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Full text of "L'Image du monde de maitre Gossouin : rédaction en prose, texte du manuscrit de la Bibliothèque nationale, Fonds Français No 574"

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Sb 


L'IMAGE  DU  MONDE 


L  IMAGE  DU  MONDE 

DE  MAITRE  GOSSOUIN 

Rédaction  en  prose. 

Texte    du    Manuscrit    de    la    Bibliothèque    Nationale 
Fonds  Français  N°  574 

Avec  corrections  d'après  d'autres  manuscrits 
Notes  et  Introduction 


par 
O.  H.    PRIOR 

Docteur  es  lettres. 


LAUSANNE  et  PARIS 
LIBRAIRIE    PAYOT    &    Cie 

1913 


AUG  6  -  1997 


INTRODUCTION 


Les  œuvres  didactiques  du  moyen  âge  en  France,  quoique  très  nom- 
breuses, s'exposent  en  général  à  une  critique  inévitable  :  le  sujet  dont  elles 
traitent  est  d'ordinaire  trop  restreint.  Le  grand  Lapidaire  de  Marbode,  le 
Bestiaire  de  Philippe  de  Thaon  s'occupent  d'histoire  naturelle.  Il  y  a  les 
ouvrages  qui  traitent  d'Astronomie,  de  Physique  ou  de  Géographie.  Dans 
la  plupart,  le  sujet,  tout  en  s'y  prêtant  fort  peu,  donne  lieu  à  des  morali- 
sations  à  perte  de  vue  :  le  traité  scientifique  sert  de  prétexte  au  traité  reli- 
gieux. 

Mais  les  ouvrag-es  d'ensemble  en  langue  vulgaire  sont  rares  :  chose 
d'ailleurs  assez  naturelle,  car,  l'étude  approfondie  des  sciences  étant  ré- 
servée aux  clercs,  ces  encyclopédies  étaient  écrites  en  latin.  C'est  ainsi  que 
nous  possédons  les  grands  ouvrag-es  de  Neckam,  d'Albert  le  Grand,  de 
Vincent  de  Beauvais. 

Il  y  avait  donc  place  au  XIIIme  siècle  pour  une  œuvre  contenant,  sous 
une  forme  à  la  portée  de  tous,  la  somme  des  connaissances  du  temps. 

Cette  place,  Ylmage  du  Monde  l'a  remplie. 

Il  est  inutile  de  discuter  la  valeur  scientifique  de  cet  ouvrage  :  à  notre 
point  de  vue,  il  n'a  qu'un  intérêt  historique.  Mais  certainement,  dès  son 
début,  il  a  répondu  à  un  besoin  général.  Le  nombre  d'éditions1  en  fran- 
çais,  le  nombre  de  traductions,   les  plagiats  même,   tout  nous  le  prouve. 

Contant  d'Orville 2  définit  Ylmage  du  Monde  comme  un  ouvrage  écrit  au 
moyen  âge  pour  amuser  les  dames  :  il  n'en  a  guère  compris  la  valeur  au 
XIIIme  siècle. 

L'auteur  a  su  donner  à  ses  contemporains  un  aperçu  complet  des 
sciences.  Il  traite  de  cosmogonie  et  de  théologie  sans  que  son  ouvrage  soit 
une  simple  traduction  de  sources  latines  ;  mais  on  peut  y  reconnaître  néan- 
moins l'influence  directe  des  théologiens  de  l'époque.  Nous  retrouvons  la 
trace  de  plus  d'un  auteur  bien  connu  dans  la  partie  géographique  ;  et 
l'œuvre  se  termine  par  un  traité  d'astronomie  très  simple  et  très  clair  dont 
les  écrivains  classiques  ont  fourni  la  base. 

*  Cf.  p.  il. 

2  Contant  d'Orville.  Mélanges  tirés  d'une  grande  bibliothèque  (Paris  1780),  t.  4,  p.  59. 

1 


2     

Pour  être  à  même  de  faire  usage  de  sources  si  variées,  l'auteur  devait 
se  trouver  dans  un  centre  favorable  à  ses  travaux. 

Au  XIIIme  siècle,  Metz  était  un  vrai  milieu  intellectuel  :  on  y  cultivait 
les  sciences  et  les  arts  ;  les  maisons  religieuses  y  étaient  nombreuses  et 
florissantes  ;  des  sociétés  s'y  formaient  pour  la  lecture  de  la  Bible l.  Tout 
pouvait  aider  à  la  composition  d'un  ouvrage  encyclopédique. 

Les  preuves  ne  nous  manquent  pas  que  là  fut  composée  et  écrite 
Y  Image  du  Monde. 

Une  étude  des  rimes  a  permis  à  Haase2  de  constater  l'emploi  du  dia- 
lecte lorrain  par  l'auteur. 

Celui-ci  montre  de  plus  une  connaissance  intime  des  environs  de  Metz. 
Il  parle  des  salines  de  Vie3  et  des  bains  de  Plombières4.  Il  écrit  à  la  suite 
d'une  vie  de  saint  Brandan5  : 

A  Saint  Ernol,  une  abeïe 
De  moines  noirs  qu'est  establie 
Droit  devant  Mez  en  Loherraine, 
Trovai  ceste  istoire  ancienne6. 

De  nos  jours,  le  succès  d'un  ouvrage  se  juge  par  le  nombre  de  ses  édi- 
tions ;  nous  n'avons  aucune  raison  de  douter  qu'il  en  fût  de  même  au  moyen 
âge.  Comme  nous  l'avons  dit,  M  Image  du  Monde  répondait  à  un  besoin  ; 
aussi  les  rédactions  se  succédèrent. 

Première  rédaction  en  vers.  —  En  1240  7  a  été  composée  la  pre- 
mière rédaction  de  0594  vers.  Nous  en  connaissons  53  manuscrits8. 
Presque  tous  possèdent  les  deux  traits  distinctifs  suivants  :   Le  texte  est 

1  Neander  :  General  Wslory  of  Christian  religion  and  Church  (tr.  J.  Torrey.  Bohn's 
Library.  1851-58)  t.  7,  p.  449. 

2  Haase  :  Untersuchung  iiber  die  Reime  in  der  Imaje  du  Monde  (Halle  1879). 
s  F»  82  C. 

4  F°  80  a. 

5  Fant  :  L'Image  du  Monde  (Upsala  1886)  p.  7. 

6  Ces  vers  se  trouvent  dans  les  manuscrits  de  la  seconde  rédaction. 

7  1245  vieux  style. 

8  La  liste  la  plus  complète  des  manuscrits  de  l'Image  du  Monde  nous  est  donnée  par 
Grand.  Il  mentionne  51  manuscrits  de  la  première  rédaction  en  vers*.  A  cette  liste  nous 
pouvons  ajouter  :  Sainte  Geneviève  2200  ;  Modène  n°  32  (XII  .C,  7)  **  ;  British  Muséum, 
Sloan2435.  Le  manuscrit  Barrois  1  71  de  Ashburnam  Place  a  été  acheté,  à  la  vente  de  cette 
bibliothèque,  par  Quaritch  de  Londres  (v.  E.-D.  Grand,  dans  Ecole  Nationale  des  Chartes. 
Positions  de  thèses  par  les  élèves  de  1885  p.  81-84  ;  aussi  E.-D.  Grand.  L' Image  du 
Monde.  Recherches  sur  le  classement  des  manuscrits  de  la  première  rédaction,  dans  la 
Revue  des  langues  romanes,  4e  série,  VII  (1893-94),  p.  1-58). 

Le  manuscrit  Caius  Collège,  Cambridge,  no  384,  que  Grand  mentionne  parmi  les 
manuscrits  de  la  première  rédaction,  fait  vraiment  partie  de  la  seconde  (v.  P.  Meyer,  Les 
manuscrits  français  de  Caius  Collège,  dans  Romania  XXXVf,  p.  517). 

"  V.  sur  ce  manuscrit  :  Camus,  Notices  et  extraits  des  manuscrits  français  de  Modène, 
dans  la  Revue  des  langues  romanes  t.  XXXV  (1891),  p.  203-2H. 


—     3     — 

divisé  en  trois  livres  ;   la  date  est  répétée  deux  fois,  au  vers  6124,   et  au 
vers  6584- 

Date  de  la  première  rédaction.   —  L'auteur  est  même  plus  précis 
dans  ce  dernier  cas;  il  a,  nous  dit-il,  terminé  son  travail  le  six  janvier  : 

En  l'an  de  l'incarnation 

As  rois  a  l'aparition 

M.CCXLV.  anz 

Fu  premiers  parfaiz  cist  romanz  l. 

Des  différences  de  dates  dans  certains  manuscrits  s'expliquent  par  des 
erreurs  de  copiste.  Ainsi  au  vers 

M.CCXXV.  anz  2 

il  manque  deux  syllabes  :  c'est  une  simple  bévue  qu'aucun  argument  ne 
saurait  justifier.  Les  dates  1246 3,  1247*  d'autres  manuscrits  ne  se  trouvent 
qu'au  vers  6124,  et  sont  corrigées  par  le  vers  6584. 

De  tout  temps,  les  scribes  ont  attaché  peu  d'importance  aux  chiffres. 
Sauf  les  noms  propres,  rien  n'est  plus  variable,  dans  les  manuscrits,  que 
les  dates  et  les  calculs.  Dans  ce  cas-ci  la  mesure  du  vers  est  venue  à  notre 
aide  ;  mais  plus  tard,  lorsqu'il  s'agira  de  mesurer  les  distances,  nous 
aurons  à  surmonter  des  obstacles  bien  plus  sérieux,  presque  chaque  ma- 
nuscrit offrant  une  leçon  différente. 

Certaines  informations  nous  aident  à  confirmer  la  date,  1246  5.  Les 
passages  suivants  sont  instructifs  à  cet  égard. 

Le  premier  se  trouve  f°  25  d  de  notre  édition  : 

Si  resont  en  France  unes  autres  gens  qui  en  nostre  tens  i  (en  la  cité  de  Paris) 
sont  venu.  Ce  sont  frères  meneur  et  jacobins. 

Les  Dominicains  (fratres  majores)  ne  reçurent  le  nom  de  «jacobins  » 
qu'en  1218,  époque  où  ils  s'établirent  dans  une  maison  de  la  rue  Saint 
Jacques  G. 

Dans  un  second  passage  qui  fait  partie  d'un  manuscrit  de  Londres  7, 
l'ouvrage  est  dédié  au  comte  Robert  d'Artois,  frère  de  saint  Louis,  qui  fut 
tué  à  la  bataille  de  Mansourah  le  8  février  i2Ôo. 

Voilà  donc  la  composition  de  Ylmage  fixée  à  une  date  entre  1218  et 
1250,  soit  dans  la  première  moitié  du  siècle. 

1  Fant,  o.  c.  p.  5. 

"2  Bibl.  Nationale,  manuscrit  fonds  fr.  2480  (v.  Fant,  o.  c.  p.  6). 

•  Bibl.  Nat.,  manuscrits  fonds  fr.  14963  et  1553  (v.  Fant,  o.  c.  p.  6). 

4  Bibl.  Nat.,  manuscrits  fonds  fr.  1669  et  1548  (v.  Fant,  o.  c.  p.  6). 

s  1245  (v.  s.). 

6  V.  Bourgeat,  Etudes  sur  Vincent  de  Beauvais  (Paris  1856),  p.  17. 

7  Manuscrit  Harley  4333  du  Musée  britannique,  f°  5  a. 


Enfin  par  un  calcul  basé  sur  12^5,  l'auteur  lui-même  nous  permet  de 
vérifier  ses  renseignements.  Pour  nous  donner  une  idée  de  la  distance  du 
ciel  à  la  terre,  il  écrit1  : 

Si  li  premiers  que  Diex  fist  onques,  ce  fu  Adam,  i  (i.  e.  au  ciel)  fust  touz 
jours  alez  dès  lors  qu'i  fu  premièrement  faiz  et  criez,  et  fust  alez  .XXV.  milles 
chascun  jour,  ne  fust  il  pas  enquores  la  ;  ainz  eùst  enquores  a  aler  par  .VII.C.  et 
.XIII.  anz,  dès  lors  qu'Adans  li  premiers  hons  fu  faiz,  quant  premièrement  fu 
parfaiz  cis  livres  :  ce  fu  a  l'Aparition,  en  l'an    M.CC.XLV-  anz. 

Gomme  nous  le  prouvons  plus  loin 2,  le  calcul  est  parfaitement  correct 
et  confirme  la  date,  12^5  (v.  s.). 

Seconde  rédaction  en  vers.  —  Après  un  intervalle  de  deux  ans  à 
peine,  en  1248 s,  une  seconde  rédaction  refondue  est  composée,  augmentée 
d'environ  quatre  mille  vers,  et  divisée  en  deux  parties  seulement.  Fant  en 
a  fait  une  étude  spéciale. 

Nous  en  connaissons  dix-neuf  manuscrits4  qui  tous  contiennent,  après 
une  Vie  de  saint  Brandan,  les  vers  suivants  : 

En  .IX.  jorz  de  marz  l'ai  parfait 
Mil  .CC.  anz  .XL.  et  .VII. 

Date  de  la  seconde  rédaction.  —  Gomme  on  le  voit,  la  date  est  ici 
confirmée  par  les  nécessités  de  la  rime.  L'auteur  n'hésite  pourtant  pas  à 
répéter  à  la  fin  de  son  ouvrage  le  vers  du  poème  original  : 

Mil  .CC.  XLV  ans. 

1  Chapitre  17  de  la  IIIe  partie,  f°  129  b. 

2  Cf.  p.  53,s. 

3  1247  vieux  style. 

4  Grand  mentionne  seize  manuscrits  de  la  seconde  rédaction  (v.  E.-D.  Grand,  dans 
Ecole  Nationale  des  Chartes.  Positions  de  thèses  par  les  élèves  de  1885,  p.  81-84  ;  et 
dans  Ecole  Nationale  des  Chartes.  Positions  de  thèses  par  les  élèves  de  1886.  p.  83-88). 

Le  manuscrit  Caius  Collège  384  est  de  la  seconde  rédaction,  et  non  pas  de  la  pre- 
mière, comme  le  dit  Grand.  Il  faut  donc  l'ajouter  à  cette  liste  ci  (v.  p.  2,  n.8*). 

On  connaît  de  plus  :  Stuttgart,  poet.  16  (v.,  sur  ce  manuscrit,  un  article  dans  Sera- 
peum  [Leipzig,  1848]  vol.  IX  p.  116),  et  Cheltenham,  Phillipps  3655.  P.  Meyer  a  fait  une 
étude  spéciale  de  ce  dernier  manuscrit,  de  celui  de  la  Bibliothèque  Nationale,  fr.  14961, 
contenant  une  interpolation  provençale  ;  et  enfin  du  manuscrit  du  Musée  britannique 
Harley  4333.  Quoique  ce  dernier  se  distingue  sous  certains  rapports  de  tous  les  autres 
manuscrits,  nous  le  joignons  à  la  liste  de  la  seconde  rédaction  dont  il  possède  tous  les 
traits  distinctifs.  Nous  revenons  plus  loin  (p.  5  n.  1)  sur  ce  manuscrit  important. 

(V.  sur  le  manuscrit  Phillipps  :  P.  Meyer,  dans  Romania  XV  (1886)  p.  236-357,  643  ; 
Romania  XXI  (1892)  p.  299,  481-805;  aussi  dans  Notices  et  extraits  des  manuscrits  de  la 
Bibl.  Nat.  (1891)  t.  34,  p.  149-259.  —  E.-D.  Grand  dans  la  Revue  des  langues  romanes 
(janvier-mars  1893)  t.  37.  V.  sur  le  manuscrit  fr.  14961  :  P.  Meyer,  dans  le  Bulletin  de 
la  Société  des  anciens  textes  français  (1909)  p.  46-60.  —  V.  sur  le  manuscrit  Harley  4333  : 
P.  Meyer,  dans  Romania  XXI  (1892)  p.  481-505  ;  Gh.-V.  Langlois,  La  connaissance  de  la 
nature  au  moyen  âge  (Paris  1911)  p.  59  s. 


Théorie  de  Langlois  sur  les  dates  de  l'Image  du  Monde.  —  Jus- 
qu'ici les  dates  de  Y  Image  du  Monde  n'ont  paru  offrir  aucune  difficulté. 
Mais  dernièrement  Langlois,  dans  son  ouvrag-e  sur  la  Connaissance  de  la 
nature  au  moyen  âge,  a  proposé  une  théorie  qui  complique  singulière- 
ment les  choses. 

Cette  théorie  est  basée  sur  le  prologue  exceptionnel  du  manuscrit  Harley 
4333,  et  plus  particulièrement  sur  le  passage  suivant  : 

Fo  ia.  En  l'an  de  l'Incarnacion 
Jhesu,  nostre  rédemption, 
mil  .CC.  ans  qarante  sis 
fui  d'un  livre  faire  pensis 
de  tote  Tymage  del  monde1. 

1  Ce  manuscrit  a  tous  les  traits  caractéristiques  de  la  seconde  rédaction  ;  il  ne  s'en 
distingue  que  par  son  prologue  et  par  quelques  passages  qui  manquent.  Mais  l'ordre  des 
chapitres  est  le  même  et  l'ouvrage  est  divisé  en  deux  parties  seulement. 

Paul  Meyer  a  étudié  ce  manuscrit  (v.  Romania  XXI  [1892]  p.  481).  Pour  lui,  Harley 
représente  une  étape  intermédiaire  entre  la  première  et  la  seconde  rédaction.  Langlois 
(o.  c.  p.  63)  y  voit  «  une  troisième  rédaction  postérieure  aux  deux  autres,  puisqu'elle  les 
mentionne,  mais  dont  il  n'y  a  aucun  moyen  de  déterminer  la  date.  » 

L'opinion  de  P.  Meyer  sur  ce  point,  comme  sur  celui  de  la  date,  nous  semble  avoir  en 
sa  faveur  des  arguments  bien  plus  concluants  que  ceux  de  Langlois.  Ce  dernier  fait 
observer  qu'il  y  a  plusieurs  lacunes  dans  le  manuscrit  ;  d'où  il  conclut  que  l'auteur  a  sim- 
plement supprimé  quelques  digressions,  en  vérité  trop  amples,  de  la  seconde  rédaction. 

Pourtant  l'argument  contraire  semble  être  tout  aussi  plausible  et  bien  plus  d'accord 
avec  les  faits.  Selon  nous,  la  rédaction  représentée  par  Harley  est  antérieure  à  la  seconde 
rédaction.  Par  conséquent  les  passages  qui  manquent  n'ont  pas  été  omis  :  ils  ne  se  trouvent 
pas  dans  le  manuscrit  de  Londres,  simplement  parce  que  l'auteur  n'avait  pas  à  sa  disposi- 
tion certains  matériaux  qu'il  ne  s'est  procurés  que  plus  tard  ;  en  voici  la  preuve  :  Dans  la 
seconde  rédaction,  l'auteur  fait  deux  fois  allusion  à  un  voyage  entrepris  par  lui-même. 
Nous  citons  d'après  Langlois  (o.  c.  p.  56)  : 

...  fors  uns  dont  je  trouvai  la  Vie 
En  la  cité  d'Acre  en  Surye 
En  un  livre  qui  le  devise 
Que  je  trovai  en  une  eclise 
D'ancienne  religion 
Qui  apent  a  Monte  Syon. 
Mère  Eclise  en  Jérusalem. 

La  «  vie  »  dont  il  s'agit  est  la  légende  de  Seth  au  Paradis  terrestre  qui  occupe 
314  vers. 

Dans  un  second  passage,  l'auteur  décrit  la  Sicile  et  le  Mont  Gibel  (l'Etna)  ;  il  nous  fait 
part  de  ses  impressions  lors  de  son  ascension  du  volcan  (Langlois,  o.  c.  p.  57)  : 

Je,  qui  cest  livre  fis  ici, 
Gelés  .11.  monteignes  je  vi 
Et  montai  en  son  la  plus  grans 
Pour  veïr  ce  qu'ist  de  leans. 
La  bouche  vi  de  la  fumée 
Qu'adès  fume  sanz  reposée... 

Or,  ce  sont  là  précisément  les  deux  passages  qui  manquent  à  Harley,  de  même  qu'ils 
manquent  à  la  première  rédaction  et  à  celle  en  prose. 

Gela  nous  semble  être  une  preuve  conclusive  que  l'opinion  de  P.  Meyer  est  celle  qu'il 
faut  adopter,  et  que  Harley  représente  en  effet  un  état  encore  imparfait  de  la  seconde 
rédaction,  une  édition  antérieure  aux  voyages  de  l'auteur. 


Selon  Lang-lois  (o.  c.  p.  02),  la  date  12/^6  (v.  s)  se  rapporte  à  la  première 
rédaction  qui  a  été  terminée  le  6  janvier  i2^j  (v.  s.)  ;  la  date  de  la  seconde 
rédaction  est  inconnue,  et  de  même  celle  du  manuscrit  Harley. 

Le  savant  critique  admet  que  la  leçon  i2$5  est  fortement  garantie  par 
la  grande  majorité  des  manuscrits  et  par  Yexplicit  des  manuscrits  de 
toutes  les  rédactions.  Cependant  il  écarte  cette  date  pour  la  seule  et  unique 
raison  que  Harley  mentionne  12^6  comme  étant  l'époque  où  le  plan  de 
Y  Image  du  Monde  lui  est  venu  à  l'esprit  *. 

Il  paraît  pourtant  évident  que  le  vers  cité  (fui  d'un  livre  faire  pensis) 
se  rapporte  simplement  à  la  rédaction  du  manuscrit  Harley  lui-même  qui  dif- 
fère tellement,  soit  comme  plan,  soit  comme  matière,  de  la  première  rédaction. 

Lang-lois 2  attribue  Yexplicit  commun  à  tous  les  manuscrits  de  toutes 

Langlois  nous  dit  qu'il  trouve  dans  le  manuscrit  de  Londres  la  mention  de  deux  rédac- 
tions. Il  cite  à  ce  propos  le  passage  suivant  (Langlois,  o.  c.  p.  60,  62,  63)  : 

F0  5  a  :  Mes  ne  sui  pas  si  toz  senez 

Ce  ne  fu  'I*  sols  hom  gentils, 
Fils  de  roi  prodom  et  sutils, 
Frères  au  roi  Loys  de  France 
Qui  conquist  lo  fer  et  la  lance 
La  corone  Deu  et  la  Croix, 
C'est  li  contes  Robers  d'Artois. 

A   CELUI  LO    DONA   PREMIERS, 

Car  il  aprenoit  volentiers. 

Et  APRÈS  FIS  LO   SECONT  MEZ 

A  l'avesque  Jake  de  Mez, 
Frère  lo  duc  de  Loheregne, 
Mon  evesque  et  signor  demeine. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion,  plus  haut  (p.  3),  de  mentionner  Robert  d'Artois.  Quant 
au  frère  du  duc  de  Lorraine,  il  a  été  évèque  de  Metz  de  1239  à  1260. 

Selon  Langlois,  la  dédicace  au  frère  de  saint  Louis  se  rapporte  à  la  première  rédac- 
tion ;  la  dédicace  à  Jacques  de  Metz,  à  la  seconde.  Il  n'y  a  rien  là  qui  soit  incompatible 
avec  notre  théorie  des  dates,  car  Robert  dArtois  vivait  en  1246  ;  ainsi  la  première  rédac- 
tion aurait  parfaitement  bien  pu  lui  être  dédiée  alors. 

Mais  après  tout  pourquoi  s'efforcer  de  trouver  un  sens  caché  dans  les  lignes 
de  notre  auteur  lorsqu'une  explication  fort  simple  peut  résoudre  toutes  les  difficultés?  Nous 
savons  qu'au  moyen  âge  dédier  successivement  à  plusieurs  patrons  le  même  ouvrage 
n'avait  rien  d'extraordinaire.  Langlois  lui-même  (o.  c.  p.  60)  en  cite  un  exemple  frappant: 
le  cas  de  la  double  dédicace  de  Philippe  de  Thaon  à  deux  reines  d'Angleterre. 

V Image  du  Monde  nous  offre  donc  un  cas  parallèle  et,  selon  nous,  l'auteur  dédie  à 
Robert  d'Artois  et  à  Jacques  de  Metz  non  pas  deux  rédactions  successives,  mais  un  seul 
et  même  ouvrage  :  la  rédaction  représentée  par  le  manuscrit  Harley  4333. 

1  A  l'appui  de  sa  théorie,  Langlois  cite  P.  Mcyer  qui,  nous  dit-il,  qualifie  la  leçon 
1245  d'isolée  et  sans  valeur  (o.  c.  p.  50). 

Ce  sont  en  effet  les  propres  termes  de  P.  Meyer,  tels  qu'on  peut  les  lire  dans  Romania, 
XXI  (1892),  p.  503.  Mais  dans  cet  article  le  savant  critique  traite  du  manuscrit  Phillipps, 
de  Cheltenham,  manuscrit  de  la  seconde  rédaction  à  laquelle  la  date  1245  ne  s'applique 
évidemment  pas. 

P.  Meyer  n'avait  aucune  intention  de  généraliser  puisqu'à  la  page  482  du  même  article 
il  dit  en  tout  autant  de  termes  que  la  première  rédaction  date  de  1246  n.  s.  (i.  e.  1245 
v.  s.  dans  les  manuscrits). 

La  citation  est  donc  plutôt  un  argument  contre  la  théorie  de  Langlois. 

-  Langlois,  o.  c.  p.  50,  51  n. 


—     7     — 

les  rédactions  à  un  simple  copiste  dont  l'influence  a  conduit  à  contaminer 
la  vraie  date,  12^7,  au  ch.  17  du  livre  III,  et  sur  ce  point  il  cite  Fant1.  Le 
critique  suédois  n'exprime  cependant  aucun  doute  sur  la  date,  1%45  (v.  s.). 

Quant  au  copiste,  auteur  supposé  de  Yexplicit,  c'est  gratuitement  que 
Langlois  l'accuse  d'avoir  mal  lu  son  original  et  d'avoir  mis  12^5  au  lieu 
de  1247. 

D'ailleurs  nous  nous  expliquons  mal  pourquoi  les  copistes  des  manus- 
crits de  la  première  rédaction  seule  se  seraient  laissé  influencer  par  cette 
date,  1240,  au  point  de  l'introduire  au  ch.  17,  tandis  que  ceux  de  la  seconde 
rédaction,  apparemment  plus  rétifs,  maintiennent  i24y  dans  le  texte,  et 
1245  à  Yexplicitt? 

Enfin,  selon  Langlois  (o.  c.  p.  59),  la  date  si  précise  du  9  mars  (1247), 
qui  se  trouve  dans  Harley  4333  aussi  bien  que  dans  les  autres  manuscrits 
de  la  seconde  rédaction,  ne  doit  s'appliquer  qu'au  long  fragment  de 
1740  vers  sur  les  voyages  de  saint  Brandan.  Cette  conjecture  n'enlève  pas 
sa  valeur  à  la  date  i24y. 

En  résumé  la  théorie  de  Langlois  peut  paraître  séduisante  ;  mais  pour 
l'admettre  il  faut  1°  nier  sans  raison  sérieuse  la  date  1245  (v.  s.),  2°  faire 
preuve  d'incrédulité  en  repoussant  le  témoignage  de  tous  les  manuscrits  de 
toutes  les  rédactions,  à  quelques  exceptions  près,  et  3°  refuser  d'admettre 
les  calculs  mêmes  de  l'auteur  qui  confirment  la  date  1245. 

De  nos  arguments  précédents,  les  conclusions  correctes  se  dégagent, 
semble-t-il,  d'elles-mêmes  :  1°  L'auteur  de  Y  Image  du  Monde  termine  sa 
première  rédaction  le  six  janvier  1245  (v.  s.).  —  2°  Il  conçoit  Vidée 
d'une  seconde  rédaction  refondue  et  considérablement  augmentée  en  1246 
(v.  s.).  —  3°  Il  en  termine  en  i24j  (v.  s.)  une  rédaction  intermédiaire 
qui  nous  est  connue  par  le  manuscrit  Harley  4333.  —  4°  Comme  résultat 
de  ses  voyages  en  Sicile  et  en  Syrie,  il  ajoute  quelques  passages  à  son 
ouvrage  et  produit  ainsi  la  seconde  rédaction  complète  :  celle-ci  a  vu  le 
jour  après  la  composition  du  manuscrit  Harley. 

Rédaction  en  prose.  —  Comme  ouvrage  d'éducation  Y  Image  du  Monde 
en  vers  devait  avoir  un  grand  avantage  :  sa  forme  même  était  une  aide  à  la 
mémoire. 

Nous  sommes  donc  étonnés  de  voir  paraître  une  troisième  rédaction, 

1  Fant,  o.  c.  p.  37. 

2  De  même,  avec  une  unanimité  déconcertante,  les  scribes  de  la  première  rédaction 
prennent  comme  base  de  leurs  calculs  sur  le  voyage  d'Adam  de  la  terre  au  firmament  (cf. 
p.  4)  l'année  1245,  les  scribes  de  la  seconde  rédaction,  1247.  Langlois  (o.  c.  p.  110  n.) 
pense  que,  pour  ce  passage,  les  manuscrits  adaptent  simplement  leurs  calculs  au  change- 
ment fictif  de  date. 

Nous  sommes  prêt  à  croire  que  l'auteur  lui-même  a  refait  ce  calcul  à  deux  reprises  ; 
mais  il  semble  bien  peu  probable  que  de  simples  copistes  aient  fait  de  même  dans  le  cas  de 
chaque  manuscrit. 


cette  fois-ci  en  prose.  Toutefois  le  succès  a  justifié  l'auteur  :  c'est  cette 
dernière  version  qui  a  été  traduite  en  différentes  langues  ;  le  premier  livre 
illustré  imprimé  en  Angleterre,  c'est  Ylmage  du  Monde  en  prose  ;  et  c'est 
elle  enfin  dont  nous  offrons  l'édition. 

Date  de  la  rédaction  en  prose.  —  Neubauer1,  décrivant  les  manus- 
crits hébraïques  de  Ylmage,  en  vient  à  la  conclusion  que  la  traduction  a 
été  faite  d'après  un  manuscrit  en  prose,  vers  1280,  c'est-à-dire  quelques 
années  seulement  après  la  composition  du  manuscrit  original  de  1240 
(n.  s.). 

La  question  de  la  date  de  notre  rédaction  en  prose  est  si  intimement 
liée  à  celle  de  l'auteur  qu'il  est  impossible  de  les  séparer.  Nous  devons 
donc  anticiper  en  partie  sur  un  chapitre  à  venir  pour  prouver  la  thèse  sui- 
vante :  La  rédaction  en  prose  a  été  composée,  peut-être  en  12^6  (n.  s.) 
mais  certainement  avant  la  seconde  rédaction  complète,  par  l'auteur 
même  de  la  première  rédaction  en  vers. 

Notre  opinion  est  basée  sur  les  faits  suivants  : 

I.  Trois  des  manuscrits  de  la  rédaction  en  prose  donnent  le  nom  de 
l'auteur;  le  seul  manuscrit  de  la  première  rédaction  en  vers  qui  soit  signé 
nous  donne  le  même  nom. 

II.  Le  chapitre  sept  de  la  seconde  partie  de  Y/mage  est  traduit  littérale- 
ment d'un  chapitre  correspondant  de  Jacques  de  Vitry 2  ;  l'ordre  même 
des  matières  est  maintenu. 

Mais  dans  la  rédaction  en  vers  il  manque  un  passage  qui  évidemment 
a  paru  obscur  au  traducteur.  Dans  la  rédaction  en  prose,  au  contraire,  ce 
passage  est  traduit3,  mais  d'une  manière  absolument  inintelligible. 

Nous  en  concluons  que  l'auteur  des  deux  rédactions  (i.  e.  la  première 
rédaction  en  vers  et  la  rédaction  en  prose)  est  le  même,  car  il  est  peu  pro- 
bable qu'un  remanicur  quelconque  se  fût  donné  la  peine  de  trouver  la 
source  du  chapitre  et  de  le  compléter  en  traduisant  de  son  mieux  le  passage 
omis  dans  la  première  rédaction.  Mais  pour  l'auteur  de  l'original  le  cas  est 
différent  :  son  chapitre  n'est  pas  complet  ;  il  y  manque  un  passage,  peu 
important  il  est  vrai,  dont  la  difficulté  lui  a  paru  insurmontable  en  compo- 
sant sa  première  rédaction  ;  sa  vanité  de  traducteur  est  en  jeu  ;  il  se  décide 
à  introduire  le  paragraphe  dans  sa  rédaction  en  prose  :  avec  quel  succès, 
nous  l'avons  vu. 

Ajoutons  qu'il  s'agit  ici  d'une  hypothèse  dont  le  contraire  est  également 
soutenable  :  le  passage  pourrait  s'être  trouvé  dans  l'original  et  avoir  été 
supprimé  par  un  premier  copiste.  Il  est  évident  que  les  deux  points  de  vue 

1  Neubauer,  dans  Romania  V  (1876)  p.  129  s.,  131  s.;  cf.  p.  11. 

2  Jacques  de  Vitry,  Historia  Hierosolomitana  (Douai  1597)  ch.  93. 

3  Pour  ce  passage  et  le  latin  correspondant,  voir  f°  75  c  note. 


—     9     — 

ont  une  valeur  absolument  égale  en  tant  qu'ils  reposent  tous  deux  sur  une 
supposition. 

Il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que  le  passage  manque  aussi  dans  la  seconde 
rédaction  en  vers.  Car  si  l'auteur  des  deux  rédactions  en  vers  est  le  même1, 
il  a  dû  réaliser  son  impuissance  à  rendre  le  passage  d'une  manière  intelli- 
gible et  l'avoir  par  conséquent  définitivement  omis  ;  ou  bien  l'auteur  de  la 
seconde  rédaction  en  vers  n'est  pas  le  même  que  celui  de  la  première,  et 
dans  ce  cas  il  n'a  pas  eu  à  se  préoccuper  d'un  passage  qui  ne  se  trouvait 
pas  dans  son  original. 

III.  L'original  de  la  rédaction  en  prose  a  été  écrit  en  Lorraine,  tout 
comme  celui  de  la  rédaction  en  vers2  :  dans  le  texte  de  tous  les  principaux 
manuscrits  nous  trouvons  des  traces  du  dialecte  lorrain,  traces  qui  doivent 
être  dues  à  l'auteur  même,  puisqu'elles  se  retrouvent  dans  les  manuscrits 
dont  le  copiste  emploie  un  dialecte  différent. 

IV.  Enfin,  la  rédaction  en  prose  est  antérieure  à  la  seconde  rédaction 
complète,  car  il  n'y  est  pas  fait  mention  des  voyages  de  l'auteur  en  Sicile  et 
en  Syrie. 

En  résumé,  nous  voyons  que  l'auteur  de  la  rédaction  en  prose  signe 
son  ouvrage  du  même  nom  que  celui  de  la  première  rédaction  en  vers, 
qu'il  emploie  le  même  dialecte,  qu'il  se  sert  des  mêmes  sources,  qu'il 
complète  même  un  chapitre  par  la  traduction  peu  réussie  d'un  passage  sans 
importance  et  obscur  pour  lui,  et  qu'enfin  il  ne  fait  aucune  mention  de  voya- 
ges en  Sicile  et  en  Syrie,  trait  si  frappant  de  la  seconde  rédaction  complète. 

Nous  appuyant  sur  les  faits  précédents,  nous  pouvons,  semble-t-il, 
admettre  l'identité  de  l'auteur  de  la  première  rédaction  en  vers  et  de  la 
rédaction  en  prose,  et  fixer  la  date  de  cette  dernière  à  une  époque  entre  1246 
et  la  composition  de  la  seconde  rédaction. 

Il  n'y  a  même  aucun  argument  sérieux  contre  l'adoption  de  la  date 
mentionnée  dans  tous  les  manuscrits  en  prose  :  12^5  (v.  s.).  La  tâche  de 
l'auteur  n'aurait  certes  pas  été  impossible  :  Caxton  qui  a  traduit  Y  Image 
en  anglais  nous  informe  qu'il  a  commencé  son  ouvrage  le  2  janvier  1480 
et  qu'il  l'a  terminé  le  8  mars  de  la  même  année8.  Le  dérimeur  français 
n'a  guère  dû  prendre  plus  longtemps  à  compléter  sa  tâche  que  le  traduc- 
teur anglais.  Ainsi  notre  auteur  a  aisément  pu  remanier  son  ouvrage  entre 
le  6  janvier  1246  et  la  fin  de  cette  même  année. 

Rédaction  en  prose  et  première  rédaction  en  vers.  (Leur  étroite 
parenté.)  —  Sous  un  rapport  surtout  la  rédaction   en  prose  nous  est  pré- 

"  Cf.  p.  14  s. 

2  V.  plus  haut  p.  2. 

3  L'information  de  Caxton  est  intéressante,  car,  par  elle,  nous  pouvons  juger  combien 
de  travail  un  homme  était  capable  de  faire  en  un  temps  donné  au  moyen  âge. 


—     10    — 

cieuse  :  elle  est  absolument  calquée  sur  la  première  rédaction  en  vers.  Elle 
est  divisée  en  trois  parties  ;  elle  répète,  comme  d'ordinaire,  à  deux  reprises, 
la  date  12^5  (v.  s.).  La  reproduction  du  texte  rimé  est  si  fidèle  que  souvent 
les  rimes  mêmes  sont  conservées,  et  nous  n'avons  aucune  difficulté  à 
reformer  les  vers. 

Gela  seul  fait  de  la  rédaction  en  prose  un  instrument  indispensable,  à 
défaut  du  manuscrit  original  en  vers,  pour  une  reconstitution  parfaite  du 
poème. 

Une  comparaison  des  passages  suivants  montrera  le  peu  de  différence 
qu'il  y  a  entre  les  deux  versions,  et  prouvera  de  plus,  s'il  y  a  jamais  eu  du 
doute  à  cet  égard,  l'antériorité  de  la  première  rédaction  en  vers.  Lés  rimes 
que  l'on  retrouve  partout,  à  chaque  page  même,  de  la  rédaction  en  prose 
nous  fournissent  une  preuve  évidemment  irréfutable  :  une  simple  coïnci- 
dence ne  saurait  expliquer  un  phénomène  pareil. 


Manuscrit  de  la  première  rédaction. 

Et  fu  de  petite  estature 
Le  dos  corbé  un  po  par  nature  ; 
Et  aloit  la  teste  baissant, 
Adès  vers  terre  regardant  l. 

Mais  les  gens  d'ore 

Pansent  ore  plus  a  autre  afaire 
Por  lor  lasses  piax  grasses  faire, 
Que  si  tost  vont  a  porriture, 
Por  lor  vilaine  norriture 
Qui  les  livre  a  honteus  essil. 
Ensi  ne  faisoient  pas  cil, 
Car  ne  querroient  fors  mangier 
Tant  qu'il  peùsent  alegier 
Lor  faim,  por  lor  cors  sostenir 
Et  lor  vie  en  santé  tenir  -. 


Prose,  folio  ug  D. 

Et  fu  de  petite  estature  et  un  poi 
courbés  le  dos  par  droite  nature. 
El  aloit  la  teste  baissant  et  regar- 
dant devers  terre. 

Mes  les  genz  qui  orendroit  sont 
pensent  plus  a  leur  lasses  pances 
emplir  et  engressier,  qui  si  tost 
viennent  a  pourreture,  por  leur 
norreture  vilaine  qui  les  livre  a 
painne  et  a  honte.  Cil  ne  faisoient 
pas  ainsi,  car  il  ne  queroient 
menger  fors  seulement  qu'il  peù- 
sent alegier  leur  fain,  pour  leur 
cors  soutenir  et  tenir  en  santé  3. 


Gomme  on  le  voit,  le  procédé  de  l'auteur  est  fort  simple  :  il  change  à 
peine  les  mots,  les  rimes  se  retrouvent  presque  toujours  intactes.  Mais  les 
inversions  disparaissent  ;  quelques  mots  ajoutés  donnent  à  la  phrase  l'appa- 
rence voulue  de  la  prose,  tout  comme  dans  le  temps  un  emploi  judicieux 
de  chevilles  servait  à  bâtir  nos  vers  latins. 

Disons-le  :  V Image  du  Monde  n'a  rien  gagné  à  ce  changement,  et, 
quelle  que  soit  la  valeur  du  poème,  nous  ne  réclamons  pas  une  place  bien 
élevée  pour  ce  dernier   remaniement,   dans  la  littérature  française,   même 


1  Manuscrit  cité  par  Fant  (o.  c.  p.  25). 

2  D'après  Fant  (o.  c.  p.  19). 
^  F°  14  a. 


—    11   — 

dans  celle  du  moyen  âg-e.  L'auteur  s'est  montré  purement  et  simplement 
un  éducateur,  mais  non  pas  un  styliste. 

Dans  ce  cas,  dira-t-on,  pourquoi  ne  pas  s'en  tenir  à  une  édition  du 
poème?  La  réponse  est  facile  :  la  supériorité  littéraire  de  la  rédaction  en 
vers  est  plus  que  compensée  par  l'importance  historique  de  la  version  en 
prose  ;  car  c'est  par  celle-ci  que  nous  nous  trouvons  rattachés  directement 
à  une  des  époques  les  plus  intéressantes  de  la  littérature  ang-laise  :  l'époque 
de  Caxton  et  de  l'introduction  de  l'imprimerie. 

La  version  anglaise.  —  En  1480  Caxton  traduisit  Y  Image  du  Monde 
en  anglais,  et  l'imprima  à  Westminster  en  y  ajoutant  des  gravures  sur 
bois,  chose  inconnue  en  Angleterre  jusqu'alors. 

Grâce  à  de  fréquents  séjours  à  Brug-es,  le  célèbre  imprimeur  avait 
acquis  une  connaissance  parfaite  de  la  lang'ue  française.  Son  choix  de 
Y  Image  prouve  l'importance  de  notre  encyclopédie,  même  à  cette  époque. 
Cet  ouvrag-e  obtint  en  Angleterre  autant  de  succès  qu'en  France.  Caxton 
lui-même  en  a  publié  deux  éditions  1.  Un  certain  Lawrence  Andrewe  en 
fit  paraître  une  troisième  à  Londres  en  IÔ2J. 

Imprimés  français.  —  La  rédaction  française  en  prose  a  aussi  été 
imprimée  deux  fois  à  Paris  :  par  Michel  le  Noir  en  1501,  et  par  Alain 
Lotrian  en  1520.  Toutes  ces  éditions  sont  rares  et  ont  une  grande  valeur 2. 

Traductions  hébraïques.  —  Outre  la  traduction  en  ang-lais ,  on 
connaît  une  version  de  Y  Image  en  judéo-allemand,  et  deux  en  hébreu  qui 
diffèrent  sous  certains  rapports. 

Neubauer 3  suppose  que  la  traduction  hébraïque  a  été  faite  en  1273  à 
Malines  par  un  Juif,  Hagins,  qui  est  peut-être  le  même  que  Haginus 
Deulecret,  grand-rabbin  de  Londres,  où  les  Juifs  français  étaient  nom- 
breux. 

Plagiat.  —  A  titre  de  curiosité,   mentionnons  aussi   le  Mirouer  du 

1  Ces  éditions  ne  sont  pas  datées,  mais,  d'après  certains  signes  extérieurs  et  la  compa- 
raison avec  d'autres  imprimés  de  Caxton,  on  fixe  généralement  la  date  de  la  première 
édition  à  1481,  et  de  la  seconde  à  1490. 

Les  exemplaires  connus  du  Mirrour  of  the  World  (c'est  ainsi  que  Caxton  intitule  sa 
traduction)  sont  assez  nombreux.  Seymour  de  Ricci,  dans  son  ouvrage  si  complet  sur  les 
incunables  de  Caxton  (A  Census  of  Caœtons.  Printed  for  the  Bibliographical  Society  at 
the  Oxford  University  Press.  1909),  mentionne  33  exemplaires  de  la  première  édition,  et 
1 9  de  la  seconde. 

La  Early  English  Text  Society  de  Londres  a  sous  presse  une  reproduction  annotée 
de  l'édition  de  1481,  contenant  les  gravures  sur  bois  de  Caxton  en  fac-similé. 

Cf.  le  chapitre  sur  la  filiation  des  manuscrits,  p.  18  s. 

2  E.-D.  Grand  (o.  c.  Positions  de  thèses  1885)  mentionne  un  exemplaire  à  Paris 
<Bibl.  Nat.  impr.  D.  3782.  Rès.)  et  un  à  Oxford  (Bodl.  Douce.  M.  M.  483).  Il  faut 
ajouter  à  cette  liste  :  British  Muséum  568.  e.  16  (éd.  de  1520),  et  697.  D.  22  (éd.  de 
1501). 

3  V.  A.  Neubauer,  dans  Romania  t.  V  (an  1876)  p.  129-139,  et  dans  l'Histoire  Litté- 
raire, t.  XXVII  p.  500  s.  ;  cf.  p.  8. 


—     12     — 

Monde1,  plagiat  imprimé  à  Genève  en  1517 2  chez  Jaques  Vivian.  Un 
certain  François  Buffereau,  natif  de  Vendôme,  après  avoir  légèrement 
altéré  le  commencement  et  la  fin  de  XJmaçje  et  un  peu  rajeuni  la  langue, 
fit  imprimer  sous  son  nom  la  rédaction  en  vers  qu'il  prétend  avoir  com- 
mencée en  1514  et  finie  en  1516  au  château  de  Divonne. 

Il  augmenta  ainsi  la  liste  des  candidats  au  titre  d'auteur  de  notre  ency- 
clopédie. 

L'auteur.  —  Laissant  de  côté  notre  plagiaire,  nous  nous  trouvons  en 
présence  de  trois  noms  :  Ornons,  Gauthier  de  Metz  et  Gossouin,  dont 
aucun  n'a  laissé  d'autre  trace  dans  la  littérature. 

Cette  question  a  été  fréquemment  traitée,  entre  autres  par  Fant,  et  plus 
récemment  par  Langlois.  Leurs  conclusions  sont  en  grande  partie  les  mêmes 
et  sont  maintenant  généralement  admises. 

Ornons.  —  Des  trois  noms  mentionnés ,  celui  d'Omons  a  été  écarté 
d'emblée  par  tous  les  critiques.  Il  s'agit  là  seulement  d'un  scribe  qui  a 
peut-être  aussi  composé  un  volucraire  de  médiocre  valeur. 

Ce  nom  ne  paraît  qu'une  fois,  dans  un  manuscrit  de  la  première  rédac- 
tion 3  où  se  trouve  le  volucraire  en  question,  écrit  de  la  même  main,  et 
signé  aussi  du  même  nom,  Ornons. 

Gauthier  de  Metz.  —  Gauthier  de  Metz  a,  jusqu'à  présent,  réuni  le 
plus  grand  nombre  de  suffrages.  Il  est  donc  à  propos  d'examiner  ses  titres, 
car  les  histoires  contemporaines  de  la  littérature  française  lui  attribuent 
toutes  sans  exception  la  composition  de  X Image.  Elles  ont,  il  est  vrai,  en 
leur  faveur,  toute  l'autorité  littéraire  de  P.  Meyer. 

Le  nom  n'est  mentionné  que  dans  une  seule  copie  de  l'encyclopédie  :  le 
manuscrit  Ducange,  autrefois  connu  de  Dom  Calmet4,  et  retrouvé  par 
P.  Meyer  dans  la  bibliothèque  Phillipps  à  Gheltenham  5  : 

Le  passage  où  se  trouve  cette  mention  importante  est  ainsi  conçu  : 

Ghe  sont  les  materes  qui 
sont  contenues  en  cest 
livre  qui  est  appelés 
le  Mapemonde;  si  le 

1  E.-D.  Grand  mentionne  un  exemplaire  de  ce  plagiat  à  Paris  (Bibl.  Nat.  impr.  Y. 
6143.  A.  liés.)  (E.-D.  Grand  dans  Pos.  de  thèses  1885). 

Le  Mireour  du  Monde,  imprimé  à  Lausanne  en  1846,  n'a  aucun  rapport  ni  avec  le 
plagiat,  ni  avec  aucune  des  rédactions  de  l'Image  du  Monde  :  c'est  un  ouvrage  qui  repro- 
duit, d'après  un  manuscrit  du  XIVe  siècle,  de  longs  passages  de  la  Somme  le  Roy. 

2  Brunet  {Manuel  du  libraire  5«  éd,.  vol.  III,  p.  1118,  1751)  donne  1542  comme 
date  de  l'impression.   —  V.  aussi  Catalogue  de  La  Val  Hère  t.  I  p.  62  et  t.  II  p.  198-201. 

3  Bibl.  Nat.  fonds  fr.  24428. 

4  Dom  Calmet,  Bibliothèque  lorraine  (Nancy  1751)  p.  406. 

&  P.  Meyer,  dans  Notices  et  Extraits  des  Manuscrits  t.  XXXIV  (1891)  p.  149-259. 
Id.         dans  Romania  t.  XXI  (1892)  p.  481-505,  299. 


—     13     — 

fist  maistre  Gautiers 

de  Mies  en  Lorraine,  uns 

très  boins  phyllosophes. 

Le  manuscrit  contient  tous  les  remaniements,  toutes  les  additions,  telles 
que  la  vie  de  saint  Brandan,  distinctives  de  la  seconde  rédaction  complète. 
Il  est  divisé  en  deux  parties,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  et  ne  se  nomme 
plus  Y  Image  du  Monde  mais  le  Mapemonde.  Le  prologue  est  tout  à  fait 
particulier  à  ce  manuscrit,  et  la  conclusion  celle  propre  à  la  première 
rédaction.  Mais,  à  part  ces  quelques  lignes,  il  est  indiscutable  que  le  texte 
-entier  est  celui  de  la  seconde  rédaction. 

En  résumé,  les  droits  de  Gauthier  reposent  sur  ce  seul  manuscrit  de  la 
seconde  rédaction  qui,  avant  appartenu  à  Ducange,  vu  par  Dom  Cal  met, 
semble  avoir  attiré  plus  d'attention  qu'aucun  autre  et  avoir  créé  ainsi  de 
véritables  droits  d'auteur  en  faveur  de  Gauthier.  Voilà  ses  titres.  Compa- 
rons-les maintenant  à  ceux  de  Gossouin. 

Gossouin.  —  Tout  d'abord  nous  voyons  là  un  bon  nom  germanique, 
tout  comme  celui  de  Gauthier,  dont  la  présence  en  Lorraine  n'aurait  rien 
d'étonnant.  Même  à  Bruges,  au  XVme  siècle,  on  trouve  un  scribe  nommé 
Gossein  établi  au-dessus  du  porche  de  Saint  Donat. 

Le  nom  nous  est  parvenu  sous  quatre  formes  différentes,  mais  où  l'on 
peut,  sans  difficulté,  reconnaître  une  origine  commune  :  Gossouin,  Gos~ 
sonin,  Gosson,  Gosoyn.  Gomme  le  dit  V.  Le  Clerc  lui-même1,  les  erreurs 
■de  copistes  sont  fréquentes,  surtout  dans  le  cas  des  noms  propres,  et  ces 
variations  n'ont  rien  d'extraordinaire. 

Gosoyn  est  indiqué  comme  auteur  dans  un  manuscrit  apparemment 
égaré  de  nos  jours,  mais  vu  par  V.  Le  Clerc,  qui  nous  fournit  ainsi  un  de 
nos  plus  précieux  arguments.  Il  est  à  propos  de  reproduire  ici,  in  extenso, 
•ce  paragraphe  important  de  son  article  sur  Y  Image  du  Monde  : 

«  Un  manuscrit  in-folio,  qui  nous  a  été  communiqué  à  Paris,  mais  qui 
ne  s'y  trouve  plus,  composé  au  XIVme  siècle,  de  quarante-trois  feuillets  de 
parchemin  à  deux  colonnes,  la  plupart  d'une  quarantaine  de  vers,  conserve 
dans  les  derniers  la  date  12^5,  quoiqu'il  porte,  au  chap.  17  du  troisième 
livre,  celle  de  i2^j.  Mais  nous  devons  remarquer  surtout  que,  des  copies 
-en  vers  que  nous  avons  pu  voir,  c'est  la  seule  qui  soit  précédée  de  cette  sus- 
cription  :  «  Ci  commencent  li  chapitre  du  romanz  maistre  Gosoyn,  qui 
•est  apelez  y  mage  du  monde.  »  Le  style  y  est  rajeuni  et  le  sens  quelque- 
fois altéré.» 

Les  détails  sont  précis  et  définitifs  :  le  manuscrit  contient  entre  six  et 
sept  mille  vers,  il  est  divisé  en  trois  parties,  la  date  est  répétée  au  chap.  17, 

1  V.  Le  Clerc,  dans  l'Histoire  littéraire  de  la  France  t.  XXIII,  p.  327 


—     14     — 

livre  trois,  et  à  la  fin  *  :  ce  ne  peut  être  qu'un  manuscrit  de  la  première 
rédaction.  La  date  12^7  au  chap.  17  ne  saurait  diminuer  la  valeur  des 
faits  :  dans  deux  manuscrits 2  de  la  première  rédaction  la  même  erreur  se 
retrouve. 

Les  trois  autres  manuscrits  où  le  nom  de  l'auteur  est  indiqué  appar- 
tiennent tous  à  la  rédaction  en  prose,  dont  la  proche  parenté  avec  la  pre- 
mière rédaction  a  été  démontrée  plus  haut8;  ce  sont  :  Bibl.  Nat.  fr.  5y4> 
qui  donne  Gossouin;  fr.  25344,  Gossonin;  Bruxelles,  Bibl.  Roy.  g822f 
Gosson. 

D'autre  part,  la  seconde  rédaction  en  vers  est,  sous  beaucoup  de  rap- 
ports, un  ouvrage  absolument  distinct  et  original. 

Les  arguments  en  faveur  de  Gossouin  semblent  être  concluants.  Nous 
n'hésitons  pas  à  mettre  son  nom  en  tête  de  la  rédaction  en  prose,  choisis- 
sant, de  préférence  aux  autres,  la  forme  indiquée  par  le  manuscrit  dont 
nous  offrons  le  texte. 

Nous  sommes  persuadé  qu'il  a,  de  même,  droit  au  titre  d'auteur  de  la 
première  rédaction  en  vers  :  le  manuscrit  vu  par  Le  Clerc  constitue  un 
argument  irréfutable  qui  confirme  la  théorie  de  l'identité  de  l'auteur  de  la 
première  rédaction  en  vers  et  de  celle  en  prose. 

L'auteur  de  la  seconde  rédaction  en  vers.  —  La  question  reste 
ouverte  quant  à  la  seconde  rédaction.  Si  nous  y  voyons,  comme  P.  Meyer, 
une  rédaction  remaniée  par  l'auteur  lui-même,  nous  devrons  admettre 
une  erreur  de  copiste4  dans  le  manuscrit  Phillipps5. 

Si,  au  contraire,  la  seconde  rédaction  forme  un  ouvrage  séparé,  ori- 
ginal, Gauthier  de  Metz  peut  parfaitement  en  être  l'auteur.  Car,  à  tout 
prendre,  l'argument  que  Gossouin  est  l'auteur  de  la  première  rédaction,  et 
Gauthier  celui  de  la  seconde,  n'est  pas  aussi  improbable  qu'il  peut  le  pa- 
raître à  première  vue. 

Langlois6  trouve  ridicule  qu'on  s'imagine  deux  auteurs  tous  deux  lor- 

1  La  seconde  rédaction  contient  environ  dix  mille  vers  et  est  divisée  en  deux  parties 
seulement. 

2  Cf.  p.  3  n.  4. 

3  V.  p.  9  s. 

4  Langlois,  qui  est  en  faveur  de  cette  théorie  d'identité,  dit  à  ce  propos  :  (o.  c.  p.  60) 
«  Il  semble  donc  que  la  balance  doive  pencher  plutôt  du  côté  de  Gossuin,  surtout  si  l'on 
considère  qu'il  devait  être,  pour  ainsi  dire,  instinctif,  pour  un  rubricateur  placé  en  pré- 
sence d'un  manuscrit  comme  il  y  en  a  eu  sans  doute,  où  l'on  lisait  :  Si  le  Jist  maistre 
G.  de  Mies,  de  résoudre  arbitrairement  l'abréviation  G.  par  «  Gautier  •»,  l'un  des  noms  les 
plus  répandus  au  moyen  âge.  » 

Remarquons  en  passant  que  la  forme  du  nom  choisie  par  Langlois  (Gossuin)  ne  se 
présente  nulle  part. 

5  Cf.  p.  12,  s. 

6  O.  c.  p.  62. 


—     15     — 

rains,  tous  deux  messins,  tous  deux  parlant  la  même  langue *  !  Pourtant 
il  s'agit  là  d'un  simple  syllogisme,  et,  l'origine  messine  des  deux  rédac- 
tions en  vers  une  fois  admise,  l'identité  de  lang,ag,e  et,  de  pays  doit  logique- 
ment suivre  :  elle  n'a  rien  qui  puisse  nous  étonner. 

Est-il  donc  impossible  que  Gossouin  ait  été  un  de  ces  Jacobins  pour 
qui  il  montre  une  si  profonde  admiration  dans  la  première  rédaction2,  et 
Gauthier  un  des  moines  noirs  mentionnés  dans  la  seconde  rédaction,  et 
dans  l'abbaye  desquels  il  a  trouvé  la  lég-ende  de  saint  Brandan3? 

La  question  est  compliquée  et  encore  loin  d'être  résolue.  Même  le  style 
des  deux  ouvrag-es  ne  nous  aide  aucunement  :  V.  Le  Clerc  trouve  celui  de 
la  seconde  rédaction  tout  à  fait  inférieur;  Fant,  au  contraire,  voit  dans  le 
remanieur  un  vrai  poète4  ! 

Langiois  lui-même  ne  suggère  rien  de  mieux,  pour  expliquer  la  men- 
tion de  Gauthier  dans  un  manuscrit  de  la  seconde  rédaction,  qu'une  erreur 
de  copiste5.  Nous  ne  voyons  donc  pas  qu'il  soit  justifié  à  prendre  à  partie 
Suchier  qui  exprime  des  doutes  sur  l'identité  de  l'auteur  et  du  remanieur 
de  Y  Image  du  Monde  G. 

Bref,  sans  vouloir  nier  qu'il  nous  paraisse  y  avoir  de  fortes  pré- 
somptions en  faveur  de  Gauthier,  un  examen  soigneux  des  preuves  laisse 
la  question  de  l'auteur  de  la  seconde  rédaction  encore  indécise7. 

Le  titre.  —  Le  manuscrit  Phillipps  auquel  nous  devons  la  mention  de 
Gauthier  est  exceptionnel  sous  un  autre  rapport  :  il  donne  comme  titre  à 
l'encyclopédie  le  Mapemonde.  François  Buffereau,  le  plagiaire  de  Genève,. 

1  II  semble  suffisamment  prouvé  que  l'auteur  de  la  première  rédaction  était  messin- 
(cf.  p.  2).  Ce  fait  est  encore  mieux  confirmé  dans  la  seconde  rédaction  (y  compris  la 
rédaction  intermédiaire),  car  nous  y  lisons  à  propos  de  Charlemagne  (v.  Fant,  o.  c 
p.  9,  10)  : 

Et  sout  assez  d'astronomie. 
Si  corne  l'en  trouve  en  sa  Vie 
Qu'a  Mez  en  Loherraine  gist 
Dont  cil  fu  que  cest  livre  fist. 

2  Cf.  p.  3  et  f°  25  d  du  texte. 

3  A  Saint  Ernol,  une  abeïe 
De  moines  noirs,  qu'est  establie 
Droit  devant  Mez  en  Loherraine 
Trovai  ceste  histoire  anciene.  (V.  Fant,  o.  c.  p.  7.) 

4  Fant,  o.  c.  p.  38. 
s  V.  p.  14  n.  4. 

6  Langiois,  o.  c.  p.  61  n.  2. 

7  Pour  les  partisans  de  Gauthier  comme  auteur  de  la  seconde  rédaction  la  dédicace 
du  manuscrit  Harley  (v.  p.  5  n.  1)  s'explique  aisément  :  Ils  ont  le  choix  entre  deux 
arguments  également  valables  :  1°  Gauthier  a  fort  bien  pu  dédier  son  ouvrage  (i.  e. 
la  rédaction  intermédiaire  qui,  complétée  plus  tard,  devient  la  seconde  rédaction)  à  deux 
personnages  différents  ;  ou,  2°,  reprenant  la  théorie  de  Langiois  et  faisant  de  la  rédaction 
intermédiaire  une  troisième  rédaction  postérieure  aux  deux  autres,  Gauthier  aurait  dédié 
la  seconde  rédaction  à  Robert  d'Artois,  et  la  troisième  à  Jacques  de  Metz. 


—     16    — 

nomme  le  poème  le  Mirouer  du  Monde,  et  suit  en  cela  le  scribe  d'un  ma- 
nuscrit de  Londres1. 

Dans  le  contexte  des  différentes  rédactions  nous  trouvons  livre  de 
clergie,  mapemonde,  roumanz.  Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  de  titres  :  ce  sont 
de  simples  qualifications. 

A  part  les  cas  mentionnés  ci-dessus,  tous  les  autres  manuscrits  en  vers 
donnent  comme  titre  Y  Image  du  Monde  2.  Il  en  est  de  même  des  manus- 
crits en  prose  que  nous  devons  maintenant  étudier  plus  en  détail,  et  qui 
ont  tous  été  consultés. 

Les  manuscrits  de  la  rédaction  en  prose.  —  Ils  sont  au  nombre  de 

huit. 

I  (A).  —  Paris.  Bibliothèque  Nationale,  fonds  franc,  ôjfi. 

Un  des  plus  beaux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  Nationale. 

387  sur  265  mm. 

Reliure  de  cuir  brun,  à  dos  roug-e. 

Ecriture  du  XIVe  siècle. 

Les  rubriques  sont  à  l'encre  roug-e. 

Initiales  et  miniatures  nombreuses. 

139  pages,  parchemin.  4  colonnes  de  19  lignes. 

A  la  première  pag-e,  nous  lisons  :  «  Ce  livre  est  au  duc  de  Berry, 
Jehan  B.  » 

Au  verso  :  «  Ce  livre  fu  a  messire  Guillaume  Flote,  seig-neur  de  Revel 
et  chancellier  de  France 3.  » 

A  la  dernière  page  est  répétée  la  mention  :  «  Le  livre  est  au  duc  de 
Berry.  Jehan  B. 4  » 

Cette  copie  a  servi  de  base  à  notre  texte.  Elle  contient  seize  dessins  dans 
la  première  partie,  dix  dans  la  seconde,  et  neuf  dans  la  troisième. 

Elle  donne  le  nom  de  l'auteur  :  Gossouin. 

II  (B).  — Paris.  Bibliothèque  Nationale,  fonds  fr.  2Ô3^/f. 
288  sur  152  mm. 

Reliure  de  cuir  roug-e. 

Ecriture  du  XIVe  siècle. 

Les  initiales  sont  à  l'encre  bleue  ou  roug-e. 

Quelques  miniatures. 

132  pag-es,  parchemin.  4  colonnes  de  20  lig-nes. 

A  la  première  pag-e,  d'une  écriture  moderne,  nous  lisons  :  «  Ce  manus- 

1  British  Muséum,  Royal  19  A.  IX. 

2  Ce  titre  est  répété  deux  fois  :  à  la  première  ligne  de  la  table  des  matières  ;  puis  à 
la  fin  de  l'ouvrage. 

3  Guillaume  Flote  était  chancelier  de  France  en  1339. 

4  Comme  nous  le  verrons  plus  tard  (p.  19),  ce  détail  est  très  important  pour  éta- 
blir la  filiation  des  manuscrits. 


—     17     — 

crit  du  XIVe  siècle  contient  le  roman  de  maître  Gossonin  appelé  Y  Image 
du  Monde,  traduit  du  latin  en  français.  » 

Le  nom  de  l'auteur  Gossonin  se  trouve  aussi  dans  le  texte. 

Ce  manuscrit  est  incomplet .  il  manque  environ  dix  pages,  presque 
toutes  dans  la  seconde  partie. 

III  (N).  —  Paris.  Bibl.  Nat.,  nouvelles  acquis,  françaises  6883. 
145  pages,  parchemin.   4  colonnes  de  20  lignes  environ.   L'Image  du 

Monde  occupe  fos  1  à  68.  Le  même  volume  renferme  aussi  Y  Apocalypse 
en  français  K 

Il  date  du  XIIIe  au  XIVe  siècle  :  c'est  donc  un  des  plus  anciens  manus- 
crits de  la  rédaction  en  prose  que  nous  possédions. 

Il  n'indique  pas  de  nom  d'auteur. 

La  plupart  des  figures  et  des  initiales  manquent. 

IV  (G).  —  Paris.  Sainte  Geneviève,  58  j. 
370  sur  250  mm. 

Reliure  verte. 

191  feuillets,  parchemin.  4  colonnes. 

h' Image  du  Monde  occupe  les  fos  172  à  191. 

Date  du  XIIIe  au  XIV*  siècle. 

Le  texte  est  très  abrégé. 

V  (G).  — Bruxelles.  Bibliothèque  Royale.  g822. 

Al  pages,  parchemin,  4  colonnes  de  41  lignes  environ. 
Les  formes  de  la  langue  sont  très  souvent  rajeunies. 
Le  nom  de  l'auteur  est  mentionné  :  Gosson. 

VI  (S).  —  Halle.  Le  professeur  Suchier  possède  un  manuscrit  qu'il  a 
bien  voulu  nous  permettre  de  copier. 

105  feuillets,  parchemin. 
L'Image  du  Monde  occupe  les  fos  75  à  105. 
Elle  est  précédée  d'une  version  du  Livre  de  Sydrach. 
Date  :  XIIIe  siècle. 

Quoique  ce  manuscrit  soit  fort  abrégé,  nous  aurons  souvent  l'occasion 
de  le  citer. 

VII  (T).  —  Ashburnam.  Le  manuscrit  Barrois  66  a  été  acheté  par  un 
M.  Thomson  à  la  vente  de  la  Bibliothèque  Ashburnam  au  mois  de  juin, 
1901.  C'est  un  manuscrit  du  XIVe  siècle,  sur  vélin  ;  reliure  verte  en  maro- 
quin gaufré.  43  pages.  V Image  du  Monde  occupe  les  fos  1  à  23.  Le  texte 
est  abrégé. 

Le  même  volume  contient  ;  1°  Paraphrase  sur  les  7  psaumes  de  péni- 
tence ;  2°  Oratio  adB.  Mariam  Virginem;  3°  Vitœ  Sanctorum  Patrum. 

1  V.  L.  Delisle  et  P.  Meyer,  Y  Apocalypse  en  français,  dans  Bulletin  de  la  Société 
des  anciens  textes  français  (Paris  1901)  p.  111. 

2 


—     18     — 

VIII  (R).  —  Londres.  British  Muséum.  Royal  ig.  A.  IX. 
285  sur  200  mm. 

Manuscrit  du  XVe  siècle,  écrit  à  Bruges. 

Papier. 

Fos  i  -f-  152.  24  lignes  par  page,  sans  colonnes. 

Illustré. 

Le  copiste  a  rajeuni  la  langue. 

La  préface  et  la  fia  sont  exceptionnelles. 

IX  (I).  —  Pour  les  imprimés  français,  mentionnés  plus  haut  (p.  11}T 
nous  employons  le  sigle  I. 

Filiation  des  manuscrits.  —  Le  manuscrit  R  est  d'une  importance 
qu'on  ne  saurait  exagérer  :  il  forme  l'anneau  principal  qui  joint  la  tra- 
duction anglaise  de  Caxton  au  manuscrit  A,  base  de  notre  texte. 

R  et  Caxton.  —  Nous  en  avons  une  preuve  irréfutable  :  V Image  du 
Monde  est  précédée  dans  R  d'un  long  prologue,  absolument  original,  où 
le  scribe  nous  informe,  entre  autres,  qu'il  a  copié  ce  texte  en  i464  par  le 
commandement  de  Jehan  le  Clerc,  libralrier  et  bourgeois  de  Bruges1. 

Le  prologue  entier,  y  compris  cette  information  intéressante2  se  re- 
trouve dans  Caxton.  Il  est  évident  que  cette  preuve  seule  suffirait  pour 
établir  l'étroite  parenté  entre  R  et  la  traduction  anglaise  :  mais  il  y  en  a 
bien  d'autres.  D'abord  le  titre  des  deux  ouvrages  est  le  même,  le  Miroir 
du  Monde  dans  le  manuscrit  de  Londres,  the  Mirrour  ofthe  World  dans 
Caxton  ;  or,  comme  nous  l'avons  vu3,  ce  titre  est  tout  à  fait  exceptionnel. 

Ensuite  un  autre  trait  extraordinaire  est  commun  à  R  et  à  l'édition 
anglaise  :  Nous  lisons  dans  la  version  française4  :  «Et  fu  translaté  de  latin 
on  franchois  par  le  commandement  et  ordonnance  du  noble  duc  Jehan  de 
Berry  et  d'Auvergne  l'an  .m.  deux  cens  quarante  cincq.»  Caxton 
reproduit  mot  pour  mot5  cette  étrange  erreur  qui  fait  vivre  Jean  de  Berry  s 
au  XIIIe  au  lieu  du  XIVe  siècle. 

Comment  expliquer  cette  bévue? 

1  Manuscrit  R,  f o  4  b  :  Ci  tu  grosse  et  de  tous  poins  ordonné,  comme  dist  est,  en  la 
ville  de  Bruges,  l'an  de  l'Incarnation  nostre  seigneur  Jhesu  Crist  mil/matre  cens  soixante  et 
quatre  par  le  commandement  de  Jehan  le  clerc,  librarier  et  bourgeois  d'icelle  ville  de  Bruges. 

2  Caxton,  The  Mirrour  of  the  world,  f °  5  a  :  which  was  engrossed  and  in  aile 
poyntes  ordeyned  by  chapitres  and  figures  in  ffrenshe  in  the  toun  of  Bmggis  the  gère  of 
fhyncarnacion  of  onr  Lord  .M.CCCC.LXHII  in  the  moneth  of  Jui/n... 

s  Cf.  p.  16. 

4  Manuscrit  R,  /*0s  4  et  4  vo.  Cette  même  information  se  retrouve  à  latin,  f°  151  : 
...  fut  cestui  volume  compilé  l'an  de  l'incarnation  Nostre  Seigneur  Jhesu  Crist  .M. U.C. 
quarante  et  cincq  a  la  requeste  de  mon  seigneur  Jehan,  duc  de  Berry. 

5  Mirrour,  f°  7  vo.  :  Which  said  book  waz  translated  ont  of  latyn  in  to  fïrenssbe 
by  the  ordynaunce  of  the  noble  duc  Johan  of  Berry  and  Auuergne  the  y  ère  of  Our  Lord 
.M.CG.xlv. 

fi  Jean  de  Berry,  fils  du  roi  Jean  le  Bon,  vécut  de  1340  à  1416.  Il  prit  une  part  active 
à  la  bataille   de  Poitiers,   et  fit  un    séjour    en    Angleterre   comme   otage   pour    son    père. 


—     19     — 

A,  R  et  Caxton.  —  La  clef  du  mystère  se  trouve  dans  le  manuscrit  A, 
où  nous  lisons  deux  fois,  à  la  première  et  à  la  dernière  page  :  «  Ce  livre 
est  au  duc  de  Berry.  Jehan  B.  »  Le  scribe  de  /?,  ayant  sous  les  yeux  le 
manuscrit  A  qu'il  allait  copier,  et  lisant  cette  mention,  s'est  empressé  de 
l'introduire  dans  son  prologue  ;  Caxton  a  traduit  en  anglais,  sans  hésiter, 
le  prologue  et  la  mention  de  son  original. 

Et  ainsi,  grâce  à  une  erreur  de  copiste,  le  duc  de  Berry,  de  propriétaire 
d'un  manuscrit  du  XIVe  siècle,  est  deyenu  l'inspirateur  d'une  œuvre  com- 
posée en  1246. 

Une  telle  preuve,  à  elle  seule,  ne  suffirait  pas  pour  établir  l'étroite 
parenté  entre  A  et  les  deux  autres  ouvrages.  Mais  tout  vient  confirmer 
notre  opinion  :  Les  passages,  même  les  moitiés  de  phrases  qui  manquent 
dans  A  manquent  aussi  dans  R  et  dans  Caxton  ;  les  fausses  leçons  sont 
communes  à  tous  trois  ;  enfin,  sauf  pour  quelques  additions  de  mots  sans 
importance,  ils  sont  exactement  les  mêmes  sous  tous  les  autres  rapports. 

La  table  suivante  permettra  de  se  rendre  compte  des  différences  entre  le 
texte  de  notre  édition  et  celui  de  A,  R  et  Caxton  : 


A 

R 

Caxton 

Texte  corrigé 

d'après  tous  les  manuscrits 

en  prose  et  plusieurs 

en  vers. 

Le  nom  du  duc  de 
Berry  est  mentionné 
deux   fois,  à  la  pre- 
mière et  à  la  dernière 
page    du    manuscrit. 

Le  nom  du  duc  de 
Berry    est    introduit 
dans   le  prologue   et 
dans  l'épilogue  parti- 
culiers à  ce  seul  ma- 
nuscrit.   Le    copiste 
fait  de  plus  une  gros- 
sière erreur  de   date 
à  ce  propos. 

Caxton  traduit  en 
entier  le  prologue  et 
l'épilogue  de  R,  sans 
omettre  ni  le  nom  du 
duc  de  Berry,  ni  l'er- 
reur de  date. 

Le    nom    du    duc 
de  Berry,  mentionné 
dans  A,  R  et  Caxton, 
ne  paraît  dans  aucun 
autre  des  manuscrits. 

Qui    est    près    du 
saint  ciel  la  sus,  dont 
nous  sommes    si   en 
sus  mis. 

Id. 

Caxton ,    ne    pou- 
vant traduire  le  pas- 
sage   commun    à    A 
et  /?,    l'omet  entière- 
ment. 

De  celé  clarté  est 
la    lumière    qui    est 
près  du  saint  ciel  la 
sus,  dont  nous  som- 
mes si  en  sus  mis  1. 

Si  trouvèrent  tout 
vraiement  que  il  de- 
voit  par  ii  fois  fenir  : 
A   l'une    foiz  par   le 
déluge  d'yaue. 

Id. 

Caxton    traduit   R 
tel  quel. 

Si  trouvèrent 

fenir  :   A   l'une 

foiz  par  feu  ardant, 
a  l'autre  foiz  par  le 
déluge  d'yaue2. 

Edouard  III  lui  permit  de  retourner  en  France  pour  y  trouver  les  moyens  de  payer  sa 
rançon.  Mais,  nous  dit  Froissart,  ce  prince  fort  prudent  trouva  tellement  d'excuses  qu'il 
ne  revint  jamais  en  Angleterre.  Il  paraît,  en  tous  cas,  avoir  eu  le  grand  mérite  de  s'être 
montré,  en  quelque  sorte,  un  Mécène  des  arts  et  des  lettres. 

i  V.  f»  39  b. 

2  V.  f°  Ho  b. 


—     20     — 

Ces  trois  exemples,  sans  plus,  peuvent  donner  une  idée  des  cas  où  A,  R 
et  Gaxton  ont  des  traits  communs.  Une  étude  des  deux  derniers  textes  est 
encore  plus  intéressante  à  cet  égard,  car  Gaxton  nous  avertit  dans  sa  pré- 
face qu'il  va  traduire  le  texte  français  littéralement1,  et  il  s'en  tient  à  sa 
promesse. 

On  peut  donc  admettre  nos  preuves  comme  évidentes  et  dire  sans  hési- 
tation 1°  que  Gaxton  a  employé  pour  sa  traduction  le  manuscrit  R,  2°  que 
R  a  été  copié  sur  le  manuscrit  A. 

/?,  C,  N.  —  Il  est  impossible  d'établir  le  rapport  des  manuscrits  R,  C,  N 
soit  entre  eux,  soit  avec  A  et  R  :  les  variations  du  texte  sont  de  trop  peu 
d'importance. 

Nous  trouvons  dans  toutes  ces  copies  quelques  lacunes,  des  variantes 
orthographiques  et  d'autres  erreurs;  mais  de  traits  saillants  il  n'y  en  a 
point.  Nous  ne  lisons  pas  dans  V/mage,  comme  dans  tant  d'autres 
ouvrages,  de  ces  passages,  dus  au  simple  caprice  d'un  copiste,  qui  for- 
ment école  et  sont  absolument  distincts  du  texte.  Celui-ci  est  le  même 
partout. 

Bref,  tout  essai  de  classification,  dans  le  cas  des  manuscrits  A,  R,  C,  A, 
ne  produit  qu'un  résultat  négatif. 

A,  R  et  N  sont  à  peu  près  contemporains,  à  en  juger  par  la  langue  et 
l'écriture.  C  est  d'une  date  plus  récente.  Mais  on  ne  saurait  dire  que  l'un 
de  ces  manuscrits  ait  été  copié  sur  l'autre  :  Ils  contiennent  tous  des  erreurs 
qui  sont  corrigées  tantôt  par  A,  tantôt  par  R,  C  ou  A". 

Les  fautes  de  copiste  rendent  évident  que  nous  ne  sommes  pas  en  posses- 
sion du  manuscrit  original. 

Notre  essai  de  classification  est,  en  somme,  peu  satisfaisant  s'il  s'agit 
de  produire  à  tout  prix  un  arbre  généalogique.  Celui  que  nous  présentons 
réclame  donc  peu  d'explications  au-delà  de  celles  que  nous  venons  de 
donner. 

.4,  R,  C  et  A7  doivent  être  tenus  séparés  puisqu'ils  ne  sont  pas  copiés 
l'un  sur  l'autre. 

L'étude  de  la  langue  montre  plus  de  vieilles  formes  dans  R  qui,  à  ce 
point  de  vue,  a  droit  à  la  première  place,  et  des  formes  rajeunies  dans  C 
qu'il  faut  donc  placer  après  les  autres.  Quant  à  A  et  A,  ils  paraissent  être 
de  la  même  époque. 

Nous  avons  démontré  plus  haut  que  R  a  été  copié  sur  .4,  et  a,  de  plus, 
servi  à  Gaxton  pour  sa  traduction  anglaise. 

1  Mivrouv,  f °  5  :  ...  humbly  requyryng- aile  them  that  shal  fynde  faulte,  to  correcte 
and  amende  where  as  they  shal  ony  fynde,  and  of  sache  so  fbunden  that  they  repute  not  the 
blâme  on  me  but  on  my  copie,  whiche  I  am  chargea  tofolowe  as  nyghe  as  God  uni  gyue 
me  grâce. 


-     21     — 
Voici  donc  le  résultat  de  cette  étude  sous  forme  d'arbre  généalogique  : 


0 

\ 

1 
B 

i 
A 

1 
R 

Caxton 

Filiation  des  abrégés.  —  Les  manuscrits  S,  G,  T,  les  imprimés  fran- 
çais (I)  et  la  traduction  hébraïque  forment  un  groupe  à  part  :  la  version 
abrégée  de  Ylmage  du  Monde. 

Ces  ouvrages  étant  d'une  importance  moindre  pour  la  reconstitution  du 
texte  correct,  nous  n'en  faisons  qu'une  étude  sommaire. 

Des  trois  manuscrits,  S  est  le  plus  ancien  et  le  plus  correct.  Il  a  dû 
avoir  comme  original  une  des  premières  copies  complètes  de  la  rédaction  en 
prose. 

T,  G  et  I  diffèrent  plus  ou  moins  les  uns  des  autres  ;  mais  ils  ont  en 
commun  plusieurs  traits  qui  les  distinguent  de  S  :  certains  passages  sont 
plus  complets  dans  T,  G  et  I  que  dans  ce  dernier,  ainsi  le  chapitre  sur  les 
sept  arts.  Ce  chapitre  seul  qui  occupe  plusieurs  pages  dans  T,  G,  7,  est 
réduit  à  environ  une  page  dans  S.  Les  autres  passages  consistent  en  phrases 
séparées  dont  la  liste  complète  occuperait  beaucoup  d'espace. 

Le  prologue  de  S  est  entièrement  original  ;  les  deux  autres  manuscrits 
et  les  imprimés  donnent  au  contraire  un  abrégé  du  prologue  de  A,  B,  G  et  N. 

L'article  déjà  cité  de  Neubauer1  sur  la  traduction  hébraïque  nous  per- 
met de  la  placer  dans  la  classe  des  manuscrits  abrégés.  Nous  ne  pouvons 
toutefois  lui  assigner  une  place  dans  l'arbre  généalogique,  car  il  nous  est 
impossible  de  vérifier  si  cette  traduction  se  rapproche  davantage  du  manus- 
crit S  ou  du  groupe  T,  G,  I. 

La  généalogie  des  abrégés  se  présente  comme  suit  : 

O 


i 

X 

1 
S 

r 
r 

G 

Y 

1 
/ 

Le  manuscrit  A  comme  base  du  texte.  —  II  y  a  lieu  d'expliquer  main- 
tenant le  choix  du  manuscrit  A  de  préférence  aux  autres  comme  base  du 
texte.  Dans  ce  but  nous  procédons  par  élimination. 


1  Cf.  p.  Il,  n.  3. 


B.  —  B,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  offre  en  général  des 
formes  linguistiques  un  peu  plus  anciennes  que  les  autres  manuscrits,  et 
première  vue  nous  aurions  dû  le  choisir. 

Malheureusement  cette  copie  a  été  mutilée  et  il  y  manque  des  pages 
entières  correspondant  à  environ  huit  pages  du  manuscrit  A  1.  Pour  la 
même  raison,  plusieurs  des  figures  les  plus  importantes  ont  disparu2. 

Des  lacunes  pareilles  n'auraient  pas  permis  de  présenter  un  texte  vrai- 
ment suivi  et  uniforme. 

B  n'est  d'ailleurs  nullement  supérieur  à  A  sous  d'autres  rapports  :  les 
erreurs  de  copiste  sont  nombreuses  ;  elles  ont  été  notées  à  mesure. 

Mais  certainement  la  raison  principale  pour  écarter  B  a  été  le  grand 
nombre  de  pages  qui  manquent. 

D'autre  part,  toutes  les  variantes,  orthographiques  et  autres,  de  ce 
manuscrit  sont  données  dans  les  notes,  et  rendent  la  reconstitution  par- 
faite de  cette  copie  à  la  fois  possible  et  facile. 

C.  —  Le  manuscrit  C  est  complet  ;  mais  il  est  beaucoup  plus  récent 
que  A  et  la  langue  en  est  rajeunie.  Il  n'y  aurait  eu  aucune  raison  pour  le 
préférer,  car  le  texte  n'est  pas  supérieur  à  celui  des  autres  manuscrits. 

B.  —  B  étant  simplement  une  copie  de  A  datant  du  XVe  siècle,  nous 
l'avons  donc  écarté  d'emblée. 

Ar.  —  Disons-le  de  prime  abord  :  les  droits  du  manuscrit  N  à  servir  de 
base  à  notre  texte  étaient  égaux  à  ceux  de  A  :  égaux,  mais  non  supérieurs. 

Le  texte  est  complet  ;  il  ne  manque  pas  une  seule  page.  Mais,  de  même 
que  dans  A,  il  y  a  des  fautes  de  copiste,  des  mots  omis,  des  lacunes3. 

La  langue  n'a  rien  de  particulier  :  ce  sont  les  formes  ordinaires  du 
français  littéraire  à  la  fin  du  XIIIe  et  au  commencement  du  XIVe  siècles. 
Il  en  est  de  même  dans  A  ;  toutefois,  dans  ce  dernier  manuscrit,  il  y  a  de 
nombreuses  formes  anglo-normandes  dues  au  copiste  4. 

Bref  le  texte  des  deux  copies,  A  et  .Y  est  de  valeur  égale.  Nous  avons 
donc  dû  baser  notre  choix  sur  des  raisons  d'un  autre  ordre. 

5   Les  lacunes  de  B  correspondent  aux  fos  suivants  dans 
A  :  29  a  à  30  a. 

40  c  à  41  c. 

42  d  à  43  c. 

45  d  à  47  c. 

80  c  à  81  c. 

93  d  à  94  d. 

98  c  à  99  c. 
Nous  avous   toujours  noté  dans  le  texte  les  mots  mêmes  où  commence   et  où  se  ter- 
mine la  lacune, 
s  Cf.  p.  23. 

3  V.,  par  exemple,  f°«  30  b,  48  d,  49  a,  etc.,  où  les  lacunes  du  manuscrit  N  sont 
notées. 

4  V.,  sur  le  dialecte  du  scribe  de  A,  p.  25  s. 


—    28    — 

En  premier  lieu,  N,  tout  complet  qu'il  est  sous  le  rapport  du  texte,  n'a 
pas  le  fini  du  manuscrit  A  :  les  initiales,  les  miniatures  et  les  figures  n'ont 
pas  été  insérées,  les  espaces  où  elles  devraient  se  trouver  étant  laissés  en 
blanc. 

Sous  ce  rapport,  au  contraire,  A  est  un  des  plus  beaux  et  des  plus  par- 
faits ouvrages  de  la  Bibliothèque  Nationale. 

Gomme  Gossouin  nous  renvoie  souvent  aux  dessins  qui  accompagnent 
son  texte,  les  figures  sont  absolument  nécessaires,  surtout  pour  la  partie 
astronomique.  Si  nous  avions  choisi  N,  nous  aurions  dû  y  introduire  les 
fig-ures  d'un  autre  manuscrit,  sacrifiant  ainsi  à  un  choix  purement  arbi- 
traire l'homogénéité  du  texte. 

Il  est  à  propos  de  faire  remarquer  ici  que  les  manuscrits  diffèrent  plus 
ou  moins  quant  aux  dessins,  et  sont  susceptibles  de  classification  à  ce  point 
de  vue.  C'est  même  un  travail  que  E.-D.  Grand  annonçait  en  1893  l'inten- 
tion de  faire  \ 

Ainsi  on  ne  pourrait  considérer  un  texte  comme  complet  si  les  figures 
qui  lui  sont  propres  étaient  omises,  ou  d'autres  substituées. 

Pourtant  nous  aurions  certainement  négligé  ce  point,  si  le  texte  de  N 
avait  été  supérieur  à  celui  de  A  ;  mais  la  valeur  égale  des  deux  manuscrits 
sous  ce  rapport  a  décidé  notre  choix. 

En  second  lieu,  l'intérêt  littéraire  de  A  est  certainement  un  argument 
en  sa  faveur.  Gomme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  A  est  le  manuscrit  père 
de  B,  et  ce  dernier,  à  son  tour,  a  été  traduit  par  Caxton2.  Il  ne  peut  être 
qu'avantageux  et  intéressant  de  pouvoir  comparer  A  et  la  traduction  an- 
glaise dans  des  éditions  parallèles 3. 

Nous  donnons  page  24  un  extrait  de  A,  B,  C,  N  et  B  qui  permet- 
tra de  comparer  ces  cinq  manuscrits  et  de  réaliser  jusqu'à  quel  point  nos 
remarques  précédentes  sont  justifiées. 

Méthode  de  l'éditeur.  —  Le  texte,  tel  que  nous  le  présentons,  est 
celui  du  manuscrit  A.  Toutefois  la  comparaison  des  différentes  copies  de 
Ylmage  du  Monde  a  permis  de  corriger  beaucoup  de  noms  propres  et  cer- 
tains chiffres. 

Dans  les  cas  où  le  sens  d'une  phrase  était  altéré  soit  par  erreur,  soit 
par  ignorance  de  copiste,  la  leçon  la  plus  correcte  et  la  plus  claire  a  tou- 
jours été  préférée. 

Tous  les  manuscrits  en  prose  et  plusieurs  en  vers  ont  été  consultés  et 
sont  souvent  cités  ;  mais  toutes  les  variantes  de  B,  sans  exception,  sont 
reproduites,  et  toutes  celles  de  TV  et  C  lorsqu'il  y  a  une  lacune  dans  B. 

1  E.-D.  Grand,  dans  la  Revue  des  langues  romanes  t.  37  (1893)  pp.  1-58. 

2  Cf.  p.  18  s. 

3  Cf.  p.  11,  n.  1. 


24 


A  fo  23  B.  s. 


Et  li  clers 
doivent  ensain- 
-gnier  ces  -ii* 
manières  de 
genz  et  les  doi- 
-vent  adrecier 
de  leurs  euvres, 
si  que  nus  ne 
face  chose  dont 
il  perde  Dieu 
ne  Sa  grâce. 
Ainsi  posèrent 
trois  manières 
de  genz  ça  en 
arriéres  li  sage 
philosophe  au 
monde,  comme 
cil  qui  bien 
sorent  que  nul 
ne  pourroil 
mètre  son 
courage  a  ce 
qu'il  peiist 
estre  bien  sages 
a  droit  en  "ir 
aferes  ne  en 
trois.    Car   il    n' 
avint  onques 
jour  du  monde 
que  clergie  et 
chevalerie  et 
laboureeurs  de 
terre  peûsent 
estre  bien  sénés 
a  nul  jour  de 
leur  vies  par 
*i*  seul  home 
ne  aprises,  ne 
retenues. 


Et  les  clers 
doivent  ense*- 
-gnier  ces  deux 
manières  de 
gens  et  les  doi- 
-vent  adrec/iier 
de  leurs  œuvres, 
si  que  nu/  ne 
face  chose  dont 
il  perde  Dieu 
ne  Sa  grâce. 
Ainsi  posèrent 
jadiz  les  sages 
philosophes 
trois  manières 
de  gens  au 
monde,  comme 
reulx  qui  bien 
scearent  que  nul 
ne  porroit 
me//re  son 
coraige  ad  ce 
qu'il  peûst 
estre  bien  sage 
a  droit  en  deux 
manières  ne  en 
trois.  Car  il   n' 
advint  oncques 
jour  du  monde 
que  clergie.... 
chevalerie  et 
laboureurs  de 
terre  peiissent 
estre  bien  sener 
a  nul  jour  de 
leurs  vies  par 
ung  seul  homme, 
ne  aprises,  ne 
retenues. 


Et  li  clerc  si 
doivent  ensai- 
-gnier  ces  *ii- 
manières  de 
genz  et  les  doi- 
-vent  adrecier 
de  leur  fièvres, 
si  que  nus  ne 
face  chose  dont 
il  perdent  Dieu 
ne  Sa  grâce. 
Ainsi  posèrent 
trois  manières 
de  genz  ça  en 
arriéres  li  sages 
philosophes  au 
monde,  comme 
cil  qui  bien 
sorent  que  nus 
n'/  po/'roit 
meitre  son 
courage  a  ce 
qu'il  peust 

estre  bien 

a  droit  en  "ii* 
afoures  ne  en 
trois.   Car  il  n' 
avint  onques 
jour  du  monde 
que  clergie  et 
chevalerie  et 
laboureeurs  de 
terres  peiissent 
estre  bien  seiies 
a  nul  jour  de 
leur  vies  par 
•i'  seul  homme, 
ne  aprises,  ne 
retenues. 


Et  les  clers  si 
doivent  ensain- 
-gnier  ces  "ii* 
manières  de 
genz  et  les  doi- 
-vent  adrecier 
de  leur  o«evres, 
si  que  nus  ne 
face  chose  dont 
il  perde  Dieu 
ne  Sa  grâce. 
Ainsi  posèrent 
trois  manières 
de  genz  ça  en 
arriéres  les  sages 
philosophes  au 
monde,  comme 
cil  qui  bien 
sorent  que  nul 
ne  pourroit 
mètre  son 
courage  a  ce 
qu'il  peûst 
estre  bien.... 
a  droit  en  *ii* 
aferes  ne  en 
trois.    Car  il  n' 
avint  onques 
jour  du  monde 
que  clergie  et 
chevalerie  et 
labour  eu  s  de 
terre  peusent 
estre  bien  sénés 
a  nul  jour  de 
leur  vies  par 
•i*  seul  home, 
ne  aprises,  ne 
retenues. 


Et  lez  clers 
doivent  ensein- 
-gnier  ces  -ii- 
manières  de 
genz  et  les  doi- 
vent adrecier 
a  leurs  euvres, 
si  que  nus  ne 
face  chose  dont 
ils  perden/  Dieu 
ne  Sa  grâce. 
Ainsi  pouserent 
trois  manières 
de  genz  ça  en 
arrière  li  sages 
philosopher  au 
monde,  comme 
cils  qui  bien 
sceurent  que  nuls 
ne  pourroit 
mètre.... 

coura/ge 

ne 

estre  bien  sages 
a  droit  en  -ii* 
affaires  ne  en 
trois.    Car   il   n' 
avint  onques 
jour  du  monde 
que  clergie  et 
chevalerie  et 
laboureeurs  de 
terre  peiissent 
estre  bien  sénés 
a  nul  jour  de 
leur  vie,  par 
un  seul  home 
bien  scelles,  ne 
bien  aprinses,  ne 
retenues. 


En  regard  du  texte  en  prose  sont  indiqués  les  vers  auxquels  chaque 
chapitre  correspond.  Dans  ce  but  nous  nous  sommes  servi  d'une  excellente 
copie  de  la  première  rédaction1. 

L'orthographe  du  copiste  de  A,  même  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  excep- 
tionnel, est  maintenue  partout,  mais  à  deux  conditions  :  1°  que  le  mot 


1  British  Muséum,  Arundel  52.  Il  manque  79  vers  à  ce  manuscrit  ;  mais,  à  part  deux 
passages  assez  longs  qui  sont  notés,  le  copiste  a  seulement  omis  quelques  lignes  de  peu 
d'importance  pour  le  sens  des  phrases. 


—     25     — 

où  l'orthographe  exceptionnelle  se  présente  ne  soit  pas  isolé  dans  le  ma- 
nuscrit,  mais  soit  répété  sous  cette  forme  dans  quelque  autre  partie1. 

Nous  faisons  une  exception  à  cette  règle  dans  le  cas  de  mots  isolés  tels 
que  vount2,  avouns3,  qui  reproduisent  une  forme  dialectale  prononcée,  et 
dont  l'orthographe  est  si  typique  de  l'anglo-normand  qu'on  ne  saurait  y 
voir  une  faute  de  copiste  ; 

2°  Que  cette  orthographe  soit  confirmée  par  des  exemples  analogies 
tirés  d'autres  ouvrages  ou  cités  par  des  savants  qui  fassent  autorité. 

Les  formes  grammaticales  et  la  syntaxe  du  manuscrit  A  restent  intactes. 
Les  nombreuses  irrégularités  de  déclinaison  et  d'accord  sont  une  preuve 
additionnelle  que  A  est  l'ouvrage  d'un  copiste  anglo-normand  :  c'est  un 
lieu  commun  que,  dès  le  XIIe  siècle,  ce  dialecte  précède  tous  les  autres  en 
négligeant  la  distinction  des  cas,  et  qu'au  XIIIe  siècle  le  système  de  décli- 
naison est  en  pleine  décadence. 

Nous  corrigeons  donc  1°  les  formes  orthographiques  isolées  et  que  nous 
ne  pouvons  confirmer,  2°  les  omissions,  3°  les  répétitions  et  autres  erreurs 
évidentes,  4°  les  phrases,  les  noms  et  les  nombres  quand  la  bonne  leçon  se 
trouve  dans  les  autres  manuscrits. 

La  langue.  —  Nous  avons  fait  allusion  plus  haut  à  la  morphologie  et 
à  la  syntaxe  de  A  ;  l'étude  des  formes  orthographiques  vient  confirmer 
notre  opinion  :  le  scribe  de  A  se  sert  de  V orthographe  anglo-normande . 
Il  emploie  à  tous  moments  des  formes  distinctives  qui  ne  se  retrouvent  pas 
dans  les  autres  copies  de  Ylmage,  soit  en  prose  soit  en  vers. 

Mais  à  part  ces  traits  particuliers,  il  y  en  a  d'autres  qui  sont  communs 
à  tous  les  manuscrits  :  Dans  sa  dissertation  sur  les  rimes  dans  V Image  du 
Monde  4,  Haase  a  prouvé  que  le  dialecte  lorrain  de  Gossouin  a  laissé 
des  traces  nombreuses  dans  le  poème. 

La  rédaction  en  prose,  par  sa  nature  elle-même,  ne  nous  permet  pas 
toujours  de  contrôler  ses  conclusions  :  le  temps  et  les  copistes  ont  oblitéré 
beaucoup  de  formes  distinctives  préservées  par  les  nécessités  de  la  rime  dans 
la  rédaction  en  vers.  Pourtant  le  lorrain  a  laissé  des  traces  partout,  même  dans 
A  et  dans  les  manuscrits  dont  les  copistes  emploient  un  dialecte  différent. 

Dans  la  table  suivante,  nous  donnons  : 

1°  les  formes  dialectales  du  nord-est  ou  lorraines  qui  se  trouvent  à 
la  fois  dans  A  et  dans  d'autres  manuscrits. 

1  Cf.  sont  (=  suum)  f°  36  d  ;  cette  forme  se  retrouve  f°s  74  a  et  82  b,  elle  est,  de 
plus,  confirmée  par  des  exemples  et  des  parallèles  dans  d'autres  auteurs  ;  par  conséquent 
nous  l'admettons. 

2  V..f°  5  b. 
«  V.  fo  22  a. 

4  Haase,  Untersuchung  ùber  die  Reime  in  der  Image  du  Monde  (Halle,  1879.) 


—     26     — 

2°  Les  formes  particulières  à  A  qui  sont  dues  au  copiste  anglo-nor- 
mand. 

Il  est  fait  une  mention  spéciale  des  cas  où  A  et  B  offrent  des  formes 
lorraines  ou  autres  qui  coïncident.  Les  autres  exemples  sont  relevés  par 
Haase,  Grand  ou  Fant1  d'après  la  rédaction  en  vers,  et  se  retrouvent 
•dans  A  mais  pas  dans  B,  du  moins  aux  passages  cités. 

Dans  les  notes  du  texte  même  nous  donnons  les  cas  parallèles  d'autres 
ouvrages,  ou  les  autorités  qui  les  confirment. 

Formes  communes  à  A  et  à  d'autres  manuscrits. 
Formes  plus  spécialement  lorraines. 

pais  (=  pas)  f°  10  b. 

ainz  {=  L.  annos)  f°  108  a. 

ausin  f°  10  b,  10  d. 

praingne  (de  prendre)  f°  8  b.  A  et  B. 

vegnon  (=  renom)  f°  24  a. 

^o>eil  (de  voloir)  f°  26  d  2. 

Veille  (de  voloir)  f°  7  d. 

sou  ffer  rient  f°  10  c. 

Formes  des  dialectes  orientaux. 

pow/st  (de  pooir)  f°  32  b.  A  et  B. 

*ar  (=  air)  f°  137  d. 

sainz  (=  L.  sine)  f°  20  d,  passim. 

Participe  passé  fém.  -ie  pour  -iée  :  fréquent  dans  A  et  B,  par  exemple  : 

pris/e  f°  122  a,  maubail//e  f°  26  b,  essillie  f°  26  b,  etc. 
per  (=  L.  per)  f°  11b,  passim. 

ma//re  f°  26  d,  passim. 

sicle  f°  4  a. 

apercevoir  f°  36  b,  passim.  A  et  B. 

élargie  f°  104  b. 

darreniers  f°  21  d.  A  et  B. 

paries  f°  65  c. 

pardre  f°  100  d,  passim. 

darrieres  f°  97  b,  .  A  et  B. 

estoles  f°  33  b. 
sache  f°  90  a  (=  L.  siccam.). 

1  Haase,  E.-D.  Grand  et  Fant,  o.  c.  passim. 

2  Les  formes  qui  se  retrouvent  en  anglo-normand  sont  marquées  d'un  astérisque. 


'soustis  f°  60  B. 

*mai/i  f°  88  b  (=  maint). 

*sai/2  f°  26  c  (=  saint). 

*son  î™  82  d,  113  c  (=  L.  sunt)  ;  etc. 

remuée  f°  89  b  (Prés,  ind.,  3e  pers.  sing-.).  A  et  B. 

Formes  anglo-normandes1  particulières  au  manuscrit  A. 

autW  f °  7  d  (=  autrui). 

sue  (f°  115  a  (=  L.  suam). 

twrterelle  f°  74  a. 

corrompt  f°  105  c. 

habwnde  f°  24  a,  passim. 

sunt  f°  1  d,  passim. 

sowmes  f°  39  d,  passim  (=  L.  sumus). 

soHme  f°  113  c  (=  L.  summam). 

poume  f°  41  d,  passim. 

Rowme  f°  18  d,  passim. 

Bvownt  f°  5. 

avowns  f°  22  a. 

fownt  f°  11b. 

vraing-ne  f°  72  d  (=  L.  araneam). 

primere  f°  50  a. 

coucher  f°  46  a,  passim. 

ensaing-ner  f°  23  d. 

légère  f°  79  a. 

mengrer  f°  14  a. 

priser  f°  113a. 

cuiefer  f°  119  d  ;  etc. 

arreres  f°  124  d. 

eschinHj'z  f°  65  a. 

^uitfos  131b,  133  d. 

Les  sources.  —  Est-ce  par  hasard  seulement  que  Gossouin  a  nommé 
son  encyclopédie  Ylrnage  du  Monde,  ou  n'avons-nous  là  vraiment  qu'une 
traduction  du  latin,  d'un  Imago  Mundi  encore  inconnu  ? 

L'auteur  dit  en  termes  précis  :  «  Ce  livre  de  clergie,  que  l'en  apele 
l'ymag-e  dou  monde  est  translatez  de  latin  en  rommanz.  » 

Vincent  de  Beauvais  mentionne,  dans  son  Spéculum  Majus,   qu'il  a 

1  Le  dialecte  anglo-normand  a  fait  le  sujet  d'une  étude  spéciale  par  Stimming-  (Der 
Anglonormannische  Bœve  de  Haumtone,  vol.  VII  de  la  Bibliotheca  Normannica.  Halle, 
1899).  La  liste  des  formes  que  nous  donnons  ici  est  basée  sur  cet  ouvrage. 


—     28     — 

produit  un  autre  ouvrage  plus  court,  le  Spéculum  vel  Imago  Mundû 
Paulin  Paris 1  relève  ce  passage  et  suggère  que  cet  abrégé  était  l'original  de 
l' Image  du  Monde, 

Le  titre  est  certainement  un  indice.   Mais  on   peut  en  dire  autant  de 

Y  Imago  Mundi  à 'Honorius  Augustodunensis . 

Une  étude  du  texte  français  tend  plutôt  à  confirmer  l'opinion  de 
Fritsche  2  :  Gossouin  a  eu  recours  à  des  sources  variées,  et  entre  autres  à 
l'ouvrage  d'Honorius  ;  chose  d'autant  plus  probable  que  ce  théologien 
avait  autrefois  dirigé  l'école  de  la  cathédrale  à  Metz,  de  1120  à  11463.  Notre 
auteur  aurait  donc  emprunté  son  titre  à  l'ouvrage  qui  lui  aurait  le  plus- 
serv  . 

Cette  théorie  semble  du  moins  d'accord  avec  les  faits.  Une  grande  partie 
de  V Image  du  Monde  est  l'ouvrage  de  Gossouin  lui-même.  Il  a  fort  habi- 
lement introduit  dans  la  première  partie  ses  opinions  religieuses  :  c'étaient 
d'ailleurs  celles  de  son  temps.  Ses  connaissances  des  auteurs  classiques 
sont  solides.  Il  a  lu  certains  ouvrages  d'Aristote  et  de  Platon,  grâce,  sans 
aucun  doute,  à  des  traductions  latines. 

Dans  les  deux  dernières  parties,  il  a  fait  de  nombreux  emprunts  soit  à 
des  écrivains  romains,  soit  à  des  écrivains  du  moyen  âge.  Souvent  les  tra- 
ductions sont  si  littérales  qu'on  ne  peut  avoir  aucun  doute  sur  leur  ori- 
gine. 

L'étude  de  V.  Le  Clerc  et  la  dissertation  de  Fritsche  sur  les  sources  de 
V Image  du  Monde  servent  naturellement  de  base  à  tout  travail  sur  ce 
sujet,  qui  est  toujours  susceptible  d'être  étendu.  Ainsi  les  deux  ouvrages 
d'Alexandre  Neckam,  De  Naturis  Rerum  et  De  Laudibus  Dlvinœ  Sa- 
pientiœ,  ont  été  employés  par  Gossouin  bien  plus  fréquemment  que  Fritsche 
ne  semble  s'en  douter. 

Dans  les  pages  suivantes  et  aussi  dans  les  notes  du  texte  les  différentes 
sources  de  l'encyclopédie  sont  indiquées.  Nous  les  divisons  toutefois  en 
deux  classes  bien  distinctes  :  en  premier  lieu  les  auteurs,  tels  que  Jacques 
de  Vitry,  Honorius,  Neckam,  dont  Gossouin  a  rendu  des  passages  entiers 
mot  à  mot  ;   ensuite  les  auteurs  dont  les  idées  seules  se  retrouvent  dans 

Y  Image  ,  sans  qu'il  soit  question  de  traduction  littérale. 

A  cette  dernière  catégorie  appartiennent  les  auteurs  grecs  dont  nous 
faisons  mention.  Il  n'est  pas  probable  que  Gossouin  ait  su  cette  langue  et 
se  soit  servi  des  originaux.  Mais  il  avait  sans  doute  à  sa  disposition  les  ver- 
sions  latines  de  certains  ouvrages  d'Aristote  et   de  Platon  certainement 

1  Paulin  Paris,  Les  manuscrits  français  de  la  bibliothèque  du  roc' (Paris,  1842). 

2  Fritsche,  Untersiichung  iïber  die  Quellen  der  Image  du  Monde  (Halle  a/S.». 
1880). 

3  V.  Histoire  littéraire  de  la  France  t.  IX,  p.  42. 


—     29     — 

connus  au  moyen  âge.  Il  mentionne  lui-même  Boèce  et  ses  traductions  du 
grec  «  que  nous  avons  enquore  en  usage  1.  » 

Toutefois,  comme  nous  venons  de  le  dire,  les  passages  d'auteurs  grecs 
qui  se  trouvent  dans  Y  Image  ne  sont  pas  des  citations;  V  auteur  se 
contente  d'emprunter  des  idées  quil  exprime  à  sa  manière.  Dans  ces 
conditions  le  texte  original  a  autant  et  même  plus  de  valeur  qu'une  traduc- 
tion latine  soit  de  Boèce,  soit  de  tout  autre.  C'est  pourquoi  nous  donnons 
les  passages  parallèles  en  grec  lorsqu'il  s'agit  d'un  original  grec. 

Nous  citons  souvent  Solin  en  même  temps  que  Neckam  ou  Jacques  de 
Vitry  à  propos  d'un  même  passage.  Lui  aussi  ne  semble  pas  avoir  été 
employé  directement  par  Gossouin.  Mais  nous  y  voyons  la  source  première 
des  descriptions  d'animaux  et  autres  contenues  dans  les  deux  autres  au- 
teurs. 

Neckam  mentionne  même  Solin  à  plusieurs  reprises.  Le  rapproche- 
ment ne  peut  donc  manquer  d'être  intéressant.  De  plus,  il  permet  d'élu- 
cider plusieurs  points  dont  l'obscurité  est  due  non  pas  à  Gossouin,  mais  à 
sa  source  directe  latine,  c'est-à-dire,  soit  à  Neckam  soit  à  Jacques  de 
Vitry. 

Nous  avons  fréquemment  fait  des  rapprochements  entre  le  livre  de 
Sydrach  et  Y  Image  ;  et  de  fait  des  passages  entiers  se  retrouvent  presque 
mot  à  mot  dans  les  deux  ouvrages. 

L'étude  de  Langlois  jette  de  graves  doutes  sur  la  date  du  Sydrach*.  Il 

1  V.  f°  117  a  et  b.  Le  savant  ouvrage  de  Sandys  (History  of  classical  scholarship. 
Cambridge  1906-08,  8°),  contient  des  informations  très  détaillées  sur  les  connaissances 
du  grec  au  moyen  âge.  Il  mentionne  les  traductions  de  Boèce  (o.  c.  p.  253  s.)  et  cite  un 
poème  de  cet  auteur  qui  est  entièrement  inspiré  par  le  Timée  et  le  Gorgias  de  Platon 
{o.  c.  p.  256).  Boèce  cite  aussi  Homère. 

Les  auteurs  grecs  que  nous  donnons  parmi  les  sources  sont  les  suivants  : 
Aristote.  —  Physique  :   Boèce  en  donne  de  nombreuses    citations   dans    ses    ouvrages 
(Sandys,  o.  c.  p.  256).   Nous  en  avons  vu  nous-même    une   traduction  latine   dans   un 
manuscrit  du  XIIIe  siècle  au  British  Muséum. 

Métaphysique  :    Il  s'en  trouve  une  traduction  latine  au  British  Muséum  dans  un 
manuscrit  du  XIIIe  siècle. 

De  Gœlo  :  «  Aristotelis  de  Cœlo  et  Mundo  libri  3  »  (manuscrit  latin  du  XIIIe  siècle 
au  British  Muséum). 
PtATON.  —  Gorgias  :  Traductions  dans  Boèce  (Sandys,  o.  c.  p.  256). 

Timée  :  Traductions  dans  Boèce.  Aussi  nous  avons  vu  au  British  Muséum  un 
manuscrit  latin  du  Xe  siècle  :  Chalcidii  interpretatio  lalina  Timœi  Platonis. 
Pseudo-Callisthène.  —  On  possède  des  traductions  latines  nombreuses  de' cet  auteur 
dès  le  VIIe  siècle  (cf.  Budge.  Alexander  the  Great.  Cambridge  1889.  p.liv.).  C'est  dans 
l'ouvrage  du  Pseudo-Callisthène  que  se  trouve  la  Lettre  d'Alexandre  à  Aristote  dont  il 
y  a  plusieurs  manuscrits  latins  au  British  Muséum  datant  dès  le  XIIe  siècle. 
Ptolémée.    —   Almageste  :   Cet  ouvrage  a  été  traduit  de  Y  arabe  en  latin  par  ordre  de 

Frédéric  II  en  1230  (v.  Halma.  Almageste.  Paris,  1813,  p.  39). 
Suidas.  —  Vita  Dionysii,  traduction  latine  par  Bobert  de  Lincoln  (v.  Fabricius.  Biblio- 
theca  Grœca  t.  VI  p.  402). 

2  V.  Langlois,  o.  c.  p.  195  s. 


—     30     — 

semble  même  probable  qu'au  lieu  de  citer  Sydrach  comme  une  des- 
sources de  Y  Image  nous  devions  admettre  le  contraire  :  bref,  le  Sydrach 
n'a  pas  été  employé  par  Gossouin  ;  au  contraire  l'auteur  du  Sydrach  a 
fait  de  nombreux  emprunts  à  V Image. 

Cet  ouvrage1  de  science  populaire,  un  des  plus  répandus  au  moyen  âge, 
prétend  à  une  origine  plus  ou  moins  fabuleuse.  D'après  une  de  ses  légendes, 
le  philosophe  Todres  envoya,  de  la  cour  de  l'empereur  Frédéric  II,  le  texte 
latin  au  patriarche  Albert  d'Antioche.  Ce  Todros  (Théodore)  philosophus 
était,  de  fait,  l'astrologue  de  l'empereur  Frédéric  ;  il  a  traduit  beaucoup 
d'ouvrages  arabes  pour  son  maître. 

Albert  est  aussi  un  personnage  historique  :  il  était  patriarche  latin  d'An- 
tioche (1228-1240). 

Le  prologue  est  censé  avoir  été  écrit  à  Tolède  en  1243. 

Langlois  fait  remarquer  que  nous  ne  possédons  pas  un  seul  manuscrit 
du  Sydrach  qui  soit  antérieur  à  la  seconde  moitié  du  XIIIe  siècle.  Aussi 
la  soi-disant  prédiction  du  siège  et  de  la  destruction  d'Antioche 2  nous  induit 
à  croire,  avec  Langlois,  que  le  Sydrach  a  été  écrit  après  cet  événement,, 
c'est-à-dire  après  le  ig  mai  i268. 

Les  preuves  cependant  ne  sont  pas  absolues  et,  dans  le  doute,  nous- 
maintenons  nos  citations. 

Si  le  futur  éditeur  du  Sydrach  en  arrive  à  confirmer  les  conclusions 
de  Langlois,  il  nous  saura  gré  de  lui  avoir  épargné  en  partie  la  tâche  labo- 
rieuse de  la  recherche  des  sources. 

Nous  terminons  ce  chapitre  en  donnant  la  liste  des  sources  citées  dans 
notre  texte.  La  liste  des  ouvrages  et  des  éditions  employées  se  trouvera  dans- 
la  bibliographie. 

1°  Sources  employées  directement  par  Gossouin  3. 

Adélard  de  Bath. 

Boèce. 

Gervaise  de  Tilbury. 

Giraldus  Gambrensis. 

Honorius  Augustodunensis. 

Neckam. 

Orose. 


1  V.  Suchier  und  Birch-Hirschfeld  :  Geschichte  (1er  Jranzôsischen  Literatur  (Leipzig 
et  Vienne,  1900)  p.  223,  224. 

2  V.  Langlois,  o.  c.  p.  197. 

3  C'est  à  dessein  que  nous  omettons  Vincent  de  Beauvais.  Dans  le  cours  de  tout: 
l'ouvrage  nous  n'avons  que  cinq  fois  l'occasion  de  le  citer,  et  chaque  fois  les  sources  ordi- 
naires fournissent  la  même  matière.  Voir  texte  f°«  42  a  ;  42  b  ;  49  c  :  69  b  ;  117  d  ;  118  d. 


—     3Î     — 

Philosophia  Mundi. 
Jacques  de  Vitry. 

2°  Sources  indirectement  employées  par  Gossouin  au  moyen  de  tra- 
ductions, ou  auteurs  dont  les  idées  seules  paraissent  avoir  influencé- 
l'auteur  de  /'Image. 

Saint  Augustin. 

Aristote. 

Bède. 

Clément  d'Alexandrie. 

Saint  Grégoire  le  Grand. 

Suidas  ou  Hilduin. 

Platon. 

Pseudo-Callisthène. 

Ptolémée. 

Résumé  des  chapitres  de  la  première  partie  et  notes  sur  le  texte. 

Il  esta  propos  maintenant  de  donner  un  court  résumé  de  certains  chapi- 
tres, accompagné  de  notes  explicatives. 

Dans  le  premier  chapitre  de  la  Cosmogonie,  Gossouin  décrit  la  puis- 
sance de  Dieu. 

Livre  I.  Ch.  I.  —  Tout  vient  de  Lui,  tout  y  retourne.  Il  ne  peut  y  avoir 
aucun  mal  en  Lui,  sinon  II  serait  mortel  comme  nous.  Le  bien  monte  vers 
Lui,  le  mal  descend  comme  la  lie  dans  le  vin.  Il  est  immuable  et  immobile; 
pourtant  tout  mouvement  provient  de  Lui.  Le  temps  n'existe  pas  pour  Lui, 
ni  pour  les  élus.  Avant  même  d'avoir  créé  le  monde,  Dieu  savait  tout  ce 
qui  allait  s'y  passer. 

La  théorie  du  Dieu  immobile  est  surtout  frappante  ici.  Le  Demiourgos 
de  Platon  est  une  Divinité  paresseuse  qui  crée  et  puis  se  repose,  laissant  à 
la  nature  le  soin  de  se  reproduire  et  de  croître.  Le  Dieu  d' Aristote  est  bien 
supérieur  :  Il  est  immobile  ;  mais,  comme  dit  Gossouin,  tout  mouvement' 
dépend  de  Lui. 

Cette  même  idée  revient  sous  différentes  formes  dans  plusieurs  cha- 
pitres. Notre  auteur  est  évidemment  à  la  hauteur  des  idées  théologiques  de 
son  temps.  Il  est  influencé  par  les  théories  aristotéliciennes,  déjà  connues 
au  commencement  du  XIIIe  siècle,  et  qu'Albert  le  Grand  et  Thomas  d'Aquin 
aidèrent  beaucoup  à  répandre.  La  mention  de  l'abbaye  de  Saint-Arnoul 
de  Metz  dans  la  seconde  rédaction  en  vers  nous  permet  de  supposer  que 
Gossouin  a  eu  au  moins  l'occasion  d'entrer  en  rapports  intellectuels  avec 
les  religieux  de  ce  monastère.  Cela  expliquerait  d'autant  mieux  ses  opinions,. 


—     32     — 

•car,  nous  le  savons,  ce  sont  les  Bénédictins  qui,  au  XIIIe  siècle,  ont  surtout 
aidé  à  faire  connaître  Aristote. 


Ch.  II.  —  Dieu  a  créé  le  monde  par  charité  pour  que  d'autres  aient 
part  à  ses  biens.  Efforçons-nous  donc  de  les  mériter  :  Il  nous  en  a  donné 
le  pouvoir. 

Le  passage  suivant  de  saint  Augustin  offre  une  frappante  ressemblance 
avec  ce  chapitre  :  «  Sciendum  est  ergo  rerum  creatarum,  cœlestium  et 
terrestrium,  visibilium  et  invisibilium,  causam  non  esse  nisi  bonitatem 
Creatoris,  qui  est  Deus  unus  et  verus  ;  cujus  tanta  est  bonitas,  quod  alios 
sure  beatitudinis  qua  œternaliter  beatus  est,  velit  esse  participes1.  » 


Ch.  III.  —  De  même  pour  le  chapitre  3,  nous  trouvons  dans  saint 
Augustin  :  «  Non  propterea  est  Dei  imago  in  mente,  quia  sui  meminit  et 
•diligit  se,  sed  quia  potest  etiam  meminisse,  intelligere  et  amare  Deum,   a 


quo  facta  est2. 


Voici  le  résumé  du  texte  de  Gossouin  :  Dieu  a  fait  l'homme  à  Son  image 
•et  l'a  fait  maître  de  toute  la  création.  Il  lui  adonné  l'intelligence  pour  qu'il 
se  souvienne  de  ses  bienfaits  et  qu'il  puisse  prendre  part  à  sa  joie.  L'homme 
qui  fait  le  bien  est  supérieur  même  aux  anges. 


Ch.  IV.  —  C'est  encore  un  ouvrage  de  l'évêque  d'Hippone  qui  a  servi 
de  base  au  chapitre  sur  le  libre  arbitre3. 

Dieu  a  donné  à  l'homme  le  pouvoir  de  faire  le  bien  ou  le  mal.  Si 
l'homme  ne  pouvait  pécher,  il  n'aurait  aucun  mérite,  car  il  ne  devrait  pas 
sa  vertu  à  lui-même.  Les  anges  qui  ne  peuvent  pas  pécher  ne  sont  pas 
récompensés  comme  nous.  Dieu  a  voulu  que  nous  pussions  mériter  d'aussi 
grands  biens  que  Lui-même  :  c'est  pourquoi  11  nous  a  donné  la  raison  et 
le  bon  sens.  L'homme  qui  s'imagine  rendre  un  service  à  Dieu  en  ne  péchant 
pas  doit  être  fou,  car,  si  le  monde  n'existait  pas,  Dieu  n'en  souffrirait  nul- 
lement. 

Ch.  V.  —  Dans  les  anciens  temps,  les  hommes  voulaient  trouver  la 
■raison  des  choses.  Ils  cherchaient  à  découvrir  les  secrets  du  firmament,  et 
ils  ne  pensaient  pas  seulement  à  leur  nourriture,  comme  de  nos  jours.  Ils 
s'efforçaient  d'apprendre  les  sciences  qui  devaient  leur  donner  la  connais- 
sance de  Dieu.  Pour  y  parvenir,  ils  étudiaient  Ses  œuvres,  «  car  à  ses 
wuvres  on  connaît  V ouvrier  ».  Ils  souffraient  toutes  les  persécutions  par 
amour  de  la  vérité,  comme  les  saints  souffraient  le  martyre  par  amour  de 
Jésus. 

Par  leur  science  certains  philosophes  purent  annoncer  la  venue  du  Christ, 
•entre  autres  Virgile. 

1  Saint  Augustin,  Liber  de  diligendo  Deo  (Migne,  Patrologia,  t.  40)  ch.  II. 

2  Saint  Augustin,  De  Trinitate  (Migne,  Patrologia,  t.  XLII,  col.  1048).  lib.  14,  ch.  XII. 

3  Saint  Augustin,  De  libero  arbitrio  (Migne,  Patrologia,  t.  XXXII,  col.  1221),  II, 
ch.  I. 


—     33    — 

Nous  trouvons  l'origine  de  cette  prophétie  au  quatrième  vers  de  la  qua- 
trième églog-ue  : 

Ultima  Cumaei  venit  jam  carminis  aetas. 

D'après  la  prédiction  de  la  Sibylle  de  Gumes,  la  terre,  ayant  parcouru 
les  quatre  âg-es  d'or,  d'arg-ent,  de  bronze  et  de  fer,  allait  maintenant  revenir 
à  l'âge  d'or.  Saint  Aug-ustin  cite  les  vers  suivants1  : 

Te  duce  si  qua  manent  sceleris  vestigia  nostri 
Irrita  perpétua  solvent  formidine  terras. 

Il  ajoute  :  «  Quod  ex  Cumœo,  id  est,  ex  Sibyllino  carminé  se  fassus  est 
transtulisse  Virgilius  ;  quoniam  fortassis  etiam  illa  vates  aliquid  de  unico 
Salvatore  in  spiritu  audierat,  quod  necesse  habuit  confiteri2.  » 

Gossouin  nous  dit  qu'en  lisant  les  vers  de  Virgile,  saint  Paul  s'écria  ; 
«  Ha  !  quel  je  t'eusse  rendu  a  Dieu  se  tu  eusses  vescu  tant  que  je  feusse  à  toi 
venuz.  »  Quitte  à  paraître  un  peu  trop  complet,  nous  ne  pouvons  négiig-er 
de  citer  ici  les  vers  biens  connus  d'une  hymne  qui  se  chantait  encore  au 
XVe  siècle  à  Mantoue  pendant  la  messe  de  saint  Paul  : 

Quem  te,  inquit,  reddidissem, 
Si  te  vivum  invenissem, 
Pœtarum  maxime  3  ! 

Virgile  semble  avoir  eu  un  attrait  mystérieux  pour  le  moyen  âg-e.  Nous 
Je  voyons  paraître  ici  comme  prophète.  Au  troisième  livre  de  Ylmage  du 
Monde,  Gossouin  consacre  un  chapitre  entier  à  Virgile  le  Magicien. 

Notre  auteur  parle  ensuite  avec  mépris  de  ces  g"ens  riches  qui  achètent 
des  livres  en  quantité  pour  qu'on  les  croie  savants,  et  il  leur  applique  la 
fable  d'Esope,  le  Coq  et  la  Perle. 

Puis  il  donne  la  liste  des  sept  arts  libéraux  qui  constituaient  les  sept 
parties  de  l'enseignement  dans  l'école  d'Alexandrie  :  la  grammaire ,  la 
logique  et  la  rhétorique  (le  trivium),  l'arithmétique,  la  géométrie,  la  mu- 
sique et  l'astronomie  (le  quadrivium). 


Gh.  VI.  —  Les  philosophes  à  Athènes  divisaient  les  hommes  en  trois 
classes  :  les  laboureurs  qui  doivent  fournir  ce  dont  les  autres  ont  besoin  ; 
les  chevaliers  qui  doivent  défendre  les  autres  ;  les  clercs  qui  doivent  les 
instruire. 

Depuis  Charlemagne,  les  rois  de  France  ont  toujours  protég-é  les  sciences, 
dont  la  fleur  se  trouve  parmi  les  frères  mineurs  (les  Franciscains)  et  les 
jacobins  (les  Dominicains)  qui  viennent  d'arriver  en  France. 

1  Eglogue  IV,  v.  13  et  14. 

2  Saint  Augustin,  iïpistolarum  classis  IV,  Epist.  258  (Migne,  Patroloyia,  t.  XXXIII, 
col.  1073). 

3  V.  Bettinelli,  Délie  lettere  e  délie  arti  Mantovane  (Mantoue,  1775)  ;  aussi  Compa- 
retti,  Virgilio  nel  medio  evo  (Livorno,  1872)  p.  72  s.  Enfin  cf.  le  vieux  chant  de  Noël  de 
l'Eglise  qui  commence  par  ce  vers,  Maro,  Maro,  vates  gentilium,  da  Christo  testimo- 
nium. 


—     M 


Ch.  VII.  —  Le  septième  chapitre  contient  une  description  détaillée  des 
sept  arts,  basée  en  grande  partie  sur  Neckam.  Gossouin  explique  pourquoi 
la  médecine  n'en  fait  pas  partie  :  elle  s'occupe  du  corps,  et  seules  les  sciences 
qui  s'occupent  de  l'âme  méritent  le  nom  d'arts  libéraux. 


Ch.  VIII.  —  Selon  Legrand  d'Aussy  *,  qui  a  fait  une  courte  analyse  du 
texte  de  notre  encyclopédie,  l'auteur,  dans  le  chapitre  huit,  attribue  à  la 
nature  un  pouvoir  ég-al  à  celui  de  Dieu,  et,  comme  d'autres  critiques  d'ail- 
leurs, il  s'étonne  que  Y  Image  du  Monde  n'ait  pas  été  supprimée.  Car,  au 
moyen  âge,  une  œuvre  entachée  d'hérésie  n'aurait  pu  devenir  si  populaire 
sans  attirer  sur  elle  les  foudres  de  l'Eglise. 

Gossouin  nous  paraît  être  au  contraire  absolument  conséquent.  Il  déve- 
loppe la  théorie  des  rapports  de  Dieu  et  du  monde  mentionnée  au  premier 
chapitre.  Il  nous  confirme  dans  l'opinion  que  nous  avons  ici  un  disciple 
d'Aristote  et  d'Albert  le  Grand.  Ses  idées  sont  celles  de  saint  Thomas 
d'Aquin  qui  écrivait  ving-t  ans  plus  tard  et  dont  la  Somme  de  Théologie 
est  l'écho  des  opinions  contemporaines. 

Dieu  créa  premièrement  la  nature.  Celle-ci  meut  les  étoiles,  les  fait 
luire  et  fait  naître  et  vivre  ce  qu'elle  veut.  Sans  la  nature  rien  ne  peut 
naître,  et,  par  elle,  tout  vit.  Elleag-it  dans  la  main  de  Dieu  comme  la  hache 
du  charpentier  :  la  hache  ne  fait  que  trancher,  et  celui  qui  la  tient  la  g-uide 
où  il  veut. 

Cette  dernière  phrase  rend  l'idée  exacte  de  Gossouin  ;  sans  elle  l'accu- 
sation d'hérésie  serait  soutenable.  Elle  est  d'autant  plus  intéressante  que 
nous  la  retrouvons  dans  saint  Thomas  d'Aquin  :  «  Deus  movet  non  solum 
res  ad  operandum,  quasi  applicando  formas  et  virtutes  rerum  ad  opera- 
tionem  (sic ut  etiam  artifex  applicat  securim  ad  scindendum,  qui  tamen 
inierdum  formam  securi  non  tribuit)  etc. 2.  » 

Platon,  selon  notre  auteur,  dit  que  la  nature  est  une  puissance  qui  fait 
naître  semblable  par  semblable.  Le  seul  passage  du  philosophe  grec  que 
l'on  puisse  mentionner  est  un  proverbe  dans  Gorgias,  ôpoïoç  opoiw.  Boèee 
qui  est  peut-être  la  source  immédiate,  écrit,  selon  Albert  le  Grand 8  : 
«  Natura  est  vis  insita  rébus  ex  similibus  similia  procreans4.  » 

Aristote  définit  la  nature  comme  un  principe  qui  donne  aux  choses  le 

1  Legrand  d'Anssy,  Notices  et  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  Nationale 
(Paris,  an  VII  de  la  République)  V,  p.  243  s. 

2  Saint  Thomas  d'Aquin,  Summa  Theologica  (Migne.  Patrologia.  Séries  secunda, 
t.  1,  col.  1313)  Pars  prima,  quaest.  105,  art.  V.  —  Nous  ne  désirons  nullement  suggérer 
que  Thomas  d'Aquin  ait,  dans  ce  passage,  copié  Gossouin.  C'est  plutôt,  selon  nous,  un 
exemple  frappant  qui  était  d'usage  courant  à  l'époque. 

3  Albert  le  Grand,  Summa  Theologiae.  Prima  pars.  VII.  Quœst.  30.  6.  (Opéra  Omnia  , 
vol.  31,  p.  307.  Paris,  1895.) 

4  V.  sur  Boèce  et  ses  connaissances  du  grec  p.  29  n.  1. 


—     35     — 

pouvoir  de  se  mouvoir.   Gossouin  a  pu  trouver  cette  définition  dans  diffé- 
rents passages  de  la  Physique  et  de  la  Métaphysique. 

.Physique1.  —  Tout  ce  qui  provient  de  la  Nature  a  en  soi  un  principe 
de  mouvement  et  de  repos  :  toûtcov  pèv  yàp  Ixaorov  sv  s'aurw  àp%hv  e%sL  xivyjtsws 
xaî  arâarswç, . . . 

Physique2.  —  La  nature  forme  la  base  de  toutes  choses  qui  ont  en 
elles  un  principe  de  mouvement  et  de  changement  :  sva  \dv  ouv  rpônov  outwç  y 
fvatç  ^sysrat,  ri  TtpÛTio  e'xàoT<u  Û7roxstps'vvj  vlri  t<mv  s^Ôvtwv  sv  aûroïç  àp%hv  xivvWewç  xai 
p£Taj3oXviç,  aXkov  §è  rpônov  v?  y.opfrt  xaî  to  stSoç  to  xarà  tov  ^efyov. 

Métaphysique  3.  —  La  nature  est  un  principe  en  soi  :  ainsi,  l'homme 
engendre  l'homme  :  y  yàp  ts'^vyj  77  <j>ûtsi  yfyvrrcu  77  ^û^rj  y)  r&>  aÙTopiT&>.  77  f*èv  ow 
ts^v>7  à-pyjn  iv  à7/&>,  77  8s  yvatç  àpyh  sv  cwtw,  ocjQpùinoç  yàp  av0/3&>7rov  ysvvâ. 


Gh.  IX.  —  Le  monde  est  rond  comme  une  balle.  Le  ciel  entoure  à  la 
fois  le  monde  et  l'éther,  un  air  pur  dont  les  anges  prennent  leur  forme. 
Cet  éther  est  si  clair  et  si  brillant  que  le  pécheur  n'en  peut  supporter 
l'éclat.  C'est  pourquoi  l'homme  tombe  comme  endormi  à  la  vue  d'un 
ange. 

Bède  le  Vénérable  et  saint  Grégoire  le  Grand  fournissent  les  matières 
de  la  seconde  partie  de  ce  chapitre. 

Bède  :  «  Angeli  corpora  in  quibus  hominibus  apparent,  in  superno  aère 
sumunt,  solidamque  speciem  ex  cœlesti  elemento  inducunt,  per  quam 
humanis  obtutibus  manifestius  demonstrentur4.  » 

Saint  Grégoire  le  Grand:  «  Nisi  enim  Angeli  quœdam  nobis  interna 
nuntiantes  ad  tempus  ex  aère  corpora  sumerent,  exterioribus  profecto  nostris 
obtutibus  non  apparerent  ;  nec  cibos  cum  Abraham  caperent,  nisi  propter 
nos  solidum  aliquid  ex  cœlesti  elemento  gestarent 5.  » 


Gh.  X.  —  L'éther  environne  les  quatre  éléments  qui  sont  placés  dans 
l'ordre  suivant  :  la  terre,  l'eau,  l'air,  le  feu.  Gossouin  compare  cet  ordre 
aux  différentes  parties  d'un  œuf:  la  coquille,  le  blanc,  le  jaune,  la  goutte 
de  graisse. 

Gh.  XL  —  Au  milieu  du  monde  se  trouve  l'élément  le  plus  pesant  :  la 
terre.  L'homme  peut  en  faire  le  tour,  comme  une  mouche  fait  le  tour  d'une 
pomme.  Si  deux  hommes  se  séparaient  allant  l'un  à  l'est,  l'autre  à  l'ouest, 
ils  se  rencontreraient  aux  antipodes. 

Au  moyen  d'une  série  d'exemples  accompagnés  de  dessins  explicatifs, 

1  2.  1.  192b.  14  (éd.  E.  Teubner.  Leipzig,  1879). 

2  2.  1.  193  a.  28  (éd.  E.  Teubner.  Leipzig,  1879). 
s  11.  3.  1070  a.  6  (éd.  E.  Teubner.  Leipzig,  1879). 

4  Bède,  Quœstiones  Variœ  (Migne,  Patrologia,  t.  93,  col.  463)  Quœst.  9. 

5  Saint  Grégoire  le  Grand,  Moralia  (  Migne,  Patrolojia,  t.  76,  .col.  450  )  liber  28, 
ch.  1. 


—     36     — 

Gossouin  nous  montre  que  des  pierres  jetées  au  centre  de  la  terre  ne  sau- 
raient aller  plus  loin,  parce  qu'elles  seraient  alors  à  égale  distance  du  firma- 
ment. Si  ces  pierres  étaient  de  poids  différents,  la  plus  lourde  arriverait  au 
centre  avant  les  autres. 

Fritsche1  cite  comme  source  Vincent  de  Beauvais*  dont  le  chapitre 
intitulé  Qaorsum  injectus  lapis  erit  casurus,  si  perforatus  sit  ei  terrœ 
globus  contient  certainement  l'idée  exprimée  par  Gossouin.  Vincent  lui- 
môme  ajoute  qu'il  a  tiré  ces  détails  â'Adélard  de  Baths.  Beaucoup  de 
traits  provenant  de  ce  dernier  auteur  se  retrouvent  dans  Y  Image  du  Monde, 
surtout  dans  la  seconde  partie  ;  aussi  sommes-nous  plutôt  enclin  à  croire 
que  Gossouin  l'a  employé  directement  sans  avoir  recours  à  Vincent. 

Dans  Alexandre  Neckam  il  y  a  également  un  passage  complet  quant 
à  la  matière,  et  fort  semblable  à  celui  de  notre  encyclopédie  :  «  Si  terra 
in  centro  suo  intelligatur  esse  perforata,  ita  quod  magnus  sit  ibi 
hiatus,  et  descenderet  maximum  plumbi  pondus  sine  omni  obstaculo, 
quiesceret  motus  ejus  in  terrœ  centro*.  » 


Ch.  XII.  —  Si  nous  pouvions  nous  élever  à  une  hauteur  suffisante,  les 
montagnes  et  les  vallées  s'effaceraient  et  la  forme  ronde  de  la  terre  serait 
évidente.  Les  grands  fleuves  paraîtraient  comme  un  cheveu  sur  le  doigt 
d'un  homme. 

Fritsche 5  trouve  cette  comparaison  ridicule.  Selon  lui ,  Gossouin  a 
commis  une  grossière  erreur  en  essayant  de  traduire  le  passage  suivant  de 
Y  Imago  Mundi*:  «Si  enim  quis  in  sere  positus  eam  [terram]  desuper 
inspiceret,  tota  enormitas  montium,  et  concavitas  vallium  minus  in  ea 
appareret,  quam  digitus  alicujus,  si  pilam  prœgrandam  in  manu 
teneret.  »  Le  critique  allemand  conclut  que  l'auteur  de  l'Image  du  Monde 
a  mal  compris  le  sens  de  pilam,  la  balle,  et  a  pris  ce  mot  pour  pilus,  le 
cheveu.  Mais  l'erreur  de  Gossouin  n'est  pas  du  tout  évidente  :  sa  compa- 
raison diffère  totalement  de  celle  du  texte  latin  ;  elle  est  même  préférable. 
Loin  d'être  convaincu  d'ignorance,  notre  auteur  a  montré  de  l'originalité. 

La  citation  que  nous  donnons  de  Y  Imago  Mundi  se  retrouve  dans 
Sénèque7. 


»  O.  c.  p.  20. 

2  Vincent   de   Beauvais,    Spéculum  Na.tu.rale  (Vincentius  Bellovacensis,  Bibliotheca 
Mundi  4  vol.  Douai,  1624,  vol.  I,  col.  374)  VI.  7,  cf.  p.  30  n.  3. 

3  Adélard  de  Bath,  Quœstiones  Naturales  (Louvain,  1480)  Quœst.  49.  - 

4  Neckam,  De  Naturis  Rerum  (éd.  T.  Wright.  Londres,  1863)  1.  I,  ch.  16. 

5  O.  c.  p.  21. 

6  Honorius  Augustodunensis,  Imago  Mundi  (Migne,  Patrologia  t.  172)  I,  5. 

7  Sénèque,  Questions  naturelles  IV '.  11. 


37 


Ch.  XIII.  —  La  forme  ronde  est  la  plus  favorable  au  mouvement.  Or 
tout  est  mouvement  en  ce  monde.  C'est  pourquoi  Dieu  a  fait  la  terre  ronde. 


Ch.  XIV.  —  Le  dernier  chapitre  de  la  première  partie  est  basé  presque 
entièrement  sur  Neckam. 

Le  ciel  est  si  loin  de  nous  qu'une  pierre  mettrait  cent  ans  à  tomber  de 
là  jusqu'à  la  terre. 

Neckam  dit  :  «  Tanta  est  firmamenti  quantitas,  ut  ipsi  totalis  terra 
collata  quasi  punctum  esse  videatur x  »  Gossouin  exprime  la  même  idée 
en  disant  que,  vue  du  ciel,  la  terre  serait  comme  la  plus  petite  des  étoiles. 

Le  ciel  tourne  de  l'est  à  l'ouest  ;  le  soleil  et  les  autres  planètes  tournent 
dans  la  direction  opposée.  On  peut  comparer  ce  mouvement  à  celui  d'une 
mouche  sur  une  roue,  lorsque  la  mouche  va  dans  un  sens  et  la  roue  en  sens 
contraire. 

Nous  lisons  dans  Neckam  :  «  Simile  autem  inducere  videntur  in 
rnusca  quœ  a  rota  defertur,  moiu  tamen  suo  contra  rotœ  impetum 
agitatur 2.  » 

En  résumé,  une  étude  des  sources  indiquées  dans  les  notes  sur  le  texte 
montrera  que,  pour  la  première  partie,  Gossouin  s'est  surtout  servi  de  Nec- 
kam, quelquefois  à'Honorius.  Mais,  presque  toujours,  lorsque  ce  dernier 
peut  être  mentionné  comme  source,  nous  trouvons  des  passages  semblables 
dans  Neckam. 

Sauf  les  passages,  en  somme  bien  peu  nombreux,  que  nous  avons  men- 
tionnés, la  première  partie  est  l'ouvrage  de  Gossouin  lui-même. 

Deuxième  Partie.  —  On  ne  saurait  en  dire  autant  de  la  seconde  :  le 
sujet,  d'ailleurs,  ne  s'y  prêtait  pas.  Notre  auteur  a  emprunté  sa  géographie 
à  des  ouvrages  reconnus  probablement  comme  faisant  autorité. 

C'est  donc  la  science  de  l'époque,  et  non  Gossouin  lui-même,  qu'il  faut 
blâmer  pour  les  descriptions  d'hommes  et  d'animaux  fabuleux  qui,  pour 
nous,  ne  forment  pas  les  chapitres  les  moins  intéressants  de  Y  Image  du 
Monde. 

Ch.  I.  —  La  terre  est  divisée  en  quatre  parties  :  l'orient,  l'occident,  le 
midi,  le  septentrion.  La  «  ligne  du  midi  »  divise  l'orient  et  l'occident.  Au 
bout  de  cette  ligne  se  trouve  la  ville  d'Aaron  qui  est  toute  ronde  et  qui  est 
au  milieu  du  monde. 

C'est  là  qu'en  général  nous  voyons  Jérusalem  sur  les  cartes  du  moyen 
âgre. 


1  Neckam,  o.  c.  I,  5. 

2  Neckam,  o.  c.  I,  9. 


—     38     — 

Aaron  est  sans  doute  la  ville  nommée  Aren  sur  la  carte  de  Pierre 
Alphonse1,  un  Juif  de  Huesca,  qui  écrivait  vers  1110.  La  forme  Arim  se 
trouve  dans  un  manuscrit  de  Y  Image  du  Monde  2,  et  rend  cette  supposition 
probable. 

Cette  cité,  dit  Miller3,  située  au  milieu  de  la  terre,  aux  confins  du 
monde  habitable,  est,  d'après  la  légende  arabe,  le  refuge  des  démons  et  le 
trône  d'Iblys.  Cet  endroit,  aussi  nommé  Aryn  ou  Arym,  est  déjà  mentionné 
par  les  Arabes  au  IXe  siècle.  Sur  une  carte  persane  du  XIIe  siècle,  il  est 
indiqué  comme  étant  au  milieu  de  la  terre.  En  occident  on  trouve  souvent 
ce  nom  au  XIIIe  siècle.  Roger  Bacon  en  parle  et  dit  que  Syène  se  nomme 
maintenant  Aryn. 

La  ligne  qui  s'étend  à  gauche  de  la  ligne  du  midi  s'appelle  septen- 
trion ;  elle  est  ainsi  nommée  d'après  les  sept  planètes. 

Cette  explication  est  tirée  d' Isidore  de  Séville 4. 

Le  septentrion  se  termine  à  la  montagne'0  qui  guide  les  marins.  Rien 
dans  le  contexte  ne  peut  nous  aider  à  découvrir  de  quelle  montagne  il  s'agit. 
Peut-être  est-ce  une  allusion  à  l'île  de  Thulé,  où  quelques-uns  croient 
reconnaître  V Islande  et  ses  volcans. 

Gossouin  donne  ensuite  le  nom  des  trois  continents,  avec  leur  étymo- 
logie. 

Afrique  vient  à' enfer,  c'est-à-dire  apportée.  Même  si  nous  admettons 
qu'il  y  a  ici  erreur  de  copiste,  et  qu'au  lieu  &  enfer  il  faut  lire  affei\  du 
latin  ajfero,  cette  dérivation  est  originale.  Aucune  des  sources  ordinaires 
de  Ylmage  du  Monde  ne  la  donne.  Isidore0,  Honorius 7  et  Vincent  de 
Beauvaiss  disent  que  l'Afrique  tire  son  nom  d'un  descendant  d'Abraham 
nommé  Afer.  Vincent  ajoute  :  «  Africam  autem  nominatam  quidam 
inde  existimant,  quasi  Apricam,  quod  sit  aperta  cœlo  vel  soli  sine 
horrore  frigoris.  » 

Gh.  II.  —  Le  second  chapitre  se  divise  en  huit  parties,  où  Gossouin 
décrit  l'Asie  en  détail. 


1  Manuscrit  de  Ja  Bibl.  Nationale,  suppl.  lut.  1218. 

2  Musée  britannique,  Avundel  52. 

3  Miller.  Mappœmundi  (Stuttgard,  1895)  III,  127. 

4  Isidore  de  Séville,  Etymologiœ  (Miçne,  Patrologia,  t.  81-84)  XIII,  H.  11. 

5  Gaxton,   dans  sa  traduction  (f°  35  a),  remplace  le  mot  montagne  par  étoile.   C'est 
un  des  rares  cas  où  il  s'est  permis  d'altérer  le  texte  français. 

,!  Isidore,  o.  c.  XIV,  5.  2. 

7  Honorius,  o.  c.  I,  32. 

8  Vincent  de  Beauvais,   Spéculant  Historicité  (Bibliotheca   Mundi,   vol.  IV,   p.  28, 
Douai,  1624)  I.  76. 


—    39    — 

La  première  région,  c'est  le  Paradis  terrestre  dans  lequel  quatre  fleuves 
ont  leur  source  :  le  Phison,  ou  Gange;  Je  Gyon,  ou  Nil;  le  Tigre  et  l'Eu- 
phrate. 

La  Genèse  (II,  13)  mentionne  un  fleuve  Pison,  mais  rien  ne  nous  prouve 
qu'il  s'agisse  du  Gange.  Flavius  Josèphe  dit  que  le  Phison  est  nommé 
Gange  par  les  Grecs.  Ces  deux  noms  sont  aussi  donnés  par  saint  Ambroise1 
et  par  saint  Augustin  8. 

Ce  Phison,  dit  Gossouin,  sort  du  Mont  Ortobares  (YOscobares  d'Orose 3, 
le  premier  qui  fasse  mention  de  cette  montagne),  traverse  l'Inde  et  se  jette 
dans  la  mer  d'Occident. 

Le  Gyon  ou  Nil  disparaît  sous  terre  et  ressort  dans  la  longue  mer  qui 
entoure  l'Ethiopie.  Il  se  divise  en  sept  branches,  traverse  l'Egypte,  puis  se 
jette  dans  la  grant  mer,  le  Mare  Magnum  d'Orose  et  d'Isidore,  c'est-à- 
dire  la  Méditerranée. 

L'Euphrate  et  le  Tigre  sortent  du  Mont  Parthoacus  *  et  se  jettent  dans 
la  mer  moyenne. 

Après  le  Paradis  vient  l'Inde  sur  laquelle  Gossouin  donne  beaucoup  de 
détails.  Nous  relevons  ici  seulement  les  passages  qu'il  est  à  propos  d'élucider. 

F0  5i  C.  —  En  Inde  se  trouve  le  mont  Capien  où  Alexandre  enferma 
une  nation  nommée  Goz  et  Magoz.  Ces  gens  dévorent  la  chair  d'hommes  et 
d'animaux  toute  crue. 

Ce  mythe  vient  d'Ezéchiel  (c.  38,  39).  En  ossète  Gog  et  Magog  dési- 
gnent deux  massifs  du  Caucase.  On  appliqua  ensuite  ces  deux  mots  aux 
populations  scythiques  de  la  mer  Noire  et  de  la  mer  Caspienne. 

Sir  John  Maundeville,  dont  Ylmage  est  une  des  sources  principales, 
décrit  cette  nation  qui,  ajoute-t-il,  appelle  le  mont  Capien  Uber5.  Il  s'agit 
là  plutôt  de  la  chaîne  de  l'Elbourz  que  du  mont  Elbrouz. 

L'Inde  est  divisée  en  quatorze  régions.  Ce  chiffre  est  évidemment  une 
erreur  :  f°  60  A  nous  lisons  « 33  régions»,  dans  le  manuscrit  Arundel  «34». 
Orose,  Gervaise  de  Tilbury  et  Honorius  donnent  «44»- 

Les  monstres  moitié  bêtes,  moitié  hommes  sont  sans  doute  les  Centaures 
d'Honorius,6,  ou  l'Hippocentaurus  de  saint  Jérôme7. 

1  Saint  Ambroise,  De  Paradiso  (Migne,  Patrologia  t.  14,  col.  280)  III. 

2  Saint  Augustin,  De  Genesi  ad  litteram  (Migne,  Patrologia,  t.  34)  VIII,  7. 

3  Orose,  Historiarum  libri  septem  (Migne,  Patrologia,  t.  31)  I,  2  :  «  Mons  Osco- 
bares,  ubi  Ganges  fluvius  oritur.  » 

*  Orose,  o.  c.  I.  2  :  «  Parchoatras,  mons  Armeniœ. 

6  Sir  John  Maundeville,   Voyages  and  Travels  (Londres,  1886)  ch.  26. 

6  Honorius,  o.  c.  I,  12. 

7  Saint  Jérôme,  Vie  de  saint  Paul  (Migne,  Patrologia,  t.  23,  col.  22). 


—     40     — 

F0  5%  D.  —  Gossouin  décrit  une  population  composée  d'hommes  qui 
n'ont  qu'un  pied,  si  large  qu'ils  l'emploient  pour  se  protéger  du  soleil.  Ils 
se  nomment  «  cy dopes  ».  Honorius1  les  appelle  «  Scinopodœ  ».  Ensuite 
nous  lisons  la  description  d'hommes  qui  ont  un  œil  brillant  au  milieu  du 
front.  Honorius2  mentionne  seulement  le  nom  de  ce  peuple  sans  autre 
détail  :  «  cyclopes  ».  Il  est  facile  de  voir  que  dans  Y  Image  il  y  a  eu  trans- 
position : 

Gossouin  attribue  le  titre  de  «  cyclopes  »  aux  «  Scinopodœe  »,  et  omet 
entièrement  ce  dernier  nom. 

Le  long  chapitre  sur  les  animaux  de  l'Inde  provient  soitd'Honorius,  soit 
de  Jacques  de  Vitry  ou  de  Neckam. 

F0  55  B.  —  Le  musqualiet  est  petit  comme  une  souris  et  a  un  petit 
museau.  II  s'agit  sans  doute  de  la  musaraigne,  mentionnée  par  Isidore3. 

La  légende  des  arbres  qui  parlèrent  à  Alexandre  est  une  des  plus  ré- 
pandues à  propos  du  roi  de  Macédoine.  Elle  s'est  formée,  comme  beaucoup 
d'autres,  grâce  à  la  lettre  d'Alexandre  à  Aristote*,  dans  Y  Histoire 
d'Alexandre  du  pseudo-Callisthène6. 

Nous  la  retrouvons  dans  les  œuvres  de  Ranulph  Higden6  et  de  Jacques 
de  Vitry7. 

Dans  la  sixième  partie  du  chapitre  II,  Gossouin  décrit  les  différentes 
parties  de  l'Asie. 

F0  6o  C.  —  Il  mentionne  Tarse,  Sabba  et  Y  Arabie,  «  d'où  venaient 
les  Rois  Mages  ».  On  donne  généralement  comme  origine  de  l'histoire  des 
Rois  Mages  le  verset  10  du  Psaume  LXXII  :  «  Les  rois  de  Tarscis  et  des  îles 
lui  présenteront  des  dons  ;  les  rois  de  Schéba  et  de  Séba  lui  apporteront 
des  présents.  »  Isidore8  et  Honorius9  disent  tous  deux:  «  Arabia,  quœ 
etiam  Saba  dicitar,  a  Saba  filio  Chus.  »  Gossouin  aurait  donc  dû  dire 
Schéba  au  lieu  de  Sabba,  puisque  ce  dernier  est  seulement  un  autre  nom 
pour  l'Arabie. 

1  Honorius,  o.  c.  I,  12. 

2  Honorius,  o.  c.  I,  12. 

:i  Isidore,  o.  c.  XII,  3.  4  :  «  musaraneus.  » 

4  Cf.  p.  29,  n.  1. 

•"•  Pseudo-Callisthène  (éd.  Budge,  Cambridge,  1889)  p.  104  s. 

6  Ranulph  Higden,  Polychronicon  (éd.  Babington,  Londres,  I860-86.  9  vol.)  lib.  I, 
ch.  11  [vol.  1  p.  84]. 

7  Jacques  de  Vitry,  Historia  Hierosolomitana  (Douai,  lo97)  ch.  80. 

8  Isidore,  o.  c.  XIV,  3.  4o. 

9  Honorius,  o.  c.  I,  15. 


—     41     — 

F0  60  D.  —  La  description  de  la  Phénîcie  et  du  phénix  est  traduite  en 
entier  de  Neckam.  C'est  le  seul  ouvrage,  parmi  les  sources  généralement 
employées  dans  Y  Image  du  Monde,  où  nous  trouvions  tous  les  détails. 

Isidore l  et  Honorius.2  décrivent  une  race  d'hommes  à  cheveux  blancs 
en  Albanie.  D'après  Gossouin,  ce  peuple  habite  Y  Arménie. 

F0  63  C.  —  Vers  l'orient  se  trouve  une  population  sale  et  vile  descendue 
des  Juifs3.  Le  mariage  est  inconnu  parmi  ces  gens,  parce  qu'ils  n'osent  se 
fier  aux  femmes. 

Cette  légende  est  traduite  littéralement  de  Jacques  de  Vitry 4  :  «  dicuntur 
Essaei,  de  génère  Judyeorum  descendentes.  » 


Ch.  III.  —  Le  troisième  chapitre  traite  de  l'Europe  et  de  ses  contrées. 

F°  6j  C.  —  Les  copistes  des  divers  manuscrits  ont  fort  maltraité  les 
noms  de  pays  mentionnés  par  l'auteur.  Sous  ce  rapport,  le  manuscrit 
Harley  4333  5  du  Musée  Britannique  est  de  beaucoup  le  plus  correct.  C'est 
grâce  à  lui  que  nous  avons  pu  résoudre  une  énigme  telle  que  Rececorinde, 
Retecorinde,  Retecorindet,  Rechecorinde,  qui  se  trouve  être  un  composé 
de  deux  noms  :  Rethe,  Corinte,  c'est-à-dire  la  Rhétie  et  la  Carinthie. 

La  lettre  x  a  aussi  trompé  plus  d'un  scribe  :  Saproine,  Sarroine, 
Sapoine  représentent  Saxoine,  la  Saxe,  et  Naton  ou  Naaron  l'île  de 
Naxos. 

D'après  Gossouin,  l'Europe  s'étend  jusqu'au  Mont  Geu  (Mons  Jovis),  le 
Grand  Saint  Bernard.  Cette  information  intéressante  va  nous  aider  à  expli- 
quer le  chapitre  suivant. 

F0  68  A.  —  L'Afrique,  dit  l'auteur,  comprend  la  Lybie,  la  Syrie,  la 
Palestine,  la  Grèce,  la  Lombardie,  la  Toscane,  Alexandrie,  la  Gascogne, 
l'Espagne  et  d'autres  contrées.  A  première  vue  cette  liste  semble  ridicule  : 
Fritsche6,  Fant7,  Langlois8,  et  d'autres  encore  y  voient  une  faute  de 
copiste.  Il  paraît  étrange  pourtant  qu'une  erreur  aussi  étonnante  se  soit 
conservée  dans  tous  les  manuscrits  de  toutes  les  rédactions  sans  excep- 
tion. Bien  plus,  le  scribe  de  Royal  ig  A  IX9  ne  se  contente  pas  de  copier 
ce  chapitre  mot  pour  mot  ;  il  y  ajoute  d'autres  noms  :   Chypre,  la  Sicile, 

1  Isidore,  o.  c.  XIV,  3.  34. 

2  Honorius,  o.  c.  I,  19. 

3  Fritsche  (o.  c.  p.  33)  n'a  pu  expliquer  ce  passage,  étant  arrêté  par  le  mot  Juis 
(Juifs),  qu'il  lit  lvis  ou  Iris. 

4  Jacques  de  Vitry,  o.  c.  ch.  82. 
r>  Cf.  p.  5  n.  1. 

«  Fritsche,  o.  c.  p.  34. 

7  Fant,  o.  c.  p.  14. 

8  Langlois,  o.  c.  p.  89  n.  1. 

9  V.  pour  ce  manuscrit  p.  18  s. 


—     42     — 

Naples,  la  Catalogne,  la  Galicie,  la  Navarre  et  le  Portugal.  Il  nous  semble 
donc  nécessaire  d'expliquer  autrement  que  par  une  simple  faute  de  copiste 
cette  nomenclature  étrange  et  qu'il  faille  en  chercher  la  raison  dans  les 
connaissances  géographiques  même  du  moyen  âge. 

Quelques  anciens  faisaient  de  l'Afrique  une  simple  province  de  l'Eu- 
rope, comme  le  prouvent  les  citations  suivantes  : 

Varron  1  (/ 16-26  av.  J.-C.)  :  «  Ut  omnis  natura  in  cœlum  et  terrain 
divisa  est,  sic  cœlum  in  regiones,  terra  in  Asiam  et  Europam.  » 

Salluste2  (87-34  av.  J.-C.)  :  «  In  divisione  orbis  terrœ  plerique  partem 
tertiam  Africain  posuere  :  pauci  tantummodo  Asiam  et  Europam  esse,  sed 
Africam  in  Europà.  » 

Orose  3  (  Ve  siècle):  «  ....quamvis  aliqui  duas  (partes),  hoc  est  Asiam, 
ac  deinde  Africam  in  Europam  accipiendam  putarint.  » 

Gervaise  de  Tilbury4-  (XIIIe  siècle):  «  ....sed  potius  in  Europa  dépu- 
tantes Africam,  hoc  est  secundœ  partis  portionem  appellaremaluerunt.  » 

Ranulph  Higden5  (XIVe  siècle)  :  «  Idcirco  qui  res  humanas  eviden- 
tius  agnoverunt  duas  tantum  orbis  partes  accipiendas  censuerunt,  scilicet 
Asiam  solummodo  et  Europam  ;  Africam  vero  censuerunt  Europa?  finibus 
deputandam...  » 

Ces  extraits  suffisent  pour  montrer  qu'une  opinion  assez  répandue  a 
guidé  Gossouin.  D'une  manière  un  peu  arbitraire,  il  a  fixé  la  limite, 
évidemment  très  vague,  entre  l'Europe  et  l'Afrique,  attribuant  à  cette  der- 
nière le  littoral  entier  de  la  Méditerranée.  Ainsi  la  Carinthie,  la  Thessalie, 
l'Epire,  «  une  partie  de  Gonstantinople  »,  sont  en  Europe.  Mais  l'Italie,  la 
Grèce,  l'Espagne,  la  Palestine  sont  en  Afrique. 

Le  fait  que  pas  un  seul  des  copistes  n'ait  songé  à  transférer  cette 
énumération  au  chapitre  sur  l'Europe,  que  certains  d'entre  eux  y  ajoutent 
même  d'autres  noms,  semble  prouver  qu'il  s'agit  là  d'un  fait  admis  à 
l'époque  et  d'un  exemple  curieux  des  connaissances  géographiques  au 
moyen  âge.  D'après  cela,  nous  comprenons  pourquoi  notre  auteur  indique 
le  Grand  Saint  Bernard  comme  limite  sud  de  l'Europe. 

F°  68  D.  —  Le  paragraphe  suivant,  sur  Naxos,  nous  fournit  un  exemple 
remarquable  de  la  négligence  des  scribes.  Le  nom  paraît  dans  les  manus- 
crits de  Y  Image  du  Monde  sous  les  formes  Naaron,  Varon  et  Anon. 

Dans  la  description  de  cette  île,  Gossouin  commet  une  série  d'erreurs. 
Pour  lui,  Naxos  est  le  lieu  natal  de  saint  Denis  qui  fut  décapité  en  France. 

1  Varron,  De  lingua  latina,  i. 

2  Salluste,  Jugurtha,  ch.  17. 

■J>  Orose,  o.  c.  I,  2.  (Migne,  Patrologia  t.  31,  col.  673.) 

4  Gervaise  de  Tilbury,   Otia  I/nperialia  (éd.  Leibnitz,   Hanovre,  1707.  2  vol.)  II,  11. 

5  Ranulph  Higden,  o.  c.  I,  7  (éd.  Babington,  vol.  I,  p.  50). 


—     43     — 

Dès  le  IXe  siècle  le  premier  évêque  de  Paris  a  été  identifié  avec  Denis 
l'Aréopagite,  lég-ende  qui  doit  son  origine  à  Hilduin  1.  Une  des  plus  sérieuses 
accusations  contre  Abailard  a  été  son  refus  d'admettre  cette  identité. 

Il  est  certain  que  saint  Denis  n'a  pas  vu  le  jour  à  Naxos  ;  quant  à 
l'Aréopag-ite,  son  origine  est  prouvée:  Suidas2,  son  biographe,  nous  dit 
qu'il  est  né  à  Athènes. 

Gomment  expliquer  cette  seconde  erreur  de  Gossouin  ?  La  réponse  est 
fort  simple.  Les  fertiles  vignobles  de  Naxos  l'avaient  fait  surnommer  Dio- 
nysias  (c'est-à-dire  l'île  de  Dionysusy  autrement  dit  Bacchus).  C'est  donc 
cette  ressemblance  fortuite  qui  a  trompé  notre  auteur  et  l'a  induit  à  faire 
de  Naxos  le  lieu  natal  de  saint  Denis. 

F°  6g  A.  —  Isidore3  décrit  les  deux  îles  de  Melos  et  de  Paros  ;  il  ajoute 
que,  de  cette  dernière,  on  tire  du  marbre  blanc.  Gossouin  a  combiné  les 
deux  îles  dans  sa  description  de  Melos. 

Il  mentionne  ensuite  la  reine  de  Samos  «  qui  prophétisa  la  venue  du 
Christ  ».  Elle  était  une  des  plus  fameuses  sibylles  et  la  sixième  en  rang*. 

F°  6g  B.  —  L'île  de  Bosus  où  les  serpents  ne  peuvent  vivre  est  sans 
doute  l'Ê|3v<7croç  mentionné  par  Ptolémée.  C'est  l'île  d'Iviça,  une  des  Baléares. 

Colombine,  la  Columbina  Terra  ou  Colubraria  de  Pline,  peut  être 
soit  l'île  de  Formentera,  soit  le  groupe  des  Columbretes  sur  la  côte  d'Es- 
pagne. La  position  de  cette  île  sur  les  anciennes  cartes  ne  permet  guère  de 
résoudre  la  question  :  la  probabilité  est  en  faveur  de  Formentera,  quoique 
la  forme  même  du  mot  «  Columbretes  »  soit  un  argument  en  faveur  de  ce 
groupe  peu  important. 

F°  6g  D.  —  L'île  disparue  de  Platon  dans  la  mer  Bétique  est  naturelle- 
ment Y  Atlantide  dont  le  philosophe  grec  parle  dans  le  Critias*  et  dans  le 
Timée  6. 

Gossouin  décrit  en  quelques  mots  l'île  perdue  de  saint  Brandan.  Sur  les 
cartes  du  moyen  âg-e6  elle  est  placée  au  sud  de  l'île  Antilia,  à  l'ouest  des 
îles  du  Cap  Vr.   et7 

Ch.  VI.  —  Le  chapitre  six  est  presque  entièrement  consacré  à  l'Irlande. 
Les  merveilles  de  ce  pays  ne  le  cédaient  en  rien  à  celles  de  l'Inde  au  moyen 

1  Hilduin,  Areopagitica  (Migne.  Patrologia,  t.  106,  col.  2009). 

2  Suidas  (Migne,  Patrologia.  Séries  Grœca,  t.  117,  col.  1251). 

3  Isidore,  o.  c.  XIV.  6,  28.  29. 

4  Le  Critias  ne  semble  pas  avoir  été  connu  au  moyen  âge. 

5  V.  sur  le  Timée  p.  29  n.  1 . 

6  V.  Miller,  o.  c,  passim. 

7  Dans  la  seconde  rédaction  en  vers,  le  chapitre  sur  saint  Brandan  a  été  considéra- 
blement étendu  et  comprend  1740  vers,  reproduits  par  Jabinal  dans  sa  Légende  de  saint 
Brandaine  (Paris,  1836,  p.  105  s.)  d'après  le  manuscrit  Bibl.  Nat.  fonds  fr.  1444.  — 
V.  aussi  p.  51. 


—     44     — 

âge.  Nous  trouvons  même  dans  Giraldus  Cambrensis1  des  détails  qui,  dans 
Y  Image  du  Monde,  se  trouvent  dans  le  chapitre  sur  les  Indes  :  ainsi  la 
description  des  femmes  à  barbe  de  Limerick.  Gossouin  suit  d'ailleurs  de 
très  près  dans  ce  chapitre  l'ouvrage  de  Giraud. 

F°  7/  C.  —  L'île  de  Tylle,  où  il  n'y  a  qu'un  jour  dans  l'année  et  où  les 
arbres  sont  toujours  verts,  représente  deux  îles  dont  parle  Isidore 2  :  Tylos, 
aux  Indes,  qui  est  toujours  verte  ;  et  Thyle  ou  Thulé  près  de  l'Angle- 
terre. 

F0  y  2  B.  —  D'après  Y  Image  du  Monde,  il  y  a,  en  Bretagne,  des  gens 
qui  ont  une  queue  au  bas  du  dos.  Ce  passage  est  pris  de  Jacques  de  Yitry3 
qui  dit  expressément  in  Majori  Brittania,  ne  nous  laissant  ainsi  aucun 
doute  :  il  s'agit  de  l'Angleterre. 

S.  Baring-Gould  a  publié  une  étude  sur  le  sujet4.  Il  ne  cite  pas  de 
sources  très  anciennes,  et  le  fait  que  la  légende  est  déjà  bien  connue  en 
124()  nous  permet  de  douter  qu'elle  ne  date  que  de  Thomas  à  Becket, 
comme  Baring-Gould  le  suggère. 

L'origine  la  plus  probable  se  trouve  dans  Gapgrave  et  dans  Alexandre 
de  Esseby,  cités  par  John  Baie,  évêque  d'Ossory,  dans  son  ouvrage  «Actes 
of  English  votantes»  :  Les  habitants  du  pays  de  Dorchester,  ayant  attaché, 
par  dérision,  des  queues  de  poisson  aux  vêtements  de  saint  Augustin  de 
Canterbury,  celui-ci  les  maudit,  eux  et  leurs  descendants.  Depuis  lors  les 
habitants  de  cette  contrée  eurent  une  queue  au  bas  du  dos. 

Cette  légende  s'étendit  peu  à  peu  à  l'Angleterre  en  général,  et  Baie,  qui 
écrivait  vers  1550,  se  plaint  amèrement  qu'il  est  impossible  à  un  Anglais 
de  voyager  dans  d'autres  pays  sans  être  appelé  coué. 

F°  j2  B.  —  Les  femmes  au  pied  du  Mont  Gieu  qui  ont  des  bosses  sous  le 
menton  ne  nous  sont  que  trop  connues.  La  réputation  des  goitreux  du  Valais 
était  évidemment  déjà  établie  au  moyen  âge. 


Ch.  VIL  —  Gossouin  donne,  dans  le  chapitre  sept,  une  description  des 
phénomènes  les  plus  communs.  C'est  là  que  se  trouve  un  passage  des  plus 
importants  pour  l'attribution  de  l'auteur  de  la  rédaction  en  prose5. 


Ch.  XIII.  —  Un  chapitre  qu'il  est  à  propos  d'élucider  nous  décrit  com- 
ment l'eau  de  mer  devient  salée  :  Dans  certaines  parties  du  monde  il  fait 

1  Giraldus  Cambrensis,    Topographia  Hibernica  (éd.  Dimock,  vol.  o.  Londres,  1861- 
91,  Opéra  8  vol.)  II  ch.  20,  p.  107. 

2  Isidore,  o.  c.  XIV,  ch.  6,  4  et  13. 
;!  Jacques  de  Vitry,  o.  c.  ch.  92. 

4  S.  Baring-Gould,  Qurious  myths  of  the  Middle-Ages  (Londres,  1884)  p.  14o  s. 

5  V.  p.  8  et  9  de  l'introduction  et  f°  7o  c  n.  du  texte. 


—     45     — 

si  chaud  que  la  terre  au  fond  de  la  mer  transpire  ;  le  soleil  attire  cette 
transpiration  qui  est  très  salée  et  qui  se  mêle  peu  à  peu  avec  l'eau  douce. 
De  ce  mélange  provient  l'eau  de  mer. 

Cette  explication  se  retrouve  dans  plusieurs  auteurs l,  et  presque  mot 
pour  mot  dans  le  livre  de  Sydrach,  de  même  que  la  matière  du  chapitre 
suivant,  sur  l'air  et  sa  nature. 


Ch.  XIV.  F0  84  C.  —  La  vie  de  l'homme  dépend  de  l'air  humide  qu'il 
respire.  Notre  auteur  prouve  la  densité  de  ce  fluide  au  moyen  d'une  verge 
qui  plie  si  on  l'agite  rapidement. 

Cet  exemple  ne  paraît  se  trouver  dans  aucun  écrivain  antérieur  à 
Gossouin. 

Les  esprits  malins  qui  prennent  leur  forme  de  l'air  humide  sont  décrits 
par  saint  Augustin  2  :  Dœmones  œria  sunt  animalia,  quoniam  corporum 
œriorum  natiira  vigent. 


Ch.  XV.  F°  88  D.  —  Le  De  Laudibus  de  Neckam  a  suggéré  à  Gos- 
souin beaucoup  de  passages  de  sa  seconde  partie.  C'est  là  seulement 8  que 
nous  trouvons  la  description  originale  de  la  cause  du  tonnerre 4  :  Lorsqu'on 
plonge  un  fer  rouge  dans  l'eau  froide,  il  s'ensuit  une  explosion  ;  de  même, 
un  éclat  de  tonnerre  se  produit  lorsque  la  foudre  traverse  un  nuage  épais. 

La  fin  du  chapitre  quinze  correspond  au  passage  suivant  d'Adelard  : 
(o.  c.  quaest.  68  :  (Juare  nec  simul  nec  semper  cum  videmus  ignem  talem 
audimus  fragorem)  ...ut  si  quis  ab  altissima  montis spécula  in  una  valle 
percussorem  notet  prius  auctum  rei  visum  quam  auditum  arguet. 


Ch.  XVII  (b).  —  C'est  aussi  dans  Neckam  que  Gossouin  a  puisé  sa 
description  du  dragon:  une  vapeur  sèche  qui  prend  feu,  tombe  sur  la 
terre  et  disparaît.  Dans  le  De  Laudibus5  on  lit  :  Impetus  in  longum 
nubem  producit,  et  illam  Serpentis  formant  visus  habere  putant. 


Ch.  XVIII.  F°  gi  D.   —  La  distance  de  la  terre  à  la  lune,  selon  A  et 
d'autres  manuscrits,  est  de  quinze  fois  la  circonférence  de  la  terre. 

i  V.  fo  83  d  s.  n. 

2  Saint   Augustin,    De   Genesi    ad    litteram    (Migne,    Patrologia,    t.    34)    lib.    III. 
ch.  X,  14. 

3  Neckam,  De  Laudibus  Divinœ  Sapientiœ  (éd.  T.  Wright,  Londres,  1863,  p.  357  s.) 
III  97-118. 

4  Adélard  de  Bath  attribue  les  éclairs  et  le  tonnerre  à  la  collision  des  nuages  :  il  ne 
saurait  donc  être  cité  comme  source  (o.  c.  quœst.  64,  65). 

5  Neckam,  De  Laudibus  1.  319  s. 


—     46     — 

Les  chiffres  varient  beaucoup  :  les  manuscrits  S,  Harley  4333  et  Addi- 
tional  10  oiô  donnent  tous  12  au  lieu  de  i5.  D'après  F0  127  B  du  manus- 
crit A,  la  distance  de  la  terre  à  la  lune  est  égale  à  24  11/i2  fois  le  diamètre 
de  la  terre  (le  diamètre  =  6500  milles)  =  161958  */»  milles. 

La  circonférence  de  la  terre,  d'après  F0  127  B  =  20  428  milles.  Ainsi 
la  distance  ne  serait  que  de  8  fois  la  circonférence  de  la  terre,  résultat  ridi- 
cule et  pas  du  tout  d'accord  avec  les  autres  calculs  de  l'auteur1.  De  plus  8 
ne  se  trouve  dans  aucun  des  manuscrits.  D'après  le  manuscrit  de  Turin2, 
la  distance  de  la  terre  à  la  lune 

=  34  11/i2  fois  le  diamètre  de  la  terre  ; 
,=  226  958  Va  milles; 
=  presque  12  fois  la  circonférence  de  la  terre. 

Nous  avons  donc  ici  un  nombre  mentionné  par  plusieurs  manuscrits. 
Mais,  pour  y  arriver,  nous  avons  dû  admettre  la  leçon  du  manuscrit  de 
Turin  :  34  11/i2,  au  lieu  de  24  11/i2.  Celle-là  est  heureusement  confirmée, 
d'abord  par  les  calculs  du  chapitre  XVI  de  la  troisième  partie  où,  si  nous 
prenons  comme  base  34  "/«j  ^es  résultats  obtenus  sont  toujours  corrects  et 
se  confirment  les  uns  aux  autres,  et  ensuite  par  la  mesure  du  vers,  correcte 
dans  le  manuscrit  de  Turin,  mais  fautive  dans  d'autres  copies  de  la  pre- 
mière rédaction,  comme  nous  le  montrons  plus  loin  3. 

Quant  au  chiffre  i5,  aucun  des  calculs  précédents  ne  le  produit  comme 
résultat.  Nous  y  voyons  une  simple  faute  de  copiste. 

Donc  nous  lisons  ici  12  au  lieu  de  i5. 

F0  Q2  C.  —  Un  passage  frappant  semble  confirmer  ici  l'emploi  de  Bède 
comme  une  des  sources  de  Y  Image  du  Monde.  Nous  donnons  in  extenso  dans 
la  note  sur  le  texte  même4,  cet  extrait  tiré  des  Elementorum  Philosophiœ. 

F0  gi  D.  —  Les  taches  de  la  lune  sont  simplement  la  réflexion  de  la 
terre.  D'autres  disent  cependant  que  la  lune  a  perdu  sa  splendeur  première 
à  cause  de  la  chute  d'Adam.  Neckam  écrit 5  :  «  Merito  enim  praevarica- 
tionis  primorum  parentum,  omnium  planetarum  et  stellarum  fulgor 
dispendium  claritatis  sustinuit.  Luna  vero,  quae  citima  terris  est,  et 
aspectibus  humanis  famitiarius  occurens,  maculam  in  se  retinuit.  » 


Cil.  XIX  (a).  —  Gossouin  nous  dit  que  le  dimanche  prend  son  nom  du 
soleil,  information  qui  lui  vient  de  Neckam  c  ;  «  ...in  die  Dominica,  quant 
Pkilosophi  dicunt  esse  die  m  solis.  » 

1  Cf.  f°  127b. 

2  Turin,  Bibliotcca  nazionale  :   L.  IV.  5  (manuscrit  de  la  première  rédaction  en  vers.) 
:î  V.  p.  52  et  p.  52  n.  6. 

4  V.  fo  92  c  n. 

5  Neckam,  De  Naturis  Rerum  I.  14. 

6  Neckam,  De  Naturis  Rerum  I.  10. 


—     47     — 

Ch.  XIX  (6).  —  Le  mouvement  du  firmament  produit  une  douce  har- 
monie. Les  petits  enfants  peuvent  entendre  cette  musique  :  voilà  pourquoi 
ils  sourient  dans  leur  sommeil. 

L'origine  de  cette  jolie  légende  se  trouve  probablement  dans  ce  passage 
de  Bède1  :  «  Si  autem  aliquis  in  altero  mundo  nasceretur  (si  possibile 
esset),  ut  sanctus  Aagustinus  affirmât,  ut  in  hune  mundum  postea 
venissety  eam2  sine  ullo  impedimento  audiret,  eique  ultra  vires  pla- 
cer et.  » 

L'étude  de  la  seconde  partie  nous  laisse  peu  de  doutes  sur  les  sources 
employées  par  Gossouin.  Il  prend  son  bien  où  il  le  trouve,  sans  altérer  le 
sens  de  l'original.  Sans  même  changer  l'ordre  des  matières,  il  traduit  par- 
fois toute  une  série  de  chapitres  d'un  seul  auteur.  Même  les  fautes  de  tra- 
duction dont  il  se  rend  coupable  ne  peuvent  que  nous  confirmer  dans  nos 
suppositions. 

Nous  donnons  donc  comme  sources  principales  de  la  seconde  partie  : 
Ho  no  ri  us,  Jacques  de  Vitry,  Neckam,  Gervaise  de  Tilbury. 

Troisième  partie.  —  Dans  la  troisième  partie  Gossouin  s'occupe  d'astro- 
nomie. Les  connaissances  en  mathématiques  dont  il  fait  preuve  sont  loin 
d'être  méprisables.  Si  le  résultat  de  ses  calculs  varie,  la  faute  en  est  aux 
copistes  des  manuscrits.  Nous  chercherons  à  lui  rendre  son  dû  sous  ce 
rapport. 

Notre  auteur  mentionne  aussi  certaines  légendes  qu'il  est  intéressant 
d'étudier. 

Ch.  V.  F0  io3  D.  —  Selon  lui,  saint  Denis,  avant  d'être  converti  par 
saint  Paul  en  Grèce,  observa  l'éclipsé  de  soleil  qui  eut  lieu  à  la  mort  de 
Jésus-Christ.  Il  éleva  un  autel  au  dieu  inconnu. 

Tout  ce  que  nous  savons  sur  saint  Denis  nous  vient  de  saint  Grégoire 
de  Tours.  La  légende  qui  identifie  l'évêque  de  Paris  avec  l'Aéropagite  ne 
s'est  formée  que  plus  tard.  Nous  en  avons  déjà  parlé  3. 

L'exclamation  de  l'Aéropagite,  %  to  Qsîov  nz.T%et}  vj  tw  -r:a.<7^6vrt  (pj^nzâ-tT^îL  4, 
dont  Gossouin  nous  donne  la  version  française,  était  adressée  à  son  ami 
Apollophanes. 

Ch.  VI.  —  La  plupart  des  idées  contenues  dans  le  chapitre  six  se  re- 
trouvent dans  Neckam  et  surtout  dans  Adelard  de  Bath  5  ;  mais  notre  au- 

1  Bède,  Musica  Theorica  (Migne,  Patrologia,  t.  90,  col.  911). 

2  i.  e.  musicam. 
»  V.  p.  43. 

4  V.  Actes  des  Apôtres  XVII,  23-34.  —  Suidas,  dans  Migne,  Patrologia,  Séries  Grseca, 
t.  117.  col.  1251.  —  De  Launoy,  Duo  Dionysii  (Paris,  1660). 

5  Adelard  de  Bath,  o.  c.  Quœst.  74  :  Utrum  animatœ  sint  stellœ. 


—     48    — 

teur  a  employé  ses  sources  d'une  manière  très  libre  et  a  beaucoup  étendu 
la  matière. 

Ch.  VIII.  —  Gossouin  a  fait  plusieurs  emprunts  à  Y  Almageste  de  Pto- 
lèmée.  Il  s'agit  naturellement  de  Claude  Ptolémée,  né,  à  ce  qu'on  croit,  à 
Ptolemaïs  dans  la  Thébaïde,  qui  enseignait  à  l'école  d'Alexandrie  au  mi- 
lieu du  IIe  siècle  après  Jésus-Christ.  Son  ouvrage  a  été  traduit  par  Boèce. 
Mais  le  titre  arabe  dont  se  sert  notre  auteur,  Y  Almageste,  tend  plutôt  à 
faire  supposer  que  la  traduction  employée  pour  Y  Image  du  Monde  est  celle 
faite  par  ordre  de  Frédéric  II  vers  1230  *. 

Le  roi  Ptolémée  de  notre  encyclopédie  appartient  à  la  dynastie  des 
Lagides,  dont  aucun  n'a  laissé  de  traces  comme  astronome.  L'erreur  de 
Gossouin  est  probablement  due  à  Isidore  qui,  selon  Halma,  donne  le  titre 
de  roi  à  Claude  Ptolémée. 

Ce  chapitre  est  occupé  en  grande  partie  par  un  sermon,  qui  est  loin 
d'être  sans  mérite,  sur  l'emploi  du  temps,  sur  la  ponctualité  et  la  punition 
de  ceux  qui  poursuivent  la  fortune  et  oublient  le  service  de  Dieu. 


Ch.  IX.  —  L'historien  Flavius  Josèphe  2  et  Gervaise  de  Tilbury  8  men- 
tionnent tous  deux  la  légende  suivante  :  Les  philosophes,  sachant  que  le 
monde  devait  périr  deux  fois,  par  l'eau  et  par  le  feu,  élevèrent  deux  colon- 
nes pour  y  inscrire  les  sept  arts.  L'une  était  de  pierre  pour  résister  à  l'eau, 
l'autre  de  briques  pour  résister  au  feu. 

D'après  l'historien  juif,  les  deux  colonnes  existaient  encore  de  son 
temps  en  Syrie,  et  avaient  été  érigées  par  Seth. 


Ch.  X.  F°  1 16  B.  —  Josèphe  attribue  aussi  à  ce  dernier  la  découverte 
de  l'astronomie  après  le  déluge,  tandis  que  Ylmage  du  Monde  cite 
Abraham  et  Sem,  fils  de  Noé,  au  lieu  de  Seth.  La  ressemblance  des  noms 
aura  trompé  Gossouin. 

F°  iij  A.  —  Ce  dernier  affirme  plus  loin  que  Platon  et  Aristote 
croyaient  à  la  Trinité.  Quoiqu'il  en  dise,  cette  croyance  n'a  jamais  été 
attribuée  à  Aristote  au  moyen  âge.  Clément  d'Alexandrie4  est  le  premier 
qui  fasse  mention  de  Platon  à  cet  égard.  Il  donne  comme  preuve  certaines 
lettres  et  plusieurs  passages  du  Timée. 

1  V.  Halma,  Almageste  (Paris,  1813)  p.  61. 

2  Flavius  Josèphe,  'Iovôamr)  hçxal-oAoyl-a  (Oxford,  1700)  I,  '1. 
■'  Gervaise  de  Tilbury,  o.  c.  (vol.  I  p.  899)  I,  20. 

4  Clément  d'Alexandrie,  Stromata  (Migne,  Patrohf/ia,  Séries  Grœca,  t.  8,  col.  15o, 
I08)  V,  ch.  14. 


—     49     — 

Gh.  XI.  —  Au  chapitre  cinq  de  la  première  partie1,  Gossouin  a  décrit 
Virgile  le  prophète.  Il  va  maintenant  nous  parler  de  Virgile  le  magicien. 

Chacun  sait  que  le  poète  latin  doit  cette  étrange  réputation  à  la  hui- 
tième églogue  et  à  un  passage  de  Y  Enéide  2.  Les  prodiges  attribués  à  Vir- 
gile sont  répétés  de  tous  côtés  au  moyen  âge,  mais  aucune  des  sources 
mentionnées  ne  paraît  être  l'original  dont  Gossouin  a  fait  usage. 

Un  des  miracles  cités  dans  Y  Image  du  Monde  ne  se  retrouve  nulle 
part  tel  que  notre  auteur  nous  le  décrit  :  celui  des  deux  cierges  et  de  la 
lampe  qui  brûlent  sans  cesse,  enfouis  dans  la  terre. 

Il  est  certain  qu'une  partie  de  la  légende,  celle  qui  se  rapporte  à  la 
lampe,  était  déjà  connue  au  moyen  âge  bien  avant  Gossouin  ;  les  exemples 
suivants  le  prouvent  :  Dans  le  Roman  de  Troie  de  Benoist  de  Sainte-More  s, 
nous  lisons  (v.  16  751  seq)  : 

Oiez  que  firent  li  trei  sage  ; 
Desor,  devant  chascune  ymage, 
Firent  lampes  d'or  alumer  ; 
Onques  nus  hom  nés  vit  fumer. 
Tex  est  li  feus,  ja  n'esteindra, 
Ne  a  nul  jor  ne  desceistra  ; 
Si  est  fez  et  de  tel  nature 
Que  toz  jorz  art  et  toz  jorz  dure. 

Guillaume  de  Malmesbury 4,  dont  l'ouvrage  a  peut-être  servi  de  source 
à  Benoit 5,  écrit  : 

Epitaphium  hujusmodi  repertum  : 


>  V.  p.  32,  83. 

s  Enéide  VI,  263  s. 

:i  A.  Joly  :  Benoit  de  Sainte-More  et  le  Roman  de  Troie.  Paris  1870-71.  2  vol.  4°. 
Vol.  I  p.  231  sq. 

4  W.  Stubbs  :  Willelmi  Malmesbiriensis  monachi  De  Gestis  Regum  Anglorum 
(Londres,  1887,  2  vol.  8°.)  Vol.  I  p.  259.  «  De  corpore  Pallantis  filii  Evandri.  » 

6  V.  A.  Joly,  o.  c,  passim.  Selon  Jacques  Salverda  de  Grave  (Enëas.  Bibliotheca 
Normanica.  Vol.  IV.  Halle,  1894,  8°,  v.  6510  sq.),  c'est  V Enëas  qui  a  servi  d'exemple  à 
Benoit.  Petit  de  Julleville  (Histoire  de  la  Littérature  française,  Paris,  1896,  vol.  I  p.  220) 
voit  au  contraire  dans  Y  Enëas  un  ouvrage  postérieur  au  «  Roman  de  Troie  ».  Voici  d'ail- 
leurs le  passage  de  YEnéas  tel  qu'il  se  trouve  dans  l'édition  critique  de  Jacques  Salverda 
de  Grave  (v.  6510  sq.)  : 

Une  lanpe  ot  desor  pendue  ; 
d'or  esteit  tote  la  chaeine, 
la  lanpe  fu  de  basme  pleine; 
ce  fu  merveillose  richece, 
de  beston  en  esteit  la  mece, 
d'une  piere  que  l'en  alume, 
tel  nature  a  et  tel  costume  : 
ja  puis  esteinte  ne  sera, 
ne  nule  feiz  ne  desfera. 
Li  reis  fîst  la  lanpe  alumer, 
n'onc  puis  n'i  estut  recovrer. 


—    50    — 

«  Filius  Evandri  Pallas,  quem  lancea  Turni  » 

«  Militis  occidit  more  suo,  jacet  hic.» 

Quod  non  tune  crediderim  factum,  licet  Carmentis,  mater  Evandri, 
Latinas  litteras  dicatur  invenisse;  sed  ab  Ennio  vel  alio  aliquo  antiquo 
poeta  compositum.  Ardens  lacer na  ad  caput  inventa  arte  mechanica,  ut 
nullius  jlatus  violentia,  nullius  liqaoris  aspergine  valeret  exstingui. 

Gossouin  paraît  être  le  premier  auteur  du  moyen  âge  qui  attribue  ce 
miracle  à  Virgile.  Du  moins  ni  Fritsche1,  ni  Comparetti2,  personne  de  fait, 
n'a  trouvé  jusqu'ici  la  source  de  la  légende  telle  que  notre  auteur  la  rap- 
porte, mais  les  passages  cités  ci-dessus  sont,  semble-t-il,  un  indice  précieux. 

Gossouin  a  parfaitement  pu  connaître  soit  le  Roman  de  Troie,  soit 
VEnéas,  ou  la  Chronique  de  Guillaume  de  Malmesbury. 

Le  rapport  entre  les  idées  est  maintenant  évident  :  Virgile,  auteur  de 
Y  Enéide  et  magicien,  devient  aisément,  dans  l'esprit  de  Gossouin,  l'inven- 
teur de  la  lampe  merveilleuse  du  tombeau  de  Pallas. 

Les  cierges  sont  un  trait  ajouté  peut-être  par  notre  auteur  lui-même. 

La  source  n'est  donc  pas  certaine  ;  mais  il  est  fort  probable  que  le  pas- 
sage cité  de  Guillaume  de  Malmesbury  est  l'origine  de  la  légende  telle 
qu'elle  se  trouve  dans  Y  Image  du  Monde. 

Thomas  Wright  remarque,  dans  une  note  manuscrite3,  que  l'histoire 
de  la  mouche  d'airain,  dont  aucune  mouche  ne  peut  s'approcher  sans  périr, 
semble  avoir  existé  en  Orient.  Dans  les  voyages  d'Evliya  Efendi  {Oriental 
Translation  Committee,  p.  17),  l'auteur,  parlant  de  certaines  colonnes  à 
Constantinople,  dit:  «Sur  une  d'elles  érigée  par  le  Hakim  Filikûs  (Phi- 
lippe), seigneur  du  château  de  Kavalâh,  se  trouvait  une  mouche  d'airain 
qui,  par  son  bourdonnement  incessant,  chassait  toutes  les  mouches  d'Is- 
tâmbôl.  » 

A  Naples  se  trouve  encore  le  Château  de  Vœuf.   Il  y  a  là  peut-être  une 
trace  de  cet  autre  miracle  de  Virgile  :  la  ville  bâtie  sur  un  œuf. 


Ch.  XII.  —  Le  chapitre  suivant  nous  explique  l'invention  de  l'argent. 
Gossouin  donne  d'abord  l'étymologie  du  mot  monnaie  qui  vient,  selon  lui, 

3  O.  c.  p.  49  sq. 

2  O.  c.  passim. 

3  La  bibliothèque  du  romanisc/ies  Seminar  de  l'Université  de  Halle  possède  une  copie 
manuscrite  de  Y  Image  du  Monde  faite  d'après  le  manuscrit  du  British  Muséum  Additional 
10015.  Cette  copie  appartenait  à  T.  Wright.  Il  s'y  trouve  plusieurs  notes  de  la  main 
même  du  savant  auteur  qui,  nous  le  savons,  avait  l'intention  de  publier  une  édition  de 
Y  Image  du  Monde,  ouvrage  que  la  mort  l'a  malheureusement  empêché  de  mener  à  bien. 
(V.  à  ce  propos  :  T.  Wright,  Popular  Treatises  on  Science  written  during  the  Middle 
Ages  in  Anglo-Saxon,  Anglo-Norman,  and  English  [Londres,  1841]  p.  8  de  l'Introduction.) 
Nous  devons  à  l'amabilité  de  M.  le  professeur  Suc  hier  d'avoir  pu  consulter  le  manuscri 
de  T.  Wright. 


—    51     — 

soit  du  verbe  mener,  parce  qu'elle  mène  les  gens  qui  voyagent,  soit  du 
grec  povoç,  parce  qu'il  n'y  avait  autrefois  qu'une  seule  espèce  d'argent. 

Le  chapitre  des  dérivations  n'est  pas  le  moins  curieux  de  Y  Image  du 
Monde  :  Septentrion  %  d'après  Gossouin,  prend  son  nom  des  Sept  étoiles; 
Afrique2  vient  à' enfer,  et  veut  dire  apportée  ;  Melos  3,  ainsi  nommée  à 
cause  du  doux  chant  des  oiseaux,  vient  de  mélodie.  La  première  île  qui 
apparut  après  le  déluge  en  reçut  le  nom  et  s'appela  Delos1. 

La  mention  de  parisis  et  de  tournois  semble  montrer  qu'à  l'époque 
de  Gossouin  ces  deux  espèces  de  monnaie  s'employaient  encore  indifférem- 
ment l'une  pour  l'autre. 

Ch.  XIII.  —  En  décrivant  la  manière  dont  les  philosophes  voyageaient 
autrefois,  l'auteur  introduit  saint  Brandan  qu'il  a  déjà  mentionné  au  cha- 
pitre cinq  de  la  seconde  partie5. 


Ch.  XV.  - —  Ce  chapitre  et  les  suivants  contiennent  les  calculs  de  l'au- 
teur sur  les  dimensions  de  la  terre. 

Brunetto  Latino  semble  avoir  employé,  dans  son  Trésor*,  les  mesures 
de  Y  Image  du  Monde.  Le  manuscrit  dont  il  s'est  servi  est  certainement 
un  des  meilleurs  ;  comme  nous  le  verrons,  ses  mesures  s'accordent  entre 
elles  et  peuvent  donc  nous  aider  à  rétablir  le  texte. 

Jusqu'à  présent  les  méthodes  employées  dans  ce  but  ont  été  :  la  mesure 
des  vers,  la  rime  et  la  comparaison  des  manuscrits. 

Il  est  possible,  dans  certains  cas,  de  vérifier  les  résultats  par  les  cal- 
culs mêmes  :  c'est  ce  que  nous  allons  essayer  de  faire. 

La  circonférence  de  la  terre,  selon  Gossouin,  est  de  20  428  milles.  Bru- 
netto Latino 7  et  les  manuscrits/?  etHarley  4333  donnent  20  427 milles.  Il  n'y 
a  aucun  calcul  dans  le  reste  de  l'ouvrage  qui  nous  permette  de  contrôler  la 
valeur  de  ces  chiffres  ;  nous  acceptons  donc  la  leçon  de  la  plupart  des  ma- 
nuscrits :  20  4^8  milles. 

Le  mille  a  100  pas  ;  le  pas,  5  pieds  ;  le  pied  1/4  pouces.  Ici  l'erreur  est 
évidente,  et  nous  mettons  12  pouces  au  lieu  de  i4- 

Le  diamètre  de  la  terre  est  de  6500  milles.   Brunetto  Latino8  donne  la 

1  V.  fo  48  c. 

2  V.  f<>49c. 
a  V.  f»  68  d. 
4  y.  fo  68d. 

s  V.  p.  43  et  p.  43  n.  1. 

6  Brunetto  Latini,  Li  Livres  don  Trésor  (éd.  Chabaille,  Paris,  i863)  Livre  I,  part. 
III,  ch.  110. 

7  Brunetto  Latini,  o.  c.  I,  III,  110. 

8  Brunetto  Latini,  o.  c.  I,  III,  lii. 


—     52 


distance  du  firmament  à  la  terre  comme  étant  ég-a le  à  «  10066  Jois  le 
diamètre  de  la  terre,  c  est-à-dire  65  4^g  000  ». 

65  429  OOO  divisé  par  10  066  =  65 00. 

Ce  nombre  est,  donc  correct  en  tant  qu'il  prouve  que  Brunetto  Latino 
n'a  pas  fait  de  faute  de  calcul  ;  mais  nous  tâcherons  de  démontrer  plus 
loin  *  que  le  nombre  10  066  est  erroné. 


Gh.  XVI.  —  Ptolémée  2  dit  que  la  terre  est  89  l/i  fois  plus  grande  que 
la  lune.  Nous  lisons  dans  Brunetto  Latino3  et  dans  la  plupart  des  manus- 
crits «  3g  fois  et  un  peu  plus». 

Au  chapitre  dix-huit  de  la  seconde  partie 4,  nous  avons  donné  nos  rai- 
sons pour  indiquer  la  distance  de  la  terre  à  la  lune  comme  étant  égale  à  12 
fois  la  circonférence  de  la  terre.  De  là  nous  avons  déduit  que  cette  distance 
était  de  226  958  1/s  milles  environ.  Le  diamètre  de  la  terre  étant  de  6500 
milles,  nous  devons  en  conclure  que  la  lune  est  à  une  distance  de  la  terre 
ég-ale  à  34  xl/ia  fois  le  diamètre  de  la  terre.  Ceci  justifie  la  leçon  du  manus- 
crit de  Turin  (34  11/i2),  quoique  les  autres  manuscrits  et  Brunetto  Latino  r" 
donnent  2  4  u/i2.  Ajoutons  que  "XX*  étant  un  monosyllabe  et  'XXX*  dis- 
syllabe, la  mesure  du  vers  confirme  le  nombre  trente*. 

Le  soleil  est  166  3/20  f°is  Pms  grand  que  la  terre.  Ptolémée  7  dit  ijo 
fois  ;  mais  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  refuser  d'admettre  les  calculs  de 
Gossouin.  Celui-ci  est  d'ailleurs  d'accord  avec  Neckam  8. 

Selon  Y  Image  du  Monde  et  Brunetto  Latino  J),  la  distance  de  la  terre 
au  soleil  est  de  585  fois  le  diamètre  de  la  terre  «  comme  l'a  prouvé  Pto- 
lémée». L'Alma/jeste  estime  cette  distance  à  1210  fois  le  rayon  de  la  cir- 
conférence de  la  terre. 

Gh.  XVII.  —  Une  difficulté  se  présente  au  commencement  même  de  ce 
chapitre.  Selon  Brunetto  Latino10  et  le  manuscrit  de  Turin,  la  distance  de 

1  V.  p.  53  s. 

-  Ptolémée,  Almagehte  (éd.  Halma,  Paris.  181-*{)  V,  16. 

:!  Brunetto  Latini,  o.  c.  I.  III,  116. 

4  V.  p.  4ô. 

•>  Brunetto  Latini,  o.  e.  I,  III,  116. 

n  Cf.  manuscrit  Sloan,  f'°  128  a  : 

Et  de  terre  si  loin^  ensus 
•xxiiii-  tans  et  demi. 

Si  nous  lisons  -xxxiiii-  tans  et  demi,  le  vers  aura  le  nombre  de  syllabes  voulu,  et  la 
leçon  du  manuscrit  de  Turin  se  trouvera  doublement  justifiée. 
7  Ptolémée,  o.  c.  V,  16. 
s  Neckam,  De  Naturis  fierum  I,  8. 
'■>  Brunetto  Latini,  o.  c.  I,  III,  116. 
111  Brunetto  Latini,  o.  c.  I,  III,  111. 


—     53    — 

la  terre  au  firmament  est  de  10066  fois  le  diamètre  de  la  terre;  selon  les 
autres  manuscrits,  de  ioo55  fois.  Quelle  leçon  faut-il  adopter1? 

Le  premier  exemple  donné  par  Gossouin  nous  dit  que,  si  un  homme 
faisait  25  milles  par  jour,  il  atteindrait  le  firmament  en  jiôj  V2  ans- 

Les  calculs  donnent  le  résultat  suivant  : 

1)  10  055  X  6500  (diamètre  de  la  terre)  =  65  357  500  (distance  de  la 

terre  au  firmament). 
65  357  500  :  (25  X  365  7«)  =  7157  % 

2)  10  066  X  6500  =  65  429  000 
65  429  000  :  (25  X  365  V«)  =  7165  */«• 

Donc  si  nous  prenons  comme  base  de  notre  calcul  10  055,  le  résultat 
correspond  au  nombre  d'années  indiqué  par  les  manuscrits. 

Le  second  exemple  est  le  suivant  :  Si  Adam,  depuis  sa  création,  avait 
fait  2,5 2  milles  par  jour,  il  aurait  encore  à  marcher  ji3  ans  depuis  le  jour 
où  le  manuscrit  original  a  été  écrit,  c'est-à-dire  le  six  janvier  i2$5(y.  s.). 

Si  nous  prenons  pour  base  10  055,  la  création  de  l'homme  aurait  eu  lieu 
en  5igg  1J2  av.  J.  G.  :  la  date  mentionnée  par  Orose  3.  Voici  le  calcul  : 

65  357  500  4 :  25  5  =  2  614  300 

2  614  300  :  365  */4  =  7157  */* 

7157  l/i  —  (1245  H-  713)  =  5199  V*. 

Avec  la  base  10  066,  nous  trouvons  que  la  création  d'Adam  a  dû  avoir 
lieu  en  5207  8/k>  av.  J.  G.  :  nombre  peu  probable  et  pour  lequel  il  n'y  a 
aucune  autorité. 

Ici  donc  l'évidence  est  en  faveur  de  10  o55. 

Le  dernier  calcul  est  moins  compliqué  :  Si  une  pierre  tombait  du  firma- 
ment pendant  100  ans,  elle  devrait  faire  53  1/2  milles  par  heure  dans  sa 
chute  pour  arriver  jusqu'à  la  terre. 

1  Cf.  p.  51,  52. 

2  Les  manuscrits  de  la  rédaction  en  prose  disent  20  milles,  au  lieu  de  25.  Mais  il 
n'y  a  pas  de  raison  pour  qu'Adam  ne  fasse  que  20  milles  lorsque,  dans  l'exemple  pré- 
cédent, Gossouin  donne  25  milles  comme  étant  la  distance  couverte  par  un  homme  ordi- 
naire en  une  journée.  De  plus  les  manuscrits  en  vers  donnent  25  milles.  Enfin  les  calculs 
qui  suivent  confirment  le  nombre  25.  Il  ne  s'agit,  dans  les  manuscrits  en  prose,  que 
d'une  simple  faute  de  copiste. 

3  Orose,  o.  c.  I,  1  :  Sunt  autem  ab  Adam,  primo  homine,  usque  ad  Ninum  magnum 
(ut  dicunt)  regem,  quando  natus  est  Abraham,  anni  tria  millia  centum  octoginta  et  qua- 
tuor... A  Nino  autem  vel  Abraham  usque  ad  Cœsarem  Augustum,  id  est,  usque  ad  Nativi- 
tatem  Christi...  anni  duo  millia  quindecim.  —  Cette  date  devait  être  généralement  admise 
au  moyen  âge  puisque  Gossouin  l'emploie  comme  base  de  ses  calculs  sans  même  la  men- 
tionner. 

4  V.  ci-dessus,  calcul  n°  1. 

5  Le  même  calcul  fait  avec  20  comme  base  donne  les  résultats  suivants,  qu'aucun 
ouvrage  du  moyen  âge  ne  semble  justifier  : 

(Base  :  10055)  la  création  d'Adam  est  placée  entre  6990  et  6989  av.  J.-C. 
(Base  :  10066)  création  d'Adam  entre  6999  et  7000  av.  J.-C. 


—    54     — 

Le  nombre  53  1/1  est  évidemment  corrompu  ;  il  est  facile  de  le  prouver. 

1)  6500  (diamètre  de  la  terre)  X  10  055  =  65357500  (distance  de  la 

terre  au  firmament). 
65  357  500  :  876  600  (nombre  d'heures  en  100  ans)  =  74  yt  milles. 

2)  6500  X  10  066  =  65  429  000. 
65  429  000  :  876  600  =  74. 

Nous  devons  choisir  entre  74  et  74  Y2*  Aucun  manuscrit  ne  paraît 
offrir  la  leçon  y4-  La  leçon  74  */*  au  contraire  se  trouve  dans  le  manuscrit 
Sloan  2435  du  Bntish  Muséum,  et  ce  chiffre  qui  répond  à  nos  calculs 
vient  aussi  confirmer  la  base  10  055. 

Nous  mettons  donc  y  4  V«  au  lieu  de  53  1/2. 

Si  nos  conclusions  à  propos  des  chiffres  sont  admises,  notre  étude  aurait 
un  résultat  pratique  :  celui  d'aider  à  la  reconstitution  de  la  rédaction  en  vers. 

La  troisième  partie  semble  être  basée  sur  YAlmageste  de  Ptoléméè.  Mais 
nous  pouvons  aussi  mentionner Honorius, la  Philosophiez  Mundi  et  Neckam, 
Nous  avons  donné  une  liste  des  sources  principales  de  Y  Image  du 
Monde,  mais  cette  liste  est  probablement  loin  d'être  complète.  Les  lectures  de 
notre  auteur  ont  été  aussi  vastes  que  variées.  Il  en  a  fait  bon  usage.  Pour- 
tant il  est  resté  original  jusqu'à  un  certain  point.  Il  sait  développer  la  ma- 
tière que  lui  fournissent  ses  sources.  Les  calculs  sont  absolument  le  résul- 
tat de  ses  propres  efforts  1.  Même  au  point  de  vue  littéraire  il  montre  par- 
fois un  certain  talent  descriptif  :  ainsi  son  chapitre  sur  l'enfer. 

Mais  ses  exemples  surtout  ont  une  valeur  indiscutable.  Gossouin  est  au 
fond  un  pédagogue  ;  son  but  est  d'instruire  ses  lecteurs.  Ce  qui  pourrait 
être  obscur,  il  l'explique  au  moyen  de  comparaisons  ou  de  dessins  d'une 
véritable  utilité.  Il  prouve  la  densité  de  l'air  par  une  verge  qui  plie  lors- 
qu'on l'agite2  ;  il  démontre  au  moyen  d'une  chandelle  allumée  l'alternance 
du  jour  et  de  la  nuit s;  il  nous  explique  d'une- manière  originale  pourquoi 
l'on  voit  l'éclair  avant  d'entendre  le  tonnerre  4.  Ses  remarques  sur  la  force 
centrifuge 5,  sur  le  mercure  et  l'eau  e,  montrent  un  esprit  éclairé.  Il  em- 
ploie un  exemple  frappant  pour  faire  comprendre  à  ses  lecteurs  la  pré- 
sence universelle  de  Dieu  :  la  voix  d'un  homme  que  chacun  dans  une  foule 
peut  entendre  en  même  temps  sans  pourtant  la  voir  7. 

1  Par  exemple  le  calcul  sur  le  temps  qu'Adam  aurait  mis  à  venir  de  la  terre  au  fir- 
mament, et  qui  introduit  la  date  de  la  composition  de  Y  Image  du  Monde  (III,  17),  est 
indubitablement  dû  à  Gossouin  lui-même. 

2  II  cb.  14. 
■■  III  cb.  1 . 
4  II  cb.  15. 
s  I  cb.  12. 
«  II  cb.  7. 

'  III  cb.  21. 


—     55    — 

Ces  passages  ne  sont  pas  tous  originaux;  mais  Gossouin  a  du  moins  le 
mérite  d'avoir  su  choisir  ce  qu'il  y  avait  de  vraiment  utile  et  instructif  dans 
ses  sources. 

Enfin,  disons-le  à  son  honneur,  il  a  su  éviter  le  grand  défaut  des  œu- 
vres de  vulgarisation  au  moyen  âge  :  il  ne  moralise  pas  à  tout  propos. 

Même  encore  maintenant  nous  pouvons  lire  avec  intérêt  la  géographie 
et  l'astronomie  de  V Image  du  Monde. 

Il  est  facile  de  comprendre  pourquoi  cet  ouvrage  a  survécu  pendant  des 
siècles  :  il  n'a  vraiment  perdu  sa  valeur  scientifique  qu'à  l'aurore  des 
temps  modernes. 


Liste  des  principaux  manuscrits  de  l'«  Image  du  Monde  » 
employés  par  l'éditeur. 


PROSE 

Bibliothèque  Nationale  :  fonds  fr.  5y4  =  A. 

Bibliothèque  Nationale  :  fonds  fr.  25  344  =  B. 
Bibliothèque  Nationale  :  Noiw.  acquis.fr.  6683  =  .V. 

Bruxelles  :  Bibliothèque  Royale,  Q822  =  C. 

M.  Suchier  —  S. 

British  Muséum  :  Reg.  i9.  A.  IX.  =  R. 


VERS 

British  Muséum:  Arundel  02  lre  rédaction). 
British  Muséum  :  Sloan  2J35  (lre  rédaction). 
British  Muséum  :  Harleij  4333  (2me  rédaction). 
British  Muséum  :  Additional  10  01 5  (lre  rédaction). 


Dans  le  te.jcte,  les  abréviations  du  manuscrit  A  sont  remplacées  par  des 
italiques,  les  corrections  sont  en  caractères  gras. 
Dans  les  notes  : 

Sydrach  S  veut  dire:  Manuscrit  Suchier  du  livre  de  Sydrach. 

Sydrach  Add.  veut  dire  :  Manuscrit  Additional  16 563  du  British  Muséum. 


T.    Les  chiffres  arabes  (1,2,  etc.)  se  rapportent  aux  «  variae  lectiones  ». 
II.   Les  astérisques  (*,  **,  etc.)  »  aux   remarques    sur   la 

grammaire,  etc. 
III.    Les  lettres  (A,  B,  etc.)  se  rapportent  aux  notes  sur  les  sources. 


L'IMAGE  DU  MONDE 


DE 


MAITRE  GOSSOUIN 


Version  en  prose. 

(Texte  du  manuscrit  fr.  574  corrigé  d'après  d'autres  manuscrits. 


[F0  i  a.]  A  Ci  commence 1  li  chapitre  du  roumanz 2  mestre  Gossouin  3  qui 
est  apelez  ymage  du  monde. 

Ce  *  livre  de  clergie,  que  l'en  apele  l'ymage  dou  monde,  qui  est 
translatez  de 5  latin  en  rommanz G,  contient  -lv  chapistres  et  -xxviir  \F°  i  b] 
figures,  sanz  quoi  li  livres  ne  porroit  estre  legierement  entenduz,  qui  est 
devisez  en  - iii *  parties,  dont  la  première  partie  contient  *xiiii*  chapistres  et 
•viii*  figures,  sanz  le  prologue. 

Li  premiers  chapistres  [F0  i  c]  parole  de  la  poissance  de  Dieu.  Li  seconz, 
pour  quoi  Diex  fist  le  monde.  Li  tierz,  pour  quoi  Diex  forma  7  homme  a 
sa  samblance8.  Li  quarz,  pour  quoi  Diex  ne  fist  houme  9  tel  qu'il  ne  peùst 
pechier  10.  Li  quinz,  pour  quoi  et  comment  les  -vii"  arz  furent  trouvées,  et 
de  lor  ordenence  u.  Li  sisiesmes,  des  trois  manières  de  genz  12  que  li  philo- 
sophe posèrent  au  monde,  et  comment  clergie  vint  en  France.  Li  septies- 
mes,  de  la  manière  des  -vii-  arz.  \F°  i  d.]  Li  oictiesmes 13,  de  nature 
comment  ele  oevre  et  quel 14  chose  ce  est.  Li  nueviesmes,  de  la  fourme  du 
firmament.  Li  disiesmes,  comment  les  quatre  elemenz  15  i  sunt le  assis  .  Li 
onziesmes,  comment  la  terre  se  tient  en  mi  le  monde.  Li  douziesmes, 
quele  la  reondesce  de  la  terre  est.  Li  treziesmes,  pour  quoi  Diex  fist  le 

1  B,  G  :  commencent.  —  2B  :  romanz.  —  3  B  :  maistre  Gossonin  ;  G  :  Gosson.  —  4  B  : 
cest.   —   5  B  :  du.   —  6  B  :  rowmanz  ;    G  :  roumant.  —  7  B  :  fourma.  —  8  B  :  semblance. 

—  9  B  :  home.  —  10  «  qu'il  ne  peïist  pechier  »   manque  dans  A.  —  n  B  :   ordenance.  — 

—  l2  B  :  des  cens.  —  13  B  :  oictismes.  —  u  B  :  quele.  —  15  B  :  élément.  —  16  B  :  sont.  — 

a  Vers  d'après  Arundel  52.  [F°  i  a  —  F0  4  c  =  Vers  i-30]. 


—     58     — 

monde  reont.  Li  quatorziesmes,  de  l'ineleté  du  cours  du  firmament  et  des 
vii  planètes. 

\F°  2  a.~]  Ci  commencent  les  chapistres  de  la  seconde  partie,  dont  il 
en  y  a  'xix*  et  *ix'  figures. 

Li  premiers  chapistres  est  comment  la  terre  est  devisée  en  diverses  par- 
ties et  quel  *  part  ele  est  habitée.  Li  seconz  est  de  la  mapemonde  2,  et  ou 
ele  commence.  Si  i  est  d'Aise  la  granit,  et  de  paradis  terrestre,  et  ou  il  siet. 
Et  d'Inde,  et  de  la  diverseté  8  des  genz.  Et  des  pierres  des  contrées  d'Aise 
la  menour;  des  genz  et  des  poissons  et  des  arbres  [F0  2  b]  qui  la  sont. 
Li  tierz  est  d' 4  Europe  et  de  ses  régions.  Li  quarz,  d'Aufrique  et  de  ses 
contrées.  Li  quinz,  des  ylles  et  de  leur  choses.  Li  sisiesmes,  des  divcrsetez 
d'5Europe  et  d'Aufriqwe;  et  la  manière  des  bestes  et  des  oisiaus  6  qui  i 
sont.  Li  septiesmes,  d'aucunes  choses  communes.  Li  oictiesmes,  ou  enfers 
siet,  et  quel  7  chose  ce  est.  Li  nueviesmes,  pour  quoi  et  comment  l'yaue 
court  par  mi  la  terre  [F0  2  c\.  Li  disiesmes  8,  pour  quoi  yaue  douce  et 
salée,  noire  et  chaude  et  envenimée  sourt.  Li  onziesmes,  ou  la  mappe- 
monde fenist,  et  si  i  est  des  diverses  fontainnes  9.  Li  douziesmes,  com- 
ment la  terre  croulle  10  et  fent.  Li  treziesmes  11,  comment  la  mer  devient 
salée.  Li  quatorziesmes,  de  l'air  et  de  sa  nature.  Li  quinziesmes,  comment 
nues,  pluies,  gelées,  nois,  grelles,  tempestes,  esparz,  et  tonnoires  12  avien- 
nent.  [F0  2  d.]  Li  seziesmes  est  comment  li  vent  naissent.  Li  diseseptiesmes 
est  du  feu  et  des  estoiles  13  qui  semblent  courre  u  et  cheoir,  et  du  dragon, 
et  que  ce  est,  et  dont  ce  vient.  Li  diseoictiesmes,  du  15  pur  air,  et  comment 
les  *vii-  planètes  i  sont  assises.  Li  disenueviesmes,  des16  estoiles  et  de  la 
concordance  de  tout  le  firmament. 

Ci  commencent  li  chapistre17  de  la  tierce  partie,  dont  il  en  y  a  \F°  3  a] 
•xxii-  et  -ix*  figures. 

Li  premiers  chapistres  est  comment  il  est  jour  et  nuit 18  ;  et  pour  quoi 
l'en  ne  voit  les  estoiles  de  jourz  19,  et  le  soleill  de  nuit 20.  Li  seconz, 
comment  la  lune  reçoit  diversement  lumière.  Li  tierz,  comme/zt  les  eclypses 
de  la  lune  aviennent.  Li  quarz,  des  eclypses  du  soleill 21.  Li  quinz,  de 
l'eclypse qui  avint  a  la  mort  Jhesu  Grist.  Li  sisiesmes,  de22  la  \er-[F° 3  b]tu 
du  ciel  et  des  estoiles.  Li  septiesmes,  comment  l'en  mesura  le  monde,  et 
pour  quoi.  Li  oictiesmes,  du  roy  Tholomeu  23  et  des  autres  philosophes. 
Li  nueviesmes,  comment24  l'en  sauva  les  clergies  pour  le  déluge.  Li 
disiesmes,   comment  l'en  retrouva  les  clergies  après  le  déluge.  Li  onzies- 

1  C  :  et  en  quelle.  —  2  B  :  mappemonde.  —  3  B  :  diversité.  —  4  B  :  de.  —  •>  B  :  de.  — 
6  B  :  oisiaux.  —  7  B  :  quele.  —  8  B  :  diesiesmes.  —  9  B  :  fontaines.  —  10  B:  Li  douziesmes 
est  comment  la  terre  croule.  —  n  Li  treziesmes  est.  —  12  B  :  espars  et  tonnoires.  — 
1?'  B  :  estoilles.  —  l4  B  :  semblent  coure.  —  15  B  :  est  du.  —  1C  B  :  assisses.  Li  desenue/- 
yesmes  est  des.  —  17  B:  chapistres.  —  ,8  B  :  jours  el  nu/r.  —  19  B  :  jour.  —  2o  B  :  nuiz. 
21  B  :  soleil.  -    ^  B  :  est  de  la.  —  -'3  B  :  Tholomen.  —  24  B  :  est  comment. 


—     59     — 

mes,  des  merveilles  que  Virgules  fist  par  astronomie.  Li  douziesmes  est  L 
pour  quoi  et  comment  monnoie  fu  establie.  Li  treziesmes,  des  2  philosophes 
qui  cerchierent  le  monde  pour  apreftdre.  [J^0  3  c]  Li  quatorziesmes  est  de 
philosophie,  et  de  la  réponse  Platon  3.  Li  quinziesmes,  combien  la  terre 
a  de  lonc  environ,  et  d'espès  par  mi.  Li  seziesmes,  combien  la  lune  et 
li  solaus  4  contiennent  de  grant  et  de  haut,  chascun  5  en  droit  soi.  [Li  dise- 
septiesmes,  de 6  la  grandeur  et  de  la  7  hautesce  des  estoiles.  Li  diseoic- 
tiesmes8,  del  nombre  des  estoiles  et  des  ymag-es  que  eles  forment  en  eles 
el  ciel.  Li  disenueviesmes  9  [F0  3  d]  de  la  grandeur  du  firmament  et  du 
ciel  qui  est  desus.  Li  vintiesmes,  du  ciel  cristalin  et  du  ciel  empiré.  Li 
vinteuniesmes,  du  celestiel  paradis  et  de  son  estre.  Li  vintedeusiesmes, 
c'est  li  darreains.  Si  i 10  est  li  recors,  ou  la  recapitulations  des  choses  devant 
dites  est. 

Ci  commence  V  y  mage  du  monde. 

Qui  bien  veult  savoir  et  en-[F°  4  a]  tendre  cest  livre  pour  savoir  et 
pour  aprandre11  comment  il  doit  vivre  et  soi  contenir  en  cest  gicle"1**,  dont 
il  vaudra  mieulz  1S  touz  les  jours  de  sa  vie,  si  lise  tout  premièrement  et  tout 
ordenéement,  si  qu'il  ne  lise  riens  avant,  devant  ce  qu'il  entendra  bien  ce 
qui  est  devant.  Et  ainsi  porra  il  savoir  et  entendre  cest  livre. 

Ore  donques,  qui  veult  entendre  a  cest  commandement,  il  porra  apran- 
dre 14  en  cest  \\-[F°  4  6]vre  grant  partie  de  la  faiture  du  monde,  et  com- 
ment il  fu  faiz  par  nature  de  Dieu  et  acompliz,  et  pour  quoi  il  fu  establiz  ; 
dont  il  nous  fist  si  très  grant  bonté,  li  douz  sires,  que  nous  n'eiissiens  l* 
riens  esté  ie  néant  plus  que  ce  qui  onques  ne  fu. 

Si  prions  au  commencement  de  cest  livre  a  Dieu  le  père  tout  poissant l7 
que  il 18  nous  doi/it  entendre  tel  bien  et  tel  science  aprendre  et  retenir  qui 
nous  maint  et  conduie  en  paradis,  [F0  4  c]  la  ou  il  est,  et  que  nous  en 
puissons  19  conquerre  s 'amour  et  sa  grâce. 

Si  commencerons  tout  avant 20  du  glorieus  Dieu  souverain  et  de  sa 
puissance  21. 

1  A  :  Li  onziesmes,  pour  quoi...  —  2  B  :  li  tre/ziesmes  est  des...  —  3  A  :  Pilaton.  — 
4  B  :  soleil —  5  B  :  chascune. —  6  B  :  ...est  de.—  7  B  :  la  manque.—  8  B  :  diseoctiesmes.  — 
9  B  :  disenueivesmes.—  10  B  :  i  manque. —  n  B  :  aprendre.—  12  B  :  siècle.—  13  B  miex. — 
14  B  :  aprendre.  —  15  B  :  n'eûssons —  16  B  :  esté  manque.—  I7  B  :  puissant.—  18  A  :  quel  il. 
—  19  B  :  empuissons.  —  2°  A  :  commencerons  ront  avant.  —  2l  B  :  puissance. 

La  forme  graphique  i  pour  le  est  fréquente  en  anglo-normand  et  autres  ;  Stimming 
en  donne  de  nombreux  exemples  :  Bœve  de  Haumtone  (Halle  a/S  1899),  p.  202  :  pice  ; 
milz  ;  li  (leetum)  ;  grivement  ;  de  même  Suchier,  Altfranc.  Gram.  (Halle  a/S  1893). p.  47  : 
pechith;  Vie  de  saint  Auban  (Halle  1876),  p.  47  :  fîchi,  etc.  ;  Lais  de  Marie  de  France 
(Halle  a/S,  1900)  p.  62  :  pice,  sentir.  —  Le  scribe  de  A  écrit  «  ma//re  »  f°  26  D,  passim  ; 
«  esli vent  »  f»  89  B. 


— •     60     — 


1A. 


Cist  chapistres  parle  de  1  la  puissance  Dieu. 

Quant  Diex  fist 2  le  mo/zde  au  commencement,  il  ne  li  en  estoit  nul 
mestier.  Car  autretant  avoit  il  devant  comme  il  ot  après.  Car  Diex  fu 
devant  et  sera  touz  jourz  3,  sanz  fin  et  sanz  commencement  b.  Donqwes 
ne  s'en  amenda  il  de  riens.  Car  [F0  4  d]  il  ne  li  failli  onqwes  nwlle  chose. 

Tout  voit,  tout  tient  en  sa  main.  Il  n'ot  onques  ne  faim,  ne  soif,  ne 
tans,  ne  mois,  ne  heure.  Ainz  demuere  4  tout  adès  en  touz  biens.  Car  a 
lui  n'afiert  ne  tost  ne  tart;  quen  qui  onques,  fust 5  ne  qui  ja  soit  li G  est 
touz  jourz  7  devant  les  ieulz8,  autresi  bien  li  loing  comme  li  près.  Tout  ausi 
bien  veoit 9  il  le  monde  ainz  qu'il  feiïst10  faiz,  comme11  fait  orendroit^. 

Et  se  il  n'eiïst  onques  fait  le  monde,  autre-^0  5  ajtant  vausist  il 
adonques  comme  il  puet  jamais  mieulz  12  valoir.  Car  autrement  ne  fust  il 
pas  Diex,  se  il  ne  seût13*  tout  et  veïst  tout,  quanque  jamais  14  estre  peiïst. 
Car  ainsi  feiïst  il  defaillanz  et  nonpoissanz  15  d'aucune  chose,  et  de  tant 
fust  il  hons  mortels  D. 

Mais  sa  nature  n'est  pas  tele.  Car  il  est  Diex  entièrement,  sanz  com- 
mencement et  sanz  fin.  Nulle  ne  li  est  viez  ne  nouvele  ;  ainz  li  est  touz  jourz 1B 
bêle  et  fresche  ;  et  touz  biens  17  sont  siens  18  \F°  5  b]  a  droiture  et  par  nature 
s'en  vount 1!)**  a  lui.  Car  de  lui  viennent  touz  20  et  muevent  et  a  lui  tienent 21 
leur  droit  chemin. 

Il  n'avra  ja  cure  de  nul  mal  ;  car  sa  bontez  est  toute  pure  et  saintisme 
et  sainne  et  nete  22,  sanz  nul  mal.  Car  li  mal  li  sont  contraire,  et  pour  ce 
couvient23  il  qu'i24***  se  traient  en  sus  de  lui  et  de25  touz  ses  biens.  Car 

1  B  :  Ci  premiers  chapitres  parole  de...  —  -  B  :  fist  manque.  —  :!  B  :  jours.  —  4  B  : 
demeure.  —  5  B  :  tout  quen  qui  onques  fu.  —  6  A  :  il.  —  7  B  :  jours.  —  8  B  :  ieiu?.  — 
9  B  :  voit.  —  l0  B  :  que  il  fust.  —  n  B  :  comme  il.  —  12  B  :  comment  il...  jamès  miear-.— 
13  B  :  seiist.  —  14  B  :  jamè.s-.  —  15  B  :  /ust  il  défaillant  et  nonpoissans.  —  1(5  B  :  jours.  — 
17  B  :  et  tuit  bien.  —  18  B  :  sien.  —  19  B  :  vont.  —  20  B  :  viennent  tait.  —  21  B  :  tiennent.— 
22  B  :  saine  et  neite.  —  23  B  :    convient.  —  24  lî  :  qu'il  se..  —  25  A  :  de  manque. 

*  seut  :  la  chute  de  Vs  en  angln.  est  confirmée  :  eût  (habuisset),  deiit,  etc.  (Stimming, 
o.  c.  p.  216.) 

**  vount  :  forme  angln.,  Suchier,  Alt  franc.  Grain.,  p.  9b.  Ex  :  doune,  ount,  l'ount 
Stimming.  o.  c.  p.  192.  Voir  f°  11  d  «  fount». 

***  «  qu'i  »  =  qu'il  :  cette  forme  se  présente  fréquemment  soit  dans  le  m.  A,  soit  dans  B, 
cf.  pour  A  f°  bc,  Hc,  11  b,  etc.;  pour  B  f°  17  d,  93  a,  etc.  Les  exemples  sont  nombreux 
dans  d'autres  textes  :  Chevalier  du  Papegau  (Halle  1897),  p.  H.  29,  32.9  etc.  ;  fréquent 
aussi  dans  Je  J\arbonnaia  (éd.  Suchier). 

A  [F*  4  c  —  F°  6  c=  vers  31-132.] 

b  «  car  Diex...  commencement.  »  Sydrach  Ad.  240. 

c  «  Car  lui...  orendroit.  »  Sydrach  Ad.  1  —  S.  Ho. 

d  «car  autrement...  mortels.  »  Sydrach  Ad.  208  —  *S"  324. 


—     01     — 

ce  n'est 1  fors  que,2  fiens  et  ordure.  Si  le  couvient 3  descendre  en  parfont. 

Et  li  biens  couvient 4  aler  contremont  devant  [F°  5  c]  Dieu,  qui  est 
cler5  et  purs6  et  nez.  Et  li  maus  7,  qui  est  obscurs  et  laiz  et  tenebreus 
seur  8  toute  rien,  laist 9*  le  bien  et  descent  aval. 

Car  ce  couvient  il  par  nature,  ausi  comme  l'en  voit  de  l'ordure  du 
vin  qui  est  mis  el  vaissel,  que  li  laiz  se  départ  du  bel,  si  que  li  bons 
demeure  en  haut  et  la  lie  demeure  au  fonz,  qui  est  mauvaise.  Et  li  bons 
vins 10  qui  demeure  en  haut  devient  touz  jours  clers  et  nez  ;  et  li  mau- 
vais ",  qui  est  au  fonz,  [F0  5  d]  devient  touz  jours  obscurs  et  laiz.  Et  de 
tant  comme  li  bons  devient  plus  clers,  de  tant  retient  la  lie  plus  d'ordure 
et  de  maleiirté  et  d'obscurté  12. 

Tout  ausi 13  est  il  du  14  bien  et  du  mai.  Car  li  maus  couvient  descendre 
en  lieu  tenebreus  et  orrible  et  plain  de  toute  douleur  ;  et  li  biens  couvient 
estre  amont  devant  Dieu,  ou  tuit15  li  bien  sont.  Et  com  plus  esclarcist  li 
biens  devant  Dieu  et  plus  s'esjoist,  tant  a  li  maus  [F°  6  a]  plus  d'oscurté 
et  de  douleur  en  enfer,  ou  il  est  touz  dis  et  sera  tant  comme  Diex  sera  en 
paradis,  ou  Diex  a  touz  biens  devant  soi  et  adès  les  avra  sanz  painne  et  sanz 
annui.  Touz  les  a  et  touz  les  enlumine,  sanz  nulle  defaute  1G  et  sanz  nul 
termine. 

Diez  puet  tout  faire  et  tout  redelfaire  17  sanz  soi  muer  de  riens  qui 
soit.  Car  il  peut 18  tout  et  tout  consent.  Nulle  riens  ne  se  prent  a  lui.  Il  est 
estables  19,  sanz  movement20,  et  tuit  mouve-f^0  ^o]ment  viennent  de  lui. 

Cent  mile  anz  ne  li  montent  mie  a  la  cent  milliesme  part  d'une  seule 
heure  de  cest  monde,  n'a  toz  cels  21  qui  en  22  paradis  sont,  dont  li  mendres 
qui  la  demeure  a  plus  de  bien  en  une  seule  heure  et  de  joie  et  de  déduit 23 
et  de  soulaz  et  d'onneur 24,  dont  jamais  25  ne  sera  2G  lassez,  que  nus  lions 
ne  porroit  penser  ne  ne  savroit  en  cent  'M*  anz,  se  il  tant  pooit  durer  et 
fust  li  pks  soutil  qui  onqncs  fust  ne  qui  jamais  soit  et  [F°  6  c]  i  pensast 
au  mieulz  27  qu'i 28  peûstA  . 

De  celé  grant  gloire  est  Diex  touz  sires,  comme  Diex  qui  tout  set  et 
tout  voit  quanque  lu  et  qnanque  iert  29. 

Et  tout  a,  quanque  affiert  a  lui.  Onques  ne  li  failli  nus  biens;  adès30 

1  B  :  est  manque.  —  2  B  :  que  manque.  —  ;{  B  :  convient.  —  *  B  :  convient.  —  5  B  :  clers. 
6B  :  pur.  —  7  B  :  maux.  —  «  B  :  suer.  —  9  B  :  lait.  —  «>  B  :  vins  manque.  —  »  B  :  mau- 
vais. —  12  b  :  oscurté.  —  «  B  :  amsi.  —  «B:  don.  —  &  B  :  tout.  —  1(î  B  :  deft'aute.  — 
17  B  :  redesfaire.  —  18  B  :  puet.  —  w  B  :  estabie.  —  2°  B  :  mouvement.  —  21  A,  B,  C,  N  : 
ne  tuit  cil...  Ce  passage  est  corrigé  d'après  les  manuscrits  Sloan  2435,  Arundel  52, 
Harley  4333,  qui  donnent  tous  «  n'a  toz  cels  ».  —  22  b  :  em.  —  &  A  :  duit.  —  24  b  :  d'on- 
neur.  —  25  b  :  jamès.  —  26  a,  B,  C,  N  :  ne  seront;  Sloan,  Arundel,  Harley  :  sera.  — 
27  B:  miea;.  —  28B  :  qu'il.  —  29  B  :  sera.—  ™  B  :  nu/  bien,  et  tout  adès...  N  :  adès  les  a  touz. 

*  laist  :  P.  I.  de  laier.  Ex.  :  Huon  de  Bordeaux  (Paris,  1860)  v.  5839,  laist.  —  Vie  de 
saint  Gilles  (Paris,  1881)  v.  1595,  leist. 

a  «  Cent  mile...  peûst.  »  Sydrach  Ad.  239  —  S  594. 


62 


les  a  devant  lui.  Ne  ne  fu  onques  biens  *  ne  jamais  n'iert,  qui 2  ne  fust 
devant  Dieu  ponrtrait  avant  qu'i  feïst 3  le  monde. 
Ore  oez  pour  quoi  Diex  fist  le  monde. 


Pour  quoi  Diex  fist  le  monde. 

[F0  6  d\  Diex  fist  le  monde  a  sa  volenté,  pour  ce  qu'il  i  peiist  avoir  aucune 
chose  qui  feust4*  tele  qui  ses  biens  peiist  desservir,  se5  il  ne  perissoit  en 
lui.  Et  pour  ce  establi  il  cest  monde  ;  non  pas  pour  ce  que  miex  l'en  fust, 
ne  qu'il  en  eiïst  nul  besoing",  mais  il  le  fist  par  charité  et  par  sa  très 
grant  debonnaireté.  Car  il  vouloit e,  comme  bons,  qu'autres  partist  à  lui  et 
a  ses  biens,  et  que  toute  autre  créature,  chascune  selonc  7  sa  nature,  se 
se?i-[F°  y  a]tist  de  sa  puissance,  selonc  ce  que  a  lui  apertenist 8  ». 

Ainsi  volt  establir  cest  monde  que  tel  chose  en  peùst  issir  qui  entendre 
et  savoir  peiist  la  noblece  9  de  son  pooir  et  de  sa  sapience  et  dou  10  bien 
qu'i ll  fist  pour  homme  terrien,  si  qu'il  le  peiist  servir  en  tele  manière 
que,  par  lui,  peiist  desservir  les  biens  que  pour  lui  avoit  faiz. 

Si  devons  moult  amer  celui  qui  nous  fist  et  forma,  et  bon  ^ré  savoir, 
quant  nous  avons  [F0  7  b]  tel  pooir  par  lui  que,  se  nous  le  voulons 
amer,  nous  serons  seigneur  de  touz  ses  biens 12.  Or  l'amons  donqnes, 
si  ferons  que  sag-e,  ou  nous  13  i  avrons  damag'e  grant.  Car  se  nous  per- 
dons touz  icès  biens  que  Diex  a  faiz  pour  nous,  ja  pour  ce  Diex  riens  n'i 
perdroit. 

Il  les  fist  u  pour  ce  que  nous  les  aions,  puis  que  nous  les  savons  desser- 
vir et  qu'il  nous  en  15  a  donné  le  sens  et  le  pooir. 


Pour  quoi  Diex  forma  homme  1(î  a  s9  y  mage  et  a  sa  samblance. 

[F°  7  c]  Quant  Diex  fourma  houme17,  il  le  volt  faire  a  sa  samblance, 
pour  ce  qu'il  eûst  remenbrance  de  ses  biens,  si  qu'il  en  eûst  et  qu'il  les 

1  B  :  nul  biens.  —  -  B  ;  qui  tout...  —  :!  A  :  avant  qu'i  feust  le...  B  :  avant  qu'il  feïst 
le  monde.  Or...\C  :  avant  qui  le  fist  le...  N  :  avant  qu'il  feïst  le...  —  4  B  :  fust.  —  5  B  :  si» 
—  r<  B  :  yoi'loit.  —  '  B  :  solonc.  -8B:  apartenist.  —  9  B  :  noblece.  —  10  B  :  du.  — 
11  B  :  que  il,  —  12  B  :  de  «  et  bon  gré  »  jusqu'à  «  ses  biens  »,  manque.  —  13  B  :  non.  — 
J4  B  :  fist  manque.  —  *5  B  :  en  manque.  —  16  B  :  home.  —  17  B  :  forma  home. 

"  feust  :  I.  S.  de  «  estre  ».  Ex.  :  Chronique  du  Mont  Saint  Michel  (Paris,  1883)  vol.  1 
p.  241,  feust.  —  Stimming,  o.  c.  p.  180,  feust. 

a   [F°  6  d  —  F»   7  b=  vers  133-168. 

b  «  Diex  fist...  apertenist.  »  Sydvach  Ad.  240  —  5"  234.153.  —  Saint  Augustin.  Liber 
de  dil'ujendo  Deo,  eh.  II  [Patrologda  t.  40.)  V.  Introduction  p.  32. 
c  f^o  7  O  —  F°  S  b  =  Vers  169-214.] 


—     63     — 

peiist  desservir  tout  par  droit  vers  son  creator  \  Car  il  li  fist  si  grant  amour 
que  sor  touttes 2  autres  créatures  le  fourma  3  a  sa  fig-ure  et  a  sa  samblance. 
Et  li  dona  4  naturelment  tout  le  plus  g-entill  entendement  pour  lui  amer  et 
pour  lui  comioistre  que  nulle  5  riens  peûst  avoir,  pour  ce  que  [F0  7  d]  il 
peiist  partir  e  a  ses  biens  plus  que  nulle  autre  créature  A. 

Ne  onques  Diex  ne  fist  pour  autri7*  tant  de  biens  comme  il  fist  pour 
houme8,  mais  que  9  il  les  weille10**  desservir;  et  se  non,  il  est  bien  droiz 
que  il  s'en  dueille.  Car  cil  ne  fait  a  Dieu  point  de  bonté,  qui  u  fait  bien 
pour  avoir  sa  grâce  et  s'amour.  Car  il  fait  son  preu  meïsmes  plus  qu'il  ne 
fait  l'autrui,  et  tout  le  bien  12  s'en  vient  par  lui.  Et  pour  ce  le  fait  bon  amer 
et  ser-[F°  8  a]vir  13. 

Car  mowlt  se  puet 14  clamer  chaitis  et  las  qui  dessert  par  sa  folie  que  il 
pert  celé  haute  g-loire  par  son  pechié  qui  ne  li  monte  riens.  Et  n'en  a  en 
la  fin  fors  que  honte;  et  le  tire  après  lui  en  tel 15  lieu  ou  il  n'a  fors  que 
painne  et  ire  et  douleur 1S,  dont  jamais  délivré  ne  se  verra  tarct  comme  il  vive 1T. 

Ainsi  a  celui  la  grant  joie  perdue  qui  rendue  li  deûst  estre  18,  se  ne 
fust  par  son  pechié  qui  li  toit.  Et  sires  en  fust  se  il  vousist,  se  il  se  fust 
[F0  8  b]  maintenuz  en  bien  faire  et  il  se  fust  g*ardez  et  tenuz  de  faire  mal. 
Car  qui  bien  fait,  il  a  tant  d'onneur  19  que  li  ang-e  en  font  leur  seing-neur 20 
devant  Dieu  et  roi  coronnéB.  Dont  cil  se  puet  bien  pour  beneûré  tenir  qui 
tant  fait  en  terre,  tant  comme  il  vit,  qu'i 21  puisse  celé  honeur22  conquerre 
et  avoir.  Et  faire  le  puet  chascu/is  23  hons  tout  par  soi  se  il 24  veult.  Or  se 
praing-ne  au  quel25  que  il  voudra.  Car  il  le  puet  bien  g-aaing-nier  ou 
perdre. 

iiiic. 

[F0  8  c]  Pour  coi  Diex  ne  fist  houme  26  tel  qu'i27  ne  peûst  pechier. 

Damlediex 28  donna  le  pooir  a  Tourne 29  de  faire  sa  voulenté 30,  ou  bien,  ou 
mal,  lequel  que  il  vousist.  Car,  s'il  eiist  Tourne  31  tel  fait  qu'il  ne  peûst 82  faire 

1  B:  ver  son  creatour.  —  2  B  :  fist  amour  si  grand  que  seur  toutes...  —  3  B:  forma. 
—  4  B  :  donna.  —  5  B  :  nule.  —  6  B  :  pour  ce  qu'il  peiist  a  partir...  —  7  B  :  autrui.  — 
8  B  :  homme,  —  9  B  :  qu'il.  -'«B:  veille.  C  :  vueille.  ^"B:  qu'il.  ~  «  B  :  touz  li  biens. 
13  B  :  servir  et  amer.  —  14  A  :  peuet.  —  15  B  :  tel  manque.  —  l6  B  :  pâme  et  douleur  et 
ire.  —  17  N  :  il  vive  ;  A  :  li  vive.  —  18  B  :  qui  li  deûst  estre  rendue.  —  19  B  :  ouneur.  — 
20  B  :  se/gneur.  —  21  B,  N  :  qu'il.  —  22  B  :  honneur.  —  ^  A  :  chascîï  ;  B  :  chascuns.  — 
24  A  :  se  li  veult.  —  ^  A  :  quel  manque.  —  2e  B  :  homme.  —  27  B  :  qu'il.  -^B:  Dame- 
diex.  —  »  B  :  l'omme.  —  3°  B  :  volenté.  —  3*  B  :  si  eûst  l'omme.  —  32  A  :  puet. 

*  autri.  Ex.  :  William  de  Wadington,  Manuel  des  péchés,  cité  par  Toynbee  (Oxford, 
1892),  p.  2o0,  autri.  —  Nombreux  exemples  dans  Stimming  (o.  c.  p.  210)  ;  Vising,  Dial. 
ancfln.  (Upsale,  1882)  p.  86  ;  Suchier,  Altfr.  Gram.  p.  35. 

**  W  en  angln.  représente  soit  v,  soit  vu  (Suchier  Altf.  G.  p,  12;  Stimming  o.  c. 
p.  220.  —  Psautier  de  Metz  (Prologue)  :  welt,  wellent  (lorrain). 

a  «  Quant  Diex...  créature.»  Sydrach  S.  23o.  —  Saint  Augustin,  De  Trinitate  XIV  12 
{Patrol.  t.  42).  Voir  Introduction,  p.  32. 

b  «  Car  qui...  coronné.  »  Sydrach  Ad.  40. 

c  [F°  8  c—  F°  12 c  =  Vers  215-412]. 


—     64     —    . 

fors  que  bien,  il  li  tousist  aucune  chose  de  son  pooir.  Car  il  ne  peiist  faire 
mal  quant 1  il  li  pleûst.  Car  ainsint2,  vousist  ou  non,  feïst  il  touz  jourz  bien 
sanz  raison.  Car  ce  ne  fust  mie  par  lui  qu'il  feïst  le  bien,  mais  par  autre 
qui  [F0  8  d]  l'en  eûst  a  force  entalenté  et  donnée  la  voulenté  8.  Et  cil  par 
cui  il  le  feïst  en  desservist  le  guerredon,  non  pas  lui.  Car  petit  dessert  qui 
par  force  d'autrui  fait  serviseA.  Qui  me  merroit 4  demain  en  prison  pour 
bien  faire  maugré  moi,  je  ne  le  tendroie  mie  a  sage;  car  il  me  feroit  des- 
raison. 

Et  nostre  sires  eiist  bien  fait,  se  il  vousist,  houme  tel  qu'il  ne  peûst r> 
mal  faire.  Mais  il  ne  desservist  ja  tel  °  biens  comme  il  fait  orendroit  [F0  g  a] 
en  nul  tens  7  du  monde.  Et  pour  ce  fist  nostre  seigneur  tels  genz  8  qu'il 
peiïssent  plus  de  bien  avoir.  Ja  autrement  n'en  eussent  tant. 

Se  Diex  a  fait  les  anges  tels  qu'il 9  ne  pueent  pechier  mortelment  ne 
mal  faire,  ja  si  grant  don  ne  si  haut 10  ne  desserviront  comme  les  houmes  ll  B. 

Mais  qui  bien  voudroit  desservir,  il  devroit  servir  voulentiers  12  de  cuer 
entier  et  par  très  grant  amour  celui  qui  tel  le  fist  pour  plus  haut  honnor 13 
conqwerre. 

\F°  g  b]  Si  voult  Diex  que  li  hons  fust  tels  que  il  peûst  par  droit  des- 
servir 14  autant  de  bien,  endroit  soi,  comme  il  meïsmes  en  avoit.  Et  li 
donna  sens  et  raison  d'avoir  entention  vers  lui.  Car  par  droit  servir  le 
devroit.  Si  est  moalt  fols  15  qui  ne  se  porvoit 1G  de  bien  faire  tant  comme 
il  vit.  Car  tous17  li  biens  que  chascuns  fera  sera18  sien.  Et  siavrapor19  *i* 
bien  "C  biens,  et  por  20  -r  mal  "C  mais. 

Car  moult  est  fols  celui  qui  cuide  faire  a  [F0  g  c]  Dieu  bonté  de  son 
bien  de  nulle  riens  qui  soit,  quant  il  le  fait  et  quant  il  se  tient  de  mal  faire, 
fors  que  tant  que  Diex  l'en  tient21  plus  chier  et  miex  l'en  aime22.  Car  se 
touz  li  mondes  se  perdoit,  ja  pour  ce  Diex  n'en  vaudroit  pis,  ne  nus23  des 
biens  qui  sont 24  en  son  pooir  c. 

Se  tuit  li  saint  qui  ont  esté  au  monde,  et  qui  jamais  i  seront,  n'eus- 
sent onques  fait  nul  bien  et  dampné  se  fussent  trestuit,  ja  por25  ce  Diex 
mains  de  de-\F°  g  o'Jduit  n'en  eiist  ne  pis  n'en  vausist,  ne  riens  nule  qui 
feust  en  2fi  paradis. 

1  B  :  tant  qu'il.  —  -  B  :  ainsinc.  —  :i  B  :  volenté.  —  4  B  :  metroit.  —  •">  B  :  fait  homme 
tel  se  il  vousist  qui  ne  peùst.  —  fi  B  :  tels.  -  'B:  temps.  -8B:  les  genz.  —  9  B  :  qui. 
—  1()  B  :  «  ne  si  haut  »  manque.  -nB:  hommes.  —  12  B  :  volentiers.  —  13  B  :  honneur.  — 
14  A  :  asservir.  —  lr>  A  :fos.  —  lfi  B  :  pourvoit.  —  17  B  :  touz.  —  ]8  B  :  sera  manque.  — 
]il  B  :  et  si  ara  pour.  —  2o  B  :  pour.  —  21  B  ;  \e  tient.  —  22  B  :  aimme.  —  2n  B  :  nu/.  — 
24  B  :  soit.  —  26  B  :  pour.  —  2«  B  -  fust.  em. 

a  «  Damlediex...  servise.  »  Sydrach  Ad.  208.  S  Ho,  201.  Saint  Augustin.  De  Libevo 
Arbitrio  (Patrol.  t.  32  col.  1221)  ii-1.  Voir  Introduction  p.  ;{2. 
B  «  Se  Diex...  houmes.  »  Sydrach  Ad.  40. 
c  «  Car  moult...  pooir.  »  Sydrach  Ad.  4o,'t. 


—     65     — 

Mais  li  saint  furent  sage  et  preuz  et  viguereus  de  faire  leur  pourtiz l; 
comme  cil  qui  bien  aperçurent  que  li  siècles  ne  valoit  riens*.  Si  orent  plus 
chier  a  souffrir  mal  et  offrir  leur  cors  a  tourment  et  a  martire  et  avoir 
honte  et  laidure  pour  l'amour  de  Dieu,  en  cest  siècle  qui  si  pou  dure,  et 
avoir  les  biens  de  paradis  a  touz  jours  que  avoir  aise  mua- [7^°  10  a]b\e  au 
cors  pour  avoir  la  painne  pardurable.  Si  n'orent  cure  de  tels  biens  qui 
riens  ne  valoient  en  la  fin.  Ainz2  pr/strent  le  frain  as  denz  pour  aquerre 
le  très  haut  sens  de  paradis.  Et  moult  y  a  de  ceuls 3  qui  les  tindrent  pour 
fols4  au  monde,  qui  orendroit  ont  bien  les  cols  chargiez  de  ce  dont  il  sont 
délivrés.  Car  il  sont  herbergiez  en  paradis. 

Et  encore  tient  on  maint  sage  a  fol 5,  qui  ne  prisent  paires  leur  paroles. 

\F°  10  b.]  Maint  sage  sont  orendroit  en  paradis  que,  s'il  prisassent  les 
fols6  diz  et  les  paroles  des  genz  7,  tant  comme  il  furent  au  monde,  il  n'eus- 
sent pais8  fait  ce  qu'il  firent;  ausin  9  comme  font  orendroit  monlt  de  gent10 
qui  tant  couvoitent "  a  avoir  le  los  de  cest  siècle  pour  la  parole  des  fols12, 
qu'il  en  laissent  a  faire  les  biens  de  Nostrc  Seigneur**;  don  13  li  saint  firent 
bien  leur  preu***,  car  il  ne  laissèrent 14  pas,  pour  les  deliz  du  siècle,  a  servir 
Dieu  pour  a-[^°  io  c]voir  paradis,  ou  il  ont  joie  et  toute  honneur,  comme 
cil  qui  seigneur  en  sont15  et  seront  sanz  fin.  Et  s'il  eussent  autrement 
fait,  il  eussent  touz  jourz  ie  honte  et  laidure  en  enfer  ou  touz  les  maus17 
que  l'en  porroit  deviser  sont. 

Si  est  merveilles  18  de  cest  monde,  comment 19  ce  est  que  tant  de  gent 
sont  qui  sou ffer rien t 20  plus  de  painne  pour  le  los  des  genz21  conquester 
ou  pour  amasser  avoir,  qui  si  pou  de  tans  leur  demeure  et  qui  en  une 
[F0  io  d]  seule  heure  leur  faut,  que  il  ne  feroient  pour  conquerre  les  biens 
de  Nosfre  Seigneur,  qui  ja  ne  faudront,  que  li  saint  ont  en  lor  baillie  pour 

1  B  :  preufiz  ;  N  :  proufiz.  —  2  A  :  Aiz  ;  B  :  Ain  ;  N  :  Ainz.  —  3  B  :  cels  ;  N  :  ceus.  — 
*  B  :  fouis;  N  :  fous.  —  s  B  :  foui  ;  N  :  foui.  —  «  B;  fouis.  -'B:  gens.  -8B:  pas.  — 
9B  :  aussi.  —  10  B  :  gens.  —  "  B  :  couveitent.  —  12  B  :  fouis.—  13  B  :  don/;  A  :  don.  Cette 
orthographe  est  confirmée. —  14  B  :  laissèrent.  —  15  B  :  qui  en  sont  seigneur. —  16  B  :  jours. 
—  17  B  :  ma/s.  —  18  B  :  merveille.  —  19  B  :  comme.  —  2°  B  :  soufferoien/.  —  21  B  :  gens. 

*  «  Mais...  riens  »  :  Mais  les  saints  furent  sages  et  braves  et  ardents  à  chercher  leur 
salut,  comme  ils  savaient  bien  que  ce  monde  n'est  qu'une  chose  vaine  (ne  valait  rien). 

Sloan  f°  80  c  :  Mais  li  saint  furent  bon  et  preu 
et  bien  sorent  faire  lor  preu, 
com  cil  qui  aperchiurent  bien 
que  li  siècles  ne  valoit  rien. 

**  «Et  encore...  Seigneur»  :  Et  pourtant  ces  gens  (on)  prennent  maint  sage  pour  un 
fou  parce  qu'il  n'a  pas  grande  opinion  de  leurs  paroles.  Il  y  a  maint  sage  au  paradis 
maintenant  qui  n'y  serait  pas  arrivé  (qui  n'eussent  pas  fait  ce  qu'ils  firent)  s'il  avait 
écouté  les  folles  paroles  des  gens  pendant  qu'il  était  sur  cette  terre.  Pourtant  beaucoup 
de  gens  agissent  maintenant  de  telle  façon  qu'ils  convoitent  la  louange  de  ce  monde  par  la 
bouche  des  fous  au  point  de  cesser  de  faire  le  bien  (les  commandements  de  Notre  Sei- 
gneur). 

***  «  don...  preu  »  :  sous  ce  rapport  les  saints  firent  bien  leur  profit. 

5 


—   m   — 

un  poi  de  dure  vie  qu'il x  souffrirent  en  cest  monde,  qui  ne  samble  que 
délit  a  ceuls  qui  de  cuer  s'i  metent.  Et  leur  est  avis  en  la  fin  que  il  ont 
paradis  pour  noient2. 

Et  tout  ausin8  le  puet  avoir  chascuns,  et  estre  communs  des  biens 
Dieu,  et  avoir  la  joie  de  paradis,  se  il  ne  perist  en  lui  meïsmes.  [F0  1 1  à] 
Mais  cil  qui  desirre/it 4  la  gloire  de  ce 6  monde,  il  s'en  empirent  tant  qu'il 
ne  tmeent  nul  bien  aprendre  ne  entendre  a  leur  sauvement.  Si  ont  plus 
chier  l'aisement  du  cors,  dont  il  sont  si  tost  hors  mis  et  menez  a  douleur 
et  a  painne G,  qu'il  ne  font  l'aise  de  l'ame  qui  touz  jourz  7  dure.  Ne  ne 
prisent 8  riens,  sens  ne  savoir  d'oume 9,  s'il  ne  se  set  avoir  au  siècle  et  se 
il  n'a  avoir  assez  par  coi  il  soit  alevez  au  siècle.  Ainz  dient  qu'i  est 
m-[F°  ii  6]ces  et  fols  10,  pour  ce  qu'il  ne  sieut11  leur  malices*. 

Mais  tuit  cil  sont 12  maudit 13  de  Dieu  par  la  bouche  le  roi  David,  qui  se 
painnent14  de  plaire  au  monde  pour  nulle  rien  qu'il  sachent15  faire.  Car 
cel  org-ueill  est  vaine  chose  per16**  quoi  l'en  empire  l'ame.  Dont17  David 
dist  el  sautier  :  Maudit  sont,  dist  il,  trestuit  cil  et  confus  comme  gent 
d'essill,  qui  au  monde  plaissent  de  riens.  Car  de  touz  biens  il  s'ostent18, 
et  se  descorde n t  de 'Dieu,  puis  qu'il  sont  [F0  n  c]  en  tel  estât  qu'i  s'acor- 
dent  au  monde  et  a  ses  délices.  Car  Diex  les  a  touz  en  despit,  et  leur 
escondit  sa  grâce,  pour  ce  qu'il  quierent  le  los  du  monde  ou  il  fu  pour 
fols  tenuz  19. 

Et  puis  dist  Diex  en  l'evang-ile  :  que  cil  seront  beneiiré  qui  avront 2(> 
le  monde  en  despit  et  qui  seront  des  genz  hayz  et  degetez  et  escharniz  21 
comme  foui  pour  l'amour  de  moi  et  de  mon  non.  Car  il  avront  el  ciel  le 
g-uerredon. 

Car  ce  puet  on  [F0  1 1  d]  tout  clerement22  veoir,  se  Diex  meïsmes  ne 
ment  et  veritez  n'est  fausetez,  que  ceuls 23  a  cui  li  mondes  24  plaist,  et  qui 
le  los  du  monde  veulent  avoir,    il  ne  puet  estre  qu'i25  ne  s'en  duelent26. 

1  B  .  que  il.  —  2  B  :  néant.  —  3  B  :  aussi.  —  4  B  :  désirent.  —  5  B  :  cest.  — °  B  :  pâme. 

—  "  B  :  jours.  —  8  B  :  prise.  —  9  B  :  d'omme.  —  10  B  :  qu'il  est  fouis  et  nices  ;  C  :  qu'il 
est  nice  et  fol.  —  11  B  :  que  il  ne  sieut;  C  :  qu'il  ne  sieut  ;  A  :  qu'il  sient.  —  12  B  :  «  sont  » 
manque.  —  i:i  B  :  maud/.st.  —  ]4  B  :  pâment.  —  15  B  :  sache.  —  16  B  :  par.  —  17  A  :  Oont. 

—  18  B  :  Car  il  s'ostent  de  touz  biens.  —  10  B  :  ou  il  fu  tenuz  pour  fols.  —  2o  A  :  auraront. 

—  -'  B  :  hay  et  deçeté  et  ladi  et  escharm...  —  ~  B  :  plainement  —  23  B  :  faussetez,  que 
cels.  —  -4  B  :  a  qui  le  monde.  —  -5  B  :  qu'il  ne.  —  26  B  :  duillent. 

«  Ne  ne  prisent...  malices  »  :  Ils  n'apprécient  ni  le  sens  ni  le  savoir  d'un  homme 
s'il  n'a  pas  de  biens  sur  cette  terre  et  s'il  n'a  pas  de  biens  temporels  au  moyen  desquels 
il  puisse  s'élever  en  ce  monde.  Aussi  l'appellent-ils  sot  et  fou  parce  qu'il  n'imite  pas  leurs 
méchancetés. 

"  «  per  »  :  cette  forme  se  retrouve  à  plusieurs  reprises  dans  le  ms.  A  :  f°  59  a,  f°  95  b, 
f°  114  c.  Elle  est  confirmée  par  de  nombreux  exemples  :  Serments:  «  per  dreit  »  ;  St  Léger: 
st.  xvii  «  toth  per  enveia,  non  per  el  ».  Sermons  de  St  Bernard  (Paris,  1841)  p.  537  :  «  Il 
se  combat  en  sa  conversation  et  per  paroles  et  per  exemples  ».  Papegau  (Halle,  1897)  p.  17. 
•32  «  maillié  dehors  per  semblant  ». 


-    —     67     — 

Pour  ce  est  cil  fols i  qui  point  en  qui ert  avoir.  Car  tuit  cil  sont 2  en 
mauvais  point  qui  point  en  quierent  ne  pourchacent*.  Car  li  dyable  3  les 
chacent  en  enfer,  qui  en  fount  doulereus4  conroi.  Ja  ni  avra  si  cointe  roi 
ne  conte,  ne  duc  [F0  12  a]  si  puissant  que  li  dyables  n'en  face  autretant 
comme  du  plus  vill  et  du  plus  povre  qui  viengne  en  enfer,  s'il  fait  tant 
qu'il  le  tiengne  en  son  pooir.  Tuit  cil  qui  la  vont,  et  roi  et  prince  et  conte, 
devienent 5  tuit  ribaut.  Dont  l'en  dist  en  reprouver  :  Mowlt 6  se  doit  plaindre 
de  ses  mais  qui  ci  est  rois  et  la  ribaus  7.  Car  il  puet  conquerre  en  paradis 
plus  noble  roiaume  que  en  terre. 

Car  qui  sert  Dieu 8**  en  ce 9  siècle,  tant  comme  il  est  vis,  il  en  est  [F0  12  6] 
plus  honnorez 10  en  paradis  que  tuit  li  roy  "  ne  furent  onqnes  au  monde. 
Or  le  servons  donques  et  laissons  le  mal  a  tant  ester  **. 

Puis  que  vous  avez  oy  ci  devant 13  por  coi 14  Diex  fist  le  monde,  et  pour 
coi  il  fist  Tourne 15,  si  vous  dirons  après  la  fourme  del le  monde,  selonc 
sa  façon,  et  comment  il  est  faiz  tout  environ.  Mais  il  est  raisons  que  nous 
dions  avant  des*vii*arz  et  de  leur17  raisons  et  comment  eles  furent  trouvées 
par  ceus18  qui  s'aperçurent  [F0  12  c]  de  bien.  Car  par  les  'vii*  arz  set 13" 
l'en  les  faiz  du  monde  et  comment  il  est.  Si  en  devons  parler  avant,  pour 
miex  entendre  ce  que  nous  dirons  après. 


VA. 

Pour  quoi20  et  comment  les  'vir  arz  furent  trouvées. 
Et  de  leur  ordre. 

Or  dit21  cis  livres,  qui  est  d'astronomie  estraiz,  comment  li  sage  phi- 
losophe ça  en  arrière 22  voudrent  enquerre  la  manière  du  monde,  comment 
il  estoit  faiz.  Dont   monlt  de  genz  s'en  merveilloient 

[F0  12  d].  Et  quant  li  mondes  fu  faiz  et  compassez,  il  i  ot  assez  de 
genz  ;  si  regardèrent  li  pluseur  le  firmament  qui  tournoit 23  tout  entour 
le  monde   et  se  mou  voit.  Monlt  se  merveillierent  comment  ce  pooit  estre. 

1 B  :  fouis.  —  2  B  :  son.  —  3  B  :  dyables.  —  4  B  :  chace  et  boute  en  enfer  qui  en -fait  dole- 
reus.  —  5  B  :  deviengnent.  —  6  B  :  reprovier  :  Moult.  —  7  B  :  roi,  et  la  ribauz.  —  8  A  :  Du. 
9  B  :  ces/.  —  10B  :  plus  sires.  —  n  B  :  rois.  —  12  B  :  ester  a  tant.  —  13  B  :  ...avez  devant 
oy.  —  14  B  :  pour  quoy.  —  15  B  :  et  pour  quoi  Diex  fist  Yomme.  —  16  B  :  du.  —  17  B  :  leurs. 
—  18  b  :  ceu/s.  —  »  B  :  sest.  —  20  b  :  quoy.  —  21  B  :  dist.  —  22  B  :  arriéres.  —  23  B  :  tour- 
moi  t. 

*  «  Pour  ce...  pourchacent  »  :  C'est  pourquoi  celui-là  est  fou  qui  cherche  à  en  avoir» 
Car  tous  ceux  qui  en  cherchent  ou  en  désirent  sont  mal  avisés. 

**  Nous  n'avons  pu  relever  un  autre  exemple  de  Du  pour  Dieu,  quoique  le  changement 
de  ieu  en  u  soit  fréquent  en  angln.  :  ju,  fu,  milu,  estru,  lu,  etc.  (Suchier,  Altf.  Gram. 
p.  56.  —  Stimming,  o.  c.  p.  204.) 

a  F°  12  c  —  23  a  =  Vers  413-929.] 


—     68     — 

Si  en  veillierent  par  maintes  nuiz  et  par  mainz  jourz  l.  Lors  prenoient 
a  regarder  les  estoiles 2  qui  se  levoient  vers  oriant  et  s'esmouvoient 3 
environ  par  desus  leur  teste 4. 

Cil  n'entendoient  a  mangier  6  ne  a  leur  ventres  emplir,  comme  font 
[F°  i3  a]  les  bestes  qui  ne  quierent  fors  leur  pasture,  si  comme  font 
orendroit  cil  qui  n'ont  cure  fors  de  vivre  comme  pourciaus  et  de  couchier 
a  aise 6  en  leur  mois  Hz  a  ;  ainz  veilloient  par  maintes  nuiz,  et  ne  lor 
annioit  pas  ;  anz  7  leur  embellissoit  monlt  de  ce  qu'il  veoient 8  le  firma- 
ment si  noblement  mouvoir. 

Et  veoient  les  estoiles  mouvoir  jusqu'à  9  tant  que  eles  se  couchoient 
contre  oriant  par  d'autre  part10*  l'une  ÏF°  i3  b]  plus  tost  que  l'autre. 
Ainsi  reg-ardoient  en  tour  le  firmament,  jusques  "  au  jour  qnVl  reveoient 
le  souleill 12  lever  au  matin  vermeill  et  cler 1S  qui  montoit  la  moitié  du  jour 
et  en  l'autre  moitié  descendoit,  tant  que  il  s'aprochoit  du  14  couchier  qui 
faisoit  aprochier 15  la  nuit.  Et  lors  revenoient  les  estoiles  56  en  leur  déduit, 
tant  que  li  souleulz  17  revenoit  qui  enluminoit  tout  le 18  jour,  et  [F°  iS  c) 
s'en  aloit  son  droit  chemin  tant  qu'il  repairoit  au  matin  arriéres. 

Après  regardèrent  de  la  lune  qui  estoit  une  commune  chose  et  au  monde 
apparoit  diversement.  L'une  foiz  estoit  reonde,  et  l'autre  demie,  ausi 19 
comme  s'ele  fust  trenchie  par  mi  le  milieu.  Et  après  devenoit  cornue.  Et 
ainsi  s'en  aloit  toute  défaillant 20,  tant  que  l'en  n'en  veoit  point.  Après 
rapparoit21  cornue,  et  puis  demie,  et  puis  toute  [F0  i3  d]  plainne,  si 
comme  ele  estoit  devant,  et  ausi  22  entière. 

Lors  sorent  il  bien  par  leur  sens  qw'ele  s'aprochoit23  du  souleill 24  jus- 
ques a  tant  que\e  estoit  endroit  lui,  et  puis  s'en  departoit 25,  et  après  s'en 
esloing-noit  plus  et  plus,  tant  qw'ele26  estoit  ausi27  ensus  du  souleill28 
comme  ele  avoit  esté  devant.  Et  lors  s'an 29  raloit  aprouchant.  Puis  s'en 

1  B  :  jours.  —  -  B  :  resgarder  les  estoi//es  du  ciel.  —  3  B:  s'esmoyoient.  —  4  B  :  testes. 

—  5  B  :  mengier  ;  N  :  mangier.  —  6  A  :  «  a  »  manque.  —  T  A  :  amioit  ;  B  :  leur  annioit  pas. 
Ainz...  ;  N  :  leur  anuioit  pas.  Ainz.  —  8  A  :  noient.  —  9  B  :  estoi//es  mouvoir  jusques  a... 

—  10  A,  B,  N  :  par  d'autre  part  ;  cf.  aussi  f°  100  a,  c,  101  b.  —  u  B  :  busqués.  —  *2  B  :  soleill. 

—  13  B  :  cler  et  vermeill.  —  14  B  :  s'aprouchoit  de.  —  15  B  :  aproachier.  —  16  B  :  estoi//es. 

—  17  B  :  soulhelz.  —  «  B  :  li.  —  »  B  :  aussi.  —  20  B  :  défaillant.  —  21  B  :  reparoit.  — 
22  A  :  ansi  ;  B  :  aussi.  —  23  B  :  s'aprouchoit.  —  ^B  :  soleill.  —  25  B  :  despartoit.  —  ^  B  :  que 
ele.  -"B:  aussi.  —  28  B  :  soleill.  —  »  B  :  s'en. 

«  Par  d'autre  part  »  se  retrouve  dans  la  plupart  des  mss.  Il  s'agit,  semble-t-il,  du 
vieil  emploi  de  la  préposition  par  jointe  à  certaines  prépositions,  surtout  à  celles  qui  com- 
mencent par  de.  Cf.  par  devers,  par  decosté,  par  dessous.  «  Par  de  treis  parz  les  assailli- 
lirent  —  E  par  treis  lieus  les  envaïrent.  »  Chron.  des  Ducs  de  Normandie  (Paris,  1836). 
«  Karles  li  rois  de  France,  qi  lor  vient  en  aïe  —  S'est  ambatuz  an  l'ost  par  de  l'autre 
partie».  Chanson  des  Saxons  (Paris,  1839,  II  126). 

Par  est  aussi  confirmé  par  la  mesure  des  vers  dans  la  première  rédaction.  Sloan, 
f°  81  d  :  Contre  oriant  par  d'autre  part.  Cf.  Burguy  II  358. 

a  «  Et  quant...  mois  liz.  »  Sydrach  Ad.  208.  Neckam  II  173  ;  De  Laudibus  10. 


—    69    — 

raloit1  et  revenoit,  toute2  nuit  et  toute  jour  tournia/it  et  faisant  son 
tour  avec  3  [F0  i4  a]  le  firmament  tout  en  tour,  ausi 4  comme  ele  fet 6 
encore  orendroit  sanz  remuer. 

Mes  e  les  genz  qui  orendroit  sont  pensent  plus  a  leur  lasses  pances  7 
emplir  et  engressier  8,  qui  si  tost  viennent  a  pourreture,  por 9  leur  norre- 
ture  vilaine 10  qui  les  livre  a  painne  n  et  a  honte. 

Cil  ne  faisoient  pas  ainsi.  Car  il  ne  queroient  menger 12*  fors  seulement 
qu'il  peûsent18  alegier  leur  fain  pour  leur  cors  soutenir 14  et  tenir  en  [F*  i4  b] 
santé,  si  qu'il  se  peussent  aidier  de  leur  sens,  si  comme  il  deiissent, 
pour  venir  a  la  droite  voie  de  la  gloire  Dieu.  Et  lors  en  vivoient  pins 
longuement  -XX-  lb  ou  *XXX*  que 1G  ne  font  orendroit  *G-  17  par  leur 
foie  contenance  et  vaine**;  il  n'entendent  pas  bien  la  parole  que  Jhesu 
Grist  dist  au  dyable,  quant  il  le  cuida  tempter  par  son  barat,  quant  il  li 
dist  qu'il  feïst  de  18  pierres  pain  et  qu'il  en  manjast 19.  Et  Diex  li  dist  tantost 
que  li  hons  ne  vivoit  [F0  i4  c]  pas  de  pain  seulement,  ainz  vit  de  toute  la 
parole  qui  de  la  bouche  Dieu  vient  a. 

S'il  entendoient  bien  ceste  parole,  il  en  retendroient 20  plus  volentiers 
les  paroles  qui  viennent  de  Dieu.  Mes  les  granz21  rentes  que  il  ont  et  les 
granz  trésors  leur  apeticent  leurs  vies,  par  leurs 22  mengiers  qui  trop  leur 
nuisent;  si  que  nature  ne  les  peut  soufrir28,  dont  il  couvient  que  il  mui- 
rent 24  plus  tost.  Ainsi  leur  emble  leur  avoir,  ou  il  se  délitent  [F0  i4  d] 
et  fient,  leur 26  cuers  et  leur  sens  tout  ensemble,  si  qu'il  sevent  pou  a  la 
mort  qnant 2e  il  doivent  mourir 27.  Dont  pluseur 28  en  sont  mort  et  da/npné 29 

1  B  :  aloit.  —  2  B  :  revenoit  ainsi  toute...  —  3  B  :  avoec.  —  4  B  :  aussi.  —  5  B  :  fait. 
—  e  B  :  mais.  —  7  A  :  lasses  de  pances.  —  8  B  :  encressier.  —  9  B  :  porreture,  pour...  — 
10  B  :  vilainne.  —  n  B  :  douleur.  —  12  B  :  mengi'er  ;  N  :  mang/er.  —  13  B  :  qu'il  en  ^eus- 
sent ;  N  :  qu'il  peussent.  —  n  B  :  sostenir  ;  N  :  soustenir.  —  15  A,  B,  N,  C  :  .XX.  ans.  — 
"5  G  :  qu'ilz  ne  font.  —  «  A,  B,  N,  C  :  et.  —  18  B  :  des.  —  »  B  :  mengast.  —  20  B  :  retren- 
droient.  —  21  B  :  grans.  —  ^  B  :  apetice  leur  vies  par  les...  —  23  B  :  paet  souffrir.  — 
24  B  :  qu'/l  muèrent.  —  25  B:  leurs.  —  *  B  :  seuvent  moult  pou  a  la  mort  et  quant...  — 
27  :  morir.  —  28  B  :  pluseurs.  —  »  B  :  mors  et  dampnez. 

*  -er  pour  -ier  se  trouve  à  plusieurs  reprises  dans  ms.  A  (coucher  46  a,  100  a  ;  priser 
113a;  cuider  119d).  C'est  une  forme  angln.  (Suchier  Altf.  G.  p.  47.)  Ex.  :  abeisser,  che- 
valer,  manger,  Lais  de  Marie  de  France  (Halle,  1900)  ;  chevaler  :  aler,  Estorie  des  Engleis 
par  Gaimar.  V.  5651  ;  manger,  Bœve  de  Haumtone,  V.  408  (Halle,  1899). 

**  Ms.  Sloan  f»  82  b.  ...Dont  li  .xxx. 

vivoient  lors  plus  longeraient 
que  ne  font  orendroit  li  cent 
par  contenance  vaine  et  foie. 
N'entendent... 

Les  mss.  prose  ont  tous  la  même  leçon.  Gaxton  rend  ce  passage  comme  suit  :  «  Ils 
vivaient  alors  20  ou  30  ans  de  plus  que  ne  le  fait  de  nos  jours  un  sur  cent  par  sa  conduite 
folle  et  vaine.  »  La  leçon  de  la  rédaction  en  vers  est  claire.  Il  faut  omettre  «  anz  »  après 
.xx.  et  le  sens  ressort  clairement  comme  suit  :  «  20  ou  30  d'entre  eux  vivaient  alors  plus 
longtemps  que,  de  nos  jours,  une  centaine  d'êtres  dont  la  conduite  est  folle  et  vaine.  » 

a  «  la  parole...  vient.  »  S.  Matthieu  IV  4. 


—     70     — 

qui  ne  se  pouoient1  conseillier  ne  ne  savoient  quant  il  en  avoient  plws 
grant  mestier. 

Il  ne  vivoient  pas  autresi  comme  cil  qui  pour  eus 2  oster  de  péril 3 
s'estudioient  en  clergie  et  usoient  leur  vies  en  tele  4  manière  qu'il  vou- 
loient 5  leur  cors  soutenir6  seulement  tant  comme  il  seroient  au  siècle, 
[F0  i5  a]  si  comme  cil  qui  bien  savoient  que  pou  leur  durroit  ceste  vie  ; 
si  n'avoient  d'autre  chose  envie,  fors  que  d'aprendre  tele  science  dont  il 
peùssent  connoitre  le  souverain  roy T  tout  puissant  qui  tout  avoit  fet 8  de  sa 
main. 

Si  pensèrent  bien  en  leur  sens,  comme  gent  qui  estoient  de  noble  pour- 
pens, que  ja  9  connoissance  n'avroient  ne  de  Dieu,  ne  de  sa  poissance,  se  il 
n'enqweroient  avant  en  ses  euvres  10,  tant  comme  il  en  pourroient  u  savoir. 
[F0  i5  b]  Car  ja  bien  ne  connoitra  l'en  le  mestre,  se  l'en  ne  connoist 12 
son  estre  avant,  et  ses  euvres  13  qweles  eles  sont.  Car  par  les  euvres14  con- 
noist  on  l'ouvrier  et  comment  il  peut 15  estre.  Et  pour  ce  se  voudrent 
essaier  aus  euvres  1G  Dieu  premièrement  por  plus  legierement  avoir  connois- 
sance  de  son  pouoir17  et  de  sa  vertu.  Et  quant  plus  porroient  savoir  de  ses 
euvres  18  et  de  ses  sens,  tant  avroient  il  meilleur  volenté  d'amer  leur  créa- 
teur, et  meil-[F°  i5  cjleur  pourpens19,  qui  avoit  fet  si  noble  chose  comme 
estoit  le  ciel  qu'il  veoient,  les  estoiles  qui  reluisoient  par  mi,  et  ses  autres 
vertuz  merveilleuses  dont  il  le  prisoient  plus.  Et  tant  comme  plus  le 
prisoient,  [et]  plus  le  servoient  volentiers.  Car  ce  estoit 20  toute  leur  enten- 
tion  et  toute  leur  21  raison  de  Dieu  connoistre. 

Car  il  savoient  bien  de  vérité  que  Diex  leur  avoit  donné  sens  pour 
raison  et  nature  enqwerre  des  choses  de  la  terre  [F0  i5  d]  et  de  celés  du 
ciel,  tant  que  il  en  peiissent  plus  savoir.  Car  autrement  n'i  eussent22  il 
ja  pensé,  que  nus  23,  tant  soit  sages  ne  discrez  24,  ne  pourroit 25  entendre 
de  ses  haus  2e  secrez  ne  de  ses  miracles  se  il  meïsmes  non*.  Car  il  set27 
tout  par  droiture;  mes28  de  celés  qui  par  nature  sont  faites  en29  ciel  et 
en  terre 30  peut 31  bien  li  lions  enquerre  aucune  raisons,  se  il  est  de  bon  sens 
et  il  met  son  temps  32  en  clergie  aprendre. 

1  B  :  pooient.  —  -  B  :  eu/s.  —  3  B  :  péril I.  —  4  A  :  teles  :  il  y  a  évidemment  ici 
une  faute  de  copiste,  l'angln.  n'offrant  aucun  cas  parallèle.  —  5  B  :  voloient.  —  6  B  :  sos- 
tenir.  —  7  B  :  eonnoi.stre  le  souurain  roi.  —  8  B  :  auroit  fait.  —  9B  :  que  il  ja...  —  10B  :  avant 
de  ses  oeures.  —  "  B  :  emporoient.  —  12  B  :  conno/stra  l'en  le  maistre,  se  l'en  le  connoist. 
13  B  :  avant  son  estre  et  ses  œures...  — 14  B  :  oures.  —  13  B  :  paet.  —  16  B:  as  œuves.  — 
17  B  :  pooir.  —  18  B  :  œares.  —  19  B  :  meilleur  pourpens  et  meilleur  volenté  d'amer  leur  crea- 
toar.  —  20  B  :  car  .s 'estoit.  —  2l  B  :  lor.  —  22  A  :  n'i  ensent  il...  ;  G  :  n'y  heussent.  — 
23  A  :  nus  hons.  —  24  discret.  —  25B  :  porroit.  — -^  B  :  haur.  —  27  B  :  soit.  —  28B:  mats. 
_  29  fi  :  el.  —  s»  B  :  en  la  terre.  —  3i  b  :  paet.  —  32  B  :  tans. 

*  «  Car  autrement...  non  »  :  Car  autrement  ils  n'auraient  jamais  pensé  que  personne, 
quelque  sage  ni  discret  qu'il  fût,  pût  jamais  comprendre  Ses  secrets  ni  Ses  miracles  sauf 
(sinon)  Lui-même. 


Et  puis  que  cil  orent  [F°  16  a]  reison  1  enquise  et  aprise  par  leur 
grant  estuide  pour  quoi  touz  li  mondes  estoit 2  faiz  et  compassez 3,  si  comme 
vous  avez  oy 4  ci  devant,  si  pensèrent  que  bien  pourroient 5  savoir  raison 
d'aucunes  choses,  puis  qu'il  en  avoient  reison  6  du  tout  puissant  de  savoir 
en  partie,  au  mains  de  celés  que  il  pouoient 7  veoir  aus  ieulz,  combien  que 
il 8  fussent  loing. 

Ausi 9  voudrent  il  raison  savoir  de  ce  qu'il  veoient  mouvoir  les  estoiles 
-du  firmament  et  de  ce  que  [F0  16  b]  il  reluisoient  si  cler  ;  et  ce  fu10 
ce  qui  les  mist  premièrement  en  estuide  d'enquerre  la  science  que  il  ne 
savoient.  Si  sorent  bien  que  il  enqnerrojent  pins  tost  des  choses  qu'il 
veoient  que  de  celés  dont  il  ne  veoient  nules.  Et  pour  ce  furent  il  esmuz u 
de  savoir  et  d'enquerre  ce  qu'il  orent  veu  par  maintes  foiz  mouvoir  le 
firmament 12  si  en  vouloient  savoir  la  vérité.  Et  distrent  que  monlt  bon 
faisoit  savoir  ce  qu'il 13  plaisoit  a  Dieu,  et  savoir  de  ses  naturels  euvres  14, 
[jP°  16  c]  pour  miex  croire  que  il  fust  Diex  touz  puissanz.  Car  l'en  ne 
puet  savoir  ne  trouver  nulles  raisons  de  Dieu,  fors  que  par  ses  euvres  16. 

Li  vrai 16  preudoume  17  ancien  qui  bien  s'apenserent  de  ce,  n'orent  cure 
de  nul  autre  avoir  fors  que  d'aprendre  la  pure  science.  Il  ne  furent  mie 
■couvoitens  18.  Si  n'orent  cure  d'avoir  amasser.  Ainz  en  i  ot  monlt  de  ceuls 19 
qui  s'aperçurent  de  leur  avoir,  comme  sages20  que  il  furent21,  que  tant  i 
por-[F°  16  Croient  penser  aucunes  foiz,  ou  pour  garder  le,  ou  pour  mètre 22 
<ïure  au  despendre  a  mesure,  ou  pour  assez  d'autres  besoingnes  que  cil  ont 
qui  volentiers  amasent 23,  si  que  leur  avoir  leur  24  peust  bien  tolir  le  loisir 
d'aprendre*.  Si  s'en  departoient  en  tele  manière  que  li  uns  le  getoit  en  la25 
mer,  li  autre  le  clamoient  qn*te,  et  s'en  aloient  ausi  comme  hermites.  Et  li 
autre  le  departoient 26  as  povres.  Et  li  autre  le  laissoient  en  tele  [F0  ij  a] 
manière  comme  il  leur  estoit  avis  qu'il  en 27  pensassent  mains.  Et  n'en 28  rete- 
noient  seulement  que  pour  leur  user.  Et  voloient  bien  tenir  29  aucunes  genz 
pour  les  servir30,  si  qu'il  ne  les  couvenist  a  nule  chose  31  entendre  fors  qu'a 
.aprendre32  et  a  estudier.  Si  fesoient  faire  lor  mesons33  ensus  de  gent,  ausi 84 

1  B  :  raison.  —  2  B  :  est.  — 3  A  :  compassé/.  —  4  B  :  oi.  —  5  B  :  porroient. —  6  B  :  rat- 
son.  —  7  B:  pooient.  —  8  B  :  as  \e\xx  con  bien  qu'il...  —  9  B  :  aussi.  —  10  B  :  et  fu  ce...  — 
11  B  :  esmeûz.  —  12  B  :  le  firmament  mouvoir.  —  13  B  :  ce  qui.  —  14  B  :  œnres.  —  15  B  : 
œares.  —  16  :  vrais.  —  17  B  :  preudomme.  —  18  B  :  couve /teus.  —  19  B  :  cels.  —  2°  B  :  sage. 
—  21  A  :  fu/yent.  —  22  B  :  maître.  —  *  B  :  ceuls  ont  qui  voulentiers  les  amasent.  — 
24  A  :  «  leur  »  manque.  —  25  B  :  «  la  »  manque.  —  ^  B  :  despartoient.  —  27  B  :  i.  — 
28  A  :  ne.  —  *  B  :  retenir.  —  3°  B  :  gens  pour  els  servir;  C  :  pour  eulx  servir.  —  31  B  :  s'il 
qui  les  cowvenist  a  nules  choses.  —  32  B  :  fors  que  aprendre.  —  33  B  :  fa/soient  faire  leur 
maisons.  —  34  B  :  aussi. 

*  «Ainz...  d'aprendre»:  Il  y  eut  beaucoup  de  ces  sages  qui  s'aperçurent,  à  propos 
de  leurs  trésors,  qu'ils  perdaient  tellement  de  temps  à  penser  comment  ils  devraient  faire 
pour  les  garder  ou  les  dépenser  avec  mesure  ou  les  rassembler,  que  ces  trésors  leur  enle- 
vaient le  loisir  de  travailler. 


— -     72     — 

comme  religions  1.  Et  se  metoient  en  tels  lieus  qu'il  s'assambloient  ensam- 
ble  •iii*  foiz  ou  -iiii*  la  se-^0  ij  è]maine  pour  euls 2  soulacier  et 
esbatre.  Et  rendoit  chascuns  raison  de  8  ce  que  chascuns  avoit  trové  et 
aprinsj4,  et  tant  qu'il  avoient  esprouvé  que  voirs5  estoit.  Et  faisoient  maistre 
de  celui  qui  plus  en  savoit  et  qui  plus  estoit  de  grant  sens.  Si  l'eslisoient 
par  consentement  de  chascun.  Et  cil  leur  recordoit6  leur  raisons,  oiant 
touz  les  conpaingmons,  et  recordoit 7  a  touz  ensamble 8  ce  que  chascuns 
avoit  dit 9.  Si  que  chacuns  s'i  3l-[F°  ij  c]cordoit,  et  si  metoit  chascuns  en 
escrit10  ce  que  li  maistres  leur  avoit  dit11. 

En  tele  manière  furent  premièrement  les  clergies  controuvées  et  avan- 
cies.  Tant  pensèrent  et  tant  estudierent  qu'il 12  sorent  de  par  Dieu,  de  cui 
toute  la  science  naist  et  vient,  grant  partie  de  ce  qu'il  en  est.  Mais  ce  ne  fu 
mie  en  pou  de  tans;  ainz  18  i  mistrent  moult  lonc  tans,  et  mowlt  i  estu- 
dierent et  entendirent14.  Et  cil  qui  furent  pre-[F°  iy  </]merain,  tout  ce 
qu'il  entendoient  et  savoient  metoient  en  escrit  au  miex  qu'il 16  leur  estoit 
avis  ;  pour  ce  que  cil  qui  après  venissent,  qui  s'en  vousissent  entremetre 16, 
eussent  leur  escriz  et  queissent  touz  jourz  après  ausi  "  comme  il  avoient  fait. 
Tôt18  ce  qu'il  trouvèrent  et  virent  mistrent  tout  en  compiloisons.  Et  tant 
firent  chascun  a  leur  tans  que  il  mistrent  plus  de  'ir  m*  anz  19  avant  qu'il 
eussent  aquises  les  'vii-  arz  20  [F0  18  a]  et  mises  ensamble. 

Mais  il  tindrent  a  bien  emploie  le  travaill 21  et  la  paine  qu'il  i  mistrent. 
Car  il  savoient  par  leur  sens  et  par  leur  clergie  quant  qu'il  avenoit  en 
terre  par  nature,  quant  il  i  voloient  mètre 22  leur  cure.  Si  ne  se  merveil- 
loient  pas,  quant  aucun  cas  merveilleus  avenoit  en  ciel  ou23  en  terre.  Car 
il  savoient  bien  enquerve  la  raison  pour  coi  c'estoit,  puis  qu'il  avenoit 
par24  nature.  Si  en  amoient  Dieu  plus[/^°  18  b] qnant il veoient  si  merveil- 
leuses vertuz.  Si  en  veillèrent  'zh  par  maintes  nuiz,  a  grant  joie  et  a  grant 
estuide  de  ce  qu'il  trou  voient  si  haute  chose. 

Dont  il  s'amendèrent  tant  envers  Dieu  qu'il  connoissoient  vérité  et  lais- 
soient  la  vanité  de  cest  siècle  qui  pou  vaut,  pour  avoir  la  joie  qui  ja  ne 
faudra.  Dont  maint  philosophe  qui  furent  en  morurent 2G  a  tort  et  sanz 
raison,  pour  ce  qu'il  annonçoient  droitu-[F°  18  c]re  as  granz  seing"neurs, 
et  leur  blasmoient  leur  mauvaistiez,  et  ce  qu'il  faisoient  a  pluseurs  tort. 
Et  leur  preeschoient  droiture  et  vérité.  Et  cil  qui  croire  ne  les  voloient 
et  qui  honte  avoient  de  ce  qu'il 27  les  blasmoient,  si  les  fesoient  mètre  en 
prison,  ou  il  les  fesoient28  ocire  a  martire29,  pour  ce  que  il  ;leur  mous- 

1  C  :  religieux.  —  2  B  :  eh.  —  3  B:  raison,  selonc  s'entention  de...  —  4  B  :  apr/s.  — 
5  B:  vers.  —  6  B  :  recorden/.  —  7  B  :  leur  recordoit.  —  8  B  :  «  ensamble  »  manque.  — 
»  B  :  dist.  —  w  B  :  escrijot.  —  «  B  :  Aist.  —  ™  B  :  qui.  —  13  B  :  ains.  —  i*  B  :  i  entendi- 
rent et  estudierent.  —  "  B  :  qui.  —  16  entremettre.  —  17  B  :  aussi.  —  «B:  tout.  — 
19  R  :  deux  mil  et  quatre  cens  ans.  —  2°  B  :  ars.  —  21  B  :  trava*7.  —  22  B  :  meitre.  — 
23  B  :  et.  —  &  B  :  pas.  —  2*  B  :  veillèrent.  -^B:  moururent.  —  2?  B  :  qui.  —  28  B  :  fai- 
soient mettre  emprison  ou  ils  les  fa/soient.  —  29  B  :  ocirre  a  martyre. 


—     73     — 

troient1  vérité  dont  il  estoient  certain.  Ausi 2  comme  firent  les  sainz  et  les 
saintes  qui  souffrirent  mort  et  passion  8  pour  [F0  18  d\  la  loi  Jhesu  Grist 
qu'il  vouloient 4  essaucier. 

Si  i  ot  de  tels  phylosophes  qui  par  leur  seras  prophecierent  le  saint 
tens  6  de  la  venue  Jhesu  Grist.  Si  comme  Virg-iles  le  dist  qui  fu  au  tens  • 
Gesar  de  Roume  7.  Dont  mainte 8  g-ent  en  furent  puis  meilleur  que  il 
n'avoient  esté  devant9 a.  Car  il  dist  c'une  nouvele  ling-niée  10  s'estoit  esles- 
siée  du  ciel  en  haut,  qui  feroit  vertuz  en  terre,  dont  li  dyables  seroit  vain- 
cuz.  Dont  sainz11  Pois  qui  [F0  ig  a]  vit  ses  escriz  12,  qui  mowlt  les  prisa, 
dist,  a  cuer  iracu 13  pour  ce  qu'il  n'avoit  esté  crestien  :  Ha  !  quel  je  t'eusse 
rendu  a  Dieu  se  te  eusses  vescu  tant  que  je  feusse  14  a  toi  venuz. 

Autres  phylosophes  y  ot  dont  chascun  16  dist  monlt  de  bons  moz  et  de 
merveilleus  16.  Mes  nous  ne  poons  pas  dire  orendroit  touz  les  biens  qu'il 
en  porent  dire.  Car  il  furent  preudorame17  et  vaillant,  quant  il  mistrent 
avant  clerg-ie.  Car,  se  ne  fust  par  cler-[F°  ig  6]g-ie,  l'en  ne  seûst  que  Diex 
fust.  Car  s'il  ne  18  fussent  si  preudome 19  comme  il  estoient,  jamès  20  ne  fust 
si  grant  clerg-ie  comme  il  estorendroit.  Et  si  peùst  l'en  bien  encore  trover21 
après,  s'il 22  feussent 2S  autretel  comme  il  estoient  adonqnes  24,  qui  premiè- 
rement trouvèrent 25  clerg-ie  *  ;  mes  ele  vet 26  orendroit  toute  a  noient,  si 
qu'a  pou  qn'ele  ne  perist.  Car  les  gens  27  ne  voient  g-oute  que  cil  qui 
deûssent  entendre  a  bien  et  les  autres  aprendre  et  ensaing-nier  et  donner 
[F0  ig  c]  essample  de  bien  fere  28,  ce  sont  cil 29  qui  mains  font  de  bien. 
Et  ce  est  par  leur  folie.  Car  nus  ne  tient  clerg-ie  près 80  ne  ne  s'i  alie  a 
droit**.  Il  n'en  quierent  fors  avoir  la  lie.  Car  nus  ne  quiertmès  31,  fors  tant 

1  B  :  mostroient.  —  2  B  :  aussi.  —  3  B  :  martyre  et  mort  ;  «  passion  »  manque.  — 
4  B  :  vo/ioient.  —  $  B  :  temps.  —  6  B  :  tans.  —  ?  B  :  Romme.  —  s  B  :  maintes.  —  »  B  :  devant 
esté.  —  »  b  :  lignie.  —  "  B  :  saint.  —  12  B  :  escripz.  —  «  b  :  irascu.  —  14  B  :  fusse.  — 
15  B  :  philosophes  i  ot  dont  chascuns.  —  w  B  :  merveil/ieus.  —  1?  B  :  preudoume.  — 
18B:  si  ne.—  »  B  :  preudomme.  —  20  B:  iamais.  —  21  B:  trouver.  — 22  a  :  et  s'il...  — 
23B:  se  il  fussent.  —  24  B  :  adouqucs.  —  2&B  :  trouèrent.  —  26  b  :  maisele  va.  —  27B:  «gens» 
manque  ;  N  :  gemr.  —  28 B:  faire  ;  N  :  fere.  —  29  b  :  cels  ;  N  :  ceus.— 30B,  N  :  près  ;  C:  pris. 
—  31  B  :  mais  ;  N  :  mes. 

*  .«  Car  s'il...  trouvèrent  clergie  »  :  Car  s'ils  n'avaient  pas  été  aussi  sages  qu'ils 
l'étaient,  jamais  il  n'y  aurait  eu  autant  de  science  qu'il  y  en  a  maintenant.  Et  l'on  pour- 
rait encore  bien  en  découvrir  si  les  hommes  de  nos  jours  étaient  semblables  à  ceux  qui 
découvrirent  les  sciences  autrefois. 

**  «  Car...  a  droit  »  :  Car  personne  ne  (tient  en  estime)  prise  la  science  et  ne  s'y  applique 
comme  il  le  devrait. 

Nous  avons  choisi  la  leçon  des  mss.  B,  N  pour  résoudre  l'abréviation  du  ms.  A.  G  dit 
«  pris  »,  Sloan  «  pas  »  :  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  leçons  n'éclaircit  la  question.  «  Pris  » 
(lat.  pretium)  aurait  ici  le  sens  d'  «  estime  ». 

Sloan  f°  84  a  :  Car  nus  clergie  pas  ne  tient 
ne  nus  a  droit  ne  s'i  alie. 

Cf.  f°  25  a,  où  l'expression  «  tenir  clergie  près  »  est  répétée,  mais  sans  abréviation. 
Cela  décide  la  question  en  faveur  de  «  près  ». 

a  «  Si  i  ot...  devant  »  (cf.  Introduction  p.  33).  Saint  Augustin  Epistolarum  classis  IV. 
Epistola  238  (Patrol.  t.  33  col.  1073). 


—     74     — 

avoir  qu'il  ne  puisse1  avoir  conquester.  Et  quant  il  a  avoir  assez  2,  si  vaut 
pis  que  devant.  Car  leur  avoir  les  a  si  seurpris  qu'il  ne  peuent 3  entendre  * 
a  autre  chose. 

ïl  en  y  a  maint  povre  qui  volentiers  aprendroient  s'il  en  avoient  le 
[F0  ig  d]  pouoir  5.  Si  n'i  peuent  ausi G  entendre,  pour  leur  vies  ou  il  n'ont 
ou  prendre,  et  n'ont  de  quoi  avoir  nul  livre.  Ains 7  leur  couvient  querre 
leur  vivre  et  gaaingn/er 8.  Car  li  riche  ont  tout  saisi,  et  li  povre  en  sont  nu  9 
et  souffraiteus. 

Si  sont  maint  riche  clerc  qui  ont  les  grans  mons  de  livres  d'uns .  et 
d'autres  richement  atornez  10,  pour  ce  que  l'en  les  tiengne  a  sages  et  a  bons 
-clers;  car  il  n'en  quierent u  plus  avoir  que  le  los  des  gens12.  Et  [F0  20  a] 
font  ausi  comme  le  koc  1S  qui  gratoit  dedenz  le  fumier  la  ou  il  queroit  sa 
viande.  Tantgrata  en  cel  fumier  qu'il  trouva  une  gemme  riche  et  précieuse 
qui  getoit  grant  clarté.  Lors  la  laissa  a  regarder  14  et  pins  n'en  fist  ;  et  la16 
laissa  tantost  ester,  car  il  ne  demandoit  point  de  gemme.  Car  il  amoit 
miex  aquerre  sa  viande.  Autresi  est  il  de  mainz16  riches  clers  couvoiteus 
qui  ont  les  precieus  livres  richement  ator-fF0  20  &]nez  17  et  bien,  qui  ne 
les  font  fors  regarder  par  defors  18,  tant  comme  il  sont  nouvel,  pour  ce 
{fu'il  leur  samblent  bel19.  Si  les  regardent  *ii-  foiz  ou  *iir  aucunes  foiz, 
ne  plus  n'en  font  que  les  regarder,  puis  se  tournent  tantost  d'autre  part20. 
Si  pensent  de  leur  ventres  emplir  et  d'acomplir  leur  fouis  desirriers21.  Et 
assez  pourroient22  aprandre  se  il  entendre  i  vouloient 23.  Car  il  en  ont  bien 
le  pouoir24. 

Et  porroient  [F0  W  c]  bien  autressi 25  faire  comme  cil  firent  ça  en 
arriéres,  qui  par  leur  sens  et  par  leur  bonne26  manière  27  trouvèrent  pre- 
mièrement les  clergies.  Mais  il  ont  foui 28  entendement.  Et  pour  ce  péris- 
sent les  arz  29,  si  qu'a  painnes30  sevent 31  il  leur  parz  32  qui  est  li  premiers 
livres33  de  gramaire,  qui  est  la  première  des  •vii*  arz  34.  Ainz  boutent  les 
arz 85  en  leur  maies,  et  se  prennent 3G  tantost  a  lois  ou  a  decretales.  Et 
deviennent  avo-[F°  20  d]ca.z  et  mires  pour  couvoitise  de  gaaingnier37  avoir 
ou  li  dyables  se  mire.  Et  ne  le  font  enquore  38  pas  tant  pour  aprandre  39 
comme  il  font  pour  gaaingnier40  l'avoir. 

1  B,  N  :  savoir,  qu'il  en  puissent...  ;  C:  avoir,  qu'il  en  puisse...  —  2  B  :  il  a  assez  avoir... 

—  3  B:  pueent  ;  N  :  pouent.  —  4  A  :  endre.  —  5  B  :  pooir.  —  6  B  :  pucent  pas  aussi.  — 
7  B  :  ainr.  —  8  B  :  leur  vivre  querre  et  gaaingnier.  —  9  B:  si  en  sont  et  nu...  —  10B  :  aoar- 
nez.  —  u  B  :  que/vent.  —  12  B  :  genr.  —  13  B  :  coc.  —  l4  B  :  commença  a  regarder.  — 
15  B:  ains  la...  —  ,r>  B:  mains.  —  17  B  :  atoumeiz.  —  18  B  :  l'ont  que  resgarder  par  dehors. 

—  ,9  B  :  nouvel  et  frès,  pour  ce  qui  samblent  bel.  —  2°  B:  tornent  d'autre  part  tantost.  — 
-1  B  :  fols  des/erriers.  —  —  B  :  porroient.  —  23  B  :  apraidre  se  il  i  voloient  entendre.  — 
24  B:  pooir.  —  ^  B:  autresi.  -»B:  bonnes.  -2'B:  manières.  —  2»  B  :  fol.  —  »  A  :  le 
arz;  B:  ars.  —  »  B  :  paines.  — 31  B;  scment.  —  32  B  :  pars.  —  33  B:  livre.  —  34  B:  ars. 

—  35  B  :  ars .  —  3(>  B  :  prenne/.  —  37  B  :  g-aaignier.  —  38  B  :  encore.  —  39  B  :  aprendre.  — 
40  B  :  gaatgnier. 


—     75     — 

Et  a  Paris  a  une  manière  de  clers  qui  ont  tel  coustume  que  il  veullent 1 
avoir  le  renon  d'estre  maistres  clamez  pour  euls  prisier  et  aloser.  Si  ont 
plus  chier  a  pou  savoir,  et  que  il  aient  le  nom  de  maistre,  que  il  ne  fe- 
roient  a  estre  bon  clers  sainz 2  avoir  le  [F0  21  a)  non  de  maistre  8.  Mais  il 
sont  clamez  maistres  a  tort.  Car  vanitez  les  maistrie  si,  qu'il  sevent  pou  de 
vérité.  Car  tantost  comme  il  ont  le  non  de  maistre,  si  laissent  la  clergie,  et 
se  prennent  a  g-aaignier,  autresi  comme  font 4  marcheanz  ou  courratiers. 

Et  ainsi  ont 5  maint  au  siècle  le  non  de  maistre  qui  pou  sevent  de  raison 
et  de  bien.  Car  cil  qui  orendroit  couvoitent 6  ce,  ne  sont  pas  maistre  7 
selonc  droit.  [F0  21  b].  Car  cil  s'ordenerent  autrement  aus  arz8,  qui  pre- 
mièrement les  trouvèrent.  Il  entrèrent  premièrement  en  gramaire  pour 
atraire  raison  en  leur  ordrenance  9  ;  et  puis  logiqne,  pour  prouver  et  pour 
demoustrer  le  faus  et  le  voir.  Après  trouvèrent  retorique  pour  droiture  que 
monlt  amerent.  Et  puis  trouvèrent  arismetique  10  pour  estre  es  "  choses 
pins  aperz.  Puis  trouvèrent  géométrie,  pour  toute  maistrie  mesu-[F°  21  c] 
rer12  et  compasser.  Et  puis  trouvèrent  la  science  de  musique  pour  mètre 
-concordance  en  toutes  choses  ;  après  i  mistrent  l'entendement  d'astrono- 
mie 1S.  Car  par  lui  furent  il  esmeû  14  d'avoir  vertu  et  science. 

Tout  en  tele  manière  ordenerent  les  *  vii*  arz  cil  qui  premièrement  les 
■controuverent.  Et  sont  ainsi  entrelacées 15  que  eles  ne  peuent 1G  estre  aprises 
l'une  sans  17  l'autre  entièrement,  ne  parfaitement  savoir  [F0  21  d]  les  pre- 
miers sans  18  les  darreniers,  ne  les  darreniers  sans 19  les  premiers.  Qui  une 
■en  veult  a  droit  entendre,  il  li  couvient  aprendre  de  toutes,  ou  autrement 
n'en  puet 20  l'en  savoir  ne  faus  ne  voir  apertement  *.  Car  l'une  est  a  l'autre 
si  commune,  qu'il  couvient  de  chascune  savoir. 

Mes  21  l'en  ne  quiert  orendroit  que  tant  aprendre  que  l'en  en  puisse  22 
■deniers  avoir.  Et  font  a  blasmer  de  ce  dont  cil  font  a  \o-[F°  22  a]er  qui 

1  B:  voalent.  —  2  B:  sanz.  —  3  B:  maistrie.  —  4  B  :  font  autres...  —  •>  B  :  en  ont. 
—  6  B  :  couvrent.  —  'B:  maistres.  —  8  B  :  as  ars.  —  9  B  :  orrfenance.  —  10  B  :  an- 
metique.  —  "  B:  as.  —  12  B  :  mesure.  —  13  B  :  astronomie.  —  14  B:  esmeùz.  —  15  B,  N  : 
-entrelacées.  —  w  B:  pueent  ;  N  :  posent.  —  17  B,  N  :  sanr.  —  18  B  :  sans.  —  »  B:  samr.  — 
20  B  :  ne  puet.  —  21  B  :  mais.  —  22  B  :  que  il  en  puissent. 

*  «  Et  sont...  apertement  »  :  l'accord  des  pronoms  et  des  adjectifs  est  le  même  dans 
tous  les  mss.  en  prose.  La  version  en  vers  ne  diffère  pas  non  plus. 

Sloan  2435.  fo  84 d  :  Et  sunt  ensi  entrelaissies 
qu'il  ne  puent  estre  sorpies 
Vune  sens  l'autre  entirement 
ne  savoir  si  parfetement 
les  premerains  sens  les  darrains 
ne  celés  sans  les  premerains. 
Qui  l'une  en  violt  a  droit  entendre 
de  toutes  li  covient  aprendre. 
Autrement  ne  puet  on... 

La  même  leçon  se  retrouve  dans  tous  les  mss.  en  vers  de  la  première  rédaction  (cf. 
Fant  o.  c.  p.  60,  sq.). 

9 


—     76     — 

premièrement  s'i  travaillierent.  Dont  il  nous  est  si  grant  *  mestiers  de  ce 
que  nous  avouns  escriptes  a  ce  pou  que  2  nous  3  en  savons  \  Car  se  clergie 
feust 4  perdue,  l'en  n'eûst  ja  riens  seu  de  Dieu  ne  que  Diex  feust 6,  ne 
jamès  les  genz  ne  seûssent  quel 6  chose  il  deûssent  miex  fere  7.  Si  fust 
tout8  li  mondes  dampnez,  dont  nous  fusiens  nez  de  maie  heure  9**.  Car 
riens  ne  fust  seûe  nar  hommes  10,  ne  que  u  par  bestes  mues  ***. 

Et  tout12  [F°  22  b]  li  biens  est  setiz  orendroit,  et  tout18  venuz  des14 
•vii*  arz  que  cil  trouvèrent  par  leur  sens.  Car  var  ce  orent  il  porpense- 
ment l5  de  Dieu  amer  et  sa  vertu,  et  que  Diex  est  touz  jours  et  sera  sans ie 
fin.  Si  le  crurent  plus  de  foi,  si  comme  en  la  loy 17  ancienne.  Mes  18  oren- 
droit périssent  les  clerg-ies  par  nos  envies  et  par  noz  maus  19,  si  que  pou 
en  ont  retenu  et  uns  et 20  autres.  Car  nus  n'i  ose  mes  21  entendre  pour  les 
riches  medisans,  mauves22  et  en-[F°  22  cjvieus,  qui  nul  bien  ne  veulent28 
aprendre.  Et  s'il  voient  aucun  entendre  a  clergie  dont  il  ne  puisse  estre 
riche,  de  quoi  il  soient  a  aise,  tantost  le  24  veulent  gaber  et  escharnir. 

Mes  25  ainsi  les  veult 2G  cil  loer  qui  est  et  leur  mestre  27  et  leur  sire  et 
a  qui28  leur  mesdire  plest 29,  tant  qu'il  leur  80  en  rendra  si  grant  loier 31  qu'il 

1  B  :  grans.  —  2  A  :  a  ce  que  pou  nous...  ;  B,  N  :  avons,  a  ce  pou  que...  —  3  B:  nous; 
N:  nos.  —  *  B  :  fust.  —  5  B,  N  :  fust.  —  6  B  :  que  ;  N  :  que/.  —  7  B  :  faire.  —  «B  :  tous. 

—  9  B:  de  «  dampnez  »  à  «  Car  »  manque;  N  :  dampnez,  dont  nos  fussons  nez  de  maie 
heure.  Car...  ;  A  :  huere.  —  10  B:  houme  ;  N  :  home.  —  n  A  :  ne  quel;  B  :  «  quel  »  man- 
que ;  N  :  ne  que.  —  12  B  :  tous.  —  13  B  :  tous.  —  **  B  :  de.  —  15  A  :  porpenserement  ;  B,  N  : 
pourpensement.  —  16  B  :  sans.  —  17  B  :  loi.  —  ™  B:  Mais.  —  19  B:  nous  maus  et  nous 
envies.  —  20B  :  retenu  ne  uns  ne.  —  21  B:  mais.  —  22  B  :  mesdisans,  mauvais.  —  23B  :  vou- 
lent.  —  »  A:  les.  —  25  B:  Mais. 26  B  :  veut  —  27  B:  maistres.  -^B:  sires  et  a  cui. 

—  29  B  :  plaist.  —  30  B;  «  leur  »  manque.  —  31  B:  loer. 

*  «  Et  font  a  blasmer...  nous  en  savons.  » 

Manuscrit  Sloan  2435  :  Et  por  ce  font  plus  a  blasmer 
De  ce  dont  cil  font  a  loer 
Qui  s'entraveillerent  premiers. 
Dont  il  nous  est  si  granz  mestiers 
De  ce  qu'escrites  les  avons, 
Et  cel  po  que  nous  en  savons. 

Variante  d'après  Arundel  52  :  De  ço  qu'escrites  les  avons 
Iço  pou  que  nous  en  savons. 

Ce  passage  obscur  n'est  pas  facile  à  expliquer.  On  s'attendrait  peut-être  à  une  leçon 
telle  que  «  Dont  il  nous  est  si  grand  mestiers  que  nous  avouns  escript  ce  pou  que  nous  en 
savons.  »  Mais  la  forme  «  escriptes  »  est  confirmée  par  la  version  en  vers. 

Même  la  correction  «  de  ce  que  nous  les  avouns  escriptes  iço  pou  que  nous  en  savons  » 
offre  des  difficultés. 

Le  sens  de  la  phrase  est  probablement  le  suivant  :  Et  ils  (les  mauvais  clercs)  méritent 
d'être  blâmés  pour  ce  dont  ceux  qui  travaillèrent  d'abord  aux  sept  arts  (1)  méritent  d'être 
loués.  Nous  avons  si  grand  besoin  de  ces  arts  que  nous  avons  mis  par  écrit  le  peu  que 
nous  en  savons. 

**  La  forme  ue  pour  eu  est  fréquente.  Ex.  :  Ponz-suer-Saigne,  pruedons,  suel  (Suchier, 
Altf.  G.  p.  3L).  Nous  ne  pouvons  cependant  confirmer  huere,  et,  le  cas  étant  isolé  dans  le 
ms.  A,  nous  corrigeons  :  heure. 

"*  «  Car...  mues  »  :  Car  alors  les  hommes  n'auraient  rien  su,  pas  plus  que  des  animaux 
muets. 


—     77     - 

seront  seiir  d'avoir  toutes  maies  aventures  en  enfer  le  puant,  la  ou  il 
se  g-aberont  de  eus  meïs-[/^°  22  d\mes  et  diront  que  il  furent  nez  de  maie 
heure  quant  il  n'apristrent  ce  qu'il  durent  aprendre. 

La  lesseront  il  ceuls  *  ester,  qui  plus  amerent  a  conquester  clergie  que 
le  foui  savoir  dont  il  assemblassent  les  grans2  avoir  et  les  3  granz  richesces  ; 
et  sachent  que  tout 4  ceus  5  qui  pour  avoir  muable  lessent  leur  tens  6  de 
bien  aprendre  sont  asseûr  de  mal  atendre  après  la  mort  *.  Car,  par  leur 
avoir  7,  la  clergie  faut  ;  si  qu'a  pou  que  [F0  23  a]  ele  8  n'est  perie.  Et  ce  qui 
orendroit  en  est 9  seù  vient 10  et  nest  u  de  la  cité  de  Paris  plus  que  de  nule  12 
autre  cité. 

vi  A. 

Des18  trois  manières  de  gens1*,  et  comment  clergie  vint  en  France. 

Clergie  reg-ne  orendroit  a  Paris,  si  comme  ele  fist  a  Athènes,  une  cité 
de  grant  noblesce. 

Li  philosophe,  qui  lors  estoient  et  qui  les  autres  dévoient  aprendre  et 
ensaing*nier  16,  ne  posèrent  selonc  leur  sens  que  trois  manières  de  gens16  au 
monde  :  ce  furent  [F0  23  b]  clers  et  chevaliers  et  laboureeurs  17  de  terres. 
Li  g-aaingneeur  18  de  terres  19  doivent  querre  aus20  autres  -ii*  ce  que  mes- 
tier21  leur  est  pour  vivre  au  monde  honnestement 2\  Et  li  chevalievs  les23 
doivent  garder  et  deffendre  24  comme  bon  serjant,  que  il  ne  facent 25  tort  les 
uns  aus  2e  autres.  Et  li  clers  27  doivent  ensaingnier  28  ces  *ir  manières  de 
genz  et  les  doivent  adrecier  de  leurs  euvres  29,  si  que  nus  ne  face  chose  dont 
il  perde30  Dieu  ne  sa  grâce. 

[F0  23  c]  Ainsi  posèrent  trois  manières  de  g-enz  ça  en  arriéres  li  sag>e 
philosophe  81  au  monde  »,  comme  cil  qui  bien  sorent  que  nul 32  ne  pourroit 
mètre  8S  son  courag-e  a  ce  qu'il  peust  estre  bien  sag-es  34  a  droit  en  -ii-  aferes  35 

1  A:  sens;  B:  laisseront  il  ceuls;  G  :  laisseront  il  ceulx.  —  2B:  granr  avoirs.—  3  B: 
«les»  manque.  —  4  A:  tout  ceus  (Schwan-Behrens.  Altf.  ér.  II  p.  163)  [Ex.  n.  pi.  Lais 
de  Marie  de  France  p.  82  v.  207  (Halle,  1900),  id.  p.  80  v.  297,  etc.].  —  s  b  :  sachiez  que 
tour  ce/s.  —  6  B  :  laissent  leur  tans.  —  7  B  :  par  leur  sens  et  leur  avoir.  —  s  b  :  qa'ele. 

—  9  B  :  ce  qui  en  est  orendroit.  —  10  G:  en  est  ce  vient.  —  n  B:  na/st.  —  12  B:  nulle.  — 
13  A:  De.  —  14  B  :  gens.  -  15  B:  ensaignier.  —  w  B  :  gens.  —  "  B  :  laboureours.  — 
«  B:  gaaigneeur.  —  «B:  terre;  A:  très.  —  20  B:  as;  A:  querre  a  aus...  —  21  B:  mes- 

tiers.  —  22  B:  hcmestement.  —  *  A  :  le.—  24  B:  desfendre.  —  2*  B  :  face.  —  se  B:  as. 

27  B:  clerc  si;  N:  les  clers  *i.  —  2»  B  :  ensaignier.  —  29  B:  leur  œures;  N:  leur  oaeures. 

—  30  B:  perden/;  N:  perde.  —  si  B:  li  sages  philosophes;  N:  les  sages  philosophes.  — 
32  B:  nus.  —  33  B  :  n'i  porroit  mettre.  —  34  b,  N  :  «  sages  »  manque  —  35  B:  afaires. 

*  «  La...  mort»  :  Là  (en  enfer),  ceux  qui  ont  préféré  les  sciences  aux  folies  qui  servent 
à  acquérir  les  richesses  laisseront  ces  fous  (ceuls)  :  Et  que  tous  ceux  qui  préfèrent  les 
biens  temporels  aux  sciences  sachent  qu'ils  sont  assurés  d'un  triste  sort  après  leur  mort. 

a  F»  23  a  —  27  a  =  Vers  930-1126. 

b  «  Li  philosophe...  philosophe  au  monde.  »  Sydrach  S.  212,  313,  393.  Neckam 
II.  21. 


—     78     — 

ne  en  trois.  Car  il  n'avint  onqaes  jour  du  monde  que  clergie  et  chevalerie 
et  laboureeurs  1  de  terre  peiïsent 2  estre  bien  seùes 8  a  nul  jour  de  leur  vies- 
par  *i*  seul  home  *,  ne  aprises,  ne  retenues.  A  jl'une  des  trois  seulement 
cou-[F°  23  a'jvient  penser,  qui  a  droit  la  veut5  aprendre.  Et  pour  ce  posè- 
rent *iir  manières  de  g*enz,  sans  e  plus,  en  terre  li  philosophe.  Car  il  vou- 
loient  enquerre  droite  vérité. 

Et  qweroient  une  cité  au  monde  ou  il  peûssent 7  miex  estre  et  demourer 
pour  enqnerre  l'estre  8  de  clerg-ie,  et  pour  eus 9  meïsmes  adrecier,  et  pour 
ensaing-ner  10  les  autres.  Dont  Athènes  fu  jadis  une  ;  et  la  avoient  leur  com- 
mune et  leur  assa/nblée,  et  la  régna  premiere-f/^  24  a]ment  chevalerie 
avec  "  la  clergie.  Et  puis  s'en  vint  a  Romme  qui  orendroit  est  de  grant 
reg-non  12.  Et  chevalerie  revint  après,  qui  adès  se  tenoit  près  de  li.  Et  puis 
s'en  renvint 13  en  France,  ou  chevalerie  a  grant  pouoir  14,  plus  qu'en  15  nul 
lieu  du  monde.  Et  ainsi  habunde  1G  li  uns  en  n  l'autre.  Car  chevalerie  l* 
suit  touz  jourz  19  clerg-ie  la  ou  ele  va  adès. 

Dont  li  rois  de  France  doit  estre  joians  et  liez  20,  qnant  de  son  roiau- 
[F°  i4  6]me  21  puet  nestre  tel  seigneurie  22  comme  est  science  de  clergie,  ou 
chascuns  puis23  sens  humains,  ne  pour  ce  mains  n'en  i  remist 2i  il  pas*. 
Car  c'est  ausi  comme  la  fontainne  25  qui  touz  jours  sort,  et  plus  loing"  court 2* 
et  plus  est  saine.  Et  que  plus  court  li  ruisiaus  de  la  fontaine  loing- 27,  tant 
y  a  il  plus  d'yaue  et  tant  en  puet  l'en  plus  prendre  a  son  besoing-.  Tout 
autresi  vous  puis  je  dire  que  Paris  [F0  24  c]  est  la  fontainne  28  ou  l'en 
peut 29  plus  puisier  science  que  en  autre  lieu,  qui  avoir  i  peut 30  demourance. 
Et  puis  que  il  est  ainsi  que  clergie  est  en  France  si  avanciée,  donqwes  en 
devroient  savoir  par  raison  les  hoirs  de  France,  se  il  daingnioient 81.  Car 
ausi 82  comme  li  souleus  s3  est  li  plus  biausdes  estoiles  34,  et  tant  fet  nestre  35 
de  biens  au  monde,  pour  la  bonté  qui  habonde  en  lui  ;  autresi 3e  doit  miex 
valoir  lirois  des  autres  gens  et  plus  &-[F0  24  a'jvoir  37  de  sens  et  de  cler- 
g*ie,  si  qu'il  puisse,  par  sa  vaillance,  reluire  entre  les  autres  g-ens  38,  et  par 
l'essample  de  son  bien  fere  39,  que  il  verront  en  lui,  se  puissent 40  a  droit  con- 
duire et  atraire  a  Dieu.  Et  ainsi  seroit  il  rois  a  droit,  et  ci  et  en  paradis.  Si 

1  A,  B:  laboureeurs;  N  :  laboureus.  —  2  B:  terres  peûssent.  — 3  A:  senes,  B  :  senez. 

—  4  B  :  homme.  —  •>  B:  il  veu/t.  —  °  B:  sans.  —  '•  A:  penssent.  —  8  B:  l'eitre.  —  9  B: 
eu/s.  —  10  B  :  ensaigmer  ;  «  ensaini^ner  »  cf.  note  p.  69.  —  n  B:  avoec. —  12  B:  renon.  — 
13  B  :  revint.  —  14  B:  pooir.  —  15  A  :  «  en  »  manque  :  q  nul...  —  16  B:  habonde.  —  17  B:  a. 

—  18  A  :  Car  lerie.  —  19  B:  sieut  touz  iours.  —  20  B  :  liez  et  ioians.  —  -1  B  :  roia/me.  — 
--  B  :  semgnorie.  —  2Î  B  :  puisse  ;  «  puis  »,  cf.  note  f°  97  a.  —  24  B  :  remest.  —  25  B  :  aussi 
comme  la  fontaine.  —  26  B  :  sourt,  et  que  plus  court  loing.  —  27  B  :  court  loing  le  mise/ 
de  ia  fontainne.  —  28  B  :  est  orendroit  la  fontaine.  —  29  B:  puet.  —  30  B:  puet.  —  31  B  : 
daingnoient.  — 32  B:  aussi.  —  33  B:  souleu/s.  —  M  B:  de  toutes  les  estoiles.  —  35  B  :  fait 
nra'stre.  —  3C  B  •  autressi.  —  37  B  :  genr  et  plus  savoir.  —  38  B:  genr.  —  39  B  :  faire.  — 
10  B  :  puisse. 

«ou  chascuns...  pas»  :  où  chacun  puise  l'intelligence  humaine  sans  qu'elle  s'épuise 
(sans  que  pour  cela  il  en  reste  moins). 


seroit  bien  droit 1  et  raisons  qu'il  meïssent  entente  2  a  aprendre  tele  clerg-ie 
que  il  ne  perdissent  seigneurie 3  après  ceste  vie  mortel.  Car  par  nature  et 
par  ling-nag-e  doivent  il  tuit 4  amer  clerg-ie  [et]  touz  jours  aprendre. 

[F0  2Ô  a]  Car  Gharlemaine  5  ama  moalt  philosophie  6  et  avança  en 
France  de  son  pouoir  7,  et  retenoit  touz  les  bons  clers  que  il  pouoit 8  avoir 
avec  9  lui,  et  les  mandoit  par  tout  la  ou  il  les  savoit.  Mainte  paine  10  ot  et 
maint  annui  pour  essaucier  sainte  crestienté.  Ne  onques  pour  ce  ne  vout xx 
lessier  12  que  il  ne  tenist  clerg-ie  prèsA.  Et  touz  jours  aprenoit  volentiers, 
et  d'astronomie  sot  assez,  si  comme  l'en  treuve  en  sa  vie,  et  mowlt  fu  amez. 
en  Lo-[F°  2Ô  6]heraine.  Car  il  i  demoroit 13  volentiers;  et  encore  y  a  de 
ses  joiiaus  14  biaus  et  riches  que  il  donna  aus  yg-lises15,  comme  preudoume 
q[ue]  il 16  fu.  Car  il  ama  mowlt  Dieu  et  son  non.  Et  se  pa/zna  17  moult  toute 
sa  vie  d'amener  clerg-ie  en  France.  Et  encore18  i  est  ele  et  reg-ne  par  sa 
proesce  19.  Si  en  est  moalt  bien  avenu  aus  20  rois  qui  sont  venuz  après  lui. 
Car  il  a  conquesté  a  touz  jours  sens  et  clerg-ie  en  la  cité  de  Paris. 

Or  doint  Diex  21  qu'ele  22  s'i  tieng-ne  28  et  que  [F0  25  c]  la  vile  en  puisse 
estre  maintenue.  Car  se  clerg-ie  s'en  aloit  de  France,  chevalerie  s'en  24  iroit 
après,  comme  26  ele  a  toz  jours  fet 2e.  Car  touz  jours  se  tient  près  de  lui 27. 
Si  la  retieng-ne  li  rois  de  France  pour  son  preu.  Car  il  porroit  bien  perdre 
son  riaume  28,  se  clerg-ie  se  departoit 29  de  France.  Car  Diex  l'en  desavance- 
roit,  qui  avancié  l'a  et  essaucié  sus  80  touz  autres  rois. 

Si  resont 81  en  France  unes  autres  g-ens 82  qui  en  nostre  tens  i  sont 
vq-[F°  2Ô  d]nu  8S.  Ce  sont  frères 84  meneur 35  et  jacobins  qui  se  sont  mis  en 
relig-ion  pour  l'amour  de  Dieu  pour  aprendre  et  pour  entendre  a  Dieu  ser- 
vir. Dont  Diex  nous  en  a  fet3e  si  grant  honnour  que  il87  retiennent  toute 
la  fleur  de  clerg-ie  en  leur  ordre  pour  adrecier  et  pour  essaucier  sai/ite  cres- 
tienté  par  leur  estuide  et  par  leur  travail 88.  Car  il  ont  moût89  grant  pensée 
de  servir  Dieu  toute  leur  vie  et  d'aprenclre  clerg-ie  et  [F0  26  a]  sens,  comme 
cil  qui  ont  tout  le  monde  g-uerpi.  Si  me  semble  que  il 40  font  autresi  comme 
firent  cil  qui  ça  an 41  arriéres  se  mistrent  en  leur  encloitre 42  en  sus  de  g-ent 
pour  miex  enquerre  vérité  du  ciel  et  de  la  terre.  Si  en  a  Diex  fet  granz  4& 
bontez  a  ceus  44  qui  en  leur  46  citez  les  ont,  et  en  leur  chastiaus  46  et  en  leur 

1  B:  drois.  —  2  B:  leur  entente.  —  3  B:  seingnorie.  —  4  B:  tous.  —  5  B  :  Charle- 
maines.  —  6  B  :  phylosophie.  —  7  B  :  de  tout  son  pooir.  —  8  B  :  pooit.  —  9  B  :  avoec.  — 
10  B:  painne.  —  »  B:  vou/t.  —  *2  B  :  lûu'ssier.  —  ™  B:  i  demoaroit.  —  **  B:  io/aus.  — 
15  B  :  as  eglyses.  —  «"  B  :  <7«'il.  —  «  B  :  pemna.  —  18  A:  eaquore.  —  19  B  :  proaesce.  — 
20  B  :  as. —  21  B:  «  Diex  »  manque.  —  22  B  :  que  ele.  —  ^  A  :  se  tiengne.  —  2*  B  :  «  s'en  » 
manque.  -25B:  ausi  comme.  -»B:  touz  iours  fait.  —  27  B:  li.  —  2«  B:  /*oia/me. 
—  »  b  :  departoit.  -  3°  B:  seur.  —  3i  a  :  seront.  —  32  B:  gens.  —  33  B:  qui  i  sont  . 
venus  en  nostre  tans.  —  34  B:  frère.  —  35  B:  menour.  —  36  B:  fait.  —  Z1  B:  «  honnour 
que  il  »  manque.  —  38  B:  travai//.  _  39  b  :  mou/t.  —  *>  B:  samble  qu'il.  —  41  B  :  en.  — 
/l2  B  :  encloistre.  —  «B:  a  fait  Diex  gran/...  —  44 B:  ceu/s.  —  B  :  ^  lor.  —  46  B:  chatiaus. 

a  «  Car  Charlemaine...  près.  »  Sydrach  S.  572.  —  Neckam  II.  174. 


—     80     — 

viles.  Car  il  ne  servent  pas  de  g-uile  ne  de  barat;  ains  l  se  painnent  de  ser- 
mouner2  pour  les  autres  g-enz  me-[F°  26  b]nev  a  bien  et  a  voie  de  vérité  et 
seuffrent  souvant 8  grant  mesaise  pour  meitre  a  aise  4  les  autres  g-enz.  Car  je 
croi  bien  que,  se  ne  6  fust  pour G  leur  bontez  et  par  leur  ensaingnemens,  que 
crestientez7  fust  orendroit  maubaillie  et  essillie 8  de  mescrandise  9  et  d'erreur. 

Si  se  tiennent  en  ce  qu'il  ont  empris  10,  comme  cil  qui  ont  mis  jus  toutes 
les  richesces  "  du  siècle,  sans  retourner  arriéres  ;  si  en  ont  moût  bone  12 
manière*.  Car  il  [F0  26  c]  se  sont  mis  a  povreté  pour  Dieu  et  pour  ses 
sainz  13,  et  mains  autres  qui  sont  au  monde,  qui  prennent  essaraple  a  ceus  14 
qu'il  voient  qui  bien  font. 

Si  en  devons  Dieu  gracier  et  adrecier  noz  cuers  a  bien  faire,  tant  que 
par  droit  nous  puissions  15  aler  el  sain  1G**  ciel  par 17  nostre  bienfait,  dom  18 
Diex  nous  dointsi  bon  pouoirde  deservir 19  que  nous  en  soions  parçonniers. 

Mes  20  puis  que  vous  avez  oy  raconter  com-[F°  26  ciment  les  *vii*  arz  21 
furent  trouvées,  et  par  qui,  si  en  lessiez  atant  ester,  si  vous  dire  qu'eles 
font  et  qu'eles  sevent  1ère  22.  Car  d'eles  vient  touz  2S  humains  sans  24  et  tou- 
tes euvres 25  que  l'en  fet 26  des  mains,  et  toutes  prouesces,  et  toutes  aper- 
teces  27,  et  touz  biens,  et  toutes  humilitez.  Et  pour  ce  weil 28  je  en  ma  matire  29 
descrivre  l'euvre  30  de  chascune,  et  puis  de  nature,  et  puis  du  monde,  com- 
ment il  est  fet31  a  la  reonde. 

Mes  nous  dirons32  avant  des  *vii'  arz  que  \F°  27  a]  l'en  ne  doit  pas 
oblier33. 

vii  A. 

Ce  est 34  gramaire. 

La  première  des  *vii*  arz  si  est  gramaire,  dont  il  n'est  pas  seu  le 
quart  au  tens 35  d'orendroit.  Sanz  laqwele  riens  ne  vaut  g-uieres  qui  veult 

1  B:  ains.  —  2  B:   sermonner.  —  3  B:   sueffre  souvent.   —  4  B:  «a  aise»   manque. 

—  5  B:  se  ce  ne.  —  G  B:  pour.  —  7  B:  crestiente.  —  8  B  :  et  assaillie.  —  9  B:  mes- 
creandise.  —  10  A:  enempris.  —  n  B  :  richeces.  —  l2  B:  mou//  bonne.  —  13  B  :  sains.  — 
14  B:  ceu/s.  —  15  B:  puissons.  —  1G  B:  sain/.  —  17  B  :  par  nostre  bonté  et  par...  —  18  A  : 
dom;  B:  donc.  —  19  B  :  pooir  de  desservir.  —  2°  B:  mais.  —  21  B:  ars.  —  22  B:  par  cui, 
si  en  laisserons  atant   la  parole  ester,   si  vous  dire  que  eles  font  et  qu'eles  sevtent  faire. 

—  23  B:  tou/.  —  24  B:  sens.  —  25  B  :  oevres.  —  2fi  B:  fait.  —  27  B:  apertetes.  —  2»  B  : 
vuaWl.  —  29  A:  «ma»  manque;  B:  matie/r.  —  30  B:  l'uevre.  —  31  B:  il  est  fais.  — 
32  B  :  vous  dirons.  —  33  B  :  oublier.     —  s*  b  :  Ci  est  li  arz  de.  -35B:  tans. 

*  «Si  se...  manière»:  Ainsi  ils  persistent  dans  ce  qu'ils  ont  entrepris  après  avoir 
abandonné  tous  les  biens  de  ce  monde  ;  il  leur  en  revient  beaucoup  de  mérite. 

"  Sain  :  la  chute  du  /,  soit  final,  soit  médial,  est  très  commune.  Cas  parai,  dans 
ms.  A  :  main  88  B  ;  son  (sunt)  82  d,  113  c  ;  don  10  b  ;  etc.  —  Ex.  :  Sain  Fursi  (Le  Miroir 
par  Bobert  de  Gretham)  [Paul  Meyer,  Romania,  1886,  t.  XV,  p.  304]  ;  sen  (Boève  v.  956, 
etc.)  [Halle  1899]  ;  sein  Gabriel  (G.  d.  Roland  v.  2847)  [Heilbronn.  1878]. 

a  FQ  27  a  -  33  c  =  Vers  1127-1404. 

La  description  des  sept  arts  se  trouve  dans  Neckam  II.  173. 


—     81     — 

entendre  de  clergie.  Car  sa/iz  li  ne  peut *  nus  apren-[jF°  27  6]dre,  que  gra- 
maires  si  est  fondemens  et  commencemens  2  de  clergie. 

Ce  est  la  porte  de  science  8,  par  quoi4  l'en  vient  a  sapience  de  clergie. 
Ce  est  celé 5  qui  ensaingne  a  fourmer  parole,  soit  en  latin  ou  en  roumanz 
ou  en  touz  autres  langages  parlans6.  Et  qui  bien  savroit7  toute  gramaire, 
il  savroit  fere 8  et  dire  toute  parole.  Et  par  parole  fist  Diex  le  monde.  Car 
parole  est  au  monde  sentence. 

Ci  après  est  logique  9. 

[F°  27  c]  La  seconde  art10  si  est  logique,  qui  est  appellée11  dyalectique. 
Geste  si  preuve  faus  et  voir,  et  preuve  par  quoi  l'en  cognoist  et  hien  et 
mal 12.  Et  qui 1S  savroit  toute  logique,  il  prouveroit  et  bien  et  mal  sanz 
doutance14.  Car  par  bien  fu  criez  et  fez  15  paradis,  et  [F°  2 y  d]  par  mal 
fu  establiz  enfer. 

Ce  est  retorique  16. 

La  tierce  art  a  non  retorique 17,  qui  est  et  droiture  et  raison  et  orde- 
nance  de  parole,  que  ele  ne  soit  pour  foie  tenue.  Car  li  droit18,  par  quoi 
li  jugement  sont  fet19,  et  qui,  par  raison  et  par  droit,  sont  esgardé  20  en 
[F0  28  a]  court  de  roi 21  et  de  baron,  viennent  de  rectoriqwe. 

De  cest22  art  furent  decretales  estraites,  et  lois  et  decrez  qui  ont  mes- 
tier  23  en  toutes  causes  et  en  touz  droiz. 

Qui  bien  savroit  rectorique,  il  connoitroit 24  et  tort  et  droit.  Par  fere25 
tort  est  li  hons  perduz  et  dampnez,  et  par  fere 2e  droit  est  sauvez  et  a  l'amour 
de  Dieu27. 

Ce 28  est  arismetique. 

[F°  28  b]  La  quarte  art  si  a  non  arismetique. 

Ceste  art  si  vient  après  rectorique,  et  est  mise  en  mi  les  *vii-  arz.  Car 
sanz  li  ne  peut 29  estre  nulle  des  "  vii*  arz  assise  parfaitement  ne  bien  seue 
entièrement,  devant  que  l'en  sache  ceste30  art.  Car  toutes  i  prenent31 
[F0  28  c]  garde  ne  ne  pueent  estre  sanz  lui 32.  Et  pour  ce  fu  ele  mise  en  38 
milieu  des  vii-  arz,  et  illuec  tient  son  nombre.  Et  de  li  viennent  tuit  li 
nombre 34  par  quoi 35  toutes  choses  queurent  et  vont  et  viennent.  Car  nulle 
riens  n'est  sanz  nombre.   Mais  poi  voit  comment  ce  puet  estre  qui  n'a 

1  B:  puet.  —  2  B:  fondemens  et  commencement.  — 3  A:  des  créance.  —  4  B:  quoy. 

—  5  B:  ce//e.  —  «B:  parlant.  —  '  À  :  savroit.  —  8B  :  et  faire.  —  9  B  :  Ci  est  li  arz 
de  logique  («  après  »  manque).  —  10  B:  Li  seconz  arr.  —  n  B  :  apelée.  —  l2  B:  de  «  et 
preuve»  jusqu'à  «  et  mal  »  manque.  —  13  B  :  Et  qui  bien.  —  u  B  :  doute.  —  15  B:  faiz. 
-*■  16  B:  Ci  est  rectorique.  —  "  B:  rectorique.  —  18  B:  les  droir.  —  19  B  :  les  jugemenr 
sont  fais.    —  2°  B:  par  droit  et  par  raison  sont  esgardes.   —  2l  B  :  roy.  —  22  B  :  ceste. 

—  23  B:  mestiers.  —  *  B:  connoistroit.  -^B:  faire.  -  2«  B:  faire.  —  27  B:  Dieu  entiè- 
rement. —  28  B  :  Ci.  —  »  B  :  puet.  —  so  b  :  ces/.  —  «B:  prennent.  —  32  B  :  li.  — 
33  B:  el.  —  u  B:  de  «  et  de  li  »  jusqu'à  «  nombre  »  manque.  —  35  A  :  «  quoi  »  manque. 


—     82    — 

esté  maistre  des  vii*  arz1,  tant  qu'il  en  sache  a  droit  dire  la  vérité  2.  Mais 
nous  ne  poons  pas  orendroit  [F0  28  d]  tout s  raconter  ne  dire.  Car  qui  veult 
tel 4  chose  espondre,  il  li  couvient  moult  savoir  de  glose. 

Qui  bien  savroit  arismetique  5,  il  veroit  ordenances  e  en  toutes  choses. 
Par  ordenance  fu  faiz  li  mo/ides  7,  et  par  ordenance  sera  desfaiz. 

C'8est  géométrie. 

La  quinte  a  a  non  9  g-eome-fF0  2g  a]trie,  qui  a  astronomie  plus  vault  10 
que  nule  11  des  autres.  Car  par  li  est  ele  mesurée,  et  par  lui 12  est  compassée. 
Et  mesure  toute  riens  ou  il  a  mesure.  Par  lui 1S  puet  l'en  savoir  le  cours 
des  estoiles  14  qui  touz  jours  16  vont,  et  la  grandeur  du  firmament  et16  du 
souleil  17  et  de  la  lune  et  de  la  terre  ;  par  li 18  set  on  la  vérité  de  toutes 
choses  et  la  quantité19  de  toute  rien,  ja  si  lointaing-ne  ne  sera,  pour  tant 
que  l'en  la  puisse  veoir  as  ieulz  20. 

[F0  2g  b]  Qui  bien  entent  g-eometrie,  il  voit  mesure  en  toutes  mais- 
trises  21.  Car  par  mesure  fu  li  mondes  faiz  22  et  toutes  autres  choses  hautes 
et  basses  et  parfondes  23. 

Ce  est21  musique. 

La  sisiesme  si  est  musique,  et  se  fourme  25  d'arismetique. 

[F0  2g  c]  De  ceste  art  de  musique  vient  toute  atemprance,  et  de  ceste  art 
s'avance  26  fisique.  Car,  ausi27  comme  musique  acorde  toutes  choses  qui  se 
descorderent 28  en  eles 29  et  les  ramaine  a  concordance,  tout  autresi  se  painne 
phisique30  de  ramener  a  point  nature  qui  se  desnature  et  se  desatempre  en 
cors  humain,  quant  aucune  maladie  l'encombre.  Mais  ele  n'est  mie  du  nom- 
bre sl  des  -vii*  arz  de  philosophie.  Ainz  est  'i*  me-[F°  2g  oTJstier  qui  se 
donne32  a  cors  d'oume33  saner,  et  de  soi  g-arder  de  maladie,  tant  comme 
il  est  en  vie.  Et  pour  ce  n'est  ele  mie  liberaus.  Car  ele  sert  de  g,uerir  cors 
humain34  qui  aucunes35  foiz  porroit36  bien  périr.  Et  nulle37  riens  n'est 
liberaus  ne  franche  qui  naist  de  terre.  Et  pour  ce,  science  qui  sert  a  cors 
humain  pert  sa  franchise;  mais38  celés  qui  servent  a  l'ame  desservent89  au 
monde  libéral  non*.  Car  l'ame  doitestre  liberaus,  [F°  3o  a]  si  comme  chose 

1  B:  ar.s.  —  2  B:  sache  a  dire  la  droite  vérité.  —  3  B:  tout  ci.  —  4  B:  tele.  — 
•r'  B:  anmetique.  —  6B:  verroit  ordenance.  —  7B  :  le  monde.  —  8B:  Ci.  —  9B:  La  quinte 
a  non...  —  w  B:  vaut.  —  »  B:  nul/e.  —  12  B  :  li.  —  «  B  :  li.  —  1*-  B  :  estoil/es.  -  15  B  : 
jourr.  —  16  B  :  de  «  et  du  souleil  »  jusqu'à  «  chascune  chose  »  [f°  30  a]  manque.  —  17  N  : 
sou//eil.  —  18  N:  lui.  —  19  N  :  cantité.  —  2i>  N:  aus  \euz.  —  21  N  :  mestrises.  — 
22  N  :  fez.  —  23  N  :  pfondes.  —  24  N:  «  ce  est  »  manque.  —  25  N  :  forme.  —  26  A  :  s'avan  ; 
C  :  s'avance  ;  N  :  s'avance  ;  B  :  procède  ;  S  [f°  79  n]  :  est  descendue.  —  27  N  :  aussi.  — 
28  N:  toute  chose  qui  se  descorde.  —  ^  N:  soi.  —  30  N:  pâme yZsique.  —  31  A  :  nomb/e; 
G  :  nombre  ;  N  :  nombre.  —  32  N  :  dorce.  —  33  N  :  orne.  —  3*  N  :  de  cors  humain  garir.  — 
3b  N:   aucune.  —  ^  N:  pourvoit.  —  37  N  :   nu/es.  —  38  N  :    mes.  —  39  N:  deservent. 

«  Et  pour  ce...  non  »  :  C'est  pourquoi  la  science  qui  s'occupe  du  corps  humain  perd 
sa  noblesse  ;  mais  celles  qui  s'occupent  de  l'âme  méritent  en  ce  monde  le  nom  de  «  libé- 


—     83     — 

qui  est  de  noble  estre,  comme  celé  qui  vient  de  Dieu  et  a  Dieu  s'en  veult 1 
revenir.  Et  pour  2  ce  sont  les  arz  liberaus.  Car  il 3*  font  l'ame  toute  fran- 
che, et  ensaing-nent4  qaanque  l'en  doit  faire6  proprement  en  chascune 
chose.  Et  ce  est  la  droite  reson  pour  quoi e  ele  a  non  arz 7  liberaus.  Car  ele 
fait  l'ame  liberaus  8,  et  de  tout  mal  la  délivre  9. 

De  ceste  est  musique  commune,  qui  s'acorde  a  chascune  si  bien  que 
par  li  furent  les  [F0  3o  b]  .vii*  arz  concordées  si  comme  eles  durent.  De 
ceste  sont  estraiz  touz  les  chanz  10  que  l'en  chante  en  sainte  eg-lise  u,  et 
toutes  les  acordances  de  touz  les  estrumenz  qui  ont  divers  acordemcnz  et12 
divers  sons  13,  et  ou  il  a  raison  et  entendement  d'aucunes  choses 14.  Qui  set 
la  science  de  musique,  il  set  Tacordance  de  toutes  les 16  choses.  Et  toute  la 
créature  qui  se  painne16  de  bien  faire  se  ramainne  17  a  concordance  18. 

Ce19  est  astronomie. 

[Z'0  3o  c]  La  septiesme,  si20  est  astronomie  qui  est  de  toute  clerg-ie  la 
fins21.  Ceste  ensaigne22  raison  par  quoi23  l'en  doit  enqnerre  de  24  choses 
de  la  terre  et  du  ciel,  de  celés  qui  sont  faites  par  nature,  ja  si  lointaingnes 
ne  seront.  Et  qui  bien  set  astronomie,  il  set  mètre  25  rai-[F°  3o  d]  son  en 
toutes  choses.  Car  Nostre  2e  Sires  fist  toutes  riens 27  par  raison,  et  donna 
son  non  a  chascune  riens. 

Par  ceste  art  furent  premièrement  emprises  et  enquises  toutes  autres 
sciences  de  decrez  et  de  devinité  28,  par  quoi  toute  crestienté  29  est  convertie 
a  droite  foi  de  Dieu  amer  et  servir  le  roi  tout  puissant  a  cui 30  tout  li 
biens  se  donne  et  alie,  qui  toute  astronomie  fist,  et  le  ciel  et  la  terre  et  le 
souleill  et  la  lune  et  les  estoiles,  comme  cil  qui  est  li  [F0  3i  a]  verais 
gouvernierres  et  li  vrais  voiles  de  gouverner  tout  le  monde  et  adre- 
cier31.  Ne  riens  ne  peut  durer  sanz  lui.  C'est  li  verais  32  astronomiens  ;  car 

1  N  :  veut.  —  2  N  :  por.  —  3  G  :  Hz  ;  R  :  ils  ;  N  :  il.  —  4  N  :  ensemgnent.  —  5  N  :  fere. 
6  B:  raison  pour  quoy.  —  7  B  et  N:  ars.  —  8  N  :  ele  îet  l'ame  libéra/.  —  9  B  et  N:  la 
délivre  de  tous  maas.  —  10  B  :  chans  ;  N  :  chanr.  —  n  B  et  N  :  eglyse.  —  ,2  N  :  «  et  divers 
sons  »  jusqu'à  «  d'aucunes  choses  »  manque.  —  13  B  :  son.  —  14  B  :  «  d'aucunes  choses  » 
manque.  —  15  B  et  N  :  «  les  »  manque.  —  16  B  et  N  :  pâme.  —  17  B  et  N  :  ramaine.  — 
18  B:  a  concordance  veraiement.  — 19  B:  Ci.  —  ^B:  «si»  manque.  —  21  B:  qui  la  fins  de 
toutes  clergies  est.  —  *>  A  :  «  ensaigne  »  manque  ;  B  :  ceste  ensaigne.  —  ^  B  :  quoy.  — 
34  B  :  des.  —  25  B  :  me/tre.  —  •  B  :  noustre.  —  27  A  :  «  riens  »  manque.  —  ^B:  divinité. 
—  M  B:  crcstientez.  —  30  B  :  aui.  — 31  A:  li  vrais  voiles  et  li  verais  gouvernierres  de  tout 
le  monde  gouverner  et  adrecier.  —  32  B  :  urais. 

raies  ».   —   La  leçon  de  la    rédaction   en   prose  est  confirmée  par  la  rédaction  en  vers  : 

Sloan  f  °  87  c  :  Mais  celés  qui  a  l'ame  servent 
libéral  non  au  mont  deseryent. 

*  Nous  trouvons  quatre  fois  dans  le  texte  du  ms.  A  il  où  nous  nous  attendrions  à 
trouver  eles  (nom.  pi.  fem.).  Les  deux  premiers  cas  (fos  30  a  et  32  a)  s'expliquent  par  le 
genre  de  «  arz  »  qui,  dans  notre  texte,  est  tantôt  masc,  tantôt  fem.  ;  de  plus,  il  est  confirmé 
par  les  ms.  B  et  N.  Les  deux  autres  cas  se  trouvent  fos  56c  et  82  b.  Cf.  note  f°  56  c. 


—     84     — 

il  set  tôt  S  et  les  biens  et  les  maus,  comme  cil  qui  astronomie  fist,  que  l'en 
soloit  jadis  pour  amie  2  tenir.  Car  c'est  une  art  de  si  très  noble  estre,  que 
qui  en  porroit  estre  bien  sages,  il  porroit  connoistre  a  droit  comment  li 
mondes  fu  compassez  8 *  et  assez  d'autres  choses.  [F0  Si  b]  Car  c'4 est  la 
science  par  quoi 5  l'en  connoist  miex  et  plus  a  droit  toutes  6  riens. 

Par  li  seule  furent  trouvés7  les  autres  vi*  qui  sont  nommées  devant8; 
et  sanz  eles  ne  porroit  nus  savoir  a  droit  d'astronomie,  tant  fust  sages  ne 
poissanz  9.  Tout  aussi  comme  une  hache  ou  'i*  autre  outill  de  maçon  sont  li 
estrument 10  par  quoi  il  forme  ll  sa  besoingne  12  et  de  quoi  il  fait  son  mes- 
tier,  tôt13  autresi  par  droit  majestire  14  sont  les  autres  [F0  Si  c]  'v'v  estru- 
ment 15  et  fondement  d'astronomie. 

Et  li  preudoume  16  ça  en  arrière,  et  roi  et  prmce  et  duc  et  conte  et  autre 
grant  seigneur17,  par  leur  sens  et  par  la18  bonne  manière  qui  estoit  en 
euls,  metoient  toute  leur  painne  et  tout  leur  labour  en  savoir  les  arz  19  de 
clergie  pour  d'astronomie  entendre  20.  Et  tant  i  entendirent  qu'il  en  sorent 
assez  par  la  volenté  de  Dieu.  Car  il  sorent  mainz  gmnz  afaires  qui  ave- 
noient  par  le  monde.  Si  ne  [F0  Si  d]  prisoient  riens  les  choses  qui  ave- 
noient  en  terre,  comme  cil  qui  bien  en  savoie/it  la  raison. 

Si  estoit  coustume  au  tens  de  lors  que  se  nus  fust  sers  a  autres  genz  21, 
ne  nus  hons  bas,  ne  nus  vilains,  tant  fust  plains  de  grant  avoir  ne  de 
richeces  22,  n'osoit  il  riens  aprandre23  des  vir  arz  pour  les  gentils  hommes 
qui  tuit  en  vouloient  entendre  24  le  principal,  pour  ce  qu'il  fussent  libéral 
et  franc.  Et  par  ceste  raiso/i  leur  mistrent  il  a  non  les  [F0  S 2  a]  ■  vii*  arz 
liberaus. 

Et  a  droit  les  nommèrent  liberaus.  Car  eles  25  sont  si  franches  que  il 26 
rendent  l'ame  toute  franche  a  Dieu.  Et  sont  ordenées  si  a  droit  et  données 
si  entièrement  que  l'en  n'en  peut 27  riens  oster  ne  riens  mètre,  tant  s'en 
seiist  entremetre,  tant  fust  sages.  Car  se  l'en  en  remuoit  riens  qui  i  soit, 
eles  seroient  toutes  desfigurées.  Car  eles  sont  si  a  droit  faites  que  nus  hons 
qui  soit  en  tout  le  monde, tant  fust  de  [F0  S2  b]  parfonde  escience,  ne  paien, 
ne  28juif,  necrestien,  n'i  peut 29  riens  ne  muer,  ne  oster,  necontrester  de  rien. 

1  B  :  tout.  —  2  A  :  «  amie  »  manque.  —  3  A  :  compasserz.  —  *  B:  ce.  —  5B:  coi.  — 
B  B  :  toute.  —  7  B  :  trouvées.  —  8  B  :  devant  nommées.;  N  :  nomées.  —  9  B  :  puissanz  ; 
X  :  poissanz.  —  10  B  :  les  instrument;  N:  les  estrumenz.  —  u  B  :  fourme;  N:  forme. 
—  12  li  :  beso/gme  ;  N:  besoingne.  —  n  B  et  N  :  Tout.  —  14  A  :  droit  maiesture;  B  et  N  : 
maiestire;  C:  droite  maistrie.  Sloan:  droit  maiestire.  —  15  B  :  estrumenr.  —  16  B:  les 
preudommes.  —  17  B:  arriéres-,  et  rois  et  princes  et  contes  et  autres  granr  seigneurs; 
N  :  arriéres,  et  rois  et  princes  et  dus  et  contes  et  autres  granz  seigneurs.  —  18  B  :  leur.— 
19  B:  ars.  —  20  B:  pour  entendre  d'astronomie.  —  21  B  :  gens.  —  22  B:  riche/ses.  —  23  B: 
aprendre.  —  24  A:  «  entendre  »  manque;  B:  entendre  en  voloient.  —  25  B  :  il.  —  2r>  Voir 
notes  f°  30  a,  06 g  sur  il.  —  27  B:  puet.  —  28  A  :  ne  ne.  —  &  B  :  puet. 

Compasse/'z  :  cette  forme  est  isolée  dans  le  ms.  A,  et  n'est  pas  confirmée  par  d'autres 
ouvrages. 


—     85    — 

Et  qui  sauroit  a  droit  les  vii*  arz,  il  seroit  creûz  en  toutes  lois.  Car  il 
n'est  nus  qui  contrester  le  pouist x  de  chose  qu'il  vousist  prouver,  fust  faus 
ou  voir.  Car  il  prouveroit  par  vive  raison  quanqu'il  voudroit  et  droit  et 
tort 2.  Si  est  cil  fouis  qui  cuide  savoir  nulle  3  chose  a  droit  qui  aipar-[F0  32  c] 
tiengpne  a  clerg-ie,  pour  nulle  chose  qui  avieng-ne  4,  se  n'est  par  miracle5  de 
Dieu  qui  tout  peut  faire,  se  il  ne  set  des  vii*  arz.  Car  tout  ne  li  vaudroit 
nient8  a  ce  qu'il  pefist  moustrer  riens,  ne  prouver  a  droit  ne  faus  ne  voir*. 
Car  eles  sont  creues  en  toutes  les  lois  la  ou  eles  sont  leiies. 

Et  si  n'est  nus,  tant  soit  de  diverse  loi 7  ne  de  divers  languag-e  8,  que,  s'il 
converse  avec  9  autres  g*enz  10,  pour  qwïl  sache  riens  des  *vii*  [F0  02  d]  arz  u 
a  droit,  ne  prouver  de  leur  usage  ne  12  de  lor 13  parz  nulle  chose  qui  soit, 
qu'il14  ne  soit  creûz  comme  sages**.  Ne  ja  ne  sera  paiens  si  divers  que 
crestie/is  ne  juif  le  peust  contredire  de  riens 15  de  chose  qu'il  ne  vousist  dire 
ne  prouver.  Et 16  ne  so/ît  pas  decretales  ne  lois  que  aucunes  genz  tiennent 
a  maies  les  constitutions  qui  y17  sont,  pour  ce  qu'autres  les  font  et  tien- 
nent***. Car  toutes  les  lois  se  tiennent  as  -vii*  [F0  33  à]  arz;  et  toutes 
les  croient  et  retiennent 18,  la  ou  il  a  genz  qui  riens  en  sachent.  Car  toutes 
resons19  qui  vienent  des  vii*  arz  sont  voires  en  toutes  causes  et  en  toutes 
resons20  par  touz  lieus.  Car  ce  ne  sont  pas  muables  sciences  que21  touz 
jours  sont  estables  et  veraies  22. 

Mais  nous  en  laisserons  a  tant  a23  parler;  car  vous  en  avez  oy24  ça 
devant  souffissaument25.  Si  vous  dirons  de  nature  après  et  briément  que 

1  B:  qui  le  pouist  contrester;  N  :  qui  le  peust  contrester.  —  2  B  :  et  tort  et  droit.  — 
3  B  et  N  :  nu/e.  —  *  B:  nu/e;  N:  nu/es  choses  qui  avieignent.  —  5  B  :  se  cen  n'est  pas 
fspetial  miracle...  puet;  N:  se  n'est  par  miracle...  ;  A  :  se  n'est  pas;  C:  ce  n'est  par.  — 
6  B  :  noient.  —  7  B  :  loy.  —  8  B  :  langages.  —  9  B  et  N  :  avoec.  —  10  B  :  gens.  —  n  B  :  «  arz  » 
manque;  A:  «  arz  »  répété  deux  fois.  —  12  B  et  N  :  usage  et  de...  —  13  B  et  N  :  leur.  — 
14  B  :  qui  ;  N  :  qu'il.  —  »  B  :  de  riens  contredire.  —  16  B  :  Ce.  —  «  B  :  i.  —  18  B  et  N  : 
retiennent.;  A:  retendent:  cette  forme  n'est  pas  confirmée  par  d'autres  ouvrages  et  est 
isolée  dans  le  manuscrit  A.—  19  B  :  raisons.—  2°  B:  rat'sons.  —  21  «  que  »  :  cf.  note  f°  123  b 
du  texte.  —  22  B  :  sont  veraies  et  estables;  C:  mais  s«nt  touz  jours  estables...  —  ^B: 
tant  en  parler.  —  2*  B  :  01,  —  25  B  :  soufft'saument. 

«  Car  tout...  voir  »  :  Car  tous  ses  efforts  seraient  inutiles  pour  le  mettre  à  même  de 
montrer  quoi  que  ce  soit  et  de  prouver  avec  autorité  le  vrai  et  le  faux. 

**  «  Et  si...  sages  »  :  Il  n'y  a  pas  un  seul  homme,  quelque  différents  que  soient  son  lan- 
gage et  ses  coutumes,  qui,  s'il  parle  à  d'autres  gens  et  sache  quoi  que  ce  soit  à  propos  des 
vii  ars  sans  rien  connaître  des  coutumes  ou  de  quoi  que  ce  soit  qui  concerne  ces  gens,  ne 
soit  considéré  par  eux  comme  sage. 

***  «  Et  ne  sont...  et  tiennent  »  :  Et  ce  (les  7  arts)  ne  sont  pas  des  lois  et  décrets  dont 
certaines  gens  considèrent  les  règles  (qui  s'y  trouvent)  comme  mauvaises  parce  que  ce  sont 
d'autres  gens  qui  les  font  et  les  observent. 

La  construction  est  la  même  dans  la  rédaction  en  vers. 

Sloan  f °  88  c  :  Ne  sunt  pas  lois  ne  decretales 
qu'autres  gens  tenroient  a  maies 
les  constitutions  qui  sunt 
pour  ce  qu'autres  tienent  et  font. 


—    86    — 

ce  est.  \_F°  33  6]  Car  Diex  la  cria  premièrement  ainz  l  qu'il  feïst  autre 
chose  qui  apartenist  au  monde.  Si  en  devons  premièrement  parler  et  dire 
que  ce  est  pour  deviser  le  monde  après  et  descrire.  Car  li  firmame/iz  muet 
par  nature 2,  et  toutes  les  choses  qui  ont  mouvement 3.  Ele  muet  les  esto- 
les4*  et  fait  luire,  et  fait  naistre  et  vivre  quanqu'ele  veut6.  Et  pour  ce 
que  toutes  les  g-enz  ne  severct  pas  bien  que  ce  monte,  aloingnerons  e  un 
poi  [F0  33  c]  noustre  matire  pour  faire  entendre  qu'est  nature  et  comment 
ele  œuvre7,  pour  mieulz  entendre  la  faiture  du  monde,  que8  nous  vous 
dirons  après  se  vous  en  voulez  9  entendre  les  resons  10.  Si  metez  painne  au 
retenir. 

viii  A  . 

De  nature,  comment  ele  oeure  et  que  ce  est. 

Damediex  fist  tout  premièrement  nature.  Car  ce  est 11  la  chose  par  quoi 
toute  riens  dure  et  vit  qui  desouz  le  ciel  est  ordenée  12.  Sanz  na-[F°  33  rfjture 
ne  peut ls  riens  naistre,  et  par  li 14  vit  toute  15  riens  née 16.  Et  por  17  ce  la 
couvint18  premièrement  estre  19,  qu'ele  norrist20  les  g*enz  et  assaisonne,  et 
s'abandonne  la  ou  Diex  veult**.  Ele  oevre  diverseme/it21.  Nature  fait  ausi 
comme  la  hache  au  charpentier.  Quant  li  charpentiers  oevre  de  son  mestier, 
la  hache  ne  fait  que  trenchier.  Et  celui  qui  la  tient  la  dresce  quel  part  que  il 
veult.  Et  par  la  hache  est  l'oevre  assouvie 22  et  [F0  34  a]  faite  selonc 28  la 
manière  de  l'ouvrier.  Tout  autresi 24  se  donne  nature  et  habandonne 25  la 
ou  Diex  veult  ».  Car  toute  riens  est  faite  par  lui 26,  si  comme  Diex  la  veult 
pourtraire.  Et  oevre  en  tel 27  manière  que  se  ele  28  faut  a  l'une,  ele  recuevre 
a29  l'autre. 

Riens  en  vai/i  ne  fait  nature  80;  ele  oevre  en  tel S1  manière  qu'ele  ne  toult 
a  nulle  riens  son  plain  32.  Car  entière  est  touz  jourz  s'oevre  selonc  ce  qu'ele 

1  B  :  la  fist  premièrement  et  cria  ainz.  -2B:  Car  par  nature  muet  li  fîrmamenz.  — 
:!  B:  qui  mouvement  ont.  —  4  A:  estoles  ;  B:  estoiles.  —  r>  B:  veu/t.  —  «  A:  aloragne- 
rons.  —  ?  B:  oure.  —  »  B:  de  que.  —  9  B:  volez.  -  w  B:  ru/sons.  —  n  B:  c'est.  — 
12  B:  qui  est  ordenée  desouz  le  ciel.  —  13  pue/.  —  ^  B:  lie;  N:  lui.  —  15  A:  toutes.  — 
16  B  :  «  née  »  manque.  —  17  B  :  pour.  —  18  B  :  couvient  ;  N  :  coûtant.  —  *»  B  :  «  estre  » 
manque.  —  20  B  :  car  ele  norrist;  N:  car  ele  nourrit.  —  21  B  et  N  :  touz  jourz  diverse- 
ment.-22 B:  assouie.-  ™  B:  solonc.  —  »  B:  autressi.  —  25  B  :  habonde.  —  26  B:  li.  — 
27  B:  tele.  —  28  B:  s'ele.  -  »  B  :  en.  —  3°  B  :  Nature  ne  fait  riens  en  vain.  —  si  B:  tele. 
—  32  B  :  ne  toult  son  plain  a  nulle  riens. 

0  pour  oi  se  trouve  assez    souvent  en   Bourgogne,  en  Lorraine    et  en  angln.  pour 
que  nous  n'hésitions  pas  à  garder  «  estole  ».   Cf.  Stimming,  o.  c.  p.  200  (mo,  damosele). 
«  Et  por  ce...  veult  »  :  Il  était  convenable  qu'elle  fût  créée  la  première,  parce  qu'elle 
nourrit  les  gens  et  les  fait  venir  à  point;  et  elle  se  livre  là  où  Dieu  le  veut. 
Sloan  f °  89  a  :  Pour  ce  la  covient  premiers  estre  ; 
les  gens  norist,  les  gens  sesone  ; 
et  la  u  Dex  violt  s'abandone. 

a  [Fo  33  c  —  38  b  =  Vers  1405-1619.] 

b  «  Damediex...  veult.  »  Ce  passage  est  discuté  dans  l'introduction  (v.  Introd.  p.  34). 


trueve  matere1*.  [7^°  34  à]  Soit  en  g-enz  ou  en  bestes,  touz  jourz  est  ses 
afaires  g*enz,  comme  celé  2  qui  riens  ne  fait  qui  de  riens  soit  contraire  a 
Dieu.  Et  la  ou  matere  8  défaut,  si  laisse  a  ouvrer;  et  que  plus  y  a  matere, 
et  pins  œuvre4;  si  comme  l'en  voit  d'aucunes  bestes,  dont  les  unes  nais- 
sent 5  a  "ir  testes  ou  a  -vi-  piez  ou  a  'V  ma/nbre  mains  qu'il  ne  doit 6  avoir 
et  que  sa  fourme  ne  li  rema/nbre  7.  Aussi  en  [F*  34  c]  voit  l'en  de  tels  sou- 
ventes  foiz  qui  sont  presque  tout  failli  ;  et  li  autre  8  sont  plenteurens  et 
habondantde  9  leur  fruit.  Tout  ausi  revoit  l'en  souvent10  avenir  a  aucunes 
g-enz  u  que,  quant  il  naissent,  il  naissent  a  tout12  #vi-  doiz  en  une  main,  et 
les  autres  a  i',  ou  a  'ir,  on  a  *iii*  mains  1S;  ou  il  leur  faut  i-  mambre  tout 
entier,  dont  il  valent  pis,  selonc  ce  qui  apartient  au  monde.  Et  en  un  autre 
ra  si  grant  habondance  [F0  34  d]  de  matere  en  cors  ou  en  membre  14,  autre 
chose  que  fourme16  humaine  n'i  met16.  Car17  il  li  faut  ou  piez  ou  mains  ; 
ou18  il  naist  souvent  a  moins  ou  a  plus19;  ou  il  a  une  jambe  ou  i*  braz, 
l'un  plus  lonc  que  l'autre. 

Si  ravienta  *i*  autre  autre  chose  :  Car  li  uns  est  noirs  et  li  autres  est 
blans  ;  li  uns  est  granz  et  li  autres  petiz.  Li  uns  devient  preudoume20  et 
sag-e,  et  li  autres  fouis  et  mauvais  ;  li  uns  se  tient  sag-es  [F0  35  a]  en  sa 
jœnnesce  21,  et  en  sa  vielliesce 22  devient  fouis.  Li  uns  est  sag-es  vielz 23  et 
juenes,  et  li  autres  est  fouis  toute  sa  vie,  et  juene  et  vieill.  Les  uns  sont  cras 
et  les  autres  sont  maigres.  Les  uns  sont  maling'eus  et  les  autres  santeis24. 
Les  uns  sont  grelles26,  les  autres  si  sont  gros26.  Les  uns  sont27  vistes, 
les  autres  moulz  28  et  lasches.  Les  uns  sont  tardis,  les  autres  hastis.  Les  uns 
sont  hardiz,  les  autres  sont  couarz.  Les  uns  sont  boi-[F°  35  è]teus,  les 
autres  sont  boçuz,  et  les  autres  sont  bien  faiz  en  touz  endroiz.  Uns  granz 
hons  est  souvent  mal  faiz,  et  uns  petiz  est  bien  faiz  et  bien  avenanz.  Car  il 
n'a  mambre29  qui  ne  soit  a80  sa  droite  taille,  tant  comme  il  apartient  a 
son 31  cors.  Uns  biaus  enfes  devient  souvent  laiz,  et  li  laiz  devient  sou- 
vent 32  biaus.  Li  uns  veult  moult  avoir  de  ses  voulentez 33  et  li  autres  en 
veult  pou.  Ghascuns  a  son  talent  et  a  son  apetit.  Uns  petiz  hons  eng-endre 
sou-[F°  35  cjventes  foiz  *r  grant 34,  et  uns  bien  granz  souvent  -i-  petit.  Uns 

1  B:  matière;  A:  mate'.  —  2  B:  genz  ses  afaires,  comme  ce/le.  —  3  B:  matière.  — 
4  B  :  oevre.  —  5  A  :  laissent.  —  6  A  :  «  qu'il  ne  doit  »  répété  deux  fois.  —  7  B  :  remembre. 
8  B  :  autres.  —  9  A  :  et.  —  10  B  :  souventes  foie.  —  u  B  :  aucune  gen/.  —  12  B  :  tour.  — 
13  B  :  moins.  —  l4  B  :  mambre.  —  »  B  :  forme.  —  w  A:  mmet.  —  17  B  :  Ou.  —  18  B:  Car. 

—  19  B  :  a  plus  ou  a  moins.  —  2°  B  :  preudomme.  —  21  B  :  jonnesce.  —  ^  B  :  vietl/esce. 

—  23  B:  vieulz.  —  *  B  :  santeys.  —  25  B  :  grailles.  —  *  A  :  groa\  —  27  B  et  N  :  «  sont  » 
manque.  —  28  B  :  mou/s.  —  »  B  :  membre.  —  3°  B  et  N  :  de.  —  31  B  :  son/;  N  :  son.  — 
32  A  :  «  laiz,  et  li  laiz  devient  souvent  »  manque.  —  33  B  :  volentez.  —  34  B  :  .i.  grant 
homme. 

*  L'orthographe  ordinaire  du  ms.  A  est  «  matire  »  (f°  26  passim).  Seule  la  position 
de  l'abréviation  fait  supposer  une  forme  «  matere  »,  forme  bien  connue  en  angln.,  et  que 
nous  retrouvons  dans  f°  34  b.  Nous  mettons  donc  «  matere  ». 


—    88    — 

petiz  *  hons  enprent 2  souventes  foiz  une  grant  chose  a  faire  que  uns  bien 
granz  n'oseroit  enprendre8.  Li  uns  muert  tost,  li  autres  tart.  Et  li  autres 
vit  tant  que  par  aag-e  se  part K  *  du  siècle,  selonc  ce  que  nature  li  dure  par 
la  voulenté  5  de  Dieu. 

Si  revoit  l'en  sove/it 6  en  genz,  que  li  un  7  entendent  a  clerg-ie,  et  li  autre 8 
entendent  a  [F0  35  d]  autre  mestier,  ou  a  charpentier,  ou  a  maçon,  ou  a  fevre, 
ou  a  aucun  autre  mestier  ou  il  met  son  tans.  Car  chascuns  s'i  donne9  selon 
son  sens.  Car,  a  autre  mestier  que  nature  ne  10  li  donne  ne  savroit  entendre, 
dont  il  se  seiïst  entremetre  si  bien  comme  de  celui  ou  sa  nature  li  trait.  Si 
a  -i-  autre  d'autre  manière  qui  se  met  et11  adonne12  a  faire  pluseurs  choses 
que  nus  autres  ne  porroit  ne  ne  savroit  faire  ;  car  [F0  36  a]  sa  nature  pas  ne 
li  donne 13.  L'un  bee  en  bas  et  l'autre 14  en  haut.  Si  voit  l'on 15  que  il  avient 
souvent  que  li  hons  avient  la  ou  il  bee  a  avenir,  et  autre  foiz  n'en  vient16  a 
chief.  Ainz  li  tourne  n  tout  a  contraire  et  a  meschance 18,  si  qu'a  painnes 
peut19  venir  a  chief  de  chose  que  il  vueille20  mener  a. fin.  Et  uns  autres 
fet 21  maintes  choses  dont  uns  autres  ne  porroit 22  ne  ne  savroit  faire.  Car 
tant  a  de  diversetez  en  gent23,  et*4,  de  faiture  [F0  36  b]  et  de  voulenté  25, 
que  l'en  ne  porroit  trouver  en  nulle  terre  du  monde  -ii*  hommes  qui  s'entre- 
ressamblassent,  tant  les  seiist  l'en  querre,  qu'il  ne  se  diversifiassent 2e  de 
cors,  ou  des27  membres,  ou  de  vis,  ou  de  sens,  ou  de  faiz,  ou  de  diz.  Car. 
sa  puissance  est  si  diverse  qu'il  n'est  riens  qui  ait  naissance,  qu'il  n'ait  en 
lui  aucune  chose  dont  uns  autres  n'a  riens  en  soi28,  ja  soit  ce  que  nulle 
dessevrance  n'i  puisse  nus  hons  aparcevoir. 

[F°  36  c]  Tele  est  la  vertuz  de  nature,  ou  maint  bon  clerc  ont  mis  leur 
cure  et  leur  entente29  a  ce  que  il  puissent  mieuz  dire  et  plus  briément 30" 
que  est  nature31.  Si  en  dist  tout  premièrement32  Platon,  qui  fu  de  moût38 
tarant  renommée,  que  c'est  une  outrée  poissance  en  choses,  qui  fait  naistre 
samblant  par  samblant  selonc  ce  que  chascune  peut  estreA.  Si  peut84  l'en 
entendre35  ce  par  -i*  homme  36  c'uns  autres  engendre,  et  par  bestes,  et  par 

1  B  :  petit.  —  2  B  :  emprent.  —  3  B  :  n'osereu/  emprendre.  —  4  A  :  se  par.  —  5  B  : 
vo/enté.  —  6  B:  souvent. —  7  B:  que  les  uns.  —  8  B:  et  les  autres.  —  9  B:  se  donne.  — 
10  B:  «  ne  »  manque.  —  n  B  :  «  se  met  et  »  manque.  —  12  B:  donne.  —  13  B:  nature  ne 
li  donne  pas.  —  14  B  :  l'uns  bee  en  bas  et  li  autres.  —  15  B:  voit  on.  —  ,6  B  :  ne  vient.  — 
17  B:  tornc.  —  18  B  :  mescheance.  —  10  B:  painne  puet.  —  20  B:  qu'il  yeille.  — 21  B:  fa/7. 
—  22B:  porroit  riens  faire.  —  23  B:  genr.  —  2*  B:  «  et  »  manque.  —  25  B  :  volenté.  — 
38  B:  diversifiassent.  —  27  B:  de.  —  28  B  :  lui.  —  »  B:  unlente.  —  =»  A:  briesment.  — 
:il  B:  qu'il  peûssent  mieu/z  dire  que  est  nature,  et  plus  brie'ment.  — 32  A:  pWerement.  — 
™  B  :  mou/t.  —  3*  B  :  puet  estre.  Si  puet...  —  ™B:  entedre.  —  se  b  :  houme. 

*  Cf.  f°26c  n.  Ex.  de  «  par  »  :  par  {Ipomedon,  v.  3316,  cité  par  Stimming,  o.  c.  p.  222). 
Toutefois  la  forme  «  par  »  étant  isolée  dans  le  ms.  A,  et  l'exemple  de  Stimming-  se  rap- 
portant à  «  part  »  L.  partem,  nous  rétablissons  le  t. 

Le  ms.  A  donne  ordinairement  «  briefment  »,  mais  «  briément  »  se  trouve  f°  33  a. 

a  «  Si  en  dist  tout...  peut  estre.  »  Platon,  Gorgias.  Boèce,  cité  par  Albert  le  Grand  : 
Sum.  Theol.  VII.  30  (vide  Introd.  p.  34). 


—     89     — 

plantes,  et  par  se-[F°  36  ûTJmences  qui  selonc  leur  samblances A  naissent, 
et  selonc  2  leur  façon.  Itanten  dit 3  Platon,  qui  fu  granz  clers  f.  Et  puis  en 
redit  Aristotes,  qui  sont*  clerc  fu  5,  que  ce  estoit  principiex  qui  donnoit 
vertu  es  •  choses  de  mouvoir  et  d'ester,  a  cui  Diex  donna  tel  pooir  et  tel 
force  ;  si  comme  l'en  voit  quant  aucune  chose  se  remue  qui  se  peut 7  ester 
et  mouvoir  a.  Aristotes,  qui  ce  en  dist,  enquist  maint  livre  dénatures8. 
[F0  3y  a]  Et  puis  en  redistrent  pluseur  9  **  autre  phiosophe  que  ce  est 10 
vertuz  de  chaleur  qui  fait  chascune  chose  estre;  si  n'en  dirai  autre  chose 
orendroit.  Gist  ensuivirent xx  mieuz12  Platon  que  Aristotes.  Ainsi  en  distrent 
leur  samblant.  Si  en  distrent  assez  selonc  ce  que  chascuns  en  13  pooit  dire. 

Mais  nus  qui  soit  ne  puet  contredire  ne  savoir  que  ce  est,  fors  Diex  qui 
tout  set  et  tout  voit,  et  qui  premièrement  le  volt14  establir  pour  acomplir 
toutes  cho-[F°3y  b]ses.  Si  peut15  l'en  bien  par  ce  savoir  que  Diex  est  de 
monlt le  grant  puissance 17  et  monlt  est  grant  chose  de  lui,  quant  il  fist  tel 
chose  sanz  painne  qui  est  de  si  pesant  affaire  18.  Et  pour  ce  volt 19  il  lui 
meïsmes  faire  Tourne20,  pour  ce  que  il  fust  si  poissanz  21  et  qu'il  eiïst  tels 
sens  en  lui  qu'il  seiïst  par  nature  ce  qui  grever  li 22  porroit  a  l'ame  et  nuire 
envers  Dieu.  Car  s'il  se  veult  a  droit  conduire,  il  peut23  bien  a  ce  mener 
so[n]  cuer,  que  nature  ne  le  peut 24  \F°  3y  c]  grever  en  nule  25  manière. 

Et  pour  ce  furent  trovées  26  les  *vii*  arz  pour  oster  les  mauvaises  pensées 
qui  pueent  conduire  Tomme 27  a  mort,  que  l'en  les  peut 28  destruire  par  les 
arz.  Et  ainsi  peut 29  l'en  muer  son  mauvais  estât  par  ensaingnement  de  bon 
maistre.  Et  pour  ce,  fait  bon  estre  entre  les  bons  ;  car  l'en  i  aprent  bien  a 
faire.  Si  est  sag"es  qui  fait  son  preu  en  tel  manière  qu'i 30  en  ait  mieulz  31 
après  la  mort  et  que  Diex  le  preingue  32  en  gré  ;  si  [F0  3j  d]  avra  fet 3S  plus 
son  preu  que  de  Tautrui  ;  ce  sache  certainnement 34.  Car  il  en  avra  tout  le 
b/en. 

1  B  :  semblances.  —  2  B  :  selon.  —  3  B:  dist.  —  4  B  :  qui  granz  clers  fu.  —  5  B  :  qui 
fu  sou  clerc.  —  6  B  :  as.  —  7  B  :  puet.  —  8  B  :  nature.  —  9  A  :  pluseure.   —  w  B  :  pluseurs 

autres  philosophes  que  c'est.  —  "  B  :  ensiverent.  —  l2  B  :  mieu/z.  —  13  A  :  ne 14  B  : 

voult.  —  15  B  :  puet.  —  16  B  :  «  moult  »  manque.  —  17  B  :  poissance.  —  18  B  :  a  faire.  — 
»  B:  voult.  —  a»  B:  Tomme.  —  21  B  :  puissanz.  —  22  B  :  le.  —  23  B:  puet.  —  2*  B  :  puet. 
—  26  B:  nu//e.  —  26  g :  trouvées.  —  27  r  :  pueent  Tourne  conduire.  —  28  b  :  puet.  — 
29  puet.  —  30  B:  qu'*7  en...  —  3*  B  :  miea?.  —  32  B:  prcu'gne.  —  33  B  :  fait.—  3*  B  :  certai- 
nement. 

*  Son*  .*  Cette  forme  se  retrouve  f°s  74  a,  82  b.  Elle  est  confirmée  par  des  exemples 
et  des  parallèles  :  Stimming,  o.  ç.  p.  223  sunt  [suum]  (Ipomedon  v.  3233)  ;  seint  [sanum]  ; 
dunt  [donum],  etc. 

**  «  pluseure  »  n'est  pas  confirmé  par  d'autres  textes,  et  la  forme  est  isolée  dans  A. 
Toutefois  l'addition  d'un  e  muet,  surtout  après  r,  est  commune  en  angln.  Cf.  Suchier,  Vie 
de  St.  Auban  p.  39  (prisone,  avale,  foreste»,  etc.);  Stimming  o.  c.  p.  183  (mure,  foreste, 
avante,  bêle,  etc.). 

a  «  Et  puis  en  redit...  mouvoir.  »  Aristote.  Physique  2.  1.  192  b.  14;  2.  1.  193  a.  28. 
Métaphysique  11.  3.  1070  a.  6  (vide  Introd.  p.  34  s.). 


—    90     — 

Et  monlt  est  fouis  qui  tant  aimme  son  cors  qu'il  en  oublie  a  sauver  s'ame 
que  Diex  li  presta  pour  ravoir  la  arriéres  ;  et  il  fet 1  tant  que  maufez  8  l'a 
par  son  pechié.  Cil  qui  ce  fait 8,  si  fait  autresi  comme  li  mauvais  serjanz  a 
cui  li  sires  bailla  ses  besanz  pour  monteploier  en  bien.  Mais  il  ne  le  fist 
mie  bien,  comme  cil  qui  estoit  de  maie  \F°  38  d\  foi.  Dont  li  sires  le 
chaça  ensus  de  lui.  Nonqnes  puis  n'ot  que  honte  et  reprouche,  si  comme 
l'évangile  le  nous  raconte  a.  Tout  ausi 4  sera  il  de  ceuls  qui  laissent  le  grain 
pour  la  paille.  Ce  sont  cil b  qui  laissent  leur  âmes  périr  pour  le  délit  de 
leur  cors,  dont  touz  les  maus  G  leur  viennent. 

Mais  atant  se  taist  ici  endroit7  li  contes8  des  vii*  arz  et  de  nature,  pour 
deviser  la  faiture  du  monde,  comment  il  est  par  nature  faiz  et  pourtraiz  9 
de  Dieu  qui  [F0  38  b~\  par  son  saint  commandement  fist  le  monde,  et  tout 
ce  qui  i  apent.  Et  tout  fait  fu 10  a  sa  volenté  et  a  son  devis.  Or  oiez  ce  que 
nous  vous  en  dirons  ll. 

ix». 

De  la  fourme  du  firmament. 

Diex  forma  12  le  monde  tout  reont,  autresi  comme  est  une  pelote  qui  est 
toute  reonde,  et  le  ciel  tout  reont  qui  environne  la  terre  de  toutes  parz 
entièrement  sanz  nulle  defaute,  tout  ensement  comme  l'escaille  de  l'oef 
qui  environne  l'aubun  1S  tout  \F°  38  c]  entour.  Et  ausi 14  li  ciels  avironne t5 
•i*  air  qui  est  seur  16  celui  air,  qui  a  non  hester  en  latin  *  ;  c'est  autretant 
a  dire  comme  pur  air  et  net  c}  car  il  fu  faiz  de  nesteé  et  de  pure  purté 

Cil  airs  s'i  resjouist  nuit  et  jour  de  resplendeur  perpétuel  ;  et  est  si  ciers 
et  reluisanz 17  que,  se  uns  hons  estoit  demouranz 18  la,  il  verroit  tout,  et  unes 
choses  et  autres,  quanqu'il  y  avroit,  de  l'un  des  chiés  jusques  a  l'autre, 
ausi  leg-ierement,  ou  plus,  comme  uns  [F0  38  d\  hons  feroit  ça  jus  a  terre 
devant  ses  ieulz  un  seul  pié  loing-  de  lui,  ou  mains  enquore19,  s'il  en  avoit 
mestier.  Tout  autressi 20  vous  di,  qui  la  seroitil  porroit  veoir  toutentour  21 
ausi  bien  de  loing-  comme  de  près,  tant  est  cil  airs  et  clers  et  nez  22. 

1  B  :  fait.  —  2  B:  mauffez.  —  :!  B:  qui  fait  ce.  —  4  A  :  tout  aut  ausi  ;  B  :  aussi.  — 
5  B:  ceuls.  —  r>  B:  mau/s.  —  7  B:  «  endroit  »  manque.  —  8  B  :  le  conte.   —  9  B  :  portrait 

—  10  B  ;  fu  fait.  —  n  B  :  dévisserons.  —  12  B  :  fo urina.  —  13  B  :  l'aubun/.  —  »*  B  :  aussi. 

—  16  B  :  environne.  —  16  B  :   sur.  —  17  B  :  et  si  reluisanz.  —  18  B  :  demoranz.  —  19  B: 
encore.  —  20  B:  autresi.  —  2l  A:  encor.  —  22  B:  natz. 

*  «  Et  ausi...  latin  »:  Et  le  ciel  environne  un  air,  appelé  éther  en  latin,  qui  est  au- 
dessus  de  l'air  terrestre  (celui  air). 

La  leçon  de  la  rédaction  en  vers  est  plus  simple  et  plus  claire  : 
Sloan  f°  90  c  :  Tôt  ensi  li  cieus  avirone 

un  air  qui  est  desous  cest  air 
qui  en  latin  a  non  ether, 
c'est  a  dire  purs  airs  et  nés. 

a  «  Cil  qui  ce  fait...  nous  raconte.  »  St  Luc  XIX,  12  ;  St  Matthieu  XV.  14. 

b  [F*  38  b  —  39  d  =  Vers  1620-1697.] 

c  «  Diex  forma...  air  et  net.  »  Sydrach  Ad.,  121,  S  118;  Neckam  I.  3;  De  Laud.  5. 


—     91     — 

De  celui  hester  prennent  les  anges  l  leur  cors  et  leur  elles,  quant  Nostre 
Sires  les  envoie  en  terre  en  message 2  a  ses  amis,  quant  il  leur  veult  demous- 
trer  aucune  chose.  Et  pour  ce  samblent 3  [F0  3g  a]  il  estre 4  si  cler 6  as  hom- 
mes pecheeurs  e  de  ça  jus,  que  leur  oeill  ne  pueent  souffrir  la  resplendeur, 
ne  regarder  celé  grant  clarté  7,  comme  cil  qui  d'oscurté  sont 8  plai/i  ;  c'est 
a  dire  plain  de  péchiez  dont  il  sont  tuit  empli.  Si  en  est  avenu  maintes 
foiz  que,  quant  li  ange  estoient  venu  a  aucun  homme8  en  aucun  lieu  pour 
la  volenté10  de  Dieu  annoncier,  que,  tant  dis  comme  li  anges  parloit  a  lui, 
il  se  cheoit  a  terre  "  ausi  comme  endormiz.  Et  li  estoit  [F0  3g  6]  avis  qu'il 
n'ooitla  parole  de  l'ange  fors  autresi  comme  en  sonjant.  Et  estoit  touz  muz 
sanz  parler  jusques  a  tant  que  li  anges  s'en  repairoit  arriéres  a.  Lors  li 
preudons  se  resveilloit,  qui  bien  se  remembroit 12  du  dit  que  li  anges  li  avoit 
annoncié.  Ausi 1S  vous  di  je  certainement 14  que  nus  hons  corporels  ne  s'i 
porroit  soustenir  en  nulle  manière.  De  celé  clarté  est  la  lumière15  qui  est 
près  du  saint  ciel  la  sus,  dont  nous  sommes  si  en  sus  mis.  Car  nulle 
[F0  3g  c]  chose  corporel  ne  s'i  porroit  soustenir  en  nulle  manière16  pour 
quoi 17  il  fust  de  riens  pesant.  Ne  nus  oisiaus,  tant  soit  volanz,  ne  se  por- 
roit la  soutenir  18,  que  il  ne  le  couvenist 19  venir  aval,  ausi  comme  une 
pierre,  jusques  a  l'air  ou  il  porroit  reprendre  20  son  voler,  se  il  n'estoit  esba- 
hiz  de 21  descendre.  Car  nus  n'i  porroit  demourer,  se  ce  n'estoit  esperituel 
chose;  ne  point  n'i  avroit  de  son  vivre  22.  Car  néant  plus  que  li  poissons 
[F0  3g  d]  peut 23  vivre  en  cest  air  ou  nous  soumes,  ne  lui  soustenir,  que 
monlt  tost  morir  2*  nel  couvenist,  et  monlt  tost  verivoit 26  se  il  n'estoit  adès 
norriz  2e  en  l'yaue  27,  tout  autresi  vous  di  je  de  nous  que  nous  ne  nous  por- 
rions  mouvoir  en  cel  air  perpétuel,  ne  vivre,  ne  demourer,  tant  comme  28 
nous  aions  cors  mortel. 

X  ». 

Comment  li  quatre  élément  sont  assis. 

Gelé  clarté  dont  nous  vous  avons  dit29,  qui  air  espirituel 30  a  non,  dont 
[F0  4o  à]  li  ange  prennent  leur  atornement,  environne  tout  entour  les  - ïïii * 

1  B  :  angres.  —  2  B:  mesage.  —  3  B  :  samblant.  —  *  B  :  «  estre  »  manque.  —  5  B  : 
clers.  —  6  B  :  pecheours.  —  7  B  :  ne  celé  grant  clarté  regarder.  —  8  B  :  «  sont  »  manque. 
—  9  B:  houme.  —  10  B  :  voulenté.  —  n  B:  lui.  —  12  B  :  ramernbroit.  —  13  B:  aussi.  — 
14  B:  certainement.  —  15  A  et  R:  «  De  celé  clarté  est  la  lumière  »  manque.  —  l6  A:  nulle 
cho  manière.  —  17  B  :  quoi/.  —  18  B  :  soustenir.  —  19  B  :  couenist.  —  2°  B  :  resprendre.  — 
31  B:  du.—  22  A:  mure.  —  %*  B:  puet.— 24  B  :  mourir.  -  26  A  :  £roit  ;  B:  periroit.  —  *  B  : 
norrir.  —  27  B:  l'taue.  —  28  B:  comment  —  *  B  :  dist.  —  3°  B:  esperituel. 

a  «  De  celui...  repairoit  arriéres.  »  Neckam  I.  3;  Honorius  August.  Imago  Mundi  I. 
67  et  53  (Patrologia  t.  172)  ;  Bède.  Liber  vari.  quaest.  9  ;  St-Grégoire  le  Grand,  Moralia 
1.  28  ch.  1.  (V.  Introd.  p.  35.) 

b  [F«  39  d  —  40  c  =  Vers  1698-1732.] 


—     92     — 

elemenz  que  Diex  fist  et  assist  l'un  par  *  dedenz  l'autre.  Ce  est  feus  et  airs  et 
yaue  et  terre,  de  coi  li  uns  se  serre  en  l'autre,  et  li  uns  l'autre  soustient  en 
tele  manière  que  la  terre  se  tient  en  mi  a.  Li  feus,  qui  est  premièrement,  en- 
clôt cest 2  air  ou  nous  sommes,  et  cist  airs  enclôt  l'yaue  après,  qui  entour  la 
terre  se  tient.  Tout  ausi 8  comme  l'en  voit  del  oef  que  li  aubuns  [b°  4o  b~\  en- 
clôt le  moieul  ;  et  en  mi  le  moieul  a  ausi 4  comme  une  g-ou'te  de  cresse 5  qui  ne 


Fig.  1. 

se  tient  de  nulle  part;  et  la  cresse,  qui  la  se  tient,  n'i  touche  de  nulle  part  "*  H. 
Par  tel  esg-art  et  autresi 7  est  la  terre  assise  en  mi  le  ciel  si  igalment  qu'au- 
tresi8  est  ele  loing-  du  ciel  en  haut  comme  en  bas.  Ausi 9  comme  est  li  poinz 
du 10  compas,  qui  est  mis  el  milieu  du  cercle11,  c'est 12  a  dire  qui  eJ  plus  bas 
est  assis.  Car,  de  toutes  fourmes  qui  sont  faites  \F°  /40  c]  a  compas ls,  est 
touz jourz  plus  bas14  li  poinz  dou  15  milieu.  Et  ausi  sont  li    iiii-  élément 


1  B:  «  l'un  par  »  manque.  —  -  B  :  cel  —  3  B:  aussi.  —  4  B:  aussi.  —  5  B:  presse.— 
6  B  :  de  nulle  part  n'i  touche.  —  7  B  :  autressi  ;  N  :  autres/.  —  8  B  :  igaument  que  au- 
tressi; N  :  igaument  qu'autresi.  —  9  B  et  N  :  aussi.  —  10  B  et  N:  d'un.  —  n  A  :  clergie; 
B:  cercle.  —  12  B:  Ce  est.  —  13  B  :  qui  a  compas  sont  faites.  —  u  A  :  pas.  —  15  B  et 
N:   du. 

*  «  li  aubuns...  touche  de  nulle  part  »  :  Le  blanc  de  l'œuf  enclôt  le  jaune.  Et  au  milieu 
•  lu  jaune  se  trouve  une  goutte  de  graisse  qui  n'est  fixée  nulle  part.  Et  cette  goutte  de  graisse 
se  tient  au  milieu  librement  sans  toucher  au  blanc. 

a  «  Gelé  clarté...  en  mi.  »  Neckam  I.  16;  Honorius  Aug.  o.  c.  I.  3. 

b  «  Tout  ausi  comme...  nulle  part.»  Sydrach  Ad.  121,  S.  118;  Honorius  Aug.  o.  c. 
I.  1  Philosophia  Mundi  IV.  I  (Patrol.  t.  172);  Abailard,  Hexaemeron  (Patrol.  t.  178, 
col.  735  d.  736  a);  Gervai se  de  Tilbury,  Otia  Imper.  I.  1,  éd.  Leibnitz  (Hanover,  1707). 


—     93     — 

entièrement  assis  x  li  uns  en  l'autre  si  que  la  terre  est  tout  en  mi,  qu'au- 
tretant  a  touz  jourz  du 2  ciel  desouz  li  comme  il  apart 3  *  desus.  Geste 
figure  en  moustre4  la  devision  ;  si  i  prenez  garde.  (Fig.  1.) 

xi  A. 

Comment5  la  terre  se  tient  en  mi  le  monde. 

\F°  4o  d]  Pour  ce  que  la  terre  est  pesanz G  plus  que  nus  des  autres  ele- 
menz,  se  tient  ele  plus  en  milieu  7  ;  et  ce  qui  est  legier  se  tient  entour 
lui8  B.  Car  qui  plus  poise  plus  bas  trait,  et  quanque  poise  atrait  a  lui**. 
Et  pour  ce  nous  couvient 9  il  joindre  a  li,  et  tout  ce  qui  de  li  est  atrait. 

Se  tel  chose  peùst10***  a-[/fT°  41  ajvenir  qu'il  n'eûst  riens  seur  terre,  ne 
yaue,  ne  autre  chose  qui  destornast xt  la  voie  quel  part  que  l'en  alast, 
l'en  pourroit 12  aler  environ  toute  la  terre,  ou  homme  ls,  ou  beste,  sus  et 
jus,  quel  part  qu'il  voudroit,  ausi14  comme  une  mouche  iroit  entour 
une  pomme15  reonde;  autresi  pouroit 16  aler  i*  homme17  par  tout  le 
monde,  tant  comme  la  terre  dure,  par  nature  tout  entour  18  c,  si  que  quant 
il  vendroit  desouz  nous 19,  il  li  sambleroit  que  nous  fussienz  desouz  lui 20, 
si 21  [F0  4i  à]  comme  il  feroit  de  lui  a  nous 22.  Car  il  tendroit  ses  piez 
devers  les  nostres  et  la  teste  tout  droit  vers  le  ciel,  ausi  comme  nous  23 
faisons 24  ci,  et  les  piez  devers 25  la  terre.  Et  s'il  aloit  adès  avant  devant  lui, 
il  iroit  tant  qu'il  revendroit  au  lieu  dont  il  parti  premièrement.  Et  ainsi  26 
fust  que  par  avanture  -ir  houmes27  se  départissent  li  uns  de  l'autre,  et 

1  B:  élément  assis  entièrement.  —  2  B:  que  autretant  a  touz  jourz  communément 
du...  —  3  B  :  de  «  part  desus  »  jusqu'à  «  Autresi  iroient  »  [f°  41  c]  manque;  N  :  comme 
il  a  par  desus;  A,  C,  R  :  comme  il  apart  desus.  —  4  N:  mostre.  —  5  N;  cornant.  —  6  N: 
pesant.  —  7  N  :  plus  bas  el  milieu.  —  8  N  :  li.  —  »  N  :  por  ce  nos  cornent.  —  ">  A  :  peut  ; 
N  et  G:  peùst.  —  »  N:  destoarnast.  —  12  n  :  pom)it.  _  13  N:  home.  -i*N:  aussi.  — 
15  N  :  pome.  —  16  N  :  porroit.  —  17N  :  home.  —  18  N  :  tout  entour  par  nature.  —  19  N  :  nos. 

—  2°  N  :  que  nos  fussons  desouz  li.  —  21  A  :  «  si  »  répété  deux  fois.  —  22  N  :  a  nos  de  li. 

—  23  N  :  aussi  comme  nos.  —  24  A:  fais/ons;  C:  faisonz;  R:  faisons;  N:  fesons.  —  25A: 
piez  de;  G:  deverz;  R:  devers;  N:  desas.  —  »  N:  Et  se  einsi.  —  27  N:  homes. 

«  apart  »  du  verbe  «  aparoir  »  peut  se  justifier  (cf.  Suchier.  Altfr.  Gram.  p.  23  ; 
Partonop.  de  Blois  (cité  par  Burguy)  :  part  (=  lat.  paret)  v.  6380.)  —  De. plus  ce  mot  n'al- 
tère pas  le  sens  de  la  phrase.  —  Il  semble  pourtant  que  la  leçon  de  N  (il  a  par  desus)  est 
la  plus  correcte  :  c'est  celle  des  deux  rédactions  en  vers. 

Sloan  f  °  91  c  :  tous  jors  com  il  a  par  desus. 
Harley  f°  40  c  :  toz  jors  com  ele  a  par  desus. 
«  quanque...  a  lui  »  :  tout  ce  qui  pèse  attire  vers  soi. 
,    ***  La  forme  ordinaire  du  ms.  A  est  «  peûst  »  (foi  le,  5  a,  etc).  «  Peut  »  serait  donc  une 
forme  isolée.  Pour  cette  raison  nous  mettons  «peûst»,  quoique  la  chute  de  Y  s  puisse  être 
justifiée  par  de  nombreux  exemples  en  angln.  (Stimming,  o.  c,  p.  226). 

a  [F*  40c  —  43  c  =  Vers  1733-1846.] 

b  «  Pour  ce  que...  entour  lui.  »  Neckam  II.  48. 

c  «ausi  comme...  tout  entour.  »  Neckam  II.  48;  Honorius  Aug.  o.  c.  I.  5. 


—    94    — 

s'en  alast  adès  li  uns l  vers  oriant,  li  autres  vers  occident 2,  si  qu'il  alas- 
sent  ig-aument  andui,  il  couvendroit  \F°  41  c]  cjti'îl  s'entrencontrassent 
desouz  le  lieu  ou  il  se  murent.  Et  puis  revendroient  andui  au  lieu  dont  il  par- 
tirent premièrement.  Car  lors  avroit  chascuns  fait8  *r  tour  entour4  la  terre 
par  desoz 5  et  par  desus,  ausi G  comme  entour  une  roe  qui  seroit  toute 
coie7  sus  terre  A. 

Autresi  iroient  il  entour  la  terre  comme  cil  qui  adès  se  trairoient 8 
droit  vers  le  milieu  de  la  terre.  Car  ele  serre  touz  pois  envers  li.  Et 
que  plus  poise  el  plus  a.-[F°  £i  o'Jtrait,  et  plus  près  se  tient  du  mi- 
lieu. Car  que9  plus  chieve  l'en  la  terre  en  parfont,  et  plus  la  trueve  l'en 
pesant. 

Et  pour  entendre  ce  que  je  vous  ai  devisé  ci  devant  des  aleiires  des 
mouches  10  entour  la  poume*,  et  des  honmes11  entour  la  terre,  ainsi  entiè- 
rement le  pouez  veoir12,  et  la  manière  et  la  façon  18,  par  ces  *ii'  fig-uresqui 
ci  vous  sont  représentées,  se  vous  avez  entendement  en  vous.  (Fig.  2  et  3.) 
[Jh°  4%  à]  Mes  pour  la  chose  mieulz  entendre  et  pins  clerement,  pouez  vous 
prendre  i-  autre14  essample:  Se  la  terre  estoit  parciée  15  parmi  le  milieu 
droit,  si  que  l'en  veïst  parmi  le  [F0  4^  b]  ciel  desouz  nous,  et  l'en  g-etoit 
une  pierre  dedenz  ou  une  plomée16  hien  pesant,  quant  ele  vendroit  ou17 
milieu  de  la  terre,  ele  se  tendroit  illuec  droit  que  plus  ne  porroit  avaler, 
néant  plas  qu'ele  porroit  monter  en  haut;  fors  tant  que  par  ce  qu'ele18 
cherroit  de  si  haut,  li  donroit  son  pois  aucun  pooir,  si  qa'ele  cherroit  plus 
en  parfont**.  Mais  tantost  revenroit19  amont,  tant  qu'ele  seroit  arriéres  el 
milieu  de  la  terre.  Ne  jamès  20  ne  se  mouvroit  d'iluec,  [F0  4^  c]  car  lors 
seroit  ele  ig-aument  par  tout  en  sus  du  firmament  qui  adès  tourne  et  jour 
et  nuit 21.  Et  par  la  vertu  de  son  tour  ne  peut  riens  aprochier  22  de  lui  qui 
soit  pesanz  23.  Ainz  s'en  trait  touz  24  jourz  25  ensus.  Dont  vous  pouez26  veoir 

1  A  et  N  :  li  uns  ;  C:  ly  un.  —  2  N:  oc/dent.  —  ?>  N:  auroit  îet  chascun.  —  4  N:  tout 
entor.  —  5  N:  desouz.  —  6  N:  aussi.  —  7  N:  quoi?.  —  8  A:  traioient;  B:  tra«>oient;  N: 
treroient.  —  9  B  :  qui.  —  10  B:  mousches.  —  n  B:  hcmmes.  —  12  B  :  ainssi  le  pouez  entiè- 
rement veoir.  —  13  B  et  N  :  «  et  la  manière  et  la  façon  »  manque.  —  14  B  :  une  autre.  — 
16  B  :  perc/e.  —  16  B  :  plommée.  —  17  B  :  el.  —  18  B  :  que  ele.  —  19  B  :  revendroit.  —  2°  B  : 
jama/s.  —  21  B:  torne  et  nuit  et  jour.  —  22  B  :  apreachier.  —  23  B  :  pesan/.  — 2*  A:  tôt 
jourz.  —  25  B  :  joue.  —  26  B  :  vous  en  pouez. 

*  Poume  se  trouve  dans  A  et  B.  La  forme  est  répétée  plusieurs  fois:  f0S43D,  66  a.  Elle 
est  confirmée  par  de  nombreux  exemples.  C'est  une  forme  commune  en  angln.  (Suchier, 
Altfr.  G.  p.  66.  Stimming.  o.  c.  p.  192).  Cf.  Adam  de  la  Halle,  Robin  et  Marion  (Mon- 
merqué  et  Michel,  Paris,  1879)  p.  102  s.  v.  146  :  poumes. 

a  «  Et  ainsi  fust...  sus  terre.  »  Neckam  II.  48.  Philos.  Mundi  IV.  3. 

b  «  Se  la  terre...  en  parfont.  »  Neckam  I.  16;  Vincent  de  Beauvais,  Spéculum  Natu- 
relle (Douai,  1624,  vol.  1)  VI.  7  (v.  Introcl.  p.  36)  ;  Adélard  de  Bath,  Quaestiones  Natu- 
relles. Quaest.  49  :  Si  perforatus  foret  terrae  globus  lapidi  injecto  quorsum  fieret  casus. 
(Louvain,  1480.)  (V.  Introd.  p.  36.) 


Fig.  2  et  3. 


—     96     — 

la  nature  et  entendre  par  ceste  figure  qui  ci  est 1.  (Fig.  4-)  [F0  4*  d\  Et 
se  la  terre  estoit  parciée2  en  *ir  lieus3,  dont  l'un  pertuis  feïst  trenchiée  * 
en  l'autre,  autresi  comme  une  croiz,  et   iiii*  houmes5  fussent  tout  droit  as 


Fie.  4. 


•iiii*  chiés  de  ces6  'ii-  pertuis,  li  uns  desouz  et  li  autre  desus;  si   g-etast 
chascuns7sa  pierre  dedenz,  quele  i\ue  ele  fu  8,  ou  grant  ou  petite,  chascune 


1  II  manque  ici  un  feuillet  à  B.  Il  y  a  aussi  une  interversion  de  feuillets  comme  suit  : 
Dans  B  le  folio  39  d  finit  «  qui  ci  est  ».  Le  feuillet  suivant  (f°  40  a)  commence  avec 
«tient  maintes  régions  »,  ce  qui  correspond  au  f°  49  D  dans  le  ms.  A,  et  finit  (f°  40  c) 
«  de  son  vivre  pour  les  ma...  »  [=  f°  50  d  dans  le  ms.  A].  F0  41  A  dans  le  ms.  B  com- 
mence «  terre  est  reonde  »  [=  f°  43  c  dans  le  ms.  A],  et  finit  (f°  42  C)  «  et  si  parest  si 
granz  que  »  [=  f°  45  d  dans  le  ms.  A].  F0  43  a  dans  le  ms.  B  commence  «  Et  en  la  fin  de 
ceste»  [=  1'°47d  dans  le  ms.  AJ,  et  finit  (f°  44v>)  «  nommées  tient  chascune»  [=  f  °  49  d 
dans  le  ms.  A].  F0  45  A  dans  le  ms.  B  commence  «  ...les  bestes  qui  »  [f°  50  D  dans  le 
ms.  AJ.  «  ...  les  »  dans  45  a  (ms.  B)  est  la  seconde  moitié  du  mot  «  ma...  »  à  la  fin  du  f°  40c 
(ms.B).  Les  folios  doivent  ainsi  être  dans  l'ordre  suivant  :  41,  42,  43,  44,  40,  45.  Mais  il 
manque  deux  folios  :  l'un  entre  f°  39  et  f°  41  [—  dans  le  ms.  A  f°42D  «  Et  se  la  terre...  » 
jusqu'à  43  c  «  deviserons  comment  la...  »]  ;  l'autre  entre  f°  42  et  f°  43  [  =  dans  le  ms.  A 
f°  45  d  «  trestoute  la  terre  qui  est...  »  jusqu'à  47  c  «  vous  veez  ci  desouz  ».  —  2  N  :  par- 
ciée.— 3  N  :  leus. —  4N:  feïst  tranchiée;  C:  i'eïsl  trainchie  ;  N:  feïst  tranchiée  ;  R:  i'etisi 
trenchie;  A:  feus/  trenchiée. 

Sloan  fo  92  C:  Et  s'en  -ii-  lius  estoit  partie, 

dont  -i-  pertrius  feïst  trenchie 
et  l'autre  ensi  comme  une  crois... 

Harley  f°  41  B:  Ou  s'en  dous  leus  estoit  parcie, 
dont  -i-  pertus/e/s/  tranchie 
a  l'autre  ausi  corn  une  croix... 


N  :  home^ 


c  N  :  de> 


N  :  chascun. 


»N:  fus  t. 


—     9' 


venroit  jusques  i  el  milieu  de  la  terre  sanz  jamais 2  remover  8  d'illuec  *, 
se  l'en  ne  l'en  traioit  a  force.  Et  s'en  tendroient 5  tout  environ  l'une  en 
VdiU-[F0  43  o]tre  pour  prendre  6  lieu,  chascune  devers  le  milieu 7  de  la  terre. 
Et  se  les  pierres  estoient  d'un  pois,  si  venroient 8  tout  a  une  foiz  ausi  • 
tost  l'une  comme  l'autre.  Car  nature  n'en  feroit  autre  chose.  Et  vendroit  l'une 
vers  l'autre,  si  comme  il  apert  ci  endroit  en  ceste  figure  ici 10.  (Fig.  5.) 
[F0  43  b]  Et  se  lor  u  pois  n'estoient  igal  du  lieu  la  ou  eles  cherroient,  ce12  qui 


Fig.  5. 


seroit  plus  pesant  si  se  tendroit  plus  tost  vers  le  milieu ls  de  la  terre,  et  les 
autres  seroient  tout  entour  li 14,  si  comme  ceste  figure,  qui  ci  est,  demous- 
tre  16.  {Fig,  6.)  Et  si  i  en  porroit  l'en  tant  geter le  que  les  pertuis  seroient 
tuit  plaira  1T,  [F°  43  c]  aussi  comme  il  furent  devant,  si  comme  vous  18  veez 
en  ceste  figure.  (Fig.  7.)  Si  vous  en  souffise18  atarat.  Si  parlerons  d'autre 
chose  après. 

xii  A. 

Quele  la  reondesce  de  la  terre  est. 

Or  oez  donques  après  ;  si  vous 20  deviserons  comment 21  la  terre  est  reonde. 
Qui  porroit  tant  monter  en  haut  [F0  4$  d]  en  l'air  qu'il  peùst  esgarder  la 

1  N  :  dusques.  —  2  N  :  jamès.  —  'N:  removoir.  —  *  N  :  d'ilec.  —  5  N  :  se  ten- 
droient.—  6  N:  por  prandre.  —  7  N:  mileu.  —  8N:  ventfroient.  —  9  N:  aussi.  —  10  N:  ci. 
—  «  N:  leur.  —  i2N:  celé.  —  »  N:  mileu.—  14  N:  tout  entour  li  seroient.  —  16  A:  de- 
moustree  ;  N  :  si  comme  en  ceste  figure  ci  est  demoustré  ;  G  :  vouz  demoustre  ;  R  :  de- 
moustre.  —  16  N:  jeter.  —  »  N:  touz  plains.  —  w  N:  vos.  —  »  N:  vos  en  soufise.  — 
**  N  :  yos.  —  21  N  :  commant. 

a  [f  43  c  —  44  a  =  vers  1847-1866.] 


Fig.  6. 


Fig.  7 


—    99    — 

terre  par  vaus  et  par  plains 1,  la  hautesce  de 2  granz  montaingnes  et  les 
granz  valées  parfondes  et  les  granz  ondes  de  mer  et  les  granz  flueves  li 
sambleroient  mains  paroir  envers  la  terre  que  ne  feroit  un  cheveill  d'oume 
desus  une  poume  ou  desus  son  doit.  Mais  ne  montaingne  ne  valée,  tant  soit 
haute  ne  parfonde,  ne  tout 3  a  la  terre  sa  reondesce  a  :  néant  plus  que  la 
gale  laisse  a  estre  reonde  por  [F0  44  a]  sesespingnons.  Car  il  cou  vient  que 
la  terre  soit  reonde  pour  estre  i4  plus  de  g*enz.  Si  vous  dirons  après  pour 
quoi6  il  couvient  que  li  mondes  soit  reonz. 


Xlll  a. 

Pour  quoi6  Diex  Jîst  le  monde  reont. 

Diex  forma 7  tout  reont  le  monde.  Car  de  toutes  formes 8  qui  sont,  tant 
aient  manières  diverses,  ne  pueent  estre  si  plenieres 9  ne  tant  pourprendre 10 
par  nature  comme  fait  la  figure  qui  est  reonde.  Car  c'est  la  plus  ample  de 
toutes  les  figu-[F°  44  tfjres11  c.  Dont  vous  pouez  tel  essample  prendre  :  Car  il 
n'est  nus 12,  tant  soit  sages  ne  soutis  en  oevre,  ne  tant  i  sache  entendre,  qu'il 
peiist  faire,  pour  nulle  riens,  d'autretant  de  merrien  un  vaissel  de  fust*,  ou 
de  pierre,  ou  de  métal,  qui  fust  ausi  amples,  ne  qui  tant  tenist  en  nul  en- 
droit, comme  feroit  le13  reonz. 

Ne  figure  que  nus  feïst  ne  se  pourrait  ausi  mouvoir  de  nulle  part, 
n'ausi  tost 14  avoir  son  tour  en  nul  sens  [F0  44  c]  que  l'en  puisse  entendre, 
que  il  nel  couvenist15  pourprendre  autre  lieu  que  celui  devant,  fors  seule- 
ment que  la  reonde  qui  tout  entor16  se  puet  mouvoir  sanz  avoir  autre  lieu, 
que  ele  ne  pouroit 17  autre  avoir  que  le  premier,  ne  passer  une  seule  roie 
dou  lieu  ou  ele  se  tient".  Dont  vous  en  18  pouez  veoir  la  nature  par  une 

1  N  :   pkmgnes.  —  2  B  :  des.  —  3  B  :   toult.  —  4  B  :  y.  —  5  B  :  coi.  —  6  B  :    quoy. 

—  7  B:  fourma.  —  8  B  :  fourmes.  —  9  B  :  p/ameres.  —  10  B  :  porprendre.  —  u  B  :  Car  de  tou- 
tes les  figures  c'est  la  plus  ample.  —  l2  B  :  nus  hons.  —  13  B  :  li.  —  14  B  :  n'aussi  tout. 

—  15  B:  convenist.  —  16  B  :  entour. — 17  B  :  porroit.  — 18  B:  «en  »  manque. 

*  «qu'il  peust...  de  fust»:  il  n'y  a  pas  d'homme  qui  puisse  faire,  d'aucune  manière, 
avec  la  même  quantité  de  matière,  un  vaisseau  de  bois  ou  de  pierre... 

**  «  Ne  figure...  tient  »  :  Aucune  figure  que  l'on  puisse  tracer  ne  pourrait  se  mouvoir 
ni  tourner  dans  aucun  sens  que  l'on  puisse  imaginer  sans  qu'elle  doive  prendre  une  posi- 
tion différente  de  sa  position  précédente  :  sauf  la  figure  ronde  qui  peut  faire  son  tour 
sans  changer  de  place,  et  qui  peut  rester  à  sa  première  place  sans  en  bouger  d'une  ligne. 

a  «  Qui  porroit...  sa  reondesce.  »  Neckam,  De  Laud.  5.  Honorius  Aug.  o.  c.  I,  5.  Ce 
passage  est  mentionné  dans  Y  Introduction  p.  36. 

b  [F0  44  a  —  45  b  =  Vers  1867-1918.] 

Le  chapitre  XIII  dans  le  ms.  Arundel  contient  les  vers  de  1867  à  1902.  Le  chapitre 
XIV  commence  au  vers  1903.  De  plus,  dans  le  ms.  en  vers  il  manque  un  passage  qui 
correspond  à  la  page  44  d  de  la  rédaction  en  prose,  depuis  «  Et  ce  pouez...  »  à  «  ...  si 
sont  quarrées  ». 

c  «  Diex  forma...  figures.  »  Sydrach  Ad.  158. 


100 


figure  quarrée  mètre  desus  une1  reonde.  Si  les  faites  tourner2  andeus*, 
[F0  44  d\  les  angles  de  celé  qui  ne  seroit  pas  reonde  prendroient  divers 
lieus  que  la  reonde  ne  quiert  pas.  Et  ce  pouez  vous  veoir  par  ces  trois  figu- 
res qui  ci  sont.  Dont  l'une  si  est  reonde  tout  environ,  et  les  autres  *ir  si4 
sont  quarrées.  {Fig.  8.)  Enquore5y  a  une  autre  chose,  que  il  n'a  riens 


Fig.  8. 


[F0  45  a\  desouz  le  ciel  enclos,  tant  soit  de  faiture  diverse 6,  qui  ja  se  peiïst 
si  tost  mouvoir  par  nature  comme  feroit  la  reonde.  Et  pour  ce  fist  Diex  le 
monde  reont,  qu'il  se  peiist  miex  7  acomplir  et  amplir  de  toutes  pars8. 
Car  il  n'i  voult  riens  laissier  vuit,  et  voult  quil  tournast  et  nuit  et  jour9. 
Car  il  couvient  avoir  mouvement  el  ciel  qui  tout  fait  mouvoir.  Car  touz 
mouvemenz  viennent  du  ciel.  Si  li  couvient  isnelement  mouvoir.  Et  sanz 
le  ciel  ne  [F°  45  b]  puet  riens  mouvoir  qui  soit.  Si  vous  dirons  ci  après  de 
son  mouvement. 


1  B  :  mètre  desouz  une...  —  2  B:  torner.  —  3  B  :  audeus.  —  4  B  :  «  si  »  manque.  — 
5  B  :  encore.  —  c  B  :  de  diverse  faiture.  —  7  B  :  mieulz.  —  8  B  :  parr.  —  9  B  :  tornast  et 
jour  et  nuit. 


—     101     — 


XIV 


Des  mouvemenz  *  du  ciel  et  des  'vii'  planètes.  Et  de  la  petitesce 
de  la  terre  envers  le  ciel. 

Diex  donna  mouvement  au  ciel  qui  si  tost  vait,  et  si  apertement 2,  que  nus 
ne  le  porroit  penser.  Mais  il  ne  le 3  vous  samble  pour4  sa  grandeur.  Ne  qu'il 
sambleroit  a  un  homme,  se  il 6  veoit  de  bien  loing*  un  cheval  courre  par  desus 
une  grant 6  montaing-ne,  il  ne  li  sambleroit  [F0  45  c]  mie  qu'il  alast  le  pas 
seulement.  Et  que  plus  seroit  loing-  de  lui,  mains  tost  li  sambleroit  aler. 

Et  li  ciels  si  est  si  ensus  de  nous,  que  se  une 7  pierre  estoit  la  sus,  ausi  haut 
comme  les  estoiles  sont,  et  fust  la  plus  pesant  de  tout  le  monde,  de  pion  ou 
de  métal,  et  preïst  a  cheoir  de  tout  en  haut,  ce  est  chose  prouvée  et  seiie 
qu'ele  ne  seroit  pas  cheoite  jusques  a  cent  anz,  tant  est  loing-  de  nouss.  Et 
si  [F°  45  d]  parest  si  granz  8  que  trestoute  9  la  terre  qui  est  entour  n'a  point 
de  grandeur  envers  le  ciel 10,  néant  plus  que  avroit11  le  point  el  milieu 12  du 
plus  grant  compas  ne  el  plus  grant  cercle 1S  que  l'en  porroit  faire 14  en 
terre.  Et  se  uns  hons16  estoit  la  sus  el  ciel,  et  il  reg-ardoit16  vers  terre  ça1T 
jus,  et  la  terre  fust  toute  ardant  tout  entour  ausi18  comme  charbons  ardanz, 
ele  li  sambleroit  plus  petite  que  la  mendre  estoile  qu'i  veoit19  el  [F0  46  a] 
ciel  de  terre  ça  jus,  et  fust  en  montaingne  ou  en  valée  c. 

Et  pour 20  ce  puet  l'en  bien  savoir  que  tost  couvient  movoir  le  ciel 21,  a  ce 
qu'il  li  couvient  faire  22  i*  tour 2S  entour  la  terre,  que  de  jour  que  de  nuit24. 
Si  comme  l'en  peut 2*  apercevoir  par  le  souleil  que  nous 2e  veons  au  matin 
lever  vers  oriant  et  coucher  27  vers  ocidant 28.  Et  puis  après  a  l'endemain  le 
reveons  au  matin  en  oriant.  Car  lors  a  il  parfait29  -i*  tour  que  l'en  claime 
[F0  4^  b]  jour  naturel,  qui  contient  en  lui  jour  et  nuit°.  Ainsi 30  va  et  vient 
li  soleuls  que 81  ja  n'avra  repos.  Ne  ja  ne  finera  d'aler  avoec 32  le  ciel,  ausi 8S 
comme  le  clou  qui  est  fichez  84  en  une  roe,  qui  tourne  quant  ele  tournoie. 

1  B:  de/  mouvement.  —  2  B  :  qui  si  tost  et  si  apertement  vait.  —  3  B  :  «  le  »  man- 
que. —  *  B  :  nous  samble  pas  pour...  —  5  B:  s'il.  —  6  B  :  une  moult  grant...  —  7  B  : 
que  s'une.  —  8  N  :  granj.  —  9  B:  de  «  trestoute  »  jusqu'à  «  vous  veez  ci  desouz  »  [f°  47  c] 
manque.  —  10  N  :  n'a  envers  le  ciel  point  de  grandeur.  —  "  N  :  qu'avroit.  —  12  N  :  me- 
/ieu.  —  13  A  :  clergie  ;  C,  N,  S  et  R  :  cercle.  —  u  N  :  fere.  —  15  N  :  noms.  — 16  N  :  regar- 
dast.  —  17  N  :  «ça»  manque.  —  18  N:  aussi.  —  ,9  N  :  qu'iV  yoit.  —  2°  N:  por.  —  2l  N: 
le  ciel  mouvoir.  —  22  N  :  copient  fere. —  *  N  :  «  tour  »  manque.  —  u  N  :  que  de  nuit 
que  de  jourz.  —  25  N  :  puet.  —  *  N  :  sou//eil  que  nos.  —  27  «  coucher  »  cf.  note  f°  14  a.  — 
28  N  :  en  oriant  et  couchier  devers  ocident.  —  »  N  :  parfet.  —  3°  N  :  #msi.  —  31  N  :  sou/- 
/eil;  G  :  souleiV  qui  («que  »  cf.  note  f°  123  b).  —  32  n  :  avec.  —  33  N  :  aussi.  —  M  N: 
fichiez. 

a  [/»  45  b  —  46  d  =  Vers  1919-1996.] 

b  «  Et  li  ciels...  loing  de  nous.  »  Sydrach  Ad.lift.  S.  120. 

c  «  Et  se  uns...  ou  en  valée.  »  Neckam  I.  5  (v.  Introd.  p.  37). 

d  «  Car  lors...  nuit.  »  Sydrach  S.  492;  Neckam  I.  10;  Philosophia  Mundi  II.  28. 


—     102    — 

Mais,  pour 1  ce  qu'il  a  mouvement  contre  le  tour  du  firmament,  si  vous  2 
dirons  une  autre  reson  :  se  une  mousche  3  aloit  entour  une  roe  qui  se  tour- 
nast,  si  que  la  mousche4  alast  encontre,  la  roe  l'enmenroit 6  a-[F%46  c] 
vec  lui,  si  que  la  roe  avroit  fait  mainz  tours  avant  que  la  mousche  e  eùst 
fait7  -i*  tour,  et  qu'ele  eiist  aie  tout  entour  la  roe  jusques  au  premier 
point A.  Si  entendez  que  en  autele  manière  va  la  lune  et  li  soulaus8  par 
une  voie  qui  est  commune  as9  *vii*  planètes  qui  sont  el  ciel,  qui  toutes10 
vont  par  celé  voie  adès  u  devers  oriant,  et  li  ciels  12  tourne 18  en  ocident,  si 
comme  sa  nature  le  mai/me 14  B.  Mes  ci  se  tenist  ceste  première  [F0  46  d] 
partie  pour 15  deviser  en  la  seconde  la  terre  et  la  forme  du  firmament. 


SECONDE  PARTIE 


i  G. 

Ci  commence 16  la  seconde  partie.  Comment 17  la  terre  est  devisée, 
et  quel  part  ele  paet  estre  habitée  18. 

Puis  19  que  la  terre  est  si  petite  comme  nous  vous  20  avons  ci  devisé, 
petit  poons  21  prisier  ses  biens  envers  ceuls 22  du  ciel,  ne  que  l'en  fait 23  fiens 
envers  fin  or,  ne  envers  g-eA/imes24.  Car  il  ne  valent  riens  en  la  fin.  Mais 
pour  25  ce  qu'il  [F0  4y  a]  nous  26  est  avis,  ci  la  ou  nous  27  soumes28,  qu'ele 
est  granz  29,  si  la  deviserons  so,  si  comme  nous  savrons,  briefment31. 

Puis  que  vous  82  avez  entendu  comment 33  la  terre  est  reonde  comme 
une  pomme34  de  toutes  parz,  dont  il  n'est  pas  habitée  la  quarte  partie, 
que  l'en  sache,  de  nulle85  gent  du  monde,  et  n'est  habitée  qu'en  3e  *i'  quar- 
tier tant  seulement,  si  comme  li  philosophe  l'enqaj'strent  qui  i  mistrent 
grant  painne  37  et  grant  estuide,  et  pour  ce  la  [F0  47  b]  deviserons  nous  38 
tout  environ  en   *iiir   parties.   Dont  vous 39  pouez  prendre  essample,   se 

1  N  :  Mes  por.  —  2  N  :  vos.  —  3  N  :  mouche.  —  4  N  :  mouche.  —  5  N  :  enmanroit.  — 
6  N:  moucÀe.  —  7  N:  fet.  —  8  N:  le  soulleil  et  la  lune.  —  9  N:  aus.  —  ">  N  :  totes.  — 
11  N  :  tout  adès.  —  12  N  :  li  ceus.  —  13  N  :  tome.  —  14  N  :  marne.  —  15  N  :  por.  —  16  N  : 
commence.  -  17  N  :  cornant.  —  18  N  :  ele  est  habitée.  —  19  N:  «  P  »  manque.  —  20  N  :  vos. 

—  21  N  :  povons. —  22  N  :  ceus.  —  23  N  :  fet.  —  M  N  :  envers  gemmes  ne  envers  fin  or.  — 
25  N  :  Mes  por.  —  2<5  N  :  nos.  —  27  N  :  nos.  —  28  N  :  sommes.  —  »  N  :  grant.  —  so  A: 
déverserons;  N,  S  et  C  :  deviserons.  —  31  N  :  briément.  —  32  N  :  vos.  —  33  N  :  commant' 

—  34  N  :  pome.  —  35  N  :  nule.  -3«N:  que  en.  —  37  N  :  paine.  —  38  N  :  nos.  —  39  N  :  vos. 

a  «  Se  une  mousche...  premier  point.  »  Neckam  I.  9;  Honorius  Aug.  I.  68  (v.  Introd- 
p.  37). 

b  «  Si  entendez...  mainne.  »  Sydrach  S.  492;  Neckam  I.  9;  Honorius  Aug.  I.  68. 
c  [F°  46t>—50a  =  Vers  1997-2i25.] 


—     103     - 

vous1  voulez,  par  une  pomme2  qui  seroit  partie  par  mi  en  iiii#  quartiers 
tout  droit  de  lonc  et  de  lé  par  moitiez,  et  vous 3  en  pelissiez  *v  quartier,  et 
estendissiez 4  la  peleure,  pour6  mieulz6  veoir  et  entendre  la  façon,  en 
plainne 7  terre  ou  en  vostre  main  toute  entière  :  tant 8  est  de  la  terre  habi- 
tée. Dont  l'une  moitiez  9  est  clamée  oriant  et  l'autre  ocident.  Et  la  lin- 
[F°  47  c]gne  qui  les  départ  andens  est  clamée  la  droite  ling-ne  de  midi.  Et 
ce  pouez10*  vous  prouver  par  ces  trois  *iii-  figures  que  vous11  veez  ci 
desouz.  (Fig.  g,  10  et  11.)  [F°  4j  d]  Et  en  la  fin  de  ceste  ling-ne12,  si 


Fig.  H. 


comme  ele  vait  a  ling-ne  1S  droitement,  poons  veoir  une  cité  qui  a  non  u 
Aaron15^.  Ele  siet  el  milieu  du  monde,  et  fu  toute  reonde  faite.  La  fu 
trouvée  astronomie  le  premièrement  par  grant  maistrie 17  **  et  par  grant 


1  N  :  prandre  essemple  se  vos.  —  2  N  :  pome.  —  3  N  :  vos.  —  *  N  :  estandissiez.  — 
6  N:  por.  -  e  n  :..mieaz,  —  7  N  :  plaine.  —  »  R  et  Caxton  :  Le  passage  depuis  «  tant  est...» 
jusqu'à  «...  ci  desouz  »  manque.  —  9  N  :  moitié.  —  10  N,  G  et  S  :  pouez;  A:  et  ce  poiiz 
vous.  -"N:  vos.  -  12  B:  ligne.  —  ™  B:  ligne.  -  «B:quiao  non.  -  »  Arundel  : 
Arim.  —  16  B  :    fu  astronomie  trouvée.  —  17  A  :  maistre  ;  B,  G  :  maistrie. 

«  poii5  »  :  cette  forme  est  isolée  dans  le  ms.  A.  Nous  ne  pouvons  la  confirmer  par 
des  exemples  pris  d'autres  textes.  Nous  rétablissons  donc  1'  «e». 

Le  changement  de  -l'e  en  -e  est  angln.  (Suchier.  Altfr.  G.  p.  47,  Stimming.  o.  c, 
p.  201.)  Toutefois  «  maistre  »  pour  «  maistrie  »  n'est  pas  confirmé,  et  est  isolé  dans  le 
ms.  A.  Nous  mettons  «  maistrie  ». 

a  «  poons  veoir...  Aaron.  »  Ce  passage  est  mentionné  dans  Y  Introduction,  p.  37-38. 


104    — 


Fig.  9  et  10. 


—     105    — 

sens.  Cil  lieus  est  diz  li  droiz  midis  1,  car  il  est  assis  en  2  mi-[F°  fô  a]lieu 
du  monde.  Li  autres  chiés  de  celé  ling-ne  qui  se  lingne  3  devers  senestre 
est  apelez  septentrion,  et  prent4  son  non  des  'vii*  estoiles  ^,  et  tourne  vers 
l'autre  mo/itai/igne  qui  mainne  les  mariniers  par  la  mer  b.  En  l'autre  lingne 
qui  est  en5  milieu  que  midis  tranche  par  mi,  en  la  fin  devers  oriant,  si 


Fig.  12. 


comme  dient  li  aucteur,  est  paradis  terrestre,  ou  Adans  fu  jadis  faiz  et  criez. 
Cil  lieus  est  apelez e  oriant,  car  de  la  nous  naist  li  soulaus  qui  [F°  £8  b] 
nous  rent  le  jour  environ  le  monde G.  Et  li  autres  chiés  a  non  ocident7; 
car  li  jours  y  faut  et  oscurcist  quant  li  soulaws  g-ist  celé  part.  Ainsi  et* 
par  ceste  raison  ont  non 9  les  *iiii*  parties  du  monde.  Li  premiers  contient 
oriant;  li  secons,  ocident10;  li  tierz,  midis  ;  et  li  quarz,  septentrion.  Et  vous 
pouez  entendre  ce  que  l'en  vous  ensaing-ne  par  ceste  figure  ci  qui u  le  vous 
moustre.  (Fig.  12.)  [F°  fô  c]  Ces  -iiii-  lieus  que  je  vous  devise,  qui  sont 
assis  en  *i*  quartier  de  toute  la  terre  du  monde,  si  doivent  avoir  reonde 

1  B:  nucdis.  —  2  B:  el.  —  s  B:  «  qui  se  lingne  »  manque.  —  *  B:  septemtrion.  Qui 
prent...  —  »  B  :  el.  —  8  B:  clamez.  —  '  B .  :  occident.  —  8  B  :  «  et  »  manque.  —  9  B  :  ont 
a  non.  —    10  B:  occident.  —  11  B  :  figure  et  qui... 

a  «  Li  autres...  estoiles.  »  Isidore,  Etym.  XIII.  li.  Il,  XIII.  i.  6  (Patrol.  t.  81-84). 
(V.  Introd.  p.  38.) 

b  «  tourne...  mer.  »  (V.  Introd.  p.  38.) 

c  «  En  l'autre...  le  monde.  »  Genèse  II.  8;  Isidore,  Etym.  XIII.  1.  4. 


—     106    — 

fourme,  car  raisons  et  nature  donne  que  toz 1  li  mondes  soit  reonz.  Et  pour 
ce  entendez  de  cest  quartier  ausi  comme  se  il  fust  touz  arreondiz. 

Or  faisons  donques  [F0  4$  d]  de  cest  quartier  un  cercle  qui  soit  touz 
reonz  et  touz  entiers  2,  et  le  metons  en  mi  celé  ling-ne  s  qui  ensaingne  * 
oria/it  et  ocidant B,  pour  mètre  les  parties  a  droit  que  ceste  figure  vous 6 
ensaing-ne  ci  après7,  si8  comme  vous  pouez  veoir  apartement  sanz  nulle 
défaillance  qui  puist  estre9.  (Fig.  i3.)  Après  soit  chascune  [F0  4g  a]  partie 


Fia.  13. 


tournée  vers  son  non  en  terre,  dont  chascune  sera  la  quarte  partie.  Si  en 
soit  ceste  figure  ensaingnementet 10  demoustrance  "  certainne  et 12  veraie  1S  : 
(Fig.  ,4.) 

Trestouz  li  lieus  qui  est  habitez  el  monde  es* 14  devisez  en  -in15  parties. 
Et  pour  ce  couvient  il  par  ceste  raison  une  autre  devision  fere 16.  Dont  la 
[F0  4g  b]  partie  qui  est  vers  17  oriant  soit  Aise  la  Grant  apelée.  Et  est  dite 
Aise  d'une  royne  "  qui  fu  dame  de  celé  reg-ion,  qui  ot  a  non  Aise.  Et  autre- 


1  B  :  tout.  —  2  B:  touz  entiers  et  touz  reonz.  —  3  B  :  li^ne.  —  4  B  et  N:  qui  saingne. 

—  5  B  :  occident.  —  6  B  :  figure  ci  vous...  —  7  N  :  de  «  ci  après...  »  jusqu'à  «  ...  puist 
estre  »  manque.  —  8  B:  de  «  si...  »  jusqu'à  «  veoir  »  manque.  —  9  B  :  «  qui  puist  estre  » 
manque.  —  10  N  :  de  «  et  demoustrance...  »  jusqu'à  «...  veraie  *  manque.  —  n  B  :  demons- 
trance.  —  12  B  :  «  certainne  et  »  manque.  —  13  B  :  yraie.  —  l4  B  :  qui  sont  el  monde 
habitez  si  est.  —  w  A  et  R  :  .iiii.  (cf.  f°  49  c)  ;  Gaxton,  S.  :  .iii.  ;  N:  quatre.  —  16  B  :  faire- 

—  17  B  :  devers.  —  18  B  :  ro/ne. 


107    — 


Fig.  14. 


*Sau  ^ca^^à 


FiG.  15. 


—     108    — 

tant  tient  celui  lieu  d'espace  comme  font  les  autres  -ir  K  Et  pour  ce  est 
ele  apelée  Aise2  la  Grarct.  Et  dure  dès  septemtrion  jusques  a  midi  8a,  si 
comme  ceste  figure  le4  vous  moutre  5  ici6:  (Fig.  i5.)  [F0  4g  c]  L'autre 
partie  si  est  Europe.  Et  prist  son  non  d'un  roi 7  qui  ot  a  non  Europes  qui 
fu  sires  de  la  terre.  Et  pour  ce  fu  ele  ainsi  apelée.  Et  dure  d'ocident 8 
jusques  en  septentrion».    Et9  marchist  environ   Aise  la  Grant.   L'autre 


Fig.  16. 

partie  si  est  Aufrique  qui  s'estent  dès  midi  jusques  en  ociderat10.  Et  est 
Aufrique  nommée  u  d'enfer.  Et  vaut  a 12  autant  a  dire  comme  aportée  c. 

Ainsi  est  la  terre  devisée18  en  -ni*  parties.  Dont  ceste  fig-ure  est  devise- 
[F°  49  arment  sanz  nulle  doute  (Fig.  16.) 

De  ces  trois  parties  du  monde  qui  sont  nommées  tient  chascune  maintes 
régions  et  maintes  contrées  dont  nous  dirons 14  auques  les  nons  et  les  nons 


1  B  :  deus.  —  -  B  :  apelée  certainement  Aise.  —  3  B  :  jusques  au  lieu  du  midi.  — 
4  B  :  figure  ça  le...  —  3  B  :  mcmstre.  -  6  B  :  «  ici  »  manque.  —  7  B  :  roy.  —  8  B  :  occi- 
dent. —  »  B  :  Et  si.  —  10  B  :  occident.  —  »  B  :  nomme.  —  12  B  :  «  a  »  manque.  —  13  B  :  est 
devisée  la  terre.  —  14  B  :  deviserons. 

a  «  Et  est  dite...  a  midi.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  i.  ;  Honorius  Aug.  I.  8. 
b  «  Et  prist...  septentrion.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  4.  i  ;  Honorius  Aug.  I.  22. 
<;  «  L'autre  partie...  aportée.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  5.  2  ;   Vincent  de  Beauvais,  Spé- 
culum Hist.  I.  76;  Honorius  Aug.  I.  32  (v.  Introd.  p.  38). 


—     109     — 

des  bestes  qui  sont  pins  communes  el  pays.  Et  en  dirons  les  fourmes  * 
d'aucunes,  de  celés  qui  sont  plus  veues  d'ou-fF0  5o  ajmes.  Et  dirons  com- 
munément des  g-enz  du  pays,  et  des  bestes  et  des  poissons;  si  comme  nous 
devise  li  livres  dont  est  prise  ceste  mapemonde. 


11  A  A. 

De  paradis  terrestre  et  des  •iïir  Jluns  qui  en  issent. 

La  primere  2  région  d'Aise  la  Grant  si  est  paradis  terrestre.  C'est  uns 
lieus  qui  est  plains  d'aise  et  de  joie  et  de  soulaz,  si  que  nus  qui  laienz  soit 
ne  puetenvieillir  3  ne  mal  avoir  en  nulle  manière  du  monde».  Laienz  est  li 
arbres  [F0  5o  b]  de  vie.  Et  qui  en  avroit  meng-ié  du  fruit,  il  ne  morroit 
jamais  nul  jour  c.  Mais  nus  hons  n'i  porroit  aler  se  Diex  ou  ang"es  ne  l'i 
menoit.  Car  il  est  touz  clous  de  feu  ardant  tout  entor*,  qui  vait  flambant 
jusques  as  nues  ». 

Laienz  sourt  une  fontainne  qui  est  devisée  en  •iiii*  fluns.  Dont  li  uns 
des  fluns  a  non  Phisons  ou  Ganges5,  et  est  ainsi  apelez,  et  s'encourt  par 
Inde  6  et  loing  et  près  e.  Et  sourt  du  mont  qui  est  apelez  Ortobares,  qui 
siet  devers  oriant  [F0  5o  c\  et  chiet  en  la  mer  d'ocident*1. 

Li  autres  fluns  si  a  non  Gyon  7,  ou  Nilus  ;  rentre  en  terre  par  un  petit 
pertuis,  et  s'en  court  par  dedenz  la  terre,  et  tant  qu'il  resourt  en  la  longue 
mer  qui  environne  toute  Ethyope;  si  qu'il  se  donne  en  'vii*  parties  et  vait 
courant  par  Egypte,  tant  qu'il  rechiet8  en  la  grant  mer  g. 

Tygris  et  Eufrates,  les  autres  mïv  fluns,  sourdent  *  en  Hermenie  près 
d'une  grant  montaing-ne  environ  10,  qui  a  non  mont  Parthoacus.  Et  [F0  5o  d] 
vont  ces  deus  fluns  par  maintes  granz  contrées  jusques  a  tant  qu'il  encon- 

1  B:  nons.  —  2  B  :  première.  —  3  B  :  env/e/lir.  —  *  B:  entour.  —  5  B  :  Ougages;  G  : 
Onagagez;  R  et  Caxton  :  Ungages;  S:  Phisons  ;  Additional  :  Phisons  ou  Ganges  ;  A:  On- 
gages;  N:  Onganges.  —  6  B:  Ynde.  —  7  S:  Jehans  ;  Addit.  :  Jehans;  R:  Gron;  N: 
Gyon.  —  8  B  :  chiet.  —  9  B  :  resourdent.  —  10  B  :  «  environ  »  manque. 

a  [F«  50  a  -  51  a  =  Vers  2126-2169.] 

b  «  La  primere  région...  du  monde.»  Genèse  III;  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  2;  Honorius 
Aug.  I.  9. 

c  «  Laienz...  nul  jour.  »  Genèse  II.  9;  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  2  ;  Honorius  Aug.  I.  9. 

d  «  Mais  nus  hons...  as  nues.»  Genèse  III.  24;  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  2  ;  Honorius  Aug. 
I.  8. 

e  «  Laienz  sourt...  et  près.»  Genèse  II.  10,  II.  13;  Isidore,  Etym.  XIV,  3.  3,  Etym. 
XIII.  21.  8  ;  Neckam  IL  2;  Honorius  Aug.  I.  9,  I.  10. 

F  «  Et  sourt...  d'ocident.  »  Orosius  Histor.  I.  2  (Mons  Oscobares)  (Patrol.  t.  31); 
Honorius  Aug.  I.  10.  V.  Introduction  p.  39.1 

G  «  Li  autres  fluns...  grant  mer.  »  Genèse  IL  13;  Neckam  IL  2;  Honorius  Aug.  I.  10; 
Solin  32  (éd.  Biponti,  1794);  Isidore  Etym.  XIII.  21.  7.  V.  Introduction  p.  39. 


—     110    — 

trent  la  mer  moienne  ou  il  se  fièrent,  si  comme  leur  natures  le  requi- 
rent^. 

De  ça  paradis  terrestre  tout  environ  a  moult  de  divers  lieus  sanz  nul 
retour.  Car  nus  hons  n'i  pourroit 2  habiter  ne  trover  3  point  de  son  vivre, 
por  4  les  maies  bestes  qui  la  sont  fieres  et  cruieuses  et  des  maintes  guises  *. 
La  sont  li  jaiant  et  li  chenillieu  G  qui  deveu-[/^°  5i  ajrent  tout  et  menjuent 
ausi  comme  font  leu  et  mainte  autre  maie  beste  sauvage  7  ». 


il  B  c. 

D'Ynde  et  de  ses  choses. 

Après  vient  la  contrée  d'Ynde  qui  prent  son  non  d'une  yaue  qui  a  non 
Ynde  qui  sourt  devers  septemtrion  8.  Geste  est  close  9  tout  entour  de  la  gran^ 
mer  qui  l'avironne  D. 

En  Ynde  siet  une  illequi  a  a  non  Probane  E,  ou  il  a  'X*  citez  et  maintes 
autres  viles,  ou  il  a  chascun  an  'ir  estez  et  ii*  yvers,  et  sont  si  a-[i^°  5i  b] 
trempez  10  que  il  y  a  touz  jourz  u  verdure  F.  Et  a  toz  12  jourz  es  arbres  et 
fueilles18  et  fruit  et  fleurs;  et  est  plenteureuse  d'or  et  d'argent,  et  moult 
eureuse  d'autres  choses. 

La  sont  les  granz  montaingnes  14  d'or  et  de  pierres  précieuses  et  d'autres 
trésors  assez  15.  Mais  nus  hons  n'i  ose  aprouchier  pour  les  dragons  et  pour 
les  gripons  16  sauvages  qui  ont  cors  de  lyons  volanz,  qui  emporte  17  bien  'i* 
homme  tout  armé  a  tout  son  cheval  quant  il  le  peut 18  [F°5i  c]  atraper  g. 

Si  y  a  mainz19  autres  lieus  si  douz  et  si  delitables  et  si  esperituels  que, 
se20  uns  hons  estoit  dedenz,  il  diroit  que  ce  seroit  paradis21. 


1  B:  requirent.  —  2B:  porroit.  —  3  B:  trouver.  —  4  B.  pour.  —  5  B:  cruieuses  de 
maintes  manières  et  de  maintes  guises.  —  G  B:  cheiullieu;  B:  chevelluz.  —  7  B:  autre 
fiere  beste  et  maie,  sauvage  et  cruel.  —  8  B:  septentrion.  —  9  B:  cloiise.  —  10  B  :  atem- 
\>rez.  —  ii  B:  jours.  —  l2  B:  et  a  touz.  —  1?>  B:  jours  as  arbres  et  futiles...  —  u  B  :  les 
très  granz  montages.  —  ]5  B  :  af'assez.  —  i6  B  :  grifons.  —  nB:  enporte.  —  x8  B:  puent. 
]9  B:  mains.  —  20  B  :  ce.  —  21  B:  uns  paradis. 

a  «  Tygris...  requirent.  »  Solin  37;  Orosius,  Histor.  I.  2  (Parchoatras)  ;  Isidore, 
Etym.  XIII.  21.  10.  Honorius  Aug.  I.  10.  V.  Introduction  p    39. 

b  «  Car  nus  hons...  sauvage.  »  Honorius  Aug.  I.  10. 

c  [F«  51a  —  51  c  =  Vers  2170-2195.] 

d  «  Après  vient...  l'avironne.»  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  o;  Neckam,  De  Laud.  III. 
1021  ;  Honorius  Aug.  I.  11. 

e  «En  Ynde...  Probane.  »  Orosius,  Histor.  I.  2;  Honorius  Aug.  I.  11. 

f  «ou  il  a...  verdure.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  12;  Honorius  Aug.  I.  11. 

g  «  La  sont...  atraper.  »  Gervaise  de  Tilbury,  Otia  Imper.  II.  3;  Isidore,  Etym.  XIV. 
3.  9  ;  Honorius  Auçr.  I.  11. 


-    111 


11  c  A. 


Des  diversitez*  oVYnde. 

En  Ynde  si  a  une  monlt  grant  montaing-ne  que  l'en  apele  mont2  Gapien, 
et  est  une  grant  région.  Illec3  sont  une  g-ent  sanz  bien  et  sanz  savoir  que 
Alixandres  encloust4  la  dedenz.  Et  sont  la  g-ent  Goz  et  Magoz5  qui  menjuent 
char  toute  crue  d'owmes  et  de  bestes  comme  g-ent  [F°5i  d]  mescreuesB. 
Geste  Ynde  dont  nous  vous6  parlons  si7  tient8  •xiiii-9  reg-ions  ;  et  en 
chascune  de  ces  régions  a  monlt  de  g-ent 10. 

Si  y  a  si  granz  bois  et  si  hauz  qu'il  aviennent11  jusques  as  nues.  Et  la 
sont  unes  g-enz  qui  sontcornuz  et  n'ont  que  *ii-  coûtes  de  grant,  et  s'en  vont 
ensamble  par  granz12  compaing-nies,  et  se  combatent  souventes  foiz  contre 
les  grues  qui  les  assaillent13.  Mais  dedenz  *vii*  anz  enveillissent14  et  s'en 
vont  de  vie  a  mort.  [F0  52  «]  Gelé  g-ent  ont  a  non  Pyg-main  et  sont  ausi 
petit15  comme  nains  c. 

Vers  cel  pays  de  la  croist  li  poivres  touz  blans.  Mais  la  vermine  i  est  si 
grant16  que,  quant  l'en  le  veult  oster  et  cueillir,  il  i  couvient  bouter  le 
feu  pour  oster  la  vermine.  Et  quant  il  est  ainsi 17  brullé,  si  le  trueve  l'en 
tout  noir  et  tout  crespé  D. 

Autres  g-enz  y  ra  que  l'en  apele  Groing-  et  Brag-man,  qui  sont  plus  biaus 
que  ceuls  que  nous  avons  nommez,  qui  pour  [F0  62  b]  g-arantir  18  la  vie 
d'autrui  se  metent  mourir19  en  -i*  feu  ardant^. 

Si  i  raenquore  une  autre  manière  de  g-ent  que,  quant  leur  pères  et  leur 
mères  et  leur  autres  parenz,  que,  quant  il  sont  vieill  et  il  sont  près  de  mou- 
rir, il  les  tuent  et  sacrefient  soit  a  tort  ou  a  droit,  et  en  menjuent  la  char  F. 

1  B:  diversetez.  —  2  B:  montaingne  qui  a  non  mont...  —  3  B:  illuec.  —  4  B  :  enclôt. 
5  A:  Ma/*goz;  C  et  S  :  Magoz.  —  6  B  :  «  vous  »  manque.  —  7  B  :  «  si  »  manque.  —  8  B: 
contient.  — 9A,  B,  C  et  N.  Aussi  R  et  Caxton  :  -xiiii-;  Addit.  -xxiii-;  S:  -xxiiii-;  Arun 
del:  -xiiii-  (cf.  f°  60a).  V.  Introduction  p.  39.  -  10  B:  genxr.  -»B:  aviercgnent.  — 
12  B  :  grans.—  13  B:  assa/lent.  —  14  B:  enviet/lissent.  —  15  B:  pettr.  —  16  B  :  grans.  — 
17  B:  ainssi.  —  18  B:  «garantir»  manque.  —  19  B:  morir. 

a  [F°  5i  c  —  53  b  =  Vers  2196-2276.] 

b  «  En  Ynde...  mescreue.  »  Pseudo-Callisthène.  V.  Alexander  the  Great  (éd.  Budge, 
Cambridge,  1889)  p.  150,  loi  ;  Gervaise  de  Tilbury,  Otia  Imper.  II.  3  ;  Honorius  Aug. 
I.  11.  V.  Introduction  p.  39. 

c  «  Si  y  a...  nains.  »  Homère,  Illiade  III.  3  ;  Strabon  XV.  1.  57  ;  Solin  52  et  10;  Ger 
vaise  de  Tilbury,  Otia  I.  II.  3,  p.  911.  —  Honorius  Aug.  I.  11. 

d  «  Vers  cel  pays...  crespé.  »  Solin  52;  Isidore  XVII.  8.  8;  Honorius  Aug.  I.  H; 
Gervaise  de  Tilbury,  Otia  I.  H.  3,  p.  911. 

e  «  Autres  genz...  ardant.  »  Solin  52;  Gervaise  de  Tilbury,  Otia  Imp.  II.  3,  p.  911. 
Sydrach  S.  77  ;  Honorius  A.  I.  11. 

F  «  Si  i  ra...  la  cbar.  »  Solin  52;  Gervaise  de  Tilbury  II.  3,  p.  911  ;  Honorius  Aug. 
I.  H. 


—     112     — 

Et  tiennent  a  chaitis  et  a  eschars  touz  ceuls  qui  ce  ne  font  des1  leur 
parenz.  Car  il  le  tiennent  a  grant  honneur  et  a  larg-esce  et  a  grant  bien. 
Et  pour  ce  le  fait  chas-[/^°  52  c]cuns  du  sien  2  parent. 

Vers  oriant  ra  une  autre  manière s  *  de  g*ent  qui  aorent  le  souleill  tant 
seulement 4,  et  le  tiennent  a  dieu  pour  les  granz 6  biens  qui  viennent  par 
lui,  et  pour  ce6  qu'il  ne  voient  au  monde  nule7  si  bêle8  chose;  et  pour  ce 
le  9  croient  comme  dieu  a. 

Autres  genzy  a  qui  sont  touz  veluz,  qui  menjuent  touz  cruz  les  poissons 
et  boivent  la  mer  salée  B. 

Si  ra  devers  celé  contrée  meïsmes  unes  g*enz  qui  sont  moitié  [F0  5  2  d\ 
bestes  et  moitié  houmes  c,  et  autres  g*enz  qui  ont  *viii*  doiz  en  'i*  pié». 

Si  i  ra  moult  d'autres  bestes  orribles  qui  ont  cors  d'oume10,  et  ont  teste  " 
de  chien,  et  ont  si  granz  12  ong-les  qu'il  arrestent  quanqu'il  tiennent.  Et  se 
vestent  de  piaus  de  bestes.  Et  ont  autele  voiz  comme  abaiement  de  chiens  18  E. 

Si  i  resont  li  cyclopien  qui  passent  le  vent  de  courre,  et  n'ont  seulement 
que  -i-  pié  dont  la  plante  est  si  longue  et  si  large  qu'il  s'en  aombrist  et  cue- 
vre  14  \F°  53  a]  autresi 16  comme  d'une  targ-e,  pour  le  chaut,  quant  il  vient 
sur  lui  F. 

Une  autre  manière  de  g-ent  i  ra  qui  n'ont  que  i"  œill,  et  l'ont  en  mi  le 
front  si  vermeill  et  si  cler  que  ce  samble  feu  ardant  g. 

Si  i  ra  une  autre  manière 16  de  gent  qui  ont  le  vis  et  la  bouche  en  mi  le 
piz17,  et  ont  'i'  œill  en  chascune  espaule;  et  leur  avale  le  nés  aval18  en 
la19  bouche  ;  et  ont  soies  desus  le  musel  ausi  comme  pourciaus20  H. 

1  B:  de.  —  2  B  :  chascim  de  son.  —  s  B  :  manière  ;  A  :  manière.  — . 4  B  :  qui  aorent  tant 
seulement  le  sou//eil.  —  5  B  :  grans.  —  6  B  :  «  ce  »  manque.  —  7  B  :  nu//e.  —  8  B  :  be//e. 
—  °  A:  pour  ce  qui  (mot  barré)  le...;  B:  et  pour  ce  le...  —  10  B:  d'omme.  —  u  B: 
testes.  —  12  B  :  grans.  —  13  B  :  d'un  chien.  —  14  A  :  cruevre  :  forme  isolée  et  pas  con- 
firmée par  d'autres  textes.  Cf.  f°  31  a  n.  —  15  B:  autres.si.  —  16  B:  mam're.  —  17  B  : 
pis.  —  18  B:  «  aval  »  manque.  —  19  B  :  en  mi  la...  —  20  B  :  porciaus. 

*  L'abréviation  est  sans  doute  une  erreur  ici  :  «  manienre  »  n'est  pas  confirmé  et  est 
isolé  dans  A. 

a  «  Vers  oriant...  dieu.  »  Isidore  Etym.  XIV.  3.  12.  Sydrach  S,  11. 

b  «autres  genz...  salée.  »  Lettre  d'Alexandre  à  Aristote;  Solin  52;  Gervaise  de 
Tilbury  IL  3  p.  912  ;  Honorius  A.  I.  H. 

c  «  Si  ra...  houmes.  »  Saint  Jérôme,  Vie  de  saint  Paul  ;  Honorius  Aug.  I.  12.  V.  Intro- 
duction p.  39. 

d  «  et  autres  genz...  pié.  »  Solin  52  et  Honorius  Aug.  I.  12. 

e  «  Si  i  ra...  chiens.  »  Solin  30,  52;  Isidore,  Etym.  XL  3,  15;  Gervaise  de  Tilbury 
IL  3  p.  912  ;  Honorius  Aug.  I.  12. 

f  «  Si  i  resont...  sur  lui.  »  Solin  52  ;  Isidore,  Etym.  XL  3,  25  ;  Honorius  Aug.  I.  12. 
V.  Introduction  p.  40. 

G  «Une  autre  manière...  ardant.  »  Isidore  XL  3.  16,  XIV.  6.  33;  Honorius  Aug. 
I.  12  ;  Sydrach  S.  11. 

h  «  Si  i  ra  une  autre...  pourciaus.  »  Solin  31,  52  ;  Isidore,  Etym.  XL  3.  9;  Hono- 
rius Aug.  I.  12. 


~     113     — 

Si  ra  vers  le  flueve  de  Gang-es  une  [F0  53  b]  g-ent  estrang-es  et  courtoise 1 
qui  ont  droite  figure  d'oume,  qui  de  l'odeur2  d'une  pomme  se  vivent  tant 
seulement.  Et  se  il 3  vont  loing-  en  aucun  lieu,  la  pomme  leur  a  tel  mestier 
que,  s'il  seutoient  aucune  mauvaise  puor 4  sanz  la  poume 5,  il  mour- 
roient 6  tantost A. 

ii  db. 

Des  serpenz  et  des  testes  d' Ynde. 

En  Ynde  a  serpenz 7  qui  sont  de 8  tel  force  qu'il  deveurent  et  prennent 
a  force  les  cers  et  les  dains  c. 

Si  i  ra  enquore  une  autre  [F0  53  c]  beste  que  l'en  apele  centicore,  qui  a 
cornes  de  cerf  en  mi  le  vis,  et  a  le 9  piz  et  les  cuisses 10  de  lyon  ;  et  a  granz 
oreilles  et  piez  de  cheval  et  a  bouche  reonde,  et  a  le  musel  ausi  comme 
le  chief  d'un  tuel  D,  et  a  les  ieulz  bien  près  l'un  de  l'autre  E,  et  a  la  voiz  b/<?n 
près  ausi  comme  *r  homme llp. 

Une  autre  beste  i  ra  mowlt  fiere,  qui  a  cors  de  cheval  et  teste  de  san- 
glier12. Et  a  keue  d'13olifa/it,  et  a  -ii*  cornes  qui  sont  d'un  coûte  de  grant, 
[F0  53  d]  dont  il  met  l'une  desus  son  dos  en  demantres  14  qu'il  se  combat 
de  l'autre.  Il  est  noirs  et  est  mowlt  orrible  beste,  et  est  moult  pénible  en 
eaue 15  et  en  terre  g. 

Si  i  resont  toriaus  qui  sont  touz  blans  et  ont  grosse  teste,  et  ont  la  bou- 
che si  larg-e  que  la  fendeûre  dure  de  l'une  oreille16  jusques  a  l'autre.  Et  a 
cornes  qu'il  remue  si  entour  lui  17,  que  nus  ne  le  puet  dompter  h. 

Une  autre  manière  de  bestes  ra  en  Ynde  que  l'en  apele  manthicora  ;  si 
a  vis  d'oume,  et  a  [F0  54  a]  'in*  ordenées 18  de  denz  en  19  la  bouche.  Si  a 
ieulz  de  chievre  et  cors  de  lyon  i,  et  a  keue  de  scorpyon  20,  et  a  voiz  de  ser- 
pent qui  par  son  douz  chant  atrait  la  gent  et  deveure J.  Et  est  plus  isnele 
d'aler  que  n'est  uns  oisiaus 21  de  voler. 

1  B  :  cortoise.  —  2  B  :  l'oudeur.  —  3  B  :  s'il.  —  *  A  :  puer  ;  B  :  puor  ;  G  :  puear.  — 
6  B  :  pomme.  —  6  B  :  morroient.  —  7  B  :  serpanz.  —  8  A  :  et  de.  —  9  B:  les.  —  10  B  : 
cuises.  —  n  B  :  ho«me.  —  12  B  :  sangler.  —  13  B  :  et  a  la  keue  d'un...  —  14  B:  demen- 
tres.  —  15  B  :  pénible  beste  en  yane.  —  16  B  :  dès  l'une  des  oreilles.  —  17  B  :  IL  —  18  B  : 
omme.   Si  a  .iii.  ordenances...  —  19  A  :  «en»  manque.  —  2°  B:  scorpion.  —  21  B:  oisiaw. 

a  «  Si  ra  vers...  tantost.  »  Solin  52  ;  Honorius  Aug.  1.  12  ;  Jacques  de  Vitry,  Hist. 
Hier.  (Douai.  1597)  c.  92. 

b  [F9  53  b  —  59  c=  Vers  2277-2565.] 

c  «  En  Ynde...  dains.  »  Solin  52  ;  Honorius  Aug.  I.  13. 

d  «  Si  i  ra  enquore...  tuel.  »  Solin  52  ;  Honorius  Aug.  I.  13. 

e  «  et  a  les  ieulz...  l'autre.  »  Solin  52. 

f  «  et  a  la  voiz...  homme.  »  Solin  52  ;  Honorius  Aug.  I.  13. 

G  «  Une  autre  beste...  terre.  »  Solin  52;  Honorius  Aug.  I.  13. 

h  «  Si  i  resont...  dompter.  »  Solin  52;  Honorius  Aug.  I.  13. 

i  «  Une  autre  manière...  lyon.  »  Solin  52  ;  Honorius  Aug.  I.  13. 

J  «  Et  a  keue...  deveure.  »  Solin  52. 


—     114     — 

Si  i  ra  bues  qui  ront 1  les  piez  touz  reonz.  Et  ont  en  *  milieu  du  front 
- iii *  cornes  a. 

Si  i  ra  une  autre  beste  de  moult  biau  cors  qui  est  apelée  monoheros 3, 
qui  a  cors  de  cheval  et  piez  d'olifant 4,  teste  de  cerf  et  voiz  clere  et  haute, 
[F0  54  b]  et  grant  keue,  autele  comme  truies 5  les  ont.  Et  a  une  corne  en  m1 
le  front  qui  a  " iïii "  piez  de  longueur  G,  droite  et  ag-ue  autresi  comme  "i*  espié, 
et  tranchant7  comme  raseoir.  Et  quanqu'ele  ataint  par  devant,  deront 
tout  et  tranche8  par  mi  b. 

Et  vous  di  par  vérité  que,  se  est 9  prise  par  nul  enging-,  si  se  laisse 
mourir10  par  desdaing-^. 

Mais  ele  ne  peut11  estre  prise12,  fors  que  par  une  pucele  virg-e  que  l'en 
li  met  en  son  devant  par  la  13  ou  ele  doit  passer,  qui  [F0  54  c]  soit  bien  et 
cointement  parée.  Lors  s'en  vient  la  beste  vers  la  pucele  moult  simplement, 
si14  s'endort. en  son  gyron.  Et  lors  la  prent  l'en  en  dormant0. 

En  Ynde  ra  unes  autres  bestes  granz  et  fieres  qui  ont  couleur  ynde,  et 
ont  cleres  taches  parmi  le  cors.  Si  sont  si  forz  15  et  si  maies  que  nus  nés 1G 
ose  aprochier  17.  Et  les  apele  l'en  en  cest  pays  tygresE.  Et  courent  de  si 
grant 18  randon  que,  quant  li  veneeur 19  i  vont  pour  prendre  [F0  54  d]  autres 
bestes  qui  i  sont,  il  n'eschaperoient  jamais20  de  illuec,  se  il  ne  g-etoient 
par  la  voie,  la  ou  il  vont,  mireoirs  n  de  voirre.  Et  quant  il  voient  leur  yma- 
g-es,  si  cuident  que  ce  soient  leur  faons.  Si  vont  tout  entour,  et  tant,  qu'il 
brisent  les  mireoirs22  as  piez,  tant  vont  entour.  Lors  ne  truevent  riens 
illec  23.  Et  ainsi  s'en  eschapent  ceuls 24  qui  la  sont.  Et  aucunes  25  foiz  est 
avenu  de  ces  bestes  que  eles  pensent  tant  a  [F0 55  a]  leurfig-ures  remirer,  et 
en  sont  aucunes  foiz  si  esprises  que  l'en  les  porroit  bien  prendre  toutes  vives  F. 

Si  i  ra  enquore 2G  unes 27  autres  bestes  que  l'en  apele  castoires  ;-si  ont  tele 
nature  en  eles  28  que,  quant  l'en  les  chace  pour  prendre,  si  se  chastrent  as 

1  B  :  on.  —  2  B  :  el.  —  n'  A  et  B  :  mono/Aeros  ;  C:  monothoros.  —  4  B:  d'o/yfant.  — 
5B:  truie.  —  G  B:  longue/'.  —  7  B:  trenchant.  —  8  B:  trenche.  —  9  B:  s'e/e  est...  — 
10  B:  morir.  —  n  B  :  puet;  C:  puest.  —  12  B  :  «  prise  »  manque.  —  13  B  :  «la»  manque. 
—  14  B:  et  si...  —  15  B  :  fors.  —  1C  A:  ne...  —  17  B:  aprouchier.  —  18  B  :  si  très  grant. — 
1!>  B:  veneour.  —  20  B  :  jamès.  —  21  B:  miroers.  —  22  B:  et  tant  i  vont  qui  brisent  les 
miroers.  —  2:î  B  :  illuec.  —  24  B  :  cil.  —  25  B:  aucune.  —  2(3  B  :  encore.  —  27  B  :  «  unes  » 
manque.  —  28  B  :  si  ont  en  eles  teles  natures. 

A  «  Si  i  ra  bues...  cornes.  »  Solin  52  ;  Honorais  Aug.  I.  13. 

b  «  Si  i  ra  une  autre  beste...  tranche  par  mi.  »  Isidore,  Etym.  XII.  2.  12  ;  Solin  52; 
Honorius  Aug.  I.  13  ;  Neckam  II.  103.  104  ;  Jacques  de  Vitry,  Hist.  Hieros.  88. 

C  «  Et  vous  di...  ^desdaing.  »  Isidore,  Eti/ni.  XII.  2.  12  ;  Solin  52  ;  Neckam  II.  103. 
104  ;  Jacques  de  Vitry,  Hist.  Hieros.  88. 

d  «  Mais  ele...  dormant.  »  Isidore,  Etym.  XII.  2.  12  ;  Neckam  II.  103.  104;  Jacques 
de  Vitry,  Hist.  Hieros.  88. 

e  «  En  Ynde  ra...  tygres.  »  Solin  17  ;  Isidore,  Etym.  XII.  2.  7  ;  Jacques  de  Vitry, 
Hist.  Hieros.  88,  86  ;  Neckam,  De  Laud.  IX. 

F  «  Et  courent...  toutes  vives.  »  Jacques  de  Vitry,  Hist.  Hieros.  88.  86;  Neckam,  De 
Laud.  IX. 


—     115     — 

denz  de  leur  g-enetaires  et  les  laissent1  cheoir  a  terre  A.  Car  il  sevent2  bien 
que  l'en  ne  les8  chace  ipour  autre  chose. 

Si  i  ra  une  petite  beste  ausi 4  comme  une  souriz  ;  et  a  une  petite  bouche  ; 
et  est  nom-[F°  55  b]mèe  musqualiet  b. 

Gelé  part  sont  les  arbres  ses  qui  parlèrent  a  Alixa/zdre  c. 

Une  autre  beste  y  a,  que  l'en  apele  salemandre,  qui  se  paist  de  feu  et 
norrist.  Et  celé  salemandre  porte  une  lainne  dont  l'en  fait  dras  et  cein- 
tures 5  qui  ne  pueent G  *  ardoir  en  feu  D. 

Si  i  ra  unes  souriz  qui  sont  ausi  gra/^z  comme  chaz  et  ausi  couranz. 

Devers  oriant  sont  les  lyons  7  qui  ont  plus  de  force  el  piz  devant  et  en 
touz  les  membres  qu'autres  bestes  [F0  55  c]  n'ont.  Si  viennent  paistre  8  au 
tierz  jour  que  il  ont  faonné  9  leur  faons,  ausi  comme  s'il  [estaient  resus- 
citez 10  de  mort.  Et  quant  il  dorment,  il  tiennent  les  ieulz  ouverz 1X  ;  et  quant 
li  veneeur  les  chacent,  il  cuevrent 12  la  trace  de  leur  piez  a  leur13  keue.  Il 
ne  grèveront  ja  home  s'il  ne  sont  courrouciez  ;  et  qui  que  les  assaille,  il 
se  desfandent 14  e.  Quant  cil  qui  les  15  g-arde  bat  *r  chien  devant  euls,  si 
le  criement  et  [F0  55  d]  doutent  et  le  connoissent ie  bien  F.  Et  la  lyo/znesse 
a,  la  première  année,  •▼•  faons.  Et  puis  -i-  mains  chascun  an;  jusques  a 
sa  17  fin  vait  sa  porture  18  déclinant  g. 

Une  autre  beste  y  a  qui  est  petite  ;  et  si  est  si  cruieuse  que  nule19  beste 
n'est  seûre  devant  li20;  et  a  tele  nature  que  li  lyons  la  doute  et  fuit  ;  car 
ele  l'ocit 21  souventes  foiz  h. 

1  B  :  laisse.  —  2B  :  seivent.  —  3  B  :  le.  —  4  B  :  aussi.  —  5  B:  caintures.  —  6  A  : 
peuent.  —  7  B  :  Li  lyon  sont  devers...  —  8  B  :  «  paistre  »  manque.  —  9  B  :  paistre.  — 
10  B:  resuscité.  —  n  B  :  ouvers.  —  12  B:  \e  chacent  pour  prendre,  il...  —  13  A  :  ocue- 
vrent  la  trace  ;  B  :  cuevre  la  trace  de  ses  piez  a  sa.  —  l4  B:  Il  ne  grèvera  ja  homme  s'il 
n'est  courouciez  ;  et  qui  que  /'assaille,  il  se  destent.  —  15  B  :  le.  —  16  B  :  devant,  il  le 
crient  et  le  doute  et  le  connoist.  —  17  B  :  /a.  —  18  B  :  poarteure.  —  19  B  :  nu//e.  — 
20  A  :  «  li  »  manque  —  21  B  :  ocist. 

*  Le  scribe  du  ms.  A  écrit  tantôt  pueent,  tantôt  peuent.  «  Peueent  »  semble  être  un 
mélange  des  deux  formes,  isolé  dans  le  ms.  A,  et  pas  confirmé. 

a  «  Si  i  ra  enquore...  a  terre,  »  Solin  13  ;  Isidore,  Etytn.  XII.  2.  21  ;  Neckam  II.  140  ; 
Jacques  de  Vitry,  o.  c.  88. 

b  «  Si  i  ra  une  petite...  musqualiet.  »  Isidore,  Etym.  XII.  3.  4.  V.  Introduction  p.  40. 

c  «  Celé  part...  Alixandre.  »  Lettre  d' Alexandre  à  Aristote  dans  Pseudo-Callisthène 
(éd.  Budge :  Alexander  the  Great.  Cambridge  1889,  p.  104  s.  ;  aussi  éd.  Mûller,  Paris, 
1877);  Ranulph  Higden,  Polychronicon  I.  11  (éd.  Babington.  Londres,  1865);  Jacques  de 
Vitry,  o.  c.  85.  V.  Introduction  p.  40. 

d  «  Une  autre  beste  y  a...  en  feu.»  Isidore,  Etym.  XII.  4,  36;  Jacques  de  Vitry, 
o.  c.  89;  Neckam  I.  7. 

e  «  Devers  oriant...  desfandent.  »  Solin  27  ;  Isidore,  Etym.  XII.  2.  3  ;  Neckam  II.  148, 
149  ;  Jacques  de  Vitry,  o.  c.  88. 

F  «  Quant  cil...  connoissent  bien.  »  Jacques  de  Vitry  88. 

G  «  Et  la  lyonnesse...  déclinant.  »  Solin  27;  Jacques  de  Vitry  88. 

h  «  Une  autre  beste...  souventes  foiz.  »  Solin  27;  Isidore,  Etym.  XII.  2.  34  ;  Jacques 
de  Vitry  88. 


—     116     — 

Une  autre  beste  converse  et  repaire  celé  part,  qui  est  de  diverses  coleurs  l 
par  taches  blanches  et  noires  et  verz  2  [F0  56  a]  et  yndes  et  jaunes,  ausi 
comme  s'ele  feust 3  pamte.  Et  est  cointe  et  gente;  et  est  apelée  panthère  a. 
Et  naist  si  grant  douceur  de  se  bouche  quant  ele  alaine 4,  que  les  bestes 
vont  après  li  pour  la  douceur  qui  ist  de  son  cors,  fors  le  serpe/U  a  cui  celé 
douceur  grieve  si  qu'il  en  meurt  sovent B  5.  Et  quant  celé  beste  est 6  aucune 
foiz  saoulée  de  sa  venoison  qu'ele  a  trouvée,  si  se  dort7  -ni'  jours  touz 
entiers.  Et  quant  ele  s'esveille,  [F0  56  b]  si 8  rent  une  odeur  si 9  douce,  qui  ist 
de  sa  bouche  hors,  que  les  bestes  y  courent 10  tantost  comme  il  la  sentent (^. 

Gelé  beste  n'a  c'une  foiz  u  faons.  Et  quant  ele  doit  faonner,  si  a  tele 
destrece 12  et  tele  angoisse  qu'ele  ront  et  despiece  ses  marriz  1S  as  ongles, 
tant  que  les  faons  en  sont  hors.  Mais  jamais14  n'avront  plus  de  faons 
quant  eles  sont  ainsi 15  descirées  D. 

Si  y  a  une  manière  de  jumanz  qui  conçoivent  du  vent,  et  sont  en  une 
contrée  qui  a  [F0  56  c]  non  Gapadoce.  Mais  il1G*  ne  durent  que  - iii -  anz  e. 

Celé  part  sont  li  olyfant,  unes  bestes  qui  sont  granz  et  forz 1T  et  co/iba- 
tanz.  Et  quant18  l'en  leur  moustre  le  sanc  devant  euls,  si  en  sont  plus  cou- 
rag-eus  et  plus  forz  et  s'enbatent 19  en  touz  lieus  et  en  toutes  batailles  F.  Seur 
ces  olyfanz  se  souloient20  combatre  les  g*enz  d'Ynde  et  de21  Perse.  Car 
•i.  22  porte  hien  une  grant  tour  de  fust,  plai/me  de  g"ent  armée,,  quant  ele 
est  bien  fermée  desus  son  dos  g.  Si  ont  'i*  [F°  56  d]  bouel  par  devant,  grant 
et  larg>e,  dont  il  menjuent23.  Et  en  prennent  bien  -i"  houme  et  deveurenten 
poi  d'eure  h. 

Les  g"enz  Alixandre  qui  fu  rois  et  bons  clers  de  grant  manière,  qui  s'en 

1  B  :  couleurs.  —  2  B:  vers.  —  3  B  :  se  ele  t'ust.  —  4  B:  alaiw/ne.  —  5  B  :  souvent.  — 
c  B  :  s'est.  —  7  B  :  s'en  dort.  —  8  A  :  li.  —  9  B  :  si  rent  une  si  grant  odeur  et  si...  — 
10  B  :  acorent.  —  n  B  :  c'une  seule  foiz.  —  12  B  :  destresce.  —  13  B  :  despice  ses  meriz. 
—  14  B:  jamès.  —  15  B  :  ainsi  si.  —  16  B  :  eles.  —  17  B  :  fors.  —  18  B  :  «quant»  manque. 
19  B  :  et  plus  fiers  et  plus  fors  et  s'ewbatent.  —  20  B  :  olyfans  se  soloïent.  —  2X  B  :  com- 
batre cil  d'Ynde  et  cil  de...  —  22  B  :   il.  —  23  B  :  «dont  il  menjuent»  manque. 

*  Les  autres  ms.  donnent  eles,  et  non  pas  il  comme  aux  fol.  .'50  a  et  32  a. 
«  Il  »  nom  pi.  fem.  est  confirmé  par  d'autres  textes  :  cf.  Suchier,  Reimpredigt  (Halle, 
1879),  p.  XLIII  ;  Burguy  I.  128. 

a  «  Une  autre  beste...  panthère.  »  Solin  17;  Isidore,  Etym.  XII.  2,  8;  Jacques  de 
Vitry  88  ;  Neckam  II.  133. 

b  «  Et  naist...  meurt  sovent.  »  Solin  17;  Jacques  de  Vitry  88;  Neckam  II.  133. 

C  «  Et  quant  celé...  la  sentent.  »  Jacques  de  Vitry  88  ;  Neckam  II.  133. 

d  «  Celé  beste...  descirées.  »  Isidore,  Etym.  XII.  28;  Jacques  de  Vitry  88  ;  Neckam 
II.  133. 

e  «  Si  y  a  une  manière...  que  'iii-  anz.  »  Honorius  Aug.  I.  19;  Solin  45  ;  Jacques  de 
Vitry  88  ;  Neckam  II.  158. 

F  «  Celé  part...  batailles.  »  Solin  25;  Isidore,  Etym.  XII.  2.  14  ;  Neckam  I.  143,  144, 
145,  II.  9,  48;  Jacques  de  Vitry  88. 

<;  «  Seur  ces  olyfanz...  desus  son  dos.  »  Solin  25;  Isidore  XII.  2.  15;  Neckam  I.  143- 
145;  II.  9,  48  ;  Jacques  de  Vitry  88. 

H  «  Si  ont  -i-  bouel...  poi  d'eure.»  Neckam  I.  143-145;  II.  9,  48;  Jacques  de  Vitry  88. 


—     117     — 

ala  par  maintes  terres  1  pour  enquerre  et  pour  cerchier  2  les  aventures, 
plus  qu'il  ne3  faisoit  pour  conq«erre,  quant  il  se  dut  combatre  a  ceuls 
qui  les  olyfanz  avoient  duiz  et  apris  de  combatre  en  plainne  terre,  si  fist 
faire  vaissiaus  d'aram  [F0  5y  a]  en  fourme  d'oumes  4,  et  les  fist  emplir  de 
feu  ardant;  et  les  metoient 5  devant  euls  pour  combatre  vers G  celé  gent  qui 
estoient  seur  les  olyfanz  7.  Et  quant  li  olyfant  getoient  leur  boiaus  dont 
il  tuoient  la  gent,  si  s'ardoient  touz  les  boiaus  ;  tant  qu'il  les  en  orent  si 
duiz,  qu'il  n'osoient  aprouchier  les  houmes  pour 8  la  samblance  de  leur  façon. 
Car  il  cuidoient  qu'il  fussent  ausi  chaut  comme  cil 9  estoient  qui  [F0  5y  b] 
plain  estoient  de  feu  10.  Et  ainsi  eschiva  cel  perill  Alixandres,  qui  fu  moult 
sages,  et  conqwj'st  celé  sauvage  gent,  et  donta u  si  les  olyfanz  12  qu'il 
n'osoient  faire  mal  as  houmes  a. 

Olyfant  vont  moult  simplement  et  moult  acordéement 13  ensamble.  Et, 
quant  il  s'entrencontrent,  il  baissent  les  chiés  les  uns  contre  les  autres, 
ausi  comme  s'il 14  s'entresaluassent  B. 

Il  sont  de  moult  froide  nature  ;  dont  il  avient  que,  quant  l'en  met  sus 
la  dent  de  Y-[F°  5y  c]y voire  15  *i*  drap  linge  et  charbons  ardanz  desus,  que 
li  drap  linge  n'art  pas  ;  ainz  estaint  li  charbons  16  tantost  comme  l'en  le 
met  desus,  por 17  la  froidure  qui  est  en  lui  c.  ( 

Il  n'ont  faons  c'une  foiz  en  lonc  tans,  et  les  portent 18  -ii-  anz  en  leur 
ventre.  Et  vit  -ni*  cenz  anzD. 

Il  doute  la  souriz  et  la  coule vre  et  toute19  vermine.  Se  la  couluevre  20 
s'aert  a  lui  21?  si  l'abat  et  l'ocit 22.  Ele  repont  ses  faons  es  illes  ou  il  n'a  boz 
ne  couluevres,  et  fa-[F°  5j  d]onne  adès  dedenz  yaue.  Car  s'il  chaoient  près 
de  terre,  jamais  ne  se  releveroient.  Car  leur  os  sont  touz  entiers  et  roides 
sanz  jointes  23  dès  le  ventre  jusques  as  piez  e. 

1  A  :  terre.  —  2  A  :  cerchiers;  B  :  ewcerchier.  —  3  B  :  plus  qui  ne...  —  4  B  :  fourmes 
d'omraes.  —  5  B:  mercoient.  —  6A  :  pour  combatren  vers.  —  7  B  :  sus  ces  oh'fans.  —  8  B: 
por.  —  9  B  :  ceuls.  —  10  B  :  qui  plains  de  feu  estoient.  —  n  B  :  dampta.  —  l2  B  :  olyfans. 
—  13  B  :  ordenéement.  — 14  B  :  aussi  comme  se  il.  —  15  B  :  «  sus  la  dent  de  l'yvoire  »  man- 
que. —  16  B:  le  charbow.  —  17  B  :  pour.  —  i»  B:  tens...  porte.  —  19  A  :  doute.  — 20  B  : 
cou/cvre.  —  21  B:  li.  —  22  B:  ocist.  —  23  B:  «sanz  jointes»  manque. 

a  «  Les  genz  Alixandre...  mal  as  houmes.  »  Jacques  de  Vitry  88. 

b  «  Olyfant  vont...  s'entresaluassent.  »  Solin  25;  Isidore,  Etym.  XII.  2.  16;  Neckam 
I.  143-145;  II.  9,  48;  Jacques  de  Vitry  88. 

c  «  Il  sont  de  moult...  est  en  lui.  »  Solin  25  ;  Neckam  I.  143-145;  II.  9,  48  ;  Jacques 
de  Vitry  88. 

Ni  Solin  ni  Neckam  ne  mentionnent  le  «  drap  linge  ». 

d  «Il  n'ont  faons...  cenz  anz.  »  Solin  25;  Isidore,  Etym.  XII.  2.  16;  Neckam  L  143- 
145  ;  II.  9,  48  ;  Jacques  de  Vitry  88. 

e  «  Il  doute...  as  piez.  »  —  Solin  25.  (Au  chapitre  21  Solin  décrit  un  animal  en  Alle- 
magne semblable  à  1'  «  alces  »  :  «  cujus  suffragines,  ut  elephantis,  flecti  nequeunt  : 
propterea  non  cubât,  quum  dormiendum  est,  tamen  somnulentem  arbor  sustinet,  quse  ad 
prope  casuram  secatur,  ut  fera,  dum  assuetis  fulmentis  innititur,  faciat  ruinam.  Ita  capi- 
tur.  »  Peut-être  la  source  de  A  p.  118.)  Le  passage  «;Elle  repont...  as  piez  »  ne  se  trouve  pas 
dans  Solin;  Isidore,  Etym.  XII. 2.  16  ;  Neckam  I.  143-145;  II.  9,  48  ;  Jacques  de  Vitry  88. 


—     118     — 

Quant  il  dort1  si  est  apuiez  a  *r  arbre,  et  dort  en  estant.  Et  liveneeur2, 
qui  vont  cercharct  les  arbres  a  coi 3  il  s'apuie  quant  il  dort,  si  le  trenchent 
et  sient4  par  desouz,  si 5  qu'il  ne  chiet  pas.  Et  quant  li  olyfanz6,  qui  riens 
n'en  set,  se  veult  dormir,  s'a-[/7°  58  ojpuie  7  a  l'arbre  qui  est  encisez  8,  si 
chiet  jus  et  ne  se  puet  sus  relever.  Lors  brait  et  crie  et  pleure  et  g-emit 9  ; 
tant  qu'aucunes  10  foiz  viennent  autres  olyfanz  "  seur  lui  pour  lui  aidier.  Et 
quant  il  ne  le12  pueent13  redrecier,  si  braient  et  crient  et  font  grant  duel. 
Et  li  petit  qui14  vont  entour  si  le  soulieve/it  a  leur  pooir.  Et  aucunes15  foiz 
avient  qu'il  le  lievent.  Mais  quant  il  ne  le  pueent  relever,  si  s'en  vont  gémis- 
sant10 et  fai-[/^>  58  6]sant  leur  duel,  et  le  laissent.  Et  ceuls  17  qui  sont 
repouz  18  près  d'illuec  saillent  avant  et  les  pre/ment  par  leur  esforz  19  et  par 
leur  engins  qu'il 20  ont.  Et  ainsi  prent  l'en  les  olyfanz  a. 

Dedenz  le  flun  d'Ynde  qui  a  non  Gang-es  vont  les  ang-uiles  a  granz 
rangiées  21,  qui  ont  b/en  - iii -  c  piez  de  lonc  ;  et  les  menjue  l'en  bien, 
au  22  besoing-  b. 

Mainte  autre  beste  périlleuse  et  hideuse28  a  en  Ynde  :  dragons,  ser- 
penz  24  et  autres  diver-[F°  58  c]  ses  bestes  qui  ont  piez  et  testes  et25  keues. 

Illuec  sont  li  basilique  qui  ont  venimeus  26  reg^art  ;  et  ocient  les  g"e/iz 
et  les  oisiaus  et  les  bestes  seulement  de  leur  reg-art<:.  Il  a  teste  de  coc  et 
cors  de  serpant 2T  r>.  Nulle  autre  beste  ne  se  prant 28  a  lui.  Il  est  rois  de  touz 
autres  serpanz,  ausi 2!)  comme  est  li  lyons  seur  les  autres30  bestes.  Il  est 
blanc  roié  ça  et  la  ;  jamais  n'avra  herbe  ne  fruit  en  la  terre  par  31  ou  il 
passera.  Neïs  li  arbre  32  en  périssent  tuit  qui  i  sont  plantez33.  Se  \F°  58  d] 
il  a  mors  beste 34  ou  autre  chose,  jamais  autre  beste  n'en  osera  aprou- 
chier  e. 


1  B  :  il  se  dort.  —  -  B:  veneor.  —  :î  B  :  qiwy.  —  4  B  :  et  si  le  sient.  —  5  B  :  tant.  — 
6  B  :  olyfans.  —  7  B  :  si  s'apuie.  —  8  B  :  enscisez.  —  9  B  :  gémis/.  —  10  B  :  aucune.  — 
11  A:  viennent  autres  fois:  olyfans  ;  B:  viennent  autre  olyfan/.  —  12  B  :  «le»  manque.  — 
13  B  :  puent. —  14  A  :  «  qui  »  manque. —  15  B  :  aucune. —  m  B  :  gemisant.  —  17  B  :  ce/s.  — 
18  B  :  repos/.  —  19  B  :  esf'ors.  —  20  B  :  que  il.  —  21  B  :  angui//es  a  gran/  rengies.  —  22B  :  a. 

—  -:!  B  :  orrible.    —  24  B  :  serpanz.  —  25  B  :  es.    —  26  B  :    venimeiuc.  —  27  B  :    serpent. 

—  28  B  :  prent.  —  29  B  :  aussi.  —  ?>°  B  :  comment  est  li  Irons  de  toutes  autres...  —  31  B  :  terre  la 
par.  .  —  32  b  :  arbres...  —  3*  B:  plante.  —  ?A  B  :  bes/re. 

a  «  Quant  il  dort...  prent  l'en  les  olyfanz.  »  Neckam  I.  143-145;  II.  9,  48;  Jacques  de 
Vitry  88.^ 

Neckam  mentionne  comme  source  de  A  :  Cassiodore.  Variai',  lib.  X.  30  (Patrol.  t.  69, 
col.  818). 

B  «  Dedenz  letlun...  besoing.  »  SolinTiâ  ;  Isidore,  Etym.XU.  6.  41  ;  Honorius  Aug.  I.  13. 

c  «  Illuec  sont...  leur  regart.  »  Solin  27;  Isidore,  Etym.  XII.  4,  6  et  7  ;  Neckam  II. 
120,  153;  Jacques  de  Vitry  89. 

d  «  Il  a  teste...  serpant.  » 

e  «  Nulle  autre...  aprouchier.  »  Solin  27;  Isidore,  Etym.  4.  6,  7;  Neckam  II.  120, 
153  ;  Jacques  de  Vitry  89. 


-     119     — 

Si  ra  en  celé  région  maismes  1*  une  autre  manière  de  serpanz2  qui  ont 
cornes  de  mouton  a  ;  une  autre  en  y  a  qui  a  non  aspis,  qui  ne  puet  estre 
pris  ne  enchantez,  se  n'est  par  douz  chant  ;  car  il  en  ot  trop  volentiers 
le  son.  Mais  quant  il  ot  le  chant  premièrement,  si  boute  sa  keue  en  ses 
oreilles,  qu'il  ne  l'oie  3,  et  se  [F0  5g  a]  trait  ensus  du  chant  pour  ce  qu'il  ne 4 
soit  deeeuz  B. 

Autres  serpanz  y  a  qui  ont  non  tygris,  que  l'en  prent  touz  vis  a  force 
d'engins.  Et  de  ceuls  fait  l'en  le  triacle  qui  desfait  et  oste  autre  venin  c. 

Si  ra  5  une  manière  de  vers  qui  ont  #ii-  bras  6  si  Ions  et  si  divers  que  il 
abatent  les  olifanz 7  et  tuent D.  Cil  serpenz 8  vit  mowlt  long-uement.  Et  quant 
il  est  vieill  et  il  se  sent  floibe9**,  si  se  confont  per  g-eunner10,  et  se  laisse 
8l-[F°  5g  6]famer 1J  si  durement  que  pou  li  remaint  de  son  cors.  Et  puis  se 
met  parmi  -'v  pertuis  d'aucune  pierre  hors 12  moult  estroit.  Lors  se  met 
hors  si  a  grant  destrece13  que  sa  pel  i  remaint  toute  entière.  Et  puis  li 
revient  arreres  une  autre  pel.  Et  ainsi  reforme14  son  aag*e  comme  sag*e 
beste  qu'ele  est15  e. 

Serpanz  i  ra  assez  d'autre  manière  qui  ont  mamtes le  précieuses  pier- 
res 17  es  testes  et  es  ieulz,  qui  font  maintes  granz  vertuz,  qui  les  porte 
[F°  5g  c]  sus  soi 18  et  les  peut 19  avoir  *". 

Or  vous  20  deviserons  de 21  pierres  qui  la  croissent  et  qui  i  sont. 


1  B:  meismes.  —  2  B:  serpans.  —  3  B  :  oye.  —  4  B:  ce  qui  ne.  —  5  B  :  venim.  Si  i 
ra.  —  e  B  :  bras.  -'B:  o/z/fanz.  —  »  B  :  serpanz.  —  9  A  :  f/oibe;  B  :  fieble  ;  C  :  fo/ble. 

—  10B:  par  geuner  («per»  cf.  note  p.  66).  —  n  B  :  affamer.  — 12  B:  hors  d'aucune  pierre. 

—  13  B  :  a  si  grant  destmce.  —  **  B  :  refourme.  —  15  B  :  quel  est.  —  16  A  :  mates  ;  B  : 
mainte  (l'orthographe  ordinaire  de  A  est  maintes  ;  «  mantes  »  ne  se  présente  pas  dans  le 
texte;    nous  résolvons  l'abréviation  a  par  ain  dans  ce  cas-ci).  —  17  B:   précieuse  pierre- 

—  18  B  :  «  sus  soi»  manque.  —  19  C  :  peusL  —  2°  A  :  Or  vons.  —  21  B  :  des. 

*  «  maismes  »  :  En  angn.  ai  pour  ei  est  très  commun  (cf.  Suchier,  Altfr.  Gr.  p.  20, 
28,  49)  surtout  devant  le  s.  Ce  changement  est  rendu  d'autant  plus  probable  ici  que,  pour 
le  scribe  de  A,  meïsmes  était  évidemment  dyssyllabe  :  il  l'épelle  plus  loin  (f°  60  d)  «  mesmes.  » 

**  Les  exemples  de  la  conservation  du  premier  l  de  flebilis  sont  nombreux  et  justifient 
l'orthographe  du  ms.  A.  Cf.  aussi  f°  113  a;  cf.  Burguy  t.  III,  p.  166. 

a  «Si  ra  en  celé...  mouton.»  Solin  27;  Isidore,  Etym.  XII.  4.  18;  Jacques  de 
Vitry  89. 

b  «  Une  autre...  deceiiz.  »  Isidore,  Etym.  XII.  4.  15  ;  Neckam  II.  114,  De  Laud.  IX. 
289  ;  Jacques  de  Vitry  89. 

c  «  Autres  serpanz...  venin.  »  Neckam  II.  108;  Jacques  de  Vitry  89. 
d  «  Si  ra  une  manière...  tuent.  »  Solin  52;  Isidore,    Etym.  XII.  4.  5,  4.  46;   Hono- 
rius  Aug.  I.  13  ;  Jacques  de  Vitry  89. 

e  «Cil  serpenz...  beste  qu'ele  est.»  Isidore,  Etym.  XII.  4.  5,  4.  46;  Jacques  de 
Vitry  89. 

F  «  Serpanz  i  ra...  les  peut  avoir.  »  Solin  30;   Neckam  II.  146;  Jacques  de  Vitry  89. 


—     120 


11    E  A, 


Des  pierres  d'Y  ride. 

En  Ynde  croist  li  aymanz,  une  pierre 1  qui  est  plamne 2  de  mowlt 
granz 3  vertuz.  Car  ele  atrait4  le  5  fer  a  li,  et  le  ravist  si  durement  que  l'en 
ne  l'en  peut 6  oster  par  la  vertu  qui  est  en  lui 7  B.  Li  dyamanz  i  croit8  tout 
entier  qui  rie  peut 9  estre  despeciez  ne  usez  en  nulle  manière,  se  n'est  par 
sanc  de  bouc  tout  chaut  c. 

Si  en  y  a  [F0  5g  d]  d'autres  qui  sont  de  mou\t  grant  renon  et  de  moult 
grant  vertu  que  l'en  apele  esmeraudes.  Eles  confortent 10  la  veûe  a  celui  qui 
les  regarde110. 

Si  y  a  une  autre  piere  que  l'en  dit12  escharboucle  qui  reluist  par  nuit 
ausi  comme   i*  charbon  ardant  E. 

Si  y  a  saphyrs  qui  ostent  l'enfïeure  13  des  ieulz  et  sa  rougeur14  F. 

Si  y  a  toupaces  qui  ont  couleur 15  d'or,  et  rubiz  qui  mieux 16  valent  assez 
que  ne  font  les  toupaces 17  g.  Si 18  y  a  assez  d'autres  pierres  qui  ont  [F0  6o  a] 
en  eles  moult  de  bontez  19.  Mais  qui  savoir  veult 20  leur  bontez  et  leur  ver- 
tuz21, si  lise  dedenz  le  lapidaire.  Si  i  trouvera  leur  nons  et  leur  vertuz. 
Car  ci  n'en  dirons  22  nous  ore  plus  ;  si  vous  dirons 23  après  des  contrées 
d'Ynde. 

ii  F  h. 

Des  contrées  d'Ynde24. 

En  Ynde  a  maintes  gra/iz  contrées  qui  sont  pueploiées  25  de  genz  et  de 
gra/it  plenté  de  bestes.  Une  en  y  a  que  l'en  apele  Perse.  Et  tient   xxxiii' 26 

1 B  :  «  une  pierre  »  manque.  —  2  B  :  plaine.  —  3  B  :  grant.  —  4  B  :  atraj'st.  —  5  A  :  1er.  — 
G  B  :  ne  le  puet.  —  7  B  :  /i.-«B:  croist.  —  9  B  :  puet.  —  l0  A  :  ele  confortent;  N  :  ele 
conforte  ;  B  :  et  conforte  ;  G  :  elles:  confortent.  —  n  N  :  qui  la  resgarde  ;  B  :  qui  la  regarde. 
—  12  B  :  pierre  quetl'en  apele.  —  13  B  :  ostent  la  rougeur  et  l'enfïeure.  —  14  B  :  «  et  sa 
rougeur  »  manque.  —  15  B  :  coulor.  —  1C  B  :  mieu/r.  — 17  B  :  coupaces.  —  18  R  :  toupaces. 
Elle  resiouist  la  veue  et  si  la  reconforte  moult,  et  par  especial  a  ceulx  qui  les  portent. 
Si  y  a...  [F°  61  a.]  —  »  B:  boutez.  —  20  A:  veue.  —  21  A:  ver.  —  22  B  :  diron.  —  23  B  : 
diron.  —  24  B:  (<  Des  contrées  d'Ynde  »  manque.  —  25  b  :  pueplozes.  —  26  V.  Introduction 
p.  39  ;  Arund.:  •xxxiiii-  ;  Addit.:  "xxiii-  ;  S:  -xxiiir  ;  N  :  *xxx*  et  trois  ;  A,  B,  C  :  -xxxiii-. 

a  [F°  59  c  —  60  \  =  Vers  2566-2587.] 

b  «  En  Ynde...  qui  est  en  lui.  »  Solin  51  ;  Isidore,  Etym.  XVI.  4.  1  ;  Jacques  de 
Vitry  91  ;  Neckam  II.  94,  98. 

C  «  Li  dyamanz...  tout  chaut.  »  Solin  52;  Jacques  de  Vitry  91;  Neckam  II.  92. 

d  «  Si  en  y  a...  qui  les  regarde.  »  Solin  15  ;  Isidore,  Etym.  XVI.  7.  1  ;  Jacques  de 
Vitry  91  ;  Neckam  II.  91,  90  {De  Beryllo)  ;  De  Laud.  VI.  153'. 

e  «  Si  y  a  une  autre...  ardant.  »  Jacques  de  Vitry  91  ;  Neckam,  De  Laud.  VI.  241. 

F  «  Si  y  a  saphyrs...  rougeur.  »  Jacques  de  Vitry  91  ;  Neckam,  De  Laud.  VI.  135. 

G  «  Si  y  a  toupaces...  les  toupaces.  »  Jacques  de  Vitry  91  ;  Neckam,  De  Laud.  VI. 
193.  241. 

h  \F°  60  a  —  64  d  =  Vers  2588-2821.] 


—     121     — 

régions.  Dont  la  première  est  Perse,  la  ou  i'  art  qui  a  a  \F°.6o  b]  non 
nigromance x  *  fu  premièrement  trouvée  A,  qui  fait  mètre 2  l'anemi  en  prison. 

En  celé  contrée  croist  une  poiz  qui  est  si  chaude  qu'ele  eschaude  les 
mains  a  ceus"3  qui  la  tiennent,  et  vait  croissant  avoec  la  lune,  et  descrois- 
sant a  son  decours.  Cil  qui  sont,  nigromancien 4  s'aident  hien  de  celé  poiz  ». 

Et  après  est 5  une  autre  région  qui  est  apelée  Mesopothamie  G,  ou 
Ninive,  une  cité  de  moult  grant  seignorie 7,  est  establie,  qui  a  " iii *  [F0  60  c\ 
journées8  de  lonc  c. 

En  Babiloine  9  a  une  tour  qui  fu  faite  par  moult  grant  org'ueill 10,  dont 
li  mur  sont  et  granz  et  forz  et  hauz  ;  et  a  a  non  la  tour  Babel.  Et  a  de  haut 
tout  environ  •iiii'M*  pas  jusques  u  en  haut D. 

En  la  région  de  Galdée  fu  premièrement  trouvée  astronomie  e. 

En  celé  région  est  la  terre  de  Sabbe,  et  puis  Tarse 12  ;  et  Arrabe  vient  après. 
De  ces  -iii*  furent  les  trois  rois  seigneurs13  qui  alere.nt  requerre  Nos/re  Sei- 
gneur Jhesu  Grist,  [F0  60  d]  quant  il  fu  nez  en  terre,  comme  Diex  qu'il 
estoit,  si  comme  il  le  sorent  par  leur  grant  sens  d'astronomie.  La  croist  l'en- 
cens et  le  mierre14.  Et  si  y  a  mainz  pueples  de  diverses  g*enz  f. 

Si  i  est  une  g-rant  province  qui  a  a  non  AssireG. 

Et  la  région 15  de  Fenice  i  est,  qui  prent  son  non  d'un  oisiau  qui  a  non  ia 
fenix  h,  dont  il  n'est  adès  que  'i-  seul  vif.  Et  quant  il  meurt17,  si  en  naist 
uns  autres  de  lui  mesmes 18 1.  Il  est  granz  et  biaus 1!)  de  grandeur  et  de  cor- 
sr-[F°  61  ajg-e20.  Si  a  une  creste21  el  chief  a  la  manière  d'u/i  paon.  Le22 

1  B  et  N  :  nigro/nmance;  G  :  ny (/romance  ;  A  :  nigromanx:.  —  2  B:  «  mètre  »  man- 
que. —  3  B  :  ceu/s.  —  4  B  :  nigromnancien.  —  5  B  :  Et  après  vient  une...  ;  A  :  et  apm 
est...  —  6  B  :  Mésopotamie.  —  7  B:  seingnorie.  —  8  B:  jornées.  —  9  B:  Baôy/oine.  — 
10  B:  orguill.  —  n  B  :  busqués.  —  l2  B  :  TAarse.  —  13  B  :  seiwgneurs.  —  14  B  :  nnrre.  — 
15  B:  terre.  —  16  B  :  un  oisel  qui  a  a  non.  —  17  B  :  maert.  —  18  B:  meïsmes.  —  19  B:  biaiuc. 
—  20  B:  coarsage.  —  21  r  :  cret'te.  —  22  b  :  IL 

L'orthographe  du  manuscrit  A  est  peut-être  due  à  la  chute  de  l'e  final  si  commune 
en  angln.  (cf.  Suchier,  St  Auban  p.  36,  52  (Halle,  1876);  Stimming  o.  c.  p.  182)  «  nigro- 
mans  est  isolé  dans  A,  et  ne  semble  pas  être  confirmé  par  d'autres  textes. 

a  «  Dont  la  première...  trouvée.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  12  ;  Honorius  Aug.  I.  14; 
Gervaise  de  Tilbury  o.  c.   II.  3  (vol.  2  p.  756,  ed  Leibnitz). 

b  «  En  celé...  de  celé  poiz.  »  Solin  37  ;  Honorius  Aug.  1. 14  ;  Gervaise  de  Tilbury  II.  3. 

C  «  Et  après  est  une  autre...  journées  de  lonc.  »  Jonas  III.  3  ;  Honorius  Aug.  I.  15; 
Gervaise  de  Tilbury  II.  3  (o.  c.  vol.  II  p.  756). 

d  «  En  Babiloine...  jusques  en  haut.  »  Isidore  (Patrol.  t.  83,  col.  1022)  Chronicon  9  ; 
Honorius  Aug.  1.  15;  Gervaise  de  Tilbury  II.  3  (o.  c.  vol.  II  p.  756). 

e  «  En  la  région...  astronomie.  »  Isidore,  Etym.  III.  25.  1  ;  Honorius  Aug.  I.  15. 

f  «  En  celé  région...  de  diverses  genz.  »  V.  Introduction  p.  40;  Psaume  72;  Isi- 
dore, Etym.  XIV.  3.  45,  15  ;  Honorius  A.  I,  15. 

Ni  Isidore,  ni  Honorius  ne  mentionnent  les  rois  mages. 

G  «  Si  i  est...  non  Assire.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3,  10;  Honorius  A.  I.  16. 

h  «  Et  la  région...  non  fenix.  »  Solin  33  ;  Isidore,  Etym.  XIV.  3,  17  ;  Honorius  Aug. 
I.  16  ;  Neckam  I.  34,  35.  V.  Introduction  p.  41. 

1  «  dont  il  n'est...  lui  mesmes.  »  Solin  33;  Neckam  I.  34,  35. 


—     122     — 

piz  et  la  gorge  li  reluist  et l  rougoie  ausi  comme  or,  et  est  par  dessus  2  le 
dos  ausi  vermeill  comme  rose.  Et  devers  la  keue  est  tout  blou 3,  ausi  comme 
li  ciels  quant  il  est  bien  purs  A.  Et  quant  il  est  bien  meurs4  d'aage,  si 
s'en  vait  en  *i-  mont  haut5  et  bel  ou  il  se  va  renouveler.  Séur  cel  mont6 
sourt  une  fontainne  moult  grant  et  moult  large  et  mowlt  clere.  Et  a  desus 
ce-[F°6i  b]  le  7*  fontainne  -i'  arbre  grant8  et  bel  que  l'en  voit  de  moult 
loing  B.  Lors  fait  desus  cel 9**  arbre  son  ny  10  et  son  sepulchre  tout  en  mi 
l'arbre.  Et  le  fait  d'espices  de  si  grant  oudeur  que  l'en  n'en  porroit  trover11 
miles12  meilleurs.  Puis  se  dresce  dedenz  son  ny13  quant  il  l'14a  tout  parfait. 
Si  muet  et  débat  ses  eles  15  vers  le  souleill 1G  si  forment  et  tant  longuement 
que  une  grant  chaleur  li  embat  dedenz17,  qui  l'esprent  et  art  tôt18  entour, 
tant  qu'il  est  [F0  61  c  touz  ars  et  touz10  en  cendre.  Et  de  celé  poudre20 
renaist  *i*  autre  oisel 21  de  sa  samblance  G. 

Après  revient  22  Damas  D  ;  et  puis  Anthioche  ou  il  a  maint  chamuel 23  E. 
Puis  vient  Palatine  et  puis  Samarie,  et  puis  Sebaste  F,  et  puis  Pentapolie 24, 
ou  Sodome  et  Gomorre  furent,  *ii-  citez  qui  furent  perilliées  pour25  les 
péchiez  que  Yen  i  faisoit  g. 

Gelé  part  est  la  Mer  Morte  qui  ne  porte  en  li2G  nulle  riens  viveH.  Si  i 
est  une  contrée  que  l'en  apele  Ys-[jP°  6i  e/]mahelite,  qui  est  habitée  de  -xii* 
manières27  de  genz*.  Et  puis  vient  Egypte  la  grant,  ou  nues  ne  pluies 
ne  viennent  nulles  2S  foiz,  et  tient  'xxiiir  pueples  J. 

1  B  :  «  reluist  et  »  manque.  —  -  B  :  desus.  —  3  B  :  \Aoy.  —  4  B  :  meùr.  —  ->  B  :  en 
•i-  moult  haut...  («  mont  »  manque.)  —  6B  :  moult.  —  "A  :  cela.  —  8  A  :  «grant» 
manque.  —  9  A  :  eele.  —  10  B  :  ni.  —  n  B  ;  trouver.  —  12  B  :  nu//es.  —  n  B:  ni.  —  14  B: 
«1'  »  manque.  — 15  B  :  e//es.  — 16  B  :  sou//eill.  —  ,7  B:  dedenz  le  cors.  —  18  B  :  tout.  — 
19  B:  ton/  ars  et  tout...  —  20  B  :  Et  de  celé  cendre  et  de  celé  poudre...  —  2l  B  :  oisiau.  — 
22  B  :  fient.  —  23  B  :  charnue///.  —  24  B  :  Pent/iapolie.  —  25  B  :  peri//e'es  par...  —  26  B  : 
lie.  —  27  B  :  manière.  —  28  B  :  vien^nent  nulle. 

*  «cela»  =  celle  :  cette  l'orme  provençale  ne  peut  se  justifier  ici.  Elle  est  d'ailleurs 
isolée  dans  le  manuscrit  A. 

**  «  celé  »  ace.  sing.  m.  est  isolé  dans  le  manuscrit  A;  nous  corrigeons  «  cel  »  mal- 
gré les  nombreux  exemples  d'un  e  ajouté  à  la  terminaison  en  angln.  Cf.  Stimming,  o.  c. 
p.  182,  183;  Suchier,  St  Auban  p.  39. 

a  «  Il  est  granz...  bien  purs.  »  b  «  Et  quant  il...  moult  loing.  »  c  «  Lors  fait...  sa 
semblance.  »  De  ces  trois  paragraphes  sur  la  Phénicie  et  le  phénix,  a  se  trouve  dans 
Solin  33;  c  dans  Isidore,  FAym.  XIV.  3,  17,  XII.  7,  22;  a,  b,  c  dans  Neckam  I.  34,  35, 
et  dans  Jacques  de  Vitry  90.  V.  Introduction  p.  41. 

d  «  Après  revient...  Damas.  »  Honorius  Aug.  I.  16.  17. 

e  «  et  puis...  chamuel.  » 

F  «  Puis  vient...  Sebaste.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  22:  «  Samaria  regio  Pakesthue  ab 
oppido  quodam  nomen  accepit,  quod  vocabatur  Samaria,  civitas  quondam  regalis  in 
Israël,  (pue  nunc  ab  Augusti  nomine  Sebastia  nuncupatur.  »  ;  Honorius  Aug.  I.  16.  17. 

G  «  et  puis  Pentapolie...  faisoit.  »  Solin  3o  ;  Honorius  Aug.  I.  16.  17. 

h  Celé  part  est  la...  riens  vive.  »  Isidore,  Etym.  XIII.  19.  3;  Honorius  Aug.  1.  17. 

i  «  Si  i  est...  de  genz.  »  Genèse  XVII.  20  ;  XXV.  13  ;  Honorius  Aug.  I.  17. 

J  «  Et  puis  vient...  pueples.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  27.  Isidore  mentionne  seulement 
l'Egypte  sans  autres  détails  ;  Honorius  Aug.  I.  18;  Gervaise  de  Tilbury  II.  3,  vol.  II  p.  759. 


—     |23     — 

Une  autre  région  1  y  a,  qui  vient  devers  septentrion,  ou  il  n'abite  nul 
houme.  Et  n'i  a  que  femmes 2  qui  sont  aussi 3  fieres  comme  lyons4  A.  Et  se 
«ombatent  encontres  les  hommes 5,  qwant  mestiers c  en  est,  et  sont  ausi 
armées  comme  chevaliers,  et  les  tuent  et  abatent.  Et  ont  les  tresces  [F0  62  a] 
par  derrières  7.  Si  sont  monlt  preuz  en  touz  besoinz;  et  les  apele  l'en  Ama- 
zones. Et  ont  près  de  leur  terre  houmes  que  eles  vont  requerre  chascun  an 
pour  estre  avoecques8  eles9  •  viii*  jourz  ou  xv  ensamble,  tantqu'il10  leur 
samble  qu'il  ont  eng-endré.  Lors  s'en  départent  de  la  terre  et  s'en  vont.  Et 
celés  qui  ont  les  anfanz,  se  ce  est  femele,  si  la  retiennent  avoec  eles  ;  et  se 
ce  naist11  malle,  si  le  norrissent  'V  anz  ou'vi*  ;  et  puis  le  g-ietent12  hors 
[F0  62  b]  de  leur  pays  et  de  leur  terre  B. 

Si  ra  aillors  13  de  moult  bêles  dames  qui  en  batailles  et  en  estours  usent 
toutes  d'armes  d'argent,  pour  defaute  de  fer  dont  eles  n'ont  point  c. 

El  bois  d'Ynde  sont  autres  famés  qui  ont  les  barbes  si  longues  que 
eles  leur  aviennent  jusques  as  mameles.  Et  se  vivent  de  bestes  sauva- 
ges, et  se  vestent  des  piaus  des14  bestes  D. 

Si  i  sont  houmes  et  femmes15  touz  nuz 16  et  aussi17  veluz  comme 
bestes.  Et  sont  habitanz  en  yaue  [F°  62  c]  et  en  terre.  Et  quant  il  voient 
les  autres  g*enz,  si  se  fièrent  dedenz  l'yaue,  si  qu'il  n'aperent  point  dehors. 
Autres  g*enz  y  a  qui  sont  ausi  veluz  comme  pors  et  g-emissanz.  Si  sont 
autres  femmes  18  qui  sont  pareles,  qui 19  sont  moult  belles 20  et  sont  ausi 
blanches  comme  noif 21.  Mais  eles  ont  les  denz  ausi  comme  chiens,  et  habi- 
tent bien  en  yaue  E. 

Une  autre  grant  reg-yon  22  y  a,  en  la  quele  il  a  •xliii*  pueples.  La  sont 
*i  oiseil  qui  sont  plain  [F0  62  d]  de  deduiz  2S,  dont  les  pennes24  reluisent 
par  nuit  ausi  comme  feu  F. 

Li  papeg-aut  si 25  sont  celé  part,  qui  sont 26  tuit  vert  et  reluisant  comme 
paon,  et  ne  sont  pas  27plus  grant  d'un  jai.  Dont  li  plus  g-entill 28,  ce  dit  on, 
ont  en  29  chascun  des  piez  -y  doiz,  et  li  vilain  n'en  ont  que  -ni-.   Si  a  la 

1  B  :  contrée.  —  2  B  :  famés.  —  3  B  :  ausi.  —  4  B  :  lions.  —  5  B:  houmes.  —  6  B  : 
mestier.  —  7  B:  darrieres  ;  B:  Elles  portent  belles  tresches  de  leurs  cheueulœ  qui  leur 
pendent  par  derrière...  —  8  B:  avoec.  —  9  B  :  euls.  —  10  B  :  qui.  —  n  B  :  et  se  ce  est. 
—  12  B  :  getent.  —  13  B  :  ailleurs.  —  14  B  :  de.  —  15  B  :  hommes  et  famés.  —  16  B  :  «  nuz  » 
manque.  —  "  B  :  aasi.  —  m  B  :  famés.  —  1S)  B  :  et  qui.  —  *>  A:  bestes.  —  21  B  :  femmes 
velues  pareillement  comme  les  hommes,  mais  sont  fort  bestiales,  et  blanches  sont  comme 
nesge.  —  22  B  :  reg/on.  —  23  A  :  plain  déduis  («  de  »  manque)  ;  B  :  déduit.  —  24  B  :  pan- 
nes. —  »  B  :  i.  —  »  A  :  soit.—  27  A:  par  plus.  -«B:  les  plus  genti/s.  —  29  A  :  on 
non  en. 

a  «  Une  autre  région...  lyons.  »  Solin  17;  Isidore,  Etym.  IX,  2,  64;  Honorius  Aug. 
I.  19  ;  Jacques  de  Vitry  92. 

b  «  Et  se  combatent...  de  leur  terre.  »  Isidore,  Etym.  IX.  2.  64  ;  Jacques  de  Vitry  92. 

c  «  Si  ra  aillors...  n'ont  point.  »  Jacques  de  Vitry.  92. 

d  «  El  bois  d'Ynde...  des  bestes.  »  Jacques  de  Vitry  92. 

e  «  Si  i  sont  houmes...  bien  en  yaue.  »  Jacques  de  Vitry  92. 

F  «  Une  autre  grant...  comme  feu.  »  Soliri  20  ;  Honorius  Aug.  I.  19  (44  peuples). 


—     124     — 

keue  plus  longue  que  n'a  une  pie1,  et  a  i'  bec  courbé,  et  a  grant  langue 
et  fournie 2.  Qui  l'a  joene  3,  il  le  puet  faire  parler  as  genz  dedenz  *iv  anz  a. 

[F0  63  a]  Un  autre  oisel  y  a  qui  a  non  pellican,  qui  est  aussi  comme 
touz  chanuz.  Quant  il  laisse  ses  poucins  et  il  revient4  pour  paistre  les,  si 
comme  il  couvient,  si  les  trueve  5  morz,  ce  li  est  avis.  Lors  fiche  son  bec 
en  son  piz,  tant  que  li  sans  6  en  raie  hors,  dont  il  resuscite  ses  poucins  ». 

En  Hermenie  a  unes  genz  qui  ont  touz  les  chevels  blans  c.  Gelé  part 
est  -i*  haut  mont 7  ou  li  arches  Noë  se  reposa  quant  li  déluges 8  fu  passez  d. 
Après  vient  [F0  68  b]  Aise  la  menour 9  qui  est  tout  entour  clouse 10  de  mer, 
ou  il  a  maintes  régions  e  dont  nous  ne  dirons  pas  les  nons11  ci  endroit.  En 
ceste  siet  Dardane  ;  et  Frise,  la  ou  Paris  ravi  Helaine,  dont  Troie  la  Grant 
fu  destruite  qui  est  en  la  fin  de  Grèce.  Celé  part  est  Lychaonie  F  et  une 
autre  cité  qui  Charie  a  non  12,  ou  uns  granz  flueves  court  qui  a  non  Herme13, 
dont  la  gravele  est  d'or  luissant 14  g.  De  celé  part  devers  la  fin  nous  vient 
la  paillole  qui  est  [F0  63  c]  de  fin  or  h. 

Si  a  devers  oriant  d'autre  part  une  manière  de  gent  qui  descendirent  de 
Juys  15,  et  sont  unes  genz  vils  et  orz  et  puanz16.  Si  n'ont  nulle  femme17 
espouse  ne  amie,  pour  ce  qu'il  ne  croient  pas  que  femme  se  puisse  tenir  a 
•i*  homme  seulement  sanz  aler  a  autre.  Si  n'ont  cure  de  femme,  fors  tant 
qu'il  puissent  enfanz  engendrer1. 

Autres  genz  y  a  que  l'en  apele  Barbarins  ;  et  se18  font  apeler  «Jacobins, 
pour  Jacob  qui  fu  leur  [F°  63  ûfjmaistre.  Et  sontcrestienscorrumpuz,  pour 

]  R  :  II  a  la  queue  plus  longue  que  ung  piê.  —  2  R  :  et  a  sa  langue  grande  et  four- 
gue. —  :!  B  :  jemne  ;  S  :  /'ajœne  ;  N:  T'a  jone.  —  4  B  :  veviet.  —  5  A  :  treieve  ;  B  :  trueve  ; 
G:  treuve.  — 6  B:  sanc.  —  7  B:  haut  moult.  —  8  B:  déluges.  —  9  B:  meneur.  —  10  B: 
close.  —  n  A:  nous.  (Le  manuscrit  A  a  «no'»,  l'abréviation  ordinaire  pour  «-us»; 
B  donne  «  nos  »  ;  C  :  nome.  L'erreur  dans  le  manuscrit  A  est  évidente.  —  12  B  :  Lc'chaonie 
et  une  autre  région  qui  a  a  non  Charie.  —  13  B  :  gran£.  —  14  B  :  hu'.sant.  —  15  B  :  Jm's. 
—  16  B:  et  une  gen/  vi//  et  ort  et  puant  («  sont  »  manque).  —  17  B  :  i'ame.  —  18  B:  gui  se 
(«  et  »  manque). 

a  «  Li  papegaut...  dedenz  -ii*  anz.  »  Solin  51  ;  Isidore,  Etym.  XII.  7.  24;  Neckam  I. 
36,  38;  Jacques  de  Vitry  90.  Les  passages  «  Dont  li...  que  -iii'  »  et  «  Oui  l'a  joene...  Mi' 
anz  »  ne  se  trouvent  pas  dans  Isidore. 

b  «  Ln  autre  oisel...  ses  poucins.  »  Isidore,  Etym.  XII.  7.  26.  Le  passage  «  Un  autre 
oisel...  chanuz  »  ne  se  trouve  pas  dans  Isidore;  Neckam  I.  73,  De  Laud.  II.  6o7  ;  Jacques 
de  Vitry, 90. 

c  «  En  Hermenie...  chevels  blans.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  34.  {A/bania);  Honorius 
Aug.  1.  19.  (Albania). 

d  «  Gelé  part  est...  fu  passez.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  35;  Honorius  Aug.  I.  19. 

Après  le  paragraphe  sur  l'arche  de  Noé,  une  nouvelle  section  du  chapitre  commence 
dans  le  manuscrit  en  vers. 

e  «  Après  vient...  régions  ».  Orosius  I.  2  ;  Gervaise  de  Tilbury  t.  TI  p.  762,  IL  6  ; 
Honorius  Aug.  I.  20. 

F  «  En  ceste  siet...  Lychaonie.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  41  ;  —  Honorius  Aug.  I.  21. 

G  «  et  une  autre...  luissant.  »  Honorius  Aug.  I.  21. 

n  a  De  celé...  fin  or.  » 

i  «  Si  a  devers...  engendrer.  »  Jacques  de  V.,  Hist.  Hieros.  82.  V.  Introduction  p.  41. 


—     125     — 

les  mariages  qu'il  font  as  sarrazins  qui  sont  près  d'euls.  Gelé  gent  pour- 
prennent1  bien  xl*  règnes  en  touz  sens.  Il  ne  croient  pas  confession  a  nul 
autre  houme2  fors  que  a  Dieu.  Et  quant  il  se  confessent  a  Dieu,  si  metent 
près  d'euls  feu  et  encens,  et  cuident  que  leur  pensée 3  s'en  aille  en  celé  fumée 
vers  Dieu  a.  Mais  il  n'est  pas  ainsi  comme 4  il  le 5  croient  ;  ainz  mescroient e 
saint  [F0  64  a]  Jehan  Bap^'ste  qui  premièrement  les  baptiza.  Car  il  leur 
couvenoit  avant  dire  touz  leur  péchiez  a  lui  mesmes 7,  et  puis  recevoient 
baptesme  8.  Dont  saint 9  Jehans10  meïsmes  dist  que,  quant  li  hons  distses 
péchiez  a  *i*  autre,  celé  vergoingne  que  il  a  de  dire  ses  péchiez  li  est  tour- 
née en  lieu  de  penitance  et  li  est  aleigence 11  de  ses  péchiez.  Et  se  tient  plus 
de  pechier  quant  il  set  que  savoir  lé  couvient12  a  *i*  autre,  ainz  qu'il  se 
puisse  acorder  vers  No-f/^0  64  b]stre  Seingneur.  Ce  nous  tesmoingne13 
saint  Jehans  Baptistes  qui,  par  baptesme14,  nous  rent  quites  envers  Dieu 
de  noz 15  péchiez,  et  que  nous  soions  espurgiez  par  confession  ».  Dont  celé 
gent  que  je  vous  di  sont 16  deceùz.  Car  il  ont  mauvaisement  receu 17  ce  que 
saint  Jehans  18  leur  ensaingna. 

Gelé  part  sont  une  autre  gent  crestiens  qui  croient  mieulz  en  Dieu,  et 
sont  fort  et  puissant  en  bataille.  Li  sarrazin  les  doutent  monlt  dure-[F°  64  c] 
ment  et  ne  leur  osent 19  riens  mesfaire;  ainz  leur  sont  débonnaires  et  douz. 
Gelé  gent  si  ont  a  non  Géorgiens  ;  bons  crestiens  sont,  et  si  sont  enclous 
tout  environ  de  genz  mescreanz  et  félons.  Et  sont  apelé  Géorgien 20  pour  ce 
que  il  apelent  touz 2i  jourz 22  saint  George  en  batailles  et  en  estors 23  encontre 
les  sarrazins  ;  et  si  l'aorent24  et  aimment  seur  touz  autres  sainz.  Si  ont  tres- 
tuit  couronnes  reses  ;  dont  li  clerc  les  ont  reondes,  et  li  lai  [F0  64  d]  les  ont 
quarrées.  Quant  il  vont  aorer 25  le  sepulchre,  li  sarrazin  n'en  osent  prendre 
point 26  de  paage,  ne  rien 27  seurvendre,  qu'il  doutent,  quant  il  reven- 
draient, qu'il  ne  le  vendissent  monlt  chier  as  autres  28.  Les  gentix 29  dames 
du  pais  s'arment  seur  les 30  bons  destriés  couranz  et  se  combatent  as  sarra- 
zin 31  avoec  les  autres  chevaliers  de  Géorgie.  Il  ont  auteles  lois  et  autel  lan- 
g*uage  32  comme  ont 33  les  Grejois 34  c. 

1  B:  porprennent.  —  2  B  :  homme.  —  3B  :  pensées.  —  4  B  :  comment.  —  5  B  :  «  le  » 
manque.  —  6  B  :  «  ainz  mescroient  »  manque.  —  7  B  :  meïsmes.  —  8  B  :  «  et  puis  rece- 
voient baptesme  »  manque.  —  9  A  :  s'.  (L'orthographe  usuelle  du  manuscrit  A  est  «  saint» 
pour  le  nom.  sing.  m.  :  cf.  f°  104  b  «  sain/  Pois»,  «  sait  Denis  »  ;  f°  69 d  «  saint  Bran- 
dins  ».  —  io  B  :  iehan.  —  »  B  :  aleiance.  —  12  B  :  convient.  —  13  B  :  Se^neur,  et  ce  nous 
tesmoigne.  —  14>  B  :  baptesme.  —  15  B  :  a  Dieu  de  non.  —  16  B  :  snnt.  —  «  B  :  retenu.  — 
18  B  :  Jehan.  —  19  B  :  ossent.  —  20  B  :  apeles  Géorgiens.  —  21  A  :  tourz  :  cette  forme  est 
isolée  dans  le  manuscrit  A,  cf.  f°  31  a;  B:  tous.  —  22  B:  jours.  —  23  B  :  estonrs.  — 
24  B  :  l'aourent.  —  2s  B  :  aonrer.  -»B:  point  prendre.  —  27  B  :  riens.  —  28  R  :  pour  ce 
qu'ilz  doubtent  que,  quant  ilz  repasseroient,  qu'ilz  ne  les  en  paiassent  chierement.  —  »  B  : 
gentils.  —  30  B  :  leur.  —  31  B  :  sarrazins.  —  32  B  :  langage.  —  33  B  :  «  ont  »  manque.  — 
34  G:  grejois. 

a  «  Autres  genz...  vers  Dieu.  »  Jacques  de  Vitry  76. 

b  «  Mais  il  n'est...  par  confession.  »  Jacques  de  Vitry  76  ;  Saint  Matthieu  III. 

c  «  Dont  celé  gent...  les  Grejois.  »  Jacques  de  V.  80. 


126    — 


11  G  A. 


Des  poissons  d'Ynde. 

[F0  65  a]  En  la  mer  d'Ynde  a  une  manière  de  poissons  qui  ont  en  leur 
piaus  peus  si  Ions 1,  que  les  genz  en  font  vesteûres  pour  euls  vestir,  quant 
il  les  ont  pris  B. 

Uns  autres  poissons  i  ra  qui  sont  eschinuz2*,  qui  n'ont  mie  plus  d'un 
pié  de  lonc,  qui  ont  tel  vertu  que  quant  li  uns  s'en  3  prent  a  une  nef,  ele 
ne  puet  aler  avant 4  n'arieres  f-. 

Si  i  ra  uns  autres  poissons  que  les  genz  apelent  daufins  ;  que,  quant 
la  tempeste  doit  venir  [F0  65  b]  et  les  nés  sont  en  perill 5  de  noier,  si  s'ape- 
rent  desus  6  l'yaue  et  se  jeuent 7  as  ondes  d. 

Si  ra  en  la  mer  *i*  poison  8  si  grant  et  si  merveilleus  e  qu'il  *  croist  desu& 
son  dos  terre  et  herbe,  et  samble  que  ce  soit  une  grant  ille 10.  Dont  la  gent 
qui  vont  par  mer  sont  aucunes  foiz  deceûz  ;  car  il  cuident  que  ce  soit 
terre.  Si  s'atraient  celé  part.  Et  quant  il  ont  fait  leur  atrait  de  feu  et  de 
log"es  et  de  ce  que  mestiers  leur  est,  comme  cil  qui  cuident  estre  a  [F0  65  c] 
terre,  si  alument  lor11  feu  et  font  leur  cuisine.  Mais  quant  li  poissons  sent 
le  feu,  si  s'esmuet  si  soudainement 12  et  se  fiert  en  parfont  en  l'yaue,  si 
qu'il  afonde  tout,  quanque  il13  a  sus  lui.  Et  ainsi14  sont  les  nés  paries15  et 
les  genz  noiez  qui  cuidoient  estre  a  sauveté  F. 

Autres  poissons  y  a  qui  ont  tresces  et  cors  de  puceles  jusques  au  nom- 
brill,  et,  par  desoz  le  nombrill16,  de  poisson17,  et  eles  18  d'oisiaus.  Si 
est  leur  chant  si  biaus  et  si  douz  que  ce  est  merveilles  a  oyr19;  et  sont 
8l-[F°  65  a7] pelées  seraines 20.  Si  dient  les  uns  que  ce  sont  poissons  ;  les  autres 

1  B  :  si  Ions  peus.  —  2  A  :  eschina/r;  B  :  eschmuz  ;  C:  eschinuz  ;  S  :  eschinus  ;  N: 
eschinus.  —  3  B  :  «  en  »  manque.  —  4  B  :  «'avant.  —  5  B  :  péril.  —  6  B  :  dedenz.  —  7  B  : 
juent.  —  8  B  :  poisson.  —  9  B  :  qui.  —  10  B  :  ysle.  —  u  B  :  leur.  —  l2  B  :  soudainement. 
13  B:  quanqa'/l.  —  14  B  :  ainsinc.  —  15  B  :  peries.  —  1G  A:  «  et  par  desoz  le  nombrill» 
manque.  —  17  B  :  poison.  —  18  A  et  B  :  et  d'eles  ;  C  :  et  d'elles  ;  N  :  et  d'elles.  Sloan, 
Arundel  et  Harley  :  et  eles...  —  19  B  :  oir.  —  20  B  :  serai/mes. 

*  «  eschinui'z  »  :  ui  =  u  est  une  forme  graphique  qui  se  trouve  fréquemment  dans  les 
textes  angln.  Stimming  en  donne  de  nombreux  exemples  (o.  c.  p.  190,  192,  193).  «  Es- 
chinuiz  »  est  isolé  dans  le  manuscrit  A  et  nous  ne  pouvons  pas  confirmer  ce  mot  sous 
cette  forme  par  d'autres  textes. 

A  [Fo  64  d  —  65  d  =  Vers  2822-2862.] 
b  «  En  la  mer  d'Ynde...  les  ont  pris.  »  Jacques  de  V.  90. 

c  «Uns  autres  poissons...  n'arieres.»  Isidore,  Etym.  XII.  6;  Jacques  de  V.  90; 
Neckam  II.  34.  43. 

d  «  Si  i  ra...  as  ondes.  »  Isidore,  Etym.  XII.  6  ;  Jacques  de  V.  90;  Neckam  II.  27.  28. 
e  «  Si  ra  en  la  mer...  merveilleus  »  Isidore,  Etym.  XII,  6  ;  Jacques  de  V.  90. 
F  «  qu'il  croist...  a  sauveté.  »  Jacques  de  V.  90. 


—     127     — 

dient  que  ce  sont  oisiaus  qui  volent  par  mer1.  Mais  je  ne  vous  en2  dirai 
ore  pins.  Ainz  parlerons  des  arbres  d'Ynde. 

ii  H  a. 

Des  arbres  d'Ynde*. 

En  Ynde  croist  uns  arbres  monlt  granz  et  monlt  biaus  et  monlt  souef  * 
flairanz,  que  l'en  apele  palmieres  5,  qui  portent  dates.  C'est  -i*  fruit  monlt 
bon  et  moult  sain  B.  Si  i  a  uns  pommiers  qui  sont  si  plain  G  de  pommes 
longues  qui  ont  monlt  bonne  oudeur  7,  et  s'entre- [F0 Contiennent  bien  -c* 
en  -i*  mont8;  dont  les  fueilles  9  qui  naissent  de  ces  pommiers  ont  *ii*  piez 
de  lonc  et  -i"  pié  10  de  lé11  c.  Autres  pommes  12  y  a,  moult  granz  et  moult 
grosses,  ou  le  mors  d'un  homme  apert  dedenz  atout  les  denz.  Et  les  claime 
l'en  pomes  d'Adam13,  par14  la  raison  que  li  mors  pert  en  la  poume15°. 
Autres  arbres  i  sont  qui  portent  pommes  qui  sont  moult  bêles  dehors,  et 
dedenz  si le  est  tout  cendre  E. 

Les  ving-nes  i  sont  si  portanz,  que  les  gra-f/^0  66  6]pes  en 17  sont  si  granz, 
que  dui  homme  en  sont  bien  chargiez  de  porter  ent 18  une  seule  a  pié  a  leur 
cols19  en  -i*  tinel  F.  Si  y  a  petiz  arbruissiaus  que  l'en  y  saimme20  chascun 
an,  qui  portent  le  coton.  Si  i  croist  unes  canes  granz  qui  sont  par  dedenz 
toutes  plainnes21  de  çucre  g. 

A  l'un  des  chiés  de  Babyloinne  22  croist  li  basmes  qui  est  moult  chiers. 
Et  le  coultivent23  li  crestien  qui  sont  prisonnier  24  en  la  terre.  Et  dient  bien 
li  sarrazin,  qui  souvent  [F0  66  c]  l'ont  fait  esprouver,  que,  quant  il  le 
font  coultiver25  a  autres  g*enz  qu'a  crestiens,  qu'il  ne  portent26  riens  en 
l'année  H. 

1  B  :  par  la  mer.  —  2  A  :  «  en  »  manque.  —  3  B  :  «  Des  arbres  d'Ynde  »  manque. 
4  B:  sœf.  —  5  B:  palmiers.  —  6  B:  plains.  —  'B:  odeur.  -«A:  -i-  moult;  B,  C,  N  :  i- 
mont.  —  »  B  :  fuilles.  —  w  B  :  «  pié  »  manque.  —  n  B  :  large.  —  12  B  :  powmes.  —  13  B  : 
poumes  d'Adarc.  —  l4  B:  pour.  —  15  B:  pomme.  —  16  B  :  «  si  »  manque.  —  17  B  :  i.  — 
18  B  :  en.  —  ^«B  :  couls;  G:  &vadue  a  leur  col.  —  20  B  :  saime.  —  21  B  :  plames.  —  22  B  : 
Babylome.  —  23  B  :  coaiivent.  —  2*  B  :  prisonniers.  —  25  B  :  quant  il  ont  fait  coultiver. 
—  26  B  :  porte. 

a  [F°  65  d  —  67  c  =  Vers  2863-2936.] 

b  «  En  Ynde  croist...  moult  sain.  »  Jacques  de  V.  86;  Neckam  II.  74. 

c  «  Si  i  a  uns...  pié  de  lé.  »  Jacques  de  V.  86 

d  «  Autres  pommes...  en  la  poume.  »  Albert  le  Grand,  De  veget  {Opéra  omnia,  Paris, 
1891,  vol.  10)  VI.  1.  30;  Jacques  de  V.  86. 

e  «  Autres  arbres...  tout  cendre.  »  Solin  35;  Isidore,  Etym.  XIV.  3.  25  ;  Jacques  de  V.  86. 

f  «  Les  vingnes...  en  -i-  tinel.  »  Nombres  XIII.  23  ;  Jacques  de  V.  87  (p.  175  [éd.  Douai, 
1597]  :  Vites  etiam  in  partibus  illis  tantse  magnitudinis  botros  seu  racemos  producunt, 
quod  plures  homines  in  vecte  vix  unum  possent  sustinere). 

G  <Si  y  a  petiz...  de  çucre.  »  Solin  24,  50  ;  Jacques  de  V.  86. 

h  «  A  l'un  des  chiés...  en  l'année.  »  Jacques  de  V.  86. 


—     128    — 

Et  en  cel  champ,  ou  li  basmes  croist,  dient  qu'il  sourt  une  fontainne 
ou  nos^re  dame  baingna  son  fill  ;  et  de  celé  fontaine 1  est  li  basmes  arrou- 
sez2;  ne  ailleurs  n'en  peut3  l'en  point  porter4  qui  porte  fruit  ne  qui  riens 
vaille  A. 

En  celé  terre  a  uns  autres  arbres  qui,  en  lieu  de  fueilles  6,  portent  une 
lainne  dont  l'en  fait  [F0  66  d]  dras  biaus  et  soutis;  de  quoi e  les  genz  font 
cotes  et  mantiaus  dont  il  se  vestent B.  Si  y  sont  autres  arbres  qui  portent 
fruit  moalt  souef  flairant,  qui  repont  son  fruit  par  nuit  en  l'arbre,  et  re- 
vient au  matin  quant  li  soulaus  7  est  levez  c. 

Uns  autres  arbres i  croissent8  dont  li  charbons  9  qui  en  sont  espris  durent 
en  leur  cendre  *i'  an  entier  sanz  amenuisier  ne  sanz  estaindreD.  Si  y  a 
cèdres  et  ebanus  qui  ne  peuent10  porrir,  si  comme  l'en  dits.  [F0  6j  a] 
Autres  arbres  y  a  moult  glorieus  et  monlt  bons,  qui  portent  clos  de  girofle u 
et  noz  muguetes12  et  cubebes  ;  et  de  leur  escorce  est  la  canele,  et  de  leur 
racines  est  li  garingal  et  li  cytoual  et  li  gyngiembres 13  F.  La  croissent  les 
bonnes  espices 14  de  toutes  manières.  Noiz  i  croissent  qui  sont  ausi  grosses 
comme  grosses  poumes15.  Et  autres  qui  sont  autresi  grosses  comme  *r 
homme  a  la  teste  g. 

Des  arbres  qui  sont  en  paradis  ne  savons 16  [F0  67  6]  nous  quel  fruit  il 
ont.  Celui  dont  Eve  ot  si  grant  envie  que  ele  en  manja17  outre  le  comman- 
dement de  Dieu,  y  est 18.  Li  autres  est  li  arbres  de  vie  dont  nous  avons  parlé 
ci  devant.  Tant  y  a  des  autres  arbres  si  bons  et  si  delicieus,  qu'i19  samble 
que  Diex  soit  laienz.  Mais  il  y  a  si  bone  20  garde  que  uns  anges  Nos/re 
Seigneur  en  garde  l'entrée,  l'espée  toute  ardant  en  sa  main,  que  nus  ne 
s'en  aille  aprochant21,  ne  beste,  ne  homme,  ne  mal  esperit,  pour  son  délit 


1  B:  fontainne.  —  2  B:  arousez.  —  3  B  :  ne  puet.  —  4  B:  planter.  —  5  A:  feueilles. 
c  B:  coi.  —  7  B:  soleus.  —  8  A,  B,  G  :  croissent;  S:  sont  ;  Sloan  :  renés/;  Harley  : 
recrest  ;  Arund.:  rescroist.  —  9  B:  charbon.  —  10  A:  peeunt  ;  B:  puent;  G:  peuent. — 
11  B:  clous  de  gyrone.  —  12  B  :  et  noix  muscades.  —  13  B  :  gyngrebres.  —  ]*  A  :  esp(/es. 
—  35  B  :  pommes.  —  16  B  :  savon.  —  17  B  :  menja.  —  18  A,  N,  B  :  «  y  est  »  manque  ;  G  : 
de    Dieu,   y  est.  —  19  B:    qu'il.  — 20  B:   bonne.  — 21  B  :   aprouchant. 

a  «  Et  en  cel  champ...  riens  vaille.  »  Jacques  de  V.  86. 

b  «  En  celé  terre...  il  se  vestent.  »  Solin  24.  50  ;  Isidore,  Etym.  IX.  2.  40  ;  Jacques 
de  V.  86. 

c  «  Si  y  sont...  est  levez.  »  Jacques  de  V.  86. 
d  «  Uns  autres...  estai ndre.  » 

e  «  Si  y  a  cèdres...  comme  l'en  dit.  »  Isidore,  Etym.  XVII.  7.  33,  36  ;  Jacques 
de  V.  87  ;  Neckam  II.  83. 

f  «  Autres  arbres...  gyngiembres.  »  Jacques  de  V.  86  (Douai,  1597,  p.  172)  :  ...Qua- 
rum  fructus  sunt  gariophili,  nuces  muscatu,  cassia  fistula,  caldamomum,  piper  album... 
Sunt  aliœ  arbores  quarum  radiées  sunt  zingiber,  galanga  et  zedoaria,  quœ  vulgariter 
citouart  appellatur  ;  Neckam,  De  Laud.  VIII. 

G  «  Et  autres  qui...  a  la  teste,  »  Jacques  de  V.  87. 


—     129     — 

\F°  67  c]  faire  laienzA.   Mais  atant  nous1  en  tairons;  si  parlerons  d'Eu- 
rope 2  et  de  ses  contrées. 

iii  ». 

D'Europe  3  et  de  ses  contrées. 

Puis  qu'Aise  devisée  avons,  si  vous  deviserons  d'Europe 4  leg-ierement 
pour  5  tost  finer.  Car  nous  en  oons  parler  souvent 6. 

Li  premiers  lieus  d'Europe  7,  si  est  Romanie,  et  une  partie  de  Gonstân- 
tinoble8;  Rethe,  Corinte  et 9  Macédoine,  Thesale,  Boeme  et  Saxoine10; 
et  Espire  ll,  une  12  mowlt  sainne 13  terre.  En  celé  terre  sourt  une  [F0  6j  d] 
fontamne  ou  l'en  ne  peut14  estaindre  tisons  arda/zz  ne  les  charbons  vise. 

En  Archadie15a  une  pierre  que  l'en  ne  peut16  en  nulle  manière  du  monde 
estaindre,  puis  que  est17  esprise,  tant  que\e  est  trestoute  en  18  cendre  D. 

Puis  est  Danemarche,  et  Hongrie,  Osteriche;  et  puis  Germanie  qui  a 
maint  règne  vers  occident.  Si  i  est  Soabe  et  Alemaingne  l9,  ou  une  eave 
sourt 20  qui  a  non  Dunœ21,  qui  s'espant  et  court  par  -vii-  flueves  e.  Si  i  est 
Yllande22,  Escoce  [F0  68  a]  et  Angleterre23,  et  toute  France,  et  toute  la 
terre  qui  est  jusques  as  monz  de  mont  Geu  24  f.  Tant  tient  de  lieu  Europe. 
Or  vous  deviserons  d'Aufrique. 

ivG. 

D'Aufrique  et  de  ses  régions. 

Après  Europe  est  Aufrique.  Si  en  est  Libe  25  li  premiers  lieu,  une  terre 
mowlt  riche  et  bien  g-arnie.  Après  vient  la  terre  de  Surie,  Jherwsalem  26  et 

1  A:  nons.  —  2  B:  de  Europe.  —  3  B:  de  Europe.  —  4  B:   de  Europe.  —  5  B:  por. 

—  6  B:  o/ons  souvent  parler.  —  7  B  :  de  Europe.  — 8  B:  Constentin  noble;  S:  Gonstentin- 
noble;  Harley  :  Constantinoble.  —  9  A:  Bececorinde;  B:  Betecorinde  ;  C  :  Betecorindet  ; 
N:  Betecorinde;  Arund:  Bechecorinde;    Sloan:  Bece  Gorinde  ;  Harley:  Bethe  Corinte. 

—  10  A  :  Saproine  (aussi  B,  G  et  N)  ;  Arund  :  Sarroine  ;  Sloan  :  Sapoine  ;  Harley  :  Saxoine. 

—  n  A  :  et  Pirre  («  et  aspire  »  a  été  préféré  à  cause  du  f°  81c).  —  l2  A,  B,  G:  et  une... 
Harley,  Arund.,  N:  «et»  manque.  —  13B:  saine.  —  14  B:  puet.  — 15  A:  Achardie;  B,  G  : 
Archadie.  —  16  B:  puet.  —  17  B:  puis  que  ele  est...  —  18  B:  tant  qu'ele  soit  toute  arse  et 
trestoute  en...  —  19  B  :  Alemaine.  —  2°  B  :  */aue  court.  —  21  A  :  Dunofe;  C:  Dunda?  ;  B, 
Arund.,  B,  N:  Dunœ;  Harley:  Denœ;  S:  Dynœ.  —  22  A:  Harley,  B:  Yllande;  B, 
Sloan:  Yslande  ;  C,  N:  Illande;  S,  Bruxelles  10971  :  Irlande.  —  23  B  :  Angletere.  — 
24  B:  nions  de  mont  Gieu.  — 25  Harley:  hïbie.  —  x  B  :  Jérusalem. 

A  «  Des  arbres...  faire  laienz.  »  Genèse  III. 

b  [F°67c  —  68  a=  Vers  2937-2960.] 

c  «  En  celé  terre...  charbons  vis.  »  Honorius  A.  I.  27  (In  Epiro  est  fons...)  ;  Nec- 
kam  II.  6. 

d  «  En  Archadie...  en  cendre.  »  Solin  7  (asbesto  nomen  est);  Isidore  Etym.  XVI.  4.  4; 
Neckam  II.  86  :  Honorius  A.  I.  27. 

e  «  Si  i  est  Soabe...  flueves.  »  Honorius  A.  I.  24. 

F  «jusques...  Geu.  »  V.  Introduction  p.  4L 

G  [Fo  68  a  —  68  c  =  Vers  2961-2986.] 


—     130     — 

le  pays  x  environ  ;  la  terre  la  ou  Diex  fu  mort 2  et  vis.  Et  puis  Grèce  3,  Lom- 
bardie,  Toscane,  Alixandre,  Gascoing-ne,  [F0  68  b]  Espaingne  A  et  mainz  4 
autres  bons  5  pays  que  je  ne  vous  devise  pas. 

Si  y  a  citez  et  régions  qui  prennent  leur  nons  6  de  bestes  qui  habitent 
en  celé  terre.  Si  en  ont 7  les  citez  formes 8  prises  :  Dont 9  Roume  10  a  fourme 
de  lyon,  et  Troie  la  grant  fourme  de  cheval  ». 

Ethyope  siet  vers  la  fin  d'Aufrique,  et  prent  la  fin.  En  cel  pays  a  unes 
genz  qui  sont  plus  noir11  que  poiz  12  ne  arrement.  Car  il  fait  si  chaut  celé 
part  qu'il  13  samble  que  la  terre  y14  arde  c.  Delà  Ethyope  n'a  [F0  68 -c] 
riens  fors  que  deserz  et  terre  sanz  nul  bien,  plainne  de  vermine  et  de  bestes 
sauvages  ».  Et  se  termine  vers  la  grant  mer. 


De  15  diverses  i/lles1G  de  la  mer. 

Puis  que  nous  avons  descripte  la  terre  est  devisée,  si  devons  enquerre 
des  viles  de  la17  mer,  de  celés  dont  nous  savons  les  nons18,  dont  il  en 
a  maintes  par  la  mer. 

Une  monlt  grant  vile,  qui  a  a  non  Avidos,  est  contre  Europe.  Et  puis 
Colcos,  ou  la  toison  d'or  fu  trouvée,  si  comme  [F0  68  d]  l'en  raconte  en 
l'estoire  de  Jason.  Une  autre  en  y  a  qui  Naaron  10  a  non.  De  celé  fu  nez 
mon   seigneur  saint  Denis,  qui  fu  20  décollez  21  en  France  F. 

Contre  Aise  la  grant  en  a  cinquante  quatre;  mes  nous  ne  les  vous  de- 
visons 22  pas  toutes  g.  Une  en  y  a  qui  a  a  23  non  Delos,  qui  aparut 24  pre- 
mièrement après  le  déluge,  quant  il  descrut  h.  Une  autre  en  y  a  qui  a  non 

1  B  :  pais.  —  2  B:  mors.  — 0>  R:  Grèce,  Cyppre,  Sezille,  Tocane,  .Yaples,  Lombar- 
<lie,  Alexandrie,  Gascongne,  Espaigne,  Caste  longue,  Galice,  Navaire,  Portingal  et  plenté 
d'aultres.  —  4  B:  Espa/gne  et  mains.  —  5  B:  hon.  —  6  A  :  «nons  »  manque.  —  7  A  :  Si 
en  nonl.  —  8  B  :  fourmes.  —  9  A  :  7'ont.  —  10  B  :  Romme.  —  n  B  :  noirs.  —  32  A  :  poiez; 
«  poiez  »  :  cette  forme  est  isolée  dans  le  manuscrit  A;  nous  trouvons  «  poiz  »  f°  60b.  — 
13  B  :  ipi/.—  14  e  :  i.  —  «*  B  :  des.  —  »  B  :  //les.—  »  B  :  «  la  »  manque.  —  «  A  :  nous. 
19  A,  B,  N,  B,  Harley  :  Naaron  ;  Arnndel  :  Faron  ;  C:  Anon.  V.  Introduction  p.  41  pour 
ce  nom.  —  2(>  A:  «  f u  »  manque.  —  2l  B  :  deco/ez.  —  ~  B  :  deviserons.  —  23  B  :  «a» 
manque.  —  -4   B:  apparut. 

a   «  Et  puis  Grèce...  Espaingne.  »  V.  Introduction  p.  41  s. 

b  «  Si  y  a  citez...  cheval.  »  Gervaise  de  T.  (t.  II  p.  767)  II.  9;  Honorius  Aug.  I.  28. 

C  «  En  cel  pays...  y  arde  »  Jacques  de  V.  92. 

d   «  Delà  Ethyope...  sauvages.  »  Honorius  Aug.  I.  33. 

E  \F°  68  c  —  71  a  =  Vers  2987-3106.] 

F  «  Une  autre  en  y  a...  décollez  en  France.  »  Pline  IV.  12.  22;  Honorius  Aug.  I.  34. 
V.  Introduction  p.  42  s;  Isidore,  Etym.  XIV.  6.27. 

G  «  Contre  Aise  la  grant...  pas  toutes.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  20  (donne  53); 
Honorius  Aug.  I.  34. 

h  «  [Jne  en  y  a...  descrut.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  21  ;  Honorius  Aug.  I.  34. 


—     1Ô1    — 

Meloth.  Et  est  ainsi  apelée  pour  la  g-rant *  mélodie  que  l'en  y  ot  du 
douz  chant  des  oisiaus  \F°  6g  a\  qui  la  sont.  Si  i  croist  li  marbres  blans  a. 
Si  i  est  une  vile 2  qui  a  non  Psalmos,  dont  la  royne  3  sébile  fu,  qui  mainz 
moz 4  j>rophecia  de  Jhesu  Grist,  lonc  tans  avant  ce  que  il  nasquist 5  en 
terre,  a  Roume  6  ou  ele  fu  mandée.  En  celé  ylle  7  fu  controuvée  première- 
ment la  matere  8  de  faire  les  poz  9  de  terre  que  l'en  fait  enquore  en  mainz 
pays  10.  De  celé  fu  Pythagoras  u,  uns  granz  phylosophes  12  qui  trouva  les 
poinz  et  les  cas  de  mu-fT^0  6g  6]sique  ». 

En  Aufrique  en  a  une  autre  qui  est  apelée  Sardainne  13,  ou  une  herbe 
croist  ;  qui  en  menjue,  si  meurt 14  en  riante.  Une  autre  en  y  a  15  qui  a  non 
Bosus,  ou  16  il  n'a  serpant 17  ne  vermine  D.  Si  y  a  une  18  autre  qui  Coulo/n- 
bine19a  non  qui  est  toute  plainne  de  vermine  et  de  serpanz  e.  Si  en  y  a 
une  autre  qui  est  monlt  longue  et  mowlt  lée,  qui  a  non  Haleares.  En  celé 
ylle  20  fu  premièrement  controvée  la  fonde  F.  Si  i  est  l'ylle  21  de  Meroes 
qui  en  22  \F°  6g  c]  milieu  du  jour  n'a  point  d'ombre.  Si  a  -i'  puis  en  celé 
ylle23,  qui  par  droit  nombre  a  *vii*  piez  de  lé  et  'c  piez  de  parfont.  Et  i 
luist  li  solaus  24  jusques  au  25  fonzo.  Si  en  y  a  une  autre  qui  a  non  Cyl- 
la  2e,  ou  li  cyclopien  furent  jadis  ". 

Une  autre  ylle27  a  celé  part  si  g-rant,  si  coAnme  Platons  nous  tesmoing-ne, 
qui  fu  clers 28  de  monlt  grant  renommée,  qu'en  celé  ylle  29  ot  plus  de  pour- 
pris  que  en  toute  Europe  ne  en  30  toute  [F0  6g  d\  Aufrique.   Mais  ele  fu 

1  B:  «  grant  »  manque.  —  -  B:  ysle.  —  ?>  B:  rayne.  —  i  B:  «moz»  manque.  — 
h  B  :  naqu/.  —  6  B  :  Bomme.  —  7  B  :  ysle.  —  8  B  :  ma/i'ere.  —  9  A  :  les  porz.  —  10  B  : 
mains  pazs.  —  n  B  :  P/thagoras.  —  12  B  :  phiVosophes.  —  13  B  :  Sardame.  —  i*  B  :  muert. 
—  15  B:  «  en  y  a  »  manque.  —  16  B  :  Bosus  en  y  a,  ou... —  17  B:  serpent.  —  18  A  :  un 
autre  ;  B:  une  autre.  (Quoique  «  ylle  »  ait  les  deux  genres,  le  manuscrit  A  emploie  toujours 
le  féminin.  Ce  cas-ci  est  douteux,  comme  il  ne  s'agit,  probablement  que  d'une  élision  devant 
la  voyelle:  un'autre.  —  19  B:  Colombine.  —  2°  B:  ysle.  —  2*  B  :  y.«?le.  —  22  b  :  c/.  —  ™  B: 
ysle.  —  24  B  :  Et  il  luist  le  souleill.  —  25  B:  as.  —  2C  B:  uw  autre  qui  a  a  non  Cilla.  — 
27  B:  ysle.  —  28  B:  tesmo/gne  qui  fu  *r  clerc.  —  29  B  :  que  en  celé  ysle.  —  *  B:  qu'en 
tote  Europe  n'en... 

A  «  Une  autre  en  y  a...  marbres  blans.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  28  ;  Honorius  Aug. 
T.  34.  V.  Introduction  p.  43. 

b  «  Si  i  est  une  ylle...  musique.  »  V.  Introduction  p.  43.  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  31. 
Honorius  Aug.  I.  34. 

C  «  En  Aufrique...  si  meurt  en  riant.»  Vincent  de  Beauvais,  Spec.  Histor.  I.  83  (Douai, 
1624)  ;  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  39  ;  Honorius  Aug.  I.  36  ;  Neckam  II.  62. 

D  «  Une  autre  en  y  a...  vermine.  »  V.  Introduction  \i.  43  ;  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  43  ; 
Honorius  Aug.  I.  36.  .  * 

e  «  Si  y  a  une  autre...  serpanz.  »  V.  Introduction  p.  43  ;  Vincent  de  Beauvais  (Colu- 
braria),  Spec.  Hist.  I.  83  ;  Isidore  XIV.  6.  43  ;  Honorius  Aug.  1.  36. 

f  «  Si  en  y  a  une  autre...  fonde.»  V.  de  Beauvais,  Spec.  H.  I.  83;  Isidore,  Etym. 
XIV.  6.  44  ;  Honorius  Aug.  I.  36. 

G  «Si  i  est  l'ylle...  au  fonz.  »  Pline  II.  183  [Syene  civitas)  ;  Gervaise  de  T.  (t.  II 
p.  759).  II.  9  ;  Honorius  Aug.  I.  36. 

h  «-Si  en  y  a  une  autre...  jadis.  »  Isidore,  Etym.  XIV.  6.  32-33;  Honorius  Aug.  I.  35. 


—     132     — 

puis  si  toute  destruite  et  derompue,  si  comme  Diex  le  voult,  qui  la  fondi 
pour  les  péchez1  des  genz  qui  y  habitoient.  Et  est  la  mer  Betée  la  endroit  a. 

Une  autre  ylle  i'est  que2  l'en  ne  puet  veoir  quant  l'en  i  veult  aler.  Et  au- 
cune foiz  la  voit  l'en,  et3  l'apele  l'en  l'ylle4  perdue.  Gelé  ylle5  trouva  saint 
Brandins  qui  vit  dedenz  maintes  merveilles6,  si  comme  sa  vie  le  deviseB. 
Et  qui  le  voudra  savoir,  si  lise  dedenz. 

\F°  yo  a]  Par  de  ça  ra  mainte  bonne  ylle7  :  celé  de  Chipre  y8  est,  et 
celé  de  Sezille9,  et  autres  assez  qui  sont  par  la  mer10,  qu'il11  ne  couvient 
pas  nommer  ci  endroit. 

Si  ne  vous12  merveilliez  mie  d'aucunes  choses  que  vous  avez  oyes,  qui 
vous18  samblent  mou\t  sauvages14  et  moult  diverses.  Car  Diex,  en  cui15 
tuit  li  bien  sont,  a  fait  en  terre16  maintes  merveilles  dont  l'en  ne  set 
enquerre  raison.  Et  pour  ce  ne  devons  nous  mescroire  riens  [F0  yo  b]  tant 
que  l'en  sache  s'ele  est  voire  ou  fausse.  Ce  n'est  pas  maus17  se  li  lions 
mescroit  aucunes18  foiz19  choses20  dont  il  ne  sache  la  vérité,  mais  que  ce 
ne  soit  encontre  la  foi.  Car  bonne  chose  est  a  Tomme21  entendre  a  ce  qu'il 
puisse  aprendre  et  savoir  aucune  chose  dont  il  ne  soit  pas  esbahiz  quant  il 
en  orra  parler,  et  dont  il  sache  a22  dire  la  vérité.  Car  tout  ausi  comme  il 
vous  samble  que  ce  est  granz28  merveilles  que  je  vous  conte  ci,  ausi 
resamble  il  a  ceuls  de  [F0  yo  c]  la  que  les  choses  de  ça  sont  moult 
diverses;  et  moult  s'en  merveillent  pour  ce  qu'il  en  ont  poi24  veiï.  Si  ne  se 
doit  pas  li  hons  merveillier  se  il  ot  a  la  foiz  aucune  chose  ou  il  ne  puisse 
entendre  raison.  Car  touz  jourz25  doit  li  hons  aprendre.  Car  il  n'est  nus26 
qui  tout  puisse  savoir,  fors  Diex  qui  tout  voit  et  tout  set. 

Li  jaiant27,  qui  sont  en  aucuns  lieus^ont  moult  grant  merveille  de  nous, 
de  ce  que  nous  sou  mes  si  petit28  envers  euls.  [F0  yo  d.]  Ausi  comme 
il  nous  samble  de  ceuls  qui  sont  la  moitié  plus  petit29  de  nous,  si  comme 
l'en  nous30  dit.  Ce  sont  li  pigmain  qui  n'ont  que  'in*  piez  de  lonc.  Ausi  se 
merveillent  il  de  ce  que  nous  soumes  si  grant11,  et  nous  tiennent  aussi  pour 
jaia/iz82.  Cil  qui  n'ont  que  *r  œill  et  mr  pié  se  merveillent  moult  de  ce  que 

1  B  :  péchiez.  —  2  B:  ysle  y  a  que.  —  3  B:  en.   — 4  B:   y.sle.  —  5  B:  y.sle.  —  6  B 
Brandains   qui  maintes    merveilles    vit    dedenz.  —  "  B:   y.sle.  —  8  B:  Chypre  i.   —  9  B 
Sezi/e.  —  10  B  :   «  qui  sont  par  la  mer  »   manque.  —  n  B:  qui.  —  12  A  :   vorcs.  —  13  B 
«  vous  »  manque.  —  14  B:  sauvages  a  vous.  —  15  B  :  ^ui.   —   m  B  :  terres.  —  17  B:  fausse 
ou   voire.    Ce   ne  pas   m  au/s.   —  18  B:    m'escroist  aucune.   —   19  B:  «  foiz  »   manque.  — 
20  B  :  chose.  —  21  B  :  Tourne.  —  22  B  :    «  a  »  manque.  —  23  B  :    grans.  —  2i  B  :    poa.  — 
25  B:  jour.s.  —  26  A  :  il  n'est  mis  ;  B:  il  n'est  nus;  C:  car  y  n'est  nuls.  — 27  B  :  jaans. — 
28  B  :  sommes  si  petis.  —  ^  B  :  petis.  —  :î0  B  :  l'en  le  nous.  —  31  B  :  grans.  —  32  B  :  jaans 

A  «  Une  autre  ylle...  la  endroit.  »  Platon,  Critias  113  e  ;  Timèe  25  a  ;  Honorius  Aug. 
I.  36  (mer  Betée  =  Concretum  Mare).  V.  Introduction  p.  43. 

b  «  Une  autre  ylle  i  est...  le  devise.  »  Gervaise  de  T.  t.  I,  p.  919.  II.  11  ;  Honorius 
Aug.  I.  36.  V.  Introduction  p.  43. 

Le  reste  de  ce  chapitre  est  plus  ou  moins  une  traduction  de  Jacques  de  V.  92. 


—     133     — 

nous  en  avons  *ii-.  Ausi  comme  nous  nous  merveillons  de  ce  qu'il  n'en  ont 
que  *i\  Et  ausi  comme  nous  devisons  leur  [F°  yia]  bestes  et  les  nommons 
par  leur  nons1,  ausi  devisent  il  les  nostres  par  les  leur  de  cors  et  de 
membres.  Si  li  centicores  a  piez  de  cheval,  ausi  ra  li  chevals  piez  de  cen- 
ticore.  Et  si  poons  enquore  bien  dire  que  li  chevals  a  piez  2  de  mono- 
theros.  Car  il  s'entreresamblent 3  de  corsag-e4.  Et  ausi  leur  resamble  il  de 
noz 5  bestes  que  eles  sont  diverses  de  testes  et  de  cors  et  des 6  membres. 

vi  AA. 

Des  diversités  qui  sont  en  Europe  et  en  Aufrique. 

[F0  7/  b]  Nous  avons  maintes  choses  par  de  ça  dont  il  n'ont  par  de  la 
nulles.  Il  a  devers  Yllandeseur7  la  mer  uns  oisiaus  qui  volent;  et  croissent 
en8  arbres  par  les  bés;  et  quant  il  sont  presque  meûr9,  cil  qui  chieent 
a  terre  ne  pueent  vivre,  et  cil  qui  chieent10  en  yaue  vivent». 

En  Yllande11  a  une  grant  ylle  ou  il  n'a  ne  serpant  ne  maie  12  beste.  Qui 

porte  de  la  terre  de  celé  ylle  en  autre13  terre,  la  vermine  i  est  tantost  mortec. 

Une14  autre  en  i  ra  qui  est  bien  loing-  en  mer,  ou  nulles15  femmes  ne 

[F0  71  c]  pueent  demourer16.  Neïs  les  oisiaus  qui  sont  femeles17s'en  traient 

en  susD. 

Si  en  y  a  une  autre  ou  nulles18  genz  ne  pueent  mourir19  en  nul  tans20 
du  monde.  Mais  qnant  il  sont  si  vieill  et  si  crollant21,  et  que  les  menbres 
leur  duelent  tant  qu'il  ne  se  pueent  aidier  ne  euls  soustenir,  et  que  il 22  ont 
plus  chier  a  mourir  que  a23  vivre,  si  se  font  porter  en  une  autre  ylle  pour 
mourir24,  outre  celé  qui  a  non  TylleE.  Et  li  arbre  qui  sont  [F°  71  d]  en 
celé25  ylle  tiennent  leur  fueilles  en  verdure  tout  tans26,  et  yver  et  esté. 
Gelé  part  n'a  que  -i'  jour  en  l'an,  dont  la  nuit  dure  -vi*  mois  entiers  toute 

1  A  :  nous  ;  B:  nons;  G:  no/nz.  —  2  B:  cors.  —  3  B:  s'entreressamblent.  —  4  B  : 
coin-sage.  —  5  B:  nos.  —  6  B  :  de.  —  7  B:  Yslande  .sur.  —  8  B:  as.  —  9  B  :  meurs.  —  ™  A: 
cil  qu'il  chieent  ;  B  :  cil  qui  chieent  a  terre  ;  G  :  cil  qui  cheent  a  terre  ;  A  :  «  a  terre 
ne  pueent  vivre,  et  cil  qui  chieent  »  manque;  B  :  ne  pueent  vivre,  et  cil  qui  chieent...  ; 
G:  ne  peuent  vivre,  et  cilz  qui  cheent...  —  n  B  :  Yslande.  —  12  B  :  serpans  ne  ma//e.  — 
13  B:  en  •»•  autre.  —  14  B  :  uw.  —  15  B:  nu/es.  —  16  B:  demorer.  —  17  B  :  femmeles.  — 
M  B:  nu/es.  -  «B:  morir.  —  20  B:  tens.  — 21  B:  croulant.—22  B  :  qu'il.  —  ™  B  :  morir 
qu'a.  —  m  B  :  morir.  —  25  B  :  «celé.  —  26  B:  «  tout  tans  »  manque. 

a  [Fo  7îa—72c=  Vers  3107-3178]. 

b  «  Il  a  devers...  en  yaue  vivent.  »  J.acques  de  V.  92  (In  quibusdam  partibus  Flan- 
driœ)  ;  Neckam  I.  48  {De  Bernekke)  ;  Giraldus  Gambrensis,  Topographia  Hibern.  I  15  (De 
bernacis)  {Opéra  éd.  Demock.  Londres,  1861-91.  8°  vol.  5). 

c  «En  Yllande...  tantost  morte.»  Jacques  de  V.  92;  Neckam,  De  Laud.  V.  884; 
Giraldus  Gamb.  Top.  Hib.  I.  28-31. 

d  «  Une  autre  en  i  ra...  traient  en  sus.  »  Giraldus  Gamb.,  Top.  Hib.  II.  4. 

E  «  Si  en  y  a...  qui  a  non  Tylle.  »  Giraldus  Gamb.,  Top.  Hib.  II.  4. 


—     134     — 

obscure.  Et  puis  vient  li  jours1,  qui  autretant  dure  -vi*  mois,  autresi 
luisant  et  cler  a. 

Un  autre  leu  2  a  en  Yl lande  qui  art  comme  feu  nuit  et  jour,  que  en3 
apele  le  purgatoire  saint  Patrice.  Si  est  si  perilleus  que  se  aucunes  g-enz 
vont,  qui  ne  soient  bien  confès  et  bien  repentanz4,  tantost  sont  raviz  et 
[F0  y 2  a]  perdnz,  que  l'en  ne  set 5  que  il  devienent 6.  Et  se  il  est  confès  et 
repentanz,  si  vait 7  outre,  et  passe  par8  mainz  tourmenz9,  et  s'espurg-e 
de  ses  péchiez  ;  et  que  plus  a  fait  de  péchiez  plus  li  sont  grief  li  torment  a 
passer.  Et  quant  il  est  revenuz  arriéres10  de  celé  purg-atoire,  jamais  ne  li 
plaira  chose  qu'il  voie  au  siècle,  ne  ne  rira.  Mais  adès  est  en  pleur  et  en 
g-emissement u  pour  les  péchiez  que  les  g-enz  font,  et  pour  les  maus  qu'il12 
leur  voit  faire  b.  En  \F°  yc2  b]  celé13  ylle  a  une  grant  montaing-ne  de 
souffre  14  qui  art  de  jourz  et  de  nuit. 

En  Bretaing-ne  si  a,  ce  dit  l'en,  une  fontaine  15  et  'i*  perron  16  que,  quant 
l'en  giete  l'yaue  de  celé  fontainne17  sus  le  perron,  si  commence  a  plou- 
voir,  et  a  venter,  et  a  tonner,  et  a  espartirc.  La  endroit  ot  une  manière  de 
g-enz18  qui  avoient  keues  par  darrieres19». 

Si  ra  l'en  veïi  en  France  une  manière  de  g-enz  20  qui  furent  cornuzE. 
Si  ra  unes  femmes  devers  les  monz  de  Mont  Gieu  qui  ont  boces  souz  les 
[F0  y 2  c  mantons21  qui  leur  pendent  jusqu'aus  mammeles,  et  sont  pour 
belles22  tenues  la  endroit  F.  Autres  g-enz  y  a  qui  ont  granz  boces  seur23  le 
dos,  et  sont  ausi  courbés  comme24  croces<*.  Et  cil  qui  voient  toutes  ces 
choses  souventes  foiz  ne  s'en  merveillent  g-aires.  Si  voit  l'en  aucunes  foiz 
sourz  et  muez  naistre,  et  g-enz  qui  ont  nature  d'o/nme  et  de  femme.  Et  si 
ra  l'en  vei'i  souvent  aucunes25  g-enz  naistre  sanz   braz  et  sainz  2e*  mains 


27 


1  B:  le  jour.  —  -  B  :  lieu.  —  :i  B  :  que  /'en.  —  4  B  :  repetanz.  —  5  B:  soit.  —  6  B  : 
deviennent.  —  7  B:  set.  —  8  B:  «  par»  manque.  —  9  B:  tormenz.  —  10  B  :  arrière.  — 
11  B:  est  en  gemissemenr  et  en  plaer.  —  l2  B  :  mau/.s  qui.  —  1S  A:  ce;  B:  /celé;  C:  celle 
(«  ce  »  =  «  celé  »  est  un  cas  isolé  dans  le  manuscrit  A.  Nous  mettons  «  celé  »,  la  forme 
ordinaire  du  manuscrit.  —  l4  B  :  sueffre.  —  15  B  :  fonta/nne.  —  16  B:  p/erron.  —  17  B  :  fon- 
taine. —  ]s  B  :  gent.  — 19  B:  derrières.  —  20  B:  cent.  —  21  B  :  mentons.  —  22B:  be/es.  — 
23  B  :  sur.  —  24  B  :  comment.  —  25  B  :  cTaucunes.  —  26  B  :  sanz  ;  C  :  sens  ;  A  :  sainz.  — 
27  B  :   mainr. 

«  Sa/nz  »  n'est  pas  isolé  dans  les  ms.  A  :  nous  le  trouvons  déjà  f°  20  d.  Cette  forme  est 
conlirmée  par  de  nombreux  exemples  dans  d'autres  textes  (cf.  Burguy,  II  p. 364,  Bartsch  p. 62). 

a  «Et  li  arbre...  luisant  et  cler.  »  Solin  16  (De  Hi/perboreis)  ;  Honorius  Aug. 
I.  31  ;  Jacques  de  V.  92.  V.  Introduction  p.  44. 

b  «  Un  autre  leu...  leur  voit  faire.  »  Neckam  De  Laud.  V.  893.  (Les  passages  «  Si  est 
si...  devienent  »  et  «  Et  quant  il  est...  voit  faire  »  ne  se  trouvent  pas  dans  Neckam)  ; 
Giraldus  Camb.,  Top.  Hib.  II.  5  ;  Jacques  de  V.  92. 

c  «  En  Bretaingne...  espartir.  »  Jacques  de  V.  92;  Neckam  II,  7;  Giraldus  Camb..  Top. 
Ifib.  II.  1 

d  (f  La  endroit...  par  darrieres.  »  V.  Introduction  p.  44  ;  Jacques  de  V.  92  (in  Majori 
Drittania). 

e  «  Si  ra  l'en  veû...  furent  cornuz.  »  Jacques  de  V.  92. 

F  (.(  Si  ra  unes  femmes...  la  endroit.  »  Jacques  de  V.  92.   V.  Introduction  p.  44. 

a  «  Autres  genz  y  a...  croces.  »  Jacques  de  V.  92. 


—     135    — 

vi  ba. 

De  la  manière  des  testes. 

[F0  y 2  d.\  Li  g-ourpix  1  a  tel  manière  qu'il  s'en  vait  as  chans  *  et 
s'estent  comme  morz  pour  prendre  les  oisiaus  ». 

Quant  li  cers  veult  renouveler  son  aag-e,  si  menjue  aucune  serpant3  c. 

Se  bouteriaus  ou  yraingme  mort  Tomme,  li  hons  en  prant4  souvent  la 
mort  d.  La  salive  d'oume  g-euné  5  tue  communément  l'yraing-ne  et  le 
bouterel. 

Se  uns  leus6££  uns  hons  s'entrevoient  de  loing-,  celui  qui  est  premiers7 
veiiz  si  enroe  E.  Li  leus  [Ft  j3 'a]  enporte  la  berbiz  8  sanz  mal  faire,  qu'il 9 
ne  soit  aparceûz  10,  et  puis  la  deveureenson  repos  quant  il  l'a  portée  jusqwes 
au  1X  bois  F. 

L'yraing-ne  trait  de  ses  entrailles  le  fill12  dont  ele  fait  ses  trailles  pour 
prendre  les  mouches  que  ele  menjue^. 

Quant  la  sing-esse  a  "li*  faons,  si  en  aimme  l'un  plus  que  l'autre.  Ele 
porte  l'ainzné  entre  ses  braz,  et  li  autres  la  sieut  a  pié  au  mieulz 13  qu'il 
peut14  h. 

Li  chiens  g"«rde  les  biens  son  seigneur15,  qu'il  n'ont  g'arded'ou-ji^0  j3  b] 
mes  16  ne  de  bestes.  Et  si  reconnoist  son  seing-neur,  et  l'aimme  seur  touz 
autres,  et  de  si  grant  amour,,  que  souvent  avient  qu'il  ne  le  veult  g-uerpir  ne 
a  droit  ne  a  tort  devant  la  mort.  Et  tant  se  dueldra  de  sa  mort,  qu'il  en 
muert  souventes  foizL  Si  a  en  Angleterre  en  aucuns  lieus  une  manière  de 
chiens  qui  vont  querre  les  larrons  la  ou  il  les  truevent J. 

La  mustele,  qui  est  petite  beste,  occit17  le  basilique  et  se  combat  tant 

1  B:  goupix.  —  -  B:  chans.  — 3  A:  aucune  serpant;  B:  aucune  serpant  («  serpant  » 
est  tantôt  masculin,  tantôt  féminin  dans  les  manuscrits.  Cette  variation  de  genre  est  con- 
firmée. Cf.  f°  56  a).  — 4  B:  prent.  —  5  B  :  d'omme  geun.  —  6  B  :  lieus.  —  7  B:  premier. 

—  s  B:  brebiz.  —  9  B:  qui.  —  i°  B:    aperceùz.  —  «  B:  a».  —  «  B:  fi/.  —  13  B:    miej?. 

—  14  B  :  puet.  —  15  B  :  seiwgneur.  —  16  B  :  ommes.  —  17  B  :  ocit. 

a  [F«  72  c—  73  d=  Vers  3179-3231.] 

b  «  Li  gourpbt...  les  oisiaus,  »  Jacques  de  V.  92;  Neckam  II.  125.  Isidore,  Etym.  XII. 
2.  29. 

c  «  quant  li*  cers...  serpant.»  Solin  19;  Jacques  de  V.  92;  Neckam  II.  136.  De 
Laud.  IX.  133. 

d  «  Se  bouteriaus...  la  mort.  »  Jacques  de  V.  92. 

e  «  Se  uns  leus...  si  enroe.  »  Jacques  de  V.  92;  Isidore,  Etym  XII,  2,  24;  Neckam  II . 
153.  De  Laud.  IX.  117.  Ce  passage  manque  dans  le  ms.  en  vers. 

f  «  Li  leus  enporte...  jusque»  au  bois.  »  Jacques  de  V.  92. 

G  «  L'yraing-ne...  menjue.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  IL  113. 

h  «  Quant  la  singesse...  qu'il  peut.  »  Solin  27  ;  Jacques  de  V.  92;  Isidore,  Etym.  XII. 
2.  31. 

i   I  <<  Li  chiens  garde...  souventes  foiz.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Isidore,  Etym.  XII,  2.  26  ; 
Neckam  IL  157. 

J  «  Si  a  en  Angleterre...  truevent.  »  Neckam  IL  157. 


—     136    — 

[F0  j3  c]  a  lui  que  ele  l'amort  outréeme/it.  Ele  remue  si  souvent  les  l  faons 
d'un  lieu  en  autre  que  a  painnes  les  peut  nus  2  trouverA.  Li  heriçons  abat 
les  pommes 8,  et  se  toeille4  dedenz,  et  les  en  bat5  en  ses  aiguillons,  et  s'en  va, 
si  chargiez  comme  il  peut6,  chantant  et  menant  son  déduit  quant  il  se  sent 
bien  chargiez.  Et,  se  aucune  beste  li  veult  mal  faire,  si  se  met  en  -i-  mon- 
celet,  piez  et  teste,  et  tient  ses  aig-uillons  entour  sa  pel,  si  que7  nulle  beste 
ne  l'ose  ato-[/^°  y3  d]ch\er  pour  les8  esping-no/zs9».  Li  aig-niaus10,  qui  on- 
ques  ne  vit  le  leu,  le  doute  et  le  fuit,  et  ne  doute  point  autres  bestes,  et  va 
hardiment11  entre  elesf>. 

vi  c  D. 

De  la  manière  des  oisiaus12. 

Li  aigies  prent  ses  pouci/is  par  ses13ongies.  Et  celui  qui  se  tient  ferme- 
ment aimme  et\e  retient  avoec  lui.  Et  celui  qui  se  tient  foiblement  14%  laisse 
aler  et  ne  s'en  prent  g-arde.  Quant  ele  est  vieille,  si  vole15  si  haut  qu'ele  16 
passe  les  nues  en  haut.  Et  tient  tant  sa  veiïe  [F0  y4  a]  el  souleill 17  que  ele 
l'a  toute  pardue  18  et  arse,  et  que  ses  pennes  sont  toutes  brullées.  Et  lors  chiet 
aval  tout  en  "i*  mont  en  une  eave  que  ele  a  avant  choisie.  Et  ainsi  a  sa  vie 
renouvelée.  Et  quant  sont 19  bec  est  trop  lonc,  si  le  brise  20  a  une  dure  21  pierre 
et  le  rag-uiseE. 

Quant  la  turterele  a  perdu  son  maie22  que  ele  a  premièrement  conneû, 
jamais  autre  malle23  n'avra,  ne  ne  sera  sus  arbre  vert.  Ai/iz  s'en  vait  par 
les  arbres  \F°  y4  b]  ses  24  touz  jourz  25  g-emissa/it*". 

L'ostruce  menjue  bien  fer;  ne  ja  riens  ne  li  grèvera 26g. 

1  B:  ses.  —  2  B:  puet  mis;  G:  peust  nuh:  —  :î  B:  poznnes.  —  4  B  :  toaeille.  —  5  B  : 
embat.  —  °  B  :  puel.  —  7  B  :  ques.  —  8  B  :  atouchier  pour  ses.  —  9  B  :  espïgnons.  — 
10  B  :  aigniaua?.  —  n  B:  hardiement.  —  12  B:  oissiaus.  —  1S  B:  /es.  —  u  A  :  /foiblement; 
B:  fïeblemcnt  ;  G  :  /biblement.  —  ir»  B  :  voile.  —  lfl  B  :  que  ele.  -"B:  soleil],  —  18  B  : 
toute  perr/ue;  G:  perrfue;  N  :  perdue.  —  19  A:  son/;  B,  C  :  son  («  sont  »  [suum]  :  cf.  p.  89, 
note).  —  20  g  :  braise.  — 21  B  :  «  dure  »  manque.  —  —  B  :  marie.  —  23  B:  marie.  —  24  G: 
arbres  s<?cr  touz;  R:  par  les  arbres,  ses  amours  continuellement  gémissant.  —  25  B  : 
jours.  —  2fi  B:  ne  ja  ne  li  grèvera  riens  ;  C  :  grèvera,  et  quant  elle  a  pont  sez  œufz  qui 
sunt  mult  groz,  et  elle  lez  voult  couver,  si  lez  cnfouy  dedanz  sablon  au  ray  du  souleil,  et 
la  lez  couve  de  son  regart. 

*  «foiblement»:  forme  isolée  dans  le  ms.  A  et  que  nous  n'avons  pu  confirmer  par 
d'autres  textes.  Peut-être  faudrait-il  lire  «  foiblement  »  :  cf.  f°  59  A.  «  Foible  »  est  l'ortho- 
graphe ordinaire  dans  le  ms.  A. 

A  «  La  mustele...  nus  trouver.  »  Solin  27  ;  Isidore,  Efym.  XII.  3.  3;  Jacques  deV.92; 
Neckam  II.  123;  Giraldus  Gambr.,  Topogr.  flib.  I.  27. 

b  «  Li  heriçons  abat...  espingnons.  »  Jacques  de  V.  92. 

<:  «  Li  aigniaus...  entre  eles.  »  Jacques  de  V.  92. 

D  [F°  73  d  —  75b  =  Vers  3232-3303.] 

e  <(  Li  aigles  prent...  le  raguise.  »  Isidore,  Etym.  XII.  7.  10-11  ;  Jacques  de  V.  92;  Nec- 
kam I.  23;  Giraldus  Gamb.,   Topog.  Hibern.  1.13. 

f  «  Quant  la  turterele...  gémissant.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  I.  59. 

G  «  L'ostruce...  grèvera.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  I.  50;  Isidore,  Etym.  XII.  7.  20. 


—     137     — 

Quant  li  hairons  voit  la  tempeste  venir1,  si  s'enfuit  en  haut,  et  s'envole 
desus  les  nues  pour  eschiver2  les  pluies  et  la  tempeste 3a.  Quant  la  choè 
trueve  or  ou4  argent,  si  l'emble  et  le  repont.  Et  qui  ot  sa  voiz,  il 5  samble 
qu'ele  parole  aucune  foiz». 

Li  corbiaus  si  cuide  estre  li  plus  biaus  oisiaus  de  touz  les  autres  et  li 
mieulz  chantanz  e.  Se  ses  poucins  sont 7  blanc,  \F°  y  4  c]  de  riens  qui  soit 
jamais  bien  ne  leur8  fera,  devant  qu'il  soient  noire. 

Et  quant  l'en  regarde  le  paon,  si  tourne  sa  keue  tout  entour  lui 9  pour 
ce  que  l'en  loe  sa  biauté,  et  fait  de  tout  son  cors  aussi 10  comme  une  roe, 
tant  s'enorgueillist  de  sa  biauté.  Mais  quant  il  regarde  ses  piez  qui  sont 
laiz11,  si  laisse  sa  keue  cheoir,  ausi  comme  pour  couvrir  les12D. 

Li  ostours  et  il  espreviers  si  prennent  leur  proies  en  rivières.  Li  dome- 
ches  la13  raporte  a  [F0 y 4  d]  son  seigneur  qui  l'a  prisE. 

Li  coulons  est  simples  oisiaus,  et  se14  norrist  bien  autrui  pijons,  et 
aparçoit15  hien  en  l'eave16,  par  l'ombre  que  il  voit  dedenz17,  quant  li  ostours 
le  veult  prendrez 

La  hupe  est  uns  oisiaus  crestez  18  qui  en  viltez  et  en  ordure  demeure 
plus  volentiers  que  ailleurs.  Qui  une  heure  s'oindroit19  de  son  sanc,  et  puis 
s'alast  dormir,  il  li  seroil  maintenant  avis  en  dormant  que  anemis  ven- 
droient  devant  lui  qui  estrangler  [F°  y 5  a]  le  voudroiento. 

Li  rousignols20muert  souvent  en  chantant,  etl'aloete  bien  souvent  aussi. 
Li  cignes21  est  touz  blans  par  dehors,  et  par  dedenz  est  touz  noirs.  Il 
chante  souvent  devant  sa  mortn.  Ausi  font  mainte  gent  souvent. 

De  tels  choses  et  de  monlt  d'autres  se  merveilleroient  monlt  de  genz22 
qui  riens  ne  avroient  oy  ne  veii  pins  que  nous  ne  faisons23  ici.  Car  nous 
en24  voions  souvent  d'aucunes  de  quoi  l'en  se  merveilleroit  moult,  qui  ne 
les  sl-[F°  y 5  6]roit25  aprises  a  veoir. 


1  B  :  li  hairons  vait  venir  la  tampeste.  —  2  B:  escheuir.  —  3  B:  tampeste.  — 4  B:  et. 

—  5  B:  si.  —  6  B:  chantant  —  'B:  son.  —  s  B:  lor.  —  »  B:  li.  —  »  B  :  au.si.  —  »  B  : 
si  laiz.  —  12B:  chaoir,  ausi  con  por  coutnr  les.  —  13  B  :  le.  —  14  B  :  si  («  se  »  =  si  :  cette 
forme  se  présente  souvent  dans  le  manuscrit  A.  Cf.  foS  6b,  6d,  7b,  7d,  etc.  —  15  B:  pi- 
lons, et  si  aperçoit.  —  16  B  :  l'yaue.  —  17  B  :  «  que  il  voit  dedenz  »  manque.  —  18  B  :  cretez. 

—  19  B  :  s'oindrent.  —  2°  B  :  roussignols.  —  21  B  :  cygnes.  —  22  B  :  gens.  —  2S  B  :  faisions. 

—  2*  A  :  ne.  —  *  B  :  auroit. 

a  «  Quant  li  hairons...  la  tempeste.  »  Jacques  de  V.  92;  Neckam  I.  63. 

b  «  Quand  la  choè...  aucune  foiz.  »  Jacques  de  V.  92  (monedula)  ;  Isidore,  Etym.  XII. 
7.  35. 

c  «  Li  corbiaus...  il  soient  noir.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  I.  61;  II.  126;  Isidore, 
Etym.  XII.  7.  43. 

d  «  Et  quant  l'en  regarde...  pour  couvrir  les.  »  Jacques  de  V.  92;  Neckam  I.  39. 

e  «  Li  ostours...  qui  l'a  pris.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  I.  24. 

f  «  Li  coulons...  veult  prendre.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  I.  56. 

G  «  La  hupe...  le  voudroient.  »  Isidore  Etym.  XII.  7.  66  ;  Jacques  de  V.  92. 

h  «  Li  cignes...  sa  mort.  »  Jacques  de  V.  92  ;  Neckam  I.  49  ;  Isidore  Etym.  XII.  7.  18. 


—     138     — 

vii. A 

Des  diversités 1  d'aucunes  choses  communes. 

Moult  de  choses  so/it  moult  apertes,  dont  moult  couvertes  sont  les  rai- 
sons et  dont  les  genz  se  merveillent  moult  pou,  pour  ce  qu'il  les2  voient 
moult  souvent. 

Vif  argent  est  de  tele  manière  qu'il  soustient  une  pierre  desus  lui,  ce 
que  oile  ne  eave3  ne  porroit  faire,  car  la  pierre  s'en  iroit  au  foAZz«.  La  chalz 
vive  a  si  tost  la  froide  eave  eschauffée4,  que  l'en  n'i  porroit  souffrir  sa 
main*  .  Li  rai  du  [F0  y,5  c]  souleill5  nercissent  le  cuir  de  Tourne  et  blan- 
chissent6 les  toiles;  et  la  terre  qui  est  mole  font7  dure;  et  la  cire  qui  est 
dure  remetent  et  fo/zde/it8^. 

Si  fait  l'en  de  l'eave;'  froide  en  'i*  vaissel10  de  voirre11  le  feu  en- 
contre le  soleill,  et  du  cristal  ausi'E.  Et  de  hurter  le  fer  a  la  pierre  saut 
li  feuz  touz  alumez. 

Li  venz,  qui  est  froiz,  esprant12  le  feu  et  l'enflambe18,  et  le  fait  plus 
grant.  Alaine  domine14,  qui  est  chaude,  refroidist15  la  chaude  chose.  Li  airs 
refroide  par  mouve-f°  y5  rfmenz,  et  l'yaue  en  16  eschauffe17  qui  est  froide. 

La  terre,  qui  est  pesant  et  de  pesant  nature,  se  tient  el  milieu  de  l'air 

1  B  :  diversetez.  —  -  B  :  ce  qui  les.  —  ?>  B  :  een  que  oi//e  ne  y  nue.  —  4B  :  <yaue  eschau- 
fée.  —  ~>  B:  soleill.  —  6  B:  l'omme  et  blanchis/.  —  7  B  :  fait.  —  8  B:  remest  el 
font.  —  9  B:  ïyaue.  —  10  B  :  vaissma.  —  n  B  :  verre.  —  12  B:  esprent.  —  13  B  :  an- 
tlambA?.  —  14  B  :  d'orme.  —  15  B  :  refroide.  —  K  B  :  «  en  »  manque.  —  17  A  :  eschausfe  ; 
B  :  eschatt/e  ;  C  :  eschau^e. 

*  «  Si  fait...  ausi  »  :  Tous  les  ms.  en  prose  offrent  la  même  leçon  pour  ce  passage  qui 
ne  se  trouve  dans  aucun  des  ms.  en  vers,  soit  de  la  première,  soit  de  la  seconde  rédaction. 
Ce  fait  es!  si  frappant  qu'il  semble  justifier  les  conclusions  suivantes  :  Gossouin,  trouvant 
de  la  difficulté  à  traduire  le  passage  du  texte  latin,  s'est  décidé  à  l'omettre.  Plus  tard, 
écrivant  la  rédaction  en  prose,  il  fait  un  essai  peu  réussi  de  traduction.  Finalement  l'au- 
teur de  la  seconde  rédaction  en  vers,  Gossouin  lai-même,  on  Gautier  ou  un  autre,  se 
décide,  vu  l'obscurité  du  passage,  à  l'omettre  définitivement. 

Le  texte  latin  se  trouve  au  ch.  93  de  Jacques  de  Vitry  : 

«  Crystallus  licet  frigidus  sit,  aqua  frigida  conspersus  ad  solis  radios,  ignem  ex  se 
produeit.  »  VImage  du  Monde  nous  donne  donc  une  traduction  pas  très  correcte  qui 
revient  à  ceci  :  «  Si  un  vaisseau  de  verre  ou  de  cristal  rempli  d'eau  froide  est  exposé  au 
soleil,  il  produira  du  feu.  » 

Gaxton  adapte  le  texte  français  d'une  manière  ingénieuse  :  «  Le  soleil  chauffe  l'eau 
froide  contenue  dans  un  vaisseau  ;  avec  du  verre  ou  du  cristal  expos*'  au  soleil  on  peut 
faire  du  feu.  » 

a  [F°  7~>  b  —76  a  =  Vers  3304-3348.] 

b   «  Vif  argent...  au  fonz.  »  Jacques  de  V.  93  ;  Neckam  II.  oo. 

c  cLa  chalz  vive...  souffrir  sa  main.  »  Jacques  de  V.  93;  Neckam  IL  51. 

d  «  Li  rai  du  souleill...  fondent.  »  Jacques  de  V.  93. 

e  «  Si  fait  l'en  de  l'eave...  cristal  ausi.  »  Jacques  de  V.  93. 

Ce  passage  ne  se  trouve  pas  dans  le  ms.  en  vers,  ni  dans  aucun  des  autres  ms.,  soit 
de  la  première,  soit  de  la  seconde  rédaction  en  vers. 

Le  reste  de  ce  chapitre  est  tiré  de  Jacques  de  Vitry.  Gossouin  ne  paraît  pas  avoir 
employé  d'autres  sources. 


—     130     — 

sanz  piler  et  sanz  fondemant1,  seulement  par  sa  nature.  Et  pour  ce  est 
fols2  qui  se  merveille  de  chose  que  Diex  face.  Car  nus  n'a  pooir  de  mous- 
trer  raison  pour  quoi3  eles  sont  ou  non.  Car  il  n'est  nwlle4  chose  si  petite 
dont  l'en5  puisse  savoir  la  g-lose  vraiment6,  comment  ele  est,  fors  tant 
comme  il  plaist  a  Nostre  Seingneur. 

[F0  76  a.]  Par  clerg-ie  peut  l'en  bien  savoir  et  entendre  raison  d'au- 
cune chose;  et  par  nature,  si  que  raisons7  n'i  set  que  reprendre,  tant 
comme  nus  hons  en  puisse  enquerre,  qui  oevre  en  terre  par  natnre*.  Mais 
nus  si  ne  porroit  savoir  pour  quoi 8  ne  comment  eles  sont  faites,  et 9  ne 
porroit  nus  savoir  certainement10,  fors  Diex  qui  la  raison  en  set  et  entent. 

viii  A. 

Ou  enfers  siet  et  que  ce  est.  B 

Nous  vous  avons  devisée  la  terre  par  dehors  au  mieulz11  que  [F0  76  b\ 
nous  poons.  Or  nous  couvient12  enquerre  après  quels  lieus  il  a  par  dedenz 
la  terre,  se  ce  est13  enfer  ou  paradis,  et  la  quele  chose  vaut  mieux14  et  la 
quele  pis. 

Cil  lieus  qui  est  enfermez  en  terre,  je  di  que  ce  est15  enfer.  Car  enfer 
ne  porroit  pas  estre  en  l'air,  n'en  si  noble  lieu  n'en  ciel  n'est  il  pas;  car 
trop  est  li  lieus  purs  et  nez.  Et  enfers16  est  laiz  et  oscurs,  et  plus  pesant17 
que  riens  qui  soit  ;  par  quoi  l'en  puet  hien  entendre  que  il  a  fait  son 
estre  \F°  76  c\  el  plus  bas  lieu  de  la  terre.  Car  en  haut  ne  porroit  il  pas 
estre.  Car  il  est  contraires  a  paradis  qui  est  el  ciel  lasus.  Et  pour  ce  s'est  il 
trait  ensus  de  lui,  au  plus  qu'il  peut18.  Et  est  el  milieu  de  la  terre. 

Je  ne  di  pas  qu'enfer  ne  soit  aillieurs,  quele  part  que  ce  soit.  Car,  après 
la  mort,  partout  a  painne  et  mal  qui  l'a  deservi.  Neïs  s'il  estoit  mis  desus 
le  ciel,  si  avroit  il  enquore  pis  assez.  Si  comme  il  seroit  d'aucun  ho/nme 
qui  \F°  76  d]  seroit  en  grant  maladie,  et  se  devroit  mourir ia,  et  l'en  le 
metoit  en  *i*  biau  lieu,  ou  il  eûst  joie  et  soulaz  ;  tant  seroit  il  plus  tristres 

1  B:  fondement.  —  -  B:  foals. — 3  B:  quoy. —  4  B  :  nu/e. —  5  B:  petite  de  quoy  l'en... 

—  6  B  :  vraiement.  —  7  B  :  raison.  —  8  B  :  savoir  du  tout  pour  quoy.  —  9  B  :  ce.  — 
10  B:  certainement.  —  n  B  :  m\ex.  —  l2  A  :  comvient;  B:  convient.  Le  scribe  de  A  écrit 
«  couivient  »,  le  point  sous  Yi  dénotant  la  suppression  de  la  lettre.  C'est  le  signe  employé 
par  le  copiste  dans  ce  but.  Cf.  f°  89  a  n.  —  13  B  :  ce  cest  est.  —  14  B  :  mïex.  —  15  B  :  c'est. 

—  16  B:  enfer.  —  «  B:  pesamr.  —  w  B  :  puet.  —  19  B:  morir. 

*  «Par  clergie...  terre  par  nature»  :  On  peut  comprendre  et  savoir  la  raison  des  choses 
par  la  science;  et  (là  où)  l'on  ne  saurait  expliquer  les  raisons,  quelles  que  soient  les 
recherches  de  l'homme  qui  ne  travaille  sur  cette  terre  qu'à  l'aide  de  la  nature,  (on  les  com- 
prend) par  la  nature. 

a  [Fo  76  A  —  78  D  =  Vers  3349-3481.] 

b  Le  chapitre  sur  l'enfer  semble  être  l'ouvrage  de  Gossouin  lui-même  sans  emploi 
direct  de  sources.  Honorius  Aug.  (I.  37)  lui  a  peut-être  servi  de  base. 


—     140    — 

et  plus  dolanz  quant  il  verroit  qu'il  ne  se  porroit  aidier  ne  jouer 1.  Ausi  se- 
roit  il  de  ces  chaitis  qui  sont  mis  en  enfer,  que  nous  vous  voulons  ci  deviser 
pour  mieux2  finer  nostre  livre. 

Ore  oiez,  si  vous  deviserons  comment  enfer  siet  el  milieu  de  la  terre,  et 
de  quel  nature  il  est,  et  des  painnes  dures  [F° yy  a\  que  cil  ont  qui  laienz 
sont  mis.  Vous  avez  bien  oj  et  comment  li  *iiii'  élément  se3  tiennent  li  uns 
en  l'autre  par  nature;  si  que  la  terre  est  en  mi  et  se  tie/2t  el  milieu  du  fir- 
mament. Tout  ausi  a  dedenz  la  terre  *i*  lieu  qui  a  non  abisme  et  terre  de 
perdicion.  Itant  vous  di  je  de  celui  lieu  qu'il  est4  plains  de  feu  et  de  souffre5; 
et  est  hideus  et  puanz,  et  plains  d'ordure  et  de  toute  maie  aventure.  Si  est 
larges  dedenz,  et  par  desus  est  estroiz. 

7  F0  y  y  b.]  Quanquil  chiet  la  dedenz  font  en  une  heure.  Li  sousfres,  qui 
touz  jourz  art  et  font,  destruit6  tout  et  confont  et  art.  Ne  ja  riens  n'i  ara7 
finement  qu'il  n'arde8  touz  jourz  san 9  fin.  Touz  jourz  art  adès,  et  touz  jourz 
renaist  et  ne  puet  morir  quanque  est  mis  )a  dedenz.  Car  cil  lieusest  de  tele 
nature  que  quant  plus  art  et  plus  dure  longuement. 

Cil  lieus  a  touz  les  maus  a  sa  partie.  La  tient  la  mort  son  estandart, 
qui  envoie  par  tout  \F°  yy  c]  le  monde  querre  ceuls  qui  siens  10  sont,  qui 
qu'en  ait  joie  ne  tristece.  Laienz  viennent  touz  les  mauvais  a  porz. 

Cil  lieus  a  non  terre  de  mort11.  Car  les  âmes  qui  la  sont  portées  i  sont  a 
toz12  jourz  sanz  fin.  Toutes  i  muèrent  en  vivant,  et  touz  jorz13  vivent  en 
mourant14.  La  mort  si  est  lor15  vie  et  leur  viande. 

Mort  les16  tient  adès  en  son  commandement.  Ce  estli  estans  du  feu  qui 
font.  Et  tout  ausi  comme  la  pierre  affonde17  \F°  yy  d]  dedenz  la  mer,  quant 
ele  i  est  getée,  et  ne  sera  jamais  veûe18,  ausi  y  affondent19  les  âmes  toutes 
au  20  fonz  qui  touz  jourz  ardent21  et  fondent.  Ne  pour  ce  ne  fenissent  mie  ; 
ainz  comperent  leur  folie  nuit  et  jourz22,  et  feront  touz  jourz  sanz  fin.  Car 
chose  qui  soit  esperitel  ne  puet  jamais  mourir23,  si  qu'ele  soit  du  tout 
morte.  Mais  la  mort  les  conforte  adès. 

Ame  ne  puet  mourir24,  puis  qu'ele  est  hors  de  son  cors.  Ainz  la  couvient 
touz  jourz  lang-uir.  rF°  yS  a.)  Ne  jamais  n'avront  se  mal  non  25. 

C'est  la  terre  d'oblivion.  Car  l'en  oublie  touz  ceus26  qui  la  sont,  ausi 
comme  il  oublièrent27  en  cest  siècle  celui  qui  est  plains28  de  pitié.  Et  pour 
ce  les  a  il  mis  en  oubli29,  si  que  jamais  merci  n'aront30  en  celé  terre  tene- 

]  B  :  soulacier.  —  2  B  :  por  miex.  —  3  A  :  si.  —  4  B:  qui  est.  —  5  B:  sou/re.  — 
6  B  :  et  destruit.  —  7  B  :  at>ra.  —  8  B  :  qui  n'arde.  —  a  B  :  sanz.  —  10  B  :  sien.  —  n  B  :  port. 
Cil  lieus  terre  de  mort  a  non.  —  12  B  :  touz.  —  13  B:  jourz. —  l4B:  morant.  —  15B  :  leur» 
—  16  B  :  Mort  si  les.  —  17  B  :  a/bndc.  —  18  B  :  sera  ja  puis  veûe.  —  19  B:  a/ondent.  — 
20  B:  a.s.  —  21  A:  ardens;  B:  ardent.  Le  changement  de  t  en  z  se  présente  deux  fois  dans  le 
manuscrit  A  :  «ardent»,  et  «estoir»  f°  116b.  Ces  formes  sont  isolées  dans  le  manuscrit 
et  ne  sont  pas  confirmées.  —  22  B  :  jour.  —  aB:  jamès  morir.  —  24  B  :  morir.  —  25  R  :  Ne 
jamaiz  de  lors  qu'elle  est  en  enfer  n'aura  si  non  tout  mal. —  ^  B:  ceu/s.  —  27  B  :  oôlierent- 
-28B:   plain.  —  %>  B:  obli.  —  30  B  :  auront. 


—     141     — 

breuse,  hideuse  et  plainne  de  pueur  et  de  douleur  et  d'ang-oisse  et  de  tris- 
tece  et  de  fain  et  de  soif.  Ne  jamais  nus  ni  avra  leèce  ne  joie.  Ce  sont  li 
jehenne1  puant,  une  terre  si  ardant  et  si  maie  que  [F0  78  6]  noustrefeu2 
n'est  que  painture,  envers  celui,  d'ardeur. 

La  sont  li  flueve3  perilleus  qui  sont  de  feu  et  de  glace,  si  hideus  et  si 
plains  de  venim  *  et  d'ordes  bestes,  qui  font  si  grant  noise  et  si  granz  5 
molestes  des  âmes  qui  la  sont  mises  en  cel  abysme,  que  nus  n'en  diroit  la 
milliesme  partie. 

En  terre  a  moult  d'autres  lieus  qui  sont  perilleus  horrible6,  quededenz 
terre  que  en  mer,  et  en  maintes  ylles  qui  par  la  mer  sont,  orribles  de 
[F0  78  c]  pueur  et  de  feu  et  de  soufre7  ardant,  qui  moult  sont  pénibles. 
Si  y8  a  d'autres  granz  montaing-nes  de  souffre  9  qui  ardent  nuit  et  jour,  ou 
maintes  âmes  ont  grant  encombrier  et  ardent  touz  jourz  pour  espurg-ier 
leur  maus10. 

Si  vous  puetbien  soutire11  a  tant  a  parler  de  ceste  maUre12.  Car  nus  ne 
porroit13  raconter  le  mal  ne  la  paine14que  mauvais  homme  receoit15  qaant 
il  est  partiz16  de  cest  siècle.  Car  il  va17  touz  jourz  de  mal  en  [F0  y8  d]  pis. 
Si  nous  en  tairons  ore  atant  que  plus  n'en  dirons. 

Et  puis  que  nous  avons  devisé  et  descrit18  l'un  des  elemenz,  ce  est19  la 
terre,  si  dirons  après  du  secont;  ce  est  l'yaue  qui  keurt20  touz  jourz.  Et 
après  si  dirons  de  l'air,  et  puis  del21  feu,  dont  chacuns22  a  son  lieu  propre. 


Comment  l'yaue  court  par  la  terre. 

L'yaue  si  est  la  mer  parfonde  qui  tout  le  monde  avironne.  Et  de23 
celui  viennent  les  flueves  qui  keu-[F°  jg  a]rent  par  la  terre.  Et  vo/zt  tant 
leur  cours  qu'il  revienent24  arriéres  en  la  mer,  la  dont  il  sont  venu.  Et  ainsi 
s'en  vait25  la  mer26  adès  tournoiant 27  et  faisant  son  cours28  en  tele  manière 
que,  tant  comme  l'yaue  est  plus  leg-ere29  que  la  terre  n'est,  de  tant  se  tient 
eleplws  près  de  la80  terre  par  desus.  Ele  départ  et  devise  le  pays  et  s'es- 
pant  par  toutes  terres. 

1  B:  géhenne.  —  2  B  :  feus.  —  3B  :  les  flueves.  —  4  B  :  venin.  —  s  B  :  gran/.  -«B: 
orribles.  —  7  B:  suesfre.  —  8  B:  «  y  »  manque.  —  9  B  :  saesfre.  —  10  B  :  mau/s.  —  "  B  : 
soffire.  —  12  A  :  maf  e  ;  B  :  matière.  L'orthographe  ordinaire  de  ce  mot  dans  le  manus- 
crit A  est  «  matire  »  (f<>  26  d,  passim).  Une  seule  fois  nous  trouvons  «  matere  »  (f°  34  a), 
et  même  ce  cas  est  douteux,  comme  il  s'agit  aussi  d'une  abréviation.  —  13  B  :  ne  vous  por- 
roit. —  14  B:  painne.  —  15  B  :  reçoit.  —  16  B  :  parti...  —  17B:  va*7.  —  18  B  :  descript.  — 
■  B  :  c'est.  —  20  b  :  c'est  l'yaue  qui  court.  —  21  B:  du.  —  ™  B  :  chascun.  —  23  B  :  et 
puis  de.  —  2*  B:  reviennent.  —  25  B  :  se  vait.  —  •  B:  «  la  mer  »  manque.  —  27  B:  tour- 
nant. — .28  B  :  cors.  —  *  B  :  leg/ere.  —  30  B  :  «  la  »  manque. 

a  [F*  78d—79b=  Vers  3482-3507.] 


-     142     — 

En  mer  s'esqueult1  et  s'espant  par  les  fluns,  et  vait  sourdant  par  la 
terre  de  lieu  en  autre,  et  par  vainnes.  [F0  y  g  b.]  Tout  ausi  comme  li  sans 
de  Tourne2  s'en  vait  par  les  vainnes  du  cors  et  s'en  ist3  hors  par  aucun 
lieu,  tout  ausi  court  l'yaue  par  les  vainnes  de  la  terre,  et  s'en  sourt  hors 
par  les  fontainnes4A.  Dont  il  avient  partout  que,  quant  l'en  chieve  terre5 
loing-  ou  près,  soit  en  montaing-ne  ou  en  valée,  Yen  trueve  yaue,  ou  salée 
ou  douce,  ou  d'autre  manière. 

Comment  l'yaue  douce  et  salée,  noire,  chaude*  et 
envenimée  sourt. 

[F0  y  g  c]  Toutes  yaues  viennent  de  mer 7  ;  et  les  douces  et  les  salées, 
queles  qu'eles8  soient,  toutes  viennent  de  la  mer  et  la  s'en  revont  toutes. 
Dont  aucuns  porroit  demander  :  «  Puis  que  eles  mennent  toutes  de  la  mer, 
comment  ce  est  que  yaue  douce  en  vient?»  A  ce  respont  *i*  des  aucteurs  9, 
que  l'yaue  qui  a  son  cours  par  la  douce  terre  est  douce;  et  devient  douce 
par  la  douceur  de  la  terre  qui  li  toit10  s'amertume  par  la  nsi-\F0  yg  d\ture 
de  li.  Car  l'yaue  qui  est  salée  et  amere,  quant  ele  court  par  la  douce  terre, 
la  douceur  de  la  terre  retient  s'amertume  et  sa  saleure.  Et  ainsi  devient 
douce  l'yaue  qui  est  salée  et  amere  c. 

Autres  yaues  sourdent  ameres  et  noires,  que  aucunes  g"enz  boivent  pour 
guérir  en  lieu  de  poisons11.  Et  font  monlt  granz  purgations  a  aucunes  g-enz 
souventes  foiz.  C'est  une  yaue  qui  sourt  noire  et  clere;  si  court  par  terre 
qui  est  amere  et  noire;  [F0  Ho  a]  et  est  plainne  de  porreture  moult  grant. 
Si  est  merveilles  que  est  sainne. 

En  autre  lieu  court12  yaue  chaude,  si  que  l'en  s'i  eschauderoit  bien,  que 
l'en  apele  naturels  bains D.  S'en13  a  -i-  a  Ais  la  Ghapele;  et  a  Plommieres 
l'abaye14,  qui  est  en  Loheraine,  -i*15  autre;  et  a  Ais  en  Gascoing-ne  *i*  autre. 
Car  dedenz  terre  a  maintes  cavernes  qui  sont  chaudes  et  ardanz  comme 
feu.  Et  la  terre  a  maintes  vainnes  qui  sont  toutes  plainnes  de  sou-[/^°8o  b] 
fre16.  Si  en  vient  aucunes  foiz  -i-  vent  grant  et  fort  qui  s'ent17  vient  par 
l'yaue  qui  en  sort18.  Et  se  déboutent  si  forment  que  li  souffres  en  esprant 

1  B  :  s'es&euit.  —  2  B  :  l'omme.  —  3  B  :  vait.  —  4  B  :  sourt  par  les  fontainnes  hors. 
—  •>  B  :  la  terre;  A:  chieve  teree.  —  6  B  :  et  chaude.  —  7  B  :  la  mer.  —  8  B  :  que  eles.  — 
9  S:  A  ce  vous  respont  Aristote  et  Platon...  —  10  B  :  qui  li  toust.  —  "  B:  poissons.  — 
12  B:  sourt.  —  13  B:  naturaas  bains.  Si  en...  —  l4  B  :  Ploamieres  l'ab^'e...  —  15  Lohe- 
rainne,  en  a   -i-...  —  16  B  :  sueffre.   —  17  B:    s'en  —  18  B:  sourt. 

a  «  En  mer  s'esqueult...  les  fontainnes.  «  Honorius  Aug.  I.  5.  Sydrach  S.  131,  152. 
B  r^o  7,9  b  —  80  d  =  Vers  3308-3571.] 

C  «  A  ce  respont...  salée  et  amere.  »  Bède.  De  natura  rerum  41  (Pafrol.  t.  90,  col. 
261.  Paris,  1850);  Honorius  Aug.  I.  46. 

d  «  Autres  vaues...  naturels  bains.  »  Honorius  A.  I.  48.  Solin  4  et  5. 


—     148     — 

et  art,  ausi  comme  se1  ce  fust  une  fournaisse2  ardant  ;  et  l'yaue  qui  a  son 
cours3  par  ces  vainnes  et  par  ces  lieus  devient  ausi  chaude  comme  feu.  Et 
s'il  avient  que  l'yaue  saille  par  la  endroit  hors  de  la  terre,  ele  s'en  ist  toute 
enflambée  sourdant,  et  toute  boillant  ausi  comme  [F°  80  c\  ampoise^.  Mais 
que  plus  loing-  s'encourt  d'illuec4,  de  tant  sourt  ele6  mains  chaude  et 
mains  ardant.  Et  puet  courre  si  lomg"  que  en  ia  fin  redevient  toute  froide. 
Car  il  n'est  riens6  si  chauz7  qui  ne  refroide,  fors  que  li  feus8  d'enfer 
qui  toz9  jourz  art  et  ardra  sanz  fin. 

Dedenz  terre  a  mainz  autres  lieus  qui  sont  plains  d'ordes  bestes  veni- 
meuses, si  que  l'yaue  qui  vient  par  la  en  devient  toute  venimeuse,  et  sourt 
en  \F°8o  d]  aucun  lieu  seur  terre.  Mais10  qui  en  boit,  si  va  querre  sa  mort. 


xi  b. 

Des  diverses  fontainnes.i: 

Autres  fontainnes11  sont  ailleurs  qui  muent  leur  couleurs  monlt12  sou- 
vent. Et  autres  dont  il  vient  miracles;  mais13  l'en  ne  set  pas  bien  dont 
ce  est.  En  la  terre  de  Samarie  en  a  une  qui  se  varie  et  chang-e  sa  couleur 
iiii*  foiz  en  l'an  :  premièrement  vert,  et  après  sang-uine  ;  et  puis  devient 
troble.  Et  puis14  devient  clere  et  nete  et  fine,  si  que  ^F°8r  a]  l'en  se  délite 
en  li  regarder  ;  mais  l'en  n'en  ose  boivre. 

Une  autre  en  i  ra  qui  sourt  la  semainne  - iii -  jours15  ou  -iiii*  bonne  et 
sainne16;  et  les  autres  *  iii  -  jours17  se  tient  toute18  coie  et  toute  sèche. 

Un  flueve  i  ra  qui  court  -vi*  jours19  en  la  semainne,  et  au  samedi  ne  se 
muet.  Car20  lors  se  rembat  en  terre  quant  vient  au  samedi. 

Vers  Acre  si  a  une  manière  de  sablon,  dont  l'en  fet21  voirre  bon  et  cler, 

1  B  :  «  se  »  manque.  —  -  B  :  fornaise.  —  3  :  cors.  —  4  B:  i/uec.  —  •">  B  :  elle.  —  6  Les 
derniers  mots  du  f°  72  d  du  manuscrit  B  sont  :  «  il  n'est  riens  ».  Les  premiers  mots  du 
f°  73  A  sont  :  «  celé  yaue  d'un  puits  ».  Les  foS  80  c  à  81  C  du  manuscrit  A  manquent  donc 
dans  le  manuscrit  B.  Les  «  variae  lectiones  »  sont  celhs  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
Nationale  «  Nouvelles  acquisitions  françaises  6883  »  désigne  par  N.  —  7  N  :  chau/.  — 
8N:  le  feu.  —  9  N  :  touz.  —  10  N  :  mes.  —  n  N  :  fontemes.  —  12  N  :  coleurs  moût.  — 
13  N:  mes.  —  14  N  :  trouble.  Et  après  devient.  —  l5  N  :  jours.  —  16  N:  bone  et  saine.  — 
17  N  :  jourr.  —  18  N  :  tote.  —  19  N  :  jours.  —  20  \.  ne  se  muet.  Si  apele  l'en  cel  Jlueve 
le  Sabat.  Car...  —  21  A  :  l'en  faire. 

a  «Car  dedenz  terre...  ampoise.  »  Honorius  A.  I.  48.  Sydrach  Add.  134. 

b  [F0  80  D  —  83  A  =  Vers  3572-3683.]  Le  ms.  en  vers  n'a  pas  de  chapitre  spécial  ici. 
Le  chapitre  suivant  commence  au  vers  3684. 

C  La  source  dii  chapitre  entier  se  trouve  dans  Jacques  de  Vitry  (80).  La  même  des- 
cription se  trouve  aussi  dans  Neckam  (II,  3,  7,  8),  dans  Isidore \Etym.  XIII  13  et  14), 
et  dans  Solin  (4,  5,  6,  1,  21,  29).  Une  description  abrégée  se  trouve  dans  Sydrach 
Add.  15d. 


—     144     — 

a  une  g-laire1  de  mer  que  l'en  met  £L\ec-[F°  81  6]ques2  pour  rafermer*. 

En  Egypte  est  la  Roug-e  Mer,  ou  li  fil 3  Israël  passèrent  outre  a  sèche 
terre  pour  venir  en  la  Terre  Sainte.  Gelé  mer  prent 4  son  non  de  sa  terre. 
Car  ele  est  toute  roug-e  au  fonz  et  tout  en  tour;  si  que  la  mer  en  est  toute 
roug-e. 

En  P^rse  a  *i"  flun5  lonc  et  lé  qui  est  de  nuit  si  eng-elez  que  les  g-enz 
y  pueent6  bien  aler  a  pie.  Et  de  jourz  est  clers  et  coranz7. 

Il  a  en  Espire  une  fo/itainne8  dont  la  matire  est  si  merveilleuse  que 
F0  81  c]  l'en  i  estaint  brandons  touz  ardant9;  et  puis  les  y10  ralume  l'en 
arriéres. 

En  Ethiope  en  a  une  autre  qui  nar  nuit  a  si  grant  chaleur  que  l'en 
n'en  peut11  point  boivre.  Et  de  jors12  est  si  f'roiz  que  l'en  y13  engiele  touz. 

En  Loheramne14,  près  de  Mez  la  cité,  a  une  yaue  qui  court  adès,  que 
l'en  cuist  en  granz  paales15,  et  devient  sel  bon  et  bel.  Et  fornist16  celé  yaue 
tout  le  pays17  de  sel.  Et  sourt  celé  yaue  d'un  puis18  qui  est  près  d'illuec19, 
que  l'en  a  pelé  «  le  puis20  Davi.  » 

[F0  81  d.]  Si  ra  fontainnes  celé  part  qui  sont  si  chaudes  que  l'en  s'i 
art21  touz.  Et  en  meïsmes  celé  place  en  sourt  d'autres  qui  sont  ausi  froides 
comme  glace.  Illuec  sont  les  baïnz  touz  atrempez  ^2,  mêliez  de  froide  yaue 
et  de  chaude.  Et  ceuls  qui  se  baing-nent  en  ces23  bai/is,  leur  charneure  en 
devient  toute  sainne.  Si  sont  unes  noires  fontainnes  que  les  g-enz  tiennent 
pour  sainnes,  et  en  vont  boivre  pour  poisons.  Et  en  font  souventes  foiz 
granz  purg-ations,  [7^°  82  à]  plus  granz24 que  d'une  fort  médecine  que  l'en 
prent  pour  soi  medeciner  26. 

Une  en  ra  devers  oriant?dont  l'en  fait  feu  grejois  avoec  autre  chose  que 
l'en  i  met;  qui  est  si  chauz  quant  il  est  espris  que  l'en  ne  le  peut  estaindre 
d'yaues  26,  fors  d'aisill  27  ou  d'orine  ou  de  sablo/i.  Li  sarrazin  vendent  celé 
yaue  moult  chierement,  plus  que  l'en  ne  fait  bon  vin. 

1  N:  g/ere  ;  C:  glaire  d'œut';  Arund.  52  :  glette  ;  Harley  :  gleste  ;  Sloan  :  glare  ; 
Bruxelles  10971  :  gle/e. 

Arund.  et  les  autres  mss.  en  vers  :  Droit  vers  Acre  a  'i*  sablon 

dont  on  f'et  voire  cler  et  bon 
et  afalcune  giette  de  mer 
c'om  mesle  avec  pour  le  former. 
—  2  N:  aveques.  —  s  N  :  fil/.  —  4  N  :  pmnt.  —  s  N  :  flum.  —  6  N:  poaent.  -'N:  cler  et 
courent.  —  8  N  :    f'ontai/ze.  —  9  N  :  ardanr.  —  10  N  :   i.  —  n  N  :   pziet.  —  12  N:  jourz.  — 
i»  N  :  i.  —  14  N:  Loheraine.  —  15  N  :  paades.  —  i«N:  foarnist.  —  17  N  :  pa/s.  —  18  B  : 
puir.   —   w  B  :   i/uec.  —  20B  :    puis.   —  21  B  :  l'en  //art.  — 22  A:  touz  cha  atrempez.  — 
23  A:  ces  en  bains.  —  24  B:   grans.  —  25  B:   por  medeciner  soi.  —  26  B:  yaue.  —  27  B  : 
«  fors  d'aisill  »  manque. 

*  «  Vers  Acre...  rafermer  »  :  Ce  passage  est  traduit  du  ch.  85  de  Jacques  de  Vitry.  Le 
texte  latin  pouvant  aider  à  élucider  le  français,  nous  le  reproduisons  ici  :  «  In  Tyrensi 
autem  et  Acconensi  territorio  ex  arenulis  maris,  ex  sabulo  videlicet  et  glarea  marina  sub- 
tili  artificio  vitrum  efficitur  purissimum.  »  (Glarea  marina  :  glaire  de  mer,  c'est-à  dire  du 
«  gravier  ». 


—     145     — 

Autres  fontainnes  sourdent  en  moult  d'autres  lieus  qui  g-uerissent  du 
mal  des  ieuz  x  [F0  82  b\  et  de  moalt  de  plaies.  Autres  fontainnes  sont  qui 
rendent  a  houme2  sont3  mémoire;  autres,  obliance4;  autres  qui  refrain- 
g-nent  luxure,  et  autres  qui  l'engraing-nent.  Autres  sont  qui  font  enfanz 
porter  as  famés  5  qui  nul  n'en  ont;  et  autres  qui  les  font  brehaing*nes,  si 
qwVl G  n'en  pueent 7  nul  porter. 

Si  sont  fluns  qui  font  les  berbiz8  noires;  et  autres  qui  les  font  autresi9 
blanches  comme  lis.  Si  sont  monlt  d'estans  ou  nulle  riens  qui  soit  \F°82  c] 
ne  peut10  noer,  ne  homme,  ne  chien,  ne  autre  beste,  que  tantost  ne  s'en 
aille  au  n  fonz.  Et  autres  sont  ou  nulle  riens  ne  peut 12  affonder,  ainz  dote 
toz  13  jourz  par  desus. 

Si  sont  unes  autres  fontainnes  chaudes  qui  font  aweng-ler  14  les  larrons 
quant  il  se  parjurent  du  meffait16  qu'il  ont  fait  de  leur  larrecin.  Et  se  l'en 
li 1<?  met  sus  sanz  raison,  et  il  en  boit,  si  voit  mieux17  que  devant.  De  tels 
choses  ne  puet  l'en  18  rendre  raison,  fors  que  nous  devons  entendre  \F°  82  d\ 
que  ce  est  par  miracle. 

Si  a  fontainnes  qui  sont  coies  et  cleres;  que,  qnant  l'en  fait  desus  li 
aucuns  sons  1!)  de  viele  ou  d'aucun  estrument  qui  resonne  en  manière  de 
joie,  si  saut  a  granz  20  boillons  et  s'espant  aval  la  voie.  Autres  fontainnes 
sont  aillieurs  21  qui  son22*  moalt  périlleuses.  Mais  nous  nous  en  tairons 
ore  atant. 

Si  dirons  de  ce  qu'il  avient  par  l'yaue  qui  tient  son  cors  2S  par  dedenz 
la  terre  et  par  desus.  Dont  il  avient  souvent  si  [F0  83  a]  grant  crolle- 
ment 24  que  la  terre  s'esmuet  si  fort  qu'il  couvient  cheoir  ce  qui 25  est 
desus,  ja  ne  sera  si  fort  tour  '*. 


Xll  A. 

Comment  la  terre  crolle™  et  j lent. 

Ore  entendez  donquis  du  mouvement,  que  ce  est,  et  comment  la  terre 
crolle  27  et  fent,  que  aucunes  g"enz  apelent 28  «  crolle  »,  pour  ce  qu'il  sentent 

1  B  :  ieu/z.  —  2  B  :  homme.  —  3  B  :  son  mémoire  («  sont  »  :  cf.  note  p.  89).  —  4  B  :  o«- 
bliance.  —  5  B  :  femmes.  —  6  B  :  «  qil  »  =  qu'il.  Sur  «  il  »  nom.  pi.  fem.  cf.  notes  p.  83 
et  116;.  —  7  B:  puent.  -«B,  brebiz.  —  9  B:  ausi.  —  10  B  :  puet.  -uB:as.  -  l2  B: 
puet.  —  13  B:  touz.  —  ^  B  :  auueugler.  —  »  B  :  mesfait.  —  *  A:  il  —  ,7  B:  miex.  — 
18  A  :  le;  «  en  »  manque.  —  19  B  :  sons.  —  2°  B  :  gran/.  —  21  B  :  ail/eurs.  —  22  B  :  qui  son/. 
—  »  B  :  cours.—  2*  B  :  cro/llement.—  »  B  :  que.—  26  B  :  cro/lle.—  27  B  :  crodle.— 2»  B:  apele. 

*  «  sou  »  :  cf.  note  p.  80.  Ce  cas  n'est  pas  isolé  et  se  retrouve  f°  113c.  Il  est  confirmé 
par  d'autres  textes:  Aliscans  (Guessard,  Paris,  1870)  v.  396  «  A  la  fontaine  dont  li  rui 
sou  corant  ».  Passion  du  Christ  (Bartsch)  v.  20  «  Vers  nostre  don  sou  aproismad  ».  Che- 
valier du  Papegau  (Halle  1897)  57.  2  «  et  sou  entrés  en  uae  marche  ». 

**  «ja  ne...  tour»  :  même  si  c'était  une  tour  de  quelque  force  qu'elle  fût. 

a  [F°  83a  —  83d  =  Vers  3684-3725.] 

10 


—     140     — 

la  terre  croller  desouz  leur  piez.  Et  crolle  si  forment1,  et  fent  aucunes  foiz, 
([ae  maintes  citez  en  sont  fondues  en  terre,  qui  puis  ne  furent  veûes. 

Et  ce  avient  par  les  granz  [F0  83  b  \  yaues  qui  vont  par  dedenz  la  terre; 
si  que  par  le  deboutement  des  granz  ondes  naissent  aucun  vent  es  2  ca- 
vernes qui  sont  souz  s  terre.  Et  li  airs  qui  se  serre  dedenz,  qui  est  enclos 
en  grant  destroit,  se  la  terre  est  la  endroit  foible  4  que  ele  ne  le  puisse  re- 
tenir, si  s'uevre  et  fent  la  terre  pour  5  l'air  qui  s'efforce  a  issir  hors.  Dont 
il  est  souvent  avenu  que  viles  et  citez  en  sont  fondues  en  abbysme  G. 

Et  se  la  terre  est  de  tel  force  que  ele  ne  fent  ne  \F°  83  c]  ne  crolle  7 
par  le  deboutement  des  venz  qui  la  dedenz8  sont,  si  s'esmuet  lors  la  terre  A 
si  durement  que  les  granz  murs  et  les  hautes  9  tours  qui  siéent  la  endroit 
desus,  si  chieent 10  si  soudainement  "  jus  a  terre  que  ele  assoume  12  et  tue 
les  genz  qui  dedenz  so/it,  qui  ne  s'en  estoientpas  pourveûz,  dont  li  pueples  13 
qui  demeure  la  endroit,  qui  ne  sevent 14  pas  a  quele  heure  celé  tempeste 
doit  venir  \ 

Li  sage  qui  doutent  a  mourir15  s'apare -F0  83  pillent  contre  la  mort  de 
querre  acordance  a  Nostre  Seigneur  de  leur  péchiez  selonc  lor 16  loi  et  la 
créance  que  il  ont,  comme  cil  qui  n'ont  espace  de  vivre  la  ou  il  sont  sains 
et  haitiez". 

Ainsi  fait  l'yaue  le  movement  par  quoi  la  terre  fent,  et  crolle. 

1  B  :  tourment.  —  2  B:  aucuns  venz  as.  —  3  B:  soz.  —  4  B:  fiehle.  —  5  B  :  por.  — 
6  B  :  aôysme.  —  "•  B  :  ne  fent  ne  crolle.  —  8  B  :  «  dedenz  »  manque.  —  9  B  :  que  les  haut 
murs  et  les  granz  et  les  hautes.  — 10  B  :  chient.  —  11  B:  soudainement.  —  1-  B:  assomme. 
—  i3  B:  le  pneole.  —  u  B  :  se/vent.  —  »  B  :  morir.  —  16  B  :  leur. 

*  Le  sens  de  la  phrase  depuis  «  tue  »  jusqu'à  «  venir  »  paraît  être  le  suivant  :  «  Elle 
tue  les  gens  qui  sont  dedans  (les  tours),  comme  ils  ne  s'y  attendaient  pas  et  qu'ils  ne 
savent  pas  à  quelle  heure  cette  tempête  doit  venir.  Et  avec  eux  (elle  tue)  le  peuple  qui 
demeure  en  cet  endroit. 

La  phrase  «  dont...  endroit»  est  vraiment  une  parenthèse,  telle  qu'il  s'en  trouve  beau- 
coup dans  notre  texte.  Il  ne  peut  être  question  d'erreur  de  copiste  ici  comme  tous  les  ms. 
en  prose  ont  la  même  leçon  et  qu'elle  se  retrouve  dans  les  deux  rédactions  en  vers. 
Sloan  (lro  réd.  envers)!'0  83D:  que  les  gens  assome  et  confunt 

qui  pas  proveù  ne  se  sunt, 

dont  li  poples  qui  la  demore, 

qui  ne  sevent  pas  a  quel  ore 

celé  tempeste  doit  venir. 
ffarley (2e réd.  envers)  f°53A  :  que  les  genz  assome  et  con(on\ 

qui  pas  porveii  ne  s'en  sont, 

dont  li  pueples  qui  la  demore, 

qui  ne  sevent  pas  a  quel  hore 

celé  tempeste  doit  venir. 
**  «  Li  sage...  haitiez  »  .  Les  sages  qui  craignent  de  mourir  se  préparent  à  la  mort  (en 
se   réconciliant    avec  Lieu)  (en  cherchant   le  pardon  de  Dieu)  pour  leurs  péchés  selon  leur 
loi  et  leur  croyance,  comme  ceux  qui  n'ont  que  peu  de  temps  à  vivre  quand  ils  sont  sains, 
et  bien  portants. 

a  «  Et  ce  avient...  si  s'esmuet  lors  la  terre  »  Honorius  Aug.  I,  41,  42.  Neckam  II,  48. 
Sydrach  Add.  148,  S  133.  Bède,  De  nat.  rer.  49  (Patrol.  t.  90,  col.  275).  Adélard  deBath 
Quœst.  50.  «  Oua  de  causa  terremotus  fiât  ».  Sénèque  Quœst.  Nat.  3,  6. 


—     147     — 

xiiiA. 

Comment  la  mer  devient  salée B. 

Or  vous  dirons  ci  après  comment  la  mer  devient  salée,  qui  tant  est  amere 
que  nus  n'en  puet1  boivre2. 

Il  avient  par  le  souleill 3  d'en  haut.  Car  il  fait  si  [F°  84  a]  très  grant 
chaut  en  aucun  lieu  que  la  mer  i  eschauffe 4  si  durement  que  la  terre,  qui 
est  desoz  5,  atrait  une  moisteur  amere  qui  li  toit e  toute  sa  saveur.  Car 
en  la  mer  a  mowlt  de  granz  7  montai/^nes  et  de  granz  valées  qui  sont 
plainnes  de  granz  amertumes.  Et  la  terre  qui  est  au  8  fonz  escume  pour  le 
chaut  du  souleill 9  amont  qui  se  melle  avoec  l'yaue  parfont,  si  que  il  en 
trait  sa  saleiïre  amont  par  la  grant  chaleur  du  souleill 10,  tant  que  ele  X1 
est  [F0  8/4  b  mellée  avoec  l'autre  c.  Et  ainsi  devient  la  Tuer  salée  12  avoec 
l'autre.  Mais  atant  nous  tairons  des  yaues.  Si  vous  13  dirons  de  l'air. 

xivD. 

De  l'air  et  de  sa  nature. 

Li  airs  est  assis  desus  l'yaue,  et  est  plus  soustis 14  que  l'yaue  ne  que  15 
la  terre;  et  avironne  la  terre  entour,  et  se  donne  si  haut  comme  la  nue  puet 
plus  monter.  Cil  airs  si  est  li  airs16  espés  qui  nous  avironne17  en  touz 
sens.  Et  par  lui 18  vivons  a\i-[F°  84  cjtresi  comme  li  poissons  vit  de  l'yaue, 
quienz  la  trait  et  puis  la  giete  hors19.  Tout  autresi  nous  pourfite  20  li  airs; 
car  nous  espirons  hors  et  enz  ;  et  nous  tient  la  vie  dedenz  le  cors.  Car  li 
hons  morroit 21  plus  tost  sanz  air  que  ne  feroit  li  poissons  sanz  yaue,  a  cui 
la  vie  es^monlt  tost  fenie  quant  il  en  est  hors. 

1  B:  ne  puet.  «  En  »  manque.  —  -  B  :  boire.  —  3  B  :  so/eill. — 4  B  :  la  mer  y  eschaufe  ; 
C  :  eschaufe;  A:  eschausfe.  —  5  B:  desouz.  —  6  B:  qui  \u\  toalt.  —  7  B:  a  de  moult 
granz.  —  8  B  :  as.  —  9  B  :  soleill.  —  10  B:  soleill.  -nB:  qu'ele  —  l2  A  :  «  et  ainsi  devient 
la  mer  salée  »  se  trouve  écrit  deux  fois.  —  13  A  :  Si  vons.  —  14  B  :  so«ns.  —  15  B  :  «  que  » 
manque.  —  16  A:  «  si  est  li  airs  »  manque.  —  17  B  :  environne.  —  18  B:  IL  —  19  B  :  /ors. 
—  2°  B  :  porfite.  —  21  B  :  moroit. 

a  [Fo  83d  —  84b  =  Vers  3726-3745.] 

b  Cette  explication  ne  forme  pas  un  chapitre  séparé  dans  le  ms.  envers.  Elle  fait  par- 
tie du  chapitre  précédent. 

c  «  Il  avient  par  le  souleill...  avoec  l'autre.  »  V.  Introduction  p.  44,  4o.  Neckam  II.  1. 
Honorius  Aug.  I.  45.  Albert  le  Grand  (Opéra  Omnia,  Paris,  1890  t.  4)  De  Meteoris  II.  3.  3. 
Bède,  De  nat.  rer,  41  (Patrol.  t.  90,  col.  261).  Sydrach  Add.  133;  S  130.  Adélard  de 
Bath.  Quœst.  51  (Quare  marina  aqua  salsa  est).  Sa  théorie  est  la  même  que  celle  de  Gos- 
souin  :  i.  e.  la  chaleur  du  soleil  fait  transpirer  les  montagnes  au  fond  de  la  mer,  et  cette 
transpiration,  mélangée  à  l'eau  douce,  produit  l'eau  salée.  Adélard  ajoute  que  l'eau  de  mer 
est  plus  salée  en  été  qu'en  hiver,  la  transpiration  étant  plus  abondante  à  cause  de  la 
chaleur. 

d  [Fo  84  b— 85b-  Vers  3746-3797.J 


—     148    — 

Li  airs  si  nous  maintient  la  vie  par  la  moisteur  qui  nest1  de  lui  ;  et, 
par  l'espoisseté  qui  en  lui  est,  soustient  les2  [F0  84  d]  oisiaus  volant3 
qui  tant  le  debatent4  de  leur  eles  et  l'esmuevent  ta/it  entour  euls  qu'il  s'en- 
batent 5  dedenz  et  fichent,  menant  leur  joie  et  leur  déduit.  Ainsi  vont  li 
oisel  par  l'air,  volant,  chantant,  et  loant  leur  creatour,  ainsi G  comme  li 
poisson  qui  vont  noant7  par  l'yaue. 

Si  vous  en  poez  en  tele  manière  apercevoir 8  :  Prenez  une  verge  et  la 
mouvez  en  l'air.  Se  vous  la  mouvez  roidement,  ele  ploiera  tantost.  Et  se  li 
airs  ne-\F°  85  ajstoit  espés9,  ja  la  verge  ne  ploieroit10;  ainz  se  tendrait 
toute  droite,  ja  si  fort  ne  serait  meiïe11^. 

De  cel  air  prennent  leur  habit  es  cors  li  maligne  esperi  t.  C'est  anemis  qui 
se  met  en  samblance  d'aucune  chose,  lors  quant  il  se  peut ia  aparoir  en 
aucun  lieu  pour  décevoir  aucun  homme  ou  pour  faire  issir  de  son  sens,  dont 
il  est  aucune  foiz  puissanz;  ou  quant  il  se  met  par  art  de  nigromance  1!J  en 
aucune  samblance,  en  tele  figure  comme  [F°  85  b  il  veult'*.  Car  il  en  set 
tant  comme  il  en  estuet.  Mais  c'est  -i*  art  qui  donne  la  mort  a  celui  qui  s'i 
abandonne  mauvaisement14;  car  il  ne  set  mot  si  est  morz  et  dampnez  en 
cors  et  en  ame.  Mais  nous  enquerrons  ci  après  qu'il  avient  en  l'air  de  la 
terre. 

XV  A  G. 

Comment  nues,  pluies  lr'  et  gelées,  nois,  te/npestes, 
tonnoirres  et  espars  16  aviennent. 

Or  dirons17  des  nues  que  ce  est,  et  de  la  pluie  autresi18.  Li  solaus  si  est 
fondemenz  la  de  toute  chaleur  et  de  touz  tans. 20  [F0  85  c  Tout  ausi  comme 
li  cuers  de  l'orne  est  fondement  *l  de  la  chaleur  qui  habonde  en  lui,  est  li  so- 
laus 22  li  cuers  du  monde  et  fondemanz28  par  la  valeur  qui  est  en  lui  de 
tote24  naturel  chaleur.  Car  par  lui2"  vit  quanque  en2,î  terre  naist,  si  comme 
il  plait27  a  Nostve  Seigneur;  si  comme  vous  orrez  ci  après,  se  cest  livre  vou- 
lez près  de  vous  tenir.  Car  il  fait  monter  les  nues  en  haut,  et  puis   en  fait 

1  B:  naist.  —  -  B  :  soustient  il  les.  — 3  B  :  volanr.  —  4  A:  debatant.  —  ■>  B  :  s'embatent. 
—  fi  B:  lo/ant  Nostre  Seigneur,  a«si.  —  7  B  :  no/ant.  —  s  B:  pouez  apercevoir  en  tele 
manière.  —  '-}  B:  cspo/s.  —  10  B  :  ploierr/?/.  —  1]  B:  si  forment  ne  seroit  menée.  —  12  B: 
veu/t.  —  1:!  B:  par  /'art  de  nigroamance.  —  u  B  :  qui  mauvaisement  s'i  abandonne.  — 
15  A:  «  pluies  »  manque.  —  IC  B  :  espar.s.  —  17  B  :  Or  vous  dirons.  —  ,s  A  :  autre.  —  19  B: 
li  sbuïeii/s  si  est  l'ondemen/.  —  -"  B  :  tan/.  —  21  B  :  l'om/ne  est  f'ondemenr.  —  -2  B  :  sou- 
leuls.  —  -"  B:  fondemenz.  —  -4  B  :  ioute.  —  -■"'  B  :  par  //.  —  2,î  B  :  quanqu'en.  —  27  B  : 
plats/. 

a  «  Li  airs...  ne  seroit  meiie.  »  Sydrach  Add.    12.*).  V.  Introduction  p.  45. 

b  «  De  cel  air  ..  comme  il  veult.  »  Saint  Augustin  De  Genesi  ad  litteram  (Pat roi. 
t.  34)  liber  III,  ch.  X.  li.  «  Dtemones  aeria  sunt  animalia,  quoniam  corporum  aeriorum 
natura  virent.  » 

c  i  /->  85  l>  —  86  d  =  Vers  3798-3873. 1 


—   m  — 

la  pluie  avaler  aval,  si  le  vous  mosterrai  comment  et  hvi-^F0  85  djefment1, 
par  sa  force. . 

Ore  entendez  en  quele  manière  :  Quant  li  soulaus2  espant  ses  rais  par 
desus  la  terre  et  par  desus  ces  marais,  si  la  deseche  3  toute  et  en  trait  la 
moisteur  qui  s'en  vait  ammont 4.  Mais  ce  est5  une  moisteur  soustille  qui 
petit  pert;  et  a  a  non  6  vaspeur7,  et  monte  jusques  en  mi  l'air.  Si  s'asamble 
etamoncele  et  demeure  illuec.  Et  pou  et  pou  i  vient8,  tant  que  ele  demeure9 
espesse  etoscuvei0,  tant  que  ele  nous  [F0  86  a]  toit11  la  veiïe  du  souleill 12. 
Et  tel  chose  est  nue  a.  Mais  ele  n'a  pas  si  grant  oscurté13  que  ele  nous  toille 
la  clarté  du  jour. 

Et  quant  ele  devient  trop  espesse,  si  en  naist  yaue  qui  vient  a  terre  ;  et 
la  nue  blanche  demeure.  Adonc  luist  li  soulaus14,  qui  est  en  haut,  parmi  la 
nue,  se  n'est15  trop  noire,  ausi t6  comme  parmi  i-  voirre.  Et  ausi  comme 
d'une  chandele17  ardant  dedenz18  une  lanterne,  qui  nous  rent  la  clarté  par 
dehors;  et  si  ne  voions  pas  la  chandoile.  [F0 86  b.]  Ausi19  luist  li  soulaus20 
parmi  la  nue  qui  est  desouz  lui  ;  et  nous  rent  la  clarté  du  jour,  tant  comme21 
il  fait  son  tour  tout 22  desus 2S  la  terre.  Et  la  nue,  qui  touz  jourz  s' 2*  espoisse, 
s'asamble25  près  a  près,  tant  que  ele2fi  devient  noire  et  moiste.  Lors  en  ist 
yaue  qui  s'e/i  vient  jusques  a  terre.  Et  ainsi  nest*7  pluie. 

Et  quant  ele  est  toute  cheoite  a  terre,  que28  toute  la  moisteur  se  restan- 
che,  adonques  pert  la  nue  clere 29  et  blanche  qui  est  legiere  et  monte  en 
haut,  [F°86  c]  tant  que  ele  défaut  tote30  en  la  fin,  pour  le  chaut  du  soûl- 
leil31  amont  qui  toute  la  dessèche32.  Lors  revoit  l'en  l'air  pur  et  cler,  et  le 
ciel  ausi  blou  comme  est  azur. 

De  terre  naist  et  pluie  et  nues,  ausi  comme  d'un  drap  que  l'en  essuieroit 
au  feu,  qui  seroit  moilliez.  Lors  en  ist  une  moisteur  ausi  comme  fumée,  et 
s'en  vait  contremont.  Qui  adonqwes  tendroit  sa  main  au  desus  de  celé  fu- 
mée, il  sentiroit  une  vaspeur38  qui  toute  sa  main  li  amoi-[F°  86  d]st\voit3i. 
Et  s'ele35  duroit  longuement,  il  verroit3*5  apertement  que  sa  main  li  moil- 
leroit87  yaue38  toute,  et  qu'il  en  cherroit39  yaue.  Et  ausi 40 vous  di  je  que  en 
tele  manière  naissent  souvent  pluies  et  nues.  Et  Diex  lesmonteplie41  mou\ti2 
bien,  quant  il  veult,  pour  faire  croistre  son  bien  qui  est  en  terre. 

1  B:  briésment.  —  -  B:  souleu/s.  —  3  B  :  desesehe.  —  4  B  :  amont.  —  5  B  :  c'est.  — 
6  B  :  et  a  non.  —  7  B:  vaspour.  —  8  B  :  en  i  vient.  —  9  B  :  ele  i  demeure.  —  10  B  :  obs- 
cure. —  n  B  :  toull.  —  i2  B  :  soleill.  —  13  B  :  oôscurté.  —  UB  :  souleu/s.  —  15  B  :  se  adonc 
n'est.  —  16  B  :  aussi.  —  "  B  :  chandot'/le.  —  18  B:  parmi.  —  19  B:  Aussi.  —  »  B  :  sou- 
leuls.  —  21  B  :  comment.  —  22  a  :  il  fait  du  sour  tout.  —  23  B  :  il  fait  son  tour  de  desus.  — 
24  B  :  «  s'  »  manque.  —  25  R:  s'assamble.  —  ^  B:  tant  qa'ele.  —  27  B  :  naisl.  —  28  B  : 
terre,  tant  que.  —  »  B  :  toute  clere.  —  so  B  :  desfaut  toute.  —  31  B  :  so/eil.  —  &  B  :  deseche. 
33  B:  vaspour.  —  3*  B  :  amostiroit.  —  35  B:  Et  se  ele.  —  30  A:  il  diroit.  —  37  B  :  moil- 
lerent.  —  38B:  «yaue»  manque.  —  39  B  :  charroit.  —  4o  B  :  aussi.  —  41  B  :  montep/oie 
(«  monteplie  »  :  cette  orthographe  est  confirmée  ;  cf.  Froissart  (Paris,  1869)  p.  182  «  mon- 
teplie».  —  42  B:  «moult»  manque. 

a  «  Quant  li  soulaus...  tel  chose  est  nue.  »  Sydrach  Add.  126.  S.  :îo2. 


-     150     — 


XV     B 


Dès  gelées  et  des  nois. 

Les  granz  nois  et  les  granz  gelées  aviennent  par  les  granz *  froidures 
de  l'air  qui  est  froiz  el  milieu  plus  qu'il  n'est  ailleurs.  [F0  8y  a]  Ausi 
comme  vous  veez  touz  jourz  des  montaingnes2  qui  sont  en  haut  lieu,  si 
comme  en3  ces  monsde  mont  Gieu,  etien  ces  autres  hautes  montaingnes, 
que  il  y  a  plus  de  noif  que  il  n'a  es5  lieus  qui  sont  en  plainne  terre.  Tout 
ce  avient  par  la  froidure  de  l'air  qui  a  mains  de  chaleur  en  haut  que  en 
bas,  pour  ce  qu'il  est  plus  soutis  que  cil  d'en  bas0  n'est.  Et  quant  plus 
soutis  est  en  haut,  de  tant  retient  il  mains  de  chaleur.  [F0  Sj  b  Mais  que 
plus  est  li  airs  espés,  de  tant  eschauffe7  il  plus  tost  la  ou  li  solaus  peut8 
venir.  Dont  l'en  voit  qu'il  avient  que  fer  et  acier  eschauffe  :>  plus  au  sbu- 
leill 10  que  ne  fait  ne  fust  ne  pierre.  Car  tant  comme  la  chose  est  plus  dure 
et  de  plus  espesse11  nature,  de  tant12  s'i  prent  li  feus13  plus  forment  et 
plus  tost  qu'en  celés  qui  mains  ont14  de  force. 

Autresi15  vous  di  je  de  l'air  qui  est  la  sus  en  haut,  qu'il  est  plus  froiz 
que  cil 1G  de  ça  jus  n'est,  F0  8j  c]  pour  ce  que  il  n'est  pas  si  espés  comme 
cil 17  qui  est  près  de  la  terre,  et  pour  le  vent  qui  souvent  i  naist,  qui  le  fait 
estre  en  mouvement.  Car  l'yaue  qui  court  roidement  eschauffe1*  mains  que 
celé  qui  se  tient  coie  :  Autresi  fet  li  airs  19  qui  est  en  haut.  Et  par  ce  i  naist 
la  froidure  qui  engiele  celé  moisteur,  tantost  comme  ele  i  est  montée,  et 
chiet  toute  engelée  aval  '*. 

XV   cc. 

Des  grelles20  et  des  (empestes. 

Par  autretele21  manière  ra  -  [F0  ttj  d]  viennent  en  esté  les  granz  grelles 
et  les  granz  tempestes.  Car  en  air22  naissent  aucun  vent,  dont  il  naist  sovent 
grant  froidure  ;  si  que  la  moisteur,  qui  en  l'air  est  née,  se  trait23  a  gelée,  et 

1  H  :  par  h/  gran/.  —  -  B:  monta/gnes.  —  3  B  :  «  en  »  manque.  —  4  R  :  en  ces  mon- 
tagnes de  Savoi/e  et  de  Pieu/nont,  et...  —  •"'  B:  as.  —  r>  B:  d'embas.  —  7  B  :  eschau/e. — 
8  B  :  soiùeuls  puet.  —  9  B  :  eschau/e  ;  A  :  eschau.sfe.  —  »  B  :  so/eill.  —  n  B  :  espo/se.  — 
*2B  :  ta/?.  —  13  B:  le  feu.  —  l4  B  :  qui  ont  mains.—  ir>  B  :  Autressi.  —  16  B:  que  celui.  — 
17  B:  celui.  —  18  B  :  qui  roidement  court  eschau/e  ;  A:  eschausfe.  —  19  B  :  fet  /'air.  — 
2°  B:  "ir.vles.  —  21  B  :  «  autre»  manque.  —  -  B:  en  /'air.  —  2:î  B:  née  de  ht  terre,  se 
tra/.vt. 

a  [F"  86  d  —  87  c  =  Vers  3874-3909.]  Le  ms.  en  vers  fait  de  XV  b  un  chapitre  séparé, 
et  non  pas  une  section  de  chapitre. 

b  «  Tout  ce  avient...  en»elée  aval.  »  Honorius  Aug.  T.  6i.  Sydrach  S.  124.  Neckam, 
De  laud.  IV  157,  188. 

c  [F°  87  c  —  88  a  =  Vers  3910-3923.]  Le  ms.  en  vers  l'ait  de  XV  c  un  chapitre 
séparé,  et  non  pas  une  section  de  chapitre. 


—     151     — 

assamble  en  l'air  et  amasse  pour  la  chaleur  qui  la  chace  après  et1  li  soulaus 
qui  près  la2  serre;  et  endurcist  et  chiet  a  terre*.  Mais  ele  ne  chiet  pas  si 
grosse  a  terre  comme  ele  naist  en  haut.  Car  ele  vient  dépeçant  et  amenui- 
sant au  cheoir.  \F°  88  a  Et  c'est  la  tempeste  qui  chiet  souvent  en  esté,  qui 
grieve  a  mo^lt  de  choses  A. 

XV    DB. 

Des  espars3  et  des  tonnoirres*. 

En  l'air  aviennent  moult  de  choses  dont  les  g*enz  ne  parolent5  paires. 
Car  il  n'ont  cure  de  teles  choses  dont  il  ne  sevent  a  chief  venir. 

Ce  qui  fait  la  terre  croller,  et  qui  fait  tonner  les  nues,  et  ce  qui  fait 
ouvrir  la  terre,  ce  fait  les  nues  espartir.  Si  comme  l'en  voit  quant  il  tonne. 
Car  tonnoires  et  esparz 6  n'est  que  deboutement  de  venz  qui  s'en  - 
[F0  88  6]  trecontrent 7  desus  les  nues  si  durement,  que  en  leur  venue 
naist  souvent  aucuns  feus  en  l'air.  Et  ce  est  foudre  qui  chiet  en  main 
lieu,  que  li  vent  destrai/ig-nent8  si  durement  que  les  nues  en  fendent  et 
derrompent  ;  et  fait  tonner  et  espartir.  Et  chiet  aval  par  tel  force,  pour  le 
vent  qui  le  destraint  si  dureme/it,  que  il  confont  quanqwVl  ataintc,  si  que 
il  ne  dure  riens  contre  lui.  Et  est  de  si  pesant  nature  que  aucune  foiz 
perce  [F°  88  c]  la  terre  jusques  en  mi.  Et  aucune  foiz  estaint  ainçois,  se- 
lonc  ce  qu'il  ne  poise  pas  tant,  ne  pas  n'est  de  si  fort9  nature. 

Car  quant  la  nue  est  bien  oscure10  et  espesse11,  et  qu'il  y  a  g-rant  plenté 
d'yaue,  si  ne  l'a  pas12  li  feus  si  tost  passée.  Ainz  estaint  en  la  nue,  pour13 
la  g-rant  plenté  de  pluie  qui  est  dedenz,  ainz  qu'il  la  puisse  trespercier  ;  si 
nepeutaprouchier  14  la  terre.  Mais  a  l'estaindre  qu'il  fet  adonques  en  la  nue, 
naist  •  i  ■  son  si  fort,  que  ce  est  merveilles  a  oyr15.  [F0  88  d  Et  c'est  li 
tonnoires16,  qui  mowlt  fait  a  douter.  Tout  autresi  comme  d'un  fer  chaut  et 
ardant  que  l'en  bouteroit  en  plainne  cuve  d'yaue,  si  en  naist  -i*  grant 
son;  ou  quant  l'en  i  estaint  charbons0. 

1  B:  «  Et  »  manque.  —  2  B  :  le.  —  3  B  :  espars.  —  4  B  :  tonnaires.  —  5  B:  paro/71ent. 
— 6  B:  tonnarres. —  7  B:  s'entrencontrent.  —  8  B:  destram/.  —  9  B:  forte.  —  10  B  :  o6s- 
■eure.  —  n  B  :  et  bien  espesse.  —  12  B  .  si  n'a  la  pas.  —  13  B  :  por.  —  14  B  :  p«et  tres- 
percier. —  15  B  :  oj'r.  —  16  B  :  tonnairres. 

n  Si  que...  chiet  a  terre  »  :  la  moiteur  qui  naît  en  l'air  se  change  en  gelée,  s'as- 
semble en  l'air  et  forme  une  masse  à  cause  de  la  chaleur  qui  l'accompagne  et  du  soleil 
qui  en  est  proche.  Alors  elle  durcit  et  tombe  à  terre. 

a  «  Car  en'air  naissent...  moult  de  choses.  »  Honorius  Aug.  I.  60.  Sydrach  S.  127. 
Neckam  De  laud.  IV.  188.. 

b  [F*  88  a  —  89  a  =  Vers  3924-3981.]  Le  manuscrit  en  vers  fait  de  XV  d  un  cha- 
pitre séparé  et  non  pas  une  section  de  chapitre. 

c  «  Ce  qui  fait  la  terre...  quanqu'il  ataint.  »  Philos.  Mandi  III.  10.  Neckam  De  laud. 
III.  97-118.  Sydrach  Add.  136;  S  125,  126.  Isidore  Etym.  XIII.  8  et  9. 

d  «  Et  est  de  si  pesant...  estaint  charbons.  »  Neckam,  De  laud.  III  97-118.  V.  Intro- 
duction p.  45. 


—     152    — 

Mais  li  esparz1  du  tonnoirre2  apert  ainçois  que  vous  en  oiez  la  voiz. 
Car  li  veoir  de  l'oume  3  est  plus  soutis  que  n'est  li  oyrs  A.  Si  comme, 
quant  l'en  voit  de  loing-  outre  une  jaue  batre  dras  ou  ferir  martiaus,  l'en 
voit  avant  les  cops  de  cels4  qui  fièrent  cou  -  ' F0  8g  a]  chier  arriéres  que 
l'en  oie5*  le  son  du  coup**.  Tout  autresi"  vous  di  je  du  tonnoirre  que  Yen 
voit7  avant  que  l'en  l'ait  oy.  Et  de  tant  comme  il  est  plus  ensus  de  nous, 
de  tant  s'esloi/ig-ne s  plus  li  sons  de  l'espart  ;  puis  que  l'en  l'a  veûr 
ainçois9  que  l'en  oie  sa  vertu».  Et  que  plus  tost  est  oyz  10  après  l'espart, 
tant  est  li  tonnoirres11  plus  près. 

xviG. 

Comment  li  vent12  naissent. 

Des  venz  peut18  l'en  enquerre  raison  par  les  mers.  Et  environ  la  terre 
keurent14  souvent,  F0  8g  b  et  s'entrecontrent 15  en  aucun  lieu  si  durement 
qu'il  s'eslivent1'5  ***  contrernont,  si  qu'il  deboute/lt  l'air  amont.  Et  li  airs, 
qui  est  déboutez  par  force  et  ostez  1T  ****  de  son  lieu,  remuet  l'autre  air  en 
tele  manière  qu'il  retorne  ausi  comme  arriéres.  Et  s'en  vait  ausi  ondoiant 
comme  l'yaue18  qui  est  corant19.  Car  venz  n'est  autre  chose  que  airs  qui  est 
esmeiïz,  tant  que  sa  force  soit  abatue  du  tôt 20  D  Ainsi  vienent21  souve/ites 
foiz  nues  et  pluies  et  tonnoirres  et  escrois,  F0  8g  c]  et  les  choses  que 
nous  avons  dit  devant.  Si  y  a  enquore22  autres  resons23  comment  tels 
choses  aviennent.  Mais  celés  qui  mieulz24  y  affierent  avons  no/ts  briément 

1  B  :  espars.  —  -  B  :  tonnoure.  —  :!  B  :  l'omrae.  —  4  13  :  corps  de  ceals.  —  5  A  :  l'en  i  oie. 
6  B  :  antre.ssi.  —  7  B  :  l'en  le  voit.  —  s  A  :  de  tant  l'esloinçne.  — 9  A:  amoois.  —  l0  B  : 
o/z.  —  n  B  :  tonnoires.  —  12  B:  venz.  —  1:;  B:  paet.  —  14  B  :  courent.  —  15  H:  s'cn- 
trem-ontrenl.  —  ,6  B  :  s'esl/event.  —  17  A  :  oste/z.  —  18  li  :  l'/aue.  —  ,0  B:  courant.  — 
20  B  :    tottt.    —  21  B  :  vienne*.    —    --  B  :    encore.   —   23   B  :  m/sons.  —  -4  B  :  micr. 

*  L'i  du  ms.  A  doit,  s'omettre.  Le  scribe  écrit  en  un  mot  «  ioie  »,  avec  un  point  sous 
1'/,  si^-ne  qu'il  emploie  d'ordinaire  pour  signifier  que  la  lettre  ainsi  marquée  doit  être 
omise. 

**  «  l'en  voit...  du  coup  »  :  on  voit  d'abord  les  coups  de  ceux  qui  frappent  s'abaisser 
avant  d'entendre  le  son  du  coup. 

***  «eslivent »:  ce  mot  ne  reparaît  sous  aucune  l'orme  dans  le  ms.  A.  Les  nombreux 
exemples  du  changement  de  ie  en  i  dans  le  ms.  A,  et  les  cas  parallèles  dans  d'antres  textes 
semblent  justifier  l'orthographe.  Cf.  p.  59,  note. 

****  «  oste/z  »  :  cas  isolé  dans  le  ms.  A,  et  non  confirmé  par  d'antres  textes.  Stim- 
ming  (o.  c.  p.  211)  donne  des  exemples  de  l'addition  d'un  «  I  »  (provo/t,  volts,  o/reille). 
Le  seul  autre  cas  dans  A  est  «  p/aist  »  f°9UD. 

a  «  Mais  li  esparz...  li  o5'rs.  »  b  «  Si  comme...  que  l'en  oie  sa  vertu.»  A  :  Philos.  Mandi, 
III.  10.  a  cl  b  :  Adélard  de  Bath,  o.  c.  Quœxt.  68.  V.  Introduction  p.   45,  n.  i. 

c  [F"  80  A  —  89  C  =  Vers  3982-4005.] 

n  «  Des  venz  peut...  abatue  du  tôt.  »  Philos.  Mandi,  III.  15.  Sydrach  S.  127. 
Neckam  I.  18. 


153 


retraites  pour  legierement  entendre.  Et  si  en  laisserons  ester  atant  pour 
deviser  le  feu  qui   est  desus  l'air  en  haut. 


XVll     AA. 

Du  feu  et  des  estoiles  qui  samblent1  cheoir. 

Sus  l'air  est  li  feus  tout  e/itour.  C'est  uns  airs  qui  est  de  mowlt  grant 
resplendiseur2  et  de  mouh  grant  no  ~  TF°Sg  d]  blece  3  ;  et  par  sa  très 
grant  soutilleté  n'a  riens  de  moisteur  en  lui.  Et  est  autant  plus  cler  de 
celui  que  nous  avons  et  de  plus  soustill4  nature,  comme  cis  airs  est  vers 
yaue  clere,  ausi 5  comme  l'yaue  est  envers  la  terre. 

Cil  airs,  ou  il  n'a  nulle  moisteur,  s'estent  jusques  a  la  lune»;  et  voit 
l'en  souvent  desouz6  cel  air  aucunes  estanceles  de  feu;  et  samble  que  ce 
soient7  estoiles.  Dont  les  «-enz8  dient  que  ce  sont  estoiles  qui  s'en  vont 
courant  et  qui  se  F0  go  a]  remuent  de  leur  lieus.  Mais  non  sont  ;  ainz 
sont  aucun  feu  qui  naissent9  en  l'air  d'aucune  vaspour  sache  10*  qui  n'a 
point  de  moisteur  dedenz  li  qui  montée  i  est  de  la  terre,  dont  ele  naist  par 
le  soleill  qui  l'en  trait  en  haut.  Et  quant  ele  est  trop  haut,  si  chiet  et 
esprent11,  ausi  comme  une  chandoile12ardant ce13 nous  samble;  et  puis  chiet 
en  l'air  moiste,  et  estainl  par  la  moisteur  de  l'air.  Et  quant  ele  est  grosse, 
et  li  airs  est  ses,  si  s'en  vient  ar-[jP°  go  6^dant  tout  adès  jusq/zes  a  la 14  terre. 

Dont  il  a  vient  souvent  que  cil  qui  vont  najant  par  mer,  ou  cil  qui  vont 
par  terre,  les  ont  trouvées  maintes  foiz  et  les  veoient  toutes  luisanz  et 
toutes  ardanz  cheoir  jusques  a  terre.  Et  quant  il  venoient  la  ou  ele  cheoit 
pour15  prendre16  la,  si  trouvoient  autresi17  comme  cendre,  ou  comme 
aucune  fueille  porrie  d'un  arbre  qui  seroit  moilliée18.  Lors  s'aparcevoient19 
qu'il  ne  croient  pas  bien  qui  cuidoient  [F°  go  c\  que  ce  fussent  estoiles. 
Car  les  estoiles  ne  pueent20  cheoir c;  ainz  les  couvient  toutes  movoir  en 
leur  cercle  ordonéement  tout  adès  de  nuit  et  de  jours  ig-aument. 

1  B:  samble.  —  2  B:  resplend/sseur.  —  s  r.  noblesce.  _  -i  B  :  soutil/e.  —  5  H  :  aussi. 

—  «5  B  :  desos.  —  '  B:  soit.  —  8  B:  gens.  —  »  B  :  nassent.  —  ">  B  :  sèche.  —  »  B  :  cspvant. 

—  1-  B  :  chandoille.  —  13  B,  N,  C  :  ardant  et  ausi  comme  une  esloille  ce...  —  14  B:  «  la  » 
manque.  —  15  B:  venoient  jusques  la  ou  ele  chaoit  por.  —  1C  A  :  prenc/e  ;  B:  prendre.  — 
17  A:  autre;  B:  autres/;  C:  autres/.  —  1S  B:  mo/llie.  —  10  B  :  apercevoient.—  -'<>  B  :  puent. 

«  sache  ».  Nous  conservons  cette  forme,  quoiqu'elle  soit  isolée  dans  le  manuscrit  A, 
comme  elle  est  confirmée  par  de  nombreux  exemples  dans  d'autres  textes  (cf.  Burguy, 
III, p.  337).  De  plus  Haase  relève  ce  changement  de  e  en  a  comme  un  trait  dialectal  de 
la  rédaction  en  vers  (Untersuchung  ûber  die  Reime  in  cler  Image  du  Monde.  Halle,  1879). 

a  [Fu  89  c  —90c  =  Vers  4006-4051.] 

b  «  Sus  l'air  est  li  l'eus...  jusques  a  la  lune.  »  Honorius  Aug.  I.  65,  07. 

c  «  et  voit  l'en  souvent...  puent  cheoir.  »  Honorius  Aug.  I.  6o-b7.  Philos.  Mundi 
III.  12.  Neckam,  De  laud.  I.  :}29.  31o. 


154     — 


XVll     B  A, 


Du  dragon  qui  samble  cheoir,  et  que  ce  est. 

Li  drag-ons  ne  rest 1  autre  chose,  fors  une  vaspeur 2  sèche  qui  est  en- 
close en  l'air,  qui  s'assamble  moult  souvent  en  haut  et  esprent  aucune  foiz 
par  chaleur.  Et  quant  ele  est  esprise,  si  s'esmuet  et  s'en  vait  au  plus 
tost  qu'ele3  puet,  comme  [F0  go  d]  feu  ardant,  tant  qu'a  terre  est  venue. 
Ainsi  vait  cil 4  feus  5  volant 6  tant  que  tout  est  noient 7  au  derrenier8  ».  Tels 
choses  ont  senefiances  d'aucunes  muances  en  terre. 

Briément  vous  avons  dit  du  feu  et  des  •  iiii  •  elemenz,  comment9  li  uns 
est  assis  en  l'autre,  si  comme  Diex  les  a  establiz.  Li  plus  legiers  siet  el  plus 
haut  lieu,  et  li  plus  pesanz  el  milieu10:  ce  est  la  terre,  dont  li  fruiz 
nous  naist  qui  paist  u  les  g-enz  et  les  bestes. 

Et  pour  ces  biens  qui  [F0  gi  a]  de  li12  issent,  et  du  fruit  que  ele 
norrist,  et  pour  les  autres  biens  qui  y  sont 13,  furent 14  aucunes  genz  el 
monde  qui  disoient  que  la  terre  estoit,  pour  le  fruit  qui  issoit  de  li 15  et  pour 
les  biens  qui  en  li  habondoient,  une  des  estoiles  du  monde  que  Diex  assist 
el  firmament  dedenz  le  milieu,  pour  estre  plus  g-entement,  si  qu'il  eûst  en 
li  tel  chose  qui  peiïst  partir  a  ses  biens  qui  sont  en  terre16.  Et  pour  ce 
devroit  chascuns  faire  chose  qui  peiist  plaire  [F0  gi  b  a  Dieu.  Car  touz 
les  biens  qui  sont  en  terre  fist  Diex  pour  conquerre  nos17  âmes;  et  que  nous 
eiïssons  reme///brance  de  son  pooir  et  de  sa  debonnaireté,  dont  il  nous  fist 
si  grant  bonté  et  si  grant  courtoisie,  que  par  nous18  meïsmes  poons  avoir 
ses  biens  et  sa  sainte  gloire. 

Mais  puis  que  nous  avons  descrit10  les  quatre  elemenz  environ,  si  vous 
dirons  du  pur  air  qui  nous  samble  ausi  comme  azur20. 


1  B  :  «'est  —  -  B  :  vapour.  —  ?-  B:  que  ele.  —  4  R  :  Ainsi  se  vait  volant  cel.  —  5  B  : 
i'eu.  —  c  B  :  «  volant  »  manque.  —  "'  B  :  noiant.  —  8  B:  darrenier.  —  9  B:  comme.  — 
10  A  :  «  el  li  plus  pesanz  el  milieu  »  manque  ;  B  et  N:  et  li  plus  pesanz  el  milieu;  G  :  et  le 
pluz  pesant  csl  ou  mylieu.  —  n  A:  p/aist;  B  et  G  :  paist,  («  p/aist  »  cf.  note  fo  8Ub.  Cette 
forme  est  isolée  dans  le  ms.  A.  Nous  ne  pouvons  la  confirmer  par  d'autres  textes).  — 
12  B:  lie.  —  in  B  :  qui  /.ssont.  —  14  B  :  furen.  —  1B  B:  de  lie.  —  ie<  B  :  «  qui  sont  en  terre  » 
manque.  —  17  B  :  nos.  —  w  B  :  «  nous  »  manque.  —  19B  :  deseri/Ast.  —  20  B  :  comme/)/;/' 
azur. 

a   [F"  90  c  —  (J  1  h  =  Vers  4052-4097. J  Ce  chapitre  manque  dans  le  ms.  B. 

B   «  Li  dragons...  au  derrenier.  »  Neckam,  De  laud.  I.  314. 

Impetus  in  longum  nubem  producit,  et  illam 
Serpentis  formam  visus  habere  putant... 


155     — 


xvni  A. 

Du  pur  air,  et  comment  les  [F°  91  c]  •vit*  planètes  i  sont 

assises. 

Li  purs  airs  est  desus  le  feu  qui  pourprent  son  lieu  jusques  au  ciel.  En 
cel  air  si  n'a  point  d'oscurté;  car  de  pure  purté  fu  faiz.  Car  il  resplendist  et 
reluist  si  clerement  que  l'en  n'i  porroit  riens  comparer  1. 

En  cel  air  sont  * vii-  estoiles  qui  font  leur  cours2  entour  la  terre,  qui 
mowlt  sont  netes  et  cleres,  et  sont  nommées  les  -vii*  planètes.  Dont  l'une 
seur  3  l'autre  est  assise,  et  en  tele  guise  ov-[_F°  gi  c/idenée,  que  il4  a  plus  de 
l'une  a  l'autre  qu'il  n'a  déterre  jusques  a  la  lune  »,  ou  il  a  plus  loing,  xii" 5 
tanz,  que  toute  la  terre  n'est  grant  c. 

Et  court  chascune  par  miracle  el  firmament,  et  fait  son  cercle,  l'une 
grant  et6  l'autre  petit 7.  selonc  ce  que  ele  siet  plus  bas.  Garde  tant  comme 
ele  fet  son  cours8  plus  près  de  terre,  tant  est  il  pluscourz;  et  plus  tosta  par- 
fait son  cours 9  que  celé  qui  en  est  plus  loing.  Que  vous  pouez  entendre  par 
tele  manière  que,  [F0  g2  d\  qui  feroit  'i'  point  en  une  paroi,  et  pluseurs 
cercles  tout  entour  d'u/i  compas  ou  d'une  autre  chose,  touz  jourz  l'un  plws 
large  de  l'autre,  celui  qui  seroit  plus  près  du  point  seroit  li  plus  corz 10  des 
autres:  et  plus  seroit  son  cours  petiz.  Car  il  avroit  plus  tost  fait  son  cours 
que  n'avroit  li  plus  granz,  mais  que  il  alassent  igaument.  Si  comme  vous 
pouez  apertement11  veoir12  par  ceste  figure  ci  (Fig.  17),  se  i 13  voulez  bien 
entendre  et  prendre  garde.  [F0  g2  b.]  Autresi  pouez  vous  entendre  des  -vii* 
estoiles,  que  je  vous  ai  dit  que  l'une  seur  l'autre  s'abaisse14  ;  si  que  la  lune 
est  la  plus  basse  des  -vii*,  et  si  est  la  plus  petite  de  toutes.  Mais  pour  ce 
que  ele  est  plus  près  de  terre,  samble  ele  plus  grant  et  plus  parant  de 
toutes  les  autres  ».  Et  pour  l'aprochement15  de  la  terre  que  [F°  g2  c\  ele  a, 
et  dont  ele  va  si  près,  n'a  ele  point  de  pure16  clarté,  pour  la  terre  qui  est 
oscure17,  quideli  viengne  proprement. 

Mais  la  clarté  que  ele  nous  rent  prent  ele  touz  jourz  du  souleill.  Ense- 
ment  comme  ele18  feroit  en  *i-  miroer,  quant  li  rais19  du  souleill  se  fiert 

1  B:     comparo/r.   —    2  B:    /ours.    —    3   B:    .sur.    —    4  B:    qu'il.    —    5  S,     Harley 
•xii-;  Sloan  :  -xiii-;  Arundel:  -xxir;  A,  B,  C,  N:    xv  —  6  B:  «et»  manque.    —    7  A 
petite  ;  B.  C  :  peti/.  —  8  B  :  fait.  —  9  B  :  court  ;  et  plus  tost  a  son  cours  parfait.  —  10  B 
courz.   —  n  B:  «  apertement»  manque.  —  12  A  :  «  veoir  »  manque.  —  13  B:  se  vous  i.  — 
14  B:  l'une  sus  l'autre  s'abesse.  —    15  B:  aprouchement.  —  16  A  :  purée  —  17  B  :  obscure. 
18  B  :   il   -   19  B  :  ra. 

a  [F"  91  b  —  94  a  —  Vers  4098-4229.] 

b  «  Li  purs  airs...  jusques  a  la  lune.  »  Honorais  Aug.  T.  67-76. 

c  «  ou  il  a  plus  loing...  terre  n'est  grant.  »  V.  Introduction  p.  45  s. 

d  «  Si  que  la  lune...  de  toutes  les  autres.  »  Honorius  Aug.  1.  67-76.  Neckam  I.  13. 


150 


dede/iz,  et  puis  refiert  a  la  paroi1  et  flamboie  dureme/it  ;  en  autretel  ma- 
nière nous  donne  la  lune  lumière  2.  Et  en  8  la  lune  est  'i*  cors  poliz  et  biausr 
ausi  comme  uns  poumiaus4  [F0  g2  d]  bien  burniz5,  qui  reflamboie  et  rent 
clarté,  quant  li  rais  du  souleill  s'i  fiert  a. 

Des   nubleces 6  que    l'en    voit  en    la    lune   dient   aucun  7  que  ce   est 


FlG.   17 


terre8  qui  apert  dedenz,  et  que  ce  qui  est  jaune  i  apert  blanc';  ausi 
comme  encontre  "i*  miroer  qui  reçoit  diverse  couleur  quant  ele  est  devers  li 
tornée10.  Autres  i  pensoie/it  autre  chose,  et  disoient  que  ce  estoit  avenu 
quant  Adans ll  fu  deceiiz  de  la  poume  que  il  menja,  qui  tant  greva  a 
tou-[//o  gS  a]  te  gent  que  la  lune  en  fu  entechiée12  et  amenuisée13  sa 
clarté  ». 


1  B  :  parai.  —  2  B;  donne  lurm're  la  lune.  —  3  B  :  «  en  »  manque.  —  4  B:  pow- 
miaus.  —  r>  B,  C:  bruniz.  —  r»  B  :  nubletces.  —  7  B:  aucuns.  —  8  B:  est  la  terre.  — 
'■>  B:  que  ce  qui  est  eaue  appert  blanc.  —  10  B  :  tournée.  —  n  B:  Adam.  —  ]-  B:  ente- 
ch'ie.  —  13  B  :  amenuisie.  Cf.   note  p.  59. 

a  «  Ensement  comme...  souleill  s'i  fiert.  »  Philosophia  Mundi  IL  31.  Baeda,  Elemen- 
torum  Philosophiw  11  :  Quamvis  corpus  lunœ  naturaliter  sit  obscurum  tamen  in  quibus- 
dam  partibus  suis  est  tunsum  et  politum  ad  modum  speculi,  in  quibusdam  scabrosum  et 
rubiginosum.  Ubi  igitur  politum  est,  ex  radiis  solis  splendet  ;  sed  ubi  scabrosum,  natu- 
ralem  obscuritatem  retinet.  (Mijçne,  Patrologia  t.  90,  col.  1159-1160.) 

B  «  Des  nubleces...  sa  clarté.  »  Neckam  I.  14.  V.  Introduction  p.  40. 


—      157     — 

Des  -vii"  estoiles  qui  la  sont1,  et  qui  font2  leur  cors3  el  firmament,  de 
quoi  nous  avons  avant4  parlé,  n'en  connut5  on  premièrement  fors  les  *ii': 
ce  est 6  la  lune  et  li  soulaus.  Les  autres  ne  connoist  on  pas,  se  ce  n'est  par  astro- 
nomie. Et nequedent  si  les  nommerons  pour  ce  que  nous  an7*  avons  parlé. 

De  celés  en  a  -ir  desus  la  lune,  l'une  seur  l'autre,  dont  chascune  a  en 
terre  pro-[F°  gS  6]pres  vertuz.  Ce  est8  Venus  et  Mercures^. 

Deseur  ces  -in*  est  li  solaws9  qui  tant  est  clers  et  biaus  et  purs  qu'il 
rent  par  tout  le  monde  clarté;  et  est  assis  si  haut  amont  10que  son  cercle  est 
douze  tanz  plus  grant  que  cil  de  la  lune  qui  fait  son  cours  en  -xxx*  jourz. 
Mais  li  soulaus,  qui  vait  plus  loing-  de  la  terre,  met  son  cours  a  faire  -iii*c* 
et  lxvi-  jourz.  Ce  est11  'xir  tanz  plus  et  *▼*  jours  12  outre,  si  comme  li  ka- 
lendiers  le  nous  ensaing-ne13,  et  enquo-|  F°g3c]res  avoec  le  quart  d'un  jour  : 
ce  sont  -vi*  heures.  Mais  pour  ce  que  diversement  eûst  li  ans  commence- 
ment, li  uns  co/nrnençast  de  jours  u  et  li  autres  de  nuiz,  si  eiist  esté  moult 
grant  anui15  a  moult  de  g"enz,  fu  cil  q««rz16  d'un17  jour  atornez  en  ce  que 
eniiii18  anz  est  sonnez  **el  jour19  qui  est  outre***,  qui  est  nommez  bissextes 
qui  en  * iiii -  enz20  est  une  foiz,  dont  l'en  met  parus  de  quatre  anz  en  quatre 
anz  plus  -i'  jourB.  Et  lors  est  li  solaus21  [F0  g'S  d  revenuz  en  son  premier 
point. 

Ce  est  en  mi  marz  que  li  nouviaus  tens  recommence,  et  toute  riens  se 
trait22  en  amour  par  la  vertu  del  retour  du  soleill23.  Car  a  cel  tans  pre- 
mièrement ot  commencement  li  mondes.  Et  pour  ce  revient  en  verdure 
chascune  chose  par  droite  nature  de  tans. 

Seur  le  souleill 2i  ra  *iir  estoiles25  cleres  et  reluisawz,  l'une   desouz, 

1  B:  /ont.  —  -  B:  «  et  qui  font  »  manque.  —  ?-  B  :  cours.  —  *  B  :  «  avant»  man- 
que. —  5  A  :  n'en  couunt  ;  B  :  connut  ;  G  :  çongnut.  —  6  B  :  c'est.  —  7  B,  G  :  en.  —  8  B  : 
^7'est.  —  9  B:  soulaus.  —  10  B  :  en  mont.  —  1]  B:  jours.  6"est.  —  12  A:  et  "i-  jour;  B, 
C,  N:  -i-  jour;  Arund.,  Sloan:  v  ;  Addit.,  Harley:  •x'v.  —  13  B:  ensa/gne.  —  l4  B  : 
jourr.  —  18B:   annui.   —   16  B  :  quar/.  —  17  B  :    «d'un»  manque.  —  18  B  :  que  a  -iiii  - .  — 

—  19  B  :  jor.    —  2°  A:  'iiii-  enz  ;  B,  G:   anz  ;  «  enz  »  cf.  note  f°  93  c.  —  2l  B  :  soulaus. 

—  22  B:  tra/st.  —  23  B:  du  retour  du  souleill.  —  24  A:  souseill.  —  25  Les  derniers  mots 
du  f°  84  d  du  ms.  B  sont:  :  «  ra  - iii -  estoi  ».  Les  premiers  mots  du  f°  85  A  sont:  «  niere 
et  qui  est  la  plus...  »  Fos  93  d  jusqu'à  94d  du  ms.  A  manquent  donc  dans  le  ms.  B. 

*  Le  copiste  du  ms.  A  emploie  tantôt  a  tantôt  e  devant  n.  Les  exemples  sont  si  nom- 
breux que  nous  admettons  son  orthographe  pour  an  ou  en  partout  où  elle  se  présente. 
An  (=  en)  est  confirmé  :  cf.  Burguy  I.  175,  176. 

Les  ms.  prose  donnent  tous  «  sonnez  »,  mais  la  bonne  leçon  est  «  somez  »,  i.  e.  ce 
quart  de  jour  fut  disposé  de  telle  façon  que  tous  les  quatre  ans  il  est  additionné  dans  un 
jour  supplémentaire.  C'est  la  leçon  de  la  rédaction  en  vers. 
Sloan  f°  113  A,  B  :    ...  fust  cil  quars  d'un  jor  atornés 
a  ce  qu'en  .iiii.  ans  est  somês 
.i.  jor  autres  qui  només  est 
bisextes... 
«  fu  cil  quarz...  outre  »  :   ce  quart  de  jour  fut  disposé  de  telle  façon  que  tous  les 
quatre  ans  il  est  proclamé  comme  partie  du  jour  extra... 
a  «  De  celés  en  a  'ii\..  Mercures.  »  Neekam  I.  7. 
b  «Deseur  ces  iii...  quatre  anz  plus  'i'  jour.  »  Neekam  I.  7.  Honorius  A.  I.  67-70. 


158    — 


l'autre  desus  :  Mars,  Saturnes  1,  et  Jupiter.  Saturnus  est  tant  plus  haute 
des   -vii-  que  ele  met    xxx-  anz  [F0  g4  a]  a  faire2  son  cercle,  touz  jour, 


Fig.  18. 


avant  que  ele  le  puisse  avoir  fet3A.  Et  ces  trois  esteles4  retiennent5  leur 
vertuz  es  choses  ça  jus.  Et  pouez  regarder  que  ce  est  par  ceste  figure  ci 
{Fig.  18). 

xix   AB. 

Don  tour  du  firmament  et  des  estoiles.  xix6. 

Ces  -vii-  estoiles  si  sont  teles  que  eles  7  ont  plus  de  poëstez  es  choses 
qui  naissent  de  terre,  et  plus  F0  g4  b]  s'i  habondent  leur  vertuz  qu'en8 
nulles  9  des  autres  du  firmament,  et  plus  ape/Hement  oevrent10,  si  comme  li 
ancien11  sage  philosophe  l'en  cerchierent  par  leur12  sens. 

De  ces  -vii-  plannetes  prennent  li 1S  jour  de  la  semainne  leur  nons,  si 
comme  vous14  orrez15  ci*;.  La  lune  si  a  le  lundi,  et  Mars  a  le  mardi;  Mer- 
cures,  le  mercredi.  De  Jupiter  est  li  juedisle;  et  de  Venus,  li17  vendredis. 


1  N  :  Saturn«s.  —  2  N':  fere.  —  a  X:  «  touz  jourz  avant  que  ele  le  puisse  avoir  fet  » 
manque.  —  4  X  :  «  esteles  »  manque.  —  3  X  :  retienent.  —  °  N  :  «  -xix-  »  manque.  —  7  N  : 
qu'eles.  —  8  A  :  que  nulles...  ;  X  :  qu'en  ;  C  :  que  en.  —  9  X:  nu/es.  —  10  X  :  ouevrent.  — 
11  X:  encian.  —  12  N  :  cerclèrent  par  leurs.  —  13  N  :  planètes  prenent.  —  14  X:  vos.  — 
15  N  :  orroiz.  —  »  N  :  le  jued/.  —  17  X:  le. 

a  «  Mars,  Saturnes...  avoir  fet.  »  Neckam  I.  7.  Honorius  Aug.  I.  67-76. 

b  [F°  94  a  —  94  d  —  Vers  4230-4260.] 

c  «  De  ces  vii  plannetes...  orrez  ci.  »  Honorius  Aug.  II.  28.  Xeckam  I.  10. 


—     159-    — 

De  Saturnes1  est  H  samedis;  et  li  sainz2  dyemanches3  s'ahurte  au  sou- 
leill4  [F°  g4  c]  qui  est  li!5  plus  biausA.  Et  pour6  ce  vaut  miex  li7 
dyemanches  que  nul8  des  jourz  de  la  semainne.  Car  cil  jours9  est  mis  hors 
de  painne10  et  de  labour.  Et  a  celui  jour11  doit  l'en  faire12  chose  qui  plaise 
a  Nostre  Seigneur. 

Mais13  puis  qu'en  cest  secont  escrit  avons  descrit  le  firmament,  si  dirons 
après  d'aucuns  cas  qui  aviennent 14  en  ciel  et  en  terre. 

Autant  vaut  a  dire  dyemanche15  comme  jour  de  pais 16  et  de  loang-e.  Car 
toute  riens  doit  loer17  a  cel  jour  le  créateur18  [F0  g4  d]  qui  tout  cria  et  fist. 

xix   BB. 

Du  tour  du  firmament  et  des  estoïles. 

Desus  Saturnus,  qui  est  la  derreniere  et  qui  est  la  plus  haute  des  -vii* 
planètes,  est  li  ciels  que  l'en  voit  si  plains  d'estoiles  quant  il  fait  cler  tans, 
comme  cil  qui  touz19  en20  est  plains 21.  Cil  ciels  qui  est  si  estelez 22,  ce  23  est 
li  firmamenzqui  tornoie24c.  De  cui  toril  ont26  si  garant  joie  et  si  douce26  mé- 
lodie, que  il27  n'est  nus  hons,  si  il  l'avoit  oye,  que  jamès  28  li  preïst  talent 
ne  volenté  de  îa.\-[F°  go  a]re  chose  qui  fust  contraire  a  Nos/re  Seing-neur29 
de  riens  qui  soit,  tant  desirreroit  a  parvenir  la  ou  il  pei'ist  oyr  tous  30  jourz 
si  très  douces  mélodies,  et  estre  touz  jourz  avoec  d. 

Dont  aucnn  furent  jadis  qui  disoient  que  li  petit  enfant  oient 31  celé  mé- 
lodie qnant  il  rient32  en  dormant.  Car  l'en  dit  q«71  oient  chanter  les  anges 
Dieu  en  paradis;  par  quoi33  il  ont  tel  joie  en  dormant^.  Mais  de  ce  ne  set34 
nus  la  vérité,  fors  Diex  qui  tout  puet  savoir,  qui  les  estoiles  mist  el  ciel, 
[F0  g5  b]  et  qui  leur  fist  avoir  tel  pooir.  Car  il  n'a  si  diverse  chose  en  terre, 
ne  dede/iz  mer,  tant  soit  pourverse35,  qui  ne  soit  el  ciel  figurée30  et  com- 

1  N:  Saturnus.  —  2  N:   le  samedi;  et  le  saint.  —   3  N:  dimanche.  —  4  N:  sou/lei/. 

—  5  A  :  «  li  »  manque  ;  N  :  li  ;  C  :  le.  —  6  N  :  por.  —  7  N  :  mieuz  le.  —  8  N  :  dimanche 
que  nus.  —  9  N  :  cel  jour.  —  10  N  :  pâme.  —  n  N  :  jor.  —  12  N  :  ï'ere.  —  13  N  :  Seingneur. 
Mes.  _  14  N:  aucun  quas  qui  avienent.  —  15  N:  diemanche.  —  16N:  pes.  —  17  A:  «  doit 
loer  »  manque  ;  N,  S  :  doit  loer  ;  C  :  doivent  louer.  —  18  N  :  le  verai  cnatour.  —  19  B  : 
tou/.  —  2°  B  :  «  en  »  manque.  —  21  B  :  plains  d'estoiles.  —  22  B  :  au  lieu  de  «  estelez  »  il 
y  a  «  plains  d'estoiles  »  —  23  B  :  si.  —  24  B  :  tournoie.  —  25  B  :  tour  il  est.  —  26  B  :  et  si 
très  douce.  —  &  B  :  qu'il.  —  2«  B  :  jamais.  —  29  B  :  Seigneur.  —  3<>  B  :  toz.  —  31  B:  ooient. 

—  32  B  :    rioient.  —  33  B:    quow.   —  34  B  :    soit.  —   35  B:  parverse.  —  36  A  :   figure. 

a  «  De  Saturnes...  plus  biaus.  »  Neckam  I.  10.  V.  Introduction  p.  46. 

b  [F°  94  D  —  95  D  =  Vers  4261-4322.] 

c  «  Desus  Saturnus...  qui  tornoie.  »  Honorius  Aug.  I.  83. 

d  «De  cui  tor...  touz  jourz  avoec.  »  Aristote  De  cœlo  II.  9.  Pline  ffist.  Nat.  II.  20.. 
Honorius  Aug.  I.  80.  Neckam  I.  15. 

e  «  Dont  aucun  furent...  joie  en  dormant.  »  Bède,  Musica  theorica  {Patrologia  t.  90 
col.  911).  V.  Introduction  p.  47. 


160 


passée  par1  estoiles,  dont  nus  ne  puet  savoir  le  nombre,  fors  que  Diex 
seulement,  qui  par  lui  meïsmes  les  nombre,  et  set  le  non  de  chascune, 
comme  cil  qui  tout  fist  per2  raison  a. 

Des  estoiles  que  l'en  peut8  veoir,  puet  l'en4  bien  savoir  le  nombre,  et 
enquerre  par  astronomie.  Mais  c'est  une  mowlt  bêle  maistrie.  Car  il  n'i  a 
e-|F°  g5  c]  stoile  si  petite  qui  n'ait  en  terre  sa  vertu  en  herbe,  ou  en  fleur,  ou 
en  fruit;  soit  en  faiture,  ou  en  coleur5,  ou  de  quelque  chose  que  ce  soit.  Il 
n'est  riens  en  terre  qui  i  doie  estre,  ne  qui  en  li  aitG  naissance,  que  estoile 
n'i  ait  puissance7  par  nature,  soit  bonne  ou  maie,  tele  comme  Diex  la  li 
donner. 

Et  pour  le  firmament  et  pour  les  plannetes 8,  prenez  ceste  figure  : 


FiG.   19. 


F0  g5  d.  Mais  puis  que  nous  avons  descrit  le  firmament  en  ceste  se- 
conde partie,  si  dirons  d'aucuns  :'  cas  qui  en  haut  et  en  bas  aviennent.  Et 
si  dirons  la  mesure  du  firmame/it,  pour  mieulz10  entendre  sa  façon,  et  com- 
ment il  est  faiz11,  et  de  ce  qui  est  desus,  et  de  paradis  ensement. 


1  B  :  compassée  cl  ciel  par.  —  -  B  :  par  ;  «  per  »  :  cf.  note  p.  66.  —  3  B  :  puei.  —  4  B 
Ye/it.  —  5  B  :  couleur.  —  6  A  :  qui  en  /'ait;  B  :  en  li  ait;  C:  lui  ait  ;  «  en  1'  »  :  cette  forme 
est  isolée  et  n'est   pas  confirmée.  Nous  corrigeons  «  li   ».  —  7  B  :  ait  sa  puissance.  — 8  B  : 
planètes.  — 9  li:  d'aucun. —  ,0  B:  mielz.  —  n  B:  fait. 

A   «  Car  il  n'a  si  diverse...  per  raison.  »  Honorius  Aug.  1.  90.  Neekam  I.  7. 

r  «car  il  n'i  a...  Diex  la  li  donne.»  Honorius  Aug.  1.  90.  Neckam  I.  7.  Sydrach  S  160. 


1(31     — 


LA  TIERCE  PARTIE 

[F0  g6  a]  En  ceste  tierce  partie  après  finerons  ceste  astronomie.  Si  vous1 
dirons  tout  premièrement  comment  il  est  nuit  et  jour,  pour  faire  entendre 
les  éclipses2  et  pour  aprendre  autres  choses. 

i.  A  A. 

Comment  il  est  jours*  et  nuit. 

Li  soulaus  fait  *r  tour  entre  nuit  et  jour  environ  la  terre,  et  vait  ig*au- 
ment  chascune  heure.  Tant  comme  il  demeure  sus  terre,  avons  le  déduit  du 
jour  ;  [F0  g6  b]  et  quant  il  est  desouz,  si  avons  la  nuit  ;  ausi  comme  se  vous 
aliez  torniant4  une  chandoile  ardant5  entour  vostre  teste  ou  entour  une 
pomme 6  en  loing" 7.  La  partie  qui  seroit  endroit  la  chandoile  seroit  adès 
enluminée,  et  l'autre,  qui  en  seroit  mains  près  d'autre  part, seroit  oscure8 
Ainsi  fait  li  solaus9  par  nature  jour  et  nuit  estre  seur  terre.  Il  fait  nestre10 
le  jour  par11*  devers  lui,  et  d'autre  part  est  ombreuse12  la  terre  qui  est  téné- 
breuse et  oscure13.  [F0  gô  c]  Et  ainsi  laisse  ombre  celé  part  la  ou  il  ne 
puet  luire  ;  et  ce  est  li  ombres  de  la  nuit  qui  le  déduit  du  jour  nous  toit  u. 
Mais  pour  ce  que  li  solaus  15  est  plus  granz  que  n'est  toute  la  terre,  vait  li 
ombres  agraisloiant,  si  qu'il  vait  a  noient16  en  la  fin,  a  la  manière  d'un  1T 
clochier  que  l'en  fait  en  ces  mostiers18». 

Mais  si 19  la  terre  et  li  soulaus  estoient  ig-aument  d'un  grant,  li  ombres 
n'avroit  point  de  fin;  ainz  seroit  [F0  g6  d]  toutig-al  sanz  declinement.  Et  se- 
la  terre  estoit  plus  granz,  si  iroit20  li  ombres  eslargissarct 21.  Dont  vous  pouez 
veoir  la  faiture  en  ces  *iii-  fig-ures  ci  endroit  (Fig.  20,21 ,  22).  [F0  gy  a]  Et  si 
le *J2  poons  prouver  autrement  sanz  fig-ures:  Prenez  aucune  chose  oscure  qui 
puisse  retenir  lumière,  si  comme  de  fust  ou  de  pierre,  ou  d'autre  chose,  qui 
soit  tele  que  l'en  ne  puisse 23  veoir  parmi  ;  si  la  metez  devant  vos  ieuls  24 

1  A:  vons.  —  2  B:  éclipses.  —  3  B:  jour.  —  4  B:  tourniant.  —  5  B:  «  ardant  » 
manque.  — 6  B:  poume.  —  7  B:  en  loing-,  mais  que  la  chandoile  fut  ardant;  N:  même 
que  A.  —  8  B  :  oôscure.  —  9  B  :  souleill.  —  10  B  :  naistré.  —  n  A  :  pa.  —  12  B  :  ombrouse 
—  13  B  :  oôscure.  —  14  B:  qui  nous  toit  le  déduit  du  jour.  —  15  B  :  soulaus.  —  16  B 
nomnt.  —  17  B  :  du.  -  18  B  :  moustiers.  —  ^  B  :  se.  —  2°  B  :  grant,  si  i  iroit.  —  2*  B 
enlargissans.  —  22  B:  les.  —  23  N:  que  l'en  ne  puisse...;  A,  B,  G  :  que  l'en  puisse.  — 
24  B  :  voc  ieulr. 

*  pa  est  isolé  dans  le  ms.  A.  Pa  (=  par)  se  retrouve  dans  d'autres  textes.  Cf.  Chan- 
son de  Roland  v.  47  et  149  (Oxford). 

a  Ce  chapitre  est  divisé  en  trois  parties  :  A,  B,  C.  [F°  96a  —  99  b  —  Vers  432,'J- 
4466.]  La  partie  A  est  basée  sur  la  Philosophia  Mundi  II.  27. 

b  «  Mais  pour  ce  que...  en  ces  mostiers.  »  Honorais  Aug\  II.  30. 

11 


—     102     — 


Fig.  20  et  2i. 


—     163    — 

encontre  ce  que  vous  voulez  veoir,  ou  le  ciel,  ou  la  terre,  ou  ce  que  vous 
voudroiz.  Se  la  chose  [F°gj  b]  que  vous  tendroiz  est  plus  large  que  il  n'a  entre 
vos1  *ir  ieulz  de  loing,  ele  vous  touldra  a  veoir 2*  près  et  loing  par  darrieres 
li  plus  que  ele  n'a  de  large.  Et  se  la  chose  est  toute  igaus  en  loing-  comme 
vous  poouez3  estendre  vos4  *ii*  ieulz,  autant  vous  en  touldra  devant  vous 


Fig.  22. 


comme  la  chose  avra  de  grant.  Se  la  chose  a  mains  de  grandeur  qu'entre 
voz  *ii'  ieulz  n'a  de  lonc,  ele  vous  touldra  mai/zs  a  veoir  et  près  et  loing 
\F°  97  c]  que  ele5  n'est  large  de  ce  que  vous6  voudroiz  veoir.  Et  quant 
vous  metroiz  la  chose  plus  loing  de  vos  7  ieulz,  tant  en  porroiz  8  vous  plus 
veoir  de  l'autre  part  en  sus  de  vous,  tant  que  veoir  la  porroiz  toute.  Tout 
autresi  est  il  du  soleill 9  sanz  doutance,  qui  pas 10  **  la  terre  en  u  grandeur, 
si  qu'il  voit  le  ciel  tout  entour,  et  les  estoiles,  et  qwanqu'il  a  el  firma- 
ment. 


1  B:  vos.  —  2  A:  touldra  avoir  près. 


B  :  poucz.  —  4  B  :  vos.  —  5  B,':  qu'ele. 


B  :  vous.  —  7  B:  vos. 
B:  de. 


s  B:  porres.  —  9  B:  souleill.  —  ]0  A:  pas;  B,  C,  S  :  passe. 


*  L'infin.  de  ce  verbe  se  présente  très  souvent  dans  le  texte.  Le  scribe  de  A  écrit  tou- 
jours «  veoir  ».  Ce  cas-ci  est  donc  isolé.  De  plus,  le  scribe  écrit  distinctement  «  avoir  »  en 
un  mot.  Il  semble  donc  probable  qu'il  y  a  ici  erreur  de  sens  plutôt  qu'une  forme  ortho- 
graphique. 

**  «  pas».  La  chute  de  l'e  final  à  la  troisième  pers.  sng.  prés.  ind.  n'est  pas  un  cas 
isolé  (cf.  f°  97  c  «  pas  »,  f°  136  a  «  présent  »).  Les  exemples  dans  d'autres  textes  sont  nom- 
breux :  «  regard  »,  «  comand»,  «  merci  »  (Haumtone,  Halle  1899),  cf.  Suchier,  St.  Auban 
p.  36,  52;  Stimming,  o.  c.  p.  181, 182.  C'est  un  trait  fréquent  en  angln.  ;  cf.  aussi  note  p.  121. 


104 


1.    B, 


Pour  quoi1  l'en  ne  voit*  les  estoiles  de3  jourz*. 

Les  estoiles  du  firmament,  a  cui  li  [F0  gj  d]  souiaus  rent  leur  clarté, 
font  adès  par  nuit  et  par  jour  leur  tour  avoec  le  firmament  tout  a  adès  de- 
seure  et  desouz.  Mais  celés  qui  sont  desus  nous,  ne  poons  nous5  veoir  de 
jours.  Garli  souiaus6,  par  sa  grant  clarté,  nous  en  tost7  la  vëue  A.  Tout'ausi 
comme  de  chandoiles  que  vous  verriez  en  loing-  de  vous  toutes  ardanz  ;  et  se 
il  avoit  'i*  grant  feu  entre  vos8  et  les  chandoiles,  qui  rendist  grant  lumière, 
il  vous  toldroit9  a  veoir  les  chandoiles  [F0  g8  a]  de  voustre  10  esgart.  Et  qui 
metroit  le  feu  d'autre  part  darrieres11  vostre  dos,  si  porriez  tantost  reveoir 
arriéres  les  chandoiles  ardanz  devant  \ofis  :  Autretel  vous  di  je  des  estoiles, 
que  l'en  ne  puet  veoir  de  jourz  12,  tant  comme  li  souiaus  face  son  cours  par 
desus  la  terre.  Mais  quant  il  est  desouz,  si  les  véons,  tant  qu'il  renaist  sus 
terre  arriéres. 

Celés  qui  sont  desus  nous  de  jours13  en  esté,  celés  si  resont  en  yver  par 
nuit  desus  nous;  et  celés  d'esté  si14  sont  de-j//o  g8  b\sonz.  Car  celés  que 
nous  vëons  en  esté,  celés  ne  poons  nous  veoir  en  yver.  Car  li  souiaus,  qui 
va  entour  nous,  toult  de  celés  la  clarté  qui  sont  par  jour  la  ou  il  est,  tant 
qu'il  se  trait15  ensus  de  eles10. 

Mais  toutes  sont  enluminées,  quel  part  que  eles  soient  tournées,  et  de 
nuit  et  de  jours,  tant17  comme  li  solaus1-  vait  entour  haut  et  bas,  res- 
plendissant adès,  fors  celés  qui  sont  près  19  de  la  terre.  Car  tant  comme20 
li  ombres  peut21  comprendre,  ne  peut22  rendre  li  solaus23  [F°  g8  c] 
clarté.  Que  vous  pouez  entendre  par  la  figure,   ce  que  ele  vous  en  tigure. 

Ausi  li  ombres  se  descroit24  par  le  souleill25  qui  est  plus  granz  26  que 
la  terre,  et  fenist  en  apetiçant27,  et  dure  plus  loi/?g-  de  terre  que  la  lune 
n'est  en  haut.  Mes  il  défaut  desus  la  lune. 

i.  c. 

Pour  quoi28  l'en  ne  voit  le  souleill  de  nuiz2Ç>. 

La  terre  si  est  celé  qui  nous  desfentyo  le  jour  que  li  solausjnous  rent 31. 
Se  la  terre  estoit  si  clere  que  l'en  peûst  veoir  par  mi  tout  outre,  l'en  verroit 

1  B:  qaoy.  —  -  B:  veoit.  —  "A:  de.v.  —  4  B:  jors.  —  5  B  :  «nous»  manque.  — 
(î  B:  soullaus.  —  7  B:  toult.  —  8  B:  vo«s.  —  »  B:  toudVoit.  —  10  B  :  vostre.  —  n  B  : 
clairière.  —  l2  B:  jors.  —  13  B:  jourr.  —  14  B:  «  si  »  manque.  —  15  B:  traist.  —  16  B  : 
rfeles.  —  ]T  B:  nuis  et  de  jourr,  et  tant.  —  18  B:  souleil.  —  19  A  :  «  près  »  manque.  — 
20  B:  commMl.  —  -1  B:  puet.  —  --  B:  puet.  —  -3  B:  sou/leil.  —  -4  B:  descro/.st.  — 
25  B  :  souleu/s.  —  -6  Les  derniers  mots  du  f°  88  d  du  ms.  B  sont  :  «  qui  est  plus  granz  ». 
Les  premiers  mots  du  f°  89  a  sont  :  «  ...  adonques  si  l'apelons  ».  Fos  98c  jusqu'à  99c  du 
ms.  A  manquent  donc  dans  le  ms.  B.  —  27  N  :  apeticent.  —  -H  N  :Por  coi.  —  29  N  :  soleil 
de  nui/.  —  :i0  N:  est  ce  qui  nos  deffcnt.  —  ?A  N  :  que  le  souïïe/l  nos  rent. 

a  «  Les  estoiles...  nous  en  tosl  la  vëue.  »  Honorius  Aua:.  I.  89. 


—     165    — 

[F0  g8  ci]  le  souleill1  touz  jourz  par  dessus2  terre  et  par  desouz  a.  Mais  ce 
que  ele3  est  si  obscure4,  le  nous  toult  a  veoir  par  mi  li  ;  et  l'ombre  fait 
venir5  avant,  qui  s'en  vait6  touz  jorz  tourniant 7  encontre  le  souleill,  et 
fait8  autreta/it  de  tours9  entour  la  terre  comme  fait  li  soulaus  10,  comme 
cil  qui  touz  jorz  vait  encontre11  lui. 

Quant  li  soulaus 12  naist  au  matin  en  oriant 13,  li  ombres  en  est  en  occi- 
dent14. Et  quant  il  est  endroit  midi15,  la  terre  a  l'ombre16*  desouz  li.  Et 
quant  il  couche  [F0  gg  a]  en  occident,  si  est  li  ombres  en  oriant.  Et  quant 
li  soulaus  17  est  desouz  nous,  lors  avons18  nous13  l'ombre  desus,  qui  adès 
s'en  vait  abaissant20  le  coing  par  devers  occident21,  tant  que  li  soulaus 
nous22  reluist,  qui  nous23  donne  le  jour.  Et  ce  pouez  vous  veoir  certainne- 
ment  sanz  nulle  défaillance24  en  ces  figures  qui  sont25  ici  après26. 
[Fogg  b.]  (Fig.  i3  et  2  4). 


Comment21  la  lune  reçoit28  diversement  lumière. 

Puis  que  jour  et  nuit  entendez,  or  veez  après  de  la  lune  comment 29  ele 
reçoit30  lumière  du  souleill.  Ele  [F°gg  c]  en  reçoit  lumière  en  tele  manière 
que  ele31  est  touz  jourz  la  moitié  plainne  en  quelque32  lieu  que  ele  soit.  Et 
quant  nous  33  la  vëons  reonde,  adonqwes  si  l'apelons  plainne.  Mais  quant 
plus  est  loing34  du  soleill35,  tant  i  voit  l'en  plus  d'apareill 36. 

Et  quant  ele  est  tout  droit  desouz,  lors  ne  nous  apert  ele37  pas.  Car  ele 

1  N:  soulleil.  —  2  N  :  desus.  —  3  N:  Mes  ce  qu'ele.  -  4N:  oscure.  —  5  N  :  et  fet 
l'ombre  venir.  — °  N:  vet.  —  7  N  :  tournoient.  —  8  N:  soulleil,  et  fet.  —  9  N  :  tounr. — 
t0  N:  comme  i'et  le  soulleil.   —  n  N:  jourz  vet  contre.  -  12  N:  souleus.  —  13  N:  orient. 

—  14  N  :  ocident.  —  15  A  :  «  midi  »  manque;  N,  G:  midi.  —  16  R  :  la  terre  a  /'umbre  ; 
A,  N,  C  :  la  terre  la  ombre.  —  17  N  :  souleas.  —  18  A  :  auous.  —  19  N:  nos.  —  2°  N:  s'en 
vet  abessent.  —  21  N:  ocidant.  —  22  N:  le  soulleil  nos.  —  23  N  :  rehu't,  qui  nos.  —  24  N: 
«  certainement  sanz  nulle  défaillance  »  manque.  —  25  N  :  «qui  sont»  manque.  —  ^N: 
«  après  »  manque.  —  27  N  :  Cornant.  —  28  N  :  reçaet.  —  ^  N:  commant.  —  30  N:  reçuet. 

—  31  N:  qa'ele.  — 32  N  :  plaine  en  quel.  —  3?>  N:  nos.  —  u  B  :  quant  ele  est  plus  Ioing. — 
35  B:  souleill.  —  36  B  :  d'apara//.  —  37  B  :  «  ele  »  manque. 

*  Ms.  vers  (Sloan  f<>  115  D)  : 

Et  quant  il  est  en  droit  midi, 
la  terre  abande  desous  li. 

La  position  de  a  après  terre  et  devant  blinde  dans  la  rédaction  en  vers  nous  fait  sup- 
poser une  faute  de  copiste  :  abande  pour  a  l'ombre.  C'est  pourquoi  nous  suivons  la  leçon 
de  R.  Le  sens  de  la  phrase  pourrait  cependant  s'expliquer  en  admettant  la  leçon  de  A, 
N.  C...  «  midi  la  terre,  l'aombre  desouz  li  »  mais  ne  serait  certes  pas  aussi  clair  et 
simple  que  la  leçon  «  a  l'ombre  ».  Un  seul  argument  est  en  faveur  de  la  leçon  de  A  «  Et 
quant  il  est  endroit  la  terre,  l'aombre  desouz  li  »  :  en  s'efforçant  de  mettre  les  vers  en 
prose  le  «  dérimeur  »  aura  sacrifié  la  clarté  de  la  phrase  à  la  forme. 

a  «  La  terre  si  est  ceie...  par  desouz.  »  Honorius  Aug.  IL  29. 

b  [F°  99  b  —  100  c  =  Vers  4467-4530.]  La  matière  de  ce  chapitre  se  trouve  dans  les 
ouvrages  suivants:  Philosophia  Mundi  TI,  31.  Sydrach  Add.  243.  Neckam  I.  13.  Isidore, 
Etym.  III,  53. 


166 


Fig.  23  et  24. 


—   im  — 

est  adonques  entre  la  terre  et  le  soleill x  ;  si  que  ele  est 2  clere  par  delà,  et 
par  deçà  devers  nous  est  oscure3;  et  pour  ce  ne  [F0  gg  d\  la  vëons  nous 
pas.  Mais  quant  ele  passe  le  point  que  ele  se  remue  ensus  du  souleill 4, 
lors  nous  apert  sa  clarté  cornue. 

Et  que  plus  se  vait  esloing-nant 5  du  soleill,  tant  nous  apert  ele  plus 
luisant6.  Et  tant7  qu'ele  rapert  demie  et  lors  a  ele  aie8  la  quarte  partie 
de  son  cercle  tout  entour,  ou  ele  parfait  son  tour  chascun  mois,  et  s'en  vait 
adès  esloing-nant  et  sa  clarté  croissant  touz  jourz 9,  tant  qu'ele  péri  toute 
bêle  et  clere,  en10  samblance  d'une  roele.  [F0  100  a.]  Mais  lors  est  ele  si 
ensus  du  souleill  comme  ele  puet  plus,  en  son  cercle,  par  d'autre11  partie, 
droitement  devant  son  esg-art;  si  que  la  plus  enluminée  est  toute  tornée12 
devers  nous.  Et  lors  est  la  terre  entre  eus  *ii*  13,  si  que  nous  ne  les  poons 
veoir  amdeus  14  seur  terre,  se  moalt  petit  non.  Mais  l'un  des  *ii*  puet  l'en 
hien  veoir  desque  il  naist  jusques  au  couchier  ;  et  li  autres  est  desoz  terre, 
tant  qu'il  rapert  vers  oriant,  et  lors  voit  on  celui  coucher  **.  Et  ponr 
[F0 100  b]  ce  ne  les  puet  on  16  pas  veoir  amdeus  ensamble  soir  et  main. 

Mais  la  lune  qui  a  parfait  la  moitié  de  son  tour  s'en  vait  dès  lors  apro- 
chant17  du  soleill18  ;  et  vait  sa  clarté  amenuisant,  tant  qu'ele  nous  rapert 
demie,  si  comme  a  la  qaarte  part.  Car19  lors  a  ele  -ni-  quartiers  alez  touz 
entiers  de  son  cercle;  et  est  si  prochainne  20  du  souleill  comme  a  la  quarte 
premerainne.  Mais  adès  s'en  aproche 21  plus  et  plus,  tant  que  ele  nous  rapert 
[F0  ioo  c]  cornue  par  d'autre22  part,  si  comme  devant.  Et  ainsi  s'en  vait 
toute  défaillant23,  tant  que  l'en  n'i  voit  point  d'apareill.  Car  adonques 24 
est  ele  desouz  le  soleill 25. 

Si  pouez  veoir  ce  que  je  vous  en  di  en  ceste  figure  {Fig.  2.5). 


111  a. 

Comment  les  ectypses  de  la  lune  aviennent. 

\F°  ioo  d]  Il  avient  souvent  qu'il  couvient  pardre26  clarté  a  la  lune. 
Et  avient  aucune  foiz  qaant  ele  apert  plus  plainne  ;  si  devient  ausi  comme 
toute  vainne,  et  s'en  vait  petit  et  petit  défaillant. 

1  B:  souleill.  —  2  A  :  «  est  »  manque.  —  3  B  :  obscure.  —  4  B:  soleill.  —  5  B;  plus 
s'en  voit  eslo/gnant.  —  6  B  :  luisans.  —  7  b  :  et  ant.  —  8  B:  Au  lieu  de  :  «  Et  lors  a  ele  aie  » 
il  y  a  «  si  comme  a  »  ;  R:  Et  lorsqu'elle  appert  estre  a  moitié,  a  dont  elle  aie  la  quarte  par- 
tie de  son  cercle.  —  9  B:  jours.  —  ">  B:  clere  et  en.  —  n  A,  B  :  par  d'autre,  cf.  note  p.  68. 
—  12  B:  tournée.  —  13  B:  terre  tournée  entre  eiJs  -ii\  —  14  B  :  awdeus.  —  15  B  :  et  lors 
puet  on  celui  couchj'er  ;  «  coucher  »  cf.  note  p.  69.  —  16  B  :  «  on  »  manque.—  17  B  :  aproa- 
chant.  —  «  B:  souleill.  —  w  B:  Et.  —  -°  B:  prouchainne.  —  21  B:  aprouche.—  &  B:  «par 
d'autre»  manque,  cf.  note  p.  68.  —  23  B  :  défaillant.  —  24  B  :  adouques.  —  25  B:  souleill. 
26  B:  convient  perdre. 

a  [F°  100  c  —  101  d=  Vers  4531-4586.].  La  matière  de  ce  chapitre  se  trouve  dans 
les  ouvrages  suivants  :  Philosophia  Mundi  II.  32.  Sydvach  Add.  149.  Neckam  I.  13. 


—     168     — 

Vous  avez  oy 1  ça  devant  comment  ele  reçoit  lumière  la  moitié  du  soleill 
entière.  Mais2  quant  il  couvient  qw'ele  éclipse3,  clarté  ne  li  vient  de  nulle4 
part.  Et  si  ne  li  avient,  fors  quant  elle  a  tornée5  la  moitié  de  son  cors 
vers  le  souleill 6,  que  ele  ne  soit  toz  \F°  101  a]  jourz7  enluminée.  Mais 
la  lune,  qui  ne  vait  pas  si  droit  comme  fait  li  solaus 8,  passe  aucunes  9  foiz 


FlG. 


par  tel  voie  que  la  terre  l'ombroie  toute.  Car  la  terre  est  plus  granz 
que  ele  n'est,  et  pour  ce  l'ombroie  ele  ainsi.  Car  entr'eus  •  ii  •  10  a  une 
ling-ne,  tant  que  ele  se  décline  a11  la  lune,  tant  comme  son  cours  est  plus 
isnel.  Et  lors  la  refiert  li  solaus  12  de  ses  rais  [et  li  rent  clarté  ;  par  quoi 13 
ele  repre/it  sa  lumière.  Mais  que  mains  passe  par  cel  om  -  F0  101  b 
bre,  tant  li  encombre  ele  mains  de  la  clarté  que  ele  reçoit  du  soleill 14 
quele  part15  que  ele  soit  ;   fors  quant  ele  se  doit  prendre  a  l'ombre. 

Si  pouez  ce  ainsi  entendre  :  S'une  ligne  passoit  par  mi  la  terre,  par  le 
point  du  milieu  tout  outre  hors  d'ambes  •  ii  •  parz  16  ;  et  passast  tout  outre 
le  cors   du   souleill,  tout  par  droit    repart,  et  l'autre   chief,    par  d'autre 


'  B:o(.  -2B:  Mes.  —  s  B:  ce/i/pse.  —  4  B  :  nu/e.  —  5  B  :  tournée.  —  6  B  :  soleill. 

—  7  B:  jours.  —  8  B:   soulaus.  —  9  B:  aucune.  —  10  B  :  «-ii-  »  manque.  —  n  B  :  de 

12  B:  soalleus.    —   13  B  :  quoy.    —    l4  B  :    souleill.   —    «  B:    «part»  manque.    —    1G  B  : 
d'ambe  deus  pars. 


169 


part1,  qui  durroit  de  terre  ainsi  loing1  et  passeroit  tout2  parmi  le  coing- 
de  l'ombre,  tous  jourz  par  en  mi  ;  la  lune  [F°  101  c],  qui  va  par  illuec 
de  ça  ou  de  la  chascun  mois,  passe  aucune  foiz  parmi.  Et  adonques  chiet 
ele  dedenz  l'ombre  qui  de  toutes  parz  li  encombre  a  venir  la  clarté  du  so- 
leill 3  qui  a  li  ne  puet  avenir.  Et  que  plus  est  endroit  la  lmg-ne,  de 
tant 4  décline  plus  sa  clarté. 

Ausi  voit  l'en  aucune  foiz  la  lune,  el  milieu  de  son  mois,  anoientir  5 
quant  ele  est  plus  plainne,  et  oscurrir  c  toute  sa  clarté  dedenz  une  [F0  101  d\ 
nuit,  et  reprendre  ;  que  vous  pouez  ci  entendre  7  : 


De  V éclipse 8  du  soûle i II. 

Du  soleill  qui  pert  sa  clarté  aucune  foiz  de  jourz  et  el 
milieu  du  jourz9,   et  vait  ausi  comme  a  déclin,  que 


1  A,  B:  par  d'autre  part,  cf.  note  p.  68.  —  -  B:  touz.  —  3  B  :  soaleill.  —  4  B  :  tannt. 
5  B:  anuitier.  -6B:  oscuvcist.  —  7  G:  entendre  par  ceste  figure.  —  8  B:  ec/ypse.  — 
9  B  :  jour. 

a  [F°  101  d  —  103  6=  Vers  4587-4657.]  La  matière  de  ce  chapitre  se  trouve  dans 
les  ouvrages  suivants  :  Philosophiez  Mundi  11.30.  Sydrach  Add.  149  S.  147. 


—     170     — 

apele  en  latin  éclipse,  ce  est  de  lumière  defaute  1  :  Si  avient  en  tele  manière 
que,  quant  la  [F0  102  a]  lune  qui  est  desouz  s'en  vient  entre  nous  et  le 
soleill2,  tout  adès  en  la  droite  lig-ne3,  si  couvient  que  ele  nous  contien- 
ne4 la  clarté  du  soleill  en  haut5,  si  qu'il  nous  samble  qu'il  défaille6. 

Car  la  lune  si  n'est  pas  si  pure  que  li  solaus  7  puisse  outre  luire,  si 
comme  parmi  une  austre  estoile  ;  tout  autresi8  comme  d'une  chandoile9 
qui  seroit  loing-  de  vostve  es^art,  puis  tendissiez  vostre  palme10  endroit  la 
chandoile11.  Ne  point  n'en  verriez12  celé  part.  [F0  102  b]  Et  quant  plus  me- 
troiz  la  main  endroit,  tant  mains  verroiz  de  la  chandoile,  tant  que  point 
n'en  verroiz13  enqui.  Autresi  vous  di  je  de  l'eclipse14,  qu'entre  la  lune  et 
li  solaus15  n'a  1G  pas  une  voie  commune.  Ainz  a  la  lune  une  autre  voie 
qui  se  desvoie  un  pou  de  celé.  Pour  ce  si  nous  couvient  entendre  que,  qui 
porroit  estemdre  *  i  ■  fil17  de  \ostre  esg-art  tôt18  droit  jusques  au  souleill 
quant  l'en  le  voit,  ausi  est  cele1!)  ling-ne  tendue  dont  souve/ztes  [F°  102  c] 
foiz  se  décline  la  lune,  ou  de  ça  ou  de  la,  chascun  mois,  comme  celé  qui  va 
tout  adès  par  desouz  le  soleill.  Mes20  quant  de  celé  lingne  est  si21  près  que 
ele  passe  tout  droit  par  mi,  si  nous  toult 22  ainsi  le  soleill,  si  que  nous 
ne  le  poons  pas  23  veoir  tant  comme  ele  soit  en  cel  pas.  Car  lors  fait  ele 
ombre  a  la  terre,  qui  les  rais  du  soleill 24  encombre  a  venir  celé  part  seur 
terre,  ou  endroit  le  soleil  se  serre.  Et  cil  qui  lors  sont  celé  part  ont  en  leur 
\F°  102  d]  repart  l'ombre  darrieres25. 

Mais  il  n'apert  pas  communément  a  tote  26  gent  par  tout  le  monde.  Car 
la  lune  n'est  pas  si  granz27  comme  la  terre  de  grant  partie  ;  pour  ce  ne 
s'ombroie  pas  tote28,  fors  la  ou  ele  chiet  en  la  voie  de  la  Yingne  qui  adroit29 
se  serre  par30  mi  la  terre  et  le  souleill.  Dont  li  philosophe  soloient  31aler  la 
ou  il  la32  savoient.  Car  il  l'avoient  quis  par  leur  sens  pour  prouver  les 
jors83  et  le  tens34  et  les  choses  qui  avenoient  ;  dont  il  es-\F°  io3  alprou- 
voient  maintes  choses,  par  quoi   il  prisoient  plus  Nostre  Seigneur. 

Ainsi  veons  nous  de  ça  jus  l'eclipse35  du  soleill  desus  nous,  quant  la 
lune  est  endroit  desouz,  tant  que  la  lune  rest36  plus  basse.  Car  li  solaus37 
passe  la  ling-ne  et  s'en  vait  adès  esloignant,  et  qu'il  apert  ausi 38  comme 


1  B:  ec///pse;  ce  est  defaute  de  lumière.  —  -  B:  souleill.  —  :i  B:  lingne.  —  4  A  :  au 
lieu  de  :  «  qu'ele  nous  contiengne  »  il  y  ;i  :  «  que  les  nous  contiengne  »  ;  N  :  qu'ele  nos 
contieingne;  B:  que  ele  nous  contiengne.  —  5  B:  souleill.  —  6  B:  si  qui  nous  samble  que 
ele  /aille.  -  7  B  :  soulaus.  -«B:  ausi.  —  »  B  :  chandoZ/le.  —  10  b  :  paume.  —  "  B  et  N  : 
chandoille  a  vostre  veiïe.  Vous  ne  verriez  pas  la  clarté  de  la  chandoile.  Ne...  —  12  B: 
point  ne  verriez.  «  en  »  manque.  —  13  B  :  verrez.  —  14  B  :  ec///pse.  —  15  B  :  soulaus.  -r 
16  A:  ont.  —  17  B:  fil/.  -  w  B:  tout.  —  ™  B:  est  de  eele.  -  20  B  :  souleill.  Mois...  — 
21  A:  «  si  »  manque.  —  -  B:  toit.  —  -:i  A:  par.  —  'M  B  :  souleill.  —  25  B:  ont  l'ombre 
en  leur  regart  darrieres.  —  -G  B  :  toute.  —  -7  B  :  gran/.  —  28  B  :  toute.  —  29  B:  adès.  — 
:!<l  B:  serre  droitement  par.  —  31  B  :  philosophe  qui  lors  estoient  souloient.  —  32  B  :  «  la  » 
manque.  —  ■]?'  B  :  jours.  —  :!4  B:  tr/ns.  —  35  B:  ec/upse.  —  :!6  B:  est.  — 37  B:  sou- 
leu/.s.  —  :!8  B  :  aussi. 


—     171     — 

devant.  Et  la  lune,  qui  adès  vet1,  apert  cornue  trois  jourz2  après.  De  ceste 
eclypse  poez3  ci  entendre  ce  que  vous  avez  oy  4  [F°  lo3  b]  [Fig.2j). 

VA. 

De  V éclipse*  qui  avint  a  la  mort  Jhesu  Crist. 

Ausi  comme  la  lune  nous  toult 6  le7  souleill8,  ausi  nous  retoult  la 
terre  sa  clarté  souvent;  si  comme  vous9  avez  devant  oy.  Mais  éclipse  10  ne 
porroit  estre  pour  riens  qui  soit  de  la  lune,  fors  quant  ele  s'apert  plus  plainne, 


Fig.  27. 


ne  du  souleill11  autresi,  fors  [F0  io3  cj  en  defaute  de  la  lune,  se  DieX,  qui 
puet  muer  chascune chose  et  refaire  a  12  son  plaisir,  ne  le  faisoit  ainsi 13  avenir. 
Tout  ausi  comme  il  avint  a  celé  foiz  que  Jhesu  Crist  fu  en  la  croiz  mis,  que 
la  clarté  du  jour  failli  si  comme  entre  midi  et  nonne.  Et  si  estoit  la  lune 
ensus  du  soleill14  tant  comme  elepooit  plus,  comme  celé  qui  estoit  plainne, 

1  B:  vait.  —  2  B:  jours.  —  3  B:  pcmez.  —  4  B  :  oï.  —  5  B  :  De  Yeglyse.  —  6  B:  toit. 
7  A:  toult  de.  -  «B:  so/eill.  —  »  A  :  nous.  —  10  B  :  eclypse.  —  «B:  so/eill.  — 
i2  B:  par.  —  ™  A:  amsi.  —  14  B:  souleill. 

a  [F0  103  b—  105a  —  Vers  4658-4758.]  Sydrach  Add.  149,  455.  Actes  des  Apôtres 
XVII.  23-34.  Suidas  (Migne.  Patrologia.  Séries  Graeca.  t.  117  col.  1251).  De  Launoy  Duo 
Dionysii  (Paris,  1660).  V.  Introduction  p.  47. 


—     172     — 

et  desouz  terre  demoroit  ailleurs.  Et  fu  li  jourz  oscurs1  comme  nuit  a  l'eure 
qu'il  devoit  estre  [F0  io3  d]  et  purs  et  clers.  Dont  Sainz  2  Denis,  qui  ores 
est  en  France,  et  lors  estoit  en  Grèce  païens,  et  estoit  granz  clers,  et  savoit 
d'astronomie  assez,  quant3  il  vit  celé  grant  oscurté4,  si  s'en  merveilla  dure- 
ment, et  trouva  par  astronomie  que  ce  ne  pooit  pas  estre  par  nature  ne 
par  raison  que  éclipse5  fust  en  tele6  saison.  Lors  dist  une  moult  oscure7 
parole.  «  Ou  li  diex,  dist  il,  de  nature  sueffre8  grant  torment  et  grant  tort; 
ou  toz9  li  mondes  se  descorde  [F0  io4  a]  et  se  desjoint  pour  défaillir10, 
comme  cil  qui  veult  defenir.  »  Et  pensa  qu'il  estoit  uns  granz  diex  qui 
deseur  touz  avoit  pooir,  comme  cil  qui  creoit  pluseurs  diex  que  il  creoit 
estre  en  pluseurs11  lieus  seloncsaloi12.  Lors  fist  •  i  •  autel  tôt13  en  sus  des 
autres  darrieres,  ou  nus  n'aprochoit 14,  fors  il  seulement  ;  et  ne  vouloit 
mie15  que  l'en  le16  tenist  a  mescreant.  Et  quant  il  l'ot  veù,  si  l'apela  l'autel 
du  dieu  mesconneiï.  Sil'aoura17  et  le  tint  moult  chier.  Atant  ne  demoura18 
pas  grau-  F0  io4  b]  ment  que  Saint  Pois  19  vint  celé  part  ou  Saint  Denis 
estoit,  comme  cil  qui  le  savoit  a  grant  clerc20;  dont  il  le  converti  plus 
tost,  que  par  miracle  que  par  élargie  21%  si  comme  il  est  en  sa  vie  raconté. 
Et  ainsi  devint  cil  crestiens  qui  touz  jors 22  avoit  esté  sarrazins,  par  son 
sens  et  par  sa  clergie,  ou  il  ot  bien  son  tans  enploié23.  Gelé  éclipse24  ne  le 
déçut  pas  ne  ce  qu'il  sot  d'astronomie.  Ainz  en 2i  devint  puis  si  preudons  2e 
que  il  en  a  paradis  de  loier. 

Nous21  F°  io4  c]  avez  oy  des  éclipses28  ;  se  vous  les  voulez  entendre, 
ja  pis29  n'en  vaudroiz30,  se  miex  non.  Car  c'est  signification  et  demous- 
trance  que  tels  choses  ont31  senefiances.  Ce  truevent  astronomien32  en 
astronomie,  si  comme  defaute  d'aucuns  biens,  ou  de  chier  tans,  ou  de 
guerres,  ou  de  mort  de  rois  ou  de  princes,  qui  doivent  avenir  en  terre  ;  tant 
comme33  l'en  en  puet  enquerre  par  raison. 

Gela  éclipse34,  qui  fu  si  grant35,  senefia  la  mort  Jhesu  Grist.  Si  dut 
ele  bien  F0  io4  cl-  avenir36  autrement  pour37  Dieu  que  pour  nul  autre. 
Car  il  estoit  sires  et  rois  par  droiture.  Si  fait  et  desfait  si  comme  il  li 
plaist. 

1  B:  jours  oôscurs.  —  2  B:  sain/.  —  3  B  :  savoit  assez  d'astronomie,  quant.  —  4  B: 
oôseurté.  —  5  B:  eclypse.  —  6  B:  te/.  —  7  B:  oôscure.  —  8  B  :  souffre.  —  9  B:  tout.  — 
10  B:  desfaillir.    —    11  A  :  «diex  que  il    creoit  estre   en   pluseurs   »  manque.  —  12  B  :  lot/. 

—  13  B  :  tout.  —  u  B  :  aprouchoit.  —  15  B  :  «mie»  manque.  —  16  B:  qu'en  le  («  le» 
manque  devant  «  en  »).  —  17  B  :  l'aora.  —  18  B:  demora.  —  19  B:  Sainr  Pois.  —  20  B  :  grans 
clers.  —  -'  B:  que  par  clergie  que  par  miracle.  -  22  B  :  jourr.  —  23  B:  emploie.  —  24  B  : 
ec/ypse.  —  -•'  B:  «  en  »  manque.  —  26  B  :  proudons.  —  27  B  :  77ous.  —  28  B  :  ec/ypses.  — 
29  B:  «  pis  »  manque.  —  30  B:  vaudrez.  —  31  B:  sont.  —  32  B  :  astronomiens.  —  33  B: 
comment  —  34  B:  ec///pse.  —  35  B:  granr.   —  nr'  B  :  bien  faire.  Car  ele  dut  bien  avenir. 

-  ?-'  B:  por. 

«  Clarqie  »  est  isolé  dans  le  ms.  A,  mais  le  changement  de  «  e  -j-r  »  en  a  -\-  r  est  si 
fréquent  dans  le  ms.  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'y  voir  une  faute  de  copiste.  Cf.  apercevoir 
fo  .'}6b,  passim;  darreniers  f°  21  d;  pardre  f°  IOOd,  passim;  etc. 


—     173    — 

Les  autres  aviennent  par  nature ,  qui  retienent i  en  terre  leur  vertuz 
des  choses  qui  sont  a  venir  ;  si  comme  il  couvient  tout  fenir  quanqu'il  a 
en  terre  briément. 

Diex  ne  fist  pas  le  firmament  pour  noient,  ne  les  estoiles  qui  vont  tour- 
niant2  desus  nous;  ainz  leur  donna  nons  et  vertuz  en  8  ciel  et  en  terre, 
chascune  [F0  ioô  a]  selonc  sa  puissance,  en  toutes  les  choses  qui  naissance 
ont.  Car  il  n'est  chose  qui  n'ait  aucun  pooir,  qui  ait  naissance  itele  comme 
il  doit  avoir. 

Si  lairons  ores  atant  ester  des  éclipses4  pour  raconter  de  la  vertu  du 
firmament  et  des  estoiles.  Car  qui  bien  en  savroit  les  vertuz,  il  savroit 
quanqu'il  a  ça  5  jus  en  terre  par  droite  raison  de  nature,  combien  que  la 
chose  fust  oscure  G  ou  non. 

vi  A. 

Dr  la  vertu  du  ciel  et  des  estoiles  B. 

Or  oiez 7  de  celé  science,  par  quoi  l'en  vient  [F0  io5  b  a  sapience  de  con- 
noistre  les  choses  et  enquerre,  qui  pueent8  en  terre  avenir  par  oevre  de 
droite  nature  qui  se  figure  par  le  monde. 

Li  ciels  et  les  estoiles  sont  estrument  de  nature  9  au  monde,  par  quoi 
ele  oevre  tout  adès,  si  comme  Diex  veult,  et  près  et  loing.  Et  qui  set10 
connoistre  sa  puissance,  il  a  connoissance  de  tout  ice,  des  estoiles  qui  sont 
el  ciel,  qui  ont  leur  vertuz  en  terre,  que  Diex  otroia  a  chascune,  et  a  la 
lune  et  au  soleill  qui  [F0  io5  c]  au  monde  font  naistre  la  clarté  et  sanz 
cui  riens  vivant  estre  ne  puet  c.  Car  par  celés  corrumpt11e/naist  toute  riens 
qui  est  en  cest  monde,  et12  qui  a  fin  et  commencement.  Ainsi13  le  consent 
Diex,  et  vuelt14. 

Toutes  diversitez  qui  sont  es  genz,  et  qui  ont  diversitez  soit  de  îaiture 
et  de  courage  ;  et  tout  qnanqu'il  avient  par  nature  en  herbes,  en  plantes, 
en  bestes,  si  avient  par  la  vertu  céleste  que  Diex  donna  as  estoiles,  quant 
il  forma15  premièrement  [F0  io5  d]  le  monde.  Et  eles  i1G  mist  si  par  na- 
ture, qu'il  les17  fist  aler  entour  le  monde  contre  le  tour  du  firmament. 

Par  leur  mouvement 18  et  par  leur  tour  et  par  la  vertu  qui  gist  el  ciel 
vit  toute  riens  qui  desouz  est.  Et  se  il  venoit  ores  a  plaisir  a  Nos^re  Seigneur 
qu'il19   feïst  le  ciel  tenir  tout  quoi,   que  il  ne  tornast  a  la  reonde   tout 

1  B  :  retiennent.  —  2  B  :  torniant.  — 3  B:  el.  — 4B  :  Jairons  ore  ester  atant  des  eclup- 
ses.  —  5  B  :  ci.  —  6  B  :  oôscure.  —  7  B  :  oez.  —  8  B  :  puent.  —  9  B  :  «  de  nature  »  man- 
que. —  10  B  :  soit.  —  n  B  :  celé  corrompt.  —  12  B:  «  et  »  manque.  —  13  A  :  amsi.  — 
14  B:  veult.  —  »  B  :  fourma.  —  16  B  :  Et  /es  i.  —  17  B:  qui  les.  —  18  A  et  R:  «  par  leur 
mouvement  »  manque.  —  19  B  :  qui 

a  [F*  105  a  —  109  d  =  Vers  4759-5002.] 

b  Adélard  de  Bath  o.  c.  Qaaes.  74.  V.  Introduction  p.  47,  48. 

c  <(  Et  qui  set  connoistre...  vivant  estre  ne  puet.  »  Neckam  I.  7  ;  De  laud.  I. 


—    174    — 

entour,  il  n'est  riens  nulle  en  tout  le  monde  qui  se  peiïst  mouvoir,  ne  qui 
en  lui  eiïst  nul  sens,  noient1  plus  que  uns  morz2  qui  riens  ne  sent 
[F0  106  a]  ne  ou  il  n'a  ne  sens  ne  mouvement,  comme  cil  qui  n'a  point 
de  vie.  Et  trestout  en  autretel  point  que  chascunne 3  chose  seroit  a  l'eure 
que  li  ciels  lairoit  son  movoir 4,  tout  ainsi  seroient  que  jamais5 ne  se  mou- 
vroient,  tant  que  li  ciels  ravroit  mouvement  ;  et  lors  reseroient  autrement. 

Mais  qui  lors  porroit  de  ses  sens  user,  et  veoir  qu'il  seroit,  moult 
porroit  veoir  de  samblances  et  de  diverses  contenances  es  6  autres  g*enz  qui 
ne  [F0  106  b\  se  porroient  remuer.  Car  s'il  n'avoit  mouvement  el  ciel,  il 
n'est  riens  qui  peiïst  vivre  en  terre.  Car  Diex  ne  le  voudroit,  qui  tout7  veult 
par  droit  establir. 

Ainsi  voult  Diex,  en  cuis  toutes  vertuz  habondent,  fourmer  le  monde. 
Car  il  ne  fist  onques  riens  a  cui  il  ne  donnast  sa  vertu,  tele  comme  il  la 
devoit 9  avoir.  Autrement  eûst  il  faite  aucune  chose  pour  noient  et  sanz 
raison.  Mais  il  ne  le  fist  pas  ainsi  ;  car  il  ne  li  failli  nulle  riens. 

[F0  106  c]  Il  fist  et  créa10  les  estoiles,  et  donna  a  chascunne  1X  sa  vertu. 
Et  qui  ainsi  ne  le  veult  croire,  en  lui  n'a  mémoire  ne  raison.  Car  nous 
vëons  apertement  que  la  lune  prent  lumière  quant  nous  la  vëons  toute 
plainne  ;  car  li  hons  n'a  lors  ne  membre  ne  vainne  qui  plus  ne  soit  plainne 
d'umeurs12  que  quant  13ele  est  en  decours.  Et  ausi  avient  il  de  toutes 
bestes  ;  car  il  ont  plus  plainne  la  mouele14  es  testes.  Neïs15la  mer  meïsmes 
s'en  [F0  106  d  enfle  et  se  desenfle  a  son  decours,  tant  que  ce  vient  el 
mois  après.  Dont  cil  qui  sont  près  de  la  mer,  quant  il  sevent 16  que  la 
lune  cloie  estre  plainne,  si  s'en  vont  en  sus  de  la  mer  et  enmainnent  leur 
maisnies,  et  s'esloingnent17  de  leur  manoir,  et  vont  manoir  en  haut  lieu, 
tant  que  la  mer  s'en  voist 1S  arriéres;  et  font  chascun  mois  autresi.  Et  tout 
ce19  avient  par  la  lune  qui  est  une  des  •  vi i •  planètes. 

Autresi  voit  l'en  du  [F0  ioj  a]  souleill20  que,  quant  il  s'aprouche  de 
ci,  et  il  commence  a  monter,  si  fait  porter  fruit  a  la  terre,  et  fait  apa- 
roir21  fueilles,  et  toutes  verdeurs22  revenir;  et  lors  commencent23  li 
oisiau  leur  chant  por24  la  douceur  du  tans  novel25;  et  quant  il  prent  a 
rabaissier2'"',  si  nous  fait  commencier  yver  ;  et  fait  faillir  et  fleurs27*  et 
fueilles,  tant  qu'il  se  prent  a  revenir  arriéres. 

1  B:  néant.  —  2  B:  mor/.  — 3  B  :  chascuue.  —  *  B  :  mouvoir.  —  5  B  :  jamès.  —  G  B  : 
as.  —  <  L:  tou/t.  —  *  B:  qui.  —  9B  :  doit.  —  10  B  :  cr/a.  —  «  B  :  chascun.  —  12  N  et 
S:  d'umeurs  ;  C:  d'umeurz  ;  B  :  de  humeurs;  A  et  B:  de  meurs.  —  13  A:  que  tant.  — 
14  B  :  la  moie/le.  —  15  A  :  Ne.  —  16  B  :  servent.  —  17  B  :  s'eslo/gnent.  —  18  B  :  la  mer  se 
vait.  —  19  B  :  «ce»  manque.  —  -°  B:  so/eill.  —  2I  B:  apparoir.  —  22  B  :  fueilles  et  Jlours 
et  toutes  verdures.  —  -■>  A  :  comment.  —  24  B  :  pour.  —  2:>  B  :  nouvel.  —  26  B  :  rabessier. 
—  27  A  :  tleuers. 

«  Fleuers  »  :  cette  forme  est  isolée  dans  le  ms.  A.  Le  scribe  e'crit  toujours  «  fleurs  » 
(fo  2od,  passim).  De  plus,  nous  ne  pouvons  confirmer  cette  forme  par  d'autres  textes. 
C'est  le  seul  exemple  dans  A  de  l'insertion  d'un  e  inorganique,  commune  en  angln.  (Cf. 
Suchier,  St-Auban  p.  31  ;  Stimming,  o.  c.  p.  {81.) 


—     175    — 

Puis  que  ces  -ir  estoiles  ont  tels  vertuz  qui  teles  choses1  font,  les 
autres  qui  el  ciel  sont  pour  -[F0  ioj  b\  traites  ne  furent  pas  faites  pour 
noient  ;  ainz  a  chascune  sa  vertu  et  sa  droiture  selonc  sa  nature ,  par 
quoi  eles  font  les  diversetez  2  es  choses  qui  sont  en  terre,  et  les  remuances 
du  tans.  Li  uns  vient  tost  et  li  autres  tart  ;  et  les  fruiz  qu'en  terre  fait  ve- 
nir, l'un  fait  cueillir  tost  et  l'autre  tart;  et  sont  pins  tost  meùr  3  en  *i*  an 
qu'en  *i*  autre,  et  plus  asseûr  de  tempestes  et  d'autres  grevances,  et  font 
d'autres  muances  assez.  Car  uns  estez  est  douz  [F0  ioj  c]  et  moistes,  et 
li  autres  est  ses  et  venteus4.  Des  yvers  ravient  il  souvent  qu'il  se  chan- 
gent souventes6  foiz  ;  que  li  uns  est6  froiz  et  pluieus  et  plus  annuieus 
que  li  autres,  et  uns  autres  est  mains,  sanz  perill.  L'en  voit  que  li  uns  est7 
chiers,  et  li  autres  est  vill  d'aucunes  choses;  et  puis  voit  l'en  que  ce  dont 
il  vient  plus  celé  année,  qu'il  en  est  en  une  autre  année  graat  chierté.  Et 
ce  dont  il  est  grant  plenté  en  'i*  rF°  ioj  d]  tans,  en  revient  mains  après, 
ou  faute  du  tout.  Toutes  ces  diversetez8  font  les  estoiles  qui  sont  el  ciel; 
niais  c'est  par  la  voulenté  9  de  Dieu  qui  chascune  a  mise  en  son  lieu  propre 
ou  ele  fait  naturelment  son  cours,  et  chascune  diversement. 

Car  s'autre  chose  n'avoit  son  us  es  tans,  fors  que  li  solaus10  sanz  plus, 
comme  cil  qui  vait  isnelement  par  le  firmament  chascun  an,  et  monte  au- 
tant en  -i*  esté  comme  il  fait  en  l'autre,  et  au-fi^0  108  ajtant  descent  en 
touz  yvers,  et  vait  chascun  jour  igaument  tant  qu'il  revient  en  son  droit 
point,  et  joint  l'autre  après  celui  ou  il  fu  devant;  ce  sevent11  bien,  li  astrono- 
mien  qu'il  vait  chascun  an  entour  le  ciel  un  tour;  et  la  ou  il  esthuy12  cest 
jor13,  resera  il  d'uy  en  -i-  an  la  meïsmes  :  Par  ce  set  l'en  que,  se  autre  estoile 
n'avoit  ses  pooirs14,  que  autrement  iroit.  Car  tous  les  anz15*s'entreresemble- 
roient16;e£seroit  chascuns17  tels  [F°  108  b\  comme  il  fu  devant.  Et  les  mois 
s'entreresambleroient  autresi,  chascun18**  ainsi  comme  il  vendroient  :  Jan- 
vier,,  un  autre  janvier  ;  et  février,  un  autre  février  ;  et  les  autres  #x-  mois 
ausi.  Car  li  soulaus19  va  tout  ausi  en  un  mois  comme  il  fait  en  celui  mois 
meïsmes  qnant  il  en  est  près.  Et  li  jours  d'uy  resambleroit20  celui  d'uy21  en 
•i-  an  en  toz22  endroiz,  de  chaut,  de  froit,  de  bel,  de  pluie,  et  les  autres 
selonc  leur  [F0  io8c\  venue,  chascuns  si  comme  li  ans  dure.  Si  couvendroit 
par  nature  droite  que  tuit  li  esté  et  tuit  li  y  ver  qui  onques  avroient  esté,  ne 

1  B:  tels  chose.  —  2  B  :  diversete's.  —  3  B  :  meurs.  —  4  A:  venceus.  —  5  B:  aucu- 
nes. —  6  B:  «  est»  manque.  —  7  B:  «  est  »  manque.  —  8  B:  diversetés.  —  9  B:  volenté. 
10  B:  scmleus.  —  »  B:  savoit. —  12  B  :  hui. —  13  B:  jour. —  l4B:  pouoirs. —  15  A  :  amz. — 
16  B  :  s'entreresambleroient. —  17  B  :  chascun. —  18A:  chanscun.  —  19  B  :  souleus.  —  2o  B  : 
jour  d'ui  ressambleroit.  —  21  B  :  d'm.  —  22  B  :  touz. 

*  «  Ainz  »  :  cette  forme  est  isolée  dans  le  ms.  A.  De  plus,  il  n'y  a  pas  d'autre  exemple 
dans  le  ms..  de  la  forme  ain  =  an  qui  est  un  trait  lorrain. 

«  Chascun  »  :  forme  isolée  dans  le  ms.  A,  et  qui  n'est  pas  confirmée  par  d'autres 
textes.  Il  est  probable  que  le  signe  sur  Va  n'est  qu'une  erreur  de  copiste  et  ne  représente 
pas  une  forme  «  chanscun  »• 


—     176  — 

qui  jamais  porroient  estre,  n'avendroient  nulles1  diversetez.  Et  de  touz  les 
tans  ravendroit2  il  autresi.  Car  il  seroient  trestuit  chier  ou  trestuit  vill. 
Tuit  seroient  adès  pareill,  comme  cil  qui  par  le  souleill  seroient  adès  dé- 
mené et  eschaufé  et 3  gouverné.  Car  il  vait  'isnelement  touz  jourz,  \F°  108  d] 
et  parfait  son  cours  chascun  anz4,  et  tient  sa  droite  voie  adès,  comme  cil 
qui  ne  se  desvoie  point. 

Mais  il  est  li 5  droiz  voiles  de  toutes  les6  autres  estoiles.  Car  c'est  la 
plus  fine  de  toutes;  et  enlumine  toutes  les  autres  par  la  grant  clarté  qui  est 
en  lui.  Et  toutes  choses  naissent  par  lui.  Et  plus  a  en  terre  de  pooir  des 
choses,  dont  l'en  puet  enqwerre  jnature  et  raison  et  droit,  que  nulles 7  des 
autres  estoiles.  Mais  aucune8  foiz  li  restraing-ne/it  [F0  10g  a]  ses  chaleurs 
et  puis  li  engraingnent,  selonc  ce  que  eles  sont  loing- 9  ou  près,  si  ont 
aucunes  foiz  besoing-*.  Ausi  comme  l'en  voit  d'u/i  roi10  qui  est  plus  sires  et 
plus  puissanz  endroit  soi  pour  sa  hautesce  que  nus  autres  de  ses  genz.  Et 
si  li  ont  il  souvent  mestier,  comme  cil  qui  aidier  li  doivent.  Car  que  plus 
est  près  de  ses  g"enz,  tant  est  il  plus  forz11  et  plus  puissanz;  et  que  plus 
s'esloing-ne  de  ses  g-enz,  tant  fait  il12  mains  de  sa  besoingne13.  [F0  iogb] 
Autretel  vous  di  je  du  souleill,  qu'il  est14  si  comme  vous  avez  oy  des  estoiles 
li15  plus  puissanz  et  plusgranzlfi  et  plus  vertueus.  Dont  il  a  plus  grant 
pooir  en  terre  que  autre  estoile  ne  puet  avoir;  les  autres  i  ont  leur  pooir 
chascune  si  comme17  eles  sont. 

Mais  puis  que  nous  vous  18  avons  conté,  au  plus  briément  que  nous  sa- 
vons, de  la  vertu  du  firmament,  si  vous  dirons  après  briément  comment  li 
mondes  fu  [F0  iog  c]  mesurez,  et  en  hautes  choses  et  en  parfondes,  de 
toutes  parz,  de  lonc  et  de  lé,  par  ceuls  qui  sorent19les  vii-  arz.  Dont  géo- 
métrie en20  est  une;  par  quoi21  li  soulaus  et  la  lune  et  la  terre  et  li  firma- 
menz  sont  mesurez,  et  dedenz  et  dehors,  comb/en  chascun  a  de  longueur  et 
combien22  il  a  de  grandeur;  et  combien  il  a  de  la23  terre  jusques  au  firma- 
ment, et  tout  le  grant  des  estoiles.  Car  c'est  prouvé  par  droit  esg-art.  Et  cil 
qui  cest24art  trouvèrent  virent  qu'il  ne  pourroie/it20  mie  savoir  a  droit  d'2fia- 

1  B  :  nu/es. A:  ravedroit. — ::  B:  «  démené  et  eschauf  e  et  »  manque.  —  4  B  . 

an.  —  5  B  :  «  li  »  manque.  —  6  B:  «  les  »  manque.  —  7  B:  nulle.  —  8  B  :  Mes  aucunes.  — 
9  B:  ou  loing.  —  10  B:  roi/.  —  H  B:  fors.  —  12  B  :  «  il  »  manque.  —  n  B:  beso/gne.  — 
14  B  :  soleil],  qui  est.  —  ir>  B  :  \e.  —  1,;  A:  et  plus  granz  et  plus  granz  ;  B:  le  plus  granz 
et  plus  "rau/.  —  17  A:  comraes.  —  18  B:  «  vous  »  manque.  —  19  A:  seroient.  —  20  B  : 
«  en  »  manque.  —  -1  B  :  quo;/.—  --  A  :  «  chascun  a  de  longueur  et  combien  »  manque.  — 
23  B  :  «  la  »  manque.  —  24  B:  cesle.  —  2:>  B:   porroient.  —  2f!  B:  «  d'  »  manque. 

&,  Mais    aucune...    besoing  »  :   Mais  quelquefois   sa  chaleur   diminue    ou   augmente 
d'après  leur  besoin  et  selon  qu'elle  est  proche  ou  éloignée  (elle,  eles  =  la  chaleur). 

Le  sens  de  la  phrase  telle  que  nous  la  lisons  semble  s'accorder  avec  la  comparaison 
suivante  du  roi  et  de  ses  sujets.  Le  sens  ne  serait  pas  essentiellement  différent  si  nous 
lisions  «  elles  sont  proches  »  (i.  e.  elles  =  les  choses  de  cette  terre)  au  lieu  de  «  elle  est 
proche  ». 


—     177     — 

[F°  10g  c/Jstronomie,  ne  la  nature  des  estoiles  sanz  riens  savoir  de  leur 
mesure  ;  pour  ce  les  voudrent  mesurer  et  prouver  toute  leur  grandeur. 

vii  A. 

Pourquoi1  et  comment  l'en  mesura  le  monde. 

Tout  premièrement2  voudrent  mesurer  la  grandeur  du  monde  tout  en- 
tour  la  terre,  tôt3  avant,  par  quoi  il  proverent4  la  hautesce  des  estoiles  et 
la  grandeur  du  firmament  tout  entour.  Car  ne  sorent  trouver  ailleurs  plus 
grant  mesure  a  mesurer. 

[F0  1 10  a.  Quant  il  orent  mesurée  la  terre,  combien  ele  estoit  lée  tout 
environ,  et  combien  ele  a  d'espés  par  mi,  si  enquistrent  après  de  la  lune, 
pour  ce  que  ce  est  la  mains  haute  de  la  terre,  et  la  plus  prouchainne. 
Puis  vodrent5  enquerre  du  soleil6,  combien  il  estoit  loing  de  la  terre  et 
combien  son  cors  a  de  grant.  Si  le  troverent 7  assez  plus  grantque  toute  la 
terre  n'estoit. 

Quant  il  orent  mesurées8  ces  -ni-  choses  :  le  soleill  et  la  lune  et  la 
terre,  si  porent  enquerre  de  \e-[F°  1 10  6]gier  des  autres  estoiles  après,  com- 
hien  chascune 9  est  près  ou  loing-,  et  la  grandeur  de  chascune10.  Dont  il  n'en 
trouvèrent  nulle11  que  son  cors  n'ait12  plus  de  grandeur  que  trestoute13 
la  terre  n'a,  fors  trois  des  planètes  sanz  plus.  Ce  est  Mercures  et  Venus; 
et  la  lune  si  est  la  tierce.  Ce  sont  ices  trois  dont  chascune  est  plus  petite 
que  la  terre  n'est». 

Dont  chascuns  peut14  enquerre  pour  voir,  se  \F°  i/o  c]  il  set  l'art  de 
géométrie15  et  l'art  d'astronomie  avoec16.  Car  ce  li  couvient  il  savoir 
premièrement,  ainz  qu'il  en  puisse  enquerre  la  vérité  en  savoir.  Mais  pour 
ce  que  tuit  ne  sont  mie  bon  clerc  ne17  maistre  d'astronomie  qui  le  peiissent 
esprouver,  voudrons18  nous  raconter  après  comb/en  la  terre  est  longue,  et 
combien  ele  a  d'espés  par  mi,  et  combien  la  lune  est  ensus  de  la  terre,  et 
li  solaus19  qui  est  desus  la  lune,  et  combien  chascuns  \F°  1 10  d]  a  de  gran- 
deur; si  comme  li  rois  Tholomeus  l'esprouva.  Si  vous20  redirons  des 
estoiles,  et  du  firmament,  et  leur  grandeur  et  leur  noblesce,  et  la  hau- 
tesce du  firmament  ;  de  tout  ce  vous  dirons  21  nous. 

Mais  nous  vous  dirons  avant  du  roi  Tholomeu  22  qui  tant  sot  de  demous- 

1  B  :  quoi/.  —  -  A  :  premiement.  —  3B:  tout.  —  4  B  :  prouvèrent.  —  5  B  :  voul- 
urent. —  6  B  :  so//ei//.  —  7  B  :  trouvèrent.  —  8  B  :  mesure.  —  9  B  :  chacune.  —  10  A  : 
à  partir  de  «  de  chascune  »  jusqu'à  «  de  grandeur  »  deux  fois  répété.  —  n  B  :  nu/e.  — 
12  B  :  n'a/st.  —  13  B  :  «  très  »  manque.  —  u  B  :  puet.  —  13  A  :  g-emetrie.  —  1C  B  :  «  avoec  » 
manque.  —  17  A  :  «  ne  »  manque.  —  18  B:  voudro/7.  —  19  B  :  souletils.  —  -°  A:  Si  vous. 
21  B  :  redirons.  —  22  B  :  voy  Tholomeus. 

a  [/'o  109  d  —  111  a  =  Vers  5003-5068.] 

b  «Dont  il  n'en  trouvèrent...  que  la  terre  n'est.  »  Neckam  I.  8. 

12 


—  us   — 

troisons1  et  tant  amoit  astronomie  q u  i\  voult*ces  choses  encejrchier, 'Si 
vous. dirons2  d'aucunes  choses  qui  ne  vous  seront  pas  contraires  se  vous 
le3  voulez  [F0  ma]  entendre  et  oyr;  ainz  i  porrez4  prendre  aucu/i  bien. 
Et  puis  après  vous  mesurerons  le  monde  au  miex5  que  nous  savrons.  Or 
entendez  du  roi6  Tholomeus  et  d'autres7  philosophes  pour  vostre  preu 
meïsmes. 

viii<V 

Du  roi  Tholomeus  et  des  autres  philosophes. 

Tholomeus  fu  uns  rois  moult  soutis  d'astronomie  ;  cil  Tholomeus  fu  rois 
d'Egypte  qui  la  terre  en  tint  lonc  tans.  Il  i  ot  plusors8  rois  qui  Tholomeus 
orent  a  non.  Mais  ce  fu  cil  qui  plus  sot  d'astro-[F°  ///  6]nomie,  et  qui  plus 
enquist  des  estoiles  que  nus  des  autres.  Dont  il  fist  maint  livre  et  maint  bel 
estrument,  par  quoi  l'en  trueve  aperteme/it  toute  la  grandesce  de  la  terre 
et  la  hautesce  du  firmament,  et  comment  les  estoiles  font  leur  cours  adès  de 
jour9  et  de  nuit. 

Par  lui  furent  premièrement  trouvés10  les  orloges*  de  ces  moustiers 
qui  commencent  les  heures  des  jours11  etàes  nuiz,  les  jours  acourcent12,  qui 
ont  moalt  grant  mestier13  as  églises14  pour  mieulz  [F0  me]  faire  les  ser- 
vices15 a  droit  et  a  droite  heure,  et  de  jors16  et  de  nuit.  Car  Diex  aimme 
mowlt  qu'en  l'aoure  et11  que  l'en  le  serve  entièrement  et  ordenéement  chas- 
cun  jour.  Car  les  oroisons  que  l'en  recite  chascun  jour  plaisent  plus  a  Dieu 
(jue  ne  font  celés  qui  sont  dites  en  divers  lieus.  Et  pour  ce  avroie/H  mestier 
orloges  en  chascune  église18. 

Neïs  les  genz  en  vaudroient  mieulz  19,  selonc  Dieu,  et  si  en  vivroient  plus 
longuement,  se  il  se  contenoient  a  -i-  [F°  1 1 1  d]  droit  point  d'orer20,  deme/i- 
gier  et  d'autres  choses,  chascune21  a  sa  droite  heure.  Si  seroit  ce  legiere 
chose  a  faire,  se  il  i  voloient  atourner22  leur  afaire  ausi  bien  comme  il  font 
a  faire,  ce  qui  les  confont  et  tue,  cis  avoirs  dont  il  ont  envie,  dont  il  cuident 
leur  vie  pourchacier23  pour  assambler  les  granz  trésors  dont  il  powrehacent 
leur  mort**.   Caries  granz  trésors  qu'il  assamblent,   si  leur  emblent  leur 

1  H  :  demostroisons.  —  2  B  :  vous  en  dirons.  —  3  B  :  les.  —  4  B:  porro/r.  —  5  B: 
mieulc.  —  (i  B:  roy.  — 7  B:  des  autres.  —  8  B  :  pluseurs.  —  9  B:  jours.  —  10  A:  trouve*. — 
11     15  :  jours.  —  l2  B  :  jourc  acorcent.  —  i:f  B  :  «  grant  mestier  »  manque.  —  14B  :  //sglises. 

«s  lî;  services.  —  ir'  B:  jours.  —  1T  B  :  «  et  »  manque.  —  18  B:  eg/ypse.  — 19  B  :  iniej?. 

—  2«  li  :  d'ourer. —  -'  B  :  chascun —  22B:  .s'il  i  vouloient  atorner.  —  23  B:  porchacier. 

*  «  orloge  »  est  tantôt  m.,  tantôt  fem.  dans  les  mss.  Les  deux  genres  sont  confirmés. 

**  «  Si  seroit...  mort  »  :  Ce  serait  chose  facile  à  faire  s'ils  voulaient  disposer  leurs 
devoirs  avec  autant  de  soin  qu'ils  mettent  à  se  procurer  ce  qui  les  détruit  et  tue  (c'est-à- 
dire)  ces  trésors  qu'ils  désirent  et  au  moyen  desquels  ils  croient  pouvoir  allonger  leur  vie 
afin  d'assembler  ces  trésors  qui  leur  donnent  la  mort. 

R.  :  C'est  que  ilz  sont  du  tout  enclinz  a  conquerre  lez  richessez,  ce  dont  ilz  ne  cessent 
ne  nuit  ne  jour,  et  en  cuident  leur  vie  prolonger.  Mais  en  amassent  les  granz  tresorz  et 
en  pourchassent  leur  mort.  Car... 

a  [F<>  111  a  —  115  b  =  Vers  »069-o296.]   V.  Introduction  p.  48. 


—     179    — 

sens  et  leur  mémoire,  si  qu'il  ne  se  puent  \_F°  1/2  a]  a  droit  mener  ne  or- 
dener  de  leur  af aires  pour  vivre,  si  comme  il  deiïssentj  et  dont  il  fussent 
plus  a  aise,  et  vequissent1*  assez  plus  longuement,  et  a  la  voulenté2  de 
Dieu,  et  en  fussent  plus  sains.  Mais  il  aimment  tant  le  gaaiugde  l'avoir  de 
êest  monde, que  ce  qui  mieux3  leur  doit  et  valoir  et  aidier.  Je  ne  sai  pour 
quoi 4  il  conquièrent  cel  avoir  ;  car  l'aise  du  monde  meïsmes  en  perdent  iL 
Car  quant  il  se  cuident  aaisier  et  [F0  112  b]  estre  a  séjour5  et  en  pais,  lors 
se  muèrent  il  a  grant  doleur6.  Car  la  covoitise7  de  l'avoir,  et  la  painne 
qu'il  ont  touz  jourz  mise  au8  conquerre  sanz  ordenance  et  sanz  mesure 
qu'il  en  aient  faite,  les  ont  plus  tost  menez  a  mort;  et  si  en  sont  maint 
mort  que,  s'il :)  eussent  leur  afaire  ordené,  si  comme- il  de  tissent,  chascun 
jour10  a  droite  heure,  qui  enquores  fussent  en  vie  et  en  bonne  santé.  Et 
ainsi  se  hastentde  leur  mort;  car  nature  ne  puet  souffrir11  divers  [F0  112  c] 
maintenirs  longuement,  ne  les  soudainnes  remuances  que  il  font  par  leur 
folies  ;  ne  ne  plaisent  a  Dieu  de  riens.  Car  nus  biens  n'en  puet  venir.  Et 
.plus  aimment  a  faire  leur12  gaaing  de  l'avoir  qu'il  ne  font  chose  qui  a  Dieu 
plaise.  Ne  ja  ne  feront  riens  par  ordre.  Un  jour  vont13  matin  au  moustier, 
ef  l'autre  tart,  ou  a  tele  heure  qu'il  cuident  que14  trop  aient  demouré15  a 
faire  leur  autre  besoingne16  dont  il  cuident  faire  leur  gaaing.  Ainsi 
n'iront  il  ja  Di-  F0  112  6/]eu  proier,  devant  adont17  qu'il  ne  cuident  riens 
gàaingnier18  de  l'avoir  de  cest  monde.  Et  mains  gaaingnent19  il  lors.  Car 
il  servent  Dieu  en  vain.  Et  Diex  tel  loier  leur  rendra 20.  Car  il  leur  vendra 21 
monlt  chier  de  ce  qu'il22  le  laissent  a  servir**.  Car  plus  leur  puet23  merir 
en  un  seul  jour  qu'il  ne  porroient  gàaingnier24  en  mil  anz. 

Cèle 25-  gent  sont  de  fol  escient  qui  de  noient  cuident  servir  celui  qui  tout 
set  et  tout  voit,  et  qui  connoist  leur  pensées.  [F*  1 13  a.]  Enquores  quant  il 
vont  au26  moustier,  n'i  vont  il  pas  pour  prier27  Dieu  tant  jomme  il  font 
pour  avoir  le  los  du  monde;  et  prient28  plus  pour  le  ?9  leur  avoir  que  Diex 
leur  gart  et  monteploie,  qu'il  ne  font  pour  l'amequiremes^  perie. 

Si  est  merveilles  de  tels  30  manières  de  genz  qui  bien  pensent  en  leur 31 
cuers  et  sevent  que  ce  est 32  maus33  qu'il  font;  ne  ja  pour34  ce  ne  s'en  fain- 

1  B:  vesquissenl.  —  •'  B:  volenté.  —  3  B:  mïeœ.  —  4  B:  qaoy.  —  5  B:  sejor.  — fi  B  : 
do/deur.  —  7  B:  couvoitise.  —  8  B  :  a.  —  9  A  ;  «  s'  »  manque.  —  10  B  :  «jour  »  manque. 
—  V  B:  soffrir.  —  l2  B:  le.  —  l3  A  :  voat.  —  l4  B:  cuident  qu'il  aient  que.  —  ™  B:  de- 
moré.  —  lfi  B:  autres  besognes.  —  17  B:  adonc.  —  18  B  :  gaac'gnier.  — -  19  B  :  gaa/gnent.  — 
20  A:  yendra.  — .S1  B  :  rendra.  —  22  B  :  ce  que  il.  —  23  B:  peiist.  —  2*  B:  gaat^nier.  — 
28  A:  Ce/.  —  2C  B  :  «  au  »  manque.  • —  27  B  :  por  proier.  —  2H  B  :  proient.  —  i£>  B:  «  le  » 
manque.  -»B:  teles*.  -3'B:  lor.  —  32  B  :  c'est'.  —  3:>  B  :  ma/.  —  34  B  :  por. 

*  «  vequissent  »  :  La  forme  «  vequisse  »  se  présente  dans  Garin  le  Loherain  (Paulin 
Paris  [Paris,  1835),  II.  240).  Stimming  (o.  c.  p.  22o,  226)  donne  de  nombreux  exemples 
de  la  chute  de  Y  s,  qur,  surtout  devant  une  consonne,  se  produit  aussi  bien  en  wallon  et 
lorrain  qu'en  angln.  Les  exemples  sont  nombreux  dans  le  m.  A  :  sarc  f°  77  B,  conno//re 
fo  15  A,  moudre  f°  49  B,  etc. 

**  «  Car...  servir  »  :  Car  II  le  leur  fera  payer  cher,  s'ils  cessent  de  Le  servir. 


—     180     — 

dront1  de  riens.  Dont  trop  pou  se  pueent2  priser3,  quant  il  se  laissent 
plaissierasi  floibe4  chose  comme  est  li  dyables  dont  [F°  1 13  b]  touz  maus  5 
naist.  Voirement  est  li  dyables  foibles 6  ;  car  il  ne  puet  vaintre  fors  celui 
qui  a  lui  se  consent.  Car  qui  se  veult  conduire  en  bien,  mauffez  n'a  pooir  de 
lui  nuire,  ne  riens  faire  dont  il  se  dueille,  tant  comme  il  se  veille  torner  7 
en  bien.  Si  en  puet  l'en  bien  dire  fi  ;  car  il  sont  plus  que  failliz  quant  si8 
foible  chose  les  vaint  et  les  prent  en  mal  faire,  dont  il  les  mainne  a  perdi- 
tion9, ou  jamais  ne  seront  sanz  painne,  ne  ja  bien  ne  joie  ne  avront  10. 
Car  il  n'avront   [F0  11S  c]  merci  jamais. 

Mais  de  ce  nous  tairons  ci  endroit.  Si  dirons  du  roy  Tholomews  qui  es 
euvres11  Diex*  mit12  son  tans.  Et  tant  i  estudia  qu'il  en13  sot  une  partie 
dont  maint  livre  fist  en  14  son  tans.  De  ses  livres  furent  estraiz15  les  nombres 
dont  lij16  an  son  fait17,  et  cil  meïsmes  delà  lune,  par  quoi18  l'en  voit  quant 
ele  est  prime.  De  quoi  Julius  César,  qui  de  Koume  fu  emperieres,  en  fist 
soume10q«/  a  grant  mestier  a  sa\n-[F°  1 1 3  d]te  enlise20.  C'est  li  nombres21 
du  kalendier. 

Car  par  le  kalendier  set  l'en  le  cours  de  la  lune  et  de  l'an  ;  par  quoi  l'en 
set  comment  l'en  doit  vivre  selonc  droit  chascun  jour22  en  boivre  et  en 
mendier  et  en  Damedieu23  aourer24,  et  es  hauz  jourz2*  et  es  simples,  et  en 
ces  jours  sollempniex,  selonc  la  coustume2*5  de  sainte  enlise27,  que  li  saint 
i  ont  establie.  Par  lui  savons  nous  les  sainz  tans  et  les  qwaresmes28  et  les 
avanz  et  les  hauz  jourz29,  que  l'en  F°  i/4  a  doit  mieulz  faire  bien  pour 
celé  grant  joie  conquerre  que  Diex  otroie  a  touz  ses  amis  qui  voulentiers 
le  desservent so. 

Ce  nous  aprcnt  li  kalendiers  qui  fu  estraiz31  d'astronomie,  que  li  rois 
Tholomeus  ama  moult  ;  et  plus  en  sot  que  nus  lions,  fors  Adam  qui  fu  le 
premier  homme.  Car  cil  sot  toutes  les'vir  arz  entièrement  sanz  faillir  mot, 
comme  cil  que  Diex32  fist  de  ses  mains.  Si  voult  Nostre  Sires  que  il  fust  li 
souverains  •  F°  n//  b]  de  biauté  et  de  sens  et  de  force  seur  touz  les  hou- 
mes33  qui  puis  son  tans  peûssent  estre,  fors  Jhesu  Crist  li  fïuz  34  Marie,  qui 
force  et  sens  et  biauté  li  donna,  c'onques  puis  nus  hons  tant  n'en  ot,  ne 
jamais  ne  avra  3".  Mais  puis  que  il  se  fu    consentuz  au  pechié  sa  femme, 

1  B:  se  faindront.  —  -  B:  puent.  —  3  B  :  pris/er;  «  priser  »  cf.  note  p.  t>9.  —  4  B  : 
(b/ble;  «  floibe  »  cf.  note  p.  119.  —  5  B:  touz  ma/.  —  6  A:  «  foibles  »  manque.  —  "  B: 
vacille  tourner.  — *   B:«  .si  »  manque.  —  9  B:  perdicion.  —  10  B  :  «'avront.  — n  B  :  oewes. 

—  12  B  :   Dieu  mist  ;   «  Mit  »  :    cf.  noie  p.  179.  —  i:;  B:    qui  en.  —   14  B  :  livre  en  fist  en. 

—  15  B:  est/'oiz.  —  m  B:  /es.  —  l7  B  :  anr  son/  f'air  ;  «  son  »  cf.  note  p.  80;  —  18  B: 
quo//.  —  B10  :  somme.  —  20  B:  eg/use.  —  -1  B:  li  compoc.  —  ->2  B  :  «  chascun  jour  » 
manque.  —  23  \\  ■  Damedie.r.  —  -4  B:  aorer.  —  -5  B  :  jours.  —  26  B:  co.slume.  —  -7  B  : 
cçlypse.  — -s  B:  Aaresmes.  —  -9  B:  jorz.  —  ^  B  :  servent.  —  •°'1  B:  estroiz.  —  32  B: 
hieux.  —  33   \  :  (1    srUT-  touz  les  houmes  »  manque.  —  ",4  B:  li  fiz.  -     35  p$;  «'avra. 

a  Diex  »  :  l'emploi  du  nom  comme  cas  régime  est  fréquent  en  angln.  :  cf.  Stimminy 
o.  c.  p.  XIV,  XV.  Le  ms.  B  donne  aussi  «  Damediex  »  comme  cas  régime;  cf.  f°  li;5  r>. 


■ 


—     181     — 

pardi l  il  tant  de  son  sens  que  tantost  devint  hons  mortels  qui  tels  fu  de- 
vant son  pechié  que  jamais  mort  n'eiïst  senti. 

Et  tuit  fussiens  en  autretel  point  en  joie,  en  soulaz,  en  déduit  en  para- 
dis ter-[F°  n4  cirestre  trestouz  ensamble  et  nez  et  norriz  sanz  nul  pechié, 
et  puis  el  ciel  glorifiez2.  Mais  puis  qu'il  goustererit3  du  fruit  que  Diex 
leur  avoit  deveé,  furent4  ses  sens  si  destruiz  et  si  corrompuz5  per6*  son 
pechié  que  touz  en  fumes  entechiez.  Ne  n'ot  riens  desouz7  le  firmament 
qui  mains 8  n'en  vaussist  •  que  devant,  neïs  les  estoiles  en  rendirent  mains 10 
de  clarté  que  devant. 

Ainsi  empira  de  touz  biens  toute11  riens12  par  le  pechié  d'Adan  que 
Diex13  F°  n4  d]  ot  fait  naistre  pour  homme,  comme  cil  qu'il  voloit14  faire 
maistre  de  toz15  les  biens  qu'il  avoit  faiz.  Mais  tantost  comme  il  se  fu 
mesfaiz,  se  senti  il  si  de  ses  sens  desnuez  et  de  sa  biauté,  que  il  li  sambla 
que  il  fust16  touz  nuz,  et  que  il  eûst  perduz17  touz  biens,  comme  homme 
qui  est  mis  en  essill.  Et  nequedant  si  li  remaint  il  plus  force  et  biauté  et 
savoir  que  nus  ne  peust  onques  avoir. 

Et  a  ces  - iii -  vertuz  que  il  ot,  ot  li  rois  David,  qui  tant  fu  sages,  *iii* 
[F0  1 15  a]  filz  qui  furent  comparé  a  sa  biauté  et  a  son  sens  et  a  sa  force. 
Li  sages  Salemons  fu  comparez 18  a  son  sens  ;  et  sa^biauté,  a  Absalon  ;  et 
sa  force,  a  Sanson  fortin.  Ainsi  furejif  ces  iii-  vertwz  en  Adan  19,  et  plus 
enquore.  Car  il  les  ot  plus  parfaitement  que  nus  des  'iii*  n'ot  la  seue  vertu. 
Car  il  sot  les  *vii*  arz  mieulz20  que  nus  qui  onques  fust21  en  vie,  comme 
cil  a  cui  Diex  les  ot  aprises.  Puis  furent  quises  par  mainz  autres  qui  orent  » 
grant  [F0  u5  b\  painne  de  sauver22  les,  pour  le  déluge  que  il 23  sorent  qui 
devoit  avenir  au  monde  par  feu  ou  par  yaue. 


IX   A. 

Comment  l'en  sauva  les  clergies  pour  le  déluge. 

Puis  Adan  furent  maintes  genz  qui  sorent  le  sens  des  *vii*  arz  que 
Diex  leur  envoia  en  terre.  Dont  il  en  i  ot  aucun  qui  voudrent  enquerre  que 
li  mondes  devendroit,  ne  se  il  defineroit  jamais. 

Si  trouvèrent  tout  vraiement  que  il  devoit  par  *ir  foiz  fenir  :  A  l'une 

1  B:  perdi.  —  -  A:  %loireîuez  ;  B:  glorifiez  ;  N:  gloreïiez.  —  ?-  B:  gosterent.  —  4  B  : 
si  furent.  —  5  B:  corrumpuz.  —  «B:  par.  —  7  B:  de.sor.  —  8  A:  riens.  —  9  B:  va«- 
.s-ist.  —  10  B  :  mais.  —  "  B  :  toutes.  —  12  B  :  «  riens  »  manque.  —  13  B  :  Dieux.  —  14  B  : 
vouloit.  —  i5  B:  touz.  —  16  B:  fa.  —  «  B  :  perdu.  —  18  8  :  compare.  —  i»  B  :  Adam.— 
20  B  :  miea?.  —  21  B  :  fut  —  22  B  :  savoir.  —  23  b  :  qu'il. 

*  «  Per  »  :  cette  ;forme  se  retrouve  souvent  dans  le  ms.  A  et  est  confirmée;  cf.  note 
p.  66. 

a  [F°  115  b  —  116  a  =  Vers  8397-5334.1 


—     182    — 

foiz  par  feu  ardant,  a  l'autre  foiz1  par  le  delug-e  d'yaue.  Mais  [!/*•  n5  c] 
Nos/re  Sires  ne  voult  a  celé  foiz  que  l'en  seiist  par  lequel  ce  seroit  avant, 
ou  par  yaue,  ou  par  feu.  Si  orent  adonques  grant  pitié  des  clergies  qu'il 
sorent  qui2  ainsi  peries  seroient,  se  eles  n'estoient  garanties3  par  leur 
sens.  Lors  s'apenserent  de  grant  bien,  comme  cil  qui  bien  sorent  que  après 
le  premier  finement  seroient  autres  g-enz  4  enquores.  Si  firent  faire  granz 
colombes  de  pierre,  si  que  5  il  peiisserct  poutraire  et  entailli-jF0  n5  d]er 
en  chascune  pierre  au  mains  l'une  des  *vii*  arz  entièrement,  si  que  eles6 
fussent  communes  as  autres.  Dont  aucun7  dient  que  les  unes  de  ces  co- 
lombes furent  d'une  pierre  si  dure  comme  marbre,  et  de  lele  nature  que 
yaue  ne  la  pooit  enpirier8,  ne  croistre,  ne  amenuisier",  d'une  fort  manière 
de  tieules  10  toutes  entières  sanz  nulles  jointures,  selonc  la  laitre11  que  feus 
ne  puet  maumetre  de  riens.  En  ces  granz  coulombes  F0  116  a  qu'il 
firent  entailliere/it  les  * vii*  arz,  si  que  cil  qui  venissent  après  euls12  les 
trouvassent  et  les  apreissent^. 


De  ceuls  qui  trouèrent  les  clergies15  après  le  déluge. 

Ainsi  sauvèrent  les  clerg-ies  cil  a  cui  Nostre  Sires  les  ot  ensaingniées  14. 
Et  tant15  que  Diex  envoia  le  delug-e  en  terre  qui  tout  noia,  fors  Noë  qui  en 
l'arche  se  mist,  par  cui  li  mondes  fu  refaiz.  Lors  commencierent  a  refaire 
leur  maisons  et  leur  autres  afaires.  Mais  il  les  faisoient  mowlt  rude- [F0 
1 16  b  ment,  comme  cil  qui  petit  savoient,  tant  que  les  clergies16  furent  re- 
trouvées. Si  sorent  mieulz17  ce  que  bon  leur  estoitls  a  faire  et  de  leur 
maus11'  trouver  refuge. 

Li  premiers  qui  meïst  sentence  en20  clergie  après  le  déluge,  et  qui  s'en- 
tremist  du  retrouver21,  ce  fu  Sem,  uns22  des  filz  Noè',  qui  son  cuer  ot 
atourné23  a  ce  ;  et  tant  i  usa  de24  sa  vie  qu'il  retrouva  une  partie  d'astrono- 
mie par  son  sens.  Et  puis  revint  Sainz  Abraharts  qui  en  trouva  grant 
par-  F0  ii(')  Cjtie^.  Et  puis  furent  autres  qui  i  usèrent  leur  vies  au  mieulz 


1  A  et,  H:  «par  feu  ardant,  a  l'autre  foiz»  manque.  —  2B  :  que.  —  n  B:  garanties 
n'estoient.  —  4  B:  «  genz  »  manque.  —  :>  B:  si  grant  que.  — °  B  :  si  que  /es.  —  "  B: 
aucuns.  —  :  «  B  :  e/npirier.  —  9  B:  amenuissier.  —  ,0  B:  tm/les.  —  n  B  :  /eifre.  —  l2  B: 
c/s.  —  13  B  :  ce/s  qui  trouvèrent  les  clerg/es  ;  A  :  cierges.  —  u  B  :  ensaingntfs.  —  ir>  A  : 
«  tant  »  manque.  —  1C  A  :  cierges.  —  1?  B  :  mi&r.  —  1S  A:  estoir;  B  :  estoi/  cf.  note  p.  lit'. 
—  10  B:  mau/s. —  -°  A:  e  ;  «  e  »  =en  :  forme  isolée  dans  A.  Nous  corrigeons  «  en  ».  — 
21  B:  ïrouver.  —  —  B:  un.  —  -3  B:  atonie.  —  -4  B:  «  de  «manque. 

a  «  Si  trouvèrent...  les  apreïssent.  »  V.  Introduction  p.  48.  Josèphe  Antiq.  Jad.  I.  2. 
{'/ovôamr)  hçxaio?.oyia,  Oxford,  1700).  Geryaise  de  Tilbury  Otia  Imper.  I.  20.  (Leibnitz 
[Hanover,  1707,  2  vol.]  vol.  I  p.  899)  cite  Josèphe  comme  source. 

b  [/'o  li6(i    |    117  c  =  Vers  5335-5424.] 

C  «  Li  premiers  qui  meïst...  grant  partie.  »  Josèphe  Antiq.  Jad.  I,  2.  V.  Introduc- 
tion p.  48. 


—    188    — 

qu'i1  sorent2,  tant  que  il  orent3  des  -vii.  arz  les  principes  et  les  raisons. 
Et  après  vint  Platons,  li  sages  souverains  de  philosophie,  et  son  clerc 
qui  ot  a  non  Aristotes.  Cil  Platons  fu  li  hons  el4  monde  qui  fu  de  plus 
parfonde  clergie  et  qui  plus  mist  clergie5*  avant  que  nus  qui  fust  devant 
lui  ne  après.  Icil  prouva  premièrement  que  il  n'estoit  que  uns  touz  seuls 
souverains  qui  tout  fist,  et  dont  tuit  li  bien  \F°  116  d]  viennent;  et  enquo- 
res  le  pruevent6  bien  ses  livres,  que  il  n'est  c'uns  seus7  souverains  biens. 
Ce  est  Diex  qui  fist  toutes  choses.  Et  en  celé  seule  unité  prouva  il  droite 
vérité.  Car  il  prouva  son  pooir,  son  sens,  son  bien.  Ces  - ii i -  reclaimment 
tuit  crestien  :  Ce  est  Te  père,  et  le  fill,  et  le  saint,  esperit.  Du  père  dist 
la  puissance,  du  fill  la  sapiance 8,  du  saint  esperit  la  bienvoillance. 

Et  Aristotes,  qui  après  vint,  l'ensuevi  ;  et  le  tint  si  près  de  [F0  ny  a] 
moult  de  choses  que  il  ot  dites,  que  de  lui  vint  ce  que9  il  sot.  Il  ordena 
moult  bien  l'art  de  logique.  Car  il  en  sot  plus  que  d'autre  chose. 

Icès  ii-  trouvèrent  -  ii  i  -  personnes  en  "i*  seul  lieu10,  et  le  prouvèrent. 
Mais  il  n'en  mistrent  riens  en  latin.  Car  il  estoient  amdeus  sarrazins, 
comme  cil  qui  furent  lonc  tans  avant  que  Jhesu  Crist,  bien  -ccc  anz*. 
Si  furent  tuit  leur  livre11  en  grieu. 

Mais  puis  vint  Boeces,  uns  granz  philosophes  et  sages,  qui  de  pluseurs 
[F0  ny  b]  languages12  aprist,  et  qui  moult  ama  droiture.  Cil  Boeces  trans- 
lata de13  leur  livres  grant  partie,  et  les  mist  en  latin.  Mais  il  mourut14 
ainçois  qu'il  les  eûst  translatez.  Dont  ce  fu  .damages15  a  nous.  Puis  en  ont 
autres  bons  clers  translaté;  mais  cil  en  translata  le  plus  que  nous  avons 
enqwore  en  usage  ;  et  fist  en  sa  vie  moult  de  bons  livres  et  de  moult  haute 
philosophie,  qui  enquores  nous  ont  grant  mestier  pour  nous  adrecier 
envers  Nosfre  Seingneur1*. 

Et  maint  [F0  iij  c]  autre  bon  clerc  ont  esté  au  monde  de  grant  pooir 
qui  apristrent  toute  leur  vie17  des  *vir  arz  et  d'astronomie.  Dont  il  en  i  ot 
d'aucuns  qui  en  leur  tans  firent  merveilles  par  astronomie.  Mais  cil  qui 
plus  s'en  entremist,  ce  fu  Virgiles  qui  en  fist  maintes  choses18  merveilleuses. 
Et  pour  ce,  si  vous  en  conterons  aucunes  dont  nous  avons  oy. 

»  B:  qu'il  ;  «  qu'i  »  cf.  note  p.  60.  —  2  B  :  porent.  —  3  B  :  ot.  —  4  B  :  du.  —  5  B 
et  N  :  clergie,  e/  qui  plus  mist  clergie  avant  ;  A:  «  et  qui  plus  mist  clergie  »  manque.  — 
6  B:  prouvent.  —  7  B  :  seu/s.  —  8  B  :  sapience.  —  9  B:  c'en  que.  —  10  A,  B,  C,  N  :  //eu. 
—  n  B  :  livres.  —  12  B  :  langages.  —  13  B  :  des.  —  14  B  :  morut.  —  r>  B:  fu  granz  dama- 
ges.—  16  B:  Seigneur.  —  17  B:  toutes  leur  vies.  —  18  A  :  «  maintes  choses  »  se  trouve 
écrit  deux  fois. 

*  Sloan  f°  123  B  :  Cil  Platons  fu  li  hons  el  monde 
qui  plus  ot  science  parfonde 
et  qui  plus  mist  clergie  avant 
que  nus  qui  fust  n'apriès  n'avant. 

A  «  Icès  .ii.  trouvèrent...  bien  .ccc.  anz.  »  Clément  d'Alexandrie  Stromata  (Migne. 
Patrologia.  Séries  Graeca  t.  8  col.  155,  158)  lib.  V,  ch.  14.  V.  Introduction  p.  48. 


—     184    — 


xi 


Des  merveilles  que  Virgile  s  fist  par  astronomie. 

[F0  ny  d]  Virgiles  fu  devant  Jhesu  Christ,  qui  ne  tint  pas  les  -vii*  arz 
a  gaule  ;  ains  y  usa  toute  sa  vie,  tant  que  par  astronomie  fist  maintes 
granz  merveilles. 

Car  il  fist  une  mousche  d'arain  que,  quant  l'en  la1  metoit  en  une 
place,  si  en  chaçoit  toutes  les  autres,  si  que  il  n'en  demoroit2  nulles 
en  la  place,  ne  n'osoient  aprochier  près  de  lui  de  *ii*  archiées  tout  entour, 
ne  ne  pooient  que  eles  ne  morussent  tantost  tout  maintenant  que  eles  [F0 
11S  a]  passoient  la  bonne  que  il  avoit  compassée  b. 

Si  refist  i*  cheval  d'aram,  qui  g-arissoit  de  chascu/i  mal  les  chevaus 
qui  estoient  malades,  tout  maintenant  qu'il  le  reg-ardoient  (>. 

Si  fonda  une  moult  grant  cité  desus  *i-  oef  par  tele  force  et  par  tele 
poesté  que  quant  aucuns  remuoit 3  l'oef,  toute  la  cité  en  croilloit;  et  queplws 
fort  le  mouvoit  on  et  plus  forment  croulloit  la  citez  '>.  La  ville  et  en  haut 
et  en  plain,  et  la  mousche  et  li  chevaus  que  il  [F0  11H  b\  fist  d'arain,  sont 
a  Naples,  et  la  cage  ou  l'oef4  est,  et  les  voit  on  la.  Ce  nous  dient  cil  qui  ve- 
nuz  en  sont,  qui  les  oui  veilz  moult  de  foiz. 

Si  fist  le  feu  faillir  en  une  cité,  que  nus  n'en  pooit  point  avoir,  se  il 
n'alumoit  la  chandoile  a  la  naissance  d'une  famé.  Et  estoit  celé  famé  fille 
d'empereur  et  grant  dame.  Car  ele  li  avoit  fait  aucun  anui.  Ne  cil  qui  le 
prenoit  n'en  pooit  point  donner  a  autre,  ainz  couvenoit  que  chascuns 
preïst  feu  la  tout  droit  [F0  118  c  ou  li  premiers  l'avoit  pris.  Et  ainsi  se 
vencha  il  de  celé  qui  annui  li  avoit  fait  e. 

Et  fist   i*  pont  sus  une  yaue,  la  plus  grant  qui  onques  fust  el  monde  ; 
ne  sai  ou  de  pierre  ou  de  fust.  Mais  nus  ouvriers,  tant  fust  soustis,  ne  ma- 
çon ne  charpentiers  ne  autres  ouvriers  nus  ne  seiïssent  encerchier  tant,  ne 
enquerre  dedenz  terre  ne  dedenz  yaue,  qu'il  seiïssent  en  quele  manière  ne 

1  H  :  le.  —  -  B  :  àemoYent.  —  :î  B:  remouyoit.  —  4  B  :  ou  Vœuls  est. 

a  \F°  117  c  —  121  a  =  Vers  5425-5617.]  V.  Introduction  p.  il)  s. 

b  «  Car  il  fist...  qu'il  avoit  compassée.  »  Vincent  de  Bcauvais,  Spec.  Hist.  VI.  61. 
Conrad  de  Ouerfurt  (éd.  Borch.  Dresden,  1880  p.  10).  Jean  de  Salisbury,  Polycrat  (Migne 
Patrologia  t.  lit».),  col.  393)  1.  i.  Gervaise  de  Tilbury,  Otia  Imper,  (vol.  1,  p.  963)  III.  10. 
Ghvonica  di  Parthenope  (citée  par  Du  Méril.  MèlarHjes  archéologiques  et  littéraires.  Pa- 
ris, 1850,  t.  V  p.  427). 

c  «  Si  refist...  tout  maintenant  qu'il  le  reçardoient.  »  Conrad  de  Ouerfurt  (o.  c.  p.  10). 
'Ihronica  di  Parthenope  XX  (citée  par  Du  Méril  o.  c). 

o  «  Si  fonda  une  moult...  croulloit  la  citez.  »  Chronica  di  Parthenope  XXXI  (citée 
par  Du  Méril  o.\\). 

e  «  Si  fist  le  feu  faillir...  qui  annui  li  avoit  fait.  »  Solin.  Memorabilia  (éd.  Draudius 
[Francfort,  1603]  p.  143.) 


—     185    — 

en  quel  point1  li  pons  estoit  faiz,ne  comment  [F0  118  d\  il  sesoustenoit  en 
nul  endroit,  ne  au  chief  ne  el  milieu.  Et  passoit  on  bien  tout  parmi  outre  A. 

Si  fist  'V  jardin  qui  fu  clos  tout  entour  de  l'air  sanz  autre  atornement2 
et  tout  ausi  espés  comme  une  nue,  et  estoit  moult  hauz  de  terre  ». 

Si  fist  *ii*  cierges  touz  ardanz  et  une  lampe  o  feu  dedenz,  quitouz  jourz 
ardoie/it  sanz  estaindre,  ne  de  riens  n'apetiçoient.  Ces  - iïi -  choses  encloust 
il  dedenz  la  terre  que  l'en  ne  les  peiïst  trouver,  pour  querre  que  l'en  peiïst 
faire,  devant  [F0  ng  à]  que  il  denst  fenir  G; 

Si  fist  une  teste  parlant  qui  li  responnoit  de  quanque  il  li  demandoit 
et  de  ce  qui  avenir  devoit  en  terre,  tant  que  il  li  demanda  une  foiz  d'un 
sien  afaire,  ou  il  devoit  aler.  Mais  ele  li  dist  une  chose  que  il  n'entendi  pas 
bien.  Car  ele  li  dist  que  se  il  gardoit  bien  la  teste,  que  il  en  revendroit 
touz  sains.  Lors  s'en  ala  seiirement.  Mais  li  solaus,  qui  rent  grant  chaleur, 
le  feri  en  la  teste  et  li  eschaufa  si  le  cervel,  dont  [F0  ng  b  il  ne  se  prist 
garde,  que  une  maladie  li  en  prist  dont  il  fu  morz.  Quant  il  parla  a  celé 
teste,  il  n'entendi  pas  que  ce  fust  de  la  seue3  teste,  ainz  entendi  de  la  teste 
qui  a  lui  parloit.  Mais  mieulz  li  venist  qu'il 4  eust  bien  gardée  la  seue 
teste  ».  . 

Quant  il  mourut,  si  se  fist  porter  hors  de  Roume  pour  enterrer  ai* 
chastel  devers  Sezile,  près  de  la  mer  a  une  mille.  Enquores  i  sont  ses  os 
que  l'en  garde  mieulz  que  les  autrui.  Et  quanX,  l'en  les  souloit  remuer,  si 
s'en-[F°  ng  c]floit  la  mertantost  et  venoit  au  chastel  errant5;  etqwontplus 
les  levoit  on  haut,  tant  croissoit  plus  la  mer,  si  que  touz  li  chastiaus 
noiast,  s'en  ne  les  meïst  jus  arriéres;  et  quant  il  estoient  en  leur  lieu  arrié- 
res, tantost  la  mer  se  rabaissoit  ausi  com  ele  estoit  devants.  Et  ce  a  l'en 
souvent  esprouvé.  Et  enqwores  i  dure  la  vertu,  ce  dient  cil  qui  la   ont  esté. 

Sages  fu  Virgiles  et  soutis,  et  voult  prover6  touz  les  usages  des  cler- 
gies  a  son  pooir,  tant  [F0  ngd\  comme  il  en  pot  plus  savoir.  Etfu  de  petite 

1  B  :  en  quel  point  ne  en  quele  manière.  —  2  A:  atorment  ;  «  atorment  »  :  cette  forme 
est  isolée  dans  le  ms.  A  et  n'est  pas  confirmée.  —  3  B  :  soue.  —  4  B  :  venist  tout  pour 
voir  qu'il.  —  5  B:  la  mer  errant  et  venoit  tantost  au  chastiau.  —  6  B  :  prouver. 

a  «  Et  fist  .i.  pont...  tout  parmi  outre.  »  Neckam  IL  174- 

B  «  Si  fist  .i.  jardin...  moult  hauz  de  terre.  »  Neckam  II.  174.  Vincent  de  Beau  vais 
Spec.  Hist.  VI.  61.  Vincent  mentionne  le  jardin,  mais  dit  :  Hortum  quendam  sic  fecisse 
dicitur  ut  in  eo  non  plueret.  —  Gervaise  de  Tilbury  Otia  Imper,  (vol.  I  p.  964)  III.  13. 

c  «  Si  fist  -ii*  cierges...  deiist  fenir  »  Guillaume  de  Malmesbury,  De  Gestis  Regum 
Anylorum  (éd.  Stubbs,  Londres  1887)  vol,  I  p.  259.  —  Benoist  de  Sainte-More,  Roman 
de  Troie  (éd.  Joly,  Paris  1870-71)  v.  16751  s.  —  Eneas  (éd.  Jacques  Salverda  de  Grave, 
Halle  1894)  v.  6510  s.  —  V.  Introduction  p.  49,  50. 

d  «  Si  fist  une  teste  parlant...  bien  gardée  la  seue  teste.  »  Albert  le  Grand  et  Bacon. 
(D'après  Puymaigre,  Notice  sur  Y  Image  du  Monde  [Metz,  185.'}]). 

E  «  Quant  il  mourut...  com  ele  estoit  devant.  »  Chancelier  Conrad  de  Querfurt  o.  c. 
p.  10. 


—     180    — 

estature  et  un  poi i  courbés  le  dos  par  droite  nature.  Et  aloil  là  teste  bais- 
sant et  regardant  devers  terre. 

Moult  fistVirg-iles  de  granz  merveilles  que  les  g-enz  tendroient  a  bourdes 
se  il  les  ooient  raconter.  Car  il  ne  porroient  penser  ne  cuider2  c'uns  autres 
seiïst  chose  faire3  dont  il  ne  sevent  riens.  Et  quant  il  oient  parler  de  tels 
choses  ou  d'autres  qu'il  meïsmes  voient  a  leur  ieulz,  et  dont  [  F0120  a]  il 
ne  sevent  riens,  tantost  dien.t  que  c'est4  par  anemi  que  il  œvrent5  en  tele 
manière,  comme  cil  qui  voulentiers 6  mesdient  des  genz.  Et  dient  qu'il  ne 
fait  pas  bon  savoir  tels  choses.  Et  se  il  en7  savoient  la  manière,  il  la  ten- 
droient  a  moult  leg-iere  et  a  droite  œvre  de  nature  et  sanz  autre  fig-ure  de 
mal.  Mais  quant  il  ne  sevent  la  chose,  si  en  dient  avant  le  mal  que  le  bien. 

Qui  bien  savroit  astronomie,  il  n'est  riens  qui  en  cest  monde  soit 
\F°  120  b\  dont  l'en  ne  seïist  enqaerre  raison  ;  et  maintes  choses  en  feroit 
l'en  qui  sambleroient  miracles  as  g"enz  qui  riens  ne  savroientde  celé  science. 
Je  ne  di  pas  que  l'en  n'en  peilst  bien  faire  mal  qui  ta/H  en  savroit.  Car  il 
n'est  si  bonne  science  que  l'en  n'i  puisse  entendre  aucun  malice8*,  et  que 
l'en  n'i  puisse  mal  ouvrer,  se  l'en  s'en  vouloit9  entremetre.  Diex  ne  fist 
onques  si  bonne  évangile  qu'en  10  ne  puisse  tourner11  a  bourde.  Et  n'est 
nulle  [F°  120  c]  chose  si  veraie12  qne  l'en  n'i  puisse  gloser  tel  chose  dont 
l'en  se  porroit  bien  dampner,  qui  se  voudroit  pener  de  mal  faire.  Mais  ce 
n'est  pas  maistrie  que13  de  faire  mal. 

Li  hons  se  puet  bien  traire  a  mal  ou  a  bien14  se  il  veult.  Car  il  a  le 
pooir  et  de  l'un  et  de  l'autre.  Se  il  pense  a  bien,  ce  li  vient  de  Dieu;  et  se 
il  pense  a  mal,  ce  le  trait  a  doleur15  et  a  painne.  Ja  li  mauvais  ne  dira  bien 
de  ce  dont  il  ne  peut  riens10  savoir.  Il  n'est  nulle  art  qui  bon-[F°  120  d]ne 
ne  soit  a  savoir,  se  li  hons  s'i  donne.  Mais  que  il  ne  1T  face  chose  envers 
Dieu,  dont  il  perde  sa  grâce. 

L'en  set  tout  nar  astronomie,  fors  ce  que  Diex  ne  veult  mie  que  l'en 
sache.  Si  en  feroit  meillieur18  aprendre  que  de  celé  que  l'en  aprent  pour 
conquester  avoir.  Car  qui  bien  la  savroit  a  droit,  il  avroit  ce  que  il  voudroit 
en  terre.  Car  il  ne  li  faudroit  ja  nule19  riens  qu'il  n'ei'ist  plus  de  bien  en- 
quores.  Mais  20  il  ont  plus  chier  la  mo/moie  ;  et  si  ne  sevent 21  que  [F°  121  a] 
ce  est,  ne  pour  quoi  ele  fu  trouvée;  et  si  i  meitent  toute  leur  pensée22.  Ne  il 

1  B:  pou.  —  -  B  :  cuid/er  ;  cf.  noie  p.  69.  —  '■'>  B  :  faire  chose.  —  4  B  :  ce  est.  — 
5  B  :  qu'il  œuvrent.  —  6  B  :  volentiers.  —  7  B  :  «  en  »  manque.  —  H  A,  B  aucun  malice. 
—  9  B  :  n»vrer  se  l'en  se  xealt.  —  ]0  B  :  euvangile  que  l'en.  —  u  B  :  to/*ner.  —  ,2  B  :  y/*aie. 
13  B  :  «  que  »  manque.  —  14  B:  traire  ou  a  bien  ou  a  mal.  —  15  B  :  douleur.  —  16  B  : 
puet  rien.  —  17  B  :  «donne.  Mais  que  //  hons  ne...  —  18  B  :  meil/eur.  —  19  B  :  mule.  — 
20  B  :  Mus.  —  21  B  :  servent.  —  22  B  :  metent  leur  pensée  toute. 

*  «  Malice  »  a  les  deux  genres,  cf.  Froissart  (relevé  par  Clédat)  I.  1.6.  «  Et  tant  fit 
par  son  subtil  malice  ».  Sermons  de  saint  Bernard  (Paris  1841)  p.  543  :  «  plus  dolosevet 
lo  malice...  »,  p.  555  «  son  malice  », 


—     187     — 

n'ont  cure  de  savoir,  fors  que  tant  qu'il1  en  puissent  avoir  conquester.  Et 
pour  ce  ne  lairons3  nous  mie  que  nous  n'en  dions  aucuns2  cas  pour  ceuls 
qui  ont  talent  d'aprendre.  Si  l'oie  4  qui  o\r  le  voudra. 

xiiA. 

Pour  quoi  monnoie  fu  establie*. 

Monnoie  si 5  fu  establie  pour  les  genz  qui  n'avoient  pas  toutes  choses 
nécessaires  ensamble.  Li  uns  avoit  blez,  li  autres  vins,  li  [F0  121  b]  autres 
dras  et  li  autres  bestes.  Qui  le  blé  avoit,  si  n'avoit  pas  le  vin  sanz  changier 
l'un  a  l'autre.  Si  couvenoit6  qu'il  chanjassent  les  uns  as  autres7  pour  avoir 
ce  qu'il  n'avoient  pas,  comme  cil  qui  autrement  ne  le  savoient  faire. 

Quant  li  philosophe  virent  ce,  si  firent  tant  qu'il  establircnt  vers  les 
seing-neurs  ça  en  arriéres  une  petite  chose  legiere,  dont  chascuns  en  peiist 
tant  porter  qu'il  en  peiist  achater  ailleurs  ce  quemestiers  li  seroit  [F0  121  c] 
et  ce  qu'il  leur  couvenoit  a  euls8  vivre.  Si  pensèrent  a  leur  avis  une  riens 
ne  trop  ville9  ne  trop  chiere,  et  que  ele  eûst  aucune  valeur  pour  faire  droite 
marcheandise  li  uns  a  l'autre  par  celé  ensaingne10,  etqu'ele  fust  commune 
par  tout  en  toutes  voies. 

Si  establirent  une  petite  mo/moie  tenue  pour11  aler  par  le  monde.  Et  pour 
ce  fu  dite  monnoie,  que  les  genz  menoit  par  la  voie,  ou  d'amonnester,  qui 
vaut  autant  ce  que  \F°  121  d]  faut  a  houme  pour  vivre.  «  Monos  »  en 
grieu,  si  vaut  autant  comme  une  chose  seulement.  Car  il  n'en  estoit12  lors 
que  une  par  tout  le  monde.  Mais  or  fait  chascuns  sa  monnoie  merllée15, 
dont  l'en  se  desvoie  plus  que  s'ele  feiist14  d'un  afaire  seulement.  Car  l'en  en 
voit  faire  maintes  fausses15. 

Ainsi  ne  l'establirent  pas  li  philosophe16.  Car  il  l'establirent  itele17 
pour  Testât  du  monde  sauver.  Car  se  li  arg-enz  18  estoit  ostez  des  parisis  et 
des  tournois,  [F0  122  a  tant  seroit  la  monnoie  plus  petite  et  meilleur  pour 
porter  par  les  chemins.  Car  com  plus  seroit  petite  et  leg-iere,  et  miex  vau- 
droit  pour  faire  et  pour  avoir  sa  vie.  Et  pour  autre  chose  ne  fu  ele  esta- 
blie. Car  monnoie  n'est  prisie  fors  pour  l'or 19  et  pour  l'arg-ent  qui  i  est. 
Cil  qui  I'20  establirent  premièrement  la  firent  petite  et  legiere  pour21  plus 
legierement  porter  la  ou  il  voudroient  aler. 

1  B  :  que  il.  —  2  B  :  lairon.  —  3  B  :  aucun.  —  4  B:  oye.  —  5  B  :  «  si  »  manque.  — 
6  B  :  convenoit.  —  7  B  :  li  uns  as  /'autres.  —  8  B  :  els.  —  9  B:  xile.  —  10  B  «  par  celé 
ensaingne  »  manque.  —  V  B  :  tenue  d'arpent  pour...  —  12  B  :  il  ne  estoit...  —  13  B  :  mes- 
lée.  —  14  B  :  fust.  —  15  B  :  fauses.  —  16  B  :  philosophe.  —  17  A  :  icele.  —  18  B  :•  argent. 
—  "B:  ors  —  2°  A  :  «  1'  »  manque.  —  21  B  :  po/\ 

k\F*  121  a—  122  az=i  Vers  5618-5875.] 

b  «  Pour  quoi  monnoie  fu  establie  »  Neckam  II,  52.  V.    Introduction  p.  50,  51. 


—     188 


XI 11  A. 

Des  philosophes  1  qui  aloient  par  le  monde B. 

Ainsi  aloient  par  leur  monno- [F0  122  b]\e  la  ou  il  vouloient  parmi  le 
monde  en  marcheandise  ou  en  pèlerinage,  ou  pour  cerchier2  et  enquerre 
aucuns  lieus  que  il3  vouloient  savoir. 

Dont  maint  qui  estaient  philosophe,  qui  tout  vouloient  esprouver, 
aloient  par  mer  et  par  terre  pour  mieulz4  enqwerre  la  vérité  des  choses 
du  ciel  et  de  la  terre.  Il  ne  se  rostissoient  pas  tant  as  granz  feus,  comme 
font  orendroit  mamt  truant  papelart  qui  so/it  au  monde,  qui  nul  bien 
n'aimment  ne  ne  font,  [F0  122  c\  fors  que  pour  avoir  le  los  du  monde. 
Ainz  cerchoient  la  mer  et  la  terre  amont  et  aval,  pour  mieulz  connoistre 
et  mal  et  bien.  Dont  il  sou f rirent  5  maintes  granz  painnes  pour  rendre 
leur  âmes  a  Dieu.  Et  cil  ne  qwïerent  avoir  que6  le  non  d'estre  apelez  mais- 
tres,  pour  avoir  en  7  le  renon  au8  monde  qui  si  tost  leur  faut. 

Mauvais  homme  ne  puet  penser  as  hautes  choses.  Car  qui  de  terre  est, 
a  terre  tent  ;  et  qui  a  Dieu  bee,  Diex  l'atent.  F0  122  d.]  Et  Diex  meïsmes 
dist  ceste  parole  :  «  Qui  de  terre  est,  de  terre  parole9;  et  qui  du  ciel  vient, 
au  ciel  tire.  »  Et  cil  est  plus  sires  de  touz  les  autres. 

Li  philosophe,  qui  bien  sorent  entendre  ceste  parole10,  orent  plus  chier 
a  souffrir  mesaise  pour  aprendre,  qu'a  entendre  uas  honneurs  déterre.  Car 
il  amoient  mieulz  les  clerg-ies  que  les  sei/ignories  du  monde. 

Platons,  qui  fu  uns  puissanz12  maistres  d'Athènes,  relenqui  ses  estres  et 
son  lieu.  Car  il  n'ot  eu-  F0  12'i  a  re  de  tele  renoA/zmée  ;  ainz  cercha  maintes 
contrées.  Et  ot  plus  chier  a  avoir  painne  et  mesaise  et  vergoing'ne  pour 
enquerre  vérité  et  pour  aprendre,  que  avoir  seing-norie^au  monde  ne  mais- 
trie  t4  de  dire  riens  dont  il  ne  fust  certains  15,  pour  aquerre  los  vain. 

Apolineslr>,  qui  tant  fu  granz  sires,  laissa  son  reg-ne  et  son  empire,  et 
s  en  ala  povres  et  nuz  pour  aprendre.  Et  fu  pris  et  venduz  par  maintes  foiz 
destrang-es  g"enz  u.  Nonques  n'i  ot  nul 1S  si  vail-  F0  12S  b  jlant  de  ceuls  qui 
Tachetèrent11'  ne  qui  le  vendirent,  qu'il  onques  20  ne  feïst  nulle  force  ne  du 
vendre  ne  de  l'acheter21,  mais  qu'il  peiïst  adès  aprendre.  Et  tant  cercha 
amo/it  <?/aval  pour  connoistre  Dieu  et  le  monde  que  il  avoit  plus  chier  que 

1  B  :  philosophes.  —  2  A  :  chacier.  —  3  B  :  qu'il.  —  4  B  :  mie.r.  —  •>  B  :  sou/'frirent. 

—  ,->  B  :  fors.  —  '•  B  :   «  <-n  »  manque.  —  8  B  :  dn.  —  9  B  :  parole  de  terre.  —  10  A  :  parole. 

—  n  B  :  que  a  fendre.  —  12  B  :  puissant.  —  13  B  :  seigneurie.  —  u  A  :  maistre.  —  15  B  : 
m  dont  il  ne  fust  certains  »  manque.  —  >c  b  :  Apol/omes.  —  17  B  :  «  ^enz  »  manque.  — 
1S  B  :  nus.  —  ,9  B  :  achat erent.  —  L>0  B  :  en.  —  21  B  :  ne  du  l'achater. 

a   [F»  122  a  -   124  d  =  Vers  5676-5811.] 

b  Neckam  II  21  mentionne  «  Alexandre  ».  Philostrate  (  Vie  d'Apollonius  de  Tyane) 
donne  le  récit  des  aventures  d'  «  Apolines  »  ei  de  Hyarchas  (éd.  Kaiser,  Leipziç,  1870,  III 
ch.  16  s.) 


—     189    — 

nul  trésor  du  monde,  que  il  vit  seoir  el  trosne  d'or  -i-  philosophe  de  grant 
renommée,  que1  *ensaing"noit2ses  deciples  dedenz  son  trosne  ou  il  se  sèoit, 
et  les  ensaing-noit  de  natures  et  de  bonnes  mours,  et  le  cours  des 3  jours  et 
des  [F0  12H  c]  estoiles,  et  la  senefiance  et  la  raison  des  choses  qui  ont  sa- 
pience.  Cil  philosophes  avoit  a  non  Hyarchas. 

Puis  râla  tant  par  maintes  contrées  qu'il  trouva  la  table  de  fin  or  qui 
fu  de  si  grant  renommée4  que  ele  fu  clamée  table  du  souleill5,  ou  touz  li 
mondes  fu  pourtraiz6.  La  vit  il  et  aprist  mainz  faiz  et  maintes  merveilles 
que  il  ama  plus  que  nul  roiaume.  Cil  erra  tant  parestrang,es  terres,  que  il 
passa  le  flueve  de  Gang-es  et  toute  Yn-\F°  12S  oT|de  jusques  a7  la  fin,  tant 
comme  il  pot  chemin  trouver.  Et  ou  8  qu'il  fut 9,  touz  jourz  trouvoit  au- 
cune 10  chose  ou  il  pooit  aprendre,  et  qui  adès  pooit  proufiter  a  soi  et  a  au- 
tres pour  soi  avancier  devant  Dieu. 

Alixandres  en  resoufri  u  maint  travaill  autresi12  pour  aprendre.  Mes  13 
il  s'en14  aloit  richement15  comme  rois  et  a  force  de  g*ent.  Dont  il  ne  pot 
mie  si  bien  aprendre  n'enquerre  droite  vérité. 

Virgules  recercha  main-f  F0  12/f  a  tes  terres  pour  enquerre  vérité  des 
choses. 

Tholomeus,  qui  d'Egypte  fu  rois,  n'en  clama  pas  quite  sa  parue.  Ainz 
ala  par  maintes  contrées,  tant  qu'il  ot  trouvées  maintes  merveilles. 

Sainz  Pois16,  qui  fu  monlt  preudomme17,  ala  par  maintes  contrées  pour 
plus  aprendre  et  pour  vëoir  touz  les  bons  clers  que  il18  porroit  trouver. 

Sainz  Brandins19  ne  fina  onqnes  d'errer20  et  par  mer  et  par  terre  pour 
aprendre  tant  seulement,  et  vit  maintes  granz  merveilles.  Car  il  [F0  124  b] 
vint  en  une  ylle21  de  mer  la  ou  il22  vit  oisiaus  qui  parloient  ausi  comme 
esperiz,  qui  li  distrent  aucunes  choses  dont  il  leur  demanda  l'entendement. 
Si  ala  par  mainz23  autres  lieus,  et  tant  qu'il  en  trova  24  -i-  si  peHlleus  et  si 
plain  d'esperiz  en  si  grant25  tourmenz  26  que  l'en  ne  porroit  penser.  Et  en 
vit  -i-  qui  li  respondi,  et  dist  que  ce  estoit  Judas  qui  trahi  27Dieu,  qui  estoit 
le  jour  'c*  foiztormentez,ne  morir  ne  pooit.  Et  autres  gTanzmerveil-[//o  12/4 
cjles  vit,  si  comme  il  est  raconté  en  sa  vie. 

Maint  autre  philosophe,  qui  moult  soient  de  bien,  cerchierent  le  monde 

1  B  :  qui.  —  -  B  :  ensa/gnent.  —  3  A  :  de.  —  4  B  :  renoumée.  —  ->  B  :  so/eilJ.  — 
6  B  :   portraiz.  —  7  B  :  jusqu'en.  —  8  A  :  on.  —  9  B  :  fust.  —  10  B  :  trouvoit  il  aucune... 

—  n  B  :  resoufri.  —  12  B  :  «  autresi  »  manque.  —  ia  B  :  Mai's.  —  14  B  :  «  s'en  »  man- 
que. —  a  A  :  riehemès.  —  16  B  :  Pouls.  —  17  B  :  preudoume.  —  18  A  :  «  il  »  manque  ».  — 
19  B  :  Brandains.  —  2°  B  :  «  d'errer  »  manque.  —  21  B  :  Car  il  trouva  en  une  ysle.  — 
22  B  :   «  il  »    manque.  —  23  B  :  mains.  —  2*  B  :  trouva.  —  25  B  :  granr.  —  26  B  :  toraienz. 

—  2?  B  :  traï. 

*  «  que  »  nom.  se  retrouve  f°  33  A  et  46  B.  Dans  le  cas  de  33  A,  «  que  »  est  probable- 
ment conjonction. 

«  que  »  nom.  est  confirmé  :  cf.  Chevalier  du  Papegau  (Halle,  1897)  p.  10,  2  ;  12,  30, 
etc.  Stimming-,  o.  c.  p.  XXV,  XXVI. 


—     190    — 

q«anqu'il  porent  pour  mieulz  connoistre  bien1  et  mal.  Et  ne  s'en  espar- 
g-noient  de  riens,  et  ne  vouloient  pas  si  tôt2  croire  la  chose  devant  qu'il  la3 
savoient  a  voire,  ne  qwanqu'il  trovoient4  en  leur  livres,  devant  qu'il  avoient 
prouvé,  pour  mieulz  Dieu  connoistre  et  amer*.  Ainz  cerchoient  et  par  mer 
et  par  terre,  tant  qu'il  avoient  tout 5  encerchié.  Puis  s'en  retournoient 
[F0  124  d]  arreres0  a  leur  estuide7,  pour  aprendre  touz  jorz8  clergies  et 
bonnes9  mors10.  Si  amoient  tant  philosophie  pour  euls  connoistre  en  bien 
et  en  droite  vie. 

Mais  pour  ce  que11  nous  avons  nommée  philosophie12  pluseurs  foiz,  et 
quel13  chose,  c'est,  et  dont  si  granz  biens  vient  que  Tourne  puet  a  ce  mener 
de  lui  connoistre  et  d'amer  Dieu,  si  vous  dirons  que  ce  est. 

xiv  A. 

Que  est  philosophie,  et  de  la  response  Platon. 

Philosophie  si  est  connoissance  de  [F0  120  a]  Dieu  et  fine  amor 14  de 
sapience,  et  savoir15  lescouvines  de1G  choses  devines  et  des  humainnes  pour 
connoistre  Dieu  et  son  pooir  quels17  il  doit  estre  :  si  qu'il  se  peiïssent18  a  ce 
mener  que  il11'  se  peiïssent  touz  donner  a  Dieu"*.  Qui  bien  connoist  Dieu  et 
sa  vie,  si  set  philosofie20  entièrement.  Tuit  sont  bon  philosophe21  qui  ont 
d'euls  droite  connaissance.  DonX  Platon 22  respondi  a  aucun  qui  li  demanda 
en  communité  et  li  dist  que  if23  avoit  apris,  qui  tant  ,F°  JL2ÔJ)]  avoit  mis 
son  tens  en  estuide  pour  aprendre  :  «  Car  nous  faites  entendre24  aucun 
bien,  et  nous  dites  aucun  bon  mot.»  Et  Platons,  qui  sot25  plus  que  nus,  li 
dist,  si  comme  a  cuer  dolent,  qu'il  n'avoit  riens  ap/'is  fors  que  tant  qu'il  se 
sentoit  autresi  comme  i-  vaisseil 2G  tout27  vuit  et  de  jours28  et  de  nuiz.  Itant 
leur  respondi  Platons,  et  non  plus.  Et  si  estôit29  li30  plus  sages  hons  que 
l'en  sei'ist31  adonques:i2  en  tout  le  monde,  et  de  la  [F0  120  c)  plus  parfonde 
science. 

N'en  diroient  ore  pas  autant  cil  qui  ores  sont.  Ainz  feroient  samblant 

]  B  :  et  bien.  —  -  B  :  tost.  —  :î  B:  devant  qui  la...  —  4  B:  trouvoient.  —  5  B  :  «  tout  » 
manque.  —  c  B  :  relornoient  arriéres.  —  7  B  :  estudes.  —  8  B  :  jours.  —  9  A  :  bonnos.  — 
1«  B  :  meurs.  —  11  B  :  Mais  puis  que.  —  12  B  :  philosophie.  —  i;i  B  :  que.  —  l4  B  :  amour. 
!•">  B  :  et  de  savoir.  —  1G  B  :  des.  —  17  B  :  pooir  quels  il  est  et  quels...  —  18  B  :  puissent. 

10  B  :  qu'il.  —  -°  B  :  pfiylosbphïe.  —  -'  B  :  Tuit  sou  bon  philosophe.  —  -2  B  :  Platons. 

23  b  :   qu'il.   —  -'  A  :    enten/endre.  —  25  a  :    soit.  —  2,;  B  :    vai.sr/.    —  -''  B   :    tous.    — 

2e  B  :  jourr.  —  2i1  B  :  estoit  adont/ues.  —  :V)  A  :  si.  —  31  B  :  que  \e  seûst.  —  32  B  ::  «  adon- 
ques  »  manque. 

*  «  et  ne  vouloient...  amer  »  :  et  ils  ne  voulaient  pas  croire  une  chose  avant  d'en  être 
certains,  pas  même  ce  qu'ils  trouvaient  dans  leurs  livres,  à  moins  de  l'avoir  prouvé,  (et 
cela)  pour  mieux  connaître  et  aimer  Dieu. 

**  «  si  qu'il...  Dieu  »  :  de  telle  façon  que  les  hommes  pussent  en  venir  au  point  de 
pouvoir  se  vouer  entièrement  à  Dieu. 

a  \F"  124  d  —  126  d—  Vers  58i2-o917.J 


—     191     — 

qu'il  seiissent  toute  clergie  pour  avoir  le  los  du  monde  qui  a  mal  les  mainne 
etlov  met  la  folie  es1  testes,  si  qu'il  [n'entendent  a  nul  bien  ne  que  font 
bestes.  Et  quant  il  sevent  aucune  chose  qui  aucune  foiz  leur  samble  bien, 
maintenant  cuident  tout  savoir.  Mes  que/z  que*  fols2  cuide  n'est  pas 
veritez.  Il  sont  deceiïz  ausi  comme  [F0  120  d[  est  li  fols.  Mais  il  n'en  quie- 
rent  avoir  que  le  los,  et  se  painnent  de  trichier  le  siècle  qu'il  comperront 
monlt  chieremeftt. 

Mieuïz 3  leur  vènist  aprendre  tel  chose  qui  leur  feïst  entendre  droit-arc. 
Si  comme  cil  sage  faisaient  qui  si  pou 4  prisoient  le  siècle  qu'il  usoient  tout 
lortcns6en  aprendre  philosophie0.  Ainsi  estudioient 7  adonques  li  philo- 
sophe8 devant  leur  mort  pour!>  adrecier  et  pour  atraire  euls  et  les  autres 
a  bien  [F0  126 a]  faire;  et  se  penoient  d'adrecier  les  autres  genz10. 

Si  controuverent ll  les  monnoies  que  il  portoient  pour  avoir  leur  vivre 
et  pour  achater,  car  l'en  ne  donne  pas  touz  jours12  ;  et  pour  la  couvoitise 
des  g*enz  qui  ont  paour  de  leur  despens,  corrompent  droit  et  nature**.  Car 
par  droiture  et  par  raison  devroit  au  siècle  chascuns  prendre  son  vivre. 
Et  pour  ce  fu  mo/moie  establie,  pour  soustenir  sa  vie  a  chascun,  quant  il 
erroient  par  les  chemins.  \F°  126  b.\  Mais  il  aimment  leur  charoingnes13  et 
leur  piaus  outre  ce  que  mestiers  ne  leur  fust;  que  chascuns  en  retient  o\us 
qu'il  ne  couvienta  son  vivre,  qui  enprès 14  euls  porissent l'°,  et  en  laissent  maint 
besoing-neus16  avoir  mesaise.  Ne-fure/U  pas  pour  ce  trouvées  les  monnoies, 
fors  pour  avoir  son  vivre,  tant  que  la  morz 17,  qui  tout  prent 18,  en  feïst  ce  que 
ele19deust  au  plaisir  de  Dieu.  Etainsi  fussent  plus  a  aise  qu'il  ne  sont  ores, 
e^mieulz  ei'ist  chascu/is  [F?  126  c]  ce  qu'il  li  couvenist20,  et  maint  pechié  en 
demorassent: 


1  B  :  as.  —  2  B  :  Mais  quant  que  fol.  —  3  B  !  miar. —  4  B  :  noi. —  5  B  :  leur  tans. — 
6  B  :  p%loso/ie.  —  7  B  :  esUn'dioient.  — »  B  :  philosophes.  —  9  B  :  por.  —  10  B  :  «  genz  » 
manque.  —  n  B  :  contrôlèrent.  —  12  B:  jourr.  —  1:i  B  :  charo/gnes.  —  14  B  :  emprès.  — 
15  B  :  eh  pornssent.  —  1G  B  :  besoingnes.  —  17  B:  mort.  —  18  B  :  «  qui  tout  prent  »  man- 
que. —  19  B  :  ce  qu'ele.   —  20  B  :  chascun  ce  qui  lui   co/zvenist. 

*  «  quen  que  »  :  «  quan  que  »  est  la  forme  ordinaire  dans  le  ms.  A  (f°  77  b,  o  a,  6  c, 
passim).  Cette  forme  est  confirmée  par  d'autres  textes:  Roman  de  Renart  (Martin,  Paris, 
'82-'87)  I,  Branche  VIII  v.  105,  passim.  Rois  (Paris,  1841)  p.  96.  Aucassin  (Suchier.  '89)  2. 
18,  4.  7. 

Le  scribe  de  A  écrit  indifféremment  soit  a  soit  e  devant  n.  Nous  avons  mentionné  ce 
fait  plus  haut;  cf.  note  p.  157. 

**  Sloan  f°  127  B  :  Si  controverent  lor  monoies 

que  les  gens  portent  en  coroies 

por  lor  vivre  aceter  allors,  : 

car  on  ne.  donne  pas  tos  jors;- 

por  les  covoitises  des  gens 

qui  paor  ont  de  lor  despens, 

droit  corrumpent  et  desnaturent 

pour  les  desloiautés  qu'il  mainent. 

«et  pour...  nature»:  et  à  cause  de  la  convoitise  des  gens  qui  craignent  de  dépenser, 
elles  (les  monnoies)  corrompent  le  droit  et  la  nature. 


—     192    — 

Mais  ne  sont  pas  si  sage  comme  furent  *  cil  qui  par  leur  sens  retrou- 
vèrent astronomie,  que  Tholomeus  n'oublia  pas;  ainz  si  estudia  tant  qu'il2 
sot  et  prova8  le  cours  des  estoiles  qui  sont  el  ciel,  et  leur  mesure  tout 
amont,  dont  nous  avons  parlé  ci  devant. 

Si  vous  dirons  des  ores4  en  avant  la  grandeur  de  toute  la  terre  et  du 
ciel  et  de  la  lune  et  du  [F0  126  d  souleill 5  et  des  estoiles,  qu'il  n'est  pas 
chose  commune  a  touz.  Si  comme  li  rois  Tholomeus  meïsmes  les  mesura 
jusqu'en  abisme.  Et  le  prueve  par  raison  en  *i*  livre  qu'il"  fist,  qui  a  a  non 
Almageste,  qui  vaut,  autretant  a  dire  comme  haute  œvre.  Ore  oiez  que  il 
en  dist,  a  ce  que  maint  autre  en  ont  trouvé  qui  l'ont  esprové 7  après  lui, 
de  son  livre  ou  il  donna  art  de  prouver  regart  par  raison. 


XV  A. 

Combien  la  terre  a  de  liant*  entour  et  d'espés  parmi*. 

[F°  127  a]  Li  philosophe  mesurèrent  le  monde  de  toutes  parz  par  leur 
art  et  par  leur  sens  jusques  as  estoiles  tot!*  en  haut,  dont  il  voudrent  sa- 
voir la  mesure  pour  mieuJz  connoistre  leur10  nature. 

Mais  premièrement  voudrent  mesurer  la  terre  et  prouver  sa  grandeur. 
Et  quant  il  orent  la  terre  mesurée  tout  entour,  par  i*  art  qu'il  sorent,  et 
prouvé  par  droite  raison,  si  la  troverent11  tout  environ,  ausi  comme  l'en 
feïst  •{•  tour  d'une  ceinture  tout  [F0  127  b]  entour  et  puis  estendist  l'en  la 
ceinture  de  loue  en  lonc.  Et  qui  lors  iroit  du  lonc  de  la  ceinture,  il  trouvè- 
rent sa  long-ueur  grant -xx-  "M-  milles  et  •iiii-  C  enquore  •xxviii*  milles  12 
plus  ;  dont  la  mille  contient  -m*  pas,  dont  -i*  pas  tient13  v  piez14,  dont  chas- 
cun  pié  tient   xii"  pouces15.  Tant  est  la  terre  longue  entour. 

Par  ce  trouvèrent  il  apms  combien  ele  a  d'espés  parmi.  El  trouvèrent 
lespés  de  li,  ausi  comme  s'ele16  i'ust  partie17  parmi,  (ju'il  ot  de  lon-[//u 
127  c]g*ueur18  par  dedenz  -vi-jvr  miles19  et  *v  -c20.  Parceste  mesure  dar- 
reaine,  qui  est  selonc  nature  droite,  mesurèrent  il  clroitement  trestout  le 
haut  du  firmament.  Car  il  ne  sorent  prendre  ailleurs  plus  grant  mesure 
pour  estandre  la  grandeur  de  toutes  choses  qui  sont  encloses  dedenz  le  ciel. 

1  B  :  f/rent.  —  -  B  :  que  il.  —  :!  B  :  prouva.  —  4  B  :  ore.  —  5B  :  so/eill.  —  c  B  :  que 
il.  _  7  b  :  esprouvé.  —  8  B  :  lonc.  —  '•'  B  :  fout.  —  1C  B  :  lor.  —  «  B  :  trouvèrent.  — 
«  A,  B,  C,  N,  Arundel,  Sloan,  S  :  $$428  milles  :  R  :  $0417  :  Harley  :  $0427  milles: 
Addit  :  $0328.  -  13  B  :  contient.  —  14  Arundel  :  -x'v  pez.  —  [->  A:  14  pouces  (aussi 
B  :  14)  ;  Arundel:  26  poces;  B,  G,  X,  S.  Harley,  Sloan  :  12.  —  ir-  B  :  se  ele.  —  17  B  : 
pertie.  A  :  «  plie  »  :  nous  mettons  «  partie  »  suivant  l'orthographe  ordinaire  du  ms.  A 
eï.   ï"  t')D,  passim.  —  1S  B  :  longuer.  —  1!l  B  :  mi/les.  —  -->  C  :  *v  -c*. 

a  [/*'"  12(i  d  —  127  c  =  Vers  5918-5957.] 

m  La  matière  de  ce  chapitre  se  trouve  dans  les  auteurs  suivants:  Ptolémée,  Almageste 
V  15,  l6.Neckam  1.  H.   V.  Introduction  p.  51. 


—     193     — 

xvi A. 

Combien  la  lune  et  li  soulaiis  ont1  de  haut  chascunsB. 

La  terre  commune  posèrent,  dont  il  mesurèrent  les  estoiles  et  les  pla- 
nètes et  le  firmament. 

Après  [F°  i2j  d\  voudrent2  mesurer  la  lune  et  prouver  sa  grandeur. 
Si  trouvèrent  que  li  cors  de  toute3  la  terre  dehors  et  dedenz,  qui  fu  leur 
commune  mesure,  fu  plus  granz  que  le  cors  de  la  lune  xxxix*  4  tanz  et 
•i-  poi  plus,  et5  ensus  de  terre  si  loing1  bien  xxxiiir  G*  tanz  et  demi  que 
la  terre  n'a  d'espés  parmi,  et  les  *v  douzainnes  avoec**  :  tant  a  de  hautesce 
et  de  grant. 

Si  réprouvèrent7  du  souleill  par  demoustroison  8  et  par  raison  que  il 
est  plus  granz  que  toute  [F0  128  a]  la  terre  n'est  par  x*  foiz  et  Lxvr. 
Mais  cil  qui  riens  n'en  set  le  croit 9  petit  ;  et  si  est  prouvé  par  maistrie 
et  per10  sens  de  g-eometrie.  Dont  pluseur11  s'en  sont  puis  penez  savoir 
mon  se  c'estoit12  voirs  ou  non.  Tant  qu'il  prouvèrent  par  raison  que  cil 
orent  dit  vérité  et  de  quantité  et  de  hautesce.  Mais  je  qui  en  fis  cest  escrit13 
i  mis  m'en  tente  et  tout  mon  tens  u  pour  ce  que  je  m'en  merveilloie,  tant  que 
je  vi  ce  do/it  je  medoutoie.  Car  je  vi  tout  apertement  lesou-f-F0  [28  b]\e\\\ir\ 
qu'il  estoit  plus  granz  que  la  terre  16,  sanz  nule  17  defaute,  par  'C  et  "lxvi' 
foiz  e/les  - ïii -  parties  vintiesmes  18  de  la19  terre20  avoec  tout  ce<^,si  comme 

1  B  :  Combien  la  terre  et  li  soulaus  et  la  lune  ont...  —  2  B  :  Après  la  terre  vou/drent. 
—  3  B  :  «  toute  »  manque.  —  *  Addit.  :  wxix-.  —  5  A,  B  :  est  ;  Sloan  :  et.  —  6  Ms.  de 
Turin  :  -xxxiiir  ;  A,  B,  C,  N  et  les  autres  mss.,  aussi  Brur.etto  Latino,  •xxiiii*.  —  7B  : 
prouvèrent.  —  8  B  :  demonstroison.  —  9  B  :  eroist.  —  10  B  :  et  par  ;  A  :  et  per;  «  per  » 
cf.  note  p.  66.  Cette  forme  se  retrouve  plusieurs  fois  dans  le  ms.  A.  et  est  confirmée  par 
d'autres  textes..  —  n  B  :  pluseurs.  —  12  B  :  mon  ce  estoit...  (mon  [L.  Munde]  :  certaine- 
ment). —  m  B  :  escri.st.  —  14  B  :  tans.  —  15  B:  so/Iei/.  —  16  B  :  que  toute  la  terre.  — 
17  B:  nul/e.— i»  A,  B,  C,  N  :  166  3/20;  Arundel,  Harley  :  166  s/a;  Sloan  :  170.  —  19  B  : 
«  de  la  »  manque.  —  20  B  :  «  terre  »  manque. 

Il  est  facile  de  voir,  par  la  mesure  du  vers,  que  XXXIIII  est  la  bonne  leçon  : 
Sloan  1°  128  A  :  (Ils  trouvèrent  que  la  terre  fut) 
«  plus  grant  que  le  cors  de  la  lune 
xxx. ix.  tans  et  "r  po  plus, 
et  de  terre  si  loing  ensus 
xxiiii  tans  et  demi 
com  la  terre  a  d'espés  parmi.  » 
Au  quatrième  vers  il  manque  un  pied  que  l'emploi  de  «  trente  »  au  lieu  de  «  vingt  » 
rétablirait.  Nous  prouvons,  dans   V Introduction  (p.  02),  (pie  les  calculs  mêmes  rendent  la 
leçon  .xxxiiii.  nécessaire. 

**  «  Si  trouvèrent...  avoec  »  :  Ils  trouvèrent  que  le  ylobe  est  39  fois  (et  un  peu  plus) 
plus  grand  que  la  lune  et  qu'elle  (la  lune)  est  à  une  distance  de  la  terre  ('«aie  à  84  11/is 
fois  le  diamètre  de  la  terre. 

a  [F°  127  c—  128  c  =  Vers  5958-6012.] 

b  «  Combien  ...  ehaseuns.  »  Neckam  I.  8.  Ptolémée,  Almar/este  V.  15.  16.  V.  Intro- 
duction p.  52. 

c  «  166  3/2o...  tout  ce,  »  V.  Introduction  p.  52. 

13 


—     194     — 

li  ancien  le  distrent;  et  lors  crui  je  leur  escrit.  Ne  ja  ne  le  meïsse  en  escrit1. 
se  je  n'en  veïsse2  la  vérité.  Et  ce  puet  l'en  hien  savoir  par  grant  quantité. 
Car  moiûl  est  loing-  de  nous  assis  quant  il  nous  samble  si  petit.  Ne  ja  ne 
sera  si  ensus  de  nous,  que  nous  ne  le  sachons  ça  aval.  Car  il  a  de  terre 
jusques  ausoleill,  si[F°  128  c]  comme  Tholomeus  le  prouva,  •vc  et  •iiii'xx- 
et'v  3  tanz  que  toute  la  terre  n'a  de  grant  ne  d'espés  parmi. 


XVI 1  A. 

Du  grant  et  du  haut  des  es  toi  le  s  b. 

Or  vous  dirai  briément  des  estoiles  du  firmament,  dont  il  y4  a  si  grant 
pleneté5  que  toutes0  sont  d'une  hautesce,  mais  ne  sont  pas  toutes  d'un 
grant.  Si  couvendroit  trop  longuement  lire,  qui  voudroit  dire  de  toutes  la 
grandeur.  Pour  ce  si  nous  en  tairons  ;  mais  au  mains  vous  en  dirons  [F° 
128  d\  nous  tant,  qu'il  n'en  7  y  a  nulle  si  petite  que  l'en  y8  puisse  veoir,  qui 
ne  soit  plus  granz  que  toute  la  terre  ne  soit0.  Mais  nen  par  y  10*  a  nulle  si 
granz11  comme  est  li  soulaus,  ne  si  reluisanz12.  Car  il  enlumine  toutes  les 
autres  par  sa  biauté  qui  tant  est  fine. 

De  terre  jusqu'au  ciel  amont,  ou  les  estoiles  sont  assises,  a  *x*M*  foiz 
autretant  et  *lv13  foiz  pln.s  comme  toute  la  terre  a  d'espés*-.  Qui  set  conter 
si  puet  trouver  après  le  nombre  [F0  12g  a  et  la  forme  14,  quanz  pouces  il  y 
a  de  la  main  d'un  hon?me15,  et  quanz  piez,etqn«nz  pas,  et  quantes  lieues, 
et  quantes  milles,  ou  quantes  journées  il  a  jusques  au  ciel. 

.Mais  tant  en  y  a  que,  se  uns  hons16  i 17  pooitaler  droite  voie  sanz  arres- 
ter  soi18,  et  pei'ist  aler  chascun  jour  "xxv  miljes,  et  sanz  faire  nul  séjour, 
avant  seroit  passez  li  tans  •virM*  et  cent  et  'V  anz  et  * vii*  et  demi19  avoec  D, 
ainz  qu'il  fust  jusques  au  ciel  ou  les  estoiles  sont. 


1  B  :  escrijot.  —  -  13  :  ne  veïsse.  —  :!  Addit.  :  066.  —  *  B  :  i  . —  5  B:  planté.  —  fi  B  : 
toute.  —  7  B  :  qui  n'en.  —  8  B  :  i.  —  °  B  :  seit.  —  10  A  :  Mais  il  n'en  i  par.  —  n  B  : 
u.,.an/.  _  12  B  :  reluisant.  —  1:!  Arundel  :  10005;  ms.  de  Turin:  10066.  —  i*  B  :  fourme. 
—  i:>  B  :  hottme.  —  ir'  A  :  hoons.  —  17  B  :  «  i  »  manque.  —  1S  B  :  «  sanz  arrester  soi  » 
manque.  —  1i>  A,  B.  C,  N,  Arundel,  Slnan  :  7157  Y2!  S  :  7550;  Addit.:  7557  ]/2. 

*  «par»  (=  lat.  partem)  :  l'orthographe  est  confirmée  par  divers  manuscrits  ;  cf.  aussi 
noies  ]).  80  et  88. 

La  leçon  de  A   n'est  pas  claire  ;  nous  avons  préféré  celle  de  B,  confirmée  par  Harlev. 
Harleij  f°  60c  :  Mais  ni  par  a  nule  si  grans 
co m  lo  soleil  n'ansi  lnsans. 
Sloan  f°  128c  donne:  Mais  n'en  i  a  unie  si  granl 
coin  li  solaus  ne  si  luisant. 

a   [Fo  128  c  —  129  c  =  Vers  6013-6078.] 

n  V.  Introduction  p.  53  s. 

C   «  De  terre...  d'espés.  »  V.  Introduction  p.   o-  s. 

d  «  .vii.  -M-  et  cent...  demi  avoec.  »  V.  Introduction  p.  53- 


—     195     — 

Se  li  premiers  lions  [F0  12g  b]  que  Diex  feist  onques,  ce  fu  Adam,  i 
fust  touz  jourz  alez  dès  lors  qu'i 1  fu  premièrement2  faize/3  criez,  et 
fust  alez  'xxv4  milles  chascun  jour,  ne  fust  il  pas  enquores  la;  ai/iz  eilst 
enquores  a  aler  par  'virC*  et  -xiii*5  anz,  dès  lors  qu'GAdans  li  premiers 
hons  fu  faiz,  quant  premièrement  fu  parfaiz  cis  livres  :  Ce  fu  a  l'Apari- 
tion7,  en  l'an  •nrccxlv8  anz.  Itant  i  meïst  a  aler  dès  lors  ainz  qu'9il  fust 
jusques  la  A. 

Ou  se  il  avoit  la  une  grant  pierre  qui  -c-  anz  a  cheoir  [F0  12g  c]  meïst, 
il  couvendroit  qu'ele  feïst  dedenz  chascu/zne  heure  de  jour10,  dont  il  y  a 
•xxiiii-  el  jour,  lx'  milles  et  *xiiii*  et  une  demie11,  ainçois  qu'e\e  vemst  a 
terre».  Ce  prouva  qui  ce  12  livre  fist,  ainçois  que  le18  meïst14  avant.  C'est 
bien  autant  \xl-  foiz  comme  -i*  cheval 15  porroit  aler  qui  touz  jourz  iroit 
sanz  arrester  soi.  Ore  qui  veult  si  puet  entendre,  s'une  pierre  porroit  des- 
cendre16 en  une  heure  autant  comme  il  pose.  Car  meilleur  glose  n'i  sai  faire. 

xviii  G. 

Du  nombre  des  estoiles. 

[F°  12g  d]  Des  estoiles  vous  dirai  le  nombre  si  comme  Tholomeus  les 
nombra  en  son  Almag-este.  Il  les  nomma  toutes  et  dist  qu'il  en  y  avoit  'M- 
et  -xxii-,  toutes  cleres  et  toutes  voianz,  sanz  les  *vii*  planètes.  Conter  les 
pouez  sanz  perill.  En17  trestout  n'en  a  que  -m*  et  xxix-  que  l'en  puisse  18 
vêoir  D.  Bien  en  i  puet  avoir19  pluseurs  autres.  Mais  plus  n'en  i  puet  l'en20 
choisir  clerement  ne  apertement  connoistre.  Si  i  g-art  qui  garder  y  voudra. 
Car  nus  n'en  [F0  i3o  a]  y  puet21  plus  trouver.  Mais  nus  hons  nés  porroit 
conter,  tant  set'ist  monter  en  haut  lieu,  fors  que  par  i*  gentill  estrument 
moult  soustill  que  Tholomews  trouva  ;  par  quoi  l'en  les  connoist  et  conte, 
et  ou  chascune  siet,  et  combien  il  a  de  l'une22  a  l'autre,  soit  l'une  de  l'autre 
près  ou  loing,  et  des  ymag-es  connoissances  23  qui  par  leur  samblances  les 
forment24.  Car  ces  estoiles  qui  sont  nommées,  si  sont  toutes  fig-urées  el  ciel, 

1  B  :  lors  que  il...  ;  «  qu'i  »  cf.  note  p.  60.  —  2  A  :  premièrement.  —  3  B  :  «  faiz  et  » 
manque.  —  4  A,  B,  G,  N  :  20 ;  Arundel  :  25;  Sloan:  25.  —  s  A,  B,  N  :  713;  C  :  714  ; 
Arundel  :  723  ;  Sloan  :  712.  —  °  B  :  que.  —  7  B  :  Aparution.  —  8  B  :  mil  deux  cens  quarante 
et  siœ.  —  9  B  :  que.  —  10  B  :  chascune  heure  el  jour.  —  n  A.  R,  B,  G  :  40  milles;  N, 
Arundel,  Sloan  :  60  milles.  —  A,  R,  B,  N  :  13  :  Sloan  :  14;  Arundel  :  23.  Le  nombre 
entier  est  donc  :  A,  B,  G  :  53  72  ;  N  :  73  »/*  ;  S  :  73  ;  Sloan  :  74  »/i  5  Arundel  :  83  1/2.  — 
12  B  :  ces/.  —  13  B  :  que  il  le...  —  14  A  :  venist.  —  15  B  :  chevals.  —  16  B  :  «  descendre  » 
manque.  —  17  B  :  Et.  —  18  B  :  l'en  i  puisse.  —  19  A  :  «  Bien  en  i  puet  avoir  »  manque.  — 
20  B  :  on.  —  21  B  :  ï  voudra.  Car  nus  n'i  en  puet.  —  22  B  :  l'un.  —  23  B  :  ymages  les  con- 
noissances. —  24  B  :  samblance  les  tourment. 

a  «  Se  li  premiers...  jusques  la.  »  V.  Introduction  p.  53. 

b  «  Ou  se  il  avoit...  venist  a  terre.  »  Sydrach  Add.  152.  V.  Introduction  p.  53  s. 

c  [F«  129  d  —  130  d  =  Vers  6079-6141.J 

d  «  Des  estoiles...  puisse  vëoir.  »  Ptolémée,  Almageste  VIII.  1. 


—     196    — 

[F0  i3o  b]  et  compassées  par  ymages  qui  toutes  ont  diverses  estres,  et 
chascun  sa  fourme  et  son  non,  par  quoi x  l'en  les  connoist  et  nomme2.    , 

Dont  l'en  en  connoist  principalment8  \xlvii-  dedenz  le  firmament.  Et 
de  ceuls  prant4  l'en  -xii"  des  plus  dignes  que  l'en5  apele  les  -xii-  signes. 
Et  font  'i*  cercle  tout  entour  les    vii*  planètes,  la  ou   eles  font  leur  tour. 

Moult  sommes  del  ciel  loing6,  et  est  ensus  de  nous7.  Car  cil  qui 
est  pris  en  pechié  jamais  nul  jour  la  n'avendra.  Et  l'ame  qui  [F0  1S0  c)  l'a 
desservi  i  est  alée  tantost  en  mains  d'une  heure,  et  encore8  plus  haut  tout 
desus,  si  haut  en  paradis  amont,  que  nus  lions  qui  soit  en  cest  monde  ne 
porroit  penser  la  leesce  ne  la  hautesce  ou  l'ame  vait  A. 

Ne  nus  ne  porroit 9  comparer,  tant  i  seiist  penser,  le  grant  ne  le  haut 
de  la  sus  a  la  grandesce  de  ça  jus,  qui  est  de  la  terre  jusques  au  firma- 
ment. Car  celé  si  est  sanz  finement.  Et  est  li  firmament 10  si  granz  et  si 
hauz  et  si  larges  de  touz  sens  qu'a  X1  F°  i3o  d\  painnes  porroit  nus 
penser  le  nombre  qui  entrer  i  porroit  des  terres  qui  emplir  le  porroient, 
s'eles  estoient  toutes  en  *i*  mont,  dont  chascune  seroit  ausi  grant  comme 
toute  la  terre  qui  soit.  Et  toutes  voies  vous  en  dirons  nous,  ce  que  mieulz 
y  12  poons  penser. 

XÎX  ». 

De  la  grandeur  du  firmament  et  du  ciel  qui  est13  dessusu. 

Se  la  terre  estoit  plus  granz  -cm-  tanz  qu'ele  ne  soit,  et  sii  eùst  cm  15. 
tanz16de  genz  qu'il  n'i  ot  onques,  et  chascuns  d'euls  fust  si  puissanz  qu'il 
en17  peiist  engen-  F0  i,jia]drerm'r  autre  chascun  jour,  jusques  a  -cm-  anz, 
et  fust  chascuns  ausi  grant18  comme  uns  jaianz 19,  et  eiist  chascuns  son 
chastel  autresi  grant  comme  nus  rois  eiist  onques,  et  bois  et  rivières, 
fours20  et  moulins,  champaingnes21  et  jardins  et  prez  et  vingnes,  chascuns 
tout  entour  sa  maison  pour  son  vivre;  et  en  eiist  a  si22  grant  foison  que 
chascuns  en  peiist  tenir  *c*  maisniées23  pour  lui  servir;  et  chascuns  de  celé 
maisniée  24  en  tenist  \\x#  au-j/^0  i3i  //très,  et  eiist  grant  pourpris  en  leur 
manoir  :  si  porroient  il  bien  trestouz  chevir  dedenz  le  firmament.  Et  en- 
quores  en  y  avroit  il  de  wuit25  plus  que  trestu.it86  ne  poneprendroient  pour 
euls  esbatre  s'il27  vouloient(:. 

1  R  :  quoi/.  —  -  B  :  iioame.  —  3  B  :  principaument.  —  4  B  :  prent.  —  5  A  :  «  l'en  » 
inai)(|iie.  —  G  B:  soumes  du  siècle  loing.  —  7  A  :  loin»-  et  ensus.  («  est...  de  nous  »  man- 
que.).—  8  B  :  enquores.  —  '•'  B  :  ni  porroil.  —  ,0  Jî  :  firmamenr.  —  n  B  :  que  a.  —  12  B  :  /. 
—  1:!  B  :  «  <[u  i  est  »  manque.  —  14  B  :  desus.  —  15  B  :  mile.  —  16  A  :  «qu'ele  ne  soit,  et  si 
i  eiist  -cm-  tanz  »  manque.  —  17  B  :  em.  —  18  B  :  granr.  —  19  B  :  \aanz.  —  -°  B  :  et 
l'ours.  —  si  b  :  champa/gnes.  —  —  B  :  ausi.  —  23  p,  :  maisn/es.  — 24  B  :  maisiuV.  —  '2b  B  : 
wuit.  -  26  b  :  trestoar.  —  -7  B  :  se  il. 

a   «  .Moult  sommes...  ou  l'ame  vait.  »  Sydrach  Add.   lo2. 
b    F"  ISO  d  —  133  c  =  Vers  6142-6275.] 

<;  «  Se  l;i  terre...  esbatre  s'il  vouloient.  »  Sydrach  Add.  460.  S.  120. 


—     197     — 

Si  poons  bien  savoir  que  mou\t  est  Nostre  Sires  puissanz,  et  est  de 
moult  très  haut  afaire,  quant  il  sot *  faire  si  haute  chose  comme  est  li 
ciels  et  li  soulaus  et  toutes  les  autres  choses2  qui  sont  en  ciel  et3  en  terre. 
Tels  sires  doit  bien  e-[F°  1S1  cjstre  Diex  qui  set  faire  si  nobles  choses 
comme  nous  vëons  encloses  el  ciel.  Dont  nous  le  deyons  moult  amer.  Et 
bien  puet  penser  chascuns  que  ce  desus  est  mowlt  g-entill  et  moult  noble, 
qua/it  ce  qui  est  desouz  est  si  soustill 4.  Car5  ce  qui  est  desus  est  plus 
grant6  'cm*  tanz  que  ce  qui  est  desouz,  et  plus  qu'en  ne  pourvoit  conter 
par  nombre  que  l'en  peiist  penser7.  Car  c'est  chose  sanz  nul  termine,  qui 
ne  se  define  de  nulle8  part. 

Par  quoi9  je  ne  [F°  iSî  d\  puis  pas  entendre  que  riens  qui  soit  puisse 
pourprendre 10  ce  qui  est  desus  le  firmament,  ou  paradis  pourprent  son  lieu, 
neraemplir  ne  puet  pour  riens  qu;  soit,  se  des  biens  Dieu  n'estoit  raempliz. 
Mes11  Diex  est  si  plains  de  touz  biens,  qu'il  aemplist  toutes  autres  choses 
qui  doivent  part  avoir  en  bien.  Et  li 12  mais  se  départ  si  du  bien,  qu'il  le 
laisse  vuit13  de  touz  les  biens  qui  soient,  au tresi  comme  se  ce  ne  fust  riens. 
Dont  l'en  dit14  que  ne-[F°  i32  a]chiez  n'est  riens,  pour  ce  qu'il  est  de  touz 
biens  vuiz15,  et  fait  le  cors  et  l'ame  si  vuit  que  li  uns16  est  destruiz  avoec 
l'autre.  Car  touz  jourz17  vient  mal  a  noient  et  li  biens  va  touz  jourz  crois- 
sant. Et  pour  ce  n'est  mais  ne  péchiez  riens  qui  soit.  Car  il  vient  a  noient 
aussi 18  comme  fiens. 

Nulle  riens»  n'est  qui  doie  estre  a  droit,  fors  ce  qui  doit  estre  penna- 
nanz19.  Et  pour  ce  se  fait20  bon  tenir  près  du  bien,  car  il  amende  tout  adès. 
\F°  i32Ô.]  Et  qui  voulentiers  21  fait  bien,  li  biens  le  met  en  paradis  a  force; 
et  estre  li  estuet,  car  ailleurs  ne  puet  demorer.  En  paradis  souvient  qu'il 
vieng-ne  por22  prendre  son  lieu  et  pour  lui  aemplir. 

L'en  ne  porroit  faire  tant  de  bien  qu'il  ne  trouvast  touz  jourz  son  lieu 
et  son  repaire.  Car  cil  lieus  est  sanz  nul  termine,  que28  nus  biens  n'i  define, 
ne  ne  faut.  Et  est  touz  jorz24  plains  de  joie,  de  bien25  et  de  leesce  sanz 
riens  de  vuit.  Dont  chascuns  \F°  1S2  c]  sera  touz  sires  qui  vers  Dieu  le 
desservira  26. 

D'enfer  vous  repuis  je  bien  dire  autretant,  ou  il  n'a 27  fors  que  douleur  et 
martyre 28  et  ang-oisse,  qu'il  ne  porroit  pas  estre  plains,  se  toz  29  li  mondes 
estoit  periz  et  trestuit  s'en  alasse/it  en  enfer,  ne  par30  chose  qu'il  i  portas- 
sent,   qu'il    ne  31  feïssent 32  maie  fin    et   qu'il  n'ardissent  touz  jourz  sanz 

1  B  :  set.  —  2B:  «  choses  »  manque.  —  3  A  :  en  ciel  et  en  ciel  et.  —  ^B:  soufill.  — 
5  B  :  Par.  —  e  B  :  granr.  —  7  B  :  que  l'en  ne  porroit  penser.  —  «A:  n/'le  part.  —  »  B  : 
quo;/.  —  10  B  :  po/'prendre.  —  "  B  :  Ma/s.  —  12  B  :  \e.  —  «  B  :  wmt.  —  «  B  :  dist.  — 
15  B  :  wwz.  —  16  B  :  wmit  que  /'uns.  -  «  B  :  jours.  —  w  B  :  ausi.  —  l9  B  :  fors  celé  qui 
est  permananz.  _  20  b  :  pour  ce  ce  fait.  —  ^  B  :  volen tiers.  —  22  B  :  pour.  —  23  B  :  car. 
-4  B  :  jourz.  —  25  b  :  biens.  —  26  b  :  deservira.  —  ^  B  :  «  n'a  »  manque.  —  28  b  :  mar- 
UfC  —  29  b  :  touz.  —  80  b  :  pour.  —  si  B  :  qui  ne.  —  32  B  :  foïsse. 


—     198    — 

fin*.  Si  ai  pour  ce  ceste  chose  briément  dite,  que  l'en  sache  certainement1 
qu'il  n'est  riens  qui  soit  que  [F0  1B2  d\  l'en  puisse  prendre 2  au  pooir  Dieu  de 
nulle  riens3  qui  soit.  Tant  est4  li  glorieus  souverains  plains  de  granz  biens 
et  de  puissance,  que  l'en5  n'i  porroit  comparer  nulles  riens G.  Car  c'est  cil 
qui  tout  establi  et  qui  tout  fist. 

Mais  puis  que  dit7  vous8  avons  de0  la  grandeur  du  firmament,  ou 
les  estoiles  sont  mises10,  qui  adès  est  en  mouvement,  si  entendez  q«71  a  un 
ciel  amont  ou  eles  ne  se  muevent  point,  ainz  sont  en  i*  point  touz  jourz.  Si 
comme  [F0  i3S  a  se  uns  hons  qui  se  remuast  d'aucun  lieu  et  s'en  alast  en  " 
•i*  autre,  li  premiers  lieus  ne  se  movroit12.  Mais  cil  qui  s'en  iroit  adès  tout13 
environ,  ausi  comme  par  un  cercle  ou  il  revenist  jusques  en  son14**,  sou- 
vent iroit  de  lieu  en  lieu  tant  que  au  premier  lieu  vendroit  la  ou  il  estoit 
premièrement.  Mais  li  lieus  ne  se  mouvroit,  ainz  se  tendroit  adès  en  i* 
point. 

Oie  entendez  autresi  de  cel  ciel  que  nus  lieus  n'i  est  remuez  d'estoiles  ne 
de15  firmament;  ainz  se  [F0  iS.'i  b  tiennent  si  fermement  trestouz.  Gel  ciel 
convient  bien  entendre  a  ceuls  qui  sont  astronomien.  Ce  est 1(;  cil  qui  now.s 
rent  la  couleur  bloue17  qui  s'estent  amont  en18  l'air,  que  nous  véons  quant 
li1!)  airs  est  purs  tout  environ.  Et  est  de  si  grant  atemprance  qu'il  ne  puet 
violance20  avoir.  Cil  ciels  enclôt  le  firmament.  Or  vous  dirons  tôt  aperte- 
ment  que  ce  est  que  l'en  puet  entendre  desns.  Par  ovr  n'i  puet21  l'en  riens 
prendre  ne  prou-  F0  i33 c]  ver  se  c'est22  veritez  ou  non,  ne  par  nulle23  art 
de  demoustroison  24,  si  comme  l'en  puet  vèoir  as  ieulz.  Car  sens  d'oume25 
n'i  a  pooir.  Mais26  toutes  voies  en  dirons  nous  ce  que  nous  en  trouvons27 
en  aucun  lieu  en28  escripture,  que  aucun  philosophe  i  pensèrent  qui  i  trou- 
vèrent aucune  raison. 


1  I)  :  certainement.  —  -  B:  puisse  entendre  qu'il  se  puisse  prendre.  —  :i  li  :  de  riens 
nulle.  —  "'  A  :  «  est  »  manque.  —  5  A  :  «  l'en  •>  manque.  —  6  B  :  riens  nulles.  —  7  P>  : 
dist.  —  s  B:  «  vous  »  manque.  —  '•'  B:  «  de  »  manque.  —  10  li  :  «  mises  »  manque.  — 
11  B  :  et  se  renuuist  en.  —  l2  B  :  mouvroil.  —  in  B  :  «  toul  »  manque.  —  14  A,  B  :  son 
(=  lat.  summum).  —  15  A  :  «  de  »  manque.  —  1<;  B  :  C'est.  —  17  B  :  bloie.  —  18  B  :  estent 
a  moult  en.  —  1!l  A  :  il.  —  -°  B  :  violence.  —  -'  H  :  oyr  ne  puet.  —  --  B  :  prouver  ce 
c'est.  —  -■''  B  :  nu/.  —  24  li  :  demo/sl roison.  —  -•"'  B  :  d'o/mne.  —  2e  li  :  Mes.  —  --  B  :  «  ce 
i|iie  nous  en  trouvons»  manque.  —  -8  li  :  livre  en. 

*  K:  ...  fin.  Comme  il  soil  ainsi  que  les  saulves  désirent  le  jour  du  jugement  pour 
estre  glorifiiez  en  corps  et  en  aine,  les  dampnez  le  redoubtenl  pensans  que  après  eellui  jour 
ilz  seront  perpétuellement  tourmentés  en  corpz  et  en  ame,  ce  <[ue  jusques  a  eellui  très 
espoentable  jour  ilz  ne  sont  en  corps  mais  en  aine.  Si  ay... 

**  Sloan  f°  BiO  li  :   Mais  cil  qui  adiès  s'en  iroit, 
si  coin  \)ar  'i-  cercle  environ, 
ou  il  revenist  jusqu'à  son, 
sovent  iroit   de  leu  en  leu 
Ifarley  :  qu'il  revenist  jusqu'en  som. 


—     199     — 

xx  A. 

Du  ciel  cristalin  et  du  ciel  empiré. 

Deseur  eel  ciel,  selonc  ce  que  aucun 1  dient,  est  uns  autres  ciels  touz  com- 
muns environ2,  amont2  et  a-[F°  i'SS  d]val,  ausi  comme  est  couleur  de 
cristal,  blanc  et  cler  et  pur  et  noble.  Et  l'apele  l'en  le  ciel  cristalin. 

Deseur  celui  ciel  tôt4  entour  est  uns  ciels5  qui  est  de  pourpre  couleur,  si 
comme  li  devin  le  dient.  Et  l'apele  l'en  le  ciel  empiré.  Cil  est  plains  de 
toutes  biautez6,  plus  que  nus  de  ceuls  que  nous  avons  nommez.  Et  est  l'air 
par  clers7  et  biaus  plus  -vii-  tanz  que  n'est  li  soulaus.  De  celui  ciel 
chejrent8  jus  les  mauvais  anges  par  leur  orgueill9,  qui  estaient  wuit 
F°  i34  a]  de  touz  biens.  Et  la  sont  li  saint  ange  Nostre  Seigneur  10. 


XXI  ». 

Du  celestiel11  paradis. 

Se  vous  voulez  paradis  entendre  pour  aprendre  ce  qui  est  desus,  sanz 
pechié  le  pouez  faire.  Car  li  lieus  est  beneurez  en  toutes  choses.  Si  n'i  puet 
avoir  se  bien  non,  et  toutes  biautez  selonc12  raison  et  droiture.  C'est  li  lieus 
de  la  sainte  trenité 13,  ou  Diex  siet  en  sa  majesté.  Mais  la  faut  li  enten- 
demenz14de  Tomme15.  Car  nus  n'en  puet  penser  la  disme  ne  la  som- 
[Fo  i34  b]me19. 

Et  se  Diex  pourprent  nul  lieu  qui  soit,  la  le  couvient  il  estre  par  droi- 
ture. Mais  il  est  si  communs  par  tout  que  chascuns  le  puet  vcoir  qui 
desservi 17  l'a  envers  lui.  Et  voit  tout  et  ça  et  la.  Il  voit  par  tout,  comme 18  cil 
qui  touz  bien l9  a  en  sa  garde. Dont  vous  pouez  prendre  example 20  par  aucun 
quant  vous  l'oêz  parler,  que  tuit  cil  qui  l'escoutent  si  oient  toute  sa  parole. 
Pluseurs  genz  l'entendent   toute21*  ensamble,  et  en  une  seu-[//o  i34  c]le 

1  B  :  aucuns.  —  -  B  :  «  environ  »  manque.  —  3  B  :  et  amont.  —  4  B  :  tout.  —  5  B  : 
ciel.  —  6  B  :  biautés.  —  7  B  :  cler.  —  K  B  :  cheïrent.  —  9  B  :  ors;uil.  —  10  B:  Seingneur. 
11  B  :  c/elestiel.  —  l2  B  :  selon.  —  n  B  :  trinité.  —  u  B  :  entendement  —  15  B  :  Tourne.  — 
16  B  :  soume.  —  17  B  :  deservi.  —  18  B  :  voit  par  tout  et  regarde  par  tout,  comme.  — 
»  B  :biens.  —  2°  B  :  essample.  -    21  B  :  Vont. 

*  Sloan  l'°  131  A  :  et  si  oit  sa  parole  toute 

cascuns  qui  celé  part  escoute. 
Toute  l'entendent  pluisors  gens 
et  ensamble  et  en  pluisor  sens  ; 
.  cascuns  tote  la  parole  ot. 
Harleif  f  °  68  D  :  et  si  oit  sa  parole  toute 

chascuns  qui  celé  part  escoute. 
Toute  l'entendent  plusor  gens 
ensemble,  chascuns  lonc  son  sens  ; 
chascuns  tote  la  parole  oit. 

a  [F*  133  c—  134  a=  Vers  6276-6293.] 
b  [F©  134  a  —  136  a  =  Vers  6294-6379.] 


—     200     — 

heure  ot  chascuns  toute1  la  parole2.  Autresi  pouez  entendre  Dieu  estre 
partout,  et  régnant  par  tout,  et3  en  touz  lieus  est  tantost.  Et  la  clartez  qui 
de  lui  naist  enlumine  toutes  choses  et  ça  et  la,  et  ausi  tost  l'une  comme 
l'autre.  Et  metez  eratour  pluseurs  choses,  ausi  tost  vendra  l'esplendeur  a 
celé  qui  sera  de  ça4  comme  a  celé  qui  sera  de  la. 

Quant  tels  choses  ont  tels  vertuz,  mowlt  en  doit  plus  avoir  cil  [F0  l'S^d 
qui  tout  fist  et  tout  cria,  et  qui  touz  biens  a  dedenz  lui.  Son  paradis  estent 
par  tout,  comme  cil5  qui  de  tout  est  sires.  En  paradis  sont  tuit  li  ange  et 
tuit  li  archa/ige  et  tuit  li  saint  qui  devant  Dieu  chantent  trestuit  gloire  et 
loange6  a  grant  joie  et  a  grant  soulaz.  Il  n'est  nus  qui  puist  comprendre, 
ne  cuers  d'oume7  ne  puet  entendre  qu'est  paradis,  et  com  grant8  joie  cil 
ont  a  cui  Diex  l'otroie. 

Li  mieuldres  clers  de  tout  le  monde  et  li  F0  i35  a  plus  soustis9  et  li 
mieulz10  parlanz  qui  onq^es  fust  vivanz  en  terre,  ne  qui  jamais  i  peiist 
estre  a  nul  jour  du  monde,  et  eiist  mil  langues  parlanz,  et  chascune  de  ces 
langues  parlast  par  soi,  et  eiist  mil  cuers  dedenz  son  cors  les  plus  soutils11 
et  les  plus  souvenanz  que  l'en  pourroit12  ne  prendre  ne  trouver  en  tout  le 
monde  en  nul  cors  13  d'oume  pour  mieulz  14  entendre,  et  ce  fust  chose  qui 
peiist  estre  et  qui  avenir  peiist  qu'il  [F0  i35  b]  peiissent  venir  ensamble 
en  cors  d'oume15,  et  puis  peiissent  penser  touz  jourz10,  a  touz  le  mieulz17 
qu'il  défissent,  a  deserivre18  paradis  et  a  deviser,  et  chascune  langue  si  peiist 
dire  l'entention  de  chascun  cuer,  si  ne  pourvoient10  il  mie  20,  en  nulle  ma- 
nière du  monde,  dire  ne21  conter,  en  parole  ne22  en  rime,  la  milliesme  par- 
tie de  la  grant  joie  que  li 23  plus  povres  de  ceuls  24  <|ui  la  seront25  y  avra  a. 

Et  honniz26  soit  qui  la  ne  sera.  Car  cil  qui  [F0  i35c]  sera  en  paradis  ne 
vodroit27pas  estre  touz  les  jours28  du  monde  sires  et  roys  de  tout  cest29 
monde  terrien,  et  qu'il  en  peiist  faire  toz  30  ses  commandemenz,  par  couvent 
qu'il  fust  un  seul  jours31  hors  de  paradis.  Car  la  est  la  vie  pardurable,  et 
la  est32  la  granz33  joie  sanz  nulle  fin  qui  puist  onques  estre.  La  est  chas- 
cune chose  estable  et  certainne  a  touz  jours  mais.34  Ne  jamais  ne  faudra, 
ne  jamais  ne  avra35  dou-  F°  i35  cl  tance  de  mort,  ne  de  maladie,  ne  de 
douleur,  ne  d'angoisse,  ne  de  paour,  ne  de  courrouz3R,  ne  de  travaill,  ne  de 
povreté,   ne  de  chaitiveté 37,   ne  de  paine :!s,  ne  de   nule3!*   tribulation  qui 

1  A  :  ol  chascuns  ot  toute.  —  -  li  :  chascuns  la  parole  toute.  —  :!  li  .  «  régnant  par 
tout  et  »  manque.  —  *  B  :  /a.  —  5  li  :  celui.  —  6  B  :  loenge.  —  "•  li  :  d'o/nme.  —  8  B  :  que 
•si  paradis,  ne  comme  grant.  —  '•'  B:  et  le  plus  sou/i/s.  —  10  B  :  mie/z.  —  ]1  B  :  soustils. 

—  v-  B:  porroit.  —  l3  A  :  cos/*.  —  14  B  :  mie.r.  —  Ir-  B  :  d'omme.  —  16  B  :  «  touz  jourz  » 
manque.  —  17  B  :  1/  mie.r.  —  ]8  B  :  qui  deùssenl  touz  jours  a  descr/re.  —  19  B  :  por- 
roient.  —  -°  B  :  «il  mie  »  manque.  —  -''  B  :  «  dire  ne  »  manque.  —  2Î  B  :  ni*.  —  23  B  :  que 
i0uz  |j.  —  -'4  |î  :  ()  de  ceuis  „  manque.  —  25  B  :  sera.  —  -,;  B  :  hoaniz.   —    -7  B  :  voudroit. 

—  28  H  :  jours.  —  -9  A  :  toul   le.  —  :1°  B  :  touz.  —  ;!1  B  :  jour.  —  :î-  B  :  «  la  est  »  manque. 

—  :i:!  li  :  «  granz  »  manque.  —  ;;4  B  :  «  a  touz  jours  mais  »  manque.  —  35  B  :  navra.  — 
"6  B  :  courour  ;  A  :  courrourz.  —  »?  B  :  cha/iveté.  —  :î8  B  :  painne.  —  39  B  :  nulle. 

a  Li  mieuldres...  seront  y  avra.]  Sydrach  Add.  lio,  20f>.  S.  594. 


—    201     — 

jamais  li  puisse1  avenir  en  nule2  manière  du  monde  qui  la  sera.  Ainz  i 
sera  tout  adès  en  joie,  et  en  soulaz  et  leesce3,  et  en  beneiirté,  et  en  touz 
biens  sanz  nulle4  fin.  Et  si5  avra  plus  de  délit  que  nus  ne  savroit  penser 
ne  dire,  tant  y6  seiïst  son7  tans  user. 

[F0  i36  a.]  Pour  paradis  et  pour  enfer  entendre,  selonc  noustre  devi- 


\cë&<~  i-™£^ë<L 


Fig.  28. 


sion  8,  et  le  firmament  et  les  estoiles  et  les  -vii-  planètes,  vous  présent  ceste 
figure  ci  endroit  que  vous  trouverez  ci  après.  Si  vous  i  prenez  garde,  et  i 
metez  bien9  voustre  entente  {Fig.  28). 


XXll  A. 

La  récapitulation  des  choses  devant  dites. 
[F°  iSj  a]  Desores10  fînerons  cest  livre.  Dès11  que  vous  avez  oy  au  com- 
mencement de  Dieu,  pourquoi12  il  forma13  le  monde,  et  pourquoy 14  il  ama 

1  B  :  puis/.  —  2  :  b  :  nul/e.  —  3  B  :  en  joie,  en  soulaz,  en  leesce.  —  4  b  :  «  nulle  » 
manque.  -5B:  «  si  »  manque.  —  »  B  :  i.-'A:  «y  seûst  penser  («  penser»  est  barré) 
son  tans...  ».  —  s  b  :  division.  -9B:  «  bien  »  manque.  —  ">  B  :  desore.  —  H B  :  «  dès  » 
manque.  —  «  B  :  quoi/.  —  »  B  :  foarma.  —  m  a  :  «  quoy  »  manque. 

b  \F°  127  a—  139  d  =  Vers  6380-6o09.1 


—     202     — 

l'omme1  tant  qu'il  le  forma2  a  sa  samblance,  et  li  donna  pooir  de  faire  bien 
et  mal.  Après  pour  quoi  il  ne  le  fist  tel  quil  ne  peiïst  pechier  mortelment. 
Et  comment  l'en  trouva  premièrement  les  *vii-  arz3,  et  de  leur  mestiers.  Et 
puis  des  -in-  [F0  i3j  b]  manières  de  g-enz  que  li  philosophe  posèrent  au 
monde.  Comment4  clerg-ie  est  remuée,  et  comment  ele  vint  en  France. 
De  nature5,  comment0  ele  oevre  et  que  ce  est;  et  comment  ele  se  diver- 
sefie  en  chascune  de  ses  oevres. 

Si  avez  oy  de  la  faiture  du  monde  et  de  la  devision  7  des  •iiir  elemenz 
qui  sont8  environ,  qui  se  tiennent  el  firmament,  et  comment  la  terre  se 
tient  tout  en  mi  le  firmament.  Si  avez  oy  la  petitesce  de  la  terre  envers  le 
ciel,  et  comme/it  li  solaus  i  fait  son  tour  [F0  i3y  c]  tout  environ,  et  les 
autres  planètes  autresi.  Tout  ce  avez  vous  oy  premièrement. 

El  secont  vous  est  devisée1'*  en  quel  lieu  la  terre  est  habitée,  et  quel 
part  ;  et  de10  la  devision11  de  la  mapemonde12  ;  et  premièrement  de  para- 
dis terrestre  ;  et  d'Ynde  et  des  diversitez  qui  i  sont  ;  des  genz,  et  des  bes- 
tes  et  arbres13,  et  des  pierres,  et  des  oisiaus,  et  d'aucuns  poissons14  qui  i 
sont15,  et  des  choses  que  nous  avons  ;  et  ou  enfer  siet,  li  doulereus;  [F0 
i.'ij  d]  et  de  la  painne  as  maleureus  qui  laienz  sont  mis  en  torment. 

Après  avez10  oy  du  secont  élément  :  Ce  est  de  l'yaue,  des  fluns,  et  des 
fontainnes  chaudes  et  froides,  sainnes  et  mauvaises,  qui  sont  en  diverses 
contrées,  et  comment  la  mer  devient  salée  ;  comment  la  terre  crolle  et 
fent;  et  puis  de  l'air17**,  comment  il  vente  et  pluet  ;  des  tempestes  et  des 
tonnoires18  ;  du  feu  et  des  estoiles  cheanz,  et  que  ce  est;  du  pur  air,  et 
des  vii*  planètes,  et  comment  [F0  i38  a\  li  bissextes19  naist;  et  du  firma- 
ment et  de  son  tor20,  et  des  estoiles  qui  sont  environ. 

El  tierz  avez  oye21  la  manière  comment22  il  est  et  nuit  et  jor23;  et  de  la 
lune  et  du  soleill24,  comment  il  rendent  clarté,  et  comment  chascun  pert26 
sa  clarté  aucunes  foiz  et  de  nuit26  et  de  jours27  ;  et  des  éclipses28  qui  lors 
en  aviennent,  de  quoi  li  jours29  devient  oscur30  ;   de   la  grant  éclipse31  qui 

1  B  :  l'oame.  —  -  B  :  fourma.  —  3  B  :  les  --vii"  arz  premièrement.  —  4  B  :  Comme. 
R.  :  I]  manque  un  long  passage  depuis  «  comment  »  jusqu'à  [138  c]  «  Si  avez  oy  en  i;i 
tin.»  —  ■'  A  :  «  comment  ele  vint  en  France.  De  nature  »  manque.  — G  B  :  comme.  —  7  I!  : 
division.  —  8  B  :  son.  —  '•'  B  :  devisée.  —  '"  B  :  «  de  »  manque.  —  n  B  :  division.  —  12  B  : 
mappemonde.  —  1:1  B  :  et  des  arbres.  —  14  B  :  et  des  poissons.  —  15  B  :  «  qui  i  sont  »  man- 
que. —  16  B  :  sont  mis  en  prison  et  en  torment.  Apres  vous  avez.  —  1V  A  :  Yar.  —  18  B: 
tonna/cres.  —  w  B  :  b?/ssexles.  —  -°  B  :  tour.  —  -1  B:  oy.  —  --  B  :  et  comment.  —  2:i  B  : 
jour.  —  -'  B  :  solei/.  —  -•">  A  :  comment  ehas/XTt.  —  26  B  :  nuir.  —  -7  B  :  jourr.  —  -s  B: 
ecl//pses.  —  29  B  :  jours.  —  :!,)  B  :  oôseur.  —  3I  B  :  ech/pse. 

*  Sloan  f°  131  I)  :  Ou  secont  vous  est  devise'e 
la  terre  ou  ele  est  habitée 

"  «  ar  »  :  c'est  ici  le  seul  cas  où  le  copiste  de  A  se  soit  servi  de  cette  orthographe 
pour  le  mol  «  air  »  qui  se  présente  si  fréquemment.  Il  n'y  a  pas  non  plus  d'autre  exemple 
de  a  pour  ai  dans  le  manuscrit.  Il  faut  donc  plutôt  voir  dans  «  ar  »  une  faute  de  copiste 
qu'une  forme  dialectale.  Cf.  Stimming,  o.  c.  p.  19o. 


—     203     — 

avmt  a  la  mort  Jhesu  Crist,  de  quoi  Saint1  Denis  fu  co/ivertiz  ;  de  la  vertu 
du  [7^°  l38  b  firmament  et  des  estoiles ,  et  comment  l'en  mesura  le 
monde  et  le  ciel  et  la  terre  ;  du  roy  Tholomeus 2  et  de  ses  sens  ;  et 
d'Adan,  et  d'aucunes  autres  genz  ;  et  comment  clergie  fu  sauvée  pour  le 
déluge,  et  comment  ele  fu  retrovée  après  le  déluge  ;  et  des  mer- 
veilles que  Virgules  fist  par  sa  clergie  ;  et  pour  quoi 3  monnoie  fu 
nommée  et  establie  ;  et  des  philosophes  qui  aloient  par  le  monde 
pour  aprendre  ;  que  est  philosophie,  et  que  Platons  en  respo/idi  ; 
[F°  i38  c]  comb/en  la  terre  et  la  lune  et  li  solaus  4  ont  de  grant  chascuns 
endroit  soi;  et  les  estages  des  estoiles,  et  de  leur  nombre  et  de  leur  yma- 
ges;  le  haut  et  le  grant  du  firmament,  et  du  ciel  blou  qui  desus5  est,  et  du 
ciel  cristalin,  et  du  ciel  empiré.  Si  avez  oy  en  la  Un  del 6  celestiel  paradis  et 
de  son  estre,  et  de  Dieu  qui  estre  puet  par  tout,  de  sa  gloire  et  de  sa 
bonté. 

De  toutes  ces  choses  vous  avons  nous  conté  7 ,  et  aucunes  raisons  [F0 
i38  d],  au  plus  briément8  que  nous  poons,  rendues9  ;  car  les  genz  d'oren- 
droit  n'ont  cure  de  longues  gloses,  ainz  aimment  mieulz  10  les  choses  qui 
sont  briés,  comme  cil  qui  sont  de  brief  sens  et  de  brief  tens  11.  Leur  vies 
sont  brieves  et  leur  cors  so/it  brief12;  car  en  petit  de  tens  sont  feniz, 
et  touz  jours13  devendront 14  plus  brief,  tant  qu'a  noient  vendront.  Car  cis 
siècles  trespasse15  de  tens  en  tens  ausi  comme  vent,  et  defenist  de  jour 
en  jour;  [F0  i3g  a]  et  petit  séjour  i  fait  chascuns,  Car  tant16  est  plains 
de  vanité,  qu'il  n'i  a  de  vérité  point;  et  cil  qui  plus  i  cuide  demourer17  est 
souvent  cil  qui  mains  i  demeure  et  qui  plus  tost  muert. 

Et  pour  ce  lou  je  bien  que  chascuns  face  bien,  tant  comme  il  vit.  Car  il 
n'est  nus  qui  sache  a  quele  heure  la  mort  li  doie  courre18  sus.  Et  tels  se 
cuide  enquore  esbatre  en  cest  siècle  *v  anz  ou  -vr  qui  est  alez  en  mains  de 
*v  jours19  [F0  i3g  b]  et  avalez  el  puis  d'enfer.  Si  est  sages  et  bons  eiïrez20 
qui  el  servise  21  Dieu  est  pris,  tant  comme  Diex  li  preste  le  sens,  et  il  en  a 
tens  et  loisir.  Car  Diex  li  rendra  si  riche  don  et  si  bel,  qu'il  avra  touz  biens 
a  bandon  22  et  la  joie  de  paradis,  que  Diex  nous  otroit,  en  cui 23  toute  pitiez. 
habonde,  et  touz  biens. 

Ci  fenist  l'ymage  du  monde  qui  commença  a  Dieu,  et  a  Dieu  prent  fin, 
qui  en  la  fin  nous  doint  ses  biens  et  sa  grâce.   Amen. 

[F0  i3g  c]  En  l'an  de  l'incarnacion 24  de  Nos/re  Seingneur25  Jhesu  Crist 


1  B  :  Crist;  dont  Saint.  —  2  B  :  TholomeH.  —  :!  B  :  quoy.  —  4  B  :  soulaus.  —  5  A  : 
desouz.  —  6  B  :  du  celestiel.  —  7  B  :  rendu  conte.  —  8  A  :  brie/zuement.  —  9  B  :  «  rendues  » 
manque.  —  10  B  :  mieas.  —  n  B  :  tans.  —  12  B  :  briés.  —  1S  B  :  jours.  —  i*  A  :  deven- 
droient  ;  B  :  devendrorci.  —  15  A  :  trespasses.  —  16  B  :  tout.  —  17  B  :  demorer.  —  ™  B  : 
coure.  —  19  B  :  jours.  —  20B  :  et  bieneiirez.  —  21  B  :  service.  —  22  B  :  biens  et  abandon.  — 
33  B  :  qui.  — ^  B  :  incarnation.  —  25  B  :  Seigneur. 


—     204     — 

•rrrcc-xlv  anz1,  tout  droit  a  l'anarution  2  des  *iii -  rois,  fu  premièrement 
parfaiz  cis  roumanz. 

Vous  qui  avez  oy  l'escrit  du  Fil) 8  Dieu  Jhesu  Crist  et  puis  du  monde 
que  Diex  forma4,  li  mondes  a  une  autre  forme6  que  vous  poez  entendre 
par  cestui,  vous  qui  du  siècle  voulez  aprendre  quel  chose  ce  est  et  comment 
il  est6  et  comment  il  va.  Vous  qui  m'avez  ci  entendu,  [F0  i3g  d]  si  priez 
au  douz  roi7  Jhesu  Grist  que  il8  otroit  et  grâce  et  gloire  et  bon  mé- 
moire et  entendement  a  celui  qui  cest  livre  escrist,  et  qui  le  parfist  jusques 
en  la  fin.  Amen. 

Explicita. 


1  B  :  «  anz  »  manque.  —  2  B  :  aparusion.  —  3  B  :  Filr.  — 4  B  :  fourma.  —  5  B  :  fourme. 
6  B  :  «  et  comment  il  est  »  manque.  —  7  B  :  rois.  —  8  B  :  CArist  qu'il.  —  9  «  En  l'an  de 
l'incarnacion....  Eœplicit  ».  Ce  passage  est  remplacé  dans  le  ms  R  par  Yexplicit  suivant: 
(f°  151  a]  Gomme  en  la  prologue  devant  dite  est  declarie  fut  cestui  volume  compilé  l'an  de 
l'incarnation  Nostre  Seigneur  Jhesu  Grist  Mil  *ii-c  quarante  et  cincq  a  la  requeste  de  mon 
seigneur  Jehan,  duc  de  Berry  ;  et  de  puis,  en  l'an  mil  'iiire-  soixante  et  quatre,  a  esté 
grosse  et  ordonné  par  le  commandement  de  Jehan  le  clerc  librarier  et  bourgois  de  Bru- 
ges. Priant  Dieu  que  tous  ceulx  qui  le  liront  ou  orront  lire  y  puissent  tellement  prouffiter 
que  ce  soit  au  prouffît,  honneur  et  santé  de  leurs  corpz  et  au  salut  de  leurs  âmes.  Amen-' 
Explicit  le  miroir  du  monde. 


Table  alphabétique  des  noms  propres  cités  dans  l'« Image  du  Monde.» 


Aaron  p.  103  (v.  sur  cette  ville  Introd. 

p.  37,  38). 
Abraham  p.  182  :  Abraham. 
Absalon  p.  181  :  Absalon. 
Acre  p   143  :  Saint  Jean  d'Acre  en  Syrie. 
Adam  p.  105,  156,  195  ;  Adam  p.   127, 

180,  195. 
Adan  p.  181,  203  :  Adam. 
Ais  la  Chapele  p.  142  :  Aix-la-Chapelle. 
Ais  en  Gascoingne  p.  142  :  Ax  (Ariège) 

ou  Dax  (Landes). 
Aise  la  Grant\>.  106,  129,  passim  :  l'Asie. 
Aise  la  Menour  p.  124  :  l'Asie  Mineure. 
Aise  p.  106  :  nom  d'une  reine. 
Alemaingne  p.  129  :  l'Allemagne. 
Alixandre  p.  130  :  Alexandrie  (Piémont). 
Alixandres  p.  111, 117, 189;  Alixandre 

p.  115,  116:  Alexandre  le  Grand. 
Amazones  p.  123  :  les  Amazones. 
Angleterre  p.  129,  135  :  l'Angleterre. 
Anlhioche  p.  122  :  Antioche. 
Apolines  p.  188  :  Apollonius  de  Tyane. 
Archardie  p.  129  :  l'Arcadie. 
Aristotes  p.  89,  183  :  Aristote. 
Arrabe  p.  121  :  l'Arabie. 
Assire  p.  121  :  l'Assyrie. 
Athènes  p.  77,  188  :  Athènes. 
Aufrique  p.  108,  129,  passim  :  l'Afrique. 
Avidos  p.  130  :  Abydos. 
Babiloine  p.  121  ;  Babyloinne  127:    Ba- 

bylone. 
Barbarins  p.  124  :  les  Jacobites. 
la  mer  Betée  p.  132  :  mer  où  se  trouve 

l'île  perdue  de  Platon. 
Boeces  p.  183  :  Boèce. 
Boeme  p.  129  :  la  Bohême. 
Bosus  p.  131  :  l'île  d'Iviça. 
Bragman  p.  111  :  brahmane. 
Sainz  Brandins  p.  132,  189:  saint  Bran- 
dan. 
Bretaingne  p.  134  :  la  Grande  Bretagne. 
Caldée  p.  121  :  la  Chaldée. 
Capadoce  p.  116  :  la  Cappadoce. 
Mont  Capien  p.  111  :  la  chaîne  de  l'El- 

bourz. 


Julius  César  p.  180  :  Jules  César. 

Charte  p.  124  :  la  Carie. 

Charlemaine  p.  79  :  Charlemagne. 

Chipre  p.  132  :  l'île  de  Chypre. 

Colcos  p.  130  :  la  Colchide. 

Constant  inobley.  129  :  Constantinople. 

Corinte  p.  129  :  la  Carinthie. 

Coulombine  p.  131  :  l'île  de  Formentera, 
ou  les  Columbretes. 

Cyclopien  p.  131  :  le  Cyclope. 

Cyclopien  p.  112  :  v.  Introduction  p.  40. 

Cgi  la  p.  131  :  l'île  de  Scylla. 

Damas  p.  122  :  Damas. 

Danemarche  p.  129  :  le  Danemark. 

Dardane  p.  124  :  la  Dardanie. 

Puits  Davi  p.  144  :  en  latin  Bodasius 
Vicus,  autrefois  Bodasvic,  maintenant 
Vic-sur-Seille  (Lorraine  allemande). 

David  p.  66,  181  :  le  roi  David. 

Delos  p.  130  :  l'île  de  Délos. 

Saint  Denis  p.  130,  172,  203:  voir  Intro- 
duction pp.  42,  43  et  47. 

Dande  p.  129  :  le  Danube. 

Egypte  p.  109,  122,  144,  178,  189: 
l5Egypte. 

Escoce  p.  129  :  l'Ecosse. 

Espaingne  p.  130  :  l'Espagne. 

Espire  p.  144;  Pirre  p.  129  :  l'Epire. 

Ethiope  p.  144,  109  ;  Ethyope  p.  130. 
l'Ethiopie. 

Euf rates  p.  109  :  l'Euphrate. 

Europe  p.  108,  passim  :  l'Europe. 

Europes  p.  108  :  nom  d'un  roi. 

Eve  p.  128  :  Eve. 

Fenice  p.  121  :  la  Phéiiicie. 

France  p.  78,  passim  :  la  France. 

Frise  p.  124  :  la  Phrygie. 

Ganges  p.  109,  113,  118,  189  :  le  Gange. 

Gascoingne  p.  130,  142  :  la  Gascogne. 

Géorgie  p.  125  :  la  Géorgie. 

Saint  George  p.  125  :  saint  Georges. 

Germanie  p.  129  :  la  Germanie. 

Mont  Geu  p.  129;  Mont  Gien,  p.  134, 
150  :  le  Grand-Saint-Bernard. 

Gomorre  p.  122  :  Gomorrhe. 


—     200     — 


Goz  p.  lil  :  Gog. 
Grèce  p.  124,  130,  172  :  la  Grèce. 
Grejois  p.  125,  144  :  grec. 
Grieu  p.  183,  187  :  la  langue  grecque. 
Groing  p.  111  :  peuple  des  Indes. 
Gt/on  p.  109  :  le  Nil. 
lialeares  p.  131  :  les  îles  Baléares. 
l/elaine  p.  124  :  Hélène. 
Herme  p.  124  :  le  fleuve  Hermus. 
Jlermenie  p.  109,  124  :  l'Arménie. 
Hongrie  p.  129  :  la  Hongrie. 
Jlgarchas  p.  189  :  Tarchas,  chef  des  phi- 
losophes ou  g'yrnnosophistes  indiens. 
Inde  p.  109,  passim  ;  Ynde  p.  110,  passim: 

l'Inde. 
Israël  144  :  Israël. 
Jacob  p.  124  :  saint  Jacques. 
Jacobins  p.  79  :  les  dominicains. 
Jacobins  p.  124  :  les  Jacobites  (peuplade 

de  l'Asie  Mineure). 
Jason  p.  130  :  Jason. 
Jehan  Baptiste  p.  125  ;  Jelians  p.  125  ; 

Jehans  Bapfistesp.  125  :  Jean-Baptiste. 
Jhemsalem  p.  129  :  Jérusalem. 
Jhesn  Crist  p.  58,  passim  :  Jésus-Christ. 
Judas  p.   189  :  Judas. 
Juif  p.  84,  85;  Juys  p.  124  :  Juif. 
Jupiter  p.  158  :  la  planète  Jupiter. 
Libe  p.   129  :  la  Libye. 
Loheraine  p.  79,  142  ;  Loherainnep.  144  : 

la  Lorraine. 
Lombard ie  p.  1 30  :  la  Lombardie. 
Li/chaonie  p.  124  :  la  Lycaonie. 
Macédoine  p.  129  :  la  Macédoine. 
Margoz  :  p.  111  :  Magog. 
Marie  p.   180;  Nostre  Dame  p.    128  .  la 

vierge  Marie. 
Mars  p.  158  :  la  planète  Mars. 
Meloth  p.  131  :  file  de  Mélos. 
Mercures  p.    157,   158,   177  :    la  planète 

Mercure. 
Meroes  p.  131  :  Méroé,  ou  Syène. 
Mesopot hamie  p.   121    :  la  Mésopotamie. 
Mez  p.  144  :  Metz. 
Mer  Morte  p.  122  :  la  Mer  Morte. 
Xaaron  p.  130  :  Naxos. 
Naples  p.  184  :  Naples. 
Nil  as  p.  109  :  le  Nil. 
Ninive  p.  121  :  Xinive. 
Noë  p.   124,  182  :  Noé. 
Orfobares  p.  109  :  montagne  où  le  Gange 

prend  sa  source. 
Osteriche  p    129  :  l'Autriche. 
Palatine  p.   122  :  la  Palestine. 
Paradis    p.    128,    passim   :     le     Paradis 

terrestre. 


Paris  p.  75,  77,  78,  79  :  la  ville  de  Paris. 

Paris  p.  124  :  Paris. 

Parthoacus  p.  109  :  montagne  d'Arménie 

où  se  trouve  la  source  de  l'Euphrate  et 

du  Tigre  (v.  Introd.  p.  39). 
Saint  Patrice  p.  134  :  saint  Patrice. 
Pentapolie  p.  122  :  la  Pentapole. 
Perse  p.  120,  121,  144  :  la  Perse. 
Phisons  p.  109  :  le  Gange. 
Pirre  p.  129  :  l'Epire. 
Platons    p.    131,    183,    188,   190,   203; 

Platon,  p.  88,  89,  190  ;  Pilaton  p.  39  : 

Platon. 
Plommieres  p.  142:  Plombières  (Vosges). 
Saint  Pois  p.  73,  172,  189  :  saint  Paul. 
Probane,  p.  110  :  la  Taprobane,  l'île  de 

Ceylan. 
Psalmos  p.  131  :  l'île  de  Samos. 
Pygmain  p.  111;   Pigmain  p.   132  :  les 

Pygmées . 
Pythagoras  p.  131  :  Pvthagore. 
Rethey.  129  :  la  Rhéti'e. 
Romanie  p.  129  :  la  Roumanie. 
Rom/ne  p.  78  ;    Roume  p.  73,  130,    131, 

180,  185  :  Rome. 
Rouge  Mer  p.  144  :  la  mer  Rouge. 
Sab'be  p.  121  :  Saba  (v.  Introd.  p.  40). 
Salemons  p.  181  :  Salomon. 
Samarie  p.  122,  143  :  Samarie. 
Sanson  fortin  p.  IHl  :  Samson. 
Sardainne  p.  131  :  la  Sardaigne. 
Saturnes  p.  158;  Saturnus  p.  158,  159: 

la  planète  Saturne. 
Saxoine  p.  129  :  la  Saxe. 
Sebasie  p.  122  :  Samarie. 
Sein  p.  182:  Sem  (v.  Introd.  p.   18). 
Sezile  p.  185  ;  Sezille  p.  132  :  la  Sicile. 
Soabe  p.  129  :  la  Souabe. 
Sodorne  p.  122  :  Sodome. 
Surie  p.  129  :  la  Syrie. 
Tarse  p.  121  :  Tarse. 
Thesale  p.  129  :  la  Thessalie. 
Tholomeus  p.    177,   178,  180,   189,    192, 

194,  195,203  ;  TJiolomeu,  p.  58,  177  : 

Ptolémée  (v.  Introd.  p.  48). 
Toscane  p.  130  :  la  Toscane. 
Troie  p.  124,  130  :  Troie. 
Ti/gris  p.  109  :  le  Tigre. 
fylle  p.  133  :  Thulé  (v.  Introd.  p.  44). 
Venus  p.  157,  158,  177  :  la  planète  Vénus. 
Virgiles  p.  59,  73,  183,  passim  :  Virgile. 
Yllande  p.  129,  133,  134  :  l'Irlande. 
Ysmahelite  p.    122  :  le  pays  des  Ismaé- 
lites. 


Table  alphabétique  des  matières  traitées  dans  l'«  Image  du  Monde  », 


Agneau  p.  136. 

Aigle  p.  136. 

Aimant  p.  120. 

Air  p.  138,  147  s.,  155. 

Alouette  p.  137. 

Anguille  p.  118. 

Araignée  p.  135. 

Àrbresl  qui  parlèrent  à  Alexandre,  p.  115. 

—  II  dont  le  fruit  se  retire  la  nuit  et 

reparait  de  jour,  p.  128. 

—  III  dont  les  charbons  durent  un  an 

entier,  p.  128. 

—  IV  du  Paradis,  p.  109,  128. 

—  V  avec   feuilles  de   deux   pieds  de 

long-  et  d'un  de  large,  p.  127. 

—  VI  qui  portent  de  la  laine  au  lieu  de 

feuilles,  p.  128. 
Aspic  p.  119. 
Autour  p.  137. 
Autruche  p.  136. 
Baleine  p.  126. 
Basilic  p.  118. 
Baume  p.  127. 

Bète  I  à  tête  de  chien  et  corps  d'homme, 
p.  112. 

—  II  à  deux  cornes,  dont  une  se  replie 

sur  le  dos  en  combattant,  p.  113. 

—  III  très  petite,  qui  tue  les  lions,  p.  115. 
Bœuf  p.  114. 

Boutereau  p.  135  :  le  crapaud. 
Calendrier  p.  180. 
Canelle  p.  128. 
Canne  à  sucre  p.  127. 
Castor  p.  114. 
Cèdre  p.  128. 

Centicore  p.  113,  133:  animal  à  cornes 
de  cerf,  corps  de  lion  et  voix  d'homme. 
Cerf  p.  135. 
Chameau  p.  122. 
Chaux  vive  p.  138. 
Cheval  p.  116,  133. 
Cheveu  p.  99. 
Chien  p.  135. 
Chouette  p.  137. 
Ciel  p.  199  s. 


Colombe  p.  137. 

Colonnes  où  sont  inscrits  les  sept  arts, 

p.  182. 
Confession  p.  125. 
Coq  p.  74. 
Corbeau  p.  137. 
Colon  p.  127. 
Couleuvre  p.  117.  * 

Cristal  p.  138. 
Cubèbes  p.  128. 
Cyclope  p.  112,  131. 
Cygne  p.  137. 

Cgtoual  p.  128  :  sorte  d'épices,  zédoaire. 
Datte  p.  127. 
Dauphin  p.  126. 
Déluge  p.  181. 
Diamant  p.  120. 
Dragon  p.  154. 
Eau  p.  138,  141  s.,  145. 
Ebénier  p.  128. 
Eclipse  de  la  lune,  p.  167  s. 
Eclipse  du  soleil,  p.  169  s. 
Eléphant  p.  116. 
Emerau.de  p.  120. 
Encens  p.  121. 
Epervier  p.  137. 
Escarboucle  p.  120. 
Esprits  malins  p.  148. 
Etoiles  filantes  p.  153. 
Etoiles  p.  159  s.,  195  s. 
Femmes  I  qui  emploient  des  armes  d'ar- 
gent, p.  123. 

—  II  à  barbes,  p.  123. 

—  III  qui  vivent  dans  l'eau  ou   sur 

terre,  p.  123. 

—  IV  blanches  comme  neige,  à  dents 

de  chien,  p.  123. 

—  Va  goitres,  p.  134. 
Feu  p.  138,  153. 
Firmament  p.  159  s.,  196  s. 
Fontaines  p.  143  s. 

Fontaine  I  de  Babylone  où  Marie  baigna 
Jésus,  p.  128. 
—       II  où  l'on  ne  peut  éteindre  des 
tisons  ardents,  p.  129. 


—     208 


Fontaine  III  qui  amène  la  pluie  et  le  ton- 
nerre, p.  i34. 
Foudre  p.  loi  s. 
Frères  mineurs  p.  79. 
Garingal  p.  128  :  sorte  d'épices. 
Gelée  p.  150. 

Gens     I  avec  bouche  sur  le  dos,  et  tout 
courbés,  p    134. 

—  II  cornus,  en  France,  p.  134. 

—  III  qui     tuent    et     mangent     leurs 

vieux  parents,  p.  111. 

—  IV  qui  adorent  le  soleil,  p.  112. 

—  V  qui    se    nourrissent    de    poisson 

cru,  p.  112. 

—  VI   moitié    bêtes,    moitié    hommes, 

p.  112. 

—  Vil  qui    ont    un    seul    pied   et  huit 

orteils,  p.  112. 

—  VIII  velus  comme  des  porcs,   p.  123. 

IX  (pii     mangent    la    viande    crue, 

p.  111. 
X  avec  un  pied  si  large  qu'ils  peu- 
vent s'en  couvrir,  p.  112. 

—  XI  avec  un  œil  au  milieu  du  front, 

p.  112. 

-  XII  avec   bouche  sur  la  poitrine  et 

yeux  aux  épaules,  p.  112. 

—  XIII   qui     vivent     de     l'odeur     d'une 

pomme,  p.  113. 

—  XIV  à  queue,  en  Angleterre,   p.  134. 

-  XV  à  cheveux  blancs,  p.  124. 

—  XVI  descendus  des  Juifs,  p.  124. 
Gingembre  p.  128. 

Girofle  p.  128. 
Grêle  p.  150  s. 
Griffon  p.   lin. 
Grue  p.   1 11. 
JI oléine  p.  13S. 
Uèriçon  p.  130. 
Héron  p.  137. 
Horloge  p.  178. 
Huppe  p.  137. 

Ile     I  disparue  de  Platon,  p.  131  s. 
II  de  saint  Brandan,  p.  132. 

—  III  dont  la  terre  tue  la  vermine,  p.  133. 

—  IV  où  les  femmes  ne  peuvent  demeu- 

rer, p.  13. '5. 
V  où  l'on  ne  peut  mourir,  p.  133. 
—  VI   qui  brûle  jour  et  nuit,  p.  134. 
Jacobins  p    79. 
Jour  p.  101  s. 
Jument  p.   1  10. 
Laine  p.  128. 
Lion  p.  115. 
Lionne  p.  115. 
Loup  p.   135. 
Lune  p.  155  s.,  105  s. 
Mage  p    121. 
Manthicore     p.      113  :     bête     à     visage 

d'homme,   corps   de    lion   et   queue  de 

scorpion. 


Marée  p.  174. 

Monnaie  p.  187  s. 

Monothéros  p.  114,  133  :  le  rhinocéros. 

Muscade  p.  128. 

Musqnaliet  p.  115  :  la  musaraigne. 

Mustele  p.  135  :  la  belette. 

Mgrrhe  p.  121. 

Nature  p.  86  s. 

Nécromancie  p.  121. 

Neige  p.  150. 

Noix  I  grosses    comme    des     pommes, 

p.  128. 

comme     la     tête     d'un 

homme,  p.  128. 
Nuage  p.  148  s. 
Nuit  p.  101  s. 

Oiseau  I  dont    les   plumes    reluisent    la 
nuit,  p.  123. 
II  (jui   croît    par   le    bec   sur    les 
arbres  p.  133. 
Paillote  p.  124  :  paillettes  d'or. 
Pal  m  iet-  p.  127. 
Panthère  p.  lit». 
Paon  p.  137. 

Papegaut  p    123  s.  :  le  perroquet. 
Pari  sis  p.  187. 
Pélican  p.  124. 
Phénix  p.  121  s. 
Philosophie  p.  190  s. 
Pierre  qu'on  ne  peut  éteindre,  p.  129. 
PI  a  né  les  p.  155  s.,  170. 
Pluie  p.  148  s. 
Poissons  I  à  longs  poils,  p.  120. 

—        Il  très  petits,  qui  peuvent  arrê- 
ter un  navire,  p.  120. 
Poivre  p.  111. 
Poix  p.  121. 
Pomme  I  d'Adam,  p.  127. 

II  belle    dehors,    cendre    dedans, 

p.  127. 
Pommier  avec  feuilles  de  deux  pieds  de 

lony,  p.  127. 
Psautier  p.  66. 
Pgg niées  \  » .  111,  132. 
Renard  p.  135. 
Rois  mages  p.  121. 
Rossignol  p.  137. 
Rubis  p.  120. 
Sable  p.  143. 
Salamandre  p.  115. 
S/dire  p.  135. 
Salure  de  la  mer,  p.  147. 
Saphir  p.  120. 
Serpent  p.  113. 

Serpent  I   à  cornes  de  mouton,  p.  119. 
II  à  deux  bras,  p.  119. 

III  à   pierres    précieuses   dans    la 

tète,  p.  119. 
Singe  p.  135. 
Sirène  p.  120. 
Soleil,  p.   138,  157  s.,  104  s. 


209     — 


Souris  p.  115,  117. 

Sacre  p.  127. 

Taureau  p.  113. 

Terre  p.  102  s.,  139,  155  s. 

Tigre  p.  114. 

Toison  d'or  p.  130. 

Tonnerre  p.  134,  151  s. 

Topaze  p.  120. 

Tournoi  p.  187. 


192. 


Tourterelle  p.  136. 

Tremblement  de  terre  p.  145  s. 

Tygris  p.   119  :  serpent  dont  on  fait  un 

baume. 
Vent  p.  116,  138,  152  s. 
Verre  p.  143  s. 
Vif-argent  p.  138. 
Vigne  p.  127. 


Bibliographie  de  I'« Image  du  Monde»  et  des  sources  citées. 


Abailard,  Hexaemeron  (Mig-ne,  Patro- 
logia,  t.  178). 

Adélard  de  Bath,  Quaestiohes  Naturelles 
(Louvain,  1480). 

Albert  le  Grand,  Opéra  Omnia  (Paris, 
1890-99).  —  Vol.  4  De  Meteoris.  — 
Vol.  10  De  Vegetabilibus.  —  Vol.  31- 
33  Summa  Theologiae. 

Saint  Ambroise,  De  Paradiso  (Mig-ne, 
Patrologia,  t.  14). 

Aristote,  éd.  Teubner  (Leipzig,  1879). 

Saint  Augustin,  De  Genesi  ad  litteram, 
(Migne,  Patrologia,  t.  34).  —  De  libero 
arbitrio  (xMigne,  Patrologia,  t.  32). 
—  De  Triai tate  (Aligne,  Patrologia, 
t.  42).  —  Epistolae  (Migne,  Patrolo- 
gia, t.  33).  —  Liber  de  diligendo  Deo 
(Migne,  Patrologia,  t.  40). 

Bède,  De  natura  rerum  (Migne,  Patro- 
logia, t.  90).  —  Elementorwn  Philo- 
sophiae  (Migne,  Patrologia,  t.  90)  *.  — 
Musica  theorica  (Migne,  Patrologia, 
t.  90) l.  —  Ouaestiones  variae  (Migne, 
Patrologia,  t.  93). 

Brunet,  Manuel  du  libraire,  5P  édit., 
vol.  III,  pp.  1118,  1751. 

Brunetto  Latin i,  Li  livres  dou  Trésor 
(éd.  Chabaille,  Paris,  1803). 

(Cahier  et  Martin,  Mélanges  d'archéo- 
logie, III  (1833),  p.  224." 

Dom  Galmet,  Bibliothèque  lorraine  ou 
histoire  des  hommes  illustres  (Nancy, 
1751),  p.  406  s. 

Camus,  Notices  et  extraits  des  manus- 
crits français  de  Modène,  dans  la 
Revue  des  langues  romanes,  t.  XXXV 
(1891),  pp.  203-211. 

Cassiodore,  Variarnm  liber  (Migne,  Pa- 
trologia, t.  69). 

Catalogue  de  La  Vallière  (Paris,  1783), 
t.  I,  p.  62,  et  t.  II,  pp.  198-201. 

Clément  d'Alexandrie,  Stromata  (Mign*, 
Patrologia,  Séries  Graeca,  t.  8). 

Chancelier  Conrad  de  Ouerf'urt,  éd.  Borch, 
Dresden,  1880. 


Contant  d'Orville,  Mélanges  tirés  d'une 
grande  bibliothèque  (Paris,  1780), 
t.  IV,  p.  59. 

L.  Delisle  et  P.  Meyer,  V Apocalypse  en 
français,  dans  Bulletin  de  la  Société 
des  anciens  textes  français  (Paris, 
1901),  p.  111. 

Du  Méril2,  Mélanges  archéologiques  et 
littéraires  (Paris,  1850),  t.  V,  p.  427  s. 

G.  Fant,  L'Image  du  Monde.  Poème  iné- 
dit du  milieu  du  XIIIe  siècle,  étudié 
dans  ses  diverses  rédactions  fran- 
çaises d'après  les  manuscrits  des  bi- 
bliothèques de  Paris  et  de  Stockholm 
(Upsala,  1886). 

F.  Fritsche,  lTntersuchung  ùber  die 
Ouellen  der  Image  du  Monde  des 
Walther  von  Metz  (Halle  a/S,  1880). 

(îervaise  de  Tilbury,  Otia  Imperialia  (éd. 
Leibnitz.  2  vol..  Hanovre,  1707). 

Giraldus  Cambrensis,    Topographia  Hi- 

bernica,  vol.  5  des  Œuvres  (éd.  Brewer 

etl)imock,S  vol.,  Londres,  1861-1891). 

E.-D.  Grand,  dans  Ecole  Nationale  des 
Chartes.  Positions  de  thèses  par  les 
élèves  de  i885,  pp.  81-84,  —  dans  Ecole 
Nationale  des  Chartes.  Positions  de 
thèses  par  les  élèves  de  1886,  pp.  83- 
88.  —  U Image  du  Monde.  Recherches 
sur  le  classement  des  manuscrits  de 
la  première  rédaction,  dans  la  Revue 
des  langues  romanes,  le  série,  Vil 
(1893-94),  pp.  1-58. 

Saint  Grégoire  le  Grand,  Moral ia  (Migne, 
Patrologia,  t.  76). 

Haase,  Untersuchung  ùber  die  Reime  in 
der  Image  du  Monde  des  Walther  von 
Metz  (Halle  a/S,  1879). 

Héron  de  Villefosse,  dans  la  Bibliothèque 
de  l'Ecole  des  Chartes,  2«  série,  V 
(1849),  p.  246. 

Hilduin,  Areopàgitica  (Migne,  Patro- 
logia, t.  106).  ' 

Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  IX, 

n     k  9 


1  Ces  ouvrages  sont  probablement  postérieurs  à  Bède. 

2  Du   Méril  reproduit  un  long  passage  de  l'Image  du  Monde,  le  ebapitre  sur  les  miracles 
de  Virgile,  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale  fonds  français  2176 . 


211 


Honorius  Augustodunensis,  Imago  M  and  i 
(Migne,  Patrologia,  t.  178). 

Isidore  de  Séville,  Chronicon  (Migne, 
Patrologia,  t.  83).  —  Etijmologiae 
(Migne,  Patrologia,  t.  81-84). 

Jacques  de  Vitry,  Historia  Hierosolomi- 
tana  (Douai,  1597). 

Saint  Jérôme,  Vie  de  saint  Paul  (Migne, 
Patrologia,  t.  23). 

Josèphe,  'IouScciîo?  àp%ouoloyi<x.  (Oxford, 
1700). 

A.  Jubinal x,  La  léqende  de  saint  Bran- 
daines  (Paris,  1836),  p.  105  s. 

Gh.-V.  Langlois,  La  connaissance  de  la 
nature  et  du  monde  an  moyen  âge 
(Paris,  1911),  pp.  49-113. 

Lebeuf 2,  Dissertations  sur  l'histoire 
ecclésiastique  et  civile  de  Paris  (Pa- 
ris, 1739-43),  t.  I,  p.  104,  t.  II,  p.  318  s. 

V.  Le  Clerc,  dans  ['Histoire  littéraire 
de  la  France,  t.  XXIII,  pp.  287-335. 

Legrand  d'Aussy,  Notices  et  extraits  des 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale (Paris,  an  VII  de  la  République). 
V,  p.  243  s. 

Le  Roux  de  Lincy  3,  Livre  des  légendes, 
(Paris,  1836),  p.  207  s. 

E.  Lidforss4,  Choix  d'anciens  textes 
français  (Lund,  1877),  p.  7  5  s. 

Guillaume  de  Malmesbury,  Gesta  Béguin 
Anglorum  (ed.W.  Stubbs.  2  vol.,  Lon- 
dres, 1887). 

P.  Meyer,  Notice  d'un  manuscrit  de 
V Image  du  Monde,  dans  Bulletin  de 
la  Société  des  Anciens  textes  français 
(Paris,  1909),  pp.  46-60.  —  Notices 
sur  quelques  manuscrits  français  de 
la  bibliothèque  Phillipps  à  Chelten- 
ham,  dans  Notices  et  Extraits  des 
Manuscrits,  t.  XXXIV  (Paris,  1891), 
pp.  149-259,  —  dans  Bomania,  t.  XV 
(1886),  pp.  236-357,  643,  -  dans  Bo- 
mania, t.  XXI  (1892),  pp.  299,  481-505, 
—  dans  Bomania,  t.  XXXVI  (1907), 
p.  517  s.  ' 


Montfaucon,  Bibliotheca  bibliothecarnm 

manuscriptorum    nova    (Paris,    1739), 

t.  II,  p.  1109. 
Neckam,  De  Nafuris  Berum  et  De  Lau- 

dibus     Divinae     Sapienliae    (éd.     T. 

Wright.  Londres,  1863). 
A.    Ncubauer,  dans  YHistoire  littéraire 

de  la  France,  t.  XXVII,  p.  500  s.,  — 

dans  Bomania,  t.   V  (1876),  pp.  129- 

139. 
Orose,  Historiarum  libri  septem  (Migne, 

Patrologia,  t.  31). 
Paulin    Paris,  Les  manuscrits  français 

de  la  bibliothèque  du  roi  (Paris,  1842). 
Philosophia  Mnndi  (Migne,   Patrologia 

t.  172). 
Philostrate,  Opéra  (éd.  Kaiser.  Leipzig, 

1870). 
Pseudo-Callisthène  (éd.  Rudge.  Alexan- 

der  the  Great.  Cambridge^  1889). 
Ptolémée.  Almageste  (éd.  Halma.  Paris, 

1813).  ' 
Puymaîgre,     Notice     sur     l'Image     du 

Monde,  poème  attribué  à  Gautier  de 

Metz  (Metz,  1853). 
Ranulph     Higden,    Polychronicon     (éd. 

Rabington,  9  vol.,  Londres,    1865-86). 
Roquefort,  De  l'état  de  la  poésie  fran- 
co i  se  dans  les   XI P  et  XIIIe  siècles 

(Paris,  1821),  p.  255  s.  —  Glossaire  de 

la  langue  romane  (Paris,  1808),  t.  II, 

p.  761.  —  Poésies  de  Marie  de  France, 

t.  II,  p.  408. 
Jean  de  Salisbury,  Polycraticus  (Migne, 

Patrologia,  t.  199). 
Serapeum  (Leipzig,  1848),  t.  IX,  p.  116. 
Solin,  Polyh istor  (Riponti,  1794). 
Stengel,    Miitheilnngen    aus    franzôsi- 

schen     Handschriften     der     Turiner 

Universitàts-Bibliothek  (Halle,  1873), 

p.  39. 
Suidas  (Migne,  Patrologia,  Séries  Grseca, 

t.  117). 


1  Jubinal  reproduit  la  légende  de  saint  Brandan  d'après  la  seconde  rédaction  de  V Image  du 
Monde,  texte  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale  fonds  français  1444. 

2  Lebeuf  donne  un  extrait  de  l'Image  du  Monde  d'après  le  manuscrit  Sainte-Genevi;  ve  2200 
(manuscrit  de  la  première  rédaction).' 

'  3  Le  Roux  de  Lincy  reproduit  le  chapitre  sur  les  Indes  d'après  le  manuscrit  Bibliothèque 
du  Roi  n.  75951  (=  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français  1553?).  C'est  un  manuscrit  de 
la  première  rédaction. 

4  Lidforss  publie  la  légende  de  Virgile.  Il  se  sert  d'un  manuscrit  de  la  première  rédaction 
qui  se  trouve  à  Stockholm. 


ERRATA 


Page  ig,  colonne  /  :  dernière    ligne    de    la    «table»:    au  lieu   de   «déluge»  lire 
«  déluge  ». 
»      »  »        4-'  au  lieu  de  «  lumière  »  lire  «  lumière  ». 

»     26,  ligne  i5  :  omettre  «  regnon  »  et  le  reste  de  la  ligne. 


»      »         »      21  :  omettre  «  ar  »  et  le  reste  de  la  ligne. 
»      »         »      20  :  omettre  «  per  »  et  le  reste  de  la  ligne. 

»  27,       »      iy  :  au  lieu  de  «  b  vount  f°  o  »  lire  «  vount  f°  o  b  ». 

»  28,       »      //  :  au  lieu  de  «  serv  »  lire  «  servi  ». 

»  33,       »      i3  :  au  lieu  de  «  je  l'eusse  à  toi  «  lire  «  je  t'eusse  a  toi  ». 

»  4o,       »       8:  au  lieu  de  «  Scinopodaee  »  lire  «  Scinopodae  ». 

»  fô,       »      3o:  au  lieu  de  «  Vret  »  lire  «  Vert  ». 

»  58,       »      22  :  au  lieu  de  «  semblent  »  lire  «  samblent  ». 

»  Jo,       »       5  :  au  lieu  de  «  espes  »  lire  «  espés  ». 

»  60,   note   12  :  au  lieu  de  «  il...  jarnès»  lire  «  il  puet  jamès  ». 
»      »      note  *  :       au  lieu  de  «  p.  216  »  lire  «  p.  226  ». 
»      »      note  **  :     au  lieu  de  «  p.  96  »  lire  «  p.  66  ». 

»  67,  ligne  28 :  au  lieu  de  «  li  plus  soutil  »  lire  «  li  plus  soutils  ». 

»  62,       »      10:  au  lieu  de  «  partist  à  lui  »  lire  «  partist  a  lui  ». 

»  65,    note    i3 :  ajouter  «  cf.  p.  80,  note**  ». 

«  66,  ligne  2-1  :  au  lieu  de  «  hayz  »  lire  «  hayz.  » 
»      »      note   21  :  au  lieu  de  «  hay  »  lire  «  hay  ». 

»  6j,  ligne  i3  et  note  i3 :  au  lieu  de  oy  »  lire  «  oy  ». 

»  69,    note   2 y  :  lire  «  27  B  :  morir  ». 

»  jo,       »     22  :  lire  «  n'y  hérissent  ». 
»      »         »      24  :  lire  «  UB:  discres  ». 

»  yi,  ligne  3  :  au  lieu  de  «  oy  »  lire  «  oy  ». 
»  »  note  4  '  au  l»eu  de  «  oi  »  lire  «  oï  ». 
»      »       note  16  :  lire  «  16  B  :  vrais  ». 

»  72,    note  16  :  lire  «  16  B  :  entremeitre  ». 

»  y3,  ligne  //  :  au  lieu  de  «  se  te  eusses  »  lire  «  se  lu  eusses  ». 

»  y5,       »       3  :  au  lieu  de  «  le  nom  »  lire  «  le  non  ». 
»      »         ,)     iy  :  au  lieu  «  d'astronomie  »  lire  «  d'astrenomie  ». 

»  yy,       »       5  :  au  lieu  de  «  les  grans  avoir  »  lire  «  les  grans  avoirs  », 

»  80,       »     i4  •'  au  lieu  de  «  oy  »  lire  «  oy  ». 

»  84,       »       2  :  mettre  la  virgule  après  «  que  ». 
8  :  au  lieu  de  «  aussi  »  lire  «  ausi  ». 
85,  ligne     /  :  au  lieu  de  «  sauroit  »  lire  «  savroit  » . 

»      21  :  au  lieu  de  «  oy  »  lire  »    «  oy  ». 
»      note  24  :  au  lieu  de  «  oi  »  lire  «  oï  ». 


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» 

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89, 

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7 

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20  : 

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12  : 

170, 

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187, 

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note 

20 

214      - 

:  lire  «  iS B  :  puet  ». 

:  au  lieu  de  «  phiosophe  »  lire  «  phï/osophe  ». 

•  lire  «  29  B  :  puet  ». 

:  au  lieu  de  «  del  œf  »  lire  «  de  l'œf  ». 

au  lieu  de  «  monoheros  »  lire  «  monodieros  ». 

au  lieu  de  «  il  cuevrent  u>  »  lire  «  il  u>  cuevrent  ». 

au  lieu  de  «  pewent  »  lire  «  pe«eent  ». 

au  lieu  de  «  l'on  ne  saurait  expliquer  »  lire  «  l'on  ne  saurait 
en  expliquer  ». 

au  lieu  de  «  aidier  ne  jouer1  »  lire  «  aidier  *  ne  jouer  ». 

ajouter  «  L'orthographe  /natere  sans  abréviation  est  toutefois 
confirmée  deux  fois  p.  87  ». 

au  lieu  de  «  puent  cheoir  »  lire  «  pueent  cheoir  ». 

au  lieu  de  «  Dont  aucnn  »  lire  «  Dont  aucun  » . 

mettre  un  point  après  «  seroit  oscure  ». 

la  note  5  se  rapporte  à  «  soleill  »  et  non  pas  à  «  haut  ». 

au  lieu  de  lairons3...  aucuns2    lire  «  lairons2...  aucuns3». 

au  lieu  de  «  •vc  »  lire  «  'v'vc  ». 


» 


Supplément  aux  Errata. 


Page    10,  ligne  17  :  au  lieu  de  «  corbe  »  lire  «  corbe  ». 

36,      »     20  :  au  lieu  de  «  praegrandam  »  lire  «  praegrandem  ». 

61,  note  *     :  au  lieu  de  «  laier  »  lire  «  laire  »  ou  «  laiir  ». 

6g,  ligne    4  •   «  lasses  de  pances  »  est  confirmé. 

80,      »     12  :  au  lieu  de  «  dom  »  lire  «  dorctf  ». 
i3o,      »     i4  :  au  lieu  de  «  est  devisée  »  lire  «  et  devisée  ». 
i36,      »       /  :  au  lieu  de  «  l'amort  »  lire  «  l'a  mort  ». 
i36,       »     22  :  au  lieu  de  «  ses  »  lire  «  ses  ». 


TABLE    DES    MATIÈRES 


Introduction 

Limage  du  Monde 

Première  rédaction  en  vers    .  

Date  de  la  première  rédaction 

Seconde  rédaction  en  vers 

Date  de  la  seconde  rédaction 

Théorie  de  Langrois  sur  les  dates note  1 

Le  manuscrit  Harley  4333 

Rédaction  en  prose ... 

Date  de  la  rédaction  en  prose 

Auteur  de  la  rédaction  en  prose.      .  

Parenté  entre  la  première  rédaction  en  vers  et  la  rédaction 
en  prose    

Choix  de  la  rédaction  en  prose  pour  l'édition 

La  version  anglaise 

Imprimés  français  .  

Traductions  hébraïques 

Plagiat 

L'auteur  de  l  Image  du  Monde 

Ornons     ...  

Gauthier  de  Metz 

Gossouin 

Auteur  de  la  seconde  rédaction  en  vers 

Le  titre 

Manuscrits  de  la  rédaction  en  prose, 

Filiation  des  manuscrits  en  prose 

R  et  Caxton 

A,  R  et  Caxton 

B,  C,  N 

Filiation  des  abrégés 

Choix  de  A  comme  base  du  texte 

de  préférence  à  B 

»  »         à  C 

•      »  »         à  R    .      .      . 

»  »         UN 


Pag' 

;s. 

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— 

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2 

2 

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20 

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21 

21 

21 

— 

23 

22 

22 

22 

22 

_ 

23 

-     210     — 

Pages. 

Méthode  de  Vèditeur 23—25 

La  langue  dans  le  manuscrit  A 25  —  27 

Les  soiwces  de  V Image  du  Monde 27  —  31 

Résumé  des  chapitres  de  la  première  partie  et  notes  sur  le  texte.  M  —  55 

Texte  de  l'Image  du  Monde 56  —  20b 

Première  partie  (Cosmogonie.  Fo*  1a-46d.) 57  —  102 

Seconde  partie  (Géographie.  Fo*  46  d-95  d.) 102  —   160 

Troisième  partie  (Astronomie.  F°*  96  A-l 39  d.)     ....  161   —  204 
Table  alphabétique  des  noms  propres  cités  dans  V Image  du 

Monde 205  —  206 

Table    alphabétique    des    matières    traitées   dans   l'Image    du 

Monde 207  —  209 

Bibliographie  de  l'Image  du  Monde  et  des  sources  citées     .      .  210  —  211 

Errata 213  —  214