  à  laquelle  doivent  se  dévouer  les  maîtres  de  l'industrie  fran- 
çaise. Ce  n'est  pas  le  lieu  maintenant  d'en  parler,  mais  peut-être  un  jour  dirons-nous  les 
saines  impressions  que  nous  avons  eues  au  Creusot  quand  nous  avons  vu  de  nos  yeux  tous 
les  bienfaits  d'une  direction  intelligente  qui  ne  croit  pas  avoir  rempli  tout  son  devoir  quand 
elle  a  vaincu  sur  le  terrain  industriel,  et  qui  n'oublie  jamais  qu'elle  a  charge  d'âmes. 


478  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Établissements  Hotchkiss.  —  Fondée  à  Paris  en  1875,  la  maison  Hotchkiss  et  CiB  établit 
à  Saint-Denis-sur-Seine  une  usine  spécialement  organisée  pour  la  fabrication  des  canons- 
revolvers,  des  canons  à  tir  rapide,  de  leurs  munitions  et  de  leurs  affûts. 

Ces  systèmes  ayant  été  adoptés  par  les  grandes  puissances,  les  affaires  de  cet  établisse- 
ment prirent  une  rapide  extension;  il  fut  dirigé,  depuis  la  mort  de  son  fondateur,  B.  B. 
Hotchkiss,  jusqu'en  1887,  par  ses  associés.  A  cette  épocpie,  l'exploitation  fut  transférée, 
pour  la  France,  à  la  «  Société  anonyme  des  anciens  établissements  Hotchkiss  et  Ci0  », 
et  pour  l'Angleterre,  à  la  «  Hotchkiss  Ordnance  Company  Limited  ».  La  gestion  de  ces 
deux  Sociétés  fut  confiée  aux  anciens  Directeurs  :  MM.  Favarger,  Kœmer  et  Creuzet  de 
Latouche.  En  1888,  une  succursale  dont  les  bureaux  sont  à  Washington  et  les  ateliers  à 
Providence,  Bhode-Island,  fut  fondée  aux  États-Unis. 

Depuis  son  origine,  la  Société  a  livré  environ  8,500  canons  avec  leurs  accessoires,  et  des 
munitions  pour  3,250,000  coups. 

La  Société  des  anciens  établissements  Hotchkiss  s'occupe  également  de  la  fabrica- 
tion des  armes  portatives  et  des  torpilles  automobiles  Howel;  enfin  elle  exploite,  avec 
MM.  Schneider  et  Cie  du  Creuzot,  les  brevets  de  M.  Creuzet  de  Latouche,  relatifs  à  des 
tourelles  et  à  des  batteries  mobiles  destinées  à  la  défense  des  places  et  des  côtes. 

Le  matériel  exposé  comprenait  : 

1°  Des  canons-revolvers  de  37,  40,  47  et  53  millimètres  montés  sur  des  affûts  ou 
supports  de  types  différents  ; 

2°  Des  canons  à  tir  rapide  de  37,  42,  47,  57,  65,  75  et  100  millimètres  disposés  sur 
affûts  de  bord,  sur  affûts  de  campagne  ou  sur  affûts  de  montagne; 

3°  Les  munitions  et  artifices  des  différents  types  de  canons  fabriqués  par  la  Société 
Hotchkiss  ; 

4°  Un  tube  à  tir  pour  canons  de  campagne  et  de  siège. 

Canons-revolvers.  —  Le  canon-revolver  Hotchkiss  présente,  sur  les  mitrailleuses, 
l'avantage  de  tirer  les  projectiles  explosibles  de  l'artillerie  ordinaire,  et  possède  en  même 
temps  la  simplicité,  la  puissance  et  la  sûreté  de  fonctionnement  nécessaires  à  un  service 
de  guerre. 

On  dislingue  dans  cette  arme  quatre  parties  principales  : 

1°  Le  faisceau  des  tubes,  au  nombre  de  cinq,  répartis  autour  d'un  arbre  central  de 
rotation,  auquel  ils  sont  reliés  par  deux  disques  en  bronze  ; 

2°  La  culasse,  qui  referme  le  mécanisme  et  donne  appui  au  culot  de  la  cartouche  ; 

3°  Le  mécanisme  de  chargement,  de  mise  de  feu  et  d'extraction; 

4"  Le  châssis  porte-tourillons,  qui  assemble  la  boite  de  culasse  au  faisceau  de  tubes. 

Sous  l'action  de  la  rotation  continue  de  la  manivelle  de  manœuvre,  le  faisceau  prend 
autour  de  son  axe  un  mouvement  intermittent  correspondant  à  un  cinquième  de  tour 
par  révolution  complète  de  manivelle.  A  chaque  arrêt,  un  des  tubes  placé  en  regard  de 
l'auget  de  chargement  pratiqué  sur  la  culasse  reçoit  une  cartouche;  un  deuxième  se 
trouve  à  la  position  de  tir,  et  sa  cartouche,  dont  le  culot  s'appuie  contre  la  culasse,  subit 
le  choc  du  percuteur;  un  troisième  est  débarrassé  de  sa  douille  vide  par  l'extracteur,  qui  la 
rejette  par  l'ouverture  d'éjection.  La  vitesse  du  tir  correspond  ainsi  à  un  coup  par  tour  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  479 

manivelle,  et  il  est  continu  tant  que  la  pièce  est  alimentée.  Les  cartouches  sont  amenées 
dans  l'auget  de  chargement  par  un  couloir  dans  lequel  on  les  place,  soit  isolément,  soit 
au  moyen  de  mains  en  renfermant  un  certain  nombre. 

Le  mécanisme  se  démonte  entièrement  sans  outil  ;  il  ne  comporte  qu'un  organe  unique 
pour  chaque  fonction,  c'est-à-dire  un  piston  de  chargement,  un  percuteur  et  son  ressort, 
un  extracteur  et  un  galet  qui  détermine  le  mouvement  des  canons  et  du  percuteur. 
Chacune  de  ces  pièces,  dont  le  nombre  est  réduit  au  minimum,  peut  recevoir  des 
dimensions  qui  la  mettent  à  l'abri  des  dégradations. 

La  douille  métallique  obturatrice  porte  son  amorce  et  renferme  la  charge  de  tir  ;  le 
projectile  y  est  serti,  et  l'ensemble  forme  une  cartouche  analogue  à  celles  des  armes 
portatives. 

Les  canons-revolvers  de  37  et  de  47,  adoptés  pour  le  service  de  la  marine,  sont 
montés  sur  pivot  à  fourchette  dont  la  crapaudine  est  portée  soit  par  un  support  conique 
en  tôle  d'acier,  soit  par  un  support  élastique  dit  crinoline.  Le  pivot  et  les  tourillons 
constituant,  dans  leur  ensemble,  un  joint  universel,  le  canon  peut  être  pointé  dans  toutes 
les  directions  au  moyen  de  sa  crosse,  que  le  pointeur  appuie  à  l'épaule  gauche,  et  de  la 
poignée  de  culasse,  qu'il  saisit  de  la  main  du  même  côté.  Il  actionne  de  la  main  droite 
la  manivelle  motrice;  un  deuxième  servant  alimente  la  pièce. 

La  rapidité  du  tir  est  de  60  coups  par  minute;  la  pièce  n'a  pas  de  recul.  Le  canon- 
revolver  de  37  avec  son  pare-balles  et  son  support  pèse  353  kilogrammes;  celui  de  47, 
857  kilogrammes. 

Ces  canons  tirent  des  obus  ordinaires,  des  obus  de  rupture  en  acier  et  des  boîtes  à  mi- 
traille. L'obus  de  37  pèse  505  grammes;  tiré  avec  une  charge  de  80  grammes,  il  possède  une 
vitesse  initiale  de  402  mètres  et  traverse  une  plaque  d'acier  doux  de  30  millimètres.  L'obus 
de  47  pèse  lkg,II5;  tire  avec  une  charge  de  200  grammes,  il  possède  une  vitesse  initiale 
de  425  mètres  et  traverse  une  plaque  d'acier  de  45  millimètres.  La  puissance  de  ce 
deuxième  canon  est  suffisante  pour  perforer  les  parties  non  cuirassées  des  navires  actuels 
et  pour  désemparer  les  toi  pilleurs  les  plus  grands  et  les  plus  puissants. 

Le  canon-revolver  de  53  millimètres  exposé  est  le  plus  lourd  qui  ait  été  construit; 
il  lance  soit  un  obus  ordinaire,  soit  un  obus  en  acier  du  poids  de  lk8,630,  soit  une  boite  à 
mitraille.  La  charge  est  de  410  grammes;  l'obus  de  rupture,  dont  la  vitesse  initiale  est 
de  425  mètres,  traverse,  à  la  bouche,  une  plaque  de  fer  de  60  millimètres.  Ce  canon- 
revolver  monté  sur  affût  à  pivot  central  peut  être  employé  pour  l'armement  des  navires  ou 
celui  des  batteries  fixes  à  terre. 

Le  canon-revolver  de  40  millimètres  a  été  adopté  en  France  pour  le  flanquement 
des  fossés  et  la  défense  rapprochée  des  défilés;  il  tire,  comme  projectile  unique,  une 
boite  à  balles  pesant  lkï,100  grammes  et  donnant  25  fragments  dangereux.  Il  est  monté 
sur  un  affût  spécial  muni  d'un  pare-balles.  Les  tubes  sont  rayés  à  des  pas  différents;  il  en 
résulte  une  dispersion  automatique  et  régulière  des  projectiles,  indépendamment  de  tout 
mouvement  de  la  pièce.  Le  pointage  en  hauteur  et  en  direction  est  donné  une  fois  pour 
toutes;  la  pièce  fixée  en  place  est  alors  prête  à  faire  feu,  et  son  fonctionnement  n'est 
gêné  ni  par  le  brouillard  ni  par  la  fumée.  La  vitesse  normale  du  tir  est  de  60  coups  par 
minute;  elle  peut  atteindre  exceptionnellement  90  coups,  ce  qui  donne  2,250  projectiles 
régulièrement  répartis  sur  la  zone  battue. 


480  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Enfin  la  Société  Hotehkiss  avait  exposé  un  canon-revolver  léger  de  37  millimètres  sur 
affût  de  campagne  avec  avant-train.  Cette  pièce  est  destinée  soit  à  renforcer  l'artillerie 
de  campagne  dans  sa  zone  d'action  efficace,  soit  à  couvrir  les  fossés  et  les  abords  des 
ouvrages  de  fortification  permanente,  et  à  entraver  les  travaux  de  siège  de  l'ennemi. 
L'affût  est  pourvu  d'un  pare-balles  à  rabattement  qui  sert  de  siège  aux  servants  pendant 
la  marche.  Le  poids  total  du  canon,  de  l'affût  et  de  l'avant-train  chargé  est  de  1,080  kilo- 
grammes. Le  coffre  d'avant-train  contient  300  coups. 

Canon*  à  tir  rapide.  —  Les  pièces  à  tir  rapide  système  Hotehkiss  sont  à  canon  unique. 

Les  modèles  légers  comportent  un  seul  bloc;  les  types  à  grande  puissance  jusqu'au 
calibre  de  65  millimètres  se  composent  d'un  tube,  d'une  jaquette  porte-tourillons  qui 
reçoit  la  culasse  et  d'une  agrafe  d'assemblage  à  vis;  pour  les  calibres  supérieurs,  les 
éléments  sont  déterminés  suivant  les  efforts  auxquels  on  se  propose  de  résister. 

Leur  mécanisme,  qui  est  semblable  pour  tous  les  calibres,  est  à  coin  vertical  ma- 
nœuvré par  un  levier  latéral  dont  le  mouvement  détermine  l'ouverture  et  la  fermeture 
de  culasse,  l'extraction  de  la  douille  vide  et  l'armement  du  percuteur. 

Il  comprend  les  organes  suivants  :  1°  le  coin  ou  culasse  qui  renferme  le  percuteur, 
son  axe,  sa  chaînette,  le  grand  ressort,  la  gâchette  et  le  ressort  de  gâchette;  2°  le  levier 
de  manœuvre,  sa  bielle  à  bouton,  l'extracteur,  la  détente,  la  vis-arrêtoir  de  coin. 

Tous  les  types  emploient  la  douille  métallique  obturatrice  portant  une  amorce  et 
reliée  au  projectile  chargé  en  guerre  ;  cet  ensemble  forme  une  cartouche  analogue  à  celle 
des  armes  portatives. 

La  bouche  à  feu  ne  comporte  donc  pas  d'obturateur,  et  l'introduction  de  la  charge 
se  fait  en  un  seul  temps,  sans  l'aide  du  refouloir. 

A  l'exception  des  calibres  supérieurs  à  75  millimètres,  tous  les  canons  à  tir  rapide  se 
pointent  et  se  tirent  à  l'épaule.  Ils  sont  disposés,  pour  le  service  à  bord,  soit  sur  pivot, 
soit  sur  affût  à  recul  limité  et  rappel  automatique.  Le  pointeur  fait  feu  à  volonté  en 
agissant  sur  la  détente;  cette  disposition  assure,  particulièrement  à  la  mer  et  sur  un  but 
mobile,  une  efficacité  de  tir  supérieure  à  celle  que  l'on  peut  obtenir  par  tout  autre  pro- 
cédé. Les  canons  d'un  calibre  supérieur  à  75  millimètres  sont  placés  sur  des  affûts  spé- 
ciaux, munis  d'appareils  de  pointage. 

Pour  le  service  à  terre,  les  canons  à  tir  rapide  sont  installés  sur  des  affûts  appropriés 
à  chaque  destination.  La  plupart  sont  à  recul  limité  et  à  rappel  automatique. 

Installation*  pour  le  service  à  bord  :  1°  Canon  à  tir  rapide  de  37  millimètres  à  pivot  et 
crapaudine,  monté  sur  la  tourelle  de  commandement  d'un  bateau  torpilleur.  —  Cette  pièce  est 
destinée  à  l'armement  des  hunes,  des  torpilleurs  légers  et  des  petites  embarcations.  Ce 
canon,  très  maniable,  ne  pèse  que  33  kilogrammes  et  peut  être  transporté  par  un  seul 
homme,  qui  suffit  à  son  service.  Il  tire  les  munitions  du  canon-revolver  léger  de  37  milli- 
mètres, dont  il  possède  les  propriétés  balistiques. 

2°  Canon  h  tir  rapide  de  47  millimètres  sur  affût  à  recul  limité  et  rappel  automatique.  — 
Cette  pièce  a  été  construite  pour  répondre  à  des  conditions  posées  par  la  Marine  française, 
qui  désirait  un  canon  léger,  mais  d'une  grande  puissance,  lançant  des  projectiles  capables 
de  traverser  les  parties  non  cuirassées  d'un  bâtiment  de  guerre  quelconque,  et  permettant 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  4SI 

un  tir  rapide,  mais  précis,  de  12  coups  par  minute,  avec  un  nombre  de  servants  ne  dépas- 
sant pas  trois.  L'affût  est  composé  d'un  berceau  à  tourillons,  sur  lequel  le  canon  peut  se 
mouvoir  uniquement  suivant  son  axe.  Le  berceau  porte  des  freins  hydrauliques  et  des 
récupérateurs  à  ressorts  disposés  symétriquement  par  rapport  à  la  pièce.  L'ensemble  de 
ce  système  réduit  le  recul  à  10  centimètres  et  ramène  automatiquement,  après  chaque 
coup,  la  bouche  à  feu  à  sa  position  de  tir.  Le  berceau  repose  sur  un  pivot  ordinaire, 
formant  joint  universel.  Le  canon  pèse  220  kilogrammes;  il  tire  des  obus  ordinaires,  des 
obus  en  acier  et  des  boites  à  mitraille;  le  projectile  en  acier,  du  poids  de  lkg,500,  a,  avec 
une  charge  de  780  grammes,  une  vitesse  initiale  de  §60  mètres  et  traverse  une  plaque 
en  fer  de  10  centimètres  d'épaisseur.  On  peut  tirer  25  coups  par  minute. 

3°  Canon  à  tir  rapide  île  57  millimètres  sur  support  élastique.  —  Le  canon  est  monté 
sur  pivot  à  fourchette  reposant  sur  un  support  dont  l'élasticité  permet  un  recul  de  2  centi- 
mètres, de  sorte  que  la  réaction  sur  le  pont  se  maintient  dans  des  limites  telles  que  cette 
pièce  peut  être  placée  à  bord  des  croiseurs  et  des  canonnières.  Le  canon  pèse  365  kilo- 
grammes ;  le  projectile  pèse  2k?,72o  et,  avec  la  charge  de  930  grammes,  a  une  vitesse 
initiale  de  600  mèlrcs.  L'obus  en  acier  traverse  une  plaque  de  1er  de  125  millimètres 
d'épaisseur.  On  peut  tirer  25  coups  par  minute. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner  des  canons  à  tir  rapide  de  57,  de  65  et  75 millimètres, 
montés  sur  supports  élastiques  et  sur  affûts  à  recul  limité,  avec  rappel  automatique.  Nous 
signalerons  le  canon  à  tir  rapide  de  10  centimètres  sur  affût  à  pivot  central,  à  recul  limité 
et  rappel  automatique,  dont  le  pointage  peut  se  dégrossir  à  la  crosse,  et  se  termine  à  l'aide 
d'appareils  de  pointage  spéciaux.  Ce  canon  pèse  1,650  kilogrammes  et  lance,  avec  une 
charge  de  poudre  noire  de  6  kilogrammes,  un  projectile  de  15  kilogrammes,  dont  la 
vitesse  initiale  est  de  600  mètres;  l'obus  en  acier  traverse  une  plaque  de  fer  de  20  cen- 
timètres d'épaisseur.  La  rapidité  du  tir  est  de  10  à  12  coups  par  minute. 

Installations  pour  le  service  à  terre  :  artillerie  de  campagne.  —  L'utilisation  des  pièces  à  tir 
rapide  en  campagne  exige  l'emploi  d'un  affût  sans  recul,  car  autrement  la  mise  en  batterie 
et  la  rectification  du  pointage  à  chaque  coup  feraient  disparaître  les  avantages  de  la  promp- 
titude du  chargement.  Les  affûts  de  campagne  Hotchkiss,  pour  canons  de  47  et  de  57, 
réalisent  ces  conditions.  Ils  comprennent  trois  parties  distinctes  :  1°  le  corps  d'affût,  formé 
de  deux  flasques  en  acier  entretoisés;  2°  le  châssis,  relié  au  corps  d'affût,  à  l'avant,  par  une 
cheville  ouvrière  ;  il  peut  prendre,  sous  l'action  de  l'appareil  de  pointage  en  direction,  un 
déplacement  angulaire  de  4°  environ  de  part  et  d'autre  du  plan  médian  du  corps  d'affût;  ce 
déplacement  est  suffisant  pour  corriger  les  dérangements  de  pointage  qui  pourraient  se 
produire  pendant  le  tir;  3°  le  chariot,  qui  porte  le  canon  et  glisse  sur  le  châssis,  auquel  il 
est  relié  par  des  ressorts  obliques  articulés,  se  bandant  pendant  le  recul  et  ramenant 
ensuite  la  pièce  en  batterie.  Le  canon  de  57  tire  un  shrapncl. 

L'ensemble  du  canon,  de  l'affût  et  de  l'avant-train  chargé  pèse,  pour  le  47,  1,150  kilo- 
grammes, et  pour  le  57,  1,965  kilogrammes.  Le  coffre  du  premier  transporte  189  coups, 
celui  du  second  72. 

Artillerie  de  montagne.  —  Le  canon  de  42  millimètres  de  montagne  diffère  des  autres 
canons  à  tir  rapide  en  ce  que  le  coin  est  horizontal.   11  n'y  a  pas  d'obturateur  spécial, 

III  31 


4-i?  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

l'obturation  se  faisant  par  la  douille  métallique  do  la  cartouche;  la  mise  de  ieu  se  fait 
par  une  étoupille  ordinaire  à  friction;  l'extracteur  est  semblable  à  celui  des  autres 
canons  à  tir  rapide  Hotchkiss.  Le  canon  pèse  55  kilogrammes;  le  matériel  est  réparti 
sur  3  mulets,  la  charge  de  phacun  d'eux  ne  dépassant  pas  110  kilogrammes.  Les  deux 
caisses  à  munitions  contiennent  ensemble  84  coups. 

Tube  à  tir.  —  Cet  appareil  est  destiné  à  l'instruction  préparatoire  de  pointage  et  de 
réglage  pour  les  pièces  de  campagne,  de  siège  et  de  place.  C'est  un  tube  Hotchkiss  de 
37  millimètres,  muni  de  garnitures  de  centrage,  disposées  pour  le  maintenir  dans  l'axe  de 

la  bouche  à  feu  à  laquelle  il  est  destiné.  L'obus  pèse  480  grammes;  les  charges  sont  de 
s  grammes  pour  le  tir  de  campagne  et  de  24l',5  pour  le  tir  plongeant.  On  peut,  avec 
cet  appareil,  reproduire  toutes  les  particularités  du  tir  de  guerre,  moyennant  une  faible 
dépense  et  dans  un  terrain  limité. 

Société  anonyme  des  anciens  établissements  Cail.  —  Parmi  les  grands  établissements 
de  construction  fondés  en  France  au  commencement  du  siècle,  et  dont  le  développement 
propre  est  intimement  lié  au  développement  général  de  l'industrie  française,  dans  ses 
diverses  branches,  il  serait  difficile  d'en  citer  dont  la  participation  se  soit  étendue  à  un  plus 
grand  nombre  de  travaux  que  les  établissements  Cail. 

En  se  servant  de  la  classification  en  groupes  et  classes  adoptée  par  le  comité  supérieur 
d'installation  à  l'Exposition  Universelle,  on  peut  dire  que  les  établissements  Cail  ont  exposé 
dans  presque  toutes  les  classes  du  groupe  VI  :  Oiitillmje  et  procédés  des  industries  mécaniques. 
—Electricité.  Aussi,  en  raison  même  de  la  variété  des  travaux  et  des  produits  divers  de  ce 
grand  établissement  industriel,  la  direction  générale  de  l'Exposition  lui  avait  très  justement 
réservé,  près  de  la  galerie  des  Machines,  un  terrain  de  plus  de  700  mètres  carrés,  situé  le 
long  de  l'avenue  de  La  Bourdonnais,  et  dont  la  moitié  environ  était  occupée  par  un  bâti- 
ment spécial  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

Avant  de  passer  en  revue  les  divers  produits  exposés,  nous  commencerons  par  donner 
quelques  détails  sur  la  fondation  de  cette  maison  industrielle  et  sur  les  développements 
successifs  qui  lui  ont  été  donnés  par  ses  fondateurs  ou  ses  principaux  chefs  ;  nous  dres- 
serons l'inventaire  rapide  de  sa  production  et  enfin  nous  examinerons  sa  situation  actuelle 
vis-à-vis  de  l'industrie  étrangère. 

Les  établissements,  fondés  en  18L2  par  MM.  Ch.  Derosne  et  J.-F.  Cail,  passèrent,  à  la 
mort  de  M.  Derosne,  en  1844,  à  31.  J.-F.  Cail,  qui,  en  1850,  constitua  pour  20  années  la 
Société  J.-F.  Cail  et  Cu. 

À  l'expiration  de  cette  Société,  en  1870,  se  forma,  sous  la  raison  sociale  Cail  et  Cie,  une 
nouvelle  Société  dont  M.  J.-F.  Cail  et  son  fils  Alfred  furent  les  gérants.  En  1871,  M.  Alfred 
Cail  resta  seul  gérant  jusqu'en  janvier  1882.  C'est  alors  que  la  Société  actuelle,  désignée 
sousde  nom  de  Société  anonyme  dei  anciens  établissements  Cail,  fut  fondée  pour  une  durée  de 
cinquante  années,  au  capital  de  vingt  millions  de  francs,  et  racheta  tout  l'actif  de  l'an- 
cienne Société. 

Le  siège  social  est  à  Paris,  15,  quai  de  Crénelle.  La  Société  possède  deux  succursales  en 
France  :  l'une  à  Douai,  l'autre  à  Denain.  Elle  est  administrée  par  un  conseil  comprenant 
douze  membres  choisis  parmi  les  plus  hautes  personnalités  du  commerce,  de  l'industrie 


L'EXPOSITION'    UNIVERSELLE    DE    1889 


483 


et  de  la  finance.  M.  le  colonel  de  Bange,  dont  les  travaux  remarquables  et  les  récentes 
découvertes  concernant  la  fabrication  des  canons  sont  bien  connus  dans  le  monde  indus- 
triel, est  le  directeur  général  de  la  Société  et  a  puissamment  contribué  aux  nouveaux 
succès  de  ces  établissements,  dont  la  réputation  était  déjà  universellement  établie. 

Les  ateliers  de  Paris  (Grenelle),  qui  couvrent  une  superficie  de  près  de  80,000  mètres 


Vue  d'ensemble  de  l'alelier  de  chaudronnerie  île  cuivre  de  l'usine  Gail,  à  Paris. 


carrés,  disposent  de  plus  de  500  chevaux  detorce  et  peuvent  occuper  jusqu'à  o,000  ouvriers; 
ils  sont  desservis  par  des  voies  ferrées  sur  lesquelles  la  traction  s'etfectue  au  moyen  de 
locomotives  spéciales,  et  qui  sont  reliées  sur  le  quai  même  aux  rails  du  chemin  de  fer  de 
l'Ouest.  En  outre,  par  sa  situation  sur  le  bord  de  la  Seine,  cet  établissement  est  particu- 
lièrement favorisé  pour  les  transports  par  eau,  d'autant  plus  qu'il  possède  un  débarcadère 
à  vapeur  de  40  tonnes  installé  sur  la  berge  du  port  de  Grenelle. 

Les  ateliers  des  succursales  de  Denain  et  de  Douai,  qui  occupent  respectivement:  l'une 
25,000  mètres  carrés  environ,  l'autre  plus  de  5,000  mètres  carrés,  utilisent  une  force  mo- 
trice de  200  chevaux  environ  et  peuvent  employer  jusqu'à  1,000  ouvriers. 


4S4  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 

Les  ateliers  de  Taris,  de  Denain  et  de  Douai  possèdent  ensemble  en  ce  moment  une 
superficie  de  plus  de  11  hectares  ; 

Un  personnel  administratif  et  ouvrier  de  plus  de  5,000  hommes  ; 

Une  force  motrice  d'environ  700  chevaux  ; 

L'n  outillage  de  premier  ordre  qui  s'améliore  sans  cesse  et  produit  annuellement  plus 
de  15,000  tonnes  de  matières  premières  (fontes,  fer,  cuivre,  etc.)  et  environ  10,000  tonnes 
d'objets  ouvrés,  nécessitant  la  mise  en  œuvre  de  plus  de  17,000  tonnes  de  combustible. 

Ce  chiffre  de  production  est  loin  de  représenter  le  maximum  auquel  peuvent  atteindre 
les  ateliers,  qui  sont  établis  pour  une  production  de  i.'5,000  tonnes,  résultat  qui  a  même  été 
dépassé  dans  certaines  années. 

La  Société  anonyme  des  anciens  établissements  Cad  assure  encore  les  résultats  de 
son  exploitation  et  le  développement  constant  de  ses  relations  d'affaires  dans  toutes  les 
parties  du  monde,  par  la  possession  des  agences  déjà  anciennes  fondées  par  ses  prédé- 
cesseurs : 

A  la  Havane,  Porto-Rico,  la  Guadeloupe,  la  Martinique,  la  Réunion,  Maurice,  Java,  la 
République  Argentine  ; 

Et  par  l'inauguration  récente  d'autres  agences  qu'elle  a  été  amenée  à  créjr  en  Espagne, 
en  Portugal,  en  Egypte,  au  Brésil,  au  .Mexique,  dans  la  République  Dominicaine,  en  Aus- 
tralie, dans  l'extrême  'Orient  (Chine,  Japon,  Tonkin,  et:.),  en  Danemark,  en  Suède,  en 
Roumanie,  etc. 

Nous  avons  dit  en  commençant  que  la  Société  des  anciens  établissements  Cail  avait 
réuni  dans  un  emplacement  spécial  de  700  mètres  carrés,  au  Champ -de-Mars,  les  machines, 
appareils  divers,  matériel  d'artillerie,  etc.,  qui  formaient  son  exposition  particulière. 

Sur  une  moitié  environ  de  cet  emplacement  s'élevait  un  pavillon  construit  en  1er  et  en 
maçonneries  diverses,  décoré  de  treillis,  de  colonnades  encadrant  de  larges  baies  vitrées, 
de  panneaux  en  terre  cuite  et  de  plaques  d'inscription  en  marbre  vert,  sur  lesquelles  étaient 
gravées  en  lettres  d'or  les  différentes  spécialités  de  l'activité  industrielle  de  la  Société.  Le 
pignon  formant  façade  rappelait  par  son  style  décoratif  l'objet  même  des  travaux  de  l'éta- 
blissement et  donnait  accès  dans  l'intérieur  du  pavillon  par  une  porte  en  plein  cintre  de 
8  mètres  de  largeur,  vitrée  dans  la  partie  supérieure.  Signalons  aussi  un  triple  écusson 
encadré  des  couleurs  nationales  et  représentant  les  villes  de  Taris,  Douai  et  Denain,  sièges 
des  ateliers  de  la  Société. 

Dans  le  pavillon  étaient  exposés  : 

Un  moteur  à  gaz,  système  Otto,  commandant  une  presse  monétaire  ; 

Une  locomotive  Crampton  de  1849,  ayant  déjà  fait  un  parcours  de  1,105,000  kilomètres, 
c'est-à-dire  équivalant  à  "28  lois  le  t:>ur  de  la  terre; 

Une  locomotive-tender  à  deux  essieux  couplés,  de  1889  ; 

Une  locomotive  à  voie  étroite  de  0"',80; 

Un  modèle  en  relief  (à  grande  échelle)  de  l'ascenseur  hydraulique  des  Fonlinettes; 

Une  pompe  de  retour  d'eau  condensée  pour  appareil  à  cuire  de  sucrerie; 

Un  compresseur  d'air,  système  Rurckhardt; 

L'n  extracteur  de  gaz,  système  Bealc  ; 

l'n  purificateur  d'eau  Anderson  ; 

Un  filtre  à  sacs,  système  Kasabwski,  pour  jus  sucrés; 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9  485 

Un  canot  avec  moteur  à  pétrole,  système  de  Quillfeldt  ; 

Des  dessins  de  tubes  lance- torpilles  ; 

Un  appareil  d'évaporation  à  basse  température  et  à  triple  effet,  pour  sucreries.  Son 
principe  est  basé  sur  l'emploi  du  calorique  latent  de  la  vapeur  qui  a  déjà  développé  sa 
force  motrice  dans  les  diverses  machines  de  l'usine,  qui  permet  de  réaliser  une  économie 
de  combustible  de  50  à  00  0/0  sur  les  autres  procédés  d'évaporation.  L'appareil  exposé 
peut  opérer  sur  2,400  hectolitres  de  jus  par  2i  heures;  il  se  compose  de  trois  chaudières 
différentielles  ayant  ensemble  320  mètres  carrés  de  surface  de  chauffe,  munies  d'un 
nouveau  système  breveté  de  distribution  de  vapeur; 

Une  chaudière  close  pour  cuire  en  grains  dans  le  vide.  Le  dessin,  à  l'échelle  de  1/10, 
représentait  l'installation  des  deux  chaudières  à  cuire  de  5'", 500  de  diamètre  dans  la  sucrerie 
de  Cambrai;  chacune  de  ces  chaudières  peut  produire  par  opération  600  hectolitres  au 
moins  de  masse  cuite,  soit  §00  sacs  de  sucre.  L'appareil,  qui  a  un  diamètre  de  2m,750, 
possède  6  serpentins  avec  des  dispositions  de  robinets  permettant  de  chauffer  un  ou  plu- 
sieurs de  ces  serpentins  avec  de  la  vapeur  prise  aux  générateurs,  tandis  que  les  autres 
reçoivent  de  la  vapeur  d'échappement  des  machines  motrices  de  l'usine; 

Un  appareil  à  distiller  continu,  pour  traiter  les  liquides  alcooliques  et  principale- 
ment les  mélasses  (cet  appareil  se  dislingue  d'un  autre  du  même  genre  par  son  petit 
volume  à  travail  égal,  par  une  circulation  de  vapeur  alcoolique  donnant  lieu  au  plus  long 
développement  possible  de  la  ligne  de  barbotage  dans  la  colonne,  au  plus  grand  nombre 
de  rétrogradations  possibles)  ; 

Un  condenseur  chauffe-vin.  Ce  condenseur  est  à  serpentin  en  jeux  d'orgues  horizon- 
taux, pour  pouvoir  obtenir  à  volonté  autant  de  rétrogradations  qu'il  y  a  d'extrémités  de 
jeux  d'orgues.  Cette  disposition  permet  au  liquide  condensé  de  s'écouler  immédiatement 
vers  la  rétrogradation,  lors  même  que  les  rétrogradations  ne  seraient  pas  multipliées  ;  il  n'y 
a  donc  pas  de  crainte  d'obstruction  au  passage  de  la  vapeur.  La  surface  de  condensation 
est  de  G'Y20; 

Un  coupe-racines  destiné  à  transformer  la  betterave  en  rubans  ou  cosscltcs,  pour  en 
permettre  l'extraction  du  jus  sucre; 

Une  demi-batterie  de  diffusion,  composée  de  G  difluscurs  avec  G  calorisateurs  à 
serpentin; 

Un  filtre-presse  pour  sucreries; 

Une  pompe  à  vapeur  à  jus  trouble; 

Un  groupe  de  3  turbines  pour  le  raffinage  du  sucre  par  le  procédé  Tictz,  Selwig 
et  Lange  (breveté). 

Matériel  d'artillerie.  —  Une  des  parties  les  plus  intéressantes  de  l'exposition  Cail  est 
celle  qui  comprenait  le  matériel  d'artillerie,  exposé  sur  un  terre-plein  qui  faisait  suite  au 
pavillon.  Ce  matériel  se  compose  essentiellement  de  pièces  de  montagne,  de  campagne, 
de  siège  et  de  place,  de  marine  et  de  côtes,  qui  sont  toutes  du  système  de  Bange,  et  de 
canons  à  tir  rapide  du  système  Engstrôm. 

Matériel  de  montagne.  —  La  bouche  à  feu  exposée  est  du  calibre  de  80  millimètres, 
elle  est  semblable  au  canon  réglementaire  dans  l'artillerie  française.  L'affût  diffère  de 
l'affût  réglementaire  en  France  en  ce  qu'il  ne  comporte  pas  de  rallonge  de  flèche  et  qu'il 


436  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

est  muni  d'enrayures  à  ressorts  pour  limiter  le  recul.  Le  matériel  peut  être  transporté  à  dos 
de  mulet  ou  sur  roues  au  moyen  d'une  limonière  ;  dans  le  premier  cas,  un  premier  mulet 
porte  le  canon,  un  second  mulet  l'affût,  un  troisième  les  roues  et  la  limonière  ;  les  caisses 
à  munitions  sont  portées  deux  par  deux  par  un  mulet  ;  chacune  contient  7  coups. 

Matériel  de  campagne.  —  Les  bouches  à  feu  exposées  sont  également  du  calibre  80  ;  l'une 
est  un  canon  léger  destiné  aux  pays  montagneux,  l'autre  est  le  canon  réglementaire  dans 
l'armée  française. 

Pour  le  canon  léger,  l'affût  est  en  tôle  d'acier  et  muni  de  sabots  d'enrayage  ;  l'avant- 
train  est  complètement  métallique,  le  coffre  à  munitions  contient  18  projectiles  dans 
6  porte-obus,  et  20  gargousses  dans  5  porte-charges  en  cuir.  L'arrière-train  ne  diffère  de 
Pavant-train  que  par  le  remplacement  du  timon  par  une  flèche  munie  d'un  porteroue  pour 
le  transport  d'une  roue  de  rechange. 

Matériel  de  siège  et  île  place.  —  Un  canon  de  120  millimètres  et  un  obusier  de  loo  milli- 
mètres. 

Le  canon  est  du  modèle  réglementaire  en  France.  L'affût  est  également  du  modèle 
réglementaire  et  muni  du  frein  hydraulique  ;  il  est  entièrement  en  acier. 

L'obusier  de  15."»  est  la  bouche  à  feu  qui  est  réglementaire  en  France  sous  le  nom  de 
canon  de  155  court.  L'affût,  tout  en  acier,  ne  diffère  que  légèrement  de  l'affût  réglementaire 
par  la  position  de  l'essieu,  par  la  disposition  des  roulettes  de  rentrée  en  batterie  et  par  la 
suppression  de  la  fausse  flèche  :  c'est  un  affût  glissant  qui  ne  reçoit  de  roues  que  pour  le 
transport. 

Matériel  de  marine  et  de  cides.  —  Un  canon  de  155  millimètres  sur  affût  de  bord,  un 
mortier  de  270  millimètres  et  un  canon  de  320  millimètres  sur  affût  de  côtes. 

Le  canon  de  155,  destiné  à  tirer  à  de  grandes  vitesses,  a  35  calibres  de  longueur.  La 
mise  à  feu  pour  les  tirs  de  mer  devant  être  effectuée  par  le  pointeur  lui-même,  placé  der- 
rière la  pièce,  il  est  nécessaire  d'avoir  une  étoupille  obturatrice  ;  celle  employée  est  du 
système  de  Bange,  elle  est  à  friction  et  l'on  agit  sur  le  rugueux  au  moyen  d'un  verrou  de 
mise  de  feu  qui  sert  également  d'appareil  de  sûreté,  car  il  ne  peut  fonctionner  que  lorsque 
la  fermeture  est  complète. 

L'affût,  en  acier  coulé,  est  à  pivot  central  et  à  frein  hydraulique.  Un  appareil  spécial 
assure  la  rentrée  en  batterie  et  fixe  le  corps  d'affût  dans  cette  position  d'une  façon  suffisante 
pour  le  soustraire  à  l'influence  du  roulis.  Un  masque  en  tôle  d'acier  chromé  fixé  au  châssis 
garantit  les  servants  contre  le  tir  de  la  mousqueterie  et  des  canons  revolvers. 

Le  mortier  de  270  millimètres  est  semblable  à  celui  adopté  en  France  pour  le  service 
des  côtes.  L'affût,  en  acier,  est  un  affût  glissant  qui  ne  recuit  de  roues  que  pour  les  trans- 
ports. 

Le  canon  de  320  millimètres  est  un  canon  à  grande  puissance,  monté  sur  un  affût  de 
côtes,  mais  qui  pourrait  être  mis  à  bord  d'un  navire  en  le  plaçant  sur  un  affût  différent. 
Ce  canon,  très  léger  pour  sa  grande  puissance,  est  renforcé  au  moyen  du  frettage  bi-conique 
du  colonel  de  Bange,  qui  a  pour  but  de  faire  concourir  les  frettes  à  la  résistance  longitudi- 
nale du  canon.  La  mise  de  feu  s'obtient  de  la  même  façon  que  dans  le  canon  de  155. 

L'affût,  tout  en  acier,  est  disposé  de  façon  à  permetlre  le  tir  sous  des  limites  d'angles 
très  étendues  et  à  rendre  le  pointage  en  direction  très  facile,  tout  le  poids  de  l'équipage 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    L889 


4*7 


étant  reporté  sur  la  sellette-pivot;  au  moment  du  recul  seulement  l'arrière  du  châssis  vient 
porter  sur  ses  circulaires  ;  les  freins  hydrauliques  s'opposent  à  la  fois  au  recul  et  au  soulè- 
vemenfde  l'affût. 

Canons  à  tir  rapide.  —  Les  deux  canons  exposés  sont  du  même  calibre,  57  millimètres  : 
le  plus  léger  est  spécialement  destiné  à  servir  pour  le  Manquement  des  fosses  ou  à  être 


Société  des  Établissements  Cail,  à  Paris.  —  Ateliers  des  ponts  et  plaques  tournantes. 

employé  comme  canon  de  campagne  ;  le  plus  lourd,  tirant  à  grande  vitesse,  est  destiné  au 
tir  contre  les  torpilleurs.  La  fermeture  est  du  système  de  M.  Engstrôm,  capitaine  de  vaisseau 
de  la  marine  suédoise;  la  manœuvre  en  est  très  facile  et  nullement  fatigante. 

L'affût  du  canon  léger  est  un  affût  élastique  dans  lequel  des  rondelles  Belleville 
absorbent  la  force  vive  du  recul,  qui  est  très  faible  ;  il  ne  porte  pas  d'appareil  de  pointage, 
le  canon  étant  muni  d'une  crosse  qui  sert  à  tirer  à  l'épaule. 

L'affût  du  canon  lourd  est  à  frein  hydraulique  et  à  pivot  central  ;  le  recul  est  également 
très  faible,  et  le  pointage  s'obtient  au  moyen  d'une  crosse  fixée  à  l'affût. 


138  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 

Projectiles.  —  Les  projectiles  exposes  (calibre  de  57)  des  canons  à  tir  rapide  étaient  : 
pour  le  canon  léger,  l'obus  ordinaire  et  l'obus  à  balles;  pour  le  canon  lourd,  l'obus  ordinaire 
et  l'obus  de  perforation. 

L'obus  ordinaire  est  en  fonte,  il  est  armé  d'une  fusée  percutante  ;  il  en  est  de  même  de 
l'obus  à  balles.  L'obus  de  perforation,  en  fonte  dure,  est  armé  d'une  fusée  de  culot. 

Pour  le  calibre  de  80,  les  projectiles  sont  l'obus  à  balles,  en  fonte,  armé  d'une  fusée 
percutante  ;  le  shrapnel  à  enveloppe  en  tôle  d'acier  embouti,  à  balles  en  plomb  durci, 
séparées  par  des  galettes  segmentées  en  fonte,  qui  a  sa  charge  dans  une  grenade  en  fonte 
placée  dans  l'ogive  et  est  armé  d'une  iuséc  à  double  effet,  d'une  durée  de  13  secondes, 
correspondant  à  une  portée  de  4,000  mètres;  la  boite  à  mitraille  en  tôle  de  zinc,  qui  contient 
des  balles  en  plomb  durci,  maintenues  par  du  soufre  fondu. 

Pour  le  calibre  de  120,  il  y  a  aussi  un  obus  ordinaire  et  un  shrapnel. 

Pour  le  calibre  de  155,  il  y  a  un  obus  ordinaire  en  fonte  armé  d'une  fusée  percutante, 
et  un  projectile  d'essai  spécial  au  canon  de  35  calibres. 

Pour  le  calibre  de  320,  il  n'y  a  qu'un  seul  projectile  d'essai  ogival  en  fonte,  pesant 
400  kilogrammes. 

Divers.  —  Signalons  d'abord  une  locomotive  du  système  de  Range,  dont  les  roues  sont 
mobiles  sur  leur  fusée,  ce  qui  permet  le  passage  dans  des  courbes  de  très  faible  rayon.  Les 
essieux  sont  fixes  et  les  roues  tournent  sur  des  fusées  dont  la  forme  est  telle  que,  tout  en 
reposant  sur  les  roues  par  l'intermédiaire  d'un  coussinet,  elles  permettent  à  celles-ci  de 
prendre  un  mouvement  de  rotation  autour  d'un  axe  verticai  passant  par  le  point  de  contact 
avec  le  rail  ;  deux  rondelles  d'essieux  guident  la  roue  dans  ce  mouvement,  dont  l'amplitude 
est,  d'ailleurs,  toujours  très  faible,  l'inclinaison  des  roues  dans  une  courbe  de  80  mètres  de 
rayon  ne  dépassant  pas  1/10  pour  un  entre-axe  de  10  mètres  entre  les  essieux  extrêmes,  et 
de  cette  façon  la  roue  se  place  toujours  tangentiellement  au  rail;  en  combinant  cette 
disposition  avec  un  jeu  longitudinal  des  essieux,  on  permet  à  un  véhicule  de  s'inscrire  dans 
des  courbes  de  très  petit  rayon,  quel  que  soit  le  nombre  de  ses  essieux. 

Enfin,  citons  aussi  une  machine  à  vapeur  verticale  à  deux  cylindres,  type  Compound, 
qui  était  installée  dans  le  Palais  des  Machines,  pour  donner  le  mouvement  à  une  section  de 
la  classe  LVIII  : 

Diamètre  du  cylindre  à  liante  pression 43S  millimètres. 

—  à  basse  pression 700  — 

Course  commune "00         — 

Dans  les  vitrines  de  la  classe  LU  (Palais  des  Machines)  se  trouve  un  modèle  de  détente 
Mcycr. 

Nous  n'avons  pu  que  résumer  brièvement  cette  exposition,  d'une  importance  excep- 
tionnelle, puisqu'elle  comprenait  au  total  plus  de  G0  machines,  instruments,  appareils  de 
toute  sorte,  etc.,  se  rapportant  aux  : 

Matériel  de  l'exploitation  des  mines  et  de  la  métallurgie  (classe  XLVIII)  ; 
Matériel  et  procédés  des  usines  agricoles  et  des  industries  alimentaires  (classe  L)  ; 
Machines  et  appareils  de  la  mécanique  générale  (classe  LU); 
Machines,  instruments  et  procédés  usités  dans  divers  travaux  (classe  LIXi  ; 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9  489 

Matériel  des  chemins  de  fer  (classe  LXI)  ; 

Matériel  et  procédés  du  génie  civil,  des  travaux  publics  et  de  l'architecture  (classe 
LXIII)  ; 

Hygiène  et  assistance  publique  (classe  LXIV)  ; 

Matériel  de  la  navigation  et  du  sauvetage  (classe  LXV)  ; 

Matériel  et  procédés  de  l'art  militaire  (classe  LXVIi. 

Les  principales  récompenses  obtenues  par  les  établissements  Cail  depuis  leur  fondation 
peuvent  se  résumer  ainsi  :  de  1812  à  1881,  les  prédécesseurs  des  anciens  établissements 
Cail  ont  obtenu  plus  de  50  récompenses  (grands  prix  et  médailles  d'honneur,  de  mérite, 
médailles  d'or  et  d'argent,  etc.),  et  il  a  été  décerné  à  la  Société  actuelle  : 

1°  A  Amsterdam,  en  1883,  3  diplômes  d'honneur  (dont  un  pour  l'artillerie  avec  mention 
spéciale  de  supériorité)  et  1  médaille  d'or  ; 

2°  A  Rouen,  en  1884,  1  diplôme  d'honneur; 

3°  A  Anvers,  en  1885,  6  diplômes  d'honneur  et  3  médailles  d'or. 

Société  française  des  munitions.  —  La  Société  française  des  munitions  de  chasse,  de 
tir  et  de  guerre,  qui  a  cinq  usines  remarquablement  installées  :  aux  Moulincaux  (Seine), 
aux  Bruyères  de  Sèvres  (Seine-ct-Oise),  à  Toulouse,  à  Saint -Etienne  et  à  Bruxelles  (Belgique), 
avait  réuni  dans  sa  vitrine  de  la  classe  des  armes  portatives  tous  les  spécimens  de  muni- 
tions pour  armes  de  chasse,  de  tir,  de  guerre  et  de  canon-revolver  et  à  tir  rapide.  Elle  avait 
en  outre  au  pavillon  du  Ministère  de  la  Guerre,  aux  Invalides,  une  fort  belle  exposition  spé- 
ciale de  munitions  de  guerre.  Une  partie  de  la  vitrine  de  la  classe  XXXVIII  (armes  por- 
tatives) avait,  au  point  de  vue  rétrospectif,  un  réel  intérêt;  toutes  les  transformations, 
de  1789  à  1889,  des  munitions  pour  armes  portatives  de  guerre  avaient  été  en  effet  repro- 
duites avec  un  soin  méticuleux.  Successivement  on  pouvait  voir  le  silex  du  fusil  à  pierre, 
la  boulette  fulminante  qui  se  plaçait  dans  le  bassinet,  puis  la  capsule  du  fusil  à  piston;  on 
passait  de  la  cartouche  inventée,  en  1827,  par  le  Français  Brunel  à  la  cartouche  du  premier 
fusil  à  aiguille  allemand,  en  apercevant  les  munitions  des  diverses  armes,  telles  que  Minic, 
Treuille  de  Beaulieu,  etc.  A  la  suite,  on  pouvait  voir  les  cartouches  modèle  1867  (tabatière), 
Ghassepot,  les  cartouches  métalliques  Spencer,  Bemington  et  Gras,  et  enfin  les  cartouches 
Lebel. 

Tout  cela  représentait  bien  l'historique  complet  de  la  cartouche  pendant  un  siècle,  et 
cette  réunion  si  adroitement  faite  montrait  d'une  manière  vraiment  saisissante  quels  pro- 
grès avaient  été  réalisés  dans  cette  période.  Qui  peut  dire  à  l'heure  actuelle  quel  chemin 
aura  été  parcouru  dans  cent  ans  à  partir  de  ce  jour? 

L'histoire  de  la  cartouche  était  accompagnée  par  la  collection  complète  de  toutes  les 
cartouches  de  guerre  en  usage  dans  les  armées  du  monde  entier  ;  rien  n'était  plus  intéres- 
sant que  de  comparer  entre  eux  les  différents  spécimens  exposés. 

À  côté  figurait  l'outillage  complet  pour  la  formation  des  différentes  opérations  néces- 
saires pour  transformer  une  rondelle  en  laiton  en  cartouche;  sur  une  autre  face  de  la  vitrine, 
dans  un  espace  relativement  restreint,  on  trouvait  groupées,  sans  confusion  cependant,  les 
cartouches  diverses  de  tir,  de  revolver,  de  cannes-fusils  et  sarbacanes,  de  tir  réduit  de 
précision  pour  fusils  de  guerre  et  pour  fusils  scolaires,  et  enfin  les  cartouches  Flobert  de 
tous  calibres  pour  armes  de  salon.  Un  espace  important  était  réservé  aux  amorces  pour 


490 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


fusils  à  piston  de  chasse  et  de  guerre,  aux  différents  appareils  d'amorçage  pour  les  douilles 
de  chasse  et  enfin  aux  innombrables  variétés  de  bourres  et  de  douilles  de  chasse  de  tous 
calibres  et  de  toutes  couleurs  dont  l'arrangement  avait  été  fait  avec  le  meilleur  goût. 

La  dernière  partie  de  la  vitrine  contenait  tout  ce  qui  a  rapport  à  l'artillerie  et  au  génie, 
c'est-à-dire  les  cartouches  pour  canon  à  tir  rapide  et  pour  canon-revolver,  les  munitions 
(obus,  boites  à  mitraille  et  sachets  à  poudre)  pour  bouches  à  feu  de  tous  calibres,  les  fusées 
percutantes,  à  temps  et  mixtes,  pour  obus  ;  des  modèles  de  tous  les  gouvernements,  les 
étoupillcs  de  mise  de  feu  qui  se  font  soit  à  friction,  comme  celles  qu'emploie  l'artillerie  de 
terre;  soit  à  percussion,  soit  électriques,  comme  celles  usitées  par  la  marine;  enfin  les  déto- 
nateurs pour  la  poudre,  pour  la  dynamite  ou  le  fulmicoton,  qui  s'enflamment  les  uns  par 
une  mèche  de  mineur,  les  autres  par  l'électricité. 


LES  TISSUS  A  L'EXPOSITION 


lKS  tissus  constituaient  une  division  importante  de  l'Exposition.  Pour  en  faciliter 
lifepgp  l'étude  à  nos  lecteurs,  nous  adopterons  l'ordre  suivant  : 
•^ôi^i    Matériel  et  procédés  de  la  couture  et  de  la  confection  des  vêtements  ; 

Matériel  et  procédés  de  la  filature  et  de  la  carderie,  matériel  et  procédés  de  tissage  ; 
Soies  et  tissus  de  soie  ; 
Chambre  de  commerce  de  Lyon; 

Exposition  collective  des  fabricants  de  toiles  d'Armentières. 

Enfin,  nous  terminerons  par  de  rapides  indications  sur  quelques   exposants  de  ce 
groupe. 


MATERIEL  ET  PROCEDES  DE  LA  COUTURE  ET  DE  LA  CONFECTION 

DES  VÊTEMENTS 


Dans  un  état  de  civilisation  tel  que  le  nôtre,  il  ne  suffît  pas  à  l'homme,  comme  chez 
certains  peuples  inférieurs  qu'on  rencontre  encore  dans  dis  régions  perdues  de  l'Afrique 
et  de  l'Australie  centrales,  de  manger,  de  boire  et  de  dormir.  Les  nations  civilisées  ont  un 
idéal  autrement  vaste;  et  sans  parler  ici  des  mille  ingrédients  devenus,  par  tradition  et  par 
progrès  successifs,  des  nécessités  inhérentes  à  nos  mœurs,  et  dont  nous  ne  pourrions  plus 
nous  passer  maintenant,  la  chose  caractéristique  qui  distingue  l'homme  civilisé  de  l'homme 
sauvage,  c'est  que  le  premier  recouvre  son  corps  d'un  vêtement,  tandis  que  le  second  vit 
nu  ou  à  peu  près  tel.  En  effet,  le  climat  n'a  pas  dans  la  question  la  principale  influence, 
et  les  indigènes  qui  peuplent  les  régions  les  plus  proches  du  pôle  n'ont  guère  plus  de 
vêtements  que  ceux  qui  habitent  les  vastes  régions  torrides  du  continent  noir.  Il  est  donc 
avéré  que  le  vêtement,  quelque  rudimentaire  qu'il  soit,  dénote  un  état  de  civilisation  plus 
ou  moins  avancé. 


492  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

Cela  posé,  il  s'en  déduira  facilement  que  plus  il  y  a  de  raffinement  dans  le  matériel,  et 
par  suite  dans  la  confection  des  vêtements  d'une  race,  plus  cette  race  a  atteint  un  haut 
degré  de  civilisation.  Deux  visites  faites,  l'une  dans  les  galeries  d'ethnographie  de  l'hôtel 
des  Invalides,  l'autre  dans  la  classe  LVI  de  l'Exposition  Universelle,  suffiraient  pour  nous 
convaincre  de  ce  fait,  si  nous  n'en  saisissions  pas,  de  prime  abord,  toute  l'exactitude. 

Le  vêtement,  chez  l'homme  civilisé,  —  le  seul  dont  nous  ayons  à  nous  occuper  ici,  — 
a  atteint,  par  suite  d'innombrables  perfectionnements,  un  degré  de  raffinement,  de  variété, 
dont  rien  n'approche. 

Tandis  que  la  population  des  campagnes  porte  presque  toujours  le  même  vêtement, 
celle  des  villes,  et  en  particulier  le  monde  sélect,  a  une  tenue  spéciale,  pour  ainsi  dire,  pour 
chaque  genre  de  situation  dans  laquelle  il  est  placé,  pour  chaque  sorte  de  cérémonie  à 
laquelle  il  assiste;  et  puis,  en  outre  de  cela,  n'avons-nous  pas  des  costumes  pour  l'armée, 
pour  chaque  genre  d'industries,  etc.,  etc.  ? 

La  mode  de  ces  différents  vêtements  et  costumes  en  est  excessivement  changeante, 
surtout  pour  les  vêtements  de  femmes,  et  chaque  tailleur  s'ingénie  à  trouver  constamment 
de  nouveaux  arrangements,  de  nouvelles  formes,  —  qui,  quelquefois,  ne  sont  que  la  réédi- 
tion perfectionnée  de  formes  anciennes  et  abandonnées  —  qui  flattent  l'œil  et  le  goût  du 
public,  surtout  du  public  «  mondain  »,  celui  qui  achète  le  plus. 

La  classe  LVI  était  extrêmement  intéressante;  le  principal  fait  à  noter  qui  s'en  dégage 
est  la  spécialisation  de  plus  en  plus  accentuée  de  chaque  chose;  si  cela  continue,  on  ne 
pourra  plus  trouver  dans  un  même  magasin  de  nouveautés  les  vêtements  les  plus  indis- 
pensables et  les  plus  communs,  parce  que  celui-ci  ne  vendra  que  des  cravates,  celui-là  que 
des  gants,  cet  autre  que  des...  chaussettes,  etc. 

Mais  l'avantage  de.  la  spécialisation  des  vêtements  consiste  en  ce  que  de  cette  façon  ils 
sont  exécutés  avec  plus  de  soin,  sont  plus  solides,  mieux  cousus,  plus  variés  de  formes  et 
de  couleurs,  plus  agréables  enfin  pour  celui  qui  s'en  sert. 

Mais,  dira  le  lecteur,  parlez-nous  de  l'Exposition!  Patience,  nous  y  arrivons,  mais  ce 
préambule  avait  son  importance. 

En  entrant  par  le  Dôme  Central  dans  le  Palais  des  Machines,  en  suivant  la  galerie 
de  30  mètres,  on  aperçoit  de  chaque  côté  deux  escaliers  conduisant  aux  galeries  supé- 
rieures; c'est  en  haut  de  l'escalier  de  droite  que  se  développait  la  classe  LVI. 

Que  voyait-on  donc  de  curieux  et  de  notable  dans  cette  classe  LVI,  relative  au  matériel 
et  aux  procédés  de  la  couture  et  de  la  confection  des  vêtements?  Une  infinité  de  choses, 
et  d'abord,  ceux  qui  ont  vu  KS78,  et  ils  sont  nombreux,  constataient  un  progrès  très 
sensible  depuis  cette  époque. 

La  spécialisation,  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  signaler,  se  manifeste  surtout 
dans  le  matériel,  et  dans  cette  catégorie  l'outillage  destiné  à  prendre  des  mesures  a  subi 
d'importants  perfectionnements,  en  même  temps  que  les  machines  se  sont  spécialisées  à 
l'infini.  La  prise  des  mesures  est  en  effet  une  importante  opération,  la  première  fine  le 
tailleur  ait  à  faire,  et  de  celle-là  dépend  la  valeur  de  la  confection  du  vêtement.  Un  mètre  à 
la  main  ne  suffira  plus  pour  mesurer  des  différentes  dimensions  à  donner  au  vêtement,  il 
faudra  un  instrument  plus  rapide  et  plus  précis,  des  appareils  spéciaux.  Déjà  plusieurs 
tailleurs,  M.  Carnoy,  entre  autres,  exposaient  un  appareil  pour  prendre  les  mesures,  et 
MM.  Guerre,  Laroutie  et  Lavigne  avaient  une  exposition  collective  d'appareils  du  même 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89  493 

genre.  Comme  spécialité,  M.  Darracq  se  faisait  remarquer  par  sa  machine  à  évcntailler  les 
corsets. 

Un  système  qu'on  emploie  beaucoup  est  celui  qui  consiste  à  se  servir  de  mannequins. 
Cette  branche  de  l'outillage  en  est  arrivée  à  un  tel  perfectionnement,  qu'il  suffit,  au  moyen 
des  mannequins  articulés  de  M""s  et  de  M""  Merle,  de  prendre  quelques  mesures  sur  la 
personne  pour  reproduire  avec  exactitude  sa  forme  extérieure.  On  comprend  que  des 
appareils  de  ce  genre  soient  goûtés  par  les  modistes  et  les  couturières,  auxquelles  elles 
font  gagner  du  temps,  ainsi  qu'au  client,  qui  se  trouve  parfaitement  satisfait.  Un  autre 
mannequin  conformateur  bien  conditionne  était  exposé  par  M.  Trochu;  des  bustes  articulés 
figuraient  dans  l'exposition  de  M.  Mercier. 

Lorsque  les  mesures  sont  bien  prises,  il  faut  tailler  dans  l'étoffe  les  morceaux  qui  for- 
meront les  différentes  pièces  dont  le  vêtement  doit  être  constitué'.  Là  encore,  la  machine 
a  fait  son  apparition,  et  dans  peu  d'années  le  coupage  aux  ciseaux  et  à  la  main  sera  com- 
plètement abandonné  dans  les  maisons  de  quelque  importance. 

La  machine  à  couper  les  étoffes,  de  M.  Mauny,  est  à  signaler;  elle  permet  de  tailler  en 
même  temps,  sur  le  même  patron,  un  grand  nombre  de  pièces.  Un  autre  tailleur,  M.  Tiersot, 
se  sert  d'une  scie  pour  arriver  au  même  but.  D'autres  méthodes  de  coupe  étaient  exposées 
par  MM.  Variiez  et  Serre;  enfin,  M.  Bisch  montrait  sa  machine  à  couper  les  étoffes  et  son 
outillage  pour  tailleurs;  M.M.  Ogliastro  et  Monjan,  leurs  appareils  servant  à  la  coupe  de  tous 
les  vêtements,  et  M.  Fabre,  un  appareil  régulateur  de  coupe. 

A  coté  de  tout  cela,  figuraient  des  modèles  à  petite  échelle  à  l'usage  des  modistes, 
exposés  par  MUe  Perréard;  les  patronomètres  de  MM.  Dclory  et  P.  Lavigne,  les  modèles  de 
coupe  pour  vêtements  de  M.  Vareille,  ainsi  qu'un  journal  important  de  mode,  dirigé'  par 
M.  Michaux;  ce  dernier  exposait,  en  outre,  des  modèles  réduits  de  modes,  qu'il  se  charge 
d'expédier  dans  le  momie  entier.  Signalons  encore,  dans  cette  même  série  d'exposants  : 
M.  Renan-Damidau,  pour  ses  formes;  M.  Couteau,  pour  ses  modèles  de  conformateur; 
M.  Philippe,  [pour  ses  emporte-pièces,  et  M.  Farce,  pour  sa  nouvelle  méthode  de  coupeur- 
chemisier. 

Il  s'agit,  maintenant  que  le  coupage  est  bien  exécuté  par  les  derniers  procédés  que  l'in- 
dustrie a  imaginés,  d'assembler  les  morceaux  et  de  les  coudre  ensemble.  Autrefois,  c'était 
encore  la  main  seule  de  l'ouvrière  qui  venait  à  bout  de  ce  pénible  travail;  maintenant,  grâce 
à  la  belle  invention,  par  le  Français  Thimonnier,  de  la  première  machine  à  coudre,  dès  1830, 
et  aussi  aux  perfectionnements  et  améliorations  multiples  que  cet  appareil  a  reçus,  en 
Amérique  surtout,  la  main  ne  sert  plus  qu'à  guider  le  travail,  et.  en  appuyant  le  pied  sur 
une  pédale,  on  développe  assez  de  forci'  pour  donner  le  mouvement  à  la  machine,  qui 
exécute  la  couture  très  rapidement.  Il  s'en  est  suivi  que  la  main-d'œuvre  ayant  diminué,  le 
prix  des  vêtements  a  considérablement  baissé  dans  ces  dernières  années;  la  production  et 
la  consommation  ont  augmenté'  dans  une  très  forte  proportion. 

La  machine  à  coudre  a  donc  été  un  facteur  important,  qui  a  contribué  pour  beaucoup 
à  atténuer  les  différences  qu'il  y  avait  autrefois,  par  rapport  au  costume,  parmi  les  diverses 
classes  de  la  société  et  même  aussi  parmi  les  artisans  eux-mêmes.  Aujourd'hui,  il  y  a,  sous 
le  rapport  du  costume,  une  moyenne  qui  tend  vers  l'uniformité.  Ce  qui  est  en  harmonie  avec 
les  tendances  démocratiques  de  notre  pays. 

La  première  machine  à  coudre,  comme  nous  l'avons  indiqué  tout  à  l'heure,  a  été 


494  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   1889 

inventée  par  un  Français  et  brevetée  dès  1830,  et  cependant  cette  invention  passe  générale- 
ment pour  être  américaine.  Malgré  cette  allégation,  c'est  bien  à  notre  compatriote  Tliimon- 
nier  que  revient  l'honneur  d'avoir,  le  premier,  résolu  le  problème  de  la  couture  mécanique 
avec  une  seule  aiguille  et  à  iil  continu.  Le  plus  ancien  système  américain  ne  date  que 
de  1842.  Du  reste,  les  rapports  faits  aux  Expositions  Universelles  de  1853  et  de  1867  en  l'ont 
foi,  et  Elias  Howe,  l'inventeur  américain  présumé  de  la  machine  à  coudre,  n'est  venu  qu'en 
second  lieu.  Il  est  mort  comblé  d'honneurs  et  millionnaire;  Thimonnier  est  mort  oublié, 
obscur,  indigent!  Et  aujourd'hui  son  invention  a  l'ait  une  grande  quantité  de  fortunes  et 
rendu  d'immenses  services  à  l'humanité. 

La  classe  dont  nous  nous  occupons  renfermait  beaucoup  de  machines  à  coudre  fran- 
çaises. M.  Bâcle  exposait  sa  pédale  magique;  M.  Bonnaz,  ses  machines  à  coudre,  connues 
sous  le  nom  de  couso-brodeur,  et  répandues  universellement,  ainsi  qu'une  pédale,  dite 
hygiénique,  de  MM.  Rohis  et  Robert.  Ces  divers  inventeurs,  et  c'est  aujourd'hui  une  ten- 
dance qui  se  généralise,  se  sont  préoccupés  d'une  façon  fort  louable  des  moyens  d'éviter, 
autant  que  possible,  les  inconvénients  inhérents  à  l'usage  des  machines  à  coudre.  Les  pre- 
mières machines  étaient  très  fatigantes  pour  les  ouvrières  ;  les  plus  récentes  le  sont  infini- 
ment moins,  par  suite  de  dispositions  spéciales.  Une  solution  désirable,  c'est  la  mise  en 
marche  de  la  machine  à  coudre  au  moyen  d'un  moteur  à  gaz.  La  chose  a  été  réalisée,  mais 
il  semblerait  que  la  dépense  a  été  jusqu'à  présent  un  obstacle  à  cette  application. 

D'autres  belles  machines  à  coudre  étaient  exposées  par  MM.  Hurtu  et  Hautin;  les  mêmes 
industriels  avaient  encore  dans  la  classe  LXI  des  machines  à  broder  très  perfectionnées, 
ainsi  que  des  machines  à  til  poissé;  niais  ce  qui  attirait  le  plus  particulièrement  l'attention 
de  ce  côté,  c'était  leur  nouvelle  machine  faisant  2,500  points  à  la  minute  avec  des  canettes 
contenant  plusieurs  centaines  de  mètres  de  Iil. 

Rien  d'autres  machines  à  coudre  figuraient  à  l'Exposition;  citons,  comme  les  plus  remar- 
quables, celles  exposées  par  MM.  Brion  frères,  remarquables  par  leur  bonne  construction  et 
la  disposition  de  leur  bâtis;  celles  de  M.  Lecomte,  très  solides  et  très  soignées  de  construc- 
tion; les  machines  de  MM.  Onfray,  Godart,  Thabourin,  Gottendorff  (successeur  de  M.  Godivin), 
ce  dernier  fabricant  en  France  les  machines  du  système  américain  avec  leur  outillage  très 
perfectionné;  enfin,  celle  de  la  Société  mercantile,  de  MM.  Garnier,  Thomas,  Rothenbur- 
ger,  etc.,  et  les  machines  microscopiques  de  M.  Souchay.  A  rapprocher  de  cette  série  les 
pinces  à  coudre  les  gants,  exposées  par  M.  Tesson. 

À  côté  des  machines  à  coudre,  nous  devons  placer  les  machines  à  broder,  qui  faisaient 
surtout  l'admiration  des  visiteuses;  nous  avons  déjà  parlé  tout  à  l'heure  de  celles  de 
MM.  Hurtu  et  Hautin;  signalons  encore  les  machines  à  broder  de  M.  Peugeot,  qui  peuvent 
avoir  de  multiples  emplois;  c'est  ainsi  qu'elles  peuvent  servir  à  soutacher  en  plusieurs  cou- 
leurs, à  découper,  à  déchiqueter,  à  surjeter,  etc.  Les  résultats  obtenus  par  ce  genre  de  ma- 
chines, qui  économise  tout  le  travail  de  la  couturière,  sont  très  beaux;  on  peut  en  dire 
autant  des  autres  machines  du  même  genre  que  M.  Gornély  exposait,  ainsi  que  de  celles  de  la 
Compagnie  française,  dirigée  par  M.  Vigneron,  qui  a  apporté  pour  sa  part  de  notables  perfec- 
tionnements, et  a  surtout  contribué  puissamment  à  propager  la  production  exclusivement 
française. 

Une  machine  à  broder  qui  est  encore  à  signaler  est  celle  de  M.  Derriey,  qui  permet  de 


406  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

broder  en  peu  de  temps  le  même  dessin  sur  vingt  pièces  d'étoffes  différentes.  A  signaler 
aussi  la  curieuse  machine  à  enfiler  les  perles  de  M.  Rubatto. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  MM.  Lotz,  Dupont,  Petit  et  Arcencain  exploitent  une  industrie 
intéressante  :  c'est  celle  des  machines  destinées  à  assembler  les  échantillons.  Une  autre  ingé- 
nieuse machine  pour  plier  les  étoffes  était  montrée  par  M.  Notelle. 

L'invention  se  montre  partout;  M.  Sarriot  a  pensé  que  pour  les  fers  à  repasser  la  pression 
de  la  main  exigeait  une  trop  grande  fatigue  de  la  part  de  l'ouvrière  ou  de  la  ménagère,  et 
présentait  un  certain  danger  de  maniement;  aussi,  a-t-il  imaginé  des  fers  spéciaux,  où  la 
pression  de  la  main  est  remplacée  par  celle  du  pied,  ce  qui  permet  de  déplacer  le  fer  presque 
sans  fatigue.  Un  autre  système  de  fer  à  repasser,  chauffé  au  gaz  ou  au  pétrole,  était  exposé 
par  M.  Bcntayou;  d'autres  fers  à  repasser  étaient  présentés  par  MM.  Roger  Durand,  Grino, 
Jey,  Ruggcr,  Huguenin. 

La  fabrication  des  boutons  était  représentée  par  les  petites  machines  de  M.  Sherding  et 
par  les  presses  puissantes  à  balancier  de  M.  Pernet. 

Puisque  nous  parlons  des  boutons,  notons  en  passant  la  machine  de  M.  Gottendorff, 
pour  poser  les  boutons. 

Les  machines  à  presser  les  vêtements  de  M.  Brunswick,  les  lettres  à  marquer  le  linge 
de  M.  Krumnow,  les  enfile-aiguilles  de  Mme  Mercier-Lcelerc,  etc.,  sont  des  variétés  de  cette 
classe,  qui  montraint  à  quel  point  la  confection  des  vêtements  et  leurs  accessoires  se  sont 
diversifiés. 

Maintenant  que  nous  avons  énuniéré  ce  qui  se  distinguait  le  plus  dans  l'exposition  du 
matériel  des  procédés  du  vêtement  proprement  dit,  nous  allons  aborder  ce  qui  doit  recouvrir 
les  deux  extrémités  opposées  du  corps  humain,  à  savoir  la  tète  et  les  pieds,  le  chapeau  et 
les  chaussures. 

Quelle  variété  dans  la  forme  des  chapeaux  de  femmes!  Toutes  les  saisons  nous  en 
apportent  de  nouvelles  formes,  et  toujours,  toujours,  les  modistes  en  cherchent  encore  qui 
puissent  plaire  davantage,  et  satisfaire  les  caprices  du  beau  sexe.  Mais  les  chapeaux  du  sexe 
fort  eux-mêmes  suivent  aussi  les  fous  caprices  de  la  mode.  Cette  année,  les  chapeaux  de 
paille,  par  exemple,  sont  plus  hauts  que  ceux  de  l'année  dernière.  Le  ruban  de  couleur  qui 
les  entoure  est  moins  large;  quiconque  n'est  pas  au  goût  du  jour  est  réputé  sans  goût. 

Mais  quelle  que  soit  la  forme  du  chapeau,  sa  couleur,  ses  qualités,  les  procédés  de  fabri- 
cation sont  toujours  les  mêmes.  Cette  industrie  était  fort  bien  représentée  par  la  maison 
Légat  et  Herbet.  Le  premier  de  ces  industriels  est  l'inventeur  de  machines  nombreuses 
employées  en  chapellerie,  et  spécialement  d'une  presse  hydraulique  à  action  prompte  et  très 
puissante,  qui  sert  à  repousser  et  à  tourner  d'un  seul  coup  les  chapeaux  de  toute  nature  et 
de  toute  forme;  elle  peut  donc  s'adapter  aux  caprices  changeants  de  la  mode.  A  signaler 
encore  à  l'actif  de  MM.  Légat  et  Herbet  leurs  machines  à  coudre  les  chapeaux  de  paille,  qui 
avaient  le  don  de  retenir  de  nombreux  visiteurs  autour  d'elles.  Ces  machines  se  distinguent  en 
effet  parla  perfection  du  travail  qu'elles  produisent,  et  aussi  par  la  rapidité  de  l'exécution. 

M.  Durozoi  présentait  aussi  ses  presses  pour  la  fabrication  des  chapeaux,  et  MM.  Coq  fils 
et  Simon,  des  machines  à  fabriquer  spécialement  les  chapeaux  de  Jeulre;  leur  fouleusc  est 
curieuse  à  voir  fonctionnel'  :  par  ses  mouvements  tremblotants,  elle  resserre  et  donne  de  la 
consistance  à  un  poil  qu'il  s'agit  de  feutrer.  Une  autre  machine  à  découper  le  poil  de  lapin, 
pour  l'usage  de  la  chapellerie,  et  caractérisée  par  un  dispositif  évitant  tout  danger  d'accident 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  407 

■ • 

pour  les  ouvriers,  était  présentée  par  M.  Chertemps,  et  une.  machine  à  repasser  les  chapeaux 
de  feutres  par  M.  Magaud. 

Passons  maintenant  à  l'autre  extrémité  du  corps  humain,  de  la  tète  aux  pieds,  de  la 
chapellerie  à  la  cordonnerie. 

Le  cordonnier  légendaire,  que  nous  voyons  encore  quelquefois  accroupi  dans  sa  petite 
boutique,  est  serré  de  près  par  les  progrès  delà  mécanique.  Aussi,  sa  clientèle  diminue-t-elle 
de  jour  en  jour,  et  se  limite-telle  au  ressemelage,  puisqu'on  paye  bien  moins  cher  à  acheter 
toutes  faites  les  chaussures  très  bien  exécutées  par  les  rapides  procédés  modernes. 

Parmi  les  exposants  principaux  de  la  présente,  classe,  on  doit  placer  M.  Keats.  Son  exhi- 
bition se  composait  d'un  ensemble  très  complet  et  très  bien  entendu  des  machines  à  fabriquer 
les  chaussures  ;  une  machine  distincte  existe  pour  chaque  opération  différente,  de  telle  sorte 
que  le  visiteur  pouvait  voir  entrer  le  cuir  tel  qu'il  sort  de  la  tannerie,  par  une  porte,  puis  au 
bout  d'un  certain  temps,  voir  sortir  les  chaussures  toutes  finies  par  une  autre  porte,  sans 
que  la  main  de  l'homme  ait  eu  autre  chose  à  faire  qu'à  régler  la  marche  de  ses  outils  et  à 
surveiller  la  bonne  exécution  du  travail. 

À  côté  de  ces  machines,  l'Exposition  en  renfermait  une  foule  d'autres.  Voici  d'abord 
les  machines  à  visser  les  chaussures  de  M.  Mayer;  les  emporte  pièces  de  MM.  Bonnot  et 
Godât;  puis  les  puissantes  machines  de  M.  Mouchot,  pour  découper  les  talons  de  chaus- 
sures; celles  de  la  Société  pour  l'exploitation  des  brevets  et  de  M.  Pinède,  pour  coudre  les 
chaussures,  qu'on  pourrait  rapprocher  des  machines  à  coudre  que  nous  avons  déjà  étudiées 
et  la  série  de  machines  que  MM.  Dailloux,  Fromentin,  Chabrat,  Delvert  et  Mme  veuve 
Clément,  emploient  pour  fabriquer  les  chaussures. 

Enfin,  MM.  Paravicini  et  Nardi  présentaient,  chacun  séparément,  des  machines  à  cambrer 
les  tiges  de  bottes  et  de  bottines,  c'est-à-dire  à  donner  au  cuir  une  forme  qui  lui  permette  de 
bien  prendre  la  forme  du  cou-de-pied.  M.  Pernet,  déjà  cité,  emploie  aussi  des  presses  à  balan- 
cier pour  l'estampage  des  talons  de  chaussure,  et  en  général,  pour  tout  usage  où  une  forte 
pression  est  nécessaire  pendant  un  temps  relativement  court. 

Plus  loin  encore,  on  trouvait  disséminés  au  milieu  des  expositions  de  tailleurs, 
modistes,  etc.,  d'autres  machines,  appareils,  modèles  ou  procédés  variés,  employés  dans  la 
cordonnerie  moderne,  (l'est  ainsi  que  MM.  Guétant,  Salarnié,  Guépin,  Devos  et  Gestas,  mon- 
traient leurs  modèles  de  formes  de  chaussures;  M.  Souche,  sa  machine  à  courber  les  tiges  de 
bottes;  MM.  Reynal,  Guétant,  Peyrot  et  Ségaut,  leur  petit  outillage  de  cordonnerie;  31.  Halma, 
ses  machines  à  visser  les  chaussures;  M.  Ratouis,  le  directeur  du  journal  la  Cordonnerie, 
ses  patrons  en  zinc  et  dessins,  etc. 


MATÉRIEL  ET  PROCÉDÉS  DE  LA  FILATURE  ET  DE  LA   CORDERIE 
MATÉRIEL  ET  PROCÉDÉS  DU  TISSAGE 

Ces  deux  classes  étaient  réunies  sur  le  même  emplacement  dans  la  Galerie  des 
Machines,  d'une  part,  au  rez-de-chaussée  [côté  de  l'avenue  de  Sulfr.en\  et  d'autre  part  au 
premier  étage. 

m  m 


49S  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

La  classe  LIV  comprenait  le  matériel  du  filage  mécanique  des  matières  textiles:  lin 
coton,  laine,  soie,  et  aussi  le  matériel  des  ateliers  de  corderie  et  des  cables  textiles. 

La  elasse  LV  contenait  les  métiers  à  tisser,  les  métiers  à  fabriquer  les  tapis,  ceux  à  bon- 
neterie, à  dentelle,  à  tulle,  le  matériel  des  passementiers,  les  machines  d'apprêts  et  celles 
d'impressions  pour  étoiles. 

Les  machines  du  rez-de-chaussée  étalent  en  mouvement;  celles  du  premier  étage  étaient 
au  repos.  L'exposition  de  ces  deux  classes  était  considérable,  et  avant  de  la  résumer  nous 
croyons  indispensable  de  rappeler  les  origines  de  la  filature  et  du  tissage  mécaniques. 

Quelques  mots  sur  V historique  de  la  filature  d  a  matière*  textile*.  —  Le  travail  des  matières 
textiles,  c'iest-à-dirc  leur  transformation  en  lil  continu,  s'est  fait  pendant  bien  des  siècles 
par  des  procédés  1res  élémentaires  et  peu  rapides.  Filer  était  une  occupation  ménagère 
réservée  aux  femmes,  qui  faisaient  usage  du  fuseau  et  de  la  quenouille,  outils  presque 
oubliés  de  nos  jours.  Le  rouet  classique  du  xvi'  siècle  était  un  grand  progrès;  mais  cet  ou- 
tillage, comme  le  précèdent,  ne  produisait  qu'un  seul  fil.  Une  circonstance  provoqua  l'inven- 
tion des  premières  machines  à  filer  plusieurs  fils  à  la  fois.  Les  Anglais, dans  la  seconde  moitié 
du  dernier  siècle,  créèrent  une  étoffe,  nommée  futaine,  dont  la  chaîne  était  en  fil  de  lin  et  la 
trame  en  fil  de  coton.  Leur  création  réussit  si  bien  que  les  fils  de  coton  devinrent  rares,  et 
leur  main-d'œuvre  augmenta  considérablement.  C'est  alors  que,  vers  1760,  on  chercha  à 
produire  le  lil  de  coton  plus  rapidement,et  aussi  à  meilleur  marché  qu'à  la  main.  Un  nommé 
Th.  Higgs,  mécanicien,  eut  l'idée  de  rechercher  une  machine  pouvant  produire  simultané- 
ment plusieurs  fils.  Il  s'associa  à  un  horloger  du  nom  de  Kay  ;  mais  ils  ne  réussirent  pas.  Ce 
n'es!  qu'en  1703  que  Higgs  seul  construisit  une  première  machine  à  filer  de  six  broches,  à 
laquelle  il  donna  le  nom  d'une  de  ses  filles,  qui  s'appelait  Jenny  ;  il  l'appela  Jennyla  jileuse. 
Ensuite,  il  en  construisit  une  autre  île  i't  broches. 

Vn  autre  mécanicien,  James  Hargreaves,  tileur  à  Stanhill (Lancastre),  modifia,  trois  ans 
plus  tard,  l'invention  de  Higgs  cl  trouva  des  capitalistes  qui  l'aidèrent  à  monter  une  petite 
filature  à  Nottingham. 

La  nouvelle  machine  ne  permettait  encore  que  la  fabrication  de  la  trame  des  futailles, 
la  chaîne  étant  toujours  formée  par  des  lils  de  lin.  L'inventeur  Higgs  parvint  plus  tarda 
construire  une  machine  à  fabriquer  la  chaîne,  qu'il  appela  throslle  ou  water-frame  (ou  ma- 
chine hydraulique)  parce  qu'elle  ne  pouvait  marcher  qu'au  moyen  d'un  moteur  hydraulique. 
Dans  cette  machine,  il  lit  usage  des  cylindres  étireurs,  qui  sont  devenusl'organe  caractéris- 
tique de  la  filature  moderne.  Le  métier  à  filer  continu  était  inventé. 

Nous  abrégeons  un  peu  l'historique  des  péripéties  des  divers  inventeurs  précédents,  qui 
furent  frustrés  par  un  barbier  de  Preston,  Richard  Arkwright,  lequel  parvint  à  s'emparer 
des  diverses  inventions  de  ses  contemporains  et  à  monter  une  filature  à  Nottingham  en  1771 
et  une  autre  en  1772  à  Cromford  (Derbyshire).  Richard  Arkwright  mourut  en  170-2,  comblé 
d'honneur,  en  laissant  une  fortune  évaluée  à  plus  de  douze  millions,  tandis  que  les  premiers 
inventeurs  ne  tirèrent  rien  de  leur  travail. 

En  même  temps  que  le  métier  à  filer  continu  était  trouvé  vers  177:!,  on  substituait  les 
cardes  à  bloc  aux  cardes  a  la  main  ;  puis  vinrent  ensuite  les  machines  à  carder. 

Mais  le  perfectionnement  qui  transforma  la  filature  de  coton  fut  la  machine  que  Samuel 
Cromplon,  de  Bolton-le-Mors,  inventa  en  1775,  et  connue  sous  le  nom  de  mull-Jemnj,  ainsi 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   '1889  499 

nommée  parce  qu'elle  a  été  à  l'origine  mue  par  un  mulet.  Cette  machine  ne  fut  réellement 
employée  que  vingt  années  après  son  invention. 

Cette  mull-Jenny  subit  des  perfectionnements  et  en  1810,  on  la  trouve  avec  216  broches. 
En  1826,  elle  subit  une  nouvelle  transformation,  connue  sous  le  nom  de  mull-Jenny  self- 
acting.  Elle  devint  automatique  par  les  modifications  que  lui  lit  subir  Maurice  de  Jough, 
fîlateur  à  Washington  (Lancastre). 

Enfin,  en  1845,  l'invention  de  la  peigneuse  Heilmann  vint  apporter  des  modifications 

si  importantes  dans  la  filature  des  matières  textiles  que  depuis  cette  époque  on  ne  peut 
signaler  aucune  invention  qui  ait  eu  une  importance  aussi  considérable. 

Depuis  cette  époque,  il  s'est  produit  un  grand  développement  des  machines  se  rappor- 
tant à  la  filature  qui  a  été  mis  en  relief  dans  les  diverses  expositions.  Ainsi,  dans  l'Exposi- 
tion française  de  1855,  c'est  le  métier  self-acting  qui  dominait.  Quelques  années  après,  la 
peigneuse  de  Josué  Heilmann.  construite  par  3IM.  Schlumberger  et  Clc,  obtint  à  la  Société 
d'Encouragement  le  prix  de  12,000  francs,  fondé  par  le  marquis  d'Argenteuil. 

A  l'Exposition  de  1867,  le  nombre  des  machines  self-acting  était  très  grand,  et  les  modi- 
fications apportées  dans  la  construction  de  ces  machines  avaient  pour  résultat  d'atténuer  le 
bruit  pénible  des  transmissions  et  de  donner  une  grande  régularité  au  filage.  Enfin,  on  pou- 
vait arriver,  par  suite  de  combinaisons  ingénieuses,  à  travailler  sur  le  même  métier  les 
libres  courtes  et  les  fibres  longues  et  à  obtenir  des  fils  très  variés  de  grosseur. 

A  l'Exposition  de  1878  apparut  la  peigneuse  de  M.  Imbs,  propre  à  préparer  les  filaments 
très  courts,  travail  que  ne  pouvait  faire  la  peigneuse  Heilmann. 

Historique  de  la  filature  de  laine.  —  De  même  que  pour  les  fils  de  coton,  les  fils  de 
laine  se  firent  à  la  main  dans  les  siècles  passés.  La  Flandre  et  la  Picardie  ont  fourni  pendant 
longtemps  les  fils  de  laine  fabriqués  à  la  main  et  qui  servaient  au  tissage  des  draps  et  des 
tissus  de  laine  ras.  La  Hollande  et  la  Saxe  fournissaient  aussi  des  fils  de  laine  fabriqués  à  la 
main. 

Le  premier  essai  d'une  machine  à  filer  la  laine  remonte  à  1755;  cette  machine  n'eut  pas 
de  succès,  et  c'est  en  1780  que  Priée,  un  Anglais,  inventa,  en  France,  une  machine  pouvant 
filer  le  coton,  le  lin  et  la  laine.  Cette  machine  fut  abandonnée,  et,  c'est  seulement  de  1809  à 
1810,  que  Douglas  et  Cockerill  essayèrent  la  filature  et  le  cardage  de  la  laine  à  la  mécanique. 
On  appliqua  alors  à  la  laine  peignée  le  métier  mull-Jenny,  déjà  appliqué  au  coton.  Les  tâton- 
nements durèrent  trois  ans.  En  même  temps,  la  Société  d'Encouragement  fondait  un  prix 
pour  le  filage  de  la  laine.  Ce  prix  fut  remporté,  en  1812,  par  Dobo,  mécanicien,  à  Reims.  Le 
procédé  de  Dobo  consistait  à  carder  la  laine  qui  avait  été  peignée  à  la  main  et  à  laminer  au 
moyen  d'étirages  successifs  le  ruban  obtenu;  puis,  pour  déterminer  l'adhésion  des  fila- 
ments, on  lui  donna  un  mouvement  de  friction  pour  le  rouler,  l'amincir  et  le  mettre  sur  une 
bobine. 

De  1816  à  1819,  Laurent  Clanlieuxet  Largorsoix  perfectionnèrent  la  précédente  machine. 
Vers  la  même  époque,  Flintz  inventa  le  peigne  à  hérissons.  De  1832  à  1835,  le  nombre  des 
broches  des  mull-Jenny  passa  de  12(1  à  160,  puis,  plus  tard,  à  200  et  240. 

L'Alsace  nesuivitle  mouvement  qu'en  1838,  en  fondant  un  établissemcntde  35, non  broches 
au   nom  d'André,   Kœchlin  et  C'%  dirigé  par  Risler.  En  1845,  le  peignage  mécanique  de 


503  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE  DE    1889 

Josué  Hcilmanu  put  être  appliqué  à  la  laine.  Depuis,  d'autres  peigneuses,  appliquées  à  la 
laine,  ont  figuré  dans  diverses  Expositions. 

Filature  du  lin.  —  C'est  sous  Napoléon  Ier  que  l'on  découvrit  la  filature  mécanique  du  lin. 
En  1810,  un  décret  promettait  une  récompense  d'un  million  à  l'inventeur  rie  la  filature  du  lin. 
Deux  mois  après,  Philippe  de  Girard  prenait  un  brevet  pour  cette  invention;  malheureuse- 
ment, les  événements  ne  lui  permirent  pas  de  profiter  en  France  de  son  invention.  Il  ne 
reçut  pas  la  récompense  promise,  et  il  fut  conduit  plus  tard  à  monter  une  filature  de  lin  à 
Hirtenberg  (Autriche). 

En  1815,  un  brevet  fut  pris  en  Angleterre  pour  la  filature  mécanique  du  lin.  La  machine 
présentée- était  celle  de  Philippe  de  Girard,  dont  les  dispositions  avaient  été  communiquées 
par  Lanthois  et  Cachard,  anciens  employés  de  l'inventeur. 

En  1824,  un  Anglais,  Marschall,  réussit  à  monter  à  Lecds  une  grande  filature  de  lin  en 
s'aidant  des  conseils  de  Lanthois.  En  même  temps,  Cachard  fit  concurrence  à  la  filature 
Marschall,  sous  la  raison  sociale  Hives  et  Atkinson.  C'est  ainsi  que  fut  vulgarisée,  en  Angle- 
terre, l'invention  de  Philippe  de  Girard. 

En. France,  on  avait  essayé  de  monter  des  filatures,  d'après  les  premières  indications  de 
Girard,  mais  l'Angleterre,  ayant  une  avance  considérable  dans  la  pratique  de  celle  filature, 
il  fut  impossible  aux  (dateurs  français  de  soutenir  la  lutte  avec  les  Anglais.  Il  en  résulta 
qu'à  partir  de  1825,  l'importation  en  France  des  produits  de  la  filature  anglaise  prit  un  tel 
développement,  que  la  filature  française  fut  menacée  de  disparaître. 

Il  fallait  nécessairement  des  circonstances  bien  puissantes  pour  nous  rendre  en  partie 
ce  que  nous  avions  perdu  par  la  divulgation  de  l'invention  de  Girard  et  pour  nous  initier,  à 
notre  tour,  aux  développements  que  cette  invention  avait  fait  naître  en  Angleterre  depuis 
plusieurs  années.  Il  n'y  avait  qu'un  moyen,  c'était  de  reprendre  notre  bien  où  il  était. 

Deux  industriels,  Serive-Labbe,  de  Lille,  et  Feray,  d'Essonnes,  à  force  de  persévérance, 
parvinrent  à  faire  venir  d'Angleterre,  pour  ainsi  dire,  pièce  à  pièce,  des  métiers  à  filer  le 
lin.  Serive-Labbe  monta,  en  1883,  une  filature  à  Lille  et  Feray  en  monta  une  à  Essonnes.  Il 
s'en  fallait  cependant  de  beaucoup  que  la  filature  de  lin  fût  répandue  en  France;  l'obstacle 
venait  maintenant  des  importateurs  eux-mêmes  qui  n'initièrent  personne  à  leurs  conquêtes. 
Un  mécanicien,  Décoster,  partit  en  1834  en  Angleterre,  avec  l'idée  d'en  rapporter  les  dispo- 
sitions des  machines  à  filer  le  lin.  Il  dissimula  son  projet  en  persuadant  aux  (dateurs  anglais 
qu'il  venait  pour  placer  la  peigneuse  Girard,  qui  ne  pouvait  se  propager  en  France.  Grâce  à 
ce  moyen,  il  put  visiter  les  filatures  de  Lecds  et  rapporter  des  documents  qui  lui  permirent 
de  construire  des  machines  à  filer  le  lin.  En  1839,  il  y  avait  déjà  en  France  37  filatures  de 
lin,  dont  la  majeure  partie  du  matériel  avait  été  construite  par  la  maison  Décoster.  Le  temps 
avait  donc  été  mis  à  profit  et  la  filature  de  lin  pouvait  alors  prendre  de  l'extension  en 
France. 

Après  avoir  rappelé  les  péripéties  de  la  filature  mécanique,  disons  quelques  mots  sur 
l'origine  du  tissage  mécanique. 

Historique  du  lissage.  —  Dans  l'ordre  chronologique,  le  tissage  de  laine  doit  être  très 
ancien;  cela  se  conçoit  facilement,  puisque  la  laine  est  la- matière  textile  que  l'homme  a 
d'abord  trouvée  sous  sa  main  avant  les  textiles  végétaux.  Aussi  le  tissage  de  la  laine  à  la 
main  remonte-t-il  à  la  plus  haute  antiquité.  Chez  tous  les  peuples  anciens,  on  tissait  des 


s 


502  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    D2    1889 

étoffes  de  laine,  (liiez  les  Grecs  et  les  Romains,  ce  travail  était  (ait  par  les  esclaves.  Dans  les 
Gaules,  existaient  des  manufactures  qui  fabriquaient  des  étoffes  pour  l'habillement  des  sol- 
dats. Mais  à  cette  époque,  il  n'y  avait  pas  de  centre  de  fabrication  pour  les  particuliers  et, 
dans  chaque  famille,  on  confectionnait  à  la  main  les  vêtements  de  laine  au  fur  et  à  mesure 
des  besoins.  C'est  beaucoup  plus  tard  que  le  tissage  de  la  laine  s'est  organisé  en  Europe, 
d'abord  en  Italie,  et  surtout  en  Hollande  et  en  Belgique.  Les  manufactures  des  Pays-Bas 
fournissaient  à  peu  près  exclusivement  aux  besoins  et  au  luxe  de  toutes  les  nations  de  l'Eu- 
rope. Les  fabriques  étaient  alimentées  par  les  laines  importées  d'Angleterre,  de  France, 
d'Espagne  et  d'Allemagne,  pays  dans  lesquels  on  ne  savait  pas  encore  tirer  parti  des  ma- 
tières premières.' 

C'est  seulement  vers  la  fin  du  xv°  siècle  que  les  Anglais  commencèrent  à  lutter  avec  les 
Pays-Bas  pour  la  préparation  des  laines.  Quant  à  la  France,  jusqu'à  Henri  IV,  elle  était  tribu- 
taire des  Pays-Bas  et  de  l'Angleterre  ;  c'est  sous  le  règne  de  Henri  IV  que  furent  fondés  en 
France  les  premiers  établissements  de  tissus  de  laine. 

Le  règne  de  Louis  XIII  fut  un  temps  d'arrêt  pour  l'industrie  lainière.  Sous  l'administra- 
tion de  Colbert,  on  vit  fonder  dans  un  grand  nombre  de  nos  provinces  des  fabriques  de 
drap,  créées  par  des  industriels  de  la  Hollande  et  de  l'Italie,  auxquels  la  France  avait  fait  des 
offres  avantageuses. 

En  1646,  Nicolas  Cadeau,  Hollandais,  fonda,  à  Sedan,  la  célèbre  manufacture  de  drap 
fin  dont  la  réputation  des  produits  n'a  fait  que  s'accroître  depuis  cette  époque,  sous  le  nom 
de  draps  de  Sedan.  Plus  tard,  en  1665,  un  autre  Hollandais,  Gosse  van  Bobais,  fonda,  à 
Abbeville,  une  manufacture  de  draps  fins,  façon  de  Hollande  et  d'Espagne.  Quelques  années 
plus  tard,  se  fondèrent  les  manufactures  de  drap  à  Elbeuf,  à  Tours,  à  Paris,  à  Lyon,  à  Rouen, 
à  Amiens  et  celles  du  Languedoc,  du  Beaujolais  et  d'autres  encore. 

Sous  le  règne  de  Louis  XV,  les  industries  de  luxe  étaient  favorisées  aux  dépens  des 
industries  textiles;  aussi  les  fabriques  de  drap  de  Sedan,  d'Elbeuf,  d'Abbeville,  de  Louviers, 
subirent  un  ralentissement  dans  leur  production.  En  1771.  ii  l'avènement  de  Louis  XVI,  il  y 
eut  dans  l'industrie  des  tissus  de  drap  un  mouvement  de  recrudescence  qui  ne  dura  pas 
longtemps.  A  ce  moment,  en  effet,  les  Anglais  parvinrent  à  couvrir  nos  marchés  de  tissus 
de  laine  et  de  coton. 

Plus  lard,  la  tourmente  révolutionnaire  ne  fut  pas  favorable  à  l'industrie  en  général  ;  mais 
il  faut  faire  remarquer  que  le  blocus  continental  eut  pour  effet  d'arrêter  l'envahissement  de 
l'Angleterre,  et  que  c'est  sous  le  règne  de  Xapoléon  que  les  villes  de  Roubaix  et  Mulhouse 
ont  commencé  à  se  développer  sous  le  rapport  de  leurs  fabriques  de  produits 
textiles. 

Dans  la  période  de  1815  à  1830,  l'industrie  lainière  a  subi  de  grandes  épreuves,  mais 
un  fait  à  noter,  c'est  que  partout,  en  France  et  à  l'étranger,  l'usage  des  étoffes  de  laine  était 
devenu  général  dans  toutes  les  classes  de  la  Société. 

C'est  en  1818  que  l'emploi  des  machines  pour  fabriquer  les  étoffes  de  laine  prit  un  grand 
développement  et  que  l'on  adopta  la  machine  à  carder  et  à  filer  de  John  Cockeril.  Depuis 
les  machines  se  sont  perfectionnées  et  ont  eu  la  part  prépondérante  dans  la  préparation  et 
la  mise  en  œuvre  de  tous  les  textiles. 

Le  tissage  du  lin  remonte  aussi  à  la  plus  haute  antiquité.  La  fabrication  à  la  main  des 
étoffes  de  lin  s'est  faite  plus  longtemps  que  celle  du  coton.  D'après  Hérodote,  les  Grec- 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1839  503 

étaient  vêtus  de  vêtements  de  lin.  Les  Romains  portaient  aussi  des  vêtements  de  dessous  en 
toile  de  lin,  mais  il  parait  que  l'usage  du  linge  de  corps  ne  fut  connu  à  Rome  que  très 
tard. 

Au  moyen  âge,  le  lin  était  rare  et  par  conséquent  d'un  usage  restreint.  C'est  seulement 
vers  la  fin  du  xmc  siècle  que  la  Hollande  et  leBrabant  commencèrent  à  fabriquer  des  toiles 
de  lin.  Au  xivc  siècle  même,  le  linge  de  corps  était  un  luxe  royal,  quoique  le  linge  de 
table  ait  déjà  atteint  une  grande,  perfection.  A  celte  époque,  l'Europe  était  tributaire  de 
la  Hollande  et  des  Pays-Bas  pour  l'industrie  des  toiles  de  lin.  Sous  Louis  XIV,  le  ministre 
Colbert  fit  établir  des  fabriques  de  linge  dans  les  provinces  de  la  Picardie,  de  la  Lorraine, 
de  la  Flandre  et  de  l'Artois.  Les  produits  de  ces  fabriques  rivalisèrent  bientôt,  pour  leur 
qualité,  avec  les  toiles  étrangères. 

Au  xviir'  siècle,  l'usage  du  linge  devint  plus  général  par  la  raison  que  le  tissage  du  lin 
put  tirer  parti  des  procédés  mécaniques  du  tissage  du  coton.  Ces  derniers  commencèrent 
à  être  employés  à  la  fin  du  xviu"  siècle,  mais  ne  se  développèrent  réellement  que  dans  la 
première  moitié  du  siècle  actuel. 

Maintenant,  la  toile  de  lin  s  •  fabrique  mécaniquement  dans  toute  l'Europe.  C'est  l'An- 
gleterre, la  France,  la  Belgique  et  l'Allemagne  qui  occupent  le  premier  rang  dans  l'indus- 
trie des  toiles. 

D'après  les  Transactions  philosophiques  abrégées,  imprimées  à  Londres  en  1700,  le  tissage 
mécanique  du  coton  a  commencé  en  Angleterre  en  169S,  mais  on  n'a  pas  donné  suite  à  ce 
premier  essai,  et  c'est  seulement  en  170.';  qu'un  tissage  mécanique,  dû  à  Garside,  de  Man- 
chester, était  mû  par  l'eau.  Il  fut  abandonné  comme  ne  donnant  pas  de  bénéfices.  C'est  le 
révérend  E.  Cartwright  qui  fit  le  premier  métier  à  tisser  le  coton,  mécaniquement  actionné 
par  une  machine  à  vapeur.  Il  prit  une  première  patente  en  1785  et  une  autre  en  1787;  il 
établit  à  Doncaster  un  atelier  de  tissage  qu'il  dut  abandonner.  Il  faut  arriver  en  1789  pour 
trouver  un  autre  métier  à  tisser  le  coton,  inventé  par  Austin  de  Glascow,  qui  perfectionna 
son  propre  métier  en  1798.  Deux  cents  métiers  de  ce  système  furent  installés  en  1800,  à 
Pollock-Shaws. 

Vers  la  même  époque,  en  1801,  Jacquard  inventa  son  métier  qui  simplitiaitla  manœuvre 
des  anciens  métiers,  lesquels  exigeaient  plusieurs  personnes  pour  la  manœuvre  des  métiers 
à  tisser. 

En  1803,  Thomas  Johnson,  de  Bradburg,  fit  la  première  encolleuse  qui  permit  de  préparer 
en  une  seule  fois  toute  la  chaîne  en  dehors  du  métier  à  tisser,  et  de  supprimer  toute  inter- 
ruption dans  le  travail. 

En  1800,  on  monta  à  Manchester  une  fabrique  de  métiers  à  tisser,  actionnée  par  la  va- 
peur. D'autres  fabriques  s'établirent  à  Stockport  et  à  Westhington,  et  le  tissage  de  coton 
fit  de  grands  progrès  en  quelques  années  en  Angleterre.  En  1821,  h'  nombre  des  fabriques 
était  de  32,  comprenant  5,732  métiers.  En  1827,  on  comptait  11,000  métiers  actionnés  par 
la  vapeur. 

En  France,  le  tissage  du  coton  marcha  moins  vite  qu'en  Angleterre.  Saint-Quentin  est 
la  première  ville  qui,  en  1803,  se  mit  à  tisser  le  coton;  mais  les  tisserands  de  cette  cite 
faisaient  surtout  des  batistes  qui  avaient  eu  une  grande  vogue  vers  1787.  Pendant  quelques 
années,  la  demande  de  ces  produits  diminua  ainsi  que  le  nombre  de  métiers  en  activité. 
C'est  alors  que  les  tisserands  se  mirent  à  fabriquer  les  étoffes  en  coton,  telles  que  des  cali- 


504  L' EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1889 

cols,  des  percales,  des  mousselines  unies  et  des  mousselines  à  dessins;  cette  circonstance 
releva  l'industrie  de  la  ville  de  Saint-Quentin. 

En  1806,  Napoléon  empêcha  l'importation  des  tissus  étrangers;  il  en  résulta  que  la 
Normandie,  l'Alsace,  la  Belgique,  la  Flandre,  la  Picardie,  le  Beaujolais  montèrent  des  ateliers 
de  tissage  de  coton,  et  l'industrie  devint  plus  prospère,  bien  que  les  procédés  de  nos  ateliers 
fussent  inférieurs  à  ceux  des  Anglais.  Cette  prospérité  reçut  un  contre-coup  par  les  événe- 
ments de  1814,  qui  eurent  pour  conséquence  l'importation  en  France  des  cotons  anglais  et 
conséquemment  la  baisse  des  cotons  français. 

En  1816,  le  gouvernement  réserva  à  la  fabrication  française  la  consommation  de  la 
France  en  fils  et  tissus  de  coton.  Cette  mesure  releva  l'industrie  du  coton,  qui  depuis  cette 
époque  a  continué  à  prospérer  et  s'est  spécialisée  dans  plusieurs  villes.  Ainsi,  la  broderie  de 
coton  a  son  siège  principal  à  Saint-Quentin,  le  tulle  de  coton  a  le  sien  à  Calais-Saint-l'ierre; 
les  articles  unis  et  la  fantaisie  se  font  à  Roubaix  et  dans  le  Nord  ;  le  velours  de  coton  se 
fabrique  à  Amiens. 

Après  avoir  fait  l'historique  de  la  filature  et  du  tissage,  il  nous  reste  à  poursuivre  notre 
étude  à  l'Exposition  de  1889  en  signalant  les  machines  principales  les  plus  importantes. 

Nous  commençons  notre  résumé  par  ce  qui  se  rapporte  à  la  filature  qui  comprend  prin- 
cipalement celle  du  coton,  du  lin,  de  la  laine  et  de  la  soie. 

Les  machines  se  rapportant  à  la  filature  étaient  en  petit  nombre;  mais,  en  revanche, 
l'Exposition,  très  substantielle,  était  comme  la  synthèse  des  meilleures  inventions  et  de 
l'outillage  le  plus  perfectionné  en  France,  en  Alsace,  en  Belgique  et  en  Suisse.  Contraire- 
ment aux  Expositions  antérieures,  les  Anglais,  chez  qui  les  arts  textiles  sont  le  plus  déve- 
loppés, faisaient  défaut  par  la  raison  que  leur  demande  de  participer  à  notre  Exposition 
Universelle  est  venue  lorsque  toutes  les  places  étaient  retenues. 

Les  principaux  exposants  pour  la  filature  du  coton  se  répartissaient  ainsi: 

Français  et  Alsaciens. 

.1.  Grûnn,  à  Lure  (Haute-Saône). 

A.  Vimont,  à  Vire  (Calvados). 

Société  alsacienne,  à  Mulhouse,  Graienstaden  et  Belfort. 

Société  de  constructions  mécaniques  à  Bitschwiller  (Alsace). 

Heilmann,  Ducommun,  à  Mulhouse  (Alsace). 

Belges. 

Duesberg-Bosson,  à  Vcrviers. 

Société  anonyme  verviétoise,  à  Vcrviers. 

Veuve  Mathieu  Snoeck. 

Martin  Célestin. 

Suisses. 

J.-J.  Rieter  et  C'%  Winterthur  (Zurich). 

Filature  du  coton.  — En  général,  la  filature  est  l'ensemble  des  opérations  qu'on  fait  subir 
à  une  matière  filamenteuse  brute  (coton,  lin,  laine,  etc.)  pour  l'amener  à  l'état  de  lil  régu- 
lier. Ce  fil  sert  à  tisser  les  étoffes, 


506  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

La  filature  du  coton  comprend  plusieurs  opérations:  le  battage,  le  cardage,  le  peignage, 
l'étirage  et  le  filage.  Cette  dernière  opération  transforme  définitivement  la  matière  en  fil 
continu  servant  à  confectionner  les  tissus. 

Chacune  de  ces  opérations  exige  un  outillage  particulier  qui  était  représenté  à  l'Expo- 
sition par  diverses  machines. 

Battage  du  coton.  —Cette  opération  a  pour  objet  d'ouvrir  le  coton  en  le  débarrassant  des 
corps  étrangers  et  de  produire  un  rouleau  bien  homogène,  pesant  un  poids  déterminé.  Il  y 
avait  à  l'Exposition  deux  types  de  batteurs:  celui  de  la  Société  alsacienne  de  construction 
mécanique  et  celui  de  MM.  Ricter  et  C",  de,  Winterthur.  Les  perlcctionnements  de  ces 
machines  consistent  dans  la  grande  solidité  qu'on  est  arrivé  à  leur  donner  et  aussi  dans  des 
dispositions  qui  assurent  la  sécurité  des  ouvriers  pendant  le  travail. 

Le  cardage  se  fait  au  moyen  de  cardes  montées  sur  des  cylindres,  mis  en  mouvement  au 
moyen  de  courroies  de  transmission. 

Parmi  les  machines  à  carder,  citons  particulièrement  Y  express-carde  de  M.  G.  Risler, 
exposée  par  M.  J.  Grùnn. 

Dans  cette  machine,  l'alimentation  du  coton  se  lait  au  moyen  de  cylindres  cannelés 
pour  les  cotons  ordinaires  et,  par  pédales  pour  les  cotons  des  Indes. 

Cette  machine  se  compose  d'un  tambour  de  40  centimètres  de  diamètre,  garni  d'aiguilles 
courtes  très  coniques  de  2  millimètres  de  diamètre  à  leur  base  et  dépassant  la  surface  du 
cylindre  de  8  millimètres.  Ce  tambour  fait  900  à  1,000  tours  par  minute.  Au-dessous  de  ce 
grand  tambour  sont  deux  autres  tambours  de  20  centimètres  de  diamètre,  faisant  res- 
pectivement 650  et  725  tours  par  minute.  Ces  tambours  sont  munis  d'aspérités  en  forme  de 
dent.  Le  coton  passe  entre  ces  trois  cylindres,  et  les  déchets  sont  séparés  et  recueillis  au 
moyen  de  cloisons.  Le  travail  est  continu. 

Le  coton  est  mieux  préparé  par  l'express-carde  que  lorsqu'il  a  été'  soumis  à  plusieurs 
passages  de  batteur.  Il  est  plus  propre,  mieux  divisé  et  le  déchet  est  moindre. 

La  machine  donne  de  40  à  45  kilogrammes  de  coton  cardé  par  heure.  Elle  fonctionne 
dans  un  grand  nombre  de  filatures  en  France,  en  Alsace,  en  Autriche  et  en  Amérique. 

Le  perfectionnement  qui  caractérise  cette  machine  consiste  à  obtenir  économiquement 
un  bon  nettoyage  du  coton  avant  de  le  faire  passer  sur  les  cardes  proprement  dites. 

La  matière  subit  un  gros  cardage  préliminaire,  qui  facilite  l'opération  générale  du 
cardage. 

D'autres  systèmes  de  cardes  étaient  exposés,  entre  autres  une  carde  à  hérissons,  de 
M.  J.  Grùnn,  pour  carder  les  déchets  de  coton  ;  une  carde  à  chapeaux  mobiles,  construite  par 
la  Société  alsacienne;  une  autre  carde  à  chapeaux  mobiles,  de  MM.  Ricter  et  Gi0,  dont  le  grand 
tambour  a  lm,27  de  diamètre. 

Cette  carde  permet  de  grandes  vitesses  et  produit  en  douze  heures  75  kilogrammes  de 
coton  cardé. 

Citons  encore  une  carde  à  chapeaux  de  la  Société  alsacienne,  dont  la  production  peut 
aussi  atteindre  75  kilogrammes  par  jour,  comme  la  carde  de  M.  J.  Grûnn. 

La  Société  alsacienne  présentait  une  peigneuse  circulaire,  système  Hubner,  à  alimen- 
tation continue,  qui  peut  produire  en  douze  heures  31  à  35  kilogrammes  de  coton  peigné. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1839  507 

Cette  machine  ancienne,  qui  a  figure  aux  Expositions  antérieures,  est  applicable  aux  cotons 
les  plus  longs  et  aussi  aux  cotons  les  plus  courts. 

La  maison  Grûnn,  de  Lure,  exposait  une  peigneuse  Imbs,  applicable  aux  déchets  de 
coton  et  aux  blousses  ou  déchets  de  peigneuses  Heilmann.  Cette  machine  a  été  bien  perfec- 
tionnée par  son  inventeur  depuis  1S78. 

La  matière  alimentaire  étant  plus  ou  moins  préparée,  on  lui  fait  subir  le  battage,  le 
cardage  en  gros  par  carde  à  hérissons.  Le  peignage,  dans  cette  machine,  se  fait  par 
opérations  successives  :  la  mèche  de  coton,  tenue  fortement  par  une  extrémité,  est  attaquée 
par  un  peigne  qui  se  rapproche  progressivement  de  la  pince  qui  assujettit  le  coton.  Quand 
cette  partie  ou  tête  de  mèche  est  nettoyée,  elle  est  saisie  par  une  autre  pince;  alors  la 
seconde  partie,  dite  queue,  est  peignée.  Ensuite,  cette  mèche  est  juxtaposée  mécaniquement 
sur  la  précédente  de  manière  à  obtenir  un  ruban  continu. 

La  production  de  cette  machine  est  de  2\27o  à  2\500  par  heure  pour  le  coton  Jumel, 
Amérique  et  Indes,  et  de  l\Son  pour  le  coton  Géorgie  long.  Une  seule  personne  suffit  pour 
surveiller  six  à  huit  machines. 

Les  bancs  d'étirage,  les  bancs  à  broches  n'offraient  rien  de  nouveau  que  leur  excellente 
construction  ;  la  maison  Rieter  et  Ci8  et  la  Société  alsacienne  exposaient  des  machines  d'une 
parfaite  exécution.  Un  des  bancs  d'étirage  présentait  une  ingénieuse  application  de 
l'électricité  ayant  pour  but  l'arrêt  instantané  de  la  machine  dans  le  cas  où  il  se  produit  un 
enroulage  du  coton,  ou  bien  quand  une  des  mèches  alimentaires  vient  à  faire  défaut. 

Citons  le  rota-frotteur  de  M.  J.  Imbs,  construit  par  MM.  Flécheux  et  Jantot,  qui  a  pour 
but  de  remplacer  le  banc  à  brocher.  Il  donne  il  mètres  de  double  mèche  par  minute.  Il 
occupe  un  espace  de  fi  mètres  sur  7(i  centimètres. 

Métiers  à  filer.  —  Comme  exemple  de  machine  à  filer,  il  faut  mentionner  le  renvideur  de 
MM.  Rieter  et  Cie,  le  seul  self-acting  qui  fonctionnait  pour  le  coton. 

Il  y  avait  à  l'Exposition  un  assez  grand  nombre  de  métiers  continus  à  anneaux, 
appliqués  au  coton  et  à  la  laine.  Ces  métiers  étaient  présentés  par  les  maisons  J.  Grûnn,  la 
Société  alsacienne  et  la  Société'  de  Iîitschwiller. 

Mentionnons  le  métier  continu  à  anneaux  de  M.  Vimont,  dans  lequel  le  coton  s'enroule 
sur  la  bobine,  suivant  de  très  petits  diamètres  ;  ce  qui  permet  de  supprimer  un  vide  ordi- 
nairement non  utilisé  dans  les  bobines  ordinaires. 

Matériel  de  la  filature  de  laine.  —  La  laine  est  la  matière  textile  qui  présente  le  plus  de 
difficultés  pour  être  débarrassée  des  corps  étrangers  qu'elle  emprisonne. 

Les  laines  exotiques  contiennent  une  grande  quantité  de  graines  désignées  sous  le  nom 
de  chardon.  Ces  graines  sont  renfermées  dans  des  capsules  rugueuses  formées  de  ligaments 
très  fins  enroulés  en  spirale.  L'échardonnage  ou  l'épaillage  est  l'opération  qui  a  pour  objet 
de  débarrasser  la  laine  des  corps  étrangers.  Cette  opération  très  importante  a  fait  l'objet  de 
nombreuses  recherches.  Divers  traitements  chimiques,  entre  autres  l'emploi  de  l'acide 
chlorhydriquc  gazeux,  ont  été  essayés,  mais  n'ont  pas  donné  de  résultats  satisfaisants.  Le 
traitement  de  la  laine  brute  et  des  déchets  par  l'acide  sulfurique  étendu  est  appliqué  sur 
une  grande  échelle  et  rend  de  grands  services.  Les  lavages  et  les  actions  mécaniques  sont 
pratiqués  avec  succès  pour  préparer  les  laines  brutes. 

Une  machine  dite  étireuse-broyeuse,  due  à  M.  Parfait-Dubois,  construite  par  MM.  Schlum- 


50S  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

berger  et  Cie,  de  Guebwiller  (Alsace),  consiste  en  une  toile  sans  fin,  sur  laquelle  on  étale  la 
laine  préalablement  lavée.  Deux  cylindres  garnis  de  pointes  abandonnent  la  laine  à  trois 
paires  de  cylindres  étireurs. 

Ces  cylindres  lisses  sont  recouverts  d'une  épaisseur  de  caoutchouc,  dans  laquelle  les 
graines,  pénétrant  légèrement,  sont  extraites  sans  que  les  filaments  de  laine  aient  été 
détériorés  par  la  pression.  Dans  d'autres  machines,  l'écrasement  des  chardons  se  fait  entre 
un  cylindre  lisse  et  deux  cylindres  cannelés;  mais  la  pression,  sans  l'interposition  de 
caoutchouc,  fatigue  la  laine  et  altère  sa  qualité. 

Actuellement  les  efforts  des  inventeurs  portent  plus  sur  le  traitement  de  la  matière 
première  que  sur  les  machines  proprement  dites  de  peignage  et  de  cardage,  qui  sont 
arrivées  à  un  grand  degré  de  perfection. 

La  France  est  le  pays  où  la  consommation  de  la  laine  brute  est  le  plus  considérable. 
D'après  des  renseignements  statistiques  publiés  parle  Statistical  abstract,  les  moyennes  an- 
nuelles de  consommation  attribuées  aux  principaux  pays  sont  : 

France 190.000  tonnes. 

Angleterre 180.800  — 

États-Unis 1*0.000  — 

Allemagne 170.000  — 

Russie 80.000  — 

Autriche 40  000  — 

Italie 40.000  — 

La  filature  de  laine  peignée  était  représentée  par  les  expositions  de  la  Société  alsacienne, 
par  la  peigneuse  de  MM.  Offermann  et  G.  Ziégler.  Les  machines  présentaient  les  derniers 
perfectionnements. 

Citons  aussi  la  peigneuse  de  MM.  Grûnn-Offermann  qui  est  une  machine  très  perfec- 
tionnée applicable  à  des  laines  très  chardonneuses. 

La  filature  de  laine  cardée  se  rapporte  aux  laines  courtes  et  aux  déchets  de  peignage. 
On  y  ajoute  souvent  des  déchets  de  laine  effilochée,  et  en  général  la  matière  est  teinte  avant 
son  emploi.  On  parvient,  en  croisant  sous  les  cardes  par  couches  successives  des  laines  de 
provenances  différentes,  à  obtenir  des  nappes  uniformes. 

Les  principales  machines  pour  le  travail  de  la  laine  cardée  comprenaient  l'appareil 
Blamire,  qui  convient  surtout  pour  les  laines  courtes  ;  des  appareils  continus  diviseurs  de 
divers  systèmes,  les  uns  à  lames  voyageuses  en  acier  (système  ,1.  S.  Bolette),  les  autres  à 
lames  d'acier  fixes  et  tambours  voyageurs  (système  Grûnn).  La  Société  anonyme  vrrvié- 
toise  (Belgique)  présentait  une  filature  complète  de  laine  cardée.  Nous  ne  pouvons  entrer 
ici  dans  des  descriptions  techniques  de  toutes  ces  machines,  et  nous  poursuivons  notre 
étude  du  matériel  de  l'industrie  textile  seulement  dans  son  ensemble. 

Après  la  confection  des  fils  de  laine  ou  de  coton  et  avant  l'emploi  industriel  de  ces  (ils 
pour  exécuter  les  tissus  sur  les  métiers  à  tisser,  les  fils  subissent  des  opérations  intermé- 
diaires qui  les  rendent  prêts  aux  usages  auxquels  ils  sont  destinés. 

Les  lils  qui  doivent  servir  à  la  couture  et  à  la  broderie  subissent  le  retordage  et  ceux  qui 
doivent  entrer  dans  la  fabrication  des  tissus  subissent  des  apprêts  pour  tissage  dont  nous 
dirons  quelques  mots. 

Le  retordage  est  une  opération  qui  transforme  le  fil  sous  plusieurs  aspects  suivant  la 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


5110 


résistance  qu'il  doit  présenter.  Ainsi  les  fils  à  broder  et  à  tricoter  sont  peu  tordus,  très 
réguliers  et  sont  formés  d'un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  iils  assemblés.  Les  fils  qui 
doivent  présenter  une  grande  résistance  à  la  traction  et  une  grande  élasticité  sont  appelés 
câbles.  Le  câble  est  formé  de  deux  brins  élémentaires  tordus  formant  un  toron.  Ces  torons 
sont  tordus  ensemble  en  plus  ou  moins  grand  nombre.  Ces  divers  produits  sonl  livrés  dans 
le  commerce  sous  différentes  formes  :  éeheveaux,  bobines,  pelotes,  etc. 


Vue  de  l'atelier  de  préparation  de  la  filature  de  laine  de  Verres.  (Etablissement  de  MM.  Blazy  frères.) 

L'Exposition  présentait  un  grand  nombre  de  dévidoirs  et  de  machines  pour  disposer 
les  fils  sous  diverses  formes ,  entre  autres  la  doubkuse  Ryo-Catleau,  adoptée  par  un  grand 
nombre  d'établissements,  et  un  nouveau  bobinoir  cylindro-conique,  qui  peut  contenir  300  à 
500  grammes  de  fil. 

Quant  aux  apprêts  des  fils  destinés  au  tissage,  il  faut  distinguer  dans  un  tissu  la 
chaîne  et  la  trame.  Les  fils  formant  la  chaîne,  et  placés  longitudinalement,  doivent  présenter 
une  grande  résistance  et  une  grande  élasticité.  Les  fils  de  la  trame,  placés  transversalement, 
doivent  être  peu  tordus  et  sont  emmagasinés  dans  la  navette  du  métier  à  tisser. 


510  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE   1889 

La  chaîne,  enroulée  sur  un  cylindre  en  bois,  constitue  Vensouple.  La  formation  de  cette 
ensouplc  nécessite  trois  opérations,  le  bobinage,  l'ourdissage  et  le  parage. 

Le  bobinage  consiste  à  dévider  les  l'usées  provenant  de  la  filature,  ou  les  écheveaux  blan- 
chis ou  teints.  Dans  l'opération  du  bobinage,  les  lils  sont  placés  sur  des  bois  plus  ou  moins 
gros. 

L'opération  de  l'ourdissage  a  pour  objet  d'assembler  parallèlement  entre  eux  et  sous 
une  même  tension  un  certain  nombre  de  fils  qui  doivent  constituer  la  chaîne. 

On  dispose  les  nuances  des  fils  suivant  les  effets  de  dessin  qu'on  veut  obtenir  dans  le 
sens  longitudinal. 

Le  parage  est  une  opération  qui  consiste  à  enduire  d'une  colle  spéciale  les  fils  delà 
chaîne,  soit  en  coton,  soit  en  laine.  Les  lils  s'imprègnent  de  la  matière  agglutineuse  en  pas- 
sant dans  une  auge  avant  de  s'enrouler  sur  l'ensouple. 

L'Exposition  présentait  les  dispositions  nouvelles  d'un  bobinoir  de  M.  Ryo-Catteau  et 
d'un  nouvel  ourdissoir  du  même  industriel.  Les  bobines  contiennent  25,000  à  30,000  mètres 
de  fil,  ce  qui  accélère  le  travail  en  diminuant  les  temps  d'arrêt  pour  le  remplacement  des 
bobines. 

Machines  à  tisser.  —  Nous  avons  dit  (pie  le  premier  métier  à  tisser  le  coton  date  de  1788, 
mais  que  le  tissage  mécanique  ne  donna  des  résultats  industriels  qu'en  1803,  c'est-à-dire  à 
partir  de  l'invention  de  la  machine  à  parer,  faite  par  Th.  Johnson  de  Bradburg.  Jusqu'à 
cette  époque,  on  perdait  beaucoup  de  temps  à  apprêter  la  chaîne  sur  le  métier  lui-même  ; 
tandis  que  depuis  l'invention  de  Th.  Johnson  on  place  sur  le  métier  la  chaîne  tout 
encollée. 

L'industrie  du  tissage  de  coton  s'est  développée  eu  France  d'abord  très  lentement.  En 
1834,  on  comptait  seulement  3,000  métiers  mécaniques  en  activité  ;  en  1846,  ce  nombre  était 
de  311,0(1(1  ;  en  1885  il  était  de  70,000. 

La  Société  alsacienne  de  constructions  mécaniques  et  la  Société  anonyme  des  tissages 
et  ateliers  de  construction  Diederich,  de  Bourgoin  (Isère),  exposaient  dans  la  Galerie  des 
Machines  des  métiers  à  tisser  les  cotonnades. 

Nous  avons  déjà  dit  que  l'industrie  du  drap  s'est  développée  en  France  sous  Colbert. 
Jusque-là  cette  industrie  était  exclusive  à  la  Hollande.  C'est  seulement  en  1834  que  Bonjean. 
élève  de  l'École  polytechnique,  créa  l'article  nouveauté,  qui  consistait  à  introduire  des  fils  de 
soie  dans  les  tissus  de  laine. 

Les  tissus  de  laine  comprennent  deux  catégories:  les  draps,  fabriqués  principalement  à 
Sedan,  à  Elbeuf,  à  Mazamet,  et  les  étoffes  de  laine  rase,  qui  se  font  à  Roubaix  et  à 
Beims. 

Les  principaux  exposants  des  métiers  à  tisser  la  laine  étaient  :  la  Société  alsacienne  de 
constructions  mécaniques  ;  Mme  Ve  Mathieu  Snoeck,  d'Ensival  (Belgique);  la  Société  vervié 
toise,  de  Yerviers  (Belgique);  la  Saechsische  Webstuhlfabrik,  de  Chemnitz  (Saxe).  Tous  ces 
métiers  sont  d'une  exécution  soignée  el  présentent  des  dispositions  ingénieuses  dont  nous 
rie  pouvons   malheureusement   pas  rendre  compte  dans  un   résumé  aussi  bref  que    le 

nôtre. 

Les  métiers  à  tisser  la  soie  étaient  représentés  par  les  expositions  de  la  Société  des  chan- 
tiers de  la  Buire,  de  Lyon;  la  Société  alsacienne  de  Grafenstacen,  Mulhouse  et  Belfort  ;    la 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  511 

Sâechsische  Webstuhlfabrik,  de  Chemnitz  (Saxe)  ;  la  Société  des  ateliers  de  construction 
de  Ruti  (Zurich). 

Citons  particulièrement  la  chineuse  électrique  de  M.  Buxtorf,  qui  permet  la  reproduc- 
tion, au  moyen  de  l'électricité,  de  n'importe  quel  dessin  de  couleur  en  maille  unie. 

Il  y  avait  aussi  un  grand  nombre  de  métiers  à  tisser  la  bonneterie,  un  métier  à  velours, 
système  Charbin;  des  métiers  à  tisser  la  passementerie,  le  tulle,  et  des  métiers  suisses  à 
fabriquer  la  broderie  dont  nous  dirons  quelques  mots. 

C'est  en  1834  que  Josué  Heilmaim  inventa  le  métier  à  broder.  Les  premières  machines,  qui 
étaient  d'une  faillie  production,  furent  abandonnées.  La  Suisse  en  reprit  l'étude  et  en  établit 
la  construction  sur  une  grande  échelle.  En  1867,  le  nombre  de  métiers  à  broder  qui  fonc- 
tionnaient en  Suisse  était  de  70!)  ;  en  187:2,  il  était  de  6,38i;  en  1876  de  10,000  et  en  1885, 
de  20,000.  Ces  métiers  tiennent  en  général  un  emplacement  considérable.  Ils  ont  pour  objet 
de  fabriquer  des  broderies  à  un  très  grand  nombre  d'exemplaires. 

On  rencontrait  aussi  des  métiers  à  fabriquer  les  tapis  et  des  métiers  à  fabriquer  les 
filets  de  pêche,  faisant  le  nœud  du  pêcheur  du  système  Galland  et  Chaunier.  MM.  Benêt, 
Duboul  et  Cle,  J.  Bessonncau,  Ad.  Stein  et  J.  Bodin  avaient  de  belles  expositions  de  cor- 
derics,  de  câbles  en  chanvre  et  de  câbles  métalliques. 

Signalons  aussi  l'exposition  de  cordages  et  d'agrès  de  gymnastique  de  MM.  Frété  et  Cie. 

Citons  aussi  des  machines  à  faire  la  soutache,  les  nattes  pour  semelles  d'espadrilles  et 
les  Iresscs  à  chaussons,  construites  par  M.  Touilleux. 

Préparation  île  la  suie.  —  Disons  quelques  mots  des  opérations  qui  ont  pour  objet  le 
travail  préparatoire  de  la  soie,  qui  était  représenté  par  l'exposition  des  Chantiers  de  la 
Buire  (Lyon);  il  y  avait  un  atelier  de  dévidage  de  cocons. 

Les  opérations  qui  se  rapportent  au  traitement  des  cocons  consistent  à  plonger  les 
cocons  dans  l'eau  bouillante  pour  les  ramollir.  Ensuite,  on  les  soumet  au  battage,  ce  qui  se 
fait  en  les  immergeant  dans  un  autre  bassin  d'eau  bouillante  où  ils  reçoivent  l'action  méca- 
nique d'une  brosse  en  chiendent,  animée  d'un  mouvement  de  montée  et  de  descente.  Une 
ouvrière  peut  alors  rassembler  les  bouts  de  soie  des  cocons  et  les  passer  à  l'ouvrière  fileuse. 
Celle-ci  forme  ce  que  l'on  nomme  une  grège,  c'est-à-dire  la  réunion  de  plusieurs  fils  de  soie, 
ordinairement  cinq.  Ces  fils  se  soudent  ensemble  et  se  rendent  à  un  dévidoir.  Si  un  fil  casse 
ou  si  un  cocon  est  épuisé,  on  rattache  le  fil  à  la  grège  en  jetant  vivement  le  bout  qu'on  veut 
rattacher  sur  le  faisceau  en  mouvement.  Cette  petite  opération  indispensable  exige  une 
grande  habitude.  Aussi  M.  L.  Camcl  a-t-il  cherché  à  remplacer  la  jetée  à  la  main  par  un 
appareil  qui  opère  avec  une  grande  sûreté  et  produit  l'entrainement  mécanique  du  fil  de 
soie.  Cet  appareil  simplifie  la  main-d'œuvre  et  en  même  temps  diminue  le  déchet. 

Dans  la  même  exposition  des  Chantiers  de  la  Buire,  il  y  avait  plusieurs  métiers  à  tisser 
la  soie  et  produisant  les  étoffes  connues  sous  les  noms  de  damas,  faille,  gaze,  velours, 
peluche,  surah  grège,  pékin-foulard. 

Signalons  aussi  la  soie  artificielle  obtenue  au  moyen  du  collodion  ou  coton-poudre 
dissous  dans  un  mélange  d'éther  et  d'alcool  rectifié.  Ce  collodion  est  soumis  à  une  forte 
pression  (24  atmosphères)  dans  un  réservoir  très  épais,  au  moyen  d'une  pompe  à  air.  A 
cette  pression,  le  collodion  sort  par  une  ouverture  capillaire  et,  sous  l'action  de  l'eau,  se 
transforme  en  fil  qui  peut  être  enroulé  sur  une  bobine.  Ce  fil,  c'est  la  soie  artificielle,  qui 


5 12 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 


rivalise  avec  la  soie  naturelle,  et  qui  peut  se  teindre  en  diverses  couleurs.  Il  y  avait  à 
l'Exposition  des  tissus  fabriqués  avec  cette  soie  artificielle.  Cette  matière  est  inflammable 
et,  pour  perdre  cette  propriété  dangereuse,  elle  doit  être  dénitréc.  Sa  charge  de  rupture 
varie  de  25  à  30  kilogrammes  par  millimètre  carré. 

Machine  à  teiller  le  chanvre  cl  le  Un.  Machine  ii  décortiquer  la  ramie.  —  Citons  la  machine 


Machine  ;i  décortiquer  la  ramie  do  M.  Michotte. 


à  teiller  le  chanvre  et  le  lin,  exposée  par  la  Société  de  Fives-Lille.  Cette  machine  est  consti- 
tuée par  deux  tambours  peigneurs  et  un  chariot  vertical  qui  reçoit  un  mouvement  alternatif 
de  montée  et  de  descente.  Ce  chariot  présente  les  tiges  de  la  matière  sèche  entre  les  deux 
tambours.  Cette  machine  peut  produire  1,200  à  1,800  kilogrammes  de  tiges  teillées  en  douze 
heures.  Elle  exige  quatre  ouvriers. 

Donnons  enfin  quelques  indications  sur  la  préparation  de  la  ramie,  ce  textile  dont  on 
s'occupe  beaucoup  depuis  quelques  années. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  513 


La  ramie  est  une  plante  originaire  de  l'Orient.  On  la  trouve  à  Java,  aux  iles  de  la  Sonde 
et  en  Chine.  Ses  fibres  sont  de  qualité  supérieure  à  celles  des  autres  textiles  comme  solidité, 
durée,  et  aussi  par  leur  résistance  aux  agents  atmosphériques.  Cette  plante  comprend  plu- 
sieurs variétés.  L'une  d'elles,  ta  ramie  de  Java  ou  ramie  verte,  parait  appelée  à  prendre  une 
place  importante  parmi  les  textiles  ;  c'est  la  seule  qui  a  été  cultivée  en  Europe.  La  ramie 
blanche  de  Chine  est  moins  souple  que  la  ramie  de  Java. 

L'écorce  de  cette  plante  adhère  fortement  aux  fibres,  et  celles-ci  sont  soudées  entre 
elles  par  une  gomme  mucilagineuse.  Pour  tirer  parti  de  la  fibre,  il  faut  pratiquer  le  décor- 
tiquage  et  le  dégommage,  opérations  qui  ont  jusqu'ici  présenté  des  difficultés. 

Il  y  avait  dans  la  Galerie  des  Machines  plusieurs  machines  destinées  à  décortiquer 
la  ramie  : 

Une  machine  de  M.  A.  Favier.  de  Villefranche,  directeur  de  la  Société  «  la  Ramie 
française»;  une  autre  machine  de  M.  Armand,  exposée  par  M.  Barbier,  constructeur,  et 
une  machine  dite  la  Française,  inventée  par  M.  F.  Michotte,  ingénieur.  Cette  dernière 
parait  avoir  résolu  le  problème  de  la  décortication  rapide.  Elle  décortique  en  vert  et  en  sec. 
La  ramie  se  pourrissant  très  rapidement  lorsqu'elle  n'est  pas  immédiatement  décortiquée, 
il  en  résulte  qu'elle  ne  peut  être  transportée  que  sèche.  Le  décortiquage  en  vert  doit  donc 
être  le  seul  employé,  sous  peine  de  grever  les  fibres  d'une  main-d'œuvre  considérable  et 
d'obliger  à  l'emploi  de  (ours,  également  coûteux. 

La  machine  de  M.  Michotte  peut  décortiquer  en  dix  heures  20,000  kilogrammes  de  tiges 
vertes  effeuillées  et  40,000  kilogrammes  de  tiges  vertes  non  effeuillées,  fournissant  ainsi 
6,000  kilogrammes  de  lanières  humides. 

La  machine  Armand  peut  produire  en  dix  heures  165  kilogrammes  de  tiges  sèches 
décortiquées,  et  dans  le  même  temps  une  moyenne  de  325  kilogrammes  de  tiges  vertes 
donnant  115  kilogrammes  de  lanières  desséchées. 

Le  dégommage  a  fait  l'objet  de  nombreuses  recherches.  MM.  Fremy,  directeur  du 
Muséum,  et  Urbain,  ingénieur,  ont  trouvé  un  procédé  économique  de  dégommage  des  fibres 
par  les  alcalis. 

Tel  est,  dans  son  ensemble,  eu  égard  à  l'espace  restreint  que  nous  pouvons  y  consacrer, 
ce  que  l'Exposition  renfermait  de  plus  intéressant  sur  la  filature  et  le  tissage. 


SOIES    ET    TISSUS    DE    SOIE 

A  aucune  exposition,  la  soierie  française  n'a  brillé  d'un  pareil  éclat  et  n'a  obtenu  autant 
de  succès.  Les  deux  galeries  collectives  organisées  par  les  Chambres  de  commerce  de  Lyon 
et  de  Saint-Etienne  ont  été  remplies  de  produits  de  la  plus  haute  valeur  industrielle  et  de 
chefs-d'œuvre  d'art,  qui  peuvent  être  mis  en  parallèle  avantageux  pour  leur  renom  avec 
tout  ce  que  les  musées  et  les  collections  privées  contiennent  de  plus  beau  et  de  plus  pré- 
cieux. Les  maîtres  du  xviii0  siècle  :  les  Revel,  les  Pillemont,  les  Donait,  les  Nonnotte,  les 
Gally  Gallien,  les  Bony,  les  Philippe  de  la  Salle,  ne  firent  pas  des  dessins  d'une  fantaisie  plus 

III  33 


514  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


délicate,  d'un  coloris  plus  fin  et  plus  harmonieux,  d'une  originalité  plus  spirituelle  et  d'une 
grâce  plus  charmante.  Les  anciens  canuts  de  la  Croix-Roussi' et  do  la  Guillotière  ne  1rs 
tissèrent  pas  avec  plus  d'habileté  et  avec  plus  de  goût.  Pour  qui  écrira  l'histoire  de  cette 
grande  industrie  nationale,  si  féconde  et  si  glorieuse,  la  période  de  1878  à  1889  sera,  sans 
doute  aucun,  des  siècles  écoulés.la  période  d'apogée,  celle  où  son  génie  créateur  s'est,  affirmé 
dans  toute  sa  puissance,  où  elle  a  porté  aux  plus  hauts  sommets  l'honneur  du  pays. 

La  soierie  est  la  première  des  industries  textiles  de  France, celle  qui  nourrit  le  plus  d'ha- 
bitants (environ  600,000),  qui  contribue  le  plus  activement  à  la  constitution  incessante  de  la 
richesse  nationale  par  les  700  millions  de  francs  qu'elle  distribue  annuellement  en  salaires 
et  en  bénéfices  à  cette  immense  population,  dont  le  domaine  d'exploitation  est  le  plus  vaste 
et  la  clientèle  la  plus  universelle.  Ses  étoffes,  ses  rubans,  ses  dentelles,  ses  passemen- 
teries, etc.,  vont  dans  le  monde  entier,  portant  partout  la  réputation  artistique  et  industrielle 
de  notre  pays  en  le  taisant  aimer  et  admirer.  La  France,  comparativement  aux  autres  nations 
productives  du  globe,  —  à  l'exception  toutefois  de  la  Chine  et  du  Japon  pour  la  différence 
radicale  de  leur  conditions  économiques  de  travail,  —  est  également  celle  où  l'industrie  de 
la  soie  est  la  plus  florissante  et  la  plus  développée  :  sur  les  452,000  métiers  qui  fonctionnent 
dans  les  divers  pays  de  tissage  :  Allemagne,  Grande-Bretagne,  États-Unis,  Suisse,  Russie, 
Italie,  Espagne,  Hollande,  Belgique  et  Portugal,  elle  en  prend  plus  du  quart  (140,000),  et  sur 
la  production  totale  de  1,107  millions  de  francs,  près  de  la  moitié  revient  à  Lyon  et  à  Saint- 
Étienne  seuls,  qui  représentent  a  peine  le  tiers  de  la  population  adonnée  à  cette  industrie. 

Lyon  est  la  métropole  de  la  soierie,  par  la  tradition  historique  et  par  l'importance  de  sa 
production,  tant  au  point  de  vue  de  la  qualité  que  de  la  quantité.  Au  moment  de  l'Exposi- 
tion Universelle,  la  fabrique  lyonnaise  faisait  battre,  tant  dans  la  ville  même  que  dans  les 
départements  limitrophes  placés  sous  sa  dépendance  industrielle,  90,000  métiers,  dont  20,000 
seulement  mus  par  la  mécanique!  Elle  a  consommé  le  tiers  de  la  soie  récoltée  en  Europe 
ou  exportée  parles  divers  pays  du  Levant  et  de  l'Extrême-Orient,  soit  420,000  kilos  de  soie 
ouvrée,  soie  pour  tissus  spéciaux  et  étoiles  tenues  en  pièce,  fils  de  déchets  de  soie,  auxquels 
il  faut  ajouter  plus  de  4  millions  de  fils  de  coton  et  de  laine  pour  les  mélanges.  Ces  métiers, 
dont  la  valeur  dépasse  J 00  millions  de  francs,  donnent  du  travail,  d'une  façon  constante,  à 
plus  de  200,000  personnes,  hommes  et  femmes,  dessinateurs,  tisseurs,  ourdineurs,  dévi- 
deurs, canneteurs,  teinturiers,  apprêteurs,  plieurs,  cartonniers,  monteurs  mécaniciens, 
commis  et  patrons,  etc.  La  production  de  cette  colossale  main-d'œuvre  a  atteint,  en  1888, 
383  millions  de  francs,  qui  se  répartissent  ainsi:  étoffes  unies  de  soie  ou  bourre  de  soie  pure, 
140,70(1,0110  francs;  étoffes  taçonnées  ou  brochées  de  soie  ou  bourre  de  soie  pure,  MO  millions; 
étoffes  unies  mélangéesde  soie,  de  coton  ou  de  laine,  1^7  millions;  étoffes  façonnées  mélan- 
gées de  coton,  de  soie  ou  de  laine,  20,700,000  francs;  tissus  divers,  crêpes,  tulles,  gazes, 
mousselines,  guipures,  passementeries, ornements  d'églises, etc.,  82,900,000  francs;  1,123 des- 
sins de  fabrique  ont  été  déposées  cette  année-là  au  greffe  du  conseil  des  prud'hommes; 
ce  chiffre  témoigne  delà  variété  immense  de  physionomie  que  le  génie  artistique  de  Lyon  a 
donnée  aux  produits  de  ses  ateliers. 

Le  septième  de  la  production  totale  est  donc  encore  consacré  aux  tissus  brochés  et  fa- 
çonnés en  dépit  de  la  démocratisation  de  nos  mœurs. 

On  y  tisse  aujourd'hui  comme  autrefois,  et  avec  autant  de  succès,  des  étoffes  somp- 
tueuses valant  jusqu'à  §00  francs  le  mètre,  pendant  qu'on  y  fait  des  tissus  teints  en  pièces 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    U889  515 

dont  11'  prix  descend  au-dessous  de  cinquante  centimes  et  qui  donnent  le  mirage  de  la  soierie. 
C'est  là  le  caractère  original  et  exclusif  de  la  fabrique  lyonnaise.  A.vec  une  incomparable 
souplesse  de  main  et  d'esprit,  elle  se  plie  à  huiles  les  exigences  techniques,  elle  s'adapte 
étroitement  aux  innovations  les  plus  audacieuses,  comme  elle  rénove,  sans  hésitation  ni  fai- 
blesse, les  vieilles  traditions  artistiques,  lorsque  la  mode  ailée  change  du  jour  au  lende- 
main ses  caprices  et  ses  goûts. 

L'Exposition  de  1889,  mieux  qu'aucune  autre  des  Expositions  précédentes,  a  prouvé  eette 
générale  universalité,  cette  prodigieuse  fécondité.  Des  fabricants  montraient  des  reproductions 
de  pièces  anciennes  parfaites  à  les  confondre  avec  les  originaux,  des  brocarts,  des  velours  de 
cènes,  des  lampas  hispano-mauresques,  des  damas  parlermitains,  des  satins  Louis  XV  et 
Louis  XVI,  pour  tentures  et  robes,  rivalisant  aisément  avec  les  plus  belles  œuvres  du  musée 
de  Lyon  pour  la  délicatesse  et  l'harmonie  des  couleurs,  pour  la  grande  élégance  des  compo- 
sitions; et  ce  n'étaient  point  constamment  des  copies  et  des  imitations,  mais  des  inspirations 
personnelles  où  l'artiste,  se  souvenant  d'André  Cbénier,  sur  des  thèmes  anciens,  avait  fait 
de  l'art  nouveau.  Mais  combien  plus  admirables,  plus  précieuses  encore  étaient  les  étoffes 
d'un  style  non  encore  catalogué',  quoique  très  caractéristique  et  qui  sera  celui  de  la  fin  du 
xixc  siècle,  dans  lesquelles  les  dessinateurs  de  la  nouvelle  école  lyonnaise  avaient  jeté  au- 
dacieusement  à  pleines  mains  les  feuilles  de  nos  arbres  et  les  fleurs  fraîches  de  nos  jardins 
et  de  nos  prés!  quelles  pures  merveilles!  quelle  variété  inépuisable  dans  l'ingéniosité  la 
plus  féconde  !  Sur  des  centaines  de  pièces  de  ce  style  nouveau,  [tas  une  seule  ne  donnait  la 
sensation  d'une  tentative  lointaine  de  légère  imitation.  Même  avec  des  éléments  semblables, 
les  compositions  présentaient  une  diversité  complète;  chaque  dessinateur  les  avait  employés 
différemment  et  d'une  façon  aussi  imprévue  qu'originale.  Ici,  c'étaient  des  roses  en  bran- 
ches, accompagnées  de  fleurs  d'églantines  sur  fond  crème;  là,  ces  roses,  alternant  avec  des 
bleuets  ou  des  pâquerettes,  emaillaienl  un  champ  de  satin  blanc;  ou  bien  encore  s'enrou- 
lant  autour  de  leur  tige  flexible,  elles  formaient,  parleur  développement,  le  liséré  gracieux 
et  pittoresque  de  larges  bandes  de  moire.  Ailleurs,  un  artiste,  qui  s'était  inspiré  avec  goût 
des  Japonaises  de  Néron,  avait  fait  tomber  ces  roses  en  pluie  au  travers  de  nuages  couleur 
d'aurore. 

11  me  faudrait  un  dictionnaire  de  botanique  pour  énumérer  toutes  les  fleurs.,  folioles  et 
plantes  mises  en  œuvre.  Les  uns  laissaient  au  produit,  de  la  nature  toute  sa  grâce  origi- 
nelle; d'autres  l'avaient  stylisé  avec  une  respectueuse  discrétion;  il  en  était  enfin  —  les 
plus  nombreux  —  qui  s'étaient  contenté  simplement  d'en  adapter,  avec  un  goût  délicat,  les 
formes  et  les  couleurs  à  leur  compositions.  Mais  chez  tous  on  trouvait  le  même  amour  de  la 
nature,  la  même  préoccupation  instante  de  demander  à  elle  seule  la  source  de  la  rénovation 
de  l'industrie.  Et  dans  le  coloris  quelle  belle  audace!  Tous  ces  brocarts,  tous  ces  satins, 
tous  ces  damas,  tous  ces  velours,  vibraient,  pétillaient,  éclataient,  chantant  aux  yeux  émer- 
veilles une  symphonie  magistrale.  Il  y  en  avait  là,  de  la  lumière  et  du  soleil  !  on  buvait  par 
le  regard  de  la  clarté  et  de  l'harmonie.  Combien  les  rares  pastiches  du  passé,  reproduisant 
les  tons  fanés  des  vieilles  étoffes,  paraissaient  ternes  et  humiliés,  poussière  froide  de  tombe 
à  coté'  de  l'efflorescence  radieuse  de  la  vie.  Avec  une  fière  crànerie,  les  dessinateurs  avaient 
fait  leurs  palettes  aux  pétales  les  plus  truculents  de  couleurs,  aux  verts  les  plus  intenses 
des  prés,  aux  mordorures  les  plus  chaudes  des  feuilles  d'automne,  mariant  résolument  sur 
la  même  étoffe  les  oppositions  les  plus  vibrantes,  les  caresses  de  nuances  les  plus  délicates 


516  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 


et  les  ombres  les  plus  transparentes  et  les  plus  douées.  Cette  évolution  de  l'art  lyonnais 
n'est  point  un  accident  éphémère,  dont  les  suites  pourraient  être  plus  ou  moins  sérieuses. 
Il  faut  voir  là  un  événement  qui  est  la  conséquence  directe  du  mouvement  irrésistible 
par  lequel  l'art  moderne  a  été  entraîné,  dans  toutes  les  manifestations,  au  naturalisme.  Les 
vieux  moules  dans  lesquels  on  coulait  depuis  si  longtemps  les  industries  d'art  sont  brisés; 
ils  ne  peuvent  plus  servir.  Après  avoir  eopié  servilement,  avec  brutalité,  les  chefs-d'œuvre 
anciens  des  maîtres,  on  a  cherché  à  les  analyser  pour  y  trouver  le  secret  de  cette  grandeur 
et  de  cette  poésie  qui  sont  en  eux,  qui  nous  charment  et  nous  émeuvent,  et  que  leur  copie 
ne  pouvait  ressusciter. 

Après  de  longs  tâtonnements,  des  expériences  nombreuses  et  des  déceptions  cruelles, 
on  a  trouvé  ce  secret.  Et  ce  secret  était  l'amour  de  la  nature,  que  ces  maîtres  ont  si  profon- 
dément aimé  et  qu'ils  ont  étudié  toute  leur  vie,  sans  jamais  se  lasser  dans  leur  amour  et 
dans  leur  étude. 

Les  artistes  lyonnais  qui  ont  donné  tous  ces  dessins  de  soieries  d'une  originalité  si 
puissante  sont  les  fils  de  Corot,  de  Daubigny,  de  Rousseau  et  de  Courbet. 

Cette  richesse  de  couleurs,  cette  fantaisie  exquise  de  compositions,  on  ne  les  voyait 
point  exclusivement  dans  les  étoffes  de  luxe  et  de  grand  prix;  elles  distinguaient  également 
les  tissus  à  bon  marché. 

Des  maîtres  ont  bien  écrit  souvent  la  chanson  qui  court  les  rues  et  les  chemins 
sur  les  lèvres  des  belles  filles  et  des  joyeux  garçons. 

C'est  par  là  que  la  fabrique  lyonnaise  combat  avec  le  plus  de  succès  positif  la  concur- 
rence étrangère,  qu'elle  prouve  sur  les  marchés  d'exportation  sa  puissance  et  sa  supé- 
riorité artistique  et  technique.  Bon  gré,  mal  gré,  il  faut  bien  convenir  qu'en  raison  de 
l'évolution  sociale  la  production  des  œuvres  de  grand  luxe  se  restreint  de  jour  en  jour; 
d'autre  part,  des  prohibitions  douanières  ont  fermé  à  cette  production  des  marchés  impor- 
tants; Lyon  doit,  pour  vivre,  conformer  sa  production  générale  aux  exigences  de  la  con- 
sommation, qui  veut  du  bon  marché.  Il  peut  y  avoir  de  l'art,  et  beaucoup,  dans  une  étoffe 
de  dix  et  vingt  francs  le  mètre  :  un  rien,  qui  a  de  la  grâce,  de  la  fantaisie,  de  l'originalité; 
une  fleurette,  une  disposition,  une  nuance  imprévue,  harmonieuse,  piquante,  donnera  à 
une  pièce  de  tissu  ce  goût  français  que  l'étranger  a  bien  de  la  peine  à  importer  avec  tous 
les  dessins  qu'il  achète  ou  qu'il  est  réduit  à  copier  banalement,  sans  pouvoir  le  reproduire 
dans  sa  fleur. 

La  Chambre  de  commerce  de  Lyon  avait  offert  l'hospitalité  de  sa  galerie  aux  filateurs, 
aux  mouliniers  et  aux  producteurs  de  graines  de  vers  à  soie,  les  uns  et  les  autres  au 
nombre  de  43.  C'est  que  cette  ville  est  devenue  le  grand  marché  de  soie  du  monde.  En  1888, 
la  condition  des  soies,  qui  constate  officiellement  jour  par  jour  les  affaires  faites  sur  le 
marché  lyonnais,  a  enregistré  plus  de  0  millions  de  kilos  de  cette  précieuse  matière,  repré- 
sentant au  plus  bas  prix  une  valeur  de  300  millions  de  francs.  Londres  est  aujourd'hui 
à  peu  près  dépossédé  de  l'importation  des  soies  de  l'Extême-Orient  ;  la  marine  anglaise 
importe  à  peine  dans  les  ports  du  Royaume-Uni  le  cinquième  des  envois  de  Canton  et  de 
Yokohama.  Lyon  a  ainsi  reconquis  par  l'intelligence  et  le  travail  de  ses  négociants  le  privi- 
lège d'entrepôt  unique  des  soies  qui  lui  avait  été  octroyé  des  1540  et  confirmé  successive- 
ment par  tous  les  rois  de  France  jusqu'à  la  Révolution.  La  filature  et  le  moulinage  de  la  soie 
occupent  actuellement  10,000  ouvrières  et  produisent  79,800  kilos  de  soies  grèges  et  ouvrées. 


518  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

Une  statistique  minutieuse  dressée  par  la  Chambre  de  commerce  nous  l'ait  connaître  que  cette 
industrie  est  disséminée  dans  21  départements:  Ain,  Hautes-Alpes,  Ardèche,  Bouches-du- 
Rhône,  Corrèze, Côte-d'Or, Drôme, Gard,  Haute-Garonne,  Hérault,  Indre-et-Loire,  Isère,  Loire, 
Haute-Loire,  Pas-de-Calais,  Puy-de-Dôme,  Rhône,  Savoie,  Seine,  Seine-et-Oise,  Tarn-et- 
Garonne,  Var  et  Vaucluse,  et  dans  350  communes.  Le  nombre  des  établissements  est  de  241 
pour  la  filature,  qui  compte  10,314  bassines,  et  de  708  pour  le  moulinage,  avec  263,396  ta- 
velles et  2,122,628  broches.  Cette  industrie  est  en  décadence  depuis  de  longues  années,  pour 
des  raisons  variées,  qu'il  serait  trop  long  d'étudier.  Il  y  a  quarante  ans,  elle  donnait  du  tra- 
vail à  40,000  personnes  et  atteignait  une  production  de  2  millions  de  kilos  de  soie.  On 
espère  beaucoup,  pour  provoquer  un  retour  à  l'ancienne  prospérité,  delà  transformation  de 
l'outillage,  qui  est  en  voie  de  s'opérer  et  dont  l'Exposition  montrait  déjà  des  essais  liés 
sérieux  dans  les  produits  d'une  société  nouvelle  fondée  pour  l'exploitation  de  filatures 
inventées  par  un  ingénieur  américain. 

La  fabrique  stéphanoise  vient  immédiatement  après  Lyon,  comme  importance  de  pro- 
duction. Elle  occupe  21,000  métiers,  dont  17,000,  représentant  un  capital  industriel  de  25 
à  28  millions,  appartiennent  aux  ouvriers  en  soie  et  sont  exploités  par  eux  à  domicile,  avec 
l'aide  de  compagnons  qui  reçoivent  comme  salaire  la  moitié  du  prix  de  la  main-d'œuvre.  Elle 
donne  du  travail  à  63,000  personnes,  qui,  en  1888,  ont  produit  pour  près  de  120  millions  de 
francs  en  rubans,  velours,  passementerie  et  galons.  La  matière  première,  soies  grèges  et 
ouvrées,  laines,  coton  et  caoutchouc,  s'élevait  à  64  millions  de  francs.  La  plus  grande  partie 
des  soies  provient  de  la  Chine  et  du  Japon. 

L'exportation  absorbe  près  des  deux  tiers  de  la  production.  Saint-Etienne  fait  de  véri- 
tables œuvres  d'art  dans  les  rubans  croches  et  façonnés,  dans  les  imprimés  rubans  et  velours, 
qui  constituent  environ  le  cinquième  de  ce  qui  est  fabriqué  dans  la  région. 

Les  artistes  stéphanois  ont,  comme  les  artistes  lyonnais,  un  goût  délicat  et  fin,  la  science 
de  la  composition  gracieuse  et  élégante,  l'instinct  du  coloris  vibrant  et  harmonieux.  La  gale- 
rie organisée  par  la  Chambre  de  Commerce,  représentant  la  collectivité  des  fabricants  du 
département,  était  un  enchantement  pour  les  yeux.  Le  passementier,  à  l'imitation  du  canut, 
a  l'amour  profond  de  son  métier,  qu'il  exerce  traditionnellement  de  père  en  fils.  Collaborateur 
du  fabricant,  bien  plus  que  son  ouvrier  salarié,  il  se  prête  avec  empressement  à  toutes  les 
exigences  techniques  que  réclame  le  tissage  d'un  article  précieux  ou  nouveau;  il  s'ingénie 
à  des  innovations,  à  des  recherches  de  perfectionnement  de  son  outillage.  C'est  à  cette 
organisation  ouvrière  spéciale  que  la  fabrique  stéphanoise,  vieille  de  trois  cents  ans,  doit 
le  privilège,  comme  Lyon,  son  ainée,  de  n'avoir  pas  de  rivaux  pour  les  articles  où  il  entre 
un  peu  d'art.  Pour  les  unis,  pour  les  articles  à  bon  marché,  Baie,  Zurich,  Coventry,Patterson, 
lui  font  concurrence;  mais  les  industriels  de  toutes  ces  villes  ont  une  conscience  si  nette  de 
leur  infériorité',  hors  de  cette  production,  vis-à-vis  de  Saint-Etienne,  qu'ils  n'ont  jamais  songé 
à  aborder  la  fabrication  du  beau  ruban  ou  du  beau  velours. 

La  fabrique  de  lacets  de  Saint-Chamond  et  des  environs  de  cette  ville,  industrie  très 
florissante,  qui  s'est  considérablement  développée  depuis  1860,  emploie  la  soie  de  Chine 
et  du  Japon  mélangée  avec  la  laine  alpaga,  le  mohair  et  le  coton.  6,000  ouvriers,  dont 
5,001)  femmes,  y  sont  occupés.  La  production  annuelle  atteint  25  millions  de  francs;  les 
trois  quarts  vont  à  l'étranger,  dont  l'importation  en  France  est  tombée  de  15  millions  en 
186(1  à  2  millions  environ. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  519 

Les  fabriques  de  Lyon  et  de  Paris  absorbent  à  elles  seules  110,000  métiers;  les  30,000 
autres  sont  disséminés  sur  divers  points  de  la  France:  à  Paris,  Nîmes,  Lille,  Caen,  Roubaix, 
Tours,  Toulouse,  etc.  Paris  emploie  également  de  la  suie  pour  ses  gazes  et  tissus  légers,  qui 
occupent  deux  ou  trois  milliers  d'ouvriers  dans  les  quartiers  de  Ménilmontant,  Belleville  et 
Charonne.  Roubaix  mélange  annuellement  près  de  30,000  kilos  de  soie  à  la  laine  et  au  coton 
pour  la  fabrication  d'étoffes  d'ameublement;  Amiens  en  fait  une  certaine  consommation 
pour  ses  peluches,  ainsi  que  Bohain,  Crépy-en-Valois,  Bretonnie,  Troyes,  Beauvais,  Meaux, 
Avignon,  pour  la  bonneterie,  les  tricots,  les  gilets,  les  tapis,  les  étoffes  d'ameublement,  etc. 
Quant  aux  dentelles,  blondes  et  tulles,  elles  utilisent  des  quantités  importantes  de  cette  pré- 
cieuse matière,  à  Lyon,  à  Calais,  Saint-Pierre-lès-Oalais,  Caen,  le  Puy,  etc.;  mais  il  n'en  est 
fait  ici  mention  que  pour  mémoire,  ayant  constitué  à  l'Exposition  une  classe  spéciale,  la 
classe  XXXIV. 

L'Exposition  des  sections  étrangères  contenait  quelques  soieries.  Zurich  nous  montrait 
ses  tissus  unis  légers  de  soie  pure;  Moscou,  ses  étoffes  d'or  et  d'argent  et  de  velours;  le 
Japon,  ses  taffetas,  ses  brocarts,  du  crêpe  et  des  broderies  nombreuses  ;  l'Angleterre,  un 
certain  nombre  d'échantillons  des  fabriques  de  Manchester,  Maclesfleld,  Bradford  et 
Spitalfield. 

Mais,  sur  toutes  ces  manufactures  anciennes  ou  modernes,  éparses  sur  le  sol  de 
France  ou  de  l'étranger,  qui  s'éteignent  insensiblement  dans  leur  vieillesse  séculaire,  ou 
qui  éclosent  à  la  vie  avec  vigueur  et  ambition,  dominait  superbement  Lyon,  dont  la  devise  : 
«  Avant,  avant,  lion  li  melhior,  »  semble  l'expression  glorieuse  de  ses  destinées.  Par  lui, 
l'industrie  française  de  la  soierie  est  la  première  du  monde  et  affirme  la  puissance  de  notre 
génie  national  pour  un  art  qui  n'existe  dans  aucun  autre  pays.  Les  siècles,  loin  de 
l'épuiser,  semblent  lui  donner  en  s'accumulant  une  jeunesse  plus  radieuse  et  plus  féconde. 
Il  y  aura  bientôt  cinq  cents  ans  que  le  premier  métier  à  tisser  la  soie  était  monté  à  Lyon  par 
un  Italien;  un  demi-siècle  après,  Lyon  faisait  concurrence  à  Gènes,  Lucques,  Sienne  et 
Venise,  par  ses  draps  d'or  et  d'argent,  par  ses  brocarts  et  ses  velours  somptueux.  La 
plupart  des  fabriques  contre  lesquelles  il  luttait  si  brillamment  ont  disparu,  et  il  est  resté 
debout,  toujours  plus  riche,  toujours  plus  fier. 


CHAMBRE  DE  COMMERCE  DE  LYON 


I 


Comme  nous  venons  de  le  voir,  c'est  la  fabrique  lyonnaise  de  soieries  qui  marche  à  la 
tête  de  cette  industrie;  nous  croyons  donc  devoir  consacrer  une  étude  spéciale  à  la  partici- 
pation prise  à  l'Exposition  par  la  fabrique  lyonnaise.  Dans  le  mémoire  imprimé'  à  ce  sujet 
par  les  ordres  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Lyon,  nous  trouvons  tout  d'abord  un  ensemble 
de  considérations  historiques  très  intéressant  sur  le  lien  qui  unit  le  mouvement  progressif 
de  celte  industrie  au  mouvement  progressif  de  la  Révolution.  Jadis,  le  sort  de  l'industrie  de 
la  soie  était  forcément  restreint,  et  cela  jusqu'à  la  tin  du  xvme  siècle,  par  ce  l'ait  qu'il  sem- 


520  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 

blait  un  des  apanages  des  hautes  elass  ■>  de  la  hiérarchfe  sociale,  de  d'Iles,  comme  l'on  disait 
alors,  et  non  sans  raison,  qui  vivaient  «  de  l'église  et  du  trône  ».  Pais  1789  éclate;  la 
Révolution  change  toutes  les  conditions  d'e-xistenec.  Table  rase  est  farte  de  la  suprématie 
sociale.  .Moins  va  être  besoin  dé  créer  des  étoffes  somptueuses  que  de  les  livrer  à  bon  compte 
et  de  les  mettre  enfin  à  la  portée  de  tous. 


si  nous  nous  en  rapportons  au  l'apport  établi  en  1784  par  M.  Roland  de  la  Platière, ins- 
pecteur des  Arts  et  Manufactures,  on  comptait  alors  en  France,  is  à  30,000  métiers  de  soie- 
ries. Lyon  tenait  la  tête  avec  18,000  métiers,  dont  12,000  en  ('toiles  figurées.  A  Nîmes, 
3,000  métiers;  à  Tours,  1:!  à  1,800;  à  Paris,  2,000,  dont  partie  en  gazes;  Avignon.  1,800, 

dont  500  en  damas  et  autres  étoffes  façonnées;  enfin  en  diverses  localités  se  trouvaient  éga- 
lement disséminés  i\>~<  métiers  secondaires  des  produits  originaires  de  la  soie. 

Os  diverses  industries  représentaient  environ  la  transformation  annuelle  de  1,250,000  à 
1,300,000  kilogrammes  de  soie,  produite  seulement  et  tout  au  plus  en  moitié  par  les  6  à 
7  millions  de  cocons  récoltés  en  France. 

La  période  qui  précéda  la  Révolution  fut  désastreuse  pour  cette  industrie;  les  produits 
anglais  venaient  battre  en  brèche  les  produits  de  la  soie,  et  en  lTss  Lyon  ne  possédait  plus 
que  13,782  métiers,  dont  5,447  vacants  et  9,335  en  travail,  répartis  entre  les  métiers  à  tire, 
velours,  façonnés,  plein,  gazes,  crêpes. 

La  consommation  de  la  soie  en  France  était  de  12,000  balles  au  maximum,  soit  une 
valeur  de  33  millions  de  francs  environ. 

En  dépit  de  cette  crise,  les  soies  françaises  persistaient  à  conserver  le  premier  rang;  et 
dans  sa  Description  physique  et  politique  iln  département  du  Rhône,  publiée  en  l'an  X.  M.  Ver- 
ninac  écrivait  :  «  Il  n'y  a  point  d'organsins  comparables  à  ceux  du  Vivarais,  du  Dauphiné,  de 
la  Provence.  Les  trames  du  Dauphiné,  delà  Provence  et  du  Languedoc  l'emportent  sur  celles 
de  l'étranger.  Ainsi,  la  France  n'a  rien  à  désirer,  ni  quant  à  l'art  de  mettre  la  soie  en  valeur, 
ni  quant  à  la  qualité  de  la  soie.  Mais  ce  qu'elle  récolte  de  ses  qualités  premières  est  loin  de 
suffire  au  besoin  de  ses  manufactures.  Elle  est  obligée  d'appeler  à  son  secours  les  organsins  du 
Piémont  et  du  Bergame,  les  trames  de  Vicence  et  de  Parme  et  les  petites  soies  de  Sicile,  du 
Levant  et  de  Nankin;  mais  puisqu'il  est  impossible  de  s'en  passer,  peut-être  le  Gouverne- 
ment devrait-il  autoriser  la  sortie  du  numéraire  pour  les  acquitter.  L'Allemagne  et  le  Nord 
le  remplaceraient  abondamment  en  soldant  les  marchandises  que  les  matières  premières, 
causes  de  cet  écoulement  de  numéraire,  nous  mettent  à  même  de  leur  adresser.  » 

Et  ce  qu'il  importe  de  remarquer,  c'est  que  le  même  langage  est  celui  que  tiennent 
absolument  encore  aujourd'hui  nos  fabricants  de  soieries. 

Au  xvui"  siècle,  la  fabrique  lyonnaise  s'est  ouvert  les  plus  larges  débouchés  à  l'exporta- 
tion. Elle  produit  annuellement  50  millions  de  francs,  et  le  tiers  est  destiné  à  la  Russie 
et  à  la  foire  de  Leipsig.  En  trois  ans.  elle  fait  rentrer  la  plus  grande  partie  îles  capitaux 
sombres  dans  les  guerres  de  Louis  XV  avec  l'Allemagne,  et  quelques  années  plus  tard,  au 
Conseil  des  Cinq-Cents,  Mayenne  peut  rappeler  que  la  fabrique  lyonnaise»  valait  par  son 
industrie,  dont  l'univers,  d'un  pôle  a  l'autre,  était  tributaire,  autant  à  la  France  que  la 
plus  riche  colonie  ». 


52?  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1S89 

An  surplus,  ce  n'est  pas  dans  la  copie  servile  des  œuvres  du  passé  que  l'industrie  de  la 
soie  trouve  un  nouveau  développement  et  un  nouvel  essor.  Jean  Revel,  élève  du  peintre 
Lebrun,  transporte  sur  les  étoffes,  par  les  points  rentrés,  de  superbes  interprétations  de 
fleurs  naturelles  (le  Marche  de  Pari*,  el  l'Ile  de  Cythère);  puis,  à  travers  d'éphémères,  mais 
élégantes  fantaisies,  nos  fabricants  reviennent,  avec  Gally  Gallien,  avec  Philippe  de  la 
Salle,  etc.,  aux  plus  belles  conceptions  de  l'art  décoratif  appliqué  aux  tissus. 

Il  serait  trop  long  de  rappelée  et  de  décrire  dans  tous  ses  détails  et  dans  toutes  ses 
manifestations  le  dévouement  des  Lyonnais  pour  l'industrie  à  laquelle  ils  ont  lait  tant  de 
sacrifices.  Nous  devons  pourtant  citer  la  «  Maison  de  Charité  »  ainsi  que  l'«  Hôtel-Dieu  », 
s'endettant  pour  voter  des  secours;  les  fonctionnaires,  personnellement  et  de  leurs  de- 
niers, faisant  les  avances  nécessaires;  les  quêtes  volontaires  établies  partout.  «  Soutenir 
nos  manufactures!  »  tel  était  le  mot  d'ordre  d'alors, que, dans  le  style  du  temps,  paraphrase 
un  auteur  lyonnais,  lorsqu'il  s'écrie,  en  s'adressant  à  sa  ville  natale  :  «  C'est  dans  tes  murs, 
et  au  milieu  des  places  publiques,  que  je  voudrais  voir  élever  des  statues  à  tous  les  hommes 
célèbres  que  tes  manufactures  ont  enfantés;  laisse  à  d'autres  le  soin  d'en  ériger  à  ces  héros 
qui  ont  dévasté  la  terre  et  l'ont  remplie  du  bruit  de  leurs  exploits  meurtriers.  Que  dans  ton 
enceinte,  consacrée'à  l'utilité  générale  et  au  bien  public,  on  ne  voie  que  des  monuments 
élevés  aux  arts  d'industrie,  propres  à  éterniser  la  mémoire  de  tes  habiles  négociants,  des 
dessinateurs  de  génie,  des  artistes  dont  les  noms  sont  dignes  de  passer  à  la  postérité.  » 

* 
*    * 

Nous  ne  pourrions  terminer  cet  examen  de  l'histoire  de  la  soierie  avant,  la  Révolution, 
sans  rappeler  rapidement,  et  en  quelques  mots,  le  nom  des  inventeurs  qui  ont  contribué  à 
son  développement. 

Galantier  et  Blache,  d'Avignon,  en  1687,  imaginent  le  métier  à  petite  tire,  qui,  si  l'on 
en  croit  un  savant  auteur,  expert  en  ces  matières,  —  Paulet,  —  a  permis  à  Lyon  de  dessiner 
plus  de  180  étoffes  nouvelles. 

En  1720,  une  machine  facilitant  le  tisseur  de  lacs,  dans  la  grande  tire,  est  due  à  Garin, 
qui  obtient  pour  exploiter  cet  appareil  un  privilège  de  cinq  ans,  et  20  écus  de  prime  pour 
chaque  machine  utilisée. 

En  1725,  Basile  Bouchon  imagine  pour  le  tissage  des  étoffes  à  petite  tire  une  aiguille 
qui  lit  sur  un  papier  sans  fin  le  dessin  produit  par  des  trous  percés  sur  le  papier.  Il  subs- 
titue ensuite  au  papier  des  cartons  entrelacés  et  le  rend,  mais  trop  coûteusement,  il  est 
vrai,  propre  à  la  fabrication  des  grands  dessins. 

En  1744,  Vaucanson  supprime  le  presseur  de  lacs  du  métier  Falcon  et  invente  un 
cylindre  appelé  plus  tard  à  porter  son  nom.  sous  une  forme  carrée,  dans  le  métier  de 
Jacquard. 

Enfin,  en  1766,  un  ouvrier  tisseur,  Ponson,  invente,  pour  la  fabrication  des  armures, 
un  métier  à  accrochages,  que  Verzier  perfectionnera  un  peu  plus  tard,  en  vue  de  la  fabrica- 
tion des  petits  façonnés. 

Tous,  en  un  mot,  ont  contribué,  grands  cl  petits,  —  corporations  cl  particuliers,  —  à 
sauver  cette  industrie  nationale  jusqu'à  la  fin  du  xvnr  siècle. 

Étudions  maintenant  son  cycle  pendant  le  nôtre. 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE  DE    1889  523 


II 

Ce  qu'il  faut  admirer  avant  toutes  choses  dans  la  transformation  de  l'industrie  lyon- 
naise, au  début  de  la  période  révolutionnaire,  c'est  la  merveilleuse  souplesse  avec  laquelle 
elle  s'est  transformée;  d'industrie  d'art  ou  de  haut  luxe,  la  voilà  devenue  tout  à  coup,  sans 
perdre  cependant  complètement  son  ancien  caractère,  une  industrie  de  grande  consomma- 
tion. Et  Jacquart  arrive  à  point,  avec  son  appareil  automatique,  pour  contribuer  à  accroître 
la  grande  production  manufacturière. 

Après  le  blocus  continental,  c'est  à  Lyon  que  l'on  trouve  le  judicieux  mélange 
des  soies  et  du  coton,  qui  apparaissent  des  l'Exposition  de  1819,  et  qui,  délaissé,  puis 
repris,  occupe  près  de  la  moitié  actuellement  des  ouvriers  lyonnais. 

En  1808,  Gensoul  applique  la  vapeur  à  la  filature  des  cotons;  — c'est  à  Lyon  que  cette 
transformation  importante  prend  son  plus  vif  essor.  Et,  par  une  singulière  conjonction  de 
circonstances,  c'est  l'industrie  de  la  soie  qui  va  populariser  dans  les  campagnes  l'appli- 
cation de  la  vapeur.  Enfin,  à  Lyon,  le  moulinage  des  soies  à  tours  comptés  automati- 
quement va  être  découvert. 

La  filature  mécanique  des  déchets  est  révélée,  dès  le  début  de  la  Restauration,  par  les 
emplois  chaque  jour  croissants  des  fils  de  bourre  de  soie  dans  les  ateliers  lyonnais.  (Test 
dans  la  Drôme  que  cette  industrie  prend  naissance. 

Enfin,  en  1850,  lorsque,  dans  le  monde  entier,  les  éducations  de  vers  à  soie  sont  boule- 
versées par  l'épidémie,  M.  Pasteur  découvre  les  règles  qui  doivent  inéluctablement  présider 
à  la  sélection  (\vf.  semences  et  à  la  régénération  séricicole  universelle. 

C'est  encore  la  fabrique  lyonnaise  qui,  avec  le  concours  de  ses  teinturiers,  imprimeurs, 
apprêteurs,  applique  les  procédés  orientaux  de  la  fabrication  des  foulards  aux  tissus 
mélangés  de  coton,  et  inaugure  vers  IS7U  l'industrie  si  florissante  des  étoffes  mélangées 
teintes  en  pièce. 

Le  lissage  mécanique  n'atteint  nulle  part  (à  part  certaines  fabriques  anglaises  et  améri- 
caines! une  aussi  grande  ampleur,  une  aussi  complète  perfection  que  les  nôtres.  Encore 
est-il  juste  de  remarquer  que  les  quelques  fabriques  anglaises  dont  nous  venons  de  parler 
sont  spécialement  appropriées  à  certains  genres  de  travail,  et  que  la  fabrication  américaine, 
créée  d'une  seule  pièce,  pour  la  réalisation  de  son  but,  est  soutenue  par  son  régime 
protecteur. 

Quelques  chiffres,  du  reste,  mettront  en  évidence,  plus  que  de  longues  considérations, 
l'état  de  notre  fabrication  :  dans  13  île  nos  départements  seulement,  marchent  20,000  métiers 
mécaniques  environ.  Or,  l'usine  de  Crefeld,  la  plus  importante  de  l'Allemagne,  n'avait 
en  18SS  que  H, 820  métiers  mécaniques,  et  à  Zurich  on  n'en  comptait  en  1885  que  4,122. 

En  dépit  de  cette  grande  supériorité  du  nombre  de  métiers  mécaniques  en  France,  il 
est  curieux  de  souligner  la  tendance  de  la  répartition  de  ces  métiers  en  de  petits  ateliers 
répartis  non  seulement  dans  les  villes,  mais  encore  dans  les  campagnes  voisines  des  grands 
centres. 

En  nous  reportant  à  l'étude  publiée  par  la  Chambre  de  Commerce  de  Lyon,  nous 
rappellerons  qu'un  grand  nombre  d'institutions  diverses  se  rattachent  à  l'industrie  de  la 
soie  à  Lyon  : 


524  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

Dans  l'ordre  commercial,  la  condition  des  soirs,  qui  sert  de  modèle  à  tous  les  autres 
établissements  de  même  genre  de  l'Europe:  bureaux  de  triage,  décreusage,  conditionne- 
ment des  laines  et  du  coton;  laboratoire  de  chimie;  le  magasin  général  des  soies;  les 
chambres  syndicales  des  fabricants  de  soieries  et  marchands  de  soie,  à  Lyon;  l'Essai  public 
des  marchands  de  soie  et  des  fabricants  de  soieries;  le  laboratoire  d'études  de  la  soie  ;  le 
laboratoire  de  chimie  de  la  douane  de  Lyon.  —  Dans  l'ordre  technique  et  professionnel  d'en- 
seignement :  l'École  de  la  Martinière;  l'Ecole  supérieure  de  commerce  et  de  tissage;  l'Ecole 
centrale  lyonnaise;  l'Ecole  de  chimie  industrielle  près  de  la  Faculté  des  sciences;  les  cours 
de  la  Société  d'Enseignement  professionnel  ;  l'École  municipale  de  tissage. 

Pour  l'enseignement  artistique:  l'Ecole  Saint-Pierre;  le  musée  d'art  et  d'industrie  du 
Palais  du  Commerce,  lequel  contient  une  bibliothèque  riche  de  plusieurs  milliers  d'échan- 
tillons et  îles  plus  purs  chefs-d'œuvre  de  l'industrie  lyonnaise.  — Enfin,  comme  institutions 
annexes  nées  et  vivant  près  de  l'industrie  de  la  soie  :  la  grande  Société  de  secours  mutuels 
et  la  Caisse  de  retraite  des  ouvriers  en  soie,  forte  de  5,000  membres,  et  fondée  en  1848; 
la  Caisse  de  secours  des  fabricants  de  soieries  et  des  marchands  de  soie,  fondée  en  1874; 
la  Caisse  de  prêts  pour  les  chefs  d'ateliers,  fondée  en  1831,  etc. 

* 

Après  ce  rapide  coup  d'oeil  jeté  sur  l'historique  de  la  soie,  sur  ses  procédés  de  fabri- 
cation et  sur  ceux  de  ses  dérivés,  il  serait  intéressant  de  résumer  en  quelques  tableaux 
l'état  de  l'industrie  de  la  soie  durant  le  siècle  écoulé. 

Bien  que  le  détail  en  soit  résumé  de  la  façon  la  plus  exacte  et  la  plus  complète  par  les 
diverses  sociétés  ou  institutions  qui  y  sont  rattachées,  l'espace  dont  nous  disposons  ne 
nous  permet  ici  que  d'y  intervenir  par  un  simple  rappel,  renvoyant  pour  le  surplus  aux 
bibliothèques  spéciales  où  nous  avons  puisé  nous-mêmes  et  au  savant  rapport  de  la 
Chambre  de  Commerce  de  Lyon,  souvent  cité  par  nous  au  cours  de  cette  étude.  Il  faut 
donc  rendre  hommage  en  terminant  aux  savants  travaux  effectués  dans  cet  ordre  d'idées 
par  l'Union  des  marchands  de  soie  de  Lyon,  l'Académie  des  sciences  (rapport  de  M.  Dumas), 
les  Annales  du  Commerce  extérieur,  l'Administration  des  douanes,  les  correspondants  de 
Shangaï,  Canton,  Yokohama  et  Calcutta,  etc.,  etc. 

Quant  au  nombre  des  exposants  qui  ont  maintenu  bien  haut  le  niveau  de  l'industrie 
de  la  soie  dans  la  grande  manifestation  de  1889,  c'est  dans  le  catalogue  des  récompenses, 
leur  véritable  livre  d'or,  qu'il  y  aura  à  relever  leurs  noms. 


EXPOSITION  COLLECTIVE  DES  FABRICANTS  DE  TOILES  D'ARMENTIÈRES 

La  Chambre  de  commerce  d'Armentières,  sous  le  patronage  de  laquelle  [a  été  organisée 
'Exposition  collective  des  fabricants  de  toiles  de  cette  ville,  comprend  dans  sa  circons- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 


525 


DÉSIGNATION    DES   INDUSTRIES 


QUANTITÉS 


NOMBRE 
de 

MÉTIERS 
3 


CANTON     D   ARMENTIÈRES 


Tissages  mécaniques  do  toile. 

Tissages  à  la  main 

Négociants  en  toile  ... 
Crémages  et  blanchisseries  de 
Blanchisserie  de  toiles.   .   .   . 
Fabriques  de  rois  et  barnats. 
Teintureries  de  toiles  et  fils  . 

Filatures  de  lin 

Filature  de  coton 

Atelier  de  chaudronnerie.  .  . 
Atelier  de  fonderie  en  fer  .  . 
Atelier  de  fonderie  en  cuivre. 
Tanneries-corroieries   .   .   .   . 

Distilleries 

Moulin  à  farine 

Saliues  et  savonneries  .... 

Brasseries 

Scieries  mécaniques 


aïs 


Total  pour  le  canton. 


4S 

15 

17 

22 

1 

2 

.3 

11 

1 

1 

1 

3 
4 

1 
2 
G 
3 


7.000 
1.200 


45.000  broches 


CANTONS     DE     BAILLEUL 


Tissages  mécaniques  de  toiles 

Tissages  à  la  main 

Blanchisseries  de  fils 

Blanchisseries  de  toiles  .  .  . 
Fabriques  do  dentelles.  .  .  . 
Fabriques  de  toiles  d'emballage 

Brasseries 

Savonneries 

Scieries  mécaniques 

Tanneries-corroieries    .... 


Total  pour  les  deux  cantons. 


3 

14 
3 
3 


21 


200 
.000 


CANTON     DE     MERVILLE 


Tissages  mécaniques  do  toiles 
Tissages  de  toile  à  la  main.  . 
Tissages  de  linge  de  table  .   . 

Filature  de  linge 

Amidonuerio 

Crémages  et  blanchisseries.    . 

Nègociauts  en  toile 

Fonderies  en  fer 

Brasseries 

Moulins  à  farine 

Scieries  mécaniques 

Tanneries-corroieries  .... 
Salines  et  savonneries  .... 
Distilleries 


Total  pour  le  canton. 


4 

5 

5 

1 

1 

19 

10 

1 

11 

3 

6 

3 


200 
300 


NOMBRE 

des 

OUVRIERS 

qu'elles 

occupent. 


10.500 

1.300 


600 


2.400 


400 


15.200 


350 

1.100 


100 
800 


2.600 


300 
250 
350 

ISO 
300 
175 


400 


1 .955 


MONTANT 

DES  PRODUCTIONS 
5 


80.000.000  fr. 


14  à  15.000.000 


6.000.000  fr. 


3.500.000  fr. 

650.000 
3.000.000 


526 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    188Ô 


cription  les  cantons  d'Armentières,  de  Bailleul  nord-est,  de  Bailleul  sud-ouest  et  de  Merville. 
Ces  cantons  forment  une  agglomération  industrielle  très  considérable,  et  constituent  le 
centre  principal  de  l'industrie  toilière  non  seulement  pour  le  département  du  Nord,  mais 
aussi  pour  la  France  tout  entière. 

L'importance  industrielle  des  cantons  qui  forment  les  circonscriptions  de  la  Chambre 
de  Commerce  d'Armentières  ressort  d'ailleurs  très  nettement  du  tableau  ci-dessus  (voir 
page  525),  dressé  en  décembre  1885  et  qui  contient  rémunération  des  différentes  industries, 
avec  le  nombre  d'établissements  et  de  métiers  qu'elles  comportent,  le  nombre  d'ouvriers 
qu'elles  occupent  et  le  montant  total  de  leur  production. 

Soit,  pour  les  industries  principales  dans  les  quatre  cantons,  un  total  d'environ 
20,000  ouvriers,  et  pour  l'industrie  linière  seulement,  filatures  et  tissages,  plus  de  7,500  mé- 
tiers mécaniques,  environ  2,700  métiers  à  la  main,  près  de  50,000  broches  de  filature, 
une  production  de  00  millions  de  toiles  et  de  15  millions  de  fils. 

Ces  chiffres  permettent  d'affirmer  que  le  centre  d'Armentières  est  le  siège  principal 
de  l'industrie  linière  française,  de  même  que  Roubaix  est  le  siège  de  l'industrie  des  tissus 
fantaisie,  et  Tourcoing  celui  de  la  filature  de  laine. 

Ce  développement  considérable  de  l'industrie  linière  a  eu  son  influence  sur  le  déve- 
loppement des  autres  industries  :  les  salaires  des  ouvriers  sont  une  source  considérable 
de  consommation  et  d'échanges,  amenant  dans  le  commerce  de  détail  un  chiffre  très 
important.  Rien  ne  saurait  mieux  mettre  en  évidence  l'étendue  du  développement  indus- 
triel qu'a  pris  la  région  d'Armentières  que  la  statistique  suivante,  qui  contient,  pour  les 
années  1860  à  1884,  le  produit  du  trafic  des  voyageurs,  de  la  petite  vitesse,  et  le  produit 
total  du  trafic  à  la  gare  d'Armentières  : 


ANNÉES 

VOYAGEURS 

l'E  1 1  TE  VITESSE 

TOTAL 

1860 

fr. 

80.000 

139.000 

ITi.OOO 

m. ooo 

251.000 

200.00(1 

Moyenne. 

fr. 
153.000 

220.000 

242.000 
330.000 

441.OU0 
552.000 

674.000 

fr. 

241.000 

370.000 
460.000 

.isii.000 
728.0IKI 
S5i.000 
960.00(1 

1870 

1873 

1877 

1881 

1883-1884  

Aujourd'hui,  il  résulte  des  derniers  documents  publiés  par  la  Compagnie  du  Nord, 
que  la  gare  d'Armentières  occupait,  en  18S8,  le  trente-huitième  rang  parmi  les  gares 
ipie  dessert  le  réseau  du  Nord,  avec  un  trafic  total  dont  le  montant  s'élevait  à  824,786 fr.  29. 
Encore  faut-il  ajouter  que  la  plupart  des  gares  qui  passent  avant  elle  sont  des  gares  de 
jonction  et  de  charbonnage. 

En  ce  qui  concerne  plus  spécialement  l'industrie  de  la  toile  à  Armentières,  on  peut 

•  juger  de  sa  situation  actuelle  par  les  chiffres  suivants,  qui  représentent  le   poids   total 


528  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1889 

des  toiles  expédiées  par  la  gare  d'Armentières  pendant  les  quatre  dernières  années  : 

1886 15. 7S1. 600  kilogrammes. 

1887 15.574.100  — 

1888 16.366.100  — 

1889 16.164.300  — 

En  terminant  notre  trop  rapide  revue  des  tissus  à  l'Exposition,  signalons  quelques 
exhibitions  particulières  qui  ont  plus  spécialement  intéressé  le  public,  et  tout  d'abord 
l'exposition  des  dentelles  de  Calais. 

La  classe  XXXIV  a  été  un  des  grands  attraits  du  Palais  des  Industries  diverses  à 
l'Exposition  Universelle  de  1889. 

Elle  comprenait  :  la  broderie,  la  passementerie ,  la  dentelle  à  la  main  et  la  dentelle 
mécanique,  dans  tous  ses  genres  et  sous  tous  ses  aspects. 

Il  y  avait  dans  cet  ensemble  assez  d'éléments  pour  captiver  l'attention  générale  et 
exciter  surtout  l'admiration  de  la  partie  féminine  des  visiteurs. 

Mme  Carnot  elle-même  a  honoré  plusieurs  fois  d'une,  visite  attentive  les  nombreuses 
vitrines  qui  étalaient  aux  yeux  de  tous  les  visiteurs  les  merveilleux  et  délicats  produits 
qui  servent  à  orner  et  à  encadrer  si  gracieusement  les  différentes  parties  du  vêtement 
des  dames. 

L'industrie  dentellière  au  métier  occupait  une  grande  et  brillante  place  dans  la 
classe  XXXIV  ;  elle  était  représentée  par  les  principales  maisons  de  Caudry,  Lyon  et 
surtout  de  Calais,  le  centre  le  plus  important  de  la  fabrication  de  dentelles  mécaniques 
du  continent  et  la  rivale  de  Nottingham. 

De  profonds  et  sympathiques  sentiments  se  dégagent  de  l'examen  de  toutes  ces 
expositions,  et  l'on  doit  remercier  les  fabricants  qui  sont  venus  affirmer  patriotiquement 
l'intelligente  vitalité  de  cette  industrie  nationale  et  démontrer  d'une  façon  éclatante  les 
progrès  considérables  réalisés  par  eux  depuis  l'Exposition  Universelle  de  1878. 

La  fabrique  de  Calais  possède  1,950  métiers  répartis  entre  plus  de  380  fabricants. 
Ce  matériel,  dont  la  valeur  est  de  30  millions  environ,  nécessite,  avec  ses  usines,  ses 
accessoires,  etc.,  etc.,  un  capital  immobilisé  qui  s'élève  à  près  de  80  millions  de  francs. 

Il  occupe  25,000  ouvriers  et  ouvrières  qui  reçoivent  un  salaire  annuel  de  26  à 
28  millions  de  irancs. 

Des  améliorations  sans  cesse  apportées  aux  machines  ont  permis  d'arriver  à  un  haut 
degré  de  perfection  et  de  finesse  et  ont  porté  loin  la  réputation  de  la  dentelle  de 
Calais. 

Les  principales  récompenses  de  cette  section  ont  été  accordées  aux  fabricants  de 
Calais  dont  les  noms  suivent  : 

A  M.  Henri  Hénon,  membre  du  jury  et  deux  fois  exposant  :  La  croix  de  la  légion 
d'honneur. 

A  MM.  Rd  West  et  Davemèue  :  Un  grand  prix. 

A  MM.  Noyon  frères,  Darquer,  Ancelot,  Fournier,  Arnett,  Herbelot,  Gaillard,  Leniques 
et  Piquet  :  La  médaille  d'or. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


529 


Blazy  frères.  —  Dans  la  classe  XXXIV:  tapisseries  brodées,  dentelles,  passementeries, 
MM.  Blazy  frères  avaient  exposé  trois  tapisseries  remarquables  brodées  à  l'aiguille  :  Une 
Chasse  au  chevreuil  d'après  Snyders  (panneau  de  3  mètres  sur  ~2"\ 50).  Le  Sommeil  de  l'Amour, 
d'après  Léon  Perrault;  les  Baigneuses  provençales,  dessus  de  porte,  d'après  Joseph  Vernet. 

Ces  genres  ne  sont  plus  les  tapisseries  modestes  de  dimension  et  de  style  que  nous 
avons  coutume  de  voir  dans  la  broderie  faite  a  l'aiguille.  Ce  sont  des  œuvres  de  grande 
allure  que  la  fabrication  au  métier  d'Àubusson  et  des  Gobelins  avait  jusqu'ici  seule  abor- 
dées. 


Vue  de  la  filature  de  laine  de  MM.  Blazy. 

C'est  une  voie  nouvelle  indiquée  pour  cette  industrie  ;  nous  en  félicitons  vivement  les 
initiateurs. 

MM.  Blazy  frères,  à  côté  de  ces  œuvres  d'art,  rappelaient  par  quelques  types  les  laines  filées 
exposées  plus  grandement  dans  leur  autre  vitrine,  classe  XXXII.  Ces  types  démontraient 
combien  notre  industrie  française,  pour  ce  qui  concerne  la  filature  des  laines  destinées  à  la 
tapisserie  et  à  la  bonneterie,  est  fortement  assise.  Ses  produits  sont  infiniment  supérieurs  à 
ceux  que  nous  présentaient  les  pays  étrangers. 


Le  Gagne-Petit.  —  Cette  maison  a  été  fondée  en  1790  par  M.  Jean-Casimir  Bouruet- 
Aubertot,  grand-père  des  propriétaires  actuels,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  M.  Che- 
vreux-Aubertot,  qui  vers  la  même  époque,  ouvrit  à  Pantin  une  maison  analogue,  mais  com- 
plètement indépendante,  venue  plus  tard  sur  le  boulevard  Poissonnière. 

Le  succès  de  M.  Jean-Casimir  Bouruet-Aubertot,  et  de  ses  successeurs  a  été  dû  à  ce  que 
ces  négociants  ont  les  premiers  eu  l'idée  de  réunir  dans  un  même  magasin,  les  diverses 
nouveautés,  qui  jadis  étaient  réparties  dans  un  grand  nombre  de  maisons  spéciales. 

De  plus,  la  vente  de  leurs  marchandises  fut  toujours  faite  à  prix  fixe. 

III  34 


SâO  L' EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1889 

Ces  initiations,  nouvelles  pour  l'époque  de  leur  adoption  par  le  Gagne-Petit,  lui  ont  valu 
une  grande  notoriété  et  une  grande  vogue. 

Le  Gagne-Petit  ne  décline  pas  entre  les  mains  des  descendants  du  fondateur.  La  loyauté 
de  ses  opérations  commerciales,  le  soin  avec  lequel  les  articles  vendus  à  sa  clientèle  étaient 
lubriques,  lui  valurent  une  haute  situation  commerciale  que  la  maison  a  toujours  conservée 
depuis  sa  création. 

Il  y  a  trente  ans,  le  fils  du  fondateur,  M.  Jean-Hector  Bouruet-Àubertot,  joignit  à  sa 
spécialité  de  toiles  et  blanc,  des  ateliers  spéciaux  pour  la  fabrication  du  linge  confectionné. 

Des  ateliers  furent  établis  dans  la  maison  de  commerce  elle-même  pour  la  coupe  et  la 
préparation,  et  à  Crépy-en- Valois  pour  la  confection. 

Les  voitures  de  la  maison  font  constamment  les  transports  entre  les  ateliers  de  l'avenue 
de  l'Opéra  et  ceux  de  Crépy,  où  des  centaines  d'ouvriers  habitant  la  localité  et  les  villages 
environnants  sont  occupés. 

A  l'origine,  la  maison  du  Gagne-Petit,  fondée  rue  des  Moineaux,  y  occupait  en  1877  les 
noS  .^  |4f  20,  22  et  24.  Ses  magasins  s'étendaient  de  plus  rue  Thérèse  n°  13  et  rue  Vcnta- 
dour  n0'  1  et  3. 

Au  moment  de  la  démolition  du  quartier  de  la  Butte-des-Moulins,  le  Gagne-Petit  lut 
reconstitué  sur  son  emplacement  primitif  en  même  temps  que  se  faisait  le  percement  de 
l'avenue  de  l'Opéra. 

Les  anciens  magasins,  répartis  dans  plusieurs  immeubles,  obligés  par  conséquent 
d'avoir  leurs  rayons  ne  communiquant  que  par  une  série  d'escaliers,  de  couloirs  et  d'em- 
placements privés  de  lumière,  ont  été  remplacés  par  de  vastes  galeries  avec  entrées  avenue 
de  l'Opéra,  rues  Saint  Roch,  d'Argenteuil  et  rue  des  Pyramides. 

l)ans  la  nouvelle  installation,  de  grands  soins  ont  été  pris  pour  faciliter  au  public 
l'accès  de  tous  les  rayons.  Des  ascenseurs  conduisent  les  marchandises  ou  les  clients  aux 
différents  étages,  tandis  que  de  vastes  sous-sols  sont  aménagés  soit  comme  réserves  de  mar- 
chandises, soit  comme  cuisines  ou  réfectoires  pour  le  personnel. 

L'importance  de  ce  dernier  service  s'expliquera  en  un  seul  chiffre  :  la  maison  a  distribué 
plus  de  147,000  repas  pendant  la  dernière  année. 

Comme  à  l'époque  de  sa  fondation,  la  maison  du  Gagne-Petit  conserve  une  clientèle 
spéciale  à  laquelle  elle  vend  toujours  des  articles  de  choix,  aussi  bien  lorsqu'il  s'agit  d'ar- 
ticles de  grand  luxe  que  lorsqu'elle  livre  des  articles  de  ménage. 

La  qualité,  le  soin  et  le  bon  goût  de  ses  produits  en  même  temps  que  leurs  prix 
modérés  ont  valu  à  la  maison  une  médaille  d'or  à  l'Exposition  Universelle  (groupe  IV, 
classe  XXXV). 

Depuis  cette  haute  distinction,  la  maison,  soucieuse  de  ne  pas  démériter,  a  encore  ap- 
porté plus  de  soin  dans  sa  fabrication  et  dans  ses  achats,  afin  que  sa  vieille  clientèle  trouve 
toujours  chez  elle  des  produits  de  premier  ordre. 

Dans  la  classe  XXXV,  section  des  tissus  et  vêtements,  nous  nous  sommes  longuement 
arrêtés  aux  vitrines  des  corsets;  jamais  nous  n'avions  vu  une  exposition  aussi  splendide. 
En  ne  nous  attachant  qu'au  côté  fabrication,  et  en  laissant  de  côté  les  ornements,  nous 
avons  découvert  une  petite  vitrine,  contenant  l'exposition  collective  des  produits  de  Bar-le- 
Duc,  nous  voulons  parler  des  corsets  sans  couture,  et  nous  n'avons  été  nullement  étonnés 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889  531 

qu'on  accorde  à  cette  collectivité  une  médaille  d'or  en  raison  des  progrès  réellement  sensibles 
réalisés  par  cette  industrie.  Il  y  a  un  monde  entre  l'Exposition  de  1878  et  celle  de  1889, 
mais  ce  qui  nous  a  le  plus  frappés,  tout  en  ne  voulant  nommer  personne,  puisque  nous  ne 
faisons  aucune  réclame,  c'est  un  tissu  double,  quoique  sans  couture,  c'est-à-dire  deux  cor- 
sets, donc  double  force,  tissés  par  un  même  métier  à  double  chaîne  et  à  double  traîne;  vou- 
lant nous  rendre  compte,  nous  avons  examiné  de  près  un  de  ces  corsets  moulant  admira- 
blement la  taille,  d'une  solidité  à  toute  épreuve,  et  quoique  double,  d'une  légèreté  incom- 
préhensible malgré  de  fortes  baleines,  nous  croyons  là  le  problème  résolu  du  corset  main- 
tenant le  corps  de  la  femme,  sans  la  gêner  aucunement,  et  surtout  sans  la  blesser;  c'est 
véritablement  un  progrès  immense  réalisé  par  l'ancienne  ville  lorraine. 

Signalons  enfui  parmi  les  nombreuses  chaussures  exposées,  celles  de  M.  Sauvage, 
d'Alger. 

La  vitrine  de  cet  exposant  contenait  une  riche  collection  de  chaussures  cousues  à 
la  main,  pour  hommes,  dames  et  enfants.  C'est  une  fabrication  tout  à  fait  française,  et 
nous  ne  pouvons  que  reconnaître  le  mérite  du  fabricant  qui,  en  Algérie,  sait  former  des 
ouvriers  à  même  de  faire  un  travail  pouvant  marcher  de  pair  avec  nos  meilleurs  produits 
parisiens.  C'est  ce  qui  nous  fait  mentionner  ici  l'intéressante  vitrine  de  cet  exposant. 

Les  articles  d'hommes,  parmi  lesquels  nous  relevons  des  bottes  cuissières  et  des 
brodequins  de  chasse  à  deux  lisses,  sont  parfaitement  établis. 

Des  bottes  Chantilly  et  de  jockey ,  et  surtout  une  paire  de  bottes  en  veau  blanc 
cambrées,  d'un  seul  morceau  et  fermées  derrière  par  une  baguette,  méritaient  une  mention 
toute  spéciale. 

Les  chaussures  de  ville  ordinaires  pour  hommes,  ainsi  que  divers  types  de  bottines 
cambrées  et  de  souliers  Richelieu,  présentaient  tous  les  caractères  d'une  fabrication  bien 
entendue.  La  main-d'œuvre  du  semelage  est  d'une  supériorité  incontestable. 

Il  en  est  de  même  des  articles  de  fantaisie  pour  dames,  dont  l'élégance  et  le  cachet 
révèlent  la  main  d'un  praticien  distingué  et  une  collaboration  également  digne  d'éloges. 

Puisque  nous  nous  occupons  ici  des  questions  de  toilette,  signalons  encore,  bien 
qu'elle  n'appartienne  pas  à  la  section  proprement  dite,  une  intéressante  exhibition. 

Une  des  plus  remarquables  collections  de  la  classe  XXIX,  groupe  III,  était  sans  contre- 
dit l'exposition  générale  des  peignes  (fantaisie,  haute  nouveauté)  de  la  maison  Colignon 
Petitcollin,  9,  boulevard  Saint-Denis.  Il  est,  croyons-nous,  impossible  d'atteindre  un  plus 
haut  degré  de  perfection  dans  l'imitation  de  l'ivoire  teinté  et  dans  le  goût  des  décorations 
de  style  japonais  qui  ornent  ces  objets  et  en  font  de  véritables  œuvres  d'art. 

La  médaille  qui  a  élé  accordée  par  le  jury  à  M.  Colignon  Petitcollin  est  une  juste 
récompense  des  travaux  et  des  longs  essais  que  de  semblables  résultats  ont  exigés. 

M.  Colignon  Petitcollin  a  voulu  monopoliser  tous  les  articles  peignes  destinés  à  l'expor- 
tation. Le  succès  par  lui  obtenu  lui  assurera  hors  de  France  sur  ses  concurrents  la  préfé- 
rence de  tous  ceux  qui  désirent  allier  le  beau  à  l'utile. 

Enfin,  pour  être  complets  et  toujours  en  dépit  de  la  classification  officielle,  signalons 
ici  les  remarquables  produits  du  docteur  Pierre,  de  la  parfumerie  Alexandre  et  la  magni- 
fique exposition  de  l'importante  maison  L.-T.  Piver. 


532 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


La  maison  L.-T.  Piver  a  été  fondée  en  1774,  rue  Saint-Martin,  à  renseigne  de  la 
Reine  dei  Fleurs.  En  1844,  M.  Alphonse  Piver  succéda  à  son  oncle,  M.  L.-T.  Piver. 

Ce  fut  surtout  à  partir  de  cette  époque  que  la  maison  commença  à  prendre  un 
grand  développement.  M.  A.  Piver  était  un  chercheur  infatigable  ;  il  mit  son  intelligence 

et  son  énergie  au  service  de  son  esprit  inventif,  et,  par  ses 
études  constantes,  arriva  à  doter  son  industrie  d'un  matériel 
permettant  de  faire  mieux  et  plus  vite. 

La  fabrication  des  savons  de  toilette  surtout  était  absolu- 
ment défectueuse  et  très  lente;  aussi  M.  A.  Piver  jugea-t-il  in- 
dispensable de  créer  de  toutes  pièces  un  outillage  au  moyen 
duquel  on  pût  livrer  en  vingt-quatre  heures  ce  qui  exigeait 
auparavant  six  semaines  de  travail. 

Il  serait  trop  long  d'énumérer  ici  tous  les  perfectionne- 
ments divers  qu'il  apporta  dans  la  fabrication  générale  de  la 
parfumerie,  et  qui  contribuèrent  puissamment  à  donner  à 
cette  branche  de  notre  commerce  l'importance  qu'elle  a  au- 
jourd'hui. 

En  1855,  l'accroissement  des  affaires  obligea  M.  A.  Piver 
à  transférer  ses  magasins  dans  le  magnifique  établissement 
du  boulevard  de  Strasbourg.  L'ancienne  fabrique  de  la  Villetle 
ne  tarda  pas  à  devenir  insuffisante  à  son  tour,  et  fut  remplacée 
en  1867  par  l'usine  d'Aubervilliers,  que  l'on  peut  qualifier 
d'usine  modèle,  et  dont  M.  A.  Piver  dressa  lui-même  les  plans. 
La  maison  L.-T.  Piver  possède  en  outre  une  fabrique  à 
Grasse  (Alpes-Maritimes i  où  elle  extrait  elle-même  des  fleurs 
et  des  plantes  du  pays  les  parfums  nécessaires  à  ses  prépara- 
tions auxquelles  elle  assure  ainsi  une  régularité  constante. 

Après  avoir  obtenu  les  premières  récompenses  à  toutes 
les  Expositions  Universelles,  M.  A.  Piver,  membre  du  jury, 
hors  concours  en  1867,  fut  fait  chevalier  de  la  Légion  d'hon- 
neur. 

En  1878,  également,  membre  du  jury  et  hors  concours, 
il  fut  nommé  officier  de  la  Légion  d'honneur. 

Enfin,  en  1880,  après  une  vie  essentiellement  laborieuse, 
il  prit  sa  retraite.  Il  laissa  sa  maison  à  M.  L.-T.  Piver,  son  fils,  et  à  MM.  Nocard  frères,  ses 
collaborateurs  depuis  1854.  La  raison  sociale  devint  L.-T.  Piver  et  C". 

La  succession  était  lourde,  et  la  nouvelle  Société  fit  tous  ses  efforts  pour  se  maintenir  à 
la  hauteur  de  la  tâche  qui  lui  incombait. Elle  eut  le  bonheur  de  réussir;  les  produits  qu'elle 
créa  conquirent  rapidement  une  telle  vogue  qu'il  fallut  agrandir  l'usine  d'Aubervilliers, 
substituer  au  matériel  existant  des  machines  et  des  générateurs  beaucoup  plus  puissants, 
et  construire  d'immenses  réservoirs  pour  que  les  liquides  alcooliques  puissent  se  bonifier 
par  une  lente  macération. 

Le  succès  sans  précédent  du  corylopsis  du  Japon  contribua  beaucoup  a  donner  à  la 
maison  une  vigoureuse  impulsion  et  lui  ouvrit  nombre  de  débouchés  nouveaux. 


riacon-type 
de  la  parfumerie  Alexandre. 


c 

H 
i 


534  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1?89 

Personne  n'a  oublié,  à  l'Exposition  Universelle  de  1889,  le  ravissant  salon  de  la  maison 
L.-T.  Piver,  où  elle  distribua  gratuitement  à  la  ioule ,  qui  l'envahissait  chaque  jour  : 
200,000  cartes  parfumées  au  corylopsis  du  Japon,  9S,000  petits  échantillons  de  corylopsis, 
du  lait  d'iris,  etc.,  et  où  ses  fontaines,  qui  n'ont  pas  tari  un  instant,  ont  parfumé  un 
nombre  aussi  fantastique  de  mouchoirs. 

La  maison  L.-T.  Piver,  fidèle  à  sa  tradition,  a  remporté  la  plus  haute  récompense 
décernée  à  l'Exposition  de  1889  :  le  Grand  Prix. 

Parmi  les  maisons  de  fondation  récente  et  qui,  dès  leur  première  exposition,  ont  obtenu 
une  récompense,  une  des  plus  remarquées  a  été  celle  qui  porte  la  marque  Alexandre.  Non 
seulement  ses  produits  sont  de  bonne  qualité,  mais  ils  se  distinguent  encore  par  l'élégance 
de  la  forme  sous  laquelle  ils  sont  présentés,  et  les  membres  du  jury  ont  tout  particulière- 
ment loué  un  nouveau  genre  de  coiffage  des  flacons  dont  M.  Alexandre  est  l'inventeur. 
Nous  en  reproduisons  un  modèle. 

Les  élégantes  qui  visitaient  la  parfumerie  et  recherchaient  dans  ses  multiples  attraits 
une  poudre  capable  de  conserver  à  leur  gracieux  visage  toute  sa  fraîcheur,  semblaient 
accorder  leurs  préférences  à  la  Velvètine  Alexandre  dont  la  parfaite  adhérence  et  l'impalpa- 
bilité  évitent  l'inconvénient  des  fards  et  donnent  l'illusion  d'une  éternelle  jeunesse. 

La  Crème  Alexandre  avait  aussi  ses  nombreux  amateurs.  D'ailleurs,  elle  a  toujours 
rivalisé  avantageusement  avec  les  meilleurs  produits  similaires. 

Mais  le  plus  grand  succès  de  cette  exposition  était  dans  l'alïluence  des  étrangers  et 
surtout  des  Russes  qui  venaient  respirer  un  coquet  flacon  portant  l'impériale  dénomination 
de  Bouquet  du  Czar.  Vraiment  digne  d'un  si  beau  titre,  le  Bouquet  du  Czar  embaume  le  mou- 
choir d'une  délicieuse  senteur,  et  il  attirera  certainement  à  son  créateur  la  reconnaissance 
des  plus  aristocratiques  moscovites. 

On  a  pu  être  surpris  de  ne  pas  trouver,  au  nombre  des  produits  similaires  récompensés 
par  le  jury  de  l'Exposition  universelle,  les  dentifrices  universellement  connus  et  appréciés 
du  docteur  Pierre.  L'explication  de  cette  apparente  omission  est  fort  simple.  Cette  maison 
était  placée  hors  concours  en  raison  de  la  présence  de  son  directeur  dans  le  comité  d'admis- 
sion et  d'installation  et  dans  le  jury  de  l'Exposition.  Elle  a,  du  reste,  depuis  longtemps 
épuisé  les  différents  degrés  de  récompenses  mises  à  la  disposition  des  jurys  des  diverses 
Expositions  internationales  à  l'examen  desquels  elle  a  soumis  ses  produits,  depuis  la 
médaille  de  bronze  qui  lui  fut  décernée  à  l'Exposition  Universelle  de  Paris  en  1867,  jusqu'aux 
médailles  d'or  successivement  obtenues  à  Melbourne,  Philadelphie,  Londres,  Calcutta,  Liver- 
pool,  Anvers. 

La  maison  du  docteur  Pierre  fut  fondée  en  1840.  Son  siège,  primitivement  fixé  16,  bou- 
levard Montmartre,  a  été  transféré,  au  commencement  de  1870,  place  de  l'Opéra.  La  fabrique 
est  située  à  Asnières,  18,  Grande-Rue  (Seine). 

La  maison  a  une  succursale  à  Londres,  39  bis,  Old  Bow  Street  (Piccadilly)  W.  C. 


LES   INDUSTRIES    DE   LUXE 


|E  caractère  plus  particulièrement  industriel   de   notre  revue  technique  et  des- 
criptive des  diverses  sections  de  l'Exposition  Universelle  ne  nous  permet  pas, 
à  notre  très  vif  regret,   de  nous  occuper  des  industries  de  luxe  comme  nous 
l'eussions  désiré  et  comme  elles  le  méritaient. 


Iironze  d'art  de  la  Maison  Soulages  et  Alliot. 

Disons  seulement  que  merveilleuse  dans  son  ensemble,  l'Exposition  de  ces  diverses 
classes  a  vivement  sollicité  et  pleinement  satisfait  l'intérêt  et  la  curiosité  du  public. 

Nous  ne  pouvons  pas  cependant  ne  pas  signaler  la  merveilleuse  exposition  de  la 
maison  Cliristotle  et  Cie. 


536 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


La  manufacture  est  dirigée  par  : 

M.  Paul  Christofle  et  M.  Henri  Bouilhet,  gérants  de  la  Société  Christofle  et  Cie  ; 
M.  Fernand  de  Ribes,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  cogérant; 
M.  André  Bouilhet,  attaché  à  la  direction  générale. 

Un  des  caractères  particuliers  de  la  maison  Christofle  et  O,  l'un  de  ceux  que  son  exhi- 
bition dans  la  classe  XXIV  mit  le  plus  manifestement  en  évidence  est  certainement  dans 
l'accord  très  complet  entre  l'art  et  l'industrie  qui  distingue  les  produits  sortis  de  ses  ateliers. 


L" ii  coin  de  l'Exposition  de  MM.  Christofle  et  O. 

La  première,  en  effet,  utilisant  les  procédés  de  l'électro-chimie,  elle  modifia  du  tout  au  tout 
les  conditions  de  l'orfèvrerie,  résolut  le  problème  si  ardu  et  si  complexe  de  l'art  à  bon 
marché,  et  dans  une  usine  gigantesque  concentra  un  magnifique  et  formidable  outillage, 
admirablement  conditionné  pour  la  réalisation  de  ses  vues. 

Parmi  les  chefs-d'œuvre  exposés  au  Champ-de-Mars,  dans  la  classe  de  l'orfèvrerie,  on 
remarquait  entre  autres,  toute  une  série  de  vases,  de  statuettes,  de  plateaux  que  le  Ministère 
de  l'Agriculture  distribue  en  prix  aux  lauréats  des  concours  agricoles  et  qui  furent  modelés 
par  les  premiers  sculpteurs  de  notre  époque;  une  Amphitrite  d'Antonin  Mercié,  ravissante 
statuette  exécutée  eu  ivoire  et  drapée  d'or;  un  Testimonial,  en  argent,  offert  à  M.  Dietz- 


L'FXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


537 


Monin;  des  meubles,  consoles  d'angles,  jardinières;  torchères  décorées  d'émaux;  table  à 
thé  Louis  XV,  et  surtout  un  somptueux  service  de  table  en  argent  massif,  style  Régence, 
servi  à  la  vieille  mode  irançaise  et  entièrement  fait  au  repoussé,  selon  les  plus  pures  mé- 
thodes. Puis  aussi,  une  collection  d'objets  plus  simples,  d'un  prix  moins  élevé,  mais  non 
pas  d'un  goût  moindre,  et  consistant  notamment  en  plateaux,  sur  lesquels  étaient  gravés, 
ou  pour  parler  plus  exactement,  imprimés  des  feuillages  conservant  tout  le  charme,  la  grâce 
d'attitude,  l'imprévu  de  la  nature. 

Il  sortirait  du  cadre  de  notre  étude  de  décrire  ici  tous  les  procédés  employés  par 
MM.  Christofle  et  Cie,  dans  leurs  usines  de  Paris  et  de  Saint-Denis,  et  c'est  plutôt  les  résultats 
de  leur  fabrication  qu'il  nous  est  donné  d'examiner.  On  se  rappelle  que,  durant  toule 


Soupière  style  Régence  eu  argent  repoussé,  exécutée  par  MM.  Christofle  et  O. 


la  période  du  second  Empire,  les  œuvres  exécutées  dans  les  ateliers  de  la  rue  de  Bondy, 
furent  modelées  par  les  Klagmann,  les  Guncry,  les  Diebolt,  les  Aimé  Millet,  les  Carrier- 
Belleuse,  etc.,  comme  aujourd'hui  par  Antonin  Mercié,  Barrias,  Falguières,  Levillain,  Gau- 
therin,  etc.  C'est  de  M.  Coutan  qu'était  la  Moissonneuse,  avec  sa  serpe  en  main,  coupant  le 
blé;  c'est  à  M.  Falguières  qu'était  dû  le  groupe  de  Y  Elevage,  figurant  un  paysan,  le  dos 
appuyé  sur  son  animal.  La  coupe  de  M.  Dclaplanchc  représentait  en  son  milieu  la  Science 
agricole,  sous  les  traits  d'une  femme  des  champs,  armée  d'un  râteau  et  lisant  un  livre.  Le 
plateau  de  M.  Boty  portait  gravé  en  relief  une  scène  qui  a  le  grandiose  aspect  du  tableau  de 
Millet,  la  Garde  du  troupeau.  Enfin,  l'œil  se  posait  émerveillé  sur  les  vases  de  MM.  Godin  et 
Mallet,  qui  était  un  prix  de  sériciculture,  et  sur  un  autre  vase  de  M.  Levillain,  qui  repré- 
sentait les  Vendanges. 

Mais  à  côté  de  ces  chefs-d'œuvre  figuraient  aussi  les  produits  résultant  de  l'application 
de  l'électro-chimie  à  l'orfèvrerie. 

Dans  la  classe  XLI,  MM.  Christofle  et  Cie  avaient  réuni  des  spécimens  sortant  de  leur 


538 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


usine  de  Saint-Denis  qui,  on  le  sait,  comprend  une  partie  destinée  à  la  métallurgie  du  nic- 
kel, et  une  aulre  à  la  fabrication  mécanique  des  couverts  et  de  l'orfèvrerie  courante  en 
métal  blanc  (alliage  de  nickel)  avant  l'argenture.  Les  résultats  de  cette  fabrication  figuraient 
dans  trois  vitrines  distinctes,  dont  la  deuxième,  non  la  moins  intéressante,  contenait  no- 
tamment des  spécimens  de  monnaie  et  des  essais  faits  pour  démontrer  la  possibilité 


Table  et  service  à  llié  en  argent  repoussé,  exécutes  par  MM.  Ctiristofle  et  C'". 

d'employer  une  partie  du  bronze  monétaire  français  actuellement  en  usage,  à  la  transfor- 
mation projetée  de  la  monnaie  de  nickel. 

La  classe  LXII  était  réservée  aux  applications  électro-chimiques  en  usage  à  l'usine 
Ctiristofle.  Ses  produits,  soumis  au  jury,  en  dehors  de  l'orfèvrerie  argentée  et  dorée  tels  que 
incrustation  de  métaux,  guillochage  et  gravure  électro-magnétique,  galvanoplastie  ronde 
bosse  et  massive,  patines  et  bronzages  électro-chimiques,  démontraient  les  applications  nou- 
velles et  perfectionnées  faites  chaque  jour,  grâce  aux  procédés  électro-chimiques.  Encore 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  539 

n'avons-nous  pu  donner,  dans  cette  rapide  énumération,  qu'une  idée  bien  abrégée  de  l'exhi- 


Objcls  d'art  des  concours  agricoles,  exécutés  par  MM.  Christofle  et  O. 

bition  de  MM.  Christofle  et  Cie  qui  ont  obtenu  deux  grands  prix  et  une  médaille  d'or,  sans 
parler  des  récompenses  accordées  à  leurs  collaborateurs. 

Une  des  vitrines  les  plus  admirées  de  la  classe  de  la  bijouterie  fut  sans  contredit  celle 
de  la  maison  Vever  qui  réunissait  les  joyaux  les  plus  riches  aux  pierres  les  plus  belles 
et  les  plus  rares,  des  bijoux  d'une  invention  et  d'un  goût  exquis  et  des  objets  d'art  d'un 
style  irréprochable  et  d'une  exécution  merveilleuse. 

Nos  lecteurs  n'ont  certainement  pas  oublié  ces  magnifiques  colliers  de  perles,  ces 
réunions  de  rubis,  de  saphirs  et  d'émeraudes,  ces  perles  noires  parmi  lesquelles  la  plus 
grosse  connue,  et  surtout  cette  éblouissante  parure  de  diamants  de  toutes  les  couleurs 
qui  a  fait  l'admiration  des  connaisseurs  de  tous  les  pays.  Nous  devons  à  l'obligeance  de 
MM.  Vever  de  pouvoir  reproduire  ici  cette  parure  unique  au  monde  et  vraiment  digne 
d'une  tète  couronnée,  en  regrettant  toutefois  que  la  gravure  n'en  puisse  malheureuse- 
ment donner  qu'une  faible  idée. 

Mais  la  richesse  n'était  pas  le  principal  mérite  de  cette  exposition  si  remarquable  ; 
ce  qui  fait  encore  plus  d'honneur  à  la  maison  Vever,  c'est  la  nouveauté  pleine  de  goût 
de  ses  montures.  On  se  souvient  sans  doute  des  charmantes  branches  de  rose,  d'aman- 
dier, de  fraisier,  etc.,  ainsi  que  des  orchidées  et  fleurs  de  toutes  sortes  exécutées  en 
diamants  d'une  façon  si  légère  et  d'un  mouvement  si  naturel  qu'on  es  aurait  crues  cueillies 
dans  les  champs  par  une  belle  matinée  de  givre.  Signalons  encore,  car  il  faut  nous 
borner,  parmi  les  pièces  de  joaillerie,  un  devant  de  corsage  en  églantines  et  un  ornement 
d'épaule  en  brillants  et  perles  d'une  disposition  toute  nouvelle  et  d'une  superbe  allure. 

Les  pièces  d'art,  aussi  nombreuses  que  variées  exposées  par  la  maison  Vever,  étaient 
dignes  en  tous  points  de  figurer  dans  les  collections  publiques  ou  privées  les  plus  réputées, 
à  côté  des  chefs-d'œuvre  de  l'art  ancien.  Sans  parler  d'une  foule  de  bijoux,  broches,  bra- 
celets, miroirs,  éventails  de  tous  styles  et  de  plusieurs  groupes  et  statuettes  en  argent 


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L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


d'un  goût  parfait  et  d'un  sentiment  exquis,  rappelons  seulement  une  délicieuse  figure  de 


Parure  ou  diamant,  exposée  par  MM.  Vever. 


Pandore  exécutée  en  ivoire  or  et  argent  sur  un  socle  en  lapis  et  pierres  variées  du  plus 
heureux  effet,  une  veilleuse  orientale  en  émaux  transparents  d'une  délicatesse  et  d'une 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


5J1 


harmonie  de  tons  tout  à  fait  remarquables,  un  merveilleux  coffret  d'or  enrichi  de  camées 
anciens  d'une  composition  et  d'une  exécution  hors  ligne,  des  émaux  de  Limoges  et  de 
basse-taille  d'une  grande  puissance  et  d'un  très  beau  caractère. 

Tout  serait  à  citer  dans  cette  exposition,  cependant,  bien  que  nous  soyons  forcés  d'être 
brefs,  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  une  pendule  de  style  Renaissance  en  argent 
et  or,  avec  émaux  en  relief  sur  or  fin  repoussé,  innovation  aussi  heureuse  que  hardie. 

Ces  merveilles  sont  en  grande  partie  dispersées  maintenant  chez  des  gens  qui  font 
autorité  en  matière  de  goût;  il  serait  à  souhaiter  qu'elles  pussent  entrer  un  jour  dans  nos 
musées,  comme  preuves  de  la  perfection  atteinte  à  notre  époque  par  la  bijouterie  fran- 
çaise. Il  était  donc  tout  naturel  que  le  jury,  confirmant  officiellement  le  verdict  rendu 
par  le  public  dès  le  premier  jour,  décernât  le  Grand  Prix  aux  jeunes  joailliers  de  la  rue 
de  la  Paix,  qui  se  sont  placés  du  premier  coup  parmi  les  plus  réputés  de  nos  maîtres 
parisiens. 


Dans  la  classe  XXV,  notre  attention  a  été  particulièrement  attirée  par  d'orig 
dules,  d'un  goût  tout  moderne;  ces  pièces  absolument  nouvelles, 
représentent  des  machines  industrielles  animées  de  leur  mouvement, 
tout  en  servant  d'élégantes  pendules  décoratives.  L'ingénieux  fabri- 
cant, M.  A.  Borius,  a  été  honoré  d'une  médaille  par  le  Jury,  dont 
l'empressement  du  public  a,  du  reste,  ratifié  la  décision.  M.  Carnot 
s'est  longtemps  arrêté  à  examiner  ces  fidèles  reproductions  méca- 
niques ;  il  a  fait  à  l'exposant  de  chaleureux  éloges  dont  la  compé- 
tence bien  connue  justifie  l'intérêt  que  nous  avons  pris  à  cette 
remarquable  exposition. 


inales  pen- 


Nouvellcs  pendules 
de  M.  Iiorius. 


Signalons  encore  pour  les  amateurs,  l'exposition  de  M.  E.  Pinédo. 

Ici  nous  nous  trouvons  devant  une  fabrication  de  bronze  véri- 
tablement artistique;  c'est, en  un  mot,  un  petit  coin  du  salon  annuel 
des  Beaux-Arts. 

M.  Pinédo  est  un  artiste  consciencieux,  sculpteur  lui-même,  à  qui  l'on  doit  le  fameux 
Cuirassier  de  Reichskoffen,  salon  de  1876,  dont  le  succès  a  été  si  grand  et  si  sympathique  ; 

Le  portrait  de  Monseigneur  Valerga,  l'ancien  patriarche  de  Jérusalem  ; 

La  Vedette  arabe  au  désert  sur  un  chameau  courrier,  étude  réussie  et  si  sincère; 

L'Arabe  descendant  des  montagnes,  type  kabyle  d'un  effet  saisissant  de  vérité,  etc.,  etc. 

Grand  admirateur  de  la  forme,  il  est  devenu,  par  la  force  des  choses,  fondeur,  établis- 
sant ses  œuvres,  puis  celles  des  autres  artistes,  mais  ne  laisserait  pas  détruire  un  muscle 
dans  sa  fabrication  ;  tout  est  en  place,  les  figures  pourraient  se  baisser,  se  lever  et  se  mou- 
voir, avec  une  souplesse  inouïe  dans  ce  métal  solide  du  bronze. 

La  patine  surtout  est  devenue  pour  lui  l'objet  d'un  culte  spécial;  chaque  objet  selon  son 
style,  son  genre  ou  ses  formes,  est  d'une  coloration  qui  s'approprie  à  chacun  d'eux,  et 
qui  leur  donne  un  charme  infini  par  une  harmonie  de  tons,  de  frottés  et  de  clairs.  Les 
chairs  sont  mates  et  délicates,  font  le  modelé  doux  et  agréable  à  voir  le  repos  de  l'œil,  si 
l'on  peut  s'exprimer  ainsi. 

Pourquoi  tant  de  charmes  dans  cette  fabrication?  Je  puis.le  dire  :  c'est  parce  que  ce 


542 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


n'est  pas  une  usine  de  bronze  dart,  c'est  un  sanctuaire  où  chaque  objet  est  préparé  avec 
soin,  chacun  a  sa  patine  particulière,  étant  donnée  la  grande  diversité. 

Tous  ces  bronzes,  me  direz-vous,  doivent  atteindre  des  prix  fabuleux.  C'est  une  grave 
erreur;  vous  avez  affaire  à  un  maître  bronzier,  voilà  tout,  qui  sait  rendre  pratique  le  prix 
de  cette  fabrication,  et  coordonner  la  bonne  exécution  avec  les  exigences  de  la  vente. 


Au  loup  !  Bronze  d'art,  exposé  par  M.  E.  Pinédo. 

Dans  ce  métier-là,  on  sait  ou  on  ne  sait  pas,  il  n'y  a  pas  de  milieu,  adressez-vous 
bien  ;  c'est  le  secret  de  ceux  qui  aiment  vraiment  les  objets  d'art. 

Très  curieuse,  très  intéressante  et  très  artistique  aussi  l'Exposition  de  MM.  Soulages  et 
Alliot. 


Nous  ne  pouvons  nous  occuper,  même  très  succinctement,  de  cette  section  sans  signaler 
d'une  façon  toute  spéciale  à  nos  lecteurs  les  admirables  fers  forgés  de  la  maison  Baudiït. 


Balcon-Mirador,  en  fer  forgé,  de  la  Maison  Baudrit, 


544  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Parmi  ces  derniers  il  convient  de  citer  les  grilles  à  deux  et  à  quatre  vantaux,  en  fer 
forgé  et  bronze,  qui  ferment  le  parvis  de  l'Hôtel-de-Ville,  et  la  marquise  aux  consoles  ornées 
de  feuillages,  en  fer  forgé,  de  l'établissement  de  M.  Dehouve  (avenue  de  la  Grande- Armée). 

Mais  parlons  de  l'Exposition.  M.  Léon  Baudrit  y  avait  envoyé  seulement  la  reproduction 
de  ses  grilles  de  l'Hôtel-de-Ville;  il  avait  en  outre  exécuté  divers  travaux  d'ornement  et 
autres  que  tout  le  monde  a  admirés. 

Tels  le  balcon  Mirador  à  l'entrée  des  sections  françaises,  contre  le  pavillon  suisse,  dans 
la  classe  XXV; 

Les  grilles  de  l'entrée  Desaix,  du  quai  de  Billy,  de  la  rue  de  Constantine,  et  surtout  les 
immenses  grilles  de  la  porte  Rapp  (12  mètres  d'ouverture). 

On  ne  décrit  pas  ces  œuvres,  ou  plutôt  on  ne  les  décrit  que  pour  en  donner  une  idée 
incomplète. 

Il  faut  voir  avec  quelle  élégance,  quelle  facilité,  avec  quelle  désinvolture  le  ter  est  traité 
par  M.  Léon  Baudrit  pour  apprécier  son  œuvre. 

Signalons,  pour  terminer,  quelques  expositions  plus  particulièrement  intéressantes  se 
rattacbant  à  l'orfèvrerie  et  à  la  bijouterie. 

M.  Emile  Rolland  avait  exposé  divers  bronzes  d'un  goût  exquis  et  d'une  exécution  irré- 
prochable, notamment  une  grande  pièce  de  surtout  Louis  XVI  et  diverses  jardinières  et 
consoles. 

Très  remarquables  et  très  remarqués  aussi  étaient  les  articles  pour  mode  de  l'impor- 
tante maison  Mascuraud  frères  dont  de  nombreuses  récompenses  ont  consacré  le  succès  à 
toutes  nos  Expositions. 

Le  bijou  de  deuil  était  très  bien  représenté  par  l'exposition  de  M.  Caillât.  Ce  genre  de 
fabrication  est  très  ingrat,  et  il  faut  l'examiner  dans  ses  détails  pour  en  apprécier  le  fini  et  la 
valeur.  La  maison  Caillât  est  arrivée  à  un  progrès  très  sensible  de  bon  marché  et  défie 
aujourd'hui  toute  concurrence  étrangère. 

Nous  aurions  de  très  intéressantes  notices  à  consacrer  aux  collaborateurs  des  fabricants 
ayant  exposé  dans  les  classes  qui  nous  occupent  ici  ;  ces  collaborateurs  sont,  en  effet,  de 
véritables  artistes.  Signalons  dans  cet  ordre  d'idées  M.  Ch.  Lechène,  ciseleur-modeleur, 
collaborateur  de  la  maison  Tallais  et  Mayence,  qui  a  obtenu  une  médaille  d'argent,  et 
M.  Legastelois,  collaborateur  de  premières  maisons  de  Paris,  qui  a  obtenu  plusieurs  récom- 
penses pour  la  part  brillante  prise  par  lui  à  de  nombreuses  expositions  réparties  en  diverses 
classes. 


LES  VILLES  D'EAU  A  L'EXPOSITION 


£|fJp^ES  sources  les  plus  diverses  étaient  représentées  à  l'Exposition.  Nous  ne  pouvons 
1  ||\N$  toutefois  signaler  ici  que  celles  dont  l'importance  et  la  valeur  forcent  l'attention  et 
V^i^  l'intérêt  du  public,  nous  voulons  nommer  Vichy,  La  Bourboule  et  enfin  Bagnoles- 
de-1'Orne. 


L'État  possède  à  Vichy  six  sources  naturelles  et  trois  sources  artésiennes  d'eau  miné- 
rale. Toutes  font  partie  de  la  concession  attribuée  à  la  Compagnie  fermière  de  l'établisse- 
ment thermal  par  la  loi  de  1853.  Ce  sont  : 

1°  La  Grande  Grille,  source  naturelle,  chaude; 

2°  Le  I'uils  Carré,  source  naturelle,  chaude; 

3"  Le  Puits  Chomel,  source  naturelle,  chaude; 

4°  Lucas,  source  naturelle,  chaude; 

5°  L'Hôpital,  source  naturelle,  chaude; 

6°  Les  Célestins,  source  naturelle,  froide; 

7°  Hauterive,  source  artésienne,  froide; 

8°  Mesdames,  source  artésienne,  froide; 

9°  Du  Parc,  source  artésienne,  tiède. 

Les  sources  de  Vichy  ont  une  origine  commune;  elles  sourdent  toutes  du  calcaire  d'eau 
douce  qui  forme  le  fond  de  la  vallée  de  l'Allier,  mais  elles  proviennent  évidemment  des 
terrains  primordiaux  et  arrivent  à  la  surface  en  traversant  les  couches  du  terrain  tertiaire 
soit  par  les  fissures  naturelles  existant  dans  ce  terrain,  soit  par  les  orifices  qu'on  peut  y 
ouvrir  artificiellement. 

Les  eaux  de  Vichy  sont  toutes  extrêmement  alcalines,  très  limpides;  elles  ont  une 
saveur  de  lessive  qui  n'a  rien  de  désagréable  à  cause  de  l'acide  carbonique  qui  s'y  trouve 
en  grande  quantité;  en  se  dégageant  de  certaines  sources,  cet  acide  simule  une  véritable 
ébullition. 

La  célébrité  et  la  vogue  dont  les  eaux  de  Vichy  jouissent  depuis  des  siècles  sont  jus- 
tifiées par  l'énergie  de  leurs  principes  minéralisateurs  et  par  l'efficacité  de  leurs  propriétés 
médicales. 

III  35 


Le  Pavillon  de  Vichy  à  l'Exposition. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880  517 

Facilement  absorbées  et  portées  par  la  circulation  dans  tous  nos  organes,  elles  rendent 
le  sang  plus  alcalin  et  lui  font  perdre  une  grande  partie  de  sa  coagulubilité;  c'est  à  cette  pro- 
priété qu'elles  doivent  leurs  effets  souverains  dans  tous  les  cas  d'engorgements,  d'obstruc- 
tions des  viscères,  de  calculs  biliaires,  maladies  de  foie,  gravelle,  goutte,  diabète,  etc.,  etc. 

La  vogue  universelle  qu'a  obtenue  en  si  peu  d'années  la  station  thermale  de  la  Bour- 
boule  tient  à  des  causes  qui  justifient  pleinement  la  médaille  d'or  décernée  à  la  Compagnie 
fermière  qui  exploite  ses  sources  minérales. 

L'exposition  de  la  Bourboule,  sans  occuper  une  très  grande  place  et  sans  attirer  les 
regards  par  une  réclame  tapageuse,  mettait  sous  les  yeux  des  visiteurs  quelques  documents 
et  quelques  photographies  dont  la  seule  inspection  suffisait  à  démontrer  éloquemment  les 
progrès  réalisés  dans  la  ville  d'eaux  en  ces  dernières  années.  Une  partie  était  placée  dans 
la  vitrine  située  en  face  de  l'entrée  du  pavillon  des  eaux  minérales,  l'autre,  c'est-à-dire  les 
principaux  plans  ou  dessins,  et  les  vues  photographiques,  couvraient  un  grand  panneau 
immédiatement  à  gauche  de  cette  entrée. 

Parmi  les  objets  contenus  dans  la  vitrine,  citons,  outre  les  brochures  et  écrits  divers 
relatifs  à  la  station  et  aux  propriétés  des  eaux,  des  échantillons  variés  des  terrains  traversés 
par  les  sondages  qui  ont  précédé  le  captage  des  sources  Choussy  et  Perrière.  Ce  sont  des 
morceaux  de  tufs  trachytiques  et  de  granit.  Puis  une  série  de  tubes  de  verre  préparés  et 
prêtés  parle  très  regretté  M.  le  docteur  Danjoy,  montrant  des  anneaux  arsenicaux  obtenus 
au  moyen  de  l'appareil  de  Marsh  avec  un  litre  d'eau  des  sept  sources  réputées  comme  les 
plus  arsenicales  connues  :  Hamman-Meskhoutine,  Saint-Honoré,  Le  Montdore,  Royat-César, 
Royat-  Saint-Victor,  La  Bourboule-Perrière  et  La  Bourboule-Choussy. 

La  largeur  de  l'anneau  beaucoup  plus  grande  dans  les  tubes  de  la  Bourboule  que 
dans  les  autres  faisait  éclater  aux  yeux  l'incomparable  richesse  en  arsenic  de  cette  eau 
minérale. 

De  grands  dessins  coloriés  et  noirs  représentaient  en  élévation  et  en  plan  les  trois  éta- 
blissements qu'exploite  la  Compagnie;  d'autres,  figurant  les  coupes  des  différents  puits, 
donnaient  l'indication  précise  de  la  marche  des  travaux  de  sondage,  et  de  la  nature  des 
terrains  traversés.  Enfin  de  nombreuses  photographies,  d'une  part  prises  à  La  Bourboule  et 
dans  ses  environs  montraient  quelques-uns  des  plus  jolis  sites  de  ce  pays  montagneux, 
tandis  que  d'autres  représentaient  La  Bourboule  même  à  des  époques  diverses  (en  1875, 
issi  et  1888)  faisant  ainsi  ressortir  d'une  manière  frappante  avec  quelle  rapidité  est,  pour 
ainsi  dire,  sortie  de  terre  cette  ville  élégante  et  bien  bâtie  qui,  en  quelques  aimées,  a  rem- 
placé des  terrains  vagues  et  incultes  et  de  sordides  chaumières. 

La  transformation  rapide  de  cette  station  thermale  correspond  naturellement  à  la  pro- 
gression considérable  du  nombre  des  étrangers  qui  viennent  chaque  année  lui  demander  la 
guérison  de  leurs  maux  ou  une  provision  de  santé.  Deux  lignes  de  statistique  seront  édi- 
fiantes à  cet  égard. 

Nous  lisons,  en  effet,  dans  les  réponses  au  questionnaire  du  jury  de  l'Exposition  que  le 
nombre  des  étrangers  venus  à  La  Bourboule  a  été  de  3,550  en  1878  et  de  6,963  en  1888.  Il 
avait  doulilé  en  dix  ans.  Si  nous  voulons  faire  la  même  comparaison  au  moment  même  où 
nous  écrivons  ces  lignes,  les  documents  officiels  nous  apprennent  que  La  Bourboule  avait 
reçu,  en  1880,  i,200  étrangers,  et  qu'elle  en  a  reçu  8,02'*  en  1890.  La  rapidité  de  la  progrès- 


5 1S 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


sion  ne  fait  donc  que  croître,  et  c'est  ce  qui  explique  l'ardeur  avec  laquelle  on  s'est  remis  à 
bâtir  de  nouveaux  hôtels  et  de  nouvelles  villas  sur  les  terrains  encore  libres. 

La  Compagnie  fermière  ne  reste  pas  en  arrière  et  elle  ajoute  une  nouvelle  aile  à  si  m 
grand  établissement  puisque  ses  cent  cinquante  baignoires  ne  suffisent  plus  à  donner  satis- 


Vue  générale  de  la  Station  thermale  de  la  l'.ourboule. 


factii  n  à  sa  clientèle  au  fort  de  la  saison.  A  l'heure  même  où  nous  écrivons,  cette  construction 

est  achevée  et  elle  sera  complètement  aménagée  et  prête  pour  l'exploitation  à  l'ouverture  de 
la  sais  ni  thermale  prochaine. 

on  saif  que  cette  Compagnie  exploite  trois  établissements  qu'elle  alimente  au  moyen 
de  deux  des  sept  sources  thermales  pour  lesquelles  elle  a  obtenu  un  périmètre  de  protection 
en  mars  J8S1. 

Le  débit  des  [sources  Choussy  et  Perrière,  [de  388'S  par  minute,  ou  §60,000  litres  par 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    Insu  540 


vingt-quatre  heures,  suffit  largement  à  tous  les  besoins.  D'ailleurs,  l'eau  minérale,  puisée 
par  de  puissantes  pompes  actionnées  par  deux  machines  Compound  de  35  chevaux,  arrive 
aux  établissements  avec  la  pression  nécessaire  aux  douches  et  aux  divers  services,  grâce 
à  de  grands  réservoirs  qui  en  emmagasinent,  l'un  400,000  litres,  et  l'autre  1,800,000. 
Les  trois  établissements  des  Thermes,  Choussy  et  Mabru  contiennent  des  cabinets  de  bains 
à  baignoires  en  fonte  émaillée,  avec  appareils  de  douches  locales,  des  salles  dé  pulvérisation 
et  d'inhalation,  des  piscines,  des  grandes  douches,  des  vapeurs  et  tous  les  appareils  d'une 
hydrothérapie  complète.  N'oublions  pas  les  trois  buvettes,  car  la  boisson  joue  un  rôle  très 
important  dans  la  plupart  des  cures  faites  à  La  Bourboule. 

Les  affections  qu'on  y  traite  sont  celles  des  voies  respiratoires,  les  maladies  de  la  peau, 
les  rhumatismes,  le  diabète,  l'anémie  et  le  lymphatisme. 

L'eau  de  La  Bourboule  étant  tout  spécialement  reconstituante  réussit  merveilleusement 
aux  personnes  affaiblies  et  aux  enfants  débiles. 

Comme  d'ailleurs  on  trouve  à  La  Bourboule  deux  casinos,  un  théâtre,  un  parc  magni- 
fique où  sont  réunis  tous  les  jeux  et  toutes  les  distractions  aimées  des  jeunes  gens  et  des 
enfants,  la  ville  d'eau  est  devenue  la  véritable  station  des  familles.  Aussi  les  belles  routes 
qui  contournent  les  montagnes  voisines  et  les  sentiers  qui  escaladent  les  rochers  sont-ils 
sans  cesse,  pendant  toute  la  saison  thermale,  sillonnés  par  les  voitures,  les  cavalcades  et  les 
groupes  de  piétons  enfantins  dont  les  joues  roses  et  les  yeux  brillants  montrent  victorieuse- 
ment la  salubrité  du  climat  et  l'heureuse  action  des  eaux. 

L'eau  de  La  Bourboule  qui,  en  même  temps  que  la  plus  arsenicale  connue,  est  chlorurée 
sodique  et  bicarbonatée,  se  conserve  indéfiniment,  en  gardant  toutes  ses  propriétés.  On 
l'exporté  dans  le  monde  entier  ;  et  chaque  jour  les  résultats  de  son  emploi  dans  les  hôpitaux 
des  principales  villes  de  France  et  de  l'étranger  sont  la  preuve  de  sa  bienfaisante  efficacité. 

La  source  thermale  de  Bagnoles,  dite  Grande  Source,  est  située  sur  les  deux  com- 
munes de  Coutcrne  et  de  Tessé-la-Madeleine,  arrondissement  de  Domfront,  département 
de  l'Orne. 

C'est  la  seule  et  unique  source  thermale  qui  existe  en  Normandie,  dans  le  Maine,  dans 
l'Anjou  et  dans  le  bassin  de  Taris  ;  elle  se  trouve  ainsi  au  centre  de  25  départements 
qui  n'en  possèdent  aucune  autre.  On  s'y  rend  directement  de  Paris  en  5  heures. 

Le  site,  dont  Bagnoles  est  le  centre,  n'a  plus  besoin  d'être  décrit,  il  est  certainement 
le  plus  pittoresque,  le  plus  varié  et,  en  même  temps,  le  plus  agréable  de  toute  cette 
contrée  qui  passe,  à  juste  titre,  comme  une  des  plus  belles  et  des  plus  riches  de 
France. 

Son  climat  est  d'une  salubrité  exceptionnelle;  les  épidémies  et  la  plus  terrible  de  toutes, 
le  choléra,  n'y  ont  jamais  fait  leur  apparition  et,  fait  remarquable  entre  tous,  les  quelques 
cas  qui  y  ont  été  importés,  s'y  sont  éteints,  sans  s'être  communiqués.  Il  est  à  noter,  au 
reste,  que  le  département  de  l'Orne  occupe  le  premier  rang  parmi  ceux  où  la  moyenne 
de  l'existence  est  la  plus  longue. 

Les  divers  propriétaires  qui  se  sont  succédé  à  Bagnoles  se  sont  appliques  à  rendre 
l'établissement  thermal  aussi  confortable  que  possible,  et  la  Société  actuelle,  sous  l'im- 
pulsion vigilante  de  son  président,  M.  Alexis  Duparchy,  a  déjà  su  reconquérir  le  rang  si 


550 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


légitimement  occupé  par  Bagnoles,  parmi  les  stations  thermales  françaises,  pendant 
plusieurs  siècles. 

C'est  ainsi  que  les  visiteurs  sont  assurés  d'y  trouver,  dans  les  hôtels  qui  font  partie 
de  l'établissement,  tout  le  confort  nécessaire,  aussi  bien  pour  le  logement  que  pour  la  nour- 
riture à  des  conditions  aussi  raisonnables  que  possible. 

A  toute  heure,  les  baigneurs  ont  à  leur  disposition,  à  des  prix  modérés,  chevaux, 
voilures  de  toute  sorte,  etc.,  etc.,  en  un  mot,  tout  ce  qui  peut  leur  faciliter  la  visite  des 
environs  de  Bagnoles  si  intéressants  à  tous  les  points  de  vue. 

Enfin  il  y  a,  à  Bagnoles,  un  casino  et  un  champ  de  courses  qui  a  été  inauguré  l'année 


Bagnolcs-de-l'Ornc. 


dernière.  Cette 
charmante  station 
offre  donc  aux 
villégiateurs  toutes 
les  distractions  dé- 
sirables. Ceux  qui 
liront  ces  quelques 

lignes  pourront  se  faire  une  idée  approximative  de  l'importance  de  cet  établissement  en 
examinant  la  gravure  que  nous  reproduisons  ci-dessus. 

Il  y  a,  à  Bagnoles,  deux  sources  parfaitement  distinctes;  la  première  dite,  Grande  Source, 
thermale,  dont  la  température  à  la  sortie  du  griffon  est  de  27°  à  29°  centigrades  ;  l'analyse 
qui  en  a  été  faite  par  l'éminent  chimiste  J.-B.  Dumas,  en  1878,  qui  l'étudia  pendant  le 
long  séjour  qu'il  fit  à  Bagnoles,  à  cette  époque,  la  classe  au  premier  rang  des  eaux  sili- 
catées,  chlorurées-sodiques,  sulfurées,  arsenicales  et  phosphoriques.  Le  débit  constant  de 
cette  source  est  de  28,000  litres  à  l'heure,  ce  qui  permet  d'alimenter  en  eau  courante,  une 
magnifique  piscine,  la  plus  vaste  que  l'on  connaisse,  d'une  profondeur  variant  de  60  centi- 
mètres à  1"',80,  ayant  plus  de  20  mètres  de  longueur  sur  5  mètres  de  largeur  et  d'une 
contenance  de  125,000  litres. 

L'eau  de  la  Grande  Source  est  souveraine  contre  les  affections  suivantes  :  la  phlébite, 
essentielle  ou  consécutive,  la  dyspepsie,  l'eczéma,  le  rhumatisme,  la  goutte  et  la 
gravelle. 

Enfin  l'expérience  acquise  par  M.  le  docteur  Joubert,  médecin,  inspecteur  des  eaux  de 
Bagnoles-de-1'Orne,  depuis  vingt  ans,  lui   ont  permis  d'en  recommander  spécialement 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  551 

l'usage  aux  fumeurs.  En  buvant  un  ou  plusieurs  verres  de  cette  eau,  après  avoir  fumé  ou  le 
soir,  en  se  couchant,  on  dissipera  l'odeur  et  la  saveur  acre  que  laisse  le  tabac  et  on  pré- 
viendra la  dyspepsie  dont  l'abus  du  tabac  est  si  souvent  la  cause. 

La  seconde  source,  dite  Source  des  Fées,  est  froide  à  la  température  de  12"  centigrades, 
ferro-magnésienne,  arsenicale,  est  employée  uniquement  en  boisson  contre  l'anémie,  la 
chlorose,  les  maladies  des  femmes  et  la  névrose. 

Telles  sont  les  propriétés  reconnues,  indiscutées  des  sources  bagnolaises  auxquelles 
cinquante  années  d'expériences  et  de  succès  continus  sont  venues  donner  une  consé- 
cration définitive. 

Le  traitement  des  malades  à  Bagnoles  est  assuré  par  les  moyens  et  les  appareils  les 
plus  récents  :  une  salle  d'hydrothérapie  complète,  40  baignoires  avec  douches,  et  l'immense 
piscine  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  En  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  permettre  à 
M.  le  docteur  Joubert  d'appliquer,  avec  la  science  profonde  qu'il  possède  des  eaux  de 
Bagnoles,  à  ses  nombreux  malades,  le  traitement  qui  convient  à  chacun  d'eux. 

Les  eaux  de  Bagnoles  ont  obtenu  en  France  et  à  l'étranger  des  médailles  d'or  et  des 
diplômes  d'honneur  et  un  grand  diplôme  d'honneur. 

Depuis  cette  époque,  la  Société  propriétaire,  vivement  encouragée  par  de  nombreuses 
notabilités  du  corps  médical,  s'est  imposée  de  nouveaux  sacrifices  pour  faire  connaître  la 
valeur  thérapeutique  de  ses  eaux  et  se  mettre  en  contact  direct  avec  le  public  parisien. 
Elle  a,  dans  ce  but,  créé  à  Paris  un  dépôt  central  où  l'on  peut,  non  seulement  se  pro- 
curer, en  n'importe  quelle  quantité,  le  produit  de  ses  sources,  mais  encore  obtenir  sans 
dérangement  toutes  les  indications  utiles  à  leur  emploi.  Chacun  peut  donc  compléter 
les  renseignements  contenus  dans  la  courte  notice  que  nous  donnons  ici,  soit  par  cor- 
respondance, en  s'adressant  au  directeur  de  l'établissement,  à  Bagnoles-dc-1'Ornc  même, 
soit  directement,  au  dépôt  central,  10,  rue  Auber,  à  Paris. 


MACHINES-OUTILS  ET  MACHINES  DIVERSES 


MACHINES-OUTILS 

!*JKx\liEPUls  vingt  ans,  les  machines-outils  de  toutes  sortes  ont  été  l'objet  de  grands  perfec- 
tionnements, et  la  classe  LUI  montrait  bien  les  efforts  faits  dans  ce  but.  L'expérience 
a  démontré  depuis  longtemps  que,  dans  toute  fabrication  importante,  il  y  avait 
intérêt  à  subdiviser  le  travail,  et  à  multiplier  les  machines  spéciales  en  vue  de  chaque  genre 
d'opération  ;  aussi,  faut-il  voir  là  une  des  causes  primordiales  de  la  grande  variété  des  machines- 
outils  actuelles.  Dans  un  discours  prononcé  en  4888,  à  Manchester,  et  reproduit  dans  la  Revue 
des  Machines-Outils,  M.Dixon  faisait  remarquer  que  «  la  fonderie  moderne  est  caractérisée  sur- 
tout par  la  possibilité  où  l'on  se  trouve  aujourd'hui  de  produire  de  grandes  pièces.  En  ce  qui 
concerne  les  produits  delà  forge,  quoique  l'habileté  du  forgeron  soit  l'élément  le  plus  impor- 
tant, surtout  dans  les  petits  ateliers,  les  méthodes  modernes  semblent  néanmoins  rendre  cet 
élément  humain  de  moins  en  moins  prépondérant,  et  elles  donnent  en  même  temps  des  pièces 
infiniment  supérieures,  en  qualité  et  en  grandeur,  à  celles  dues  à  la  génération  précédente  ». 
Un  coup  d'œil  jeté  sur  les  machines-outils  à  travailler  les  métaux,  de  la  classe  LUI,  permet- 
tait de  se  rendre  compte  que,  pour  la  précision  et  la  puissance  de  ce  genre  de  travail,  la 
France  n'a  plus  rien  à  envier,  ni  à  l'Amérique,  ni  à  l'Angleterre,  et  que,  non  seulement  nous 
pouvons  nous  passer  des  étrangers,  mais  encore,  que  nos  prix  ont  été  abaissés  de 
façon  à  pouvoir,  sans  crainte,  aborder  l'exportation.  La  classe  LUI  était  divisée  en  deux 
parties  :  l'une  au  rez-de-chaussée,  l'autre  au  premier  étage  du  Palais  des  Machines. 

Comme  pour  les  autres  classes,  et  afin  que  le  lecteur  puisse  s'y  reconnaître,  nous  exa- 
minerons successivement  les  différentes  machines  exposées,  en  les  classant  par  sections. 

Machines  à  raboter.  —  Ces  machines  consistent  en  une  table  mue  par  une  chaîne,  et  rou- 
lant sur  des  galets  nombreux;  elles  ont  été  perfectionnées  par  Whitworth,  qui,  le  premier, 
a  reconnu  l'importance  des  glissières  exactement  faites.  En  considérant  le  poids  à  déplacer, 
il  est  préférable  d'avancer  ou  de  reculer  l'outil  vers  la  pièce  à  travailler,  que  de  faire 
avancer  la  pièce  vers  l'outil.  Aussi,  la  plupart  des  machines  à  raboter  sont-elles  de  ce 
système,  surtout  lorsqu'il  s'agit  des  immenses  machines  qui  peuvent   recevoir,  sur  une 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


553 


plaque  de  fondation,  des  objets  de  toutes  dimensions,  et  dont  les  faces  sont  rabotées  à  l'aide 
d'un  outil  en  acier,  déplaçante  longitudinalement  ou  transversalement. 

Plusieurs  raboteuses  figuraient  à  l'Exposition,  parmi  lesquelles  celles  de  MM.  Sculford, 
Malliar  et  Meurice,  Clialigny  et  Cie,  etc. 


polir,  à  régulariser  l'in- 


Machines  à  aléser.  —  L'alésage  consiste  à  agrandir,  à  arrondir,  a 
térieur  d'un  ouvrage  en  métal,  d'un  cylindre  creux 
quelconque.  Les  machines  à  aléser  les  plus  récentes 
consistent  dans  un  outil  dont  le  tranchant,  très  résis- 
tant est  un  peu  camard  ;  cet  outil  est  introduit  dans 
le  creux  du  cylindre,  et  en  avançant  assez  lentement 
par  un  mouvement  de  révolution,  il  produit  l'alésage 
du  cylindre  en  question.  Les  machines  à  aléser  de 
l'Exposition  ne  présentaient  rien  de  spécial.  Citons 
cependant  la  belle  machine  radiale  à  percer  et  à 
aléser  de  MM.  Clialigny  et  C!o. 

Mortaiseuses.  —  Les  mortaiseuses  sont  des  ma- 
chines à  pratiquer  des  mortaises  ou  entailles,  cavités 
rectilignes  dans  l'épaisseur  d'une  pièce  de  métal  ou 
de  bois.  Ces  entailles  sont  destinées  à  recevoir  une 
partie  correspondante  en  saillie  d'une  autre  pièce, 
pour  constituer  un  assemblage.  Les  mortaiseuses  ont 
été  inventées  vers  1820,  par  Roberts,  et  elles  sont 
restées,  depuis  cette  époque,  à  peu  près  au  même 
point  où  ce  constructeur  les  avait  laissées;  elles  ont 
seulement,  comme  les  autres  machines-outils,  reçu 
des  dimensions  de  plus  en  plus  grandes.  Ces  machines 
consistent  en  un  outil  très  camard,  avançant  très 
lentement  sur  la  pièce  à  mortaiser,  et  enlevant  ainsi 
la  quantité  de  matière  nécessaire  pour  constituer  une 
cavité  longitudinale. 

La  Société  Alsacienne,  entre  autres,  exposait  des 
mortaises  de  formes  accomplies. 

Marteau  atiiiospbérii^ue. 

Machines  à  percer.  —  La  première  perceuse  est 
due  au  grand  mécanicien  Watt;  mais,  depuis  son  invention,  cette  machine  a  été  constam- 
ment perfectionnée  dans  le  but  de  la  rendre  plus  rapide,  plus  précise,  et  de  permettre  faci- 
lement la  pose  de  la  pièce  à  ouvrer.  L'introduction  des  forets  hélicoïdaux  a  été  pour  beau- 
coup dans  l'augmentation  de  vitesse  de  ces  machines. 

Les  perceuses  étaient  très  nombreuses  dans  la  classe  LUI.  Pour  ne  parler  que  des  plus 
remarquées,  citons  la  perceuse  à  retour  automatique  de  MM.  Hurtu  et  Bautin;  la  grande 
perceuse  radiale  de  MM.  Dandoy-Mailliard,  Lucq  et  C"\  de  Maubeuge,  dans  laquelle  l'outil 
est  dans  l'axe  même  du  bras  au  lieu  d'être  de  coté  comme  habituellement;  l'énorme 


5.-.1 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


machine  à  percer  radiale  de  la  maison  Bouliey,  qui  permet  de  percer  des  trous  en  des  points 
très  différents  d'une  même  pièce,  sans  qu'il  soit  besoin  de  déranger  celle-ci,  par  suite  d'une 
disposition  qui  permet  au  foret  de  se  déplacer  à  volonté. 

Tours.  —  Si  l'origine  des  précédentes  machines  outils  que  nous  venons  de  passer  rapi- 
dement en  revue  nous  est  connue,  il  n'en  est  pas  de  même  des  tours  qui  doivent  remonter 
très  loin.  M.  Dixon  croit  qu'on  doit  chercher  l'origine  du  tour  dans  le  perfectionnement 
continu  de  la  roue  du  potier.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  tour  est  resté  un  appareil  très  simple 
avant  l'invention  de  la  machine  à  vapeur,  mais,  depuis  lors,  il  s'est  développé  et  perfec- 


Tour  en  l'air  à  surfaces  sur  banc,  avec  support  à  cliariot  à  niaiu  sans  contrepoinle.  —  Plateau  à  rainures 
et  ruordaclies  mobiles  pour  prendre  intérieurement  et  extérieurement.  (Bouhey,  constructeur.) 


tionné  d'une  manière  extraordinaire.  La  possibilité  où  l'on  se  trouve  aujourd'hui  de 
produire  des  pièces  très  pesantes,  a  rendu  nécessaire  de  pouvoir  disposer  de  tours  d'une 
grande  puissance.  Mais  aussi  la  préoccupation  de  tourner  de  très  lourdes  pièces  a,  dans 
quelques  ateliers,  fait  complètement  oublier  la  dépense  nécessaire  pour  faire  de  petites 
pièces,  telles  que  boulons,  clavettes,  etc.  Un  des  perfectionnements  assez  récents  du  tour, 
consiste  dans  la  fabrication, à  l'aide  de  cette  machine-outil,  des  pièces  en  double;  on  peut 
citer,  dans  cette  catégorie,  les  tours  sur  lesquels  on  finit  les  coussinets. 

L'importante  maison  Chaligny,  dont  les  fournitures  d'outillage  aux  Compagnies  de  che- 
mins de  fer,  ainsi  qu'aux  Ministères  de  la  Guerre  et  de  la  Marine,  sont  si  considérables, 
exposait  un  tour  parallèle  à  fileter.  Ce  tour,  pourvu  de  poupées  excentrées  sur  un  banc 
échancré,  a  son  arbre  longitudinal  et  sa  vis  mère  en  acier. 

D'autres  tours  étaient  exposés  par  MM.  Hurtu  et  Hautin,  par  M.  Lapointe  (tours  à  décol- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    188V 


555 


leter),  par  la  Société  Alsacienne  (tours  à  roues  de  wagons),  par  M.  Schultz,  de  Mulhouse  (plu- 
sieurs tours  de  précision),  par  MM.  Sculford,  Malliar  et  Maurice,  etc. 

Le  tour  le  plus  en  vue  de  l'Exposition  était  incontestablement  le  colossal  tour  à  canon, 
faisant  partie  de  l'exposition  de  MM.  Bouhey  frères, qui,  du  reste,  se  faisaient  remarquer  par 
la  grande  puissance  de  leurs  outils.  Le  tour  à  canon  en  question  est  fait  pour  pièces  jus- 
qu'à 2i  millimètres.  Ses  proportions  sont  si  bien  comprises,  qu'au  premier  abord  on  doute 
que  son  poids  atteigne  24,000  kilogrammes.  On  distingue  bien  là  les  outils  français  des 
outils  étrangers,  dont  l'aspect  lourd  est  souvent  manifeste. 

Outils  à  fraiser.  —  Les  anciennes  fraises  coniques  sont  des  outils  dont  on  se  sert  pour 
évaser  et  rendre  conique  l'entrée  d'un  trou  cylindrique  percé  dans  du  métal  ou  dans  du  bois, 
afin  que  la  tète  de  la  vis,  du  boulon 
ou  du  clou  qu'on  veut  y  faire  entrer 
puisse  affleurer  convenablement.  Mais 
par  fraise,  on  désigne  aussi  un  outil 
bien  différent  de  la  fraise  conique  et 
dont  les  applications  sont  très  mul- 
tiples. En  général,  l'outil  est  formé  de 
parties  saillantes  et  coupantes  dispo- 
sées sur  une  couronne  comme  le  sont 
les  dents   d'une   roue   d'engrenage. 
L'outil  est  monté  sur  un  lour  et  re- 
çoit un  mouvement  de  rotation  très 
rapide.   Chaque  élément  saillant  de 
l'outil  enlève,  entaille  la  surface  qu'on 
lui  présente  mécaniquement  au  moyen 
d'un  chariot  mobile.  A  l'aide  de  cet 
outil,  on  dresse  des  surfaces,  on  taille 
des  roues  d'engrenage  et  des  crémail- 
lères. En  faisant  mouvoir  les  pièces 
à  ouvrer,  on  est  parvenu  à  appliquer 
la  fraise  à  des  surfaces  courbes.  Le 
principal  avantage  de  la  fraise  résulte 
de  son  mouvement  rotatif  qui  permet 
de  faire  travailler  l'outil  à  une  très 
grande  vitesse,  et  d'éviter  les  pertes 
de  temps  dues  au  retour  de  l'outil 
lorsque  la  machine  est  à  mouvement 
alternatif.  Une  fraise  de  dimension  ordinaire  contient  de  trente  à  quarante  dents,  et  comme 
chaque  arête  coupante  travaille  pendant  un  trentième  ou  un  quarantième  de  révolution  puis 
se  refroidit  pendant  le  reste  de  la  révolution  de  l'outil,  on  conçoit  l'accroissement  possible 
de  la  vitesse  de  ce  dernier.  L'usage  de  la  fraise  se  répand  de  plus  en  plus,  aux  dépens  des 
autres  machines-outils  de  l'avenir. 

Les  fraises  étaient  très  bien  représentées  au  Palais  des  Machines.  M.  Schultz,  de  Mul- 


Hacliiu 


fraiser  verticale. 


556 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


bouse,  dont  la  maison  est  relativement  récente,  montrait  une  série  de  fraiseuses  extrê- 
mement variées;  la  Société  Alsacienne  se  distinguait  par  ses  fraises  à  copier;  citons  enfin 
MM.  Frey  et  O;  Hurtu  et  Hautin;  Peugeot  frères;  Dandoy-Mailliard,  Luc  et  Cie,  de  Maubeuge 
(grande  fraiseuse  dont  l'aspect  rappelle  celui  des  machines  à  raboter); MM.  E.  et  Ph.  Bouhey,  etc. 
Ces  derniers  constructeurs  ont  construit  une  machine  spéciale  pour  tailler  les  fraises.  Ils 
exposaient  aussi  leur  nouvelle  machine  à  fraiser  verticale,  à  porte-outil,  pivotant  et  mobile 


Machine  à  fraiser  verticale. 

sur  bras  transversal  et  chariot  porte-pièce,  de  hauteur  variable  avec  mouvement  circulaire  ; 
cette  machine  est  disposée  pour  fraiser  suivant  gabarit,  c'est-à-dire  d'après  une  pièce  mince 
en  métal,  découpée  et  façonnée  suivant  le  profil  à  reproduire. 

L'introduction  des  machines  à  tailler  les  fraises  et  leur  perfectionnement  en  France  sont 
dus  surtout  à  M.  E.-G.  Kreutzberger,  ingénieur.  Aussi,  pouvait-on  s'attendre  à  une  intéres- 
sante exposition  de  ce  dernier.  Cet  espoir  n'a  pas  été  trompé.  M.  Kreutzberger  exposait  ses 
nombreuses  machines  ayant  ce  but,  construites  avec  les  derniers  perfectionnements;  sa 
dernière  machine  à  affûter  les  fraises  date  de  1889. 

Les  fraiseuses  exposées  par  M.  E.  Prétot  étaient  combinées  pour  travaux  multiples. 
Une  de  ces  machines  à  fraiser,  dite  ■  Universelle  ■>,  n'est  pas  seulement  utilisable  pour  cette 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


557 


opération  unique;  elle  se  prête  aussi,  [moyennant  un  simple  remplacement  du  porte-outil, 
au  mortaisage,  à  la  taille  des  fraises  de  tous  profils  et  des  crémaillères,  à  la  reproduction  des 
pièces  suivant  un  gabarit,  et  au  façonnage  des  pièces  hélicoïdales. 

Enfin,  pour  terminer  avec  les  machines  à  fraiser,  citons  les  fraiseuses  horizontales  ou 
verticales,  et  la  fraiseuse  pour  épées-baïonnettes  Lebel  exposées  par  la  grande  maison 
Bariquand  et  fils,  dont  les  outils  sont  si  élégants  et  si  précis.  On  sait  que  cette  maison  a 
fourni  une  grande  quantité  d'outils  pour  la  fabrication  du  nouveau  fusil  français  Tramond- 
Lebel;  aussi  cette  exposition  attirait-elle  tout  particulièrement  l'attention  des  visiteurs  de  la 
classe  LUI.  La  même  maison  se  faisait  également  remarquer  par  sa  machine  à  rectifier  les 
tiges  cimentées. 

La  maison  V.  Lassus  (V.  Lassus  et  H.  Goppin,  successeurs),  dans  une  exposition  arran- 
gée avec  goût,  nous  montrait  les  produits  de  ses  ateliers. 

Ce.  qui  a  d'abord  frappé  nos  regards,  c'est  un  ingénieux  système  de  commande  pour 
appareils  rotatifs.  Nous  allons  le    décrire.  Nos 
lecteurs  nous  en  sauront  gré,  car  c'est  un  appa- 
reil qui  peut  s'appliquer  dans  bien  des  cas. 

Il  se  compose  d'abord  d'un  organe,  tel  qu'un 
levier  ou  une  pédale,  servant  à  donner  un  mou- 


■^<£^ 


Ventilateur  puur  lorges. 
(V.  Vassus  et  II.  (liippin,  constructeurs.] 


t'orgo  portative  démontable. 


vement  alternatif  à  une  chaîne  à  mailles,  qui  est  fixée  par  l'une  des  extrémités  à  cet  organe 
et  par  l'autre  à  un  ressort  en  spirales  lixé  lui-même  au  bâti.  Cette  chaîne  passe  sur  une 
roue  dentée  montée  sur  un  axe  horizontal  qui  porte  la  poulie-volant,  laquelle  transmettra, 
au  moyen  d'une  chaîne  sans  fin,  son  mouvement  à  un  ventilateur,  par  exemple. 

La  poulie-volant  n'est  pas  clavetée  sur  l'arbre  horizontal,  le  mouvement  de  rotation 
lui  est  communiqué  par  l'intermédiaire  d'une  roue  à  rochet  (calée  sur  l'arbre)  et  d'un 
cliquet,  de  sorte  «pie,  pendant  le  mouvement  alternatif  du  levier,  par  exemple,  la  poulie 
sera  entraînée  par  la  roue  à  rochet  et  le  cliquet  dans  un  sens  —  pendant  la  montée  — 
et  continuera  à  tourner  en  vertu  de  la  puissance  vive  qui  lui  a  été  communiquée,  lors- 


558 


L'FA'POSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS0 


qu'on  tourne  dans  le  sens  opposé  —  pendant  la  descente  du  levier.  —  Dans  la  deuxième 
période,   le  cliquet  s'enlève  sur  les  dents  de   la  roue  à  rochet  ;    la  chaîne  revient  en 


Nouvelle  grande  machine  à  frapper  les  rivets,  Ijoulmis,   crampons,  lire-fonds,  etc.,  système  Vincent, 
lireveté  en  Franco  et  à  l'étranger.  (J.  Leblanc,  constructeur) 


arrière  à  chaque  coup  par  l'action  du  ressort,  en   entraînant  avec  elle  la  roue  dentée 
et  par  suite  l'axe  horizontal. 

L'emploi  de  cet  appareil  est  très  commode  ;  ainsi  une  seule  personne  peut  faire  mar- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  559 

cher  pendant  des  heures  entières,  et  sans  fatigue,  une  essoreuse  faisant  de  1,000  à 
2,000  tours  à  la  minute. 

La  maison  exposait  également  plusieurs  modèles  de  ventilateurs  à  pédale,  à  branloire, 
à  levier. 

La  maison  V.  Lassus  (V.  Lassus  et  H.  Coppin  successeurs)  fabrique  également  des 
ventilateurs  à  bras  pour  mines  et  pour  soutes  à  charbon  jusqu'à  650  millimètres  de 
diamètre  qui,  grâce  à  leur  ingénieux  système,  de  commande,  peuvent  être  très  facile- 
ment manœuvres  par  un  homme  seul,  sans  aucune  fatigue,  et  sont  d'un  déplacement 
extrêmement  facile. 

La  maison  Le  Blanc  avait  exposé  dans  cette  classe  les  machines  suivantes  : 

Une  machine  à  frapper  les  rivets  et  boulons  jusqu'à  40  millimètres  de  diamètre  et 
250  millimètres  de  longueur  de  tige. 

Une  cisaille  à  lunettes  coupant  deux  barres  à  la  fois  jusqu'à  40  millimètres  de  diamètre. 

Une  machine  à  ébarber  les  rivets  et  les  boulons. 

Plusieurs  fours,  pour  chauffer  les  bouts  de  1er  destinés  à  être  convertis  en  boulons  et 
rivets,  ou  pour  chauffer  du  fer  en  barres. 

Une  machine  à  chanlreiner  les  écrous  et  les  boulons  jusqu'à  40  millimètres. 

Une  machine  à  fraiser,  modèle  des  ateliers  de  Puteaux  : 

Course  de  la  fraise  verticalement 0,035 

—  verticale  du  chariot 0,210 

—  transversale  du  chariot 0,380 

Vitesse,  commande  directe 83  à  2S0  tours. 

—  commande  par  engrenages 12  à    41     — 

Un  tour  de  précision,  modèle  des  ateliers  de  Puteaux  : 

Hauteur  de  pointes 0,175 

Longueur  du  banc 1,500 

entre  pointes 0,630 

Vitesse  sans  engrenages G7  à  330  tours. 

—  avec  engrenages 9  à    47    — 

—  du  renvoi  eu  coupe 150    — 

—  du  renvoi  en  retour ll'->     — 

Une  cisaille  circulaire  coupant  des  tôles  jusqu'à  20  millimètres  d'épaisseur  : 

Diamètre  des  lames, 0,415 

Profondeur  du  bec 0,600 

Une  grande  cisaille-poinçonneuse  double  : 

Poinçonnant 50  sur  35  millimètres. 

Cisaillant 000  sur  10        — 

Machines  spéciale*.  —  Les  diverses  machines  que  nous  venons  d'examiner  rapidement 
sont  les  principales,  mais  il  en  existe  un  grand  nombre  d'autres  d'une  grande  variété,  qu'on 
peut  classer  sous  la  rubrique  de  machines  spéciales. 

Toutes  ces  machines  doivent  leur  origine  aux  différentes  branches  de  la  construction 
mécanique.  C'est  ainsi  que  l'application  de  la  vapeur  et  surtout  la  construction  des  locomo- 


5G0 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


tives  a  fait  naître  un  grand  nombre  de  machines  employées  spécialement  pour  produire  telle 
ou  telle  pièce.  Ainsi,  pour  faire  une  bielle  d'accouplement,  il  est  nécessaire  d'employer  suc- 
cessivement aujourd'hui  plusieurs  machines  spéciales;  pour  donner  une  idée  de  la  précision 
apportée  dans  la  construction  de  ces  machines  et  des  services  qu'on  en  peut  attendre,  on 
cite  des  bielles  terminées  entièrement  à  l'aide  de  machines,  sans  que  l'ouvrier  ajusteur  ait  eu 
besoin  de  les  finir  à  la  lime.  La  construction  des  chaudières  a  donné  lieu  aussi  à  l'invention 
de  machines  spéciales  parmi  lesquelles  se  rangent  les  perceuses  multiples,  les  riveuses 
hydrauliques  ou  à  main,  etc.  MM.  Peugeot  frères  et  MM.  Hurtu  et  Hautin,  les  deux  plus 


Nouvelle  machine  à  forger  les  errons  carrés  et  à  six  pans.  (Sayn,  constructeur.) 

grands  fabricants  français  de  machines  à  coudre  exposaient  les  différents  outils  qu'ils  ont 
étudiés  el  exécutés  pour  leur  propre  fabrication.  Il  existe  également  des  machines  spéciales 
pour  faire  les  vis;  la  maison  Bariquand  en  exposait  un  spécimen. 

MM.  Dandoy-Mailliard,  LucqetCie,  montraient  une  intéressante  machine  à  cintrer  les 
cornières,  dont  les  rouleaux  sont  combines  de  telle  sorte  que  le  cercle  se  fait  d'une  manière 
exacte  et  complète. 

Une  belle  machine  à  frapper  pour  rivets,  boulons,  etc.,  du  système  Vincent,  était  pré- 
sentée, comme  nous  venons  de  le  dire,  par  M.  Leblanc.  Cette  frappeuse,  remarquable  par  une 
certaine  élégance  dans  la  forme,  était  d'autant  mieux  admirée  que  M.  Leblanc  avait  eu  l'idée, 
pour  rendre  le  contraste  saisissant,  de  placer  à  côté  une  grosse  cisaille-poinçonneuse  double 
et  une  cisaille  circulaire  pour  tôle  de  trente  millimètres.  Une  autre  machine  à  frapper  les 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


561 


rivets  et  les  boulons  figurait  dans  l'exposition  de  M.  Sayn.  Le  même  constructeur  exposait 
aussi  une  machine  à  écrous,  si  appréciée  et  si  usitée  aujourd'hui.  A  signaler  aussi  la  frap- 
peuse de  vis  Rémond. 

La  maison  Bouhey,  déjà  citée  plusieurs  fois,  exposait  une  machine  à  chanfreiner.  On 
sait  que  cette  machine  sert  à  former  un  chanfrein,  c'est-à-dire  une  petite  surface  constituée 
par  l'arête  abattue  d'un  corps  solide  quelconque 

La  Société  alsacienne,  déjà  citée  également,  exposait  encore  une  machine  à  essayer  les 
métaux.  On  sait  que  c'est  au  moyen  de  machines  de  ce  genre  que  l'on  peut  déterminer  à 


Machine  à  lilcler  les  boulons  cl  à  tarauder  les  écrous. 


l'avance  quelles  sont  les  limites  de  rupture,  de  compression,  de  traction,  etc.,  d'un  échan- 
tillon métallique  quelconque. 

C'est  encore  dans  les  machines  dites  spéciales,  que  l'on  doit  classer  les  appareils  à  cintrer 
et  à  souder  qu'exposait  M.  Dard,  qui  s'est  fait  une  spécialité  de  ce  genre  de  machines-outils. 
Les  machines  de  M.  Dard  peuvent  cintrer  les  cercles  en  1er  aussi  bien  que  ceux  en  bois;  elles 
sont  d'un  emploi  courant  dans  la  tonnellerie  mécanique,  car  elles  font  gagner  beaucoup  de 
temps.  On  obtient  le  cintrage  des  cercles  en  bois  en  plaçant  le  cercle  à  cintrer  entre  trois 
cilyndres;  ce  sont  ces  cilyndres  auxquels  on  communique  alors  un  mouvement  de  rotation 
qui,  en  tournant,  communiquent  au  bois  la  forme  voulue.  Une  machine  du  même  genre, 
mais  un  peu  différente,  est  employée  pour  les  cercles  en  fer. 

Une  autre  opération  qui  se  faisait  autrefois  à  la  main,  le  dolage,  ou  action  d'unir, 
d'aplanir  les  peaux  avec  un  outil  appelé  doloir,  peut  être  faite  maintenant,  avec  une  grande 
facilité,  au  moyen  de  machines  spéciales.  5F.  Gruyer  exposait  sa  machine  pour  doler  les 

III  36 


562 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


peaux  ;  elle  est  disposée  de  telle  façon  que  l'ouvrier  peut  toujours  se  rendre  compte  par  ses 
yeux  du  travail  effectué. 

La  maison  Sculford,  Malliar  et  Meuriee,  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  citer 


iilllUlilU 

^^^^^^^s  il .  s~.  ' i .      .jfeâiL  i ... ..  .^^^^^^^^É^t^^^ 

CiMiille-Poiuoonneuso  de  J.  Le  Dl.inc,  constructeur. 

plusieurs  fois,  exposait  encore  une  série  de  limeuses,-  poinçonneuses,  cisailles,  etc.  Les 
poinçonneuses  de  cette  maison  sont  remarquables,  ainsi  que  ses  cisailles  hydrauliques,  qui 
portent  leur  pompe,  qui  est  actionnée  par  une  courroie.  Ce  système  est  spécial  à  cette  mai- 
son ;  il  est  déjà  très  répandu,  surtout  dans  le  sud  de  la  France. 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE    DE    1889  563 

D'autres  cisailles  pour  découpage  des  ouvertures  formées  dans  les  tôles  de  grandes 
dimensions  étaient  présentées  par  MM.  Avoyne  et  Bonaniy. 

Un  travail  qui  s'opère  aussi  par  des  machines  spéciales  est  celui  relatif  aux  métaux  en 
feuilles. 

Ces  machines  étaient  bien  représentées  à  l'Exposition,  et  la  plupart  figuraient,  dans 
les  galeries  du  premier  étage,  comme  annexes  à  la  classe  LUI.  C'étaient  d'abord  MM.  Petot, 
de  Paris,  et  Sage  et  G!e,  de  Lyon,  qui  présentaient  des  machines  à  travailler  les  métaux 
en  feuilles,  des  machines  à  border,  à  envelopper  le  fil  de  fer  droit  et  courbé,  etc.  Deux 
autres  constructeurs  parisiens,  MM.  Soyer  et  Durozoi,  présentaient  des  machines  analogues 
aux  précédentes,  mais  de  plus  grandes  dimensions;  le  premier  travaille  surtout  pour  la 
tôlerie  et  les  zingueurs;  le  second  pour  la  ferblanterie. 

La  maison  allemande  Kircheiss  de  Ane  Saxe  présentait  aussi  les  machines-outils  de  sa 
fabrication,  destinées  au  travail  des  métaux  en  feuilles;  on  y  remarquait  entre  autres  des 
machines  à  plier,  à  broder,  à  baguetter,  etc.,  pour  ferblanterie,  tôlerie,  boites  à  conserves,  etc. 

Non  loin  de  cette  exposition,  figurait  celle  de  M.  Pardailhé-Galabrun,  avec  son  affûteuse. 
Une  autre  maison,  celle  de  MM.  Panhard  et  Levassor,  exposait  également  une  affûteuse. 

A  signaler  aussi  une  machine  à  river  particulière  de  M.  Gapitain-Gény,  à  balancier 
actionnant  un  piston  hydraulique. 

Deux  maisons,  celle  de  M.  Gérard  et  celle  de  MM.  d'Espine,  Achard  et  Cie,  exposaient 
d'intéressantes  machines  à  scier  les  marbres.  Ces  derniers  industriels  se  servent,  pour  cette 
opération  difticultueuse,  d'un  disque  où  sont  enchâssés  des  diamants.  Quant  à  M.  Gérard, 
sa  scierie  est  du  système  Armand  Auguste,  à  lame  sans  tin;  elle  peut  scier  les  pierres,  les 
marbres  et  les  granits.  Enfin,  M.  Bombled  se  signalait  par  sa  machine  à  ployer  le  zinc  et 
ses  machines  à  ployer  les  tôles  épaisses. 

Les  machines  à  graver  étaient  représentées  par  MM.  Maurice  de  Léon  et  Gie,  avec  leur 
machine  à  graver  par  jet  de  sable  et  de  vapeur. 

Outils  divers.  —  Les  divers  outils  figurant  dans  cette  classe  étaient  excessivement  nom- 
breux. Parmi  les  plus  remarquables,  il  faut  citer  les  étaux-limeurs  de  la  maison  Chaligny, 
de  la  maison  Bouhey,  avec  un  nouveau  dispositif  pour  la  commande,  et  ceux  si  puissants 
de  MM.  Dandoy-Mailliard,  Lucq  et  Gie,  de  Maubeuge. 

M.  Janssens  exposait  la  série  d'outils  divers  du  système  Richards. 

MM.  Lomont,  Chouanard  et  Huré  avaient  des  expositions  d'ensemble  fort  intéressantes 
à  examiner  et  à  étudier. 

M.  Leblanc  présentait  les  outils  complétant  la  fabrication  exécutée  par  sa  machine  à 
frapper,  citée  plus  haut,  tels  que  :  coupeuses,  ébarbeuses,  four  à  chauffer,  etc. 

MM.  Steinlen  et  Cie,  de  Mulhouse  (ancienne  maison  Ducommun)  n'exposait  que  des 
spécimens  dans  la  Galerie  des  Machines  ;  mais  ils  avaient  en  outre  une  exposition  très  com- 
plète, dans  un  pavillon  spécial  derrière  l'escalier,  du  côté  de  l'École  militaire. 

A  signaler  aussi  l'exposition  de  M.  Duval,  successeur  de  M.  Pihet. 

MM.  Panhard  et  Levassor  se  distinguaient  par  une  remarquable  série  de  scies  circu- 
laires et  de  scies  sans  fin,  destinées  au  travail  du  fer.  On  conçoit  quel  soin  il  faut  donner  à 
la  fabrication  de  pareils  outils,  pour  qu'ils  aient  la  dureté  nécessaire  pour  tailler  le  métal 
aussi  facilement  que  nos  scies  domestiques  taillent  le  bois. 


564 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Dans  les  galeries  du  premier  Otage,  M.  Gottendorl  avait  installé  ses  divers  outils  de  pré- 
cision, et  à  côté  de  lui,  dans  une  élégante  vitrine,  M.  Bédoin,  de  Sorgues  (Vaucluse),  avait 
placé  ses  pierres  du  Levant  et  d'Arkansas ;  on  sait  que  ces  pierres,  excessivement  dures, 
sont  employées  avec  succès  pour  affûter  de  petits  outils,  tels  que  burins,  échoppes,  etc.;  on 
en  fait  surtout  une  grande  application  en  horlogerie;  elles  reçoivent  toutes  espèces  de  dimen- 
sions et  de  formes. 

Pour  aiguiser  et  repasser  les  métaux,  on  emploie  des  minil?*  spéciales,  généralement  en 


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Riveuse  fixe.  (l'i.it,  constructeur.] 


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acier,  car  les  meules  ordinaires  en  grès,  quelque  dures  qu'elles  soient,  ne  peuvent  suffire  le 
plus  souvent.  Parmi  les  meules  diverses  qui  existaient  au  Champ-de-Mars,  on  pouvait 
remarquer  la  meule  à  affranchir  les  rives  des  tôles,  de  M.  Poulot,  puis  toute  une  série  de 
meules  exposées  de  M.  Delaplanque  Gis,  M veuve  Delaplanque,  la  Société  des  agglo- 
mérés magnésiens,  M.  Quentin,  M.  Durschmidt,  de  Lyon,  la  Société  des  émeris  de  l'Ouest, 
enfin,  par  MM.  Gautier,  Sainte-March  et  Cie ,  dont  les  meules  fabriquées  sans  compression 
sont  emprisonnées  entre  des  plateaux  coniques  de  sorte  qu'en  cas  où  une  rupture  se  pro- 
duirait, les  projections  de  matière  ne  sont  pas  à  craindre;  ces  mêmes  meules  présentent  un 
polissoir  articulé. 

Quant  aux  meules  de  M.  Durschmidt,  elles  contiennent  dans  leur  pâte  de  très  lins  fila- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  '56b 

raents  de  fer  qui  y  ont  été  emprisonnés  à  dessein  pour  en  assurer  la  cohésion  même  en  cas 
de  rupture  en  marche. 

M.  Delinotte  exposait  des  moutons  bien  conditionnés.  Ces  appareils  sont  très  utiles  pour 
l'enfonçage  des  pieux.  Ils  se  composent  d'une  masse  de  fer,  qu'on  élève  d'abord  au  moyeu 
d'une  machine  à  coulisse,  appelée  sonnette,  et  qui,  retombant  tout  à  coup  et  lourdement  sur 
les  pieux,  au-dessus  desquels  on  la  place,  les  enfonce  solidement  dans  la  terre. 

M.  Dard,  à  son  exposition  de  machines  à  cintrer,  joignait  des  poinçonneuses  dont  le 
débrayage  est  nouveau. 

Quelques  gros  outils  représentaient  la  Société  anonyme  de  construction  de  machines-outils 
d'Albert  (ancienne  maison  Lebrun),  et  de  petits  outils,  au  contraire,  employés  pour  la  fabri- 
cation de  petits  objets  exigeant  de  la  précision,  étaient  exposés  par  M.  Balland,  Struber, 
Scback  et  Comme,  Richard,  etc. 

Les  broyeurs  étaient  représentés  par  MM.  Hanctin  et  Bordicr,  qui  exploitent  le  broyeur 
système  Wapart. 

Enfin  terminons  par  les  tarauds.  On  sait  que  sont  des  outils  en  acier,  taillés  en  vis  qui 
servent  à  tarauder,  c'est-à-dire  à  percer  en  spirale  uni1  pièce  de  bois  ou  de  métal,  de  façon 
à  ce  qu'elle  puisse  recevoir  les  filets  d'une  vis,  à  confectionner  les  écrous,  en  un  mot. 
M.  Morisseau  exposait  au  premier  étage  une  belle  collection  de  tarauds;  son  exposition 
renfermait  encore  des  lunettes,  filières,  alésoirs,  mèches,  forets,  etc. 

La  maison  J.  Digeon,  fondée  en  1873  par  M.  Jules  Digeon  pour  la  construction  des 
modèles  et  plans  en  relief,  avait  exposé  en  1889  dans  la  classe  VIII  une  partie  de  ses  nom- 
breuses collections  de  modèles  pour  l'enseignement.  Ces  collections  se  composent  de  plus  de 
2,300  modèles  concernant  l'agriculture,  l'art  des  constructions,  les  arts  et  métiers  et  indus- 
tries, l'astronomie,  la  chaleur,  la  chaudière  à  vapeur,  la  chimie  industrielle,  les  chemins 
de  fer,  l'enseignement  du  dessin,  la  géométrie  descriptive,  l'équilibre  des  gaz,  la  filature 
et  le  tissage,  l'hydraulique,  l'hydrodynamique,  l'hydroslatique,  les  machines  à  vapeur,  les 
machines-outils,  la  mécanique,  la  métallurgie,  les  mines,  la  pesanteur,  la  salubrité,  la  télé- 
graphie et  le  téléphone. 

Une  médaille  d'or  a  été  décernée  à  cette  maison,  qui  exposait  pour  la  première  fois. 
Cette  récompense  était  justement  méritée  par  le  laborieux  fondateur  de  cette  maison,  dont 
les  créations  considérables  montrent  combien  il  a  dû  dépenser  de  travail  pour  arriver  en 
moins  de  dix- sept  ans  à  établir  des  collections  qui  n'ont  pas  de  rivales  en  France  et  proba- 
blement en  Europe,  et  à  créer  une  industrie  qui  occupe  actuellement  près  de  cinquante 
ouvriers. 

Cette  maison  avait  aussi  exposé  un  appareil  dynamométrique  destiné  aux  expériences 
sur  la  traction  des  trains,  dont  la  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Ouest  vient  de  se 
rendre  acquéreur  après  des  essais  d'une  année,  ainsi  que  beaucoup  de  modèles  en  réduction 
et  plans  en  relief  qui  ont  été  justement  et  hautement  appréciés. 


566 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


MACHINES,  INSTRUMENTS  ET  PROCÉDÉS  USITÉS  DANS  DIVERS  TRAVAUX 

On  avait  groupé  dans  la  classe  L1X  les  machines,  instruments,  même  de  simples  pro- 
cédés, qui  n'avaient  pu  prendre  place  parmi  les  autres  classes,  et  qui  en  complétaient  un 


Cisaille  poinçonneuse  à  excentrique,  à  double  face. 

certain  nombre.  *  »  1 1  y  remarquait  surtout  une  intéressante  série  d'outils  spéciaux,  usités 
dans  certaines  industries  secondaires.  Aussi,  cette  classe,  dont  le  titre  même  n'éveille  pas 
grand' chose  dans  l'esprit,  offrait-elle  néanmoins  un  véritable  intérêt.  «  Elle  constituait  un 
ensemble  (comme  l'a  si  bien  dit  le  Guide  du  Génie  civil)  dans  le  Palais  des  Machines,  où  le 
public  trouvait  infiniment  d'attraits,  et  où  le  technicien  devait  chercher  toutes  sortes  de 
combinaisons  ingénieuses.  » 


Monnaies.  —  L'exposition  qui,  en  entrant,  frappait  tout  d'abord  les  yeux  du  public,  était 
celle  de  la  Direction  des  Monnaies  et  Médailles.  Elle  comprenait  une  presse  monétaire  en 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


567 


bronze  du  système  Thonnelier,  dont  les  dispositions  mécaniques  et  les  détails  de  construc- 
tion sont  dus  aux  ingénieurs  de  la  maison  Cail,  et  un  balancier  perfectionné.  Ce  dernier, 
également  construit  par  la  maison  Cail,  est  muni  d'un  aménage  automatique  des  flans,  et 
d'un  débrayage,  également  automatique,  qui  fonctionne  lorsque  le  réservoir  à  flans  cesse 
d'être  alimenté.  On  appelle  flan  la  pièce  de  métal  qu'on  a  taillée  et  préparée  pour  en  faire 
une  pièce  de  monnaie,  une  médaille,  un  jeton,  etc. 

Les  divers  outils  exposés  frappaient,  sous  les  yeux  du  public,  différentes  médailles  com- 
mémoratives  de  l'Exposition  de  1889.  Dans  la  même  section,  figurait  une  petite  balance- 


Tour  à  fileter  et  à  ebarioter,  banc  à  coupure. 


contrôle  qui  classe  automatiquement  les  pièces  de  monnaie  qu'on  lui  soumet,  en  pièce  j 
lourdes,  bonnes  et  légères. 

Ne  pouvant  donner  des  détails  sur  les  instruments  et  procédés  si  divers  figurant  dans 
cette  classe,  nous  sommes  obligés  d'être  brefs. 

Dans  le  même  triangle  que  la  monnaie  étaient  groupés  plusieurs  industriels  à  signaler  : 
M.  Pérille,  avec  sa  machine  à  faire  les  anneaux  de  clefs;  M.  Merle,  pour  ses  machines  à  faire 
les  tissus  métalliques;  MM.  Barre  et  Ledcuil,  constructeurs  de  machines  spéciales  à  l'usage 
des  brocheurs,  relieurs,  etc.;  M.  Bunon,  exposant  d'une  machine  pour  le  découpage  et  re- 
maillage, utilisable  en  bijouterie;  M.  Planché,  inventeur  d'une  machine  à  faire  les  sacs;  et 
MM.  Harlé  et  Cie,  inventeurs  d'une  autre  machine  à  faire  la  chaîne  triangulaire  pour  chape- 
lets. Une  autre  machine  à  fabriquer  la  chaîne  métallique,  était  exposée  par  M.  Bellair.  Il 
faut  mentionner  aussi  une  machine  de  M.  Terrot,  à  faire  des  sacs,  et  pouvant  produire  jus- 
qu'à 15,000  sacs  par  jour.  Une  série  complète  d'outils  employés  dans  la  fabrication  des 
boites  de  conserve,  tels  que  découpoirs,  presses  d'emboutissage  à  ressort,  ayant  pour  objet 
de  faire  disparaître  les  inégalités  d'épaisseur  que  peut  présenter  le  fer-blanc;  des  machines 
à  border,  à  sertir,  etc.,  pour  boites  sans  soudure.  Sertir,  c'est  enchâsser  une  pièce  dans  une 
autre. 

M.  Barbier  et  Mme  veuve  Clément  exposaient  des  balanciers  ;  plusieurs  de  cette  dernière 


568 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


étaient  appropriés  à  la  fabrication  des  chaussures.  M.  Deny  se  faisait  aussi  remarquer  par 
un  balancier  de  grande  puissance,  et  par  un  petit  marteau  à  planer,  c'est-à-dire  à  rendre 

plan,  à  unir,  à  polir  un  objet  quelconque  ; 
cette  plane  fort  ingénieuse,  est  à  ressort  d'air. 
M.  Deny  étant  à  la  fois  fabricant  d'outils  et 
industriel  se  servant  desdits  outils,  montrait 
aux  visiteurs,  au  milieu  de  ses  outils,  les 
objets  qu'ils  peuvent  fabriquer  dans  son  ate- 
lier. Il  exposait  entre  autres  des  tubulures, 
des  plats,  des  cartouches,  des  boites  à  mi- 
trailles, fourreaux  de  sabre,  etc.;  toutes  choses 
variées,  mais  présentant  pas  mal  de  produits 
destructeurs  plutôt  que  conservateurs  de  l'hu- 
manité. On  peut  en  dire  autant  de  M.  Bisson, 
exposant  d'une  machine  à  calibrer  les  car- 
touches. 

Mais  passons  sur  ces  réflexions  philoso- 
phiques, et  contemplons,  par  le  souvenir,  les  machines 
d'un  but  plus  domestique,  de  M.  Mays  ;  elles  ont  pour 
objet  la  fabrication  des  agrafes,  des  épingles  ordinaires, 
des  épingles  de  toilette  et  de  sûreté,  tous  ces  petits  riens 
cependant  si  utiles,  et  si  goûtés  des  ménagères.  31.  Mays, 
étant  à  la  fois  fabricant  d'épingles  et  fabricant  des  ma- 
chines servant  à  cette  fabrication,  faisait  fonctionner 
ces  dernières  à  l'Exposition.  Un  autre  fabricant  d'épin- 
gles, M.  Baillet,  fabrique  les  tire-bouchons. 

La  reliure  métallique  (Hait  représentée  par  les  ma- 
chines de  M.  Delagarde. 

Une  machine  à  voter,  de  M.  De- 
bayeux  ;  une  machine  à  couper  les 
dents  de  peigne,  de  M.  Luce  ;  une 
machine  à  dédoubler  l'ivoire,  de  31.  Sy- 
mon  :  c'est-à-dire  à  séparer  en  deux 
un  morceau  d'ivoire  ;  enfin  des  ma- 
chines de  3131.  Lemaire,  Saint-Martin, 
Blot  et  Gauchot,  pour  faire  les  ciga- 
rettes, étaient  encore  des  curiosités  de 
cette  classe  LIX. 

A  rapprocher  de  ces  dernières 
machines,  la  série  de  machines  très 
ingénieuses  et  très  finement  exécu- 
tées, de  31.  Decouflé,  qui  fabriquent 
des  tubes  pour  cigarettes,  agrafes  sans  colle,  et  celles  de  31.  Chameroy,  pour  découper  le 
papier  à  cigarettes  en  bobines. 


Marteau-pilon  à  excentrique  et  à  ressort  métallique 
commandé  par  courroie.  (liouhey,  constructeur.) 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


509 


Très  curieuse  et  très  goûtée  des  visiteurs,  était  la  machine  exposée  et  fonctionnant  de 
M.  Boin;  elle  a  cependant  pour  objet  une  fabrication  assez  vulgaire,  celle  des  clous  de  tapis- 
sier. Seulement,  c'était  la  rapidité  d'exécution  qui  était  amusante,  et  qui  constitue  le  mérite 
de  cette  machine.  On  y  voyait  entrer  d'un  côté  le  fil  de  fer  et  la  bande  de  laiton,  et  de 
l'autre,  sortir  les  clous  tout  finis.  D'autres  machines  doivent  être  rapprochées  de  celle-ci  : 
citons  celle  exposée  par  M.  Claude,  qui  transforme  le  fil  de  cuivre  en  petits  supports  pour 
laboratoires,  et  celle  de  MM.  Schlosscr  et  Maillard,  où  le  cuivre  entre  brut  et  sort  transformé 
en  charnières. 

La  fabrication  de  la  pointe  de  Paris  fait  l'objet  d'une  machine  spéciale  exposée  par 


Nouvelle  ébarbeuse  pour  boulons,  rivets  et  autres 
pièces  de  ferronnerie.  (Sayn,  constructeur.) 


Nouvelles  cisailles  pour  couper  les  fers  ronds 
(Sayn,  constructeur.) 


M.  Dubos,  et  la  fabrication  des  différents  objets  nickelés  était  figurée  par  les  outils  de 
M.  Mortclette. 

M.  Simoulin  exposait  son  matériel  pour  fabriquer  spécialement  des  emporte-pièces 
de  grandes  dimensions,  ainsi  que  des  plaques  d'une  composition  spéciale,  remplaçant  le 
bois,  comme  sommiers. 

Les  découpoirs  étaient  représentés  par  MM.  Dolizy,  Robelet,  Lepine  et  Grimer,  Pernet, 
Delahaye,  etc.  Ces  deux  derniers  font  surtout  l'outillage  pour  bijoutiers  (laminoirs  et  mou- 
tons). D'autres  découpoirs  étaient  présentés  par  M.  Le  Bellier,  mais  leur  objet  est  différent; 
ils  servent  à  la  fabrication  des  fleurs  artificielles;  industrie  qui  se  répand  beaucoup  depuis 
quelques  années. 

Une  matière  industrielle  encore  peu  connue,  l'ivoirine;  montrait  la  variété  de  ses  emplois, 


570  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

due  surtout  à  sa  malléabilité.  L'ivoirine  est  un  mélange  de  gutta-percha  et  de  poussières 
minérales  colorées  diversement.  Ce  corps,  une  l'ois  ramolli,  par  l'action  calorifique,  se  moule 
très  facilement;  il  prend  un  beau  poli,  et  est  susceptible  de  reproduire  des  détails  d'une 
grande  finesse.  M.Roger  exposait  les  appareils  très  simples  qui  lui  servent  pour  transformer 
cette  ivoirine  en  encriers,  bonbonnières,  cadres  de  glace  et  autres  objets  de  fantaisie. 

La  fabrication  îles  boutons  de  nacre,  si  répandue  dans  le  département  de  l'Oise,  est 
bien  représentée  par  les  outils  créés  par  M.  Lcroy-Payen. 

M.  Voitellier  exposait  ses  grillages  en  fil  de  fer,  qu'il  fait  par  simple  torsion  du  fil  sur 
un  outil  d'une  grande  simplicité  ;  il  peut  obtenir  jusqu'à  dix  mètres  de  largeur  de 
grille. 

La  fabrication,  ou  plutôt  l'industrie  du  tabac,  qui  a  aujourd'hui  tant  de  consommateurs, 
était  représentée  par  les  diverses  machines  de  M.  Durand.  Parmi  ces  dernières,  on  remar- 
quait des  hachoirs  spéciaux  pour  réduire  le  tabac  en  fils;  les  mêmes  hachoirs  peuvent  être 
utilisés  pour  couper  les  plantes  médicinales. 

Au  premier  étage,  on  rencontrait  encore  M.  Le  Blanc,  avec  une  série  de  dessins  repré- 
sentant des  machines  à  transformer  le  tabac  brut  en  tabac  consommable. 

Dans  les  vitrines  du  premier  étage,  la  classe  LIX  groupait  une  série  de  fabricants,  four- 
nisseurs de  la  matière  nécessaire  aux  tisseurs  et  aux  orfèvres.  C'étaient  d'abord  les  filières 
en  diamant,  rubis  ou  saphir  pour  tréfiler  différents  métaux,  tels  que  l'or,  l'argent,  le  laiton, 
le  fer.  Ce  tréfilage  peut  réduire  des  fils  en  fractions  de  dixièmes  de  millimètre.  Ces  filières 
étaient  exposées  par  MM.  Vienney,  Ferré  (de  Trévoux),  Favier  (de  Lyon),  elc. 

M.  le  marquis  de  Viaris  montrait  dans  une  vitrine  des  cryptographes  impri- 
meurs. 

On  sait  que  la  cryptographie,  très  usitée  dans  l'armée,  est  l'art  d'écrire  avec  des  signes 
conventionnels. 

Des  outils  pour  la  gravure  artistique  et  industrielle,  et  particulièrement  de  nouveaux 
outils  pour  graver  rapidement  les  ombres,  étaient  exposés  par  M.  Dumonchel.  Puisque  nous 
venons  de  parler  de  gravure,  signalons  ce  desideratum  de  l'Exposition,  d'avoir  disséminé 
la  gravure  dans  trois  ou  quatre  classes  différentes,  où  il  était  difficile  à  l'intéressé  de  la 
retrouver  sans  une  recherche  laborieuse,  tandis  qu'il  aurait  été  si  profitable  à  tous  de 
réunir  dans  une  même  section  tout  ce  qui  se  rapporte  à  cet  art,  ou  à  cette  industrie,  comme 
on  voudra. 

D'autres  outils  pour  graveurs  étaient  encore  exposés  dans  la  classe  LIX,  par  M.  Naze; 
le  même  présentait  également  des  outils  pour  bijoutiers,  mécaniciens,  sculpteurs  et... 
dentistes! 

Enfin,  une  machine  à  graver  spécialement  le  verre,  et  qui  fonctionnait  sous  les  yeux  du 
public,  était  exposée  par  M.  Vessières,  qui  joint  à  une  grande  habileté  un  talent  de  réel 
artiste.  Mais  il  aurait  été  préférable  de  voir  cette  machine  rapprochée  des  autres  machines 
à  graver  le  verre,  dont  nous  avons  parlé,  et  qui  figuraient  à  la  classe  LI. 

Quelques  machines-outils  sont  à  citer,  surtout  les  compteurs  à  tours,  le  tour  et  la  frai- 
seuse, construits  et  exposés  par  MM.  Sainte  et  Mardi.  M.  Chauvel  (à  Navarre,  près  Évreuxt 
se  distinguait  par  son  matériel  destiné  à  la  fabrication  des  œillets  métalliques  à  dents,  du 
système  Wilcox;  et  M.  Derlon,  par  son  vilebrequin  à  genouillères,  pour  percer,  même  dans 
les  angles,  et  une  machine  assez  curieuse,  destinée  à  faire  des  grilles  de  pipes. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   18S9  571 

M.  Audoye  avait 'installé  ses  machines  à  cirer  et  ses  machines  à  garnir  les  brosses, 
destinées  au  travail  des  aveugles. 

L'horlogerie  avait  plusieurs  représentants:  MM.  Arnoiix,  Ganderth,  Abel  Garnache, 
Garnache  lrères,  Jullian,  Huart.  En  outre,  plusieurs  grandes  vitrines,  au  premier  étage,  ren- 
fermaient des  limes  et  autres  outils  d'horlogerie,  exposés  par  MM.  Besançon,  Hugonniot, 
Tissot,  les  fils  de  Ch.  Weité  et  Roussel. 

Enfin,  quittons  cette  classe  LIX,  où  nous  avons  rencontré  tant  de  variété,  en  inscrivant 
les  noms  de  M.  Labalme,  pour  ses  objets  en  ivoire;  de  MM.  Coquelin  et  Kalesky,  qui  expo- 
saient des  appareils  d'optique;  de  M.  Foucault,  qui  présentait  sa  presse  à  imprimer  les  bois 
à  chaud;  de  M.  Leroy-Selle,  pour  ses  chaudrets  en  baudruche  pour  batteurs  d'or;  enfin,  de 
MM.  Billet  et  Harleux,  avec  une  série  de  pierres  et  outils  à  brunir. 


MATERIEL  ET  PROCEDES  DE  LA  CONFECTION  DES  OBJETS  DE  MOBILIER 

ET   D'HABITATION 

Le  titre  même  de  cette  classe  n'indique  que  bien  vaguement  ce  qu'on  y  trouvait.  Elle 
renfermait,  divisée  en  deux  grands  groupes  de  machines  bien  distinctes  d'un  côté'  1rs 
machines  à  travailler  le  bois  sous  n'importe  quelle  forme,  et  de  l'autre  les  machines  à  fabri- 
quer les  briques,  les  tuiles,  etc.  Cette  classe  n'avait  pas  uni' importance  aussi  considérable 
que  la  plupart  des  autres  qui  étalaient  leurs  produits  dans  le  Palais  des  Machines,  et  elle  ne 
renfermait  pas  une  grande  variété  d'appareils.  Nous  allons  les  passer  successivement  en 
revue,  afin  de  donner  au  moins  au  lecteur  une  teinte  de  ce  que  renfermait  la  classe  LVII, 
qui,  sous  certains  rapports,  complétait  la  classe  LUI  (machines-outils). 

Travail  du  bois,  des  métaux,  etc.  —  Ces  machines  n'étaient  pas  très  nombreuses  ;  il  y  en 
avait  au  rez-de-chaussée  et  au  premier  étage.  Celles  qui  se  faisaient  le  plus  remarquer  étaient 
les  scies  de  la  maison  Panhard  et  Levassor  et  les  machines  à  travailler  le  bois  de  la  maison 
J.  A.  Fay  et  C°,  exposées  par  The  Projectile  Company.  Tous  1rs  systèmes  de  scies  à  grand 
travail  figuraient  dans  cette  belle  collection.  C'était  d'abord  la  scie  à  lame  sait*  fin,  dont 
l'invention  même  est  duc  à  la  maison  qui  nous  occupe;  on  sait  que  ce  genre  de  scies,  connu 
sous  le  nom  de  scie  à  ruban,  est  constitué  par  une  lame  étroite  et  flexible,  enroulée  et  ma- 
nœuvrée  sur  deux  poulies,  mue  par  la  vapeur  ou  toute  autre  force,  de  façon  à  produire  un 
mouvement  continu  dans  un  même  sens. 

Une  des  scies  de  ces  constructeurs  était  à  lames  sans  fin  conjuguées.  Elle  avait  pour  but 
le  débitage  spécial  des  madriers  de  sapin. 

D'autres  scies  à  ruban  figuraient  dans  les  expositions  de  MM.  Gramain  et  Pagani  (de 
Milan),  au  premier  étage.  Il  y  avait,  dans  cette  exposition,  des  scies  tellement  fines  qu'elles 
se  réduisaient  à  des  rubans  striés.  L'exposition  de  MM.  Mongin  et  Cie  présentait  des  scies 
sans  fin  et  circulaires  pour  bois,  métaux,  pierre,  nacre,  os,  etc. 

Il  s'est  fondé  en  Amérique  pour  les  deux  industries  que  nous  venons  de  citer  deux 
entreprises  colossales  :  la  maison  J.  A.  Fay  et  C°,  de  Cincinnati  (Ohio)  pour  la  construction 


572  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

des  machines  à  travailler  le  bois,  et  la  maison  E.  W.  Bliss,  de  Brooklyn  (New-York)  pour 
les  machines  du  domaine  de  la  ferblanterie.  Ces  deux  maisons  ont  pour  concessionnaire 
en  Europe  la  The  Projectile  C°  limited  dont  le  bureau  central  pour  l'Europe,  qui  était 
anciennement  situé  rue  Caumartin,  vient  d'être  transféré  26,  rue  balayette,  où  se  trouve 
une  salle  d'exposition  dans  laquelle  les  plus  importantes  de  ces  machines  fonctionneront 
prochainement  à  l'aide  d'un  nouveau  système  de  moteur  à  gaz  Griflin. 

Il  nous  est  impossible  de  faire  une  étude  complète  de  toutes  les  machines  rentrant 
clans  la  fabrication  de  ces  deux  établissements.  Aussi  devons-nous  nous  borner  à  entrer 
dans  quelques  détails  sur  certaines  d'entre  elles. 

En  ce  qui  concerne  les  machines  à  découper  le  bois,  MM.  J.  A.  Fay  et  G0  construisent 
une  nouvelle  scie  à  découper,  qui  détaille  à  longueurs  exactes  toutes  espèces  de  bois 
employés  dans  les  fabriques  de  meubles,  d'ébénisterie,  de  pianos,  de  caisses  d'emballage, 
de  machines  agricoles,  etc.,  etc. 

Cette  scie  est  très  forte,  très  substantielle,  avec  une  massive  coulisse  en  fonte  qui 
supporte  deux  châssis  à  table,  dont  l'un  reste  immobile  au  bout  et  l'autre  glisse  sur  la 
coulisse  au  moyen  d'une  vis  d'ajustage  commandée  par  une  manivelle  qu'on  peut  enlever. 
L'opérateur  peut  faire  cet  ajustage,  très  rapidement  pour  adapter  la  table  à  une  longueur 
voulue  quelconque,  et  les  deux  bouts  sont  coupés  d'équerre  dans  une  seule  opération.  Le 
châssis  à  table  mobile  est  muni  d'un  mécanisme  d'arrêt  pour  l'assujettir  sûrement  après 
qu'il  est  ajusté  dans  la  position  désirée. 

L'arbre  dans  chaque  table  est  de  grand  diamètre,  tourne  dans  de  longs  coussinets  et 
est  préparé  pour  recevoir  une  scie  à  chaque  bout.  Les  platines  sont  en  fonte,  pourvues  de 
rainures  planées  pour  recevoir  les  règles.  Les  scies  sont  entourées  de  pièces  de  remplissage 
en  bois  qui  peuvent  être  enlevées  lorsque  l'on  veut  rainer.  Les  tables  peuvent  être 
l'approchées  à  telle  proximité  que  l'on  coupe  des  longueurs  de  vingt  centimètres,  les  deux 
bouts  d'équerre,  ou  bien  ces  tables  s'écartent  assez  pour  que  l'on  coupe  des  longueurs  de 
six  [lieds. 

La  machine  est  fournie  avec  une  règle  à  découper  glissante  qui  s'ajuste  rapidement 
à  des  largeurs  différentes  et  se  trouve  pourvue  de  taquets  d'arrêt  pour  régler  la  profondeur 
du  coup.  On  l'enlève  et  on  la  replace  en  un  clin  d'œil.  La  table  immobile  est  pourvue 
d'une  règle  pour  scier  de  long,  qui  peut  être  inclinée  à  différents  angles  ou  renversée  pour 
scier  sur  l'autre  côté  de  la  table.  C'est  une  particularité  importante  de  cette  machine 
qu'elle  n'a  pas  de  chariots  glissants,  parce  que  les  règles  qui  accompagnent  la  machine 
sont  arrangées  de  façon  qu'un  opérateur  peut  travailler  avec  la  scie  à  rainer,  tandis 
qu'un  autre  coupe  les  deux  bouts  du  bois  en  même  temps. 

M.  J.  A.  Fay  construit  aussi  des  scies  à  chantourner  perfectionnées,  des  scies  à 
découper  verticales,  des  scies  à  lames  sans  fin,  des  scies  mécaniques  doubles  pour 
ébénistes  avec  ajustages  verticaux  indépendants,  des  scies  à  glissières  automatiques,  des 
tailles  pour  scier  les  onglets  et  les  biais,  etc. 

Une  des  plus  importantes  des  constructions  de  ce  grand  industriel  est  la  machine  à 
travailler  le  bois,  universelle,  brevetée.  Cette  machine  combine  les  fonctions  du  dressage 
horizontal  ordinaire  à  la  main  ou  dans  les  machines  universelles,  et  un  attachement  pour 
dressage  vertical,  de  sorte  qu'en  équarrissant  on  opère  sur  les  deux  surfaces  en  même 
temps.  Elle  peut  dégauchir,  dresser  les  surfaces  droites  et  biaises,  raboter  en  long,  en 


r.71 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1KS9 


biais  et  de  travers,  chanfreiner,  bouveter,  dresser  les  joints,  équarrir  les  pieds  de  lit  et 
de  table,  faire  les  baguettes,  tenoner,  faire  les  bordures,  etc. 

La  maison  E.  W.  Bliss,  que  représente  également  la  The  Projectile  C  Htnited,  est  aussi 
importante  que  la  Société  J.  A.  Fay.  Comme  elle,  M.  Bliss  possède  une  réputation  uni- 
verselle. 

En  Angleterre  et  en  Amérique  les  macbines  de  sa  fabrication  sont  d'un  emploi  courant 


Scie  à  découper  verticale  perfectionnée.  (J.  A.  Fay  et  C°,  constructeur.) 

dans  toules  les  usines.  Les  marteaux-pilons,  presses,  estampeurs  Bliss  fonctionnent  en 
grand  nombre.  Ses  machines-outils  pour  la  ferblanterie,  absolument  supérieures  à  tout  ce 
qui  a  été  fait  jusqu'alors,  défient  toute  concurrence. 

Entre  autres  appareils  sortis  des  ateliers  de  la  maison,  notons  un  nouveau  moteur  à 
gaz  système  Griffin,  d'une  force  de  quatre  chevaux.  Ce  moteur  a  été  très  bien  reçu  de  tous 
les  hommes  compétents.  Il  fonctionne  silencieusement  et  est  remarquable  de  légèreté.  Ces 
deux  avantages  sont  inappréciables. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


575 


La  Projectile  Company  concessionnaire  de  ces  appareils  pour  l'Europe,  a  été  créée  pour 
exploiter  les  brevets  Cayley,  qui  permettent  la  fabrication  des  projectiles  et  autres  articles 
étirés  en  creux. 

Le  laminage  par  pression  d'un  creux  forgé  d'un  métal  plein  constitue  la  particularité 
du  procédé  et  fait  sa  valeur.  La  masse  d'acier  se  trouve  creusée  dans  les  conditions  les 
plus  favorables  qui  augmentent  la  force  de  résistance  des  molécules  quand  le  projectile 
est  projeté  de  l'arme  et  accroissent  les  qualités  de  légèreté  des  obus,  tout  en  faisant  dispa- 
raître les  risques  de  pailles  ou  de  fêlures. 


MM.  Panhard  et  Levassor  présentaient  une  machine  à  faire  les  bois  de  fusil  et  une  autre 
à  façonner  les  rais  de  roues  de  voitures. 

On  sait  que  les  rais  sont  les  pièces  de  bois  rayonnantes  qui,  assemblées  par  un  bout 
avec  le  moyeu  d'une  roue,  vont  s'assembler 
par  l'autre  bout  dans  les  jantes  qui  composent 
la  circonférence  de  la  roue. 

La  plupart  de  ces  outils  étaient  en  mou- 
vement, de  sorte  que  le  public  pouvait  se 
rendre  compte  de  leur  mouvement. 

M.  Guillet,  d'Auxerre,  exposait  un  certain 
nombre  d'outils  en  usage  dans  les  multiples 
travaux  que  le  bois  est  susceptible  de  subir. 
Que  de  choses  variées  peut-on  faire,  en  effet, 
avec  le  bois!  Depuis  les  bois  de  fusil  jusqu'aux 
galoches,  depuis  les  roues  de  voitures  jus- 
qu'aux diverses  parties  de  nos  logements  ;  tous 
ces  objets  sont  en  buis. 

M.  Guillet  exposait  entre  autres  la  série 
complète  des  machines  servant  à  la  fabrica- 
tion des  galoches,  et  aussi  une  intéressante 
machine  à  faire  les  bois  de  fusil. 

La  maison  bien  connue,  Arbey  et  lils, 
avait  deux  machines  spéciales  destinées  toutes 
deux  au  travail  du  bois  ;  la  première  était 

une  machine  à  trancher  le  bois  de  placage,  c'est-à-dire  à  débiter  en  feuilles  très  minces 
des  bois  de  luxe,  lesquelles  feuilles  sont  ensuite  appliquées  par  compartiments  sur  des 
bois  d'une  plus  grande  épaisseur  et  de  moindre  prix  (grande  application  dans  les  meubles). 
La  seconde  machine  de  la  maison  Arbey  était  relative  à  la  fabrication  de  la  paille  de  bois. 

MM.  Pesant  frères,  de  Maubeuge,  avaient  une  collection  complète  d'outils  à  bois  de 
moyennes  dimensions. 

Dans  les  galeries  du  premier  élage,  les  regards  étaient  attirés  particulièrement  par  deux 
grands  tableaux  très  bien  exécutés,  représentant  :  l'un,  les  ateliers  de  menuiserie  Simonet  : 
l'autre,  les  divers  ateliers  de  MM.  Damon  et  Cie  (ancienne  maison  Kriegcr),  à  Paris  et  à  Cam- 
brai, qui  confectionnent  des  meubles,  du  matériel  scolaire  et  divers  autres  objets  de  menui- 
serie. Ces  vues  intérieures  d'ateliers  de  diverses  industries,  dont  on  pouvait  voir  un  grand 


in.yM.-iy/  j§ 

l'uni'  à  lanterne  rotative.  (Sayn,  constructeur. 


576 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


nombre  à  l'Exposition,  constituaient  d'excellentes  leçons  de  choses  pour  le  public  désireux 

de  s'instruire. 

Toujours  au  premier  étage,  en  suivant  le  mur,  un  trouvait  successivement  les  vitrines 

de  MM.  Gérard,  Gautier  (Ormc-Saint-Gervais)  qui  renfermaient  des  outils  de  menuiserie,  des 

échantillons  de  moulures  de  M.  Buisson  (de  Rouen),  le  pointomètre  de  M.  Cornu,  la  machine 

à  marquer  au  l'eu  de  M.  Thévenon,  etc. 

M.  Gausse  exposait  ses  machines  à  découper  le  bois;  on  pouvait  savamment  juger  des 

beaux  résultats  qu'on  peut  en  obtenir  en  examinant  la  belle  véranda  qui  servait  de  bureau  à 

la  classe  LVII,  et  qui  avait  été  découpée  par  ses 
machines. 

Les  machines  à  découper  de  MM.  Dubreuil  et 
Chonet,  avec  les  beaux  spécimens  obtenus  avec  cet 
outillage,  attiraient  également  le  regard  des  visiteurs. 
D'autres  intéressants  outils,  servant  au  découpage 
du  bois,  et  des  coupeuses  à  étoiles,  représentaient 
l'industrie  de  M.  Tiersot,  à  l'Exposition. 

Il  faut  encore  citer  le  matériel  complet  pour 
fabriquer  et  monter  les  cadres,  de  M.  Deschamps, 
puis  le  trusquin  universel  de  M.  Dcvillcrs.  Les  trus- 
quins  ou  trousquins  sont  des  outils  de  bois  composés 
d'une  règle  carrée,  passée  au  travers  d'une  planchette 
bien  dressée.  À  l'une  des  extrémités  de  cette  règle, 
est  ajustée  une  pointe  métallique  et  dans  l'épaisseur 
de  la  planchette  est  pratiquée  une  mortaise  contenant 
une  clef  de  bois  qui  sert  à  fixer  la  règle  mobile  en 
un  point  déterminé  de  la  planchette.  L'objet  du  trus- 
quin est  de  tracer  sur  des  planches  dressées  des 
lignes  parallèles  à  leur  bord.  En  ajustant  sur  la  règle 
deux  pointes,  l'une  près  de  l'autre,  on  peut  se  servir 
du  trusquin  pour  marquer  l'épaisseur  des  tenons  et 
les  largeurs  des  mortaises. 

Une  machine  à  découper,  munie  d'une  pédale 
MM.   Dohis  et  Robert,  dans  la  classe  VLII. 


Nouvelle  machine    à   frapper. 
(Sayn,  constructeur.) 


spéciale,   représentait  l'industrie 

Des  bondonnières et  des  jabloires  étaient  exposés  par  M.  Rothenbuhler.  Ces  deux  mots, 
peu  connus, demandent  une  explication:  on  donne  le  nom  de  iabloires  ou  jablières,  h  des 
instruments  qui  servent  à  faire  les  jables  ou  feuillures,  entailles  rainures,  qu'on  fait  aux 
douves  des  cuves;  lesquelles  douves,  maintenues  par  des  cercles,  forment  le  corps  d'une 
cuve  ou  d'un  tonneau.  Les  jables  arrêtent  les  pièces  du  fond  et  en  forment  les  assemblages 
avec  les  douves. 

Quant  aux  bondonnières,  ce  sont  tout  simplement  des  sortes  de  tarières  dont  le  tonnelier 
se  sert  pour  percer  les  bondes  des  tonneaux. 

M.  Avril  se  distinguait  par  un  appareil  auquel  il  a  donné  le  nom  de  «  transformateur  », 
et  qui  sert  à  approprier,  comme  cela  se  présente  toujours  pour  les  rampes  d'escalier,  des 
dessins  faits  à  l'avance,  à  des  inclinaisons  quelconques. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  577 

Citons  également  M.  Brehier  pour  ses  appareils  spéciaux  destinés  au  chauffage  des  bois 
à  coller  et  à  plaquer,  qui  rendent  de  grands  services  dans  l'industrie  du  mobilier,  si  en  hon- 
neur dans  le  faubourg  Saint-Antoine  ;  M.  Collet,  le  grand  fabricant  de  coins  de  chemins  de 
fer,  qui  exposait  des  machines  à  faire  les  chevilles  de  bois  ;  MM.  Dolone,  Fauchet,  Nowe, 
Barbe  et  Jumeaux,  pour  leurs  machines  à  travailler  le  liège  ;  enfin  MM.  Marquet,  Zang  et 
d'Espine-Achard  qui  exposaient  une  série  de  machines,  toujours  à  travailler  le  bois,  mais 
dont  les  dispositifs  compliqués  ne  peuvent  être  étudies  ici  faute  de  place. 

Plusieurs  autres  machines  rentrant  pour  la  plupart  dans  le  travail  du  bois,  et  quelques- 
uns  dans  le  travail  des  métaux  et  qui  figuraient  dans  cette  classe,  eussent,  nous  semble-t-il, 
été  mieux  à  leur  place  dans  la  classe  LUI  (machines-outils),  ce  qui  eût  permis  de  faire  d'ins- 
tructives comparaisons  entre  les  machines-outils  à  travailler  les  métaux  et  celles  à  travailler 
le  bois. 

Ainsi  on  rencontrait,  dans  la  classe  LVII,  des  machines  à  charronnage,  de  M.  Mougeotte, 
et  des  affuteuses,  de  MM.  Barthoin,  Martinier,  Mougeotte  et  Prat,  et  des  fraises,  exposées  par 
MM.  Mongin  et  Cie. 

M.  Wissé  exposait  une  série  de  petits  outils  spéciaux  pour  tailler  les  cames  ou  organes 
saillants,  montés  sur  un  arbre  cylindrique,  qui  se  rencontre  dans  un  grand  nombre  de 
machines  et  qui  ont  pour  objet  soit  de  soulever  des  pilons,  soit  plus  généralement  de  faire 
mouvoir  une  pièce  suivant  une  loi  déterminée. 

Il  nous  reste  à  citer  encore  quelques  industriels,  tels  que  MM.  Messain  et  Le  Mclle 
pour  leurs  outils  à  bois  d'amateur;  MM.  Chouanard,  Ganlier,  Gautier  pour  leurs  expositions 
séparées  d'outils  employés  en  menuiserie  ;  M.  Goin  pour  son  tour  à  façonner  les  roues  de 
voitures;  M.  Dard  avec  ses  machines  destinées  à  cintrer  et  à  décercler,  c'est-à-dire  à  mettre 
en  place  les  cercles  des  roues  et  servant  aussi  à  les  décercler  sans  risquer  de  briser  la  jante. 

Produits  céramiques.  —  Les  machines  employées  à  la  fabrication  des  produits  cérami- 
ques en  général,  et  particulièrement  à  la  fabrication  des  briques,  étaient  groupées  dans  la 
bande  de  la  classe  LVII  la  plus  rapprochée  de  l'École  militaire. 

La  principale  industrie  qui  figurait  dans  cette  section,  celle  tout  au  moins  qui  attirait 
le  plus  l'attention  générale,  était  incontestablement  celle  de  la  fabrication  de  la  porcelaine, 
très  bien  représentée  par  l'importante  maison  de  Limoges  dirigée  par  M.  Faure.  Une  série  de 
machines,  montrant  bien  leur  ingénieux  mécanisme,  permettait  aux  curieux  de  se  rendre 
compte  de  certaines  exigences  de  la  cuisson. 

On  sait  que  la  porcelaine  est  fabriquée  en  Chine  et  au  Japon  depuis  un  temps  immémo 
rial,  depuis  quarante  siècles  suivant  certains  auteurs,  et  qu'elle  y  est,  en  certains  endroits, 
si  commune,  qu'on  s'en  est  souvent  servi,  comme  on  se  sert  chez  nous  des  briques,  pour 
construire. 

Cette  poterie,  importée  en  Europe  au  xve  siècle  par  les  Portugais,  était  un  secret  pour 
nous.  C'est  un  maître  de  forges  de  Saxe,  du  nom  de  Bottger,  qui  leva  le  voile  de  cette 
fabrication;  il  reconnut  dans  une  sorte  d'argile  très  fin  qu'il  découvrit,  le  blanc  mat  de  la 
porcelaine  ;  c'était  le  kaolin,  la  terre  à  porcelaine.  Quelques  mots  sur  les  moyens  de  trans- 
former cette  terre  argileuse,  ce  kaolin,  en  assiettes  ou  autres  objets  courants  ne  seront  pas 
inutiles. 

Le  kaolin,  amené  à  l'état  de  pâte,  est  façonné  tantôt  au  tour,  tantôt  à  l'aide  de  moules 
m  37 


.">> 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


dans  lesquels  on  coule  la  pâte.  En  sortant  des  mains  du  tourneur  ou  du  mouleur,  les  objets 
sont  séchés  pendant  plusieurs  jours;  puis  on  les  enferme,  un  à  un,  dans  des  cazettes  ou 
étuis  en  briques  rél'ractaires,  qu'on  expose  ensuite  à  une  chaleur  modérée. 

Cette  opération  n'a  d'autre  but  que  de  chasser  l'humidité;  les  pièces  sont  amenées 
ainsi  à  l'état  dit  dégourdi.  Elles  sont  devenues  poreuses,  perméables  à  l'eau  et  happent  à  la 
longue.  Il  s'agit  alors  de  recouvrir  leur  surface  d'un  enduit  fusible  formant  vernis,  et  qu'on 


Forle  raboteuse  à  douLle  courroie,  grandeur  moyenne  11°  '1  1/â.  (J.  A.  Fay  et  C°,  constructeur.] 


nomme  émail  ou  couverte;  pour  cela  on  réduit  en  poussière  impalpable  une  pierre  blanche, 
nommée  pegmatite,  et  que  les  Chinois  appellent  pétunzé;  on  la  délaye  dans  un  baquet  d'eau 
où  elle  forme  une  bouillie  claire,  nommée  barbotine.  Les  assiettes  ou  autres  objets,  dans 
l'état  où  nous  les  avons  laissés  plus  haut,  sont  plongés  rapidement  dans  cette  bouillie,  où 
ils  se  vernisent.  Les  pièces  sont  alors  de  nouveau  enfermées  dans  des  cazettes  et  soumises 
cette  fois  à  une  température  élevée,  qui  achève  de  les  cuire.  Pour  les  poteries  embellies  de 
dessins  colorés,  les  opérations  sont  un  peu  plus  compliquées. 

Les  expositions  consacrées  exclusivement  à  la  brique  étaient  celles  de  MM.  Boulet  et  Cie 
(de  Paris),  Delahaye  (de  Tours),  Joly  et  Foucard  (de  Blois),  Schmerber  (de  Tagolsheim);  elles 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  579 

sont  toutes  très  remarquables.  La  fabrication  des  briques  est  très  importante  en  France,  et 
beaucoup  de  maisons  approvisionnent  même  l'étranger,  surtout  la  Turquie  et  les  républiques 
de  l'Amérique  méridionale. 

On  sait  que  les  briques  et  les  tuiles  sont  faites  avec  les  argiles  les  plus  grossières.  On  en 
fait  d'abord  une  pâte,  qu'on  moule  dans  des  cadres  de  formes  spéciales  et  qu'on  expose  en- 
suite au  soleil  où  elle  se  sèche;  les  briques  sont  alors  soumises  à  la  chaleur  d'un  four,  où 
elles  durcissent.  On  sait  la  consommation  considérable  qu'on  en  fait  dans  les  constructions, 
et  les  effets  décoratifs  si  pittoresques  qu'elles  permettent  de  réaliser.  L'importante  maison 
Pinette,  de  Chalon-sur-Saône,  figurait  aussi  avec  ses  machines  pour  tuileries  et  briqueteries. 

Toutes  les  briques  ne  sont  pas  pleines,  et  l'emploi  des  briques  creuses  est  même  très 
commun.  M.  Borie  exposait  une  machine  de  son  invention  pour  fabriquer  les  briques 
creuses.  M.  Ollagnier  (de  Tours)  exposait  aussi  des  machines  à  briques. 

La  classe  LVII  renfermait,  en  outre,  un  certain  nombre  de  broyeurs.  Les  machines  de  ce 
nom  sont  employées  pour  broyer  le  plâtre,  la  chaux,  les  ciments,  etc. 

Signalons  les  broyeurs  connus  de  M.  Fleury,  ceux  de  M.  Trolliet-Pochet  (broyeur  par 
roulement  et  à  force  centrifuge),  Morel,  Konow  (broyeurs  Alsing). 

Notons,  pour  terminer  avec  la  classe  LVII,  la  presse  à  démoulage  automatique  de 
M.  Chambrette-Bellon  (de  Bèze),  qui  a  pour  objet  le  démoulage,  opération  qui  consiste  à 
retirer  du  moule  une  pièce  lorsqu'elle  a  été  moulée. 


MATÉRIEL    ET    PROCÉDÉS 


DES   INDUSTRIES  CHIMIQUES 


g^ous  ce  titre,  nous  groupons  ici  les  classes  XLVll  (cuirs  et  peaux)  ;  LI  (matériel  des 
uw^  ar's  chimiques,  de  la  pharmacie  et  de  la  tannerie)  et  LVIII  (matériel  et  procédés  de 
*hr^S  la  papeterie,  des  teintures  et  des  impressions  i. 


CUIRS    ET    PEAUX 


L'industrie  des  cuirs  et  peaux  est  une  des  plus  importantes  de  la  France  non  seu- 
lement par  le  cliilfre  d'affaires  qui  s'y  rapportent,  mais  encore  par  les  capitaux  énormes 
qu'elle  nécessite  et  aussi  par  le  nombre  d'ouvriers  et  d'employés  qu'elle  occupe. 

Cette  industrie  prend  le  troisième  rang  sur  le  tableau  général  de  l'importation  et  de 
l'exportation  de  la  France.  Elle  est  classée  immédiatement  après  les  tissus  et  les  métaux. 

La  statistique  détaillée  pourrait  faire  croire  que  nos  exportations  et  importations 
ont  diminué  pendant  les  années  1886,  1887,  1888;  il  n'en  est  rien  cependant,  et  l'indus- 
trie des  cuirs  et  des  peaux  n'est  pas  en  décadence,  par  la  raison  que  la  décroissance  des 
chiftres  tient  seulement  à  la  baisse  énorme  qui  s'est  produite  sur  les  cuirs  depuis  quelques 
années.  En  effet,  si  l'on  rapporte  en  kilogrammes  l'importation  des  cuirs  ouvrés  et 
d'ouvrages  en  cuir,  on  trouve  approximativement  :  pour  1879,  un  poids  de  14,407,000  kilo- 
grammes, et  pour  1889,  un  poids  de  16,808,000  kilogrammes:  soit  une  différence  en  faveur 
de  1889  de  2,401,000  kilogrammes;  laquelle,  si  les  prix  eussent  été  les  mêmes  qu'en  1879, 
représenteraient  un  excédent  de  40,825,000  trancs  sur  l'année  1879. 

D  après  M.  Poullain,  le  très  distingué  rapporteur  de  la  classe  XLVII,  à  qui  nous  sommes 
redevables  des  renseignements  que  nous  publions  sur  cette  classe,  le  chiffre  d'aftaires  annuel 
dues  à  cette  industrie  est  de  trois  milliards  et  le  nombre  d'ouvriers  qu'elle  occupe  s'élève 
à  400,000. 


L'EXPOSITION"    UNIVERSELLE    DE    1889  581 

L'importation  des  cuirs  ouvrés  et  des  ouvrages  en  cuir  atteint  à  peine  le  sixième  de 
nos  exportations. 

Le  tannage  des  peaux  d'animaux  comprend  deux  modes  absolument  distincts  :  le 
tannage  lent  et  le  tannage  rapide.  En  France,  c'est  le  tannage  lent  qui  est  généralement 
pratiqué  et  qui  exige,  comme  on  dit  en  terme  du  métier,  du  tan  et  du  temps.  Ce  tannage 
donne  des  cuirs  d'excellente  qualité  et  d'une  grande  durée. 

Au  contraire,  dans  toutes  les  contrées  autres  que  la  France,  on  pratique  le  tannage 
rapide,  qui  donne  des  cuirs  de  moindre  durée  que  ceux  obtenus  par  le  tannage  lent. 

Malgré  l'abstention  regrettable  de  quelques  pays,  l'exposition  des  cuirs  a  été  très 
brillante,  très  substantielle,  et  elle  dépassait  très  sensiblement  les  expositions  précédentes 
par  la  qualité  des  produits  exposés. 

Dans  ce  tournoi,  la  France  et  la  Belgique  occupaient  les  premiers  rangs;  mais  il  est 
juste  de  dire  que  la  Russie,  l'Espagne,  le  Portugal,  le  Danemark,  la  Norvège,  la  Grèce, 
la  Serbie,  la  Roumanie  y  avaient  des  expositions  remarquables.  L'Angleterre  et  l'Italie 
étaient  incomplètement  représentées  à  l'exposition  des  cuirs,  bien  que  les  mérites  de 
l'Angleterre  dans  cette  industrie  soient  incontestables,  et  que  l'Italie,  de  son  côté,  ait  fait 
de  grands  progrès  dans  cette  partie  depuis  notre  Exposition  de  1878. 

Il  faut  enregistrer  aussi  que  les  États-Unis  de  l'Amérique  du  Nord,  la  République 
Argentine,  le  Mexique,  l'Uruguay,  le  Brésil,  le  Chili,  etc.,  avaient  de  très  belles  expositions, 
concernant  ce  genre  d'industrie. 

Avant  de  parler  des  produits  de  l'Exposition,  nous  rappellerons  rapidement  les  géné- 
ralités des  procédés  divers  du  tannage  : 

1°  Vaurien  tannage  ou  tannage  lent,  caractérisé  par  le  long  séjour  des  peaux  dans  les 
fosses  où  elles  sont  mises  en  contact  avec  de  l'écorce  de  chêne;  ce  tannage  donne  d'excel- 
lents résultats. 

2°  Le  tannage  à  la  flotte  abrège  des  deux  tiers  la  durée  des  opérations  de  l'ancien 
tannage,  mais  il  donne  des  produits  intérieurs  à  ceux  du  tannage  lent. 

3°  Le  tannage  à  l'électricité,  qui  est  récent  et  qui  permet  de  tanner  en  96  heures  une 
grosse  peau  de  bœuf,  laquelle  exige,  pour  le  même  travail,  16  à  18  mois  par  le  tannage 
lent,  et  5  à  6  mois  par  le  tannage  à  la  flotte.  Ce  tannage  à  l'électricité  est  d'ailleurs  trop 
nouveau  pour  que  le  jury  de  la  classe  XLVII  ait  pu  se  prononcer  sur  sa  valeur  industrielle 
et  sur  la  durée  de  ses  produits. 

L'inconvénient  de  l'ancien  tannage,  du  tannage  lent,  c'est  sa  lenteur  même,  parce 
qu'elle  oblige  à  immobiliser  des  capitaux  pendant  16  à  18  mois.  C'est  pour  réduire  cette 
période  improductive  des  capitaux  que  le  savant  Seguin  fit  des  recherches  qui  le  mirent 
sur  la  voie  d'une  autre  sorte  de  tannage  plus  rapide  connu  aujourd'hui  sous  le  nom  de 
tannage  à  la  flotte.  Enfin  Vauquelin  et  Sterling  sont  parvenus  à  réaliser  ce  tannage  dont 
nous  parlerons  ci-après. 

Par  rapport  à  l'Exposition,  nous  aurons  à  considérer  les  catégories  suivantes  de  pro- 
duits :  les  cuirs  façonnés,  les  cuirs  tannés  et  corroyés,  les  cuirs  vernis,  les  cuirs  maro- 
quinés,  les  cuirs  mégissés,  les  cuirs  chamoisés,  les  cuirs  hongroyés,  les  cuirs  parcheminés. 

Ces  produits  exigent  chacun  une  fabrication  spéciale  qui  ne  pourrait  être  décrite  ici 
en  détail;  mais,  au  point  de  vue  de  la  transformation  des  peaux  dont  nous  dirons  quelques 


582  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

mots,  il  n'y  a  en  tannerie  que  deux  grandes  classifications  :  1°  les  cuirs  durs  ou  forts; 
2°  les  cuirs  à  œuvre  ou  cuirs  mous. 

Les  cuirs  forts  sont  réservés  pour  les  semelles  des  chaussures.  Ils  doivent  présenter  un 
grain  serré,  une  pâte  homogène,  une  couleur  uniforme.  Ils  se  fabriquent  avec  des  peaux 
de  bœuf  d'outre-mer,  provenant  de  l'Amérique  du  Sud.  La  qualité  particulière  de  ces 
cuirs  est  attribuée  à  cette  circonstance  que  les  bœufs  de  cette  région  sont  élevés  à  l'état 
sauvage  dans  d'immenses  plaines. 

Les  cuirs  à  œuvre  ou  cuirs  mous  sont  destinés  à  être  ouvrés.  Ils  acquièrent,  par  les 
opérations  de  la  corroierie,  la  couleur,  la  souplesse,  le  moelleux  ou  la  fermeté  réclamés  par 
les  usages  divers  auxquels  on  les  emploie  dans  la  sellerie,  la  bourrelerie,  les  équipe- 
ments militaires,  la  chaussure,  etc. 

Dans  la  confection  des  cuirs  à  œuvre,  on  emploie  toutes  sortes  de  peaux,  celles  de 
taureau,  de  bœuf,  de  vache,  de  veau,  de  cheval,  de  mouton,  de  chèvre,  etc. 

Dans  la  préparation  des  cuirs  forts,  on  enlève  généralement  le  poil  des  peaux  h 
Y  échauffe;  c'est-à-dire  que  les  peaux  sont  empilées  les  unes  sur  les  autres;  la  fermenta- 
tion naturelle  qui  en  résulte  détermine  dans  le  tissu  épidermique  un  relâchement  qui 
permet  un  épilage  facile.  Après  cette  opération,  l'écharneur  enlève  les  chairs  et  nettoie  des 
deux  côtés  les  peaux  qui  sont  alors  prêtes  à  être  mises  en  passerie,  qui  est  la  préparation 
des  cuirs  à  recevoir  une  nourriture  préparatoire  avant  de  les  mettre  en  contact  avec  du 
tan  pur.  Si  on  les  mettait  immédiatement  dans  du  jus  de  tan,  l'épiderme  des  cuirs  se  cris- 
perait et  il  ne  serait  plus  possible  de  les  tanner. 

Un  train  de  passerie  se  compose  d'une  série  de  cuves  remplies  de  jus  de  tan  gradué. 
On  fait  tremper  les  peaux  pendant  vingt-quatre  heures,  successivement  dans  chacune,  en 
commençant  par  la  cuve  du  degré  le  plus  faible.  Dans  la  dernière  cuve  on  ajoute  un  peu 
d'acide  sulfurique.  Il  faut  ensuite  nourrir  les  cuirs;  ce  qui  se  fait  par  les  opérations  de  la 
potée  et  des  refaisages.  Ces  deux  opérations  consistent  à  étaler  les  peaux  à  diverses  reprises 
pendant  un  certain  nombre  de  jours  dans  des  cuves  plus  grandes  que  les  précédentes,  en 
ayant  soin  de  séparer  les  peaux  les  unes  des  autres  par  une  couche  de  gros  tan  et  d'écos- 
sons  et  en  les  abreuvant  de  jus  de  tan  pur.  Ces  deux  opérations  demandent,  la  première 
quinze  jours  et  la  seconde  quarante-cinq  jours.  Après  cette  manipulation,  les  cuirs  sont 
seulement  teints,  et  il  reste  à  remplir  leurs  pores  de  tan.  C'est  alors  que  commence  l'œuvre 
des  fosses. 

Les  fosses  sont  de  grandes  cuves  rondes  ou  carrées,  en  bois,  en  maçonnerie,  enfoncées 
dans  le  sol.  Leur  fond  est  recouvert  d'une  couche  épaisse  de  tannée  (tan  ayant  déjà  servi), 
et  par-dessus  on  étale  une  couche  de  5  centimètres  d'épaisseur  de  tan  neuf  que  l'on  étend 
sur  une  première  peau,  puis  par-dessus,  une  deuxième  peau,  et  au-dessus  une  nouvelle 
couche  de  tan,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  que  la  fosse  présente  à  sa  partie  supérieure  un 
vide  de  50  centimètres  de  hauteur  que  l'on  remplit  avec  du  tan  neuf,  le  tout  recouvert  par 
une  couche  de  20  centimètres  d'épaisseur  de  tannée  fraîche;  enfin  on  abreuve  la  fosse  de 
jus  pur.  Cette  opération  qui  se  renouvelle  trois  ou  quatre  fois  suivant  l'épaisseur  des  cuirs, 
dure  chaque  fois  trois  à  cinq  mois.  Les  cuirs  sont  complètement  tannés.  En  terme  du  métier 
cela  s'appelle  tanner  en  trois  ou  quatre  poudres. 

Cuir*  à  œuvre.  —  Pour  les  préparer,  on  emploie  presque  toujours  la  chaux  comme 


584  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

agent  épilatoire.  Le  travail  se  fait  dans  les  pelains  qui  sont  des  cuves  carrées  en  maçonnerie 
d'une  capacité  de  10  à  12  mètres  cubes;  elles  sont  enfoncées  dans  le  sol.  Un  train  de  pelains 
se  compose  ordinairement  de  trois  pelains  :  le  pelain  mort,  le  pelain  moyen  et  le  pelain  vif. 

Les  pelains  reçoivent  15  litres  de  chaux  éteinte  par  mètre  cube  d'eau  dans  le  pelain 
mort  ;  environ  30  litres  par  mètre  cube  d'eau  dans  le  pelain  moyen  et  50  à  60  litres  dans  le 
pelain  vif. 

Les  peaux  bien  lavées  séjournent  quarante-huit  heures  dans  chacun  de  ces  pelains; 
après  quoi,  on  les  retire  et  on  les  laisse  en  pile  jusqu'à  ce  que  le  poil  s'enlève  facilement  à 
la  main. 

L'épilage  se  fait  rapidement;  puis  on  écharne  les  peaux.  Il  est  indispensable  de  les 
purger  aussi  complètement  que  possible  de  la  chaux  qu'elles  renferment:  ce  qui  se  fait  par 
plusieurs  lavages.  Après  tous  ces  lavages  en  rivière,  les  peaux  sont  prêtes  à  entrer  en 
passer  ie. 

Dans  une  première  opération,  on  les  fait  tremper  pendant  un  ou  deux  jours  dans  des 
jus  faibles  (de  tan)  qui  ont  été  déjà  mis  en  contact  avec  d'autres  peaux  :  cela  constitue  la 
première  cuve  à  laquelle  on  ajoute  une  certaine  quantité  de  tan.  Les  peaux  y  séjournent 
pendant  six  à  huit  jours;  après  quoi,  elles  passent  dans  une  deuxième  cuve  contenant  du 
jus  un  peu  plus  fort  que  celui  de  la  première  cuve;  puis,  dans  une  troisième  cuve,  en 
augmentant  la  dose  de  tan,  et  enfin  dans  une  quatrième  contenant  des  jus  purs. 

Après  ce  travail  de  la  passerie,  qui  dure  cinq  à  six  semaines,  les  peaux  de  bœuf  sont 
complètement  traversées  par  le  tannin  et  ont  acquis  leur  couleur  définitive;  elles  sont  suffi- 
samment gonflées  et  ont  une  certaine  fermeté  sans  être  dures.  Elles  ont  encore  besoin  de 
deux  refaisages,  d'un  mois  chacun,  dans  de  très  bons  jus  accompagnés  d'une  addition  de  tan. 

Après  ces  deux  refaisages,  les  peaux  ont  encore  besoin  de  se  nourrir  à  satiété,  c'est-à- 
dire  jusqu'à  ce  qu'elles  ne  puissent  plus  prendre  de  tannin.  Ce  travail  exige  de  trois  à 
quatre  bonnes  poudres  dans  les  fosses. 

Tannage  à  la  flotte  ou  aux  extraits  (tannage  rapide).  —  Les  travaux  préparatoires  de 
rivière  sont  les  mêmes  que  ceux  qui  ont  été  décrits  précédemment  pour  la  préparation  des 
cuirs  à  œuvre. 

Ce  genre  de  tannage  comporte  un  train  de  douze  cuves  remplies  d'eau  et  d'extraits 
tanniques  de  divers  degrés.  La  première  cuve  titre  0°,2  (Baume),  la  deuxième  0°,4  et  ainsi 
de  suite  avec  la  même  progression  jusqu'à  la  douzième  cuve  dont  le  titre  est  2", 4.  Les  peaux 
sont  d'abord  placées  dans  la  première  cuve  pendant  deux  jours  avec  une  petite  quantité 
d'acide  oxalique;  ensuite  dans  la  deuxième  cuve,  pendant  huit  à  dix  jours;  puis  dans  la 
troisième  pendant  le  même  temps,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  la  douzième  cuve.  Alors  les 
peaux  sont  tannées. 

Généralement,  les  cuirs  ainsi  préparés  ont  la  fleur  plus  épaisse  que  ceux  tannés  à 
l'écorce  de  tan;  leur  grain  est  moins  serré;  ils  sont  plus  perméables  à  l'eau;  en  terme  de 
métier,  ils  sont  creux.  L'avantage  du  procédé,  c'est  la  rapidité  des  opérations;  mais  les 
cuirs  à  la  flotle  sont  moins  bons  à  l'usage  que  les  cuirs  à  tan  ;  ils  deviennent  cassants. 
Cependant  il  faut  noter  une  particularité  curieuse  :  ils  présentent  une  plus  grande  résis- 
tance dynamométrique  que  les  cuirs  à  tan,  sans  doute  parce  que  le  tannage  des  cuirs  à 
la  flotte  est  plus  incomplet  que  dans  les  cuirs  préparés  par  le  tannage  lent. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  5S5 


Aussi  beaucoup  de  tanneurs  en  Europe,  frappés  des  inconvénients  du  tannage  à  la 
flotte,  ont-ils  adopté  un  tannage  mixte  :  dit  aux  extraits  et  aux  éeorees.  Ils  traitent  d'abord 
les  peaux  à  la  flotte  et  les  terminent  en  fosses  en  une  ou  deux  poudres. 

Tannage  par  l'électricité.  —  Cette  dénomination  pourrait  induire  en  erreur  par  rapport 
au  principe  actif;  mais,  dans  ce  procédé  rapide,  c'est  encore  le  tannin  qui  transforme 
les  peaux  en  cuir.  L'électricité  est  simplement  un  agent  qui  accélère  l'absorption  du 
tannin. 

L'idée  de  faire  intervenir  l'électricité  a  déjà  quelques  années.  Des  essais  ont  été  faits 
par  M.  de  Méritens,  qui,  parait-il,  l'ont  conduit  à  en  faire  une  application  dans  une  tan- 
nerie de  Saint-Pétersbourg;  mais  le  système  présenté  par  MM.  Worms  et  Bulé  est  le  plus 
remarquable  dans  l'espèce  par  les  résultats  rapides  qu'il  donne.  En  quelques  jours,  ce 
système  permet,  en  effet,  de  tanner  des  peaux  qui  exigent  de  trente-cinq  à  soixante 
jours  par  les  autres  procédés,  employant  aussi  l'électricité. 

Sans  pouvoir  reproduire  ici  les  détails  de  l'installation  électrique,  indiqués  dans  un 
article  de  M.  Rigaut  {La  lumière  électrique),  nous  rappellerons  d'après  lui  que  le  procédé 
repose  sur  ce  fait  que  l'accélération  du  tannage  peut  être  obtenue  : 

1°  Par  l'agitation  de  la  peau  en  contact  avec  le  liquide  tannique; 

2°  Par  circulation  d'un  courant  électrique  à  travers  le  liquide. 

M.  Poullain,  que  nous  avons  déjà  cité,  dit  en  parlant  du  procédé  :  «  qu'il  en  résulte 
que  sans  addition  d'acide  et  avec  le  concours  seulement  d'un  agent  physique,  qui  semble 
n'avoir  d'autre  rôle  que  d'introduire  le  tannin  et  de  l'assimiler  aux  peaux,  on  tanne  en 
quatre-vingt-seize  heures  de  gros  cuirs  de  bœuf  qui  exigent,  par  les  anciens  procédés, 
de  cinq  à  vingt  mois.  C'est  certainement  merveilleux,  ajoute-t-il,  mais  il  s'agit  mainte- 
nant de  savoir  si  les  cuirs  ainsi  fabriqués  sont  d'aussi  bonne  qualité  à  l'usure  que  les 
cuirs  tannés  à  l'écorce  ou  même  à  la  flotte.  L'expérience  nous  en  donnera  la  preuve.  » 

PRODUITS  DE  LA  CLASSE  XLY1I  A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE 

Après  avoir  rappelé  brièvement  quelques-unes  des  opérations  de  la  tannerie,  il  nous 
reste  à  parler  plus  spécialement  des  produits  exposés  dans  la  classe  XLVTI,  produits 
c  ompris  dans  les  catégories  que  nous  avons  énoncées  au  commencement  de  notre  étude. 

Cuir*  façonnés.  —  Lorsque  les  cuirs  sont  tannés,  ils  subissent  une  opération  mécanique, 
le  battage,  qui  a  pour  effet  de  resserrer  le  tissu  du  cuir,  de  lui  donner  une  épaisseur 
uniforme  et  d'en  rendre  la  surface  plus  lisse.  Autrefois,  cette  opération  se  faisait  au 
moyen  de  marteaux  de  cuivre  mus  par  des  cames;  aujourd'hui,  ce  travail  se  fait  plus 
rapidement  par  une  machine  actionnée  par  la  vapeur. 

La  France  est  le  pays  qui  produit  les  plus  beaux  cuirs.  Paris,  Sains,  Pont-Audemer, 
Givet,  présentaient  des  expositions  splendides. 

A  signaler  une  exposition  de  cuirs,  tannés  dans  le  Midi,  lesquels  possèdent  de  très 
grandes  qualités  de  résistance,  mais  qui  malheureusement  exhalent  une  odeur  désagréable. 

La  Belgique  est  la  rivale  de  la  France  pour  les  cuirs  forts  ;  toutes  deux  les  fabriquent 
par  les  anciens  procédés  de  tannage  (aux  écorces  de  chêne).  Les  cuirs  français  lissés 
tenaient  le  premier  rang  à  l'Exposition;  les  cuirs  lissés  belges  sont  superbes;   mais  ils 


586  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

sont  tannés  aux  extraits  (méthode  rapide)  et  présentent  le  défaut  inhérent  à  ce  tannage. 
Les  cuirs  lissés  exposés  par  les  pays  d'outre-mer  pèchent  par  un  excès  de  fermeté 
qui  les  rend  cassants. 

Cuirs  tannés  et  corroyé*.  —  Les  cuirs  tannés  à  œuvre  subissent  certaines  préparations 
qui  les  rendent  plus  ou  moins  durs,  plus  ou  moins  souples  et  aptes  à  être  utilisés  par 
les  bottiers,  les  bourreliers,  les  selliers,  les  carrossiers,  les  coffretiers,  les  gainiers,  les 
relieurs,  etc.  Les  procédés  très  variés  pratiqués  pour  donner  aux  cuirs  des  qualités 
industrielles,  suivant  leurs  usages,  sont  du  ressort  de  la  corroierie  et  ne  peuvent  être 
décrits  dans  un  compte  rendu  rapide. 

Cuirs  pour  sellerie,  bourrellerie,  équipement  militaire.  —  La  plupart  de  ces  cuirs  sont 
tirés  de  l'Angleterre.  Ils  doivent  leur  réputation  à  leur  couleur  spéciale  et  aussi  à  leur 
moelleux.  Malheureusement  les  spécialistes  anglais  de  cette  industrie  n'ont  pas  pris  part  à 
notre  exposition.  Il  a  donc  été  impossible  d'y  constater  la  supériorité  des  cuirs  anglais. 

Les  exposants  de  Paris,  de  Pont-Àudemer,  de  Douai,  de  Caudebec,  de  Toulon  mon- 
traient des  cuirs  remarquables.  Une  maison  d'Amiens  avait  une  belle  exposition  de 
cuirs  imprimés  et  gaufrés. 

Il  faut  citer  aussi  un  tanneur  de  Paris  pour  sa  remarquable  exposition  de  peaux 
de  cochon  de  toutes  nuances,  pouvant  être  utilisées  pour  la  sellerie  et  l'ameublement. 
Signalons  aussi  un  corroyeur  de  Douai  pour  ses  cuirs  à  cardes  et  à  manchons  de 
filature. 

La  fabrication  des  cuirs  à  courroies  était  largement  représentée  par  les  fabriques 
de  Paris,  Pont-Audemer,  Château-Renault. 

L'exposition  des  cuirs  à  œuvre  (cuirs  mous)  de  la  Belgique  est  à  signaler. 

Les  peaux  de  morse  de  Norvège,  malgré  leur  grande  épaisseur,  étaient  d'un  tan- 
nage réussi. 

Il  faut  citer  aussi  trois  industriels  d'Espagne,  d'Italie  et  des  Etats-Unis  de  l'Amé- 
rique du  Nord  qui  exposaient  des  cuirs  de  toute  beauté,  fabriqués  à  la  façon  de  Cordoue. 

Cuirs  de  luxe.  Veau.  Cuir  verni.  —  Le  veau  pour  chaussures  de  ville  de  luxe  est 
recherché.  Le  veau  fin  blanc  continue  à  être  très  bien  fabriqué  dans  les  usines  de  Paris, 
Millau,  Annonay,  Montpellier  et  Lyon.  Une  deuxième  catégorie,  le  veau  lourd,  est  surtout 
exporté  en  Angleterre. 

La  Suisse  et  la  France  sont  les  pays  où  l'on  fabrique  le  mieux  le  veau  blanc.  Lau- 
sanne se  faisait  remarquer  particulièrement  pour  ce  genre  d'industrie. 

Les  expositions  de  l'Italie,  de  l'Espagne,  de  la  République  Argentine,  de  l'Uruguay, 
des  États-Unis  de  l'Amérique  du  Nord  étaient  intéressantes  à  étudier  au  point  de  vue 
général  des  efforts  que  font  ces  divers  pays  pour  arriver  à  être  de  moins  en  moins 
tributaires  des  fabriques  françaises. 

Les  cuirs  vernis  ont  pris  naissance  en  Angleterre  en  1780  ;  ils  ont  été  introduits  en 
France  en  1801  ;  ils  se  sont  développés  et  perfectionnés  en  France  pour  la  chaussure 
de  luxe,  et  l'Angleterre  est  devenue  notre  tributaire  pour  ce  genre  d'industrie. 

La  fabrication  des  cuirs  vernis  est  difficile.  Elle  était  très  bien  représentée  dans 
l'exposition  française  par  des  applications  à  la  chaussure,  à  la  sellerie,  à  la  car- 
rosserie. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  5*7 

La  Belgique  présentait  de  beaux  cuirs  vernis.  Les  expositions  étrangères  montraient 
des  progrès  réalisés  dans  ce  genre  d'industrie,  bien  que  leurs  produits  soient  inférieurs 
aux  produits  français. 

Maroquinerie.  —  C'est  la  plus  intéressante  et  la  plus  difficile  des  industries  des  cuirs. 
Elle  est,  comme  le  vernis,  un  article  de  luxe.  La  maroquinerie  se  fait  avec  des  peaux 
de  chèvre  et  de  bouc.  Les  veaux  et  les  moutons  préparés  de  la  même  façon  ne  sont 
que  des  peaux  rnaroquinées. 

L'Exposition  présentait  les  produits  de  maroquinerie  de  deux  maisons,  l'une  à 
Saint-Denis,  l'autre  à  Choisy-le-Boi,  qui  maintiennent  la  réputation  que  cette  branche 
de  notre  industrie  des  cuirs  a  acquise  dans  le  monde  entier. 

La  Belgique  avait  aussi  une  belle  exposition  de  maroquinerie. 

Cuirs  de  Russie.  —  Les  cuirs  de  Bussie  dont  la  réputation  est  universelle  se  préparent 
d'une  tout  autre  manière  que  les  cuirs  ordinaires.  Ils  sont  le  plus  souvent  teints  en 
rouge  et  répandent  une  odeur  aromatique  très  estimée  dans  les  ouvrages  de  maroqui- 
nerie. Ces  cuirs  ont  le  double  avantage  de  ne  pas  moisir  et  d'être  inattaquables  par  les 
insectes. 

La  colossale  fabrique  des  cuirs  de  Bussie,  qui  alimente  le  monde  entier,  a  son 
siège  à  Saint-Pétersbourg.  Elle  présentait  au  Champ-de-Mars  une  superbe  exposition. 
Il  faut  citer  aussi  dans  l'exposition  russe  les  belles  expositions  d'équipement  militaire 
de  Kazan  et  de  Saint-Pétersbourg. 

Mégisserie.  —  La  mégisserie  est  l'art  d'apprêter  les  peaux  en  blanc,  dont  on  tire 
profit  dans  la  ganterie  et  la  chaussure.  La  même  industrie  prépare  aussi  les  peaux  qui 
doivent  conserver  leurs  poils  ou  leur  laine  comme  celles  des  tapis,  des  housses  et  des 
fourrures. 

Dans  le  principe,  les  peaux  employées  dans  la  mégisserie  étaient  les  plus  fines  et 
les  plus  douces,  comme  celles  d'agneau  et  de  chevreau.  Plus  tard,  le  mouton  est  entré 
dans  une  large  part  dans  cette  industrie.  Aujourd'hui,  on  y  ajoute  les  veaux,  les  chevrettes 
et  les  peaux  de  poulaines  provenant  de  Bussie  et  celles  des  kangurous  d'Australie. 

La  mégisserie  était  représentée,  à  peu  près  exclusivement,  par  la  France. 

L'Angleterre  fabrique  cependant  une  spécialité  de  peaux  de  petits  veaux  de  Cour- 
lande,  destinés  à  la  ganterie  des  cochers. 

Chamoiserie.  —  C'est  l'industrie  qui  a  pour  objet  de  donner  une  grande  souplesse 
aux  peaux  tout  en  leur  conservant  une  grande  solidité,  et  de  les  rendre  imputrescibles. 
Cette  fabrication  emploie  les  peaux  de  bœuf  et  de  vache  pour  les  équipements  mili- 
taires, et  les  peaux  de  mouton  pour  gainiers,  relieurs,  culottiers. 

Paris  et  Chambéry  exposaient  dans  ce  genre  d'industrie  des  peaux  admirablement 
traitées.  A  citer  aussi  l'exposition  d'une  fabrique  de  Barcelone  et  une  autre  de  Moscou. 

Cuirs  hongroyés.  —  Dans  la  préparation  de  ce  cuir,  on  remplace  le  tan  par  du  chlo- 
rure d'aluminium  qui  a  la  propriété  de  conserver  la  matière  animale  sans  altérer  le 
tissu.  Ces  cuirs  sont  employés  dans  les  ouvrages  de  bourrelerie  et  de  sellerie. 

Cette  industrie  est  très  ancienne  et  l'on  en  doit  l'initiative  à  Sully,  qui  l'a  intro- 
duite en  France. 

Le  cuir  dit  de  Hongrie  se  prépare  avec  une  grande  rapidité  (deux  mois).  On  pour- 


588  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 

rait  préparer  par  le  même  procédé  toutes  les  peaux;  mais  on  ne  traite  que  le  bœui,  la 
vache,  le  veau  et  le  cheval. 

Parcheminerie.  —  La  parcheminerie  est  très  ancienne,  puisque,  d'après  Hérodote,  les 
Grecs  écrivaient  sur  des  peaux  de  mouton,  dépouillées  de  leur  laine. 

Cette  industrie  a  perdu  de  son  importance  depuis  qu'on  a  pu  remplacer  le  parche- 
min par  le  papier  fort. 

Le  vélin  se  fait  avec  des  peaux  de  veau.  Le  vélin  est  à  proprement  parler  une  qualité 
supérieure  de  parchemin.  Il  est  recherché  par  les  dessinateurs  et  pour  la  confection  des 
livres  d'église  de  grand  prix.  On  l'emploie  aussi  pour  la  gravure. 

Un  seul  fabricant  de  Paris  représentait  cette  industrie  par  de  superbes  parchemins 
blancs  et  des  parchemins  de  couleur. 

Pour  terminer,  nous  croyons  utile  de  citer  les  noms  des  exposants  français  ayant 
obtenu  de  grands  prix  dans  la  classe  XLVII  :  Ce  sont  MM.  Basset  et  fils,  Combe  et  Oriol, 
Corneillan  et  Cie,  Donau  et  Cie,  A.  Durand,  Leven  frères,  Petitpont  et  Cie,  Vve  Placide 
Peltereau,  Th.  Sueur  et  fils,  Trefousse  et  Cie. 


MATÉRIEL  DES  ARTS  CHIMIQUES  DE  LA  PHARMACIE  ET  DE  LA  TANNERIE 

Afin  qu'on  puisse  juger  de  la  variété  des  appareils  que  comportait  cette  classe,  il  nous 
suffira  de  dire  qu'on  y  rencontrait  les  outils  utiles  au  travail  des  peaux,  la  fabrication 
nouvelle  de  la  soie  artificielle,  la  gravure  sur  verre,  les  machines  à  lessiver,  à  fabriquer  les 
savons,  les  bougies,  le  gaz  d'éclairage,  l'utilisation  du  pétrole,  tout  le  matériel  si  compliqué 
de  la  pharmacie  et  de  la  chimie,  des  briques  réfractaires  et  des  appareils  en  platine  d'une 
grande  valeur. 

Tannerie.  —  Autrefois,  les  opérations  de  la  tannerie  exigeaient  des  ouvriers  excessive- 
ment robustes  et  très  habiles;  aujourd'hui,  elles  s'exécutent  dans  les  usines  bien  montées, 
au  moyen  de  machines.  Depuis  la  découverte  des  propriétés  de  Fécorce  de  chêne,  le  tannage 
proprement  dit  n'a  pas  subi  d'importantes  modifications;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  des 
importantes  manipulations  que  doit  subir  le  cuir  avant  et  après  l'immersion  dans  les  losses 
à  tan. 

Rappelons  en  quelques  mots  la  série  des  opérations  à  faire  subir  aux  peaux  d'animaux 
pour  les  transformer  en  cuir.  Les  peaux  sont  tout  d'abord  lavées  pour  les  ramollir,  puis  on 
procède  au  pelanage,  qui  consiste  à  les  débarrasser  des  poils  et  de  l'épiderme  au  moyen  de 
chaux  et  de  produits  chimiques. 

Vient  ensuite  l'opération  du  débourrage,  par  laquelle  le  poil  et  la  chair  sont  complète- 
ment enlevés.  Autrefois,  on  raclait  pour  cela  la  peau  de  bas  en  haut  avec  un  couteau 
émoussé;  aujourd'hui,  on  emploie  des  machines  spéciales  composées  d'une  table  inclinée 
sur  laquelle  la  peau  glisse  et  est  entraînée  par  un  cylindre  d'appel,  en  passant  sous  des 
couteaux  hélicoïdaux  d'un  autre  cylindre  qui  rase  tous  les  poils.  Une  autre  machine,  dite 
ëcharneuse,  débarrasse  le  cuir  des  lambeaux  de  chair  ou  de  graisse  restés  adhérents.  Cela 
fait,  on  passe  au  quersage,  opéré  par  une  machine  promenant  une  pierre  d'ardoise  sur  la 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


5S9 


peau,  arroser  d'un  courant  d'eau.  Les  peaux  sont  introduites  ensuite  dans  des  cuves  conte- 
nant une  dissolution  de  jusée  ou  tannée  acide.  Après  un  séjour  de  quinze  jours,  elles  se  sont 
gonflées;  on  les  retire  de  ces 
cuves  pour  leur  faire  subir 
le  tannage  proprement  dit 
et  on  les  porte  alors  aux 
losscs  où  on  les  dispose  par 
couches  séparées  par  du  tan . 
Elles  y  séjournent  de  trois 
à  six  mois.  On  emploie  sur- 
tout comme  tan  l'écorce  de 
chêne  ;  mais  le  saule,  l'aulne, 
le  châtaignier  et  le  sumac 
peuvent  aussi  fournir  du 
tan.  Retirés  alors  de  ces 
cuves,  les  cuirs  sont  prêts 
pour  le  battage. 

L'Exposition    montrait 
tout  l'outillage  de  la  tanne- 


rie;  notamment   celui    de 

MM.  Allard  frères   et  MM. 

Lutz,  Tourin  et  Bérendorf, 

inventeurs     de     machines 

diverses,  prenant  les  peaux 

à  leur  sortie  de  l'abattoir  et  les  transformant  en  cuirs  de  toute  nature,  depuis  celui  qui 

sert  à  la  fabrication  des  semelles  de  chaussures  et  des  courroies,  jusqu'aux  peaux  si  fines 


Presses  à  tannée  à  pression  élastique. 


Nouvelle  machine  à  palissonner  et  à  ouvrir  les  peaux  mégies  ou  autres,  en  blanc,  noir  ou  couleur. 

(Jules  Le  Blanc,  constructeur.) 

qui  servent  à  la  fabrication   des  gants.  On   remarquait  aussi  les  presses  à  tanner  de 
M.  Albert  Huguet  (ancienne  maison  Breval). 


590  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Des  machines  à  lisser  les  cuirs  étaient  exposées  par  M.  Eott;  une  machine  à  travailler 
les  cuirs  tannés,  par  M.  Baruelle  ;  une  autre  à  butter  les  cuirs,  de  M.  Ménard,  et  une  machine  à 
écharner,  par  M.  Molinier.  Tous  les  outils  à  main  à  l'usage  des  tanneurs  figuraient  dans  une 
vitrine  de  M.  Bossière. 

M.  Le  Blanc  avait  exposé  dans  cette  classe  plusieurs  machines  à  palissonner  et  ouvrir 
les  peaux  mégies,  pour  mouton,  chèvre,  chevrette,  etc. 

Le  type  que  nous  reproduisons  ici  a  0"\600  de  course  au  palisson;  elle  permet  à  un 
jeune  homme  ou  à  une  femme  d'ouvrir  et  de  palissonner  en  dix  heures  300  à  400  peaux 
sans  altérer  aucunement  la  fleur  et  en  la  débordant  dans  la  perfection. 

Soie  artificielle.— Parmi  les  nouveautés  de  cette  classe  figurait  l'exposition  de  M.  le  comte 
de  Chardonnet,  la  soie  artificielle.  Son  procédé  consiste  à  filer  sous  pression,  dans  un  liquide, 
du  collodion,  que  l'on  dénitrifie  ensuite  de  façon  à  lui  enlever  sa  trop  grande  combustibilité; 
le  produit  ainsi  obtenu  ressemble  à  s'y  méprendre  à  de  la  soie,  tant  par  la  composition  et  la 
ténacité  que  par  l'aspect  et  le  toucher.  En  colorant  ce  collodion,  on  obtient  ainsi  des  soies 
artificielles  de  couleurs  diverses. 

Gravure  sur  verre.  —  Plusieurs  exposants,  tels  que  MM.  Danse,  Vautrin,  etc.,  montraient 
leurs  tours  à  graver  le  verre;  la  rapidité'  avec  laquelle  l'artiste  formait  un  dessin  ou  un 
chiffre,  au  moyen  d'une  petite  molette  enduite  d'émeri  tournant  très  rapidement,  était  vrai- 
ment surprenante. 

Machines  à  lessiver.  —  Les  appareils  de  lessivage  et  de  buanderie  de  31.  H.  Chasles, 
destinés  aux  hôpitaux,  casernes,  hôtels  et  autres  grands  établissements,  étaient  fort  remar- 
qués. Ces  appareils  fonctionnaient  devant  le  public,  qui  pouvait  ainsi  assister  au  blanchi- 
ment complet  d'un  objet  de  lingerie  quelconque,  depuis  le  moment  de  son  introduction 
dans  l'eau  jusqu'à  celui  où  il  sortait  complètement  repassé,  au  moyen  d'un  appareil  à 
cylindre  recouvert  de  feutre  et  chauffé  par  la  vapeur.  -Parmi  les  autres  lessiveuses  exposées, 
citons  celles  de  MM.  Piet,  Ledeuil,  Vivifie,  etc.  Parmi  les  appareils  spéciaux  pour  sécher  et 
repasser  le  linge,  on  remarquait  les  essoreuses  Legrand. 

Machines  à  fabriquer  les  savons  et  les  bougies.  —  On  sait  que  les  savons  s'obtiennent  en 
traitant  les  corps  gras  (huiles  et  graisses)  par  des  bases  puissantes  ou  alcalis;  puis  en 
transformant  en  pains  les  masses  savonneuses  ainsi  obtenues.  Les  bases  employées  sont  la 
potasse,  qui  donne  naissance  aux  savons  mous,  et  la  soude,  qui  produit  les  savons  durs. 

La  fabrication  des  savons  était  représentée  par  les  machines  de  MM.  Beyer  frères,  qui 
montraient  en  outre  un  mélangeur  de  parfums  pour  savons  de  luxe.  M.  Simon  Dubois 
exposait  aussi  une  savonnerie,  et  M.  Droux,  son  saponifieateur  sphérique,  à  mélangeur 
intérieur,  très  bien  conditionné.  Enfin  M.  P.  Moranne  aine  montrait  ses  appareils  en  cuivre 
pour  saponifier  et  distiller  les  corps  gras,  ses  presses  hydrauliques  pour  le  travail  des  acides 
gras,  ses  appareils  à  évaporer  les  eaux  glycérineuses,  et  enfin  ses  machines  à  mouler  pour 
la  fabrication  des  bougies  stéariques  et  de  paraffine.  La  savonnerie  et  la  stéarinerie  étaient 
encore  représentées  par  les  machines  Greiss. 

La  stéarinerie  consiste  à  fabriquer  les  bougies;  l'acide  stéarique  est,  comme  on  sait, 
extrait  du  suif  de  bœuf  ou  de  mouton.  Ce  suif  est  d'abord  fondu  dans  des  cuves,  en  pré- 
sence d'eau  et  de  chaux;  la  chaux  dédouble  ce  suif  en  glycérine,  qui  se  dissout  dans  l'eau, 
et  en  acides  gras  qui  forment  des  stéarates  et  autres  sels  de  chaux  insolubles.  Par  une  série 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  591 

de  réactions  chimiques,  on  arrive  à  isoler  un  mélange  des  acides  stéarique  et  margarique, 
qui,  après  purification,  sont  fondus  dans  des  moules  ayant  la  forme  des  bougies  et  portant 
chacun  une  mèche  de  coton  dans  leur  axe. 

La  fabrication  des  bougies  était  représentée,  entre  autres,  par  la  Compagnie  de  la 
stéarinerie  française,  par  MM.  Morane  jeune,  Huguet,  Pardailhé  et  Galabrun,  etc.  (machines 
à  stéariner,  à  couler,  à  polir  les  bougies,  etc.). 

Machines  à  fabriquer  le  gaz  d'éclairage  et  compteurs.  —  MM.  Rouart  frères  montraient 
leurs  appareils  d'éclairage  au  moyen  du  lucigèm.  Cet  éclairage,  très  économique  et  très 
puissant,  est  produit  par  la  pulvérisation  des  huiles  lourdes.  Chaque  bec,  dont  l'intensité 
est  de  2,000  bougies,  se  manœuvre  très  facilement  et  ne  s'éteint  ni  au  vent  ni  à  la  pluie. 

Le  régulateur  de  pressions  des  gaz,  de  M.  Giroud,  et  l'application  de  l'électricité  aux 
compteurs  par  la  Compagnie  des  compteurs  et  matériel  des  usines  à  gaz,  sont  à  signaler. 
Une  autre  société,  la  Compagnie  continentale  pour  la  fabrication  des  compteurs  à  gaz, 
exposait  ses  nouveaux  compteurs  insiphonables,  ce  qui  rend  les  mesures  plus  exactes. 
MM.  Closson  et  Maldant,  enfin,  montraient  les  modifications  qu'ils  ont  apportées  aux  comp- 
teurs, en  supprimant  la  boite  à  gaz,  afin  d'augmenter  l'exactitude  de  l'instrument. 

L'industrie  du  pétrole.  —  Le  pétrole  ou  naphte,  dont  l'utilisation  est  relativement  récente, 
avait  un  pavillon  spécial  sur  le  quai,  au  pont  d'Iéna,  formant  l'exposition  de  MM.  Deutsch. 
On  y  pouvait  très  bien  suivre  les  procédés  d'extraction  et  d'utilisation  de  ce  combustible 
liquide. 

Le  pétrole  existe  à  différents  étages  de  la  croûte  terrestre,  surtout  au  Caucase  et  en 
Pensylvanie  (États-Unis);  il  faut  aller  le  chercher  à  des  profondeurs  variables  suivant  les 
pays,  et  exécuter  des  sondages,  au  moyen  de  puits  portant  le  nom  particulier  de  derricks, 
en  Amérique;  le  pétrole  est  extrait  du  sol  par  des  pompes  puissantes  et  transporté  par  des 
pine-lines,  canalisations  de  quelquefois  plusieurs  centaines  de  kilomètres  qui  aboutissent  à 
un  port  d'embarquement. 

La  production  du  pétrole  suit  une  progression  croissante  :  aux  Etats-Unis,  elle  a  passé 
de  2,113,000  barils  de  180  litres  en  1861,  à  21,818,000  barils  en  1887.  Dans  le  Caucase  (Bakou 
et  Apchéron,  notamment),  la  production,  qui  était  de  89  millions  de  pouds  de  16  kilo- 
grammes en  1884,  a  atteint  165  millions  de  pouds  en  1888. 

Le  pétrole,  après  son  raffinage  dans  des  usines  particulières,  est  mis  dans  le  com- 
merce. Ses  essences  sont  utilisables,  comme  on  sait,  pour  l'éclairage  dans  des  lampes 
spéciales.  On  l'a  utilisé  aussi  pour  le  chauffage,  pour  la  production  de  la  force  motrice,  en 
médecine,  etc. 

Fabrication  de  l'oxygène.  —  On  sait  que  l'oxygène  est  le  corps  le  plus  nécessaire  à  la  vie; 
ce  gaz,  en  effet,  entre  dans  l'air  que  nous  respirons  dans  la  proportion  de  21  0/0,  et  dans 
l'eau  que  nous  buvons  pour  une  proportion  d'environ  88  0/0.  Sans  oxygène  donc,  la  vie  esl 
impossible. 

Pour  avoir  l'oxygène  à  l'état  libre,  on  a  recours  au  bioxyde  de  manganèse  qu'on  chauffe, 
et  qui  se  trouve  réduit  à  l'état  d'oxyde;  ou  bien  encore  au  chlorate  de  potasse,  qui  sous  l'ac- 
tion de  la  chaleur,  abandonne  son  oxygène  et  se  transforme  en  chlorure  de  potassium.  C'est 
directement  de  l'atmosphère  que  le  procédé  Brin  frères,  qui  figurait  dans  cette  classe,  extrait 
l'oxygène.  Il  utilise  pour  cela  la  propriété,  découverte  par  Boussingault,  que  possède  la  baryte 


502 


L'EXPOSITION'    UNIVERSELLE    DE    1889 


(ou  oxyde  de  barium),  d'absorber  vers  550°  un  volume  assez  grand  d'oxygène,  en  se  transfor- 
mant en  bioxyde  de  barium,  puis  de  restituer  ce  gaz  en  revenant  à  l'état  de  monoxyde,  à  la 
température  de  950°.  MM.  Brin  frères  péroxydent  lajbaryte  sous  pression,  et  la  désoxydent 
dans  le  vide,  en  maintenant  pendant  les  deux  opérations^  moyenne  des  deux  températures 
précédentes,  soit  750°. 

L'air  est  pompé  dans  l'atmosphère  par  un  tuyau  d'aspiration;  il  est  ensuite  comprimé, 
épuré,  puis  obligé,  par  une  disposition  particulière,  au  moyen  de  soupapes,  s'ouvrant  ou  se 
fermant,  selon  le  sens  des  pressions,  de  pénétrer  dans  des  cornues  contenant  de  la  baryte, 
chauffée  à  750°.  L'air,  en  passant,  se  dépouille  de  son  oxygène,  et  l'azote,  devenu  libre,  s'échappe 

dans  l'atmosphère  par  une  soupape  disposée 
pour  cela.  Il  s'agit  maintenant  de  faire  l'opé- 
ration inverse,  c'est-à-dire  de  désoxyder  la 
baryte.  Pour  y  arriver,  on  fait  le  vide  dans 
les  cornues,  au  moyen  d'une  pompe,  jusqu'à 
0"',663  de  mercure  ;  la  baryte  rend  alors  l'oxy- 
gène qu'on  lui  a  fait  absorber,  et  cet  oxygène 
est  dirigé  dans  un  gazomètre  spécial.  La  pér- 
oxydation  et  la  désoxydation  durent  chacune 
7  minutes  et  demie. 

Lorsque  la  baryte  est  désoxydée,  elle  se 
trouve  comme  au  commencement  de  l'opé- 
ration et  est  prête  pour  une  nouvelle  opéra- 
tion ;  elle  peut  ainsi  resservir  presque  indéfi- 
niment. 

Les  deux  principales  applications  de 
l'oxygène  sont  la  fabrication  de  l'eau  saturée 
d'oxygène  ou  même  l'emploi  du  gaz  à  l'état 
libre  concurremment  avec  celui  des  composés 
chlorés  pour  le  blanchiment  et  l'épuration 
du  gaz  d'éclairage.  On  l'emploie  aussi  pour 
la  fusion  des  minerais  réfractaires,  la  sou- 
dure au  chalumeau,  la  purification  des  alcools  de  grains,  le  travail  du  cristal,  la  production 
rapide  du  vinaigre,  des  vernis,  dans  la  thérapeutique,  etc. 

MM.  Brin  frères  montraient,  à  l'Exposition,  des  tubes  en  fer  en  forme  d'obus,  contenant 
jusqu'à  3m3,600  d'oxygène,  à  la  pression  colossale  de  120  atmosphères. 

Fabrication  de  la  soude.  —  On  connaît  la  réaction  fondamentale  sur  laquelle  est  basée  la 
fabrication  de  la  soude  artificielle  par  le  procédé  Solvay.  Les  premiers  brevets  de  M.  Ernest 
Solvay  datent  de  1861  et  1863;  jusqu'alors  on  obtenait  la  soude  exclusivement  par  le 
procédé  Leblanc;  mais,  en  1863,  la  première  usine  de  la  Société  Solvay  et  Cie  se  crée,  et 
le  procédé  Solvay  livre  annuellement  près  de  la  moitié  de  la  production  totale,  c'est-à-dire 
environ  400,000  tonnes. 

La  Société  Solvay  et  Ci0.  —  La  société  Solvay  et  Cic  s'est  constituée  en  1863  pour 
appliquer  le  procédé  de  M.  Ernest  Solvay.  Elle  exploite  directement  des  établissements  en 


Four  à  recuire  à  l'usage  des  apprèleurs,  trèfileurs, 
lamineurs,  etc.  (Ferrari,  constructeur.) 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  593 


Belgique  et  en  France,  et,  en  association  avec  diverses  Sociétés,  des  usines  en  Angleterre, 
en  Allemagne,  en  Autriche,  en  Russie  et  en  Amérique.  Son  siège  central  est  à  Bruxelles. 

Le  nombre  total  d'ouvriers  employés  dans  les  diverses  usines  du  procédé  Solvay  est  de 
près  de  6,500,  et  la  force  motrice  utilisée  est  de  plus  de  9,500  chevaux-vapeur. 

La  Société,  outre  ses  usines  produisant  de  la  soude,  possède  encore  d'autres  établisse- 
ments, en  Belgique  et  en  France,  pour  l'exploitation  des  phosphates  de  chaux  et  la  fabrica- 
tion des  superphosphates  de  chaux,  ainsi  que  des  installations  pour  le  traitement  des  eaux 
ammoniacales  des  usines  à  gaz,  dans  diverses  grandes  villes,  et  une  usine  pour  la  récupé- 
ration des  sous-produits  de  la  distillation  de  la  houille  dans  la  fabrication  du  coke  métallur- 
gique, au  moyen  des  fours  à  coke  du  système  Semet-Solvay. 

Usines  pour  la  fabrication  de  la  solde.  —  La  Société  possède  deux  usines  pour  la 
fabrication  de  la  soude  artificielle  :  l'une  en  Belgique,  à  Couillet;  l'autre,  en  France,  à  Varan- 
géville-Dombasle 

Usine  de  Couillet  (Belgique).  —  L'usine  de  Couillet,  créée  en  1863,  est  le  premier  établis- 
sement où  le  procédé  Solvay  a  été  appliqué  industriellement.  Sa  production  annuelle  en 
carbonate  de  soude  peut  atteindre  17,000  tonnes. 

Usine  de  Varangéville-Dombasîe  (France).— Ce  groupe  important  a  été  fondé  en  1872.  11  a 
pris,  depuis  sa  création,  une  extension  considérable,  et  la  production  de  soude,  qui  n'était 
à  l'origine  que  d'environ  3,000  tonnes,  peut  atteindre  aujourd'hui  plus  de  100,000  tonnes. 

Usines  en  association  pour  l'exploitation  du  procédé  Solvay  (Angleterre).  —  Le  pro- 
cédé Solvay  a  été  installé  pour  la  première  fois  en  Angleterre  par  M.  Ludwig  Mond,  qui 
fonda,  en  1874,  l'usine  de  Northwich.  Aujourd'hui,  la  Société  Brunner,  Mond  et  Ci0  exploite 
les  usines  de  Northwich  et  de  Sandbacb,  dans  le  Cheshire,  non  loin  de  Liverpool.  Elles  pro- 
duisent annuellement  de  150,000  à  180,000  tonnes  de  carbonate  de  soude. 

Allemagne.  —  Les  Deutsche  Solvay  Werke, outillées  pour  produire  au  moins  100,000  tonnes 
de  carbonate  de  soude  par  an,  possèdent  trois  usines:  àWyhlen,  dans  le  grand-duché  de 
Bade;  à  Bemburg,  dans  l'Anhalt,  et  à  Sarralbe,  en  Alsace-Lorraine. 

Russie.  —  En  188()  se  créa,  en  Russie,  la  Société  Lubimoff,  Solvay  et  Ci0,  qui  possède 
deux  établissements  :  l'an  est  situé  à  Beresniki,  dans  le  gouvernement  de  Perm,  et  produit 
annuellement  de  16,000  à  17,000  tonnes  de  soude;  la  seconde  usine  est  celle  de  Donetz,  à 
Lissitchansk,  dans  la  Russie  méridionale.  Elle  est  en  construction. 

Amérique.  —  La  Solvay  Process  C°  possède  de  vastes  établissements  à  Syracuse,  sur  le 
canal  Erié,  dans  l'État  de  New-York.  Fondés  en  1884,  leur  production  atteint  déjà 
60,000  tonnes  de  soude,  et  leur  importance  va  être  encore  notablement  accrue.  Ils  fabri- 
quent du  carbonate  de  soude,  du  bicarbonate  de  soude  et  de  la  soude  caustique. 

Au/riche.  —  La  Société  d'Aussig  a  créé  en  1885,  avec  la  Société  Solvay  et  Ci0,  l'usine 
d'Ebensée,  dans  le  Salzkammergut,  pour  la  fabrication  de  la  soude  Solvay.  La  production 
annuelle  de  cette  usine  est  d'environ  11,000  tonnes.  Une  partie  est  transformée  en  cristaux 
de  soude. 

m  38 


594 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 


Usines  a  phosphates  et  superphosphates  de  chaux.  —  L'emploi  de  plus  en  plus  impor- 
tant des  phosphates  et  des  superphosphates  de  chaux,  pour  l'agriculture,  a  conduit  la 
Société  Solvay  et  Cic  à  acquérir  des  gisements  de  phosphate  de  chaux  près  de  Mons  et  à 
Orville,  dans  la  Somme,  ainsi  qu'à  organiser  la  fabrication  des  superphosphates. 

Les  établissements  de  la  Société  pour  le  traitement  des  phosphates  de  chaux  sont  les 
suivants  : 

1°  Les  usines  de  Mesvin-Ciply,  Spiennes  et  Ciply,  près  de  Mons  (Belgique),  pour  l'enri- 
chissement de  la  craie  phosphatée  et  la  fabrication  des  superphosphates  ; 


Table  de  manipulation  et  fourneau  rie  chimie  pour  analyser  les  métaux.  (Ferrari,  constructeur.) 

2°  L'usine  d'Hemixem,  près  d'Anvers  (Belgique),  pour  lafabrication  des  superphosphates 
de  chaux; 

3°  L'usine  de  la  Madeleine-lez-Lille  (France),  pour  la  même  fabrication  ; 

4°  Les  exploitations  d'Orville,  près  Doullens  (France),  fournissant  des  phosphates  riches 
de  la  Somme. 

Ces  établissements  peuvent  aujourd'hui  fournir  annuellement  50,000  tonnes  de  phos- 
phates de  chaux  à  différents  titres,  dont  la  plus  grande  partie  est  employée  pour  la  fabri- 
cation du  superphosphate  de  chaux. 

450  ouvriers  et  une  force  motrice  de  400  chevaux-vapeur  sont  employés  à  ces  diverses 
fabrications.  La  production  des  superphosphates  atteindra  cette  année  le  chiffre  de 
HO, (100  tonnes. 


Production  de  l'ammoniaque.—  La  Société  Solvay  et  C"  a  installé  à  Harré- Ville  (Belgique), 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


595 


une  usine  où  elle  s'occupe  de  la  récupération  des  sous-produits  dans  les  l'ours  à  coke,  en 
vue  de  la  fabrication  de  l'ammoniaque  et  des  produits  ammoniacaux. 
Cette  usine  comprend  actuellement  100  fours  à  coke,  système  Semet. 

Procédés  chimique*.  —  M.  Péchiney  exposait  ses  fours  et  appareils  du  procède  Weldon- 

Péchiney,  ayant  pour  objet  d'extraire  le  chlore  du  chlorure  de  manganèse,  en  traitant  ce  der- 
nier corps  par  la  chaux. 

Un  plan  d'appareil  pour  l'extraction  des  corps  gras  par  les  hydrocarbures  volatils, 
formait  l'exposition  de  MM.  Brigonnet  et  Naville.  M.  La  Ghomette  exécutait  des  analyses  très 
complètes  des  matières  premières.  M.  Abedods  expo- 
sait des  réactifs  servant  à  reconnaître  si  les  vins  sont 
falsifiés,  et  M.  Emile  Bourry,  son  four  à  chaux  con- 
tinu, à  haute  température,  alimenté  par  un  gazogène. 

D'intéressants  appareils  à  M.  Louis  Chevalet  trai- 
taient les  eaux  ammoniacales  provenant  de  la  fabri- 
cation du  gaz,  afin  d'en  extraire  l'ammoniaque,  et 
les  sels  que  forme  ce  dernier  corps,  etc. 

A  signaler  également  l'épurateur  Audouin  et  Pe- 
louze,  dans  lequel  le  gaz  est  dépouillé  des  vésicules 
goudronneuses  qu'il  peut  contenir,  par  le  choc  qu'il 
éprouve  en  passant  au  travers  de  tôles  perforées, 
superposées  en  chicane. 

.M.  Ferrari  exposait  ses  appareils  pour  l'essai  des 
métaux  précieux  (or,  argent,  platine);  M.  Renard,  un 
modèle  réduit  d'un  atelier  de  moulage  de  la  porce- 
laine, avec  l'aide  de  la  mousseline;  31.  Segond,  un 
plan  de  tuilerie,  et  M.  Enfer,  ses  forges. 

Nous  devons  encore  rapprocher  de  ces  appareils, 
les  fours  de  verrerie  de  M.  R.  Regnault;  les  outils  de 
verrerie  de  M.  Daulay;  les  appareils  à  souffler  le  verre  de  M.  Gadrat,  qui  peuvent  rendre  de 
grands  services  en  ménageant  les  poumons  des  ouvriers  souffleurs  de  verre;  les  moules  de 
verrerie  de  M.  Lespadin  ;  les  machines  à  fabriquer  des  objets  en  verre,  de  M.  Bertin-Tissier 
de  la  compagnie  pour  la  fabrication  des  cornues  à  gaz,  etc. 

Matériel  de  lu  Pharmacie.  —Dans  cet  ordre  d'idées,  on  remarquait  un  grand  nombre  d'ap- 
pareils pour  fabriquer  des  produits  pharmaceutiques  (pilules,  onguents,  etc.),  tels  que  ceux  de 
M.  Eialon,  de  M.  Nègre,  etc.;  les  pastilleuses  de  la  compagnie  de  Vichy,  construites  par 
M.  Derriey,  qui  exposait  encore  des  machines  fabricant  des  granules  pharmaceutiques,  depuis 

le  poids  de  3  milligrammes,  jusqu'à  celui  (l'un  gramme. 

Les  appareils  de  MM.  Adrian  et  Ci0  servent  à  l'aire  les  extraits  dans  le  vide;  on  évite  ainsi, 
et  en  agissant  à  des  températures  très  basses,  les  transformations  dues  à  la  chaleur,  qui 


Fourneau  â  fondre  a  air  libre. 
(Ferrari,  construeti  ur. 


viennent  si  souvent  modifier  les  propriétés  naturelles  des  médicaments  végétaux. 

Matériel  de  la  Chimie.  —  Au  point  de  vue  du  matériel  chimique,  on  pouvait  voir  des 
appareils  de  laboratoire  en  terre  réfractaire,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  d'autres  appareils 
en  verre  (tels  que  tubes,  cornues,  etc.),  des  distillatoires,  etc. 


595  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1839 

MM.  Maugin  et  Aubry  présentaient  des  vases  en  métal  émaillé  pour  les  opérations  chi- 
miques, vases  dont  la  fabrication  est  très  difficile,  à  cause  de  l'inégale  dilatation  du  métal  et 
de  l'émail.  Cette  maison  est  du  reste  des  plus  importantes  et  ses  diverses  expositions  dans 
les  classes  XXVII,  XLI  et  LI,  présentaient  un  intérêt  considérable  et  justifiaient  pleinement 
les  hautes  et  nombreuses  récompenses  qui  lui  ont  été  décernées. 

Parmi  les  distillatoires,  on  remarquait  ceux  de  M.  Bréhier;  les  colonnes  distillatoires  de 
M.  P.  Mallet  pour  les  liquides  épais  ou  contenant  des  corps  solides,  et  dans  lesquelles  le 
liquide  à  distiller  est  remué  continuellement  dans  toutes  ses  parties;  ce  qui  rend  ces  colonnes 
inobstruables.  A  signaler  encore  les  procédés  de  distillation  des  huiles  de  schiste  par  la 
société  des  mines  de  Saint-Hilaire. 

M.  F.  Fouché  montrait  ses  appareils  à  dessécher  divers  produits,  tels  que  les  colles,  au 
moyen  de  courants  d'air  obtenus  par  des  ventilateurs. 

Plusieurs  appareils  à  évaporation  et  des  alambics  de  sûreté  pour  l'extraction  des  alcools 
et  des  essences,  sans  employer  de  combustible,  et  par  simple  équilibre  des  pressions,  étaient 
exposés  par  M.  Caillas. 

Produits  réfractaires,  etc.  —  Les  appareils  qui  sont  destinés  à  supporter  l'action  de  très 
fortes  températures  doivent  être  construits  en  produits  réfractaires  sous  l'action  de  la  grande 
chaleur. 

L'Exposition  renfermait  une  très  grande  quantité  de  ces  appareils,  si  utilisés  dans  la 
chimie  et  dans  la  pratique  journalière. 

MM.  Emile  Muller  et  Cie,  d'Ivry-Port,  connus  universellement  et  depuis  longtemps,  expo- 
saient des  cornues  à  gaz,  des  briques  chromées  pour  cubilots,  des  creusets  en  plombagine, 
des  briques  en  silice  pure  et  en  magnésie,  de  l'ouate  minérale,  etc. 

Les  produits  réfractaires  exposés  dans  la  classe  LI,  par  la  maison  Muller,  s'appliquent 
à  toutes  les  industries,  usines  à  gaz,  produits  chimiques,  aux  diverses  métallurgies,  aux 
fonderies,  constructeurs  d'appareils  de  chauffage,  aux  verreries,  etc. 

En  outre  des  cornues  à  gaz,  pièces  de  foyer,  de  récupérateurs,  dalles,  carreaux,  briques 
de  toutes  dimensions,  il  est  utile  de  signaler  les  articles  suivants  créés  par  M.  Emile  Muller. 

1°  La  brique  de  Silice  dont  il  commença  la  fabrication  en  1869;  avant  cette  époque, 
toute  la  métallurgie  était  tributaire  de  l'Angleterre,  dont  la  brique  de  Dinas  seule  permettait 
la  construction  des  fours  à  haute  température,  Siemens,  Martin,  Ponsard,  Boétius,  etc. 

2°  Les  briques,  pièces  et  creusets  de  magnésie.  Cette  fabrication  difficile,  créée  à  grands 
frais  par  M.  Emile  Muller,  lui  a  valu  les  plus  grands  éloges.  C'est  en  1869  qu'il  fit  breveter 
les  revêtements  de  magnésie  des  convertisseurs  et  des  fours  Martin  Siemens,  dans  le  but 
d'éliminer  le  phosphore,  le  soufre  et  autres  impuretés  des  fontes  et  des  riblons  phosphoreux 
en  présence  d'un  laitier  basique. 

Dans  un  deuxième  brevet,  il  indique  les  additions  basiques  de  chaux  et  de  magnésie 
destinées  à  former  une  scorie  basique  sans  détruire  les  revêtements. 

Malheureusement  pour  M.  Muller  la  guerre  survint  et  coupa  court  pendant  plusieurs 
années  à  tous  les  essais  des  nouvelles  inventions  industrielles,  et  le  brevet  Muller,  n'étant 
pas  exploité,  tomba  dans  le  domaine  public. 

Il  est  bien  fâcheux  qu'aucun  industriel  n'ait  appliqué  le  brevet  Muller  à  cette  époque  : 
il  est  certain  que  la  réussite  eût  couronné  ses  efforts  ;  que  la  déphosphoration,  au  lieu  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889  597 

reparaître  comme  invention  anglaise  dix  ans  plus  tard,  en  1878,  eût  appartenu  à  la  France 
en  1869,  et  que  le  nom  de  Emile  Muller  eût  remplacé  ceux  de  Thomas  et  Gilchrist  pour  les 
grandes  inventions  de  ce  siècle.  (Brochure  sur  la  déphosphoration,  Ch.  Walrand,  1886.) 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  on  remarquaitdespoteriesenterrecuite,engrès(M.Augouard- 
Perron),  des  appareils  de  laboratoire  en  briques  réfractaires,  tels  que  moufles  d'émailleurs, 
creusets,  etc.  (MM.  Cuau,  Pollard,  Huet  etBeudon,  Joly  et  Foucart,  Glaizcl,  Goyard,  etc.);  des 
l'ours  à  récupération  de  chaleur  de  M.  Chameau,  et  ceux  à  chargement  continu  des  cornues 
à  gaz  de  M.  André  Coze  (cornue  inclinée),  etc. 

N'oublions  pas  de  citer  les  presses  J.  Leblanc,  pour  l'aire  des  tuyaux  en  caoutchouc  et  en 
gutta-percha,  les  tuyaux  système  Chameroy,  pour  canalisation  de  gaz,  et  les  plaques  perforées 
pour  calorifères,  de  M.  Michel  Perret. 

Au  moyen  du  système  Michel  Perret,  on  arrive  à  brûler  des  matières  presque  sans  valeur; 
ce  qui  réduit  la  dépense  de  combustible  au  minimum.  On  cite  un  palais  très  bien  chauffé 
par  ce  moyen,  et  qui  ne  coûte  pas  plus  de  75  centimes  par  jour;  la  température  y  est  excel- 
lente et  le  chauffage  très  hygiénique,  condition  remplie  rarement;  en  effet,  l'air  arrive  dans 
les  appartements  en  grandes  masses  échauffées  seulement  à  27  degrés,  ce  qui  fait  qu'elles 
n'ont  pas  éprouvé  de  modification  dans  leur  passage  au  travers  des  appareils  calé- 
facteurs. 


MATERIEL  ET  PROCEDES  DE  LA  PAPETERIF,  DES  TEINTURES 
ET  DES  IMPRESSIONS 

Si  la  classe  qui  précède  n'était  pas  d'une  très  grande  importance,  le  contraire  est  à  dire 
pour  celle  dont  nous  nous  proposons  de  nous  occuper  maintenant. 

Outre  le  nombre  considérable  des  exposants  et  la  variété  des  industries  représentées, 
cette  classe  se  distinguait  entre  toutes,  en  ce  qu'elle  pouvait  être  considérée,  en  quelque  sorte, 
comme  une  représentation  vivante  des  moyens  que  notre  siècle  de  lumière  emploie  pour 
transmettre  la  pensée  et  la  répandre  ensuite,  à  profusion,  dans  le  monde  entier,  et  avec  une 
rapidité  inconnue  des  autres  temps.  Quelle  révolution  plus  importante,  en  effet,  dans  toute 
l'histoire  de  l'humanité,  que  l'invention  qui  a  immortalisé  le  nom  de  Gutenberg  ?  On  peut 
dire,  et  cela  sans  être  taxé  d'exagération,  que  l'imprimerie  a  été,  après  le  langage,  l'inven- 
tion qui  aura  eu  le  plus  de  conséquences  sur  les  destinées  du  monde.  N'est-ce  pas  à  l'impri- 
merie que  nous  devons  d'être  renseignés  tous  les  matins  sur  ce  qui  s'est  passé  la  veille  dans 
les  cinq  parties  du  monde  ?  Ne  lui  revient-il  pas  une  bonne  part  des  progrès  réalisés  par  la 
science  et  la  pensée?  N'a-t-elle  pas  préparé,  pour  ainsi  dire,  la  Révolution  de  1789? 

L'Exposition,  dans  sa  classe  LVIII,  renfermait,  en  outre,  les  nombreuses  presses  et  carac- 
tères d'imprimerie,  les  auxiliaires  indispensables  à  cette  industrie,  à  savoir  :  la  papeterie,  la 
gravure,  la  teinture,  etc. 

La  classe  LVIII  était  placée  dans  la  galerie  des  machines,  à  l'angle  des  avenues  de  la 
Motte-Piquet  et  de  La  Bourdonnais.  Une  partie  était  installée  au  rez-de-cliaussée  :  c'étaient 
les  grandes  machines,  soit  en  mouvement,  soit  au  repos,  concernant  la  papeterie,  l'impres- 


598  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    issu 

sion,  1rs  teintures,  les  pâtes  à  papier,  les  caractères  d'imprimerie,  etc.  Le  reste  figurait  au 
premier  étage,  et  se  composait  des  choses  secondaires,  quoique  d'une  grande  importance, 
telles  que  les  feutres  el  toiles  métalliques  pour  les  machines  à  papier,  les  pierres  lithogra- 
phiques, les  timbres  en  caoutchouc,  les  différentes  variétés  d'encres  d'imprimerie,  etc. 

Imprimerie.  Typographie.  Composition.  Tirage.  —  Pour  mettre  de  l'ordre  dans  notre  étude, 
qui  sera  forcément  écourtée,  nous  suivrons  une  à  une  les- différentes  opérations  nécessaires 
pour  arriver  à  mettre  en  circulation  un  livre  ou  un  journal. 

Le  manuscrit  étant  écrit,  l'auteur  le  donne  à  l'imprimeur  typographe;  nous  allons  voir 
ce  qu'en  fait  ce  dernier.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  ici  sur  la  fabrication  des  poinçons- 
types  et  des  matrices,  ni  sur  la  fonte  des  caractères  d'imprimerie,  formés  d'alliage  de  plomb, 
d'antimoine  et  d'étain,  et  que  plusieurs  industriels  représentaient,  tels  que  MM.  Barbier, 
Laval  et  Cic,  Beaudoire  et  C'e,  Deberny  et  C'°,  Foucher  frères,  Berthier  et  Durey,  Turlot, 
Mayeur,  Bonnet,  Renault,  Noisette,  Peignot,  etc. 

Disons,  en  passant,  que  deux  ouvriers  peuvent  fondre  cinquante  mille  lettres  ou  carac- 
tères par  jour. 

Entrons  dans  une  imprimerie,  nous  y  trouvons  l'ouvrier  compositeur  debout  devant  sa 
casse,  sorte  de  table  inclinée  divisée  en  un  nombre  considérable  de  compartiments  ou  casse- 
tins  renfermant,  par  ordre,  toutes  les  lettres  de  l'alphabet,  de  toutes  formes,  avec  les  signes 
d'accentuation,  de  ponctuation,  les  chiffres,  parenthèses,  guillemets,  astérisques,  enfin 
des  espaces  et  des  cadrais,  morceaux  de  plomb,  moins  élevés  que  les  caractères,  et  qui  ser- 
vent à  remplir  les  blancs,  mais  ne  marquent  pas  à  l'impression. 

L'ouvrier  tient  de  la  main  gauche  un  outil  en  fer,  appelé  composteur,  qui,  au  moyen 
d'une  partie  mobile,  permet  de  déterminer  la  longueur  ou  la  justification  des  lignes.  C'est 
le  metteur  en  pages,  ou  proie,  qui  distribue  la  copie  entre  les  mains  des  divers  compositeurs, 
en  leur  indiquant  dans  quel  caractère  elle  doit  être  composée.  Le  compositeur,  aussitôt  en 
possession  de  la  copie,  et  une  lois  la  justification  fixée,  lit  le  manuscrit  qu'il  place  devant 
lui,  et  prend  dans  sa  casse  chaque  lettre  et  la  place  dans  son  composteur,  en  ayant  soin, 
lorsqu'un  mot  est  achevé,  de  le  séparer  du  suivant  par  une  espace,  et,  lorsqu'il  a  termine 
une  ligne,  de  la  séparer  de  la  suivante  par  une  interligne.  Lorsqu'il  se  présente  un  vide  ou 
un  alinéa,  il  met  un  cadrât,  de  manière  à  remplir  toute  la  largeur  de  la  justification. 

Lorsque  le  composteur  est  plein,  le  compositeur  en  pose  le  contenu  sur  une  planche 
nommée  galée.  Lorsqu'il  a  renouvelé  plusieurs  fois  cette  opération,  il  fait  un  paquet  de  toute 
la  composition  faite,  qu'il  lie  avec  une  ficelle,  et  il  continue  son  travail  en  procédant  comme 
précédemment. 

Lorsque  toute  la  composition  est  achevée,  le  metteur  en  pages  s'en  empare,  et  la  divise 
de  façon  à  en  former  des  pages  de  longueur  donnée.  Ces  pages  sont  ensuite  placées,  sur  le 
marbre,  dans  un  châssis  de  fer.  séparées  les  unes  des  autres  et  serrées  par  des  coins  en  bois, 
taillés  en  biseau;  cela  constitue  Y  imposition  île  la  forme.  Une  feuille  nécessite  deux  formes  ou 
planches  :  une  planche  pour  chaque  côté  de  la  feuille. 

Les  formes  sont  livrées  alors  à  un  autre  ouvrier  qui  en  tire  des  épreuves  autant  de  fois 
qu'il  est  jugé  nécessaire;  on  les  soumet  au  correcteur  et  à  l'auteur;  l'ouvrier  fait  ensuite  les 
corrections  indiquées  par  ces  derniers,  et  sur  la  dernière  épreuve  on  donne  le  bon  à  tirer.  Il 
ne  reste  plus  qu'à  tirer  le  nombre  d'exemplaires  indiques.  Ce  travail  incombe  aux  presses. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


599 


Il  existe  différentes  sortes  de  presses  d'imprimerie,  variant  suivant  le  genre  particulier 
de  travail  et  aussi  suivant  la  vitesse  du  tirage  à  effectuer;  mais  elles  dérivent  toutes  d'une 
disposition  générale.  Les  presses  sont  actionnées  par  un  moteur  quelconque,  le  plus  souvent 
par  une  machine  à  vapeur,  avec  laquelle  elles  sont  mises  en  relation  par  des  courroies  qu'un 
embrayage  permet  de  mettre  en  mouvement  ou  d'arrêter.  Une  presse  possède  une  série  de 
roues  d'engrenage  donnant  des  mouvements  de  différentes  vitesses  aux  diverses  pièces  qui 
la  composent.  Ce  sont  principalement  les  rouleaux,  le  ou  les  cylindres,  des  tables  mouvantes 
sur  lesquelles  les  formes  sont  placées,  etc. 

Une  équipe  d'ouvriers  est  attachée  à  chaque  presse  dont  le  chef  est  appelé  conduc- 
teur. Les  autres  sont  les  margeurs  et  les  receveurs.  Ces  derniers  placent  la  forme  sous  la 
presse. 

Le  conducteur  procède  alors  à  la  mise  en  train  ;  il  s'assure  si  la  machine  marche  bien, 
si  toutes  les  parties  dont  la  forme  est  composée  sont  adhérentes,  et,  pour  cela,  il  tire  quelques 
exemplaires  à  l'essai.  Il  remarque  sur  ces  exemplaires  si  le  foulage  ou  l'impression  est  bien 
égalisé,  s'il  s'aperçoit  que.  les  lettres  crèvent  le  papier  en  certains  endroits,  et  ne  marquent 
pas  dans  d'autres,  il  doit 
couper  où  cela  crève  et  charger 
où  cela  ne  marque  pas. 

Pour  charger  la  feuille 
de  mise  en  train,  le  conduc- 
teur colle  des  bandes  de  pa- 
pier sur  le  cylindre  qui  ap- 
puie la  feuille  contre  la  forme  ; 
pour  couper,  au  contraire,  il 
enlève  du  cylindre  une  cer- 
taine épaisseur  de  papier. 
Tout  cela  concourt  à  bien 
égaliser  l'impression. 

Lorsqu'il  entre  des  gravures  dans  la  forme,  un  découpage  spécial  doit  être  lait  avec  un 
grand  soin,  pour  bien  faire  ressortir  certaines  parties,  accuser  davantage  les  noirs  et  les 
blancs,  etc.  Le  cylindre  est  recouvert  d'une  toile  nommée  Manchet,  qu'on  y  étend  en  évitant 
les  plis. 

Le  service  du  margeur  est  d'aider  le  conducteur  à  bien  marger  le  papier,  c'est-à-dire 
de  le  pousser  bien  juste  le  long  des  guides  ou  taquets  qu'il  a  dû  préalablement  ajuster  sui- 
vant la  grandeur  du  papier  à  tirer.  Toutes  ces  précautions  bien  prises,  de  même  que  celle 
d'éviter  le  maculage  ou  double  impression,  les  rouleaux  étant  mis  sur  la  machine,  la  mise 
en  marche  commence  lorsque  le  conducteur  donne  l'ordre  de  rouler. 

Les  rouleaux  sont  faits  moitié  de  colle  forte  et  de  mélasse  fondues  ensemble  au  bain- 
marie,  et  coulés  dans  des  moules  autour  de  tringles  disposées  à  cet  effet.  Il  y  en  a  de  plu- 
sieurs dimensions;  celui  qui  prend  l'encre,  appelé  preneur,  est  le  plus  petit;  il  se  lève  le  long 
de  l'encrier  qui,  tournant  continuellement  le  couvre  d'encre;  aussitôt  encré,  le  rouleau  pre- 
neur descend  et  dépose  l'encre  sur  une  table,  où  deux  autres  rouleaux  distributeurs  l'étaient 
ensuite  ;  lesrouleaux  toucheurs,  au  nombre  de  trois  généralement,  s'encrent  à  leur  tour  sur  cette 
table  et  vont  enfin  encrer  les  formes  qui  s'impriment  alors  sur  chaque  feuille  blanche,  qui 


Nouvelle  machine  rotative  à  format  fixe  à  très  grande  vitesse,  J.  Derriey. 


600 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


est  passée  par  un  margeur.  Si  la  machine  est  double,  il  lui  faut  double  jeu  de  rouleaux  et 
double  encrier.  La  feuille  toute  fraîche  imprimée  est  reçue  par  le  receveur. 

Les  machines  récentes  font  elles-mêmes  office  de  margeur  et  de  receveur.  Elles  sont 
même  munies  d'un  compteur,  qui  constateà  tout  moment  le  nombre  d'exemplaires  déjà  tirés. 
Lorsqu'on  veut  tirer  un  ouvrage  à  un  grand  nombre  d'exemplaires,  ou  que  Ton  doit  en 
tirer  plusieurs  éditions,  à  des  intervalles  plus  ou  moins  éloignés,  avant  de  procéder  à  la 
distribution,  opération  consistant  à  remettre  les  caractères  dans  leurs  cassettes  respectives, 
on  prend  une  empreinte  de  chaque  page,  et  on  en  lait  un  moule  qui  reproduit  ainsi  la  pre- 
mière composition.  Ce  moule  peut  durer  indéfiniment.  Cette  opération  est  celle  du  clichage. 
C'est  surtout  pour  les  grands  journaux  dont  les  tirages  sont  très  élevés  que  le  clichage  est 
d'un  emploi  courant;  dans  ce  cas,  on  ne  tire  même  jamais  directement  sur  les  caractères. 
Lorsque  la  forme  est  prête,  on  la  remet  entre  les  mains  des  clicheurs,  qui  étendent  dessus 
une  pâte  de  carton  spéciale,  qui  prend  en  creux  les  moules  des  caractères,  on  coule  ensuite 

une  composition  métallique 
dans  ces  creux,  et  on  reproduit 
ainsi  la  forme  des  premiers  ca- 
ractères. La  nouvelle  forme  est 
rendue  cylindrique  et  vissée  au 
cylindre  sous  lequel  passe  le 
papier.  En  coulant  plusieurs  fois 
de  la  matière  dans  les  creux, 
on  reproduit  chaque  fois  la 
composition.  On  peut  ainsi  faire 
un  tirage  illimité.  Tel  est,  en  ré- 
sumé, le  travail  compliqué  de 
l'imprimerie  typographique. 
Des  pâtes  et  encres  pour  imprimerie  figuraient  dans  l'exposition  de  31.  Lejeunc,  et  un 
moulin  à  meules  verticales  pour  les  encres  d'imprimerie  était  exposé  par  31.  Greiss. 

Le  nombre  de  presses  de  toutes  sortes  que  l'Exposition  renfermait,  est  incalculable. 
Nous  ne  pourrons  pas  nous  étendre  beaucoup  sur  ce  sujet. 

Citons  d'abord  31.  Dutartre,  le  doyen  des  constructeurs  de  machines  d'imprimerie,  pour 
ses  deux  belles  presses  typographiques. 

L'Exposition  de  .M.  Marinoni  était  une  des  plus  colossales  de  la  classe  LVIII;  elle  com- 
prenait en  tout  15  machines,  disséminées  en  trois  endroits  différents.  Ces  machines  com- 
prenaient ;'i  peu  près  l'ensemble  des  types  employés  de  nos  jours  dans  l'imprimerie.  Parmi  les 
machines  rotatives  simples,  citons  celle  qui  tirait,  sous  les  yeux  des  visiteurs,  le  Petit  Journal 
à  raison  de  40,000  exemplaires  à  l'heure.  Une  autre  machine  rotative  double,  c'est-à-dire 
formée  de  deux  machines  accouplées,  pouvant  fonctionner  ensemble  ou  séparément,  avec 
une  ou  deux  bobines  de  papier,  imprimait  à  l'Exposition  le  journal  le  Figaro,  également  à 
raison  de  40,000  exemplaires  par  heure,  lorsqu'elle  marchait  à  la  vitesse  voulue;  cette  ma- 
chine, en  outre,  par  une  disposition  particulière,  s'emparait  des  journaux  à  leur  sortie  de  la 
presse,  et  les  pliait  mécaniquement.  L'Exposition  Marinoni  comprenait  d'autres  presses 
typographiques  de  moindre  importance,  et  une  presse  à  retiration,  c'est-à-dire  destinée  à 
tirer  à  la  fois  les  deux  côtés  d'une  feuille. 


Nouvelle  presse  à  retiration,  J.  Derriej . 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  (01 


M.  Varin  montrait  plusieurs  presses  d'imprimerie,  dont  une  fort  belle  servait  à  impri- 
mer en  plusieurs  couleurs.  Des  machines  à  imprimer  à  plusieurs  couleurs  mariées  et  d'un 
seul  tirage  étaient  présentées  par  M.  Vieuxmaire.  M.  Reuille  l'ait  aussi  les  impressions 
multicolores. 

M.  Derriey  se  signalait  par  plusieurs  machines  à  retiration  sans  soulèvement  de  cylindres, 
une  nouvelle  machine  à  réaction  pour  journaux  et  une  autre  à  imprimera  platine.  La  platine 
est  la  partie  de  la  presse  qui  foule  sur  le  tympan,  c'est-à-dire  sur  la  feuille  de  parchemin  ou 
sur  le  morceau  d'étoffe  étendu  sur  le  châssis  ou  cadre  enfer  sur  lequel  sont  serrées  les  pages 
de  composition. 

Diverses  autres  presses  et  machines  diverses  d'imprimerie,  à  citer,  étaient  exposées  par 
MM.  Barbier,  Hachée  ;  Lhermitte ;  Parrain  et  Gaigneur;  Durand;  Foucher  frères;  Fleury  ; 
Dubois,  Harrissart  et  Cottet.  Ces  derniers  exposaient  aussi  des  presses  à  bras,  utilisées  seu- 
lement pour  faire  des  épreuves,  et  que  tout  le  monde  connaît,  tant  le  maniement  en  est 
simple. 

Nous  arrivons  à  l'importante  maison  de  Mme  veuve  Alauzet  et  Tiquet-Marcilly  aîné, 
sur  laquelle  nous  devons  nous  arrêter  un  instant.  Avec  l'exposition  Marinoni,  c'est  une  des 
plus  importantes  de  la  classe  LVIII,  et  elle  était  plus  variée  que  cette  dernière. 

La  maison  Alauzet  figurait  en  effet  avec  onze  machines  diverses  d'imprimerie  ;  celles 
relatives  à  la  typographie  étaient  une  machine  à  retiration,  tirant  1,100  feuilles  à  l'heure;  une 
machine  pour  tirage  à  deux  couleurs  de  900  feuilles  à  l'heure;  une  machine  en  blanc,  c'est- 
à-dire  ne  tirant  que  d'un  seul  côté  de  la  feuille,  et  pouvant  livrer  1,000  feuilles  à  l'heure; 
une  machine  rotative  pour  journaux,  tirant  de  12,000  à  14,000  feuilles  à  l'heure  :  enfin,  une 
machine  à  pédale.  Ces  machines  à  pédales  marchant  à  l'aide  du  pied,  comme  les  machines  à 
coudre,  sont  moins  promptes  que  les  machines  actionnées  par  des  moteurs.  Elles  sont  sur- 
tout employées  au  tirage  des  étiquettes,  cartes  de  visite  et  en  général  pour  tout  travail 
demandant  une  minutieuse  attention.  On  s'en  sert  avec  avantage  pour  l'impression  de  la 
chromotypographie,  ou  gravures  en  couleur,  qui  exigent  une  surveillance  continuelle. 
M.  Dessin  exposait  une  machine  à  pédale  pour  cette  application  spéciale. 

Les  diverses  machines  Alauzet  exposées  se  distinguaient  surtout  par  des  perfectionne- 
ments dans  le  mode  d'encrage  et  dans  le  calage  du  marbre. 

Lithographie.  —  La  typographie  que  nous  venons  de  résumer  est  le  procédé  universelle- 
ment employé  pour  l'impression  des  textes;  elle  tend  même  à  se  substituer  de  plus  en  plus 
aux  autres  systèmes  encore  en  usage,  et  elle  s'impose  surtout  par  sa  rapidité  et  son  bon 
marché.  Cependant,  la  lithographie  ou  gravure  sur  pierre  a  encore  un  certain  nombre 
d'adeptes  ;  dans  tous  les  cas,  elle  est  encore  d'un  certain  usage  pour  les  illustrations,  quoi- 
que les  procédés  plus  récents  de  la  photogravure  ou  gravure  sur  zinc  aient  sonné  le  glas 
de  la  lithographie  à  brève  échéance.  Cette  industrie  avait  quelques  représentants  à  l'Expo- 
sition de  1889  ;  leur  nombre  diminue  de  jour  en  jour. 

Signalons  les  pierres  lithographiques  de  M.  Morane,  la  machine  lithographique  de 
M.  Baumhauer  ;  les  presses  de  MM.  Dubois,  Harrissart  et  Cottet  et  celle  de  la  maison  Alau- 
zet, tirant  850  exemplaires  à  l'heure. 

La  gravure  sur  bois  est  aussi  de  moins  en  moins  employée  ;  elle  a  cependant,  pendant 
longtemps,  été  utilisée  pour  la  majorité  des  illustrations  de  nos  ouvrages. 


602  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Taille-douce.  —  La  taille-douce  est  encore  un  procédé  qui  s'en  va.  Il  a  cependant  donné 
des  résultats  d'une  finesse  extrême.  Son  défaut  capital  est  son  prix  élevé  qui  l'empêche  de 
lutter  avec  les  procédés  nouveaux  de  la  zincographie  qui  donnent  des  gravures  moins 
parfaites,  moins  raffinées  peut-être,  mais  qui  ont  en  outre  l'avantage  d'être  exécutées  très 
rapidement  et  à  bon  marché. 

Pour  graver  sur  cuivre  ou  sur  acier,  on  recouvre  la  planche  de  métal  d'un  vernis  spécial 
sur  lequel,  lorsqu'il  est  sec,  on  trace,  avec  une  pointe  d'acier,  le  dessin  que  l'on  doit  graver. 
Préalablement,  le  dessin  que  l'on  veut  graver  est  fait  sur  du  papier  calqué  que  l'on  applique 
sur  la  planche  métallique  en  interposant  entre  elle  et  le  calque  une  feuille  de  papier  recou- 
verte de  sanguine.  La  pointe  d'acier  avec  laquelle  on  suit  tous  les  traits  du  dessin  calqué 
applique  sur  le  vernis  une  trace  légère  qui  sert  de  guide  au  graveur.  Ce  dernier,  après  avoir 
enlevé  le  calque  et  le  papier  sanguine,  dessine  avec  soin  sur  le  vernis  et  au  moyen  d'une 
pointe  d'acier  les  traits  qui  son!  comme  seulement  indiqués  par  l'opération  précédente. 
Ensuite,  on  borde  la  planche  métallique,  c'est-à-dire  qu'on  fixe  tout  autour  une  cire  spéciale 
ila  cire  à  border).  Dans  la  sorte  de  cuvette,  ainsi  formée,  on  verse  de  l'acide  nitrique  qui 
creuse  seulement  les  parties  où  le  vernis  a  été  enlevé  par  la  pointe  d'acier.  Cette  opération 
s'appelle  morsure,  et  suivant  les  effets  que  l'on  veut  produire,  on  fait  une  ou  plusieurs 
morsures.  Après  la  morsure,  le  graveur  retouche  la  gravure  en  creux  avec  un  burin.  La 
planche  est  alors  prête  pour  le  tirage  qui  se  fait  au  moyen  d'une  presse  et  de  rouleaux  recou- 
verts de  noir  ou  de  toute  autre  couleur. 

La  classe  LVIII  renfermait  une  presse  en  taille-douce  de  MM.  Dubois,  Harrissart  et 
Cottet,  déjà  cités,  et  une  autre  presse  de  la  maison  Alauzet.  tirant  de  400  à  600  feuilles  par 
heure. 

Signalons  tout  particulièrement  la  belle  presse  de  M.  Marcilly,  pour  taille-douce,  dont  le 
fonctionnement  des  organes  est  tout  à  fait  nouveau,  de  même  que  la  facilité  de  régler  chacun 
d'eux  à  volonté.  La  disposition  des  essuyeurs  a  une  grandi'  importance  dans  cette  machine 
sur  la  qualité  de  l'impression. 

Zincographie.  Phototgpie.  —  Ces  deux  procédés  d'illustrations,  le  dernier  surtout,  sont 
ceux  de  l'avenir.  Ils  remplaceront,  à  brève  échéance,  et  les  gravures  sur  acier  et  sur  cuivre, 
et  la  lithographie,  et  la  gravure  sur  bois;  ils  suppriment  tout  le  travail  artistique  du  graveur, 
et  c'est  ce  qui  fait  leur  succès. 

Ils  sont  tous  deux  basés  sur  l'emploi  de  la  photographie,  et  sur  la  propriété  que  possède 
la  gélatine  mélangée  à  du  bichromate  de  potasse  de  devenir,  sous  l'action  des  rayons  lumi- 
neux, insoluble  et  imperméable  à  l'humidité. 

La  zincographie  est  la  préparation  de  clichés  sur  zinc,  en  relief,  pour  l'impression  typo- 
graphique. Ces  clichés  peuvent  être  obtenus  :  1"  par  le  simple  report  sur  zinc  de  dessins  faits 
en  autographie,  c'est-à-dire  sur  un  papier  spécial,  et  avec  une  encre  particulière;  l'acide 
creuse  le  zinc,  là  où  il  n'y  a  pas  d'encre,  et  le  dessin  apparaît  en  relief;  2°  avec  l'aide  de  la 
photographie. 

Pour  ce  mode  de  clichage,  il  suffit  de  donner  au  photo-graveur  un  dessin  fait  à  la  plume 
sur  un  papier  quelconque,  et  de  lui  indiquer  la  réduction  qu'on  désire.  Il  fait  une  photogra- 
phie de  cet  original,  qui  reste  intact;  il  prend  ensuite  une  plaque  de  zinc  bien  planée  et 
polie,  qu'il  recouvre  d'une  mince  couche  de  gélatine  ou  d'albumine,  sensibilisée  avec  du 


I 


604  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    Issu 

bichromate  de  potasse;  lorsque  cette  plaque  est  sèche,  il  l'expose  à  la  lumière,  sous  le  négatii 
photographique  obtenu  tout  à  l'heure;  cette  gélatine  reproduit  l'image  en  question.  En  effet, 
en  la  mouillant  ensuite,  les  parties  atteintes  par  la  lumière  refuseront  d'absorber  l'eau  ou 
n'en  prendront  qu'une  quantité  proportionnelle  à  l'intensité  de  l'action  lumineuse;  tandis 
que  les  autres  parties,  non  modifiées,  absorberont  l'eau  et  se  gonfleront.En  passant  alors  un 
rouleau  chargé  d'une  encre  spéciale  sur  cette  plaque,  humide  seulement  dans  les  blancs, 
l'encre  s'attachera  à  toutes  les  parties  sèches  et  le  dessin  apparaîtra  aussitôt.  Le  cliché  est 
ensuite  soumis  à  l'action  d'un  acide  très  mordant,  qui  ne  creuse  que  les  parties  où  il  n'y  a 
pas  d'encre.  Après  la  morsure,  on  a  un  dessin  parfait  se  détachant  en  relief  sur  la  plaque  de 
zinc;  on  monte  alors  cette  plaque  sur  un  bloc  de  bois,  de  la  même  hauteur  que  les  caractères 
d'imprimerie,  de  sorte  que  ce  cliché  peut  être  tiré,  avec  du  texte,  sur  les  presses  typogra- 
phiques. 

Quant  à  la  phototypie,  c'est  bien  plus  simple;  elle  a  surtout  pour  but  de  reproduire  un 
original  photographique  donné.  On  prend  une  plaque  de  verre  sur  laquelle  on  étend  la 
composition  indiquée  plus  haut,  et  qu'on  expose  à  la  lumière,  à  travers  le  négatif  photogra- 
phique. Les  mêmes  phénomènes  se  représentent.  Les  parties  atteintes  par  la  lumière  se 
sèchent,  les  autres  absorbent  l'eau  dans  laquelle  on  met  ensuite  la  plaque  de  verre.  Après  un 
lavage  en  règle,  cette  planche  pourra  servir  de  matrice  au  tirage  d'un  certain  nombre 
d'épreuves,  mais  sous  des  presses  spéciales;  seulement  ce  tirage  est  limité;  il  peut  difficile- 
ment atteindre  3,000  exemplaires;  au-dessus  de  ce  chiffre,  le  cliché  s'abime. 

Une  belle  machine  phototypique  exposée  par  la  maison  Alauzet-Tiquet  peut  tirer  de  400 
à  800  exemplaires  à  l'heure.  La  même  maison  exposait  une  petite  presse  phototypique  à 
bras. 

Gravures  diverses.  —  Outre  ces  différentes  machines,  la  gravure  était  encore  représentée 
dans  cette  classe,  par  les  machines  de  M.  Landa,  par  le  procédé  de  gravure  artistique  pour 
impression  sur  étoffes,  de  M.  Lathoud,  par  les  procédés  de  gravure  sur  rouleaux  d'imprimeur 
obtenus  par  les  machines  de  MM.  Schultz  et  Steinlen  et  Cie,  par  la  gravure  artistique  sur 
cristaux  de  M.  Vincent,  enfin,  par  plusieurs  autres  exposants  figurant  au  premier  étage. 

Industrie  du  livre.  —  Deux  groupes  d'exposants  de  la  classe  LVII1  avaient  eu  l'heureuse 
idée  de  réunir  ensemble,  les  premiers,  le  matériel  complet  de  l'imprimerie,  les  autres  le 
matériel  complet  de  l'industrie  du  livre.  Les  premiers,  MM.  Foucher  frères,  montraient  les 
appareils  nécessaires  à  exécuter  la  série  des  diverses  opérations  typographiques  :  fonderie 
des  caractères,  composition,  impression.  En  outre,  comme  annexe,  ils  exposaient  le  matériel 
de  la  clicherie,  de  la  galvanoplastie,  du  brochage,  de  la  reliure,  de  la  zincographie  et  de 
la  photogravure.  Les  différents  termes  énumérés  ici  ont  déjà  été  expliqués,  sauf  un  :  la 
galvanoplastie. 

C'est  une  opération  qui  consiste  à  reproduire  un  cliché  donné,  en  un  nouveau  formé 
d'un  autre  métal  plus  résistant  que  le  premier.  On  prend  d'abord  une  empreinte  du  premier 
cliché,  dans  un  morceau  de  caoutchouc  ramolli,  en  les  serrant  l'un  contre  l'autre  sous  une 
presse.  Le  caoutchouc  reproduit  alors  la  gravure  primitive;  on  l'enduit  de  plombagine  pour 
le  rendre  conducteur,  et  on  le  plonge  dans  un  bain  de  sulfate  de  cuivre,  traversé  par  un 
courant  électrique,  dont  l'action  détermine  la  décomposition  et  le  dépôt  du  cuivre  sur  le 
caoutchouc  (qu'on  doit  placer  au  pôle  positif).  Quand  cedépôt  est  jugé  assez  épais,  on  le  retire 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DK    1S89  605 


du  bain;  on  le  sépare  du  caoutchouc,  puis  on  coule  du  plomb  pour  remplir  les  creux;  on 
monte  ensuite  sur  bois  la  plaque  obtenue  et  l'on  a  ainsi  un  cliché  semblable  au  premier. 

L'industrie  du  livre  était  complètement  représentée  dans  l'autre  exposition,  celle  de 
MM.  Barre,  Levèque  et  Quantin;  on  y  voyait  les  machines  pour  relieurs,  brocheurs,  papetiers, 
doreurs,  imprimeurs,  etc.  C'étaient  là  d'excellentes  leçons  de  choses,  très  profitables  au 
public. 

Papier.  —  Le  papier  est  l'auxiliaire  indispensable  de  l'imprimeur  et,  de  sa  fabrication 
même  dépend  la  réussite  de  l'impression. 

On  sait  que  la  matière  première  du  papier  est  le  chiffon.  Ces  beaux  volumes,  d'impression 
et  d'illustration  si  soignées,  que  nous  feuilletons  avec  tant  de  précaution,  de  peur'de  les 
détériorer,  proviennent  tout  simplement  des  chiffons  que  nous  jetons  et  que  nous  foulons  du 
pied  avec  dédain. 

Le  papier  collé  est  celui  où  la  proportion  du  tissu  de  coton  est  la  plus  grande;  dans  le 
papier  mince,  le  lin  et  le  chanvre  dominent. 

Il  y  a  six  opérations  nécessaires  pour  transformer  les  chiffons  en  papier. 

1°  Le  triage  qui  consiste  à  débarrasser  les  chiffons  des  matières  étrangères  qu'ils  peuvent 
contenir,  telles  que  boutons,  agrafes,  etc.,  et  de  les  classer  suivant  leur  tissu,  leur  solidité 
et  leur  couleur. 

2°  Le  lessivage  vient  ensuite.  Le  chiffon,  trié,  puis  nettoyé  dans  des  blutoirs  qui  lui 
enlèvent  une  partie  de  sa  poussière,  est  mis  en  contact  dans  de  grands  cylindres  tournants, 
avec  de  la  chaux  ou  de  la  soude  caustique  et  de  la  vapeur  d'eau.  Les  chiffons,  au  sortir  de  ce 
lessivage,  ont  perdu  leur  couleur,  les  matières  grasses  qu'ils  pouvaient  contenir  et  les  pailles 
qui  pouvaient  y  adhérer. 

3°  Vient  alors  le  défilage.  Le  chiffon  passe  sous  un  rouleau  armé  de  lames  d'acier,  tour- 
nant sur  un  plateau  fixe  muni  également  de  lames  d'acier  ;  il  se  réduit  ainsi  en  filaments  plus 
ou  moins  longs,  et  comme  cette  opération  se  fait  dans  des  bacs  en  fonte,  le  chiffon,  en 
contact  constant  avec  de  l'eau  pure,  se  lave  en  même  temps. 

4°  Le  blanchiment  s'opère  dans  d'autres  bacs  remplis  d'eau,  qui  se  renouvelle  constam- 
ment, et  dans  lesquels  le  chiffon  tourne  au  moyen  de  roues  à  palettes.  On  verse  dans  le  bac 
du  chlorure  de  chaux  bien  broyé  qui  blanchit  complètement  le  chiffon.  Le  moulin  à  meules 
verticales,  pour  broyer  le  chlorure  de  chaux,  de  M.  Levasseur,  peut  rendre  de  grands 
services. 

5°  Raffinage.  —  On  lave  encore  une  fois  le  chiffon,  afin  d'en  expulser  tout  le  chlore,  puis 
on  le  porte  dans  de  nouveaux  bacs  en  fonte,  pleins  d'eau,  dans  lesquels,  comme  dans  les 
délileurs,  un  rouleau  tourne  sur  une  platine,  le  rouleau  et  la  platine  étant  tous  deux  armés 
de  lames  d'acier.  Grâce  à  un  passage  prolongé  entre  ces  lames,  que  l'on  peut  rapprocher  de 
plus  en  plus,  on  finit  par  obtenir  une  pâte  blanche,  composée  de  lilaments  extrêmement 
petits  qui,  en  s'enchevètrant  sur  la  machine,  formeront  la  feuille  de  papier.  Dans  ces  bacs 
raflineurs,  on  opère  le  plus  souvent  le  collage.  Pour  cela,  on  verse  dans  la  pàtc  un  savon 
résineux,  que  l'on  fixe  avec  du  sulfate  d'alumine.  C'est  aussi  dans  ces  bacs  que  l'on  verse  la 
coloration,  pour  les  papiers  de  couleur. 

G"  Fabrication.  —  La  pâte  ainsi  préparée  est  conduite  à  la  machine  à  papier,  où  des 


606  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

tamis  métalliques  très  fins  permettent  de  retenir  les  impuretés  qu'elle  pourrait  contenir.  La 
pâte  liquide  arrive  alors  sur  une  toile  métallique  sans  fin,  qui  lui  permet  de  s'égoutter  à 

mesure  qu'elle  avance,  entre  deux  courroies  de  gutta-percha;  cette  toile,  en  outre,  est  secouée 
vivement  de  droite  et  de  gauche,  ce  qui  facilite  l'enchevêtrement  des  filaments  de  chiffon,  et 
par  suite  la  formation  du  tissu  de  papier. 

Quand  la  pâte  est  arrivée  au  bout  de  la  toile  métallique,  elle  a  déjà  assez  de  consistance 
pour  pouvoir  s'en  séparer  et  cheminer  alors  sur  un  feutre  qui  passe  sous  plusieurs  rouleaux 
de  fonte. 

Le  papier  passe  encore  sous  une  série,  de  cylindres  en  fonte,  où  la  vapeur  circule,  et  il 
sort  de  là  complètement  sec,  s'enroule  à  l'état  de  papier  définitif  sur  des  rouleaux  de  bois. 

Enfin, une  machine, disposée  à  cet  effet,le  découpe  du  format  demandé', et  il  est  prêt  pour 
être  livré  aux  consommateurs. 

D'intéressants  plans  d'une  usine  importante  pour  la  fabrication  du  papier  figuraient 
dans  la  classe  que  nous  étudions.  C'étaient,  les  plans  des  usines  de  MM.  Darblay  père  et  fils 
dans  la  vallée  de  l'Essonne.  Leur  superficie  totale  en  est  de  74,722  mètres  carrés;  elles  sont 
desservies  par  1S  kilomètres  de  voies  ferrées,  H  moteurs  hydrauliques,  51  machines  à 
vapeur,  2,500  chevaux  de  force;  ces  usines  occupent  1,800  ouvriers  travaillant  sur  1S  ma- 
chines à  papier,  et  produisant  journellement  .s.'i.iiiiu  kilogrammes  de  papier. 

Outre  ces  plans,  MM.  Darblay  avaient  installé  une  belle  machine  à  papier,  pouvant  pro- 
duire par  jour  -i.noii  kilogrammes  de  papier.  Elle  fournissait  à  plusieurs  autres  exposants 
de  la  classe  les  papiers  nécessaires  aux  tirages  des  journaux,  et  notamment  à  M.  Marinoni, 
pour  le  tirage  du  Figaro  et  du  Petit  Journal. 

Le  papier  sur  lequel  on  imprime,  avant  de  passer  sous  la  machine,  subit  une  prépa- 
ration que  l'on  appelle  la  trempe.  On  le  mouille  modérément;  s'il  était  trop  mouillé,  l'im- 
pression maculerait;  s'il  ne  l'était  pas  assez,  elle  viendrait  mal.  M.  Erard  exposait  une 
machine,  dite  humecteuse,  pour  mouiller  le  papier. 

on  emploie  généralement,  aujourd'hui,  le  papier  non  collé;  lorsqu'il  a  été  trempé  dans 
l'eau,  on  le  met  sous  presse,  afin  que  l'humidité  le  pénètre  bien.  Quelquefois  on  lui  fait  subir 
une  autre  pression  qu'on  appelle  le  glaçage  ou  le  satinage  pour  en  enlever  toutes  les  rugosités 
cl  le  rendre  brillant. 

Pour  le  satinage  ou  lustrage  du  papier  de  luxe  (papier  à  lettre,  etc.'),  on  emploie  îles 
presses  appelées  calandres.  MM.  L'Huillier  Manin  et  L'Huillier  Louis  exposaient,  chacun 
séparément,  des  calandres  de  papeterie,  pour  satiner  le  papier  en  feuilles,  et  aussi  une 
cou  pense  pour  papier  filigrane.  D'autres  calandres  étaient  exposées  par  MM.  Rientzy  frères. 
~S\.  Simonet  exposait  une  machine  de  broyage  et  de  trituration,  remplaçant  dans  les 
papeteries,  les  meules  et  les  cylindres.  A  remarquer  aussi  le  ventilateur  pour  papeterie  de 
31.  Fouché. 

Une  machine  pouvant  successivement  plier,  coudre  cl  satiner  le  papier,  pour  la  brochure 
et  la  reliure,  était  présentée  par  MM.  Pflster  et  Stanmi. 

Lue  autre  coupeuse  à  papier  de  M.  Burot  était  à  remarquer,  de  menu1  que  celles  de 
MM.  Girard  et  Rigaud,  qui,  en  outre,  exposaient  des  machines  à  estamper,  c'est-à-dire  à 
imprimer  des  vignettes,  lettres  ornées,  etc..  sur  du  papier  à  lettre  ou  des  enveloppes  de 
luxe. 

MM.  Debie,  Fauvel  et  Grange  avaient  une  exposition  très  variée  et,  par  suite,  très  com- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  607 

plète  du  matériel  fabricant  le  papier.  On  y  retrouvait  la  plupart  des  différents  appareils  cités 
tout  à  l'heure  :  raffineuse  affleureuse  pour  la  fabrication  des  pâtes  à  papier;  machine  à 
carton,  dite  enrouleuse,  pour  faire  des  cartons  de  toute  épaisseur;  coupeuse  de  chiffons  et 
cordes  ;  coupeuse  de  papier  continu  en  long  et  en  travers,  à  coups,  droite  et  oblique  ;  une 
bobineuse  pour  papier  à  impression  continue,  munie  d'une  trempeuse;  des  pompes  rotatives 
et  à  pistons  ;  un  moulin  à  broyer  le  chlorure  de  chaux,  etc. 

Enfin,  signalons  les  machines  de  M.  Rochette  pour  fabriquer  les  sacs  et  les  enveloppes 
de  lettres,  la  machine  à  régler  le  papier,  de  MM.  Brissard  et  Gloton,  et  les  quatre  machines 
de  M.  Abadie,  pour  la  fabrication  des  cahiers  de  papier  à  cigarettes. 

Deux  de  ces  machines,  d'un  système  un  peu  différent,  alimentent  le  travail  de  pro- 
duction des  deux  autres.  Chacune  imprime,  perfore,  repère,  bronze  les  étiquettes  qui  doivent 
recouvrir  les  cahiers  de  papier,  le  tout  en  bobines  sans  tin  ou  découpé  à  une  dimension 
quelconque.  Des  deux  autres  machines,  une  sert  à  fabriquer  les  couvertures,  l'autre,  la  plus 
curieuse  de  toutes,  fabrique,  dans  son  entier  un  cahier  de  papier,  y  compris  la  ligature  en 
caoutchouc,  qui  sert  à  le  fermer. 

Enfin,  pour  en  terminer  avec  le  papier,  signalons  l'intéressant  appareil  de  MM.  Petit  et 
Vigreux,  pour  déterminer  la  résistance  des  papiers  à  la  traction,  et  les  curieuses  expositions 
de  pâtes  de  bois,  de  MM.  Zuber  et  Riber.  On  sait,  en  effet,  que,  depuis  quelques  années  déjà, 
on  a  essayé  avec  succès  de  fabriquer  du  papier,  à  l'aide  de  la  pâte  de  bois.  Des  spécimens 
de  cette  pâte,  faite  avec  des  bois  d'espèces  différentes,  étaient  présentés  par  MM.  Darblay, 
Horteur,  etc. 

Par  les  prospectus  délivrés  aux  visiteurs,  et  imprimés  sur  papier  de  bois,  on  pouvait 
juger  savamment  des  résultats  obtenus. 

Teinturerie,  blanchiment,  etc.  —  Les  différents  appareils  que  nous  classons  sous  cette 
dénomination  générique,  occupaient  une  place  importante  dans  la  classe  LVIII. 

En  tète  des  expositions  les  plus  complètes,  il  faut  citer  celle  de  M.  Dehaitre,  dont  la 
participation  à  l'Exposition  de  issu  riait  importante. 

Tour  presser  et  lustrer  les  draps,  les  toiles,  etc.,  il  présentait  sa  calandre  hydraulique, 
et  une  autre  pour  les  soieries.  Pour  faire  sécher  le  linge,  il  montrait  une  série  d'essoreuses 
diverses.  Il  avait  encore  une  machine  à  dérompre,  pour  couper  les  chiffons  ;  une  laveuse  à 
double  enveloppe;  enfin  d'autres  machines  à  lustrer  et  à  apprêter  tous  textiles. 

Une  installation  complète  d'un  atelier  de  teinture,  avec  mouvements  automatiques  des 
pièces  ou  écheveaux  à  teindre,  dans  leurs  bains  respectifs,  figurait  à  l'exposition  de  M.  Corron. 

Une  exposition  du  même  genre  était  faite  par  MM.  Buffaud  et  Robatel. 

M.  Pingrié  était  représenté  par  sa  machine  à  apprêter,  pour  teinturiers,  dégraisseurs 
et  apprèteurs  sur  étoffes.  MM.  Kientzy  frères  exposaient  leurs  calandres  pour  blanchisseurs, 
qui  peuvent  produire  une  très  grande  friction  sur  les  étoffes,  ainsi  qu'une  autre  machine  à 
élargir  les  tissus. 

M.  Chasles  présentait  des  machines  et  appareils  divers  pour  les  buanderies,  blan- 
chisseries, teintureries,  apprêts,  etc.,  et  M.  Grawitz  son  ingénieux  appareil  qui  teint  méca- 
niquement les  textiles  en  écheveaux.  c'est-à-dire  en  fils  plies  en  plusieurs  tours,  pour  qu'ils 
ne  se  mêlent  pas. 


608 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Ce  sont  encore  des  machines  teignant  mécaniquement  la  laine  peignée  et  autres  textiles 
qu'exposaient  MM.  Lucien  Faye  et  Hauschel. 

Enfin,  terminons-en  avec  cette  classe  LVIII,  qui  nous  a  arrêté  si  longtemps  par  son 
intérêt  et  la  variété  infinie  de  ses  appareils,  sans  oublier  de  noter  encore  les  appareils, 
machines  et  mode  de  chauffage  pour  teintureries,  de  M.  Descombes;  et  M.  Schoumacher, 
pour  ses  machines  à  teindre  les  papiers  peints. 


MATERIEL   ET   PROCÉDÉS 

DU  GÉNIE  CIVIL,   DES  TRAVAUX  PUBLICS  ET  DE   L'ARCHITECTURE 


oici  une  classe  où  il  était  bien  difficile  de  se  retrouver  et  surtout  de  voir,  non  pas 
tout,  mais  les  choses  importantes,  tant  ces  dernières  étaient  nombreuses  et  variées. 
Dans  un  ouvrage  comme  celui-ci,  nous  ne  pouvons  que  passer  on  revue  les  exposi- 
tions réellement  remarquables,  car  s'il  nous  fallait  seulement  consacrer  quelques  lignes  à 
chaque  objet  de  la  classe  LXIII,  un  volume  ne  suffirait  pas  à  cette  tâche.  Nous  serons  donc 
obligés  de  laisser  de  côté,  à  notre  grand  regret,  sans  même  les  citer,  un  grand  nombre  d'ex- 
posants qui  le  mériteraient  cependant.  La  difficulté  de  rechercher  telle  ou  telle  industrie  dans 
cette  classe,  provenait  surtout  du  grand  éparpillement  des  objets  exposés.  Il  y  en  avait  un 
peu  partout.  Et  si  le  Palais  des  Machines,  au  rez  de  chaussée  et  au  premier  étage,  renfer- 
mait, groupés  ensemble  le  plus  grand  nombre  d'entre  eux,  d'autres  avaient  été  rélégués 
dans  les  annexes  de  la  classe  LXIII,  à  savoir:  sur  la  berge  du  Trocadéro,  à  l'Esplanade  des 
Invalides,  et  d'autres  étaient  disséminés  dans  toutes  les  parties  de  l'Exposition. 
Notre  compte  rendu  sera  divisé  en  sections  afin  de  faciliter  l'étude. 

Travaux  publics.  —  Les  travaux  publics  se  sont  considérablement  développés  sur  toute 
la  surface  du  globe  depuis  vingt  ans  surtout.  Chaque  jour  annonce  une  nouvelle  entreprise 
grandiose,  et  elle  n'est  pas  encore  achevée  qu'une  autre  surgit  à  l'horizon.  Aussi  le  matériel 
et  les  procédés  des  grands  travaux  ont-ils  subi  des  perfectionnements  très  nombreux,  ayant 
toujours  pour  but  de  réduire  le  plus  possible  la  dépense  et  d'atteindre  à  une  plus  grande 
rapidité  dans  l'exécution.  On  cite  des  travaux  exécutes  avec  une  précision,  un  bon  marché 
et  une  célérité  vraiment  remarquables;  c'est  le  métal  qui  a  fait  cette  révolution. 

Les  grands  constructeurs  français,  dont  plusieurs  portent  des  noms  célèbres,  ont  non 
seulement  construit  beaucoup  sur  le  sol  national,  mais  encore  ils  ont  appliqué  leurs  procédés 
et  leur  matériel  perfectionnés  à  un  grand  nombre  d'États  étrangers.  La  plupart  de  nos 
constructeurs- devaient  naturellement  saisir  l'occasion  de  l'Exposition  pour  étaler  leurs  plus 
récentes  entreprises;  c'est  ce  qu'ils  ont  largement  fait.  Leurs  expositions  se  composaient, 

III  39 


610  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE   1889 

outre  de  leurs  procédés  et  matériel  exposés,  de  plans,  de  modules,  de  diagrammes,  etc.;  tout 
cela  offrait  un  vaste  champ  d'étude  très  profitable  aux  ingénieurs  et  très  instructif  pour  les 
profanes.  La  plupart  de  ces  exposants  ayant  eux-mêmes  participé  à  la  construction  des 
Palais  de  l'Exposition,  cela  augmentait  encore  l'intérêt  de  leurs  expositions. 

Comment  n'être  pas  saisi  d'admiration,  par  exemple,  devant  les  photographies  exposées 
par  MM.  M(  lisant,  Laurent,  Savey  et  O  ;  elles  représentent  toutes  des  constructions  mé- 
talliques exécutées  par  la  maison  telles  que  les  docks  du  Havre,  l'usine  du  Landy,  les  mar- 
chés de  Sens  (Yonne),  des  baraquements  militaires  à  Diego-Suarez  (Madagascar),  etc.;  enfin 
des  photographies  prises  au  cour.--  des  travaux  exécutés  parla  maison  à  l'Exposition  de  1889, 
tels  que  le  Dôme  Central,  le  pavillon  du  Chili,  la  passerelle  de  l'Aima,  etc. 

Très  intéressantes  aussi  étaient  les  photographies  exposées  par  la  Société  des  Ponts  et 
travaux  en  fer  (anciens  établissements  Joret),  qui  donnaient  les  vues  des  travaux  exécutés 
par  cet  établissement  en  Algérie,  en  Espagne,  en  Cochinchine,  et  ceux  des  Dômes  des 
Talais  des  Arts  Libéraux  et  th^  Beaux-Arts,  à  l'Exposition. 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  les  Forges  de  la  Franche-Comté  nous  montraient  un  modèle 
de  pont  démontable  en  acier  et  les  photographies  des  fermes  des  galeries  industrielles,  cons- 
truites par  cette  compagnie  à  l'Exposition  Universelle. 

MM.  Daydé  et  Pillet,  directeurs  des  établissements  Le  Brun  (ateliers  de  constructions  à 
Creil),  nous  faisaient  voir,  entre  autres,  de  beaux  modèles  de  ponts,  parmi  lesquels  celui  jeté 
sur  la  Dordogne,  à  Cubzac,  qui  mesure  54S  mètres  de  long;  en  outre,  des  dessins  de  cons- 
truction indiquant  le  système  de  langage  employé;  ils  exposaient  aussi  les  épures  des  fermes 
de  tête  de  la  Galerie  des  Machines  qu'ils  ont  construites. 

La  compagnie  du  chemin  de  fer  et  du  port  de  la  Réunion  figurait  avec  les  plans  et 
modèles  en  relief  des  travaux  qu'elle  a  exécutés  dans  cette  ile  française  de  l'Océan  Indien. 

MM.  Baudet,  Donon  et  Cic,  la  Compagnie  générale  des  Travaux  publics  et  particuliers, 
avaient  des  expositions  analogues.  On  remarquait  dans  cette  dernière  et  dans  plusieurs  autres, 
des  constructions  de  fortifications  et  des  constructions  hydrauliques,  exécutées  récemment 
dans  divers  pays. 

La  Société  de  construction  des  Batignolles  (ancienne  maison  Gouin)  exposait  un  beau  plan 
en  relief  du  pont  de  Tunis  et  des  dessins  et  modèles  de  ponts  métalliques.  A  signaler  spécia- 
lement celui  étudié  par  M.  Paul  Bodin,  qui  y  a  employé  des  poutres  en  encorbellement  d'une 
construction  toute  particulière,  et  dont  la  portée  de  l'arc  est  de  250  mètres. 

La  compagnie  de  Fives-Lille  était  bien  représentée,  outre  la  photographie  de  la  plupart 
des  ouvrages  d'art  métalliques  exécutés  par  elle  dans  ces  dernières  années,  elle  exposait  plu- 
sieurs modèles,  entre  autres  : 

1"  Une  portion  de  travée  de  pont  portatif  en  acier  pour  routes  et  petits  chemins  de  fer. 
Cette  travée  est  formée  de  trois  panneaux  de  trois  mètres  chacun;  les  assemblages  sont  faits 
exclusivement  avec  des  boulons  tournés.  Toutes  les  pièces  sont  rectilignes  et  interchan- 
geables; on  peut  former  le  treillis  des  poutres  avec  des  barres  douilles  disposées  en  N  ou 
avec  >\o>  barres  simples  disposées  en  X,  ou  enfin,  en  combinant  les  deux  systèmes  dans  la 
longueur  d'une  même  poutre.  Une  passerelle  de  360  mètres,  construite  dans  ce  système,  a 
été  établie  sur  le  Var  et  a  donné'  d'excellents  résultats. 

2°  Un  modèle  de  réduction  au  1/50  du  pont  en  arc  sur  la  Saf-Saf  digne  de  Tabia  à 
Tlemcen,  Algérie  i;  ce  pont,  situé  sur  une  courbe  de  300  mètres  de  rayon,  et  en  rampe  de 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 


611 


0ra,011  par  mètre,  comporte  une  travée  en  arc  de  70 mètres  de  corde  etde6m,70  de  flèche;  Les 
arcs  sont  du  système  à  trois  articulations,  dont  deux  aux  retombées  et  une  a  la  clef;  c'est  le 
premier  pont  en  arc  à  trois  articulations  à  grande  portée  qui  ait  été  construit. 

3°  Les  travaux  de  fonçage  à  l'air  comprimé  des  piles  et  culées  des  ponts  et  viaducs  sur 
lesquels  le  chemin  de  fer  franchit  la  Dordogne  à  Cubzac.  Les  fondations  des  piles  du  pont 
ont  été  descendues  à  28  mètres  sous  le  niveau  des  marées  ordinaires,  etc. 


Succursale  des  établissements  Cail  û.  Deaaiii. 


Ateliers  des  Forges. 


La  Société  des  anciens  établissements  Cail,  qui  a  exécuté  des  travaux  d'art  dans  presque 
tous  les  pays,  présentait  les  plus  remarquables.  Outre  de  nombreux  ponts  et  viaducs,  cette 
compagnie  a  monté  la  moitié'  île  la  Galerie  des  Machines  et  le  pavillon  du  Mexique  à  l'Expo- 
sition de  1889;  on  lui  doit  aussi  l'ascenseur  hydraulique  des  Fontincttes,  sur  le  canal  de 
Neuffosé,  au  moyen  duquel  des  bateaux  de  300  tonneaux  peuvent  être  élevés  ou  abaissés  en 
quelques  minutes,  entre  deux  biefs  dont  les  niveaux  varient  de  13  mètres. 

La  Société  anonyme  de  Commentry-Fourchambault  montrait,  dans  la  classe  LXIII,  outre 
les  dessins  et  photographies  des  principaux  ouvrages  métalliques  qu'elle  a  exécutés,  tels  que 


612  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE   DE    1889 


ponts  en  fer  et  fonte,  en  arc  et  à  poutres  étroites,  églises,  marchés  couverts,  etc.,  des 
modèles  en  relief  reproduisant  trois  ponts,  dont  l'un,  celui  de  Barbin,  sur  l'Erdre,  à  Nantes, 
présente  une  seule  arche  en  fer  de  80  mètres  de  portée. 

La  compagnie  des  Magasins  et  Entrepôts  Généraux  de.  Paris  présentait  des  vues  d'en- 
semble de  ses  magasins. 

La, compagnie  des  Chemins  de  fer  de  l'État  avait,  au  premier  étage,  un  salon  où  figuraient 
les  ouvrages  d'art  et  travaux  exécutés  sous  la  direction  de  M.  Celler,  ingénieur  en  chef. 

La  Ville  de  Rouen  réunissait  divers  plans,  entre  autres  ceux  de  marchés. 

Nous  aurions  encore  à  citer  une  foule  d'exposants  du  même  genre,  de  moindre  ou  d'égale 
importance,  tels  que  M.  Eugène  Monnier,  pour  sa  flèche  de  l'église  de  Vanves;  MM.  Zschokke 
et  P.  Terrier  (travaux  à  l'air  comprimé);  les  modèles  de  ponts  de  MM.  Arnodinetde  Brochocki; 
photographie  des  ouvrages  exécutés  par  M.  Lang;  les  expositions  d'ingénieurs  constructeurs 
qui  ont  fait  leurs  preuves,  tels  que  MM.  Pacheux  et  Muller,  Hersent,  etc.;  d'entrepreneurs 
comme.  MM.  Baratoux,  Vernaudon  frères  et  Cie,  etc.,  mais  il  faut  nous  borner. 

En  fait  de  projets  concernant  les  grands  travaux  publics  exposés  dans  la  classe  LXIII, 
signalons  celui  du  canal  des  Deux-Mers,  de  Bordeaux  à  Narbonne,  dû  à  M.  Ed.  Cahen  ;  celui 
de  Paris  Port-de-Mer,  dû  à  M.  Bouquet  de  la  Grye;  un  projet  de  pont  sur  la  Manche,  de 
MM.  Hersent  et  Schneider;  enfin  deux  projets  de  chemins  de  fer  métropolitains  pour  Paris, 
l'un  de  M.  Paul  Haag,  l'autre  de  MM.  Desroches  et  Barreau. 

Le  pont  sur  la  Manche,  proposé  par  MM.  Schneider,  du  Creusot,  et  Hersent,  le  grand 
entrepreneur  de  ports,  aurait  36,800  mètres  de  longueur,  et  comprendrait  un  certain 
nombre  de  travées  de  100,  250,  300  et  500  mètres  de  longueur.  La  hauteur  libre,  au-dessus 
des  basses  mers,  serait  de  61  mètres. 

Quelques  mots  sur  les  ponts  portatifs  et  démontables  exposés  par  M.  le  comte  Bro- 
chocki ne  seront  pas  inutiles.  Ces  ponts  sont  assemblés,  non  pas  avec  des  boulons,  dont 
l'emploi  est  souvent  défectueux,  sinon  dangereux  à  la  guerre,  mais  au  moyen  de  chevilles 
d'articulation,  de  pièces  forgées  qui  présentent  toute,  sécurité.  Il  n'y  en  a  que  six  tous  les 
quatre  mètres  du  pont.  Cette  simplicité  dans  le  mode  du  montage  permet  de  monter  un 
pont  de  ce  système  en  17  heures  seulement,  tandis  que  les  ponts  démontables  à  boulons 
demandent  au  moins  52  heures  pour  être  complètement  montés. 

D'un  autre  côté,  et  en  temps  de  guerre,  car  ces  ponts  ont  surtout  cet  objet,  la  vivacité 
du  montage  et  le  poids  des  pièces  à  transporter  sont  deux  circonstances  dont  il  faut  égale- 
ment tenir  compte,  disons  que  le  poids  du  pont  du  système  de  Brochocki  ne  pèse  que 
290  kilogrammes  par  mètre  courant,  tandis  que  la  plupart  des  ponts  similaires  pèsent  au 
moins  le  double. 

Un  pont  de  ce  système  figurait  à  l'Exposition,  sur  le  quai  d'Orsay,  en  face  du  pont  des 
Invalides  ;  il  servait  de  passage  pour  les  piétons. 

De  l'examen  attentif  des  diverses  photographies  et  modèles  réduits  des  grands  travaux 
publics,  qui  figuraient  à  l'Exposition  Universelle,  dans  la  classe  dont  nous  nous  occupons, 
il  ressort  clairement  que  l'industrie  moderne  résout  des  problèmes  que  l'on  n'aurait  pas 
même  osé  aborder  autrefois. 

En  ce  qui  concerne  particulièrement  les  ponts  et  viaducs,  qui  formaient  la  majorité 
des  ouvrages  exposés,  les  progrès  sont  considérables.  Alors  qu'il  n'y  a  que  cinquante  ans 
seulement  qu'on  a  jeté  les  bases  du  premier  pont  métallique,  on  en  compte  aujourd'hui 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  613 


des  quantités.  Le  métal  a  permis  d'atteindre  des  portées  considérables  et  de  construire  des 
prodiges,  comme  le  pont  du  Forth,  en  Ecosse,  qui  mesure  en  tout  2,523"\42;  le  pont-viaduc 
Maria-Pia,  sur  le  Douro,  en  Portugal  (354  mètres);  le  viaduc  de  Garabit,  sur  la  ligne  de 
Marvejols  à  Neussargues  (564  mètres);  le  pont  de  Szegedin,  en  Hongrie  (606  mètres);  ces 
trois  derniers  dus  à  la  maison  Eiffel,  et  dont  la  construction  était  représentée,  avec  détails, 
dans  le  pavillon  spécial  de  M.  G.  Eiffel,  à  l'Exposition  ;  le  viaduc  de  Tardes,  sur  la  ligne  de 
Montluçon,  et  une  foule  d'autres. 

La  méthode  employée  par  M.  G.  Eiffel  au  pont  du  Douro  était  absolument  nouvelle,  et 
ce  travail  fait  réellement  époque  dans  l'histoire  de  la  construction.  Au  point  de  passage 
choisi  sur  le  Douro,  l'établissement  d'une  pile  en  rivière  aurait  présenté  les  plus  grandes 
difficultés,  vu  la  nature  du  sol,  la  rapidité  du  courant  et  la  hauteur  des  crues.  M.  Eiffel  se 
décida  à  franchir  le  fleuve  par  un  pont  d'une  seule  travée  centrale  de  160  mètres  d'ouver- 
ture, et  dont  la  hauteur  au-dessus  des  basses  mers  devait  être  de  61m,28.  Jamais  on  n'avait, 
à  part  le  cas  des  ponts  suspendus,  construit  de  travée  aussi  grande. 

La  travée  unique  du  pont  du  Douro  a  la  forme  d'un  arc  soutenant  le  tablier  horizontal 
de  la  voie;  ce  tablier  est  supporté,  en  dehors  de  l'arc,  par  des  piles  métalliques  de  hauteurs 
variant  avec  la  configuration  du  sol.  L'arc  a  10  mètres  de  hauteur  à  la  clef,  et  diminue  de 
hauteur  de  ce  point  jusqu'aux  culées  où  l'intrados  et  l'extrados  viennent  converger;  ce  qui 
donne  à  l'arc  la  forme  d'un  croissant.  Les  extrémités  de  l'arc  sont  portées  par  des  axes 
horizontaux  qui  forment  rotules  et  qui  peuvent  tourner  dans  des  coussinets;  cette  disposi- 
tion permet  à  l'arc  de  prendre  sa  position  d'équilibre  et  à  la  dilatation  de  se  faire  librement. 

C'est  du  l'esté  le  système  appliqué  avec  tant  de  succès  à  la  splendide  Galerie  dis 
Machines,  au  Chanip-de-Mars.  L'extrados  et  l'intrados  de  l'arc,  ou  poutre  courbe,  sont  soli- 
dement reliés  et  solidarisés  par  un  système  de  pièces  verticales  et  de  croix  de  Saint-André. 
Le  pont  se  trouve  formé  de  deux  arcs  semblables  à  celui-ci,  placés  côte  à  côte,  dans  des 
plans  inclinés  par  rapport  au  plan  vertical;  ces  arcs  sont  distants  de  3m,95  à  la  partie  supé-  . 
rieure,  et  de  15  mètres  à  la  base,  et  sont  réunis  entre  eux  par  un  système  de  cadres  trans- 
versaux et  de  pièces  établissant  un  solide  contreventement. 

Les  arcs  viennent  buter  contre  des  piles-culées  implantées  sur  les  rochers  des  deux 
rives.  Le  tablier  du  pont  passe  à  l'intérieur  de  l'arc,  de  façon  à  présenter  une  moins  grande 
surface  à  l'action  du  vent,  et  à  faciliter  la  liaison  générale  de  la  construction.  Ce  tablier 
s'appuie,  de  part  et  d'autre  de  la  travée  centrale,  par  une  [talée  sur  les  reins  de  l'arc;  il  se 
prolonge  jusqu'aux  culées  en  reposant  sur  des  piles  métalliques,  au  nombre  de  deux  sur 
l'une  des  rives,  et  de  trois  sur  l'autre.  La  partie  métallique  de  ce  bel  ouvrage  a  en  tout  plus 
de  354  mètres  de  longueur. 

Le  pont  sur  le  Douro  a  été  construit  en  moins  de  deux  ans  (1876-77). 

Le  viaduc  de  Garabit,  sur  la  rivière  de  Truyère,  est  construit  sur  le  même  principe  que 
le  précédent,  et  a  été  terminé  en  1888. 

Le  tablier  a  une  longueur  totale  de  447  mètres;  il  est  supporté,  dans  la  partie  centrale 
la  plus  profonde  de  la  vallée,  par  un  arc  métallique  de  165  mètres  d'ouverture  ou  de  corde, 
et  de  52  mètres  de  flèche;  les  rails  se  trouvent  placés  au  point  central,  à  122m,20  au-dessus 
de  l'étiage  de  la  rivière,  qui  coule  au  fond  de  la  vallée.  L'arc  n'a  que  5  mètres  de  largeur 
entre  cornières  à  la  clef,  et  lu  mètres  de  hauteur;  il  vient,  en  s'amaigrissant,  reposer  sur 
quatre  rotules,  fixées  dans  des  piles  en  maçonnerie.  D'un  autre  côté,  les  cornières  qui  cons- 


614  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

tituent  le  nerf  de  base  s'écartent  à  la  base  jusqu'à  12  mètres.  Au  delà  de  l'arc  le  tablier  se 
prolonge,  soutenu  par  des  piles  métalliques. 

Il  était  impossible  de  songer  à  des  échafaudages  à  des  hauteurs  aussi  considérables  que 
les  ponts  de  Garabit  et  de  Maria-Pia  ;  il  a  donc  fallu  lancer  les  arcs  dans  le  vide,  et  pour 
cela  les  pièces  furent  successivement  montées  par  un  cheminement  en  porte-à-faux,  en 
s'avançant  des  deux  côtés,  à  partir  des  deux  culées.  Onles  rattachait  au  fur  et  à  mesure, 
l'une  à  l'autre,  et  l'on  formait  ainsi  un  ensemble  que  l'on  suspendait  par  des  haubans  aux 
piles  voisines,  jusqu'à  ce  qu'on  fût  arrivé  à  la  jonction,  à  la  clef,  des  deux  moitiés  de  l'arc 
Cette  jonction  s'effectua  avec  une  grande  justesse,  ce  qui  prouva  que  les  dimensions  des 
pièces  avaient  été  magistralement  calculées. 

Nous  avons  cru  devoir  nous  étendre  quelque  peu  sur  ces  importants  ouvrages,  leur 
construction  ayant  été  le  point  de  départ  d'une  véritable  révolution  dans  l'art  de  l'ingénieur 
et  la  notoriété  de  leur  auteur,  appelant  sur  eux  l'attention  générale. 

A  côté  de  ces  ponts  à  grande  portée,  M.  Eiffel  exposait,  toujours  dans  son  pavillon,  des 
ouvrages  d'un  ordre  tout  différent,  entre  autres  les  écluses  du  canal  de  Panama  et  la 
coupole  flottante  du  grand  équatoiïal  de  l'Observatoire  de  Nice. 

Cette  coupole  métallique  a  un  diamètre  extérieur  de  23m  ,90;  la  coupole  analogue  de 
l'Observatoire  de  Paris  n'a  que  12  mètres.  La  principale  difficulté  à  résoudre,  c'est  le  mou- 
vement de  rotation  de  la  coupole  autour  de  son  axe;  on  y  est  arrivé  par  l'usage  d'un  petit 
moteur  à  gaz.  La  coupole  est  portée  sur  un  flotteur  annulaire,  plongé  dans  un  liquide  plus 
dense  que  l'eau,  le  chlorure  de  magnésium,  qui  ne  peut  pas  altérer  le  métal.  M.  Ch.  Gar- 
nier,  architecte  de  l'Observatoire  de  Nice,  a  tenu  à  ce  que  cette  coupole  reposât  en  même 
temps  sur  un  chemin  circulaire,  afin  de  parer  aux  éventualités  de  fuite  du  bassin  annulaire. 
Pour  empêcher  tout  déplacement  latéral,  la  partie  inférieure  de  la  coupole  porte  extérieure- 
ment des  galets  à  axes  verticaux  qui  roulent  sur  une  ceinture  cylindrique.  Le  poids  total 
de  la  construction  est  de  160  tonnes,  dont  35  pour  la  partie  mobile,  et  65  pour  la  partie  fixe. 

Travaux  d'architectes.  —  Nous  venons  de  passer  sommairement  en  revue  les  travaux  des 
ingénieurs;  parlons  maintenant  de  ceux  des  architectes,  qui  ont,  avec  les  premiers,  plus 
d'un  point  de  commun. 

Il  nous  faut  tout  d'abord  citer  le  salon  consacré  exclusivement  aux  travaux  des  membres 
de  la  Société  centrale  îles  architectes  français,  société  vieille  déjà  de  cinquante  ans,  et  qui  a 
su  faire  entrer  dans  son  sein  les  sommités  architecturales  contemporaines;  son  président 
actuel  est  M.  Charles  Gamier,  membre  de  l'Institut  et  architecte  de  l'Opéra.  Dans  l'exposition 
de  cetle  société,  on  pouvait  voir  deux  écrans  tapissés  de  photographies  du  plus  haut  intérêt, 
et  de  dessins  d'architecture  très  intéressants,  extraits  des  œuvres  bâties  par  les  principaux 
membres  de  la  Compagnie. 

La  Société  des  architectes  de  l'Anjou  avait  aussi  une  exposition  collective. 

Une  autre  association,  la  Société  des  ingénieurs  civils,  avait  installé  également  un  salon, 
extrêmement  somptueux,  consacré  à  ses  annales  et  publications  périodiques;  M.  Gustave 
Eiffel  en  était  le  président  en  1889. 

A  la  suite  de  l'Exposition  de  la  Société  centrale,  et  la  complétant  en  quelque  sorte,  com- 
mençait une  longue  série  d'exposants  de  dessins  d'architecture:  édifices  publics,  écoles, 
constructions  particulières,  magasins,  hôtels,  etc.,  signés  pour  la  plupart,  de  noms  connus. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


615 


Au  milieu  d'une  telle  profusion  de  dessins  splendides,  où  l'œil  est  émerveillé,  qu'il  soit  con- 
naisseur ou  non,  se  distinguaient  entre  autres  les  envois  de  MM.  A.  Agnès  id'Arras),  Aulmrtin, 
Boileau  fils,  architecte  du  monument  de  Gambetta,  sur  la  place  du  Carrousel,  Bouvard, 
architecte  du  Dôme  Central  de  l'Exposition,  Bouwcns  Van  dcr  Boyen,  architecte  du  Crédit 
lyonnais,  E.  Cainut,  Pierre  Chabat,  E.  Corroyer,  ancien  architecte  du  Mont  Saint-Michel  et 
architecte  du  Comptoir  d'Escompte;  Marcel  Deslignières,  Dunnett,  Février,  Gaillard, 
C.-A.  Gauthier,  architecte  de  la  passerelle  de  l'Aima,  A.  Gosset  fde  Beims),  Hermant,  H.  Jan- 
din,  Lucien  Leblanc,  archi- 
tecte du  Pavillon  des  Forêts, 
à  l'Exposition  de  1889  ;  E. 
Leménil ,  Lheureux ,  Mes- 
nard,  H.  Nénot,  architecte 
de  la  nouvelle  Sorbonne; 
H.  Picq,  Bévoil  (de  Nîmes), 
Sudrot,  Tessier,  Vaudoyer, 
architecte  du  pavillon  de 
la  Presse,  à  l'Exposition  de 
1889  ;  cinquante  autres 
noms  mériteraient  encore 
d'être  cités  pour  leurs  œu- 
vres exposées. 

Nous  devons  classer 
dans  cette  section,  comme 
se  rapportant  à  l'architec- 
ture, l'Exposition  des  tra- 
vaux des  élèves  de  la  Société 
civile  d'instruction  <Iu  bâti- 
ment, dirigée  par  M.  George, 
les  ouvrages  d'art  édités  par 
MM.  Juliot,  Baudry,  etc.; 
enfin  divers  journaux  ou 
publications  techniques,  parmi  lesquels  le  Génie  civil  se  distinguait  comme  un  des  plus 
intéressants  et  des  plus  variés  de  rédaction. 

De  l'examen  attentif  des  divers  dessins  d'architectes,  exposés,  concernant  soit  des  édi- 
fices publics,  soit  des  constructions  particulières,  il  ressort  que  de  grands  progrès  ont  été 
réalisés  dans  l'art  de  bâtir. 

Ce  qui  caractérise  le  plus  l'architecture  moderne  —  et  ceci  dit  dans  un  sens  absolument 
général,  car  les  types  de  construction  sont  variés  à  l'infini  —  c'est  le  bien-être  de  plus  en 
plus  grand  apporté  à  la  population  des  villes.  Les  systèmes  d'écoulement  des  eaux  ména- 
gères, les  lavabos,  les  water-closets,  sont  exécutés,  dans  leurs  récentes  constructions,  avec 
le  plus  grand  soin,  et  en  tenant  grand  compte  des  principes  de  l'hygiène.  L'aération  et  le 
chauffage  des  habitations  et  des  édifices  n'ont  pas  non  plus  échappé  à  l'attention  de 
l'architecte.  Les  bâtiments  d'enseignement:  lycées,  collèges,  écoles,  sont  aujourd'hui  con- 
struits comme  de  véritables  palais,  et  il  n'est  pas  jusqu'à  l'introduction  de  motifs  décoratifs 


Wagon  déversant  à  mouvement  pneumatique.  (Em.  Chevalier,  constructeur 


616  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE    1889 

tels  que  les  mosaïques,  etc.,  qui  ne  vienne  contribuer  à  rendre  encore  plus  agréable  le 
séjour  de  la  maison  moderne. 

Matériaux  de  construction.  —  Les  divers  matériaux  employés  dans  la  construction  sont 
très  importants  à  examiner  attentivement,  carde  la  qualité  des  matériaux  employés  dépend 
naturellement  la  réussite  de  l'œuvre  que  l'architecte  veut  réaliser,  autrement  que  sur  le 
papier. 

La  classe  LXIII  à  cet  égard  nous  renseignait  pleinement;  elle  nous  montrait  la  plupart 
des  matériaux  employés  de  nos  jours,  et  les  plus  récentes  applications  de  ces  divers  maté- 
riaux. Malheureusement  tout  cela  était  peu  visité  par  le  public,  attiré  autre  part  à  coups  de 
grosse  caisse. 

Nous  avons  vu,  tout  à  l'heure,  à  propos  des  grands  travaux  publics,  quelle  consomma- 
tion énorme  de  fer  on  faisait  aujourd'hui  dans  ce  genre  de  travaux,  et  c'est  bien  cet  emploi 
judicieux  et  économique  du  métal  qui  caractérise  surtout  l'architecture  de  notre  «  fin  de 
siècle  »,  dont  les  bâtiments  de  l'Exposition  étaient  le  type  grandiose,  et  qui  réunit  à  la  fois 
la  solidité,  la  durée,  l'économie  et  la  rapidité  d'exécution. 

D'autres  matériaux,  employés  dans  différents  cas,  donnent  des  résultats  excel- 
lents. 

Les  plâtres,  chaux,  ciments,  produits  céramiques,  marbres,  etc.,  avaient  une  foule  de 
représentants  à  l'Exposition,  et  montraient  ces  matériaux  avec  les  derniers  perfectionne- 
ments apportés  par  la  chimie. 

Le  ciment  surtout  a  reçu,  dans  ces  dernières  aimées,  de  multiples  et  nouvelles  applica- 
tions. Sur  la  berge  du  Trocadéro,  l'Exposition  montrait  divers  produits  en  ciment.  MM.  Pavin 
de  Lafarge  nous  présentaient  une  vue  réduite  de  leurs  usines  à  ciments,  établies  à  proxi- 
mité des  carrières,  et  les  produits  manufacturés  de  leurs  établissements,  produits  dont 
MM.  Canv  et  iils  aine  muniraient  également  des  spécimens. 

La  maison  Carré  fils  et  Ciea  résumé  dans  son  exposition  les  divers  travaux  et  créations 
qui  l'ont  mise  au  rang  qu'elle  occupe  dans  la  haute  industrie.  Les  constructions  spéciales 
en  bétons  agglomérés,  et  en  aimant  et  fer  combinés,  ainsi  que  ses  appareils  d'élévation 
et  de  distribution  d'eau  ont  été  présentés  par  elle  sur  toutes  leurs  formes  et  dans 
toutes  leurs  applications,  d'une  façon  très  vivante  et  très  démonstrative.  Les  modèles  de 
travaux  en  bétons  et  ciments  étaient  empruntés  à  ceux  accomplis  pour  le  compte  de 
l'État,  de  la  Ville  et  de  plusieurs  grandes  maisons  industrielles;  nous  avons  remarqué 
notamment  : 

La  réduction  d'un  massif  de  machine  monolithe  de  1,^00  mètres  cubes  exécuté  pour 
la  filature  Bessonneau  à  Angers,  afin  de  recevoir  une  puissante  machine  Farcot. 

Un  type  de  plancher  de  grande  résistance,  pour  ateliers  et  usines,  avec  hourdis  et 
dallage  solidaires  et  pouvant  supporter  des  charges  supérieures  à  celles  que  peuvent  porter 
tous  autres  modes  de  construction,  à  disposition  et  à  dépenses  égales. 

Des  modèles  de  canalisations  et  d'égouts  de  toutes  sections. 

Des  spécimens  de  travaux  hydrauliques  en  bétons  et  en  ciment  et  fer  combinés, 
tels  que  cuves  de  gazomètres,  réservoirs,  citernes,  exécutés  pour  l'éclairage  ou  pour 
l'alimentation  d'eau  des  villes. 

La  réduction  complète  d'une  décoration  de  parc  et  jardin  avec  pièces  d'eau,  rochers 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


617 


artificiels,  cascade  pittoresque,  jets  d'eau  et  service  d'arrosage  au  moyen  de  l'appareil 
élévateur  d'eau  de  l'invention  de  MM.  Carré,  et  dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure. 

Une  série  de  canalisations  spéciales  pour  l'usine  principale  d'électricité  et  divers 
secteurs  électriques,  a  aussi  appelé  notre  attention,  ainsi  que  les  dessins  de  quatre  grandes 
piscines  construites  à  Paris  par  la  maison  Carré,  notamment  ceux  des  piscines  Roche- 
chouart  et  du  Nouveau  Cirque  exécutés  avec  de  grandes  difficultés  et  sujétions. 

MM.  Carré  et  Cie,  qui  ont  donné  leur  concours  moral  et  matériel  à  cette  question 
si  intéressante  des  habitations  ouvrières,  nous  montraient  aussi  des  reproductions  de 
plusieurs  des  groupes  de  maisons  ouvrières  qu'ils  ont  construits  à  Paris  ou  en  province, 
nous  avons  également  retrouvé  une  de  ces  reproductions  à  l'Exposition  d'Économie  sociale, 


groupe  des  habitations  ouvrières  de  Passy-Auteuil,  édifié  sous  l'inspiration  de  MM.  Dietz- 
Monnin,  Siegfred,  Cheysson,  Cacheux,  etc. 

La  maison  Carré  nous  donne,  dans  les  divers  travaux  que  nous  venons  d'examiner 
ci-dessus,  les  preuves  matérielles  et  acquises  de  sa  grande  compétence. 

Mais  cette  maison  s'est  également  créé  une  notoriété  dans  l'étude  des  questions  rela- 
tives à  la  distribution,  à  l'assainissement,  ou  à  l'élévation  des  Eaux,  et  son  initiative  a  eu 
les  meilleurs  résultats  pratiques.  Nous  en  voyons  la  preuve  dans  les  diverses  démonstra- 
tions, toutes  consacrées  déjà  par  l'usage,  que  nous  offre  son  exposition,  avec  les  appareils 
du  système  Carré,  destinés  aux  installations  d'eau  à  la  ville  et  à  la  campagne.  MM.  Carré 
et  Cie,  ayant  constaté  fréquemment  au  cours  de  leurs  travaux,  combien  étaient  défectueux 
les  services  d'eau  alimentés  par  des  châteaux  d'eau  ou  des  réservoirs  dans  les  combles,  au 
triple  point  de  vue  de  la  pratique,  de  l'hygiène  et  de  la  convenance  architecturale,  se  sont 
préoccupés  de  parer  aux  inconvénients  multiples  des  réservoirs  en  élévation.  C'est  pour 
atteindre  ce  but  qu'a  été  créé  le  réservoir  élévateur  d'eau  (brevet  Carré) .  Nous  n'entrerons 


618  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

pas  dans  le  détail  technique  des  divers  types  d'installations  de  l'appareil  Carré.  Nous  nous 
contenterons  de  signaler  les  avantages  que  nous  avons  constatés,  et  dont  les  nombreuses 
attestations  mises  sous  nos  yeux  comme  références  nous  ont  prouvé  le  bien  fondé.  D'une 
façon  générale,  les  appareils  d'élévation  d'eau  (système  Carré)  s'installent  dans  les  sous- 
sols  ou  caves  ou  au  rez-de-chaussée  des  constructions  quelconques  où  ils  doivent  être 
utilisés.  Cette  position  donnée  à  l'appareil  ou  à  la  batterie  d'appareils  Carré,  permet  déjà 
d'éviter  toutes  dépenses  de  points  d'appui,  et  toutes  surcharges  pour  la  construction.  De 
plus,  l'eau  introduite  dans  l'appareil  placé  en  sous-so!,  est  à  l'abri  de  la  chaleur  en  été, 
comme  de  la  gelée,  en  hiver. 

Puis,  l'appareil  étant  hermétiquement  clos,  l'eau  qu'il  contient  en  pression  utile  pour 
tous  les  services  est  absolument  à  l'abri  de  toute  souillure  et  contamination  organique  ;  et 
aucune  inondation,  aucun  débordement  et  dégâts  en  résultant,  n'est  à  craindre  comme 
avec  l'emploi  des  réservoirs  dans  les  combles. 

L'appareil,  en  raison  de  sa  situation  en  sous-sol,  est  toujours  accessible  et  permet  la 
fermeture  et  la  décharge  complète  de  la  conduite  de  distribution,  si  cette  manœuvre  est 
utile  en  hiver. 

Dans  l'habitation,  ce  système  supprime  les  sujétions  et  dépenses  qui  résultaient  des 
trois  conduites  de  refoulement,  de  distribution  et  de  trop-plein,  nécessitées  par  le  réservoir 
dans  les  combles;  il  suffit,  en  effet,  d'une  colonne  montante  unique,  distribuant  l'eau  de 
l'appareil.  Ces  élévateurs  d'eau  sont  d'une  construction  robuste  et  simple,  et  leurs  formes 
et  dimensions  varient  suivant  les  dispositions  locales,  ce  qui  permet  partout  leur  emploi, 
avec  les  avantages  d'économie,  d'hygiène  et  de  sécurité  qui  résultent  des  considérations 
précédentes. 

Un  des  buts  principaux  des  Réservoirs  élévateurs  d'eau,  système  Carré,  est  de  donner  à 
la  Ville  comme  à  la  Compagnie,  la  pression  nécessaire  à  l'eau  des  citernes,  puits,  rivières, 
sources,  etc.,  pour  assurer  les  services  domestiques  de  l'habitation,  et  les  services  d'arro- 
sage des  parcs  et  jardins,  avec  la  pression  utile. 

Le  fonctionnement  certain  des  ascenseurs  et  des  services  contre  l'incendie  est  égale- 
ment obtenu  avec  le  système  Carré. 

Les  démonstrations  de  ces  diverses  applications  toutes  empruntées  à  des  installations 
fonctionnant  déjà,  nous  ont  vivement  intéressé. 

Voici  une  disposition  toute  simple  pour  maison  de  campagne  ou  villa  sur  le  bord  de 
la  mer. 

Ici  une  installation  plus  importante  destinée  aux  services  d'eau  dans  un  château  avec 
arrosage  en  pression  du  parc,  des  serres,  et  fonctionnement  des  jets  d'eau  et  des  cascades, 
ces  appareils  fonctionnant  devant  un  tableau  perspectif  figurant  la  propriété  ou  l'installation 
existe  déjà. 

Voici  encore  le  dessin  d'une  installation  exécutée  à  la  maison  de  Nanterre  pour  la  ville 
de  Paris,  sous  les  ordres  de  M.  Bechmann,  ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  et  de 
M.  Masson,  inspecteur  de  l'Assainissement,  afin  d'assurer  les  services  généraux  et  le  service 
des  ascenseurs  et  monte-charges  de  ce  grand  établissement  pénitentiaire. 

Ici  un  tableau  dont  le  dessin  en  lavis  représente  l'une  des  batteries  d'appareil  Carré  ins- 
tallées dans  les  sous-sols  du  Crédit  Lyonnais  à  Paris,  pour  suppléer  à  tout  moment  aux 
dépressions  de  la  conduite  de  ville. 


620  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

L'appareil  Carré  permet  en  effet  de  donner  non  seulement  en  pression  l'eau  des  citernes, 
puits,  etc.,  mais  d'augmenter  la  pression  insuffisante  d'une  conduite  de  ville  quelconque  et 
de  parer  aux  dépressions  et  arrêts  de  cotte  conduite. 

L'application  de  ce  système  aux  services  de  secours  contre  l'incendie  dans  les  théâtres, 
les  musées,  les  bibliothèques  nous  a  paru  très  intéressante,  en  ce  sens  que  l'appareil  ou  les 
batteries  d'appareils  installés  dans  les  sous-sols  de  l'édifice  sont  toujours  protégés,  acces- 
sibles, utilisables,  et  au  maximum  de  charge,  au  moment  où  le  feu  éclate. 

Le  projet  d'une  installation  de  ce  genre  à  la  Bibliothèque  Nationale  à  Taris,  sous  les 
ordres  de  M.  Pascal,  architecte  du  gouvernement,  projet  sans  doute  réalisé  depuis,  ainsi  que 
le  projet  pour  la  Comédie-Française  sous  les  ordres  de  M.  Chabrol,  architecte  du  Palais- 
Royal;  les  dessins  de  l'installation  faite  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux,  du  Crédit 
Lyonnais,  et  pour  la  ville  de  Paris  à  Nantcrre  nous  montrent  la  sécurité  résultant  de  l'em- 
ploi de  ce  système  pour  le  fonctionnement  certain  et  efficace  des  secours  contre  l'incendie. 

D'autres  dispositifs  ingénieux  mais  moins  directement  concordants  avec  les  besoins  du 
Génie  civil  ont  attiré  notre  attention. 

La  maison  Carré,  qui  a  obtenu  dans  les  diverses  expositions  auxquelles  elle  a  participé 
les  premières  récompenses,  a  obtenu  la  médaille  d'or  comme  sanction  de  ses  travaux  et 
créations  relatifs  à  l'art  du  constructeur,  de  l'ingénieur  et  de  l'architecte. 

On  sait  que  le  ciment  est  un  mélange  de  briques  pilées  et  de  chaux.  Dans  ces  dernières 
années,  on  a  fait  des  travaux  et  des  objets  en  ciment  et  fer  ou  sidero-ciment.  MM.  J.  Monier 
fils  et  J.  Bordenave  et  CiL  en  exposaient  des  applications.  Pour  les  tuyaux,  par  exemple,  on 
dispose  des  fers  en  I,  suivant  les  génératrices  du  cylindre;  sur  celui-ci  est  enroulée  une 
hélice  d'acier  rattachée  aux  génératrices  par  des  ligatures  en  fil  de  fer;  ensuite,  on  remplit 
de  ciment  les  espaces  compris  dans  cette  carcasse  métallique. 

Les  tuyaux  en  «  sidéro-ciment  »  peuvent,  au  dire  des  inventeurs,  être  appliqués  aux 
conduites  sous  pressions  élevées.  Ils  offrent  une  résistance  plus  grande  que  les  tuyaux  ordi- 
naires en  ciment  et  ont  l'avantage  de  nécessiter  une  bien  moins  grande  épaisseur  que  ces 
derniers. 

La  maison  Pincherat  exposait  les  briquettes  de  ses  ciments,  et  mettait  leur  résistance  en 
évidence,  en  soumettant  l'une  d'elles  à  l'action  d'une  machine  à  essayer  ces  matériaux. 

Jusqu'en  ces  derniers  temps,  on  désignait  sous  le  nom  de  ciment,  des  chaux  plus  éner- 
giquemeni  hydrauliques  que  les  autres,  renfermant  une  assez  grande  proportion  d'argile,  et 
qui,  broyées  et  mises  en  pâte,  font  rapidement  prise  sous  l'eau.  Ces  ciments  se  divisaient  en 
ciments  à  prise  lente  ou  ciments  Portland,  et  en  ciments  à  prise  rapide  ou  ciments  romains. 
A  l'Exposition  de  1889,  l'attention  des  visiteurs  était  attirée  par  un  nouveau  ciment,  dit 
ciment  Portland  de  laitier,  qui  n'est  autre  que  le  mélange  intime  de  laitier  granulé  de  hauts 
fourneaux  et  de  chaux  éteinte  en  poudre.  Cette  curieuse  utilisation  des  laitiers,  et  les  bonnes 
qualités  de  ce  ciment  sont  dues  aux  recherches  de  M.  Farinaux.  MM.  Gustave  Raty  et  Ci0 
nous  montraient  ces  produits  à  l'Exposition.  Le  ciment  Portland  de  laitier  a  une  belle 
teinte  blanche,  flatteuse  dans  les  dallages  et  les  enduits;  il  peut,  comme  le  plâtre,  suppor- 
ter la  peinture  sans  subir  d'altération. 

Un  enduit  breveté  sous  le  nom  de  «  meulière  artificielle  »  était  présenté  par  M.  Levêque, 
et  donne  assez  bien  l'illusion  de  celte  pierre;  l'inventeur  le  fabrique  en  utilisant  les  déchets 
sans  valeur  de  divers  matériaux  de  construction.  L'application  donne  des  parements  appa- 


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Pavillon  de  la  Société  de  la  grande  tuilerie  de  Bourgogne. 


G22  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE   DE   1889 

rents  de  meulière,  soit  brute,  soit  façonnée  et  disposée  en  mosaïques,  assises,  panneaux, 
creux,  reliefs,  moulures,  ou  enfin  simplement  concassée  pour  rocaillages  de  joints. 

La  Compagnie  des  ardoisières  d'Angers  exposait  la  série  de  ses  produits,  universelle- 
ment connus. 

La  Compagnie  des  ardoisières  de  la  Rivière-Renazé  avait  eu  l'excellente  idée  de  nous  mon- 
trer comment  se  fait  l'extraction  des  ardoises,  et  comment  on  les  travaille  ensuite,  avant  de 
les  livrer  aux  entrepreneurs.  Les  blocs  extraits  sont  trempés  dans  l'eau  pendant  un  certain 
temps,  puis  fendus  en  lames  très  minces,  au  moyen  d'un  ciseau  très  mince,  long  et  tran- 
chant. Enfin,  à  l'aide  d'une  sorte  de  hachette  ou  plutôt  d'une  lame  métallique  large  et  mince, 
on  abat  les  parties  de  l'ardoise  qui  dépassent  le  gabarit,  et  on  leur  donne  ainsi  leurs  dimen- 
sions définitives. 

Un  produit,  importé  d'Italie  depuis  longtemps,  la  mosaïque,  se  répand  dans  de  notables 
proportions  en  France  depuis  quelques  années  et  dont  on  rencontrait  tant  de  beaux  et  inté- 
ressants spécimens  réunis  dans  la  classe  relative  à  la  céramique,  avait  encore,  dans  la 
classe  LXIII,  plusieurs  représentants,  entre  autres  MM.  Simons  et  C,c,  Mabille,  Lar- 
manjat,  etc. 

D'autres  produits  céramiques  et  des  produits  réfractaircs  étaient  exposés  par  la  maison 
connue  Millier  et  C'c,  qui  a  obtenu  le  grand  prix. 

Celte  haute  récompense  a  été  accordée  à  M.  Emile  Millier,  aussi  bien  pour  l'ensemble 
des  diverses  industries  que  comportent  les  usines  d'Ivry-Port  que  pour  l'ensemble  des 
travaux  exécutés  par  lui  à  l'Exposition  de  1881),  savoir  : 

Les  deux  cent  mille  tuiles  émaillées  couvrant  les  deux  grands  dômes  bleus  et  trois 
petits  ; 

Les  quarante-huit  grands  vases  de  3m,40  de  bailleur  qui  les  entourent  ; 

Les  corniches,  attiques,  volutes  avec  œils-dc-bœuf  appareillés  qui  les  supportent; 

Les  entrevous  cintrés  intérieurs; 

Les  neuf  cents  mètres  de  balustrades  qui  couronnent  les  palais  (M.  Corbcl  sculpteur)  ; 

Les  quatre  grandes  frises  des  porches  centraux,  à  fond  d'or,  lyres  et  tètes  de  béliers 
(M.  Darvaut  sculpteur i  ; 

Les  grands  médaillons  (enfants)  de  l"\7o  de  diamètre  dans  les  tympans  des  porches 
des  deux  palais  ouvrant  sur  les  jardins  iM.  Allard  sculpteur);  ainsi  que  les  archivoltes 
décorés  de  torsades  ; 

Les  quatre  grandes  pyramides  du  porche  d'entrée  du  Palais  des  arts  libéraux;  au 
milieu,  les  deux  belles  statues  l'ax  et  Labor  (M.  Michel  sculpteur)  ; 

Les  tuiles  de  formes  variées  du  dôme  central  et  les  grands  cabochons  ; 

Les  briques  émaillées  des  façades  du  grand  dôme  central  et  des  galeries  ; 

Les  soubassements  en  grès,  avec  les  frises  des  chats  et  bandeaux  émaillés;  les  gar- 
nitures de  chenaux  et  stèles  du  balais  de  la  République  Argentine; 

Les  balustrcs  en  grès  entourant  la  première  plate-forme  de  la  tour  Eiffel  ; 

Les  briques  émaillées  du  pavillon  du  ministère  des  travaux  publics  (jardins  du 
Trocadéro)  ; 

La  couverture  spéciale  du  pavillon  de  la  presse  ; 

Les  briques  émaillées  et  les  métopes  à  fond  d'or  avec  rosaces  en  émail  du  pavillon  de 
la  presse  ; 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


623 


Les  tuiles,  plafonds,  etc.,  des  écuries  modèles  de  MM.  Milinaire  frères; 

Les  garnitures  de  rives  émaillées  au  pavillon  d'Haïti; 

Les  balustres  et  métopes  de  l'Union  du  bâtiment  (classe  LXIII,  Invalide.-;)  ; 

La  couverture  en  tuiles  spéciales  de  la  maison  modèle,  construite  par  MM.  Moisant, 
Laurent,  Savey  et  Gi0. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  renvoyer  au  tome  Ier,  page  267,  pour  les  détails 
d'application  concernant  toutes  ces  pièces. 


Groupe  des  produits  exposés  par  la  Société  de  la  grande  tuilerie  de  Bourgogne 

Des  spécimens  de  briques  étaient  exposés  par  M.  Bouvier  et  par  d'autres  entre- 
preneurs, et  surtout  les  produits  de  la  grande  tuilerie  de  Bourgogne. 

M.  Perrier  aine  exposait  ses  hourdis  et  tuiles.  Les  tuiles  sont  creuses,  une  couche  d'air 
isole  donc  les  combles  de  l'extérieur,  et  peut,  jusqu'à  un  certain  point,  rendre  ceux-ci  plus 
habitables,  moins  froids  en  hiver,  moins  chauds  en  été;  on  les  pose  sur  chevrons  de  bois 
ou  sur  cornières,  sans  interposition  de  lattis. 

La  Compagnie  du  sable  mortier  coloré  nous  montrait  des  échantillons  de  sable,  et  les 
applications  diverses  qu'on  peut  en  faire. 


624  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   1889 

Des  limons  en  fer  pour  escaliers  en  pierre  étaient  exposés  par  M.  Vezat. 

Sur  la  berge  des  Invalides,  étaient  rassemblés  les  gros  matériaux  de  construction,  tels 
que  pierres  de  taille,  granits,  etc.,  présentés  dans  leur  état  brut  et  travaillés  sous  forme  de 
monuments  funéraires. 

Les  pierres,  tant  naturelles  qu'artificielles,  étaient  largement  représentées. 

Dans  une  grande  cheminée  dessinée  par  M.  Louis  Parent,  architecte,  MM.  A.  Leblanc  et 
fils  avaient  réuni  toutes  les  variétés  de  pierres  qu'ils  extraient  de  leurs  carrières  de  Saint- 
Maximin,  de  Conflans  et  de  la  Jeunesse  (Haute-Saône'). 

De  belles  pièces  en  stuc,  notamment  une  belle  niche  précédée  d'un  escalier  de  même 
matière,  étaient  exposées  par  MM.  Pascal  Hamon  et  Corbmeau  aine  (de  Nantes);  les  nuances 
et  les  veinages  des  marbres  très  divers  sont  reproduits  à  s'y  méprendre  dans  les  travaux 
de  ces  messieurs. 

MM.  Edmond  Coignct  et  C'°  exposaient  de  très  intéressants  malaxeurs  et  mélangeurs 
pour  bétons  agglomérés  et  bétons  de  cailloux,  principales  pièces  du  matériel  de  leur  indus- 
trie. Quant  aux  produits  mêmes  de  MM.  Coignet,  ils  étaient  exposés  dans  un  pavillon  spé- 
cial, au  milieu  du  jardin  du  Champ-de-Mars. 

Le  béton  aggloméré,  système  Coignet,  est  un  mélange  intime  de  sable  de  rivière,  de 
chaux  et  de  ciment,  dont  les  qualités  et  le  dosage  varient  suivant  le  but  à  atteindre.  Le  mé- 
lange se  fait  au  moyen  de  malaxeurs.  L'agglomération  est  réalisée  en  versant  la  pâte  ma- 
laxée en  couches  minces  dans  des  moules,  sur  lesquels  on  frappe  à  coups  redoublés.  La 
maçonnerie  atteint  alors  une  densité  de  2, 2.  Le  béton  peut  recevoir  de  multiples  applica- 
tions; il  a  été  employé  pour  plus  de  300  kilomètres  d'égouts,  pour  des  murs  de  soutène- 
ment, etc.  L'église  du  Vésinct  a  été  construite  entièrement  avec  ce  produit  économique. 

MM.  Paul  Dubos  et  C!c  exposaient  d'intéressantes  applications  de  bétons  agglomérés  de 
leur  fabrication.  Avec  cette  composition  grossière,  qu'ils  colorent  de  tous  les  tons,  ils 
imitent  la  terre  cuite  et  des  matières  plus  précieuses,  qui  sont  difficiles  à  travailler;  ils  nous 
montraient  des  vases,  des  statues,  dont  le  prix  de  revient  est  minime  et  dont  l'effet  est 
saisissant. 

Des  lièges  agglomérés  étaient  exposés  par  31.  Brudenne.  Ce  produit  est  utilisé  dans 
divers  cas,  notamment  pour  constituer  de  liés  légères  cloisons. 

Passons  sur  les  produits  de  la  Compagnie  parisienne  des  asphaltes  que  tout  le  monde 
connait  et  qui  consistent  en  rochesasphaltiques,  bitumesetlesemploisdiversde  cesmalériaux  ; 
mais  arrêtons-nous  sur  ceux  de  la  Société  de  Saint-Gobain,  Chauny  et  Cirey.  Cette  Société 
exposait  de  très  remarquables  applications  du  verre  à  la  construction  :  glaces  et  dalles 
brutes  pour  toitures,  revêtements  et  vitrages,  verres  unis  et  reliefs  pour  toitures,  tuiles 
moulées,  dalles  de  pavage,  etc.,  dont  on  fait  maintenant  un  grand  usage. 

Le  verre  employé  dans  les  sous-sols,  pour  planchers,  comme  on  l'a  appliqué  au  Crédit 
Lyonnais  et  au  Comptoir  d'Escompte,  à  Paris,  peut  être  employé  pour  cloisons.  Les  applica- 
tions du  verre  n'en  resteront  pas  là,  et  l'on  peut  espérer  qu'elles  prendront  place  dans  les 
supports  verticaux.  Le  verre  est  assez  résistant  pour  constituer  des  pilastres,  et,  de  plus,  il 
est  très  décoratit. 

La  plupart  des  expositions  en  ardoises,  marbres,  carreaux  mosaïques,  dallages  et 
pavages  étaient  installées  sur  la  berge  du  Trocadéro. 

La  Société  anonyme  de  pavage  en  bois  indiquait,  par  son  exposition,  une  importante 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  625 

modification  dans  ce  système  de  pavage,  à  savoir  sa  combinaison  avec  une  bonne  assiette 
en  béton.  L'ensemble  de  la  chaussée,  dans  le  nouveau  système,  est  constitué  par  une  forme 
inférieure,  assez  épaisse,  en  béton  ;  sur  cette  forme  rigide  repose  le  pavage  en  bois,  cons- 
titué de  prismes  de  21+8  sur  8  sur  11  centimètres  de  hauteur,  laissant  entre  eux  des  inter- 
valles remplis  avec  du  mortier.  Le  pavage  en  bois  a  un  grand  avenir.  Paris  possède  déjà 
plus  de  260,000  mètres  carrés  de  voies  pavées  dans  ce  système,  et  les  grandes  artères  sont 
destinées  à  recevoir  ce  système  de  pavage. 

La  plate-forme  échantillon  de  ce  pavage  qui  figurait  à  l'Exposition  était  traversée  par 
quelques  mètres  de  rails  à  rainure  pour  tramways;  ces  rails  reposent  sur  l'assiette  en  béton 
qui  supporte  le  pavage  en  bois;  ils  sont  nivelés  au  moyen  de  cales  en  fer  qu'on  peut  retirer 
au  fur  et  à  mesure  de  l'usure  du  pavage,  car  ce  pavage  s'use  assez  vite.  Si  les  rails  étaient 
posés  directement  et  scellés  sur  le  fond  solide,  ils  ressortiraient  bientôt  en  saillie  sur  la 
surface  de  la  chaussée  usée.  Aujourd'hui,  quand  cela  aura  lieu,  on  décalera  les  rails  suivant 
l'usure  du  pavage,  et  tout  sera  dit. 

Les  avantages  du  pavage  en  bois  sont  la  propreté  des  chaussées,  l'absence  de  bruit,  le 
roulement  doux  des  voitures,  une  réduction  importante  des  efforts  de  traction.  De  plus, 
malgré  ce  qu'on  en  a  dit,  il  ne  parait  pas  devoir  être  aussi  glissant  que  le  pavage  en  grès, 
et  surtout  que  le  pavage  en  asphalte.  On  n'a  pas  non  plus  à  craindre  le  feu,  car  ce  dernier 
n'a  pas  de  prise  sur  ces  surfaces  serrées  et  bien  souvent  humides.  L'avenir  est  donc  au 
pavage  en  bois. 

Enfin,  l'exposition  de  l'Union  collective  du  bâtiment  de  la  Ville  de  Paris  avait  un  pavillon 
spécial,  fort  curieux  à  visiter,  qu'on  pouvait  comparer  en  quelque  sorte  à  l'ensemble  de  la 
classe  LXIII,  en  réduction,  car  tous  les  corps  du  bâtiment,  sans  exception,  y  avaient  des 
représentants. 

Matériel  d'entrepreneurs.  —  Dans  la  partie  de  la  classe  LXIII  placée  dans  le  Palais  des 
Machines,  on  rencontrait  peu  de  matériel  d'entrepreneurs  et  on  trouvait  seulement  des 
outils  de  petites  dimensions.  Un  seul  envoi  faisait  exception  :  celui  de  MM.  Albaret  et  O, 
à  Liancourt,  consistant  en  cylindres  et  rouleaux  compresseurs  de  macadam  de  divers 
modèles.  Le  matériel  de  grandes  dimensions  :  wagonnets,  voies  démontables,  excava- 
teurs, etc.,  était  à  l'Esplanade  des  Invalides. 

A  signaler  particulièrement  le  wagon  découvert  à  mouvement  automatique  de  M.  Emile 
Chevalier,  de  Grenoble,  fonctionnant  sous  l'action  de  l'air  comprimé,  et  qui  est  d'une  grande 
application  dans  les  travaux  île  déblais.  La  clef  à  bascule,  système  Cochepain,  facilite  aussi 
le  déchargement  des  tombereaux. 

Après  avoir  signalé  au  passage  les  belles  vitrines  d'outils  pour  tous  les  corps  de  bâti- 
ment de  M.  Bocuze  à  Paris,  de  M.  Bouvais  aîné  à  Nantes,  de  M.  Garette,  ainsi  qu'une 
brouette  en  1er  (brancards  en  fer  creux  et  ronds,  membrures  en  fer  plat  à  triple  nervure 
plate  et  fer  cornière,  roues  en  fer  rendues  élastiques  par  l'obliquité  et  la  courbure  des 
rais),  envoyée  par  M.  A.  Defontaine,  à  Vernon,  arrêtons-nous  à  un  appareil  d'invention 
récente,  construit  et  exposé  par  M.  Arsène  Luc,  auquel  il  a  donné  le  nom  pittoresque 
de  crapaud  roulant,  et  qui  peut  rendre  les  mêmes  services  que  l'antique  rouleau  dans  la 
manœuvre  des  fardeaux.  Cet  appareil  est  caractérisé  par  trois  boulets  mécaniques  de  0nl,07 
de  diamètre,  disposés  en  triangle  équilatéral  et  compris  entre  deux  plaques  de  tôle  de 
m  40 


626  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

forme  triangulaire,  parallèles  et  horizontales,  formant  la  carcasse  de  la  machine,  qui  a 
environ  0m,M  de  hauteur.  Ces  boulets,  maintenus  dans  des  trous  pratiqués  à  la  plaque 
inférieure,  peuvent  se  mouvoir  dans  tous  les  sens  dès  que  l'appareil  est  sollicité  à  se 
déplacer  horizontalement.  Ce  petit  fardier  se  prête  au  maniement  des  objets  les  plus  lourds. 
Pour  certaines  applications,  il  est  plus  avantageux  que  les  rouleaux  cylindriques,  qui  ne 
peuvent  se  mouvoir  que  suivant  le  développement  de  leur  courbure.  Le  crapaud  roulant 
est  assez  peu  coûteux  pour  que  son  prix  ne  soit  pas  un  obstacle  à  la  multiplication  de  son 
emploi. 

MM.  J.  Marceau  et  Bertrand  exposaient  une  collection  de  brouettes  en  bois  de  diverses 
dispositions,  parmi  lesquelles  une  de  leur  invention  présentait  cette  particularité  que  l'axe 
de  la  roue  est  situé  dans  le  plan  de  la  paroi  du  fond,  de  telle  manière  que  la  charge  est 
reportée  presque  en  totalité  sur  la  roue  lorsque  la  brouette  est  en  mouvement.  Cette  dispo- 
sition allège  l'ouvrier,  qui  n'a  plus  alors  qu'à  maintenir  l'équilibre  en  poussant  la  brouette. 

Notons  encore,  parmi  les  appareils  d'invention  récente,  un  malaxeur  à  mortier  de 
chaux,  avec  dosage  automatique  de  M.  Imoda,  de  Turin,  et  les  broyeurs  Loizeau,  construits 
par  M.  Weidknecht,  à  Paris.  Les  sabots  de  pieus,  boulons  et  ferrures  pour  travaux  publics, 
exposés  par  MM.  Nathan,  Bloch  et  Berger,  méritent  aussi  d'être  cités,  ainsi  que  les  objets  du 
même  genre  et  les  roues  de  brouettes  de  M.  Défontaine  et  les  excavateurs  de  M.  Pinguely. 

Les  excavateurs,  qui  sont,  comme  on  le  sait,  employés  pour  pratiquer  des  déblais  et 
aussi  pour  dragages,  reçoivent  des  applications  importantes  dans  les  grands  travaux  mo- 
dernes :  chemins  de  fer,  tunnels,  canaux,  etc.  Les  excavateurs  sont,  en  général,  constitués 
par  des  seaux  réunis  au  moyen  de  chaînes  métalliques  s'enroulant  sur  des  tambours.  Un 
mouvement  imprimé  par  un  moteur,  fait  pénétrer  au  fond  du  cours  d'eau  les  seaux  vides 
qui  remontent  remplis  de  sable.  Tout  le  monde  les  a  vus  fonctionner  sur  la  Seine,  à  Paris. 
D'autres  dispositions  analogues,  mais  plus  compliquées  sont  relatives  à  l'enlèvement  des 
déblais. 

Des  plans  et  photographies  du  matériel  de  dragage  étaient  exposés  par  M.  Satre,  et 
MM.  Zschokke  et  Terrier  montraient  des  écluses  à  matériaux  pour  fondations  pneuma- 
tiques. 

Un  grand  nombre  de  malaxeurs  pour  plâtre,  béton  et  autres  matériaux,  figuraient  dans 
la  classe  LXI1I.  Parmi  les  plus  remarquables,  citons  ceux  de  MM.  Morel,  Ed.  Coignet.  Une 
bétonnière  locomobile,  système  Lyon,  était  exposée  par  la  Société  du  matériel  de  l'Entre- 
prise. M.  Paris  jeune  exposait  du  matériel  pour  travaux  publics  et  entre  autres,  des  appa- 
reils de  levage. 

Des  sonnettes  à  pilotis,  à  mouton  automoteur  et  des  appareils  de  sondage  formaient 
l'intéressante  exposition  de  MM.  Lacour  et  Decourt-Lacour.  Une  sonnette  se  compose  de 
deux  montants-coulisseaux,  entre  lesquels  glisse  le  mouton  ou  grosse  masse  de  fer.  Le 
mouton  étant  levé  au  moyen  d'une  corde,  si  on  vient  à  le  lâcher,  il  retombe  sur  les  pieus 
placés  au-dessous,  qu'il  enfonce  en  terre. 

Des  tuyaux  métalliques  flexibles  et  des  courroies  métalliques  étaient  exposés  par 
MM.  d'Espine,  Achard  et  Cie  et  par  M.  Sargue. 

Plusieurs  pompes  figuraient  dans  la  classe  LXIII  ;  citons  celles  à  grand  débit  de  M.  Jules 
Leblanc. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE,    1889  627 

Citons  aussi  dans  cette  section  —  pour  les  classer  quelque  part  —  les  systèmes  de  fer- 
metures de  stores  de  MM.  Poudra,  Reynaud,  etc.  ;  ce  dernier  résolvant  le  problème  au 
moyen  d'un  petit  treuil. 

Le  travail  mécanique  de  la  pierre  tend  à  se  généraliser,  et  à  cette  occasion,  quand  verra- 
t-on  disparaître  de  nos  chantiers  le  sciage  à  la  main,  ce  travail  si  pénible  et  si  monotone  '! 
La  classe  LXIII  renfermait  une  application  intéressante  de  la  scie  hélicoïdale  inventée  en 
1880  par  M.  Paul  Gay,  et  de  la  perforatrice  tabulaire  à  l'exploitation  des  carrières,  au  sciage 
des  granits,  pierres  et  marbres. 

Dans  les  scies  à  lames  ordinaires,  employées  au  sciage  des  pierres,  l'agent  d'érosion  est 
le  sable  mouillé  qu'entraîne  la  lame  dans  son  mouvement  de  va-et-vient;  celle-ci  n'agit,  en 
effet,  que  comme  véhicule  du  sable.  Le  sciage  dépendant  de  la  vitesse  de  renouvellement  de 
la  matière  érosive,  c'est-à-dire  de  l'entraînement  du  sable,  M.  Gay  a  eu  l'idée  de  remplacer 
les  lames  sans  dents,  à  mouvement  alternatif  et  lent,  par  des  cordelettes  métalliques  sans 
fin,  animées  d'un  mouvement  de  translation  rapide  et  continu.  D'abord,  ce  nouveau  genre 
de  scie  n'était  autre  qu'un  simple  fil  à  section  carrée,  auquel  on  donnait  une  certaine  tor- 
sion, d'où  la  dénomination  de  (il  hélicoïdal.  L'inventeur  s'est  décidé  depuis  pour  une 
cordelette  formée  de  trois  torons  d'acier  tordus  ensemble,  suivant  un  pas  d'hélice  peu 
allongé. 

Cette  cordelette  de  3  à  7  millimètres  de  diamètre,  est  enroulée  d'une  part  sur  une 
poulie  calée  sur  l'arbre  d'un  moteur,  et  d'autre  part  sur  la  poulie  folle  d'un  chariot  tendeur, 
En  un  point  quelconque  de  son  parcours,  le  brin  scieur  peut  être  utilisé  pour  produire  le 
travail  de  sciage,  soit  en  carrière,  soit  en  chantier,  soit  à  l'atelier. 

Parmi  les  autres  machines  à  scier  les  pierres,  nous  devons  appeler  l'attention  sur  une 
scie  circulaire,  pouvant  donner  des  résultats  très  remarquables  ;  elle  produit  un  avance- 
ment de  sciage  de  dix  centimètres  à  la  minute  dans  le  marbre  et  les  pierres  dures  de  cons- 
truction, et  est  basée  sur  l'emploi  du  diamant,  comme  désagrégateur  de  la  pierre.  La  scie 
en  question  est  un  disque  sinueux  en  acier  de  4  à  5  millimètres  d'épaisseur  ;  dans  cha- 
que partie  en  saillie  est  pratiquée  une  entaille  dans  laquelle  est  soudé  un  bouton  en  acier 
portant  un  diamant.  La  machine  comprend  deux  disques  semblables,  tournant  en  sens 
inverse,  à  la  vitesse  de  1,500  tours  par  minute  environ,  au  moyen  d'un  moteur  quelconque. 

Le  bloc  de  pierre  à  scier  est  maintenu  sur  une  table  par  des  poupées  ;  cette  table 
avance  automatiquement  par  un  mouvement  de  vis  longitudinale,  et  place  ainsi  le  bloc 
de  pierre  sous  l'action  des  disques.  Ces  machines  sont  employées  dans  la  scierie  de  pierres 
des  carrières  de  Bucey-les-Gy  (Haute-Saône),  à  la  scierie  de  MM.  Combes,  Houy,  Delalien 
et  Cio,  à  Souppes  (Seine-et-Marne),  etc. 

Une  autre  machine  exposée,  à  découper  le  marbre  aussi  facilement  qu'on  découpe  le 
bois,  se  compose  d'une  scie  à  ruban  ordinaire  qui  attaque  le  marbre  au  milieu  d'un  courant 
d'eau  froide,  et  rencontre  ensuite  une  molette  qui  refait  les  dents  de  scie,  altérées  pendant 
le  travail. 

Puisque  nous  en  sommes  aux  pierres  de  taille,  signalons  en  passant  le  binard  si 
répandu,  exposé  par  MM.  Beaufils  frères.  On  sait  qu'un  binard  est  une  espèce  de  gros  cha- 
riot à  quatre  roues,  d'égale  hauteur,  employé  pour  le  transport  des  pierres  de  taille  ou 
autres  lourds  fardeaux. 


628  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Des  voies  ferrées  portatives  étaient  exposées  par  M.  Decauville  aine,  à  Petit-Bourg,  dont 
le  petit  chemin  de  fer  a  été  si  goûté  du  public,  et  a  rendu  tant  de  services  pour  le  transport 
des  visiteurs  de  l'Exposition  Universelle. 

Un  autre  système  de  voies  ferrées  portatives  et  des  wagonnets  de  terrassements,  étaient 
présentés  par  M.  Pétolat.  Dans  ce  système,  l'accrochage  est  automatique  :  les  wagons, 
poussés  les  uns  sur  les  autres,  se  trouvent  accrochés  du  moment  où  ils  se  tamponnent,  et  il 
n'est  plus  nécessaire  qu'un  ouvrier  vienne  attacher  chaque  wagonnet,  en  risquant  souvent 
de  se  blesser. 

Le  sablage  des  voies,  en  hiver,  est  généralement  confié  à  des  cantonniers  qui  projettent 
leurs  pelletées  avec  force,  au  risque  d'atteindre  les  passants,  s'ils  ne  prennent  pas 
les  précautions  nécessaires.  M.  Guillot  exposait  une  sableuse  mécanique  évitant  cet 
inconvénient;  cette  sableuse,  montée  sur  l'extrémité  arrière  d'un  tombereau,  peut  être 
démontée  instantanément,  de  sorte  que  le  tombereau  peut  toujours  être  employé  à  d'autres 
usages. 

Signalons  encore,  comme  matériel  mécanique,  les  balayeuses  et  ramasseuses  de  M.  L. 
Blot,  les  wagonnets  de  M.  j.  Weitz  (de  Lyon),  etc. 

Charpenterie,  menuiserie,  et  parqueterie. —  En  ce  qui  concerne  la  menuiserie,  MM.  Bielles 
frères,  de  Saint-Dié  (Vosges),  avaient  envoyé  une  superbe  collection  des  travaux  de  menui- 
serie courante  et  de  meubles  d'école,  qu'ils  fabriquent  mécaniquement  en  grande  quantité. 
Leurs  échantillons  de  portes  et  fenêtres,  de  rampes  et  balustres  d'ateliers,  annonçaient  aux 
connaisseurs  une  fabrication  de  premier  ordre. 

Les  mêmes  industriels  ont  installé  à  Saint-Dié,  depuis  1885,  une  usine  spéciale  pour  la 
labrication  des  baguettes  dorées,  que  la  France  tirait  autrefois  de  l'Allemagne.  Grâce  à  ces 
industriels,  nous  ne  sommes  donc  plus  tributaires  de  l'étranger  pour  ces  objets,  dont  la  con- 
sommation est  devenue  si  grande  chez  nous. 

Les  exposants  de  parqueterie  étaient  nombreux.  Citons  MM.  André  Cassard,  P.  Gil,  à 
Domène  (Isère)  ;  Camps  et  Ci0,  à  Annemasse (Haute-Savoie),  Fournier  et  Cie,  à  Poissy  ;  Guérin 
(parquets  sans  clous),  etc. 

La  construction  de  bons  parquets  hydrofuges  est  l'une  des  questions  sur  lesquelles  se 
sont  portés  les  efforts  des  fabricants.  Le  système  de  M.  André  Cassard  se  compose  d'un 
carrelage  adhérent  au  sol,  et  du  parquet  asphalté,  qui  est  lui-même  lié  inébranlablement  au 
carrelage  par  un  produit  hydrofuge.  D'autres  enduits  hydrofuges  étaient  exposés  par 
M.  Caron,  qui  présentait  également  de  la  peinture  en  poudre,  des  siccatifs  pour  par- 
quets, etc. 

M.  Gourguechon  exposait  ses  parquets  sur  bitume,  ainsi  que  ses  panneaux  variés, 
ses  bois  d'essences  diverses,  etc. 

MM.  Chalier  et  Gil,  chacun  séparément,  exposaient  des  panneaux  de  planchers  simples 
et  de  compartiments. 

Des  menuiseries  fort  bien  exécutées  étaient  exposées  par  M.  Alexandre  (d'Harancourt, 
Ardennes),  et  des  panneaux  en  marqueterie  remarquables,  par  MM.  Gissler  et  Bemberg. 

En  fait  d'escaliers,  on  pouvait  remarquer  ceux  de  MM.  Jeandet  et  Cle,  qui  ne  sont 
ni  gothique,  ni  Benaissance,  mais  tout  simplement  modernes.  La  réduction  de  l'escalier 


630  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1S89 


du  Hammam,  à  Vichy,  envoyée  par  M.  J.  Dejoux,  était  une  pièce  assez  curieusement 
agencée. 

Les  modèles  d'escaliers  et  de  rampes  de  MM.  Jullienne,  à  Brunoy  (Seine-et-Oise),  et 
Dejoux,  sont  encore  à  signaler. 

M.  Laureilhe  exposait  un  modèle  de  la  charpente  construite  par  lui  pour  dresser  la 
statue  de  la  République,  sur  l'ancienne  place  du  Chàteau-d'Eau,  à  Paris,  en  1882. 

Signalons  aussi  toute  une  collection  de  «  chefs-d'œuvre  de  maîtrise  »,  comme  on  eût  dit 
au  temps  des  corporations,  qui  défilait  devant  les  yeux  des  visiteurs  :  inénarrables  entasse- 
ments de  squelettes  de  clochers,  de  campaniles,  de  flèches,  surgissant  les  uns  des  autres 
dans  une  indescriptible  et  pourtant  méthodique  complication.  Ce  sont  les  spécimens  du 
savoir  taire  des  Compagnon*  du  Devoir  et  de  la  Liberté,  de  Paris,  Lyon,  Bordeaux,  Angers,  et 
de  maîtres  charpentiers  de  tous  les  pays.  D'autres  beaux  travaux  d'art,  en  charpente,  étaient 
exposés  par  MM.  Bourdoiseau,  Gérard,  etc.  Nous  ne  pouvons  pas  ne  pas  mentionner  M.  B. 
Vezat,  pour  ses  beaux  modèles  d'escaliers,  l'un  en  fer,  avec  marches  démontables  en  bois, 
l'autre,  à  limon  en  fer  recouvert  de  stuc,  contremarches  en  fer  et  marches  en  stuc.  Ce  sont 
de  véritables  escaliers  incombustibles.  On  sait  que  le  stuc  est  un  mélange  de  plâtre  et  de 
colle-forte  imitant  assez  bien  le  marbre. 

Quincaillerie,  serrurerie  et  ferronnerie.  —  Les  merveilles  d'ingéniosité  qui  s'étalaient  dans 
les  vitrines  de  la  classe  LXIII,  et  concernant  ces  subdivisions,  mériteraient  un  volume  de 
description.  Il  nous  faut  donc  nous  contenter  de  les  citer,  et  encore,  ne  répondons-nous  pas 
de  ne  pas  en  oublier,  même  parmi  les  meilleures. 

Les  serrures  de  sûreté  ont  particulièrement  tenté  les  investigations  des  inventeurs. 

Les  serrures  de  sûreté  à  gorge  et  à  ancres  exposées  par  la  collectivité  des  fabricants  de 
Picardie  leur  a  valu  la  médaille  d'or.  Très  remarquables  aussi,  les  serrures  de  MM.  Maquen- 
nehcn  et  Imbert,  a  Escarbotin  (Somme),les  serrures  de  sûreté,  verrous  et  fiches  de  MM.  Dépen- 
sier frères  et  Bocquantin  (les  fiches  sont  des  pièces  métalliques  formant  charnière,  composées 
de  deux  ailes  réunies  par  une  broche  passant  dans  leur  charnière);  les  fiches,  loqueteaux, 
targettes,  serrures  à  ailes  et  à  verrous  mobiles,  pour  meubles,  de  MM.  Vachette  frères,  et  les 
articles  similaires  de  M.  Vallerant. 

Les  fiches,  paumelles  et  charnières  fabriquées  à  la  mécanique  par  MM.  Schlosser  et 
Maillard,  créateurs  de  cette  industrie  en  France,  offraient  un  bel  exemple  des  résultats  aux- 
quels peut  atteindre  le  travail  persévérant  des  chercheurs. 

Les  crémones,  espagnolettes,  boutons,  coulisseaux,  plaques,  etc., étaient  représentés  par 
mille  modèles  rivalisant  de  richesse  et  de  recherche  de  dessin,  dans  les  vitrines  de  MM.  Rouil- 
lard  frères  et  Laplacc,  Brun-Cottan  frères,  Bivain  et  Bézault,  Fromentin,  etc.  Dans  la  même 
spécialité,  trois  exposants  :  MM.  Louis  Simon,  Butin  et  Cie,  Vaillant-Fontaine  et  Quintard, 
exposaient  des  marteaux  de  porte,  targettes,  etc.,  en  fer  taillé  et  ciselé  dans  la  masse,  qui  sont 
simplement  des  chefs-d'œuvre  d'exécution,  et  dont  quelques-uns  méritent  bien  la  qualification 
d'  «  artistiques  ». 

C'est  encore  dans  la  même  subdivision  que  M.Léon  Camus  étalait  ses  variétés  de  modèles 
de  boutons,  poignées  et  plaques  en  porcelaine  et  en  cristal. 

Les  serrures  du  genre  dit  «  bec-de-cane  »,  qui  sont  encloisonnées,  à  deux  boutons, 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


631 


et  n'ont  qu'un  demi-tour,  étaient  particulièrement  bien  représentées  par  MM.  Gollot  frères. 
Les  ferme-portes  automatiques  ne  manquaient  pas  non  plus,  et  il  est  à  remarquer  que 


Machine  à  vapeur  verticale  fixe  à  deux  cylindres,  dite  Machine  à  pilon.  (J.  Boulet,  constructeur.) 

les  sytèmes  à  air  comprimé  sont  les  plus  en  laveur.  Ces  appareils  étaient  exposés  notamment 
par  MM.  E.  Laforest.qui,  en  outre,  présentait  des  avertissements  et  des  verrous;  P.  Ménéteau, 


632  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    1889 

A.  Crosnier,  etc.  Ce  dernier  montrait  de  plus  un  «  appareil  ouvre-guichets  »,  à  ressort,  sans 
mécanisme  apparent  ni  contrepoids,  applicable  à  toutes  sortes  de  châssis-coulisses. 

Avant  de  quitter  la  serrurerie  proprement  dite,  il  nous  faut  encore  citer  la  maison  Mili- 
naire  frères  et  les  serrures  incrochetables  à  ancres  de  M.  V.  Berjot,  qui  a  concentré  son 
ingéniosité  sur  le  perfectionnement  de  la  serrure  à  ancres,  à  l'exclusion  de  la  serrure  à  gorge, 
qui,  selon  lui.  ne  peut,  en  vertu  de  son  principe  même,  offrir  une  complète  sécurité. 

Nous  venons  de  voir  sommairement  les  expositions  de  serrurerie  groupées  les  unes  à 
côté  des  autres  dans  le  coin  le  plus  calme  du  Palais  des  Machines.  Mais  d'autres  exposants  de 
la  même  catégorie  étaient  disséminés  au  milieu  d'autres  industries  du  bâtiment.  C'était  le  cas, 
par  exemple,  pour  les  serrures  hermétiques  et  ferme-portes  de  M.  Palan,  appelés  «  antipince- 
monseigneur  »;  pour  les  serrures  mécaniques  de  M.  Bergevin,  celles  pour  appartements, 
-wagons,  etc.,  de  M.  Sevin;  celles  à  combinaisons  multiples,  du  système  Variclé,  exposées  par 
MM.  Galoy  et  Cie;  enfin  les  croisées  de  M.  Martinet. 

M.  Courtois  présentait  aussi  des  ferme-portes  à  ressort  va-et-vient,  et  M.  Mazellet,  des 
portes  et  croisées  en  fer,  des  vérandas,  etc. 

L'Union  des  Quincailliers  (président  :  M.  Longuet)  avait  une  belle  exposition  de  serrurerie 
et  de  quincaillerie  fines;  il  en  était  de  même  de  MM.  Forestier  frères,  qui  se  distinguaient 
surtout  par  leurs  cadenas  à  combinaisons. 

Enfin,  des  châssis-abris  et  à  tabatière  en  fer  laminé  étaient  présentés  par  MM.  Brochard 
père  et  fils. 

Les  quelques  maisons  —  la  plus  ancienne  n'est  vieille  que  d'une  vingtaine  d'années  — 
qui  se  sont  spécialisées  dans  la  fabrication  des  persiennes,  fermetures  et  rideaux  métal- 
liques l'ont  portée  à  un  haut  degré  de  perfection  et  ont  acquis  une  importance  considérable- 
Il  n'est  personne  à  Paris  qui  ne  connaisse  les  noms  de  MM.  Jomain  et  Sarton  et  ceux  de 
MM.  Chedeville  et  Dufrêne,  pour  les  avoir  lus  des  milliers  de  fois  sur  les  fermetures  de  nos 
magasins. 

Les  systèmes  de  fermetures  exposés  par  ces  deux  inventeurs  ne  diffèrent  que  par  des 
détails  de  second  ordre.  L'ancien  système  à  vis  ou  à  chaîne  nécessitant  environ  350  tours  de 
manivelle  pour  la  manœuvre  tend  à  disparaître.  Dans  toutes  les  installations  récentes,  on 
a  adopté  la  fermeture  à  contrepoids,  dite  «  instantanée  »,  et  qui  ne  demande  qu'une  dizaine 
de  tours  de  manivelle.  Le  poids  du  rideau  étant  ici  équilibré  par  le  contrepoids,  le  travail 
moteur  devient  peu  considérable,  et  par  conséquent  peut  se  faire  très  vite. 

A  côté  de  la  fermeture  française  à  larges  plaques  plates,  les  maisons  précitées  expo- 
saient des  fermetures  du  système  anglais,  consistant  en  un  rideau  formé  d'une  seule  tôle 
d'acier  ondulé  d'un  millimètre  d'épaisseur,  qui  s'enroule  sur  un  treuil,  comme  le  ferait 
un  rideau  d'étoffe.  Ce  système  a  été  importé  en  France,  depuis  douze  ans  environ,  par 
MM.  Clarck,  Bunnett  et  Cie,  de  Londres,  qui  étaient  également  exposants. 

M.  Arnoult-Guibourgé  exposait  ses  grilles  et  persiennes  en  fer. 

Diverses  autres  variétés  de  persiennes  en  usage  à  Paris  étaient  exposées,  outre  les 
maisons  précédentes,  par  M.  A.  Crosnier,  qui  fabrique  aussi  des  châssis  à  tabatière,  des 
guichets  de  caisse,  etc.,  et  par  MM.  Baudet,  Donon  et  Cie. 

Aux  persiennes  en  bois,  on  substitue  de  plus  en  plus  des  persiennes  en  fer.  Dans 
celles-ci,  le  panneau  de  chaque  vantail  est  formé  d'une  tôle,  dans  laquelle  sont  pratiquées 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9  633 

un  grand,  nombre  d'entailles  horizontales,  qui  forment  autant  de  plaquettes  auxquelles 
l'emboutissage  donne  une  forme  permettant  l'accès  de  l'air  et  du  demi-jour. 

Il  existe  des  mécanismes  pour  fermer  les  persiennes  par  l'intérieur,  sans  ouvrir  la 
fenêtre;  la  maison  précédente  et  M.  Yerschaue  en  exposaient  de  très  ingénieux. 

D'autres  persiennes  et  châssis  en  fer  étaient  exposés  par  M.  Deneux-Hugueville. 

On  fabrique  aujourd'hui  des  baies  de  fenêtres  en  fonte  d'une  seule  pièce,  formées  d'un 
cadre  mouluré  s'appliquant  contre  la  façade,  et  d'une  partie  rentrante  (la  baie  proprement 
dite»  qui  se  scelle  au  moyen  de  pattes  venues  de  fonte  sur  la  face  extérieure  des  tableaux. 

M.  Guipet  exposait  des  baies  de  ce  genre,  ainsi  qu'un  appui  de  fenêtres  en  fonte,  muni 
d'une  gorge  extérieure,  prévenant  le  refoulement  de  l'eau  de  pluie,  et  d'une  gorge  intérieure, 
pour  recevoir  l'eau  de  buée  des  vitres;  des  conduits  d'écoulement  rejettent  à  l'extérieur  de 
l'appui  les  eaux  de  l'une  et  l'autre  gorge.  MM.  E.  Martinet,  de  Paris,  et  Bernard,  de  Besançon, 
présentaient  des  systèmes  analogues. 

M.  Murât  exposait,  lui  aussi,  des  châssis  vitrés  et  des  systèmes  de  tringles  en  zinc, 
rejetant  au  dehors  la  buée  du  vitrage. 

Des  pièces  en  fonte  brute  et  émaillée  pour  le  bâtiment  étaient  exposées  par  MM.  Tran- 
chart,  Riffart  et  O,  et  un  système  de  fermeture  de  magasins,  par  M.  Paccard. 

Travaux  artistiques  métalliques.  —  La  magnifique  exposition  de  travaux  en  fer  forgé  et 
repoussé  au  marteau  de  MM.  Moreau  frères,  et  qui  leur  a  valu  le  grand  prix,  était  la  plus 
remarquable  de  cette  section.  Elle  comprenait  des  lustres  suspendus  pour  lampes  à  récupé- 
rateur, des  balustrades,  rampes  d'escalier,  des  reproductions  d'objets  anciens  et  des  photo- 
graphies d'ouvrages  exécutés. 

Les  travaux  du  même  genre  de  M.  Antoine  Bernard  :  potences,  candélabres,  lanternes, 
grilles,  balustrades,  lampadaires,  sont  conçus  cependant  avec  un  sens  plus  vrai  des  effets 
propres  à  la  matière  traitée.  D'autres  pièces  intéressantes,  notamment  des  torchères,  grilles, 
balcons,  rampes,  ornements  en  fer  forgé  ou  martelé,  étaient  présentées  par  MM.  Bergeotte  et 
Dauvilliers  (ancienne  maison  J.  Boy). 

M.  Chevrel  présentait  des  métaux  découpés  à  l'aide  de  la  scie  mécanique,  et  MmeChevry, 
d'autres  métaux  découpés  pour  serrurerie  d'art,  ornements  d'architecture  ou  d'orfèvre- 
rie, etc. 

Le  travail  artistique  des  métaux  est  encore  une  industrie  qui  se  répand  beaucoup 
depuis  quelques  années,  et  qui  nous  a  déjà  donné  bien  des  chefs-d'œuvre  à  admirer. 

Les  maisons  Moreau  frères  et  Michelin  excellent  dans  ce  genre  de  travail,  qui  assure 
encore  au  métal  un  succès  d'un  autre  genre  que  celui  des  grandes  portées  et  des  grandes 
hauteurs. 

Pour  avoir  des  visées  moins  ambitieuses  que  les  précédents  exposants  de  travaux  de 
forge  artistiques,  les  ateliers  de  Neuilly  dont  M.  0.  André  est  le  directeur  n'en  exposaient 
pas  moins  de  fort  belles  choses. 

L'exposition  de  M.  Monduit  fils  et  celle  de  MM.  Javon  et  Bivière  faisaient  voir  à  quelle 
perfection  d'exécution  on  peut  arriver  dans  l'industrie  des  grandes  pièces  de  construction 
en  plomb  et  en  zinc  repousses.  Parmi  les  objets  exposés  par  le  premier,  on  remarquait  des 
poinçons,  crêtes,  membrons,  et  dans  ceux  de  ces  derniers  se  rencontrait  une  balustrade 
en  «  zinc  silexoré  »,  imitant  la  pierre  à  s'y  méprendre. 


634  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    18S9 

Notons  encore  les  travaux  d'un  bon  effet  en  tôle  de  1er,  de  zinc  et  de  cuivre  découpée  à 
la  scie  mécanique,  de  MM.  Clievrel  et  Regnaud  frères,  et  les  serrureries  d'art  de  M.  Michelin. 

MM.  Gaudon  et  Lowenbruck,  au  Havre,  montraient  des  variétés  d'un  système  de  grilles 
communes,  très  économiques  et  d'un  bel  effet,  dans  lequel  les  fers  profilés  sont  employés 
avec  avantagea  la  place  de  barres  carrées  ou  rondes;  enfin  d'autres  beaux  spécimens  de 
ferronnerie  étaient  exposés  par  M.  Lavaud. 

Ascenseurs.  Monte-charges.  —  Les  ascenseurs  proprement  dits  sont  déjà  anciens  et  connus 
de  tout  le  monde.  Un  grand  nombre  sont  installés  dans  les  hôtels  comme  dans  celui  du 
Louvre  ou  dans  des  services  importants  comme  au  Crédit  Lyonnais  ou  bien  encore  dans  des 
monuments  comme  au  Palais  du  Trocadéro.  Ils  sont  actionnés  par  une  puissance  hydrau- 
lique empruntée,  soit  aux  conduites  d'eau  de  la  Ville,  soit  fournies  par  des  pompes  mues  par 
une  machine  à  vapeur,  comme  dans  l'installation  des  ascenseurs  de  la  Tour  Eiffel. 

En  fait  de  monte-charges,  citons  ceux  pour  hôtels  et  magasins,  et  les  monte-plats,  sim- 
ples et  pratiques,  exposés  par  MM.  Jomain  et  Sarton,  Chedeville  et  Defrène.  Quelques-uns 
de  ces  monte -charges  pour  magasins  et  de  monte-plats  sont  mus  à  la  main. 

M.  Edoux,  en  1878,  fut  quelque  peu  accusé  de  témérité  lorsqu'il  construisit  l'ascenseur 
du  Trocadéro,  et  tout  cela  était  bien  loin  cependant  des  ascenseurs  de  la  Tour  Eiffel,  et  sur- 
tout de  celui  des  Eontinettes,  qui  peut  élever  800  tonnes  ! 

Un  appareil  absolument  nouveau  et  fort  original,  est  le  «  monte-escalier  »  de  M.  J.-A 
Amiot.  C'est  un  fauteuil  à  strapontin,  derrière  le  dossier  duquel  sont  fixées  deux  chapes  por- 
tant chacune  deux  galets  embrassant  deux  guides  en  1er  plat  poli,  qui  suivent  la  rampe  de 
l'escalier,  et  un  crochet  auquel  s'accroche  la  chaîne  ou  le  câble  de  traction. 

Hydraulique.  —  Les  travaux  concernant  particulièrement  les  distributions  et  canalisations 
d'eaux,  les  appareils  de  filtrage,  etc.,  avaient  plusieurs  spécimens  dans  la  classe  LXIII. 
Mais  c'est  surtout  dans  l'important  Palais  de  l'Hygiène  que  figuraient  le  plus  grand  nombre 
des  travaux  exposés. 

C'était  d'abord  la  Compagnie  Générale  des  Eaux,  avec  ses  plans  de  distribution  d'eau  à 
Paris,  Lyon,  Toulon,  etc.,  et  des  photographies  des  principaux  ouvrages  d'adduction  com- 
plétant sa  belle  exposition  du  Palais  de  l'Hygiène;  puis  MM.  Carré  et  fils  aine,  avec  leur 
système  connu  d'élévation  et  de  filtrage  des  eaux.  Leur  filtre  se  compose  d'un  réservoir  à  air 
comprimé  dans  lequel  l'eau  arrive  par  dessous,  et  remonte,  en  traversant  une  masse  filtrante 
et  en  comprimant  l'air  intérieur  de  l'appareil  ;  ce  qui  fait  que  l'eau  emprisonne  une  cer- 
taine quantité  d'air,  condition  favorable  d'une  eau  potable. 

Des  appareils  hydrauliques  étaient  encore  exposés  par  M.  Aimond;  d'importants  appa- 
reils pour  canalisations  d'eau  et  de  gaz,  par  M.  Gibault,  et  des  tuyaux  en  terre  cuite  par 
M.  Rossin.  MM.  Morin  et  Gensse  exposaient  des  instruments  de  précision  pour  canalisations. 

Enfin,  nous  devons  classer  dans  cette  section  les  bottes  imperméables  à  l'usage  des 
égoutiers  que  plusieurs  exposants  présentaient,  et  particulièrement  celles  de  M.  Morel. 

Plomberie.  Robinetterie.  Couverture,  etc.  — Les  belles  installations  de  plomberie  sanitaire, 
water-closets,  baignoires,  lavabos,  d'un  usage  courant,  exposés  à  la  classe  dont  nous  nous 
occupons,  par  M.  Poupart  aîné,  par  MM.  Gaget,  Gauthier  et  Cie,  par  M.  Flicoteaux,  ne  for- 
maient qu'une  faible  partie  de  l'envoi  de  ces  maisons;  le  gros.sejrouvait  au  Pavillon  de 
l'Hygiène,  à  l'Esplande  des  Invalides. 


636  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1880 

Des  abreuvoirs,  réservoirs  en  plomb,  etc.,  étaient  exposés  par  M.  Carpentier. 

L'importante  maison  de  MM.  Cuau  aine  et  Cie,  ingénieurs  constructeurs,  avait  une  expo- 
sition de  réservoirs,  canalisations,  robinetterie,  etc. 

La  robinetterie  était  encore  représentée  dans  la  classe  LXIII  par  MM.  Mathelin  et  Garnier, 
de  Lille;  par  MM.  Sinson  Saint-Albin  et  fils,  et  par  quelques  fabricants  de  petite  robinetterie, 
MM.  Cazaubon,  Mercery,  Vacbé,  Cadet,  etc. 

Le  réservoir  de  chasse  est  l'appareil  sur  lequel  semble  se  concentrer  pour  le  quart  d'heure 
l'attention  de  ces  derniers,  conséquence  de  l'apparition  du  «  tout  à  l'égout  »  chez  nous,  et  de 
grands  efforts  ont  été  tentés  depuis  plusieurs  années,  pour  mettre  nos  installations  sanitaires 
et  leurs  accessoires  au  niveau  des  installations  anglaises  du  même  genre. 

M.  Barat  exposait  des  robinets  d'incendie,  des  flotteurs  à  boulet,  des  garde-robes  à 
leviers,  etc. 

Outre  leurs  robinets,  MM.  Mathelin  et  Garnier,  avaient  une  exposition  très  complète  de 
canalisations  d'eau,  de  gaz  et  de  vapeur,  ainsi  que  des  bronzes  phosphoreux. 

M.  A.  Chameroy,  présentait  ses  robinets  bien  connus,  supprimant  au  moyen  de  réservoir 
d'air,  les  coups  de  bélier,  c'est-à-dire  les  chocs  produits  dans  les  conduites  par  la  brusque 
fermeture,  du  robinet. 

MM.  Sinson  Saint-Albin  et  fils,  présentaient  encore  des  appareils  hydrauliques  et  aussi 
d'éclairage. 

En  ce  qui  concerne  la  couverture,  cette  partie  du  bâtiment  qui  a  tant  d'importance, 
surtout  pour  ceux  qui  n'aiment  pas  à  recevoir  de  l'eau  sur  la  tète,  assis  dans  leur  fauteuil,  il 
faut  citer  tout  d'abord  les  chefs-d'œuvre  exposés  par  les  Sociétés  des  Compagnons  couvreurs 
du  Devoir  de  Paris,  et  des  Compagnons  couvreurs  du  Devoir  du  tour  de  France,  d'Angers  et 
de  Tours.  Mais  la  plupart  des  systèmes  de  couverture,  chéneaux  et  gouttières,  figuraient  sur 
la  berge  du  Trocadéro. 

Des  systèmes  de  chéneaux  en  fonte  étaient  exposés  par  M.  Bigot-Renaux  et  des  modèles 
de  couvertures  en  ardoises  par  un  certain  nombre  d'entrepreneurs,  notamment  par 
M.  Charles. 

Des  crochets  métalliques  et  des  agrafes  pour  fixer  les  couvertures  en  tuiles  ou  en  ardoises, 
étaient  exposés  par  M.  Paumier. 

Des  tuiles  en  zinc  étaient  exposées  par  M.  S.  Duprat;  elles  sont  étanches  et  d'un  bel  effet 
décoratif  :  au  milieu  de  chacune  des  tuiles,  dont  la  forme  est  rectangulaire,  se  détache  en 
relief  un  losange  repoussé;  d'où  un  surcroit  considérable  de  résistance,  pour  la  même  raison 
que  celle  qui  rend  les  tôles  ondulées  plus  résistantes  que  les  tôles  plates.  Le  clouage  se  fait 
au  moyen  de  clous  laitonnés  à  tète  large,  sur  voliges  posées  sur  chevrons.  Les  rives  se  font 
en  relevant  un  des  couvre-joints  de  la  tuile  contre  un  petit  tasseau.  Le  mètre  superficiel  de 
tuiles  métalliques,  système  Duprat,  ne  pèse  que  5  kilogrammes;  il  se  recommande  par  sa 
légèreté,  la  rapidité  de  la  pose,  son  économie  pécuniaire  et  sa  longue  durée. 

Les  ardoises,  les  tuiles,  le  zinc,  ne  sont  pas  les  seules  matières  employées  pour  couvrir 
les  toits  de  nos  habitations  et  édifices;  dans  certains  cas,  le  carton-cuir  et  le  carton  bitumé 
donnent  de  bons  résultats;  ce  système  extra-économique  est  surtout  applicable  pour  hangars, 
ateliers,  etc.  M.  Desfeux  en  exposait  des  spécimens. 

La  Société  de  la  Vieille  Montagne,  dont  la  réputation  est  établie  de  longue  date,  ne  cesse 
de  perfectionner  ses  produits.  Ses  toitures  en  zinc,  si  répandues  depuis  quarante  ans,  se 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889  637 

recommandent  par  leur  légèreté,  leur  propreté,  leur  longue  durée.  Le  système  à  tasseaux 
tend  à  être  remplacé  par  les  ardoises  en  zinc,  qui  ont  l'avantage  de  donner  à  la  couverture  un 
aspect  plus  séduisant,  et  de  permettre  plus  facilement  la  circulation  de  l'air  entre  le  bois  et  le 
zinc.  Quant  à  la  résistance  au  vent  et  à  l'étanchéilé,  elles  sont  infiniment  supérieures  à  celles 
des  tuiles  et  ardoises  ordinaires.  Le  système  Baillod,  à  doubles  nervures,  est  aussi  très 
employé. 

L'oxyde  de  zinc,  connu  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  blanc  de  zinc,  tend  à  remplacer 
le  céruse  dans  la  peinture  en  bâtiment;  il  a  sur  ce  produit  l'avantage  inappréciabledenepas 
être  un  poison. 

Nous  avons  déjà  signalé  quelques  tuiles  pour  toitures,  mais  la  plupart  figuraient  dans  la 
classe  de  la  céramique. 

Les  ardoises  employées  à  Paris  pour  la  couverture  proviennent  surtout  des  ardoisières 
d'Angers;  ce  système  a  l'avantage  de  s'adapter  à  tous  les  systèmes  de  charpente,  d'être  très 
solide  et  de  se  prêter  à  toutes  les  formes.  Les  ardoises  reposent  sur  trois  voliges,  leur  bord 
supérieur  affleure  le  bord  supérieur  de  la  volige,  tandis  que  leur  bord  inférieur  dépasse  un 
peu  la  volige  inférieure;  on  les  fixe  à  la  partie  supérieure  par  deux  clous  en  cuivre.  La  maison 
Célier  exposait  un  nouveau  système  d'attache.  La  maison  Grosjean  emploie  des  sous-joints 
en  zinc  pour  accrocher  et  retenir  les  ardoises. 

En  résumé,  nous  sommes  en  présence  d'un  grand  nombre  de  systèmes  de  toitures;  toutes 
ont  des  avantages.  Le  meilleur  parti  à  prendre  est  d'employer  celle  qui  convient  au  cas 
particulier  auquel  on  a  affaire. 

Phares.  —  On  s'arrêtait  avec  intérêt  devant  les  beaux  types  de  phares  et  fanaux  lenti- 
culaires, exposés  par  MM.  Barbier  et  Gie  (successeurs  de  MM.  Barbier  et  Fenestre);  on  y 
voyait  de  beaux  spécimens  d'appareils  hyperradiants,  de  2ra,62  de  diamètre,  construits  pour 
le  phare  Tory  Island.  Une  exposition  analogue  était  laite  par  M.  Henry  Lepaute  fils. 

Tous  les  efforts  faits  en  vue  d'améliorer  les  phares  ont  porté  sur  les  moyens  de  ramener 
tous  les  rayons  émis  vers  la  partie  de  la  zone  horizontale  qui  regarde  la  mer,  car  tout  autre 
rayon  n'a  aucune  utilité  pour  le  but  à  atteindre. 

On  sait  que  c'est  Fresnel  qui,  en  1819,  eut  l'heureuse  idée  de  remplacer  les  miroirs 
paraboliques,  employés  précédemment,  par  des  lentilles  à  échelons  de  forme  plan-convexe 
dont  les  foyers  se  confondent  tous  en  un  seul,  où  est  placé  la  source  lumineuse  du  phare.  En 
effet,  le  foyer  d'une  lentille  ne  se  réduit  pas  réellement  à  un  point,  et  avec  une  seule  lentille 
il  y  a  de  la  lumière  perdue,  celle  qui  envoie  ses  rayons  aux  extrémités  de  la  lentille.  En  faisant 
tourner  ce  système  de  lentilles,  on  éclaire  ainsi  un  cône  de  l'horizon.  Si  l'on  accole  plusieurs 
panneaux  égaux  de  manière  à  former  un  tambour  auquel  on  donne  un  mouvement  de 
rotation,  on  constituera  un  feu  à  éclipses  et  à  éclats  successifs. 

Pour  varier  les  feux,  suivant  les  points  où  les  phares  sont  installés,  et  cela  pour  permettre 
au  navigateur  de  savoir  près  de  quel  port  il  se  trouve,  car  il  connaît  d'avance  les  signaux, 
pour  varier  les  ieux,  disons-nous,  on  varie  le  nombre  des  éclipses  et  des  éclats  à  la  minute, 
et  l'on  a  recours  à  des  verres  rouges  ou  bleus. 

Coffres-forts.  —  Quelques  renseignements  sur  la  construction  des  coffres-forts  exposés 
par  M.  Henri  Chaudun,  successeur  de  M.  Petitjean,  ne  seront  pas  inutiles.  Tous  ces  coffres 
sont  en  tôle  d'acier  doux.  Ils  sont  formés  d'un  manchon  extérieur  en  tôle  d'acier  de  0m,007 


63N  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

à  O-^OIO  d'épaisseur,  coudé,  sans  joints  aux  angles;  les  deux  extrémités  de  la  feuille  sont 
rivées  dans  le  dos  du  coffre  sur  une  plaque  d'acier  trempé.  Ce  manchon  est  fixé  à  un  autre 
manchon  identique,  qui  lui  est  intérieur,  par  le  bâti  de  la  porte,  formé  d'un  fer  d'un  profil 
spécial.  Sur  le  manchon  intérieur  sont  juxtaposés  des  bandes  d'acier  trempé  qui  l'entourent 
entièrement.  On  garnit  de  terre  réfractaire  l'intervalle  qui  existe  entre  les  deux  manchons, 
et  le  dessous  du  cofire  est  rivé  sur  des  cornières  qui  sont  elles-mêmes  rivées  sur  le  manchon 
extérieur.  Le  fond  est  fixé  de  la  même  façon  que  le  dessus. 

La  porte,  toujours  en  tôle  d'acier,  n'a  pas  moins  de  0m,010  d'épaisseur  ;  elle  est  blindée 
d'acier  dans  toute  son  étendue;  un  fer  spécial  est  rivé  tout  autour  pour  former  avec  le  fer 
du  bâti  du  coffre  ce  que  le  constructeur  appelle  la  feuillure  croisée.  Cette  disposition  rend  la 
fermeture  hermétique.  Un  foncet  est  rivé  sur  l'extrémité  du  fer  de  la  porte,  et  l'espace  com- 
pris entre  la  plaque  extérieure  de  la  porte  et  ce  foncet  est  garni  de  terre  réfractaire.  La  porte 
enfin,  montée  sur  pivots  d'acier,  est  accrochée  à  l'arrière  par  une  rentrée  de  0m,015. 

Un  coffre  ainsi  construit  est  incombustible,  par  suite  de  l'application  de  terre  réfrataire 
entre  les  parois;  en  outre,  il  est  inattaquable,  car  il  ne  présente  aucun  joint  aux  angles  et 
est  blindé  d'acier.  Il  est  impossible  d'arracher  la  porte,  fixée  d'un  côté  par  les  pênes,  et 
maintenue  de  l'autre  par  la  l'entrée  dans  le  bâti  du  coffre. 

La  serrure  «  à  gorges  »  est  celle  appliquée  à  ces  coffres  ;  elle  défie  toutes  prises  d'em- 
preintes. Pour  plus  de  sûreté,  31.  Chaudun  a  appliqué  une  seconde  serrure  de  «  condamna- 
tion »,  qui  arrête  le  fonctionnement  de  la  première  et  qui  est  mue  par  une  autre  clé,  mais 
qu'on  introduit  par  la  même  entrée. 

Enfin,  les  coffres  sont  munis  d'un  système  de  combinaisons  perfectionnées  à  quatre 
compteurs  indépendants  et  qui  sont  absolument  inviolables. 

Le  coffre  exposé  par  cette  maison  dans  la  classe  LXIII  mesurait  3  mètres  de  haut  et 
2m,20  de  large;  il  pèse  5,800  kilogrammes;  sa  clé  de  condamnation  ne  pèse  que  75  cen- 
tigrammes ! 

Outre  M.  Chaudun,  des  coffres-forts  étaient  encore  exposés  par  un  très  grand  nombre 
d'inventeurs;  parmi  les  plus  notables,  on  peut  classer  ceux  de  MM.  Villerel,  Charlier 
et  Guenot,  Haffner  aîné,  Delarue,  L'Hermitte,  Petit,  Gallet,  Raoult,  Desbains,  Laureau, 
A.  Parisse,  Paublan,  etc. 

Variétés.  —  Nous  classons  sous  cette  vague  dénomination  plusieurs  expositions  qui 
n'ont  pas  trouvé  place  parmi  les  objets  précédents  :  tels  sont  les  couronnements  de  chemi- 
nées de  M3I.  Petit,  Didier  et  Lamidé  ;  les  appareils  de  télégraphie  atmosphérique  de 
MM.  Rouart  frères,  successeurs  de  MM.  Mignon  et  Rouart;  les  bourrelets  de  M.  Mesnard  ; 
les  lampes  à  souder  de  31.  Breuzin,  les  lettres  en  relief  de  31.  E.  Bouvais,  pour  servir  d'en- 
seignes aux  devantures  des  boutiques,  les  impressions  de  MM.  Aost  et  Gentil,  les  cordages 
et  câbles  métalliques  de  la  Compagnie  des  ardoisières  d'Angers  les  diamants  pour  vitriers 
de  M31.  Pelletier  et  Van  Praag;  les  métaux  de  31.  Peyet,  l'office  des  brevets  de  31.  Cahen. 
les  petites  inventions  de  31.  Tessier,  et  une  foule  d'autres  choses  que  nous  ne  pouvons 
citer  et  qui  achevaient  de  constituer  cette  immense  classe  LXIII. 

Nous  avons  particulièrement  remarqué  dans  un  pavillon-annexe  de  la  classe  LXIII, 
groupe  VI  (Génie  civil)  un  projet  d'hôpital-baraque,  présenté  par  31.  Waser,  architecte, 
exécuté  pour  l'Œuvre  des  ambulances  françaises. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


039 


Il  s'agit,  en  principe,  de  doter  toutes  les  communes  de  France  d'un  hôpital  permanent 
et  l'auteur  s'est  efforcé  d'atteindre  le  but  en  appliquant  les  règles  d'hygiène  admises  et 
reconnues  indispensables  sans  frais  considérables. 


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Baraquenienis-hopit.-uix.  —  Façade  et  plan.  (A.  Waser,  architecte.) 

La  principale  recommandation  du  médecin  et  de  l'hygiéniste  dans  ces  constructions 
consiste  à  aménager  les  locaux  de  telle  sorte  qu'on  puisse  y  introduire  de  l'air  pur  en 
grande  abondance;  or,  l'architecte  a  tenu  compte  de  cette  loi  d'une  façon  absolue,  il  a 


640 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    18*9 


condamné  dans  son  plan  les  couloirs  de  communication  fermés,  véritables  moyens  de 
canalisation  pour  l'air  vicié  et  pour  les  germes  putrides. 

La  charpente  générale  formant  le  squelette  du  baraquement  est  faite  en  sapin  imprégné 
de  créosote;  les  murs  sont  formés  par  un  double  revêtement  intérieur  et  extérieur  de  plan- 
ches formant  panneaux  ouvrants  et  permettant  non  seulement  de  placer  au  grand  air  les 
malades,  toutes  les  fois,  et  aussi  longtemps  que  le  permettra  la  température  extérieure, 
de  balayer  par  des  courants  d'air  pur,  toutes  les  parois  de  la  salle  et  toutes  les  parties  de  la 

construction,  mais  encore  de  faire  des  lavages  désinfectants 
au  moyen  d'une  pompe  lançant  l'eau  phéniquée,  les  solu- 
tions de  sulfate  de  fer,  etc.,  dans  tous  les  interstices  afin 
que  ces  doubles  cloisonnements  soient  inondés  sans  que  les 
liquides  y  séjournent  ou  croupissent. 

Le  solivage  du  plancher  est  en  sapin  imprégné  de  créo- 
sote et  reçoit  directement  le  parquet,  lequel  est  en  sapin 
assemblé  par  planches  très  larges,  pour  éviter  le  plus  pos- 
sible les  joints  produisant  la  poussière. 

Les  fenêtres  et  les  dormants  sont  en  bois  de  chêne, 
afin  d'être  moins  exposés  à  se  déjeter  et  par  suite  à  clore 
mal  ;  la  toiture  se  compose  de  tuiles  mécaniques  posées  sur 
des  cours  de  pannes. 

Il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  de  la  solidité  des  construc- 
tions, car  l'infection  du  bâtiment  précédera  toujours  le  mo- 
ment de  la  reconstruction;  on  sait,  en  effet,  que  les  bâti- 
ments qui  servent  depuis  un  certain  temps  au  traitement 
des  malades  perdent  leur  salubrité.  Il  existe  un  certain 
nombre  de  maladies  (affections  zymotiques,  contagieuses,  et 
infectocontagieuses)  qui  régnent  dans  les  édifices  construits 
depuis  longtemps,  qui  compliquent  les  affections  les  plus 
bénignes,  cependant  l'auteur  du  projet  affirme  qu'en  raison 
des  matériaux  de  construction  qu'il  propose,  la  durée  d'une 
baraque  peut  atteindre  une  période  de  vingt  années  de  ser- 
vice non  interrompu. 

M.  Waser  a  aussi  démontré  que  le  cube  d'air  du  baraquement  peut  se  renouveler  entiè- 
rement par  la  ventilation  naturelle  avec  la  vitesse  de  0Q',50  par  seconde  aux  ouvertures, 
dans  l'espace  de  une  minute  et  demie,  ce  qui  équivaut  à  quarante  fois  le  renouvellement 
de  l'air  des  salles  par  heure,  et  cette  force  d'extraction  est  obtenue  par  un  système  de 
cheminées  d'appel  partant  du  plancher  haut  de  chaque  salle  et  se  rejoignant  dans  la  che- 
minée centrale  dépassant  le  comble. 

Quant  l'abaissement  de  la  température  oblige  à  chauffer  les  salles,  il  devient  nécessaire 
d'avoir  un  chauffage  combiné  de  chaleur  rayonnante  et  d'air  tempéré  juste  au  degré  exigé 
(.15°  à  25°),  l'architecte  a  obtenu  ce  double  résultat  par  un  système  de  tuyaux  en  fonte 
partant  de  la  cuisine  disposé  directement  sous  le  plancher  des  salles  avec  circulation  d'eau 
chaude  à  basse  pression;  le  parcours  en  serpentin  de  ces  tuyaux  est  couvert  par  des 


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Baraquements- hôpitaux. 

Cabinets  d'aisances  extérieurs 
(plan  et  coupe.) 


Baraquements  hôpitaux.  —  Coupe  longitudinale.  (A.  Waser,  architecte.) 


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Baraquements  hôpitaux.  —  Coupe  transversale.  (A.  Waser,  architecte.) 


642  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

plaques  de  fonte  leur  permettant  tout  en  échauffant  le  parquet  de  rayonner  directement 
dans  les  salles. 

La  cheminée  d'extraction  l'orme  alors  appel  pour  l'évacuation  de  l'air  vicié. 

Le  baraquement  se  compose  d'un  vestibule  d'entrée,  de  deux  salles  pouvant  contenir 
chacune  quatre  lits,  d'une  salle  de  bains,  d'une  cuisine,  d'une  loge  pour  le  surveillant,  d'un 
cabinet  pour  le  docteur  et  d'une  salle  de  décès  pouvant  servir  aussi  pour  les  opérations 
chirurgicales. 

Nous  ne  parlons  que  pour  mémoire  des  cabinets  d'aisances  et  du  dépôt  de  linge  sale, 
véritables  loyers  d'infection  que  l'architecte  a  éloignés  avec  raison  de  l'hôpital. 

En  sommé,  il  est  évident  que  M.  l'architecte  Waser  qui,  pour  cette  bonne  étude,  a  été 
récompensé  par  les  palmes  académiques,  n'a  pas  voulu  donner  un  modèle  parfait  et  que 
son  projet  peut  être  exposé  à  quelques  critiques,  mais  il  a  atteint  le  but  humanitaire  de 
rendre  possible  la  construction  d'hôpitaux  dans  la  plupart  des  communes  de  France  en 
appliquant  les  règles  d'hygiène  et  la  plus  stricte  économie. 


EXPLOITATIONS     AGRICOLES 

VITICULTURE,     ALIMENTATION 


EXPLOITATIONS  AG  RIGOLES 


armi  les  plus  curieuses  installations  relatives  aux  exploitations  agricoles 
HPfd|>  (.classe  XLIX)  il  convient  de  citer  celle  de  M.  J.  Hignette,  le  constructeur  bien 
«jsgs'ït  connu. 

L'industrie  de  la  fabrication  du  beurre  (ou  transformation  du  lait  en  beurre  au 
moyen  des  nouveaux  procédés  mécaniques)  est  certainement  une  des  plus  intéressantes 
qu'il  ait  été  donné  de  voir  à  l'Exposition  Universelle. 

Il  y  a  une  douzaine  d'années,  tout  le  beurre  consommé  était  fabriqué  d'après  les 
anciens  procédés,  c'est-à-dire  qu'il  fallait  attendre  que  la  crème  fût  montée  au-dessus  du 
lait  avant  de  pouvoir  préparer  le  beurre. 

Aujourd'hui,  grâce  à  l'emploi  des  écremeuses  centrifuges,  cette  séparation  de  la  crème 
se  fait  instantanément,  aussitôt  que  le  lait  est  trait. 

Cela  évite  l'emploi  d'un  grand  nombre  de  vases  et  permet  de  fabriquer  des  quantités 
considérables  de  beurre  avec  un  matériel  fort  restreint. 

Le  système  d'écrémeuse  le  plus  apprécié  et  qui,  du  reste,  a  obtenu  le  premier  prix  (objet 
d'art),  est  celui  exposé  par  la  maison  Hignette. 

Nous  donnons  plus  loin  une  gravure  représentant  une  fabrique  de  beurre  installée 
avec  les  appareils  de  ladite  maison. 

Cette  écrémeuse  est  construite  en  plusieurs  grandeurs.  Le  grand  modèle,  fonctionne 
par  manège  ou  par  moteur. 

Cet  appareil  aussi  ingénieux  que  simple,  est  composé  d'un  cylindre  avec  un  tuyau 
d'alimentation  et  deux  tuyaux  de  décharge.  A  la  partie  supérieure,  le  cylindre  est  divisé  en 
deux  parties  par  une  plaque  circulaire  en  forme  de  couronne,  dont  la  circonférence  exté- 
rieure est  à  une  faible  distance  du  cylindre,  et  qui  est  supportée  par  trois  ailettes. 


Cil 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Sous  l'influence  de  la  force  centrifuge  le  lait  et  la  crème  se  séparent.  Le  lait,  dont  la 
densité  est  supérieure  à  celle  de  la  crème,  est  poussé  vers  la  circonférence  et  monte  verti- 
calement le  long  des  parois  au-dessus  de  la  plaque  circulaire,  tandis  que  la  crème  reste 
au-dessous. 

En  introduisant  simplement  un  tuyau  dans  la  masse  de  lait  au-dessus  de  la  plaque 
circulaire  et  un  autre  tuyau  dans  la  masse  de  crème  au-dessous,  le  but  est  atteint.  L'àf- 
fluence  continuelle  du  lait  doux  pousse  toujours  une  quantité  proportionnelle    dans  les 


Fabrique  de  beurre    installée  d'après  le  procédé  J.  Hignelte. 

deux  tuyaux,  et  comme  d'un  autre  côté  on  est  à  même  de  changer  à  volonté  les  positions 
respectives  des  tuyaux  pendant  que  récrémeuse  fonctionne,  on  comprend  avec  quelle  faci- 
lité l'on  peut  modifier  le  degré  d'écrémage,  e'est-à-dire  les  proportions  relatives  de  lait 
écrémé  et  de  crème.  Ce  réglage  se  fait  pendant  la  marche  de  l'appareil  sans  l'arrêter  et 
sans  modifier  le  débit  de  l'écrémeuse  ;  c'est  là  un  avantage  que  l'on  n'a  pu  obtenir  jusqu'à 
ce  jour  avec  aucune  des  autres  éerémeuses  connues. 

L'écrémeuse  peut  traiter  aussi  bien  le  lait  chaud  que  le  lait  froid. 

L'écrémeuse  a  liras,  destinée  à  la  culture,  est  basée  sur  le  même  principe,  mais  ne  peut 
travailler  que  125  ou  175  litres  à  l'heure,  tandis  que  la  précédente  peut  écrémer  1,400  litres 
de  lait. 


646  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Dans  l'écrémeuse  à  liras  tous  les  organes  en  mouvement  sont  entourés  par  une  enveloppe 
protectrice. 

Elle  tient  très  peu  de  place.  Elle  peut  être  lixée  sur  une  table.  Elle  est  très  facile  à 
manier  et  à  nettoyer.  Les  frais  d'entretien  sont  presque  nuls. 

Cette  écrémeuse  présente  toutes  les  qualités  nécessaires  pour  être  employée  clans  les 
petites  exploitations  agricoles,  chez  les  cultivateurs,  dans  les  familles  qui  ne  possèdent  que 
quelques  vaches,  chez  les  marchands  de  lait,  dans  les  écoles  et  stations  d'expériences  et 
aussi  chez  les  habitants  des  pays  chauds  et  tropiques. 

L'écrémeuse  à  bras  permet  aux  cultivateurs  qui  n'ont  qu'un  petit  nombre  de  vaches, 
de  profiter  des  avantages  que  présente  l'écrémage  au  moyen  de  la  force  centrifuge,  soit  : 
le  plus  grand  rendement  en  beurre  possible  et  un  lait  écrémé  plus  sain. 

Sun  emploi  est  tout  indiqué  chez  les  cultivateurs  qui,  pour  une  raison  quelconque,  ne 
retirent  pas  de  leur  lait  tout  le  bénéfice  qu'ils  pourraient  en  obtenir,  car  cette  écrémeuse 
à  bras  écréme  aussi  bien  et  d'une  manière  aussi  complète  que  l'écrémeuse  au  moteur. 

L'emploi  de  l'écrémeuse  à  bras  est  également  avantageux  dans  les  crémeries,  car 
e'est  le  seul  moyen  d'obtenir  vite  et  facilement  la  crème  nécessaire  et  à  n'importe  quelle 
(•(insistance.  Enfin,  elle  est  encore  d'une  grande  valeur  pour  les  écoles  d'agriculture,  les 
stations  d'expériences  ou  autres  établissements  où  l'on  désire  faire  la  démonstration  de 
l'emploi  de  la  force  centrifuge.  Le  grand  avantage  de  l'écrémeuse  centrifuge  est  de  donner 
un  rendement  en  beurre  de  20  à  28  0  o  supérieur  à  celui  obtenu  par  les  ancien^  procédés. 
En  outre,  ce  beurre  est  de  meilleure  qualité  et  se  conserve  frais  bien  plus  longtemps. 

Pour  l'analyse  du  lait  M.  Hignette  exposait  un  système  de  contrôleur  très  simple. 

Ce  contrôleur  consiste  en  une  série  de  petites  éprouvettes  dans  lesquelles  on  introduit 
les  échantillons  de  lait  à  analyser.  On  installe  l'appareil  sur  l'écrémeuse  et  sous  l'influence 
de  la  force  centrifuge  le  lait  et  la  crème  se  trouve  séparés;  la  crème  se  forme  donc 
au-dessus  du  lait  en  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  que  l'on  peut  mesurer  avec  un 
curseur  spécial. 

On  peut  ainsi  se  rendre  compte  en  quelques  minutes  et  d'une  manière  exacte  de  la 
richesse  en  crème  d'un  grand  nombre  d'échantillons  de  lait. 

En  raison  du  caractère  spécial  de  la  classe  XLIX  nous  devons  borner  ici  nos  indications. 
Cependant  nous  ne  pouvons  résister  au  plaisir  de  signaler  la  remarquable  exposition 
agricole  de  la  Société  de  Batna  et  du  Sud  africain. 

Créer  au  Sahara  de  nouveaux  centres  de  culture  et  de  colonisation,  conquérir  sur  le 
désert  *h'>,  régions  stériles,  les  fertiliser  par  l'irrigation  et  les  transformer  en  oasis  produc- 
tives, telle  a  été  l'œuvre  de  la  Société. 

Celte  Société  est  la  seule  entreprise  privée  qui  se  soit  constituée  exclusivement  avec  ce 
programme  de  création,  le  seul  intéressant  pour  le  développement  du  Sud  algérien. 

Elle  est  la  première  qui  l'ait  appliqué  sur  une  grande  échelle  et  industriellement. 

A  elle  seule  elle  a  créé  de  toutes  pièces  trois  grandes  oasis  îiDuvclles  dans  la  vallée 
de  l'oued  Lir',  au  sud  de  Iîiskra,  et  planté  80,000  palmiers-dattiers,  ce  qui  représente  les 
trois  quarts  de  la  totalité  des  plantations  françaises  du  Sahara  algérien. 

Cette  grande  entreprise  de  colonisation  avancée  au  Sahara  cl  de  création  agricole  dans 
l'Oued  II ii-'  est,  d'ailleurs,  aujourd'hui  connue  de  tous.  Elle  a  été  signalée  avec  éclat  à 
l'attention  publique  dans  les  Sociétés  savantes  et  dans  les  principaux  organes  de  la  presse. 


Exposition  d'ensemble  de  la  Société  de  lialua  et  du  Sud  africain. 


648 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Bien  que  do  date  récente,  elle  a  déjà  reçu  de  toutes  parts  les  témoignages  les  plus  précieux 
de  sympathie  et  d'encouragement. 

Nous  nous  contenterons  de  rappeler  ici  les  hautes  distinctions  dont  les  travaux  accom- 
plis par  elle  ont  été  l'objet,  l'an  dernier,  en  la  personne  de  son  administrateur  délégué, 
M.  G.  Rolland,  auquel  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris  a  décerné  sa  médaille 
d'Afrique  (prix  Caillé),  et  la  Société  d'encouragement  pour  l'industrie  nationale  une  médaille 
d'or. 

Nous  rappellerons  aussi  qu'au  printemps  de  1888  un  groupe  important  de  membres 


Vcic  de  la  Manufacture  de  la  Compagnie  française  des  chocolats  et  thés. 

de  l'Association  française  pour  l'avancement  des  sciences,  —  se  trouvant  en  Algérie  à 
l'occasion  du  Congrès  d'Oran,  —  a  entrepris  une  excursion  à  laquelle  ils  avaient  été 
conviés,  dans  l'Oued  Rir",  pour  venir  étudier  sur  place  le  nouveau  mode  de  colonisation 
qui  vient  de  s'y  implanter,  la  colonisation  saharienne. 

La  Société  n'ayant  encore  pris  part,  avant  1889,  à  aucune  Exposition  Universelle,  ni 
à  aucun  Concours  général,  ne  pouvait  faire  valoir  de  récompenses  de  cet  ordre.  Mais  elle 
s'est  mise  en  mesure  de  figurer  dignement  à  l'Exposition  Universelle  de  Taris  de  1889,  où 
elle  a  obtenu  comme  récompenses  :  1  Grand  Prix,  -2  médailles  d'or,  2  médailles  d'argent 
et  o  médailles  de  bronze 


L'Exposition  alimentaire,  très  intéressante  dans  son  ensemble,  offrait  peu  de  particu- 
larités absolument  remarquables. 


Exposition  de  la  Grande  Brasserie  de  Saint-Germain.  —  Maison  Cirier-Pavard, 


650  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Citons  cependant  les  grandes  chocolateries  dont  les  exhibitions  captivaient  à  juste  titre 
le  public,  tout  particulièrement  celle  de  la  Compagnie  française  des  chocolats  et  thés. 

La  Compagnie  française  des  chocolats  et  des  thés,  dont  le  siège  social  est  à  Paris,  4,  rue 
Sainte-Anne,  possède  trois  usines  à  Paris,  Londres  et  Strasbourg. 

A  l'Exposition  Universelle  de  1889,  la  Compagnie  française  des  chocolats  et  des  thés  a 
été  classée  «  Hors  concours  »,  et  son  directeur,  M.  Auguste  Pelletier,  nommé  membre  du 
jury  de  la  classe  LXXII  (groupe  de  l'alimentation). 

Signalons  dans  le  même  ordre  d'idées  l'immense  succès  remporté  à  l'Exposition  par 
la  fameux  cacao  Van  Houten,  succès  dû  autant  à  l'excellence  du  produit  qu'à  la  magni- 
ficence et  à  l'intérêt  de  l'installation. 

Enfin  relatons  ici  le  grand  succès  obtenu  par  les  produits  alimentaires  Nestlé,  auxquels 
un  Grand  Prix  a  été  attribué. 

Le  lait  condensé  Nestlé,  préparé  par  un  procédé  de  concentration  perfectionné,  a 
conservé  toutes  les  qualités  du  lait  irais  et  pur  des  vaches  suisses,  si  estimé  en  raison  de 
sa  valeur  nutritive  et  de  son  arôme.  —  Outre  les  grands  services  que  cette  conserve  rend 
à  la  Hotte,  à  l'armée,  aux  hôpitaux,  elle  a  conquis  sa  place  dans  l'alimentation  des  parti- 
culiers; elle  leur  assure  un  lait  très  agréable,  sain  et  naturel. 

Ces  succès  ont  permis  à  l'usine  Henri  Nestlé  d'avoir  un  outillage  mécanique  qui  excite 
à  chaque  pas  l'admiration  pour  le  génie  inventif  qui  a,  pour  chacune  des  opérations 
spéciales,  créé  un  outil  capable  de  réaliser  en  peu  d'heures  les  innombrables  manutentions 
qu'exige  la  livraison  de  la  grande  quantité  de  boites  que  l'usine  expédie  chaque  jour. 

Depuis  le  découpage  des  feuilles  de  fer-blanc  qui  sert  à  fabriquer  les  boites  jusqu'à  la 
fermeture  des  caisses  en  bois  blanc  qui  les  transportent  dans  le  monde  entier,  tout  est  fait 
à  la  machine,  emboutissage  des  couvercles,  soudure,  essai  de  l'étanchéité  de  la  boite, 
remplissage,  fermeture  hermétique,  collage  des  étiquettes,  clouage  des  caisses,  tout  est 
automatique. 

L'usine  possède  une  force  motrice  à  vapeur  de  250  chevaux  et  une  chute  d'eau.  Elle 
emploie  400  ouvriers  et  ouvrières.  On  transforme  journellement  le  lait  de  7,500  vaches 
correspondant  à  50,000  litres  de  lait  par  jour,  ce  qui  a  donné  lieu  d'encourager  les  agri- 
culteurs-laitiers, dont  la  Société  Nestlé  est  devenue  l'amie  sincère  et  respectée. 

Pour  être  juste,  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  le  très  grand  succès  obtenu  dans 
la  section  alimentaire  par  la  grande  brasserie  Cirier-Pavard,  dont  nous  reproduisons  ici  la 
merveilleuse  installation. 

Nous  terminerons  notre  revue  de  l'alimentation  par  quelques  derniers  mots  sur  diverses 
maisons  dont  les  envois  ont  été  plus  particulièrement  remarqués. 

Signalons  tout  d'abord  la  remarquable  exposition  de  la  Compagnie  Liebig. 

L'Uruguay  a  également  profité  de  notre  Exposition  Universelle  pour  nous  montrer  ce 
qu'il  vaut  au  point  de  vue  des  richesses  agricoles,  les  richesses  enrichissantes,  si  on  veut 
bien  nous  passer  cette  expression  opposée  à  celle  de  richesses  appauvrissantes,  qui  peut 
s'appliquer  aux  mines  de  métal  précieux  parce  que  l'exploitation  des  mines  a  presque  ruiné 
les  pays  de  l'or. 

Les  pays  aurifères,  le  Mexique,  le  Pérou,  la  Californie  n'ont-ils  pas  subi  les  effets  d'une 
triste  décadence  quand  ils  se  sont  livrés  exclusivement  à  la  recherche  du  beau  métal  qui 


652  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

n'est  qu'une  représentation  de  la  richesse,  et  p.e  se  sont-ils  pas  relevés  quand  par  le  travail 
de  la  terre  et  l'élevage  ils  ont  créé  îles  biens  plus  réels  ? 

L'Uruguay  est  surtout  un  pays  d'élevage,  ol  sa  richesse  principale  est  celle  qui  reprise 
sur  l'exploitation  des  viandes,  graisses,  suifs,  cuirs,  cornes,  crins,  os,  etc.;  c'est  parce  que 
ce  pays  lui  offrait  des  ressources  inépuisables  qu'une  grande  compagnie,  celle  de  Liebig, 
pour  la  fabrication  de  l'Extrait  de  viande,  s'est  établie  dans  la  République  de  l'Uruguay, 
qu'elle  y  a  prospéré  et  qu'elle  a  pu  nous  montrer  à  l'Exposition  Universelle,  dans  le  pavillon 
de  l'Uruguay,  l'ensemble  de  son  industrie. 

La  Compagnie  Liebig  a  été  fondée  à  Londres  où  elle  a  son  siège,  avec  la  coopération 
du  célèbre  chimiste  baron  Liebig,  inventeur  et  créateur  du  procédé  spécial  pour  la  fabrica- 
tion de  l'Extrait  de  viande. 

Ce  procédé  a  permis  de  transformer  en  un  article  commercial,  inaltérable  sous  tous  les 
climats,  d'immenses  quantités  de  viandes  de  bœuf,  qui  étaient,  pour  ainsi  dire,  inutilisées 
jusqu'alors. 

Cette  Société,  créée  en  l'année  1865,  au  capital  versé  de  \i  millions  de  francs,  a  obtenu 
les  plus  hautes  distinctions  dans  toutes  les  grandes  expositions  internationales  où  elle  a 
concouru  ;  10  Diplômes  d'honneur  et  Médailles  d'or,  Taris  1867,  Le  Havre  1808,  Moscou  1872, 
Paris  1878,  Amsterdam  1809,  Paris  1872,  Vienne  1873  et  1883,  Lyon  1872.  Elle  est  hors 
concours  depuis  1885. 

L'établissement  principal  de  la  Compagnie  est  situé  à  Fray-Bentos,  au  bord  du  grand 
fleuve  Uruguay,  dans  la  république  de  ce  nom,  à  portée  des  ports  de  Montevideo  et  de 
Buenos-Aires.  Il  forme  avec  d'autres  propriétés  possédées  par  la  compagnie  un  lotal  d'en- 
viron 40,000  hectares,  ce  qui  lui  permet,  avec  l'adjonction  de  prairies  prises  en  location, 
d'entretenir  un  stock  permanent  d'environ  10  à  50,000  têtes  de  bétail.  Il  y  est  employé  de 
1,000  à  1,200  ouvriers,  et  pendant  la  saison  d'été,  de  novembre  à  juillet,  1,000  à  1,200  bœufs 
y  sont  abattus  journellement;  le  lotal  des  abatages  depuis  la  fondation  de  la  compagnie 
s'élève  à  plus  de  3,500,000  bœufs,  représentant  une  valeur  de  plus  de  200,000,000  de  francs. 
La  fabrication  de  l'Extrait  de  viande  Liebig,  quelle  qu'en  soit  la  grande  importance,  ne 
constitue  pas  le  seul  revenu  de  l'entreprise. 

Les  produits  qui  s'y  rattachent,  tels  que  cuirs  salés,  suifs,  graisse  raffinée,  langues  et 
viandes  conservées,  poudres  de  viande,  engrais,  etc.,  donnent  dans  leur  ensemble  un 
mouvement  d'affaires  d'une  quarantaine  de  millions  de  francs  par  an. 

La  fabrication  de  l'Extrait  de  viande  Liebig  se  fait  dans  les  usines  de  la  Compagnie 
Liebig,  à  Fray-Bentos,  sous  la  surveillance  spéciale  d'un  chimiste  délégué,  contrôle  créé  dès 
l'origine  de  la  Société  par  le  baron  Liebig. 

Il  est  de  nouveau  contrôlé  à  son  arrivée  en  Europe,  et  n'est  livré  au  commerce  que 
lorsqu'il  remplit  toutes  les  conditions  d'une  parfaite  fabrication.  Cet  extrait  se  compose  de 
toutes  les  matières  solubles  de  la  viande  et  constitue  une  précieuse  ressource  pour  toutes 
les  préparations  culinaires. 

Dans  les  premiers  mois  de  cette  année  1891,  il  a  été  abattu  de  1,400  à  1,500  bœufs  par 
jour,  et  dans  le  mois  de  mai  les  abatages  ont  été  journellement  de  plus  de  1000  tètes  de 
bétail. 

Très  remarquée  aussi  l'exposition  de  la  maison  Mercier,  d'Epernay,  dont  nous,  reprodui- 
sons, page  449,  la  vue  d'ensemble. 


ffantesyn.  -ij.:  .-  -.,,*  S£, 


Exposition  de  la  Compagnie  Liebig  au  pavillon  de  l'Uruguay. 


654  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 

Signalons,  en  passant  l'exposition  très  remarquée  de  la  bière  ferrugineuse  française  qui 
d'invention  toute  récente,  a  obtenu  dès  sa  première  exhibition  le  grand  diplôme  d'honneur, 
ce  qui  constitue  un  fait  presque  unique  dans  les  fastes  des  Expositions. 

Brassée  avec  îles  matières  premières  et  une  eau  naturelle  de  source  ferrugineuse,  cette 
bière  française  résout  la  grande  question  qui  a  si  longtemps  préoccupé  les  hygiénistes  et  les 
savants  du  monde  entier;  la  conservation  des  bières,  sans  acide  salicylique  ou  tout  autre 
produit  dont  les  bières  allemandes  ont  été  trop  souvent  souillées. 

La  bière  ferrugineuse  réalise  heureusement  l'assimilation  directe  du  fer  par  l'organisme 
qu'elle  fortifie;  elle  enrichit  de  tous  ses  éléments  nutritifs  le  sang  et  lui  infuse  une  vigueur 
nouvelle. 

En  notre  temps  d'anémie,  cette  précieuse  découverte  a  le  mérite  d'imposer,  dans  l'in- 
térêt de  la  santé  publique,  la  bière  ferrugineuse. 

L'enfant,  l'adulte  et  le  vieillard  y  trouveront  tous  un  aliment  indispensable  et  la  femme 
y  puisera  le  fer  si  précieux  pour  sa  santé.  Cette  bière  se  recommande  aussi  aux  mères  qui 
nourrissent  leurs  enfants;  elle  régénère  le  lait  et  le  fait  venir  abondamment. 

Le  moyen  d'incorporer  le  fer  à  la  bière  a  toujours  été  cherché  en  vain  en  Allemagne;  le 
problème  est  ici  victorieusement  résolu.  La  bière  acquiert  même  de  ce  perfectionnement 
industriel  une  superbe  couleur  blonde  dorée  et  une  saveur  exquise  des  plus  recherchées, 
sans  qu'il  ait  fallu  recourir  à  une  augmentation  de  prix  ou  à  une  mixture  pharmaceutique. 
Le  fer  étant  complètement  assimilé  à  cette  bière,  n'a  plus  l'inconvénient  d'altérer  l'émail  des 
dénis;  elle  a  l'avantage  de  se  boire  à  tous  les  repas  et  abondamment.  Son  usage  s'est  im- 
posé sur  les  meilleures  tables. 

Les  sommités  médicales  recommandent  la  bière  ferrugineuse  comme  le  plus  puissant 
des  reconstituants  et  plusieurs  hôpitaux  l'ont  déjà  adoptée. 

Signalons  en  terminant  les  intéressants  appareils  de  cuisine  militaire  exposés  par  l'im- 
portante maison  L.  Malen. 

La  question  de  l'alimentation  des  armées  est  une  des  plus  importantes  qui  s'impose  à 
l'attention  générale,  aujourd'hui  surtout  que  toutes  les  classes  de  la  société  sont  appelées 
sous  les  drapeaux  et  que  les  rassemblements  de  troupes  peuvent  être  des  plus  considé- 
rables, selon  les  circonstances. 

L'intérêt  de  cette  question  se  porte  donc  sur  les  points  suivants  : 

Procurer  à  l'armée  une  alimentation  saine  et  variée; 

Pourvoir  rapidement  et  au  moment  favorable  à  la  nourriture  nécessaire  à  de  grandes 
quantités  d'hommes  aussi  bien  qu'à  des  unités  moindres. 

Préparer  en  toutes  circonstances  les  repas  de  la  troupe,  soit  en  station,  soit  en  ma- 
nœuvre, etc. 

En  un  mot,  obtenir  du  même  appareil  qu'il  rende  en  caserne  des  services  notablement 
supérieurs  à  ceux  des  autres  systèmes  et  qu'il  puisse  également  se  prêter  à  toutes  les  exi- 
gences de  route  et  de  campagne,  augmentant  ainsi  les  éléments  d'action,  en  facilitant  les 
moyens  de  mobilisation  sans  oublier  mm  seulement  de  tenir  compte  des  exigences  budgé- 
taires, mais  encore  d'offrir  à  l'Etat  le  moyen  de  réaliser  d'importantes  économies. 

Telles  sont  les  conditions  que  remplissent  les  cuisines  L.  Malen,  dont  les  explications 
suivantes  ont  pour  objet  de  faire  apprécier  et  de  déterminer  les  avantages. 

Le  13  mars  1889,  M.  le  ministre  de  la  guerre  a  ordonné  que  des  expériences  seraient 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


G55 


faites  au  46e  régiment  de  ligne,  alors  en  station  à  la  caserne  de  Babylone.  Ces  expériences 
commencées  le  3  mai  ont  duré  jusqu'au  3  août  1889,  et  en  dernier  lieu,  le  régiment  s'est  fait 
suivre  de  la  cuisine  L.  Malen  au  camp  de  Satory  et  a  pu  contrôler  et  compléter  en  cours  de 
route  et  au  camp  les  excellents  résultats  acquis  en  caserne. 

Les  dessins  des  percolateurs  que  nous  reproduisons  représentent  les  nouveaux  perco- 
lateurs modèle  1888  à  double  circulation,  agréés  par  la  marine  et  les  colonies. 

L'économie  de  ce  système  de  double  circulation  consiste  en  ce  que  la  circulation  est  à 
volonté  dirigée  dans  la  partie  supérieure  ou  dans  la  partie  intérieure  de  l'appareil,  qu'une 


Percolateur  Malen   ftg,  B 


Percolateur  Malen  [fig.  C). 


fois  l'eau  arrivée  à  85  degrés  la  confection  du  café  peut  se  faire  au  moment  exactement 
désigné  et  que  par  suite  cette  opération  peut  être  retardée,  interrompue,  arrêtée  ou  reprise 
à  volonté  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'éteindre  ou  de  rallumer  le  foyer  ;  de  plus  le  sucrage  se 
fait  intime  et  complet  par  la  circulation  intérieure  sans  pertes  des  principes  du  sucre  par 
le  marc  de  café,  et  qu'enfin  la  manœuvre  de  la  spatule  et  du  levier  étant  supprimée  une  des 
principales  causes  de  détérioration  des  percolateurs  disparait. 

La  figure  A  représente  la  vue  de  ce  percolateur.  La  figure  B  représente  la  coupe.  La 
figure  C  représente  ce  même  appareil  pouvant  être  actionné  suit  à  feu  nu  un  au  moyen  de 
la  liquéfaction  de  la  vapeur,  moyen  très  rapide  et  1res  économique  sur  les  bâtiments  où  la 
vapeur  perdue  est  employée  ainsi  sans  aucune  dépense;  elle  est  envoyée  dans  le  serpentin 
par  une  prise  de  vapeur  et  en  ressort  par  les  robinets  de  prise  figurés  aux  a0"  11  et  1:2.  Le 
percolateur  est  connu  dans  l'armée  sous  le  nom  de  percolateur  Malen. 


656 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Nous  terminerons  ces  notes  rapides  sur  l'alimentation  par  une  étude  plus  détaillée 
sur  l'Exposition  du  syndicat  du  commerce  des  vins  de  Champagne  dont,  le  succès  a  été 
si  considérable. 


SYNDIDAT    DU    COMMERCE   DES    VINS   DE   CHAMPAGNE 


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41 


S/m    ; 


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AUBERT-ROYER  et  Fils,  a  Anzc. 

AY'ALA  et  C°,  à  Ay. 

BAR.NETT  et  Fas,  à  Reims. 

BILLECART-SALMON  (BILLECART  I'ëre  et  Fils,  successeurs),  à  Mareuil. 

V"  B1.NET  Fils  cl  O,  à  Reims. 

J.  BOLLINGER,  à  Ay. 

BOUCHÉ  Fils  et  C'%  à  Mareuil. 

J.  CAMTJSET  (C.  BRALENL1CH,  successeur),  à  Ay. 

Un.  de  CAZANOVE,  à  Avize. 

Albert  CHAUSSON,  a  Épernay. 

V"  CLICQUOT-PONSARD1N  (WERLÉ  et  O,  successeurs  ,  à  Reims. 

Eugène  CLICQUOT  (Ecgème  CUCQL'OT  Fils  cl  C",  successeurs),  a  Reims 

DAGOXET  cl  Fils,  à  Chàlons. 

HELBECK  et  C"  (BURCHARD-DELBECK,  successeur),  à  Reims. 

Xavier  DESBORDES  et  Fils,  à  Avize. 

DEUTZ  et  GELDERMANN,  à  Ay. 

DUM1NY  et  C",  à  Ay. 

Ch.  F.ARRE,  à  Reims. 

FREM1NET  et  Fils,  à  Chàlons. 

Gl  SIAVJ    GIBERT,  a   Reims. 

GIESLER  et  C%  à  A\izc. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


657 


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GONDELLE  et  O,  à  Reims. 

Georges  GOULET,  à  Reims. 

HEIDS1EGK  et  C°  (V"  HEIDSIECK  et  C-,  successeurs),  à  Reims. 

Charles  HEIDSIECK,  à  Reims. 

HENRIOT  et  C-,  successeurs  d'AUGER  G0D1N0T,  à  Reims. 

Ernest  IRROY,  à  Reims. 

KOCH  Fils,  à  Avize. 

KRUG  et  C°,  à  Reims. 

LANSON  Père  et  Fils,  a  Reims. 

LECUREUX  et  O,  à  Avize. 

V™  Ch.  LOCHE,  successeur  de  BERTON,  à  Reims. 

G.  LOCHE,  successeur  de  DINET-PEUVREL,  à  Avize. 

De  SAINT-MARCEAUX  et  C"  (Ch.  ARNOULD  et  HE1DELBERGER,  successeurs),  à  Reims. 

MOET  et  CHANDON  (CHAXDON  et  C;%  successeurs),  à  Épeinay. 

Alfred  de  MONTEBELLO  et  C",  à  Mareuil. 

A.  MORIZET  (E.  BOURGEOIS,  successeur),  à  Reims. 

G.-H.  MUMM  et  C°,  à  Reims. 

Jules  MUMM  et  C»,  à  Reims. 

PERRIER-JOUET  et  C"  (GALL1CE  et  C">,  successeurs),  à  Épernay. 

Joseph  PERRIER  et  C1"  (P.  et  R.  PITHOIS,  successeurs),  à  Châlons. 

H.  PIPER  et  C»  (KUiNKELMANN  et  Cie,  successeurs),  à  Reims. 

V™  POMMERY  et  Fils,  successeurs  de  POMMERY  et  GRENO,  à  Reims. 

Loi'ts  ROEDERER,  a  Reims. 

Pol  ROGER  et  C1",  à  Éperuay. 

RUINART  Père  et  Fils,  à  Reims. 


WACHTER  et  C",  à  Ëpernay. 
III 


42 


G53  1/ EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1SS9 


L'EXPOSITION  DU  SYNDICAT  DU  COMMERCE  DES  VINS  DE  CHAMPAGNE 

A  l'étage  inférieur  du  Palais  de  l'Alimentation,  dans  l'aile  la  plus  rapprochée  du  Pano- 
rama de  la  Compagnie  Transatlantique,  se  trouvait  modestement  dissimulée  une  exposition 
importante  sur  laquelle  nous  allons  arrêter  l'attention  du  lecteur. 

Dans  cet  emplacement  peu  favorable  accepté  patriotiquement  sur  les  instances  du  com- 
missaire général,  avait  été  reléguée  V Exposition  du  syndicat  du  commerce  des  vins  de  Champagne  ; 
de  dispendieux  efforts  avaient  transformé  cette  salle  basse  et  l'escalier  qui  y  menait  en  un 
vaste  musée  d'environ  350  mètres  de  surface  où  le  public  pouvait  en  courant  trouver  les 
renseignements  les  plus  précis  et  les  plus  authentiques  sur  ce  produit  fameux,  incontesta- 
blement très  célèbre,  mais  encore  fort  peu  connu,  qu'on  appelle  le  vin  de  Champagne. 

Tour  des  motifs  divers,  les  négociants  producteurs  de  la  Champagne  s'étaient  générale- 
ment abstenus  de  prendre  part  aux  Expositions  universelles,  internationales  ou  autres.  A 
de  rares  exceptions  près,  des  individualités  plus  ou  moins  inconnues  avaient  seules  essayé 
de  profiter  de  ces  grandes  réunions  pour  mettre  leur  nom  devant  le  public  et  ces  précédents 
étaient  bien  faits  pour  confirmer  les  maisons  de  premier  ordre  dans  leur  primitive 
manière  d'agir. 

En  1882  cependant,  pour  lutter,  hélas!  peu  efficacement  contre  la  situation  que  faisaient 
à  cette  branche  d'industrie  les  tarifs  quasi  prohibitifs  établis  de  toute  part,  toutes  les  mai- 
sons importantes  de  la  Champagne  avaient  formé  un  syndicat  professionnel  sous  le  titre 
qu'on  a  vu  plus  haut,  et  dès  lors,  tout  ce  qui  pouvait  aider  au  développement  général  et  à 
la  défense  des  intérêts  champenois  avait  toujours  été  l'objectif  des  efforts  de  ce  syndicat. 

Il  est  évident  à  première  vue  qu'une  exposition  collective  et  hors  concours  devenait 
alors  tout  indiquée  et  que  les  inconvénients  redoutés  pour  les  expositions  individuelles 
disparaissaient  complètement. 

Frappée  de  cette  idée,  la  Chambre  syndicale  du  commerce  des  vins  de  Champagne  n'a 
pas  hésité  à  inviter  les  maisons  qui  font  partie  du  Syndicat  à  participer  dans  ces  conditions 
à  l'Exposition  Universelle  et  internationale  provoquée  par  le  gouvernement  de  la  République. 

Sur  53  maisons  syndiquées,  47  représentant  dans  leur  ensemble  les  cinq  sixièmes  de 
l'expédition  champenoise  ont  répondu  à  son  appel,  acceptant  de  faire  partie  d'une  collecti- 
vité constituée  sous  le  patronage  du  Syndicat. 

Investie  du  mandat  d'organiser  cette  participation  et  de  la  mener  à  bonne  fin,  la 
Chambre  syndicale  s'est  mise  à  l'œuvre  en  déléguant  spécialement  deux  de  ses  membres,  le 
comte  de  Wcrlé,  chef  de  la  maison  Werlé  et  Cic,  successeurs  de  Veuve  Clicquot-Ponsardin  et 
M.  Alexandre  Henriot,  chef  de  la  maison  Henriot  et  C1'-,  toutes  deux  de  Reims,  pour  veiller  à 
l'organisation  et  à  l'exécution  de  l'installation  matérielle  à  laquelle  il  y  aurait  lieu  de 
procéder. 

Lourde  était  la  tâche  entreprise.  Remarquable  a  été  l'exécution,  et  son  succès  s'est  con- 
firmé pendant  toute  la  durée  de  l'Exposition. 

Le  programme  était  avant  tout  un  programme  de  vulgarisation.  On  ignore  ce  qu'est  le 
vin  de  Champagne.  Il  fallait  le  faire  connaître.  Qu'était-il  '!  D'où  venait-il  ?  Où  allait-il  ?  C'est 
à  ces  multiples  questions  que  voulaient  répondre  les  négociants  de  la  Champagne,  et  si  l'on 
veut  bien  penser  à  la  composition  des  visiteurs  d'une  Exposition,  on  conviendra  que  ce 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


659 


n'était  pas  chose  facile  que  d'arrêter  leur  attention  sur  tous  ces  détails,  dont  beaucoup 
étaient  très  techniques  et  quelque  peu  abstraits.  Grâce  à  la  méthode  employée,  celle  de  l'en- 
seignement par  les  yeux,  autrement  dit  celle  des  leçons  de  choses,  méthode  aujourd'hui  si 
justement  en  laveur,  le  public  s'est  laissé  faire,  et  ceux  qui  ont  passé  par  ce  sous-sol 
luxueusement  et  artistiquement  aménagé  ont  tous  emporté  des  idées  vraies  et  justes  sur  ce 
produit  de  notre  sol.  Le  but  était  atteint. 

Passons  maintenant  en  revue  les  différents  détails  de  cette  installation  complexe. 

La  Champagne,  pays  viticole,  est  une  ancienne  province  de  France,  aujourd'hui  cir- 
conscrite dans  les  limites  du  département  de  la  Marne.  On  nous  en  montre  une  carte  au  dix 


Carte  oesVignobles 

OE  LA  CHAMPAGNE 

Echelle    l-yOOOOO 


millième  mesurant  5m,  50  de  haut  et  "'",  50  de  large;  carte  avec  reliefs  topographiques,  minu- 
tieusement exécutée  à  Epernay,  d'après  les  documents  de  l'État-Major  et  des  cadastres 
locaux.  Ce  vignoble  occupe  une  surface  de  près  de  15,000  hectares,  répartis  en  trois  parties 
principales:  La  montagne  de  Reims  où  sont  situés  les  grands  crus  de  Bouzy,  d'Ambonnay, 
de  Verzenay,  de  Verzy,  de  Sillery,  de  Mailly  et  Rilly  pour  ne  citer  que  les  principaux; la  côte 
d'Avize  ou  montagne  blanche,  ainsi  nommée  parce  qu'elle  produit  un  raisin  blanc  particu- 
lièrement fin  et  délicat  et  dont  les  crus  les  plus  importants  sont  Cramant,  Avize,  Le  Mesnil, 
Oger,  Grauves,  Cuis,  etc.;  et  enfin  la  vallée  de  la  Marne  où  l'on  remarque  les  noms  des 
crus  célèbres  d'Ay,  Mareuil,  Champillon,  Hautvillers,  Dizy,  Pierry  et  Cumièrcs. 

Cette  vaste  étendue  de  vignes  qui,  sauf  sur  la  côte  d'Avize,  est  presque  exclusivement 
plantée  en  raisins  noirs  ne  produit  pas  moins  de  455,000  hectolitres  de  vin,  en  moyenne, 
par  an.  Cette  importante  production  n'est  pas  entièrement  absorbée  par  le  commerce  des 
vins  mousseux  dont  elle  excéderait  d'ailleurs  les  besoins,  si  considérables  qu'ils  soient. 


060 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


L'excédent  du  rendement  des  vignes  de  la  Champagne  fourni  principalement  par  les  crus 
inférieurs  est  traité  en  vins  rouges,  propres  à  la  boisson,  qui  sont  absorbés  par  la  consom- 
mation locale. 

Ces  premières  notions  générales  sont  résumées  dans  le  tableau  récapitulatif  ci-après, 
tableau  dont  les  éléments  ont  été  fournis  par  le  Bureau  de  la  statistique  du  département. 

Les  vignobles  de  la  Champagne  et  leur  production. 


ARRONDISSEMENT  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  MARNE. 

ÉTENDUE 

DES   VIGNOBLES 

en  1831. 

PRODUCTION  MOYENNE 

RENDEMENT 

par  hectare. 

MOYENNE 

DE   LA   RÉCOLTE. 

Hectares. 

553  83 

5.855  63 

6.783   16 

128  97 

1.602  71 

Hectolitres. 
23     » 
30  80 
30  80 
20     » 
26     » 

Hectolitres. 
12.724     ». 

14.928  30 

Étendue  des  vignobles. 
Production  movenne.    . 


14.904  hectares. 
4 43.000  hectolitres. 


Un  peu  plus  loin,  pour  les  visiteurs  curieux  des  sources,  le  Syndicat  montrait  au  public 
le  tableau  graphique  qui  avait  donné  ces  chiffres  et  mettait  en  regard  celui  où  était  inscrit 
le  mouvement  de  l'expédition.  ■ 

Nous  les  donnons  tous  deux  ici,  bien  qu'ils  aient  fait  leur  chemin  dans  le  monde  et 
aient  été  publiés  par  tous  les  journaux  spéciaux.  Le  lecteur  aura  à  s'y  reporter  plusieurs  fois 
dans  le  courant  de  notre  étude. 

Au-dessous  de  cette  carte  monumentale,  un  ingénieuse  reproduction  au  vingtième  de 
grandeur  naturelle  nous  faisait  suivre  la  culture  de  la  vigne  en  Champagne,  mois  par 
mois,  pendant  l'évolution  annuelle.  Nous  ne  mentionnerons  en  passant  que  les  points  par 
lesquels  cette  culture  se  distingue  des  similaires. 

Les  ceps  sont  plantés  à  0m,60  d'écartement  et  donnent  une  pousse  de  deux  ou  trois 
brins  s'élevant  jusqu'à  0m,80  de  hauteur;  c'est  sur  ces  trois  brins,  et  généralement  près 
du  sol,  que  poussent  les  cinq  ou  six  grappes  qui  formeront  le  produit  de  chaque  cep.  Ces 
quelques  brins  sont  maintenus  verticaux  par  un  échalas  d'un  mètre  auquel  ils  sont  liés. 
De  nombreuses  bêcheries  entretiennent  le  sol  parfaitement  meuble  et  dégarni  de  mauvaises 
herbes;  d'aussi  nombreux  pincements  des  extrémités  des  branches  conservent  au  fruit 
la  sève  qui  a  tendance  à  donner  du  bois  ou  de  la  feuille.  La  vendange  se  fait  au  commen- 
cement d'octobre;  pour  la  cueillette,  les  ceps  sont  détachés  de  I'échalas.  A  la  fin  de  la 
récolte,  les  échalas  sont  rangés  en  tas  au  milieu  de  la  vigne  pour  laisser  place  aux  travaux 
d'hiver.  Ceux-ci  sont  de  trois  sortes  :  la  taille,  le  provignage  et  le  fumage.  La  taille  se 
fait  en  rabattant  le  cep  à  deux  yeux  de  la  taille  antérieure,  soit  environ  0m,25,  et  en  recou- 
chant ensuite  en  terre  une  partie  de  la  souche,  de  façon  qu'il  n'émerge  qu'un  collet  et  le 


L'KVTOSITION    UNIVERSELLE    DE    J889 


6G1 


bois  nouveau.  Le  provignage  est  une  opération  de  repeuplement  pour  les  places  vides; 
il  consiste  à  écarter  peu  à  peu  d'un  cep  une  des  branches  en  laissant  une  taille  plus  longue, 
de  façon  que,  deux  ou  trois  années  plus  tard,  elle  forme  un  nouveau  cep.  Le  fumage,  qui 


TABLEAVX  de  L'EXPÉDITION 

DEsVlNS  MOVSSEVX  DE  CHAMPAGNE 


BLE AV  de  la  PRODVCTION 


-HAMPAGNE 


d'après  les  documents  officiels  de  la 

Chambre  de  Commerce  de  Reims  et  les  relevés  annuels 

de  la  Régie  des  Contributions  indirectes 


d'après  les  documents  officiels  de  la 

Chambre  de  Commerce  de  Reims  elles  relevés  annuels 

de  la  Régie  des  Contributions  indirectes 


consiste  à  mettre  à  la  hotte  au  pied  de  chaque  cep  un  mélange  de  fumier  et  de  sable  plus 
ou  moins  sulfureux,  se  fait  à  la  même  époque;  enfin  le  vigneron,  lors  des  premières  feuilles, 
après  le  second  bêchage,  repique  à  nouveau  ses  échalas  et  attend  après  ce  travail  la 
récolte  future.  Cette  main-d'œuvre  est  considérable,  son  prix  de  revient  varie  de  1,000  à 
3,000  francs  l'hectare  suivant 
les  districts,  ce  que  l'on  com- 
prendra facilement  si  l'on 
veut  bien  penser  que  chaque 
hectare  contient  en  moyenne 
40,000  ceps. 

C'est  à  ces  particularités 
de  culture  combinées  avec  les 
espèces  spéciales  de  cépages 
employés  par  les  viticulteurs 

champenois  et  surtout  avec  la  nature  du  sol  qui  les  nourrit  qu'est  dû  le  cachet  particulier 
de  finesse,  de  fraîcheur  et  d'élégance  qui  distingue  les  vins  mousseux  de  la  Champagne, 
qualités  qui  ne  sauraient  se  rencontrer  dans  les  vins  mousseux  d'autres  contrées. 

Les  reproductions  miniatures  ont  mené  le  visiteur  jusqu'à  l'époque  de  la  cueillette 
ou,  si  l'on  veut  nous  permettre,  jusqu'à  la  production  de  la  matière  première  qui,  après 
avoir  subi  sous  nos  yeux  les  multiples  et  délicates  manutentions,  sera  propre  à  être  livrée 


6R2 


L'EXPOSITION    UNIVEKSELLE    DE    1SS9 


à  la  consommation  sous  le  nom  de  vin  de  Champagne,  avec  la  garantie  des  négociants 
dont  les  noms  sont  aujourd'hui  célèbres  dans  le  monde  entier. 

Dans  un  vendangeoir  au  dixième  de  grandeur  naturelle,  nous  voyons  arriver  ces  raisins 
que  le  vigneron  livre  au  négociant  à  un  prix  fixé  à  tant  de  la  caque  ou  des  60  kilogrammes. 
Ses  ouvriers  tonneliers  en  dirigent  le  pressurage  par  virée  de  3  à  4,000  kilogrammes  suivant 
la  dimension  des  pressoirs.  Ils  recueillent  le  produit  des  trois  premières  pressées,  qui 
constituent  ce  qu'on  appelle  le  vin  de  cuvée,  celui  qui  sera  transformé  en  vins  mousseux, 
l'enferment  dans  des  fûts  soigneusement  rincés  et  le  font  transporter  soit  par  chemin 
de  fer,  soit  par  voituriers,  jusqu'aux  celliers  des  négociants  à  Reims,  Épernay,  Ay  ou  Avize. 
Au  bout  de  quelques  jours,  le  moût,  liquide  sucré  obtenu  au  pressoir,  se  met  à 
fermenter  et  se  transforme  en  ce  liquide  alcoolique  et  acidulé  qu'on  appelle  vin.  Ce  vin 

passe  l'hiver  dans  les  celliers 
du  négociant  et  sous  l'action 
du  froid  se  clarifie  et  est  défi- 
nitivement séparé  de  la  lie  par 
deux  ou  trois  soutirages  suc- 
cessifs. Ces  opérations  se  pas- 
sent fréquemment  aux  ven- 
dangeoirs  mêmes  possédés 
dans  le  vignoble  par  les  négo- 
ciants, et  ce  n'est  qu'à  l'état 
de  vin  clair  que  le  vin  rentre  à  leurs  établissements  des  grands  centres  d'expédition  pour 
subir  les  manutentions  ultérieures. 

Ces  manutentions,  nous  pouvions  les  suivre  dans  la  reproduction  miniature  au 
dixième  de  grandeur  naturelle,  que  le  délégué  du  Syndicat  avait  fait  exécuter  sous  ses 
yeux,  d'um'  cave  de  négociant.  L'établissement  reproduit  en  coupe  aurait  50  mètres  de  long 
sur  deux  étages  de  caves  et  un  cellier;  le  travail  nécessaire  à  100,000  bouteilles  d'expédition 
s'y  ferait  facilement. 

En  quoi  consistent  ces  opérations  que  beaucoup  croient  mystérieuses  ?  Le  Syndicat 
nous  le  disait,  et,  de  plus,  afin  que  nous  nous  en  souvenions,  il  nous  laissait  une  brochure 
explicative  embellie  de  nombreux  dessins  des  meilleurs  artistes.  Nous  les  résumons  ici  en 
courant,  persuadé  que  le  lecteur  y  trouvera  intérêt. 

A  l'approche  du  printemps,  lorsque  la  clarification  du  vin  est  complète,  le  négociant 
procède  à  l'opération  la  plus  délicate  de  sa  profession,  celle  qui,  sous  le  nom  d'assem- 
blage ou  de  formation  de  cuvée,  constitue  la  pierre  de  touche  de  sa  science  et  de  sa  marque. 
Pour  la  conduire  à  bonne  fin,  tout  négociant  doit,  par  la  dégustation,  se  livrer  à  une  étude 
comparative  des  crus  divers  où  il  a  fait  ses  achats  en  vendange,  reconnaître  et  apprécier 
leurs  qualités  particulières  comme  vinosité,  finesse  et  bouquet,  qualités  qui  d'une  année 
à  l'autre  varient  en  plus  ou  en  moins;  éliminer  avec  soin  les  éléments  qui  présentent  des 
défectuosités,  et  juger  d'après  ces  études,  en  tenant  compte  des  contrées  auxquelles  il 
destine  ses  diverses  cuvées,  quelles  sont  les  combinaisons  qui  répondent  le  mieux  au  goût 
de  sa  clientèle.  C'est  qu'en  effet  il  n'en  est  pas  des  crus  de  la  Champagne  comme  de 
ceux  du  Bordelais,  de  la  Bourgogne  ou  d'autres  contrées,  qui  demandent  à  être  classés 
et  mis  à  part  sans  aucun  mélange  entre  eux;  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'industrie 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


0G3 


du  négociant  en  vins  mousseux  de  Champagne  consiste,  au  contraire,  à  savoir  combiner 
et  mélanger  entre  eux  les  produits  de  plusieurs  crus,  suivant  les  qualités  et  le  caractère 
particulier  de  chacun  d'eux.  Quand  l'opération  de  ces  assemblages  est  terminée  et  que, 
par  un  mélange  l'ait  avec  soin  dans  de  grands  foudres,  on  a  obtenu  un  tout  homogène  et 
harmonique,  la  cuvée  est  faite  et  prête  à  être  mise  en  bouteilles. 

En  suivant  ces  différentes  phases  sous  la  glace  qui  recouvrait  la  coupe  de  l'établisse- 
ment, nous  avons  pu  assister 


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à  ce  travail  de  mise  en  bou- 
teilles qu'on  appelle  le  tirage 
et  qui  se  fait  au  début  du  prin- 
temps. Nous  remarquons  tout 
d'abord  un  atelier  de  femmes 
qui  procède  avec  soin  au  rin- 
çage des  bouteilles.  Celles-ci 
après  avoir  été  égouttées  sont 
ramenées  à  un  atelier  où  une 
machine  automatique  surveillée  par  des  enfants  remplit  les  bouteilles  qui  de  là  sont  trans- 
mises aux  ouvriers  boucheurs  et  agrafeurs,  puis  descendues  dans  des  caves  de  deux  étages 
de  profondeur  où,  rangées  horizontalement  et  mises  en  tas,  elles  restent  emmagasinées. 

Au  bout  d'un  certain  temps,  l'action  des  ferments  naturels  que  renferme  le  vin  fait  naître 
une  fermentation  nouvelle  qui  correspond  à  l'époque  de  la  montée  delà  sève  dans  la  vigne; 
par  cette  fermentation  les  sucres  originaires  ou  ajoutés  au  moment  du  tirage  sont  trans- 
formés en  alcool  et  en  gaz  acide  carbonique  lequel  emprisonné  dans  la  bouteille  herméti- 
quement bouchée,  reste  en  dissolution  dans  le  vin  et  en  forme  la  mousse. 

Plus  tard,  afin  d'être  débarrassées  de  la  lie  ou  dépôt  qui  résulte  de  la  fermentation, 
les  bouteilles  sont  mises  sur 
pointe.  Cette  opération,  parti- 
culière à  la  manutention  des 
vins  mousseux,  mérite  une 
mention  particulière.  On  pro- 
cède de  la  façon  suivante  : 

Les  bouteilles  sont  placées 
la  tète  en  bas  sur  des  tables- 
pupitres  percées  de  trous  et 
inclinées  à  60  degrés.  Chaque 
jour,  pendant  six  semaines  ou  deux  mois,  elle  sont  remuées  légèrement  en  leur  imprimant 
un  déplacement  circulaire  par  un  mouvement  de  rotation  du  poignet  sec,  et  précipité.  Peu 
à  peu  le  dépôt  descend  et  s'agglomère  sur  le  bouchon. 

Les  bouteilles  attendront  ainsi  le  moment  de  l'expédition.  Lorsque  celui-ci  approche, 
elles  sont  apportées  à  un  chantier  dit  chantier  de  dégorgement  et  là  elles  subissent  toutes 
les  opérations  qui  précèdent  l'habillage  et  la  mise  en  paniers  ou  en  caisses,  suivant  les 
destinations. 


1°  Dégorgement.  —  Le  dépôt  accumulé  sur  le  bouchon  comme  nous  l'avons  vu  laisse  le 


661 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


vin  d'une  limpidité  absolue.  L'ouvrier  dégorgeur  prend  alors  la  bouteille  et  la  tient  de  la 
main  gauche,  la  tète  en  bas,  tandis  que  de  la  main  droite  avec  un  crochet,  il  fait  sauter 
l'agrafe  qui  retient  le  bouchon.  Celui-ci  étant  d'une  part  attiré  par  une  pince  et  d'autre  part 
poussé  par  la  pression  du  gaz,  sort  de  la  bouteille  avec  explosion,  entraînant  derrière  lui  le 
dépôt  au  moment  précis  où  l'ouvrier  relève  légèrement  la  bouteille. 

2°  Dosage.  —  Pour  ramener  le  vin  au  goût  des  consommateurs  qui  varie  suivant  les  pays, 
on  remplit  le  vide  produit  par  le  dégorgement  par  une  quantité  plus  ou  moins  grande  de 
liqueur  faite  uniquement  de  sucre  candi  de  pure  canne  dissouts  dans  du  vin  de  Champagne 
des  premiers  crus. 

3°  Bouchage  et  ficelage.  —  La  bouteille  est  alors  rebouchée  avec  un  bouchon  neuf  de  choix 
excellent,  préalablement  marqué  à  feu  au  nom  de  la  maison.  Le  bouchon  est  fixé  tantôt  avec 

du  fil  de  fer  et  de  la  ficelle,  tantôt  avec 
des  systèmes  différents,  suivant  le 
choix  des  expéditeurs. 

On  peut  enfin  procéder  après  un 
temps  de  repos  plus  ou  moins  long  à 
YHabillage,  à  l'Emballage  et  à  l'Expédi- 
tion. Dès  que  la  bouteille  est  revêtue 
de  son  étiquette,  de  sa  feuille  d'étain, 
de  sa  capsule  brillante  ou  de  sa  cire, 
elle  a  parcouru  les  étapes  qu'elle  avait  à  franchir  ;  suivant  les  habitudes  et  les  obligations 
imposées  par  les  destinations  diverses,  elle  est  enveloppée  de  papier  et  de  paille  et  enfermée 
dans  des  caisses  ou  des  paniers  de  dimensions  variables. 

Dans  cette  cave  en  miniature,  tout  cela  était  représenté  à  sa  place  avec  la  plus  minutieuse 
exactitude;  mais,  de  crainte  que  la  petite  échelle  des  reproductions  permit  quelque  interpré- 
tation erronée,  l'opération  de  la  mise  sur  pointe  et  le  chantier  de  dégorgement  étaient  repré- 
sentés grandeur  naturelle  par  des  mannequins  d'une  vérité  telle  que  bien  des  visiteurs  les 
prenaient  pour  des  ouvriers  cavistes.  L'auteur  du  reste  en  était  cet  artiste  de  talent,  M.  Vis- 
seaux  qui,  dans  l'Exposition  du  Ministère  de  la  Guerre,  avait  fait  avec  tant  de  succès  le  dio- 
rama  des  uniformes  de  l'armée  française. 

Ainsi  éclairé,  le  public  pouvait  se  rendre  un  compte  exact  et  complet  de  tout  ce  qui 
concernait  cette  industrie  des  vins  de  Champagne,  et  l'affluence  sans  cesse  renouvelée  des 
visiteurs,  malgré  la  situation  peu  favorable  du  rez-de-chaussée  du  Palais  de  l'Alimentation, 
l'intérêt  témoigné  par  chacun  a  bien  prouvé  aux  organisateurs  qu'ils  avaient  choisi  la  seule 
méthode  attrayante  de  vulgarisation. 

A  cette  partie  relative  à  la  manutention  propre,  on  avait  joint,  dans  des  vitrines  séparées, 
tout  ce  qui  concernait  les  produits  secondaires  mis  à  contribution  pour  la  manutention  :  les 
bouchons  d'Espagne  et  leurs  différentes  sortes  ;  les  bouteilles  originaires  des  départements 
du  Nord  et  de  la  Marne  et  leurs  trois  systèmes  de  fabrication  :  le  four  à  bassin  et  à  gaz,  le 
four  à  pots  et  au  charbon;  la  fabrication  des  étains,  des  capsules,  celle  du  sucre  de  canne 
et  enfin  toutes  les  machines  employées  dans  le  travail. 

Disons  enfin  que  ce  qui  rehaussait  l'éclat  de  cette  démonstration  instructive,  ce  sont  les 
renseignements  statistiques  que  le  Syndicat  avait  eu  soin  de  mettre  en  regard  de  ses  repro- 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


6!i5 


ductions.  Déjà  quelques  chiffres  de  ces  statistiques  ont  trouvé  leur  place  sous  notre  plume, 
au  début  de  ce  travail  ;  mais  nous  devons  en  signaler  d'autres  qui  feront  ressortir  l'impor- 
tance considérable  que  le  commerce  des  vins  de  Champagne  occupe  parmi  les  éléments  de 
la  richesse  publique  de  notre  pays. 

Nous  avons  dit  que  la  superficie  totale  des  vignobles  champenois  représentait  une 
contenance  d'environ  15,000  hectares,  répartis  sur  environ  ±20  communes  ;  la  valeur  de  ces 
vignes  est  évaluée  à  124  millions  de  francs.  Quant  à  leur  production  nous  avons  constaté 


La  mise  sur  pointes. 

qu'elle  s'élève  à  une  moyenne  de  455,000  hectolitres,  ce  qui,  si  toute  cette  production  était 
traitée  en  vins  mousseux  représenterait  en  bouteilles  un  total  de  54  millions. 

Si  nous  mettons  en  regard  de  cette  production  le  montant  des  expéditions  de  vins  île 
Champagne,  dont  les  relevés  exacts  nous  sont  fournis  annuellement  d'avril  en  avril  par  la 
Chambre  de  commerce  de  Reims,  d'après  les  données  fournies  par  la  régie,  nous  voyons 
qu'elles  se  sont  élevées  pour  les  six  dernières  années  à  : 

Bouteilles. 


1883-8'... 
1881-83. 
1883-86. 


20.882.534 

i  1 .  1 1 1 . 837 
17.471.717 


1886-87.  . 
1887-88.  . 
1888-89(1! 


Bouteilles. 

19.084.874 
20.334.324 
22.338.084 


(1)  Au  moment  où  nous  mettons  sous  presse,  nous  apprenons  de   notre  correspondant  le  chiffre  d'avril  IS'JO  à 
1891  :  il  est  do  2.3,776,194;  celui  de  1889  à  1891  était  de  23,324,571. 


6(56 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Tableav  comparatif 

de  la  prodvction,  dv  stock 
et  de  l'Expédition 

DEsVlNS  MOVSSEVX  DE  CHAMPAGNE 


Ce  rapprochement  prouve  surabondamment  et  rigoureusement  que  la  production 
moyenne  des  vignes  de  Champagne  suffit  et  bien  au  delà  aux  besoins  du  commerce.  C'est 
donc  bien  à  tort  que  dans  un  intérêt  de  concurrence,  le  contraire  a  été  prétendu. 

Au  surplus,  ce  qui  prouve  surabondamment  l'excédent  de  la  production  des  vignobles 
champenois  par  rapport  aux  besoins  auxquels  elle  est  appelée  à  pourvoir,  c'est  le  chiffre 
considérable  des  réserves  dont  la  régie  constate  l'existence  dans  les  caves  des  négociants  do 
la    Champagne,  réserves   qui   s'élevaient    au    1"   avril   1889  à   75,876,232  bouteilles  et 

193,616  hectolitres  65  litres  en  fûts.  Pour  faire 
saisir  le  rapport  de  la  production,  du  stock  et 
de  l'expédition  en  Champagne,  le  graphique 
ci-contre  avait  été  dressé. 

Notons  encore  que  l'exportation  annuelle 
des  produits  du  sol  champenois  représente 
en  moyenne  une  valeur  de  plus  de  65  millions 
de  francs  dont  elle  rend  l'étranger  tributaire 
de  la  France,  sans  que  sur  cette  somme  elle 
ait  autre  chose  à  lui  restituer  que  le  liège 
fourni  par  l'Espagne.  En  effet,  sauf  cet  article, 
tout  ce  qu'elle  emploie  :  le  vin,  le  sucre,  l'al- 
cool, les  outils  de  travail,  les  machines  à  doser 
et  à  boucher,  les  ficelles,  les  fils  de  fer  et 
étiquettes,  les  paniers  d'emballage,  tout,  enfin, 
est  d'origine  et  de  fabrication  françaises. 

En  terminant  cette  rapide  étude,  signalons 
encore  à  l'attention  du  lecteur  un  coin  de  cette 
exposition  remarquable  qui  lui  a  peut-être 
échappé. 

Sur  le  palier  de  l'escalier,   au-dessous  des 


Production 


107-50 


Notre-Dame  de  Pans 
bbmetres  de  hauteur 

LeStOCkenCaveS  (en  1388  903219  HectoVitieslseraii  contenu  dans 
une  bouteille  de  1+7 -bO  de  hauteur  et  de  41T32  de  diamètre  de  base 

Là  Production  i moyenne dt's 12dernieres  année*, 374,538 Hcctuliires )wraif 
contenue  dans  une  bouteille  de  10/ mS0  de  hauteur  et  de  10*10  tir  diamètre  de  base 

L'Expédition  Imoycnne  des  12  dernières  années  19  548750 bouteilles  soit 
lOtiiyO  Hectolitres)  sérail  contenue  dans  une  bouteille  de  82'?  20  de 
hauteur  et  de  23 T  00  de  diamètre  de  base 


fresques  représentant  la  synthèse  du  travail 
des  vins  mousseux,  fresques  reproduites  ici,  s'étalaient  dans  leur  robuste  cadre  d'or, 
quatre  affiches  de  couleurs  voyantes,  donnant  des  extraits  de  Cour  de  cassation  et  de  Cour 
d'appel,  sous  la  rubrique  uniforme  de  Propriété  du  nom  de  Champagne.  C'est  que  depuis 
quelque  temps  le  nom  de  Champagne  est  l'objet  de  tentatives  d'usurpation  de  la  part  de 
certains  producteurs  de  vins  mousseux  d'autres  contrées  qui,  pour  justifier  leurs  procédés 
envers  le  commerce  des  vins  réellement  et  authentiquement  originaires  de  la  Champagne, 
invoquent  pour  prétexte  que  le  nom  de  cette  province  a  perdu  son  sens  primitif  et  que  les 
expressions  Champagne,  vin  de  Champagne,  dans  leur  signification  actuelle  sont  applicables 
à  tous  les  vins  mousseux,  quelle  que  soit  la  provenance,  qui  sont  traités  et  manutentionnés 
suivant  les  procédés  qui  originairement  n'étaient  en  usage  et  mis  en  pratique  qu'en  Cham- 
pagne seulement;  en  un  mot,  dit-on,  le  nom  de  Champagne  ne  désigne  plus  un  lieu  de 
provenance,  mais  un  mode  spécial  de  manutention  et  de  fabrication. 

Si  ce  système  était  admis,  il  faudrait  reconnaître  qu'il  n'y  aurait  aucune  raison  pour 
qu'il  ne  s'étendit  pas  aux  vins  de  Bordeaux,  de  Bourgogne  et  autres  lieux  de  production 
réputés  pour  l'excellence  et  le  caractère  particulier  de  leurs  vins.  Ce  serait  pour  les  fraudeurs 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    18S0 


CG7 


un  moyen  facile  de  tromper  la  bonne  foi  du  consommateur  et  d'écouler  leurs  produit:?  sous 
de  faux  noms  d'origine  et  de  provenance  sans  avoir  à  redouter  l'action  de  la  justice. 

Le  commerce  des  vins  de  Champagne  a  protesté  contre  cet  abus  et,  par  deux  arrêts 
récents  rendus  par  la  Cour  d'Angers,  le  19  juillet  1888  et  le  11  avril  1889,  ce  dernier 
confirmé  par  la  Cour  de  cassation  par  arrêt  du  26  juillet  suivant,  elle  a  fait  consacrer  ce 
principe  désormais  incontestable,  que  seuls  les  produits  récoltés  et  manutentionnés  en 
Champagne  peuvent  être  mis  en  vente  sous  le  nom  de  cette  province.  En  affirmant  par 
son  exposition  sa  grand?  vitalité  et  son  importance  considérable,  le  commerce  des  vins 
de  Champagne  a  fourni  à  l'appui  de  ces  décisions  un  argument  sans  contradiction,  et  nous 
ne  saurions  trop  l'approuver  d'avoir  énergiquement  combattu  le  préjugé  d'après  lequel  le 
nom  de  Champagne  perdrait  toute  sa  valeur  en  tant  que  désignation  d'un  lieu  d'origine 
et  ne  serait  plus  qu'une  expression  banale  applicable  à  toute  espèce  de  liquide  mousseux. 

Au  point  de  vue  du  respect  des  principes  de  la  loyauté  commerciale,  c'est  un  véritable 
service  que  le  Syndicat  du  commerce  des  vins  de  Champagne  a  rendu  au  commerce  et  à 
l'industrie  en  général  et  dont  il  y  a  lieu  de  lui  savoir  gré. 

En  somme,  et  c'est  ce  que  le  Syndicat  du  commerce  des  vins  de  Champagne  désirait 
démontrer  aux  visiteurs  de  l'Exposition  Universelle  de  1889,  le  vin  de  Champagne  est  le 
produit  de  l'important  vignoble  qui  est  le  plus  beau  joyau  de  la  France  de  l'Est;  les  qualités 
inimitables  de  ce  vin  sont  dues,  non  à  des  artifices,  mais  à  la  nature  spéciale  du  sol  et  à  la 
situation  géographique  de  l'ancienne  province  de  Champagne;  il  n'est  point  un  vin 
fabriqué;  ses  transformations  sont  basées  essentiellement  sur  l'utilisation  ingénieuse  des 
forces  naturelles  et  sa  réputation  a  pour  origine  et  pour  soutien  le  travail  constant  d'un 
grand  nombre  de  générations  de  viticulteurs  et  de  négociants  qui  y  ont  trouvé  et  y 
trouvent  encore  pour  leur  pays  et  pour  eux-mêmes  une  source  légitime  de  prospérité. 


TABLE    DES    MATIÈRES 


Pages. 

Avant-propos v 

Amérique  du  Nord 1 

Colombie 1 

République  mexicaine 2 

Amérique  centrale 7 

République  de  Cosla-Rica 7 

Guatemala 7 

République  de  Honduras 10 

République   de  Nicaragua 11 

République  de  Salvador 14 

Amérique  du  Sud 19 

République  Argentine 19 

Bolivie 25 

République  du  Chili 35 

République  du  Paraguay 39 

Pérou 42 

République  de  l'Uruguay 42 

États-Unis  du  Venezuela 43 

Royaume  d'Havaï 46 

Asie 51 

Section  chinoise 51 

Japon 58 

Perse 63 

Royaume  de  Siam 6i 

Afrique 72 

Egypte.  —  Maroc.  —  Rue  du  Caire 72 

Sections  européennes 79 

Section  austro-hongroise 79 

Belgique 84 

Section  espagnole 89 

Finlande 97 

Grande-Bretagne  et  colonies 99 

Grèce 104 

Section  italienne 108 

Monaco 115 

Norvège 117 

Hollande : 120 

Kampong  javanais 129 

Section  portugaise 1^0 

Roumanie 1^** 

Section  russe 130 

République  de  Saint-Marin 1^9 

Suède lc4 

Serbie 1G6 

Section  suisse '66 


670  TABLE    DES    MATIERES 


Pages. 

Mobilier  et  accessoires 1*4 

Ameublement  . 173 

Tapis  et  tapisseries 1S3 

Céramique 188 

Vitraux 20» 

Appareils  et  procédés  de  chauffage  et  d'éclairage  non  électrique.  . 204 

Horlogerie 226 

Navigation  et  Chemins  de  fer 235 

Matériel  de  navigation  et  de  sauvetage 235 

Forges  et  chantiers  de  la  Méditerranée 247 

I.  —  Ateliers  de  Menpenli 248 

II.  —  Chantiers  de  la  Seine 252 

III    —  Ateliers  du  Havre 256 

IV.  —  Chantiers  de  Graville 260 

V.  —  Ateliers  d'artillerie  du  Havre 262 

VI.  —  Polygone  de  tir  du  Hoc 266 

Artillerie  Canet 270 

Matériel  d'artillerie 292 

Compagnie  générale  transatlantique 293 

Appareils  auxiliaires  de  navigation 298 

Chemins  de  fer  en  France 307 

Matériel  des  chemins  de  fer 331 

Machinée  et  appareils  de  la  mécanique  générale 360 

Produits  de  l'exploitation  des  mines  et  de  la  métallurgie 406 

Matériel  et  procèdes  des  usines  agricoles  et  des  industries  alimentaires 433 

Exploitations  métallurgiques  et  forestières 456 

Produits  des  exploitations  et  des  industries  forestières •    -    .  460 

Les  Tissus  à  l'Exposition 490 

Matériel  et  procédés  de  la  coulure  et  de  la  confection  des  vêtements 491 

Matériel  et  procédés  de  la  filature  et  de  la  corderie;  matériel  et  procédés  do  tissage 497 

Soies  et  tissus  de  soie 513 

Chambre  de  commerce  de  Lyon 519 

Exposition  collective  des  fabricants  de  toiles  d'Armenlieres 524 

tes  industries  de  luxe 535 

Les  villes  d'eaux  à  l'Exposition 543 

Machines-outils  et  machines  diverses 552 

Machines-outils :    .   .  552 

Machines,  instruments  et  procédés  usités  dans  divers  travaux 566 

Matériel  et  procédés  de  la  confection  des  objets  de  mobilier  et  d'habitation 571 

Matériel  et  procédés  des  industries  chimiques 580 

Cuirs  et  peaux 580 

Produits  de  la  classe  XLVI1  à  l'Exposition  Universelle.    .    .       585 

Matériel  des  arts  chimiques,  de  la  pharmacie  et  de  la  tannerie 588 

Matériel  et  procédés  de  la  papeterie,  des  teintures  et  des  impressions 597 

Matériel  et  procédés  du  génie  civil,  des  travaux  publics  et  de  l'architecture 609 

Exploitations  agricoles,  viticulture,  alimentation 643 

Exploitations  agricoles 643 

Sj  ndicat  du  commerce  des  vins  do  Champagne 656 

Exposition  du  Syndicat  du  commerce  des  vins  de  Champagne 658 


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DE    LA    SOCIETE    D'IMPRIMERIE    PAUL    DUPONT 


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