Sb
L'IMAGE DU MONDE
L IMAGE DU MONDE
DE MAITRE GOSSOUIN
Rédaction en prose.
Texte du Manuscrit de la Bibliothèque Nationale
Fonds Français N° 574
Avec corrections d'après d'autres manuscrits
Notes et Introduction
par
O. H. PRIOR
Docteur es lettres.
LAUSANNE et PARIS
LIBRAIRIE PAYOT & Cie
1913
AUG 6 - 1997
INTRODUCTION
Les œuvres didactiques du moyen âge en France, quoique très nom-
breuses, s'exposent en général à une critique inévitable : le sujet dont elles
traitent est d'ordinaire trop restreint. Le grand Lapidaire de Marbode, le
Bestiaire de Philippe de Thaon s'occupent d'histoire naturelle. Il y a les
ouvrages qui traitent d'Astronomie, de Physique ou de Géographie. Dans
la plupart, le sujet, tout en s'y prêtant fort peu, donne lieu à des morali-
sations à perte de vue : le traité scientifique sert de prétexte au traité reli-
gieux.
Mais les ouvrag-es d'ensemble en langue vulgaire sont rares : chose
d'ailleurs assez naturelle, car, l'étude approfondie des sciences étant ré-
servée aux clercs, ces encyclopédies étaient écrites en latin. C'est ainsi que
nous possédons les grands ouvrag-es de Neckam, d'Albert le Grand, de
Vincent de Beauvais.
Il y avait donc place au XIIIme siècle pour une œuvre contenant, sous
une forme à la portée de tous, la somme des connaissances du temps.
Cette place, Ylmage du Monde l'a remplie.
Il est inutile de discuter la valeur scientifique de cet ouvrage : à notre
point de vue, il n'a qu'un intérêt historique. Mais certainement, dès son
début, il a répondu à un besoin général. Le nombre d'éditions1 en fran-
çais, le nombre de traductions, les plagiats même, tout nous le prouve.
Contant d'Orville 2 définit Ylmage du Monde comme un ouvrage écrit au
moyen âge pour amuser les dames : il n'en a guère compris la valeur au
XIIIme siècle.
L'auteur a su donner à ses contemporains un aperçu complet des
sciences. Il traite de cosmogonie et de théologie sans que son ouvrage soit
une simple traduction de sources latines ; mais on peut y reconnaître néan-
moins l'influence directe des théologiens de l'époque. Nous retrouvons la
trace de plus d'un auteur bien connu dans la partie géographique ; et
l'œuvre se termine par un traité d'astronomie très simple et très clair dont
les écrivains classiques ont fourni la base.
* Cf. p. il.
2 Contant d'Orville. Mélanges tirés d'une grande bibliothèque (Paris 1780), t. 4, p. 59.
1
2
Pour être à même de faire usage de sources si variées, l'auteur devait
se trouver dans un centre favorable à ses travaux.
Au XIIIme siècle, Metz était un vrai milieu intellectuel : on y cultivait
les sciences et les arts ; les maisons religieuses y étaient nombreuses et
florissantes ; des sociétés s'y formaient pour la lecture de la Bible l. Tout
pouvait aider à la composition d'un ouvrage encyclopédique.
Les preuves ne nous manquent pas que là fut composée et écrite
Y Image du Monde.
Une étude des rimes a permis à Haase2 de constater l'emploi du dia-
lecte lorrain par l'auteur.
Celui-ci montre de plus une connaissance intime des environs de Metz.
Il parle des salines de Vie3 et des bains de Plombières4. Il écrit à la suite
d'une vie de saint Brandan5 :
A Saint Ernol, une abeïe
De moines noirs qu'est establie
Droit devant Mez en Loherraine,
Trovai ceste istoire ancienne6.
De nos jours, le succès d'un ouvrage se juge par le nombre de ses édi-
tions ; nous n'avons aucune raison de douter qu'il en fût de même au moyen
âge. Comme nous l'avons dit, M Image du Monde répondait à un besoin ;
aussi les rédactions se succédèrent.
Première rédaction en vers. — En 1240 7 a été composée la pre-
mière rédaction de 0594 vers. Nous en connaissons 53 manuscrits8.
Presque tous possèdent les deux traits distinctifs suivants : Le texte est
1 Neander : General Wslory of Christian religion and Church (tr. J. Torrey. Bohn's
Library. 1851-58) t. 7, p. 449.
2 Haase : Untersuchung iiber die Reime in der Imaje du Monde (Halle 1879).
s F» 82 C.
4 F° 80 a.
5 Fant : L'Image du Monde (Upsala 1886) p. 7.
6 Ces vers se trouvent dans les manuscrits de la seconde rédaction.
7 1245 vieux style.
8 La liste la plus complète des manuscrits de l'Image du Monde nous est donnée par
Grand. Il mentionne 51 manuscrits de la première rédaction en vers*. A cette liste nous
pouvons ajouter : Sainte Geneviève 2200 ; Modène n° 32 (XII .C, 7) ** ; British Muséum,
Sloan2435. Le manuscrit Barrois 1 71 de Ashburnam Place a été acheté, à la vente de cette
bibliothèque, par Quaritch de Londres (v. E.-D. Grand, dans Ecole Nationale des Chartes.
Positions de thèses par les élèves de 1885 p. 81-84 ; aussi E.-D. Grand. L' Image du
Monde. Recherches sur le classement des manuscrits de la première rédaction, dans la
Revue des langues romanes, 4e série, VII (1893-94), p. 1-58).
Le manuscrit Caius Collège, Cambridge, no 384, que Grand mentionne parmi les
manuscrits de la première rédaction, fait vraiment partie de la seconde (v. P. Meyer, Les
manuscrits français de Caius Collège, dans Romania XXXVf, p. 517).
" V. sur ce manuscrit : Camus, Notices et extraits des manuscrits français de Modène,
dans la Revue des langues romanes t. XXXV (1891), p. 203-2H.
— 3 —
divisé en trois livres ; la date est répétée deux fois, au vers 6124, et au
vers 6584-
Date de la première rédaction. — L'auteur est même plus précis
dans ce dernier cas; il a, nous dit-il, terminé son travail le six janvier :
En l'an de l'incarnation
As rois a l'aparition
M.CCXLV. anz
Fu premiers parfaiz cist romanz l.
Des différences de dates dans certains manuscrits s'expliquent par des
erreurs de copiste. Ainsi au vers
M.CCXXV. anz 2
il manque deux syllabes : c'est une simple bévue qu'aucun argument ne
saurait justifier. Les dates 1246 3, 1247* d'autres manuscrits ne se trouvent
qu'au vers 6124, et sont corrigées par le vers 6584.
De tout temps, les scribes ont attaché peu d'importance aux chiffres.
Sauf les noms propres, rien n'est plus variable, dans les manuscrits, que
les dates et les calculs. Dans ce cas-ci la mesure du vers est venue à notre
aide ; mais plus tard, lorsqu'il s'agira de mesurer les distances, nous
aurons à surmonter des obstacles bien plus sérieux, presque chaque ma-
nuscrit offrant une leçon différente.
Certaines informations nous aident à confirmer la date, 1246 5. Les
passages suivants sont instructifs à cet égard.
Le premier se trouve f° 25 d de notre édition :
Si resont en France unes autres gens qui en nostre tens i (en la cité de Paris)
sont venu. Ce sont frères meneur et jacobins.
Les Dominicains (fratres majores) ne reçurent le nom de «jacobins »
qu'en 1218, époque où ils s'établirent dans une maison de la rue Saint
Jacques G.
Dans un second passage qui fait partie d'un manuscrit de Londres 7,
l'ouvrage est dédié au comte Robert d'Artois, frère de saint Louis, qui fut
tué à la bataille de Mansourah le 8 février i2Ôo.
Voilà donc la composition de Ylmage fixée à une date entre 1218 et
1250, soit dans la première moitié du siècle.
1 Fant, o. c. p. 5.
"2 Bibl. Nationale, manuscrit fonds fr. 2480 (v. Fant, o. c. p. 6).
• Bibl. Nat., manuscrits fonds fr. 14963 et 1553 (v. Fant, o. c. p. 6).
4 Bibl. Nat., manuscrits fonds fr. 1669 et 1548 (v. Fant, o. c. p. 6).
s 1245 (v. s.).
6 V. Bourgeat, Etudes sur Vincent de Beauvais (Paris 1856), p. 17.
7 Manuscrit Harley 4333 du Musée britannique, f° 5 a.
Enfin par un calcul basé sur 12^5, l'auteur lui-même nous permet de
vérifier ses renseignements. Pour nous donner une idée de la distance du
ciel à la terre, il écrit1 :
Si li premiers que Diex fist onques, ce fu Adam, i (i. e. au ciel) fust touz
jours alez dès lors qu'i fu premièrement faiz et criez, et fust alez .XXV. milles
chascun jour, ne fust il pas enquores la ; ainz eùst enquores a aler par .VII.C. et
.XIII. anz, dès lors qu'Adans li premiers hons fu faiz, quant premièrement fu
parfaiz cis livres : ce fu a l'Aparition, en l'an M.CC.XLV- anz.
Gomme nous le prouvons plus loin 2, le calcul est parfaitement correct
et confirme la date, 12^5 (v. s.).
Seconde rédaction en vers. — Après un intervalle de deux ans à
peine, en 1248 s, une seconde rédaction refondue est composée, augmentée
d'environ quatre mille vers, et divisée en deux parties seulement. Fant en
a fait une étude spéciale.
Nous en connaissons dix-neuf manuscrits4 qui tous contiennent, après
une Vie de saint Brandan, les vers suivants :
En .IX. jorz de marz l'ai parfait
Mil .CC. anz .XL. et .VII.
Date de la seconde rédaction. — Gomme on le voit, la date est ici
confirmée par les nécessités de la rime. L'auteur n'hésite pourtant pas à
répéter à la fin de son ouvrage le vers du poème original :
Mil .CC. XLV ans.
1 Chapitre 17 de la IIIe partie, f° 129 b.
2 Cf. p. 53,s.
3 1247 vieux style.
4 Grand mentionne seize manuscrits de la seconde rédaction (v. E.-D. Grand, dans
Ecole Nationale des Chartes. Positions de thèses par les élèves de 1885, p. 81-84 ; et
dans Ecole Nationale des Chartes. Positions de thèses par les élèves de 1886. p. 83-88).
Le manuscrit Caius Collège 384 est de la seconde rédaction, et non pas de la pre-
mière, comme le dit Grand. Il faut donc l'ajouter à cette liste ci (v. p. 2, n.8*).
On connaît de plus : Stuttgart, poet. 16 (v., sur ce manuscrit, un article dans Sera-
peum [Leipzig, 1848] vol. IX p. 116), et Cheltenham, Phillipps 3655. P. Meyer a fait une
étude spéciale de ce dernier manuscrit, de celui de la Bibliothèque Nationale, fr. 14961,
contenant une interpolation provençale ; et enfin du manuscrit du Musée britannique
Harley 4333. Quoique ce dernier se distingue sous certains rapports de tous les autres
manuscrits, nous le joignons à la liste de la seconde rédaction dont il possède tous les
traits distinctifs. Nous revenons plus loin (p. 5 n. 1) sur ce manuscrit important.
(V. sur le manuscrit Phillipps : P. Meyer, dans Romania XV (1886) p. 236-357, 643 ;
Romania XXI (1892) p. 299, 481-805; aussi dans Notices et extraits des manuscrits de la
Bibl. Nat. (1891) t. 34, p. 149-259. — E.-D. Grand dans la Revue des langues romanes
(janvier-mars 1893) t. 37. V. sur le manuscrit fr. 14961 : P. Meyer, dans le Bulletin de
la Société des anciens textes français (1909) p. 46-60. — V. sur le manuscrit Harley 4333 :
P. Meyer, dans Romania XXI (1892) p. 481-505 ; Gh.-V. Langlois, La connaissance de la
nature au moyen âge (Paris 1911) p. 59 s.
Théorie de Langlois sur les dates de l'Image du Monde. — Jus-
qu'ici les dates de Y Image du Monde n'ont paru offrir aucune difficulté.
Mais dernièrement Langlois, dans son ouvrag-e sur la Connaissance de la
nature au moyen âge, a proposé une théorie qui complique singulière-
ment les choses.
Cette théorie est basée sur le prologue exceptionnel du manuscrit Harley
4333, et plus particulièrement sur le passage suivant :
Fo ia. En l'an de l'Incarnacion
Jhesu, nostre rédemption,
mil .CC. ans qarante sis
fui d'un livre faire pensis
de tote Tymage del monde1.
1 Ce manuscrit a tous les traits caractéristiques de la seconde rédaction ; il ne s'en
distingue que par son prologue et par quelques passages qui manquent. Mais l'ordre des
chapitres est le même et l'ouvrage est divisé en deux parties seulement.
Paul Meyer a étudié ce manuscrit (v. Romania XXI [1892] p. 481). Pour lui, Harley
représente une étape intermédiaire entre la première et la seconde rédaction. Langlois
(o. c. p. 63) y voit « une troisième rédaction postérieure aux deux autres, puisqu'elle les
mentionne, mais dont il n'y a aucun moyen de déterminer la date. »
L'opinion de P. Meyer sur ce point, comme sur celui de la date, nous semble avoir en
sa faveur des arguments bien plus concluants que ceux de Langlois. Ce dernier fait
observer qu'il y a plusieurs lacunes dans le manuscrit ; d'où il conclut que l'auteur a sim-
plement supprimé quelques digressions, en vérité trop amples, de la seconde rédaction.
Pourtant l'argument contraire semble être tout aussi plausible et bien plus d'accord
avec les faits. Selon nous, la rédaction représentée par Harley est antérieure à la seconde
rédaction. Par conséquent les passages qui manquent n'ont pas été omis : ils ne se trouvent
pas dans le manuscrit de Londres, simplement parce que l'auteur n'avait pas à sa disposi-
tion certains matériaux qu'il ne s'est procurés que plus tard ; en voici la preuve : Dans la
seconde rédaction, l'auteur fait deux fois allusion à un voyage entrepris par lui-même.
Nous citons d'après Langlois (o. c. p. 56) :
... fors uns dont je trouvai la Vie
En la cité d'Acre en Surye
En un livre qui le devise
Que je trovai en une eclise
D'ancienne religion
Qui apent a Monte Syon.
Mère Eclise en Jérusalem.
La « vie » dont il s'agit est la légende de Seth au Paradis terrestre qui occupe
314 vers.
Dans un second passage, l'auteur décrit la Sicile et le Mont Gibel (l'Etna) ; il nous fait
part de ses impressions lors de son ascension du volcan (Langlois, o. c. p. 57) :
Je, qui cest livre fis ici,
Gelés .11. monteignes je vi
Et montai en son la plus grans
Pour veïr ce qu'ist de leans.
La bouche vi de la fumée
Qu'adès fume sanz reposée...
Or, ce sont là précisément les deux passages qui manquent à Harley, de même qu'ils
manquent à la première rédaction et à celle en prose.
Gela nous semble être une preuve conclusive que l'opinion de P. Meyer est celle qu'il
faut adopter, et que Harley représente en effet un état encore imparfait de la seconde
rédaction, une édition antérieure aux voyages de l'auteur.
Selon Lang-lois (o. c. p. 02), la date 12/^6 (v. s) se rapporte à la première
rédaction qui a été terminée le 6 janvier i2^j (v. s.) ; la date de la seconde
rédaction est inconnue, et de même celle du manuscrit Harley.
Le savant critique admet que la leçon i2$5 est fortement garantie par
la grande majorité des manuscrits et par Yexplicit des manuscrits de
toutes les rédactions. Cependant il écarte cette date pour la seule et unique
raison que Harley mentionne 12^6 comme étant l'époque où le plan de
Y Image du Monde lui est venu à l'esprit *.
Il paraît pourtant évident que le vers cité (fui d'un livre faire pensis)
se rapporte simplement à la rédaction du manuscrit Harley lui-même qui dif-
fère tellement, soit comme plan, soit comme matière, de la première rédaction.
Lang-lois 2 attribue Yexplicit commun à tous les manuscrits de toutes
Langlois nous dit qu'il trouve dans le manuscrit de Londres la mention de deux rédac-
tions. Il cite à ce propos le passage suivant (Langlois, o. c. p. 60, 62, 63) :
F0 5 a : Mes ne sui pas si toz senez
Ce ne fu 'I* sols hom gentils,
Fils de roi prodom et sutils,
Frères au roi Loys de France
Qui conquist lo fer et la lance
La corone Deu et la Croix,
C'est li contes Robers d'Artois.
A CELUI LO DONA PREMIERS,
Car il aprenoit volentiers.
Et APRÈS FIS LO SECONT MEZ
A l'avesque Jake de Mez,
Frère lo duc de Loheregne,
Mon evesque et signor demeine.
Nous avons déjà eu l'occasion, plus haut (p. 3), de mentionner Robert d'Artois. Quant
au frère du duc de Lorraine, il a été évèque de Metz de 1239 à 1260.
Selon Langlois, la dédicace au frère de saint Louis se rapporte à la première rédac-
tion ; la dédicace à Jacques de Metz, à la seconde. Il n'y a rien là qui soit incompatible
avec notre théorie des dates, car Robert dArtois vivait en 1246 ; ainsi la première rédac-
tion aurait parfaitement bien pu lui être dédiée alors.
Mais après tout pourquoi s'efforcer de trouver un sens caché dans les lignes
de notre auteur lorsqu'une explication fort simple peut résoudre toutes les difficultés? Nous
savons qu'au moyen âge dédier successivement à plusieurs patrons le même ouvrage
n'avait rien d'extraordinaire. Langlois lui-même (o. c. p. 60) en cite un exemple frappant:
le cas de la double dédicace de Philippe de Thaon à deux reines d'Angleterre.
V Image du Monde nous offre donc un cas parallèle et, selon nous, l'auteur dédie à
Robert d'Artois et à Jacques de Metz non pas deux rédactions successives, mais un seul
et même ouvrage : la rédaction représentée par le manuscrit Harley 4333.
1 A l'appui de sa théorie, Langlois cite P. Mcyer qui, nous dit-il, qualifie la leçon
1245 d'isolée et sans valeur (o. c. p. 50).
Ce sont en effet les propres termes de P. Meyer, tels qu'on peut les lire dans Romania,
XXI (1892), p. 503. Mais dans cet article le savant critique traite du manuscrit Phillipps,
de Cheltenham, manuscrit de la seconde rédaction à laquelle la date 1245 ne s'applique
évidemment pas.
P. Meyer n'avait aucune intention de généraliser puisqu'à la page 482 du même article
il dit en tout autant de termes que la première rédaction date de 1246 n. s. (i. e. 1245
v. s. dans les manuscrits).
La citation est donc plutôt un argument contre la théorie de Langlois.
- Langlois, o. c. p. 50, 51 n.
— 7 —
les rédactions à un simple copiste dont l'influence a conduit à contaminer
la vraie date, 12^7, au ch. 17 du livre III, et sur ce point il cite Fant1. Le
critique suédois n'exprime cependant aucun doute sur la date, 1%45 (v. s.).
Quant au copiste, auteur supposé de Yexplicit, c'est gratuitement que
Langlois l'accuse d'avoir mal lu son original et d'avoir mis 12^5 au lieu
de 1247.
D'ailleurs nous nous expliquons mal pourquoi les copistes des manus-
crits de la première rédaction seule se seraient laissé influencer par cette
date, 1240, au point de l'introduire au ch. 17, tandis que ceux de la seconde
rédaction, apparemment plus rétifs, maintiennent i24y dans le texte, et
1245 à Yexplicitt?
Enfin, selon Langlois (o. c. p. 59), la date si précise du 9 mars (1247),
qui se trouve dans Harley 4333 aussi bien que dans les autres manuscrits
de la seconde rédaction, ne doit s'appliquer qu'au long fragment de
1740 vers sur les voyages de saint Brandan. Cette conjecture n'enlève pas
sa valeur à la date i24y.
En résumé la théorie de Langlois peut paraître séduisante ; mais pour
l'admettre il faut 1° nier sans raison sérieuse la date 1245 (v. s.), 2° faire
preuve d'incrédulité en repoussant le témoignage de tous les manuscrits de
toutes les rédactions, à quelques exceptions près, et 3° refuser d'admettre
les calculs mêmes de l'auteur qui confirment la date 1245.
De nos arguments précédents, les conclusions correctes se dégagent,
semble-t-il, d'elles-mêmes : 1° L'auteur de Y Image du Monde termine sa
première rédaction le six janvier 1245 (v. s.). — 2° Il conçoit Vidée
d'une seconde rédaction refondue et considérablement augmentée en 1246
(v. s.). — 3° Il en termine en i24j (v. s.) une rédaction intermédiaire
qui nous est connue par le manuscrit Harley 4333. — 4° Comme résultat
de ses voyages en Sicile et en Syrie, il ajoute quelques passages à son
ouvrage et produit ainsi la seconde rédaction complète : celle-ci a vu le
jour après la composition du manuscrit Harley.
Rédaction en prose. — Comme ouvrage d'éducation Y Image du Monde
en vers devait avoir un grand avantage : sa forme même était une aide à la
mémoire.
Nous sommes donc étonnés de voir paraître une troisième rédaction,
1 Fant, o. c. p. 37.
2 De même, avec une unanimité déconcertante, les scribes de la première rédaction
prennent comme base de leurs calculs sur le voyage d'Adam de la terre au firmament (cf.
p. 4) l'année 1245, les scribes de la seconde rédaction, 1247. Langlois (o. c. p. 110 n.)
pense que, pour ce passage, les manuscrits adaptent simplement leurs calculs au change-
ment fictif de date.
Nous sommes prêt à croire que l'auteur lui-même a refait ce calcul à deux reprises ;
mais il semble bien peu probable que de simples copistes aient fait de même dans le cas de
chaque manuscrit.
cette fois-ci en prose. Toutefois le succès a justifié l'auteur : c'est cette
dernière version qui a été traduite en différentes langues ; le premier livre
illustré imprimé en Angleterre, c'est Ylmage du Monde en prose ; et c'est
elle enfin dont nous offrons l'édition.
Date de la rédaction en prose. — Neubauer1, décrivant les manus-
crits hébraïques de Ylmage, en vient à la conclusion que la traduction a
été faite d'après un manuscrit en prose, vers 1280, c'est-à-dire quelques
années seulement après la composition du manuscrit original de 1240
(n. s.).
La question de la date de notre rédaction en prose est si intimement
liée à celle de l'auteur qu'il est impossible de les séparer. Nous devons
donc anticiper en partie sur un chapitre à venir pour prouver la thèse sui-
vante : La rédaction en prose a été composée, peut-être en 12^6 (n. s.)
mais certainement avant la seconde rédaction complète, par l'auteur
même de la première rédaction en vers.
Notre opinion est basée sur les faits suivants :
I. Trois des manuscrits de la rédaction en prose donnent le nom de
l'auteur; le seul manuscrit de la première rédaction en vers qui soit signé
nous donne le même nom.
II. Le chapitre sept de la seconde partie de Y/mage est traduit littérale-
ment d'un chapitre correspondant de Jacques de Vitry 2 ; l'ordre même
des matières est maintenu.
Mais dans la rédaction en vers il manque un passage qui évidemment
a paru obscur au traducteur. Dans la rédaction en prose, au contraire, ce
passage est traduit3, mais d'une manière absolument inintelligible.
Nous en concluons que l'auteur des deux rédactions (i. e. la première
rédaction en vers et la rédaction en prose) est le même, car il est peu pro-
bable qu'un remanicur quelconque se fût donné la peine de trouver la
source du chapitre et de le compléter en traduisant de son mieux le passage
omis dans la première rédaction. Mais pour l'auteur de l'original le cas est
différent : son chapitre n'est pas complet ; il y manque un passage, peu
important il est vrai, dont la difficulté lui a paru insurmontable en compo-
sant sa première rédaction ; sa vanité de traducteur est en jeu ; il se décide
à introduire le paragraphe dans sa rédaction en prose : avec quel succès,
nous l'avons vu.
Ajoutons qu'il s'agit ici d'une hypothèse dont le contraire est également
soutenable : le passage pourrait s'être trouvé dans l'original et avoir été
supprimé par un premier copiste. Il est évident que les deux points de vue
1 Neubauer, dans Romania V (1876) p. 129 s., 131 s.; cf. p. 11.
2 Jacques de Vitry, Historia Hierosolomitana (Douai 1597) ch. 93.
3 Pour ce passage et le latin correspondant, voir f° 75 c note.
— 9 —
ont une valeur absolument égale en tant qu'ils reposent tous deux sur une
supposition.
Il n'y a rien d'étonnant à ce que le passage manque aussi dans la seconde
rédaction en vers. Car si l'auteur des deux rédactions en vers est le même1,
il a dû réaliser son impuissance à rendre le passage d'une manière intelli-
gible et l'avoir par conséquent définitivement omis ; ou bien l'auteur de la
seconde rédaction en vers n'est pas le même que celui de la première, et
dans ce cas il n'a pas eu à se préoccuper d'un passage qui ne se trouvait
pas dans son original.
III. L'original de la rédaction en prose a été écrit en Lorraine, tout
comme celui de la rédaction en vers2 : dans le texte de tous les principaux
manuscrits nous trouvons des traces du dialecte lorrain, traces qui doivent
être dues à l'auteur même, puisqu'elles se retrouvent dans les manuscrits
dont le copiste emploie un dialecte différent.
IV. Enfin, la rédaction en prose est antérieure à la seconde rédaction
complète, car il n'y est pas fait mention des voyages de l'auteur en Sicile et
en Syrie.
En résumé, nous voyons que l'auteur de la rédaction en prose signe
son ouvrage du même nom que celui de la première rédaction en vers,
qu'il emploie le même dialecte, qu'il se sert des mêmes sources, qu'il
complète même un chapitre par la traduction peu réussie d'un passage sans
importance et obscur pour lui, et qu'enfin il ne fait aucune mention de voya-
ges en Sicile et en Syrie, trait si frappant de la seconde rédaction complète.
Nous appuyant sur les faits précédents, nous pouvons, semble-t-il,
admettre l'identité de l'auteur de la première rédaction en vers et de la
rédaction en prose, et fixer la date de cette dernière à une époque entre 1246
et la composition de la seconde rédaction.
Il n'y a même aucun argument sérieux contre l'adoption de la date
mentionnée dans tous les manuscrits en prose : 12^5 (v. s.). La tâche de
l'auteur n'aurait certes pas été impossible : Caxton qui a traduit Y Image
en anglais nous informe qu'il a commencé son ouvrage le 2 janvier 1480
et qu'il l'a terminé le 8 mars de la même année8. Le dérimeur français
n'a guère dû prendre plus longtemps à compléter sa tâche que le traduc-
teur anglais. Ainsi notre auteur a aisément pu remanier son ouvrage entre
le 6 janvier 1246 et la fin de cette même année.
Rédaction en prose et première rédaction en vers. (Leur étroite
parenté.) — Sous un rapport surtout la rédaction en prose nous est pré-
" Cf. p. 14 s.
2 V. plus haut p. 2.
3 L'information de Caxton est intéressante, car, par elle, nous pouvons juger combien
de travail un homme était capable de faire en un temps donné au moyen âge.
— 10 —
cieuse : elle est absolument calquée sur la première rédaction en vers. Elle
est divisée en trois parties ; elle répète, comme d'ordinaire, à deux reprises,
la date 12^5 (v. s.). La reproduction du texte rimé est si fidèle que souvent
les rimes mêmes sont conservées, et nous n'avons aucune difficulté à
reformer les vers.
Gela seul fait de la rédaction en prose un instrument indispensable, à
défaut du manuscrit original en vers, pour une reconstitution parfaite du
poème.
Une comparaison des passages suivants montrera le peu de différence
qu'il y a entre les deux versions, et prouvera de plus, s'il y a jamais eu du
doute à cet égard, l'antériorité de la première rédaction en vers. Lés rimes
que l'on retrouve partout, à chaque page même, de la rédaction en prose
nous fournissent une preuve évidemment irréfutable : une simple coïnci-
dence ne saurait expliquer un phénomène pareil.
Manuscrit de la première rédaction.
Et fu de petite estature
Le dos corbé un po par nature ;
Et aloit la teste baissant,
Adès vers terre regardant l.
Mais les gens d'ore
Pansent ore plus a autre afaire
Por lor lasses piax grasses faire,
Que si tost vont a porriture,
Por lor vilaine norriture
Qui les livre a honteus essil.
Ensi ne faisoient pas cil,
Car ne querroient fors mangier
Tant qu'il peùsent alegier
Lor faim, por lor cors sostenir
Et lor vie en santé tenir -.
Prose, folio ug D.
Et fu de petite estature et un poi
courbés le dos par droite nature.
El aloit la teste baissant et regar-
dant devers terre.
Mes les genz qui orendroit sont
pensent plus a leur lasses pances
emplir et engressier, qui si tost
viennent a pourreture, por leur
norreture vilaine qui les livre a
painne et a honte. Cil ne faisoient
pas ainsi, car il ne queroient
menger fors seulement qu'il peù-
sent alegier leur fain, pour leur
cors soutenir et tenir en santé 3.
Gomme on le voit, le procédé de l'auteur est fort simple : il change à
peine les mots, les rimes se retrouvent presque toujours intactes. Mais les
inversions disparaissent ; quelques mots ajoutés donnent à la phrase l'appa-
rence voulue de la prose, tout comme dans le temps un emploi judicieux
de chevilles servait à bâtir nos vers latins.
Disons-le : V Image du Monde n'a rien gagné à ce changement, et,
quelle que soit la valeur du poème, nous ne réclamons pas une place bien
élevée pour ce dernier remaniement, dans la littérature française, même
1 Manuscrit cité par Fant (o. c. p. 25).
2 D'après Fant (o. c. p. 19).
^ F° 14 a.
— 11 —
dans celle du moyen âg-e. L'auteur s'est montré purement et simplement
un éducateur, mais non pas un styliste.
Dans ce cas, dira-t-on, pourquoi ne pas s'en tenir à une édition du
poème? La réponse est facile : la supériorité littéraire de la rédaction en
vers est plus que compensée par l'importance historique de la version en
prose ; car c'est par celle-ci que nous nous trouvons rattachés directement
à une des époques les plus intéressantes de la littérature ang-laise : l'époque
de Caxton et de l'introduction de l'imprimerie.
La version anglaise. — En 1480 Caxton traduisit Y Image du Monde
en anglais, et l'imprima à Westminster en y ajoutant des gravures sur
bois, chose inconnue en Angleterre jusqu'alors.
Grâce à de fréquents séjours à Brug-es, le célèbre imprimeur avait
acquis une connaissance parfaite de la lang'ue française. Son choix de
Y Image prouve l'importance de notre encyclopédie, même à cette époque.
Cet ouvrag-e obtint en Angleterre autant de succès qu'en France. Caxton
lui-même en a publié deux éditions 1. Un certain Lawrence Andrewe en
fit paraître une troisième à Londres en IÔ2J.
Imprimés français. — La rédaction française en prose a aussi été
imprimée deux fois à Paris : par Michel le Noir en 1501, et par Alain
Lotrian en 1520. Toutes ces éditions sont rares et ont une grande valeur 2.
Traductions hébraïques. — Outre la traduction en ang-lais , on
connaît une version de Y Image en judéo-allemand, et deux en hébreu qui
diffèrent sous certains rapports.
Neubauer 3 suppose que la traduction hébraïque a été faite en 1273 à
Malines par un Juif, Hagins, qui est peut-être le même que Haginus
Deulecret, grand-rabbin de Londres, où les Juifs français étaient nom-
breux.
Plagiat. — A titre de curiosité, mentionnons aussi le Mirouer du
1 Ces éditions ne sont pas datées, mais, d'après certains signes extérieurs et la compa-
raison avec d'autres imprimés de Caxton, on fixe généralement la date de la première
édition à 1481, et de la seconde à 1490.
Les exemplaires connus du Mirrour of the World (c'est ainsi que Caxton intitule sa
traduction) sont assez nombreux. Seymour de Ricci, dans son ouvrage si complet sur les
incunables de Caxton (A Census of Caœtons. Printed for the Bibliographical Society at
the Oxford University Press. 1909), mentionne 33 exemplaires de la première édition, et
1 9 de la seconde.
La Early English Text Society de Londres a sous presse une reproduction annotée
de l'édition de 1481, contenant les gravures sur bois de Caxton en fac-similé.
Cf. le chapitre sur la filiation des manuscrits, p. 18 s.
2 E.-D. Grand (o. c. Positions de thèses 1885) mentionne un exemplaire à Paris
<Bibl. Nat. impr. D. 3782. Rès.) et un à Oxford (Bodl. Douce. M. M. 483). Il faut
ajouter à cette liste : British Muséum 568. e. 16 (éd. de 1520), et 697. D. 22 (éd. de
1501).
3 V. A. Neubauer, dans Romania t. V (an 1876) p. 129-139, et dans l'Histoire Litté-
raire, t. XXVII p. 500 s. ; cf. p. 8.
— 12 —
Monde1, plagiat imprimé à Genève en 1517 2 chez Jaques Vivian. Un
certain François Buffereau, natif de Vendôme, après avoir légèrement
altéré le commencement et la fin de XJmaçje et un peu rajeuni la langue,
fit imprimer sous son nom la rédaction en vers qu'il prétend avoir com-
mencée en 1514 et finie en 1516 au château de Divonne.
Il augmenta ainsi la liste des candidats au titre d'auteur de notre ency-
clopédie.
L'auteur. — Laissant de côté notre plagiaire, nous nous trouvons en
présence de trois noms : Ornons, Gauthier de Metz et Gossouin, dont
aucun n'a laissé d'autre trace dans la littérature.
Cette question a été fréquemment traitée, entre autres par Fant, et plus
récemment par Langlois. Leurs conclusions sont en grande partie les mêmes
et sont maintenant généralement admises.
Ornons. — Des trois noms mentionnés , celui d'Omons a été écarté
d'emblée par tous les critiques. Il s'agit là seulement d'un scribe qui a
peut-être aussi composé un volucraire de médiocre valeur.
Ce nom ne paraît qu'une fois, dans un manuscrit de la première rédac-
tion 3 où se trouve le volucraire en question, écrit de la même main, et
signé aussi du même nom, Ornons.
Gauthier de Metz. — Gauthier de Metz a, jusqu'à présent, réuni le
plus grand nombre de suffrages. Il est donc à propos d'examiner ses titres,
car les histoires contemporaines de la littérature française lui attribuent
toutes sans exception la composition de X Image. Elles ont, il est vrai, en
leur faveur, toute l'autorité littéraire de P. Meyer.
Le nom n'est mentionné que dans une seule copie de l'encyclopédie : le
manuscrit Ducange, autrefois connu de Dom Calmet4, et retrouvé par
P. Meyer dans la bibliothèque Phillipps à Gheltenham 5 :
Le passage où se trouve cette mention importante est ainsi conçu :
Ghe sont les materes qui
sont contenues en cest
livre qui est appelés
le Mapemonde; si le
1 E.-D. Grand mentionne un exemplaire de ce plagiat à Paris (Bibl. Nat. impr. Y.
6143. A. liés.) (E.-D. Grand dans Pos. de thèses 1885).
Le Mireour du Monde, imprimé à Lausanne en 1846, n'a aucun rapport ni avec le
plagiat, ni avec aucune des rédactions de l'Image du Monde : c'est un ouvrage qui repro-
duit, d'après un manuscrit du XIVe siècle, de longs passages de la Somme le Roy.
2 Brunet {Manuel du libraire 5« éd,. vol. III, p. 1118, 1751) donne 1542 comme
date de l'impression. — V. aussi Catalogue de La Val Hère t. I p. 62 et t. II p. 198-201.
3 Bibl. Nat. fonds fr. 24428.
4 Dom Calmet, Bibliothèque lorraine (Nancy 1751) p. 406.
& P. Meyer, dans Notices et Extraits des Manuscrits t. XXXIV (1891) p. 149-259.
Id. dans Romania t. XXI (1892) p. 481-505, 299.
— 13 —
fist maistre Gautiers
de Mies en Lorraine, uns
très boins phyllosophes.
Le manuscrit contient tous les remaniements, toutes les additions, telles
que la vie de saint Brandan, distinctives de la seconde rédaction complète.
Il est divisé en deux parties, comme on pouvait s'y attendre, et ne se nomme
plus Y Image du Monde mais le Mapemonde. Le prologue est tout à fait
particulier à ce manuscrit, et la conclusion celle propre à la première
rédaction. Mais, à part ces quelques lignes, il est indiscutable que le texte
-entier est celui de la seconde rédaction.
En résumé, les droits de Gauthier reposent sur ce seul manuscrit de la
seconde rédaction qui, avant appartenu à Ducange, vu par Dom Cal met,
semble avoir attiré plus d'attention qu'aucun autre et avoir créé ainsi de
véritables droits d'auteur en faveur de Gauthier. Voilà ses titres. Compa-
rons-les maintenant à ceux de Gossouin.
Gossouin. — Tout d'abord nous voyons là un bon nom germanique,
tout comme celui de Gauthier, dont la présence en Lorraine n'aurait rien
d'étonnant. Même à Bruges, au XVme siècle, on trouve un scribe nommé
Gossein établi au-dessus du porche de Saint Donat.
Le nom nous est parvenu sous quatre formes différentes, mais où l'on
peut, sans difficulté, reconnaître une origine commune : Gossouin, Gos~
sonin, Gosson, Gosoyn. Gomme le dit V. Le Clerc lui-même1, les erreurs
■de copistes sont fréquentes, surtout dans le cas des noms propres, et ces
variations n'ont rien d'extraordinaire.
Gosoyn est indiqué comme auteur dans un manuscrit apparemment
égaré de nos jours, mais vu par V. Le Clerc, qui nous fournit ainsi un de
nos plus précieux arguments. Il est à propos de reproduire ici, in extenso,
•ce paragraphe important de son article sur Y Image du Monde :
« Un manuscrit in-folio, qui nous a été communiqué à Paris, mais qui
ne s'y trouve plus, composé au XIVme siècle, de quarante-trois feuillets de
parchemin à deux colonnes, la plupart d'une quarantaine de vers, conserve
dans les derniers la date 12^5, quoiqu'il porte, au chap. 17 du troisième
livre, celle de i2^j. Mais nous devons remarquer surtout que, des copies
-en vers que nous avons pu voir, c'est la seule qui soit précédée de cette sus-
cription : « Ci commencent li chapitre du romanz maistre Gosoyn, qui
•est apelez y mage du monde. » Le style y est rajeuni et le sens quelque-
fois altéré.»
Les détails sont précis et définitifs : le manuscrit contient entre six et
sept mille vers, il est divisé en trois parties, la date est répétée au chap. 17,
1 V. Le Clerc, dans l'Histoire littéraire de la France t. XXIII, p. 327
— 14 —
livre trois, et à la fin * : ce ne peut être qu'un manuscrit de la première
rédaction. La date 12^7 au chap. 17 ne saurait diminuer la valeur des
faits : dans deux manuscrits 2 de la première rédaction la même erreur se
retrouve.
Les trois autres manuscrits où le nom de l'auteur est indiqué appar-
tiennent tous à la rédaction en prose, dont la proche parenté avec la pre-
mière rédaction a été démontrée plus haut8; ce sont : Bibl. Nat. fr. 5y4>
qui donne Gossouin; fr. 25344, Gossonin; Bruxelles, Bibl. Roy. g822f
Gosson.
D'autre part, la seconde rédaction en vers est, sous beaucoup de rap-
ports, un ouvrage absolument distinct et original.
Les arguments en faveur de Gossouin semblent être concluants. Nous
n'hésitons pas à mettre son nom en tête de la rédaction en prose, choisis-
sant, de préférence aux autres, la forme indiquée par le manuscrit dont
nous offrons le texte.
Nous sommes persuadé qu'il a, de même, droit au titre d'auteur de la
première rédaction en vers : le manuscrit vu par Le Clerc constitue un
argument irréfutable qui confirme la théorie de l'identité de l'auteur de la
première rédaction en vers et de celle en prose.
L'auteur de la seconde rédaction en vers. — La question reste
ouverte quant à la seconde rédaction. Si nous y voyons, comme P. Meyer,
une rédaction remaniée par l'auteur lui-même, nous devrons admettre
une erreur de copiste4 dans le manuscrit Phillipps5.
Si, au contraire, la seconde rédaction forme un ouvrage séparé, ori-
ginal, Gauthier de Metz peut parfaitement en être l'auteur. Car, à tout
prendre, l'argument que Gossouin est l'auteur de la première rédaction, et
Gauthier celui de la seconde, n'est pas aussi improbable qu'il peut le pa-
raître à première vue.
Langlois6 trouve ridicule qu'on s'imagine deux auteurs tous deux lor-
1 La seconde rédaction contient environ dix mille vers et est divisée en deux parties
seulement.
2 Cf. p. 3 n. 4.
3 V. p. 9 s.
4 Langlois, qui est en faveur de cette théorie d'identité, dit à ce propos : (o. c. p. 60)
« Il semble donc que la balance doive pencher plutôt du côté de Gossuin, surtout si l'on
considère qu'il devait être, pour ainsi dire, instinctif, pour un rubricateur placé en pré-
sence d'un manuscrit comme il y en a eu sans doute, où l'on lisait : Si le Jist maistre
G. de Mies, de résoudre arbitrairement l'abréviation G. par « Gautier •», l'un des noms les
plus répandus au moyen âge. »
Remarquons en passant que la forme du nom choisie par Langlois (Gossuin) ne se
présente nulle part.
5 Cf. p. 12, s.
6 O. c. p. 62.
— 15 —
rains, tous deux messins, tous deux parlant la même langue * ! Pourtant
il s'agit là d'un simple syllogisme, et, l'origine messine des deux rédac-
tions en vers une fois admise, l'identité de lang,ag,e et, de pays doit logique-
ment suivre : elle n'a rien qui puisse nous étonner.
Est-il donc impossible que Gossouin ait été un de ces Jacobins pour
qui il montre une si profonde admiration dans la première rédaction2, et
Gauthier un des moines noirs mentionnés dans la seconde rédaction, et
dans l'abbaye desquels il a trouvé la lég-ende de saint Brandan3?
La question est compliquée et encore loin d'être résolue. Même le style
des deux ouvrag-es ne nous aide aucunement : V. Le Clerc trouve celui de
la seconde rédaction tout à fait inférieur; Fant, au contraire, voit dans le
remanieur un vrai poète4 !
Langiois lui-même ne suggère rien de mieux, pour expliquer la men-
tion de Gauthier dans un manuscrit de la seconde rédaction, qu'une erreur
de copiste5. Nous ne voyons donc pas qu'il soit justifié à prendre à partie
Suchier qui exprime des doutes sur l'identité de l'auteur et du remanieur
de Y Image du Monde G.
Bref, sans vouloir nier qu'il nous paraisse y avoir de fortes pré-
somptions en faveur de Gauthier, un examen soigneux des preuves laisse
la question de l'auteur de la seconde rédaction encore indécise7.
Le titre. — Le manuscrit Phillipps auquel nous devons la mention de
Gauthier est exceptionnel sous un autre rapport : il donne comme titre à
l'encyclopédie le Mapemonde. François Buffereau, le plagiaire de Genève,.
1 II semble suffisamment prouvé que l'auteur de la première rédaction était messin-
(cf. p. 2). Ce fait est encore mieux confirmé dans la seconde rédaction (y compris la
rédaction intermédiaire), car nous y lisons à propos de Charlemagne (v. Fant, o. c
p. 9, 10) :
Et sout assez d'astronomie.
Si corne l'en trouve en sa Vie
Qu'a Mez en Loherraine gist
Dont cil fu que cest livre fist.
2 Cf. p. 3 et f° 25 d du texte.
3 A Saint Ernol, une abeïe
De moines noirs, qu'est establie
Droit devant Mez en Loherraine
Trovai ceste histoire anciene. (V. Fant, o. c. p. 7.)
4 Fant, o. c. p. 38.
s V. p. 14 n. 4.
6 Langiois, o. c. p. 61 n. 2.
7 Pour les partisans de Gauthier comme auteur de la seconde rédaction la dédicace
du manuscrit Harley (v. p. 5 n. 1) s'explique aisément : Ils ont le choix entre deux
arguments également valables : 1° Gauthier a fort bien pu dédier son ouvrage (i. e.
la rédaction intermédiaire qui, complétée plus tard, devient la seconde rédaction) à deux
personnages différents ; ou, 2°, reprenant la théorie de Langiois et faisant de la rédaction
intermédiaire une troisième rédaction postérieure aux deux autres, Gauthier aurait dédié
la seconde rédaction à Robert d'Artois, et la troisième à Jacques de Metz.
— 16 —
nomme le poème le Mirouer du Monde, et suit en cela le scribe d'un ma-
nuscrit de Londres1.
Dans le contexte des différentes rédactions nous trouvons livre de
clergie, mapemonde, roumanz. Mais il ne s'agit pas ici de titres : ce sont
de simples qualifications.
A part les cas mentionnés ci-dessus, tous les autres manuscrits en vers
donnent comme titre Y Image du Monde 2. Il en est de même des manus-
crits en prose que nous devons maintenant étudier plus en détail, et qui
ont tous été consultés.
Les manuscrits de la rédaction en prose. — Ils sont au nombre de
huit.
I (A). — Paris. Bibliothèque Nationale, fonds franc, ôjfi.
Un des plus beaux manuscrits de la Bibliothèque Nationale.
387 sur 265 mm.
Reliure de cuir brun, à dos roug-e.
Ecriture du XIVe siècle.
Les rubriques sont à l'encre roug-e.
Initiales et miniatures nombreuses.
139 pages, parchemin. 4 colonnes de 19 lignes.
A la première pag-e, nous lisons : « Ce livre est au duc de Berry,
Jehan B. »
Au verso : « Ce livre fu a messire Guillaume Flote, seig-neur de Revel
et chancellier de France 3. »
A la dernière page est répétée la mention : « Le livre est au duc de
Berry. Jehan B. 4 »
Cette copie a servi de base à notre texte. Elle contient seize dessins dans
la première partie, dix dans la seconde, et neuf dans la troisième.
Elle donne le nom de l'auteur : Gossouin.
II (B). — Paris. Bibliothèque Nationale, fonds fr. 2Ô3^/f.
288 sur 152 mm.
Reliure de cuir roug-e.
Ecriture du XIVe siècle.
Les initiales sont à l'encre bleue ou roug-e.
Quelques miniatures.
132 pag-es, parchemin. 4 colonnes de 20 lig-nes.
A la première pag-e, d'une écriture moderne, nous lisons : « Ce manus-
1 British Muséum, Royal 19 A. IX.
2 Ce titre est répété deux fois : à la première ligne de la table des matières ; puis à
la fin de l'ouvrage.
3 Guillaume Flote était chancelier de France en 1339.
4 Comme nous le verrons plus tard (p. 19), ce détail est très important pour éta-
blir la filiation des manuscrits.
— 17 —
crit du XIVe siècle contient le roman de maître Gossonin appelé Y Image
du Monde, traduit du latin en français. »
Le nom de l'auteur Gossonin se trouve aussi dans le texte.
Ce manuscrit est incomplet . il manque environ dix pages, presque
toutes dans la seconde partie.
III (N). — Paris. Bibl. Nat., nouvelles acquis, françaises 6883.
145 pages, parchemin. 4 colonnes de 20 lignes environ. L'Image du
Monde occupe fos 1 à 68. Le même volume renferme aussi Y Apocalypse
en français K
Il date du XIIIe au XIVe siècle : c'est donc un des plus anciens manus-
crits de la rédaction en prose que nous possédions.
Il n'indique pas de nom d'auteur.
La plupart des figures et des initiales manquent.
IV (G). — Paris. Sainte Geneviève, 58 j.
370 sur 250 mm.
Reliure verte.
191 feuillets, parchemin. 4 colonnes.
h' Image du Monde occupe les fos 172 à 191.
Date du XIIIe au XIV* siècle.
Le texte est très abrégé.
V (G). — Bruxelles. Bibliothèque Royale. g822.
Al pages, parchemin, 4 colonnes de 41 lignes environ.
Les formes de la langue sont très souvent rajeunies.
Le nom de l'auteur est mentionné : Gosson.
VI (S). — Halle. Le professeur Suchier possède un manuscrit qu'il a
bien voulu nous permettre de copier.
105 feuillets, parchemin.
L'Image du Monde occupe les fos 75 à 105.
Elle est précédée d'une version du Livre de Sydrach.
Date : XIIIe siècle.
Quoique ce manuscrit soit fort abrégé, nous aurons souvent l'occasion
de le citer.
VII (T). — Ashburnam. Le manuscrit Barrois 66 a été acheté par un
M. Thomson à la vente de la Bibliothèque Ashburnam au mois de juin,
1901. C'est un manuscrit du XIVe siècle, sur vélin ; reliure verte en maro-
quin gaufré. 43 pages. V Image du Monde occupe les fos 1 à 23. Le texte
est abrégé.
Le même volume contient ; 1° Paraphrase sur les 7 psaumes de péni-
tence ; 2° Oratio adB. Mariam Virginem; 3° Vitœ Sanctorum Patrum.
1 V. L. Delisle et P. Meyer, Y Apocalypse en français, dans Bulletin de la Société
des anciens textes français (Paris 1901) p. 111.
2
— 18 —
VIII (R). — Londres. British Muséum. Royal ig. A. IX.
285 sur 200 mm.
Manuscrit du XVe siècle, écrit à Bruges.
Papier.
Fos i -f- 152. 24 lignes par page, sans colonnes.
Illustré.
Le copiste a rajeuni la langue.
La préface et la fia sont exceptionnelles.
IX (I). — Pour les imprimés français, mentionnés plus haut (p. 11}T
nous employons le sigle I.
Filiation des manuscrits. — Le manuscrit R est d'une importance
qu'on ne saurait exagérer : il forme l'anneau principal qui joint la tra-
duction anglaise de Caxton au manuscrit A, base de notre texte.
R et Caxton. — Nous en avons une preuve irréfutable : V Image du
Monde est précédée dans R d'un long prologue, absolument original, où
le scribe nous informe, entre autres, qu'il a copié ce texte en i464 par le
commandement de Jehan le Clerc, libralrier et bourgeois de Bruges1.
Le prologue entier, y compris cette information intéressante2 se re-
trouve dans Caxton. Il est évident que cette preuve seule suffirait pour
établir l'étroite parenté entre R et la traduction anglaise : mais il y en a
bien d'autres. D'abord le titre des deux ouvrages est le même, le Miroir
du Monde dans le manuscrit de Londres, the Mirrour ofthe World dans
Caxton ; or, comme nous l'avons vu3, ce titre est tout à fait exceptionnel.
Ensuite un autre trait extraordinaire est commun à R et à l'édition
anglaise : Nous lisons dans la version française4 : «Et fu translaté de latin
on franchois par le commandement et ordonnance du noble duc Jehan de
Berry et d'Auvergne l'an .m. deux cens quarante cincq.» Caxton
reproduit mot pour mot5 cette étrange erreur qui fait vivre Jean de Berry s
au XIIIe au lieu du XIVe siècle.
Comment expliquer cette bévue?
1 Manuscrit R, f o 4 b : Ci tu grosse et de tous poins ordonné, comme dist est, en la
ville de Bruges, l'an de l'Incarnation nostre seigneur Jhesu Crist mil/matre cens soixante et
quatre par le commandement de Jehan le clerc, librarier et bourgeois d'icelle ville de Bruges.
2 Caxton, The Mirrour of the world, f ° 5 a : which was engrossed and in aile
poyntes ordeyned by chapitres and figures in ffrenshe in the toun of Bmggis the gère of
fhyncarnacion of onr Lord .M.CCCC.LXHII in the moneth of Jui/n...
s Cf. p. 16.
4 Manuscrit R, /*0s 4 et 4 vo. Cette même information se retrouve à latin, f° 151 :
... fut cestui volume compilé l'an de l'incarnation Nostre Seigneur Jhesu Crist .M. U.C.
quarante et cincq a la requeste de mon seigneur Jehan, duc de Berry.
5 Mirrour, f° 7 vo. : Which said book waz translated ont of latyn in to fïrenssbe
by the ordynaunce of the noble duc Johan of Berry and Auuergne the y ère of Our Lord
.M.CG.xlv.
fi Jean de Berry, fils du roi Jean le Bon, vécut de 1340 à 1416. Il prit une part active
à la bataille de Poitiers, et fit un séjour en Angleterre comme otage pour son père.
— 19 —
A, R et Caxton. — La clef du mystère se trouve dans le manuscrit A,
où nous lisons deux fois, à la première et à la dernière page : « Ce livre
est au duc de Berry. Jehan B. » Le scribe de /?, ayant sous les yeux le
manuscrit A qu'il allait copier, et lisant cette mention, s'est empressé de
l'introduire dans son prologue ; Caxton a traduit en anglais, sans hésiter,
le prologue et la mention de son original.
Et ainsi, grâce à une erreur de copiste, le duc de Berry, de propriétaire
d'un manuscrit du XIVe siècle, est deyenu l'inspirateur d'une œuvre com-
posée en 1246.
Une telle preuve, à elle seule, ne suffirait pas pour établir l'étroite
parenté entre A et les deux autres ouvrages. Mais tout vient confirmer
notre opinion : Les passages, même les moitiés de phrases qui manquent
dans A manquent aussi dans R et dans Caxton ; les fausses leçons sont
communes à tous trois ; enfin, sauf pour quelques additions de mots sans
importance, ils sont exactement les mêmes sous tous les autres rapports.
La table suivante permettra de se rendre compte des différences entre le
texte de notre édition et celui de A, R et Caxton :
A
R
Caxton
Texte corrigé
d'après tous les manuscrits
en prose et plusieurs
en vers.
Le nom du duc de
Berry est mentionné
deux fois, à la pre-
mière et à la dernière
page du manuscrit.
Le nom du duc de
Berry est introduit
dans le prologue et
dans l'épilogue parti-
culiers à ce seul ma-
nuscrit. Le copiste
fait de plus une gros-
sière erreur de date
à ce propos.
Caxton traduit en
entier le prologue et
l'épilogue de R, sans
omettre ni le nom du
duc de Berry, ni l'er-
reur de date.
Le nom du duc
de Berry, mentionné
dans A, R et Caxton,
ne paraît dans aucun
autre des manuscrits.
Qui est près du
saint ciel la sus, dont
nous sommes si en
sus mis.
Id.
Caxton , ne pou-
vant traduire le pas-
sage commun à A
et /?, l'omet entière-
ment.
De celé clarté est
la lumière qui est
près du saint ciel la
sus, dont nous som-
mes si en sus mis 1.
Si trouvèrent tout
vraiement que il de-
voit par ii fois fenir :
A l'une foiz par le
déluge d'yaue.
Id.
Caxton traduit R
tel quel.
Si trouvèrent
fenir : A l'une
foiz par feu ardant,
a l'autre foiz par le
déluge d'yaue2.
Edouard III lui permit de retourner en France pour y trouver les moyens de payer sa
rançon. Mais, nous dit Froissart, ce prince fort prudent trouva tellement d'excuses qu'il
ne revint jamais en Angleterre. Il paraît, en tous cas, avoir eu le grand mérite de s'être
montré, en quelque sorte, un Mécène des arts et des lettres.
i V. f» 39 b.
2 V. f° Ho b.
— 20 —
Ces trois exemples, sans plus, peuvent donner une idée des cas où A, R
et Gaxton ont des traits communs. Une étude des deux derniers textes est
encore plus intéressante à cet égard, car Gaxton nous avertit dans sa pré-
face qu'il va traduire le texte français littéralement1, et il s'en tient à sa
promesse.
On peut donc admettre nos preuves comme évidentes et dire sans hési-
tation 1° que Gaxton a employé pour sa traduction le manuscrit R, 2° que
R a été copié sur le manuscrit A.
/?, C, N. — Il est impossible d'établir le rapport des manuscrits R, C, N
soit entre eux, soit avec A et R : les variations du texte sont de trop peu
d'importance.
Nous trouvons dans toutes ces copies quelques lacunes, des variantes
orthographiques et d'autres erreurs; mais de traits saillants il n'y en a
point. Nous ne lisons pas dans V/mage, comme dans tant d'autres
ouvrages, de ces passages, dus au simple caprice d'un copiste, qui for-
ment école et sont absolument distincts du texte. Celui-ci est le même
partout.
Bref, tout essai de classification, dans le cas des manuscrits A, R, C, A,
ne produit qu'un résultat négatif.
A, R et N sont à peu près contemporains, à en juger par la langue et
l'écriture. C est d'une date plus récente. Mais on ne saurait dire que l'un
de ces manuscrits ait été copié sur l'autre : Ils contiennent tous des erreurs
qui sont corrigées tantôt par A, tantôt par R, C ou A".
Les fautes de copiste rendent évident que nous ne sommes pas en posses-
sion du manuscrit original.
Notre essai de classification est, en somme, peu satisfaisant s'il s'agit
de produire à tout prix un arbre généalogique. Celui que nous présentons
réclame donc peu d'explications au-delà de celles que nous venons de
donner.
.4, R, C et A7 doivent être tenus séparés puisqu'ils ne sont pas copiés
l'un sur l'autre.
L'étude de la langue montre plus de vieilles formes dans R qui, à ce
point de vue, a droit à la première place, et des formes rajeunies dans C
qu'il faut donc placer après les autres. Quant à A et A, ils paraissent être
de la même époque.
Nous avons démontré plus haut que R a été copié sur .4, et a, de plus,
servi à Gaxton pour sa traduction anglaise.
1 Mivrouv, f ° 5 : ... humbly requyryng- aile them that shal fynde faulte, to correcte
and amende where as they shal ony fynde, and of sache so fbunden that they repute not the
blâme on me but on my copie, whiche I am chargea tofolowe as nyghe as God uni gyue
me grâce.
- 21 —
Voici donc le résultat de cette étude sous forme d'arbre généalogique :
0
\
1
B
i
A
1
R
Caxton
Filiation des abrégés. — Les manuscrits S, G, T, les imprimés fran-
çais (I) et la traduction hébraïque forment un groupe à part : la version
abrégée de Ylmage du Monde.
Ces ouvrages étant d'une importance moindre pour la reconstitution du
texte correct, nous n'en faisons qu'une étude sommaire.
Des trois manuscrits, S est le plus ancien et le plus correct. Il a dû
avoir comme original une des premières copies complètes de la rédaction en
prose.
T, G et I diffèrent plus ou moins les uns des autres ; mais ils ont en
commun plusieurs traits qui les distinguent de S : certains passages sont
plus complets dans T, G et I que dans ce dernier, ainsi le chapitre sur les
sept arts. Ce chapitre seul qui occupe plusieurs pages dans T, G, 7, est
réduit à environ une page dans S. Les autres passages consistent en phrases
séparées dont la liste complète occuperait beaucoup d'espace.
Le prologue de S est entièrement original ; les deux autres manuscrits
et les imprimés donnent au contraire un abrégé du prologue de A, B, G et N.
L'article déjà cité de Neubauer1 sur la traduction hébraïque nous per-
met de la placer dans la classe des manuscrits abrégés. Nous ne pouvons
toutefois lui assigner une place dans l'arbre généalogique, car il nous est
impossible de vérifier si cette traduction se rapproche davantage du manus-
crit S ou du groupe T, G, I.
La généalogie des abrégés se présente comme suit :
O
i
X
1
S
r
r
G
Y
1
/
Le manuscrit A comme base du texte. — II y a lieu d'expliquer main-
tenant le choix du manuscrit A de préférence aux autres comme base du
texte. Dans ce but nous procédons par élimination.
1 Cf. p. Il, n. 3.
B. — B, comme nous l'avons déjà fait remarquer, offre en général des
formes linguistiques un peu plus anciennes que les autres manuscrits, et
première vue nous aurions dû le choisir.
Malheureusement cette copie a été mutilée et il y manque des pages
entières correspondant à environ huit pages du manuscrit A 1. Pour la
même raison, plusieurs des figures les plus importantes ont disparu2.
Des lacunes pareilles n'auraient pas permis de présenter un texte vrai-
ment suivi et uniforme.
B n'est d'ailleurs nullement supérieur à A sous d'autres rapports : les
erreurs de copiste sont nombreuses ; elles ont été notées à mesure.
Mais certainement la raison principale pour écarter B a été le grand
nombre de pages qui manquent.
D'autre part, toutes les variantes, orthographiques et autres, de ce
manuscrit sont données dans les notes, et rendent la reconstitution par-
faite de cette copie à la fois possible et facile.
C. — Le manuscrit C est complet ; mais il est beaucoup plus récent
que A et la langue en est rajeunie. Il n'y aurait eu aucune raison pour le
préférer, car le texte n'est pas supérieur à celui des autres manuscrits.
B. — B étant simplement une copie de A datant du XVe siècle, nous
l'avons donc écarté d'emblée.
Ar. — Disons-le de prime abord : les droits du manuscrit N à servir de
base à notre texte étaient égaux à ceux de A : égaux, mais non supérieurs.
Le texte est complet ; il ne manque pas une seule page. Mais, de même
que dans A, il y a des fautes de copiste, des mots omis, des lacunes3.
La langue n'a rien de particulier : ce sont les formes ordinaires du
français littéraire à la fin du XIIIe et au commencement du XIVe siècles.
Il en est de même dans A ; toutefois, dans ce dernier manuscrit, il y a de
nombreuses formes anglo-normandes dues au copiste 4.
Bref le texte des deux copies, A et .Y est de valeur égale. Nous avons
donc dû baser notre choix sur des raisons d'un autre ordre.
5 Les lacunes de B correspondent aux fos suivants dans
A : 29 a à 30 a.
40 c à 41 c.
42 d à 43 c.
45 d à 47 c.
80 c à 81 c.
93 d à 94 d.
98 c à 99 c.
Nous avous toujours noté dans le texte les mots mêmes où commence et où se ter-
mine la lacune,
s Cf. p. 23.
3 V., par exemple, f°« 30 b, 48 d, 49 a, etc., où les lacunes du manuscrit N sont
notées.
4 V., sur le dialecte du scribe de A, p. 25 s.
— 28 —
En premier lieu, N, tout complet qu'il est sous le rapport du texte, n'a
pas le fini du manuscrit A : les initiales, les miniatures et les figures n'ont
pas été insérées, les espaces où elles devraient se trouver étant laissés en
blanc.
Sous ce rapport, au contraire, A est un des plus beaux et des plus par-
faits ouvrages de la Bibliothèque Nationale.
Gomme Gossouin nous renvoie souvent aux dessins qui accompagnent
son texte, les figures sont absolument nécessaires, surtout pour la partie
astronomique. Si nous avions choisi N, nous aurions dû y introduire les
fig-ures d'un autre manuscrit, sacrifiant ainsi à un choix purement arbi-
traire l'homogénéité du texte.
Il est à propos de faire remarquer ici que les manuscrits diffèrent plus
ou moins quant aux dessins, et sont susceptibles de classification à ce point
de vue. C'est même un travail que E.-D. Grand annonçait en 1893 l'inten-
tion de faire \
Ainsi on ne pourrait considérer un texte comme complet si les figures
qui lui sont propres étaient omises, ou d'autres substituées.
Pourtant nous aurions certainement négligé ce point, si le texte de N
avait été supérieur à celui de A ; mais la valeur égale des deux manuscrits
sous ce rapport a décidé notre choix.
En second lieu, l'intérêt littéraire de A est certainement un argument
en sa faveur. Gomme nous l'avons dit plus haut, A est le manuscrit père
de B, et ce dernier, à son tour, a été traduit par Caxton2. Il ne peut être
qu'avantageux et intéressant de pouvoir comparer A et la traduction an-
glaise dans des éditions parallèles 3.
Nous donnons page 24 un extrait de A, B, C, N et B qui permet-
tra de comparer ces cinq manuscrits et de réaliser jusqu'à quel point nos
remarques précédentes sont justifiées.
Méthode de l'éditeur. — Le texte, tel que nous le présentons, est
celui du manuscrit A. Toutefois la comparaison des différentes copies de
Ylmage du Monde a permis de corriger beaucoup de noms propres et cer-
tains chiffres.
Dans les cas où le sens d'une phrase était altéré soit par erreur, soit
par ignorance de copiste, la leçon la plus correcte et la plus claire a tou-
jours été préférée.
Tous les manuscrits en prose et plusieurs en vers ont été consultés et
sont souvent cités ; mais toutes les variantes de B, sans exception, sont
reproduites, et toutes celles de TV et C lorsqu'il y a une lacune dans B.
1 E.-D. Grand, dans la Revue des langues romanes t. 37 (1893) pp. 1-58.
2 Cf. p. 18 s.
3 Cf. p. 11, n. 1.
24
A fo 23 B. s.
Et li clers
doivent ensain-
-gnier ces -ii*
manières de
genz et les doi-
-vent adrecier
de leurs euvres,
si que nus ne
face chose dont
il perde Dieu
ne Sa grâce.
Ainsi posèrent
trois manières
de genz ça en
arriéres li sage
philosophe au
monde, comme
cil qui bien
sorent que nul
ne pourroil
mètre son
courage a ce
qu'il peiist
estre bien sages
a droit en "ir
aferes ne en
trois. Car il n'
avint onques
jour du monde
que clergie et
chevalerie et
laboureeurs de
terre peûsent
estre bien sénés
a nul jour de
leur vies par
*i* seul home
ne aprises, ne
retenues.
Et les clers
doivent ense*-
-gnier ces deux
manières de
gens et les doi-
-vent adrec/iier
de leurs œuvres,
si que nu/ ne
face chose dont
il perde Dieu
ne Sa grâce.
Ainsi posèrent
jadiz les sages
philosophes
trois manières
de gens au
monde, comme
reulx qui bien
scearent que nul
ne porroit
me//re son
coraige ad ce
qu'il peûst
estre bien sage
a droit en deux
manières ne en
trois. Car il n'
advint oncques
jour du monde
que clergie....
chevalerie et
laboureurs de
terre peiissent
estre bien sener
a nul jour de
leurs vies par
ung seul homme,
ne aprises, ne
retenues.
Et li clerc si
doivent ensai-
-gnier ces *ii-
manières de
genz et les doi-
-vent adrecier
de leur fièvres,
si que nus ne
face chose dont
il perdent Dieu
ne Sa grâce.
Ainsi posèrent
trois manières
de genz ça en
arriéres li sages
philosophes au
monde, comme
cil qui bien
sorent que nus
n'/ po/'roit
meitre son
courage a ce
qu'il peust
estre bien
a droit en "ii*
afoures ne en
trois. Car il n'
avint onques
jour du monde
que clergie et
chevalerie et
laboureeurs de
terres peiissent
estre bien seiies
a nul jour de
leur vies par
•i' seul homme,
ne aprises, ne
retenues.
Et les clers si
doivent ensain-
-gnier ces "ii*
manières de
genz et les doi-
-vent adrecier
de leur o«evres,
si que nus ne
face chose dont
il perde Dieu
ne Sa grâce.
Ainsi posèrent
trois manières
de genz ça en
arriéres les sages
philosophes au
monde, comme
cil qui bien
sorent que nul
ne pourroit
mètre son
courage a ce
qu'il peûst
estre bien....
a droit en *ii*
aferes ne en
trois. Car il n'
avint onques
jour du monde
que clergie et
chevalerie et
labour eu s de
terre peusent
estre bien sénés
a nul jour de
leur vies par
•i* seul home,
ne aprises, ne
retenues.
Et lez clers
doivent ensein-
-gnier ces -ii-
manières de
genz et les doi-
vent adrecier
a leurs euvres,
si que nus ne
face chose dont
ils perden/ Dieu
ne Sa grâce.
Ainsi pouserent
trois manières
de genz ça en
arrière li sages
philosopher au
monde, comme
cils qui bien
sceurent que nuls
ne pourroit
mètre....
coura/ge
ne
estre bien sages
a droit en -ii*
affaires ne en
trois. Car il n'
avint onques
jour du monde
que clergie et
chevalerie et
laboureeurs de
terre peiissent
estre bien sénés
a nul jour de
leur vie, par
un seul home
bien scelles, ne
bien aprinses, ne
retenues.
En regard du texte en prose sont indiqués les vers auxquels chaque
chapitre correspond. Dans ce but nous nous sommes servi d'une excellente
copie de la première rédaction1.
L'orthographe du copiste de A, même dans ce qu'elle a de plus excep-
tionnel, est maintenue partout, mais à deux conditions : 1° que le mot
1 British Muséum, Arundel 52. Il manque 79 vers à ce manuscrit ; mais, à part deux
passages assez longs qui sont notés, le copiste a seulement omis quelques lignes de peu
d'importance pour le sens des phrases.
— 25 —
où l'orthographe exceptionnelle se présente ne soit pas isolé dans le ma-
nuscrit, mais soit répété sous cette forme dans quelque autre partie1.
Nous faisons une exception à cette règle dans le cas de mots isolés tels
que vount2, avouns3, qui reproduisent une forme dialectale prononcée, et
dont l'orthographe est si typique de l'anglo-normand qu'on ne saurait y
voir une faute de copiste ;
2° Que cette orthographe soit confirmée par des exemples analogies
tirés d'autres ouvrages ou cités par des savants qui fassent autorité.
Les formes grammaticales et la syntaxe du manuscrit A restent intactes.
Les nombreuses irrégularités de déclinaison et d'accord sont une preuve
additionnelle que A est l'ouvrage d'un copiste anglo-normand : c'est un
lieu commun que, dès le XIIe siècle, ce dialecte précède tous les autres en
négligeant la distinction des cas, et qu'au XIIIe siècle le système de décli-
naison est en pleine décadence.
Nous corrigeons donc 1° les formes orthographiques isolées et que nous
ne pouvons confirmer, 2° les omissions, 3° les répétitions et autres erreurs
évidentes, 4° les phrases, les noms et les nombres quand la bonne leçon se
trouve dans les autres manuscrits.
La langue. — Nous avons fait allusion plus haut à la morphologie et
à la syntaxe de A ; l'étude des formes orthographiques vient confirmer
notre opinion : le scribe de A se sert de V orthographe anglo-normande .
Il emploie à tous moments des formes distinctives qui ne se retrouvent pas
dans les autres copies de Ylmage, soit en prose soit en vers.
Mais à part ces traits particuliers, il y en a d'autres qui sont communs
à tous les manuscrits : Dans sa dissertation sur les rimes dans V Image du
Monde 4, Haase a prouvé que le dialecte lorrain de Gossouin a laissé
des traces nombreuses dans le poème.
La rédaction en prose, par sa nature elle-même, ne nous permet pas
toujours de contrôler ses conclusions : le temps et les copistes ont oblitéré
beaucoup de formes distinctives préservées par les nécessités de la rime dans
la rédaction en vers. Pourtant le lorrain a laissé des traces partout, même dans
A et dans les manuscrits dont les copistes emploient un dialecte différent.
Dans la table suivante, nous donnons :
1° les formes dialectales du nord-est ou lorraines qui se trouvent à
la fois dans A et dans d'autres manuscrits.
1 Cf. sont (= suum) f° 36 d ; cette forme se retrouve f°s 74 a et 82 b, elle est, de
plus, confirmée par des exemples et des parallèles dans d'autres auteurs ; par conséquent
nous l'admettons.
2 V..f° 5 b.
« V. fo 22 a.
4 Haase, Untersuchung ùber die Reime in der Image du Monde (Halle, 1879.)
— 26 —
2° Les formes particulières à A qui sont dues au copiste anglo-nor-
mand.
Il est fait une mention spéciale des cas où A et B offrent des formes
lorraines ou autres qui coïncident. Les autres exemples sont relevés par
Haase, Grand ou Fant1 d'après la rédaction en vers, et se retrouvent
•dans A mais pas dans B, du moins aux passages cités.
Dans les notes du texte même nous donnons les cas parallèles d'autres
ouvrages, ou les autorités qui les confirment.
Formes communes à A et à d'autres manuscrits.
Formes plus spécialement lorraines.
pais (= pas) f° 10 b.
ainz {= L. annos) f° 108 a.
ausin f° 10 b, 10 d.
praingne (de prendre) f° 8 b. A et B.
vegnon (= renom) f° 24 a.
^o>eil (de voloir) f° 26 d 2.
Veille (de voloir) f° 7 d.
sou ffer rient f° 10 c.
Formes des dialectes orientaux.
pow/st (de pooir) f° 32 b. A et B.
*ar (= air) f° 137 d.
sainz (= L. sine) f° 20 d, passim.
Participe passé fém. -ie pour -iée : fréquent dans A et B, par exemple :
pris/e f° 122 a, maubail//e f° 26 b, essillie f° 26 b, etc.
per (= L. per) f° 11b, passim.
ma//re f° 26 d, passim.
sicle f° 4 a.
apercevoir f° 36 b, passim. A et B.
élargie f° 104 b.
darreniers f° 21 d. A et B.
paries f° 65 c.
pardre f° 100 d, passim.
darrieres f° 97 b, . A et B.
estoles f° 33 b.
sache f° 90 a (= L. siccam.).
1 Haase, E.-D. Grand et Fant, o. c. passim.
2 Les formes qui se retrouvent en anglo-normand sont marquées d'un astérisque.
'soustis f° 60 B.
*mai/i f° 88 b (= maint).
*sai/2 f° 26 c (= saint).
*son î™ 82 d, 113 c (= L. sunt) ; etc.
remuée f° 89 b (Prés, ind., 3e pers. sing-.). A et B.
Formes anglo-normandes1 particulières au manuscrit A.
autW f ° 7 d (= autrui).
sue (f° 115 a (= L. suam).
twrterelle f° 74 a.
corrompt f° 105 c.
habwnde f° 24 a, passim.
sunt f° 1 d, passim.
sowmes f° 39 d, passim (= L. sumus).
soHme f° 113 c (= L. summam).
poume f° 41 d, passim.
Rowme f° 18 d, passim.
Bvownt f° 5.
avowns f° 22 a.
fownt f° 11b.
vraing-ne f° 72 d (= L. araneam).
primere f° 50 a.
coucher f° 46 a, passim.
ensaing-ner f° 23 d.
légère f° 79 a.
mengrer f° 14 a.
priser f° 113a.
cuiefer f° 119 d ; etc.
arreres f° 124 d.
eschinHj'z f° 65 a.
^uitfos 131b, 133 d.
Les sources. — Est-ce par hasard seulement que Gossouin a nommé
son encyclopédie Ylrnage du Monde, ou n'avons-nous là vraiment qu'une
traduction du latin, d'un Imago Mundi encore inconnu ?
L'auteur dit en termes précis : « Ce livre de clergie, que l'en apele
l'ymag-e dou monde est translatez de latin en rommanz. »
Vincent de Beauvais mentionne, dans son Spéculum Majus, qu'il a
1 Le dialecte anglo-normand a fait le sujet d'une étude spéciale par Stimming- (Der
Anglonormannische Bœve de Haumtone, vol. VII de la Bibliotheca Normannica. Halle,
1899). La liste des formes que nous donnons ici est basée sur cet ouvrage.
— 28 —
produit un autre ouvrage plus court, le Spéculum vel Imago Mundû
Paulin Paris 1 relève ce passage et suggère que cet abrégé était l'original de
l' Image du Monde,
Le titre est certainement un indice. Mais on peut en dire autant de
Y Imago Mundi à 'Honorius Augustodunensis .
Une étude du texte français tend plutôt à confirmer l'opinion de
Fritsche 2 : Gossouin a eu recours à des sources variées, et entre autres à
l'ouvrage d'Honorius ; chose d'autant plus probable que ce théologien
avait autrefois dirigé l'école de la cathédrale à Metz, de 1120 à 11463. Notre
auteur aurait donc emprunté son titre à l'ouvrage qui lui aurait le plus-
serv .
Cette théorie semble du moins d'accord avec les faits. Une grande partie
de V Image du Monde est l'ouvrage de Gossouin lui-même. Il a fort habi-
lement introduit dans la première partie ses opinions religieuses : c'étaient
d'ailleurs celles de son temps. Ses connaissances des auteurs classiques
sont solides. Il a lu certains ouvrages d'Aristote et de Platon, grâce, sans
aucun doute, à des traductions latines.
Dans les deux dernières parties, il a fait de nombreux emprunts soit à
des écrivains romains, soit à des écrivains du moyen âge. Souvent les tra-
ductions sont si littérales qu'on ne peut avoir aucun doute sur leur ori-
gine.
L'étude de V. Le Clerc et la dissertation de Fritsche sur les sources de
V Image du Monde servent naturellement de base à tout travail sur ce
sujet, qui est toujours susceptible d'être étendu. Ainsi les deux ouvrages
d'Alexandre Neckam, De Naturis Rerum et De Laudibus Dlvinœ Sa-
pientiœ, ont été employés par Gossouin bien plus fréquemment que Fritsche
ne semble s'en douter.
Dans les pages suivantes et aussi dans les notes du texte les différentes
sources de l'encyclopédie sont indiquées. Nous les divisons toutefois en
deux classes bien distinctes : en premier lieu les auteurs, tels que Jacques
de Vitry, Honorius, Neckam, dont Gossouin a rendu des passages entiers
mot à mot ; ensuite les auteurs dont les idées seules se retrouvent dans
Y Image , sans qu'il soit question de traduction littérale.
A cette dernière catégorie appartiennent les auteurs grecs dont nous
faisons mention. Il n'est pas probable que Gossouin ait su cette langue et
se soit servi des originaux. Mais il avait sans doute à sa disposition les ver-
sions latines de certains ouvrages d'Aristote et de Platon certainement
1 Paulin Paris, Les manuscrits français de la bibliothèque du roc' (Paris, 1842).
2 Fritsche, Untersiichung iïber die Quellen der Image du Monde (Halle a/S.».
1880).
3 V. Histoire littéraire de la France t. IX, p. 42.
— 29 —
connus au moyen âge. Il mentionne lui-même Boèce et ses traductions du
grec « que nous avons enquore en usage 1. »
Toutefois, comme nous venons de le dire, les passages d'auteurs grecs
qui se trouvent dans Y Image ne sont pas des citations; V auteur se
contente d'emprunter des idées quil exprime à sa manière. Dans ces
conditions le texte original a autant et même plus de valeur qu'une traduc-
tion latine soit de Boèce, soit de tout autre. C'est pourquoi nous donnons
les passages parallèles en grec lorsqu'il s'agit d'un original grec.
Nous citons souvent Solin en même temps que Neckam ou Jacques de
Vitry à propos d'un même passage. Lui aussi ne semble pas avoir été
employé directement par Gossouin. Mais nous y voyons la source première
des descriptions d'animaux et autres contenues dans les deux autres au-
teurs.
Neckam mentionne même Solin à plusieurs reprises. Le rapproche-
ment ne peut donc manquer d'être intéressant. De plus, il permet d'élu-
cider plusieurs points dont l'obscurité est due non pas à Gossouin, mais à
sa source directe latine, c'est-à-dire, soit à Neckam soit à Jacques de
Vitry.
Nous avons fréquemment fait des rapprochements entre le livre de
Sydrach et Y Image ; et de fait des passages entiers se retrouvent presque
mot à mot dans les deux ouvrages.
L'étude de Langlois jette de graves doutes sur la date du Sydrach*. Il
1 V. f° 117 a et b. Le savant ouvrage de Sandys (History of classical scholarship.
Cambridge 1906-08, 8°), contient des informations très détaillées sur les connaissances
du grec au moyen âge. Il mentionne les traductions de Boèce (o. c. p. 253 s.) et cite un
poème de cet auteur qui est entièrement inspiré par le Timée et le Gorgias de Platon
{o. c. p. 256). Boèce cite aussi Homère.
Les auteurs grecs que nous donnons parmi les sources sont les suivants :
Aristote. — Physique : Boèce en donne de nombreuses citations dans ses ouvrages
(Sandys, o. c. p. 256). Nous en avons vu nous-même une traduction latine dans un
manuscrit du XIIIe siècle au British Muséum.
Métaphysique : Il s'en trouve une traduction latine au British Muséum dans un
manuscrit du XIIIe siècle.
De Gœlo : « Aristotelis de Cœlo et Mundo libri 3 » (manuscrit latin du XIIIe siècle
au British Muséum).
PtATON. — Gorgias : Traductions dans Boèce (Sandys, o. c. p. 256).
Timée : Traductions dans Boèce. Aussi nous avons vu au British Muséum un
manuscrit latin du Xe siècle : Chalcidii interpretatio lalina Timœi Platonis.
Pseudo-Callisthène. — On possède des traductions latines nombreuses de' cet auteur
dès le VIIe siècle (cf. Budge. Alexander the Great. Cambridge 1889. p.liv.). C'est dans
l'ouvrage du Pseudo-Callisthène que se trouve la Lettre d'Alexandre à Aristote dont il
y a plusieurs manuscrits latins au British Muséum datant dès le XIIe siècle.
Ptolémée. — Almageste : Cet ouvrage a été traduit de Y arabe en latin par ordre de
Frédéric II en 1230 (v. Halma. Almageste. Paris, 1813, p. 39).
Suidas. — Vita Dionysii, traduction latine par Bobert de Lincoln (v. Fabricius. Biblio-
theca Grœca t. VI p. 402).
2 V. Langlois, o. c. p. 195 s.
— 30 —
semble même probable qu'au lieu de citer Sydrach comme une des-
sources de Y Image nous devions admettre le contraire : bref, le Sydrach
n'a pas été employé par Gossouin ; au contraire l'auteur du Sydrach a
fait de nombreux emprunts à V Image.
Cet ouvrage1 de science populaire, un des plus répandus au moyen âge,
prétend à une origine plus ou moins fabuleuse. D'après une de ses légendes,
le philosophe Todres envoya, de la cour de l'empereur Frédéric II, le texte
latin au patriarche Albert d'Antioche. Ce Todros (Théodore) philosophus
était, de fait, l'astrologue de l'empereur Frédéric ; il a traduit beaucoup
d'ouvrages arabes pour son maître.
Albert est aussi un personnage historique : il était patriarche latin d'An-
tioche (1228-1240).
Le prologue est censé avoir été écrit à Tolède en 1243.
Langlois fait remarquer que nous ne possédons pas un seul manuscrit
du Sydrach qui soit antérieur à la seconde moitié du XIIIe siècle. Aussi
la soi-disant prédiction du siège et de la destruction d'Antioche 2 nous induit
à croire, avec Langlois, que le Sydrach a été écrit après cet événement,,
c'est-à-dire après le ig mai i268.
Les preuves cependant ne sont pas absolues et, dans le doute, nous-
maintenons nos citations.
Si le futur éditeur du Sydrach en arrive à confirmer les conclusions
de Langlois, il nous saura gré de lui avoir épargné en partie la tâche labo-
rieuse de la recherche des sources.
Nous terminons ce chapitre en donnant la liste des sources citées dans
notre texte. La liste des ouvrages et des éditions employées se trouvera dans-
la bibliographie.
1° Sources employées directement par Gossouin 3.
Adélard de Bath.
Boèce.
Gervaise de Tilbury.
Giraldus Gambrensis.
Honorius Augustodunensis.
Neckam.
Orose.
1 V. Suchier und Birch-Hirschfeld : Geschichte (1er Jranzôsischen Literatur (Leipzig
et Vienne, 1900) p. 223, 224.
2 V. Langlois, o. c. p. 197.
3 C'est à dessein que nous omettons Vincent de Beauvais. Dans le cours de tout:
l'ouvrage nous n'avons que cinq fois l'occasion de le citer, et chaque fois les sources ordi-
naires fournissent la même matière. Voir texte f°« 42 a ; 42 b ; 49 c : 69 b ; 117 d ; 118 d.
— 3Î —
Philosophia Mundi.
Jacques de Vitry.
2° Sources indirectement employées par Gossouin au moyen de tra-
ductions, ou auteurs dont les idées seules paraissent avoir influencé-
l'auteur de /'Image.
Saint Augustin.
Aristote.
Bède.
Clément d'Alexandrie.
Saint Grégoire le Grand.
Suidas ou Hilduin.
Platon.
Pseudo-Callisthène.
Ptolémée.
Résumé des chapitres de la première partie et notes sur le texte.
Il esta propos maintenant de donner un court résumé de certains chapi-
tres, accompagné de notes explicatives.
Dans le premier chapitre de la Cosmogonie, Gossouin décrit la puis-
sance de Dieu.
Livre I. Ch. I. — Tout vient de Lui, tout y retourne. Il ne peut y avoir
aucun mal en Lui, sinon II serait mortel comme nous. Le bien monte vers
Lui, le mal descend comme la lie dans le vin. Il est immuable et immobile;
pourtant tout mouvement provient de Lui. Le temps n'existe pas pour Lui,
ni pour les élus. Avant même d'avoir créé le monde, Dieu savait tout ce
qui allait s'y passer.
La théorie du Dieu immobile est surtout frappante ici. Le Demiourgos
de Platon est une Divinité paresseuse qui crée et puis se repose, laissant à
la nature le soin de se reproduire et de croître. Le Dieu d' Aristote est bien
supérieur : Il est immobile ; mais, comme dit Gossouin, tout mouvement'
dépend de Lui.
Cette même idée revient sous différentes formes dans plusieurs cha-
pitres. Notre auteur est évidemment à la hauteur des idées théologiques de
son temps. Il est influencé par les théories aristotéliciennes, déjà connues
au commencement du XIIIe siècle, et qu'Albert le Grand et Thomas d'Aquin
aidèrent beaucoup à répandre. La mention de l'abbaye de Saint-Arnoul
de Metz dans la seconde rédaction en vers nous permet de supposer que
Gossouin a eu au moins l'occasion d'entrer en rapports intellectuels avec
les religieux de ce monastère. Cela expliquerait d'autant mieux ses opinions,.
— 32 —
•car, nous le savons, ce sont les Bénédictins qui, au XIIIe siècle, ont surtout
aidé à faire connaître Aristote.
Ch. II. — Dieu a créé le monde par charité pour que d'autres aient
part à ses biens. Efforçons-nous donc de les mériter : Il nous en a donné
le pouvoir.
Le passage suivant de saint Augustin offre une frappante ressemblance
avec ce chapitre : « Sciendum est ergo rerum creatarum, cœlestium et
terrestrium, visibilium et invisibilium, causam non esse nisi bonitatem
Creatoris, qui est Deus unus et verus ; cujus tanta est bonitas, quod alios
sure beatitudinis qua œternaliter beatus est, velit esse participes1. »
Ch. III. — De même pour le chapitre 3, nous trouvons dans saint
Augustin : « Non propterea est Dei imago in mente, quia sui meminit et
•diligit se, sed quia potest etiam meminisse, intelligere et amare Deum, a
quo facta est2.
Voici le résumé du texte de Gossouin : Dieu a fait l'homme à Son image
•et l'a fait maître de toute la création. Il lui adonné l'intelligence pour qu'il
se souvienne de ses bienfaits et qu'il puisse prendre part à sa joie. L'homme
qui fait le bien est supérieur même aux anges.
Ch. IV. — C'est encore un ouvrage de l'évêque d'Hippone qui a servi
de base au chapitre sur le libre arbitre3.
Dieu a donné à l'homme le pouvoir de faire le bien ou le mal. Si
l'homme ne pouvait pécher, il n'aurait aucun mérite, car il ne devrait pas
sa vertu à lui-même. Les anges qui ne peuvent pas pécher ne sont pas
récompensés comme nous. Dieu a voulu que nous pussions mériter d'aussi
grands biens que Lui-même : c'est pourquoi 11 nous a donné la raison et
le bon sens. L'homme qui s'imagine rendre un service à Dieu en ne péchant
pas doit être fou, car, si le monde n'existait pas, Dieu n'en souffrirait nul-
lement.
Ch. V. — Dans les anciens temps, les hommes voulaient trouver la
■raison des choses. Ils cherchaient à découvrir les secrets du firmament, et
ils ne pensaient pas seulement à leur nourriture, comme de nos jours. Ils
s'efforçaient d'apprendre les sciences qui devaient leur donner la connais-
sance de Dieu. Pour y parvenir, ils étudiaient Ses œuvres, « car à ses
wuvres on connaît V ouvrier ». Ils souffraient toutes les persécutions par
amour de la vérité, comme les saints souffraient le martyre par amour de
Jésus.
Par leur science certains philosophes purent annoncer la venue du Christ,
•entre autres Virgile.
1 Saint Augustin, Liber de diligendo Deo (Migne, Patrologia, t. 40) ch. II.
2 Saint Augustin, De Trinitate (Migne, Patrologia, t. XLII, col. 1048). lib. 14, ch. XII.
3 Saint Augustin, De libero arbitrio (Migne, Patrologia, t. XXXII, col. 1221), II,
ch. I.
— 33 —
Nous trouvons l'origine de cette prophétie au quatrième vers de la qua-
trième églog-ue :
Ultima Cumaei venit jam carminis aetas.
D'après la prédiction de la Sibylle de Gumes, la terre, ayant parcouru
les quatre âg-es d'or, d'arg-ent, de bronze et de fer, allait maintenant revenir
à l'âge d'or. Saint Aug-ustin cite les vers suivants1 :
Te duce si qua manent sceleris vestigia nostri
Irrita perpétua solvent formidine terras.
Il ajoute : « Quod ex Cumœo, id est, ex Sibyllino carminé se fassus est
transtulisse Virgilius ; quoniam fortassis etiam illa vates aliquid de unico
Salvatore in spiritu audierat, quod necesse habuit confiteri2. »
Gossouin nous dit qu'en lisant les vers de Virgile, saint Paul s'écria ;
« Ha ! quel je t'eusse rendu a Dieu se tu eusses vescu tant que je feusse à toi
venuz. » Quitte à paraître un peu trop complet, nous ne pouvons négiig-er
de citer ici les vers biens connus d'une hymne qui se chantait encore au
XVe siècle à Mantoue pendant la messe de saint Paul :
Quem te, inquit, reddidissem,
Si te vivum invenissem,
Pœtarum maxime 3 !
Virgile semble avoir eu un attrait mystérieux pour le moyen âg-e. Nous
Je voyons paraître ici comme prophète. Au troisième livre de Ylmage du
Monde, Gossouin consacre un chapitre entier à Virgile le Magicien.
Notre auteur parle ensuite avec mépris de ces g"ens riches qui achètent
des livres en quantité pour qu'on les croie savants, et il leur applique la
fable d'Esope, le Coq et la Perle.
Puis il donne la liste des sept arts libéraux qui constituaient les sept
parties de l'enseignement dans l'école d'Alexandrie : la grammaire , la
logique et la rhétorique (le trivium), l'arithmétique, la géométrie, la mu-
sique et l'astronomie (le quadrivium).
Gh. VI. — Les philosophes à Athènes divisaient les hommes en trois
classes : les laboureurs qui doivent fournir ce dont les autres ont besoin ;
les chevaliers qui doivent défendre les autres ; les clercs qui doivent les
instruire.
Depuis Charlemagne, les rois de France ont toujours protég-é les sciences,
dont la fleur se trouve parmi les frères mineurs (les Franciscains) et les
jacobins (les Dominicains) qui viennent d'arriver en France.
1 Eglogue IV, v. 13 et 14.
2 Saint Augustin, iïpistolarum classis IV, Epist. 258 (Migne, Patroloyia, t. XXXIII,
col. 1073).
3 V. Bettinelli, Délie lettere e délie arti Mantovane (Mantoue, 1775) ; aussi Compa-
retti, Virgilio nel medio evo (Livorno, 1872) p. 72 s. Enfin cf. le vieux chant de Noël de
l'Eglise qui commence par ce vers, Maro, Maro, vates gentilium, da Christo testimo-
nium.
— M
Ch. VII. — Le septième chapitre contient une description détaillée des
sept arts, basée en grande partie sur Neckam. Gossouin explique pourquoi
la médecine n'en fait pas partie : elle s'occupe du corps, et seules les sciences
qui s'occupent de l'âme méritent le nom d'arts libéraux.
Ch. VIII. — Selon Legrand d'Aussy *, qui a fait une courte analyse du
texte de notre encyclopédie, l'auteur, dans le chapitre huit, attribue à la
nature un pouvoir ég-al à celui de Dieu, et, comme d'autres critiques d'ail-
leurs, il s'étonne que Y Image du Monde n'ait pas été supprimée. Car, au
moyen âge, une œuvre entachée d'hérésie n'aurait pu devenir si populaire
sans attirer sur elle les foudres de l'Eglise.
Gossouin nous paraît être au contraire absolument conséquent. Il déve-
loppe la théorie des rapports de Dieu et du monde mentionnée au premier
chapitre. Il nous confirme dans l'opinion que nous avons ici un disciple
d'Aristote et d'Albert le Grand. Ses idées sont celles de saint Thomas
d'Aquin qui écrivait ving-t ans plus tard et dont la Somme de Théologie
est l'écho des opinions contemporaines.
Dieu créa premièrement la nature. Celle-ci meut les étoiles, les fait
luire et fait naître et vivre ce qu'elle veut. Sans la nature rien ne peut
naître, et, par elle, tout vit. Elleag-it dans la main de Dieu comme la hache
du charpentier : la hache ne fait que trancher, et celui qui la tient la g-uide
où il veut.
Cette dernière phrase rend l'idée exacte de Gossouin ; sans elle l'accu-
sation d'hérésie serait soutenable. Elle est d'autant plus intéressante que
nous la retrouvons dans saint Thomas d'Aquin : « Deus movet non solum
res ad operandum, quasi applicando formas et virtutes rerum ad opera-
tionem (sic ut etiam artifex applicat securim ad scindendum, qui tamen
inierdum formam securi non tribuit) etc. 2. »
Platon, selon notre auteur, dit que la nature est une puissance qui fait
naître semblable par semblable. Le seul passage du philosophe grec que
l'on puisse mentionner est un proverbe dans Gorgias, ôpoïoç opoiw. Boèee
qui est peut-être la source immédiate, écrit, selon Albert le Grand 8 :
« Natura est vis insita rébus ex similibus similia procreans4. »
Aristote définit la nature comme un principe qui donne aux choses le
1 Legrand d'Anssy, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale
(Paris, an VII de la République) V, p. 243 s.
2 Saint Thomas d'Aquin, Summa Theologica (Migne. Patrologia. Séries secunda,
t. 1, col. 1313) Pars prima, quaest. 105, art. V. — Nous ne désirons nullement suggérer
que Thomas d'Aquin ait, dans ce passage, copié Gossouin. C'est plutôt, selon nous, un
exemple frappant qui était d'usage courant à l'époque.
3 Albert le Grand, Summa Theologiae. Prima pars. VII. Quœst. 30. 6. (Opéra Omnia ,
vol. 31, p. 307. Paris, 1895.)
4 V. sur Boèce et ses connaissances du grec p. 29 n. 1.
— 35 —
pouvoir de se mouvoir. Gossouin a pu trouver cette définition dans diffé-
rents passages de la Physique et de la Métaphysique.
.Physique1. — Tout ce qui provient de la Nature a en soi un principe
de mouvement et de repos : toûtcov pèv yàp Ixaorov sv s'aurw àp%hv e%sL xivyjtsws
xaî arâarswç, . . .
Physique2. — La nature forme la base de toutes choses qui ont en
elles un principe de mouvement et de changement : sva \dv ouv rpônov outwç y
fvatç ^sysrat, ri TtpÛTio e'xàoT<u Û7roxstps'vvj vlri t<mv s^Ôvtwv sv aûroïç àp%hv xivvWewç xai
p£Taj3oXviç, aXkov §è rpônov v? y.opfrt xaî to stSoç to xarà tov ^efyov.
Métaphysique 3. — La nature est un principe en soi : ainsi, l'homme
engendre l'homme : y yàp ts'^vyj 77 <j>ûtsi yfyvrrcu 77 ^û^rj y) r&> aÙTopiT&>. 77 f*èv ow
ts^v>7 à-pyjn iv à7/&>, 77 8s yvatç àpyh sv cwtw, ocjQpùinoç yàp av0/3&>7rov ysvvâ.
Gh. IX. — Le monde est rond comme une balle. Le ciel entoure à la
fois le monde et l'éther, un air pur dont les anges prennent leur forme.
Cet éther est si clair et si brillant que le pécheur n'en peut supporter
l'éclat. C'est pourquoi l'homme tombe comme endormi à la vue d'un
ange.
Bède le Vénérable et saint Grégoire le Grand fournissent les matières
de la seconde partie de ce chapitre.
Bède : « Angeli corpora in quibus hominibus apparent, in superno aère
sumunt, solidamque speciem ex cœlesti elemento inducunt, per quam
humanis obtutibus manifestius demonstrentur4. »
Saint Grégoire le Grand: « Nisi enim Angeli quœdam nobis interna
nuntiantes ad tempus ex aère corpora sumerent, exterioribus profecto nostris
obtutibus non apparerent ; nec cibos cum Abraham caperent, nisi propter
nos solidum aliquid ex cœlesti elemento gestarent 5. »
Gh. X. — L'éther environne les quatre éléments qui sont placés dans
l'ordre suivant : la terre, l'eau, l'air, le feu. Gossouin compare cet ordre
aux différentes parties d'un œuf: la coquille, le blanc, le jaune, la goutte
de graisse.
Gh. XL — Au milieu du monde se trouve l'élément le plus pesant : la
terre. L'homme peut en faire le tour, comme une mouche fait le tour d'une
pomme. Si deux hommes se séparaient allant l'un à l'est, l'autre à l'ouest,
ils se rencontreraient aux antipodes.
Au moyen d'une série d'exemples accompagnés de dessins explicatifs,
1 2. 1. 192b. 14 (éd. E. Teubner. Leipzig, 1879).
2 2. 1. 193 a. 28 (éd. E. Teubner. Leipzig, 1879).
s 11. 3. 1070 a. 6 (éd. E. Teubner. Leipzig, 1879).
4 Bède, Quœstiones Variœ (Migne, Patrologia, t. 93, col. 463) Quœst. 9.
5 Saint Grégoire le Grand, Moralia ( Migne, Patrolojia, t. 76, .col. 450 ) liber 28,
ch. 1.
— 36 —
Gossouin nous montre que des pierres jetées au centre de la terre ne sau-
raient aller plus loin, parce qu'elles seraient alors à égale distance du firma-
ment. Si ces pierres étaient de poids différents, la plus lourde arriverait au
centre avant les autres.
Fritsche1 cite comme source Vincent de Beauvais* dont le chapitre
intitulé Qaorsum injectus lapis erit casurus, si perforatus sit ei terrœ
globus contient certainement l'idée exprimée par Gossouin. Vincent lui-
môme ajoute qu'il a tiré ces détails â'Adélard de Baths. Beaucoup de
traits provenant de ce dernier auteur se retrouvent dans Y Image du Monde,
surtout dans la seconde partie ; aussi sommes-nous plutôt enclin à croire
que Gossouin l'a employé directement sans avoir recours à Vincent.
Dans Alexandre Neckam il y a également un passage complet quant
à la matière, et fort semblable à celui de notre encyclopédie : « Si terra
in centro suo intelligatur esse perforata, ita quod magnus sit ibi
hiatus, et descenderet maximum plumbi pondus sine omni obstaculo,
quiesceret motus ejus in terrœ centro*. »
Ch. XII. — Si nous pouvions nous élever à une hauteur suffisante, les
montagnes et les vallées s'effaceraient et la forme ronde de la terre serait
évidente. Les grands fleuves paraîtraient comme un cheveu sur le doigt
d'un homme.
Fritsche 5 trouve cette comparaison ridicule. Selon lui , Gossouin a
commis une grossière erreur en essayant de traduire le passage suivant de
Y Imago Mundi*: «Si enim quis in sere positus eam [terram] desuper
inspiceret, tota enormitas montium, et concavitas vallium minus in ea
appareret, quam digitus alicujus, si pilam prœgrandam in manu
teneret. » Le critique allemand conclut que l'auteur de l'Image du Monde
a mal compris le sens de pilam, la balle, et a pris ce mot pour pilus, le
cheveu. Mais l'erreur de Gossouin n'est pas du tout évidente : sa compa-
raison diffère totalement de celle du texte latin ; elle est même préférable.
Loin d'être convaincu d'ignorance, notre auteur a montré de l'originalité.
La citation que nous donnons de Y Imago Mundi se retrouve dans
Sénèque7.
» O. c. p. 20.
2 Vincent de Beauvais, Spéculum Na.tu.rale (Vincentius Bellovacensis, Bibliotheca
Mundi 4 vol. Douai, 1624, vol. I, col. 374) VI. 7, cf. p. 30 n. 3.
3 Adélard de Bath, Quœstiones Naturales (Louvain, 1480) Quœst. 49. -
4 Neckam, De Naturis Rerum (éd. T. Wright. Londres, 1863) 1. I, ch. 16.
5 O. c. p. 21.
6 Honorius Augustodunensis, Imago Mundi (Migne, Patrologia t. 172) I, 5.
7 Sénèque, Questions naturelles IV '. 11.
37
Ch. XIII. — La forme ronde est la plus favorable au mouvement. Or
tout est mouvement en ce monde. C'est pourquoi Dieu a fait la terre ronde.
Ch. XIV. — Le dernier chapitre de la première partie est basé presque
entièrement sur Neckam.
Le ciel est si loin de nous qu'une pierre mettrait cent ans à tomber de
là jusqu'à la terre.
Neckam dit : « Tanta est firmamenti quantitas, ut ipsi totalis terra
collata quasi punctum esse videatur x » Gossouin exprime la même idée
en disant que, vue du ciel, la terre serait comme la plus petite des étoiles.
Le ciel tourne de l'est à l'ouest ; le soleil et les autres planètes tournent
dans la direction opposée. On peut comparer ce mouvement à celui d'une
mouche sur une roue, lorsque la mouche va dans un sens et la roue en sens
contraire.
Nous lisons dans Neckam : « Simile autem inducere videntur in
rnusca quœ a rota defertur, moiu tamen suo contra rotœ impetum
agitatur 2. »
En résumé, une étude des sources indiquées dans les notes sur le texte
montrera que, pour la première partie, Gossouin s'est surtout servi de Nec-
kam, quelquefois à'Honorius. Mais, presque toujours, lorsque ce dernier
peut être mentionné comme source, nous trouvons des passages semblables
dans Neckam.
Sauf les passages, en somme bien peu nombreux, que nous avons men-
tionnés, la première partie est l'ouvrage de Gossouin lui-même.
Deuxième Partie. — On ne saurait en dire autant de la seconde : le
sujet, d'ailleurs, ne s'y prêtait pas. Notre auteur a emprunté sa géographie
à des ouvrages reconnus probablement comme faisant autorité.
C'est donc la science de l'époque, et non Gossouin lui-même, qu'il faut
blâmer pour les descriptions d'hommes et d'animaux fabuleux qui, pour
nous, ne forment pas les chapitres les moins intéressants de Y Image du
Monde.
Ch. I. — La terre est divisée en quatre parties : l'orient, l'occident, le
midi, le septentrion. La « ligne du midi » divise l'orient et l'occident. Au
bout de cette ligne se trouve la ville d'Aaron qui est toute ronde et qui est
au milieu du monde.
C'est là qu'en général nous voyons Jérusalem sur les cartes du moyen
âgre.
1 Neckam, o. c. I, 5.
2 Neckam, o. c. I, 9.
— 38 —
Aaron est sans doute la ville nommée Aren sur la carte de Pierre
Alphonse1, un Juif de Huesca, qui écrivait vers 1110. La forme Arim se
trouve dans un manuscrit de Y Image du Monde 2, et rend cette supposition
probable.
Cette cité, dit Miller3, située au milieu de la terre, aux confins du
monde habitable, est, d'après la légende arabe, le refuge des démons et le
trône d'Iblys. Cet endroit, aussi nommé Aryn ou Arym, est déjà mentionné
par les Arabes au IXe siècle. Sur une carte persane du XIIe siècle, il est
indiqué comme étant au milieu de la terre. En occident on trouve souvent
ce nom au XIIIe siècle. Roger Bacon en parle et dit que Syène se nomme
maintenant Aryn.
La ligne qui s'étend à gauche de la ligne du midi s'appelle septen-
trion ; elle est ainsi nommée d'après les sept planètes.
Cette explication est tirée d' Isidore de Séville 4.
Le septentrion se termine à la montagne'0 qui guide les marins. Rien
dans le contexte ne peut nous aider à découvrir de quelle montagne il s'agit.
Peut-être est-ce une allusion à l'île de Thulé, où quelques-uns croient
reconnaître V Islande et ses volcans.
Gossouin donne ensuite le nom des trois continents, avec leur étymo-
logie.
Afrique vient à' enfer, c'est-à-dire apportée. Même si nous admettons
qu'il y a ici erreur de copiste, et qu'au lieu & enfer il faut lire affei\ du
latin ajfero, cette dérivation est originale. Aucune des sources ordinaires
de Ylmage du Monde ne la donne. Isidore0, Honorius 7 et Vincent de
Beauvaiss disent que l'Afrique tire son nom d'un descendant d'Abraham
nommé Afer. Vincent ajoute : « Africam autem nominatam quidam
inde existimant, quasi Apricam, quod sit aperta cœlo vel soli sine
horrore frigoris. »
Gh. II. — Le second chapitre se divise en huit parties, où Gossouin
décrit l'Asie en détail.
1 Manuscrit de Ja Bibl. Nationale, suppl. lut. 1218.
2 Musée britannique, Avundel 52.
3 Miller. Mappœmundi (Stuttgard, 1895) III, 127.
4 Isidore de Séville, Etymologiœ (Miçne, Patrologia, t. 81-84) XIII, H. 11.
5 Gaxton, dans sa traduction (f° 35 a), remplace le mot montagne par étoile. C'est
un des rares cas où il s'est permis d'altérer le texte français.
,! Isidore, o. c. XIV, 5. 2.
7 Honorius, o. c. I, 32.
8 Vincent de Beauvais, Spéculant Historicité (Bibliotheca Mundi, vol. IV, p. 28,
Douai, 1624) I. 76.
— 39 —
La première région, c'est le Paradis terrestre dans lequel quatre fleuves
ont leur source : le Phison, ou Gange; Je Gyon, ou Nil; le Tigre et l'Eu-
phrate.
La Genèse (II, 13) mentionne un fleuve Pison, mais rien ne nous prouve
qu'il s'agisse du Gange. Flavius Josèphe dit que le Phison est nommé
Gange par les Grecs. Ces deux noms sont aussi donnés par saint Ambroise1
et par saint Augustin 8.
Ce Phison, dit Gossouin, sort du Mont Ortobares (YOscobares d'Orose 3,
le premier qui fasse mention de cette montagne), traverse l'Inde et se jette
dans la mer d'Occident.
Le Gyon ou Nil disparaît sous terre et ressort dans la longue mer qui
entoure l'Ethiopie. Il se divise en sept branches, traverse l'Egypte, puis se
jette dans la grant mer, le Mare Magnum d'Orose et d'Isidore, c'est-à-
dire la Méditerranée.
L'Euphrate et le Tigre sortent du Mont Parthoacus * et se jettent dans
la mer moyenne.
Après le Paradis vient l'Inde sur laquelle Gossouin donne beaucoup de
détails. Nous relevons ici seulement les passages qu'il est à propos d'élucider.
F0 5i C. — En Inde se trouve le mont Capien où Alexandre enferma
une nation nommée Goz et Magoz. Ces gens dévorent la chair d'hommes et
d'animaux toute crue.
Ce mythe vient d'Ezéchiel (c. 38, 39). En ossète Gog et Magog dési-
gnent deux massifs du Caucase. On appliqua ensuite ces deux mots aux
populations scythiques de la mer Noire et de la mer Caspienne.
Sir John Maundeville, dont Ylmage est une des sources principales,
décrit cette nation qui, ajoute-t-il, appelle le mont Capien Uber5. Il s'agit
là plutôt de la chaîne de l'Elbourz que du mont Elbrouz.
L'Inde est divisée en quatorze régions. Ce chiffre est évidemment une
erreur : f° 60 A nous lisons « 33 régions», dans le manuscrit Arundel «34».
Orose, Gervaise de Tilbury et Honorius donnent «44»-
Les monstres moitié bêtes, moitié hommes sont sans doute les Centaures
d'Honorius,6, ou l'Hippocentaurus de saint Jérôme7.
1 Saint Ambroise, De Paradiso (Migne, Patrologia t. 14, col. 280) III.
2 Saint Augustin, De Genesi ad litteram (Migne, Patrologia, t. 34) VIII, 7.
3 Orose, Historiarum libri septem (Migne, Patrologia, t. 31) I, 2 : « Mons Osco-
bares, ubi Ganges fluvius oritur. »
* Orose, o. c. I. 2 : « Parchoatras, mons Armeniœ.
6 Sir John Maundeville, Voyages and Travels (Londres, 1886) ch. 26.
6 Honorius, o. c. I, 12.
7 Saint Jérôme, Vie de saint Paul (Migne, Patrologia, t. 23, col. 22).
— 40 —
F0 5% D. — Gossouin décrit une population composée d'hommes qui
n'ont qu'un pied, si large qu'ils l'emploient pour se protéger du soleil. Ils
se nomment « cy dopes ». Honorius1 les appelle « Scinopodœ ». Ensuite
nous lisons la description d'hommes qui ont un œil brillant au milieu du
front. Honorius2 mentionne seulement le nom de ce peuple sans autre
détail : « cyclopes ». Il est facile de voir que dans Y Image il y a eu trans-
position :
Gossouin attribue le titre de « cyclopes » aux « Scinopodœe », et omet
entièrement ce dernier nom.
Le long chapitre sur les animaux de l'Inde provient soitd'Honorius, soit
de Jacques de Vitry ou de Neckam.
F0 55 B. — Le musqualiet est petit comme une souris et a un petit
museau. II s'agit sans doute de la musaraigne, mentionnée par Isidore3.
La légende des arbres qui parlèrent à Alexandre est une des plus ré-
pandues à propos du roi de Macédoine. Elle s'est formée, comme beaucoup
d'autres, grâce à la lettre d'Alexandre à Aristote*, dans Y Histoire
d'Alexandre du pseudo-Callisthène6.
Nous la retrouvons dans les œuvres de Ranulph Higden6 et de Jacques
de Vitry7.
Dans la sixième partie du chapitre II, Gossouin décrit les différentes
parties de l'Asie.
F0 6o C. — Il mentionne Tarse, Sabba et Y Arabie, « d'où venaient
les Rois Mages ». On donne généralement comme origine de l'histoire des
Rois Mages le verset 10 du Psaume LXXII : « Les rois de Tarscis et des îles
lui présenteront des dons ; les rois de Schéba et de Séba lui apporteront
des présents. » Isidore8 et Honorius9 disent tous deux: « Arabia, quœ
etiam Saba dicitar, a Saba filio Chus. » Gossouin aurait donc dû dire
Schéba au lieu de Sabba, puisque ce dernier est seulement un autre nom
pour l'Arabie.
1 Honorius, o. c. I, 12.
2 Honorius, o. c. I, 12.
:i Isidore, o. c. XII, 3. 4 : « musaraneus. »
4 Cf. p. 29, n. 1.
•"• Pseudo-Callisthène (éd. Budge, Cambridge, 1889) p. 104 s.
6 Ranulph Higden, Polychronicon (éd. Babington, Londres, I860-86. 9 vol.) lib. I,
ch. 11 [vol. 1 p. 84].
7 Jacques de Vitry, Historia Hierosolomitana (Douai, lo97) ch. 80.
8 Isidore, o. c. XIV, 3. 4o.
9 Honorius, o. c. I, 15.
— 41 —
F0 60 D. — La description de la Phénîcie et du phénix est traduite en
entier de Neckam. C'est le seul ouvrage, parmi les sources généralement
employées dans Y Image du Monde, où nous trouvions tous les détails.
Isidore l et Honorius.2 décrivent une race d'hommes à cheveux blancs
en Albanie. D'après Gossouin, ce peuple habite Y Arménie.
F0 63 C. — Vers l'orient se trouve une population sale et vile descendue
des Juifs3. Le mariage est inconnu parmi ces gens, parce qu'ils n'osent se
fier aux femmes.
Cette légende est traduite littéralement de Jacques de Vitry 4 : « dicuntur
Essaei, de génère Judyeorum descendentes. »
Ch. III. — Le troisième chapitre traite de l'Europe et de ses contrées.
F° 6j C. — Les copistes des divers manuscrits ont fort maltraité les
noms de pays mentionnés par l'auteur. Sous ce rapport, le manuscrit
Harley 4333 5 du Musée Britannique est de beaucoup le plus correct. C'est
grâce à lui que nous avons pu résoudre une énigme telle que Rececorinde,
Retecorinde, Retecorindet, Rechecorinde, qui se trouve être un composé
de deux noms : Rethe, Corinte, c'est-à-dire la Rhétie et la Carinthie.
La lettre x a aussi trompé plus d'un scribe : Saproine, Sarroine,
Sapoine représentent Saxoine, la Saxe, et Naton ou Naaron l'île de
Naxos.
D'après Gossouin, l'Europe s'étend jusqu'au Mont Geu (Mons Jovis), le
Grand Saint Bernard. Cette information intéressante va nous aider à expli-
quer le chapitre suivant.
F0 68 A. — L'Afrique, dit l'auteur, comprend la Lybie, la Syrie, la
Palestine, la Grèce, la Lombardie, la Toscane, Alexandrie, la Gascogne,
l'Espagne et d'autres contrées. A première vue cette liste semble ridicule :
Fritsche6, Fant7, Langlois8, et d'autres encore y voient une faute de
copiste. Il paraît étrange pourtant qu'une erreur aussi étonnante se soit
conservée dans tous les manuscrits de toutes les rédactions sans excep-
tion. Bien plus, le scribe de Royal ig A IX9 ne se contente pas de copier
ce chapitre mot pour mot ; il y ajoute d'autres noms : Chypre, la Sicile,
1 Isidore, o. c. XIV, 3. 34.
2 Honorius, o. c. I, 19.
3 Fritsche (o. c. p. 33) n'a pu expliquer ce passage, étant arrêté par le mot Juis
(Juifs), qu'il lit lvis ou Iris.
4 Jacques de Vitry, o. c. ch. 82.
r> Cf. p. 5 n. 1.
« Fritsche, o. c. p. 34.
7 Fant, o. c. p. 14.
8 Langlois, o. c. p. 89 n. 1.
9 V. pour ce manuscrit p. 18 s.
— 42 —
Naples, la Catalogne, la Galicie, la Navarre et le Portugal. Il nous semble
donc nécessaire d'expliquer autrement que par une simple faute de copiste
cette nomenclature étrange et qu'il faille en chercher la raison dans les
connaissances géographiques même du moyen âge.
Quelques anciens faisaient de l'Afrique une simple province de l'Eu-
rope, comme le prouvent les citations suivantes :
Varron 1 (/ 16-26 av. J.-C.) : « Ut omnis natura in cœlum et terrain
divisa est, sic cœlum in regiones, terra in Asiam et Europam. »
Salluste2 (87-34 av. J.-C.) : « In divisione orbis terrœ plerique partem
tertiam Africain posuere : pauci tantummodo Asiam et Europam esse, sed
Africam in Europà. »
Orose 3 ( Ve siècle): « ....quamvis aliqui duas (partes), hoc est Asiam,
ac deinde Africam in Europam accipiendam putarint. »
Gervaise de Tilbury4- (XIIIe siècle): « ....sed potius in Europa dépu-
tantes Africam, hoc est secundœ partis portionem appellaremaluerunt. »
Ranulph Higden5 (XIVe siècle) : « Idcirco qui res humanas eviden-
tius agnoverunt duas tantum orbis partes accipiendas censuerunt, scilicet
Asiam solummodo et Europam ; Africam vero censuerunt Europa? finibus
deputandam... »
Ces extraits suffisent pour montrer qu'une opinion assez répandue a
guidé Gossouin. D'une manière un peu arbitraire, il a fixé la limite,
évidemment très vague, entre l'Europe et l'Afrique, attribuant à cette der-
nière le littoral entier de la Méditerranée. Ainsi la Carinthie, la Thessalie,
l'Epire, « une partie de Gonstantinople », sont en Europe. Mais l'Italie, la
Grèce, l'Espagne, la Palestine sont en Afrique.
Le fait que pas un seul des copistes n'ait songé à transférer cette
énumération au chapitre sur l'Europe, que certains d'entre eux y ajoutent
même d'autres noms, semble prouver qu'il s'agit là d'un fait admis à
l'époque et d'un exemple curieux des connaissances géographiques au
moyen âge. D'après cela, nous comprenons pourquoi notre auteur indique
le Grand Saint Bernard comme limite sud de l'Europe.
F° 68 D. — Le paragraphe suivant, sur Naxos, nous fournit un exemple
remarquable de la négligence des scribes. Le nom paraît dans les manus-
crits de Y Image du Monde sous les formes Naaron, Varon et Anon.
Dans la description de cette île, Gossouin commet une série d'erreurs.
Pour lui, Naxos est le lieu natal de saint Denis qui fut décapité en France.
1 Varron, De lingua latina, i.
2 Salluste, Jugurtha, ch. 17.
■J> Orose, o. c. I, 2. (Migne, Patrologia t. 31, col. 673.)
4 Gervaise de Tilbury, Otia I/nperialia (éd. Leibnitz, Hanovre, 1707. 2 vol.) II, 11.
5 Ranulph Higden, o. c. I, 7 (éd. Babington, vol. I, p. 50).
— 43 —
Dès le IXe siècle le premier évêque de Paris a été identifié avec Denis
l'Aréopagite, lég-ende qui doit son origine à Hilduin 1. Une des plus sérieuses
accusations contre Abailard a été son refus d'admettre cette identité.
Il est certain que saint Denis n'a pas vu le jour à Naxos ; quant à
l'Aréopag-ite, son origine est prouvée: Suidas2, son biographe, nous dit
qu'il est né à Athènes.
Gomment expliquer cette seconde erreur de Gossouin ? La réponse est
fort simple. Les fertiles vignobles de Naxos l'avaient fait surnommer Dio-
nysias (c'est-à-dire l'île de Dionysusy autrement dit Bacchus). C'est donc
cette ressemblance fortuite qui a trompé notre auteur et l'a induit à faire
de Naxos le lieu natal de saint Denis.
F° 6g A. — Isidore3 décrit les deux îles de Melos et de Paros ; il ajoute
que, de cette dernière, on tire du marbre blanc. Gossouin a combiné les
deux îles dans sa description de Melos.
Il mentionne ensuite la reine de Samos « qui prophétisa la venue du
Christ ». Elle était une des plus fameuses sibylles et la sixième en rang*.
F° 6g B. — L'île de Bosus où les serpents ne peuvent vivre est sans
doute l'Ê|3v<7croç mentionné par Ptolémée. C'est l'île d'Iviça, une des Baléares.
Colombine, la Columbina Terra ou Colubraria de Pline, peut être
soit l'île de Formentera, soit le groupe des Columbretes sur la côte d'Es-
pagne. La position de cette île sur les anciennes cartes ne permet guère de
résoudre la question : la probabilité est en faveur de Formentera, quoique
la forme même du mot « Columbretes » soit un argument en faveur de ce
groupe peu important.
F° 6g D. — L'île disparue de Platon dans la mer Bétique est naturelle-
ment Y Atlantide dont le philosophe grec parle dans le Critias* et dans le
Timée 6.
Gossouin décrit en quelques mots l'île perdue de saint Brandan. Sur les
cartes du moyen âg-e6 elle est placée au sud de l'île Antilia, à l'ouest des
îles du Cap Vr. et7
Ch. VI. — Le chapitre six est presque entièrement consacré à l'Irlande.
Les merveilles de ce pays ne le cédaient en rien à celles de l'Inde au moyen
1 Hilduin, Areopagitica (Migne. Patrologia, t. 106, col. 2009).
2 Suidas (Migne, Patrologia. Séries Grœca, t. 117, col. 1251).
3 Isidore, o. c. XIV. 6, 28. 29.
4 Le Critias ne semble pas avoir été connu au moyen âge.
5 V. sur le Timée p. 29 n. 1 .
6 V. Miller, o. c, passim.
7 Dans la seconde rédaction en vers, le chapitre sur saint Brandan a été considéra-
blement étendu et comprend 1740 vers, reproduits par Jabinal dans sa Légende de saint
Brandaine (Paris, 1836, p. 105 s.) d'après le manuscrit Bibl. Nat. fonds fr. 1444. —
V. aussi p. 51.
— 44 —
âge. Nous trouvons même dans Giraldus Cambrensis1 des détails qui, dans
Y Image du Monde, se trouvent dans le chapitre sur les Indes : ainsi la
description des femmes à barbe de Limerick. Gossouin suit d'ailleurs de
très près dans ce chapitre l'ouvrage de Giraud.
F° 7/ C. — L'île de Tylle, où il n'y a qu'un jour dans l'année et où les
arbres sont toujours verts, représente deux îles dont parle Isidore 2 : Tylos,
aux Indes, qui est toujours verte ; et Thyle ou Thulé près de l'Angle-
terre.
F0 y 2 B. — D'après Y Image du Monde, il y a, en Bretagne, des gens
qui ont une queue au bas du dos. Ce passage est pris de Jacques de Yitry3
qui dit expressément in Majori Brittania, ne nous laissant ainsi aucun
doute : il s'agit de l'Angleterre.
S. Baring-Gould a publié une étude sur le sujet4. Il ne cite pas de
sources très anciennes, et le fait que la légende est déjà bien connue en
124() nous permet de douter qu'elle ne date que de Thomas à Becket,
comme Baring-Gould le suggère.
L'origine la plus probable se trouve dans Gapgrave et dans Alexandre
de Esseby, cités par John Baie, évêque d'Ossory, dans son ouvrage «Actes
of English votantes» : Les habitants du pays de Dorchester, ayant attaché,
par dérision, des queues de poisson aux vêtements de saint Augustin de
Canterbury, celui-ci les maudit, eux et leurs descendants. Depuis lors les
habitants de cette contrée eurent une queue au bas du dos.
Cette légende s'étendit peu à peu à l'Angleterre en général, et Baie, qui
écrivait vers 1550, se plaint amèrement qu'il est impossible à un Anglais
de voyager dans d'autres pays sans être appelé coué.
F° j2 B. — Les femmes au pied du Mont Gieu qui ont des bosses sous le
menton ne nous sont que trop connues. La réputation des goitreux du Valais
était évidemment déjà établie au moyen âge.
Ch. VIL — Gossouin donne, dans le chapitre sept, une description des
phénomènes les plus communs. C'est là que se trouve un passage des plus
importants pour l'attribution de l'auteur de la rédaction en prose5.
Ch. XIII. — Un chapitre qu'il est à propos d'élucider nous décrit com-
ment l'eau de mer devient salée : Dans certaines parties du monde il fait
1 Giraldus Cambrensis, Topographia Hibernica (éd. Dimock, vol. o. Londres, 1861-
91, Opéra 8 vol.) II ch. 20, p. 107.
2 Isidore, o. c. XIV, ch. 6, 4 et 13.
;! Jacques de Vitry, o. c. ch. 92.
4 S. Baring-Gould, Qurious myths of the Middle-Ages (Londres, 1884) p. 14o s.
5 V. p. 8 et 9 de l'introduction et f° 7o c n. du texte.
— 45 —
si chaud que la terre au fond de la mer transpire ; le soleil attire cette
transpiration qui est très salée et qui se mêle peu à peu avec l'eau douce.
De ce mélange provient l'eau de mer.
Cette explication se retrouve dans plusieurs auteurs l, et presque mot
pour mot dans le livre de Sydrach, de même que la matière du chapitre
suivant, sur l'air et sa nature.
Ch. XIV. F0 84 C. — La vie de l'homme dépend de l'air humide qu'il
respire. Notre auteur prouve la densité de ce fluide au moyen d'une verge
qui plie si on l'agite rapidement.
Cet exemple ne paraît se trouver dans aucun écrivain antérieur à
Gossouin.
Les esprits malins qui prennent leur forme de l'air humide sont décrits
par saint Augustin 2 : Dœmones œria sunt animalia, quoniam corporum
œriorum natiira vigent.
Ch. XV. F° 88 D. — Le De Laudibus de Neckam a suggéré à Gos-
souin beaucoup de passages de sa seconde partie. C'est là seulement 8 que
nous trouvons la description originale de la cause du tonnerre 4 : Lorsqu'on
plonge un fer rouge dans l'eau froide, il s'ensuit une explosion ; de même,
un éclat de tonnerre se produit lorsque la foudre traverse un nuage épais.
La fin du chapitre quinze correspond au passage suivant d'Adelard :
(o. c. quaest. 68 : (Juare nec simul nec semper cum videmus ignem talem
audimus fragorem) ...ut si quis ab altissima montis spécula in una valle
percussorem notet prius auctum rei visum quam auditum arguet.
Ch. XVII (b). — C'est aussi dans Neckam que Gossouin a puisé sa
description du dragon: une vapeur sèche qui prend feu, tombe sur la
terre et disparaît. Dans le De Laudibus5 on lit : Impetus in longum
nubem producit, et illam Serpentis formant visus habere putant.
Ch. XVIII. F° gi D. — La distance de la terre à la lune, selon A et
d'autres manuscrits, est de quinze fois la circonférence de la terre.
i V. fo 83 d s. n.
2 Saint Augustin, De Genesi ad litteram (Migne, Patrologia, t. 34) lib. III.
ch. X, 14.
3 Neckam, De Laudibus Divinœ Sapientiœ (éd. T. Wright, Londres, 1863, p. 357 s.)
III 97-118.
4 Adélard de Bath attribue les éclairs et le tonnerre à la collision des nuages : il ne
saurait donc être cité comme source (o. c. quœst. 64, 65).
5 Neckam, De Laudibus 1. 319 s.
— 46 —
Les chiffres varient beaucoup : les manuscrits S, Harley 4333 et Addi-
tional 10 oiô donnent tous 12 au lieu de i5. D'après F0 127 B du manus-
crit A, la distance de la terre à la lune est égale à 24 11/i2 fois le diamètre
de la terre (le diamètre = 6500 milles) = 161958 */» milles.
La circonférence de la terre, d'après F0 127 B = 20 428 milles. Ainsi
la distance ne serait que de 8 fois la circonférence de la terre, résultat ridi-
cule et pas du tout d'accord avec les autres calculs de l'auteur1. De plus 8
ne se trouve dans aucun des manuscrits. D'après le manuscrit de Turin2,
la distance de la terre à la lune
= 34 11/i2 fois le diamètre de la terre ;
,= 226 958 Va milles;
= presque 12 fois la circonférence de la terre.
Nous avons donc ici un nombre mentionné par plusieurs manuscrits.
Mais, pour y arriver, nous avons dû admettre la leçon du manuscrit de
Turin : 34 11/i2, au lieu de 24 11/i2. Celle-là est heureusement confirmée,
d'abord par les calculs du chapitre XVI de la troisième partie où, si nous
prenons comme base 34 "/«j ^es résultats obtenus sont toujours corrects et
se confirment les uns aux autres, et ensuite par la mesure du vers, correcte
dans le manuscrit de Turin, mais fautive dans d'autres copies de la pre-
mière rédaction, comme nous le montrons plus loin 3.
Quant au chiffre i5, aucun des calculs précédents ne le produit comme
résultat. Nous y voyons une simple faute de copiste.
Donc nous lisons ici 12 au lieu de i5.
F0 Q2 C. — Un passage frappant semble confirmer ici l'emploi de Bède
comme une des sources de Y Image du Monde. Nous donnons in extenso dans
la note sur le texte même4, cet extrait tiré des Elementorum Philosophiœ.
F0 gi D. — Les taches de la lune sont simplement la réflexion de la
terre. D'autres disent cependant que la lune a perdu sa splendeur première
à cause de la chute d'Adam. Neckam écrit 5 : « Merito enim praevarica-
tionis primorum parentum, omnium planetarum et stellarum fulgor
dispendium claritatis sustinuit. Luna vero, quae citima terris est, et
aspectibus humanis famitiarius occurens, maculam in se retinuit. »
Cil. XIX (a). — Gossouin nous dit que le dimanche prend son nom du
soleil, information qui lui vient de Neckam c ; « ...in die Dominica, quant
Pkilosophi dicunt esse die m solis. »
1 Cf. f° 127b.
2 Turin, Bibliotcca nazionale : L. IV. 5 (manuscrit de la première rédaction en vers.)
:î V. p. 52 et p. 52 n. 6.
4 V. fo 92 c n.
5 Neckam, De Naturis Rerum I. 14.
6 Neckam, De Naturis Rerum I. 10.
— 47 —
Ch. XIX (6). — Le mouvement du firmament produit une douce har-
monie. Les petits enfants peuvent entendre cette musique : voilà pourquoi
ils sourient dans leur sommeil.
L'origine de cette jolie légende se trouve probablement dans ce passage
de Bède1 : « Si autem aliquis in altero mundo nasceretur (si possibile
esset), ut sanctus Aagustinus affirmât, ut in hune mundum postea
venissety eam2 sine ullo impedimento audiret, eique ultra vires pla-
cer et. »
L'étude de la seconde partie nous laisse peu de doutes sur les sources
employées par Gossouin. Il prend son bien où il le trouve, sans altérer le
sens de l'original. Sans même changer l'ordre des matières, il traduit par-
fois toute une série de chapitres d'un seul auteur. Même les fautes de tra-
duction dont il se rend coupable ne peuvent que nous confirmer dans nos
suppositions.
Nous donnons donc comme sources principales de la seconde partie :
Ho no ri us, Jacques de Vitry, Neckam, Gervaise de Tilbury.
Troisième partie. — Dans la troisième partie Gossouin s'occupe d'astro-
nomie. Les connaissances en mathématiques dont il fait preuve sont loin
d'être méprisables. Si le résultat de ses calculs varie, la faute en est aux
copistes des manuscrits. Nous chercherons à lui rendre son dû sous ce
rapport.
Notre auteur mentionne aussi certaines légendes qu'il est intéressant
d'étudier.
Ch. V. F0 io3 D. — Selon lui, saint Denis, avant d'être converti par
saint Paul en Grèce, observa l'éclipsé de soleil qui eut lieu à la mort de
Jésus-Christ. Il éleva un autel au dieu inconnu.
Tout ce que nous savons sur saint Denis nous vient de saint Grégoire
de Tours. La légende qui identifie l'évêque de Paris avec l'Aéropagite ne
s'est formée que plus tard. Nous en avons déjà parlé 3.
L'exclamation de l'Aéropagite, % to Qsîov nz.T%et} vj tw -r:a.<7^6vrt (pj^nzâ-tT^îL 4,
dont Gossouin nous donne la version française, était adressée à son ami
Apollophanes.
Ch. VI. — La plupart des idées contenues dans le chapitre six se re-
trouvent dans Neckam et surtout dans Adelard de Bath 5 ; mais notre au-
1 Bède, Musica Theorica (Migne, Patrologia, t. 90, col. 911).
2 i. e. musicam.
» V. p. 43.
4 V. Actes des Apôtres XVII, 23-34. — Suidas, dans Migne, Patrologia, Séries Grseca,
t. 117. col. 1251. — De Launoy, Duo Dionysii (Paris, 1660).
5 Adelard de Bath, o. c. Quœst. 74 : Utrum animatœ sint stellœ.
— 48 —
teur a employé ses sources d'une manière très libre et a beaucoup étendu
la matière.
Ch. VIII. — Gossouin a fait plusieurs emprunts à Y Almageste de Pto-
lèmée. Il s'agit naturellement de Claude Ptolémée, né, à ce qu'on croit, à
Ptolemaïs dans la Thébaïde, qui enseignait à l'école d'Alexandrie au mi-
lieu du IIe siècle après Jésus-Christ. Son ouvrage a été traduit par Boèce.
Mais le titre arabe dont se sert notre auteur, Y Almageste, tend plutôt à
faire supposer que la traduction employée pour Y Image du Monde est celle
faite par ordre de Frédéric II vers 1230 *.
Le roi Ptolémée de notre encyclopédie appartient à la dynastie des
Lagides, dont aucun n'a laissé de traces comme astronome. L'erreur de
Gossouin est probablement due à Isidore qui, selon Halma, donne le titre
de roi à Claude Ptolémée.
Ce chapitre est occupé en grande partie par un sermon, qui est loin
d'être sans mérite, sur l'emploi du temps, sur la ponctualité et la punition
de ceux qui poursuivent la fortune et oublient le service de Dieu.
Ch. IX. — L'historien Flavius Josèphe 2 et Gervaise de Tilbury 8 men-
tionnent tous deux la légende suivante : Les philosophes, sachant que le
monde devait périr deux fois, par l'eau et par le feu, élevèrent deux colon-
nes pour y inscrire les sept arts. L'une était de pierre pour résister à l'eau,
l'autre de briques pour résister au feu.
D'après l'historien juif, les deux colonnes existaient encore de son
temps en Syrie, et avaient été érigées par Seth.
Ch. X. F° 1 16 B. — Josèphe attribue aussi à ce dernier la découverte
de l'astronomie après le déluge, tandis que Ylmage du Monde cite
Abraham et Sem, fils de Noé, au lieu de Seth. La ressemblance des noms
aura trompé Gossouin.
F° iij A. — Ce dernier affirme plus loin que Platon et Aristote
croyaient à la Trinité. Quoiqu'il en dise, cette croyance n'a jamais été
attribuée à Aristote au moyen âge. Clément d'Alexandrie4 est le premier
qui fasse mention de Platon à cet égard. Il donne comme preuve certaines
lettres et plusieurs passages du Timée.
1 V. Halma, Almageste (Paris, 1813) p. 61.
2 Flavius Josèphe, 'Iovôamr) hçxal-oAoyl-a (Oxford, 1700) I, '1.
■' Gervaise de Tilbury, o. c. (vol. I p. 899) I, 20.
4 Clément d'Alexandrie, Stromata (Migne, Patrohf/ia, Séries Grœca, t. 8, col. 15o,
I08) V, ch. 14.
— 49 —
Gh. XI. — Au chapitre cinq de la première partie1, Gossouin a décrit
Virgile le prophète. Il va maintenant nous parler de Virgile le magicien.
Chacun sait que le poète latin doit cette étrange réputation à la hui-
tième églogue et à un passage de Y Enéide 2. Les prodiges attribués à Vir-
gile sont répétés de tous côtés au moyen âge, mais aucune des sources
mentionnées ne paraît être l'original dont Gossouin a fait usage.
Un des miracles cités dans Y Image du Monde ne se retrouve nulle
part tel que notre auteur nous le décrit : celui des deux cierges et de la
lampe qui brûlent sans cesse, enfouis dans la terre.
Il est certain qu'une partie de la légende, celle qui se rapporte à la
lampe, était déjà connue au moyen âge bien avant Gossouin ; les exemples
suivants le prouvent : Dans le Roman de Troie de Benoist de Sainte-More s,
nous lisons (v. 16 751 seq) :
Oiez que firent li trei sage ;
Desor, devant chascune ymage,
Firent lampes d'or alumer ;
Onques nus hom nés vit fumer.
Tex est li feus, ja n'esteindra,
Ne a nul jor ne desceistra ;
Si est fez et de tel nature
Que toz jorz art et toz jorz dure.
Guillaume de Malmesbury 4, dont l'ouvrage a peut-être servi de source
à Benoit 5, écrit :
Epitaphium hujusmodi repertum :
> V. p. 32, 83.
s Enéide VI, 263 s.
:i A. Joly : Benoit de Sainte-More et le Roman de Troie. Paris 1870-71. 2 vol. 4°.
Vol. I p. 231 sq.
4 W. Stubbs : Willelmi Malmesbiriensis monachi De Gestis Regum Anglorum
(Londres, 1887, 2 vol. 8°.) Vol. I p. 259. « De corpore Pallantis filii Evandri. »
6 V. A. Joly, o. c, passim. Selon Jacques Salverda de Grave (Enëas. Bibliotheca
Normanica. Vol. IV. Halle, 1894, 8°, v. 6510 sq.), c'est V Enëas qui a servi d'exemple à
Benoit. Petit de Julleville (Histoire de la Littérature française, Paris, 1896, vol. I p. 220)
voit au contraire dans Y Enëas un ouvrage postérieur au « Roman de Troie ». Voici d'ail-
leurs le passage de YEnéas tel qu'il se trouve dans l'édition critique de Jacques Salverda
de Grave (v. 6510 sq.) :
Une lanpe ot desor pendue ;
d'or esteit tote la chaeine,
la lanpe fu de basme pleine;
ce fu merveillose richece,
de beston en esteit la mece,
d'une piere que l'en alume,
tel nature a et tel costume :
ja puis esteinte ne sera,
ne nule feiz ne desfera.
Li reis fîst la lanpe alumer,
n'onc puis n'i estut recovrer.
— 50 —
« Filius Evandri Pallas, quem lancea Turni »
« Militis occidit more suo, jacet hic.»
Quod non tune crediderim factum, licet Carmentis, mater Evandri,
Latinas litteras dicatur invenisse; sed ab Ennio vel alio aliquo antiquo
poeta compositum. Ardens lacer na ad caput inventa arte mechanica, ut
nullius jlatus violentia, nullius liqaoris aspergine valeret exstingui.
Gossouin paraît être le premier auteur du moyen âge qui attribue ce
miracle à Virgile. Du moins ni Fritsche1, ni Comparetti2, personne de fait,
n'a trouvé jusqu'ici la source de la légende telle que notre auteur la rap-
porte, mais les passages cités ci-dessus sont, semble-t-il, un indice précieux.
Gossouin a parfaitement pu connaître soit le Roman de Troie, soit
VEnéas, ou la Chronique de Guillaume de Malmesbury.
Le rapport entre les idées est maintenant évident : Virgile, auteur de
Y Enéide et magicien, devient aisément, dans l'esprit de Gossouin, l'inven-
teur de la lampe merveilleuse du tombeau de Pallas.
Les cierges sont un trait ajouté peut-être par notre auteur lui-même.
La source n'est donc pas certaine ; mais il est fort probable que le pas-
sage cité de Guillaume de Malmesbury est l'origine de la légende telle
qu'elle se trouve dans Y Image du Monde.
Thomas Wright remarque, dans une note manuscrite3, que l'histoire
de la mouche d'airain, dont aucune mouche ne peut s'approcher sans périr,
semble avoir existé en Orient. Dans les voyages d'Evliya Efendi {Oriental
Translation Committee, p. 17), l'auteur, parlant de certaines colonnes à
Constantinople, dit: «Sur une d'elles érigée par le Hakim Filikûs (Phi-
lippe), seigneur du château de Kavalâh, se trouvait une mouche d'airain
qui, par son bourdonnement incessant, chassait toutes les mouches d'Is-
tâmbôl. »
A Naples se trouve encore le Château de Vœuf. Il y a là peut-être une
trace de cet autre miracle de Virgile : la ville bâtie sur un œuf.
Ch. XII. — Le chapitre suivant nous explique l'invention de l'argent.
Gossouin donne d'abord l'étymologie du mot monnaie qui vient, selon lui,
3 O. c. p. 49 sq.
2 O. c. passim.
3 La bibliothèque du romanisc/ies Seminar de l'Université de Halle possède une copie
manuscrite de Y Image du Monde faite d'après le manuscrit du British Muséum Additional
10015. Cette copie appartenait à T. Wright. Il s'y trouve plusieurs notes de la main
même du savant auteur qui, nous le savons, avait l'intention de publier une édition de
Y Image du Monde, ouvrage que la mort l'a malheureusement empêché de mener à bien.
(V. à ce propos : T. Wright, Popular Treatises on Science written during the Middle
Ages in Anglo-Saxon, Anglo-Norman, and English [Londres, 1841] p. 8 de l'Introduction.)
Nous devons à l'amabilité de M. le professeur Suc hier d'avoir pu consulter le manuscri
de T. Wright.
— 51 —
soit du verbe mener, parce qu'elle mène les gens qui voyagent, soit du
grec povoç, parce qu'il n'y avait autrefois qu'une seule espèce d'argent.
Le chapitre des dérivations n'est pas le moins curieux de Y Image du
Monde : Septentrion % d'après Gossouin, prend son nom des Sept étoiles;
Afrique2 vient à' enfer, et veut dire apportée ; Melos 3, ainsi nommée à
cause du doux chant des oiseaux, vient de mélodie. La première île qui
apparut après le déluge en reçut le nom et s'appela Delos1.
La mention de parisis et de tournois semble montrer qu'à l'époque
de Gossouin ces deux espèces de monnaie s'employaient encore indifférem-
ment l'une pour l'autre.
Ch. XIII. — En décrivant la manière dont les philosophes voyageaient
autrefois, l'auteur introduit saint Brandan qu'il a déjà mentionné au cha-
pitre cinq de la seconde partie5.
Ch. XV. - — Ce chapitre et les suivants contiennent les calculs de l'au-
teur sur les dimensions de la terre.
Brunetto Latino semble avoir employé, dans son Trésor*, les mesures
de Y Image du Monde. Le manuscrit dont il s'est servi est certainement
un des meilleurs ; comme nous le verrons, ses mesures s'accordent entre
elles et peuvent donc nous aider à rétablir le texte.
Jusqu'à présent les méthodes employées dans ce but ont été : la mesure
des vers, la rime et la comparaison des manuscrits.
Il est possible, dans certains cas, de vérifier les résultats par les cal-
culs mêmes : c'est ce que nous allons essayer de faire.
La circonférence de la terre, selon Gossouin, est de 20 428 milles. Bru-
netto Latino 7 et les manuscrits/? etHarley 4333 donnent 20 427 milles. Il n'y
a aucun calcul dans le reste de l'ouvrage qui nous permette de contrôler la
valeur de ces chiffres ; nous acceptons donc la leçon de la plupart des ma-
nuscrits : 20 4^8 milles.
Le mille a 100 pas ; le pas, 5 pieds ; le pied 1/4 pouces. Ici l'erreur est
évidente, et nous mettons 12 pouces au lieu de i4-
Le diamètre de la terre est de 6500 milles. Brunetto Latino8 donne la
1 V. fo 48 c.
2 V. f<>49c.
a V. f» 68 d.
4 y. fo 68d.
s V. p. 43 et p. 43 n. 1.
6 Brunetto Latini, Li Livres don Trésor (éd. Chabaille, Paris, i863) Livre I, part.
III, ch. 110.
7 Brunetto Latini, o. c. I, III, 110.
8 Brunetto Latini, o. c. I, III, lii.
— 52
distance du firmament à la terre comme étant ég-a le à « 10066 Jois le
diamètre de la terre, c est-à-dire 65 4^g 000 ».
65 429 OOO divisé par 10 066 = 65 00.
Ce nombre est, donc correct en tant qu'il prouve que Brunetto Latino
n'a pas fait de faute de calcul ; mais nous tâcherons de démontrer plus
loin * que le nombre 10 066 est erroné.
Gh. XVI. — Ptolémée 2 dit que la terre est 89 l/i fois plus grande que
la lune. Nous lisons dans Brunetto Latino3 et dans la plupart des manus-
crits « 3g fois et un peu plus».
Au chapitre dix-huit de la seconde partie 4, nous avons donné nos rai-
sons pour indiquer la distance de la terre à la lune comme étant égale à 12
fois la circonférence de la terre. De là nous avons déduit que cette distance
était de 226 958 1/s milles environ. Le diamètre de la terre étant de 6500
milles, nous devons en conclure que la lune est à une distance de la terre
ég-ale à 34 xl/ia fois le diamètre de la terre. Ceci justifie la leçon du manus-
crit de Turin (34 11/i2), quoique les autres manuscrits et Brunetto Latino r"
donnent 2 4 u/i2. Ajoutons que "XX* étant un monosyllabe et 'XXX* dis-
syllabe, la mesure du vers confirme le nombre trente*.
Le soleil est 166 3/20 f°is Pms grand que la terre. Ptolémée 7 dit ijo
fois ; mais il n'y a pas de raison pour refuser d'admettre les calculs de
Gossouin. Celui-ci est d'ailleurs d'accord avec Neckam 8.
Selon Y Image du Monde et Brunetto Latino J), la distance de la terre
au soleil est de 585 fois le diamètre de la terre « comme l'a prouvé Pto-
lémée». L'Alma/jeste estime cette distance à 1210 fois le rayon de la cir-
conférence de la terre.
Gh. XVII. — Une difficulté se présente au commencement même de ce
chapitre. Selon Brunetto Latino10 et le manuscrit de Turin, la distance de
1 V. p. 53 s.
- Ptolémée, Almagehte (éd. Halma, Paris. 181-*{) V, 16.
:! Brunetto Latini, o. c. I. III, 116.
4 V. p. 4ô.
•> Brunetto Latini, o. e. I, III, 116.
n Cf. manuscrit Sloan, f'° 128 a :
Et de terre si loin^ ensus
•xxiiii- tans et demi.
Si nous lisons -xxxiiii- tans et demi, le vers aura le nombre de syllabes voulu, et la
leçon du manuscrit de Turin se trouvera doublement justifiée.
7 Ptolémée, o. c. V, 16.
s Neckam, De Naturis fierum I, 8.
'■> Brunetto Latini, o. c. I, III, 116.
111 Brunetto Latini, o. c. I, III, 111.
— 53 —
la terre au firmament est de 10066 fois le diamètre de la terre; selon les
autres manuscrits, de ioo55 fois. Quelle leçon faut-il adopter1?
Le premier exemple donné par Gossouin nous dit que, si un homme
faisait 25 milles par jour, il atteindrait le firmament en jiôj V2 ans-
Les calculs donnent le résultat suivant :
1) 10 055 X 6500 (diamètre de la terre) = 65 357 500 (distance de la
terre au firmament).
65 357 500 : (25 X 365 7«) = 7157 %
2) 10 066 X 6500 = 65 429 000
65 429 000 : (25 X 365 V«) = 7165 */«•
Donc si nous prenons comme base de notre calcul 10 055, le résultat
correspond au nombre d'années indiqué par les manuscrits.
Le second exemple est le suivant : Si Adam, depuis sa création, avait
fait 2,5 2 milles par jour, il aurait encore à marcher ji3 ans depuis le jour
où le manuscrit original a été écrit, c'est-à-dire le six janvier i2$5(y. s.).
Si nous prenons pour base 10 055, la création de l'homme aurait eu lieu
en 5igg 1J2 av. J. G. : la date mentionnée par Orose 3. Voici le calcul :
65 357 500 4 : 25 5 = 2 614 300
2 614 300 : 365 */4 = 7157 */*
7157 l/i — (1245 H- 713) = 5199 V*.
Avec la base 10 066, nous trouvons que la création d'Adam a dû avoir
lieu en 5207 8/k> av. J. G. : nombre peu probable et pour lequel il n'y a
aucune autorité.
Ici donc l'évidence est en faveur de 10 o55.
Le dernier calcul est moins compliqué : Si une pierre tombait du firma-
ment pendant 100 ans, elle devrait faire 53 1/2 milles par heure dans sa
chute pour arriver jusqu'à la terre.
1 Cf. p. 51, 52.
2 Les manuscrits de la rédaction en prose disent 20 milles, au lieu de 25. Mais il
n'y a pas de raison pour qu'Adam ne fasse que 20 milles lorsque, dans l'exemple pré-
cédent, Gossouin donne 25 milles comme étant la distance couverte par un homme ordi-
naire en une journée. De plus les manuscrits en vers donnent 25 milles. Enfin les calculs
qui suivent confirment le nombre 25. Il ne s'agit, dans les manuscrits en prose, que
d'une simple faute de copiste.
3 Orose, o. c. I, 1 : Sunt autem ab Adam, primo homine, usque ad Ninum magnum
(ut dicunt) regem, quando natus est Abraham, anni tria millia centum octoginta et qua-
tuor... A Nino autem vel Abraham usque ad Cœsarem Augustum, id est, usque ad Nativi-
tatem Christi... anni duo millia quindecim. — Cette date devait être généralement admise
au moyen âge puisque Gossouin l'emploie comme base de ses calculs sans même la men-
tionner.
4 V. ci-dessus, calcul n° 1.
5 Le même calcul fait avec 20 comme base donne les résultats suivants, qu'aucun
ouvrage du moyen âge ne semble justifier :
(Base : 10055) la création d'Adam est placée entre 6990 et 6989 av. J.-C.
(Base : 10066) création d'Adam entre 6999 et 7000 av. J.-C.
— 54 —
Le nombre 53 1/1 est évidemment corrompu ; il est facile de le prouver.
1) 6500 (diamètre de la terre) X 10 055 = 65357500 (distance de la
terre au firmament).
65 357 500 : 876 600 (nombre d'heures en 100 ans) = 74 yt milles.
2) 6500 X 10 066 = 65 429 000.
65 429 000 : 876 600 = 74.
Nous devons choisir entre 74 et 74 Y2* Aucun manuscrit ne paraît
offrir la leçon y4- La leçon 74 */* au contraire se trouve dans le manuscrit
Sloan 2435 du Bntish Muséum, et ce chiffre qui répond à nos calculs
vient aussi confirmer la base 10 055.
Nous mettons donc y 4 V« au lieu de 53 1/2.
Si nos conclusions à propos des chiffres sont admises, notre étude aurait
un résultat pratique : celui d'aider à la reconstitution de la rédaction en vers.
La troisième partie semble être basée sur YAlmageste de Ptoléméè. Mais
nous pouvons aussi mentionner Honorius, la Philosophiez Mundi et Neckam,
Nous avons donné une liste des sources principales de Y Image du
Monde, mais cette liste est probablement loin d'être complète. Les lectures de
notre auteur ont été aussi vastes que variées. Il en a fait bon usage. Pour-
tant il est resté original jusqu'à un certain point. Il sait développer la ma-
tière que lui fournissent ses sources. Les calculs sont absolument le résul-
tat de ses propres efforts 1. Même au point de vue littéraire il montre par-
fois un certain talent descriptif : ainsi son chapitre sur l'enfer.
Mais ses exemples surtout ont une valeur indiscutable. Gossouin est au
fond un pédagogue ; son but est d'instruire ses lecteurs. Ce qui pourrait
être obscur, il l'explique au moyen de comparaisons ou de dessins d'une
véritable utilité. Il prouve la densité de l'air par une verge qui plie lors-
qu'on l'agite2 ; il démontre au moyen d'une chandelle allumée l'alternance
du jour et de la nuit s; il nous explique d'une- manière originale pourquoi
l'on voit l'éclair avant d'entendre le tonnerre 4. Ses remarques sur la force
centrifuge 5, sur le mercure et l'eau e, montrent un esprit éclairé. Il em-
ploie un exemple frappant pour faire comprendre à ses lecteurs la pré-
sence universelle de Dieu : la voix d'un homme que chacun dans une foule
peut entendre en même temps sans pourtant la voir 7.
1 Par exemple le calcul sur le temps qu'Adam aurait mis à venir de la terre au fir-
mament, et qui introduit la date de la composition de Y Image du Monde (III, 17), est
indubitablement dû à Gossouin lui-même.
2 II cb. 14.
■■ III cb. 1 .
4 II cb. 15.
s I cb. 12.
« II cb. 7.
' III cb. 21.
— 55 —
Ces passages ne sont pas tous originaux; mais Gossouin a du moins le
mérite d'avoir su choisir ce qu'il y avait de vraiment utile et instructif dans
ses sources.
Enfin, disons-le à son honneur, il a su éviter le grand défaut des œu-
vres de vulgarisation au moyen âge : il ne moralise pas à tout propos.
Même encore maintenant nous pouvons lire avec intérêt la géographie
et l'astronomie de V Image du Monde.
Il est facile de comprendre pourquoi cet ouvrage a survécu pendant des
siècles : il n'a vraiment perdu sa valeur scientifique qu'à l'aurore des
temps modernes.
Liste des principaux manuscrits de l'« Image du Monde »
employés par l'éditeur.
PROSE
Bibliothèque Nationale : fonds fr. 5y4 = A.
Bibliothèque Nationale : fonds fr. 25 344 = B.
Bibliothèque Nationale : Noiw. acquis.fr. 6683 = .V.
Bruxelles : Bibliothèque Royale, Q822 = C.
M. Suchier — S.
British Muséum : Reg. i9. A. IX. = R.
VERS
British Muséum: Arundel 02 lre rédaction).
British Muséum : Sloan 2J35 (lre rédaction).
British Muséum : Harleij 4333 (2me rédaction).
British Muséum : Additional 10 01 5 (lre rédaction).
Dans le te.jcte, les abréviations du manuscrit A sont remplacées par des
italiques, les corrections sont en caractères gras.
Dans les notes :
Sydrach S veut dire: Manuscrit Suchier du livre de Sydrach.
Sydrach Add. veut dire : Manuscrit Additional 16 563 du British Muséum.
T. Les chiffres arabes (1,2, etc.) se rapportent aux « variae lectiones ».
II. Les astérisques (*, **, etc.) » aux remarques sur la
grammaire, etc.
III. Les lettres (A, B, etc.) se rapportent aux notes sur les sources.
L'IMAGE DU MONDE
DE
MAITRE GOSSOUIN
Version en prose.
(Texte du manuscrit fr. 574 corrigé d'après d'autres manuscrits.
[F0 i a.] A Ci commence 1 li chapitre du roumanz 2 mestre Gossouin 3 qui
est apelez ymage du monde.
Ce * livre de clergie, que l'en apele l'ymage dou monde, qui est
translatez de 5 latin en rommanz G, contient -lv chapistres et -xxviir \F° i b]
figures, sanz quoi li livres ne porroit estre legierement entenduz, qui est
devisez en - iii * parties, dont la première partie contient *xiiii* chapistres et
•viii* figures, sanz le prologue.
Li premiers chapistres [F0 i c] parole de la poissance de Dieu. Li seconz,
pour quoi Diex fist le monde. Li tierz, pour quoi Diex forma 7 homme a
sa samblance8. Li quarz, pour quoi Diex ne fist houme 9 tel qu'il ne peùst
pechier 10. Li quinz, pour quoi et comment les -vii" arz furent trouvées, et
de lor ordenence u. Li sisiesmes, des trois manières de genz 12 que li philo-
sophe posèrent au monde, et comment clergie vint en France. Li septies-
mes, de la manière des -vii- arz. \F° i d.] Li oictiesmes 13, de nature
comment ele oevre et quel 14 chose ce est. Li nueviesmes, de la fourme du
firmament. Li disiesmes, comment les quatre elemenz 15 i sunt le assis . Li
onziesmes, comment la terre se tient en mi le monde. Li douziesmes,
quele la reondesce de la terre est. Li treziesmes, pour quoi Diex fist le
1 B, G : commencent. — 2B : romanz. — 3 B : maistre Gossonin ; G : Gosson. — 4 B :
cest. — 5 B : du. — 6 B : rowmanz ; G : roumant. — 7 B : fourma. — 8 B : semblance.
— 9 B : home. — 10 « qu'il ne peïist pechier » manque dans A. — n B : ordenance. —
— l2 B : des cens. — 13 B : oictismes. — u B : quele. — 15 B : élément. — 16 B : sont. —
a Vers d'après Arundel 52. [F° i a — F0 4 c = Vers i-30].
— 58 —
monde reont. Li quatorziesmes, de l'ineleté du cours du firmament et des
vii planètes.
\F° 2 a.~] Ci commencent les chapistres de la seconde partie, dont il
en y a 'xix* et *ix' figures.
Li premiers chapistres est comment la terre est devisée en diverses par-
ties et quel * part ele est habitée. Li seconz est de la mapemonde 2, et ou
ele commence. Si i est d'Aise la granit, et de paradis terrestre, et ou il siet.
Et d'Inde, et de la diverseté 8 des genz. Et des pierres des contrées d'Aise
la menour; des genz et des poissons et des arbres [F0 2 b] qui la sont.
Li tierz est d' 4 Europe et de ses régions. Li quarz, d'Aufrique et de ses
contrées. Li quinz, des ylles et de leur choses. Li sisiesmes, des divcrsetez
d'5Europe et d'Aufriqwe; et la manière des bestes et des oisiaus 6 qui i
sont. Li septiesmes, d'aucunes choses communes. Li oictiesmes, ou enfers
siet, et quel 7 chose ce est. Li nueviesmes, pour quoi et comment l'yaue
court par mi la terre [F0 2 c\. Li disiesmes 8, pour quoi yaue douce et
salée, noire et chaude et envenimée sourt. Li onziesmes, ou la mappe-
monde fenist, et si i est des diverses fontainnes 9. Li douziesmes, com-
ment la terre croulle 10 et fent. Li treziesmes 11, comment la mer devient
salée. Li quatorziesmes, de l'air et de sa nature. Li quinziesmes, comment
nues, pluies, gelées, nois, grelles, tempestes, esparz, et tonnoires 12 avien-
nent. [F0 2 d.] Li seziesmes est comment li vent naissent. Li diseseptiesmes
est du feu et des estoiles 13 qui semblent courre u et cheoir, et du dragon,
et que ce est, et dont ce vient. Li diseoictiesmes, du 15 pur air, et comment
les *vii- planètes i sont assises. Li disenueviesmes, des16 estoiles et de la
concordance de tout le firmament.
Ci commencent li chapistre17 de la tierce partie, dont il en y a \F° 3 a]
•xxii- et -ix* figures.
Li premiers chapistres est comment il est jour et nuit 18 ; et pour quoi
l'en ne voit les estoiles de jourz 19, et le soleill de nuit 20. Li seconz,
comment la lune reçoit diversement lumière. Li tierz, comme/zt les eclypses
de la lune aviennent. Li quarz, des eclypses du soleill 21. Li quinz, de
l'eclypse qui avint a la mort Jhesu Grist. Li sisiesmes, de22 la \er-[F° 3 b]tu
du ciel et des estoiles. Li septiesmes, comment l'en mesura le monde, et
pour quoi. Li oictiesmes, du roy Tholomeu 23 et des autres philosophes.
Li nueviesmes, comment24 l'en sauva les clergies pour le déluge. Li
disiesmes, comment l'en retrouva les clergies après le déluge. Li onzies-
1 C : et en quelle. — 2 B : mappemonde. — 3 B : diversité. — 4 B : de. — •> B : de. —
6 B : oisiaux. — 7 B : quele. — 8 B : diesiesmes. — 9 B : fontaines. — 10 B: Li douziesmes
est comment la terre croule. — n Li treziesmes est. — 12 B : espars et tonnoires. —
1?' B : estoilles. — l4 B : semblent coure. — 15 B : est du. — 1C B : assisses. Li desenue/-
yesmes est des. — 17 B: chapistres. — ,8 B : jours el nu/r. — 19 B : jour. — 2o B : nuiz.
21 B : soleil. - ^ B : est de la. — -'3 B : Tholomen. — 24 B : est comment.
— 59 —
mes, des merveilles que Virgules fist par astronomie. Li douziesmes est L
pour quoi et comment monnoie fu establie. Li treziesmes, des 2 philosophes
qui cerchierent le monde pour apreftdre. [J^0 3 c] Li quatorziesmes est de
philosophie, et de la réponse Platon 3. Li quinziesmes, combien la terre
a de lonc environ, et d'espès par mi. Li seziesmes, combien la lune et
li solaus 4 contiennent de grant et de haut, chascun 5 en droit soi. [Li dise-
septiesmes, de 6 la grandeur et de la 7 hautesce des estoiles. Li diseoic-
tiesmes8, del nombre des estoiles et des ymag-es que eles forment en eles
el ciel. Li disenueviesmes 9 [F0 3 d] de la grandeur du firmament et du
ciel qui est desus. Li vintiesmes, du ciel cristalin et du ciel empiré. Li
vinteuniesmes, du celestiel paradis et de son estre. Li vintedeusiesmes,
c'est li darreains. Si i 10 est li recors, ou la recapitulations des choses devant
dites est.
Ci commence V y mage du monde.
Qui bien veult savoir et en-[F° 4 a] tendre cest livre pour savoir et
pour aprandre11 comment il doit vivre et soi contenir en cest gicle"1**, dont
il vaudra mieulz 1S touz les jours de sa vie, si lise tout premièrement et tout
ordenéement, si qu'il ne lise riens avant, devant ce qu'il entendra bien ce
qui est devant. Et ainsi porra il savoir et entendre cest livre.
Ore donques, qui veult entendre a cest commandement, il porra apran-
dre 14 en cest \\-[F° 4 6]vre grant partie de la faiture du monde, et com-
ment il fu faiz par nature de Dieu et acompliz, et pour quoi il fu establiz ;
dont il nous fist si très grant bonté, li douz sires, que nous n'eiissiens l*
riens esté ie néant plus que ce qui onques ne fu.
Si prions au commencement de cest livre a Dieu le père tout poissant l7
que il 18 nous doi/it entendre tel bien et tel science aprendre et retenir qui
nous maint et conduie en paradis, [F0 4 c] la ou il est, et que nous en
puissons 19 conquerre s 'amour et sa grâce.
Si commencerons tout avant 20 du glorieus Dieu souverain et de sa
puissance 21.
1 A : Li onziesmes, pour quoi... — 2 B : li tre/ziesmes est des... — 3 A : Pilaton. —
4 B : soleil — 5 B : chascune. — 6 B : ...est de.— 7 B : la manque.— 8 B : diseoctiesmes. —
9 B : disenueivesmes.— 10 B : i manque. — n B : aprendre.— 12 B : siècle.— 13 B miex. —
14 B : aprendre. — 15 B : n'eûssons — 16 B : esté manque.— I7 B : puissant.— 18 A : quel il.
— 19 B : empuissons. — 2° A : commencerons ront avant. — 2l B : puissance.
La forme graphique i pour le est fréquente en anglo-normand et autres ; Stimming
en donne de nombreux exemples : Bœve de Haumtone (Halle a/S 1899), p. 202 : pice ;
milz ; li (leetum) ; grivement ; de même Suchier, Altfranc. Gram. (Halle a/S 1893). p. 47 :
pechith; Vie de saint Auban (Halle 1876), p. 47 : fîchi, etc. ; Lais de Marie de France
(Halle a/S, 1900) p. 62 : pice, sentir. — Le scribe de A écrit « ma//re » f° 26 D, passim ;
« esli vent » f» 89 B.
— • 60 —
1A.
Cist chapistres parle de 1 la puissance Dieu.
Quant Diex fist 2 le mo/zde au commencement, il ne li en estoit nul
mestier. Car autretant avoit il devant comme il ot après. Car Diex fu
devant et sera touz jourz 3, sanz fin et sanz commencement b. Donqwes
ne s'en amenda il de riens. Car [F0 4 d] il ne li failli onqwes nwlle chose.
Tout voit, tout tient en sa main. Il n'ot onques ne faim, ne soif, ne
tans, ne mois, ne heure. Ainz demuere 4 tout adès en touz biens. Car a
lui n'afiert ne tost ne tart; quen qui onques, fust 5 ne qui ja soit li G est
touz jourz 7 devant les ieulz8, autresi bien li loing comme li près. Tout ausi
bien veoit 9 il le monde ainz qu'il feiïst10 faiz, comme11 fait orendroit^.
Et se il n'eiïst onques fait le monde, autre-^0 5 ajtant vausist il
adonques comme il puet jamais mieulz 12 valoir. Car autrement ne fust il
pas Diex, se il ne seût13* tout et veïst tout, quanque jamais 14 estre peiïst.
Car ainsi feiïst il defaillanz et nonpoissanz 15 d'aucune chose, et de tant
fust il hons mortels D.
Mais sa nature n'est pas tele. Car il est Diex entièrement, sanz com-
mencement et sanz fin. Nulle ne li est viez ne nouvele ; ainz li est touz jourz 1B
bêle et fresche ; et touz biens 17 sont siens 18 \F° 5 b] a droiture et par nature
s'en vount 1!)** a lui. Car de lui viennent touz 20 et muevent et a lui tienent 21
leur droit chemin.
Il n'avra ja cure de nul mal ; car sa bontez est toute pure et saintisme
et sainne et nete 22, sanz nul mal. Car li mal li sont contraire, et pour ce
couvient23 il qu'i24*** se traient en sus de lui et de25 touz ses biens. Car
1 B : Ci premiers chapitres parole de... — - B : fist manque. — :! B : jours. — 4 B :
demeure. — 5 B : tout quen qui onques fu. — 6 A : il. — 7 B : jours. — 8 B : ieiu?. —
9 B : voit. — l0 B : que il fust. — n B : comme il. — 12 B : comment il... jamès miear-.—
13 B : seiist. — 14 B : jamè.s-. — 15 B : /ust il défaillant et nonpoissans. — 1(5 B : jours. —
17 B : et tuit bien. — 18 B : sien. — 19 B : vont. — 20 B : viennent tait. — 21 B : tiennent.—
22 B : saine et neite. — 23 B : convient. — 24 lî : qu'il se.. — 25 A : de manque.
* seut : la chute de Vs en angln. est confirmée : eût (habuisset), deiit, etc. (Stimming,
o. c. p. 216.)
** vount : forme angln., Suchier, Alt franc. Grain., p. 9b. Ex : doune, ount, l'ount
Stimming. o. c. p. 192. Voir f° 11 d « fount».
*** « qu'i » = qu'il : cette forme se présente fréquemment soit dans le m. A, soit dans B,
cf. pour A f° bc, Hc, 11 b, etc.; pour B f° 17 d, 93 a, etc. Les exemples sont nombreux
dans d'autres textes : Chevalier du Papegau (Halle 1897), p. H. 29, 32.9 etc. ; fréquent
aussi dans Je J\arbonnaia (éd. Suchier).
A [F* 4 c — F° 6 c= vers 31-132.]
b « car Diex... commencement. » Sydrach Ad. 240.
c « Car lui... orendroit. » Sydrach Ad. 1 — S. Ho.
d «car autrement... mortels. » Sydrach Ad. 208 — *S" 324.
— 01 —
ce n'est 1 fors que,2 fiens et ordure. Si le couvient 3 descendre en parfont.
Et li biens couvient 4 aler contremont devant [F° 5 c] Dieu, qui est
cler5 et purs6 et nez. Et li maus 7, qui est obscurs et laiz et tenebreus
seur 8 toute rien, laist 9* le bien et descent aval.
Car ce couvient il par nature, ausi comme l'en voit de l'ordure du
vin qui est mis el vaissel, que li laiz se départ du bel, si que li bons
demeure en haut et la lie demeure au fonz, qui est mauvaise. Et li bons
vins 10 qui demeure en haut devient touz jours clers et nez ; et li mau-
vais ", qui est au fonz, [F0 5 d] devient touz jours obscurs et laiz. Et de
tant comme li bons devient plus clers, de tant retient la lie plus d'ordure
et de maleiirté et d'obscurté 12.
Tout ausi 13 est il du 14 bien et du mai. Car li maus couvient descendre
en lieu tenebreus et orrible et plain de toute douleur ; et li biens couvient
estre amont devant Dieu, ou tuit15 li bien sont. Et com plus esclarcist li
biens devant Dieu et plus s'esjoist, tant a li maus [F° 6 a] plus d'oscurté
et de douleur en enfer, ou il est touz dis et sera tant comme Diex sera en
paradis, ou Diex a touz biens devant soi et adès les avra sanz painne et sanz
annui. Touz les a et touz les enlumine, sanz nulle defaute 1G et sanz nul
termine.
Diez puet tout faire et tout redelfaire 17 sanz soi muer de riens qui
soit. Car il peut 18 tout et tout consent. Nulle riens ne se prent a lui. Il est
estables 19, sanz movement20, et tuit mouve-f^0 ^o]ment viennent de lui.
Cent mile anz ne li montent mie a la cent milliesme part d'une seule
heure de cest monde, n'a toz cels 21 qui en 22 paradis sont, dont li mendres
qui la demeure a plus de bien en une seule heure et de joie et de déduit 23
et de soulaz et d'onneur 24, dont jamais 25 ne sera 2G lassez, que nus lions
ne porroit penser ne ne savroit en cent 'M* anz, se il tant pooit durer et
fust li pks soutil qui onqncs fust ne qui jamais soit et [F° 6 c] i pensast
au mieulz 27 qu'i 28 peûstA .
De celé grant gloire est Diex touz sires, comme Diex qui tout set et
tout voit quanque lu et qnanque iert 29.
Et tout a, quanque affiert a lui. Onques ne li failli nus biens; adès30
1 B : est manque. — 2 B : que manque. — ;{ B : convient. — * B : convient. — 5 B : clers.
6B : pur. — 7 B : maux. — « B : suer. — 9 B : lait. — «> B : vins manque. — » B : mau-
vais. — 12 b : oscurté. — « B : amsi. — «B: don. — & B : tout. — 1(î B : deft'aute. —
17 B : redesfaire. — 18 B : puet. — w B : estabie. — 2° B : mouvement. — 21 A, B, C, N :
ne tuit cil... Ce passage est corrigé d'après les manuscrits Sloan 2435, Arundel 52,
Harley 4333, qui donnent tous « n'a toz cels ». — 22 b : em. — & A : duit. — 24 b : d'on-
neur. — 25 b : jamès. — 26 a, B, C, N : ne seront; Sloan, Arundel, Harley : sera. —
27 B: miea;. — 28B : qu'il. — 29 B : sera.— ™ B : nu/ bien, et tout adès... N : adès les a touz.
* laist : P. I. de laier. Ex. : Huon de Bordeaux (Paris, 1860) v. 5839, laist. — Vie de
saint Gilles (Paris, 1881) v. 1595, leist.
a « Cent mile... peûst. » Sydrach Ad. 239 — S 594.
62
les a devant lui. Ne ne fu onques biens * ne jamais n'iert, qui 2 ne fust
devant Dieu ponrtrait avant qu'i feïst 3 le monde.
Ore oez pour quoi Diex fist le monde.
Pour quoi Diex fist le monde.
[F0 6 d\ Diex fist le monde a sa volenté, pour ce qu'il i peiist avoir aucune
chose qui feust4* tele qui ses biens peiist desservir, se5 il ne perissoit en
lui. Et pour ce establi il cest monde ; non pas pour ce que miex l'en fust,
ne qu'il en eiïst nul besoing", mais il le fist par charité et par sa très
grant debonnaireté. Car il vouloit e, comme bons, qu'autres partist à lui et
a ses biens, et que toute autre créature, chascune selonc 7 sa nature, se
se?i-[F° y a]tist de sa puissance, selonc ce que a lui apertenist 8 ».
Ainsi volt establir cest monde que tel chose en peùst issir qui entendre
et savoir peiist la noblece 9 de son pooir et de sa sapience et dou 10 bien
qu'i ll fist pour homme terrien, si qu'il le peiist servir en tele manière
que, par lui, peiist desservir les biens que pour lui avoit faiz.
Si devons moult amer celui qui nous fist et forma, et bon ^ré savoir,
quant nous avons [F0 7 b] tel pooir par lui que, se nous le voulons
amer, nous serons seigneur de touz ses biens 12. Or l'amons donqnes,
si ferons que sag-e, ou nous 13 i avrons damag'e grant. Car se nous per-
dons touz icès biens que Diex a faiz pour nous, ja pour ce Diex riens n'i
perdroit.
Il les fist u pour ce que nous les aions, puis que nous les savons desser-
vir et qu'il nous en 15 a donné le sens et le pooir.
Pour quoi Diex forma homme 1(î a s9 y mage et a sa samblance.
[F° 7 c] Quant Diex fourma houme17, il le volt faire a sa samblance,
pour ce qu'il eûst remenbrance de ses biens, si qu'il en eûst et qu'il les
1 B : nul biens. — - B ; qui tout... — :! A : avant qu'i feust le... B : avant qu'il feïst
le monde. Or...\C : avant qui le fist le... N : avant qu'il feïst le... — 4 B : fust. — 5 B : si»
— r< B : yoi'loit. — ' B : solonc. -8B: apartenist. — 9 B : noblece. — 10 B : du. —
11 B : que il, — 12 B : de « et bon gré » jusqu'à « ses biens », manque. — 13 B : non. —
J4 B : fist manque. — *5 B : en manque. — 16 B : home. — 17 B : forma home.
" feust : I. S. de « estre ». Ex. : Chronique du Mont Saint Michel (Paris, 1883) vol. 1
p. 241, feust. — Stimming, o. c. p. 180, feust.
a [F° 6 d — F» 7 b= vers 133-168.
b « Diex fist... apertenist. » Sydvach Ad. 240 — 5" 234.153. — Saint Augustin. Liber
de dil'ujendo Deo, eh. II [Patrologda t. 40.) V. Introduction p. 32.
c f^o 7 O — F° S b = Vers 169-214.]
— 63 —
peiist desservir tout par droit vers son creator \ Car il li fist si grant amour
que sor touttes 2 autres créatures le fourma 3 a sa fig-ure et a sa samblance.
Et li dona 4 naturelment tout le plus g-entill entendement pour lui amer et
pour lui comioistre que nulle 5 riens peûst avoir, pour ce que [F0 7 d] il
peiist partir e a ses biens plus que nulle autre créature A.
Ne onques Diex ne fist pour autri7* tant de biens comme il fist pour
houme8, mais que 9 il les weille10** desservir; et se non, il est bien droiz
que il s'en dueille. Car cil ne fait a Dieu point de bonté, qui u fait bien
pour avoir sa grâce et s'amour. Car il fait son preu meïsmes plus qu'il ne
fait l'autrui, et tout le bien 12 s'en vient par lui. Et pour ce le fait bon amer
et ser-[F° 8 a]vir 13.
Car mowlt se puet 14 clamer chaitis et las qui dessert par sa folie que il
pert celé haute g-loire par son pechié qui ne li monte riens. Et n'en a en
la fin fors que honte; et le tire après lui en tel 15 lieu ou il n'a fors que
painne et ire et douleur 1S, dont jamais délivré ne se verra tarct comme il vive 1T.
Ainsi a celui la grant joie perdue qui rendue li deûst estre 18, se ne
fust par son pechié qui li toit. Et sires en fust se il vousist, se il se fust
[F0 8 b] maintenuz en bien faire et il se fust g*ardez et tenuz de faire mal.
Car qui bien fait, il a tant d'onneur 19 que li ang-e en font leur seing-neur 20
devant Dieu et roi coronnéB. Dont cil se puet bien pour beneûré tenir qui
tant fait en terre, tant comme il vit, qu'i 21 puisse celé honeur22 conquerre
et avoir. Et faire le puet chascu/is 23 hons tout par soi se il 24 veult. Or se
praing-ne au quel25 que il voudra. Car il le puet bien g-aaing-nier ou
perdre.
iiiic.
[F0 8 c] Pour coi Diex ne fist houme 26 tel qu'i27 ne peûst pechier.
Damlediex 28 donna le pooir a Tourne 29 de faire sa voulenté 30, ou bien, ou
mal, lequel que il vousist. Car, s'il eiist Tourne 31 tel fait qu'il ne peûst 82 faire
1 B: ver son creatour. — 2 B : fist amour si grand que seur toutes... — 3 B: forma.
— 4 B : donna. — 5 B : nule. — 6 B : pour ce qu'il peiist a partir... — 7 B : autrui. —
8 B : homme, — 9 B : qu'il. -'«B: veille. C : vueille. ^"B: qu'il. ~ « B : touz li biens.
13 B : servir et amer. — 14 A : peuet. — 15 B : tel manque. — l6 B : pâme et douleur et
ire. — 17 N : il vive ; A : li vive. — 18 B : qui li deûst estre rendue. — 19 B : ouneur. —
20 B : se/gneur. — 21 B, N : qu'il. — 22 B : honneur. — ^ A : chascîï ; B : chascuns. —
24 A : se li veult. — ^ A : quel manque. — 2e B : homme. — 27 B : qu'il. -^B: Dame-
diex. — » B : l'omme. — 3° B : volenté. — 3* B : si eûst l'omme. — 32 A : puet.
* autri. Ex. : William de Wadington, Manuel des péchés, cité par Toynbee (Oxford,
1892), p. 2o0, autri. — Nombreux exemples dans Stimming (o. c. p. 210) ; Vising, Dial.
ancfln. (Upsale, 1882) p. 86 ; Suchier, Altfr. Gram. p. 35.
** W en angln. représente soit v, soit vu (Suchier Altf. G. p, 12; Stimming o. c.
p. 220. — Psautier de Metz (Prologue) : welt, wellent (lorrain).
a « Quant Diex... créature.» Sydrach S. 23o. — Saint Augustin, De Trinitate XIV 12
{Patrol. t. 42). Voir Introduction, p. 32.
b « Car qui... coronné. » Sydrach Ad. 40.
c [F° 8 c— F° 12 c = Vers 215-412].
— 64 — .
fors que bien, il li tousist aucune chose de son pooir. Car il ne peiist faire
mal quant 1 il li pleûst. Car ainsint2, vousist ou non, feïst il touz jourz bien
sanz raison. Car ce ne fust mie par lui qu'il feïst le bien, mais par autre
qui [F0 8 d] l'en eûst a force entalenté et donnée la voulenté 8. Et cil par
cui il le feïst en desservist le guerredon, non pas lui. Car petit dessert qui
par force d'autrui fait serviseA. Qui me merroit 4 demain en prison pour
bien faire maugré moi, je ne le tendroie mie a sage; car il me feroit des-
raison.
Et nostre sires eiist bien fait, se il vousist, houme tel qu'il ne peûst r>
mal faire. Mais il ne desservist ja tel ° biens comme il fait orendroit [F0 g a]
en nul tens 7 du monde. Et pour ce fist nostre seigneur tels genz 8 qu'il
peiïssent plus de bien avoir. Ja autrement n'en eussent tant.
Se Diex a fait les anges tels qu'il 9 ne pueent pechier mortelment ne
mal faire, ja si grant don ne si haut 10 ne desserviront comme les houmes ll B.
Mais qui bien voudroit desservir, il devroit servir voulentiers 12 de cuer
entier et par très grant amour celui qui tel le fist pour plus haut honnor 13
conqwerre.
\F° g b] Si voult Diex que li hons fust tels que il peûst par droit des-
servir 14 autant de bien, endroit soi, comme il meïsmes en avoit. Et li
donna sens et raison d'avoir entention vers lui. Car par droit servir le
devroit. Si est moalt fols 15 qui ne se porvoit 1G de bien faire tant comme
il vit. Car tous17 li biens que chascuns fera sera18 sien. Et siavrapor19 *i*
bien "C biens, et por 20 -r mal "C mais.
Car moult est fols celui qui cuide faire a [F0 g c] Dieu bonté de son
bien de nulle riens qui soit, quant il le fait et quant il se tient de mal faire,
fors que tant que Diex l'en tient21 plus chier et miex l'en aime22. Car se
touz li mondes se perdoit, ja pour ce Diex n'en vaudroit pis, ne nus23 des
biens qui sont 24 en son pooir c.
Se tuit li saint qui ont esté au monde, et qui jamais i seront, n'eus-
sent onques fait nul bien et dampné se fussent trestuit, ja por25 ce Diex
mains de de-\F° g o'Jduit n'en eiist ne pis n'en vausist, ne riens nule qui
feust en 2fi paradis.
1 B : tant qu'il. — - B : ainsinc. — :i B : volenté. — 4 B : metroit. — •"> B : fait homme
tel se il vousist qui ne peùst. — fi B : tels. - 'B: temps. -8B: les genz. — 9 B : qui.
— 1() B : « ne si haut » manque. -nB: hommes. — 12 B : volentiers. — 13 B : honneur. —
14 A : asservir. — lr> A :fos. — lfi B : pourvoit. — 17 B : touz. — ]8 B : sera manque. —
]il B : et si ara pour. — 2o B : pour. — 21 B ; \e tient. — 22 B : aimme. — 2n B : nu/. —
24 B : soit. — 26 B : pour. — 2« B - fust. em.
a « Damlediex... servise. » Sydrach Ad. 208. S Ho, 201. Saint Augustin. De Libevo
Arbitrio (Patrol. t. 32 col. 1221) ii-1. Voir Introduction p. ;{2.
B « Se Diex... houmes. » Sydrach Ad. 40.
c « Car moult... pooir. » Sydrach Ad. 4o,'t.
— 65 —
Mais li saint furent sage et preuz et viguereus de faire leur pourtiz l;
comme cil qui bien aperçurent que li siècles ne valoit riens*. Si orent plus
chier a souffrir mal et offrir leur cors a tourment et a martire et avoir
honte et laidure pour l'amour de Dieu, en cest siècle qui si pou dure, et
avoir les biens de paradis a touz jours que avoir aise mua- [7^° 10 a]b\e au
cors pour avoir la painne pardurable. Si n'orent cure de tels biens qui
riens ne valoient en la fin. Ainz2 pr/strent le frain as denz pour aquerre
le très haut sens de paradis. Et moult y a de ceuls 3 qui les tindrent pour
fols4 au monde, qui orendroit ont bien les cols chargiez de ce dont il sont
délivrés. Car il sont herbergiez en paradis.
Et encore tient on maint sage a fol 5, qui ne prisent paires leur paroles.
\F° 10 b.] Maint sage sont orendroit en paradis que, s'il prisassent les
fols6 diz et les paroles des genz 7, tant comme il furent au monde, il n'eus-
sent pais8 fait ce qu'il firent; ausin 9 comme font orendroit monlt de gent10
qui tant couvoitent " a avoir le los de cest siècle pour la parole des fols12,
qu'il en laissent a faire les biens de Nostrc Seigneur**; don 13 li saint firent
bien leur preu***, car il ne laissèrent 14 pas, pour les deliz du siècle, a servir
Dieu pour a-[^° io c]voir paradis, ou il ont joie et toute honneur, comme
cil qui seigneur en sont15 et seront sanz fin. Et s'il eussent autrement
fait, il eussent touz jourz ie honte et laidure en enfer ou touz les maus17
que l'en porroit deviser sont.
Si est merveilles 18 de cest monde, comment 19 ce est que tant de gent
sont qui sou ffer rien t 20 plus de painne pour le los des genz21 conquester
ou pour amasser avoir, qui si pou de tans leur demeure et qui en une
[F0 io d] seule heure leur faut, que il ne feroient pour conquerre les biens
de Nosfre Seigneur, qui ja ne faudront, que li saint ont en lor baillie pour
1 B : preufiz ; N : proufiz. — 2 A : Aiz ; B : Ain ; N : Ainz. — 3 B : cels ; N : ceus. —
* B : fouis; N : fous. — s B : foui ; N : foui. — « B; fouis. -'B: gens. -8B: pas. —
9B : aussi. — 10 B : gens. — " B : couveitent. — 12 B : fouis.— 13 B : don/; A : don. Cette
orthographe est confirmée. — 14 B : laissèrent. — 15 B : qui en sont seigneur. — 16 B : jours.
— 17 B : ma/s. — 18 B : merveille. — 19 B : comme. — 2° B : soufferoien/. — 21 B : gens.
* « Mais... riens » : Mais les saints furent sages et braves et ardents à chercher leur
salut, comme ils savaient bien que ce monde n'est qu'une chose vaine (ne valait rien).
Sloan f° 80 c : Mais li saint furent bon et preu
et bien sorent faire lor preu,
com cil qui aperchiurent bien
que li siècles ne valoit rien.
** «Et encore... Seigneur» : Et pourtant ces gens (on) prennent maint sage pour un
fou parce qu'il n'a pas grande opinion de leurs paroles. Il y a maint sage au paradis
maintenant qui n'y serait pas arrivé (qui n'eussent pas fait ce qu'ils firent) s'il avait
écouté les folles paroles des gens pendant qu'il était sur cette terre. Pourtant beaucoup
de gens agissent maintenant de telle façon qu'ils convoitent la louange de ce monde par la
bouche des fous au point de cesser de faire le bien (les commandements de Notre Sei-
gneur).
*** « don... preu » : sous ce rapport les saints firent bien leur profit.
5
— m —
un poi de dure vie qu'il x souffrirent en cest monde, qui ne samble que
délit a ceuls qui de cuer s'i metent. Et leur est avis en la fin que il ont
paradis pour noient2.
Et tout ausin8 le puet avoir chascuns, et estre communs des biens
Dieu, et avoir la joie de paradis, se il ne perist en lui meïsmes. [F0 1 1 à]
Mais cil qui desirre/it 4 la gloire de ce 6 monde, il s'en empirent tant qu'il
ne tmeent nul bien aprendre ne entendre a leur sauvement. Si ont plus
chier l'aisement du cors, dont il sont si tost hors mis et menez a douleur
et a painne G, qu'il ne font l'aise de l'ame qui touz jourz 7 dure. Ne ne
prisent 8 riens, sens ne savoir d'oume 9, s'il ne se set avoir au siècle et se
il n'a avoir assez par coi il soit alevez au siècle. Ainz dient qu'i est
m-[F° ii 6]ces et fols 10, pour ce qu'il ne sieut11 leur malices*.
Mais tuit cil sont 12 maudit 13 de Dieu par la bouche le roi David, qui se
painnent14 de plaire au monde pour nulle rien qu'il sachent15 faire. Car
cel org-ueill est vaine chose per16** quoi l'en empire l'ame. Dont17 David
dist el sautier : Maudit sont, dist il, trestuit cil et confus comme gent
d'essill, qui au monde plaissent de riens. Car de touz biens il s'ostent18,
et se descorde n t de 'Dieu, puis qu'il sont [F0 n c] en tel estât qu'i s'acor-
dent au monde et a ses délices. Car Diex les a touz en despit, et leur
escondit sa grâce, pour ce qu'il quierent le los du monde ou il fu pour
fols tenuz 19.
Et puis dist Diex en l'evang-ile : que cil seront beneiiré qui avront 2(>
le monde en despit et qui seront des genz hayz et degetez et escharniz 21
comme foui pour l'amour de moi et de mon non. Car il avront el ciel le
g-uerredon.
Car ce puet on [F0 1 1 d] tout clerement22 veoir, se Diex meïsmes ne
ment et veritez n'est fausetez, que ceuls 23 a cui li mondes 24 plaist, et qui
le los du monde veulent avoir, il ne puet estre qu'i25 ne s'en duelent26.
1 B . que il. — 2 B : néant. — 3 B : aussi. — 4 B : désirent. — 5 B : cest. — ° B : pâme.
— " B : jours. — 8 B : prise. — 9 B : d'omme. — 10 B : qu'il est fouis et nices ; C : qu'il
est nice et fol. — 11 B : que il ne sieut; C : qu'il ne sieut ; A : qu'il sient. — 12 B : « sont »
manque. — i:i B : maud/.st. — ]4 B : pâment. — 15 B : sache. — 16 B : par. — 17 A : Oont.
— 18 B : Car il s'ostent de touz biens. — 10 B : ou il fu tenuz pour fols. — 2o A : auraront.
— -' B : hay et deçeté et ladi et escharm... — ~ B : plainement — 23 B : faussetez, que
cels. — -4 B : a qui le monde. — -5 B : qu'il ne. — 26 B : duillent.
« Ne ne prisent... malices » : Ils n'apprécient ni le sens ni le savoir d'un homme
s'il n'a pas de biens sur cette terre et s'il n'a pas de biens temporels au moyen desquels
il puisse s'élever en ce monde. Aussi l'appellent-ils sot et fou parce qu'il n'imite pas leurs
méchancetés.
" « per » : cette forme se retrouve à plusieurs reprises dans le ms. A : f° 59 a, f° 95 b,
f° 114 c. Elle est confirmée par de nombreux exemples : Serments: « per dreit » ; St Léger:
st. xvii « toth per enveia, non per el ». Sermons de St Bernard (Paris, 1841) p. 537 : « Il
se combat en sa conversation et per paroles et per exemples ». Papegau (Halle, 1897) p. 17.
•32 « maillié dehors per semblant ».
- — 67 —
Pour ce est cil fols i qui point en qui ert avoir. Car tuit cil sont 2 en
mauvais point qui point en quierent ne pourchacent*. Car li dyable 3 les
chacent en enfer, qui en fount doulereus4 conroi. Ja ni avra si cointe roi
ne conte, ne duc [F0 12 a] si puissant que li dyables n'en face autretant
comme du plus vill et du plus povre qui viengne en enfer, s'il fait tant
qu'il le tiengne en son pooir. Tuit cil qui la vont, et roi et prince et conte,
devienent 5 tuit ribaut. Dont l'en dist en reprouver : Mowlt 6 se doit plaindre
de ses mais qui ci est rois et la ribaus 7. Car il puet conquerre en paradis
plus noble roiaume que en terre.
Car qui sert Dieu 8** en ce 9 siècle, tant comme il est vis, il en est [F0 12 6]
plus honnorez 10 en paradis que tuit li roy " ne furent onqnes au monde.
Or le servons donques et laissons le mal a tant ester **.
Puis que vous avez oy ci devant 13 por coi 14 Diex fist le monde, et pour
coi il fist Tourne 15, si vous dirons après la fourme del le monde, selonc
sa façon, et comment il est faiz tout environ. Mais il est raisons que nous
dions avant des*vii*arz et de leur17 raisons et comment eles furent trouvées
par ceus18 qui s'aperçurent [F0 12 c] de bien. Car par les 'vii* arz set 13"
l'en les faiz du monde et comment il est. Si en devons parler avant, pour
miex entendre ce que nous dirons après.
VA.
Pour quoi20 et comment les 'vir arz furent trouvées.
Et de leur ordre.
Or dit21 cis livres, qui est d'astronomie estraiz, comment li sage phi-
losophe ça en arrière 22 voudrent enquerre la manière du monde, comment
il estoit faiz. Dont monlt de genz s'en merveilloient
[F0 12 d]. Et quant li mondes fu faiz et compassez, il i ot assez de
genz ; si regardèrent li pluseur le firmament qui tournoit 23 tout entour
le monde et se mou voit. Monlt se merveillierent comment ce pooit estre.
1 B : fouis. — 2 B : son. — 3 B : dyables. — 4 B : chace et boute en enfer qui en -fait dole-
reus. — 5 B : deviengnent. — 6 B : reprovier : Moult. — 7 B : roi, et la ribauz. — 8 A : Du.
9 B : ces/. — 10B : plus sires. — n B : rois. — 12 B : ester a tant. — 13 B : ...avez devant
oy. — 14 B : pour quoy. — 15 B : et pour quoi Diex fist Yomme. — 16 B : du. — 17 B : leurs.
— 18 b : ceu/s. — » B : sest. — 20 b : quoy. — 21 B : dist. — 22 B : arriéres. — 23 B : tour-
moi t.
* « Pour ce... pourchacent » : C'est pourquoi celui-là est fou qui cherche à en avoir»
Car tous ceux qui en cherchent ou en désirent sont mal avisés.
** Nous n'avons pu relever un autre exemple de Du pour Dieu, quoique le changement
de ieu en u soit fréquent en angln. : ju, fu, milu, estru, lu, etc. (Suchier, Altf. Gram.
p. 56. — Stimming, o. c. p. 204.)
a F° 12 c — 23 a = Vers 413-929.]
— 68 —
Si en veillierent par maintes nuiz et par mainz jourz l. Lors prenoient
a regarder les estoiles 2 qui se levoient vers oriant et s'esmouvoient 3
environ par desus leur teste 4.
Cil n'entendoient a mangier 6 ne a leur ventres emplir, comme font
[F° i3 a] les bestes qui ne quierent fors leur pasture, si comme font
orendroit cil qui n'ont cure fors de vivre comme pourciaus et de couchier
a aise 6 en leur mois Hz a ; ainz veilloient par maintes nuiz, et ne lor
annioit pas ; anz 7 leur embellissoit monlt de ce qu'il veoient 8 le firma-
ment si noblement mouvoir.
Et veoient les estoiles mouvoir jusqu'à 9 tant que eles se couchoient
contre oriant par d'autre part10* l'une ÏF° i3 b] plus tost que l'autre.
Ainsi reg-ardoient en tour le firmament, jusques " au jour qnVl reveoient
le souleill 12 lever au matin vermeill et cler 1S qui montoit la moitié du jour
et en l'autre moitié descendoit, tant que il s'aprochoit du 14 couchier qui
faisoit aprochier 15 la nuit. Et lors revenoient les estoiles 56 en leur déduit,
tant que li souleulz 17 revenoit qui enluminoit tout le 18 jour, et [F° iS c)
s'en aloit son droit chemin tant qu'il repairoit au matin arriéres.
Après regardèrent de la lune qui estoit une commune chose et au monde
apparoit diversement. L'une foiz estoit reonde, et l'autre demie, ausi 19
comme s'ele fust trenchie par mi le milieu. Et après devenoit cornue. Et
ainsi s'en aloit toute défaillant 20, tant que l'en n'en veoit point. Après
rapparoit21 cornue, et puis demie, et puis toute [F0 i3 d] plainne, si
comme ele estoit devant, et ausi 22 entière.
Lors sorent il bien par leur sens qw'ele s'aprochoit23 du souleill 24 jus-
ques a tant que\e estoit endroit lui, et puis s'en departoit 25, et après s'en
esloing-noit plus et plus, tant qw'ele26 estoit ausi27 ensus du souleill28
comme ele avoit esté devant. Et lors s'an 29 raloit aprouchant. Puis s'en
1 B : jours. — - B : resgarder les estoi//es du ciel. — 3 B: s'esmoyoient. — 4 B : testes.
— 5 B : mengier ; N : mangier. — 6 A : « a » manque. — T A : amioit ; B : leur annioit pas.
Ainz... ; N : leur anuioit pas. Ainz. — 8 A : noient. — 9 B : estoi//es mouvoir jusques a...
— 10 A, B, N : par d'autre part ; cf. aussi f° 100 a, c, 101 b. — u B : busqués. — *2 B : soleill.
— 13 B : cler et vermeill. — 14 B : s'aprouchoit de. — 15 B : aproachier. — 16 B : estoi//es.
— 17 B : soulhelz. — « B : li. — » B : aussi. — 20 B : défaillant. — 21 B : reparoit. —
22 A : ansi ; B : aussi. — 23 B : s'aprouchoit. — ^B : soleill. — 25 B : despartoit. — ^ B : que
ele. -"B: aussi. — 28 B : soleill. — » B : s'en.
« Par d'autre part » se retrouve dans la plupart des mss. Il s'agit, semble-t-il, du
vieil emploi de la préposition par jointe à certaines prépositions, surtout à celles qui com-
mencent par de. Cf. par devers, par decosté, par dessous. « Par de treis parz les assailli-
lirent — E par treis lieus les envaïrent. » Chron. des Ducs de Normandie (Paris, 1836).
« Karles li rois de France, qi lor vient en aïe — S'est ambatuz an l'ost par de l'autre
partie». Chanson des Saxons (Paris, 1839, II 126).
Par est aussi confirmé par la mesure des vers dans la première rédaction. Sloan,
f° 81 d : Contre oriant par d'autre part. Cf. Burguy II 358.
a « Et quant... mois liz. » Sydrach Ad. 208. Neckam II 173 ; De Laudibus 10.
— 69 —
raloit1 et revenoit, toute2 nuit et toute jour tournia/it et faisant son
tour avec 3 [F0 i4 a] le firmament tout en tour, ausi 4 comme ele fet 6
encore orendroit sanz remuer.
Mes e les genz qui orendroit sont pensent plus a leur lasses pances 7
emplir et engressier 8, qui si tost viennent a pourreture, por 9 leur norre-
ture vilaine 10 qui les livre a painne n et a honte.
Cil ne faisoient pas ainsi. Car il ne queroient menger 12* fors seulement
qu'il peûsent18 alegier leur fain pour leur cors soutenir 14 et tenir en [F* i4 b]
santé, si qu'il se peussent aidier de leur sens, si comme il deiissent,
pour venir a la droite voie de la gloire Dieu. Et lors en vivoient pins
longuement -XX- lb ou *XXX* que 1G ne font orendroit *G- 17 par leur
foie contenance et vaine**; il n'entendent pas bien la parole que Jhesu
Grist dist au dyable, quant il le cuida tempter par son barat, quant il li
dist qu'il feïst de 18 pierres pain et qu'il en manjast 19. Et Diex li dist tantost
que li hons ne vivoit [F0 i4 c] pas de pain seulement, ainz vit de toute la
parole qui de la bouche Dieu vient a.
S'il entendoient bien ceste parole, il en retendroient 20 plus volentiers
les paroles qui viennent de Dieu. Mes les granz21 rentes que il ont et les
granz trésors leur apeticent leurs vies, par leurs 22 mengiers qui trop leur
nuisent; si que nature ne les peut soufrir28, dont il couvient que il mui-
rent 24 plus tost. Ainsi leur emble leur avoir, ou il se délitent [F0 i4 d]
et fient, leur 26 cuers et leur sens tout ensemble, si qu'il sevent pou a la
mort qnant 2e il doivent mourir 27. Dont pluseur 28 en sont mort et da/npné 29
1 B : aloit. — 2 B : revenoit ainsi toute... — 3 B : avoec. — 4 B : aussi. — 5 B : fait.
— e B : mais. — 7 A : lasses de pances. — 8 B : encressier. — 9 B : porreture, pour... —
10 B : vilainne. — n B : douleur. — 12 B : mengi'er ; N : mang/er. — 13 B : qu'il en ^eus-
sent ; N : qu'il peussent. — n B : sostenir ; N : soustenir. — 15 A, B, N, C : .XX. ans. —
"5 G : qu'ilz ne font. — « A, B, N, C : et. — 18 B : des. — » B : mengast. — 20 B : retren-
droient. — 21 B : grans. — ^ B : apetice leur vies par les... — 23 B : paet souffrir. —
24 B : qu'/l muèrent. — 25 B: leurs. — * B : seuvent moult pou a la mort et quant... —
27 : morir. — 28 B : pluseurs. — » B : mors et dampnez.
* -er pour -ier se trouve à plusieurs reprises dans ms. A (coucher 46 a, 100 a ; priser
113a; cuider 119d). C'est une forme angln. (Suchier Altf. G. p. 47.) Ex. : abeisser, che-
valer, manger, Lais de Marie de France (Halle, 1900) ; chevaler : aler, Estorie des Engleis
par Gaimar. V. 5651 ; manger, Bœve de Haumtone, V. 408 (Halle, 1899).
** Ms. Sloan f» 82 b. ...Dont li .xxx.
vivoient lors plus longeraient
que ne font orendroit li cent
par contenance vaine et foie.
N'entendent...
Les mss. prose ont tous la même leçon. Gaxton rend ce passage comme suit : « Ils
vivaient alors 20 ou 30 ans de plus que ne le fait de nos jours un sur cent par sa conduite
folle et vaine. » La leçon de la rédaction en vers est claire. Il faut omettre « anz » après
.xx. et le sens ressort clairement comme suit : « 20 ou 30 d'entre eux vivaient alors plus
longtemps que, de nos jours, une centaine d'êtres dont la conduite est folle et vaine. »
a « la parole... vient. » S. Matthieu IV 4.
— 70 —
qui ne se pouoient1 conseillier ne ne savoient quant il en avoient plws
grant mestier.
Il ne vivoient pas autresi comme cil qui pour eus 2 oster de péril 3
s'estudioient en clergie et usoient leur vies en tele 4 manière qu'il vou-
loient 5 leur cors soutenir6 seulement tant comme il seroient au siècle,
[F0 i5 a] si comme cil qui bien savoient que pou leur durroit ceste vie ;
si n'avoient d'autre chose envie, fors que d'aprendre tele science dont il
peùssent connoitre le souverain roy T tout puissant qui tout avoit fet 8 de sa
main.
Si pensèrent bien en leur sens, comme gent qui estoient de noble pour-
pens, que ja 9 connoissance n'avroient ne de Dieu, ne de sa poissance, se il
n'enqweroient avant en ses euvres 10, tant comme il en pourroient u savoir.
[F0 i5 b] Car ja bien ne connoitra l'en le mestre, se l'en ne connoist 12
son estre avant, et ses euvres 13 qweles eles sont. Car par les euvres14 con-
noist on l'ouvrier et comment il peut 15 estre. Et pour ce se voudrent
essaier aus euvres 1G Dieu premièrement por plus legierement avoir connois-
sance de son pouoir17 et de sa vertu. Et quant plus porroient savoir de ses
euvres 18 et de ses sens, tant avroient il meilleur volenté d'amer leur créa-
teur, et meil-[F° i5 cjleur pourpens19, qui avoit fet si noble chose comme
estoit le ciel qu'il veoient, les estoiles qui reluisoient par mi, et ses autres
vertuz merveilleuses dont il le prisoient plus. Et tant comme plus le
prisoient, [et] plus le servoient volentiers. Car ce estoit 20 toute leur enten-
tion et toute leur 21 raison de Dieu connoistre.
Car il savoient bien de vérité que Diex leur avoit donné sens pour
raison et nature enqwerre des choses de la terre [F0 i5 d] et de celés du
ciel, tant que il en peiissent plus savoir. Car autrement n'i eussent22 il
ja pensé, que nus 23, tant soit sages ne discrez 24, ne pourroit 25 entendre
de ses haus 2e secrez ne de ses miracles se il meïsmes non*. Car il set27
tout par droiture; mes28 de celés qui par nature sont faites en29 ciel et
en terre 30 peut 31 bien li lions enquerre aucune raisons, se il est de bon sens
et il met son temps 32 en clergie aprendre.
1 B : pooient. — - B : eu/s. — 3 B : péril I. — 4 A : teles : il y a évidemment ici
une faute de copiste, l'angln. n'offrant aucun cas parallèle. — 5 B : voloient. — 6 B : sos-
tenir. — 7 B : eonnoi.stre le souurain roi. — 8 B : auroit fait. — 9B : que il ja... — 10B : avant
de ses oeures. — " B : emporoient. — 12 B : conno/stra l'en le maistre, se l'en le connoist.
13 B : avant son estre et ses œures... — 14 B : oures. — 13 B : paet. — 16 B: as œuves. —
17 B : pooir. — 18 B : œares. — 19 B : meilleur pourpens et meilleur volenté d'amer leur crea-
toar. — 20 B : car .s 'estoit. — 2l B : lor. — 22 A : n'i ensent il... ; G : n'y heussent. —
23 A : nus hons. — 24 discret. — 25B : porroit. — -^ B : haur. — 27 B : soit. — 28B: mats.
_ 29 fi : el. — s» B : en la terre. — 3i b : paet. — 32 B : tans.
* « Car autrement... non » : Car autrement ils n'auraient jamais pensé que personne,
quelque sage ni discret qu'il fût, pût jamais comprendre Ses secrets ni Ses miracles sauf
(sinon) Lui-même.
Et puis que cil orent [F° 16 a] reison 1 enquise et aprise par leur
grant estuide pour quoi touz li mondes estoit 2 faiz et compassez 3, si comme
vous avez oy 4 ci devant, si pensèrent que bien pourroient 5 savoir raison
d'aucunes choses, puis qu'il en avoient reison 6 du tout puissant de savoir
en partie, au mains de celés que il pouoient 7 veoir aus ieulz, combien que
il 8 fussent loing.
Ausi 9 voudrent il raison savoir de ce qu'il veoient mouvoir les estoiles
-du firmament et de ce que [F0 16 b] il reluisoient si cler ; et ce fu10
ce qui les mist premièrement en estuide d'enquerre la science que il ne
savoient. Si sorent bien que il enqnerrojent pins tost des choses qu'il
veoient que de celés dont il ne veoient nules. Et pour ce furent il esmuz u
de savoir et d'enquerre ce qu'il orent veu par maintes foiz mouvoir le
firmament 12 si en vouloient savoir la vérité. Et distrent que monlt bon
faisoit savoir ce qu'il 13 plaisoit a Dieu, et savoir de ses naturels euvres 14,
[jP° 16 c] pour miex croire que il fust Diex touz puissanz. Car l'en ne
puet savoir ne trouver nulles raisons de Dieu, fors que par ses euvres 16.
Li vrai 16 preudoume 17 ancien qui bien s'apenserent de ce, n'orent cure
de nul autre avoir fors que d'aprendre la pure science. Il ne furent mie
■couvoitens 18. Si n'orent cure d'avoir amasser. Ainz en i ot monlt de ceuls 19
qui s'aperçurent de leur avoir, comme sages20 que il furent21, que tant i
por-[F° 16 Croient penser aucunes foiz, ou pour garder le, ou pour mètre 22
<ïure au despendre a mesure, ou pour assez d'autres besoingnes que cil ont
qui volentiers amasent 23, si que leur avoir leur 24 peust bien tolir le loisir
d'aprendre*. Si s'en departoient en tele manière que li uns le getoit en la25
mer, li autre le clamoient qn*te, et s'en aloient ausi comme hermites. Et li
autre le departoient 26 as povres. Et li autre le laissoient en tele [F0 ij a]
manière comme il leur estoit avis qu'il en 27 pensassent mains. Et n'en 28 rete-
noient seulement que pour leur user. Et voloient bien tenir 29 aucunes genz
pour les servir30, si qu'il ne les couvenist a nule chose 31 entendre fors qu'a
.aprendre32 et a estudier. Si fesoient faire lor mesons33 ensus de gent, ausi 84
1 B : raison. — 2 B : est. — 3 A : compassé/. — 4 B : oi. — 5 B : porroient. — 6 B : rat-
son. — 7 B: pooient. — 8 B : as \e\xx con bien qu'il... — 9 B : aussi. — 10 B : et fu ce... —
11 B : esmeûz. — 12 B : le firmament mouvoir. — 13 B : ce qui. — 14 B : œnres. — 15 B :
œares. — 16 : vrais. — 17 B : preudomme. — 18 B : couve /teus. — 19 B : cels. — 2° B : sage.
— 21 A : fu/yent. — 22 B : maître. — * B : ceuls ont qui voulentiers les amasent. —
24 A : « leur » manque. — 25 B : « la » manque. — ^ B : despartoient. — 27 B : i. —
28 A : ne. — * B : retenir. — 3° B : gens pour els servir; C : pour eulx servir. — 31 B : s'il
qui les cowvenist a nules choses. — 32 B : fors que aprendre. — 33 B : fa/soient faire leur
maisons. — 34 B : aussi.
* «Ainz... d'aprendre»: Il y eut beaucoup de ces sages qui s'aperçurent, à propos
de leurs trésors, qu'ils perdaient tellement de temps à penser comment ils devraient faire
pour les garder ou les dépenser avec mesure ou les rassembler, que ces trésors leur enle-
vaient le loisir de travailler.
— - 72 —
comme religions 1. Et se metoient en tels lieus qu'il s'assambloient ensam-
ble •iii* foiz ou -iiii* la se-^0 ij è]maine pour euls 2 soulacier et
esbatre. Et rendoit chascuns raison de 8 ce que chascuns avoit trové et
aprinsj4, et tant qu'il avoient esprouvé que voirs5 estoit. Et faisoient maistre
de celui qui plus en savoit et qui plus estoit de grant sens. Si l'eslisoient
par consentement de chascun. Et cil leur recordoit6 leur raisons, oiant
touz les conpaingmons, et recordoit 7 a touz ensamble 8 ce que chascuns
avoit dit 9. Si que chacuns s'i 3l-[F° ij c]cordoit, et si metoit chascuns en
escrit10 ce que li maistres leur avoit dit11.
En tele manière furent premièrement les clergies controuvées et avan-
cies. Tant pensèrent et tant estudierent qu'il 12 sorent de par Dieu, de cui
toute la science naist et vient, grant partie de ce qu'il en est. Mais ce ne fu
mie en pou de tans; ainz 18 i mistrent moult lonc tans, et mowlt i estu-
dierent et entendirent14. Et cil qui furent pre-[F° iy </]merain, tout ce
qu'il entendoient et savoient metoient en escrit au miex qu'il 16 leur estoit
avis ; pour ce que cil qui après venissent, qui s'en vousissent entremetre 16,
eussent leur escriz et queissent touz jourz après ausi " comme il avoient fait.
Tôt18 ce qu'il trouvèrent et virent mistrent tout en compiloisons. Et tant
firent chascun a leur tans que il mistrent plus de 'ir m* anz 19 avant qu'il
eussent aquises les 'vii- arz 20 [F0 18 a] et mises ensamble.
Mais il tindrent a bien emploie le travaill 21 et la paine qu'il i mistrent.
Car il savoient par leur sens et par leur clergie quant qu'il avenoit en
terre par nature, quant il i voloient mètre 22 leur cure. Si ne se merveil-
loient pas, quant aucun cas merveilleus avenoit en ciel ou23 en terre. Car
il savoient bien enquerve la raison pour coi c'estoit, puis qu'il avenoit
par24 nature. Si en amoient Dieu plus[/^° 18 b] qnant il veoient si merveil-
leuses vertuz. Si en veillèrent 'zh par maintes nuiz, a grant joie et a grant
estuide de ce qu'il trou voient si haute chose.
Dont il s'amendèrent tant envers Dieu qu'il connoissoient vérité et lais-
soient la vanité de cest siècle qui pou vaut, pour avoir la joie qui ja ne
faudra. Dont maint philosophe qui furent en morurent 2G a tort et sanz
raison, pour ce qu'il annonçoient droitu-[F° 18 c]re as granz seing"neurs,
et leur blasmoient leur mauvaistiez, et ce qu'il faisoient a pluseurs tort.
Et leur preeschoient droiture et vérité. Et cil qui croire ne les voloient
et qui honte avoient de ce qu'il 27 les blasmoient, si les fesoient mètre en
prison, ou il les fesoient28 ocire a martire29, pour ce que il ;leur mous-
1 C : religieux. — 2 B : eh. — 3 B: raison, selonc s'entention de... — 4 B : apr/s. —
5 B: vers. — 6 B : recorden/. — 7 B : leur recordoit. — 8 B : « ensamble » manque. —
» B : dist. — w B : escrijot. — « B : Aist. — ™ B : qui. — 13 B : ains. — i* B : i entendi-
rent et estudierent. — " B : qui. — 16 entremettre. — 17 B : aussi. — «B: tout. —
19 R : deux mil et quatre cens ans. — 2° B : ars. — 21 B : trava*7. — 22 B : meitre. —
23 B : et. — & B : pas. — 2* B : veillèrent. -^B: moururent. — 2? B : qui. — 28 B : fai-
soient mettre emprison ou ils les fa/soient. — 29 B : ocirre a martyre.
— 73 —
troient1 vérité dont il estoient certain. Ausi 2 comme firent les sainz et les
saintes qui souffrirent mort et passion 8 pour [F0 18 d\ la loi Jhesu Grist
qu'il vouloient 4 essaucier.
Si i ot de tels phylosophes qui par leur seras prophecierent le saint
tens 6 de la venue Jhesu Grist. Si comme Virg-iles le dist qui fu au tens •
Gesar de Roume 7. Dont mainte 8 g-ent en furent puis meilleur que il
n'avoient esté devant9 a. Car il dist c'une nouvele ling-niée 10 s'estoit esles-
siée du ciel en haut, qui feroit vertuz en terre, dont li dyables seroit vain-
cuz. Dont sainz11 Pois qui [F0 ig a] vit ses escriz 12, qui mowlt les prisa,
dist, a cuer iracu 13 pour ce qu'il n'avoit esté crestien : Ha ! quel je t'eusse
rendu a Dieu se te eusses vescu tant que je feusse 14 a toi venuz.
Autres phylosophes y ot dont chascun 16 dist monlt de bons moz et de
merveilleus 16. Mes nous ne poons pas dire orendroit touz les biens qu'il
en porent dire. Car il furent preudorame17 et vaillant, quant il mistrent
avant clerg-ie. Car, se ne fust par cler-[F° ig 6]g-ie, l'en ne seûst que Diex
fust. Car s'il ne 18 fussent si preudome 19 comme il estoient, jamès 20 ne fust
si grant clerg-ie comme il estorendroit. Et si peùst l'en bien encore trover21
après, s'il 22 feussent 2S autretel comme il estoient adonqnes 24, qui premiè-
rement trouvèrent 25 clerg-ie * ; mes ele vet 26 orendroit toute a noient, si
qu'a pou qn'ele ne perist. Car les gens 27 ne voient g-oute que cil qui
deûssent entendre a bien et les autres aprendre et ensaing-nier et donner
[F0 ig c] essample de bien fere 28, ce sont cil 29 qui mains font de bien.
Et ce est par leur folie. Car nus ne tient clerg-ie près 80 ne ne s'i alie a
droit**. Il n'en quierent fors avoir la lie. Car nus ne quiertmès 31, fors tant
1 B : mostroient. — 2 B : aussi. — 3 B : martyre et mort ; « passion » manque. —
4 B : vo/ioient. — $ B : temps. — 6 B : tans. — ? B : Romme. — s B : maintes. — » B : devant
esté. — » b : lignie. — " B : saint. — 12 B : escripz. — « b : irascu. — 14 B : fusse. —
15 B : philosophes i ot dont chascuns. — w B : merveil/ieus. — 1? B : preudoume. —
18B: si ne.— » B : preudomme. — 20 B: iamais. — 21 B: trouver. — 22 a : et s'il... —
23B: se il fussent. — 24 B : adouqucs. — 2&B : trouèrent. — 26 b : maisele va. — 27B: «gens»
manque ; N : gemr. — 28 B: faire ; N : fere. — 29 b : cels ; N : ceus.— 30B, N : près ; C: pris.
— 31 B : mais ; N : mes.
* .« Car s'il... trouvèrent clergie » : Car s'ils n'avaient pas été aussi sages qu'ils
l'étaient, jamais il n'y aurait eu autant de science qu'il y en a maintenant. Et l'on pour-
rait encore bien en découvrir si les hommes de nos jours étaient semblables à ceux qui
découvrirent les sciences autrefois.
** « Car... a droit » : Car personne ne (tient en estime) prise la science et ne s'y applique
comme il le devrait.
Nous avons choisi la leçon des mss. B, N pour résoudre l'abréviation du ms. A. G dit
« pris », Sloan « pas » : ni l'une ni l'autre de ces leçons n'éclaircit la question. « Pris »
(lat. pretium) aurait ici le sens d' « estime ».
Sloan f° 84 a : Car nus clergie pas ne tient
ne nus a droit ne s'i alie.
Cf. f° 25 a, où l'expression « tenir clergie près » est répétée, mais sans abréviation.
Cela décide la question en faveur de « près ».
a « Si i ot... devant » (cf. Introduction p. 33). Saint Augustin Epistolarum classis IV.
Epistola 238 (Patrol. t. 33 col. 1073).
— 74 —
avoir qu'il ne puisse1 avoir conquester. Et quant il a avoir assez 2, si vaut
pis que devant. Car leur avoir les a si seurpris qu'il ne peuent 3 entendre *
a autre chose.
ïl en y a maint povre qui volentiers aprendroient s'il en avoient le
[F0 ig d] pouoir 5. Si n'i peuent ausi G entendre, pour leur vies ou il n'ont
ou prendre, et n'ont de quoi avoir nul livre. Ains 7 leur couvient querre
leur vivre et gaaingn/er 8. Car li riche ont tout saisi, et li povre en sont nu 9
et souffraiteus.
Si sont maint riche clerc qui ont les grans mons de livres d'uns . et
d'autres richement atornez 10, pour ce que l'en les tiengne a sages et a bons
-clers; car il n'en quierent u plus avoir que le los des gens12. Et [F0 20 a]
font ausi comme le koc 1S qui gratoit dedenz le fumier la ou il queroit sa
viande. Tantgrata en cel fumier qu'il trouva une gemme riche et précieuse
qui getoit grant clarté. Lors la laissa a regarder 14 et pins n'en fist ; et la16
laissa tantost ester, car il ne demandoit point de gemme. Car il amoit
miex aquerre sa viande. Autresi est il de mainz16 riches clers couvoiteus
qui ont les precieus livres richement ator-fF0 20 &]nez 17 et bien, qui ne
les font fors regarder par defors 18, tant comme il sont nouvel, pour ce
{fu'il leur samblent bel19. Si les regardent *ii- foiz ou *iir aucunes foiz,
ne plus n'en font que les regarder, puis se tournent tantost d'autre part20.
Si pensent de leur ventres emplir et d'acomplir leur fouis desirriers21. Et
assez pourroient22 aprandre se il entendre i vouloient 23. Car il en ont bien
le pouoir24.
Et porroient [F0 W c] bien autressi 25 faire comme cil firent ça en
arriéres, qui par leur sens et par leur bonne26 manière 27 trouvèrent pre-
mièrement les clergies. Mais il ont foui 28 entendement. Et pour ce péris-
sent les arz 29, si qu'a painnes30 sevent 31 il leur parz 32 qui est li premiers
livres33 de gramaire, qui est la première des •vii* arz 34. Ainz boutent les
arz 85 en leur maies, et se prennent 3G tantost a lois ou a decretales. Et
deviennent avo-[F° 20 d]ca.z et mires pour couvoitise de gaaingnier37 avoir
ou li dyables se mire. Et ne le font enquore 38 pas tant pour aprandre 39
comme il font pour gaaingnier40 l'avoir.
1 B, N : savoir, qu'il en puissent... ; C: avoir, qu'il en puisse... — 2 B : il a assez avoir...
— 3 B: pueent ; N : pouent. — 4 A : endre. — 5 B : pooir. — 6 B : pucent pas aussi. —
7 B : ainr. — 8 B : leur vivre querre et gaaingnier. — 9 B: si en sont et nu... — 10B : aoar-
nez. — u B : que/vent. — 12 B : genr. — 13 B : coc. — l4 B : commença a regarder. —
15 B: ains la... — ,r> B: mains. — 17 B : atoumeiz. — 18 B : l'ont que resgarder par dehors.
— ,9 B : nouvel et frès, pour ce qui samblent bel. — 2° B: tornent d'autre part tantost. —
-1 B : fols des/erriers. — — B : porroient. — 23 B : apraidre se il i voloient entendre. —
24 B: pooir. — ^ B: autresi. -»B: bonnes. -2'B: manières. — 2» B : fol. — » A : le
arz; B: ars. — » B : paines. — 31 B; scment. — 32 B : pars. — 33 B: livre. — 34 B: ars.
— 35 B : ars . — 3(> B : prenne/. — 37 B : g-aaignier. — 38 B : encore. — 39 B : aprendre. —
40 B : gaatgnier.
— 75 —
Et a Paris a une manière de clers qui ont tel coustume que il veullent 1
avoir le renon d'estre maistres clamez pour euls prisier et aloser. Si ont
plus chier a pou savoir, et que il aient le nom de maistre, que il ne fe-
roient a estre bon clers sainz 2 avoir le [F0 21 a) non de maistre 8. Mais il
sont clamez maistres a tort. Car vanitez les maistrie si, qu'il sevent pou de
vérité. Car tantost comme il ont le non de maistre, si laissent la clergie, et
se prennent a g-aaignier, autresi comme font 4 marcheanz ou courratiers.
Et ainsi ont 5 maint au siècle le non de maistre qui pou sevent de raison
et de bien. Car cil qui orendroit couvoitent 6 ce, ne sont pas maistre 7
selonc droit. [F0 21 b]. Car cil s'ordenerent autrement aus arz8, qui pre-
mièrement les trouvèrent. Il entrèrent premièrement en gramaire pour
atraire raison en leur ordrenance 9 ; et puis logiqne, pour prouver et pour
demoustrer le faus et le voir. Après trouvèrent retorique pour droiture que
monlt amerent. Et puis trouvèrent arismetique 10 pour estre es " choses
pins aperz. Puis trouvèrent géométrie, pour toute maistrie mesu-[F° 21 c]
rer12 et compasser. Et puis trouvèrent la science de musique pour mètre
-concordance en toutes choses ; après i mistrent l'entendement d'astrono-
mie 1S. Car par lui furent il esmeû 14 d'avoir vertu et science.
Tout en tele manière ordenerent les * vii* arz cil qui premièrement les
■controuverent. Et sont ainsi entrelacées 15 que eles ne peuent 1G estre aprises
l'une sans 17 l'autre entièrement, ne parfaitement savoir [F0 21 d] les pre-
miers sans 18 les darreniers, ne les darreniers sans 19 les premiers. Qui une
■en veult a droit entendre, il li couvient aprendre de toutes, ou autrement
n'en puet 20 l'en savoir ne faus ne voir apertement *. Car l'une est a l'autre
si commune, qu'il couvient de chascune savoir.
Mes 21 l'en ne quiert orendroit que tant aprendre que l'en en puisse 22
■deniers avoir. Et font a blasmer de ce dont cil font a \o-[F° 22 a]er qui
1 B: voalent. — 2 B: sanz. — 3 B: maistrie. — 4 B : font autres... — •> B : en ont.
— 6 B : couvrent. — 'B: maistres. — 8 B : as ars. — 9 B : orrfenance. — 10 B : an-
metique. — " B: as. — 12 B : mesure. — 13 B : astronomie. — 14 B: esmeùz. — 15 B, N :
-entrelacées. — w B: pueent ; N : posent. — 17 B, N : sanr. — 18 B : sans. — » B: samr. —
20 B : ne puet. — 21 B : mais. — 22 B : que il en puissent.
* « Et sont... apertement » : l'accord des pronoms et des adjectifs est le même dans
tous les mss. en prose. La version en vers ne diffère pas non plus.
Sloan 2435. fo 84 d : Et sunt ensi entrelaissies
qu'il ne puent estre sorpies
Vune sens l'autre entirement
ne savoir si parfetement
les premerains sens les darrains
ne celés sans les premerains.
Qui l'une en violt a droit entendre
de toutes li covient aprendre.
Autrement ne puet on...
La même leçon se retrouve dans tous les mss. en vers de la première rédaction (cf.
Fant o. c. p. 60, sq.).
9
— 76 —
premièrement s'i travaillierent. Dont il nous est si grant * mestiers de ce
que nous avouns escriptes a ce pou que 2 nous 3 en savons \ Car se clergie
feust 4 perdue, l'en n'eûst ja riens seu de Dieu ne que Diex feust 6, ne
jamès les genz ne seûssent quel 6 chose il deûssent miex fere 7. Si fust
tout8 li mondes dampnez, dont nous fusiens nez de maie heure 9**. Car
riens ne fust seûe nar hommes 10, ne que u par bestes mues ***.
Et tout12 [F° 22 b] li biens est setiz orendroit, et tout18 venuz des14
•vii* arz que cil trouvèrent par leur sens. Car var ce orent il porpense-
ment l5 de Dieu amer et sa vertu, et que Diex est touz jours et sera sans ie
fin. Si le crurent plus de foi, si comme en la loy 17 ancienne. Mes 18 oren-
droit périssent les clerg-ies par nos envies et par noz maus 19, si que pou
en ont retenu et uns et 20 autres. Car nus n'i ose mes 21 entendre pour les
riches medisans, mauves22 et en-[F° 22 cjvieus, qui nul bien ne veulent28
aprendre. Et s'il voient aucun entendre a clergie dont il ne puisse estre
riche, de quoi il soient a aise, tantost le 24 veulent gaber et escharnir.
Mes 25 ainsi les veult 2G cil loer qui est et leur mestre 27 et leur sire et
a qui28 leur mesdire plest 29, tant qu'il leur 80 en rendra si grant loier 31 qu'il
1 B : grans. — 2 A : a ce que pou nous... ; B, N : avons, a ce pou que... — 3 B: nous;
N: nos. — * B : fust. — 5 B, N : fust. — 6 B : que ; N : que/. — 7 B : faire. — «B : tous.
— 9 B: de « dampnez » à « Car » manque; N : dampnez, dont nos fussons nez de maie
heure. Car... ; A : huere. — 10 B: houme ; N : home. — n A : ne quel; B : « quel » man-
que ; N : ne que. — 12 B : tous. — 13 B : tous. — ** B : de. — 15 A : porpenserement ; B, N :
pourpensement. — 16 B : sans. — 17 B : loi. — ™ B: Mais. — 19 B: nous maus et nous
envies. — 20B : retenu ne uns ne. — 21 B: mais. — 22 B : mesdisans, mauvais. — 23B : vou-
lent. — » A: les. — 25 B: Mais. 26 B : veut — 27 B: maistres. -^B: sires et a cui.
— 29 B : plaist. — 30 B; « leur » manque. — 31 B: loer.
* « Et font a blasmer... nous en savons. »
Manuscrit Sloan 2435 : Et por ce font plus a blasmer
De ce dont cil font a loer
Qui s'entraveillerent premiers.
Dont il nous est si granz mestiers
De ce qu'escrites les avons,
Et cel po que nous en savons.
Variante d'après Arundel 52 : De ço qu'escrites les avons
Iço pou que nous en savons.
Ce passage obscur n'est pas facile à expliquer. On s'attendrait peut-être à une leçon
telle que « Dont il nous est si grand mestiers que nous avouns escript ce pou que nous en
savons. » Mais la forme « escriptes » est confirmée par la version en vers.
Même la correction « de ce que nous les avouns escriptes iço pou que nous en savons »
offre des difficultés.
Le sens de la phrase est probablement le suivant : Et ils (les mauvais clercs) méritent
d'être blâmés pour ce dont ceux qui travaillèrent d'abord aux sept arts (1) méritent d'être
loués. Nous avons si grand besoin de ces arts que nous avons mis par écrit le peu que
nous en savons.
** La forme ue pour eu est fréquente. Ex. : Ponz-suer-Saigne, pruedons, suel (Suchier,
Altf. G. p. 3L). Nous ne pouvons cependant confirmer huere, et, le cas étant isolé dans le
ms. A, nous corrigeons : heure.
"* « Car... mues » : Car alors les hommes n'auraient rien su, pas plus que des animaux
muets.
— 77 -
seront seiir d'avoir toutes maies aventures en enfer le puant, la ou il
se g-aberont de eus meïs-[/^° 22 d\mes et diront que il furent nez de maie
heure quant il n'apristrent ce qu'il durent aprendre.
La lesseront il ceuls * ester, qui plus amerent a conquester clergie que
le foui savoir dont il assemblassent les grans2 avoir et les 3 granz richesces ;
et sachent que tout 4 ceus 5 qui pour avoir muable lessent leur tens 6 de
bien aprendre sont asseûr de mal atendre après la mort *. Car, par leur
avoir 7, la clergie faut ; si qu'a pou que [F0 23 a] ele 8 n'est perie. Et ce qui
orendroit en est 9 seù vient 10 et nest u de la cité de Paris plus que de nule 12
autre cité.
vi A.
Des18 trois manières de gens1*, et comment clergie vint en France.
Clergie reg-ne orendroit a Paris, si comme ele fist a Athènes, une cité
de grant noblesce.
Li philosophe, qui lors estoient et qui les autres dévoient aprendre et
ensaing*nier 16, ne posèrent selonc leur sens que trois manières de gens16 au
monde : ce furent [F0 23 b] clers et chevaliers et laboureeurs 17 de terres.
Li g-aaingneeur 18 de terres 19 doivent querre aus20 autres -ii* ce que mes-
tier21 leur est pour vivre au monde honnestement 2\ Et li chevalievs les23
doivent garder et deffendre 24 comme bon serjant, que il ne facent 25 tort les
uns aus 2e autres. Et li clers 27 doivent ensaingnier 28 ces *ir manières de
genz et les doivent adrecier de leurs euvres 29, si que nus ne face chose dont
il perde30 Dieu ne sa grâce.
[F0 23 c] Ainsi posèrent trois manières de g-enz ça en arriéres li sag>e
philosophe 81 au monde », comme cil qui bien sorent que nul 32 ne pourroit
mètre 8S son courag-e a ce qu'il peust estre bien sag-es 34 a droit en -ii- aferes 35
1 A: sens; B: laisseront il ceuls; G : laisseront il ceulx. — 2B: granr avoirs.— 3 B:
«les» manque. — 4 A: tout ceus (Schwan-Behrens. Altf. ér. II p. 163) [Ex. n. pi. Lais
de Marie de France p. 82 v. 207 (Halle, 1900), id. p. 80 v. 297, etc.]. — s b : sachiez que
tour ce/s. — 6 B : laissent leur tans. — 7 B : par leur sens et leur avoir. — s b : qa'ele.
— 9 B : ce qui en est orendroit. — 10 G: en est ce vient. — n B: na/st. — 12 B: nulle. —
13 A: De. — 14 B : gens. - 15 B: ensaignier. — w B : gens. — " B : laboureours. —
« B: gaaigneeur. — «B: terre; A: très. — 20 B: as; A: querre a aus... — 21 B: mes-
tiers. — 22 B: hcmestement. — * A : le.— 24 B: desfendre. — 2* B : face. — se B: as.
27 B: clerc si; N: les clers *i. — 2» B : ensaignier. — 29 B: leur œures; N: leur oaeures.
— 30 B: perden/; N: perde. — si B: li sages philosophes; N: les sages philosophes. —
32 B: nus. — 33 B : n'i porroit mettre. — 34 b, N : « sages » manque — 35 B: afaires.
* « La... mort» : Là (en enfer), ceux qui ont préféré les sciences aux folies qui servent
à acquérir les richesses laisseront ces fous (ceuls) : Et que tous ceux qui préfèrent les
biens temporels aux sciences sachent qu'ils sont assurés d'un triste sort après leur mort.
a F» 23 a — 27 a = Vers 930-1126.
b « Li philosophe... philosophe au monde. » Sydrach S. 212, 313, 393. Neckam
II. 21.
— 78 —
ne en trois. Car il n'avint onqaes jour du monde que clergie et chevalerie
et laboureeurs 1 de terre peiïsent 2 estre bien seùes 8 a nul jour de leur vies-
par *i* seul home *, ne aprises, ne retenues. A jl'une des trois seulement
cou-[F° 23 a'jvient penser, qui a droit la veut5 aprendre. Et pour ce posè-
rent *iir manières de g*enz, sans e plus, en terre li philosophe. Car il vou-
loient enquerre droite vérité.
Et qweroient une cité au monde ou il peûssent 7 miex estre et demourer
pour enqnerre l'estre 8 de clerg-ie, et pour eus 9 meïsmes adrecier, et pour
ensaing-ner 10 les autres. Dont Athènes fu jadis une ; et la avoient leur com-
mune et leur assa/nblée, et la régna premiere-f/^ 24 a]ment chevalerie
avec " la clergie. Et puis s'en vint a Romme qui orendroit est de grant
reg-non 12. Et chevalerie revint après, qui adès se tenoit près de li. Et puis
s'en renvint 13 en France, ou chevalerie a grant pouoir 14, plus qu'en 15 nul
lieu du monde. Et ainsi habunde 1G li uns en n l'autre. Car chevalerie l*
suit touz jourz 19 clerg-ie la ou ele va adès.
Dont li rois de France doit estre joians et liez 20, qnant de son roiau-
[F° i4 6]me 21 puet nestre tel seigneurie 22 comme est science de clergie, ou
chascuns puis23 sens humains, ne pour ce mains n'en i remist 2i il pas*.
Car c'est ausi comme la fontainne 25 qui touz jours sort, et plus loing" court 2*
et plus est saine. Et que plus court li ruisiaus de la fontaine loing- 27, tant
y a il plus d'yaue et tant en puet l'en plus prendre a son besoing-. Tout
autresi vous puis je dire que Paris [F0 24 c] est la fontainne 28 ou l'en
peut 29 plus puisier science que en autre lieu, qui avoir i peut 30 demourance.
Et puis que il est ainsi que clergie est en France si avanciée, donqwes en
devroient savoir par raison les hoirs de France, se il daingnioient 81. Car
ausi 82 comme li souleus s3 est li plus biausdes estoiles 34, et tant fet nestre 35
de biens au monde, pour la bonté qui habonde en lui ; autresi 3e doit miex
valoir lirois des autres gens et plus &-[F0 24 a'jvoir 37 de sens et de cler-
g*ie, si qu'il puisse, par sa vaillance, reluire entre les autres g-ens 38, et par
l'essample de son bien fere 39, que il verront en lui, se puissent 40 a droit con-
duire et atraire a Dieu. Et ainsi seroit il rois a droit, et ci et en paradis. Si
1 A, B: laboureeurs; N : laboureus. — 2 B: terres peûssent. — 3 A: senes, B : senez.
— 4 B : homme. — •> B: il veu/t. — ° B: sans. — '• A: penssent. — 8 B: l'eitre. — 9 B:
eu/s. — 10 B : ensaigmer ; « ensaini^ner » cf. note p. 69. — n B: avoec. — 12 B: renon. —
13 B : revint. — 14 B: pooir. — 15 A : « en » manque : q nul... — 16 B: habonde. — 17 B: a.
— 18 A : Car lerie. — 19 B: sieut touz iours. — 20 B : liez et ioians. — -1 B : roia/me. —
-- B : semgnorie. — 2Î B : puisse ; « puis », cf. note f° 97 a. — 24 B : remest. — 25 B : aussi
comme la fontaine. — 26 B : sourt, et que plus court loing. — 27 B : court loing le mise/
de ia fontainne. — 28 B : est orendroit la fontaine. — 29 B: puet. — 30 B: puet. — 31 B :
daingnoient. — 32 B: aussi. — 33 B: souleu/s. — M B: de toutes les estoiles. — 35 B : fait
nra'stre. — 3C B • autressi. — 37 B : genr et plus savoir. — 38 B: genr. — 39 B : faire. —
10 B : puisse.
«ou chascuns... pas» : où chacun puise l'intelligence humaine sans qu'elle s'épuise
(sans que pour cela il en reste moins).
seroit bien droit 1 et raisons qu'il meïssent entente 2 a aprendre tele clerg-ie
que il ne perdissent seigneurie 3 après ceste vie mortel. Car par nature et
par ling-nag-e doivent il tuit 4 amer clerg-ie [et] touz jours aprendre.
[F0 2Ô a] Car Gharlemaine 5 ama moalt philosophie 6 et avança en
France de son pouoir 7, et retenoit touz les bons clers que il pouoit 8 avoir
avec 9 lui, et les mandoit par tout la ou il les savoit. Mainte paine 10 ot et
maint annui pour essaucier sainte crestienté. Ne onques pour ce ne vout xx
lessier 12 que il ne tenist clerg-ie prèsA. Et touz jours aprenoit volentiers,
et d'astronomie sot assez, si comme l'en treuve en sa vie, et mowlt fu amez.
en Lo-[F° 2Ô 6]heraine. Car il i demoroit 13 volentiers; et encore y a de
ses joiiaus 14 biaus et riches que il donna aus yg-lises15, comme preudoume
q[ue] il 16 fu. Car il ama mowlt Dieu et son non. Et se pa/zna 17 moult toute
sa vie d'amener clerg-ie en France. Et encore18 i est ele et reg-ne par sa
proesce 19. Si en est moalt bien avenu aus 20 rois qui sont venuz après lui.
Car il a conquesté a touz jours sens et clerg-ie en la cité de Paris.
Or doint Diex 21 qu'ele 22 s'i tieng-ne 28 et que [F0 25 c] la vile en puisse
estre maintenue. Car se clerg-ie s'en aloit de France, chevalerie s'en 24 iroit
après, comme 26 ele a toz jours fet 2e. Car touz jours se tient près de lui 27.
Si la retieng-ne li rois de France pour son preu. Car il porroit bien perdre
son riaume 28, se clerg-ie se departoit 29 de France. Car Diex l'en desavance-
roit, qui avancié l'a et essaucié sus 80 touz autres rois.
Si resont 81 en France unes autres g-ens 82 qui en nostre tens i sont
vq-[F° 2Ô d]nu 8S. Ce sont frères 84 meneur 35 et jacobins qui se sont mis en
relig-ion pour l'amour de Dieu pour aprendre et pour entendre a Dieu ser-
vir. Dont Diex nous en a fet3e si grant honnour que il87 retiennent toute
la fleur de clerg-ie en leur ordre pour adrecier et pour essaucier sai/ite cres-
tienté par leur estuide et par leur travail 88. Car il ont moût89 grant pensée
de servir Dieu toute leur vie et d'aprenclre clerg-ie et [F0 26 a] sens, comme
cil qui ont tout le monde g-uerpi. Si me semble que il 40 font autresi comme
firent cil qui ça an 41 arriéres se mistrent en leur encloitre 42 en sus de g-ent
pour miex enquerre vérité du ciel et de la terre. Si en a Diex fet granz 4&
bontez a ceus 44 qui en leur 46 citez les ont, et en leur chastiaus 46 et en leur
1 B: drois. — 2 B: leur entente. — 3 B: seingnorie. — 4 B: tous. — 5 B : Charle-
maines. — 6 B : phylosophie. — 7 B : de tout son pooir. — 8 B : pooit. — 9 B : avoec. —
10 B: painne. — » B: vou/t. — *2 B : lûu'ssier. — ™ B: i demoaroit. — ** B: io/aus. —
15 B : as eglyses. — «" B : <7«'il. — « B : pemna. — 18 A: eaquore. — 19 B : proaesce. —
20 B : as. — 21 B: « Diex » manque. — 22 B : que ele. — ^ A : se tiengne. — 2* B : « s'en »
manque. -25B: ausi comme. -»B: touz iours fait. — 27 B: li. — 2« B: /*oia/me.
— » b : departoit. - 3° B: seur. — 3i a : seront. — 32 B: gens. — 33 B: qui i sont .
venus en nostre tans. — 34 B: frère. — 35 B: menour. — 36 B: fait. — Z1 B: « honnour
que il » manque. — 38 B: travai//. _ 39 b : mou/t. — *> B: samble qu'il. — 41 B : en. —
/l2 B : encloistre. — «B: a fait Diex gran/... — 44 B: ceu/s. — B : ^ lor. — 46 B: chatiaus.
a « Car Charlemaine... près. » Sydrach S. 572. — Neckam II. 174.
— 80 —
viles. Car il ne servent pas de g-uile ne de barat; ains l se painnent de ser-
mouner2 pour les autres g-enz me-[F° 26 b]nev a bien et a voie de vérité et
seuffrent souvant 8 grant mesaise pour meitre a aise 4 les autres g-enz. Car je
croi bien que, se ne 6 fust pour G leur bontez et par leur ensaingnemens, que
crestientez7 fust orendroit maubaillie et essillie 8 de mescrandise 9 et d'erreur.
Si se tiennent en ce qu'il ont empris 10, comme cil qui ont mis jus toutes
les richesces " du siècle, sans retourner arriéres ; si en ont moût bone 12
manière*. Car il [F0 26 c] se sont mis a povreté pour Dieu et pour ses
sainz 13, et mains autres qui sont au monde, qui prennent essaraple a ceus 14
qu'il voient qui bien font.
Si en devons Dieu gracier et adrecier noz cuers a bien faire, tant que
par droit nous puissions 15 aler el sain 1G** ciel par 17 nostre bienfait, dom 18
Diex nous dointsi bon pouoirde deservir 19 que nous en soions parçonniers.
Mes 20 puis que vous avez oy raconter com-[F° 26 ciment les *vii* arz 21
furent trouvées, et par qui, si en lessiez atant ester, si vous dire qu'eles
font et qu'eles sevent 1ère 22. Car d'eles vient touz 2S humains sans 24 et tou-
tes euvres 25 que l'en fet 26 des mains, et toutes prouesces, et toutes aper-
teces 27, et touz biens, et toutes humilitez. Et pour ce weil 28 je en ma matire 29
descrivre l'euvre 30 de chascune, et puis de nature, et puis du monde, com-
ment il est fet31 a la reonde.
Mes nous dirons32 avant des *vii' arz que \F° 27 a] l'en ne doit pas
oblier33.
vii A.
Ce est 34 gramaire.
La première des *vii* arz si est gramaire, dont il n'est pas seu le
quart au tens 35 d'orendroit. Sanz laqwele riens ne vaut g-uieres qui veult
1 B: ains. — 2 B: sermonner. — 3 B: sueffre souvent. — 4 B: «a aise» manque.
— 5 B: se ce ne. — G B: pour. — 7 B: crestiente. — 8 B : et assaillie. — 9 B: mes-
creandise. — 10 A: enempris. — n B : richeces. — l2 B: mou// bonne. — 13 B : sains. —
14 B: ceu/s. — 15 B: puissons. — 1G B: sain/. — 17 B : par nostre bonté et par... — 18 A :
dom; B: donc. — 19 B : pooir de desservir. — 2° B: mais. — 21 B: ars. — 22 B: par cui,
si en laisserons atant la parole ester, si vous dire que eles font et qu'eles sevtent faire.
— 23 B: tou/. — 24 B: sens. — 25 B : oevres. — 2fi B: fait. — 27 B: apertetes. — 2» B :
vuaWl. — 29 A: «ma» manque; B: matie/r. — 30 B: l'uevre. — 31 B: il est fais. —
32 B : vous dirons. — 33 B : oublier. — s* b : Ci est li arz de. -35B: tans.
* «Si se... manière»: Ainsi ils persistent dans ce qu'ils ont entrepris après avoir
abandonné tous les biens de ce monde ; il leur en revient beaucoup de mérite.
" Sain : la chute du /, soit final, soit médial, est très commune. Cas parai, dans
ms. A : main 88 B ; son (sunt) 82 d, 113 c ; don 10 b ; etc. — Ex. : Sain Fursi (Le Miroir
par Bobert de Gretham) [Paul Meyer, Romania, 1886, t. XV, p. 304] ; sen (Boève v. 956,
etc.) [Halle 1899] ; sein Gabriel (G. d. Roland v. 2847) [Heilbronn. 1878].
a FQ 27 a - 33 c = Vers 1127-1404.
La description des sept arts se trouve dans Neckam II. 173.
— 81 —
entendre de clergie. Car sa/iz li ne peut * nus apren-[jF° 27 6]dre, que gra-
maires si est fondemens et commencemens 2 de clergie.
Ce est la porte de science 8, par quoi4 l'en vient a sapience de clergie.
Ce est celé 5 qui ensaingne a fourmer parole, soit en latin ou en roumanz
ou en touz autres langages parlans6. Et qui bien savroit7 toute gramaire,
il savroit fere 8 et dire toute parole. Et par parole fist Diex le monde. Car
parole est au monde sentence.
Ci après est logique 9.
[F° 27 c] La seconde art10 si est logique, qui est appellée11 dyalectique.
Geste si preuve faus et voir, et preuve par quoi l'en cognoist et hien et
mal 12. Et qui 1S savroit toute logique, il prouveroit et bien et mal sanz
doutance14. Car par bien fu criez et fez 15 paradis, et [F° 2 y d] par mal
fu establiz enfer.
Ce est retorique 16.
La tierce art a non retorique 17, qui est et droiture et raison et orde-
nance de parole, que ele ne soit pour foie tenue. Car li droit18, par quoi
li jugement sont fet19, et qui, par raison et par droit, sont esgardé 20 en
[F0 28 a] court de roi 21 et de baron, viennent de rectoriqwe.
De cest22 art furent decretales estraites, et lois et decrez qui ont mes-
tier 23 en toutes causes et en touz droiz.
Qui bien savroit rectorique, il connoitroit 24 et tort et droit. Par fere25
tort est li hons perduz et dampnez, et par fere 2e droit est sauvez et a l'amour
de Dieu27.
Ce 28 est arismetique.
[F° 28 b] La quarte art si a non arismetique.
Ceste art si vient après rectorique, et est mise en mi les *vii- arz. Car
sanz li ne peut 29 estre nulle des " vii* arz assise parfaitement ne bien seue
entièrement, devant que l'en sache ceste30 art. Car toutes i prenent31
[F0 28 c] garde ne ne pueent estre sanz lui 32. Et pour ce fu ele mise en 38
milieu des vii- arz, et illuec tient son nombre. Et de li viennent tuit li
nombre 34 par quoi 35 toutes choses queurent et vont et viennent. Car nulle
riens n'est sanz nombre. Mais poi voit comment ce puet estre qui n'a
1 B: puet. — 2 B: fondemens et commencement. — 3 A: des créance. — 4 B: quoy.
— 5 B: ce//e. — «B: parlant. — ' À : savroit. — 8B : et faire. — 9 B : Ci est li arz
de logique (« après » manque). — 10 B: Li seconz arr. — n B : apelée. — l2 B: de « et
preuve» jusqu'à « et mal » manque. — 13 B : Et qui bien. — u B : doute. — 15 B: faiz.
-*■ 16 B: Ci est rectorique. — " B: rectorique. — 18 B: les droir. — 19 B : les jugemenr
sont fais. — 2° B: par droit et par raison sont esgardes. — 2l B : roy. — 22 B : ceste.
— 23 B: mestiers. — * B: connoistroit. -^B: faire. - 2« B: faire. — 27 B: Dieu entiè-
rement. — 28 B : Ci. — » B : puet. — so b : ces/. — «B: prennent. — 32 B : li. —
33 B: el. — u B: de « et de li » jusqu'à « nombre » manque. — 35 A : « quoi » manque.
— 82 —
esté maistre des vii* arz1, tant qu'il en sache a droit dire la vérité 2. Mais
nous ne poons pas orendroit [F0 28 d] tout s raconter ne dire. Car qui veult
tel 4 chose espondre, il li couvient moult savoir de glose.
Qui bien savroit arismetique 5, il veroit ordenances e en toutes choses.
Par ordenance fu faiz li mo/ides 7, et par ordenance sera desfaiz.
C'8est géométrie.
La quinte a a non 9 g-eome-fF0 2g a]trie, qui a astronomie plus vault 10
que nule 11 des autres. Car par li est ele mesurée, et par lui 12 est compassée.
Et mesure toute riens ou il a mesure. Par lui 1S puet l'en savoir le cours
des estoiles 14 qui touz jours 16 vont, et la grandeur du firmament et16 du
souleil 17 et de la lune et de la terre ; par li 18 set on la vérité de toutes
choses et la quantité19 de toute rien, ja si lointaing-ne ne sera, pour tant
que l'en la puisse veoir as ieulz 20.
[F0 2g b] Qui bien entent g-eometrie, il voit mesure en toutes mais-
trises 21. Car par mesure fu li mondes faiz 22 et toutes autres choses hautes
et basses et parfondes 23.
Ce est21 musique.
La sisiesme si est musique, et se fourme 25 d'arismetique.
[F0 2g c] De ceste art de musique vient toute atemprance, et de ceste art
s'avance 26 fisique. Car, ausi27 comme musique acorde toutes choses qui se
descorderent 28 en eles 29 et les ramaine a concordance, tout autresi se painne
phisique30 de ramener a point nature qui se desnature et se desatempre en
cors humain, quant aucune maladie l'encombre. Mais ele n'est mie du nom-
bre sl des -vii* arz de philosophie. Ainz est 'i* me-[F° 2g oTJstier qui se
donne32 a cors d'oume33 saner, et de soi g-arder de maladie, tant comme
il est en vie. Et pour ce n'est ele mie liberaus. Car ele sert de g,uerir cors
humain34 qui aucunes35 foiz porroit36 bien périr. Et nulle37 riens n'est
liberaus ne franche qui naist de terre. Et pour ce, science qui sert a cors
humain pert sa franchise; mais38 celés qui servent a l'ame desservent89 au
monde libéral non*. Car l'ame doitestre liberaus, [F° 3o a] si comme chose
1 B: ar.s. — 2 B: sache a dire la droite vérité. — 3 B: tout ci. — 4 B: tele. —
•r' B: anmetique. — 6B: verroit ordenance. — 7B : le monde. — 8B: Ci. — 9B: La quinte
a non... — w B: vaut. — » B: nul/e. — 12 B : li. — « B : li. — 1*- B : estoil/es. - 15 B :
jourr. — 16 B : de « et du souleil » jusqu'à « chascune chose » [f° 30 a] manque. — 17 N :
sou//eil. — 18 N: lui. — 19 N : cantité. — 2i> N: aus \euz. — 21 N : mestrises. —
22 N : fez. — 23 N : pfondes. — 24 N: « ce est » manque. — 25 N : forme. — 26 A : s'avan ;
C : s'avance ; N : s'avance ; B : procède ; S [f° 79 n] : est descendue. — 27 N : aussi. —
28 N: toute chose qui se descorde. — ^ N: soi. — 30 N: pâme yZsique. — 31 A : nomb/e;
G : nombre ; N : nombre. — 32 N : dorce. — 33 N : orne. — 3* N : de cors humain garir. —
3b N: aucune. — ^ N: pourvoit. — 37 N : nu/es. — 38 N : mes. — 39 N: deservent.
« Et pour ce... non » : C'est pourquoi la science qui s'occupe du corps humain perd
sa noblesse ; mais celles qui s'occupent de l'âme méritent en ce monde le nom de « libé-
— 83 —
qui est de noble estre, comme celé qui vient de Dieu et a Dieu s'en veult 1
revenir. Et pour 2 ce sont les arz liberaus. Car il 3* font l'ame toute fran-
che, et ensaing-nent4 qaanque l'en doit faire6 proprement en chascune
chose. Et ce est la droite reson pour quoi e ele a non arz 7 liberaus. Car ele
fait l'ame liberaus 8, et de tout mal la délivre 9.
De ceste est musique commune, qui s'acorde a chascune si bien que
par li furent les [F0 3o b] .vii* arz concordées si comme eles durent. De
ceste sont estraiz touz les chanz 10 que l'en chante en sainte eg-lise u, et
toutes les acordances de touz les estrumenz qui ont divers acordemcnz et12
divers sons 13, et ou il a raison et entendement d'aucunes choses 14. Qui set
la science de musique, il set Tacordance de toutes les 16 choses. Et toute la
créature qui se painne16 de bien faire se ramainne 17 a concordance 18.
Ce19 est astronomie.
[Z'0 3o c] La septiesme, si20 est astronomie qui est de toute clerg-ie la
fins21. Ceste ensaigne22 raison par quoi23 l'en doit enqnerre de 24 choses
de la terre et du ciel, de celés qui sont faites par nature, ja si lointaingnes
ne seront. Et qui bien set astronomie, il set mètre 25 rai-[F° 3o d] son en
toutes choses. Car Nostre 2e Sires fist toutes riens 27 par raison, et donna
son non a chascune riens.
Par ceste art furent premièrement emprises et enquises toutes autres
sciences de decrez et de devinité 28, par quoi toute crestienté 29 est convertie
a droite foi de Dieu amer et servir le roi tout puissant a cui 30 tout li
biens se donne et alie, qui toute astronomie fist, et le ciel et la terre et le
souleill et la lune et les estoiles, comme cil qui est li [F0 3i a] verais
gouvernierres et li vrais voiles de gouverner tout le monde et adre-
cier31. Ne riens ne peut durer sanz lui. C'est li verais 32 astronomiens ; car
1 N : veut. — 2 N : por. — 3 G : Hz ; R : ils ; N : il. — 4 N : ensemgnent. — 5 N : fere.
6 B: raison pour quoy. — 7 B et N: ars. — 8 N : ele îet l'ame libéra/. — 9 B et N: la
délivre de tous maas. — 10 B : chans ; N : chanr. — n B et N : eglyse. — ,2 N : « et divers
sons » jusqu'à « d'aucunes choses » manque. — 13 B : son. — 14 B : « d'aucunes choses »
manque. — 15 B et N : « les » manque. — 16 B et N : pâme. — 17 B et N : ramaine. —
18 B: a concordance veraiement. — 19 B: Ci. — ^B: «si» manque. — 21 B: qui la fins de
toutes clergies est. — *> A : « ensaigne » manque ; B : ceste ensaigne. — ^ B : quoy. —
34 B : des. — 25 B : me/tre. — • B : noustre. — 27 A : « riens » manque. — ^B: divinité.
— M B: crcstientez. — 30 B : aui. — 31 A: li vrais voiles et li verais gouvernierres de tout
le monde gouverner et adrecier. — 32 B : urais.
raies ». — La leçon de la rédaction en prose est confirmée par la rédaction en vers :
Sloan f ° 87 c : Mais celés qui a l'ame servent
libéral non au mont deseryent.
* Nous trouvons quatre fois dans le texte du ms. A il où nous nous attendrions à
trouver eles (nom. pi. fem.). Les deux premiers cas (fos 30 a et 32 a) s'expliquent par le
genre de « arz » qui, dans notre texte, est tantôt masc, tantôt fem. ; de plus, il est confirmé
par les ms. B et N. Les deux autres cas se trouvent fos 56c et 82 b. Cf. note f° 56 c.
— 84 —
il set tôt S et les biens et les maus, comme cil qui astronomie fist, que l'en
soloit jadis pour amie 2 tenir. Car c'est une art de si très noble estre, que
qui en porroit estre bien sages, il porroit connoistre a droit comment li
mondes fu compassez 8 * et assez d'autres choses. [F0 Si b] Car c'4 est la
science par quoi 5 l'en connoist miex et plus a droit toutes 6 riens.
Par li seule furent trouvés7 les autres vi* qui sont nommées devant8;
et sanz eles ne porroit nus savoir a droit d'astronomie, tant fust sages ne
poissanz 9. Tout aussi comme une hache ou 'i* autre outill de maçon sont li
estrument 10 par quoi il forme ll sa besoingne 12 et de quoi il fait son mes-
tier, tôt13 autresi par droit majestire 14 sont les autres [F0 Si c] 'v'v estru-
ment 15 et fondement d'astronomie.
Et li preudoume 16 ça en arrière, et roi et prmce et duc et conte et autre
grant seigneur17, par leur sens et par la18 bonne manière qui estoit en
euls, metoient toute leur painne et tout leur labour en savoir les arz 19 de
clergie pour d'astronomie entendre 20. Et tant i entendirent qu'il en sorent
assez par la volenté de Dieu. Car il sorent mainz gmnz afaires qui ave-
noient par le monde. Si ne [F0 Si d] prisoient riens les choses qui ave-
noient en terre, comme cil qui bien en savoie/it la raison.
Si estoit coustume au tens de lors que se nus fust sers a autres genz 21,
ne nus hons bas, ne nus vilains, tant fust plains de grant avoir ne de
richeces 22, n'osoit il riens aprandre23 des vir arz pour les gentils hommes
qui tuit en vouloient entendre 24 le principal, pour ce qu'il fussent libéral
et franc. Et par ceste raiso/i leur mistrent il a non les [F0 S 2 a] ■ vii* arz
liberaus.
Et a droit les nommèrent liberaus. Car eles 25 sont si franches que il 26
rendent l'ame toute franche a Dieu. Et sont ordenées si a droit et données
si entièrement que l'en n'en peut 27 riens oster ne riens mètre, tant s'en
seiist entremetre, tant fust sages. Car se l'en en remuoit riens qui i soit,
eles seroient toutes desfigurées. Car eles sont si a droit faites que nus hons
qui soit en tout le monde, tant fust de [F0 S2 b] parfonde escience, ne paien,
ne 28juif, necrestien, n'i peut 29 riens ne muer, ne oster, necontrester de rien.
1 B : tout. — 2 A : « amie » manque. — 3 A : compasserz. — * B: ce. — 5B: coi. —
B B : toute. — 7 B : trouvées. — 8 B : devant nommées.; N : nomées. — 9 B : puissanz ;
X : poissanz. — 10 B : les instrument; N: les estrumenz. — u B : fourme; N: forme.
— 12 li : beso/gme ; N: besoingne. — n B et N : Tout. — 14 A : droit maiesture; B et N :
maiestire; C: droite maistrie. Sloan: droit maiestire. — 15 B : estrumenr. — 16 B: les
preudommes. — 17 B: arriéres-, et rois et princes et contes et autres granr seigneurs;
N : arriéres, et rois et princes et dus et contes et autres granz seigneurs. — 18 B : leur.—
19 B: ars. — 20 B: pour entendre d'astronomie. — 21 B : gens. — 22 B: riche/ses. — 23 B:
aprendre. — 24 A: « entendre » manque; B: entendre en voloient. — 25 B : il. — 2r> Voir
notes f° 30 a, 06 g sur il. — 27 B: puet. — 28 A : ne ne. — & B : puet.
Compasse/'z : cette forme est isolée dans le ms. A, et n'est pas confirmée par d'autres
ouvrages.
— 85 —
Et qui sauroit a droit les vii* arz, il seroit creûz en toutes lois. Car il
n'est nus qui contrester le pouist x de chose qu'il vousist prouver, fust faus
ou voir. Car il prouveroit par vive raison quanqu'il voudroit et droit et
tort 2. Si est cil fouis qui cuide savoir nulle 3 chose a droit qui aipar-[F0 32 c]
tiengpne a clerg-ie, pour nulle chose qui avieng-ne 4, se n'est par miracle5 de
Dieu qui tout peut faire, se il ne set des vii* arz. Car tout ne li vaudroit
nient8 a ce qu'il pefist moustrer riens, ne prouver a droit ne faus ne voir*.
Car eles sont creues en toutes les lois la ou eles sont leiies.
Et si n'est nus, tant soit de diverse loi 7 ne de divers languag-e 8, que, s'il
converse avec 9 autres g*enz 10, pour qwïl sache riens des *vii* [F0 02 d] arz u
a droit, ne prouver de leur usage ne 12 de lor 13 parz nulle chose qui soit,
qu'il14 ne soit creûz comme sages**. Ne ja ne sera paiens si divers que
crestie/is ne juif le peust contredire de riens 15 de chose qu'il ne vousist dire
ne prouver. Et 16 ne so/ît pas decretales ne lois que aucunes genz tiennent
a maies les constitutions qui y17 sont, pour ce qu'autres les font et tien-
nent***. Car toutes les lois se tiennent as -vii* [F0 33 à] arz; et toutes
les croient et retiennent 18, la ou il a genz qui riens en sachent. Car toutes
resons19 qui vienent des vii* arz sont voires en toutes causes et en toutes
resons20 par touz lieus. Car ce ne sont pas muables sciences que21 touz
jours sont estables et veraies 22.
Mais nous en laisserons a tant a23 parler; car vous en avez oy24 ça
devant souffissaument25. Si vous dirons de nature après et briément que
1 B: qui le pouist contrester; N : qui le peust contrester. — 2 B : et tort et droit. —
3 B et N : nu/e. — * B: nu/e; N: nu/es choses qui avieignent. — 5 B : se cen n'est pas
fspetial miracle... puet; N: se n'est par miracle... ; A : se n'est pas; C: ce n'est par. —
6 B : noient. — 7 B : loy. — 8 B : langages. — 9 B et N : avoec. — 10 B : gens. — n B : « arz »
manque; A: « arz » répété deux fois. — 12 B et N : usage et de... — 13 B et N : leur. —
14 B : qui ; N : qu'il. — » B : de riens contredire. — 16 B : Ce. — « B : i. — 18 B et N :
retiennent.; A: retendent: cette forme n'est pas confirmée par d'autres ouvrages et est
isolée dans le manuscrit A.— 19 B : raisons.— 2° B: rat'sons. — 21 « que » : cf. note f° 123 b
du texte. — 22 B : sont veraies et estables; C: mais s«nt touz jours estables... — ^B:
tant en parler. — 2* B : 01, — 25 B : soufft'saument.
« Car tout... voir » : Car tous ses efforts seraient inutiles pour le mettre à même de
montrer quoi que ce soit et de prouver avec autorité le vrai et le faux.
** « Et si... sages » : Il n'y a pas un seul homme, quelque différents que soient son lan-
gage et ses coutumes, qui, s'il parle à d'autres gens et sache quoi que ce soit à propos des
vii ars sans rien connaître des coutumes ou de quoi que ce soit qui concerne ces gens, ne
soit considéré par eux comme sage.
*** « Et ne sont... et tiennent » : Et ce (les 7 arts) ne sont pas des lois et décrets dont
certaines gens considèrent les règles (qui s'y trouvent) comme mauvaises parce que ce sont
d'autres gens qui les font et les observent.
La construction est la même dans la rédaction en vers.
Sloan f ° 88 c : Ne sunt pas lois ne decretales
qu'autres gens tenroient a maies
les constitutions qui sunt
pour ce qu'autres tienent et font.
— 86 —
ce est. \_F° 33 6] Car Diex la cria premièrement ainz l qu'il feïst autre
chose qui apartenist au monde. Si en devons premièrement parler et dire
que ce est pour deviser le monde après et descrire. Car li firmame/iz muet
par nature 2, et toutes les choses qui ont mouvement 3. Ele muet les esto-
les4* et fait luire, et fait naistre et vivre quanqu'ele veut6. Et pour ce
que toutes les g-enz ne severct pas bien que ce monte, aloingnerons e un
poi [F0 33 c] noustre matire pour faire entendre qu'est nature et comment
ele œuvre7, pour mieulz entendre la faiture du monde, que8 nous vous
dirons après se vous en voulez 9 entendre les resons 10. Si metez painne au
retenir.
viii A .
De nature, comment ele oeure et que ce est.
Damediex fist tout premièrement nature. Car ce est 11 la chose par quoi
toute riens dure et vit qui desouz le ciel est ordenée 12. Sanz na-[F° 33 rfjture
ne peut ls riens naistre, et par li 14 vit toute 15 riens née 16. Et por 17 ce la
couvint18 premièrement estre 19, qu'ele norrist20 les g*enz et assaisonne, et
s'abandonne la ou Diex veult**. Ele oevre diverseme/it21. Nature fait ausi
comme la hache au charpentier. Quant li charpentiers oevre de son mestier,
la hache ne fait que trenchier. Et celui qui la tient la dresce quel part que il
veult. Et par la hache est l'oevre assouvie 22 et [F0 34 a] faite selonc 28 la
manière de l'ouvrier. Tout autresi 24 se donne nature et habandonne 25 la
ou Diex veult ». Car toute riens est faite par lui 26, si comme Diex la veult
pourtraire. Et oevre en tel 27 manière que se ele 28 faut a l'une, ele recuevre
a29 l'autre.
Riens en vai/i ne fait nature 80; ele oevre en tel S1 manière qu'ele ne toult
a nulle riens son plain 32. Car entière est touz jourz s'oevre selonc ce qu'ele
1 B : la fist premièrement et cria ainz. -2B: Car par nature muet li fîrmamenz. —
:! B: qui mouvement ont. — 4 A: estoles ; B: estoiles. — r> B: veu/t. — « A: aloragne-
rons. — ? B: oure. — » B: de que. — 9 B: volez. - w B: ru/sons. — n B: c'est. —
12 B: qui est ordenée desouz le ciel. — 13 pue/. — ^ B: lie; N: lui. — 15 A: toutes. —
16 B : « née » manque. — 17 B : pour. — 18 B : couvient ; N : coûtant. — *» B : « estre »
manque. — 20 B : car ele norrist; N: car ele nourrit. — 21 B et N : touz jourz diverse-
ment.-22 B: assouie.- ™ B: solonc. — » B: autressi. — 25 B : habonde. — 26 B: li. —
27 B: tele. — 28 B: s'ele. - » B : en. — 3° B : Nature ne fait riens en vain. — si B: tele.
— 32 B : ne toult son plain a nulle riens.
0 pour oi se trouve assez souvent en Bourgogne, en Lorraine et en angln. pour
que nous n'hésitions pas à garder « estole ». Cf. Stimming, o. c. p. 200 (mo, damosele).
« Et por ce... veult » : Il était convenable qu'elle fût créée la première, parce qu'elle
nourrit les gens et les fait venir à point; et elle se livre là où Dieu le veut.
Sloan f ° 89 a : Pour ce la covient premiers estre ;
les gens norist, les gens sesone ;
et la u Dex violt s'abandone.
a [Fo 33 c — 38 b = Vers 1405-1619.]
b « Damediex... veult. » Ce passage est discuté dans l'introduction (v. Introd. p. 34).
trueve matere1*. [7^° 34 à] Soit en g-enz ou en bestes, touz jourz est ses
afaires g*enz, comme celé 2 qui riens ne fait qui de riens soit contraire a
Dieu. Et la ou matere 8 défaut, si laisse a ouvrer; et que plus y a matere,
et pins œuvre4; si comme l'en voit d'aucunes bestes, dont les unes nais-
sent 5 a "ir testes ou a -vi- piez ou a 'V ma/nbre mains qu'il ne doit 6 avoir
et que sa fourme ne li rema/nbre 7. Aussi en [F* 34 c] voit l'en de tels sou-
ventes foiz qui sont presque tout failli ; et li autre 8 sont plenteurens et
habondantde 9 leur fruit. Tout ausi revoit l'en souvent10 avenir a aucunes
g-enz u que, quant il naissent, il naissent a tout12 #vi- doiz en une main, et
les autres a i', ou a 'ir, on a *iii* mains 1S; ou il leur faut i- mambre tout
entier, dont il valent pis, selonc ce qui apartient au monde. Et en un autre
ra si grant habondance [F0 34 d] de matere en cors ou en membre 14, autre
chose que fourme16 humaine n'i met16. Car17 il li faut ou piez ou mains ;
ou18 il naist souvent a moins ou a plus19; ou il a une jambe ou i* braz,
l'un plus lonc que l'autre.
Si ravienta *i* autre autre chose : Car li uns est noirs et li autres est
blans ; li uns est granz et li autres petiz. Li uns devient preudoume20 et
sag-e, et li autres fouis et mauvais ; li uns se tient sag-es [F0 35 a] en sa
jœnnesce 21, et en sa vielliesce 22 devient fouis. Li uns est sag-es vielz 23 et
juenes, et li autres est fouis toute sa vie, et juene et vieill. Les uns sont cras
et les autres sont maigres. Les uns sont maling'eus et les autres santeis24.
Les uns sont grelles26, les autres si sont gros26. Les uns sont27 vistes,
les autres moulz 28 et lasches. Les uns sont tardis, les autres hastis. Les uns
sont hardiz, les autres sont couarz. Les uns sont boi-[F° 35 è]teus, les
autres sont boçuz, et les autres sont bien faiz en touz endroiz. Uns granz
hons est souvent mal faiz, et uns petiz est bien faiz et bien avenanz. Car il
n'a mambre29 qui ne soit a80 sa droite taille, tant comme il apartient a
son 31 cors. Uns biaus enfes devient souvent laiz, et li laiz devient sou-
vent 32 biaus. Li uns veult moult avoir de ses voulentez 33 et li autres en
veult pou. Ghascuns a son talent et a son apetit. Uns petiz hons eng-endre
sou-[F° 35 cjventes foiz *r grant 34, et uns bien granz souvent -i- petit. Uns
1 B: matière; A: mate'. — 2 B: genz ses afaires, comme ce/le. — 3 B: matière. —
4 B : oevre. — 5 A : laissent. — 6 A : « qu'il ne doit » répété deux fois. — 7 B : remembre.
8 B : autres. — 9 A : et. — 10 B : souventes foie. — u B : aucune gen/. — 12 B : tour. —
13 B : moins. — l4 B : mambre. — » B : forme. — w A: mmet. — 17 B : Ou. — 18 B: Car.
— 19 B : a plus ou a moins. — 2° B : preudomme. — 21 B : jonnesce. — ^ B : vietl/esce.
— 23 B: vieulz. — * B : santeys. — 25 B : grailles. — * A : groa\ — 27 B et N : « sont »
manque. — 28 B : mou/s. — » B : membre. — 3° B et N : de. — 31 B : son/; N : son. —
32 A : « laiz, et li laiz devient souvent » manque. — 33 B : volentez. — 34 B : .i. grant
homme.
* L'orthographe ordinaire du ms. A est « matire » (f° 26 passim). Seule la position
de l'abréviation fait supposer une forme « matere », forme bien connue en angln., et que
nous retrouvons dans f° 34 b. Nous mettons donc « matere ».
— 88 —
petiz * hons enprent 2 souventes foiz une grant chose a faire que uns bien
granz n'oseroit enprendre8. Li uns muert tost, li autres tart. Et li autres
vit tant que par aag-e se part K * du siècle, selonc ce que nature li dure par
la voulenté 5 de Dieu.
Si revoit l'en sove/it 6 en genz, que li un 7 entendent a clerg-ie, et li autre 8
entendent a [F0 35 d] autre mestier, ou a charpentier, ou a maçon, ou a fevre,
ou a aucun autre mestier ou il met son tans. Car chascuns s'i donne9 selon
son sens. Car, a autre mestier que nature ne 10 li donne ne savroit entendre,
dont il se seiïst entremetre si bien comme de celui ou sa nature li trait. Si
a -i- autre d'autre manière qui se met et11 adonne12 a faire pluseurs choses
que nus autres ne porroit ne ne savroit faire ; car [F0 36 a] sa nature pas ne
li donne 13. L'un bee en bas et l'autre 14 en haut. Si voit l'on 15 que il avient
souvent que li hons avient la ou il bee a avenir, et autre foiz n'en vient16 a
chief. Ainz li tourne n tout a contraire et a meschance 18, si qu'a painnes
peut19 venir a chief de chose que il vueille20 mener a. fin. Et uns autres
fet 21 maintes choses dont uns autres ne porroit 22 ne ne savroit faire. Car
tant a de diversetez en gent23, et*4, de faiture [F0 36 b] et de voulenté 25,
que l'en ne porroit trouver en nulle terre du monde -ii* hommes qui s'entre-
ressamblassent, tant les seiist l'en querre, qu'il ne se diversifiassent 2e de
cors, ou des27 membres, ou de vis, ou de sens, ou de faiz, ou de diz. Car.
sa puissance est si diverse qu'il n'est riens qui ait naissance, qu'il n'ait en
lui aucune chose dont uns autres n'a riens en soi28, ja soit ce que nulle
dessevrance n'i puisse nus hons aparcevoir.
[F° 36 c] Tele est la vertuz de nature, ou maint bon clerc ont mis leur
cure et leur entente29 a ce que il puissent mieuz dire et plus briément 30"
que est nature31. Si en dist tout premièrement32 Platon, qui fu de moût38
tarant renommée, que c'est une outrée poissance en choses, qui fait naistre
samblant par samblant selonc ce que chascune peut estreA. Si peut84 l'en
entendre35 ce par -i* homme 36 c'uns autres engendre, et par bestes, et par
1 B : petit. — 2 B : emprent. — 3 B : n'osereu/ emprendre. — 4 A : se par. — 5 B :
vo/enté. — 6 B: souvent. — 7 B: que les uns. — 8 B: et les autres. — 9 B: se donne. —
10 B: « ne » manque. — n B : « se met et » manque. — 12 B: donne. — 13 B: nature ne
li donne pas. — 14 B : l'uns bee en bas et li autres. — 15 B: voit on. — ,6 B : ne vient. —
17 B: tornc. — 18 B : mescheance. — 10 B: painne puet. — 20 B: qu'il yeille. — 21 B: fa/7.
— 22B: porroit riens faire. — 23 B: genr. — 2* B: « et » manque. — 25 B : volenté. —
38 B: diversifiassent. — 27 B: de. — 28 B : lui. — » B: unlente. — =» A: briesment. —
:il B: qu'il peûssent mieu/z dire que est nature, et plus brie'ment. — 32 A: pWerement. —
™ B : mou/t. — 3* B : puet estre. Si puet... — ™B: entedre. — se b : houme.
* Cf. f°26c n. Ex. de « par » : par {Ipomedon, v. 3316, cité par Stimming, o. c. p. 222).
Toutefois la forme « par » étant isolée dans le ms. A, et l'exemple de Stimming- se rap-
portant à « part » L. partem, nous rétablissons le t.
Le ms. A donne ordinairement « briefment », mais « briément » se trouve f° 33 a.
a « Si en dist tout... peut estre. » Platon, Gorgias. Boèce, cité par Albert le Grand :
Sum. Theol. VII. 30 (vide Introd. p. 34).
— 89 —
plantes, et par se-[F° 36 ûTJmences qui selonc leur samblances A naissent,
et selonc 2 leur façon. Itanten dit 3 Platon, qui fu granz clers f. Et puis en
redit Aristotes, qui sont* clerc fu 5, que ce estoit principiex qui donnoit
vertu es • choses de mouvoir et d'ester, a cui Diex donna tel pooir et tel
force ; si comme l'en voit quant aucune chose se remue qui se peut 7 ester
et mouvoir a. Aristotes, qui ce en dist, enquist maint livre dénatures8.
[F0 3y a] Et puis en redistrent pluseur 9 ** autre phiosophe que ce est 10
vertuz de chaleur qui fait chascune chose estre; si n'en dirai autre chose
orendroit. Gist ensuivirent xx mieuz12 Platon que Aristotes. Ainsi en distrent
leur samblant. Si en distrent assez selonc ce que chascuns en 13 pooit dire.
Mais nus qui soit ne puet contredire ne savoir que ce est, fors Diex qui
tout set et tout voit, et qui premièrement le volt14 establir pour acomplir
toutes cho-[F°3y b]ses. Si peut15 l'en bien par ce savoir que Diex est de
monlt le grant puissance 17 et monlt est grant chose de lui, quant il fist tel
chose sanz painne qui est de si pesant affaire 18. Et pour ce volt 19 il lui
meïsmes faire Tourne20, pour ce que il fust si poissanz 21 et qu'il eiïst tels
sens en lui qu'il seiïst par nature ce qui grever li 22 porroit a l'ame et nuire
envers Dieu. Car s'il se veult a droit conduire, il peut23 bien a ce mener
so[n] cuer, que nature ne le peut 24 \F° 3y c] grever en nule 25 manière.
Et pour ce furent trovées 26 les *vii* arz pour oster les mauvaises pensées
qui pueent conduire Tomme 27 a mort, que l'en les peut 28 destruire par les
arz. Et ainsi peut 29 l'en muer son mauvais estât par ensaingnement de bon
maistre. Et pour ce, fait bon estre entre les bons ; car l'en i aprent bien a
faire. Si est sag"es qui fait son preu en tel manière qu'i 30 en ait mieulz 31
après la mort et que Diex le preingue 32 en gré ; si [F0 3j d] avra fet 3S plus
son preu que de Tautrui ; ce sache certainnement 34. Car il en avra tout le
b/en.
1 B : semblances. — 2 B : selon. — 3 B: dist. — 4 B : qui granz clers fu. — 5 B : qui
fu sou clerc. — 6 B : as. — 7 B : puet. — 8 B : nature. — 9 A : pluseure. — w B : pluseurs
autres philosophes que c'est. — " B : ensiverent. — l2 B : mieu/z. — 13 A : ne 14 B :
voult. — 15 B : puet. — 16 B : « moult » manque. — 17 B : poissance. — 18 B : a faire. —
» B: voult. — a» B: Tomme. — 21 B : puissanz. — 22 B : le. — 23 B: puet. — 2* B : puet.
— 26 B: nu//e. — 26 g : trouvées. — 27 r : pueent Tourne conduire. — 28 b : puet. —
29 puet. — 30 B: qu'*7 en... — 3* B : miea?. — 32 B: prcu'gne. — 33 B : fait.— 3* B : certai-
nement.
* Son* .* Cette forme se retrouve f°s 74 a, 82 b. Elle est confirmée par des exemples
et des parallèles : Stimming, o. ç. p. 223 sunt [suum] (Ipomedon v. 3233) ; seint [sanum] ;
dunt [donum], etc.
** « pluseure » n'est pas confirmé par d'autres textes, et la forme est isolée dans A.
Toutefois l'addition d'un e muet, surtout après r, est commune en angln. Cf. Suchier, Vie
de St. Auban p. 39 (prisone, avale, foreste», etc.); Stimming o. c. p. 183 (mure, foreste,
avante, bêle, etc.).
a « Et puis en redit... mouvoir. » Aristote. Physique 2. 1. 192 b. 14; 2. 1. 193 a. 28.
Métaphysique 11. 3. 1070 a. 6 (vide Introd. p. 34 s.).
— 90 —
Et monlt est fouis qui tant aimme son cors qu'il en oublie a sauver s'ame
que Diex li presta pour ravoir la arriéres ; et il fet 1 tant que maufez 8 l'a
par son pechié. Cil qui ce fait 8, si fait autresi comme li mauvais serjanz a
cui li sires bailla ses besanz pour monteploier en bien. Mais il ne le fist
mie bien, comme cil qui estoit de maie \F° 38 d\ foi. Dont li sires le
chaça ensus de lui. Nonqnes puis n'ot que honte et reprouche, si comme
l'évangile le nous raconte a. Tout ausi 4 sera il de ceuls qui laissent le grain
pour la paille. Ce sont cil b qui laissent leur âmes périr pour le délit de
leur cors, dont touz les maus G leur viennent.
Mais atant se taist ici endroit7 li contes8 des vii* arz et de nature, pour
deviser la faiture du monde, comment il est par nature faiz et pourtraiz 9
de Dieu qui [F0 38 b~\ par son saint commandement fist le monde, et tout
ce qui i apent. Et tout fait fu 10 a sa volenté et a son devis. Or oiez ce que
nous vous en dirons ll.
ix».
De la fourme du firmament.
Diex forma 12 le monde tout reont, autresi comme est une pelote qui est
toute reonde, et le ciel tout reont qui environne la terre de toutes parz
entièrement sanz nulle defaute, tout ensement comme l'escaille de l'oef
qui environne l'aubun 1S tout \F° 38 c] entour. Et ausi 14 li ciels avironne t5
•i* air qui est seur 16 celui air, qui a non hester en latin * ; c'est autretant
a dire comme pur air et net c} car il fu faiz de nesteé et de pure purté
Cil airs s'i resjouist nuit et jour de resplendeur perpétuel ; et est si ciers
et reluisanz 17 que, se uns hons estoit demouranz 18 la, il verroit tout, et unes
choses et autres, quanqu'il y avroit, de l'un des chiés jusques a l'autre,
ausi leg-ierement, ou plus, comme uns [F0 38 d\ hons feroit ça jus a terre
devant ses ieulz un seul pié loing- de lui, ou mains enquore19, s'il en avoit
mestier. Tout autressi 20 vous di, qui la seroitil porroit veoir toutentour 21
ausi bien de loing- comme de près, tant est cil airs et clers et nez 22.
1 B : fait. — 2 B: mauffez. — :! B: qui fait ce. — 4 A : tout aut ausi ; B : aussi. —
5 B: ceuls. — r> B: mau/s. — 7 B: « endroit » manque. — 8 B : le conte. — 9 B : portrait
— 10 B ; fu fait. — n B : dévisserons. — 12 B : fo urina. — 13 B : l'aubun/. — »* B : aussi.
— 16 B : environne. — 16 B : sur. — 17 B : et si reluisanz. — 18 B : demoranz. — 19 B:
encore. — 20 B: autresi. — 2l A: encor. — 22 B: natz.
* « Et ausi... latin »: Et le ciel environne un air, appelé éther en latin, qui est au-
dessus de l'air terrestre (celui air).
La leçon de la rédaction en vers est plus simple et plus claire :
Sloan f° 90 c : Tôt ensi li cieus avirone
un air qui est desous cest air
qui en latin a non ether,
c'est a dire purs airs et nés.
a « Cil qui ce fait... nous raconte. » St Luc XIX, 12 ; St Matthieu XV. 14.
b [F* 38 b — 39 d = Vers 1620-1697.]
c « Diex forma... air et net. » Sydrach Ad., 121, S 118; Neckam I. 3; De Laud. 5.
— 91 —
De celui hester prennent les anges l leur cors et leur elles, quant Nostre
Sires les envoie en terre en message 2 a ses amis, quant il leur veult demous-
trer aucune chose. Et pour ce samblent 3 [F0 3g a] il estre 4 si cler 6 as hom-
mes pecheeurs e de ça jus, que leur oeill ne pueent souffrir la resplendeur,
ne regarder celé grant clarté 7, comme cil qui d'oscurté sont 8 plai/i ; c'est
a dire plain de péchiez dont il sont tuit empli. Si en est avenu maintes
foiz que, quant li ange estoient venu a aucun homme8 en aucun lieu pour
la volenté10 de Dieu annoncier, que, tant dis comme li anges parloit a lui,
il se cheoit a terre " ausi comme endormiz. Et li estoit [F0 3g 6] avis qu'il
n'ooitla parole de l'ange fors autresi comme en sonjant. Et estoit touz muz
sanz parler jusques a tant que li anges s'en repairoit arriéres a. Lors li
preudons se resveilloit, qui bien se remembroit 12 du dit que li anges li avoit
annoncié. Ausi 1S vous di je certainement 14 que nus hons corporels ne s'i
porroit soustenir en nulle manière. De celé clarté est la lumière15 qui est
près du saint ciel la sus, dont nous sommes si en sus mis. Car nulle
[F0 3g c] chose corporel ne s'i porroit soustenir en nulle manière16 pour
quoi 17 il fust de riens pesant. Ne nus oisiaus, tant soit volanz, ne se por-
roit la soutenir 18, que il ne le couvenist 19 venir aval, ausi comme une
pierre, jusques a l'air ou il porroit reprendre 20 son voler, se il n'estoit esba-
hiz de 21 descendre. Car nus n'i porroit demourer, se ce n'estoit esperituel
chose; ne point n'i avroit de son vivre 22. Car néant plus que li poissons
[F0 3g d] peut 23 vivre en cest air ou nous soumes, ne lui soustenir, que
monlt tost morir 2* nel couvenist, et monlt tost verivoit 26 se il n'estoit adès
norriz 2e en l'yaue 27, tout autresi vous di je de nous que nous ne nous por-
rions mouvoir en cel air perpétuel, ne vivre, ne demourer, tant comme 28
nous aions cors mortel.
X ».
Comment li quatre élément sont assis.
Gelé clarté dont nous vous avons dit29, qui air espirituel 30 a non, dont
[F0 4o à] li ange prennent leur atornement, environne tout entour les - ïïii *
1 B : angres. — 2 B: mesage. — 3 B : samblant. — * B : « estre » manque. — 5 B :
clers. — 6 B : pecheours. — 7 B : ne celé grant clarté regarder. — 8 B : « sont » manque.
— 9 B: houme. — 10 B : voulenté. — n B: lui. — 12 B : ramernbroit. — 13 B: aussi. —
14 B: certainement. — 15 A et R: « De celé clarté est la lumière » manque. — l6 A: nulle
cho manière. — 17 B : quoi/. — 18 B : soustenir. — 19 B : couenist. — 2° B : resprendre. —
31 B: du.— 22 A: mure. — %* B: puet.— 24 B : mourir. - 26 A : £roit ; B: periroit. — * B :
norrir. — 27 B: l'taue. — 28 B: comment — * B : dist. — 3° B: esperituel.
a « De celui... repairoit arriéres. » Neckam I. 3; Honorius August. Imago Mundi I.
67 et 53 (Patrologia t. 172) ; Bède. Liber vari. quaest. 9 ; St-Grégoire le Grand, Moralia
1. 28 ch. 1. (V. Introd. p. 35.)
b [F« 39 d — 40 c = Vers 1698-1732.]
— 92 —
elemenz que Diex fist et assist l'un par * dedenz l'autre. Ce est feus et airs et
yaue et terre, de coi li uns se serre en l'autre, et li uns l'autre soustient en
tele manière que la terre se tient en mi a. Li feus, qui est premièrement, en-
clôt cest 2 air ou nous sommes, et cist airs enclôt l'yaue après, qui entour la
terre se tient. Tout ausi 8 comme l'en voit del oef que li aubuns [b° 4o b~\ en-
clôt le moieul ; et en mi le moieul a ausi 4 comme une g-ou'te de cresse 5 qui ne
Fig. 1.
se tient de nulle part; et la cresse, qui la se tient, n'i touche de nulle part "* H.
Par tel esg-art et autresi 7 est la terre assise en mi le ciel si igalment qu'au-
tresi8 est ele loing- du ciel en haut comme en bas. Ausi 9 comme est li poinz
du 10 compas, qui est mis el milieu du cercle11, c'est 12 a dire qui eJ plus bas
est assis. Car, de toutes fourmes qui sont faites \F° /40 c] a compas ls, est
touz jourz plus bas14 li poinz dou 15 milieu. Et ausi sont li iiii- élément
1 B: « l'un par » manque. — - B : cel — 3 B: aussi. — 4 B: aussi. — 5 B: presse.—
6 B : de nulle part n'i touche. — 7 B : autressi ; N : autres/. — 8 B : igaument que au-
tressi; N : igaument qu'autresi. — 9 B et N : aussi. — 10 B et N: d'un. — n A : clergie;
B: cercle. — 12 B: Ce est. — 13 B : qui a compas sont faites. — u A : pas. — 15 B et
N: du.
* « li aubuns... touche de nulle part » : Le blanc de l'œuf enclôt le jaune. Et au milieu
• lu jaune se trouve une goutte de graisse qui n'est fixée nulle part. Et cette goutte de graisse
se tient au milieu librement sans toucher au blanc.
a « Gelé clarté... en mi. » Neckam I. 16; Honorius Aug. o. c. I. 3.
b « Tout ausi comme... nulle part.» Sydrach Ad. 121, S. 118; Honorius Aug. o. c.
I. 1 Philosophia Mundi IV. I (Patrol. t. 172); Abailard, Hexaemeron (Patrol. t. 178,
col. 735 d. 736 a); Gervai se de Tilbury, Otia Imper. I. 1, éd. Leibnitz (Hanover, 1707).
— 93 —
entièrement assis x li uns en l'autre si que la terre est tout en mi, qu'au-
tretant a touz jourz du 2 ciel desouz li comme il apart 3 * desus. Geste
figure en moustre4 la devision ; si i prenez garde. (Fig. 1.)
xi A.
Comment5 la terre se tient en mi le monde.
\F° 4o d] Pour ce que la terre est pesanz G plus que nus des autres ele-
menz, se tient ele plus en milieu 7 ; et ce qui est legier se tient entour
lui8 B. Car qui plus poise plus bas trait, et quanque poise atrait a lui**.
Et pour ce nous couvient 9 il joindre a li, et tout ce qui de li est atrait.
Se tel chose peùst10*** a-[/fT° 41 ajvenir qu'il n'eûst riens seur terre, ne
yaue, ne autre chose qui destornast xt la voie quel part que l'en alast,
l'en pourroit 12 aler environ toute la terre, ou homme ls, ou beste, sus et
jus, quel part qu'il voudroit, ausi14 comme une mouche iroit entour
une pomme15 reonde; autresi pouroit 16 aler i* homme17 par tout le
monde, tant comme la terre dure, par nature tout entour 18 c, si que quant
il vendroit desouz nous 19, il li sambleroit que nous fussienz desouz lui 20,
si 21 [F0 4i à] comme il feroit de lui a nous 22. Car il tendroit ses piez
devers les nostres et la teste tout droit vers le ciel, ausi comme nous 23
faisons 24 ci, et les piez devers 25 la terre. Et s'il aloit adès avant devant lui,
il iroit tant qu'il revendroit au lieu dont il parti premièrement. Et ainsi 26
fust que par avanture -ir houmes27 se départissent li uns de l'autre, et
1 B: élément assis entièrement. — 2 B: que autretant a touz jourz communément
du... — 3 B : de « part desus » jusqu'à « Autresi iroient » [f° 41 c] manque; N : comme
il a par desus; A, C, R : comme il apart desus. — 4 N: mostre. — 5 N; cornant. — 6 N:
pesant. — 7 N : plus bas el milieu. — 8 N : li. — » N : por ce nos cornent. — "> A : peut ;
N et G: peùst. — » N: destoarnast. — 12 n : pom)it. _ 13 N: home. -i*N: aussi. —
15 N : pome. — 16 N : porroit. — 17N : home. — 18 N : tout entour par nature. — 19 N : nos.
— 2° N : que nos fussons desouz li. — 21 A : « si » répété deux fois. — 22 N : a nos de li.
— 23 N : aussi comme nos. — 24 A: fais/ons; C: faisonz; R: faisons; N: fesons. — 25A:
piez de; G: deverz; R: devers; N: desas. — » N: Et se einsi. — 27 N: homes.
« apart » du verbe « aparoir » peut se justifier (cf. Suchier. Altfr. Gram. p. 23 ;
Partonop. de Blois (cité par Burguy) : part (= lat. paret) v. 6380.) — De. plus ce mot n'al-
tère pas le sens de la phrase. — Il semble pourtant que la leçon de N (il a par desus) est
la plus correcte : c'est celle des deux rédactions en vers.
Sloan f ° 91 c : tous jors com il a par desus.
Harley f° 40 c : toz jors com ele a par desus.
« quanque... a lui » : tout ce qui pèse attire vers soi.
, *** La forme ordinaire du ms. A est « peûst » (foi le, 5 a, etc). « Peut » serait donc une
forme isolée. Pour cette raison nous mettons «peûst», quoique la chute de Y s puisse être
justifiée par de nombreux exemples en angln. (Stimming, o. c, p. 226).
a [F* 40c — 43 c = Vers 1733-1846.]
b « Pour ce que... entour lui. » Neckam II. 48.
c «ausi comme... tout entour. » Neckam II. 48; Honorius Aug. o. c. I. 5.
— 94 —
s'en alast adès li uns l vers oriant, li autres vers occident 2, si qu'il alas-
sent ig-aument andui, il couvendroit \F° 41 c] cjti'îl s'entrencontrassent
desouz le lieu ou il se murent. Et puis revendroient andui au lieu dont il par-
tirent premièrement. Car lors avroit chascuns fait8 *r tour entour4 la terre
par desoz 5 et par desus, ausi G comme entour une roe qui seroit toute
coie7 sus terre A.
Autresi iroient il entour la terre comme cil qui adès se trairoient 8
droit vers le milieu de la terre. Car ele serre touz pois envers li. Et
que plus poise el plus a.-[F° £i o'Jtrait, et plus près se tient du mi-
lieu. Car que9 plus chieve l'en la terre en parfont, et plus la trueve l'en
pesant.
Et pour entendre ce que je vous ai devisé ci devant des aleiires des
mouches 10 entour la poume*, et des honmes11 entour la terre, ainsi entiè-
rement le pouez veoir12, et la manière et la façon 18, par ces *ii' fig-uresqui
ci vous sont représentées, se vous avez entendement en vous. (Fig. 2 et 3.)
[Jh° 4% à] Mes pour la chose mieulz entendre et pins clerement, pouez vous
prendre i- autre14 essample: Se la terre estoit parciée 15 parmi le milieu
droit, si que l'en veïst parmi le [F0 4^ b] ciel desouz nous, et l'en g-etoit
une pierre dedenz ou une plomée16 hien pesant, quant ele vendroit ou17
milieu de la terre, ele se tendroit illuec droit que plus ne porroit avaler,
néant plas qu'ele porroit monter en haut; fors tant que par ce qu'ele18
cherroit de si haut, li donroit son pois aucun pooir, si qa'ele cherroit plus
en parfont**. Mais tantost revenroit19 amont, tant qu'ele seroit arriéres el
milieu de la terre. Ne jamès 20 ne se mouvroit d'iluec, [F0 4^ c] car lors
seroit ele ig-aument par tout en sus du firmament qui adès tourne et jour
et nuit 21. Et par la vertu de son tour ne peut riens aprochier 22 de lui qui
soit pesanz 23. Ainz s'en trait touz 24 jourz 25 ensus. Dont vous pouez26 veoir
1 A et N : li uns ; C: ly un. — 2 N: oc/dent. — ?> N: auroit îet chascun. — 4 N: tout
entor. — 5 N: desouz. — 6 N: aussi. — 7 N: quoi?. — 8 A: traioient; B: tra«>oient; N:
treroient. — 9 B : qui. — 10 B: mousches. — n B: hcmmes. — 12 B : ainssi le pouez entiè-
rement veoir. — 13 B et N : « et la manière et la façon » manque. — 14 B : une autre. —
16 B : perc/e. — 16 B : plommée. — 17 B : el. — 18 B : que ele. — 19 B : revendroit. — 2° B :
jama/s. — 21 B: torne et nuit et jour. — 22 B : apreachier. — 23 B : pesan/. — 2* A: tôt
jourz. — 25 B : joue. — 26 B : vous en pouez.
* Poume se trouve dans A et B. La forme est répétée plusieurs fois: f0S43D, 66 a. Elle
est confirmée par de nombreux exemples. C'est une forme commune en angln. (Suchier,
Altfr. G. p. 66. Stimming. o. c. p. 192). Cf. Adam de la Halle, Robin et Marion (Mon-
merqué et Michel, Paris, 1879) p. 102 s. v. 146 : poumes.
a « Et ainsi fust... sus terre. » Neckam II. 48. Philos. Mundi IV. 3.
b « Se la terre... en parfont. » Neckam I. 16; Vincent de Beauvais, Spéculum Natu-
relle (Douai, 1624, vol. 1) VI. 7 (v. Introcl. p. 36) ; Adélard de Bath, Quaestiones Natu-
relles. Quaest. 49 : Si perforatus foret terrae globus lapidi injecto quorsum fieret casus.
(Louvain, 1480.) (V. Introd. p. 36.)
Fig. 2 et 3.
— 96 —
la nature et entendre par ceste figure qui ci est 1. (Fig. 4-) [F0 4* d\ Et
se la terre estoit parciée2 en *ir lieus3, dont l'un pertuis feïst trenchiée *
en l'autre, autresi comme une croiz, et iiii* houmes5 fussent tout droit as
Fie. 4.
•iiii* chiés de ces6 'ii- pertuis, li uns desouz et li autre desus; si g-etast
chascuns7sa pierre dedenz, quele i\ue ele fu 8, ou grant ou petite, chascune
1 II manque ici un feuillet à B. Il y a aussi une interversion de feuillets comme suit :
Dans B le folio 39 d finit « qui ci est ». Le feuillet suivant (f° 40 a) commence avec
«tient maintes régions », ce qui correspond au f° 49 D dans le ms. A, et finit (f° 40 c)
« de son vivre pour les ma... » [= f° 50 d dans le ms. A]. F0 41 A dans le ms. B com-
mence « terre est reonde » [= f° 43 c dans le ms. A], et finit (f° 42 C) « et si parest si
granz que » [= f° 45 d dans le ms. A]. F0 43 a dans le ms. B commence « Et en la fin de
ceste» [= 1'°47d dans le ms. AJ, et finit (f° 44v>) « nommées tient chascune» [= f ° 49 d
dans le ms. A]. F0 45 A dans le ms. B commence « ...les bestes qui » [f° 50 D dans le
ms. AJ. « ... les » dans 45 a (ms. B) est la seconde moitié du mot « ma... » à la fin du f° 40c
(ms.B). Les folios doivent ainsi être dans l'ordre suivant : 41, 42, 43, 44, 40, 45. Mais il
manque deux folios : l'un entre f° 39 et f° 41 [— dans le ms. A f°42D « Et se la terre... »
jusqu'à 43 c « deviserons comment la... »] ; l'autre entre f° 42 et f° 43 [ = dans le ms. A
f° 45 d « trestoute la terre qui est... » jusqu'à 47 c « vous veez ci desouz ». — 2 N : par-
ciée.— 3 N : leus. — 4N: feïst tranchiée; C: i'eïsl trainchie ; N: feïst tranchiée ; R: i'etisi
trenchie; A: feus/ trenchiée.
Sloan fo 92 C: Et s'en -ii- lius estoit partie,
dont -i- pertrius feïst trenchie
et l'autre ensi comme une crois...
Harley f° 41 B: Ou s'en dous leus estoit parcie,
dont -i- pertus/e/s/ tranchie
a l'autre ausi corn une croix...
N : home^
c N : de>
N : chascun.
»N: fus t.
— 9'
venroit jusques i el milieu de la terre sanz jamais 2 remover 8 d'illuec *,
se l'en ne l'en traioit a force. Et s'en tendroient 5 tout environ l'une en
VdiU-[F0 43 o]tre pour prendre 6 lieu, chascune devers le milieu 7 de la terre.
Et se les pierres estoient d'un pois, si venroient 8 tout a une foiz ausi •
tost l'une comme l'autre. Car nature n'en feroit autre chose. Et vendroit l'une
vers l'autre, si comme il apert ci endroit en ceste figure ici 10. (Fig. 5.)
[F0 43 b] Et se lor u pois n'estoient igal du lieu la ou eles cherroient, ce12 qui
Fig. 5.
seroit plus pesant si se tendroit plus tost vers le milieu ls de la terre, et les
autres seroient tout entour li 14, si comme ceste figure, qui ci est, demous-
tre 16. {Fig, 6.) Et si i en porroit l'en tant geter le que les pertuis seroient
tuit plaira 1T, [F° 43 c] aussi comme il furent devant, si comme vous 18 veez
en ceste figure. (Fig. 7.) Si vous en souffise18 atarat. Si parlerons d'autre
chose après.
xii A.
Quele la reondesce de la terre est.
Or oez donques après ; si vous 20 deviserons comment 21 la terre est reonde.
Qui porroit tant monter en haut [F0 4$ d] en l'air qu'il peùst esgarder la
1 N : dusques. — 2 N : jamès. — 'N: removoir. — * N : d'ilec. — 5 N : se ten-
droient.— 6 N: por prandre. — 7 N: mileu. — 8N: ventfroient. — 9 N: aussi. — 10 N: ci.
— « N: leur. — i2N: celé. — » N: mileu.— 14 N: tout entour li seroient. — 16 A: de-
moustree ; N : si comme en ceste figure ci est demoustré ; G : vouz demoustre ; R : de-
moustre. — 16 N: jeter. — » N: touz plains. — w N: vos. — » N: vos en soufise. —
** N : yos. — 21 N : commant.
a [f 43 c — 44 a = vers 1847-1866.]
Fig. 6.
Fig. 7
— 99 —
terre par vaus et par plains 1, la hautesce de 2 granz montaingnes et les
granz valées parfondes et les granz ondes de mer et les granz flueves li
sambleroient mains paroir envers la terre que ne feroit un cheveill d'oume
desus une poume ou desus son doit. Mais ne montaingne ne valée, tant soit
haute ne parfonde, ne tout 3 a la terre sa reondesce a : néant plus que la
gale laisse a estre reonde por [F0 44 a] sesespingnons. Car il cou vient que
la terre soit reonde pour estre i4 plus de g*enz. Si vous dirons après pour
quoi6 il couvient que li mondes soit reonz.
Xlll a.
Pour quoi6 Diex Jîst le monde reont.
Diex forma 7 tout reont le monde. Car de toutes formes 8 qui sont, tant
aient manières diverses, ne pueent estre si plenieres 9 ne tant pourprendre 10
par nature comme fait la figure qui est reonde. Car c'est la plus ample de
toutes les figu-[F° 44 tfjres11 c. Dont vous pouez tel essample prendre : Car il
n'est nus 12, tant soit sages ne soutis en oevre, ne tant i sache entendre, qu'il
peiist faire, pour nulle riens, d'autretant de merrien un vaissel de fust*, ou
de pierre, ou de métal, qui fust ausi amples, ne qui tant tenist en nul en-
droit, comme feroit le13 reonz.
Ne figure que nus feïst ne se pourrait ausi mouvoir de nulle part,
n'ausi tost 14 avoir son tour en nul sens [F0 44 c] que l'en puisse entendre,
que il nel couvenist15 pourprendre autre lieu que celui devant, fors seule-
ment que la reonde qui tout entor16 se puet mouvoir sanz avoir autre lieu,
que ele ne pouroit 17 autre avoir que le premier, ne passer une seule roie
dou lieu ou ele se tient". Dont vous en 18 pouez veoir la nature par une
1 N : pkmgnes. — 2 B : des. — 3 B : toult. — 4 B : y. — 5 B : coi. — 6 B : quoy.
— 7 B: fourma. — 8 B : fourmes. — 9 B : p/ameres. — 10 B : porprendre. — u B : Car de tou-
tes les figures c'est la plus ample. — l2 B : nus hons. — 13 B : li. — 14 B : n'aussi tout.
— 15 B: convenist. — 16 B : entour. — 17 B : porroit. — 18 B: «en » manque.
* «qu'il peust... de fust»: il n'y a pas d'homme qui puisse faire, d'aucune manière,
avec la même quantité de matière, un vaisseau de bois ou de pierre...
** « Ne figure... tient » : Aucune figure que l'on puisse tracer ne pourrait se mouvoir
ni tourner dans aucun sens que l'on puisse imaginer sans qu'elle doive prendre une posi-
tion différente de sa position précédente : sauf la figure ronde qui peut faire son tour
sans changer de place, et qui peut rester à sa première place sans en bouger d'une ligne.
a « Qui porroit... sa reondesce. » Neckam, De Laud. 5. Honorius Aug. o. c. I, 5. Ce
passage est mentionné dans Y Introduction p. 36.
b [F0 44 a — 45 b = Vers 1867-1918.]
Le chapitre XIII dans le ms. Arundel contient les vers de 1867 à 1902. Le chapitre
XIV commence au vers 1903. De plus, dans le ms. en vers il manque un passage qui
correspond à la page 44 d de la rédaction en prose, depuis « Et ce pouez... » à « ... si
sont quarrées ».
c « Diex forma... figures. » Sydrach Ad. 158.
100
figure quarrée mètre desus une1 reonde. Si les faites tourner2 andeus*,
[F0 44 d\ les angles de celé qui ne seroit pas reonde prendroient divers
lieus que la reonde ne quiert pas. Et ce pouez vous veoir par ces trois figu-
res qui ci sont. Dont l'une si est reonde tout environ, et les autres *ir si4
sont quarrées. {Fig. 8.) Enquore5y a une autre chose, que il n'a riens
Fig. 8.
[F0 45 a\ desouz le ciel enclos, tant soit de faiture diverse 6, qui ja se peiïst
si tost mouvoir par nature comme feroit la reonde. Et pour ce fist Diex le
monde reont, qu'il se peiist miex 7 acomplir et amplir de toutes pars8.
Car il n'i voult riens laissier vuit, et voult quil tournast et nuit et jour9.
Car il couvient avoir mouvement el ciel qui tout fait mouvoir. Car touz
mouvemenz viennent du ciel. Si li couvient isnelement mouvoir. Et sanz
le ciel ne [F° 45 b] puet riens mouvoir qui soit. Si vous dirons ci après de
son mouvement.
1 B : mètre desouz une... — 2 B: torner. — 3 B : audeus. — 4 B : « si » manque. —
5 B : encore. — c B : de diverse faiture. — 7 B : mieulz. — 8 B : parr. — 9 B : tornast et
jour et nuit.
— 101 —
XIV
Des mouvemenz * du ciel et des 'vii' planètes. Et de la petitesce
de la terre envers le ciel.
Diex donna mouvement au ciel qui si tost vait, et si apertement 2, que nus
ne le porroit penser. Mais il ne le 3 vous samble pour4 sa grandeur. Ne qu'il
sambleroit a un homme, se il 6 veoit de bien loing* un cheval courre par desus
une grant 6 montaing-ne, il ne li sambleroit [F0 45 c] mie qu'il alast le pas
seulement. Et que plus seroit loing- de lui, mains tost li sambleroit aler.
Et li ciels si est si ensus de nous, que se une 7 pierre estoit la sus, ausi haut
comme les estoiles sont, et fust la plus pesant de tout le monde, de pion ou
de métal, et preïst a cheoir de tout en haut, ce est chose prouvée et seiie
qu'ele ne seroit pas cheoite jusques a cent anz, tant est loing- de nouss. Et
si [F° 45 d] parest si granz 8 que trestoute 9 la terre qui est entour n'a point
de grandeur envers le ciel 10, néant plus que avroit11 le point el milieu 12 du
plus grant compas ne el plus grant cercle 1S que l'en porroit faire 14 en
terre. Et se uns hons16 estoit la sus el ciel, et il reg-ardoit16 vers terre ça1T
jus, et la terre fust toute ardant tout entour ausi18 comme charbons ardanz,
ele li sambleroit plus petite que la mendre estoile qu'i veoit19 el [F0 46 a]
ciel de terre ça jus, et fust en montaingne ou en valée c.
Et pour 20 ce puet l'en bien savoir que tost couvient movoir le ciel 21, a ce
qu'il li couvient faire 22 i* tour 2S entour la terre, que de jour que de nuit24.
Si comme l'en peut 2* apercevoir par le souleil que nous 2e veons au matin
lever vers oriant et coucher 27 vers ocidant 28. Et puis après a l'endemain le
reveons au matin en oriant. Car lors a il parfait29 -i* tour que l'en claime
[F0 4^ b] jour naturel, qui contient en lui jour et nuit°. Ainsi 30 va et vient
li soleuls que 81 ja n'avra repos. Ne ja ne finera d'aler avoec 32 le ciel, ausi 8S
comme le clou qui est fichez 84 en une roe, qui tourne quant ele tournoie.
1 B: de/ mouvement. — 2 B : qui si tost et si apertement vait. — 3 B : « le » man-
que. — * B : nous samble pas pour... — 5 B: s'il. — 6 B : une moult grant... — 7 B :
que s'une. — 8 N : granj. — 9 B: de « trestoute » jusqu'à « vous veez ci desouz » [f° 47 c]
manque. — 10 N : n'a envers le ciel point de grandeur. — " N : qu'avroit. — 12 N : me-
/ieu. — 13 A : clergie ; C, N, S et R : cercle. — u N : fere. — 15 N : noms. — 16 N : regar-
dast. — 17 N : «ça» manque. — 18 N: aussi. — ,9 N : qu'iV yoit. — 2° N: por. — 2l N:
le ciel mouvoir. — 22 N : copient fere. — * N : « tour » manque. — u N : que de nuit
que de jourz. — 25 N : puet. — * N : sou//eil que nos. — 27 « coucher » cf. note f° 14 a. —
28 N : en oriant et couchier devers ocident. — » N : parfet. — 3° N : #msi. — 31 N : sou/-
/eil; G : souleiV qui («que » cf. note f° 123 b). — 32 n : avec. — 33 N : aussi. — M N:
fichiez.
a [/» 45 b — 46 d = Vers 1919-1996.]
b « Et li ciels... loing de nous. » Sydrach Ad.lift. S. 120.
c « Et se uns... ou en valée. » Neckam I. 5 (v. Introd. p. 37).
d « Car lors... nuit. » Sydrach S. 492; Neckam I. 10; Philosophia Mundi II. 28.
— 102 —
Mais, pour 1 ce qu'il a mouvement contre le tour du firmament, si vous 2
dirons une autre reson : se une mousche 3 aloit entour une roe qui se tour-
nast, si que la mousche4 alast encontre, la roe l'enmenroit 6 a-[F%46 c]
vec lui, si que la roe avroit fait mainz tours avant que la mousche e eùst
fait7 -i* tour, et qu'ele eiist aie tout entour la roe jusques au premier
point A. Si entendez que en autele manière va la lune et li soulaus8 par
une voie qui est commune as9 *vii* planètes qui sont el ciel, qui toutes10
vont par celé voie adès u devers oriant, et li ciels 12 tourne 18 en ocident, si
comme sa nature le mai/me 14 B. Mes ci se tenist ceste première [F0 46 d]
partie pour 15 deviser en la seconde la terre et la forme du firmament.
SECONDE PARTIE
i G.
Ci commence 16 la seconde partie. Comment 17 la terre est devisée,
et quel part ele paet estre habitée 18.
Puis 19 que la terre est si petite comme nous vous 20 avons ci devisé,
petit poons 21 prisier ses biens envers ceuls 22 du ciel, ne que l'en fait 23 fiens
envers fin or, ne envers g-eA/imes24. Car il ne valent riens en la fin. Mais
pour 25 ce qu'il [F0 4y a] nous 26 est avis, ci la ou nous 27 soumes28, qu'ele
est granz 29, si la deviserons so, si comme nous savrons, briefment31.
Puis que vous 82 avez entendu comment 33 la terre est reonde comme
une pomme34 de toutes parz, dont il n'est pas habitée la quarte partie,
que l'en sache, de nulle85 gent du monde, et n'est habitée qu'en 3e *i' quar-
tier tant seulement, si comme li philosophe l'enqaj'strent qui i mistrent
grant painne 37 et grant estuide, et pour ce la [F0 47 b] deviserons nous 38
tout environ en *iiir parties. Dont vous 39 pouez prendre essample, se
1 N : Mes por. — 2 N : vos. — 3 N : mouche. — 4 N : mouche. — 5 N : enmanroit. —
6 N: moucÀe. — 7 N: fet. — 8 N: le soulleil et la lune. — 9 N: aus. — "> N : totes. —
11 N : tout adès. — 12 N : li ceus. — 13 N : tome. — 14 N : marne. — 15 N : por. — 16 N :
commence. - 17 N : cornant. — 18 N : ele est habitée. — 19 N: « P » manque. — 20 N : vos.
— 21 N : povons. — 22 N : ceus. — 23 N : fet. — M N : envers gemmes ne envers fin or. —
25 N : Mes por. — 2<5 N : nos. — 27 N : nos. — 28 N : sommes. — » N : grant. — so A:
déverserons; N, S et C : deviserons. — 31 N : briément. — 32 N : vos. — 33 N : commant'
— 34 N : pome. — 35 N : nule. -3«N: que en. — 37 N : paine. — 38 N : nos. — 39 N : vos.
a « Se une mousche... premier point. » Neckam I. 9; Honorius Aug. I. 68 (v. Introd-
p. 37).
b « Si entendez... mainne. » Sydrach S. 492; Neckam I. 9; Honorius Aug. I. 68.
c [F° 46t>—50a = Vers 1997-2i25.]
— 103 -
vous1 voulez, par une pomme2 qui seroit partie par mi en iiii# quartiers
tout droit de lonc et de lé par moitiez, et vous 3 en pelissiez *v quartier, et
estendissiez 4 la peleure, pour6 mieulz6 veoir et entendre la façon, en
plainne 7 terre ou en vostre main toute entière : tant 8 est de la terre habi-
tée. Dont l'une moitiez 9 est clamée oriant et l'autre ocident. Et la lin-
[F° 47 c]gne qui les départ andens est clamée la droite ling-ne de midi. Et
ce pouez10* vous prouver par ces trois *iii- figures que vous11 veez ci
desouz. (Fig. g, 10 et 11.) [F° 4j d] Et en la fin de ceste ling-ne12, si
Fig. H.
comme ele vait a ling-ne 1S droitement, poons veoir une cité qui a non u
Aaron15^. Ele siet el milieu du monde, et fu toute reonde faite. La fu
trouvée astronomie le premièrement par grant maistrie 17 ** et par grant
1 N : prandre essemple se vos. — 2 N : pome. — 3 N : vos. — * N : estandissiez. —
6 N: por. - e n :..mieaz, — 7 N : plaine. — » R et Caxton : Le passage depuis « tant est...»
jusqu'à «... ci desouz » manque. — 9 N : moitié. — 10 N, G et S : pouez; A: et ce poiiz
vous. -"N: vos. - 12 B: ligne. — ™ B: ligne. - «B:quiao non. - » Arundel :
Arim. — 16 B : fu astronomie trouvée. — 17 A : maistre ; B, G : maistrie.
« poii5 » : cette forme est isolée dans le ms. A. Nous ne pouvons la confirmer par
des exemples pris d'autres textes. Nous rétablissons donc 1' «e».
Le changement de -l'e en -e est angln. (Suchier. Altfr. G. p. 47, Stimming. o. c,
p. 201.) Toutefois « maistre » pour « maistrie » n'est pas confirmé, et est isolé dans le
ms. A. Nous mettons « maistrie ».
a « poons veoir... Aaron. » Ce passage est mentionné dans Y Introduction, p. 37-38.
104 —
Fig. 9 et 10.
— 105 —
sens. Cil lieus est diz li droiz midis 1, car il est assis en 2 mi-[F° fô a]lieu
du monde. Li autres chiés de celé ling-ne qui se lingne 3 devers senestre
est apelez septentrion, et prent4 son non des 'vii* estoiles ^, et tourne vers
l'autre mo/itai/igne qui mainne les mariniers par la mer b. En l'autre lingne
qui est en5 milieu que midis tranche par mi, en la fin devers oriant, si
Fig. 12.
comme dient li aucteur, est paradis terrestre, ou Adans fu jadis faiz et criez.
Cil lieus est apelez e oriant, car de la nous naist li soulaus qui [F° £8 b]
nous rent le jour environ le monde G. Et li autres chiés a non ocident7;
car li jours y faut et oscurcist quant li soulaws g-ist celé part. Ainsi et*
par ceste raison ont non 9 les *iiii* parties du monde. Li premiers contient
oriant; li secons, ocident10; li tierz, midis ; et li quarz, septentrion. Et vous
pouez entendre ce que l'en vous ensaing-ne par ceste figure ci qui u le vous
moustre. (Fig. 12.) [F° fô c] Ces -iiii- lieus que je vous devise, qui sont
assis en *i* quartier de toute la terre du monde, si doivent avoir reonde
1 B: nucdis. — 2 B: el. — s B: « qui se lingne » manque. — * B: septemtrion. Qui
prent... — » B : el. — 8 B: clamez. — ' B . : occident. — 8 B : « et » manque. — 9 B : ont
a non. — 10 B: occident. — 11 B : figure et qui...
a « Li autres... estoiles. » Isidore, Etym. XIII. li. Il, XIII. i. 6 (Patrol. t. 81-84).
(V. Introd. p. 38.)
b « tourne... mer. » (V. Introd. p. 38.)
c « En l'autre... le monde. » Genèse II. 8; Isidore, Etym. XIII. 1. 4.
— 106 —
fourme, car raisons et nature donne que toz 1 li mondes soit reonz. Et pour
ce entendez de cest quartier ausi comme se il fust touz arreondiz.
Or faisons donques [F0 4$ d] de cest quartier un cercle qui soit touz
reonz et touz entiers 2, et le metons en mi celé ling-ne s qui ensaingne *
oria/it et ocidant B, pour mètre les parties a droit que ceste figure vous 6
ensaing-ne ci après7, si8 comme vous pouez veoir apartement sanz nulle
défaillance qui puist estre9. (Fig. i3.) Après soit chascune [F0 4g a] partie
Fia. 13.
tournée vers son non en terre, dont chascune sera la quarte partie. Si en
soit ceste figure ensaingnementet 10 demoustrance " certainne et 12 veraie 1S :
(Fig. ,4.)
Trestouz li lieus qui est habitez el monde es* 14 devisez en -in15 parties.
Et pour ce couvient il par ceste raison une autre devision fere 16. Dont la
[F0 4g b] partie qui est vers 17 oriant soit Aise la Grant apelée. Et est dite
Aise d'une royne " qui fu dame de celé reg-ion, qui ot a non Aise. Et autre-
1 B : tout. — 2 B: touz entiers et touz reonz. — 3 B : li^ne. — 4 B et N: qui saingne.
— 5 B : occident. — 6 B : figure ci vous... — 7 N : de « ci après... » jusqu'à « ... puist
estre » manque. — 8 B: de « si... » jusqu'à « veoir » manque. — 9 B : « qui puist estre »
manque. — 10 N : de « et demoustrance... » jusqu'à «... veraie * manque. — n B : demons-
trance. — 12 B : « certainne et » manque. — 13 B : yraie. — l4 B : qui sont el monde
habitez si est. — w A et R : .iiii. (cf. f° 49 c) ; Gaxton, S. : .iii. ; N: quatre. — 16 B : faire-
— 17 B : devers. — 18 B : ro/ne.
107 —
Fig. 14.
*Sau ^ca^^à
FiG. 15.
— 108 —
tant tient celui lieu d'espace comme font les autres -ir K Et pour ce est
ele apelée Aise2 la Grarct. Et dure dès septemtrion jusques a midi 8a, si
comme ceste figure le4 vous moutre 5 ici6: (Fig. i5.) [F0 4g c] L'autre
partie si est Europe. Et prist son non d'un roi 7 qui ot a non Europes qui
fu sires de la terre. Et pour ce fu ele ainsi apelée. Et dure d'ocident 8
jusques en septentrion». Et9 marchist environ Aise la Grant. L'autre
Fig. 16.
partie si est Aufrique qui s'estent dès midi jusques en ociderat10. Et est
Aufrique nommée u d'enfer. Et vaut a 12 autant a dire comme aportée c.
Ainsi est la terre devisée18 en -ni* parties. Dont ceste fig-ure est devise-
[F° 49 arment sanz nulle doute (Fig. 16.)
De ces trois parties du monde qui sont nommées tient chascune maintes
régions et maintes contrées dont nous dirons 14 auques les nons et les nons
1 B : deus. — - B : apelée certainement Aise. — 3 B : jusques au lieu du midi. —
4 B : figure ça le... — 3 B : mcmstre. - 6 B : « ici » manque. — 7 B : roy. — 8 B : occi-
dent. — » B : Et si. — 10 B : occident. — » B : nomme. — 12 B : « a » manque. — 13 B : est
devisée la terre. — 14 B : deviserons.
a « Et est dite... a midi. » Isidore, Etym. XIV. 3. i. ; Honorius Aug. I. 8.
b « Et prist... septentrion. » Isidore, Etym. XIV. 4. i ; Honorius Aug. I. 22.
<; « L'autre partie... aportée. » Isidore, Etym. XIV. 5. 2 ; Vincent de Beauvais, Spé-
culum Hist. I. 76; Honorius Aug. I. 32 (v. Introd. p. 38).
— 109 —
des bestes qui sont pins communes el pays. Et en dirons les fourmes *
d'aucunes, de celés qui sont plus veues d'ou-fF0 5o ajmes. Et dirons com-
munément des g-enz du pays, et des bestes et des poissons; si comme nous
devise li livres dont est prise ceste mapemonde.
11 A A.
De paradis terrestre et des •iïir Jluns qui en issent.
La primere 2 région d'Aise la Grant si est paradis terrestre. C'est uns
lieus qui est plains d'aise et de joie et de soulaz, si que nus qui laienz soit
ne puetenvieillir 3 ne mal avoir en nulle manière du monde». Laienz est li
arbres [F0 5o b] de vie. Et qui en avroit meng-ié du fruit, il ne morroit
jamais nul jour c. Mais nus hons n'i porroit aler se Diex ou ang"es ne l'i
menoit. Car il est touz clous de feu ardant tout entor*, qui vait flambant
jusques as nues ».
Laienz sourt une fontainne qui est devisée en •iiii* fluns. Dont li uns
des fluns a non Phisons ou Ganges5, et est ainsi apelez, et s'encourt par
Inde 6 et loing et près e. Et sourt du mont qui est apelez Ortobares, qui
siet devers oriant [F0 5o c\ et chiet en la mer d'ocident*1.
Li autres fluns si a non Gyon 7, ou Nilus ; rentre en terre par un petit
pertuis, et s'en court par dedenz la terre, et tant qu'il resourt en la longue
mer qui environne toute Ethyope; si qu'il se donne en 'vii* parties et vait
courant par Egypte, tant qu'il rechiet8 en la grant mer g.
Tygris et Eufrates, les autres mïv fluns, sourdent * en Hermenie près
d'une grant montaing-ne environ 10, qui a non mont Parthoacus. Et [F0 5o d]
vont ces deus fluns par maintes granz contrées jusques a tant qu'il encon-
1 B: nons. — 2 B : première. — 3 B : env/e/lir. — * B: entour. — 5 B : Ougages; G :
Onagagez; R et Caxton : Ungages; S: Phisons ; Additional : Phisons ou Ganges ; A: On-
gages; N: Onganges. — 6 B: Ynde. — 7 S: Jehans ; Addit. : Jehans; R: Gron; N:
Gyon. — 8 B : chiet. — 9 B : resourdent. — 10 B : « environ » manque.
a [F« 50 a - 51 a = Vers 2126-2169.]
b « La primere région... du monde.» Genèse III; Isidore, Etym. XIV. 3. 2; Honorius
Aug. I. 9.
c « Laienz... nul jour. » Genèse II. 9; Isidore, Etym. XIV. 3. 2 ; Honorius Aug. I. 9.
d « Mais nus hons... as nues.» Genèse III. 24; Isidore, Etym. XIV. 3. 2 ; Honorius Aug.
I. 8.
e « Laienz sourt... et près.» Genèse II. 10, II. 13; Isidore, Etym. XIV, 3. 3, Etym.
XIII. 21. 8 ; Neckam IL 2; Honorius Aug. I. 9, I. 10.
F « Et sourt... d'ocident. » Orosius Histor. I. 2 (Mons Oscobares) (Patrol. t. 31);
Honorius Aug. I. 10. V. Introduction p. 39.1
G « Li autres fluns... grant mer. » Genèse IL 13; Neckam IL 2; Honorius Aug. I. 10;
Solin 32 (éd. Biponti, 1794); Isidore Etym. XIII. 21. 7. V. Introduction p. 39.
— 110 —
trent la mer moienne ou il se fièrent, si comme leur natures le requi-
rent^.
De ça paradis terrestre tout environ a moult de divers lieus sanz nul
retour. Car nus hons n'i pourroit 2 habiter ne trover 3 point de son vivre,
por 4 les maies bestes qui la sont fieres et cruieuses et des maintes guises *.
La sont li jaiant et li chenillieu G qui deveu-[/^° 5i ajrent tout et menjuent
ausi comme font leu et mainte autre maie beste sauvage 7 ».
il B c.
D'Ynde et de ses choses.
Après vient la contrée d'Ynde qui prent son non d'une yaue qui a non
Ynde qui sourt devers septemtrion 8. Geste est close 9 tout entour de la gran^
mer qui l'avironne D.
En Ynde siet une illequi a a non Probane E, ou il a 'X* citez et maintes
autres viles, ou il a chascun an 'ir estez et ii* yvers, et sont si a-[i^° 5i b]
trempez 10 que il y a touz jourz u verdure F. Et a toz 12 jourz es arbres et
fueilles18 et fruit et fleurs; et est plenteureuse d'or et d'argent, et moult
eureuse d'autres choses.
La sont les granz montaingnes 14 d'or et de pierres précieuses et d'autres
trésors assez 15. Mais nus hons n'i ose aprouchier pour les dragons et pour
les gripons 16 sauvages qui ont cors de lyons volanz, qui emporte 17 bien 'i*
homme tout armé a tout son cheval quant il le peut 18 [F°5i c] atraper g.
Si y a mainz19 autres lieus si douz et si delitables et si esperituels que,
se20 uns hons estoit dedenz, il diroit que ce seroit paradis21.
1 B: requirent. — 2B: porroit. — 3 B: trouver. — 4 B. pour. — 5 B: cruieuses de
maintes manières et de maintes guises. — G B: cheiullieu; B: chevelluz. — 7 B: autre
fiere beste et maie, sauvage et cruel. — 8 B: septentrion. — 9 B: cloiise. — 10 B : atem-
\>rez. — ii B: jours. — l2 B: et a touz. — 1?> B: jours as arbres et futiles... — u B : les
très granz montages. — ]5 B : af'assez. — i6 B : grifons. — nB: enporte. — x8 B: puent.
]9 B: mains. — 20 B : ce. — 21 B: uns paradis.
a « Tygris... requirent. » Solin 37; Orosius, Histor. I. 2 (Parchoatras) ; Isidore,
Etym. XIII. 21. 10. Honorius Aug. I. 10. V. Introduction p 39.
b « Car nus hons... sauvage. » Honorius Aug. I. 10.
c [F« 51a — 51 c = Vers 2170-2195.]
d « Après vient... l'avironne.» Isidore, Etym. XIV. 3. o; Neckam, De Laud. III.
1021 ; Honorius Aug. I. 11.
e «En Ynde... Probane. » Orosius, Histor. I. 2; Honorius Aug. I. 11.
f «ou il a... verdure. » Isidore, Etym. XIV. 6. 12; Honorius Aug. I. 11.
g « La sont... atraper. » Gervaise de Tilbury, Otia Imper. II. 3; Isidore, Etym. XIV.
3. 9 ; Honorius Auçr. I. 11.
- 111
11 c A.
Des diversitez* oVYnde.
En Ynde si a une monlt grant montaing-ne que l'en apele mont2 Gapien,
et est une grant région. Illec3 sont une g-ent sanz bien et sanz savoir que
Alixandres encloust4 la dedenz. Et sont la g-ent Goz et Magoz5 qui menjuent
char toute crue d'owmes et de bestes comme g-ent [F°5i d] mescreuesB.
Geste Ynde dont nous vous6 parlons si7 tient8 •xiiii-9 reg-ions ; et en
chascune de ces régions a monlt de g-ent 10.
Si y a si granz bois et si hauz qu'il aviennent11 jusques as nues. Et la
sont unes g-enz qui sontcornuz et n'ont que *ii- coûtes de grant, et s'en vont
ensamble par granz12 compaing-nies, et se combatent souventes foiz contre
les grues qui les assaillent13. Mais dedenz *vii* anz enveillissent14 et s'en
vont de vie a mort. [F0 52 «] Gelé g-ent ont a non Pyg-main et sont ausi
petit15 comme nains c.
Vers cel pays de la croist li poivres touz blans. Mais la vermine i est si
grant16 que, quant l'en le veult oster et cueillir, il i couvient bouter le
feu pour oster la vermine. Et quant il est ainsi 17 brullé, si le trueve l'en
tout noir et tout crespé D.
Autres g-enz y ra que l'en apele Groing- et Brag-man, qui sont plus biaus
que ceuls que nous avons nommez, qui pour [F0 62 b] g-arantir 18 la vie
d'autrui se metent mourir19 en -i* feu ardant^.
Si i raenquore une autre manière de g-ent que, quant leur pères et leur
mères et leur autres parenz, que, quant il sont vieill et il sont près de mou-
rir, il les tuent et sacrefient soit a tort ou a droit, et en menjuent la char F.
1 B: diversetez. — 2 B: montaingne qui a non mont... — 3 B: illuec. — 4 B : enclôt.
5 A: Ma/*goz; C et S : Magoz. — 6 B : « vous » manque. — 7 B : « si » manque. — 8 B:
contient. — 9A, B, C et N. Aussi R et Caxton : -xiiii-; Addit. -xxiii-; S: -xxiiii-; Arun
del: -xiiii- (cf. f° 60a). V. Introduction p. 39. - 10 B: genxr. -»B: aviercgnent. —
12 B : grans.— 13 B: assa/lent. — 14 B: enviet/lissent. — 15 B: pettr. — 16 B : grans. —
17 B: ainssi. — 18 B: «garantir» manque. — 19 B: morir.
a [F° 5i c — 53 b = Vers 2196-2276.]
b « En Ynde... mescreue. » Pseudo-Callisthène. V. Alexander the Great (éd. Budge,
Cambridge, 1889) p. 150, loi ; Gervaise de Tilbury, Otia Imper. II. 3 ; Honorius Aug.
I. 11. V. Introduction p. 39.
c « Si y a... nains. » Homère, Illiade III. 3 ; Strabon XV. 1. 57 ; Solin 52 et 10; Ger
vaise de Tilbury, Otia I. II. 3, p. 911. — Honorius Aug. I. 11.
d « Vers cel pays... crespé. » Solin 52; Isidore XVII. 8. 8; Honorius Aug. I. H;
Gervaise de Tilbury, Otia I. H. 3, p. 911.
e « Autres genz... ardant. » Solin 52; Gervaise de Tilbury, Otia Imp. II. 3, p. 911.
Sydrach S. 77 ; Honorius A. I. 11.
F « Si i ra... la cbar. » Solin 52; Gervaise de Tilbury II. 3, p. 911 ; Honorius Aug.
I. H.
— 112 —
Et tiennent a chaitis et a eschars touz ceuls qui ce ne font des1 leur
parenz. Car il le tiennent a grant honneur et a larg-esce et a grant bien.
Et pour ce le fait chas-[/^° 52 c]cuns du sien 2 parent.
Vers oriant ra une autre manière s * de g*ent qui aorent le souleill tant
seulement 4, et le tiennent a dieu pour les granz 6 biens qui viennent par
lui, et pour ce6 qu'il ne voient au monde nule7 si bêle8 chose; et pour ce
le 9 croient comme dieu a.
Autres genzy a qui sont touz veluz, qui menjuent touz cruz les poissons
et boivent la mer salée B.
Si ra devers celé contrée meïsmes unes g*enz qui sont moitié [F0 5 2 d\
bestes et moitié houmes c, et autres g*enz qui ont *viii* doiz en 'i* pié».
Si i ra moult d'autres bestes orribles qui ont cors d'oume10, et ont teste "
de chien, et ont si granz 12 ong-les qu'il arrestent quanqu'il tiennent. Et se
vestent de piaus de bestes. Et ont autele voiz comme abaiement de chiens 18 E.
Si i resont li cyclopien qui passent le vent de courre, et n'ont seulement
que -i- pié dont la plante est si longue et si large qu'il s'en aombrist et cue-
vre 14 \F° 53 a] autresi 16 comme d'une targ-e, pour le chaut, quant il vient
sur lui F.
Une autre manière de g-ent i ra qui n'ont que i" œill, et l'ont en mi le
front si vermeill et si cler que ce samble feu ardant g.
Si i ra une autre manière 16 de gent qui ont le vis et la bouche en mi le
piz17, et ont 'i' œill en chascune espaule; et leur avale le nés aval18 en
la19 bouche ; et ont soies desus le musel ausi comme pourciaus20 H.
1 B: de. — 2 B : chascim de son. — s B : manière ; A : manière. — . 4 B : qui aorent tant
seulement le sou//eil. — 5 B : grans. — 6 B : « ce » manque. — 7 B : nu//e. — 8 B : be//e.
— ° A: pour ce qui (mot barré) le...; B: et pour ce le... — 10 B: d'omme. — u B:
testes. — 12 B : grans. — 13 B : d'un chien. — 14 A : cruevre : forme isolée et pas con-
firmée par d'autres textes. Cf. f° 31 a n. — 15 B: autres.si. — 16 B: mam're. — 17 B :
pis. — 18 B: « aval » manque. — 19 B : en mi la... — 20 B : porciaus.
* L'abréviation est sans doute une erreur ici : « manienre » n'est pas confirmé et est
isolé dans A.
a « Vers oriant... dieu. » Isidore Etym. XIV. 3. 12. Sydrach S, 11.
b «autres genz... salée. » Lettre d'Alexandre à Aristote; Solin 52; Gervaise de
Tilbury IL 3 p. 912 ; Honorius A. I. H.
c « Si ra... houmes. » Saint Jérôme, Vie de saint Paul ; Honorius Aug. I. 12. V. Intro-
duction p. 39.
d « et autres genz... pié. » Solin 52 et Honorius Aug. I. 12.
e « Si i ra... chiens. » Solin 30, 52; Isidore, Etym. XL 3, 15; Gervaise de Tilbury
IL 3 p. 912 ; Honorius Aug. I. 12.
f « Si i resont... sur lui. » Solin 52 ; Isidore, Etym. XL 3, 25 ; Honorius Aug. I. 12.
V. Introduction p. 40.
G «Une autre manière... ardant. » Isidore XL 3. 16, XIV. 6. 33; Honorius Aug.
I. 12 ; Sydrach S. 11.
h « Si i ra une autre... pourciaus. » Solin 31, 52 ; Isidore, Etym. XL 3. 9; Hono-
rius Aug. I. 12.
~ 113 —
Si ra vers le flueve de Gang-es une [F0 53 b] g-ent estrang-es et courtoise 1
qui ont droite figure d'oume, qui de l'odeur2 d'une pomme se vivent tant
seulement. Et se il 3 vont loing- en aucun lieu, la pomme leur a tel mestier
que, s'il seutoient aucune mauvaise puor 4 sanz la poume 5, il mour-
roient 6 tantost A.
ii db.
Des serpenz et des testes d' Ynde.
En Ynde a serpenz 7 qui sont de 8 tel force qu'il deveurent et prennent
a force les cers et les dains c.
Si i ra enquore une autre [F0 53 c] beste que l'en apele centicore, qui a
cornes de cerf en mi le vis, et a le 9 piz et les cuisses 10 de lyon ; et a granz
oreilles et piez de cheval et a bouche reonde, et a le musel ausi comme
le chief d'un tuel D, et a les ieulz bien près l'un de l'autre E, et a la voiz b/<?n
près ausi comme *r homme llp.
Une autre beste i ra mowlt fiere, qui a cors de cheval et teste de san-
glier12. Et a keue d'13olifa/it, et a -ii* cornes qui sont d'un coûte de grant,
[F0 53 d] dont il met l'une desus son dos en demantres 14 qu'il se combat
de l'autre. Il est noirs et est mowlt orrible beste, et est moult pénible en
eaue 15 et en terre g.
Si i resont toriaus qui sont touz blans et ont grosse teste, et ont la bou-
che si larg-e que la fendeûre dure de l'une oreille16 jusques a l'autre. Et a
cornes qu'il remue si entour lui 17, que nus ne le puet dompter h.
Une autre manière de bestes ra en Ynde que l'en apele manthicora ; si
a vis d'oume, et a [F0 54 a] 'in* ordenées 18 de denz en 19 la bouche. Si a
ieulz de chievre et cors de lyon i, et a keue de scorpyon 20, et a voiz de ser-
pent qui par son douz chant atrait la gent et deveure J. Et est plus isnele
d'aler que n'est uns oisiaus 21 de voler.
1 B : cortoise. — 2 B : l'oudeur. — 3 B : s'il. — * A : puer ; B : puor ; G : puear. —
6 B : pomme. — 6 B : morroient. — 7 B : serpanz. — 8 A : et de. — 9 B: les. — 10 B :
cuises. — n B : ho«me. — 12 B : sangler. — 13 B : et a la keue d'un... — 14 B: demen-
tres. — 15 B : pénible beste en yane. — 16 B : dès l'une des oreilles. — 17 B : IL — 18 B :
omme. Si a .iii. ordenances... — 19 A : «en» manque. — 2° B: scorpion. — 21 B: oisiaw.
a « Si ra vers... tantost. » Solin 52 ; Honorius Aug. 1. 12 ; Jacques de Vitry, Hist.
Hier. (Douai. 1597) c. 92.
b [F9 53 b — 59 c= Vers 2277-2565.]
c « En Ynde... dains. » Solin 52 ; Honorius Aug. I. 13.
d « Si i ra enquore... tuel. » Solin 52 ; Honorius Aug. I. 13.
e « et a les ieulz... l'autre. » Solin 52.
f « et a la voiz... homme. » Solin 52 ; Honorius Aug. I. 13.
G « Une autre beste... terre. » Solin 52; Honorius Aug. I. 13.
h « Si i resont... dompter. » Solin 52; Honorius Aug. I. 13.
i « Une autre manière... lyon. » Solin 52 ; Honorius Aug. I. 13.
J « Et a keue... deveure. » Solin 52.
— 114 —
Si i ra bues qui ront 1 les piez touz reonz. Et ont en * milieu du front
- iii * cornes a.
Si i ra une autre beste de moult biau cors qui est apelée monoheros 3,
qui a cors de cheval et piez d'olifant 4, teste de cerf et voiz clere et haute,
[F0 54 b] et grant keue, autele comme truies 5 les ont. Et a une corne en m1
le front qui a " iïii " piez de longueur G, droite et ag-ue autresi comme "i* espié,
et tranchant7 comme raseoir. Et quanqu'ele ataint par devant, deront
tout et tranche8 par mi b.
Et vous di par vérité que, se est 9 prise par nul enging-, si se laisse
mourir10 par desdaing-^.
Mais ele ne peut11 estre prise12, fors que par une pucele virg-e que l'en
li met en son devant par la 13 ou ele doit passer, qui [F0 54 c] soit bien et
cointement parée. Lors s'en vient la beste vers la pucele moult simplement,
si14 s'endort. en son gyron. Et lors la prent l'en en dormant0.
En Ynde ra unes autres bestes granz et fieres qui ont couleur ynde, et
ont cleres taches parmi le cors. Si sont si forz 15 et si maies que nus nés 1G
ose aprochier 17. Et les apele l'en en cest pays tygresE. Et courent de si
grant 18 randon que, quant li veneeur 19 i vont pour prendre [F0 54 d] autres
bestes qui i sont, il n'eschaperoient jamais20 de illuec, se il ne g-etoient
par la voie, la ou il vont, mireoirs n de voirre. Et quant il voient leur yma-
g-es, si cuident que ce soient leur faons. Si vont tout entour, et tant, qu'il
brisent les mireoirs22 as piez, tant vont entour. Lors ne truevent riens
illec 23. Et ainsi s'en eschapent ceuls 24 qui la sont. Et aucunes 25 foiz est
avenu de ces bestes que eles pensent tant a [F0 55 a] leurfig-ures remirer, et
en sont aucunes foiz si esprises que l'en les porroit bien prendre toutes vives F.
Si i ra enquore 2G unes 27 autres bestes que l'en apele castoires ;-si ont tele
nature en eles 28 que, quant l'en les chace pour prendre, si se chastrent as
1 B : on. — 2 B : el. — n' A et B : mono/Aeros ; C: monothoros. — 4 B: d'o/yfant. —
5B: truie. — G B: longue/'. — 7 B: trenchant. — 8 B: trenche. — 9 B: s'e/e est... —
10 B: morir. — n B : puet; C: puest. — 12 B : « prise » manque. — 13 B : «la» manque.
— 14 B: et si... — 15 B : fors. — 1C A: ne... — 17 B: aprouchier. — 18 B : si très grant. —
1!> B: veneour. — 20 B : jamès. — 21 B: miroers. — 22 B: et tant i vont qui brisent les
miroers. — 2:î B : illuec. — 24 B : cil. — 25 B: aucune. — 2(3 B : encore. — 27 B : « unes »
manque. — 28 B : si ont en eles teles natures.
A « Si i ra bues... cornes. » Solin 52 ; Honorais Aug. I. 13.
b « Si i ra une autre beste... tranche par mi. » Isidore, Etym. XII. 2. 12 ; Solin 52;
Honorius Aug. I. 13 ; Neckam II. 103. 104 ; Jacques de Vitry, Hist. Hieros. 88.
C « Et vous di... ^desdaing. » Isidore, Eti/ni. XII. 2. 12 ; Solin 52 ; Neckam II. 103.
104 ; Jacques de Vitry, Hist. Hieros. 88.
d « Mais ele... dormant. » Isidore, Etym. XII. 2. 12 ; Neckam II. 103. 104; Jacques
de Vitry, Hist. Hieros. 88.
e « En Ynde ra... tygres. » Solin 17 ; Isidore, Etym. XII. 2. 7 ; Jacques de Vitry,
Hist. Hieros. 88, 86 ; Neckam, De Laud. IX.
F « Et courent... toutes vives. » Jacques de Vitry, Hist. Hieros. 88. 86; Neckam, De
Laud. IX.
— 115 —
denz de leur g-enetaires et les laissent1 cheoir a terre A. Car il sevent2 bien
que l'en ne les8 chace ipour autre chose.
Si i ra une petite beste ausi 4 comme une souriz ; et a une petite bouche ;
et est nom-[F° 55 b]mèe musqualiet b.
Gelé part sont les arbres ses qui parlèrent a Alixa/zdre c.
Une autre beste y a, que l'en apele salemandre, qui se paist de feu et
norrist. Et celé salemandre porte une lainne dont l'en fait dras et cein-
tures 5 qui ne pueent G * ardoir en feu D.
Si i ra unes souriz qui sont ausi gra/^z comme chaz et ausi couranz.
Devers oriant sont les lyons 7 qui ont plus de force el piz devant et en
touz les membres qu'autres bestes [F0 55 c] n'ont. Si viennent paistre 8 au
tierz jour que il ont faonné 9 leur faons, ausi comme s'il [estaient resus-
citez 10 de mort. Et quant il dorment, il tiennent les ieulz ouverz 1X ; et quant
li veneeur les chacent, il cuevrent 12 la trace de leur piez a leur13 keue. Il
ne grèveront ja home s'il ne sont courrouciez ; et qui que les assaille, il
se desfandent 14 e. Quant cil qui les 15 g-arde bat *r chien devant euls, si
le criement et [F0 55 d] doutent et le connoissent ie bien F. Et la lyo/znesse
a, la première année, •▼• faons. Et puis -i- mains chascun an; jusques a
sa 17 fin vait sa porture 18 déclinant g.
Une autre beste y a qui est petite ; et si est si cruieuse que nule19 beste
n'est seûre devant li20; et a tele nature que li lyons la doute et fuit ; car
ele l'ocit 21 souventes foiz h.
1 B : laisse. — 2B : seivent. — 3 B : le. — 4 B : aussi. — 5 B: caintures. — 6 A :
peuent. — 7 B : Li lyon sont devers... — 8 B : « paistre » manque. — 9 B : paistre. —
10 B: resuscité. — n B : ouvers. — 12 B: \e chacent pour prendre, il... — 13 A : ocue-
vrent la trace ; B : cuevre la trace de ses piez a sa. — l4 B: Il ne grèvera ja homme s'il
n'est courouciez ; et qui que /'assaille, il se destent. — 15 B : le. — 16 B : devant, il le
crient et le doute et le connoist. — 17 B : /a. — 18 B : poarteure. — 19 B : nu//e. —
20 A : « li » manque — 21 B : ocist.
* Le scribe du ms. A écrit tantôt pueent, tantôt peuent. « Peueent » semble être un
mélange des deux formes, isolé dans le ms. A, et pas confirmé.
a « Si i ra enquore... a terre, » Solin 13 ; Isidore, Etytn. XII. 2. 21 ; Neckam II. 140 ;
Jacques de Vitry, o. c. 88.
b « Si i ra une petite... musqualiet. » Isidore, Etym. XII. 3. 4. V. Introduction p. 40.
c « Celé part... Alixandre. » Lettre d' Alexandre à Aristote dans Pseudo-Callisthène
(éd. Budge : Alexander the Great. Cambridge 1889, p. 104 s. ; aussi éd. Mûller, Paris,
1877); Ranulph Higden, Polychronicon I. 11 (éd. Babington. Londres, 1865); Jacques de
Vitry, o. c. 85. V. Introduction p. 40.
d « Une autre beste y a... en feu.» Isidore, Etym. XII. 4, 36; Jacques de Vitry,
o. c. 89; Neckam I. 7.
e « Devers oriant... desfandent. » Solin 27 ; Isidore, Etym. XII. 2. 3 ; Neckam II. 148,
149 ; Jacques de Vitry, o. c. 88.
F « Quant cil... connoissent bien. » Jacques de Vitry 88.
G « Et la lyonnesse... déclinant. » Solin 27; Jacques de Vitry 88.
h « Une autre beste... souventes foiz. » Solin 27; Isidore, Etym. XII. 2. 34 ; Jacques
de Vitry 88.
— 116 —
Une autre beste converse et repaire celé part, qui est de diverses coleurs l
par taches blanches et noires et verz 2 [F0 56 a] et yndes et jaunes, ausi
comme s'ele feust 3 pamte. Et est cointe et gente; et est apelée panthère a.
Et naist si grant douceur de se bouche quant ele alaine 4, que les bestes
vont après li pour la douceur qui ist de son cors, fors le serpe/U a cui celé
douceur grieve si qu'il en meurt sovent B 5. Et quant celé beste est 6 aucune
foiz saoulée de sa venoison qu'ele a trouvée, si se dort7 -ni' jours touz
entiers. Et quant ele s'esveille, [F0 56 b] si 8 rent une odeur si 9 douce, qui ist
de sa bouche hors, que les bestes y courent 10 tantost comme il la sentent (^.
Gelé beste n'a c'une foiz u faons. Et quant ele doit faonner, si a tele
destrece 12 et tele angoisse qu'ele ront et despiece ses marriz 1S as ongles,
tant que les faons en sont hors. Mais jamais14 n'avront plus de faons
quant eles sont ainsi 15 descirées D.
Si y a une manière de jumanz qui conçoivent du vent, et sont en une
contrée qui a [F0 56 c] non Gapadoce. Mais il1G* ne durent que - iii - anz e.
Celé part sont li olyfant, unes bestes qui sont granz et forz 1T et co/iba-
tanz. Et quant18 l'en leur moustre le sanc devant euls, si en sont plus cou-
rag-eus et plus forz et s'enbatent 19 en touz lieus et en toutes batailles F. Seur
ces olyfanz se souloient20 combatre les g*enz d'Ynde et de21 Perse. Car
•i. 22 porte hien une grant tour de fust, plai/me de g"ent armée,, quant ele
est bien fermée desus son dos g. Si ont 'i* [F° 56 d] bouel par devant, grant
et larg>e, dont il menjuent23. Et en prennent bien -i" houme et deveurenten
poi d'eure h.
Les g"enz Alixandre qui fu rois et bons clers de grant manière, qui s'en
1 B : couleurs. — 2 B: vers. — 3 B : se ele t'ust. — 4 B: alaiw/ne. — 5 B : souvent. —
c B : s'est. — 7 B : s'en dort. — 8 A : li. — 9 B : si rent une si grant odeur et si... —
10 B : acorent. — n B : c'une seule foiz. — 12 B : destresce. — 13 B : despice ses meriz.
— 14 B: jamès. — 15 B : ainsi si. — 16 B : eles. — 17 B : fors. — 18 B : «quant» manque.
19 B : et plus fiers et plus fors et s'ewbatent. — 20 B : olyfans se soloïent. — 2X B : com-
batre cil d'Ynde et cil de... — 22 B : il. — 23 B : «dont il menjuent» manque.
* Les autres ms. donnent eles, et non pas il comme aux fol. .'50 a et 32 a.
« Il » nom pi. fem. est confirmé par d'autres textes : cf. Suchier, Reimpredigt (Halle,
1879), p. XLIII ; Burguy I. 128.
a « Une autre beste... panthère. » Solin 17; Isidore, Etym. XII. 2, 8; Jacques de
Vitry 88 ; Neckam II. 133.
b « Et naist... meurt sovent. » Solin 17; Jacques de Vitry 88; Neckam II. 133.
C « Et quant celé... la sentent. » Jacques de Vitry 88 ; Neckam II. 133.
d « Celé beste... descirées. » Isidore, Etym. XII. 28; Jacques de Vitry 88 ; Neckam
II. 133.
e « Si y a une manière... que 'iii- anz. » Honorius Aug. I. 19; Solin 45 ; Jacques de
Vitry 88 ; Neckam II. 158.
F « Celé part... batailles. » Solin 25; Isidore, Etym. XII. 2. 14 ; Neckam I. 143, 144,
145, II. 9, 48; Jacques de Vitry 88.
<; « Seur ces olyfanz... desus son dos. » Solin 25; Isidore XII. 2. 15; Neckam I. 143-
145; II. 9, 48 ; Jacques de Vitry 88.
H « Si ont -i- bouel... poi d'eure.» Neckam I. 143-145; II. 9, 48; Jacques de Vitry 88.
— 117 —
ala par maintes terres 1 pour enquerre et pour cerchier 2 les aventures,
plus qu'il ne3 faisoit pour conq«erre, quant il se dut combatre a ceuls
qui les olyfanz avoient duiz et apris de combatre en plainne terre, si fist
faire vaissiaus d'aram [F0 5y a] en fourme d'oumes 4, et les fist emplir de
feu ardant; et les metoient 5 devant euls pour combatre vers G celé gent qui
estoient seur les olyfanz 7. Et quant li olyfant getoient leur boiaus dont
il tuoient la gent, si s'ardoient touz les boiaus ; tant qu'il les en orent si
duiz, qu'il n'osoient aprouchier les houmes pour 8 la samblance de leur façon.
Car il cuidoient qu'il fussent ausi chaut comme cil 9 estoient qui [F0 5y b]
plain estoient de feu 10. Et ainsi eschiva cel perill Alixandres, qui fu moult
sages, et conqwj'st celé sauvage gent, et donta u si les olyfanz 12 qu'il
n'osoient faire mal as houmes a.
Olyfant vont moult simplement et moult acordéement 13 ensamble. Et,
quant il s'entrencontrent, il baissent les chiés les uns contre les autres,
ausi comme s'il 14 s'entresaluassent B.
Il sont de moult froide nature ; dont il avient que, quant l'en met sus
la dent de Y-[F° 5y c]y voire 15 *i* drap linge et charbons ardanz desus, que
li drap linge n'art pas ; ainz estaint li charbons 16 tantost comme l'en le
met desus, por 17 la froidure qui est en lui c. (
Il n'ont faons c'une foiz en lonc tans, et les portent 18 -ii- anz en leur
ventre. Et vit -ni* cenz anzD.
Il doute la souriz et la coule vre et toute19 vermine. Se la couluevre 20
s'aert a lui 21? si l'abat et l'ocit 22. Ele repont ses faons es illes ou il n'a boz
ne couluevres, et fa-[F° 5j d]onne adès dedenz yaue. Car s'il chaoient près
de terre, jamais ne se releveroient. Car leur os sont touz entiers et roides
sanz jointes 23 dès le ventre jusques as piez e.
1 A : terre. — 2 A : cerchiers; B : ewcerchier. — 3 B : plus qui ne... — 4 B : fourmes
d'omraes. — 5 B: mercoient. — 6A : pour combatren vers. — 7 B : sus ces oh'fans. — 8 B:
por. — 9 B : ceuls. — 10 B : qui plains de feu estoient. — n B : dampta. — l2 B : olyfans.
— 13 B : ordenéement. — 14 B : aussi comme se il. — 15 B : « sus la dent de l'yvoire » man-
que. — 16 B: le charbow. — 17 B : pour. — i» B: tens... porte. — 19 A : doute. — 20 B :
cou/cvre. — 21 B: li. — 22 B: ocist. — 23 B: «sanz jointes» manque.
a « Les genz Alixandre... mal as houmes. » Jacques de Vitry 88.
b « Olyfant vont... s'entresaluassent. » Solin 25; Isidore, Etym. XII. 2. 16; Neckam
I. 143-145; II. 9, 48; Jacques de Vitry 88.
c « Il sont de moult... est en lui. » Solin 25 ; Neckam I. 143-145; II. 9, 48 ; Jacques
de Vitry 88.
Ni Solin ni Neckam ne mentionnent le « drap linge ».
d «Il n'ont faons... cenz anz. » Solin 25; Isidore, Etym. XII. 2. 16; Neckam L 143-
145 ; II. 9, 48 ; Jacques de Vitry 88.
e « Il doute... as piez. » — Solin 25. (Au chapitre 21 Solin décrit un animal en Alle-
magne semblable à 1' « alces » : « cujus suffragines, ut elephantis, flecti nequeunt :
propterea non cubât, quum dormiendum est, tamen somnulentem arbor sustinet, quse ad
prope casuram secatur, ut fera, dum assuetis fulmentis innititur, faciat ruinam. Ita capi-
tur. » Peut-être la source de A p. 118.) Le passage «;Elle repont... as piez » ne se trouve pas
dans Solin; Isidore, Etym. XII. 2. 16 ; Neckam I. 143-145; II. 9, 48 ; Jacques de Vitry 88.
— 118 —
Quant il dort1 si est apuiez a *r arbre, et dort en estant. Et liveneeur2,
qui vont cercharct les arbres a coi 3 il s'apuie quant il dort, si le trenchent
et sient4 par desouz, si 5 qu'il ne chiet pas. Et quant li olyfanz6, qui riens
n'en set, se veult dormir, s'a-[/7° 58 ojpuie 7 a l'arbre qui est encisez 8, si
chiet jus et ne se puet sus relever. Lors brait et crie et pleure et g-emit 9 ;
tant qu'aucunes 10 foiz viennent autres olyfanz " seur lui pour lui aidier. Et
quant il ne le12 pueent13 redrecier, si braient et crient et font grant duel.
Et li petit qui14 vont entour si le soulieve/it a leur pooir. Et aucunes15 foiz
avient qu'il le lievent. Mais quant il ne le pueent relever, si s'en vont gémis-
sant10 et fai-[/^> 58 6]sant leur duel, et le laissent. Et ceuls 17 qui sont
repouz 18 près d'illuec saillent avant et les pre/ment par leur esforz 19 et par
leur engins qu'il 20 ont. Et ainsi prent l'en les olyfanz a.
Dedenz le flun d'Ynde qui a non Gang-es vont les ang-uiles a granz
rangiées 21, qui ont b/en - iii - c piez de lonc ; et les menjue l'en bien,
au 22 besoing- b.
Mainte autre beste périlleuse et hideuse28 a en Ynde : dragons, ser-
penz 24 et autres diver-[F° 58 c] ses bestes qui ont piez et testes et25 keues.
Illuec sont li basilique qui ont venimeus 26 reg^art ; et ocient les g"e/iz
et les oisiaus et les bestes seulement de leur reg-art<:. Il a teste de coc et
cors de serpant 2T r>. Nulle autre beste ne se prant 28 a lui. Il est rois de touz
autres serpanz, ausi 2!) comme est li lyons seur les autres30 bestes. Il est
blanc roié ça et la ; jamais n'avra herbe ne fruit en la terre par 31 ou il
passera. Neïs li arbre 32 en périssent tuit qui i sont plantez33. Se \F° 58 d]
il a mors beste 34 ou autre chose, jamais autre beste n'en osera aprou-
chier e.
1 B : il se dort. — - B: veneor. — :î B : qiwy. — 4 B : et si le sient. — 5 B : tant. —
6 B : olyfans. — 7 B : si s'apuie. — 8 B : enscisez. — 9 B : gémis/. — 10 B : aucune. —
11 A: viennent autres fois: olyfans ; B: viennent autre olyfan/. — 12 B : «le» manque. —
13 B : puent. — 14 A : « qui » manque. — 15 B : aucune. — m B : gemisant. — 17 B : ce/s. —
18 B : repos/. — 19 B : esf'ors. — 20 B : que il. — 21 B : angui//es a gran/ rengies. — 22B : a.
— -:! B : orrible. — 24 B : serpanz. — 25 B : es. — 26 B : venimeiuc. — 27 B : serpent.
— 28 B : prent. — 29 B : aussi. — ?>° B : comment est li Irons de toutes autres... — 31 B : terre la
par. . — 32 b : arbres... — 3* B: plante. — ?A B : bes/re.
a « Quant il dort... prent l'en les olyfanz. » Neckam I. 143-145; II. 9, 48; Jacques de
Vitry 88.^
Neckam mentionne comme source de A : Cassiodore. Variai', lib. X. 30 (Patrol. t. 69,
col. 818).
B « Dedenz letlun... besoing. » SolinTiâ ; Isidore, Etym.XU. 6. 41 ; Honorius Aug. I. 13.
c « Illuec sont... leur regart. » Solin 27; Isidore, Etym. XII. 4, 6 et 7 ; Neckam II.
120, 153; Jacques de Vitry 89.
d « Il a teste... serpant. »
e « Nulle autre... aprouchier. » Solin 27; Isidore, Etym. 4. 6, 7; Neckam II. 120,
153 ; Jacques de Vitry 89.
- 119 —
Si ra en celé région maismes 1* une autre manière de serpanz2 qui ont
cornes de mouton a ; une autre en y a qui a non aspis, qui ne puet estre
pris ne enchantez, se n'est par douz chant ; car il en ot trop volentiers
le son. Mais quant il ot le chant premièrement, si boute sa keue en ses
oreilles, qu'il ne l'oie 3, et se [F0 5g a] trait ensus du chant pour ce qu'il ne 4
soit deeeuz B.
Autres serpanz y a qui ont non tygris, que l'en prent touz vis a force
d'engins. Et de ceuls fait l'en le triacle qui desfait et oste autre venin c.
Si ra 5 une manière de vers qui ont #ii- bras 6 si Ions et si divers que il
abatent les olifanz 7 et tuent D. Cil serpenz 8 vit mowlt long-uement. Et quant
il est vieill et il se sent floibe9**, si se confont per g-eunner10, et se laisse
8l-[F° 5g 6]famer 1J si durement que pou li remaint de son cors. Et puis se
met parmi -'v pertuis d'aucune pierre hors 12 moult estroit. Lors se met
hors si a grant destrece13 que sa pel i remaint toute entière. Et puis li
revient arreres une autre pel. Et ainsi reforme14 son aag*e comme sag*e
beste qu'ele est15 e.
Serpanz i ra assez d'autre manière qui ont mamtes le précieuses pier-
res 17 es testes et es ieulz, qui font maintes granz vertuz, qui les porte
[F° 5g c] sus soi 18 et les peut 19 avoir *".
Or vous 20 deviserons de 21 pierres qui la croissent et qui i sont.
1 B: meismes. — 2 B: serpans. — 3 B : oye. — 4 B: ce qui ne. — 5 B : venim. Si i
ra. — e B : bras. -'B: o/z/fanz. — » B : serpanz. — 9 A : f/oibe; B : fieble ; C : fo/ble.
— 10B: par geuner («per» cf. note p. 66). — n B : affamer. — 12 B: hors d'aucune pierre.
— 13 B : a si grant destmce. — ** B : refourme. — 15 B : quel est. — 16 A : mates ; B :
mainte (l'orthographe ordinaire de A est maintes ; « mantes » ne se présente pas dans le
texte; nous résolvons l'abréviation a par ain dans ce cas-ci). — 17 B: précieuse pierre-
— 18 B : « sus soi» manque. — 19 C : peusL — 2° A : Or vons. — 21 B : des.
* « maismes » : En angn. ai pour ei est très commun (cf. Suchier, Altfr. Gr. p. 20,
28, 49) surtout devant le s. Ce changement est rendu d'autant plus probable ici que, pour
le scribe de A, meïsmes était évidemment dyssyllabe : il l'épelle plus loin (f° 60 d) « mesmes. »
** Les exemples de la conservation du premier l de flebilis sont nombreux et justifient
l'orthographe du ms. A. Cf. aussi f° 113 a; cf. Burguy t. III, p. 166.
a «Si ra en celé... mouton.» Solin 27; Isidore, Etym. XII. 4. 18; Jacques de
Vitry 89.
b « Une autre... deceiiz. » Isidore, Etym. XII. 4. 15 ; Neckam II. 114, De Laud. IX.
289 ; Jacques de Vitry 89.
c « Autres serpanz... venin. » Neckam II. 108; Jacques de Vitry 89.
d « Si ra une manière... tuent. » Solin 52; Isidore, Etym. XII. 4. 5, 4. 46; Hono-
rius Aug. I. 13 ; Jacques de Vitry 89.
e «Cil serpenz... beste qu'ele est.» Isidore, Etym. XII. 4. 5, 4. 46; Jacques de
Vitry 89.
F « Serpanz i ra... les peut avoir. » Solin 30; Neckam II. 146; Jacques de Vitry 89.
— 120
11 E A,
Des pierres d'Y ride.
En Ynde croist li aymanz, une pierre 1 qui est plamne 2 de mowlt
granz 3 vertuz. Car ele atrait4 le 5 fer a li, et le ravist si durement que l'en
ne l'en peut 6 oster par la vertu qui est en lui 7 B. Li dyamanz i croit8 tout
entier qui rie peut 9 estre despeciez ne usez en nulle manière, se n'est par
sanc de bouc tout chaut c.
Si en y a [F0 5g d] d'autres qui sont de mou\t grant renon et de moult
grant vertu que l'en apele esmeraudes. Eles confortent 10 la veûe a celui qui
les regarde110.
Si y a une autre piere que l'en dit12 escharboucle qui reluist par nuit
ausi comme i* charbon ardant E.
Si y a saphyrs qui ostent l'enfïeure 13 des ieulz et sa rougeur14 F.
Si y a toupaces qui ont couleur 15 d'or, et rubiz qui mieux 16 valent assez
que ne font les toupaces 17 g. Si 18 y a assez d'autres pierres qui ont [F0 6o a]
en eles moult de bontez 19. Mais qui savoir veult 20 leur bontez et leur ver-
tuz21, si lise dedenz le lapidaire. Si i trouvera leur nons et leur vertuz.
Car ci n'en dirons 22 nous ore plus ; si vous dirons 23 après des contrées
d'Ynde.
ii F h.
Des contrées d'Ynde24.
En Ynde a maintes gra/iz contrées qui sont pueploiées 25 de genz et de
gra/it plenté de bestes. Une en y a que l'en apele Perse. Et tient xxxiii' 26
1 B : « une pierre » manque. — 2 B : plaine. — 3 B : grant. — 4 B : atraj'st. — 5 A : 1er. —
G B : ne le puet. — 7 B : /i.-«B: croist. — 9 B : puet. — l0 A : ele confortent; N : ele
conforte ; B : et conforte ; G : elles: confortent. — n N : qui la resgarde ; B : qui la regarde.
— 12 B : pierre quetl'en apele. — 13 B : ostent la rougeur et l'enfïeure. — 14 B : « et sa
rougeur » manque. — 15 B : coulor. — 1C B : mieu/r. — 17 B : coupaces. — 18 R : toupaces.
Elle resiouist la veue et si la reconforte moult, et par especial a ceulx qui les portent.
Si y a... [F° 61 a.] — » B: boutez. — 20 A: veue. — 21 A: ver. — 22 B : diron. — 23 B :
diron. — 24 B: (< Des contrées d'Ynde » manque. — 25 b : pueplozes. — 26 V. Introduction
p. 39 ; Arund.: •xxxiiii- ; Addit.: "xxiii- ; S: -xxiiir ; N : *xxx* et trois ; A, B, C : -xxxiii-.
a [F° 59 c — 60 \ = Vers 2566-2587.]
b « En Ynde... qui est en lui. » Solin 51 ; Isidore, Etym. XVI. 4. 1 ; Jacques de
Vitry 91 ; Neckam II. 94, 98.
C « Li dyamanz... tout chaut. » Solin 52; Jacques de Vitry 91; Neckam II. 92.
d « Si en y a... qui les regarde. » Solin 15 ; Isidore, Etym. XVI. 7. 1 ; Jacques de
Vitry 91 ; Neckam II. 91, 90 {De Beryllo) ; De Laud. VI. 153'.
e « Si y a une autre... ardant. » Jacques de Vitry 91 ; Neckam, De Laud. VI. 241.
F « Si y a saphyrs... rougeur. » Jacques de Vitry 91 ; Neckam, De Laud. VI. 135.
G « Si y a toupaces... les toupaces. » Jacques de Vitry 91 ; Neckam, De Laud. VI.
193. 241.
h \F° 60 a — 64 d = Vers 2588-2821.]
— 121 —
régions. Dont la première est Perse, la ou i' art qui a a \F°.6o b] non
nigromance x * fu premièrement trouvée A, qui fait mètre 2 l'anemi en prison.
En celé contrée croist une poiz qui est si chaude qu'ele eschaude les
mains a ceus"3 qui la tiennent, et vait croissant avoec la lune, et descrois-
sant a son decours. Cil qui sont, nigromancien 4 s'aident hien de celé poiz ».
Et après est 5 une autre région qui est apelée Mesopothamie G, ou
Ninive, une cité de moult grant seignorie 7, est establie, qui a " iii * [F0 60 c\
journées8 de lonc c.
En Babiloine 9 a une tour qui fu faite par moult grant org'ueill 10, dont
li mur sont et granz et forz et hauz ; et a a non la tour Babel. Et a de haut
tout environ •iiii'M* pas jusques u en haut D.
En la région de Galdée fu premièrement trouvée astronomie e.
En celé région est la terre de Sabbe, et puis Tarse 12 ; et Arrabe vient après.
De ces -iii* furent les trois rois seigneurs13 qui alere.nt requerre Nos/re Sei-
gneur Jhesu Grist, [F0 60 d] quant il fu nez en terre, comme Diex qu'il
estoit, si comme il le sorent par leur grant sens d'astronomie. La croist l'en-
cens et le mierre14. Et si y a mainz pueples de diverses g*enz f.
Si i est une g-rant province qui a a non AssireG.
Et la région 15 de Fenice i est, qui prent son non d'un oisiau qui a non ia
fenix h, dont il n'est adès que 'i- seul vif. Et quant il meurt17, si en naist
uns autres de lui mesmes 18 1. Il est granz et biaus 1!) de grandeur et de cor-
sr-[F° 61 ajg-e20. Si a une creste21 el chief a la manière d'u/i paon. Le22
1 B et N : nigro/nmance; G : ny (/romance ; A : nigromanx:. — 2 B: « mètre » man-
que. — 3 B : ceu/s. — 4 B : nigromnancien. — 5 B : Et après vient une... ; A : et apm
est... — 6 B : Mésopotamie. — 7 B: seingnorie. — 8 B: jornées. — 9 B: Baôy/oine. —
10 B: orguill. — n B : busqués. — l2 B : TAarse. — 13 B : seiwgneurs. — 14 B : nnrre. —
15 B: terre. — 16 B : un oisel qui a a non. — 17 B : maert. — 18 B: meïsmes. — 19 B: biaiuc.
— 20 B: coarsage. — 21 r : cret'te. — 22 b : IL
L'orthographe du manuscrit A est peut-être due à la chute de l'e final si commune
en angln. (cf. Suchier, St Auban p. 36, 52 (Halle, 1876); Stimming o. c. p. 182) « nigro-
mans est isolé dans A, et ne semble pas être confirmé par d'autres textes.
a « Dont la première... trouvée. » Isidore, Etym. XIV. 3. 12 ; Honorius Aug. I. 14;
Gervaise de Tilbury o. c. II. 3 (vol. 2 p. 756, ed Leibnitz).
b « En celé... de celé poiz. » Solin 37 ; Honorius Aug. 1. 14 ; Gervaise de Tilbury II. 3.
C « Et après est une autre... journées de lonc. » Jonas III. 3 ; Honorius Aug. I. 15;
Gervaise de Tilbury II. 3 (o. c. vol. II p. 756).
d « En Babiloine... jusques en haut. » Isidore (Patrol. t. 83, col. 1022) Chronicon 9 ;
Honorius Aug. 1. 15; Gervaise de Tilbury II. 3 (o. c. vol. II p. 756).
e « En la région... astronomie. » Isidore, Etym. III. 25. 1 ; Honorius Aug. I. 15.
f « En celé région... de diverses genz. » V. Introduction p. 40; Psaume 72; Isi-
dore, Etym. XIV. 3. 45, 15 ; Honorius A. I, 15.
Ni Isidore, ni Honorius ne mentionnent les rois mages.
G « Si i est... non Assire. » Isidore, Etym. XIV. 3, 10; Honorius A. I. 16.
h « Et la région... non fenix. » Solin 33 ; Isidore, Etym. XIV. 3, 17 ; Honorius Aug.
I. 16 ; Neckam I. 34, 35. V. Introduction p. 41.
1 « dont il n'est... lui mesmes. » Solin 33; Neckam I. 34, 35.
— 122 —
piz et la gorge li reluist et l rougoie ausi comme or, et est par dessus 2 le
dos ausi vermeill comme rose. Et devers la keue est tout blou 3, ausi comme
li ciels quant il est bien purs A. Et quant il est bien meurs4 d'aage, si
s'en vait en *i- mont haut5 et bel ou il se va renouveler. Séur cel mont6
sourt une fontainne moult grant et moult large et mowlt clere. Et a desus
ce-[F°6i b] le 7* fontainne -i' arbre grant8 et bel que l'en voit de moult
loing B. Lors fait desus cel 9** arbre son ny 10 et son sepulchre tout en mi
l'arbre. Et le fait d'espices de si grant oudeur que l'en n'en porroit trover11
miles12 meilleurs. Puis se dresce dedenz son ny13 quant il l'14a tout parfait.
Si muet et débat ses eles 15 vers le souleill 1G si forment et tant longuement
que une grant chaleur li embat dedenz17, qui l'esprent et art tôt18 entour,
tant qu'il est [F0 61 c touz ars et touz10 en cendre. Et de celé poudre20
renaist *i* autre oisel 21 de sa samblance G.
Après revient 22 Damas D ; et puis Anthioche ou il a maint chamuel 23 E.
Puis vient Palatine et puis Samarie, et puis Sebaste F, et puis Pentapolie 24,
ou Sodome et Gomorre furent, *ii- citez qui furent perilliées pour25 les
péchiez que Yen i faisoit g.
Gelé part est la Mer Morte qui ne porte en li2G nulle riens viveH. Si i
est une contrée que l'en apele Ys-[jP° 6i e/]mahelite, qui est habitée de -xii*
manières27 de genz*. Et puis vient Egypte la grant, ou nues ne pluies
ne viennent nulles 2S foiz, et tient 'xxiiir pueples J.
1 B : « reluist et » manque. — - B : desus. — 3 B : \Aoy. — 4 B : meùr. — -> B : en
•i- moult haut... (« mont » manque.) — 6B : moult. — "A : cela. — 8 A : «grant»
manque. — 9 A : eele. — 10 B : ni. — n B ; trouver. — 12 B : nu//es. — n B: ni. — 14 B:
«1' » manque. — 15 B : e//es. — 16 B : sou//eill. — ,7 B: dedenz le cors. — 18 B : tout. —
19 B: ton/ ars et tout... — 20 B : Et de celé cendre et de celé poudre... — 2l B : oisiau. —
22 B : fient. — 23 B : charnue///. — 24 B : Pent/iapolie. — 25 B : peri//e'es par... — 26 B :
lie. — 27 B : manière. — 28 B : vien^nent nulle.
* «cela» = celle : cette l'orme provençale ne peut se justifier ici. Elle est d'ailleurs
isolée dans le manuscrit A.
** « celé » ace. sing. m. est isolé dans le manuscrit A; nous corrigeons « cel » mal-
gré les nombreux exemples d'un e ajouté à la terminaison en angln. Cf. Stimming, o. c.
p. 182, 183; Suchier, St Auban p. 39.
a « Il est granz... bien purs. » b « Et quant il... moult loing. » c « Lors fait... sa
semblance. » De ces trois paragraphes sur la Phénicie et le phénix, a se trouve dans
Solin 33; c dans Isidore, FAym. XIV. 3, 17, XII. 7, 22; a, b, c dans Neckam I. 34, 35,
et dans Jacques de Vitry 90. V. Introduction p. 41.
d « Après revient... Damas. » Honorius Aug. I. 16. 17.
e « et puis... chamuel. »
F « Puis vient... Sebaste. » Isidore, Etym. XIV. 3. 22: « Samaria regio Pakesthue ab
oppido quodam nomen accepit, quod vocabatur Samaria, civitas quondam regalis in
Israël, (pue nunc ab Augusti nomine Sebastia nuncupatur. » ; Honorius Aug. I. 16. 17.
G « et puis Pentapolie... faisoit. » Solin 3o ; Honorius Aug. I. 16. 17.
h Celé part est la... riens vive. » Isidore, Etym. XIII. 19. 3; Honorius Aug. 1. 17.
i « Si i est... de genz. » Genèse XVII. 20 ; XXV. 13 ; Honorius Aug. I. 17.
J « Et puis vient... pueples. » Isidore, Etym. XIV. 3. 27. Isidore mentionne seulement
l'Egypte sans autres détails ; Honorius Aug. I. 18; Gervaise de Tilbury II. 3, vol. II p. 759.
— |23 —
Une autre région 1 y a, qui vient devers septentrion, ou il n'abite nul
houme. Et n'i a que femmes 2 qui sont aussi 3 fieres comme lyons4 A. Et se
«ombatent encontres les hommes 5, qwant mestiers c en est, et sont ausi
armées comme chevaliers, et les tuent et abatent. Et ont les tresces [F0 62 a]
par derrières 7. Si sont monlt preuz en touz besoinz; et les apele l'en Ama-
zones. Et ont près de leur terre houmes que eles vont requerre chascun an
pour estre avoecques8 eles9 • viii* jourz ou xv ensamble, tantqu'il10 leur
samble qu'il ont eng-endré. Lors s'en départent de la terre et s'en vont. Et
celés qui ont les anfanz, se ce est femele, si la retiennent avoec eles ; et se
ce naist11 malle, si le norrissent 'V anz ou'vi* ; et puis le g-ietent12 hors
[F0 62 b] de leur pays et de leur terre B.
Si ra aillors 13 de moult bêles dames qui en batailles et en estours usent
toutes d'armes d'argent, pour defaute de fer dont eles n'ont point c.
El bois d'Ynde sont autres famés qui ont les barbes si longues que
eles leur aviennent jusques as mameles. Et se vivent de bestes sauva-
ges, et se vestent des piaus des14 bestes D.
Si i sont houmes et femmes15 touz nuz 16 et aussi17 veluz comme
bestes. Et sont habitanz en yaue [F° 62 c] et en terre. Et quant il voient
les autres g*enz, si se fièrent dedenz l'yaue, si qu'il n'aperent point dehors.
Autres g*enz y a qui sont ausi veluz comme pors et g-emissanz. Si sont
autres femmes 18 qui sont pareles, qui 19 sont moult belles 20 et sont ausi
blanches comme noif 21. Mais eles ont les denz ausi comme chiens, et habi-
tent bien en yaue E.
Une autre grant reg-yon 22 y a, en la quele il a •xliii* pueples. La sont
*i oiseil qui sont plain [F0 62 d] de deduiz 2S, dont les pennes24 reluisent
par nuit ausi comme feu F.
Li papeg-aut si 25 sont celé part, qui sont 26 tuit vert et reluisant comme
paon, et ne sont pas 27plus grant d'un jai. Dont li plus g-entill 28, ce dit on,
ont en 29 chascun des piez -y doiz, et li vilain n'en ont que -ni-. Si a la
1 B : contrée. — 2 B : famés. — 3 B : ausi. — 4 B : lions. — 5 B: houmes. — 6 B :
mestier. — 7 B: darrieres ; B: Elles portent belles tresches de leurs cheueulœ qui leur
pendent par derrière... — 8 B: avoec. — 9 B : euls. — 10 B : qui. — n B : et se ce est.
— 12 B : getent. — 13 B : ailleurs. — 14 B : de. — 15 B : hommes et famés. — 16 B : « nuz »
manque. — " B : aasi. — m B : famés. — 1S) B : et qui. — *> A: bestes. — 21 B : femmes
velues pareillement comme les hommes, mais sont fort bestiales, et blanches sont comme
nesge. — 22 B : reg/on. — 23 A : plain déduis (« de » manque) ; B : déduit. — 24 B : pan-
nes. — » B : i. — » A : soit.— 27 A: par plus. -«B: les plus genti/s. — 29 A : on
non en.
a « Une autre région... lyons. » Solin 17; Isidore, Etym. IX, 2, 64; Honorius Aug.
I. 19 ; Jacques de Vitry 92.
b « Et se combatent... de leur terre. » Isidore, Etym. IX. 2. 64 ; Jacques de Vitry 92.
c « Si ra aillors... n'ont point. » Jacques de Vitry. 92.
d « El bois d'Ynde... des bestes. » Jacques de Vitry 92.
e « Si i sont houmes... bien en yaue. » Jacques de Vitry 92.
F « Une autre grant... comme feu. » Soliri 20 ; Honorius Aug. I. 19 (44 peuples).
— 124 —
keue plus longue que n'a une pie1, et a i' bec courbé, et a grant langue
et fournie 2. Qui l'a joene 3, il le puet faire parler as genz dedenz *iv anz a.
[F0 63 a] Un autre oisel y a qui a non pellican, qui est aussi comme
touz chanuz. Quant il laisse ses poucins et il revient4 pour paistre les, si
comme il couvient, si les trueve 5 morz, ce li est avis. Lors fiche son bec
en son piz, tant que li sans 6 en raie hors, dont il resuscite ses poucins ».
En Hermenie a unes genz qui ont touz les chevels blans c. Gelé part
est -i* haut mont 7 ou li arches Noë se reposa quant li déluges 8 fu passez d.
Après vient [F0 68 b] Aise la menour 9 qui est tout entour clouse 10 de mer,
ou il a maintes régions e dont nous ne dirons pas les nons11 ci endroit. En
ceste siet Dardane ; et Frise, la ou Paris ravi Helaine, dont Troie la Grant
fu destruite qui est en la fin de Grèce. Celé part est Lychaonie F et une
autre cité qui Charie a non 12, ou uns granz flueves court qui a non Herme13,
dont la gravele est d'or luissant 14 g. De celé part devers la fin nous vient
la paillole qui est [F0 63 c] de fin or h.
Si a devers oriant d'autre part une manière de gent qui descendirent de
Juys 15, et sont unes genz vils et orz et puanz16. Si n'ont nulle femme17
espouse ne amie, pour ce qu'il ne croient pas que femme se puisse tenir a
•i* homme seulement sanz aler a autre. Si n'ont cure de femme, fors tant
qu'il puissent enfanz engendrer1.
Autres genz y a que l'en apele Barbarins ; et se18 font apeler «Jacobins,
pour Jacob qui fu leur [F° 63 ûfjmaistre. Et sontcrestienscorrumpuz, pour
] R : II a la queue plus longue que ung piê. — 2 R : et a sa langue grande et four-
gue. — :! B : jemne ; S : /'ajœne ; N: T'a jone. — 4 B : veviet. — 5 A : treieve ; B : trueve ;
G: treuve. — 6 B: sanc. — 7 B: haut moult. — 8 B: déluges. — 9 B: meneur. — 10 B:
close. — n A: nous. (Le manuscrit A a «no'», l'abréviation ordinaire pour «-us»;
B donne « nos » ; C : nome. L'erreur dans le manuscrit A est évidente. — 12 B : Lc'chaonie
et une autre région qui a a non Charie. — 13 B : gran£. — 14 B : hu'.sant. — 15 B : Jm's.
— 16 B: et une gen/ vi// et ort et puant (« sont » manque). — 17 B : i'ame. — 18 B: gui se
(« et » manque).
a « Li papegaut... dedenz -ii* anz. » Solin 51 ; Isidore, Etym. XII. 7. 24; Neckam I.
36, 38; Jacques de Vitry 90. Les passages « Dont li... que -iii' » et « Oui l'a joene... Mi'
anz » ne se trouvent pas dans Isidore.
b « Ln autre oisel... ses poucins. » Isidore, Etym. XII. 7. 26. Le passage « Un autre
oisel... chanuz » ne se trouve pas dans Isidore; Neckam I. 73, De Laud. II. 6o7 ; Jacques
de Vitry, 90.
c « En Hermenie... chevels blans. » Isidore, Etym. XIV. 3. 34. {A/bania); Honorius
Aug. 1. 19. (Albania).
d « Gelé part est... fu passez. » Isidore, Etym. XIV. 3. 35; Honorius Aug. I. 19.
Après le paragraphe sur l'arche de Noé, une nouvelle section du chapitre commence
dans le manuscrit en vers.
e « Après vient... régions ». Orosius I. 2 ; Gervaise de Tilbury t. TI p. 762, IL 6 ;
Honorius Aug. I. 20.
F « En ceste siet... Lychaonie. » Isidore, Etym. XIV. 3. 41 ; — Honorius Aug. I. 21.
G « et une autre... luissant. » Honorius Aug. I. 21.
n a De celé... fin or. »
i « Si a devers... engendrer. » Jacques de V., Hist. Hieros. 82. V. Introduction p. 41.
— 125 —
les mariages qu'il font as sarrazins qui sont près d'euls. Gelé gent pour-
prennent1 bien xl* règnes en touz sens. Il ne croient pas confession a nul
autre houme2 fors que a Dieu. Et quant il se confessent a Dieu, si metent
près d'euls feu et encens, et cuident que leur pensée 3 s'en aille en celé fumée
vers Dieu a. Mais il n'est pas ainsi comme 4 il le 5 croient ; ainz mescroient e
saint [F0 64 a] Jehan Bap^'ste qui premièrement les baptiza. Car il leur
couvenoit avant dire touz leur péchiez a lui mesmes 7, et puis recevoient
baptesme 8. Dont saint 9 Jehans10 meïsmes dist que, quant li hons distses
péchiez a *i* autre, celé vergoingne que il a de dire ses péchiez li est tour-
née en lieu de penitance et li est aleigence 11 de ses péchiez. Et se tient plus
de pechier quant il set que savoir lé couvient12 a *i* autre, ainz qu'il se
puisse acorder vers No-f/^0 64 b]stre Seingneur. Ce nous tesmoingne13
saint Jehans Baptistes qui, par baptesme14, nous rent quites envers Dieu
de noz 15 péchiez, et que nous soions espurgiez par confession ». Dont celé
gent que je vous di sont 16 deceùz. Car il ont mauvaisement receu 17 ce que
saint Jehans 18 leur ensaingna.
Gelé part sont une autre gent crestiens qui croient mieulz en Dieu, et
sont fort et puissant en bataille. Li sarrazin les doutent monlt dure-[F° 64 c]
ment et ne leur osent 19 riens mesfaire; ainz leur sont débonnaires et douz.
Gelé gent si ont a non Géorgiens ; bons crestiens sont, et si sont enclous
tout environ de genz mescreanz et félons. Et sont apelé Géorgien 20 pour ce
que il apelent touz 2i jourz 22 saint George en batailles et en estors 23 encontre
les sarrazins ; et si l'aorent24 et aimment seur touz autres sainz. Si ont tres-
tuit couronnes reses ; dont li clerc les ont reondes, et li lai [F0 64 d] les ont
quarrées. Quant il vont aorer 25 le sepulchre, li sarrazin n'en osent prendre
point 26 de paage, ne rien 27 seurvendre, qu'il doutent, quant il reven-
draient, qu'il ne le vendissent monlt chier as autres 28. Les gentix 29 dames
du pais s'arment seur les 30 bons destriés couranz et se combatent as sarra-
zin 31 avoec les autres chevaliers de Géorgie. Il ont auteles lois et autel lan-
g*uage 32 comme ont 33 les Grejois 34 c.
1 B: porprennent. — 2 B : homme. — 3B : pensées. — 4 B : comment. — 5 B : « le »
manque. — 6 B : « ainz mescroient » manque. — 7 B : meïsmes. — 8 B : « et puis rece-
voient baptesme » manque. — 9 A : s'. (L'orthographe usuelle du manuscrit A est « saint»
pour le nom. sing. m. : cf. f° 104 b « sain/ Pois», « sait Denis » ; f° 69 d « saint Bran-
dins ». — io B : iehan. — » B : aleiance. — 12 B : convient. — 13 B : Se^neur, et ce nous
tesmoigne. — 14> B : baptesme. — 15 B : a Dieu de non. — 16 B : snnt. — « B : retenu. —
18 B : Jehan. — 19 B : ossent. — 20 B : apeles Géorgiens. — 21 A : tourz : cette forme est
isolée dans le manuscrit A, cf. f° 31 a; B: tous. — 22 B: jours. — 23 B : estonrs. —
24 B : l'aourent. — 2s B : aonrer. -»B: point prendre. — 27 B : riens. — 28 R : pour ce
qu'ilz doubtent que, quant ilz repasseroient, qu'ilz ne les en paiassent chierement. — » B :
gentils. — 30 B : leur. — 31 B : sarrazins. — 32 B : langage. — 33 B : « ont » manque. —
34 G: grejois.
a « Autres genz... vers Dieu. » Jacques de Vitry 76.
b « Mais il n'est... par confession. » Jacques de Vitry 76 ; Saint Matthieu III.
c « Dont celé gent... les Grejois. » Jacques de V. 80.
126 —
11 G A.
Des poissons d'Ynde.
[F0 65 a] En la mer d'Ynde a une manière de poissons qui ont en leur
piaus peus si Ions 1, que les genz en font vesteûres pour euls vestir, quant
il les ont pris B.
Uns autres poissons i ra qui sont eschinuz2*, qui n'ont mie plus d'un
pié de lonc, qui ont tel vertu que quant li uns s'en 3 prent a une nef, ele
ne puet aler avant 4 n'arieres f-.
Si i ra uns autres poissons que les genz apelent daufins ; que, quant
la tempeste doit venir [F0 65 b] et les nés sont en perill 5 de noier, si s'ape-
rent desus 6 l'yaue et se jeuent 7 as ondes d.
Si ra en la mer *i* poison 8 si grant et si merveilleus e qu'il * croist desu&
son dos terre et herbe, et samble que ce soit une grant ille 10. Dont la gent
qui vont par mer sont aucunes foiz deceûz ; car il cuident que ce soit
terre. Si s'atraient celé part. Et quant il ont fait leur atrait de feu et de
log"es et de ce que mestiers leur est, comme cil qui cuident estre a [F0 65 c]
terre, si alument lor11 feu et font leur cuisine. Mais quant li poissons sent
le feu, si s'esmuet si soudainement 12 et se fiert en parfont en l'yaue, si
qu'il afonde tout, quanque il13 a sus lui. Et ainsi14 sont les nés paries15 et
les genz noiez qui cuidoient estre a sauveté F.
Autres poissons y a qui ont tresces et cors de puceles jusques au nom-
brill, et, par desoz le nombrill16, de poisson17, et eles 18 d'oisiaus. Si
est leur chant si biaus et si douz que ce est merveilles a oyr19; et sont
8l-[F° 65 a7] pelées seraines 20. Si dient les uns que ce sont poissons ; les autres
1 B : si Ions peus. — 2 A : eschina/r; B : eschmuz ; C: eschinuz ; S : eschinus ; N:
eschinus. — 3 B : « en » manque. — 4 B : «'avant. — 5 B : péril. — 6 B : dedenz. — 7 B :
juent. — 8 B : poisson. — 9 B : qui. — 10 B : ysle. — u B : leur. — l2 B : soudainement.
13 B: quanqa'/l. — 14 B : ainsinc. — 15 B : peries. — 1G A: « et par desoz le nombrill»
manque. — 17 B : poison. — 18 A et B : et d'eles ; C : et d'elles ; N : et d'elles. Sloan,
Arundel et Harley : et eles... — 19 B : oir. — 20 B : serai/mes.
* « eschinui'z » : ui = u est une forme graphique qui se trouve fréquemment dans les
textes angln. Stimming en donne de nombreux exemples (o. c. p. 190, 192, 193). « Es-
chinuiz » est isolé dans le manuscrit A et nous ne pouvons pas confirmer ce mot sous
cette forme par d'autres textes.
A [Fo 64 d — 65 d = Vers 2822-2862.]
b « En la mer d'Ynde... les ont pris. » Jacques de V. 90.
c «Uns autres poissons... n'arieres.» Isidore, Etym. XII. 6; Jacques de V. 90;
Neckam II. 34. 43.
d « Si i ra... as ondes. » Isidore, Etym. XII. 6 ; Jacques de V. 90; Neckam II. 27. 28.
e « Si ra en la mer... merveilleus » Isidore, Etym. XII, 6 ; Jacques de V. 90.
F « qu'il croist... a sauveté. » Jacques de V. 90.
— 127 —
dient que ce sont oisiaus qui volent par mer1. Mais je ne vous en2 dirai
ore pins. Ainz parlerons des arbres d'Ynde.
ii H a.
Des arbres d'Ynde*.
En Ynde croist uns arbres monlt granz et monlt biaus et monlt souef *
flairanz, que l'en apele palmieres 5, qui portent dates. C'est -i* fruit monlt
bon et moult sain B. Si i a uns pommiers qui sont si plain G de pommes
longues qui ont monlt bonne oudeur 7, et s'entre- [F0 Contiennent bien -c*
en -i* mont8; dont les fueilles 9 qui naissent de ces pommiers ont *ii* piez
de lonc et -i" pié 10 de lé11 c. Autres pommes 12 y a, moult granz et moult
grosses, ou le mors d'un homme apert dedenz atout les denz. Et les claime
l'en pomes d'Adam13, par14 la raison que li mors pert en la poume15°.
Autres arbres i sont qui portent pommes qui sont moult bêles dehors, et
dedenz si le est tout cendre E.
Les ving-nes i sont si portanz, que les gra-f/^0 66 6]pes en 17 sont si granz,
que dui homme en sont bien chargiez de porter ent 18 une seule a pié a leur
cols19 en -i* tinel F. Si y a petiz arbruissiaus que l'en y saimme20 chascun
an, qui portent le coton. Si i croist unes canes granz qui sont par dedenz
toutes plainnes21 de çucre g.
A l'un des chiés de Babyloinne 22 croist li basmes qui est moult chiers.
Et le coultivent23 li crestien qui sont prisonnier 24 en la terre. Et dient bien
li sarrazin, qui souvent [F0 66 c] l'ont fait esprouver, que, quant il le
font coultiver25 a autres g*enz qu'a crestiens, qu'il ne portent26 riens en
l'année H.
1 B : par la mer. — 2 A : « en » manque. — 3 B : « Des arbres d'Ynde » manque.
4 B: sœf. — 5 B: palmiers. — 6 B: plains. — 'B: odeur. -«A: -i- moult; B, C, N : i-
mont. — » B : fuilles. — w B : « pié » manque. — n B : large. — 12 B : powmes. — 13 B :
poumes d'Adarc. — l4 B: pour. — 15 B: pomme. — 16 B : « si » manque. — 17 B : i. —
18 B : en. — ^«B : couls; G: &vadue a leur col. — 20 B : saime. — 21 B : plames. — 22 B :
Babylome. — 23 B : coaiivent. — 2* B : prisonniers. — 25 B : quant il ont fait coultiver.
— 26 B : porte.
a [F° 65 d — 67 c = Vers 2863-2936.]
b « En Ynde croist... moult sain. » Jacques de V. 86; Neckam II. 74.
c « Si i a uns... pié de lé. » Jacques de V. 86
d « Autres pommes... en la poume. » Albert le Grand, De veget {Opéra omnia, Paris,
1891, vol. 10) VI. 1. 30; Jacques de V. 86.
e « Autres arbres... tout cendre. » Solin 35; Isidore, Etym. XIV. 3. 25 ; Jacques de V. 86.
f « Les vingnes... en -i- tinel. » Nombres XIII. 23 ; Jacques de V. 87 (p. 175 [éd. Douai,
1597] : Vites etiam in partibus illis tantse magnitudinis botros seu racemos producunt,
quod plures homines in vecte vix unum possent sustinere).
G <Si y a petiz... de çucre. » Solin 24, 50 ; Jacques de V. 86.
h « A l'un des chiés... en l'année. » Jacques de V. 86.
— 128 —
Et en cel champ, ou li basmes croist, dient qu'il sourt une fontainne
ou nos^re dame baingna son fill ; et de celé fontaine 1 est li basmes arrou-
sez2; ne ailleurs n'en peut3 l'en point porter4 qui porte fruit ne qui riens
vaille A.
En celé terre a uns autres arbres qui, en lieu de fueilles 6, portent une
lainne dont l'en fait [F0 66 d] dras biaus et soutis; de quoi e les genz font
cotes et mantiaus dont il se vestent B. Si y sont autres arbres qui portent
fruit moalt souef flairant, qui repont son fruit par nuit en l'arbre, et re-
vient au matin quant li soulaus 7 est levez c.
Uns autres arbres i croissent8 dont li charbons 9 qui en sont espris durent
en leur cendre *i' an entier sanz amenuisier ne sanz estaindreD. Si y a
cèdres et ebanus qui ne peuent10 porrir, si comme l'en dits. [F0 6j a]
Autres arbres y a moult glorieus et monlt bons, qui portent clos de girofle u
et noz muguetes12 et cubebes ; et de leur escorce est la canele, et de leur
racines est li garingal et li cytoual et li gyngiembres 13 F. La croissent les
bonnes espices 14 de toutes manières. Noiz i croissent qui sont ausi grosses
comme grosses poumes15. Et autres qui sont autresi grosses comme *r
homme a la teste g.
Des arbres qui sont en paradis ne savons 16 [F0 67 6] nous quel fruit il
ont. Celui dont Eve ot si grant envie que ele en manja17 outre le comman-
dement de Dieu, y est 18. Li autres est li arbres de vie dont nous avons parlé
ci devant. Tant y a des autres arbres si bons et si delicieus, qu'i19 samble
que Diex soit laienz. Mais il y a si bone 20 garde que uns anges Nos/re
Seigneur en garde l'entrée, l'espée toute ardant en sa main, que nus ne
s'en aille aprochant21, ne beste, ne homme, ne mal esperit, pour son délit
1 B: fontainne. — 2 B: arousez. — 3 B : ne puet. — 4 B: planter. — 5 A: feueilles.
c B: coi. — 7 B: soleus. — 8 A, B, G : croissent; S: sont ; Sloan : renés/; Harley :
recrest ; Arund.: rescroist. — 9 B: charbon. — 10 A: peeunt ; B: puent; G: peuent. —
11 B: clous de gyrone. — 12 B : et noix muscades. — 13 B : gyngrebres. — ]* A : esp(/es.
— 35 B : pommes. — 16 B : savon. — 17 B : menja. — 18 A, N, B : « y est » manque ; G :
de Dieu, y est. — 19 B: qu'il. — 20 B: bonne. — 21 B : aprouchant.
a « Et en cel champ... riens vaille. » Jacques de V. 86.
b « En celé terre... il se vestent. » Solin 24. 50 ; Isidore, Etym. IX. 2. 40 ; Jacques
de V. 86.
c « Si y sont... est levez. » Jacques de V. 86.
d « Uns autres... estai ndre. »
e « Si y a cèdres... comme l'en dit. » Isidore, Etym. XVII. 7. 33, 36 ; Jacques
de V. 87 ; Neckam II. 83.
f « Autres arbres... gyngiembres. » Jacques de V. 86 (Douai, 1597, p. 172) : ...Qua-
rum fructus sunt gariophili, nuces muscatu, cassia fistula, caldamomum, piper album...
Sunt aliœ arbores quarum radiées sunt zingiber, galanga et zedoaria, quœ vulgariter
citouart appellatur ; Neckam, De Laud. VIII.
G « Et autres qui... a la teste, » Jacques de V. 87.
— 129 —
\F° 67 c] faire laienzA. Mais atant nous1 en tairons; si parlerons d'Eu-
rope 2 et de ses contrées.
iii ».
D'Europe 3 et de ses contrées.
Puis qu'Aise devisée avons, si vous deviserons d'Europe 4 leg-ierement
pour 5 tost finer. Car nous en oons parler souvent 6.
Li premiers lieus d'Europe 7, si est Romanie, et une partie de Gonstân-
tinoble8; Rethe, Corinte et 9 Macédoine, Thesale, Boeme et Saxoine10;
et Espire ll, une 12 mowlt sainne 13 terre. En celé terre sourt une [F0 6j d]
fontamne ou l'en ne peut14 estaindre tisons arda/zz ne les charbons vise.
En Archadie15a une pierre que l'en ne peut16 en nulle manière du monde
estaindre, puis que est17 esprise, tant que\e est trestoute en 18 cendre D.
Puis est Danemarche, et Hongrie, Osteriche; et puis Germanie qui a
maint règne vers occident. Si i est Soabe et Alemaingne l9, ou une eave
sourt 20 qui a non Dunœ21, qui s'espant et court par -vii- flueves e. Si i est
Yllande22, Escoce [F0 68 a] et Angleterre23, et toute France, et toute la
terre qui est jusques as monz de mont Geu 24 f. Tant tient de lieu Europe.
Or vous deviserons d'Aufrique.
ivG.
D'Aufrique et de ses régions.
Après Europe est Aufrique. Si en est Libe 25 li premiers lieu, une terre
mowlt riche et bien g-arnie. Après vient la terre de Surie, Jherwsalem 26 et
1 A: nons. — 2 B: de Europe. — 3 B: de Europe. — 4 B: de Europe. — 5 B: por.
— 6 B: o/ons souvent parler. — 7 B : de Europe. — 8 B: Constentin noble; S: Gonstentin-
noble; Harley : Constantinoble. — 9 A: Bececorinde; B: Betecorinde ; C : Betecorindet ;
N: Betecorinde; Arund: Bechecorinde; Sloan: Bece Gorinde ; Harley: Bethe Corinte.
— 10 A : Saproine (aussi B, G et N) ; Arund : Sarroine ; Sloan : Sapoine ; Harley : Saxoine.
— n A : et Pirre (« et aspire » a été préféré à cause du f° 81c). — l2 A, B, G: et une...
Harley, Arund., N: «et» manque. — 13B: saine. — 14 B: puet. — 15 A: Achardie; B, G :
Archadie. — 16 B: puet. — 17 B: puis que ele est... — 18 B: tant qu'ele soit toute arse et
trestoute en... — 19 B : Alemaine. — 2° B : */aue court. — 21 A : Dunofe; C: Dunda? ; B,
Arund., B, N: Dunœ; Harley: Denœ; S: Dynœ. — 22 A: Harley, B: Yllande; B,
Sloan: Yslande ; C, N: Illande; S, Bruxelles 10971 : Irlande. — 23 B : Angletere. —
24 B: nions de mont Gieu. — 25 Harley: hïbie. — x B : Jérusalem.
A « Des arbres... faire laienz. » Genèse III.
b [F°67c — 68 a= Vers 2937-2960.]
c « En celé terre... charbons vis. » Honorius A. I. 27 (In Epiro est fons...) ; Nec-
kam II. 6.
d « En Archadie... en cendre. » Solin 7 (asbesto nomen est); Isidore Etym. XVI. 4. 4;
Neckam II. 86 : Honorius A. I. 27.
e « Si i est Soabe... flueves. » Honorius A. I. 24.
F «jusques... Geu. » V. Introduction p. 4L
G [Fo 68 a — 68 c = Vers 2961-2986.]
— 130 —
le pays x environ ; la terre la ou Diex fu mort 2 et vis. Et puis Grèce 3, Lom-
bardie, Toscane, Alixandre, Gascoing-ne, [F0 68 b] Espaingne A et mainz 4
autres bons 5 pays que je ne vous devise pas.
Si y a citez et régions qui prennent leur nons 6 de bestes qui habitent
en celé terre. Si en ont 7 les citez formes 8 prises : Dont 9 Roume 10 a fourme
de lyon, et Troie la grant fourme de cheval ».
Ethyope siet vers la fin d'Aufrique, et prent la fin. En cel pays a unes
genz qui sont plus noir11 que poiz 12 ne arrement. Car il fait si chaut celé
part qu'il 13 samble que la terre y14 arde c. Delà Ethyope n'a [F0 68 -c]
riens fors que deserz et terre sanz nul bien, plainne de vermine et de bestes
sauvages ». Et se termine vers la grant mer.
De 15 diverses i/lles1G de la mer.
Puis que nous avons descripte la terre est devisée, si devons enquerre
des viles de la17 mer, de celés dont nous savons les nons18, dont il en
a maintes par la mer.
Une monlt grant vile, qui a a non Avidos, est contre Europe. Et puis
Colcos, ou la toison d'or fu trouvée, si comme [F0 68 d] l'en raconte en
l'estoire de Jason. Une autre en y a qui Naaron 10 a non. De celé fu nez
mon seigneur saint Denis, qui fu 20 décollez 21 en France F.
Contre Aise la grant en a cinquante quatre; mes nous ne les vous de-
visons 22 pas toutes g. Une en y a qui a a 23 non Delos, qui aparut 24 pre-
mièrement après le déluge, quant il descrut h. Une autre en y a qui a non
1 B : pais. — 2 B: mors. — 0> R: Grèce, Cyppre, Sezille, Tocane, .Yaples, Lombar-
<lie, Alexandrie, Gascongne, Espaigne, Caste longue, Galice, Navaire, Portingal et plenté
d'aultres. — 4 B: Espa/gne et mains. — 5 B: hon. — 6 A : «nons » manque. — 7 A : Si
en nonl. — 8 B : fourmes. — 9 A : 7'ont. — 10 B : Romme. — n B : noirs. — 32 A : poiez;
« poiez » : cette forme est isolée dans le manuscrit A; nous trouvons « poiz » f° 60b. —
13 B : ipi/.— 14 e : i. — «* B : des. — » B : //les.— » B : « la » manque. — « A : nous.
19 A, B, N, B, Harley : Naaron ; Arnndel : Faron ; C: Anon. V. Introduction p. 41 pour
ce nom. — 2(> A: « f u » manque. — 2l B : deco/ez. — ~ B : deviserons. — 23 B : «a»
manque. — -4 B: apparut.
a « Et puis Grèce... Espaingne. » V. Introduction p. 41 s.
b « Si y a citez... cheval. » Gervaise de T. (t. II p. 767) II. 9; Honorius Aug. I. 28.
C « En cel pays... y arde » Jacques de V. 92.
d « Delà Ethyope... sauvages. » Honorius Aug. I. 33.
E \F° 68 c — 71 a = Vers 2987-3106.]
F « Une autre en y a... décollez en France. » Pline IV. 12. 22; Honorius Aug. I. 34.
V. Introduction p. 42 s; Isidore, Etym. XIV. 6.27.
G « Contre Aise la grant... pas toutes. » Isidore, Etym. XIV. 6. 20 (donne 53);
Honorius Aug. I. 34.
h « [Jne en y a... descrut. » Isidore, Etym. XIV. 6. 21 ; Honorius Aug. I. 34.
— 1Ô1 —
Meloth. Et est ainsi apelée pour la g-rant * mélodie que l'en y ot du
douz chant des oisiaus \F° 6g a\ qui la sont. Si i croist li marbres blans a.
Si i est une vile 2 qui a non Psalmos, dont la royne 3 sébile fu, qui mainz
moz 4 j>rophecia de Jhesu Grist, lonc tans avant ce que il nasquist 5 en
terre, a Roume 6 ou ele fu mandée. En celé ylle 7 fu controuvée première-
ment la matere 8 de faire les poz 9 de terre que l'en fait enquore en mainz
pays 10. De celé fu Pythagoras u, uns granz phylosophes 12 qui trouva les
poinz et les cas de mu-fT^0 6g 6]sique ».
En Aufrique en a une autre qui est apelée Sardainne 13, ou une herbe
croist ; qui en menjue, si meurt 14 en riante. Une autre en y a 15 qui a non
Bosus, ou 16 il n'a serpant 17 ne vermine D. Si y a une 18 autre qui Coulo/n-
bine19a non qui est toute plainne de vermine et de serpanz e. Si en y a
une autre qui est monlt longue et mowlt lée, qui a non Haleares. En celé
ylle 20 fu premièrement controvée la fonde F. Si i est l'ylle 21 de Meroes
qui en 22 \F° 6g c] milieu du jour n'a point d'ombre. Si a -i' puis en celé
ylle23, qui par droit nombre a *vii* piez de lé et 'c piez de parfont. Et i
luist li solaus 24 jusques au 25 fonzo. Si en y a une autre qui a non Cyl-
la 2e, ou li cyclopien furent jadis ".
Une autre ylle27 a celé part si g-rant, si coAnme Platons nous tesmoing-ne,
qui fu clers 28 de monlt grant renommée, qu'en celé ylle 29 ot plus de pour-
pris que en toute Europe ne en 30 toute [F0 6g d\ Aufrique. Mais ele fu
1 B: « grant » manque. — - B: ysle. — ?> B: rayne. — i B: «moz» manque. —
h B : naqu/. — 6 B : Bomme. — 7 B : ysle. — 8 B : ma/i'ere. — 9 A : les porz. — 10 B :
mains pazs. — n B : P/thagoras. — 12 B : phiVosophes. — 13 B : Sardame. — i* B : muert.
— 15 B: « en y a » manque. — 16 B : Bosus en y a, ou... — 17 B: serpent. — 18 A : un
autre ; B: une autre. (Quoique « ylle » ait les deux genres, le manuscrit A emploie toujours
le féminin. Ce cas-ci est douteux, comme il ne s'agit, probablement que d'une élision devant
la voyelle: un'autre. — 19 B: Colombine. — 2° B: ysle. — 2* B : y.«?le. — 22 b : c/. — ™ B:
ysle. — 24 B : Et il luist le souleill. — 25 B: as. — 2C B: uw autre qui a a non Cilla. —
27 B: ysle. — 28 B: tesmo/gne qui fu *r clerc. — 29 B : que en celé ysle. — * B: qu'en
tote Europe n'en...
A « Une autre en y a... marbres blans. » Isidore, Etym. XIV. 6. 28 ; Honorius Aug.
T. 34. V. Introduction p. 43.
b « Si i est une ylle... musique. » V. Introduction p. 43. Isidore, Etym. XIV. 6. 31.
Honorius Aug. I. 34.
C « En Aufrique... si meurt en riant.» Vincent de Beauvais, Spec. Histor. I. 83 (Douai,
1624) ; Isidore, Etym. XIV. 6. 39 ; Honorius Aug. I. 36 ; Neckam II. 62.
D « Une autre en y a... vermine. » V. Introduction \i. 43 ; Isidore, Etym. XIV. 6. 43 ;
Honorius Aug. I. 36. . *
e « Si y a une autre... serpanz. » V. Introduction p. 43 ; Vincent de Beauvais (Colu-
braria), Spec. Hist. I. 83 ; Isidore XIV. 6. 43 ; Honorius Aug. 1. 36.
f « Si en y a une autre... fonde.» V. de Beauvais, Spec. H. I. 83; Isidore, Etym.
XIV. 6. 44 ; Honorius Aug. I. 36.
G «Si i est l'ylle... au fonz. » Pline II. 183 [Syene civitas) ; Gervaise de T. (t. II
p. 759). II. 9 ; Honorius Aug. I. 36.
h «-Si en y a une autre... jadis. » Isidore, Etym. XIV. 6. 32-33; Honorius Aug. I. 35.
— 132 —
puis si toute destruite et derompue, si comme Diex le voult, qui la fondi
pour les péchez1 des genz qui y habitoient. Et est la mer Betée la endroit a.
Une autre ylle i'est que2 l'en ne puet veoir quant l'en i veult aler. Et au-
cune foiz la voit l'en, et3 l'apele l'en l'ylle4 perdue. Gelé ylle5 trouva saint
Brandins qui vit dedenz maintes merveilles6, si comme sa vie le deviseB.
Et qui le voudra savoir, si lise dedenz.
\F° yo a] Par de ça ra mainte bonne ylle7 : celé de Chipre y8 est, et
celé de Sezille9, et autres assez qui sont par la mer10, qu'il11 ne couvient
pas nommer ci endroit.
Si ne vous12 merveilliez mie d'aucunes choses que vous avez oyes, qui
vous18 samblent mou\t sauvages14 et moult diverses. Car Diex, en cui15
tuit li bien sont, a fait en terre16 maintes merveilles dont l'en ne set
enquerre raison. Et pour ce ne devons nous mescroire riens [F0 yo b] tant
que l'en sache s'ele est voire ou fausse. Ce n'est pas maus17 se li lions
mescroit aucunes18 foiz19 choses20 dont il ne sache la vérité, mais que ce
ne soit encontre la foi. Car bonne chose est a Tomme21 entendre a ce qu'il
puisse aprendre et savoir aucune chose dont il ne soit pas esbahiz quant il
en orra parler, et dont il sache a22 dire la vérité. Car tout ausi comme il
vous samble que ce est granz28 merveilles que je vous conte ci, ausi
resamble il a ceuls de [F0 yo c] la que les choses de ça sont moult
diverses; et moult s'en merveillent pour ce qu'il en ont poi24 veiï. Si ne se
doit pas li hons merveillier se il ot a la foiz aucune chose ou il ne puisse
entendre raison. Car touz jourz25 doit li hons aprendre. Car il n'est nus26
qui tout puisse savoir, fors Diex qui tout voit et tout set.
Li jaiant27, qui sont en aucuns lieus^ont moult grant merveille de nous,
de ce que nous sou mes si petit28 envers euls. [F0 yo d.] Ausi comme
il nous samble de ceuls qui sont la moitié plus petit29 de nous, si comme
l'en nous30 dit. Ce sont li pigmain qui n'ont que 'in* piez de lonc. Ausi se
merveillent il de ce que nous soumes si grant11, et nous tiennent aussi pour
jaia/iz82. Cil qui n'ont que *r œill et mr pié se merveillent moult de ce que
1 B : péchiez. — 2 B: ysle y a que. — 3 B: en. — 4 B: y.sle. — 5 B: y.sle. — 6 B
Brandains qui maintes merveilles vit dedenz. — " B: y.sle. — 8 B: Chypre i. — 9 B
Sezi/e. — 10 B : « qui sont par la mer » manque. — n B: qui. — 12 A : vorcs. — 13 B
« vous » manque. — 14 B: sauvages a vous. — 15 B : ^ui. — m B : terres. — 17 B: fausse
ou voire. Ce ne pas m au/s. — 18 B: m'escroist aucune. — 19 B: « foiz » manque. —
20 B : chose. — 21 B : Tourne. — 22 B : « a » manque. — 23 B : grans. — 2i B : poa. —
25 B: jour.s. — 26 A : il n'est mis ; B: il n'est nus; C: car y n'est nuls. — 27 B : jaans. —
28 B : sommes si petis. — ^ B : petis. — :î0 B : l'en le nous. — 31 B : grans. — 32 B : jaans
A « Une autre ylle... la endroit. » Platon, Critias 113 e ; Timèe 25 a ; Honorius Aug.
I. 36 (mer Betée = Concretum Mare). V. Introduction p. 43.
b « Une autre ylle i est... le devise. » Gervaise de T. t. I, p. 919. II. 11 ; Honorius
Aug. I. 36. V. Introduction p. 43.
Le reste de ce chapitre est plus ou moins une traduction de Jacques de V. 92.
— 133 —
nous en avons *ii-. Ausi comme nous nous merveillons de ce qu'il n'en ont
que *i\ Et ausi comme nous devisons leur [F° yia] bestes et les nommons
par leur nons1, ausi devisent il les nostres par les leur de cors et de
membres. Si li centicores a piez de cheval, ausi ra li chevals piez de cen-
ticore. Et si poons enquore bien dire que li chevals a piez 2 de mono-
theros. Car il s'entreresamblent 3 de corsag-e4. Et ausi leur resamble il de
noz 5 bestes que eles sont diverses de testes et de cors et des 6 membres.
vi AA.
Des diversités qui sont en Europe et en Aufrique.
[F0 7/ b] Nous avons maintes choses par de ça dont il n'ont par de la
nulles. Il a devers Yllandeseur7 la mer uns oisiaus qui volent; et croissent
en8 arbres par les bés; et quant il sont presque meûr9, cil qui chieent
a terre ne pueent vivre, et cil qui chieent10 en yaue vivent».
En Yllande11 a une grant ylle ou il n'a ne serpant ne maie 12 beste. Qui
porte de la terre de celé ylle en autre13 terre, la vermine i est tantost mortec.
Une14 autre en i ra qui est bien loing- en mer, ou nulles15 femmes ne
[F0 71 c] pueent demourer16. Neïs les oisiaus qui sont femeles17s'en traient
en susD.
Si en y a une autre ou nulles18 genz ne pueent mourir19 en nul tans20
du monde. Mais qnant il sont si vieill et si crollant21, et que les menbres
leur duelent tant qu'il ne se pueent aidier ne euls soustenir, et que il 22 ont
plus chier a mourir que a23 vivre, si se font porter en une autre ylle pour
mourir24, outre celé qui a non TylleE. Et li arbre qui sont [F° 71 d] en
celé25 ylle tiennent leur fueilles en verdure tout tans26, et yver et esté.
Gelé part n'a que -i' jour en l'an, dont la nuit dure -vi* mois entiers toute
1 A : nous ; B: nons; G: no/nz. — 2 B: cors. — 3 B: s'entreressamblent. — 4 B :
coin-sage. — 5 B: nos. — 6 B : de. — 7 B: Yslande .sur. — 8 B: as. — 9 B : meurs. — ™ A:
cil qu'il chieent ; B : cil qui chieent a terre ; G : cil qui cheent a terre ; A : « a terre
ne pueent vivre, et cil qui chieent » manque; B : ne pueent vivre, et cil qui chieent... ;
G: ne peuent vivre, et cilz qui cheent... — n B : Yslande. — 12 B : serpans ne ma//e. —
13 B: en •»• autre. — 14 B : uw. — 15 B: nu/es. — 16 B: demorer. — 17 B : femmeles. —
M B: nu/es. - «B: morir. — 20 B: tens. — 21 B: croulant.—22 B : qu'il. — ™ B : morir
qu'a. — m B : morir. — 25 B : «celé. — 26 B: « tout tans » manque.
a [Fo 7îa—72c= Vers 3107-3178].
b « Il a devers... en yaue vivent. » J.acques de V. 92 (In quibusdam partibus Flan-
driœ) ; Neckam I. 48 {De Bernekke) ; Giraldus Gambrensis, Topographia Hibern. I 15 (De
bernacis) {Opéra éd. Demock. Londres, 1861-91. 8° vol. 5).
c «En Yllande... tantost morte.» Jacques de V. 92; Neckam, De Laud. V. 884;
Giraldus Gamb. Top. Hib. I. 28-31.
d « Une autre en i ra... traient en sus. » Giraldus Gamb., Top. Hib. II. 4.
E « Si en y a... qui a non Tylle. » Giraldus Gamb., Top. Hib. II. 4.
— 134 —
obscure. Et puis vient li jours1, qui autretant dure -vi* mois, autresi
luisant et cler a.
Un autre leu 2 a en Yl lande qui art comme feu nuit et jour, que en3
apele le purgatoire saint Patrice. Si est si perilleus que se aucunes g-enz
vont, qui ne soient bien confès et bien repentanz4, tantost sont raviz et
[F0 y 2 a] perdnz, que l'en ne set 5 que il devienent 6. Et se il est confès et
repentanz, si vait 7 outre, et passe par8 mainz tourmenz9, et s'espurg-e
de ses péchiez ; et que plus a fait de péchiez plus li sont grief li torment a
passer. Et quant il est revenuz arriéres10 de celé purg-atoire, jamais ne li
plaira chose qu'il voie au siècle, ne ne rira. Mais adès est en pleur et en
g-emissement u pour les péchiez que les g-enz font, et pour les maus qu'il12
leur voit faire b. En \F° yc2 b] celé13 ylle a une grant montaing-ne de
souffre 14 qui art de jourz et de nuit.
En Bretaing-ne si a, ce dit l'en, une fontaine 15 et 'i* perron 16 que, quant
l'en giete l'yaue de celé fontainne17 sus le perron, si commence a plou-
voir, et a venter, et a tonner, et a espartirc. La endroit ot une manière de
g-enz18 qui avoient keues par darrieres19».
Si ra l'en veïi en France une manière de g-enz 20 qui furent cornuzE.
Si ra unes femmes devers les monz de Mont Gieu qui ont boces souz les
[F0 y 2 c mantons21 qui leur pendent jusqu'aus mammeles, et sont pour
belles22 tenues la endroit F. Autres g-enz y a qui ont granz boces seur23 le
dos, et sont ausi courbés comme24 croces<*. Et cil qui voient toutes ces
choses souventes foiz ne s'en merveillent g-aires. Si voit l'en aucunes foiz
sourz et muez naistre, et g-enz qui ont nature d'o/nme et de femme. Et si
ra l'en vei'i souvent aucunes25 g-enz naistre sanz braz et sainz 2e* mains
27
1 B: le jour. — - B : lieu. — :i B : que /'en. — 4 B : repetanz. — 5 B: soit. — 6 B :
deviennent. — 7 B: set. — 8 B: « par» manque. — 9 B: tormenz. — 10 B : arrière. —
11 B: est en gemissemenr et en plaer. — l2 B : mau/.s qui. — 1S A: ce; B: /celé; C: celle
(« ce » = « celé » est un cas isolé dans le manuscrit A. Nous mettons « celé », la forme
ordinaire du manuscrit. — l4 B : sueffre. — 15 B : fonta/nne. — 16 B: p/erron. — 17 B : fon-
taine. — ]s B : gent. — 19 B: derrières. — 20 B: cent. — 21 B : mentons. — 22B: be/es. —
23 B : sur. — 24 B : comment. — 25 B : cTaucunes. — 26 B : sanz ; C : sens ; A : sainz. —
27 B : mainr.
« Sa/nz » n'est pas isolé dans les ms. A : nous le trouvons déjà f° 20 d. Cette forme est
conlirmée par de nombreux exemples dans d'autres textes (cf. Burguy, II p. 364, Bartsch p. 62).
a «Et li arbre... luisant et cler. » Solin 16 (De Hi/perboreis) ; Honorius Aug.
I. 31 ; Jacques de V. 92. V. Introduction p. 44.
b « Un autre leu... leur voit faire. » Neckam De Laud. V. 893. (Les passages « Si est
si... devienent » et « Et quant il est... voit faire » ne se trouvent pas dans Neckam) ;
Giraldus Camb., Top. Hib. II. 5 ; Jacques de V. 92.
c « En Bretaingne... espartir. » Jacques de V. 92; Neckam II, 7; Giraldus Camb.. Top.
Ifib. II. 1
d (f La endroit... par darrieres. » V. Introduction p. 44 ; Jacques de V. 92 (in Majori
Drittania).
e « Si ra l'en veû... furent cornuz. » Jacques de V. 92.
F (.( Si ra unes femmes... la endroit. » Jacques de V. 92. V. Introduction p. 44.
a « Autres genz y a... croces. » Jacques de V. 92.
— 135 —
vi ba.
De la manière des testes.
[F0 y 2 d.\ Li g-ourpix 1 a tel manière qu'il s'en vait as chans * et
s'estent comme morz pour prendre les oisiaus ».
Quant li cers veult renouveler son aag-e, si menjue aucune serpant3 c.
Se bouteriaus ou yraingme mort Tomme, li hons en prant4 souvent la
mort d. La salive d'oume g-euné 5 tue communément l'yraing-ne et le
bouterel.
Se uns leus6££ uns hons s'entrevoient de loing-, celui qui est premiers7
veiiz si enroe E. Li leus [Ft j3 'a] enporte la berbiz 8 sanz mal faire, qu'il 9
ne soit aparceûz 10, et puis la deveureenson repos quant il l'a portée jusqwes
au 1X bois F.
L'yraing-ne trait de ses entrailles le fill12 dont ele fait ses trailles pour
prendre les mouches que ele menjue^.
Quant la sing-esse a "li* faons, si en aimme l'un plus que l'autre. Ele
porte l'ainzné entre ses braz, et li autres la sieut a pié au mieulz 13 qu'il
peut14 h.
Li chiens g"«rde les biens son seigneur15, qu'il n'ont g'arded'ou-ji^0 j3 b]
mes 16 ne de bestes. Et si reconnoist son seing-neur, et l'aimme seur touz
autres, et de si grant amour,, que souvent avient qu'il ne le veult g-uerpir ne
a droit ne a tort devant la mort. Et tant se dueldra de sa mort, qu'il en
muert souventes foizL Si a en Angleterre en aucuns lieus une manière de
chiens qui vont querre les larrons la ou il les truevent J.
La mustele, qui est petite beste, occit17 le basilique et se combat tant
1 B: goupix. — - B: chans. — 3 A: aucune serpant; B: aucune serpant (« serpant »
est tantôt masculin, tantôt féminin dans les manuscrits. Cette variation de genre est con-
firmée. Cf. f° 56 a). — 4 B: prent. — 5 B : d'omme geun. — 6 B : lieus. — 7 B: premier.
— s B: brebiz. — 9 B: qui. — i° B: aperceùz. — « B: a». — « B: fi/. — 13 B: miej?.
— 14 B : puet. — 15 B : seiwgneur. — 16 B : ommes. — 17 B : ocit.
a [F« 72 c— 73 d= Vers 3179-3231.]
b « Li gourpbt... les oisiaus, » Jacques de V. 92; Neckam II. 125. Isidore, Etym. XII.
2. 29.
c « quant li* cers... serpant.» Solin 19; Jacques de V. 92; Neckam II. 136. De
Laud. IX. 133.
d « Se bouteriaus... la mort. » Jacques de V. 92.
e « Se uns leus... si enroe. » Jacques de V. 92; Isidore, Etym XII, 2, 24; Neckam II .
153. De Laud. IX. 117. Ce passage manque dans le ms. en vers.
f « Li leus enporte... jusque» au bois. » Jacques de V. 92.
G « L'yraing-ne... menjue. » Jacques de V. 92 ; Neckam IL 113.
h « Quant la singesse... qu'il peut. » Solin 27 ; Jacques de V. 92; Isidore, Etym. XII.
2. 31.
i I << Li chiens garde... souventes foiz. » Jacques de V. 92 ; Isidore, Etym. XII, 2. 26 ;
Neckam IL 157.
J « Si a en Angleterre... truevent. » Neckam IL 157.
— 136 —
[F0 j3 c] a lui que ele l'amort outréeme/it. Ele remue si souvent les l faons
d'un lieu en autre que a painnes les peut nus 2 trouverA. Li heriçons abat
les pommes 8, et se toeille4 dedenz, et les en bat5 en ses aiguillons, et s'en va,
si chargiez comme il peut6, chantant et menant son déduit quant il se sent
bien chargiez. Et, se aucune beste li veult mal faire, si se met en -i- mon-
celet, piez et teste, et tient ses aig-uillons entour sa pel, si que7 nulle beste
ne l'ose ato-[/^° y3 d]ch\er pour les8 esping-no/zs9». Li aig-niaus10, qui on-
ques ne vit le leu, le doute et le fuit, et ne doute point autres bestes, et va
hardiment11 entre elesf>.
vi c D.
De la manière des oisiaus12.
Li aigies prent ses pouci/is par ses13ongies. Et celui qui se tient ferme-
ment aimme et\e retient avoec lui. Et celui qui se tient foiblement 14% laisse
aler et ne s'en prent g-arde. Quant ele est vieille, si vole15 si haut qu'ele 16
passe les nues en haut. Et tient tant sa veiïe [F0 y4 a] el souleill 17 que ele
l'a toute pardue 18 et arse, et que ses pennes sont toutes brullées. Et lors chiet
aval tout en "i* mont en une eave que ele a avant choisie. Et ainsi a sa vie
renouvelée. Et quant sont 19 bec est trop lonc, si le brise 20 a une dure 21 pierre
et le rag-uiseE.
Quant la turterele a perdu son maie22 que ele a premièrement conneû,
jamais autre malle23 n'avra, ne ne sera sus arbre vert. Ai/iz s'en vait par
les arbres \F° y4 b] ses 24 touz jourz 25 g-emissa/it*".
L'ostruce menjue bien fer; ne ja riens ne li grèvera 26g.
1 B: ses. — 2 B: puet mis; G: peust nuh: — :î B: poznnes. — 4 B : toaeille. — 5 B :
embat. — ° B : puel. — 7 B : ques. — 8 B : atouchier pour ses. — 9 B : espïgnons. —
10 B : aigniaua?. — n B: hardiement. — 12 B: oissiaus. — 1S B: /es. — u A : /foiblement;
B: fïeblemcnt ; G : /biblement. — ir» B : voile. — lfl B : que ele. -"B: soleil], — 18 B :
toute perr/ue; G: perrfue; N : perdue. — 19 A: son/; B, C : son (« sont » [suum] : cf. p. 89,
note). — 20 g : braise. — 21 B : « dure » manque. — — B : marie. — 23 B: marie. — 24 G:
arbres s<?cr touz; R: par les arbres, ses amours continuellement gémissant. — 25 B :
jours. — 2fi B: ne ja ne li grèvera riens ; C : grèvera, et quant elle a pont sez œufz qui
sunt mult groz, et elle lez voult couver, si lez cnfouy dedanz sablon au ray du souleil, et
la lez couve de son regart.
* «foiblement»: forme isolée dans le ms. A et que nous n'avons pu confirmer par
d'autres textes. Peut-être faudrait-il lire « foiblement » : cf. f° 59 A. « Foible » est l'ortho-
graphe ordinaire dans le ms. A.
A « La mustele... nus trouver. » Solin 27 ; Isidore, Efym. XII. 3. 3; Jacques deV.92;
Neckam II. 123; Giraldus Gambr., Topogr. flib. I. 27.
b « Li heriçons abat... espingnons. » Jacques de V. 92.
<: « Li aigniaus... entre eles. » Jacques de V. 92.
D [F° 73 d — 75b = Vers 3232-3303.]
e <( Li aigles prent... le raguise. » Isidore, Etym. XII. 7. 10-11 ; Jacques de V. 92; Nec-
kam I. 23; Giraldus Gamb., Topog. Hibern. 1.13.
f « Quant la turterele... gémissant. » Jacques de V. 92 ; Neckam I. 59.
G « L'ostruce... grèvera. » Jacques de V. 92 ; Neckam I. 50; Isidore, Etym. XII. 7. 20.
— 137 —
Quant li hairons voit la tempeste venir1, si s'enfuit en haut, et s'envole
desus les nues pour eschiver2 les pluies et la tempeste 3a. Quant la choè
trueve or ou4 argent, si l'emble et le repont. Et qui ot sa voiz, il 5 samble
qu'ele parole aucune foiz».
Li corbiaus si cuide estre li plus biaus oisiaus de touz les autres et li
mieulz chantanz e. Se ses poucins sont 7 blanc, \F° y 4 c] de riens qui soit
jamais bien ne leur8 fera, devant qu'il soient noire.
Et quant l'en regarde le paon, si tourne sa keue tout entour lui 9 pour
ce que l'en loe sa biauté, et fait de tout son cors aussi 10 comme une roe,
tant s'enorgueillist de sa biauté. Mais quant il regarde ses piez qui sont
laiz11, si laisse sa keue cheoir, ausi comme pour couvrir les12D.
Li ostours et il espreviers si prennent leur proies en rivières. Li dome-
ches la13 raporte a [F0 y 4 d] son seigneur qui l'a prisE.
Li coulons est simples oisiaus, et se14 norrist bien autrui pijons, et
aparçoit15 hien en l'eave16, par l'ombre que il voit dedenz17, quant li ostours
le veult prendrez
La hupe est uns oisiaus crestez 18 qui en viltez et en ordure demeure
plus volentiers que ailleurs. Qui une heure s'oindroit19 de son sanc, et puis
s'alast dormir, il li seroil maintenant avis en dormant que anemis ven-
droient devant lui qui estrangler [F° y 5 a] le voudroiento.
Li rousignols20muert souvent en chantant, etl'aloete bien souvent aussi.
Li cignes21 est touz blans par dehors, et par dedenz est touz noirs. Il
chante souvent devant sa mortn. Ausi font mainte gent souvent.
De tels choses et de monlt d'autres se merveilleroient monlt de genz22
qui riens ne avroient oy ne veii pins que nous ne faisons23 ici. Car nous
en24 voions souvent d'aucunes de quoi l'en se merveilleroit moult, qui ne
les sl-[F° y 5 6]roit25 aprises a veoir.
1 B : li hairons vait venir la tampeste. — 2 B: escheuir. — 3 B: tampeste. — 4 B: et.
— 5 B: si. — 6 B: chantant — 'B: son. — s B: lor. — » B: li. — » B : au.si. — » B :
si laiz. — 12B: chaoir, ausi con por coutnr les. — 13 B : le. — 14 B : si (« se » = si : cette
forme se présente souvent dans le manuscrit A. Cf. foS 6b, 6d, 7b, 7d, etc. — 15 B: pi-
lons, et si aperçoit. — 16 B : l'yaue. — 17 B : « que il voit dedenz » manque. — 18 B : cretez.
— 19 B : s'oindrent. — 2° B : roussignols. — 21 B : cygnes. — 22 B : gens. — 2S B : faisions.
— 2* A : ne. — * B : auroit.
a « Quant li hairons... la tempeste. » Jacques de V. 92; Neckam I. 63.
b « Quand la choè... aucune foiz. » Jacques de V. 92 (monedula) ; Isidore, Etym. XII.
7. 35.
c « Li corbiaus... il soient noir. » Jacques de V. 92 ; Neckam I. 61; II. 126; Isidore,
Etym. XII. 7. 43.
d « Et quant l'en regarde... pour couvrir les. » Jacques de V. 92; Neckam I. 39.
e « Li ostours... qui l'a pris. » Jacques de V. 92 ; Neckam I. 24.
f « Li coulons... veult prendre. » Jacques de V. 92 ; Neckam I. 56.
G « La hupe... le voudroient. » Isidore Etym. XII. 7. 66 ; Jacques de V. 92.
h « Li cignes... sa mort. » Jacques de V. 92 ; Neckam I. 49 ; Isidore Etym. XII. 7. 18.
— 138 —
vii. A
Des diversités 1 d'aucunes choses communes.
Moult de choses so/it moult apertes, dont moult couvertes sont les rai-
sons et dont les genz se merveillent moult pou, pour ce qu'il les2 voient
moult souvent.
Vif argent est de tele manière qu'il soustient une pierre desus lui, ce
que oile ne eave3 ne porroit faire, car la pierre s'en iroit au foAZz«. La chalz
vive a si tost la froide eave eschauffée4, que l'en n'i porroit souffrir sa
main* . Li rai du [F0 y,5 c] souleill5 nercissent le cuir de Tourne et blan-
chissent6 les toiles; et la terre qui est mole font7 dure; et la cire qui est
dure remetent et fo/zde/it8^.
Si fait l'en de l'eave;' froide en 'i* vaissel10 de voirre11 le feu en-
contre le soleill, et du cristal ausi'E. Et de hurter le fer a la pierre saut
li feuz touz alumez.
Li venz, qui est froiz, esprant12 le feu et l'enflambe18, et le fait plus
grant. Alaine domine14, qui est chaude, refroidist15 la chaude chose. Li airs
refroide par mouve-f° y5 rfmenz, et l'yaue en 16 eschauffe17 qui est froide.
La terre, qui est pesant et de pesant nature, se tient el milieu de l'air
1 B : diversetez. — - B : ce qui les. — ?> B : een que oi//e ne y nue. — 4B : <yaue eschau-
fée. — ~> B: soleill. — 6 B: l'omme et blanchis/. — 7 B : fait. — 8 B: remest el
font. — 9 B: ïyaue. — 10 B : vaissma. — n B : verre. — 12 B: esprent. — 13 B : an-
tlambA?. — 14 B : d'orme. — 15 B : refroide. — K B : « en » manque. — 17 A : eschausfe ;
B : eschatt/e ; C : eschau^e.
* « Si fait... ausi » : Tous les ms. en prose offrent la même leçon pour ce passage qui
ne se trouve dans aucun des ms. en vers, soit de la première, soit de la seconde rédaction.
Ce fait es! si frappant qu'il semble justifier les conclusions suivantes : Gossouin, trouvant
de la difficulté à traduire le passage du texte latin, s'est décidé à l'omettre. Plus tard,
écrivant la rédaction en prose, il fait un essai peu réussi de traduction. Finalement l'au-
teur de la seconde rédaction en vers, Gossouin lai-même, on Gautier ou un autre, se
décide, vu l'obscurité du passage, à l'omettre définitivement.
Le texte latin se trouve au ch. 93 de Jacques de Vitry :
« Crystallus licet frigidus sit, aqua frigida conspersus ad solis radios, ignem ex se
produeit. » VImage du Monde nous donne donc une traduction pas très correcte qui
revient à ceci : « Si un vaisseau de verre ou de cristal rempli d'eau froide est exposé au
soleil, il produira du feu. »
Gaxton adapte le texte français d'une manière ingénieuse : « Le soleil chauffe l'eau
froide contenue dans un vaisseau ; avec du verre ou du cristal expos*' au soleil on peut
faire du feu. »
a [F° 7~> b —76 a = Vers 3304-3348.]
b « Vif argent... au fonz. » Jacques de V. 93 ; Neckam II. oo.
c cLa chalz vive... souffrir sa main. » Jacques de V. 93; Neckam IL 51.
d « Li rai du souleill... fondent. » Jacques de V. 93.
e « Si fait l'en de l'eave... cristal ausi. » Jacques de V. 93.
Ce passage ne se trouve pas dans le ms. en vers, ni dans aucun des autres ms., soit
de la première, soit de la seconde rédaction en vers.
Le reste de ce chapitre est tiré de Jacques de Vitry. Gossouin ne paraît pas avoir
employé d'autres sources.
— 130 —
sanz piler et sanz fondemant1, seulement par sa nature. Et pour ce est
fols2 qui se merveille de chose que Diex face. Car nus n'a pooir de mous-
trer raison pour quoi3 eles sont ou non. Car il n'est nwlle4 chose si petite
dont l'en5 puisse savoir la g-lose vraiment6, comment ele est, fors tant
comme il plaist a Nostre Seingneur.
[F0 76 a.] Par clerg-ie peut l'en bien savoir et entendre raison d'au-
cune chose; et par nature, si que raisons7 n'i set que reprendre, tant
comme nus hons en puisse enquerre, qui oevre en terre par natnre*. Mais
nus si ne porroit savoir pour quoi 8 ne comment eles sont faites, et 9 ne
porroit nus savoir certainement10, fors Diex qui la raison en set et entent.
viii A.
Ou enfers siet et que ce est. B
Nous vous avons devisée la terre par dehors au mieulz11 que [F0 76 b\
nous poons. Or nous couvient12 enquerre après quels lieus il a par dedenz
la terre, se ce est13 enfer ou paradis, et la quele chose vaut mieux14 et la
quele pis.
Cil lieus qui est enfermez en terre, je di que ce est15 enfer. Car enfer
ne porroit pas estre en l'air, n'en si noble lieu n'en ciel n'est il pas; car
trop est li lieus purs et nez. Et enfers16 est laiz et oscurs, et plus pesant17
que riens qui soit ; par quoi l'en puet hien entendre que il a fait son
estre \F° 76 c\ el plus bas lieu de la terre. Car en haut ne porroit il pas
estre. Car il est contraires a paradis qui est el ciel lasus. Et pour ce s'est il
trait ensus de lui, au plus qu'il peut18. Et est el milieu de la terre.
Je ne di pas qu'enfer ne soit aillieurs, quele part que ce soit. Car, après
la mort, partout a painne et mal qui l'a deservi. Neïs s'il estoit mis desus
le ciel, si avroit il enquore pis assez. Si comme il seroit d'aucun ho/nme
qui \F° 76 d] seroit en grant maladie, et se devroit mourir ia, et l'en le
metoit en *i* biau lieu, ou il eûst joie et soulaz ; tant seroit il plus tristres
1 B: fondement. — - B: foals. — 3 B: quoy. — 4 B : nu/e. — 5 B: petite de quoy l'en...
— 6 B : vraiement. — 7 B : raison. — 8 B : savoir du tout pour quoy. — 9 B : ce. —
10 B: certainement. — n B : m\ex. — l2 A : comvient; B: convient. Le scribe de A écrit
« couivient », le point sous Yi dénotant la suppression de la lettre. C'est le signe employé
par le copiste dans ce but. Cf. f° 89 a n. — 13 B : ce cest est. — 14 B : mïex. — 15 B : c'est.
— 16 B: enfer. — « B: pesamr. — w B : puet. — 19 B: morir.
* «Par clergie... terre par nature» : On peut comprendre et savoir la raison des choses
par la science; et (là où) l'on ne saurait expliquer les raisons, quelles que soient les
recherches de l'homme qui ne travaille sur cette terre qu'à l'aide de la nature, (on les com-
prend) par la nature.
a [Fo 76 A — 78 D = Vers 3349-3481.]
b Le chapitre sur l'enfer semble être l'ouvrage de Gossouin lui-même sans emploi
direct de sources. Honorius Aug. (I. 37) lui a peut-être servi de base.
— 140 —
et plus dolanz quant il verroit qu'il ne se porroit aidier ne jouer 1. Ausi se-
roit il de ces chaitis qui sont mis en enfer, que nous vous voulons ci deviser
pour mieux2 finer nostre livre.
Ore oiez, si vous deviserons comment enfer siet el milieu de la terre, et
de quel nature il est, et des painnes dures [F° yy a\ que cil ont qui laienz
sont mis. Vous avez bien oj et comment li *iiii' élément se3 tiennent li uns
en l'autre par nature; si que la terre est en mi et se tie/2t el milieu du fir-
mament. Tout ausi a dedenz la terre *i* lieu qui a non abisme et terre de
perdicion. Itant vous di je de celui lieu qu'il est4 plains de feu et de souffre5;
et est hideus et puanz, et plains d'ordure et de toute maie aventure. Si est
larges dedenz, et par desus est estroiz.
7 F0 y y b.] Quanquil chiet la dedenz font en une heure. Li sousfres, qui
touz jourz art et font, destruit6 tout et confont et art. Ne ja riens n'i ara7
finement qu'il n'arde8 touz jourz san 9 fin. Touz jourz art adès, et touz jourz
renaist et ne puet morir quanque est mis )a dedenz. Car cil lieusest de tele
nature que quant plus art et plus dure longuement.
Cil lieus a touz les maus a sa partie. La tient la mort son estandart,
qui envoie par tout \F° yy c] le monde querre ceuls qui siens 10 sont, qui
qu'en ait joie ne tristece. Laienz viennent touz les mauvais a porz.
Cil lieus a non terre de mort11. Car les âmes qui la sont portées i sont a
toz12 jourz sanz fin. Toutes i muèrent en vivant, et touz jorz13 vivent en
mourant14. La mort si est lor15 vie et leur viande.
Mort les16 tient adès en son commandement. Ce estli estans du feu qui
font. Et tout ausi comme la pierre affonde17 \F° yy d] dedenz la mer, quant
ele i est getée, et ne sera jamais veûe18, ausi y affondent19 les âmes toutes
au 20 fonz qui touz jourz ardent21 et fondent. Ne pour ce ne fenissent mie ;
ainz comperent leur folie nuit et jourz22, et feront touz jourz sanz fin. Car
chose qui soit esperitel ne puet jamais mourir23, si qu'ele soit du tout
morte. Mais la mort les conforte adès.
Ame ne puet mourir24, puis qu'ele est hors de son cors. Ainz la couvient
touz jourz lang-uir. rF° yS a.) Ne jamais n'avront se mal non 25.
C'est la terre d'oblivion. Car l'en oublie touz ceus26 qui la sont, ausi
comme il oublièrent27 en cest siècle celui qui est plains28 de pitié. Et pour
ce les a il mis en oubli29, si que jamais merci n'aront30 en celé terre tene-
] B : soulacier. — 2 B : por miex. — 3 A : si. — 4 B: qui est. — 5 B: sou/re. —
6 B : et destruit. — 7 B : at>ra. — 8 B : qui n'arde. — a B : sanz. — 10 B : sien. — n B : port.
Cil lieus terre de mort a non. — 12 B : touz. — 13 B: jourz. — l4B: morant. — 15B : leur»
— 16 B : Mort si les. — 17 B : a/bndc. — 18 B : sera ja puis veûe. — 19 B: a/ondent. —
20 B: a.s. — 21 A: ardens; B: ardent. Le changement de t en z se présente deux fois dans le
manuscrit A : «ardent», et «estoir» f° 116b. Ces formes sont isolées dans le manuscrit
et ne sont pas confirmées. — 22 B : jour. — aB: jamès morir. — 24 B : morir. — 25 R : Ne
jamaiz de lors qu'elle est en enfer n'aura si non tout mal. — ^ B: ceu/s. — 27 B : oôlierent-
-28B: plain. — %> B: obli. — 30 B : auront.
— 141 —
breuse, hideuse et plainne de pueur et de douleur et d'ang-oisse et de tris-
tece et de fain et de soif. Ne jamais nus ni avra leèce ne joie. Ce sont li
jehenne1 puant, une terre si ardant et si maie que [F0 78 6] noustrefeu2
n'est que painture, envers celui, d'ardeur.
La sont li flueve3 perilleus qui sont de feu et de glace, si hideus et si
plains de venim * et d'ordes bestes, qui font si grant noise et si granz 5
molestes des âmes qui la sont mises en cel abysme, que nus n'en diroit la
milliesme partie.
En terre a moult d'autres lieus qui sont perilleus horrible6, quededenz
terre que en mer, et en maintes ylles qui par la mer sont, orribles de
[F0 78 c] pueur et de feu et de soufre7 ardant, qui moult sont pénibles.
Si y8 a d'autres granz montaing-nes de souffre 9 qui ardent nuit et jour, ou
maintes âmes ont grant encombrier et ardent touz jourz pour espurg-ier
leur maus10.
Si vous puetbien soutire11 a tant a parler de ceste maUre12. Car nus ne
porroit13 raconter le mal ne la paine14que mauvais homme receoit15 qaant
il est partiz16 de cest siècle. Car il va17 touz jourz de mal en [F0 y8 d] pis.
Si nous en tairons ore atant que plus n'en dirons.
Et puis que nous avons devisé et descrit18 l'un des elemenz, ce est19 la
terre, si dirons après du secont; ce est l'yaue qui keurt20 touz jourz. Et
après si dirons de l'air, et puis del21 feu, dont chacuns22 a son lieu propre.
Comment l'yaue court par la terre.
L'yaue si est la mer parfonde qui tout le monde avironne. Et de23
celui viennent les flueves qui keu-[F° jg a]rent par la terre. Et vo/zt tant
leur cours qu'il revienent24 arriéres en la mer, la dont il sont venu. Et ainsi
s'en vait25 la mer26 adès tournoiant 27 et faisant son cours28 en tele manière
que, tant comme l'yaue est plus leg-ere29 que la terre n'est, de tant se tient
eleplws près de la80 terre par desus. Ele départ et devise le pays et s'es-
pant par toutes terres.
1 B: géhenne. — 2 B : feus. — 3B : les flueves. — 4 B : venin. — s B : gran/. -«B:
orribles. — 7 B: suesfre. — 8 B: « y » manque. — 9 B : saesfre. — 10 B : mau/s. — " B :
soffire. — 12 A : maf e ; B : matière. L'orthographe ordinaire de ce mot dans le manus-
crit A est « matire » (f<> 26 d, passim). Une seule fois nous trouvons « matere » (f° 34 a),
et même ce cas est douteux, comme il s'agit aussi d'une abréviation. — 13 B : ne vous por-
roit. — 14 B: painne. — 15 B : reçoit. — 16 B : parti... — 17B: va*7. — 18 B : descript. —
■ B : c'est. — 20 b : c'est l'yaue qui court. — 21 B: du. — ™ B : chascun. — 23 B : et
puis de. — 2* B: reviennent. — 25 B : se vait. — • B: « la mer » manque. — 27 B: tour-
nant. — .28 B : cors. — * B : leg/ere. — 30 B : « la » manque.
a [F* 78d—79b= Vers 3482-3507.]
- 142 —
En mer s'esqueult1 et s'espant par les fluns, et vait sourdant par la
terre de lieu en autre, et par vainnes. [F0 y g b.] Tout ausi comme li sans
de Tourne2 s'en vait par les vainnes du cors et s'en ist3 hors par aucun
lieu, tout ausi court l'yaue par les vainnes de la terre, et s'en sourt hors
par les fontainnes4A. Dont il avient partout que, quant l'en chieve terre5
loing- ou près, soit en montaing-ne ou en valée, Yen trueve yaue, ou salée
ou douce, ou d'autre manière.
Comment l'yaue douce et salée, noire, chaude* et
envenimée sourt.
[F0 y g c] Toutes yaues viennent de mer 7 ; et les douces et les salées,
queles qu'eles8 soient, toutes viennent de la mer et la s'en revont toutes.
Dont aucuns porroit demander : « Puis que eles mennent toutes de la mer,
comment ce est que yaue douce en vient?» A ce respont *i* des aucteurs 9,
que l'yaue qui a son cours par la douce terre est douce; et devient douce
par la douceur de la terre qui li toit10 s'amertume par la nsi-\F0 yg d\ture
de li. Car l'yaue qui est salée et amere, quant ele court par la douce terre,
la douceur de la terre retient s'amertume et sa saleure. Et ainsi devient
douce l'yaue qui est salée et amere c.
Autres yaues sourdent ameres et noires, que aucunes g"enz boivent pour
guérir en lieu de poisons11. Et font monlt granz purgations a aucunes g-enz
souventes foiz. C'est une yaue qui sourt noire et clere; si court par terre
qui est amere et noire; [F0 Ho a] et est plainne de porreture moult grant.
Si est merveilles que est sainne.
En autre lieu court12 yaue chaude, si que l'en s'i eschauderoit bien, que
l'en apele naturels bains D. S'en13 a -i- a Ais la Ghapele; et a Plommieres
l'abaye14, qui est en Loheraine, -i*15 autre; et a Ais en Gascoing-ne *i* autre.
Car dedenz terre a maintes cavernes qui sont chaudes et ardanz comme
feu. Et la terre a maintes vainnes qui sont toutes plainnes de sou-[/^°8o b]
fre16. Si en vient aucunes foiz -i- vent grant et fort qui s'ent17 vient par
l'yaue qui en sort18. Et se déboutent si forment que li souffres en esprant
1 B : s'es&euit. — 2 B : l'omme. — 3 B : vait. — 4 B : sourt par les fontainnes hors.
— •> B : la terre; A: chieve teree. — 6 B : et chaude. — 7 B : la mer. — 8 B : que eles. —
9 S: A ce vous respont Aristote et Platon... — 10 B : qui li toust. — " B: poissons. —
12 B: sourt. — 13 B: naturaas bains. Si en... — l4 B : Ploamieres l'ab^'e... — 15 Lohe-
rainne, en a -i-... — 16 B : sueffre. — 17 B: s'en — 18 B: sourt.
a « En mer s'esqueult... les fontainnes. « Honorius Aug. I. 5. Sydrach S. 131, 152.
B r^o 7,9 b — 80 d = Vers 3308-3571.]
C « A ce respont... salée et amere. » Bède. De natura rerum 41 (Pafrol. t. 90, col.
261. Paris, 1850); Honorius Aug. I. 46.
d « Autres vaues... naturels bains. » Honorius A. I. 48. Solin 4 et 5.
— 148 —
et art, ausi comme se1 ce fust une fournaisse2 ardant ; et l'yaue qui a son
cours3 par ces vainnes et par ces lieus devient ausi chaude comme feu. Et
s'il avient que l'yaue saille par la endroit hors de la terre, ele s'en ist toute
enflambée sourdant, et toute boillant ausi comme [F° 80 c\ ampoise^. Mais
que plus loing- s'encourt d'illuec4, de tant sourt ele6 mains chaude et
mains ardant. Et puet courre si lomg" que en ia fin redevient toute froide.
Car il n'est riens6 si chauz7 qui ne refroide, fors que li feus8 d'enfer
qui toz9 jourz art et ardra sanz fin.
Dedenz terre a mainz autres lieus qui sont plains d'ordes bestes veni-
meuses, si que l'yaue qui vient par la en devient toute venimeuse, et sourt
en \F°8o d] aucun lieu seur terre. Mais10 qui en boit, si va querre sa mort.
xi b.
Des diverses fontainnes.i:
Autres fontainnes11 sont ailleurs qui muent leur couleurs monlt12 sou-
vent. Et autres dont il vient miracles; mais13 l'en ne set pas bien dont
ce est. En la terre de Samarie en a une qui se varie et chang-e sa couleur
iiii* foiz en l'an : premièrement vert, et après sang-uine ; et puis devient
troble. Et puis14 devient clere et nete et fine, si que ^F°8r a] l'en se délite
en li regarder ; mais l'en n'en ose boivre.
Une autre en i ra qui sourt la semainne - iii - jours15 ou -iiii* bonne et
sainne16; et les autres * iii - jours17 se tient toute18 coie et toute sèche.
Un flueve i ra qui court -vi* jours19 en la semainne, et au samedi ne se
muet. Car20 lors se rembat en terre quant vient au samedi.
Vers Acre si a une manière de sablon, dont l'en fet21 voirre bon et cler,
1 B : « se » manque. — - B : fornaise. — 3 : cors. — 4 B: i/uec. — •"> B : elle. — 6 Les
derniers mots du f° 72 d du manuscrit B sont : « il n'est riens ». Les premiers mots du
f° 73 A sont : « celé yaue d'un puits ». Les foS 80 c à 81 C du manuscrit A manquent donc
dans le manuscrit B. Les « variae lectiones » sont celhs du manuscrit de la Bibliothèque
Nationale « Nouvelles acquisitions françaises 6883 » désigne par N. — 7 N : chau/. —
8N: le feu. — 9 N : touz. — 10 N : mes. — n N : fontemes. — 12 N : coleurs moût. —
13 N: mes. — 14 N : trouble. Et après devient. — l5 N : jours. — 16 N: bone et saine. —
17 N : jourr. — 18 N : tote. — 19 N : jours. — 20 \. ne se muet. Si apele l'en cel Jlueve
le Sabat. Car... — 21 A : l'en faire.
a «Car dedenz terre... ampoise. » Honorius A. I. 48. Sydrach Add. 134.
b [F0 80 D — 83 A = Vers 3572-3683.] Le ms. en vers n'a pas de chapitre spécial ici.
Le chapitre suivant commence au vers 3684.
C La source dii chapitre entier se trouve dans Jacques de Vitry (80). La même des-
cription se trouve aussi dans Neckam (II, 3, 7, 8), dans Isidore \Etym. XIII 13 et 14),
et dans Solin (4, 5, 6, 1, 21, 29). Une description abrégée se trouve dans Sydrach
Add. 15d.
— 144 —
a une g-laire1 de mer que l'en met £L\ec-[F° 81 6]ques2 pour rafermer*.
En Egypte est la Roug-e Mer, ou li fil 3 Israël passèrent outre a sèche
terre pour venir en la Terre Sainte. Gelé mer prent 4 son non de sa terre.
Car ele est toute roug-e au fonz et tout en tour; si que la mer en est toute
roug-e.
En P^rse a *i" flun5 lonc et lé qui est de nuit si eng-elez que les g-enz
y pueent6 bien aler a pie. Et de jourz est clers et coranz7.
Il a en Espire une fo/itainne8 dont la matire est si merveilleuse que
F0 81 c] l'en i estaint brandons touz ardant9; et puis les y10 ralume l'en
arriéres.
En Ethiope en a une autre qui nar nuit a si grant chaleur que l'en
n'en peut11 point boivre. Et de jors12 est si f'roiz que l'en y13 engiele touz.
En Loheramne14, près de Mez la cité, a une yaue qui court adès, que
l'en cuist en granz paales15, et devient sel bon et bel. Et fornist16 celé yaue
tout le pays17 de sel. Et sourt celé yaue d'un puis18 qui est près d'illuec19,
que l'en a pelé « le puis20 Davi. »
[F0 81 d.] Si ra fontainnes celé part qui sont si chaudes que l'en s'i
art21 touz. Et en meïsmes celé place en sourt d'autres qui sont ausi froides
comme glace. Illuec sont les baïnz touz atrempez ^2, mêliez de froide yaue
et de chaude. Et ceuls qui se baing-nent en ces23 bai/is, leur charneure en
devient toute sainne. Si sont unes noires fontainnes que les g-enz tiennent
pour sainnes, et en vont boivre pour poisons. Et en font souventes foiz
granz purg-ations, [7^° 82 à] plus granz24 que d'une fort médecine que l'en
prent pour soi medeciner 26.
Une en ra devers oriant?dont l'en fait feu grejois avoec autre chose que
l'en i met; qui est si chauz quant il est espris que l'en ne le peut estaindre
d'yaues 26, fors d'aisill 27 ou d'orine ou de sablo/i. Li sarrazin vendent celé
yaue moult chierement, plus que l'en ne fait bon vin.
1 N: g/ere ; C: glaire d'œut'; Arund. 52 : glette ; Harley : gleste ; Sloan : glare ;
Bruxelles 10971 : gle/e.
Arund. et les autres mss. en vers : Droit vers Acre a 'i* sablon
dont on f'et voire cler et bon
et afalcune giette de mer
c'om mesle avec pour le former.
— 2 N: aveques. — s N : fil/. — 4 N : pmnt. — s N : flum. — 6 N: poaent. -'N: cler et
courent. — 8 N : f'ontai/ze. — 9 N : ardanr. — 10 N : i. — n N : pziet. — 12 N: jourz. —
i» N : i. — 14 N: Loheraine. — 15 N : paades. — i«N: foarnist. — 17 N : pa/s. — 18 B :
puir. — w B : i/uec. — 20B : puis. — 21 B : l'en //art. — 22 A: touz cha atrempez. —
23 A: ces en bains. — 24 B: grans. — 25 B: por medeciner soi. — 26 B: yaue. — 27 B :
« fors d'aisill » manque.
* « Vers Acre... rafermer » : Ce passage est traduit du ch. 85 de Jacques de Vitry. Le
texte latin pouvant aider à élucider le français, nous le reproduisons ici : « In Tyrensi
autem et Acconensi territorio ex arenulis maris, ex sabulo videlicet et glarea marina sub-
tili artificio vitrum efficitur purissimum. » (Glarea marina : glaire de mer, c'est-à dire du
« gravier ».
— 145 —
Autres fontainnes sourdent en moult d'autres lieus qui g-uerissent du
mal des ieuz x [F0 82 b\ et de moalt de plaies. Autres fontainnes sont qui
rendent a houme2 sont3 mémoire; autres, obliance4; autres qui refrain-
g-nent luxure, et autres qui l'engraing-nent. Autres sont qui font enfanz
porter as famés 5 qui nul n'en ont; et autres qui les font brehaing*nes, si
qwVl G n'en pueent 7 nul porter.
Si sont fluns qui font les berbiz8 noires; et autres qui les font autresi9
blanches comme lis. Si sont monlt d'estans ou nulle riens qui soit \F°82 c]
ne peut10 noer, ne homme, ne chien, ne autre beste, que tantost ne s'en
aille au n fonz. Et autres sont ou nulle riens ne peut 12 affonder, ainz dote
toz 13 jourz par desus.
Si sont unes autres fontainnes chaudes qui font aweng-ler 14 les larrons
quant il se parjurent du meffait16 qu'il ont fait de leur larrecin. Et se l'en
li 1<? met sus sanz raison, et il en boit, si voit mieux17 que devant. De tels
choses ne puet l'en 18 rendre raison, fors que nous devons entendre \F° 82 d\
que ce est par miracle.
Si a fontainnes qui sont coies et cleres; que, qnant l'en fait desus li
aucuns sons 1!) de viele ou d'aucun estrument qui resonne en manière de
joie, si saut a granz 20 boillons et s'espant aval la voie. Autres fontainnes
sont aillieurs 21 qui son22* moalt périlleuses. Mais nous nous en tairons
ore atant.
Si dirons de ce qu'il avient par l'yaue qui tient son cors 2S par dedenz
la terre et par desus. Dont il avient souvent si [F0 83 a] grant crolle-
ment 24 que la terre s'esmuet si fort qu'il couvient cheoir ce qui 25 est
desus, ja ne sera si fort tour '*.
Xll A.
Comment la terre crolle™ et j lent.
Ore entendez donquis du mouvement, que ce est, et comment la terre
crolle 27 et fent, que aucunes g"enz apelent 28 « crolle », pour ce qu'il sentent
1 B : ieu/z. — 2 B : homme. — 3 B : son mémoire (« sont » : cf. note p. 89). — 4 B : o«-
bliance. — 5 B : femmes. — 6 B : « qil » = qu'il. Sur « il » nom. pi. fem. cf. notes p. 83
et 116;. — 7 B: puent. -«B, brebiz. — 9 B: ausi. — 10 B : puet. -uB:as. - l2 B:
puet. — 13 B: touz. — ^ B : auueugler. — » B : mesfait. — * A: il — ,7 B: miex. —
18 A : le; « en » manque. — 19 B : sons. — 2° B : gran/. — 21 B : ail/eurs. — 22 B : qui son/.
— » B : cours.— 2* B : cro/llement.— » B : que.— 26 B : cro/lle.— 27 B : crodle.— 2» B: apele.
* « sou » : cf. note p. 80. Ce cas n'est pas isolé et se retrouve f° 113c. Il est confirmé
par d'autres textes: Aliscans (Guessard, Paris, 1870) v. 396 « A la fontaine dont li rui
sou corant ». Passion du Christ (Bartsch) v. 20 « Vers nostre don sou aproismad ». Che-
valier du Papegau (Halle 1897) 57. 2 « et sou entrés en uae marche ».
** «ja ne... tour» : même si c'était une tour de quelque force qu'elle fût.
a [F° 83a — 83d = Vers 3684-3725.]
10
— 140 —
la terre croller desouz leur piez. Et crolle si forment1, et fent aucunes foiz,
([ae maintes citez en sont fondues en terre, qui puis ne furent veûes.
Et ce avient par les granz [F0 83 b \ yaues qui vont par dedenz la terre;
si que par le deboutement des granz ondes naissent aucun vent es 2 ca-
vernes qui sont souz s terre. Et li airs qui se serre dedenz, qui est enclos
en grant destroit, se la terre est la endroit foible 4 que ele ne le puisse re-
tenir, si s'uevre et fent la terre pour 5 l'air qui s'efforce a issir hors. Dont
il est souvent avenu que viles et citez en sont fondues en abbysme G.
Et se la terre est de tel force que ele ne fent ne \F° 83 c] ne crolle 7
par le deboutement des venz qui la dedenz8 sont, si s'esmuet lors la terre A
si durement que les granz murs et les hautes 9 tours qui siéent la endroit
desus, si chieent 10 si soudainement " jus a terre que ele assoume 12 et tue
les genz qui dedenz so/it, qui ne s'en estoientpas pourveûz, dont li pueples 13
qui demeure la endroit, qui ne sevent 14 pas a quele heure celé tempeste
doit venir \
Li sage qui doutent a mourir15 s'apare -F0 83 pillent contre la mort de
querre acordance a Nostre Seigneur de leur péchiez selonc lor 16 loi et la
créance que il ont, comme cil qui n'ont espace de vivre la ou il sont sains
et haitiez".
Ainsi fait l'yaue le movement par quoi la terre fent, et crolle.
1 B : tourment. — 2 B: aucuns venz as. — 3 B: soz. — 4 B: fiehle. — 5 B : por. —
6 B : aôysme. — "• B : ne fent ne crolle. — 8 B : « dedenz » manque. — 9 B : que les haut
murs et les granz et les hautes. — 10 B : chient. — 11 B: soudainement. — 1- B: assomme.
— i3 B: le pneole. — u B : se/vent. — » B : morir. — 16 B : leur.
* Le sens de la phrase depuis « tue » jusqu'à « venir » paraît être le suivant : « Elle
tue les gens qui sont dedans (les tours), comme ils ne s'y attendaient pas et qu'ils ne
savent pas à quelle heure cette tempête doit venir. Et avec eux (elle tue) le peuple qui
demeure en cet endroit.
La phrase « dont... endroit» est vraiment une parenthèse, telle qu'il s'en trouve beau-
coup dans notre texte. Il ne peut être question d'erreur de copiste ici comme tous les ms.
en prose ont la même leçon et qu'elle se retrouve dans les deux rédactions en vers.
Sloan (lro réd. envers)!'0 83D: que les gens assome et confunt
qui pas proveù ne se sunt,
dont li poples qui la demore,
qui ne sevent pas a quel ore
celé tempeste doit venir.
ffarley (2e réd. envers) f°53A : que les genz assome et con(on\
qui pas porveii ne s'en sont,
dont li pueples qui la demore,
qui ne sevent pas a quel hore
celé tempeste doit venir.
** « Li sage... haitiez » . Les sages qui craignent de mourir se préparent à la mort (en
se réconciliant avec Lieu) (en cherchant le pardon de Dieu) pour leurs péchés selon leur
loi et leur croyance, comme ceux qui n'ont que peu de temps à vivre quand ils sont sains,
et bien portants.
a « Et ce avient... si s'esmuet lors la terre » Honorius Aug. I, 41, 42. Neckam II, 48.
Sydrach Add. 148, S 133. Bède, De nat. rer. 49 (Patrol. t. 90, col. 275). Adélard deBath
Quœst. 50. « Oua de causa terremotus fiât ». Sénèque Quœst. Nat. 3, 6.
— 147 —
xiiiA.
Comment la mer devient salée B.
Or vous dirons ci après comment la mer devient salée, qui tant est amere
que nus n'en puet1 boivre2.
Il avient par le souleill 3 d'en haut. Car il fait si [F° 84 a] très grant
chaut en aucun lieu que la mer i eschauffe 4 si durement que la terre, qui
est desoz 5, atrait une moisteur amere qui li toit e toute sa saveur. Car
en la mer a mowlt de granz 7 montai/^nes et de granz valées qui sont
plainnes de granz amertumes. Et la terre qui est au 8 fonz escume pour le
chaut du souleill 9 amont qui se melle avoec l'yaue parfont, si que il en
trait sa saleiïre amont par la grant chaleur du souleill 10, tant que ele X1
est [F0 8/4 b mellée avoec l'autre c. Et ainsi devient la Tuer salée 12 avoec
l'autre. Mais atant nous tairons des yaues. Si vous 13 dirons de l'air.
xivD.
De l'air et de sa nature.
Li airs est assis desus l'yaue, et est plus soustis 14 que l'yaue ne que 15
la terre; et avironne la terre entour, et se donne si haut comme la nue puet
plus monter. Cil airs si est li airs16 espés qui nous avironne17 en touz
sens. Et par lui 18 vivons a\i-[F° 84 cjtresi comme li poissons vit de l'yaue,
quienz la trait et puis la giete hors19. Tout autresi nous pourfite 20 li airs;
car nous espirons hors et enz ; et nous tient la vie dedenz le cors. Car li
hons morroit 21 plus tost sanz air que ne feroit li poissons sanz yaue, a cui
la vie es^monlt tost fenie quant il en est hors.
1 B: ne puet. « En » manque. — - B : boire. — 3 B : so/eill. — 4 B : la mer y eschaufe ;
C : eschaufe; A: eschausfe. — 5 B: desouz. — 6 B: qui \u\ toalt. — 7 B: a de moult
granz. — 8 B : as. — 9 B : soleill. — 10 B: soleill. -nB: qu'ele — l2 A : « et ainsi devient
la mer salée » se trouve écrit deux fois. — 13 A : Si vons. — 14 B : so«ns. — 15 B : « que »
manque. — 16 A: « si est li airs » manque. — 17 B : environne. — 18 B: IL — 19 B : /ors.
— 2° B : porfite. — 21 B : moroit.
a [Fo 83d — 84b = Vers 3726-3745.]
b Cette explication ne forme pas un chapitre séparé dans le ms. envers. Elle fait par-
tie du chapitre précédent.
c « Il avient par le souleill... avoec l'autre. » V. Introduction p. 44, 4o. Neckam II. 1.
Honorius Aug. I. 45. Albert le Grand (Opéra Omnia, Paris, 1890 t. 4) De Meteoris II. 3. 3.
Bède, De nat. rer, 41 (Patrol. t. 90, col. 261). Sydrach Add. 133; S 130. Adélard de
Bath. Quœst. 51 (Quare marina aqua salsa est). Sa théorie est la même que celle de Gos-
souin : i. e. la chaleur du soleil fait transpirer les montagnes au fond de la mer, et cette
transpiration, mélangée à l'eau douce, produit l'eau salée. Adélard ajoute que l'eau de mer
est plus salée en été qu'en hiver, la transpiration étant plus abondante à cause de la
chaleur.
d [Fo 84 b— 85b- Vers 3746-3797.J
— 148 —
Li airs si nous maintient la vie par la moisteur qui nest1 de lui ; et,
par l'espoisseté qui en lui est, soustient les2 [F0 84 d] oisiaus volant3
qui tant le debatent4 de leur eles et l'esmuevent ta/it entour euls qu'il s'en-
batent 5 dedenz et fichent, menant leur joie et leur déduit. Ainsi vont li
oisel par l'air, volant, chantant, et loant leur creatour, ainsi G comme li
poisson qui vont noant7 par l'yaue.
Si vous en poez en tele manière apercevoir 8 : Prenez une verge et la
mouvez en l'air. Se vous la mouvez roidement, ele ploiera tantost. Et se li
airs ne-\F° 85 ajstoit espés9, ja la verge ne ploieroit10; ainz se tendrait
toute droite, ja si fort ne serait meiïe11^.
De cel air prennent leur habit es cors li maligne esperi t. C'est anemis qui
se met en samblance d'aucune chose, lors quant il se peut ia aparoir en
aucun lieu pour décevoir aucun homme ou pour faire issir de son sens, dont
il est aucune foiz puissanz; ou quant il se met par art de nigromance 1!J en
aucune samblance, en tele figure comme [F° 85 b il veult'*. Car il en set
tant comme il en estuet. Mais c'est -i* art qui donne la mort a celui qui s'i
abandonne mauvaisement14; car il ne set mot si est morz et dampnez en
cors et en ame. Mais nous enquerrons ci après qu'il avient en l'air de la
terre.
XV A G.
Comment nues, pluies lr' et gelées, nois, te/npestes,
tonnoirres et espars 16 aviennent.
Or dirons17 des nues que ce est, et de la pluie autresi18. Li solaus si est
fondemenz la de toute chaleur et de touz tans. 20 [F0 85 c Tout ausi comme
li cuers de l'orne est fondement *l de la chaleur qui habonde en lui, est li so-
laus 22 li cuers du monde et fondemanz28 par la valeur qui est en lui de
tote24 naturel chaleur. Car par lui2" vit quanque en2,î terre naist, si comme
il plait27 a Nostve Seigneur; si comme vous orrez ci après, se cest livre vou-
lez près de vous tenir. Car il fait monter les nues en haut, et puis en fait
1 B: naist. — - B : soustient il les. — 3 B : volanr. — 4 A: debatant. — ■> B : s'embatent.
— fi B: lo/ant Nostre Seigneur, a«si. — 7 B : no/ant. — s B: pouez apercevoir en tele
manière. — '-} B: cspo/s. — 10 B : ploierr/?/. — 1] B: si forment ne seroit menée. — 12 B:
veu/t. — 1:! B: par /'art de nigroamance. — u B : qui mauvaisement s'i abandonne. —
15 A: « pluies » manque. — IC B : espar.s. — 17 B : Or vous dirons. — ,s A : autre. — 19 B:
li sbuïeii/s si est l'ondemen/. — -" B : tan/. — 21 B : l'om/ne est f'ondemenr. — -2 B : sou-
leuls. — -" B: fondemenz. — -4 B : ioute. — -■"' B : par //. — 2,î B : quanqu'en. — 27 B :
plats/.
a « Li airs... ne seroit meiie. » Sydrach Add. 12.*). V. Introduction p. 45.
b « De cel air .. comme il veult. » Saint Augustin De Genesi ad litteram (Pat roi.
t. 34) liber III, ch. X. li. « Dtemones aeria sunt animalia, quoniam corporum aeriorum
natura virent. »
c i /-> 85 l> — 86 d = Vers 3798-3873. 1
— m —
la pluie avaler aval, si le vous mosterrai comment et hvi-^F0 85 djefment1,
par sa force. .
Ore entendez en quele manière : Quant li soulaus2 espant ses rais par
desus la terre et par desus ces marais, si la deseche 3 toute et en trait la
moisteur qui s'en vait ammont 4. Mais ce est5 une moisteur soustille qui
petit pert; et a a non 6 vaspeur7, et monte jusques en mi l'air. Si s'asamble
etamoncele et demeure illuec. Et pou et pou i vient8, tant que ele demeure9
espesse etoscuvei0, tant que ele nous [F0 86 a] toit11 la veiïe du souleill 12.
Et tel chose est nue a. Mais ele n'a pas si grant oscurté13 que ele nous toille
la clarté du jour.
Et quant ele devient trop espesse, si en naist yaue qui vient a terre ; et
la nue blanche demeure. Adonc luist li soulaus14, qui est en haut, parmi la
nue, se n'est15 trop noire, ausi t6 comme parmi i- voirre. Et ausi comme
d'une chandele17 ardant dedenz18 une lanterne, qui nous rent la clarté par
dehors; et si ne voions pas la chandoile. [F0 86 b.] Ausi19 luist li soulaus20
parmi la nue qui est desouz lui ; et nous rent la clarté du jour, tant comme21
il fait son tour tout 22 desus 2S la terre. Et la nue, qui touz jourz s' 2* espoisse,
s'asamble25 près a près, tant que ele2fi devient noire et moiste. Lors en ist
yaue qui s'e/i vient jusques a terre. Et ainsi nest*7 pluie.
Et quant ele est toute cheoite a terre, que28 toute la moisteur se restan-
che, adonques pert la nue clere 29 et blanche qui est legiere et monte en
haut, [F°86 c] tant que ele défaut tote30 en la fin, pour le chaut du soûl-
leil31 amont qui toute la dessèche32. Lors revoit l'en l'air pur et cler, et le
ciel ausi blou comme est azur.
De terre naist et pluie et nues, ausi comme d'un drap que l'en essuieroit
au feu, qui seroit moilliez. Lors en ist une moisteur ausi comme fumée, et
s'en vait contremont. Qui adonqwes tendroit sa main au desus de celé fu-
mée, il sentiroit une vaspeur38 qui toute sa main li amoi-[F° 86 d]st\voit3i.
Et s'ele35 duroit longuement, il verroit3*5 apertement que sa main li moil-
leroit87 yaue38 toute, et qu'il en cherroit39 yaue. Et ausi 40 vous di je que en
tele manière naissent souvent pluies et nues. Et Diex lesmonteplie41 mou\ti2
bien, quant il veult, pour faire croistre son bien qui est en terre.
1 B: briésment. — - B: souleu/s. — 3 B : desesehe. — 4 B : amont. — 5 B : c'est. —
6 B : et a non. — 7 B: vaspour. — 8 B : en i vient. — 9 B : ele i demeure. — 10 B : obs-
cure. — n B : toull. — i2 B : soleill. — 13 B : oôscurté. — UB : souleu/s. — 15 B : se adonc
n'est. — 16 B : aussi. — " B : chandot'/le. — 18 B: parmi. — 19 B: Aussi. — » B : sou-
leuls. — 21 B : comment. — 22 a : il fait du sour tout. — 23 B : il fait son tour de desus. —
24 B : « s' » manque. — 25 R: s'assamble. — ^ B: tant qa'ele. — 27 B : naisl. — 28 B :
terre, tant que. — » B : toute clere. — so B : desfaut toute. — 31 B : so/eil. — & B : deseche.
33 B: vaspour. — 3* B : amostiroit. — 35 B: Et se ele. — 30 A: il diroit. — 37 B : moil-
lerent. — 38B: «yaue» manque. — 39 B : charroit. — 4o B : aussi. — 41 B : montep/oie
(« monteplie » : cette orthographe est confirmée ; cf. Froissart (Paris, 1869) p. 182 « mon-
teplie». — 42 B: «moult» manque.
a « Quant li soulaus... tel chose est nue. » Sydrach Add. 126. S. :îo2.
- 150 —
XV B
Dès gelées et des nois.
Les granz nois et les granz gelées aviennent par les granz * froidures
de l'air qui est froiz el milieu plus qu'il n'est ailleurs. [F0 8y a] Ausi
comme vous veez touz jourz des montaingnes2 qui sont en haut lieu, si
comme en3 ces monsde mont Gieu, etien ces autres hautes montaingnes,
que il y a plus de noif que il n'a es5 lieus qui sont en plainne terre. Tout
ce avient par la froidure de l'air qui a mains de chaleur en haut que en
bas, pour ce qu'il est plus soutis que cil d'en bas0 n'est. Et quant plus
soutis est en haut, de tant retient il mains de chaleur. [F0 Sj b Mais que
plus est li airs espés, de tant eschauffe7 il plus tost la ou li solaus peut8
venir. Dont l'en voit qu'il avient que fer et acier eschauffe :> plus au sbu-
leill 10 que ne fait ne fust ne pierre. Car tant comme la chose est plus dure
et de plus espesse11 nature, de tant12 s'i prent li feus13 plus forment et
plus tost qu'en celés qui mains ont14 de force.
Autresi15 vous di je de l'air qui est la sus en haut, qu'il est plus froiz
que cil 1G de ça jus n'est, F0 8j c] pour ce que il n'est pas si espés comme
cil 17 qui est près de la terre, et pour le vent qui souvent i naist, qui le fait
estre en mouvement. Car l'yaue qui court roidement eschauffe1* mains que
celé qui se tient coie : Autresi fet li airs 19 qui est en haut. Et par ce i naist
la froidure qui engiele celé moisteur, tantost comme ele i est montée, et
chiet toute engelée aval '*.
XV cc.
Des grelles20 et des (empestes.
Par autretele21 manière ra - [F0 ttj d] viennent en esté les granz grelles
et les granz tempestes. Car en air22 naissent aucun vent, dont il naist sovent
grant froidure ; si que la moisteur, qui en l'air est née, se trait23 a gelée, et
1 H : par h/ gran/. — - B: monta/gnes. — 3 B : « en » manque. — 4 R : en ces mon-
tagnes de Savoi/e et de Pieu/nont, et... — •"' B: as. — r> B: d'embas. — 7 B : eschau/e. —
8 B : soiùeuls puet. — 9 B : eschau/e ; A : eschau.sfe. — » B : so/eill. — n B : espo/se. —
*2B : ta/?. — 13 B: le feu. — l4 B : qui ont mains.— ir> B : Autressi. — 16 B: que celui. —
17 B: celui. — 18 B : qui roidement court eschau/e ; A: eschausfe. — 19 B : fet /'air. —
2° B: "ir.vles. — 21 B : « autre» manque. — - B: en /'air. — 2:î B: née de ht terre, se
tra/.vt.
a [F" 86 d — 87 c = Vers 3874-3909.] Le ms. en vers fait de XV b un chapitre séparé,
et non pas une section de chapitre.
b « Tout ce avient... en»elée aval. » Honorius Aug. T. 6i. Sydrach S. 124. Neckam,
De laud. IV 157, 188.
c [F° 87 c — 88 a = Vers 3910-3923.] Le ms. en vers l'ait de XV c un chapitre
séparé, et non pas une section de chapitre.
— 151 —
assamble en l'air et amasse pour la chaleur qui la chace après et1 li soulaus
qui près la2 serre; et endurcist et chiet a terre*. Mais ele ne chiet pas si
grosse a terre comme ele naist en haut. Car ele vient dépeçant et amenui-
sant au cheoir. \F° 88 a Et c'est la tempeste qui chiet souvent en esté, qui
grieve a mo^lt de choses A.
XV DB.
Des espars3 et des tonnoirres*.
En l'air aviennent moult de choses dont les g*enz ne parolent5 paires.
Car il n'ont cure de teles choses dont il ne sevent a chief venir.
Ce qui fait la terre croller, et qui fait tonner les nues, et ce qui fait
ouvrir la terre, ce fait les nues espartir. Si comme l'en voit quant il tonne.
Car tonnoires et esparz 6 n'est que deboutement de venz qui s'en -
[F0 88 6] trecontrent 7 desus les nues si durement, que en leur venue
naist souvent aucuns feus en l'air. Et ce est foudre qui chiet en main
lieu, que li vent destrai/ig-nent8 si durement que les nues en fendent et
derrompent ; et fait tonner et espartir. Et chiet aval par tel force, pour le
vent qui le destraint si dureme/it, que il confont quanqwVl ataintc, si que
il ne dure riens contre lui. Et est de si pesant nature que aucune foiz
perce [F° 88 c] la terre jusques en mi. Et aucune foiz estaint ainçois, se-
lonc ce qu'il ne poise pas tant, ne pas n'est de si fort9 nature.
Car quant la nue est bien oscure10 et espesse11, et qu'il y a g-rant plenté
d'yaue, si ne l'a pas12 li feus si tost passée. Ainz estaint en la nue, pour13
la g-rant plenté de pluie qui est dedenz, ainz qu'il la puisse trespercier ; si
nepeutaprouchier 14 la terre. Mais a l'estaindre qu'il fet adonques en la nue,
naist • i ■ son si fort, que ce est merveilles a oyr15. [F0 88 d Et c'est li
tonnoires16, qui mowlt fait a douter. Tout autresi comme d'un fer chaut et
ardant que l'en bouteroit en plainne cuve d'yaue, si en naist -i* grant
son; ou quant l'en i estaint charbons0.
1 B: « Et » manque. — 2 B : le. — 3 B : espars. — 4 B : tonnaires. — 5 B: paro/71ent.
— 6 B: tonnarres. — 7 B: s'entrencontrent. — 8 B: destram/. — 9 B: forte. — 10 B : o6s-
■eure. — n B : et bien espesse. — 12 B . si n'a la pas. — 13 B : por. — 14 B : p«et tres-
percier. — 15 B : oj'r. — 16 B : tonnairres.
n Si que... chiet a terre » : la moiteur qui naît en l'air se change en gelée, s'as-
semble en l'air et forme une masse à cause de la chaleur qui l'accompagne et du soleil
qui en est proche. Alors elle durcit et tombe à terre.
a « Car en'air naissent... moult de choses. » Honorius Aug. I. 60. Sydrach S. 127.
Neckam De laud. IV. 188..
b [F* 88 a — 89 a = Vers 3924-3981.] Le manuscrit en vers fait de XV d un cha-
pitre séparé et non pas une section de chapitre.
c « Ce qui fait la terre... quanqu'il ataint. » Philos. Mandi III. 10. Neckam De laud.
III. 97-118. Sydrach Add. 136; S 125, 126. Isidore Etym. XIII. 8 et 9.
d « Et est de si pesant... estaint charbons. » Neckam, De laud. III 97-118. V. Intro-
duction p. 45.
— 152 —
Mais li esparz1 du tonnoirre2 apert ainçois que vous en oiez la voiz.
Car li veoir de l'oume 3 est plus soutis que n'est li oyrs A. Si comme,
quant l'en voit de loing- outre une jaue batre dras ou ferir martiaus, l'en
voit avant les cops de cels4 qui fièrent cou - ' F0 8g a] chier arriéres que
l'en oie5* le son du coup**. Tout autresi" vous di je du tonnoirre que Yen
voit7 avant que l'en l'ait oy. Et de tant comme il est plus ensus de nous,
de tant s'esloi/ig-ne s plus li sons de l'espart ; puis que l'en l'a veûr
ainçois9 que l'en oie sa vertu». Et que plus tost est oyz 10 après l'espart,
tant est li tonnoirres11 plus près.
xviG.
Comment li vent12 naissent.
Des venz peut18 l'en enquerre raison par les mers. Et environ la terre
keurent14 souvent, F0 8g b et s'entrecontrent 15 en aucun lieu si durement
qu'il s'eslivent1'5 *** contrernont, si qu'il deboute/lt l'air amont. Et li airs,
qui est déboutez par force et ostez 1T **** de son lieu, remuet l'autre air en
tele manière qu'il retorne ausi comme arriéres. Et s'en vait ausi ondoiant
comme l'yaue18 qui est corant19. Car venz n'est autre chose que airs qui est
esmeiïz, tant que sa force soit abatue du tôt 20 D Ainsi vienent21 souve/ites
foiz nues et pluies et tonnoirres et escrois, F0 8g c] et les choses que
nous avons dit devant. Si y a enquore22 autres resons23 comment tels
choses aviennent. Mais celés qui mieulz24 y affierent avons no/ts briément
1 B : espars. — - B : tonnoure. — :! B : l'omrae. — 4 13 : corps de ceals. — 5 A : l'en i oie.
6 B : antre.ssi. — 7 B : l'en le voit. — s A : de tant l'esloinçne. — 9 A: amoois. — l0 B :
o/z. — n B : tonnoires. — 12 B: venz. — 1:; B: paet. — 14 B : courent. — 15 H: s'cn-
trem-ontrenl. — ,6 B : s'esl/event. — 17 A : oste/z. — 18 li : l'/aue. — ,0 B: courant. —
20 B : tottt. — 21 B : vienne*. — -- B : encore. — 23 B : m/sons. — -4 B : micr.
* L'i du ms. A doit, s'omettre. Le scribe écrit en un mot « ioie », avec un point sous
1'/, si^-ne qu'il emploie d'ordinaire pour signifier que la lettre ainsi marquée doit être
omise.
** « l'en voit... du coup » : on voit d'abord les coups de ceux qui frappent s'abaisser
avant d'entendre le son du coup.
*** «eslivent »: ce mot ne reparaît sous aucune l'orme dans le ms. A. Les nombreux
exemples du changement de ie en i dans le ms. A, et les cas parallèles dans d'antres textes
semblent justifier l'orthographe. Cf. p. 59, note.
**** « oste/z » : cas isolé dans le ms. A, et non confirmé par d'antres textes. Stim-
ming (o. c. p. 211) donne des exemples de l'addition d'un « I » (provo/t, volts, o/reille).
Le seul autre cas dans A est « p/aist » f°9UD.
a « Mais li esparz... li o5'rs. » b « Si comme... que l'en oie sa vertu.» A : Philos. Mandi,
III. 10. a cl b : Adélard de Bath, o. c. Quœxt. 68. V. Introduction p. 45, n. i.
c [F" 80 A — 89 C = Vers 3982-4005.]
n « Des venz peut... abatue du tôt. » Philos. Mandi, III. 15. Sydrach S. 127.
Neckam I. 18.
153
retraites pour legierement entendre. Et si en laisserons ester atant pour
deviser le feu qui est desus l'air en haut.
XVll AA.
Du feu et des estoiles qui samblent1 cheoir.
Sus l'air est li feus tout e/itour. C'est uns airs qui est de mowlt grant
resplendiseur2 et de mouh grant no ~ TF°Sg d] blece 3 ; et par sa très
grant soutilleté n'a riens de moisteur en lui. Et est autant plus cler de
celui que nous avons et de plus soustill4 nature, comme cis airs est vers
yaue clere, ausi 5 comme l'yaue est envers la terre.
Cil airs, ou il n'a nulle moisteur, s'estent jusques a la lune»; et voit
l'en souvent desouz6 cel air aucunes estanceles de feu; et samble que ce
soient7 estoiles. Dont les «-enz8 dient que ce sont estoiles qui s'en vont
courant et qui se F0 go a] remuent de leur lieus. Mais non sont ; ainz
sont aucun feu qui naissent9 en l'air d'aucune vaspour sache 10* qui n'a
point de moisteur dedenz li qui montée i est de la terre, dont ele naist par
le soleill qui l'en trait en haut. Et quant ele est trop haut, si chiet et
esprent11, ausi comme une chandoile12ardant ce13 nous samble; et puis chiet
en l'air moiste, et estainl par la moisteur de l'air. Et quant ele est grosse,
et li airs est ses, si s'en vient ar-[jP° go 6^dant tout adès jusq/zes a la 14 terre.
Dont il a vient souvent que cil qui vont najant par mer, ou cil qui vont
par terre, les ont trouvées maintes foiz et les veoient toutes luisanz et
toutes ardanz cheoir jusques a terre. Et quant il venoient la ou ele cheoit
pour15 prendre16 la, si trouvoient autresi17 comme cendre, ou comme
aucune fueille porrie d'un arbre qui seroit moilliée18. Lors s'aparcevoient19
qu'il ne croient pas bien qui cuidoient [F° go c\ que ce fussent estoiles.
Car les estoiles ne pueent20 cheoir c; ainz les couvient toutes movoir en
leur cercle ordonéement tout adès de nuit et de jours ig-aument.
1 B: samble. — 2 B: resplend/sseur. — s r. noblesce. _ -i B : soutil/e. — 5 H : aussi.
— «5 B : desos. — ' B: soit. — 8 B: gens. — » B : nassent. — "> B : sèche. — » B : cspvant.
— 1- B : chandoille. — 13 B, N, C : ardant et ausi comme une esloille ce... — 14 B: « la »
manque. — 15 B: venoient jusques la ou ele chaoit por. — 1C A : prenc/e ; B: prendre. —
17 A: autre; B: autres/; C: autres/. — 1S B: mo/llie. — 10 B : apercevoient.— -'<> B : puent.
« sache ». Nous conservons cette forme, quoiqu'elle soit isolée dans le manuscrit A,
comme elle est confirmée par de nombreux exemples dans d'autres textes (cf. Burguy,
III, p. 337). De plus Haase relève ce changement de e en a comme un trait dialectal de
la rédaction en vers (Untersuchung ûber die Reime in cler Image du Monde. Halle, 1879).
a [Fu 89 c —90c = Vers 4006-4051.]
b « Sus l'air est li l'eus... jusques a la lune. » Honorius Aug. I. 65, 07.
c « et voit l'en souvent... puent cheoir. » Honorius Aug. I. 6o-b7. Philos. Mundi
III. 12. Neckam, De laud. I. :}29. 31o.
154 —
XVll B A,
Du dragon qui samble cheoir, et que ce est.
Li drag-ons ne rest 1 autre chose, fors une vaspeur 2 sèche qui est en-
close en l'air, qui s'assamble moult souvent en haut et esprent aucune foiz
par chaleur. Et quant ele est esprise, si s'esmuet et s'en vait au plus
tost qu'ele3 puet, comme [F0 go d] feu ardant, tant qu'a terre est venue.
Ainsi vait cil 4 feus 5 volant 6 tant que tout est noient 7 au derrenier8 ». Tels
choses ont senefiances d'aucunes muances en terre.
Briément vous avons dit du feu et des • iiii • elemenz, comment9 li uns
est assis en l'autre, si comme Diex les a establiz. Li plus legiers siet el plus
haut lieu, et li plus pesanz el milieu10: ce est la terre, dont li fruiz
nous naist qui paist u les g-enz et les bestes.
Et pour ces biens qui [F0 gi a] de li12 issent, et du fruit que ele
norrist, et pour les autres biens qui y sont 13, furent 14 aucunes genz el
monde qui disoient que la terre estoit, pour le fruit qui issoit de li 15 et pour
les biens qui en li habondoient, une des estoiles du monde que Diex assist
el firmament dedenz le milieu, pour estre plus g-entement, si qu'il eûst en
li tel chose qui peiïst partir a ses biens qui sont en terre16. Et pour ce
devroit chascuns faire chose qui peiist plaire [F0 gi b a Dieu. Car touz
les biens qui sont en terre fist Diex pour conquerre nos17 âmes; et que nous
eiïssons reme///brance de son pooir et de sa debonnaireté, dont il nous fist
si grant bonté et si grant courtoisie, que par nous18 meïsmes poons avoir
ses biens et sa sainte gloire.
Mais puis que nous avons descrit10 les quatre elemenz environ, si vous
dirons du pur air qui nous samble ausi comme azur20.
1 B : «'est — - B : vapour. — ?- B: que ele. — 4 R : Ainsi se vait volant cel. — 5 B :
i'eu. — c B : « volant » manque. — "' B : noiant. — 8 B: darrenier. — 9 B: comme. —
10 A : « el li plus pesanz el milieu » manque ; B et N: et li plus pesanz el milieu; G : et le
pluz pesant csl ou mylieu. — n A: p/aist; B et G : paist, (« p/aist » cf. note fo 8Ub. Cette
forme est isolée dans le ms. A. Nous ne pouvons la confirmer par d'autres textes). —
12 B: lie. — in B : qui /.ssont. — 14 B : furen. — 1B B: de lie. — ie< B : « qui sont en terre »
manque. — 17 B : nos. — w B : « nous » manque. — 19B : deseri/Ast. — 20 B : comme/)/;/'
azur.
a [F" 90 c — (J 1 h = Vers 4052-4097. J Ce chapitre manque dans le ms. B.
B « Li dragons... au derrenier. » Neckam, De laud. I. 314.
Impetus in longum nubem producit, et illam
Serpentis formam visus habere putant...
155 —
xvni A.
Du pur air, et comment les [F° 91 c] •vit* planètes i sont
assises.
Li purs airs est desus le feu qui pourprent son lieu jusques au ciel. En
cel air si n'a point d'oscurté; car de pure purté fu faiz. Car il resplendist et
reluist si clerement que l'en n'i porroit riens comparer 1.
En cel air sont * vii- estoiles qui font leur cours2 entour la terre, qui
mowlt sont netes et cleres, et sont nommées les -vii* planètes. Dont l'une
seur 3 l'autre est assise, et en tele guise ov-[_F° gi c/idenée, que il4 a plus de
l'une a l'autre qu'il n'a déterre jusques a la lune », ou il a plus loing, xii" 5
tanz, que toute la terre n'est grant c.
Et court chascune par miracle el firmament, et fait son cercle, l'une
grant et6 l'autre petit 7. selonc ce que ele siet plus bas. Garde tant comme
ele fet son cours8 plus près de terre, tant est il pluscourz; et plus tosta par-
fait son cours 9 que celé qui en est plus loing. Que vous pouez entendre par
tele manière que, [F0 g2 d\ qui feroit 'i' point en une paroi, et pluseurs
cercles tout entour d'u/i compas ou d'une autre chose, touz jourz l'un plws
large de l'autre, celui qui seroit plus près du point seroit li plus corz 10 des
autres: et plus seroit son cours petiz. Car il avroit plus tost fait son cours
que n'avroit li plus granz, mais que il alassent igaument. Si comme vous
pouez apertement11 veoir12 par ceste figure ci (Fig. 17), se i 13 voulez bien
entendre et prendre garde. [F0 g2 b.] Autresi pouez vous entendre des -vii*
estoiles, que je vous ai dit que l'une seur l'autre s'abaisse14 ; si que la lune
est la plus basse des -vii*, et si est la plus petite de toutes. Mais pour ce
que ele est plus près de terre, samble ele plus grant et plus parant de
toutes les autres ». Et pour l'aprochement15 de la terre que [F° g2 c\ ele a,
et dont ele va si près, n'a ele point de pure16 clarté, pour la terre qui est
oscure17, quideli viengne proprement.
Mais la clarté que ele nous rent prent ele touz jourz du souleill. Ense-
ment comme ele18 feroit en *i- miroer, quant li rais19 du souleill se fiert
1 B: comparo/r. — 2 B: /ours. — 3 B: .sur. — 4 B: qu'il. — 5 S, Harley
•xii-; Sloan : -xiii-; Arundel: -xxir; A, B, C, N: xv — 6 B: «et» manque. — 7 A
petite ; B. C : peti/. — 8 B : fait. — 9 B : court ; et plus tost a son cours parfait. — 10 B
courz. — n B: « apertement» manque. — 12 A : « veoir » manque. — 13 B: se vous i. —
14 B: l'une sus l'autre s'abesse. — 15 B: aprouchement. — 16 A : purée — 17 B : obscure.
18 B : il - 19 B : ra.
a [F" 91 b — 94 a — Vers 4098-4229.]
b « Li purs airs... jusques a la lune. » Honorais Aug. T. 67-76.
c « ou il a plus loing... terre n'est grant. » V. Introduction p. 45 s.
d « Si que la lune... de toutes les autres. » Honorius Aug. 1. 67-76. Neckam I. 13.
150
dede/iz, et puis refiert a la paroi1 et flamboie dureme/it ; en autretel ma-
nière nous donne la lune lumière 2. Et en 8 la lune est 'i* cors poliz et biausr
ausi comme uns poumiaus4 [F0 g2 d] bien burniz5, qui reflamboie et rent
clarté, quant li rais du souleill s'i fiert a.
Des nubleces 6 que l'en voit en la lune dient aucun 7 que ce est
FlG. 17
terre8 qui apert dedenz, et que ce qui est jaune i apert blanc'; ausi
comme encontre "i* miroer qui reçoit diverse couleur quant ele est devers li
tornée10. Autres i pensoie/it autre chose, et disoient que ce estoit avenu
quant Adans ll fu deceiiz de la poume que il menja, qui tant greva a
tou-[//o gS a] te gent que la lune en fu entechiée12 et amenuisée13 sa
clarté ».
1 B : parai. — 2 B; donne lurm're la lune. — 3 B : « en » manque. — 4 B: pow-
miaus. — r> B, C: bruniz. — r» B : nubletces. — 7 B: aucuns. — 8 B: est la terre. —
'■> B: que ce qui est eaue appert blanc. — 10 B : tournée. — n B: Adam. — ]- B: ente-
ch'ie. — 13 B : amenuisie. Cf. note p. 59.
a « Ensement comme... souleill s'i fiert. » Philosophia Mundi IL 31. Baeda, Elemen-
torum Philosophiw 11 : Quamvis corpus lunœ naturaliter sit obscurum tamen in quibus-
dam partibus suis est tunsum et politum ad modum speculi, in quibusdam scabrosum et
rubiginosum. Ubi igitur politum est, ex radiis solis splendet ; sed ubi scabrosum, natu-
ralem obscuritatem retinet. (Mijçne, Patrologia t. 90, col. 1159-1160.)
B « Des nubleces... sa clarté. » Neckam I. 14. V. Introduction p. 40.
— 157 —
Des -vii" estoiles qui la sont1, et qui font2 leur cors3 el firmament, de
quoi nous avons avant4 parlé, n'en connut5 on premièrement fors les *ii':
ce est 6 la lune et li soulaus. Les autres ne connoist on pas, se ce n'est par astro-
nomie. Et nequedent si les nommerons pour ce que nous an7* avons parlé.
De celés en a -ir desus la lune, l'une seur l'autre, dont chascune a en
terre pro-[F° gS 6]pres vertuz. Ce est8 Venus et Mercures^.
Deseur ces -in* est li solaws9 qui tant est clers et biaus et purs qu'il
rent par tout le monde clarté; et est assis si haut amont 10que son cercle est
douze tanz plus grant que cil de la lune qui fait son cours en -xxx* jourz.
Mais li soulaus, qui vait plus loing- de la terre, met son cours a faire -iii*c*
et lxvi- jourz. Ce est11 'xir tanz plus et *▼* jours 12 outre, si comme li ka-
lendiers le nous ensaing-ne13, et enquo-| F°g3c]res avoec le quart d'un jour :
ce sont -vi* heures. Mais pour ce que diversement eûst li ans commence-
ment, li uns co/nrnençast de jours u et li autres de nuiz, si eiist esté moult
grant anui15 a moult de g"enz, fu cil q««rz16 d'un17 jour atornez en ce que
eniiii18 anz est sonnez **el jour19 qui est outre***, qui est nommez bissextes
qui en * iiii - enz20 est une foiz, dont l'en met parus de quatre anz en quatre
anz plus -i' jourB. Et lors est li solaus21 [F0 g'S d revenuz en son premier
point.
Ce est en mi marz que li nouviaus tens recommence, et toute riens se
trait22 en amour par la vertu del retour du soleill23. Car a cel tans pre-
mièrement ot commencement li mondes. Et pour ce revient en verdure
chascune chose par droite nature de tans.
Seur le souleill 2i ra *iir estoiles25 cleres et reluisawz, l'une desouz,
1 B: /ont. — - B: « et qui font » manque. — ?- B : cours. — * B : « avant» man-
que. — 5 A : n'en couunt ; B : connut ; G : çongnut. — 6 B : c'est. — 7 B, G : en. — 8 B :
^7'est. — 9 B: soulaus. — 10 B : en mont. — 1] B: jours. 6"est. — 12 A: et "i- jour; B,
C, N: -i- jour; Arund., Sloan: v ; Addit., Harley: •x'v. — 13 B: ensa/gne. — l4 B :
jourr. — 18B: annui. — 16 B : quar/. — 17 B : «d'un» manque. — 18 B : que a -iiii - . —
— 19 B : jor. — 2° A: 'iiii- enz ; B, G: anz ; « enz » cf. note f° 93 c. — 2l B : soulaus.
— 22 B: tra/st. — 23 B: du retour du souleill. — 24 A: souseill. — 25 Les derniers mots
du f° 84 d du ms. B sont: : « ra - iii - estoi ». Les premiers mots du f° 85 A sont: « niere
et qui est la plus... » Fos 93 d jusqu'à 94d du ms. A manquent donc dans le ms. B.
* Le copiste du ms. A emploie tantôt a tantôt e devant n. Les exemples sont si nom-
breux que nous admettons son orthographe pour an ou en partout où elle se présente.
An (= en) est confirmé : cf. Burguy I. 175, 176.
Les ms. prose donnent tous « sonnez », mais la bonne leçon est « somez », i. e. ce
quart de jour fut disposé de telle façon que tous les quatre ans il est additionné dans un
jour supplémentaire. C'est la leçon de la rédaction en vers.
Sloan f° 113 A, B : ... fust cil quars d'un jor atornés
a ce qu'en .iiii. ans est somês
.i. jor autres qui només est
bisextes...
« fu cil quarz... outre » : ce quart de jour fut disposé de telle façon que tous les
quatre ans il est proclamé comme partie du jour extra...
a « De celés en a 'ii\.. Mercures. » Neekam I. 7.
b «Deseur ces iii... quatre anz plus 'i' jour. » Neekam I. 7. Honorius A. I. 67-70.
158 —
l'autre desus : Mars, Saturnes 1, et Jupiter. Saturnus est tant plus haute
des -vii- que ele met xxx- anz [F0 g4 a] a faire2 son cercle, touz jour,
Fig. 18.
avant que ele le puisse avoir fet3A. Et ces trois esteles4 retiennent5 leur
vertuz es choses ça jus. Et pouez regarder que ce est par ceste figure ci
{Fig. 18).
xix AB.
Don tour du firmament et des estoiles. xix6.
Ces -vii- estoiles si sont teles que eles 7 ont plus de poëstez es choses
qui naissent de terre, et plus F0 g4 b] s'i habondent leur vertuz qu'en8
nulles 9 des autres du firmament, et plus ape/Hement oevrent10, si comme li
ancien11 sage philosophe l'en cerchierent par leur12 sens.
De ces -vii- plannetes prennent li 1S jour de la semainne leur nons, si
comme vous14 orrez15 ci*;. La lune si a le lundi, et Mars a le mardi; Mer-
cures, le mercredi. De Jupiter est li juedisle; et de Venus, li17 vendredis.
1 N : Saturn«s. — 2 N': fere. — a X: « touz jourz avant que ele le puisse avoir fet »
manque. — 4 X : « esteles » manque. — 3 X : retienent. — ° N : « -xix- » manque. — 7 N :
qu'eles. — 8 A : que nulles... ; X : qu'en ; C : que en. — 9 X: nu/es. — 10 X : ouevrent. —
11 X: encian. — 12 N : cerclèrent par leurs. — 13 N : planètes prenent. — 14 X: vos. —
15 N : orroiz. — » N : le jued/. — 17 X: le.
a « Mars, Saturnes... avoir fet. » Neckam I. 7. Honorius Aug. I. 67-76.
b [F° 94 a — 94 d — Vers 4230-4260.]
c « De ces vii plannetes... orrez ci. » Honorius Aug. II. 28. Xeckam I. 10.
— 159- —
De Saturnes1 est H samedis; et li sainz2 dyemanches3 s'ahurte au sou-
leill4 [F° g4 c] qui est li!5 plus biausA. Et pour6 ce vaut miex li7
dyemanches que nul8 des jourz de la semainne. Car cil jours9 est mis hors
de painne10 et de labour. Et a celui jour11 doit l'en faire12 chose qui plaise
a Nostre Seigneur.
Mais13 puis qu'en cest secont escrit avons descrit le firmament, si dirons
après d'aucuns cas qui aviennent 14 en ciel et en terre.
Autant vaut a dire dyemanche15 comme jour de pais 16 et de loang-e. Car
toute riens doit loer17 a cel jour le créateur18 [F0 g4 d] qui tout cria et fist.
xix BB.
Du tour du firmament et des estoïles.
Desus Saturnus, qui est la derreniere et qui est la plus haute des -vii*
planètes, est li ciels que l'en voit si plains d'estoiles quant il fait cler tans,
comme cil qui touz19 en20 est plains 21. Cil ciels qui est si estelez 22, ce 23 est
li firmamenzqui tornoie24c. De cui toril ont26 si garant joie et si douce26 mé-
lodie, que il27 n'est nus hons, si il l'avoit oye, que jamès 28 li preïst talent
ne volenté de îa.\-[F° go a]re chose qui fust contraire a Nos/re Seing-neur29
de riens qui soit, tant desirreroit a parvenir la ou il pei'ist oyr tous 30 jourz
si très douces mélodies, et estre touz jourz avoec d.
Dont aucnn furent jadis qui disoient que li petit enfant oient 31 celé mé-
lodie qnant il rient32 en dormant. Car l'en dit q«71 oient chanter les anges
Dieu en paradis; par quoi33 il ont tel joie en dormant^. Mais de ce ne set34
nus la vérité, fors Diex qui tout puet savoir, qui les estoiles mist el ciel,
[F0 g5 b] et qui leur fist avoir tel pooir. Car il n'a si diverse chose en terre,
ne dede/iz mer, tant soit pourverse35, qui ne soit el ciel figurée30 et com-
1 N: Saturnus. — 2 N: le samedi; et le saint. — 3 N: dimanche. — 4 N: sou/lei/.
— 5 A : « li » manque ; N : li ; C : le. — 6 N : por. — 7 N : mieuz le. — 8 N : dimanche
que nus. — 9 N : cel jour. — 10 N : pâme. — n N : jor. — 12 N : ï'ere. — 13 N : Seingneur.
Mes. _ 14 N: aucun quas qui avienent. — 15 N: diemanche. — 16N: pes. — 17 A: « doit
loer » manque ; N, S : doit loer ; C : doivent louer. — 18 N : le verai cnatour. — 19 B :
tou/. — 2° B : « en » manque. — 21 B : plains d'estoiles. — 22 B : au lieu de « estelez » il
y a « plains d'estoiles » — 23 B : si. — 24 B : tournoie. — 25 B : tour il est. — 26 B : et si
très douce. — & B : qu'il. — 2« B : jamais. — 29 B : Seigneur. — 3<> B : toz. — 31 B: ooient.
— 32 B : rioient. — 33 B: quow. — 34 B : soit. — 35 B: parverse. — 36 A : figure.
a « De Saturnes... plus biaus. » Neckam I. 10. V. Introduction p. 46.
b [F° 94 D — 95 D = Vers 4261-4322.]
c « Desus Saturnus... qui tornoie. » Honorius Aug. I. 83.
d «De cui tor... touz jourz avoec. » Aristote De cœlo II. 9. Pline ffist. Nat. II. 20..
Honorius Aug. I. 80. Neckam I. 15.
e « Dont aucun furent... joie en dormant. » Bède, Musica theorica {Patrologia t. 90
col. 911). V. Introduction p. 47.
160
passée par1 estoiles, dont nus ne puet savoir le nombre, fors que Diex
seulement, qui par lui meïsmes les nombre, et set le non de chascune,
comme cil qui tout fist per2 raison a.
Des estoiles que l'en peut8 veoir, puet l'en4 bien savoir le nombre, et
enquerre par astronomie. Mais c'est une mowlt bêle maistrie. Car il n'i a
e-|F° g5 c] stoile si petite qui n'ait en terre sa vertu en herbe, ou en fleur, ou
en fruit; soit en faiture, ou en coleur5, ou de quelque chose que ce soit. Il
n'est riens en terre qui i doie estre, ne qui en li aitG naissance, que estoile
n'i ait puissance7 par nature, soit bonne ou maie, tele comme Diex la li
donner.
Et pour le firmament et pour les plannetes 8, prenez ceste figure :
FiG. 19.
F0 g5 d. Mais puis que nous avons descrit le firmament en ceste se-
conde partie, si dirons d'aucuns :' cas qui en haut et en bas aviennent. Et
si dirons la mesure du firmame/it, pour mieulz10 entendre sa façon, et com-
ment il est faiz11, et de ce qui est desus, et de paradis ensement.
1 B : compassée cl ciel par. — - B : par ; « per » : cf. note p. 66. — 3 B : puei. — 4 B
Ye/it. — 5 B : couleur. — 6 A : qui en /'ait; B : en li ait; C: lui ait ; « en 1' » : cette forme
est isolée et n'est pas confirmée. Nous corrigeons « li ». — 7 B : ait sa puissance. — 8 B :
planètes. — 9 li: d'aucun. — ,0 B: mielz. — n B: fait.
A « Car il n'a si diverse... per raison. » Honorius Aug. 1. 90. Neekam I. 7.
r «car il n'i a... Diex la li donne.» Honorius Aug. 1. 90. Neckam I. 7. Sydrach S 160.
1(31 —
LA TIERCE PARTIE
[F0 g6 a] En ceste tierce partie après finerons ceste astronomie. Si vous1
dirons tout premièrement comment il est nuit et jour, pour faire entendre
les éclipses2 et pour aprendre autres choses.
i. A A.
Comment il est jours* et nuit.
Li soulaus fait *r tour entre nuit et jour environ la terre, et vait ig*au-
ment chascune heure. Tant comme il demeure sus terre, avons le déduit du
jour ; [F0 g6 b] et quant il est desouz, si avons la nuit ; ausi comme se vous
aliez torniant4 une chandoile ardant5 entour vostre teste ou entour une
pomme 6 en loing" 7. La partie qui seroit endroit la chandoile seroit adès
enluminée, et l'autre, qui en seroit mains près d'autre part, seroit oscure8
Ainsi fait li solaus9 par nature jour et nuit estre seur terre. Il fait nestre10
le jour par11* devers lui, et d'autre part est ombreuse12 la terre qui est téné-
breuse et oscure13. [F0 gô c] Et ainsi laisse ombre celé part la ou il ne
puet luire ; et ce est li ombres de la nuit qui le déduit du jour nous toit u.
Mais pour ce que li solaus 15 est plus granz que n'est toute la terre, vait li
ombres agraisloiant, si qu'il vait a noient16 en la fin, a la manière d'un 1T
clochier que l'en fait en ces mostiers18».
Mais si 19 la terre et li soulaus estoient ig-aument d'un grant, li ombres
n'avroit point de fin; ainz seroit [F0 g6 d] toutig-al sanz declinement. Et se-
la terre estoit plus granz, si iroit20 li ombres eslargissarct 21. Dont vous pouez
veoir la faiture en ces *iii- fig-ures ci endroit (Fig. 20,21 , 22). [F0 gy a] Et si
le *J2 poons prouver autrement sanz fig-ures: Prenez aucune chose oscure qui
puisse retenir lumière, si comme de fust ou de pierre, ou d'autre chose, qui
soit tele que l'en ne puisse 23 veoir parmi ; si la metez devant vos ieuls 24
1 A: vons. — 2 B: éclipses. — 3 B: jour. — 4 B: tourniant. — 5 B: « ardant »
manque. — 6 B: poume. — 7 B: en loing-, mais que la chandoile fut ardant; N: même
que A. — 8 B : oôscure. — 9 B : souleill. — 10 B : naistré. — n A : pa. — 12 B : ombrouse
— 13 B : oôscure. — 14 B: qui nous toit le déduit du jour. — 15 B : soulaus. — 16 B
nomnt. — 17 B : du. - 18 B : moustiers. — ^ B : se. — 2° B : grant, si i iroit. — 2* B
enlargissans. — 22 B: les. — 23 N: que l'en ne puisse...; A, B, G : que l'en puisse. —
24 B : voc ieulr.
* pa est isolé dans le ms. A. Pa (= par) se retrouve dans d'autres textes. Cf. Chan-
son de Roland v. 47 et 149 (Oxford).
a Ce chapitre est divisé en trois parties : A, B, C. [F° 96a — 99 b — Vers 432,'J-
4466.] La partie A est basée sur la Philosophia Mundi II. 27.
b « Mais pour ce que... en ces mostiers. » Honorais Aug\ II. 30.
11
— 102 —
Fig. 20 et 2i.
— 163 —
encontre ce que vous voulez veoir, ou le ciel, ou la terre, ou ce que vous
voudroiz. Se la chose [F°gj b] que vous tendroiz est plus large que il n'a entre
vos1 *ir ieulz de loing, ele vous touldra a veoir 2* près et loing par darrieres
li plus que ele n'a de large. Et se la chose est toute igaus en loing- comme
vous poouez3 estendre vos4 *ii* ieulz, autant vous en touldra devant vous
Fig. 22.
comme la chose avra de grant. Se la chose a mains de grandeur qu'entre
voz *ii' ieulz n'a de lonc, ele vous touldra mai/zs a veoir et près et loing
\F° 97 c] que ele5 n'est large de ce que vous6 voudroiz veoir. Et quant
vous metroiz la chose plus loing de vos 7 ieulz, tant en porroiz 8 vous plus
veoir de l'autre part en sus de vous, tant que veoir la porroiz toute. Tout
autresi est il du soleill 9 sanz doutance, qui pas 10 ** la terre en u grandeur,
si qu'il voit le ciel tout entour, et les estoiles, et qwanqu'il a el firma-
ment.
1 B: vos. — 2 A: touldra avoir près.
B : poucz. — 4 B : vos. — 5 B,': qu'ele.
B : vous. — 7 B: vos.
B: de.
s B: porres. — 9 B: souleill. — ]0 A: pas; B, C, S : passe.
* L'infin. de ce verbe se présente très souvent dans le texte. Le scribe de A écrit tou-
jours « veoir ». Ce cas-ci est donc isolé. De plus, le scribe écrit distinctement « avoir » en
un mot. Il semble donc probable qu'il y a ici erreur de sens plutôt qu'une forme ortho-
graphique.
** « pas». La chute de l'e final à la troisième pers. sng. prés. ind. n'est pas un cas
isolé (cf. f° 97 c « pas », f° 136 a « présent »). Les exemples dans d'autres textes sont nom-
breux : « regard », « comand», « merci » (Haumtone, Halle 1899), cf. Suchier, St. Auban
p. 36, 52; Stimming, o. c. p. 181, 182. C'est un trait fréquent en angln. ; cf. aussi note p. 121.
104
1. B,
Pour quoi1 l'en ne voit* les estoiles de3 jourz*.
Les estoiles du firmament, a cui li [F0 gj d] souiaus rent leur clarté,
font adès par nuit et par jour leur tour avoec le firmament tout a adès de-
seure et desouz. Mais celés qui sont desus nous, ne poons nous5 veoir de
jours. Garli souiaus6, par sa grant clarté, nous en tost7 la vëue A. Tout'ausi
comme de chandoiles que vous verriez en loing- de vous toutes ardanz ; et se
il avoit 'i* grant feu entre vos8 et les chandoiles, qui rendist grant lumière,
il vous toldroit9 a veoir les chandoiles [F0 g8 a] de voustre 10 esgart. Et qui
metroit le feu d'autre part darrieres11 vostre dos, si porriez tantost reveoir
arriéres les chandoiles ardanz devant \ofis : Autretel vous di je des estoiles,
que l'en ne puet veoir de jourz 12, tant comme li souiaus face son cours par
desus la terre. Mais quant il est desouz, si les véons, tant qu'il renaist sus
terre arriéres.
Celés qui sont desus nous de jours13 en esté, celés si resont en yver par
nuit desus nous; et celés d'esté si14 sont de-j//o g8 b\sonz. Car celés que
nous vëons en esté, celés ne poons nous veoir en yver. Car li souiaus, qui
va entour nous, toult de celés la clarté qui sont par jour la ou il est, tant
qu'il se trait15 ensus de eles10.
Mais toutes sont enluminées, quel part que eles soient tournées, et de
nuit et de jours, tant17 comme li solaus1- vait entour haut et bas, res-
plendissant adès, fors celés qui sont près 19 de la terre. Car tant comme20
li ombres peut21 comprendre, ne peut22 rendre li solaus23 [F° g8 c]
clarté. Que vous pouez entendre par la figure, ce que ele vous en tigure.
Ausi li ombres se descroit24 par le souleill25 qui est plus granz 26 que
la terre, et fenist en apetiçant27, et dure plus loi/?g- de terre que la lune
n'est en haut. Mes il défaut desus la lune.
i. c.
Pour quoi28 l'en ne voit le souleill de nuiz2Ç>.
La terre si est celé qui nous desfentyo le jour que li solausjnous rent 31.
Se la terre estoit si clere que l'en peûst veoir par mi tout outre, l'en verroit
1 B: qaoy. — - B: veoit. — "A: de.v. — 4 B: jors. — 5 B : «nous» manque. —
(î B: soullaus. — 7 B: toult. — 8 B: vo«s. — » B: toudVoit. — 10 B : vostre. — n B :
clairière. — l2 B: jors. — 13 B: jourr. — 14 B: « si » manque. — 15 B: traist. — 16 B :
rfeles. — ]T B: nuis et de jourr, et tant. — 18 B: souleil. — 19 A : « près » manque. —
20 B: commMl. — -1 B: puet. — -- B: puet. — -3 B: sou/leil. — -4 B: descro/.st. —
25 B : souleu/s. — -6 Les derniers mots du f° 88 d du ms. B sont : « qui est plus granz ».
Les premiers mots du f° 89 a sont : « ... adonques si l'apelons ». Fos 98c jusqu'à 99c du
ms. A manquent donc dans le ms. B. — 27 N : apeticent. — -H N :Por coi. — 29 N : soleil
de nui/. — :i0 N: est ce qui nos deffcnt. — ?A N : que le souïïe/l nos rent.
a « Les estoiles... nous en tosl la vëue. » Honorius Aua:. I. 89.
— 165 —
[F0 g8 ci] le souleill1 touz jourz par dessus2 terre et par desouz a. Mais ce
que ele3 est si obscure4, le nous toult a veoir par mi li ; et l'ombre fait
venir5 avant, qui s'en vait6 touz jorz tourniant 7 encontre le souleill, et
fait8 autreta/it de tours9 entour la terre comme fait li soulaus 10, comme
cil qui touz jorz vait encontre11 lui.
Quant li soulaus 12 naist au matin en oriant 13, li ombres en est en occi-
dent14. Et quant il est endroit midi15, la terre a l'ombre16* desouz li. Et
quant il couche [F0 gg a] en occident, si est li ombres en oriant. Et quant
li soulaus 17 est desouz nous, lors avons18 nous13 l'ombre desus, qui adès
s'en vait abaissant20 le coing par devers occident21, tant que li soulaus
nous22 reluist, qui nous23 donne le jour. Et ce pouez vous veoir certainne-
ment sanz nulle défaillance24 en ces figures qui sont25 ici après26.
[Fogg b.] (Fig. i3 et 2 4).
Comment21 la lune reçoit28 diversement lumière.
Puis que jour et nuit entendez, or veez après de la lune comment 29 ele
reçoit30 lumière du souleill. Ele [F°gg c] en reçoit lumière en tele manière
que ele31 est touz jourz la moitié plainne en quelque32 lieu que ele soit. Et
quant nous 33 la vëons reonde, adonqwes si l'apelons plainne. Mais quant
plus est loing34 du soleill35, tant i voit l'en plus d'apareill 36.
Et quant ele est tout droit desouz, lors ne nous apert ele37 pas. Car ele
1 N: soulleil. — 2 N : desus. — 3 N: Mes ce qu'ele. - 4N: oscure. — 5 N : et fet
l'ombre venir. — ° N: vet. — 7 N : tournoient. — 8 N: soulleil, et fet. — 9 N : tounr. —
t0 N: comme i'et le soulleil. — n N: jourz vet contre. - 12 N: souleus. — 13 N: orient.
— 14 N : ocident. — 15 A : « midi » manque; N, G: midi. — 16 R : la terre a /'umbre ;
A, N, C : la terre la ombre. — 17 N : souleas. — 18 A : auous. — 19 N: nos. — 2° N: s'en
vet abessent. — 21 N: ocidant. — 22 N: le soulleil nos. — 23 N : rehu't, qui nos. — 24 N:
« certainement sanz nulle défaillance » manque. — 25 N : «qui sont» manque. — ^N:
« après » manque. — 27 N : Cornant. — 28 N : reçaet. — ^ N: commant. — 30 N: reçuet.
— 31 N: qa'ele. — 32 N : plaine en quel. — 3?> N: nos. — u B : quant ele est plus Ioing. —
35 B: souleill. — 36 B : d'apara//. — 37 B : « ele » manque.
* Ms. vers (Sloan f<> 115 D) :
Et quant il est en droit midi,
la terre abande desous li.
La position de a après terre et devant blinde dans la rédaction en vers nous fait sup-
poser une faute de copiste : abande pour a l'ombre. C'est pourquoi nous suivons la leçon
de R. Le sens de la phrase pourrait cependant s'expliquer en admettant la leçon de A,
N. C... « midi la terre, l'aombre desouz li » mais ne serait certes pas aussi clair et
simple que la leçon « a l'ombre ». Un seul argument est en faveur de la leçon de A « Et
quant il est endroit la terre, l'aombre desouz li » : en s'efforçant de mettre les vers en
prose le « dérimeur » aura sacrifié la clarté de la phrase à la forme.
a « La terre si est ceie... par desouz. » Honorius Aug. IL 29.
b [F° 99 b — 100 c = Vers 4467-4530.] La matière de ce chapitre se trouve dans les
ouvrages suivants: Philosophia Mundi TI, 31. Sydrach Add. 243. Neckam I. 13. Isidore,
Etym. III, 53.
166
Fig. 23 et 24.
— im —
est adonques entre la terre et le soleill x ; si que ele est 2 clere par delà, et
par deçà devers nous est oscure3; et pour ce ne [F0 gg d\ la vëons nous
pas. Mais quant ele passe le point que ele se remue ensus du souleill 4,
lors nous apert sa clarté cornue.
Et que plus se vait esloing-nant 5 du soleill, tant nous apert ele plus
luisant6. Et tant7 qu'ele rapert demie et lors a ele aie8 la quarte partie
de son cercle tout entour, ou ele parfait son tour chascun mois, et s'en vait
adès esloing-nant et sa clarté croissant touz jourz 9, tant qu'ele péri toute
bêle et clere, en10 samblance d'une roele. [F0 100 a.] Mais lors est ele si
ensus du souleill comme ele puet plus, en son cercle, par d'autre11 partie,
droitement devant son esg-art; si que la plus enluminée est toute tornée12
devers nous. Et lors est la terre entre eus *ii* 13, si que nous ne les poons
veoir amdeus 14 seur terre, se moalt petit non. Mais l'un des *ii* puet l'en
hien veoir desque il naist jusques au couchier ; et li autres est desoz terre,
tant qu'il rapert vers oriant, et lors voit on celui coucher **. Et ponr
[F0 100 b] ce ne les puet on 16 pas veoir amdeus ensamble soir et main.
Mais la lune qui a parfait la moitié de son tour s'en vait dès lors apro-
chant17 du soleill18 ; et vait sa clarté amenuisant, tant qu'ele nous rapert
demie, si comme a la qaarte part. Car19 lors a ele -ni- quartiers alez touz
entiers de son cercle; et est si prochainne 20 du souleill comme a la quarte
premerainne. Mais adès s'en aproche 21 plus et plus, tant que ele nous rapert
[F0 ioo c] cornue par d'autre22 part, si comme devant. Et ainsi s'en vait
toute défaillant23, tant que l'en n'i voit point d'apareill. Car adonques 24
est ele desouz le soleill 25.
Si pouez veoir ce que je vous en di en ceste figure {Fig. 2.5).
111 a.
Comment les ectypses de la lune aviennent.
\F° ioo d] Il avient souvent qu'il couvient pardre26 clarté a la lune.
Et avient aucune foiz qaant ele apert plus plainne ; si devient ausi comme
toute vainne, et s'en vait petit et petit défaillant.
1 B: souleill. — 2 A : « est » manque. — 3 B : obscure. — 4 B: soleill. — 5 B; plus
s'en voit eslo/gnant. — 6 B : luisans. — 7 b : et ant. — 8 B: Au lieu de : « Et lors a ele aie »
il y a « si comme a » ; R: Et lorsqu'elle appert estre a moitié, a dont elle aie la quarte par-
tie de son cercle. — 9 B: jours. — "> B: clere et en. — n A, B : par d'autre, cf. note p. 68.
— 12 B: tournée. — 13 B: terre tournée entre eiJs -ii\ — 14 B : awdeus. — 15 B : et lors
puet on celui couchj'er ; « coucher » cf. note p. 69. — 16 B : « on » manque.— 17 B : aproa-
chant. — « B: souleill. — w B: Et. — -° B: prouchainne. — 21 B: aprouche.— & B: «par
d'autre» manque, cf. note p. 68. — 23 B : défaillant. — 24 B : adouques. — 25 B: souleill.
26 B: convient perdre.
a [F° 100 c — 101 d= Vers 4531-4586.]. La matière de ce chapitre se trouve dans
les ouvrages suivants : Philosophia Mundi II. 32. Sydvach Add. 149. Neckam I. 13.
— 168 —
Vous avez oy 1 ça devant comment ele reçoit lumière la moitié du soleill
entière. Mais2 quant il couvient qw'ele éclipse3, clarté ne li vient de nulle4
part. Et si ne li avient, fors quant elle a tornée5 la moitié de son cors
vers le souleill 6, que ele ne soit toz \F° 101 a] jourz7 enluminée. Mais
la lune, qui ne vait pas si droit comme fait li solaus 8, passe aucunes 9 foiz
FlG.
par tel voie que la terre l'ombroie toute. Car la terre est plus granz
que ele n'est, et pour ce l'ombroie ele ainsi. Car entr'eus • ii • 10 a une
ling-ne, tant que ele se décline a11 la lune, tant comme son cours est plus
isnel. Et lors la refiert li solaus 12 de ses rais [et li rent clarté ; par quoi 13
ele repre/it sa lumière. Mais que mains passe par cel om - F0 101 b
bre, tant li encombre ele mains de la clarté que ele reçoit du soleill 14
quele part15 que ele soit ; fors quant ele se doit prendre a l'ombre.
Si pouez ce ainsi entendre : S'une ligne passoit par mi la terre, par le
point du milieu tout outre hors d'ambes • ii • parz 16 ; et passast tout outre
le cors du souleill, tout par droit repart, et l'autre chief, par d'autre
' B:o(. -2B: Mes. — s B: ce/i/pse. — 4 B : nu/e. — 5 B : tournée. — 6 B : soleill.
— 7 B: jours. — 8 B: soulaus. — 9 B: aucune. — 10 B : «-ii- » manque. — n B : de
12 B: soalleus. — 13 B : quoy. — l4 B : souleill. — « B: «part» manque. — 1G B :
d'ambe deus pars.
169
part1, qui durroit de terre ainsi loing1 et passeroit tout2 parmi le coing-
de l'ombre, tous jourz par en mi ; la lune [F° 101 c], qui va par illuec
de ça ou de la chascun mois, passe aucune foiz parmi. Et adonques chiet
ele dedenz l'ombre qui de toutes parz li encombre a venir la clarté du so-
leill 3 qui a li ne puet avenir. Et que plus est endroit la lmg-ne, de
tant 4 décline plus sa clarté.
Ausi voit l'en aucune foiz la lune, el milieu de son mois, anoientir 5
quant ele est plus plainne, et oscurrir c toute sa clarté dedenz une [F0 101 d\
nuit, et reprendre ; que vous pouez ci entendre 7 :
De V éclipse 8 du soûle i II.
Du soleill qui pert sa clarté aucune foiz de jourz et el
milieu du jourz9, et vait ausi comme a déclin, que
1 A, B: par d'autre part, cf. note p. 68. — - B: touz. — 3 B : soaleill. — 4 B : tannt.
5 B: anuitier. -6B: oscuvcist. — 7 G: entendre par ceste figure. — 8 B: ec/ypse. —
9 B : jour.
a [F° 101 d — 103 6= Vers 4587-4657.] La matière de ce chapitre se trouve dans
les ouvrages suivants : Philosophiez Mundi 11.30. Sydrach Add. 149 S. 147.
— 170 —
apele en latin éclipse, ce est de lumière defaute 1 : Si avient en tele manière
que, quant la [F0 102 a] lune qui est desouz s'en vient entre nous et le
soleill2, tout adès en la droite lig-ne3, si couvient que ele nous contien-
ne4 la clarté du soleill en haut5, si qu'il nous samble qu'il défaille6.
Car la lune si n'est pas si pure que li solaus 7 puisse outre luire, si
comme parmi une austre estoile ; tout autresi8 comme d'une chandoile9
qui seroit loing- de vostve es^art, puis tendissiez vostre palme10 endroit la
chandoile11. Ne point n'en verriez12 celé part. [F0 102 b] Et quant plus me-
troiz la main endroit, tant mains verroiz de la chandoile, tant que point
n'en verroiz13 enqui. Autresi vous di je de l'eclipse14, qu'entre la lune et
li solaus15 n'a 1G pas une voie commune. Ainz a la lune une autre voie
qui se desvoie un pou de celé. Pour ce si nous couvient entendre que, qui
porroit estemdre * i ■ fil17 de \ostre esg-art tôt18 droit jusques au souleill
quant l'en le voit, ausi est cele1!) ling-ne tendue dont souve/ztes [F° 102 c]
foiz se décline la lune, ou de ça ou de la, chascun mois, comme celé qui va
tout adès par desouz le soleill. Mes20 quant de celé lingne est si21 près que
ele passe tout droit par mi, si nous toult 22 ainsi le soleill, si que nous
ne le poons pas 23 veoir tant comme ele soit en cel pas. Car lors fait ele
ombre a la terre, qui les rais du soleill 24 encombre a venir celé part seur
terre, ou endroit le soleil se serre. Et cil qui lors sont celé part ont en leur
\F° 102 d] repart l'ombre darrieres25.
Mais il n'apert pas communément a tote 26 gent par tout le monde. Car
la lune n'est pas si granz27 comme la terre de grant partie ; pour ce ne
s'ombroie pas tote28, fors la ou ele chiet en la voie de la Yingne qui adroit29
se serre par30 mi la terre et le souleill. Dont li philosophe soloient 31aler la
ou il la32 savoient. Car il l'avoient quis par leur sens pour prouver les
jors83 et le tens34 et les choses qui avenoient ; dont il es-\F° io3 alprou-
voient maintes choses, par quoi il prisoient plus Nostre Seigneur.
Ainsi veons nous de ça jus l'eclipse35 du soleill desus nous, quant la
lune est endroit desouz, tant que la lune rest36 plus basse. Car li solaus37
passe la ling-ne et s'en vait adès esloignant, et qu'il apert ausi 38 comme
1 B: ec///pse; ce est defaute de lumière. — - B: souleill. — :i B: lingne. — 4 A : au
lieu de : « qu'ele nous contiengne » il y ;i : « que les nous contiengne » ; N : qu'ele nos
contieingne; B: que ele nous contiengne. — 5 B: souleill. — 6 B: si qui nous samble que
ele /aille. - 7 B : soulaus. -«B: ausi. — » B : chandoZ/le. — 10 b : paume. — " B et N :
chandoille a vostre veiïe. Vous ne verriez pas la clarté de la chandoile. Ne... — 12 B:
point ne verriez. « en » manque. — 13 B : verrez. — 14 B : ec///pse. — 15 B : soulaus. -r
16 A: ont. — 17 B: fil/. - w B: tout. — ™ B: est de eele. - 20 B : souleill. Mois... —
21 A: « si » manque. — - B: toit. — -:i A: par. — 'M B : souleill. — 25 B: ont l'ombre
en leur regart darrieres. — -G B : toute. — -7 B : gran/. — 28 B : toute. — 29 B: adès. —
:!<l B: serre droitement par. — 31 B : philosophe qui lors estoient souloient. — 32 B : « la »
manque. — ■]?' B : jours. — :!4 B: tr/ns. — 35 B: ec/upse. — :!6 B: est. — 37 B: sou-
leu/.s. — :!8 B : aussi.
— 171 —
devant. Et la lune, qui adès vet1, apert cornue trois jourz2 après. De ceste
eclypse poez3 ci entendre ce que vous avez oy 4 [F° lo3 b] [Fig.2j).
VA.
De V éclipse* qui avint a la mort Jhesu Crist.
Ausi comme la lune nous toult 6 le7 souleill8, ausi nous retoult la
terre sa clarté souvent; si comme vous9 avez devant oy. Mais éclipse 10 ne
porroit estre pour riens qui soit de la lune, fors quant ele s'apert plus plainne,
Fig. 27.
ne du souleill11 autresi, fors [F0 io3 cj en defaute de la lune, se DieX, qui
puet muer chascune chose et refaire a 12 son plaisir, ne le faisoit ainsi 13 avenir.
Tout ausi comme il avint a celé foiz que Jhesu Crist fu en la croiz mis, que
la clarté du jour failli si comme entre midi et nonne. Et si estoit la lune
ensus du soleill14 tant comme elepooit plus, comme celé qui estoit plainne,
1 B: vait. — 2 B: jours. — 3 B: pcmez. — 4 B : oï. — 5 B : De Yeglyse. — 6 B: toit.
7 A: toult de. - «B: so/eill. — » A : nous. — 10 B : eclypse. — «B: so/eill. —
i2 B: par. — ™ A: amsi. — 14 B: souleill.
a [F0 103 b— 105a — Vers 4658-4758.] Sydrach Add. 149, 455. Actes des Apôtres
XVII. 23-34. Suidas (Migne. Patrologia. Séries Graeca. t. 117 col. 1251). De Launoy Duo
Dionysii (Paris, 1660). V. Introduction p. 47.
— 172 —
et desouz terre demoroit ailleurs. Et fu li jourz oscurs1 comme nuit a l'eure
qu'il devoit estre [F0 io3 d] et purs et clers. Dont Sainz 2 Denis, qui ores
est en France, et lors estoit en Grèce païens, et estoit granz clers, et savoit
d'astronomie assez, quant3 il vit celé grant oscurté4, si s'en merveilla dure-
ment, et trouva par astronomie que ce ne pooit pas estre par nature ne
par raison que éclipse5 fust en tele6 saison. Lors dist une moult oscure7
parole. « Ou li diex, dist il, de nature sueffre8 grant torment et grant tort;
ou toz9 li mondes se descorde [F0 io4 a] et se desjoint pour défaillir10,
comme cil qui veult defenir. » Et pensa qu'il estoit uns granz diex qui
deseur touz avoit pooir, comme cil qui creoit pluseurs diex que il creoit
estre en pluseurs11 lieus seloncsaloi12. Lors fist • i • autel tôt13 en sus des
autres darrieres, ou nus n'aprochoit 14, fors il seulement ; et ne vouloit
mie15 que l'en le16 tenist a mescreant. Et quant il l'ot veù, si l'apela l'autel
du dieu mesconneiï. Sil'aoura17 et le tint moult chier. Atant ne demoura18
pas grau- F0 io4 b] ment que Saint Pois 19 vint celé part ou Saint Denis
estoit, comme cil qui le savoit a grant clerc20; dont il le converti plus
tost, que par miracle que par élargie 21% si comme il est en sa vie raconté.
Et ainsi devint cil crestiens qui touz jors 22 avoit esté sarrazins, par son
sens et par sa clergie, ou il ot bien son tans enploié23. Gelé éclipse24 ne le
déçut pas ne ce qu'il sot d'astronomie. Ainz en 2i devint puis si preudons 2e
que il en a paradis de loier.
Nous21 F° io4 c] avez oy des éclipses28 ; se vous les voulez entendre,
ja pis29 n'en vaudroiz30, se miex non. Car c'est signification et demous-
trance que tels choses ont31 senefiances. Ce truevent astronomien32 en
astronomie, si comme defaute d'aucuns biens, ou de chier tans, ou de
guerres, ou de mort de rois ou de princes, qui doivent avenir en terre ; tant
comme33 l'en en puet enquerre par raison.
Gela éclipse34, qui fu si grant35, senefia la mort Jhesu Grist. Si dut
ele bien F0 io4 cl- avenir36 autrement pour37 Dieu que pour nul autre.
Car il estoit sires et rois par droiture. Si fait et desfait si comme il li
plaist.
1 B: jours oôscurs. — 2 B: sain/. — 3 B : savoit assez d'astronomie, quant. — 4 B:
oôseurté. — 5 B: eclypse. — 6 B: te/. — 7 B: oôscure. — 8 B : souffre. — 9 B: tout. —
10 B: desfaillir. — 11 A : «diex que il creoit estre en pluseurs » manque. — 12 B : lot/.
— 13 B : tout. — u B : aprouchoit. — 15 B : «mie» manque. — 16 B: qu'en le (« le»
manque devant « en »). — 17 B : l'aora. — 18 B: demora. — 19 B: Sainr Pois. — 20 B : grans
clers. — -' B: que par clergie que par miracle. - 22 B : jourr. — 23 B: emploie. — 24 B :
ec/ypse. — -•' B: « en » manque. — 26 B : proudons. — 27 B : 77ous. — 28 B : ec/ypses. —
29 B: « pis » manque. — 30 B: vaudrez. — 31 B: sont. — 32 B : astronomiens. — 33 B:
comment — 34 B: ec///pse. — 35 B: granr. — nr' B : bien faire. Car ele dut bien avenir.
- ?-' B: por.
« Clarqie » est isolé dans le ms. A, mais le changement de « e -j-r » en a -\- r est si
fréquent dans le ms. qu'il n'y a pas lieu d'y voir une faute de copiste. Cf. apercevoir
fo .'}6b, passim; darreniers f° 21 d; pardre f° IOOd, passim; etc.
— 173 —
Les autres aviennent par nature , qui retienent i en terre leur vertuz
des choses qui sont a venir ; si comme il couvient tout fenir quanqu'il a
en terre briément.
Diex ne fist pas le firmament pour noient, ne les estoiles qui vont tour-
niant2 desus nous; ainz leur donna nons et vertuz en 8 ciel et en terre,
chascune [F0 ioô a] selonc sa puissance, en toutes les choses qui naissance
ont. Car il n'est chose qui n'ait aucun pooir, qui ait naissance itele comme
il doit avoir.
Si lairons ores atant ester des éclipses4 pour raconter de la vertu du
firmament et des estoiles. Car qui bien en savroit les vertuz, il savroit
quanqu'il a ça 5 jus en terre par droite raison de nature, combien que la
chose fust oscure G ou non.
vi A.
Dr la vertu du ciel et des estoiles B.
Or oiez 7 de celé science, par quoi l'en vient [F0 io5 b a sapience de con-
noistre les choses et enquerre, qui pueent8 en terre avenir par oevre de
droite nature qui se figure par le monde.
Li ciels et les estoiles sont estrument de nature 9 au monde, par quoi
ele oevre tout adès, si comme Diex veult, et près et loing. Et qui set10
connoistre sa puissance, il a connoissance de tout ice, des estoiles qui sont
el ciel, qui ont leur vertuz en terre, que Diex otroia a chascune, et a la
lune et au soleill qui [F0 io5 c] au monde font naistre la clarté et sanz
cui riens vivant estre ne puet c. Car par celés corrumpt11e/naist toute riens
qui est en cest monde, et12 qui a fin et commencement. Ainsi13 le consent
Diex, et vuelt14.
Toutes diversitez qui sont es genz, et qui ont diversitez soit de îaiture
et de courage ; et tout qnanqu'il avient par nature en herbes, en plantes,
en bestes, si avient par la vertu céleste que Diex donna as estoiles, quant
il forma15 premièrement [F0 io5 d] le monde. Et eles i1G mist si par na-
ture, qu'il les17 fist aler entour le monde contre le tour du firmament.
Par leur mouvement 18 et par leur tour et par la vertu qui gist el ciel
vit toute riens qui desouz est. Et se il venoit ores a plaisir a Nos^re Seigneur
qu'il19 feïst le ciel tenir tout quoi, que il ne tornast a la reonde tout
1 B : retiennent. — 2 B : torniant. — 3 B: el. — 4B : Jairons ore ester atant des eclup-
ses. — 5 B : ci. — 6 B : oôscure. — 7 B : oez. — 8 B : puent. — 9 B : « de nature » man-
que. — 10 B : soit. — n B : celé corrompt. — 12 B: « et » manque. — 13 A : amsi. —
14 B: veult. — » B : fourma. — 16 B : Et /es i. — 17 B: qui les. — 18 A et R: « par leur
mouvement » manque. — 19 B : qui
a [F* 105 a — 109 d = Vers 4759-5002.]
b Adélard de Bath o. c. Qaaes. 74. V. Introduction p. 47, 48.
c <( Et qui set connoistre... vivant estre ne puet. » Neckam I. 7 ; De laud. I.
— 174 —
entour, il n'est riens nulle en tout le monde qui se peiïst mouvoir, ne qui
en lui eiïst nul sens, noient1 plus que uns morz2 qui riens ne sent
[F0 106 a] ne ou il n'a ne sens ne mouvement, comme cil qui n'a point
de vie. Et trestout en autretel point que chascunne 3 chose seroit a l'eure
que li ciels lairoit son movoir 4, tout ainsi seroient que jamais5 ne se mou-
vroient, tant que li ciels ravroit mouvement ; et lors reseroient autrement.
Mais qui lors porroit de ses sens user, et veoir qu'il seroit, moult
porroit veoir de samblances et de diverses contenances es 6 autres g*enz qui
ne [F0 106 b\ se porroient remuer. Car s'il n'avoit mouvement el ciel, il
n'est riens qui peiïst vivre en terre. Car Diex ne le voudroit, qui tout7 veult
par droit establir.
Ainsi voult Diex, en cuis toutes vertuz habondent, fourmer le monde.
Car il ne fist onques riens a cui il ne donnast sa vertu, tele comme il la
devoit 9 avoir. Autrement eûst il faite aucune chose pour noient et sanz
raison. Mais il ne le fist pas ainsi ; car il ne li failli nulle riens.
[F0 106 c] Il fist et créa10 les estoiles, et donna a chascunne 1X sa vertu.
Et qui ainsi ne le veult croire, en lui n'a mémoire ne raison. Car nous
vëons apertement que la lune prent lumière quant nous la vëons toute
plainne ; car li hons n'a lors ne membre ne vainne qui plus ne soit plainne
d'umeurs12 que quant 13ele est en decours. Et ausi avient il de toutes
bestes ; car il ont plus plainne la mouele14 es testes. Neïs15la mer meïsmes
s'en [F0 106 d enfle et se desenfle a son decours, tant que ce vient el
mois après. Dont cil qui sont près de la mer, quant il sevent 16 que la
lune cloie estre plainne, si s'en vont en sus de la mer et enmainnent leur
maisnies, et s'esloingnent17 de leur manoir, et vont manoir en haut lieu,
tant que la mer s'en voist 1S arriéres; et font chascun mois autresi. Et tout
ce19 avient par la lune qui est une des • vi i • planètes.
Autresi voit l'en du [F0 ioj a] souleill20 que, quant il s'aprouche de
ci, et il commence a monter, si fait porter fruit a la terre, et fait apa-
roir21 fueilles, et toutes verdeurs22 revenir; et lors commencent23 li
oisiau leur chant por24 la douceur du tans novel25; et quant il prent a
rabaissier2'"', si nous fait commencier yver ; et fait faillir et fleurs27* et
fueilles, tant qu'il se prent a revenir arriéres.
1 B: néant. — 2 B: mor/. — 3 B : chascuue. — * B : mouvoir. — 5 B : jamès. — G B :
as. — < L: tou/t. — * B: qui. — 9B : doit. — 10 B : cr/a. — « B : chascun. — 12 N et
S: d'umeurs ; C: d'umeurz ; B : de humeurs; A et B: de meurs. — 13 A: que tant. —
14 B : la moie/le. — 15 A : Ne. — 16 B : servent. — 17 B : s'eslo/gnent. — 18 B : la mer se
vait. — 19 B : «ce» manque. — -° B: so/eill. — 2I B: apparoir. — 22 B : fueilles et Jlours
et toutes verdures. — -■> A : comment. — 24 B : pour. — 2:> B : nouvel. — 26 B : rabessier.
— 27 A : tleuers.
« Fleuers » : cette forme est isolée dans le ms. A. Le scribe e'crit toujours « fleurs »
(fo 2od, passim). De plus, nous ne pouvons confirmer cette forme par d'autres textes.
C'est le seul exemple dans A de l'insertion d'un e inorganique, commune en angln. (Cf.
Suchier, St-Auban p. 31 ; Stimming, o. c. p. {81.)
— 175 —
Puis que ces -ir estoiles ont tels vertuz qui teles choses1 font, les
autres qui el ciel sont pour -[F0 ioj b\ traites ne furent pas faites pour
noient ; ainz a chascune sa vertu et sa droiture selonc sa nature , par
quoi eles font les diversetez 2 es choses qui sont en terre, et les remuances
du tans. Li uns vient tost et li autres tart ; et les fruiz qu'en terre fait ve-
nir, l'un fait cueillir tost et l'autre tart; et sont pins tost meùr 3 en *i* an
qu'en *i* autre, et plus asseûr de tempestes et d'autres grevances, et font
d'autres muances assez. Car uns estez est douz [F0 ioj c] et moistes, et
li autres est ses et venteus4. Des yvers ravient il souvent qu'il se chan-
gent souventes6 foiz ; que li uns est6 froiz et pluieus et plus annuieus
que li autres, et uns autres est mains, sanz perill. L'en voit que li uns est7
chiers, et li autres est vill d'aucunes choses; et puis voit l'en que ce dont
il vient plus celé année, qu'il en est en une autre année graat chierté. Et
ce dont il est grant plenté en 'i* rF° ioj d] tans, en revient mains après,
ou faute du tout. Toutes ces diversetez8 font les estoiles qui sont el ciel;
niais c'est par la voulenté 9 de Dieu qui chascune a mise en son lieu propre
ou ele fait naturelment son cours, et chascune diversement.
Car s'autre chose n'avoit son us es tans, fors que li solaus10 sanz plus,
comme cil qui vait isnelement par le firmament chascun an, et monte au-
tant en -i* esté comme il fait en l'autre, et au-fi^0 108 ajtant descent en
touz yvers, et vait chascun jour igaument tant qu'il revient en son droit
point, et joint l'autre après celui ou il fu devant; ce sevent11 bien, li astrono-
mien qu'il vait chascun an entour le ciel un tour; et la ou il esthuy12 cest
jor13, resera il d'uy en -i- an la meïsmes : Par ce set l'en que, se autre estoile
n'avoit ses pooirs14, que autrement iroit. Car tous les anz15*s'entreresemble-
roient16;e£seroit chascuns17 tels [F° 108 b\ comme il fu devant. Et les mois
s'entreresambleroient autresi, chascun18** ainsi comme il vendroient : Jan-
vier,, un autre janvier ; et février, un autre février ; et les autres #x- mois
ausi. Car li soulaus19 va tout ausi en un mois comme il fait en celui mois
meïsmes qnant il en est près. Et li jours d'uy resambleroit20 celui d'uy21 en
•i- an en toz22 endroiz, de chaut, de froit, de bel, de pluie, et les autres
selonc leur [F0 io8c\ venue, chascuns si comme li ans dure. Si couvendroit
par nature droite que tuit li esté et tuit li y ver qui onques avroient esté, ne
1 B: tels chose. — 2 B : diversete's. — 3 B : meurs. — 4 A: venceus. — 5 B: aucu-
nes. — 6 B: « est» manque. — 7 B: « est » manque. — 8 B: diversetés. — 9 B: volenté.
10 B: scmleus. — » B: savoit. — 12 B : hui. — 13 B: jour. — l4B: pouoirs. — 15 A : amz. —
16 B : s'entreresambleroient. — 17 B : chascun. — 18A: chanscun. — 19 B : souleus. — 2o B :
jour d'ui ressambleroit. — 21 B : d'm. — 22 B : touz.
* « Ainz » : cette forme est isolée dans le ms. A. De plus, il n'y a pas d'autre exemple
dans le ms.. de la forme ain = an qui est un trait lorrain.
« Chascun » : forme isolée dans le ms. A, et qui n'est pas confirmée par d'autres
textes. Il est probable que le signe sur Va n'est qu'une erreur de copiste et ne représente
pas une forme « chanscun »•
— 176 —
qui jamais porroient estre, n'avendroient nulles1 diversetez. Et de touz les
tans ravendroit2 il autresi. Car il seroient trestuit chier ou trestuit vill.
Tuit seroient adès pareill, comme cil qui par le souleill seroient adès dé-
mené et eschaufé et 3 gouverné. Car il vait 'isnelement touz jourz, \F° 108 d]
et parfait son cours chascun anz4, et tient sa droite voie adès, comme cil
qui ne se desvoie point.
Mais il est li 5 droiz voiles de toutes les6 autres estoiles. Car c'est la
plus fine de toutes; et enlumine toutes les autres par la grant clarté qui est
en lui. Et toutes choses naissent par lui. Et plus a en terre de pooir des
choses, dont l'en puet enqwerre jnature et raison et droit, que nulles 7 des
autres estoiles. Mais aucune8 foiz li restraing-ne/it [F0 10g a] ses chaleurs
et puis li engraingnent, selonc ce que eles sont loing- 9 ou près, si ont
aucunes foiz besoing-*. Ausi comme l'en voit d'u/i roi10 qui est plus sires et
plus puissanz endroit soi pour sa hautesce que nus autres de ses genz. Et
si li ont il souvent mestier, comme cil qui aidier li doivent. Car que plus
est près de ses g"enz, tant est il plus forz11 et plus puissanz; et que plus
s'esloing-ne de ses g-enz, tant fait il12 mains de sa besoingne13. [F0 iogb]
Autretel vous di je du souleill, qu'il est14 si comme vous avez oy des estoiles
li15 plus puissanz et plusgranzlfi et plus vertueus. Dont il a plus grant
pooir en terre que autre estoile ne puet avoir; les autres i ont leur pooir
chascune si comme17 eles sont.
Mais puis que nous vous 18 avons conté, au plus briément que nous sa-
vons, de la vertu du firmament, si vous dirons après briément comment li
mondes fu [F0 iog c] mesurez, et en hautes choses et en parfondes, de
toutes parz, de lonc et de lé, par ceuls qui sorent19les vii- arz. Dont géo-
métrie en20 est une; par quoi21 li soulaus et la lune et la terre et li firma-
menz sont mesurez, et dedenz et dehors, comb/en chascun a de longueur et
combien22 il a de grandeur; et combien il a de la23 terre jusques au firma-
ment, et tout le grant des estoiles. Car c'est prouvé par droit esg-art. Et cil
qui cest24art trouvèrent virent qu'il ne pourroie/it20 mie savoir a droit d'2fia-
1 B : nu/es. A: ravedroit. — :: B: « démené et eschauf e et » manque. — 4 B .
an. — 5 B : « li » manque. — 6 B: « les » manque. — 7 B: nulle. — 8 B : Mes aucunes. —
9 B: ou loing. — 10 B: roi/. — H B: fors. — 12 B : « il » manque. — n B: beso/gne. —
14 B : soleil], qui est. — ir> B : \e. — 1,; A: et plus granz et plus granz ; B: le plus granz
et plus "rau/. — 17 A: comraes. — 18 B: « vous » manque. — 19 A: seroient. — 20 B :
« en » manque. — -1 B : quo;/.— -- A : « chascun a de longueur et combien » manque. —
23 B : « la » manque. — 24 B: cesle. — 2:> B: porroient. — 2f! B: « d' » manque.
&, Mais aucune... besoing » : Mais quelquefois sa chaleur diminue ou augmente
d'après leur besoin et selon qu'elle est proche ou éloignée (elle, eles = la chaleur).
Le sens de la phrase telle que nous la lisons semble s'accorder avec la comparaison
suivante du roi et de ses sujets. Le sens ne serait pas essentiellement différent si nous
lisions « elles sont proches » (i. e. elles = les choses de cette terre) au lieu de « elle est
proche ».
— 177 —
[F° 10g c/Jstronomie, ne la nature des estoiles sanz riens savoir de leur
mesure ; pour ce les voudrent mesurer et prouver toute leur grandeur.
vii A.
Pourquoi1 et comment l'en mesura le monde.
Tout premièrement2 voudrent mesurer la grandeur du monde tout en-
tour la terre, tôt3 avant, par quoi il proverent4 la hautesce des estoiles et
la grandeur du firmament tout entour. Car ne sorent trouver ailleurs plus
grant mesure a mesurer.
[F0 1 10 a. Quant il orent mesurée la terre, combien ele estoit lée tout
environ, et combien ele a d'espés par mi, si enquistrent après de la lune,
pour ce que ce est la mains haute de la terre, et la plus prouchainne.
Puis vodrent5 enquerre du soleil6, combien il estoit loing de la terre et
combien son cors a de grant. Si le troverent 7 assez plus grantque toute la
terre n'estoit.
Quant il orent mesurées8 ces -ni- choses : le soleill et la lune et la
terre, si porent enquerre de \e-[F° 1 10 6]gier des autres estoiles après, com-
hien chascune 9 est près ou loing-, et la grandeur de chascune10. Dont il n'en
trouvèrent nulle11 que son cors n'ait12 plus de grandeur que trestoute13
la terre n'a, fors trois des planètes sanz plus. Ce est Mercures et Venus;
et la lune si est la tierce. Ce sont ices trois dont chascune est plus petite
que la terre n'est».
Dont chascuns peut14 enquerre pour voir, se \F° i/o c] il set l'art de
géométrie15 et l'art d'astronomie avoec16. Car ce li couvient il savoir
premièrement, ainz qu'il en puisse enquerre la vérité en savoir. Mais pour
ce que tuit ne sont mie bon clerc ne17 maistre d'astronomie qui le peiissent
esprouver, voudrons18 nous raconter après comb/en la terre est longue, et
combien ele a d'espés par mi, et combien la lune est ensus de la terre, et
li solaus19 qui est desus la lune, et combien chascuns \F° 1 10 d] a de gran-
deur; si comme li rois Tholomeus l'esprouva. Si vous20 redirons des
estoiles, et du firmament, et leur grandeur et leur noblesce, et la hau-
tesce du firmament ; de tout ce vous dirons 21 nous.
Mais nous vous dirons avant du roi Tholomeu 22 qui tant sot de demous-
1 B : quoi/. — - A : premiement. — 3B: tout. — 4 B : prouvèrent. — 5 B : voul-
urent. — 6 B : so//ei//. — 7 B : trouvèrent. — 8 B : mesure. — 9 B : chacune. — 10 A :
à partir de « de chascune » jusqu'à « de grandeur » deux fois répété. — n B : nu/e. —
12 B : n'a/st. — 13 B : « très » manque. — u B : puet. — 13 A : g-emetrie. — 1C B : « avoec »
manque. — 17 A : « ne » manque. — 18 B: voudro/7. — 19 B : souletils. — -° A: Si vous.
21 B : redirons. — 22 B : voy Tholomeus.
a [/'o 109 d — 111 a = Vers 5003-5068.]
b «Dont il n'en trouvèrent... que la terre n'est. » Neckam I. 8.
12
— us —
troisons1 et tant amoit astronomie q u i\ voult*ces choses encejrchier, 'Si
vous. dirons2 d'aucunes choses qui ne vous seront pas contraires se vous
le3 voulez [F0 ma] entendre et oyr; ainz i porrez4 prendre aucu/i bien.
Et puis après vous mesurerons le monde au miex5 que nous savrons. Or
entendez du roi6 Tholomeus et d'autres7 philosophes pour vostre preu
meïsmes.
viii<V
Du roi Tholomeus et des autres philosophes.
Tholomeus fu uns rois moult soutis d'astronomie ; cil Tholomeus fu rois
d'Egypte qui la terre en tint lonc tans. Il i ot plusors8 rois qui Tholomeus
orent a non. Mais ce fu cil qui plus sot d'astro-[F° /// 6]nomie, et qui plus
enquist des estoiles que nus des autres. Dont il fist maint livre et maint bel
estrument, par quoi l'en trueve aperteme/it toute la grandesce de la terre
et la hautesce du firmament, et comment les estoiles font leur cours adès de
jour9 et de nuit.
Par lui furent premièrement trouvés10 les orloges* de ces moustiers
qui commencent les heures des jours11 etàes nuiz, les jours acourcent12, qui
ont moalt grant mestier13 as églises14 pour mieulz [F0 me] faire les ser-
vices15 a droit et a droite heure, et de jors16 et de nuit. Car Diex aimme
mowlt qu'en l'aoure et11 que l'en le serve entièrement et ordenéement chas-
cun jour. Car les oroisons que l'en recite chascun jour plaisent plus a Dieu
(jue ne font celés qui sont dites en divers lieus. Et pour ce avroie/H mestier
orloges en chascune église18.
Neïs les genz en vaudroient mieulz 19, selonc Dieu, et si en vivroient plus
longuement, se il se contenoient a -i- [F° 1 1 1 d] droit point d'orer20, deme/i-
gier et d'autres choses, chascune21 a sa droite heure. Si seroit ce legiere
chose a faire, se il i voloient atourner22 leur afaire ausi bien comme il font
a faire, ce qui les confont et tue, cis avoirs dont il ont envie, dont il cuident
leur vie pourchacier23 pour assambler les granz trésors dont il powrehacent
leur mort**. Caries granz trésors qu'il assamblent, si leur emblent leur
1 H : demostroisons. — 2 B : vous en dirons. — 3 B : les. — 4 B: porro/r. — 5 B:
mieulc. — (i B: roy. — 7 B: des autres. — 8 B : pluseurs. — 9 B: jours. — 10 A: trouve*. —
11 15 : jours. — l2 B : jourc acorcent. — i:f B : « grant mestier » manque. — 14B : //sglises.
«s lî; services. — ir' B: jours. — 1T B : « et » manque. — 18 B: eg/ypse. — 19 B : iniej?.
— 2« li : d'ourer. — -' B : chascun — 22B: .s'il i vouloient atorner. — 23 B: porchacier.
* « orloge » est tantôt m., tantôt fem. dans les mss. Les deux genres sont confirmés.
** « Si seroit... mort » : Ce serait chose facile à faire s'ils voulaient disposer leurs
devoirs avec autant de soin qu'ils mettent à se procurer ce qui les détruit et tue (c'est-à-
dire) ces trésors qu'ils désirent et au moyen desquels ils croient pouvoir allonger leur vie
afin d'assembler ces trésors qui leur donnent la mort.
R. : C'est que ilz sont du tout enclinz a conquerre lez richessez, ce dont ilz ne cessent
ne nuit ne jour, et en cuident leur vie prolonger. Mais en amassent les granz tresorz et
en pourchassent leur mort. Car...
a [F<> 111 a — 115 b = Vers »069-o296.] V. Introduction p. 48.
— 179 —
sens et leur mémoire, si qu'il ne se puent \_F° 1/2 a] a droit mener ne or-
dener de leur af aires pour vivre, si comme il deiïssentj et dont il fussent
plus a aise, et vequissent1* assez plus longuement, et a la voulenté2 de
Dieu, et en fussent plus sains. Mais il aimment tant le gaaiugde l'avoir de
êest monde, que ce qui mieux3 leur doit et valoir et aidier. Je ne sai pour
quoi 4 il conquièrent cel avoir ; car l'aise du monde meïsmes en perdent iL
Car quant il se cuident aaisier et [F0 112 b] estre a séjour5 et en pais, lors
se muèrent il a grant doleur6. Car la covoitise7 de l'avoir, et la painne
qu'il ont touz jourz mise au8 conquerre sanz ordenance et sanz mesure
qu'il en aient faite, les ont plus tost menez a mort; et si en sont maint
mort que, s'il :) eussent leur afaire ordené, si comme- il de tissent, chascun
jour10 a droite heure, qui enquores fussent en vie et en bonne santé. Et
ainsi se hastentde leur mort; car nature ne puet souffrir11 divers [F0 112 c]
maintenirs longuement, ne les soudainnes remuances que il font par leur
folies ; ne ne plaisent a Dieu de riens. Car nus biens n'en puet venir. Et
.plus aimment a faire leur12 gaaing de l'avoir qu'il ne font chose qui a Dieu
plaise. Ne ja ne feront riens par ordre. Un jour vont13 matin au moustier,
ef l'autre tart, ou a tele heure qu'il cuident que14 trop aient demouré15 a
faire leur autre besoingne16 dont il cuident faire leur gaaing. Ainsi
n'iront il ja Di- F0 112 6/]eu proier, devant adont17 qu'il ne cuident riens
gàaingnier18 de l'avoir de cest monde. Et mains gaaingnent19 il lors. Car
il servent Dieu en vain. Et Diex tel loier leur rendra 20. Car il leur vendra 21
monlt chier de ce qu'il22 le laissent a servir**. Car plus leur puet23 merir
en un seul jour qu'il ne porroient gàaingnier24 en mil anz.
Cèle 25- gent sont de fol escient qui de noient cuident servir celui qui tout
set et tout voit, et qui connoist leur pensées. [F* 1 13 a.] Enquores quant il
vont au26 moustier, n'i vont il pas pour prier27 Dieu tant jomme il font
pour avoir le los du monde; et prient28 plus pour le ?9 leur avoir que Diex
leur gart et monteploie, qu'il ne font pour l'amequiremes^ perie.
Si est merveilles de tels 30 manières de genz qui bien pensent en leur 31
cuers et sevent que ce est 32 maus33 qu'il font; ne ja pour34 ce ne s'en fain-
1 B: vesquissenl. — •' B: volenté. — 3 B: mïeœ. — 4 B: qaoy. — 5 B: sejor. — fi B :
do/deur. — 7 B: couvoitise. — 8 B : a. — 9 A ; « s' » manque. — 10 B : «jour » manque.
— V B: soffrir. — l2 B: le. — l3 A : voat. — l4 B: cuident qu'il aient que. — ™ B: de-
moré. — lfi B: autres besognes. — 17 B: adonc. — 18 B : gaac'gnier. — - 19 B : gaa/gnent. —
20 A: yendra. — .S1 B : rendra. — 22 B : ce que il. — 23 B: peiist. — 2* B: gaat^nier. —
28 A: Ce/. — 2C B : « au » manque. • — 27 B : por proier. — 2H B : proient. — i£> B: « le »
manque. -»B: teles*. -3'B: lor. — 32 B : c'est'. — 3:> B : ma/. — 34 B : por.
* « vequissent » : La forme « vequisse » se présente dans Garin le Loherain (Paulin
Paris [Paris, 1835), II. 240). Stimming (o. c. p. 22o, 226) donne de nombreux exemples
de la chute de Y s, qur, surtout devant une consonne, se produit aussi bien en wallon et
lorrain qu'en angln. Les exemples sont nombreux dans le m. A : sarc f° 77 B, conno//re
fo 15 A, moudre f° 49 B, etc.
** « Car... servir » : Car II le leur fera payer cher, s'ils cessent de Le servir.
— 180 —
dront1 de riens. Dont trop pou se pueent2 priser3, quant il se laissent
plaissierasi floibe4 chose comme est li dyables dont [F° 1 13 b] touz maus 5
naist. Voirement est li dyables foibles 6 ; car il ne puet vaintre fors celui
qui a lui se consent. Car qui se veult conduire en bien, mauffez n'a pooir de
lui nuire, ne riens faire dont il se dueille, tant comme il se veille torner 7
en bien. Si en puet l'en bien dire fi ; car il sont plus que failliz quant si8
foible chose les vaint et les prent en mal faire, dont il les mainne a perdi-
tion9, ou jamais ne seront sanz painne, ne ja bien ne joie ne avront 10.
Car il n'avront [F0 11S c] merci jamais.
Mais de ce nous tairons ci endroit. Si dirons du roy Tholomews qui es
euvres11 Diex* mit12 son tans. Et tant i estudia qu'il en13 sot une partie
dont maint livre fist en 14 son tans. De ses livres furent estraiz15 les nombres
dont lij16 an son fait17, et cil meïsmes delà lune, par quoi18 l'en voit quant
ele est prime. De quoi Julius César, qui de Koume fu emperieres, en fist
soume10q«/ a grant mestier a sa\n-[F° 1 1 3 d]te enlise20. C'est li nombres21
du kalendier.
Car par le kalendier set l'en le cours de la lune et de l'an ; par quoi l'en
set comment l'en doit vivre selonc droit chascun jour22 en boivre et en
mendier et en Damedieu23 aourer24, et es hauz jourz2* et es simples, et en
ces jours sollempniex, selonc la coustume2*5 de sainte enlise27, que li saint
i ont establie. Par lui savons nous les sainz tans et les qwaresmes28 et les
avanz et les hauz jourz29, que l'en F° i/4 a doit mieulz faire bien pour
celé grant joie conquerre que Diex otroie a touz ses amis qui voulentiers
le desservent so.
Ce nous aprcnt li kalendiers qui fu estraiz31 d'astronomie, que li rois
Tholomeus ama moult ; et plus en sot que nus lions, fors Adam qui fu le
premier homme. Car cil sot toutes les'vir arz entièrement sanz faillir mot,
comme cil que Diex32 fist de ses mains. Si voult Nostre Sires que il fust li
souverains • F° n// b] de biauté et de sens et de force seur touz les hou-
mes33 qui puis son tans peûssent estre, fors Jhesu Crist li fïuz 34 Marie, qui
force et sens et biauté li donna, c'onques puis nus hons tant n'en ot, ne
jamais ne avra 3". Mais puis que il se fu consentuz au pechié sa femme,
1 B: se faindront. — - B: puent. — 3 B : pris/er; « priser » cf. note p. t>9. — 4 B :
(b/ble; « floibe » cf. note p. 119. — 5 B: touz ma/. — 6 A: « foibles » manque. — " B:
vacille tourner. — * B:« .si » manque. — 9 B: perdicion. — 10 B : «'avront. — n B : oewes.
— 12 B : Dieu mist ; « Mit » : cf. noie p. 179. — i:; B: qui en. — 14 B : livre en fist en.
— 15 B: est/'oiz. — m B: /es. — l7 B : anr son/ f'air ; « son » cf. note p. 80; — 18 B:
quo//. — B10 : somme. — 20 B: eg/use. — -1 B: li compoc. — ->2 B : « chascun jour »
manque. — 23 \\ ■ Damedie.r. — -4 B: aorer. — -5 B : jours. — 26 B: co.slume. — -7 B :
cçlypse. — -s B: Aaresmes. — -9 B: jorz. — ^ B : servent. — •°'1 B: estroiz. — 32 B:
hieux. — 33 \ : (1 srUT- touz les houmes » manque. — ",4 B: li fiz. - 35 p$; «'avra.
a Diex » : l'emploi du nom comme cas régime est fréquent en angln. : cf. Stimminy
o. c. p. XIV, XV. Le ms. B donne aussi « Damediex » comme cas régime; cf. f° li;5 r>.
■
— 181 —
pardi l il tant de son sens que tantost devint hons mortels qui tels fu de-
vant son pechié que jamais mort n'eiïst senti.
Et tuit fussiens en autretel point en joie, en soulaz, en déduit en para-
dis ter-[F° n4 cirestre trestouz ensamble et nez et norriz sanz nul pechié,
et puis el ciel glorifiez2. Mais puis qu'il goustererit3 du fruit que Diex
leur avoit deveé, furent4 ses sens si destruiz et si corrompuz5 per6* son
pechié que touz en fumes entechiez. Ne n'ot riens desouz7 le firmament
qui mains 8 n'en vaussist • que devant, neïs les estoiles en rendirent mains 10
de clarté que devant.
Ainsi empira de touz biens toute11 riens12 par le pechié d'Adan que
Diex13 F° n4 d] ot fait naistre pour homme, comme cil qu'il voloit14 faire
maistre de toz15 les biens qu'il avoit faiz. Mais tantost comme il se fu
mesfaiz, se senti il si de ses sens desnuez et de sa biauté, que il li sambla
que il fust16 touz nuz, et que il eûst perduz17 touz biens, comme homme
qui est mis en essill. Et nequedant si li remaint il plus force et biauté et
savoir que nus ne peust onques avoir.
Et a ces - iii - vertuz que il ot, ot li rois David, qui tant fu sages, *iii*
[F0 1 15 a] filz qui furent comparé a sa biauté et a son sens et a sa force.
Li sages Salemons fu comparez 18 a son sens ; et sa^biauté, a Absalon ; et
sa force, a Sanson fortin. Ainsi furejif ces iii- vertwz en Adan 19, et plus
enquore. Car il les ot plus parfaitement que nus des 'iii* n'ot la seue vertu.
Car il sot les *vii* arz mieulz20 que nus qui onques fust21 en vie, comme
cil a cui Diex les ot aprises. Puis furent quises par mainz autres qui orent »
grant [F0 u5 b\ painne de sauver22 les, pour le déluge que il 23 sorent qui
devoit avenir au monde par feu ou par yaue.
IX A.
Comment l'en sauva les clergies pour le déluge.
Puis Adan furent maintes genz qui sorent le sens des *vii* arz que
Diex leur envoia en terre. Dont il en i ot aucun qui voudrent enquerre que
li mondes devendroit, ne se il defineroit jamais.
Si trouvèrent tout vraiement que il devoit par *ir foiz fenir : A l'une
1 B: perdi. — - A: %loireîuez ; B: glorifiez ; N: gloreïiez. — ?- B: gosterent. — 4 B :
si furent. — 5 B: corrumpuz. — «B: par. — 7 B: de.sor. — 8 A: riens. — 9 B: va«-
.s-ist. — 10 B : mais. — " B : toutes. — 12 B : « riens » manque. — 13 B : Dieux. — 14 B :
vouloit. — i5 B: touz. — 16 B: fa. — « B : perdu. — 18 8 : compare. — i» B : Adam.—
20 B : miea?. — 21 B : fut — 22 B : savoir. — 23 b : qu'il.
* « Per » : cette ;forme se retrouve souvent dans le ms. A et est confirmée; cf. note
p. 66.
a [F° 115 b — 116 a = Vers 8397-5334.1
— 182 —
foiz par feu ardant, a l'autre foiz1 par le delug-e d'yaue. Mais [!/*• n5 c]
Nos/re Sires ne voult a celé foiz que l'en seiist par lequel ce seroit avant,
ou par yaue, ou par feu. Si orent adonques grant pitié des clergies qu'il
sorent qui2 ainsi peries seroient, se eles n'estoient garanties3 par leur
sens. Lors s'apenserent de grant bien, comme cil qui bien sorent que après
le premier finement seroient autres g-enz 4 enquores. Si firent faire granz
colombes de pierre, si que 5 il peiisserct poutraire et entailli-jF0 n5 d]er
en chascune pierre au mains l'une des *vii* arz entièrement, si que eles6
fussent communes as autres. Dont aucun7 dient que les unes de ces co-
lombes furent d'une pierre si dure comme marbre, et de lele nature que
yaue ne la pooit enpirier8, ne croistre, ne amenuisier", d'une fort manière
de tieules 10 toutes entières sanz nulles jointures, selonc la laitre11 que feus
ne puet maumetre de riens. En ces granz coulombes F0 116 a qu'il
firent entailliere/it les * vii* arz, si que cil qui venissent après euls12 les
trouvassent et les apreissent^.
De ceuls qui trouèrent les clergies15 après le déluge.
Ainsi sauvèrent les clerg-ies cil a cui Nostre Sires les ot ensaingniées 14.
Et tant15 que Diex envoia le delug-e en terre qui tout noia, fors Noë qui en
l'arche se mist, par cui li mondes fu refaiz. Lors commencierent a refaire
leur maisons et leur autres afaires. Mais il les faisoient mowlt rude- [F0
1 16 b ment, comme cil qui petit savoient, tant que les clergies16 furent re-
trouvées. Si sorent mieulz17 ce que bon leur estoitls a faire et de leur
maus11' trouver refuge.
Li premiers qui meïst sentence en20 clergie après le déluge, et qui s'en-
tremist du retrouver21, ce fu Sem, uns22 des filz Noè', qui son cuer ot
atourné23 a ce ; et tant i usa de24 sa vie qu'il retrouva une partie d'astrono-
mie par son sens. Et puis revint Sainz Abraharts qui en trouva grant
par- F0 ii(') Cjtie^. Et puis furent autres qui i usèrent leur vies au mieulz
1 A et, H: «par feu ardant, a l'autre foiz» manque. — 2B : que. — n B: garanties
n'estoient. — 4 B: « genz » manque. — :> B: si grant que. — ° B : si que /es. — " B:
aucuns. — : « B : e/npirier. — 9 B: amenuissier. — ,0 B: tm/les. — n B : /eifre. — l2 B:
c/s. — 13 B : ce/s qui trouvèrent les clerg/es ; A : cierges. — u B : ensaingntfs. — ir> A :
« tant » manque. — 1C A : cierges. — 1? B : mi&r. — 1S A: estoir; B : estoi/ cf. note p. lit'.
— 10 B: mau/s. — -° A: e ; « e » =en : forme isolée dans A. Nous corrigeons « en ». —
21 B: ïrouver. — — B: un. — -3 B: atonie. — -4 B: « de «manque.
a « Si trouvèrent... les apreïssent. » V. Introduction p. 48. Josèphe Antiq. Jad. I. 2.
{'/ovôamr) hçxaio?.oyia, Oxford, 1700). Geryaise de Tilbury Otia Imper. I. 20. (Leibnitz
[Hanover, 1707, 2 vol.] vol. I p. 899) cite Josèphe comme source.
b [/'o li6(i | 117 c = Vers 5335-5424.]
C « Li premiers qui meïst... grant partie. » Josèphe Antiq. Jad. I, 2. V. Introduc-
tion p. 48.
— 188 —
qu'i1 sorent2, tant que il orent3 des -vii. arz les principes et les raisons.
Et après vint Platons, li sages souverains de philosophie, et son clerc
qui ot a non Aristotes. Cil Platons fu li hons el4 monde qui fu de plus
parfonde clergie et qui plus mist clergie5* avant que nus qui fust devant
lui ne après. Icil prouva premièrement que il n'estoit que uns touz seuls
souverains qui tout fist, et dont tuit li bien \F° 116 d] viennent; et enquo-
res le pruevent6 bien ses livres, que il n'est c'uns seus7 souverains biens.
Ce est Diex qui fist toutes choses. Et en celé seule unité prouva il droite
vérité. Car il prouva son pooir, son sens, son bien. Ces - ii i - reclaimment
tuit crestien : Ce est Te père, et le fill, et le saint, esperit. Du père dist
la puissance, du fill la sapiance 8, du saint esperit la bienvoillance.
Et Aristotes, qui après vint, l'ensuevi ; et le tint si près de [F0 ny a]
moult de choses que il ot dites, que de lui vint ce que9 il sot. Il ordena
moult bien l'art de logique. Car il en sot plus que d'autre chose.
Icès ii- trouvèrent - ii i - personnes en "i* seul lieu10, et le prouvèrent.
Mais il n'en mistrent riens en latin. Car il estoient amdeus sarrazins,
comme cil qui furent lonc tans avant que Jhesu Crist, bien -ccc anz*.
Si furent tuit leur livre11 en grieu.
Mais puis vint Boeces, uns granz philosophes et sages, qui de pluseurs
[F0 ny b] languages12 aprist, et qui moult ama droiture. Cil Boeces trans-
lata de13 leur livres grant partie, et les mist en latin. Mais il mourut14
ainçois qu'il les eûst translatez. Dont ce fu .damages15 a nous. Puis en ont
autres bons clers translaté; mais cil en translata le plus que nous avons
enqwore en usage ; et fist en sa vie moult de bons livres et de moult haute
philosophie, qui enquores nous ont grant mestier pour nous adrecier
envers Nosfre Seingneur1*.
Et maint [F0 iij c] autre bon clerc ont esté au monde de grant pooir
qui apristrent toute leur vie17 des *vir arz et d'astronomie. Dont il en i ot
d'aucuns qui en leur tans firent merveilles par astronomie. Mais cil qui
plus s'en entremist, ce fu Virgiles qui en fist maintes choses18 merveilleuses.
Et pour ce, si vous en conterons aucunes dont nous avons oy.
» B: qu'il ; « qu'i » cf. note p. 60. — 2 B : porent. — 3 B : ot. — 4 B : du. — 5 B
et N : clergie, e/ qui plus mist clergie avant ; A: « et qui plus mist clergie » manque. —
6 B: prouvent. — 7 B : seu/s. — 8 B : sapience. — 9 B: c'en que. — 10 A, B, C, N : //eu.
— n B : livres. — 12 B : langages. — 13 B : des. — 14 B : morut. — r> B: fu granz dama-
ges.— 16 B: Seigneur. — 17 B: toutes leur vies. — 18 A : « maintes choses » se trouve
écrit deux fois.
* Sloan f° 123 B : Cil Platons fu li hons el monde
qui plus ot science parfonde
et qui plus mist clergie avant
que nus qui fust n'apriès n'avant.
A « Icès .ii. trouvèrent... bien .ccc. anz. » Clément d'Alexandrie Stromata (Migne.
Patrologia. Séries Graeca t. 8 col. 155, 158) lib. V, ch. 14. V. Introduction p. 48.
— 184 —
xi
Des merveilles que Virgile s fist par astronomie.
[F0 ny d] Virgiles fu devant Jhesu Christ, qui ne tint pas les -vii* arz
a gaule ; ains y usa toute sa vie, tant que par astronomie fist maintes
granz merveilles.
Car il fist une mousche d'arain que, quant l'en la1 metoit en une
place, si en chaçoit toutes les autres, si que il n'en demoroit2 nulles
en la place, ne n'osoient aprochier près de lui de *ii* archiées tout entour,
ne ne pooient que eles ne morussent tantost tout maintenant que eles [F0
11S a] passoient la bonne que il avoit compassée b.
Si refist i* cheval d'aram, qui g-arissoit de chascu/i mal les chevaus
qui estoient malades, tout maintenant qu'il le reg-ardoient (>.
Si fonda une moult grant cité desus *i- oef par tele force et par tele
poesté que quant aucuns remuoit 3 l'oef, toute la cité en croilloit; et queplws
fort le mouvoit on et plus forment croulloit la citez '>. La ville et en haut
et en plain, et la mousche et li chevaus que il [F0 11H b\ fist d'arain, sont
a Naples, et la cage ou l'oef4 est, et les voit on la. Ce nous dient cil qui ve-
nuz en sont, qui les oui veilz moult de foiz.
Si fist le feu faillir en une cité, que nus n'en pooit point avoir, se il
n'alumoit la chandoile a la naissance d'une famé. Et estoit celé famé fille
d'empereur et grant dame. Car ele li avoit fait aucun anui. Ne cil qui le
prenoit n'en pooit point donner a autre, ainz couvenoit que chascuns
preïst feu la tout droit [F0 118 c ou li premiers l'avoit pris. Et ainsi se
vencha il de celé qui annui li avoit fait e.
Et fist i* pont sus une yaue, la plus grant qui onques fust el monde ;
ne sai ou de pierre ou de fust. Mais nus ouvriers, tant fust soustis, ne ma-
çon ne charpentiers ne autres ouvriers nus ne seiïssent encerchier tant, ne
enquerre dedenz terre ne dedenz yaue, qu'il seiïssent en quele manière ne
1 H : le. — - B : àemoYent. — :î B: remouyoit. — 4 B : ou Vœuls est.
a \F° 117 c — 121 a = Vers 5425-5617.] V. Introduction p. il) s.
b « Car il fist... qu'il avoit compassée. » Vincent de Bcauvais, Spec. Hist. VI. 61.
Conrad de Ouerfurt (éd. Borch. Dresden, 1880 p. 10). Jean de Salisbury, Polycrat (Migne
Patrologia t. lit».), col. 393) 1. i. Gervaise de Tilbury, Otia Imper, (vol. 1, p. 963) III. 10.
Ghvonica di Parthenope (citée par Du Méril. MèlarHjes archéologiques et littéraires. Pa-
ris, 1850, t. V p. 427).
c « Si refist... tout maintenant qu'il le reçardoient. » Conrad de Ouerfurt (o. c. p. 10).
'Ihronica di Parthenope XX (citée par Du Méril o. c).
o « Si fonda une moult... croulloit la citez. » Chronica di Parthenope XXXI (citée
par Du Méril o.\\).
e « Si fist le feu faillir... qui annui li avoit fait. » Solin. Memorabilia (éd. Draudius
[Francfort, 1603] p. 143.)
— 185 —
en quel point1 li pons estoit faiz,ne comment [F0 118 d\ il sesoustenoit en
nul endroit, ne au chief ne el milieu. Et passoit on bien tout parmi outre A.
Si fist 'V jardin qui fu clos tout entour de l'air sanz autre atornement2
et tout ausi espés comme une nue, et estoit moult hauz de terre ».
Si fist *ii* cierges touz ardanz et une lampe o feu dedenz, quitouz jourz
ardoie/it sanz estaindre, ne de riens n'apetiçoient. Ces - iïi - choses encloust
il dedenz la terre que l'en ne les peiïst trouver, pour querre que l'en peiïst
faire, devant [F0 ng à] que il denst fenir G;
Si fist une teste parlant qui li responnoit de quanque il li demandoit
et de ce qui avenir devoit en terre, tant que il li demanda une foiz d'un
sien afaire, ou il devoit aler. Mais ele li dist une chose que il n'entendi pas
bien. Car ele li dist que se il gardoit bien la teste, que il en revendroit
touz sains. Lors s'en ala seiirement. Mais li solaus, qui rent grant chaleur,
le feri en la teste et li eschaufa si le cervel, dont [F0 ng b il ne se prist
garde, que une maladie li en prist dont il fu morz. Quant il parla a celé
teste, il n'entendi pas que ce fust de la seue3 teste, ainz entendi de la teste
qui a lui parloit. Mais mieulz li venist qu'il 4 eust bien gardée la seue
teste ». .
Quant il mourut, si se fist porter hors de Roume pour enterrer ai*
chastel devers Sezile, près de la mer a une mille. Enquores i sont ses os
que l'en garde mieulz que les autrui. Et quanX, l'en les souloit remuer, si
s'en-[F° ng c]floit la mertantost et venoit au chastel errant5; etqwontplus
les levoit on haut, tant croissoit plus la mer, si que touz li chastiaus
noiast, s'en ne les meïst jus arriéres; et quant il estoient en leur lieu arrié-
res, tantost la mer se rabaissoit ausi com ele estoit devants. Et ce a l'en
souvent esprouvé. Et enqwores i dure la vertu, ce dient cil qui la ont esté.
Sages fu Virgiles et soutis, et voult prover6 touz les usages des cler-
gies a son pooir, tant [F0 ngd\ comme il en pot plus savoir. Etfu de petite
1 B : en quel point ne en quele manière. — 2 A: atorment ; « atorment » : cette forme
est isolée dans le ms. A et n'est pas confirmée. — 3 B : soue. — 4 B : venist tout pour
voir qu'il. — 5 B: la mer errant et venoit tantost au chastiau. — 6 B : prouver.
a « Et fist .i. pont... tout parmi outre. » Neckam IL 174-
B « Si fist .i. jardin... moult hauz de terre. » Neckam II. 174. Vincent de Beau vais
Spec. Hist. VI. 61. Vincent mentionne le jardin, mais dit : Hortum quendam sic fecisse
dicitur ut in eo non plueret. — Gervaise de Tilbury Otia Imper, (vol. I p. 964) III. 13.
c « Si fist -ii* cierges... deiist fenir » Guillaume de Malmesbury, De Gestis Regum
Anylorum (éd. Stubbs, Londres 1887) vol, I p. 259. — Benoist de Sainte-More, Roman
de Troie (éd. Joly, Paris 1870-71) v. 16751 s. — Eneas (éd. Jacques Salverda de Grave,
Halle 1894) v. 6510 s. — V. Introduction p. 49, 50.
d « Si fist une teste parlant... bien gardée la seue teste. » Albert le Grand et Bacon.
(D'après Puymaigre, Notice sur Y Image du Monde [Metz, 185.'}]).
E « Quant il mourut... com ele estoit devant. » Chancelier Conrad de Querfurt o. c.
p. 10.
— 180 —
estature et un poi i courbés le dos par droite nature. Et aloil là teste bais-
sant et regardant devers terre.
Moult fistVirg-iles de granz merveilles que les g-enz tendroient a bourdes
se il les ooient raconter. Car il ne porroient penser ne cuider2 c'uns autres
seiïst chose faire3 dont il ne sevent riens. Et quant il oient parler de tels
choses ou d'autres qu'il meïsmes voient a leur ieulz, et dont [ F0120 a] il
ne sevent riens, tantost dien.t que c'est4 par anemi que il œvrent5 en tele
manière, comme cil qui voulentiers 6 mesdient des genz. Et dient qu'il ne
fait pas bon savoir tels choses. Et se il en7 savoient la manière, il la ten-
droient a moult leg-iere et a droite œvre de nature et sanz autre fig-ure de
mal. Mais quant il ne sevent la chose, si en dient avant le mal que le bien.
Qui bien savroit astronomie, il n'est riens qui en cest monde soit
\F° 120 b\ dont l'en ne seïist enqaerre raison ; et maintes choses en feroit
l'en qui sambleroient miracles as g"enz qui riens ne savroientde celé science.
Je ne di pas que l'en n'en peilst bien faire mal qui ta/H en savroit. Car il
n'est si bonne science que l'en n'i puisse entendre aucun malice8*, et que
l'en n'i puisse mal ouvrer, se l'en s'en vouloit9 entremetre. Diex ne fist
onques si bonne évangile qu'en 10 ne puisse tourner11 a bourde. Et n'est
nulle [F° 120 c] chose si veraie12 qne l'en n'i puisse gloser tel chose dont
l'en se porroit bien dampner, qui se voudroit pener de mal faire. Mais ce
n'est pas maistrie que13 de faire mal.
Li hons se puet bien traire a mal ou a bien14 se il veult. Car il a le
pooir et de l'un et de l'autre. Se il pense a bien, ce li vient de Dieu; et se
il pense a mal, ce le trait a doleur15 et a painne. Ja li mauvais ne dira bien
de ce dont il ne peut riens10 savoir. Il n'est nulle art qui bon-[F° 120 d]ne
ne soit a savoir, se li hons s'i donne. Mais que il ne 1T face chose envers
Dieu, dont il perde sa grâce.
L'en set tout nar astronomie, fors ce que Diex ne veult mie que l'en
sache. Si en feroit meillieur18 aprendre que de celé que l'en aprent pour
conquester avoir. Car qui bien la savroit a droit, il avroit ce que il voudroit
en terre. Car il ne li faudroit ja nule19 riens qu'il n'ei'ist plus de bien en-
quores. Mais 20 il ont plus chier la mo/moie ; et si ne sevent 21 que [F° 121 a]
ce est, ne pour quoi ele fu trouvée; et si i meitent toute leur pensée22. Ne il
1 B: pou. — - B : cuid/er ; cf. noie p. 69. — '■'> B : faire chose. — 4 B : ce est. —
5 B : qu'il œuvrent. — 6 B : volentiers. — 7 B : « en » manque. — H A, B aucun malice.
— 9 B : n»vrer se l'en se xealt. — ]0 B : euvangile que l'en. — u B : to/*ner. — ,2 B : y/*aie.
13 B : « que » manque. — 14 B: traire ou a bien ou a mal. — 15 B : douleur. — 16 B :
puet rien. — 17 B : «donne. Mais que // hons ne... — 18 B : meil/eur. — 19 B : mule. —
20 B : Mus. — 21 B : servent. — 22 B : metent leur pensée toute.
* « Malice » a les deux genres, cf. Froissart (relevé par Clédat) I. 1.6. « Et tant fit
par son subtil malice ». Sermons de saint Bernard (Paris 1841) p. 543 : « plus dolosevet
lo malice... », p. 555 « son malice »,
— 187 —
n'ont cure de savoir, fors que tant qu'il1 en puissent avoir conquester. Et
pour ce ne lairons3 nous mie que nous n'en dions aucuns2 cas pour ceuls
qui ont talent d'aprendre. Si l'oie 4 qui o\r le voudra.
xiiA.
Pour quoi monnoie fu establie*.
Monnoie si 5 fu establie pour les genz qui n'avoient pas toutes choses
nécessaires ensamble. Li uns avoit blez, li autres vins, li [F0 121 b] autres
dras et li autres bestes. Qui le blé avoit, si n'avoit pas le vin sanz changier
l'un a l'autre. Si couvenoit6 qu'il chanjassent les uns as autres7 pour avoir
ce qu'il n'avoient pas, comme cil qui autrement ne le savoient faire.
Quant li philosophe virent ce, si firent tant qu'il establircnt vers les
seing-neurs ça en arriéres une petite chose legiere, dont chascuns en peiist
tant porter qu'il en peiist achater ailleurs ce quemestiers li seroit [F0 121 c]
et ce qu'il leur couvenoit a euls8 vivre. Si pensèrent a leur avis une riens
ne trop ville9 ne trop chiere, et que ele eûst aucune valeur pour faire droite
marcheandise li uns a l'autre par celé ensaingne10, etqu'ele fust commune
par tout en toutes voies.
Si establirent une petite mo/moie tenue pour11 aler par le monde. Et pour
ce fu dite monnoie, que les genz menoit par la voie, ou d'amonnester, qui
vaut autant ce que \F° 121 d] faut a houme pour vivre. « Monos » en
grieu, si vaut autant comme une chose seulement. Car il n'en estoit12 lors
que une par tout le monde. Mais or fait chascuns sa monnoie merllée15,
dont l'en se desvoie plus que s'ele feiist14 d'un afaire seulement. Car l'en en
voit faire maintes fausses15.
Ainsi ne l'establirent pas li philosophe16. Car il l'establirent itele17
pour Testât du monde sauver. Car se li arg-enz 18 estoit ostez des parisis et
des tournois, [F0 122 a tant seroit la monnoie plus petite et meilleur pour
porter par les chemins. Car com plus seroit petite et leg-iere, et miex vau-
droit pour faire et pour avoir sa vie. Et pour autre chose ne fu ele esta-
blie. Car monnoie n'est prisie fors pour l'or 19 et pour l'arg-ent qui i est.
Cil qui I'20 establirent premièrement la firent petite et legiere pour21 plus
legierement porter la ou il voudroient aler.
1 B : que il. — 2 B : lairon. — 3 B : aucun. — 4 B: oye. — 5 B : « si » manque. —
6 B : convenoit. — 7 B : li uns as /'autres. — 8 B : els. — 9 B: xile. — 10 B « par celé
ensaingne » manque. — V B : tenue d'arpent pour... — 12 B : il ne estoit... — 13 B : mes-
lée. — 14 B : fust. — 15 B : fauses. — 16 B : philosophe. — 17 A : icele. — 18 B :• argent.
— "B: ors — 2° A : « 1' » manque. — 21 B : po/\
k\F* 121 a— 122 az=i Vers 5618-5875.]
b « Pour quoi monnoie fu establie » Neckam II, 52. V. Introduction p. 50, 51.
— 188
XI 11 A.
Des philosophes 1 qui aloient par le monde B.
Ainsi aloient par leur monno- [F0 122 b]\e la ou il vouloient parmi le
monde en marcheandise ou en pèlerinage, ou pour cerchier2 et enquerre
aucuns lieus que il3 vouloient savoir.
Dont maint qui estaient philosophe, qui tout vouloient esprouver,
aloient par mer et par terre pour mieulz4 enqwerre la vérité des choses
du ciel et de la terre. Il ne se rostissoient pas tant as granz feus, comme
font orendroit mamt truant papelart qui so/it au monde, qui nul bien
n'aimment ne ne font, [F0 122 c\ fors que pour avoir le los du monde.
Ainz cerchoient la mer et la terre amont et aval, pour mieulz connoistre
et mal et bien. Dont il sou f rirent 5 maintes granz painnes pour rendre
leur âmes a Dieu. Et cil ne qwïerent avoir que6 le non d'estre apelez mais-
tres, pour avoir en 7 le renon au8 monde qui si tost leur faut.
Mauvais homme ne puet penser as hautes choses. Car qui de terre est,
a terre tent ; et qui a Dieu bee, Diex l'atent. F0 122 d.] Et Diex meïsmes
dist ceste parole : « Qui de terre est, de terre parole9; et qui du ciel vient,
au ciel tire. » Et cil est plus sires de touz les autres.
Li philosophe, qui bien sorent entendre ceste parole10, orent plus chier
a souffrir mesaise pour aprendre, qu'a entendre uas honneurs déterre. Car
il amoient mieulz les clerg-ies que les sei/ignories du monde.
Platons, qui fu uns puissanz12 maistres d'Athènes, relenqui ses estres et
son lieu. Car il n'ot eu- F0 12'i a re de tele renoA/zmée ; ainz cercha maintes
contrées. Et ot plus chier a avoir painne et mesaise et vergoing'ne pour
enquerre vérité et pour aprendre, que avoir seing-norie^au monde ne mais-
trie t4 de dire riens dont il ne fust certains 15, pour aquerre los vain.
Apolineslr>, qui tant fu granz sires, laissa son reg-ne et son empire, et
s en ala povres et nuz pour aprendre. Et fu pris et venduz par maintes foiz
destrang-es g"enz u. Nonques n'i ot nul 1S si vail- F0 12S b jlant de ceuls qui
Tachetèrent11' ne qui le vendirent, qu'il onques 20 ne feïst nulle force ne du
vendre ne de l'acheter21, mais qu'il peiïst adès aprendre. Et tant cercha
amo/it <?/aval pour connoistre Dieu et le monde que il avoit plus chier que
1 B : philosophes. — 2 A : chacier. — 3 B : qu'il. — 4 B : mie.r. — •> B : sou/'frirent.
— ,-> B : fors. — '• B : « <-n » manque. — 8 B : dn. — 9 B : parole de terre. — 10 A : parole.
— n B : que a fendre. — 12 B : puissant. — 13 B : seigneurie. — u A : maistre. — 15 B :
m dont il ne fust certains » manque. — >c b : Apol/omes. — 17 B : « ^enz » manque. —
1S B : nus. — ,9 B : achat erent. — L>0 B : en. — 21 B : ne du l'achater.
a [F» 122 a - 124 d = Vers 5676-5811.]
b Neckam II 21 mentionne « Alexandre ». Philostrate ( Vie d'Apollonius de Tyane)
donne le récit des aventures d' « Apolines » ei de Hyarchas (éd. Kaiser, Leipziç, 1870, III
ch. 16 s.)
— 189 —
nul trésor du monde, que il vit seoir el trosne d'or -i- philosophe de grant
renommée, que1 *ensaing"noit2ses deciples dedenz son trosne ou il se sèoit,
et les ensaing-noit de natures et de bonnes mours, et le cours des 3 jours et
des [F0 12H c] estoiles, et la senefiance et la raison des choses qui ont sa-
pience. Cil philosophes avoit a non Hyarchas.
Puis râla tant par maintes contrées qu'il trouva la table de fin or qui
fu de si grant renommée4 que ele fu clamée table du souleill5, ou touz li
mondes fu pourtraiz6. La vit il et aprist mainz faiz et maintes merveilles
que il ama plus que nul roiaume. Cil erra tant parestrang,es terres, que il
passa le flueve de Gang-es et toute Yn-\F° 12S oT|de jusques a7 la fin, tant
comme il pot chemin trouver. Et ou 8 qu'il fut 9, touz jourz trouvoit au-
cune 10 chose ou il pooit aprendre, et qui adès pooit proufiter a soi et a au-
tres pour soi avancier devant Dieu.
Alixandres en resoufri u maint travaill autresi12 pour aprendre. Mes 13
il s'en14 aloit richement15 comme rois et a force de g*ent. Dont il ne pot
mie si bien aprendre n'enquerre droite vérité.
Virgules recercha main-f F0 12/f a tes terres pour enquerre vérité des
choses.
Tholomeus, qui d'Egypte fu rois, n'en clama pas quite sa parue. Ainz
ala par maintes contrées, tant qu'il ot trouvées maintes merveilles.
Sainz Pois16, qui fu monlt preudomme17, ala par maintes contrées pour
plus aprendre et pour vëoir touz les bons clers que il18 porroit trouver.
Sainz Brandins19 ne fina onqnes d'errer20 et par mer et par terre pour
aprendre tant seulement, et vit maintes granz merveilles. Car il [F0 124 b]
vint en une ylle21 de mer la ou il22 vit oisiaus qui parloient ausi comme
esperiz, qui li distrent aucunes choses dont il leur demanda l'entendement.
Si ala par mainz23 autres lieus, et tant qu'il en trova 24 -i- si peHlleus et si
plain d'esperiz en si grant25 tourmenz 26 que l'en ne porroit penser. Et en
vit -i- qui li respondi, et dist que ce estoit Judas qui trahi 27Dieu, qui estoit
le jour 'c* foiztormentez,ne morir ne pooit. Et autres gTanzmerveil-[//o 12/4
cjles vit, si comme il est raconté en sa vie.
Maint autre philosophe, qui moult soient de bien, cerchierent le monde
1 B : qui. — - B : ensa/gnent. — 3 A : de. — 4 B : renoumée. — -> B : so/eilJ. —
6 B : portraiz. — 7 B : jusqu'en. — 8 A : on. — 9 B : fust. — 10 B : trouvoit il aucune...
— n B : resoufri. — 12 B : « autresi » manque. — ia B : Mai's. — 14 B : « s'en » man-
que. — a A : riehemès. — 16 B : Pouls. — 17 B : preudoume. — 18 A : « il » manque ». —
19 B : Brandains. — 2° B : « d'errer » manque. — 21 B : Car il trouva en une ysle. —
22 B : « il » manque. — 23 B : mains. — 2* B : trouva. — 25 B : granr. — 26 B : toraienz.
— 2? B : traï.
* « que » nom. se retrouve f° 33 A et 46 B. Dans le cas de 33 A, « que » est probable-
ment conjonction.
« que » nom. est confirmé : cf. Chevalier du Papegau (Halle, 1897) p. 10, 2 ; 12, 30,
etc. Stimming-, o. c. p. XXV, XXVI.
— 190 —
q«anqu'il porent pour mieulz connoistre bien1 et mal. Et ne s'en espar-
g-noient de riens, et ne vouloient pas si tôt2 croire la chose devant qu'il la3
savoient a voire, ne qwanqu'il trovoient4 en leur livres, devant qu'il avoient
prouvé, pour mieulz Dieu connoistre et amer*. Ainz cerchoient et par mer
et par terre, tant qu'il avoient tout 5 encerchié. Puis s'en retournoient
[F0 124 d] arreres0 a leur estuide7, pour aprendre touz jorz8 clergies et
bonnes9 mors10. Si amoient tant philosophie pour euls connoistre en bien
et en droite vie.
Mais pour ce que11 nous avons nommée philosophie12 pluseurs foiz, et
quel13 chose, c'est, et dont si granz biens vient que Tourne puet a ce mener
de lui connoistre et d'amer Dieu, si vous dirons que ce est.
xiv A.
Que est philosophie, et de la response Platon.
Philosophie si est connoissance de [F0 120 a] Dieu et fine amor 14 de
sapience, et savoir15 lescouvines de1G choses devines et des humainnes pour
connoistre Dieu et son pooir quels17 il doit estre : si qu'il se peiïssent18 a ce
mener que il11' se peiïssent touz donner a Dieu"*. Qui bien connoist Dieu et
sa vie, si set philosofie20 entièrement. Tuit sont bon philosophe21 qui ont
d'euls droite connaissance. DonX Platon 22 respondi a aucun qui li demanda
en communité et li dist que if23 avoit apris, qui tant ,F° JL2ÔJ)] avoit mis
son tens en estuide pour aprendre : « Car nous faites entendre24 aucun
bien, et nous dites aucun bon mot.» Et Platons, qui sot25 plus que nus, li
dist, si comme a cuer dolent, qu'il n'avoit riens ap/'is fors que tant qu'il se
sentoit autresi comme i- vaisseil 2G tout27 vuit et de jours28 et de nuiz. Itant
leur respondi Platons, et non plus. Et si estôit29 li30 plus sages hons que
l'en sei'ist31 adonques:i2 en tout le monde, et de la [F0 120 c) plus parfonde
science.
N'en diroient ore pas autant cil qui ores sont. Ainz feroient samblant
] B : et bien. — - B : tost. — :î B: devant qui la... — 4 B: trouvoient. — 5 B : « tout »
manque. — c B : relornoient arriéres. — 7 B : estudes. — 8 B : jours. — 9 A : bonnos. —
1« B : meurs. — 11 B : Mais puis que. — 12 B : philosophie. — i;i B : que. — l4 B : amour.
!•"> B : et de savoir. — 1G B : des. — 17 B : pooir quels il est et quels... — 18 B : puissent.
10 B : qu'il. — -° B : pfiylosbphïe. — -' B : Tuit sou bon philosophe. — -2 B : Platons.
23 b : qu'il. — -' A : enten/endre. — 25 a : soit. — 2,; B : vai.sr/. — -'' B : tous. —
2e B : jourr. — 2i1 B : estoit adont/ues. — :V) A : si. — 31 B : que \e seûst. — 32 B :: « adon-
ques » manque.
* « et ne vouloient... amer » : et ils ne voulaient pas croire une chose avant d'en être
certains, pas même ce qu'ils trouvaient dans leurs livres, à moins de l'avoir prouvé, (et
cela) pour mieux connaître et aimer Dieu.
** « si qu'il... Dieu » : de telle façon que les hommes pussent en venir au point de
pouvoir se vouer entièrement à Dieu.
a \F" 124 d — 126 d— Vers 58i2-o917.J
— 191 —
qu'il seiissent toute clergie pour avoir le los du monde qui a mal les mainne
etlov met la folie es1 testes, si qu'il [n'entendent a nul bien ne que font
bestes. Et quant il sevent aucune chose qui aucune foiz leur samble bien,
maintenant cuident tout savoir. Mes que/z que* fols2 cuide n'est pas
veritez. Il sont deceiïz ausi comme [F0 120 d[ est li fols. Mais il n'en quie-
rent avoir que le los, et se painnent de trichier le siècle qu'il comperront
monlt chieremeftt.
Mieuïz 3 leur vènist aprendre tel chose qui leur feïst entendre droit-arc.
Si comme cil sage faisaient qui si pou 4 prisoient le siècle qu'il usoient tout
lortcns6en aprendre philosophie0. Ainsi estudioient 7 adonques li philo-
sophe8 devant leur mort pour!> adrecier et pour atraire euls et les autres
a bien [F0 126 a] faire; et se penoient d'adrecier les autres genz10.
Si controuverent ll les monnoies que il portoient pour avoir leur vivre
et pour achater, car l'en ne donne pas touz jours12 ; et pour la couvoitise
des g*enz qui ont paour de leur despens, corrompent droit et nature**. Car
par droiture et par raison devroit au siècle chascuns prendre son vivre.
Et pour ce fu mo/moie establie, pour soustenir sa vie a chascun, quant il
erroient par les chemins. \F° 126 b.\ Mais il aimment leur charoingnes13 et
leur piaus outre ce que mestiers ne leur fust; que chascuns en retient o\us
qu'il ne couvienta son vivre, qui enprès 14 euls porissent l'°, et en laissent maint
besoing-neus16 avoir mesaise. Ne-fure/U pas pour ce trouvées les monnoies,
fors pour avoir son vivre, tant que la morz 17, qui tout prent 18, en feïst ce que
ele19deust au plaisir de Dieu. Etainsi fussent plus a aise qu'il ne sont ores,
e^mieulz ei'ist chascu/is [F? 126 c] ce qu'il li couvenist20, et maint pechié en
demorassent:
1 B : as. — 2 B : Mais quant que fol. — 3 B ! miar. — 4 B : noi. — 5 B : leur tans. —
6 B : p%loso/ie. — 7 B : esUn'dioient. — » B : philosophes. — 9 B : por. — 10 B : « genz »
manque. — n B : contrôlèrent. — 12 B: jourr. — 1:i B : charo/gnes. — 14 B : emprès. —
15 B : eh pornssent. — 1G B : besoingnes. — 17 B: mort. — 18 B : « qui tout prent » man-
que. — 19 B : ce qu'ele. — 20 B : chascun ce qui lui co/zvenist.
* « quen que » : « quan que » est la forme ordinaire dans le ms. A (f° 77 b, o a, 6 c,
passim). Cette forme est confirmée par d'autres textes: Roman de Renart (Martin, Paris,
'82-'87) I, Branche VIII v. 105, passim. Rois (Paris, 1841) p. 96. Aucassin (Suchier. '89) 2.
18, 4. 7.
Le scribe de A écrit indifféremment soit a soit e devant n. Nous avons mentionné ce
fait plus haut; cf. note p. 157.
** Sloan f° 127 B : Si controverent lor monoies
que les gens portent en coroies
por lor vivre aceter allors, :
car on ne. donne pas tos jors;-
por les covoitises des gens
qui paor ont de lor despens,
droit corrumpent et desnaturent
pour les desloiautés qu'il mainent.
«et pour... nature»: et à cause de la convoitise des gens qui craignent de dépenser,
elles (les monnoies) corrompent le droit et la nature.
— 192 —
Mais ne sont pas si sage comme furent * cil qui par leur sens retrou-
vèrent astronomie, que Tholomeus n'oublia pas; ainz si estudia tant qu'il2
sot et prova8 le cours des estoiles qui sont el ciel, et leur mesure tout
amont, dont nous avons parlé ci devant.
Si vous dirons des ores4 en avant la grandeur de toute la terre et du
ciel et de la lune et du [F0 126 d souleill 5 et des estoiles, qu'il n'est pas
chose commune a touz. Si comme li rois Tholomeus meïsmes les mesura
jusqu'en abisme. Et le prueve par raison en *i* livre qu'il" fist, qui a a non
Almageste, qui vaut, autretant a dire comme haute œvre. Ore oiez que il
en dist, a ce que maint autre en ont trouvé qui l'ont esprové 7 après lui,
de son livre ou il donna art de prouver regart par raison.
XV A.
Combien la terre a de liant* entour et d'espés parmi*.
[F° 127 a] Li philosophe mesurèrent le monde de toutes parz par leur
art et par leur sens jusques as estoiles tot!* en haut, dont il voudrent sa-
voir la mesure pour mieuJz connoistre leur10 nature.
Mais premièrement voudrent mesurer la terre et prouver sa grandeur.
Et quant il orent la terre mesurée tout entour, par i* art qu'il sorent, et
prouvé par droite raison, si la troverent11 tout environ, ausi comme l'en
feïst •{• tour d'une ceinture tout [F0 127 b] entour et puis estendist l'en la
ceinture de loue en lonc. Et qui lors iroit du lonc de la ceinture, il trouvè-
rent sa long-ueur grant -xx- "M- milles et •iiii- C enquore •xxviii* milles 12
plus ; dont la mille contient -m* pas, dont -i* pas tient13 v piez14, dont chas-
cun pié tient xii" pouces15. Tant est la terre longue entour.
Par ce trouvèrent il apms combien ele a d'espés parmi. El trouvèrent
lespés de li, ausi comme s'ele16 i'ust partie17 parmi, (ju'il ot de lon-[//u
127 c]g*ueur18 par dedenz -vi-jvr miles19 et *v -c20. Parceste mesure dar-
reaine, qui est selonc nature droite, mesurèrent il clroitement trestout le
haut du firmament. Car il ne sorent prendre ailleurs plus grant mesure
pour estandre la grandeur de toutes choses qui sont encloses dedenz le ciel.
1 B : f/rent. — - B : que il. — :! B : prouva. — 4 B : ore. — 5B : so/eill. — c B : que
il. _ 7 b : esprouvé. — 8 B : lonc. — '•' B : fout. — 1C B : lor. — « B : trouvèrent. —
« A, B, C, N, Arundel, Sloan, S : $$428 milles : R : $0417 : Harley : $0427 milles:
Addit : $0328. - 13 B : contient. — 14 Arundel : -x'v pez. — [-> A: 14 pouces (aussi
B : 14) ; Arundel: 26 poces; B, G, X, S. Harley, Sloan : 12. — ir- B : se ele. — 17 B :
pertie. A : « plie » : nous mettons « partie » suivant l'orthographe ordinaire du ms. A
eï. ï" t')D, passim. — 1S B : longuer. — 1!l B : mi/les. — --> C : *v -c*.
a [/*'" 12(i d — 127 c = Vers 5918-5957.]
m La matière de ce chapitre se trouve dans les auteurs suivants: Ptolémée, Almageste
V 15, l6.Neckam 1. H. V. Introduction p. 51.
— 193 —
xvi A.
Combien la lune et li soulaiis ont1 de haut chascunsB.
La terre commune posèrent, dont il mesurèrent les estoiles et les pla-
nètes et le firmament.
Après [F° i2j d\ voudrent2 mesurer la lune et prouver sa grandeur.
Si trouvèrent que li cors de toute3 la terre dehors et dedenz, qui fu leur
commune mesure, fu plus granz que le cors de la lune xxxix* 4 tanz et
•i- poi plus, et5 ensus de terre si loing1 bien xxxiiir G* tanz et demi que
la terre n'a d'espés parmi, et les *v douzainnes avoec** : tant a de hautesce
et de grant.
Si réprouvèrent7 du souleill par demoustroison 8 et par raison que il
est plus granz que toute [F0 128 a] la terre n'est par x* foiz et Lxvr.
Mais cil qui riens n'en set le croit 9 petit ; et si est prouvé par maistrie
et per10 sens de g-eometrie. Dont pluseur11 s'en sont puis penez savoir
mon se c'estoit12 voirs ou non. Tant qu'il prouvèrent par raison que cil
orent dit vérité et de quantité et de hautesce. Mais je qui en fis cest escrit13
i mis m'en tente et tout mon tens u pour ce que je m'en merveilloie, tant que
je vi ce do/it je medoutoie. Car je vi tout apertement lesou-f-F0 [28 b]\e\\\ir\
qu'il estoit plus granz que la terre 16, sanz nule 17 defaute, par 'C et "lxvi'
foiz e/les - ïii - parties vintiesmes 18 de la19 terre20 avoec tout ce<^,si comme
1 B : Combien la terre et li soulaus et la lune ont... — 2 B : Après la terre vou/drent.
— 3 B : « toute » manque. — * Addit. : wxix-. — 5 A, B : est ; Sloan : et. — 6 Ms. de
Turin : -xxxiiir ; A, B, C, N et les autres mss., aussi Brur.etto Latino, •xxiiii*. — 7B :
prouvèrent. — 8 B : demonstroison. — 9 B : eroist. — 10 B : et par ; A : et per; « per »
cf. note p. 66. Cette forme se retrouve plusieurs fois dans le ms. A. et est confirmée par
d'autres textes.. — n B : pluseurs. — 12 B : mon ce estoit... (mon [L. Munde] : certaine-
ment). — m B : escri.st. — 14 B : tans. — 15 B: so/Iei/. — 16 B : que toute la terre. —
17 B: nul/e.— i» A, B, C, N : 166 3/20; Arundel, Harley : 166 s/a; Sloan : 170. — 19 B :
« de la » manque. — 20 B : « terre » manque.
Il est facile de voir, par la mesure du vers, que XXXIIII est la bonne leçon :
Sloan 1° 128 A : (Ils trouvèrent que la terre fut)
« plus grant que le cors de la lune
xxx. ix. tans et "r po plus,
et de terre si loing ensus
xxiiii tans et demi
com la terre a d'espés parmi. »
Au quatrième vers il manque un pied que l'emploi de « trente » au lieu de « vingt »
rétablirait. Nous prouvons, dans V Introduction (p. 02), (pie les calculs mêmes rendent la
leçon .xxxiiii. nécessaire.
** « Si trouvèrent... avoec » : Ils trouvèrent que le ylobe est 39 fois (et un peu plus)
plus grand que la lune et qu'elle (la lune) est à une distance de la terre ('«aie à 84 11/is
fois le diamètre de la terre.
a [F° 127 c— 128 c = Vers 5958-6012.]
b « Combien ... ehaseuns. » Neckam I. 8. Ptolémée, Almar/este V. 15. 16. V. Intro-
duction p. 52.
c « 166 3/2o... tout ce, » V. Introduction p. 52.
13
— 194 —
li ancien le distrent; et lors crui je leur escrit. Ne ja ne le meïsse en escrit1.
se je n'en veïsse2 la vérité. Et ce puet l'en hien savoir par grant quantité.
Car moiûl est loing- de nous assis quant il nous samble si petit. Ne ja ne
sera si ensus de nous, que nous ne le sachons ça aval. Car il a de terre
jusques ausoleill, si[F° 128 c] comme Tholomeus le prouva, •vc et •iiii'xx-
et'v 3 tanz que toute la terre n'a de grant ne d'espés parmi.
XVI 1 A.
Du grant et du haut des es toi le s b.
Or vous dirai briément des estoiles du firmament, dont il y4 a si grant
pleneté5 que toutes0 sont d'une hautesce, mais ne sont pas toutes d'un
grant. Si couvendroit trop longuement lire, qui voudroit dire de toutes la
grandeur. Pour ce si nous en tairons ; mais au mains vous en dirons [F°
128 d\ nous tant, qu'il n'en 7 y a nulle si petite que l'en y8 puisse veoir, qui
ne soit plus granz que toute la terre ne soit0. Mais nen par y 10* a nulle si
granz11 comme est li soulaus, ne si reluisanz12. Car il enlumine toutes les
autres par sa biauté qui tant est fine.
De terre jusqu'au ciel amont, ou les estoiles sont assises, a *x*M* foiz
autretant et *lv13 foiz pln.s comme toute la terre a d'espés*-. Qui set conter
si puet trouver après le nombre [F0 12g a et la forme 14, quanz pouces il y
a de la main d'un hon?me15, et quanz piez,etqn«nz pas, et quantes lieues,
et quantes milles, ou quantes journées il a jusques au ciel.
.Mais tant en y a que, se uns hons16 i 17 pooitaler droite voie sanz arres-
ter soi18, et pei'ist aler chascun jour "xxv miljes, et sanz faire nul séjour,
avant seroit passez li tans •virM* et cent et 'V anz et * vii* et demi19 avoec D,
ainz qu'il fust jusques au ciel ou les estoiles sont.
1 B : escrijot. — - 13 : ne veïsse. — :! Addit. : 066. — * B : i . — 5 B: planté. — fi B :
toute. — 7 B : qui n'en. — 8 B : i. — ° B : seit. — 10 A : Mais il n'en i par. — n B :
u.,.an/. _ 12 B : reluisant. — 1:! Arundel : 10005; ms. de Turin: 10066. — i* B : fourme.
— i:> B : hottme. — ir' A : hoons. — 17 B : « i » manque. — 1S B : « sanz arrester soi »
manque. — 1i> A, B. C, N, Arundel, Slnan : 7157 Y2! S : 7550; Addit.: 7557 ]/2.
* «par» (= lat. partem) : l'orthographe est confirmée par divers manuscrits ; cf. aussi
noies ]). 80 et 88.
La leçon de A n'est pas claire ; nous avons préféré celle de B, confirmée par Harlev.
Harleij f° 60c : Mais ni par a nule si grans
co m lo soleil n'ansi lnsans.
Sloan f° 128c donne: Mais n'en i a unie si granl
coin li solaus ne si luisant.
a [Fo 128 c — 129 c = Vers 6013-6078.]
n V. Introduction p. 53 s.
C « De terre... d'espés. » V. Introduction p. o- s.
d « .vii. -M- et cent... demi avoec. » V. Introduction p. 53-
— 195 —
Se li premiers lions [F0 12g b] que Diex feist onques, ce fu Adam, i
fust touz jourz alez dès lors qu'i 1 fu premièrement2 faize/3 criez, et
fust alez 'xxv4 milles chascun jour, ne fust il pas enquores la; ai/iz eilst
enquores a aler par 'virC* et -xiii*5 anz, dès lors qu'GAdans li premiers
hons fu faiz, quant premièrement fu parfaiz cis livres : Ce fu a l'Apari-
tion7, en l'an •nrccxlv8 anz. Itant i meïst a aler dès lors ainz qu'9il fust
jusques la A.
Ou se il avoit la une grant pierre qui -c- anz a cheoir [F0 12g c] meïst,
il couvendroit qu'ele feïst dedenz chascu/zne heure de jour10, dont il y a
•xxiiii- el jour, lx' milles et *xiiii* et une demie11, ainçois qu'e\e vemst a
terre». Ce prouva qui ce 12 livre fist, ainçois que le18 meïst14 avant. C'est
bien autant \xl- foiz comme -i* cheval 15 porroit aler qui touz jourz iroit
sanz arrester soi. Ore qui veult si puet entendre, s'une pierre porroit des-
cendre16 en une heure autant comme il pose. Car meilleur glose n'i sai faire.
xviii G.
Du nombre des estoiles.
[F° 12g d] Des estoiles vous dirai le nombre si comme Tholomeus les
nombra en son Almag-este. Il les nomma toutes et dist qu'il en y avoit 'M-
et -xxii-, toutes cleres et toutes voianz, sanz les *vii* planètes. Conter les
pouez sanz perill. En17 trestout n'en a que -m* et xxix- que l'en puisse 18
vêoir D. Bien en i puet avoir19 pluseurs autres. Mais plus n'en i puet l'en20
choisir clerement ne apertement connoistre. Si i g-art qui garder y voudra.
Car nus n'en [F0 i3o a] y puet21 plus trouver. Mais nus hons nés porroit
conter, tant set'ist monter en haut lieu, fors que par i* gentill estrument
moult soustill que Tholomews trouva ; par quoi l'en les connoist et conte,
et ou chascune siet, et combien il a de l'une22 a l'autre, soit l'une de l'autre
près ou loing, et des ymag-es connoissances 23 qui par leur samblances les
forment24. Car ces estoiles qui sont nommées, si sont toutes fig-urées el ciel,
1 B : lors que il... ; « qu'i » cf. note p. 60. — 2 A : premièrement. — 3 B : « faiz et »
manque. — 4 A, B, G, N : 20 ; Arundel : 25; Sloan: 25. — s A, B, N : 713; C : 714 ;
Arundel : 723 ; Sloan : 712. — ° B : que. — 7 B : Aparution. — 8 B : mil deux cens quarante
et siœ. — 9 B : que. — 10 B : chascune heure el jour. — n A. R, B, G : 40 milles; N,
Arundel, Sloan : 60 milles. — A, R, B, N : 13 : Sloan : 14; Arundel : 23. Le nombre
entier est donc : A, B, G : 53 72 ; N : 73 »/* ; S : 73 ; Sloan : 74 »/i 5 Arundel : 83 1/2. —
12 B : ces/. — 13 B : que il le... — 14 A : venist. — 15 B : chevals. — 16 B : « descendre »
manque. — 17 B : Et. — 18 B : l'en i puisse. — 19 A : « Bien en i puet avoir » manque. —
20 B : on. — 21 B : ï voudra. Car nus n'i en puet. — 22 B : l'un. — 23 B : ymages les con-
noissances. — 24 B : samblance les tourment.
a « Se li premiers... jusques la. » V. Introduction p. 53.
b « Ou se il avoit... venist a terre. » Sydrach Add. 152. V. Introduction p. 53 s.
c [F« 129 d — 130 d = Vers 6079-6141.J
d « Des estoiles... puisse vëoir. » Ptolémée, Almageste VIII. 1.
— 196 —
[F0 i3o b] et compassées par ymages qui toutes ont diverses estres, et
chascun sa fourme et son non, par quoi x l'en les connoist et nomme2. ,
Dont l'en en connoist principalment8 \xlvii- dedenz le firmament. Et
de ceuls prant4 l'en -xii" des plus dignes que l'en5 apele les -xii- signes.
Et font 'i* cercle tout entour les vii* planètes, la ou eles font leur tour.
Moult sommes del ciel loing6, et est ensus de nous7. Car cil qui
est pris en pechié jamais nul jour la n'avendra. Et l'ame qui [F0 1S0 c) l'a
desservi i est alée tantost en mains d'une heure, et encore8 plus haut tout
desus, si haut en paradis amont, que nus lions qui soit en cest monde ne
porroit penser la leesce ne la hautesce ou l'ame vait A.
Ne nus ne porroit 9 comparer, tant i seiist penser, le grant ne le haut
de la sus a la grandesce de ça jus, qui est de la terre jusques au firma-
ment. Car celé si est sanz finement. Et est li firmament 10 si granz et si
hauz et si larges de touz sens qu'a X1 F° i3o d\ painnes porroit nus
penser le nombre qui entrer i porroit des terres qui emplir le porroient,
s'eles estoient toutes en *i* mont, dont chascune seroit ausi grant comme
toute la terre qui soit. Et toutes voies vous en dirons nous, ce que mieulz
y 12 poons penser.
XÎX ».
De la grandeur du firmament et du ciel qui est13 dessusu.
Se la terre estoit plus granz -cm- tanz qu'ele ne soit, et sii eùst cm 15.
tanz16de genz qu'il n'i ot onques, et chascuns d'euls fust si puissanz qu'il
en17 peiist engen- F0 i,jia]drerm'r autre chascun jour, jusques a -cm- anz,
et fust chascuns ausi grant18 comme uns jaianz 19, et eiist chascuns son
chastel autresi grant comme nus rois eiist onques, et bois et rivières,
fours20 et moulins, champaingnes21 et jardins et prez et vingnes, chascuns
tout entour sa maison pour son vivre; et en eiist a si22 grant foison que
chascuns en peiist tenir *c* maisniées23 pour lui servir; et chascuns de celé
maisniée 24 en tenist \\x# au-j/^0 i3i //très, et eiist grant pourpris en leur
manoir : si porroient il bien trestouz chevir dedenz le firmament. Et en-
quores en y avroit il de wuit25 plus que trestu.it86 ne poneprendroient pour
euls esbatre s'il27 vouloient(:.
1 R : quoi/. — - B : iioame. — 3 B : principaument. — 4 B : prent. — 5 A : « l'en »
inai)(|iie. — G B: soumes du siècle loing. — 7 A : loin»- et ensus. (« est... de nous » man-
que.).— 8 B : enquores. — '•' B : ni porroil. — ,0 Jî : firmamenr. — n B : que a. — 12 B : /.
— 1:! B : « <[u i est » manque. — 14 B : desus. — 15 B : mile. — 16 A : «qu'ele ne soit, et si
i eiist -cm- tanz » manque. — 17 B : em. — 18 B : granr. — 19 B : \aanz. — -° B : et
l'ours. — si b : champa/gnes. — — B : ausi. — 23 p, : maisn/es. — 24 B : maisiuV. — '2b B :
wuit. - 26 b : trestoar. — -7 B : se il.
a « .Moult sommes... ou l'ame vait. » Sydrach Add. lo2.
b F" ISO d — 133 c = Vers 6142-6275.]
<; « Se l;i terre... esbatre s'il vouloient. » Sydrach Add. 460. S. 120.
— 197 —
Si poons bien savoir que mou\t est Nostre Sires puissanz, et est de
moult très haut afaire, quant il sot * faire si haute chose comme est li
ciels et li soulaus et toutes les autres choses2 qui sont en ciel et3 en terre.
Tels sires doit bien e-[F° 1S1 cjstre Diex qui set faire si nobles choses
comme nous vëons encloses el ciel. Dont nous le deyons moult amer. Et
bien puet penser chascuns que ce desus est mowlt g-entill et moult noble,
qua/it ce qui est desouz est si soustill 4. Car5 ce qui est desus est plus
grant6 'cm* tanz que ce qui est desouz, et plus qu'en ne pourvoit conter
par nombre que l'en peiist penser7. Car c'est chose sanz nul termine, qui
ne se define de nulle8 part.
Par quoi9 je ne [F° iSî d\ puis pas entendre que riens qui soit puisse
pourprendre 10 ce qui est desus le firmament, ou paradis pourprent son lieu,
neraemplir ne puet pour riens qu; soit, se des biens Dieu n'estoit raempliz.
Mes11 Diex est si plains de touz biens, qu'il aemplist toutes autres choses
qui doivent part avoir en bien. Et li 12 mais se départ si du bien, qu'il le
laisse vuit13 de touz les biens qui soient, au tresi comme se ce ne fust riens.
Dont l'en dit14 que ne-[F° i32 a]chiez n'est riens, pour ce qu'il est de touz
biens vuiz15, et fait le cors et l'ame si vuit que li uns16 est destruiz avoec
l'autre. Car touz jourz17 vient mal a noient et li biens va touz jourz crois-
sant. Et pour ce n'est mais ne péchiez riens qui soit. Car il vient a noient
aussi 18 comme fiens.
Nulle riens» n'est qui doie estre a droit, fors ce qui doit estre penna-
nanz19. Et pour ce se fait20 bon tenir près du bien, car il amende tout adès.
\F° i32Ô.] Et qui voulentiers 21 fait bien, li biens le met en paradis a force;
et estre li estuet, car ailleurs ne puet demorer. En paradis souvient qu'il
vieng-ne por22 prendre son lieu et pour lui aemplir.
L'en ne porroit faire tant de bien qu'il ne trouvast touz jourz son lieu
et son repaire. Car cil lieus est sanz nul termine, que28 nus biens n'i define,
ne ne faut. Et est touz jorz24 plains de joie, de bien25 et de leesce sanz
riens de vuit. Dont chascuns \F° 1S2 c] sera touz sires qui vers Dieu le
desservira 26.
D'enfer vous repuis je bien dire autretant, ou il n'a 27 fors que douleur et
martyre 28 et ang-oisse, qu'il ne porroit pas estre plains, se toz 29 li mondes
estoit periz et trestuit s'en alasse/it en enfer, ne par30 chose qu'il i portas-
sent, qu'il ne 31 feïssent 32 maie fin et qu'il n'ardissent touz jourz sanz
1 B : set. — 2B: « choses » manque. — 3 A : en ciel et en ciel et. — ^B: soufill. —
5 B : Par. — e B : granr. — 7 B : que l'en ne porroit penser. — «A: n/'le part. — » B :
quo;/. — 10 B : po/'prendre. — " B : Ma/s. — 12 B : \e. — « B : wmt. — « B : dist. —
15 B : wwz. — 16 B : wmit que /'uns. - « B : jours. — w B : ausi. — l9 B : fors celé qui
est permananz. _ 20 b : pour ce ce fait. — ^ B : volen tiers. — 22 B : pour. — 23 B : car.
-4 B : jourz. — 25 b : biens. — 26 b : deservira. — ^ B : « n'a » manque. — 28 b : mar-
UfC — 29 b : touz. — 80 b : pour. — si B : qui ne. — 32 B : foïsse.
— 198 —
fin*. Si ai pour ce ceste chose briément dite, que l'en sache certainement1
qu'il n'est riens qui soit que [F0 1B2 d\ l'en puisse prendre 2 au pooir Dieu de
nulle riens3 qui soit. Tant est4 li glorieus souverains plains de granz biens
et de puissance, que l'en5 n'i porroit comparer nulles riens G. Car c'est cil
qui tout establi et qui tout fist.
Mais puis que dit7 vous8 avons de0 la grandeur du firmament, ou
les estoiles sont mises10, qui adès est en mouvement, si entendez q«71 a un
ciel amont ou eles ne se muevent point, ainz sont en i* point touz jourz. Si
comme [F0 i3S a se uns hons qui se remuast d'aucun lieu et s'en alast en "
•i* autre, li premiers lieus ne se movroit12. Mais cil qui s'en iroit adès tout13
environ, ausi comme par un cercle ou il revenist jusques en son14**, sou-
vent iroit de lieu en lieu tant que au premier lieu vendroit la ou il estoit
premièrement. Mais li lieus ne se mouvroit, ainz se tendroit adès en i*
point.
Oie entendez autresi de cel ciel que nus lieus n'i est remuez d'estoiles ne
de15 firmament; ainz se [F0 iS.'i b tiennent si fermement trestouz. Gel ciel
convient bien entendre a ceuls qui sont astronomien. Ce est 1(; cil qui now.s
rent la couleur bloue17 qui s'estent amont en18 l'air, que nous véons quant
li1!) airs est purs tout environ. Et est de si grant atemprance qu'il ne puet
violance20 avoir. Cil ciels enclôt le firmament. Or vous dirons tôt aperte-
ment que ce est que l'en puet entendre desns. Par ovr n'i puet21 l'en riens
prendre ne prou- F0 i33 c] ver se c'est22 veritez ou non, ne par nulle23 art
de demoustroison 24, si comme l'en puet vèoir as ieulz. Car sens d'oume25
n'i a pooir. Mais26 toutes voies en dirons nous ce que nous en trouvons27
en aucun lieu en28 escripture, que aucun philosophe i pensèrent qui i trou-
vèrent aucune raison.
1 I) : certainement. — - B: puisse entendre qu'il se puisse prendre. — :i li : de riens
nulle. — "' A : « est » manque. — 5 A : « l'en •> manque. — 6 B : riens nulles. — 7 P> :
dist. — s B: « vous » manque. — '•' B: « de » manque. — 10 li : « mises » manque. —
11 B : et se renuuist en. — l2 B : mouvroil. — in B : « toul » manque. — 14 A, B : son
(= lat. summum). — 15 A : « de » manque. — 1<; B : C'est. — 17 B : bloie. — 18 B : estent
a moult en. — 1!l A : il. — -° B : violence. — -' H : oyr ne puet. — -- B : prouver ce
c'est. — -■'' B : nu/. — 24 li : demo/sl roison. — -•"' B : d'o/mne. — 2e li : Mes. — -- B : « ce
i|iie nous en trouvons» manque. — -8 li : livre en.
* K: ... fin. Comme il soil ainsi que les saulves désirent le jour du jugement pour
estre glorifiiez en corps et en aine, les dampnez le redoubtenl pensans que après eellui jour
ilz seront perpétuellement tourmentés en corpz et en ame, ce <[ue jusques a eellui très
espoentable jour ilz ne sont en corps mais en aine. Si ay...
** Sloan f° BiO li : Mais cil qui adiès s'en iroit,
si coin \)ar 'i- cercle environ,
ou il revenist jusqu'à son,
sovent iroit de leu en leu
Ifarley : qu'il revenist jusqu'en som.
— 199 —
xx A.
Du ciel cristalin et du ciel empiré.
Deseur eel ciel, selonc ce que aucun 1 dient, est uns autres ciels touz com-
muns environ2, amont2 et a-[F° i'SS d]val, ausi comme est couleur de
cristal, blanc et cler et pur et noble. Et l'apele l'en le ciel cristalin.
Deseur celui ciel tôt4 entour est uns ciels5 qui est de pourpre couleur, si
comme li devin le dient. Et l'apele l'en le ciel empiré. Cil est plains de
toutes biautez6, plus que nus de ceuls que nous avons nommez. Et est l'air
par clers7 et biaus plus -vii- tanz que n'est li soulaus. De celui ciel
chejrent8 jus les mauvais anges par leur orgueill9, qui estaient wuit
F° i34 a] de touz biens. Et la sont li saint ange Nostre Seigneur 10.
XXI ».
Du celestiel11 paradis.
Se vous voulez paradis entendre pour aprendre ce qui est desus, sanz
pechié le pouez faire. Car li lieus est beneurez en toutes choses. Si n'i puet
avoir se bien non, et toutes biautez selonc12 raison et droiture. C'est li lieus
de la sainte trenité 13, ou Diex siet en sa majesté. Mais la faut li enten-
demenz14de Tomme15. Car nus n'en puet penser la disme ne la som-
[Fo i34 b]me19.
Et se Diex pourprent nul lieu qui soit, la le couvient il estre par droi-
ture. Mais il est si communs par tout que chascuns le puet vcoir qui
desservi 17 l'a envers lui. Et voit tout et ça et la. Il voit par tout, comme 18 cil
qui touz bien l9 a en sa garde. Dont vous pouez prendre example 20 par aucun
quant vous l'oêz parler, que tuit cil qui l'escoutent si oient toute sa parole.
Pluseurs genz l'entendent toute21* ensamble, et en une seu-[//o i34 c]le
1 B : aucuns. — - B : « environ » manque. — 3 B : et amont. — 4 B : tout. — 5 B :
ciel. — 6 B : biautés. — 7 B : cler. — K B : cheïrent. — 9 B : ors;uil. — 10 B: Seingneur.
11 B : c/elestiel. — l2 B : selon. — n B : trinité. — u B : entendement — 15 B : Tourne. —
16 B : soume. — 17 B : deservi. — 18 B : voit par tout et regarde par tout, comme. —
» B :biens. — 2° B : essample. - 21 B : Vont.
* Sloan l'° 131 A : et si oit sa parole toute
cascuns qui celé part escoute.
Toute l'entendent pluisors gens
et ensamble et en pluisor sens ;
. cascuns tote la parole ot.
Harleif f ° 68 D : et si oit sa parole toute
chascuns qui celé part escoute.
Toute l'entendent plusor gens
ensemble, chascuns lonc son sens ;
chascuns tote la parole oit.
a [F* 133 c— 134 a= Vers 6276-6293.]
b [F© 134 a — 136 a = Vers 6294-6379.]
— 200 —
heure ot chascuns toute1 la parole2. Autresi pouez entendre Dieu estre
partout, et régnant par tout, et3 en touz lieus est tantost. Et la clartez qui
de lui naist enlumine toutes choses et ça et la, et ausi tost l'une comme
l'autre. Et metez eratour pluseurs choses, ausi tost vendra l'esplendeur a
celé qui sera de ça4 comme a celé qui sera de la.
Quant tels choses ont tels vertuz, mowlt en doit plus avoir cil [F0 l'S^d
qui tout fist et tout cria, et qui touz biens a dedenz lui. Son paradis estent
par tout, comme cil5 qui de tout est sires. En paradis sont tuit li ange et
tuit li archa/ige et tuit li saint qui devant Dieu chantent trestuit gloire et
loange6 a grant joie et a grant soulaz. Il n'est nus qui puist comprendre,
ne cuers d'oume7 ne puet entendre qu'est paradis, et com grant8 joie cil
ont a cui Diex l'otroie.
Li mieuldres clers de tout le monde et li F0 i35 a plus soustis9 et li
mieulz10 parlanz qui onq^es fust vivanz en terre, ne qui jamais i peiist
estre a nul jour du monde, et eiist mil langues parlanz, et chascune de ces
langues parlast par soi, et eiist mil cuers dedenz son cors les plus soutils11
et les plus souvenanz que l'en pourroit12 ne prendre ne trouver en tout le
monde en nul cors 13 d'oume pour mieulz 14 entendre, et ce fust chose qui
peiist estre et qui avenir peiist qu'il [F0 i35 b] peiissent venir ensamble
en cors d'oume15, et puis peiissent penser touz jourz10, a touz le mieulz17
qu'il défissent, a deserivre18 paradis et a deviser, et chascune langue si peiist
dire l'entention de chascun cuer, si ne pourvoient10 il mie 20, en nulle ma-
nière du monde, dire ne21 conter, en parole ne22 en rime, la milliesme par-
tie de la grant joie que li 23 plus povres de ceuls 24 <|ui la seront25 y avra a.
Et honniz26 soit qui la ne sera. Car cil qui [F0 i35c] sera en paradis ne
vodroit27pas estre touz les jours28 du monde sires et roys de tout cest29
monde terrien, et qu'il en peiist faire toz 30 ses commandemenz, par couvent
qu'il fust un seul jours31 hors de paradis. Car la est la vie pardurable, et
la est32 la granz33 joie sanz nulle fin qui puist onques estre. La est chas-
cune chose estable et certainne a touz jours mais.34 Ne jamais ne faudra,
ne jamais ne avra35 dou- F° i35 cl tance de mort, ne de maladie, ne de
douleur, ne d'angoisse, ne de paour, ne de courrouz3R, ne de travaill, ne de
povreté, ne de chaitiveté 37, ne de paine :!s, ne de nule3!* tribulation qui
1 A : ol chascuns ot toute. — - li : chascuns la parole toute. — :! li . « régnant par
tout et » manque. — * B : /a. — 5 li : celui. — 6 B : loenge. — "• li : d'o/nme. — 8 B : que
•si paradis, ne comme grant. — '•' B: et le plus sou/i/s. — 10 B : mie/z. — ]1 B : soustils.
— v- B: porroit. — l3 A : cos/*. — 14 B : mie.r. — Ir- B : d'omme. — 16 B : « touz jourz »
manque. — 17 B : 1/ mie.r. — ]8 B : qui deùssenl touz jours a descr/re. — 19 B : por-
roient. — -° B : «il mie » manque. — -'' B : « dire ne » manque. — 2Î B : ni*. — 23 B : que
i0uz |j. — -'4 |î : () de ceuis „ manque. — 25 B : sera. — -,; B : hoaniz. — -7 B : voudroit.
— 28 H : jours. — -9 A : toul le. — :1° B : touz. — ;!1 B : jour. — :î- B : « la est » manque.
— :i:! li : « granz » manque. — ;;4 B : « a touz jours mais » manque. — 35 B : navra. —
"6 B : courour ; A : courrourz. — »? B : cha/iveté. — :î8 B : painne. — 39 B : nulle.
a Li mieuldres... seront y avra.] Sydrach Add. lio, 20f>. S. 594.
— 201 —
jamais li puisse1 avenir en nule2 manière du monde qui la sera. Ainz i
sera tout adès en joie, et en soulaz et leesce3, et en beneiirté, et en touz
biens sanz nulle4 fin. Et si5 avra plus de délit que nus ne savroit penser
ne dire, tant y6 seiïst son7 tans user.
[F0 i36 a.] Pour paradis et pour enfer entendre, selonc noustre devi-
\cë&<~ i-™£^ë<L
Fig. 28.
sion 8, et le firmament et les estoiles et les -vii- planètes, vous présent ceste
figure ci endroit que vous trouverez ci après. Si vous i prenez garde, et i
metez bien9 voustre entente {Fig. 28).
XXll A.
La récapitulation des choses devant dites.
[F° iSj a] Desores10 fînerons cest livre. Dès11 que vous avez oy au com-
mencement de Dieu, pourquoi12 il forma13 le monde, et pourquoy 14 il ama
1 B : puis/. — 2 : b : nul/e. — 3 B : en joie, en soulaz, en leesce. — 4 b : « nulle »
manque. -5B: « si » manque. — » B : i.-'A: «y seûst penser (« penser» est barré)
son tans... ». — s b : division. -9B: « bien » manque. — "> B : desore. — H B : « dès »
manque. — « B : quoi/. — » B : foarma. — m a : « quoy » manque.
b \F° 127 a— 139 d = Vers 6380-6o09.1
— 202 —
l'omme1 tant qu'il le forma2 a sa samblance, et li donna pooir de faire bien
et mal. Après pour quoi il ne le fist tel quil ne peiïst pechier mortelment.
Et comment l'en trouva premièrement les *vii- arz3, et de leur mestiers. Et
puis des -in- [F0 i3j b] manières de g-enz que li philosophe posèrent au
monde. Comment4 clerg-ie est remuée, et comment ele vint en France.
De nature5, comment0 ele oevre et que ce est; et comment ele se diver-
sefie en chascune de ses oevres.
Si avez oy de la faiture du monde et de la devision 7 des •iiir elemenz
qui sont8 environ, qui se tiennent el firmament, et comment la terre se
tient tout en mi le firmament. Si avez oy la petitesce de la terre envers le
ciel, et comme/it li solaus i fait son tour [F0 i3y c] tout environ, et les
autres planètes autresi. Tout ce avez vous oy premièrement.
El secont vous est devisée1'* en quel lieu la terre est habitée, et quel
part ; et de10 la devision11 de la mapemonde12 ; et premièrement de para-
dis terrestre ; et d'Ynde et des diversitez qui i sont ; des genz, et des bes-
tes et arbres13, et des pierres, et des oisiaus, et d'aucuns poissons14 qui i
sont15, et des choses que nous avons ; et ou enfer siet, li doulereus; [F0
i.'ij d] et de la painne as maleureus qui laienz sont mis en torment.
Après avez10 oy du secont élément : Ce est de l'yaue, des fluns, et des
fontainnes chaudes et froides, sainnes et mauvaises, qui sont en diverses
contrées, et comment la mer devient salée ; comment la terre crolle et
fent; et puis de l'air17**, comment il vente et pluet ; des tempestes et des
tonnoires18 ; du feu et des estoiles cheanz, et que ce est; du pur air, et
des vii* planètes, et comment [F0 i38 a\ li bissextes19 naist; et du firma-
ment et de son tor20, et des estoiles qui sont environ.
El tierz avez oye21 la manière comment22 il est et nuit et jor23; et de la
lune et du soleill24, comment il rendent clarté, et comment chascun pert26
sa clarté aucunes foiz et de nuit26 et de jours27 ; et des éclipses28 qui lors
en aviennent, de quoi li jours29 devient oscur30 ; de la grant éclipse31 qui
1 B : l'oame. — - B : fourma. — 3 B : les --vii" arz premièrement. — 4 B : Comme.
R. : I] manque un long passage depuis « comment » jusqu'à [138 c] « Si avez oy en i;i
tin.» — ■' A : « comment ele vint en France. De nature » manque. — G B : comme. — 7 I! :
division. — 8 B : son. — '•' B : devisée. — '" B : « de » manque. — n B : division. — 12 B :
mappemonde. — 1:1 B : et des arbres. — 14 B : et des poissons. — 15 B : « qui i sont » man-
que. — 16 B : sont mis en prison et en torment. Apres vous avez. — 1V A : Yar. — 18 B:
tonna/cres. — w B : b?/ssexles. — -° B : tour. — -1 B: oy. — -- B : et comment. — 2:i B :
jour. — -' B : solei/. — -•"> A : comment ehas/XTt. — 26 B : nuir. — -7 B : jourr. — -s B:
ecl//pses. — 29 B : jours. — :!,) B : oôseur. — 3I B : ech/pse.
* Sloan f° 131 I) : Ou secont vous est devise'e
la terre ou ele est habitée
" « ar » : c'est ici le seul cas où le copiste de A se soit servi de cette orthographe
pour le mol « air » qui se présente si fréquemment. Il n'y a pas non plus d'autre exemple
de a pour ai dans le manuscrit. Il faut donc plutôt voir dans « ar » une faute de copiste
qu'une forme dialectale. Cf. Stimming, o. c. p. 19o.
— 203 —
avmt a la mort Jhesu Crist, de quoi Saint1 Denis fu co/ivertiz ; de la vertu
du [7^° l38 b firmament et des estoiles , et comment l'en mesura le
monde et le ciel et la terre ; du roy Tholomeus 2 et de ses sens ; et
d'Adan, et d'aucunes autres genz ; et comment clergie fu sauvée pour le
déluge, et comment ele fu retrovée après le déluge ; et des mer-
veilles que Virgules fist par sa clergie ; et pour quoi 3 monnoie fu
nommée et establie ; et des philosophes qui aloient par le monde
pour aprendre ; que est philosophie, et que Platons en respo/idi ;
[F° i38 c] comb/en la terre et la lune et li solaus 4 ont de grant chascuns
endroit soi; et les estages des estoiles, et de leur nombre et de leur yma-
ges; le haut et le grant du firmament, et du ciel blou qui desus5 est, et du
ciel cristalin, et du ciel empiré. Si avez oy en la Un del 6 celestiel paradis et
de son estre, et de Dieu qui estre puet par tout, de sa gloire et de sa
bonté.
De toutes ces choses vous avons nous conté 7 , et aucunes raisons [F0
i38 d], au plus briément8 que nous poons, rendues9 ; car les genz d'oren-
droit n'ont cure de longues gloses, ainz aimment mieulz 10 les choses qui
sont briés, comme cil qui sont de brief sens et de brief tens 11. Leur vies
sont brieves et leur cors so/it brief12; car en petit de tens sont feniz,
et touz jours13 devendront 14 plus brief, tant qu'a noient vendront. Car cis
siècles trespasse15 de tens en tens ausi comme vent, et defenist de jour
en jour; [F0 i3g a] et petit séjour i fait chascuns, Car tant16 est plains
de vanité, qu'il n'i a de vérité point; et cil qui plus i cuide demourer17 est
souvent cil qui mains i demeure et qui plus tost muert.
Et pour ce lou je bien que chascuns face bien, tant comme il vit. Car il
n'est nus qui sache a quele heure la mort li doie courre18 sus. Et tels se
cuide enquore esbatre en cest siècle *v anz ou -vr qui est alez en mains de
*v jours19 [F0 i3g b] et avalez el puis d'enfer. Si est sages et bons eiïrez20
qui el servise 21 Dieu est pris, tant comme Diex li preste le sens, et il en a
tens et loisir. Car Diex li rendra si riche don et si bel, qu'il avra touz biens
a bandon 22 et la joie de paradis, que Diex nous otroit, en cui 23 toute pitiez.
habonde, et touz biens.
Ci fenist l'ymage du monde qui commença a Dieu, et a Dieu prent fin,
qui en la fin nous doint ses biens et sa grâce. Amen.
[F0 i3g c] En l'an de l'incarnacion 24 de Nos/re Seingneur25 Jhesu Crist
1 B : Crist; dont Saint. — 2 B : TholomeH. — :! B : quoy. — 4 B : soulaus. — 5 A :
desouz. — 6 B : du celestiel. — 7 B : rendu conte. — 8 A : brie/zuement. — 9 B : « rendues »
manque. — 10 B : mieas. — n B : tans. — 12 B : briés. — 1S B : jours. — i* A : deven-
droient ; B : devendrorci. — 15 A : trespasses. — 16 B : tout. — 17 B : demorer. — ™ B :
coure. — 19 B : jours. — 20B : et bieneiirez. — 21 B : service. — 22 B : biens et abandon. —
33 B : qui. — ^ B : incarnation. — 25 B : Seigneur.
— 204 —
•rrrcc-xlv anz1, tout droit a l'anarution 2 des *iii - rois, fu premièrement
parfaiz cis roumanz.
Vous qui avez oy l'escrit du Fil) 8 Dieu Jhesu Crist et puis du monde
que Diex forma4, li mondes a une autre forme6 que vous poez entendre
par cestui, vous qui du siècle voulez aprendre quel chose ce est et comment
il est6 et comment il va. Vous qui m'avez ci entendu, [F0 i3g d] si priez
au douz roi7 Jhesu Grist que il8 otroit et grâce et gloire et bon mé-
moire et entendement a celui qui cest livre escrist, et qui le parfist jusques
en la fin. Amen.
Explicita.
1 B : « anz » manque. — 2 B : aparusion. — 3 B : Filr. — 4 B : fourma. — 5 B : fourme.
6 B : « et comment il est » manque. — 7 B : rois. — 8 B : CArist qu'il. — 9 « En l'an de
l'incarnacion.... Eœplicit ». Ce passage est remplacé dans le ms R par Yexplicit suivant:
(f° 151 a] Gomme en la prologue devant dite est declarie fut cestui volume compilé l'an de
l'incarnation Nostre Seigneur Jhesu Grist Mil *ii-c quarante et cincq a la requeste de mon
seigneur Jehan, duc de Berry ; et de puis, en l'an mil 'iiire- soixante et quatre, a esté
grosse et ordonné par le commandement de Jehan le clerc librarier et bourgois de Bru-
ges. Priant Dieu que tous ceulx qui le liront ou orront lire y puissent tellement prouffiter
que ce soit au prouffît, honneur et santé de leurs corpz et au salut de leurs âmes. Amen-'
Explicit le miroir du monde.
Table alphabétique des noms propres cités dans l'« Image du Monde.»
Aaron p. 103 (v. sur cette ville Introd.
p. 37, 38).
Abraham p. 182 : Abraham.
Absalon p. 181 : Absalon.
Acre p 143 : Saint Jean d'Acre en Syrie.
Adam p. 105, 156, 195 ; Adam p. 127,
180, 195.
Adan p. 181, 203 : Adam.
Ais la Chapele p. 142 : Aix-la-Chapelle.
Ais en Gascoingne p. 142 : Ax (Ariège)
ou Dax (Landes).
Aise la Grant\>. 106, 129, passim : l'Asie.
Aise la Menour p. 124 : l'Asie Mineure.
Aise p. 106 : nom d'une reine.
Alemaingne p. 129 : l'Allemagne.
Alixandre p. 130 : Alexandrie (Piémont).
Alixandres p. 111, 117, 189; Alixandre
p. 115, 116: Alexandre le Grand.
Amazones p. 123 : les Amazones.
Angleterre p. 129, 135 : l'Angleterre.
Anlhioche p. 122 : Antioche.
Apolines p. 188 : Apollonius de Tyane.
Archardie p. 129 : l'Arcadie.
Aristotes p. 89, 183 : Aristote.
Arrabe p. 121 : l'Arabie.
Assire p. 121 : l'Assyrie.
Athènes p. 77, 188 : Athènes.
Aufrique p. 108, 129, passim : l'Afrique.
Avidos p. 130 : Abydos.
Babiloine p. 121 ; Babyloinne 127: Ba-
bylone.
Barbarins p. 124 : les Jacobites.
la mer Betée p. 132 : mer où se trouve
l'île perdue de Platon.
Boeces p. 183 : Boèce.
Boeme p. 129 : la Bohême.
Bosus p. 131 : l'île d'Iviça.
Bragman p. 111 : brahmane.
Sainz Brandins p. 132, 189: saint Bran-
dan.
Bretaingne p. 134 : la Grande Bretagne.
Caldée p. 121 : la Chaldée.
Capadoce p. 116 : la Cappadoce.
Mont Capien p. 111 : la chaîne de l'El-
bourz.
Julius César p. 180 : Jules César.
Charte p. 124 : la Carie.
Charlemaine p. 79 : Charlemagne.
Chipre p. 132 : l'île de Chypre.
Colcos p. 130 : la Colchide.
Constant inobley. 129 : Constantinople.
Corinte p. 129 : la Carinthie.
Coulombine p. 131 : l'île de Formentera,
ou les Columbretes.
Cyclopien p. 131 : le Cyclope.
Cyclopien p. 112 : v. Introduction p. 40.
Cgi la p. 131 : l'île de Scylla.
Damas p. 122 : Damas.
Danemarche p. 129 : le Danemark.
Dardane p. 124 : la Dardanie.
Puits Davi p. 144 : en latin Bodasius
Vicus, autrefois Bodasvic, maintenant
Vic-sur-Seille (Lorraine allemande).
David p. 66, 181 : le roi David.
Delos p. 130 : l'île de Délos.
Saint Denis p. 130, 172, 203: voir Intro-
duction pp. 42, 43 et 47.
Dande p. 129 : le Danube.
Egypte p. 109, 122, 144, 178, 189:
l5Egypte.
Escoce p. 129 : l'Ecosse.
Espaingne p. 130 : l'Espagne.
Espire p. 144; Pirre p. 129 : l'Epire.
Ethiope p. 144, 109 ; Ethyope p. 130.
l'Ethiopie.
Euf rates p. 109 : l'Euphrate.
Europe p. 108, passim : l'Europe.
Europes p. 108 : nom d'un roi.
Eve p. 128 : Eve.
Fenice p. 121 : la Phéiiicie.
France p. 78, passim : la France.
Frise p. 124 : la Phrygie.
Ganges p. 109, 113, 118, 189 : le Gange.
Gascoingne p. 130, 142 : la Gascogne.
Géorgie p. 125 : la Géorgie.
Saint George p. 125 : saint Georges.
Germanie p. 129 : la Germanie.
Mont Geu p. 129; Mont Gien, p. 134,
150 : le Grand-Saint-Bernard.
Gomorre p. 122 : Gomorrhe.
— 200 —
Goz p. lil : Gog.
Grèce p. 124, 130, 172 : la Grèce.
Grejois p. 125, 144 : grec.
Grieu p. 183, 187 : la langue grecque.
Groing p. 111 : peuple des Indes.
Gt/on p. 109 : le Nil.
lialeares p. 131 : les îles Baléares.
l/elaine p. 124 : Hélène.
Herme p. 124 : le fleuve Hermus.
Jlermenie p. 109, 124 : l'Arménie.
Hongrie p. 129 : la Hongrie.
Jlgarchas p. 189 : Tarchas, chef des phi-
losophes ou g'yrnnosophistes indiens.
Inde p. 109, passim ; Ynde p. 110, passim:
l'Inde.
Israël 144 : Israël.
Jacob p. 124 : saint Jacques.
Jacobins p. 79 : les dominicains.
Jacobins p. 124 : les Jacobites (peuplade
de l'Asie Mineure).
Jason p. 130 : Jason.
Jehan Baptiste p. 125 ; Jelians p. 125 ;
Jehans Bapfistesp. 125 : Jean-Baptiste.
Jhemsalem p. 129 : Jérusalem.
Jhesn Crist p. 58, passim : Jésus-Christ.
Judas p. 189 : Judas.
Juif p. 84, 85; Juys p. 124 : Juif.
Jupiter p. 158 : la planète Jupiter.
Libe p. 129 : la Libye.
Loheraine p. 79, 142 ; Loherainnep. 144 :
la Lorraine.
Lombard ie p. 1 30 : la Lombardie.
Li/chaonie p. 124 : la Lycaonie.
Macédoine p. 129 : la Macédoine.
Margoz : p. 111 : Magog.
Marie p. 180; Nostre Dame p. 128 . la
vierge Marie.
Mars p. 158 : la planète Mars.
Meloth p. 131 : file de Mélos.
Mercures p. 157, 158, 177 : la planète
Mercure.
Meroes p. 131 : Méroé, ou Syène.
Mesopot hamie p. 121 : la Mésopotamie.
Mez p. 144 : Metz.
Mer Morte p. 122 : la Mer Morte.
Xaaron p. 130 : Naxos.
Naples p. 184 : Naples.
Nil as p. 109 : le Nil.
Ninive p. 121 : Xinive.
Noë p. 124, 182 : Noé.
Orfobares p. 109 : montagne où le Gange
prend sa source.
Osteriche p 129 : l'Autriche.
Palatine p. 122 : la Palestine.
Paradis p. 128, passim : le Paradis
terrestre.
Paris p. 75, 77, 78, 79 : la ville de Paris.
Paris p. 124 : Paris.
Parthoacus p. 109 : montagne d'Arménie
où se trouve la source de l'Euphrate et
du Tigre (v. Introd. p. 39).
Saint Patrice p. 134 : saint Patrice.
Pentapolie p. 122 : la Pentapole.
Perse p. 120, 121, 144 : la Perse.
Phisons p. 109 : le Gange.
Pirre p. 129 : l'Epire.
Platons p. 131, 183, 188, 190, 203;
Platon, p. 88, 89, 190 ; Pilaton p. 39 :
Platon.
Plommieres p. 142: Plombières (Vosges).
Saint Pois p. 73, 172, 189 : saint Paul.
Probane, p. 110 : la Taprobane, l'île de
Ceylan.
Psalmos p. 131 : l'île de Samos.
Pygmain p. 111; Pigmain p. 132 : les
Pygmées .
Pythagoras p. 131 : Pvthagore.
Rethey. 129 : la Rhéti'e.
Romanie p. 129 : la Roumanie.
Rom/ne p. 78 ; Roume p. 73, 130, 131,
180, 185 : Rome.
Rouge Mer p. 144 : la mer Rouge.
Sab'be p. 121 : Saba (v. Introd. p. 40).
Salemons p. 181 : Salomon.
Samarie p. 122, 143 : Samarie.
Sanson fortin p. IHl : Samson.
Sardainne p. 131 : la Sardaigne.
Saturnes p. 158; Saturnus p. 158, 159:
la planète Saturne.
Saxoine p. 129 : la Saxe.
Sebasie p. 122 : Samarie.
Sein p. 182: Sem (v. Introd. p. 18).
Sezile p. 185 ; Sezille p. 132 : la Sicile.
Soabe p. 129 : la Souabe.
Sodorne p. 122 : Sodome.
Surie p. 129 : la Syrie.
Tarse p. 121 : Tarse.
Thesale p. 129 : la Thessalie.
Tholomeus p. 177, 178, 180, 189, 192,
194, 195,203 ; TJiolomeu, p. 58, 177 :
Ptolémée (v. Introd. p. 48).
Toscane p. 130 : la Toscane.
Troie p. 124, 130 : Troie.
Ti/gris p. 109 : le Tigre.
fylle p. 133 : Thulé (v. Introd. p. 44).
Venus p. 157, 158, 177 : la planète Vénus.
Virgiles p. 59, 73, 183, passim : Virgile.
Yllande p. 129, 133, 134 : l'Irlande.
Ysmahelite p. 122 : le pays des Ismaé-
lites.
Table alphabétique des matières traitées dans l'« Image du Monde »,
Agneau p. 136.
Aigle p. 136.
Aimant p. 120.
Air p. 138, 147 s., 155.
Alouette p. 137.
Anguille p. 118.
Araignée p. 135.
Àrbresl qui parlèrent à Alexandre, p. 115.
— II dont le fruit se retire la nuit et
reparait de jour, p. 128.
— III dont les charbons durent un an
entier, p. 128.
— IV du Paradis, p. 109, 128.
— V avec feuilles de deux pieds de
long- et d'un de large, p. 127.
— VI qui portent de la laine au lieu de
feuilles, p. 128.
Aspic p. 119.
Autour p. 137.
Autruche p. 136.
Baleine p. 126.
Basilic p. 118.
Baume p. 127.
Bète I à tête de chien et corps d'homme,
p. 112.
— II à deux cornes, dont une se replie
sur le dos en combattant, p. 113.
— III très petite, qui tue les lions, p. 115.
Bœuf p. 114.
Boutereau p. 135 : le crapaud.
Calendrier p. 180.
Canelle p. 128.
Canne à sucre p. 127.
Castor p. 114.
Cèdre p. 128.
Centicore p. 113, 133: animal à cornes
de cerf, corps de lion et voix d'homme.
Cerf p. 135.
Chameau p. 122.
Chaux vive p. 138.
Cheval p. 116, 133.
Cheveu p. 99.
Chien p. 135.
Chouette p. 137.
Ciel p. 199 s.
Colombe p. 137.
Colonnes où sont inscrits les sept arts,
p. 182.
Confession p. 125.
Coq p. 74.
Corbeau p. 137.
Colon p. 127.
Couleuvre p. 117. *
Cristal p. 138.
Cubèbes p. 128.
Cyclope p. 112, 131.
Cygne p. 137.
Cgtoual p. 128 : sorte d'épices, zédoaire.
Datte p. 127.
Dauphin p. 126.
Déluge p. 181.
Diamant p. 120.
Dragon p. 154.
Eau p. 138, 141 s., 145.
Ebénier p. 128.
Eclipse de la lune, p. 167 s.
Eclipse du soleil, p. 169 s.
Eléphant p. 116.
Emerau.de p. 120.
Encens p. 121.
Epervier p. 137.
Escarboucle p. 120.
Esprits malins p. 148.
Etoiles filantes p. 153.
Etoiles p. 159 s., 195 s.
Femmes I qui emploient des armes d'ar-
gent, p. 123.
— II à barbes, p. 123.
— III qui vivent dans l'eau ou sur
terre, p. 123.
— IV blanches comme neige, à dents
de chien, p. 123.
— Va goitres, p. 134.
Feu p. 138, 153.
Firmament p. 159 s., 196 s.
Fontaines p. 143 s.
Fontaine I de Babylone où Marie baigna
Jésus, p. 128.
— II où l'on ne peut éteindre des
tisons ardents, p. 129.
— 208
Fontaine III qui amène la pluie et le ton-
nerre, p. i34.
Foudre p. loi s.
Frères mineurs p. 79.
Garingal p. 128 : sorte d'épices.
Gelée p. 150.
Gens I avec bouche sur le dos, et tout
courbés, p 134.
— II cornus, en France, p. 134.
— III qui tuent et mangent leurs
vieux parents, p. 111.
— IV qui adorent le soleil, p. 112.
— V qui se nourrissent de poisson
cru, p. 112.
— VI moitié bêtes, moitié hommes,
p. 112.
— Vil qui ont un seul pied et huit
orteils, p. 112.
— VIII velus comme des porcs, p. 123.
IX (pii mangent la viande crue,
p. 111.
X avec un pied si large qu'ils peu-
vent s'en couvrir, p. 112.
— XI avec un œil au milieu du front,
p. 112.
- XII avec bouche sur la poitrine et
yeux aux épaules, p. 112.
— XIII qui vivent de l'odeur d'une
pomme, p. 113.
— XIV à queue, en Angleterre, p. 134.
- XV à cheveux blancs, p. 124.
— XVI descendus des Juifs, p. 124.
Gingembre p. 128.
Girofle p. 128.
Grêle p. 150 s.
Griffon p. lin.
Grue p. 1 11.
JI oléine p. 13S.
Uèriçon p. 130.
Héron p. 137.
Horloge p. 178.
Huppe p. 137.
Ile I disparue de Platon, p. 131 s.
II de saint Brandan, p. 132.
— III dont la terre tue la vermine, p. 133.
— IV où les femmes ne peuvent demeu-
rer, p. 13. '5.
V où l'on ne peut mourir, p. 133.
— VI qui brûle jour et nuit, p. 134.
Jacobins p 79.
Jour p. 101 s.
Jument p. 1 10.
Laine p. 128.
Lion p. 115.
Lionne p. 115.
Loup p. 135.
Lune p. 155 s., 105 s.
Mage p 121.
Manthicore p. 113 : bête à visage
d'homme, corps de lion et queue de
scorpion.
Marée p. 174.
Monnaie p. 187 s.
Monothéros p. 114, 133 : le rhinocéros.
Muscade p. 128.
Musqnaliet p. 115 : la musaraigne.
Mustele p. 135 : la belette.
Mgrrhe p. 121.
Nature p. 86 s.
Nécromancie p. 121.
Neige p. 150.
Noix I grosses comme des pommes,
p. 128.
comme la tête d'un
homme, p. 128.
Nuage p. 148 s.
Nuit p. 101 s.
Oiseau I dont les plumes reluisent la
nuit, p. 123.
II (jui croît par le bec sur les
arbres p. 133.
Paillote p. 124 : paillettes d'or.
Pal m iet- p. 127.
Panthère p. lit».
Paon p. 137.
Papegaut p 123 s. : le perroquet.
Pari sis p. 187.
Pélican p. 124.
Phénix p. 121 s.
Philosophie p. 190 s.
Pierre qu'on ne peut éteindre, p. 129.
PI a né les p. 155 s., 170.
Pluie p. 148 s.
Poissons I à longs poils, p. 120.
— Il très petits, qui peuvent arrê-
ter un navire, p. 120.
Poivre p. 111.
Poix p. 121.
Pomme I d'Adam, p. 127.
II belle dehors, cendre dedans,
p. 127.
Pommier avec feuilles de deux pieds de
lony, p. 127.
Psautier p. 66.
Pgg niées \ » . 111, 132.
Renard p. 135.
Rois mages p. 121.
Rossignol p. 137.
Rubis p. 120.
Sable p. 143.
Salamandre p. 115.
S/dire p. 135.
Salure de la mer, p. 147.
Saphir p. 120.
Serpent p. 113.
Serpent I à cornes de mouton, p. 119.
II à deux bras, p. 119.
III à pierres précieuses dans la
tète, p. 119.
Singe p. 135.
Sirène p. 120.
Soleil, p. 138, 157 s., 104 s.
209 —
Souris p. 115, 117.
Sacre p. 127.
Taureau p. 113.
Terre p. 102 s., 139, 155 s.
Tigre p. 114.
Toison d'or p. 130.
Tonnerre p. 134, 151 s.
Topaze p. 120.
Tournoi p. 187.
192.
Tourterelle p. 136.
Tremblement de terre p. 145 s.
Tygris p. 119 : serpent dont on fait un
baume.
Vent p. 116, 138, 152 s.
Verre p. 143 s.
Vif-argent p. 138.
Vigne p. 127.
Bibliographie de I'« Image du Monde» et des sources citées.
Abailard, Hexaemeron (Mig-ne, Patro-
logia, t. 178).
Adélard de Bath, Quaestiohes Naturelles
(Louvain, 1480).
Albert le Grand, Opéra Omnia (Paris,
1890-99). — Vol. 4 De Meteoris. —
Vol. 10 De Vegetabilibus. — Vol. 31-
33 Summa Theologiae.
Saint Ambroise, De Paradiso (Mig-ne,
Patrologia, t. 14).
Aristote, éd. Teubner (Leipzig, 1879).
Saint Augustin, De Genesi ad litteram,
(Migne, Patrologia, t. 34). — De libero
arbitrio (xMigne, Patrologia, t. 32).
— De Triai tate (Aligne, Patrologia,
t. 42). — Epistolae (Migne, Patrolo-
gia, t. 33). — Liber de diligendo Deo
(Migne, Patrologia, t. 40).
Bède, De natura rerum (Migne, Patro-
logia, t. 90). — Elementorwn Philo-
sophiae (Migne, Patrologia, t. 90) *. —
Musica theorica (Migne, Patrologia,
t. 90) l. — Ouaestiones variae (Migne,
Patrologia, t. 93).
Brunet, Manuel du libraire, 5P édit.,
vol. III, pp. 1118, 1751.
Brunetto Latin i, Li livres dou Trésor
(éd. Chabaille, Paris, 1803).
(Cahier et Martin, Mélanges d'archéo-
logie, III (1833), p. 224."
Dom Galmet, Bibliothèque lorraine ou
histoire des hommes illustres (Nancy,
1751), p. 406 s.
Camus, Notices et extraits des manus-
crits français de Modène, dans la
Revue des langues romanes, t. XXXV
(1891), pp. 203-211.
Cassiodore, Variarnm liber (Migne, Pa-
trologia, t. 69).
Catalogue de La Vallière (Paris, 1783),
t. I, p. 62, et t. II, pp. 198-201.
Clément d'Alexandrie, Stromata (Mign*,
Patrologia, Séries Graeca, t. 8).
Chancelier Conrad de Ouerf'urt, éd. Borch,
Dresden, 1880.
Contant d'Orville, Mélanges tirés d'une
grande bibliothèque (Paris, 1780),
t. IV, p. 59.
L. Delisle et P. Meyer, V Apocalypse en
français, dans Bulletin de la Société
des anciens textes français (Paris,
1901), p. 111.
Du Méril2, Mélanges archéologiques et
littéraires (Paris, 1850), t. V, p. 427 s.
G. Fant, L'Image du Monde. Poème iné-
dit du milieu du XIIIe siècle, étudié
dans ses diverses rédactions fran-
çaises d'après les manuscrits des bi-
bliothèques de Paris et de Stockholm
(Upsala, 1886).
F. Fritsche, lTntersuchung ùber die
Ouellen der Image du Monde des
Walther von Metz (Halle a/S, 1880).
(îervaise de Tilbury, Otia Imperialia (éd.
Leibnitz. 2 vol.. Hanovre, 1707).
Giraldus Cambrensis, Topographia Hi-
bernica, vol. 5 des Œuvres (éd. Brewer
etl)imock,S vol., Londres, 1861-1891).
E.-D. Grand, dans Ecole Nationale des
Chartes. Positions de thèses par les
élèves de i885, pp. 81-84, — dans Ecole
Nationale des Chartes. Positions de
thèses par les élèves de 1886, pp. 83-
88. — U Image du Monde. Recherches
sur le classement des manuscrits de
la première rédaction, dans la Revue
des langues romanes, le série, Vil
(1893-94), pp. 1-58.
Saint Grégoire le Grand, Moral ia (Migne,
Patrologia, t. 76).
Haase, Untersuchung ùber die Reime in
der Image du Monde des Walther von
Metz (Halle a/S, 1879).
Héron de Villefosse, dans la Bibliothèque
de l'Ecole des Chartes, 2« série, V
(1849), p. 246.
Hilduin, Areopàgitica (Migne, Patro-
logia, t. 106). '
Histoire littéraire de la France, t. IX,
n k 9
1 Ces ouvrages sont probablement postérieurs à Bède.
2 Du Méril reproduit un long passage de l'Image du Monde, le ebapitre sur les miracles
de Virgile, d'après le manuscrit de la Bibliothèque Nationale fonds français 2176 .
211
Honorius Augustodunensis, Imago M and i
(Migne, Patrologia, t. 178).
Isidore de Séville, Chronicon (Migne,
Patrologia, t. 83). — Etijmologiae
(Migne, Patrologia, t. 81-84).
Jacques de Vitry, Historia Hierosolomi-
tana (Douai, 1597).
Saint Jérôme, Vie de saint Paul (Migne,
Patrologia, t. 23).
Josèphe, 'IouScciîo? àp%ouoloyi<x. (Oxford,
1700).
A. Jubinal x, La léqende de saint Bran-
daines (Paris, 1836), p. 105 s.
Gh.-V. Langlois, La connaissance de la
nature et du monde an moyen âge
(Paris, 1911), pp. 49-113.
Lebeuf 2, Dissertations sur l'histoire
ecclésiastique et civile de Paris (Pa-
ris, 1739-43), t. I, p. 104, t. II, p. 318 s.
V. Le Clerc, dans ['Histoire littéraire
de la France, t. XXIII, pp. 287-335.
Legrand d'Aussy, Notices et extraits des
manuscrits de la Bibliothèque Natio-
nale (Paris, an VII de la République).
V, p. 243 s.
Le Roux de Lincy 3, Livre des légendes,
(Paris, 1836), p. 207 s.
E. Lidforss4, Choix d'anciens textes
français (Lund, 1877), p. 7 5 s.
Guillaume de Malmesbury, Gesta Béguin
Anglorum (ed.W. Stubbs. 2 vol., Lon-
dres, 1887).
P. Meyer, Notice d'un manuscrit de
V Image du Monde, dans Bulletin de
la Société des Anciens textes français
(Paris, 1909), pp. 46-60. — Notices
sur quelques manuscrits français de
la bibliothèque Phillipps à Chelten-
ham, dans Notices et Extraits des
Manuscrits, t. XXXIV (Paris, 1891),
pp. 149-259, — dans Bomania, t. XV
(1886), pp. 236-357, 643, - dans Bo-
mania, t. XXI (1892), pp. 299, 481-505,
— dans Bomania, t. XXXVI (1907),
p. 517 s. '
Montfaucon, Bibliotheca bibliothecarnm
manuscriptorum nova (Paris, 1739),
t. II, p. 1109.
Neckam, De Nafuris Berum et De Lau-
dibus Divinae Sapienliae (éd. T.
Wright. Londres, 1863).
A. Ncubauer, dans YHistoire littéraire
de la France, t. XXVII, p. 500 s., —
dans Bomania, t. V (1876), pp. 129-
139.
Orose, Historiarum libri septem (Migne,
Patrologia, t. 31).
Paulin Paris, Les manuscrits français
de la bibliothèque du roi (Paris, 1842).
Philosophia Mnndi (Migne, Patrologia
t. 172).
Philostrate, Opéra (éd. Kaiser. Leipzig,
1870).
Pseudo-Callisthène (éd. Rudge. Alexan-
der the Great. Cambridge^ 1889).
Ptolémée. Almageste (éd. Halma. Paris,
1813). '
Puymaîgre, Notice sur l'Image du
Monde, poème attribué à Gautier de
Metz (Metz, 1853).
Ranulph Higden, Polychronicon (éd.
Rabington, 9 vol., Londres, 1865-86).
Roquefort, De l'état de la poésie fran-
co i se dans les XI P et XIIIe siècles
(Paris, 1821), p. 255 s. — Glossaire de
la langue romane (Paris, 1808), t. II,
p. 761. — Poésies de Marie de France,
t. II, p. 408.
Jean de Salisbury, Polycraticus (Migne,
Patrologia, t. 199).
Serapeum (Leipzig, 1848), t. IX, p. 116.
Solin, Polyh istor (Riponti, 1794).
Stengel, Miitheilnngen aus franzôsi-
schen Handschriften der Turiner
Universitàts-Bibliothek (Halle, 1873),
p. 39.
Suidas (Migne, Patrologia, Séries Grseca,
t. 117).
1 Jubinal reproduit la légende de saint Brandan d'après la seconde rédaction de V Image du
Monde, texte du manuscrit de la Bibliothèque Nationale fonds français 1444.
2 Lebeuf donne un extrait de l'Image du Monde d'après le manuscrit Sainte-Genevi; ve 2200
(manuscrit de la première rédaction).'
' 3 Le Roux de Lincy reproduit le chapitre sur les Indes d'après le manuscrit Bibliothèque
du Roi n. 75951 (= Bibliothèque Nationale, fonds français 1553?). C'est un manuscrit de
la première rédaction.
4 Lidforss publie la légende de Virgile. Il se sert d'un manuscrit de la première rédaction
qui se trouve à Stockholm.
ERRATA
Page ig, colonne / : dernière ligne de la «table»: au lieu de «déluge» lire
« déluge ».
» » » 4-' au lieu de « lumière » lire « lumière ».
» 26, ligne i5 : omettre « regnon » et le reste de la ligne.
» » » 21 : omettre « ar » et le reste de la ligne.
» » » 20 : omettre « per » et le reste de la ligne.
» 27, » iy : au lieu de « b vount f° o » lire « vount f° o b ».
» 28, » // : au lieu de « serv » lire « servi ».
» 33, » i3 : au lieu de « je l'eusse à toi « lire « je t'eusse a toi ».
» 4o, » 8: au lieu de « Scinopodaee » lire « Scinopodae ».
» fô, » 3o: au lieu de « Vret » lire « Vert ».
» 58, » 22 : au lieu de « semblent » lire « samblent ».
» Jo, » 5 : au lieu de « espes » lire « espés ».
» 60, note 12 : au lieu de « il... jarnès» lire « il puet jamès ».
» » note * : au lieu de « p. 216 » lire « p. 226 ».
» » note ** : au lieu de « p. 96 » lire « p. 66 ».
» 67, ligne 28 : au lieu de « li plus soutil » lire « li plus soutils ».
» 62, » 10: au lieu de « partist à lui » lire « partist a lui ».
» 65, note i3 : ajouter « cf. p. 80, note** ».
« 66, ligne 2-1 : au lieu de « hayz » lire « hayz. »
» » note 21 : au lieu de « hay » lire « hay ».
» 6j, ligne i3 et note i3 : au lieu de oy » lire « oy ».
» 69, note 2 y : lire « 27 B : morir ».
» jo, » 22 : lire « n'y hérissent ».
» » » 24 : lire « UB: discres ».
» yi, ligne 3 : au lieu de « oy » lire « oy ».
» » note 4 ' au l»eu de « oi » lire « oï ».
» » note 16 : lire « 16 B : vrais ».
» 72, note 16 : lire « 16 B : entremeitre ».
» y3, ligne // : au lieu de « se te eusses » lire « se lu eusses ».
» y5, » 3 : au lieu de « le nom » lire « le non ».
» » ,) iy : au lieu « d'astronomie » lire « d'astrenomie ».
» yy, » 5 : au lieu de « les grans avoir » lire « les grans avoirs »,
» 80, » i4 •' au lieu de « oy » lire « oy ».
» 84, » 2 : mettre la virgule après « que ».
8 : au lieu de « aussi » lire « ausi ».
85, ligne / : au lieu de « sauroit » lire « savroit » .
» 21 : au lieu de « oy » lire » « oy ».
» note 24 : au lieu de « oi » lire « oï ».
» »
»
»
86,
note
i3
89,
ligne
7
»
note
29
92,
ligne
5
h 4,
))
3 .
1 15,
»
*4.
»
note
6.
'%
note
* :
iio,
ligne
1 :
i/ji,
note
12 :
ioo\
note
a :
i5y,
ligne
20 :
ièi,
»
12 :
170,
»
4:
187,
»
2 .'
'92>
note
20
214 -
: lire « iS B : puet ».
: au lieu de « phiosophe » lire « phï/osophe ».
• lire « 29 B : puet ».
: au lieu de « del œf » lire « de l'œf ».
au lieu de « monoheros » lire « monodieros ».
au lieu de « il cuevrent u> » lire « il u> cuevrent ».
au lieu de « pewent » lire « pe«eent ».
au lieu de « l'on ne saurait expliquer » lire « l'on ne saurait
en expliquer ».
au lieu de « aidier ne jouer1 » lire « aidier * ne jouer ».
ajouter « L'orthographe /natere sans abréviation est toutefois
confirmée deux fois p. 87 ».
au lieu de « puent cheoir » lire « pueent cheoir ».
au lieu de « Dont aucnn » lire « Dont aucun » .
mettre un point après « seroit oscure ».
la note 5 se rapporte à « soleill » et non pas à « haut ».
au lieu de lairons3... aucuns2 lire « lairons2... aucuns3».
au lieu de « •vc » lire « 'v'vc ».
»
Supplément aux Errata.
Page 10, ligne 17 : au lieu de « corbe » lire « corbe ».
36, » 20 : au lieu de « praegrandam » lire « praegrandem ».
61, note * : au lieu de « laier » lire « laire » ou « laiir ».
6g, ligne 4 • « lasses de pances » est confirmé.
80, » 12 : au lieu de « dom » lire « dorctf ».
i3o, » i4 : au lieu de « est devisée » lire « et devisée ».
i36, » / : au lieu de « l'amort » lire « l'a mort ».
i36, » 22 : au lieu de « ses » lire « ses ».
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Limage du Monde
Première rédaction en vers .
Date de la première rédaction
Seconde rédaction en vers
Date de la seconde rédaction
Théorie de Langrois sur les dates note 1
Le manuscrit Harley 4333
Rédaction en prose ...
Date de la rédaction en prose
Auteur de la rédaction en prose. .
Parenté entre la première rédaction en vers et la rédaction
en prose
Choix de la rédaction en prose pour l'édition
La version anglaise
Imprimés français .
Traductions hébraïques
Plagiat
L'auteur de l Image du Monde
Ornons ...
Gauthier de Metz
Gossouin
Auteur de la seconde rédaction en vers
Le titre
Manuscrits de la rédaction en prose,
Filiation des manuscrits en prose
R et Caxton
A, R et Caxton
B, C, N
Filiation des abrégés
Choix de A comme base du texte
de préférence à B
» » à C
• » » à R . . .
» » UN
Pag'
;s.
1
—
55
1
—
2
2
—
4
3
—
4
//
—
7
4
5
—
7
0
—
6
7
—
11
8
—
9
8
r
9
9
10
10
—
11
11
11
11
11
—
12
12
—
15
12
12
—
13
13
—
14
U
—
15
15
—
16
16
—
18
18
—
21
18
19
—
20
20
—
21
21
21
—
23
22
22
22
22
_
23
- 210 —
Pages.
Méthode de Vèditeur 23—25
La langue dans le manuscrit A 25 — 27
Les soiwces de V Image du Monde 27 — 31
Résumé des chapitres de la première partie et notes sur le texte. M — 55
Texte de l'Image du Monde 56 — 20b
Première partie (Cosmogonie. Fo* 1a-46d.) 57 — 102
Seconde partie (Géographie. Fo* 46 d-95 d.) 102 — 160
Troisième partie (Astronomie. F°* 96 A-l 39 d.) .... 161 — 204
Table alphabétique des noms propres cités dans V Image du
Monde 205 — 206
Table alphabétique des matières traitées dans l'Image du
Monde 207 — 209
Bibliographie de l'Image du Monde et des sources citées . . 210 — 211
Errata 213 — 214