PUBLICATION 681 MAI 1940
BULLETIN DU CULTIVATEUR 89 REVISION DU BULLETIN 74 N.S.
DOMINION DU CANADA— MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE
L'Hivernage des Abeilles au Canada
Par
C. B. GOODERHAM
APICULTEUR DU DOMINION
wim
Partie du rucher à la ferme expérimentale centrale, Ottawa. Caisses bien recouvertes
de neige et protégées contre le vent.
DIVISION DE L'APICULTURE
SERVICE DES FERMES EXPERIMENTALES
Publié par ordre de l'Hon. James G. Gardiner, Ministre de l'Agriculture,
Ottawa, Canada.
5:40
TABLE DES MATIERES
Page
Facteurs essentiels au bon hivernage 5
Comment les abeilles hivernent 6
Fortes colonies de jeunes abeilles 7
Provision abondante de nourriture saine 8
Protection contre le froid 11
Hivernage en cave 12
Hivernage en plein air 17
Caisses en papier .• 21
Construction des caisses 23
Entrées par-dessus pour l'hivernage 26
Conduite du rucher au printemps 26
Résumé 30
80468— U
Digitized by the Internet Archive
in 2012 with funding from
Agriculture and Agri-Food Canada - Agriculture et Agroalimentaire Canada
http://www.archive.org/details/lhivernagedesabeOOgood
L'HIVERNAGE DES ABEILLES AU CANADA
L'apiculture est aujourd'hui une industrie importante au Canada. Le nom-
bre de ruchers augmente tous les ans sur toute l'étendue du pays et spécialement
dans les provinces de l'Ouest. LTne des conditions essentielles au développement
de cette industrie est la conservation des abeilles en hiver. Il meurt tous les ans
en hiver dans notre pays un grand nombre de ruches que l'on aurait pu facilement
conserver en prenant un peu plus de soins et de précautions et beaucoup d'autres
sont tellement affaiblies par le manque de soins qu'elles ne peuvent reconstituer
leur population à temps pour profiter de la récolte principale du miel, surtout
dans les régions où cette récolte a lieu de bonne heure, lorsqu'elle est fournie par
le trèfle d'alsike, par exemple. Il vaut beaucoup mieux donner aux abeilles les
soins qu'elles exigent en automne pour ne pas avoir au printemps des ruches vides
et dégarnies qui obligent les abeilles survivantes à passer le meilleur de leur temps
à les repeupler. Les rendements remarquablement élevés de bon miel que l'on
obtient dans presque toutes les parties du Canada devraient être Un encourage-
ment suffisant à apporter tous les soins nécessaires à la préparation des abeilles
pour l'hiver. C'est courir à un désastre que de remettre ces préparatifs au com-
mencement de l'hiver ou de déranger les abeilles pendant une journée froide. Il
y a aussi ce danger que si les provisions données aux abeilles se composent princi-
palement de sirop de sucre, les froids peuvent les empêcher d'en emmagasiner
suffisamment pour leur durer tout l'hiver.
L'hiver canadien, tout long et tout froid qu'il soit dans la plupart des parties
du pays, n'est pas aussi dur pour les abeilles que l'on pourrait s'imaginer. L'hi-
vernage est même, sous certains rapports, moins périlleux chez nous que sous un
climat plus doux. C'est parce que les abeilles se reposent mieux pendant l'hiver
au lieu de s'épuiser par une activité inutile. Il y a peu de conditions qui soient
plus pénibles pour les abeilles qu'une température très douce vers la fin de l'hiver,
car elles s'épuisent alors et meurent par milliers en essayant d'élever du couvain
et en sortant pour visiter les fleurs précoces par une température froide et
variable. Ces conditions sévissent plus ou moins sur l'île de Vancouver et dans
les régions côtières de la Colombie-Britannique; dans la plupart des parties du
Canada, cependant, le repos de l'hiver continue jusqu'au mois d'avril; alors
arrivent bientôt les longues journées chaudes, les abeilles se multiplient rapide-
ment et les colonies se repeuplent en un temps remarquablement court.
FACTEURS ESSENTIELS AU BON HIVERNAGE
Nous avons appris au Canada que trois conditions sont importantes entre
toutes pour le bon hivernage et que l'oubli de l'une ou l'autre d'entre elles cause
la mort de la ruche ou l'affaiblit à un tel point qu'elle cesse de produire écono-
miquement. Voici quelles sont ces conditions: —
1. Colonies fortes, c'est-à-dire bien peuplées, composées principalement de
jeunes abeilles.
2. Abondance de provisions saines, et
3. Protection suffisante contre le froid et les changements de température.
Le bon hivernage des abeilles au Canada dépend principalement de ces
trois conditions, et c'est à l'apiculteur à les fournir.
6
COMMENT LES ABEILLES HIVERNENT
Les abeilles n'hivernent pas, dans le vrai sens de ce mot. Lorsque le temps
devient froid, elles se rassemblent en peloton compact ou 'grappe' et les abeilles
au cœur de ce peloton engendrent de la chaleur pour réchauffer toute la grappe.
Naturellement, cette activité nécessite la consommation de provisions en propor-
tion de la somme d'énergie dépensée. Les abeilles sur l'extérieur de la grappe
servent de couvert isolant, se dilatant ou se contractant au besoin pour régler la
chaleur intérieure de la grappe. Le Dr E. F. Phillips et G. S. Demuth ont
démontré que lorsque la température de la ruche fluctue entre 69 et 57 degrés F.
les abeilles restent tranquilles sur les rayons, mais dès que la température tombe à
57 degrés, ou moins, un peloton se forme et il s'engendre de la chaleur.1 Plus la
ruche se refroidit plus il faut de la chaleur pour maintenir la température de la
grappe aux 57 degrés nécessaires. Si le peloton est petit, il y aura moins d'abeil-
les pour la production de la chaleur et la protection du peloton, et chaque abeille
devra travailler beaucoup plus pour tenir le peloton chaudement que si la grappe
d'abeille était plus nombreuse. Une production excessive de chaleur porte les
abeilles à produire du couvain prématurément, ce qui est généralement fatal pour
la colonie. Plus il y a d'abeilles dans une colonie moins chacune d'elles est obligée
de travailler; on voit donc qu'une colonie nombreuse, bien nourrie et bien pro-
tégée, a beaucoup plus de chances de survivre à l'hiver qu'une colonie faible, à
condition que- les abeilles soient relativement jeunes. La ruche n'est donc jamais
trop peuplée pour l'hiver, et c'est commettre une erreur que de la laisser partielle-
ment vide d'abeilles.
Les abeilles consomment de la nourriture et leurs intestins se chargent de
déchets. Les abeilles saines ne peuvent évacuer ces déchets qu'au vol, et, dans
bien des parties du Canada, elles ne peuvent sortir pendant quatre, cinq ou six
mois, parce que la température est trop froide. C'est cette longue réclusion qui
fait qu'il est si important que la nourriture donnée en hiver soit absolument saine
et qu'elle contienne aussi peu de matière indigeste que possible. Il faut en outre
que les abeilles soient bien protégées contre les froids pour qu'elles ne consomment
pas plus de nourriture qu'il n'est absolument nécessaire. Si la colonie est faible,
ou si les abeilles ont été exposées à un grand froid ou à de grandes fluctuations de
température pendant la première partie de l'hiver, il se consomme beaucoup de
provisions et il en résulte une accumulation rapide de fientes qui provoque une
dysenterie, laquelle se manifeste par une production excessive de chaleur et une
grande agitation; beaucoup des abeilles affectées sortent de la ruche dès que la
température se réchauffe un peu mais il fait encore trop froid pour que cette
sortie puisse se faire sans danger et il en meurt un grand nombre en dehors de
la ruche. Généralement, l'abdomen des abeilles qui souffrent de dysenterie est
gonflé, et les rayons et le devant de la ruche sont souillés de fientes brunes. Dans
un cas de dysenterie aiguë, la colonie meurt généralement avant le printemps, ou
il ne survit que très peu d'abeilles et celles-ci sont tellement affaiblies qu'elles ne
peuvent se multiplier au point de produire une quantité avantageuse de miel
l'été suivant. Ce désastre se produit d'autant plus vite que les provisions sont
moins bonnes.
Puisque les abeilles s'usent et vieillissent tout aussi sûrement, quoique moins
rapidement, en hiver qu'en été, et qu'il est nécessaire que le plus grand nombre
possible d'abeilles survive à l'hiver pour produire une grosse quantité de couvain,
le printemps suivant, on voit combien il est important que les abeilles mises en
quartier d'hiver soient jeunes. Ceci explique pourquoi le bon hivernage dépend
principalement des trois conditions que nous venons de mentionner et que nous
pouvons répéter: colonies bien peuplées, composées principalement de jeunes
abeilles, aliments sains en abondance et bonne protection contre le froid.
1 Bul. 93, Min. de l'Agric. des E.-TJ., 1914.
COLONIES FORTES DE JEUNES ABEILLES
Par colonies fortes, on entend des colonies bien peuplées, ayant suffisamment
d'abeilles pour couvrir au moins huit cadres Langstroth de pleine grosseur, juste
avant que le temps se soit refroidi au point d'obliger les abeilles à se former en
pelotons compacts. Des colonies beaucoup plus faibles peuvent vivre pendant l'hi-
ver, mais il est rare qu'elles soient assez vigoureuses lorsqu'elles sont mises dehors
au printemps pour se multiplier suffisamment pour rentrer une pleine récolte de
miel. Les jeunes abeilles sont celles qui n'ont que peu ou point butiné avant
d'être mises dans leurs quartiers d'hiver. Les abeilles n'ont qu'une certaine som-
me d'énergie à dépenser lorsqu'elles sortent de leurs cellules. Si cette énergie
est toute dépensée en travail, leur vie est raccourcie d'autant. Par conséquent,
les abeilles qui ont fait beaucoup de travail avant d'entrer dans leurs repos d'hiver
n'ont guère de chance de survivre à l'hiver, et encore beaucoup moins de vivre
assez longtemps pour aider à l'élevage du premier couvain au printemps. Les
abeilles qui doivent vivre pendant l'hiver sont élevées principalement en août et
septembre, et le meilleur moyen de se procurer un grand nombre de ces jeunes
abeilles est d'avoir dans la ruche une jeune reine qui a été élevée assez tôt pour
qu'elle puisse commencer à pondre vers le 1er août. Ceci signifie que cette reine
doit être élevée en juin ou juillet, pendant la rentrée du miel de trèfle. On ne
saurait trouver de meilleures conditions que celles qui existent au Canada à cette
époque pour l'élevage des reines. La ruche qui a une bonne reine féconde vers le
1er août a tout le temps nécessaire pour produire une nombreuse force d'abeilles
avant que la production normale du couvain cesse à l'automne. Non seulement,
la colonie ayant une jeune reine élève plus d'abeilles que celle dont la reine est
vieille, mais la jeune reine est également plus féconde et plus avantageuse le
printemps suivant. Il peut, il est vrai, ne pas être commode de changer les
reines de toutes les colonies à l'époque spécifiée, et il n'est pas non plus toujours
nécessaire de le faire parce que beaucoup de vieilles reines sont encore très proli-
fiques en automne. Si l'on a une reine de ce genre, on peut la laisser avec la
colonie et la remplacer plus tard par une jeune, mais il est plus difficile d'intro-
duire de nouvelles reines après que la saison du miel est passée, et il est bon
de nourrir la colonie pendant la période d'introduction. Il ne faut jamais laisser
une reine faible dans une colonie plus tard que le 1er août, à moins qu'elle n'ait
fait preuve de caractères exceptionnels, qui la rendent spécialement utile pour la
reproduction. Quand on laisse de vieilles reines dans les ruches en automne on
s'expose trop souvent aux accidents que voici : —
1. La vieille reine est remplacée trop tard en automne pour que la jeune
reine ait le temps de s'accoupler; ainsi la colonie ne contient qu'une
reine bourdonneuse le printemps suivant.
2. La vieille reine peut périr en hiver ou au commencement du printemps,
laissant la colonie sans reine et sans espoir d'en avoir une.
3. Une vieille reine peut cesser subitement de pondre au printemps, et n'être
remplacée qu'à l'époque où l'on aurait besoin de la plus forte production
possible de couvain.
Les colonies qui ne sont pas fortes en automne devraient être réunies à
d'autres jusqu'à ce qu'elles aient une population assez nombreuse pour bien
hiverner. Le meilleur moment pour faire cette réunion est vers la fin de
septembre ou au commencement d'octobre avant le nourrissement d'hiver. Pour
réunir deux colonies ensemble, on enlève le couvercle de la ruche et la couverture
de la colonie la plus forte et on met par-dessus les cadres une seule feuille de
papier à journal qui les recouvre complètement. On ôte ensuite la deuxième colo-
nie de son plateau et on la pose par-dessus le papier à journal, sur la première
colonie. Les abeilles se rongent un chemin à travers le papier et s'unissent paisi-
blement. Si elles manifestent une préférence pour une des reines dans les colo-
nies à unir, on détruit avant de les unir la reine dont elles ne veulent pas.
Il peut arriver que quelques-unes des colonies faibles contiennent des jeunes
reines que l'apiculteur désire conserver jusqu'au printemps, au cas où il pourrait
accidentellement perdre certaines reines des colonies fortes. Dans un cas de ce
genre, on peut conserver ces jeunes reines en mettant ensemble dans une même
ruche, mais en les séparant l'une de l'autre par une cloison étanche, deux des
colonies où elles se trouvent et qui ont cependant suffisamment d'abeilles pour
couvrir quatre ou cinq cadres Langstroth. Ces colonies doubles hivernent sans
danger en caisses ou en cave. Une précaution importante à prendre quand on
met deux colonies dans une même ruche est de diviser la ruche pour que les
abeilles dans un compartiment ne puissent passer dans l'autre compartiment, car
si elles le faisaient, elles détruiraient une des reines. Chaque compartiment
doit avoir son entrée séparée. Au printemps, on peut prendre une des reines de
chaque colonie double pour la mettre dans d'autres colonies qui n'en ont pas.
On enlève la cloison de séparation et les abeilles des deux compartiments se
réunissent paisiblement sous une même reine. Si l'on n'a pas besoin de reines de
surplus, alors on peut diviser les colonies doubles et mettre chaque moitié dans
une ruche séparée de même qu'elle l'était l'automne auparavant. En ces trois
dernières années, nous avons hiverné ainsi dans des ruches séparées, à Ottawa,
trois ou même quatre petits noyaux de colonie, et les résultats ont été assez bons.
UNE PROVISION ABONDANTE DE NOURRITURE SAINE
Il est heureux que les miels du nord soient en général plus sains pour
l'hivernage des abeilles que ceux du sud. C'est peut-être parce que la majorité
d'entre eux sont ramassés sur les trèfles.
Le miel de trèfle est un excellent aliment d'hiver pour les abeilles, et dans les
localités où le miel vient principalement du trèfle d'alsike ou des trèfles blancs
de Hollande, les abeilles hivernent bien, malgré une très longue réclusion dans
leurs quartiers d'hiver. Le miel de mélilot a aussi donné de bons résultats dans
le nourris'sement d'hiver, spécialement dans l'Ouest du Canada, mais ce miel est
plus porté à se granuler dans les rayons que les miels d'autres provenances. Le
miel de sarrasin donne aussi de bons résultats pour l'hivernage dans les
régions où cette plante rend en abondance. Par contre le miel de pissenlit a
donné des résultats désastreux comme nourriture d'hiver pour les abeilles De
même quelques-uns des miels recueillis au commencement du printemps et vers
la fin de l'été sont également malsains. Les apiculteurs se plaignent du miel
d'érable dur, dans le district où ce miel est recueilli en grande quantité. Le miel
de pissenlit et celui des érables durs se durcissent à tel point dans les rayons que
les abeilles hivernantes ne peuvent les utiliser. Il en est de même du miel de
luzerne pur et du miel de la verge d'or blanche, et l'emploi de ces miels pour le
nourrissement des abeilles en hiver a causé de grandes pertes.
Dans certaines localités, et spécialement dans certaines parties du nord, les
abeilles ne peuvent parfois mûrir ou operculer le miel recueilli vers la fin de la
saison à cause de l'arrivée rapide des froids. Le miel non mûr est exposé à
fermenter, et lorsqu'il est dans cet état, il cause la dysenterie. La dysenterie et
la mort suivent aussi rapidement la consommation en hiver de jus de fruits,
recueillis par les abeilles en automne sur les fruits trop mûrs ou endommagés.
Le miellat, l'excrétion des poux des plantes, déposée sur les feuilles des arbres
et recueillie par les abeilles, est aussi très mauvais parce qu'il contient une forte
proportion de matières indigestes. En général, tous les miels de couleur foncée,
à l'exception de celui du sarrasin, ne devraient pas être employés pour le nour-
rissement des abeilles en hiver. Ceux qui veulent hiverner leurs abeilles avec
du miel feront bien de mettre en réserve une hausse bien remplie de miel operculé
de la récolte principale pour chaque ruche à nourrir.
La meilleure substance pour remplacer les miels malsains est un sirop que
l'on obtient en faisant dissoudre deux parties, par mesure ou poids, de sucre
FlG. 1. — Pot-nourisseur à miel, de dix livres. (A gauche) Couvercle perforé avec un
clou fin; (à droite) couvercle muni de zinc perforé.
blanc granulé dans une partie d'eau. On peut faire de grandes ou de petites
quantités de ce sirop au besoin et le donner aux abeilles à la fin de septembre ou
au commencement d'octobre, suivant les conditions de température, afin que les
abeilles aient tout le temps voulu pour le rentrer, le mûrir et l'operculer tandis
que le temps est encore chaud. Il n'est pas bon de trop différer le nourrisse-
ment, car le temps peut changer rapidement et trop se refroidir pour que les
abeilles puissent emmagasiner suffisamment de provisions pour l'hiver. Le meil-
Fig. 2.- — Planche à miel pour le nourrissement.
leur moyen de faire le sirop est de faire chauffer d'abord jusqu'au point d'ébul-
lition une quantité d'eau mesurée, puis d'y ajouter la quantité nécessaire de
sucre pour faire une solution de 2 à 1. On remue énergiquement cette solution
jusqu'à ce que tous les cristaux de sucre soient dissous; s'ils ne l'étaient pas, le
sucre pourrait se recristalliser après le nourrissement. En faisant le sirop,
certains apiculteurs y ajoutent environ une cuillerée à thé d'acide tartrique pour
chaque 20 livres de sucre, pour aider l'inversion du sucre et prévenir la granula-
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tion, mais les expériences qui ont été faites à Ottawa indiquent que cette addi-
tion d'acide tartrique est inutile. Il faut avoir grand soin de ne pas brûler ou
échauder le sucre, car le sucre brûlé peut être fatal pour les abeilles. 11
est préférable de donner le sirop aux abeilles tandis qu'il est encore
chaud, et aussi rapidement qu'elles peuvent le prendre et l'emmagasiner. Un
pot à miel de 10 livres dont le couvercle a été perforé de trente à quarante
petits trous (voir fig. 1) et qui est retourné sur les cadres fait un nourris-
seur idéal, car il permet aux abeilles d'atteindre le sirop sans être obligées de
quitter le nid à couvain, ce qu'elles doivent faire avec la plupart des autres
nourrisseurs. Quand on se sert du pot à miel comme nourrisseur, on le renverse
sur la planche de nourrissement ou sur les cadres de la ruche. On peut aussi
donner à chaque colonie en même temps deux, trois, ou même quatre pots de ce
genre remplis de sirop. Certains apiculteurs préfèrent se servir d'une planche à
miel (voir fig. 2) sur laquelle on peut poser les nourrisseurs par-dessus les
cadres. Ceux qui se servent de couvertures peuvent en relever les coins et poser
le nourrisseur directement sur les cadres. Quand on donne le sirop aux abeilles,
il est nécessaire d'ajouter une hausse profonde, vide, à chaque colonie afin de
protéger les nourrisseurs et d'empêcher les abeilles des autres colonies d'y avoir
accès. Quand on nourrit les abeilles, il faut avoir bien soin de ne pas répandre
de sirop autour du rucher et de ne pas en laisser exposer, car si on le faisait, on
provoquerait le pillage et il en résulterait un grand dégât. A Ottawa, nous avons
pour pratique de préparer chaque matin la quantité de sirop nécessaire et de
remplir immédiatement les pots nourrisseurs. Ce sirop est généralement assez
froid pour qu'on puisse le donner aux abeilles vers la fin de l'après-midi lors-
qu'elles ont complètement cessé de voler.
Dans la plupart des localités, le miel qui reste dans la ruche après que les
hausses sont enlevées en automne est de différentes provenances et de qualité
douteuse. Quand on n'a pas gardé des hausses de bon miel de la récolte princi-
pale pour le nourrissement, un bon moyen très usité est de donner à chaque
colonie une quantité suffisante de sirop de sucre pour faire remonter la provision
jusqu'à la quantité nécessaire pour l'hiver. Même quand une colonie a rentré
assez de miel pour l'hiver, c'est une sage précaution que de donner au moins de
cinq à dix livres de sucre sous forme de sirop. On dépose ce sirop le plus près
possible du peloton hivernant, c'est la première provision que les abeilles con-
somment et l'accumulation des fientes est ainsi retardée. Pour chaque livre de
provision nécessaire à la colonie, il faut donner au moins une livre de sucre
converti en sirop. En fait, une livre de sucre ne fournit pas une livre complète
de provisions. Les expériences effectuées à Ottawa montrent que les abeilles
n'emmagasinent en moyenne que h\ livres de provisions dans les rayons sur un
pot de miel n° 10 contenant 6 livres de sucre et 3 livres d'eau.
La quantité de provisions laissées ou fournies aux abeilles doit être estimée
généreusement. Il vaut beaucoup mieux trouver au printemps des colonies ayant
des provisions de reste que des colonies mourant de faim. La quantité de provi-
sions qu'une colonie consomme varie beaucoup; lorsque les provisions sont
mauvaises, elle peut en consommer deux fois plus que lorsqu'elles sont bonnes.
Une forte consommation peut avoir aussi d'autres causes, notamment une
protection insuffisante, ou un dérangement inusité. Les abeilles hivernées en
plein air consomment plus de provisions que celles qui sont hivernées en cave,
mais cette différence n'est pas aussi forte que l'on pourrait s'imaginer lorsqu'on
tient compte du temps qui s'écoule entre le moment où la nourriture est donnée
et celui où les abeilles peuvent sortir pour butiner au printemps. La cause la
plus commune de la perte des abeilles en hiver et au commencement du prin-
temps est la famine, soit parce que les provisions sont épuisées, soit parce qu'elles
se sont durcies à tel point que les abeilles ne peuvent en tirer parti. Parfois
les abeilles perdent contact avec leurs provisions et meurent dans une partie de
11
la ruche, tandis qu'une abondance de provisions se trouve dans une autre partie;
ceci provient généralement d'une protection insuffisante. On peut dire d'une
façon générale que l'on devrait laisser ou donner à chaque colonie de 40 à 45
livres de provisions, afin qu'elles en aient suffisamment depuis l'époque du nourris-
sement en automne jusqu'à ce que le nouveau nectar soit arrivé au printemps.
Pour ne courir aucun risque, il vaut mieux donner aux abeilles tout ce qu'elles
peuvent prendre à l'époque du nourrissement. C'est courir un risque que de
donner juste assez pour faire vivre la colonie pendant l'hiver et de se fier à la
récolte du printemps, car s'il est vrai que la quantité consommée en hiver
n'atteint pas 20 livres, de grosses quantités sont nécessaires lorsque l'élevage du
couvain commence au printemps, et cet élevage commence généralement avant
que le temps soit favorable pour le nourrissement de printemps. Il est donc
bien préférable de donner la nourriture supplémentaire en automne et d'éviter
ainsi ces manipulations au début du printemps qui sont nuisibles à la colonie.
Tout manque de provisions occasionne un retard dans la production du couvain,
et par conséquent une diminution dans la récolte de miel.
Comme la ruche Langstroth ordinaire, faite à la fabrique, à parois simples
et à dix cadres, pèse, avec les abeilles et les rayons, mais sans son couvercle,
environ de 30 à 40 livres lorsqu'elle est sèche, cette ruche lorsqu'elle est prête
pour l'hiver devrait peser entre 70 et 80 livres. En sus des provisions données
aux abeilles en automne, l'apiculteur fera bien de mettre en réserve un certain
nombre de rayons bien remplis de la récolte précédente pour une urgence possible
au printemps. Un mot d'avertissement s'impose à ce sujet: ne donnez jamais
de miel aux abeilles si vous n'êtes pas absolument sûr qu'il vient de colonies
saines, sans maladies, car les résultats seraient désastreux. Dans le doute, donnez
du sucre.
PROTECTION CONTRE LE FROID
Il y a deux moyens de protéger les abeilles pendant l'hiver: à l'extérieur,
dans des caisses remplies de matelas isolants et dans des caves. Ces deux métho-
des donnent, en général, des résultats satisfaisants presque partout au Canada.
Dans la plupart des endroits, on se règle, pour savoir laquelle adopter, sur la
commodité et sur le coût. Si l'apiculteur a une cave assez sèche, qu'il peut tenir
obscure et qui est assez bien protégée contre les changements extérieurs de
température, il peut s'éviter le coût de la construction des caisses et du travail
de l'emballage des abeilles en automne et du déballage au printemps. Si,
par contre, le rucher (peut-être un rucher extérieur) est à quelque distance
de la résidence de l'apiculteur, qu'il est bien protégé contre le froid et que
l'on n'a pas de bonne cave, on peut construire des caisses et y emballer les
abeilles. Ces deux moyens de protection sont très employés, mais l'hivernage
en plein air paraît être préféré à cause du surplus de protection qu'il fournit aux
abeilles vers la fin de l'automne et le commencement du printemps, et aussi parce
que la plupart des caves que l'on emploie actuellement pour l'hivernage des
abeilles sont peu satisfaisantes pour cela. L'hivernage en cave exige peut-être
moins de travail pour protéger les abeilles et aussi moins de provisions, mais son
défaut principal réside dans ce fait que les abeilles sont exposées au froid et aux
changements subits de température beaucoup plus tard en automne et aussi beau-
coup plus tôt au printemps que celles qui sont dans leurs caisse-. Les abeilles
hivernées en plein air ont non seulement l'avantage d'un surplus de protection,
qui leur permet de produire du couvain beaucoup plus tôt au printemps que
les abeilles gardées en cave, mais elles peuvent aussi prendre leur vol dès que le
temps est favorable. Un autre fait, c'est que l'apiculteur qui hiverne en plein
air est en général plus porté à mieux préparer ses abeilles pour l'hiver que l'api-
culteur qui pratique habituellement l'hivernage en cave.
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12
L'HIVERNAGE EN CAVE
Une bonne cave à abeilles est celle où la température peut être facilement
mise au meilleur point pour les abeilles et tenue constamment à ce point tout
l'hiver. Comme les abeilles maintiennent une température minimum de 57
degrés F. au bord extérieur du peloton, la température de la cave doit être
telle que les abeilles puissent maintenir ce degré de chaleur avec une dépense
minimum d'énergie. Nous avons constaté à Ottawa qu'une température de
cave de 45 à 48 degrés F. est celle où les abeilles sont le moins exposées à
s'agiter. La cave doit également être sombre, assez sèche, bien ventilée et sans
vibrations. Deux de ces conditions, la température régulière et la sécheresse
modérée, ne sont pas toujours faciles à obtenir et à maintenir. Pour se les
procurer, il faut observer deux principes importants dans la construction de
la cave: la cave doit être assez profonde pour qu'elle ne soit pas affectée par
les changements de température extérieurs, et le sol doit être bien drainé.
On obtient souvent d'excellents résultats, surtout si le nombre de colonies à
hiverner n'est pas considérable, en séparant par une cloison une partie de la cave
au-dessous de la résidence de l'apiculteur. La fournaise et les chambres
chauffées par-dessus aident à fournir et à maintenir les conditions nécessaires,
si bien que les légers défauts dans la construction de la cave importent peu.
Cependant, si ces caves fournissent généralement la température et la venti-
lation voulues pendant les mois les plus froids de l'hiver, la température y
monte souvent trop haut pendant les journées douces du printemps. Dans
ce cas. on peut la rafraîchir en ouvrant un peu la fenêtre du soubassement,
mais ?ans éclairer le compartiment occupé par les abeilles. La chambre des-
tinée aux abeilles doit être près du mur du soubassement ou contre ce mur,
et cette partie du mur peut être rechaussée sur l'extérieur avec de la terre
jusqu'au-dessus du niveau de la chambre. Il ne faut jamais mettre les
abeilles dans la même chambre où l'on conserve les racines et les légumes.
Lorsqu'on creuse une cave spécialement pour les abeilles, le ciment est un
très bon matériel pour le sol et les murs à moins que l'emplacement ne soit très
sec. Dans ce cas, un plancher de terre vaut peut-être mieux. C'est un bon
système que de construire, par-dessus la cave, le bâtiment qui doit servir de
laboratoire pour l'extraction du miel ou l'emmagasinage du matériel. Si les
chambres au-dessus de la cave ne sont pas chauffées pendant l'hiver, il sera
nécessaire de construire un double plancher dans le plafond de la cave en laissant
un large espace que l'on remplira d'une substance non conductrice de chaleur.
La hauteur entre le plancher et le plafond de la cave devrait être d'environ six
pieds et demi, et le plafond devrait être bien au-dessous de la surface du sol.
Un flanc de coteau, bien égoutté et bien protégé contre le froid, fournit un bon
endroit pour la construction d'une cave. On peut y construire cette cave de
façon à avoir une porte au niveau du plancher, ce qui facilite la sortie et la
rentrée des ruches. La porte devrait être double, avec un vestibule entre les
deux, pour empêcher la sortie de la chaleur et fournir une meilleure protection
contre la température extérieure. Pour enlever l'humidité produite par les
abeilles et fournir de la ventilation, il faut également une cheminée ou ventila-
teur; ce ventilateur peut s'ouvrir dans la chambre au-dessus de la cave, ou à
l'extérieur du bâtiment
Pour chaque livre de miel qu'elles consomment, les abeilles exhalent une
certaine quantité d'humidité qui, si elle était condensée donnerait un volume de
miel à peu près égal. Si l'air de la cave est déjà chargé d'humidité, cette vapeur
d'eau exhalée par les abeilles se condense dans la ruche même, et si cet état se
prolonge et qu'il soit trop marqué, il est probable que les abeilles en souffriront
beaucoup. Cette condition se rencontre généralement lorsque la cave est trop
froide, car l'air à la température de zéro ne peut retenir qu'un sixième de la
quantité d'eau que l'air à 45 degrés peut porter.
13
Une cave très sèche est mauvaise également surtout vers la fin d'un long
hiver, pendant lequel il y a eu plus ou moins de dysenterie. Les provision- peu-
vent se dessécher à tel point qu'il est impossible aux abeilles de les sortir des
cellules, et alors la ruche meurt de faim. La granulation du miel est la cause la
plus fréquente de cet état de choses, mais il se produit aussi parfois avec des
provisions qui ne se granulent pas, comme le miel de sarrasin et le sirop de sucre.
Au Canada, les caves ventilées sont exposées à devenir très sèches lorsqu'il fait
froid, à cause de la très petite quantité d'humidité que contient l'air qui vient de
l'extérieur. Cet accident se produit plutôt dans les provinces des Prairies que
dans les provinces Maritimes ou que dans la région de la côte de la Colombie-
Britannique. Il faut donc donner beaucouup de soin à la ventilation dans les
provinces des Prairies. Le ventilateur pour la sortie de l'air ne suffit pas; il faut
aussi une bouche d'appel, s'ouvrant au plancher ou près du plancher, et placée
sur le côté opposé au conduit de sortie. On a ainsi une excellente ventilation et
la cave peut être tenue sèche. Cependant ce système de ventilation présente un
inconvénient; c'est qu'il fonctionne le moins lorsqu'on en aurait le plus besoin et
le plus lorsqu'on en a le moins besoin. Par exemple, lorsqu'il fait froid et que l'on
aurait besoin d'air chaud et humide, l'air sec entre en grande quantité par la
plus petite ouverture, tandis que lorsqu'il fait doux et que l'on aurait besoin
d'air frais, il n'entre que très peu d'air, même par l'ouverture la plus grande. Il
faut donc fermer les ventilateurs lorsqu'il fait froid et les ouvrir tout grand
lorsqu'il fait doux. Ce système exige donc des réglages fréquents dans les régions
où les périodes de temps doux alternent avec des périodes de temps froid pendant
l'hiver. C'est donc une bonne précaution que de construire la bouche d'appel et
la bouche de sortie de façon à pouvoir les ouvrir ou les fermer lorsqu'on le désire.
Dans les régions où les périodes de temps froids alternent avec des périodes de
temps doux, cette nécessité de régler les ventilateurs, surtout dans les caves peu
profondes dans la terre, constitue un désavantage sérieux, et c'est pourquoi
l'hivernage en cave a été remplacé, en grande partie, par l'hivernage en plein air.
Pour plus de commodité, nous avons parlé de la température et de l'humidité
de la cave aux abeilles, mais en réalité ce sont la température et l'humidité de
l'air dans la ruche même, autour du peloton d'abeilles, qui sont les plus impor-
tantes. Si l'air dans la cave est frais et sec, on peut, jusqu'à un certain point,
réchauffer et humecter l'air que renferme la ruche en réduisant l'entrée de la
ruche et en recouvrant la ruche d'une couverture chaude et imperméable. Cer-
tains apiculteurs canadiens ont l'habitude de tenir la température de la cave
assez basse, dans certains cas au-dessous de 40 degrés F., car on a parfois constaté
que les abeilles s'agitent lorsque la température dépasse ce point, surtout lorsque
le printemps arrive. On a constaté cependant que cette agitation n'est pas
provoquée par la température élevée, mais plutôt par d'autres conditions défa-
vorables, et la principale de ces conditions est l'état malsain des provisions.
Tout dérangement inusité cause également de l'agitation parmi les abeilles, par
exemple les visites fréquentes à la cave, l'emploi de lumière blanche dans la cave
ou les secousses de toutes sortes. Si les abeilles ont des provisions saines et
qu'elles ont été mises dans une bonne cave avant d'avoir été exposées au froid,
la température qui donne les meilleurs résultats, même pendant un hiver très
long, est celle dont les extrêmes ne dépassent pas de 45 à 48 degrés F.
L'emploi d'un bon thermomètre est très nécessaire pour connaître la tempé-
rature de la cave. Il y a des thermomètres bon marché qui peuvent être tout à
fait exacts à 30 degrés F. mais qui peuvent présenter plusieurs degrés d'erreur à
une température de 45 à 50 degrés F. et ce sont là les principales températures
que l'on désire enregistrer. Un point à noter également, c'est que la température
peut être de plusieurs degrés plus élevée près du plafond que près du plancher.
Nous nous servons d'un hygro-thermographe à Ottawa. Cet instrument,
une fois remonté, enregistre la température et l'humidité sur les cartes pendant
sept jours de suite. Nous suspendons également des thermomètres à des niveaux
différents.
14
Pour mesurer l'humidité de la cave, on peut se servir d'un thermomètre à
bulbe sec et humide. Si Ton emploie un thermomètre stationnaire de ce genre,
alors il faut agiter l'air autour du bulbe humide pendant au moins une minute
pour obtenir une lecture assez exacte. On peut ensuite calculer le pourcentage
d'humidité relative d'après les tableaux qui accompagnent généralement cet
instrument. Le thermomètre le plus exact est le psychromètre tournant, parfois
appelé le thermomètre tournant (voir fig. 3) que l'on fait tourner dans l'air
pendant au moins une minute avant d'en prendre la lecture.
Fig. 3. — Psychromètre tournant pour mesurer
l'humidité de l'air.
Les entrées des ruches doivent être laissées entièrement ouvertes dans les
caves qui peuvent être tenues à la bonne température, et les abeilles dérangées
aussi peu que possible. Il faut empêcher les souris de pénétrer dans les caves,
car elles causent de grands dégâts parmi les abeilles et les rayons. L'air de la
cave doit être tenu sain et frais, et pour obtenir cette condition dans une cave
remplie d'abeilles, on ramassera au balai toutes les abeilles mortes et on les
enlèvera une ou deux fois pendant l'hiver.
On a généralement pour habitude de mettre les abeilles en cave aussitôt
que possible après le dernier bon vol de nettoyage qu'elles ont pu avoir. Dans
la plupart des endroits, ce dernier vol a lieu généralement au commencement de
novembre. Si le temps ne paraît pas devoir rester doux, il vaut mieux encaver
les abeilles immédiatement après le premier vol qui suit le 1er novembre. Il est
préférable de les rentrer un peu plus tôt que les laisser exposées à une tempé-
rature rigoureuse pendant plusieurs jours en attendant un dernier vol qui peut
ne pas se produire.
En mettant les abeilles en cave, prenez-vous-y de façon à les déranger
aussi peu que possible. Une sage précaution est de boucher d'abord l'entrée de
la ruche avec du papier mou ou de la toile à sac, puis de soulever les ruches
15
FlG. 4. — Portant les abeilles en cave à Ottawa.
doucement et de les porter dans la cave (voir fig. 4) . Les abeilles sortent
souvent des ruches que Ton porte, même quand le temps est frais, et il peut
en résulter des piqûres douloureuses pour les porteurs. Dans les caves, on
pose les ruches sur des supports à une hauteur d'au moins six pouces du
plancher et on les met par rangées de deux ou trois de hauteur, si c'est néces-
Fig. 5. — Colonies en rangées dans un coin de la cave, à Ottawa.
saire. (Voir fig. 5.) L'arrangement des ruches dépend de l'espace que l'on a
et de la construction de la cave. Si cela est possible, placez les ruches en
rangées, dos à dos, de façon à laisser un passage entre chaque rangée double.
16
laisser les couvercles sur les ruches; il vaut mieux les enlever cependant, à
Si on a de la place, il vaut mieux les mettre sur des rayons, afin de pouvoir
enlever une ruche sans déranger les autres. Certains apiculteurs préfèrent
moins que la cave ne soit très sèche et très froide, et les remplacer par deux
ou trois épaisseurs de toile à sac ou de matériaux de ce genre. Si l'on se sert
de planches à miel ou de couvertures sous les couvercles, on les laissera sur le
dessus des ruches, car elles contiennent généralement suffisamment d'ouver-
tures pour que l'humidité puisse s'échapper. Dès que toutes les ruches sont
dans la cave et que les abeilles se sont calmées, il faut ouvrir les entrées
entièrement. Les abeilles n'exigent que très peu d'attention pendant l'hiver, si
la cave est bien construite. Il suffit de les visiter de temps à autre pour voir si
la température est bonne, si l'humidité ne se condense pas sur les murs de la
cave et pour enlever les abeilles mortes. Ce ne sont que les mauvaises caves
Fig. 6. — Section d'un brise-vent portatif. Douze pieds
de long et sept pieds de haut. Les lattes ont 6
pouces de largeur et sont placées à 2\ pouces
d'espacement.
qui exigent une attention constante. Si l'humidité se condense sur les murs,
c'est que la cave est trop froide. Si l'on ne peut pas la réchauffer, alors il faut
réduire les entrées des ruches et activer la ventilation pour enlever l'humidité.
Lorsque la cave est froide, les abeilles consomment plus de provisions; il en
résulte une accumulation de déchets dans les intestins et un surcroît d'agitation
au printemps; les abeilles peuvent en mourir. On s'aperçoit que la cave est trop
froide par la présence de moisissures sur les rayons au printemps. Une cave
tenue à la bonne température est trop sèche pour que ces moisissures puissent
se développer.
17
L'HIVERNAGE EN PLEIN AIR
Lorsque les abeilles passent l'hiver en plein air, il est essentiel que le rucher
soit parfaitement protégé contre les vents. Un bon brise-vent tout autour du
rucher est tout aussi important que l'emploi de bonnes caisses et de bons maté-
riaux d'emballage. Si le rucher n'est pas bien protégé contre les vents froids
par un brise-vent naturel, comme un monticule ou un bosquet d'arbres ou
d'arbrisseaux, alors il faut fournir un brise-vent. Une haie de conifères ou
d'arbrisseaux à pousse épaisse, comme les caragans, plantée autour du rucher,
fournit une bonne protection. A défaut d'arbres, on peut construire une clôture
en lattes d'environ six à sept pieds de hauteur. Une clôture en planches serrées
n'est pas satisfaisante, car elle peut causer des tourbillons qui s'abattent sur
les ruches. Si le rucher n'est pas établi à demeure il vaut mieux faire la
clôture de planches en sections (voir fig. 6) , ce qui permet de la transporter
lorsqu'on le désire et également de la remiser pendant l'été, si cela est néces-
saire. Il ne faut pas trop compter sur les bâtiments pour servir de brise-vent,
car ils causent souvent des remous qui peuvent frapper certaines colonies dans
le rucher (voir fig. 7) et faire souvent autant de mal qu'un vent direct. Les
brise-vents rendent des services, non seulement pendant l'automne, l'hiver et le
printemps, mais aussi, dans beaucoup d'endroits, pendant l'été, surtout dans les
endroits exposés aux grands vents, comme dans certaines régions des Prairies.
Fig. 7. — On voit comment la neige est enlevée par le vent. (Par M. J. Rowland,
de la Station expérimentale fédérale de Kapuskasing, Ont.)
Les caisses dans lesquelles on emballe les abeilles peuvent être faites pour
contenir une ou plusieurs ruches, suivant le désir de l'apiculteur. Ce qui im-
porte, c'est qu'elles soient assez grandes pour qu'on puisse y mettre une quan-
tité suffisante de bourre sur les côtés, le fond et le dessus, en plus des ruches que
l'on y dépose. Certains apiculteurs se servent d'une longue caisse renfermant
plusieurs ruches placées côte à côte et toutes faisant face dans une même
direction. Cette caisse présente plusieurs inconvénients: lorsqu'on déballe les
abeilles au printemps et que les ruches sont séparées l'une de l'autre, les abeilles
qui ont déjà commencé à voler et qui ont pris leur point de repaire peuvent se
18
FiG. 8. — Abeilles mortes sur la neige. (Par M. J. Rowland, de la Station expérimentale
fédérale de Kapuskasing, Ont.)
FiG. 9. — Ruche emballée permanemment. A noter le grillage par-dessus l'entrée pour
empêcher les souris de s'y introduire. Le couvercle sur la ruche 313 a été préparé
pour l'entrée supérieure, mais il ne sert pas dans ce cas. Le No 331 n'a pas d'entrée
supérieure.
19
transporter à d'autres ruches, si bien que les colonies que l'on transporte sur
un nouvel emplacement perdent beaucoup de leurs butineuses. On peut remé-
dier jusqu'à un certain point à cet inconvénient en déplaçant les ruches graduel-
lement sur une petite distance tous les jours mais ceci exige beaucoup de temps
et de travail.
On se sert aussi beaucoup de caisses à deux ruches et à ruche simple; elles
ont donné de très bons résultats. Toutes deux sont employées dans les ruchers
des fermes expérimentales. Un homme seul peut facilement se charger de la
caisse à deux ruches et l'on peut y mettre les ruches faisant face dans une même
direction si on le désire. La caisse à ruche unique a cet avantage que l'on
peut la laisser emballée toute l'année et l'on supprime ainsi le travail de
l'emballage à l'automne et du déballage au printemps, qui est l'objection prin-
cipale à l'hivernage en plein air. On perd tous ces avantages cependant si la
bourre qui est mise dans cette caisse devient humide pendant l'été; dans ce cas,
on sera obligé de la changer parce que la bourre humide perd toute son utilité
comme matière isolante. On emploie beaucoup de caisses à ruche unique au
Canada, spécialement en Colombie britannique. L'objection principale aux
caisses à ruche unique et à deux ruches est le coût original.
Dans certaines localités, quelques apiculteurs emploient une caisse à parois
doubles et à emballage permanent, mais ces caisses ne donnent pas suffisamment
de protection dans la plupart des parties du Canada, à moins qu'elles ne soient
très grandes et, dans ce cas, la manutention en est difficile. C'est là un grand
inconvénient lorsque l'on est obligé de changer le rucher de place. L'emploi de
ruches à parois doubles pour la protection du rucher coûte aussi très cher.
La caisse la plus économique est celle qui peut prendre quatre ruches en
bloc. Elle exige moins de matériaux d'emballage par ruche que les caisses
qui ne contiennent qu'une ou deux ruches, car chaque ruche est protégée sur les
côtés par sa voisine. Des caisses de ce type, mais de différents genres de cons-
truction, ont été employées pendant bien des années dans les ruchers des fermes
expérimentales et elles ont fort bien réussi; elles sont généralement employées
partout au Canada.
La dimension de la caisse est un point important; il faut qu'on puisse y
mettre suffisamment de bourre pour protéger les ruches. Il faut aussi que la
caisse soit étanche pour que la bourre puisse rester sèche; il vaut donc mieux
employer des planches à rainures et à languettes dans leur construction. Il
faut aussi que les couvercles soient protégés par des matériaux à toiture à
l'épreuve de l'eau. Il doit y avoir, dans chaque caisse et en face de chaque ruche,
des trous de vol pratiqués de façon à ce qu'on puisse en réduire la dimension
pendant les périodes de très grands froids. Il faut aussi, à chaque extrémité ou
de chaque côté des caisses, pratiquer une petit trou d'environ un pouce de dia-
mètre et près du dessus, afin qu'il puisse y avoir une libre circulation de l'air
au-dessus de la bourre qui recouvre les ruches. Enfin, il est bon de faire ces cais-
ses démontables, car ceci facilite beaucoup l'emballage et le déballage des ruches
et l'on peut remiser ces caisses à plat pendant l'été. Lorsqu'elles sont montées,
les extrémités et les côtés peuvent être tenus par des crochets ou fixés d'une
façon plus solide au moyen d'une vis, près du dessus, en combinaison avec des
chevilles dans le plancher pour empêcher qu'elles ne s'écartent à la base.
La construction des trous de vol clans la caisse exige une attention toute
spéciale. Il faut pratiquer ces trous de vol dans l'extrémité ou le côté des caisses,
en face de l'entrée de chaque ruche; il faut aussi qu'ils soient espacés l'un de
l'autre le plus possible. Chaque entrée devrait mesurer au moins huit pouces de
longueur par un pouce de hauteur et avoir un morceau de bois s'ajustant étroite-
ment et tournant sur une vis qui permette de réduire la dimension de l'entrée à
trois huitièmes de pouce de longueur par un pouce de hauteur. Il ne faut pas qu'il
ait de rebords faisant saillie sous l'entrée, sur lesquels la neige et la glace pour-
raient se loger. Un petit clou ou une vis enfoncé juste au-dessous de l'entrée et
29
(|iii sert d'appui au bloc tournant lorsque l'entrée est fermée est très satisfaisant.
S'il est à craindre que les souris ne s'introduisent dans les caisses, recouvrez
l'entrée d'une plaque de grillage, à mailles d'un quart de pouce.
FlG. 10. — Ruches mises sur la tablette de la caisse, avec ponts et bourre du fond en place.
L'entrée de la ruche est reliée par un tunnel, à travers les matériaux d'em-
ballage, au trou de vol dans la caisse. Le plateau de la ruche fait saillie d'environ
deux pouces et demi devant la ruche. Lorsqu'une colonie est mise dans la caisse
et que ce plateau touche aux parois de la caisse, l'espace que l'on peut remplir
de bourre n'est que de deux pouces et demi, tandis qu'il faut au moins quatre
pouces de bourre devant la ruche; c'est pourquoi il faut clouer une baguette de
bois de l'épaisseur nécessaire à l'intérieur de la caisse, juste au-dessous de l'en-
trée. Par exemple, si l'on veut avoir un matelas de 4 pouces d'épaisseur, la
baguette de bois devra avoir \\ pouce d'épaisseur. On pose alors une mince
planche de 16^ pouces de long et de 4 pouces de large à travers le devant du
plateau de la ruche, et reposant sur les bords de ce plateau, de façon à former
un tunnel. Il est plus commode cependant de faire un pont spécial. (Voir
planches II et III). Ce pont doit être fait de façon à pourvoir une galerie allant
de la ruche jusqu'à la paroi de la caisse sur toute la largeur de l'entrée de la ruche
et ayant au moins f de pouce de profondeur. Il a été démontré par des expériences
cependant qu'une galerie plus profonde est plus satisfaisante, car elle permet une
meilleure circulation de l'air. Le pont recommandé et montré sur les planches
a 2 pouces de profondeur.
Les matériaux d'emballage employés doivent être petits de façon à laisser de
nombreux espaces d'air. Les copeaux ou ripes de planeur, les feuilles sèches de
forêt, la baie et beaucoup d'autres substances sont très satisfaisantes. Certains
apiculteurs se servent également de sciure de bois (bran de scie), mais la sciure
absorbe très facilement l'humidité et ne paraît pas être aussi bonne pour l'isole-
ment que les autres matériaux mentionnés. La baie de sarrasin et la mousse
sont très bonnes également, si on peut se les procurer; cependant la baie peut
attirer les rongueurs par le grain qu'elle pourrait contenir. Une très bonne
substance, quoique peu chère, est le liège rebroyé. Les planches commerciales
isolantes essayées à Ottawa n'ont pas très bien réussi.
21
La quantité de bourre nécessaire dépend de la valeur isolante des matériaux
employés; pour les espèces ordinaires, mentionnées ci-haut, l'épaisseur devrait
être d'au moins trois pouces sous les ruches et sur les quatre côtés de la ruche
et six à huit pouces sur les dessus. Dans les régions très froides, où le thermo-
mètre descend jusqu'à 30 ou 40 degrés au-dessous de zéro pour y rester
plusieurs jours à la fois, cette quantité ne suffit pas, surtout si le rucher n'est
pas parfaitement protégé contre les vents. Nous n'avons pas constaté jusqu'ici
qu'il était nécessaire de mettre plus que la quantité indiquée ci-haut à Ottawa,
même lorsque la température descendait à 20 degrés- au-dessous de zéro ou
plus bas; en fait, un excès de matériaux d'emballage peut causer de l'agitation
chez les abeilles pendant les journées douces. A Brandon, au Manitoba, l'emploi
de laine de sapin baumier a donné d'excellents résultats.
CAISSES EN PAPIER
L'emploi de caisses en papier imperméables au lieu de bois, qui permet-
trait de réduire les frais de l'hivernage en plein air, a suscité beaucoup d'inté-
rêt dernièrement. Nous n'avons pas fait l'essai de ce genre de caisse aux
ruchers de la ferme expérimentale, mais les apiculteurs qui s'en sont servi
disent avoir obtenu de très bons résultats. Le papier dont on se sert le plus
Fig. 11. — Ruches en caisse, emballées sur le fond et les côtés et avec nourrisseurs en place.
souvent est le papier goudronné à construction ordinaire, mais tout autre
forme de bon papier étanche ferait l'affaire. Pour deux ruches, mises côte à
côte, on coupe du rouleau de papier une bande d'environ 142 pouces de longueur
et l'on ramène les deux extrémités ensemble de façon à former un cylindre.
Les bouts doivent chevaucher de quatre pouces environ et être solidement
collés au moyen de ciment à toiture. Si on le désire, on peut clouer le papier
sur un cadre au moyen de braquettes de façon à former une caisse rectangu-
laire. On glisse alors le cylindre de papier par-dessus les ruches, le bord
inférieur du papier reposant sur le sol. On verse ensuite les matériaux d'em-
ballage entre le papier et les ruches ainsi que par-dessus ces dernières. Si les
ruches n'ont qu'un étage de hauteur, on peut replier les bords supérieurs des
22
caisses de papier par-dessus les matériaux d'emballage supérieurs et on les
colle ensemble, mais si les ruches ont deux étages de hauteur, il sera néces-
saire d'avoir un autre morceau de papier d'environ six pieds de longueur pour
former un capuchon. Le papier doit être solidement attaché autour des ruches
et le capuchon est ensuite collé ou lié en place. Il faut pratiquer des entrées
à travers l'emballage et le papier pour que les abeilles puissent sortir.
Pour qu'elles puissent tirer tout l'avantage possible de la protection d'au-
tomne, remballage des abeilles ne devrait pas être différé plus tard que la
dernière semaine de septembre, de préférence avant le nourrissement d'automne.
Pour éviter les pertes d'abeilles, on rapprochera plusieurs colonies graduelle-
ment l'une vers l'autre vers la fin de l'été, de façon à ce qu'elles occupent à
peu près la même situation et qu'elles soient tournées dans la même direction
qu'elles le feront lorsqu'elles seront mises en caisses. Lorsqu'on hiverne en
plein air, il est bon de laisser les ruches tout l'été en groupes de deux ou quatre,
suivant la grandeur de la caisse employée, afin de s'éviter le surcroît de travail
nécessaire pour les mettre en place, en automne et au printemps.
Lorsqu'on est prêt à emballer, on met d'abord le support en place, et sur
ce support le plancher de la caisse, disposé de façon à ce que les entrées des
caisses soient tournées vers l'est et vers l'ouest (caisses de 4 ruches) et vers le
sud pour les caisses à une et à deux ruches. On met ensuite ce plancher de la
caisse bien égal au moyen d'un niveau d'eau. On place à travers ce plancher
trois morceaux de bois de 2 par 3 pouces, un près de chaque extrémité et deux
au centre. Les ruches reposent sur ces morceaux qui fournissent l'espace
nécessaire pour l'emballage du fond. On verse, entre ces morceaux de bois,
suffisamment de bourre pour recouvrir le plancher jusqu'au-dessus des morceaux
et on la tasse bien. On enlève ensuite les couvercles des ruches et on met
les colonies en place sur les morceaux de bois. On les met aussi serrées l'une
contre l'autre que possible, côte à côte et dos à dos, de façon à ce qu'il n'y
ait pas d'espace à remplir entre elles. On assemble ensuite les côtés, on ajuste
les ponts et l'on remplit les côtés avec de la bourre jusqu'au niveau du dessus
des ruches. On laisse les couvertures ou les planches à miel sur les ruches tout
l'hiver, afin de prévenir la perte d'une trop grande quantité de chaleur. Lors-
qu'on emploie des couvertures, on peut fournir des passages pour les abeilles
par-dessus les rayons en mettant de petits bâtons sous les couvertures mais
ceci n'est nullement indispensable. Dès que les colonies sont dans les caisses
il faut nourrir les abeilles et dès que le nourrissement est terminé, on pose la
bourre par-dessus les ruches et l'on ferme les caisses pour l'hiver. Il vaut
mieux mettre cette bourre du dessus sous forme de coussin ou matelas, car
elle est beaucoup plus facile à manier. On peut faire de bons coussins en
remplissant des sacs de son aux trois quarts de matériaux et en les attachant
près du col. Cinq ou six de ces sacs, aux trois quarts remplis, s'ajustent fort
bien par-dessus les ruches dans une caisse quadruple. On ne bouche l'entrée
des ruches que lorsque les frais se sont établis.
Le fond des caisses présentées aux planches II et III a la forme d'une
claie, ce qui rend l'emballage des abeilles et l'ajustage des ponts ou des tunnels
beaucoup plus faciles que dans la caisse présentée dans la planche I; cepen-
dant, cette dernière est aussi une très bonne caisse et elle est peut-être un peu
plus facile à construire.
Il n'est pas nécessaire d'enlever la neige sous laquelle les caisses sont
enfouies pendant l'hiver, car il n'est pas à craindre qu'elle étouffe les abeilles.
Il est bon cependant de débarrasser les entrées de la neige vers la fin de mars,
si la neige s'attardait au printemps. On enlèvera également à cette époque
toutes les abeilles mortes des entrées; plus tard au printemps, lorsque la tempé-
rature se réchauffe et que le pollen arrive abondamment, il faut soulever le
bloc tournant pour agrandir les entrées. Vers la fin de l'hiver ou le commen-
cement du printemps, le soleil brillant peut encourager les abeilles à soi tir de
23
la ruche tandis que l'air est encore trop frais pour qu'elles puissent voler; dans
ce cas, beaucoup d'abeilles tombent engourdies sur la neige et périssent. (Voir
fig. 8). Cet accident se présente surtout lorsque les caisses font face au sud.
Pour le prévenir autant que possible, il faut ombrager les entrées en plaçant
une planche inclinée sur le devant de la caisse par-dessus les entrées.
Il ne faut pas enlever les abeilles de leurs quartiers d'hiver avant qu'elles
soient activement au travail dans la première ou la deuxième hausse, générale-
ment vers la fin de mai ou le commencement de juin. Ce surcroît de protection
donné au printemps par l'emballage, spécialement pendant les quelques pre-
mières semaines de la multiplication des ruches, est l'un des avantages principaux
de l'hivernage en plein air.
LA CONSTRUCTION DES CAISSES
La caisse d'emballage peut être construite de la façon préférée par les per-
sonnes qui désirent s'en servir. L'essentiel, c'est qu'elle soit assez grande pour
contenir tout l'emballage nécessaire et assez étanche pour tenir ces matériaux
d'emballage bien secs. Cependant, pour la gouverne des personnes qui désirent
construire de nouvelles caisses, nous donnons ici quelques plans. La caisse
présentée à la planche I est facile à faire et elle a donné de très bons résultats
dans les ruchers de la ferme expérimentale. Elle a été remplacée cependant par
celles qui sont présentées aux planches II et III, parce que dans ces dernières,
l'emballage et le déballage des ruches se fait beaucoup plus facilement; elles
sont donc hautement recommandées. La caisse à une ruche présentée à la
planche IV, et qui est connue sous le nom de ruche Kootenay, est très employée
en Colombie-Britannique, mais on peut construire des caisses plus simples
d'après les mêmes plans que ceux qui sont présentés aux planches II et III. La
figure 9 représente une ruche emballée permanemment et qui a remplacé dans
une grande mesure la caisse à une ruche.
Les caisses présentées aux planches II et III ont une partie de leurs côtés
fixés permanemment au plateau de la ruche, faisant ainsi une claie de 8 pouces
de profondeur. Les morceaux de 2 par 3 pouces (St. 1) sur lesquels les ruches
reposent sont aussi clouées permanemment en place, et les trous de vol sont
pratiqués dans les extrémités de la claie pour la caisse quadruple et d'un côté
pour la caisse double. Lorsque les colonies sont prêtes à emballer, on verse une
quantité suffisante de matériaux d'emballage dans la claie, en les tassant, pour
remplir cette claie jusqu'au dessus des morceaux de bois. On met alors les
ruches en place sans leur couvercle et l'on arrange les ponts avant de placer
les côtés. Le but de ces ponts est de fournir un tunnel pour que les abeilles puis-
sent sortir de la ruche, en passant à travers l'emballage. Une fois assemblés,
les extrémités et les côtés de la caisse sont fixés ensemble au moyen d'un petit
crochet à chaque coin près du dessus et un prolongement des taquets de côté
engage la claie au fond. La jointure entre les bords supérieurs de la claie et les
bord inférieurs des côtés et des extrémités est protégée par une baguette clouée
le long des bords intérieurs et inférieurs des côtés et des extrémités de façon à
faire sallie. Cette baguette fait saillie sur une distance d'un pouce environ, vers
le bas à l'intérieur de la claie.
La couverture est légèrement en pignon; elle s'emboîte par-dessus les côtés
et les extrémités et est recouverte de papier à toiture pour rejeter l'eau. Il y a
aussi un trou d'un pouce dans chaque extrémité du toit pour permettre à l'air de
passer par-dessus le matelas supérieur à l'intérieur de la caisse.
Les mesures intérieures de la caisse quadruple, une fois montée, sont les
suivantes: longueur, 48 pouces; largeur, 41| pouces; profondeur, 30f pouces, et
le bois employé est de J de pouce d'épaisseur, mais on peut se servir de planches
plus minces. Cette caisse prend quatre ruches Langstroth à 10 cadres et celles-
ci peuvent avoir une chambre de nourrissement profonde par-dessus et laisser
13.
—Caisse pour Quatre Ruches.—
&e bourre a crr-
a/*jsot/s et /o fesses
— Su/=>S*Q*?7- —
Planche I
25
encore de la place pour six à huit pouces de matériaux d'emballage surmontés
d'un espace d'air bien suffisant.
Le dessin ne montre pas de supports, mais on pourrait se servir d'un support
pour que la ruche ne repose pas sur le sol. Les supports de ruche employés
pendant l'été peuvent servir ainsi qu'il est indiqué aux figures 10 et 11.
La planche III représente une caisse à deux ruches faite sur le même plan
que la caisse quadruple. Les mesures intérieures de cette caisse sont les sui-
vantes: longueur 41J pouces; largeur, 28 pouces; profondeur, 32 pouces. Le bois
employé est de J de pouce d'épaisseur. Le toit de cette caisse est plat; c'est
pourquoi cette caisse est faite un peu plus profonde de façon à laisser un espace
d'air par-dessus le matelas supérieur et des trous d'air dans le bord supérieur
des côtés plutôt que dans le toit en pignon ainsi qu'il est présenté à la planche IL
&"or*rha"3
Planche II. — Caisse quadruple.
La planche n° IV représente la ruche ou caisse Kootenay qui est employée
en Colombie-Britannique. Elle consiste d'un plateau de ruche emballé perma-
nemment et d'une série de hausses. Une seule de ces hausses est présentée dans
le dessin, mais il en faut deux si l'on hiverne dans une chambre à couvain et au
moins trois si l'on hiverne dans des chambres à couvain doubles. Cette caisse
est en réalité une ruche emballée à demeure, car il est rare qu'on en enlève les
colonies pendant l'été. En dehors de la Colombie-Britannique, le genre de ruche
emballée à demeure le plus employé est celui qui est présenté à la figure 9.
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ENTRÉE SUPÉRIEURE POUR L'HIVERNAGE
( )n a pris beaucoup d'intérêt en ces dernières années à l'emploi d'entrées
supérieures pour l'hivernage des abeilles. Le plan généralement employé est de
mettre les entrées au pied de la ruche, mais beaucoup d'apiculteurs de marque
se servent presque exclusivement de l'entrée supérieure. Nous avons fait l'essai
de différents types d'entrées supérieures en ces dernières années au rucher de la
ferme expérimentale centrale, à Ottawa. Nous avons employé au total dans ces
essais 55 colonies en caisses simples, doubles et quadruples. Nous n'avons perdu
que quatre des colonies, mais cette perte résultait d'autres causes. Tous les prin-
temps, les colonies à entrées supérieures avaient au moins une force égale à
celles qui avaient été hivernées avec des entrées inférieures, mais la différence
sous ce rapport n'est pas encore suffisante pour que l'on puisse recommander un
type d'entrée de préférence à l'autre. Il y a cependant deux avantages en faveur
de l'entrée supérieure: il n'y a pas d'entrées bouchées par les cadavres d'abeilles,
de neige et de glace, et les souris ne peuvent plus s'introduire dans la ruche. Nous
faisons de nouvelles recherches sur ce type d'entrée.
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(j? nécessaire .)
Planche III. — Caisse double d'hiver.
CONDUITE DU RUCHER AU PRINTEMPS
Les abeilles hivernées dehors peuvent profiter de la première récolte de
nectar et de pollen dès que la température est favorable, tandis que celles qui
sont hivernées en cave ne peuvent le faire que lorsqu'elles sont replacées sur leur
support d'été. Il est généralement admis que les ruches hivernées en cave ne
devraient pas être sorties de la cave tant qu'il n'y a pas de pollen et de nectar
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à butiner au printemps. Une bonne indication du moment où elles peuvent être
sorties est l'apparition du pollen jaune sur les saules; on peut se régler sur le mo-
ment où les abeilles hivernées dehors commencent à rentrer de nouvelles provi-
sions, si on a eu l'occasion de les voir. Dans bien des endroits, il est avantageux de
donner quelque protection lorsqu'elles sont sorties de la cave, mais à Ottawa où
le printemps se réchauffe assez vite dans les saisons normales, on n'a pas trouvé
que cela était nécessaire. Il est nécessaire cependant.de bien abriter les abeilles
pendant le temps froid et des couvercles rembourrés sur les ruches sont utiles.
CAISSE KOOTENAY À RUCHE UNIQUE
Planche IV
On doit sortir les abeilles de la cave le soir, de grand matin ou par une
journée sombre, où il y a peu de chance qu'elles volent immédiatement. Il y a
ainsi moins de risques qu'elles errent d'une ruche à l'autre. Il faut boucher les
entrées de la ruche lorsqu'on les sort. On enlèvera ce bouchon temporaire dès
que les ruches sont placées sur leur support d'été, puis on réduira les entrées à
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deux pouces environ afin de conserver la chaleur de la colonie et d'empêcher le
pillage. S'il y a des ruches dont toute la population est morte, on en bouchera
complètement les entrées, pour prévenir le pillage et la propagation des maladies.
Fig. 12.— Bourre en sacs pour le dessus. Caisse prête à être fermée pour l'hiver.
Fig. 13.— Rucher de M. J. Tissot. Ottawa. M. Tissot hiverne ses abeilles dans des ruches à
parois doubles et les protège par un bon brise-vent.
On peut examiner les colonies à la première journée chaude, lorsque les
abeilles volent librement. Celles qui ont moins de quinze à vingt livres de pro-
visions devraient recevoir du sirop de sucre, composé de parties égales de sucre
et d'eau. Ne transportez jamais du miel d'une ruche à l'autre, à moins que le
rucher n'ait pas de maladies et ne donnez jamais de miel d'origine inconnue.
Un bon apiculteur a rarement à nourrir au printemps; il nourrit suffisamment en
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automne. Les colonies qui n'ont pas de reines ou dont les reines sont bourdon-
neuses devraient être unies à d'autres colonies qui ont des reines fécondes. Tou-
tefois, si ces ruches ont une nombreuse population et que l'on peut, en quelques
jours, se procurer de nouvelles reines, on aura avantage à leur fournir des reines.
Toutes les reines bourdonneuses devraient être remplacées immédiatement. Il est
toujours utile d'hiverner quelques reines de rechange dans des ruches doubles
parce que l'on peut s'en servir pour sauver des colonies nombreuses dont la reine
a disparu, ou a perdu sa fécondité, ou est devenue bourdonneuse. On peut
sauver des colonies très faibles ayant une reine en la mettant par-dessus des
colonies fortes avec un chasse-reine entre les deux pendant quelques semaines ou
on peut aussi les renforcer en y ajoutant des abeilles en paquets.
Il est bon d'attendre pour faire ce premier examen qu'il y ait eu quelques
journées de temps favorable et que le nectar rentre librement. Pendant leur
premier vol après l'hiver, les abeilles des différentes ruches se mélangent beau-
coup, surtout si de grands vents soufflent à travers le rucher et lorsque la ruche
contient un grand nombre d'abeilles étrangères et qu'il ne rentre pas de nectar, la
reine pourrait être attaquée, entourée et peut être tuée si on ouvrait la colonie.
On peut aussi mieux s'apercevoir de la présence d'une reine féconde si l'on attend
pour faire l'examen que le couvain soit operculé. Enfin, si l'on faisait l'examen
trop tôt, il y aurait beaucoup plus de danger de refroidir le couvain. On peut
examiner les abeilles hivernées dehors lorsqu'elles sont encore dans leurs caisses.
FlG. 14. — Caisse Kootenay montée.
(Par courtoisie de l'apiculteur provincial,
Colombie-Britannique)
Les abeilles ont besoin de grandes quantités d'eau au printemps lorsque
l'élevage du couvain est en marche et s'il n'y a pas d'eau auprès du rucher, il
faut leur en fournir dans un endroit abrité dans le rucher pour qu'elles ne soient
pas obligées d'aller au loin pour en trouver.
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Il cet inutile de faire un deuxième examen avant deux ou trois semaines, si
le temps ne se réchauffe pas rapidement et si le nouveau nectar et le pollen ne
sont pas abondants. On s'assurera à ce deuxième examen: (1) que la reine
agrandit le nid à couvain de façon normale et qu'elle a suffisamment de place
pour tous les œufs qu'elle peut pondre; (2) que les abeilles ont toute la nour-
riture nécessaire et toute la place voulue pour rentrer le nectar; (3) qu'il n'y a
pas de maladies du couvain; on peut les découvrir plus aisément à ce moment
que lorsque la ruche est remplie d'abeilles. Si l'on soupçonne la présence de
maladies, appelez l'inspecteur du rucher le plus proche, ou envoyez un spécimen
du couvain suspect à la Division de l'apiculture, Ferme expérimentale centrale,
Ottawa, ou à l'apiculteur provincial pour le faire examiner.
RÉSUMÉ
Pour conclure, répétons que le bon hivernage des abeilles au Canada est une
des conditions de succès les plus importantes dans l'apiculture canadienne. Les
hivers sont généralement longs et rigoureux sur la plus grande partie de notre
pays, et c'est pourquoi il est nécessaire de fournir aux abeilles les conditions
voulues pour que leur vie puisse se prolonger au delà de la période normale. Pour
qu'elles puissent résister à l'hiver long et froid, il faut tout d'abord (1) que les
ruches soient bien remplies de jeunes abeilles au commencement de l'hiver, (2)
qu elles aient une abondance de provisions saines pour durer jusqu'au printemps,
et (3) qu'elles soient suffisamment protégées pour qu'elles ne gaspillent pas leur
énergie et leur vie dans la production de la chaleur. Voici en peu de mots les
moyens à prendre pour obtenir ces conditions:
Fig. 15. — Rucher emballé dans des caisses Kootenay.
(Par courtoisie de l'apiculteur provincial, Colombie-Britannique.)
1. Chaque colonie doit avoir à sa tête une reine féconde au moins six à huit
semaines avant la cessation normale de l'élevage du couvain en automne.
2. En automne, avant que les abeilles se forment en grappe pour l'hiver, on
leur donnera au moins 40 livres de miel de la meilleure qualité ou 40 livres du
meilleur sucre blanc, dissous pour faire un sirop, (deux parties de sucre dans une
partie d'eau).
3. Pour l'hivernage en plein air, les abeilles seront emballées dans des caisses
au commencement de l'automne et pour l'hivernage en cave, elles seront rentrées
avant l'arrivée des grands froids.
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4. Les caisses pour l'hivernage en plein air seront assez grandes pour con-
tenir suffisamment de matériaux d'emballage entre les ruches et les parois de la
caisse, et elles seront assez étanches pour que ces matériaux ne se mouillent pas.
5. Le rucher doit être protégé par un bon brise-vent pour l'hivernage en
plein air.
6. La cave où les abeilles sont hivernées doit être bien protégée contre les
températures extérieures pour que la température puisse s'y maintenir entre 45
et 50 degrés F.
7. Il faut aussi que la cave soit sombre, assez sèche et pourvue d'un bon
système de ventilation.
8. Une fois que les abeilles sont mises dans leurs quartiers d'hiver, il ne
faut plus les déranger.
9. Les abeilles hivernées en cave seront laissées dans la cave jusqu'à ce
qu'il y ait du nectar et du pollen au printemps; les caisses hivernées en plein
air seront laissées dans leurs caisses jusqu'à ce que le temps se soit mis au beau
et au chaud.
Ottawa: J.-O. Patenaude, O.S.I., Imprimeur de Sa Très Excellente Majesté le Roi, 1940.